Skip to main content

Full text of "La science du point d'honneur : commentaire raisonné sur l'offense - le duel, ses usages et sa léglislation en Europe : la responsabilité civile, pénale, religieuse, des adversaires et des témoins, avec pièces justificatives"

See other formats


Google 


This  is  a  digital  copy  of  a  book  thaï  was  prcscrvod  for  générations  on  library  shelves  before  it  was  carefully  scanned  by  Google  as  part  of  a  project 

to  make  the  world's  bocks  discoverablc  online. 

It  has  survived  long  enough  for  the  copyright  to  expire  and  the  book  to  enter  the  public  domain.  A  public  domain  book  is  one  that  was  never  subject 

to  copyright  or  whose  légal  copyright  term  has  expired.  Whether  a  book  is  in  the  public  domain  may  vary  country  to  country.  Public  domain  books 

are  our  gateways  to  the  past,  representing  a  wealth  of  history,  culture  and  knowledge  that's  often  difficult  to  discover. 

Marks,  notations  and  other  maiginalia  présent  in  the  original  volume  will  appear  in  this  file  -  a  reminder  of  this  book's  long  journcy  from  the 

publisher  to  a  library  and  finally  to  you. 

Usage  guidelines 

Google  is  proud  to  partner  with  libraries  to  digitize  public  domain  materials  and  make  them  widely  accessible.  Public  domain  books  belong  to  the 
public  and  we  are  merely  their  custodians.  Nevertheless,  this  work  is  expensive,  so  in  order  to  keep  providing  this  resource,  we  hâve  taken  steps  to 
prcvcnt  abuse  by  commercial  parties,  including  placing  technical  restrictions  on  automatcd  qucrying. 
We  also  ask  that  you: 

+  Make  non-commercial  use  of  the  files  We  designed  Google  Book  Search  for  use  by  individuals,  and  we  request  that  you  use  thèse  files  for 
Personal,  non-commercial  purposes. 

+  Refrain  fivm  automated  querying  Do  nol  send  aulomated  queries  of  any  sort  to  Google's  System:  If  you  are  conducting  research  on  machine 
translation,  optical  character  récognition  or  other  areas  where  access  to  a  laige  amount  of  text  is  helpful,  please  contact  us.  We  encourage  the 
use  of  public  domain  materials  for  thèse  purposes  and  may  be  able  to  help. 

+  Maintain  attributionTht  GoogX'S  "watermark" you  see  on  each  file  is essential  for  informingpcoplcabout  this  project  andhelping  them  find 
additional  materials  through  Google  Book  Search.  Please  do  not  remove  it. 

+  Keep  il  légal  Whatever  your  use,  remember  that  you  are  lesponsible  for  ensuring  that  what  you  are  doing  is  légal.  Do  not  assume  that  just 
because  we  believe  a  book  is  in  the  public  domain  for  users  in  the  United  States,  that  the  work  is  also  in  the  public  domain  for  users  in  other 
countries.  Whether  a  book  is  still  in  copyright  varies  from  country  to  country,  and  we  can'l  offer  guidance  on  whether  any  spécifie  use  of 
any  spécifie  book  is  allowed.  Please  do  not  assume  that  a  book's  appearance  in  Google  Book  Search  mcans  it  can  bc  used  in  any  manner 
anywhere  in  the  world.  Copyright  infringement  liabili^  can  be  quite  seveie. 

About  Google  Book  Search 

Google's  mission  is  to  organize  the  world's  information  and  to  make  it  universally  accessible  and  useful.   Google  Book  Search  helps  rcaders 
discover  the  world's  books  while  hclping  authors  and  publishers  reach  new  audiences.  You  can  search  through  the  full  icxi  of  ihis  book  on  the  web 

at|http  :  //books  .  google  .  com/| 


Google 


A  propos  de  ce  livre 

Ceci  est  une  copie  numérique  d'un  ouvrage  conservé  depuis  des  générations  dans  les  rayonnages  d'une  bibliothèque  avant  d'être  numérisé  avec 

précaution  par  Google  dans  le  cadre  d'un  projet  visant  à  permettre  aux  internautes  de  découvrir  l'ensemble  du  patrimoine  littéraire  mondial  en 

ligne. 

Ce  livre  étant  relativement  ancien,  il  n'est  plus  protégé  par  la  loi  sur  les  droits  d'auteur  et  appartient  à  présent  au  domaine  public.  L'expression 

"appartenir  au  domaine  public"  signifie  que  le  livre  en  question  n'a  jamais  été  soumis  aux  droits  d'auteur  ou  que  ses  droits  légaux  sont  arrivés  à 

expiration.  Les  conditions  requises  pour  qu'un  livre  tombe  dans  le  domaine  public  peuvent  varier  d'un  pays  à  l'autre.  Les  livres  libres  de  droit  sont 

autant  de  liens  avec  le  passé.  Ils  sont  les  témoins  de  la  richesse  de  notre  histoire,  de  notre  patrimoine  culturel  et  de  la  connaissance  humaine  et  sont 

trop  souvent  difficilement  accessibles  au  public. 

Les  notes  de  bas  de  page  et  autres  annotations  en  maige  du  texte  présentes  dans  le  volume  original  sont  reprises  dans  ce  fichier,  comme  un  souvenir 

du  long  chemin  parcouru  par  l'ouvrage  depuis  la  maison  d'édition  en  passant  par  la  bibliothèque  pour  finalement  se  retrouver  entre  vos  mains. 

Consignes  d'utilisation 

Google  est  fier  de  travailler  en  partenariat  avec  des  bibliothèques  à  la  numérisation  des  ouvrages  apparienani  au  domaine  public  cl  de  les  rendre 
ainsi  accessibles  à  tous.  Ces  livres  sont  en  effet  la  propriété  de  tous  et  de  toutes  et  nous  sommes  tout  simplement  les  gardiens  de  ce  patrimoine. 
Il  s'agit  toutefois  d'un  projet  coûteux.  Par  conséquent  et  en  vue  de  poursuivre  la  diffusion  de  ces  ressources  inépuisables,  nous  avons  pris  les 
dispositions  nécessaires  afin  de  prévenir  les  éventuels  abus  auxquels  pourraient  se  livrer  des  sites  marchands  tiers,  notamment  en  instaurant  des 
contraintes  techniques  relatives  aux  requêtes  automatisées. 
Nous  vous  demandons  également  de: 

+  Ne  pas  utiliser  les  fichiers  à  des  fins  commerciales  Nous  avons  conçu  le  programme  Google  Recherche  de  Livres  à  l'usage  des  particuliers. 
Nous  vous  demandons  donc  d'utiliser  uniquement  ces  fichiers  à  des  fins  personnelles.  Ils  ne  sauraient  en  effet  être  employés  dans  un 
quelconque  but  commercial. 

+  Ne  pas  procéder  à  des  requêtes  automatisées  N'envoyez  aucune  requête  automatisée  quelle  qu'elle  soit  au  système  Google.  Si  vous  effectuez 
des  recherches  concernant  les  logiciels  de  traduction,  la  reconnaissance  optique  de  caractères  ou  tout  autre  domaine  nécessitant  de  disposer 
d'importantes  quantités  de  texte,  n'hésitez  pas  à  nous  contacter  Nous  encourageons  pour  la  réalisation  de  ce  type  de  travaux  l'utilisation  des 
ouvrages  et  documents  appartenant  au  domaine  public  et  serions  heureux  de  vous  être  utile. 

+  Ne  pas  supprimer  l'attribution  Le  filigrane  Google  contenu  dans  chaque  fichier  est  indispensable  pour  informer  les  internautes  de  notre  projet 
et  leur  permettre  d'accéder  à  davantage  de  documents  par  l'intermédiaire  du  Programme  Google  Recherche  de  Livres.  Ne  le  supprimez  en 
aucun  cas. 

+  Rester  dans  la  légalité  Quelle  que  soit  l'utilisation  que  vous  comptez  faire  des  fichiers,  n'oubliez  pas  qu'il  est  de  votre  responsabilité  de 
veiller  à  respecter  la  loi.  Si  un  ouvrage  appartient  au  domaine  public  américain,  n'en  déduisez  pas  pour  autant  qu'il  en  va  de  même  dans 
les  autres  pays.  La  durée  légale  des  droits  d'auteur  d'un  livre  varie  d'un  pays  à  l'autre.  Nous  ne  sommes  donc  pas  en  mesure  de  répertorier 
les  ouvrages  dont  l'utilisation  est  autorisée  et  ceux  dont  elle  ne  l'est  pas.  Ne  croyez  pas  que  le  simple  fait  d'afficher  un  livre  sur  Google 
Recherche  de  Livres  signifie  que  celui-ci  peut  être  utilisé  de  quelque  façon  que  ce  soit  dans  le  monde  entier.  La  condamnation  à  laquelle  vous 
vous  exposeriez  en  cas  de  violation  des  droits  d'auteur  peut  être  sévère. 

A  propos  du  service  Google  Recherche  de  Livres 

En  favorisant  la  recherche  et  l'accès  à  un  nombre  croissant  de  livres  disponibles  dans  de  nombreuses  langues,  dont  le  français,  Google  souhaite 
contribuer  à  promouvoir  la  diversité  culturelle  grâce  à  Google  Recherche  de  Livres.  En  effet,  le  Programme  Google  Recherche  de  Livres  permet 
aux  internautes  de  découvrir  le  patrimoine  littéraire  mondial,  tout  en  aidant  les  auteurs  et  les  éditeurs  à  élargir  leur  public.  Vous  pouvez  effectuer 
des  recherches  en  ligne  dans  le  texte  intégral  de  cet  ouvrage  à  l'adressefhttp:  //books  .google.  com| 


M 

T 

■ 

■ 

■ 

■ 

■ 

3 

■ 

V 


•  • ,. 


LIJMMt.ri  1  \IH1 


LOPCBiiav  -  (.1  nwiU. 


«n  «BtMBAisB*  vr  usa  vttfniiA 


4«tc  Pilet*   iM» 


Ml» 


UnitAtRtltSlIIPlIfliSIllBS    RRIMfcN 


M*t   A  ll«tt»»itt,   Pi«i 


•-^  /<,  ^. 


LA  SCIENCE 


DU 


POINT  D'HONNEUR 


T0U5;    DROITS    RÉSERVÉS 


I 


."  •     ■  " 


i 


.S 


.m   .-.,  r-    ~ 


LA  SCIENCE 


DU 


POINT  D'HONNEUR 


COMMENTAIRE    RAISONNÉ 

9DR 

L'OFFENSE    —    LE   DUEL 

SES    USAGES   ET    SA    LÉGISLATION    EN    EUROPE 

LA    RESPONSABILITÉ    CIVILE,    PÉNALE,    RELIGIEUSE 

DES    ADVERSAIRES    ET    DES    TÉMOINS 

AVEC    PIÈCES     JUSTIFICATIVES 


\ 

Par   A.    C  11  o  A  n  H  o  x 

ATOCftt 


■o><9><=>- 


„    '     ^ 


PARIS 

ANCIENNE     MAISON     QUANTIN 

LIRRAIRIES-IMPRIMERIES    RÉUNIES 

7,  rae  Saint-Bcnolt 
May  &   MoTTEROz,   Directeurs 

189/1 


THE  NEW  YORK 
PUBLIC  LIBRARY 

533S80A 

ASTOR,  LENCX  AND 

TILDEN  yOUNDAlIONS 

R  1931  L 


< 


0*  • 


«  4 


•  • 


»t; 


^^ 


A  MON  PÈRE 


A  MONSIEUR  G.  DARGY 


c 


v 


t 


»_■   ■--'.* 


AVERTISSEMENT 

DONT     LA     LECTURE     EST     INDISPENSABLE 
A    l'intelligence    DE    l'OUYRAGE 


Ayant  de  commencer  une  entreprise,  on  doit  l'examiner  sous 
tontes  ses  faces,  de  manière  à  en  connaître  les  difficultés,  à  en  pré- 
voir les  suites,  à  posséder,  en  un  mol,  une  ligne  de  conduite  bien 
définie. 

Ce  n'est  pas  ainsi  qu'agissent  habituellement  les  individus  qui 
veulent  s'adresser  à  la  juridiction  du  point  d'honneur  pour  vider 
un  différend,  et  ceux  dont  ils  réclament  l'assistance. 

Demande,  promesse,  refus  ont  lieu  sous  l'impression  du  mo- 
ment, presque  à  l'aveugle. 

Aussi  quelles  blessures  d'amour-propre  ils  ont  à  souffrir  lorsque 
leurs  actes  sont  jetés  au  crible  de  l'opinion  et  minutieusement 
épluchés  I 

Quelle  responsabilité,  si  la  justice,  intervenant  à  son  tour,  éta- 
blit leur  bilan  et  règle  leur  compte! 

Les  avertir  des  périls  et  de  la  responsabilité  qui  accompagnent 
cette  échéance,  et  parla  notion  exacte  qu'ils  en  auront  leur  inspirer 
une  crainte  salutaire,  tel  est  le  but  que  nous  nous  sommes  proposé 
en  écrivant  l'ouvrage  que  nous  publions  aujourd'hui. 

Il  est  divisé  en  six  parties,  qui  correspondent  aux  différents 
aspects  sous  lesquels  peut  être  envisagé  le  rôle  que  les  adversaires 
et  les  témoins  auront  à  remplir  dans  le  drame  qui  va  se  jouer. 

La  r°  partie  traite  des  offenses  et  des  usages  du  duel.  —  Les 
témoins  y  trouveront  clairement  indiquées  les  règles  qui  leur  per- 
mettront de  donner  aux  offenses  la  valeur  qui  leur  est  propre,  de 
déterminer  la  personne  offensée  et  l'étendue  de  ses  privilèges,  de 
stipuler  les  conditions  équitables  d'un  arrangement  ou  d'une  ren- 
contre, de  les  faire  exécuter  loyalement  et,  pour  tout  résumer,  de 


*  ^.-1 


11  AVERTISSEMENT. 

remplir  le  mandat  qu'on  leur  a  confié  avec  une  indiscutable  correc- 
tion. 

Une  méthode  uniforme  basée  sur  la  substitution  de  la  coutume 
écrite,  représentée  par  Chateauvillard  et  ses  collaborateurs,  A  la  tra- 
dition orale  et  aux  consultations  individuelles,  nous  a  servi  de 
guide,  et  communique  à  notre  travail  une  autorité  particulière. 

Grâce  à  cette  méthode  el  aux  références  dont  nous  nous  sommes 
étayé  chaque  fois  que  nous  avons  traité  une  question  controversée, 
des  témoins,  même  inexpérimentés,  pourront  discuter  à  armes 
égales  avec  des  collègues  peu  scrupuleux,  mais  ferrés  sur  la  matière, 
et  ne  pas  être  leurs  dupes. 

Le  chapitre  F  est  consacré  à  cette  exposition. 

Sa  lecture  attentive  éclaire  le  labyrinthe,  obscur  sans  cela,  des 
cinquante-sept  autres,  en  montre  l'enchaînement  et  permet,  à  qui 
n'efTraye  pas  Taridité  du  sujet,  d'en  tirer  un  bénéfice  immédiat, 
qu'il  ne  saurait  obtenir  en  les  parcourant  au  gré  de  son  caprice  ou 
au  hasard  de  ses  besoins. 


La  2''  PARTIE  traite  de  la  responsabilité  pénale.  —  Il  ne  suffit 
pas  que  les  adversaires  et  les  témoins  sachent  vider  correctement 
une  aflaire  d'honneur,  il  faut  en  outre  qu'ils  connaissent  la  sanc- 
tion dont  ils  sont  passibles  après  le  dénouement. 

Ils  jugent  alors  avec  connaissance  de  cause  si  cette  sanction  est 
de  nature  à  les  faire  reculer,  ou  s'ils  doivent  passer  outre. 

Les  seize  chapitres  que  nous  avons  consacrés  à  la  responsabilité 
pénale  leur  permettront,  dans  ce  dernier  cas,  de  combiner  les 
moyens  propres  à  atténuer  le  châtiment  qui  les  menace,  s'ils  ne 
parviennent  pas  à  l'éviter  tout  à  fait. 

La  3®  PARTIE  traite  de  la  responsabilité  civile,  qui,  sous  le  nom 
de  frais,  amendes  et  dommages  et  intérêts,  vise  la  bourse  des 
mêmes  personnes. 

Cette  question  dont  elles  ne  se  préoccupent  guère  habituelle- 
ment, et  qui,  dans  la  somme  des  prévisions  désagréables  qu'un  duel 
peut  motiver,  forme  dans  certains  cas  la  colonne  la  mieux  remplie, 
faitTobjet  de  cinq  autres  chapitres. 

La  4*  PARTIE  traite  de  la  responsabilité  religieuse,  c'est-à-dire 
des  pénalités  dont  l'Église  catholique  et  TÉglise  réformée  frappent 
ceux  qui  ont  participé  au  duel. 

Nous  ne  pouvions  les  omettre,  car,  à  notre  époque  si  peu 


AVERTISSEMENT.  m 

croyante,  il  se  rencontre  encore  des  gens  qu'aucune  considération 
matérielle  ne  saurait  toucher  lorsque  l'honneur  est  en  jeu,  et  pour 
lesquels  les  censures  ecclésiastiques  constituent  un  obstacle  infran- 
chissable. 


La  5*  PARTIE  traite  du  duel  à  Vétranger,  au  double  point  de  vue 
de  ses  usages  et  de  sa  répression  en  Europe. 

Il  est  nécessaire,  en  efTet,  que  le  Français  voyageant  à  l'étran- 
ger, soumis,  par  conséquent,  à  des  lois  et  à  des  usages  qui  ne  sont 
pas  les  siens,  connaisse  exactement  les  droits  qu'ils  lui  confèrent, 
les  devoirs  qu'ils  lui  imposent,  de  manière  à  les  invoquer  ou  à  les 
discuter  suivant  ses  besoins,  et  à  tirer  le  meilleur  parti  de  la  situa- 
tion qui  lui  est  faite. 

Deux  chapitres  sont  consacrés  à  cette  importante  question. 

Sous  le  titre  d'AppENDicE,  la  6®  partie  contient  les  pièces  justifi- 
catives. 

C'est  la  partie  anecdotique  du  livre,  s'il  est  pernais  d'appliquer 
cette  épithète  à  la  discussion  théorique  des  affaires  qui  nous  ont 
paru  de  nature  à  éclairer,  par  des  exemples  tangibles  et  vrais, 
certaines  questions  obscures  ou  difficilement  assimilables. 

Ces  exemples  sont  tirés  de  la  Gazette  des  Tribunaux,  de 
V Annuaire  du  duely  ou  de  procès-verbaux  publiés  dansiez  journaux 
et  ne  portent  que  sur  des  faits  tombés  dans  le  domaine  public. 

Ils  ne  sauraient  donc  exciter  une  curiosité  maligne  et  nuire 
aux  personnes  citées,  que  nous  ne  connaissons  pas  et  dont  nous 
avons  caché  les  noms  sous  des  initiales,  toutes  les  fois  qu'une 
divulgation  complète  nous  a  paru  susceptible  de  leur  être  préjudi- 
ciable. 

Un  résumé,  contenant  Texposition  succincte  des  matières  trai- 
tées dans  notre  ouvrage,  facilite  les  recherches. 

Nous  terminons  le  volume  par  un  Index  bibliographique  et  un 
modèle  de  procès-verbaux  avant  et  après  la  rencontre. 

Est-il  besoin  d'insister  sur  Tutilité  que  ces  modèles,  et  spécia- 
lement le  premier,  offrent  aux  témoins? 

Voici,  en  quelques  mots,  la  manière  de  s'en  servir  : 

Chaque  page  est  divisée  en  deux  colonnes. 

Dans  la  colonne  de  gauche  se  trouve  rénumération  des  ques- 
tions qui  doivent  être  examinées  avant  le  duel,  et,  à  la  suite  de  cha- 
cune, l'indication  du  chapitre  qui  s'y  rapporte  dans  notre  ouvrage 


PREMIÈRE    PARTIE 

OFFENSES.    —  RÈGLES    DU   DUEL 


CHAPITRE  PREMIER 
Législation  du  point  d'honneur 

SON    BUT,    SON    UTILITÉ 
CODE     DE    CHATEAUVILLARD 


On  entend  par  Législation  du  point  d'honneur  l'ensemble  des 
règles  qui  déterminent  d'une  manière  obligatoire  les  droits,  les 
deYoirs  et,  partant,  la  conduite  des  individus  engagés  à  un  titre 
quelconque  dans  une  aiFaire  d'honneur. 

La  législation  du  point  d'honneur  a  pour  but  de  suppléer  au 
silence  ou  à  l'insufAsance  de  la  loi  ordinaire  et  de  remédier  à  son 
impuissance. 

Au  Silence  :  car  la  loi  n'accorde  aucune  satisfaction  pour  un 
certain  nombre  d'offenses  ; 

A  VInsuffisance  :  car  elle  n'accorde  que  des  réparations  déri- 
soires pour  certaines  autres  ^  ; 

A  son  Impuissance  :  car  il  existe  des  griefs  pour  lesquels  les 
atteintes  à  l'bonneur  sont  de  nature  tellement  subtile  qu'elles 
échappent  aux  qualifications  légales,  et  qui  correspondent  à  un 
sentiment  si  délicat  qu'elles  ont  tout  à  perdre  aux  controverses  pu- 
bliques et  aux  luttes  du  barreau. 

Aux  offenses  qui  ne  reçoivent  point  de  réparation  ou  qui  ne 
reçoivent  que  des  réparations  insuffisantes,  aux  griefs  qui  ne  ressor- 
tissent  d'aucun  tribunal,  la  législation  du  point  d'honneur  accorde 
le  seul  juge  qui  reste,  «  soi-même  ». 

1.  Comparez,  page  398  :  Pourquoi  le  duel  n'existe  plus  en  Angleterre?  Comment 
le  supprimer  en  France? 

1 


;i 


%  PREMIÈRE   PARTIE. 

On  Yoit  que  le  droit  de  se  faire  justice  à  soi-même  est  substitué, 
par  elle,  au  principe  diamétralement  opposé  qui  sert  de  base  à  nos 
lois  civiles  et  pénales. 

Il  en  résulte  un  antagonisme  qui  semble  devoir  leur  interdire 
tout  autre  contact  que  celui  qui  natt  de  la  lutte  que  la  première 
soutient  contre  les  deux  autres. 

Cette  proposition  n'est  cependant  pas  aussi  absolue  qu'elle  en 
a  l'air.  Des  exemples  récents  montrent  que  les  tribunaux,  pendant 
les  débats  et  quand  ils  prononcent  leurs  jugements,  s'inquiètent 
de  savoir  si  les  règles  adoptées  [eu  matière  de  duel  ont  été  suivies 
dans  les  affaires  qui  leur  sont  soumises  ^ 

Si  nous  parcourons  les  débats  de  ces  trois  affaires,  nous  voyons 
le  président  adresser  de  nombreuses  questions  relativement  au  corps 
à  corps,  au  cboix  du  terrain,  à  l'emploi  de  la  main  gauche,  au 
poids  des  épées,  aux  devoirs  des  adversaires  et  des  témoins,  etc.  ;  le 
ministère  public  requérir  une  sanction  d'autant  plus  rigoureuse  que 
les  prescriptions  de  la  législation  du  point  d'honneur  afférentes  aux 
cas  précités  avaient  été  moins  religieusement  observées,  et  le  juge- 
ment en  subir  le  reflet. 

Il  n'est  donc  pas  vrai  de  dire,  comme  on  le  fait  souvent,  que  la 
correction  ou  l'incorrection  de  la  rencontre,  ne  modifie  ni  la  valeur 
de  l'acte  incriminé,  ni  la  proportion  du  châtiment,  et  que,  par  con- 
séquent, les  magistrats  et  les  jurés  n'ont  pas  intérêt  à  connaître  les 
règles  du  point  d'honneur. 

Leur  ignorance  souvent  voulue  est  au  contraire  préjudiciable 
aux  affaires  qu'ils  ont  en  main. 

Aussi  lorsque,  dans  un  procès  célèbre,  le  président  s'écriait  en 
parlant  de  VEssai  sur  le  duel  de  Ghateauvillard :  u  Voilà  un  ouvrage 
qui  n'entrera  jamais  dans  ma  bibliothèque  et  que  je  ne  veux  pas 
lire,  »  il  obéissait  à  un  préjugé  et  prononçait  une  parole  impru- 
dente, car  bientôt  après  il  interrogeait  des  experts  pour  savoir  si 
les  actes  reprochés  aux  inculpés  étaient  loyaux  ou  déloyaux,  c'est- 
à-dire  conformes  ou  non  conformes  aux  règles  du  duel  que  Ghateau- 
villard venait  précisément  d'édicter. 

On  voit  que  la  lecture  de  l'ouvrage  qu'il  méprisait  tant  lui  aurait 
été  nécessaire  pour  adresser  aux  experts  des  questions  précises  et 
pour  contrôler  leurs  déclarations,  qui  pouvaientrenfermer  des  asser- 
tions erronées  et  influer,  par  conséquent,  sur  l'équité  de  la  sentence. 

1.  Voyez  affaire  Chapuis-Dôkeirel,  Gazette  des  Tribunaux,  no  des  28-29  mai  1885. 
—  Affaire  Drumonl-Meyer,  ibidem,  n^"  des  6-27  juin,  4  Juillet  1886.—  Affaire  Naqnet- 
Monvielle,  ibidem,  no*  des  1,  2,  11  août  1887,  14  janvier  1888.  —  Mayer-de  Mores, 
la  Libre  parole^  no«  dos  30  et  31  août  1802,  et  l'Escrime  française,  no  du  30  sep- 
tembre 1892. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  3 

Si  la  connaissance  des  règles  du  point  d'honneur  est  utile  aux 
gens  du  palais,  combien  ne  l'est-elle  pas  davantage  aux  adversaires? 

Est-il  admissible  qu'ils  choisissent  une  législation  pour  trancher 
leur  différend,  et  qu'ils  ignorent  les  devoirs  que  (cette  législation 
leur  impose?  Ajoutons  que  cette  connaissance  du  fus  et  nef  as 
peut  influer  sur  leur  sécurité  matérielle,  car,  ayant  plus  entière 
liberté  d'esprit,  ils  pourront  se  battre  avec  plus  de  sang-froid. 

La  proposition  est  encore  plus  évidente  lorsqu'il  s'agit  des 
témoins,  des  arbitres  et  des  jurés  d'honneur. 

Les  Témoins  peuvent  être  considérés  comme  étant  les  pre- 
miers magistrats  chargés  d'appliquer  la  législation  du  point  d'hon- 
neur. Ils  représentent  le  degré  inférieur  d'une  juridiction  que  les 
arbitres  et  les  jurés  exercent  en  dernier  ressort,  et  à  raison  de  la- 
quelle tous  contractent  une  responsabilité  morale  et  matérielle 
considérable. 

En  effet,  le  témoin  qui,  par  son  impéritie,  cause  un  préjudice 
aux  adversaires,  encourt  le  blâme  de  l'opinion  publique,  avec  une 
sanction  pénale  et  civile  plus  rigoureuses  que  s'il  avait  agi  confor- 
mément aux  règles  qui  lui  sont  tracées  par  la  législation  du  point 
d'honneur. 

Tel  serait  le  cas  où,  se  départissant  du  rôle  essentiellement 
modérateur  qui  lui  est  assigné,  il  envenimerait  la  querelle,  empê- 
cherait un  accord,  et  causerait  la  mort  d'un  homme  pour  une  futi- 
lité. Au  contraire,  s'il  ne  s'écarte  pas  de  ce  rôle  modérateur,  si,  dans 
l'espèce  que  nous  avons  posée,  il  épuise  les  moyens  de  conciliation 
compatibles  avec  l'honneur  vrai,  il  peut  obtenir  des  circonstances 
atténuantes  et  même  éviter  la  condamnation  qui  le  frapperait  s'il 
avait  moins  bien  compris  son  devoir  ^ 

Maintenant  que  nous  avons  expliqué  le  but  de  la  législation  du 
point  d'honneur  et  énuméré  les  différentes  classes  de  personnes 
auxquelles  la  connaissance  de  cette  législation  est  utile,  il  nous 
reste  à  indiquer  la  source  à  laquelle  doit  puiser  quiconque  veut  en 
étudier  les  règles  précises  et  la  doctrine  véritable . 

La  source,  c'est  le  livre  que  publia  en  1836  le  comte  de  Château- 
villard  et  qui  fait  de  lui  le  législateur  du  point  d'honneur. 

Pour  bien  comprendre  les  titres  de  cet  écrivain  à  une  qualifica- 
tion si  élogieuse,  il  faut  se  demander  sur  quelle  base  reposait  avant 
lui  la  législation  qui  nous  occupe. 

Il  n'y  avait  rien  de  défini  :  tout  se  bornait  à  un  certain  nombre 
de  règles  non  écrites,  admises  par  l'usage,  conservées  plus  ou  moins 

1.  Voyez  Cassation,  22  août  1S48,  Dallôz,  année  1848,  l'«  partie,  page  16i. 


4  PREMIÈRE  PARTIE. 

fidèlement  par  tradition,  et  interprétées  selon  l'intérêt  personnel  oa 
les  caprices  de  la  mode  avec  une  fantaisie  qui  autorisa  les  duels  les 
plus  barbares  et  les  plus  excentriques. 

«  On  a  TU,  écrit  Gbateauvillard,  des  hommes  se  chasser 
comme  des  bêtes  fauves  dans  un  champ  de  blé  ;  des  combattants 
blessés  se  faire  porter  en  face  l'un  de  l'autre  sur  des  matelas,  pour 
s'acheyer  comme  feraient  des  bouledogues;  d'autres  charger  un 
seul  pistolet,  se  yiser  à  bout  portant  sur  le  bord  d'une  fosse  creu- 
sée à  cette  intention;  d'autres  s'égorger  dans  un  envier  avec  un 
rasoir;  ou  armés  d'un  couteau,  attachés  l'un  à  l'autre  dans  une  Toi- 
ture, se  larder  pendant  un  délai  fixé  à  l'avance.  » 

Toutes  ces  choses  étaient  admises,  pourvu  qu'il  n'y  eût  pas  félonie. 

Ghateauvillard  passa  en  revue  ces  usages  et  les  discuta  avec  le 
concours  de  soixante-seize  collaborateurs  émineuts  par  leur  hono- 
rabilité, leur  compétence  en  pareille  matière,  leur  position  sociale, 
et  en  tète  desquels  se  trouvaient  le  général  Excelmans  et  le  marquis 
du  Hallay,  arbitres  de  presque  toutes  les  affaires  d'honneur  pendant 
un  quart  de  siècle. 

Il  élagua  les  usages  qui  ne  lui  parurent  pas  devoir  être  admis, 
il  classa  les  autres  avec  une  méthode  aussi  claire  que  logique  et  les 
réunit  finalement  en  un  ouvrage  intitulé  :  Essai  sur  le  duely  titre 
modeste  pour  un  livre  si  important. 

La  substitution  de  coutumes  rédigées  aux  usages  non  écrits 
fit  disparaître  les  inconvénients  attachés  à  des  conditions  incertaines 
et  variables  ;  les  affaires  d'honneur  reçurent  un  cours  régulier  et 
furent  enfin  réglées  suivant  les  formes  voulues  par  la  délicatesse  et 
le  droit. 

On  voit  que  louvrage  de  Ghateauvillard  réunit  toutes  les  condi^ 
lions  nécessaires  pour  devenir  la  source  à  laquelle  sera  tenu  de 
puiser  quiconque  veut  étudier  les  règles  précises  et  la  doctrine  véri^ 
table  de  la  législation  qui  nous  occupe,  et  qu'il  constitue,  par  consé- 
quent, U7i  code  obligatoire  pour  tous  les  individus  engagés  à  mi  titre 
quelconque  dans  une  affaire  d'honneur. 

Il  est  du  reste  considéré  comme  tel  à  l'étranger,  notamment  en 
Allemagne  et  en  Autriche,  où  il  a  été  traduit,  et  où  il  est  proclamé 
«  Gode  international  »  par  les  principaux  auteurs  qui  ont  écrit  sur 
les  règles  du  duel.  En  Italie,  de  Rosis,  Angelini  et  Gelli  s'en  sont 
inspirés  ^ 

Est-ce  à  dire  que  ce  code  possède  une  si  grande  perfection, 
qu'on  soit  toujours  assuré  d'y  rencontrer  un  article  précisément  et 

1.  Sur  cette  intéressante  qaeition,  yoyez  ô«  partie,  le  Duel  à  l'étranger  (Usages). 
Chapitre  lxxzi. 


OFFENSliS.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  5 

indiscutablement  applicable  à  tous  les  cas  qui  peuvent  se  présenter? 

Évidemment  non. 

Malgré  sa  clarté,  il  peut  ofitrir  des  points  douteux  ;  malgré  sa 
prévoyance,  il  peut  renfermer  des  lacunes. 

Qui  se  chargera  d*élucider  les  points  obscurs,  de  trancher  les 
controverses  et  de  suppléer  aux  omissions  ?  Questions  importantes 
pour  lesquelles  nous  réclamons  toute  Tattention  du  lecteur. 

A  qui  revient  le  droit  d'interpréter  le  code  de  Cîhateauvillard? 

Aux  personnes  qui  ontledroitde  l'appliquer,  qui  ont  la  juridic- 
tion, c'est-à-dire  aux  témoins,  aux  arbitres  et  aux  jurés  d'honneur. 

Où  doiTentrils  oheroher  la  base  de  leur  interprétation? 

Si  les  décisions  que  les  arbitres  et  les  jurés  ont  données  sur  les 
cas  douteux  qui  leur  ont  été  soumis  depuis  1836  avaient  été 
recueillies,  avec  leur  dispositif,  en  un  corps  formant  jurisprudence, 
nul  doute  que  ce  recueil  ne  fit  autorité,  et  que  les  intéressés  ne 
dussent  le  considérer  comme  étant  la  base  cherchée. 

Malheureusement,  il  n'existe  pas,  et  ne  peut  guère  être  fait,  car  les 
sentences  arbitrales  ou  autres  n'ont  généralement  pas  été  publiées, 
ou  si  elles  l'ont  été,  ce  fut  dans  des  conditions  d'actualité  qui  ont 
rendu  leur  dispersion  immédiate  et  leur  recherche  infructueuse. 

Il  faut  remarquer,  en  outre,  qu'elles  ne  sont  pas  motivées. 

Force  est,  par  conséquent,  de  renoncera  ce  mode  d'information, 
et  de  demander  à  la  doctrine  ce  que  la  jurisprudence  ne  peut  donner. 

On  interrogera  d'abord  les  auteurs  qui,  depuis  Château villard, 
ont  écrit  sur  la  législation  du  point  d'honneur. 

Nous  mettrons  en  première  ligne  Tavernier,  l'Art  du  duel, 
Paris,  Marpon-Flammarion,  s.  d.,  ouvrage  clair,  bien  écrit  et 
respectueux  des  préceptes  de  Ghateauvillard  ;  puis  Du  Verger  de 
Saint-Thomas,  Nouveau  Code  du  duel,  Paris,  Dentu,  moins  lucide, 
plus  verbeux  et  de  doctrine  moins  sûre  que  le  précédent. 

Il  a  été  rédigé  par  un  homme  ayant  longtemps  servi  dans 
l'armée  italienne,  imbu  par  conséquent  des  mœurs  et  coutumes  de 
sa  patrie  originelle,  qu'il  s'efforce  de  nous  faire  adopter. 

Viennent  ensuite  :  le  Jeu  de  Vépée,  leçons  de  Jules  Jacob,  par 
Emile  André,  Paris,  Ollendorf,  1887;  l'Escrime  et  le  Duel,  par 
C.  Prévost  et  G.  Jollivet,  Paris,  Hachette,  1891. 

Ni  Tun  ni  l'autre  ne  doivent  être  oubliés,  car,  à  la  partie  qui 
traite  de  l'enseignement  technique  de  l'escrime,  ils  ont  joint  un 
abrégé  des  règles  du  duel  et  des  usages  du  point  d'honneur. 


6  PREMIÈRE  PARTIE. 

Mais  la  place  Tolontairement  restreinte  qu'ils  ont  assignée 
dans  leurs  ouvrages  à  ces  matières  (les  seules  qui  nous  occupent) 
montre  clairement  que  leur  but  a  été  de  publier  une  sorte  d'aide- 
mémoire,  une  sorte  de  vade-mecum  pouvant,  suivant  l'expression 
même  de  H.  G.  Jollivet,  «  mettre  les  témoins  en  garde  contre  la 
première  impression  qui  les  hante  au  début  d'une  affaire  :  celle  de 
paraître  ignorants  du  rôle  qu'ils  ont  à  jouer». 

A  ce  titre,  ils  peuvent  être  consultés  utilement. 

Nous  faisons  toutefois  nos  réserves  pour  ce  qui  concerne  cer- 
taines pages  de  f  Escrime  et  le  Duel  (voyez  notamment  pages212-213), 
où,  se  plaçant  à  un  point  de  vue  diamétralement  opposé  au  ndtre, 
l'auteur  refuse  à  Ghateauvillard  le  rôle  prépondérant  que  nous  lui 
accordons,  et  substitue  imprudemment,  comme  nous  allons  le  dé- 
montrer, les  traditions  ou  les  consultations  orales,  l'initiative  et 
l'appréciation  individuelles,  aux  règles  fixes  de  la  coutume  écrite. 

Heureusement  qu'au  cours  de  son  ouvrage,  le  sympathique 
écrivain  se  montre  moins  révolutionnaire  que  l'exposé  de  ses 
principes  ne  le  ferait  craindre,  et  qu'après  quelques  fugues  il  suit 
assez  paisiblement  la  route  tracée  par  son  devancier. 

Ces  réserves  faites  et  ce  péril  signalé,  nous  nous  empressons  de 
payer  à  ses  qualités  de  style,  de  concision  et  de  clarté  le  tribut  qui 
leur  est  dû,  et  de  reconnaître  que  son  travail  peut  en  effet  rendre 
de  réels  services  dans  le  cadre  qu'il  s'est  tracé. 

Faute  de  trouver  dans  les  auteurs  la  solution  cherchée,  on 
consultera  les  personnes  réputées  compétentes. 

Le  lecteur  s'étonnera  peut-être  que  nous  mettions  au  dernier 
rang  l'avis  des  experts,  bien  que  ce  mode  d'information  soit  fré- 
quemment employé. 

Nous  en  usons  ainsi  pour  trois  motifs  : 

Le  premier,  c'est  que  les  experts  peuvent  être  très  forts,  très 
réputés  comme  duellistes,  et  ignorer  les  règles  élémentaires  de  la 
législation  qu'ils  doivent  élucider. 

Le  second,  c'est  qu'ayant  à  se  prononcer  sur  des  faits  ou  des 
hommes  qui  les  intéressent,  ils  sont  moins  capables  de  le  faire  avec 
impartialité  que  les  auteurs  qui  raisonnent  théoriquement. 

Le  troisième  et  le  plus  important,  c'est  que  le  système  contraire 
aurait  pour  effet  d'entraîner  l'incertitude  et  l'anarchie,  par  suite 
de  la  possibilité  où  on  se  trouverait  de  faire  prédominer  l'opinion 
individuelle  sur  la  loi  écrite. 

Terminons  ce  qui  concerne  le  degré  de  créance  méritée  par  les 
auteurs  et  les  experts,  en  rappelant  que  jamais  leur  avis  ne  doit 
prévaloir  contre  une  décision  contraire  de  Ghateauvillard  :  ils  n'ont 
qu'une  valeur  d'éclaircissement,  et  pas  autre  chose. 


I 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  7 

La  première  question,  celle  de  l'interprétation  résolue,  passons 
à  la  seconde,  c'est-à-dire  à  Thypothèse  où  le  code  de  Chateauyillard 
serait  muet  sur  un  point  quelconque. 

Gomment  suppléer  au  silence  qu'il  aura  gardé? 

A  défaut  de  loi  précise,  on  doit  recourir  à  Vusage. 

L'autorité  de  Tusage  ne  saurait  être  déniée  si  les  faits  qui  le 
constituent  réunissent  les  conditions  suivantes  :  ils  doivent  être 
uniformes,  publics,  observés  par  la  généralité,  réitérés  pendant  un 
long  espace  de  temps,  et  non  contraires  à  la  loi  écrite. 

Nous  trouvons  la  consécration  de  cette  règle  dans  le  duel  au 
commandement,  qui  n^est  pas  inscrit  sur  la  liste  des  rencontres 
considérées  comme  légales  par  Ghateauvillard,  et  qui  n'en  devient 
pas  moins,  grâce  à  l'usage,  aussi  régulier  que  les  autres.  Pour  nous 
en  convaincre,  nous  n'avons  qu'à  parcourir  les  chapitres  xxxvn  et 
uv  de  cet  ouvrage.  Nous  y  verrons  que  le  duel  au  commandement 
réunit  toutes  les  conditions  énumérées  plus  haut,  celle  entre  autres 
de  n'être  pas  contraire  à  la  loi  écrite,  puisqu'il  constitue  un  perfec- 
tionnement du  duel  au  signal,  tel  que  le  comprend  Ghateauvillard. 

CSomment  l'usage  se  prouve-i-il? 

L'usage  se  prouve  au  moyen  de  certificats,  dont  la  valeur  est 
d*autant  plus  grande  qu'ils  émanent  des  auteurs  cités  plus  haut,  et 
d'autant  moindre  qu'ils  résultent  de  consultations  individuelles. 

Si  nous  appliquons  cette  proposition  au  duel  au  commande- 
ment qui  vient  d'être  cité  comme  exemple,  nous  voyons  que  M.  Ta- 
vernier  doit  faire  autorité  sur  ce  point. 

Nous  venons  de  voir  que  les  règles  formulées  dans  le  code  de 
Ghateauvillard  peuvent  être  interprétées,  et  qu'il  peut  être  suppléé 
à  leur  silence. 

Nous  allons  aborder  une  troisième  question,  celle  de  savoir  si 
les  règles  dont  il  vient  d'être  parlé  sont  abrogeables  ou  modifiables, 
et,  dans  le  cas  où  l'affirmative  prévaudrait,  quelles  conditions  sont 
mises  à  Tabrogation  ou  au  changement. 

Les  règles  formulées  par  Ghateauvillard  sont-elles  abrogeables 

et  modifiables? 

Pas  plus  que  les  lois  ordinaires,  la  législation  du  point  d*hon- 
neur  ne  saurait  prétendre  à  Timmutabilité,  car  elle  correspond  à 


8  PREMIÈRE  PARTIE. 

un  état  essentiellement  variable,  celui  des  mœurs  des  homines 
qu'elle  doit  régir. 

Les  prescriptions  qu'elle  édicté  peuvent  donc  être  abrogées  et 
modifiées. 

Aucune  hésitation  sur  ce  point. 

Dans  quelles  oonditions  rabrogation  ou  le  oliangement 

peuvent-ils  être  opérés? 

La  question  a  une  importance  capitale  :  elle  touche  à  l'existence 
môme  de  la  législation  du  point  d'honneur.  En  effet,  si  une  licence 
absolue  était  accordée  aux  novateurs,  cette  législation  serait  ébranlée 
jusque  dans  ses  fondements.  Au  contraire,  si  l'exercice  du  droit 
d'abrogation  et  de  changement  est  circonscrit  dans  des  limites 
justes  et  raisonnables,  s'il  correspond  à  un  besoin  réel,  Teffet  qu'il 
produit  est  vivifiant,  il  la  rajeunit  et  en  assure  la  durée. 

Il  est  de  principe  qu'une  loi  ne  peut  être  abrogée  que  par 
l'autorité  qui  Ta  faite.  Nous  devons  en  conclure  que  la  législation 
du  point  d'honneur  étant  une  coutume  écrite,  rédigée  par  un 
homme  compétent,  assisté  d'un  conseil  nombreux  de  collaborateurs 
et  de  critiques,  peut  bien  être  abrogée  par  une  autre  coutume 
écrite,  mais  à  condition  que  cette  nouvelle  coutume  soit  rédigée  par 
un  homme  aussi  compétent  que  le  premier,  assisté  d'un  conseil 
jouissant  d'une  égale  autorité. 

Tant  que  ces  conditions  ne  se  trouveront  pas  réunies,  le  code 
de  Ghateauvillard  aura  force  de  loi,  et  devra  être  observé  religieu- 
sement dans  ses  prescriptions  et  ses  parties  essentielles  ^ 

jNous  disons  prescriptions  essentielles,  car  la  prohibition  de  faire 
la  moindre  modification  n'est  pas  absolue.  Une  modification  est 
permise  à  condition  qu'elle  porte  sur  des  détails  de  peu  de 
valeur,  qu'elle  n'ait  pas  pour  effet  d'annuler  une  règle  impor- 
tante de  la  coutume  écrite,  et  soit  plutôt  une  interprétation  ou 
un  perfectionnement  apporté  à  l'application  de  cette  règle  qu'un 
changement  ^ 

Nous  ne  saurions  assez  nous  élever  contre  la  tendance  actuelle 
à  considérer  les  prescriptions  du  code  de  Ghateauvillard  comme 
démodées  ;  en  effet,  si  cette  tendance  prévalait,  elle  aurait  pour 
résultat  de  replonger  la  législation  du  point  d'honneur  dans  le  chaos 
dont  ce  livre  Ta  tirée,  et  de  nous  ramener  à  ces  duels  exceptionnels 
qu'il  a  rendus  presque  légendaires. 

1.  Voyez  conformément  Tarernier,  page  302,  et  les  divers  auteurs  allemands 
cités  dans  notre  chapitre  lxxxi. 

2.  Voyez  nos  chapitres  xxx\ii,  xxxvui,  xxxix. 


OFFEiXSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  9 

Maintenir  la  priorité  de  la  loi  écrite,  contenue  dans  VEssai  sur 
le  duel  de  Chateauvillard,  sur  l'usage  non  codifié  et  sur  les  innova- 
tions individuelles,  telle  doit  être  la  préoccupation  de  l'homme  qui 
écrit  sur  le  point  d'honneur.  Tel  sera  le  but  de  notre  ouvrage. 

Nous  n'ignorons  pas  qu'un  parli  pris  de  cette  nature  nous  réduit 
au  rôle  de  simple  commentateur,  et  nous  enlève  tout  espoir  de  faire 
montre  d'un  esprit  ingénieux  et  personnel,  mais  il  nous  procure  eu 
revanche  une  base  solide  pour  asseoir  notre  travail,  et  une  voie  sûre 
pour  le  mener  à  bonne  fin. 

Simple  commentateur  nous  voulons  être,  simple  commenta- 
teur nous  resterons  jusqu'au  bout. 


CHAPITRE   II 


Des  offenses  en  général. 


On  entend  par  offense  ce  qui  se  dit,  s'écrit,  se  fait  ou  même 
s'omet,  avec  l'intention  de  nuire  à  quelqu'un  dans  sa  personne,  dans 
son  honneur  ou  dans  ses  biens. 

Indiquons  le  sens  des  termes  employés  dans  notre  définition. 
Cette  explication  préliminaire  nous  parait  indispensable  à  rintelli- 
gence  du  sujet. 

Ce  qui  se  dit,  ou  s'^crtï,  comprend  les  injures,  invectives,  diflfa- 
mations,  lettres,  articles  de  journaux,  dessins,  peintures,  gravu- 
res, etc.,  en  un  mot  toute  manifestation  outrageante  par  la  parole, 
par  la  plume,  le  pinceau,  le  burin,  etc.,  d'une  personne  envers  une 
autre. 

Ce  qui  se  /att^  désigne  généralement,  les  coups,  blessures,  voies 
de  fait,  gestes,  etc.,  en  un  mot  toutes  les  manifestations  outra- 
geantes d'une  personne  envers  une  autre,  produites  au  moyen 
d'actes  qui  ne  dérivent  ni  de  la  parole,  ni  de  la  plume,  ni  des  autres 
moyens  énumérés  plus  haut,  et  qui  ne  sont  pas  des  omissions. 

Ce  qui  «'omet, comprend  toutes  les  manifestations  outrageantes, 
exprimées  au  moyen  d'abstentions,  négligences  intentionnelles,  etc. 
En  un  mot,  on  offense  une  personne  par  abstention  lorsqu'on  ne  lui 
rend  pas  certains  devoirs  auxquels  elle  a  droit. 

Par  intention  de  nuire,  il  faut  entendre  l'intention  d'offenser. 
Cette  intention,  sur  laquelle  nous  reviendrons  chapitre  v,  est  indis- 
pensable à  l'existence  de  l'offense,  à  condition  de  sortir  du  domaine 
de  la  conscience  et  de  se  manifester  extérieurement. 


40  PREMIÈRE  PARTIE. 


Que  faut-il  entendre  par  oes  mots  :  dans  sa  personne, 
dans  son  honneur  et  dans  ses  biens? 

Entre  la  personne  et  les  biens,  la  distinction  s'établit  d'elle- 
même.  On  voit  plus  difficilement  les  caractères  qui  séparent  la  per- 
sonne de  rhonneur,  surtout  au  point]  de  vue  qui  nous  occupe,  et 
dans  lequel  l'honneur,  à  lui  seul,  absorbe  en  quelque  sorte  la 
personne  tout  entière.  Il  serait  donc  utile  de  bien  s'entendre  sur 
ce  mot  honneur,  qui  domine  toute  la  matière  des  offenses. 

Vhonneur  est  le  patrimoine  de  la  conscience,  l'ensemble  des 
vertus  acquises  et  des  principes  observés,  conformément  aux  pres- 
criptions de  la  loi  morale. 

Cette  définition  abstraite  a  le  défaut  de  ne  pas  caractériser 
l'honneur  plus  conventionnel  et  plus  mondain  qui  sert  de  base  à 
la  législation  du  point  d'honneur. 

A  cette  hauteur,  beaucoup  d'offenses  ne  sauraient  l'atteindre. 

L'honneur,  qui  ne  relève  que  de  la  conscience  et  de  la  loi 
morale,  ne  se  préoccupe  guère  en  effet  des  préceptes  arbitraires,  et, 
à  plus  forte  raison,  des  préjugés  d'une  société.  Il  est  trop  restreint 
relativement  à  l'extension  que  lui  donnent  les  règles  du  point 
d'honneur,  qui  embrassent  en  outre  certains  sentiments,  certaines 
qualités  ou  manières  d'être ,  tels  que  la  considération,  l'amour- 
propre,  la  politesse,  la  dignité,  la  délicatesse,  qui  dérivent  de  lui  et 
qui,  non  moins  que  lui,  sont  susceptibles  d'être  atteintes  par  une 
offense. 

Nous  appellerons  l'honneur  proprement  dit  honneur  morale 
tandis  que  ses  dérivés,  quels  qu'ils  soient,  seront  compris  sous  la 
dénomination  collective  d'honneur  social. 

Cette  distinction  extrêmement  importante  pour  le  classement 
des  offenses,  et  sur  laquelle  nous  attirons  toute  l'attention  du 
lecteur,  n'est  pas  assez  faite.  Dans  l'habitude  de  la  vie,  tout  homme 
qui  se  prétend  offensé  demande  réparation  au  nom  de  son  honneur, 
quel  que  soit  le  genre  d'atteinte  qu'il  ait  subie,  et  bien  que  souvent 
l'honneur  proprement  dit  ne  soit  nullement  en  jeu. 

Lhonneur  moral  doit,  bien  entendu,  occuper  la  plus  haute 
place  ;  c'est  celui  qui  tient  à  la  personne,  émane  d'elle  et  peut  se 
passer  de  l'opinion.  C'est  un  sentiment  qui  nous  donne  l'estime  de 
nous-même  par  la  conscience  de  Taccompiissement  d'un  devoir. 

Au  contraire,  la  considération  est  extérieure.  Elle  arrive  du 
dehors,  elle  naît  moins  des  mérites  que  l'on  a  que  des  mérites  que 
Ton  parait  avoir.  C'est  uu  hommage  rendu  par  ceux  qui  nous  entou- 
rent à  notre  position  dans  le  monde.  Un  homme  considéré  peut  être 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DC  DUEL.  44 

sans  honneur,  et  an  homme  d'honneur  sans  considération.  Con- 
tester la  probité  d'nne  personne,  c'est  atteindre  son  honneur  ;  con- 
tester son  mérite  et  son  crédit,  c'est  attaquer  sa  considération. 

A  côté  de  cette  considération  soumise  à  tant  d'influences  exté- 
rieures, nous  trouTons  un  sentiment  plus  personnel,  qui  tient  à  la 
fois  de  l'honneur  et  de  la  considération  parle  besoin  de  se  respecter 
et  de  se  faire  respecter  qu'il  inspire  à  Phomme.  C'est  l'amour-propre 
entendu  dans  son  acception  la  plus  autorisée,  c'est-à-dire  Testime 
de  soi.  II  est  vrai  que  ce  mot  désigne  ordinairement  une  prétention 
voisine  de  la  vanité  ;  mais  lorsqu'il  s'applique  à  une  conception 
plus  élevée  de  notre  mérite,  il  prend  le  nom  de  dignité. 

L amour-propre  a  pour  auxiliaire  la  susceptibilité. 

Nous  n'entendons  pointparler  ici  de  cette  ombrageuse  méfiance 
qui  se  choque  de  tout,  et  qui  fait  dire  d'un  homme  :  a  Quel  fagot 
d'épines!  »  mais  simplement  de  la  faculté  de  sentir  une  offense, 
d'être  affecté  par  elle. 

Cette  faculté  est  tenue  en  éveil  par  l'appréciation  plus  ou  moins 
justifiée  que  nous  avons  de  notre  importance,  de  notre  mérite,  de 
nos  vertus.  On  constate  plus  spécialement  son  action  sur  Pépiderme 
tellement  sensible  du  point  d'honneur.  Elle  nous  met  en  garde  non 
seulement  contre  les  atteintes  à  l'honneur,  à  la  considération,  mais 
encore  contre  les  infractions  à  la  politesse,  et  contre  tout  ce  qui 
frappe  notre  délicatesse. 

La  politesse  est  l'ensemble  des  règles  établies  par  l'usage  ou  la 
convention,  pour  faciliter  sous  des  dehors  bienveillants  les  rapports 
que  la  vie  sociale  impose  aux  individus.  La  politesse  comprend  le 
savoir-vivre,  qui  lui-même  se  rattache  à  la  délicatesse. 

Celle-ci  est  également  un  produit  de  la  civilisation.  C'est  une 
culture  spéciale  de  tous  les  sentiments  qui  touchent  à  l'honneur,  un 
raffinement  dans  la  manière  de  comprendre  et  de  sentir  les  procé- 
dés, dans  l'interprétation  des  règles  du  savoir-vivre. 

C'est  elle  qui  fait  le  galant  homme. 

De  même  que  le  véritable  honnête  homme  est  celui  qui  ne  se 
contente  pas  d'observer  le  code,  de  même  Thomme  délicat  a  pour 
principe  de  ne  pas  s'en  tenir  à  Tobservation  pure  et  simple  de  la 
politesse.  Une  politesse  irréprochable  n'est  pas  toujours  la  délica- 
tesse. 

Nous  pouvons  maintenant  nous  faire  une  idée  exacte  du  point 
dhonneur,  intimement  lié  par  sa  nature  même  à  toutes  les  défini- 
tions que  nous  venons  de  donner. 

Nous  l'intitulerons  :  la  susceptibilité  légitime  de  l'honneur  sous 
toutes  ses  formes,  contre  toutes  les  atteintes  qui  le  menacent.  Il 
varie  bien  entendu  de  caractère  et  d'intensité,  selon  le  tempéra- 


\ 


n  PREMIÈRE  PARTIE. 

ment,  la  position  sociale  de  l'offensé,  etc.  ;  mais  ces  distinctions 
Tiendront  à  leur  place,  lorsque  nous  étudierons  les  offenses  au  point 
de  yue  des  circonstances  gui  peuvent  le  modifier. 

L'offense,  avons-nous  dit,  peut  atteindre  un  individu  non  seu- 
lement dans  sa  personne,  mais  encore  dans  ses  biens. 

A  première  vue,  cette  proposition  semble  inadmissible.  On  ne 
comprend  guère  qu'un  préjudice  matériel,  un  dommage  pécu- 
niaire, soient  de  nature  à  motiver  une  réparation  par  les  armes,  et 
on  est  tenté  de  renvoyer  sans  examen  préalable  aux  tribunaux 
l'bomme  qui  s'adresse  à  la  juridiction  du  point  d'honneur  pour 
une  atteinte  à  ses  biens.  On  aurait  cependant  tort  d'agir  ainsi. 

Il  ne  faut  pas  confondre  la  lésion  pécuniaire,  qui  donne  droit 
à  une  réparation  que  les  tribunaux  peuvent  en  effet  seuls  accorder, 
avec  l'offense  qui  existe  concurremment.  Il  peut  bien  se  faire,  ne 
l'oublions  pas,  qu'un  même  acte  nous  atteigne  à  la  fois  dans  notre 
honneur  et  dans  nos  biens. 

Tel  serait  le  cas  où  un  individu  briserait  le  buste  de  mon  père, 
le  couvrirait  d'ordures,  le  maculerait  pour  toujours.  Lorsqu'il  y  a 
quelques  années  M.  Lippmann,  gendre  d'Alexandre  Dumas,  lacéra 
en  pleine  exposition  du  Cercle  artistique  le  tableau  du  peintre 
Jaquet  représentant  son  beau-père  en  marchand  juif,  il  est  évident 
qu'il  entendit  causer  à  l'artiste  non  pas  seulement  un  dommage  ma- 
tériel et  pécuniaire,  mais  encore  lui  rendre  offense  pour  offense. 

Les  définitions  et  explications  que  nous  venons  de  donner  nous 
permettent  de  poser  une  règle  qui  doit  être  appliquée  chaque  fois 
qu'on  veut  opérer  rationnellement  le  classement  d'une  ou  de  plu- 
sieurs offenses. 

Toute  tentative  pour  y  arriver  sans  elle  n'amènera  que  des 
résultats  illogiques. 

On  peut  la  formuler  ainsi  : 

La  valeur  des  offenses  est  subordonnée,d'une part,  à  leur  nature 
propre^  d'autre  part,  aux  circonstances  qui  les  modifient. 

Par  leur  nature  propre,  les  offenses  se  distinguent  entre  elles, 
d'abord  lorsqu'elles  s'opposent  à  des  qualités  d'espèces  différentes, 
telles  que  l'honneur,  la  considération,  la  politesse,  etc.,  auquel  cas, 
elles  deviennent  desoffensesd'espècecontraireà  ces  mêmes  qualités. 

Une  atteinte  à  l'honneur  est  toute  autre  qu'une  simple  infrac- 
tion à  la  politesse. 

Ensuite,  lorsqu'elles  se  trouvent  en  antagonisme  avec  une 
même  qualité  ou  avec  les  fonctions  d'une  même  qualité,  mais  à  des 
degrés  différents. 

On  entend  par  circonstances  les  qualités  accidentelles  s'ajou- 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  43 

taDt  à  l'offense  déjà  constituée  dans  sa  nature  pour  en  modilier  la 
portée. 

Par  qui  Poffense  a-t-elle  été  commise?  A  qui  s'adresse-t-elle? 
Quelle  est  la  condition?  Quel  est  l'âge  ou  l'état  de  la  personne 
offensée,  aussi  bien  que  de  la  personne  qui  offense? 

Gomment  l'offense  s'est-elle  produite?  Est-ce  par  parole,  par 
écrit,  par  action,  par  omission,  spontanément  ou  avec  préméditation, 
avec  ignorance  ou  en  pleine  connaissance?  Dans  quel  but  et  dans 
quelle  intention  7 

Enfin  certaines  questions  de  temps  et  de  lieu  devront  également 
entrer  en  ligne  de  compte,  sans  oublier  les  circonstances  acces- 
soires, les  incidents,  les  nuances  de  toutes  espèces,  qui  peuvent 
modifier  en  bien  ou  en  mal  la  portée  d'un  acte  injurieux. 

C'est  à  l'aide  de  ces  données  générales  que  nous  essayerons 
d'établir  un  classement  méthodique  et  rationnel  des  offenses. 


CHAPITRE  III 
De  la  valeur  et  du  classement  des  offenses. 


En  matière  dépeint  d'honneur,  l'offense  comprend  trois  degrés 
ou  catégories  : 

L offense  simple  ou  du  premier  degré; 

L'offense  grave,  aussi  nommée  injure,  qui  est  du  deuxième 
degré; 

Loffense  avec  voie  de  fait,  qui  est  du  troisième  degré. 

L'offense  grave,  avons-nous  dit,  prend  le  nom  d'injure.  Ce  nom 
lui  est  exclusivement  réservé  ;  aussi  lorsque,  au  cours  des  chapitres 
relatifs  à  l'offense,  le  lecteur  trouvera  le  mot  injure  employé  sans 
adjonction  d'épithète,  il  devra  lecoubidérer  comme  synonyme  d'of- 
fense grave  ou  du  second  degré. 

La  détermination  de  la  valeur  des  offenses  est  l'opération  la 
plus  délicate  que  les  témoins  aient  à  remplir,  principalement  s'il  y 
y  a  offenses  réciproques,  c'est-à-dire  lorsqu'à  une  offense  il  a  été 
répondu  par  une  autre  offense.  Elle  constitue  également  la  partie  la 
plus  importante  de  la  mission  qui  leur  est  confiée. 

S'ils  lisent  nos  chapitres  vu  et  vin,  ils  verront  que,  selon  que 
l'offense  monte  ou  descend  d'un  degré,  elle  donne,  s'il  y  a  offenses 
réciproques,  la  qualité  d'agresseur  ou  d'offensé  et  confère  ou  retire, 


44  PREMIÈRE  PARTIE. 

dans  tous  les  cas,  certains  avantages  dont  la  vie  des  adversaires  peut 
dépendre. 

En  effet,  roffensé  du  premier  degré  choisit  son  arme;  Voffenséiu 
second  degré  choisit  son  arme  et  son  duel;  l'offensé  du  troisième 
degré  choisit  son  arme^  son  duel  et  ses  distances. 

Cette  considération,  sur  la  gravité  de  laquelle  il  parait  inutile 
d'insister,  suffira,  nous  n'en  doutons  pas,  pour  expliquer  notre  in- 
sistance, frapper  Tattention  des  témoins,  et  assurer  au  classement 
qu'ils  entreprendront  toute  la  sollicitude  dont  ils  sont  capables. 
Pour  mener  à  bien  cette  entreprise,  il  leur  faut  non  une  solution 
donnée  à  Favance  pour  tous  les  cas,  une  étiquette  pour  chaque 
offense  (la  chose  est  impossible  à  tous  les  points  de  vue),  mais  une 
méthode  rationnelle,  une  base  d'appréciation  leur  permettant  de 
ranger  sans  trop  de  peine,  dans  la  catégorie  qui  leur  convient,  et 
grâce  à  des  principes  généraux,  les  offenses  soumises  à  leur  déci- 
sion. 

Cette  méthode  leur  est  indiquée  par  la  règle  formulée  au  cha- 
pitre précédent,  aux  termes  de  laquelle  :  «  la  valeur  des  offenses  est 
subordonnée  d'abord  à  leur  nature  propre^  ensuite  aux  circon- 
stances qui  les  modifient  ». 

Ces  deux  points  de  vue,  auxquels  correspondront  les  chapi- 
tres IV  et  v,  constituent  la  base  de  tout  classement. 


CHAPITRE  IV 
De  l'offense  étudiée  dans  sa  nature. 


Dans  ce  chapitre,  nous  entendons  apprécier  les  offenses 
d'après  les  qualités,  vertus  ou  prétentions  avec  lesquelles  elles  se 
trouvent  en  opposition. 

En  principe,  tout  ce  qui  se  fait,  se  dit  ou  s'omet  contre  Fhon- 
neur  est  une  injure  ou  offense  grave.  Les  atteintes  à  la  considé- 
ration sont  le  plus  souvent,  mais  ne  sont  pas  nécessairement  des 
injures. 

Toutes  celles  qui  concernent  l'amour-propre,  la  politesse,  la 

délicatesse,  pris  dans  le  sens  que  nous  leur  avons  donné  chapitre  n, 

ne  sont  que  des  offenses  simples,  à  moins  qu'elles  n'atteignent  du 

même  coup  l'honneur  ou  la  considération,  cas  auquel  elles  dispa- 

^raissent  devant  l'atteinte  la  plus  grave,  qui  détermine  le  classement. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  45 

Des  atteintes  à  l'honneur. 

Ce  qui  se  fait  contre  rhonneur  comprend  tout  d'abord  la  voie 
de  fait,  la  plus  grave  de  toutes  les  offenses»  dont  nous  renvoyons 
rétude  à  la  fin  de  ce  chapitre,  et  qui  donne  à  celui  qui  l'a  essuyée 
le  maximum  des  privilèges  réservés  à  Toffensé.  Viennent  ensuite  les 
actes  outrageants,  qui,  sans  constituer  la  voie  de  fait,  se  manifestent 
par  des  gestes,  des  attitudes  et  tous  les  mouvements  extérieurs  qui 
marquent  le  mépris. 

Faire  le  geste  de  frapper  quelqu'un,  cracher  devant  lui,  lui 
montrer  le  poing,  lui  tirer  la  langue,  lui  faire  un  pied  de  nez, 
exprimer  par  un  jeu  de  physionomie  le  dégoût  qu'il  vous  inspire,  etc., 
peut,  suivant  les  circonstances,  constituer  une  offense  grave. 

Montrer  la  porte  à  quelqu'un  entre  dans  la  même  catégorie. 

Une  démarche  peut  être  gravement  offensante,  sans  être 
accompagnée  de  gestes  et  de  paroles.  Lorsqu'il  y  a  quelques  années, 
H.  Wilson  fit  sa  rentrée  à  la  Chambre,  après  le  fameux  procès  des 
décorations,  plusieurs  députés  quittèrent  immédiatement  la  salle. 
Personne  ne  pouvait  se  méprendre  sur  le  sens  injurieux  de  cette 
retraite  silencieuse. 

Toute  entreprise  amoureuse  contre  une  fille,  une  sœur,  une 
épouse,  etc.,  est  une  atteinte  à  Thonneur,  qui  peut  conférer,  sui- 
vant les  circonstances,  au  père,  au  frère,  au  mari,  etc.,  soit  les  pri- 
vilèges d'offensé  avec  injure  grave,  soit  ceux  d'offensé  avec  voie  de 
fait,  conformément  aux  distinctions  établies  chapitre  viii. 

Les  omissions  contre  l'honneur  sont  également  des  injures.  Si 
TOUS  refusez  de  rendre  àquelqu'un  le  salut  qu'il  vous  adresse,  après 
avoir  déclaré  publiquement  que  vous  ne  saluez  jamais  les  gens  que 
vous  méprisez,  cette  omission  fait  présumer  une  offense  grave  de 
votre  part. 

Ce  qui  se  dit  contre  l'honneur  comprend  toutes  les  injures  par 
parole  et  par  écrit. 

La  parole  prend  la  forme  d'invectives,  d'outrages,  d'affronts,  etc. 
Elle  sert  également  à  la  diffamation ,  c'est-à-dire  à  la  calomnie, 
à  la  médisance,  aux  jugements  téméraires,  aux  accusations  de 
toute  sorte  portées  contre  l'honneur.  Nous  l'étudierons  plus  eu 
détail  après  que  nous  nous  serons  occupés  de  la  considération. 

Les  écrits  arrivent  aux  mêmes  résultats  sous  forme  de  lettres, 
articles  de  journaux,  livres,  pamphlets,  dessins,  etc. 

En  résumé,  on  injurie  quelqu'un  en  le  traitant  de  malhon- 
nête homme,  en  lui  reprochant  toutes  les  actions  contraires  à  la 
loi  morale,  si  ces  infractions  sont  en  même  temps  contraires  à 
riionneur  social,  si  elles  relèvent  du  point  d'honneur. 


46  PREMIÈRE  PARTIE. 

L'accord  de  la  loi  morale  et  des  préceptes  conventionnels  de 
Phonneur  social  est  en  effet  nécessaire,  ne  Poublions  pas,  pour 
constituer  Phonneur  d'espèce  particulière  qui  nous  occupe.  C'est 
parce  que  Phomicide,  le  vol,  le  viol,  le  faux,  le  parjure,  etc.,  trans- 
gressent à  la  fois  les  préceptes  de  la  morale  et  les  préceptes  conven- 
tionnels dont  il  vient  d'être  parlé,  que  Pimputation  d'une  de  ces 
infractions  doit  être  indiscutablement  rangée  parmi  les  offenses 
qui  lui  portent  atteinte. 

L'introduction  d'un  élément  conventionnel  dans  l'ensemble 
des  qualités  ou  vertus  qui  forment  cet  honneur,  qu'on  peut  très 
justement  qualifier  de  spécial,  amène  nécessairement  quelques  ré- 
sultats illogiques. 

C'est  quelquefois  sans  cause  bien  apparente  que  Paccord 
existe  ou  n'existe  pas,  et  que  Pimputation  de  faits  contraires  à  la 
morale  constitue  ou  ne  constitue  pas  en  même  temps  une  atteinte 
aux  principes  conventionnels  de  Phonneur  social. 

Pour  ne  prendre  qu'un  exemple  :  la  colère  et  le  mensonge  sont 
des  défauts  réprouvés  par  la  loi  morale.  Cependant,  si  je  dis  d'un 
homme  du  monde  :  <c  Quel  homme  emporté  et  colère  !»  je  ne  l'of- 
fense pas  dans  son  honneur.  Le  contraire  a  lieu  si  je  m'écrie  :  «  Quel 
menteur!  »  Pourquoi  dans  ce  dernier  cas  une  pareille  aggravation 
de  l'offense  ?  II  faut  en  chercher  la  cause  dans  une  vieille  institution, 
celle  de  la  chevalerie,  où  le  preux  devait  être  un  miroir  de  vérité 
que  le  moindre  souffle  ternissait.  Le  déshonneur  attaché  au  men- 
songe, et  par  suite  au  démenti  qui  n'est  autre  chose  qu'une  accu- 
sation de  mensonge,  n'a  donc  pas  d'autre  motif  que  d'être  un 
reflet  de  mœurs  et  d'institutions  disparues. 

Si  Paccord  sur  lequel  nous  insistons  n'a  pas  lieu,  parce  que  les 
principes  conventionnels  attachent  seuls  une  idée  de  réprobation  à 
Pacte  imputé,  tandis  que  les  lois  morales  ne  le  font  pas,  nous 
avons Pattein te  à  la  considération,  l'atteinte  à  Pamour-propre,  etc., 
nous  n'avons  plus  l'atteinte  à  Phonneur. 

Atteintes  à  la  considération. 

La  considération  peut  être  atteinte  par  les  mêmes  manifesta- 
tions outrageantes  que  Phonneur  (actes,  paroles,  écrits  ou  omis- 
sions). Mais  si  toutes  les  atteintes  à  Phonneur  sont  des  offenses 
graves,  il  n'en  est  plus  de  même  pour  les  atteintes  à  la  considéra- 
tion. Elles  sont  tantôt  du  premier,  tantôt  du  second  degré. 

En  vertu  de  la  définition  donnée  chapitre  ii,  qui  fait  dépendre 
la  considération  de  causes  extérieures,  de  mérites  conventionnels 
souvent  étrangers  à  Phonneur,  une  offense  sera  grave  ou  simple 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  47 

suiyant  l'importance  que  le  monde  attachera  an  défaut  qui  nous  est 
imputé. 

On  voit  de  suite  combien  ce  classement  sera  nécessairement 
arbitraire,  puisque  Timpression  personnelle  des  témoins  et  des  ar- 
bitres influera  sur  leur  manière  d'apprécier  l'importance  attachée 
par  le  monde  à  ce  défaut.  On  peut  dire  cependant  que  l'honneur 
proprement  dit  est  la  source  la  plus  efficace  de  la  considération. 
Un  homme  jouit  d'une  réputation  de  probité  incontestée  ;  on  l'es- 
time à  cause  de  cela.  C*cst  son  honneur  qui  lui  procure  cette  consi- 
dération. Le  traiter  de  voleur,  c'est  l'atteindre  à  la  fois  dans  son  hon- 
neur et  dans  sa  considération. 

11  en  résuite  qu'en  général  la  gravité  de  l'offense  sera  d'autant 
plus  considérable  que  la  qualité  à  laquelle  l'atteinte  aura  été  portée 
se  rapprochera  davantage  des  qualités  constitutives  de  l'honneur,  et 
qu'inversement  la  gravité  de  l'offense  sera  d'autant  moindre  que  la 
qualité  à  laquelle  l'atteinte  aura  été  portée  s'en  éloignera  davantage, 
et  se  rapprochera  de  celles  qui  constituent  la  politesse,  la  délica- 
tesse et  autres  tributaires  de  l'amour-propre. 

Nous  disons  en  général,  car  ces  principes  souffrent  de  nom- 
breuses exceptions,  notamment  en  ce  qui  concerne  l'imputation 
d'avoir  reçu  un  soufflet  sans  en  demander  raison,  d'avoir  refusé 
satisfaction  à  une  personne  offensée,  etc.^. 

Ces  distinctions,  qui  se  présentent  naturellement  à  l'esprit,  ont 
été  exprimées  dans  ces  termes  par  Portails  : 

«  Un  citoyen  a  trois  espèces  de  réputation  à  garder  :  la  réputa- 
tion de  probité,  la  réputation  de  vertu,  la  réputation  de  talent  et  de 
mérite.  L'injure  la  plus  grande  est  celle  qui  attaque  la  probité,  parce 
que  la  réputation  de  probité  est  la  plus  utile  à  l'homme  qui  vit  avec 
les  autres  hommes.  La  réputation  de  vertu  vient  ensuite,  etc..  » 

Elles  nous  amènent  à  examiner  la  considération,  relativement  à 
certaines  conditions  correspondant  à  ses  rapports  avec  la  vie  privée, 
la  vie  professionnelle,  avec  la  vie  politique,  avec  la  vie  littéraire. 


1.  Voyez  même  chapitre  :  Considération  privée. 

Dans  son  beau  livre  sur  la  Diffamation^  Vinjurê  et  l'outrage,  M.  Grellet-Dumazeau 
a  traité  ces  questions  avec  une  ampleur  de  vues  remarquable,  un  réel  talent  et  une 
compétence  qui  s'imposent  encore  aujourd'hui.  Aussi  Pavons-nous  suivi  pas  à  pas, 
pour  tout  ce  qui  concerne  les  différentes  espèces  de  considération,  et  lui  avons- 
nous  emprunté  ce  qui  paraissait  susceptible  de  rentrer  dans  notre  cadre. 

Le  mélange  intime  de  ces  emprunts  avec  les  passages  qui  nous  sont  personnels 
ne  nous  permettait  guère  d'indiquer  exactement  la  part  qui  revient  à  chacun. 

Cette  déclaration  générale  suffira,  nous  Tespérons,  pour  nous  éviter  Timputation 
de  plagiat. 

*  Voyez,  du  reste,  pour  plus  amples  renseignements  :  Opus  citatum,  1846  Deus 
volumes  in-8%  tome  I,  paragraphe  70  et  suiv. 


1  « 


/8  PREMIÈRE  PARTIE. 

Considération  privée. 

On  appelle  ainsi  celle  qui  natt  de  la  pratique  des  vertus  et  de 
Pobservation  des  règles  de  conduite  qui  font  Thonnéte  homme,  le 
bon  père  de  famille,  le  citoyen  honorable. 

Elle  est  complète  lorsqu'elle  a  pour  base  Thonneur  moral  et 
l'honneur  social,  mais  nous  savons  que  le  point  d'honneur  n'exige 
pas  le  cumul  de  ces  deux  qualités. 

De  même  que  certains  actes  contraires  à  la  loi  morale  ne  sont 
pas  contraires  aux  principes  conventionnels  dont  il  a  été  parlé 
précédemment,  de  même  que  l'imputation  de  ces  actes  ne  constitue 
pas  une  atteinte  à  l'honneur  spécial  qui  nous  occupe,  de  même 
certains  actes,  qui  ne  sont  pas  contraires  à  la  loi  morale,  sont  con- 
traires aux  principes  conventionnels  sur  lesquels  repose  la  consi- 
dération, et  lui  portent  atteinte. 

Ainsi,  recevoir  un  soufflet  sans  en  demander  réparation  par 
les  armes  est  évidemment  conforme  aux  principes  de  la  loi  morale, 
qui  interdit  de  se  faire  justice  à  soi-même.  11  n'en  est  pas  moins 
vrai  que  Thomme  du  monde,  frappé  au  visage,  est  livré  au  mépris 
s'il  subit  cet  outrage  avec  résignation.  Il  est  taxé  par  les  uns  de 
lâcheté,  par  les  autres  de  faiblesse,  et  par  tous  de  cette  timidité  qui 
fait  dire  d'un  individu  qu'il  n'a  pas  de  sang  sous  les  ongles. 

En  présence  de  cette  mésestime,  publier  qu'un  homme  a  reçu 
un  soufflet  sans  en  demander  satisfaction,  c'est  évidemment  nuire 
à  sa  considération  et  commettre  envers  lui  une  offense  grave. 

Mais  pour  que  cette  offense  soit  sujette  à  réparation  par  les 
armes,  il  faut  qu'elle  s'adresse  à  un  homme  soumis  aux  préjugés 
conventionnels  du  point  d'honneur  et  ne  pouvant  s'y  soustraire  ni 
par  son  état,  ni  par  sa  condition,  ni  par  ses  principes. 

Un  individu  de  basse  condition,  un  paysan  accusé  d'avoir  reçu 
un  soufflet,  ne  restera  peut-être  pas  insensible  à  l'outrage,  mais  ne 
cherchera  certainement  pas  à  laver  son  injure  selon  les  formes 
indiquées  par  Chateauvillard. 

Terminons  ce  qui  regarde  la  considération  par  l'examen  d'une 
question  qui  a  soulevé  de  violentes  controverses. 

On  s'est  demandé  s'il  était  permis  à  l'histoire  contemporaine 
de  faire  une  incursion  dans  la  vie  privée  d'un  individu,  d'en  révéler 
les  secrets  blessants,  si  ces  secrets  se  rattachent  à  la  vie  publique 
et  en  expliquent  les  actes. 

Nous  n'hésitons  pas  à  répondre  négativement. 

Le  droit  de  critique,  sur  lequel  nous  allons  revenir  à  propos 
des  autres  formes  de  la  considération,  ne  doit  pas  franchir  impuné- 
ment le  fameux  mur  de  la  vie  intime.  Toute  incursion  dans  le 


à 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  49 

domaine  privé,  quelle  que  puisse  être  la  forme  sous  laquelle  elle 
se  masque,  constitue  une  offense  à  la  réparation  de  laquelle  l'écri- 
yain  ne  saurait  se  soustraire  sans  contrevenir  aux  règles  du  point 
d'honneur. 

Considération  professionnelle. 

La  considération  professionnelle  s'entend  de  Testime  que  chacun 
peut  avoir  acquis  dans  l'état  qu'il  exerce. 

Elle  ne  se  confond  pas  avec  la  considération  privée.  On  peut 
être  un  parfait  honnête  homme,  très  considéré,  très  bien  accueilli 
dans  le  monde,  et  être  un  médecin  sans  valeur,  un  barbouilleur 
de  plats  d^épinards. 

Cependant,  quelques  professions  sont  soumises  à  des  devoirs 
spéciaux,  donnant  naissance  à  une  considération  qui  se  rapproche 
beaucoup  de  la  considération  privée.  Les  avocats,  les  notaires,  etc., 
peuvent  commettre  certaines  infractions  susceptibles  d'être  punies 
disdplinairement  et  capables  d'entacher  gravement  leur  considé- 
ration, car  les  règles  violées  ont  précisément  pour  but  d'assurer  la 
dignité  de  l'ordre  par  des  obligations  individuelles. 

Telle  est^  par  exemple,  celle  du  secret  professionnel. 

Les  actes  qui  portent  atteinte  à  une  face  de  la  considération 
professionnelle,  autre  que  cette  face  sui  generis,  ne  constituent 
généralement  pas  une  offense  grave,  principalement  si  la  profession 
exercée  par  l'individu  visé  le  met  en  contact  avec  le  public  et  le 
rend  tributaire  de  sa  critique. 

Ainsi,  l'avocat  qui  plaide  devant  un  tribunal  ne  saurait  être 
admis  à  demander  réparation  par  les  armes  parce  qu'on  aura  dit  qu'il 
a  perdu  une  bonne  cause  grâce  à  de  piètres  arguments,  ou  à  son 
manque  d'éloquence,  bien  qu'il  doive  résulter  de  cette  imputation 
une  atteinte  à  son  amour-propre  et  même  à  ses  intérêts  pécuniaires. 

Le  droit  de  critique  devient  encore  plus  étendu  lorsqu'il  porte 
sur  des  personnes  publiques,  telles  que  fonctionnaires,  agents  de 
l'autorité,  etc.,  et  autres  énumérées  articles  222  et  suivants  du  Code 
pénal,  31  de  la  loi  de  1881.  En  effet,  de  leur  qualité  même  naît  le 
droit  d'examiner  leur  conduite,  de  scruter  leurs  actes  et  de  dévoiler 
les  fautes  de  leur  vie  publique. 

Mais  il  est  bien  entendu  que  le  droit  de  critique  est  limité  aux 
actes  de  fonction  et  ne  s'étend  pas  à  ceux  de  la  vie  privée.  11 
constitue  une  exception  aux  règles  ordinaires  et  n'a  d'autre  but 
que  d'assurer  par  un  examen  vigilant  la  bonne  administration  des 
affaires  publiques,  abstraction  faite  de  toute  personnalité  sans  inté- 
rêt pour  la  société,  , 


SO  PREMIÈRE  PARTIE. 

Toute  attaque  à  la  vie  privée  constitue  une  offense  dont  le 
degré  yarie  naturellement  selon  la  nature  de  l'atteinte  et  les  cir- 
constances qui  l'accompagnent.  Constitueraient  également  offense 
les  expressions  outrageantes  qui  accompagneraient  une  critique, 
même  tolérée,  de  la  considération  professionnelle. 

Si  j'impute,  par  exemple,  à  un  fonctionnaire  d'avoir  interprété 
une  circulaire  ministérielle  d'une  façon  erronée,  je  n'outrepasse 
pas  mon  droit  de  critique  ;  mais  si  je  conclus  par  ces  mots  :  «  Il  a 
agi  comme  un  âne  bâté  »,  je  commets  envers  lui  une  offense  qui  ne 
peut,  comme  nous  le  verrons  pour  la  diffamation,  être  effacée  par 
la  vérité  de  mon  assertion. 

Peu  importe,  en  effet,  qu'il  ait  commis  une  énorme  balourdise, 
et  que  je  le  prouve.  L'épithète  d'âne  bâté  était  inutile  à  la  sauve- 
garde de  l'intérêt  public,  qui  est  la  base  du  droit  de  critique.  Au 
reste,  cette  distinction  doit  être  faite  chaque  fois  qu'en  vertu  d'un 
droit  d'appréciation  reposant  sur  n'importe  quelle  base,  une  face 
quelconque  de  la  considération  est  en  jeu. 

Considération  politique. 

La  considération  politique  est  celle  qui  résulte  de  l'aptitude, 
du  talent,  de  l'habileté,  du  dévouement  dont  un  homme  fait  preuve 
dans  le  maniement  des  affaires  publiques,  ou  de  la  gloire  qu'il  s'y 
est  acquise. 

Elle  peut  être  librement  discutée  dans  son  origine  et  dans  sa 
valeur. 

Le  droit  de  censure  s'étend  à  tous  les  actes  de  la  vie  publique. 

Les  intérêts  qui  s'agitent  dans  cette  sphère  élevée  sont  trop 
importants  pour  que  la  vigilance  qu'ils  appellent  n'obtienne  pas 
toute  la  latitude  d'action  compatible  avec  une  liberté  sage  et 
décente  tout  à  la  fois. 

La  considération  politique  ne  peut  naître  que  d'actes  purement 
politiques,  se  rattachant  à  l'exercice  d'un  droit  plutôt  qu'à  l'exercice 
d'une  fonction. 

Il  ne  faut  donc  pas  la  confondre  avec  la  considération  profes- 
sionnelle, qui  est  le  patrimoine  de  toute  personne  exerçant  une 
fonction  publique  ou  privée,  ou  en  dehors  de  la  politique,  et  pour 
laquelle  le  droit  de  critique  est  plus  restreint. 

Le  sénateur,  le  député,  le  publiciste,  le  journaliste  sont  des 
hommes  politiques  dont  la  considération,  en  ce  qui  touche  cette 
face  de  leur  personnalité,  peut  être  impunément  attaquée. 

La  distinction  entre  la  considération  politique  et  les  autres 
considératioQft  présente  quelquefois  une  certaine  difficulté,  s'il 


OFFENSES.  -  RÈGLES  DU  DUEL.  H 

s'agit,  par  exemple,  d'un  candidat  à  dès  fonctions  électives,  qui  ne 
peut  être  considéré  uniquement,  ni  comme  un  simple  particulier, 
ni  comme  étant  revêtu  d'un  caractère  public,  mais  qui  participe  de 
ces  deux  personnalités. 

Les  électeurs  ont  le  droit  de  discuter  sa  personnalité  politique, 
ses  titres,  d'apprécier  son  attitude,  d'interroger  tous  les  actes  de  sa 
vie  publique  antérieure,  de  contrôler  ses  opinions,  ses  votes  et  ses 
tendances,  en  un  mot  de  rechercher  s'il  mérite  la  confiance  de  ses 
concitoyens. 

Il  s'ensuit  que  le  droit  de  discuter  le  candidat  comporte  celui 
de  diriger  contre  lui  des  imputations,  ou  d'employer  des  expressions 
qui  seraient  regardées  comme  blessantes  dans  le  commerce  habituel 
de  la  vie;  mais  il  faut  que  ces  imputations  et  ces  expressions, 
appréciées  au  point  de  vue  de  l'intention,  puissent  être  expliquées 
par  les  entraînements  de  la  lutte  électorale,  sous  la  seule  condition 
qu'elles  n'aillent  pas  jusqu'à  la  calomnie.  L'intérêt  d'éclairer  les 
électeurs  passe  avant  celui  du  candidat. 

On  comprend,  du  reste,  que  ce  dernier  n'ait  pas  le  droit  de  se 
montrer  aussi  chatouilleux  que  s'il  était  resté  en  dehors  de  la  lutte 
électorale,  car,  par  le  fait  de  sa  candidature,  il  a  lui-même  provoqué 
les  électeurs  à  le  discuter. 

Irons-nous,  comme  le  voudraient  certains  pnblicistes,  jusqu'à 
donner  au  droit  de  critique  une  extension  telle  qu'il  comportât 
celui  d'attaquer  Thonorabilité  du  candidat  et  de  faire  des  incur- 
sions dans  sa  vie  privée,  sous  réserve  de  la  vérité  des  imputations? 
Certainement  non.  L'honneur,  la  considération  privée  doivent  tou- 
jours demeurer  indemnes. 

La  preuve  n'exonère  Toffenseur  de  sa  responsabilité  que  si  le 
fait  qu'il  avance  est  de  nature  à  entraîner  Tindignité  de  l'individu 
offensé  ^ 

Ce  que  nous  disons  des  hommes  pris  individuellement,  nous  le 
dirons  des  journaux  qui  représentent  ces  individualités. 

Le  journal  qui  exploite  le  domaine  des  événements  et  des  opi- 
nions politiques  doit  supporter  toutes  les  conséquences  de  ce  genre 
d'entreprise. 

Les  inculpations  de  parti  à  parti  ne  ressortissent  que  du  domaine 
de  l'opinion. 

La  polémique  doit  jouir,  dans  ses  rapports  réciproques,  d'une 
grande  liberté  et  même  d'une  certaine  licence.  Ainsi,  toute  imputa- 
tion portant  sur  les  vœux,  les  espérances,  le  but,  etc.,  d'un  journal 
est  permise.  On  peut  rechercher  les  antécédents  des  gérants,  rédac- 

1.  Voyez,  notre  chapitre  xu. 


n  PREMIÈRE  PARTIE. 

teurs,  directeurs,  propriétaires,  pourvu  que  ces  antécédents  se  rat- 
tachent à  la  politique  et  ne  soient  pas  publiés  dans  un  but  de 
déconsidération  privée. 

Considération  littéraire. 

Nous  entendons  par  ces  mots  non  seulement  la  considération 
que  donne  la  culture  des  lettres,  mais  encore  la  pratique  des 
sciences  et  des  arts;  en  un  mot,  la  réputation  de  talent  et  de  mérite. 

Elle  aussi  peut  être  discutée  librement. 

On  peut  attaquer  un  livre,  un  système,  un  tableau,  pourvu  que 
Tœuvre  ne  soit  pas  le  prétexte  de  l'attaque  et  l'auteur  le  véritable 
but. 

Concédons  à  la  critique  le  droit  de  déclarer  que  le  système  ren- 
ferme des  propositions  absurdes,  le  livre  des  opinions  impies  et 
malsonnantes,  le  tableau  des  allégories  séditieuses,  la  statue  des 
nudités  déshonnétes  ;  qu'elle  ait  carte  blanche  a  fortiori  pour  s'at- 
taquer au  langage,  au  style,  à  la  forme,  au  sujet. 

La  pensée  tout  entière  de  l'auteur  appartient  au  critique.  A  lui  le 
droit  de  l'interroger,  de  l'interpréter,  de  la  dénaturer  même. 

Mais  si  nous  livrons  la  considération  littéraire  de  l'auteur  ii 
toutes  les  chances  de  la  publicité  qu'il  dépendait  de  lui  d'éviter, 
gardons-nous  de  permettre  que  sa  probité  soit  impunément  atta- 
quée. 

Nous  n'entendons  pas  parler  ici  de  sa  probité  d'homme  privé  ; 
il  serait  inutile,  après  ce  que  nous  avons  dit,  de  faire  des  réserves  à 
cet  égard,  mais  d'une  probité  particulière  à  l'homme  de  l'art  qui 
rend  sa  moralité  personnelle  solidaire  de  la  moralité  de  son  œuvre. 
Il  y  aurait  offense,  non  couverte  par  le  droit  de  critique,  dans  le  fait 
d'imputer  à  un  peintre  de  produire  comme  original  un  tableau  qui 
ne  serait  qu'une  copie  ;  à  un  sculpteur  d'exposer  une  statue  moulée 
pour  une  statue  modelée  ;  à  un  auteur  des  infidélités  préméditées 
ou  des  interpolations  dans  les  textes.  Il  ne  s'agirait  plus,  en  effet, 
d'un  jugement  porté  sur  l'ouvrage,  mais  de  faits  de  fraude  articu- 
lés contre  l'ouvrier  à  raison  de  son  ouvrage. 

Ce  n'est  plus  son  intelligence,  son  jugement,  son  esprit,  sa  doc- 
trine, qui  sont  attaqués  ;  c'est  sa  bonne  foi,  son  honnêteté. 

Il  n'est  plus  accusé  de  débiter  un  produit  de  mauvaise  qualité, 
mais  de  tromper  sur  la  nature  du  produit. 

L'imputation  de  plagiat  ne  dépasse  pas  les  limites  de  la  critique 
permise,  si  on  entend  par  plagiat  les  emprunts  dissimulés  de  sujets, 
d'idées  ou  de  textes  partiels  ;  mais  il  en  est  autrement  si  le  plagiat 
allégué  prend  les  proportions  d'une  sorte  de  contrefaçon. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  23 

Lorsqu'on  attribue  à  autrui  des  vers,  des  lettres,  des  discours 
absurdes  ou  ridicules,  altaque-t-on  seulement  la  considération  litté- 
raire de  l'individu  qui  est  censé  les  avoir  publiés  ?  Cette  attribution 
simulée  ne  donne-t-elle  pas  matière  à  réparation? 

Si,  car  il  ne  s'agit  pas,  dans  l'espèce,  de  considération  littéraire 
proprement  dite  qui  appartient  au  public,  dont  l'auteur  provoque 
l'examen.  La  personne  sous  le  nom  de  laquelle  l'œuvre  ridicule  a 
été  publiée,  n'ayant  pas  recherché  la  dangereuse  épreuve  de  la  publi- 
cation, n'est  pas  tributaire  du  public.  Sa  considération  privée  est 
seule  en  jeu. 

Il  y  a  offense  grave  dans  le  fait  d'imputer  à  un  écrivain  de 
vendre,  sous  l'autorité  et  la  garantie  de  son  nom,  des  ouvrages  dont 
il  n'est  pas  l'auteur,  car  une  pareille  imputation  s'attaque  à  la  pro- 
bité de  celui  qui  en  est  l'objet. 

Diffamation. 

Nous  croyons  utile  de  dire  quelques  mots  sur  la  diffamation, 
qui,  soit  par  parole,  soit  par  écrit,  constitue  un  des  moyens  les  plus 
fréquents  d'offenser. 

La  diffamation  consiste  dans  l'imputation  ou  l'allégation  d'un 
fait  qui  porte  atteinte  à  l'honneur  ou  à  la  considération. 

En  principe,  pour  qu'il  y  ait  diffamation,  il  n'est  pas  nécessaire 
que  le  fait  allégué  ou  imputé  soit  faux.  Le  mot  diffamation  com- 
prend aussi  bien  la  médisance  ou  le  jugement  téméraire  que  la 
calomnie. 

La  vérité  des  faits  diffamatoires  ne  met  pas  V agresseur  à  l'abri 
aune  réparation. 

Si  je  dis  :  «  M.  X...  est  un  cocu,  »  réelle  ou  fausse,  Timputation  est 
une  offense.  J'aurai  beau  me  retrancher  derrière  la  notoriété  pu- 
blique, ou  même  derrière  un  jugement  établissant  clair  comme  le 
jour  que  M.  X...  a  subi  le  sort  de  Ménélas,  je  ne  pourrai  me  sous- 
traire au  cartel  qu'il  m'adressera. 

Il  existe  cependant  deux  cas  où  la  preuve  décharge  l'agresseur 
de  l'obligation  de  réparer  : 

1^  Si  le  fait  allégué  ou  imputé  entraine  l'indignité  de  la 
personne  diffamée.  On  ne  se  bat  pas  avec  un  voleur  ou  avec  un 
escroc  *  ; 

2^  Lorsqu'il  s'agit  de  personnes  ayant  agi  dans  un  caractère  pu- 
blic ou  politique,  pour  faits  relatifs  à  cette  face  de  leur  personnalité, 
c'est-à-dire  absolument  étrangers  à  leur  vie  privée  et  sous  réserve 

1.  Voyez  chapitre  xii. 


Î4  PREMIÈRE  PARTIE. 

des  expressions  outrageantes  qui  ont  pu  accompagner  Timputatlon 
et  qui  n'ont  rien  à  voir  avec  la  preuve  *. 

Dans  ces  deux  cas,  le  fardeau  de  la  preuve  incombe  à  l'auteur 
de  l'imputation. 

La  loi  pénale  n'admet  pas  la  diffamation  sans  que  le  fait  allégué 
ou  imputé  soit  précis  et  déterminé.  Traiter  quelqu'un  de  voleur 
est  une  injure,  le  traiter  de  banqueroutier  est  une  diffamation, 
parce  qu'alors  l'imputation  précise  les  circonstances  dans  lesquelles 
le  vol  s'est  accompli. 

En  matière  de  point  d'honneur,  celte  distinction  est  sans  grande 
importance,  puisqu'il  y  a  offense  dans  les  deux  cas.  Observons 
cependant  que  la  précision  du  fait  peut  quelquefois  modifier  la  va- 
leur de  l'offense.  Si  d*une  voix  ironique  je  dis  :  «  M.  X...  est  un 
malin,  »  l'offense  (en  admettant  qu'elle  existe)  est  bien  moindre  que 
si  j'ajoute  :  «  Il  a  dans  telle  circonstance  côtoyé  la  loi  pénale  avec 
une  remarquable  habileté.  » 

La  tentative  d'un  fait  contraire  à  l'honneur  ou  à  la  considéra- 
tion est  une  diffamation.  Exemple  :  Reprocher  à  une  personne d*a voir 
essayé  de  tricher  au  jeu. 

Il  n'est  pas  nécessaire,  pour  qu'il  y  ait  diffamation,  que  le  fait 
allégué  soit  œuvre  active  de  la  personne  à  qui  on  l'impute,  dès  qu'il 
porte  atteinte  à  l'honneur  ou  à  la  considération. 

Dire  d'une  jeune  fille  qu'elle  a  été  violée,  d'un  mari  qu'il  a  été 
trompé,  sont  des  diffamations,  bien  qu'il  n'y  ait  aucun  rapport  actif 
entre  le  fait  et  la  personne.  Le  fait  allégué  ou  imputé  n'a  pas  besoin 
non  plus  d'être  directement  personnel  à  l'individu  qui  se  prétend 
diffamé. 

Je  suis  militaire,  en  concurrence,  pour  obtenir  un  grade,  avec 
Pierre  qui  l'emporte  sur  moi.  Si  je  dis  :  «  Ce  n'est  pas  étonnant, 
Pierre  a  fait  un  cadeau  à  la  femme  du  chef  de  corps  pour  être  porté 
avant  moi  sur  la  liste  de  promotion  *.  »  Il  n'est  pas  douteux  que  l'of- 
fense n'atteigne  ce  chef  de  corps. 

Pour  qu'ily  ait  diffamation,  il  n'est  pas  nécessaire  que  l'honneur 
ou  la  considération  aient  été  réellement  atteints  ;  l'intention  de  diffa- 
mer et  le  fait  imputé  suffisent. 

Peu  importe,  notamment,  que  l'honneur  de  la  personne  visée 
soit  à  l'abri  de  toute  atteinte. 

1.  Vovez  Considération  professionnelle  et  poliliqm. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  Î5 

Des  atteintes  à  Tamour-propre  et  à  la  dignité. 

Gomme  Thonneur  et  la  considération,  V amour-propre  et  la 
dignité  peuvent  être  atteints  par  des  actes,  des  paroles  et  surtout 
par  des  omissions,  qui,  en  cette  matière,  constituent  le  mode  d'of- 
fenser le  plus  habituel.  En  passant  de  la  considération  à  l'amour- 
propre,  nous  descendons  d'un  degré,  surtout  s'il  s'agit  de  Tamour- 
propre  inspiré  par  la  yanité.  Nous  tombons  alors  dans  Toffense 
simple. 

Reprocher  à  un  vieux  beau  ses  prétentions  ridicules,  le  persifler 
à  cause  de  ses  cheveux  teints,  de  ses  fausses  dents,  de  ses  prétendues 
conquêtes,  c'est,  dans  certaines  circonstances,  latteindre  douloureu- 
sement dans  son  amour-propre;  mais  l'offense,  si  offense  il  y  a,  ne 
dépasse  pas  la  limite  de  Toffense  simple. 

Les  atteintes  qui  sont  motivées  par  des  railleries,  invectives,  etc., 
portant  sur  des  difformités  et  infirmités  corporelles  ou  intellectuelles, 
comme  s'écrier,  par  exemple  :  «  Ah  I  le  vilain  bossu  I  Le  déplaisant 
bancal I  L'embélant  personnage!»  rentrent  dans  cette  catégorie. 
Cependant,  si  elles  ont  rapport  à  certains  points  de  vue  intimes, 
elles  peuvent  constituer  exceptionnellement  Finjure  grave. 

Rééditer  pour  une  femme  les  fameux  vers  adressés  à  la  mar- 
quise de  Pompadour  : 

La  marquise  est  pleine  d'appas; 
Les  fleurs  naissent  sous  ses  pas. 
Mais  se  sont  des  fleurs  b 

ne  saurait  recevoir  un  autre  classement,  car  c'est  dire  :  «  J'ai  eu  lieu 
de  m'en  apercevoir,  j'ai  eu  des  rapports  intimes  avec  elle  ;  »  c'est 
porter  atteinte  à  son  honneur  en  même  temps  qu'à  son  amour- 
propre. 

L'imputation  de  certaines  inaladies  contagieuses  risquerait 
d'amener  le  même  résultat. 

L'amour-propre  d'un  ordre  plus  élevé  que  celui  dont  nous  avons 
parlé  tout  à  l'heure,  Vestime  de  soi,  qui  prend  le  nom  de  dignité,  se 
confond  dans  certains  cas  avec  la  considération,  et  peut  donner  lieu 
à  des  offenses  graves. 

Un  homme  considère  comme  de  sa  dignité  de  rester  fidèle  à  ses 
opinions,  à  ses  principes,  à  ses  engagements,  à  ses  amis  ;  il  a  acquis 
par  cette  attitude  le  respect  des  gens  qui  Fentourent.  Si  vous  cher- 
chez à  compromettre  cette  manière  de  vivre  à  leurs  yeux,  si  vous 
lui  reprochez  d'y  contrevenir,  vous  vous  rendez  coupable  envers  lui 


56  PREMIÈRE  PARTIE. 

d'une  offense  réelle,  qui  pourra  être  grave  dans  certaines  circon- 
stances. 

Traiter  quelqu'un  de  pantin  politique,  de  plat  valet  du  pouvoir, 
rentre  dans  cette  dernière  catégorie. 

Le  qualifier  de  ganache,  subissant  Finfluence  du  premier  Tenu, 
ne  compte  que  comme  offense  simple.  En  effet,  Pépithète  de  ganache 
ne  vise  que  l'intelligence  ;  elle  ne  porte  atteinte  ni  à  l'honneur  ni  à 
la  considération  privée.  Le  plus  honnête  homme  du  monde,  le  plus 
vénéré,  le  plus  éminent,  un  Socrate,  un  Platon,  peuvent  devenir 
ganaches  en  quelques  secondes.  Il  suffit  pour  cela  de  la  plus  légère 
congestion. 

Des  atteintes  à  la  politesse  et  au  savoir-vivre. 

Par  cela  même  que  la  politesse  ne  concerne  guère  que  les  ac- 
tions superficielles  de  notre  vie,  les  infractions  à  ce  code  d'urbanité 
sociale  ne  peuvent  prétendre  au  titre  d'offenses  graves,  et  pas  tou- 
jours même  à  celui  d'offenses  simples. 

Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  l'impolitesse  joue  un  rôle  impor- 
tant dans  les  affaires  d'honneur,  sinon  comme  agent  direct  et  prin- 
cipal, du  moins  comme  point  de  départ  de  discussions  et  alterca- 
tions aboutissant  à  des  offenses  réciproques. 

La  difficulté  sera  souvent  de  déterminer  le  véritable  caractère 
d'une  impolitesse.  Est-elle  suffisamment  grave  pour  donner  à  celui 
qui  Ta  reçue  le  titre  d'offensé?  Au  contraire,  ce  titre  doit-il  apparte- 
nir à  la  personne  atteinte  par  la  réplique  que  son  inconvenance  a 
provoquée  ?  Ou  bien  faudra-t-il  laisser  au  sort  le  soin  de  départir  les 
rôles  ? 

Trois  hypothèses  qui  modifient  singulièrement  la  position  res- 
pective des  antagonistes  ^ 

Si  la  réplique  constitue  une  atteinte  à  l'honneur  ou  à  la  consi- 
dération privée,  l'hésitation  n'est  pas  possible.  C'est  celui  qui  l'a 
subie  qui  est  l'offensé  ;  mais  dans  le  cas  contraire  la  difficulté  s'ac- 
centue. 

Nous  nous  trouvons  alors  au  dernier  degré  de  l'échelle,  à  cette 
limite  difficile  à  saisir  qui  sépare  la  simple  inconvenance,  trop 
minime  pour  valoir  une  réparation,  de  l'offense  réelle. 

La  seule  impolitesse  sujette  à  réparation  est  celle  qui  a  le  carac- 
tère d'un  affront,  pour  la  constatation  duquel  les  circonstances  et 
la  question  d'intention  jouent  un  rôle  prépondérant. 

Ne  pas  rendre  un  salut,  parler  à  une  femme  sans  se  découvrir, 

1.  Voyez  chapitre  vm. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  tl 

annoncer  qu'on  ne  répondra  pas  à  telle  leltre,  ou  qu'on  ne  rendra 
pas  telle  visite,  parce  qu'on  ne  veut  pas  entrer  en  rapport  avec  «  ces 
gens-là  »,  ou  se  commettre  avec  «  des  espèces  »,  ou  voir  des  per- 
sonnes qui  ne  sont  pas  «  du  monde  »  ;  regarder  avec  dédain,  parler 
avec  hauteur,  etc.,  etc.,  sont  des  impolitesses  qui  peuvent  constituer 
l'offense  du  premier  degré. 

Des  témoins  prudents  verront-ils,  par  contre,  matière  à  un  duel 
dans  un  simple  manque  d'égards  ou  de  procédés  .-comme refuser  un 
service,  ne  pas  prendre  l'initiative  du  salut  lorsqu'on  est  beaucoup 
plus  jeune,  laisser  une  lettre  sans  réponse,  négliger  de  rendre  une 
visite,  en  un  mot  dans  l'inobservation  non  visiblement  préméditée 
de  ces  mille  bienséances  imposées  par  l'usage  aux  gens  qui  ont  reçu 
une  bonne  éducation? 

Évidemment  non. 

L'individu  dont  Tépiderme  est  trop  sensible  pour  supporter  phi- 
losophiquement ces  coups  d'épingle  mondains  n'aura  d'autre  res- 
source que  de  rendre  impolitesse  pour  impolitesse,  mais  plus  mar- 
quée cette  fois,  de  manière  à  ce  que  l'intention  soit  bien  précisée 
et  qu'il  n'y  ait  pas  de  doute  sur  le  but  de  sa  riposte. 

Il  7  gagnera  la  qualité  d'agresseur  et  devra  subir  l'arme  de  son 
adversaire;  mais,  étant  donné  son  tempérament,  ce  doit  être  pour  lui 
une  considération  secondaire. 


Des  atteintes  à  la  délicatesse. 

Ce  genre  d'atteintes  offre  une  assez  grande  analogie  avec  celles 
que  nous  avons  étudiées.  La  politesse  et  la  délicatesse  se  touchent 
de  près. 

Il  ne  s'agit  pas  ici  de  l'indélicatesse  prise  dans  son  acception 
vulgaire  et  synonyme  d'escroquerie.  Le  fllou  ne  relève  que  des  lois 
pénales. 

Nous  ne  parlons  que  des  procédés  de  mauvais  aloi,  ou  bien 
encore  de  ces  froissements  qu'une  interprétation  de  toutes  les  conve- 
nances morales  et  sociales  fait  sentir  plus  vivement  à  l'homme  bien 
élevé.  Ces  sortes  de  blessures  n'exigent  pas  toujours  une  réparation. 
Lorsqu'elles  sont  légères,  elles  ouvrent  simplement  la  porte  à  l'of- 
fense, par  les  représailles  qu'elles  provoquent  ;  mais  leur  légèreté 
n'est  souvent  qu'apparente;  la  forme  extérieure  recouvre  parfois 
une  atteinte  véritable.  Souvent  elle  se  manifeste  sous  forme  d'im- 
pertinence. 

L'impertinence  est  une  impolitesse  perfectionnée.  On  pourrait 
la  définir:  le  savoir-vivre  de  l'impolitesse.  Elle  frappe  selon  les 


^  •l'^.r.  ' 


J8  PREMIÈRE  PARTIE. 

formes  ;  ce  qui  ne  Tempéche  pas  de  pénétrer  aussi  profondément 
qu'une  brutalité.  Avec  elle  on  peut  tout  dire  au  mauvais  entendeur. 
Le  bon  entendeur  envoie  ses  témoins. 

Supposons  qu'un  convive,  s'appropriant  le  mot  de  l'évêque  de 
Grasse,  dise  à  son  voisin  qui  vient  de  se  couper  le  doigt  en  man- 
geant une  côtelette  de  porc:  «  Vous  avez  taillé  dans  le  vif,  mon- 
sieur 1  )»  L*offense  sera  la  même  que  s'il  lui  avait  dit  :  «  Vous  êtes 
un  cochon  1  »  Offense  grave  assurément,  malgré  l'atticisme  de  la 
forme. 

Si  l'impertinence  ne  sort  pas  du  domaine  de  l'impolitesse  pro- 
prement dite,  si  elle  n'atteint  que  nos  ridicules,  ne  blesse  que  notre 
amour-propre,  elle  demeure  naturellement  une  offense  simple  ou 
du  premier  degré. 

En  dehors  des  atteintes  à  la  délicatesse  par  insinuations  mal- 
veillantes, il  y  a  les  procédés  indélicats.  Nous  voulons  parler  de  ces 
actions  permises  par  la  loi,  et  tolérées  dans  certains  milieux,  mais 
qu'un  galant  homme  ne  doit  pas  commettre  ;  ce  qu'en  termes  fami- 
liers on  appelle  un  mauvais  tour,  et  en  termes  vulgaires  une  canail- 
lerie:  toutes  les  trahisons,  fourberies,  etc.,  dictées  par  l'intérêt, 
l'ambition,  la  méchanceté,  etc. 

Par  exemple  trahir  un  secret  important  (lorsqu'il  ne  s'agit  pas 
du  secret  professionnel),  desservir  un  ami,  une  personne  qui  vous  a 
rendu  service  pour  se  substituer  à  un  avantage  dont  elle  devait  pro- 
fiter; intriguer  pour  une  place,  une  élection  contre  une  personne  à 
laquelle  on  doit  des  égards,  etc.  Ce  sont  en  général  des  offenses  du 
premier  degré,  à  moins  que  les  procédés  employés  n'aient  causé 
une  atteinte  à  l'honneur  ou  à  la  considération. 

C'est  surtout  lorsqu'il  s'agit  d'une  atteinte  à  la  politesse,  à  la 
délicatesse,  à  la  dignité,  à  l'amour-propre,  qu'il  faut  tenir  compte 
dès  nuances,  des  incidents,  de  la  qualité  des  personnes,  des  milieux, 
des  intentions,  etc.,  pour  arriver  à  préciser  la  valeur  de  Toffense; 
en  un  mot  de  toutes  les  circonstances  qui  peuvent  accompagner 
l'acte  et  dont  nous  nous  occuperons  au  chapitre  v. 

On  raconte  que,  sous  l'Empire,  Berryer,  faisant  le  tour  d'une 
assemblée  où  se  trouvaient  réunis  un  grand  nombre  de  ses  amis  poli- 
tiques, entremêlés  de  quelques  sommités  impérialistes,  distribua  des 
poignées  de  main  à  chacun  des  premiers  ;  puis,  arrivant  au  groupe 
bonapartiste,  replongea  avec  affectation  sa  main  dans  la  profondeur 
de  son  habit,  pour  reprendre  un  peu  plus  loin  sa  distribution.  Ce 
geste  suffisait  à  manifester  l'impolitesse. 

Si  un  des  adversaires  politiques  du  grand  orateur  avait  pris 
l'initiative  de  lui  tendre  ostensiblement  la  main  auparavant,  n'est-il 
pas  évident  que  ce  même  geste  aurait  constitué  un  refus  méprisant 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  29 

et  agressif,  d'une  portée  inflnimeat  plus  considérable  que  dans  la 
première  hypothèse  ? 

De  la  voie  de  fait. 

La  voie  de  fait  occupe  le  degré  le  plus  élevé  dans  Téchelle  des 
offenses;  aussi  la  législation  du  point  d'honneur  accorde-t-elle  le 
maximum  des  avantages  à  celui  qui  en  est  victime. 

On  entend  par  voie  de  fait  tonie  mainmise,  tout  contact  insul- 
tant et  matériel  d'un  corps  contre  un  individu.  Tels  sont  les  coups 
et  blessures,  soufflets,  coups  de  pied  et  coups  de  poing,  coups  de 
coude;  tirer  les  cheveux,  la  barbe  ou  les  oreilles,  donner  des  chique- 
naudes, secouer  par  le  revers  de  Thabit,  etc. 

La  voie  de  fait  consiste  également  dans  Taction  de  lancer  des 
objets,  une  matière  quelconque  sur  la  personne  qu'on  veut  insulter. 

Ainsi  lui  cracher  à  la  figure,  la  lui  barbouiller  avec  une  matière 
de  n'importe  quelle  espèce,  jeter  un  verre,  son  contenu,  des  cartes 
à  jouer,  un  gant,  etc.,  sont  voies  de  fait. 

Le  toucher  équivaut  au  frapper.  Tous  les  auteurs  sont  d'accord 
sur  ce  point. 

La  gravité  de  l'offense  n'est  pas  proportionnée  à  la  force  du 
coup.  Que  la  main  frappe  ou  ne  fasse  qu'effleurer,  le  résultat  est  le 
même^ 

En  matière  d'offenses  du  troisième  degré,  Tintention  est  réputée 
pour  le  fait,  si  cette  intention  s'est  manifestée  par  un  commence- 
ment d'exécution,  et  si  la  tentative  n'a  manqué  son  effet  que  par  des 
circonstances  indépendantes  de  la  volonté  de  son  auteur. 

Vous  levez  la  main  pour  me  frapper,  vous  portez  le  coup,  j'ar- 
rête votre  bras  ;  quoique  non  atteint,  je  reste  offensé  avec  voie  de 
fait.  Il  en  est  de  même  si  vous  me  lancez  un  objet  quelconque  à  la 
figure,  et  si,  par  un  mouvement  de  recul,  j'esquive  le  coup. 

Dans  la  matière  qui  nous  occupe,  la  question  d'intention  joue 
un  rôle  primordial  ;  aussi  les  témoins  devront-ils  y  porter  toute  leur 
attention.  Nous  traiterons  du  reste  ce  point  dans  le  chapitre  v,  en 
même  temps  que  nous  étudierons  les  autres  circonstances  qui 
modifient  la  valeur  et  la  portée  des  offenses. 

Le  geste  le  plus  insultant  n'est  pas  une  voie  de  fait,  s'il  ne 
touche  ni  ne  frappe,  ou  ne  constitue  pas  la  tentative  de  toucher  ou 
de  frapper.  Ainsi,  lever  la  main  contre  un  individu  à  une  distance 
trop  grande  pour  que  le  contact  soit  possible,  cracher  à  terre  en  le 

1.  Voyez  Chateauvillard,  chapitre  premier,  article  premier.  —  Tavernier,  Art  du 
duel,  page  26. 


30  PREMIÈRE  PARTIE. 

regardant  d'un  air  méprisant,  etc.,  sont  des  injures  et  non  des  voies 

de  fait. 

La  menace  d'une  voie  de  fait  ne  saurait,  à  plus  forte  raison,  être 
assimilée  à  la  Toie  de  fait  elle-même  ;  c'est  une  offense  grave,  offense 
du  deuxième  degré  et  pas  autre  chose. 

Conséquemment,  si  à  une  injure  grave  je  réponds  par  ces  mots  : 

u  Tenez-vous  pour  souffleté,  »  ce  soufflet  verbal  ne  donne  pas  à 
mon  adversaire  le  droit  d'offensé,  puisque  c'est  moi  qui  ai  subi  la 
première  offense.  Je  reste  l'offensé  en  vertu  du  paragraphe  !•'  de 
rarticle  2,  chapitre  vni  : 

((  Si  les  offenses  sont  du  même  degré,  la  priorité  de  la  réception 
donne  rang  d'offensé  ^  » 

Nous  terminerons  ce  qui  concerne  la  voie  de  fait  en  recherchant 
pourquoi  Chateauvillard  la  considère  comme  la  plus  grosse  des 
offenses,  et  lui  accorde  le  maximum  des  privilèges  réservés  à  l*of- 
fensé. 

Son  but  est  évidemment  d'empêcher  que  les  querelles  ne  dégé- 
nèrent en  rixes  et  en  pugilats,  offrant  le  scandaleux  spectacle 
d'hommes  réputés  bien  élevés  se  gourmant  comme  des  croche- 
teurs. 

Tel  serait  l'épilogue  de  la  plupart  des  querelles,  si  la  personne 
gravement  offensée  pouvait,  sans  perdre  les  avantages  que  lui  con- 
fère l'injure  qu'elle  a  reçue,  se  livrer  à  une  vengeance  d'autant  plus 
tentante  qu'elle  est  éclatante  et  immédiate. 

N'oublions  pas  que  la  législation  du  point  d'honneur  doit  être 
celle  des  gens  bien  élevés,  des  délicats,  des  raffinés.  Ces  considéra- 
tions expliquent  certaines  décisions  qui  peuvent  surprendre  tout 
d'abord,  mais  qui  paraissent  ensuite  naturelles  lorsqu'on  les  exa- 
mine au  même  point  de  vue  que  Chateauvillard. 


CHAPITRE  V 

De  Tofifense  au  point  de  vue  des  circonstances 

qui  la  modifient. 


Les  circonstances  donnent  à  l'offense  une  valeur  relative,  extrin- 
sèque, qui  s'ajoute  a  sa  valeur  propre,  tirée  de  sa  nature  même.  11 

1.  Voyez  appendice  no  1.  —  Affaire  Laur-Thomson,  12  juillet  1889. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  31 

ne  s'agit  pas  seulement  d'une  lésion  morale,  étudiée  dans  son 
essence,  mais  des  transformations  qu'elle  subit  en  devenant  un  fait. 
Sur  vingt  offenses  de  même  nature,  il  n'y  en  aura  peut-être  pas  deux 
se  produisant  de  la  même  manière. 

De  là,  pour  chacune  d'elles,  une  manière  d'être,  un  caractère 
particulier,  qui  modifient  plus  ou  moins  son  intensité. 

Dans  certains  |cas,  les  circonstances  donnent  à  l'offense  une 
moralité  nouvelle  et  changent  son  degré.  Grâce  à  elles,  l'offense 
simple  peut  devenir  injure  grave,  et  l'injure  grave  perdre  cette 
qualité. 

Si  à  la  suite  d*un  souper  très  arrosé,  entre  vieux  amis,  gens 
discrets,  qui  se  connaissent  dans  tous  les  recoins  de  leur  vie  privée, 
qui  aiment  à  se  plaisanter  et  qui  en  sont  arrivés  à  ce  point  où  les 
femmes  deviennent  le  sujet  des  verbiages  masculins,  je  dis  en  riant 
à  l'un  d'eux,  magistrat  et  père  de  famille  :  a  Et  toi,  Pierre,  reçois 
tous  mes  compliments;  j'admire  avec  quelle  facilité  tu  passes  de 
Thémis  à  Vénus,  et  te  reposes  des  fatigues  de  l'une  dans  les  bras  de 
l'autre.  Lorsque  certain  jour  je  t'ai  surpris  fourrageant  les  charmes 
deH°^X.,  dont  l'époux  est  de  ton  âge  J'ai  cru  voir  non  plus  un 
conseiller  à  barbe  grise,  mais  un  jeune  substitut.  » 

Cette  interpellation  peut  constituer  une  plaisanterie  de  mauvais 
goût,  un  manque  de  savoir-vivre,  mais  non  une  injure  grave,  parce 
que  le  combat  amoureux  dont  je  viens  de  faire  une  quasi-apologie 
devient  aux  yeux  des  auditeurs,  gens  de  plaisir,  plutôt  un  succès 
envié  qu'une  atteinte  à  la  considération  de  Pierre;  et  qu'en  admet* 
tant  même  que  ce  récit  apprenne  quelque  chose  de  nouveau  aux 
amis  de  ce  dernier,  il  peut  compter  sur  leur  discrétion. 

Supposons,  au  contraire,  qu'en  sa  qualité  de  magistrat,  Pierre 
soit  désigné  pour  juger  un  procès  en  adultère,  que  j'écrive  les 
mêmes  phrases  dans  le  journal  de  la  ville  où  il  va  siéger,  et  que  je 
termine  mon  article  par  les  expressions  suivantes  :  «  Enfin,  on  ne 
pourra  pas  dire  qu'il  ne  connaît  pas  son  sujet  ?  »  Mon  imputation 
sera  dénature  à  porter  atteinte  à  sa  considération,  car  la  dignité  de 
vie  et  la  correction  sont  des  qualités  sans  lesquelles  le  père  de 
famille  ne  saurait  prétendre  au  respect  de  ses  enfants,  et  le  magis- 
trat à  celui  de  ses  justiciables. 

Gomme  cette  imputation  a  été  préméditée,  comme  elle  a  été 
rendue  publique,  il  n'est  pas  douteux  que,  bien  qu'ayant  été  conçue 
dans  les  termes  de  la  première  hypothèse,  elle  ne  prenne  une  mo- 
ralité nouvelle,  ne  change  de  degré,  et  qu'au  lieu  de  rester  offense 
simple,  elle  ne  constitue  une  offense  grave,  à  raison  des  circon- 
stances. 

Dans  certains  cas,  les  circonstances  ne  changent  rien  au  degré 


3Î  PREMIÈRE  PARTIE. 

de  Voffense,  Il  resle  toujours  le  même.  Elles  augmentent  ou  dimi- 
nuent seulement  son  intensité  dans  le  même  degré. 

Si  rencontrant  Pierre  dans  une  rue  où  il  ne  passe  que  deux  ou 
trois  inconnus,  je  le  salue,  si  Pierre  n'a  pas  l'air  de  me  voir  et  ne 
me  rend  pas  mon  salut,  il  commet  à  mon  égard  une  simple  impo- 
litesse, qui  tient  le  dernier  rang  des  offenses  simples,  en  admettant 
qu'elle  soit  considérée  même  comme  une  offense. 

Si  cette  impolitesse  a  lieu  en  présence  d'une  assemblée  nom- 
breuse de  gens  qui  nous  connaissent,  si  elle  est  accompagnée  d'un 
coupd'œil  agressif  ou  d'un  sourire  ironique,  elle  se  métamorphose, 
grâce  à  ces  circonstances,  en  atteinte  grave  à  l'amour-propre,  mais 
elle  ne  change  pas  de  degré  et  demeure  toujours  offense  simple, 
c  On  peut  se  demander  quel  intérêt  ont  les  témoins  ou  les  arbitres 
à  constater  cette  métamorphose  et  à  peser  la  nouvelle  intensité  de 
l'offense,  puisque,  le  degré  restant  le  même,  le  droit  d'offensé  n'est 
pas  modifié. 

Cet  intérêt  peut  être  considérable,  lorsqu'il  s'agit  d'offenses  ré- 
ciproques, prévues  par  l'article  3  du  chapitre  vni,  aux  termes 
duquel  si,  à  une  simple  impolitesse,  il  est  répondu  par  une  atteinte 
grave  à  l'amour-propre,  toutes  les  chances  de  la  rencontre  sont 
tirées  au  sort. 

Si  nous  faisons  l'application  de  cette  règle  à  l'exemple  précé- 
dent, c'est-à-dire  au  cas  où  une  simple  impolitesse  a  été  commise, 
on  voit  que  si  je  réponds  à  l'omission  de  Pierre  par  l'épitbëte  d'In- 
solent, qui  constitue  une  atteinte  grave  à  l'amour-propre,  je  perds 
la  qualité  d'offensé  à  laquelle  j'aurais  eu  droit  sans  cette  expression 
d'intensité  majeure,  et  que  je  dois  subir  l'aléa  du  tirage  au  sort. 

Dans  la  seconde  hypothèse,  comme  les  circonstances  ont  donné 
au  salut  refusé  par  Pierre  le  caractère  d'une  atteinte  grave  à  l'amour- 
propre,  je  puisle  traiter  d'insolent  sans  perdre  mon  droit  d'offensé, 
en  vertu  du  paragraphe  premier  de  l'article  2,  chapitre  vin,  aux 
termes  duquel  :  «  Si  les  offenses  sont  du  même  degré,  la  priorité  de 
la  réception  donne  rang  d'offensé.  » 

L'importance  de  la  modification  que  l'offense  peut  éprouver 
sans  changer  de  degré,  par  le  fait  des  circonstances,  est  encore  très 
sensible  lorsque  l'affaire  se  termine  par  un  arrangement  amiable. 

Il  est  clair,  en  effet,  que  la  réparation  à  laquelle  sera  tenu 
l'agresseur  augmentera  ou  diminuera  proportionnellement  à  la 
gravité  donnée  à  Toffense,  par  les  circonstances  qui  la  modifient 
sans  changer  son  degré. 

Prenons  encore  le  même  exemple  que  tout  à  l'heure.  Ne 
voyons-nous  pas  que  si  l'omission  offensante  a  été  faite  devant  une 
assemblée  de  personnes  qui  nous  connaissent,  j'aurai  le  droit 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  33 

d'exiger  que  les  regrets  que  Pierre  exprimera  leur  soient  communi- 
qués, tandis  que,  dans  le  cas  où  il  n'y  aurait  pas  eu  d'autres  témoins 
que  des  inconnus,  la  publicité  ne  serait  plus  aussi  nécessaire. 

Les  circonstances  qui  modifient  Toffense  sont  relatives  li""  A  la 
qualité  des  personnes;  2^  à  la  manière  dont  elle  a  été  commise. 

Nous  nous  demandons  d'abord  : 

Par  qui  Toffense  a-t-elle  été  commise? 

Puis,  à  qui  s'adresse-l-elle  ? 

Puis,  dans  quel  but,  et  par  quels  moyens? 

Où?—  et  quand? 

1<>  Par  qui  Tofiense  a-t-elle  été  commise? 

L'acte  offensant  peut  être  plus  ou  moins  grave  suivant  l'âge, 
rétat,  la  condition,  la  profession,  la  position  sociale  de  celui  qui  le 
commet. 

Suivant  Vdge.  —  Il  est  évident  que  des  paroles  proférées  par 
un  homme  mûr  ont  une  portée  tout  autre  que  celles  qui  le  sont 
par  un  tout  jeune  homme  sans  grande  consistance.  Il  est  permise 
un  vieillard  d*adresser  à  un  homme  beaucoup  moins  âgé  des  con- 
seils sévères,  et  même,  dans  certains  cas,  des  reproches  qui  seraient 
peut-être  considérés  comme  offensants  dans  une  bouche  moins 
vénérable.  , 

Suivant  la  condition  et  l'état  des  personnes.  —  Entre  parents 
(nous  ne  parlons  ici,  bien  entendu,  que  de  ceux  entre  lesquels  le 
duel  est  toléré),  les  paroles  et  les  actes  n'ont  pas  la  même  valeur 
qu'entre  étrangers;  ainsi  la  parenté  qui  existe  entre  cousins  auto- 
rise certaines  libertés  qui  paraîtraient  blessantes  entre  personnes 
qui  n'auraient  que  des  rapports  de  hasard  ou  de  société. 

L'amitié  autorise  également  bien  des  familiarités  et  des  liber- 
tés analogues. 

Par  contre,  elle  peut  augmenter  quelquefois  la  gravité  de  l'of- 
fense. Si  un  ami  me  diffame  publiquement,  si  entendant  quelqu'un 
me  diffamer,  au  lieu  de  prendre  ma  défense  il  s'en  réjouit,  inter- 
roge le  diffamateur,  l'excite,  coopère  efficacement,  en  un  mot,  à 
l'atteinte  portée  à  mon  honneur,  il  n'est  pas  douteux  qu'à  égalité 
de  lésion,  cette  atteinte  ne  soit  plus  vivement  ressentie  par  moi  que 
si  elle  avait  été  causée  par  un  indifférent,  car  au  préjudice  viendra 
se  joindre  la  douleur  de  la  trahison. 

L'autorité,  l'ascendant  légitime  d'une  personne  sur  une  autre 
lui  confèrent  envers  cette  dernière  une  liberté  de  conseils  et  d'ap- 
préciation particulièrement  étendue.  Exemple  :  Le  tuteur,  même 
arrivé  au  terme  de  ses  fonctions  vis-à-vis  son  pupille,  le  précepteur 

3 


*.  ,     j^.  -"îi 


34  PREMIÈRE  PARTIE. 

vis-à-yisde  son  élève,  etc.  Dans  Tordre  hiérarchique  nous  trouvons 
des  dérogations  encore  plus  accentuées,  surtout  dans  la  hiérarchie 
militaire  ^ 

Suivaiit  la  profession.  —  Ainsi  les  épithètes  que  se  prodiguent 
les  journalistes,  les  accusations  qu'ils  se  jettent  à  la  face,  consti- 
tueraient souvent  des  injures  d*une  extrême  gravité,  si  elles  éma- 
naient de  personnes  étrangères  à  la  presse. 

Entre  gens  de  plume,  elles  deviennent  la  même  monnaie  des 
polémiques  quotidiennes,  et  n'émeuvent  guère  plus  ceux  qui  les 
échangent  que  le  public  qui  les  lit.  C'est  un  langage  d'un  genre 
spécial,  auquel  tout  le  monde  est  habitué  et  qu'il  ne  faut  pas  prendre 
au  pied  de  la  lettre. 

Suivant  la  position  sociale.  —  Disons  quelques  mots  sur  Fin- 
fluence  de  la  position  sociale,  abstraction  faite  de  toute  question 
de  hiérarchie  et  de  subordination  réglementaires. 

Le  Français,  répëte-t-on  sans  cesse,  ne  tient  qu'à  Tétiquette  de 
la  liberté,  mais  il  est  affamé  d'égalité.  C'est  vrai.  Mais  il  est  non 
moins  vrai  que  cet  appétit  ne  saurait  jamais  être  complètement 
assouvi.  L'égalité  devant  la  loi  existe  bien  théoriquement,  mais 
l'égalité  sociale  est  un  mythe. 

Mille  avantages  de  force  physique  et  morale,  de  naissance,  de 
fortune,  etc.,  etc.,  sont  et  seront  toujours  là  pour  détruire  Téqui- 
libre  tant  souhaité. 

De  là  grande  jalousie,  et,  disons  le  mot,  grande  haine  de  tous 
ceux  qui,  entraînés  au  bas  de  la  roue,  suivent  du  regard  le  mouve- 
ment ascensionnel  de  voisins  plus  favorisés. 

Étant  donné  un  pareil  état  d'hostilité,  nous  voyons  que  si  un 
de  ces  derniers  se  livre  à  une  offense  vis-à-vis  un  des  disgraciés, 
l'atteinte  sera  plus  vivement  ressentie  que  si  elle  émanait  d'un 
habitant  des  étages  du  dessous,  c'est-à-dire  d'un  égal  ou  d'un  infé- 
rieur. 

Il  est  donc  vrai  de  dire  que  la  position  sociale  n'est  pas  sans 
influence  sur  l'intensité  de  l'atteinte. 

2^  A  qui  rofifense  est-elle  adressée  ? 

Plus  encore  au  point  de  vue  passif  qu'au  point  de  vue  actif,  la 
qualité  des  personnes  influe  sur  la  valeur  des  offenses.  En  effet, 
nous  rencontrons  ici  un  classement  particulier  à  l'honneur  social, 
qui  correspond  à  diverses  catégories  d'individus  plus  ou  moins 
sensibles  à  l'outrage,  selon  la  position  qu'ils  occupent.  De  là  ces  dé- 

1.  Voyes  chapitre  Lxm,  Provocation  entre  militaires  de  gradée  inégaux. 


fT       ^      1 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  35 

nominations  d'honneur  militaire,  honneur  du  mari,  honneur  de  la 
femme,  honneur  professionnel,  etc.,  etc.,  concernant  divers  groupes 
ayant  à  défendre,  chacun  en  ce  qui  le  concerne,  un  bien  qui  lui 
appartient  en  propre. 

L'honneur  militaire  est  très  chatouilleux.  Presque  toutes  les 
atteintes  dirigées  contre  lui  sont  graves.  Le  courage  y  tient  la  pre- 
mière place.  Tout  ce  qui  le  met  en  doute  devient  une  injure. 

Si  j'accuse,  par  exemple,  un  ancien  officier  d'avoir  donné,  sans 
y  être  obligé  par  un  motif  de  force  majeure,  sa  démission  au  mo- 
ment de  la  guerre,  ou  de  n'avoir  pas  repris  de  service  après  nos 
premiers  désastres,  alors  que  tous  ses  camarades  le  faisaient  et 
que  lui  n'avait  aucune  raison  de  s*en  dispenser,  cette  accusation 
est  plus  injurieuse  que  si  je  reproche  à  un  civil  d'avoir  trouvé 
moyen  de  ne  pas  quitter  ses  foyers  à  pareille  époque.  Cependant 
cette  double  imputation  met  également  en  doute  le  courage  de  cha- 
cun d'eux. 

Lhonneur  du  mari  est  encore  plus  susceptible  que  l'honneur 
militaire  ^ 

Lhonneur  de  la  femme,  de  la  jeune  fille  surtout,  est  très  délicat. 
Il  suffit  d'un  souffle  pour  le  ternir.  La  moindre  insinuation,  une 
simple  inconvenance,  deviennent  des  offenses  graves.  Un  homme 
réputé  bien  élevé  qui  se  laisse  aller  à  des  propos  grossiers,  incon- 
venants, ou  môme  simplement  à  double  sens  devant  une  jeune 
fille,  peut  se  rendre  coupable  d'une  offense  grave,  alors  même 
qu'ils  ne  lui  sont  pas  adressés. 

Pour  faire  apprécier  combien  l'honneur  de  la  femme  diffère  de 
celui  de  l'homme,  il  suffit  de  rappeler  le  peu  d'importance  que 
Timputation  d'adultère  peut  offrir  dans  certains  cas,  lorsqu'elle 
s'adresse  au  mari,  comparée  à  celle  qu'elle  acquiert  si  elle  est  diri- 
gée contre  la  femme. 

L'honneur  du  nom  est  moins  exigeant  que  les  précédents  *. 

Ce  que  nous  avons  dit  au  chapitre  iv  sur  la  considération  pro- 
fessionnelle nous  dispense  de  revenir  sur  ce  sujet,  qui  clora  la  liste 
des  exemples  destinés  à  expliquer  l'influence  de  la  qualité  de  la 
personne  offensée  sur  la  portée  de  Toffense. 

Nous  y  renvoyons  le  lecteur. 


1.  Voyez  notre  chapitre  viii. 

2.  Voyez  notre  chapitre  x. 


•  ..  .^J 


36  PREMIÈRE  PARTIE. 

30  Dans  quel  but  et  par  quels  moyens  Tofifense 

a-t-elle  été  commise  ? 

Laissant  de  côté  pour  le  moment  les  divers  mobiles  particuliers 
(baine,  jalousie,  etc.)  qui  peuvent  inciter  l'bomme  à  offenser  son 
procbain,  nous  allons  nous  occuper  seulement  de  la  question  d'in- 
tention, qui,  dans  notre  matière  comme  dans  tous  les  actes  humains, 
joue  un  rôle  prédominant. 

En  effet,  la  perpétration  d'un  acte  qui,  par  sa  nature,  est  suscep- 
tible de  porter  atteinte  à  l'bonneur  moral  et  social  d'un  individu, 
ne  suffit  pas  pour  engager  la  responsabilité  de  son  auteur.  Il  est 
nécessaire  qu'au  fait  matériel  se  joigne  Tintention  d*offenser. 

LHntention  d'offenser  résulte  du  concours  de  trois  conditions. 

11  faut  que  Fauteur  ait  eu  :  l""  la  connaissance  des  circon- 
stances qui  impriment  au  fait  un  caractère  offensant  ;  2^  la  capacité 
de  discerner  ce  caractère  offensant  ;  S""  qu'il  ait  joui  du  libre  exer- 
cice de  sa  volonté. 

En  Fabsence  d'une  seule  de  ces  conditions,  il  n^y  a  plus  inten- 
tion offensante,  il  ne  peut  7  avoir  offense. 

Reprenons  en  détail  chacune  d'elles. 

l"'  condition.  —  Il  est  évident  que  si  l'auteur  du  fait  ignore  le 
caractère  offensant  qui  est  attaché  à  ce  fait,  en  un  mot  s'il  est  de 
bonne  foi,  sa  responsabilité  n'est  pas  engagée,  bien  qu'il  y  ait  eu 
perpétration  matérielle  d'un  acte  préjudiciable.  Si  étranger,  parlant 
et  comprenant  mal  la  langue  d'un  pays,  je  me  sers,  en  m'adressant 
à  un  indigène,  d'un  qualificatif  que  je  crois  être  une  formule  de 
politesse,  et  qui  se  trouve  être  une  grossièreté,  je  ne  serai  tenu  à 
aucune  autre  réparation  qu'à  établir  mon  ignorance,  et  partant  la 
bonne  foi  avec  laquelle  j'ai  parlé,  et  à  exprimer  mes  regrets  d'un 
malentendu  qui  a  pu  être  préjudiciable.  Cette  dernière  partie  de  la 
déclaration,  qui  peut  être  faite  par  l'homme  le  plus  raffiné  en 
matière  de  point  d'honneur,  sans  lui  attirer  de  blâme,  est  une  con- 
dition essentielle  pour  que  la  partie  adverse  accepte  l'explication  ; 
car,  en  somme,  j'ai  commis,  sinon  une  faute,  du  moins  une  impru- 
dence, puisque  je  me  suis  servi  d'une  langue  que  je  ne  connaissais 
pas.  Je  dois  la  réparer,  sinon  Fexplication  sera  justement  rejetée. 

L'offense  peut  exister  sans  que  le  but  de  Fauteur  ait  été  de 
nuire  à  la  personne  offensée,  par  cela  seul  qu'il  a  pu  et  dû  prévoir 
les  conséquences  préjudiciables  de  son  acte,  et  que  le  mobile  auquel 
il  a  obéi  n'était  pas  de  nature  à  l'exonérer  de  la  responsabilité  du 
mal  qu'il  a  causé. 

Si  étant  seul  dans  une  chambre,  je  profère  à  haute  voix  contre 
Pierre  des  paroles  outrageantes,  qui  sont  entendues  par  plusieurs 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  37 

personnes,  j'aurai  beau  répondre  au  cartel  qu'il  m'adressera  que 
mon  but  n'était  pas  de  me  faire  entendre  ;  comme  je  ne  pouvais 
ignorer  le  sens  de  mes  paroles,  comme  il  ne  tenait  qu'à  moi  de 
garder  le  silence  ou  de  baisser  la  voix,  comme  ces  expressions  ont 
causé  préjudice,  l'exception  de  bonne  foi  ne  saurait  être  admise. 

Si,  étant  gérant  d'une  agence  de  renseignements,  je  fournis  à 
mes  abonnés  des  bulletins  contenant  des  imputations  diffamatoires 
pour  des  tiers,  je  ne  puis  me  prévaloir  de  ce  que  je  ne  les  ai  rédigés 
que  pour  éclairer  ceux  envers  lesquels  Tagence  était  liée,  et  non 
dans  une  intention  nuisible  ;  car  cette  intention  résulte  suffisam- 
ment de  la  connaissance  que  je  dois  avoir  du  caractère  préjudiciable 
d'un  mode  de  renseignements  que  des  contrats  d'abonnement  ne 
sauraient  autorisera 

Si,  étant  journaliste,  je  publie  des  faits  diffamatoires,  peu 
importe  que  je  ne  connaisse  pas  la  personne  à  la  considération  de 
laquelle  ces  faits  portent  atteinte,  et  que  j'aie  agi  dans  Tunique  but 
de  publier  un  article  qui  me  paraissait  de  nature  à  intéresser  le 
lecteur». 

Peu  importe,  du  reste,  que  le  fait  soit  de  notoriété  publique,  ait 
déjà  été  publié  dans  un  journal,  que  j'aie  cru  à  sa  réalité,  etc.  ;  car 
la  réalité  du  fait  laisse  subsister  l'offense  et  ne  m'exonère  d'une  répa- 
ration que  si  elle  entraîne  l'indignité  de  la  personne  offensée  '. 

2*  et  3*  conditions.  —  C'est  par  l'influence  qu'elles  exercent  sur 
la  volonté  de  Fauteur  que  ces  dernières  conditions  entraînent  son 
irresponsabilité.  Elles  résultent  de  la  démence  et  de  la  contrainte 
produite  par  un  cas  de  force  majeure. 

Démence. 

Il  y  a  démence  toutes  les  fois  que  le  discernement  de 
l'auteur  se  trouvait,  au  moment  de  la  perpétration  de  l'acte, 
couvert  d'un  nuage  qui  l'empêchait  d'en  percevoir  la  moralité , 
quel  que  soit  d'ailleurs  le  nom  de  la  maladie  :*fureur,  imbécillité, 
idiotisme,  monomanie,  lorsque  le  fait  se  rattache  à  l'objet  de  sa 
monomanie,  etc.  Il  y  a  démence,  en  un  mot,  toutes  les  fois  que 
Tesprit  a  été  égaré  par  une  aliénation  momentanée  ou  par  une 
aliénation  complète  et  permanente. 

Les  passions,  quelque  fougueuses  qu'elles  soient,   peuvent 

1.  Cest  dans  ce  sens  que  la  Cour  d'Aix  a  jugfé,  19  février  1869.  —Voyez  Dallor, 
année  1869,  2*'  partie,  pa^^  83. 

2.  Paris,  4  mars  1834.  Dallox  J.  G.  V.  Pressé,  outrage,  n^  878, 2s  et  883. 

3.  Voyex  notre  chapitre  iv  :  Diffamation.  —  Conformément,  Cassation,  21  février 
1875.  Dalloz,  année  1877,  V  partie,  page  186;  et  Uble  des  vingt-deux  années,  V^ 
Presse,  Outrage,  n<»  577  et 582. 


38  PREMIÈRE  PARTIE. 

entraîner  la  volonté  de  Thomme,  mais  elles  ne  lui  enlèvent  pas  son 
libre  arbitre.  Elles  ne  peuvent  donc  être  assimilées  à  la  démence. 
Tel  est  le  désordre  de  l'esprit  causé  par  la  colère,  la  jalousie,  etc. 

Il  en  est  de  même  de  Tivresse.  En  effet,  Tivresse  n'est  pas  un  cas 
fortuit  et  de  force  majeure,  comme  la  démence,  mais  la  consé- 
quence d'une  passion  qu*il  dépend  de  l'homme  de  combattre. 

Force  msgeure. 

La  force  majeure  consiste  dans  la  force  qu*on  ne  peut  ni  prévoir 
ni  éviter,  à  laquelle  il  est  impossible  de  résister,  et  d'où  résulte 
un  état  de  contrainte  qui  enlève  à  la  volonté  humaine  toute 
liberté.  Ces  caractères  suffisent  pour  faire  reconnaître  si  les  faits 
proposés  comme  faits  justificatif  peuvent  être  considérés  comme 
tels. 

On  peut  encore  ranger  parmi  les  causes  exclusives  de  l'inten- 
tion offensante,  l'obéissance  à  la  loi  et  aux  ordres  légalement 
émanés  de  l'autorité  légitime,  la  juste  cause,  dans  certains  cas  l'in- 
térêt public,  etc. 

Circonstances  atténuantes. 

A  côté  des  causes  sous  l'influence  desquelles  le  caractère  offen- 
sant d'un  acte  peut  disparaître  totalement  se  placent  certains  faits 
qui,  bien  que  laissant  subsister  l'offense,  en  diminuent  la  gra- 
vité. 

Les  circonstances  atténuantes  varient  à  l'infini.  Nous  citerons 
pour  mémoire  la  provocation,  qui,  en  droit  pénal,  va  jusqu'à  con- 
stituer une  excuse  légale  et  même  jusqu'à  enlever  à  l'acte  tout 
caractère  délictueux,  lorsqu'il  s'agit  d'une  injure. 

Girconstsmces  aggravantes. 

De  même  que  le  caractère  offensant  d'un  acte  disparaît  avec 
l'absence  d'intention,  ou  s'atténue  lorsque  cette  intention  diminue, 
de  même  il  s'aggrave  avec  son  intensité  majeure,  et  en  particulier 
avec  la  préméditation,  c'est-à-dire  avec  le  dessein  formé  d'avance 
de  commettre  cette  offense. 

La  préméditation  implique,  en  effet,  une  résolution  arrêtée  de 
sang-froid,  méditée,  réfléchie,  qui  ajoute  à  la  conscience  du  mal 
que  l'action  peut  produire  le  calcul  qui  en  mesure  l'étendue  et  qui 
combine  les  moyens  les  plus  assurés  de  Taccomplir. 

Elle  exclut  la  pensée  d'un  entraînement  subit  et  irréfléchi. 


.£       -«^ 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  39 

Nous  ne  pouvons  songer  à  cataloguer  les  faits  qui  indiquent 
la  préméditation;  ils  yarient  à  Tinfini.  Nous  dirons  seulement 
qu'elle  peut  être  supposée,  toutes  les  fois  que  Tinterralle  entre  la 
Yolonté  et  Texécution  a  été  assez  long  pour  faire  admettre  que  la 
réflexion  Tait  entraînée  ^ 

Preuve  de  rintention  offensante,  de  la  préméditation, 

de  la  bonne  foi. 

A  qui  incombe  la  preuve  de  rintention  offensante  ?  Il  faut  dis- 
tinguer :  Si  le  fait  est  manifestement  offensant  dans  sa  nature,  c'est 
à  l'auteur  à  justifier  de  son  intention,  qui  est  présumée  offensante 
jusqu'à  preuve  du  contraire.  Si  le  fait  ne  présente  pas  un  caractère 
visiblement  offensant,  la  preuve  de  rintention  est  à  la  charge  de 
celui  qui  se  prétend  offensé.  C'est  également  à  lui  qu'incombe  l'obli- 
gation d'établir  la  iH*éméditation. 

La  preuve  de  la  bonne  foi  doit  toujours  être  faite  par  l'auteur 
de  la  prétendue  offense,  car  la  bonne  foi  est  une  exception  en  sa 
faveur. 

La  question  de  savoir  qui  doit  faire  la  preuve  a  une  importance 
particulière,  lorsqu'on  se  trouve  en  présence  d'offenses  réciproques, 
lorsqu'il  s'agit  d'établir  la  priorité  d'une  offense,  ou  de  comparer  la 
gravité  respective  de  deux  offenses. 

Une  phrase  équivoque  semble  m'accuser  d'agissements  indé- 
licats dans  un  acte  d'administration,  dans  la  gestion  d'une  tutelle, 
par  exemple;  je  réponds  à  mon  interlocuteur  que  ce  n*est  pas  à  lui, 
grec  de  profession ,  qu'il  appartient  de  juger  un  honnête  homme. 
Si  je  prouve  que  la  phrase  équivoque  dont  je  me  plains  dit 
réellement  ce  qu'elle  semble  dire,  je  suis  le  premier  offensé,  grave- 
ment offensé,  jouissant  de  tous  les  privilèges  attachés  à  cette 
qualité. 

Dans  le  cas  contraire,  les  avantages  passent  à  mon  adversaire. 

Modes  de  preuve. 

La  preuve  peut  être  faite  par  toute  espèce  de  modes,  y  compris 
les  présomptions. 

Elle  peut  résulter  de  la  déclaration  faite  par  Fauteur  de  Tacte 
prétendu  offensant. 

Cette  déclaration  constitue-t-elle  un  moyen  auquel  les  arbitres 

i.  Voyex  Dalloz  J.  G.  —  V<»    Volonté,  Peines,  Crimes  et  délits  contre  les  per- 
sonnes. 


L  ■".     "J       "-  ^' 


40  PREMIÈRE  PARTIE. 

et  les  témoins  sont  obligés  de  se  rapporter  en  tout  état  de  cause? 

li  faut  distinguer  : 

Si  cette  déclaration  a  été  faite  spontanément  ou  en  réponse  à 
une  question  qui  n'indique  pas  que  les  arbitres  ou  les  témoins 
adverses  ont  entendu  y  subordonner  la  conclusion  de  l'affaire,  la 
réponse  doit  être  négative  ;  arbitres  et  témoins  conservent  toute 
liberté  de  contrôle.  Il  en  est  autrement  dans  l'hypothèse  inverse. 
On  ne  saurait  admettre,  en  effet,  qu'après  avoir  subordonné  l'issue 
de  l'affaire  à  la  parole  de  l'adversaire,  arbitres  et  témoins  puissent 
revenir  sur  le  compromis. 

La  question  d'intention  offensante  une  fois  résolue,  passons  à 
celle  des  moyens  employés. 

Nous  n'entreprendrons  pas,  bien  entendu,  une  énuméraiion 
impossible.  Nous  nous  contenterons  de  montrer,  par  deux  ou  trois 
exemples,  que  la  circonstance  de  moyen  influe  aussi  sur  la  portée 
de  l'offense  et  doit  être  examinée  avec  attention. 

N'est-il  pas  évident  que  la  publicité,  et  spécialement  la  publi- 
cité par  la  voie  de  la  presse,  constitue  une  circonstance  très  aggra- 
yante,  d'abord  à  raison  de  la  préméditation  qu'elle  indique,  ensuite 
à  raison  du  préjudice  qu'elle  occasionne? 

Ce  préjudice,  dont  l'étendue  est  en  raison  directe  du  nombre 
des  personnes  à  la  connaissance  desquelles  Toffense  (une  diffamation, 
par  exemple)  est  portée,  présente  ce  caractère  spécial  de  gravité, 
qu'il  est  non  seulement  actuel,  mais  persistant.  En  vertu  de  l'adage 
Verba  volant^  scripta  manenty  la  personne  visée  est  atteinte  dans  son 
honneur  ou  sa  considération,  non  seulement  au  moment  où  le 
livre  parait,  où  le  journal  est  publié,  mais  pendant  toute  sa  vie; 
souvent  même  la  diffamation  la  poursuit  encore  par  delà  sa  tombe. 

Nous  pouvons  ranger  encore  parmi  les  moyens  qui  changent  la 
portée  de  l'offense,  l'ironie,  l'allégorie,  la  persistance  de  l'attaque,  la 
plaisanterie,  qui,  d'ordinaire,  apaise  l'âcreté  d'un  affront,  et  qui, 
dans  certains  cas,  contribue  à  lui  donner  plus  d'intensité,  etc.,  etc. 

4*'  Où  et  quand  l'ofiTense  a-t-elle  été  commise? 

Le  temps  et  le  lieu  doivent  également,  avons-nous  dit,  entrer 
en  ligne  de  compte  dans  l'examen  d'un  acte  offensant. 

Une  invective  reçue  en  public  est  évidemment  plus  grave  que 
si  elle  l'a  été  nez  à  nez. 

Un  père  de  famille  offensé  devant  ses  enfants  ressent  plus 
vivement  l'affront  qui  lui  fait  perdre  sa  dignité  aux  yeux  d'êtres  qui 
lui  doivent  un  profond  respect. 

Le  jeune  homme  criblé  de  sarcasmes  devant  la  jeune  fllle  qu'il 


.•->.-  .#. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  41 

doit  époaser  se  trouve,  pour  des  motifs  à  peu  près  analogues,  dans 
le  même  cas,  etc.,  etc. 

Résumons  notre  chapitre  en  disant  que  toutes  les  circonstances, 
quelque  accessoires,  quelque  secondaires  qu'elles  paraissent,  doiyent 
être  scrupuleusement  examinées.  Un  mot,  un  geste,  une  phrase, 
s'interprètent  de  bien  des  manières.  Une  intonation  suffit  pour 
modifier  le  sens  d'une  parole.  Un  haussement  d'épaules,  par 
exemple,  signe  habituel  du  dédain,  exprime  quelquefois  la  commi- 
sération, ou  bien  encore  une  simple  moquerie  presque  sympathique. 
Un  mot  souligné  aggrave  ou  atténue  la  portée  d'une  expres- 
sion, etc. 

La  juste  appréciation  de  toutes  ces  nuances  exige  de  la  saga- 
cité, du  tact,  de  Texpérience  et  du  sang-froid. 


CHAPITRE  VI 
De  la  nature  des  armes. 

Il  n'y  a  que  deux  armes  qui,  en  France,  soient  admises  comme 
armes  de  duel  légales,  c'est-à-dire  qui  soient  susceptibles  d'être  tou- 
jours imposées  à  l'agresseur  sans  contestation  valable  de  sa  part  : 
tépée  et  le  pistolet.  Le  sabre  n'existe  qu'à  titre  exceptionnel  ^ 

En  dehors  de  Tépée,  du  pistolet  et  du  sabre,  dans  certains  cas 
que  nous  déterminerons,  toute  autre  arme  peut  être  refusée,  car  son 
adoption  ferait  rentrer  le  combat  dans  la  classe  des  duels  excep- 
tionnels, qui  sont  absolument  prohibés*. 

Daxis  quels  cas  le  sabre  peut-il  être  imposé  à  l'agresseur  ? 

Cette  question  est  controversée  et  réclame  toute  notre  attention. 

D'après  Châteauvillardyle  sabre  peut  toujours  être  imposé  à  un 
officier  en  activité  de  service  ou  à  un  officier  en  retraite  reconnu 
propre  à  le  manier.  Il  peut  toujours  être  refusé  par  un  civiP. 

Relativement  aux  officiers,  Chateauvillard  considère  à  juste 
titre  comme  inadmissible  la  prétention  que  pourrait  émettre  l'un 
d'eux  de  récuser  l'arme  qu'il  porte  ou  a  portée  au  côté,  qui  a  été 
l'insigne  de  son  commandement,  et  dont  il  a  pu  apprendre  l'escrime 
s'il  a  voulu. 

1.  Voyez  Chateauvillard,  cliapitre  ii. 

S.  Voyez  notre  chapitre  lviii. 

3.  Voyez  Essai  sur  le  duel,  chapitre  ii,  article  premier. 


^^^jift.jO*:  ,'-'..-'  --•.''     •' 


42  PREMIÈRE  PARTIE. 

Du  Verger  de  Saint-Thomas  n'admet  pas  que  le  sabre  puisse 
être  refusé  par  qui  que  ce  soit. 

D'après  lui,  le  sabre  est  une  arme  aussi  légale  que  Fépée  et  le 
pistolet*. 

a  Le  droit  de  refuser  le  sabre  pouvait,  dit-il,  être  accordé  avant 
que  tout  le  monde  fût  soldat,  mais  aujourd'hui  il  n'en  est  plus  ainsi. 
Les  carrières  administratives  et  les  magistrats  eux-mêmes  four- 
nissent des  officiers  aux  armées  de  réserve.  II  est  évident  que  les 
individus  appartenant,  soit  à  la  réserve,  soit  à  l'armée  territoriale, 
ne  sauraient  refuser  le  sabre,  qui  est  leur  arme  professionnelle 
lorsqu'ils  sont  sous  les  drapeaux,  en  alléguant  qu'ils  sont  dans  le 
civil  *.  » 

M.  Tavernier  combat  vivement  la  manière  devoir  de  Du  Verger, 
dont  l'argumentation  lui  semble  pécher  par  la  base  : 

«  Et  d'abord,  écrit-il,  l'auteur  se  figure  que  tous  ceux  qui 
peuvent  avoir  une  affaire  d'honneur  sont  officiers,  ou  dans  la  cava- 
lerie. Les  mots  «  arme  professionnelle  »  ne  peuvent  signifier  autre 
chose. 

«  Or,  il  est  bien  certain  que  l'agresseur  appartiendra  le  plus 
souvent  à  l'infanterie  et  sera  non  gradé,  ce  qui  fait  qu'il  ignorera 
généralement  l'usage  du  sabre,  bien  qu'il  appartienne  à  l'armée. 

«  L'opinion  de  Du  Verger  est  donc  sujette  à  caution,  puisqu'elle 
s'appuie  sur  des  arguments  erronés  '.  » 

M.  Tavernier  ne  méconnaît  pas  la  valeur  du  motif  invoqué  par 
les  partisans  du  sabre  obligatoire  pour  tout  le  monde,  à  savoir  que 
l'escrime  au  sabre  est  beaucoup  plus  facile  que  l'escrime  à  l'épée, 
qu'elle  laisse  une  bien  plus  large  part  aux  moyens  purement  phy- 
siques, et  qu'elle  égalise  les  chances  lorsqu'un  homme  inexpé- 
rimenté se  trouve  provoqué  par  un  individu  fort  à  l'épée  et  au  pis- 
tolet. Mais  cette  considération  particulière  ne  lui  semble  pas  suffi- 
sante pour  entrer  en  ligne  de  compte  avec  un  motif  général  et 
péremptoire,  qu'il  développe  en  ces  termes  : 

«  Jusqu'à  nouvel  ordre,  le  code  du  duel  de  Ghateauvillard  et  de 
ses  éminents  collaborateurs  a  toujours  force  de  loi  parmi  les  gens 
d'honneur,  sinon  dans  ses  détails  parfois  un  peu  surannés,  du  moins 
dans  ses  grandes  lignes.  C'est  toujours  à  lui  qu'il  faut  s'en  référer  en 
cas  de  désaccord. 


1.  Voyez  Nouveau  Code  du  duel,  page  180. 

2.  Conformément,  voyez  Emile  Andiô  et  Jacob,  le  Jeu  de  Vépée^  page  222.  Observons 
cependant  que  M.  André,  consulté  depuis  pâmons,  a  bien  voulu  reconnaître^  dans  une 
lettre  en  date  du  25  Janvier  1890,  «  qu'en  pratique  c'est  plutôt  le  système  contraire 
qui  est  admis». 

3.  Voyez  Art  du  duel,  page  300. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  43 

«  On  ne  peut  s'en  écarter  et  y  contredire  sans  laisser  la  porte 
ouTerte  à  toutes  les  fantaisies  du  premier  écrivain  venu  auquel  il 
plaira  de  décréter,  par  exemple,  que  le  fleuret  démoucheté,  que  le 
fusil,  le  poignard  ou  toute  autre  arme  peuvent  être  imposés  par 
l'offensé. 

«  Donc,  jusqu'à  ce  qu'un  jury,  composé  d*hommes  d'une  indis- 
cutable compétence  en  matière  d'honneur,  ait  modifié  le  code  de 
Chateauyillard,  en  accordant  au  sabre  les  mêmes  immunités  qu'à 
l'épée  et  au  pistolet,  nous  pensons  que  le  sabre  peut  toujours  être 
refusé  par  un  civil.  » 

Cette  décision,  qui  consacre  la  théorie  de  soumission  à  la  cou- 
tume écrite  représentée  par  Ghateauvillard,  théorie  que  nous  avons 
soutenue  chapitre  premier,  rentre  trop  bien  dans  notre  manière  de 
voir  pour  que  nous  ne  l'adoptions  pas  de  préférence  à  celle  de 
Du  Verger,  qui,  imbu,  comme  nous  Favons  fait  observer,  des  cou- 
tumes italiennes,  veut  introduire  en  France  une  arme  qui,  dans  son 
pays  d'origine,  est  beaucoup  plus  fréquemment  usitée  que  les  deux 
autres  ^ 

Nous  répéterons  donc,  après  ces  trois  auteurs  :  Le  sabre  peut 
toujours  être  refusé  par  un  civil. 

Que  fout-il  entendre  par  le  mot  oivil? 

Nous  entendons  :  l""  l'agresseur  qui  n'a  jamais  été  astreint  au 
service  militaire  ;  2""  l'agresseur  non-officier,  qui,  bien  qu'ayant  été 
astreint  au  service  militaire,  a  cessé  d'appartenir  à  l'armée,  par 
exemple,  s'il  a  atteint  l'âge  de  quarante-cinq  ans. 

Nous  disons  :  l'agresseur  non-officier,  parce  qu'en  vertu  de  la 
règle  formulée  par  Château villard,  chapitre  n,  article  premier,  l'of - 
cier  est  considéré  comme  militaire  au  point  de  vue  spécial  qui  nous 
occupe,  même  après  qu'il  n'appartient  plus  à  l'armée,  pendant  tout 
le  temps  qu'il  est  capable  de  manier  un  sabre.  Cette  arme  peut  tou- 
jours lui  être  imposée. 

Restent  les  militaires  non-officiers  de  l'armée  active,  de  la 
réserve  ou  de  Tarmée  territoriale.  Parmi  eux,  les  uns  appartiennent 
à  des  armes,  la  cavalerie,  par  exemple,  où  le  sabre  fait  partie  de 
l'armement  et  où  son  maniement  est  réglementairement  enseigné; 
les  autres  appartiennent  à  des  armes,  l'infanterie,  par  exemple,  où 
le  sabre  n'est  porté  que  par  un  très  petit  nombre  d'individus  (adju- 


1.  Conformément,   voyez   Prévost   et   Jollivet   :  VEtcrime  et   le  duel,    page 
333. 


44  PREMIÈRE  PARTIE. 

dants  et  sergents-majors)  et  où  son  maniement  n*est  pas  réglemen- 
tairement enseigné. 

Quel  est  vis-à-yis  eux  le  droit  de  l'offensé  pendant  les  yingt- 
cinq  ans  qu'ils  sont  astreints  au  service  militaire  ? 

Peut-il  imposer  le  sabre  à  son  agresseur,  abstraction  faite  de  la  ca- 
tégorie à  laquelle  appartient  ledit  agresseur ,  ou  bien  sa  préro- 
gative est-elle,  au  contraire,  limitée? 

M.  Tavernier  se  prononce  dans  le  sens  restrictif.  Nous  sommes 
absolument  d'accord  ayec  lui  sur  ce  point,  mais  non  sur  la  méthode 
qu*il  préconise  comme  étant  infaillible  pour  résoudre  cette  délicate 
question  : 

(1  L'agresseur  appartient-il  à  un  corps  où  Parme  du  duelr^^fl^m^n- 
taire  est  le  sabre,  il  ne  peut  décliner  le  sabre  dans  une  rencontre. 

«  Appartient-il  à  un  corps  où  l'arme  de  duel  réglementaire  est 
Fépée,  on  ne  saurait  lui  imposer  le  sabre  comme  arme  de  combat,  t 

Nous  ne  croyons  pas  devoir  adopter  ce  critérium,  par  la  rsdson 
qu'il  n'existe  en  réalité  aucune  arme  réglementaire  pour  les  duels 
de  régiments. 

Une  lettre  ministérielle  rapportée  au  n*"  2  de  l'appendice,  seul 
document  officiel  qui,  à  notre  conaissance,  puisse  être  consulté  sur 
la  question  des  armes  de  duel  entre  militaires,  n'a  en  vue  que  la 
substitution  de  Tépée  au  fleuret.  Elle  ne  parle  pas  du  sabre  et  ne  peut 
être  invoquée  dans  notre  espèce. 

En  l'absence  de  règlements,  la  désignation  du  sabre  ou  de  l'épée 
appartient  en  fait  aux  chefs  de  corps. 

Comment,  dans  ces  conditions,  admettre  un  critérium  aussi 
variable  ? 

A  notre  avis,  celui  qui  doit  uniquement  servir,  c'est  l'arme- 
ment. 

L'agresseur  appartient-il  à  un  corps  oii  les  militaires  de  son 
grade  sont  armés  du  sabre,  il  ne  peut  le  décliner.  Comment  admettre 
quHl  ne  sache  pas  se  servir  de  Varme  qu'il  porte  au  côté? 

Appartiefit'il  à  un  corps  où  les  militaires  de  son  grade  ne  portent 
pas  le  sabre?  Pour  la  raison  inverse,  on  ne  saurait  le  lui  imposer 
comme  arme  de  duel. 

Cette  règle  générale  permet  de  distinguer  facilement  et  dans 
tous  les  cas,  pour  le  présent  comme  pour  l'avenir,  la  catégorie  dans 
laquelle  l'agresseur  doit  être  rangé. 

Elle  est  préférable  à  une  énumération  qui,  vraie  aujourd'hui, 
risquerait  de  devenir  fausse  un  peu  plus  tard,  étant  donné  le  peu 
de  stabilité  des  règlements  militaires. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  45 

Elle  respecte  le  principe  formulé  par  GhateauTillard.  Elle  donne 
satisfaction  saffiisante  aux  innovations  qui  se  sont  produites  en  ma- 
tière de  service  militaire  depuis  1836,  époque  de  la  publication  de 
l'Essai  sur  le  duel,  puisqu'elle  réduit,  conformément  aux  nouvelles 
lois,  le  nombre  des  individus  qui  peuvent  être  regardés  comme  civils. 

Elle  doit  être  adoptée. 

Nous  ferons  remarquer  que  le  droit  qui  est  accordé  aux  civils 
de  refuser  le  sabre,  et  l'obligation  de  le  subir  qui  est  imposée  à 
certains  militaires,  n'ont  pas  pour  conséquence  d'autoriser  ces  der- 
niers à  refuser  le  pistolet  si  Toffensé  le  leur  impose. 

La  nature  de  la  profession  qu'ils  ont  embrassée  met  à  leur 
compte  une  charge  de  plus,  celle  du  sabre,  sans  les  exonérer  des 
charges  communes  en  France  à  tous  les  individus  qui  se  soumet- 
tent à  la  juridiction  du  point  d'honneur  :  celles  de  l'épée  et  du 
pistolet. 

Terminons  ce  qui  concerne  le  sabre  par  quelques  conseils  à 
Tadresse  des  témoins  de  l'agresseur  auquel  cette  arme  a  été  yalable- 
ment  imposée,  sans  qu'il  en  connaisse  Tescrime,  ou  sans  qu'il  pos- 
sède les  moyens  physiques  nécessaires  pour  la  manier,  alors  que 
son  adversaire  jouit  de  ce  double  ayantage. 

Personne  n'ignore  que  l'escrime  du  sabre  telle  qu'on  rensei- 
gne dans  les  salles  d'armes  et  telle  qu'on  la  pratique  arec  les  sabres 
de  cayalerie  est  une  gymnastique  fatigante,  qui  nécessite  un  poi- 
gnet rigoureux,  de  la  souplesse  et  des  poumons  à  Tavenant. 

Comment  rétabliront-ils  un  peu  l'équilibre? 

Comment  assureront-ils  à  leur  client  quelque  chance  de  s'en 
tirer? 

En  refusant  d'accepter  les  armes  lourdes  et  de  maniement  diffi- 
cile, que  les  témoins  de  l'offensé  s'efforceront  naturellement  de 
faire  adopter,  et  en  luttant  pour  qu'on  choisisse  au  contraire  des 
armes  légères  se  rapprochant  le  plus  possible  de  l'épée,  le  sabre 
droit  des  officiers  d'infanterie,  par  exemple. 

Ils  soutiendront  énergiquement  que  le  privilège  de  l'offensé  se 
borne,  dans  l'espèce,  à  imposer  le  sabre  préférablement  à  l'épée  ou 
au  pistolet,  mais  ne  saurait  comporter  celui  d'obliger  l'agresseur  à 
accepter  le  modèle  de  sabre  qui  conyient  à  lui,  offensé. 

Ce  modèle  peut  être  discuté,  et  sur  ce  point  les  témoins  de  l'of- 
fenseur reprennent  tout  leur  libre  arbitre. 

Leur  ténacité  et  leur  diplomatie  sont-elles  couronnées  de  succès, 
ils  auront  rendu  à  leur  client  un  service  signalé,  car  avec  du  sang- 
froid  et  en  se  servant  uniquement  de  la  pointe,  ce  dernier  peut  se 
tirer  d'affaire,  s'il  a  l'habitude  de  l'épée. 


46  PREMIÈRE  PARTIE. 

Dans  le  cas  contraire,  ils  réclameront  un  arbitrage  ou  le  tirage 
au  sort,  et  lui  gagneront  par  le  fait  une  chance  de  Toir  écarter  le 
modèle  du  sabre  qu'il  redoute. 


CHAPITRE  YII 
Privilèges  de  rofifensé. 

Nous  ayons  divisé,  chapitre  m,  les  offenses  en  trois  catégories  : 
Foffense  simple  ou  du  premier  degré  ;  l'offense  grave,  aussi  appelée 
injure,  qui  est  du  second  degré;  l'offense  avec  coups  ou  blessures, 
ou  du  troisième  degré. 

Aux  offenses  de  chacune  des  ces  classes  correspondent,  ayons- 
nous  dit,  certaines  prérogatives  dont  l'importance  est  en  raison 
directe  de  leur  gravité. 

1**  L'offensé  du  premier  degré  choisit  son  arme, 
qui  devient  celle  de  Tagresseur^ 

Par  ces  expressions,  il  faut  entendre  que  l'offensé  a  le  droit  de 
décider,  selon  ses  préférences,  si  c'est  à  l'épée  ou  au  pistolet  qu'on  se 
battra,  ou  au  sabre,  si  Tagresseur  se  trouve  dans  les  conditions 
requises  pour  qu'il  puisse  lui  être  imposé.  L'agresseur  est  obligé  de 
se  conformer  à  cette  décision  et  ne  peut  opposer  d'autres  excep- 
tions que  celles  qui  sont  tirées  de  l'illégalité  de  Tarme  ou  de 
situations  particulières  énumérées  chapitre  xu. 

Remarquons  que  le  choix  de  Toffensé  ne  peut  porter  que  sur 
une  seule  espèce  d'armes,  et  que  l'arme  choisie  doit  servir  pendant 
tout  le  duel.  On  ne  peut,  par  conséquent,  convenir  que  le  combat, 
après  avoir  commencé  à  Tépée,  finira  au  pistolet,  ou  vice  versa. 

L'opinion  que  nous  émettons  peut  sembler  contraire  à  l'article  15 
du  chapitre  rv  de  Ghateauvillard,  ainsi  conçu  :  «  Les  témoins  peu- 
vent déclarer  qu'il  conviendra  de  changer  d'armes,  si  l'insulté  est 
dans  le  cas  de  l'article  11  du  chapitre  r%  c'est-à-dire  avec  voie  de 
fait.  » 

Nous  ne  croyons  pas  que  ce  désaccord  existe  réellement. 

Les  mots  «  changer  d'armes  »  ne  signifient  point  passer  du  pis- 
tolet à  l'épée,  ou  inversement.  Ils  signifient  que  l'offensé  avec  voie 

i.  VovM  Ghateauvillard,  chapitre  premier,  article  9.  —  TaYemier,  page  2S.  — 
Dtt  Verger,  chapitre  premier,  article  28. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  47 

de  fait  pourra,  à  la  Térité,  employer  d'autres  armes  que  celles  dont 
il  se  sera  servi  primitivement,  mais  à  condition  qu'elles  soient  de 
même  espèce. 

Si,  usant  de  la  faculté  qui  lui  est  accordée  chapitre  vi,  article  k, 
il  apporte,  par  exemple,  sur  le  terrain  une  paire  ou  deux  paires  de 
pistolets,  il  peut  (en  admettant  que  plusieurs  balles  doivent  être 
échangées),  après  avoir  tiré  inutilement  avec  un  des  pistolets, 
choisir  un  autre  pour  tirer  une  seconde  fois. 

L'interprétation  contraire  aurait  de  grands  inconvénients.  En 
effet,  si  le  droit  d'ordonner  le  changement  d'armes  appartenait  aux 
témoins,  malgré  Foffensé,  ce  droit  pourrait  avoir,  dans  certains  cas, 
pour  effet  de  diminuer  le  privilège  de  ce  dernier,  qui  est  de  choisir 
Tarme  qu'il  préfère  et  qui  deyient  celle  de  son  adversaire. 

Si  ce  droit  appartenait  à  l'offensé  malgré  les  témoins,  il  pourrait, 
dans  certains  cas,  lui  procurer  un  supplément  de  privilèges  auquel 
il  n'aurait  pas  droit,  et  qui  pourrait  rendre  pire  la  condition  de  son 
adversaire,  si  cet  adversaire  était  habile  au  maniement  de  l'arme 
primitivement  choisie. 

Dans  le  cas  où  le  changement  d'armes  serait  demandé  par  les 
deux  antagonistes,  les  témoins  ne  devraient  jamais  l'accorder,  car 
cette  manœuTre  complique  la  rencontre,  augmente  beaucoup  leur 
responsabilité  et  peut  faire  naître  des  difficultés  inextricables. 

La  direction  d*un  combat  est  déjà  bien  assez  scabreuse  lorsqu*il 
se  passe  comme  à  l'ordinaire  ^ 

2"*  L'o£fensé  avec  injure  grave  choisit  son  arme 

et  son  duel. 

Ce  choix  ne  peut  être  fait  que  parmi  les  duels  légaux  *• 
Par  ces  mots  :  choisit  son  duel,  il  faut  entendre  que  Toffensé  peut, 
après  avoir  désigné  son  arme,  choisir,  parmi  les  différents.duelsadmis 
comme  légaux,  celui  qui  lui  convient  le  mieux.  Il  peut  choisir, 
par  exemple,  entre  le  duel  au  pistolet  de  pied  ferme  et  le  duel  au 
pistolet  en  marchant,  celui  qu'il  entend  imposer  à  son  adversaire. 
H.  Tavernier,  page  22,  prétend  que  le  bénéfice  du  choix  du 
duel  ne  trouve  pas  son  application  dans  une  rencontre  à  l'épée,  car 
il  n*y  a  qu'une  manière  de  s'en  servir.  Malgré  la  valeur  de  cet 
argument,  nous  croyons  que,  même  dans  ce  genre  de  rencontre,  le 
privilège  de  choisir  son  duel  existe  pour  l'offensé  avec  insulte 
grave,  en  ce  qu'il  lui  permet  de  fixer  la  durée  des  reprises  et  des 

1.  Voyez  ^>peiidice  n<*  3.  Affaire  deMalortie-de  La  Poeze.  Gasette  des  Tribunaux, 
4-5  décembre  1869. 

2.  Voyez  Chateauyillard,  chaiTttre  premier,  articles  10, 12.  —  TaYeroier,  page  22. 
—  Du  Verger  de  Saint-Thomas,  chapilre  premier,  article  29  et  31. 


48  PREMIÈRE  PARTIE. 

repos,  s'il  n'aime  mieux  que  le  combat  se  poursuive  sans  inter- 
ruption *. 

3°  L'offensé  avec  coups  ou  blessures  choisit  ses  armes, 

son  duel  et  ses  distances*. 

Il  est  libre  d'user  d'armes  à  lui  appartenant,  si  ces  armes  sont 
reconnues  propres  au  combat,  mais  il  doit  laisser  la  même  latitude 
à  son  adversaire.  Inversement,  il  peut  exiger  que  ce  dernier  ne  se 
serve  pas  d'armes  à  lui  appartenant  ;  mais,  dans  ce  cas,  il  ne  doit 
pas  se  servir  des  siennes  '. 

Suivant  une  opinion  qui  dérive  de  celle  que  M.  Tavernier 
exprime  au  sujet  du  choix  du  duel,  le  bénéfice  du  choix  des  dis- 
tances ne  saurait  avoir  sa  raison  d'être  que  si  l'offensé  désigne  le  pis- 
tolet, parce  que  le  duel  à  l'épée,  nécessitant  le  contact  des  deux  Ters 
au  commencement  de  la  rencontre,  il  ne  peut  être  question  de 
distances  variables. 

L'objection  ne  nous  semble  pas  aussi  péremptoire  qu'elle  en  a 
Tair.  On  peut  très  rationnellement  trouver  Tapplication  de  notre 
règle  en  accordant  à  Toffensé  avec  voie  de  fait  la  faculté  de  déter- 
miner la  dimension  du  champ  dans  lequel  seront  limitées  les  évo- 
lutions des  acteurs,  faculté  précieuse  dans  certains  états  physiques. 

L'assimilation  d'une  telle  prérogative  accordée  à  l'offensé  du 
troisième  degré  qui  prend  l'épée,  avec  celle  qui  revient  à  l'offensé 
du  même  degré  qui  préfère  le  pistolet,  est  d'autant  plus  admisible 
que  leur  droit  de  choisir  la  distance  est  restreint  dans  certaines 
limites  que  ni  l'un  ni  l'autre  ne  peuvent  franchir  *. 

Telles  sont  les  règles  qui  déterminent,  en  France,  la  position 
réciproque  de  l'offenseur  et  de  l'offensé.  Elles  sont  admises  par  tous 
les  auteurs  '. 

L'annonce  de  cette  unanimité  peut  surprendre  en  présence 
d'un  passage  de  f Escrime  et  le  duel,  par  MM.  Prévost  et  Jollivet,  De 
l'offense^  pages  212,  213,  où  ce  dernier  déclare  ne  pas  comprendre 
les  distinctions  faites  par  Ghateauvillard  entre  l'offense  simple  et 
l'offense  grave,  ne  pas  admettre  la  théorie  grâce  à  laquelle  l'offense 
simple  entratne  la  faculté  de  choisir  les  armes,  l'offense  grave  celle 

1.  Voyez  notre  chapitre  xxix. 

2.  Ghateauvillard,  chapitre  premier,  article  11.  —  Tavernier,  page  22.  —  Du  Ver- 
ger, chapitre  premier,  article  30. 

3.  Voyez  Ghateauvillard,  chapitre  premier,  article  11;  chapitre  4,  article  9;  cha- 
pitre 5,  article  7  ;  chapitre  6,  article  4.  —  Tavernier,  page  22.  —  Du  Verger,  chapitre 
premier,  article  30. 

4.  Voyez  nos  chapitres  xxiv  et  xxxviii. 

6.  Conformément,  voyez  le  Jeu  de  Vépée,  par  Emile  André,  page  195. 


OFFENSES.   —  RÈGLES  DU  DUEL.  49 

de  choisir  les  armes  et  le  duel,  l'ofifeuse  avec  voie  de  fait,  le  choix 
des  armes,  du  duel  et  des  distances,  et  où  il  prétend  n'accorder  dans 
tous  ces  cas  qu'un  unique  privilège,  le  choix  des  armes. 

Si  M.  Jollivet  s'était  borné  à  cette  affirmation  de  principes, 
notre  assertion  serait  évidemment  erronée,  et  les  témoins  de  l'agres- 
seur pourraient  invoquer  son  autorité  chaque  fois  qu'il  s'agirait  de 
diminuer  les  prérogatives  de  Toffensé. 

Les  choses  ne  sauraient  heureusement  se  passer  ainsi.  Il  suffit 
d'examiner  attentivement  le  reste  du  passage  que  cet  auteur  consa- 
cre à  l'ofifense,  pour  constater  que  la  divergence  est  moindre  qu'on 
ne  le  supposerait  tout  d'abord. 

En  efifet,  après  avoir  affirmé  qu'une  fois  le  choix  des  armes 
arrêté,  les  témoins  reprennent  leur  liberté  d'action,  il  ajoute  :  «Assu- 
rément les  témoins  de  Tagresseur  ne  peuvent  pas  se  refuser  à  un 
duel,  soit  à  l'épée,  soit  au  pistolet,  (Paprès  les  conditions  ordinaires 
qui  leur  seraient  imposées;  mais,  à  moins  d'un  blanc-seing  donné 
d'avance  par  leur  client,  ils  peuvent  refuser  les  duels  dits  excep- 
tionnels. » 

N'est-ce  pas  exactement  la  doctrine  de  Ghateauvillard  ? 

Le  désaccord  provient  surtout  d'un  malentendu. 

«  Dans  la  rigueur  des  principes  posés  par  Ghateauvillard,  écrit 
plus  loin  M .  Jollivet,  les  témoins  de  l'offensé  auraient  le  droit  d'imposer 
le  lieu  de  la  rencontre,  la  position  sur  le  terrain,  par  exemple. 

«  Ce  sont  là  des  prétentions  excessives,  sauf  s'il  y  a  eu  voie  de 
fait.  » 

Jamais  Ghateauvillard  n'a  accordé  ces  privilèges  à  aucun  offensé, 
même  avec  voie  de  fait. 

Le  lieu  est  choisi  par  les  témoins,  et  la  place  tirée  au  sort. 

Le  lecteur  nous  pardonnera  la  longueur  de  cette  digression  en 
faveur  de  son  utilité. 

Il  importe  que  les  témoins  de  l'agresseur  n'arrivent  pas  à 
diminuer  les  privilèges  de  l'offensé,  en  invoquant  comme  favorable 
l'opinion  d'un  auteur  aussi  sympathique  que  l'est  M.  Jollivet. 

Grâce  à  nos  explications,  les  mandataires  de  l'offensé  pourront 
maintenir  intacts  les  droits  de  leur  client,  et  même  les  -augmenter 
s'il  y  a  eu  voie  de  fait,  puisque  M.  Jollivet  lui  consent  le  choix  du 
lieu,  qui  dans  le  système  contraire  est  laissé  aux  quatre  témoins, 
et  le  choix  de  la  position,  qui  est  tiré  au  sort. 

Les  règles  qui  déterminent  les  prérogatives  de  l'offensé,  lorsque 
les  deux  adversaires  sont  français,  les  déterminent  encore  lorsque 
l'un  d'eux  est  étranger,  et  que  le  différend  a  eu  lieu  sur  le  territoire 
français. 

4 


60  PREMIERS  PARTIE. 

Un  Italien  de  passage  à  Bordeaux  eut, .il  y  a  quelques 
années,  une  discussion  au  théâtre  avec  un  habitant  de  cette  yille. 

Conformément  aux  usages  de  son  pays,  il  voulut  lui  imposer 
le  sabre  comme  arme  de  duel.  L'agresseur,  qui  était  un  civil,  refusa 
d'accepter  cette  condition. 

U  soutint  que  les  lois  et  usages  d'un  État  sont  dépourvus  d'au- 
torité au  delà  des  frontières  de  cet  État,  mais  obligent  indistincte- 
ment tous  ceux,  régnicoles  ou  étrangers,  qui  se  trouvent  dans 
rétendue  de  son  territoire.  U  prétendit  que  la  législation  française 
du  point  d'honneur  lui  était  par  conséquent  applicable,  à  Texclu- 
sion  de  toute  autre,  et  qu'en  vertu  de  cette  législation  il  échappait 
comme  civil  à  l'obligation  d'accepter  le  sabre. 

Cette  application  des  principes  formulés  dans  l'article  3  du  Gode 
civil  nous  semble  très  rationnelle  en  matière  de  point  d'honneur. 

Réciproquement,  si  un  Français  voyageant  à  l'étranger  récolte 
en  route  une  affaire  d'honneur  avec  un  habitant  du  pays  qu'il  tra- 
verse, ce  seront  les  usages  de  ce  pays  qui  détermineront  les  privi- 
lèges de  l'offensé  et  les  autres  conditions  de  la  rencontre. 

On  conçoit  tout  l'intérêt  que  peuvent  avoir  les  Français  à  con- 
naître cesprérogativespour  les  diverses  contréesquinousavoisinent. 

Nous  recommandons  spécialement  la  lecture  du  chapitre  xxa, 
que  nous  consacrons  à  l'étude  des  usages  du  duel  dans  les  pays  qui 
nous  entourent,  comparés  avec  les  usages  français. 

Nous  terminerons  ce  qui  touche  à  retendue  des  privilèges  de 
Toffensé  par  l'étude  d'une  question  fort  intéressante,  qui  est  celle 
de  savoir  si  la  relation  qui  existe  entre  la  valeur  de  l'offense  et  les 
privilèges  de  l'offensé  constitue,  en  faveur  de  ce  dernier,  un  droit 
strict,  auquel  ses  témoins  nepeuvent  renoncer  sans  son  autorisation. 

Supposons  que  Pierre,  tireur  au  pistolet  de  première  force,  soit 
offensé  par  Paul,  qui  de  sa  vie  n'a  brûlé  une  amorce.  Pierre  choi- 
sira naturellement  l'arme  qu'il  manie  le  mieux,  c'est-à-dire  le  pis- 
tolet. Supposons  que  les  témoins  de  Paul,  l'agresseur,  soient  des 
gens  de  loi,  imbus  des  idées  admises  dans  le  monde  auquel  ils  ap- 
partiennent. 

Ils  soutiendront  que  la  prétention  de  Pierre  ne  saurait  être  ac- 
ceptée. En  effet,  diront-ils,  à  côté  des  règles  qu'il  invoque  pour 
baser  son  droit,  il  en  existe  une  autre,  la  première  de  toutes,  c'est 
qu'il  faut  la  plus  grande  égalité  dans  les  chances  du  combat.  Or 
cette  égalité  n'existe  pas  entre  deux  adversaires  de  forces  aussi  dis- 
proportionnéees.  Un  duel  dans  ces  conditions  n'est  plus  qu'un 
odieux  guet-apens,  dans  lequel  le  plus  faible  sera  livré  à  la  merci 
du  plus  fort. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  M 

Us  inTiteront,  en  conségaence,  les  témoins  de  Pierre,  l'aflènsé, 
à  renoncer  à  an  avantage  qui  rend  la  rencontre  déloyale  K 

Si  les  témoins  de  Pierre,  effrayés  des  conséquences  #a  duel 
aussi  disproportionné,  obéissent  à  Fin  jonction,  yiolent-ils  les 
du  point  d'honneur  7 

Nous  n'hésiterons  pas  à  répondre  oui.  En  effet,  la  dnânon 
offenses  en  trois  catégories  auxquelles  correspondent  trom  priyi- 
lëges  distincts  constituant  la  base  de  la  légidation  à  lagadte  tes 
adversaires  se  sont  soumis,  il  est  clair  que  nul  ne  peut  iMKher  t 
cette  base  sans  compromettre  tout  Fédiflce. 

Par  conséquent,  si  l'offense  reçue  par  Pierre  est  du  premier 
degré,  ses  témoins  ne  sauraient  renoncer  sans  son  autorisation  au 
choix  des  armes,  ou  refuser  de  se  conformer  à  celui  qu'il  aurait 
fait  parmi  les  armes  légales,  puisque  le  droit  au  choix  des  armes 
constitue  le  privilège  attaché  au  degré  de  l'offense  qu'il  a  essuyée. 
Mais  ils  sont  libres,  si  la  nature  de  leur  mandat  le  leur  permet,  de 
s^entendre  avec  les  témoins  de  l'agresseur  pour  choisir  un  duel  et 
des  distances  qui,  tout  en  ne  compromettant  pas  les  intérêts  de  leur 
client,  diminueront  les  dangers  de  la  rencontre. 

Si  l'offense  est  du  second  degré,  il  leur  est  interdit  de  renoncer 
non  seulement  au  choix  des  armes,  sans  l'autorisation  de  Pierre,  ou 
d'aller  contre  son  choix,  mais  encore  de  renonce  à  son  droit  de 
choisir  le  duel,  ou  de  choisir  un  duel  autre  que  celui  auquel  fl  a 
donné  la  préférence,  si  elle  est  légale;  mais  ils  pourront  mitîger  les 
conséquences  du  duel  choisi  par  Pierre,  en  y  apportant  certaines 
modifications  de  détail,  sous  réserve  que  ces  modifications  ne  por* 
teront  pas  atteinte  au  droit  lui-même,  et  en  choisissant  la  distance 
qai  leur  semblera  le  plus  capable  de  diminuer  les  risques  du 
combat  ^. 

Si  l'offense  est  du  troisième  degré,  outre  le  droit  au  dioix  des 
armes  et  du  duel,  comme  Pierre  a  acquis  celui  de  choisir  les  dis- 
tances, il  est  évident  que  ses  témoins  ne  pourront  pas  davantage  y 
renoncer,  qu'ils  ne  pourraient  adopter  une  antre  mesure  q«e  oeHe 
indiquée  par  lui,  si  elle  est  légale. 

N'auront-ils  donc  aucun  moyen  de  sauvegarder  la  responrabi* 
lité  civile  et  pénale  qui  les  menace  par  le  fait  d'un  combat  si 
inégal  ? 

1,  Voyez,  conformément,  dansbt  Revue  critique  de  légiilatUm  et  4t  JMriijrmfcuci^ 
année  ISfià,  Tarticle  intitulé  :  «  Du  duel  et  en  particulier  de  cette  question  :  Si  rof- 
fensé  a  un  droit  al»olu  an  choix  des  armes,  par  FlandiD,  conseiilnr  à  fat  Cour  de 
cassation.  »  Article  curieux  où  se  trouvent  développés  les  aorguments  tm  hymar  et  fat 
négative,  et  exposé  en  détail  Tantagonisme  de  la  législation  pénale  et  de  U  législation 
du  point  d'honneur. 

9.  Voyes  pour  plus  amples  détails  notre  chapitre  xxxvii. 


52  PREMIÈRE  PARTIE. 

Leur  seule  ressource  consiste  dans  la  résignation  de  leur  man- 
dat, qu'ils  peuvent  faire,  si,  de  sa  teneur,  il  ressort  que  mandataires 
et  mandants  se  sont  conservé  une  indépendance  suffisante.  Dans 
certains  cas,  ils  peuvent  décider  que  le  duel  sera  au  premier  sang, 
ou  qu'il  ne  s'arrêtera  qu'après  une  blessure  légère.  Ils  peuvent 
aussi  apporter  certaines  atténuations  au  duel  choisi  ^ 

Mais  ce  ne  sont  là  que  des  palliatifs,  puisque  l'inégalité  subsiste 
toujours  et  que  le  dénouement  peut  être  tout  autre  que  celui  qui 
est  souhaité  par  les  témoins. 


CHAPITRE  VIII 
Détermination  de  la  personne  offensée. 


Ghateauvillard  a  tracé  des  règles  qui  sont  admises  par  tous  les 
auteurs;  nous  les  reproduirons  textuellement.  Formulées  avec  pré- 
cision et  clarté,  marquées  au  coin  du  bon  sens,  elles  doivent  être 
religieusement  suivies  par  tous  ceux,  témoins  ou  arbitres,  qui  sont 
chargés  de  débrouiller  la  question  la  plus  ardue  et  la  plus  impor- 
tante de  toutes  celles  qui  surgissent  au  cours  d'une  affaire  d'hon- 
neur :  la  désignation  de  Voffensé. 

Des  commentaires  explicatifs  les  aideront  dans  cette  tftche,  faci- 
litée du  reste  par  une  méthode  de  groupement  sur  laquelle  nous 
attirons  leur  attention. 

Y  a-t-il  une  seule  offense?  Y  a-t-il  offense  réoiproque? 

Telle  est  la  question  qu'ils  devront  se  poser  d'abord.  Elle  forme 
la  première  division  de  ce  chapitre. 

Une  fois  cette  séparation  opérée,  ils  rechercheront  les  prescrip- 
tions applicables  à  chaque  éventualité. 

Ils  verront  que,  s'il  existe  une  seule  offense,  un  article  unique 
règle  tout  ;  tandis  que  si  les  offenses  sont  réciproques,  les  prescrip- 
tions varient  suivant  qa'il  y  a  concurrence  entre  offenses  du  même 
degré  ou  offenses  de  degrés  différents. 

C'est  la  seconde  distinction  à  opérer.  Nous  n'avons  pas  manqué 
de  la  faire  avec  tout  le  soin  réclamé  par  l'importance  du  sujet. 

Nous  examinerons  enfin  le  cas  où  un  cai^tel  est  envoyé  sans 
offense  constatée  ou  sans  raison  suffisante. 

1.  Voyez  nos  chapitres  xx,  xxxvii,  xxxviii,  xxxix. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  53 

L'exposé  que  nous  venons  de  faire  suffira  pour  démontrer, 
nous  Tespérons,  la  nécessité  de  déterminer  ayant  tout  la  valeur 
des  offenses,  puisque,  lorsqu'il  y  a  réciprocité  (et  c'est  le  cas  le  plus 
fréquent),  la  désignation  de  la  personne  offensée  résulte  ou  de  la 
priorité  de  l'offense  qu'elle  a  reçue  ou  de  son  degré  plus  élevé,  et 
partant  d'une  mutuelle  comparaison. 

Cas  où  il  existe  une  seule  offense. 

«  Article  premier.  —  Dans  une  querelle  amenée  par  une  dis- 
cussion, si  l'injure  arrive,  c'est  l'injurié  qui  est  certainement  l'of- 
fensé *.  » 

Des  termes  de  cet  article,  il  semble  résulter  qu'il  est  seulement 
applicable  aux  querelles  amenées  par  une  discussion,  et  qu'il  est 
spécial  aux  injures  graves.  Il  n'en  est  rien.  Si  Ghateauvillard  pré- 
voit le  cas  d'une  discussion,  c'est  à  cause  de  sa  fréquence;  mais  il 
ne  limite  pas  la  portée  de  la  règle  à  cette  éventualité. 

Elle  est  générale,  et  vise  a  fortiori  Thypothëse  où  Toffense  est 
essuyée  à  brûle-pourpoint  et  sans  discussion. 

Le  mot  injure  est  employé  ici  dans  un  sens  général  {quod  non 
jure  fit,  tout  ce  qui  est  fait  contre  le  droit),  et  noû  plus  dans  le 
sens  particulier  où  il  indique  un  degré  spécial  de  gravité,  par  oppo- 
sition à  l'offense  simple  et  à  la  voie  de  fait. 

Il  faut  décider,  en  conséquence,  que  toutes  les  fois  qu'une  per- 
sonne reçoit  une  impolitesse,  une  injure  ou  une  voie  de  fait,  sans  y 
répondre,  c'est  elle  qui  est  certainement  l'offensée. 

Cas  où  il  existe  des  offenses  réciproques. 

Il  faut  comparer  les  offenses  entre  elles  et  appliquer  les  règles 
suivantes  : 

Offenses  réciproques  du  même  degré. 

a  Art.  2.  —  §  1®'.  —  Si  les  deux  offenses  sont  du  même  degré, 
c'est  celui  qui  reçoit  la  première  offense  qui  reste  l'offensé  *.  » 

Gonséquemment  : 

«  §  2.  —  L'injure  grave  constitue  essentiellement  l'offense,  et, 

1.  GhateauTillard,  chapitre  premier,    article  premier.  —  Du  Verger  de  Saint- 
Thomas,  chapitre  premier,  article  4. 

2.  Voyez  Da  Verger,  chapitre  premier,  article  4. 


9k  PREMIÈRE  PARTIE. 

bîHi  qall  y  soit  répondu  par  une  autre  injure,  c'est  celui  qui  le 
liUMiifi  Ta  reçue  qui  reste  Toffensé  ^ 

c  §  B.  —  S'il  est  répondu  à  une  voie  de  fait  par  une  voie  de 
Ait,  €'69t  celui  qui  a  essuyé  la  première  qui  reste  l'offensé  *.  » 

a§  2î.  —  La  blessure  ne  constitue  pas  Toffense  ou  une  aggraya- 
tion  de  l'offense  ;  ainsi,  répondre  à  un  soufflet  par  un  coup  qui 
occasionne  une  blessure  grave  ne  constituerait  pas  que  Toffensé 
fût  celui  qui  a  reçu  la  blessure,  mais  le  premier  qui  a  été  touché'.  » 

Dans  le  paragraphe  premier  de  notre  article  est  formulée  la  règle 
générale.  Dans  les  paragraphes  2  et  3,  cette  règle  est  appliquée  aux 
deux  cas  les  plus  susceptibles  de  prêter  à  la  controverse,  à  raison  de 
rimpoitance  des  privilèges  que  Toffense  procure  alors  à  l'offensé  : 
à  rcÂense  grave  et  à  la  voie  de  fait. 

De  ce  que  Ghateauvillard  garde  le  silence  sur  Toffense  simple, 
faml*il  en  conclure  que  cette  règle  générale  ne  lui  soit  pas  appli- 
cable 7  Évidemment  non.  La  preuve  se  trouve  dans  Tarticle  3  du 
même  chapitre  où  cet  auteur,  à  la  suite  du  principe  général/ place 
la  sevle  exception  qui  doive  y  être  apportée.  - 

Comme  nous  le  verrons  à  l'article  suivant,  ces' deux  articles  se 
craipièleDt  et  s'expliquent  Tun  par  l'autre. 

M.  Tavemier  (voyez  Art  du  duel,  page  25)  fait  la  critique  du 
paragraphe  k  de  l'article  2. 

«  A  un  soufflet,  écrit-il,  vous  répondez  par  un  coup  de  canne 
qui  brise  le  bras  droit  de  votre  adversaire.  Vous  choisisses,  en  qua- 
lité de  premier  touché,  Tépée... 

a  II  est  certain  qu'il  vous  faut  attendre  la  guérison  complète  de 
votre  ennemi  pour  vous  mesurer  avec  lui;  mais  pendant  ce  temps 
vous  vous  exercez  à  la  salle  d'armes,  tandis  que  lui,  ne  pouvant  en 
faire  autant,  se  trouvera  dans  les  conditions  manifestes  d'inégalité 
au  jour  de  la  rencontre,  et  ce  par  votre  faute,  puisque  vous  pouviez 
lui  rendre  son  soufflet  sans  lui  briser  le  bras. 

((  En  l'espèce ,  nous  estimons  que  le  premier  frappé  perd,  à 
raison  de  la  blessure  infligée  à  son  ennemi,  l'avantage  de  sa  situation 
première. 

i.  Voyez  Ghateauvillard,  chapitre  premier,  article  2.  —  Du  Verger,  chapitre  pre- 
mier, articles  7  et  9.  ^  Tavernier,  page  24.  —  Affaires  Floquet-Boulangeri  14  juillet 
1888.  —  aémenceau-Déroulède  et  Clémenceau-Millevoye,  20  au  24  décembre  18^.  — 
Appendice  n»  4. 

2.  Voyez  Ghateauvillard,  chapitre  premier,  article  premier,  et  affaire  Ritter- 
Applcton,  GaxetU  des  Tribunaux,  2  et  3  avril  1873.  Voyez  appendice  n«  5. 

2.  Voyez  Ghateauvillard,  ibidem.  Les  dispositions  de  Tarticle  2  sont  admises  par 
tous  les  auteurs  et  entre  autres  par  Du  Verger,  chapitre  premier,  articles  il,  12,  13 
et  14. 


OFFENSES.  -  RÈGLES  DU  DUEL.  55 

«  Les  chances  de  la  rencontre  doivent,  selon  nous,  être  tirées 
au  sort.  » 

Cette  solution  ne  nous  parait  pas  exacte  théoriquement  : 

!<"  Parce  qu*elle  admet  une  sorte  de  compensation  entre  le 
soufflet  et  la  blessure,  compensation  qui  est  contraire  au  principe 
formulé  par  M.  Tavernier  lui-même,  page  26,  en  ces  termes  :  «  Dans 
les  offenses  avec  coups  et  blessures,  qui  touche  frappe;  aucune 
différence  n*est  admise  »  ;  2<'  parce  qu'elle  ne  reconnaît  plus  ni 
offenseur  ni  offensé,  contrairement  à  la  règle  énoncée  par  lui  à  la 
page  23  :  «  Dans  une  querelle,  Foffensé  est  celui  qui  le  premier 
reçoit  une  injure  »  ;  3"*  parce  qu'elle  prive  l'individu  qui  a  reçu  le 
soufflet  de  toute  prérogative,  même  du  choix  des  armes,  qui  lui 
reviendrait  si»  ayant  essuyé  une  offense,  il  avait  riposté  par  une 
injure  de  même  nature  ;  k''  parce  qu'elle  le  place  dans  la  situation 
d'un  homme  qui  demanderait  raison  d'une  impolitesse  quasi  insai- 
sissable, survenue  à  la  suite  d'une  discussion  où  les  convenances 
auraient  été  parfaitement  observées  ^ 

Cette  assimilation  est-elle  juste  et  raisonnable? 

Nous  ne  le  croyons  pas. 

Tenons-nous-en  donc  à  la  règle  de  Ghateauvillard.  Accordons  à 
celui  qui  a  essuyé  le  premier  coup  le  rôle  d'offensé  qui  lui  appar- 
tient en  droit,  et  laissons  aux  témoins  ou  aux  arbitres  la  mission  de 
décider  en  fait  quelles  atténuations  sont  compatibles  avec  les  privi- 
lèges qui  sont  attachés  à  cette  qualité. 

a  A  RT.  3.  —  Si,  à  une  chose  impolie,  on  répond  par  une  injure, 
si  l'agresseur  se  prétend  offensé,  ou  si  celui  qui  a  reçu  l'injure  se 
prétend  offensé,  il  n'y  a  pas  à  hésiter  à  remettre  au  sort  toutes  les 
chances  de  la  rencontre  qui  doit  résulter  de  ces  débats  *.  » 

Par  le  mot  injure  employé  dans  cet  article,  il  faut  entendre 
autre  chose  qu'une  impolitesse,  et  autre  chose  qu'une  offense  grave 
du  second  degré. 

En  effet,  si  à  une  impolitesse  il  est  répondu  par  une  autre  impo- 
litesse, c'est  celui  qui  a  reçu  la  première  impolitesse  qui  reste 
l'offensé,  conformément  à  l'article  2,  paragraphe  premier,  du  présent 
chapitre. 

Si  à  une  impolitesse  il  est  répondu  par  une  offense  grave  du 
second  degré,  c'est  celui  qui  a  essuyé  l'offense  grave  qui  est  l'offensé, 
conformément  à  l'article  4  du  même  chapitre. 

Par  le  mot  injure,  il  faut  donc  entendre  une  offense  du  premier 

1.  Voyez  Tarticle  6  du  présent  chapitre. 

2.  Voyez   conformément  Ghateauvillard,  chapitre  premier,  article  3.  —  Taver- 
nier, page  23.  «  Da  Verger  de  Saint-Thomas,  chapitre  premier,  article  5. 


56  .  .    PREMIÈRE  PARTIE. 

degré,  qui,  sans  porter  atteinte  à  Thonneur  ou  à  la  considération, 
a  une  importance  majeure  relativement  à  l'impolitesse. 

Au  lieu  d'être  employée  par  Chateauvillard  dans  le  sens  qu'il  lui 
donne  généralement,  et  en  particulier  dans  l'article  2  de  son  chapitre 
premier,  c'est-à-dire  au  lieu  de  signifier  une  atteinte  à  l'honneur  ou 
à  la  considération,  cette  expression,  dans  Thypothèse  actuelle, 
indique  une  de  ces  atteintes  graves  à  Tamour-propre,  dont  nous 
nous  sommes  occupés  chapitre  m. 

N'oublions  pas  ce  que  nous  avons  déjà  observé  en  étudiant  plus 
haut  l'article  2.  L'article  3  est  une  exception  qui  doit  être  stricte- 
ment limitée  au  cas  en  vue  duquel  elle  a  été  établie,  c'est-à-dire  au 
cas  où  il  est  répondu  à  une  simple  impolitesse  par  une  atteinte 
grave  à  l'amour-propre,  ou,  pour  nous  exprimer  plus  clairement,  à 
une  offense  du  premier  degré  par  une  offense  du  même  degré,  mais 
d'intensité  supérieure. 

Toutes  les  fois  qu'à  une  simple  impolitesse  il  est  répondu  par 
une  autre  impolitesse,  ou  à  une  atteinte  grave  à  l'amour-propre 
par  une  atteinte  analogue,  la  qualité  d'offensé  résulte  de  la  priorité 
de  Toffense  reçue,  sans  qu'il  y  ait  lieu  de  recourir  au  tirage  au  sort. 

Offenses  réciproques  de  degrés  différents. 

Si  les  offenses  sont  de  degrés  différents,  les  règles  varient  sui- 
vant qu'à  une  offense  simple  il  est  répondu  par  une  injure  grave,  ou 
qu'à  une  injure  grave  il  est  répondu  par  une  voie  de  fait.  Nous 
allons  étudier  séparément  chacune  de  ces  hypothèses. 

((  Art.  4.  —  Si  à  une  offense  simple,  il  est  répondu  par  une 
offense  grave,  attaquant  l'honneur  ou  la  considération,  c'est  celui 
qui  a  reçu  l'offense  grave  qui  reste  l'offensé  *.  » 

Cet  article  est  clair.  [1  convient  toutefois  de  remarquer  qu'il  faut 
entendre  par  simple  offense  toute  atteinte  à  Tamour-propre  pouvant 
être  rangée  parmi  les  offenses  du  premier  degré,  abstraction  faite 
du  rang  qu'elle  occuperait  dans  ladite  catégorie. 

«  Art.  5.  —  Lorsqu'il  a  été  répondu  à  une  offense  grave  par  une 
voie  de  fait,  c'est  celui  qui  a  essuyé  la  voie  de  fait  qui  reste  l'offensé  *.  » 

M.  Tavernier  {Art  du  duel,  page  28)  enseigne  que  quelquefois 
la  voie  de  fait  doit  céder  le  pas  à  certains  outrages.  A  ce  propos,  il 
cite  l'exemple  suivant  : 

1,  Conformément,  voyez  Tavernier,  page  24.  —  Du  Verger  de  Saint-Thomas,  cha- 
pitre premier,  article  8. 

2.  Conformément,  voyez  Chateauvillard,  chapitre  premier,  article  premier.  — 
Tavernier,  page  25.  —  Du  Verger  de  Saint-Thomas,  chapitre  premier,  article  10,  et 
l'affaire  des  !♦♦♦  J***  »!♦♦♦,  Cajje((e  des  Tribunaux,  4  et  5  octobre  1880.  Appendice  n^  6. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  57 

«  Une  discussion  s'éleva  un  jour,  entre  deux  spectateurs,  au  sujet 
d'une  place  de  théâtre. 

«  L'un  d'eux  était  accompagné  de  sa  mère,  qui  occupait  un  fau- 
teuil dont  Tautre  réclamait  la  propriété.  Pour  forcer  la  dame  à 
déguerpir,  ce  dernier  s'assit  sur  ses  genoux.  » 

Que  serait-il  arrivé  si  le  flls  l'avait  frappé  ? 

Cette  voie  de  fait  aurait-elle  procuré  au  grossier  personnage  le 
droit  d'offensé  ? 

Non,  répond  M.  Tavernier.  L'offense  faite  à  la  mère  prime  le 
coup  porté,  c'est  une  exception  à  l'article  5. 

Nous  sommes  de  cet  avis,  mais  non  pour  le  même  motif. 

Selon  nous,  il  n*y  avait  pas  lieu  de  déroger  au  principe  que 
nous  venons  de  poser  article  5.  En  effet,  dans  l'espèce  de  M.  Tavernier, 
ce  n^était  pas  cet  article  qui  devait  être  appliqué,  mais  bien  le  para- 
graphe 3  de  l'article  2,  car  l'acte  de  l'agresseur  pris  en  lui-même 
constituait  non  une  injure  grave,  mais  une  voie  de  fait  à  l'adresse 
de  la  mère,  en  vertu  de  la  règle  «  qui  touche  frappe  ».  Le  fils  acqué- 
rait naturellement  le  privilège  d'offensé,  puisque  le  soufflet  qu'il 
administrait  à  Tinsolent  ne  constituait  qu'une  riposte. 

L'artiole  5  est-il  applioable  lorsqu'il  s'agit  d'un  maxi  trompé  qui  firappe 
l'axnant  de  sa  femme?  —  A  qui  revient  dans  ce  cas  la  qoalité 
d'offensé? 

Pour  résoudre  cette  question,  il  suffit  de  rechercher  si  la  lésion 
subie  par  le  mari  peut  être  rangée  dans  la  catégorie  des  offenses  du 
troisième  degré,  car,  s'il  en  est  ainsi,  le  droit  à  la  qualité  d'offensé 
lui  est  accordé  par  le  paragraphe  3  de  Tarticle  2  du  présent  cha- 
pitre, tandis  que,  dans  le  cas  contraire,  c'est  Tamant  qui  bénéficie  de 
cette  situation  en  vertu  de  Tarticle  5. 

Pour  arriver  à  cette  solution,  nous  allons  examiner  : 

1«  Ce  qu'il  faut  entendre  par  mari  trompé  ; 

2*"  Quelle  est  la  nature  et  la  base  du  droit  du  mari  ; 

3""  Quelle  est  la  nature  de  la  lésion. 

Qu'est-ce  qu'un  mari  trompé  ? 

Le  mari  trompé  est  celui  dont  l'épouse  viole  la  foi  conjugale,  en 
abandonnant  à  un  autre  qu'à  leur  légitime  propriétaire  un  corps, 
une  âme,  une  affection  qu'elle  avait  juré  de  lui  conserver  intacts. 

Il  résulte  de  cette  définition  qu'il  existe  deux  sortes  d'infidé- 
lités :  l'une  morale,  l'autre  matérielle,  et  que,  lorsqu'il  s'agit  du 
point  d'honneur,  la  qualification  de  mari  trompé  s'applique  à  celui 
qui  a  subi  l'une  ou  l'autre  de  ces  lésions,  bien  que  leurs  consé- 
quences ne  soient  pas  également  graves,  et  que,  dans  le  langage 


58  PREMIÈBE  PARTIE. 

nsael,  Pépithète  s'entende  principalement  de  rhoinme  qui  a  essuyé 
la  lésion  matérielle. 

Quelle  est  la  nature  du  droit  du  mari  7 

Le  droit  de  propriété  exclusive  sur  la  personne  physique  et 
morale  de  la  femme,  qui  appartient  au  mari,  constitue  en  faveur  de 
ce  dernier  un  patrimoine  sacré,  Vhonneur  conjugal^  qu*il  est  tenu 
de  défendre  avec  une  jalouse  sollicitude,  sous  peine  d'encourir  la 
mésestime  publique. 

La  caractéristique  de  ce  droit  est  d'être  lésé  non  plus  par  une 
invective,  une  menace,  un  terme  de  mépris,  comme  lorsqu'il  s'agit 
de  Vhonneur  personnel  à  l'individu  offensé  dépouillé  de  sa  qualité 
d'époux,  mais  par  tout  acte  d'apparence  agréable  ou  flatteuse  qui  a 
pour  but  d'usurper  son  bien. 

Quelle  est  la  nature  de  la  lésion  7 

La  caractéristique  de  la  lésion  qui  résulte  de  toute  tentative 
d'usurpation  et  de  toute  usurpation  consommée  est  d'être  subor- 
donnée au  consentement  de  la  femme.  En  effet,  si  c'est  contre  son 
gré  que  les  témoignages  d'amour  lui  sont  prodigués,  ces  témoignages 
se  métamorphosent  en  injure  ordinaire,  et  le  mari  se  trouve  placé 
dans  la  situation  de  n'importe  quel  protecteur  ^ 

Delà  nature  particulière  du  droit,  de  l'étroitesse  de  l'obligation, 
faut-il  conclure  que  la  législation  du  point  d'honneur  doive  créer  en 
faveur  des  époux  trompés  quelques  privilèges  spéciaux,  à  l'instar 
de  la  loi  pénale  qui  excuse  le  meurtre  commis  par  l'époux  sur  son 
épouse  et  sur  le  complice,  à  l'instant  où  il  les  surprend  en  flagrant 
délit  dans  la  maison  conjugale*  7 

Intervertit-elle  en  sa  faveur  Tordre  dans  lequel  les  offenses  sont 
classées  7 

Lui  accorde-t-elle  toujours,  comme  l'enseigne  M.  Du  Verger  de 
Saint-Thomas,  page  174,  le  droit  d'offensé  avec  voie  de  fait  7 

Nous  ne  le  croyons  pas.  Cette  fols-ci,  comme  toujours,  la  classi- 
fication de  Chateauvillard  doit  être  maintenue,  parce  qu'elle  suffit  à 
déterminer  aussi  rationnellement  et  équitablement  que  possible  la 
valeur  de  Toffense  et  l'étendue  des  privilèges  de  l'offensé,  sans  qu'il 
soit  nécessaire  de  créer  une  exception  arbitraire  qui  a  le  grave 
inconvénient  d'accorder  un  privilège  également  considérable  pour 
des  offenses  très  inégalement  préjudiciables  à  l'époux. 

On  comprend  cependant  qu'entre  le  compliment  affecté,  miel 
de  la  coquette,  chicotin  du  mari,  entre  la  déclaration  passionnée, 
amoureusement  accueillie,  et  la  dernière  faveur,  il  existe  bien  des 
degrés. 

1.  Voyez  notre  chapitre  x. 
S.  Code  pénal,  article  324,  $  2. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  59 

Pour  résoudre  la  question  et  décider  qui,  du  mari  trompé  ou 
de  ramant  frappé,  obtiendra  le  privilège  d'offensé,  nous  applique- 
rons purement  et  simplement  les  règles  ordinaires. 

Nous  rangerons  dans  la  première  classe  les  actes  qui  blessent 
Tamour-propre  et  la  susceptibilité  du  mari  sans  entacher  son 
honneur. 

Nous  rangerons  dans  la  seconde  ceux  qui  blessent  son  hon- 
neur, mais  qui  par  leur  nature  ne  constituent  pas  la  voie  de  fait. 

Nous  ferons  enfin  rentrer  dans  la  troisième  ceux  qui  corres- 
pondent à  la  voie  de  fait,  c'est-à-dire  qui  consistent  dans  le  contact 
matériel  d'une  partie  quelconque  des  deux  corps,  et  nous  accorde- 
rons le  priyilège  d'offensé  du  troisième  degré  à  celui  qui  aura  le 
premier  subi  la  voie  de  fait. 

La  seconde  classe  comprendra,  par  exemple,  les  déclarations, 
aveux,  promesses,  rendez-vous,  baisers  envoyés  de  la  main,  etc. 

La  troisième  classe,  tous  les  attouchements,  depuis  Tétreinte 
furtive  de  la  main,  jusqu'à  la  conjonction  finale. 

A  ce  système  on  peut  faire  plusieurs  objections,  auxquelles 
nous  allons  répondre  successivement. 

Première  objection  —  Le  principe  de  ranger  dans  la  catégorie 
des  offenses  graves  tous  les  actes  qui  lèsent  l'honneur  du  mari,  sans 
se  manifester  par  un  contact  matériel,  n'est-il  pas  trop  arbitraire  ? 

Ne  peut-il  pas  arriver,  par  exemple,  que  les  épi  très  échangées,  les 
paroles  surprises,  ne  soient  conçues  en  termes  si  libres  qu'elles  aient 
un  caractère  de  gravité  supérieur  à  une  simple  pression  de  main  ? 

Sera-t-il  juste  d'accorder  au  mari  qui  les  intercepte  un  privilège 
moindre  qu'au  mari  qui  surprend  Tétreinte? 

A  cela  nous  répondons  :  Les  motifs  qui  nous  ont  dicté  notre  clas- 
sement reposent  sur  le  danger  plus  ou  moins  grand  que  court  le 
mari  de  subir  le  maximum  de  préjudice,  c'est-à-dire  l'acte  con- 
sommé. 

Il  n'est  pas  douteux  que  la  femme  qui  abandonne  à  un  amant 
une  partie  quelconque  de  son  corps  expose  bien  davantage  son 
époux  à  la  lésion  suprême,  caractérisée  par  la  perte  de  l'honneur 
et  la  survenance  d'enfants  illégitimes,  que  celle  qui  souhaite  et 
prépare  l'heure  du  berger.  Il  y  a  entre  les  deux  situations  toute  la 
différence  qui  existe  entre  l'intention  coupable  et  la  tentative, 
toute  la  distance  qui  sépare  la  coupe  des  lèvres. 

Il  est  donc  naturel  d'attacher  aux  actes  préliminaires  matériels, 
qui  font  courir  aux  maris  les  plus  grands  dangers  de  lésion 
maxima,  une  importance  capitale  relativement  au  classement  des 
offenses. 


60  PREMIÈRE  PARTIE. 

11  ne  faut,  da  reste,  pas  oublier  que,  dans  l'espèce  proposée,  on 
doit,  pour  déterminer  la  griëyeté  des  paroles  et  des  épltres,  considé- 
rer non  ces  paroles  et  ces  épttres  prises  en  elles-mêmes,  mais  les 
faits  qu'elles  expriment  et  constatent.  C'est  le  fait  indiqué  par  elles 
qui  engendre  seul  l'offense  et  qui  détermine  la  classe  à  laquelle 
cette  offense  appartiendra  et  l'étendue  du  privilège  accordé  au 
mari. 

Il  n'est  donc  pas  juste  de  dire  que  ces  lettres  ou  ces  paroles 
procureront  au  mari  des  avantages  moindres  que  ceux  qui  lui 
reviendraient  s'il  avait  constaté  de  visu  la  pression  de  main, 
puisque,  s'il  résulte  des  termes  de  ces  lettres  ou  de  ces  paroles  que 
l'étreinte  a  eu  lieu  dans  une  intention  coupable,  elles  serviront  à 
prouver  son  droit  au  maximum  des  prérogatives  qui  sont  l'apanage 
des  offensés  de  la  troisième  catégorie. 

Deuxième  objection.  —  On  prétend  que  le  principe  de  ranger 
dans  la  catégorie  des  voies  de  fait  les  offenses  qui  procèdent  du 
contact,  en  admettant  qu'il  repose  sur  des  motifs  rationnels,  a  préci- 
sément le  résultat  que  nous  reprochons  à  Du  Verger  de  Saint- 
Thomas,  c'est-à-dire  de  n'établir  aucune  gradation  entre  les  actes 
qui  sont  considérés  comme  voies  de  fait,  et  d'accorder  au  mari 
dont  réponse  a  consenti  la  plus  minime  privante  le  même  privilège 
qu'à  celui  dont  l'épouse  a  tout  donné.  .' 

A  cela  nous  répondrons  que  l'inconvénient  signalé  existe  bien 
réellement,  mais  qu'il  est  une  conséquence  de  la  division  des 
offenses  en  trois  classes  et  du  parallèle  que  nous  avons  établi  entre 
celle  par  le  contact  et  la  voie  de  fait.  De  même  que  celui  qui  est 
effleuré  du  gant  acquiert  un  privilège  égal  à  celui  qui  est  accordé 
à  l'homme  qui  essuie  un  soufflet  retentissant,  des  coups  violents,  ou 
subit  des  blessures,  en  vertu  de  la  règle  «  qui  touche  frappe  »,  de 
même  le  mari,  si  un  contact  s'est  produit,  acquiert,  en  vertu  de  la 
même  règle,  des  prérogatives  semblables. 

Pour  bien  comprendre  Téconomie  de  notre  système,  il  ne  faut 
pas  oublier  que  la  question  est  traitée  seulement  au  point  de  vue 
théorique,  en  raisonnant  sur  des  hypothèses  nettement  tranchées,  et 
en  faisant  abstraction  de  la  question  de  fait  et  d'intention  qui  varie 
à  l'infini. 

En  résumé,  nous  croyons  pouvoir  décider  logiquement  que  si 
les  offenses  commises  par  l'amant  ne  proviennent  pas  d'un  contact 
avec  l'épouse,  et  si  le  mari  le  frappe,  c'est  l'amant  qui  est  l'offensé, 
tandis  que,  s'il  y  a  contact,  c'est  le  mari  qui  jouit  de  cette  préroga- 
tive. 


OFFENSES.   —  RÈGLES  DU  DUEL.  61 


La  solation  est-elle  analogue  lorsqu'il  s'agit  de  déterminer  la  situa- 
tion du  père,  de  l'aïeul,  du  frère,  etc.,  placés  en  face  de  l'amant 
de  leur  ûlle ,  de  leur  petite-ûlle  ou  de  leur  sœur,  dans  des  con- 
ditions analogues  à  celles  de  l'épcuz  vis-à-vis  le  séducteur  de  sa 
femme? 

Nous  ne  saurions  répondre  aussi  catégoriquement,  car  la 
question  de  fait  joue  en  l^espèce  un  rôle  prédominant.  Les  droits 
des  ascendants  et  du  frère  ne  reposent  plus  sur  un  principe  unique, 
invariable  et  perpétuel,  le  droit  de  propriété,  mais  sur  des  bases 
multiples,  qui  sont  Tautorité  paternelle  pour  les  uns,  et  la  solida- 
rité familiale  pour  ce  qui  concerne  les  autres. 

Ces  principes  varient  en  outre,  suivant  l'état  de  minorité, 
d^émancipation,  de  majorité,  etc.,  dans  des  proportions  tellement 
considérables,  que  le  même  acte  accompli  par  le  même  individu, 
envers  la  même  personne,  peut  être  considéré  comme  offensant 
dans  certaines  conjonctures,  et  comme  indifférent  dans  certaines 
autres. 

Pour  ne  citer  qu'un  exemple,  le  billet  doux  adressé  furtive- 
ment à  une  mineure,  par  un  homme  qui  veut  la  séduire  dans  le 
but  de  répouser  malgré  l'opposition  de  ses  parents,  constitue  une 
offense  qui  lèse  le  père  dans  son  droit  de  puissance  paternelle. 

Au  contraire,  le  même  billet,  conçu  en  termes  identiques  et 
remis  dans  un  but  analogue  à  une  fille  majeure,  n'entraîne  pas 
forcément  ce  résultat,  puisqu'à  vingt-cinq  ans  une  fille  peut  se 
marier  à  son  gré,  sous  réserve  des  actes  respectueux. 

Nous  n'entreprendrons  pas  de  classer  ces  diverses  espèces 
d'offenses.  Nous  nous  contentons  de  renvoyer  le  lecteur  aux  règles 
que  nous  avons  tracées  lorsqu'il  s'est  agi  du  mari  trompé.  Il 
pourra  s'en  inspirer  dans  une  certaine  mesure. 

Rappelons  enfin  que,  quelle  que  soit  l'importance  de  l'offense, 
elle  doit  nécessairement  trouver  sa  place  dans  une  des  trois  divi- 
sions indiquées  précédemment,  sans  qu'il  soit  loisible  de  procurer  à 
l'offensé  des  privilèges  supérieurs  à  ceux  qui  correspondent  à  la 
classe  dans  laquelle  l'offense  qu'il  a  subie  est  cataloguée. 

Après  avoir  établi  les  règles  à  observer  dans  les  différents  cas  où 
il  y  a  offenses  commises  par  un  seul  individu  et  le  cas  où  il  y  a 
réciprocité  d'offenses,  il  nous  reste  à  examiner  les  règles  à  suivre 
lorsqu'il  n'y  a  pas  offense  bien  apparente^  ou  lorsque  le  cartel  est 
envoyé  sans  raison  suffisante. 

«  Art.  6.  —  S'il  n*y  a  pas  injure,  mais  qu'à  la  suite  d'une  dis- 


62  PREMIÈRE  PARTIE. 

cussion  où  les  règles  du  savoir-vivre  et  de  la  politesse  ont  été  suivies 
à  la  lettre,  Tuo  des  antagonistes  demande  raison,  le  demandeur  ne 
prend  pas  pour  cela  le  rang  d'agresseur,  et  celui  qui  raccorde  le  rang 
d'offensé.  Toutes  les  chances  de  la  rencontre  sont  tirées  au  sort^  » 

A  première  vue,  Tartlcle  6  peut  inspirer  une  certaine  hésitation, 
et  on  est  tenté  d'approuver  la  fln  de  non-recevoir  conseillée  par 
M.  Tavernier  en  pareil  cas.  {Art  du  duel,  page  2&.) 

Cependant,  pour  peu  qu'on  y  réfléchisse,  on  reconnaîtra  que  les 
dispositions  dudit  article  sont  parfaitement  rationnelles. 

Qui  n'a  pas  rencontré  sur  sa  route  une  personne  experte  en 
l'art  de  la  raillerie,  à  laquelle  le  plaisir  de  lancer  un  bon  mot  et 
d'amuser  la  galerie  ferait  sacrifier  son  meilleur  ami  7 

Personne  détestée  s'il  en  fût,  mais  personne  redoutée  à  raison 
de  l'esprit  qui  assaisonne  ses  méchancetés,  et  qui  rend  une  escar- 
mouche d'épigrammes  et  de  saillies,  chose  périlleuse  avec  elle. 

Elle  se  garde  bien  de  commettre  une  imprudence.  Il  est  presque 
impossible  au  pauvre  diable  qui  lui  a  servi  de  plastron  de  carac- 
tériser une  offense  matérielle.  Pourtant  la  blessure  existe,  d'autant 
plus  perfide  qu'elle  est  plus  enguirlandée  des  fleurs  de  la  politesse 
et  masquée  par  le  ton  de  la  bonne  compagnie  ;  d'autant  plus  cruelle 
qu'elle  se  compose  de  cent  coups  d'épingle,  aux  endroits  les  plus 
sensibles  de  Tépiderme. 

Qui  n'a  pas  été  en  contact  avec  un  poseur  infatué  de  sa  per- 
sonne, de  sa  fortune  ou  de  sa  race,  et  dont  l'attitude  impertinente 
produit  le  même  résultat  7 

L'article  6  correspond  à  ces  diverses  situations  et  peut  être 
invoqué  chaque  fois  que  l'amour-propre  d'un  individu  a  été  fh)issé, 
sans  qu'il  en  soit  résulté  une  offense  assez  apparente  pour  être 
classée  dans  la  catégorie  de  celles  qui  procurent  à  l'offensé  le  choix 
des  armes. 

Mais  il  ne  faut  pas  se  dissimuler  qu'à  raison  des  faits  peu  tan- 
gibles que  prévoit  Tariicle  6,  son  application  sera  généralement 
difficile;  aussi  la  riposte  par  un  vigoureux  coup  de  boutoir,  ri- 
poste qui  ne  demande  pas  une  forte  dose  d*éloquence  et  qui  a 
l'avantage  d'être  à  la  portée  du  premier  venu,  sera-t-elle  générale- 
ment Vultima  ratio  de  l'homme  trop  chatouilleux  pour  digérer  une 
impertinence  déguisée,  et  trop  peu  soucieux  de  sa  peau  pour 
faire  entrer  en  ligne  de  compte  la  perte  d'un  privilège  probléma- 
tique, avec  l'humiliation  d'avoir  servi  de  plastron  sans  broncher. 

Ajoutons  que  la  perspective  d'un  dénouement  de  cette  espèce 

1.  Ghateauvillard,  chapitre  premier,   article  4.  —  Du  Verger  de  Saint-Thomas, 
chapitre  premier,  article  6. 


OFFENSES.  -  RÈGLES  DU  DUEL.  63 

émoassera  généralement  raiguillon  du  bel  esprit  et  la  morgue  du 
vaniteux. 

a  Art.  7.  —  Si  on  envoie  un  cartel  sans  raison  suffisante,  c'est 
bien  certainement  celui  qui  envoie  le  cartel  qui  est  Fagresseur  ;  les 
témoins,  avant  de  permettre  le  combat,  doivent  en  demander  la 
raison  suffisante  ^  » 


Considératioxis  sur  l'esprit  qui  a  présidé  à  la  rédaction 

des  six  articles  précédents. 

Dans  ces  divers  articles,  Chateauvillard  n*es8aye  pas  seulement 
de  réprimer  les  atteintes  &  Fbonneur  et  à  la  considération,  mais  de 
conserver  les  usages  de  la  bonne  compagnie,  dans  les  conjonctures 
les  plus  irritantes. 

Remarquons,  à  ce  propos,  la  concordance  qui  existe  entre  la 
progression  des  privilèges  accordés  à  Toflénsé  et  les  écarts  de  plus 
en  plus  violents  auxquels  se  livre  Tagresseur. 

Au  cours  d'une  discussion,  vous  recevez  une  impolitesse  à  la- 
quelle vous  ne  répondez  que  par  un  cartel  :  vous  avez  le  choix  des 
armes. 

Vous  vous  animez,  au  contraire,  et  répondez  par  une  offense 
qui  sans  porter  atteinte  à  Thonneurou  la  considération,  en  un  mot 
sans  constituer  l'offense  grave,  a  une  importance  majeure  relative- 
ment À  l'impolitesse  :  le  choix  des  armes  est  tiré  au  sort. 

Au  lieu  de  cela,  vous  proférez  une  injure  grave;  peu  importe 
que  vous  ayez  essuyé  la  première  offense  ;  c'est  vous  qui  prenez 
le  rôle  d*agresseur,  et  procurez  à  votre  adversaire  le  droit  au  choix 
des  armes  et  du  duel. 

Au  lieu  d'une  impolitesse,  vous  recevez  une  injure  grave  ;  vous 
frappez  votre  adversaire  :  le  coup  vous  enlève  le  choix  des  armes  et 
du  duel  que  vous  auriez  eu  sans  cela,  et  le  transporte  à  votre  anta- 
goniste, avec  le  choix  des  distances.  Vous  vous  êtes  conduit  en 
homme  mal  élevé  dans  le  premier  cas,  brutal  dans  le  dernier.  Tant 
pis  pour  vousl  Sans  doute,  tl  vous  aurait  fallu  bien  du  sang-froid 
pour  résister  à  la  tentation  d'obtenir  une  vengeance  immédiate  et 
éclatante,  mais  votre  sang-froid  aurait  trouvé  sa  récompense  dans 
le  privilège  d'offensé  avec  injure  grave  qui  vous  aurait  été 
accordé  *. 

Le  chapitre  que  nous  venons  d'étudier  a  soulevé  plusieurs  cri- 

i.  Voyex  Chate&avilUrd,  chapitre  premier,  article  5  et  notre  chapitre  xvu. 
3.  Voyez  notre  chapitre  lY  (Voie  de  fait). 


64  PREMIÈRE  PARTIE. 

tiques  qui  proviennent  généralement  de  Tinterprétation  yicieuse 
qui  en  a  été  faite. 

Grisier  entre  autres,  dans  son  livre  Des  armes  et  du  duel,  s'élève 
avec  force  contre  Ténormité  du  privilège  accordé  par  Tarticle  5  à 
l'offensé  avec  voie  de  fait  : 

(c  Un  homme,  écrit-il,  veut  assouvir  sa  haine  contre  un  autre. 
II  injurie  son  adversaire  dans  ce  qu'il  a  de  plus  cher  ;  celui-ci,  dont 
la  patience  est  épuisée  par  une  telle  continuité  d'insultes,  lève  le 
bras  et  frappe.  Le  Code  de  Chateauvillard  le  déclare  offenseur  I  Et 
celui  qui,  pour  en  arriver  là,  n'a  cessé  de  l'insulter  mortellement, 
choisira  son  arme,  son  duel  et  ses  distances,  ravissant  ainsi  une 
existence  qu'il  considère  comme  sa  proie  I  » 

La  critique  serait  fondée,  si  le  pauvre  diable  étaitpris  forcément 
entre  Talternative  de  recevoir  sans  broncher  un  déluge  d'invectives 
et  celle  de  frapper  après  avoir  essuyé  toute  la  bordée.  Mais  rien  ne 
Ty  oblige  fatalement.  Tant  pis  pour  lui  s'il  agit  avec  une  si  grande 
maladresse.  Chateauvillard  est  d'autant  moins  coupable  qu'il  lui 
offre  (Voyez  article  1®'  de  ce  chapitre)  le  moyen  facile  de  déjouer  la 
manœuvre  de  son  agresseur.  II  suffit  qu'aussitôt  après  la  première 
injure  grave  il  lui  adresse  un  cartel  et  se  retire  s'il  le  peut.  Il  ac- 
quiert par  la  force  des  choses  le  choix  des  armes  et  celui  du  duel, 
et  oblige  son  adversaire  à  cesser  de  nouvelles  agressions,  qu'il  ne 
peut  continuer  sans  violer  une  règle  fondamentale  en  matière  de 
point  d'honneur.  En  effet,  à  partir  de  la  demande  de  réparation, 
toute  altercation  doit  cesser.  D'après  les  règles  du  duel,  les  adver- 
saires ne  peuvent  plus  communiquer  directement.  Ils  deviennent, 
si  nous  pouvons  nous  exprimer  ainsi,  pour  mieux  faire  comprendre 
notre  pensée,  sacrés  l'un  pour  l'autre.  Le  cartel  adressé  par  l'offensé 
lui  permet  donc  de  garder  ensuite  le  silence,  sans  encourir  aucun 
blâme  K 

L'agresseur  qui  s'acharnerait  encore  ne  pourrait  s'en  prendre 
qu'à  lui  s'il  récoltait,  en  un  de  compte,  une  correction  bien  méritée. 
La  persistance  de  l'attaque  servirait  d'excuse  à  la  voie  de  fait,  qui 
deviendrait  un  acte  de  légitime  défense  contre  un  individu  qui, 
s'étant  mis  par  sa  manière  d'agir  en  dehors  des  règles  du  point 
d'honneur,  ne  serait  pas  admis  naturellement  à  les  invoquer,  pour 
obtenir  réparation  d'une  conséquence  de  leur  transgression. 

Aussi  les  témoins  repousseraient-ils  sa  prétention  au  droit 
d'offensé  avec  voie  de  fait,  sans  contrevenir  aux  règles  que  nous 
avons  étudiées  plus  haut. 

1.  Conformément,  voyez  Prévost  et  JoUivet,  l'Escrime  et  le  duel,  page  199,  et  à 
rélranger,  Gelli. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  65 


Duels  à  motifs  secrets. 

Nous  ne  pouvons  clore  le  chapitre  vm  sans  rechercher  à  qui 
reviennent  les  privilèges  qui  sont  attachés  à  la  qualité  d'offensé, 
lorsque  les  motifs  du  duel  sont  tenus  secrets. 

Si  les  parties  refusent  de  faire  connaître  les  motifs  de  la  provo- 
cation, à  raison  de  la  nature  particulièrement  délicate  de  l'offense, 
les  témoins  agiront  prudemment  en  refusant  leur  concours. 

En  effet,  comme  récrivait  le  prince  Bibesco  à  M.  Ferry 
d'Esclands  dans  une  lettre  en  date  du  20  mars  1885  :  «  Les  témoins 
ont  le  droit  et  le  devoir  de  connaître  la  cause  de  la  provocation. 

«  Il  est  inadmissible  qu'on  puisse  la  leur  cacher. 

«  Je  vais  raconter  une  anecdote  à  ce  propos  : 

«  Il  y  a  quelques  années,  deux  hommes  du  meilleur  monde 
cherchèrent  des  témoins  pour  une  rencontre  qu'ils  disaient  néces- 
saire, irrémissible.  Leur  haute  situation  ne  permit  pas  de  douter  de 
la  sincérité  de  leur  allégation.  Personne  ne  fit  de  questions  sur  le 
motif  du  duel,  et  on  se  trouva  sur  le  terrain  sans  autre  déclaration 
que  le  «  c'est  nécessaire  ». 

«  Mais  à  de  vagues  indices,  corroborant  de  vagues  soupçons, 
les  témoins  conçurent  des  doutes,  et,  craignant  de  prêter  leur  con- 
cours à  quelque  aventure  indigne  d'un  combat  sérieux,  ils  invi- 
tèrent les  parties  à  dire  le  pourquoi  du  duel. 

tt  Ils  constatent  un  grand  embarras,  deviennent  de  plus  en  plus 
pressants,  et  exigent  une  réponse  catégorique.  Après  de  fausses 
explications,  des  réticences  nombreuses,  les  adversaires  se  jettent  à 
la  figure  dlnexplicables  démentis.  Les  témoins  comprennent  enfin 
qu'il  y  a  eu  entre  eux  une  de  ces  compétitions  sans  excuse,  aux- 
quelles le  duel  doit  être  étranger.  Us  se  retirent  au  plus  vite  et  font 
bien.  C'est  par  là  qu'ils  auraient  dû  commencer.  » 

Si  les  témoins  jugent  ne  pouvoir  se  dispenser  de  concourir  à  un 
duel  de  cette  espèce,  ils  sont  en  droit  d'exiger  au  moius  que  les 
adversaires  affirment  sur  1  honneur,  et  signent,  que  les  motifs  de 
la  rencontre  ne  sauraient  être  divulgués  pour  des  raisons  d'ordre 
intime  ^ 

Ils  doivent  être  plus  circonspects  que  jamais,  prendre  tout  le 
temps  nécessaire  pour  instruire  Faffaire,  et  pour  examiner  s'il  n'y  a 
pas  sous  roche  quelque  motif  contraire  à  Thonneur  ^ 

1.  Voyeï  TaTornier,  page  31.  —  Dq  Verger  de  Saint-Thomas,  chapitre  premier, 
article  21. 

2.  Voyez  notre  chapitre  x?ii. 

5 


»--  ■^< 


66  PREMIÈRE  PARTIE. 

Cependant,  lorsqu'un  des  adversaires  accepte  sans  discussion  le 
rôle  d'offensé  avec  toutes  ses  conséquences,  comme  il  n'est  guère 
admissible  qu'un  homme  subisse  de  telles  éyentualités,  et  de  si 
grands  désavantages,  sans  motifs  sérieux  et  licites,  les  témoins 
peuvent  être  moins  absolus  dans  leur  refus  de  concours  ^ 

En  cas  de  duel  à  motif  secret,  Tobligation  d'un  procès-verbal 
rédigé  minutieusement,  et  susceptible  de  sauvegarder  la  respon- 
sabilité des  témoins,  s'impose  bien  davantage  qu'en  temps  ordinaire; 
car,  dans  ce  cas,  le  combat  est  dit  à  outrance,  et  doit  se  poursuivre 
jusqu'à  ce  qu'une  blessure  mette  celui  qui  l'a  reçue  dans  Timpos- 
sibilité  absolue  de  continuer. 

Les  témoins  peuvent  aussi  y  insérer  une  déclaration  des  com- 
battants, constatant  que  toutes  les  tentatives  de  conciliation  ont 
été  épuisées  en  vain,  qu'ils  sont  décidés  à  se  battre  malgré  tout,  et 
que  le  refus  d'assistance  dont  ils  sont  menacés  ne  fera  que  retarder 
la  rencontre,  et  les  obliger  à  prendre  comme  mandataires  les 
premiers  venus. 

La  responsabilité  des  témoins  étant  plus  grande,  avons-nous 
dit,  que  pour  les  rencontres  ordinaires,  il  est  juste  qu'ils  conservent 
une  plus  grande  liberté  d'action  que  dans  les  cas  habituels,  relati- 
vement à  la  fixation  des  conditions  du  duel. 

Gomme  ils  ne  peuvent  juger  par  eux-mêmes  quel  est  l'offensé 
et  quelle  est  la  griëveté  de  l'offense,  ils  ne  sont  pas  tenus  de  s'en 
rapporter  à  la  déclaration  des  adversaires. 

Ils  s'efforcent  tout  d'abord  de  s'entendre  amiablement  sur  les 
armes,  le  duel  et  la  distance.  S'ils  ne  peuvent  tomber  d'accord,  ils 
tirent  au  sort. 

Il  est  bien  entendu  que  le  choix  ou  le  tirage  au  sort  doivent 
rigoureusement  être  exercés  parmi  les  armes,  les  duels  et  les  distances 
admis  comme  légaux  *. 


CHAPITRE  IX 
Une  seule  réparation  pour  une  même  o£Fense. 


Cet  axiome  fondamental  de  la  législation  du  point  d'honneur 
mérite  toute  l'attention  du  lecteur.  Il  a  été  introduit  pour  éviter 

1.  Voyez  affaire  Gérôme-Steyeos,  20  février  1862.  Appendice  n®  7. 

2.  Voyez  nos  chapitres  xxxvu  et  xxxvm. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  67 

que  les  querelles  ne  se  perpétuent  à  rinfini  et  ne  dégénèrent 
en  vendettas,  contraires  à  la  justice  et  aux  mœurs  de  notre 
époque. 

Les  articles  suivants  prévoient  plusieurs  cas  où  ce  principe  est 
applicable  ^ 

«  Article  premier.  —  Nul  cartel  ne  peut  être  envoyé  en  nom 
collectif.  Si  un  corps,  une  association,  une  réunion  d'individus,  a 
reçu  une  insulte,  il  n'appartient  au  corps,  à  l'association  ou  à  l'as- 
semblée que  le  droit  d'envoyer  un  de  ses  membres  pour  venger 
celte  insulte.  Un  cartel  en  nom  collectif  est  toujours  refusable,  et  il 
appartient  à  celui  qui  le  reçoit,  soit  de  choisir  parmi  ceux  qui  le 
présentent,  soit  de  demander  que  le  sort  désigne  l'un  d'eux  *.  » 

Des  termes  de  cet  article  il  résulte  : 

l""  Que  le  droit  de  demander  raison  d'une  insulte  collective 
appartient  à  la  collectivité  qui  Ta  reçue. 

Par  ce  mot  collectivité,  nous  entendons  parler  non  seulement 
du  corps,  c'est-à-dire  de  la  personne  morale  ou  fictive,  représentant 
une  collection  d'individus  agissant  dans  un  intérêt  public  ou  dans 
un  intérêt  particulier,  jouissant  des  mêmes  privilèges,  soumis  aux 
mêmes  devoirs,  exerçant  la  même  profession,  mais  encore  de  l'as- 
sociation, c'est-à-dire  de  la  réunion  de  plusieurs  personnes  dans  un 
but  commun,  et  enfin  de  la  réunion,  c'est-à-dire  de  rassemblée 
publique  ou  privée  d'un  certain  nombre  d'individus. 

Notre  article  s'applique  donc  aussi  bien  à  l'offense  reçue  par 
les  membres  d'un  tribunal,  d'un  corps  d'ofûciers,  etc.,  etc.,  qu'à 
celle  qui  est  essuyée  par  les  membres  d'un  cercle,  les  administra- 
teurs d'une  société,  les  personnes  réunies  autour  de  notre  table  ou 
dans  notre  salon,  etc. 

2<>  Que  le  droit  de  demander  raison  pour  la  collectivité  n'ap- 
partient qu'à  un  membre  de  cette  collectivité. 

S^"  Que  le  droit  de  récuser  le  champion  qui  se  présente  au  nom 
de  la  collectivité  est  absolu  pour  l'agresseur,  et  que  le  tirage  au 
sort  est  le  seul  moyen  qu'on  puisse  alors  employer  '. 

A  propos  de  ce  droit  de  récusation,  remarquons  que  pour  qu'il 
y  ait  matière  à  l'exercer,  il  est  nécessaire  qu'il  existe  un  concert 
entre  les  membres  de  la  collectivité  pour  désigner  le  champion  qui 
devra  la  représenter.  S'il  en  était  autrement,  l'agresseur  opposerait 

i.  Voyez  Épilogue  de  Taffaire  Armand  Carrel-Émile  de  Girardio,  22  juillet  1836, 
et  surtout  la  circulaire  ministérielle  du  21  Juillet  1S58.  Appendice  n^  8,  relative  à  la 
provocation  collective.  Sausaiae,  Dictionnaire  de  législation  militaire,  Vo  Duel, 

2.  Chateauvillard,  chapitre  m,  article  7.  —  Tavemier,  page  27.  —  Du  Verger  de 
Saint-Thomas,  chapitre  premier,  article  16. 

3.  Voyez  ailaire  X...-Perrier,.mars  1888.  Appendice  n»  9. 


68  PREMIÈRE  PARTIE. 

purement  et  simplement  une  fin  de  non-recevoir  pour  inexis- 
tence de  mandat,  et  le  tirage  au  sort  n'aurait  lieu  que  lorsque  la 
collectivité  tout  entière  se  serait  unie  pour  demander  réparation. 
Cependant,  si  la  collectivité  a  un  supérieur  hiérarchique  et  si 
ce  supérieur  réclame  ToSense  comme  sienne,  il  le  fait  légalement, 
et  Tagresseur  ne  peut  le  récuser.  C'est  l'équitable  contre-partie  de 
la  responsabilité  qui  est  imposée  audit  supérieur  par  notre  cha- 
pitre XI. 

Remarquons,  à  propos  du  tirage  au  sort,  que  ce  n'est  pas  parmi 

es  champions  désignés  par  la  collectivité  pour  venger  son  injure 

qu'il  doit  être  exercé,  mais  bien  parmi  l'universalité  des  membres 

de  cette  collectivité.  Tel  est  le  véritable  sens  des  mots  :  «  parmi  ceux 

qui  présentent  le  cartel  »,  écrits  dans  l'article  premier. 

Conformément,  si  je  dis  :  Les  officiers  de  tel  régiment  sont  des 
ivrognes,  et  si  trois  d'entre  eux  se  présentent  au  nom  du  corps 
entier,  j*ai  le  droit  de  les  récuser,  et  d'exiger  que  le  tirage  au  sort 
ait  lieu  entre  tous  les  officiers  du  régiment. 

Maintenant  que  nous  avons  établi  clairement  les  droits  réci- 
proques des  antagonistes,  il  nous  reste  à  expliquer  ce  qu'il  faut 
entendre  par  injure  collective. 

Linjure  collective  est  celle  dont  le  vague  intentionnel  atteint 
un  ensemble  d'individus,  un  certain  nombre  de  personnes  qui  ne 
sont  pas  nominativement  désignées. 

Si  nous  disons:  Tous  les  membres  de  la  Société  X...  sont  des 
fripons,  Tinjure  est  collective.  Mais  si  nous  disons  :  Pierre  et  Paul, 
membres  de  la  Société  X...  sont  des  voleurs,  l'injure  ne  présente 
plus  le  même  caractère,  puisque  les  noms  sont  donnés.  Peu  im- 
porte qu'un  même  vice  les  unisse  dans  notre  esprit,  et  semble  la 
vraie  cause  de  l'insulte.  Nous  ne  pouvons  pas  opposer  l'exception 
de  collectivité  aux  cartels  de  Pierre  et  de  Paul,  et  nous  leurs  devons 
une  double  réparation. 

Si  nous  disons  :  Pierre,  administrateur  de  la  Société  X...  est 
aussi  voleur  que  ses  collègues,  nous  proférons  une  injure  person- 
nelle à  Pierre,  et  collective  à  l'adresse  des  administrateurs  consi- 
dérés comme  association.  Nous  devons  accepter  le  cartel  de  Pierre, 
et  exiger  le  tirage  au  sort  pour  ce  qui  concerne  la  détermination 
du  champion  des  autres  administrateurs. 

Une  offense  peut  être  collective,  bien  qu'elle  s'adresse  en 
apparence  à  une  seule  personne,  et  atteindre  ainsi  tout  le  corps, 
l'association  ou  la  famille  à  laquelle  cette  personne  appartient  ;  mais 
il  faut  pour  que  l'offense  produise  ce  résultat  qu'elle  ne  s'attaque 
pas  exclusivement  à  la  personne  désignée. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  69 

Il  est  nécessaire  qu'elle  compromette  ThooDeur  ou  la  considé- 
ration de  la  colIectiTité. 

Exemple  :  Pierre  écrit  à  Paul  qu'il  s'est  aperçu  que  ce  dernier 
fait  usage  dans  son  sceau,  des  armes  de  sa  famille,  à  lui»  Pierre,  que 
ces  armes  ont  été  frauduleusement  usurpées  par  le  père  de  Paul. 
Il  lui  enjoint  de  les  faire  disparaître,  et  accompagne  cet  ordre  de 
commentaires  injurieux  à  l'adresse  des  gens  qui  se  llyrent  à  de  tels 
emprunts. 

Paul  a  quatre  frères,  qui  tous  font  usage  de  sceaux  pareils  au 
sien.  Ils  sont,  par  le  fait,  englobés  dans  l'injonction  offensante  de 
Pierre. 

Cette  injonction  est  deyenue  publique. 

A  qui  rcTient  le  droit  de  demander  raison  ? 

A  Paul  seul,  ou  aux  quatre  frères  réunis  ? 

A  la  collectivité  des  quatre  frères.  Car  Toffense  n'est  pas  dirigée 
contre  Paul  pris  dans  son  individualité  singulière,  mais  contre  un 
membre  de  la  collectivité  dont  II  porte  le  nom,  et  partant  contre  la 
collectivité  tout  entière  * . 

Nous  terminerons  par  une  observation  importante. 

En  matière  de  point  d'honneur  comme  en  matière  de  droit 
pénal,  l'outrage  appliqué,  soit  à  une  profession,  soit  à  une  classe 
entière  d  individus,  ne  peut  donner  lieu  à  aucun  appel,  s'il  ne 
s^agit  que  d'une  appréciation  générale  et  pour  ainsi  dire  théorique, 
sans  application  particulière  à  un  plus  ou  moins  grand  nombre 
d'individus. 

Gonséquemment,  lorsqu'en  1888,  l'auteur  du  livre  intitulé 
Sous-^/f.  dépeignit  sous  un  jour  absolument  odieux  et  grotesque 
un  certain  nombre  de  types  de  sous-officiers,  ce  livre  était  bien 
offensant  pour  l'armée  française  en  général  et  fut  incriminé  comme 
tel;  mais  il  ne  pouvait  motiver  l'appel  des  sous-officiers  d'un  régi- 
ment quelconque,  s'il  n'était  pas  établi  que  l'écrivain  avait  eu 
l'intention  de  viser  spécialement  les  sous-officiers  dudit  régi- 
ment *. 

«  Art  2.  —  Lorsqu'une  même  offense  est  commise  par 
plusieurs  individus  envers  une  même  personne,  l'offensé  est  libre 
de  choisir  l'adversaire  auquel  il  demandera  réparation  de  cette 
offense  '.  » 


1.  Voyez,  Grellet-Damazeau.  —  Traité  de  la  diffamation,  de  l'injure  et  de  Voih 
trage,  page  36. 

ï.  Voyez,  pour  ce  qai  concerne  Tapplication  de  raziome  et  de  Tarticle  premier, 
appendice  n"  10.  —  Affaire  de  Pène-Hyenne,  Gazette  des  Tribunaux,  lS-19  mai, 
15  Joillet  1858. 

3.  Voyez  Tavemier,  page  27.  —  Du  Verger,  chapitre  premier,  article  17. 


' ,.  j»  «^  *-  ^  «^  ^M 'im  ■■  •  .  .  -  '   *  i 


70  PREMIÈRE  PARTIE. 

Il  est  facile  de  comprendre  pourquoi  les  auteurs  laissent  à 
Toffensé  ce  droit  d'option. 

Ils  Teulent  éyiler  que  des  adyersaires  malhonnêtes,  se  coalisant 
pour  insulter  un  même  individu,  puissent  conserver  Tespoir  d'ar- 
river ainsi  à  une  substitution  déguisée.  Du  moment  qu'ils  ont  été 
unis  pour  l'offense,  ils  restent  solidaires  pour  la  réparation. 

L'offensé  est  absolument  libre  de  choisir  qui  bon  lui  semble. 

Il  ne  doit  compte  à  personne  de  sa  préférence,  et  serait  impru- 
dent de  ne  pas  user  de  cette  prérogative,  ou  de  se  laisser  égarer  par 
une  générosité  qui,  dans  l'espèce,  deviendrait  une  réelle  duperie. 

Sans  ce  risque  personnel,  quiconque  en  voudrait  à  son  voisin 
pourrait  s'adjoindre  un  spadassin  qui  manœuvrerait  de  manière  à 
endosser  le  danger  de  la  rencontre.  C'est  pour  cela  que  les  auteurs 
refusent  aux  agresseurs  qui  se  trouvent  dans  le  cas  prévu  par  notre 
article  2  jusqu'à  la  chance  du  tirage  au  sort. 

Lorsque  les  offenses  essuyées  par  une  même  personne,  de  la 
part  de  plusieurs  autres,  sont  de  gravité  différente,  l'article  2  du 
chapitre  ii  est- il  applicable? 

Un  exemple  fera  mieux  comprendre  l'intérêt  de  la  question. 

Supposons  que  Pierre  et  Paul  s'entendent  pour  insulter  Jean, 
ennemi  du  premier.  Pierre,  qui  ne  connaît  rien  aux  armes,  adresse 
à  Jean  une  offense  simple,  d'où  naît  une  discussion  au  cours  de 
laquelle  Paul,  duelliste  consommé,  se  livre  envers  ce  dernier  à  une 
voie  de  fait.  Ils  pensent  que  l'article  2  est  seul  applicable  dans 
l'espèce,  et  comptent  bien  que  Pierre  ne  courra  aucun  danger, 
puisque  Jean,  ne  pouvant  adresser  qu'un  unique  appel,  choisira 
forcément  l'adversaire  qui  Taura  frappé. 

Leur  calcul  sera-t-il  couronné  de  succès? 

Nous  ne  saurions  l'admettre. 

Jeanasubiunedoubleoffense;ilpeutexigerunedoubleréparation. 

Gomment  la  lui  refuser? 

Du  moment  que  l'offense  s'est  manifestée  par  des  actes  de 
nature  différente  (surtout  s'ils  sont  classés,  comme  dans  notre 
hypothèse,  aux  extrémités  opposées  de  Téchelle  des  degrés),  peu 
importe  qu'un  même  mobile  ait  guidé  les  offenseurs;  il  n'y  a  pas  la 
condition  essentielle  à  laquelle  est  subordonnée  l'application  de  l'ar- 
ticle 2.  II  n'y  a  pas  «  même  offense  »,  et  partant  aucune  obligation 
d'appliquer  la  règle  que  consacre  ledit  article. 

Si  on  ne  peut  pas  forcer  Jean  à  n'adresser  qu'une  provocation, 
peut-on  du  moins  le  contraindre  à  observer  dans  l'envoi  des  cartels 
un  ordre  particulier,  à  commencer,  par  exemple,  par  appeler  l'au- 
teur de  la  voie  de  fait  ? 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  1{ 

Rien  ne  justifie  une  telle  préteDtion.  Nous  Terrons  en  effet, 
lorsque  nous  étudierons  Farticle  3  du  présent  chapitre  (le  seul  que 
nous  ayons  entendu  inyoquer  en  faveur  de  TaffirmatiTe),  que  cet 
article  ne  s'occupe  pas  du  cas  où  un  individu  est  offensé  par 
plusieurs  autres,  mais  qu'il  établit  un  règlement  d'ordre  entre 
plusieurs  personnes  offensées  par  un  même  individu  ^ 

Jean  est  donc  libre  de  s'adresser  d'abord  à  Pierre,  sll  le  juge 
convenable,  sans  que  Paul  soit  déchargé  de  l'obligation  de  lui 
rendre  ensuite  raison  pour  la  voie  de  fait.  Nous  allons  plus  loin,  et 
nous  croyons  que,  même  dans  le  cas  où  les  offenses  seraient  d'égale 
gravité,  et  seraient  classées  dans  la  même  catégorie,  Jean  conser- 
verait encore  ce  droit,  si  lesdites  offenses  n'étaient  pas  identiques  ; 
car  elles  ne  rentreraient  pas  plus  dans  les  termes  de  l'axiome  inscrit 
en  tête  de  ce  chapitre  que  dans  ceux  de  l'article  2,  qui  supposent 
u  une  même  offense  ». 

Par  contre,  nous  ne  doutons  pas  que  l'article  2  ne  s'applique  au 
cas  où  plusieurs  personnes  répètent,  par  quelque  moyen  de  trans- 
mission que  ce  soit,  une  offense  de  n'importe  quelle  nature,  verbale 
ou  écrite. 

L'offensé  est  libre  de  choisir,  parmi  tous  les  individus  qui  ont 
écrit  ou  proféré  l'offense,  celui  auquel  il  entend  demander  raison^ 
sans  avoir  à  rechercher  si  la  paternité  lui  en  revient,  ou  s'il  n'a  fait 
que  répéter  cette  offense.  La  personne  appelée  ne  peut  lui  opposer 
une  fin  de  non-recevoir  absolue,  tirée,  par  exemple,  de  ce  que  l'im- 
putation diffamatoire  (si  diffamation  il  y  a)  porte  sur  un  fait  connu 
de  plusieurs  personnes  ;  car,  ainsi  que  nous  l'avons  expliqué  cha- 
pitre IV,  page  37,  la  vérité  d'un  fait,  et  à  plus  forte  raison  la  simple 
apparence  de  la  vérité  de  ce  fait,  n'autorise  qui  que  ce  soit  à  le  publier 
méchamment,  ou  avec  la  perspective  de  causer  un  dommage  à  autrui. 

S'il  en  était  autrement,  rien  ne  serait  plus  facile  que  de  pré- 
parer d'avance  son  excuse,  en  semant  à  petit  bruit  la  diffamation, 
pour  la  recueillir  grossie  et  colportée  par  la  malignité  du  monde 
toujours  avide  de  scandale. 

En  conséquence,  si  une  personne  est  appelée  par  une  autre 
pour  avoir  raconté  une  chose  offensante,  et  si  cette  personne  nomme 
l'individu  qui  la  lui  a  dite,  la  désignation  qu'elle  en  fait  ne  la 
décharge  pas  vis-à-vis  l'offensé. 

De  même,  le  journaliste  qui  publie  une  nouvelle  injurieuse 
pour  un  tiers  n'est  pas  exonéré  par  le  fait  que  la  nouvelle  est 
copiée  dans  une  autre  feuille  et  reproduite  sous  toute  réserve.  En. 


1.  Voyez  affaire  Crestin-Cazalot.  Gazette  des  Tribunaux,  26  Juillet-3  septembre 
1847.  Appendice  n^  11. 


n  PREMIÈRE  PARTIE. 

effet,  le  journaliste,  en  reproduisant  Tarticle  offensant^  s'est  assi- 
milé Toffense  et  a  dû  en  prévoir  les  conséquences. 

Dans  certains  cas  non  prévus  par  les  articles  précédents,  l'ap- 
plication de  l'axiome  :  a  Une  seule  réparation  pour  une  même 
offense  »,  peut  soulever  quelques  difficultés. 

On  s'est  demandé  notamment  s'il  serait  applicable  au  cas  où 
une  personne  publierait  frauduleusement,  sous  le  nom  d'une  autre, 
un  écrit  supposé  dans  lequel  un  tiers  serait  offensé,  et  si,  par  con- 
séquent, une  seule  réparation  par  les  armes  libérerait  l'auteur  de 
l'article  de  toute  réclamation  subséquente. 

Nous  ne  le  croyons  pas. 

Un  exemple  fera  bien  comprendre  pourquoi  : 

Pendant  la  longue  et  irréconciliable  brouille  survenue  entre 
le  prince  Napoléon  et  son  fils  aîné,  il  est  arrivé  à  plusieurs  journa- 
listes de  mettre  dans  la  bouche  de  ce  dernier  des  propos  outrageants 
pour  son  père,  des  accusations  de  trahison,  par  exemple.  Ces  propos 
offensaient  directement  le  prince  Napoléon.  Ils  offensaient  égale- 
ment, le  prince  Victor,  en  lui  prêtant  méchamment  une  conduite 
révoltante  et  indigne  d'un  homme  d'honneur.  Il  y  avait  double 
offense,  et  matière  à  double  réparation. 

La  réparation  accordée  au  prince  Victor,  en  supposant  qu'il 
l'eût  demandée,  ne  libérait  pas  l'auteur  de  l'imputation  de  l'obli- 
gation de  répondre  au  prince  Napoléon,  s'il  s'était  ensuite  adressé 
à  lui,  et  réciproquement. 

((  ART.  3.  —  Lorsque  dans  plusieurs  querelles  successives  des 
offenses  ont  été  commises  par  le  même  individu  envers  des  per- 
sonnes différentes,  la  primauté  de  la  réparation  appartient  à  la 
première  offense,  si  ces  offenses  sont  du  même  degré,  autrement 
l'offense  la  plus  grave  donne  droità  la  primauté  de  la  réparation ^» 

Remarquons  que  Tarlicle  3  ne  fait  pas  double  emploi  avec 
l'article  premier  de  ce  chapitre,  car  il  suppose,  non  plus  un  indi- 
vidu adressant  une  offense  à  une  collectivité,  mais  un  individu 
adressant  des  offenses  non  identiques  à  plusieurs  personnes,  dans 
des  conditions  telles  que  chacune  ait  droit  à  une  réparation  indi- 
viduelle. 

Il  règle  l'ordre  dans  lequel  les  réparations  seront  accordées, 
s'il  y  a  discussion  relativement  à  la  primauté  du  tour. 

On  voit  que,  pour  que  l'article  3  soit  applicable,  il  faut  néces- 
sairement que  la  classification  des  offenses  soit  opérée. 

i.  Voyez  Tavernier,  paje  28,  —  Du  Verger  de  Saint-Thomas,  page  168,  chapitre 
premier,  article  18. 


OFFENSES.  -  RÈGLES  DU  DUEL.  73 


CHAPITRE  X 
Personnalité  des  offenses,  substitutions. 


Les  offenses  sont  personnelles  et  se  vengent  personnellement. 

Ce  principe,  formulé  pour  la  première  fois  sous  celte  forme 
concise  par  M.  Tavernier,  a  une  importance  capitale  et  sur  laquelle 
nous  ne  saurions  trop  insister,  mais  qui  présente  certaimes  diffi- 
cultés d'application,  qu'un  exemple  fera  bien  comprendre: 

Pierre  impute  à  Paul  un  fait  déshonorant.  Jean,  fils  de  Paul, 
prétend  être  diffamé  par  cette  imputation,  bien  qu'elle  soit  person- 
nelle à  son  père.  Il  dit  qu'il  y  a  solidarité  entre  les  membres  d'une 
famille,  solidarité  d'autant  plus  étroite  que  les  degrés  de  parenté 
sont  plus  rapprochés;  que  ce  qui  blesse  l'honneur  du  père  doit  né- 
cessairement blesser  l'honneur  du  fils  appelé  à  recueillir  l'héritage 
d'un  nom  qu'il  a  intérêt  à  conserver  pur  de  toutes  flétrissures  ;  que 
par  la  force  de  Topinion,  qui  repose  sur  un  préjugé  injuste  à  la  Te- 
nté, mais  dont  il  faut  tenir  compte,  l'atteinte  rejaillit  sur  lui,  Jean, 
et  diminue  sa  considération. 

Il  demande  en  conséquence  raison  à  Pierre. 

Sa  prétention  est-elle  admissible  ? 

Non,  car  l'injure,  relativement  à  la  matérialité  de  l'imputation, 
tombe  exclusivement  sur  la  personne  du  père.  S'il  est  possible 
qu'elle  rejaillisse  sur  la  personne  du  fils,  c'est  en  ce  qui  touche  le 
dommage  indirect,  et  non  la  chose  imputée  ^ 

L'axiome:  «  Les  offenses  sont  pei'sonnelles  et  se  vengent  per- 
sonnellement »,  a  pour  corollaire  :  «  Les  substitutions  de  personnes 
sont  interdites*,  » 

La  raison  de  cette  prohibition  est  facile  à  comprendre.  Du 
duel  par  procuration  à  l'assassinat  par  devant  témoins,  de  l'ami 
qui  se  dévoue  au  spadassin  qui  se  fait  payer,  il  n'y  a  qu'un  pas.  La 
législation  du  point  d'honneur  ne  pouvait  permettre  qu'on  le  fran- 
chit. 

Elle  autorise  donc  à  refuser  le  duel  proposé  dans  de  semblables 
conditions,  sans  encourir  de  blâme,  quiconque  ne  trouve  pas  en 
face  de  lui  un  adversaire  personnellement  et  directement  intéressé. 

1.  Voyez   Grellet-Dumazeaa,    Traité  de  la  diffamation,  de  Vinjure  et  de  Voih 
trage,  tome  I,  page  38. 

2.  Voyez  affaire  Dramont-Boissy-d^Anglas-Thomegttex,  6  décembre  1893.  Appea- 
dlce  n<*  115. 


74  PREMIÈRE  PARTIE. 

Bien  plus,  même  dans  le  cas  où  Toffenseur  y  donnerait  son  adhé- 
sion, elle  dénie  aux  témoins  le  droit  de  concourir  à  une  affaire  de 
cette  espèce. 

En  cela  elle  reflète  Tétat  de  nos  mœurs  qui  répugnent  à  ces 
remplacements,  et  marche  d'accord  avec  la  loi  pénale,  en  couvrant 
d'une  juste  réprobation,  non  seulement  Thomme  qui  arme  le  bras 
d'un  tiers,  mais  le  tiers  qui  frappe  dans  une  querelle  où  il  n'est  pas 
intéressé. 

Quelque  stricte  que  soit  la  règle  que  nous  venons  de  poser, 
elle  comporte  cependant  plusieurs  exceptions. 

En  effet,  certains  individus  sont  admis  à  venger  des  injures 
qui  ne  les  atteignent  pas  directement.  Réciproquement  certains 
autres  deviennent  responsables  d'offenses  qu'ils  n'ont  pas  com- 
mises. 

Nous  allons  examiner  : 

l"*  Les  raisons  qui  ont  pu  motiver  ces  dérogations  à  la  person- 
nalité des  offenses  ; 

2<>  Les  divisions  qui  en  résultent  ; 

3""  Les  différences  ;et  les  analogies  qui  existent  entre  les  di- 
verses classes  d'exceptions  ; 

/t®  Les  personnes  admises  à  se  substituer  ; 

50  Les  conditions  mises  à  ces  substitutions. 

1»  Motifs  qui  ont  fait  admettre  les  stibstitutions. 

Parmi  les  substitutions,  les  unes  sont  basées  sur  l'affection 
naturelle  entre  parents  unis  par  les  liens  du  sang,  d'une  manière  si 
intime  que  Tatteinte  à  l'honneur  de  l'un  rejaillit  sur  l'honneur  de 
Tautre,  avec  la  plus  complète  solidarité.  Telles  sont  les  substitutions 
de  fils  à  père,  de  père  à  fils,  etc. 

Les  autres  sont  basées  sur  Tirresponsabilité  active  et  passive  de 
la  personne  outragée.  Par  exemple,  lorsqu'il  s'agit  d'offenses  faites 
aux  femmes. 

2^"  Divisions  qui  en  résultent.  —  3<>  Différences  et 
ressemblances  qui  existent  entre  les  classes. 

On  voit  qu'il  est  rationnel  de  diviser  les  substitutions  en  deux 
classes  d'après  les  motifs  qui  les  ont  fait  établir. 

Ces  deux  classes  diffèrent,  en  ce  que,  lorsqu'il  s'agit  des  substi- 
tutions de  la  première  classe,  le  droit  de  se  faire  remplacer  par  un 
parent  n'appartient  jamais  à  l'agresseur,  et  n'appartient  à  l'offensé 
que  si  Finjure  qu'il  a  subie  est  une  injure  grave  ou  une  voie  de  fait; 


OFFENSES.  -  RÈGLES  DU  DUEL.  U 

tandis  que,  pour  ce  qui  concerne  la  seconde  classe,  le  protecteur  de 
la  femme  prend  sa  place  dans  toutes  les  conjonctures,  c'est-à-dire 
quel  que  soit  son  rôle  et  quelle  que  soit  la  valeur  de  l'offense. 

Elles  se  ressemblent  en  ce  que  le  substitué  s'incarne  dans  la 
peau  de  la  personne  qu'il  remplace,  jouit  de  tous  ses  privilèges, 
subit  toutes  ses  charges,  et  accomplit  valablement  tous  les  actes  que 
rincapable  aurait  droit  de  faire,  s'il  jouissait  de  sa  capacité. 

Elles  se  ressemblent  encore,  en  ce  que  les  substitutions  con- 
stituant des  exceptions  à  uq  principe  fondamental  en  matière  de 
point  d'honneur  sont  restreintes  aux  personnes  spécialement  auto- 
risées à  en  user,  et  aux  cas  en  vue  desquels  elles  ont  été  établies. 

4""  Personnes  admises  à  se  substituer. 
Première  classe  de  substitution. 

La  substitution  de  fils  à  père  est  formellement  admise  par  Gha- 
eauvillard  (chapitre  premier,  article  6).  Elle  entraîne  celle  du  p^^t^ 
fils  au  grand-père,  et  réciproquement  celle  du  père  au  fils,  et  du 
grand-père  au  petiUfils, 

La  substitution  de  frère  à  frère  est-elle  permise  ? 

La  question  est  controversée. 

Les  partisans  de  l'affirmative  s'appuient  sur  l'autorité  de  Du 
Verger  de  Saint-Thomas  (chapitre  premier,  article  24),  sur  celle  de 
Tavernier  (p.  309),  et  de  G.  JoUivet  (p.  211). 

Les  partisans  de  la  négative,  sur  le  silence  gardé  par  Chateau- 
villard ,  et  sur  les  conditions  exceptionnellement  rigoureuses  aux- 
quelles il  subordonne  la  substitution  de  fils  à  père  ;  toutes  choses 
dont  la  concordance  indiquerait,  d'après  eux,  la  volonté  de  res- 
treindre à  la  personne  du  fils  le  droit  de  remplacement. 

Ils  observent  que  cette  solution  est  seule  logique,  si  on  admet 
comme  ils  l'admettent  VEssai  sur  le  duel  comme  guide  et  code  du 
point  d'honneur,  et  qu'elle  est  seule  conforme  au  principe  que  les 
exceptions  demeurent  limitées  au  cas  spécial  en  vue  duquel  elles 
sont  édictées,  et  ne  comportent  pas  d'extension. 

Il  est  facile  de  voir,  en  relisant  notre  chapitre  premier,  que  la 
solution  négative  est  la  conséquence  directe  des  prémisses  que  nous 
7  avons  posées  ;  aussi  n'hésiterions-nous  pas  à  Tadopter,  si  nous 
n'étions  effrayés  de  ses  conséquences  pratiques. 

Eu  effet,  si  on  l'applique  strictement,  l'infirme  qui  n'a  pas  de 
fils  ou  de  père  en  état  de  le  protéger  devient  la  victime  assurée 
d'un  brutal,  assez  lâche  pour  attaquer  un  être  sans  autre  défense 
qu'un  frère  incapable  de  lui  venir  en  aide.  Aussi  n'osons-nous  pas 
proclamer  absolument  contraire  aux  règles  du  point  d'honneur  le 


76  PREMIÈRE  PARTIE. 

concours  prêté  par  des  témoins  au  duel  entre  le  frère  de  l'inca- 
pable et  son  agresseur,  lorsque  l'injure  est  très  graye,  et  l'offensé 
affligé  d'une  infirmité  permanente  :  en  un  mot  lorsqu'il  est  digne 
d'un  intérêt  spécial  et  indiscutable.  Mais  ils  ne  doivent  le  faire 
qu'avec  une  extrême  prudence,  et  n'admettre  les  raisons  invoquées 
qu'après  examen  sévère  ;  toutes  choses  qui  sont  généralement  sou- 
mises à  l'appréciation  d'un  jury  d'honneur. 

Les  raisons  qui  nous  ont  fait  hésiter  lorsqu'il  s'est  agi  du  frère 
remplaçant  le  frère  n'ont  plus  la  même  valeur  lorsqu'il  s'agit  de  la 
substitution  du  neveu  à  ronde  et  vice  versa. 

En  effet,  les  liens  du  sang  deviennent  de  moins  en  moins 
étroits,  la  présomption  d'une  affection  et  d'une  solidarité  sans  mé- 
lange d'intérêt  moins  forte. 

Nous  n'hésitons  donc  pas  à  la  repousser,  malgré  l'opinion  con- 
traire exprimée  par  Tavernier,  p.  309,  et  Du  Verger  de  Saint-Thomas, 
chapitre  premier,  article  23  *. 

Nous  repoussons,  à  plus  forte  raison,  celle  de  cousin  à  cousin. 

La  substitution  du  tuteur  à  son  pupille  n'est  admissible  que  si 
le  tuteur  est  père,  grand-père  ou  frère  dudit  pupille.  Elle  n'est  pas 
autorisée  hors  de  ces  cas. 

En  effet,  la  tutelle  est  une  charge  imposée  par  la  loi,  ou  par  la 
volonté  de  l'homme,  en  vertu  des  dispositions  de  la  loi,  pour  admi- 
nistrer gratuitement  les  biens  d'un  incapable  et  prendre  soin  de  sa 
personne.  Elle  n'établit  entre  eux  aucun  lien  du  sang,  aucune  soli- 
darité d'honneur.  Il  serait  injuste  d'imposer  à  un  homme  chargé 
d'un  fardeau  si  pesant  un  surcroît  de  responsabilité  que  rien  ne 
justifie. 

M.  Tavernier  admet  la  substitution  diin  ami  à  un  ami,  à  con- 
dition : 

1»  Qu'il  y  ait  offense  grave  de  la  part  d'un  agresseur  majeur; 

2»  Impossibilité  matérielle  pour  Toffensé  de  venger  son  hm- 
neur; 

3**  Qu'il  n'existe  aucun  parent  capable  de  se  substituer  à  lui; 

/t*"  Que  les  liens  du  substitué  avec  l'offensé  ne  soient  point  ceux 
d'une  amitié  banale,  mais  de  la  plus  grande  intimité  ; 

5*  Que  l'agresseur  accepte  cette  substitution.  S'il  ne  l'accepte 
pas,  un  procès-verbal  l'en  punit. 

Du  moment  que  nous  refusons  d'étendre  le  droit  de  se  substi- 
tuer à  des  parents  aussi  rapprochés  que  l'oncle  et  le  neveu,  nous 
devons  le  refuser,  à  plus  forte  raison,  à  l'ami,  et  interdire  aux  té- 

1.  Conformément,  voyez  G.  JoUi?et,  page  211. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  77 

moias  de  prêter  leur  concours  à  un  remplacement  que  nous  consi- 
dérons comme  illégal. 

En  effet,  la  violation  du  principe  fondamental  placé  en  tête  du 
présent  chapitre  ouvre  la  porte  à  tous  les  abus  en  vue  desquels  il  a 
été  édicté,  sans  qu'il  soit  possible  d'invoquer  ni  la  communauté 
d'origine,  ni  la  solidarité  d'honneur,  comme  circonstances  vérita- 
blement atténuantes. 

Qui  peut  mesurer  le  degré  d'affection  qui  établit,  entre  deux 
êtres  étrangers  par  les  liens  du  sang^  cette  quasi-parenté  sur  la- 
quelle M.  Tavernier  s'appuie  pour  autoriser  le  remplacement? 
Cette  amitié  ne  peut-elle  couvrir  une  association  de  défense  od  l'ami 
jouerait  le  rôle  de  garde  du  corps  de  l'impotent  ? 

Peu  importe  le  consentement  de  l'agresseur.  L'intérêt  général 
passe  avant  tout. 

L'ami  véritable  a  du  reste  la  ressource  de  rendre  une  injure 
égale  à  celle  reçue  par  son  Pylade.  Dans  cette  occurrence,  M.  Taver- 
nier remet  au  sort  le  soin  de  décider  l'arme  dont  on  se  servira. 
Nous  croyons  qu'il  commet  une  erreur.  Il  n'y  a  aucune  indivisi- 
bilité entre  les  deux  querelles,  et  partant  aucun  motif  de  faire 
exception  aux  règles  ordinaires  ^ 

S^"  Conditions  exigées  pour  que  les  personnes  énumérées 
plus  haut  soient  autorisées  à  se  substituer  à  l'incapable. 

<c  Le  fils,  écrit  Chateauvillard  (chapitre  premier,  article  6),  peut 
prendre  la  défense  de  son  père,  trop  faible  pour  répondre  à  une 
offense  :  si  l'adversaire  est  plus  rapproché  de  l'âge  du  fils  que  de 
celui  du  père....  si  ce  dernier  a  soixante  ans  au  moins.  Il  se  met 
au  lieu  et  place  de  la  personne  offensée  et  profite  de  ses  droits.  — 
Le  fils  ne  peut  se  mêler  de  l'affaire  de  son  père,  si  ce  dernier  est 
l'agresseur.  » 

Et  plus  loin,  dans  ses  remarques  sur  l'offense  (p.  95),  il  ajoute  : 
«  Pour  que  le  fils  puisse  prendre  sa  défense,  il  faut  que  son  père 
ait  été  bien  réellement  et  bien  graToment  offensé,  qu'il  n'ait  pas 
provoqué  Toffense  par  une  offense  égale,  qu'il  ait  raison,  enfin  que 
l'agression  soit  flagrante  et  facile  à  élablir.  »  En  résumé,  quatre 
conditions,  dont  une  est  relative  à  l'incapacité  physique,  une  autre 
au  degré  de  l'offense,  et  dont  les  dernières  regardent  l'âge. 

L'interprétation  des  textes  que  nous  venons  de  rapporter,  a 
donné  lieu  à  une  controverse  trop  importante  pour  que  nous  la  pas- 
sions sous  silence. 

1.  ConformémoDii  voyez  G.  Prévost,  G.  Jolllret,  l'Escrime  et  le  duel,  page  213« 


78  PREMIÈRE  PARTIE. 

Oa  s'est  demandé  si  GhateauTillard  exigeait  bien  réellement, 
dans  tous  les  cas,  le  concours  des  quatre  conditions  pour  que  la 
substitution  fût  licite  ;  si  certaines  d'entre  elles  ne  •  pouvaient  pas 
manquer  sans  entraîner  le  résultat  contraire  ;  enfin,  dans  le  cas  où 
l'affirmative  prévaudrait,  quelles  étaient  ces  conditions. 

Aucune  difficulté  sérieuse  ne  pouvait  raisonnablement  porter 
sur  le  degré  de  l'offense.  Il  est  clair  qu'une  atteinte  grave  à  l'hon- 
neur ou  à  la  considération,  ou  une  voie  de  fait,  sont  seules  capa- 
bles de  justifier  une  pareille  dérogation  au  principe  de  la  person- 
nalité des  offenses  ;  mais  elle  pouvait  porter  et  elle  porta  en  effet 
sur  la  question  d'ftge. 

Il  parut  injuste  de  refuser  à  un  fils  le  droit  de  remplacer  son 
père  infirme  et  gravement  offensé,  par  cela  seul  que  le  père  aurait 
moins  de  soixante  ans,  ou  parce  que  l'âge  de  Tagresseur  ne  se  rap- 
prochait pas  assez  du  sien. 

Aussi  M.  Tavernier  enseigne-t-il  (p.  306)  que  du  moment  que 
le  père  est  gravement  offensé,  et  physiquement  incapable  de  venger 
son  injure,  la  substitution  est  permise,  sans  qu'il  soit  nécessaire  de 
se  préoccuper  de  Tâge. 

M^  Du  Verger  de  Saint-Thomas  (Observations  sur  l'article  22  du 
chapitre  premier)  pose  la  question  sans  la  résoudre.  Nous  croyons 
qu'on  peut  le  faire  au  moyen  d'une  distinction. 

Si  le  père  est  trop  faible  pour  se  mesurer,  sans  infériorité,  avec 
son  agresseur,  le  concours  des  quatre  conditions  est  exigible.  Si 
son  état  physique  est  tel  qu'il  se  trouve  dans  l'impossibilité  absolue 
de  venger  l'injure  qu'il  a  reçue,  il  n'y  a  pas  lieu  de  se  préoccuper 
des  conditions  relatives  à  l'âge;  il  suffit  que  l'injure  soit  grave,  non 
provoquée  et  facile  à  établir. 

Cette  solution  nous  parait  ressortir  des  textes  que  nous  avons 
cités  plus  haut.  En  effet,  lorsque,  dans  l'article  6  de  son  chapitre  pre- 
mier, Ghateauvillard  met  la  question  d'âge  en  avant,  il  ne  prévoit  pas 
une  hypothèse  générale  embrassant  tous  les  cas  d'incapacité  absolue 
ou  relative  qui  peuvent  se  présenter. 

Il  ne  vise  pas  ceux  qui  font  de  l'offensé  la  victime  assurée  de 
n'importe  quel  agresseur  même  plus  âgé  que  lui  :  la  perte  de  la  vue, 
la  paralysie,  etc.,  etc.  Il  suppose,  chose  tout  à  fait  différente,  que  le 
père  est  a  trop  faible  »  pour  se  mesurer  avec  un  adversaire  beau- 
coup plus  jeune  que  lui.  C'est  le  cas  de  don  Diègue  dans  le  Cid. 

Substitution  du  petii-ûls  au  grand-père. 

Les  conditions  sont  les  mêmes  que  pour  la  substitution  du  fils 
au  père. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  79 

Il  faut  eD  outre  que  le  grand-père  n'ait  pas  de  fils  en  état  de  le 
remplacer,  car  dans  cette  hypothèse  le  fils  prime  le  petit^fils. 

Substitution  de  père  à  fils  et  de  grand-père  à  petit-fils. 

Les  conditions  mises  à  la  substitution  du  père  au  fils  Tarient 
suivant  Tàge  de  ce  dernier. 

Est-ce  un  enfant  qui  n'a  pas  encore  atteint  la  majorité,  que 
nous  appellerons  majorité  sociale,  c'est-à-dire  dix-huit  ans  ?  L*in- 
jure  qui  lui  est  faite  est  censée  faite  à  la  personne  sous  la  puissance 
de  qui  il  se  trouTe,  c'est-à-dire  à  la  personne  du  père  ou  du  grand- 
père,  qui  peuvent  se  substituer  à  lui,  quand  bien  même  il  serait 
valide,  à  la  seule  condition  que  l'injure  soit  grave,  facile  à  établir,  et 
non  provoquée. 

Il  n'en  est  plus  ainsi,  pendant  la  période  qui  court  de  dix-huit 
à  vingt  et  un  ans,  car  le  jeune  bomme  commencé  à  compter  dans 
le  monde. 

Le  droit  à  la  substitution  n'existe  plus  de  piano.  L'état  physique 
et  moral  de  l'offensé,  son  habileté  plus  ou  moins  grande  au  manie- 
ment des  armes,  doivent  entrer  en  ligne  de  compte,  et  la  solution 
affirmative  ou  négative  ne  doit  résulter,  dans  l'intérêt  des  deux 
parties,  que  d'un  arbitrage  ou  de  la  sentence  d'un  jury  d'honneur. 

A  partir  de  la  majorité  légale,  c'est-à-dire  de  vingt  et  un  ans, 
les  conditions  mises  à  la  substitution  de  père  à  fils  sont  les  mêmes 
que  celles  qui  sont  mises  à  la  substitution  de  fils  à  père,  sauf  pour 
ce  qui  à  rapport  aux  questions  de  proportion  entre  les  âges,  qui 
n'ont  plus  raison  d'être  ^ 

Mêmes  conditions  pour  le  cas  peu  probable  ou  le  grand-père, 
en  l'absence  du  père,  voudrait  se  substituer  à  son  petit- fils. 

Substitution  de  frère  à  frère. 

Les  conditions  exigées  pour  la  substitution  de  frère  à  frère,  si 
on  admet  le  système  qui  la  considère  comme  légale,  sont  identiques, 
mais  il  faut  en  outre  que  roiïensé  n'ait  ni  père  ni  fils  en  état  de  le 
remplacer. 

Offenses  aux  personnes  atteintes  de  maladies  mentales. 

Les  individus  atteints  de  maladies  mentales,  tels  qu'aliénés, 
idiots,  etc.,  ne  peuvent  pas  plus  être  offensés  personnellement 

!•  Voyez  notre  chapitre  xii,  article  10. 


80  PREMIÈRE  PARTIE. 

qu'ils  ne  peuvent  être  responsables  des  actes  offensants  qulls  peu- 
vent commettre. 

N'ayant  pas  Fexacte  notioa  du  bien  et  du  mal,  du  juste  et  de 
rinjuste,  le  point  d*lionneur  n'existe  pas  pour  eux.  Les  parents  qui 
sont  assez  rapprochés  pour  se  substituer  ne  sauraient  donc  invoquer 
leur  incapacité  pour  prendre  leur  lieu  et  place. 

Il  faut,  pour  qu'ils  soient  autorisés  à  demander  réparation  d'une 
offense  qui  semble  viser  plus  spécialement  l'insensé,  que  cette 
offense  puisse  être  considérée  comme  leur  étant  en  réalité  person- 
nelle. C'est  alors  en  leur  nom  qu'ils  adressent  le  cartel  qui  en  résulte. 
Nous  n'avons  pas  besoin  d'insister  sur  la  délicatesse  de  la  question 
et  sur  les  difficultés  que  présentera  souvent  la  solution  ^ 

2""  Classe  de  substitutions.  —  Offenses  aux  femmes. 

Le  père  peut  toujours  prendre  la  défense  de  sa  fille  insultée,  le 
mari  de  sa  femme,  le  frère  de  sa  sœur,  le  cavalier  de  la  dame  qu'il 
accompagne,  etc. 

Dans  tous  ces  cas,  l'offense  n'atteint  pas  la  femme  (personne 
incapable),  mais  frappe  son  protecteur  naturel,  vis-à-vis  lequel 
l'agresseur  se  trouve  placé,  comme  si  c'était  à  lui  qu'il  se  fût  adressé 
directement». 

Par  le  mot  protecteur  naturel,  nous  entendons  l'homme  dont  la 
femme  doit  attendre  naturellement,  et  par  la  force  des  choses,  aide 
et  protection. 

Dans  le  cas  dont  nous  nous  occupons,  on  voit  qu'il  n'y  a  pas, 
à  proprement  parler,  substitution  réelle  dans  le  sens  des  substitu- 
tions précédentes,  puisque  la  femme  n'existe  pas  au  point  de  vue  de 
la  réception  de  l'offense,  ou  de  l'appel  qui  en  résulte. 

Aussi  cette  substitution,  si  substitution  il  y  a,  n'est-elle  soumise 
à  aucune  condition  spéciale.  L'affaire  est  instruite  et  conduite 
d'après  les  règles  ordinaires.  En  particulier,  pour  que  l'intervention 
du  protecteur  naturel  de  la  femme  soit  justifiée,  il  n'est  pas  néces- 
saire, comme  pour  les  substitutions  de  la  première  classe,  que  l'of- 
fense subie  soit  une  offense  grave.  Une  offense  simple  suffit. 

L'énumération  des  protecteurs  naturels  que  nous  avons  faite  en 
tête  de  cet  article  n'est  pas  limitative.  Le  droit  de  remplacement 
s'applique  à  toutes  les  personnes  dont  la  femme  peut  attendre  aide 
et  protection,  mais  avec  cetle  restriction  que  le  classement  et  l'ordre 
à  observer  sont  déterminés  par  le  degré  de  parenté,  les  mœurs,  les 

1.  Voyez  notre  chapitre  v  (Intention). 

2.  Voyez  Tayernier,  page  309  • 


OFFENSES.  —  BÈGLES  DU  DUEL.  84 

usages,  les  règles  de  la  raison  et  du  bon  sens,  mais  non  par  le 
caprice  des  intéressés. 

Ainsi  le  frère  d'une  femme  qui  possède  un  mari  ou  un  fils  en 
étal  de  venger  son  injure  ne  saurait  s'imposer  à  Tagresseur,  qui 
peut  le  récuser  sans  cesser  d'agir  correctement.  La  môme  fin  de 
non-recevoir  pourrait  être  opposée  au  cousin  d'une  jeune  fille  qui 
se  présenterait  comme  champion  de  son  honneur,  alors  que  la 
jeune  fille  a  un  père  ou  un  frère  capables  de  se  battre  pour  elle  ^ 

Si  une  femme  qui  a  un  mari,  ou  un  fils,  ou  un  père,  etc.,  en 
état  de  venger  son  injure,  se  trouve  offensée  lorsqu'elle  est  au  bras 
d'un  individu  dont  le  degré  de  parenté  est  plus  éloigné,  ou  n'existe 
pas,  à  qui  revient  le  droit  de  se  battre  pour  elle,  lorsque  le  parent 
le  plus  rapproché  et  Tindividu  au  bras  duquel  la  femme  a  été 
offensée  demandent  ensemble  réparation  à  Toffenseur? 

Nous  posons  la  question,  mais  nous  renonçons  à  y  donner  une 
réponse  théoriquement  vraie,  car  elle  suppose  l'examen  de  faits 
trop  variables  pour  être  prévus.  C'est  affaire  aux  témoins,  aux 
arbitres  et  aux  membres  d'un  jury  d'honneur,  qui  doivent  s'inspirer 
des  raisons  de  convenances,  et  rechercher  si  Toffense  adressée  à  la 
femme  n'a  pas  un  côté  personnel  à  l'individu  qui  lui  offrait  son  bras. 
En  Italie,  c'est  le  cavalier  qui  est  préféré*. 

Pour  que  la  rencontre  puisse  être  autorisée,  il  faut,  chaque  fois 
qu'il  s'agit  de  substitution  pour  offense  à  une  femme,  que  la  mora- 
lité et  rhonorabilité  de  la  femme  soient  indiscutables.  A  première 
vue,  cette  proposition  semble  contraire  à  la  théorie  que  nous  venons 
d'émettre  sur  la  façon  dont  le  protecteur  de  la  femme  acquiert  le 
droit  de  se  battre  pour  elle. 

En  effet,  du  moment  que  l'outrage  ne  s'arrête  pas  à  celte  der- 
nière, et  frappe  directement  sou  champion,  du  moment  que  le 
champion  est  considéré  comme  étant  le  seul  offensé,  il  semble  que 
son  honorabilité  suffise  pour  rendre  le  duel  admissible. 

Il  n'en  est  rien  cependant. 

En  effet,  si  la  femme  n'est  point  partie  agissante  dans  l'affaire, 
elle  en  est  au  moins  Toccasion  et  le  motif  déterminant.  Or,  dans 
une  affaire  d'honneur,  les  témoins  doivent  considérer  non  seule- 
ment l'honorabilité  des  combattants,  mais  encore  la  moralité  des 
querelles  et  des  motifs  ^ 


1.  Voyex  affaire  Traverso-Pelletier,  8  janvier  1882.  —  Annuaire  du  duel,  pu 
Ferreus.  —  Affaire  B.  Wyse-de  Solms-Le   Pelletier,  janvier  1892.  Appendice   n»  12. 

2.  Voyez  Gelli,  Codice  cavalleresche,  art.  2U. 

3.  Voyez  notre  chapitre  xvii. 

(> 


82  PREMIÈRE  PARTIE. 

Il  s'ensuit  que  la  moralité  et  rhonorabilité  de  la  femme  devien- 
neDt  uDe  condition  essentielle  pour  l'admissibilité  de  la  rencontre. 

Ix^ures  à  la  mémoire  des  morts. 

Ici  se  place  la  question  si  controversée  de  savoir  si  Toffense 
adressée  à  la  mémoire  des  morts  peut  être  considérée  comme 
adressée  à  la  famille  du  défunt,  et  si  cette  famille  peut  valablement 
en  demander  raison  par  les  armes.  Ni  Ghateauvillard  ni  ses  com- 
mentateurs ne  Font  abordée. 

Nous  n'bésitons  pas  à  répondre  oui. 

En  effet,  la  fortune  mobilière  et  immobilière  du  défunt  n'est 
pas  seule  à  composer  son  héritage.  Il  transmet  aussi  son  nom,  qui 
devient  la  propriété  collective  de  tous  les  membres  de  sa  famille, 
unis  dans  une  mutuelle  solidarité,  pour  conserver  ce  patrimoine 
sacré  qu'ils  sont  tenus  de  transmettre  intact  à  leurs  descendants. 
Il  serait  injuste  de  leur  enlever  le  droit  de  défendre  ce  bien  contre 
les  attaques  qui  le  diminuent,  et  de  demander  réparation  du  dom- 
mage qu'ils  ont  subi.  Ceci  est  incontestable. 

Mais  à  côté  des  droits  de  la  famille  privée,  il  y  a  ceux  de  la 
famille  universelle  que  représente  Thistoire.  Que  deviendrait  son 
indépendance;  où  serait  l'utilité  de  ses  enseignements,  s'il  lui  était 
interdit  d'offenser  les  morts,  et  de  livrer  à  la  justice  de  la  postérité 
les  actes  de  ceux  qui  ne  sont  plus  ? 

Gomment  concilier  deux  principes  aussi  opposés  ?  Grâce  à  une 
fiction  qui  consiste  à  substituer  le  plus  proche  parent  du  mort  à  la 
personne  de  ce  dernier,  et  à  considérer  comme  étant  personnelles 
au  substitué  les  injures  adressées  à  la  mémoire  du  défunt? 

Nous  nous  trouvons,  au  moyen  de  ce  subterfuge,  en  présence 
d'une  offense  adressée  à  une  personne  vivante,  et  rentrant,  par  con- 
séquent, dans  la  catégorie  de  celles  qui  sont  régies  par  les  principes 
que  nous  avons  développés  lorsque  nous  avons  traité  de  Toffense. 

Les  témoins  appelés  à  se  prononcer  sur  la  valeur  d'une  insulte 
de  cette  espèce  devront  rechercher,  d'abord,  si  elle  présente  un 
caractère  de  gravité  suffisant  pour  motiver  une  rencontre.  Ils 
devront  examiner,  conformément  à  la  distinction  que  nous  avons 
faite,  dans  notre  chapitre  iv,  entre  les  droits  de  la  famille  et  les 
droits  de  l'histoire,  si  le  défunt  a  été  un  simple  particulier,  s'il  a 
rempli  des  fonctions  publiques,  joué  un  rôle  politique,  exercé  un 
art,  une  profession,  etc.,  qui  par  leur  nature  l'exposaient  à  la 
censure  de  Topinion. 

Était-il  simple  particulier  ?  Toute  atteinte  à  son  honneur  ou 
à  sa  considération  devient  un  acte  d'autant  plus  coupable  qu'il 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  83 

dénote  une  haine  que  la  tombe  n'a  pu  désarmer.  L'intention  de 
nuire  est  évidente,  car  elle  n'a  pas  Texcuse  des  intérêts  froissés  ou 
du  contact  irritant  d'un  ennemi.  La  blessure  est  d'autant  plus  cui- 
sante qu'elle  frappe  des  parents  à  l'endroit  d^une  plaie  mal  cica- 
trisée et  profane  leur  douleur. 

A-t-il,  au  contraire,  rempli  des  fonctions  publiques?  A-t-il  joué 
un  rôle  politique?  Exercé  un  art?  etc.,  etc.  En  un  mot  s'est-il  trouvé 
dans  le  cas  d'être  soumis  à  la  censure  de  ses  concitoyens  ?  A-t-il  été, 
par  exemple,  journaliste?  chef  de  parti  ? 

Il  faut  encore  distinguer  entre  sa  vie  privée,  dont  l'honneur  et 
la  considération  ne  peuvent  être  lésés  sans  offense  à  sa  famille,  et 
sa  Yie  publique,  littéraire  et  politique,  qui  demeure  justiciable  de 
rhistoire  à  laquelle  elle  appartient  sans  conteste. 

Après  avoir  supposé  que  l'offense  était  reconnue  assez  grave 
pour  motiver  la  rencontre,  après  avoir  admis  le  droit  de  certains 
parents  à  la  considérer  comme  leur  et  à  se  substituer  au  défunt,  il 
r^te  à  examiner  les  autres  conditions  requises  pour  que  la  substi- 
tution soit  valable. 

Cet  examen  porte  non  seulement  sur  la  capacité  du  substitué, 
mais  encore  sur  celle  du  défunt,  qu'on  fait  revivre  pour  la  circon- 
stance. 

Le  parent  qui  demande  la  substitution  doit  réunir  toutes  les 
conditions  de  capacité  qui  seraient  exigées  de  sa  part,  si  Toffense 
lui  était  réellement  personnelle,  et  s'il  en  demandait  réparation  pour 
son  propre  compte.  De  plus,  il  doit  être  parent  à  un  degré  assez 
rapproché  pour  justifier  son  intérêt  à  la  substitution. 

Quelle  est  la  limite  de  cette  parenté  ?  Peut-on  accorder  ce  droit 
à  toutes  les  personnes  autorisées  à  se  substituer  à  des  individus 
vivants  ? 

Oui,  car  leur  situation  est  la  même. 

Le  père,  le  fils,  le  grand-père,  le  petit-fils,  le  frère  jouiront  de 
ce  privilège. 

Peut-on  rétendre  à  Toncle  ?  au  neveu  ?  au  cousin  germain  ?  La 
question  soulève  naturellement  la  même  controverse  que  celle  dont 
nous  nous  sommes  occupés  au  commencement  du  présent  chapitre. 
Nous  la  résolvons  encore  dans  un  sens  négatif. 

Observons  que,  même  dans  le  cas  où  les  témoins  et  les  membres 
du  jury  d'honneur  adopteraient  l'affirmative,  ils  ne  pourraient 
autoriser  la  substitution  que  si  le  parent  qui  se  présente  pour  rem- 
placer le  défunt  porte  le  même  nom  que  lui.  En  effet,  dans  le  caa 
contraire,  le  motif  qui  a  fait  admettre  cette  exception  à  la  person- 
nalité des  offenses  (l'honneur  du  nom)  n'existe  plus. 

Relativement  aux  conditions  que  doit  réunir  le  défunt,  il  faut 


84  PREMIÈRE  PARTIE. 

que  la  personne  dont  la  mémoire  a  été  attaquée  possède  la  capacité 
nécessaire  pour  demander  réparation.  On  la  ressuscite  en  pensée 
pour  cet  examen,  et  on  recherche  si  une  des  questions  préalables, 
énumérées  dans  notre  chapitre  xu,  ne  peut  lui  être  valablement 
opposée.  L'exception  d'indignité  attirera  particulièrement  l'atten- 
tion. 

Cette  règle  cesse  d'être  absolue,  lorsque  l'injure  s'adresse  plutôt 
au  parent  qui  demande  réparation  qu'à  la  personne  du  défunt. 
L'offense  à  sa  mémoire  est  alors  considérée  comme  l'accessoire  de 
l'insulte  faite  au  parent,  et  comme  un  moyen  détourné  d'arriver 
jusqu'à  lui.  Il  suffit,  pour  que  le  combat  soit  permis,  que  la  personne 
qui  adresse  l'appel  possède  la  capacité  suffisante.  L'agresseur  ne 
peut  opposer  aucune  question  préalable  tirée  de  l'incapacité  du 
défunt. 

Exemple  : 

Le  7  novembre  1832,  Deulz  livra  la  duchesse  de  Berry  au  gou- 
vernement de  Louis-Philippe,  moyennant  une  somme  considérable, 
dans  des  conditions  particulièrement  odieuses.  Les  honnêtes  gens 
de  tous  les  partis,  y  compris  les  partisans  du  gouvernement  qui 
profita  de  cette  trahison,  furent  unanimes  pour  flétrir  cet  acte  et 
accabler  son  auteur  sous  le  poids  de  leur  mépris. 

Supposons  que,  vingt  ou  trente  ans  après,  un  historien  ait 
publié  le  récit  des  guerres  de  Vendée.  Il  y  rapporte  naturellement 
la  confiance  accordée  par  la  duchesse  à  Deutz,  les  négociations  avec 
H.  Thiers.  Il  discute  le  montant  du  prix  fixé,  etc.,  et  qualifie  sévè- 
rement la  conduite  du  dénonciateur.  Supposons  que  Deutz  ait  laissé 
un  fils,  et  que  ce  fils  ait  provoqué  Thistorien,  à  raison  de  l'injure 
essuyée  par  lui  dans  la  personne  de  son  père.  Supposons  que  ce  fils 
ait  été  un  très  honnête  homme,  qui,  ne  voulant  pas  bénéficier  du 
prix  de  la  honte,  l'ait  distribué  aux  pauvres  ;  tel,  en  un  mot,  que  son 
nom  seul  soit  contre  lui. 

L'historien  aurait-il  été  forcé  de  se  battre?  Non,  car  si  Deulz  père 
fût  revenu  au  monde,  il  aurait  été  considéré  comme  indigne  et  inca- 
pable de  demander  réparation. 

Au  contraire,  si,  pendant  un  procès,  l'adversaire  de  Deutz  avait 
fait  paraître  un  mémoire  commençant  par  ces  mots  :  «  C'est  bien  à 
Deutz  de  parler  de  désintéressement  et  de  loyauté,  lui  fils  d'un 
traître  et  d'un  infâme,  etc.,  »  l'injure  s'adressant  bien  plus  au  fils 
qu'à  la  mémoire  du  père,  et  ne  pouvant  être  justifiée  par  aucun 
intérêt  historique,  il  est  certain  que  la  capacité  de  Deutz  fils  suffi- 
sait pour  que  la  rencontre  fût  autorisée. 

La  question  préalable  tirée  de  l'indignité  de  son  père  lui  eût  été 
vainement  opposée. 


OFFENSES.   —  RÈGLES  DU  DUEL.  85 


CHAPITRE   XI 

Responsabilité  des  parents.  —  Protecteurs  de  la  femme.  — 
Journalistes.  —  Maîtres.  —  Commettants.  —  Supérieurs 
hiérarchiques.  —  Avocats  et  leurs  clients. 


En  principe,  chacan  répond  personnellement  de  son  fait.  Le 
fait  d'antrui  nons  est  étranger.  La  raison  nous  dit  que  chacun  n'est 
garant  que  de  ses  actes,  et  que  l'auteur  de  l'offense  doit  seul  répa- 
ration à  Toffensé. 

Cependant,  par  exception,  la  législation  du  point  d'honneur 
admet  certains  cas  où  la  responsabilité  incombe  à  d'autres  personnes 
qu'à  l'agent  direct. 

Ainsi  : 

l""  Certains  parents  sont  responsables  des  offenses  émanant  de 
personnes  qui  les  touchent  de  plus  ou  moins  près. 

2''  Les  personnes  chargées  de  protéger  les  femmes  sont  respon- 
sables des  offenses  qu'elles  ont  pu  commettre. 

Dans  l'un  et  l'autre  cas,  l'incapacité  de  l'agent  direct  de  l'offense 
est  la  cause  de  cette  responsabilité. 

Rangerons-nous  dans  la  même  catégorie  les  maîtres  et  com- 
mettants, supérieurs  hiérarchiques,  mandants  et  clients  des  avocats? 
Les  rendrons-nous,  comme  le  fait  la  loi  civile  pour  certains  d'entre 
eux,  responsables  des  offenses  commises  par  leurs  [domestiques, 
préposés,  inférieurs,  mandataires  ou  défenseurs,  quand  bien  même 
ils  y  seraient  étrangers  ? 

Non,  ils  rentrent  dans  le  droit  commun,  et  ne  sont  tenus  à 
réparer  que  ce  qui  peut  leur  être  attribué  personnellement.  Aussi 
renverrions-nous  le  lecteur,  pour  ce  qui  les  concerne,  aux  règles 
ordinaires,  si  certaines  questions  délicates  ne  venaient  se  greffer  sur 
cette  responsabilité  personnelle,  et  ne  nécessitaient  des  explications 
que  nous  donnerons  au  cours  de  ce  chapitre. 

Restent  les  journalistes  dont  la  responsabilité  est  mixte.  En  effet, 
ils  peuvent  bien,  dans  certains  cas,  être  tenus  à  rendre  raison  d'ar- 
ticles dont  ils  né  sont  pas  auteurs,  ^nais  cette  responsabilité  n'est 
pas  celle  du  fait  d'autrui  ;  car  s'ils  n'ont  pas  écrit  Tarticle,  ils  l'ont 
publié,  et  y  ont  participé  dans  une  certaine  mesure. 

La  distinction  entre  les  personnes  tenues  du  fait  d'autrui,  les 
personnes  qui  n'en  sont  pas  tenues,  et  les  personnes  qui  n'en  sont 


86  PREMIÈRE  PARTIE. 

pas  complètement  tenaes,  une  fois  signalée,  nous  allons  examiner 
en  détail  les  éventualités  qui  peuvent  se  présenter  pour  chacune 
d'elles. 


Responsabilité  de  certains  parents. 

La  responsabilité  des  parents  dont  nous  donnons  la  liste  plus 
bas  n'est  pas  fondée,  comme  la  responsabilité  civile  du  père  et  de 
la  mère,  sur  la  puissance  paternelle,  qui,  leur  donnant  le  droit  et 
leur  imposant  le  devoir  de  veiller  sur  les  actes  de  leurs  enfants,  les 
oblige  à  prévenir  leurs  fautes.  Elle  est  la  conséquence  du  droit 
exceptionnel  de  substitution  qui  leur  a  été  accordé  chapitre  x,  et 
lui  sert  de  contrepoids. 

Si  ces  parents  sont  autorisés  à  remplacer  leurs  parents  inca- 
pables, lorsque  ces  incapables  sont  offensés,  il  est  juste  qu'ils  les 
remplacent  également  lorsqu'ils  sont  agents  de  Toffense  et  tenus  à 
réparation. 

De  la  liaison  qui  existe  entre  le  droit  de  substitution  et  la 
charge  de  la  responsabilité,  il  résulte  : 

i^  Que  la  charge  doit  incomber  aux  personnes  qui  jouissent  du 
privilège  de  la  substitution  ;  qu'elle  ne  peut  être  étendue  au  delà  de 
la  liste  que  nous  avonà  dressée  chapitre  x,  et  qu'elle  leur  incombe 
de  plein  droit,  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  prouver  leur  faute. 

Le  fils,  le  petit-âls  sont  donc  responsables  des  offenses  com- 
mises par  leur  père  ou  leur  grand-père  incapables.  Réciproquement, 
le  frère  Test  de  celles  qui  émanent  de  son  frère  placé  dans  les 
mêmes  conditions.  D'après  notre  système,  l'oncle,  le  neveu,  les 
cousins  germains,  étant  exclus  du  droit  de  substitution,  sont  éga- 
lement déchargés  de  la  responsabilité. 

2»  Que  les  conditions  mises  à  la  responsabilité  sont  les  mêmes 
que  celles  qui  sont  mises  à  la  substitution.  Pour  que  la  responsabilité 
du  ûls  et  du  petit-âls  soit  engagée  de  manière  à  ce  qu'ils  ne  puissent 
s'y  soustraire  sans  être  blâmés,  il  est  par  conséquent  nécessaire 
que  le  père  et  le  grand-père  soient  incapables  de  rendre  raison  par 
les  armes  de  l'offense  qu'ils  ont  commise,  que  cette  offense  soit 
grave,  etc.,  etc.  ^ 

La  responsabilité  du  père,  à  son  défaut  celle  du  grand-père,  à 
son  défaut  celle  du  frère,  a  lieu  de  plein  droit,  lorsque  le  fils,  petit- 
fils  ou  frère  est  âgé  de  moins  de  dix-huit  ans,  et  abstraction  faite  de 
son  état  physique  ou  moral.  De  dix-huit  à  vingt  et  un,  elle  est 


1.  Voyez  DOS  chapitres  x  et  m,  articles  11  et  12. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  87 

subordonnée  à  la  constatation  d'un  état  d'incapacité  physique  ou 
moral,  faite  par  un  jury  d'honneur. 

A  partir  de  vingt  et  un  ans,  elle  ne  peut  résulter  que  d'une 
incapacité  absolue.  Il  est  bien  entendu  que,  dans  toutes  ces  hypo- 
thèses, l'existence  d*une  offense  grave  ou  d'une  voie  de  fait  est 
toujours  supposée  ^ 

Responsabilité  des  protecteurs  de  la  femme. 

Nous  avons  montré  que  l'offense  adressée  à  une  femme  passe 
par-dessus  sa  tête,  sans  l'atteindre,  pour  aller  frapper  son  protecteur 
naturel,  directement,  et  comme  si  la  femme  ne  se  trouvait  pas  inter- 
posée entre  l'agresseur  et  lui.  Réciproquement,  la  femme  est  irres. 
ponsable  des  offenses  qu'elle  a  pu  commettre.  Elles  sont  censées 
avoir  été  adressées  directement  et  personnellement  parle  protecteur 
naturel  qui  en  devient  responsable  de  plein  droit*. 

Il  en  résulte  que  l'offensé  doit  demander  directement  réparation 
à  ce  dernier,  qu'il  peut  le  faire  pour  une  offense  du  premier  degré, 
et  qu'il  n'est  apporté  aucune  exception  aux  règles  ordinaires  dans 
la  conduite  de  l'affaire. 

Si  l'irresponsabilité  de  la  femme  n'avait  pas  pour  correctif  la 
responsabilité  de  Thomme  qui  est  chargé  de  sa  défense,  nul  ne 
serait  à  l'abri  des  nerfs  ou  de  la  méchanceté  de  certaines  d'entre 
elles,  qui  possèdent  un  arsenal  de  traits  cuisants  pour  l'amour- 
propre  d'autrui,  ou  mortels  pour  son  honneur. 

Si  la  conséquence  de  chaque  calomnie,  de  chaque  médisance 
préjudiciables  était  un  appel,  la  charité  y  gagnerait.  La  crainte  du 
scandale,  la  timidité,  l'affection  pour  l'objet  de  la  provocation,  la 
mobilité  naturelle  à  la  plus  belle  moitié  du  genre  humain,  seront 
du  reste  généralement  de  puissants  auxiliaires  pour  une  satisfaction 
amiable. 

S'il  arrive  à  Toffensé  de  provoquer  un  époux  endurci,  guer- 
royant avec  sa  femme,  et  peu  disposé  à  endosser  les  mauvaises 
histoires  de  sa  moitié,  peut-être  recevra-t-il  la  réponse  que  fit  en 
pareille  circonstance  un  vieux  colonel  du  premier  Empire  à  un 
sien  compagnon  d'armes  :  «  Si  j'avais  été  obligé  de  croiser  le  fer 
pour  toutes  les  méchancetés  de  H""*  X...,  je  serais  mort  depuis  long- 
temps, ou  la  ville  serait  dépeuplée.  C'est  contre  elle  que  je  m'escrime 
depuis  Waterloo.  Déléguez-moi  votre  vengeance.  Croyez  que  je  me 
reprocherais  d'ajouter  un  coup  d'épée  à  la  blessure  que  sa  langue  a 
faite  à  un  galant  homme  comme  vousl  » 

1.  Voyez  nos  chapitres  x  et  xii,  article  10. 

2.  Appendice  n^  13. 


88  PREMIÈRE  PARTIE. 

Et  comme  Toffensé  se  récriait  : 

«  Si  vous  tenez  absolument  à  vous  battre,  je  suis  votre  homme; 
mais,  de  grâce,  que  ce  ne  soit  pas  pour  ma  femme  I  Allons,  mon  cher, 
allons  déjeuner.  Ma  mort  la  réjouirait  trop.  » 

De  la  boutade  du  colonel  X...,  tirons  les  conclusions  suivantes  : 

Le  refus  de  duel,  permis  à  un  vieux  brave,  serait  dangereux 
pour  tout  autre  qui  n'aurait  pas  fait  ses  preuves. 

Il  entraîne  un  désaveu  si  humiliant  pour  la  femme,  qu'il  con- 
stitue satisfaction  suffisante  lorsqu'il  est  inséré,  par  les  témoins  de 
l'offensé,  dans  un  procès-verbal  de  constat  auquel  ils  donnent  la 
publicité  qu'ils  estiment  nécessaire  à  la  réparation  de  l'offense. 

Responsabilité  des  journalistes. 

Lorsqu'un  article  injurieux  parait  dans  un  journal,  à  quelle 
personne  l'offensé  doit-il  demander  réparation  ? 

La  législation  du  point  d'honneur  étant  liée  par  l'axiome  qu*il 
n*est  dû  qu'une  réparation  pour  une  même  offense  ne  peut,  comme 
la  loi  pénale,  atteindre  tous  les  participants  à  l'offense,  et  distribuer 
à  chacun  d'eux  une  part  proportionnelle  à  sa  participation.  Elle  ne 
met  en  cause  qu'un  individu,  celui  qu'elle  regarde  comme  l'auteur 
de  l'offense,  et  dont  la  détermination  varie,  selon  que  l'article  est 
signé  ou  n'est  pas  signé. 

1"  cas.  —  L^article  est  signé. 

Si  Tarlicle  est  signé,  le  signataire  est  considéré,  jusqu'à  preuve 
du  contraire,  comme  étant  auteur  véritable.  C'est  lui  qui  est  respon- 
sable de  son  œuvre.  C'est  à  lui  que  le  cartel  doit  être  adressé. 

Il  est  fait  exception  à  cette  règle  dans  quatre  circonstances  : 

1°  Lorsque  le  signataire  se  dérobe  ; 

2*»  Lorsqu'il  y  a  impossibilité  à  une  rencontre  immédiate  avec 
lui*  ; 

3*  Lorsqu'il  ne  possède  pas  la  capacité  requise  pour  qu'un  duel 
soit  admissible  avec  lui  ; 

4"*  Lorsqu'il  est  prouvé  qu'il  n'est  qu'un  prête-nom  et  que  der- 
rière le  signataire  se  cache  une  autre  personne. 

Dans  les  trois  premières  conjonctures,  c'est  celui  qui^  ayant  droit 
d'empêcher  Vinsertion  des  lignes  offensantes,  ne  l'a  pas  fait  qui  est 
responsable  et  qui  prend  la  place  du  signataire.  En  autorisant  la 

t.  Voyez  affaire  Rochefort  fils-L***  V***-Arthup  Meyer,  2  Juin  1880.  Appendice 
no  20. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  89 

publication,  il  est  devenu  complice  de  la  personne  qui  a  fait  insé- 
rer l'article,  et  doit  acquitter  sa  dette  si  elle  est  insolvable  au  point 
de  vue  de  la  réparation  par  la  voie  des  armes.  Gomme  c'est  le 
rédacteur  en  chef  qui  reçoit  Tépreuve  en  page  et  qui  donne  le  bon  à 
tirer,  c*est  lui  qui,  dans  lesjournauxoùil  n'y  a  pas  de  directeur,  est 
responsable.  C'est  à  lui  que  l'offensé  pourra  toujours  s'adresser. 

Au  contraire,  lorsque  le  journal  comporte  un  directeur,  c'est  le 
directeur  qui  doit  prendre  la  responsabilité.  Le  rédacteur  en  chef  ne 
vient  qu'à  son  défaut.  En  effet,  le  directeur,  par  sa  position,  est  à  la 
tête  de  la  feuille.  Il  possède  un  droit  de  veto  qui  l'emporte,  en  cas  de 
divergence  d'opinions,  sur  l'avis  du  rédacteur  en  chef.  Il  ne  peut, 
par  conséquent,  se  retrancher  derrière  ce  dernier,  et  soutenir,  par 
exemple,  que,  son  rôle  à  lui  directeur  étant  de  donnerd'une  manière 
générale  l'impulsion  politique  et  littéraire  à  la  feuille,  il  ne  saurait 
être  tenu  des  questions  de  détail,  qui  ne  lui  passent  généralement 
pas  sous  les  yeux. 

Du  moment  qu'il  tient  en  main  le  moyen  d'éviter  l'offense,  cela 
suffit.  Peu  importe  qu'il  en  ait  oui  ou  non  usé,  s'il  lui  était  loisible 
de  le  faire.  L'offensé  n'a  pas  à  entrer  dans  la  cuisine  du  breuvage 
qu'il  a  avalé. 

Dans  la  quatrième  hypothèse,  c'est  naturellement  la  personne 
qui  s'est  abritée  derrière  le  signataire  qui  prend  sa  place. 

Le  principe  général  une  fois  posé,  reprenons  individuellement 
chacune  de  ces  espèces. 

1^  HYPOTHÈSE.  —  Nous  dlsous  quo  le  directeur  ou  le  rédacteur 
en  chef  est  responsable  si  le  signataire  se  dérobe. 

Décider  autrement  serait  obliger  l'offensé  ou  à  garder  l'offense, 
faute  d'adversaire  à  qui  s'adresser,  ou  à  rendre  au  signataire  une 
injure  assez  grave  pour  obliger  Thomme  le  moins  brave  à  sortir  de 
son  apathie  ;  mesure  extrême,  qui  a  l'inconvénient  de  déplacer  les 
rôles,  et  de  procurer  à  l'agresseur  originel  le  privilège  d'offensé,  qui, 
sans  cela,  revenait  de  droit  à  l'individu  visé  dans  Tarticle. 

Observons,  avant  de  terminer  l'examen  de  cette  première  hypo- 
thèse, que  nous  prenons  les  mots  se  dérober  dans  le  sens  le  plus 
large,  abstraction  faite  des  prétextes  allégués  pour  refuser  le  duel. 

Il  suffit  que  le  signataire  esquive  ou  refuse  une  prompte  répara- 
tion, pour  que  le  directeur  ou  le  rédacteur  en  chef  puisse  être  vala- 
blement mis  en  cause. 

2«  HYPOTHÈSE.  —  Ce  que  nous  venons  de  dire  est  encore  vrai, 
lorsque  l'offensé  ne  peut  rencontrer  de  suite  le  signataire. 

Supposons,  par  exemple,  que  Pierre,  qui  voyage  en  Amérique, 


*.?-.  / 


90  PREMIÈRE  PARTIE. 

adresse  à  un  journal  de  Paris  un  article  injurieux  pour  Paul,  qui  habite 
cette  ville.  Paul  sera-t-il  obligé  d'aller  le  chercher  outre-mer?  Non. 
C'était  au  directeur  ou  au  rédacteur  en  chef  à  prévoir  l'éventualité 
d'unappelprovoquéparl'artide  injurieux,  avantde  le  laisser  paraître. 
Si  Paul  juge  que  son  honneur  va  être  compromis  par  un  délai 
prolongé,  et  s'il  demande  réparation  immédiate  à  l'un  d'eux,  il  doit 
la  lui  accorder. 

3'  HYPOTHÈSE.  —  Même  solution  si  le  signataire  ne  possède  pas 
la  capacité  requise  pour  se  battre  en  duel. 

Remarquons,  à  ce  propos,  que  l'incapacité  du  signataire  ne 
résulte  pas  seulement  de  son  indignitéy  comme  on  pourrait  le  croire 
en  lisant  un  passage  de  M.  TavernierS  mais  de  toutes  les  causes 
physiques  et  morales  qui  ont  pour  effet  de  rendre  un  duel  inad- 
missible avec  lui  ^ 

k""  HYPOTHÈSE.  —  S*il  est  établi  que  la  signature  apposéeau  bas 
d'un  article  offensant  masque  une  tierce  personne,  nous  avons  vu 
qu'elle  est  responsable. 

Ce  principe  s'applique  notamment  à  l'hypothèse  d'un  directeur 
de  journal  ou  d'un  rédacteur  en  chef  dont  la  personnalité  se  cache- 
rait derrière  une  signature  de  complaisance.  Dans  l'espèce,  il  est 
évident  que  c'est  à  Tun  ou  à  l'autre  de  ces  deux  individus  que  l'of- 
fensé pourra  demander  réparation. 

Tout  le  monde  est  d'accord  sur  ce  point.  Mais  où  il  y  a  controverse, 
c'est  sur  la  question  de  savoir  à  qui  incombe  la  charge  de  la  preuve. 

Un  article  offensant  pour  Pierre,  article  signé  Paul,  parait  dans 
un  journal  dont  Jacques  est  directeur  ou  rédacteur  en  chef. 

Pierre  demande  raison  à  Jacques,  en  soutenant  que  l'article  est 
bien  à  la  vérité  signé  Paul,  mais  que  Paul  n'est  qu'un  préte-nom 
derrière  lequel  il  se  cache. 

Est-ce  à  Jacques,  directeur  ou  rédacteur  en  chef,  à  prouver  que 
Paul  est  bien  réellement  auteur  de  l'article?  Ou  bien  est-ce  à  l'of- 
fensé Pierre  à  démontrer  que  la  signature  de  ce  dernier  est  une 
signature  de  complaisance  ? 

L'obligation  de  prouver  l'interposition  incombe,  suivant  nous,  à 
Pierre.  Par  le  fait  que  l'article  porte  la  signature  de  Paul,  il  y  a  pré- 
somption qu'il  émane  de  ce  dernier. 

Il  existe,  en  faveur  de  Jacques,  une  situation  de  non-responsa- 
bilité acquise. 

1.  Voyez  Art  du  duel,  page  319. 

2.  Voyez  notre  chapitre  xii,  et  appendice  n»  14,  affaire  Maret-Ândrioax;  2«  hypo- 
thèse :  Inégalité  de  situation  entre  les  adversaires. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  94 

Si  Pierre  veut  aller  contre  cette  présomption,  il  doit  prouver  le 
contraire  dece  qu'elle  établit;  s'il  veutpriver  le  journaliste  des  avan- 
tages de  sa  situation,  il  doit  démontrer  que  c'est  à  tort  qu'il  en  jouit. 

Cette  application  d'un  vieil  axiome  de  droit  romain  :  Actori 
incumbit  probatio,  est  indépendante  de  la  difficulté  plus  ou  moins 
grande,  et  même  de  l'impossibilité  où  se  trouve  Pierre  d'établir  l'in- 
terposition. 

C'est  ici  l'instant  de  rechercher  quels  éléments  l'offensé  devra 
produire  pour  arriver  à  la  constatation  du  fait. 

Dans  l'espèce  que  nous  avons  posée,  Pierre  sera-t-il  tenu  de 
fournir  la  preuve  directe,  et  pour  ainsi  dire  tangible,  que  tel  jour  et 
à  telle  heure,  en  tel  lieu,  Paul  a  été  chargé  par  Jacques  de  faire  un 
article  contre  lui  7  Faute  d'établir  ce  fait,  perdra-t-il  son  droit  d'ap- 
pel contre  Jacques  7 

Non.  Les  arbitres  et  les  jurés,  décidant  ex  œquo  et  bono,  sont 
libres  de  puiser  ou  bon  leur  semble  les  éléments  de  leur  convic- 
tion. Ils  peuvent  se  contenter  de  la  preuve  indirecte,  et  en  particu- 
lier des  présomptions,  c'est-à-dire  des  conséquences  qu'ils  tirent  d'un 
fait  connu,  pour  arriver  à  la  constatation  du  fait  contesté. 

Les  présomptions  doivent  être  graves,  précises  et  concordantes. 
Cette  latitude  atténue  singulièrement  l'immunité  du  journaliste,  qui 
l'aurait  en  fait  à  peu  près  complète,  si  l'offensé  était  tenu  de  présen- 
ter un  instrument  écrit,  ou  d'offrir  la  preuve  testimoniale. 

L'attitude  de  Paul  et  de  Jacques,  leur  refus  de  répondre  autre- 
ment que  par  une  fin  de  non-recevoir  aux  questions  qui  leur  sont 
posées,  ou  à  la  déclaration  qui  leur  est  demandée,  leurs  rapports 
antérieurs  avec  Pierre,  leur  intérêt,  etc.,  doivent  entrer  largement 
en  ligne  de  compte. 

Supposons,  par  exemple,  qu'une  feuille  de  reportage  publie 
une  histoire  scandaleuse,  dans  laquelle  Pierre  joue  le  rôle  de  mari 
trompé,  et  oCi  on  insinue  qu'il  supporte  son  infortune  avec  une 
philosophie  trop  étonnante  pour  ne  pas  être  intéressée. 

L'article  est  signé  Paul,  simple  rédacteur  audit  journal,  et  qui 
jouit  de  la  capacité  physique  et  morale  nécessaire  pour  se  battre  en 
duel.  Pierre  le  considère  comme  un  comparse,  payé  pour  endosser 
les  mauvaises  affaires  inhérentes  à  la  sp^ialité  du  journal.  Il  peut 
prouver  que  Paul  rédige,  dans  la  feuille  qui  l'a  attaqué,  les  articles 
d'informations  semblables  à  celui  qui  l'a  diffamé  ;  que,  quotidienne- 
ment, il  accommode  au  goût  des  lecteurs  les  scandaleuses  histoires 
qui  sont  fournies  à  la  rédaction  par  un  service  de  reportage  spécia- 
lement organisé.  Il  peut  prouver  que  Paul  est  une  sorte  de  spadas- 
sin, qui  profite  de  la  crainte  qu'il  inspire  aux  gens  paisibles,  à  raison 
de  ses  duels  heureux  et  de  sa  force  à  toutes  les  armes,  pour  tirer 


92  PREMIÈRE   PARTIE. 

impunément  sur  leur  honneur.  II  peut  prouver  que  Paul  et  lui  ne 
se  connaissaient  même  pas  ayant  Tarticle  offensant,  mais  il  ne  peut 
établir  aucune  interposition. 

A  défaut  de  cette  preuve  directe,  sera-t-il  réduit  à  se  contenter 
de  Paul,  et  à  lui  demander  réparation  faute  de  mieux? 

Nous  ne  saurions  l'admettre. 

Dans  Tespèce,  toutes  les  présomptions  de  yéracité  sont  en  faveur 
des  assertions  de  Pierre.  On  doit  voir  en  Paul  un  instrument  choisi 
par  les  individus  qui  dirigent  le  journal,  pour  élaborer  le  contingent 
d'actualités  nécessaire  à  son  alimentation  quotidienne. 

Dans  le  bon  à  tirer  qu'ils  ont  don  né  à  Tarticle  diffamatoire,  il  y  a 
sinon  une  preuve  d*un  mandat  qu'ils  lui  auraient  confié  à  cet  effet, 
du  moins  une  présomption  sérieuse  de  leur  consentement.  Le  direc- 
teur ou  le  rédacteur  en  chef  nous  paraissent  par  conséquent  res- 
ponsables, et  tenus  à  réparation. 

En  vain  objecteraient-ils,  comme  nous  Pavons  entendu  objec- 
ter, que  si  cette  solution  prévalait  dans  les  us  et  coutumes  du  jour- 
nalisme, la  responsabilité  personnelle,  base  de  toute  affaire  d'hon- 
neur, ne  serait  plus  qu'un  vain  mot.  Dans  l'espèce  qui  nous  occupe, 
où  est  la  responsabilité  personnelle  7  En  quoi  la  dignité  de  la  presse 
serait-elle  compromise,  parce  que  certains  bureaux  de  rédaction 
cesseraient  d'être  transformés  en  officines  de  diffamations,  d'injures 
et  de  scandales,  gardées  par  une  escouade  de  spadassins  7 

Supposons  que  les  témoins  ou  les  arbitres  ne  considèrent  pas 
comme  suffisamment  probants  les  arguments  fournis  par  Pierre. 
Ce  dernier  est-il  définitivement  déchu  de  tout  nouveau  recours 
contre  Jacques,  et  doit-il  se  contenter  de  Paul,  s'il  veut  absolument  se 
battre  avec  quelqu'un  ?  Nous  ne  le  croyons  pas. 

Voici  un  moyen  détourné  que  nous  lui  conseillons  de  tenter. 

Il  dira  à  Jacques  : 

«  Le  fait  qui  a  donné  naissance  à  l'article  diffamatoire  paru 
dans  votre  journal  n'appartenait  pas  à  la  publicité.  Il  ne  touchait 
ni  à  la  politique,  ni  à  la  polémique,  ni  à  un  acte  en  dehors  du  cercle 
restreint  de  la  famille.  Il  était,  par  conséquent,  exclu  des  matières 
que  vous  pouvez  traiter  licitement. 

«  Soit  par  animosité,  soit  par  désir  de  satisfaire  la  curiosité 
malsaine  de  vos  lecteurs,  soit  pour  tout  autre  motif,  vous  l'avez 
publié  méchamment  et  sciemment. 

«  En  ce  faisant,  vous  m'avez  causé  un  préjudice  plus  considé- 
rable que  celui  que  Paul  aurait  pu  m'occasionner,  si  vous  ne  lui 
aviez  pas  offert  le  moyen  de  diffusion  le  plus  grand  qu'un  homme 
puisse  employer,  la  publicité  du  journal. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  93 

cf  Dans  la  somme  du  dommage  que  j'éprouye,  il  existe  donc 
une  part  qui  vous  incombe  personnellement. 

«  Je  yous  demande,  en  conséquence,  de  publier  une  rétracta- 
tion conçue  en  termes  susceptibles  de  neutraliser  dans  la  limite  de 
yotre  pouyoir  le  tort  que  j'ai  subi  par  yotre  fait-  » 

Si  Jacques  se  refuse  à  une  demande  aussi  juste,  ne  doit-il  pas 
être  considéré  comme  s*assimilant  complètement  l'injure,  et  comme 
la  répétant  ? 

Pierre  ne  se  trouye-t-il  pas  dans  les  termes  de  notre  article  2  du 
chapitre  ix  7  C'est-à-dire  en  présence  de  deux  indiyidus  qui  ont 
commis  la  même  offense,  enyers  la  même  personne  ?  N'aura-t-il  pas, 
en  conséquence,  le  droit  de  choisir  celui  auquel  il  demandera  rai- 
son ?  Ne  pourra-t-il  s*adresser  à  Jacques,  sans  être  tenu  de  prouyer 
l'interposition  de  Paul  ? 

Oui,  nous  n'en  doutons  pas. 

En  yain  le  directeur  ou  le  rédacteur  en  chef  objecteraient-ils 
que  la  loi  assurant  à  Toffensé  un  droit  de  rectification  et  de  réponse 
dans  la  feuille  accusatrice  (art.  13  de  la  loi  du  29  juillet  1881),  c'est 
à  lui  Pierre  qu'il  appartient  d'en  appeler  à  l'opinion  publique  et  de 
l'éclairer. 

Cette  prétention  nous  semble  inadmissible,  car  elle  peut  ayoir 
comme  résultat  de  priver  Pierre  du  droit  d'obtenir, par  la  voie  delà 
juridiction  du  point  d'honneur,  réparation  de  l'offense  qu'il  a  subie. 
Nous  verrons  en  effet,  lorsque  nous  étudierons  l'article  5  du  cha- 
pitre xii,  que  le  droit  de  rectification  et  de  réponse  ne  peut  être 
exercé  dans  certains  cas  sans  l'intervention  des  tribunaux. 

Il  en  résulterait,  d'après  une  opinion  fort  accréditée,  que  si  l'of- 
fensé, pour  obtenir  l'insertion  de  sa  réponse,  est  obligé  d'y  avoir 
recours,  il  contrevient  ipso  facto  à  la  prohibition  édictée  par  le- 
dit article  5,  et  risque  de  voir  opposer  par  le  journaliste  lui-même 
une  fin  de  non-recevoir  très  correcte  au  cartel  qu'il  lui  adressera 
postérieurement.  Nous  croyons  que  cette  éventualité,  si  préjudi- 
ciable à  l'offensé ,  milite  énergiquement  en  faveur  de  la  responsa- 
bilité de  Jacques. 

2"  cas.  —  L'article  n'est  pas  signé. 

Si  l'article  n'est  pas  signé,  s'il  n'est  signé  que  d'initiales  ou 
d'un  pseudonyme,  le  directeur  ou  le  rédacteur  en  chef,  en  un  mot 
celui  sans  le  visa  duquel  aucun  article  ne  peut  être  imprimé,  doit 
nommer  l'auteur. 

S'il  ne  veut  pas  ou  ne  peut  pas  satisfaire  à  la  demande  de  l'of- 
fensé, il  devient  seul  responsable  de  l'offense. 

La  prétention  émise  par  certains  journalistes  de  ne  fournir 


-x'.- 


94  PREMIÈRE  PARTIE, 

aucune  explication  à  Toffensé,  lorsqu'il  existe  des  initiales  ou  un 
pseudonyme,  en  un  mot  de  le  laisser  se  débrouiller,  n'est  pas  admis- 
sible. Ils  doivent  nommer  Fauteur  et  donner  toutes  les  indications 
susceptibles  de  le  faire  retrouver  immédiatement  ^ 

Est-il  nécessaire  d'ajouter  que  la  responsabilité  du  directeur  ou 
du  rédacteur  en  chef  subsiste  quand  même  il  nomme  l'auteur  : 

1^  Si  la  personne  désignée  se  dérobe  ; 

io  Si  un  duel  immédiat  est  impossible  avec  elle  ; 

3""  Si  elle  est  incapable  *  ; 

k""  Si  elle  n'est  qu'un  prête-nom  à  l'abri  duquel  se  cache  une 
autre  personne. 

La  chose  est  évidente,  et  nous  nous  contenterions  de  renvoyer 
le  lecteur  à  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  à  ce  sujet,  s'il  n'existait 
une  différence  relativement  à  la  preuve,  entre  le  cas  où  l'article  est 
bien  signé,  mais  signé  d'un  prête-nom,  et  celui  où  en  l'absence  de 
signature,  la  personne  désignée  par  le  directeur  ou  le  rédacteur  en 
chef  comme  auteur  de  l'article  est  considérée  par  l'offensé  comme 
étant  interposée. 

Lorsque  l'article  est  signé,  si  l'offensé  prétend  que  l'individu 
nommé  comme  auteur  de  l'article  est  un  prête-nom  derrière  lequel 
s'abrite,  soit  une  tierce  personne,  soit  le  rédacteur  en  chef,  soit  le 
directeur  du  journal,  c'est  à  lui,  offensé,  qu'incombe  la  preuve  de 
l'interposition. 

Au  contraire,  lorsque  l'article  n'est  pas  signé,  c'est  au  directeur 
du  journal^  ou  au  rédacteur  en  chef,  à  établir  que  la  personne  dési- 
gnée par  lui  directeur,  ou  lui  rédacteur  en  chef,  est  bien  auteur  de 
l'article  injurieux. 

En  effet,  la  situation  n'est  plus  la  même  que  dans  l'hypothèse 
précédente,  où,  par  le  fait  de  l'existence  d'une  signature,  il  y  a  pré- 
somption que  l'article  émane  bien  du  signataire. 

Lorsque  l'article  n'est  pas  signé,  il  y  a  présomption  qu'il  émane 
du  directeur  ou  du  rédacteur  en  chef,  et  que  la  personne  désignée 
par  lui  est  une  personne  chargée  d'endosser  la  responsabilité  qui 
lui  incombe.  Il  existe  en  faveur  de  l'offensé  une  position  acquise, 
dont  il  ne  peut  être  privé  que  si  le  journaliste  établit  la  fausseté  de 
la  présomption  qui  fait  la  basé  du  droit  de  l'appelant. 

Gomment  l'établira-t-il  ? 

Nous  le  répétons,  il  n'y  a  pas  de  règle  déterminée.  C'est  une 
question  de  fait,  qui  est  laissée  à  l'appréciation  des  témoins,  des 

1.  Voyez  affaire  Maret-Andricux,  29  octobre  1888,  l'*' hypothèse.  Appendice  n»  14 

2.  Voyez  affaire  Laffite-comte  de  Dion,  4  juin  1880.  Appendice  n^  14. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  93 

arbitres  et  des  jurés,  qui  sont  chargés  de  trancher  la  controverse. 

La  dernière  question  qui  nous  reste  à  examiner,  pour  détermi- 
ner ce  qui  touche  à  la  responsabilité  des  articles  de  journaux,  est 
ceile  de  savoir  à  qui  incombe  la  charge  d'un  article  injurieux, 
lorsque  le  directeur  ou  le  rédacteur  en  chef,  après  en  avoir  été  dé- 
claré responsable,  refuse  de  se  battre  ou  d'accorder  les  rectifications 
demandées,  se  trouve  dans  des  conditions  où  un  duel  immédiat  est 
impossible  avec  lui,  ou  ne  possède  pas  la  capacité  requise  pour  une 
rencontre. 

Certaines  personnes  voudraient  que  la  responsabilité  incombât 
dans  ce  cas  au  gérant. 

Nous  ne  saurions  l'admettre. 

Le  temps  n'existe  plus  où  les  journaux  avaient  un  gérant,  spa- 
dassin plus  ou  moins  émérite,  derrière  lequel  se  retranchait  la 
rédaction,  et  auquel  les  offensés  étaient  obligés  de  s'adresser  s'ils 
voulaient  obtenir  une  réparation  quelconque. 

Aujourd'hui,  tous  les  auteurs  sont  d'accord  pour  ne  considérer  le 
gérantquecommeunhommedepaille,uniquementdestinéàrépondre 
à  la  justice,  et  généralement  incapable  au  point  de  vue  du  duel. 

L'offensé  ferait  un  marché  de  dupe  en  changeant  une  person- 
nalité de  l'envergure  du  directeur  ou  du  rédacteur  en  chef  contre 
un  comparse  d'aussi  piètre  volée  que  le  gérant.  Écartons-le  donc 
sans  appel. 

A  qui  s'adressera-t-il  ? 

Au  propriétaire  du  journal,  à  condition  d'établir  clairement  que 
cette  qualité  s'applique  réellement  à  la  personne  à  laquelle  il  demande 
raison,  et  qu'en  qualité  de  propriétaire,  cette  personne  a  commis 
une  faute,  une  imprudence  ou  une  négligence  personnelle. 

Nous  énonçons  le  principe  sans  nous  occuper  de  la  difficulté 
que  rencontrera  souvent  l'offensé  à  fournir  la  preuve,  car  cette  dif- 
ficulté est  une  question  de  fait  qui  ne  saurait  influer  sur  le  principe. 

Nous  disons  que  la  faute,  l'imprudence  ou  la  négligence  du 
propriétaire,  engendrent  sa  responsabilité  dans  l'espèce  qui  nous 
occupe. 

En  effet,  le  propriétaire,  qui  choisit  les  personnes  destinées  à 
exploiter  l'industrie  dont  il  tire  ses  bénéfices,  ne  doit  pas  se  borner 
à  leur  demander  des  aptitudes  et  une  intelligence  susceptibles  de 
faire  rendre  à  son  entreprise  la  plus  grande  somme  de  produit. 

Il  a  en  outre  le  devoir  de  choisir  des  individus  solvables  au 
point  de  vue  de  l'honneur,  c'est-à-dire  susceptibles  de  payer  la  dette 
de  réparation  que  tout  homme  qui  commet  une  offense  contracte 
envers  Foffensé.  En  choisissant  des  insolvables,  le  propriétaire 
commet  une  faute,  et  devient  d'autant  plus  justement  responsable 


96  PREMIÈKE  PARTIE. 

des  conséquences  de  celte  faute  qu'il  peut  atténuer  facilement  et 
notablement  la  lésion  qui  en  résulte,  et  que  son  irresponsabilité 
constituerait  en  sa  faveur  une  source  de  lucre. 

Nous  disons  qu'il  est  maître  d'atténuer  facilement  la  lésion. 

En  effet,  sa  qualité  de  propriétaire  lui  donne  toute  facilité 
pour  faire  insérer  les  rectifications,  excuses  ou  désaveux  réclamés 
par  l'offensé. 

Il  peut  les  consentir,  sans  que  sa  dignité  personnelle  en  souffre, 
et  sans  qu'il  puisse  être  taxé  de  faiblesse,  puisqu'il  se  borne  à 
réparer  les  méfaits  d'agents  qu'il  peut  désavouer  sans  blâme. 

Nousdisons  qu'il  est  maître  d'atténuer  notablement  la  lésion. 

En  effet,  si  l'offensé  obtient  le  rétablissement  des  faits,  et  autres 
satisfactions  à  la  portée  du  propriétaire,  il  obtient  réparation  suffi- 
sante de  la  part  d'un  homme  qui  répond  seulement  du  fait  d'autrui. 

Le  désir  de  vengeance,  le  besoin  de  donner  au  monde  une 
opinion  favorable  de  son  courage,  ne  sont  en  effet  que  l'accessoire 
des  motifs  qui  doivent  le  pousser  à  se  battre. 

Si  le  propriétaire  refuse  une  si  facile  et  si  juste  réparation,  il 
doit  être  considéré  comme  approuvant  ipso  facto  l'offense,  comme 
se  l'assimilant.  Il  contracte  envers  l'offensé  Tobligation  personnelle 
de  lui  donner  réparation  par  les  armes,  et  doit  être  blàmé^  s'il  s'y 
soustrait. 

Nous  disons  que  l'irresponsabilité  du  propriétaire  peut  consti- 
tuer en  sa  faveur  une  source  de  lucre.  Qui  Tempêche,  en  effet,  de 
mettre  à  la  tête  de  son  journal  des  incapables,  et  de  se  livrer,  à 
l'abri  derrière  ces  personnages  inertes  au  point  de  vue  delà  répara- 
tion d'honneur,  à  une  entreprise  d'injure,  de  diffamation  et  de 
scandale  alléchants  pour  la  malignité  publique,  et  partant  à  une 
entreprise  rémunératrice,  si  elle  est  assez  habilement  menée  pour 
éviter  les  rigueurs  de  la  loi  pénale? 

Notre  système  est  du  reste  celui  de  la  loi  de  1881  sur  la  presse. 

Aux  termes  de  l'article  kh  de  ladite  loi,  les  propriétaires  des 
journaux  ou  écrits  périodiques  sont  responsables  des  condamna- 
tions pécuniaires  prononcées  au  profit  des  tiers  contre  les  gérants 
ou  les  éditeurs,  auteurs,  imprimeurs,  vendeurs,  distributeurs,  affi- 
cheurs, conformément  aux  dispositions  des  articles  i382-1383-138/( 
du  Code  civil,  c'est-à-dire  s'il  est  constaté  à  leur  charge  une  faute, 
une  imprudence,  une  négligence  personnelle,  une  participation 
quelconque  à  la  direction  ou  au  contrôle  des  opérations. 

Si  la  propriété  du  journal  appartient  non  à  une  seule  personne, 
mais  à  plusieurs,  ou  à  une  société,  et  qu'alors  la  participation  des 
intéressés,  tant  à  la  propriété  qu'à  la  direction  et  au  contrôle  de  la 
publication,  soit  plus  grande  ou  plus  restreinte,  plus  active  ou  plus 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  97 

efficace,  la  responsabilité  civile  des  crimes  et  des  délits  contenus 
dans  ce  journal  n'atteint  que  ceux  qui  sont  personnellement  en 
faute,  ou  à  l'égard  desquels  le  gérant  peut  être  considéré  comme  un 
véritable  préposé  ^ 

En  matière  de  point  d'honneur,  il  en  est  de  même,  avec  cette 
différence  que  les  rectifications,  les  excuses  ou  le  duel,  remplacent 
les  dommages  et  intérêts. 

Responsabilité  des  réclames  et  des  annonces. 

Ce  que  nous  avons  dit  touchant  la  responsabilité  des  articles 
contenus  dans  un  journal  s'applique  également  atuv  réclames  et 
aux  annonces  qui  y  sont  insérées,  quelle  que  soit  la  place  qu'elles  y 
occupent.  Peu  importe  donc  qu'elles  soient  placées  à  la  quatrième 
page,  que  l'administration  exploite  elle-même  cette  quatrième  page, 
qu'elle  l'ait  louée  à  un  tiers  ou  à  une  société. 

La  responsabilité  des  réclames  et  annonces  incombe,  par  con- 
séquent, d'abord  à  Tindividuqui  les  fait  insérer;  à  son  défaut,  au  di- 
recteur du  journal  ;  à  défaut  du  directeur,  au  rédacteur  en  chef; 
en  un  mot  à  celui  qui  a  le  devoir  d'examiner  ou  de  faire  examiner 
le  contenu  de  la  feuille,  et  qui,  pouvant  opposer  en  dernier  ressort 
son  veto  à  la  publication,  ne  l'a  pas  fait. 

De  ce  que  les  lignes  offensantes  occupent  une  autre  place  que 
le  corps  du  journal,  il  n'en  résulte  pas  que  les  droits  de  Toffensé 
changent  de  nature,  et  que  la  responsabilité  des  journalistes  dimi- 
nue ou  se  déplace. 

S'il  en  était  autrement,  la  voie  de  l'annonce  ou  de  la  réclame 
permettrait  de  tirer  impunément  sur  l'honneur  des  gens. 

A  défaut  du  directeur,  ou,  à  son  défaut,  du  rédacteur  en  chef, 
l'offensé  peut  s'adresser  encore  au  rédacteur  faisant  les  fonctions  de 
rédacteur  en  chef,  sans  en  porter  le  .titre,  ou  enfin  au  secrétaire 
de  la  rédaction,  qui  est  chargé  de  la  mise  en  pages  du  journal,  qui 
en  a  surveillé  la  correction,  auquel,  par  conséquent,  rien  de  ce  qui 
s'y  publie  ne  doit  échapper. 

Nous  disons  peut^  et  non  doit,  car  dès  que  l'offensé  ne  trouve 
ni  directeur  ni  rédacteur  en  chef  pour  lui  rendre  raison  par  les 
armes,  il  est  libre  de  s'adresser  aux  tribunaux  pour  obtenir  répara- 
tion, et  ne  saurait  être  blâmé  s'il  use  d'une  juridiction  autre  que 
celle  du  point  d'honneur. 

A  plus  forte  raison  ne  peut-il  être  contraint  à  accepter  l'admi- 

1.  Voyez  sur  la  responsabilité  civile  des  propriétaires  de  journaux  :  Barbier, 
Code  expliqué  de  la  presse^  tome  lî,  n<"  825  et  suiv.  —  Code  pénal  annoté,  do  Dalloz. 
Appendice,  loi  da  29Jnillet  1881,  article  4i,  n^  15  et  suiv. 

7 


n  PREMIÈRE  PARTIE. 

nîslrateur  ou  le  gérant  du  journal,  qui  n'ont  qu'une  responsabilité 
d'ordre  judiciaire  et  sont  toujours  récusables. 

Telles  sont  les  règles  qui  serrent  à  établir  les  responsabilités  en 
matière  d'offense  par  la  voie  de  la  presse.  Bien  qu'elles  puissent 
sembler  au  premier  abord  avoir  été  inspirées  par  un  sentiment  de 
partialité  un  peu  excessif  pour  le  particulier,  pour  rindiyidu  isolé, 
elles  nous  paraissent  ne  devoir  point  être  atténuées  en  faveur  des 
journalistes.  Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue,  en  effet,  que  le  simple 
particulier,  aux  prises  avec  la  puissance  redoutable  qu'on  nomme  la 
presse,  serait  destiné  à  succomber  dans  sa  vie  morale  et  physique,  s'il 
n'était  efficacement  protégé  par  la  législation  du  point  d'honneur. 

C'est  lui  qui  joue  le  rôle  de  l'agneau  que  tout  le  monde  connaît. 
C'est  lui  qui,  dans  l'affaire,  est  intéressant. 

Les  journalistes  réservés  et  prudents,  ceux  qui  préfèrent  les 
articles  sérieusement  écrits  et  consciencieusement  médités  aux 
commérages,  le  reconnaissent  en  fait,  car  s'ils  se  laissent  entraîner 
par  hasard  à  une  offense,  ils  ne  reculent  pas  devant  la  responsa- 
bilité qui  leur  incombe. 

Tel  n'est  pas  malheureusement  l'avis  de  certains  autres.  A  leurs 
yeux,  la  nécessité  de  fournir  quotidiennement  au  public  sa  pleine 
râtelée  de  nouvelles  prime  toutes  les  considérations  et  justifie  tous 
les  moyens.  Le  reportage  devient  un  sacerdoce,  devant  l'exercice 
duquel  la  vie  privée,  la  famille,  l'individu,  tout  disparait. 

Tant  pis  pour  celui  qui  est  pris  dans  l'engrenage.  La  copie  avant 
touti 

S'il  réclame,  on  le  regarde  comme  un  gêneur  qu'il  faut  écon- 
duire  au  plus  vite.  Aussi,  pour  peu  qu'il  soit  timide  ou  ignorant  des 
usages  du  point  d'honneur,  c'est  le  gérant  qu'on  lui  offre  pour  lui 
répondre,  ce  sont  des  rédacteurs  en  sous-ordre  chargés  de  cette 
besogne.  Le  directeur,  le  rédacteur  en  chef,  ont  bien  autre  chose  à 
faire. 

Si  le  pauvre  diable  ahuri  proteste,  si  ses  témoins  menacent,  il 
se  trouve  à  point  nommé  un  autre  journaliste,  non  moins  désinté- 
ressé dans  la  question,  pour  servir  d'arbitre,  et  lui  enjoindre,  au 
nom  de  la  responsabilité  personnelle,  au  nom  de  la  dignité  de  la 
presse,  d'aller  se  faire  embrocher  par  un  comparse. 

Au  simple  particulier  placé  dans  de  semblables  conjonctures, 
nous  dirons  :  «  Ne  vous  égarez  pas  dans  les  bas-fonds.  Visez  la  tête. 

«  Refusez  carrément  le  gérant  qui  n'a  rien  à  voir  dans  l'affaire, 
et  les  autres  adversaires  du  même  acabit.  Refusez  l'arbitre  unique 
pris  dans  les  journalistes  qui  ne  sont  pas  connus  par  leur  honnêteté 
etleurimpartialilé.Adressez-vousaudirecteurouaurédacteurenchef. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  99 

«  Dassiez-Yous  être  forcé  de  rendre,  pour  les  obliger  à  se  battre, 
une  iojare  plus  graye  que  celle  dont  vous  vous  plaignez,  dussiez- 
Tons  perdre  ainsi  la  qualité  d'offensé,  ne  les  lâchez  pas. 

«  Mieux  vaut  courir  un  risque  plus  considérable,  en  ayant 
devant  soi  un  adversaire  sérieux,  que  de  garder  l'offense,  ou  de  se 
battre  même  avec  des  chances  majeures  contre  un  homme  sans 
consistance.  » 

Quiconque  veut  avoir  recours  à  la  législation  du  point  d-hon-- 
neur  doit,  ne  l'oublions  pas,  connaître  assez  bien  l'usage  des  diffé- 
rentes armes  admises  comme  légales,  pour  que  l'adoption  de  l'une 
préférablement  à  Vautre  ne  le  fasse  pas  hésiter.  C'est  un  tort  de  n'en 
pratiquer  qu'une  seule. 


Responsabilité  des  znsdires,  commettants,  supérieurs 

hiérarchiques  et  mandants. 

Comme  nous  l'avons  déjà  expliqué,  la  responsabilité  des 
maîtres,  commettants,  supérieurs  hiérarchiques  ou  mandants,  eh 
matière  de  point  d'honneur,  n'est  pas  celle  du  fait  d'autrui,  c'est-à- 
dire  la  responsabilité  édictée  par  Farticle  138/»  du  Code  civil.  S'ils 
n'ont  point  participé  à  l'offense,  ils  ne  peuvent  être  appelés  à  cause 
d'elle. 

C'est  seulement  lorsqu'ils  ont  commandé  l'acte  offensant,  ou 
donné  mandat  de  l'accomplir,  que  cet  acte  est  considéré  comme 
leur  étant  personnel. 

Ils  en  sont  alors  responsables  personnellement. 

Mais  la  responsabilité  des  commettants,  supérieurs  et  mandants, 
n'a  pas  plus,  en  matière  de  point  d'honneur  qu'en  droit  civil,  le 
résultat  de  décharger  ipso  facto  les  préposés,  inférieurs  ou  manda- 
taires, d'une  part  de  responsabilité. 

En  vain  prétendraient-ils  repousser  l'appel  de  l'offensé,  en 
disant  que  c'est  aux  premiers  à  supporter  les  conséquences  de 
l'ordre  ou  du  mandat  qu'ils  ont  donné,  et  partant  les  conséquences 
de  son  exécution. 

Il  y  a  faute  commune  ;  faute  de  la  part  de  celui  qui  a  com- 
mandé un  acte  préjudiciable,  faute  de  la  part  de  celui  qui  a  accepté 
de  l'exécuter,  soit  qu*il  ait  connu  le  but  de  son  mandat,  soit  qu'il 
n'en  ait  pas  mesuré  les  conséquences. 

Nous  supposons,  bien  entendu,  que  l'offense  est  parfaitement 
caractérisée,  et  ne  peut  être  couverte  par  aucun  fait  justificatif; 
l'autorilé  de  la  loi,  par  exemple. 


5^^%%^  V 


»t.k^  .-■•■-.'/•  .Il»—'*  •    .<-»".  Vj 


400  PREMIÈRE  PARTIE. 

L'offensé  ne  pourra  leur  demander  raison  à  tous  deux,  mais  il 
pourra  choisir  celui  d'entre  eux  qull  préférera,  conformément  à 
Tarticle  2  du  chapitre  ix. 

Nous  n'ayons  pas  besoin  d'insister  sur  l'importance  de  ce  droit 
d'option,  qui  permet  à  quiconque  subit  un  outrage  de  l'espèce  que 
nous  étudions  d'avoir  sous  la  main  quelqu^un  à  qui  demander  répa- 
ration, même  dans  le  cas  où  Pun  des  agresseurs  serait  incapable. 

Il  est  évident  que  si  la  faculté  de  demander  raison  était  limitée 
à  la  personne  qui  exécute,  et  si  cet  individu  se  trouvait,  par  exemple, 
un  domestique,  celui  qui  aurait  subi  l'offense,  ne  pouvant  décem- 
ment se  battre  avec  cet  inférieur,  serait  obligé  de  garder  l'insulte. 

Ceci  posé,  et  le  droit  d'appeler  ad  libitum  l'un  ou  l'autre  des 
agresseurs  une  fois  concédé  à  l'offensé,  reste  à  examiner  pour 
chacune  des  deux  hypothèses  les  conditions  mises  à  Pexercice  de 
son  droit  : 

lo  L'offensé  demande  réparation  à  V individu  qu'il  prétend  avoir 
donné  l'ordre  ou  le  mandat  offensant. 

Supposons  que  Pierre,  chassant  dans  des  bois  loués  par  Paul, 
ait  été  rencontré  par  Jacques,  piqueur  et  garde  de  ce  dernier,  et 
que  Jacques,  en  même  temps  qu'il  lui  dressait  procès-verbal,  ait 
prononcé  des  paroles  injurieuses  qui  semblent  avoir  été  dites  au 
nom  de  Paul. 

Supposons  que  Pierre  demande  raison  de  cette  offense  à  Paul, 
et  que  ce  dernier  lui  refuse  toute  satisfaction. 

Est-ce  Pierre  qui  doit  établir  le  bien  fondé  de  son  appel?  La 
charge  de  prouver  la  neutralité  qu'il  a  gardée  dans  l'offense,  et  par- 
tant la  raison  de  sa  fin  de  non-recevoir,  incombe-t-elle  au  contraire 
à  Paul  ? 

La  distinction  que  nous  venons  de  faire  entre  la  responsabilité 
de  l'article  1384  et  la  responsabilité  du  point  d'honneur  nous  permet 
de  trancher  de  suite  la  question. 

S'il  s'agissait  d'un  cas  de  responsabilité  du  fait  d'autrui,  tel  que 
le  prévoit  l'article  1384,  comme  la  responsabilité  dans  cette  occur- 
rence résulterait  de  la  présomption  de  la  loi  elle-même,  il  suffirait 
à  Toffensé  de  prouver  qu'il  existe  entre  Paul  et  Jacques  les  quali- 
tés de  maître  à  domestique,  ou,  si  on  aime  mieux,  de  commettant  à 
préposé.  La  responsabilité  de  Paul  s'en  déduirait  naturellement. 
Mais  il  s'agit  ici  d'une  responsabilité  dérivant  d'une  faute  person- 
nelle au  maître.  Elle  n'a  pas  lieu  de  plein  droit.  C'est  à  celui  qui 
demande  réparation  du  dommage  qu'incombe  l'obligation  d'en 
établir  la  cause  génératrice,  c'est-à-dire  la  participation  du  maître, 
du  commettant  ou  du  supérieur. 


OFFENSES.   —  RÈGLES  DU  DUEL.  404 

Dans  notre  espèce,  Pierre  sera  donc  obligé  de  prouver  non  seule- 
ment que  Paul  est  le  maître  de  Jacques,  mais  encore  qu'il  lui  a  donné 
Tordre  de  prononcer  les  paroles  injurieuses,  ou  l'a  invité  à  le  faire. 

Rappelons  encore  une  fois  que  cette  preuve,  étant  laissée  à 
Tappréciation  souveraine  des  arbitres  et  des  jurés,  pourra  résulter 
non  seulement  de  documents  écrits  ou  de  témoignages  oraux,  mais 
encore  de  présomptions. 

2**  L  offensé  demande  raison  à  Vagent  direct  de  Voffense. 

Supposons  que  les  paroles  injurieuses  ont  été  prononcées  non 
plus  par  Jacques,  domestique  de  Paul,  mais  par  Jean,  garde  général 
sous  la  surveillance  duquel  se  trouvent  placés  les  bois  dont  la 
chasse  a  été  louée  à  Paul.  Il  jouit  de  la  capacité  nécessaire  pour  se 
battre  en  duel. 

Si  Pierre  lui  demande  réparation,  il  ne  peut  s*y  soustraire  en 
alléguant  que  Paul  Tavait  chargé  de  la  commission,  puisque  nous 
avons  établi  que  la  responsabilité  de  Fun  ne  décharge  pas  l'autre 
de  la  part  qui  lui  revient  dans  l'offense. 

S'il  allègue  une  autre  excuse,  par  exemple  Timpossibilité  où  il 
se  trouvait  de  connaître  le  caractère  injurieux  de  la  commission 
dont  on  le  priait,  c'est  à  lui  à  en  établir  la  preuve. 

Lorsque  l'agent  de  l'offense  est  un  inférieur  qui  se  retranche 
derrière  les  ordres  de  son  supérieur  hiérarchique,  et  prétend  n'avoir 
fait  qu'obéir  à  la  loi  en  les  exécutant,  cette  excuse  n'est  pas  toujours 
admissible,  s'il  y  a  eu  réellement  injure,  car  l'injure,  d'après  son 
étymologie,  suppose  une  désobéissance  à  la  loi,  qui  est  faite  préci- 
sément pour  sauvegarder  les  hommes  placés  sous  son  empire,  et 
non  pour  les  léser. 

Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que,  en  général,  l'obéissance  impo- 
sée au  subordonné  envers  son  supérieur  hiérarchique  ne  doit  pas 
être  complètement  aveugle.  Si  l'ordre  est  évidemment  criminel, 
il  peut  refuser  son  obéissance,  et,  dans  le  cas  où  il  a  obéi,  il  est  res- 
ponsable de  ses  actes.  Il  en  est  de  même  si  l'ordre  du  supérieur  est 
en  dehors  de  ses  attributions  ^ 

Hâtons-nous  d'ajouter  qu'en  pareille  matière,  il  est  difficile, 
sinon  impossible,  de  tracer  des  règles  absolues  et  de  déterminer 
théoriquement  les  limites  passé  lesquelles  la  soumission  devient 
coupable,  et  engendre  la  responsabilité  de  l'inférieur.  Les  unes  et 
les  autres  varient  suivant  la  profession  et  les  circonstances. 

Lorsqu'il  s'agit  de  militaires,  par  exemple,  ces  limites  n'existent 
pour  ainsi  dire  pas. 

1.  Voyei  Dallox,  J.  G.  Peine,  n»  417. 


^i 


401  PREMIÈRE  PARTIE. 

u  £d  effet,  aux  termes  des  règlements  qui  les  régissent,  tout  su- 
périeur doit  obtenir  de  ses  subordonnés  une  obéissance  entière  et 
une  soumission  de  tous  les  instants.  Il  faut  que  les  ordres  soient 
exécutés  littéralement,  sans  hésitation  et  sans  murmure.  L'autorité 
qui  les  donne  en  est  responsable,  et  la  réclamation  n'est  permise  à 
l'inférieur  que  lorsqu'il  a  obéi.  C'est,  dans  son  expression  la  plus 
stricte,  Tobéissance  passive.  » 

Du  reste,  pour  apprécier  à  qui  revient  la  charge  de  la  respon- 
sabilité, il  faut  soigneusement  distinguer  entre  l'ordre  pris  en  lui- 
même  et  la  manière  dont  il  a  été  exécuté.  L'offense  peut  en  effet 
être  absolument  distincte  de  l'ordre. 

Supposons  qu'un  supérieur  chargé  de  la  police  d'un  monu- 
ment public  pendant  une  cérémonie  dise  à  un  subordonné  :  «  Faites 
circuler  dans  telle  partie  de  l'espace,  et  empêchez  le  public  de  pé- 
nétrer dans  telle  enceinte.  » 

Supposons  que  Pierre  ignore  cette  consigne  et  la  viole  sans 
mauvaise  intention,  et  que  le  subordonné  lui  crie  en  le  repoussant 
brutalement  :  «  Fous-moi  le  camp,  sacré  cochon  I  » 

Si  Pierre  envoie  un  cartel  au  subordonné,  ce  dernier  ne  pourra 
être  admis  à  soutenir  qu'il  devait  obéir  passivement  aux  ordres  de 
son  supérieur,  car  l'ordre  pris  en  lui-même  était  parfaitement  légal, 
et  ne  comportait  ni  les  invectives  ni  les  violences  qui  furent  œuvre 
personnelle  du  subordonné. 

Responsabilité  des  avocats  et  de  leurs  clients. 

En  matière  de  point  d'honneur,  comme  en  matière  de  droit 
civil  ou  pénal,  Tavocat  est  responsable  des  paroles  qu'il  profère  et 
des  écrits  qu'il  produit  devant  les  tribunaux. 

Cette  responsabilité  a  été  consacrée  par  un  certain  nombre  de 
décisions  judiciaires  *. 

Elle  est  une  conséquence  des  prérogatives  attachées  à  la  profes- 
sion d'avocat.  En  effet,  l'avocat  a  le  droit  dédire  tout  ce  qu'il  importe 
aux  tribunaux  de  connaître  pour  l'exacte  appréciation  des  débats; 
maisil  ne  doit  le  faire  qu'avec  modération.  Il  ne  doit  jamais  oublier 
qu'il  a  été  interposé  entre  les  plaideurs  et  la  justice  pour  substituer 
aux  emportements  de  l'intérêt  personnel  et  au  langage  des  passions 
le  calme  de  la  raison  et  le  langage  de  la  vérité. 

1.  Voyez  décret  du  28  décembre  1883.  Règlement  pour  le  service  intérieur. 

2.  Vo3'ez  Boulogne-fiur-Mer.  Tribunal  correctionnel.  Gazette  des  Tribunaux^ 
28  octobre  1829.  —  Rouen,  7  mars  1835.  Dalloz.  J.  G.  V»  avocat,  n*  357.  — 
Cresson,  Profession  d'avocat,  tome  U,  pages  57  et  suivantes.  —  Mollot,  Règles  de  la 
profession  d'avocat,  tome  I,  page  389. 


OFFENSES.   —  RÈGLES  DU  DUEL.  403 

Il  doit,  par  conséquent,  éviter  tout  ce  qui  aurait  un  caractère 
d'objurgation  et  de  violence,  l'inconvenance  et  la  grossièreté  des 
termes,  remploi  d'imputations  étrangères  ou  inutiles  à  la  cause, 
les  allégations  contraires  à  la  vérité  ou  dénuées  d'une  raisonnable 
présomption  d'exactitude  ^ 

I^  partie  don  t  l'avocat  soutient  la  cause  est  également  responsable 
aux  yeux  de  la  législation  du  point  d'honneur,  comme  aux  yeux 
de  la  législation  ordinaire,  s'il  est  établi  qu'elle  lui  a  donné  mandat 
de  prononcer  les  paroles  ou  de  produire  les  écrits  offensants  '. 

La  responsabilité  du  client  n*a  du  reste  pas  pour  effet,  comme 
nous  Tavons  déjà  dit,  de  décharger  Favocat  de  la  part  de  responsa- 
bilité qui  lui  incombe.  Il  ne  peut  soutenir  raisonnablement,  pour 
éviter  l'appel  de  l'offensé,  qu'il  a  été  induit  en  erreur,  et  que,  par 
conséquent,  c'est  à  son  client  à  supporter  les  conséquences  du  man- 
dat qu'il  lui  a  donné. 

En  effet,  une  des  prérogatives  les  plus  importantes  de  sa  pro- 
fession étant  de  choisir  librement  ses  moyens,  sans  avoir  à  subir 
ceux  de  la  partie,  et  de  présenter  la  cause  qu*il  plaide  comme  il 
le  juge  convenable,  il  est  tout  naturel  de  l'obliger  à  demander  la 
preuve  des  faits  que  la  partie  lui  apporte,  et  à  examiner  si  ces  faits 
sont  nécessaires  à  la  cause,  ou  imposés  par  un  esprit  de  malice  et 
de  dénigrement*. 

En  s'en  abstenant,  il  a  commis  une  faute  dont  il  doit  suppor- 
ter les  conséquences. 

La  double  responsabilité  du  défenseur  et  du  client  entraîne 
pour  Foffensé  le  droit  de  demander  raison  à  celui  des  deux  qu'il 
considère  comme  étant  le  véritable  auteur  de  l'offense. 

Lui  refuser  cette  option,  ce  serait  lui  enlever,  dans  bien  der 
cas,  toute  possibilité  d'obtenir  une  réparation. 

Si  nous  admettions,  en  effet,  que  l'avocat  est  seul  responsable, 
la  partie  qui  voudrait  faire  impunément  outrager  son  adversaire 
choisirait  un  avocat  infirme  ou  trop  âgé  pour  qu'un  duel  fût  admis- 
sible avec  lui. 

Dans  l'hypothèse  inverse,  le  recours  de  l'offensé  serait  non 

1.  Voyex  casfation,  arrêts  des  15  et  20  février  4844.  —  Cresson,  Profession 
d^avocat,  tome  II,  page  58,  et  cassation  du  24  avril  1828,  ibidem. 

2.  Sur  la  responsabilité  personnelle  du  client  au  point  de  vue  légal. 

Voyei  Rouen,  7  mars  1835.  —  Dalloz,  Jurisprudence  générale,  V»  avocat,  n»  357. 
—  Bordeaux,  7  août  1844.  —  Dalloz,  périodique,  année  1845.  —  2«  partie, 
page  83. 

3.  Voyez  Rouen,  7  mars  1835,  précédemment  cité.  — Tribunal  de  la  Seine,  GaieWe 
des  Tribunaux,  5  et  6  avril  1830.  —  Cassation,  2  août  1829.  —  Cresson,  Profession 
d'avocat,  tome  II,  page  76. 


404  PREMIÈRE  PARTIE. 

moins  illnsoire,  si  pour  un  motif  quelconqae  la  partie  était  inca- 
pable, on  se  dérobait  ^ 

Le  droit  d'appeler  ad  libitum  chacan  des  adversaires  ane  fois 
concédé  à  roffensé,  il  nous  reste  à  énumérer  les  conditions  mises  à 
Texercice  de  ce  droit  relatiTement  à  la  preuve,  lorsque  le  choix  de 
l'offensé  se  porte  sur  le  client. 

Conformément  à  ce  que  nous  ayons  expliqué  plus  haut,  l'offensé 
doit  prouver  que  son  adversaire  a  donné  à  son  avocat  charge  de 
prononcer  les  paroles,  ou  de  produire  les  écrits  offensants.  Cette 
preuve  résulte,  nous  le  répétons,  non  seulement  d'écrits  et  de  témoi- 
gnages, mais  de  toutes  les  présomptions  jugées  suffisantes  par  les 
arbitres  ou  les  jurés  d'honneur. 

Elle  résulte  notamment  du  mutisme  gardé  par  un  client  pen- 
dant que  son  avocat  prononce,  et  après  qu'il  a  prononcé  des  pa- 
roles outrageantes. 

Il  a  été  jugé  que  «  la  partie  qui  souffre  qu'un  avocat,  en  sa 
présence  et  sans  opposition  de  sa  part,  articule  des  imputations 
diffamatoires  ou  injurieuses  contre  son  adversaire,  «  peut  devenir 
personnellement  responsable'  ». 

Si  le  vieil  adage,  «  qui  ne  dit  rien  consent  »,  a  pu  trouver  son 
application  devant  les  tribunaux  ordinaires,  il  en  sera  de  même  à 
plus  forte  raison  devant  la  juridiction  du  point  d'honneur,  qui  n'est 
pas  astreinte  comme  les  premiers  à  observer  des  règles  de  preuves 
aussi  étroites.  Au  reste,  dans  Tespèce  qui  nous  occupe,  la  déclaration 
de  la  partie  constatant  qu'elle  est  étrangère  à  l'outrage,  et  qu'elle 
répudie  les  paroles  de  son  avocat,  est  souvent  la  seule  ressource 
dont  puissent  disposer  les  arbitres  et  jurés  pour  démêler  la 
vérité. 

Ce  désaveu,  qui  peut  être  provoqué  par  une  interpellation  h 
l'audience,  constitue,  par  le  fait  de  sa  publicité  et  de  sa  solennité, 
une  bonne  réparation. 

Observons  que  l'avocat  appelé  pour  une  offense  commise  pen- 
dant une  plaidoirie  invoquera  généralement  Timmunilé  judiciaire, 
et  prétendra  n'avoir  pas  excédé  les  droits  de  la  défense. 

Comme  ce  droit  est  très  élastique,  il  naîtra  une  contestation 
qui  risquera  de  s'éterniser,  si  par  esprit  de  corps  les  confrères  de 
l'agresseur  prennent  fait  et  cause  pour  lui.  Dans  cette  prévision, 
Toffensé  aura  intérêt  à  faire  constater  par  le  juge  quejes  droits  de  la 
discussion  ont  été  outrepassés,  de  manière  à  enlever  à  l'avocat  tout 
prétexte  d'éluder  décemment  une  juste  réparation. 

1.  Voyez  Dalloz,  Jurisprudence  générale,  avocat,  n©  358. 

2.  CoDformément,  voyez  Bordeaux,  7  août  1814,   Dalioz,  périodique,  année  1845, 
2*  partie,  page  83. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  405 

Il  demandera,  en  conséquence,  acte  au  tribunal  des  expres- 
sions offensantes,  mais  il  n'usera  de  ce  moyen  que  ail  peut  es- 
pérer avoir  chance  de  réussir,  car  une  fin  de  non-recevoir  auto- 
riserait Tavocat  à  refuser  toute  satisfaction  par  les  armes,  sans 
pouvoir  être  blâmé,  puisqu'il  ne  serait  pas  sorti  de  son  droit. 


CHAPITRE  XII 

Incapacités.  —  Avec  quelles  pexnsoxmes  un  duel 

n'est  pas 


Article  premier. — Le  père,  le  fils,  le  frère,  le  parent,  l'ami,  etc., 
ne  sont  pas  admis  à  venger  par  une  nouvelle  provocation  le  fils,  le 
père,  le  parent,  tués  ou  blessés  dans  une  première  rencontre  loyale  ^ 

Cet  article  vise  Thypothëse  où  les  parents  de  la  victime  veulent 
se  battre  avec  le  vainqueur,  précisément  et  uniquement  à  cause  des 
suites  fatales  de  la  rencontre. 

Nous  allons  examiner  quels  résultats  entraîne  cette  prohibition. 

Trois  cas  peuvent  se  présenter. 

Le  parent  ou  l'ami  peuvent  : 

1**  Adresser  un  cartel  non  injurieux  ; 

2""  Faire  naître  une  discussion  au  cours  de  laquelle  il  provoque 
l'adversaire  heureux  ; 

3""  Au  cours  de  laquelle  il  manœuvre  de  façon  à  se  faire  insulter 
par  lui. 

1"  Cas,  —  Si  le  parent  ou  Tami  envoie  un  cartel  non  injurieux, 
basé  uniquement  sur  les  motifs  du  premier  combat  et  sur  son  dé- 
nouement, sa  prétention  doit  être  repoussée  de  piano,  parce  qu'elle 
viole  l'axiome  «  qu'il  n'est  dû  qu'une  seule  réparation  pour  une 
même  offense  ». 

2®  Cas.  —  Si  le  parent  ou  Tami,  instruit  de  la  fin  de  non-rece- 
voir qui  l'attend,  dans  le  cas  où  il  adresserait  un  cartel  de  l'espèce 
précédente,  provoque  une  discussion  au  cours  de  laquelle  il  insulte 
l'adversaire  sorti  vainqueur  de  la  première  rencontre,  c'est  ce  der- 
nier qui  est  l'offensé.  La  proposition  est  tellement  évidente  que  nous 
ne  la  formulerions  même  pas,  si  la  nature  particulière  de  l'of- 
fense et  la  protection  méritée  par  celui  qui  la  reçoit  n'influaient  sur 
l'étendue  des  privilèges  qui  lui  seront  accordés. 

1.  Oiateaavillard,  chapitre  m,  article  8. 


«^  . .-  ^ 


40fi  PREMIÈRE  PARTIE. 

Nous  disons  que  Poffense  est  d'une  nature  particulière. 

En  effet,  elle  a  été  combinée  dans  le  but  de  passer  outre  à  la 
prohibition  formulée  plus  haut,  et  de  violer  un  principe  fondamen- 
tal en  matière  de  point  d'honneur,  sur  l'utilité  duquel  nous  nous 
sommes  étendus  longuement. 

Nous  disons  qu'une  protection  spéciale  est  due  à  l'offensé. 

Chateauvillard,  page  95  et  s.,  parle  de  l'intérêt  qu*il  lui  inspire, 
à  raison  de  l'inégalité  dans  laquelle  il  se  trouverait,  s'il  lui  fallait 
subir  les  assauts  succesifs  d'une  légion  de  vengeurs,  et  à  raison  de 
rinfluence  morale  que  peut  avoir  cette  perspective  sur  Tâme  la  mieux 
trempée.  Il  est  évident,  en  effet,  que  cette  influence  se  fait  sentir 
non  seulement  pour  ce  qui  concerne  la  seconde  affaire,  mais  encore 
pour  ce  qui  touche  à  la  première,  si,  comme  il  arrive  trop  souvent, 
le  parent  ou  l'ami  annoncent  par  avance  l'intention  de  demander 
compte  du  sang  répandu. 

On  comprend  que  la  protection  qui  est  due  au  vainqueur  in- 
sulté ne  peut  se  borner,  comme  dans  le  premier  cas,  an  droit  de 
refuser  un  duel  contraire  aux  règles  du  point  d'honneur,  car  cette 
fin  de  non-recevoir,  très  correcte  théoriquement,  laisse  subsister  une 
sorte  de  flétrissure  attachée  à  celui  qui  garde  une  offense  sans  en 
demander  raison. 

Elle  ne  peut  se  borner  non  plus  aux  privilèges  qui  sont  attachés 
dans  les  cas  ordinaires  à  la  catégorie  à  laquelle  appartient  l'offensé, 
puisque  la  perspective  d'en  subir  les  conséquences  désavantageuses 
n'a  pas  arrêté  le  parent  ou  l'ami  dans  son  entreprise. 

Quelle  sera  l'étendue  de  ce  supplément  d'avantages? 

Chateauvillard  et  M.  Tavernier  fulminent  bien  contre  celte  vio- 
lation des  règles  du  point  d'honneur,  mais  ni  l'un  ni  l'autre  ne  ré- 
pondent d'une  manière  précise  à  la  question. 

Duverger,  chapitre  m, article  17,  se  contente  de  déclarer  que  le 
parent  ou  l'ami  prend  le  rang  d'agresseur,  et  que  l'adversaire  jouit 
de  plein  droit  des  prérogatives  de  l'offensé  avec  injure  grave,  ou 
même,  s'il  y  a  lieu,  avec  voie  de  fait.  Il  ne  donne  point  d'autres  ex- 
plications et  ne  motive  pas  sa  proposition. 

Nous  croyons  qu'il  faut  chercher  la  solution  de  cette  question 
dans  les  paragraphes  que  Chateauvillard  et  M.  Tavernier  consacrent 
aux  témoins  qui  reçoivent  un  injuste  cartel,  à  raison  du  combat 
auquel  ils  ont  prêté  leur  assistance'. 

Les  raisons  invoquées  en  faveur  du  privilège  des  témoins  sont 
les  mêmes  que  celles  qui  justifient  la  protection  du  combattant 

1.  Voyei  Chateauvillard,  chapitre  iv,  article  24.  —  Tayeroier,  page  189. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  407 

sorti  vainquear  de  la  première  affaire,  ayec  cette  seule  différence 
que  les  témoins  étant  revêtus  d'une  charge  particulièrement 
lourde,  et  d'un  caractère  spécialement  respectable,  ont  droit  à  une 
sauvegarde  plus  étendue  que  l'adversaire  sorti  vainqueur  du  pre- 
mier duel.  Aussi  ne  concédons-nous  pas  à  ce  dernier,  dans  tous 
les  cas  et  pour  tous  les  degrés  de  l'offense,  le  privilège  d'offensé 
avec  voie  de  fait  qui  appartient  aux  témoins  placés  en  même 
conjoncture. 

Nous  supposons  seulement  que  l'offense  qu'il  a  reçue  est  d'un 
degré  supérieur  au  degré  qui  lui  reviendrait  s'il  l'avait  essuyée  en 
toute  autre  circonstance. 

D'après  notre  système,  l'offense  est-elle  du  premier  degré?  Il 
bénéficie  du  choix  des  armes  et  du  duel. 

Est-elle  du  second  degré?  Il  acquiert  en  outre  celui  des  distances, 
qu'il  garde  a  fortiori  s'il  a  eu  à  subir  la  voie  de  fait. 

3*  Cas,  —  La  troisième  hypothèse  est  celle  où  le  parent  ou  l'ami 
provoque  une  discussion,  avec  l'intention  bien  arrêtée  de  se  faire 
insulter  par  Tadversaire  de  son  parent  ou  de  son  ami,  et  atteint  en 
effet  ce  but. 

Remarquons  d'abord  qu'il  faut  écarter  l'hypothèse  où  le  parent 
ou  Tami  se  contenterait  de  soulever  une  discussion  non  injurieuse, 
au  cours  de  laquelle  il  se  bornerait  à  demander  raison  de  la  mort 
ou  de  la  blessure  de  son  parent  ou  de  son  ami. 

Il  n'existe  dans  ce  cas  aucune  raison  de  s'écarter  des  règles 
ordinaires  et  d'accorder  à  l'adversaire  sorti  vainqueur  du  premier 
combat  un  supplément  de  privilèges  ;  car  il  peut  opposer  valable- 
ment la  question  préalable  et  n'est  pas  excusable  de  s'être  laissé 
entraîner  à  des  injures. 

L'hypothèse  qui  nous  occupe  est  celle  où  il  y  a  eu  offenses  réci- 
proques. Le  parent  ou  Tami  adresse  la  première  offense,  pousse  la 
première  botte,  mais  légère  et  sans  gravité,  afin  de  provoquer  une 
riposte  violente  qu'il  obtient  en  effet.  Il  semblerait  rationnel  et  con- 
forme aux  motifs  énumérés  plus  haut  que  la  question  préalable  pût 
être  opposée  valablement  au  cartel  envoyé  par  l'auteur  d'une  telle 
manœuvre,  puisque  c' est  volontairementqu'il  a  provoqué  cette  riposte. 

Telle  est  bien  notre  opinion. 

Hais  la  chose  n'est  pas  toujours  possible. 

Si  l'adversaire  croit  devoir  accepter  la  deuxième  recontre,  quelle 
sera  retendue  de  ses  prérogatives  ? 

Lui  accorderons-nous  toujours  celle  d'offensé  avec  injure  grave 
ou  voie  de  fait  ? 

Non.  En  effet,  si  le  parent  ou  l'ami  a  commis  un  acte  coupable 
en  provoquant  une  discussion  dans  le  but  d'éviter  une  prohibition 


•  ■;  *  ':*. 


408  PREMIÈRE  PARTIE. 

du  code  du  point  d'honneur,  l'adversaire  en  commet  un  autre  en  se 
laissant  entraîner  à  toute  la  fougue  de  son  caractère. 

Nous  nous  contentons  de  «diminuer  d'un  degré  la  gravité  de 
l'offense  à  laquelle  il  s'est  livré,  et  d'appliquer  purement  et  simple- 
ment ensuite  les  règles  ordinaires. 

A-t-il  essuyé  une  offense  de  la  première  catégorie  et  riposté  par 
une  injure  de  la  seconde  ?  Cette  injure  baissant  d'un  degré,  et  ne 
constituant  plus  qu'une  injure  de  degré  égal  à  la  première,  c'est  lui 
qui  est  considéré  comme  l'offensé.  Il  a  le  choix  des  armes. 

Répond-il  à  une  injure  grave  par  une  voie  de  fait?  Comme  la 
voie  de  fait  baisse  d'un  degré,  il  est  censé  avoir  répondu  à  une  in- 
jure grave  par  une  injure  du  même  degré,  et  acquiert  le  choix  des 
armes  et  du  duel. 

Hais  s'il  répond  à  une  offense  simple  par  une  voie  de  fait, 
malgré  l'abaissement  d'un  degré,  il  perd  sa  position  d'offensé,  et  le 
parent  ou  l'ami  en  obtient  le  privilège. 

Ce  système  a  l'avantage  de  tenir  compte,  pour  déterminer  la 
position  des  adversaires  et  leurs  prérogatives,  de  la  proportion  qui 
existe  entre  les  fautes  qu'ils  ont  commises. 

Jusqu'ici  nous  avons  supposé  que  la  préméditation  du  parent 
ou  de  l'ami  qui  provoque  la  discussion  est  clairement  établie.  En 
fait,  cette  éventualité  se  présentera  rarement.  Il  masquera  d'ordi- 
naire, sous  des  prétextes  spécieux,  le  but  réel  de  son  entreprise,  et 
s'efforcera  d'égarer  la  religion  des  témoins. 

C'est  à  débrouiller  cet  écheveau  que  ces  derniers  devront  em- 
ployer leur  perspicacité,  conformément  à  ce  que  nous  enseignons 
chapitre  xvii. 

Ils  ne  failliront  pas  à  ce  devoir  de  leur  charge,  et,  s'ils  jugent 
que  le  motif  réel  du  combat  soit  contraire  aux  règles  du  point  d'hon- 
neur, ils  dresseront  un  procès-verbal  motivé  qui  servira  de  décharge 
à  l'adversaire  sorti  vainqueur  de  la  première  rencontre,  s'il  croit  ne 
pas  devoir  ou  ne  pas  pouvoir  répondre  au  second  cartel. 

Au  contraire,  si  la  rencontre  ne  peut  être  évitée,  les  témoins 
de  ce  dernier  revendiqueront  les  privilèges  qui  sont  dus  à  leur  client. 
Généralement  un  jury  d'honneur  sera  nécessaire  pour  trancher  le 
différend. 

Art.  2.  —  Le  duel  est  inadmissible  entre  proches  parents. 

De  quels  parents  veut-on  parler?  Quelle  est  la  limite  de  cette 
prohibition  ? 

Il  faut  distinguer  entre  le  cas  où  il  s'agit  de  parents  unis  par 
les  liens  du  sang,  descendant  d'un  auteur  commun,  et  le  cas  où  il 
s'agit  de  parents  par  alliance. 


OFFENSES.   —  RÈGLES  DD  DUEL.  409 

S'agit-il  d'ane  parenté  naturelle,  la  prohibition  est  très  étendue. 
Le  duel  est  interdit  entre  ascendants  et  descendants,  entre  frères  S 
entre  oncle  et  neyeu  '. 

Est-il  interdit  entre  cousins  germains? 

M.  Tayernier  répond  négativement,  mais  il  formule  son  opinion 
sous  une  forme  si  dubitative  qu'elle  équivaut  presque  à  une  fin  de 
non-recevoir.  Du  Verger  autorise  la  rencontre. 

En  présence  d'avis  si  différents,  nous  croyons  qu'il  faut  s'en 
tenir  à  celui  de  H.  Tavemier,  et  ne  pas  interdire  le  duel  dans  cer- 
taines conditions  absolument  exceptionnelles,  mais  entourer  la 
permission  de  tant  de  difficultés  qu'elle  constitue  une  exception. 

S'agil-il  de  parents  par  alliance?  Comme  les  liens  qui  les 
unissent  sont  pour  ainsi  dire  artificiels  et  ne  dérivent  que  de  la  loi, 
la  prohibition  est  moins  absolue. 

On  peut  admettre,  en  conséquence,que  s'il  ne  s'agit  pas  du  beau- 
père,  du  gendre  et  du  beau-fils,  qui  sont  sacrés  l'un  pour  l'autre, 
en  vertu  de  raisons  si  évidentes  qu'il  est  inutile  de  les  rappeler,  la 
question  préalable  de  parenté  ne  peut  être  opposée  de  piano  et 
sans  discussion  K 

((  A  des  haines  qui  s'éternisent  faute  d'une  soupape  de  sûreté, 
je  préfère,  écrit  Du  Verger,  un  bon  appel  qui  soumettra  l'affaire  à 
l'appréciation  de  témoins  sérieux  et  conciliants,  qui  arriveront 
presque  toujours  à  arranger  la  querelle.  » 

Pour  notre  compte,  sans  être  aussi  optimiste,  nous  considérons 
un  cartel  envoyé  dans  de  telles  conditions  comme  devant  être 
avant  tout  un  moyen  d'arriver  à  la  constitution  d'un  jury  d'hon- 
neur, alors  que  la  demande  d'un  tel  jury,  faite  directement  par 
l'offensé,  sans  être  précédée  d'un  appel,  serait  presque  toujours 
repoussée. 

Si  l'arrangement  est  impossible,  si  le  degré  de  parenté  semble 
un  empêchement  à  la  rencontre,  les  témoins  rédigent  un  procès- 
verbal  qui  sauvegarde  l'honneur  de  l'offensé,  sans  la  moindre  effu- 
sion de  sang. 

Le  degré  est-il  plus  éloigné  ?  L'injure  est-elle  si  grave  que  le 
dénouement  menace  de  tourner  au  tragique  malgré  tous  leurs 
efforts  ?  Y  a-t-il  en  présence,  par  exemple,  un  mari  trompé,  altéré 
de  vengeance,  et  le  séducteur  de  sa  femme?  Ils  peuvent  autoriser  le 
duel  afin  d'éviter  de  plus  grands  malheurs,  mais  en  sauvegardant 
leur  responsabilité  par  toutes  les  précautions  imaginables. 


1.  Voyez  Tayernier,  page  55. 

2.  Voyez  Du  Verger  de  Saint-Thomas,  chapitre  m,  article  19. 

3.  Voyez,  comme  exemple  de  duels  entre  parents,  appendice  n^  15. 


■.« 


440  PREMIÈRE  PARTIE. 

Ainsi,  dans  l'hypothèse  précédente,  ils  feront  bien  de  réclamer 
au  mari  une  déclaration  spécifiant  qu'en  cas  où  on  lui  refuserait 
assistance,  il  se  fera  justice  lui-même. 

En  tout  état  de  cause,  les  conditions  de  la  rencontre,  le  compte 
rendu  des  efforts  faits  par  les  témoins  pour  éviter  le  combat,  leur 
insuccès,  doivent  être  soigneusement  mentionnés  au  procès-verbal 
et  signés  des  adversaires. 

En  résumé,  le  duel  entre  proches  parents  ne  peut  être  qu'une 
exception  rarissime.  Mais  le  degré  de  parenté,  lorsqu'il  franchit  les 
limites  établies  pour  la  prohibition  absolue,  ne  saurait  constituer 
un  motif  opposable  de  piano,  sans  discussion  et  sans  appel,  à  la 
demande  d'une  mutuelle  constitution  d'individus  destinés  à  former 
un  jury  d'honneur. 

Art.  3.  —  Un  maître  d'armes  ne  peut  se  servir  de  son  arme 
professionnelle  que  s'il  a  été  frappé  ^ 

Nous  ferons  observer  que  la  prohibition  ne  s'applique  pas  aux 
duels  entre  maîtres  d'armes,  qui  sont  régis  par  le  droit  commun, 
mais  aux  duels  entre  maîtres  d'armes  et  amateurs.  Encore  faut-il 
distinguer  quels  sont  les  amateurs  appelés  à  se  battre  avec  des 
maîtres  d'armes.  Autant  il  semblerait  anormal  qu'un  professeur 
d'escrime  se  battit  à  l'épée  avec  un  tireur  de  force  petite  ou 
moyenne,  autant  il  est  naturel  qu'il  se  serve  de  son  arme  profes- 
sionnelle s'il  a  affaire  à  un  de  ces  amateurs  qui  ont  l'habitude  de 
croiser  le  fer,  sans  désavantage,  avec  les  sommités  de  Tescrime 
dans  les  assauts  publics. 

Nous  disons  que  le  professeur  victime  d'une  voie  de  fait  peut  se 
servir  de  son  arme  professionnelle. 

A-t-on  bien  réfléchi  à  l'impasse  dans  laquelle  il  se  trouve  s'il 
use  de  ce  droit  contre  un  adversaire  de  force  ordinaire,  ou  si,  par 
une  générosité  souvent  imprudente,  il  y  renonce? 

Dans  le  premier  cas,  le  combat  se  termine-t-il  par  la  mort  ou  la 
blessure  de  son  antagoniste?  Est-il  poursuivi  ?  Il  a  contre  lui  l'opi- 
nion publique,  la  presse  et  le  jury. 

Dans  le  second  cas,  il  se  prive  d'un  avantage  bien  mérité,  et  le 
procure  à  son  adversaire.  Nous  ne  prévoyons  pas  l'hypothèse  où  il 
refuse  de  se  battre;  car  alors  sa  position  n'est  plus  tenable. 

En  présence  d'une  situation  aussi  scabreuse,  créée  à  un  homme 
digne  d'intérêt,  puisqu'il  a  reçu  l'outrage  le  plus  sanglant  qu'il 
puisse  subir,  pourquoi  ne  serait-il  pas  fait  exception  au  principe 
qu'à  une  voie  de  fait  il  n'y  a  pas  d'excuse  possible  ? 

I.  Voyez  Tavernier,  page  312. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  444 

Pourquoi  ne  lui  permettrait-on  pas  d'accepter,  sans  être  taxé 
de  faiblesse,  une  réparation  suffisante?  La  menace  faite  par  lui 
d'employer  Fépée  amènerait  souyent  la  conciliation. 

L'agresseur  refuserait-il  la  satisfaction  demandée,  on  ne  pour- 
rait plus  s'en  prendre  qu'à  lui,  si  le  maître  d'armes,  usant  du  pri- 
yilège  auquel  il  a  droit,  se  servait  de  son  arme  professionnelle. 

Quoi  qu'il  en  soit,  rappelons  que  le  maître  d'armes  est  obligé  de 
£aire  connaître  sa  profession,  aussitôt  après  la  constitution  des 
témoins. 

Art.  4.  —  Un  débiteur  ne  peut  appeler  son  créancier  que  s'il 
a  acquitté  sa  dette. 

«  Il  y  a  un  principe  bien  connu,  écrit  Chateauvillard,  page  99, 
tt  c'est  qu'un  débiteur  ne  peut  jamais  tirer  sur  son  créancier.  Ainsi, 
(c  dans  une  querelle  qui  prendrait  sa  source  dans  une  affaire  d'ar- 
«  gent,  et  qui  serait  suscitée  par  le  débiteur,  les  témoins  ne  doivent 
u  pas  laisser  battre  leur  homme  qu'il  ait  payé. 

«c  C'est  plutôt  une  affaire  civile  qu'une  affaire  de  champ  clos. 
«  Ce  serait  vraiment  une  manière  trop  facile  d'acquitter  ses  dettes 
«  que  de  tuer  son  créancier.  Les  témoins  qui  mettent  leur  veto  sur 
a  ce  cartel  doivent  en  faire  la  déclaration,  qu'ils  remettent  à  celui 
u  qu'ils  empêchent  de  se  battre,  en  se  rendant  garant  de  son 
a  honneur.  » 

Le  cas  est  bien  différent  dans  une  querelle  suscitée  pour  des 
intérêts  pécuniaires,  si  c'est  le  créancier  qui  appelle  son  débi- 
teur. 

L'interdiction  qui  fait  l'objet  du  présent  article  est  applicable 
même  lorsqu'il  s'agit  de  dettes  de  jeu  non  reconnues  par  la  loi 
civile. 

Art.  5.  —  a  moins  que  l'adversaire  n'y  donne  son  consen- 
tement, l'offensé  qui  a  recours  aux  tribunaux  perd  son  droit  à 
envoyer  ensuite  un  cartel  *. 

Rien  de  plus  juste.  Avant  de  se  mettre  en  campagne,  l'offensé 
doit  avoir  réfléchi  à  la  juridiction  à  laquelle  il  s'adressera  pour 
demander  réparation.  C'est  le  cas  de  rappeler  le  vieil  adage  :  una 
via  electa,  non  datur  recursus  ad  alteram.  Ici,  comme  en  droit  ordi- 
naire, il  trouve  son  application. 

Mais  il  ne  faut  pas  confondre  la  plainte  de  l'offensé,  ou  la 
citation  directe,  avec  la  poursuite  exercée  d'office  par  le  ministère 
public,  et  frapper  de  la  même  incapacité  l'individu  qui  volon- 

1.  Voyez  Du  Verger  de  Saint-Thomas,  chapitre  ni,  article  20.  —  Taveroier,  page 
288  et  suivantes.  —  Affaire  Grodet-Portalis,  12  novembre  1888.  Appendice 
n«  16. 


442  PREMIÈRE  PARTIE. 

tairement  s'adresse  aax  tribanaux,  et  celai  qui  involontairement  est 
cause  d'une  poursuite. 

Au  cours  d'une  discussion,  mon  interlocuteur  se  précipite  sur 
moi  et  me  roue  de  coups.  Cet  incident  s'est  passé  dans  la  rue.  La 
police  intervient.  Le  ministère  public  poursuit  d'office  et  fait  con- 
damner mon  agresseur  à  la  prison  ou  à  l'amende. 

Peut-il  opposer  la  question  préalable  au  cartel  que  je  lui 
envoie  après  ma  guérison,  sous  prétexte  que  l'affaire  s'est  dénouée 
devant  les  tribunaux,  et  que  je  n'ai  droit  qu'à  une  réparation  pour 
une  même  offense  ? 

Non,  car  la  pénalité  lui  a  été  infligée  au  nom  de  l'ordre 
public  qu'il  a  troublé,  sans  que  je  me  sois  plaint  et  sans  que  j'aie 
pu  arrêter  les  poursuites. 

Mais  si  je  me  porte  partie  civile,  je  renonce  ipso  facto  à  tout 
droit  de  réparation  par  les  armes. 

L'offensé  qui,  après  s'être  adressé  à  la  justice,  retire  sa  plainte, 
conserve-t'il  le  privilège  de  recourir  ensuite  à  la  voie  des  atomes? 

Avant  la  loi  du  29  juillet  1881,  le  retrait  de  la  plainte  ne  pro- 
duisait aucun  effet,  car  l'action  publique  une  fois  mise  en  mouve- 
ment ne  pouvait  plus  être  entravée.  En  est-il  de  même  depuis  que 
la  loi  de  1881,  article  60,  accorde  à  l'offensé  qui  se  désiste  le  droit 
d'arrêter  toute  poursuite? 

L'affirmative  n'est  pas  douteuse. 

Il  importe  que  l'agresseur  sache  à  quoi  s'en  tenir  immédiatement 
sur  les  intentions  de  son  adversaire.  S'il  est  tenu  de  le  suivre  sur 
le  terrain  qu'il  choisit,  il  n'est  pas  tenu  de  se  conformer  au  sautil- 
lement de  ses  caprices.  Cette  solution  s'applique  également  au  cas 
où,  pour  une  raison  quelconque,  la  plainte  serait  entachée  de  nul- 
lité, au  cas  où  le  tribunal  serait  incompétent,  etc.,  etc. 

Mais  il  y  a  une  réserve  à  faire  pour  le  cas  où  l'agresseur,  après 
avoir  commis  une  offense,  refuse  d'accorder  une  réparation  par  les 
armes.  Dans  cette  hypothèse,  l'offensé,  faute  d'autre  compensation, 
en  est  souvent  réduit  à  porter  plainte,  ou  à  citer  directement. 

Si  l'agresseur  revient  sur  sa  décision  et  accepte  le  combat  qu'il 
avait  refusé  d'abord,  l'offensé  est  libre,  ou  de  poursuivre  son  action 
devant  les  tribunaux  sans  encourir  de  blâme,  ou  d'accorder  le 
combat  sans  contrevenir  à  l'article  5. 

Nous  avons  dit  que  le  particulier  victime  d'une  voie  de  fait 
pouvait  en  demander  raison  par  les  armes,  quand  bien  même  son 
adversaire  aurait  été  poursuivi,  si  cette  poursuite  avait  eu  lieu 
d'office. 

En  serait-il  de  même  pour  les  personnes  qualifiées,  protégées 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  443 

par  les  articles  31  et  33  de  la  loi  du  29  juillet  1881,  222  et  suivants 
du  Code  pénal,  lorsque  la  poursuite  a  lieu  non  pas  sur  leur  plainte, 
mais  sur  la  plainte  du  ministre  dont  elles  relèvent,  ou  à  la  requête 
du  ministère  public  7 

Malgré  tout  l'intérêt  que  peut  oflfrirleur  situation,  lorsque  c'est 
contre  leur  volonté  que  Faction  publique  a  été  mise  en  mouvement, 
nous  croyons  qu*il  faut  répondre  négativement  : 

l""  Parce  que  l'exception  ne  serait  plus  restreinte  à  des  cas  extrê- 
mement rares,  comme  dans  l'espèce  où  il  s'agit  du  simple  parti- 
culier; 

2'>  Parce  que  cette  exception  constituerait  en  faveur  de  per- 
sonnes déjà  protégées  par  des  pénalités  exceptionnellement  rigou- 
reuses une  prérogative  excessive,  si  on  compare  la  situation  qui 
leur  est  faite  avec  celle  qui  est  faite  au  particulier  placé  dans  la 
même  situation. 

Supposons  qu'un  magistrat  de  Tordre  administratif,  un  préfet 
par  exemple,  essuie  à  l'occasion  de  ses  fonctions,  de  la  part  d'un 
particulier,  un  outrage  par  paroles  non  rendu  public.  L'auteur  de 
l'outrage  sera  passible  d'une  peine  pouvant  atteindre  deux  ans 
d'emprisonnement  (article  222,  Gode  pénal). 

Supposons  qu'une  offense  identique  soit  adressée  au  simple 
particulier  par  le  préfet,  ce  dernier  ne  sera  passible  que  des  peines 
de  la  simple  police.  Ne  serait-il  pas  monstrueux  d'accorder  à  ce 
magistrat  le  droit  d'exiger  la  réparation  par  les  armes  d'une  offense 
déjà  si  chèrement  payée  ? 

M.  Tavernier  propose  une  espèce  où,  d'après  lui,  il  serait  avan- 
tageux pour  l'offensé  de  saisir  d'abord  la  justice,  et  où  cet  appel  à 
une  juridiction  diamétralement  opposée  à  celle  du  point  d'honneur 
ne  lui  enlèverait  pas  le  droit  de  demander  ensuite  réparation  par 
les  armes. 

Tel  serait  le  cas  où  un  homme  nous  diffamerait  de  telle  sorte 
que  notre  honneur  ou  notre  probité  serait  en  jeu,  par  exemple  s'il 
nous  accuse  d'avoir  manqué  à  des  engagements  matériels.  Un  duel 
ne  prouverait  rien. 

«  Vous  êtes  bien  forcé,  ajoute  M.  Tavernier,  de  saisir  les  tribu- 
naux pour  établir  la  diffamation.  Envoyez-lui  vos  témoins.  S'il 
soutient  son  accusation  après  la  décision  de  la  justice,  il  ne  pourra 
TOUS  opposer  la  question  préalable.  » 

Quelle  que  soit  l'autorité  de  cet  auteur,  nous  ne  pouvons 
accepter  sans  réserve  son  opinion. 

Faisons  remarquer  d'abord  que  ce  procédé  ne  peut  s'appliquer 
ni  aux  diffamations  contre  les  particuliers,  ni  aux  diffamations  rela- 

8 


444  PREMIÈRE  PARTIE. 

tiyes  à  la  vie  privée  des  personnes  qualifiées,  ni  aux  outrages  régis 
par  les  articles  222  et  suivants  du  Gode  pénal,  qui  ne  sont  ni  les 
uns  ni  les  autres  delà  compétence  du  jury,  et  pour  lesquels  la  dé- 
monstration de  la  preuve  n'est  pas  admise.  (Article  35,  loi  du  29  juil- 
let 1881.) 

Dans  ces  diverses  hypothèses,  la  condamnation  obtenue  par 
la  personne  diffamée  établit  bien  qu'il  y  a  eu  diffamation,  mais  ne 
prouve  nullement  que  le  fait  imputé  ou  allégué  n'est  pas  exacte 

L'interdiction  d'apporter  la  preuve  s'appliquant  aussi  bien 
devant  la  juridiction  civile  que  devant  la  juridiction  correctionnelle, 
on  voit  que,  dans  les  cas  énumérés  ci-<lessus,  la  partie  diffamée 
n'aura  aucun  intérêt  à  choisir  la  voie  conseillée  par  M.  Tavernier  *. 

S'il  s'agit  de  personnes  qualifiées,  diffamées  à  raison  de  leurs 
fonctions  ou  de  leur  qualité,  la  cause  sera  bien  soumise  au  jury,  et 
la  preuve  sera  bien  permise,  aux  termes  de  l'article  35  de  la  loi  du 
29  juillet  1881  ;  mais,  comme  nous  l'avons  expliqué  précédemment, 
le  duel  ne  sera  plus  accordé  par  la  législation  du  point  d'honneur, 
car  l'agresseur  serait  exposé  à  une  double  responsabilité. 

Nous  croyons  qu'il  est  infiniment  plus  prudent  de  ne  pas  im- 
miscer la  justice  dans  le  débat,  au  risque  de  se  voir  fermer  l'accès 
de  a  juridiction  du  point  d'honneur,  mais  qu'il  faut  porter  l'affaire 
devant  un  jury  d'honneur,  qui,  n'étant  lié  par  aucune  restriction 
légale,  admet  toute  espèce  de  preuves. 

Gc  jury,  après  avoir  établi  la  fausseté  du  fait  imputé,  interdit  ou 
permet  ensuite  une  rencontre  s'il  la  juge  nécessaire. 


Influence  de  l'exeroioe  du  droit  de  reotifioation  et  de  réponse 
sur  le  droit  de  demander  ensuite  réparation  par  les  armes. 

La  personne  attaquée  dans  un  article  de  journal  peut-elle  user 
du  droit  de  rectification  et  de  réponse  qui  lui  est  accordé  par  les 
articles  12  et  13  de  la  loi  du  29  juillet  1881,  sans  perdre  celui  de 
demander  ensuite  réparation  par  les  armes  de  Toffense  qu'elle  a 
subie  ? 

La  question  est  controversée. 

Les  partisans  de  l'affirmative  soutiennent  que,  dans  l'espèce,  les 
choses  doivent  se  passer  en  matière  dépeint  d'honneur  comme  en 
matière  civile  ou  pénale.  Suivant  eux,  le  droit  de  demander  à  un 
journaliste  l'insertion  d'une  rectification  ou  d'une  réponse  constitue 

1.  Sur  Tadmissibilité  de  la  preuve,   voyez   Dalioz,  Code  pénal  annoté,  loi  du 
29  juillet  1881,  article  35,  n«  169  et  suiv. 

2.  Voyez  ibidem,  n©  178,  et  parmi  les  arrêts,   Cassation,    16   août   1882,  Dalioz, 
année  1883, 1'*  partie,  page  401. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  415 

un  droit  de  légitime  défense  et  non  une  réparation  proprement  dite. 
Ce  droit  est,  par  conséquent,  tout  à  fait  distinct  de  celui  de  deman- 
der ensuite  réparation  civile,  pénale,  ou  les  armes  à  la  main.  Sui- 
yant  eux,  Toffensé  peut  fort  bien  intenter  d'abord  une  action  pour 
obtenir  l'insertion  d'une  rectification  ou  d'une  réponse,  et,  après 
l'avoir  obtenue,  réclamer  des  dommages  et  intérêts,  porter  plainte 
en  diffamation,  citer  directement  ou,  s'il  le  préfère,  recourir  à  la 
voie  des  armes.  Ils  soutiennent  que  les  motifs  dont  s'est  inspiré 
le  législateur  de  la  loi  de  1881,  lorsqu'il  a  rédigé  les  articles  12  et  13, 
doivent  dicter  la  solution  de  la  question  lorsqu'il  s'agit  du  point 
d'honneur. 

Une  seconde  opinion,  qui  réunit  de  nombreux  partisans,  pré- 
tend qu'il  faut  distinguer  entre  le  cas  où  l'offensé  s'adresse  aux  tri- 
bunaux pour  obtenir  l'insertion  de  la  rectification  et  de  la  réponse, 
et  celui  où  il  se  contente  d'adresser  au  journaliste  une  simple 
demande  verbale  ou  écrite,  en  dehors  de  toute  procédure. 

Dans  le  premier  cas,  l'offensé  rentre  dans  les  termes  de  notre 
article  cinquième.  N'enverrait-il  qu'une  simple  sommation,  il  est 
déchu  du  droit  de  s'adresser  ensuite  à  la  juridiction  du  point  d'hon- 
neur, en  vertu  de  l'axiome  :  Una  via  electa  non  datur  recursus  ad 
aller  am. 

Dans  le  second  cas,  le  recours  à  la  voie  des  armes  lui  reste 
ouvert. 

Puisque  nous  en  sommes  sur  le  chapitre  de  Tintervention  de  la 
justice  dans  les  affaires  d'honneur,  examinons  quelle  doit  être  l'at- 
titude du  combattant  blessé  et  des  membres  de  la  famille  du  com- 
battant défunt,  appelés  à  témoigner  contre  l'auteur  de  la  blessure 
ou  de  l'homicide,  dans  un  procès  qu'ils  n'auront,  bien  entendu, 
pas  provoqué  par  une  plainte  ou  uoe  dénonciation,  mais  qui 
aura  été  précédé  de  poursuites  exercées  d'office  par  le  ministère 
public. 

Plus  que  jamais,  ils  se  souviendront  qu'ils  doivent  à  la  justice 
toute  la  vérité,  mais  rien  que  la  vérité.  Leur  conscience  devra  les 
engagera  se  renfermer  strictement  dans  les  questions  qui  leur  sont 
posées  et  à  y  répondre  avec  modération. 

Ils  n'oublieront  pas  qu'en  choisissantpourtrancherleurdifférend 
la  législation  du  point  d'honneur,  les  parties  se  sont  interdit  d'avoir 
recours  ensuite  à  la  justice,  non  seulement  par  une  plainte,  mais 
encore  par  une  intervention  passionnée,  qui  aurait  pour  résul- 
tat de  leur  procurer  indirectement,  et  pour  ainsi  dire  par  ricochet, 
une  seconde  réparation  pour  une  offense  dont  ils  ont  déjà  reçu 
satisfaction. 


416  PREMIÈRE  PARTIE. 

Art.  6.  —  On  peut  opposer  la  question  préalable  aux  membres 
d'une  famille  qui,  usant  du  bénéfice  de  la  loi,  auraient  injustement 
poursuivi  ou  fait  poursuivre  l'adversaire  d'un  parent  tué  dans  un 
duel  loyal. 

((  On  peut  Topposer,  à  plus  forte  raison,  au  combattant  blessé 
qui  aurait  agi  de  même  contre  l'auteur  de  sa  blessure  ^  » 

Qui  peut  opposer  cette  question  préalable? 

Toute  personne  appelée  en  duel  dans  la  suite  par  le  blessé  ou 
par  un  parent  qui  a  rendu  plainte,  qui  s'est  porté  partie  civile  ou 
qui  a  réclamé  une  indemnité  devant  les  tribunaux  civils,  à  raison 
d'un  duel  antérieur  loyalement  terminé. 

A  ceux  de  ces  individus  qui,  dans  une  seconde  affaire,  voudraient 
recourir  à  la  voie  des  armes,  la  législation  du  point  d'honneur 
répond  : 

((  Du  moment  que  les  adversaires  avaient  accepté  librement  ma 
juridiction,  du  moment  que  les  chances  étaient  égales  et  que  tout 
s'était  passé  loyalement,  vos  poursuites  devenaient  injustes.  Il  m'a 
été  impossible  de  les  empêcher,  car  je  n'ai  pas  d'autre  sanction  que 
le  blâme  de  l'opinion  qui  imprime  une  sorte  de  flétrissure  à  qui 
transgresse  mes  lois. 

«  Je  vous  proclame  déchu  du  droit  d'avoir  recours  à  moi  pour 
régler  vos  querelles  futures,  car  rien  ne  me  prouve  que  vous  ne 
recommenceriez  pas  encore  cette  fois-ci. 

u  C'est  à  la  juridiction  que  vous  avez  invoquée  préférablement 
à  la  mienne,  et  en  concurrence  avec  elle,  qu'incombe  votre  défense.  » 

Ce  droit  d'opposer  la  question  préalable,  qui  est  peut-être  for- 
mulé d'une  manière  un  peu  absolue  dans  l'article  6,  et  dont  Tappli- 
cation  sera  quelquefois  mitigée  par  les  arbitres  et  les  jurés  d'hon- 
neur, constitue  le  seul  frein  susceptible  d'arrêter  la  vengeance  ou  la 
cupidité  des  parents  ou  du  blessé,  puisque  les  conventions  par  les- 
quelles les  combattants  interdiraient  à  leurs  ayants  cause,  ou  s'inter- 
diraient avant  la  rencontre  le  droit  de  porter  plainte  ou  d'exercer 
une  action  en  dommages  et  intérêts,  sont  nulles  aux  yeux  de  la  loi. 

Nous  sommes  forcé  de  reconnaître  que  le  frein  n'est  pas  d'une 
solidité  à  toute  épreuve,  car  la  sanction  est  malheureusement  trop 
platonique  pour  entrer  en  ligne  de  compte  avec  la  haine  et  l'avidité 
de  personnes  souvent  peu  raffinées  en  matière  de  point  d'honneur  ; 
mais,  tel  qu'il  est,  il  peut  avoir  une  certaine  utilité.  C*est  pour  cela 
que  nous  sommes  entré  dans  des  détails  aussi  minutieux  à  son 
sujet. 

1.  Voyex  Cbateauvillard,  chtpiire  in,  article  8. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  417 

«  Art.  7.  —  On  peut  opposer  la  question  préalable  à  tout 
homme  convaincu  de  malhonnêteté  caraclérisée  ^  » 

II  est  souvent  difficile  de  débrouiller  un  homme  honorable  du 
cahos  de  gens  tarés  qui  grouillent  dans  les  grandes  villes.  Un  cri- 
térium de  rhonorabilité  des  adversaires,  c'est  Thonorabilité  des 
témoins  qui  les  couvrent  de  leur  pavillon  *. 

Lorsqu'une  personne  est  poursuivie  devant  les  tribunaux  à  rai- 
son d'un  fait  susceptible  d'entacher  son  honorabilité,  les  témoins 
doivent  surseoir  jusqu'au  prononcé  du  jugement.- 

Une  condamnation  judiciaire  n'entraîne  du  reste  pas  toujours 
l'indignité.  Gela  dépend  de  Tappréciation  des  motifs  au  point  de 
vue  de  l'honneur. 

Par  contre,  un  acquittement  prononcé  faute  de  preuves,  ou 
faute  d'éléments  suffisants  pour  tomber  sous  le  coup  de  la  loi  pénale, 
n'exempte  pas  toujours  de  l'indignité.  Cela  dépend  du  verdict  pro- 
noncé par  l'opinion  publique  jugeant  au  point  de  vue  de  Fhonneur 
et  de  la  délicatesse. 

0  Art.  8.  —  On  peut  opposer  la  question  préalable  à  l'individu 
qui  dans  une  rencontre  a  violé  les  règles  du  duel  '.  » 

Remarquons  que,  pour  que  cette  violation  entraîne  indignité, 
il  faut  supposer  qu^elle  est  déloyale.  Si  les  irrégularités  ont  été 
motivées  par  un  oubli,  un  manque  d'attention  ou  l'ignorance  des 
règles  du  duel,  il  n'en  serait  plus  ainsi  ^ 

((  Art.  9.  — On  peut  opposer  la  question  préalable  à  tout  individu 
qui,  sans  motifs  plausibles,  a  refusé  de  rendre  raison  de  l'offense 
faite  à  un  galant  homme.  Ces  invalides  de  l'honneur,  qui  doivent 
être  exécutés  dans  un  procès-verbal  rendu  public,  peuvent  toujours 
être  récusés  par  des  adversaires  ultérieurs  \  » 

Exceptions  d'indignité. 

Parfois,  après  la  réception  d'un  cartel  et  avant  l'engagement 
de  l'affaire,  une  question  préalable  est  posée,  celle  d'un  jury 
d'honneur. 

Un  des  adversaires  déclare,  par  exemple,  qu'ayant  des  doutes 

1.  Voyex  affaire  du  capitaine  des  H***  et  de  rex-lieuteDant   F***.  Gazette  des 
Tribunaux,  26  novembre  iS53,  2  février  1854.  Appendice  n<»i7. 

2.  Voyez,  du  reste,  pour  toutes  les  questions  qui  touchent  à  l'article  7,  Taver- 
nier.  Questions  de  duel,  pages  275  et  suiv.,  et  315  et  suiv. 

3.  Voyez  Tavemier,  page  47,  note.  —  Du  Verger  de  Saint-Thomas,  chapitre  m, 
article  18.  —  Prévost  et  G.  Jollivet,  page  207. 

4.  Voyez  nos  chapitres  xxxvi,  xliii,  lvi. 

5.  Conformément,  voyez  Tavernier,  page  270. 


f       ^-^  .  - 


fis  PREMIÈRE  PARTIE. 

sur  la  loyaaté  de  son  antagoniste,  il  réclame  la  constitation  d'un 
jary,  qui  décidera  si  la  personne  suspectée  est  digne  ou  indigne 
d'en  appeler  &  la  juridiction  du  point  d'honneur. 

Une  telle  all^ation  ne  doit  jamais  être  formulée  sans  preuves 
réelles.  La  question  préalable  dont  nous  nous  occupons  ne  peut 
être  posée  que  si  on  a  la  certitude  du  fait  reproché.  On  ne  doit 
même  pas  y  faire  allusion  tant  qu'on  n'a  pas  une  sanction  pénale 
ou  mondaine  à  invoquer  contre  l'individu  que  Ton .  considère 
comme  indigne  ^ 

En  admettant  même  que  la  partie  qui  veut  invoquer  la  ques- 
tion préalable  d'indignité  tienne  en  main  les  pièces  établissant  le 
bien  fondé  de  son  imputation,  elle  agira  sagement  en  ne  l'ouvrant 
qu'après  avoir  mûrement  réfléchi  aux  conséquences  de  l'acte 
qu'elle  va  entreprendre,  et  notamment  à  l'attitude  que  son  adver- 
saire prendra  à  la  suite  du  refus  de  dueL 

Il  peut  arriver,  en  effet,  que,  dans  son  exaspération,  il  se  livre 
vis-à-vis  d'elle  à  une  voie  de  fait  ;  qu'il  la  soufflette,  lui  crache  &  la 
figure,  etc.,  etc. 

Il  peut  arriver  notamment  qu'il  la  trouve  dans  un  lieu  public, 
et  que  là,  coram  populo,  il  lui  présente  deux  cannes  d'égale  lon- 
gueur et  d'égale  grosseur,  en  lui  disant:  «Vous  refusez  de  me 
rendre  raison  avec  les  armes  ordinaires  des  duels.  En  voilà  d'autres, 
les  seules  qui  conviennent  à  un  lâche  tel  que  vous  I  Choisissez  et 
défendez-vous,  sinon  je  vous  coupe  la  figure.  » 

C'est  une  éventualité  qui  s'est  déjà  présentée,  et  qui  risque  de 
se  présenter  chaque  fois  qu'un  homme  énergique,  prêt  à  tout,  et 
désireux  de  ne  pas  laisser  croire  à  un  guet-apens,  voudra  obliger 
la  personne  qui  lui  refuse  satisfaction  à  se  battre  quand  même  avec 
lui. 

Quelle  attitude  gardera  cette  personne?  Reviendra-t-elle  sur 
son  refus  ?  Acceptera-t-elle  la  canne  qui  lui  est  tendue,  au  risque 
d'être  bâton  née  d'importance?  chose  possible,  car  il  est  présumable 
que  l'adversaire  n'a  choisi  ce  mode  de  combat  qu'à  raison  de  son 
habileté  et  de  sa  force. 

Se  laissera-t-elle  battre  et  recourra- t-elle  ensuite  aux  tribunaux, 
en  proclamant  qu'elle  ne  veut  pas  se  commettre  avec  un  indigne  ? 

Si  elle  prend  le  premier  parti,  mieux  aurait  valu  ne  rien  dire. 

Le  changement  d'avis,  le  retour  sur  une  parole  donnée  en  pré- 
sence d'une  menace  ne  sont  guère  à  son  avantage. 

Si  elle  prend  le  second,  elle  est  obligée  de  laisser  son  adver- 

1.  Voyez  G,  JoUivet,  V Escrime  et  le  duel,  page  207. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  449 

saire  sur  le  carreau,  après  lui  avoir  administré  la  plus  belle  volée 
de  bois  vert  qu'il  soit  possible,  sinon  les  rieurs  ne  seront  pas  avec 
elle.  En  pareille  matière,  la  foule  se  range  toujours  du  côté  du 
plus  fort. 

Si'elle  garde  les  coups,  ce  sera  bien  autre  chose. 

Pour  que  Topinion  publique  admette  Pimmiition  de  la  jus- 
tice en  pareille  affaire,  il  faut  que  Tauteur  de  la  bastonnade  ait 
pour  le  moins  ramé  sur  les  galères  du  roi.  Cette  assertion  est  sur- 
tout vraie  lorsqu'il  s'agit  d'un  militaire. 

Si,  peu  sensible  à  ces  considérations,  la  partie  qui  veut  opposer 
la  question  préalable  persiste  dads  sa  fin  de  non-recevoir,  le  refus 
du  duel  et  la  demande  d'un  jury  d'honneur  doivent  être  faits  par 
écrit  et  indiquer  clairement  les  motifs  à  l'appui. 

La  rédaction  de  cette  pièce  sera  modérée  et  convenable.  On  lui 
donnera  le  moins  de  publicité  possible  avant  le  prononcé  de  la 
sentence,  pour  une  double  raison  :  d'abord,  parce  que  le  jury  seul 
a  le  droit  de  déterminer  la  diffusion  qu'il  entend  donner  à  sa  déci- 
sion ;  ensuite,  pour  éviter  de  mettre  le  mauvais  rôle  de  son  côté,  si 
l'affaire  se  déroule  finalement  en  justice. 

Avons-nous  besoin  d'ajouter  que  quiconque  refuse  un  appel, 
en  opposant  la  question  préalable  d'indignité,  prend  vis-à-vis 
de  son  adversaire  le  rôle  de  demandeur,  et  doit  fournir  la 
preuve. 

S'il  ne  le  fait  pas,  sa  situation  au  point  de  vue  de  l'offense 
devient  très  mauvaise,  et  son  adversaire  acquiert  ipso  facto  le 
rang  d'offensé  avec  injures  graves. 

Si  on  a  simplement  des  doutes  sur  l'honorabilité  d'un  adver- 
saire qui  est  inconnu,  il  ne  faut  pas  demander  la  réunion  d'un 
jury  d'honneur,  mais  charger  ses  témoins  de  faire  une  enquête 
sur  l'honorabilité  de  l'adversaire  et  sur  celle  de  ses  mandataires. 

Si  le  jury  d'honneur  saisi  d'une  exception  d'indignité  autorise 
le  duel,  la  rencontre  qui  s'ensuit  ne  peut  être  que  très  sérieuse  et 
proportionnée  à  la  lésion  morale  causée  par  la  suspicion  ^ 

La  juridiction  compétente,  pour  connaître  en  dernier  ressort 
des  questions  d'indignité,  étant  celle  du  jury  d'honneur  y  la  per- 
sonne qui  oppose  cette  question  ne  peut,  sans  encourir  de  blâme, 
refuser  de  lui  soumettre  l'appréciation  des  motifs  invoqués  pour 
justifier  sa  fin  de  non-recevoir.  Réciproquement,  l'individu  contre 
lequel  on  l'oppose,  ne  peut  se  prévaloir  valablement  d'une  décision 

1.  Voyex  affaire  de  M***-de  la   P***.  Gazette  de$  Tribunaux^  5  février  i 87a 
Appendice  n<»  18. 


4S0  PREMIÈRE  PARTIE. 

émanée  d'une  juridiction  autre  pour  se  soustraire  à  celle  du  jury 
d'honneur  ^ 

Il  faut  se  défier  des  brerets  d'indignité  que  se  décernent  jour- 
nellement les  hommes  de  parti  et  les  journalistes.  C'est  la  menue 
monnaie  de  leurs  polémiques.  Les  témoins  devront  considérer  ce 
point  de  vue,  tant  pour  ce  qui  concerne  l'admission  de  la  question 
préalable  que  Tappréciation  de  l'offense. 

Peut-on  opposer  la  question  préalable  aux  individus  qui,  par  le 
caractère  dont  ils  sont  revêtus,  la  profession  qu'ils  exercent,  la  posi- 
tion qu'ils  occupent  dans  le  monde,  sont  considérés  comme  inca- 
pables suivant  les  préjugés  en  vigueur? 

Le  lecteur  sera  frappé,  à  première  vue,  du  vague  de  la 
question  et  de  son  manque  de  précision.  Nous  nous  hâtons  de 
constater  que  c'est  intentionnellement  que  nous  l'avons  rédigée 
ainsi. 

En  effet,  si  tout  le  monde  est  d'accord  pour  admettre  que  le 
duel  est  inadmissible  avec  un  prêtre,  à  raison  de  son  caractère  ; 
avec  un  domestique^  à  raison  de  sa  condition,  etc.  ;  tout  le  monde 
reconnaît  également  qu'en  dehors  de  catégories  aussi  nettement 
tranchées,  il  en  existe  d'autres  composées  de  gens  fort  honnêtes  à 
la  vérité,  mais  qui  ne  semblent  pas  destinés  par  leur  éducation  à 
être  justiciables  d'une  législation  aussi  raffinée  que  celle  du  point 
d'honneur. 

Nous  nous  abstiendrons  de  donner  une  solution  à  cette  question 
si  controversabie  et  si  discutée. 

De  quel  droit  frapperions-nous  d'exclusion  cette  masse  d'indi- 
vidus, du  moment  que  les  raisons  invoquées  pour  ou  contre  la  fin 
de  non-recevoir  ne  reposent  sur  aucun  principe  théoriquement  et 
moralement  certain,  mais  sur  une  question  de  mœurs,  et,  disons 
le  mot,  de  préjugés,  qui  varie  selon  les  personnes,  les  époques  et 
les  milieux? 

Nous  ne  pouvions  passer  sous  silence  cette  question  intéressante. 
Nous  laissons  aux  membres  des  jurys  d'honneur,  dont  la  constitu- 
tion nous  parait  nécessaire  en  pareille  circonstance,  le  soin  de 
décider  en  fait  quelle  suite  l'affaire  devra  comporter*. 


1.  Voyez  affaire  de  B...-Paul  Foucher,  24  mai  1883,  Annuaire  du  duel,  par 
Ferrens,  Appendice,  n*  19,  et  avis  du  jury  d'honneur  de  la  Société  d'encouragement 
à  l'escrime,  affaire  Ernest  Judet,  Clemenceau,  Maujan,  Pichon,  le  Petit  Journal, 
Q«  du  31  août  1893,  ibidem. 

2.  Voyez  G.  JoUivet,  VEscrime  et  le  duel,  condiiions  sociales,  page  205. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  ^î^ 

Age  en  matière  de  duel. 

«Art.  10. —  Minorité.  —On  peut  opposer  la  question  préa- 
lable au  mineur  ^n 

En  matière  de  point  d'honneur,  à  quel  âge  finit  la  minorité? 
A  quelle  époque  la  majorité  commence-t>elle  ? 

Ghateauyillard  est  muet  sur  cette  importante  question.  Du  Verger 
de  Saint-Thomas  admet  deux  espèces  de  majorité  :  la  majorité 
légale,  qui  commence  à  vingt  et  un  ans,  et  la  majorité  sociale,  qui 
n^a  pas  de  point  de  départ  bien  défini,  et  qui  comprend  les  jeunes 
gens  ayant  fini  leurs  études  et  déjà  admis  dans  la  société  ^ 

M.  Tavernier  ne  reconnaît  qu'une  majorité,  celle  de  vingt  et  un 
ans,  mais  il  admet  de  si  nombreuses  exceptions,  par  exemple  en 
faveur  du  jeune  homme  marié,  engagé  volontaire,  étudiant  en 
droit,  en  médecine,  élève  des  écoles  militaires,  etc.,  que  par  une 
voie  difi'érente  il  arrive  au  même  résultat  ^. 

En  résumé,  d'après  ces  auteurs,  le  mineur,  au  point  de  vue 
du  duel,  est  celui  qui  est  encore  au  collège  et  n'a  pas  fini  ses  études. 

Pour  ce  qui  nous  concerne,  nous  admettons  la  division  de 
M.  Du  Verger  de  Saint-Thomas,  à  savoir:  une  majorité  légale  à 
partir  de  laquelle  les  jeunes  gens  entrent  dans  le  droit  commun,  et 
une  majorité  que  nous  appellerons  sociale,  faute  d'épithète  plus 
caractéristique,  qui  commencera  à  dix-huit  ans  pour  aller  jusqu*à 
vingt  et  un. 

Au  lieu  d'un  point  de  départ  indécis,  nous  prenons  dix-huit  ans, 
parce  que  c'est  l'âge  auquel  un  jeune  homme  peut  accomplir  deux 
des  actes  les  plus  importants  de  sa  vie  :  s'engager  dans  l'armée  et 
contracter  mariage. 

Comment  refuser  à  un  homme  le  droit  de  venger  les  injures 
qui  lui  sont  adressées  personnellement,  ou  qui  sont  adressées  à  son 
épouse,  lorsque  la  loi  lui  reconnaît  la  capacité  requise  pour  venger 
l'injure  de  son  pays  et  pour  faire  un  père  de  famille  ? 

Réciproquement,  comment  le  soustraire  à  la  responsabilité 
personnelle  des  offenses  qu'il  a  pu  commettre  à  pareille  époque,  ou 
dont  sa  femme  s'est  rendue  coupable  ? 

En  résumé,  jusqu'à  dix-huit  ans,  les  enfants  sont  mineurs 
dans  toute  l'acception  du  mot,  quels  que  soient  leur  situation 

i.  Voyez  affaires  Rochefort  flls-L***  V***,  20  juin  1880.  —  Haut  do  Lassus-H.  de 
DeWa,  15  avril  1882,  Annuaire  du  duel^  par  Ferrens,  et  appendice  n®  20. 

2.  Voyez  page  240  et  suiv. 

3.  Voyez  page  233. 


i%%  PREMIÈRE  PARTIE. 

dans  le  monde  et  leur  état  physique.  Us  sont  toujours  récusables 
et  irresponsables,  mais  la  substitution  est  permise  en  leur  fayeur, 
s'ils  ont  le  droit  d'offensé.  Réciproquement,  les  parents  admis  à  se 
substituer  demeurent  responsables  des  offenses  auxquelles  ils 
peuvent  se  livrer. 

Vient  ensuite  la  période  de  transition  entre  Tenfance  et  la 
majorité,  entre  la  faiblesse  et  rentière  possession  des  forces  phy- 
siques et  morales. 

A  cet  état  intermédiaire  devront  naturellement  correspondre 
des  règles  qui  tiendront  une  juste  mesure  entre  Timpersonnalité 
active  et  passive  de  Tenfant  et  la  responsabilité  complète  de  Phomme 
qui  jouit  de  tous  ses  droits.  Aussi  croyons-nous  que,  durant  le 
temps  qui  court  de  dix-huit  à  vingt  et  un  ans,  le  jeune  homme  ne 
saurait  pas  plus  être  récusé  de  plein  droit  pour  cause  de  jeunesse, 
s*il  demande  réparation,  qu'être  déchargé  de  l'obligation  de  réparer 
les  offenses  auxquelles  il  se  sera  livré. 

En  revanche,  nous  pensons  que  le  duel  ne  peut  être  autorisé 
que  par  la  décision  d'un  jury  d'honneur  constatant: 

l""  Que  l'offense  est  une  injure  grave  ou  une  voie  de  fait; 

2^  Que  la  disproportion  entre  la  situation  physique  et  morale 
du  mineur  et  son  habileté  dans  la  pratique  des  armes,  comparées 
avec  celles  du  majeur,  n'est  pas  trop  considérable; 

3«  Que  les  témoins  choisis  sont  majeurs  et  expérimentés. 

Est-il  besoin  d'ajouter  qu'au  cas  où  la  rencontre  est  autorisée,  les 
témoinsdoiventse  prévaloir  d'une  situation  aussi  exceptionnelle  pour 
en  mitiger  autant  que  possible  les  conditions.  Dans  le  cas  contraire, 
c'est-à-dire  lorsque  le  jury  d^honncur  n'admet  pas  qu'une  rencontre 
immédiate  soit  possible,  le  père,  le  frère  sont  substitués  activement 
et  passivement  au  jeune  homme,  à  moins  que  l'offensé  ne  préfère 
attendre  la  cessation  de  la  cause  d'impossibilité,  ou  la  majorité 
légale.  L'agresseur  ne  peut  lui  refuser  réparation  à  l'échéance. 

Dans  ces  deux  cas,  le  jury  d'honneur  dresse  un  procès-verbal 
de  constat,  qui  sert  de  décharge  aux  adversaires  jusqu'au  moment 
où  le  duel  peut  avoir  lieu. 

Art.  11.  —  Vieillesse.  —  On  s'accorde  pour  reconnaître  qu'à 
soixante  ans  le  vieillard  peut  cesser  d'aller  sur  le  terrain.  On  sup- 
pose, en  effet,  que  ses  forces  physiques  sont  en  pleine  décadence  ^ 

Cependant,  la  règle  n'est  pas  absolue. 

Dans  certaines  circonstances  exceptionnelles,  le  combat  d'un 
homme  jeune  ou  d'âge  mûr  avec  un  sexagénaire  peut  être  autorisé. 
Mais  il  faut  le  concours  de  plusieurs  conditions,  dont  Tappréciation 

1.  Voyex  affaire  Sevestre-Félix  Pyat,  5  juin  i888.  Appendice  n^  21. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  4S3 

est  laissée  aux  témoins,  ou,  mieux  encore,  aux  jurés  d'honneur,  et 
qui  varient  suivant  que  le  vieillard  est  agresseur  ou  offensé. 

Si  c'est  le  vieillard  qui  est  agresseur,  il  faut  : 

l**  Que  l'offense  soit  considérable. 

Les  auteurs  ne  sont  pas  d'accord  sur  le  degré  nécessaire. 

Château villard,  chapitre  iv,  article  19,  subordonne  le  duel  à 
la  voie  de  fait. 

Tavernier,  page  237,  et  Du  Verger  de  Saint-Thomas,  article  21, 
chapitre  iv,  le  permettent  également  en  cas  d'injure  grave. 

En  présence  de  cette  diversité  d'opinions,  la  nécessité  d'un  jury 
d'honneur  s'impose  encore  davantage. 

Nous  croyons  quMl  ne  faut  pas  l'enchaîner  dans  des  limites  trop 
étroites.  On  doit  le  laisser  maître  d'autoriser  le  duel  chaque  fois 
que  la  gravité  de  l'offense  et  sa  nature  sont  telles  que,  malgré  la 
sentence  interdisant  le  combat,  l'honneur  de  l'offensé  resterait 
atteint  d'après  les  préjugés  existants. 

2"*  Il  faut,  en  second  lieu,  que  le  vieillard  donne  son  consente- 
ment par  écrit  à  la  rencontre. 

Le  refus  d'écrire  équivaut  à  un  refus  de  duel  ^ 

Dans  ce  cas,  les  témoins  réunis  dressent  un  procès-verbal  qui 
tient  lieu  de  décharge  et  de  réparation  à  l'offensé. 

S""  Il  faut  que  les  témoins  ou  le  jury  d'honneur  examinent  l'état 
physique  et  moral  du  vieillard  et  déclarent  qu'il  est  apte  au  genre 
de  combat  imposé  par  l'offensé.  {Ibidem.) 

Ne  l'oublions  pas,  Tâge  de  soixante  ans  n'a  rien  d'absolu  et  ne 
constitue  qu'une  moyenne  destinée  à  servir  de  base  pour  l'apprécia- 
tion des  témoins.  Gomme  le  dit  très  justement  M.  Tavernier,  certains 
sexagénaires  sont  si  bien  conservés,  sont  si  bien  entraînés,  que  le 
bénéfice  de  l'âge  ne  saurait  être  invoqué  décemment  en  leur  faveur. 

Est-il  besoin  d'ajouter  que  l'âge  de  l'offensé  doit  naturellement 
entrer  largement  en  ligne  de  compte,  ainsi  que  son  état  physique, 
et,  si  c'est  possible,  son  habileté  à  Tarme  choisie.  C'est  un  point  de 
vue  que  les  personnes  appelées  â  décider  la  question  ne  peuvent 
impunément  négliger. 

Lorsque  c'est  le  vieillard  qui  est  insulté,  et  qui  demande  répa- 
ration, toutes  les  conditions  restrictives  indiquées  plus  haut  ne 
peuvent  plus  être  exigées.  En  effet,  il  serait  injuste  de  lui  imposer 
malgré  lui  une  exception  qui  n'a  été  établie  qu'en  sa  faveur,  et  de 
lui  retirer  le  droit  le  plus  important  de  tous  ceux  qui  sont  recon- 
nus par  la  législation  du  point  d'honneur. 

Tant  pis  pour  le  jeune  homme  qui  offense  un  vieillard,  il  doit 

1.  Voyer  mômes  auteurs,  ibidem. 


424  PREMIÈRE  PARTIE. 

lui  accorder  réparation  dans  tous  les  cas  où  il  serait  obligé  de  le 
faire,  si,  au  lieu  d'avoir  dépassé  la  soixantaine,  ToiTensé  se  trouvait 
dans  la  force  de  Tâge. 

Que  le  vieillard  soit  insulté  personnellement,  qu'il  prenne  la 
défense  d'une  autre  personne,  d'une  femme,  par  exemple,  s'il 
remplit  toutes  les  autres  conditions  requises  pour  le  faire  légale- 
ment, l'agresseur  ne  peut  se  retrancher  derrière  l'âge  avancé  d'un 
tel  adversaire  et  refuser  de  le  suivre  sur  le  terrain.  Mais  comme  la 
disproportion  de  vigueur  et  d'habileté  qui  existe  entre  eux  place 
l'homme  jeune  dans  une  situation  exceptionnellement  délicate,  il 
est  juste  d'exiger  du  vieillard  qu'il  signe  un  écrit  constatant  en 
termes  précis  qu'il  veut  la  rencontre,  qu'il  choisit  telle  arme  et 
qu'il  se  reconnaît  propre  à  la  maniera 

Est-il  besoin  d'observer  qu'en  pareil  cas,  les  témoins  sont  tenus 
d'épuiser  tous  les  moyens  de  conciliation  ? 

Si  le  duel  est  inévitable,  ils  doivent  équilibrer,  autant  que  faire 
se  peut,  les  chances,  et,  dans  la  limite  du  possible,  atténuer  les 
dangers  de  la  rencontre. 

Exception  :  Offenses  commises  par  les  journalistes. 

«  Dans  une  offense  commise  par  la  voie  de  la  presse,  où  l'attaque 
a  été  préméditée  de  sang-froid,  sans  provocation  de  la  partie 
adverse,  le  bénéfice  de  l'immunité  de  l'âge  ne  peut  plus  être  invo- 
qué. Sans  cette  exception,  il  deviendrait  beaucoup  trop  commode 
de  prendre  des  paravents  sexagénaires,  pour  pouvoir,  à  l'abri  de 
leurs  cheveux  blancs,  tirer  impunément  sur  l'honneur  des  gens^  » 

État  physique. 

Art.  12.  —  Impotence,  infirmités.  —  L'état  d'inûrmité  ou 
d'impotence  constitue  un  autre  empêchement  au  combat. 

Il  est  clair  que  le  duel  à  l'épée  entre  un  homme  valide  et  un 
homme  amputé  d'une  jambe  n'est  pas  un  duel,  c'est  un  assassinat. 
Mais  si  l'impotent  a  perdu  une  jambe  il  a  gardé  sa  langue,  qui 
peut  lancer  des  traits  mortels  pour  Thonneur  d'autrui. 

Lui  accordera-t-on  une  immunité  complète,  et  partant  le  pri- 
vilège d'offenser  tout  le  monde  impunément  ? 

Évidemment  non. 

De  là  les  prescriptions  fort  sages  imaginées  par  Chateauvil- 
lard,  chapitre  iv,  articles  16,  17,  18,  pour  réglementer  la  concor- 
dance qui  doit  exister  entre  certains  états  physiques  et  le  droit  de 
refuser  Tarme  de  l'offensé. 

1.  Voyez  affaire  de  Wyse,  Edmond  Lepclletier.  Appendice  n^  21. 

2.  Voyez  Tavernier,  page  238.  Mous  partageons  complètement  Topinion  de  cet 
auteur. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  «5 

Ayant  d'examiner  les  différentes  espèces  posées  parlai,  obser- 
vons que  rénumération  qu'il  fait  n'est  pas  limitative.  Ce  sont  des 
exemples,  et  pas  autre  chose. 

Les  témoins  d'un  homme  estropié  de  manière  à  ne  pouvoir  se 
servir  du  sabre  ou  de  l'épée  peuvent  toujours  refuser  ces  armes,  à 
moins  que  l'insulté  ne  l'ait  été  avec  voie  de  fait. 

Ainsi,  les  témoins  d'un  homme  ayant  perdu  le  bras  droit,  si 
c'est  un  droitier,  le  bras  gauche,  si  c'est  un  gaucher,  les  témoins 
d'un  homme  amputé  d'une  jambe,  peuvent  se  prévaloir  de  ces  infir- 
mités pour  opposer  une  fin  de  non-recevoir  absolue  à  la  prétention 
qu'aurait  l'offensé  du  premier  et  du  second  degré  de  leur  imposer 
l'épée  ou  le  sabre. 

Mais  il  en  est  autrement  si  l'offensé  a  essuyé  de  la  part  de  l'in- 
firme une  voie  de  fait. 

<(  Il  nous  a  paru  sage,  écrit  Chateauvillard,  page  102,  que 
l'homme  estropié  fût  forcé  de  prendre  l'arme  de  la  personne  qu'il 
insulte  avec  coups  et  blessures  ;  car,  après  tout,  il  ne  tient  qu'à  lui 
de  n'avoir  pas  recours  à  cette  extrémité.  Il  est  à  présumer  que, 
puisqu'il  a  eu  la  force  de  se  faire  justice  par  une  pareille  violence, 
il  sera  capable  d'en  faire  autant  l'épée  à  la  main. 

tt  De  plus,  si  on  prenait  toujours  en  considération  son  empê- 
chement physique,  il  deviendrait,  lui  impotent,  le  plus  avantagé, 
car  son  étude  a  dû  se  porter  spécialement  sur  le  pistolet. 

«  Mais  si  ses  témoins  font  ce  refus,  ceux  de  l'insulté  choisissent 
parmi  les  duels  au  pistolet  celui  qui  lui  convient  le  mieux  et  la 
distance  qu'il  préfère  ^  » 

Il  est  juste  que  l'insulté,  qui  est  obligé  de  subir  l'arme  de  l'impo- 
tent, soit  libre  de  choisir  parmi  les  duels  au  pistolet  légaux  celui  qui 
lui  parait  le  moins  désavantageux  et  la  distance  à  laquelle  il  est  habi- 
tué. Cette  option  ne  peut  être  pour  lui  qu'une  faible  compensation 
des  avantages  qu'il  perd  en  perdant  le  choix  des  autres  armes. 

Les  témoins  d'un  borgne  peuvent  refuser  le  pistolet,  mais  seu- 
lement lorsque  l'offense  à  laquelle  il  s'est  livré  est  du  premier 
degré.  Lorsque  son  adversaire  se  trouve  offensé  avec  injure  grave 
ou  voies  de  fait,  il  est  obligé  de  subir  l'arme  choisie  par  la  partie 
adverse*. 

Il  était  naturel  de  préserver  moins  efficacement,  comme  le  fait 
très  justement  remarquer  M.  Tavernier,  le  borgne  dont  l'infirmité 

1.  Voyez  Giateauvillard,  chapitre  iv,  article  18. 

2.  Ibidem,  chapitre  iv,  article  17. 


I  •  i 


426  PREMIÈRE  PARTIE. 

est  moins  complète,  eu  égard  au  pistolet,  que  ne  Test  celle  de  l'am- 
puté, par  exemple,  en  face  de  Tépée. 

On  a  élevé  des  objections  contre  la  solution  donnée  à  cette 
question.  On  a  dit  :  «  Pourquoi  ne  peut-on  pas  provoquer  le  borgne 
à  toute  espèce  d'armes,  y  compris  le  pistolet? 

«  Est-ce  qu'on  ne  ferme  pas  Pœil  au  pistolet  pour  mieux  viser, 
et  ne  devient-on  pas  ainsi  borgne  volontairement?  » 

M.  Tavernier  l'explique  clairement  : 

a  Le  borgne,  écrit-il,  ne  voit  pas,  avec  son  œil  unique,  de  la 
même  manière  que  lorsque  vous  fermez  un  œil  pour  viser.  De  là 
inégalité  absolue,  s'il  n'est  pas  exercé.  De  plus,  la  vue  dans  le  com- 
bat à  Fépée  n'est  plus  l'auxiliaire  pour  ainsi  dire  unique  du  tireur, 
comme  dans  le  duel  au  pistolet. 

a  Au  pistolet,  c'est  le  coup  d'œil,  le  rayon  visuel,  qui  est  l'agent 
vraiment  actif.  Dans  le  combat  à  l'épée,  certes,  le  coup  d'œil  n'est 
pas  à  dédaigner;  mais  c'est  un  peu  l'accessoire. 

«  Il  y  a  en  effet  autre  chose.  Il  y  a  la  main  qui  pare,  les 
jambes  qui  vous  permettent  d'éviter  un  coup  en  rompant. 

<c  11  y  a  le  sentiment  du  fer  qui  seconde  très  puissamment  une 
vue  imparfaite. 

((  Au  pistolet,  l'homme  qui  y  voit  mal  ne  peut  appeler  à  son 
secours  aucune  de  ces  ressources.  » 

Les  infirmités  anodines  ou  de  minime  conséquence  sont  insuf- 
fisantes pour  procurer  à  celui  qui  en  est  atteint  le  droit  d'alléguer 
l'impotence  *. 

Cependant  il  existe  des  infirmités  qui,  sans  procurer  à  l'agres- 
seur le  droit  de  refuser  l'arme  de  l'adversaire,  lui  procurent  celui 
de  se  soustraire  à  certaines  conditions  dont  l'exécution  lui  est  im- 
possible à  cause  de  son  infirmité. 

Par  exemple,  le  sourd  sera-t-il  tenu  d'accepter  un  duel  au  com- 
mandement ou  au  signal,  où  la  perception  de  paroles  et  de  nombres 
rapidement  prononcés  constitue  l'essence  même  de  la  rencontre  ? 

Non.  L'offensé  ne  perdra  pas  pour  cela  le  droit  d'imposer  le 
pistolet,  mais  il  devra  choisir  un  genre  de  duel  où  Touïe  ne  joue  pas 
un  rôle  prépondérant  et  puisse  être  remplacé  par  un  signal  s'adres- 
sant  à  rœil. 

Toute  exception  d'infirmité  ou  d'impotence  doit  être  discutée 
par  les  témoins  et,  en  dernier  ressort,  par  les  membres  d'un  jury 
d'honneur,  qui,  jouissant  d'une  autorité  plus  considérable,  seront 
plus  aptes  que  les  premiers  à  mener  à  bien  une  entreprise  si  déli- 

i.  Voyez  Chateauvillard,  page  102. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  Ml 

cate,  et  à  couper  court  aux  récriminations  qui  peuvent  en  résulter. 

II  est,  du  reste,  indispensable,  et  nous  insistons  sur  ce  point, 
que  leur  décision  soit  appuyée  d'un  examen  médical.  En  effet,  l'in- 
firmité ou  l'impotence  peut  résulter  de  causes  qui  ne  sont  pas 
apparentes,  comme  la  perte  d'un  bras  ou  la  perte  d'une  jambe,  et 
l'impossibilité  de  se  servir  de  Parme  imposée  par  Toffensé  n'en  être 
pas  moins  réelle. 

N'oublions  pas  qu'à  raison  de  l'importance  du  rapport  médical, 
il  faut  que  les  personnes,  quelles  qu'elles  soient,  témoins,  arbitres  ou 
jurés,  appelées  à  se  prononcer  sur  une  exception  de  cette  espèce, 
fl^entendent  avant  toute  chose  pour  désigner  le  ou  les  hommes  de 
l'art  qui  seront  consultés  ^ 

Lorsque  les  infirmités  ne  sont  pas  suffisantes  pour  empêcher 
que  celui  qui  en  est  atteint  se  serve  de  l'arme  choisie  ou  remplisse 
les  conditions  du  duel,  mais  sont  de  nature  à  lui  créer  un  désavan- 
tage, peut-il  exiger  de  son  adversaire  l'emploi  de  moyens  qui  ren- 
dent la  partie  égale  ? 

Par  exemple,  dans  un  duel  au  pistolet,  si  Tun  des  antagonistes 
se  trouve  obligé  par  sa  conformation  de  tirer  en  restant  de  face  et 
en  visant  droit  devant  lui,  ce  qui  l'oblige  à  présenter  le  corps  tout 
entier,  au  lieu  de  se  placer  de  profil  et  en  s'effaçant,  peut-il  exiger 
que  son  adversaire  adopte  cette  posture  anormale  ? 

La  question  a  été  soulevée  dans  l'affaire  Ledat-Maizeroy  (voyez 
Écho  de  Paris,  13  octobre  1892)  et  n'a  pas  reçu  de  solution,  car  l'ar- 
bitrage proposé  par  les  témoins  de  M.  Maizeroy  ne  fut  pas  accepté. 

Nous  croyons  qu'elle  doit  être  résolue  dans  le  sens  de  la  néga- 
tive, spécialement  si,  comme  dans  l'affaire  qui  nous  occupe,  c'est 
l'infirme  qui  a  désigné  l'arme.  Il  suffit  que  son  adversaire  se  con- 
forme aux  règles  générales  du  duel  choisi,  pour  qu'il  n'ait  rien  à 
exiger  de  plus. 

La  question  de  surface  n'est  pas  à  examiner. 

S'il  en  était  autrement,  tout  combattant  obèse,  en  face  d'un 
adversaire  en  lame  de  couteau,  pourrait  émettre  la  même  préten- 
tion avec  autant  de  droit,  ce  qui  est  admissible. 

11  faut  considérer,  en  outre,  que  l'adoption  de  cette  condition 
n'aurait  pas  eu  pour  résultat  de  rétablir  l'égalité  entre  les  deux 
adversaires.  Elle  créait,  au  contraire,  un  avantage  en  faveur  de 
M.  Ledat,  car  elle  lui  permettait  de  tirer  dans  une  position  qui  lui 
était  familière  et  à  laquelle  H.  Maizeroy  n'était  pas  habitué. 

1.  Voyez  affaire  des  l***-j***-M***,  Gazette  des  Tribunaux,   4-5  octobre  1880, 
appendice  n°  22,  et  appendice  ti?  6. 


4S8  PREMIÈRE  PARTIE. 

On  objecte  que,  dans  un  duel  entre  Benjamin  Constant  et 
H.  Forbin  des  Issarts,  les  deux  adversaires  tirèrent  assis  chacun 
dans  un  fauteuil,  parce  que  Benjamin  Constant  était  trop  faible 
pour  rester  debout. 

Ceci  ne  prouve  rien,  car  H.  Forbin  des  Issarts  était  maître 
d'accepter  ou  de  remettre  la  rencontre  au  temps  oCi  son  antago- 
niste se  trouverait  assez  fort  pour  garder  la  position  verticale  sur 
le  terrain. 

Il  accepta  comme  il  était  libre  d'accepter  toute  autre  condition 
non  contraire  aux  règles  du  duel,  mais  on  ne  pouvait  l'y  forcer. 


CHAPITRE   XIII 
Des  témoins.  —  Qualité  d'un  bon  témoin. 

On  n'est  jamais  tué  que  par  ses  témoins.  Lorsqu'on  réfléchit  à 
la  légèreté  avec  laquelle  certaines  personnes  acceptent  ce  rôle  dif- 
ficile, on  comprend  la  justesse  de  cette  boutade  répétée  si  souvent, 
qu'elle  est  devenue  un  lieu  commun  ^ 

Les  uns  ne  veulent  que  sang  et  combat  et  vous  laisseraient 
égorger  volontiers  pour  avoir  le  plaisir  d'assister  à  un  duel  émouvant 

Les  autres  se  préoccupent  médiocrement  de  votre  honneur,  et 
sont  prêts  à  faire  toutes  les  concessions  pour  se  débarrasser  d*une 
corvée. 

Le  rôle  d'un  bon  témoin  exige  des  qualités  exceptionnelles, 
nécessitées  par  les  charges  multiples  qui  lui  incombent.  Écoutons 
Chateauvillard,  page  105  : 

u  Après  avoir  rempli  tour  à  tour  le  rôle  de  confidents,  de  con- 
ciliateurs, d'avocats,  afin  d'obtenir  pour  celui  dont  ils  prennent  la 
charge  les  meilleures  conditions  ou  des  réparations  honorables,  le 
rôle  de  juges  du  champ  clos  au  moment  du  combat,  ils  ne  doivent 
avoir  qu'une  seule  pensée,  celle  de  faire  justice  du  coupable  s'il 
arrive  que  le  combat  se  passe  hors  des  règles  voulues.  Ils  ne  sont 
plus  les  avocats  des  adversaires;  ils  sont  leurs  juges,  mais  ils  ne 
sont  jamais  leurs  seconds.  » 

Nous  voyons  que  les  témoins  doivent  joindre  la  conciliation  à 
la  fermeté. 


1.  Voyez  affaire  Dupuia-Habcrt,  Gazette  des  Tribunaux,  25  juin  1888.  Appendice 
Do23. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DDEL.  429 

Ils  doivent  être  conciliants.  Leur  intérêt  les  engagea  essayer  par 
tous  les  moyens  compatibles  avec  Thonneur  et  la  conscience  de 
dénouer  pacifiquement  l'affaire. 

En  effet,  bien  que  la  loi  pénale  considère  les  témoins  comme 
complices,  les  tribunaux  ont  admis,  dans  certains  cas,  que  s'ils  ont 
bien  réellement  fait  tous  leurs  efforts  jusqu'au  dernier  moment 
pour  empêcher  la  rencontre,  ils  peuvent,  quoique  ayant  assisté  au 
combat,  être  soustraits  à  la  prévention  de  complicité  du  délit  \  sur- 
tout lorsque  leur  assistance  a  eu  pour  but  d'éviter  de  plus  grands 
malheurs  *. 

Ils  doivent  être  fermes,  car,  outre  qu'ils  s'exposent  au  camou- 
flet d'un  désaveu  humiliant,  les  témoins  qui,  par  pusillanimité,  se 
sont  laissé  entraîner  à  des  actes  préjudiciables  à  l'honneur  de  leur 
client,  assument  Tobligation  de  lui  accorder  réparation. 

Ils  doivent  être  diplomates,  car  les  préliminaires  du  duel  consti- 
tuent une  partie  où  la  vie  et  l'honneur  sont  en  jeu,  et  pour  le  gain  de 
laquelle  l'adresse  est  permise,  lorsqu'elle  ne  s'écarte  pas  de  la  probité. 

Certains  arguments  gagnent  à  être  présentés  sous  certaines 
faces.  Certains  avantages  demandent  à  être  étalés,  certains  points 
faibles  à  être  masqués. 

Les  témoins  seront,  autant  que  possible,  d'âge  moyen,  car  à 
cette  période  de  la  vie  correspond  l'apogée  des  forces  physiques  et 
morales. 

Leur  respectabilité  doit  être  indiscutable. 

Joignez  à  cet  ensemble  la  connaissance  des  règles  du  duel, 
l'expérience  des  affaires  d'honneur,  l'habitude  des  armes,  le  coup 
d'oeil  et  le  sang-froid,  et  vous  aurez  le  bon  témoin. 

S'il  est  doté  d'un  ensemble  physique  et  social  qui  en  impose, 
vous  aurez  le  témoin  décoratif,  l'idéal  de  M.  Tavernier,  celui  que 
nous  souhaitons  à  tous  nos  lecteurs. 

Nous  terminons  ce  chapitre  en  signalant  une  erreur  dans 
laquelle  tombent  parfois  les  antagonistes  en  quête  de  témoins.  Ils 
sont  trop  portés  à  choisir  pour  ce  rôle  des  hommes  doht  le  seul 
mérite  est  de  bien  tirer  Tépée  ou  le  pistolet.  A  coup  sûr,  la  con- 
naissance des  armes  ne  nuit  pas,  nous  sommes  les  premiers  à  le 
reconnaître;  mais  il  tombe  sous  le  sens  que  tel  qui  sait  à  merveille 
tromper  un  contre  sera  peut-être  très  malhabile  à  arranger  une 
affaire  ou  à  soutenir  les  droits  de  son  client. 

L'intelligence,  le  tact  et  les  autres  qualités  énumérées  plus 
haut  doivent  aller  de  pair. 

i.  Cassation,  4  janvier  1845,  Dalloz,  année  1845,  V  partie,  page  60. 
2.  Cassation,  22  août  1848,  Dalioz,  année  1848,  l'«  partie,  page  164. 

9 


.  .'■':.. ^  "■>■.-    ^.-^-v  »  .  ■  ••.  ^.- 


430  PREMIÈRE  PARTIE. 


CHAPITRE   XIV 


Empêchements  au  rôle  de  témoins. 


Nous  yenoDs  d'examiner  quel  est  le  maximum  de  qualités  que 
le  mandant  doit  souhaiter  rencontrer  dans  son  mandataire.  Exa- 
minons maintenant  quelle  somme  minima  ce  mandataire  doit  pos- 
séder, sous  peine  de  léser  les  justes  intérêts  de  la  partie  adverse  et 
d'être  récusé  par  elle. 

Ces  qualités  obligatoires  sont  : 

1<»  L'honorabilité  ;  —  2**  impartialité  ;  —  3*  le  désintéressement 
dans  Taffaire  ;  —  k''  les  conditions  physiques  et  intellectuelles  in- 
dispensables pour  l'exécution  de  son  rôle. 

Honorabilité. 

L'honorabilité  parfaite  est  la  qualité  primordiale  d'un  témoin. 
Sont  récusablesy  par  conséquent,  ceux  qui  ne  la  possèdent  pas 
intacte. 

Les  causes  d'indignité  sont  les  mêmes  pour  les  témoins  que 
pour  les  adversaires  *. 

Impartialité. 

Les  proches  parents,  père,  grand-père,  fils,  petit-fils,  frère,  en 
un  mot  ceux  en  faveur  de  qui  la  substitution  est  permise,  ne  peu- 
vent pas  plus  être  témoins  pour  que  contre  les  parents  auxquels  ils 
pourraient  se  substituer*. 

Le  débiteur  ne  saurait  être  témoin  contre  son  créancier,  etc. 

Les  liens  du  sang  qui  unissent  les  premiers,  la  situation  déli- 
cate où  se  trouvent  les  seconds,  sont  censés  leur  enlever  la  liberté 
d'appréciation  et  l'esprit  de  justice  qui  constituent  le  principal 
devoir  d'un  témoin  ^ 


i.  Voyez  notre  chapitre  xii,  articles  6,  7,  8,  9. 

2.  Voyez  Chateauviilard,  chapitre  iv,  article  25.  —Affaire  Clovis  Hugues -Desmes, 
assises  des  Bouches-du-Rhône,  Gasette  des  Tribunaux^  22  et  23  février  1878.  Appen- 
dice no  24. 

1.  Voyez  chapitre  xii,  articles  1,  2,  4. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  434 

Désintéressement  dans  l'affaire. 

Par  ces  mots,  il  faut  entendre  que  les  témoins  ne  doivent  avoir 
aucun  intérêt  qui  puisse  influer  sur  leur  conscience  et  leur  liberté 
dans  l'affaire  actuellement  pendante. 

Sont  récusables  entre  autres  : 

Les  personnes  qui  ont  demandé  une  réparation  à  propos  d'une 
offense  atteignant  une  collectivité  d'individus,  soit  par  un  cartel 
collectif,  soit  par  cartels  individuels  ^ 

Les  personnes  qui  ont  participé  à  Toffense,  lorsqu'une  même 
offense  a  été  faite  par  plusieurs  individus  envers  une  môme  per- 
sonne*. 

Les  personnes  qui  ont  demandé  réparation  à  propos  d'offenses 
commises  dans  diverses  querelles  successives,  par  un  même  indi- 
vidu, envers  des  personnes  différentes  ^ 

Ici  se  pose  une  question  délicate. 

Peut-on  récuser  un  ancien  adversaire  uniquement  à  raison  de 
cette  qualité? 

Non,  au  point  de  vue  du  droit  strict,  s'il  n'a  pas  d'intérêt  dans 
raffaire  pendante  et  s'il  n'existe  entre  lui  et  l'antagoniste  de  son 
mandant  aucune  animosité  actuelle  et  constatée. 

Mais  si  cette  qualité  d'ancien  adversaire  ne  constitue  pas  un 
motif  suffisant  de  récusation,  il  n'est  pas  douteux  qu'elle  ne  soit  un 
danger  pour  celui  qui  la  possède,  et  ne  doive  l'engager  à  s'abstenir. 
Si  son  client  viole,  par  exemple,  une  règle  du  duel,  ou  commet  un 
acte  déloyal,  quelle  sera  sa  position  devant  l'opinion  publique  et  la 
justice?  Extrêmement  fausse  évidemment ^ 

Conditions  intellectuelles  et  physiques  nécessaires  pour 

l'accomplissement  du  rôle. 

Dans  un  duel,  les  témoins  sont  appelés  à  payer  de  leur  intelli- 
gence, aussi  bien  dans  l'intérêt  de  l'une  que  dans  l'intérêt  de  l'autre 
partie. 

Sont  récusables,  par  conséquent,  les  individus  atteints  de  ma- 
ladies mentales,  les  mineurs,  les  vieillards  dont  les  facultés  ne  sont 
plus  à  la  hauteur  de  leur  mission,  etc. 

Leurs  qualités  physiques  sont  également  mises  à  contribution 
dans  l'intérêt  commun. 

1.  Voyez  chapitre  IX,  article  premier.  — Tavernier,i4rt  du  du«l,  page  271.— Affaire 
de  Pène-Courtieis-Hyene.  Appendice  n«  25,  avec  renvoi  au  n»  iO. 

2.  Voyez  chapitre  ix,  article  2,  et  Tavernier,  ibidem, 

3.  Voyez  chapitre  ix,  article  3. 

4.  Voyez  affaire  Dupuis-Habert,  Gazette  des  Tribunaux,  2b,  26,   27  juin  1888. 
Appendice  d9  26. 


k-l  *-    ^  <r.v    ■-..._  -..-■•  -  ■   _         »...  ■    "1  LjT  J     .—,.'•   . 


43S  PREMIÈRE  PARTIE. 

Est  récusable,  par  conséquent,  tout  homme  qu'une  infirmité 
quelconque  rend  incapable  de  remplir  sa  charge.  Ainsi,  dans  un 
duel  à  l'épée,  un  boiteux  ou  un  manchot  n'aura  généralement  ni  la 
dextérité  ni  la  force  suffisante  pour  suivre  les  adversaires  dans 
leurs  évolutions,  et  pour  arrêter  immédiatement  la  lutte,  en  cas  de 
blessures  ou  d'inobservation  des  règles  du  duel. 

Le  sourd  n'entendra  pas  le  commandement  ou  les  paroles 
d'arrêt,  etc.*. 


CHAPITRE  XV 


Engagement  de  Tafiàire.  —  Constitution  de  témoins. 


Aussitôt  après  avoir  essuyé  une  offense,  la  personne  offensée 
dit  à  son  adversaire  :  u  Monsieur,  je  vous  enverrai  mes  témoins.  » 

C'est  le  meilleur  moyen  d'éviter  que  la  querelle  ne  soit  enve- 
nimée par  la  galerie  ou  ne  dégénère  en  voie  de  fait,  ce  qui  enlève- 
rait toute  chance  de  conciliation. 

Si  les  adversaires  ne  se  connaissent  pas,  il  y  a  échange  de  cartes 
et  d'adresses.  «  Monsieur,  veuillez  me  donner  votre  carte,  »  con- 
stitue la  formule  consacrée. 

Quand  bien  môme  le  différend  ne  paraîtrait  pas  à  celui  qui 
reçoit  cette  demande  suffisant  pour  motiver  un  échange  de  cartes, 
nous  lui  conseillons  de  s'exécuter  immédiatement,  car  un  refus 
l'exposerait  à  des  injures,  à  des  accusations  de  lâcheté  ou  à  des  vio- 
lences regrettables^ 

Celui  qui  demande  réparation  est  tenu  d'envoyer  le  premier  ses 
témoins. 

Ils  se  rendent  au  domicile  de  Tadversaire,  ordinairement  dans 
la  matinée,  heure  à  laquelle  on  est  censé  devoir  le  trouver  plus 
facilement. 

La  courtoisie  veut  que,  si  l'adversaire  est  marié  ou  s'il  vit  dans 
sa  famille,  ils  Talent  prévenu  la  veille  de  leur  visite  et  lui  aient 
demandé  un  rendez-vous. 

S'ils  ne  le  trouvent  pas,  ils  lui  laissent  leur  carte  sous  enve- 
loppe, en  ayant  soin  d'ajouter  un  mot  annonçant  qu'ils  viennent  de 
la  part  de  M.  X...,  et  qu'ils  prient  le  destinataire  de  cette  carte  de 

1.  Voyez  notre  chapitre  xii,  articles  10,  U,  i2. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  f33 

Touloir  bien  désigner  une  heure  et  un  endroit  où  ils  rencontreront 
ses  témoins. 

En  principe,  c'est  la  personne  chez  laquelle  on  se  rend  qui  a  le 
droit  d'indiquer  l'heure  et  le  lieu  des  conciliabules  ;  mais  les  témoins 
adverses  peuvent,  dans  la  lettre  dont  nous  venons  de  parler,  pro- 
poser le  domicile  de  Tun  d'eux. 

Si  l'adversaire  ne  répond  pas,  ils  lui  adressent  une  lettre 
recommandée,  par  laquelle  ils  le  préviennent  qu'en  cas  de  non- 
réponse  dans  les  vingt-quatre  heures,  ils  considéreront  ce  silence 
comme  un  refus  de  duel. 

Cette  marche,  que  nous  avons  empruntée  à  H.  JoliivetS  est 
également  suivie  dans  le  cas  où  l'offensé  n'a  pas  pu  répondre  à 
Toffense  par  un  cartel  instantané;  si,  par  exemple,  elle  s'est  pro- 
duite dans  un  article  de  journal  dont  il  n'a  pas  eu  connaissance 
immédiate. 

Elle  est  d'une  exécution  facile  à  Paris  et  dans  les  grandes  villes, 
où  tout  est  simplifié  :  recherches  de  témoins,  démarches  et  dis- 
tances ;  mais  elle  présente  quelques,  inconvénients  lorsque  l'affaire 
se  passe  en  province,  et  surtout  à  la  campagne.  Elle  expose  les 
témoins  à  des  courses  longues  et  souvent  infructueuses. 

Elle  les  assujettit  quelquefois  à  des  réceptions  embarrassantes, 
ou  à  des  scènes  pénibles.  Ils  peuvent  être  reçus,  comme  nous  l'avons 
entendu  raconter,  par  (une  femme  enceinte,  qui  se  doute  de  leur 
mission,  se  pâme  et  les  met  dans  la  plus  ridicule  situation;  par  une 
mère,  qui  vfiut  à  toute  force  leur  offrir  le  vivre  et  le  couvert  jus- 
qu'au retour  de  son  flls,  hospitalité  qu'ils  sont  obligés  d'accepter,  à 
cause  de  la  neige  et  du  verglas  qui  les  bloquent  et  de  la  distance 
considérable  qui  les  sépare  de  tout  abri. 

Mieux  vaut,  à  notre  avis,  qu'ils  préviennent  de  suite  l'agresseur, 
par  lettre  chargée,  que  tel  jour,  à  telle  heure,  ils  se  présenteront 
chez  lui  dans  tel  but.  Ils  calculent  la  date  de  cette  visite  de  manière 
à  lui  laisser  largement  le  temps  de  répondre. 

Celui-ci,  toujours  par  lettre  chargée,  accepte  le  rendez-vous,  ou 
en  offre  un  plus  abordable  ou  moins  susceptible  d'effrayer  son 
entourage.  Il  peut  aussi  leur  désigner  immédiatement  deux  manda- 
taires avec  lesquels  ils  pourront  s'aboucher. 

Si  l'agresseur  ne  répond  pas  dans  un  délai  raisonnablement 
calculé,  l'affaire  reprend  le  cours  indiqué  précédemment,  c'est-à- 
dire  que  les  témoins  de  l'offensé  se  rendent  au  domicile  de  son 
adversaire  et  procèdent  comme  nous  avons  dit. 

Cette  modification  à  la  marche  ordinaire  donne  à  Tagresseur  un 

1.  \oyeiV Escrime  et  le  duel,  page  200. 


43«  PREMIÈRE  PARTIE. 

délai  plus  considérable  pour  se  munir  de  témoins,  chose  souvent 
longue  et  difficile  à  la  campagne,  et  même  dans  les  villes  de  pro- 
yince,  où  le  duel  est  une  rareté,  et  où  les  amis  ne  cherchent  qu'à 
esquiver  la  corvée. 

Elle  éyite  en  même  temps  l'immixtion  gênante  et  énervante  des 
femmes,  toujours  fâcheuse  en  pareille  occurrence.  Il  est  vrai  qu'elles 
peuvent  ouvrir  ces  lettres.  Dans  ce  cas,  nous  avouons  être  à  bout 
d'expédients,  et  renonçons  à  protéger  d'une  manière  plus  efficace  un 
homme  entouré  d'une  inquisition  si  vigilante. 

Délais  pour  constituer  des  témoins  et  pour  y  répondre. 

Leur  nombre. 

En  principe,  l'appel  doit  être  adressé  avant  l'expiration  des 
vingt-quatre  heures  à  partir  de  l'offense  connue. 

La  réponse  de  l'appelé  doit  être  donnée  et  la  constitution  des 
témoins  opérée  avant  Texpiration  du  même  délai,  à  partir  de  l'envoi 
des  témoins  porteurs  du  cartel. 

Donc,  à  partir  du  moment  où  vous  avez  connu  l'offense,  vous 
êtes  tenu  d'envoyer  vos  témoins  dans  les  vingt-quatre  heures.  De 
même,  si  vous  recevez  un  cartel,  vous  devez  y  répondre  et  constituer 
vos  témoins  dans  les  vingt-quatre  heures  qui  suivent  la  visite  des 
témoins  adverses  et  la  remise  du  cartel  ^ 

Hâtons-nous  d'ajouter  que  ces  délais  ne  sont  pas  sacramentels 
et  ne  sauraient  être  appliqués  d'une  façon  draconienne. 

Ils  constituent  une  moyenne  qui  doit  être,  autant  que  possible, 
observée,  et  pas  autre  chose*. 

M.  G.  Jollivet  accorde  deux  jours  à  Toffensé  pour  envoyer  ses 
témoins  ^ 

Tous  reconnaissent  que  certaines  questions  de  fait  (éloigne- 
ment,  cas  fortuits,  maladie)  peuvent  excuser  un  relard. 

Une  prolongation  ne  saurait  donc  être  refusée  à  la  partie  qui 
justifie  d'une  raison  suffisante.  Nous  considérons  comme  suffisante 
la  demande  d'une  prolongation  de  délais  pour  trouver  des  témoins, 
adressée  par  un  adversaire  qui  affirme  ne  pouvoir  se  les  procurer 
dans  les  vingt-quatre  heures. 

L'appelé  qui  se  trouve  en  face  de  cet  empêchement,  plus 
sérieux  qu'on  ne  le  croit  en  général,  devra  donc  prévenir  immédia- 

1.  Voyez  Chateauvillard,  chapitre  m,  article  9.  —  Tavemier,  page  47. 

3.  Cette  solution  résulte  des  termes  mômes  employés  par  Cbateauvillard  et  des 
réserves  expresses  faites  par  UM.  Tavemier,  page  267,  et  Du  Verger  de  Saint-Thomas, 
page  210. 

3.  Voyez  VEscrime  et  le  duel,  pages  200  et  214. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  435 

tement  les  mandataires  adverses,  leur  demander  une  prolongation 
de  délais  et  une  attestation  de  cette  demande. 

S'ils  s'y  refusent,  s'ils  prétendent  considérer  sa  requête  comme 
une  fin  de  non-receyoir,  il  réclamera  énergiquement  la  réunion 
d'un  jury  d'honneur,  chargé  de  se  prononcer  sur  la  raison  suffisante 
du  supplément  de  délais. 

Observons,  du  reste,  que  l'entêtement  des  témoins  adverses  à 
s'en  tenir  à  la  lettre  de  la  règle  et  à  ne  vouloir  pas  examiner  la  valeur 
des  raisons  invoquées  serait  mal  interprété  et  considéré  comme 
un  prétexte  mis  en  avant  par  leur  client,  pour  profiter  d'un  cas  de 
force  majeure  et  esquiver  ainsi  les  dangers  de  la  rencontre. 

Quel  doit  être  le  nombre  des  témoins? 

Us  ne  peuvent  être  moins  de  quatre  ;  deux  pour  chacune  des 
parties. 

Cette  règle,  admise  par  la  majorité  des  auteurs,  doit  être  reli- 
gieusement observée,  sous  peine  d'exposer  les  individus  qui  accep- 
teraient la  direction  d'une  affaire  en  pareilles  conditions,  et  les  com- 
battants eux-mêmes,  à  une  lourde  responsabilité  en  cas  de  dénoue- 
ment fatal  et  de  poursuites  judiciaires. 

L'éventualité  d'une  intervention  delà  justice  ne  doit  jamais  être 
perdue  de  vue. 

L'opinion  contraire  est  enseignée  par  M.  JoUivet  à  la  page  194 
de  son  livre  l'Escrime  et  le  duel  ;  mais  nous  la  considérons  comme 
imprudente  ^ 


CHAPITRE   XVI 

Rôle  des  adversaires  et  des  témoins  à  partir  du  moment 
où  l'affaire  est  engagée  jusq[u'à  la  première  réunion  de 
ces  derniers. 


Les  adversaires  ont  des  devoirs  à  remplir  vis-à-vis  l'un  de 
l'autre  et  vis-à-vis  les  témoins. 

Les  témoins  ont  des  devoirs  à  remplir  vis-à-vis  l'homme  qui 
demande  leur  assistance  et  vis-à-vis  son  adversaire. 


1.  Voyez  affaire  Lullier-BoiroD,  Gaxette  de$  Tribunaux,  21  novembre  1868.  Appen- 
dice 0*  S7. 


U6  PREMIÈRE  PARTIE. 

\o  Devoirs  des  témoins  vis-à-vis  leur  client. 

Les  personnes  dont  les  adversaires  sollicitent  le  concours 
doivent  se  faire  raconter  l'affaire  par  le  mena.  Elles  jugent  si  elle 
mérite  qu'on  y  donne  suite,  et,  après  avoir  offert  leur  avis,  acceptent 
ou  refusent  le  mandat  qui  leur  est  proposé. 

Mais,  dans  Tun  ou  dans  Tautre  cas,  elles  se  rappelleront  que 
leur  devoir  strict  est  de  garder  une  discrétion  absolue. 

«  Le  témoin,  écrit  Chaleauvillard,  page  97,  est,  pour  ainsi  dire, 
le  confesseur  de  celui  qui  lui  accorde  sa  confiance.  Il  doit  garder  le 
secret  de  sa  conférence,  obtenir  l'aveu  de  sa  peosée  et  de  son  désir. 
Ainsi,  par  exemple,  un  combattant  peut  dire  au  témoin  :  «  Faites 
u  tous  vos  efforts  pour  que  l'affaire  ne  s'arrange  pas;  ma  querelle 
«  est  déterminée  par  une  cause  secrète.  » 

c(  Il  peut  dire  aussi  :  «  Faites  tous  vos  efforts  pour  que  l'affaire 
«  s'arrange.  »  Il  éprouve  des  regrets  ou  désire  ne  pas  se  battre. 

«  Il  lui  suffira  que  son  honneur  soit  sauf. 

«  Si  ces  propositions  qui  lui  sont  faites,  à  lui  témoin,  s'ac- 
cordent mal  avec  ses  principes  d'honneur,  après  les  avoir  combat- 
tues, il  doit  se  récuser,  sans  jamais  trahir  le  secret  de  l'homme  qui 
lui  a  confié  sa  faiblesse,  sa  haine  ou  son  désir  de  vengeance,  sous 
peine  d'être  considéré  comme  manquant  de  délicatesse  et  ayant 
forfait  à  l'honneur.  » 

Par  le  temps  de  reportage  effréné  que  nous  traversons,  où  Tim- 
mixtion  de  la  presse  dans  des  affaires  qui  devraient  lui  être  fermées 
est  passée  dans  nos  mœurs,  nous  croyons  indispensable  d'insister 
sur  cette  obligation  trop  souvent  oubliée.  Ajoutons  que  l'indiscrétion 
du  mandataire  peut  donner  au  mandant  qualité  pour  lui  demander 
réparation  du  préjudice  qu'il  en  a  éprouvé. 

Si  les  témoins  croient  pouvoir  accepter  le  mandat  qui  leur  est 
offert,  après  mûr  examen  et  minutieuses  explications,  ils  demandent 
à  leur  client  ses  instructions  écrites  et  s'en  pénètrent  de  manière  à 
ne  laisser  échapper  aucune  chance  avantageuse. 

Nous  disons  qu'ils  les  lui  demandent  écrites. 

Le  rôle  de  témoin  est,  en  effet,  une  corvée  si  lourde,  qu'il  ne 
faut  pas  s'étonner  si  ceux  qui  l'assument  prennent  leurs  pré- 
cautions. 

Outre  une  absence  de  mémoire,  ils  ont  à  redouter  le  moment 
de  désarroi  qui  suit  un  duel  malheureux  ou  déloyal,  pendant  lequel 
chacun  rejette  sur  son  voisin  la  responsabilité  qui  lui  incombe. 

C'est  le  quart  d'heure  des  désaveux,  des  ignorances  et  autres 
agréments  du  témoin  qui  n'a  pas  pris  ses  précautions. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  437 

Avec  le  mandat  écrit,  rien  de  pareil.  Chacun  sait  ce  qu*il  a  à 
faire  et  marche  droit  ^ 

2^  Devoirs  des  témoins  vis-à-vis  la  partie  adverse. 

Les  témoins  porteurs  d'un  cartel  yerbal  doivent  se  borner  à 
décliner  leurs  titres  et  qualités  à  l'adversaire  qui  les  reçoit,  et  à  lui 
expliquer  brièvement,  sans  commentaires  inutiles  et  toujours  poli- 
ment, qu'ils  viennent  lui  demander,  pour  telle  raison,  rétractation, 
excuses  ou  réparation  par  les  armes. 

Ils  le  prient  enfin  de  leur  désigner  deux  témoins  avec  lesquels 
ils  conféreront. 

S'agit-il  d'un  cartel  écrit,  ils  s'assureront  qu'il  est  rédigé  sous 
forme  de  lettre,  motivé  brièvement,  sans  qualification  blessante,  et 
terminé  par  une  formule  en  usage  dans  la  bonne  compagnie. 

Ils  refuseront  de  le  transmettre  s'il  est  inconvenant. 

Ils  se  rappelleront,  en  eff^et,  qu'un  cartel  de  ce  genre  ferme  la 
porte  à  toute  conciliation  et  gâte  Taflaire  de  l'expéditeur  et  des 
messagers,  si  la  justice  intervient. 

Ils  feront  comprendre  à  l'offensé  qu'une  provocation  outra- 
geante, entrant  en  ligne  décompte  dans  l'appréciation  des  offenses, 
risque  de  déplacer  les  rôles  '. 

Les  témoins  ne  doivent  en  aucun  cas  entrer  en  discussion 
avec  l'adversaire  auquel  ils  transmettent  l'appel  de  l'offensé,  sauf 
dans  le  cas,  assez  rare,  où  ils  peuvent  espérer  enlever  une  solution 
avantageuse  pour  leur  client,  et  où  ils  ont  intérêt  à  battre  le  fer 
pendant  qu'il  est  chaud.  Il  y  a,  du  reste,  péril  à  se  découvrir  dans 
les  premiers  pourpalers. 

Si  l'adversaire  qui  reçoit  l'appeh persiste  à  discuter,  s'il  refuse  une 
réponse  immédiate,  s'il  ne  veut  pas  accepter  le  duel  ou  constituer  des 
témoins,  les  porteurs  du  cartel  se  retirent  et  dressent  procès-verbal. 

C'est  seulement  avec  les  mandataires  constitués  par  celui  qui 
reçoit  la  provocation  qu'ils  peuvent  s'expliquer  '. 

Quelques  mots  sur  l'intervention  d'un  ami  commun. 

Si  les  adversaires  sont  liés  ensemble,  il  n'est  pas  douteux  qu'un 
ami  commun  ne  puisse  essayer  une  démarche  conciliatrice.  L'ami, 
n'étant  qu'un  simple  intermédiaire  sans  caractère  officiel,  peut 
discuter  et  faire  des  démarches  interdites  aux  témoins,  s'il  espère 
ainsi  négocier  un  rapprochement.  Dans  cette  hypothèse,  point  de 

1.  Voyez  affaire  Nagaet-Monvielle,  Gazette  det  Tribunaux  du  9  août  1887.  Appen* 
dice  n«  28. 

2.  Voyez  appendice  n^  29. 

3.  Voyez  Tavernier,    âge  46. 


438  PREMIÈRE  PARTIE. 

règles  à  observer.  L*intermédiaire  bénévole  agit  au  mîeax  de  la 
paix  qu'il  veut  obtenir. 

Les  témoins  qui  adressent  une  letti'e  chargée  pour  annoncer 
le  jour,  l'heure  et  le  but  de  leur  visite  à  la  personne  qu'ils  veulent 
appeler,  ne  manqueront  pas  de  s'assurer,  avant  de  rédiger  un  pro- 
cès-verbal de  carence  en  cas  de  rendez-vous  manqué,  que  leur 
lettre  est  bien  arrivée  à  son  adresse  dans  les  délais  qu'ils  avaient 
prévus. 

Pour  cela,  ils  consultent  le  registre  d'émargement  où  le  réci- 
piendaire a  dû  signer.  Ce  registre  porte,  en  effet,  la  date  de  la 
remise  et  fait  foi  si  la  signature  est  bien  de  la  main  de  celui  à  qui 
la  lettre  était  adressée. 

Cette  précaution  n'est  pas  inutile.  En  effet,  lorsque  la  maison 
est  connue  du  facteur,  principalement  à  la  campagne  et  dans  les 
petites  villes,  il  remet  parfois  les  lettres  chargées  à  la  femme,  aux 
parents  habitant  la  même  maison,  qui  signent  pour  le  destinataire. 
Est-il  absent?  la  missive  l'attend  précieusement  enfermée,  à  moins 
qu'elle  ne  soit  ouverte  et  dissimulée  pendant  une  période  d'hésita- 
tions et  d'inquiétudes  aussi  préjudiciables  que  naturelles. 

Dans  ce  cas,  la  personne  appelée  n'est  pas  blâmable  si  elle  ne 
répond  pas  dans  les  délais,  car,  pour  des  causes  indépendantes  de 
sa  volonté,  elle  a  ignoré  le  rendez-vous  ^ 

Les  témoins  porteurs  d'un  cartel  ne  doivent  jamais  être  armés. 

La  même  interdiction  s'applique  également  à  celui  qui  le 
reçoit*. 

3""  Devoirs  des  adversaires  l'un  envers  Fautre. 

A  partir  de  la  remise  des  cartes,  l'affaire  est  engagée.  Toute 
discussion  doit  cesser  entre  les  adversaires. 

Ils  ne  peuvent  plus  communiquer  que  par  l'intermédiaire  de 
leurs  témoins. 

Ce  principe  est  absolu. 

Pour  nous  servir  d'une  expression  exagérée,  mais  qui  rend 
bien  la  pensée  du  législateur  en  matière  de  point  d'honneur,  ils 
sont  sacrés  l'un  pour  l'autre  au  point  de  vue  de  nouvelles  offenses. 

Celui  qui  publierait  dans  un  journal  ou  colporterait,  comme 
cela  arrive  quelquefois,  que  son  antagoniste  a  peur  de  lui,  qu'il  ne 


1.  Voyex  affaire  de  Sirèmes-de  Loucelles,  Gasettedu  Tribunaux,  39  janvier  1834. 
Appendice  n*  30. 

2.  Voyez  affaire  Victor  Noir-Pierre  Bonaparte,  Haute  cour  de  justice,  21  mars  1870. 
Appendice  n«  31. 


OFFENSES.  -  RÈGLES  DU  DUEL.  U9 

se  battra  pas,  et  autres  allégations  déshonorantes,  commettrait  une 
faute  grave  contre  les  règles  du  duel  ^ 

Les  adversaires  ne  peuvent,  sous  aucun  prétexte,  se  présenter 
à  leurs  domiciles  réciproques  pour  se  provoquer,  régler  les  condi- 
tions du  duel  ou  tenter  la  conciliation. 

Qui  peut  prévoir  le  dénouement  d'une  entrevue  seul  à  seul? 
Ne  peut-elle  cacher  un  guet-apens*? 

Toute  entrevue  consentie  pour  ménager  un  rapprochement 
doit  avoir  lieu  au  domicile  d'une  tierce  personne  ou  en  terrain 
neutre  et  en  présence  des  témoins. 

L'entrevue  sur  un  terrain  neutre  coupe  court  à  bien  des  suscep- 
tibilités. La  présence  des  témoins  empêche  que  de  courtoises  expli- 
cations ne  dégénèrent  en  discussions  passionnées.  En  cas  d'arran- 
gement, elle  empêche  que  les  conditions  ne  soient  déniées  ensuite. 

Observons  que  les  parties  et  les  témoins  qui  refuseraient  une 
entrevue  conciliatrice  assumeraient  une  grande  responsabilité,  par- 
ticulièrement en  cas  de  poursuites  devant  les  tribunaux.  C'est  un 
point  de  vue  trop  négligé,  et  qui  peut  attirer  des  réveils  désagréables. 
Nous  aurons  à  maintes  reprises  Toccasion  de  le  constater,  lorsque 
nous  traiterons  la  responsabilité  pénale  et  civile  des  témoins. 

40  Devoirs  des  adversaires  vis-à-vis  les  témoins. 

La  partie  appelée  doit  accueillir  avec  courtoisie  les  mandataires 
adverses,  les  écouter  sans  interruption  et  leur  donner  sans  com- 
mentaires une  réponse  immédiate  et  catégorique.  Peu  importe 
qu'elle  refusela  rencontre  ou  qu'elle  oppose  une  question  préalable. 
Cette  attitude  est  obligatoire  dans  tous  les  cas.  Il  serait,  par  consé- 
quent, incorrect  de  refuser  de  les  recevoir  ou  d'entrer  en  pour- 
parlers avec  eux. 

Il  faut  toujours  répondre  à  un  envoi  de  témoins  par  une  consti- 
tution de  témoins,  même  lorsqu'on  juge  le  motif  du  différend  trop 
peu  grave  pour  nécessiter  une  rencontre. 

En  effet,  s'il  n'y  a  pas  constitution,  les  témoins  adverses  se 
retirent  et  dressent  un  procès-verbal  constatant  simplement  le  refus 
de  duel,  qui  produit  toujours  mauvais  effet. 

En  cas  d'arrangement,  la  partie  qui  le  consent  seule  avec  les 
témoins  adverses  parait  avoir  cédé  à  la  pression  et  à  la  crainte. 

1.  Voyez  affaire  Dichard-de  Bfasaas,  GazetU  des  Tribunaux^  26  et  27.  septembre 
18S2..  Appendice,  qo  32. 

2.  Voyez  affaire    Roziez-de  M***,  Gazette   des  Tribunattx  des  il  au  16  mars, 
30  mars,  17  a?ril,  4  au  6  mai,  22  au  30  mai,  8  Juin  1858.  Appendice,  n«  33. 


440  PREMIÈRE  PARTIE. 

Lorsqu'il  y  a  eu  offenses  réciproques,  il  peut  arriver  que  les 
deux  antagonistes  croient  avoir  rang  d'offensé. 

Dans  cette  occurrence,  ils  ne  doivent  point  attendre,  chacun 
sous  sa  tente,  que  Tautre  fasse  les  premières  démarches  et  engage 
l'affaire. 

Peu  importe  qui  commence. 

Nous  leur  conseillons  de  constituer  rapidement  leurs  témoins. 
La  temporisation  ne  fait  qu'envenimer  les  choses  et  prêter  aux 
commentaires  malveillants  de  la  galerie  ^ 

Est-il  besoin  d'ajouter  que  les  adversaires  ne  doivent  jamais 
assister,  sans  nécessité  absolue,  aux  entretiens  des  témoins,  et  à 
plus  forte  raison  participer  aux  discussions  que  l'affaire  peut 
motiver  «. 


CHAPITRE  XVII 

Rôle  des  témoins  une  fois  constitués.  —  Instz*uction 
de  l'afEBÔre.  —  Constatation  des  faits. 


Les  témoins,  une  fois  constitués,  conviennent  d'un  rendez-vous 
pris  pour  le  moindre  dérangement  mutuel. 

Les  témoins  de  rappelant  vont  trouver  naturellement  ceux  de 
rappelé  pour  fixer  la  réunion.  C'est  à  eux  de  faire  la  première 
démarche. 

Aussitôt  abouchés,  ils  commencent  par  essayer  de  s'entendre 
sur  le  choix  d'un  auteur  destiné  à  leur  servir  de  code.  Ils  s'engagent 
à  le  consulter  et  à  s'y  conformer  en  cas  de  désaccord. 

Mention  de  l'auteur  choisi  est  faite  dans  les  protocoles  du  procès- 
verbal  de  rencontre. 

Nous  ne  saurions  trop  insister  sur  les  avantages  d'une  telle 
entente,  qui  met  de  suite  l'affaire  en  voie  de  légalité  et  évite  les 
consultations  et  les  arbitrages,  qui  retardent  quelquefois  la  solution. 
Cette  clause  est  souvent  insérée  dans  les  procès-verbaux  en  Italie  ^ 

Comme  nous  l'avons  dit  chapitre  premier,  nous  conseillons 


1.  Voyez  affaire  Ritter-Appleton,  Gazelle  des  Tribunaux,  2  et  3  avril  1873.  Appen- 
dice, no  34. 

2.  Voyez  affaire  Levasseur-Arregiii,  Gazelle  des  Tribunaux  du  24  janvier,  20  fé- 
vrier, 14  mars  1842.  Appendice,  n<>  35. 

3.  Voyez  Angelini,  Codice  cavallerescOf  chapitre  xv,  paragraphe  premier. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  444 

d'abord  Ghateauvillard  et  son  JB^sat  sur  le  duel,  puis  Tavernier  avec 
son  Art  du  duel,  ensuite  Du  Verger  de  Saint-Thomas. 

Nous  engageons,  du  reste,  les  témoins  qui  ont  une  préférence 
à  ne  pas  trop  chicaner  pour  l'adoption  de  leur  ouvrage  de  prédi- 
lection. Les  points  essentiels  sont  traités  à  peu  près  de  même  par- 
tout. L'important  est  que  la  condition  d'un  choix  quelconque 
soit  adoptée  ^ 

Cette  question  vidée,  les  témoins  échangent  leurs  pouvoirs^. 

Ils  examinent  ensuite  les  questions  préalables  qui  peuvent  leur 
être  opposées. 

Elles  se  rapportent  : 

1«  A  l'identité;  2'*  à  Tâge;  3°  à  l'impotence  et  aux  infirmités; 
W  à  la  parenté;  5**  à  la  moralité  des  personnes  et  des  querelles; 
6*  aux  questions  d'argent;  7*"  à  la  profession;  8*"  à  l'axiome  :  u  Une 
seule  réparation  pour  une  même  offense.  » 

Identité.  —  Les  offenses  étant  personnelles  et  devant  se  venger 
personnellement,  la  première  chose  à  examiner  est  la  question  des 
substitutions  et  des  responsabilités  '. 

Age^. 

Impotence.  —  Infirmités  *. 

Parenté  •. 

Moralité  des  personnes  ''. 

Moralité  des  querelles. 

On  oublie  trop  souvent  de  rechercher  si  le  motif  de  la  querelle 
n'est  pas  contraire  à  l'honneur.  Des  témoins  expérimentés  donne- 
ront à  un  appel  de  cette  espèce  un  dénouement  tout  autre  que 
celui  rêvé  par  l'agresseur  *. 

Lorsque  la  cause  du  duel  n'a  pas  été  correcte,  lorsque,  par 
exemple,  l'offense  a  été  combinée  dans  un  but  qui  s'éloigne  d'au- 
tant plus  du  vrai  point  d'honneur  qu'il  se  rapproche  d'un  intérêt 
vulgaire  et  inavouable  ;  quand,  par  exemple,  celui  qui  adresse  la 
provocation  ne  cherche  pas  une  réparation  à  l'atteinte  subie  par  sa 
dignité,  mais  quand  il  poursuit  une  réclame  et  veut  faire  du  duel 
une  plate-forme  pour  sa  vanité,  les  témoins  doivent  ramener  à  leurs 

i.  Voyez,  sur  l*incoDvénieDt  de  négliger  cette  précaution,  affaire  Clemenceau- 
Déroulède  et  Clémenceau-Millevoye.  Appendice  n^  4.  Barbier-Mont-Louis,  n®  114. 

2.  Voyez,  sur  le  mandat  des  témoins,  notre  chapitre  xx. 

3.  Voyez  nos  chapitres  x  et  xi. 

4.  Voyez  notre  chapitre  xii,  articles  10  et  11. 

5.  Voyez  ibidem,  article  12. 

6.  Voyez  ibidem,  article  2. 

7.  Pour  ce  qui  concerne  la  moralité  des  personnes,  voyez  ibidem,  articles  2,  6, 7, 
8  et  9. 

8.  Voyez  affaire  OUiyier-Feulhrade,  Gazette  des  Tribunaux,  4  août  1876.  Appen- 
dice no  3G. 


-  -.  •' 


j 


442  PREMIÈRE  PARTIE. 

vraies  proportions  de  semblables  différends.  Ils  déterminent,  en 
conséquence,  les  responsabilités,  opposent  la  question  préalable  ou 
refusent  leur  concours  ^ 

La  recherche  des  motifs  réels  d'une  rencontre  est  une  opération 
sur  laquelle  nous  attirons  particulièrement  l'attention  du  lecteur. 
Sans  être  contraires  à  l'honneur,  ces  motifs  peuvent  être  de  nature 
à  influer  sur  la  décision  des  témoins  et  ne  doivent  pas  en  rester 
ignorés. 

L'opération  est  délicate,  car  il  arrive  rarement  que  le  motif 
exposé  dans  le  cartel  soit  exempt  de  sous-entendus.  Souvent,  der- 
rière Toffense  qui  motive  le  cartel,  se  trouve  une  longue  série  de 
petits  griefs  accumulés,  de  malentendus,  de  jalousies.  L'outrage 
final  est  la  goutte  d'eau  qui  fait  déborder  le  vase.  C'est  à  débrouiller 
cet  écheveau  que  les  témoins  emploieront  leur  intelligence  et  leur 
finesse. 

Questions  d'argent  *. 

Profession  '. 

Axiome  :  «  Une  seule  réparation  pour  une  même  offense  *.  » 

Lorsque  les  témoins  ont  éclairci  les  faits,  lorsqu'ils  les  ont  mis 
bien  en  place,  en  un  mot  lorsque  la  lumière  est  faite,  ils  doivent 
employer  toute  leur  ténacité  pour  les  faire  reconnaître  comme 
vrais  par  les  mandataires  adverses. 

En  effet,  l'unanimité  dans  la  constatation  de  l'existence  du  fait 
matériel,  dépouillé  de  toute  espèce  de  qualification,  constitue  la 
seule  base  véritablement  solide  sur  laquelle  ils  pourront  établir 
leurs  négociations  ultérieures  ". 

Ils  ont  le  droit  de  suspendre  la  séance  ou  de  la  renvoyer  si  un 
supplément  d'instruction  est  nécessaire,  comme  nous  l'avons  dit 
chapitre  xv.  Ils  ne  doivent  pas  se  laisser  intimider  par  la  menace 
d'une  question  préalable  pour  avoir  dépassé  le  délai  de  quarante- 
huit  heures  qui  forme,  d'après  certaines  personnes,  le  laps  de  temps 
sacramentel  entre  la  réunion  des  mandataires  et  le  duel. 

Leur  première  obligation  consiste  dans  la  recherche  de  la 
vérité,  cette  recherche  ferait-elle  traîner  la  rencontre. 

Une  fois  la  constatation  des  faits  matériels  opérée,  on  doit  la 
mentionner  au  procès-verbal  rédigé  avant  la  rencontre. 

1.  Voyez  affaire  Betz-Pierotti,  16, 17,  18  décembre  1889.  Appendice  n^  37. 

2.  Voyez  notre  chapitre  xii,  article  4. 

3.  Voyez  ibidem,  article  3,  et  Exceptions  d'indignité,  in  fine. 

4.  Voyez  notre  chapitre  ix  et  notre  chapitre  xii,  articles  1,  5,  6. 

5.  Voyez  affaire  de  Marseul-Daudier,  Gazette  des  Tribunaux,  14  février  1881. 
Appendice  n**  38. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.         Ai^ 


CHAPITRE   XVIII 
Solutions  données  à  TafEadre  après  la  constatation  des  faits. 


Une  fois  les  témoins  d'accord  sur  le  fait  matériel,  ils  peuvent 
donner  deux  solutions  à  l'affaire  : 

(a)  Us  peuvent  décider  qu'il  n'y  a  pas  eu  offense  suffisante  pour 
motiver  une  rencontre  ; 

(b)  Ils  peuvent,  au  contraire,  décider  qu'il  y  a  eu  offense  suffi- 
sante. 

A.  —  suis  décident  qu'il  n'y  a  pas  eu  offense  suffisante,  un 
procès-verbal  constatant  cette  solution  est  rédigé  et  signé  par  les 
quatre  mandataires,  en  double  expédition,  dont  un  exemplaire  est 
remis  à  chaque  antagoniste,  comme  sauvegarde  de  son  honneur. 

Observons  que  ce  procès-verbal  n'engage  pas  toujours  lesadver* 
sabres.  En  effet,  s'ils  n'ont  donné  à  leurs  mandataires  qu'un  mandat 
dont  ils  se  sont  réservé  de  contrôler  l'exécution,  s'ils  estiment  que 
ces  mandataires  ont  excédé  leurs  pouvoirs,  ils  sont  libres  de  les 
désavouer  et  de  constituer  de  nouveaux  témoins,  s'ils  n'aiment  mieux 
recourir  à  un  jury  d'honneur*. 

B.  —  S'ils  décident  qu'il  y  a  offense,  les  témoins  doivent  déter- 
miner, immédiatement  après,  la  valeur  de  l'offense  s'il  n'en  existe 
qu'une,  et  la  valeur  comparative  des  offenses  s'il  y  a  réciprocité. 

Ils  en  assignent  le  degré  conformément  aux  règles  formulées 
dans  nos  chapitres  n,  m,  iv  et  v. 

Ils  décident  ensuite,  en  se  reportant  aux  règles  que  nous  avons 
tracées  chapitre  vin,  à  qui  revient  la  qualité  d'offensé. 

S'ils  ne  s'entendent  pas  sur  ce  point  capital,  ils  peuvent,  à  con- 
dition que  les  termes  de  leur  mandat  les  y  autorisent,  s'en  remettre 
à  un  arbitre  du  soin  de  les  départager,  ou  demander  la  réunion 
d'un  jury  d'honneur.  Dans  aucun  cas  ils  ne  peuvent  tirer  au  sort  la 
qualité  d'offensé,  car  cette  qualité  résulte  de  faits  matériels  et  ne 
peut  dépendre  du  hasard.  Le  contraire  serait  toujours  un  non-sens, 
et  dans  certains  cas  une  injustice. 

Cette  prohibition  parait  être  en  désaccord  avec  ce  que  nous 

1.  Voyez  notre  chapitre  xx. 


44i  PREMIÈRE  PARTIE. 

enseignons  chapitre  viii,  articles  3  et  6.  Il  n'en  est  rien  cependant, 
car  dans  les  deux  hypothèses  prévues  par  ces  articles,  qui  constituent, 
soit  dit  en  passant,  deux  exceptions,  ce  n'est  pas  la  qualité  d'offensé 
qui  est  tirée  au  sort,  ce  sont  les  conditions  de  la  rencontre  ^ 

La  détermination  de  la  personne  offensée  doit  être  Tobjet  de 
toute  la  sollicitude  des  témoins,  non  seulement  à  cause  des  préro- 
gatives qui  y  sont  attachées,  mais  encore  parce  qu'en  cas  de  pour- 
suites judiciaires,  c'est  Tauteur  de  Toffense  qui  est  considéré  comme 
le  véritable  provocateur,  alors  même  que  ce  ne  serait  pas  lui  qui 
aurait  envoyé  le  cartel,  et  qu'il  peut  résulter  de  là  des  circonstances 
atténuantes  en  sa  faveur  *. 

L'importance  de  cette  détermination  n'est  pas  moindre  lorsque 
les  tribunaux  ont  à  statuer  sur  le  montant  des  dommages  et  intérêts 
demandés  en  réparation  de  la  mort  ou  de  la  blessure  d'un  des 
champions  ^ 


Deux  hypothèses  peuvent  se  présenter  à  cet  instant  : 

LES     TÉMOINS     ABOUTISSENT     DANS      LEURS       TENTATIVES     DE 
conciliation;     ils    ne    parviennent    PAS    A    ARRANGER 

l'affaire. 

1^^  hypothèse.  —  Les  témoins  aboutissent  dans  leurs 

tentatives  de  conciliation. 

Une  fois  que  les  témoins  sont  tombés  d'accord  sur  la  personne 
à  laquelle  revient  la  qualité  d'offensé  et  sur  le  degré  de  l'offense, 
ils  doivent  faire  tous  leurs  efforts  pour  arranger  l'affaire  si  elle  est 
arrangeable.  Leur  devoir  et  leur  intérêt  sont  d'accord  pour  les  y 
pousser*. 

C'est,  du  reste,  à  ce  moment  précis  que  les  tentatives  de  conci- 
liation doivent  avoir  lieu.  Plus  tard,  elles  auraient  moins  de  chances 
de  réussir.  Elles  en  auraient  vingt  contre  une  d'échouer  si  elles 
étaient  faites  sur  le  terrain  \ 


1.  Voyez  affaire  Reynach-Rochefort,  26  mars  1882,  Anntmire  du  duel.  Appendice 
no  39. 

2.  Voyer  Paria,  21  mai  1840.  Dalloz,  Jurisprudence  générale^  Y»  Duel,  n<*  i24. 

3.  Voyez  Demolombe,  tome  XXXI,  page  413.  —  Larombière,  tome  V,  page  510.  — 
Soardat,  Responsabilité  y  tome  l,  n^  108  bis. 

4.  Voyez  chapitre  XIU. 

5.  Voyez  affaire  Dupuis-Habert,  Gazette  desTribunatuc,  25,  26  juin  1888.  Appen- 
dice no  40. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  445 

Hais  la  première  condition  pour  que  les  témoins  de  Tofieuse 
tentent  d'amener  leur  client  à  un  arrangement,  c'est  que  la  répara- 
tion qu*on  lui  offre  soit  proportionnée  à  l'offense  ^ 


L'honnête  homme  qui  a  commis  une  offense  ne  doit  pas  refuser 
de  la  réparer,  lorsque  des  témoins  honorables,  après  examen  appro- 
fondi de  l'affaire,  lui  conseillent  un  arrangement  compatible  avec  son 
bonnenr,  lui  déclarent  que  dans  un  cas  semblable  ils  agiraient  de 
même  et  offrent  d'insérer  cette  déclaration  au  procès-verbal  '. 

S'ils  ne  prennent  pas  Tinitiative  de  cette  déclaration,  l'agresseur, 
auquel  une  proposition  d'arrangement  ou  d'excuse  est  faite,  doit 
leur  poser  carrément  la  question  suivante  : 

«  Considérez-vous  que  je  doive  faire  telle  excuse  ou  telle 
démarche?  La  croyez-vous  compatible  avec  mon  honneur?  A  ma 
place  la  feriez-vous?  Êtes-vous  prêts  à  le  signer?  » 

La  réponse  des  témoins  est  la  meilleure  épreuve  de  leur  sincé- 
rité. Ils  ne  peuvent  se  refuser  à  la  donner  avec  précision  '. 

Voilà  pour  Tagresseur;  reste  l'offensé. 

11  est  clair  que,  de  même  que  le  premier  est  libre  de  ne  pas  faire 
d'excuses,  de  même  le  second  n'est  pas  tenu  davantage  à  les  accep- 
ter, s'il  ne  les  considère  pas  comme  opportunes  ou  suffisantes. 

En  cas  de  doute,  il  posera  à  ses  témoins  la  question  que  Tagres- 
seur  aura  adressée  aux  siens  :  «  A  ma  place,  accepteriez -vous  les 
excuses  proposées?  Êtes-vous  prêts  à  le  signer  ?  » 

Qu'arrivera-t-il  si,  malgré  l'avis  de  ses  mandataires,  l'offensé 
refuse  d'accepter  les  réparations  ou  excuses  proposées  ? 

Écoutons  Ghateauvillard,  chapitre  m,  article  k  : 

«  Si  celui  qui  a  fait  l'insulte  fait  réparation  suffisante,  si  cette 
réparation  peut  annuler  l'offense  d'après  le  dire  des  témoins  de  celui 
même  qui  a  reçu  Tinjure,  si  ces  témoins  déclarent  qu'en  pareil  cas 
ils  seraient  satisfaits,  et  qu'ils  sont  prêts  à  le  signer;  si  celui  qui  a 
calomnié,  par  exemple,  écrit  une  lettre  de  réparation  bien  explicite, 
celui  qui  a  fait  la  réparation,  si  elle  n'est  pas  acceptée,  ne  prend 
point  le  rang  d'agresseur,  et  les  armes  sont  tirées  au  sort.  Mais  à 
un  coup  il  n'y  a  pas  d* excuse  possible.  Les  réparations  ne  sont 
valables  que  faites  devant  les  témoins  réunis.  » 

1.  Voyez  affaire  Baron-Pesson,  Gazette  des   Tribunaux,  30  janvier,  2  férrier, 
23  JoiD,  7, 14,  25  août  1837.  Appendice  n*  41. 

2.  Voyez  CtiateauTillard,  chapitre  m,  article  4. 

3.  Voyez  affaire  Dupuis-H&bert,  Gazette  des  Tribunaux,  25,  26  Juin  1888.  Appen- 
dice,  no  42. 

40 


446  PREMIÈRE  PARTIE. 

La  règle  posée  par  Tauteur  de  l'Essai  sur  le  duel  est-elle  absolue? 
L'offensé  qui,  malgré  ses  témoins,  ue  croit  pas  devoir  accepter  les 
excuses  de  son  adversaire,  perd-il  forcément  le  choix  des  armes  ? 

S'il  y  a  offense  avec  voie  de  fait,  nous  venons  de  voir  qu'il  est 
dans  son  droit  strict.  Si  l'offense  est  une  injure  grave  ou  une  offense 
du  premier  degré,  il  lui  reste  le  droit  d'en  appeler  à  la  décision  d'un 
jury  d'honneur  qui  prononce  en  dernier  ressort  sur  la  question  de 
savoir  si  les  excuses  étaient  suffisantes  ou  ne  l'étaient  pas. 

Il  est  un  genre  d'excuses  qu'un  honnête  homme  doit  accepter, 
s'il  le  peut  sans  danger  pour  son  honneur,  et  si  la  nature  de  l'offense 
est  telle  qu'une  excuse  soit  admissible.  Ce  sont  les  regrets  valables 
et  suffisants,  présentés  spontanément  et  en  temps  utile,  par  celai 
qui,  après  s'être  oublié,  déclare  que  ses  convictions  religieuses  lui 
Interdisent  de  se  battre  en  duel.  En  effet,  tout  homme  d'honneur 
comprendra  qu'il  faut  cent  fois  plus  de  courage  pour  exprimer  des 
regrets  en  pareille  occurrence  que  pour  échanger  des  balles  ou 
risquer  un  coup  d'épée. 

Quelle  que  soit  la  religion  à  laquelle  appartient  un  tel  homme, 
accueillez  comme  elles  le  méritent  les  réparations  offertes  par  lui, 
c'est-à-dire  avec  courtoisie,  et  n'en  parlez  jamais  autrement. 

Vous  ferez  bien,  par  exemple,  d'ajouter  au  procès-verbal  que, tout 
en  cédant  aux  scrupules  de  votre  agresseur,  vous  regrettez  de  n'avoir 
pas  reçu  de  lui  la  réparation  par  les  armes  que  vous  souhaitiez. 

Avez-vous,  au  contraire,  maille  à  partir  avec  un  tartufe  que  vous 
connaissez  pour  tel,  et  qui  essaye  de  cacher  son  venin  et  sa  lâcheté 
sous  le  couvert  de  la  religion  ?  11  est  clair  que  vous  n'êtes  pas  tenu 
à  la  même  obligation  ;  obligation  toute  morale,  nous  n'avons  pas 
besoin  de  le  dire,  et  qui  n'a  d'autre  sanction  que  la  conscience. 

Que  dire  de  celui  qui,  connaissant  la  solidité  des  principes  reli- 
gieux d'un  individu  et  sa  résolution  bien  arrêtée  de  refuser  tout 
duel,  Toffenserait  gravement?  Que  dire,  par  exemple,  du  militaire 
qui,  prenant  à  partie  un  séminariste  appelé  sous  les  drapeaux,  lui 
ferait  subir  mille  vexations  et  procédés  injurieux,  motivés  par  le  ca- 
ractère sacerdotal  dont  il  sera  revêtu  plus  tard?  Ce  militaire  commet- 
trait une  mauvaise  action,  presque  une  lâcheté.  Tous  les  honnêtes 
gens  seront  de  notre  avis  ^ 

Excuses  sur  le  terrain.  —  Les  excuses  ne  doivent  pas  avoir  lieu 
sur  le  terrain. 

L'offensé  auquel  des  excuses  sont  offertes  aussi  tardivement 

1.  Voyez  Colombey,  Histoire  anecdotique  du  duel,  page  95.  Appendice  p*»  43. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  447 

peut  les  refaser  sans  perdre  ses  privilèges  et  sans  avoir  à  courir  le 
risque  du  tirage  au  sort  ^ 

On  peut  supposer,  en  effet,  que  c'est  par  calcul,  pour  mettre 
par  exemple  son  courage  à  réprouve  et  obtenir  des  conditions  plus 
douces,  que  l'agresseur  a  repoussé  les  tentatives  de  conciliation 
&ites  en  temps  utile  par  les  témoins. 

Cependant,  si  les  témoins  de  Toffénsé  estiment  en  leur  âme  et 
conscience  que  les  excuses  présentées  sur  le  terrain  sont  valables, 
et  que  rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'elles  soient  acceptées,  ils  peuvent  lui 
conseiller  de  le  faire,  parce  que,  s'il  y  a  poursuites  judiciaires,  sa 
position  et  la  leur  deviendraient  alors  mauvaises.  La  justice  ne 
s'occupe  guère,  en  effet,  des  subtilités  du  point  d'honneur. 

A  qui  incombe  le  blâme  d'excuses  faites  sur  le  terrain? 

Si  le  combattant  qui  fait  des  excuses  les  présente  lui-même, 
spontanément,  le  blâme  ne  retombe  que  sur  lui  ^ 

S'il  les  présente  lui-même,  d'après  le  conseil  de  ses  témoins,  le 
blâme  est  partagé. 

Pour  éviter  toute  solidarité  désagréable,  les  mandataires  de  celui 
qui  s'excuse  agiront  donc  prudemment,  en  déclinant,  dans  leprocès- 
yerbal  rédigé  ad  hoc^  toute  participation  à  cette  démarche  humiliante. 

Si  les  témoins  de  l'agresseur  présentent  des  excuses  en  son 
nom,  il  faut,  pour  reconnaître  à  qui  revient  le  blâme,  examiner  la 
nature  de  leur  mandat. 

Ont-ils  accepté  un  mandat  impératif?  Il  est  clair  que  c'est  leur 
mandant  qui  doit  être  blâmé. 

Leura-t-il,  au  contraire,  donné  carte  blanche?  Le  blâme  retombe 
sur  eux  seuls,  puisque,  comme  le  fait  très  justement  observer  Gha- 
teauvillard,  chapitre  m,  article  6,  ils  se  sont  rendus  responsables  et 
garants  de  son  honneur. 

Si  le  mandat  n'a  été  donné  que  sous  réserve  de  contrôle,  le 
blâme  doit  être  partagé,  puisque  le  mandant  était  libre  de  dégager 
sa  responsabilité  et  de  protester.  Le  silence  gardé  par  lui  doit  être 
considéré  comme  un  acquiescement. 

2®  hjrpothèse.  —  Les  témoins  ne  réussissent  point  à  arranger 

l'affaire. 

Le  duel  est  inévitable. 

C'est  le  moment  d'en  discuter  les  conditions. 

La  tâche  est  très  simplifiée,  puisque  la  valeur  de  l'oflense  est 

1.  Voyez  Tavernier,  page  293. 

2.  Chateauvillard,  chapitre  m,  article  5. 


448  \  PREMIÈRE  PARTIE. 

déterminée,  ainsi  qne  la  personne  à  qui  revient  le  droit  d'offensé  ^ 

L'offensé  avec  offense  simple  a  le  choix  des  armes;  avec  injure 
grave,  le  choix  des  armes  et  dn  duel  ;  avec  voie  de  fait,  le  choix  des 
armes,  du  duel  et  des  distances,  conformément  à  ce  que  nous  avons 
dit  chapitre  vii. 

A  ce  moment,  ses  témoins  déclarent  quelle  est  son  arme,  quel 
est  son  duel,  quelles  sont  les  distances,  selon  l'importance  de  la 
lésion  subie. 

Ils  s'efforcent  de  faire  prévaloirs  es  instructions  et  de  tirer  de  sa 
position  la  quintessence  des  avantages  qui  peuvent  lui  être  accordés. 
Autant  la  conciliation  et  la  diplomatie  étaient  de  mise  au  début, 
autant  la  ténacité  leur  est  commandée  à  présent  que  la  position 
d'offensé  est  acquise  à  leur  client,  ils  seront  donc  inébranlables  à 
maintenir  ses  droits. 

Réciproquement,  les  témoins  de  l'agresseur  s'efforceront  de 
contester  et  de  diminuer  tant  qu'ils  pourront  ces  avantages,  mais  en 
employant  les  moyens  compatibles  avec  l'honneur  et  la  bonne  foi 
dont  ils  ne  doivent  jamais  se  départir. 

C'est  pour  en  arriver  à  cette  prompte  solution  que  nous  recom- 
mandons avant  tout  aux  personnes  chargées  d'une  affaire  d*honneur 
de  s'entendre  sur  le  choix  d'un  auteur  compétent,  destiné  à  servir 
de  guide  et  au  besoin  d'arbitre  portatif,  sans  parti  pris,  et  imbu  de 
la  saine  doctrine  que  ne  possèdent  pas  toujours  ses  confrères  en 
chair  et  en  os. 

Inutile  d'ajouter  que  les  formes  les  plus  courtoises  doivent 
régner  pendant  les  conférences. 

L'entente  est-elle  impossible?  Les  témoins  n'ont  d'autre  res- 
source que  de  s*<în  rapporter  à  la  décision  d'arbitres  ou  d'un  jury 
d'honneur. 


CHAPITRE   XIX 
Arbitrage.  —  Jury  d'honneur. 


Les  arbitres  sont  ceux  qui,  en  dehors  des  témoins,  ont  reçu  pou- 
voir de  trancher  une  contestation  relative  à  une  affaire  d'honneur. 
Indiquonslesensdesexpressionsemployéesdanscettedéûnition. 
Une  explication  nous  parait  indispensable  à  Tintelligence  du  sujet. 

I.  Voyez  affaire  Rocheforl-Dreyfus,  27  avril  1886,  i4nnua»rc  du  doe/.  Appendice 
no  44 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  449 

Noos  disons  que  les  arbitres  sont  ceux  qui  ont  reçu  pouvoir.  En 
effet,  le  libre  choix  fait  par  les  adversaires  constitue  l'essence  même 
de  cette  juridiction,  et  la  condition  sine  qud  non  de  sa  raison  d*ëtre. 

Les  parties  peuvent  confier  la  solution  des  difficultés  relatives 
à  leur  différend,  soit  à  un  seul  individu,  soit  à  plusieurs.  Dans  ce 
dernier  cas,  chacune  d'elles  désigne  moitié  des  arbitres  ^ 

Le  tiers  chargé  de  départager  les  arbitres  qui  ne  peuvent  tom- 
ber d*accord  est  désigné,  soit  par  les  adversaires,  soit,  ce  qui  est 
plus  ordinaire,  par  les  arbitres  eux-mêmes,  soit  par  les  témoins. 
Tout  dépend  des  conventions. 

Lorsque  les  questions  soumises  aux  arbitres  intéressent  la  per- 
sonnalité morale  d'un  adversaire,  lorsqu'il  s'agit,  par  exemple,  d'une 
fin  de  non-recevoir  basée  sur  un  cas  d'indignité,  la  réunion  prend 
le  nom  de  jury  d'honneur.  Le  jury  d'honneur  n'est  pas  autre  chose 
qu'une  forme  de  l'arbitrage,  aux  règles  duquel  il  demeure  soumis. 

Toute  décision  d'arbitres  qui  n'ont  pas  reçu  mandat  des  deux 
parties,  ou  qui  n*ont  pas  été  agréés  par  elles,  est  nulle  *. 

Tel  serait  le  cas  où  les  témoins  d'un  des  adversaires,  après 
avoir  accepté  un  mandat  aux  termes  duquel  ce  dernier  se  réserve 
le  droit  de  contrôler  leurs  décisions,  choisiraient,  sans  lui  en 
demander  licence,  un  arbitre  chargé  de  trancher  un  différend  sur- 
venu avec  les  mandataires  de  la  partie  adverse.  La  sentence  de  cet 
arbitre  ne  saurait  lui  être  valablement  opposée. 

Il  en  serait  autrement  si,  au  lieu  de  se  réserver  un  droit  de  veto, 
l'adversaire  avait  déclaré  qu'il  remettait  purement  et  simplement  sa 
cause  entre  leurs  mains,  et  ratifiait  par  avance  leur  décision. 

Nous  disons  que  les  arbitres  sont  ceux  qui  ont  reçu  pouvoir  de 
trancher  définitivement  les  contestations. 

En  effet,  les  arbitres  régulièrement  constitués  et  agissant  dans 
la  limite  de  leur  compromis  font  office  de  juges,  se  livrent  à  des 
actes  d'instruction,  constituent,  en  un  mot,  une  juridiction  qui  rend 
des  sentences  obligatoires  et  sans  appel,  devant  lesquelles  adver- 
saires et  témoins  doivent  s'incliner,  puisqu'elles  émanent  de  magis- 
trats qu'ils  se  sont  donnés  eux-mêmes  '. 

Quelles  conditions  sont  exigées  pour  être  arbitre  et  juré  ? 

Ce  sont  les  mêmes  que  pour  être  témoin,  excepté  en  ce  qui 
concerne  les  qualités  physiques  *. 

1.  Voyez  affaire  Maarel-Clémenceau,  il,  12, 13 décembre  18K8.  Appendice  n®  45, 
lettre  B. 

2.  Voyez  affaire  de  Calonne-Fiorentino,  avec  renvoi  à  Taffaire  Achard-Fiorentino. 
Cassette  dis  TribunauXf  i"  septembre  1850.  Appendice  n^  46. 

3.  Voyez  affaire  Maarel-Clémenceau,  11,  12,  13  décembre  1888.  Appendice  no  45, 
lettre  D. 

4.  Voyez  nos  chapitres  xiii  et  xiv. 


450  PREMIÈRE  PARTIE. 

Peu  importe,  en  effet,  qu'an  arbitre  ou  qu'an  juré  soit  ingambe 
ou  cul-de-jatte, qu'il  possède  ses  deux  bras  ou  soit  manchot.  Gomme 
il  n'assiste  pas  au  combat  et  n'est  pas  appelé  à  payer  de  sa  personne, 
une  bonne  tête  suffit.  Mais  il  est  facile  de  comprendre  que  toutes 
les  autres  conditions  sont  plus  impérieusement  réclamées  pour  un 
homme  qui  juge  en  dernier  ressort  que  pour  un  témoin  dont  il  est 
toujours  possible  de  critiquer  la  décision  d'après  le  système  que 
nous  préconisons  chapitre  xx. 

Compromis. 

Un  compromis,  c'est-à-dire  une  convention  particulière  fixant 
les  attributions  des  arbitres  et  des  jurés,  est  indispensable  pour 
déterminer  leur  compétence. 

Le  compromis  peut  être  général,  c'est-à-dire  porter  sur  Ten- 
semble  de  l'affaire,  ou  spécial,  c'est-à-dire  ne  porter  que  sur  un 
objet. 

Il  peut  embrasser  les  contestations  présentes  et  les  contesta- 
tions futures. 

Formes  du  compromis^ 

Un  compromis  verbal  serait  valable,  mais  la  forme  écrite  est 
infiniment  préférable,  car  c'est  Tunique  moyen  d'éviter  les  malen- 
tendus et  les  actes  de  mauvaise  foi  qui  accompagnent  trop  souvent 
les  stipulations  verbales. 

Il  doit  être  daté  et  signé  des  parties  contractantes. 

Désignation  du  litige. 

Le  compromis  désigne  clairement  Tobjet  de  la  contestation  et 
rétendue  des  pouvoirs  des  arbitres  ou  des  jurés.  Nous  ne  saurions 
assez  insister  sur  Timportance  de  ces  deux  clauses,  dont  l'inobser- 
vation risque  d'amener  les  plus  graves  complications. 

Est-il  besoin  d'ajouter  que  les  arbitres  doivent  rester  stricte- 
ment dans  la  limite  de  leur  mandat,  et  que  toute  décision  prise  en 
dehors  est  nulle  *  ? 

Remarquons  cependant  que,  dans  ce  cas,  la  nullité  n'est  que 
partielle.  Tout  ce  qui  rentre  dans  leur  compétence  oblige  les 
témoins,  s'il  n'y  a  pas  indivisibilité  entre  la  matière  qu'ils  ont 

1.  Voyez  appendice  n»  45,  lettre  C. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  454 

traitée  à  juste  titre  et  celle  qu'ils  n'avaient  point  le  droit 
d'aborder  *. 

Une  dernière  question  à  résoudre  est  celle  de  savoir  comment 
doivent  juger  les  jurés  et  les  arbitres. 

Ils  sont  tenus  de  juger  d'après  les  règles  du  point  d*bonneur. 
II  leur  est  interdit  de  substituer  leur  opinion  individuelle  aux  déci- 
sions des  auteurs  dont  les  écrits  constituent  la  législation  qu'ils 
doivent  appliquer  ^ 

Utilité  de  l'arbitrage.  —  Nécessité  de  sa  généralisation. 

«Combien  d'affaires  d'honneur, écrivait  avec  infiniment  de  bon 
sens  M.  Gaston  JoUivet,  dans  un  article  du  28  août  1889  paru  dans 
le  Matin,  combien  d'affaires  d'honneur  pourrait-on  citer  où  des 
pourparlers  mal  menés  ont  conduit  à  un  dénouement  fatal,  qu'on 
aurait  évité  si,  dès  les  premières  divergences  soulevées  entre  té- 
moins, ces  derniers  avaient  eu  recours  à  un  arbitre  I  N*est-il  pas, 
en  effet,  superflu  de  rappeler  qu'à  défaut  d*autres  mérites,  ce  tiers, 
désigné  par  les  quatre  intéressés,  apporte  dans  Texamen  de  l'affaire 
une  qualité  nécessairement  étrangère  aux  témoins  :  l'impartialité  ? 

M  Pourquoi  cependantcetteintervention  salutaire  est-elle  si  rare- 
ment sollicitée  ?  C'est  que  malheureusement  la  vanité  a  toujours 
été  en  France  notre  péché  mignon.  II  en  coûte  à  des  témoins  de 
s'avouer,  au  cours  d'une  entrevue,  que  leur  éloquence  reste  im- 
puissante à  terrasser  les  témoins  advei*ses. 

u  Ils  ont  quitté  leur  client  en  rassurant  délibérément  que  son 
affaire  est  entre  bonnes  mains,  et  il  est  pénible  pour  leur  amour- 
propre  de  revenir  lui  dire  piteusement  :  «  Pas  moyen  de  convaincre 
ces  têtus  I  Ils  veulent  un  arbitre.  » 

tt  Aussi  que  de  témoins,  pour  éviter  d'avoir  à  faire  choix  d'un 
arbitre,  en  arrivent  à  se  séparer  sans  s'être  entendus  ;  et  c'est  alors 
que  vous  voyez  s'étaler  dans  les  journaux  la  formule  sacramentelle  : 
a  Mes  chers  amis,  je  regrette  de  vous  avoir  inutilement  dérangés,  » 
qui  appelle  immédiatement  la  riposte  des  témoins  de  l'adversaire, 
expliquant  la  raison  pour  laquelle  ils  ont  décliné  la  prevocation 
adressée  à  leur  ami. 

«  Singulière  bataille  de  plume  où  chacun  se  donne  raison,  où 
le  public  est  très  tenté  de  donner  tort  à  tout  le  monde,  et  qui  très 
souvent  n'a  pas  l'avantage  d^étre  un  dénouement,  car  ces  corres- 
pondances désobligeantes  ont  plus  d'une  fois  greffé  un  nouveau 

1.  Voyez  appendice,  n^  45  lettre  D. 

2.  Voyez  notre  chapitre  premier. 


452  PREMIÈRE  PARTIE. 

différeDd,  inconciliable,  celui-là,  sur  une  première  affaire  qui,  prise 
à  temps,  pouvait  être  arrangée  par  un  arbitre. 

«  Puisque  depuis  les  édits  de  Richelieu  jusqu'à  nos  jours,  ni  la 
rigueur  ni  la  persuasion  n'ont  déraciné  chez  nous  le  préjugé  du 
duel,  c'est  bien  le  moins  que  les  gens  sensés  approuvent  et  encou- 
ragent les  meilleurs  moyens  proposés  pour  rendre  les  rencontres 
les  moins  fréquentes  possible.  Il  n'y  en  a  pas,  selon  nous,  de  préfé- 
rables à  la  généralisation  de  l'arbitrage.  Mais  pour  que  cette  magis- 
trature conciliante  puisse  s'exercer  avec  fruit,  deux  conditions  sont 
requises  : 

(t  II  faut  d'abord  que  les  témoins  comprennent  l'intérêt  qa*ils 
ont  à  se  décharger  sur  un  tiers  éclairé  et  impartial  d'une  respon- 
sabilité acceptée  souvent  à  la  légère.  11  faut  ensuite  que  l'opinion 
publique  intervienne. 

((  C'est  à  elle,  en  effet,  qu'il  appartient  de  se  prononcer  énergi- 
quement,  chaque  fois  que  l'occasion  se  présente,  contre  les  adver- 
saires et  les  témoins  qui,  après  avoir  refusé  un  arbitre,  ont  encore 
l'audace  de  maintenir  leur  provocation  et  de  traiter  de  couard  celui 
qui  ne  la  relève  pas  ;  et,  plus  énergiquement  encore,  contre  ceux 
qui,  après  avoir  remis  leur  différend  à  des  arbitres  ou  à  un  jury 
d'honneur,  refusent  de  se  soumettre  à  leur  décision,  si  cette  déci- 
sion ne  les  satisfait  pas  complètement  ^  » 


CHAPITRE   XX 

Mandat  des  témoins.  —  Sa  nature.  ^-  Récusation. 

Démission. 


Comment  les  adversaires  doivent-ils  comprendre  le  rôle  de 
leurs  témoins  ? 

Nous  nous  trouvons  en  présence  de  trois  systèmes,  que  nous 
étudierons  d'abord  au  point  de  vue  des  rapports  des  mandataires  et 
du  mandant,  ensuite  au  point  de  vue  de  la  stabilité  des  conven- 
tions. 

Rapport  des  mandataires  et  du  mandant. 

1"  SYSTÈME.  —  Suivant  une  première  opinion,  les  témoins,  une 

\.  Voyez  affaire  Ro***  et  Re***,  27  octobre  1886,  il  nntiaire  du  dwe/.  Appendice 
D«47. 


OFFENSES.  -  RÈGLES  DU  DUEL.  453 

fois  choisis  et  mis  au  coaraot  de  Taffaire,  devienDent  maîtres  de  la 
conduire  comme  ils  l'ectendent. 

Ils  consentent  l'arrangement  ou  décident  le  duel  à  leur  gré,  et 
dans  les  conditions  qu'ils  agréent,  sans  que  leur  client  puisse  les 
discuter.  Ils  ne  sont  pas  récusables  par  lui. 

T  SYSTÈME.  —  Le  second  système  impose  aux  témoins  une  mis- 
sion toute  passive,  qui  leur  est  tracée  par  un  mandat  impératif 
auquel  ils  sont  tenus  de  se  conformer  aveuglément. 

3^  SYSTÈME.  —  Le  troisième  système,  qui  est  celui  de  Château- 
▼illard,  laisse  aux  témoins  le  droit  de  discussion  et  au  client  le 
droit  de  contrôle,  avec  la  faculté  de  récusation  réciproque  ^ 

Le  premier  système  serait  excellent,  si  on  avait  à  son  service  le 
témoin  idéal  ;  mais  trop  souvent  les  mandataires  ignorent  leurs 
devoirs  ou  sont  incapables  de  les  remplir. 

Nous  ne  le  conseillons  pas. 

Le  mandat  impératif  est  encore  moins  acceptable  pour  deux  mo- 
ûbi  le  premier,  c'est  qu'alors  on  n'est  plus  témoin,  mais  simple  assis- 
tant ;  le  second,  c'est  que  la  personne  qui  vous  demande  votre  concours 
TOUS  prouve  en  même  temps  qu'elle  n'a  pas  confiance  en  vous. 

Il  Tant  mieux  s'en  tenir  au  troisième,  qui  est  du  reste  générale- 
ment adopté. 

La  partie  qui  estime  en  son  âme  et  conscience  que  ses  témoins 
ont  rempli  d'une  manière  infidèle  ou  défectueuse  leur  mandat  est 
donc  libre  de  les  remercier  et  d'en  chercher  d'autres  *. 

Réciproquement,  si  les  témoins  estiment  que  leur  conscience 
ne  leur  permet  point  de  l'assister,  ils  peuvent  se  retirer  et  résigner 
leur  mandat  entre  ses  mains.  Nous  disons  entre  ses  mains  :  en 
conséquence,  les  témoins,  qui  sans  lui  avoir  remis  leurs  pouvoirs, 
écriraient  aux  mandataires  adverses  qu'ils  se  désistent,  commet- 
traient une  faute  grave  '. 

Tout  changement  de  témoins,  toute  désignation  de  nouveaux 
mandataires  sont  signifiés  k  ceux  de  la  partie  adverse.  Ce  sont  les 
derniers  venus  qui  se  dérangent,  et  se  mettent  à  la  disposition  des 
autres  pour  les  entrevues  nécessaires  *. 

A  quel  moment  les  témoins  peuvent-ils  être  récusés  ou  résigner 
leur  mandat? 

1.  Conformément,  voyez  Château villard,  pages  97,  98.  —  Tavernlcr,  page  52.  — 
Daverger,  chapitre  iv,  articles  4  et  6,  et  observations  sur  cet  article. 

2.  Voyez  affaire  Bé***-Cé***,  1"  novembre  1884,  Annuaire  du  duel.  Appendice 
ii«48. 

3.  Voyez  Chateauvillard,  page  98.  —  Tavemier,  page  53.  —  Du  Verger,  pages  213, 
237  et  suiv. 

4.  Voyez  Tavemier,  ibid.  —  Duverger,  ibid. 


«.  .^ 


454  PREMIÈRE  PARTIE. 

En  principe,  ce  droit  de  récusation  mutuelle  existe  jusqu'à  la 
signature  du  procès-yerbal  dans  lequel  sont  insérées  les  conditions 
de  Tarrangement  ou  de  la  rencontre;  mais,  dans  leur  intérêt  propre, 
mandataires  et  mandants  feront  bien  de  ne  pas  attendre  ce  moment. 
Dans  l'entrevue  préliminaire  et  confidentielle  que  les  témoins  ont 
eue  avec  leur  ami,  ce  dernier  a  dû  leur  expliquer  Taffaire  en  toute 
sécurité,  et  leur  demander  leur  a?is.  Ils  ont  dû  faire  leurs  obserra- 
tions  et  leurs  réserves.  C'était  alors  le  moment  de  se  récuser. 

Outre  qu'une  révocation  ou  une  démission  tardives  produisent 
mauvais  effet  aux  yeux  du  public,  elles  peuyent  amener  des  diffi- 
cultés ayec  les  témoins  adverses,  qui  refuseront  peut-être  d*être 
mis  en  rapport  avec  de  nouveaux  visages.  Ils  ont  le  droit  de  scruter 
de  très  près  les  causes  de  ce  remplacement,  et  ils  n*y  manqueront 
généralement  pas;  trop  beureux  qu'ils  seront  de  vider  l'affaire  sans 
danger  pour  leur  client,  et  en  laissant  le  vilain  rôle  à  son  adver- 
saire ^ 

A  plus  forte  raison,  sauf  le  cas  de  force  majeure,  les  témoins  ne 
peuvent  pas  décemment  abandonner  leur  client  à  l'instant  de  la 
rencontre,  après  l'avoir  engagé  par  le  fait  de  conventions  qu'ils  ont 
stipulées  pour  lui.  Du  moment  qu'ils  les  ont  signées,  ils  sont  tenus 
d'en  surveiller  l'exécution.  Une  retraite  à  pareille  beure  constitue- 
rait une  violation  des  règles  du  duel  et  un  mauvais  procédé  dont 
leur  mandant  pourrait  leur  demander  raison.  Sur  le  terrain  elle 
risque  d'entraîner  les  plus  graves  conséquences  *.  La  récusation 
opérée  dans  ces  dernières  conditions  équivaut  généralement  à  un 
refus  de  duel. 

En  résumé,  la  révocation  et  la  retraite  ne  doivent  être  admises 
que  dans  les  cas  absolument  exceptionnels. 

Afin  d'éviter  toute  équivoque,  les  instructions  que  les  adversaires 
donnent  à  leurs  témoins  doivent  être  données  par  écrit  et  signées. 

Nous  insistons  tout  paiHiculiërement  sur  cet  instrument  écrit. 
Survient-ii  une  discussion  après  un  arrangement  ?  Survient-il  une 
poursuite  après  la  rencontre?  Avec  lui,  point  d'ambiguïté  possible. 
Les  responsabilités  sont  clairement  établies. 

Stabilité  des  conrentions. 

Quel  que  soit  le  système  adopté,  il  faut  que  les  témoins  sachent 
sur  quel  pied  ils  traiteront  entre  eux,  et  si  les  discussions  prélimi- 

1.  Conformément,  voyez  Chtteaavillard,  —  Tavernier,  —  Du  Verger  de  Saint- 
Thomas,  ibidmn.  —  G.  Jollivet,  VEscrime  et  le  duel,  page  198. 

2.  Voyez  affaire  des  deux  officiers  de  chasseurs,  Gaxette  dei  Tribunaux,  26  no- 
Tembro  1842.  Appendice  n»  49. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  455 

naires  aboutiront  à  des  conventions  définitivement  arrêtées  entre 
collègues,  ou  à  de  simples  projets  soumis  à  l'approbation  des 
adversaires. 

Il  est  injuste  de  laisser  une  partie  aller  de  Tavant,  croyant  à  un 
engagement  sérieux,  pendant  que  Tautre  se  réserve  de  refuser  son 
adhésion  si  le  résultat  lui  déplaît. 

Ce  qull  importe  d'assurer  avant  tout,  c'est  la  stabilité  et  la  sin- 
cérité des  conventions.  Nous  ne  voyons  qu'une  manière  d'y  arriver, 
c'est  par  réchange  des  pouvoirs  entre  témoins  et  la  constatation 
de  rétendue  de  leur  mandat.  Ceci  ne  veut  pas  dire  que  les  témoins 
seront  tenus  de  se  communiquer  mutuellement  des  instructions 
confidentielles  qu'ils  auront  reçues,  mais  qu'ils  sont  obligés  d'affir- 
mer s'ils  possèdent  la  capacité  de  traiter  directement  au  nom  de 
leur  mandant  et  de  l'engager,  ou  s'ils  sont  tenus  de  lui  en  référer 
avant  de  conclure. 

Telle  est  la  question  qu'ils  doivent  toujours  se  poser.  La  réponse 
des  témoins  est  censée  contenir  l'expression  de  la  vérité  et  engage 
leur  mandant.  Tant  pis  pour  qui  choisit  des  représentants  malhon- 
nêtes ;  l'adversaire  ne  peut  en  souffrir. 

Si  la  question  n'est  pas  posée,  si  les  négociations  sont  enta- 
mées entre  témoins  qui  ignorent  leurs  pouvoirs,  les  conventions 
stipulées  n'engagent  pas  les  mandants,  qui  sont  réputés  jusqu'à 
preuve  contraire  s'être  réservé  le  droit  de  veto. 

Cette  preuve  contraire  résulte  d'instructions  écrites  fournies 
par  les  mandataires  dont  les  conventions  sont  contestées. 

La  partie  adverse  qui  se  plaint  d'avoir  cru  traiter  ferme,  et  sti- 
puler une  convention  définitive  au  lieu  d'une  convention  sous 
réserve  de  la  ratification  du  mandant,  doit  s'en  prendre  à  ses 
témoins. 

Les  témoins  qui  se  plaignent  d'être  désavoués  ne  peuvent  s'en 
prendre  qu'à  eux-mêmes.  Ils  devaient  exiger  des  pouvoirs  écrits  et 
échanger  ces  pouvoirs  avec  leurs  collègues. 

La  partie  qui  refuse  son  acquiescement  aux  conventions  ne 
peut  le  faire  qu'en  désavouant  spécialement  ses  témoins.  L'obliga- 
tion d'un  désaveu  est  une  mesure  grave  qui  offre  une  garantie 
contre  un  mouvement  de  dépit,  ou  une  légèreté  irréfléchie  ^ 

1.  Voyez  affaire  Grandin-Durand.  Journal  le  Cher,  18-19  mars  1889.  Appendice 
n»  50. 


4B6  PREMIÈRE  PARTIE. 


CHAPITRE  XXI 

Procès-Terbal  de  rencontre.  —  Son  utilité.  •—  Conditions 

qull  doit  renfermer. 


Les  témoins  qui  règlent  les  conditions  d'une  rencontre  doivent 
en  préToir  les  é?entualités,  et  leur  donner  par  ayance  une  solution 
basée  sur  les  règles  du  point  d'honneur.  Dès  qu'une  question  est 
résolue,  ils  Tinsèrent  au  procès-verbal,  nommé  procès-verbal  de 
rencontre,  ou  mieux  procès-verbal  avant  la  rencontre.  Elle  devient 
condition.  L'ensemble  de  ces  conditions  constitue  la  loi  du  duel  en 
vue  duquel  les  témoins  ont  été  constitués. 

On  voit  que  ce  procès-verbal  est  d'une  importance  capitale. 

Aucun  contrat  notarié  ne  doit  être  rédigé  avec  une  sollicitude 
plus  minutieuse.  C'est  la  vie,  c'est  l'honneur  de  leur  client  que  les 
témoins  tiennent  en  main. 

Peu  importe  la  longueur  de  sa  rédaction.  Il  faut  tout  prévoir, 
ne  rien  laisser  au  hasard,  voilà  l'essentiel. 

A  partir  du  moment  où  témoins  et  adversaires  ont  apposé  leurs 
signatures,  le  procès- verbal  devient  obligatoire.  Il  instruit  chacun 
de  ses  devoirs.  Il  supprime  toute  équivoque,  évite  toute  discussion 
sur  le  terrain  ou  à  la  suite  du  duel,  et  détermine  les  responsabilités 
en  cas  de  poursuites  ou  de  contestations. 

Bappeiez-vous  donc,  témoins,  que  si  vous  n'apportez  pas  à  la 
rédaction  de  cette  pièce  capitale  tous  les  soins  dont  vous  êtes  ca- 
pables, vous  devenez  lourdement  chargés  en  cas  d'accident,  ou  si 
les  règles  du  duel  ont  été  violées  ^ 

Rappelez-vous  aussi  que  la  meilleure  méthode  pour  éviter  les 
catastrophes  et  pour  rendre  le  duel  moins  dangereux  consiste  dans 
un  procès-verbal  bien  fait. 

Nous  ajouterons  qu'en  cas  de  poursuites  judiciaires,  il  devient 
un  excellent  instrument  de  preuve,  pour  constater  que  vous  avez 
fait  tous  vos  efforts  afin  d'arriver  à  la  conciliation,  et  qu'il  constitue, 
par  conséquent,  une  chance  de  vous  tirer  d'affaire. 

Nous  insistons  pour  que  ce  procès-verbal  soit  fait  en  double 
expédition,  toutes  deux  signées  des  témoins,  signées  et  approuvées 
des  adversaires. 

i.  Voyei  affaires  Chapuis,  Deikerel-Naquot,  Monyielle.  Appendice  vP  51. 


OFFENSES.  -  RÈGLES  DU  DUEL.  457 

Sauf  le  cas  de  force  majeure,  les  couditions  énoocées  au  procès- 
verbal  doivent  être  exécutées  strictement,  sans  que  les  parties  puis- 
sent y  apporter  aucune  modification  sur  le  terrain,  même  de  con- 
sentement mutuel  ^ 

En  effet,  les  premières  conditions  ont  été  débattues  et  pesées 
mûrement.  Elles  ont  été  écrites.  Il  serait  dangereux  de  leur  en 
substituer  d'autres  qui,  prises  rapidement,  peuvent  cacher  des  sur- 
prises plus  ou  moins  loyales,  plus  ou  moins  conformes  aux  règles 
du  duel. 

Ce  serait  aller  contre  le  but  que  des  témoins  sérieux  doivent 
se  proposer  dans  leur  propre  intérêt,  à  savoir  :  de  substituer  un 
instrument  écrit,  minutieusement  étudié,  aux  conventions  verbales 
dont  on  se  contente  avant  le  combat,  quitte  à  les  déplorer  ensuite, 
lorsque  la  justice  intervient,  ou  lorsque  l'opinion  publique  et  la 
presse  font  la  critique  de  TafTaire. 

Puisque  nous  nous  occupons  de  l'interprétation  des  conditions 
insérées  au  procès-verbal,  nous  pouvons  examiner  la  question  sui- 
vante : 

Est-il  dans  le  droit  des  témoins  de  prendre  la  parole  et  d'inter- 
rompre le  duel  pour  réclamer  l'exécution  d'une  convention  dange- 
reuse pour  la  partie  adverse,  mais  à  laquelle  semble  renoncer  le 
client  qu'ils  représentent? 

Certainement  non.  Le  général  Exelmans,  consulté  sur  ce  point 
délicat,  rendit  en  ce  sens  une  consultation  à  laquelle  nous  renvoyons 
le  lecteur  *. 


Conditions  qui  doivent  être  insérées  au  procés-verbal 

de  rencontre. 


Parmi  ces  conditions,  les  unes  sont  communes  à  tous  les  duels, 
les  autres  sont  spéciales  à  chaque  arme. 

Nous  les  étudierons  séparément. 

Les  témoins  consulteront  avec  fruit  la  table  des  chapitres  et 
surtout  le  résumé  placé  à  la  fin  de  notre  ouvrage,  ils  embrasseront 
ainsi  d'un  coup  d'œil  les  stipulations  qui  leur  sembleront  devoir 
mériter  leur  examen  ou  être  laissées  de  côté. 

Ce  sera  pour  eux  un  aide-mémoire  commode,  grâce  auquel 


1.  Voyez  affaire  Odysse  Barrot-Jecker,  Gazette  des  Tribunatâx,  3  et  4  août  1868. 
Appendice  d*  52. 

2.  Voyez  affaire  Lemorle-do  Mosny,  GazeUe  des  Tribunaux,  21  août  1833.  Appen- 
dice n«  53. 


458  PREMIÈRE  PARTIE. 

ils  se  reporteront,  si  c'est  nécessaire,  à  la  discussion  des  points  sus- 
ceptibles de  controverse  ^ 

Nous  les  engageons  également  à  consulter  le  modèle  de  procès- 
verbal  qui  se  trouve  à  la  fin  de  ce  volume.  Il  leur  sera  très  utile* 


CHAPITRE  XXII 
Stipulations  communes  à  tous  les  duels. 

Les  matières  qui  doivent  être  traitées  d*abord  par  les  témoins 
et  faire  l'objet  des  premières  stipulations  à  insérer  au  procès-verbal 
sont  communes  à  tous  les  duels  et  relatives  : 

l""  Au  choix  d'un  auteur  destiné  à  servir  de  code; 

2*"  Au  résumé  de  l'instruction  de  Taffaire  ; 

3<»  A  la  désignation  de  la  personne  offensée,  au  degré  de  l'offense 
et  au  choix  des  armes  ; 

« 

k""  Au  choix  du  duel  et  des  distances  ; 
5<>  Au  jour,  à  rheureet  au  lien  de  la  rencontre; 
6"*  A  Tadjonction  des  médecins  et  à  la  valeur  de  leur  consulta- 
tion en  cas  de  blessure  ; 

T"  A  l'attitude  des  combattants. 

Pour  le  n*»  1,  voyez  chapitre  xvu. 

Pour  le  n«  2,  voyez  chapitre  xvu. 

Pour  le  n*  3,  voyez  chapitre  vii  et  chapitre  viii. 

Pour  le  n^  4,  voyez  chapitre  vu  et  chapitres  xxxvii  et  xxxvni. 

Quelques  réflexions  sur  la  marche  à  suivre  au  début  de  railalre 
et  sur  les  premières  conditions. 

Les  témoins  apporteront  tous  leurs  soins  à  la  constatation  des 
faits  et  à  les  faire  admettre  pour  vrais. 

Ils  décideront  d'après  ces  faits  quelle  est  la  personne  offensée 
et  la  valeur  de  roflense. 

Ces  points  établis,  ils  les  mentionneront  par  écrit  et  les  re- 
garderont comme  étant  la  vraie  base  des  négociations  subséquentes. 
Alors,  mais  alors  seulement,  ils  feront  connaître  larme  choisie  par 
l'offensé,  puis  une  fois  l'arme  adoptée  le  duel,  puis  une  fois  le  duel 

1.  Voyez  sur  la  nécessité  d*un  procès-verbal  avant  la  rencontre  :  Tavernier, 
page  168.  —  Du  Verger  de  Saint-Thomas,  chapitre  iv,  remarques  sur  Tarticleil.  — 
Contra,  voyez  G.  Jollivet,  l'Escrime  et  le  duel,  pages  202  et  203,  où  cet  auteur  émet 
des  opinions  très  chevaleresques  assurément,  mais  que  les  cinq  ou  six  cents  duels  dont 
nous  avons  parcouru  les  comptes  rendus  nous  autorisent  à  proclamer  très  imprudentes. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  459 

choisi  la  distance,  suvremi  que  le  degré  de  TofTeose  lui  procure  une 
de  ces  prérogatiyes,  ou  deux,  ou  toutes  à  la  fois. 

La  situation  de  l'ofTensé  étant  dès  lors  bien  établie,  il  se  pré- 
sente fort  de  son  droit.  Les  discussions  ne  peuyent  plus  guère  rouler 
que  sur  des  détails  moins  importants. 

Souvent  on  procède  d*une  manière  absolument  contraire.  L'une 
des  parties,  avant  toute  instruction  et  toute  constatation  des  faits 
se  proclame  offensée,  et  déclare  qu'en  cette  qualité  elle  choisit  telle 
arme  et  même  tel  duel,  suivant  retendue  de  ses  prétentions. 

L'arme  choisie  déplalt-elle  à  l'adversaire  ? 

Il  est  évident  que  ses  témoins  chicaneront  tant  qu'ils  pourront 
sur  le  degré  de  Toffense  et  sur  la  détermination  de  l'offensé.  Les 
discussions  seront  plus  ardentes  et  l'affaire  mal  engagée^ 

Reprenons  Texplication  des  autres  articles. 

Article  5. —  Les  témoins  doivent  déterminer  le  jour,  l'heure 
€t  le  lieu  de  la  rencontre. 

Choix  du  jour. 

Pour  choisir  le  jour,  il  faut  consulter  non  seulement  la  com- 
modité des  parties,  mais  encore  celle  des  témoins,  la  nécessité  de 
terminer  rapidement  l'affaire,  et  les  autres  questions  de  fait  qui  ne 
peuvent  être  prévues  d'avance. 

En  principe,  une  affaire  d'honneur  doit  se  vider  dans  les  qua- 
rante-huit heures  qui  suivent  la  mutuelle  constitution  des  témoins. 

Ce  délai  de  quarante-huit  heures,  que  certaines  personnes  re- 
gardent comme  sacramentel,  n'a,  comme  nous  l'avons  déjà  expliqué, 
d'autre  motif  d'exister  que  la  crainte  de  voir  l'affaire  traîner,  deve- 
nir publique  et  s'envenimer  par  ce  fait.  Certainement,  la  raison  n'est 
pas  sans  valeur;  mais  nous  considérons  l'instruction  parfaite  de 
l'affaire,  la  détermination  de  l'offensé,  les  préliminaires  de  conci- 
liation et  la  rédaction  d'un  procès-verbal  bien  fait,  comme  autre- 
ment importants.  Aussi  refusons-nous  d'une  manière  absolue  de 
considérer  le  délai  de  quarante-huit  heures  comme  sacramentel,  et 
susceptible,  s'il  est  dépassé,  de  constituer  une  fln  de  non- recevoir*. 

Dans  le  cas  où  un  même  individu  aurait  deux  affaires  sur  les 
bras  en  même  temps,  il  est  absolument  contraire  aux  règles  du 
duel  que  les  deux  rencontres  aient  lieu  le  môme  jour  ^ 

i.  Voyez  affaire  Barbier-Montlouis,  2  et  3  décembre  1893.  Appendice  n»  114. 

2.  Voyez  ce  qae  nous  avons  dit  à  ce  sujet,  chapitre  xv. 

3.  Voyez  affaire  B***-Ve8cot-Meunier,  Gasette  des  Tribunaux,  21  novembre  1847. 
Appendice,  et  n<>  54^ 


460  PREMIÈRE  PARTIE. 


Choix  de  l'heure. 

Le  choix  de  l'heure  peut  avoir  une  certaine  importance,  et,  en 
matière  de  duel,  l'adage  :  «  Savoir  choisir  son  heure  »,  doit  être 
médité.  En  effet,  pour  certaines  personnes  obèses,  maladives  ou 
livrées  à  l'insomnie,  le  duel  à  l'épée  est  dangereux  au  sortir  du  lit. 
Baides,  lourdes  et  quasi  enkylosées,  elles  ont  besoin,  comme  lesr  vieux 
chevaux,  d'un  peu  d'échauffement  pour  partir. 

Le  matin  est  favorable  pour  la  majorité  des  tireurs  au  pistolet, 
qui  n'ont  pas  besoin  de  souplesse,  mais  de  calme  et  de  sang-froid. 
Au  contraire,  les  heures  qui  suivent  les  repas  leur  sont  défavora- 
bles, car  la  digestion  agite  le  sang,  fait  trembler  la  main  et  trouble 
le  coup  d'œil. 

A  qui  appartient  le  choix  de  l'heure  ? 

Nous  ne  croyons  pas  que  le  choix  de  l'heure  constitue  une 
prérogative  inhérente  à  la  qualité  d'offensé.  Selon  nous,  il  n'existe 
aucune  corrélation  entre  le  droit  de  choisir  Theure  du  duel  et  le 
droit  de  choisir  le  duel  lui-même  ^ 

Nous  croyons  que  le  choix  de  l'heure,  comme  celui  du  jour, 
doit  être  déterminé  par  la  commodité  générale  et  les  circonstances. 
Quoi  qu'il  en  soit,  nous  signalons  ce  point  à  la  sollicitude  des 
témoins,  qui  tenteront  naturellement  de  faire  adopter  Theure  favo- 
rite de  leur  client*. 

Il  est  d'une  suprême  inconvenance  de  se  faire  attendre  sur  le 
terrain. 

Le  quart  d'heure  de  grâce  suffit  amplement  pour  fixer  la  limite 
de  l'attente,  parer  aux  écarts  d'horloges  en  retard  et  aux  accidents 
ordinaires  du  voyage.  Passé  ce  délai,  le  premier  arrivé  est  en  droit 
de  quitter  la  place,  et  ses  témoins  peuvent  dresser  procès-verbal  de 
carence. 

Cependant,  nous  conseillons  de  pousser  la  patience  jusqu'à  la 
demi-heure.  En  effet,  une  retraite  plus  précipitée  pourrait  être 
considérée  comme  un  prétexte  saisi  au  vol  pour  éviter  le  duel,  et  le 
blâme  retomber  aussi  bien  sur  l'adversaire  exact  que  sur  le  retar- 
dataire ^ 

Dans  le  cas  où  l'intempérie  des  saisons  risque  d'amener  un 

1.  Voyez  cependant  une  Rcntencc  de  jur}-    d'honneur  en  sens  contraire.    Affaire 
Dichard-de  Massas,  Gazette  des  Tribunaux  y  26-27  décembre  1882.  Appendice  n*»  55. 

2.  Voyez    Tavernier,    page  65.    —  G.    Prévost  et  Jollivet,   l'Escrime  et  le  dueL 
page  220. 

3.  Conformément,  voyez  Tavernier,  page  273. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  464 

état  d'infériorité  pour  le  premier  arrivé,  il  est  clair  que  ses  témoins 
sont  tenus  de  l'obliger  à  quitter  la  place  au  bout  d*un  quart  d'heure 
seulement  ^. 

Lorsqu'un  obstacle  de  force  majeure  empêche  un  des  com- 
battants d'arriyer  à  Fheure,  ses  témoins  doivent  prévenir  ceux  de 
Tadversaire  avec  toute  la  diligence  possible,  et  s'entendre  avec  eux 
pour  remettre  la  rencontre  à  un  autre  momend. 

En  cas  de  refus  péremptoire  ou  de  contestation  sur  la  validité 
du  motif  justificatif,  il  n'y  a  qu'un  arbitrage  ou  un  jury  d'honneur 
qui  puisse  trancher  valablement  le  différent. 

La  partie  qui  refuse  d'accepter  la  proposition  qui  lui  en  est 
faite  est  blâmable. 

Est-il  besoin  d'ajouter  que  les  arbitres  et  le  jury  d'honneur  ne 
doivent  admettre  comme  raison  suffisante  que  les  cas  où  la  force 
majeure  est  parfaitement  constatée,  c'est-à-dire  les  cas  où  le  retard 
n'est  motivé  par  aucune  faute,  même  légère,  du  combattant 
inexact*. 

Les  suites  de  Tinexactitude  d'un  des  adversaires  sont  autres  en 
Italie. 

Voici  comment  s'exprime  à  ce  sujet  un  auteur  milanais,  Gior- 
dano  Rossi,  dans  son  livre,  Schenna  di  spada  e  sciabolUf  Milano^ 
1885  :  «  Si  à  l'heure  et  sur  le  lieu  fixé  pour  la  rencontre  par  le 
procès-verbal  des  témoins,  une  des  parties  ne  se  présente  pas,  ses 
mandataires  se  mettent  à  la  disposition  de  son  adversaire.  Les 
témoins  de  celui-ci  déclarent  s'il  doit  y  avoir  duel.  Dans  le  cas 
afûrmatif,  le  sort  décide  celui  des  témoins  de  l'absent  qui  prendra 
sa  place,  l'autre  témoin  servant  de  second  au  combattant. 

a  Si  les  témoins  de  l'adversaire  déclarent  ne  pas  accepter  le 
remplacement  du  manquant  par  le  témoin  que  le  sort  a  désigné, 
on  déclare  le  débat  clos,  au  plus  grand  déshonneur  de  celui  qui 
aura  manqué  au  rendez-vous.  » 

Ce  remplacement  peut  sembler  chevaleresque  à  première  vue; 
il  nous  parait  à  nous  un  non-sens.  En  effet,  mettre  en  présence  des 
gens  qui  n'ont  aucun  intérêt  dans  la  querelle,  c'est  leur  faire  jouer 
le  rôle  de  seconds,  contrairement  à  la  règle  :  «  Les  offenses  sont 
personnelles  et  se  vengent  personnellement.  » 

Hâtons-nous  d'ajouter  que  l'offre  n'a  presque  jamais  été  faite 
de  notre  temps  en  France,  et  que,  lorsqu'elle  l'a  été,  on  y  a  toujours 
répondu  par  une  fin  de  non-recevoir  '. 

1.  Voyez  affaire  Dujarrier-dc  Beauvallon,  Gazette  des  Tribunaux,^!  mars  1S46  et 
numéros  suivants.  Appendice  n**  56. 

2.  Voyez  affaire  Ajalbert-Ch.  V***,  2  juin  1888,  Annuaire  du  duel.  Appendice  n°  51. 

3.  Voyez  affaire  S***-M***,  11  décembre  1885,  iinnuaire  du  duel.  Appendice  n»  58. 

44 


IBS  PREMIÈRE  PARTIE. 

Ce  n'est  pas  seulement  au  point  de  vue  de  la  correction  que 
nons  recommandons  une  extrême  exactitude  sur  le  terrain.  Nous 
songeons  également  à  l'intérêt  particulier  des  adversaires. 

En  effet,  un  tireur  expérimenté  profite  des  quelques  instants 
laissés  à  sa  disposition  pour  étudier  son  terrain,  le  tftter.  se  rendre 
compte  du  jour,  du  soleil,  du  vent,  etc.,  etc.,  et,  sniirant  l'expression 
de  H.  Tayernier,  pour  se  débarrasser  de  tous  les  impedimenta  qui 
le  gêneraient  pendant  l'action,  ce  qu'il  ne  pourrait  pas  &ire  s^il 
n'arrivait  pas  le  premier. 

Choix  du  lieu. 
A  qaï  appartient  le  ohoiz  du  lieu? 

Malgré  l'opinion  de  H.  Jollivet  et  les  termes  du  procës-yerbal 
des  26  et  27  septembre  1882  S  nous  croyons  qu'il  doit  en  être  pour 
le  choix  du  lieu  comme  pour  celui  du  jour  et  de  l'heure,  même  si 
Toffense  est  une  voie  de  fait.  Il  appartient  aux  quatre  témoins  de 
tomber  d'accord  sur  ce  point. 

Autant  que  possible,  le  lieu  de  la  rencontre  doit  être  reconnu 
par  eux  à  Tayance.  II  faut  soigneusement  éviter  de  marcher  il'ayen- 
ture*. 

Un  sentiment  de  convenance  défend  de  promener  les  adver- 
saires à  travers  champs,  ou  de  les  laisser  en  tête  à  tête. 

En  agissant  autrement,  on  risque  de  voir  la  querelle  s'en- 
venimer encore  ou  de  donner  l'éveil  à  la  police,  principalement  si 
la  rencontre  se  passe  à  l'étranger. 

Nous  ne  parlerons  pas  des  conditions  relatives  aux  terrains 
propices  à  chacun  des  duels  légaux,  car  ces  conditions  varient  avec 
les  armes  choisies.  Nous  renvoyons  le  lecteur  aux  articles  afférents, 
dans  les  chapitres  que  nous  consacrons  à  chaque  espèce  de  duel. 

Nous  dirons  seulement  qu'il  faut  choisir  un  endroit  isolé,  en 
dehors  de  la  circulation  et  des  regards  indiscrets. 

Cette  précaution  est  plus  importante  qu'elle  n'en  a  l'air.  Abs- 
traction faite  de  l'ennui  do  se  donner  en  spectacle  ou  d'être  arrêté 
par  un  représentant  de  l'autorité,  il  existe  un  autre  inconvénient 
qui  s'attache  à  la  présence  des  spectateurs  étrangers. 

S'il  y  a  poursuite  judiciaire,  la  multiplicité  des  témoignages 
émanant  de  personnes  qui  ignorent  les  conventions  de  la  rencontre, 
et  souvent  les  règles  les  plus  élémentaires  du  duel,  trop  mal  placées 

1.  Voyez  l* Escrime  et  le  duel,  page  213,  et  les  termes  du  procès-verbal  des   20  et 
27  septembre  1882.  Affaire  Dichard-de  Massas.  Appendice  n»  55. 

2.  Voyez  affaire  Drumont-Meyer,   Gaxette  des  Tribunaux,  27  juin  1886.  Appen- 
dice n^  59. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  463 

du  reste  pour  saisir  les  moindres  détails  de  la  lutte,  embrouille  la 
justice,  et  peut  être  nuisible  aux  combattants  et  aux  témoins.  Ce 
phénomène  a  été  remarqué  pour  toutes  les  rencontres  en  présence 
d'une  galerie. 

Si  le  lieu  du  duel  est  reconnu  d'ayance,  il  doit  l'être  par  tous 
les  témoins  réunis,  et  mention  de  leur  double  présence  être  insérée 
an  procès-verbale 


Ac^onction  des  médecins.  —  Influence  de  leur  consultation 
sur  l'arrêt  ou  la  continuation  du  duel. 

Art.  6.  —  Aux  quatre  témoins  il  doit  être  adjoint  deux  méde- 
cins. Ce  nombre  peut  sembler  exagéré,  mais  il  ne  Test  pas  en  réalité 
s'il  y  a  deux  blessures  à  soigner  en  même  temps. 

Les  médecins  ont  une  autre  mission  à  remplir  que  celle  de 
soigner  les  combattants  blessés.  Ils  peuvent  être  consultés  sur  la 
question  de  savoir  s'il  convient  d'interrompre  le  duel  après  qu'une 
blessure  a  été  constatée,  ou  s'il  faut  le  continuer. 

Quelle  est  la  valeur  de  leur  avis  ? 

Elle  dépend  des  stipulations  du  procès-verbal  relativement  à  la 
grièveté  nécessaire  à  la  blessure  pour  amener  la  cessation  du 
combat,  et  aussi  du  titre  auquel  il  leur  sera  permis,  à  eux  médecins, 
de  se  prononcer. 

Nous  disons  que  la  valeur  de  leur  avis  dépend  des  stipulations 
du  procès-verbal  relativement  à  la  grièveté  de  la  blessure  néces- 
saire pour  amener  la  cessation  du  combat. 

Il  est  évident  que  s'il  a  été  convenu  que  le  combat  cessera 
lorsqu'une  blessure  mettra  Fun  des  adversaires  dans  Timpossibilité 
de  continuer,  ou  dans  un  état  d'infériorité,  le  rôle  des  médecins  se 
borne,  dans  le  premier  cas,  à  constater  si  le  blessé  peut  ou  non  con- 
tinuer, et  dans  le  second,  si  par  le  fait  de  sa  blessure  il  n'est  pas 
devenu  inférieur  comme  résistance  à  son  adversaire.  Pour  cela  on 
compare  autant  que  possible  sa  résistance  actuelle  à  celle  qu'il 
avait  avant  la  blessure. 

Mais  s'il  a  été  stipulé  que  le  combat  ne  serait  arrêté  que  par 
une  blessure  grave,  les  médecins  ont  un  libre  arbitre  plus  grand, 
car  l'épithète  de  grave  est  très  élastique. 

Nous  disons  que  la  valeur  de  l'avis  des  médecins  dépend  du 
titre  auquel  il  leur  aura  été  permis  de  se  prononcer. 

1.  Voyez  affaire  Naquet-Monvielle,  il  août  1887.  Appendice  n»  60. 


164  PREMIÈRE  PARTIE. 

Eq  effet,  il  peut  être  stipulé  quUls  se  prononceront  à  titre 
impératif,  c'est-à-dire  seuls,  et  souverainement  ;  ou  à  titre  consul- 
tatif, c'est-à-dire  qu'après  leur  consultation  les  témoins  restent  seuls 
juges. 

Il  peut  aussi  être  conyenu  que  le  combat  ne  pourra  cesser  que 
sur  l'avis  conforme  des  médecins  et  des  témoins. 

Quelques  réflexions  sur  les  stipulations  relatives  à  la  gravité 
des  blessures  qui  détermineront  la  cessation  du  combat  nous  pa- 
raissent utiles. 

Il  est  imprudent  de  stipuler  que  le  duel  sera  un  duel  à  mort  ou 
à  outrance,  à  cause  des  poursuites  judiciaires. 

Dans  les  cas  graves,  il  vaut  mieux  stipuler  que  le  combat  se 
poursuivra  jusqu'à  ce  qu'un  des  adversaires  soit  mis  hors  de 
combat  ou  dans  l'impossibilité  de  continuer. 

On  évitera  de  convenir  que  le  duel  sera  au  premier  sang,  car 
décider  sans  périphrase  qu'une  simple  piqûre  d'aiguille  suffira  pour 
laver  une  offense  assez  grave  pour  faire  tirer  l'épée,  c'est  donner  à 
raffdire  un  caractère  de  puérilité  ridicule. 

Cependant  on  arrive  au  même  résultat,  grâce  à  un  euphé- 
misme, en  stipulant  que  la  lutte  continuera  jusqu'à  ce  qu'un  des 
champions  ait  reçu  une  blessure  capable  de  le  mettre  en  état  d'infé- 
riorité. Par  le  fait,  c'est  l'équivalent  du  premier  sang,  mais  gazé 
sous  une  périphrase.  Il  est  clair,  en  effet,  qu'en  présence  du  vague 
de  cette  qualification,  les  médecins  augmenteront  généralement 
l'importance  d'une  égratignure,  et  que  généralement  aussi  les 
témoins  seront  heureux  de  se  retrancher  derrière  cette  consultation 
pour  éviter  un  dénouement  qui  peut  être  tragique,  et  dont  ils  ont 
une  appréhension  bien  naturelle. 

Dans  les  diverses  hypothèses  énumérées  plus  haut,  si  un  doute 
subsiste  dans  l'esprit  de  témoins  consciencieux,  il  leur  est  toujours 
loisible  de  demander  à  l'homme  de  l'art  sa  parole  que  son  affir- 
mation est  bien  l'expression  de  ce  qu'il  croit  être  la  vérité. 

Si  le  procès-verbal  de  rencontre  est  muet  sur  la  gravité  que  doit 
présenter  la  blessure  pour  amener  la  cessation  du  combat,  les  méde- 
cins ne  sont  plus  consultés  à  titre  impératif.  Leur  mandat  se  borne 
à  renseigner  les  témoins,  qui  prononcent  alors  en  dernier  ressort. 

Y  a-t-il  blessure  grave?  Le  devoir  des  témoins  est  de  s'opposer 
à  la  reprise  du  duel  malgré  le  blessé  lui-même. 

La  blessure  est-elle  légère  ?  C'est  le  motif  de  la  rencontre  qui 
les  guidera  surtout. 

Du  reste,  les  lémoins  ne  doivent  jamais  obliger  le  blessé,  même 
légèrement  atteint,  à  continuer  la  lutte  malgré  lui.  A  leur  invitation 
s'il  répond  par  un  refus,  il  agit  uniquement  sous  sa  responsabilité 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  465 

personnelle.  Les  témoins  restent  maîtres  de  dégager  la  leur,  en 
faisant  des  réserves  dans  le  procès-verbal  après  la  rencontre*. 

Un  duel  à  Tépée  terminé  sans  blessures  prête  généralement  au 
ridicule. 

Devons-nous  refuser,  en  conséquence,  aux  témoins  le  droit  de 
persuader  aux  adversaires,  après  un  certain  temps  de  combat,  que 
l'honneur  est  satisfait? 

Si  l'affaire  n'est  pas  grave,  si  le  duel  s'est  prolongé  longtemps, 
si  les  champions  se  sont  bravement  conduits,  nous  croyons,  avec 
Chateauvillard*,  que  le  droit  de  donner  cette  permission  ne  doit 
pas  leur  être  enlevé  dans  certains  cas  exceptionnels. 

Il  faut  songer,  en  effet,  aux  conséquences  désastreuses  d'une 
fin  tragique  survenue  pour  une  bagatelle,  et  à  tout  le  cortège  de 
responsabilités  qui  en  découle,  s'il  y  a  poursuites  judiciaires.  Mais 
les  témoins  n'useront  de  cette  licence  que  sous  condition  de  ne 
porter  aucun  préjudice  moral  à  l'offensé,  qui  est  toujours  libre  de 
refuser  la  proposition  ^ 

Le  procès-verbal  de  rencontre  cité  comme  exemple  d'un  duel 
arrêté  sans  blessures  est  remarquable,  en  ce  que,  malgré  sa  nature 
insolite,  il  est  signé  de  noms  appartenant  à  des  hommes  célèbres 
alors,  par  leur  courage,  leur  illustration  militaire,  leur  compétence 
en  matière  de  point  d'honneur,  et  parmi  lesquels  nous  voyons  trois 
collaborateurs  de  Ghateauvillard. 

Dans  le  duel  à  l'épée,  quelques  procès-verbaux  contiennent  la 
mention  qu'après  un  certain  nombre  de  reprises  dont  la  durée  est 
fixée  d'avance,  le  duel  sera  arrêté  définitivement,  une  fois  que 
le  laps  de  temps  convenu  sera  écoulé,  et  quand  bien  même  aucune 
blessure  n'aurait  été  reçue  ^ 

Les  témoins  espèrent  ainsi  diminuer  les  dangers  de  la  rencontre 
et  l'étendue  de  leur  responsabilité.  Atteignent-ils  le  but  qu'ils  se 
proposent?  Nous  ne  le  croyons  pas.  En  effet,  pour  peu  que  les 
adversaires  aient  du  cœur  au  ventre,  ils  ne  voudront  pas  être 
soupçonnés  d'avoir  laissé  couler  le  temps  en  vaines  simagrées, 
mais,  pressés  par  le  court  délai  qu'on  leur  impose,  ils  auront  hâte 
d'en  finir.  Au  lieu  d'assister  à  un  combat  sage  et  correct,  généra- 
lement terminé  sans  grandes  blessures,  si  les  champions  sont  des 

1.  Voyex  affaire  Lavertujon-B***,  3  août  1889,  Annuaire  du  rfwef.  Appendice  n<»  61. 
S.  Chapitre  nr,  article  23. 

3.  Voyez  affaires  de  BriqueviUe-dc  Dalmatie,  Fougcroux  de  Champignolles,  tome  II, 
n»  305  des  pièces  justificatives.  Appendice  n»  62.  —  Contra,  voyez  Tavernier,  page 
1S2. 

4.  Voyez  affaire  Betz-Pierroti,  Gazette  des  Tribunaux,  16,  17,  18  décembre  1889. 
Appendice  n?  63. 


466  PREMIÈRE  PARTIE. 

tirears,  les  témoins  présideront  à  un  ferraillemeni,  &  un  vilain  jeu, 
avant-coarears  d'un  dénouement  diamétralement  opposé  &  celui 
qu'ils  espéraient. 

C'est  donc  une  clause  à  rejeter. 

La  mission  des  médecins  est  strictement  restreinte  à  Texercice 
de  leur  art.  Il  leur  est  interdit  de  se  mêler  &  la  conduite  du  duel  et 
de  faire  acte  de  témoins.  U  faut  que  ces  derniers  conservent  l'absolue 
direction  d'une  affaire  pour  laquelle  ils  sont  responsables. 

Le  rôle  des  médecins  ne  commence  qu'au  moment  précis  où 
leur  ministère  est  réclamé  pour  examiner  une  blessure,  répondre  à 
des  questions,  ou  prodiguer  des  soins.  Tout  en  se  tenant  à  proxi- 
mité du  lieu  où  se  yide  le  différend,  il  vaut  mieux  qu'ils  n'assistent 
pas  à  la  lutte  ^ 

Attitude  des  adversaires  une  fois  rendus  sur  le  terrain. 

Art.  7.  —  Une  fois  sur  le  terrain,  les  adversaires  qui  veulent 
agir  selon  les  règles  de  la  courtoisie  et  de  la  bonne  éducation  se 
saluent  et  saluent  les  témoins  adverses. 

Mais  ce  salut  n'est  pas  obligatoire. 

Ce  qui  est  obligatoire,  c'est  le  silence  sous  les  armes  pendant 
toute  la  durée  du  duel. 

Les  exclamations,  les  cris  plus  ou  moins  articulés,  plus  ou 
moins  bruyants  que  se  permettent  dans  le  duel  à  Fépée  certains 
tireurs,  sous  l'influence  de  l'ardeur  du  combat  ou  dans  le  but 
d'impressionner  leur  antagoniste,  sont  interdits. 

Chez  les  Italiens,  en  particulier,  le  cri  devient  souvent  une 
sorte  de  feinte  destinée  à  faire  croire  à  une  attaque  franche,  alors 
qu'on  attaque  à  demi.  Peu  importent  ces  habitudes.  Elles  ne  sont 
pas  tolérées  en  France.  Les  étrangers,  qui,  chez  nous,  pour  une 
affaire  survenue  en  France,  se  battent  avec  un  Français,  doivent 
observer  les  règles  de  notre  législation  du  point  d'honneur  à 
l'exclusion  de  toutes  autres*. 

Tout  colloque  entre  combattants  est  interdit.  Si  une  commu- 
nication doit  être  faite  à  l'une  des  parties  par  la  partie  adverse,  ce 
sont  les  témoins  qui  se  chargent  de  la  transmettre. 

Toute  injure,  toute  violence  entraînent  suspension,  car  ces 
injures  ou  ces  violences  peuvent  avoir  déplacé  les  rôles  et  fait 

1.  Affaire  Drumont-Meyer,  Gazette  des  Tribunaux,  n^  du  27  juin  1886.  Appen- 
dice n*  64.  —  Conformément,  voyez  G.  Prévost  et  G.  Jollivet,  l'Escrime  et  le  duel, 
page  194. 

2.  Voyez  notre  chapitre  Lxxxi. 


I.   <*>u».!  ~-..i  ^.  


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  167 

perdre  à  l'offensé  sa  situation  originelle,  ou  lui  ayoir  procuré,  au 
contraire,  un  supplément  de  priyilëge. 

Pour  tout  résumer,  il  faut  qu'après  l'échange  des  saints,  les 
ad?ersaires  demeurent  silencieux  et  à  l'écart,  jusqu'à  ce  qne  les 
témoins  leur  disent  de  se  déshabiller  *. 

1.  Conformément,  voyez  Tavernier,  pages  74  et  suiv. 


■i*i  .". 


CONDITIONS  SPÉCIALES  AU  DUEL  A  I/ÈPÉE. 


CHAPITRE    XXIII 


Qunz  des  épées. 


Dans  UD  duel  à  l'épée,  deux  cas  peuvent  se  présenter  : 
Les  adversaires  se  servent  de  leurs  armes  personnelles.  —  Ils 
ne  s'en  servent  pas. 

!<"  Si  les  adversaires  sont  autorisés  &  se  servir  de  leurs  armes, 
les  deux  paires,  bien  que  n'étant  pas  tenues  à  se  ressembler  absolu- 
ment, ne  doivent  pas  être  trop  dissemblables. 

Ainsi  les  coquilles  de  Tune  ne  sauraient  être  très  étroites,  alors 
que  les  coquilles  de  la  paire  adverse  protégeraient  tout  l'avant- 
bras. 

Quant  à  la  longueur  des  lames,  elle  doit  être  égale. 

Le  droit  de  se  servir  d'épées  à  lui  appartenant  est  formellement 
reconnu  par  Ghateauvillard,  chapitre  v,  article  7,  à  l'offensé  avec 
voie  de  fait,  à  charge  de  laisser  son  adversaire  user  de  la  même 
faculté. 

Il  n*en  est  plus  de  même  en  cas  d'offense  simple  ou  d'injure 
grave.  Gomme  ce  sont  alors  les  témoins  qui  déterminent  le  choix 
des  épées,  on  s'est  demandé  s'il  leur  était  permis  d'accorder  aux 
combattants  Tautorisation  de  se  servir  d*armes  personnelles, 
lorsque  l'un  d'entre  eux  leur  adresse  cette  requête. 

Rien  ne  les  en  empêche,  s'ils  tombent  d'accord  sur  l'opportunité 
d'une  telle  mesure.  Tel  sera,  par  exemple,  le  cas  où  les  deux  adver- 
saires sont  des  tireurs  également  intéressés  à  se  servir  d'instruments 
souvent  maniés.  Au  contraire,  si  l'un  d'eux  se  trouve  être  un  tireur 
peu  habile,  Taccord  n'aura  probablement  pas  lieu,  car  ses  témoins 
rengageront  à  ne  point  abdiquer  la  chance  de  gêner  son  antago- 
niste, en  lui  imposant  peut-être,  grâce  au  tirage  au  sort,  une  arme 
qu*il  n'aura  jamais  touchée. 

Z^  Si  les  adversaires  ne  sont  pas  autorisés  à  se  servir  de  leurs 


OFFENSES.   —  RÈGLES  DU  DUEL.  469 

armes,  généralement  chacun  apporte  sa  paire  d'épées.  Dans  ce  cas, 
on  tire  au  sort  entre  les  deux  paires  quelle  est  celle  dont  on  se 
serrira. 

Il  faut  alors  que  les  épées  de  chaque  paire  soient  exactement 
semblables. 

Quant  à  la  différence  de  paire  à  paire,  elle  ne  peut  guère  être 
plus  considérable  que  lorsque  les  adversaires  se  servent  de  leurs 
armes  personnelles.  En  effet,  si,  par  suite  du  bris  des  épées  ou  de  leur 
mise  hors  de  service,  il  n'en  reste  plus  que  deux,  qui  ne  sont  pas 
de  la  même  paire,  il  peut  avoir  été  convenu  que  les  adversaires 
s*en  serviraient  pour  éviter  de  remettre  la  rencontre  à  une  date 
postérieure. 

Le  combattant  dont  les  armes  ne  sont  pas  sorties  lors  du 
tirage  choisit  entre  les  deux  épées,  composant  la  paire  tombée  au 
sort,  celle  qui  lui  convient  le  mieux. 

Le  même  droit  d'option  appartient  à  celui  qui  n'apporte  pas 
d'épées  sur  le  terrain,  et  qui  se  sert  de  celles  qui  sont  apportées 
par  son  adversaire. 

S'il  a  été  convenu  (stipulation  rarement  demandée)  qu'une 
seule  paire  inconnue  des  deux  adversaires  servira,  le  droit  d'option 
n'existe  pour  personne.  Elles  sont  tirées  au  sort. 

Dans  ces  deux  dernières  éventualités,  la  mise  hors  de  service 
d'une  des  épées  entraîne  forcément  la  cessation  du  combat. 

En  tout  état  de  cause  et  quelle  que  puisse  être  la  nature  de  la 
stipulation,  les  témoins  sont  tenus  de  se  faire  représenter,  avant  la 
clôture  du  procès-verbal,  les  épées  dont  les  adversaires  comptent 
se  servir,  de  manière  à  les  examiner  et  à  les  récuser  si  elles  ne  sont 
pas  conformes  aux  conditions  requises  pour  chacun  des  cas  dont 
nous  venons  de  parler.  Mention  de  l'acceptation  est  insérée  au 
procès-verbal  *. 

Nous  empruntons  à  un  livre  publié  par  M.  Lamarche,  en  1881, 
sous  le  titre  de  Traité  de  l'épée,  quelques  détails  relatifs  aux  qua- 
lités constitutives  d'une  bonne  épée. 

Ils  aideront  les  témoins  dans  cet  examen  préliminaire. 

L'épée  doit  être  légère  et  bien  en  main. 

On  se  ferait  une  fausse  idée  du  poids  d'une  épée  en  la  jetant 
sur  la  balance.  La  légèreté  de  l'arme  dépend  de  plusieurs  condi- 
tions, dont  la  principale  est  le  lieu  de  son  centre  de  gravité. 

.  * 

1.  Voyes,  sur  Tutilité  de  cette  mesure,  Taffaire  Morès-Mayer,  dans  V Escrime  fran" 
çaiie,  n^  du  30  septembre  1892.  Réponse  des  experts  à  la  troisième  question  du  juge 
d'instruetioD. 


t  — .'.  -1. 


470  PREMIÈRE  PARTIE. 

En  général,  une  épée  est  d'autant  plus  lourde  que  le  centre  de 
grayité  passe  plus  en  avant  de  la  coquille.  Une  épée  parfaitement 
équilibrée  est  celle  dont  le  centre  de  grayité  passe  à  un  on  deux 
centimètres  en  avant  du  pouce,  sur  la  face  supérieure  de  la 
coquille.  La  lourdeur  du  pommeau  contribue  du  reste  beaucoup 
à  la  légèreté  de  Fépée,  car  le  pommeau  est  un  contrepoids  qui 
maintient  le  centre  de  gravité  au  niveau  de  Textrémité  du  ponce, 
de  telle  sorte  que  Taction  des  doigts  consiste,  non  k  produire  une 
grande  force,  mais  à  constituer  vivement  et  à  volonté  une  sorte  de 
poids  additionnel  chargé  de  faciliter  le  départ  et  de  régler  la  direc- 
tion de  la  pointe.  Une  épée  mal  montée,  mal  équilibrée  peut  être 
récusée ^ 

Quel  doit  être  le  poids  des  épéoB? 

La  question  est  importante.  Supposons  qu'un  homme  vigou- 
reux et  habitué  à  tirer  avec  des  armes  très  pesantes  se  trouve  en 
présence  d'un  partenaire  moins  heureusement  doué,  ou  moins  bien 
entraîné,  il  est  clair  que  si  les  épées  du  premier  servent  au  combat, 
il  lui  sera  facile,  en  prolongeant  le  duel,  de  briser  le  poignet  de 
son  adversaire  et  de  l'avoir  à  sa  merci. 

Les  mandataires  de  ce  dernier  sont  tenus  de  le  soustraire  & 
cette  cause  d'infériorité.  C'est  ce  qu'ils  ne  font  pas  d'ordinaire,  et 
jusqu'alors  il  n'a  guère  été  en  usage  de  constater  le  poids.  L'affaire 
de  Horès-Mayer  vient  de  prouver  qu'il  y  a  là  une  faute  dont  le 
résultat  peut  mettre  en  jeu  la  responsabilité  des  témoins. 

A  notre  avis  (et  c'est  le  seul  rationnel),  toutes  les  fois  que  les 
épées  soumises  à  l'examen  ne  sont  pas  d'un  emploi  habituel  dans 
les  duels  à  Tépée,  ne  sont  pas  celles  dont  on  se  sert  d'ordinaire,  les 
témoins  adverses  peuvent  les  récuser,  et  réclamer,  dans  l'intérêt  de 
leur  client,  remploi  d' épées  ordinaires,  d'un  poids  normal  et  courant. 

Quel  est  le  maximum  de  ce  poids? 

La  déposition  du  commandant  Esterhazy  dans  le  procès  intenté 
à  M.  de  Mores  après  la  mort  du  capitaine  Heyer  nous  permet  de 
le  déterminer  expérimentalement.  Ce  témoin  a  pesé  soixante-dix-huit 
paires  d'épées  prises  au  hasard  chez  les  principaux  armuriers  de 
Paris.  Il  a  constaté  que  la  moyenne  des  épées  de  combat  varie  entre 
480  et  530  grammes.  Aurdessus  de  530  grammes,  les  armes  n'ont 
pas  le  poids  courant  et  normal,  et  peuvent  être  récusées  ». 

1.  Conformément,  voyez  Tavemier,  page  76  et  suiv. 

2.  Voyez  dans  l'Escrime  françaitef  ïi9  du  30  septembre  1892,  questions  posées 
aux  experts  par  le  Juge  d*instruction,  article  de  M.  Ranc  et  avis  de  M.  Emile  André. 
—  Voyez  également  affaire  Naquet-Mo a ?ielle,  Gazette  des  rrt&Mfiaua?,  11  août  1887. 
Appendice,  n<>S5. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  471 

Pour  éviter  les  contestations  qu'on  peut  soulever  à  propos  du 
poids  des  épées,  M.  Émiie  André,  se  faisant  Técho  de  nombreux 
escrimeurs,  exprime  le  vœu  que  les  adversaires  puissent  toujours 
se  servir  d'une  épée  du  poids  qui  leur  convient.  Les  épées  pourraient 
donc  être  de  poids  très  différents,  la  longueur  de  la  lame  et  la 
largeur  de  la  coquille  restant  égales.  Nous  nous  y  associons  com- 
plètement. 

La  lame  doit  être  flexible,  effilée  progressivement  et,  surtout, 
n*étre  pas  chargée  du  bout. 

Une  lame  tranchante,  ébréchée  ou  épointée,  ne  saurait  servir. 

Les  lames  dont  on  a  déjà  fait  usage  sont  reçues,  après  avoir  été 
remises  en  état. 

Les  formes  des  coquilles  sont  assez  nombreuses,  mais  toutes 
se  ramènent  à  un  segment  de  sphère  dont  la  section  couvrirait  une 
surface  arrondie  de  8  à  12  centimètres  de  diamètre  environ  et  dont 
la  profondeur  est  ordinairement  de  2  à  3  centimètres.  Des  épées 
montées  avec  des  coquilles  plus  grandes  peuvent  être  refusées. 

Les  témoins  commettent  souvent  une  méprise  dans  le  choix 
des  armes. 

Us  jettent  volontiers  leur  dévolu  sur  de  très  larges  coquilles, 
sans  se  douter  que  si  elles  sont  un  bouclier  précieux  pour  la  main, 
elles  laissent  glisser  la  pointe  vers  le  corps,  et  peuvent  entraîner  un 
résultat  tout  opposé  à  celui  qu'ils  voulaient  atteindre. 

La  surface  de  la  coquille  doit  être  bronzée  ou  noircie,  pour 
éviter  le  miroitement  du  soleil.  Elle  ne  peut  être  acceptée,  si  elle 
est  percée  de  petits  trous  appelés  casse-pointe,  ou  munie  d'un  bord 
relevé,  formant  gouttière,  qui  arrête  la  pointe  de  Tépée. 

La  fusée  doit  avoir  environ  12  à  U  centimètres  de  long  sur 
7  centimètres  de  périmètre  dans  son  plus  fort.  Elle  peut  être  garnie 
en  maroquin,  en  chagrin,  en  peau  de  requin  ou  en  simple  ficelle 
comme  les  fleurets. 

Les  garnitures  en  peau  de  requin,  ou  de  chien  de  mer,  sont 
dures.  Elles  peuvent,  en  quelques  minutes,  provoquer  la  formation 
d*ampouIes  très  douloureuses.  On  y  obvie  en  cousant  sur  cette, 
fusée  une  mince  peau  de  gant,  qui  prend  bien  la  forme  des  stries  et 
permet  de  tirer  sans  inconvénient,  même  avec  la  main  nue.  Celte 
enveloppe  prolectrice,  étant  placée  dans  Tintérét  des  deux  parties, 
ne  peut  être  refusée.  On  vend  également  des  fusées  garnies  en 
caoutchouc  qui  sont  encore  préférables. 

Les  témoins  s'occuperont  aussi  du  montage  de  ces  diverses 
pièces.  Ce  montage  ne  doit  pas  être  fait  absolument  horizontal, 
mais  légèrement  courbé. 


j. .' 


47S  PREMIÈRE  PARTIE. 

En  cas  de  désaccord  relativement  à  Tadmission  ou  au  refus  des 
armes,  les  témoins  prendront  pour  arbitre  non  un  armurier,  qui 
n'a  d'ordinaire  jamais  manié  d'épéesque  pour  les  Tendre,  mais  un 
professeur  d'escrime,  qui  s'en  sert  quotidiennement,  et  qui  connaît 
théoriquement  et  pratiquement  les  qualités  requises  pour  qu'elles 
soient  propres  au  combat. 

Une  fois  les  armes  acceptées,  les  témoins,  qui  voudront  pousser 
la  précaution  jusqu'aux  dernières  limites,  piqueront  la  pointe  de 
chaque  épée  dans  un  bouchon  de  liège,  et  entortilleront  chaque 
paire  dans  un  papier  fort  qu'ils  scelleront.  Cette  méthode,  qui  ne 
dispense  pas  du  mesurage,  évite  qu'il  ne  se  produise  sur  le  terrain 
des  discussions  du  genre  de  celles  qui  surgirent  dans  Taffaire  citée 
comme  exemple  au  numéro  66  de  l'Appendice  ^ 

Puisque  nous  en  sommes  au  chapitre  des  précautions ,  signa- 
lons-en une  qui  peut  être  fort  utile  dans  bien  des  cas. 

Nous  conseillons  aux  témoins  de  mettre  dans  le  coffre  du  clas- 
sique landau  qui  les  transportera  sur  le  terrain  un  petit  étau  portatif, 
qui  se  trouve  chez  tous  les  quincailliers  et  s^adapte  partout,  un 
marteau,  une  lime  fine  ou  un  morceau  de  grès.  Ces  outils  per- 
mettent de  redresser  sur  place  une  lame  tordue,  d'aiguiser  une 
pointe  émoussée,  et  évitent  que  pour  un  très  léger  accident  l'affaire 
ne  soit  remise  &  une  autre  fois. 


CHAPITRE   XXIV 

CShoix  du  terrain.  —  Mesure  du  champ. 
Tirage  au  sort  des  places. 


Nous  avons  dit,  chapitre  xxu,  que  le  lieu  du  combat  doit, 
autant  que  possible,  avoir  été  choisi  par  les  témoins  avant  la  ren- 
contre, et  mention  de  ce  choix  avoir  été  insérée  au  procès-verbal. 
Occupons-nous  maintenant  des  conditions  spéciales  que  doit  pré- 
senter un  terrain  destiné  à  une  rencontre  à  Tépée. 

Il  faut  choisir,  si  faire  se  peut,  une  allée  ombreuse,  à  l'abri  du 
soleil,  du  vent,  de  la  poussière,  assez  longue  pour  que  les  adver- 
saires puissent  rompre  de  la  mesure  permise,  assez  large  pour  que 
les  témoins  se  rangent  de  chaque  côté  sans  gêner  l'action,  plane, 

1.  Voyez  affaire  01i?ier-Feailherade,  Gazette  des  Tribuiuiux,  4  août  1876. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  473 

de  terrain  solide,  en  dehors  de  la  circulation  et,  comme  nons 
rayons  dit,  des  regards  indiscrets. 

Si  la  route  est  trop  étroite,  les  témoins,  forcés  de  se  ranger 
d*un  seul  côté,  ne  peuyent  surveiller  le  combat  avec  la  même  effica- 
cité *. 

Gomme  les  conditions  énumérées  plus  haut  ne  se  rencontrent 
généralement  pas  toutes  réunies,  les  témoins  devront  veiller  à  ce 
que  les  adversaires  souffrent  aussi  également  que  possible  des 
imperfections  du  terrain.  Par  exemple,  si  le  duel  doit  avoir  lieu 
dans  une  prairie  exposée  au  soleil,  les  combattants  seront  placés  de 
manière  à  le  recevoir  par  côté,  car,  s*il  en  était  autrement,  celui  qui 
le  recevrait  dans  les  yeux  se  trouverait  à  la  merci  de  son  adversaire. 

Les  places  sont  tirées  au  sort.  Mention  de  cette  condition  est 
faite  au  procès-verbal.  Observons  qu'il  faut  remettre  au  hasard,  non 
pas  le  droit,  pour  celui  qui  en  est  favorisé,  de  choisir  une  place 
plutôt  qu'une  autre,  comme  cela  arrive  quelquefois,  mais  tirer  la 
place  même  que  chaque  combattant  occupera. 

Le  tirage  au  sort  des  places  doit  être  indépendant  de  celui  des 
épées,  afin  d'éviter  l'accumulation  de  toutes  les  chances  au  profit 
d'une  seule  personne. 

Préalablement,  on  a  dû  déterminer  en  longueur  et  en  largeur  la 
surface  de  terrain  accordée  aux  adversaires  pour  évoluer;  en  un 
mot,  le  champ  du  combat. 

Mention  en  est  faite  au  procès-verbal. 

Le  droit  de  déterminer  la  mesure  du  champ  appartient,  suivant 
nous,  à  l'offensé  s'il  y  a  eu  voie  de  fait,  et  aux  témoins  s'il  y  a  eu  seu- 
lement injure  grave  ou  offense  simple  ^ 

La  dimension  longitudinale  du  champ  ne  peut  être  moindre  de 
kO  mètres,  ni  supérieure  à  60.  Telles  sont  les  mesures  données  par 
M.  Tavernier,  page  159.  M.  Emile  André,  page  235,  porle  le  mini- 
mum à  25  mètres,  et  admet  le  même  maximum.  Gomme  ces  auteurs 
sont  les  seuls  qui  se  soient  occupés  de  la  question,  leur  opinion 
doit  faire  autorité. 

Elle  est,  du  reste,  très  juste.  En  effet,  s'il  est  utile,  pour  éviter 
Tacculement  et  le  corps  à  corps,  que  chaque  adversaire  ait  derrière 
lui  un  espace  suffisant  pour  rompre  largement,  il  ne  faut  pas  qu'il 
puisse  le  faire  indéfiniment,  de  manière  à  éterniser  la  lutte,  comme 
cela  s'est  produit  à  diverses  reprises  ^ 

1.  Voyez  affaire  Dichard-de  Massas,  Gaxef/e  des  Tribunaux,  26-27  décembre  1 882. 
Appendice  n^  67. 

2.  Voyez  notre  chapitre  vu. 

3.  Voyez  notamment  affaire  C***  et  P***,  Annuaire  du  duel,  page  201.  Appendice 
no  68. 


474  PREMIÈRE  PARTIE. 

La  dimension  ducIiampenlargeardoitTarierentreSet  10  mètres. 

Ces  proportions  noas  paraissentrationnelles»  car  elles  permettent 
aux  adversaires  d'opérer  toutes  les  évolations  qui  sont  dans  leur 
droit  S  sans  avoir  nn  double  inconvénient  qu'il  importe  de  signaler. 

Si  le  champ  n'est  pas  délimité  en  largeur,  ou  s'il  est  de  dimen- 
sions exagérées,  il  peut  arriver»  en  effet,  que  pour  tourner  son 
adversaire  un  des  combattants  se  jette  dans  un  terrain  impropre 
à  la  lutte,  par  exemple  dans  les  broussailles  qui  bordent  souvent  les 
routes  (cas  auquel  les  témoins  ne  sont  plus  libres  de  suivre  conye* 
nablementles  évolutions  des  acteurs*},  ou  que»  trouvant  derrière  lui 
un  espace  considérable,  il  prolonge  indéfiniment  le  combat. 

Les  extrémités  du  champ  sont  marquées  d'unefoçon  ostensible,  par 
exemple  au  moyen  de  cannes  plantées  ou  de  mouchoirs  posés  à  terre. 

Le  procès-verbal  doit  prévoir  ce  qu'il  adviendra  lorsqu'un  des 
duellistes  franchira  les  limites,  et,  en  particulier,  le  nombre  d'aver- 
tissements qui  précéderont  la  suspension  du  duel. 

S'il  n'y  a  pas  de  champ  limité,  et  si  le  combat  menace  de  s^éter- 
niser  à  raison  de  la  fuite  continuelle  d'un  des  adversaires,  les 
témoins  fixeront  un  champ,  eu  se  conformant  aux  dimensions  indi- 
quées plus  haut,  et  préviendront  le  fuyard  que,  s'il  dépasse  encore 
la  limite,  le  combat  sera  clos  et  procès-verbal  dressé  contre  lui  \ 

Hais,  pour  que  cette  mesure  puisse  être  prise,  il  faut  que  les 
quatre  témoins  tombent  d'accord,  non  seulement  sur  son  opportu- 
nité, mais  encore  sur  la  dimension  à  donner  au  champ  et  sur  le 
nombre  des  avertissements  préliminaires. 

Dans  le.  cas  contraire,  le  duel  est  remis,  car  les  discussions  de 
cette  importance  sont  interdites  sur  le  terrain. 


CHAPITRE   XXV 
Toilette  et  visite  des  conibattants.  —  Gants. 


Le  mieux  serait  que  les  adversaires  se  battissent  le  torse  nu,  car 
une  chemise  ou  un  gilet  même  du  tissu  le  plus  fin  peut  empê- 
cher de  voir  une  première  blessure,  et  partant  d'arrêter  le  duel. 

1.  Voyez  notre  chapitre  xxvii. 

2.  Voyez  affaire  Drumont-Meyer,  Gazette  des  Tribunaux,  27  juin  1886.  Appendice 
no  69. 

3.  Conformément,  voyez  Tavernier,  pa^çe  160. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  476 

Mais  comme  il  y  a  des  circonstances  où  cette  mesure  n'est  guère 
possible,  par  exemple  à  raison  du  froid,  ou  de  l'état  de  santé 
des  combattants,  force  est  de  rechercher  quelle  pelure  est  protec- 
trice contrôles  intempéries,  tout  en  restant  perméable  à  Tépée. 

H.  Tavernier  range  dans  cette  catégorie  la  chemise  ordinaire  à 
plastron,  col  ou  poignet  empesés.  Nous  ne  saurions  partager  sa  ma- 
nière de  voir  et  conseiller  aux  témoins  pareille  tolérance.  A  notre 
avis,  elle  doit,  au  contraire,  être  interdite. 

La  chemise  empesée  protège,  en  effet,  comme  une  légère  cui- 
rasse, le  cou,  la  poitrine  et  le  poignet.  Si  Tun  des  adversaires  porte 
une  chemise  à  col  rabattu  et  l'autre  à  col  droit,  si  son  plastron  est 
moins  garni  de  triplure  et  moins  empesé,  si  ses  poignets  sont  plus 
petits  ou  plus  échancrés,  les  chances  ne  sont  pas  égales. 

Quelle  responsabilité  pour  tout  le  monde  si  le  mieux  empesé 
des  adversaires,  après  avoir  reçu  un  coup  qui  glisse  sur  son  plastron, 
traverse  ensuite  celui  de  son  partenaire  moins  cuirassé  I  Pour  que 
les  chances  fussent  égales,  il  faudrait  que  les  témoins  se  livrassent, 
au  moment  de  la  rédaction  du  procès-verbal,  à  un  examen  compa- 
ratif, et  fissent  pour  les  chemises  ce  qu'ils  doivent  faire  pour  les 
épées. 

Nous  permettons,  en  revanche,  tous  les  vêtements  qui  ne 
peuvent  arrêter  Tépée,  chemise  de  soie,  de  fil,  coton,  etc.,  non  empe- 
sée, chemise  et  gilet  de  flanelle  ou  de  molleton,  qui,  dans  les  hivers 
rigoureux,  empêchent  le  pauvre  diable  vieux  ou  rhumatisant  de 
tomber  en  garde  déjà  transi  et  perclus,  victime  assurée  d'un  adver- 
saire plus  valide.  Les  témoins  du  premier  manqueraient  à  leur 
devoir,  s'ils  ne  soutenaient  pas  énergiquement  les  intérêts  de  leur 
mandant,  et  se  laissaient  arracher  un  costume  d'une  légèreté  préju- 
diciable. 

Arrivés  sur  le  terrain,  les  adversaires  se  dépouillent  des  médail- 
lons, médailles,  portefeuille,  porte-monnaie,  clefs,  argent,  ceinture, 
bretelles,  etc.,  en  un  mot  de  tout  ce  qui  pourrait  arrêter  la  pointe 
de  l'épée*. 

Les  combattants  qui  portent  une  ceinture,  un  bandage  her- 
niaire ou  un  appareil  chirurgical  quelconque,  sont  tenus  d'en  faire 
la  déclaration  avant  la  conclusion  du  procès-verbal  de  rencontre. 

Les  témoins  agiront  sagement  en  faisant  constater:  1°  que  le 
bandage  est  justifié  par  une  infirmité;  2"  qu'il  ne  dépasse  pas  les 
dimensions  nécessaires  à  la  compression  de  la  partie  malade  ;  S""  qu'il 
n'est  pas  susceptible  par  sa  grandeur  de  constituer  une  sorte  de 

1.  Voyez  appendice  d?  70. 


476  PREMIÈRE  PARTIE. 

cuirasse,  mettant  l'adversaire  dans  un  état  d'infériorité  trop  notoire. 

Hais,  dans  ce  dernier  cas,  il  faudra  considérer  si  Tinfirmité 
éprouvée  par  le  porteur  du  bandage  n'est  pas  de  nature  à  compenser, 
par  rincommodité  qu'elle  lui  cause,  l'avantage  qu*elle  peut  lui  pro- 
curer comme  protection. 

Cette  constatation  et  ses  conséquences  seront  insérées  au 
procès-verbal. 

Les  conventions  relatives  à  lu  toilette  des  adversaires  ont  pour 
sanction  la  yisite  que  passent  les  témoins. 

A  la  première  invitation,  les  combattants  se  laissent  examiner  et 
palper.  Ils  subissent  cette  formalité  sans  manifester  ni  répugnance 
ni  étonnement,  et  sont  les  premiers  à  la  faciliter  en  entr*ouTrantleur 
chemise.  Il  est  inutile  d*8Jouter  que  c'est  toujours  un  témoin  adverse 
qui  y  procède. 

L'adjonction  des  médecins  est  plus  correcte,  s'il  existe  une  cein- 
ture ou  un  bandage,  principalement  si  l'examen  préliminaire  que 
nous  avons  conseillé  n'a  pas  eu  lieu. 

Les  témoins  manqueraient  à  un  devoir  strict  de  leur  charge  en 
ne  mettant  pas  dans  cette  vérification  un  soin  minutieux  ^ 

Le  refus  de  visite  fait  par  un  des  adversaires  entraîne  refus  de 
duel.  En  pareil  cas,  les  témoins  arrêtent  Taffiiire  et  dressent  un 
procès-verbal  de  constat  K 

La  question  des  gants  n'est  pas  sans  importance  et  doit  faire 
Tobjet  d*une  stipulation. 

Les  gants  ordinaires,  dits  gants  de  ville,  les  gants  d'ordonnance, 
sont  toujours  permis,  pourvu  qu'il  n'y  ait  ni  rembourrage,  ni  dou- 
blure, ni  crispin,  ni  peau  trop  épaisse;  rien,  en  un  mot,  qui  puisse 
arrêter  Tépée. 

L'emploi  des  gants  d'escrime  ne  peut  résulter  que  du  consente- 
ment mutuel,  sans  jamais  être  imposable'. 

S'il  a  été  convenu  qu'on  mettra  des  gants  d'armes,  un  seul  peut 
s'en  servir,  si  L'autre  refuse  d'en  faire  usage;  mais  si,  par  oubli,  il 
n'a  été  apporté  qu'un  seul  gant,  nul  ne  doit  user  de  cet  avantage. 

Ghateauvillard  permet  aux  combattants  de  s'entourer,  à  défaut 
de  gants,  la  main  d'un  mouchoir,  pour  amortir  le  choc  de  la  fusée 
ou  de  la  coquille,  et  de  se  servir  d'une  martingale  pour  retenir 
l'arme  sur  le  point  de  leur  échapper.  Il  ne  met  d'autre  restriction  à 

1.  Voyez  affaire  Gllivier-Fouilherade,  Gazette  des  Tribunaux,  A  tout  1876.  Appen- 
dice n»  71. 

2.  Conformément  sur  ces  questions,  voyez  Ghateauvillard,  chapitre  v,  article  6.  — 
Tavernier,  page  8  S. 

3.  Voyez  Ghateauvillard,  chapitre  v,  article  10.  —  Tavomier,  page  278.  —  Du  Ver- 
ger de  Saint-Thomas,  chapitre  vi,  article  10. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL-  477 

cette  licence,  que  Tobligation  poar  celui  qui  eu  use  de  ne  pas  lais- 
ser pendre  les  bouts  du  mouchoir  ou  de  la  martingale,  qui  peuvent 
s'entortiller  à  Tépée  adverse,  ou  troubler  la  vue  de  Tautre  combat- 
tant, grâce  au  mouvement  de  rotation  imprimé. 

Nous  conseillons  aux  témoins  de  faire  en  sorte  que  la  question 
du  mouchoir  ne  soit  pas  soulevée,  car  il  peut  en  résulter  des  con- 
testations, si  Tenroulage  est  fait  de  manière  à  établir  des  bourrelets 
protecteurs  autour  de  la  main  ou  du  poignet.  Ils  y  arriveront  en 
stipulant  que  les  combattants  useront  uniquement  de  gants,  ou 
mieux  encore  en  se  les  faisant  présenter  et  en  les  enfermant  dans 
le  même  paquet  que  les  épées. 

Terminons  le  chapitre  a  Toilette  »  par  un  conseil  à  l'adresse 
des  témoins  dont  le  client,  à  raison  de  sa  calvitie,  de  son  âge  ou  de 
quelque  accident  cérébral  constaté,  ne  peut  rester  exposé  aux  interne 
péries  des  saisons,  sans  éprouver  des  troubles  qui  le  mettent  dans 
un  état  immédiat  d'infériorité. 

En  prévision,  soit  de  la  neige,  soit  d'une  pluie  glacée,  soit  d'un 
soleil  ardent,  ils  peuvent  réclamer  pour  lui  le  droit  de  rester  cou- 
vert, pendant  la  durée  du  combat,  soit  d'une  légère  calotte,  soit  d'une 
mince  casquette.  Il  nous  parait  difficile  que  les  témoins  adverses 
puissent  s'y  refuser,  si  la  coiffure  (condition  sine  qud  no7i)  n'est  pas 
de  nature  à  arrêter  la  pointe  de  Tépée. 

Bien  entendu  que  l'adversaire  peut  rester  également  couvert, 
s'il  le  veut. 

Les  casquettes  ou  calottes  sont  présentées  à  l'acceptation  des 
témoins  au  moment  de  la  discussion  des  conditions. 


CHAPITRE   XXVI 
Le  directeur  du  combat. 


Le  choix  de  l'homme  appelé  à  diriger  le  duel  est  très  important. 

Outre  les  qualités  exigées  pour  faire  un  bon  témoin,  il  lui  faut 
un  supplément  de  coup  d'oeil  pour  apercevoir  la  moindre  blessure, 
de  sang- froid  pour  suivre  les  moindres  détails  de  la  lutte,  d'énergie 
pour  réprimer  les  moindres  écarts  aux  règles  et  conventions  du 
duel.  Il  lui  faut  surtout  une  plus  grande  habitude  des  armes  et  des 
affaires  d'honneur. 

Le  droit  de  choisir  le  directeur  du  duel  revient  aux  témoins  et 

4Î 


479  PREMIÈRE  PARTIE. 

non  aux  adversaires,  qui  ne  sont  plos  que  des  soldats  obligés  d'obéir 
sans  discussion. 

Parmi  quelles  penonnes  oe  choix  doit-il  fttre  exercé? 

Nous  nous  trouvons  en  présence  de  deux  systèmes. 

Les  uns  soutiennent  que  le  directeur  du  combat  doit  toujours 
être  pris  parmi  les  témoins. 

Si  tous  les  témoins  sont  tireurs  et  gens  d'expérience,  ils  remettent 
la  direction  du  duel  au  plus  âgé,  qui  s'adjoint  le  plus  Âgé  de  l'autre 
partie.  Si  les  âges  sont  à  peu  près  égaux,  c*est  le  sort  qui  décide.  S*il 
se  trouve  parmi  eux  des  personnes  d'expérience  inégale,  ils  chargent 
de  ce  soin  le  plus  habile.  En  cas  de  dissentiment,  ils  tirent  au 
sort*. 

Les  autres  veulent  que  le  directeur  du  duel  soit  pris  en  dehors 
des  témoins,  et  le  plus  étranger  possible  aux  combattants.  Le  rôle 
du  directeur  du  duel  est  si  délicat,  son  intervention  peut  influer  si 
complètement  sur  Tissue  de  la  rencontre,  que,  d'après  eux,  on  doit 
préférer  un  homme  absolument  indififérent  au  sort  des  deux  cham- 
pions à  un  témoin  qui  n'est  pas  dans  les  mêmes  conditions.  L'in- 
tervention d'une  cinquième  personne  a  en  outre  l'avantage  de 
départager  les  témoins,  s'il  y  a  entre  eux  des  divergences  de  vues 
sur  l'interprétation  d'une  clause  du  procès-verbal  ou  sur  tout  autre 
point. 

Bien  qu'il  nous  semble  plus  correct  de  choisir  le  directeur  du 
duel  parmi  les  témoins,  qui,  ayant  rédigé  les  stipulations  de  la  ren- 
contre, sont  plus  que  tous  autres  à  même  d'en  surveiller  l'exécution, 
nous  ne  saurions  interdire  absolument  de  prendre  un  étranger. 

Ne  peut-il  arriver  que  les  témoins  soient  capables  de  remplir 
convenablement  les  seconds  rôles  et  ne  possèdent  pas  les  qualités 
requises  pour  le  premier  ? 

En  pareil  cas,  les  considérations,  respectables  assurément,  mises 
en  avant  par  M.  Tavernier,  doivent  céder  le  pas  au  danger  de  voir 
l'affaire  mal  conduite,  les  conditions  du  procès-verbal  mal  exécu- 
tées, et  finalement  une  catastrophe  en  résulter. 

Nous  acceptons  donc  un  directeur  pris  en  dehors  des  témoins, 
mais  à  condition  : 

1*"  Qu'il  approuve  le  procès-verbal  de  rencontre  et  promette  de 
l'exécuter  ; 

2®  Qu'il  observe  les  conditions  et  n'innove  rien  ; 

S''  Que,  pour  ce  qui  lui  incombe,  il  partage  la  responsabilité  des 
témoins. 

i .  Conformément,  voyez  Tavernier,  page  92. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DO  DUEL.         479 

Après  avoir  examiné  par  qui  et  dans  quelles  conditions  peut 
être  exercé  le  choix  de  l'homme  appelé  à  diriger  le  combat,  il  nous 
reste  à  examiner  en  qaoi  oonsiste  son  rôle.  M.  Tavernier  l'explique 
avec  sa  compétence  et  sa  lucidité  ordinaires.  Nous  ne  croyons  pou-, 
Yoir  mieux  faire  qu'en  reproduisant  textuellement  les  paragraphes 
qu'il  consacre  à  cette  importante  question  :  :.)  > 

((  Une  fois  désigné,  écrit-il,  le  juge  du  camp  assigne  à  chacuD 
des  témoins  son  rôle,  il  désigne  celui  qui  devra  le  seconder  dans 
sa  tâche  en  se  plaçant  du  côté  opposé  à  celui  où  il  se  trouve  lui- 
même,  et  indique  leur  place  aux  autres  témoins.  Les  combattants 
sont  amenés  par  les  témoins  les  plus  jeunes  à  la  place  qui  leur  est 
échue  par  le  sort. 

a  Le  directeur  de  la  rencontre  se  place  du  côté  qui  lui  convient 
le  mieux,  à  égale  distance  et  sur  le  flanc  des  combattants,  un  peu  en 
avant  de  ceux-ci,  à  un  mètre  de  la  ligne  que  traceront  les  épées  pla- 
cées bout  à  bout.  La  personne  appelée  à  le  seconder  dans  sa  tâche 
se  place  du  côté  opposé,  et  à  une  distance  double  environ,  pour  ne 
pas  gêner  les  évolutions  des  combattants. 

«  Les  autres  témoins  sont  disposés  intervertis,  de  manière  à  ce 
que  chaque  combattant  ait  à  sa  proximité  un  des  mandataires  delà 
partie  ennemie.  Tous  les  témoins,  y  compris  les  témoins  dirigeants, 
sont  armés  de  fortes. cannes  et  non  d*épées.  » 

Si  le  directeur  du  combat  est  pris  en  dehors  des  témoins,  le 
nombre  cessant  d'être  pair  et  la  disposition  symétrique,  l'ordre  des 
places  change  naturellement.  Le  directeur  du  combat  reste  toujours 
au  milieu,  mais  il  n'a  pas  de  directeur  adjoint.  Chaque  tireur  est 
entouré  des  deux  témoins  adverses  placés  l'un  à  droite  et  l'autre  à 
gauche. 

«  Tout  le  monde  ainsi  placé,  le  directeur  de  la  lutte  prend  der- 
rière lui  la  paire  d'épées  qui  doit  servir  au  combat,  et  qui  a  été 
placée  préalablement  à  sa  portée.  11  la  reconnaît,  la  soumet  à  une 
contre-visite  rapide,  la  montre  au  besoin  à  ses  collègues,  et,  plaçant 
sa  canne  sous  son  bras,  il  saisit  les  deux  épées  en  les  croisant  près  de 
la  pointe.  Ace  moment,  il  s'assure  d'un  coup  d'œil  que  chacun  est  bien 
à  sa  place,  et  adresse  aux  champions  les  suprêmes  recommanda- 
tions :  «  Messieurs,  vous  connaissez  les  conventions  de  la  rencontre, 
vous  les  avez  signées  et  approuvées.  Je  vous  rappelle  que,  lorsque 
je  vous  remettrai  ces  épées,  l'honneur  vous  ordonne  de  ne  pas  faire 
de  mouvement  avant  que  je  n'aie  commandé  :  «  Allez  ?  »  De  même 
vous  devez  vous  arrêter  immédiatement  au  signal  de  :  a  Halte  !  » 
ou  de  :  «  Arrêtez  I  » 

«  Ces  paroles  prononcées,  les  épées  sont  remises  par  lui  aux 
champions.  11  les  tient  près  de  la  pointe,  et  sans  les  lâcher.  La  dis- 


480  PREMIÈRE  PARTIEL 

tance  entre  les  combattants  doit  être  telle  qu'étant  fendus  ils  ne 
puissent  se  toucher. 

«  Pour  ce,  en  tenant  les  épées  près  de  la  pointe,  les  adversaires 
ayant  les  talons  en  équerre,  on  les  oblige  à  se  fendre  légèrement  en 
arri^,  le  bras  tendu  dans  toute  sa  longueur. 

«  Ceci  fait  et  la  position  de  chacun  embrassée  dans  un  rapide 
coup  d'œilfle  directeur  prononce:  «Allez,  messieurs!  »  en  lAchant 
Tiyement  les  pointes  d*épées  et  en  se  retirant  quelques  pas  en  ar- 
rière. » 

La  mise  en  garde  préconisée  par  GbateauYillard  diffère  un  peu 
de  celle  que  H.  Tavemier  a  recommandée.  Il  veut  que  les  témoins 
marquent  deux  places  à  une  distance  de  deux  pieds  plus  longue 
quil  ne  faut,  pour  joindre  les  deux  pointes  d'épées,  les  adversaires 
étant  fendus. 

Ces  deux  méthodes  sont  bonnes.  Nous  pencherions  cependant 
pour  celle  de  Ghateauvillard,  qui  éloigne  davantage  les  adversaires, 
les  oblige  à  marcher,  et  empêche  le  coup  de  surprise. 

Le  soin  et  le  tact  avec  lesquels  le  directeur  du  combat  procède  à 
tous  les  préparatifs  antérieurs  au  commandement  doivent  être 
extrêmes,  et  la  simultanéité  entre  le  geste  et  la  parole  absolue. 

«  Le  signal  donné,  le  directeur  du  duel,  ainsi  que  les  autres 
assista  nts,  suivent  avec,  une  attention  extrême  toutes  les  phases 
d  e  la  lutte,  le  plus  près  possible  des  combattants,  sans  pourtant 
nuire  en  aucune  façon  à  l'exécution  de  leurs  mouvements.  Il  les 
accompagnent  dans  leurs  moindres  évolutions,  en  prêtant  une 
attention  particulière  à  se  tenir  toujours  à  peu  près  à  leurs  dis- 
tances respectives,  si  rapide  que  soit  leur  marche  et  leur  retraite, 
en  se  gardant  bien  de  se  placer  en  arrière  ou  de  se  masser  d'un 
seul  côté.  » 

Ils  se  tiennent  en  silence,  s'abstiennent  de  tout  geste,  prêts  à 
arrêter  le  combat  en  cas  de  blessure  ou  pour  une  des  causes  de  sus- 
pension temporaire  ou  définitive  que  nous  étudierons  au  fur  et  & 
mesure  de  ce  travail. 

Le  commandement  verbal  n'est  pas  toujours  suffisant  pour  pro- 
duire ce  résultat.  Dans  le  feu  de  l'action,  il  peut  ne  pas  être  entendu. 
Mieux  vaut  qu'il  soit  accompagné  de  l'intervention  effective  des 
témoins,  et  principalement  du  directeur  du  combat  et  de  son  adjoint. 
G*est  la  partie  difficile  de  leur  rôle.  Outre  le  danger  personnel  qu'on 
peut  courir  en  détournant  les  épées  dans  un[corps  à  corps  fougueux, 
on  risque  d'arrêter  un  seul  adversaire.  Quelle  écrasante  respon- 
sabilité, si  l'autre  combattant  le  frappe  pendant  qu'il  ne  peut  se 
défendre  I 

Mais  le  commandement  de  :  «  Arrêtez  I  »  doit  précéder  toute  inter- 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  481 

veDtioD  effective  ou  lui  être  simultané.  En  aucune  circonstance, 
cette  intervention  ne  peut  se  produire  à  la  muette. 

En  dehors  des  cas  énumérés  chapitre  ixvin  et  suivants,  c'est-à- 
dire  en  dehors  des  cas  spécialement  prévus  où  Tintervention  devient 
un  devoir  pour  les  directeurs  et  les  témoins,  parer  un  coup  ou  arrêter 
un  combattant  constitue  pour  eux  une  lourde  faute,  qui  entraîne 
une  sanction  plus  ou  moins  sévère,  selon  les  cas. 

Dans  rhypothèse  où  la  violation  serait  assez  grave  pour  entraî- 
ner la  disqualification  de  celui  qui  s'en  est  rendu  coupable,  on  peut 
se  demander  si  le  combat  devrait  être  forcément  remis,  ou  s'il  serait 
loisible  de  le  reprendre  immédiatement. 

Lorsque  le  directeur  du.  duel  est  choisi  parmi  les  témoins,  le 
combat  ne  peut  être  immédiatement  repris,  puisque  la  récusation 
du  coupable  réduit  leur  nombre  à  trois. 

Lorsque  le  directeur  est  pris  en  dehors  des  témoins,  la  question 
est  très  discutable,  car  les  témoins  sont  en  nombre  réglementaire. 
Nous  croyons  cependant  que  le  combat,  cette  fois  encore,  doit  être 
suspendu,  et  l'affaire  remise,  car  l'émotion  que  cet  incident  produit 
et  la  passion  qu'il  soulève  pourraient  nuire  à  la  bonne  direction  du 
duel.  Si  la  faute  incombe  à  un  témoin,  la  rencontre  est  encore  sus- 
pendue, parce  que  le  directeur  n'est  pas  témoin,  et  que  le  nombre 
quatre  n'existe  plus. 

Pour  terminer  ce  qui  touche  à  la  personnalité  et  au  rôle  du 
directeur  du  combat,  il  nous  reste  à  parler  des  devoirs  des  témoins 
vis-à-vis  lui  et  de  leur  importance  réciproque.  Nous  avons  dit  que 
les  témoins  gardent  le  silence,  et  s'abstiennent  de  tout  geste  ;  ceci 
ne  veut  pas  dire  qu'ils  restent  témoins  passifs,  laissant  au  seul  direc- 
teur le  soin  de  conduire  la  lutte  à  sa  guise.  Le  directeur  du  combat 
n'est  institué  que  pour  unifier  le  commandement  et  éviter  la  confu- 
sion ;  mais  il  n'est  pas,  comme  certains  pensent,  le  supérieur  des 
autres  témoins. 

Leurs  droits  sont  égaux  comme  leur  responsabilité.  Insti- 
tués pour  stipuler  les  conventions  insérées  au  procès-verbal,  ils  le 
sont  également  pour  en  surveiller  l'exécution.  Si  le  directeur  du 
combat  s'en  écarte,  ils  peuvent  et  doivent  le  contrecarrer  sans 
scrupule. 

Trop  souvent  les  adversaires  se  figurent  qu'ils  ne  doivent  obéir 
qu'au  seul  directeur  du  combat.  Trop  souvent  les  témoins  qui 
s'aperçoivent  d'un  incident  qui  nécessite  l'interruption  du  duel 
s'imaginent  que  leur  rôle  se  borne  à  signaler  le  fait  au  directeur  du 
combat,  qui  seul  a  le  droit  de  commander  l'arrêt.  Tous  deux  se 
trompent. 


48S  PREMIÈRE  PARTIB.  : 

•  bn  exemple  fera  mieux  comprendre  les  conséquences  fâcheuses 
qui  résulteraient  de  la  mise  en  pratique  de  cette  théorie. 

Pierre  et  Paul  se  battent  à  Tépée.  Jacques,  simple  témoin,  croit 
s'apercevoir  que  le  premier  est  touché.  Il  se  contente  de  le  dire  an 
directeur  du  combat,  sans  donner  personnellement  Tinjonction 
d'arrêter. 

Si  le  directeur  du  combat  ne  le  liait  pas  immédiatement,  et  si 
j[>endant  ce  petit  balancé  Pierre  atteint  son  adversaire  d'un  coup  qui 
le  blesse»  ce  dernier  soutiendra  qu'il  y  a  eu  félonie.  Pierre  lui  répon- 
dra :  «  Le  directeur  du  combat  avait  seul  qualité  pour  m'intimer 
Tordre  de  suspendre  le  duel.  Je  lui  ai  obéi  immédiatement.  Je  ne 
pouvais  rien  déplus.  Tant  pis  pour  vous,  si  l'ordre  a  été  donné  trop 
tard  I  »  Et  ce  disant,  il  aura  raison. 

Au  contraire,  si  on  admet  Topinion  suivant  laquelle  Jacques  a 
le  droit  d'ordonner  l'arrêt,  dès  qu'il  s'aperçoit  d'un  fait  susceptible 
de  le  motiver,  et  s'il  l'ordonne  en  effet,  Pierre  commet  une  infraction 
aux  règles  du  duel,  en  n'obtempérant  pas  aussitôt. 

Concluons  donc  en  disant  qu'immédiatement  après  l'engage- 
ment du  combat,  témoios  et  directeur  ont  un  droit  égal  à  ordonner 
^'arrét,  et  que  les  adversaires  doivent  se  conformer  aussi  bien  aux 
injonctions  des  premiers  qu'à  celles  du  second  '. 


CHAPITRE   XXVII 


Les  adversaires  pendant  le  combat. 


Une  fois  le  signal  donné  par  le  commandement  «  Allez  I  »  les 
combattants  ont  le  droit  d'évoluer  à  leur  gré  dans  Tespace  qui  leur 
est  assigné  comme  arène. 

Se  baisser,  se  grandir,  avancer,  rompre,  sauter,  se  jeter  à 
droite,  à  gauche  ou  en  avant,  voltiger  autour  de  son  adversaire, 
manœuvrer  de  manière  à  le  placer  dans  une  position  désavantageuse 
et  conquérir  le  côté  le  plus  favorable,  est  dans  les  règles  du  combat. 
Tous  les  auteurs  sont  d'accord  sur  ce  points  mais  à  condition  que 

1.  Voyez  affaire  Mermeiz-La  Bruyère,  le  National,  n^  des  9-10  septembre  1890. 
Appendice  n<»  81  et  97. 

2.  Voyez  Ghateauvillard,  chapitre  v,  article  16.  ^Taveroier,  page  161.  —  Du  Ver- 
ger de  Saint-Thomas,  chapitre  ti,  article  15. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  183 

les  antagonistes  observent  les  règles  que  nous  étudierons  dans  les 
chapitres  xxvm  et  suivants 

Les  témoins  qui  proposeraient  des  conditions  restrictives  de 
ces  libertés  proposeraient  des  conditions  que  les  témoins  adverses 
pourraient  repousser,  sans  cesser  d'agir  correctement,  et  s'il  y  avait 
arbitrage,  les  arbitres  devraient  se  prononcer  en  faveur  de  la  fin  de 
non-recevoir  ^ 

Réserve  de  cette  liberté  est  faite  au  procës-verbal,  qui  trace  en 
outre  les  devoirs  des  combattants  en  cas  de  repos,  acculement, 
corps  à  corps,  désarmement,  bris  ou  faussement  d'épée,  chute  et 
blessure. 

Nous  allons  étudier  séparément  chacune  de  ces  hypothèses. 
Observons  auparavant  que  les  adversaires  doivent  chercher  à  se 
frapper  d'estoc  seulement.  La  structure  de  Tépée  et  son  escrime 
rindiquent  surabondamment. 

Il  faut  donc  regarder  comme  contraires  aux  règles  du  duel  les 
coups  de  fouet  intentionnellement  portés,  par  exemple,  sur  la  main 
ou  sur  le  bras. 

Serait» également  contraire  à  ces  règles  Tacte  du  combattant 
qui,  se  servant  de  Tépée  comme  les  Basques  du  couteau,  la  lance- 
rait contre  son  adversaire. 


CHAPITRE  XXVIII 
Usage  de  la  main  qui  ne  manie  pas  Tépée. 

Le  coup  d'épée  ne  peut  être  paré  qu'avec  Vépée.  Ce  principe 
domine  toute  la  matière. 

//  en  résulte  que  l'acte  d'écarter  l'arme  de  son  adversaire  avec 
la  main  qui  ne  manie  pas  l'épée,  aussi  bien  que  l'acte  de  la  saisir, 
constituent  une  violation  des  règles  du  duel^. 

Aucune  clause  contraire  ne  peut  faire  l'objet  d'une  stipulation 
et  être  insérée  au  procès-verbal.  Par  contre,  la  prohibition  doit  y 
figurer  clairement  exprimée. 

Trop  souvent  la  négligence  ou  la  timidité  des  témoins  a  causé 
la  mort  ou  la  blessure  d*un  des  combattants.  Il  est  probable,  en 

1.  Voyez  aff»ire  Naquct-Monvielle,  Gazette  des  TribunauXf  11  août  1887.  Appen- 
dice n«  72. 

2.  Gonfornoément,  voyez  Chateauviilard^  chapitre  iv,  article  10  et  chapitre  v, 
article  14.  —  Tavemier,  page  246.  —  G.  JoUivet,  l'Escrime  et  le  duel,  page  219,  etc.  — 
Affaire  Chapuis-Deckerel,  Gazette  des  Tribunaux,  30  et  31  mai  1885.  Appendice 
n»73. 


184  PREMIÈRE  PARTIE. 

effet,  que  si  les  adversaires  avaient  été  avertis  qu'ils  commettraient 
ane  forfaiture  en  saisissant  l'épée  de  leur  partenaire,  ou  en  parant 
avec  la  main,  et  s*ils  avaient  été  engagés  par  leur  signature,  ils  se 
seraient  abstenus  ^ 

Quelle  est  la  sanotion  de  la  prohibition  qui  fait  le  enjet 

de  oe  ohapitre? 

II  faut  distinguer: 

S'il  y  a  parade  ou  préhension  non  suivie  d'un  coup  porté,  ce 
fait  peut  être  considéré  bien  plus  comme  un  mouvement  instinctif 
de  préservation  que  comme  un  acte  déloyal.  Si  cette  aggravation 
n'est  pas  constatée,  il  nous  semble  difficile  de  considérer  comme 
disqualifié  Tindividu  qui  s'y  sera  laissé  entraîner  instinctivement  K 

S'il  y  a  parade  ou  préhension  suivie  d'un  coup  porté,  l'excuse 
du  mouvement  de  préservation  ne  peut  être  admise,  car  sur  le 
mouvement  de  défense  instinctive  est  venu  se  greffer  l'acte  offensif, 
caractérisé  par  le  coup  porté. 

L'intention  déloyale  est  présumée,  soit  que  le  coup  ait  été  suivi 
d'une  blessure,  soit  qu*il  n*ait  pas  abouti  ;  car,  dans  cette  dernière 
hypothèse,  la  blessure  n'a  manqué  que  par  des  circonstances  indé- 
pendantes de  la  volonté  de  son  auteur. 

La  disqualification  nous  semble  devoir  alors  être  encouruer 

Certains  tireurs  placent  si  mal  la  main  qui  leur  sert  de  balan- 
cier, qu'ils  ne  peuvent  jamais  être  assurés  de  résister  au  mouvement 
instinctif  dont  nous  parlons.  Nous  leur  conseillons  de  saisir  avec 
force  la  patte  de  ceinture  attachée  à  leur  pantalon,  ou  d'introduire 
la  main  tout  entière  entre  le  corps  et  la  ceinture.  Ce  point  d'appui 
suffira  généralement  pour  empêcher  toute  excursion  en  dehors  de 
la  zone  permise.  Si  le  mouvement  est  irrésistible,  il  faut  attacher 
la  main  coupable'. 

A  cette  question  principale  viennent  se  joindre  deux  autres 
propositions  incidentes. 
On  peut  se  demander  : 

1°  S'il  est  permis  de  repousser  son  adversaire  de  la  main  qui  ne 
manie  pas  l'épée,  ou  de  le  frapper  avec  le  pommeau;  2f*  de  changer 
l'épée  de  main. 

A  la  première,  nous  répondrons  négativement. 
En  effet,  si  la  réponse  était  affirmative,  les  rencontres  dégé- 
néreraient en  scènes  de  pugilat,  contrairement  à  Tesprit  de  la  légis- 

1.  Voyez  affaire  Darzens-Moreas,  le  Temps,  u^  du  22  mai  1888.  Appendice  n»  74. 

2.  Voyez  affaire  Darzens-Moreas.  Appendice  n®  74. 

3.  Voyez  Cbateauyillard,  chapitre  v,  article  15. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  485 

lation  du  point  d'honneur,  qui  cousidëre  précisément  le  duel 
comme  un  moyen  d'éviter  les  rixes  et  les  violences  indignes  de 
gens  bien  élevés  ^ 

C'est  pour  les  mêmes  raisons  que  dans  un  corps  à  corps,  où  tous 
les  mouvements  sont  gênés  et  où  le  maniement  d'une  arme  longue 
est  difficile,  il  est  interdit  de  saisir  son  épée  par  la  lame,  de  manière 
à  la  raccourcir,  et  à  en  frapper  plus  commodément  son  adversaire, 
comme  d'un  poignard,  sans  cesser  de  le  colleter. 

Estril  permis  de  changer  de  main? 

La  question  est  controversée. 

Les  uns  soutiennent  que,  pour  avoir  ce  droit,  il  est  indispen- 
sable de  prévenir  les  témoins  de  la  partie  adverse  qu'on  est  dans 
rintention  de  se  servir  alternativement  de  la  droite  et  de  la  gauche, 
d  d'en  obtenir  Tautorisation  ^  D'autres  interdisent  absolument  cette 
manœuvre. 

Les  premiers  donnent  comme  raison  que  l'absence  de  décla- 
ration causerait  à  l'adversaire  une  surprise  sur  laquelle  il  serait 
peu  loyal  de  tabler.  Les  seconds  ajoutent  que  le  changement  de 
main,  même  prévu,  procure  un  délassement  qu'on  peut  se  donner 
au  moment  utile,  et  qui,  étant  presque  toujours  l'apanage  d'un  seul 
tireur,  devient  un  avantage  illicite. 

Ces  raisons  ne  nous  satisfont  pas. 

A  notre  avis,  les  seuls  avantages  interdits  sont  ceux  dont  l'une 
des  parties  jouit,  sans  que  l'autre  possède  la  capacité  d'en  jouir 
également. 

Tel  serait  le  cas  où  Tun  des  adversaires  n'aurait  qu'un  bras,  et 
où  l'autre  voudrait  se  livrer  à  la  manœuvre  soit  disant  défendue.  Il 
est  clair  que  le  manchot  serait  incapable  de  l'imiter,  quMI  y  aurait 
impossibilité  matérielle,  et  que  Tinterdiction  serait  justifiée. 

Hais  il  n'en  est  plus  ainsi  dans  notre  espèce.  Les  deux  combat- 
tants sont  supposés  également  valides,  et  par  suite  également  capa- 
bles de  prendre  l'épée  de  l'une  ou  de  l'autre  main,  et  de  se  livrer  à 
un  exercice  qui  est  une  aff'aire  d'habitude,  et  partant  à  la  portée  de 
tout  le  monde.  A  l'individu  qui  demanderait  d'interdire  l'emploi 
alternatif  de  la  main  droite  et  de  la  main  gauche  dans  un  duel  où 
il  serait  acteur,  nous  répondrions  exactement  ce  que  répondraient 
les  adversaires  de  notre  système  à  l'homme  qui,  n'ayant  jamais 
touché  une  épée,  se  plaindrait  d* avoir  à  croiser  le  fer  avec  un  tireur 


1.  Conformément,  voyez  Château v illard,  chapitre  v,  article  17. 

2.  Voyez  Tavernier,  page  26 i. 


486  PREMIÈRE  PARTIE. 

de  premier  ordre,  qui  lui  imposerait,  en  sa  qualité  d'offensé,  Parme 
qu'il  excelle  à  manier  : 

((  Les  salles  d'armes  vous  étaient  ouvertes  comme  à  lui.  Gomme 
lui  vous  êtes  valide.  Gomme  lui  vous  pouviez  apprendre  &  défendre 
votre  peau.  Vous  ne  l'avez  pas  fait,  tant  pis  pour  vous  I  Tout  ce  que 
nous  pouvons  en  votre  faveur,  c'est  de  veiller  à  ce  que  les  con- 
ditions matérielles  du  combat  soient  égales.  » 

Si  nos  adversaires  accordent  à  l'émule  de  Saint-Georges  le  droit 
d'user  d'une  aussi  écrasante  supériorité  vis-i-vis  un  homme  qui 
n'a  jamais  manié  une  épée,  de  quel  droit  laisserions-nous  dépouiller 
ce  malheureux  de  la  mioce  planche  de  salut  que  lui  offre  le  chan- 
gement ? 

Il  peut  arriver,  en  effet,  que  la  nature  ou  l'habitude  lui  aient 
procuré  dans  d'autres  exercices  que  l'escrime  une  force  et  une 
adresse,  sinon  égales  pour  les  deux  mains,  du  moins  supérieures  à 
la  moyenne  ordinaire.  Dans  ce  cas,  s'il  parvient  à  faire  traîner  le  duel 
en  longueur,  il  est  clair  que  son  adversaire  se  lassera  bien  plus  vite 
que  lui,  et  qu'au  bout  d'un  certain  temps,  la  fatigue  que  le  tireur 
habile  éprouvera  compensera  dans  une  certaine  mesure  Tinexpé- 
rience  du  premier. 

Soyons  de  bon  compte. 

Les  raisons  de  surprises,  d'avantages  quasi  déloyaux,  sont  au- 
tant d'arguties  mises  en  avant  par  la  majorité  des  bons  tireurs,  qui 
ne  font  fort  que  d'une  main,  et  voudraient  proscrire  cette  ma- 
nœuvre, qu'ils  redoutent  comme  un  danger.  Les  auteurs  qui  sou- 
tiennent l'opinion  contraire  à  la  nôtre  ne  seraient-ils  pas  dans  ce 
cas  ? 

L'assimilation  qu'ils  essayent  de  faire  entre  Facte  de  parer  avec 
la  main  qui  ne  manie  point  l'épée  et  l'acte  de  se  servir  alternative- 
ment de  la  gauche  ou  de  la  droite  n'est  pas  admissible. 

//  n'y  a  qu'une  défense  licite,  l'épée  opposée  à  l'épée,  mais  peu 
importe  la  main  qui  la  tient. 

Nous  soutenons,  en  conséquence,  que  le  changement  peut 
avoir  lieu  sans  qu'une  déclaration  préalable  soit  nécessaire  et  sans 
que  les  témoins  adverses  puissent  s  y  opposer.  Nous  le  faisons  d'au- 
tant plus  volontiers  que  le  silence  gardé  par  Chateauvillard  sur 
ce  point,  après  les  deux  articles  consacrés  à  l'interdiction  de  la 
parade  avec  la  main  qui  ne  manie  pas  l'épée,  est  un  indice  à  peu 
près  certain  de  l'acquiescement  qu'il  donne  au  changement  de 
main  K 


1.  Conformément,  voyez  G.  Prévosl  et  G.  Jollivet,  V Escrime  et  le  duel,  p.  i29. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  487 


CHAPITRE  XXIX 


Les  reprises  et  les  repos. 


Y  aura-MI  repos  après  un  certain  laps  de  combat  ? 

Le  combat  se  poursuiyra-t-il  au  contraire  sans  repos  jusqu'à  ce 
qu'une  blessure  vienne  l'interrompre  ?  Telle  est  la  première  ques- 
tion qu'on  peut  se  poser,  et  sur  Timportance  de  laquelle  nous  ne 
saurions  trop  insister,  car  dans  certains  états  physiques  Tissue  du 
duel  en  dépend.  Elle  doit  être  discutée  avant  la  rencontre,  et  faire 
Tobjet  d'une  clause  insérée  au  procès-verbal. 

Sur  cette  première  question  se  greffe  celle  de  savoir  à  qui  re- 

-vient  le  droit  de  décider  dans  l'un  ou  dans  l'autre  sens. 

Elle  est  controversée. 

Nous  allons  examiner  les  différents  systèmes  proposés. 

Le  premier,  qui  est  soutenu  par  MM.  Tavernier,  p.  151  ;  Du 
Yei^er  de  Saint-Thomas,  chapitre  vi,  article  22  ;  M.  G.  Jollivet,  p.  227, 
accorde  à  tout  combattant  fatigué,  qui  en  fait  la  demande  verbale- 
ment ou  par  un  signe  convenu,  la  faculté  de  faire  arrêter  aussitôt  le 
duel. 

Cette  opinion  nous  semble  inadmissible.  Nous  ne  comprenons 
pas  qu'un  tireur  pressé,  désorienté,  puisse  escamoter  le  péril  qui  le 
menace,  en  prétextant  la  fatigue  et  en  faisant  un  geste  ou  un  appel. 
Il  y  a  là  une  source  de  tromperies  et  de  discussions  qui  doit  la  faire 
proscrire  *. 

Un  deuxième  système  bien  plus  rationnel  reconnaît  aux  seuls 
témoins  le  droit  de  décider,  par  accord  mutuel  avant  la  rencontre, 
s'il  y  aura  ou  non  repos. 

Il  est  appuyé  de  l'autorité  de  Ghateauvillard,  chapitre  iv,  ar- 
ticle 12. 

Nous  Tadoptons  lorsque  l'offense  est  du  premier  degré,  mais 
lorsqu'elle  est  du  second  ou  du  troisième,  nous  croyons  que  le  pri- 
yilège  de  décider  s'il  y  aura  ou  non  repos  appartient  à  l'offensé, 
comme  conséquence  de  son  droit  au  choix  du  duel,  conformément 
à  ce  que  nous  avons  expliqué  chapitre  vu. 

1.  Voyez  affaire  OUivier-Feuilhcrade,  Gaselte  des  Tribunaux,  4  août  1876.  Appen- 
dice n^  75. 


188 

HfltoDS-nooB  d'observer  qoe  cette  solation  très  lo^qae  et  très 

soateoable,  puisqu'elle  découle  des  prémisses  posées  par  Chaleau- 
Tillard  laï-mftme,  chapitre  premier,  articles  10  et  11,  nous  est  per- 
sonnelle. Noos  DO  prélendoDS  donc  pas  l'imposer. 

Dans  le  cas  où  les  (émoi os  ne  l'admettraient  point,  ils  devraient 
s'en  tenir  au  second  syslC^me  et  rejeter  absolument  le  premier. 

Id  clause  par  laquelle  il  est  stipulé  que  le  duel  se  continuera 
sans  interraptlon  est  excessivement  rare.  Tout  au  plus  nous  rap- 
pelona-noos  l'aToir  rencontrée  une  fois  ou  deux  dans  les  comptes 
rendos  des  nombreuses  affaires  qu'il  nous  a  été  donné  de  par- 
courir. . 

Au  contraire,  celle  qui  accorde  les  repoa  se  voit  continiteUeiiieat. 
Elle  ne  peut  guère  être  refusée. 

L'omission  de  la  ctease  slipolaDt  qu'il  j  aura  repos  nous  semble 
devoir  être  interprétée  dans  un  sens  négatif,  car  une  fois  sur  le  terrain 
il  n'est  plus  temps  de  discuter  une  question  anssi  complexe  *. 

La  duréedesreprisesetdes  repos  doit  être  dét^minée  d'année 
et  insérée  au  procès-verbal. 

Nouq  ne  saurions  admettre,  comme  l'enseigne  H.  Do  Verga" 
de  Saint-Thomas,  qu'an  témoin  puisse  arrêter  le  duel  lorsqu'il  Joge 
que  l'an  des  combattants  est  fatigué,  car  il  serait  maître  de  tirer 
ainsi  son  client  d'une  passe  défavorable. 

On  s'est  demandé  si  cette  prohibition  détendait  an  cas  où  Tun 
des  combattants  serait  pris  d'une  quinte  de  totu  on  bien  de  ces 
éteruuements  qui  ahnrissent  le  patient,  l'aveuglent  et  lui  enlèvent 
temporairement  ses  moyens. 

Nous  croyons  qu'il  faut  répondre  affirmativement,  parce  que 
ces  quintes  ou  ces  éteruuemeuts  peuvent  être  simulés  dans  le  but 
de  tirer  celai  qui  s'y  livre  d'un  mauvais  pas,  ou  de  le  sauver  de  la 
fatigue. 

Hais,  dans  le  doate,  la  délicatesse,  à  défaut  de  prescription  lé- 
gale, oblige  son  adversaire  &  garder  la  défensive  et  ji  éviter  de  le 
charger  pendant  le  cours  de  l'iocident. 

La  dnrée  des  reprises  varie  entre  trois  et  cinq  minutes  environ. 

La  durée  des  repos  est  proportionnelle  à  celle  des  reprises, 
mais  ne  doit  guère  dépasser  cinq  minutes. 

On  comprend,  du  reste,  que  l'âge  et  l'état  physique  des  com- 
battants entrent  forcément  en  ligne  de  compte,  lorsqu'il  s'agit  de  dis- 
cuter cette  importante  question. 

1.  Voyez  Tavernier,  pige  15i. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  489 

Les  témoins  d'un  homme  obèse,  asthmatique  ou  atteint  de  bat- 
tements de  cœur,  par  exemple,  auront  le  devoir  de  s'appuyer  sur  son 
infirmité  pour  demander  des  reprises  courtes  et  des  repos  nom- 
breux. Quand  bien  même  la  fixation  de  la  durée  des  reprises  et  des 
repos  appartiendrait  à  l'adversaire  d'un  être  aussi  malmené  dans 
sa  santé,  les  témoins  de  ce  dernier  ne  devraient  pas  abandonner  la 
partie. 

En  insistant  énergiquement  sur  la  responsabilité  qui  incom- 
berait à  l'offensé  et  à  ses  mandataires,  si  leur  refus  d'accorder  des 
repos  fréquents  et  des  reprises  courtes  amenait  un  dénouement 
fatal  et  des  poursuites  judiciaires  ;  en  faisant  vibrer  les  sentiments 
généreux  et  la  crainte  de  l'opinion  publique,  ils  ont  chance  d'éviter 
à  leur  client  une  lutte  où  il  serait  vaincu  par  avance. 

Lorsque  le  procès-verbal  spécifie  qu'il  y  aura  repos,  le  direc- 
teur du  combat  ou  son  acolyte  mesure,  chronomètre  en  main,  la 
durée  de  la  reprise,  et  suspend  le  duel  par  le  commandement 
«  Halte  I  »  ou  «  Arrêtez  I  »  appuyé  s'il  le  faut  d'une  intervention 
effective,  à  la  seconde  précise  où  expire  le  délai. 

A  ce  signal,  les  adversaires  doivent  rompre,  en  se  tenant  en 
garde,  et  suspendre  tout  engagement. 

Le  directeur  du  combat  se  place  au  milieu  d*eux.  Leurs  man- 
dataires les  rejoignent  et  les  éloignent  de  quelques  pas.  Le  délai 
fixé  pour  le  repos  une  fois  expiré,  les  combattants  sont  replacés  en 
face  l'un  de  l'autre.  Les  précautions  indiquées  chapitre  xxvi  pour 
la  mise  en  garde,  au  début  de  la  rencontre,  sont  prises  de  nouveau. 
Après  le  commandement  «  Allez!  »  le  duel  recommence. 

Quel  sera  l'endroit  où  devra  être  opérée  cette  nouvelle  mise  en 
garde  ?  Les  adversaires  occuperont-ils  les  places  qui  leur  auront  été 
désignées  par  le  sort  au  début  de  la  rencontre  ?  Reprendront-ils, 
au  contraire,  celles  qu'ils  occupaient  avant  le  repos? 

Il  faut  distinguer. 

Si  les  conventions  portent  que  le  repos  sera  accordé  sur  la  de- 
mande d'un  combattant  fatigué,  on  fera  Tapplication  pure  et  simple 
d'un  principe  sur  lequel  nous  aurons  à  revenir  souvent  :  «  Le  terrain 
conquis  ne  se  rend  pas,  »  et  les  adversaires  seront  placés  à  l'endroit 
précis  qu'ils  occupaient  avant  le  repos.  Si  les  conventions  portent 
que  le  repos  sera  accordé  après  un  certain  temps  fixé  d'avance,  le 
doute  est  permis,  car  on  peut  considérer  chaque  reprise  comme  un 
acte  absolument  terminé  à  l'expiration  du  délai  stipulé,  et  celle  qui 
suit  le  repos  comme  une  seconde  phase  indépendante  de  la  pre- 
mière. Nous  croyons  qu'il  vaut  mieux  replacer  les  combattants  au 
centre  du  champ. 


^.^^  4^; -"1^'  -^^^l^-':'^^^'^ 


190  F&filllÈRB  Ti^TIB. 


CHAPITRE  XXX 
L'aoculaBiflBtr 


Le  combat  peat  être  eompliqu^  d'aoeolemeiitn  Pim  des  lireinÉ, 
pressé  par  Fautre,  butte,  en  rompant,  contre  la  Ihnite  natnireUë  ou 
conventionnelle  qui  borne  le  champ* 

Xn  sarail  oasy  la  (durmp  doitrll  être  reiidtt? 

Certains  directeurs  de  combat,  après  aroir  Ml  faire  halte, 
replacent  les  adversaii^es  dans  l'endroit  où  ib  ont  commencé  la 
lutte.  Cette  manière  de  procéder  est  nuisible  à  Phomntô  qui  au 
péril  de  ses  jours  a  manœurré  de  manière  à  terminer  Taction  sur 
la  limite  de  Tarène  ^ 

Nous  n'hésitons  pas  è  la  condamner  et  à  &ire  Papplication  de 
la  règle  formulée  par  M.Tàferhier  :  «  Le  terrain  conquis  ne  8&  rend 
pas.  » 

Du  moment  que  les  combattants  ont  derrière  eux  un  e^Mice 
suffisant  pour  rompre  largement,  tant  pis  pour  cehil  qui  se  laisse 
acculer.  11  n'a  qu*à  reprendre  roflènsive  et  à  se  débloquer  par  un 
vigoureux  effort. 

Lorsque  Tud  des  adversaires  franchit  la  limite  conventionnelle, 
canne,  mouchoir,  etc.,  qui  borne  Tarène,  le  directeur  du  combat 
arrête  le  duel,  et,  après  avertissement,  replace  sur  la  limite  celui 
auquel  cet  accident  est  arrivé.  Il  fait  ensuite  reculer  Tassaillant  de 
la  mesure  strictement  nécessaire  pour  que  les  épées  soient  engagées 
à  5  ou  10  centimètres  de  la  pointe,  en  observant  les  précautions 
indiquées  pour  la  mise  en  garde  au  moment  de  la  première  reprise '. 

Remarquons  que  si  on  adopte  la  mise  en  garde  préconisée  par 
Château villard,  ce  mouvement  de  recul  est  un  peu  plus  accentué. 
Dans  Tune  ou  Tautre  hypothèse,  il  a  pour  but  d'éviter  le  corps  à 
corps  qui  se  produirait  inévitablement  sans  cette  précaution,  tout 
en  sauvegardant,  dans  la  limite  du  possible,  les  droits  de  Tassaillant. 

Dans  son  livre  le  Jeu  de  l'épée,  M.  E.  André,  page  252,  soutient 
qu'il  faut  prévenir  de  Taccident  qui  le  menace  le  combattant  sur  le 

1.  Voyez  affaire  Pons-Neveu-Saa  Malato.  Appendice  iv*  76.  — Tavernier,  page  157 
et  suiy. 

2.  Voyez  chapitre  xivi. 


OFFENSES.  —  RÈGLES    DU  DUEL.  491 

point  d'être  acculé,  pour  qu'il  ne  soit  pas  surpris  trop  brusquement. 

Telle  n'est  pas  notre  opinion.  Nouscroyons  que  cet  avertissement 
lai  sera  plus  nuisible  qu'utile,  car  il  détournera  son  attention,  qui 
ne  sera  plus  tendue  que  sur  un  point  :  ne  pas  dépasser  le  but. 

Combien  de  fois  Facte  de  franchir  la  limite  peut-il  se  produire 
sans  eutralner  la  suspension  de  la  lutte?  Cette  question  doit  avoir 
été  prévue,  et  sa  solution  dépend  de  raccord  des  témoins,  mais  il 
existe  des  limites  qui  ne  peuvent  être  excédées.  Raisonnablement, 
trois  actes  répétés  nous  semblent  plus  que  suffisants  pour  motiver 
la  suspension  du  combat.  La  tolérance  est  naturellement  d'autant 
moindre  que  la  surface  du  champ  est  plus  grande. 

Il  peut  se  faire  que  le  moment  du  repos  sonne  au  beau  milieu 
deTacculement.  Les  choses  se  passent  alors  comme  si  ce  dernier 
incident  ne  s'était  pas  produit,  c'est-à-dire  qu'à  l'instant  précis  où 
doit  se  terminer  la  reprise  d'après  les  conventions,  le  directeur  du 
combat  arrête  le  duel,  et  le  repos  a  lieu. 

Après  ce  repos,  les  combattants  sont  replacés  à  l'endroit  désigné 
par  le  procès-verbal,  sans  que  la  règle  :  «  le  terrain  conquis  ne  se 
rend  pas  »,  puisse  prévaloir  contre  la  stipulation  contraire,  qui  est 
alors  la  loi  des  parties. 

Il  en  est  de  même  lorsqu'au  moment  fixé  pour  le  repos  il  se 
produit  un  corps  à  corps,  un  désarmement,  une  chute,  un  bris  ou 
un  faussement  d'épée. 

Observons  que  si  un  des  combattants  franchit  la  limite  du 
champ,  son  adversaire  n'est  pas  tenu  de  s'arrêter  de  lui-même,  et 
sans  attendre  le  commandement  des  témoins.  Il  peut  continuer  la 
lutte,  car  ce  n'est  pas  à  lui  de  juger  s'il  y  a  ou  s'il  n'y  a  pas  incor- 
rection. C'est  à  ceux  qui  dirigent  et  surveilleat  le  combat. 

Hais  aussitôt  le  signal  donné,  la  cessation  doit  être  Instantanée. 
Cette  éventualité  se  produira  du  reste  rarement,  car  l'infraction  est 
si  apparente  que  les  témoins  interviendront  en  temps  utile. 


CHAPITRE  XXXI 
Le  corps  à  corps. 

Le  combat  peut  se  compliquer  de  corps  à  corps,  soit  que  cet 
incident  se  produise  dans  une  portion  du  champ  autre  que  ses 
extrémités,  soit  qu'il  ait  lieu  à  la  limite  de  ce  champ,  et  devienne 
une  conséquence  de  Tacculement. 


49S  PREMIÈRE  PARTIE. 

Celte  éventualité  ne  saurait  être  négligée  dans  le  procès-rerbal  de 
rencontre.  Le  corps  à  corps  sera-t-il  permis  ou  interdit?  Les  témoins, 
s'il  se  produit,  derront-ils  s'abstenir  de  toute  interrention  ou  deyronl- 
ilsl'interrompreîTelles  senties  questions  qui  se  posent  tout  d'abord. 

Nous  croyons  qu'il  faut  y  répondre  négatirement,  parce  que  le 
corps  à  corps  métamorphose  la  rencontre  en  une  sorte  de  rixe 
qui  n*est  autrr  ^'Jiose  que  le  duel  au  couteau,  avec  la  seule  différence 
de  la  longueur  des  armes  ;  duel  où  les  poitrines  se  heurtent,  où  les 
membres  s'entre-croisent,  où  les  moufement  sont  désordonnés,  où 
la  Tiolation  des  règles  reçues  et  des  conyentions  stipulées  ne  peut 
guère  plus  être  é?itée  que  constatée. 

Quelle  responsabilité  pour  les  témoins  si  pareil  fait  se  produit 
et  entraîne  mort  ou  blessure^  I 

Les  signes  auxquels  on  reconnaît  le  corps  à  corps  ne  sauraient 
être  déterminés,  théoriquement,  d'une  manière  absolue.  Cependant 
on  peut  dire  qu'il  y  a  corps  à  corps  lorsque  les  ad?ersaires  sont 
tellement  rapprochés  que  les  épées  sont  engagées  jusque  vers  la 
coquille,  et  comme  l'indique  l'expression  même  (corps  à  corps), 
lorsque  les  antagonistes  sont  prêts  de  se  toucher. 

Le  directeur  du  combat  et  les  témoins  sont  tenus  d'arrêter  alors 
immédiatement  la  lutte,  non  seulement  par  une  intenrention  rer- 
bale,  mais  par  une  interrention  manuelle  si  c'est  nécessaire,  en  se 
précipitant  entre  les  antagonistes. 

Il  ne  faut  pas  se  dissimuler  que  cette  partie  de  leur  mission  est 
dangereuse  et  délicate  ;  dangereuse,  car  ils  risquent  d'être  blessés; 
délicate,  car,  si  l'une  des  épées  est  immobilisée  avant  l'autre,  il  peut 
arriver  que  Parme  restée  libre  vienne  frapper  l'adversaire  que  rien 
ne  défend  plus. 

C'est  ainsi  qu'au  mois  de  mai  1892,  le  maréchal  des  logis 
Beaumalou  a  été  tué  à  l'École  militaire. 

Le  maître  d'armes  voulut  parer  un  coup  dangereux  porté  par 
Beaumalou.  Il  releva  Pépée  de  ce  dernier,  et  le  court  espace  de 
temps  pendant  lequel  il  le  mit  hors  de  défense  sufût  pour  que  son 
adversaire  le  frappât  mortellement. 

La  difficulté  de  relever  les  deux  épées  précisément  à  la  même 
seconde  constitue  du  reste  l'argument  principal,  et  non  sans  valeur, 
des  personnes  qui  autorisent  le  corps  à  corps. 

Une  fois  le  corps  à  corps  arrêté,  les  adversaires  sont  replacés  à 


1.  Voyez  affaire  Drumont-Meyer,  Gazette  des  Tribunaux,  27  juin  1886.  Appendice 
no  77.  —  Contra.  Voyez  G.  Jollivet,  PEscrime  et  te  duel,  page  217.  —  Emile  André, 
le  Jeu  de  l'épée,  page  228. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  493 

Tendroit  qu'ils  occupaient  au  moment  où  la  lutte  a  été  arrêtée.  Le 
terrain  conquis  ne  se  rend  pas. 

Les  précautions  indiquées  chapitre  xxyi  pour  la  mise  en  garde 
sont  de  rigueur  cette  fois  encore. 


CHAPITRE   XXXII 
Le  désarmement. 


Le  combat  doit  être  interrompu  lorsqu'il  y  a  désarmement. 

Un  combattant  est  réputé  désarmé,  lorsque  son  épée  est  visible- 
ment sortie  de  sa  main. 

Tant  que  l'épée  n*a  pas  quitté  la  main,  le  combattant  n'est  pas 
considéré  comme  désarmé,  bien  que  Tarme  vacille  entre  ses  doigts. 

Le  tireur  qui  a  désarmé  son  adversaire  s'arrête  net  sans  porter 
de  coup  et  sans  attendre  le  commandement  des  témoins.  Il  rompt 
et  garde  la  position  défensive,  jusqu'à  ce  que  l'épée  ait  été  ramassée 
et  que  le  directeur  du  combat  ait  donné  le  signal  d'une  nouvelle 
reprise. 

u  Dans  Fardeur  du  combat,  dans  une  riposte  du  tac  au  tac, 
écrit  Gbateauvillard,  il  peut  arriver  qu'on  n'ait  pas  le  temps  de  voir 
que  son  adversaire  est  désarmé.  Nous  avons  donc  ajouté  le  mot 
«  visiblement  ». 

«  Lorsqu'il  a  pu  être  visible  pour  le  combattant  que  son  adver- 
saire est  désarmé,  il  doit,  sans  attendre  la  voix  des  témoins,  rompre 
en  garde  et  s'arrêter.  Et  si  les  témoins  ont  pu  voir  que  l'épée  était 
sortie  de  la  main  avant  la  riposte,  le  combattant  armé  doit  s'en 
être  aperçu,  et  s'il  a  touché  son  ennemi  il  a  agi  contrairement  aux 
règles  établies. 

«  S'il  était  fait  en  cela  de  plus  larges  concessions,  on  unirait 
par  frapper  son  adversaire  lorsque  son  épée  serait  à  terres  » 

C'est  le  temps  et  la  position  qui  doivent  établir  le  jugement  des 
témoins.  Ils  ne  s'en  rapporteront  donc  qu'à  eux  seuls  pour  juger 
cette  importante  question. 

Dans  l'hypothèse  que  nous  étudions,  plus  encore  que  dans  celles 
que  nous  venons  de  traiter,  le  devoir  des  témoins  et  du  directeur 
du  duel  est  d'arrêter  instantanément  la  lutte,  puisque  le  combat- 

1.  Chateauvillard,  chapitre  v,  articles  17, 18  et  page  108. 

43 


^  .■-'!-'-  - 


494  PREMIEHE  PARTIE. 

lant  désarmé  se  trouve  absolument,  et  sans  défense  possible,  à  la 
merci  de  son  adversaire. 

Le  combatlantqui  cherche  â  frapper  son  adversaire  visiblement 
désarma,  ou  le  frappe,  commet  un  acte  déloyal  molivant  disqualifi- 
cation et  susceptible  d'être  déféré  aux  tribunaux. 

Le  comhaltaut  désarma  doit  exécuter,  aussitôt  après,  un  bond 
en  arrière,  le  plus  rapidement  possible,  el  sans  attendre  l'inlerven- 
lion  des  témoins  ou  du  directeur  du  combat. 

II  n'essaye  pas  de  ramasser  son  arme.  Celte  charge  incombe  à 
ceux  qui  l'assistent. 

Il  atlend  hors  de  portée  qu'on  le  remette  en  garde.  Cotte  remise 
en  garde  est  opérée  de  la  manière  indiquée,  chapitre  xwi,  pour  le 
premier  acte  du  duel,  et  à  l'endroit  occupé  par  les  combaltaols  à 
l'instant  où  le  désarmement  s'est  produit. 

Cette  fois  encore,  le  terrain  perdu  ne  se  rend  pas. 

Du  moment  que  le  combattant  qui  a  désarmé  sou  adversaire 
est  tenude  s'arréterspontauémcut,  du  momeut  que,  s'il  ne  le  fait 
pas,  il  se  rend  coupable  d'une  félonie,  il  en  résulte  que  le  combat- 
tant désarmé  ne  contracte  vis-i'i-vis  de  lui  aucune  dette  de  recon- 
naissance, car  il  n'a  fait  qu'accomplir  un  devoir  strict.  11  ne  peut 
invoquer,  par  conséquent,  son  altitude  comme  une  générosité,  pour 
obtenir  le  changement  ou  l'abandon  d'nne  condition  qu'il  considère 
comme  lui  étant  préjudiciable. 

Le  procès-verbal  doit  être  exécuté  dans  son  entier,  comme  si  le 
désarmement  n'avait  pas  eu  lieu  '. 


CHAPITRE    XXXIII 
Le  bris  et  le  faussement  d'é] 


Le  combat  doit  titre  interrompu  pour  cause  du  bris  ou  du  faus- 
sement d'une  des  épées. 

Deux  cas  peuvent  se  présenter  eu  pareille  occurrence  : 
1'  Si  les  paires  ont  été  tirées  au  sort,  à  moins  de  stipulation 
contraire,  on  met  de  côtéla  paire  dépareillée,  et  on  prend  celle  que 
le  sort  n'a  point  choisie. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEU  195 

Si  le  même  accident  se  présente  une  seconde  fois»  la  rencontre 
doit  être  remise»  à  moins  qu'il  n'ait  été  convenu  que  les  armes 
restant  en  bon  état  seraient  tirées  au  sort,  ou  que  chaque  combat- 
tant prendrait  celle  qui  lui  appartient. 

2^  Si  chacun  des  adversaires  est  autorisé  à  se  servir  de  ses 
armes»  l'épée  faussée  ou  brisée  est  remplacée  par  une  seconde  de  la 
même  paire.  Les  deux  antagonistes  continuent,  par  conséquent,  à 
user  de  leurs  propres  armes. 

C'est  surtout  en  cas  de  bris  ou  de  faussement  d'épée  que  la 
contre- visite  des  adversaires  s'impose,  pour  peu  qu'il  y  ait  doute 
sur  la  cause  de  l'accident  qui  peut  résulter  d'une  ceinture  ou  d'une 
cuirasse.  Le  refus  de  cette  visite  entraîne  forcément  arrêt  définitif 
du  duel,  procès-verbal  et  disqualification  ^ 

Le  combattant  qui  s'aperçoit  que  l'épée  de  son  adversaire  est 
brisée  doit  s'arrêter  spontanément  et  immédiatement,  puisque  son 
adversaire  ne  tient  plus  à  la  main  qu'un  tronçon  inoffensif.  Il  reste 
sur  la  défensive  et  indique  le  pourquoi  de  sa  retraite. 

II  agit  de  même  en  cas  de  faussement. 

Pour  plus  amples  détails,  voyez  notre  chapitre  xxxvi. 

S'il  continue  le  combat  et  cherche  à  frapper  son  adversaire, 
il  viole  les  règles  du  duel,  et  cette  violation  peut  devenir  félonie. 

Aussitôt  après  le  réarmement  des  adversaires,  ils  sont  replacés 
à  l'endroit  précis  qu'ils  occupaient  au  moment  de  l'incident,  et  les 
précautions  indiquées  chapitre  xxvi  pour  la  mise  en  garde  sont 
appliquées. 

Le  terrain  conquis  ne  se  rend  pas. 


CHAPITRE    XXXIY 
La  chute. 


Il  n'est  pas  plus  permis  de  frapper  un  ennemi  tombé  à  terre 
qu'à  celui-ci  d'essayer,  pendant  qu'il  est  dans  cette  position,  d'at- 
teindre son  adversaire,  ou  de  se  relever  et  de  le  charger. 

Tous  deux  sont  tenus  de  cesser  le  combat  spontanément,  et 
d'attendre  que  les  témoins  les  remettent  en  garde  et  que  le  signal 
soit  donné  pour  recommencer  la  lutte.  S'ils  ne  le  fout  pas,  ils 

1.  Voyez  affaire  Ollivier-Feulherade,  Gazette  des  Tribunaux,  4  août  1876.  Âppea- 
dice  n«  79. 


196  PREHIËRB  PARTIE. 

violent  les  règles  du  duel  et  commclteot  une  iofraetioa  qui  peut 
être  considérée  comme  une  félonie. 

Du  reste,  les  témoins  doivent  intervenir  et  arrêter  le  combat  à 
l'instant  même  où  la  chute  se  produit. 

Où  commence  l'instant  de  la  cliule  véritable?  Quel  est  le 
moment  précis  oii  cesse  pour  l'adversaire  le  droit  de  continuer? 
Question  d'autant  plus  délicate  que  le  petit  inlerralle  pendant 
lequel  il  hésite,  en  se  dc^mandant  ce  qu'il  doit  faire,  peut  lui  être 
fatal,  si  cet  accident  n'est  qu'une  feinte,  ou  s'il  est  assez  incomplet 
pour  permettre  à  qui  le  subit  de  reprendre  l'attaque  en  même 
temps  que  son  aplomb. 

Nous  croyons  que  le  combat  doit  cesser  au  moment  où  le  com- 
battant qui  tombe  a  touché  terre,  mais  qu'il  peut  contiiuier  pen- 
dant la  période  d'oscillation. 

Il  y  a  là  une  question  de  fait  qui  est  de  la  compétence  des 
témoins.  Du  reste,  mieux  vaut  cent  fois  pour  le  duellisic  resté  debout 
laisser  échapper,  en  cas  de  doute,  l'occasion  d'un  coup  d'épée  heu- 
reux, que  risquer  de  commettre  un  acte  dont  la  loyauté  peut  être 
discutée. 

Est-il  nécessaire  d'insister  sur  le  soin  avec  lequel  les  témoins 
doivent  surveiller  la  lutte,  de  manière  à  intervenir  au  moment 
précis  où  la  chute  est  visible  et  appréciable?  Ils  le  comprendront 
en  songeant  qu'une  seconde  de  retard  peut  causer  un  malheur  irré- 
parable. 

Jamais  la  chute  ne  doit  être  permise  comme  feinte,  Ea  effet,  da 
momeni  que  la  chute  véritable  impose  au  combattant  resté  debout 
l'obligation  de  s'arrêter,  cette  prohibition  devient  nécessaire,  et  ia 
feinte  de  chute  constitue  an  acte  déloyal,  parce  qu'elle  induit  en 
erreur  celui  qui  en  est  témoin,  et  le  livre  pour  ainsi  dire  désarmé 
à  la  botte  qui  suit  la  feinte. 

Le  coup  qui  consiste  à  se  mettre  à  genoux  ou  à  s'aplatir,  une 
main  posée  à  terre  et  servant  de  point  d'appui,  pendant  que  l'autre 
cherche  à  toucher  en  ligne  basse,  n'est  donc  plus  autorisé.  Mention 
de  ces  défenses  doit  être  insérée  au  procès-verbal  '. 

C'est  une  légère  restriction  apportée  au  droit,  que  nous  ayons 
reconnu  aux  combattants,  d'évoluer  à  leur  gré  pendant  le  duel.  Ils 
conservent  celui  de  se  baisser,  mais  il  est  subordonné  à  la  condi- 
tion que  ce  mouvement  ne  puisse  pas  être  pris  pour  une  chute. 
Lorsque  le  combat  recommence,  les  adversaires  sont  replacés  à 
l'endroit  précis  qu'ils  occupaient  au  moment  de  l'accident,  et  les  pré- 
cautions énoncées  chapitre  xxvi  pourlamise  en  garde  sontde  rigueur. 

1.  Conrorménieot,  voyei  TtTernier,  page  175. 


OFFENSES,  —  RÈGLES  DU  DUEL.  497 


CHAPITRE  XXXY 
La  blessure. 

La  blessure  est  généralement  répilogue  du  duel.  Les  témoins 
se  pénétreront  de  ce  principe,  c'est  qu'ils  doivent  arrêter  les  com- 
battants aussitôt  qu*ils  croient  que  la  pointe  de  l'épée  adverse  a 
frôlé  une  partie  du  corps  de  l'un  d'eux,  et  employer  tous  les  moyens 
possibles  afin  d'arriver  à  ce  résultat.  Ils  y  sont  tenus  quand  bien 
môme  cette  intervention  mettrait  leur  vie  en  danger. 

Il  arrive  que,  dans  la  chaleur  du  combat,  le  blessé  ne  sent  rien; 
souvent  aussi  la  plaie  ne  saigne  guère  ou  même  ne  saigne  pas  du 
tout.  Les  témoins  doivent  cependant  voir  que  le  coup  a  porté  et 
Intervenir  aussitôt.  Ils  n'ont  pas  le  droit  d'être  aveugles. 

Que  de  fins  tragiques  survenues  pour  des  querelles  insigni- 
fiantes, à  la  suite  de  blessures  qui  auraient  mis  fin  au  combat  si 
les  témoins  s'en  fassent  aperçus  ^ 

Le  combattant  qui  croit  avoir  blessé  son  adversaire  doit  rompre 
aussitôt,  en  se  tenant  en  garde  sur  la  défensive  et  en  disant  : 

«  Je  crois  avoir  touché.  »> 

Le  blessé  doit  en  faire  autant,  le  plus  rapidement  que  son  état 
le  permettra,  et  en  articulant  à  haute  voix  le  mot  «  touché  ». 

Dans  ces  deux  occurrences,  celui  qui  est  intact  ne  peut  plus 
attaquer,  mais  seulement  parer  et  riposter,  si  le  blessé  ne  s'arrête 
pas  immédiatement.  Toutefois,  cette  défensive  n'est  obligatoire  que 
pendant  quelques  secondes,  car  le  fait  de  ne  pas  s'arrêter  immédia- 
tement après  l'annonce  de  la  blessure  équivaut  pour  le  blessé  à 
son  assentiment  de  continuer*. 

On  fait  une  objection  à  ce  système. 

Vous  allez  vous  trouver,  disent  les  adversaires,  en  présence  de 
deux  éventualités  :  d'abord  en  présence  d'un  individu  qui,  ayant  vu 
la  blessure  qu'il  a  faite,  continuera  une  passe  d'armes  qu'il  croira 
devoir  lui  être  favorable,  et  qui  prétendra  ne  s*être  aperçu  de  rien 
dans  la  chaleur  de  la  lutte.  Gomment  découvrirez-vous  son  men- 
songe? Quelle  sanction  appliquerez-vous  ? 


i.  Voyez  affaire  BeU-Pierrotti,  Gaxette  des  Tribunaux,  \0,  17, 18  décembre  1889* 
Appendice  n«  80. 

3.  Cooformément,  voyez  Chatcauyillard,  chapitre  v,  article  20  et  page  109.  — 
Ta?crnier,  pages  177  et  suiv. 


/;_;•:  - 


198  PREMIÈRE  PARTIE. 

Ou  bien  vous  vous  trouverez  en  présence  d'un  blessé  qui,  par 
respect  humain»  ne  Toudra  pas  annoncer  qu'il  est  touché,  de  peur 
qu'en  signalant  une  lésion  peu  grave  il  ne  semble  vouloir  esquiver 
une  prolongation  du  duel.  Gomment  prouverez-vous  qu'il  a  volon- 
tairement gardé  le  silence? 

Nous  sommes  les  premiers  à  reconnaître  qu'en  matière  de  for 
intérieur,  il  peut  y  avoir  des  présomptions»  mais  non  des  preuves 
tangibles.  Nous  ne  proposerons  donc  qu'un  simple  palliatif.  Il  con- 
siste dans  Tinsertion  au  procès-verbal  d'une  clause  stipulant  que  les 
blessures  reçues  ou  portées  seront  annoncées. 

La  solennité  d'un  tel  engagement  d'honneur  empêchera  celui 
qui  aura  frappé  de  continuer  une  lutte  inégale.  L'obligation  morale 
qui  en  résultera  enlèvera  au  blessé  la  crainte  de  paraître  céder  à  un 
sentiment  pusillanime  ^ 

Le  directeur  du  combat  et  les  témoins  ne  doivent,  du  reste,  pas 
avoir  besoin  de  l'avertissement  des  acteurs  pour  arrêter  la  lutte  par 
une  intervention  effective. 

Une  fois  le  combat  arrêté,  si  le  blessé  continue  à  croiser  le  fer 
avec  précipitation  et  se  jette  sur  son  adversaire,  cela  équivaut 
encore  à  son  assentiment  de  continuer.  L'adversaire  peut  reprendre 
l'offensive. 

Si,  après  le  duel  arrêté,  le  combattant  demeuré  intact  se  jette 
sur  le  blessé  et  essaye  de  le  frapper,  il  y  a  félonie  entraînant  arrêt 
définitif. 

Aussitôt  que  le  combat  est  arrêté,  les  médecins  s'approchent  sur 
rinvitationdes  témoins,  examinenlla  blessure  et  donnent  leur  avis*. 

Si,  malgré  la  blessure,  la  lutte  doit  recommencer,  les  formalités 
indiquées  chapitre  xxvi  pour  la  mise  en  garde  sont  de  rigueur. 

Le  procès-verbal  stipulera  si  le  champ  sera  rendu,  ou  si  les 
combattants  reprendront  les  places  qu'ils  occupaient  au  moment  où 
le  combat  a  cessé.  Nous  croyons  que,  dans  le  cas  actuel,  il  vaut 
mieux  les  remettre  au  milieu  de  Parène,  parce  qu'élant  donné  l'état 
d'infériorité  dans  laquelle  se  trouve  le  blessé,  il  serait  injuste  de  le 
priver  de  la  faculté  de  rompre  largement,  faculté  si  précieuse  dans 
sa  position. 

Si  le  combat  recommence,  le  blessé  est  libre  de  demander  tous 
les  repos  dont  il  a  besoin.  Le  directeur  veille  avec  sollicitude  sur 
lui,  et  fait  cesser  définitivement  la  lutte  si  la  blessure  se  rouvre  ou  le 
met  dans  un  état  d'infériorité  par  trop  grand. 


1.  Nous  avons  trouvé  dans  Gelli  et  Ângelini,  auteurs  italiens  cités  chapitre  lxxxi.. 
la  même  doctrine  enseignée. 

2.  Relativement  à  la  valeur  de  cet  avis,  voyez  notre  chapitre  xxii. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  499 


CHAPITRE   XXXVI 

Devoirs  des  témoins  et  des  adversaires  dans  les  cas  prévus 

chapitre  xxvm  et  suivants. 


Au  risque  de  nous  répéter,  nous  croyons  utile  de  réunir  en  un 
seul  chapitre  les  prescriptions  relatives  aux  obligations  des  témoins 
et  des  adversaires  en  cas  de  repos,  d'acculement,  de  corps  à  corps, 
de  bris  ou  de  faussement  d'épée,  de  désarmement,  de  chute  et  de 
blessures. 

Dans  tous  ces  cas,  les  témoins  doivent  arrêter  le  combat  aussitôt 
que  l'incident  se  produit,  en  criant  :  «  Arrêtez  I  »  ou  «  Halte  !  )>  et  en 
se  précipitant  entre  les  antagonistes,  à  leurs  risques  et  périls. 

Les  combattants  sont  tenus  de  cesser  la  lutte  dans  les  huit  cas 
précités^  à  l'instant  oii  les  témoins  commandent  «  Halte!  »  ou 
«  Arrêtez!  »  Nul  prétexte  ne  peut  les  en  empêcher. 

Hais  là  ne  se  bornent  pas  leurs  devoirs.  D'autres  leur  sont 
imposés  si,  pour  une  raison  quelconque,  le  commandement  des 
témoins  se  fait  attendre. 

Dans  certains  cas,  ils  sont  obligés  de  continuer  la  lutte.  Dans 
certains  autres,  ils  sont  obligés  de  l'interrompre  spontanément. 

Quelquefois  enfin,  bien  que  les  règles  strictes  du  duel  ne  les 
obligent  point  à  prendre  ce  dernier  parti,  la  délicatesse  et  le  soin 
de  leur  honneur  doivent  le  leur  faire  adopter. 

1"  Ils  sont  obligés  de  continuer  la  lutte  jusqu'à  lintervention 
des  témoins,  sans  avoir  le  droit  de  Vinlerrompre  volontairement,  en 
cas  de  repos,  d'acctilement  et  de  corps  à  corps. 

En  eSét,  les  témoins  seuls  ont  qualité  pour  mesurer  la  durée 
des  reprises  et  pour  contrôler  si  les  limites  ont  été  franchies,  ou  si 
le  corps  à  corps  est  assez  intime  pour  motiver  Tinterruption  du 
duel. 

2**  Ils  sont  tenus  de  cesser  la  lutte  spontanément,  et  satis 
attendre  l'intervention  des  témoins,  en  cas  de  désarmement,  de  bris 
d'épée  et  de  chute,  parce  qu'en  semblable  occurrence,  le  combat- 
tant qui  s'arrête  n'a  rien  à  redouter  d'un  adversaire  incapable  de  le 
frapper  pendant  un  certain  laps  de  temps. 


SOO  PREMIÈRE  PARTIE. 

3^"  Le  cas  de  faussement  d'épée  et  celui  de  blessure  demandent 
à  être  examinés  séparément,  car,  pour  avoir  été  blessé  oa  aroir 
eu  son  épée  faossée,  le  combattaut  auqael  arrivent  ces  accidents  o*en 
reste  pas  moins  armé  et  présentant  un  certain  danger  à  son  anta- 
goniste. 

Écoutons  Ghateauvillard  :  «  S11  est  dans  le  devoir  de  la  cour- 
toisie de  s'arrêter  si  vous  avez  blessé  votre  adversaire,  ou  s'il  vous 
crie  que  vous  êtes*  blessé,  et  dans  cette  conviction  se  tient  moins 
bien  sur  ses  gardes,  ce  n'est  pas  dans  la  stricte  loi  du  duel  de  cesser, 
car  le  combat  ne  doit  être  arrêté  que  par  la  voix  des  témoins.  En 
effet,  ne  peut-il  pas  se  présenter  le  cas  où  un  ad versaire  de  mauvaise 
foi,  vous  criant  qu'il  vous  a  touché,  profiterait  de  votre  hésitation 
pour  vous  frapper?  »  Pour  résoudre  le  problème,  il  faut  trouver  no 
moyen  terme,  qui,  tout  en  assurant  la  sécurité  du  combattant  qui 
interrompt  la  lutte,  lui  évite  de  commettre  un  acte  qui  ne  viole  pas 
à  la  vérité  la  stricte  loi  du  duel,  mais  qui  n'en  est  pas  moins  incor- 
rect et  blâmable,  pour  peu  qu'on  se  place  sur  le  terrain  de  la  délica- 
tesse et  de  l'honneur. 

Nous  croyons  que  la  solution  est  celle-ci  : 

En  cas  de  faussement  d'épée,  celui  qui  s'aperçoit  de  l'accident 
ou  entend  son  adversaire  l'annoncer  ;  en  cas  de  blessure,  celui  qui 
croit  avoir  touché  ou;  entend  son  adversaire  l'annoncer,  celui-là, 
disons-nous,  doit,  selon  les  règles  de  l'honneur  bien  compris  (pour 
nous  servir  des  expressions  de  Ghateauvillard),  rompre  vivement, 
en  restant  en  garde,  en  conservant  la  défensive,  et  en  annonçant 
le  pourquoi  de  sa  retraite,  si  c'est  lui  qui  s'est  aperçu  du  faussement 
ou  de  la  blessure. 

Il  ne  peut  plus  attaquer,  mais  seulement  parer  ou  riposter,  en 
rompant  vivement,  si  l'autre  partie  ne  Timite  pas  dans  son  arrêt  et 
continue  à  l'attaquer.  Le  droit  de  riposter  lui  est  accordé,  car,  bien 
que  blessé  ou  armé  d'une  épée  faussée,  son  adversaire  n'en  est  pas 
moins  resté  dangereux. 

Bien  entendu,  ce  droit  lui  est  refusé  si  le  faussement  met  l'épée 
hors  de  service,  et  ne  la  rend  plus  dangereuse.  Toutefois,  cette  défen- 
sive n'est  obligatoire  que  pendant  quelques  secondes,  car  l'acte  de 
ne  pas  interrompre  immédiatement  équivaut  pour  celui  dont  Tépée 
est  faussée,  ou  qui  a  reçu  une  blessure,  à  son  assentiment  de  con- 
tinuer*. 

Dans  cette  occurrence,  son  adversaire  reprend  le  droit  d'atta- 
quer jusqu'à  rintervention  des  témoins.  Agir  autrement  nous 
semble  gros  de  périls  en  cas  de  poursuites,  de  soupçons  injurieux 

1.  Voyez  ChateauYiUard,  chapitre  v,  article  20  et  page  100. 


OFFENSES.  -  RÈGLES  DU  DUEL.  204 

et  de  dbmmeDtaires  malveillâDts.  Dans  le  cas  même  où  la  justice 
n'inteiriendrait  pas,  noas  répétons  ce  que  nous  avons  déjà  dit  : 
il  vaut  infiniment  mieux  manquer  l'occasion  de  placer  an  coup 
d'ëpée  heureux  que  de  risquer  un  acte  d'une  moralité  douteuse. 

Un  dernier  conseil.  Toutes  les  fois  que  le  duel  est  interrompu 
pour  une  raison  quelconque,  le  combattant  qui  a  encore  Tépée  à  la 
main  doit,  au  lieu  d'en  baisser  la  pointe  à  terre  et  de  rester  immo- 
bile, rompre  de  quelques  mesures,  se  tenir  sur  la  défensive  et  con- 
server son  arme  la  pointe  en  ligne,  prête  à  repousser  un  retour 
offensif*. 

Le  combattant  qui  a  lâché  son  épée,  dont  l'épée  est  brisée  ou 
faussée,  n'ayant  plus  que  ses  jambes  comme  préservatif,  en  usera 
pour  mettre  aussitôt  le  plus  d'intervalle  possible  entre  son  adver- 
saire et  lui.  Il  peut  le  faire  sans  scrupule  :  ce  n'est  pas  fuir. 

1.  Voyez  affaire  Mermeix-dc  La  Bruyère,  le  National,   9,  10,  1i  septembre  1890. 
Appendice  noSl. 


CONDITIONS  SPÉCIALES  AU  DUEL  AU  PISTOLET. 


Au  lieu  de  se  prononcer  pour  l'épt^e,  si  l'offensé  choisît  le  pis- 
tolet, les  témoins  doivent  irailer  d'abord  les  questions  relatives  : 
au  choix  du  duel,  —  au  chois  des  distances,  —  au  délai  accordi^ 
pour  tirer,  —  au  coup  raté. 

Une  fois  d'accord  sur  ces  points  généraux,  ils  s'occupent  du 
choix  ou  de  l'adoption  des  pistolets,  et  des  questions  qui  s"y  ratta- 
chent; par  exeniple,  des  fraudes  qui  peuvent  être  commises  à  celte 
occasion,  —  du  chargement,  — du  choix  d'un  terrain  propice,  —  du 
tirage  au  sort  des  places,  —  de  la  toilette  et  de  la  visite  des  combat- 
tants. 

Ils  terminent  enfin  par  la  stipulalion  des  conditions  spéciiiles  à 
l'espèce  de  duel  qui  a  élé  désigné,  et  les  insèrent  au  procès-verbal, 
à  la  suite  de  celles  que  nous  venons  d'éuumérer. 


CHAPITRE   XXXVII 

Choix  du  duel. 
Responsabilité  des  témoins  à  raison  de  ce  choix. 


Le  ckoix  du  duel  doit  être  fait  parmi  les  duels  légaux,  écrit 
Chateauvillard,  chapitre  premier,  article  12. 

Si  nous  faisons  l'application  de  cette  règle  au  duel  aa  pistolet, 
nous  voyons  : 

r  Que  celui  ou  ceux  auxquels  appartient  le  choix  du  duel 
(témoins  en  cas  d'offense  simple,  offensé  en  cas  d'offense  grave  ou 
de  voies  de  fait)  ne  peuvent  l'exercer  en  dehors  de  la  liste  des  ren- 
contres admises  comme  légales,  sous  peine  de  le  voir  rangé  dans  la 
catégorie  des  duels  exceptionn^s  et  r^usé; 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  Î03 

2'*  Que  tout  choix  portant  sur  une  des  rencontres  comprises 
dans  celte  liste  devient  obligatoire  et  doit  être  acceptée 

Les  duels  au  pistolet  considérés  comme  légaux  sont  au  nombre 
de  sept.  Ils  se  divisent  en  deux  classes,  d'après  la  corrélation  qui 
existe  entre  la  manière  dont  le  signal  est  donné  et  le  laps  de  temps 
imposé  aux  adversaires  pour  tirer. 

La  première  classe  comprend  les  duels  au  visé,  qui  se  subdi- 
visent en  duels  au  visé  de  pied  fei*me  à  tir  successif,  —  au  visé  de 
pied  'ferme  à  volonté,  —  au  visé  à  marcher,  —  au  visé  à  marche 
interrompue,  —  au  visé  à  lignes  parallèles, 

La  seconde  classe  comprend  le  duel  au  signal  et  le  duel  au 
commandement. 

Le  duel  au  signal  présente  cette  particularité  qu'il  peut  être 
refusé  si  Toffensé  ne  Test  pas  avec  voie  de  fait*. 

L'énumération  que  nous  venons  de  faire  embrasse  les  ren- 
contres au  nombre  de  six,  indiquées  par  Ghateauvillard  dans  son 
chapitre  vi,  et  un  nouveau  duel  non  cité  par  lui,  le  duel  au  com- 
mandement. 

Bien  que  certains  combats  parmi  les  six  premiers  soient  tombés 
en  désuétude,  nous  les  reproduisons. 

En  effet,  si  nous  empruntons  à  Ghateauvillard  la  règle  d'une 
importance  capitale,  en  vertu  de  laquelle  roffensé  avec  injure  grave 
ou  voie  de  fait  impose  à  l'agresseur  le  duel  de  son  choix,  nous 
sommes  obligé  de  lui  emprunter  aussi  la  liste  des  combats  parmi 
lesquels  ce  choix  doit  être  opéré. 

Toute  élimination  aurait  pour  résultat  de  frustrer  Toffensé  d'un 
privilège  important  qui  lui  appartient  de  droit.  Du  moment,  en 
effet,  que  l'agresseur  ne  serait  pas  lié  par  une  règle  précise,  ayant 
force  de  loi,  il  s'autoriserait  de  cet  exemple  pour  refuser  le  combat 
qui  lui  déplairait,  sous  prétexte  qu'il  est  démodé. 

Reste  le  duel  au  commandement,  non  traité  par  Ghateauvillard. 

Il  est  la  reproduction  du  duel  au  signal  sous  une  forme  moins 
compliquée  et  plus  facilement  exécutable. 

Nous  avons  indiqué,  chapitre  premier,  en  traitant  de  l'autorité 
qui  est  attachée  à  Fusage,  les  raisons  qui  lui  ont  fait  accorder  droit 
de  cité  parmi  les  autres  rencontres  légales  ;  nous  n'y  reviendrons 
pas.  Rappelons  seulement  que  ce  mode  de  combat  est  de  beaucoup 
le  plus  usité  à  notre  époque.  Sur  vingt  duels  au  pistolet,  il  y  en  a 
bien  dix-huit  qui  sont  au  commandement.  VAnnuaire  du  duel  est 
là  pour  le  démontrer. 

i.  Voyez  notre  chapitre  vu. 

2.  Voyez  Ghateauvillard,  chapitre  iv,  article  1 1 . 


i  _ 


S04  PREMIÈRE  PARTIE. 

Responsabilité  des  témoins  à  raison  du  choix  du  duel. 

La  question  du  choix  du  duel  est  intimement  liée  à  celle  de  la 
responsabilité  des  témoins.  On  comprend  qu'après  une  rencontre 
suivie  de  mort  ou  de  blessure  grave,  le  mode  de  combat  qui  a  pro- 
duit ce  résultat  ne  saurait  passer  inaperçu.  En  pareil  cas,  Topinion 
publique  et  les  tribunaux  demandent  aux  témoins  comment  ils  ont 
rempli  cette  partie  de  leur  mission,  et  font  entrer  ce  point  essentiel 
en  ligne  de  compte. 

Mais  leur  responsabilité  varie  suivant  que  ce  sont  eux  qui  ont 
été  appelés  à  choisir  le  duel,  ou  que  c'est  r offensé  qui  a  joui  de  cette 
prérogative. 

Dans  le  premier  cas,  leur  responsabilité  sera  naturellement 
plus  grande,  puisqu'un  libre  arbitre  complet  leur  aura  été  laissé,  et 
que  rien  ne  les  a  empêchés  d'adopter  le  mode  de  combat  le  mieux 
approprié  à  Taffaire  qu'ils  devaient  conduire. 

Dans  le  second  cas,  elle  sera  moindre,  car  ils  ont  dû  subir  une 
condition  qu'ils  n'étaient  pas  mattres  de  changer. 

Cette  remarque  faite,  nous  allons  examiner  quelle  doit  être  la 
conduite  des  témoins  dans  chacune  de  ces  hypothèses. 

l'*  HYPOTHÈSE.  —  Lorsque  les  témoins  choisissent  le  duel,  la 
première  idée  qui  leur  vient  à  l'esprit  est  de  rechercher  s'il  existe 
une  règle  indiquant  par  avance  et  à  coup  sûr  le  combat  qu'ils 
devront  adopter. 

Cette  règle  n'existe  pas,  et  ne  peut  être  formulée.  Les  motifs 
susceptibles  de  faire  pencher  la  balance  varient  en  effet  suivant  la 
nature  ou  l'importance  de  l'affaire,  l'adresse  des  combattants  et 
maintes  autres  circonstances  qu'il  est  impossible  de  prévoir.  N'ou- 
blions pas  non  plus  que,  si  les  témoins  sont  autorisés  à  veiller  sur 
leur  sécurité,  ce  ne  doit  jamais  être  au  détriment  du  client  qu'ils 
représentent. 

Tout  ce  que  nous  pouvons  faire  est  de  leur  indiquer  les  qualités 
que  le  duel  doit  réunir  pour  être  le  meilleur,  de  leur  montrer,  en 
procédant  par  comparaison,  quel  est  celui  des  sept  combats  légaux 
qui  s'éloigne  le  moins  du  duel  type,  et  de  leur  en  conseiller 
l'adoption. 

Le  plus  parfait,  selon  nous,  est  celui  qui  égalise  le  mieux  les 
forces,  qui  est  le  plus  court,  le  plus  simple,  le  plus  facile  à  conduire 
et  le  moins  dangereux. 

Pour  trouver  le  duel  qui  se  rapproche  davantage  de  cet  idéal, 
nous  allons  d'abord  comparer  entre  elles  les  deux  classes  de  duels, 
puis  nous  comparerons  entre  eux  les  duels  de  chaque  classe. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  J05 

Comparaison  de  classe  à  classe. 

Si  nous  comparons  les  duels  au  yisé  de  la  première  classe  avec 
le  duel  au  commandement  delà  seconde,  que  nous  prenons  comme 
type  à  l'eiclusion  du  duel  au  signal  à  peu  près  tombé  en  désuétude, 
nous  voyons  que  le  duel  au  commandement  se  rapproche  bien  plus 
que  le  duel  au  visé  de  l'idéal  que  nous  cherchons. 

II  égalise  mieux  les  chances,  il  est  plus  court,  plus  simple,  plus 
facile  à  conduire  et  moins  dangereux. 

Nous  disons  qu'il  égalise  mieux  les  chances. 

En  effet,  la  rapidité  du  commandement,  l'obligation  de  faire  feu 
dans  un  laps  de  temps  sacramentel  et  très  court,  la  crainte  de 
dépasser  le  nombre  trois  et  de  violer  la  loi  du  combat,  enlèvent  au 
tireur  habile  une  somme  de  moyens  plus  considérable  que  ne  font 
les  duels  au  visé,  qui  comportent  un  délai  plus  long  et  qui  per- 
mettent d'attendre,  pour  lâcher  le  coup,  qu'il  soit  bien  assuré. 

Nous  disons  qu'il  est  plus  court,  plus  simple  et  plus  facile  à 
conduire. 

Un  parallèle  détaillé  nous  conduirait  trop  loin.  Contentons-nous 
de  renvoyer  le  lecteur  aux  chapitres  qui  traitent  des  règles  particu- 
lières à  chaque  espèce  de  duel.  II  verra  que  le  commandement  sup- 
prime les  contestations  relatives  au  coup  raté,  au  supplément  de 
délai  accordé  au  blessé,  à  la  primauté  du  tir,  aux  complications  de 
la  marche,  etc.  Nous  conseillons  de  l'adopter. 

Gomparaiscn  entre  les  daels  de  la  môme  classe. 

Si  après  avoir  comparé  les  duels  au  visé  et  le  duel  au  comman- 
dement, c'est-à-dire  les  deux  classes  de  duel,  nous  comparons  les 
duels  de  chaque  classe,  d'abord  au  point  de  vue  de  l'équilibre  des 
chances,  nous  croyons  que  le  combat  de  pied  ferme  à  volonté  et 
les  divers  combats  à  marcher  présentent  à  peu  près  le  même  avan- 
tage. Pour  tous  le  feu  est  à  volonté. 

Nous  voyons,  au  contraire,  que  le  combat  de  pied  ferme  à  volonté, 
tel  que  nous  le  comprenons,  l'emporte  sur  le  combat  à  tir  successif, 
par  la  raison  que,  dans  le  premier,  la  brièveté  relative  du  délai  et  la 
vue  d'une  arme  menaçante  enlèvent  au  duelliste,  môme  habile,  une 
plus  grande  somme  d'avantages  que  si,  tirant  le  premier  et  confiant 
dans  sa  force,  il  vise  froidement  un  homme  désarmé,  victime  assurée 
de  son  adresse. 

Si  nous  comparons  les  duels  au  visé,  au  point  de  vue  de  la  sim- 
plicité et  de  la  facilité  de  direction,  et  si  nous  mettons  d'abord  en 


»».. . 


t06  PREMIÈRE  PARTIE. 

parallèle  le  duel  de  pied  ferme  à  yolonté  ayec  le  duel  à  tir  saccessif, 
nous  ToyoDs  qae  le  premier  supprime  les  difficultés  relatiyes  à  la 
primauté  du  feu,  qu'il  est  plus  rapide  et  nécessite  moins  de  calculs. 
Nous  Toyons  qu*il  diminue  la  cruelle  attente  du  patient,  obligé  de 
subir  le  bon  plaisir  de  son  antagoniste,  pendant  un  espace  de  temps 
relativement  interminable  lorsque  le  duel  est  à  tir  successif. 

Rappelons  aux  témoins,  à  ce  propos,  que  s'ils  sont  poursuivis  à 
raison  d'une  mort  ou  d'une  blessure  survenue  dans  cette  dernière 
condition,  ils  auront  à  compter  avec  la  répulsion  instinctive  qui 
s'attacbe  à  un  genre  de  rencontre  absolument  délaissé  à  notre 
époque,  et  paraîtront  devoir  encourir  une  responsabilité  plus  grande 
que  si  le  feu  a  été  volontaire. 

Si  nous  comparons  entre  eux  les  duels  ft  marcher,  toujours  au 
même  point  de  vue  de  la  facilité  de  leur  direction,  nous  voyons  que 
le  duel  à  marche  interrompue  est  plus  embarrassant  pour  les 
témoins  que  le  duel  à  marche  pure  et  simple. 

En  effet,  ils  ont  ft  présider,  non  plus  à  une  marche  en  ligne 
droite,  mais  à  une  marche  en  zigzag,  limitée  dans  le  sens  de  la  lar- 
geur comme  dans  le  sens  de  la  longueur,  et  partant  moins  facile  à 
surveiller. 

Nous  voyons  que  le  duel  ft  lignes  parallèles  arrive  dernier,  car 
à  tous  les  inconvénients  signalés  plus  haut,  il  joint  celui  d'être 
presque  aussi  dangereux  pour  les  assistants  que  pour  les  acteurs 
eux-mêmes. 

Si  nous  comparons  entre  eux  les  duels  de  la  deuxième  classe, 
c'est-à-dire  le  duel  au  signal  et  le  duel  au  commandement,  nous 
comprenons  vite  la  raison  qui  a  fait  délaisser  le  premier,  en  son- 
geant qu'il  entraîne  robligation  d'une  simultanéité  absolue  entre 
les  feux  et  le  dernier  coup  frappé,  et  partant  le  déshonneur  si  cette 
condition  n'est  pas  mathématiquement  exécutée. 

Pour  tout  résumer,  nous  conseillons  en  première  ligne  l'adoption 
du  duel  au  commandement,  en  seconde  ligne  Vadoption  du  duel  à 
volonté.  Nous  mettons  au  troisième  rang  le  duel  à  marcher. 

Nous  repoussons  les  rencontres  à  marche  interrompue,  et  sur- 
tout à  ligne  parallèle  et  au  signal,  comme  dangereuses,  trop  com- 
pliquées, ou  d'une  exécution  trop  difficile.  Nous  mettons  au  dernier 
rang,  pour  les  raisons  indiquées  plus  haut,  le  combat  au  visé  à  tir 
successif,  gui  occupait  la  première  place  il  y  a  quarante  ou  cin- 
quante ans. 

2"  HYPOTHÈSE.  —  Lorsqu'à  raison  du  degré  de  l'offense  qu'il  a 
essuyée,  l'offensé  choisit  son  duel,  il  peut  se  faire  que  ce  choix  porte 
sur  un  mode  de  combat  qui  paraît  aux  témoins  susceptible  de 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  i07 

compromettre  leur  responsabilité,  ou  de  blesser  leur  conscience. 
Il  peut  se  faire,  par  exemple,  qu'un  homme  connu  pour  sa  force  au 
pistolet  impose  à  un  autre,  dont  la  maladresse  est  notoire,  un  duel 
à  tir  successif. 

Quelle  conduite  devront-ils  tenir? 

Leur  sera-t-il  permis  de  se  retirer? 

A  défaut  de  cette  permission,  leur  sera-t-il  au  moins  loisible 
d'apporter  certaines  modifications  au  duel  choisi? 

Abordons  d'abord  la  première  question. 

Les  témoina  peavent-Us  se  retirer? 

Leur  position  est  digne  d'intérêt.  Ils  sont  placés  entre  la  légis- 
lation civile,  la  législation  pénale  et  la  législation  du  point  d'hon- 
neur, auxquelles  ils  sont  également  soumis,  et  qui  se  trouvent,  sur 
ce  point  comme  sur  tant  d'autres,  en  antagonisme  complet. 

En  effet,  la  législation  pénale  et  la  législation  civile,  non  con- 
tentes de  regarder  le  duel  comme  un  acte  délictueux,  punissable 
quant  à  ses  résultats,  et  sujet  à  réparation,  même  quand  Tégalité  des 
forces  est  absolue,  considèrent  cette  inégalité  comme  une  circon- 
stance aggravante  frisant  la  déloyauté,  lorsque  le  combattant  le 
plus  faible  devient  la  victime  du  plus  adroit. 

Quand  pareille  éventualité  se  produit,  les  témoins  deviennent 
les  boucs  émissaires,  et  peuvent  encourir  une  double  responsabilité, 
moins  grande,  avons-nous  dit,  que  slls  avaient,  en  cas  d'offense 
simple,  choisi  librement  le  duel,  mais  qui  n'en  existe  pas  moins^ 

Au  contraire,  la  législation  du  point  d'honneur  considère  le 
duel  comme  une  réparation  dont  l'agresseur  contracte  la  dette  en 
même  temps  qu'il  commet  Toffense,  et  les  témoins  comme  étant 
chargés  de  veiller  à  ce  que  le  payement  de  cette  dette  soit  intégra- 
lement et  loyalement  acquitté. 

Elle  dit  à  l'agresseur  : 

((  Vous  avez  commis  une  injure  entachant  gravement  l'honneur 
de  M.  X.  Je  lui  accorde  comme  compensation  le  droit  de  vous  impo- 
ser Parme  et  le  duel  de  son  choix.  Vous  ne  pouvez  vous  y  soustraire, 
si  ce  choix  est  fait  entre  les  armes  et  les  duels  que  je  considère 
comme  légaux. 

a  En  vain  objecteriez-vous  que  vous  n'avez  jamais  touché  Tarme 
qui  vous  est  imposée,  et  que  le  duel  vous  est  défavorable.  Ces  rai- 
sons n'ont  pas  de  valeur  à  mes  yeux. 


1.  Voyez  Revue  de  législation  et  de  jurisprudence f  année  1863.  Du  duel  et  en  par- 
ticulier de  cette  question  :  si  Toffensé  a  un  droit  absolu  au  choix  des  armes. 


208  PREMIÈRE  PARTIE. 

tt  II  fallait,  ayant  d'insulter,  prévoir  les  conséquences  d'un  acte 
que  TOUS  pouidez  éviter.  Subissez-les,  puisque  tous  n'avez  pas  cm 
devoir  prendre  le  sage  parti  de  l'abstention.  Aujourd'hui  il  est  trop 
tard  pour  vous  plaindre.  Faites  des  excuses  si  le  payement  vous 
effraye.  » 

Puis  s'adressant  aux  mandataires  de  l'agresseur  :  «  En  accep- 
tant le  rôle  de  témoins,  vous  vous  êtes  obligés  à  assister  votre  client 
dans  toutes  les  conjonctures  favorables  ou  défavorables  qui  résultent 
de  l'affaire  dans  laquelle  il  s'est  lancé.  Il  serait  malhonnête  de 
l'abandonner  au  moment  où  il  a  le  plus  besoin  de  vos  services,  alors 
surtout  que  l'éventualité  qui  vous  efiraye  n'est  autre  chose  que  la 
conséquence  nécessaire  du  fait  à  raison  duquel  vous  avez  accepté 
son  mandat.  » 

A  ceux  de  l'offensé  :  «  Après  avoir  rempli  tour  à  tour  le  rôle  de 
confidents  et  de  conciliateurs,  vous  êtes  tenus  de  remplir  Toffice 
d'avocats,  afin  d'obtenir  pour  celui  dont  vous  avez  la  charge  les 
meilleures  conditions  possibles.  Au  lieu  de  maintenir  avec  opini&- 
treté  les  prérogatives  auxquelles  sa  position  d'offensé  avec  injure 
grave  lui  donnait  droit,  vous  essayez  de  l'en  frustrer.  En  ce  faisant 
vous  violez  ma  loi!  » 

Gomment  concilier  des  principes  si  opposés? 

Gomment  allier  le  désir  bien  naturel  aux  témoins  de  sauve- 
garder leur  responsabilité  avec  les  obligations  qu'ils  ont  contrac- 
tées, moralement,  vis-à-vis  Tami  qu'ils  assistent? 

Pour  résoudre  la  question,  pour  décider  si  la  retraite  leur  est 
permise,  il  faut  rechercher  avant  tout  quels  sont  les  termes  du  man- 
dat qu'ils  ont  accepté. 

Ont-ils  accepté  un  mandat  impératif?  lissent  obligés  de  suivre 
la  condition  de  leur  client,  c'est-à-dire  de  prêter  leur  concours  au 
duel  qu'il  impose  ou  qu'il  subit. 

Leur  mandant  leur  a-t-il  remis  ses  intérêts,  en  déclarant  s'en 
rapporter  à  la  décision  qu'ils  prendront,  et  en  promettant  de  la 
ratifier  ? 

Une  pareille  confiance  les  oblige  à  agir  vis-à-vis  d'un  ami  si 
plein  de  confiance  en  leur  probité  comme  ils  agiraient  pour  leur 
propre  cause,  sans  arrière-pensée  et  avec  le  sacrifice  de  leur  sécurité 
fait  d'avance.  Cette  fois  encore,  mandataires  et  mandant  s'iden- 
tifient. 

A-t-il  été  convenu  que  les  mandataires  et  le  mandant  conser- 
veraient leur  indépendance? 

Ils  doivent  faire  tous  leurs  efforts  pour  amener  la  solution  qu'ils 
considèrent  comme  la  meilleure  ;  mais  si  leurs  conseils  restent 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  109 

inutiles,  s'ils  se  heurtent  à  une  impossibilité  matérielle,  s'ils  ne 
peuyent  vaincre,  par  exemple,  Topiniâtreté  d'un  offensé  qui  prétend 
imposer  un  duel  quj  leur  répugne,  ils  sont  libres  de  se  retirer  en 
motivant,  s'il  y  a  lieu,  le  pourquoi  de  leur  retraite. 

La  publication  d'un  procès-verbal  motivé  peut,  dans  certains 
cas  exceptionnels  et  vis-à-vis  certaines  personnes,  constituer  un 
moyen  susceptible  d*amener  le  récalcitrant  à  composition. 

Arrivons  à  la  deuxième  question. 

LoTBqae  les  témoins  ne  veulent  ou  ne  peuvent  pas  se  retirer, 
quelle  est  la  limite  de  leur  droit  en  présence  d'un  duel  qui  leur 
répugne  ou  dont  ils  redoutent  les  conséquences? 

Sont-ils  tenus,  par  le  seul  fait  que  ce  duel  est  compris  dans  la 
catégorie  des  duels  légaux,  d'appliquer  à  la  lettre  les  règles  tracées 
par  Chateauvillard  dans  les  chapitres  consacrés  à  chaque  espèce  de 
combat  ?  Ne  peuvent-ils  essayer  d'égaliser  les  chances  et  de  dimi- 
nuer leur  responsabilité,  en  apportant  certains  changements  à  la 
rencontre  ? 

L'obligation  de  suivre  passivement  les  règles  tracées  par  Cha- 
teauvillard semble  ressortir  des  prémisses  que  nous  avons  posées  ; 
mais,  en  y  réfléchissant,  on  comprend  qu'une  distinction  entre  les 
éléments  essentiels  et  constitutifs  du  duel  et  ses  parties  accessoires 
ne  soit  pas  chose  irrationnelle. 

On  sent  que  les  règles  principales,  celles  auxquelles  on  ne  peut 
toucher  sans  défigurer  l'œuvre  de  Chateauvillard,  doivent  être  con- 
servées intactes,  mais  que  certains  détails  sans  importance  capitale 
peuvent  être  modifiés  dans  une  mesure  prudente. 

Il  ne  faut  point  oublier,  par  exemple,  que  depuis  la  publication 
de  l'Essai  sur  le  duel,  c'est-à-dire  depuis  1836,  les  pistolets  ont  été 
perfectionnés  comme  portée  et  comme  précision,  et  qu'en  observant 
servilement  les  règles  tracées  pour  une  époque  où  les  armes  étaient 
inférieures,  on  augmenterait  aujourd'hui  les  dangers  de  la  ren- 
contre. 

Nous  avons  enseigné,  chapitre  premier,  que  les  témoins  étaient 
libres  d'élaguer  certaines  efflorescences  inutiles,  mais  à  condition 
que  les  stipulations  nouvelles  ne  changent  rien  au  titre  et  à  la 
substance  du  duel  que  Toffensé  a  choisi  comme  lui  étant  favorable, 
mais  qu'elles  constituent  plutôt  une  interprétation  des  règles  de  Cha- 
teauvillard que  leur  abrogation. 

Il  faut  surtout  qu'elles  rendent  effectivement  le  combat  moins 
dangereux  et  plus  facile  à  conduire,  puisque  tel  est  le  but  poursuivi. 

Supposons,  par  exemple,  que  Toffensé  impose  le  duel  à  marcher. 

44 


240  PREMIÈRE  PARTIE.       '^ 

Les  témoins  ouvrent  le  liyre  de  Ghateaavillard  et  cherchent  le 
chapitre  qui  lui  est  consacré. 

Supposons  qu'après  lecture  faite,  ce  genre  de  rencontre  les 
effraye.  Quelles  parties  seront-ils  tenus  de  conserver  intégralement? 

Quels  détails  peuvent-ils  supprimer? 

Ils  sont  tenus  de  marquer,  entre  les  points  extrêmes  de  la 
dislance  fixée,  deux  lignes  intermédiaires  destinées  à  limiter  la 
marche.  Impossible  de  l'éviter.  Mais  ils  peuvent,  si  l'offensé  n'a 
pas  aussi  le  choix  des  distances,  prendre  celle  de  vingt  pas,  qui  est 
la  limite  maxima,  comme  intervalle  entre  les  lignes  intermédiaires. 

Ils  ne  peuvent  ni  stipuler  que  la  marche  sera  en  zigzag,  bien 
que  cette  marche  présente  plus  de  difficulté  pour  viser,  ni  permettre 
que  les  adversaires  tiennent  leur  arme  horizontalement  pendant  la 
marche.  En  effet,  dans  le  premier  cas,  cette  condition  complique  la 
surveillance  du  duel,  et  demeure  la  caractéristique  de  la  rencontre 
à  marche  interrompue.  Dans  le  second,  l'obligation  de  maintenir  le 
pistolet  vertical  est  une  gène,  qui  diminue  la  précision  et  la  rapi- 
dité du  tir. 

Ils  ne  peuvent  forcer  celui  qui  a  essuyé  le  premier  feu  à  s'ar- 
rêter aussitôt  pour  tirer,  car  cette  station  forcée  est  encore  une 
particularité  du  duel  à  marche  interrompue,  tandis  que  la  faculté 
d'avancer  jusqu^à  la  limite  est  une  condition  du  duel  à  marche 
ordinaire.  xMais  ils  ont  la  ressource  de  fixer  un  laps  de  temps  rela- 
tivement court  et  obligatoire  pour  l'échange  des  deux  balles,  au 
lieu  de  permettre  aux  adversaires,  comme  le  fait  Chateauvillard,  de 
tirer  le  premier  coup  à  volonté,  et  d'accorder  à  celui  qui  a  été 
manqué  un  espace  de  temps  relativement  long  pour  riposter.  Celte 
diminution  de  délai  atténue  encore  le  danger  de  la  rencontre. 

Ils  peuvent  interdire  le  duel  avec  deux  pistolets  remis  à  chaque 
adversaire,  et  la  continuation  de  l'affaire  aussitôt  après  l'échange 
des  premières  balles. 

Ce  droit  de  modification  admis,  si  le  lecteur  veut  connaître  les 
changements  qui  peuvent  être  faits  aux  autres  duels  légaux,  il  se 
reportera  aux  différents  chapitres  consacrés  par  nous  à  chacun  en 
particulier,  et  leur  fera  l'application  des  règles  précédentes. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  244 


CHAPITRE  XXXVIII 
CShoix  des  distances. 


Nous  sarons  que  le  choix  des  distances  appartient  aux  quatre 
témoins,  en  cas  d'offense  simple  et  d'injure  grave;  à  l'offensé,  en 
cas  de  voie  de  fait. 

Faut-il  en  conclure  qu'offensé  et  témoins  puissent  choisir  la 
distance  qui  leur  convient  ? 

Évidemment  non.  Tout  le  monde  comprend  la  nécessité  d'une 
limite  minima,  destinée  à  empêcher  le  duel  à  bout  portant  avec  un 
furieux,  duel  réprouvé  par  la  législation  du  point  d'honneur,  et  la 
nécessité  d'une  limite  maxima,  capable  d'éviter  ia  ridicule  exagé- 
ration en  sens  inverse  d'un  homme  trop  prudent. 

Ghateauvillard,  chapitre  vi,  a  déterminé,  pour  chacun  des  six 
duels  qu'il  considère  comme  légaux,  les  distances  auxquelles  les 
adversaires  doivent  être  placés  et  doivent  tirer.  Nous  allons  les  lui 
emprunter  : 

1**  Pour  le  duel  de  pied  ferme,  au  visé,  à  tir  successif,  la  distance 
minima  est  de  15  pas  et  la  dislance  maxima  de  35,  qui,  réduites 
en  mètres,  font  12  et  28  mètres; 

2»  Pour  le  duel  à  marcher,  la  distance  minima  est  de  35  pas  et 
la  distance  maxima  de  kO  pas,  qui,  réduites  en  mètres,  font  28  et 
32  mètres,  avec  lignes  tracées  également  entre  ces  deux  distances 
et  éloignées  l'une  de  l'autre  de  15  à  20  pas,  ce  qui  fait,  en  mètres, 
12  à  16  mètres; 

3"  Pour  le  duel  à  marche  interrompue,  la  distance  minima  est 
de  ^5  pas  et  la  distance  maxima  de  50,  ce  qui  fait,  réduit  en  mètres, 
36  et  40  mètres,  avec  lignes  tracées  également  entre  ces  deux 
distances,  et  éloignées  l'une  de  l'autre  de  15  à  20  pas,  ce  qui  fait,  en 
mètres,  12  et  16  mètres; 

4»  Pour  le  duel  à  lignes  parallèles,  deux  lignes  parallèles  sont 
tracées  à  15  pas  l'une  de  l'autre,  ce  qui  fait,  en  mètres,  12  mètres. 
Elles  ont  chacune  une  longueur  égale  qui  varie  entre  25  pas  et 
35  pas,  ce  qui  fait,  en  mètres,  20  ou  28  mètres; 

5«  Pour  le  duel  ati  signal,  la  distance  est  de  25  pas  au  minimum 
et  de  35  pas  au  maximum,  ce  qui  fait,  en  mètres,  20  et  28  mètres. 

Dans  le  cas  où  les  distances  ne  seraient  pas  soumises  au  droit 


r  .1 .«. . 


S4l  .  PREMIÈRB  PARTIE: 

de  l'oflensé,  où  elles  seraient  discutables,  il  peut  être  pris  un  terme 
moyen  entre  les  distances  prescrites  ft  chaque  dueP. 

La  même  faculté  appartient,  à  plus  forte  raisonna  Toffensé  lors- 
qu'il est  en  droit  de  désigner  la  distance.  Donc  point  de  contestation 
possible  en  ce  qui  concerneles  cinq  rencontres  énumérées  plus  haut. 

Restent  le  duel  à  Yolonté  et  le  duel  au  commandement. 

Cbateauvillard  n'indique  qu'une  distance  pour  le  duel  au  visé 
de  pied  ferme  à  volonté,  celle  de  25  pas  (voyez  page  38).  Impossible, 
par  conséquent,  de  prendre  un  terme  moyen,  comme  le  prescrit  le 
paragraphe  3  de  la  page  111,  et  de  concilier  son  texte  ayec  celui  de 
l'article  unique  consacré,  page  38,  au  duel  à  volonté. 

Faut-il  interpréter  l'omission  d'une  deuxième  distance  comme 
un  oubli?  Faut-il  s'en  tenir  à  la  lettre  de  Tarticle  spécial  consacré 
au  duel  à  volonté,  et  admettre  une  distance  unique,  celle  de  25  pas? 
Devons-nous,  au  contraire,  considérer  cette  distance  comme  étant 
une  distance  minima,  et  emprunter  au  duel  à  tir  successif  celle  de 
35  pas  comme  distance maxi ma? 

Écartons  d'abord  l'hypothèse  d'un  oubli,  qui  nous  semble  inad- 
missible en  présence  des  collaborateurs  si  nombreux  sous  les  yeux 
desquels  le  livre  a  passé. 

Restent  les  deux  autres  systèmes. 

Ils  reposent  l'un  et  l'autre  sur  une  interprétation  de  Particle 
unique,  consacré,  page  38,  au  duel  à  volonté,  combiné  avec  l'ar* 
ticle  8  du  duel  à  tir  successif. 

Que  dit  l'article  consacré,  page  38,  au  duel  à  volonté?  «  Les 
choses  se  passent  comme  dans  le  duel  précédent,  si  ce  n'est  que, 
dérogeant  à  l'article  8  du  duel  à  tir  successif,  les  combattants  sont 
placés  à  25  pas,  dos  à  dos,  que  le  signal  est  donné,  et  qu'alors  ils 
se  retournent  et  font  feu  à  volonté.  » 

On  voit  que  Tarlicle  8  du  duel  à  tir  successif  est  formellement 
abrogé. 

Les  partisans  du  premier  système  prétendent  que  cet  article  8 
traite  précisément  du  droit  accordé  à  l'offensé  avec  voie  de  fait  de 
choisir  la  distance  de  35  pas  comme  distance  maxima.  Ils  en  con- 
cluent que  la  dérogation  dont  11  est  question  page  38  porte  sur  ce 
droit,  sur  cette  distance,  qu'elle  empêche  de  faire  aucune  assimi- 
lation sous  ce  point  de  vue  entre  les  deux  duels,  et  que  l'injonction 
de  placer  toujours  les  adversaires  à  25  pas  ne  comporte  aucune 
interprétation  restrictive  ou  extensive. 

1.  Voyez  Chateauvillard,  Remarques  sur  les  duels  au  pistolety   page  111,  para- 
graphe 3. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  843 

Les  partisans  du  deuxième  système  objectent  que  l'article  8  ne 
consacre  pas  pour  Toffensé  avec  yoie  de  fait  le  droit  de  fixer  la 
distance  à  35  pas,  car  ce  droit  lui  est  accordé  formellement  par 
Tarticle  du  même  duel  combiné  avec  l'article  11,  chapitre  premier, 
de  VEssai  sur  le  duel,  mais  qu*il  détermine  seulement  les  consé- 
quences entraînées  par  le  choix  de  la  distance  de  35  pas  opéré  par 
Toffensé  avec  yoie  de  fait  relativement  à  la  primauté  du  tir. 

D'après  eux,  l'article  unique  du  duel  à  volonté,  page  38, 
n'abroge  que  les  dispositions  relatives  à  l'ordre  et  à  la  primauté 
du  tir,  et  ne  touche  pas  à  la  distance,  qui  est  réglementée  par 
l'article  premier  du  duel  à  tir  successif  et  fixée  au  maximum  de 
35  pas. 

Pour  notre  part,  nous  nous  arrêtons  à  la  distance  unique  de 
25  pas  ou,  en  mètres,  20  mètres,  parce  que  la  règle  formulée 
page  111,  paragraphe  3,  est  une  règle  générale,  qui  admet  des 
exceptions;  parce  que  cette  exception  est  faite  en  termes  précis: 
((  les  combattants  seront  placés  à  25  pas  »,  dans  Tarticle  unique 
consacré  au  duel  à  volonté  ;  parce  qu'en  nous  plaçant  au  point  de 
vue  de  la  diminution  du  danger,  qui  est  le  but  visé,  nous  voyons 
que  si  l'interdiction  de  porter  la  distance  de  25  à  35  pas,  c'est-à- 
dire  de  l'étendre  de  10  pas,  augmente  le  danger,  l'interdiction  de 
rabaisser  de  25  ft  15  pas,  c'est-à-dire  Tinterdiction  de  la  diminuer 
de  10  pas,  atténue  le  danger  et  produit  compensation. 

Donc,  pour  le  duel  à  volonté,  nous  reconnaissons  une  distance 
unique  de  25  pas  ou  20  mètres. 

Nous  n'avons  plus  à  nous  occuper  que  du  duel  au  comman- 
dément  pour  épuiser  la  liste  des  distances  applicables  à  chaque 
duel  légal. 

Ghateauvillard  ne  parlant  pas  de  ce  duel,  nous  n'avons  aucune 
donnée  précise,  mais  nous  pouvons  tirer  de  là  nature  de  cette  ren- 
contre des  indices  suffisants  pour  asseoir  une  opinion  rationnelle. 

Le  duel  au  commandement  n'est  qu'une  modification  du  duel 
au  signal,  dont  il  présente  tous  les  caractères  essentiels.  Il  faut  donc 
se  reporter  à  ce  dernier  duel  pour  déterminer  la  distance  maxima 
et  minima  à  laquelle  les  adversaires  peuvent  être  placés.  Elle  varie 
entre  25  pas  au  minimum  et  35  au  maximum,  ce  qui,  réduit  en 
mètres,  fait  20  et  28  mètres.  Nous  l'adoptons  K 

Ceci  posé,  et  l'obligation  de  choisir  la  distance  parmi  celles  qui 
ont  été  déterminées  par  Ghateauvillard  une  fois  admise,  on  peut  se 

demander  qaelle  oonséquenoe  entraînerait  la  désignation  d'une  dis- 
1.  Conformément,  voyez  Tavernier,  page  216. 


244  PREMIÈRE  PARTIE. 

tanœ   inférieure  aa  w><«<TwnTifi  réglementaire  faite  par  on  oflénaè 
avec  ooapa  et  blesaorea. 

Il  y  aurait  duel  exceptionnel,  et  obligation  pour  l'agresseur 
de  refuser  un  semblable  combat,  auquel  les  témoins  ne  pour- 
raient prêter  assistance  sans  yioler  une  règle  importante  du  point 
d'honneur. 

QueUe  oonséciaenoe  entraînerait  la  désignation  d'âne  distance 
supérieure  au  maximum  déterminé  par  CShateauvillard  7 

Il  n'y  aurait  plus  obligation,  mais  faculté  pour  Tagresseur  de 
refuser  cette  distance  exceptionnelle  en  sens  inrerse  de  celle  que 
nous  Tenons  de  proscrire.  S'il  acceptait,  les  témoins  devraient  lui 
prêter  leur  concours.  C'est  une  conséquence  du  caractère  modé- 
rateur de  leur  mission. 

Le  même  droit  de  refus  appartient  aux  deux  parties  lorsque 
la  désignation  d'une  distance  supérieure  à  la  distance  maxima 
indiquée  par  Château villard  pour  le  duel  choisi  provient  de  Tac* 
cord  des  témoins.  En  effet,  la  question  d'une  distance  préférée 
peut  n'être  pas  étrangère  au  choix  qu'aura  fait  l'offensé  avec  injure 
grave  d'un  duel  plutôt  que  d'un  autre.  L'agresseur,  de  son  côté, 
pourra  être  intéressé  à  voir  adopter  une  mesure  plus  courte,  s'il  a 
l'habitude  de  tirer  à  cette  distance. 

Si  une  distance  supérieure  au  maximum  réglementaire  est 
choisie  par  convention  mutuelle,  rien  n'empêche  qu'elle  ne  devienne 
la  loi  du  combat. 

Ici  se  place  une  question  délicate.  Est-il  permis  aux  témoins  de 
s'entendre  pour  augmenter  la  distance  convenue,  à  Tinsu  des  com- 
battants, en  les  trompant  sur  le  nombre  et  sur  l'amplitude  des  pas, 
ou  de  toute  autre  manière  ? 

Nous  ne  le  croyons  pas,  si  nous  nous  plaçons  au  point  de  vue 
des  règles  du  duel. 

En  effet,  le  désir  qu'ils  peuvent  éprouver  de  rendre  le  duel 
moins  dangereux,  et  de  sauvegarder  leur  responsabilité,  ne  saurait 
entrer  en  ligne  de  compte  ni  avec  Tobligation  stricte,  en  matière  de 
point  d'honneur,  d'exécuter  scrupuleusement  les  conventions  in- 
sérées au  procès-verbal,  sans  y  apporter  aucune  modification  sur  le 
terrain,  ni  avec  Tobligation  de  respecter  les  droits  légitimes,  tel 
que  celui  d'imposer  sa  distance,  dont  jouit  Toffensé  avec  voie 
de  fait. 

C'est  au  moment  de  rédiger  le  procès-verbal  de  rencontre  qu'ils 
doivent  essayer  d'imposer  leur  opinion. 


OFFENSrES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  S45 

'      •     .  .  •     •      .       ■• 

Réduction  des  distances  en  mètres  et  centimètres. 

Chateauvlllard  ne  compte  que  par  pas.  Quelle  est,  réduite  en 
centimètres,  Tamplitude  de  ces  pas? 

D'après  M.  Tavernier  {Art  du  duel,  page  202),  le  pas  moyen 
représente  80  centimètres.  Nous  adoptons  aussi  cette  mesure. 

Au  cours  de  ce  travail,  nous  ramènerons  donc  au  mètre  celles 
qui  sont  énoncées  en  pas  dans  VEssai  sur  le  duel.  C'est  en  mètres 
que  doit  être  insérée  au  procès-verbal  la  distance  convenue.  C'est 
au  moyen  d'un  décamètre  qu'elle  doit  être  mesurée  sur  le  terrain. 

La  nécessité  de  cette  opération  est  évidente.  En  eflet,  si  un 
témoin  a  une  taille  de  fantassin,  un  autre  celle  d'un  tambour-major, 
un  autre  une  taille  moyenne,  quelle  difTérence  dans  l'ouverture  du 
compas  !  Quelle  incertitude  dans  les  mesures!  Quelle  porte  ouverte 
aux  contestations!  Il  faut  y  renoncer. 

Terminons  ce  qui  regarde  la  question  des  distances  en  indi- 
quant aux  témoins  ce  qu'ils  doivent  faire  toutes  les  fois  qu'ayant  le 
droit  de  choisir  ils  ne  peuvent  pas  tomber  d'accord. 

Chacun  spécifie  la  distance  de  son  choix.  Elles  sont  tirées  au 
sort.  On  peut  encore  partager  par  moitié  la  différence  qui  existe 
entre  elles,  à  condition  que  la  mesure  trouvée  rentre  dans  celles 
que  nous  avons  indiquées  comme  légales  ^ 


CHAPITRE   XXXIX 
Détermination  du  délai  pour  tirer. 


Dans  tous  les  duels  au  pistolet,  le  laps  de  temps  accordé  aux 
adversaires  pour  échanger  leur  feu,  et  passé  lequel  ils  ne  pourront 
plus  tirer,  doit  être  réglementé  d'avance. 

C'est  un  principe  qui  ne  souffre  pas  d'exceptions.  Aussi  la  ques- 
tion du  délai  doit-elle  faire  Tobjet  d'une  clause  insérée  au  procès- 
verbal  de  rencontre,  à  la  suite  de  celles  qui  sont  relatives  au  choix 
du  duel  et  au  choix  des  distances. 

A  qui  appartient  le  choix  du  délai? 

Si  les  règles  tracées  par  Chateauvillard  pour  chacun  des  duels 

•     *  •  .  r  - 

1»  Conformément,  voyez  Chateauvillard,  page  112,  paragraphe  1^.. 


t46  PREMrÈRE  PARTIE. 

légaux  ûlaipot  sacramentelles  et  doTaîent  être  suivies  à  la  lettre, 
sans  modiûcatioii  possible,  il  est  clair  que  le  choix  des  délais  serait 
la  consi^queoce  du  chois  du  duel,  puisqu'en  désignant  le  duel  de 
leur  clioii,  les  témoins  en  cas  d'offense  du  premier  degré,  l'offensé 
en  cas  d'oCfense  du  second  el  du  troisième,  désigneraient  le  délai 
qui  est  attaché  par  ChateauTillard  à  ce  duel,  et  imposeraient  par  le 
fait  le  laps  de  temps  qu'ils  souhaiteraient  pour  échanger  les  feux. 

Mais  nous  avons  démontré,  chapitre  xxxvii,  que  les  témoins 
n'étaient  pas  astreints  à  observer  religieusement  touten  les  régies 
édictées  par  Chalcauvillard. 

Nous  avons  expliqué  qu'ils  peuvent  y  faire  certaines  modifi- 
cations d'une  importance  secondaire,  à  la  condition  que  ces  modi- 
licalions  :  1°  simplifient  la  direction  du  combat;  2"  le  rendent 
moins  dangereux;  3"  ne  changent  rien  â  sa  nature  et  ne  dépouillent 
l'olTensé  d'aucune  prérogative  considérable. 

Il  faut  en  conclure  que,  si  les  témoins  apportent  au  délai  fixé 
par  Cbaleauvillard  des  changements  présentant  ce  triple  caractère, 
ils  le  font  légalemcnl. 

Oh  {leut  donc  avancer  hardiment  f/u'eii  (ait,  te  choix  du  délai 
leur  appartient  sous  ces  conditioMs. 

La  question  de  capacité  résolue,  il  nous  reste  à  indiquer  : 

Quels  cbangenients  les  tèmoios  peuvent  apporter  aux  dètais  de 
Ghateauvillard,  saaâ  sortir  de  la  légalité   et  aana  outrepaaser  leur 

droit. 

Pour  y  arriver,  nous  diviserons  les  duels,  au  point  de  vue  des 
délais,  en  trois  catégories. 

La  première  catégorie  comprendra  : 

Le  duel  au  visé  de  pied  ferme  k  volonté  ;  —  le  duel  A  marcher  ; 
--  le  duel  à  marche  interrompue  ;  --  le  duel  à  lignes  parallèles  ;  — 
en  tout  quatre  duels. 

La  seconde  catégorie  comprendra  le  duel  au  visé  de  pied  ferme 
à  tir  successif. 

Là  troisième  comprendra  le  duel  an  signal  et  le  duel  au  com- 
mandement. 

Duels  de  la  première  oatégoiie. 

Les  changements  qui  peuvent  y  être  apportés  consistent  dans 
l'adoption  du  commandement  :  «  Tirez  I  »  comme  point  de  départ 
uniforme  du  délai  accordé  aux  adversaires  pour  échanger  leurs 
balles;  dans  l'immutabilité  du  délai,  qui  une  fois  adopté  ne  com- 
porte ni  restriction  ni  extension  ;  enfin,  dans  la  diminution  ration- 
nelle da  laps  de  temps  indiqué  par  CbateauTilIard,  de  manière  & 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.         «n 

restreindre  proportionnellement  le  délai  unique  dont  nous  venons 
de  parler. 

Prenons  comme  exemple  le  duel  de  pied  ferme  à  volonté. 

D'après  le  système  de  Chateauvillard,  les  adversaires  ont  tout 
le  temps  qui  leur  convient  pour  tirer  le  premier  coup.  C'est  à 
partir  de  Fexplosion  que  court  le  délai  imposé  pour  riposter. 

Dans  notre  système,  le  laps  de  temps  indéterminé  pendant 
lequel  les  antagonistes  peuvent  tirer  le  premier  coup  est  supprimé. 
Ce  n*est  plus  à  partir  de  Texpiosion  que  court  le  délai,  mais  à  partir 
c3a  commandement  :  «  Tirez  I  »  Ce  délai  est  moins  long  que  celui 
i  ndiqué  par  Fauteur  de  V Essai  sur  le  duel. 

Le  combattant  qui  le  laisse  passer  perd  son  droit,  quand  bien 
même  le  premier  coup  de  feu  aurait  été  tiré  à  la  dernière  seconde. 

Après  avoir  expliqué  en  quoi  consiste,  pour  les  quatre  duels  de 
la  première  catégorie,  ce  système  de  changements,  il  nous  reste  à 
démontrer  qu'il  produit  les  trois  résultats  exigés  pour  légitimer 
n*importe  quelle  modification  aux  règles  de  Chateau^illard,  confor- 
mément à  ce  que  nous  avons  expliqué  chapitres  premier  et  xxxvii. 

l*"  Ce  changement  simpliQe  la  direction  du  combat  : 

En  effet,  le  directeur  du  duel  peut  donner  le  signal  au  moment 
qui  lui  va  le  mieux,  par  exemple  au  moment  où  Taiguille  est  sur 
la  première  seconde.  Dans  ce  cas,  il  mesure  à  première  vue  le 
temps  convenu. 

Au  contraire,  si  c'est  le  coup  de  feu  qui  sert  de  point  de  départ 
au  délai,  il  peut  se  faire  que  l'explosion  se  produise  au  bout  d'un 
certain  nombre  de  secondes.  Dans  ce  cas,  le  directeur  du  combat 
est  forcé  de  se  livrer  à  un  petit  calcul  qui  détourne  son  attention 
et  peut  nuire  à  la  conduite  du  duel. 

Le  changement  proposé  fait  disparaître,  en  outre,  le  supplé- 
ment accordé  au  blessé  pour  riposter,  et  par  suite  les  complications 
qui  en  résultent  souvent. 

Il  évite  aux  témoins  l'embarras  de  se  trouver  dans  une  singu- 
lière position  mentionnée  au  u""  82  de  l'appendice,  c'est-à-dire  en 
présence  de  deux  adversaires  restant  pendant  huit  ou  dix  minutes 
sur  une  défensive  motivée,  soit  par  un  combat  de  générosité,  soit 
par  une  sorte  de  tactique,  et  réduits,  pour  terminer  cette  situation 
ridicule,  à  les  faire  battre  au  signal  ou  au  commandement,  bien 
que  le  duel  primitivement  choisi  fût  le  duel  à  marcher,  et  qu'en 
agissant  ainsi,  ils  violassent  une  règle  fondamentale  qui  interdit  de 
modifier  sur  le  terrain  les  conventions  stipulées  avant  la  rencontre  ^ 

1.  Voyez  affaire  Coate-Beoolt, Ga;ie//e  des  TribunauXj3  août  1832.  Appendice n^ 82. 


.4 


248  PREBIIÈRE  PARTIE. 

2''  Ce  changement  diminue  le  danger  de  la  rencontre  : 

En  effet,  cette  modification  a  pour  résultat  d'enlever  aux  com- 
battants la  liberté  absolue  de  tirer  le  premier  coup  dans  un  délai 
Indéterminé.  Elle  lui  substitue  Tobligation  de  se  conformer  à  un 
délai  relativement  court,  et  procure  aux  adversaires  une  gène  qui 
Influe  défavorablement  sur  la  précision  du  coup. 

Quant  à  la  diminution  de  danger  résultant  de  la  suppression 
du  privilège  accordé  au  blessé,  elle  est  évidente. 

Est-il  besoin  d'ajouter  que  la  diminution  des  dangers  de  la 
rencontre  atténue  la  responsabilité  des  témoins? 

3<>  Ce  changement  ne  modifie  pas  la  nature  du  combat,  et  ne 
lèse  pas  Toffensé  de  la  deuxième  et  troisième  catégorie  dans  sa  pré- 
rogative d'imposer  le  duel  de  son  choix  : 

En  effet,  il  conserve  aux  duels  dont  nous  nous  occupons  leur 
caractère  distinctif,  qui  est  le  tir  à  volonté,  c'est-à-dire  le  droit 
pour  les  combattants  de  faire  feu  sans  être  astreints  à  un  ordre 
déterminé. 

Le  système  que  nous  préconisons  offre  un  danger. 

Si  les  témoins  avaient  une  latitude  complète  pour  modifier  les 
délais  fixés  par  Ghateauvillard,  ils  pourraient,  en  les  allongeant  ou 
en  les  raccourcissant  à  volonté  au  delà  de  certaines  mesures,  modi- 
fier la  nature  de  la  rencontre. 

Supposons  que  l'offensé  ait  jugé  avantageux  de  se  battre  au 
visé  à  volonté,  et  que  les  témoins  conviennent  que  l'échange  des 
deux  balles  aura  lieu  dans  le  délai  de  trois  secondes  à  partir  du  mot  : 
«  Tirez  I  »  il  n'y  a  plus  duel  au  visé  à  volonté  proprement  dit,  mais 
une  sorte  de  duel  au  commandement  ou  au  signal  qui  lèse  l'offensé 
dans  son  choix. 

Nous  évitons  ce  péril  en  attribuant  aux  adversaires,  pour 
échanger  leurs  balles,  le  temps  que  Ghateauvillard  leur  accorde 
pour  riposter. 

Examinons  quel  est  pour  chaque  duel  de  la  première  catégorie 
l'effet  de  celte  réduction. 

Duel  à  volonté. 

L'article  consacré  par  Ghateauvillard  au  duel  à  volonté, 
page  38,  où  il  renvoie  au  duel  à  tir  successif  pour  ce  qui  n'est  pas 
formellement  excepté,  et  où  il  ajoute  ensuite  :  «  Les  adversaires 
tirent  à  volonté  »,  donne  matière  à  deux  interprétations. 

Les  uns  regardent  ces  expressions  :  «Tirent  à  volonté  »  comme 
indiquant  une  exception,  permettant  aux  adversaires  de  tirer  et  de 
riposter  quand  bon  leur  semble. 

Les  autres  soutiennent  que  la  combinaison  des  expressions 


OFFENSES.  -  RÈGLES  DU  DUEL.  «49 

susdites,  avec  leur  renvoi  au  duel  à  tir  successif,  implique  Tidée 
d'une  liberté  qui  ne  serait  absolue  que  pour  le  premier  feu.  D'après 
cette  interprétation,  rindiyidu  qui  n  aurait  pas  encore  tiré  ne  pour- 
rait le  faire  que  dans  l'intervalle  d'une  minute  à  partir  du  premier 
coup. 

D'accord  sur  ce  point  avec  Tavernier  (voyez  page  211),  nous 
leur  accordons  seulement  un  délai  d'une  minute,  à  partir  du  com- 
mandement :  «  Tirez  !  »  pour  échanger  les  deux  balles  à  volonté. 

Duel  à  marcher. 

Cette  fois  encore,  Ghateauvillard,  page  ^2,  articleU,  ne  déter- 
mine aucun  délai  pour  exécuter  la  marche  et  tirer  le  premier 
coup.  Le  délai  pour  riposter  reste  toujours  fixé  par  lui  à  une  minute 
à  partir  du  premier  feu. 

Pour  ce  qui  nous  concerne,  nous  prenons  le  commandement  : 
«  Marchez  I»  comme  point  de  départ  du  délai,  et  accordons  encore 
une  minute  pour  échanger  les  deux  balles. 

Duel  à  marohe  interrompue. 

Le  premier  coup  peut  encore,  d'après  Chateauvillard,  être  tiré 
ad  libitum.  Mais  le  délai  pour  riposter  n'est  plus  que  d'une  demi- 
minute  à  partir  du  premier  coup  de  feu. 

Conformément  à  la  règle  de  proportion  que  nous  avons  établie, 
nous  réduisons  à  une  demi-minute  à  partir  du  commandement  : 
a  Marchez  I  »  le  délai  dont  peuvent  disposer  les  adversaires  pour 
échanger  leurs  deux  balles. 

Duels  de  la  deuxième  oatégorie. 

Le  duel  à  tir  successif  ne  comporte  pas  de  délai  ayant  un  point 
de  départ  unique,  puisque  les  adversaires  tirent  l'un  après  l'autre. 

Le  seul  changement  qu'on  puisse  apporter  à  ce  genre  de  ren- 
contre est  de  diminuer  le  laps  de  temps  accordé  par  Chateauvillard 
pour  tirer  à  son  tour. 

Cet  auteur,  page  37,  article  U,  et  page  117,  accorde  une  mi- 
nute pour  tirer  et  une  minute  pour  riposter  à  partir  du  premier  feu. 

D'accord  avec  Tavernier  (voyez  page  209),  nous  réduisons  ces 
proportions  à  une  demi-minute  pour  tirer  et  une  demi-minute  pour 
riposter  ;  en  tout  une  minute  pour  l'échange  des  deux  balles. 

DuelB  de  la  troisième  oatégorie.  —  Duel  au  signoial. 

Étant  donnée  la  nature  particulière  du  combat,  nous  ne  voyons 
pas  grande  utilité  à  diminuer  les  délais  choisis  par  Chateauvillard, 
page  55,  article  8,  et  indiqués  en  ces  termes  : 


ttO  PREMIÈRE  PARTIE. 

«  Si  rinsulté  se  trouye  frappé,  si  son  témoin  donne  le  signal,  il 
doit  le  donner  dans  Tintervalle  de  trois  à  neuf  secondes,  c'est-à-dire 
trois  secondes  entre  chaque  coup,  qui  produisent  neuf  secondes 
pour  les  trois  coups,  ou  de  deux  à  six  secondes,  c'est-à-dire  deux 
secondes  entre  chaque  coup,  qui  produisent  six  secondes  pour  les 
trois. 

(c  Si  le  droit  de  donner  le  signal  est  tiré  au  sort,  ce  signal  doit 
être  donné  dans  Tintervalie  de  deux  secondes  à  six  secondes  pour 
les  trois  coups.  »>  {Ibidem,  art.  10.) 

Dael  au  commandement. 

Le  duel  au  commandement,  dont  Ghateauvillard  ne  parle  pas, 
constitue  une  modification  pratique  du  duel  au  signal  qui  est  très 
difficile  à  exécuter  correctement. 

Au  lieu  d'être  astreints  à  tirer  précisément  et  simultanément 
au  mot  ((  trois  »,  comme  dans  le  duel  au  signal,  les  combattants 
peuvent  tirer  à  partir  du  commandement  :  «  Feu  I  »  jusqu'au  mot 
«  trois  ».  Il  y  a  donc  pour  eux  une  notable  diminution  dans  la  dif- 
ficulté du  tir. 

Il  nous  a  paru  juste  de  diminuer,  en  conséquence,  les  délais 
indiqués  pour  le  duel  au  signal. 

Les  adversaires  peuvent  tirer  dans  un  délai  qui  ne  peut  être 
moindre  qu'une  seconde  et  demie,  c'est-à-dire  que  l'intervalle 
entre  chaque  coup  compté  à  haute  voix  est  d'environ  une  demi- 
seconde,  ni  supérieur  à  quatre  secondes  et  demie,  c'est-à-dire  que 
rintervalie  entre  chaque  coup  est  d'environ  une  seconde  et 
demie  *. 

Les  diminutions  que  nous  venons  de  faire  réunissent-elles  les 
trois  conditions  susceptibles  de  légitimer  un  changement  aux  règles 
de  Ghateauvillard  ? 

Évidemment  oui.  Les  explications  dans  lesquelles  nous  sommes 
entré  h  propos  des  duels  de  la  première  catégorie  rendent  toute 
nouvelle  démonstration  inutile.  Nous  n'y  reviendrons  pas. 

La  nécessité  d'opérer  ces  diminutions  est  justifiée  par  Texpé- 
rience.  Nous  conseillons  aux  témoins  de  s'en  rendre  compte  avant 
la  discussion  des  délais,  en  visant  pendant  une  minute  un  objet 
quelconque  avec  un  pistolet  chargé  à  blanc,  ou  bien  encore  en  se 
mettant  face  à  face  et  en  représentant  le  duel. 

Ils  jugeront  par  Ténervement  général,  par  le  sentiment  anxieux 
du  témoin  qui  compte  les  secondes,  combien  paraît  interminable 
une  fraction  de  temps,  si  minime  en  réalité. 

1.  Conformément,  voyez  Tavcrnier,  page  217. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DCEL.  224 

M.  Tavernier  fait  cette  observation  page  209. 

Elle  est  confirmée  par  un  exemple  frappant  *. 

L'exclamation  :  «  Mais  tirez  donc  !  »  échappée  au  témoin, 
exprime  bien  son  angoisse.  L'espace  de  temps  n'est  que  de  quatre 
ou  cinq  secondes.  11  lui  paraît  un  siècle. 

Obseryons,  à  ce  propos,  que  les  témoins  ne  doivent  jamais  se 
permettre  d^interpellations  semblables,  qui  peuvent  influencer  le 
tireur,  et  lui  causer  un  préjudice  auquel  son  adversaire  n'a  pas  été 
exposé. 

Si  un  combattant  dépasse  le  délai  fixé  pour  tirer,  les  témoins 
doivent  l'arrêter;  mais  tant  que  le  laps  de  temps  n'esl  pas  expiré,  il 
a  droit  de  faire  feu  dans  le  repos  le  plus  absolu. 

Tant  pis  pour  les  assistants  impressionnables! 

Supplément  de  délai  accordé  au  blessé  pour  riposter. 

La  nature  du  duel  au  signal  et  celle  du  duel  au  commande- 
ment ne  permettent  jamais  d'étendre  la  mesure  du  délai  pendant 
lequel  les  coups  de  feu  doivent  être  échangés. 

Aussi  voyons-nous  que  c'est  seulement  lorsqu'il  s'agit  de  duels 
an  visé  que  Ghateauvillard  accorde  au  blessé  un  laps  de  temps  sup- 
plémentaire pour  riposter.  Deux  minutes  au  lieu  d'une  seule,  par 
exemple,  dans  la  rencontre  à  tir  successif,  et  deux  minutes  au  lieu 
d'une  seule  (lorsque  le  blessé  est  tombé)  dans  la  rencontre  à  marcher. 

Il  faut  avouer  que,  si  le  duel  est  à  tir  successif,  la  faveur  accor- 
dée au  blessé  est  assez  juste. 

Du  moment,  en  effet,  que  le  combattant  auquel  revient  la  pri- 
mauté du  tir  a  tout  le  temps  nécessaire  pour  viser  un  homme  qui 
conserve  une  attitude  passive,  et  ne  lui  fait  courir  aucun  danger,  il 
est  équitable  d'accorder  à  ce  dernier,  s'il  est  blessé,  le  double  du 
temps  qui  lui  reviendrait  sli  n'avait  pas  été  atteint. 

Dans  la  pensée  de  Ghateauvillard,  la  minute  supplémentaire 
pendant  laquelle  le  blessé  reprend  ses  forces  et  ses  esprits  com- 
pense rimpossibilité  où  il  est  d'exercer  son  droit  de  riposte  dans 
des  conditions  aussi  avantageuses  que  celui  qui  a  tiré  le  premier. 

Cette  compensation  est-elle  aussi  justifiée  lorsque  le  duel  choisi 
ne  comporte  pas  un  ordre  de  tir  réglementé  d'avance  ?  lorsqu'il 
s'agit,  par  exemple,  du  duel  à  volonté,  pour  lequel  le  premier  coup 
est  ad  libitum,  d'après  le  système  de  Ghateauvillard  ? 

Nous  ne  le  croyons  pas.  En  effet,  les  situations  ne  sont  plus 

1.  Voyez  affaire   Mazard-de   Montbrond,  1*'''   et   2  septembre    18i9.   Appendice 
n«83. 


f^-  - 


2tt  PREMIÈRE  PARTIE. 

analogues  à  celles  du  duel  à  tir  successif.  Rien  n'obligeait  le  blessé 
à  attendre  si  longtemps  le  feu  de  son  adversaire.  Rien  ne  Tempd- 
chait  de  tirer  ai«int.  Son  retard  doit  être  considéré  comme  une  tac- 
tique qui  n'a  pas  réussi,  et  pas  autre  chose. 

Pour  ce  qui  nous  concerne,  du  moment  que  nous  adoptons  un 
délai  unique  et  sacramentel,  pendant  lequel  les  adversaires  doivent 
tirer  et  passé  lequel  ils  ne  le  peuvent  plus,  nous  refusons  au  blessé 
tout  supplément  de  délai  à  raison  de  sa  blessure,  soit  que  le  duel 
ait  été  au  visé  à  volonté,  au  irisé  à  marcher,  ou  à  marche  inter- 
rompue. 

Cette  fin  de  recevoir  est-elle  avantageuse  dans  la  pratique  ? 
Cette  modification  peut-elle  être  adoptée  7  Oui,  car  elle  supprime 
les  difficultés  relatives  à  la  constatation  des  droits  du  blessé,  facilite 
la  direction  du  duel,  en  diminue  le  danger,  et  ne  change  rien  k  la 
nature  du  combat. 

Elle  supprime,  disons-nous,  les  difficultés  relatives  à  la  consta- 
tation des  droits  du  blessé. 

Gomment  les  témoins  peuvent-ils,  avec  le  système  de  Château- 
villard,  constater  l'existence  et  la  gravité  de  la  blessure  ?  Comment 
peuvent-ils  reconnaître,  par  exemple,  dans  le  duel  à  marcher,  si  la 
chute  qui  vaut  au  blessé  un  supplément  d'une  minute  est  expliquée 
par  une  blessure  suffisante  pour  la  motiver  réellement  7  Ils  n'ont 
pas  d'autre  ressource  que  de  s'en  rapporter  à  l'affirmation  du  blessé, 
ou  de  le  faire  examiner  par  les  médecins. 

Dans  le  premier  cas,  ils  s'exposent  à  des  erreurs  provenant,  soM 
d'une  exagération  faite  de  bonne  foi,  et  souvent  très  naturelle,  soit 
d'une  amplification  déloyale,  très  difficile  à  constater. 

Dans  le  second,  ils  suppriment  à  la  vérité  le  danger  d*une 
erreur  d'appréciation,  mais  ils  augmentent  la  durée  du  combat  et 
les  difficultés  de  sa  direction,  puisque  la  vérification  suppose  un 
arrêt  du  duel,  un  nouveau  délai,  un  nouveau  point  de  départ  et 
des  calculs  plus  embrouillés.  N'y  aura-t-il  pas  complication,  par 
exemple,  si  le  blessé  reste  debout  pendant  la  majeure  partie  du 
délai  qui  lui  est  accordé,  s'il  n'y  a  pas  chute,  et  tombe  au  dernier 
moment  ? 

Il  est  donc  juste  de  dire  qu'en  supprimant  ce  privilège  on  sim- 
plifie le  combat. 

On  le  rend  aussi  moins  dangereux,  puisque  le  temps  pendant 
lequel  celui  qui  aura  tiré  le  premier  coup  restera  exposé  à  la  riposte 
sera  diminué  de  moitié. 

Malgré  les  raisons  que  nous  avons  données,  certains  témoins 
peuvent  vouloir  s'en  tenir  aux  règles  tracées  par  Chateauvillard, 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  M3 

soit  pour  la  question  du  délai,  soit  pour  la  question  du  supplément 
accordé  au  blessé. 

Nous  ne  prétendons  pas  leur  imposer  notre  système,  bien  qu'il 
ait  pour  résultat  de  sauvegarder  leur  responsabilité  ;  nous  le  leur 
conseillons,  mais  nous  les  laissons  libres  de  choisir. 

Aussi,  dans  les  chapitres  que  nous  consacrons  à  la  monogra- 
phie de  chaque  espèce  de  duel,  avons-nous  soin  d'exposer  d'abord 
le  délai  fixé  par  Chateauvillard  et  le  supplément  accordé  au  blessé 
pour  tirer. 

Le  tableau  des  diminutions  que  nous  proposons  vient  après. 

Les  témoins  ont,  de  cette  manière,  latitude  absolue  pour  exer- 
cer leur  choix  en  toute  connaissance  de  cause. 


CHAPITRE   XL 
Coup  raté.  —  Coup  tiré  en  Tair. 


Dans  le  duel  au  pistolet,  si  un  raté  se  produit,  et  s'il  n'existe 
pas  de  stipulation  contraire,  le  coup  raté  est  considéré  comme 
tiré*. 

Donc,  s'il  n'y  a  pas  de  clause  spéciale,  aucune  discussion  ne 
I>eut  surgir. 

Les  témoins  qui  prooèdent  à  la  rédaotion  du  prooès-verbal  de 
renoontre  doivent-ils,  pour  plus  de  sûreté,  consacrer  cette  régie 
par  une  oonvention  spéciale,  ou  décider  en  sens  inverse  que  la  per- 
sonne dont  le  pistolet  aura  raté  [pourra  le  faire  remettre  en  état 
et  tirer  de  nouveau? 

La  question  est  excessivement  importante  et  mérite  toute  leur 
attention. 

Pour  la  résoudre,  il  faut  distinguer  s*il  s'agit  des  duels  au  signal 
et  au  commandement,  ou  des  duels  au  visé. 

S'agit-il  des  duels  au  sitjual  ou  au  commaudewent,  tout  coup 
raté  est  considéré  comme  tiré.  La  règle  est  absolue,  et  découle  de 
la  nature  même  du  délai  accordé  pour  échanger  les  balles,  délai 
trop  court  pour  qu'il  soit  possible  de  Tinterrompre  *. 

1.  Voyez  Chateauvillard,  page  37,  article  13. 

2.  Voyez  affaire  Reinach-Déroulëde,  21  octobre  1800,  Annuaire  du  duel.  Appendice 
n*  84. 


tu  PREMIÈRE  PARTIE. 

S'agit-il  des  daels  au  visé  de  qaelqae  nature  qae  ce  soit,  les 
témoins  éprouveront  un  embarras  très  naturel,  car  les  aateors 
sont  muets  sur  ce  point,  et  on  troure  des  exemples  dans  les  deux 
sens  ^. 

Il  n'existe  donc  pas  pour  eux  d'autre  manière  de  se  fonder  une 
opinion  rationnelle  sur  la  valeur  des  deux  systèmes  que  de  com- 
parer minutieusement  les  résultats  qu'ils  entnilnent. 

Supposons  que  le  coup  raté  soit  considéré  comme  tiré,  et  exa- 
minons quelles  peuvent  être  les  suites  de  cette  convention* 

Soit  A...  Tagresseur  et  0...  l'offensé. 

0...  tire  le  premier  et  rate.  D'après  les  conventions,  A...  peut 
riposter.  0...  doit  attendre  dans  rimmobilité  la  j[>lus  complète 
l'expiration  du  laps  de  temps  qui  est  accordé  à  son  agresseur  pour 
faire  feu...  Si  A...  le  tue  ou  le  blesse,  il  use  d'un  droit  strict,  et  n'est 
point  blftmable  au  point  de  vue  des  règles  du  duel. 

Cependant,  quelle  position  plus  embarrassante  que  la  sienne, 
observent  les  partisans  du  rechargement,  en  présence  d*un  homme 
qu'il  a  gravement  offensé,  et  qui  est  tombé  à  sa  merci  par  la  mau- 
vaise qualité  de  son  arme,  ou  l'incurie  du  chargeur  I  S'il  use  de  ce 
fameux  droit  strict,  le  fait  d'avoir  tué  froidement  on  grièvement 
blessé  un  homme  désarmé,  qui  ne  lui  a  fait  courir  aucun  danger, 
ne  sera-t-il  pas  considéré  comme  un  acte  de  barbarie  frisant  la 
déloyauté  7 

Use-t-il  de  générosité,  et  refose-t-il  de  tirer?  11  prête  à  rire  si  le 
combat  doit  se  terminer  sans  ucuvel  échange  de  balles.  Si  un  plus 
grand  nombre  doit  être  tiré,  il  joue  sa  vie. 

Supposons  maintenant  que  0...,  Foffensé,  tire  et  manque,  et 
que  A...,  Tagresseur,  riposte  et  rate. 

Si  on  applique  la  règle  «  coup  raté,  coup  tiré  »,  il  est  clair  que 
le  combat  ou  tout  au  moins  le  premier  acte  du  combat  est  terminé, 
puisque  A...  ne  peut  plus  riposter. 

Ce  résultat  est  injuste,  font  observer  les  partisans  du  rechar- 
gement. L'offensé  n'a-t-il  pas  eu  en  main  toutes  les  chances  qui  lui 
revenaient?  Il  a  tiré,  il  a  manqué;  tant  pis  pour  lui I  Est-il  équi- 
table de  priver  son  adversaire  du  même  droit?  La  réciproque  est 
vraie  dans  le  cas  où  les  rôles  seraient  intervertis. 

Ils  soutiennent  que,  dans  tous  ces  cas,  il  faut  recharger  le  pis- 
tolet du  combattant  qui  a  raté,  mais  en  n'augmentant  sous  aucun 
prétexte  le  laps  de  temps  fixé  par  le  procès -verbal,  car  ce  laps  de 
temps  est  sacramentel. 

Par  conséquent,  disent-ils,  dans  un  duel  à  volonté  où  ce  délai 

1.  Voyez  appendice  n^  85. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DDEL.         U5 

serait  fixé  à  une  minute,  si  0...,  l'offensé,  tire  à  la  50®  seconde  et 
rate,  les  témoins  constatent  le  nombre  de  secondes  écoulées  depuis  le 
commandement  :  «  Tirez  I  »  Tannoncent  à  haute  yoix,  procèdent  au 
rechargement  et  n'accordent  plus  aux  adversaires  que  dix  secondes 
pour  faire  feu. 

Les  partisans  de  la  règle  «  coup  raté,  coup  tiré»,  objectent  à  leur 
tour  que  l'expédient  proposé  n'est  guère  pratique  ;  en  premier  lieu, 
parce  qu'à  la  distance  à  laquelle  se  trouvent  les  témoins,  il  leur  est 
impossible,  dans  certains  cas«  de  s'apercevoir  instantanément  du  raté  ; 
tel  est  celui  où  le  raté  provient  de  Tabsence  de  capsule  ou  d'une 
capsule  qui  ne  fait  pas  explosion.  Ils  ne  peuvent,  dans  ces  conditions, 
donner  le  signal  d'arrêt  au  moment  précis  où  l'accident  se  produit 
et  exécuter  la  convention  dans  son  entier.  D'où  la  conséquence  que 
l'individu  qui  dans  l'intervalle  entre  le  raté  et  le  commandement  : 
0  Arrêtez  !  »  risposterait  et  tuerait  son  adversaire,  ne  serait  pas 
blftmable,  car  il  l'aurait  fait  dans  les  délais  convenus. 

Ils  repoussent,  en  second  lieu,  l'expédient  proposé,  parce  qu'en 
admettant  même  que  les  choses  se  passent  régulièrement,  l'égalité 
entre  les  chances  des  deux  adversaires  n'existe  plus  dans  bien 
des  cas. 

Ne  voit-on  pas,  dans  l'exemple  proposé,  0. . .  rater  à  la  50'  seconde, 
les  témoins  crier  d'arrêter,  et  A...  obéir,  mais  au  moment  où,  après 
avoir  longuement  visé  son  adversaire,  il  le  tient  à  l'œil,  pour  nous 
servir  d'une  expression  triviale,  mais  qui  rend  bien  notre  pensée. 

Lorsque  après  le  chargement  le  combat  recommence,  il  ne  lui 
reste  plus  que  10  secondes  pour  lâcher  son  coup.  Peut-on  dire  qu'il 
conserve  tous  ses  avantages?  Évidemment  non,  car  ces  10  secondes 
ne  sauraient  compenser  les  50  qu'il  a  perdues.  Il  est  obligé  de  tirer 
plus  rapidement  et,  s'il  a  l'habitude  de  viser  très  longtemps,  il  le 
fait  avec  moins  grande  chance  de  succès. 

En  troisième  lieu,  ils  déclarent  le  rechargement  inacceptable, 
parce  que  le  calcul  des  secondes  écoulées  et  celui  des  secondes 
restantes  complique  la  direction  d'une  affaire  déjà  si  compliquée. 

Ils  objectent,  en  quatrième  lieu,  qu'il  est  bien  difficile,  dans 
certains  cas,  de  procéder  au  rechargement  dans  les  conditions 
stipulées  au  procès-verbal  ;  par  exemple,  lorsqu'il  a  été  décidé  que 
deux  balles  seulement  seraient  tirées,  et  que  les  armes  seraient 
chargées  avant  la  rencontre  par  un  chargeur  de  profession,  si  ce 
chargeur  ne  se  trouve  pas  sur  le  terrain. 

Notons  en  passant  qu'il  est  indispensable  que  l'arme  qui  a  raté 
soit  déchargée  complètement.  Tout  le  monde  a  pu  éprouver,  en 
effet,  le  sentiment  d'hésitation  et  de  malaise  produit  par  un  pistolet 
simplement  réamorcé  et  qu'il  faut  tirer  à  nouveau»  Le  manque  de 

45 


U6  PREMIÈRE  PARTIE. 

confiance,  la  crainte  d'nn  antre  raté,  paralysent  chez  bien  des  per- 
sonnes, même  habiles,  tons  les  moyens. 

Quelles  complications!  quelles  portes  ouvertes  aux  malentendus, 
aux  discussions  et  à  la  manyaise  foi  I  Quelle  responsabilité  pour  les 
témoins  ! 

En  présence  de  considérations  si  contraditoires*  et  qui  toutes 
ont  une  certaine  valeur,  nous  n'osons  nous  prononcer  étune  manière 
absolue  contre  ou  pour  la  règle  «  coup  raté,  coup  tiré  ».  Nous  croyons 
que  la  meilleure  ressource  pour  tourner  les  difficultés  que  nous 
avons  signalées  consiste  dans  l'adoption  du  duel  au  commande- 
ment, pour  lequel  le  coup  raté  est  toujours  considéré  comme  tiré, 
à  raison  de  Tintervalle  insignifiant  qui  sépare  le  mot  «  feu  »  du 
nombre  trois. 

C'est  le  sentiment  instinctif  des  inconvénients  signalés  plus 
haut  qui  a  probablement  contribué  à  diminuer  notablement  les 
rencontres  au  visé,  et  à  les  faire  remplacer  de  nos  jours  par  le  duel 
au  commandement. 

Malgré  les  observations  que  nous  venons  d'enregistrer,  si  Pof- 
fensé  avec  injure  grave  ou  voie  de  fait,  profilant  du  droit  de  choisir 
son  duel,  exige  une  rencontre  au  visé,  nous  croyons  qu'il  vaut  mieux 
interdire  le  rechargement.  Mais,  dans  ce  cas,  les  témoins  feront  bien 
de  réduire  autant  que  possible  les  délais  pour  tirer  et  pour 
riposter. 

Coup  tiré  en  Tair. 
Les  oombattants  ont-ila  le  droit  de  tirer  en  l'air  ? 

Cette  question,  à  laquelle  une  affaire  récente  vient  de  donner 
un  regain  d'actualité,  a  soulevé  de  vives  conlroverses^ 

L'acte  de  tirer  en  l'air  ne  nous  semble  pas  de  nature  à  être 
expressément  défendu;  d'abord  parce  que  Chateauvillard  ne  le 
prohibe  point,  ensuite  parce  qu'iln'estpas  plus  entaché  de  déloyauté 
que  celui  qui  consiste  à  presser  involontairement  la  détente  après 
le  signal,  au  moment  d'abaisser  le  pistolet,  et  à  échapper  le  coup. 

Tous  deux  constituent  un  simple  manqué. 

Examinons  quelles  sont  les  conséquences  de  cette  solution  rela- 
tivement au  droit  de  l'adversaire. 

Il  varie  suivant  que  c'est  Toffensé  ou  l'agresseur  qui  a  tiré  en 
rair. 

Si  c'est  l'offensé,  et  si  le  duel  est  au  visé,  l'adversaire  ne  doit 

1.  Voyez  affaire  Lagucrre-Déroulède,  13  novembre  1890,  appendice  n«  86,  et  les 
avis  ou  consultations  publiés  à  cette  époque,  ibidem,  auxquels  nous  avons  tous  fait 
plasieurs  emprunts. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  2ï7 

pas  riposter,  car  l'acte  de  l'offensé  équivaut  à  un  désistement.  Il  est 
censé  renoncer  à  demander  réparation  de  l'offense  qu'il  a  subie, 
puisque  cette  réparation  consiste  précisément  dans  le  coup  qu^il 
s'a  pas  Toulu  diriger  contre  son  agresseur.  Dans  ces  conditions, 
ce  dernier  n'a  plus  aucune  raison  de  tirer,  et  les  témoins  doivent 
l'en  empêcher. 

Si  le  duel  est  au  signal  ou  au  commandement,  comme  les  coups 
doiyent  être  simultanés  dans  l'un,  et  à  peu  près  simultanés  dans 
l'autre,  les  témoins  ne  sauraient  intervenir  utilement.  C'est  seule- 
ment lorsque  plusieurs  balles  doivent  être  échangées,  et  après  le 
premier  acte  du  duel,  que  leur  veto  a  sa  raison  d'être. 

Si  c'est  l'agresseur  qui  tire  en  l'air,  Toffensé  conserve  intact  le 
droit  de  faire  feu  sur  lui  autant  de  fois  qu'il  est  stipulé  au  procès- 
verbal;  car  l'agresseur,  en  approuvant  et  en  signant  le  procès-verbal, 
s'est  engagé  à  en  observer  et  à  en  subir  les  conditions. 

Nous  ne  saurions  admettre  qu'il  soit  libre  de  changer  la  loi  du 
combat,  et,  parce  qu'il  lui  platt  de  tirer  en  l'air,  d'esquiver  le  feu  de 
son  antagoniste. 

Ce  serait  trop  facile  si,  après  avoir  insulté  un  homme,  on  pou- 
vait éviter  les  conditions  qu'il  vous  a  légalement  imposées,  et  le 
frustrer  de  la  réparation  qui  lui  est  due,  en  ayant  l'air  de  faire  le 
généreux. 

Est-il  admissible,  en  un  mot,  que  les  conditions  du  duel 
puissent  être  changées  par  la  volonté  de  celui  à  qui  on  a  demandé 
réparation,  contre  la  volonté  de  celui  qui  avait  le  droit  de  Texiger? 

Du  reste,  l'acte  de  tirer  en  Tair  est  généralement  moins  che- 
yaleresque  qu'on  voudrait  le  faire  croire. 

En  effet,  sll  existe  des  cas  où  Tagresseur  doit  subir  le  feu  de  son 
adversaire  sans  tirer  sur  lui  ;  s'il  s'agit,  par  exemple,  du  séducteur 
d'une  jeune  fille  placé  en  face  du  père  irrité,  personne  ne  niera 
qu*il  ne  lui  soit  loisible  de  manquer  son  adversaire,  sans  exprimer 
tout  haut  et  d'une  façon  apparente  son  intention,  au  lieu  de  la 
garder  pour  lui. 

Cette  générosité  ne  semble-t-elle  pas,  dans  bien  des  cas,  une 
invite  à  une  générosité  pareille  de  la  part  de  Toffensé,  générosité 
forcée  presque  toujours,  car  elle  procède  d'un  sentiment  d'appréhen- 
sion bien  naturel,  celui  de  la  responsabilité  qu'il  assume  aux  yeux 
des  lois  ordinaires  s'il  tue  ou  blesse  un  homme  qui  n'a  pas  voulu 
attenter  à  sa  vie  ! 

Nous  conclurons  en  disant  que  si  Tacte  de  tirer  en  l'air  ne  sau- 
rait être  considéré  comme  déloyal  et  formellement  interdit,  il  est, 
en  revanche,  de  mauvais  goût,  offensant  pour  l'adversaire  et  sus- 
ceptible d'être  interprété  d'une  manière  peu  favorable. 


m  PREMIÈRE  PARTIE. 

Aussilôtquelecoup  de  feu  a  été  tiré  en  l'air  par  l'agresseur,  les 
témoins  doivent  arrêter  l'offensé  et  tâcher  d'arranger  l'affaire.  Pour 
cela  ils  font  valoir  ïîs-à-vis  les  adversaires  les  arguments  divers  que 
nous  avons  indiqués.  Ils  en  exagèrent  au  besoin  la  portée. 

L'offensé,  dûment  instruit  des  risques  qu'il  court  s'il  lient  à  user 
de  son  droit  à  riposter,  persiste-l-îl  à  vouloir  l'eiercer?  Les  témoins 
ne  peuvent  l'en  priver.  Il  n'a  dans  ce  cas  pour  tirer  que  le  laps  de 
temps  qui  lui  restait  au  moment  où  le  duel  a  été  arrêté  par  eux. 

Si  plusieurs  balles  doivent  être  échangées,  ils  demandent  k 
l'agresseur  s'il  entend  recommencer,  et  les  choses  se  passent  comme 
nous  venons  de  le  dire,  en  cas  de  réponse  afûrmative. 

Si  l'offensé  déclare  ne  pas  oser  tirer  sur  qui  ne  se  défend  pas, 
à  cause  de  l'écrasante  responsabilité  qui  le  menace  dans  le  cas  où 
il  le  ferait,  les  témoins  dressent  un  procès-verbal  constatant  que 
l'oPfensi?  n'a  pas  repu  réparation.  L'agresseur  est  dans  ce  cas  censé 
avoir  refusé  de  se  battre'. 

Nombre  de  beilleB  à  échanger. 

Le  procf-s-verbal  doit  spécifier  combien  de  balles  seront  échan- 
gées. Son  silence  doit  élre  interprété  dans  un  sens  restrictif,  c'est- 
à-dire  qu'en  pareil  cas  le  duel  est  an-été  après  le  premier  feu. 

Le  nombre  de  balles  h  échanger  ne  peut  jamais  dépendre  du 
caprice  des  adversaires  ou  de  l'exécution  d'une  condition,  comme 
dans  l'atTairc  Mlra-Dovalle,  Gazelle  des  Tribiinauj;,  27  octobre  1830. 
Appendice  n"  87. 

Le  droit  de  décider  combien  il  y  aura  de  balles  échangées  ne 
fait  pas  partie  des  privilèges  de  l'offensé.  Il  appartient  aui  témoins. 


CHAPITRE  XLl 
Choix  des  piatolets. 


Si  l'offense  est  une  offense  du  premier  ou  du  second  degré,  les 
témoins  choisissent  les  pistolets,  c'est-à-dire  qu'ils  se  procurent 

1.  Voyez  conrormémsat  Aageliai,  Codice  cavallereico,   cbtpitre  xviii,  trticla  34. 
—  Gelti,  article  410.  —  Lea  codes  allemaDda  déclarant  ladigne  celui  qui  tira  deux 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  2Î9 

d'ane  manière  qaelconqae,  achat,  location,  etc.,  les  armes  propres 
an  combat.  Les  adversaires  sont  obligés  de  s*en  servir.  Elles  doivent 
leur  être  absolument  inconnues. 

Si  Toffense  est  avec  voies  de  fait,  Toffensé  peut  se  servir  de  ses 
pistolets,  mais  Tagresseur  acquiert  ipso  facto  le  même  droit  ^ 

Dans  cette  seconde  hypothèse,  les  pistolets  de  chaque  partie 
sont  présentés  avant  la  clôture  du  procès-verbal  aux  témoins,  qui 
peuvent  les  accepter  ou  les  refuser,  selon  qu'ils  sont  ou  ne  sont  pas 
conformes  aux  règles  de  nos  chapitres  xui  et  suivants.  Mention  de 
cet  examen  et  du  résultat  est  insérée  au  procès-verbal. 

Si  roffensé  avec  voies  de  fait  ne  présente  pas  d'armes,  les  té- 
moins exercent  le  choix  des  pistolets  dans  les  conditions  que  nous 
Tenons  d'indiquer  plus  haut. 

Ce  droit  de  choix  ou  d'examen  une  fois  reconnu  aux  témoins, 
il  nous  reste  à  étudier  trois  questions  qu'ils  doivent  forcément  con- 
naître, s'ils  veulent  remplir  convenablement  cette  partie  de  leur 
mandat. 

Elles  sont  relatives  : 

1"»  Aux  conditions  requises  poar  que  les  pistolets  soient  propres 
au  combat  et  puissent  être  choisis  ou  agréés  par  les  témoins; 

2''  Aux  manœuvres  frauduleuses  dont  les  armes  peuvent  être 
l'objet,  au  but  de  ces  manœuvres,  à  leur  résultat,  aux  moyens  de  les 
prévenir  et  de  les  reconnaître  ; 

3^  Aux  conditions  qui  peuvent  enlever  au  tir  une  certaine 
somme  de  justesse,  au  combat  une  somme  de  dangers  proportion- 
nelle, tout  en  conservant  aux  armes  leur  précision  et  à  la  rencontre 
son  caractère  de  loyauté. 

L'examen  de  chacune  de  ces  questions  formera  la  matière  d'un 
chapitre  séparé. 


CHAPITRE  XLII 
Conditions  mises  au  choix  et  à  Tacceptation  des  pistolets. 


Pour  que  les  pistolets  soient  choisis  ou  acceptés  par  les  témoins, 
il  faut  qu'ils  soient  reconnus  propres  au  combat. 

Pour  que  les  pistolets  soient  propres  au  combat,  il  faut  qu*ils 
soient  capables  de  faire  feu  d'une  manière  assurée,  et  susceptibles 
d'atteindre  avec  justesse  le  but  visé. 

1.  Voyei  Chateauvillard,  page  35,  article  4,  et  notre  chapitre  i^ii. 


r 

^  130 


PREMltRE  PARTIE. 


Nous  allons  examiner  successivement  les  causes  qui  peuvent 
ioflLier  d'abord  sur  la  certitude  du  départ,  ensuite  sur  la  précisiou 
du  tir. 

Les  cames  qtii  influent  sur  la  certitude  du  d^imrt  sont  :  1°  le 
sens  de  la  communication  ;  1"  le  chargement. 

Nous  disons  que  le  sens  de  la  communication  influe  sur  la 
certitude  ou  l'incertitude  du  déparl.  En  elTel.  la  première  condition 
pour  que  des  armes  ne  ratent  pas,  c'est  que  le  feu  soit  régulière- 
menl  communiqni.^  h  la  poudre. 

Pour  cela  il  faut  non  seulement  que  la  perforation  du  petit 
canal  qui  traverse  la  cheminée,  pour  aboutir  à  la  chambre  où  se 
trouve  la  charge  de  poudre,  soil  complète,  mais  quelle  soit  faite  en 
équerre,  et  non  directement  comme  dans  les  fusils  à  piston  ordi- 
naires. 

En  elTet,  avec  la  communication  directe,  s'il  se  trouve  dans  le 
canon  la  moindre  grave,  la  moindre  parcelle  décrasse,  ces  corps 
étrangers  sont  projetés  dans  la  chambre  par  l'ébranlement  des  coups 
de  maillet. 

Ils  tombent  de  là  dans  la  cheminée,  par  suite  de  la  situation 
verticale  de  l'arme  pendant  le  char{;ement,  et  produisent,  suivant 
leur  volume,  des  longs  feux  ou  des  ratés,  qui  peuvent  amener  des 
complications  désastreuses. 

Au  contraire,  avec  la  communication  en  équerre,  la  grave  ou  la 
crasse  s'arrête  dans  la  partie  à  angle  droit  et  ne  produit  pas  d'obtu- 
ration. 

Nous  disons  que  le  chargement  est  la  seconde  cause  qui  influe 
sur  la  certitude  du  départ. 

En  effet,  si  le  chargeur  verse  la  pondre  avant  de  s'assurer  que 
la  communication  n'est  pas  bouchée,  s'il  n'assujettit  pas  la  capsule, 
en  un  mot  s'il  commet  une  bévue  qui  empêche  le  fen  d'atteindre  la 
poudre,  le  bon  sens  indique  qu'il  provoquera  un  raté. 

On  voit  que  l'opération  du  charçement  mérite  qu'on  s'y  arrête  ; 
nous  la  traiterons  en  détail  chapitre  xlv. 

r  la  jast«aB«  du  tir,  abstraoUon  &ite  de 

1°  Le  forage  du  canon  et  sa  rayure; 
2°  Les  proportions  de  la  chambre; 
3"  Lacharge; 
W  Le  guidonttage. 

1>  Forage.  Rature.  —  Les  armes  lisses,  même  parfaitement 
forées  et  repassées,  ne  peuvent  aroir  une  portée  et  une  exactitude 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  «34 

égales  à  celle  des  armes  rayées.  En  effet,  pour  permettre  Tintroduc- 
don  du  projectile,  11  faut  entre  celui-ci  et  le  canon  une  différence  de 
calibre  appelée  vent. 

Au  moment  du  départ,  le  projectile,  reposant  sur  la  partie  infé- 
rieure du  canon,  laisse  à  sa  partie  supérieure  un  yide  où  passe  une 
partie  du  gaz  de  la  poudre;  d*où  résultent  à  la  fois  une  série  de 
l)attements  dans  Fintérieur  du  tube  qui  empêchent  de  prévoir  la 
direction  exacte  que  prendra  le  projectile  au  sortir  du  canon,  et  en 
même  temps  un  mouyement  de  rotation  d'arrière  en  avant  qui 
Tient  aussi  accroître  rincertitude  de  cette  direction.  Ces  défauts 
sont  corrigés  dans  les  armes  rayées. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  rechercher  quelle  influence  peut 
ayoir  sur  la  précision  du  tir  des  armes,  tant  lisses  que  rayées,  les 
irrégularités  du  forage  et  de  la  rayure. 

Les  défauts  dans  le  forage  et  dans  la  rayure  donnent,  lorsqu'ils 
sont  suffisamment  prononcés,  des  déviations  qui  n'ont  pas  une 
Taleur  constante  et  varient  d'un  coup  à  Fautre,  mais  qui  diminuent 
à  mesure  que  ces  défauts  s'éloignent  de  la  bouche. 

Ils  se  rencontrent  rarement  à  un  degré  suffisamment  considé* 
rable  dans  les  pistolets  neufs  pour  les  rendre  impropres  au  combat; 
mais  dans  les  armes  ayant  déjà  servi,  la  rouille,  le  nettoyage 
brutalement  opéré  avec  une  baguette  en  fer,  ou  mieux  encore  en 
acier,  qui  aplatit  ou  déforme  un  certain  nombre  de  rayures,  peut 
amener  ce  résultat. 

Pour  constater  Tétat  du  canon,  il  faut  entourer  la  baguette  à 
layer  avec  un  morceau  de  foulard  de  soie,  l'enfoncer  doucement  et 
la  retirer  de  même.  Toute  résistance  éprouvée  est  l'indice  d'une 
imperfection. 

Il  suffit  ensuite  de  déculasser  l'arme  et  de  regarder  dans  le  tube 
comme  dans  une  lorgnette  pour  en  constater  l'état,  car  à  chaque 
aspérité  un  peu  considérable  reste  attachée  une  peluche  de  soie. 

2*  Proportions  de  la  chambre.  —  Pour  qu'un  pistolet  con- 
serve une  très  grande  somme  de  justesse,  il  faut  que  la  partie  de  la 
chambre  qui  est  en  contact,  d'un  côté  avec  la  balle,  et  de  l'autre  en 
communication  avec  le  feu,  ait  une  capacité  de  nature  à  contenir 
exactement  la  charge  de  poudre. 

Il  faut,  en  outre,  que  la  concavité  dans  laquelle  la  balle  doit 
être  logée  soit  fraisée  avec  la  fraise  qui  a  servi  pour  le  moule  à 
balles,  et  ne  soit  ni  plus  ni  moins  profonde  que  la  moitié  de  ladite 
balle,  de  manière  à  ce  que  cette  dernière  appuie  partout  et  ne  soit 
pas  déformée  par  les  coups  de  maillet. 

Bien  qu'une  chambre  mal  proportionnée  influe  sur  la  justesse. 


f     m 


PREMIÈRE  PARTIE. 


il  faut  reconnaître  que,  généralement,  l'influence  est  trop  minime 
pour  rendre  l'arme  impropre  au  combat. 

Cependant,  comme  la  disproportion  peut  être  telle  que  le  con- 
traire se  présente,  nous  ayons  cru  devoir  entrer  dans  ces  détails,  qui 
ne  seraient  pas  complets  si  nous  ue  rappelions  aui  témoins  que  la 
constatation  des  défauts  provcuant  delà  chambre  nécessite  le  décu- 


3"  CHAittiF.  —  Le  calibre  exact  du  projectile,  la  juste  propor- 
tion entre  la  quantité  de  poudre  et  le  poids  de  la  balle,  forment  la 
troisième  condition  d'une  grande  précision. 

Nous  disons  que  la  balle  doit  être  exactement  du  calibre  de 
l'arme.  En  effet,  une  balle  trop  grosse  ne  peut  entrer  dans  un  pistolet 
lisse,  et  ne  peut  être  introduite  dans  un  pistolet  rayé  qu'à  force  de 
coups  de  maillet,  qui  la  réduisent  à  l'état  de  lingot,  au  délrimentde 


Si  la  balle  est  irop  petite,  le  vent  augmente  en  raison  de  la  diffé- 
rence de  calibre  qui  existe  entre  l'Ame  du  canon  et  le  projectile  ;  les 
battements  se  produisent  plus  fréquents,  et  la  balle  ne  reçoit  plus 
de  direction  assurée. 

Les  témoins  ne  peuvent  accepter  une  arme  ainsi  chargée. 

Nous  disons  que  la  mesure  de  poudre  doit  être  proportionnée 
au  poids  de  la  balle.  Une  charge  de  poudre  exagérée  fait  relever  le 
coup.  Une  charge  trop  faible  produit  le  résultat  inverse.  L'expé- 
rience nous  a  démontré  qu'on  peut  compter  25  centigrammes  de 
poudre  par  10  grammes  de  plomb,  cl  2  centigrammes  par  chaque 
gramme  en  sus.  Kous  croyons  pouvoir  engager  les  témoinsâadopter 
ces  proportions  pour  les  calibres  ordinaires. 

4"  GuiDOBHACE.  —  Le  guidonnage ,  c'est-à-dire  la  position 
régulière  du  guidon  et  du  cran  de  mire,  constitue  la  dernière 
condition  d'une  grande  justesse.  G'estcelle  qui  influe  davantagesur 
Is  précision  de  l'arme. 

Dans  le  tir  au  pistolet,  comme  il  ne  s'agit  pas  d'une  arme  k 
longue  portée,  et  comme  la  distance  n'excède  guère  trente-cinq  pas, 
il  n'est  pas  question  de  corriger  la  dérivation  latérale  et  la  courbe 
de  la  trajectoire,  et,  par  conséquent,  de  déplacer  le  guidon  ou  de  se 
servir  d'une  hausse. 

Pour  que  les  pistolets  soient  considérés  comme  réglés,  deux 
conditions  suffisent. 

II  faut  : 

1°  Que  le  cran  de  mire  et  le  guidon  soient  placés  exactement 
dans  l'axe  du  canon,  et  que,  par  conséquent,  la  ligne  de  mire,  c'est- 
à-dire  la  ligne  déterminée  par  le  fond  du  cran  de  mire  et  l'extré- 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  233 

mité  du  guidon,  soit  parallèle  à  la  ligne  de  tir,  c'est-à-dire  à  l'axe 
du  canon  indéfiniment  prolongé; 

2o  Que  le  fond  du  cran  de  mire  et  l'extrémité  du  guidon  aient 
la  même  hauteur. 

Cette  dernière  condition  suppose  que  les  canons  sont  d'égale 
grosseur  partout. 

Cette  égalité  du  canon  est  générale  à  notre  époque.  Nous  la 
supposerons  toujours  existante  dans  les  explications  que  nous  allons 
avoir  à  donner,  et  négligerons  les  corrections  qui  étaient  nécessaires 
avec  les  armes  anciennes,  plus  renforcées  au  tonnerre  qu'à  l'extré- 
mité. 

Pour  reconnaître  si  le  cran  de  mire  et  le  guidon  sont  bien  dans 
l'axe  du  canon,  on  mesure  généralement  le  pan  sur  lequel  la  mire 
et  le  guidon  sont  fixés,  et  on  examine  s'ils  en  occupent  exactement 
le  centre. 

On  s^assure  également  que  l'épaisseur  du  fer  à  l'extrémité  du 
canon  est  partout  bien  égale. 

Cette  Yérification  ne  donne  pas  une  certitude  absolue,  car  le 
milieu  du  pan  peut  lui-même  ne  pas  être  dans  l'axe  du  canon;  mais 
les  témoins  peuvent  s'en  contenter,  parce  que  la  certitude  mathé- 
matique résulterait  d'opérations  délicates,  et  parce  que  l'approxi- 
mation à  laquelle  ils  arrivent  indique  que  Tarme  est  telle  qu'elle 
est  sortie  de  la  main  du  fabricant,  et  n'a  pas  été  repassée  dans  un 
but  coupable. 


CHAPITRE   XLlll 
Opérations  déloyales  dont  les  armes  peuvent  être  l'objet. 


Certaines  opérations  déloyales  peuvent  être  exécutées  sur  les 
pistolets,  dans  le  but  de  diminuer  leur  justesse  et  d'enlever  au  com- 
battant de  bonne  foi,  qui  vise  comme  à  l'ordinaire,  toute  chance 
d'atteindre  son  adversaire,  tandis  que  ce  dernier,  prévenu,  s'arrange 
pour  corriger  Técart. 

Il  importe  aux  témoins  de  les  connaître. 

Nous  allons  rechercher  en  conséquence  : 

l""  Quels  moyens  peuvent  être  employés,  et  quels  en  sont  les 
résultats  ; 

2"»  Dans  quelles  circonstances  ces  moyens  peuvent  être  tentés  ; 


>...'.-- 


PUÈllIIÈRE  PARTIE, 

3°  Commeiit  ta  fraude  peut  être  reconnue  ; 
II"  Commeut  od  peut  la  prévenir. 


1"  Quels  moyens  peuvent  être  employés?  —  Quels  en  sont 
tes  résultats? 

La  manœuvre  déloyale  s'opère  en  déplaçant  adroite  ou  à  gauche 
de  l'axe  du  canon,  soit  le  guidon  seul,  soit  le  cran  de  mire  seul,  soit 
les  deux  en  même  temps.  On  peut  aussi  abaisser  le  guidon  et 
exhausser  le  cran  de  mire,  ou  exhausser  le  guidon  et  abaisser  le 
cran  de  mire. 

Toutes  ces  opérations  ont  pour  résultat  de  détruire  le  parallé- 
lisme qui  doit  exister  entre  la  ligne  de  tir  et  la  ligne  de  mire,  et  de 
produire  une  déviation  latérale  ou  verticale. 

Toiil  déplacement  du  guidon  à  droite  fait  porter  le  projectile  à 
gauche,  lii^cipro^uemeiit,  tout  di'placeiiient  diit/uidû»  à  gauche  fait 
porter  le  /irojectile  à  droite. 


Soit  B  le  cran  de  mire  placé  dans  l'axe  A  G  du  canon.  Soit  0  le 
but  à  atteindre.  Supposons  qu'au  lieu  de  laisser  le  guidon  dans 
l'axe  du  canon,  comme  cela  devrait  avoir  lieu  régulièrement,  une 
des  parties  le  repousse  à  droite  jusqu'au  point  E,  Le  combattant  qui 
vise  le  but  0  n'a  pas  chance  de  l'atteindre,  car  la  ligne  de  mire,  c'est- 
à-dire  celle  qui  est  déterminée  par  le  fond  du  cran  B,  le  sommet  du 
guidon  K  et  le  but  0,  ne  conserve  pas  son  parallélisme  avec  la  ligne 
de  tir  A  G  0',  c'est-à-dire  avec  l'axe  du  canon  indéfiniment  pro- 
longé, mais  forme  avec  elle  un  angle  0  B  0'  d'autant  plus  ouvert 
que  le  but  est  plus  éloigné.  La  balle  ira  frapper  en  0',  à  gauche  du 
point  visé. 

Pour  corriger  cet  écart,  la  partie  qui  connaît  le  déplacement  du 
guidon  vise  à  droite  du  but,  d'une  mesure  égale  à  la  distance  qui 
sépare  les  points  0  et  0'. 

Tout  déplacement  du  cran  de  mire  à  droite  fait  porter  l'arme  à 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL. 


235 


droite.  Tout  déplacement  du  cran  de  mire  à  gauche  fait  porter  l'arme 
à  gauche. 


JL. 


4y 


B 


'TÇmwZT' 


Soit  B  le  cran  de  mire  repoussé  à  droite  de  l*aie  du  canon.  Soit 
E  le  guidon  conservé  sur  cet  aie.  Soit  0  le  point  visé.  La  figure 
Dous  montre  que  le  projectile  suivra  la  ligne  de  tir  A  G  et  ira  frapper 
en  0',  à  droite  du  but,  en  formant  un  angle  0  E  0'.  La  correction 
s'opère  en  visant  à  gauche  du  but,  d'une  mesure  égale  à  la 
distance  0  0'. 

Si  on  repousse  le  guidon  à  droite  et  le  cran  de  mire  à  gauche, 
Pécart  se  produit  à  gauche.  Si  on  repousse  le  guidon  à  gauche  et  le 
cran  de  mire  à  droite,  V écart  se  fait  à  droite.  L'écart  est  plus  consi- 
dérable que  celui  qui  est  produit  par  un  déplacement  pur  et  simple 
du  seul  cran  de  mire  ou  du  seul  guidon. 

La  correction  s'opère  en  visant,  à  droite  ou  à  gauche  du  but, 
d*une  distance  égale  à  l'amplitude  de  l'écart. 

La  figure  suffira  au  lecteur  pour  s'en  assurer. 


Lexhaussement  du  cran  de  mire  fait  porter  le  projectile  plus 

haut  que  le  but  visé. 

Si  cet  exhaussement  est  accompagné  de  l'abaissement  du  guidon, 

l'écart  est  encore  plus  sensible. 


hf^'-' 


Lift»  dt 


-0' 
-0 


Soit  B  le  cran  de  mire  placé  comme  le  guidon  E  dans  Taxe  du 
canon,  mais  plus  élevé  que  le  guidon,  qui  est  réduit  à  son  minimum 
de  hauteur. 

Pour  que  le  rayon  visuel  partant  du  cran  de  mire  et  passant 


*• 


236  PREMIÈRE  PARTIE. 

par  Textrémité  du  guidon  yienne  frapper  le  but  0,  il  faut  élever  le 
bout  du  canon  et  donner  à  Farme  une  inclinaison  oblique. 

La  ligne  de  tir  suit  le  même  mouvement  et  forme  avec  la  ligne 
de  mire  un  angle  0  K  0'  d'autant  plus  grand  que  la  différence  de 
hauteur  entre  le  cran  de  mire  et  le  guidon  est  plus  considérable. 
La  balle  ira  frapper  en  0'  au-dessus  du  but  0.  La  correction  s*opère« 
en  visant  au-dessous  du  but,  d'une  mesure  égale  à  la  distance  0  0'. 

Réciproquement^  V exhaussement  du  guidon  fait  porter  le  pro- 
jectile plus  bas  que  l'objet  visé. 


Ligmt'ém  wiarw 


La  correction  s'opère,  en  visant  au-dessus  du  but  0,  d'une 
mesure  égale  à  la  distance  0  et  0'. 

2<>  Dans  quelles  circonstances  ces  opérations  déloyales 

peuvent-elles  être  commises? 

Elles  peuvent  être  commises  sur  le  terrain  ou  préparées  avant 
la  rencontre. 

Si  les  guidons  sont  mobiles,  un  témoin  déloyal  peut  en  une 
seconde,  sur  le  terrain,  déplacer  celui  d'un  des  pistolets  précédem- 
ment bien  réglés,  et  remettre  le  pistolet  déréglé  à  l'adversaire  de  son 
client,  tandis  que  ce  dernier  recevra  une  arme  qui  n'aura  subi 
aucune  fraude. 

Il  peut  aussi  dérégler  les  deux  armes.  Son  client,  prévenu,  cor- 
rigera approximativement  la  dérivation,  et  aura  chance  d'atteindre 
l'adversaire.  Dans  ces  deux  cas,  il  ne  courra  aucun  danger,  puisque 
le  combattant  non  averti  visera  comme  à  l'ordinaire,  et  portera 
à  droite  ou  à  gauche  du  but  qu'il  veut  atteindre. 

Nous  disons  que  les  opérations  déloyales  peuvent  être  effectuées 
avant  la  rencontre. 

Il  peut  arriver,  par  exemple,  que  des  armes,  même  inconnues, 
restent  entre  les  mains  de  témoins  ou  d'adversaires  indélicats.  Il 
peut  avoir  été  convenu  que  chacun  des  adversaires  apportera  des 
pistolets  et  que  le  sort  décidera  la  paire  dont  on  se  servira. 

Dans  ces  deux  cas,  il  est  facile  de  régler  à  faux,  sans  éveiller 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  S37 

l'attention,  soit  Tune  des  deux  armes  marquée  d  un  signe  convenu^ 
soit  les  deux  armes  à  la  fois. 

Les  choses  se  passent  alors  comme  nous  venons  de  le  faire 
obserrer,  mais  avec  cette  aggravation  que  Tauteur  ou  le  complice  de 
la  fraude  aura  pu  faire  Texpérience  de  l'écart  produit,  et  pourra  le 
corriger  plus  facilement  que  si  l'opération  s'est  faite  sur  le  terrain. 

Pour  peu  qu'on  ait  le  temps,  le  déplacement  du  guidon  et  du 
cran  de  mire,  leur  exhaussement,  sont  faciles  et  s'exécutent  dans 
des  conditions  qui  rendent  la  fraude  presque  insaisissable, 

Supposons  qu'on  veuille  faire  porter  des  pistolets  à  gauche  et  très 
haut,  on  ne  déplacera  pas  le  guidon  d'une  quantité  suffisante 
pour  qu'il  produise  à  lui  seul  cet  effet,  car  la  supercherie  serait  trop 
apparente.  On  se  contente  de  le  pousser  légèrement  à  droite  et  de 
l'abaisser  d'une  petite  quantité.  On  fait  faire  ensuite  une  plaque  de 
mire  plus  étroite  que  le  pan  et  plus  haute  que  le  guidon.  On  la 
fixe  le  plus  à  gauche  possible  du  pan  et  on  creuse  le  cran  de  mire 
bien  au  centre. 

Les  témoins  qui  examinent  les  armes  ne  s'aperçoivent  point 
que,  par  le  fait  du  petit  intervalle  qui  existe  entre  l'extrémité  droite 
de  la  plaque  de  mire  et  l'arête  droite  du  pan,  le  cran  de  mire  est 
reporté  à  gauche. 

Gomme  ces  déplacements  pris  isolément  sont  très  peu  visibles, 
ils  acceptent  des  armes  qui  portent  sensiblement  trop  haut  et  à 
gauche. 

Il  existe  une  autre  méthode  pour  faire  porter  un  pistolet,  à 
volonté,  à  droite,  à  gauche,  en  haut  ou  en  bas  du  point  visé.  Cette 
fraude  est  rare,  car  elle  nécessite  une  préméditation  de  longue 
date  et  la  complicité  d'un  ouvrier  habile,  mais,  en  revanche,  elle  est 
difficile  à  constater. 

Avant  que  le  canon  ne  soit  dégrossi  à  l'extérieur,  mais  après 
qu'il  a  été  foré  et  rayé,  l'ouvrier  le  met  à  la  forge  et  le  fait  chauffer 
au  rouge,  puis  le  fermant  dans  un  étau,  à  quelques  centimètres  de 
la  chambre,  il  tire  l'autre  bout  et  l'amène  légèrement  à  lui.  Cette 
traction  produit  une  courbe  qui  ne  saurait  être  appréciée  à  Toeil 
DU,  mais  qui  influe  considérablement  sur  la  précision   du  tir. 

Pour  mieux  cacher  la  fraude,  l'ouvrier  finit  les  pans  du  canon 
à  l'extérieur  comme  si  la  courbe  n'existait  pas. 

Cette  opération  a  sur  la  justesse  du  tir  une  influence  plus  consi- 
dérable que  celle  qui  résulte  du  déplacement  du  guidon  et  de  la 
mire» 

Avec  une  courbe  à  peine  sensible  à  la  baguette  enfoncée  à 
plein  dans  le  canon,  on  peut,  à  ce  que  nous  a  assuré  un  armurier, 
obtenir  une  déviation  de  1  mètre  par  15  mètres  environ. 


r 


i38  PKEMlfcRE  l'AKTIE. 

L'écrasement  de  rayures  près  delà  bouche,  le  trayail  de  la  \m^^ 
ti  la  bouche  m^me,  sont  également  des  causes  de  dérÎTalion. 

On  peut  eufin  rendre  les  chances  inégales  enlre  les  ilreurs,  en 
donnant  à  une  des  délenles  un  degré  de  dureté  supérieur  à  l'autre. 

Cette  inégalité  est  surtout  préjudiciable  lorsque  le  duel  est  au 
signal  ou  au  comoiandeuient,  car,  dans  ces  cas,  le  doigt  presse  la 
détenle  avec  brusquerie,  et  entraîne,  lorsque  la  résistante  est 
eicessive,  de  grands  écarts. 

3*  Comment  les  témoins  reconnaîtront-ils    l'existence 
des  manoeuvres  &auduleuses  que  nous  venons  de  si^aler? 

On  reconnaît  la  fraude  qui  résulte  du  déplacement  du  point  de 
mire  et  du  guidon,  en  enfonçant  dans  le  canon  une  baguette  à  plein 
qui  dépasse  l'orifice  de  50  centimètres  au  moins.  On  fait  ensuite 
passer  un  fil  par  le  cran  de  mire  et  l'eitrémité  du  guidon,  et  on  le 
prolonge  jusqu'à  celle  de  la  baguette.  S'il  y  a  manœuïrc  dans  le 
genre  de  celles  que  nous  aTous  expliquées,  le  &I,  au  lieu  d'aboutir 
au  centre  de  ladite  baguette,  passe  à  sa  droite  ou  à  sa  gauche,  au- 
dessus  ou  au-dessous,  suivant  le  genre  d'opération  à  laquelle  on 
s'est  liïré. 

On  reconnaît  la  fraude  qui  consiste  â  donner  une  courbe  au 
cynon  lui-même  en  déculas*ant  le  pistolet.  On  voit  que  les  bords 
du  canon,  à  la  culasse,  ne  sont  plus  d'égale  épaisseur,  L'eiameu  de 
l'intérieur  du  lube  ne  donnerait  pas  des  résaltats  safflsamineDt 
précis. 


4°  Gomment  les  &audes  dont  nous  venons  de  parler 
peuvent^lles  être  prévenues  7 

Les  fraudes  qui  se  produisent  sur  le  terrain,  grâce  au  déplace- 
ment du  guidon  ou  au  durcissement  des  détentes,  sont  évitées  en 
refusant  toute  arme  munie  d'un  guidon  mobile,  et  pourvue  d'une 
détente  dont  une  vis  permet  de  modifier  la  sensibilité. 

On  évite  les  fraudes  qui  demandent  un  espace  de  temps  plus 
considérable,  en  se  serrant  d'armes  neuves,  louées  ou  achetées  par 
les  témoins,  et  partant  complètement  inconnues  des  combattants; 
en  ne  les  laissant  ni  entre  leurs  mains,  ni  entre  les  mains  des  té- 
moins, mais  en  les  enfermant  dans  une  boite  scellée  et  en  exigeant 
le  tirage  au  sort  de  chaque  pistolet. 

S'il  est  impossible  d'user  de  pistolets  inconnus,  on  arrive 
au  même  résultat  en  autorisant  les  adversaires  à  se  servir  des  leurs, 


OFFENSES.   —  RÈGLES   DU   DUEL.  Î39 

et  en  interdisant  la  clause  en  vertu  de  laquelle  chaque  antagoniste 
apporte  sur  le  terrain  une  paire  qui  est  tirée  au  sort. 

Tel  est  l'énoncé  des  moyens  qui  nous  semblent  propres  à  empé- 
oher  les  fraudes  que  nous  avons  signalées  plus  haut. 

Nous  allons  donner  sur  chacun  d'eux  des  détails  complémen- 
taires. 

1®  Lorsqu'il  a  été  convenu  que  les  armes  seraient  inconnues  des 
€Mdversaires,  on  se  sert  de  pistolets  appartenant  à  la  même  paire, 
exactement  semblables  par  conséquent,  et  n'ayant  jamais  été  tou- 
chés ni  vus  par  eux. 

Le  mot  inconnu  est  pris  dans  le  sens  le  plus  étroit,  et  non 
sans  raison.  Il  n'est  pas  douteux  qu'un  instant  de  maniement  suffit 
à  un  tireur  habile  pour  étudier  la  couche  des  armes,  leur  détente 
et  les  adapter  à  sa  main . 

Si,  par  impossible,  les  témoins  ne  peuvent  ni  acheter  ni  louer 
iine  paire  neuve,  et  en  sont  réduits  à  en  emprunter  une  qui  ait  déjà 
servi,  il  est  absolument  nécessaire  que  les  adversaires  n'en  con- 
naissent pas  la  provenance,  et  que  leurs  mandataires  le  certifient 
par  écrit. 

Nous  n'admettrions  jamais,  pour  notre  part,  des  armes  ainsi 
prêtées,  car  nous  craindrions  de  retomber  dans  les  doutes  et  les 
contestations  que  l'achat  ou  la  location  d'armes  neuves,  et  absolu- 
ment inconnues,  a  précisément  pour  but  d*éyiter. 

Ayec  la  facilité  des  communications,  rien  n'est    plus  facile 
maintenant. 

Nous  disons  que  les  pistolets  choisis  doivent  être  absolument 
similaires.  Il  faut  entendre  par  ces  expressions  que  le  poids,  la 
couche,  la  longueur,  la  rayure,  le  calibre,  le  guidonnage,  la 
détente,  etc.,  doivent  être  exactement  les  mêmes  pour  chacun 
d'eux. 

Nous  allons  ajouter  quelques  mots  à  ce  que  nous  avons  dit 
8ur  la  fraude  produite  par  le  durcissement  inégal  des  détentes. 

Trop  souvent  les  personnes  appelées  à  examiner  les  pistolets 
ne  se  préoccupent  pas  de  savoir  exactement  si  la  dureté  de  la  détente 
est  la  même  pour  les  deux  armes.  Elles  se  contentent  de  les  armer 
et  de  les  désarmer,  en  retenant  le  chien,  et  se  bornent  à  cette  opé- 
ration qui  constitue  à  peine  un  à  peu  près. 

£n  cela  elles  ont  tort.  La  certitude  est  indispensable.  Voici 
pourquoi  :  le  coup  de  doigt,  cet  écueil  du  tireur  au  pistolet,  est  en 
raison  directe  de  la  dureté  de  la  détente.  Il  en  résulte  que,  bien  que 
les  adversaires  soient  armés  de  pistolets  absolument  identiques 
comme  structure  et  fabrication,  si  ces  pistolets  n'ont  pas  des 


ItO  PREMIÈRE  PARTIE. 

détentes  égatementdures.réquilibredans  les  chances  n'eiiste  plus, 
car  ils  sont  munis  d'instruments  dont,  avec  la  même  adresse,  ils  ne 
peuvent  pas  tirer  mi^me  parti. 

Pour  s'assurer  de  Ja  dureté  des  détontes,  on  arme  un  pistolet 
et,  le  tenant  yerlicalemenl,  on  passe  doucement  sur  la  détente,  â 
l'endroit  où  se  place  le  doigt  pour  tirer,  un  lien  dont  les  deux  bouts 
pendent  de  chaque  cAté  de  la  crosse  et  sont  réunis  par  un  double 
crochet  en  forme  d'S.  L'extrémité  de  ce  crochet  supporte  les  poids 
dont  l'addilîon,  remplaçant  la  pression  du  doigt,  fait  abattre  le 
chien. 

Les  deux  pistolets,  pour  être  choisis,  doivent  supporter  le 
même  poids. 

Que  les  armes  soient  louées  ou  achetées,  leur  contrôle  nécessite 
le  concours  de  tous  les  témoins.  Mention  du  concert  est  insérée  au 
procès- verbal. 

Une  fois  choisis,  les  pistolets  ne  sont  pas  plus  laissés  à  la  dispo- 
sition des  témoins  qu'à  celle  des  adversaires.  On  les  enferme  dans 
une  boite  entourée,  par  mesure  de  précaution,  d'un  ruban  qui  est 
scellé,  serrure  comprise,  du  sceau  des  témoins.  VériOcation,  bris 
des  cachets  et  ouverture  ont  lieu  sur  le  terrain  même,  à  l'instant 
de  la  rencontre. 

Les  pistolets  sont  ensuite  tirés  au  sort. 

liemarquons,  à  ce  propos,  qu'il  ne  faut  pas  tirer  au  sort  le  droit 
pour  le  combattant  favorisé  de  choisir  l'arme  qu'il  pi-éfère,  car  la 
fraude  pourrait  en  résulter  si  les  armes  n'étaient  pas  absolument 
inconnues  des  adversaires.  On  tire  au  sort  â  qui  appartient  chaque 
pistolet,  au  moyen  d'une  pièce  de  monnaie,  de  la  courte  paille  on 
des  billels. 

2"  Lorsgue  les  adversaires  se  servent  de  leurs  armes  person- 
nelles, chaque  paire  doit  être  remise,  avant  la  rédaction  du  pro- 
cès-verbal,  entre  les  mains  des  témoins,  qui  les  acceptent  ou  les 
refusent,  selon  qu'elles  sont  eu  bon  ou  en  mauvais  état,  que  les' 
guidons  sont  fixes  ou  mobiles,  qu'il  existe  ou  n'existe  pas  une  diffé- 
rence de  plus  de  quinze  lignes  (3  centimètres)  de  longueur  au 
canon  ',  et  que  leur  mode  de  chargement,  la  forme  de  leurs  projec- 
tiles, l'âme  du  canon  sont  semblables  ou  dissemblables. 

On  voit  que,  si  certaines  limites  de  dissemblance  ne  doivent 
pas  être  franchies,  une  parité  absolue  n'est  plus  exigée  comme  s'il 
a  été  stipulé  que  les  armes  seraient  inconnues  des  adversaires. 

-  Tavernier,  page  199.  —  Du  Verger  de 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  244 

Nous  répétons  encore  ce  que  nous  avons  déjà  expliqué.  Il  ne 
Éaut  jamais  stipuler  que  chaque  partie  apportera  une  paire  de  pisto- 
lets, et  que  le  sort  décidera  celle  dont  on  se  servira.  Nous  avons 
signalé  les  manœuvres  déloyales  qui  peuvent  en  résulter;  nous  n'y 
reviendrons  pas. 

Constatons  seulement  que  cette  condition  est  fréquemment 
acceptée  par  des  témoins  qui  se  piquent  d'être  experts  en  matière 
cle  duels,  et  que,  par  surcroît  d'inconséquence,  elle  est  souvent 
accompagnée  de  la  clause  accessoire  suivante  :  u  Les  témoins  des 
cleux  parties  devront  apporter  chacun  une  boite  de  pistolets.  Us 
déclareront  sur  l'honneur  que  jamais  les  adversaires  n'ont  vu  ou 
touché  lesdites  armes  »  ;  ou  bien  :  «  Les  adversaires  apporteront 
chacun  une  paire  de  pistolets,  qu'ils  déclareront  sur  l'honneur 
n'avoir  jamais  été  essayés  par  eux.  n 

Cette  clause  est  un  non-sens.  En  effet,  le  contrôle  de  son 
accomplissement  résulte  entièrement  de  la  déclaration  des  per- 
sonnes intéressées,  qui  peuvent  être  de  mauvaise  foi. 

La  confiance  en  la  parole  des  témoins  est  chose  relative,  ques- 
tion de  fait  et  de  personnalité,  qui  ne  saurait  entrer  en  ligne  de 
compte  lorsqu'il  s'agit  d'examiner,  au  point  de  vue  théorique,  un 
cas  du  genre  de  celui  qui  nous  occupe. 

Il  suffit  que  la  fraude  soit  possible  pour  que  la  convention  dont 
die  découle  doive  être  rejetée  ^ 

Si,  par  ignorance  ou  pour  tout  autre  motif,  les  témoins  adop- 
tent malheureusement  la  clause  de  l'apport  des  deux  paires  et  du 
tirage  au  sort,  celui  dont  la  paire  est  tombée  doit  abandonner  à  la 
jpartie  qui  n'a  pas  été  favorisée  le  droit  de  choisir  entre  les  deux 
pistolets  celui  qui  lui  convient.  Les  témoins  ne  doivent  jamais  faire 
ce  choix,  exclusivement  réservé  au  combattant  dont  les  armes  ne 
sont  pas  sorties  ^ 


1.  Voyez  affairo  Dujarrier-de  Beau  vallon,  Gdsette  des  Tribunaux,  3  octobre  1846^ 
27,  31  mars,  4  ayril,  21  Dovembre  1846.  Appendice  n^  88. 

2.  Voyez  affaire  Le  M***-de  M***,  Gazette  des  Tribunaux,  21  août  1833.  Appen- 
dice n«  89. 


46 


PREMIÈRE    PARTIE. 


CHAPITRE    XLIV 
Manière  d'atténuer  les  dang^ers  de  la  rencontre. 


Si  l'affaire  à  laquelle  ils  donnent  leur  concours  a  un  motif  peu 
imporlaul,  si  l'habileté  des  tireurs  est  très  inégale,  etc.,  etc.,  les 
témoins  soubaiteot  généralement,  par  humanité  et  dans  le  but  de 
sauvegarder  leur  responsabililt?,  que  la  rencontre  se  termine  sans 
dénouement  fatal,  toujours  à  craindre  avec  les  armes  à  feu. 

Pour  eu  arriver  là,  que  foot-ils? 

Certains  mellent  des  balles  de  liège  ;  d'autres,  grâce  à  des  pis- 
tolets à  soupape  basculant  à  l'intérieur,  escamotent  les  projeclilcs, 
la  poudre  et  la  bourre  restant  seules  dans  le  canon. 

Nous  ne  citons  que  pour  mémoire  ces  chinoiseries  indignes  de 
j^ens  sérieux. 

Certains  esagërent  dans  des  pioportions  considérables  la  charge 
de  poudre  et  la  violence  des  coups  de  maillet.  En  cela  ils  se  trom- 
pent, car  la  double  ou  la  triple  charge  fait  relever  le  coup  et  aug- 
mente la  force  de  pénétration.  Il  en  résulte  que  l'homme  qui  Yïse 
son  antagoniste  à  la  ceinture,  comme  les  tireurs  espérimentés  ne 
manquent  pas  de  faire,  le  touche  à  la  tête,  tandis  que  celui  qui  le 
vise  l'i  la  lùle  passe  par-dessus,  el  que  le  projectile,  qui  n'aurait 
produit  qu'une  blessure  avec  la  chaîne  réglementaire,  lue  avec  la 
ebarge  plus  forte. 

Toutes  ces  manœuvres  doivent  être  proscrites  avec  d'autant 
plus  de  raison  que  les  témoins  ont  sous  la  main  la  possibilité  d'ar- 
river an  résultat  qu'ils  désirent  sans  sortir  de  ta  légalité.  C'est  de 
choisir  des  pistolets  lisses  qui,  par  leur  nature,  ne  possèdent  qu'une 
justesse  très  relative  '.  ou  de  donner  à  la  détente  une  dureté  suffi- 
sante pour  que  le  tir  ne  puisse  s'exécuter  qu'au  mofeo  d'une  forte 
pression. 

L'opération  du  durcissement  des  détentes  ne  doit  pas  être 
abandonnée  au  hasard  de  la  morsare  d'une  lime  manœnvrée  par 
an  ouvrier,  ou  à  la  sensibilité  de  son  doigt. 

Les  témoins  doivent,  avanl  de  lui  confier  la  mission  de  durcir 
les  détentes,  s'être  entendus  sur  le  poids  qu'elles  supporteront. 

1.  Voyei  Dotn  chapitre  uii. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  243 

En  effet,  sous  prétexte  d'atténuer  la  supériorité  ou  l'adresse 
^attribuée  à  on  des  adversaires  au  moyen  d'une  détente  rendue  plus 
dure  que  les  détentes  ordinaires,  ils  risquent,  s'ils  outrepassent  cer- 
taines limites,  de  créer  une  supériorité  en  sens  inverse,  en  faveur 
combattant  dont  la  vigueur  de  poignet  dépasse  la  moyenne. 
Quelques  indications  seront  utiles  pour  les  guider. 
Dans  les  tirs  publics,  le  poids  supporté  par  les  pistolets  destinés 
u  tir  au  visé  est  ordinairement  de  800  grammes  à  1  kilogramme, 
considère  ces  détentes  comme  douces.  Le  poids  que  supportent 
les  pistolets  destinés  à  exercer  les  amateurs  au  tir  au  commande- 
Knent,  varie  entre  1  et  2  kilogrammes.  On  les  considère  comme 
irelativement  dures. 

De  2  kilogrammes  jusqu'à  3  kil.  500  grammes,  il  est  possible  à 
vtn  homme  qui  a  longtemps  pratiqué  ce  genre  de  sport  d'acquérir 
nne  certaine  régularité. 

A  partir  de  3  kil.  500  grammes,  le  tir  est  forcément  très  irré- 
g^ulier,  et  le  coup  de  doigt  presque  assuré,  surtout  avec  le  duel  au 
commandement. 

3  kil.  500  grammes  ou  3  kil.  800  grammes  représentent  donc 
la  limite  extrême  de  la  dureté  acceptable. 

"  Observons  que  les  témoins  d'un  homme  habile  qui  accepte- 
raient Tadoption  de  pistolets  à  âme  lisse  et  à  détente  durcie  dimi- 
nueraient leur  responsabilité  en  diminuant  la  justesse  des  armes, 
mais  travailleraient  en  faveur  de  la  partie  la  moins  adroite,  c'est-à- 
dire  en  faveur  de  la  partie  adverse,  et  non  en  faveur  de  leur  client. 
Au  lieu  de  fournir  à  ce  dernier  une  arme  précise,  capable 
d'obéir  à  la  direction  qu'il  lui  donnera,  ils  lui  fournissent  un 
instrument  qui  ne  le  sert  plus  fidèlement.  Ils  le  privent  ainsi  du 
bénéûcB  de  son  adresse,  et  Tcxposent  au  coup  de  hasard  qui  peut 
fort  bien  le  tuer.  Ils  devront  donc  peser  les  conséquences  de  l'acte 
avant  d*y  consentir,  et  se  demander  s'il  rentre  bien  dans  Tesprit  du 
mandat  qui  leur  est  confié.  Il  y  a  là  une  question  de  délicatesse 
sur  laquelle  nous  appelons  leur  attention. 

Ici  peut  se  placer  une  question  dont  la  solution  se  rattache  à 
l'intitulé  de  notre  chapitre,  et  qui  a  été  controversée. 

Peut-on  interdire  l'emploi  de  la  double  détente? 

Les  partisans  de  la  négative  soutiennent  qu'elle  n'a  pas  été 
proscrite  par  les  auteurs,  que  son  emploi  n'a  rien  de  déloyal,  que, 
par  conséquent,  les  combattants  ne  peuvent  être  privés  de  l'avan- 
tage qui  en  résulte  pOjar  qui  a  l'habitude  de  s'en  servir. 


t4V  PREMIERE  PARTIE. 

Nous  ne  saurioas  admetlre  ce  système. 

Pour  qu'il  fût  soutenable,  il  faudrait  que  le  droit  de  choisir  1^*"*. 
détente  fût  une  prérogative  de  loITensé,  qui  l'imposerait  alors  î^*^ 
juste  titre.  Or  le  droit  de  choisir  les  pistolets,  ou  de  déterniiaer  ei*^* 

fait  si  ceux  qui  sont  présentés  peuvent  servir,  appartient  unique * 

metit  aux  ifiitoiiis  '.  11  faut  donc  en  conclure  que  le  droit  de  refuser  "*■ 
la  double  détente  ne  saurait  leur  être  contesté. 

Ajoutons  qu'ils  ont  maintes  raisons  pratiques  pour  agir  dans  * 
ce  sens.  La  double  délente  augmente  le  danger  que  courent  les  * 
adïersaires,  les  expose  à  violer  les  règles  du  duel  par  un  départ 
précipité,  qu'un  simple  frôlement  du  doigt  peut  occasionner*.  Elle  * 
est  aussi  fort  dangereuse  pour  les  témoins  eux-mêmes,  à  raison  de  ' 
réchappement  du  coup  dans  les  directions  les  moins  attendues. 

Le  silence  du  procès-verbal  doit  donc  toujours  être  interprété 
dans  UD  sens  négatif. 

Si  les  pistolets  présentés  aux  témoius  sont  munis  d'une  double 
délente,  ils  peuvent  en  détruire  l'effet  en  enlevant  la  vis  qui  se 
trouve  sous  la  détente. 


CHAPITRE  XLV 
Chargement. 

Le  chargement  est  une  opération  de  la  plus  grande  împortaDce. 
Les  témoins  le  comprendront  pour  peu  qu'ils  réfléchissent  que  la  rie 
de  leur  client  peut  dépendre  d'une  cheminée  obstruée,  d'une  capsule 
mal  assujettie,  et  de  maints  accidents  ou  étourderies  facilesà  éviter. 

Ils  se  rappelleront,  en  outre,  que  quelques  grains  de  poudre 
en  plus  ou  eu  moins,  quelques  coups  de  maillet  trop  violemment 
donnés,  peuvent  amener  le  même  dénouement,  en  enlevaDt  au 
combattant  qu'ils  assistent  la  justesse  de  son  arme. 

Le  chargement  peut  élre  effeclué  de  deux  manières  :  par  les 
témoins  ou  par  un  chargeur  de  profession.  Mention  du  mode  auquel 
les  témoins  se  seront  arrêtés  doit  être  insérée  au  procès-verbal. 

Le  chargement  est-il  opéré  par  les  témoins,  il  faut  distinguer 
s'il  a  été  convenu  qae  les  pistolets  d'une  seule  et  même  paire  servi- 
raient, ou  si  chacun  des  adversaires  a  été  autorisé  à  se  servir  de  ses 
armes  personnelles. 

1.  Vofei  notre  chapitre  lU. 

2.  Vo]'eiaSUreCrowUier>Hel*huii,FaugerouideauuoplKnettUe>|Ioiiiell,p>{rel3T. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  Ub 

Lorsqu'il  a  été  convenu  que  les  pistolets  d'une  seule  et  même 
paire  serviraient,  un  mandataire  de  chaque  combattant  charge  un 
c]es  pistolets.  Ils  opèrent  à  tour  de  rôle,  en  présence  les  uns  des 
antres.  Ils  se  servent  de  la  même  chargette,  et  comparent  mutuel- 
lemcDt,  en  introduisant  la  même  baguette  dans  les  canons,  le 
contenu  des  deui  armes  ^ 

Au  lieu  de  faire  charger  un  pistolet  par  un  témoin  de  chaque 
partie,  on  peut  convenir,  au  contraire,  qu'un  témoin,  désigné  à 
l'ananimité  ou  tiré  au  sort,  sera  seul  préposé  à  cette  opération,  en 
présence  des  autres  mandataires. 

Lorsque  les  adversaires  se  servent  de  leurs  armes  personnelles, 
les  témoins  se  contentent  de  charger  les  uns  devant  les  autres  et  à 
tour  de  rôle*. 

Le  chargement  doit-il  être  effectué  par  un  chargeur  de  pro- 
fession ?  Le  chargeur  peut  accomplir  sa  mission,  soit  avant  la  ren- 
eontre^  soit  sur  le  terrain  même,  et  toujours  en  présence  des  quatre 
témoins. 

Dans  le  premier  cas,  on  comprend  que  l'obligation  de  sceller 
la  botte  contenant  les  armes  devient  encore  plus  étroite  que  si  le 
chargement  n'a  lieu  qu'à  l'instant  de  la  rencontre. 

Quelle  que  soit  la  personne  à  laquelle  la  mission  de  charger 
les  armes  est  confiée,  elle  aura  soin  de  flamber  chaque  pistolet  pour 
dégager  le  canon,  de  veiller  à  ce  que  la  communication  ne  soit  pas 
bouchée  et  à  ce  que  la  poudre  arrive  bien.  Elle  mettra  dans  chaque 
pistolet  la  même  quantité  de  poudre,  une  balle  de  même  calibre, 
frappera  le  même  nombre  de  coups  avec  une  vigueur  égale,  exami- 
nera si  la  capsule  est  garnie  de  fulminate,  et  l'assujettira  à  fond  sur 
la  cheminée. 

Toutes  ces  opérations  sont  essentielles. 


CHAPITRE  XLVI 
Toilette.  —  Visite. 


Gomme  la  force  de  pénétration  d'une  balle  est  très  supérieure 
à  celle  de  la  pointe  d'une  épée,  les  combattants  qui  se  battent  au 

1.  Voyez  GhateauYillard,  page  35,  article  6. 
1  Ibidem, 


Sis  PREMIÈRE  PARTIE. 

pistolet  ne  sont  pas  tenus  de  se  dépouiller  aussi  complètement  que 
lorsqu'ils  se  battent  à  l'arme  blanche.  Ils  gardent  tous  les  vêtements 
qui  ne  risquent  pas  d'arrôter  le  projectile,  tels  que  redingotes, 
jaquettes,  vestons,  gilets,  pardessus  légers,  gilets  de  Danelle,  che- 
mises empesées  ou  non  empesées,  etc.  Ils  se  dépouillent  de  tout  ce 
qui  peut  leur  servir  de  cuirasse  :  pardessus  épais,  tricots,  clefs, 
argent,  portefeuille,  porte-monnaie,  médailles,  etc.  '. 

La  visite  est  obligatoire  et  s'opère  de  la  même  manière  que 
dans  le  due!  à  l'épine.  Comme  pour  l'épée.  le  refus  de  se  souraellre 
a  la  visite  équivaut  à  un  refus  de  duel  *. 

Les  combattants  agiront  prudemment  en  revêlant  des  habits 
noirs  ou  de  couleur  foncée,  avec  absence  complète  de  linge  appa- 
rent. Les  boutons,  les  bijoui,  en  un  mot  tout  ce  qui  peut  servir  de 
point  de  mire  doit  être  soigneusement  enlevé. 

Nous  crof  ODB  poaToir  leur  conseiller  des  Tâtemeots  amples  ri 
flottants,  qui  trompent  fadversaire  sar  la  sltoation  exacte  de  là 
ligne  qu'il  doit  s'efforcer  de  viser.  Cet  effet  d'îndâdsion  sera  d'aa- 
tant  plus  sensible  que  le  laps  de  temps  accordé  pour  tirer  sera  pins 
restreint;  mais  il  feut,  bien  entenda,  qae  ces  Tfitements  soient 
légers  et  incapables  d'arrêter  la  balle. 


CHAPITRE  XLVll 
Choix  du  terrain.  —  Tirage  au  sort  des  places. 


Rappelons  que  le  choix  du  terrain  propice  doit  être  opéré,  si 
Faire  se  peut,  par  les  témoins  avant  la  rencontre.  Nous  en  avons 
donné  la  raison  chapitre  xxu  ;  nous  j  renvoyons  le  lecteur. 

Pour  le  duel  an  pistolet,  il  faut  que  les  adversaires  soient  pla- 
cés en  rase  campagne,  ou  tout  au  moins  dans  un  terrain  ouvert, 
car  le  tir  exécuté  dans  ces  conditions  est  très  différent  de  celui  au- 
quel les  amateurs  sont  accoutumés  dans  les  établissements  à  ce  des- 
tinés. 

Une  allée  étroite,  jalonnée  d'arbres,  formant  une  sorte  de  cou- 
loir favorable  à  la  précision  du  tir,  ne  saurait  être  choisie. 

1.  Voyci  Tavernicr,  pages  2^6-227,  et  affaires  BoDnet.d'Oriiuio,  Laisani-de  La 
Rochelle.  Appendice  n°  90.  —  H.  Jollivet  permei  de  coaierrer  un  portereuille.  Cet(« 
lolérancB  est  contraire  i  la  logique  et  à  l'eipérienco.  Voyet  FBtcrinu  tt  l»  duêl, 
page  238. 

3.  Voyet  C bateau tïI lard,  page  36,  article  0,  et  tous  Ira  auteurs. 


-^^  ■"^ 


rrlîNSES.  -  RÈGLES  DU  DUEL. 


247 


Il  faut  éviter  que  l'un  des  tireurs  se  trouve  placé  devant  un 
objet  qui  l'encadre  et  aide  à  le  viser,  tandis  que  l'autre  a  derrière  lui 
l'horizon. 

Les  inconvénients  résultant  du  vent,  de  la  poussière,  du  soleil, 
de  la  neige,  de  la  pluie,  etc.,  doivent  être  partagés  aussi  équitable- 
ment  que  faire  se  pourra. 

Les  places,  après  avoir  été  désignées,  sont  tirées  au  sort. 

Rappelons  que  ce  n'est  pas  le  droit  de  choisir  une  place  plutôt 
qu'une  autre  qui  est  livré  au  hasard,  mais  chaque  place  indivi- 
duellement. Le  tirage  au  sort  des  places  est  toujours  indépendant 
de  celui  des  armes. 


CHAPITRE   XLVIIl 


Duel  au  visé  de  pied  ferme  à  tir  successif. 


Quelle  que  soit  notre  appréciation  sur  les  inconvénients  et  les 
dangers  de  ce  genre  de  rencontre,  nous  ne  pouvons  nous  abstenir 
d'en  tracer  les  règles,  car,  par  le  fait  de  sa  légalité,  elle  peut  être 
imposée  dans  certains  cas. 

La  caractéristique  du  duel  à  tir  successif  étant  Texistence  d'un 
ordre  déterminé  que  les  adversaires  doivent  suivre  pour  tirer,  nous 

rechercherons  d'abord  comment  s'aoqaiert  le  droit  de  faire  feu  le 
premier,  et  à  qui  il  appartient. 

La  condition  primordiale,  indispensable  pour  acquérir  le  droit 
de  tuer  le  premier,  est  de  posséder  le  choix  du  duel  dont  les  règles 
admettent  cette  primauté. 

Il  en  résulte  que  le  privilège  de  l'offensé  du  premier  degré,  se 
bornant  an  choix  des  armes,  ne  comprend  jamais  le  droit  dont 
nous  nous  occupons. 

En  cas  d'offense  simple,  si  les  témoins  s'entendent  pour  adop- 
ter le  duel  à  tir  successif,  ils  doivent  tirer  au  sort  pour  savoir  quel 
sera  le  champion  désigné  pour  faire  feu  le  premier. 

Lorsque  l'offense  est  du  second  degré,  la  question  devient  plus 
scabreuse,  car  l'offensé  a  le  choix  du  duel.  Ghateauvillard  ne  lui 
accorde  le  droit  de  tirer  le  premier  que  si  les  distances  sont  fixées 
par  les  témoins  à  35  pas  ou  28  mètres  ^ 

U  Voyez  Essai  s w  le  duel,  page  36,  article  S,  et  pages  113  et  su iv.  —  Du  Verger 
de  Saint-Thomas,  chapitre  viii,  article  il. 


r 


l'REMifcKE  PARTIE. 


M.  Tavernier  laisse  au  hasard  le  soin  de  déterminer  l'ordre  du 
tir,  mais,  en  revanche,  il  octroie  à  l'offensé  avec  injure  grave,  outre 
le  chois  de  t'arme,  celui  des  dislances,  pourvu  qu'elles  ne  soient 
pas  inft!Tieures  à  25  pas  '. 

Bien  qoe  toutes  nos  préférences  soient  pour  le  tirnge  au  son. 
dont  l'aléa  paraît  très  propre  à  dégoûter  l'offensé  d'imposer  un  duel 
BDtipatbique  aux  mœurs  de  notre  époque,  nous  ne  croyons  pas 
devoir  adopter  l'opinion  de  M.  Tavernier,  car  elle  est  en  désaccord 
avec  les  privilèges  de  l'offensiïque  nous  avons  énumérés  chapitre  vu, 
et  que  M.  Tavernier  lui-même  a  posés  en  principe  à  la  page  22  de 
son  livre;  privilèges  en  vertu  desquels  le  droit  de  choisir  les  dis- 
tances est  réservé  au  seul  offensé  avec  voie  de  fait, 

Aussi  nous  rangerons-nous  celte  fois  encore  à  la  solution  de 
Chateauvillard,  qui  possède  le  double  avantage  d'fitre  correcte  théo- 
riquement, et  de  laisser  aux  témoins  de  l'agresseur  la  facilité  de 
rendre  illusoire  le  privilège  de  tirer  le  premier  qui  est  accordé  à 
l'offensé  avec  offense  grave,  s'ils  trouvent  ce  privilège  abusif. 

Nous  disons  que  la  solution  donnée  par  Chateauvillard  est  cor- 
recte lliéoriquement. 

En  effet,  dans  le  système  de  cet  auteur,  l'offensé  de  la 
deuxième  catégorie  conserve  le  choix  du  duel,  et  les  témoins  le 
choix  des  distances,  conformément  aux  principes  généraux. 

IVous  disons  que  celte  solution  conserve  aux  témoins  de  l'agres- 
seur la  facililé  do  rendre  illusoire,  s'ils  le  jugent  à  propos,  le  privi- 
lège accordé  à  l'offensé  avec  offense  grave  de  tirer  le  premier.  Uu 
moment,  en  effet,  que  la  désignation  d'une  dislance  de  35  pas 
constitue  la  condition  sine  quà  non  de  ce  privilège  ;  du  momentque 
le  droit  de  déterminer  cette  distance  n'appartient  ni  à  l'offensé  ni  à 
ses  témoins,  agissant  isolément  et  en  désaccord  avec  ceux  de  l'agres- 
seur, mais  résulte  d'un  accord  unanime  entre  tous  les  témoins,  on 
voit  que  si  les  mandataires  de  l'agresseur  n'acceptent  pas,  comme 
c'est  leur  droit,  la  distance  de  35  pas  et  s'obstinent  par  exemple,  à 
vouloir  celle  de  25,  la  seule  ressource  pour  sortir  de  cette  impasse 
sera  de  tirer  au  sort  ta  distance,  ou  de  partager  par  moitié  la  diffé- 
rence qui  existe  entre  les  distances  proposées,  conformément  â  la 
règle  admise  par  tous  les  auteurs  el  formulée  par  ChateauTîUard, 
page  112,  SI. 

Or  le  tirage  au  sort  des  distances  équivaut  au  tirage  an  sort 
de  la  primauté  du  tir,  puisqu'il  y  a  autant  de  chances  pour  que  la 
distance  de  35  pas  ne  sorte  point  qne  pour  qu'elle  sorte,  autant  de 
chances,  par  conséquent,  pour  que  la  condition  h  laquelle  le  droit 

I.  Vojrei  Àrî  du  dnêt,  pige  SM. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  249 

de  TofTensé  à  la  primauté  du  tir  est  subordonné  dans  l'espèce  ne 
se  réalise  pas  que  pour  qu'elle  se  réalise. 

Le  résultat  est  le  même  lorsque  les  distances  sont  partagées 
par  moitié,  puisque  la  distance  de  35  pas  ne  saurait  être  atteinte, 
si  on  use  de  ce  procédé.  On  peut  dire,  par  conséquent,  que  si,  fidèle 
A  ses  principes,  Ghateauvillard  donne  d'une  main  la  permission  de 
tirer  le  premier  à  celui  qui  a  le  choix  du  duel,  il  la  lui  ôte  de 
l'autre,  lorsque  les  témoins  de  l'agresseur  considèrent  ce  privi- 
lège comme  abusif. 

Lorsque  l'offense  est  du  troisième  degré,  la  controverse  n'a 
plus  raison  d'être,  car  l'offensé  ayant  le  droit  de  choisir  son  arme, 
son  duel  et  sa  distance,  peut  choisir  celle  de  35  pas  à  laquelle 
est  subordonné  le  privilège  de  tirer  le  premier,  et  acquérir  ainsi  le 
droit  à  la  primauté  du  tir. 

S'il  ne  choisit  pas  la  distance  de  35  pas,  la  question  de  savoir  à 
qui  revient  le  droit  de  tirer  le  premier  est  remise  au  sort.  Le  tirage 
a  lieu  sur  le  terrain. 

La  solution  donnée  à  l'importante  question  que  nous  venons 
de  traiter  doit  toujours  être  insérée  au  procès-verbal. 

La  deuxième  question  dont  les  témoins  doivent  s'occuper  est 
irélatiTe  à  la  distance  à  laqueUe  les  adversaires  seront  placés. 

Elle  varie  entre  15  pas  ou  12  mètres,  et  35  pas  ou  28  mètres. 

La  troisième  <iuestion  est  relative  au  délai  pendant  lequel  les 
«tdversaires  doivent  échanger  leur  feu. 

Ghateauvillard  accorde  une  minute  à  chaque  combattant  pour 
tirer,  soit  deux  minutes  pour  l'échange  des  deux  coups. 

Nous  avons  expliqué,  chapitre  xxxix,  la  nécessité  de  réduire 
ce  délai  de  moitié,  ce  qui,  d'après  notre  système  produit  une  demi- 
minute  pour  tirer,  une  demi-minute  pour  riposter,  une  minute  en 
tout. 

S'il  y  a  blessure,  Ghateauvillard  accorde  au  blessé  un  supplé- 
ment d'une  minute  pour  tirer  à  son  tour,  ce  qui  porte  à  deux  mi- 
nutes, à  partir  du  coup  qui  l'a  frappé,  le  délai  total  pendant  lequel 
il  peut  riposter. 

Nous  avons  reconnu  que  les  raisons  données  en  faveur  de  ce 
supplément  de  délai  n'étaient  pas  sans  importance  lorsqu'il  s'agit 
du  duel  qui  nous  occupe.  Malgré  cela,  nous  conseillons  aux  témoins 
de  le  refuser,  car  il  augmente  notablement  les  dangers  de  la  ren- 
contre. 

1 .  Voyez  chapitre  xxxvnr. 


Ï60  l'REMLEUK  PARTIE. 

Ces  trois  questions  préliminaire  a  réeolueB,  examinons  quelle 
est  la  marche  du  duel. 

Une  fois  sur  le  terrain,  les  témoins  mesurent  le  plus  eiacle- 
ment  possible  les  dislances  et  marquent  les  places.  Puis  ils  tirent 
au  sort  chaque  place. 

Ils  procèdent  ensuite  au  chargement  des  pistolets,  à  moins  qui; 
cette  opération  n'ait  été  eiécutée  avant  le  duel. 

Dans  les  deux  cas,  ils  vérifient  les  scelliîs  de  la  boite  qui  les 
contient,  constatent  s'ils  sont  bien  dans  l'état  où  on  les  y  a  placés. 

ils  conduisent  ensuite  les  champions  à  la  place  qu'ils  doivent 
occuper  daprès  le  tirage  au  sort. 

Si  le  droit  de  tirer  le  premier  n'appartient  pas  à  l'offensé,  ils 
tirent  au  sort  pour  savoir  à  qui  reviendra  ce  privilège. 

Us  iloivent,  nous  n'avons  pas  besoin  de  le  dire,  apporter  dans 
cette  opéialion  capitale  la  plus  grande  attention. 

S'il  a  été  convenu  qu'une  seule  paire  de  pistolets  absolument 
inconnue  des  adversaires  serait  apportée  sur  le  terrain,  ils  tirent 
au  sort  11  qui  appartiendra  chacun  des  pistolets. 

Si  malgré  le  danger  d'une  telle  stipulation,  il  a  616  conTenu  que 
chaque  combattant  apportera  une  paire,  et  que  le  hasard  décidera 
celle  dont  on  se  servira,  ils  procèdent  encore  au  tirage.  Dans  ce 
cas,  le  combattant  dont  la  paire  est  sortie  est  tenu  de  laisser  choi- 
sir à  son  antagoniste  le  pistolet  qui  lui  convient. 

Si  les  combattants  sont  admis  à  se  servir  de  leurs  armes,  le 
tirage  au  sort  n'a  plus  sa  raison  d'être.  Ils  prennent  le  pistolet  qui 
leur  convient. 

Si,  pour  une  raison  quelconque,  l'agresseur  n'apporte  pas 
d'armes  à  lui  personnelles,  et  s'il  consent  à  se  servir  de  celles  pré- 
sentées par  l'offensé,  ce  dernier  est  tena  de  lui  en  donner  le  choix. 

Les  pistolets  sont  livrés  non  armés,  et  en  même  temps,  au 
denx  adversaires. 

Ce  dernier  membre  de  phrase  demande  à  £tre  expliqué. 

Dans  plusieurs  duels  à  tir  successif  dont  nous  avons  lu  le  récit, 
nOQs  avons  constaté  que  le  patient  qui  devait  essuyer  le  premier 
feu  n'était  pas  muni  de  son  arme,  et  qne  les  témoins  attendaient 
pour  la  lui  remettre  que  son  tour  de  tirer  fût  arrivé.  En  cela,  ils 
commettaient  une  faute,  puisqu'ils  le  privaient  du  bouclier  tradi- 
tionnel que  les  tireurs  dans  cette  position  interposent  devant  la 
partie  de  leur  corps  pour  laquelle  ils  tremblent  le  plus'. 

Les  témoins  procèdent  ensuite  à  la  visite  des  combattants. 

1.  Voyei  affaire  Le  VMieur-Arrighl,  Gazette  dti  Tribunaux,  ii-lH  mars  1832, 
appendice  n°  01,  et  k  la  page  210  du  Dutl  d  traotrt  les  Agts,  par  Lcieinturier-FradiD, 
la  gnvurc  repriSsentant  Dujairier  uns  arme  attendant  le  fou  du  Beaurailon. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  254 

Ils  se  placent  d'an  même  côté  et  sur  la  même  ligne,  de  ma- 
nière à  ce  que  chaque  combattant  ait  pour  yis-à-yis  les  témoins 
adverses. 

Ils  s'efforcent  de  trouver  une  position  où,  tout  en  étant  bien 
défilés,  ils  puissent  surveiller  efficacement  les  péripéties  du  drame. 

Le  directeur  du  combat  lit  alors  les  conditions  du  procès-ver- 
bal, ou  tout  au  moins  les  rappelle,  et  termine  par  ces  mots  : 

«  Messieurs,  vous  connaissez  les  stipulations  qui  ont  été  arrêtées 
par  vos  témoins  et  ratifiées  par  vous.  Je  vous  avertis  que  Thonneur 
vous  oblige  à  les  respecter  et  à  attendre  le  signal  «  Tirez  I  »  pour 
abaisser  vos  armes  et  viser  K  n 

Il  s'écrie  alors  :  u  Armez  !  » 

Après  ce  mot  :  «  Armez  I  »  qui  prépare  le  signal,  il  ajoute  pour 
donner  ce  signal  :  «  Tirez  !  » 

Le  commandement  doit  être  prononcé  très  distinctement  et  à 
voix  forte. 

Dès  que  le  commandement  «  Tirez  !  »  est  prononcé,  le  com- 
battant admis  à  tirer  le  premier  peut  le  faire  dans  le  temps  con- 
venu. L'adversaire  doit  attendre  son  feu  dans  Timmobilité  la  plus 
absolue,  aussi  effacé  que  possible,  et  protégé  de  son  mieux  par  le 
bras,  la  main  et  le  pistolet. 

Aussitôt  après  l'explosion,  il  peut  tirer  s'il  n*a  pas  été  atteint, 
ou  si  ayant  été  blessé  il  a  conservé  assez  de  forces.  En  effet,  c'est  à 
partir  du  premier  coup  que  court  le  délai  qui  lui  est  accordé  pour 
riposter. 

Il  est  bien  entendu  que  son  adversaire  prend  dans  ce  cas,  à 
son  tour,  l'attitude  passive  que  lui  vient  de  quitter. 

Ajoutons  quelques  mots  à  ce  que  nous  venons  de  dire  à  pro- 
pos de  cette  attitude. 

Dans  quelques  affaires,  les  témoins  ont  obligé  le  patient  à  tenir 
son  arme  verticalement  devant  la  figure.  En  cela  ils  excédaient 
leurs  pouvoirs.  Tout  ce  qu'ils  pouvaient  exiger  de  lui,  c'était  Tim- 
mobilité,  mais  il  était  libre  de  protéger  comme  il  le  jugeait  plus 
avantageux  la  partie  du  corps  dont  il  redoutait  surtout  la  lésion. 
Un  exemple  récent  peut  nous  montrer  que,  pour  être  étroit,  le  bou- 
clier n'en  est  pas  moins  efficace  dans  certains  cas*. 

Tout  coup  raté  est  considéré  comme  tiré,  à  moins  de  stipula- 
tion contraire. 

Si  les  deux  coups  sont  partis  sans  blessures,  et  si  le  duel  con- 

1.  Voyei  affaire  de  T***-de  P***,  Juin  1839.  Colombey,  Histoire  anecdotique  du 
dwl.  Appendice  n^  92. 

2.  Voyeï  affaire  Dreyfas-de  Mores,  journal  V Escrime  française,  3  février  1889. 
Appendice  n<>  93.  —  Prévost  et  G.  Jollivet,  page  239. 


K%  .-  PREMIÈRE  PARTIE 

tîDue,  on  recharge  de  la  mémi?  maDiëre  qu'avant  le  combat,  el 
toutes  les  prescriptions  obserrées  au  premier  acte  le  sont  encore  sa 
second. 

S'il  y  a  blessure,  et  si  le  duel  doit  continuer,  les  témoins  obser- 
vent les  ri'gles  lract''es  cbapilre  xsii,  article  G,  relativement  à  l'in- 
tervention  des  mtideciDs. 


CHAPITRE  XLIX 
Duel  au  visé  de  pied  ferme  à  Tolonté. 


Les  lémoins  réunis  pour  établir  les  conditions  d'une  rencontre 
de  cette  nature  doivent  traiter,  en  premier  lieu,  les  questions  rela- 
tives à  la  dislance  et  au  délai. 

n  n'y  a  qu'une  distance,  celle  de  25  pas  ou  20  mètres.  Cette 
mesure  n'est  suceptible  ni  de  diminution  ni  d'extension,  et  doit  être 
forcément  adoptée  '. 

ChateauTillard  accorde  aux  adversaires  tout  te  temps  qui  leur 
convient  pour  tirer  le  premier  coup,  mais  il  limite  à  une  minute  à 
partir  de  la  première  explosion  le  temps  pendantleqiiel  le  combat- 
tant qui  l'a  subie  peut  riposter. 

D'accord  sur  ce  pointavec  H.Taveraier  (page  211),  nous  avons, 
dans  notre  chapitre  xxxix,  limité  à  une  minute  comptée  h  partir 
du  commandement  a  Tirez  1  ><  le  délai  pendant  lequel  les  coups 
de  feu  doivent  être  échangés. 

Les  adversaires  tirent  à  volonté  pendant  ce  laps  de  temps. 
Aussitôt  la  minute  expirée,  ils  ne  peuvent  plus  le  faire,  et  les 
témoins  arrêtent  le  duel. 

Chateauvillard  accorde  au  blessé,  pour  riposter,  deux  minutes 
qui  courent  à  partir  du  premier  coup.  Nous  avons  engagé  les 
lémoins  k  refuser  ce  supplément,  qui  devient  uo  non-sens,  s'ils 
admettent  comme  nous  un  délai  unique,  fixe,  non  suceptible  d'ex- 
tension, avec  le  signal  comme  point  de  départ. 

Sur  le  terrain,  les  choses  se  passent  comme  dans  le  duel  à  tir 
successif,  sauf  qu'à  partir  du  signal  «  Tirez!  »  les  adversaires  tirent 
&  volonté,  simultanément,  ou  l'un  après  l'autre,  sans  autre  limite 
à  leur  caprice  que  l'obligation  de  le  faire  dans  le  délai  d'une  minute 

i.  Vo;ei  chapitra  ixxviil 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  253 

à  partir  du  premier  feu  si  les  témoins  adoptent  la  règle  de  Chateau- 
villard,  ou  à  partir  du  signal  s'ils  adoptent  notre  système. 

Nous  renvoyons  donc  le  lecteur  au  chapitre  précédent  pour 
tout  ce  qui  concerne  la  marque  des  places,  leur  tirage  au  sort,  le 
chargement,  l'ouverture  de  la  boite  où  sont  enfermés  les  pistolets, 
le  tirage  au  sort  des  armes  s'il  y  a  lieu,  leur  remise,  la  visite,  la 
position  occupée  par  les  témoins,  l'avertissement  préalable  et  la 
manière  de  donner  le  signal,  le  coup  raté,  le  cas  où  le  duel  doit 
continuer,  le  supplément  en  cas  de  blessure,  le  rôle  des  médecins 
et  celui  des  témoins. 

Ghateauvillard  place  les  adversaires  dos  à  dos  et  ne  leur  donne 
la  permission  de  se  retourner  qu  après  le  signal. 

C'est  une  complication  inutile,  absolument  tombée  en  désuétude 
dont  M.  Tavernier  ne  parle  pas,  et  que  M.  Du  Verger  de  Saint- 
Thomas  n'a  conservée  que  parce  qu'elle  se  trouve  d'accord  avec  les 
usages  italiens.  Elle  peut  être  supprimée  sans  inconvénients. 


CHAPITRE    L 


Duel  au  visé  à  marcher. 


Distanoes.  —  Dans  le  duel  à  marcher,  les  adversaires  sont  placés 
à  une  distance  qui  peut  être  de  35  pas  ou  de  28  mètres  au  minimum, 
etdeiOpasou  32  mètresau  maximum.  Chaque  adversaire  peutavan- 
cer  de  10  pas  ou  8  mètres.  On  voit  que  les  distances  peuvent  être 
réduites  à  un  moment  donné  à  15  pas  (12  mètres)  ou  à  20  pas 
(16  mètres)  suivant  que  le  minimum  ou  le  maximum  aura  été 
adopté. 

Délai  pour  marcher  et  pour  tirer.   —  Ghateauvillard  ne  fixe 

aucun  délai  pour  exécuter  la  marche  et  tirer  le  premier  coup,  qui 
est  complètement  ad  libitum.  Le  combattant  qui  l'a  essuyé  a  une 
minute  pour  faire  feu  à  son  tour,  à  partir  de  la  première  explosion. 

II  reconnaît  au  blessé  le  droit  de  tirer  sur  son  adversaire,  mais 
il  ne  lui  accorde  point  de  supplément  de  délai  si  la  blessure  ne  lui 
a  pas  occasionné  de  chute.  Il  lui  concède,  au  contraire,  deux 
minutes  s'il  est  tombé. 

Nous  avons  conseillé,  chapitre  xxxix,  de  substituer  le  signal  au 
coup  de  feu  comme  point  de  départ  immuable  du  délai  et  de  n'ac- 
corder qu'une  minute  pour  réchange  des  deux  balles. 


»«  PREMIÈRE  PARTIE. 

Nous  sommes  obligé,  par  conséquent,  de  refaser  loat  supplé- 
ment au  blessé,  môme  eu  cas  de  chute. 

Daus  le  duel  à  marcher,  les  choses  se  passent  comme  daos  les 
duels  précédents,  avec  quelques  modiflcations. 

La  première  ditTérence  consiste  en  ce  que  les  tëmoÏDS,  une  fois 
arrivés  sur  le  terrain,  i\e  se  conteoteot  pas  de  marquer  les  dem 
extrémités  de  la  distance  choisie,  mais  tirent,  entre  ces  estrémités 
et  à  dix  pas  de  chacune  d'elles,  deux  lignes  qui  indiquent  les 
limites  que  les  adversaires  ne  doivent  pas  franchir  en  marchant. 

La  deusième  différence  consiste  en  ce  que  le  directeur  du 
combat  donne  le  signal  par  le  seul  mot  :  »  Marchez!  » 

Les  combattants  marchent  alors,  s'ils  le  jugent  à  propos,  mais 
ils  doivent  marcher  droit  l'un  sur  l'aulre.  Ils  sont  oblige  de  tenir 
le  pistolet  verticalement  en  marchant.  Ils  peuvent  mettre  en  joue  en 
s'an'étanl.  môme  sans  tirer,  remarcher  après,  arriver  jusqu'à  la 
ligne  traci'e  par  une  canne  ou  un  mouchoir  entre  les  dislances, 
sans  jamais  la  dépasser,  tirer  de  leur  place  avant  de  marcher,  tirer 
après  avoir  marché,  tirer  quand  bon  leur  semble  '. 

Celui  qui  a  tiré  doit  attendre  dans  l'immobilité  la  plus  complète 
le  feu  de  ïon  adversaire. 

Jusqu'à  respiration  du  délai  fixé,  le  combattant  qui  a  essuyé 
le  premier  feu  peut  toujours  tirer  sur  son  adversaire.  Il  peut 
avancer  jusqu'à  la  ligue  tracée,  mais  l'adversaire  n'est  pas  tenu 
d'avancer  jusqu'à  sa  limite  pour  essuyer  à  son  tour  le  second  coup. 

Il  ne  |ieut  pas  plus  y  ôtre  contraint  qu'on  ne  pouri'ait  lui  per- 
mettre de  rétrograder  pour  diminuer  le  danger  qui  le  menace  *. 

Nous  proscrivons  absolument  la  clause  par  laquelle  deux  pisto- 
lets sont  remis  aux  combattants.  C'est  une  complication  dangereuse 
etioatile,  puisque  rien  n'empêche  les  témoins,  lorsque  l'aCTaire  est 
d'une  gravité  suffisante,  de  stipuler  que  le  duel  recommencera  jus- 
qu'à ce  qu'un  des  adversaires  soit  dans  l'impossibilité  de  continuer, 
ou  qu'un  nombre  déterminé  de  balles  soit  échangé. 

Parfois,  dans  ce  duel,  on  convient  que  le  coup  de  feu  du  pre- 
mier qui  tirera  sera  suivi  immédiatement  du  feu  de  son  adversaire. 
Dans  ce  cas,  les  témoins  ne  doivent  sou&ir  aucun  retard.  Celte 
clause  n'est  pas  à  conseiller,  car  le  temps  nécessaire  pour  ajuster  et 
tirer,  étant  une  mesure  qui  varie  selon  les  individus,  peut  devenir 
un  sujet  de  contestations. 

L'intérêt  commun  exige  que  le  laps  de  temps  accordé  pour 

t.  Voyci  ChHteauvillard,  pttge  *I,  article  12. 

i.  Voyez  coitiututioD  du  géofral  Exelmanf,  Aflàire  Lemerl^ile  Haïay.  Appen- 
dice n*  53. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  255 

riposter  à  celai  qui  a  essuyé  le  premier  feu  soit  déterminé  d'avance 
et  que  Tinsertion  en  soit  faite  au  procès-verbal  ^ 

Nous  renvoyons  le  lecteur  au  chapitre  xlvui  pour  tout  ce  qui 
concerne  le  tirage  au  sort  des  places,  le  chargement,  l'ouverture  de 
la  boite  où  sont  enfermées  les  armes,  le  tirage  au  sort  des  pistolets, 
leur  remise,  la  visite,  la  position  occupée  par  les  témoins,  le  coup 
raté,  le  cas  où  le  duel  doit  continuer,  le  supplément  de  délai  en  cas 
de  blessure,  le  rôle  des  médecins,  etc. 

Le  directeur  du  combat  ne  doit  pas  oublier  l'avertissement 
préalable  destiné  à  rappeler  les  conditions  du  duel. 

Le  signal  se  donne,  nous  le  répétons,  par  ce  seul  mot  : 
t  Marchez  I  » 


CHAPITRE   LI 


Duel  au  visé  à  marche  in^rrompue. 


Dans  ce  duel,  les  adversaires  peuvent  être  placés  à  une  distance 
qui  est  de  50  pas  ou  &0  mètres  au  maximum,  et  de  65  pas  ou 
36  mètres  au  minimum.  Ils  peuvent  avancer  chacun  de  15  pas 
(12  mètres).  Deux  lignes  sont  tracées  à  distance  égale  des  points 
extrêmes.  Elles  indiquent  la  limite  de  la  marche  et  sont  rendues 
bien  apparentes  au  moyen  d'une  canne  ou  d'un  mouchoir. 

La  marche  peut  réduire,  par  conséquent,  la  distance  qui  sépa- 
rera finalement  les  adversaires  à  20  pas  (16  mètres),  ou  15  pas 
(12  mètres),  suivant  que  la  mesure  maxima  ou  la  mesure  minima 
aura  été  adoptée. 

Délai  pour  maroher  et  tirer.  —  GbateauviUard  ne  fixe  aucun 

délai  pour  exécuter  la  marche  et  tirer  le  premier  coup,  qui  est 
ad  libitum.  L'adversaire  qui  Ta  essuyé  a  une  demi-minute  pour  tirer 
à  son  tour  à  partir  du  premier  feu.  Le  blessé  peut  tirer  s'il  en  a 
la  force,  mais  il  n'a  qu'une  minute  pour  le  faire  à  partir  du  temps 
où  il  est  tombé. 

Nous  avons  conseillé,  chapitre  xxxix,  de  substituer  le  signal  au 
coup  de  feu  comme  point  de  départ  du  délai,  et  de  n'accorder 
qu'une  demi-minute,  en  tout,  pour  l'échange  des  deux  balles. 

Nous  sommes  obligé  de  refuser,  par  conséquent,  tout  supplé- 
ment de  délai  au  blessé. 

1.  Voyez  affaire  Dujarrier-de  BeauvalloD,  Gazette  des  Tribunaux,  27,  31  mars. 
\"  avril,  2i  novembre,  2  décembre  18  i6.  Appendice  n®94. 


»it-.A'?:.'jii.  . 


B 


PREMIÈRE  PARTIE. 


Dans  le  riuel  à  marche  interrompue,  les  choses  se  passent 
comme  dans  les  duels  précédents,  avec  la  seule  différence  qu'une 
fois  le  signal  donné  par  le  mol  :  «  Marchezl  <>  les  combattants 
marchent  l'un  sur  l'autre,  s'ils  le  préfi^rent  en  zigzag,  sans  toutefois 
s'éloigner  de  plus  de  deux  pas  de  chaque  cdtt5  de  la  ligne  droite  qui 
les  conduit  aux  lignes  intermédiaires.  Ils  peuvent  marcher  droit  à 
ce  but,  s'arréler,  resler  en  place  s'ils  le  jugent  plus  avanlageui, 
viser  sans  tirer,  même  en  marchant,  s'arrêter  et  tirer.  Mais  au  pre- 
mier coup  tiré,  les  deux  champions  doivent  rester  en  place.  Celui 
qui  n'a  pas  tiré  peut  le  faire,  mais  sans  avancer. 

Nous  renvoyons  le  lecteur  au  chapitre  xLvm  pour  tout  ce  qui 
concerne  le  tirage  au  sort  des  places,  le  chargement,  l'ouverture  de 
la  boite  où  sont  enfermées  les  armes,  le  tirage  au  sort  des  pistolets, 
leur  remise,  la  visite,  la  position  des  témoins,  le  coup  raté,  le  cas  où 
le  duel  doit  continuer,  le  cas  de  blessure,  le  raie  des  médecins,  etc. 

Le  directeur  du  combat  ne  doit  pas  oublier  l'avertissement 
préalable,  destiné  à  rappeler  les  conditions  insérées  au  procès- verbal, 
et  la  nature  du  signal,  qui  se  donne,  nous  le  répétons,  par  le  mot  : 
«  Marchez  !  » 


CHAPITRE   LU 
Duel  au  visé  à  lig^ne  parallèle. 

Comme  nous  l'avons  expliqué  chapitre  xxxvui,  le  duel  à  ligne 
parallèle  n'est  qu'une  modification  des  autres  duels  à  marcher, 
mais  une  modiûcation  aussi  dangereuse  pour  les  témoiasque  pour 
les  adversaires  et  qui  complique,  en  outre,  la  direction  du  combat. 

Nous  avons  conseillé  de  ne  jamais  l'adopter.  Nous  n'en  étudie- 
rons pas  les  règles,  que  le  lecteur  trouvera  k  la  page  Ii9  de  l'Essai 
sur  le  duel  de  Chaleaavillard. 


CHAPITRE    LUI 
Duel  au  signal. 

DistBDoe.  ~  Dans  ce  duel,  les  adversaires  sont  placés  k  une 

dislance  qui  varie  de  25  pas  ou  20  mètres  h  35  pas  ou  28  mètres. 

Prott  d«  donner  le  signal.  —  Le  droit  de  donner  le  signal 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  «57 

appartient  aux  témoins  de  l'offensé  si  Toffense  est  accompagnée 
d'une  voie  de  fait.  Si  l'offense  est  du  deuxième  ou  du  premier  degré, 
les  témoins  tirent  au  sort  à  qui  reviendra  cette  prérogative  ^  • 

Délai  dans  lequel  le  signal  doit  être  donné.  —  Si  Tintervalle  des 

coups  frappés  n'était  pas  réglé  d'avance,  le  témoin  d*un  habile 
tireur  donnerait  le  signal  très  lentement,  pour  que  son  client 
puisse  bénéficier  de  l'adresse  qu'il  possède.  Le  témoin  d'un  mala- 
droit le  donnerait  très  rapidement,  afin  de  paralyser  les  moyens  du 
tireur  expérimenté. 

Lorsque  c'est  un  témoin  de  Tinsulté  avec  voie  de  fait  qui  doit 
donner  le  signal,  il  le  fait  dans  l'intervalle  de  3  à  9  secondes,  ou  de 
2  à  6  secondes,  c'est-à-dire  3  secondes  entre  chaque  coup,  qui  pro- 
duisent 9  secondes  pour  les  trois  coups,  ou  2  secondes  entre  chaque 
coup,  qui  produisent  6  secondes  pour  les  trois  coups. 

Il  n'est  pas  tenu  d'avertir  les  témoins  adverses  du  choix  qu'il  a 
fait  entre  ces  deux  manières  de  donner  le  signal  ^. 

Si  le  droit  de  donner  le  signal  est  tiré  au  sort,  l'intervalle  entre 
chaque  coup  doit  être  de  2  secondes  à  6  pour  les  trois  coups  '. 

On  remarquera  que  le  duel  au  signal  présente  deux  exceptions 
aux  règles  générales. 

La  première,  qui  a  été  déjà  signalée  par  nous  chapitre  xxxviii, 
est  relative  au  droit  que  possède  l'agresseur  de  refuser  le  duel  au 
signal,  toutes  les  fois  que  l'offense  n'est  pas  avec  voie  de  fait  ^. 

La  deuxième,  qui  est  relative  au  droit  qui  est  accordé  aux 
témoins  de  Toffensé,  et  par  le  fait  à  l'offensé,  de  choisir  le  délai  s'il 
y  a  eu  voie  de  fait,  est  une  atteinte  portée  au  principe  formulé  cha- 
pitre XXXIX,  en  vertu  duquel  le  choix  du  délai  doit  résulter  de  l'ac- 
cord des  témoins. 

Dans  le  duel  au  signal,  les  choses  se  passent  comme  dans  les 
duels  précédents,  pour  tout  ce  qui  concerne  le  tirage  au  sort  des 
places,  le  chargement,  l'ouverture  de  la  botte  où  sont  enfermées  les 
armes,  leur  tirage  au  sort,  leur  remise,  la  visite,  la  position  des 
témoins,  le  cas  où  le  duel  doit  continuer,  le  cas  de  blessure,  le  rôle 
des  médecins.  Nous  renvoyons  le  lecteur  à  ce  que  nous  avons  expli- 
qué chapitre  xlviii. 

Le  duel  dont  nous  nous  occupons  diffère  des  autres  combats  par 
la  manière  dont  le  signal  est  donné. 

1.  Yoyez  Chateauvillard,  pago  5i,  articles  8  et  0.  —  Du  Verger  de  Saint-Thomas, 
page  388,  articles  6  et  7. 

2.  Ibidem» 

3.  Ibidem, 

4.  Ibidem,  chapitre  iv,  article  11. 

47 


A-^. 


»S  PREMIERS  PARTIE. 

Les  combattaDts,  aussitôt  qu'ils  ont  reçu  leurs  armes,  doireot 
les  armer  et  teoir  le  boni  du  caaon  vers  la  terre  eo  attendaot  le 
signal. 

Le  signal  se  donne  par  trois  conps  frappés  daosla  main,  &  égale 
distance  les  uns  des  autres.  Au  premier  coup  frappé,  les  combattants 
doirent  lerer  leur  arme;  entre  le  premier,  peodant  le  second  et  jus- 
qu'au troisième,  viser. 

Au  troisième,  qu'ils  soient  ou  ne  soient  pas  en  ligne,  ils  doivent 
tirer  simultanément.  Simultanément  est  le  mot.  Il  s'agit  de  la  vie  el 
de  l'bonnear.  Il  n'ya,  pour  tirer  avant  ou  pour  tirer  après  le  signal, 
ni  l'excuse  de  l'agitation,  ni  aucune  excuse  possible. 

On  comprend  la  nécessité  de  l'aTerlissemeot  préalable  donné 
par  le  directeur  du  combat  :  «  Souvenez-Tous,  messieurs,  leur  ditMl, 
que  l'bonneur  exige  que  chacun  de  tous  tire  au  troisième  coup 
frappé,  ne  lève  pas  l'arme  avant  le  premier  coup,  et  ne  tire  pas  avant 
le  troisième.  » 

Si  l'un  des  combattants  lire  avant  le  troisième  coup  ou  seule- 
ment une  demi-seconde  après,  il  est  un  homme  sans  foi,  et,  s'il  tue. 


S'il  tire  avant  le  troisième  coup,  son  compagnon  peut  prendr» 
tout  le  temps  qu'il  veut  pour  tirer,  et  tirer  sans  scrupule  '. 

La  punition  est  bien  méritée,  et  nous  ne  saurions  blAmer  I9- 
combattanl  qui  l'infligerait  â  un  adversaire  aussi  déloyal.  Mais  oou» 
devons  lui  signaler  les  dangers  auxquels  il  s'exposerait  si,  ea  ral>-- 
scncc  de  stipulation  prévoyant  expressément  ce  cas,  il  usait  de  la 
permission  donnée  |iar  Cliateauvillard,  et  tuait  ou  blessait  son  anta- 
goniste, après  avoir  visé  gilus  longtemps  que  les  régies  du  duel  au 
signal  ne  le  comporteut'. 

Il  serait  plus  prudent,  croyons-nous,  de  laisser  aux  témoins  ou 
aux  jurés  d'honneur  la  titchc  d'imprimer  au  combattant  déloyal  la 
sanction  d'une  flétrissure,  qui  constitue  la  punition  la  plus  sévère 
que  la  législation  du  point  d'honneur  ait  édictée,  et  même  de  le 
déférer  A  la  justice. 

Si  l'un  des  combattants  a  tiré  au  troisième  coup  et  selon  la 
règle,  et  que  l'autre  oliampioa  reste  ti  viser,  les  témoins  doivent  se 
jeter,  à  leure  risques  el  pOiils,  entre  les  adversaires  et  leur  faire 
mettre  arme  bas.  Dans  ce  cas,  les  témoins  de  celui  des  deux  qui  a  agi 
selon  les  conventions  peuvent  demander  tout  autre  duel  et  refuser 
celui-ci.  Les  témoins  de  celui  qui  est  resté  à  viser  doivent  le  répri- 
mander d'uoe  vigouj'cuse  manière  et  consentir  à  l'autre  duel. 


OFFENSES.  -  RÈGLES  DU  DUEL.  «59 

L'affaire  est  alors  remise  et  procès-yerbal  de  constat  dressé, 
conformément  au  principe  que  nous  tenons  à  sauvegarder  chaque 
fois  que  l'occasion  se  présente  et  qui  serait  violé  sans  cela  :  c'est 
qu'aucun  changement  important  ne  doit  être  fait  sur  le  terrain, 
aoz  conditions  insérées  au  procès-yerbal  dressé  avant  la  ren- 
contre. 

Dans  le  duel  au  signal,  tout  coup  raté  est  considéré  comme 
tiré.  Il  ne  peut  y.avoir  stipulation  contraire,  puisque  l'obligation  de 
tirer  simultanément  est  une  condition  essentielle  des  duels  de  celte 
espèce. 

Terminons  notre  chapitre  par  une  observation  qui  peut  sembler 
trop  minutieuse  au  premier  abord,  mais  qui  a  son  importance. 

Dans  le  cas  où  le  pistolet  d'un  des  adversaires  ne  serait  pas 
parti  au  troisième  coup,  nous  lui  conseillons  de  le  relever  instanta- 
nément. 

En  effet,  si  un  long  feu  se  produit,  et  si  le  coup  part  après  le 
signal,  comment  le  combattant  dont  l'arme  sera  restée. braquée  sur 
son  adversaire  pourra-t-il  prouver  qu'il  n'y  a  pas  de  sa  faute  et  qu'il 
a  serré  le  doigt  en  temps  voulu? 

Ne  peut-il  se  faire  que  les  témoins,  à  raison  de  la  distance, 
n'aient  pas  vu  s'abaisser  le  chien,  et  que  l'explosion  du  pistolet 
adverse  ait  couvert  le  bruit  de  la  capsule? 

Du  moment  qu'un  retard  d'une  demi-seconde  suffit  pour  rendre 
le  coup  déloyal,  il  faut  éviter  jusqu'aux  chances  les  plus  impro- 
bables d'un  tel  malheur  ^ 


CHAPITRE   LIV 
Duel  au  commandement. 


Le  duel  au  commandement  n'est  qu'une  modification  du  duel 
au  signal. 

Tous  deux,  en  effet,  ont  le  môme  but,  celui  d'égaliser  les  chances 
entre  un  homme  habile  et  un  autre  qui  ne  Test  pas. 

Tous  deux  ont  le  même  caractère,  qui  consiste  dans  l'obligation 
imposée  aux  adversaires  de  tirer  dans  un  délai  très  court,  et  de  se 
conformer  à  un  commandement  donné  par  trois  coups  frappés  dans 

1.  Voyez  affaire  Ritter-Applcton,  Gazette  des  TribunauXj  2  et  3  août  1873.  Appen- 
dice n*  ^5. 


ÏCO  PREM1(;HE  l'AUTIE. 

la  main,  et  par  les  nombres  ud,  deux,  trots,  prononcés  à  intervalles 
égaux. 

Le  premier  duel  diffère  du  second  en  ce  que  TobligalioR  de 
leverrarme  au  premier  coupet  de  tirer  simultanément  au  troisième, 
qui  esl  imposée  aux  adversaires  dans  le  duel  au  signal,  n'existe 
plus  daus  le  duel  au  commandement.  Elle  est  remplacée  par  la 
faculté  de  tirera  Tolonté,  dans  un  laps  de  temps  qui  commence  an 
mol  <i  feu  I)  pour  se  lermint^T  au  nombre  «  trois  ». 

Il  faut  conclure  de  ce  parallèle  que  les  règles  formulées  par 
Cbateauvillard  pour  le  duel  au  signal  restent  applicables  au  duel 
au  commandement  pour  tout  ce  qui  ne  rentre  ni  dans  la  manière 
de  donner  le  signal,  ni  dans  le  délai  pendant  lequel  on  doit  le 
donner. 

Elles  sont  applicables,  par  conséquent,  à  la  question  des  dis- 
tances et  à  celle  de  savoir  à  qui  revient  le  droit  de  donner  le  signal, 
car  ces  deux  points  sont  indépendants  de  ceux  à  propos  desquels  il 
a  été  innové. 

Distanoes.  —  Les  combattants  sont  placés,  comme  pour  le  duel 
au  signal,  â  une  dislance  qui  ne  peut  être  ni  moindre  de  vingt-cinq 
pas  (20  mètres},  ni  supérieur  à  Irenle-cinq  pas  (28  mètres)  '. 

Droit  de  donner  le  al^aal.  —  Le  droit  de  donner  le  signal 
appartient,  comme  lorsqu'il  s'agitdu  duel  précédent,  aux  témoins  de 
l'offensé,  lorsque  l'ofTensc  est  du  troisième  degré.  Il  est  tiré  au  sort 
si  l'offense  est  du  premier  ou  du  second. 

La  raison  pour  laquelle  ce  privilège  a  été  réservé  par  Chateau- 
rillard  à  celui-là  seul  qui  a  essuyé  le  maximum  des  offenses  est 
motivée  par  l'avantage  considérable  que  lui  procure  le  droit  de 
recevoir  un  commandement  auquel  il  est  accoutumé.  Aussi  ne 
saurions-nous  admettre  l'opinion  de  M.  Tavernier,  qui  en  fait 
toujours  l'apanage  de  l'offensé,  même  si  l'offense  est  du  premier 
degré  et  ne  comporte  pas  le  droit  au  choix  du  duel  *. 

Délai.  —  L'importance  de  la  réglementation  du  délai  pendant 
lequel  le  commandement  devra  être  donné  est  aussi  considérable 
dans  le  duel  dont  nous  nous  occupons  que  dans  le  duel  précédent, 
et  pour  les  mêmes  motifs.  Cette  question  doit  faire  l'objet  d'une 
stipulation  insérée  au  procès-verbal  '. 

Mais  comme  dans  le  duel  au  commandement  les  adversaires 
ne  sont  plus  tenus  k  l'obligation  de  tirer  instantanément  et  simul' 

i.  Conformément, ToyeiTavornier,  page  216. 

2.  Ibidem,  pige  217. 

3.  Voyei  affaire  Déronlède-Clémenccau,  22  décembre  1S?I2,  Appendice  a'  1 13. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  Î6I 

tanément  au  nombre  trois  ;  comme  ils  peuvent  le  faire  à  yolontét 
à  partir  du  mot  «  feu  »,  il  est  juste  de  diminuer  les  délais  fixés 
par  Chateauvillard  pour  le  duel  au  signal. 

L'intervalle  isochrone  entre  le  mot  <(feu  »,  le  nombre  «  un  »  et 
cbaque  coup  compté  à  haute  voix,  varie  entre  une  demi-seconde, 
qui  produit  une  seconde  et  demie  pour  les  trois  coups,  et  une 
seconde  et  demie,  qui  produit  quatre  secondes  et  demie  pour  les 
trois  coups.  Une  bonne  moyenne  est  celle  d'une  seconde,  qui  pro- 
duit trois  secondes  en  tout  ^ 

Dans  le  duel  au  commandement  comme  dans  les  autres  duels 
au  pistolet,  excepté  le  duel  au  signal,  le  droit  de  choisir  le  délai 
n'appartient  jamais  à  l'offensé,  quel  que  puisse  être  le  degré  de 
l'offense.  Nous  rentrons  dans  la  règle  générale  formulée  cha- 
pitre XXXIX  et  qui  réserve  le  droit  aux  témoins.  S'ils  ne  sont  pas 
d'accord,  le  sort  décide,  ou  bien  on  prend  la  moyenne  entre  les 
deux  desiderata  s 

Marche  du  duel.  —  Dans  le  duel  au  commandement,  les  choses 
se  passent  comme  dans  le  duel  précédent,  pour  tout  ce  qui  concerne 
le  tirage  au  sort  des  places,  le  chargement  des  armes,  leur  tirage 
au  sort,  leur  remise,  la  visite,  la  position  des  témoins,  le  coup  raté, 
le  cas  où  le  duel  doit  continuer  ;  le  rôle  des  médecins  '. 

FJles  diffèrent  pour  tout  le  reste. 

Aussitôt  que  les  pistolets  ont  été  remis  aux  combattants,  le 
directeur  du  duel  leur  résume  les  conditions  de  la  rencontre,  leur 
fait  promettre  de  les  exécuter,  et  termine  son  speech  en  disant  :  «  Je 
vous  rappelle  que  vous  devez  tenir  votre  pistolet  verticalement; 
ou  le  bout  à  terre  (suivant  la  position  choisie  par  les  témoins)  ; 
répondre  oui  ou  non  à  l'interrogation  de  «  Êtes-vous  prêts?  »  ;  que 
rhonneur  vous  oblige  à  attendre  le  mot  «  feu  »  pour  abaisser  votre 
arme  et  tirer,  et  que  vous  ne  pouvez  plus  tirer  dès  que  le  mot  «  trois  » 
a  été  prononcé.  » 

Avant  de  commander  le  feu,  il  jette  un  coup  d'oeil  rapide  sur 
la  position  des  adversaires  et  veille  à  ce  que  le  bout  des  canons 
soitdirigéen  l'air  ou  à  terre,  suivant  les  conventions. 

Il  commande  alors  le  plus  haut  et  le  plus  distinctement  possible: 
tt  Ètes'vous  prêts  ?  »  A  ces  mots  qui  préparent  au  signal,  les  com- 
battants ne  bougent  pas  leur  arme,  mais  répondent  oui  ou  non* 

Dès  qu'il  a  entendu  la  réponse  affirmative  des  deux  champions, 

1.  Conformément,  voyez  Tavernier,  page  216. 

2.  Ibidem,  page  217,  il  ne  faut  pas  confondre  dans  ce  texte  le  droit  de  déterminer 
les  délais  et  celui  de  donner  le  signal. 

3.  Voyez  chapitre  xLVin  pour  toutes  ces  questions. 


jj^.  -.  f 


262  PREMIÈRE  PARTIE. 

il  continue  par  le  commandement  de  «  Feuf  »  qa'il  fait  suivre  de 
rénumération  suivante,  bien  scandée  et  bien  martelée  dans  la 
main  :  «  Un  »  —  «  deux  »  —  «  trois  ». 

Dès  que  le  mot  «  feu  »  est  prononcé,  les  combattants  abaissent 
ou  lèvent  leur  arme  et  peuvent  tirer.  Le  coup  doit  partir  entre  le 
mot  tt  feu  »  et  le  nombre  «  trois.  » 

Tirer  avant  le  mot  «  feu  »  ou  après  le  nombre  «  trois  »  constitue 
une  déloyauté. 

Dans  le  duel  au  commandement,  tout  coup  raté  est  considéré 
comme  tiré. 

Position  qae  doivent  avoir  les  pistolets  dans  le  duel  an  oom- 

mandement.  —  Nous  terminerons  ce  chapitre  par  une  observation 
sur  la  manière  dont  les  adversaires  doivent  tenir  leur  arme  en  atten- 
dant le  signal. 

Au  lieu  d'exiger  que  le  bout  du  canon  soit  tenu  en  l'air  et 
l'arme  placée  verticalement,  comme  nousl'avons  indiqué  pins  haut, 
MM.  Tavernier  et  G.  Jollivet  enseignent  que  le  bout  du  pistolet 
doit  être  incliné  vers  la  terre. 

A  première  vue,  il  semble  que  ces  deux  positions  se  valent  et 
qu'elles  peuvent  être  choisies  indifféremment.  Il  n'en  est  rien  cepen- 
dant. La  première  nous  semble  préférable,  et  nous  conseillons  aux 
témoins  de  l'adopter,  pour  plusieurs  raisons  : 

l""  Parce  qu'elle  n'est  ni  dangeureuse  pour  le  tireur,  ni  suscep- 
tible de  l'exposer  à  échapper  le  coup  dans  la  direction  de  son 
antagoniste  avant  le  signal  ; 

2»  Parce  qu'elle  simplifie  la  direction  du  combat  et  rend  cer- 
taines fraudes  difficiles  à  commettre; 

3"  Parce  qu'elle  diminue  le  danger  de  la  rencontre,  et  partant 
la  responsabilité  des  témoins. 

Nous  disons  qu'elle  n'est  ni  dangereuse  pour  celui  qui  tire,  ni 
susceptible  de  l'exposer  à  échapper  son  coup  dans  la  direction  de 
l'antagoniste  avant  le  signal. 

En  effet,  avec  la  position  verticale,  si  pareil  accident  se  pro- 
duit, il  n'y  a  qu'une  balle  perdue  en  l'air,  sans  lésion  morale  ou 
physique  pour  personne. 

En  est-il  de  même  si  le  bout  du  pistolet  est  dirigé  vers  la  terre? 
Nous  ne  le  croyons  pas. 

Les  précautions  que  M.  Tavernier  conseille  aux  adversaires 
nous  semblent  constituer  le  meilleur  argument  en  faveur  de  cette 
assertion  :  «  Je  recommande  instamment  aux  combattants,  écrit -il 
page  218,  de  ne  jamais  placer  leur  arme  dans  la  direction  de  leur 
pied,  comme  je  l'ai  vu  faire  souvent.  La  moindre  distraction,  la 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  2&3 

moindre  contraction  nerveuse,  peut  faire  partir  le  coup.  Il  en  résul- 
tera une  blessure  assez  grave,  toujours  ridicule.  On  devra  donc  prêter 
son  attention  à  tenir  le  bout  du  canon  de  l'arme  à  une  certaine 
distance  du  pied  droit.  » 

Mais  ce  n'est  que  le  moindre  inconvénient  de  cette  position. 
L'échappement  intempestif  du  coup  peut  avoir  un  dénouement  plus 
fâcheux  encore,  lorsque  le  bout  du  canon  est  dirigé  plus  en  avant 
du  pied  que  dans  la  première  hypothèse. 

Un  ricochet  se  produit-il  alors  ?  La  balle  atteint-elle  ou  effleure- 
t-elle  l'autre  combattant  ? 

Le  tireur  coupable  d'une  simple  contraction  nerveuse  peut  être 
regardé  comme  ayant  commis  une  déloyauté. 

Pareil  accident  survint,  il  y  a  quelques  années,  dans  un  duel 
au  revolver  entre  deux  officiers  belges.  Les  témoins  adverses  n'ad- 
mirent pas  l'excuse  du  mouvement  réflexe.  Ils  refusèrent  de  conti- 
nuer l'affaire,  au  grand  préjudice  moral  de  celui  qui  avait  échappé 
le  coup. 

Nous  disons  que  la  position  verticale  de  l'arme  simplifie  la  di- 
rection du  combat. 

Elle  évite  les  discussions  qui  peuvent  s'élever  relativement  à 
l'angle  plus  ou  moins  grand  que  le  canon  du  pistolet  abaissé  pourra 
former  avec  le  sol,  angle  dont  l'ouverture  exacte  doit  être  çtipulée 
au  procès-verbal  et  vérifiée  sur  le  terrain. 

Les  adversaires  devront-ils  laisser  tomber  le  bras  naturellement 
le  long  du  corps?  Pourront-ils  le  tendre  au  contraire  en  avant  7 
Dans  quelle  mesure?  Gomment  les  témoins  s'assureront-ils  qu'il  y 
a  symétrie  dans  la  position  des  deux  champions  ? 

Autant  de  questions  qui  n'ont  plus  leur  raison  d'être  avec  la 
station  verticale,  qui  n'admet  point  de  moyen  terme. 

Nous  disons  que  la  position  verticale  rend  certaines  fraudes 
difficiles  à  commettre. 

Elle  évite  notamment  celle  qui  consiste  à  relever  le  pistolet 
par  un  mouvement  insensible,  de  manière  à  diminuer  la  course 
qa'il  doit  accomplir  pour  atteindre  la  position  horizontale,  et  rendre 
le  tir  plus  rapide. 

En  effet,  le  bout  du  canon  tenu  verticalement  se  détache  sur 
Riorison.  Il  devient  le  point  de  mire  involontaire  de  tous  les 
regards,  qui  percevraient  immédiatement  la  moindre  oscillation 
iilégBlé  si  elle  était  esquissée. 

Roos  disons  qu'elle  diminue  les  dangers  de  la  rencontre. 
En  effet,  le  combattant  qui  tient  le  pistolet  abaissé  trouve 


»:..'' 


I 


Mf  ['REMIÈRE  PARTIE. 

rapMemcnl  sa  ligne  qu'il  rencontre  â  la  cheville  de  son  adversaire. 

Il  peut,  par  conséquent,  attaquer  la  détente  à  partir  du  genou. 

Peu  importe  que  cetle  détente  soit  douce  ou  raîde,  qu'il 
prenne  fin  guidon  ou  trop  de  guidon.  S'il  évite  l'écart  latéral,  il  est 
certain  de  toucher  un  peu  plus  bas  ou  un  peu  moins  bas,  mais  en 
somme  de  toucher,  ce  qui  est  essentiel. 

Or,  grâce  à  la  pression  commencée  au  genou  de  l'adversaire 
et  continuée  progresst?emeiil  en  remontant,  il  évite,  même  avec 
une  détente  dure  et  inconnue,  le  coup  de  doigt,  celle  cause  ordi- 
naire des  écarts.  Toutes  les  chances  sont  en  sa  fareur  '. 

Au  contraire,  le  tireur  qui  a  son  pistolet  dans  la  position  fcr- 
tîcalo  et  qui  est  obligé  de  l'abaisser  pour  faire  feu  ne  peut,  sans 
imprudence,  commencer  à  presser  la  détente  à  l'instant  où  it  ren- 
contre la  tOle  de  son  adversaire.  Kn  effet,  s'il  ignore  la  dureté  de  la 
détente,  ou  s'il  prend  trop  de  guidon,  ce  qui  arrive  d'ordinaire,  il  a 
bien  des  chances,  l'émotion  aidant,  pour  passer  par-dessus  son 
homme. 

Son  unique  ressource  pour  éviter  cet  accident  est  de  baisser  le 
plus  rapidement  possible  son  iirme,  de  chercher  h  viser  le  point 
qu'il  veut  atteindre,  et  de  serrer  le  doigt  aussitôt  qu'il  l'a  trouvé. 

Mais  comme  cette  manœuvre  lui  a  pris  du  temps,  comme  il  est 
obligé  de  courir  après  le  commandement,  il  est  plus  que  probable 
que  la  pression  sera  saccadée  et  qu'il  donnera  le  coup  de  doigt, 
surtout  si,  comme  cela  arrive  généralement,  la  délenle  est  dure  et 
iDCOQDue.  Il  y  a  bien  des  chances,  par  conséquent,  poar  qu'il  porte 
à  droite  ou  à  gauche. 

On  voit  qu'avec  le  délai  restreint  qui  est  la  caractéristique  de 
notre  duel,  le  combattant  qui  tient  son  arme  penchée  à  terre  se 
trouve  dans  de  bien  meilleures  conditions  pour  atteindre  son 
adversaire  quecelui  qui  la  tient  verticale. 

Les  témoins  soucieux  de  diminuer  les  dangers  de  la  rencontre 
et  leur  responsabilité  possèdent  un  moyen  d'autant  plus  efficace  d'y 
arriver,  que  la  majorité  des  tireurs,  des  tireurs  parisiens  surtout, 
s'est  exercée  au  tir  de  bas  en  haut'. 

Le  point  de  vue  différent  auquel  nous  nous  plaçons,  et  qui  est 
celui  auquel  les  témoins  doivent  se  placer  dans  la  plupart  des  cas, 
explique  notre  dissentiment. 

1.  Conronnénicnt,  Tojet  opinion  du  prince  Bibcico.  Tavernier,  page  197. 

2.  Contra,  Toye*  G,  Prétoii  et  G.  JoUiTet,  PEtcrime  et  le  dutl,  p«çe  239, 


CONDITIONS  SPÉCIALES  AU  DUEL  AU  SABRE 


CHAPITRE    LV 
Duel  au  sabre. 

Les  règles  du  dael  à  Tépée  sont  applicables  au  duel  au  sabre, 
sauf  pour  ce  qui  concerne  la  nature  des  armes  et  la  manière  dont 
il  est  permis  de  s'en  servir. 

Les  chapitres  relatifs  :  l""  au  choix  des  épées,  pour  tout  ce  qui 
n'est  pas  spécial  à  l'épée  en  tant  que  contexture  ;  2""  au  choix  du 
terrain,  à  la  mesure  du  champ,  au  tirage  au  sort  des  places;  3<»  à  la 
toilette  et  à  la  visite;  k"*  au  directeur  du  combat;  5<>  à  l'usage  de  la 
main  qui  ne  manie  pas  Farme;  6*"  aux  reprises  et  aux  repos; 
!•  à  Tacculement;  S"*  au  corps  à  corps;  9*"  au  désarmement;  lO^»  au 
bris  et  au  faussement;  11""  à  la  chute;  12''  à  la  blessure,  s'ap- 
pliquent également  au  duel  au  sabre. 

Dans  le  duel  au  sabre,  les  témoins  peuvent  conseiller  l'usage 
des  sabres  courbes  comme  moins  dangereux,  mais  cette  condition 
ne  peut  pas  être  imposée  ^ 

Lorsque  le  signal  est  donné,  les  combattants  se  portent  des 
coups  d'estoc  et  de  taille,  avancent,  rompent,  se  courbent,  tournent 
et  voltigent,  se  plient,  font  toutes  les  voltes  qui  paraissent  avanta- 
geuses. 

Nous  renvoyons,  du  reste,  le  lecteur,  pour  plus  amples  explica- 
tions, au  chapitre  vui  de  VEssai  sur  le  duel  où  Chateauvillard  entre 
dans  de  minutieux  détails  sur  ce  genre  de  combat  et  sur  le  duel  au 
sabre  sans  coups  de  pointe,  quelquefois  en  usage,  mais  qui  ne  peut 
être  imposé  par  Toffensé  qui  a  le  choix  du  duel. 


CHAPITRE   LVl 

Violation  des  règles  du  duel.  —  Provocations  à  la  suite 

et  à  cause  du  duel. 

Lorsqu'une  infraction  aux  règles  du  duel  ou  aux  conditions  de 
la  rencontre  se  produit,  les  témoins  arrêtent  le  combat. 

1.  Voyez  ce   que    nous   avons  dit  chapitre  vi  sur  l'adoption  du  sabre  droit,  et 
Du  Verger  de  Saint-Thomas,  chapitre  vir,  observations  sur  Tartlde  8. 


f-^:.' 


tt4,  TRElirERE  PARTIE. 

Si  l'iofractiOD  e&t  p«a  grare,  si  les  témoios  s'accordent  ponr  la 
regarder  comme  simple  faDt«  excusable  dans  qm  ceruiae  mesure, 
et  aoa  comme  qd  acte  entaché  de  déloranté,  il  y  a  interraption  de 
courte  dnrêe.  Le  combat  est  repris  dans  la  séance  où  a  été  commise 
l'infraclioD. 

Si  les  témoins  ne  sont  pas  d'accord  snr  la  raleoret  le  caractère 
de  l'infraction,  si  les  mandataires  da  délioqoant  prétendent  qn'ily 
a  en  simple  faute,  «rt  si  les  mandataires  adrerses  soatiennent  qn'Û 
y  a  eu  intention  déloyale,  le  combat  oe  peut  être  repris  dans  la 
séance  où  l'infractioa  s'est  produite.  11  faut  aupararaot  qn'on  jury 
d'tionnear  se  soit  prononcé  sur  la  qaaliflcalion  à  donner  h  l'acte- 

Si  l'infraction  entraîne  une  blessure,  le  combat  est  toujours 
suspendu,  même  quand  le  blessé  demande  k  continuer,  ou  si  les 
témoins  n'accusent  pas  de  déloyauté  celui  qui  a  porté  le  coup,  cas" 
la  circonstance  de  la  blessure  donne  au  fait  une  grarilé  spéciale 
et  nécessite  un  examen  plus  approfondi  que  celui  qai  peut  aToir 
lieu  sur  le  terrain. 

Si  les  témoins  reconnaissent  unanimement  qu'il  y  a  eu  înlen — 
tion  déloyale,  l'arrél  du  combat  est  définitif,  quand  bien  même? 
l'infraction  n'aurait  pas  causé  de  blessure. 

Il  existe  des  cas  où  rinleutioD  déloyale  est  si  fortement  présu — ■ 
mée,  que  la  simple  constatation  du  fait  par  les  témoins  entrains? 
l'arrêt  définitif,  bien  que  le  procës-Terbai  soit  mnet  snr  U  qaestiotv- 
de  (li^-loyauté. 

On  peut  ranger  parmi  les  faits  auxquels  les  circonstances  don— 
nent  tantôt  le  caractère  de  simples  infractions,  tantâl  le  caractère 
d'actos  déloyaux  : 

Pour  le  duel  A  l'épi-c  :  le  cas  oi'i  l'un  des  combattants  engage  le 
fer  avant  le  signal,  continue  malgré  l'arcrtissenient  des  témoins, 
pare  avec  la  main  qui  ne  manie  pas  lépée  (droite  ou  gaucbe,  selon 
qu'il  est  gaucher  ou  droitier],  mais  sans  porter  de  coup. 

Pour  le  duel  au  pistolet  :  le  cas  où  un  des  combattants  abaisse 
ou  lève  son  arme,  vise  ou  marclie  avant  ou  après  le  signal  ou 
après  l'ordre  d'arrêter,  mais  sans  tirer. 

On  peut  ranger  parmi  les  faits  susceptibles  d'entratuer  ipso 
facto  la  présomption  de  déloyauté  : 

Pour  1«  duel  à  l'épée  :  le  cas  où  un  des  combattants  refuse  de 
se  laisser  visiter,  est  trouvé  porteur  d'une  cuirasse,  pare  avec  la 
main  qulne  manie  pfis  l'épée  ou  saisît  l'arme  adverse,  et  proûte  de 
celle  manixQTre  pour  toucher  ou  essayer  de  loucher  son  adver- 
sairaj  le  cas  où  il  le  frappe  ou  cherche  à  le  frapper  lorsqu'il  est 
"  """  T--      t^sarraé  ou   tombé;  le  cas  où,  malgré  la  stipulation 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.         Î67 

contraire,  il  feint  de  tomber  et  touche  ou  cherche  à  toucher  son 
adversaire  qui  croit  à  une  chute  véritable  ;  le  cas  où  il  s'acharne 
sur  le  blessé,  malgré  Pinterrention  des  témoins. 

Pour  le  duel  au  pistolet  :  le  cas  où  les  armes  auraient  été 
Fobjet  de  manœuvres  coupables  ;  le  cas  où  un  des  combattants 
refuserait  de  se  laisser  visiter,  serait  porteur  d'un  objet  pouvant 
servir  de  cuirasse,  tirerait  avant  son  tour,  avant  ou  après  le  signal 
ou  malgré  l'ordre  d'arrêter,  quand  bien  même  le  coup  n'aurait  pas 
été  suivi  de  mort  ou  de  blessure. 

La  récidive  d'un  acte  entraînant  simplement  l'interruption  du 
combat  produit  le  même  résultat. 

L'interruption  ou  la  suspension  du  combat  doivent  être  consi- 
dérées comme  un  moyen  d'arriver  à  punir  l'infraction,  l'arrêt  défi- 
nitif comme  une  conséquence  de  cette  punition,  mais  ils  ne  sont 
jamais  une  sanction  proprement  dite. 

La  sanction  d'une  infraction  non  entachée  de  déloyauté  consiste 
dans  le  rappel  à  l'ordre,  le  blâme  et  l'insertion  au  procès-verbal. 

La  sanction  d'une  infraction  entachée  de  déloyauté  consiste 
dans  la  rédaction  du  procès-verbal  de  constat,  dans  la  disqualifica- 
tion du  coupable  et  dans  la  plainte  ou  la  dénonciation  du  fait  aux 
tribunaux  répressifs. 

Nous  nous  occuperons,  au  chapitre  suivant,  de  ce  qui  concerne 
le  procès-verbal  de  constat  ;  disons  quelques  mots  de  la  disqualifi- 
cation. 

Toutes  les  fois  qu'un  procès-verbal,  signé  de  quatre  témoins, 
constate,  d'une  manière  authentique  et  indéniable,  Texistence 
d'une  infraction  à  laquelle  la  présomption  de  déloyauté  est  atta- 
chée, à  plus  forte  raison  toutes  les  fois  que  le  procès-verbal  déclare 
qu'il  y  a  eu  félonie,  la  disqualification  est  encourue  de  plein  droit, 
et  la  question  préalable  d  indignité  peut  être  opposée  de  piano  au 
délinquant,  sans  que  celui  qui  refuse  le  duel  puisse  encourir  de 
bl&me^ 

Toutes  les  fois  que  le  procès-verbal  invoqué  n*est  pas  revêtu 
d'an  caractère  d'authenticité  suffisant  pour  faire  foi  complète  de 
l'existence  de  l'infraction  et  de  son  caractère  déloyal,  la  disqualifi- 
cation ne  peut  résulter  que  de  la  sentence  d'un  jury  d'honneur. 

Il  en  résulte  que  la  partie  qui  invoquerait,  pour  opposer  la 
question  préalable  d'indignité,  un  procès-verbal  rédigé  de  telle 
façon  qu'il  pût  y  avoir  doute  sur  la  déloyauté  de  l'acte,  et  qui  refu- 

i.  Voyez  affaire  N***-Monvielle,  Gazette  des   Tribunaux,  11  août  1887.  Appen* 
dice  n«.96. 


■  ^  « 


ses  i'RE!iiii:nE  i-artie. 

serait  la  proposition  qui  lui  serait  faite  de  soumettre  le  litige  â  la 
décision  d'un  arbitre,  ou  mieux  d'un  jury  d'Iionneur,  agirait  incor- 
rectement. 

Celte  solution  s'applique  non  seulement  au  cas  où  celui  qui 
oppose  ia  question  préalable  a  élu  partie  dans  l'alTaire  où  l'infrac- 
tion s'est  produilD,  mais  encore  au  cas  oi!i  c'esl  un  tiers  qui  n'y  a 
pas  Été  mél^. 

Trop  souvent  ou  suit  une  marche  diamélralement  oppost^e.  Au 
lieu  de  soumettre  le  litige  à  un  jury  d'honneur,  qui  est  seul  capable 
de  lui  donner  une  solution  rationnelle  et  dcflnitive,  les  parties 
engagent  une  polémique  dans  les  journaux,  qui  enregistrent  à 
l'envi  procès-verbaui,  lettres  rectiHcalivos,  injurus  et  démeoiis. 

En  agissant  ainsi,  personne  n'atteint  son  but. 

En  effet,  lorsque  la  polémique  est  close,  la  question  demeure 
en  l'élat,  et  les  intéressés  n'ont  obtenu  d'autre  résultat  que  de  fati- 
gUL'i'  le  public  de  leur  bruyante  personnalité  ' . 

Lorsque  l'infraction  présente  un  caractère  spécial  de  gravité, 
tant  à  cause  de  la  déloyauté  àv  l'acte  qu'à  cause  de  la  lésion  corpo- 
relle qu'elle  a  entraînée,  l'intérêt  social  eiige  que  le  coupable 
reçoJTe  une  punition  plus  exemplaire  que  la  disqualification,  qu'on 
considère  avec  juste  raison  comme  trop  platonique.  Mais  comme  la 
législation  du  point  d'honneur  n'offre  aucun  moyen  de  correction 
plus  efflcace  que  la  mise  au  ban  de  l'opinion  publique,  force  est 
aux  témoins  de  recourir  à  une  législation  mieux  armée,  c'est-à-dire 
aux  tribunaux  ordinaires. 

Chateanvillard  et  ses  commentateurs  vont  jusqu'à  leur  en 
imposer  l'obligation  •.  Mais  il  importe  de  faire  remarquer  qu'en 
obéissant  à  celte  injonction,  en  ajoutant  la  sanction  de  la  loi  répres- 
sive à  la  sanction  du  point  d'honneur,  ils  exposent  leurs  clients 
et  ils  s'exposent  eux-mêmes  au  danger  d'être  englobés  dans  les  pour- 
suites comme  coauteurs  et  complices. 

Bien  qu'au  moment  oi'i  nous  écrivons,  le  ministère  public 
semble  peu  disposé  à  s'immiscer  d'office  dans  les  affaires  d'hon- 
neur, le  péril  existe. 

Il  faut  considérer,  en  effet,  que  celte  inaction  n'implique  pas 
la  volonté  de  désarmer  et  de  tolérer  le  duel,  mais  une  neutralité 
passagère  qui  disparaîtra  avec  les  raisons  accidentelles  qui  l'ont 
fait  naître. 

Le  ministère  public,  obligé  de  fermer  les  yeux  par  ordre  sapé- 

1.  Voyu  affaire  Hermeix-La  Bruyère,  etc.,  Etc.  Le  Kalional,  n"  de»  9,  10,  Il 
«eptcmbre  ISSO.  Appendice  n°S7. 

S.  Vojrei  Estai  lur  U  dutl,  page  34,  article  W.  ■~-  Tavcrnier,  page  187,  etc. 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  269^ 

rieur,  les  ouvrira  aussitôt  que  les  duellistes  yiendront  eux-mêmes 
le  réveiller.  De  leur  côté,  les  magistrats,  qui  protestent  in  petto 
contre  une  impunité  qu'ils  trouvent  scandaleuse,  saisiront  avec  joie 
roccasion  de  faire  un  exemple,  et  de  rappeler  au  public  que  Pacte 
déloyal  n'est  pas  une  condition  sine  qud  non  du  délit,  mais  que  ce 
délit  existe  indépendamment  de  toute  félonie  ^ 

Reste  ù  étudier  le  rôle  du  directeur  du  combat  et  celui  des 
témoins,  en  cas  de  violation  des  règles  ou  conventions  du  duel. 

Ils  séparent  immédiatement  les  combattants,  les  désarment  et 
les  éloignent.  Un  témoin  de  chaque  partie  se  place  à  côté  de  son 
client  pour  éviter  toute  collision,  pendant  que  les  deux  autres 
confèrent  à  l'écart.  La  conférence  terminée,  les  premiers  rem- 
placent auprès  des  antagonistes  leurs  collègues  qui  délibèrent  à 
leur  tour. 

Est-il  besoin  d'insister  sur  la  tenue  correcte  que  doivent  garder 
les  témoins  pendant  tout  ce  temps?  Il  leur  est  interdit  d^injurier  et 
surtout  de  frapper  Tauteur  de  Tinfraction  >. 

Ces  procédés,  contraires  aux  devoirs  des  témoins,  enlèvent  au 
procès-verbal  rédigé  après  la  rencontre  une  partie  de  l'autorité 
qu'il  devrait  avoir.  Il  semble  alors  dressé  sous  Tempire  de  la  colère 
et  en  dehors  de  toute  impartialité.  Au  lieu  de  nuire  à  l'auteur  de 
l'infraction,  il  lui  procure  quelquefois  des  circonstances  atté- 
nuantes qu'il  n'aurait  pas  obtenues  sans  cela. 

Provocation  à  la  suite  et  à  cause  du  duel. 

Si  le  combattant  sorti  vainqueur  de  la  lutte,  si  les  témoins 
reçoivent  sur  le  terrain  une  provocation  à  cause  du  duel,  ils 
doivent  refuser  de  se  prêter  à  une  rencontre  immédiate'. 

Les  témoins  qui  reçoivent  un  cartel  au  sujet  du  duel  bénéfi- 
cient des  avantages  accordés  à  Toffensé  avec  coups  et  blessures,  s'il 
est  démontré  que  les  torts  sont  du  côté  du  provocateur*. 

Comme  le  fait  justement  remarquer  M.  Tavernier,  page  189, 
on  a  voulu  ainsi  punir  les  provocations  adressées,  par  certains 
tireurs  forts  aux  armes,  à  des  hommes  inexpérimentés,  dont  la 

1.  Voyez  cependant  dans  l'affaire  Mermeix-Labruyère,  précédemment  citée,  la 
lettre  qae  M.  Mermeix  adressa  en  vain  au  procureur  général  pour  obtenir  d'ôtre  tra- 
duit devant  les  tribunaux. 

2.  Voyez  affaire  N***-Monvieîle,  Gazette  des  Tribunaux,  11  août  1887.  Appendice 

ao98. 

3.  Voyez  Chateauvillard,  chapitre  iv,  article  5,  et  notre  chapitre  xii,  article  pre- 
mier. ^ 

4.  Ibidem,  article  2i.  —  Du  Verger  de  Saint-Thomas,   chapitre  iv,  article  4o. 


J70  PREMIÈRE  PARTIE. 

liberld  d'action  eût  pu  ôlre  enlravée  par  l'espèce  de  terreur  qa'ins- 
pirent  géoéralenient  les  duellistes  habiles  et  peu  scrupuleui. 

En  faisant  bi^ULÛcîer  les  provoqués  de  celte  catégorie  du  clioii 
des  armes,  du  duel  et  des  distances,  avantages  accordés  aui  offeo- 
sé8  avec  voie  de  fait,  Ghateauvillard  a  voulu  donner  ù  réfléchir 
aux  agresseurs  exercés  et  réserver,  le  cas  échéant,  de  légitinies 
avantages  à  l'hounéle  homme  auquel  l'accomplissement  de  son 
devoir  a  valu  une  odieuse  provocation. 

Le  sentiment  qui  a  inspiré  le  législateur  du  point  d'honnenr 
esl  celui  qui  a  inspiré  le  législateur  de  la  loi  pénale  lorsqu'il  a 
frappé  de  sanctions  exceptionnelles  les  injures  et  dîlTamatioDS 
adressées  aux  témoins  ordinaires,  à  cause  de  leur  déposition. 


CHAPITIIE    LVII 
Procès-verbal  après   la  rencontre. 


Aussitôt  après  la  rencontre,  un  procès-verbal  est  rédigé.  Il  doit 
être  fait  en  doubleexpédition.dontchacun  des  combattants  conserve 
un  exemplaire.  Chaque  exemplaire  est  signé  par  les  quatre  témoins. 

Nous  engageons  les  témoins  h  rédiger  ce  procès-verbal  aussitôt 
après  le  combat,  de  manière  à  le  faire  avec  le  souvenir  précis  des 
moindres  incidents  de  la  lutte,  sous  le  coup  de  l'événement,  et 
avant  que  des  conseils  ou  des  observations  intéressées  n'aient  pn 
influer  sur  la  véracité  absolue  qui  doit  présidera  la  confection  d'un 
acte  si  important. 

NousIesengageoDsâ  le  rédigera  huis  clos,  afin  d'éviter  des  immix' 
tionseldesindiscrétionsTàcheuses;  en  particulier,  celles  de  la  presse'. 

Cette  recommandation  est  plus  importante  qu'elle  ne  semble 
tout  d'abord.  En  effet,  s'il  y  a  des  duels  qui  nécessitent  une  certaine 
publicité,  il  en  est  un  plus  grand  nombre  qui  doivent  rester  inédits 
dans  l'intérêt  moral  et  matériel  des  parties. 

Dans  l'intérêt  moral  : 

Abstraction  faite  du  sentiment  de  gène  et  d'irritation  que  doit 
éprouver  un  galant  homme,  simple  particulier,  k  voir  traîner  son 
nom  dans  les  journaux,  et  cette  notoriété  malencontreuse  inter- 
prétée comme  une  réclame  de  mauvais  goût,  il  peut  résulter  de  la 


OFFENSES.  —  RËGLES  DU  DUEL.  «74 

)ubIication  un  préjadice  considérable,  si  les  motifs  du  duel  sont  de 
nature  intime  ;  si,  par  exemple,  Thonneur  d'une  femme  est  en  jeu. 
Dans  l'intérêt  matériel  : 

Nous  verrons,  en  effet,  lorsque  nous  étudierons  la  législation 
pénale,  qu'un  silence  absolu  constitue  le  moyen  le  plus  efficace 
d'éviter  l'intervention  de  la  justice  dans  une  affaire  sur  laquelle 
elle  fermerait  peut-être  les  yeux,  si  la  publicité  qui  en  est  faite  ne 
l'obligeait  à  s'en  occuper  malgré  elle^ 

Nous  n'ignorons  pas  que,  par  le  temps  de  reportage  à  outrance  ob 
nous  vivons,  l'entreprise  est  difficile.  Elle  mérite  pourtant  d*étre  tentée. 

Si  elle  ne  réussit  pas,  si  la  presse  aux  écoutes  surprend  ce  qui 
s'est  dit  dans  des  procès-verbaux  échangés  entre  des  gens  qui  n'ap- 
partiennent à  la  publicité  ni  par  la  nature  de  la  querelle,  ni  par  leur 
individualité,  et  qui  se  sont  réunis  pour  régler  leurs  affaires  à  petit 
bruit;  si  elle  dévoile  l'incognito  dont  ils  se  sont  entourés;  si  cette 
divulgation  cause  un  préjudice  matériel  ou  moral,  la  personne 
lésée  pourra-t-elle  demander  raison  au  journaliste  qui  aura  commis 
l'indiscrétion  ? 

L'énoncé  de  la  question  suffit  pour  indiquer  quels  sont  les  ar- 
guments sur  lesquels  s'appuient  les  partisans  de  l'affirmative.  Ceux 
de  l'opinion  contraire  raisonnent  ainsi  : 

Il  est  admis  que  la  publicité,  qui  doit  respecter  la  vie  privée, 
est  à  l'abri  de  toute  responsabilité  si  elle  enregistre  un  acte  qua- 
lifié par  la  loi  crime  ou  délit,  par  la  raison  que  la  vie  privée 
n'existe  plus  en  présence  d'un  pareil  acte.  Or  le  duel  consommé 
est  considéré  par  la  loi  comme  une  infraction  de  droit  commun, 
et  les  duellistes  comme  les]  auteurs  [d'un  fait  susceptible  d'être 
déféré  aux  tribunaux. 

Entre  les  adversaires  dans  un  combat  singulier  et  les  adver- 
saires dans  une  rixe  ordinaire,  la  loi  n'établit  point  de  différence. 

Il  s'ensuit  que  les  deux  faits,  étant  identiques  au  point  de  vue 
de  l'action  publique,  se  trouvent  placés  sur  le  même  rang  vis-à-vis 
de  la  publicité.  Il  s'ensuit,  par  conséquent,  que  les  journaux 
n'excèdent  pas  davantage  leur  droit  en  relatant  un  duel  malgré  les 
parties  qu'ils  ne  l'excèdent  en  racontant  que  tel  individu  a  été 
blessé  par  des  souteneurs  devant  tel  numéro  de  telle  rue,  bien  que 
ce  numéro  se  trouve  être  celui  d'un  mauvais  lieu,  et  bien  que  le 
fait  divulgué  puisse  nuire  ù  la  considération  de  la  victime. 

Nous  supposons,  bien  entendu,  que  le  duel  a  été  consommé, 
car  la  loi  ne  regarde  comme  acte  délictueux  ni  le  cartel,  ni  les  con- 
ventions préliminaires. 

1.  Vo)ez  affaire  T***-R*^*,  août  1890.  Appendice  n«  99. 


ÎTi  l'HEMlKIlE  PARTIE. 

Observons  que  le  droit  du  journaliste  se  borne  à  enregistrer 
les  faits.  S'il  accompagne  son  compte  rendu  d'appréciations  difffi- 
matoires  ou  d'expressions  injurieuses,  il  n'est  pas  couvert  par  l'im- 
munité dont  nous  Tenons  de  parler.  Il  demeure  responsable  Ws-à- 
Tis  la  ou  les  personnes  olîensées  et  tenu  à  rt'paralion. 

Le  proct's-verbal  doit  mentionner  l'heure,  le  lieu,  la  durée  do 
combat,  ses  dilTérentes  phases,  les  épisodes  qui  l'ont  signalé,  la 
nature  et  la  gravité  de  la  blessure,  constater,  en  un  mot,  les  faits 
avec  clarté  et  concision. 

Trop  souvent  les  témoins  sacrifient  la  première  de  ces  qua- 
lités à  la  seconde,  et,  â  force  de  vouloir  être  concis,  cessent  d'être 
clairs.  Eu  cela  ils  se  trompent.  Ils  doivent  non  seulement  énoncer 
le  fait,  mais  spécilier  les  circonstances  dans  lesquelles  il  s'est  pro- 
duit, si  ces  circonstances  peuvent  eu  modifier  le  caractère  et  la 
qualification'. 

Les  témoins  ne  peuvent  refuser  en  conscience  de  signer  un 
procès-verbal  relatant  exactement  les  faits  du  duel,  puisque  ces 
faits  se  sont  passés  sous  leurs  yeux;  l'honneur  les  oblige  ii  dire  la 
vérité  tout  entière.  Mais  ils  ne  doiventaffirmer  que  ce  qu'ils  ont  va 
personnellement.  «  de  leurs  propres  yeux  vu,  ce  qui  s'appelle  vu  », 

Si  un  incident  de  la  lutte  échappe  â  l'un  deux,  il  doit  faire  ses 
réserves  dans  le  procès- verbal,  quel  que  soit  le  degré  de  créance 
mérité  par  un  collègue  disant  ;  "  J'affirme  que  tel  incident  s'est 
produit.  »  Il  ne  doit  jamais  se  mettre  à  la  remorque  et  signer  de 
coaHanco'. 

Si  les  témoins  ne  peuvent  refuser  de  signer  le  procès-verbal 
constatant  un  faiteiact,  ils  peuvent  refuser  de  signer  celui  qui  con- 
tiendrait une  appréciation  sur  la  conduite  de  leur  client,  et  no- 
tamment sur  l'intention  dans  laquelle  il  a  accompli  l'acte  qui  lai 
■<Kt  reproché.  En  elîet,  l'appréciation  qu'on  leur  demande  constitue 
l'arme  la  plus  dangereuse  dont  la  partie  adverse  puisse  se  servir 
pour  exécuter  leur  mandant. 

Il  est  donc  juste  qu'ils  ne  se  prononcent  qu'à  bon  escient,  et 
prennent  le  temps  nécessaire  pour  faire  le  calcul  d'inductions  et  de 
déductions  indispensable  pour  juger  une  manifestation  aussi  déli- 
cate du  for  intérieur.  Mais  s'il  y  a  réunion  d'un  jury  d'honneur,  ou 
poursuites  judiciaires,  les  témoins  doivent  donner  leur  avis  en 
toute  sincérité. 

1,  Voyci  alTaii'o  Mermeix-de  Ia  Bruyère.  Appendice  n*  100,  avec  renvoi  au 
n-  01. 

3.  Voyei  affaire  Drumont-Heyer,  Gabelle  de*  Tribunaux,  37  juillet  1SS6.  Appeu- 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU  DUEL.  «73 

Le  plus  galant  homme  peut  se  tromper  sur  le  compte  d'un 
autre.  L'aveu  de  son  erreur  ne  saurait  le  discréditer.  S'il  se  pro- 
nonce en  son  àme  et  conscience,  il  n'est  sujet  ù  aucun  appel  à 
raison  de  sa  déposition,  et  peut  opposer  la  question  préalable  sans 
encourir  de  blâmée 

Observons  que  si  le  témoin  est  réputé  inviolable  pour  tout  ce 
qui  concerne  son  témoignage,  c'est  à  condition  qu'il  témoigne  avec 
modération.  Il  demeure  responsable  des  expressions  injurieuses  ou 
diffamatoires  qui  sont  inutiles  à  la  connaissance  de  la  vérité,  et 
doit  accorder  réparation  à  la  personne  offensée,  si  l'indignité  n'a 
pas  été  prononcée  contre  elle. 

Est-il  besoin  d'ajouter  que,  même  dans  le  cas  où  la  disquali- 
fication serait  encourue,  le  témoin  ne  doit  jamais  se  départir  des 
convenances  et  de  la  modération  qui  constituent  un  des  devoirs  de 
sa  charge. 

Profiter  de  ce  que  la  personne  contre  laquelle  il  dépose  ne  peut 
ni  lui  demander  raison,  ni  lui  faire  courir  de  danger,  pour  la  salir 
et  Tinjurier,  est  indigne  d'un  honnête  homme. 

Où  s'arrête  le  droit  de  qualifier  l'acte,  et  partant  le  droit  de 
qualifier  l'auteur? 

Le  lecteur  comprend  que  les  limites  avancent  ou  reculent  sui- 
vant les  circonstances,  et  qu'il  y  a  là  une  question  de  fait  impos- 
sible à  prévoir  d'avance. 

Il  peut  arriver  que  les  témoins  ne  s'entendent  pas  sur  la  rédac- 
tion du  procès-verbal.  M.  Tavernier  leur  conseille  de  rédiger  alors 
séparément  cette  pièce  importante.  D'après  lui,  si  l'une  des  rédac- 
tions contient  à  l'adresse  d'un  combattant  des  imputations  suscep- 
tibles d'entacher  son  honneur,  les  mandataires  de  la  partie  sur  le 
compte  de  laquelle  il  est  parlé  en  termes  offensants  apprécient  s'ils 
ne  doivent  pas  protester,  dans  quels  termes  et  dans  quelle  mesure. 
Cette  protestation  n'empêche  pas  leur  mandant  de  se  disculper  s'il 
le  juge  convenable. 

Nous  ne  conseillons  pas  de  suivre  cette  marche,  qui,  outre  l'in- 
convénient de  mener  aux  polémiques  contre  lesquelles  nous  nous 
sommes  élevé,  présente  celui  plus  grand  encore  de  n'offrir  aucuae 
solution. 

Le  jury  d'honneur  nous  paraît,  cette  fois  encore,  la  seule  ma- 
nière rationnelle  de  clore  le  différend . 

Lorsqu'un  procès-verbal  est  rédigé  et  signé  d'un  commun 
accord  par  tous  les  témoins,  aucun  d'eux  ne  doit  fournir  de  rensei- 
gnements capables  de  le  modifier. 

J.  Voyez  aflaire  Dujarrier-de  BeauvaUon.  Appendice  no  102. 

4S 


.  t 


S7i  PREMIÈRE  PARTIE. 

Le  procès-verbal  fait  foi  entière  de  ce  qu'il  conlient, 

Ësl-il  admissible,  en  efTet,  que  des  hommes  raisonnables, 
comme  doivent  l'être  des  u^moios,  soient  assez  légers  pour  collabo- 
rer à  un  acte  qui  ne  contient  pas  reipression  de  la  vérilé,  et  pour 
consentir  à  le  signer'. 

Si  les  témoins  reconnaissent  la  nécessité  de  donner  satisrac- 
tion  à  l'opinion  publique,  par  eieniple  en  cas  d'offense  par  yoie 
des  journaui,  ils  peuvent  s'entendre  pour  livrer  les  procès-verbaux 
à  la  publicité.  Ils  déterminent  alors  la  mesure  dans  laquelle  la  pu- 
blication doit  6lre  faite  et  les  termes  qui  doivent  être  employés. 

Mais,  nous  le  répétons,  celte  mesure  ne  saurait  être  qu'une 
esceplion.  Il  nous  parait  inconvenant  de  mettre  le  public  dans  la 
confidence  de  querelles  privées,  sans  motifs  graves  pour  agir  ainsi. 

Ajoutons  que  le  manque  de  convenance  peut  être  suivi  de 
désagréables  réveils.  Si  certaines  gens  trouvent  flatteur  pour  leur 
amour- propre  de  lire  dans  les  feuilles  publiques  le  récit  de  leurs 
eiploits,  et  de  passer  aux  yeux  de  leurs  concitoyens  pour  des 
foudies  de  guerre,  ils  digèrent  moins  bien  les  commentaires  qui 
accompagnent  souvent  ce  récit. 

Leur  épidémie  pave  linalement  trop  cher  une  célébrité  de 
quelques  heures.  A  celui  qui  se  plaindrait  d'apoir  été  jeté  en  pâture 
aux  commérages  et  à  la  malice,  les  journalistes  répondraient  avec 
raison  :  »  Ce  n'est  pas  nous  qui  avons  renversé  le  mur  de  votre  vie 
privée.  C'est  vous,  imprudent,  qui  en  avez  enlevé  les  premières 
assises  et  aves  fait  l'ouTerture  par  laquelle  nous  sommes  entrés.  > 


CHAPITRE    LVIII 
Duels  exceptionnels. 


Nous  avons  vu,  chapitres  vu  et  xxxvii,  que  le  choix  du  duel 
ne  peut  étpe  exercé  que  parmi  les  duels  légaux,  c'est-à-dire  parmi 
ceux  que  nous  avons  empruntés  à  Château villard  et  à  M.  Taver- 
nier. 

Tout  combat  dont  les  conditions  ne  sont  pas  calquées  sur  celles 
des  dueh  légaux,  que  nous  avons  étudiés  précédemment,  est  dit  excep- 

1.  Vojrez   aOure   Dariens-Horèii),     k    Tempi,   n'  du   32  mai   18S8.  Appendice 


OFFENSES.  —  RÈGLES  DU   DUEL.  275 

tionnel  et  peut  toujours  être  refusé  par  les  adversaires,  quelles  que 
soient  les  personnes  {témoins  ou  offensé)  qui  prétendent  l'imposer, 
et  sans  que  celui  qui  le  refuse  puisse  être  blâmé  ^, 

Les  témoins  qui  concourraient  à  un  duel  de  cette  espèce  com- 
mettraient une  infraction  aux  règles  du  point  d'honneur  et  une 
imprudence  au  point  de  vue  de  leur  responsabilité  en  cas  de  mort 
ou  de  blessures. 

N'oublions  pas  que,  dans  l'état  de  nos  mœurs,  on  regarde  le 
duel  ordinaire  comme  suffisant  pour  satisfaire  au  besoin  de  layer 
une  injure. 

Le  duel  exceptionnel  est  considéré  comme  Texpression  d'un 
profond  et  sauvage  ressentiment  de  haine  et  de  vengeance.  L'opi- 
nion publique  le  frappe  d'une  sorte  de  réprobation  dont  le  verdict 
des  jurés  et  la  décision  des  juges  se  ressentiraient  forcément,  et 
pour  ainsi  dire  malgré  eux. 

Parmi  les  duels  exceptionnels,  citons  : 

Le  duel  à  toute  autre  arme  que  Tépée,  le  pistolet,  et  le  sabre 
dans  certains  cas. 

Le  duel  à  cheval,  à  quelque  arme  que  ce  soit. 

Le  duel  à  l'épée,  avec  la  parade  de  la  main  qui  ne  manie  pas 
l'arme,  ou  avec  la  chute  permise  comme  feinte,  etc. 

Le  duel  au  fleuret,  qui  est  du  reste  interdit  dans  l'armée  par 
une  circulaire  ministérielle  en  date  du  5  juillet  1889  et  reproduite 
au  n"*  2  de  l'appendice. 

Le  duel  au  pistolet  à  une  distance  inférieure  à  quinze  pas,  soit 
de  pied  ferme,  soit  à  marcher. 

A  bout  portant. 

Le  duel  à  ligne  parallèle,  avec  marche  non  interrompue. 

Avec  une  seule  arme  chargée. 

A  la  carabine. 

Au  fusil,  etc.,  etc. 

1.  Voyez  Château villard,  chapitre  premier,  article  12,  chapitre  viir.  —  Taver- 
nier,  pages  223  et  282.  —  Du  Verger  de  Saiat-Thomas,  chapitre  x. 


•w  1.^1- 


DEUXIÈME   PARTIE 

RESPONSABILITÉ  PÉNALE  DES  ADVERSAIRES 

ET  DES  TÉMOINS. 


CSonséquences  légales  du  duel. 

L'homicide  et  les  blessures  commis  en  dnel  lèsent  deux  inté- 
rets  :  en  premier  lieu  rintérét  de  la  société,  dont  le  daelliste  a  brayé 
la  défense  ;  en  second  lieu  Tintérét  privé,  qui  souffre  aussi  du  mal 
qui  en  résulte. 

S'il  y  a  double  lésion,  une  double  réparation  existe  pareille- 
ment: 

La  réparation  publique,  c'est-à-dire  l'application  d'une  peine  ; 
la  réparation  privée,  c'est-à-dire  le  payement  du  dommage  causé. 

Pour  obtenir  cette  double  réparation,  les  intérêts  lésés  ont  deux 
actions.  La  première  est  destinée  à  la  société  elle-même  ;  c'est  l'ac- 
tion publique.  La  seconde  est  destinée  au  simple  particulier;  c'est 
Faction  civile.  Nous  les  traiterons  séparément. 

Action  publique. 

Avant  d'étudier  en  détail  l'action  publique,  nous  croyons  utile 
d'indiquer  à  grands  traits  les  principales  divisions  que  comporte 
cette  partie  de  notre  sujet. 

Ce  coup  d'œil  d'ensemble  aidera  le  lecteur  à  en  suivre  le  déve- 
loppement. 

La  première  question  est  celle  de  la  provocation  en  duel.  Nous 
débuterons  par  elle. 

Nous  examinerons  ensuite  les  conséquences  du  duel  (homicide, 
blessure),  tant  au  point  de  vue  des  combattants  qu'à  celui  des  té- 
moins, lorsque  la  rencontre  a  eu  lieu  sur  le  territoire  français  et 
lorsqu'elle  a  eu  lieu  en  pays  étranger. 

Nous  dirons  quelques  mots  sur  l'extinction  de  l'action  publique 
et  sur  l'extradition. 


I 


ï-8  DEUXIÈME  PARTIE. 

Nous  rechercherons  eufin  quels  moyens  peuTeut  être  tentés 
pour  éviterla  sanction  de  la  loi  pdnalc  cl  quelle  est  la  valeur  de  ces 
moyens. 


CHAPITIIE    LIX 


Provocation  en  duel  entre  personnes  non  revêtues 
d'un  caractère  public  et  non  militaires. 


Avant  d'examiner  quelle  sanction  est  attachée  par  la  lof  fran- 
çaise â  la  provocation  en  duel,  il  importe  de  préciser  le  sens  de 
celte  eipressiou. 

Par  provocation,  nous  coleDilons  et  nous  entendrons,  chaque 
fois  que  le  mot  se  présentera  sons  notre  plume,  le  cartel  verbal  ou 
Écrit  par  lequel  un  individu  qui  se  prétend  offensé  demande  à  son 
adversaire  réparation  par  les  armes.  Donc  nous  supposons  tou- 
jours l'articulation  d'une  offense  préalable,  et  dans  notre  esprit  le 
mot  provocation  est  synonyme  de  demande  en  réparation  par  les 
armes,  d'appel  ou  de  cartel. 

Nous  emploierions  indifféremment  ces  trois  locutions,  si  le  mot 
appel  n'était  également  usité  en  législation  pénale,  et  si  nous  ne 
craignions  d'amener  quelquefois  une  confusion. 

Ces  eiplicaliuus  données,  recherchons  quels  caractères  la  loi 
française  attachée  la  proTOcation  du  duel. 

Contrairement  à  ce  qui  existe  chez  la  majorité  des  peuples  qui 
nous  enlourenl,  la  loi  française  ne  regarde  pas  le  duel  comme  une 
infraction  de  nature  spéciale,  soumise  à  une  législation  répressive 
particulière.  Elle  ne  punît  pas  le  duel  en  tant  que  duel,  elle  ne 
l'atteint  que  dans  ses  conséquences,  qu'elle  range  parmi  les  atten- 
tats contre  la  personne  (homicide,  coups,  blessures,  violences). 

11  en  résulte  que  la  provocation  considérée  en  elle-même,  et 
pour  ainsi  dire  toute  nue,  abstraction  faite  de  ses  suites,  n'a  pas 
le  caractère  d'un  délit. 

Mais  c'est  à  condition  qu'elle  n'ait  pas  été  accompagnée  d'ex- 
pressions diffamatoires  ou  injurieuses.  Dans  le  cas  contraire,  si 
l'individu  diffamé  on  injurié  portait  plainte,  une  peine  pourrait 
être  encourue  par  celui  qui  aurait  adressé  la  provocation  ;  mais 
alors  la  peine  ne  serait  pas  motivée  par  l'acte  d'avoir  appelé  son 
adversaire  en  duel,  mais  par  les  expressions  injurieuses  ou  diff'a- 
matoires  dont  il  se  serait  servi  dans  le  cartel. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  279 

C'est  ce  qui  ressort  d'un  arrêt  sur  lequel  nous  attirons  Tattention 
du  lecteur  *. 

Il  résulte  de  la  jurisprudenceétabliepar  l'arrêt  du  15  octobre  iShh  : 

1"*  Que  les  conventions  de  duel  non  suivies  d'effet  sont  bien  à  la 
yérité  des  actes  préparatoires  ayant  pour  objet  une  pensée  coupable, 
mais  ne  constituent  pas  le  commencement  d'exécution  nécessaire 
pour  caractériser  la  tentative  légale  ; 

2"*  Que,  même  dans  le  cas  où  le  cartel  aurait  été  accepté,  le 
procès-yerbal  de  rencontre  signé,  où  les  adversaires  se  seraient 
rendus  sur  le  terrain,  le  ministère  public  ne  pourrait  poursuivre 
s'il  n'y  a  pas  eu  commencement  d'exécution  ; 

3""  Que  la  manière  dont  le  duel  a  manqué  (accord  des  parties, 
circonstances  indépendantes  de  leur  volonté)  importe  peu.  Il  suffit 
qu'il  n'y  ait  pas  eu  commencement  d'exécution  '. 


CHAPITRE   LX 


Provocation  adressée  aux  personnes  revêtues 

d*un  caractère  public. 


En  est-il  de  la  provocation  en  duel  adressée  aux  personnes 
qualifiées,  désignées  dans  les  articles  222  et  suivants  du  Gode  pénal, 
et  31  de  la  loi  du  29  juillet  1881  sur  la  presse,  comnie  de  la  provo- 
cation dont  nous  venons  de  nous  occuper  au  chapitre  précédent? 

Doit-on  s'en  tenir  à  la  jurisprudence  consacrée  par  l'arrêt  du 
15  octobre  18/i6,  et  décider  que  la  provocation  ne  constitue  pas  un 
délit,  si  elle  n'est  pas  accompagnée  d'expressions  outrageantes,  in- 
jurieuses ou  diffamatoires;  si,  au  contraire,  elle  est  conçue  en  termes 
polis  ;  si  elle  se  borne,  par  exemple,  à  énoncer  Poffense  commise  par 
la  personne  qualifiée  et  à  lui  demander  réparation  par  les  armes; 
si  elle  est  transmise  conformément  aux  usages  reçus  en  pareil  cas; 
en  un  mot,  si  de  tout  cet  ensemble  il  apparaît  que  Fauteur  a  obéi 
non  à  une  intention  outrageante,  mais  au  besoin  d'obtenir  une  sa- 
tisfaction légitimée  aux  yeux  du  monde  par  le  point  d'honneur. 

i.  Voyez  Cassation,  15  octobre  1844,  Dalloz  périodique,  année  1845,  l'*  partie 
page  59,  et  Répertoire,  ¥<>  Duelf  paragraphe  125.  Sur  le  point  de  savoir  si  ]a  question 
doit  être  résolue  sous  Tempire  de  la  loi  du  29  Juillet  1881  comme  sous  celui  de  la  loi, 
de  1819,  voyez  solution  affirmative,  DaHoz,  Répertoire,  supplément,  V«  Duelf  para- 
graphes 67  et  68. 

2.  Contra.  Voyez  la  théorie  soutenue  dans  les  paragraphes  69,  70,  71  du  supplé- 
ment au  Répertoire  de  Dallez,  V^  DueU 


S80  DEUXIÈME  PARTIE. 

L'intérêt  de  la  question  est  considérable,  d'abord  à  raison  d a 
nombre  si  grand  di^à  des  personnes  revêtues  d'un  caraclère  public, 
et  qui  augmente  de  jour  en  jour,  enlin  à  cause  des  pénalités  cicep- 
tiunnellcment  sévères  qui  les  protf-gent. 

En  présence  d'un  aléa  si  menaçant,  l'individu  oITcasé  par  une 
personne  qualifiée,  doit  Être  à  lut^me  de  mesurer  les  conséquences 
du  cartel  qu'il  veut  lui  adresser. 

Ce  serait  folie  de  sa  part  de  se  jeter  en  aveugle  dans  une  entre- 
prise où  il  jouerait  trop  gros  jeu. 

La  question  n'offre  point  de  difficulté,  s'il  n'existe  aucune  rela- 
tion entre  l'exercice  des  fonctions,  les  fonctions  ou  la  qualité  de  la 
personne  et  la  provocation,  car  cette  provocation  est  alors  censée 
adressée  à  un  simple  particulier,  et  nous  retonibons  dans  l'hypo- 
thèse de  l'arrêt  du  15  octobre  iSkh- 

Elle  est  controversée  lorsque  l'individu  qui  se  prétend  offensé 
par  une  personne  révolue  d'un  caractère  public  lui  adresse  une 
provocation  qui  a  un  rapport  plus  ou  moins  direct  avec  ses  fonc- 
tions ou  sa  qualité. 

En  admettant  que  la  provocation  soit  alors  de  nature  à  motiver 
des  poursuites,  elle  ne  peut  être  incriminée  que  comme  renfermant, 
soit  les  éléments  constitutifs  du  délit  de  diffamation  prévu  par  l'ar- 
ticle 31  de  la  loi  du  29  juillet  1881.  soit  les  éléments  du  délit  d'injure 
prévu  par  l'article  33,  paragraphe  premier,  de  la  même  loi,  soit  les 
éléments  du  délit  d'outrage  prévu  par  les  articles  222  et  suivants 
du  Code  pénal. 

Si  elle  ne  renferme  pas  tous  les  éléments  de  la  diffamation,  de 
l'injure  ou  de  l'outrage,  elle  ne  constitue  pas  un  délit. 

Or  une  des  conditions  pour  que  l'article  31  de  la  loi  de  1881 
soit  applicable,  et  pour  qu'il  y  ait  délit  de  diffamation  contre  un 
membre  du  ministère,  un  membre  de  l'une  ou  l'autre  Chambre, 
contre  un  fonctionnaire,  un  dépositaire  ou  agent  de  l'autorité  pu- 
blique, un  citoyen  chargé  d'un  service  public  temporaire  ou  per- 
manent, un  juré,  un  témoin  à  raison  de  sa  déposition,  c'est  que  le 
fait  qui  lui  est  imputé  ou  qui  est  allégué  contre  lui  porte  atteinte  à 
son  honneur  ou  à  sa  considération. 

Une  des  conditions  pour  que  le  paragraphe  premier  de  l'arti- 
cle 33  soit  applicable,  et  qu'il  y  ait  délit  d'injure  envers  les  mêmes 
personnes,  c'est  que  les  to-mes  employés  rentrent  dans  la  définition 
donnée  au  mot  injure  par  l'article  29de  la  lot  de  1881  : 

Cl  Toute  expression  outrageante,  terme  de  mépris,  qui  ne  ren- 
ferme l'imputation  d'aucun  fait.  » 

Une  des  conditions  requises  pour  que  l'article  222  du  Code  pénal 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  284 

soit  applicable  et  qu'il  y  ait  délit  d'outrage  envers  un  magistrat  de 
Tordre  administratif  ou  judiciaire  ou  un  juré,  etc.,  c'est  que  les 
expressions  soient  de  nature  à  porter  atteinte  à  son  honneur  ou  à 
sa  délicatesse. 

Du  moment  que  l'absence  d'une  seule  condition  suffit  pour  en- 
lever  à  l'acte  incriminé  son  caractère  de  délit,  on  voit  que,  pour 
reconnaître  si  la  provocation  en  duel  adressée  à  une  personne  pro- 
tégée par  les  articles  31  et  33  de  la  loi  de  1881,  ou  par  l'article  222 
du  Gode  pénal,  peut  tomber  sous  leur  sanction,  il  suffit  d'examiner, 
suivant  le  cas,  si  elle  est  de  nature  à  inculper  son  honneur,  sa  con- 
sidération, sa  délicatesse,  ou  à  rentrer  dans  la  définition  donnée  par 
la  loi  de  1881  au  mot  injure. 

Si  nous  ne  nous  livrons  pas  au  même  examen  relativement  à 
la  provocation  adressée  sans  publicité  aux  personnes  qualifiées  des 
articles  224  et  225  du  Gode  pénal,  c'est  que  l'outrage  peut  exister 
vis-à-vis  elles,  abstraction  faite  de  toute  atteinte  à  l'honneur,  à  la 
considération  ou  à  la  délicatesse  ^ 

Trois  systèmes  sont  en  présence  : 

Le  premier  s'en  tient  à  la  jurisprudence  inaugurée  par  l'arrêt 
du  15  octobre  iShkei  répond  négativement. 

Les  partisans  du  second  soutiennent  que  lorsqu'il  s'agit  de 
personnes  qualifiées,  c'est-à-dire  de  personnes  spécialement  pro- 
tégées par  le  législateur,  les  expressions  «  honneur,  considération, 
délicatesse  »  doivent  être  prises  dans  un  sens  plus  étendu  que 
lorsqu'il  s'agit  de  simples  particuliers,  et  qu'il  faut  considérer 
comme  portant  atteinte  à  ces  qualités  tout  acte  qui  indique  un 
sentiment  de  mépris  pour  les  fonctions  dont  ces  personnes  sont 
revêtues  et  l'autorité  qu'elles  exercent,  ou  qui  est  de  nature  à  di- 
minuer le  respect  dont  elles  doivent  être  entourées*  ;  que  tous  ces 
caractères  se  rencontrent  dans  la  provocation  en  duel  dont  nous 
nous  occupons;  qu'elle  doit  être,  par  conséquent,  considérée  comme 
renfermant  une  des  conditions  requises  pour  constituer  un  des 
délits  prévus  par  les  articles  31-33  de  la  loi  du  29  juillet  1881, 
222  du  Gode  pénal. 

Un  troisième  système,  le  plus  rationnel  suivant  nous,  dis- 
tingue entre  la  forme  et  le  fond  de  la  provocation,  entre  la  lettre  et 
l'esprit,  entre  les  termes  au  moyen  desquels  l'individu  offensé  par 
une  personne  qualifiée  lui  demande  réparation,  et  les  raisons 
mises  en  avant  pour  justifier  cette  demande. 

1.  Voyez  Cassation,  7  mai  1853.  Dalloz,  année  1853, 1'*  partie,  page  250.  —  Paris, 
2  Janvier  1868,  DaUoz,  année  1870;  5«  partie,  page  280. 

2.  Voyez  Cassation,  17  mars  1851.  Dalloz,  année  1851^  l'*  partie,  page  99;  et 
25  Juin  1855,  Dalloz,  année  1855,  l^*  p&rtie,  page  429. 


Î8I  DEUXIEME  PARTIE. 

Dans  l'hypothèse  d'un  cartel  rédigé  en  termes  polis  et  me- 
surés, la  forme  ne  saurait  être  considérée  comme  oulrageanle, 
mais  il  peut  en  être  autrement  si  on  enyisage  le  motif  allégué. 

Supposons,  par  exemple,  un  magistrat  appelé  en  duel  à  raison 
d'une  décision  qu'il  a  rendue  et  que  le  perdant  qualifie  de  déni  de 
justice.  Rien  n'empi^che  de  soutenir  que  c'est  un  acte  de  la  con- 
science du  magistrat  que  ce  dernier  critique,  son  équité,  son  hono- 
rahitilé  qu'il  met  en  sus|iicion,  que  c'est,  par  conséquent,  un  outrage 
qu'il  commet  contre  le  magistrat  en  tant  que  magistral,  cl  que  la 
provocation  tombe  sous  le  coup  de  l'article  31  de  la  loi  de  1881,  ou 
de  l'article  2'22  du  Code  pénal,  suivant  les  circonstances. 

Mais  pour  que  le  magistrat  puisse  invoquer  la  protection  des 
textes  précédents,  tl  faut  que  ce  soit  dans  l'observalion  stricte  des 
devoirs  de  ses  fonctions  qu'il  ait  été  outragé,  sinou  il  reutre  dans  la 
condition  d'un  simple  particulier,  et  la  provocation  i\  lui  adressée 
ne  nous  semble  pas  de  nature  à  tomber  sous  le  coup  des^articles 
31  et  222. 

Supposons  qu'un  procureur  de  la  République  poursuive  en 
vertu  de  l'arlicle  1  de  la  loi  sur  la  presse,  c'est-à-dire  pour  avoir 
négligé  de  déclarer  dans  les  cinq  jours  le  nom  cl  la  demeure  du 
nouveau  gérant,  le  propriétaire  d'un  journal,  homme  universelle- 
ment connu  et  estimé. 

Dans  le  feu  de  son  réquisitoire,  il  le  traite  de  canaille  et  de 
gredin. 

Le  jourualisle  attend  qu'il  soit  en  dehors  de  l'exercice  de  ses 
fouctiuna,  et  lui  adresse  nue  lettre  non  rendue  publique  et  conçue 
en  termes  polis. 

Dans  cette  lettre,  il  déclare  s'incliner  devant  la  décision  de  la 
justice,  il  proteste  de  son  respect  pour  les  magistrats,  mais  il  s'é- 
lève contre  les  épithètes  qui  ont  accompagné  le  réquisitoire.  Il 
montre  au  procureur  combien  elles  sont  disproportionnées  avec  la 
gravité  de  l'infraction,  et  partant  injustes.  Il  lui  fait  sentir  le  préju- 
dice qui  en  résultera  pour  son  honneur,  et  lui  demande  de  se 
rétracter  ou  de  lui  accorder  réparation  par  les  armes. 

Le  procureur  pourra-t-il  invoquer  l'article  222  du  Code  pénal? 

Nous  ne  le  pensons  pas,  car  les  fonctions  du  ministère  public 
consistent  à  requérir,  mais  non  à  injurier.  En  proférant  une  injure, 
il  est  sorli  des  attributions  de  ses  fonctions.  Il  ne  peut  donc  raison- 
nablement invoquer  les  dispositions  exceptionnelles  que  la  loi  a 
édictées  spécialement  pour  protéger  les  fonctions  contre  les  troubles 
apportés  à  leur  exercice. 

La  jurisprudence  ne  s'est  pas,  que  nous  sachions,  prononcée 
sar  l'importante  gnestion  que  nous  venons  de  traiter.  Dans  tontes 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  t83 

les  espèces  qa*il  nous  a  été  donné  de  parcourir,  la  provocation  en 
duel  est  accompagnée  d'expressions  injurieuses  ou  de  menaces. 
Elles  ne  rentrent  pas,  par  conséquent,  dans  l'hypothèse  que  nous 
ayons  supposée,  c'est-à-dire  celle  d'un  cartel  conçu  en  termes  polis 
et  mesurés*. 

Dans  cette  dernière  affaire  qui  n*a  pas  été  publiée  et  qui  suivit 
toute  la  filière  de  Tappel  et  de  la  cassation,  M.  de  R...  se  considérant 
comme  insulté  par  le  sous-préfet  de  Gannat,  qui  avait  mis  en  doute 
la  loyauté  avec  laquelle  il  accomplissait  certains  actes  de  ses  fonc- 
tions de  maire,  lui  adressa  une  lettre  à  peu  près  conçue  en  ces  termes  : 

«  Monsieur  le  sous-préfet, 

a  Votre  arrêt  me  prouve  que  le  mensonge  est  le  fait  de  ceux  qui 
nous  administrent.  Vous  m'en  avez  imposé  pour  arriver  à  vos  fins. 
Apprenez  que  je  ne  suis  pas  d'humeur  à  le  supporter  sans  en 
demander  réparation  par  les  armes. 

«  Queljour7Aquelleheurepourrez-vousrecevoirmes  témoins?  » 

Il  fut  inculpé  d'avoir,  dans  une  lettre  non  rendue  publique, 

adressé  au  sous-préfet  dans  Texercice  de  ses  fonctions  des  outrages 

tendant  à  inculper  son  honneur  et  sa  délicatesse  ;  mais  les  allusions 

à  la  mauvaise  foi  du  magistrat  administratif  furent  seules  visées. 


CHAPITRE   LXI 

Procès-verbal  constatant  qu'une  personne  revêtue 
d'un  caractère  public  a  refusé  de  se  battre. 


Est-ce  porter  atteinte  à  l'honneur,  à  la  considération,  à  la  déli- 
catesse d'une  personne  qualifiée  que  de  publier,  sans  accompagner 
cette  publication  d'aucun  commentaire  blessant,  qu'elle  a  refusé  de 
rendre  raison  d'une  offense  commise  par  elle,  ou,  en  d'autres  termes, 
qu'elle  a  refusé  de  se  battre? 

Pour  mieux  nous  faire  comprendre,  prenons  comme  exemple 
l'affaire  de  R...  citée  plus  haut.  Supposons  qu'à  un  cartel  dépouillé 
de  toute  expression  blessante,  le  sous-préfet  ait  répondu  par  une  fin 
de  non-recevoir  pure  et  simple. 

1.  Voyez  notamment  :  Cassation,  15  juin  iS2S.  Devilleneuve  et  Carette,  page  iil, 
9"  Tolume.  —  Tribunal  correctionnel  de  Charleville,  Gazette  des  Tribunaux^  9  mars 
iS33.  —  Tribuoal  correctionnel  de  Gannat,  affaire  do  R***^,  9  août  ISSi. 


lU  DEUXIÈME  l'ARTlE. 

Supposons  que  les  lémoins  de  M .  de  lî. .,  aient  rédigé  le  procès- 
Terbai  suivant  : 

"  Aujourd'hui, .,  nous...  nous  sommes  présentés  à  la  sous-pré- 
recture  de  Gannal,  et  avons  rerais  à  M.  X,..,  sous-préfet,  une  lettre 
conçue  en  ces  termes...  •> 

(Suit  le  texte  du  cartel.) 

Il  M.  X...  a  déclart  refuser  toute  rétractation  el  toute  réparation 
par  les  armes.  11  considère  l'arrêté  où  il  apprécie  la  conduite  de 
H.  de  R...  comme  un  acte  parfaitement  correct  de  ses  fonctions, 
poui-  le  contrôle  desquelles  il  n'admet  pas  d'autre  intervention  que 
celle  de  ses  supérieurs  hiérarchiques. 

<•  En  présence  de  ce  refus,  nous  avons  rédigé  le  présent  proc(>s- 
verbal,  auquel  M.  It...  donnera  toute  la  publicité  nécessaire  pour 
sauvegarder  son  honneur  publiquement  offensé.  » 

Le  sous-préfet  aurait-il  pu  prétendre  que  la  publication  de  ce 
procès-verbal  constituait  l'iaipulaiion  d'un  fait  diffamatoire  suscep- 
tible d'enlacher  son  honneur  ou  sa  considération?  Nous  allons 
examiner  la  question  au  double  point  de  vue  de  l'honneur  et  de  la 
ronsidéralion. 

Atteinte  à  l'honneur. 

La  possibilité  d'une  atteinte  à  l'honneur  doit  être  écartée. 

En  effet,  comme  ledit  forljustement  M.  Grellel-DumaKcau  dans 
son  beau  Traité  de  la  tlifffuniiHon,  lic  l'injure  H  île  l'oiifrafie,  auquel 
nous  avons  fajl  et  ferons  cncwe  de  nombreux  emprunts,  l'honneur 
ne  consiste  pas  dans  l'estime  qu'on  a  de  soi-même  d'après  ses  propres 
idées,  ou  dans  l'estime  que  les  autres  ont  de  vous,  d'après  les 
impressions  qui  leur  sont  personnelles.  Il  peut  se  passer  de  l'opinion, 
mais  il  ne  peut  exister  ni  contre  la  morale,  ni  contre  le  droit;  ce 
n'est  pas  une  chose  relative  et  variable,  mais  une  et  immuable. 

Or,  du  moment  que  le  duel  est  interdit  par  la  morale  el  par  la 
loi,  il  est  difficile  de  soutenir  que  le  refus  de  leur  désobéir  puisse 
entacher  l'honneur,  et  que  l'imputation  pure  et  simple  d'un  tel 
refus  produise  le  même  effet. 

Atteinte  à  la  considération. 

Trois  systèmes  sont  en  présence  : 

I"  sïSTÈuE.  —  Les  partisans  de  l'affirmative,  c'est-à-dire  de 
l'opinion  qui  regarde  la  publication  du  procès-verbal  comme  une 
atteinte  à  la  considération,  raisonnent  ainsi  : 

La  considération  ne  peut  se  passer  de  l'opinion.  Elle  naît  moins 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  S85 

des  mérites  que  l'on  a  que  des  mérites  que  l'on  parait  avoir.  Elle  est 
telle  que  le  monde  la  fait.  C'est  lui  qui  la  distribue  à  sa  guise.. 

Or,  d'après  l'état  de  nos  mœurs,  le  refus  de  se  battre  en  duel 
entraîne  un  soupçon  de  pusillanimité  humiliant  pour  celui  qui  en 
est  l'objet. 

Publier  cette  imputation,  c'est  rendre  sa  position  équivoque  et 
difficile,  puisque,  d*après  ce  qui  vient  d'être  expliqué,  la  considé- 
ration se  compose  de  cette  bienveillance,  de  ce  bon  accueil,  de  cette 
déférence  accordés  par  le  >pionde  à  ceux  qu'il  estime  et  qu'il  res- 
pecte. 

Ce  n'est  pas  l'opinion  du  moraliste  et  du  jurisconsulte,  mais 
c'est  l'opinion  du  plus  grand  nombre,  et  cela  suffit. 

Les  partisans  de  ce  système  invoquent  à  l'appui  : 

l""  Un  jugement  du  tribunal  correctionnel  de  NantesS  jugeant 
que  l'allégation  dirigée  contre  un  individu  d'avoir  reçu  un  soufflet 
sans  en  avoir  demandé  réparation  est  une  diffamation  ; 

2«  Un  arrêt  de  la  Cour  de  cassation',  jugeant  qu'il  y  a  diffa- 
mation de  la  part  de  celui  qui  soutient  que  les  coups  par  lui  portés 
à  un  individu  sont  des  soufflets  et  non  des  coups,  a  Attendu,  dit 
l'arrêt,  que  cette  imputation  n'a  d'autre  but  que  d'imprimer  une 
flétrissure  publique  sur  le  front  de  celui  qui  aurait  reçu  un  outrage 
si  sanglant  que,  dans  les  idées  du  monde,  il  doit  se  laver  avec  du 
sang.  » 

2«  SYSTÈME.  —  Une  deuxième  opinion  admet  bien  une  atteinte 
portée  à  la  considération,  mais  la  fait  dépendre  des  qualités  exigées 
pour  que  la  personne  soi-disant  diffamée  obtienne  cette  considé- 
ration. 

Ce  n'est  pas  la  susceptibilité  plus  ou  moins  grande  de  l'individu 
qu'elle  mesure,  c'est  l'opinion  commune  aux  impressions  du  plus 
grand  nombre,  eu  égard  aux  habitudes,  à  l'éducation,  aux  mœurs 
des  personnes,  à  la  profession  qu'elles  exercent  et  au  milieu  dans 
lequel  elles  vivent. 

S'agit-il  d'un  officier,  pour  lequel  le  courage  est  une  vertu  si 
primordiale  qu'elle  se  confond  chez  lui  avec  l'honneur? 

L'imputation  d'avoir  refusé  une  réparation  que  le  préjugé  com- 
mande, que  les  traditions  légitiment,  est  avilissante,  susceptible  de 
briser  sa  carrière,  et  partant  une  atteinte  à  sa  considération. 

S'agit-il,  au  contraire,  d'un  magistrat  qui  par  sa  position  est 
chargé  de  faire  respecter  la  loi,  et  qui,  par  conséquent,  est  tenu  de  la 


1.  Voyez  Gazette  des  Tribunaux,  31  novembre  1838. 

2.  Voyez  Dalloz,  Jurisprudence  générale,  Vo  Presse,  Outrage^  n»  827, 


r^-^   '.-'  rt  '■  .'  ■  ...  -     .         -        *    A 


186  DEl'XIKME  PARTIE. 


respecter  luUinânie  ?  Le  tort  fait  à  sa  coDsidération  d'homme  privé 
est  largement  compensé  par  le  tort  que  ferait  à  sa  considération 
professionnelle  l'acceptation  du  duel.  L'imputation  de  l'aToir  refusé 
ne  saurait  donc  produire  les  mêmes  effets  que  dans  l'bypothèse  pré- 
cédente. 

Dans  ce  système,  les  deux  esemples  types  du  militaire  et  du 
magistrat  serrent  à  mesurer  l'influence  comparative  du  préjugé  snr 
la  considération  des  personnes  qualiûées,  qui  est  d'autant  plus  for- 
tement atteinte  que  les  fonctions  de  ces  personnes  les  rapprochent 
des  militaires  et  les  éloignent  des  magistrats. 

3'  SYSTÈME.  —  Les  partisans  delà  négative,  c'est-à-dire  de  l'opi- 
nion qui  n'admet  pas  que  la  publication  du  procès-verbal  porte 
atteinte  à  la  considération,  raisonnent  ainsi  : 

I^  loi  n'a  pas  voulu  abandonner  davantage  auï  caprices  de 
l'opinion  l'appréciation  de  ce  qui  constitue  la  considération  que 
l'appréciation  de  ce  qni  constitue  l'honneur.  On  ne  peut  décider 
autrement  sans  donner  son  approbation  aux  préjugés  les  plus 
odieux. 

La  distinction  qui  a  été  faite  par  les  partisans  du  deuxième  sys- 
tème, entre  une  sorte  de  considération  type  spéciale  au  militaire 
et  une  autre  particulière  au  magistral,  est  complt'-lement  arbitraire. 

Elle  produit,  lorsqu'on  en  déduit  les  conséquences,  des  résultats 
irrationnels  que  deux  exemples  vont  établir  clairement  : 

Exemple  n°  1.  —  Un  dilïérend  survint  en  1883  entre  M'  Arson- 
ncau,  arouéàBatna.ttlc  capitaine  de  iUeui.  pour  dcsmali£s  d'ordre 
intime. 

Le  capitaine,  placé  dans  une  situation  très  délicate  vis-à-vis  un 
mari  outragé,  aurait  voulu  éviter  une  rencontre  avec  lui.  11  Ût  tous 
ses  efforts  dans  ce  but,  mais  l'autorité  militaire  lui  ayant  infligé  des 
arrêts  pour  refus  de  duel,  il  dut  mettre  de  côté  ses  scrupules.  La 
rencontre  eut  lieu.  M' Arsonneau  fut  tué  '. 

2'  exemple.  —  M.  Telssière,  conseiller  à  la  cour  de  Grenoble, 
accepta  la  proposition  de  duel  qui  lui  fut  faite  par  un  journaliste. 
11  se  rendit  avec  ses  témoins  au  lieu  de  la  rencontre,  mais  les  gen- 
darmes empêchèrent  le  combat. 

Il  fut  frappé  d'une  suspension  de  deux  ans  :  «  Attendu,  dit 
l'arrêt,  que  le  duel  étant  prohibé  par  nos  lois,  c'est  une  faute  grave 
de  la  part  du  magistrat  chargé  de  les  faire  respecter  de  donner,  au 
contraire,  l'exemple  de  leur  violation  *.  » 

i.  VoyL-z  CazelUdti  Tribunaux.W  du  29  décembre  ISS3. 

S,  Voyez  charabro  réunie),  procureur  général  conirc  TeiMière;  CaBMtion, 
16  juin  itt2.  DaUoi,  uuée  1883,  1"  partie,  p»ge  355. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  287 

Si  nous  analysons  ces  affaires,  nous  nous  trouyons  en  présence 
de  deux  individus,  qui  dans  la  même  conjoncture,  celle  d'une  pro- 
Yocation  en  duel  à  eux  adressée,  ont  agi  d'une  manière  diamétra- 
lement opposée,  et  ont  été  punis  pour  des  motifs  absolument 
contraires. 

Supposons  que  ces  deux  aventures  se  soient  produites  dans  la 
même  ville  et  à  des  intervalles  rapprochés.  Supposons  qu'un  jour- 
naliste, rendant  compte  des  mesures  disciplinaires  qui  ont  frappé  le 
militaire  et  le  magistrat,  se  soit  placé  sur  le  terrain  des  devoirs 
professionnels,  et  se  soit  livré  à  l'égard  du  capitaine  et  du  con- 
seiller à  des  appréciations  qu'ils  regardent  comme  attentatoires 
à  leur  considération.  Supposons  qu'une  double  plainte  ait  été  dé- 
posée. 

Voilà  donc  des  juges  qui,  slls  adoptent  le  principe  d'une  consi- 
dération dépendant  de  la  profession  exercée  par  le  plaignant  et  du 
milieu  dans  lequel  il  gravite,  condamneront  successivement  le 
même  individu  parce  qu'il  aura  écrit  dans  un  même  article  que  le 
capitaine  de  Rieux  a  été  justement  mis  aux  arrêts  pour  avoir  refusé 
de  se  battre,  et  que  W  Teissiëre  a  été  non  moins  justement  suspendu 
pour  avoir  accepté  un  cartel. 

Rien  plus,  s'il  est  admis  que  la  considération  est  subordonnée 
à  l'impression  louangeuse  du  plus  grand  nombre,  et  la  déconsidé- 
ration aux  impressions  méprisantes  de  cette  même  majorité,  nous 
tombons  dans  Tabsarde. 

Supposons,  par  exemple,  qu'à  sa  qualité  de  magistrat,  M""  Teis- 
siëre ait  joint  celle  d'officier  dans  l'armée  territoriale,  et  qu'à  raison 
de  cette  double  personnalité  il  ait  fait  partie  de  deux  cercles,  com- 
posés l'un  de  militaires,  Tautre  de  magistrats  et  de  ce  qui  de  près 
ou  de  loin  touche  au  palais. 

Supposons  que  chaque  cercle  ait  compté  le  même  nombre  de 
membres. 

Supposons  que,  pendant  une  période  d'exercices,  notre  officier- 
magistrat  ait  reçu  la  provocation  dont  il  vient  d'être  parlé,  qu'il  ait 
refusé  de  se  battre,  et  qu'à  la  suite  de  la  publication  d'un  procès- 
verbal  de  constat  les  membres  du  Cercle  militaire  l'aient  mis  en 
quarantaine. 

Sera-til  admis  à  soutenir  que  sa  considération  se  trouve  grave- 
ment compromise,  si  le  journaliste  accusé  par  lui  de  diffamation 
peut  prouver  que  les  membres  du  Cercle  du  palais  ont  protesté  en 
sens  inverse  et  l'ont  félicité  de  son  obéissance  à  la  loi  7 

Non,  car  le  nombre  des  membres  étant  égal,  il  y  a  eu  équilibre 
entre  le  blâme  et  l'éloge. 

A  ces  divers  arguments  qui  battent  en  brèche  le  second  système, 


f  !8i 


!88  DEUXIÈME  PARTIE. 

les  partisans  de  la  négative  en  ajoutent  un  autre  qui  nous  semble 
avoir  une  réelle  valeur. 

Comment  admettre,  disent-ils,  que  les  tribunaux  puisseot  ra- 
lionnellement  proclamer  qu'un  homme  a  souffert  dans  sa  considé- 
ration, parce  qu'il  a  préféré  avoir  recours  à  la  loi  pour  trancher  son 
diirérend  plutôt  qu'à  l'épreuve  antisociale  des  armes  que  cette  loi 
prohibe  et  punît? 

Une  semblable  décision  serait  en  réalité  une  apologie  du  duel, 
dont  elle  impliquerait  la  uécessilé  et  la  légitimité.  Elle  constituerait 
la  reconnaissance  du  droit  de  se  faire  justice  soi-même. 

Lorsque  les  préjugés  sont  eu  opposition  manifeste  avec  toutes 
les  idées  de  droit,  de  morale  et  d'ordre  public,  les  tribunaux  accom- 
plissent un  devoir  strict  en  s'efTorçant  de  les  briser. 

Les  partisans  de  la  négative  font  remarquer,  en  outre,  que  les 
espèces  à  l'occasion  desquelles  sont  intervenus  le  jugement  du  tri- 
bunal de  Nantes  du  21  novembre  1838,  et  l'arrêt  de  la  Cour  de  cas- 
sation du  2ii  mai  ifOili,  invoqués  en  faveur  du  premier  système,  n'ont 
aucune  analogie  avec  celle  qui  nous  occupe. 

Ces  décisions  visent  l'imputation  d'un  soulflet  reçu  sans  en  de- 
mander réparation,  tandis  que  daus  notre  hypothèse  il  s'agit  d'une 
personne  qualiûée  qui  refuse  de  rendre  raison  d'une  offense  qu'elle 
a  commise. 

lis  font  observer,  avec  juste  raison,  que  si,  dans  les  préjugés  du 
monde,  un  homme  est  déconsidéré  pour  avoir  gardé  un  soufQctsans 
l'avoir  lavé  dans  le  sang,  il  n'en  est  plus  toujours  de  môme  pour 
celui  qui,  ayant  ofleusé  un  individu,  refuse  de  lui  accorder  répa- 
ration. 

Rien  n'empêche  de  considérer  cet  acte  comme  étantincorrectau 
point  de  rue  des  règles  du  point  d'honneur,  mais  comme  ayant  un 
autre  mobile  que  la  lâcheté.  Témoin  l'affaire  de  R...,  où  le  soas- 
préfet  se  retranche  derrière  les  droits  que  lui  confère  sa  profession. 

Tels  sont  les  principaux  arguments  invoqués  pour  ou  contre  la 
possibilité  d'une  atteinte  à  l'honneur  ou  à  la  considération  d'une 
personne  qualifiée,  accusée  d'avoir  refusé  le  cartel  qui  lui  est  adressé. 

Quelle  serait  leur  valeur  devant  les  tribunaux? 

C'est  ce  que  nous  ne  saurions  dire  positivement,  car  il  n'existe 
sur  ce  point  aucune  jurisprudence. 

Nous  croyons  cependant  que  le  dernier  système  aurait  chance 
de  prévaloir,  surtout  devant  le  jury. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  289 


CHAPITRE  LXII 

Influence  de  la  perpétration  et  de  la  publicité  sur  la 

juridiction  compétente. 


Si  un  individu  offensé  par  une  personne  qualifiée  veut  lui  adres- 
ser une  proTocation  qui  a  une  relation  avec  ses  fonctions  et  qui  est 
susceptible  de  porter  atteinte  h  son  honneur,  à  sa  considération  ou  à 
sa  délicatesse,  il  a  intérêt  à  éviter  la  compétence  correctionnelle  et 
à  tomber  sous  celle  de  la  Cour  d*assises,  pour  deux  raisons  : 

D'abord  parce  que  les  jurés  sont  accessibles  aux  considérations 
de  mœurs,  d'habitudes,  voire  même  de  préjugés  qui  doivent  être 
étrangères  aux  magistrats  correctionnels  chargés  d'appliquer  stric- 
tement la  loi  ;  ensuite  parce  qu'en  matière  de  diffamation,  la  preuve 
des  faits  diffamatoires,  admise  devant  la  Cour  d'assises,  ne  l'est  jamais 
devant  les  tribunaux  correctionnels,  et  que  cette  interdiction  prive 
l'inculpé  de  son  moyen  de  défense  le  plus  efficace. 

Pour  obtenir  d'être  jugé  par  ses  pairs,  l'individu  dont  nous  par- 
lons devra  se  préoccuper  du  moment  propice  à  l'envoi  du  cartel  et  de 
la  publicité  qu'il  convient  de  lui  donner. 

Il  évitera  de  provoquer  la  personne  qualifiée  pendant  qu*elle  est 
dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  car  c'est  le  moment  oii  il  court  le 
plus  grand  risque  de  tomber  sous  le  coup  des  articles  222  et  suivants 
du  Code  pénal  ^ 

La  question  de  savoir  quand  commence  et  quand  finit  l'exercice 
des  fonctions  attirera  particulièrement  son  attention,  car  il  ne  doit 
pas  oublier  que  les  tribunaux  seront  toujours  portés  à  étendre  cet 
exercice  jusqu'aux  dernières  limites  de  la  vraisemblance  '. 

La  question  d'opportunité  résolue,  l'individu  qui  veut  demander 
raison  à  une  personne  qualifiée  examinera  si  le  cartel  doit  être  oui 
ou  non  rendu  public. 

La  personne  qualifiée  est-elle  comprise  dans  Fénumération  faite 
par  rarticle  222  du  Gode  pénal,  le  cartel  devra  être  public,  puisque 
Toutrage  public  diffamatoire  ou  injurieux  est  de  la  compétence  du 

i.  Voyez  Barbier,  Code  expliqué  de  la  presse,  n^*  609,  616,  618,  619;  et  Dalloz, 
Code  pénal  annoté,  articles  222,  223,  d«>  676  et  suiv. 

2.  Voyez  Dalloz,  Code  pénal  annoté,  condition  de  Poutrage  dans  ses  rapports  avec 
les  fonctions  et  la  qualité  de  la  personne  outragée,  articles  222  et  suiv.  ;  et  la  loi  du 
29  juillet  1881,  article  31. 

49 


b:..^^.^. 


*^ 


Î90  DEUXIÈME  PARTIE. 

jury,  tandis  que  l'absence  de  publicité  le  rend  josticiable  des  tribu- 
naus  correctionnels'. 

La  personne  qualifiée  est-elle  comprise  dans  l'énumératioa  des 
articles  22'j,  22")  du  Code  pi5nal7 

L'espédileur  du  cartel  jouit  d'une  bien  plus  grande  latitude. 

Eu  effet,  s'il  rend  le  cartel  public,  il  devieut  justiciable  de  la 
Cour  d'assises;  s'il  ne  lui  donne  pas  la  publicité  exigée  par  la  loi  de 
1881 ,  il  éciiappe  également  à  la  juridiction  correctionnelle,  pourvu 
qu'il  le  rédige  par  écrit  ;car  les  outrages  par  écrit  non  rendus  publics, 
adressés  aux  personnes  désignées  aux  articles  précités,  à  l'occasion 
de  l'exercice  des  fonctions,  ne  peuvent  être  frappés  que  comme  injure 
simple,  donnant  lieu  aux  peines  de  la  simple  police,  prévues  par 
l'article  /i71  du  Code  pénal,  auquel  renvoie  l'article  31  de  la  toi  sur 
la  presse'. 

Mais  pour  bénéficier  du  silence  que  les  articles  22E|  et  225  gardent 
sur  les  outrages  par  écrit  non  rendus  publics,  l'individu  qui  adresse 
le  cartel  devra  éviter  de  le  lire  on  d'en  faire  faire  la  lecture  à  son 
adversaire  ou  à  ses  témoins  ;  car  celte  lecture  constitue  un  des  élé- 
ments de  l'outrage  verbal  qui,  dans  ces  conditions,  entraîne  toujours 
la  compt'tence  des  tribunaux  correctionnels'. 

Nous  terminerons cectiapiire  en  signalant  à  l'individu  qui  veut 
envoyer  un  cartel  différentes  questions  dont  il  doit  se  préoccuper 
auparavant,  sous  peine  de  s'exposer  aux  périls  que  nous  avons  signa- 
lés plus  haut. 

£JIc5  sont  rfilâliVËS  : 

1°  Aux  modes  de  publicité  qui  constituent  une  des  conditions  de 
la  diffamation,  de  l'inj  ure  ou  de  l'outrage,  et  partant  de  la  compétence 
des  cours  d'assises*; 

2°  Aux  modes  de  perpétration  des  délits  de  diffamation  et  d'in- 
jure, rapprochés  des  modes  de  perpétration  du  délit  d'outrage'; 

3"  Aux  personnes  protégées,  soit  par  les  articles  222  et  suivants, 
soit  par  l'arlicie  31  de  la  loi  du  29  juillet  1881  \ 

1.  Voyei  Barbier,  Code  expliqué  de  la  pretse,  a"  610,  619. 

2.  Ibidem,  w  li\i. 

3.  Vojei  Dalloî,  RiSperloire,  V"  Prette,  Outrage,  d"  795,  et  C«ss»Uon,  11  Janvier 
18S1.  Dallai,  aniiËe  1S51,  5*  partie,  page  436. 

4.  Voyet  Dalloi,  CoJt  pénal  annoté,  loi  du  29  juillet  1881,  article  2B,  a-  301  et 
suiv.,  notamment  sur  la  praféralioa  dans  lea  lieux  et  réunions  publics,  n"  3S8;  sur  IM 
letlreg-missivea,  n"  452,  publiËog  postérieure  ment  i  leur  eipéditioD.  —  Voyez  affaire 
Gouttc-Soulard,  Paris,  première  cbambrc  siégeant  correclionnellenient,  Gasette  dt* 
Tribunaux,  n"  du  25  novembre  1891.  Carlos  posliiesi  loi  du  11  février  1887. 

5.  Voyet  Dallez,  Code  piaat  annoté,  toi  du  29  Juillet  1881,  article  29,  ii°'  380  et 
suiv.,  SI  article  2i2  du  Code  pénal,  a"  50O  et  suiv. 

6.  Voyez  Dalloi,  Ccd*  pénat  annoté,  article  322,  d"  186  et  suiv.  ;  article  221 
n'iSet  suiv.,  «rUclâ  31  de  la  loi  du  20JuiUet  IS81,  n»  ST'et  suiv. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  294 

II  est  difficile  quelquefois  de  classer  la  persouDe  qualifiée  dans 
la  catégorie  qui  lui  convient;  pourtant  c'est  une  opération  néces- 
saire, sans  laquelle  celui  .qui  veut  lui  envoyer  un  cartel  risquerait 
d'obtenir  un  résultat  tout  opposé  à  son  but,  qui  est  d'éviter  la  com- 
pétence qu'il  redoute. 


.CHAPITRE   LXIII 

Provocation  entre  militaires  de  grades  inégiaux.  —  Armée 
de  terre.  Armée  active.  Réserve.  Armée  territoriale. 
Adversaires.  Témoins.  Cassation.  Non-activité.  Ré- 
forme. Plainte.  Jury  d'honneur. 


La  provocation  en  duel,  même  conçue  en  termes  polis  et  mesurés, 
est  interdite  entre  militaires  de  grades  inégaux. 

Cette  prohibition,  qui  est  formulée  dans  deux  ordres  du  jour 
du  ministre  de  la  guerre,  Fun  en  date  du  11  juin  1835,  rapporté 
à  Fappendice  n"»  10/|,  l'autre  en  date  du  3  février  1838,  rapporté  à 
Tappendice  n''  105,  comporte  une  sanction  rigoureuse  qui  doit  être 
étudiée  relativement  à  quatre  hypothèses  distinctes  : 

1"*  En  ce  qui  concerne  l'inférieur  provoquant  un  supérieur  ; 

2^"  En  ce  qui  concerne  le  supérieur  provoquant  un  inférieur  ; 

3*  En  ce  qui  concerne  le  supérieur  acceptant  la  provocation  de 
l'inférieur  ; 

4®  En  ce  qui  concerne  les  témoins;  et  en  distinguant,  dans  tous 
ces  cas,  si  les  adversaires  et  les  témoins  font  partie  de  Tarmée 
active,  de  la  réserve  ou  de  l'armée  territoriale  au  moment  de  la  pro- 
vocation. 

Nous  rechercherons  quel  peut  être  le  résultat  de  la  démission 
donnée  par  l'un  des  adversaires,  de  la  rétrogradation,  delà  cassation, 
de  la  mise  en  non-activité,  en  réforme,  de  la  plainte  déposée  par 
l'offensé,  ou  de  la  demande  d'un  jury  d'honneur  formulée  par 
lui. 

Nous  examinerons  les  avantages  et  les  inconvénients  de  chacun 
de  ces  partis,  et  nous  prononcerons  en  faveur  de  celui  qui  nous 
paraîtra  offrir  à  Toffensé  la  voie  la  plus  sûre  pour  obtenir  répa- 
ration. 


DEL'XIËUE  PARTIE. 


1"  hypothèse.  —  Le  militaire  qui  adresse  le  cartel 
est  un  inférieur. 


-  IL  FAIT  PARTIE  DE  L'ARMÉE  ACTIVE. 


I 


L'inrérieur  qui,  faisant  partie  <Je  l'armée  acti?e,  provoque  nn 
supérieur,  commet  un  outrage  de  l'espèce  prévue  par  l'article  224 
du  code  de  justice  militaire. 

La  qualîQcation  d'outrage  appliquée  à  an  cartel  conçu  eu 
termes  polis  et  mesurés,  et  adressé  à  un  homme  qui  porte  un  sabre 
ou  une  épée  au  ctïlé,  semble  anormale  au  premier  abord.  Il  n'en 
est  rien  cependant.  L'article  224  fait  en  effet  partie  des  diverses 
prescriptions  relatives  à  la  subordination.  Dans  sa  généralité  il  ne 
comporte  aucune  distinction  onlre  les  différentes  manières  d'ou- 
trager. 

Le  législateur  ne  se  préoccupe  pas  de  la  aalore  du  fait  et  du 
caractère  qu'il  peut  présenter  dans  la  déânition  de  la  loi  pénale 
ordinaire.  Que  la  parole  échappée  à  l'inférieur  contre  son  supérieur 
constitue  une  injure,  une  calomnie,  une  diffamation,  la  loi  dans 
tous  ces  cas  ne  voit  qu'une  infraction  qui  domine  toutes  les  aubres, 
l'infraction  à  la  subordination'. 

La  provocation  en  duel  adressée  par  l'inférieur  produit-elle  ce 
résultat?  Tonte  la  question  est  là. 

Or  il  est  indisculahle  que  si  les  inférieurs  pouvaient  appeler 
en  duel  leurs  supérieurs  chaque  fois  qu'ils  croiraient  avoir  à  se 
plaindre  de  leur  procédés,  c'en  serait  fait  du  respect  qui  doit 
entourer  le  grade,  et  assurer  la  sécurité  du  commandement,  c'en 
serait  fait  de  l'obéissance  passive  exigée  par  le  décret  de  1883  poi^ 
tant  règlement  sur  le  service  intérieur. 

Il  y  a  donc  bien  infraction  contre  la  subordination,  outrage. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  Î93 

et  cet  outrage  tombe  bien  sous  le  coup  de  Tarticle  22/i  du  code  de 
justice  militaire  : 

('.  Tout  militaire  qui,  pendant  le  service  ou  à  Toccasion  du  ser- 
vice, outrage  son  supérieur  par  fparoles,  gestes  ou  menaces,  est 
puni  de  la  destitution  avec  'emprisonnement  d'un  an  à  cinq  ans, 
si  ce  militaire  est  officier,  et  de  cinq  ans  à  dix  ans  de  travaux 
publics,  s'il  est  sous-officier,  caporal,  brigadier  ou  soldat. 

«  Si  les  outrages  n'ont  pas  eu  lieu  pendant  le  service  ou  à  l'oc- 
casion du  service,  la  peine  est  de  un  an  à  cinq  ans  d'emprisonne- 
ment. » 

Des  termes  de  cet  article  il  résulte  que  le  militaire  qui  pro- 
voque un  supérieur  encourt  la  même  pénalité,  quel  que  soit  le 
degré  hiérarchique  de  ce  dernier.  La  loi  ne  reconnaît  pas  la  dis- 
tinction de  grade  en  ce  qui  concerne  le  supérieur  outragé. 

La  hiérarchie  militaire  forme  dans  ses  différentes  parties, 
depuis  le  caporal  jusqu'au  général,  une  chaîne  dont  on  ne  saurait 
détacher  un  anneau  sans  porter  préjudice  à  l'ensemble.  Elle  impose 
à  Tinférieur  de  tous  les  degrés  le  même  respect  et  la  même  obéis- 
sance. Le  caporal,  le  général,  &est  toujours  Vautorité  *. 

Observons  que  l'expression  supérieur  embrasse  tous  les  mili- 
taires plus  élevés  en  grade  des  armées  de  terre  ou  de  mer,  quels 
que  soient  l'arme  ou  le  corps  auxquels  ils  appartiennent*. 

Mais  la  loi  reconnaît  une  distinction  de  grade  en  ce  qui  con- 
cerne rinférieur.  En  effet,  la  pénalité  varie  suivant  qu'il  est  ou 
n'est  pas  officier,  lorsque  la  provocation  a  lieu  pendant  le  service 
ou  à  Toccasion  du  service. 

Adressée  par  un  officier,  elle  est  punie  de  la  destitution  et  d'un 
emprisonnement  de  un  an  à  cinq  ans. 

Adressée  par  un  militaire  non  officier,  elle  est  punie  de  cinq 
ans  ft  dix  années  de  travaux  publics. 

Lorsque  la  provocation  n'est  pas  motivée  par  le  service,  la  dis- 
tinction de  grade  n'existe  plus.  Elle  entraîne  une  pénalité  variant 
entre  un  et  cinq  ans  d'emprisonnement,  que  l'inférieur  soit  officier 
ou  ne  le  soit  pas. 

On  voit  que  le  paragraphe  2  de  l'article  224  pose  la  sanction 
du  respect  dû  par  l'inférieur  au  supérieur,  abstraction  faite  de  toute 
circonstance  aggravante. 

Le  paragraphe  premier  spécifie  deux  cas  d'aggravation  motivés 
par  la  circonstance  du  service. 

1.  Voyez  exposé  des  motifs,  loi  du  9  Juin  1857. 

2.  Voyez  décret  du  28  décembre  1883,  Marques  extérieures  de  respect,  devoirs 
généraux. 


IM  DECXlfeME  PARTIE. 

De  ce5denx  aggravalioDs,  l'une  prend  sa  sonrce  dans  celle  cir^ 
constance  que  l'un  des  mililair^s  nt  df  serrice.  Peu  importe  le 
motif  qui  a  fait  adresser  la  proTocalion.  Ce  motif  serait-il  relaliX  à  la 
vie  priït'e,  si  l'un  des  adversaires  est  «le  service,  c*Ia  sHffit'. 

L'autre  aggravallon  prend  sa  source  dans  loccafion  4»  terrice. 
Elle  est  indêpendanle  de  la  condition  précédente  et  peut  exister  en 
dehors  de  tout  service.  II  sufiil  que  la  provocation  ait  eu  le  service 
pour  cause,  on.  pour  nous  servir  des  termes  du  projet  de  loi,  ■■  qne 
le  souvenir  du  service  ail  poussé  ilnférieur  A  l'adresser  >. 

Nous  n'essayerons  pas  de  poser  une  règle  pour  déterminer 
quand  la  provocation  est  adressée  pendant  le  service  ou  à  Tocca- 
^on  du  service.  Ce  serait  chercher  en  vain  à  spétiSer  à  l'avacce 
des  cas  qui  varient  à  J'infini.  Les  conseils  de  guerre  ont  sur  la 
question  de  fait  un  droit  souverain  d'appréciation. 

Cetle  appréciation,  généralement  facile  lorsque  la  provocation 
a  lien  pendant  le  service,  ou  en  dehors  de  toute  question  de  ser- 
■ricc,  peut  devenir  plus  délicate  lorsqu'elle  se  produit  à  [octaiiou 
eu  sfrnVe. 

Supposons  que  pour  se  procurer  un  rendei-vous  avec  la  femme 
d'an  des  capitaines  de  son  régimeoi,  un  colonel  donne  à  ce  dentier 
an  ordre  de  service  qui  l'oblige  à  s'absenter. 

K  son  retour,  le  mari  apprend  son  infortune,  va  trouver  le 
colonel  el,  tn  deken  de  tout  serrict,  loi  reproche  la  déloyauté  de  sa 
conduite  et  lui  adresse  un  cariel  motivé  par  le  rendei-vous. 

Ne  peul-on  soutenir  avec  grande  apparence  de  raison  que  ce 
cartel  na  pas  le  service  pour  cause  "Ce  n'est  pas.  en  effet,  de  l'ordre 
pris  en  Ini-méme,  ce  n'est  pas  de  la  nature  du  senice  qne  le  capi- 
taine se  plaint,  et  à  raison  desquels  il  demande  réparation.  Non,  cet 
ordre,  ce  serrice,  il  les  a  exécutés  sans  murmurer,  avec  toute  la  cor- 
rection  requise,  el  en  ce  faisant,  il  a  accompli  tous  les  deroiis  mili- 
taires qui  procédaient  du  service. 

Ce  dont  il  demande  réparation,  c'est  de  l'atteinte  portée  à  son 
honneur  conjugal,  atteinte  purement  privée.commise  par  un  hooirae 
agissant  en  dehors  de  tout  caractère  public  :  réparation  demandée 
eo  veriu  du  droit  le  plus  intime,  celui  de  la  puissance  maritale. 

Toutes  choses  exclusives  de  Tidée  du  sorice  =. 

I.  Toyei  lettre  miBist^ri^lTe  da  31  dcrembre    IWJ: CblKpoBdrr.  MammHéM 

Irilw—j  da  mrwtîa  dt  Irrrt  H  dt  mur.  page  jM.  —  Ceittra^  V^«t  Fnthtr,  Ctm- 
fèrtmet»  dt  drcil  pàial,  édiiion  de  IMI,  U  I,  page  â9t. 

i.  Voyei  iBT  ttt  diiVTtea  nMitrm  :  Cipôw  do  autiK  k^  ds  9  jaù  ISS7.  Dal- 
kx.  uW  mi.  t*  putie.  pape  lU.  —  FaadWT.  Ccmtmtmtmin  nr  li  todt  et  jaOkt 
militmitr,  fft»  TM  et  soit.  —  Aji4t  de  la  Gnr  de  «MMti— .  GmsttU  ia  THtwMKr, 
>•  da  I"  jurier  ItT,.  ~  Pndkr^odérr.  CcMMntoir*  tm  b  csrir  dtjutm  mib- 
tmn,  ptcM  Ml  M  MIT. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  295 

L'application  de  Tarticle  22i!i  donne  naissance  à  plusieurs  ques- 
tions, toutes  controversées,  que  nous  allons  étudier  successive- 
ment. 

l"'  QUESTION.  — L'article  224  ne  parle  que  des  outrages  par 
parole,  geste  ou  menace.  Faut-il  en  ccnclure  que  la  provocation  en 
duel  adressée  par  écrit  à  un  supérieur  échappe  à  sa  sanction? 

A  défaut  d'une  jurisprudence  émanant  de  conseils  de  guerre  ou 
de  conseils  de  revision,  qui  fait  à  peu  près  complètement  défaut,  on 
a  soutenu  qu'il  fallait  suivre  par  analogie  celle  des  tribunaux  ordi- 
naires. 

Avant  la  loi  du  13  mai  1863,  qui  ajouta  les  outrages  par 
écrit  aux  outrages  par  parole,  geste  ou  menace,  punis  par  Tar- 
ticle  222  du  Gode  pénal  lorsqu'ils  sont  adressés  à  une  certaine 
catégorie  de  personnes  qualifiées,  la  question  se  posait  dans  les 
mêmes  termes. 

Elle  fut  d'abord  résolue  dans  le  sens  de  la  négative,  et  la  Cour 
de  cassation  regarda  récriture  comme  une  parole  écrite  ;  mais,  à 
partir  d'un  arrêt  en  date  du  9  février  1839,  l'opinion  contraire  pré- 
valut, et,  depuis  celte  époque  jusqu'à  la  loi  du  13  mai  1863,  l'ou- 
trage par  écrit  non  rendu  public  échappa  à  la  sanction  de  l'ar- 
ticle 222  du  Gode  pénal. 

La  cour  n'admit  pas  que  l'écriture  fût  une  parole  écrite,  car  la 
parole  implique  une  articulation,  l'émission  d'un  son,  tandis  que 
l'écriture,  au  lieu  de  frapper  l'oreille,  s'adresse  directement  aux 
yeux. 

Elle  prit  le  mot  parole  dans  son  sens  naturel,  au  risque  de 
soustraire  l'injure  écrite  à  une  punition  proportionnée  à  sa  gravité, 
car  elle  ne  crut  pas  avoir  le  droit  de  remplir  cette  lacune  de  la  loi 
et  de  se  substituer  au  législateur.  Lorsqu'on  discuta  la  loi  du  13  mai 
1863,  cette  question  fut  également  posée  au  sujet  de  l'article  224  du 
Code  pénal  et  résolue  dans  le  sens  deTarrét  précédent.  L'article  22& 
continua  à  ne  viser  que  les  outrages  par  parole,  geste  et  menace  ^ 

En  présence  du  silence  également  gardé  par  l'article  224  du  code 
de  justice  militaire  sur  l'outrage  écrit,  il  semble  rationnel  d'admettre 
la  même  solution.  Nous  croyons  que  cette  opinion  peut  fort  bien 
être  soutenue,  tout  en  reconnaissant  que,  si  les  tribunaux  se  placent 
exclusivement  sur  le  terrain  de  la  discipline,  la  question  risque  fort 
d'être  tranchée  dans  le  sens  rigoureux*. 

1.  Voyez  Dalloz,  Code  pénal  annoté,  article  229,  n<»  554  et  suiv.  —  Jurisprudence 
générale,  \^  Presne,  Outrage,  n<"  781  et  suiv.  —  Rapport  sur  la  loi  du  13  mai  1863, 
Dalloz,  année  1863,  4'  partie,  page  89. 

2.  Voyez  cependant  contra  décision  et  revision,  22  juin  1881. 


ni  DEUXIÈME  PARTIE.  

Nous  verrons,  du  reste,  que  la  question  a  été  trancbée  dans  ce 
scûs  devant  les  tribunaux  maritimes,  lorsque  nous  étudierons  la  pro- 
vocation adressée  par  un  inférieur  appartenant  à  l'armée  de  mer. 

2"  QUKSTiox.  —  Est-il  néoeBaaira,  pour  que  la  provocation  de 
llnférlour  constitue  un  outrage,  que  le  supérieur  se  soit  tenu,  rela- 
tive^nent  à  l'aote  qui  l'a  motivée,  dans  la  limite  de  ses  pouvoirs, 
dans  rezaote  application  des  règles  auxquelles  la  loi  on  les  règle- 
ments militaires  ont  soumis  son  action? 


L.a  solution  négative,  qui  est  généralement  admise  pour  l'appii- 
cation  des  articles  222  et  suivauts  du  Code  pénal  ordinaire,  noas 
semble  devoir  l'être  également  pour  celle  de  l'article  a2Ii  du  code  de 
justice  militaire.  Elle  ressort  des  principes  sur  la  subordination,  sur 
Ics  fautes  contre  la  discipline,  sur  le  droit  de  punir,  sur  les  récla- 
mations, etc.,  principes  gui  sont  formulés  dans  le  décret  du  28  dé- 
cembre 1883.  et  aussi  d'un  arrôt  trt>s  important  de  la  Cour  de  cassa- 
lion,  rapporté  par  la  Gazelle  i/t*  Tribunaux  dans  son  numéro  du 
l"ianvierl887. 

3*  <ii  ESTiOS.  —  Pour  que  la  provocation  de  llnfirleor  oonatltae 
un  outrage,  est-il  néoessaire  que  le  supérieur  soit  en  uniforme? 

La  solution  doit  élre  négative. 

Le  port  de  l'habit  bourgeois  ne  suffit  pas  pour  soustraire  l'infé- 
rieur  aux  pénalités  de  l'article  22k,  s'il  a  eu  connaissance  de  la  qua- 
lité de  son  adversaire  '. 

h'  oiB^Tios.  —  L'inférieur  qui  demande  réparation  à  un  supé- 
rieur peut-il  se  prévaloir  d'uno  sorte  de  compensation  entre  l'oSenae 
qnll  a  easoyée  et  le  cartel  qu'il  a  adressé  ? 

Peut-elle  lui  servir  d'excuse  ou  de  circonstances  atténaantes? 

Non,  car  aux  termes  de  l'article  65  du  Code  pénal  ordinaire, 
dont  les  dispositions  sont  applicables  devant  les  conseils  de  gaerre 
en  vertu  de  l'article  202  da  code  de  justice  militaire,  «  nnl  crime, 
nul  délit  ne  peut  être  excuse,  ni  la  peine  mitigée  que  dans  les  c^ 
et  dans  les  circonstances  où  la  loi  déclare  le  fait  excusable  ou  per- 
met de  lai  appliquer  une  peine  moins  rigoureuse  ■. 

Or  l'article  S2fi  du  code  de  josUce  militaire  est  mael  snr  ces 
deox  points. 

Le  législateur  s'est  contenté  de  graduer  les  peines.  11  en  résulte 
que,  suivant  le  degré  de  culpabilité,  les  juges  peuvent  appliquer  le 
minimum  ou  le  maiimam,  ou  une  peine  intermédiaire,  mais  sont 
oblig-  .       -ï' :    :    I- '  -  imites  qui  leur  sont  posées. 

Du  i-iéaie,  k  priui:ipe  <}a  cette  matière  est  que  les  circonstances 


I.  VtijtaOtXk»tJmriipnÈime*9iKiirak,  V*  Prcst,  0»tngt,m*&ô. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  297 

atténuantes  ne  peuvent  être  appliquées  que  pour  crimes  ou  délits 
de  droit  commun  (vol,  pillage,  etc.).  La  loi  les  rejette  pour  tous 
crimes  ou  délits  militaires  proprement  dits  (insubordination,  rébel- 
lion, etc.).* 

5^  QUESTION.  — En  supposant  que,  pour  on  motif  qaeloonqne, 
la  provocation  en  duel  adressée  par  un  inférieur  échappe  à  la  sanc- 
tion de  l'article  224  du  code  de  justice  militaire,  peut-elle  motiver 
une  peine  disciplinaire  comme  faute  contre  la  subordination? 

L'affirmative  ne  nous  parait  pas  contestable. 

En  effet,  aux  termes  de  l'article  271  du  code  de  justice  militaire, 
les  infractions  contre  la  discipline  sont  laissées  à  la  répression  de 
Tautorité  supérieure,  qui  est  armée  en  outre  du  droit  d'infliger  cer- 
taines punitions  dont  la  nature  est  déterminée  par  le  décret  du 
28  décembre  1883. 

B.  — L'INFÉRIEUR  QUI  ADRESSE  LA  PROVOCATION 
FAIT    PARTIE   DE    LA    RÉSERVE    DE    L'ARMÉE    ACTIVE 

OU  DE   L'ARMÉE   TERRITORIALE. 

Sa  situation  varie  suivant  qu'il  se  trouvait  ou  ne  se  trouvait  pas 
sous  les  drapeaux  au  moment  de  cette  provocation.  Elle  doit  être 
examinée  dans  chacune  de  ces  hypothèses. 

l'*^  ESPÈCE.  — L'inférieur  se  trouvait  sous  les  drapeaux. 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  relativement  au  militaire  de 
l'armée  active  lui  est  applicable. 

En  effet,  aux  termes  de  l'article  52  de  la  loi  du  15  juillet  1889  : 
«  Sous  les  drapeaux,  les  hommes  de  la  réserve  et  de  l'armée  territo- 
riale sont  soumis  à  toutes  les  obligations  imposées  aux  militaires  de 
l'armée  active  par  les  lois  et  règlements  en  vigueur. 

«c  Ils  sont  justiciables  des  tribunaux  militaires  en  temps  de  paix 
comme  en  temps  de  guerre  : 

«  1®  En  cas  de  mobilisation,  à  partir  du  jour  de  leur  appel  à 
l'aclivité,  jusqu'à  celui  où  ils  sont  renvoyés  dans  leurs  foyers-, 

«  2^  Hors  le  cas  de  mobilisation,  lorsqu'ils  sont  convoqués  pour 
des  manœuvres,  exercices  ou  revues,  depuis  l'instant  de  leur  réu- 
nion en  détachement  pour  rejoindre,  ou  de  leur  arrivée  à  destina- 
tion s'ils  rejoignent  isolément,  jusqu'au  jour  où  ils  seront  renvoyés 
dans  leurs  foyers  ; 

1.  Voyez  Exposé  des  motifs  du  code  de  justice  militaire,  Pradier-Fodéré,  pages 
271  et  suiv. 


'jk,'^*.**».-.  _ 


S98  DEUXIÈME  PARTIE. 

«  3'  Lorsqu'ils  sont  placés  daos  les  liûpitaui  militaires  on  dans 
les  salles  des  hôpitaux  civils  affectés  aux  militaires,  et  lorsqu'ils 
voyagent  comme  militaires  sous  la  conduite  de  la  force  publique, 
qu'ils  se  trouvent  déteuus  dans  les  établissements,  prisons  et  péni- 
tenciers militaires,  ou  qu'ils  subissent  dans  un  corps  de  troupe  une 
peine  disciplinaire. 

Toutefois,  des  circonstances  atti^nuantes  pourront  être  accor- 
dées, alors  même  que  le  code  militaire  n'en  prévoit  pas,  aui  hommes 
qui,  n'ayaul  pas  trois  mois  de  présence  sous  les  drapeaux,  se  trou- 
veront dans  l'une  des  positions  indiquées  aux  paragraphes  2"  et  3' 
ci-dessus,  » 

-2'  ESPÈCE.  —  L'inférieur  ne  se  trouvait  pas  sous  les  drapeaux 
au  moment  où  il  a  provoqué  le  supérieur. 

Sa  situation  varie  suivant  qu'il  était  ou  n'était  pas  révolu  d'effets 
d'uniforme,  et  doit  être  examinée  relativement  à  chacune  de  ces 

hypothèses. 

1"    CAS.  —  Le    HÉSERVISTE    OU    LE    TEniilTOBl AL    ÉTAIT    BEVÊTII 

d'effets  d'uniforme. 

II  devient  justiciable  des  tribunaux  militaires,  conformément 
aux  dispositions  de  l'arlicle  53  de  la  loi  de  1S80.  Aucun  doute  sur  ce 
point. 

Il  n'fii  est  plus  de  mi^me  sur  celui  de  savoir  quelle  sanction 
devra  ùin-  appJigut-e.  La  provocation  tombera-t-elle  sous  le  coup  de 
l'article  224  dn  oode  dejustioe  militaire,  on  eera-t-elle  régie  par 
l'artiole  224  du  tableau  D  annexé  à  la  loi  du  IS  juillet  1889  ? 

La  question  est  controversée. 

Le  lecteur  saisira  facilement  l'intérêt  qu'elle  peut  offrir  en  con- 
sidérant que  l'article  22^  du  tableau  D  ne  regarde  le  fait  incriminé 
comme  ayant  eu  lieu  à  l'occasion  du  service  que  s'il  est  le  résultat 
d'une  vengeance  contre  un  acte  d'autorité  légalement  exercé,  et 
n'applique  le  deuxième  paragraphe  de  l'article  224  du  code  de  jus- 
tice militaire  que  dans  le  cas  oii  l'inférieur  et  le  supérieur  seraient 
l'un  et  l'autre  revêtus  d'effets  d'uniforme  ;  double  condition  très 
favorable  au  subordonné,  et  qui  ne  se  rencontre  pas  dans  les  dispo- 
sitions de  l'article  22k  du  code  de  justice  militaire.  Elle  a,  en  outre, 
de  l'importance  relativement  à  l'admission  des  circonstances  atté- 
nuantes. 

Les  partisans  du  système  qui  n'admet  pas  l'application  de 
l'article  22li,  tableau  D,  mais  bien  l'application  de  l'article  22I|  du 
code  de  j  ustice  militaire,  s'appuient  sur  les  articles  7  et  12,  et  princî-  - 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  299 

paiement  sur  le  paragraphe  1*  de  Tarticle  17  de  la  loi  du  18  novembre 
1875;  sur  une  circulaire  ministérielle  du  18  février  1876,  relative 
à  l'application  de  la  loi  précédente  ;  sur  la  discussion  devant  les 
Chambres,  sur  les  travaux  de  la  commission,  et  enfin  sur  l'article  53 
de  la  loi  du  15  juillet  1889  qui  reproduit  les  articles  précédemment 
cités  et  considère  le  réserviste  ou  le  territorial  revêtu  d'effets  d'uni- 
forme, en  dehors  de  sa  présence  sous  les  drapeaux,  comme  un  mili- 
taire en  congé.  Ils  font  observer  que  Tarticle  57  in  fine  de  la  même 
loi  consacre  cette  assimilation. 

Les  partisans  du  système  qui  admet  l'application  de  l'article  224. 
tableau  D,  soutiennent  que  le  texte  de  l'article  12  de  la  loi  de  1875, 
n*ayant  pas  été  reproduit  par  l'article  53  de  la  loi  de  1889,  n'a  plus 
aucune  valeur,  et  que,  du  reste,  Tarticle  53  est  spécial  aux  marques 
extérieures  de  respect  prescrites  par  les  règlements  militaires. 

D'après  eux,  les  expressions  u  sont  considérés  sous  tous  les  rap- 
ports comme  des  militaires  en  congé  »  ne  s'appliquent  qu'à  l'obser- 
vation des  devoirs  de  déférence  et  de  respect,  et  non  aux  délits  que 
les  réservistes  et  les  territoriaux  peuvent  commettre  lorsque,  ne  se 
trouvant  pas  sous  les  drapeaux,  ils  sont  revêtus  d'effets  d'uniforme. 
D'après  cette  opinion,  la  compétence  est  réglée  à  leur  égard  par 
l'article  57  de  la  loi  de  1889. 

Une  troisième  opinion  combine  les  deux  systèmes. 

Suivant  elle,  les  hommes  de  la  réserve  et  de  l'armée  territoriale 
non  présents  sous  les  drapeaux  et  revêtus  d'effets  d'uniforme  sont 
très  justement  assimilés  aux  militaires  en  congé. 

Il  ne  faut  pas  confondre,  en  effet,  les  deux  membres  de  phrase 
qui  composent  le  texte  de  l'article  53  de  la  loi  de  1889.  Le  premier 
est  spécial  aux  marques  de  respect;  le  second  est  général  et  com- 
prend tous  les  actes  que  les  réservistes  et  les  territoriaux  revêtus 
d'effets  d'uniforme  peuvent  commettre  en  dehors  de  leur  présence 
sous  les  drapeaux. 

Comme  les  militaires  en  congé  de  l'armée  active,  c'est  en  vertu 
de  l'article  57  du  code  de  justice  militaire  qu'ils  sont  renvoyés 
devant  les  conseils  de  guerre,  et  non  en  vertu  de  l'article  57  de  la 
loi  de  1889,  qui  demeure  spécial  à  ceux  qui  se  sont  livrés  aux 
mêmes  actes  alors  qu'ils  étaient  revêtus  d'effets  civils. 

La  sanction  dont  ils  sont  passibles  est  celle  des  articles  224  du 
code  de  justice  militaire,  et  224  du  tableau  D  annexé  à  la  loi  de 
1889  combinés. 

D'après  cette  troisième  opinion,  le  paragraphe  l*'de  l'article  224 
du  code  de  justice  militaire  est  applicable  : 


^r'.^,-u 


300  DEUXIÈME  PARTIE. 

1^  A  la  provocation  adressée  par  eux  pendant  le  service,  car 
l'article  224,  tableau  D,  ne  prévoit  pas  cette  hypothèse  ; 

2""  A  la  provocation  adressée  par  eux  à  l'occasion  du  service. 
Le  paragraphe  1''''  de  l'article  22i!i,  tableau  D,  est  spécial  aux  outrages 
adressés  par  les  réservistes  ou  les  territoriaux  renvoyés  dans  leurs 
foyers  et  non  revêtus  d'uniforme. 

Les  partisans  du  troisième  système  font  remarquer  que,  comme 
ce  dernier  paragraphe  apporte  un  notable  adoucissement  à  la  rigueur 
de  l'article  224  du  code  de  justice  militaire,  il  serait  irrationnel  de 
rappliquer  à  l'espèce  qui  nous  occupe,  car  l'acte  de  s'être  mis  en 
uniforme  pour  adresser  une  provocation  à  un  supérieur  constitue 
une  circonstance  aggravante  qui  ne  permet  pas  de  le  ranger  dans 
la  même  catégorie. 

Mais,  si  la  provocation  est  adressée  en  dehors  du  service  et  sans 
avoir  le  service  pour  cause,  l'application  du  deuxième  paragraphe 
de  l'article  224  n'est  faite  que  sous  réserve  des  dispositions  spéciales 
indiquées  au  deuxième  paragraphe  de  l'article  224,  tableau  D, 
c'est-à-dire  dans  le  cas  a  où  le  supérieur  et  l'inférieur  auraient  été 
Vun  et  l'autre  revêtus  d'effets  d'uniforme  au  moment  de  la  provoca^ 
tion>K 

Remarquons,  en  ce  qui  concerne  l'application  des  articles  pré- 
cédents aux  réservistes  et  aux  territoriaux  rentrés  dans  la  vie  civile» 
mais  revêtus  d'effets  d'uniforme,  qu'il  n'y  a  pas  à  s'occuper  du  laps 
de  temps  depuis  lequel  ils  ne  sont  plus  sous  les  drapeaux.  Cette 
condition  est  spéciale  au  cas  oCi  ils  sont  revêtus  d'effets  civils. 

Se  serait-il  écoulé  six  mois,  un  an,  deux  ans  même,  depuis 
qu'ils  ont  été  renvoyés  dans  leurs  foyers,  s'ils  se  rendent  coupables 
d'une  provocation  outrageante  envers  un  supérieur,  ils  peuvent 
être  traduits  devant  les  tribunaux  militaires. 

En  parlant  de  l'intérêt  offert  par  la  question  que  nous  venons  de 
traiter,  nous  avons  dit  qu'elle  touchait  à  un  point  important  :  celui 
de  Tadmission  des  circonstances  atténuantes. 

En  effet,  si  la  provocation  adressée  à  un  supérieur  par  un  réser- 
viste ou  un  territorial  non  présent  sous  les  drapeaux,  mais  revêtu 
d'effets  d'uniforme,  tombe  sous  le  coup  de  l'article  224  du  code  de 
justice  militaire,  comme  cet  article  est  muet  sur  les  circonstances 
atténuantes,  et  comme  le  dernier  paragraphe  de  l'article  17  delà  loi 
du  18  novembre  1875  n'a  pas  été  reproduit  par  celle  de  1889,  il  est 
impossible  d'en  accorder  sans  violer  l'article  65  du  Gode  pénal  qui 
est  applicable  devant  les  tribunaux  militaires,  en  vertu  de  l'ar- 
ticle 202  du  code  de  justice  militaire. 

Au  contraire,  si  la  provocation  tombe  sous  le  coup  de  l'ar- 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  304 

ticle  224,  tableau  D,  il  peut  être  accordé,  aux  termes  de  l'article  79 
de  la  loi  de  1889,  des  circonstances  atténuantes,  alors  même  que  le 
code  de  justice  militaire  n'en  prévoit  pas,  aux  hommes  ayant  moins 
de  trois  mois  de  présence  sous  les  drapeaux.  Cet  adoucissement  à 
la  rigueur  des  dispositions  pénales  se  produit  en  temps  de  paix 
seulement,  car  en  temps  de  guerre  il  n'y  a  jamais  lieu  à  Tapplica- 
tion  des  circonstances  atténuantes. 

D'après  le  troisième  système,  si  la  provocation  a  été  adressée 
pendant  le  service  ou  à  l'occasion  du  service,  il  ne  peut  être  ques- 
tion de  circonstances  atténuantes.  Il  peut  au  contraire  en  être 
accordé  si  elle  a  eu  lieu  en  dehors  du  service  et  sans  avoir  le  ser- 
vice pour  cause. 

Nous  devons,  pour  être  juste,  reconnaître  qu'en  ce  qui  touche 
la  question  des  circonstances  atténuantes,  le  troisième  système 
produit  des  résultats  singuliers,  puisqu'il  prive  de  toute  atténuation 
dans  la  peine  le  réserviste  ou  le  territorial  qui,  non  présent  sous  les 
drapeaux,  mais  revêtu  d'effets  d'uniforme,  adresse  une  provocation 
à  un  supérieur  pendant  le  service  ou  à  Toccasion  du  service,  tandis 
que  le  dernier  paragraphe  de  l'article  52  de  la  loi  de  1889  en 
accorde  aux  hommes  qui,  ayant  moins  de  trois  mois  de  présence 
sous  les  drapeaux,  se  trouvent  dans  l'une  des  positions  indiquées  aux 
paragraphes  2  et  3,  c'est-à-dire  qui  sont  convoqués  pour  des  ma- 
nœuvres, exercices  ou  revues,  placés  dans  les  hôpitaux,  etc.,  etc. 

Il  y  a  là  une  anomalie  qu'il  importe  de  signaler. 

Terminons  ce  qui  concerne  Thypothèse  que  nous  venons  d'étu- 
dier en  déterminant  le  sens  des  expressions  a  effets  d'uniforme  » 
employées  par  l'article  53  de  la  loi  de  1889. 

Le  législateur  a  entendu  parler  non  pas  de  l'uniforme  propre- 
ment dit,  mais  bien  de  l'un  des  effets  composant  l'uniforme  et  per- 
mettant de  considérer  celui  qui  en  est  revêtu  comme  appartenant  à 
l'armée  ^ 

2*  CAS.  —  Le  réserviste  ou  le  territorial  avait  été  renvoyé 

DANS    ses    foyers,     ET    n'ÉTAIT    PAS    REVÊTU    D'EFFETS    d'uNI- 

forme  au  moment  de  la  provocation. 

Leur  situation  doit  être  examinée  au  double  point  de  vue  de  la 
juridiction  compétente  et  de  la  pénalité  applicable. 

Elle  est  réglée  par  l'article  57  de  la  loi  du  15  juillet  1889  et 
l'article  224  du  tableau  D  annexé  à  ladite  loi. 

!•  Voyez  circulaire  ministérielb  relative  à  Tapplicatioû  de  la  loi  du  18  novembre 
lS75b 


.3M  DEDXIËHE  PARTIS. 

L'article  57  est  ainsi  conçu  :  «  Les  hommes  de  la  réserve  6e 
l'année  active,  de  l'armée  territoriale  ou  dé  sa  réserve,  sont  jiuli- 
ciables  des  tribananx  militaires  en  temps  de  paix  comme  en  taoj/i 
de  ^erre,  pour  les  crimes  et  délits  préros  et  punis  par  les  articles 
du  code  de  justice  militaire  énamérés  dans  le  tableau  D  annexé  à 
la  présente  loi,  lorsque,  après  aroir  été  appelés  sous  les  drapeaBx,ili 
ont  été  renroféii  dans  leurs  foyers. 

«  L'application  de  ces  articles  est  Jàite  aux  Ineolpés  soasréMne 
des  dispositions  spéciales  indiquées  au  tableau. 

•  Toutefois,  les  hommes  appartenant  A  l'armée  territoriale  on  i 
-la  réserve  de  cette  armée  ne  sont  plus  justiciables  des  tribunaux 
militaires  en  temps  de  paix,  pour  les  crimes  et  délits  prévus  parles 
deux  paragraphes  précédents,  lorsqu'ils  ont  été  renvoyés  dans  lenn 
foyers  depuis  plus  de  six  mois,  à  moins  que,  au  moment  oii  les  fidti 
incriminés  ont  été  commis,  les  délinquants  fussent  revêtus  d'elle 
d'uniforme.  » 

L'article  22li  du  code  de  justice  militaire,  livre  IV,  titre  II,  appli- 
cable dans  les  cas  prévus  par  les  articles  57  et  79  de  la  loi  du  15  joit- 
let  1889,  tableau  D,  est  ainsi  conçu  : 

a  Pour  l'application  du  premier  par^raphe  de  cet  article,  la 
fait  incriminé  ne  sera  considéré  comme  ayant  eu  lieu  &  l'occasiOD 
du  service  que  s'il  est  le  résultat  d'une  vengeance  contre  un  ade 
d'autorité  légalement  exercé. 

«  Le  deuxième  paragraphe  de  ces  mêmes  articles  ne  sera  appli- 
cable que  dans  le  cas  où  le  supérieur  et  l'inférieur  seraient  l'un  et 
l'antre  revêtus  d'effets  d'uniforme.  » 

Des  termes  de  l'article  57,  combiniis  arec  ceux  de  l'article  22in 
tableau  D,  11  résulte  : 

1°  Que  pour  motiver  l'application  du  paragraphe  premier  i^ 
l'arlidij  224  du  tableau  D,  il  faut  que  les  circonstances  qui  or^ 
précédé  ou  accompagné  la  provocation  soient  de  nature  à  Ic:^ 
donner  le  caractère  bien  marqué  d'un  délit  îDlenlioDocllemei^ 
accompli  contre  le  devoir  militaire,  et  dont  la  répression  par  Ic^ 
conseils  de  guerre  importe  essentiellement  à  la  discipline.  Il  fan -^ 
que  les  juges  reconnaissent  que  le  fait  incriminé  a  eu  pour  origine 
le  désir  de  se  venger  d'un  acte  d'autorité  légalement  exercé. 

Tel  serait  le  cas  où  un  supérieur  commanderait  à  l'un  de  se^ 
subordonnés  un  service  que  ce  dernier  exécuterait  imparfaitement^ 
et  6  raison  de  quoi  il  le  punirait. 

une  fois  rentré  dans  ses  foyers  l'inférieur  non  revêtu  d'effets- 
d'aniforme  lui  adresse  un  cartel  motivé  par  la  punition,  les  juges 
auront  à  rechercher  non  plus  seulement  si  l'inférieur  a  été  poussé 


HESPONSABILITÉ  PÉNALE.  303 

à  provoquer  son  supérieur  par  le  souvenir  du  service,  comme 
lorsqu'ils  se  trouvent  en  présence  d*un  militaire  de  Tarmée  active, 
mais  encore  s*il  n'y  a  pas  eu  illégalité  commise  par  le  supérieur. 

2""  Que  la  provocation  adressée  pendant  le  service  tombe  sous 
le  coup  de  l'article  224  du  code  de  justice  militaire,  paragraphe  pre- 
mier, sans  qu'il  faille  pour  cela  qu'elle  soit  le  résultat  d*une  ven- 
geance contre  un*acte  d'autorité  légalement  exercé. 

En  effet,  l'article  224,  tableau  D,  paragraphe  premier,  ne  subor- 
donne Texistence  de  Toutrage  à  cette  condition  que  si  le  fait  a  eu 
lieu  à  l'occasion  du  service. 

3<>  Que  si  un  homme  de  la  réserve  de  l'armée  active  renvoyé 
dans  ses  foyers,  et  non  revêtu  d'effets  d'uniforme,  adresse  à  un 
supérieur  une  provocation  pouvant  être  considérée  comme  une  ven- 
geance contre  un  acte  d'autorité  légalement  exercé,  il  est  justiciable 
des  tribunaux  militaires  quel  que  soit  le  laps  de  temps  écoulé  depuis 
son  renvoi  dans  ses  foyers;  tandis  que  l'homme  de  l'armée  territo- 
riale qui  se  livre  au  même  acte  n'en  est  justiciable  que  si  la  provoca- 
tion s'est  produite  dans  les  six  mois  qui  ont  suivi  ce  renvoi.  Ce  délai 
écoulé,  le  territorial  est  rendu  à  la  vie  civile.  Il  peut  demander  à  son 
supérieur  toutes  les  réparations  auxquelles  il  pense  avoir  droit,  sans 
encourir  la  sanction  de  l'article  22i!i  du  code  de  justice  militaire. 

h''  Que  si  le  réserviste,  que  si  le  territorial,  avant  les  six  mois 
écoulés,  adressent  alors  qu'ils  sont  revêtus  d'effets  civils  une  provo- 
cation en  dehors  du  service,  et  qui  n'a  pas  le  service  pour  cause,  à  un 
supérieur  en  uniforme,  ils  ne  commettent  pas  un  outrage  ;  car  aux 
termes  de  l'article  224,  tableau  D,  il  faut,  pour  entraîner  l'application 
du  paragraphe  2  de  l'article  224  du  code  de  justice  militaire  que  le 
supérieur  et  l'inférieur  soient  tous  deux  revêtus  d'effets  d'uniforme. 

On  voit  combien  ces  conditions  élargissent  le  champ  des  répa- 
rations que  l'inférieur  peut  demander  sans  encourir  les  pénalités 
sévères  qui  l'atteindraient  s'il  faisait  partie  de  l'armée  active. 

Pour  mieux  le  faire  comprendre,  nous  allons  résumer  les  cas 
où  les  hommes  de  la  réserve  et  de  l'armée  territoriale,  non  revêtus 
d'effets  d'uniforme  et  renvoyés  dans  leurs  foyers,  peuvent  (en  temps 
du  paix)  adresser  à  un  supérieur  une  provocation  sans  encourir  la 
sanction  de  l'article  224  du  code  de  justice  militaire,  applicable  sous 
réserve  des  dispositions  spéciales  indiquées  au  tableau  D  annexé  à 
la  loi  du  15  juillet  1889. 

Les  hommes  de  la  réserve  de  Varmée  active^  les  hommes  de 
Varmée  territoriale  et  de  la  réserve  de  cette  armée  (pendant  lès  six 
mois  qui  suivent  leur  renvoi  dans  leurs  foyers)  peuvent,  en  dehors 


;/tf.  - 


I  301 


DEUXIÈME  PARTIE. 


du  service,  demander  réparation  pour  toutes  les  offenses  étrangèrei 
au  service  et  pour  toutes  celtes  qui,  bien  qu'ayant  le  service  peur 
cause,  ne  cùmmuniquetit  pas  à  la  provacation  un  caracti^re  de  cen- 
geance  contre  un  acte  d'autorité  légalemeftt  exercé. 

A  l'expiration  des  six  mois,  les  hommes  de  l'armée  territoriale 
et  de  la  réeervede  cette  armée  peuvent  demander  réparation  de  toutes 
les  offenses  qu'ils  auront  reçues,  ces  offenses  seraient-elles  retativei 
au  service  et  susceptibles  de  communiquer  à  la  provocation  uncarac- 
tvre  de  vengeance  contre  un  acte  d'autorité  légalement  e.rercê. 

Bienplus.cetteproTocalJon  pourra  ôtre  conçue  et  transmise  d'une 
façon  moins  correcte  que  dans  les  hypothèses  que  nous  avons  posées. 

Mais  si  les  hommes  de  la  réserve  et  de  la  territoriale  éviteDl  la 
sanction  des  articles  précités,  ils  De  sont  pas  à  l'abri  des  puuîlioDS 
disciplinaires  que  les  règlements  permettent  h  lautoriié  militaire 
d'ioiliger'. 

Lorsque  la  provocation  émane  de  réservistes  ou  dp  territoriaui 
officiers,  ils  peuvent  encourir  la  destitution,  conformémeDt  aux 
dispositions  de  i'arliclc  7  du  décret  du  31  août  1878  '. 

En  effet,  aux  termes  de  cet  article,  si  les  infractions  reprochées 
à  un  des  officiers  n'ont  pas  un  caractère  de  gravité  suffisant  pour 
l'amener  devant  les  tribunaux  militaires,  la  révocation  peut  être 
prononcée  contre  lui  par  décret  du  président  de  la  République,  sur 
avis  conforme  d'un  conseil  d'enquéle  :  «  Pour  faute  grave  dans  le 
service  et  contre  la  discipline.  "  (Paragraphe  ïj.) 

u  Si,  eu  deiioi's  de  la  période  d'activité,  il  adresse  à  un  de  ses 
supérieurs  (militaires),  ou  publie  coutre  lui  un  écrit  injurieux,  ou 
commet  envers  l'un  deux  un  acte  offensant.  »  (Paragraphe  7.) 

Le  paragraphe  k  nous  semble  notamment  devoir  être  appliqué 
à  la  provocation  couçue  en  termes  polis  et  mesurés,  adressée  en 
dehors  du  service  par  un  officier  de  l'armée  territoriale  non  revêtu 
d'effets  d'uniforme  et  renvoyé  dans  ses  foyers  depuis  plus  de  six 
mois,  à  un  supérieur  à.  l'occasion  de  service  et  dans  un  but  de 
vengeance  contre  un  acte  d'autorité  légalement  exercé. 

En  effet,  le  motif  de  la  provocation  étant  une  rancune  de  ser- 
vice, il  y  a  insubordination  et  faute  grave  contre  la  discipline. 

Mats  si  la  provocation  a  été  motivée  par  une  raison  étrangère 
au  service,  il  ne  saurait,  croyons-nous,  en  être  do  même,  car  en 
demandant  réparation  en  dehors  du  service  pour  une  affaire  privée. 


1.  Voyez  décret  du  3S  décembre  tSS3  (PunU[ons).  —  Droit  de  punir   lors  de  la 
réDDion  de  l'armée  territoriale,  Instruction  ministérielle  du  32  man  1SS6,  pago  4ii. 
9.  Voyei  Dftilot,  kiin6e  1879,  i*  ptrtie,  page  5. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  305 

rinfériear  agit  comme  civil,  comme  simple  citoyen  et  non  plus 
comme  militaire. 

Le  paragraphe  7  pourra  être  applicable  à  toute  provocation 
inconvenante  dans  sa  forme  ou  dans  son  mode  de  transmission, 
quel  que  soit  d'ailleurs  le  motif  qui  l'a  dictée,  serait-il  même  absolu- 
ment privé. 

On  voit  quel  intérêt  peut  avoir  l'officier  de  la  réserve  ou  de 
l'armée  territoriale  qui  veut  demander  réparation  à  un  supérieur,  à 
rédiger  son  cartel  avec  convenance'et  à  le  transmettre  de  même. 

Les  témoins  devront  se  pénétrer  de  cette  situation  et  garder 
toujours  une  attitude  correcte,  ce  qui  ne  les  empêchera  pas,  du  reste, 
de  remplir  leur  mission  avec  toute  Ténergie  requise. 

Nous  n'ignorons  pas  que  cette  extension  du  paragraphe  7  à  la 
provocation  injurieuse  motivée  par  une  raison  d'ordre  privé  est 
controversée,  et  que,  d'après  beaucoup  de  militaires,  son  applica- 
tion est  limitée  à  Toutrage  dicté  par  une  rancune  de  service. 

Nous  n'admettons  pas  cette  interprétation,  en  présence  des 
termes  généraux  de  l'article  7,  qui  ne  fait  aucune  distinction  entre 
la  nature  des  actes  offensants  ou  des  écrits  injurieux. 

Le  vague  des  expressions  est  intentionnel.  Elles  ont  pour  mis- 
sion de  réprimer  non  seulement  les  fautes  contre  la  discipline  mili- 
taire, mais  encore  de  maintenir  entre  hommes  qui  peuvent  être  de 
condition  sociale  très  différente,  mais  qui  sont  placés  sur  un  pied 
d'égalité  par  l'uniforme  qu'ils  portent,  les  règles  de  la  courtoisie  et 
de  la  bonne  éducation  qui  doivent  être  l'apanage  de  tout  officier 
français  et  lui  constituer  une  respectabilité  indiscutable. 

11  faut  y  voir  une  obligation  qui  naît  de  la  qualité  d'officier,  et 
qui  vient  s'ajouter  à  toutes  celles  qui  lui  sont  déjà  imposées  par  le 
même  décret. 

Si  le  réserviste  ou  le  territorial  non  officier  en  est  déchargé, 
c'est  qu'il  n'appartient  pas  à  cette  catégorie  de  militaires. 

A  qualité  supérieure,  obligations  majeures.  Rien  de  plus  juste 
et  de  plus  rationnel. 


2«    HYPOTHÈSE. 

Le  militaire  qui  adresse  la  provocation  est  un  supérieur. 


Le  supérieur  qui  provoque  son  inférieur  ne  commet  pas  un 
outrage,  mais  il  viole  les  règles  de  la  discipline  en  recourant,  pour 
vider  son  différend,  à  un  moyen  qui  suppose  l'égalité  du  grade. 

20 


306  DEUXIÈME  PARTIE. 

Si  lesupérieurappartient  à  l'armée  active,  la  faute  esisle,  qnelle 
que  soit  l'origiDC  du  différend.  Si  le  motif  de  la  provocatioD  est 
relatif  au  service,  elle  est  plus  grave  que  si  le  motif  est  relatif  à  Ja 
vie  privée,  mais,  dans  ce  dernier  cas  même,  elle  subsiste. 

La  sauctioD  cousistera  en  une  des  peines  disciplinaires  déter- 
minées par  l'article  271  du  code  de  justice  militaire  et  le  décret  du 
28  décembre  1883. 

Dans  l'exemple  rapporté  au  n'  105  de  l'appendice  (ordre  du 
jour  du  ministre  de  la  guerre,  Gazette  des  Tribunaux  du  3  février 
1838),  nous  voyons  que  le  chef  d'escadrons  qui  provoqua  un  capi- 
taine fut  mis  en  retrait  d'emploi. 

Le  supérieur  apparlient-il  à  la  réserve  ou  à  l'armée  territoriale, 
il  faut  distinguer  (rois  cas  ; 

1"  Celui  où  il  était  présent  sous  les  drapeaux  au  moment  de  la 
provocation  ; 

2"  Celui  où  il  était  renvoyé  dans  ses  foyers,  mais  se  trouvait  en 
uniforme  ; 

3"  Celui  où,  renvoyé  dans  ses  foyers,  il  n'était  pas  revêtu 
d'elTets  d'uniforme. 

Dans  les  deux  premiers  cas,  ce  que  nous  avons  dit  du  supérieur 
de  l'armée  active  peut  lui  être  appliqué,  puisqu'aux  termes  de 
l'article  52  de  la  toi  du  15  juillet  1889,  sous  les  drapeaux  il  est 
soumis  à  toutes  les  obligations  des  militaires  de  son  grade  appar- 
tenant â  l'armée  active,  et  puisqu'aui  termes  de  l'article  53,  iinilem, 
il  est  considéré  comme  un  militaire  en  congé  lorsque  étant  reoToyé 
dans  ses  foyers  il  revêt  un  effet  d'uniforme. 

Dans  le  troisième  cas,  il  faut  examiner  si  la  provocation  est 
relative  ou  étrangère  au  service. 

Relative  au  service,  elle  peut  entraîner  une  peine  disciplinaire. 

Étrangère  au  service  et  adressée  en  dehors  du  service,  elle 
nous  paraît  devoir  y  échapper,  car,  en  adressant  sa  provocation  S 
pareil  moment  et  pour  semblable  motif,  le  supérieur  agit  comme 
civil  et  QQO  plus  comme  militaire. 


3«    HYPOTHÈSE. 

Le  supérieur  accepte  la  provocation  de  l'inférieur. 

Même  distinction  que  dans  l'hypothèse  actuelle  et  mêmes  solu- 
tions. Toutes  les  fois  que  le  supérieur,  pouvant  se  servir  de  l'auto- 
rité dont  il  est  armé  par  la  loi,  ne  le  fera  pas  et  condescendra  à 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  m 

répondre  à  l'appel  de  rinférieur,  il  commettra  xine  f^ate  contre  la 
discipline  et  pourra  être  frappé  d'une  peine  disciplinaire.  Cette 
solution  ressort  des  termes  de  Tordre  du  jour  du  ministre  de  la 
guerre,  en  date  du  11  juin  1835,  rapporté  au  n<>  105  de  Tappendice. 


Il*    HYPOTHÈSE. 

L'inférieur  accepte  la  provocation. 

Toutes  les  fois  que  le  supérieur  commet  une  faute  en  adressant 
ta  provocation,  l'inférieur  en  commet  une  en  l'acceptant,  mais  nous 
croyons  que  Tobéissance  passive  qui  lui  est  imposée  doit  militer  en 
sa  faveur  et  lui  servir  de  circonstance  atténuante. 

Témoins. 

Examinons  maintenant  la  situation  faite  aa  militaire  qui,  étant 
d'un  grade  inférieur  à  la  personne  provoquée,  lui  transmet  le  cartel 
d'un  subordonné,  ou,  pour  mieux  nous  faire  comprendre,  quelle 
serait  par  exemple  la  situation  faite  à  un  lieutenant  qui,  au  nom  d'un 
camarade  du  même  grade,  demanderait  réparation  à  un  capitaine. 

11  faut  distinguer. 

Faisait-il  partie  de  l'armée  active  an  moment  de  la  provocation  ? 

L'article  202  du  code  de  justice  militaire,  qui  rend  applicables 
les  articles  59  et  60  du  Gode  pénal  ordinaire,  permet  d'atteindre  ce 
témoin  comme  complice.  Il  est  passible  de  la  même  peine  que  celle 
qui  est  édictée  par  la  loi  contre  l'infraction  commise  par  l'auteur 
principal. 

Mais  si  cette  assimilation  du  témoin  au  complice  est  rendue 
possible  en  vertu  de  Tarticle  202  du  code  de  justice  militaire,  elle 
n'est  pas  obligatoire.  L'autorité  militaire  peut  sévir  discipli- 
nairement  pour  faute  contre  la  discipline,  sans  avoir  recours  â  une 
incrimination  susceptible  de  produire  des  résultats  dispropor- 
tionnés avec  la  gravité  de  l'infraction,  puisque  l'article  224  ne 
prévoit  pas  de  circonstances  atténuantes. 

C'est  ce  qui  arriva  dans  l'affaire  qui  donna  lieu  à  Tordre  du 
jour  rapporté  au  n"  104  de  l'appendice. 

L'inférieur  fut  traduit  devant  un  conseil  de  guerre,  mais  les 
témoins  ne  l'y  suivirent  pas  et  subirent  seulement  quinze  jours 
d'arrêt. 

Le  témoin  était-il  réserviste?  territorial?  sous  les  drapeaux? 
renvoyé  dans  ses  foyers,  mais  revêtu  d'effets  d'uniforme  ?  Ce  que 


308  DEUXIÈME  PARTIE. 

Dous  avons  dit  relatîTement  au  militaire  de  l'armée  active  peut  loi 
élre  appliqué. 

Élait-il  réserriste  î  territorial  renvoyé  dans  ses  foyers,  mais  dod 
revêtu  d'effets  d'uniforme  î  Sa  situation  est  raodiliée  par  les  arti- 
cles 57  de  la  loi  du  15  juillet  1889.  et  22i,  tableau  D,  dans  le  scds 
que  nous  avons  indiqué  précédemment  pour  ce  qui  concerne  l'io- 
férieur  qui  adresse  une  provocation  dans  les  mêmes  conditions. 

Influence  de  la  rétrogradation  volontaire  ou  forcée,  de  la 
cassation,  de  la  mise  en  non-activité,  de  la  mise  en 
réforme,  de  la  retraite,  de  la  démisaion  des  adversaires, 
sur  les  conséquences  de  la  provocation. 

Rétrogradation  volontaire  ou  forcée.  —  Cassation. 

La  rétrogradation  volontaire  ou  forcée  des  adjudants  et  des 
sous-ofûciers,  leur  cassatiou,  la  cassation  des  brigadiers  ou  capo- 
raux, la  remise  volonlairE>  du  grade  peuvent  rétablir  l'égalité 
hiérarchique  entre  les  adversaires  et  permettre  à  l'offensé  de 
demander  une  réparation  qui  l'aurait  ciposé  sans  cela  aux  rigueurs 
de  la  loi  militaire. 

Non-activité. 

L'état  de  non-activité, c'est-à-dire Icxclusion temporaire dn ser- 
vice où  est  placé  l'ofûcier  par  sa  suspension  ou  retrait  d'emploi,  ne 
change  rien  aux  conséquences  de  la  provocation  qui  lui  est  adressée 
oaquiest  adressée  par  lui,  car,  pendant  lanon-activité,  ilresleson- 
rais  à  toutes  les  règles  de  la  discipline  et  de  la  subordination'. 

Réforme. 

L'offlcier  en  réforme  est  libéré  des  obligations  de  l'état  d'acti- 
vité et  de  non-activité. 

Il  ne  fait  plus  partie  de  l'armée. 

La  provocation  adressée  par  un  ofûcier  réformé  à  un  supérieur 
en  activité  ne  saurait,  en  aucun  cas,  tomber  sous  le  coup  de  la 
législation  pénale  militaire,  mais  elle  peut  tomber,  suivant  les  cir- 
constances, sous  le  coup  de  la  loi  du  29  juillet  1S81  ou  de  l'article 
22h  ou  225  du  Code  pénal  >. 

1.  Voyez  décret  du  38  décembre  1883,  mise  ea  aoa-telUM  ou  ea  réforme  des 
ofTiciers,  et  loi  du  19  mû  18ït  aur  l'élat  des  onTiciera. 

2.  Voyoi  Alger,  2i  mura  1877.  —  Dalloi,  année  1878,  2°  parfio,  p»ee2M.  —  (Ju- 
satiuD,  21  mai  1873,  ibidem,  Moie  1871,  ]"  partie,  page  183. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  309 

La  provocation  adressée  par  un  militaire  en  activité  de  service 
à  un  ex-officier  qui  était  de  grade  supérieur  au  sien  avant  que  la 
réforme  ne  fût  prononcée  ne  peut  produire  un  résultat  différent 
de  rhypothèse  précédente,  car  Toutrage  visé  par  Tarticle  224  du 
code  de  justice  militaire  est  une  infraction  purement  militaire, 
supposant  la  présence  de  deux  militaires  de  grades  inégaux  au 
moment  où  elle  a  eu  lieu. 

Retraite. 

La  retraite  produit  les  mêmes  résultats  que  la  réforme.  Le 
militaire  retraité  cesse  d'appartenir  à  Tarmée  *. 

Cependant  les  officiers  ou  assimilés  qui  restent  après  leur  mise 
en  retraite  à  la  disposition  du  ministre  de  la  guerre  demeurent 
soumis,  pendant  tout  ce  temps,  aux  lois  et  règlements  militaires  sur 
la  réserve  et  l'armée  territoriale  *. 

Démission. 

Les  résultats  de  la  démission  sont  plus  complexes  que  ceux  de 
la  réforme  et  de  la  retraite. 

Observons  d'abord  que  la  démission  n'a  d'effet  que  lorsqu'elle 
est  acceptée.  Tant  que  la  notification  de  son  acceptation  n'est  pas 
parvenue  au  démissionnaire»  il  reste  soumis  à  toutes  les  obligations 
qui  lui  incombaient  avant  d'avoir  envoyé  sa  démission  K 

On  comprend  l'intérêt  que  peut  avoir  l'officier  qui  veut 
démissionner  à  dissimuler  le  véritable  motif  qui  lui  fait  prendre 
cette  décision.  Il  est  évident  que,  si  l'autorité  soupçonne  que  c'est 
pour  se  battre  impunément  avec  un  supérieur»  elle  ne  l'acceptera 
pas. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  la  démission,  même  acceptée,  ait  pour 
effet  d'exonérer  toujours  celui  qui  la  donne  des  obligations  qui  lui 
incombaient  auparavant,  et  de  le  rendre  d'une  manière  absolue  à 
la  vie  civile. 

Pour  qu'il  en  soit  ainsi,  il  faut  qu'il  ait  satisfait  aux  prescrip- 
tions de  l'article  37  de  la  loi  du  15  juillet  1889  et  accompli  les 
vingt-cinq  années  de  service  militaire  que  tout  Français  doit  faire 
dans  l'armée  active,  la  réserve  de  l'armée  active,  dans  l'armée  terri- 
toriale et  dans  la  réserve  de  cette  armée. 

1.  Voyez  loi  du  19  mai  1834  sur  l'état  des  officiers. 

2.  Voyez  loi  du  22  Juin  1878. 

3.  Voyez  Cassation,  30  août  1855.,  Dalloz,  année  1855, 1"  partie,  page  415.  — 
Cassation,  Gazette  des  Tribunaux^  n<>  du  19  novembre  1885.  —  Dalloz,  Jurisprudence 
générale,  V«  Organisation  militaire,  n»*  1S3  et  849. 


910  DEUXIEME  PAIlTIE. 


S'il  n'y  â  pas  satisfait  complèiement  lorsqu'il  donne  sa  démis- 
sion, cet  acte  n'a  d'autre  effet  que  de  lui  faire  perdre  le  grade  qu'il 
occupait  auparavant,  cl  de  le  faire  rentrercomme  simple  soldat  dans 
les  rangs  de  l'une  ou  l'autre  de  ces  armées,  suivant  le  laps  de  ser- 
vice militaire  qui  lui  reste  à  accomplir. 

Dans  certain  cas,  l'ofûcier  démissionnaire  peut  obtenir,  il  est 
vrai,  de  renirer  dans  la  réserve  ou  l'armée  territoriale  avec  le  grade 
qu'il  occupait  auparavant  ;  mais  comme  cette  mesure  dcpend  unique- 
ment du  bon  plaisir  ministériel,  noua  no  nous  en  occuperons  pas. 

On  voit  que  la  démission  d'un  officier,  même  acceptée,  n'a  pas 
loujours  pour  effet  de  lui  permettre  d'adresser  impunément  une 
provocation  à  un  supérieur. 

Dans  certains  cas  elle  lui  est  non  seulement  inutile,  mais  rend 
sa  condition  pire.  Si,  par  exemple,  un  oflicier  de  l'armée  active  n'a 
pas  accompli,  au  moment  oi!i  il  donne  sa  démission,  le  laps  de 
temps  pendant  lequel  il  doit  faire  partie  de  la  réserve  de  l'armée 
active,  et  s'il  veut  adresser  une  provocation  motivée  par  un  acte 
(l'autorité  légalement  exercé  par  le  supérieur,  comme  il  est  descendu 
an  rang  des  simples  soldats,  il  encourt  les  travaux  publics  au  lieu 
d'encourir  l'emprisonnement  dont  il  aurait  simplement  été  passible 
avant  d'avoir  cessé  d'être  officier'. 

Mais  il  a  inlérét  à  la  donner  si.  bien  que  relative  au  service,  la 
provocation  ne  présente  pas  le  caractère  d'une  vengeance  contre  un 
acte  d'autorité  légalement  exercé,  ou  si  elle  n'a  pas  le  service  pour 
cause,  h  condition,  bien  entendu,  d'ûlre  adressée  en  dehors  du  ser- 
vice et  en  costume  civil. 

Si  l'officier  a  accompli  le  laps  de  temps  pendant  lequel  il  doit 
faire  partie  de  la  réserve  de  l'armée  active,  il  peut,  au  contraire, 
être  intéressé  adonner  sa  démission  i  car,  en  laissant  écouler  le 
délai  de  six  mois  porté  au  paragraphe  3  de  l'article  57  de  la  loi  du 
15  juillet  1889,  il  peut  demander  réparation  de  toutes  les  offenses 
qu'il  aura  repues,  quand  bien  même  elles  communiqueraient  à  la 
provocation  le  caractère  d'une  vengeance  contre  un  acte  d'aulorité 
l^lement  exercé,  sans  avoir  à  redouter  la  sanction  de  l'article  22lt 
du  code  de  justice  militaire,  même  modifié  par  le  tableau  D,  annexé 
à  la  loi  de  1889. 

L'inférieur  est,  par  contre,  toujours  intéressé  à  ce  que  le  supé- 
rieur auquel  il  veut  demander  réparation  donne  sa  démission,  car, 
cette  démission  une  fois  acceptée,  il  devient  à  son  tour  supérieur 
ou  égal  de  son  adversaire,  et  ne  commet  plus  d'outrage  en  le.  pro- 
voquant. 

1.  Arlicle  2!4,  code  dejaitice  militaire,  p&ragraphe  i". 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  3H 

Nous  avons  vu  (hypothèse  U)  qu'il  peut,  à  la-vérité,  encourir 
une  punition  disciplinaire,  mais  comme  la  gravité  de  cette  puni- 
tion est  minime  en  comparaison  de  celle  de  l'article  224,  nous  ne 
saurions  admettre  que  la  crainte  d'y  être,  exposé  soit  de  nature  à 
Tempécher  de  demander  réparation  pour  une  offense  considérable. 

Nous  terminerons  ce  qui  concerne  les  effets  de  la  démission 
en  signalant  une  erreur  commise  par  un  grand  nombre  de  mili- 
taires. Ils  croient  que  les  officiers  dont  la  démission  est  acceptée 
demeurent  (même  slls  ont  accompli  le  temps  de  service  fixé  par 
la  loi  du  15  juillet  1889),  pendant  cinq  ans  suivant  les  uns,  un  an 
et  un  jour  suivant  les  autres,  assujettis  aux  dispositions  du  code  de 
justice  militaire  pour  les  provocations  qu'ils  adresseraient  à  un 
supérieur  relativement  au  service. 

C'est  inexact.  Ils  rentrent  complètement  dans  la  vie  civile. 

On  a  dû  confondre  les  dispositions  de  la  loi  française  et  celle 
du  code  militaire  belge,  qui  contient,  en  effet,  cette  prohibition. 

Plainte. 

La  seule  voie  que  les  règlements  ouvrent  au  militaire  offensé 
par  un  supérieur,  pour  obtenir  réparation,  est  celle  de  la  plainte 
par  voie  hiérarchique  à  l'autorité  supérieure,  qui  est  omnipotente 
pour  décider  quelle  suite  il  convient  d'y  donner. 

Il  existe,  en  effet,  un  principe  qui  protège  Finférieur  contre  les 
brutalités,  injures  et  autres  offenses  graves  du  supérieur;  c'est  le 
principe  même  de  la  discipline. 

Le  mot  discipline  ne  signifie  pas  seulement  subordination ,  mais 
rapports  du  commandement  et  de  Tobéissance,  qui  ont  des  devoirs 
réciproques. 

Les  principes  généraux  placés  en  tête  du  décret  du  28  dé- 
cembre 1883  le  disent  formellement. 

«  Si  l'intérêt  du  service  demande  que  la  discipline  soit  ferme, 
il  veut,  en  même  temps,  qu'elle  soit  paternelle.  Toute  rigueur  qui 
n'est  pas  nécessitée,  toute  punition  qui  n'est  pas  déterminée  par  le 
règlement  ou  que  ferait  prononcer  un  sentiment  autre  que  celui 
du  devoir,  tout  acte,  tout  geste,  tout  propos  outrageants  d'un  supé- 
rieur à  un  subordonné  sont  sévèrement  interdits,  n 

Le  sens  général  des  termes  employés  montre  que  l'interdiction 
s'applique  non  seulement  aux  actes,  propos,  gestes,  qui  constituent 
une  offense  relative  au  service,  mais  encore  à  ceux  qui  se  pro- 
duisent en  dehors  du  service,  et  qui  atteignent  l'homme  privé.  A 
raison  des  uns  et  des  autres,  le  droit  de  porter  plainte  existe  pour 
l'inférieur,  et  le  droit  de  punir  pour  l'autorité  supérieure. 


Mt  DEUXIÈME  PARTIE. 

En  se  plaçant  au  point  de  vue  de  la  juridiction  du  point 
d'bonneur,  la  plainte  est  un  pis-alier  dont  l'inférieur  offensé  peut 
user  lorsqu'il  a  fait  tout  ce  qui  était  en  son  pouvoir  pour  obtenir 
réparation  par  les  armes. 

Toutes  les  fois  que  le  subordonné  ne  peut  adresser  une  pro- 
vocation sans  encourir  la  sanction  eiceplionnellemeot  rigoureuse 
de  l'article  22/i  du  code  de  justice  militaire,  la  voie  de  la  plainte  lui 
est  ouverte,  sans  qu'il  puisse  être  atteint  par  la  mésestime  dont  est 
frappé  le  civil  qui  demande  aux  tribunaux  justice  de  son  offense, 
au  lieu  de  se  la  rendre  à  lui-même. 

Tel  serait,  par  exemple,  le  cas  où  un  sous-lieutenant  récem- 
ment sorti  de  Saint-Cyr  recevrait  de  la  part  de  son  capitaine,  en 
présence  de  la  troupe,  l'apostrophe  suivante  :  «  Comment,  voua  ne 
pouvez  pas  sauter  cet  obstacle I  Mais  vous  êtes  donc  un  lâche!  un 
poltron  !  t-a  triste  empiète  que  vient  de  faire  l'escadron  I  » 

En  effet,  comme  le  sous-lieulenant  n'a  pas  terminé  encore 
l'engagement  qu'il  avait  contracté  avant  d'entrer  ù  l'école,  comme 
il  ne  cesserait  pas  d'appartenir  à  l'armée  active,  même  s'il  donnait 
sa  démission,  il  ne  peut  se  trouver  aucun  militaire  pour  soutenir 
qu'en  se  plaignant  il  a  contrevenu  aux  règles  du  point  d'honneur. 
C'est  le  supérieur  qu'on  doit  blâmer. 

Il  est  impossible  de  déterminer  par  avance  la  mesure  des  tenta- 
tives que  le  subordonné  devra  faire  avant  de  porter  plainte,  s'il 
veut  écliapper  au  Jjlâme.  C'est  une  question  de  fait. 

On  ne  peut  raisonnablement  exiger  qu'il  dise  au  supérieur  : 
«  Accordez-moi  réparation  par  les  armes,  sinon  je  porte  plaintd,  » 
car  cette  menace  sous  condition  équivaudrait  à  une  provocation. 

Nous  ne  nous  dissimulons  pas  que  là  est  le  côté  scabreux  de  la 
question  :  aussi  rec  ii  m  an  dons- nous  à  l'inférieur  la  plus  extrême 
prudence.  ' 

Les  témoins,  arbitresou  jurés  d'honneur  appelésà  se  prononcer 
sur  la  suffisance  ou  l'insuifisance  des  efforts  faits  par  le  subordonné 
ne  devront  pas  perdre  de  vue  les  difficultés  de  sa  situatioa  et  se 
montrer  trop  exigeants. 

Il  suffit  que  l'intention  de  recourir  à  la  voie  des  armes  ressorte 
clairement  de  l'instruction  à  laquelle  ils  se  seront  livrés,  et  que  la 
plainte  soit  uniquement  un  pis  aller. 

Il  peut  se  faire  que  l'acte  qui  donne  lieu  â  la  plainte  de  l'in- 
férieur constitue  une  faute  contre  la  discipline  ou  contre  l'honneur, 
et  que  le  supérieur  soit  frappé  d'une  peine  qui  fasse  disparaître 
l'inégalité  du  grade,  la  réforme  par  exemple.  A  la  suite  de  cette  ré- 
forme, l'inférieur  ne  peut  lui  demander  réparation  par  les  armes, 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  343 

sans  contrevenir  à  l'axiome  posé  en  tête  du  chapitre  ix  :  «  Il  n'est 
dû  qu'une  réparation  pour  une  même  offense  »,  mais  il  en  est 
autrement  si  le  supérieur  a  été  traduit  d'office  devant  le  conseil 
d'enquête  et  sans  que  l'inférieur  ait  porté  plainte  ^ 

Jury  d'honneur. 

Si  Tinférieur  offensé  par  un  supérieur  se  trouve  placé  dans  la 
condition  de  ne  pouvoir  ni  lui  adresser  un  cartel  immédiat  sans 
encourir  les  pénalités  du  code  de  justice  militaire,  ni  attendre 
qu'une  modification  dans  leur  état  lui  permette  de  croiser  le  fer 
impunément  avec  lui,  ni  donner  sa  démission,  ni  adresser  une 
plainte  à  l'autorité  supérieure,  la  réunion  d'un  jury  d'honneur  pa- 
raît devoir  s'imposer. 

II  semble  naturel  que  l'inférieur  demande  à  ses  pairs  et  aux 
pairs  de  son  antagoniste  d'examiner  quelle  suite  il  convient  de 
donner  à  l'affaire. 

Il  n'en  est  rien  cependant,  et  ce  mode  de  trancher  les  diffé- 
rends est  inusité  dans  l'armée.  Est-ce  à  dire  que  l'inférieur  doive  y 
renoncer  complètement.  Nous  ne  le  croyons  pas. 

Souvent  le  supérieur  lui-même  sera  intéressé  à  prendre  l'ini- 
tiative d'une  telle  demande.  L'affaire  s'est  ébruitée,  il  s'entend  plus 
ou  moins  directement  accuser  d'avoir  forfait  à  l'honneur.  La  froi- 
deur croissante  de  ses  camarades  lui  montre  que  son  inaction  les 
étonne,  et  qu'ils  sont  disposés  à  croire  au  bien  fondé  de  ce  qu'on 
lui  reproche.  Que  lui  reste-t-il  à  faire,  sinon  à  prier  ses  camarades 
de  se  constituer  en  une  sorte  de  tribunal  d'honneur,  devant  lequel 
chacun  plaidera  sa  cause? 

Supposons  que,  bien  loin  de  prendre  l'initiative  de  cette  dé- 
marche, le  supérieur  refuse  d'accepter  la  i^rr^'^osition  qui  lui  en  est 
faite  par  son  subordonné.  Supposons  qu'en  présence  de  cette  fin  de 
non-recevoir  l'inférieur  tienne  aux  égaux  du  supérieur  le  langage 
suivant  : 

«It.-i...  m'a  grièvement  offensé.  Après  avoir  enlevé  ma 
sœur  en  lui  promettant  de  l'épouser,  il  l'a  abandonnée  »,  ou  bien 
«  Il  était  mon  ami  et  il  a  séduit  ma  femme. 

tt  Je  ne  puis  lui  adresser  de  cartel  immédiat  sans  m'exposer  à 
la  sanction  de  l'article  22((.  Je  ne  puis,  étant  donnée  la  nature  de 
Toutrage,  attendre  qu'une  modification  dans  notre  position  mili- 
taire réciproque  me  permette  de  me  battre  impunément  avec  lui. 


1.  Voyez  chapilre  xn,  article  5. 


3U  DEUXIÈME  PARTIE. 

.<  Je  ne  puis  donner  ma  démission  sans  enlever  le  pain  de  mes 
enfante. 

«  Je  ne  puis  porter  plainte,  car  l'olïense  que  j'ai  subie  n'ayant 
aucun  rapport  avec  les  devoirs  militaires,  cette  mesure  feraildouler 
de  mon  courage,  et  rendrait  caduc  mon  droit  d'appel  ultérieur. 

1^  II  refuse  de  donner  sa  démission. 

«  11  refuse  de  soumettre  l'afTaire  à  votre  eiamen.  Je  vous  te 
dénonce  comme  ayant  forfait  à  l'honneur,  et  je  viens  vousdemander 
votre  appui  pour  l'obliger  ti  ra'accorder  la  réparation  qui  m'est  si 
bien  due.  » 

Des  militaires  fran<;ais  demeureront-ils  sourds  à  cet  appel  d'un 
honnête  homme,  d'un  camarade,  qu'ils  sentent  poussiî  à  bout,  dé- 
cidé à  tout,  même  au  scandale  ? 

Persisteront-ils  dans  une  neutralité  qui  peut  être  interprétée 
comme  une  approbation  tacite,  et  qui  les  rend  quasi  solidaires  d'une 
vilaine  action? 

Nous  ne  saurions  l'admettre. 

Supposons  qu'émus  decette  requête  ils  se  décident  à  examiner 
la  conduite  de  leur  camarade.  Vont-ils  se  constituer  en  une  sorte 
de  conseil  d'enquête  bénévole,  agissant  sous  l'œil  et  avec  l'assen- 
timent  de  l'autorité  militaire  !  Non,  les  règlements  ne  les  regardent 
pas  comme  une  juridiction.  Ce  sera  en  dehors  de  l'autorité  qiiils  se 
réuniront,  instruiront  l'affaire  et  se  prononceront.  Il  en  résulte  que 
leur  décision  n'aura  aucune  valeur  légale. 

Ceci  ne  veut  pas  dire  qu'elle  demeurera  snns  effet.  Le  blânie 
qu'ils  infligeront,  bien  que  platonique  en  apparence,  sera  appuyé 
d'une  sanction  redoutable,  la  quarantaine,  qui,  une  fois  prononcée, 
suivra  l'ofûcier  qui  en  aura  été  frappé  dans  les  corps  où  il  per- 
mutera, et  le  placera  dans  une  position  tellement  délicate,  que  géné- 
ralement il  aimera  miens  donner  sa  démission  que  de  servir  dans 
de  pareilles  conditions. 

Du  reste,  la  persistance  d'une  situation  aussi  exceptionnelle  ne 
manquerait  pas  d'attirer  l'attention  de  l'autorité,  qui  ferait  compa- 
raître l'ofûcier  mis  ù  l'index  devant  un  conseil  d'enquête,  comme 
si  l'offensé  avait  porté  plainte. 

Les  égaux  du  supérieur  qui  se  réunissent  en  jury  d'honneur 
ne  peuvent  jamais  lui  intimer  purement  et  simplement  l'injonction 
de  se  battre  avec  le  subordonné,  car,  militaires  eux-mêmes,  les 
membres  qui  composent  ce  jury  ne  peuvent  engager  d'autres  mili- 
taires à  commettre  un  acte  violant  la  discipline. 

Par  contre,  ils  peuvent  déclarer  que  le  devoir  du  supérieur  est 
de  donner  sa  démission  et  d'accorder  ensuite  réparation  par  les 
armes  à  l'inférieur. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  315 

La  discipliDe  ne  met  pas  obstacle  à  ce  qu'ils  emploient  tous  les 
moyens  dont  ils  disposent  pour  l'y  contraindre. 

Lorsque  les  camarades  du  supérieur  se  réunissent  pour  exami- 
ner sa  conduite,  ils  ne  commettent  pas,  à  proprement  parler,  une 
faute  contre  la  discipline,  puisqu'ils  sont  tous  égaux  en  grade  avec 
lui.  Ils  commettent  tout  au  plus  un  empiétement  sur  les  droits  de 
l'autorité  supérieure,  que  les  règlements  militaires  ne  punissent  pas 
plus  qu'ils  ne  punissent,  croyons-nous,  la  demande  d'un  jury  d'hon- 
neur qui  est  adressée  par  l'inférieur. 

Il  faut  en  conclure  que  la  dénonciation  de  l'acte  offensant,  faite 
aux  égaux  du  supérieur  pour  qu'ils  examinent  si  sa  conduite  n'est 
pas  contraire  à  l'honneur,  peut  constituer  un  moyen  efficace  d'ob- 
tenir indirectement  et  par  pression  'morale  une  réparation  impos- 
sible à  obtenir  sans  cela. 

Cette  dénonciation  a  en  outre  l'avantage  de  conserver  intact  le 
droit  de  l'offensé  à  porter  plainte  s'il  n'obtient  pas  satisfaction,  ou  à 
demander  ultérieurement  réparation  par  les  armes  si  le  supérieur 
consent  à  donner  sa  démission. 

Mais  l'efficacité  du  moyen  est  subordonnée  à  plusieurs  condi- 
tions. 

Il  faut  d'abord  que  l'offense  offre  un  caractère  de  gravité  consi- 
dérable, et  porte  atteinte  à  l'homme  privé  bien  plus  qu'au  militaire. 
S'il  s'agissait  d'une  question  de  service,  les  égaux  du  supérieur  ren- 
verraient le  subordonné  à  se  pourvoir  devant  qui  de  droit. 

Nous  avons  déjà  expliqué  que  les  mœurs  de  l'armée  considèrent 
les  questions  de  service  comme  ressortissant  exclusivement  de  la 
juridiction  militaire,  et  la  voie  de  la  plainte  comme  étant,  en  pareil 
cas,  très  compatible  avec  le  respect  de  l'uniforme  et  l'honneur  du 
soldat. 

Il  faut  ensuite  que  la  dénonciation  et  la  demande  de  jury 
d'honneur  adressée  aux  égaux  du  supérieur  émanent  d'un  homme 
énergique,  sachant  habilement  tirer  parti  delà  répulsion  qu'éprou- 
vent bien  des  gens  à  voir  la  presse  immiscée  dans  leurs  affaires. 

Il  y  parvient  en  leur  faisant  toucher  du  doigt  la  position  sca- 
breuse dans  laquelle  ils  se  trouveraient,  s'ils  répondaient  à  sa  de- 
mande par  une  fin  de  non-recevoir  que  le  public  regarderait 
comme  une  approbation,  et  qui  les  rendrait  solidaires  d'un  acte 
déshonorant. 


-  -  -  ^v 


DEUXIÈME  PARTIE. 


CHAPITRE    LXIV 

Provocation  entre  militaires  de  grades  inégaux.  —  Armée 
de  mer. 

Armée  activk.  —  I^  silnalion  lîe  l'inférieur  qui  provoque  un 
supérieur  est  réglée  par  rarticle  302  du  code  de  justice  mariljme, 
aax  termes  duquel  : 

ic  Tout  marin,  tout  militaire  embarqué,  lout  individu  Taisant 
partie  de  l'équipage  d'un  bfitimeut  de  l'État,  qui,  soit  à  bord,  soit 
pendant  le  service  ou  à  l'occasion  du  service  hors  du  bord,  ou- 
trage son  supérieur  par  paroles,  gestes  ou  meuaces,  est  puni  de 
cinq  à  dii  ans  de  travaux  publics,  ou,  s'il  est  officier,  de  la  desti- 
tution avec  emprisonnement  de  un  an  à  cinq  ans. 

Il  Si  Toulrage  n'a  pas  eu  lieu  dans  l'un  des  cas  indiqués  par  le 
paragrapbe  précédent,  la  peine  est  de  un  an  à  cinq  ans  d'emprison- 
nement.  n 

^ous  avons  peu  de  choses  â  dire  sur  cet  article,  car  les  hypo- 
thèses qu'il  prévoit  sont  les  mêmes  que  celles  prévues  par  l'ar- 
ticle 221  du  code  de  justice  militaire.  Nous  renvoyons  donc  le  lec- 
teur à  ce  que  nous  avons  écrit  sur  ce  dernier  article,  notamment 
en  ce  qui  touche: 

A  l'influence  que  peut  avoir  le  grade  surla  griëveté  de  l'outrage. 

Au  sens  des  expressions:  «  de  service  m  »  à  l'occasion  du  ser- 
vice ». 

Mais  nous  ferons  observer,  relativement  à  ce  dernier  cas,  que 
la  rédaction  de  l'arlicle  302  a  été  calculée  de  manière  à  ce  qu'à 
bord  l'outrage  à  un  supérieur  soit  toujours  puni  comme  ayant  en 
lieu  en  service'. 

II  en  résulte  que  la  provocation  à  lui  adressée  à  bord  tombe 
sons  le  coup  du  paragraphe  premier  de  l'article  302,  quand  bien 
même  elle  serait  complètement  étrangère  au  service. 

Partout  ailleurs  qu'à  bord,  la  distinction  entre  l'outrage  pen- 
dant le  service  ou  à  l'occasion  du  service  doit  être  faite. 

Nous  renvoyons  également  le  lecteur  à  ce  que  nous  avons  écrit 
touchant  l'armée  de  terre  :  pour  la  question  de  savoir  si  la  provo- 
cation par  écrit  bénéficie  oui  ou  non  du  silence  gardé  par  l'ar- 
ticle 302  sur  les  outrages  par  écrit  ;  pour  la  question  du  costume, 

miDiitârielle  da  35  juin  1858  relalire  à  l'applicttiOD  dn  coda 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  347 

pour  la  possibilité  d'une  compensation  entre  ToiTense  essuyée  et 
la  provocation,  etc. 

Nous  ajouterons  seulement,  en  ce  qui  touche  aux  outrages  par 
écrit,  qu'une  circulaire  ministérielle  du  19  janvier  1880  insérée  au 
Bulletin  officiel  de  la  marine,  page  U5,  a  tranché  la  question  dans 
le  sens  rigoureux,  et  que  les  conseils  de  guerre  de  la  marine  ont 
plusieurs  fois  appliqué  l'article  302  à  des  hommes  coupables  d'ou- 
trages par  écrit.  Le  conseil  de  guerre  de  Brest  en  a  fait  notamment 
l'application  à  un  sergent  d'infanterie  de  marine  passé  depuis 
moins  de  six  mois  dans  la  réserve  de  l'armée  territoriale. 

Précisons  maintenant  les  individus  qui  tombent  sous  le  coup 
de  Particle  302  du  code  de  justice  maritime. 

Par  Texpression  «  tout  marin  »  employée  audit  article,  la  loi  a 
entendu  désigner  les  aspirants,  les  officiers,  le  personnel  des  équi- 
pages de  la  flotte  et  tous  les  assimilés  judiciaires. 

L'expression  «  tout  militaire  embarqué  »  s'applique  non  seu- 
lement aux  militaires  de  Tarinéede  mer,  mais  encore  aux  militaires 
de  l'armée  de  terre,  lorsqu'ils  deviennent  justiciables  des  tribunaux 
maritimes  par  suite  de  leur  inscription  au  rôle  de  l'équipage  d'un 
bâtiment  de  l'État. 

L'expression  «  tout  individu  faisant  partie  de  l'équipage  d'un 
bâtiment  de  l'État  »  comprend  tous  les  individus  exerçant  à  bord 
une  fonction  quelconque,  qu'ils  soient  marins  ou  ne  le  soient  pas^ 

Occupons-nous  maintenant  de  la  situation  faite  aux  passagers 
à  bord  d'un  bâtiment  de  l'État. 

Si  le  passager  est  un  justiciable  des  tribunaux  militaires  non 
inscritaurôle  de  l'équipage,  la  provocation  par  luiadresséeàun  supé- 
rieur tombe  sous  le  coup  de  l'article  22I|ducode  de  justice  militaire. 

Si  le  passager  n'est  ni  un  justiciable  des  tribunaux  militaires, 
ni  un  justiciable  des  tribunaux  maritimes,  sa  situation  est  réglée 
par  l'article  303  du  code  de  justice  maritime. 

«Tout  passager  abord  d'un  bâtiment  de  l'État,  coupable  de  voie 
de  fait  envers  un  officier  de  service,  est  puni  de  deux  ans  à  cinq 
ans  d'emprisonnement. 

«  L'outrage  est  puni  d'un  emprisonnement  de  deux  mois  à 
deux  ans.  » 

Des  termes  de  cet  article  il  résulte  que  la  provocation  adressée 
par  un  passager  non  justiciable  des  tribunaux  militaires  ou  mari- 
times n'est  punissable  que  si  le  supérieur  est  officier  et  s'il  est  de 
service.  A  bord,  elle  tombe  toujours  sous  le  coup  de  sa  sanction. 


1.  Voyez  instructiou  ministérielle  da  25 juin  1858  relative  à  Tapplication  du  code 
de  Justice  maritime. 


f         518. 


DECXfÈME  PARTIE. 


Hors  du  bord,  la  provocation  simplement. relative  au  service  lui 
dchappc. 

Il  ne  faut  pas  en  conclure  que  la  provocation  adressée  par  un 
passager  à  un  ofQcier  qui  n'est  pas  de  service,  ou  à  un  gradé  non 
otiicier  pendant  le  service  ou  à  l'occasion  du  service,  restera  com- 
plètement impunie.  Elle  pourra  l'être  disciplinaîrement  aui  termes 
de  l'article  369  du  code  de  justice  maritime». 

ItÉSEnVE    ET    ARMËe    TEHBITOniALB    DE    l'aDMÉI::   DE   UEB.  —  Ce 

que  nous  avons  dit  relativement  à  la  provocation  entre  militaires  de 
grades  inégaux  appartenant  â  l'armëe  de  terre,  eu  qualilé  de  réser- 
vistes ou  de  terriloriaui,  peut  s'appliquer  aux  réservistes  ou  aux 
territoriaux  de  l'armée  de  mer. 

Ils  sont  également  régis  par  la  loi  du  15  juillet  188'J,  sauf  pour 
ce  qui  coucerue  les  inscrits  maritimes  astreints  à  d'autres  règles^. 


CHAPITRE   LXV 
Conséquences  pénales  du  duel  entre  individus  non  militaires. 


Après  avoir  examiné  les  conséquences  pénales  de  la  provoca- 
tion, il  convient  de  rechercher  celles  que  peut  entraîner  le  combat. 

On  a  vu,  cliapiire  59,  qu'en  droit  français,  dill'ércnl.  sur  ce 
point  de  presque  toutes  les  législations  étrangères,  l'homicide  et 
les  blessures  commis  en  duel  n'étaient  pas  considérés  comnie  des 
infractions  de  nature  particulière,  mais  rentraient  dans  les  infrac- 
tions du  droit  commun  et  étaient  punis  comme  tels. 

Nous  allons  rechercher  de  combien  de  manières  un  duel  peut 
se  terminer,  quelle  qualification  {crime  ou  délit)  peut  être  donnée 
à  l'infraction,  d'après  chaque  résultat,  et  dans  ces  différents  cas 
quel  article  du  code  est  applicable. 

L'importance  de  la  qualiflcalion  est  considérable,  à  raison  de 
la  compétence  et  des  conditions  mises  k  la  poursuite,  lorsque  le 
duel  a  eu  lieu  à  l'étranger. 

1.  Voyei  âgHlcmcDt  sur  ces  maticrM  ;  une  circulaire  ministérîcltc  en  date  du 
(ijanvier  1873.  BuHsd'n  oflîciX  de  ia  moitié.  — Décret  du  SJuLn  1883,  édition  de  1889, 
Hriicles  3t2  et  suiv.  —  Pour  les  troupes,  le  texte  de  la  guerre.  Décret  du  3  jkDTier 
I88i  sur  les  coaseils  d'enquËte  des  officiers  et  assimiléli. 

2.  Vojci  décret  du  5  juin  1883,  cdilLon  de  1885.  —  Décret  du  31  janvier  1887.  — 
Voyez  «gaiement  sur  ces  matières  :  décret  du  8  m&ra  I88i.  —  Décret  du  20  mai  1885. 
—  Arrêté  du  !4  juin  1880,  dans  le  Butklin  officiel  de  la  manne. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  349^ 

1^  Gompétenoe. 

L'infraction  est-elle  qualifiée  crime,  les  poursuites  sont  exercées 
devant  la  Cour  d'assises.  Est-elle,  au  contraire,  qualifiée  de  délit, 
les  poursuites  sont  exercées  devant  les  tribunaux  correctionnels. 

Nous  avons  déjà  expliqué,  chapitre  lx,  lorsque  nous  nous 
sommes  occupés  de  la  provocation  adressée  aux  personnes  quali- 
fiées, rintérét  que  peut  offrir  la  question  de  compétence.  Cet  intérêt 
n^est  pas  moindre  dans  le  cas  présent 

Presque  jamais  les  jurés  ne  condamnent  les  individus  qui 
comparaissent  devant  eux  pour  faits  de  duel.  Aussi  a-t-on  vu  quel- 
quefois les  duellistes  traduits  en  police  correctionnelle,  &  raison  de 
blessures  légères,  soutenir  qu'ils  avaient  eu  Tintention  de  donner 
la  mort,  de  manière  à  imprimer  au  fait  le  caractère  de  crime  et  à 
entratner  la  compétence  de  la  Cour  d'assises  ^ 

2«  Conditions  mises  aux  poursuiieslorsque  la  renoontre  a  en  lien 

à  l'étranger. 

Nous  verrons,  en  effet,  chapitre  lxix,  que  lorsque  l'infraction 
est  qualifiée  crime,  les  conditions  mises  à  la  poursuite  par  l'article  5 
du  Gode  d'instruction  criminelle  sont  bien  moijis  rigoureuses  que 
lorsque  l'infraction  est  simplement  qualifiée  délit. 

Voici  les  différentes  hypothèses  qu'on  peut  prévoir  : 


1'*    HYPOTHÈSE. 

Le  duel  i>eut  se  terminer  par  la  mort  d'un  des  combattants. 

A.  —  Cet  homicide  a  le  caractère  d'un  crime,  et  les  disposi- 
tions de  l'article  295  du  Code  pénal  lui  sont  applicables». 

Sur  la  question  de  savoir  si  ces  dispositions  sont  applicables  au 
cas  où  l'auteur  de  l'homicide  se  serait  tenu  continuellement  sur  la 
défensive,  et  où  la  victime  se  serait  enferrée  elle-même  ^ 

B,  —  Si  les  coups  portés  ou  les  blessures  faites  volontairement, 
mais  sans  intention  de  donner  la  mort,  l'ont  pourtant  occasionnée, 
les  dispositions  de  l'article  309,  paragraphe  4,  sont  applicables.  La 
peine  est  celle  des  travaux  forcés  à  temps. 

1.  Voyez  affaire  Granier  de  Cassagnac.  Paris,  !•'  juin  1842.  Dalloz,  Jurisprudence, 
V<»  Duelf  no  120.  —  Affaire  Ranc-Yvan  de  Wœstine,  Gazette  des  Tribunaux^  n^  du  30 
Juillet  1872. 

2.  Voyez  Cassation,  22  Juin  et  15  décembre  1837.  Dalloz,  Jurisprudence,  X^  Duelf 
no»  107  et  108. 

3.  Voyez  Dalloz,  Jurisprudence,  suppléaient,  Y*  Duel,  n*  49. 


m  310 


DEUXIÈME  PARTIE. 


Lorsqu'il  y  a  eu  priînul-ditation,  les  dispositions  de  l'article  3i  0, 
paragraphe  1",  sont  applicables.  La  peine  est  celledestraïaui  forcés 
à  perpétuité. 

Dans  ces  deux  cas,  le  fait  à  le  caractère  d'un  crime'. 


2-    UÏPOTIIKSE, 

Le  duel  peut  se  terminer  -par  la  blessured'un  des  combattants. 

Il  faut  rechercher  l'intention. 

C.  —  SI  l'intention  de  donner  la  mort  est  constatée,  l'autear 
de  la  blessure  et  le  blessé  lui-même  sont  passibles,  en  vertu  de 
l'article  2  du  Code  pénal,  de  la  peine  qui,  en  cas  d'homicide  coo- 
sommé,  aurait  été  applicable. 

Le  fait  a  le  caractère  d'un  crime'. 

Si  les  adversaires  n'ont  pas  eu  l'intention  de  se  donner  la  mort, 
ils  ne  sont  responsables  que  des  blessures  qu'ils  ont  faites. 

D.  —  Si  les  coups  portés  ou  les  blessures  faites  volontairement 
ont  été  suivis  de  mutilation,  amputation  ou  privation  de  l'usage 
d'un  des  membres,  cécité,  perte  d'un  œil  ou  autres  inflrraités  per- 
manentes, les  dispositions  de  l'article  309  du  Code  pénal,  para- 
graphe 3,  sont  applicables. 

La  peine  est  celle  de  la  réclusion. 

S'il  y  a  eu  prémiditation,  c'est  l'article  310.  La  peine  est  celle 
des  travaux  forcés  à  temps. 

Dans  ces  deux  hypothèses,  le  fait  à  le  caractère  d'un  ctime. 

Le  blessé  ne  peut  être  poursuivi  pour  tentative  da  crime  qal 
est  imputé  à  l'auteur  de  l'inrirmitë  permanente,  car  c'est  le  fait  de 
l'inûrmité  permanente  qui  constitue  le  crime  et  qui  apporte  une 
aggravation  à  la  situation  pénale;  mais,  d'après  la  jurisprudence 
inaugurée  par  le  tribunal  de  la  Seine  le  10  mai  1873,  et  dont  nous 
nous  occuperons  en  détail  à  la  fin  de  ce  chapitre,  il  peut  l'être  en 
vertu  de  l'article  311  modifié  par  la  loi  du  13  mai  18C3,  comme 
ayant  exercé  contre  l'auteur  de  la  blessure  des  violences  ou  voies 
de  fait. 

Pour  ce  qui  concerne  le  blessé,  le  fait  ne  constitue  donc  qu'un 
délit,  mais  ce  délit  peut  être  justiciable  de  la  Cour  d'assises,  en 

1.  Voyoz  CasMtioD,  t  janvier  Kiit.  D&llot,  année  1845,   1"  parti?,  page  60. 

2.  Voyez  Cassation,  S  décembre  1848.  Dalloi,  Jurisprudence,  V  Dutl,  n»  120.  — 
C*MalIoD,  SO  décembre  ISSO. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  3t\ 

yertudece  principe  que  la  juridiction  la  plus  haute  attire  àelle 
tous  les  faits  accessoires  ou  concomitants  du  fait  principal  ^ 

£.  —  Si  les  adversaires  n'ont  pas  eu  l'intention  de  se  donner  la 
mort,  et  si  les  coups  portés  ou  les  blessures  faites  yolontairement 
ont  entratné  une  maladie  ou  incapacité  de  trayail  personnel  pen- 
dant plus  de  yingt  jours,  les  dispositions  de  l'article  309,  para- 
graphe 1*%  sont  applicables.  La  peine  est  celle  d'un  emprisonnement 
de  deux  ans  à  cinq  ans  et  d'une  amende  de  16  francs  à  2,000  francs. 

Le  fait  a  le  caractère  d'un  délit. 

S'il  y  a  eu  préméditation,  les  dispositions  de  l'article  310  sont 
applicables.  La  peine  est  celle  de  la  réclusion.  Le  fait  a  le  caractère 
d'un  crime. 

Le  blessé,  qui  ne  peut  être  poursuivi  ni  pour  tentative  de  délit 
(article  3  du  Gode  pénal)  ni  pour  tentative  de  crime,  puisque  c'est 
le  fait  de  la  maladie  ou  de  l'incapacité  de  travail  pendant  plus  de 
YÎDgt  jours  qui,  s'il  y  a  eu  préméditation,  constitue  le  crime,  peut 
l'être,  en  vertu  de  la  jurisprudence  du  tribunal  de  la  Seine,  pour 
violences  ou  de  voies  de  fait  prévues  par  l'article  311. 

Le  fait  a,  relativement  à  lui,  le  caractère  d'un  délit. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  touchant  la  compétence  de  la  Cour 
d'assises  est  encore  vrai. 

F.  —  Si  les  coups  ou  les  blessures  n'ont  occasionné  qu'une 
maladie  ou  incapacité  de  travail  personnel  pendant  moins  de  vingt 
jours,  les  dispositions  de  l'article  311,  paragraphe  r%  sont  appli- 
cables. 

La  peine  est  celle  d'un  emprisonnement  de  six  jours  à  deux 
ans  et  d'une  amende  de  16  francs  à  200  francs  ou  de  Tune  de  ces 
peines  seulement; 

S'il  y  a  eu  préméditation,  les  dispositions  de  l'article  311,  para- 
graphe 2,  sont  applicables.  La  peine  est  celle  d'un  emprisonnement 
de  deux  ans  à  cinq  ans,  et  l'amende  de  50  à  500   francs. 

D'après  la  jurisprudence  du  tribunal  de  la  Seine,  le  blessé  peut 
être  poursuivi  pour  violences  ou  voie  de  fait,  en  vertu  de  l'ar- 
ticle 311. 

Dans  ces  trois  cas,  le  fait  a  le  caractère  d'un  délit. 

1.  Voyez  Faostin  Hélie,  Traité  de  l'instruction  criminelle,  n«  2377. 


24 


DEDXIF-MK   PARTrE. 


Le  duel  peut  se  terminer  par  la  blessure 
des   deux  combattants. 

G.  —  Si  les  blessures  sonl  d'égale  gravilé,  les  deux  adversaires 
sont  poursuivis  suivant  la  gravité  do  la  blessure,  pour  te  même 
crime  ou  pour  le  mfime  délit,  et  nous  retombons  dans  les  espèces 
précédentes, 

//.  —Si  les  blessures  sont  d'inëgale  gravité,  si  l'une  entraîne, 
par  exemple,  une  intirmité  permanente  et  l'autre  une  incapacité 
de  travail  de  moins  de  vingt  jours,  la  question  d'intention  joue 
encore  un  rôle  prépondérant. 

Si  l'intention  de  donner  la  mort  est  établie,  les  deux  combatr 
tants  peurcnt  en  effet  être  poursuivis  pour  tentative  d'homicide 
volontaiie. 

Le  fait  a,  pour  ce  qui  les  regarde  tous  deux,  le  caractère  d'un 
crime. 

Si  les  corabatlants  n'ont  pas  eu  l'intention  de  se  donner  la 
mort,  chacun  d'eux  n'est  responsable  que  des  blessures  qu'il  a 
faites  personnellement. 

Dans  l'espèce  qui  nous  occupe,  les  dispositions  de  l'article  309. 
paragrapbe  3,  ou  310,  sont  applicables  à  l'auteur  de  la  blessure  en- 
traînant infirmité  permanente. 

Le  fait  a.  vis-à-vis  Ini,  le  caractère  d'un  crime. 

Les  dispositions  de  l'article  311  sont  applicables  à  l'auteur  des 
blessures  suivies  d'une  incapacité  de  travail  pendant  moins  de 
vingt  jours. 

Le  fait  a,  vis-à-vis  lui,  le  caractère  d'un  délit  qui  peut  cepen- 
dant, à  raison  de  sa  connexité  à  un  crime,  être  justiciable  de  la 
Cour  d'assises. 


h       HTPOTHESE. 

Le  duel  peut  se  terminer  sans  blessure. 

/.  —  Dans  ce  cas,  si  les  combattantsont  eu  l'intention  desedoD- 
ner  la  mort,  et  s'ils  sont  poursuivis,  ce  ne  peut  être  que  pour  tenta- 
tive d'homicide  volontaire.  Le  fait  a  alors  le  caractère  d'un  crime. 

S'ils  n'ont  pas  eu  l'intention  de  se  donner  la  mort,  il  n'en 
résulte,  d'après  l'opinion  généralement  admise,  qu'une  tentative  de 
blessure  indéterminée  qui  échappe  à  toute  répression. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  323 

Cependant,  d'après  la  jurisprudence  du  tribunal  de  la  Seine, 
l'article  311  serait  encore  applicable  aux  deux  combattants,  comme 
ayant  exercé  vis-à-vis  l'un  de  l'autre  les  voies  de  fait  et  les  vio- 
lences prévues  par  ledit  article  ^ 

Preuve  de  rintention  homicide. 

La  preuve  de  l'intention  homicide  est  abandonnée  au  pouvoir 
d'appréciation  des  juges  du  fait  ^ 

Ils  peuvent  puiser  cette  preuve  dans  la  nature  des  armes,  les 
conditions  du  combat,  et  toutes  les  circonstances  susceptibles  de 
faire  connaître  le  vrai  but  des  combattants. 

Les  armes  à  feu  ont  été  reconnues  par  plusieurs  arrêts  comme 
plus  meurtrières  que  les  armes  blanches;  aussi,  dans  certaines 
affaires,  voyons-nous,  en  l'absence  d'indications  plus  précises,  et 
bien  qu'ils  ne  se  soient  fait  que  des  blessures,  les  adversaires  être 
présumés  avoir  tenté  de  se  donner  la  mort  parce  qu'ils  se  sont  battus 
aa  pistolet,  et  le  contraire  se  produire  parce  qu'ils  se  sont  battus  & 
l'arme  blanche  ^ 

S'il  a  été  convenu  qu'on  se  battrait  à  outrance,  ou,  en  sens 
inverse,  que  le  duel  aurait  lieu  au  premier  sang,  on  ne  peut  guère 
élever  de  doute  sur  la  portée  de  Tintention.  Mais  il  n'en  est  plus  de 
même  s'il  a  été  convenu  de  n'arrêter  le  combat  que  lorsqu'une 
blessure  aurait  mis  l'un  des  adversaires  en  état  d'infériorité,  ou  dans 
l'impossibilité  de  continuer. 

Les  témoins  ne  devront  point  perdre  de  vue  ces  diverses  con- 
sidérations lorsqu'ils  rédigeront  les  conditions  du  duel,  puis- 
qu'étant  regardés  comme  complices  des  adversaires,  et  partant 
soumis  à  toutes  les  règles  de  la  complicité,  ils  ont  le  même  intérêt 
que  les  combattants  à  éviter  la  sanction  pénale  et  la  compétence 
qui  leur  semblent  le  plus  menaçantes. 

Donnons  quelques  détails  complémentaires  sur  la  jurispru- 
dence du  tribunal  de  la  Seine  dont  il  a  été  question  aux  paragraphes 

Avant  la  loi  du  13  mai  1863,  modifiant  l'article  311  du  Gode 
pénal,  lorsque  le  combat  se  terminait  par  la  blessure  d'un  des 
champions,  et  lorsque  l'intention  homicide  était  écartée,  le  blessé  ne 
pouvait  pas  plus  être  poursuivi  que  ne  pouvaient  être  poursuivis 
les  deux  champions  lorsque  le  duel  s'était  terminé  sans  blessures. 

1.  Voyez,  sur  ces  deux  opijaions,  Dalioz,  Jurisprudence,  V^  Duel^n^  61  et  suiv. 

2.  Voyez  Cassation,  5  avril  1838.  Dalioz,  Jurisprudence,  V»  Duel,  h?  123. 

3.  Voyez  Dalioz,  Jurisprudence,  V<>  Duel,  n»  120  et  suiv. 


r 

m 

I 

^H  Nous  termÎDeroQS  ce  chapitre  par  quelques  mots  relatifs  à 

^f  une  loi  récente,  la  loi  du  26  mars  1891  sur  l'atténuation  et  l'aggra- 

vation des  peines,  dite  loi  Bérenger,  qui  intéresse  particulièrement 
les  duellistes  et  les  témoins,  car  si  elle  permet  aux  tribunaux  de 
se  montrer  indulgents  vis-à-vis  eus  dans  certains  cas,  elle  leur 
donne  aussi  le  pouvoir  de  les  frapper  dans  d'autres,  avec  une  rigueur 
justifiée  parla  situation  particulière  où  ils  se  seront  placés. 

Aux  termes  de  l'article  premier,  en  cas  de  condamnation  k  l'em- 
prisonnement ou  à  l'amende,  si  l'inculpé  n'a  pas  subi  de  condamna- 
tion antérieure  â  la  prison  pour  crime  ou  délit  de  droit  cummuo, 
les  cours  et  tribunaux  peuvent  ordonner,  par  le  même  jugement, 
et  par  décision  motivée,  qu'il  sera  sursis  à  l'exécutioa  de  la  peine. 
Si,  pendant  le  délai  de  cinq  ans  à  dater  du  jugement  ou  de 
l'arrêt,  le  condamné  n'a  encouru  aucune  poursuite  suivie  de  con- 
damnation à  l'emprisonnement,  ou  à  une  peine  plus  grave,  pour 

1.  Voyez  Iribunal  correctioDoel  de  Paris,  10  mtr»  1S73.  Dalloi,  JurttprudMee, 
gnpplémenl,  VOuel  n"  8,1. —Confirmé  en  appel.  GazetU  dei  Tribunaux,  19  luillel 
1873  (ChroDJque).  —  Tribunal  correctioQael  de  la  Soiae.  Gazttle  de)  Tribunaux, 
3  Juillet  1872,  3t  octobre  1812,  16  octobre  18Ï3,  etc.  —  Voyai  également  Iribunal 
correctionnel  de  Lyon,  aff&ire  Cierc-Ponct,  GaselU  dtt  Tribunaux!,  1668,  et  Casstlioa. 
Casette  du  Tribunaux,  7  décembre  1873. 


3|S  DECXIÈME  PARTIE. 

La  loi  du  13  mai  1863  a  permis,  lorsque  le  duel  s'est  terminé 
par  la  blessure  d'un  seul  combattant,  de  poursuivre  le  blessé  eu 
même  temps  que  l'auteur  de  la  blessure,  comme  ayant  exercé 
envers  ce  dernier  des  violences  et  voies  de  fait. 

En  ajoutant  aux  délits  de  coups  et  blessures,  énoncés  originai- 
rement par  l'article  3U,  les  autres  violences  et  voies  de  fait,  la  loi 
de  1863  a  eu  pour  but  de  réprimer  non  les  violences  légères  pré- 
vues parle  code  de  brumaire  an  IV,  mais  les  actes  volontaires  em- 
preints d'un  caractère  de  gravité  punissable  qui,  saus  atteindre 
directement  ou  indirectement  la  personne  contre  laquelle  ils  sont 
dirigés,  la  contraignent  à  se  mettre  en  état  de  défense  et  la  mena- 
cent dans  sa  vie. 

La  nouvelle  rédaction  permet  en  outre  de  poursuivre  les  deux 
combattants  lorsque  le  duel  s'est  terminé  sans  blessure,  et  lorsque 
l'intention  homicide  est  ijcartée,  pour  avoir  exercé  vis-à-vis  l'un  de 
l'autre  des  violences  et  des  voies  de  fait.  Les  juges  ne  considèrent 
pas,  en  elTet,  les  alternatives  du  combat,  mais  regardent  comme 
Tiolenccs  et  voies  de  fait  les  actes,  quels  qu'ils  soient,  qui  constituent 
'attaque  et  la  défense  dans  un  combat  singulier  '. 

Loi  Bérenger. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  32S 

crime  ou  délit  de  droit  commun,  la  condamnation  sera  comme  non 
ayenue. 

Dans  le  cas  contraire,  la  première  peine  sera  exécutée,  san3 
qu'elle  puisse  se  confondre  avec  la  seconde. 

Les  peines  de  la  récidive  sont  alors  encourues  dans  les  termes 
des  articles  57  et  58  du  Gode  pénal  modifiés  comme  il  suit  : 

«  Art.  57.  —  Quiconque,  ayant  été  condamné  pour  un  crime 
à  une  peine  supérieure  à  une  année  d'emprisonnement,  aura,  dans 
un  délai  de  cinq  années  après  l'expiration  de  cette  peine  ou  sa 
prescription,  commis  un  délit  ou  un  crime  qui  devra  être  puni  de 
la  peine  de  Temprisonnement,  sera  condamné  au  maximum  de  la 
peine  portée  par  la  loi,  et  cette  peine  pourra  être  portée  jusqu'au 
double,  etc. 

(c  Art.  58.  —  Il  en  sera  de  même  pour  les  condamnés  h  un  em- 
prisonnement de  plus  d'une  année  pour  délit,  qui  dans  le  même 
délai  seraient  reconnus  coupables  du  même  délit  ou  d'un  crime 
pouvant  être  puni  de  l'emprisonnement. 

<(  Ceux  qui,  ayant  été  précédemment  condamnés  à  une  peine 
d'emprisonnement  de  moindre  durée,  commettraient  le  même 
délit  dans  les  mêmes  conditions  de  temps,  seront  condamnés  à  une 
peine  d'emprisonnement  qui  ne  pourra  être  inférieure  au  double 
de  celle  précédemment  prononcée,  sans  toutefois  qu'elle  puisse 
dépasser  le  double  du  maximum  de  la  peine  encourue.  » 


CHAPITRE  LXVI 


Conséquences  d'un  duel  entre 


Lorsqu'il  s'agit  de  duels  militaires,  il  importe  de  faire  une  dis- 
tinction entre  le  duel  pris  en  lui-même,  c'est-à-dire  entre  la  con- 
vention de  se  battre,  entre  l'action  de  choisir  la  voie  des  armes 
pour  vider  son  différend,  et  l'homicide  ou  les  blessures  qui  peu- 
vent être  les  conséquences  de  la  lutte« 

Dans  notre  espèce,  le  duel  pris  en  lui-même  est  un  acte  qui  se 
rattache  à  la  discipline,  à  la  subordination  militaire  et  aux  obliga- 
tions spéciales  de  l'armée.  Au  contraire,  Thomicide  et  les  blessures 
se  rattachent  aux  obligations  qui  sont  imposées  à  l'universalité  des 
citoyens,  la  prohibition  de  tuer  ou  de  blesser  s'appliquant  aussi 
bien  au  non-militaire  qu'au  militaire. 


_        ^'.   u/.t_jV>..^ 


»6  DEUXIÈME  PARTIE. 

Il  faut  en  conclure  : 

1"  Que  le  duel  pris  en  lui-même  est  an  manquement  ani 
devoirs  militaires,  s'il  a  lieu  entre  personnes  de  grades  înégaoi, 
ou  s'il  a  lieu  entre  personnes  de  même  grade,  mais  qui  n'ont  pas 
obtenu  de  l'autorité  compétente  la  permission  de  se  batlre  ; 

2°  Que  ce  manquement  est  une  infraclîon  toute  spéciale  que 
les  mililairesseuls  peuvent  commettre,  et  qui  tombe  sous  le  coap 
de  la  législation  qui  les  régit; 

3-  Que  celte  infraction  n'existe  plus  lorsque  deux  militaires  de 
même  grade  ont  obtenu  l'autorisation  de  se  battre- 
La  dislinction  que  nous  venons  de  faire  entre  le  duel  pris 
en  lui-même  et  Tbomicide  ou  les  blessures  qui  en  résultent  res- 
sort des  termes  de  l'ordre  du  jour  reproduit  au  n"  105  de  l'ap- 
pendice, et  de  la  peine  disciplinaire  qui  atteignit  le  militaire  survi- 
Tant. 

Le  commandant  ne  fut  pas  puni  pouravoir  tué  son  adversaire, 
mais  pour  avoir  adressé  un  cartel  i  un  capitaine,  son  inférieur,  et 
violé  ainsi  la  discipline  militaire. 

Il"  Que  l'homicide  ou  les  blessures  qui  résultent  du  combat 
sont  des  infractions  de  droit  commun  et  ne  sont  considérés  comme 
mililaires  qu'à  raison  de  la  qualité  de  leurs  auteurs;  qu'elles 
devraient,  par  conséquent,  demeurer  soumises  à  l'application  du 
Code  pénal  au  même  titre  que  l'homicide  ou  les  blessures  commis 
dans  un  duel  entre  non -militaires,  conformément  à  la  jurispru- 
dence inaugurée  par  la  Cour  de  cassation  le  22  juin  1837. 

Bien  que  logique,  l'extension  de  celte  jurisprudence  auK  consé- 
quences des  duels  entre  militaires  n'a  pas  été  suivie  par  les  conseils 
de  guerre. 

A  plusieurs  reprises  la  question  fut  posée,  et  le  ministère  pnblic 
leur  demanda  d'établir  leur  jurisprudence.  Ils  répondirent  chaque 
fois  par  un  acquittement'. 

Nous  ne  croyons  pas  qu'ils  se  soient  prononcés  depuis  en  sens 
contraire,  et  en  vérité  nous  ne  comprendrions  guère  qu'ils  le 
fissent,  dès  l'instant  que  l'autorité  supérieure  peut  autoriser  des  mili- 
taires à  se  battre  et,  par  conséquent,  ù  faire  tous  leurs  elTorts  pour 
se  tuer  ou  pour  se  blesser'. 

Cette  indulgence  n'aura  du  reste  l'occasion  de  s'eiercer  que  si 
les  prévenus  sont  tous  militaires  ou  assimilés.  Dans  le  cas  où  la 
poursuite  comprend  des  individus  non  justiciables  des  tribunanx 

1,  Voyei  conwil  de  guerre  de  Strasbourg.  GastUetUs  Tribunaux,  n«  du  39  mwn 
ISW.  —  De  U  Rochelle,  a'  du  4  mai  IS40. 

2.  Voyez  lettre  miuUtërielle  en  date  du  5Juillel  1889.  Appendice  n*  S. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  3«7 

militaires,  tous  les  préyenus  indistinctement  sont  traduits  devant  les 
tribunaux  ordinaires  ^ 

Mais  lorsqu'un  ou  plusieurs  militaires  restent  seuls  en  cause, 
soit  à  raison  du  décès  des  non-militaires,  soit  parce  qu'il  a  été 
antérieurement  statué  sur  leur  sort,  ou  pour  toute  autre  cause,  ]a 
juridiction  ordinaire  cesse  d'être  compétente,  et  les  prévenus  justi- 
ciables des  conseils  de  guerre  doivent  être  mis  à  la  disposition  de 
l'autorité  militaire  '. 

Terminons  ce  qui  concerne  le  duel  militaire  par  une  question  à 
laquelle  une  affaire  récente,  celle  où  le  maréchal  des  logis  Beau- 
malou  perdit  la  vie,  communique  un  regain  d'actualité. 

L'autorité  supérieure  peut-elle  obliger  les  militaires  à  se  battre 
en  duel  malgré  eux  ? 

La  réponse  se  trouve  dans  la  lettre  ministérielle  reproduite  au 
n^"  2  de  l'appendice.  Elle  est  négative. 

Ils  ne  sauraient  y  être  contraints  disciplinairement,  et  le  refus 
de  le  faire  ne  doit  être  passible  d'aucune  sanction. 

En  fait,  ils  sont  presque  toujours  punis,  mais  alors  le  motif 
exprimé  n'est  pas  le  refus  d'aller  sur  le  terrain. 

C'est  généralement  un  soufflet  reçu,  ce  sont  des  injures  échan- 
gées ou  une  infraction  disciplinaire  quelconque,  se  rattachant  plus 
ou  moins  directement  au  duel. 


CHAPITRE   LXVII 
Conséquences  du  duel  relativement  aux  témoins. 


Une  des  conséquences  de  la  jurisprudence  de  la  Cour  de  cassa- 
tion en  matière  de  duel,  c'est  l'application  aux  témoins  desf  règles  de 
la  complicité . 

Du  moment,  en  effet,  qu'on  a  appliqué  le  droit  commun  à 
l'homicide  et  aux  blessures  faits  en  duel,  c'est  très  logiquement  que 
les  témoins  sont  considérés  comme  complices  par  aide  et  assistance. 

Cependant  il  est  impossible  de  méconnaître  la  différence  qui 

1.  Loi  du  22  messidor  an  IV-2.  —  Code  de  Justice  militaire,  article  76.  —  Voyez 
affaire  de  Coetlogon-Charpentier,  tribunal  correctionnel  de  la  Seine,  Gazette  des  Tri- 
bunauxy  n»  du  30  décembre  1868.  —  Affaire  de  Beaumont-Allez-Claparède,  tribunal 
correctionnel  de  la  Seine,  ibidem,  n®  du  2  décembre  1859. 

2.  Voyez  Cassation,  Gazette  des  TribunatuCf  n°  du  12  avril  1851.  —  Affaire  de  Pène- 
Courtiels-Hyène  et  consorts.  Réquisitoire  du  ministère  public,  Gazette  des  TribiA- 
naux,  n«>  des  14  et  15  juin  1858. 


vlÀti. 


m  3is 


DEUXIÈME  PARTIE. 


sépare,  au  point  de  vue  de  la  crimiDalilé,  de  celte  aide  ou  de  cette 
assistance,  les  ti^moios  d'un  duel  des  conipllce.i  des  autres  crimes 
ou  des  autres  délits. 

Aussi,  daDS  certaines  affaires,  les  témoins  d'un  duel  où  un  des 
combattants  avait  succombé  ont-ils  pu  étredéclarésnoncoupablesde 
complicité,  parce  qu'il  était  résulté  des  circonstances  qu'ils  avaient 
épuisé  tous  les  moyens  de  conciliation,  et  qu'ils  ne  s'étaient  rendussar 
le  terrain  que  pour  y  écarter  lea  chances  probables  d'un  mslhear'. 

Dans  la  plupart  des  législations  étrangères,  les  tiers  qui  excitent 
les  adversaires  à  se  battre  encourent  une  sanction.  On  s'est 
demandé  s'il  en  était  de  même  en  France,  et  s'ils  pouvaient  être 
poursuivis  comme  complices.  La  question  est  controversée  ^ 

Si  on  voulait  appliquer  les  principes  de  la  complicité  dans  toute 
leurélendue,  il  faudrait  regarder  comme  complices  du  duel  ceux  qui 
par  dons,  promesses,  abus  d'autorité  ou  de  pouvoir,  menaces,  ma- 
chinations ou  artifices  coupables,  auraient  provoqué  au  duel;  ceux 
qui  auraient  procuré  sciemment  les  armes  ou  instruments  du  duel. 

Il  faudrait  poursuivre  notamment  le  chef  qui  a  ordonné  4  son 
inférieur  de  se  battre,  le  maître  d'armes  qui  a  prêté  son  concours, 
l'ami  quia  offert  son  parc  ou  sa  maison,  celui  qui  a  prêté  les  armes, 
l'armurier  qui  les  a  louées  ou  vendues'. 

Mais  sous  la  condition  qu'ils  auront  agi  avec  connaissance  de 
cause. 

Pour  qu'uneaction  soit  intentée  aux  témoins  comme  complices, 
il  n'est  pas  nécessaire  que  l'auteur  de  l'homicide  ou  de  la  blessure 
soit  mia  en  cause.  11  iiupoite  peu  qu'il  soit  en  fuite  ou  réfugié  à 
l'étranger,  ou  qu'à  raison  d'un  privilège  personnel  le  ministère 
public  se  trouve  désarmé  vis-à-vis  lui. 

Tel  serait,  par  exemple,  le  cas  où  un  député  tuerait  un  homme 
en  duel,  et  où  la  Chambre  refuserait  l'autorisation  de  poursuivre. 

Tant  que  durera  la  législature,  le  ministère  public  sera  désarnaé 
vis-à-vis  le  député,  mais  pourra  exercer  immédiatement  les  pour- 
suites contre  ses  témoins. 

Lors  même  que  l'auteur  de  l'homicide  ou  de  la  blessure  rais  eu 
cause  avec  les  témoins  serait  déclaré  non  coupable,  celte  déclara- 
tion ne  ferait  pas  obstacle  à  la  condamnation  de  ceux-ci,  car  la 
non-cnlpabilité  de  l'auteur  principal  n'écarte  pas  l'existence  maté- 
rielle de  l'infraction. 


.  Voyez  Cour  d'aisitet  de  la  Seipe,  Gasette  dti  TribmaKc,  n*  du  S  jDla  1839. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  389 


CHAPITRE    LXVIIl 
Exercice  de  Taction  publique  dans  l'étendue  du  territoire. 


L'actioQ  publique  s'étend  à  tous  les  crimes  et  délits  commis  sur 
le  territoire  français. 

On  conçoit  l'intérêt  que  peuvent  avoir  les  duellistes  et  les  témoins 
à  savoir^u  juste  ce  qull  faut  entendre  par  ces  expressions. 

Le  territoire  français  comprend  non  seulement  les  contrées  sou- 
mises à  la  souveraineté  de  la  France,  jusqu'à  ses  frontières  (mère- 
patrie  et  colonies),  mais  encore  tous  les  lieux  où  cette  souverai- 
neté se  manifeste  ostensiblement. 

Tels  sont  les  lieux  où  flotte  le  drapeau  français,  les  pays  placés 
sous  son  protectorat,  le  rayon  de  deux  lieues  qui  environne  les  rivages 
de  la  mer,  les  navires  français  en  mer  ou  dans  les  pays  étrangers, 
les  lieux  où  siègent  certains  consulats  français  en  pays  étranger. 

Disons  quelques  mots  des  pays  étrangers  qui  doivent  être  con- 
sidérés comme  territoire  français  au  point  de  vue  de  Tapplication 
de  la  loi  pénale. 

Ces  pays  sont  tous  ceux  où,  par  Teffet  des  conventions  interna- 
tionales, nos  nationaux  jouissent  de  rexterritorialité  : 

1<>  Échelles  du  Levant  et  de  Barbarie  ;  ordonnance  d'août  1681, 
titres  IX  et  XII,  ordonnance  des  28  février  1687,  juin  1778,  loi  du 
28  mai  1836. 

2<>  Pays  d'extrême  Orient  ;  Mascate  et  Zanzibar  ;  loi  du  8  juil- 
let 1852,  traité  du  17  novembre  18U. 

Perse,  traité  du  12  juillet  1855,  loi  du  18  mars  1858. 

Birmanie,  traité  du  2k  janvier  1873  et  du  15  janvier  1885. 

Siam,  traité  du  15  juillet  1867. 

Chine,  traités  des  2k  octobre  18U  et  27  juin  1858. 

Corée,  traité  du  k  juin  1886. 

Japon,  traité  du  8  octobre  1858. 

Il  est  de  règle  que,  dans  ces  pays  hors  chrétienté,  tous  les  crimes 
et  délits  commis  par  un  de  nos  nationaux  ressortissent  de  la  juri- 
diction des  consuls  ^ 

Les  délinquants  français  (les  combattants  et  les  témoins  dans 

i.  Loi  du  28  mai  1836,  article  i«'  et  circulaire  ministérielle  du  15  juillet  4836.  — 
Sur  cette  question,  voyez  Ferand-Giraud,  Delà  juridiction  française  dans  Us  f^ckelks 
du  Levant  et  de  la  Barbarie,  tome  U,  pages  344  et  suiv.  — ^Loi  du  8  juillet  18^2, 


SSD  DEUXIÈME  PARTIE. 

DOtre  hypothèse)  sont  réputés  se  trouver  en  terre  française,  et  les 
infractions  dont-ils  se  sont  rendus  coupables  doivent  être  qualiflées 
comme  si  elles  avaient  été  commises  en  France'. 


CHAPITRE    LXIX 

Situation  faite  par  la  loi  française  aux  combattants  et  aux 
témoins  lorsque  le  combat  a  eu  lieu  à  l'étranger. 


Cette  question  est  importante,  car  elle  correspond,  pour  les 
adversaires  et  les  témoins,  à  l'espoir  d'éviter  les  poursuites  qui  les 
attendraient  s'ils  se  hatlaienl  sur  le  territoire  français,  et  à  la 
croyance  très  répandue  qu'on  peut  obtenir  ce  résultat  en  allant  vider 
son  différend  sur  les  frontières. 

La  lecture  de  l'article  5  du  Gode  d'instruction  criminelle,  eu 
nous  indiquant  qu'il  eiistc  certaines  conditions  qui  entravent  alors 
l'action  publique,  nous  montre  que  celte  croyance  n'est  pas  dénuée 
de  tout  fondement. 

Itechercher  quelles  sont  ces  conditions,  tel  est  le  but  du  présent 
chapitre.  Les  discuter,  déterminer  la  mesure  dans  laquelle  elles 
entravent  l'action  du  ministère  public  etjustiÛentles  espérances  des 
adrersaires  et  des  témoins,  tel  sera  l'objet  du  chapitre  qui  suivra. 

Ces  conditions  varient  selon  que  le  résultat  du  duel  constitae 
un  crime  ou  un  délit. 

Elles  sont  an  nombre  de  trois  lorsqu'il  s'agit  d'an  fait  suscep- 
tible d'être  qualifié  crime. 

l"  Il  faut  que  l'accusé  ait  la  qualité  de  Français  el  que  le  crime 
soit  puni  par  la  loi  française'; 

2°  Il  faut  que  l'accusé  n'ait  pas  été  jugé  définitivement  en  pays 
étranger'; 

3"  Il  faut  que  l'accusé  soit  de  retour  en  France  '. 

Les  conditions  sont  au  nombre  de  trois  lorsqu'il  s'a^t  d'un  fait 
susceptible  d'être  qualifié  délit. 

1.  Loi  de  1S36,  article  75.  Sur  leaapplicatiiiD)  decetteràgle,  ToyeiAii,  17  norembre 
1883,  et  C&ButiaD,  5  jsaviar  ISSf.    Sirey,  85,  1,  St7,  p.  8t,  I,  433.  —   L.   Renault, 
dans  I»  Revut  critique,  1881,  p.  7IS  et  7ie.  —  Garrsud,  t.  I,  p.  211,  note  14. 
.  S.  Article  5  du  Cc>de  d'instrucdon  crimiaelle,  paragraphe  1. 

3.  Article  5,  paragraphe  3. 

if  Article  5,  para^pbe  5. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  334 

1<>  La  poursuite  ne  peut  être  intentée  qu'à  la  requête  du  minis- 
tère public*; 

2""  Elle  doit  être  précédée  d'une  plainte  de  la  personne  offensée 
ou  d'une  dénonciation  officielle  à  l'autorité  française  par  l'autorité 
du  pays  où  le  délit  a  été  commis  *  ; 

S""  Elle  n'a  lieu  que  si  le  fait  est  puni  par  la  législation  du  pays 
où  il  a  été  commis'. 

Bien  entendu,  la  poursuite  des  délits  commis  à  l'étranger  sup- 
pose, comme  celle  des  crimes,  que  l'inculpé  a  la  qualité  de  Français, 
qu'il  n'a  pas  été  jugé  définitivement  en  pays  étranger  et  qu'il  est  de 
retour  en  France. 

Ces  prémisses  posées,  nous  allons  reprendre  individuellement 
chacune  des  conditions  que  nous  venons  d'énumërer.  Nous  les  dis- 
cuterons au  point  de  vue  spécial  qui  nous  occupe. 

Nous  en  tirerons  ensuite  les  conséquences  pratiques  qui  en 
découlent. 


CHAPITRE    LXX 

Conditions  mises  à  la  poursuite  des  adversaires  et  des 
témoins,  lorsque  le  duel  a  eu  lieu  à  l'étranger,  si  le  fait 
dont  ils  sont  inculpés  est  qualifié  crime. 


1*^  condition. —  Il  faut  que  l'inculpé  ait  la  qualité  de  Français 
et  que  l'infiraction  soit  punie  par  la  loi  française. 

C'est  la  qualité  de  Français  qui  donne  à  la  loi  qui  régit  l'inculpé 
la  puissance  de  le  punir. 

C'est  la  loi  française  qui  détermine  seule  la  qualification.  Peu 
importe,  du  reste,  que  la  loi  étrangère  soit  ou  ne  soit  pas  identique. 
Peu  importe,  par  exemple,  que  la  loi  française  considère  l'homicide 
ou  les  blessures  faites  en  duel  comme  des  infractions  de  droit  com- 
mun, tandis  que  la  loi  du  pays  où  le  combat  s'est  livré  les  regarde 
comme  des  infractions  de  nature  particulière.  La  loi  française  les 
atteint,  cela  suffit. 

Du  moment  que  c'est  la  loi  française  qui  détermine  seule  la 

1.  Article  5,  paragraphe  4. 

2.  Article  5,  paragraphe  4. 

3.  Article  5,  paragraphe  S. 


bA 


381  DEUXIÈME  PARTIE. 

qualiQcalion  ;  du  moment  qae  les  condilioas  mises  par  l'article  5  da 
Code  d'inslruclion  criminelleà  la  poursuite dcsiofractions commises 
à  lélranger  varient  suivant  qu'il  s'agil  de  crimes  ou  de  délits,  on 
Toit  que  la  première  chose  à  faire  pour  connaître  la  situation  des 
duellistes  qui  se  sont  ballus  à  l'étranger  et  celle  des  témoins,  c'est 
de  rechercher  si  les  faits  qui  leur  sont  impuli^s  présentent  l'un  ou 
l'autre  de  ces  caractères,  et,  par  conséquent,  sous  quelle  qualiQcation 
ils  peuvent  Cire  incriminés.  Nous  renvoyons  le  lecteur  à  notre 
chapitre  lxv.  Il  verra  à  quel  paragraphe  correspond  le  fait  et  par- 
tant à  quelle  classe  d'infraction  il  appartient. 

2°  condition.  —  Il  faut  que  l'inculpé  n'ait  pas  été  jugé 
difinitivement  à  l'étranger. 

En  admettant  qu'un  duel  malheureux  constituât  une  infraction 
à  la  loi  pénale  française  et  que  son  auteur  méritât  un  châtiment,  il 
n'est  pas  douteu.x  que  le  jugement  rendu  déûnitivement  à  son  profit 
ou  contre  lui  à  l'étranger  uemette  obstacle  ù  ce  qu'il  soit  recherchéà 
nouveau  lors  de  son  retour  à  sou  pays  d'origine.  Xoii  bis  in  idem. 

S'il  importe  que  le  coupable  ne  puisse  se  soustraire  par  la  fuite 
à  la  peine  qu'il  a  encourue,  il  n'est  nullement  besoin  qu'il  acquitte 
(leuï  fois  sa  dette  â  la  société  universelle  qu'il  a  lésée. 

Deux  Élals  ont  qualité  pour  lui  en  demander  compte,  l'un  à 
raison  du  trouble  matériel  ou  moral  qu'il  a  éprouvé,  l'autre  à  raison 
du  lieu  d'allégeance  qui  soumet  à  ses  lois  chacun  de  ses  nationaux 
même  expatriés. 

Mais  de  ces  deux  compétences  simultanées  et  parallèles,  l'une 
lerrJtoriale,  l'autre  personnelle,  c'est  celle  de  l'État  dans  les  posses- 
sions duquel  le  délit  a  été  commis  qui  se  justifie  le  mieux.  Son  inté- 
rêt, qui  se  confond  avec  le  maintien  de  l'ordre  public  dont  il  a  la 
garde  et  le  souci,  est  plus  directement  en  jeu. 

L'action  de  la  patrie  de  l'inculpé  n'est  que  secondaire  et  8ul>- 
sidiaire;  ses  droits  doivent  s'incliner  devant  ceux  de  la  souveraineté 
territoriale. 

Mais  pour  que  la  règle  non  bis  in  idem  soit  applicable,  il  faut 
que  le  jugement  soit  définitif,  irrévocable,  passé  en  force  de  cbose 
jugée'.  C'est  la  condition  sineiuà  notiK 

S'il  ne  l'était  pas,  la  situation  serait  la  même  que  s'il  y  avait  eu 
simplement  poursuite.  L'action  du  ministère  public  pourrait  être 
exercée. 

Peu  importe,  du  reste,  que  le  jugement  étranger  soit  un  jugement 

I.  Voyez   CauaUoD,  Il  décembre  1S61.  Dalloi,  «ddùo  1863,  1"  partie,  pa«e  300. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  333 

d'absolation  basé  sur  une  lacune  de  la  loi  étrangère  qui  ne  quali- 
fierait pas  crime  ou  délit  le  fait  reproché  à  Tauteur  de  Thomicide  ou 
de  la  blessure,  tandis  que  la  loi  française  y  attache  un  de  ces  carac- 
tères. 

L'article  5  du  Code  d'instruction  criminelle  n'établit  aucune 
distinction  ^ 

Peu  importe  même  que  la  peine  prononcée  n'ait  point  été  exé- 
cutée, car  l'autorité  de  la  chose  jugée  réside  dans  le  jugement, 
abstraction  faite  de  ses  suites. 

Tel  serait  le  cas  où  un  Français  aurait  été  condamné  à  l'étran- 
ger par  un  jugement  par  défaut  devenu  définitif  et  se  réfugierait  en 
France.  Il  ne  pourrait  plus  y  être  poursuivi  '. 

L'exception  de  la  chose  jugée  peut  être  opposée  en  tout  état  de 
i^use.  Elle  est  préjudicielle. 

La  preuve  du  jugement  est  mise  à  la  charge  de  l'inculpé,  parce 
que  ce  jugement  constitue  l'exception  qui  faitsa  défense  ;  mais  si  son 
allégation  parait  sérieuse,  bien  qu'il  ne  puisse  la  justifier  par  un  acte 
authentique,  il  n'est  pas  douteux  que  le  juge  ne  doive  ordonner, 
avant  faire  droit,  l'apport  des  renseignements  nécessaires  pour  la 
vérifier  ^ 

La  question  de  savoir  si  c'est  d'après  la  loi  du  pays  où  le  juge- 
ment a  été  rendu  ou  d'après  les  dispositions  de  la  loi  française 
qu'un  jugement  étranger  a  acquis  l'autorité  de  la  chose  jugée  est 
controversée. 

C'est  d'après  la  loi  étrangère  {lex  delicti). 

La  jurisprudence  le  décide  ainsi  en  matière  civile^. 

Il  n'y  a  aucune  raison  pour  admettre  en  matière  criminelle  une 
solution  différente.  La  législation  étrangère  a  seule  qualité  pour 
dire  si  les  magistrats  chargés  de  l'appliquer  ont  épuisé  l'action 
pénale.  C'est  dans  les  formes  instituées  par  cette  législation  que  le 
jugement  a  nécessairement  été  rendu.  On  ne  comprendrait  pas 
qu'il  fallût  se  référer  à  d'autres  dispositions  pour  établir  s'il  est  ou 
non  irrévocable. 

La  seule  objection  que  Ton  pourrait  faire  à  ce  système  consiste 
dans  l'obligation  où  se  trouveront  les  juges  de  connaître  les  lois 
étrangères. 

1.  Voyez  Dalloz,  Jurisprudence,  Compétence  criminelle,  l?  133. 

2.  Voyez  Dalloz, /uri^prtKieiictf,  supplément,  V°  Duel,  n«  78. 

3.  Voyez  Faustiu  Hélie,  Instruction  criminelley  tome  V,  page  516. 

4.  Voyez  GasBation,  23  juillet  1832,  Dalloz,  année  1832,  1"  partie,  page  311.  — 
Besançon,  l'**  août  1859,  Dalloz,  année  1859,  2'  partie,  page  211.  —  Liège,  14  no- 
vembre 1879,  Jurisprudence  belge,  1882,  page  1050.  —  Dalloz,  Jurisprudence,  V» 
Chou  jugée,  n^  332. 


334  DEDXIÈME  PARTIE. 

Mais  cette  objection,  déjà  formulée  en  18I|2  devant  la  Chambre 
des  députés  par  M.  de  Beaumont,  oe  semble  pas  avoir  arrêté  le 
législateur  de  1 866,  puisque  l'article  5,  paragraphe  2,  du  Code  d'ios- 
Iructiou  crimiaelle  suppose  toujours  chez  nos  magistrats  lu  con- 
oaissaoce  des  codes  étraugers,  en  ne  réprimant  que  les  seuls  délits 
correclioDDels  commis  hors  de  nos  frontières  qui  sooi  punis  par  la 
législation  étrangère  du  lieu  où  ils  ont  été  consommés. 

11  n'existe  â  notre  connaissance  aucun  document  de  juris- 
prudence sur  ce  point,  mais  la  solution  que  nous  indiquons  paraît 
adoptée  par  les  auteurs'. 

Si  le  combattant,  auteur  de  l'homicide  ou  de  la  blessure,  a  été 
seul  jugé  définitivement  en  pays  étranger,  les  témoins  ne  peuveut 
opposer  ralablement  l'exception  non  bis  in  idem,  car  cetle  excep- 
lion  constitue,  aux  termes  mêmes  de  l'article  5,  un  privilège  abso- 
lument personnel  à  celui  qui  a  été  jugé  définitivement.  Elle  laisse 
subsister  Taclion  contre  les  témoins,  qui,  en  leur  qualitv  de  com- 
plices, peuvent  tomber  sous  le  coup  de  la  loi  pénale,  quand  bieii 
même  l'auteur  principal  ne  serait  pas  poursuivi  à  raison  d'un 
obstacle  de  fait  ou  de  droit. 

3*    condition.   ~    Il  laut  que  l'inculpé 
soit  de  retour  en  France. 

La  seule  raison  de  la  compétence  de  la  juridiction  française 
sur  les  crimes  commis  h  l'étrdnger  élaol  la  pn>sence  de  l'inculpé 
sur  le  territoire  français  et  le  scandale  produit  par  son  cootacl 
avec  ses  concitoyens,  celte  raison  n'existe  plus  lorsque  son  retour 
n'a  pas  eu  lieu. 

Aucune  poursuite,  aucune  procédure  par  contumace  ne  peuvent, 
en  conséquence,  être  intentées  contre  lui,  d'où  la  conséquence 
importante  que  te  séquestre  ne  saurait  être  mis  sur  ses  biens. 

C'est  seulement  lorsque  son  retour  s'est  effectué  que  la  juridic- 
tion française  recouvre  sa  liberté  d'action. 

Encore  faut-il  que  ce  retour  soit  volontaire.  En  dehors  du 
consentement  de  l'inculpé,  les  tribunaux  français  ne  peuvent  être 
saisis  ^ 

Peu  importe,  du  reste,  que  ce  retour  soit  seulement  temporaire. 


1.  Voyei  ootammenl  A.  Peyroo,  Effeli  dei  jugcmtnli  rèpreaifs  en  droit  mltma- 
tional,  Paris,  18S5,  pages  h'-i  et  auiv.  —  Garraud,  page  148,  DO(e  I.  —  Cf.  Théurd, 
Revue  pratique,  tome  X\1I,  page  386.  ~  Fausiin  llélîe,  Rapport  à  la  Cour  dtcat- 
tation,  CaasstioD,  21  maral8U2,  anoée  1862,  1"  partie,  page  140. 

2.  Voyez  GaaMtioQ,  5  février  1857.  Dallai,  «nnée  18Ï7,  1^'  partie,  page  132. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  335 

Il  a  été  jugé  que  le  seul  fait  de  rentrer  volontairement  en.  France 
autorise  la  poursuite,  encore  que  la  résidence  de  Tagent  de  l'infrac- 
tion  ne  se  soit  pas  prolongée  jusqu*au  moment  de  cette  poursuite  ^ 

Ici  une  question  peut  se  poser  : 

Quelle  serait  la  valeur  pratique  du  calcul  fait  par  le  duelliste 
accusé  d'un  acte  qualifié  crime,  accusé,  par  exemple,  d'avoir  tué  son 
adversaire,  et  qui,  partant  des  principes  ci-avant  énoncés,  raison- 
nerait ainsi  :  «  L'homme  que  j'ai  tué  était  un  homme  politique  en 
pleine  popularité;  j'ai  tout  à  craindre  du  jury  qui,  reflétant  le 
courroux  général,  voudra  venger  l'idole  du  moment. 

((  A  la  quasi  certitude  d'une  condamnation  sévère,  je  préfère 
l'exil,  qui  me  laisse  ma  liberté  et  la  disposition  de  mes  biens.  Je 
vais  attendre  tranquillement  à  l'étranger  que  l'action  publique  soit 
prescrite,  et  à  l'expiration  des  dix  années  fixées  pour  acquérir  la 
prescription  je  rentrerai  tranquillement  en  France,  dans  mes 
foyers,  où  la  justice  française  ne  me  pourra  plus  rien.  » 

Pour  résoudre  cette  question,  il  faut  rechercher  d'abord  si  la 
prescription  doit  être  réglée  d'après  la  loi  étrangère  ou  d'après  la 
loi  française.  Il  est  incontestable  que  c'est  d'après  la  loi  française. 

Dès  rinstant,  en  effet,  qu'il  s'agit  d'une  infraction  punie  par 
elle,  elle  seule  peut  déterminer  les  conditions  d'exercice  de  l'action 
publique. 

Il  faut  rechercher  ensuite  quel  est  le  point  de  départ  de  la 
prescription,  car  du  moment  admis  dépend  le  succès  ou  l'insuccès 
du  calcul  fait  par  notre  duelliste. 

Il  est  clair,  en  effet,  que  si,  comme  le  veut  une  opinion,  la  pres- 
cription est  suspendue  pendant  le  séjour  du  duelliste  à  l'étranger 
et  ne  prend  cours  qu'au  moment  de  sa  rentrée  en  France,  ses 
espérances  seront  déçues. 

Elles  se  réaliseront,  au  contraire,  si  la  prescription  commence 
à  courir  à  partir  du  jour  où.  l'homicide  a  été  commis. 

Les  partisans  du  premier  système  prétendent  que  dans  l'espèce 
il  y  a  empêchement  de  droit  provenant  de  la  loi  elle-même,  qui 
subordonne  l'exercice  de  l'action  publique  au  retour  de  l'inculpé  ; 
que,  par  son  séjour  prolongé,  il  met  le  ministère  public  dans  la 
même  position  que  s'il  se  trouvait  en  présence  d'un  individu  pour 
lequel  une  autorisation  préalable  serait  nécessaire. 

Tant  que  l'autorisation  préalable  n'est  pas  obtenue,  tant  que  le 
retour  n'est  pas  effectué,  le  ministère  public  ne  peut  faire  aucun 
acte;  mais,  par  une  juste  réciprocité,  la  prescription  ne  saurait 

1.  Voyez  Paris,  17  juin  1870.  Dalloz,  année  1870,  2«  partie,  page  177. 


Voyez  Paris,  17  juin  1870.  Dallez,  année  1870,  2«  partie, 


»   -r^ 


336  DECXEËME  PARTIE. 

courir  contre  lui  en  vertu  de  la  maiime  Contra  non  ralentem  non 
curril  prescriplio. 

Ib  soutiennent  que  celle  solution  n'a  pas  pour  effet  de  rendre 
imprescriptibles  les  crimes  et  les  délita,  puisque  l'inculpé  peut  à 
volonté  rentrer  ou  demeurer  et,  par  conséquent,  donner  ou  ne  pas 
donner  nuissance  à  la  prescription. 

Les  partisans  du  second  système  font  remarquer  que  si,  pour 
les  crimes  et  les  délits  commis  ,'■  l'étranger,  il  est  fait  application 
delà  loi  française,  il  eat  juste  que  l'inculpé  puisse  invoquer  les 
privilèges  qu'elle  accorde  à  ceux  qui  ontsu  se  déroberait  châtiment 
pendant  un  certain  nombre  d'années. 

Il  n'y  a  aucun  motif  de  déroger  aus  règles  générales,  qui  en 
cette  matière  sont  d'ordre  public. 

Ils  observent,  en  outre, que  la  prescription  en  matière  crimiaelle 
reposant  sur  la  présomption  légale  que*  les  preuves  du  crime  el 
celles  de  l'innocence  ont  dû  périr,  et  que  la  société  n'est  plus  après 
un  certain  temps  intéressée  à  sévir,  la  maxime  Contra  nan  calentem 
non  ciirrit prescriplio  n'est  plus  applicable". 

Ce  dernier  système  étant  généralement  adopté,  il  faut  en 
conclure  qu'à  l'expiration  de  son  eiil  de  dix  années,  l'auteur  de 
l'homicide  commis  en  duel  pourra  rentrer  en  France,  libre  de 
toute  sanction  pénale,  et  que  son  calcul  aura  été  juste. 

Supposons  maintenant  que  le  duelliste  rentre  en  France  avant 
l'expiration  des  dix  années  nécessaires  pour  lui  assurer  l'impunité, 
la  prescription  continue  à  courir  en  sa  faveur  tant  qu'il  uc  sur- 
vient pas  d'actes  d'instruction  ou  de  poursuite  qui  viennent  l'inter- 
rompre. 

Peu  importe  que  le  ministère  public  ignore  son  retour,  car  les 
empêchements  de  fait  ne  suspendent  pas  la  prescription. 

Pen  imporle  même  qu'après  être  rentré  en  France  le  duelliste 
se  soit  réfugié  de  nouveau  à  l'étranger.  En  effet,  du  moment  que 
sa  résidence,  même  temporaire,  même  absolument  passagère,  a 
pour  résultat  de  rendre  au  ministère  public  la  liberté  que  la  loi  lui 
refusait  auparavant,  il  est  clair  qu'une  nouvelle  éclipse  ne  peut 
influer  sur  la  prescription  de  l'action. 

Si  depuis  la  perpétration  du  crime  dont  il  s'est  rendu  coupable 
jusqu'au  premier  acte  d'instruction  ou  de  poursuite,  dix  ans  se  sont 
écoulés,  il  ne  peut  plus  être  condamné. 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  relativement  à  la  prescription 
des  crimes  est  applicable  aux  délits,  avec  la  différence  que  pour 

-  Braa  de 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  337 

ces  derniers  la  prescription  s'accomplit  par  un  laps  de  trois  ans  K 

Ce  que  nous  yenons  de  dire  des  duellistes  est  applicable  aux 
témoins,  qui  juridiquement  sont  des  complices. 

S'il  est  intervenu  des  actes  d'instruction  ou  de  poursuite  non 
suivis  de  jugement,  tout  le  temps  qui  s^est  écoulé  avant  l'acte  inter- 
ruptif  est  réputé  non  avenu,  et  la  prescription  ne  reprend  son 
cours  qu'à  partir  du  dernier  acte  d'instruction  ou  de  poursuite, 
même  à  Tégard  des  personnes  qui  n^étaient  pas  impliquées  dans 
Pacte  d'instruction  ou  de  poursuite  '. 

Dès  que  l'instance  a  pris  fin  par  un  arrêt  ou  un  jugement 
devenu  définitif,  le  cours  de  la  prescription  de  l'action  publique 
est  irrévocablement  arrêté.  Cette  décision  donne  naissance  à  une 
nouvelle  prescription,  qui  est  celle  de  la  peine. 

Les  peines  portées  par  décisions  rendues  en  matière  criminelle 
se  prescrivent  par  vingt  ans.  Celles  qui  sont  portées  par  des  déci- 
sions en  matière  correctionnelle  se  prescrivent  par  cinq  ans.  Ces 
délais  partent  du  jour  où  ces  décisions  sont  devenues  définitives. 
(Articles  635,  636  du  Gode  d'instruction  criminelle.) 

Quelques  mots  sur  les  effets  des  condamnations  par  contumace. 

Un  exemple  le  fera  mieux  comprendre  que  tout  antre  genre 
de  démonstration. 

Supposons  que  Pierre  se  batte  à  l'étranger  avec  Paul  et  le  tue. 
Il  revient  en  France  avec  l'espoir  de  ne  pas  être  inquiété.  Des  pour- 
suites criminelles  sont  cependant  exercées  contre  lui.  Pour  les 
éviter,  il  franchit  de  nouveau  la  frontière,  et  une  condamnation 
par  contumace  est  prononcée. 

Quelle  prescription  Pierre  pourra-t-il  invoquer  ? 

Il  ne  pourra  invoquer  que  la  prescription  de  la  peine,  c'est-à- 
dire  celle  de  vingt  années  courant  du  jour  où  la  condamnation 
aura  été  prononcée. 

Si  avant  l'expiration  de  ces  vingt  ans  il  rentre  en  France  et 
purge  sa  contumace,  trois  conséquences  peuvent  en  résulter  : 

Il  peut  être  acquitté.  Tout  est  alors  terminé  à  son  avantage. 

Il  peut  être  condamné  à  une  peine  criminelle.  Supposons 
qu'après  cette  condamnation  il  parvienne  à  s'échapper,  il  ne  pourra 
invoquer  toujours  que  la  prescription  de  la  peine  (vingt  ans),  cou- 
rant du  jour  où  la  condamnation  contradictoire  sera  devenue  défi- 
nitive. (Article  635,  Gode  d'instruction  criminelle.) 

Il  peut  être  condamné  à  une  peine  correctionnelle.  Cette  fois 
encore,  il  ne  pourra  invoquer  que  la  prescription  de  la  peine,  mais 


1.  Voyez  article  638  du  Code  dUnstruct  ion  criminelle. 

2.  Voyez  articles  637  et  638  du  Code  d'instruction  criminelle. 


%% 


au  DEUXIÈME  PARTIE. 

ce  sera  celle  de  cinq  ans  courantà  partir  du  jour  où  lacondamnaHon 
sera  devenue  déflniliïe.  (Article  636,  Code  d'instrucUoD  crimineUe.] 

Pource  qui  concerne  les  témoins,  supposons  qu'après  la  coDdam- 
oalion  par  contumace  de  Pierre,  ils  quittent  le  territoire  (étranger 
où  ils  étaient  restés  jusqu'alors  et  rentrent  eu  France. 

Quelle  situation  leur  est  faite  relativement  ft  la  prescription? 

Pourront-ils,  comme  Ils  l'auraient  pu  ayant  la  condamnation 
par  contumace  de  Pierre,  invoquer  la  prescription  de  l'acliou,  c'est- 
à-dire  celle  de  dix  ans?  ou  devront-ils  suivre  la  condition  de  l'autenr 
principal,  et  invoquer  celle  de  la  peine  {vingt  ans)? 

Ils  pouiTonl  invoquer  la  prescription  décennale,  car  i'arrét  par 
contumace  n'est  pas  un  acte  de  poursuite,  mais  une  décision  por- 
tant condamnation,  complètement  étrangère  à  ceux  qui  n'y  sontpas 
nominativement  désignés. 


CHAPITRE   LXXI  ^^ 

Conditions  mises  à  la  poursuite  des  adversaires  et  des  témoins 
lorsque  le  duel  a  eu  lieu  à  l'étranger  et  qae  le  fait  dont  ils 
sont  inculpés  est  qualifié  délit. 

Avant  d'examiner  les  conditions  auxquelles  l'article  5  du  Code 
d'instruction  criminello  subordonne  la  poursuite  des  délits  commis 
à  l'étranger,  il  faut  rechercher  dans  quel  cas  le  fait  dont  sont  incul- 
pés les  adversaires  et  les  témoins  peut  être  qualifié  délit. 

Si  nous  nous  reportons  au  chapitre  lxv,  nous  voyons  qu'il  peut 
en  être  ainsi  quand  le  fait  correspond  à  une  des  hypothèses  prévues 
dans  les  paragraphes  E,  F,  /,  c'est-à-dire  lorsque  la  blessure  a 
entraîné  une  maladie  ou  incapacité  de  travail  personnel  de  plus 
de  vingt  jours  (en  l'absence  d'intention  homicide  et  de  prémédita- 
lion)  ;  lorsque  la  blessure  a  entraîné  une  maladie  ou  incapacité  de 
travail  de  moins  de  vingt  jours  [en  l'absence  d'intention  homicide)  ; 
lorsque  le  duel  s'est  terminé  sans  blessures  (en  l'absence  d'inten- 
tion homicide),  ou  lorsqu'il  s'agit  du  blessé. 

Cette  première  question  résolue,  nous  allons  passer  à  l'examen 
des  conditions  mises  par  l'article  5  à  la  poursuite  des  délits. 

l"  condition.  —  La  poursuite  ne  peut  être  intentée  qu'à  la 
requête  du  ministère  public  {article  5,  paragraphe  A). 

La  loi  supprime  ainsi  le  droit  de  citation  directe. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  339 

2«  condition.  —  La  poursuite  doit  être  précédée  d'une  plainte 
de  la  personne  offensée,  ou  d'une  dénonciation  officielle  à 
Fautorité  française  par  Tautorité  du  pays'où  le  délit  a  été 
commis  {ai^ticle  5,  paragraphe  h)- 

Des  termes  de  Tarticle  5,  qui  ne  parle  que  de  la  partie  offensée, 
il  faut  conclure  que  le  droit  de  porter  plainte  est  limité  dans  notre 
espèce  au  blessé,  que  personne  ne  peut  l'exercer  en  son  lieu  et 
place,  ni  de  son  vivant  ni  après  sa  mort  ;  qu'il  est,  par  conséquent, 
refusé  aux  parents,  aux  héritiers,  etc.,  etc. 

Quel  que  puisse  être  Tintérêt  invoqué  par  un  tiers,  ce  tiers  ne 
saurait,  dans  Thypothèse  qui  nous  occupe,  se  porter  partie  civile» 
caria  partie  civile  n'existe  qu'accessoirement  à  l'action  publique.  Il 
peut  seulement  intenter  un  procès  civil  en  dommages  et  intérêts,  en 
vertu  de  l'article  1382  du  €ode  civil. 

Cette  prohibition  est  la  conséquence  du  principe  qu'en  matière 
pénale  il  est  interdit  de  suppléer  aux  termes  de  la  loi  et  de  les 
étendre  par  voie  d'interprétation.  Du  moment  que  l'article  5  a  établi 
une  législation  spéciale  et  exceptionnelle  pour  la  poursuite  de  délits 
commis  à  l'étranger,  il  doit  être  renfermé  dans  les  termes  où  il  est 
conçu*. 

Un  arrêt  de  la  Cour  de  cassation,  en  date  du  17  août  1832,  cité 
par  Dalloz,  Jurisprudmce,  Compétence  criminelle,  n"»  133,  semble- 
rait consacrer  une  jurisprudence  contraire;  mais  il  ne  nous  parait 
pas  applicable  à  notre  espèce,  car  il  vise  le  cas  d'un  Français  assas- 
siné, et  partant  dans  l'impossibilité  de  porter  plainte. 

La  plainte  du  blessé,  étant  la  base  et  le  point  de  départ  néces- 
saires de  l'action  publique,  doit  satisfaire,  à  peine  de  nullité,  à 
certaines  conditions  de  forme  et  de  régularité. 

La  plainte  doit  être  adressée  au  procureur  de  la  République,  à 
ses  auxiliaires,  au  juge  d'instruction.  (Gode  d'instruction  crimi- 
nelle, articles  63  et  suivants.) 

Elle  doit  être  rédigée  par  le  plaignant  ou  par  son  fondé  de 
procuration  spéciale,  ou  en  sa  présence  par  le  procureur  de  la  Répu- 
blique. (Code  d'instruction  criminelle,  articles  31  et  65). 

Elle  doit  être  signée  par  les  mêmes  personnes.  Si  elles  ne  veu- 
lent pas  ou  ne  peuvent  signer,  il  en  est  fait  mention  *.  {Ibid.) 

Cela  est  si  vrai  que  l'action  en  dommages  et  intérêts  intentée 
par  le  blessé  devant  les  tribunaux  civils  ne  saurait  remplacer  la 
plainte  et  permettre  au  ministère  public  de  poursuivre. 

i.  Conformément,  Le  Seyllier,  Des  actions  publiques  et  privées j  noi989.  —  Carnet, 
observations  additionnelles  sur  Tarticle  5. 

2.  Conformément,  voyez  Faustin  Hélie,  Instruction  crxminelle,  tome  II,  page  ^7. 


Ud>:-:.i     .   '-'J 


340  DEUXIÈME  PA&TIB. 

Quanta  la  dùDOQcialion  officielle  à  laquelle  le  paragraphe  U  de 
l'arlicle  5  du  Code  d'inslruclion  criminelle  subordonne,  à  défaut  de 
plainte,  rouverlurc  de  l'acllon  publique  en  France,  elle  doit  être 
adressée,  conformément  aux  arliclos  30,  /jS,  âO  du  même  code,  soit 
nu  procureur  de  la  ik'piiblique,  soil  fi  ses  auxiliaires,  par  le  magis- 
tral étranger  au<iuel  il  eût  appartenu  de  poursuivre  le  délinquanl 
français,  si  ce  dernier  fût  demeuré  bors  de  nos  frontières. 

A  moins  de  conventions  internationales,  autorisant  les  magistrats 
étrangers  à  correspondre  directement  et  sans  intermédiaires  avec 
les  autorités  françaises,  la  dénonciation  officielle  sera  transmise  à 
ces  dernières  par  voie  diplomatique,  c'est-à-dire  par  le  ministère 
des  affaires  étrangères,  ainsi  qu'il  est  de  règle  pour  les  demandes 
d'extradition.  Le  ministre  des  affaires  étrangères,  saisi  de  cette  dénon- 
ciation, la  transmet  à  son  collègue  de  la  justice,  qui  la  fait  lui-même 
parvenir  biérarcbiquemenl  au  magistrat  qui  a  qualité  pour  la 
recevoir'. 

Tant  que  le  blessé  n'a  pas  porté  plainte,  tant  que  l'autorité 
étrangère  n'a  pas  fait  la  dénonciation  officielle,  l'action  reste  sus- 
pendue. Le  ministère  public  ne  peut  poursuivre;  mais  dès  que  la 
plainte  a  été  portée,  dès  que  la  dénonciation  officielle  a  eu  lieu,  il 
reprend  sa  liberté  d'action  contre  l'auteur  de  la  blessure,  contre  les 
témoins,  et  même,  d'après  la  jurisprudence  du  tribunal  de  la  Seioe, 
contre  le  blessé  lui-même,  quand  bien  même  la  plainte  serait  limitée 
à  l'auteur  principal. 

On  voit  qu'en  l'absence  de  dénonciation  officielle,  le  blessé  peut 
enchaîner,  s'il  le  veut,  l'action  publique  jusqu'à  ce  que  la  prescrip- 
tion soit  acquise.  Il  lui  suffit  de  garder  le  silence.  Hais  on  ne  peut 
ni  s'engager  d'avance  à  ne  pas  porter  plainte,  ni  faire  de  cet  engage- 
ment  l'objet  d'une  transaction;  ces  actes  sont  nuls.  (Article  A  du  Code 
d'instruction  criminelle.) 

Rien  n'empêche,  par  conséquent,  le  blessé  de  porter  plainte 
après  la  signature  de  l'acte.  Quelle  que  soit  la  stipulation,  sa  plainte 
ne  cesse  pas  d'être  valable. 

La  question  de  savoir  si  son  désistement  peut  empêcher  le 
ministère  public  de  poursuivre,  autrefois  controversée,  a  4é  résolue 
par  plusieurs  arrêts  dans  le  sens  de  la  négative  *. 

Dans  le  cas  dont  nous  nous  occupons,  comme  dans  tous  ceux 
qui  sont  prévus  par  l'article  5  du  Code  d'instruction  criminelle,  la 


1.  ContonnénieDt,  voj'ei  nottunmenl   GilRrdOD,    Ibùse  de  doclorat,  Puis  1876, 
i.  Voyoi  DiUot,  Jurùprudatct,  V*  Compilnct  crîminelU,  supplément,  n*  83, 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  344 

prescription  de  Taction  publique  court  à  partir  de  la  perpétration 
de  Facte  délictueux,  conformément  aux  principes  généraux  sur  la 
matière  et  à  ce  que  nous  avons  expliqué  au  chapitre  lxx,  et  non  à 
partir  de  la  plainte. 


3*  condition.  —  La  poursuite  n^a  lieu  que  si  le  fait  est  puni 
par  la  législation  du  pays  où  il  a  été  commis  {article  b, 
paragraphe  2). 

La  raison  de  la  solidarité  étroite  établie  par  ce  texte,  au  point 
de  vue  de  la  répression  des  délits  dont  un  Français  s'est  rendu  cou- 
pable en  pays  étranger,  entre  la  loi  qui  régit  ce  pays  et  la  loi  fran- 
çaise, se  découvre  aisément. 

Sans  doute,  il  peut  paraître  étrange  que  le  législateur  français 
ait  subordonné  l'application  de  notre  droit  pénal  aux  dispositions 
peut-être  très  différentes,  dans  leur  lettre  et  dans  leur  esprit,  qui 
ont  trouvé  place  dans  les  codes  étrangers,  mais  le  sacrifice  de  notre 
autonomie  législative  est  plus  apparent  que  réel. 

Tandis  que  le  crime  revêt  par  lui-même,  et  toujours,  un  carac- 
tère de  gravité  et  d'immoralité  absolues,  qui  exige  impérieusement 
que  son  auteur  ne  demeure  pas  impuni,  le  délit  est  souvent  une 
infraction  toute  contingente,  toute  relative,  qui  n'a  porté  qu'une 
&ible  atteinte  aux  lois  de  la  morale  universelle. 

Aussi  lorsque  l'État  sur  le  territoire  duquel  un  délit  a  été 
consommé  a  jugé  sa  répression  inutile,  la  patrie  de  celui  qui  l'a 
commis,  moins  directement  intéressée,  aurait  mauvaise  grâce  à  se 
montrer  plus  sévère. 

Au  contraire,  la  loi  nationale  du  délinquant  et  la  lex  loci 
s'accordent-elles  pour  déclarer  punissable  le  fait  allégué,  il  y  a  lieu 
de  penser  que  ce  fait  est  contraire  au  droit  commun  des  peuples 
civilisés,  et  qu'ils  ont  un  intérêt  égal  à  le  flétrir.  L'harmonie  de  leurs 
dispositions  est  la  meilleure  preuve  de  son  immoralité. 

Presque  toutes  les  législations  ont  cru  devoir  édicter  contre  le 
duel  des  pénalités  particulières.  Elles  en  ont  fait  une  infraction  dis- 
tincte de  toutes  les  autres,  ayant  son  caractère,  son  régime  et  ses  lois 
propres.Telle,  entre  autres,  la  loi  belge  (Code  pénal  de  1867,  article  423 
et  suivants).  Telle  la  loi  allemande  (Code  pénal,article  410),  etc.,  etc.*. 

Si  la  rencontre  s'est  produite  sur  le  territoire  belge  ou  alle- 
mand, il  est  hors  de  doute,  étant  donnée  la  jurisprudence  de  nos 
tribunaux  relative  au  duel,  que  le  Français  qui  a  blessé  son  adver- 

1.  Voyez  chapitre  lxxxii.  Législation  des  pays  étrangers  en  matière  de  duel, 
textes  et  analyses.  ._ 


■  311 


DEUXIÈME  PARTIE. 


saire,  {jui  lui  a,  par  exemple,  infligé  une  incapacilé  de  travail  de 
moins  rie  vingl  jours,  lomberail  sous  l'appiicatiou  estensive  de  l'ai- 
ticlc  311  du  Gode  p^nal,  el  serait,  eo  conséquence,  passible,  à  son 
retour  en  France,  d'un  emprisonnement  de  six  joui-s  h  deus  ans  el 
d'une  amende  de  16  à  200  francs,  si  plainte  préalable  de  rindlvidu 
blessé  a  été  porlée,  ou  si  le  fait  a  été  dénoncé  officiellement  par 
l'aulorité  du  pays  où  le  duel  a  eu  lieu. 

«  Le  délit  est  puni  par  la  législation  du  pays  où  il  a  été  com- 
mis. »  1,'article  5,  paragraphe  2,  du  Code  d'instruction  criminelle,  per- 
met d'atteindre  l'auteur  et  ses  complices,  et,  d'après  la  jurispru- 
dence de  la  cour  de  Paris,  le  blessé  lui-même. 

Peu  importe,  au  surplus,  que  la  peine  établie  par  la  loi  étrangère 
soit  très  différente  dans  son  mode,  ou  dans  son  guaiitum,  des  péna- 
lités françaises.  Ce  que  teut  la  loi,  c'est  que  le  même  fait  soit 
également  prévu  et  réprimé  dans  les  deux  pays. 

L'identité  doit  eiister,  au  point  de  vue  do  l'incrimination,  non 
au  point  de  vue  du  châtiment;  mais  cette  identité  doit  être  absolue; 
une  simple  analogie  ne  suffirait  pas  à  autoriser  l'application  de 
l'article  5,  paragraphe  2.  Cela  a  été  dit  formellement  au  cours  de  la 
discussion  soulevée  par  l'adoption  de  ce  texte  en  1866. 

Ici  se  présentent  deux  questions  : 

1"  QUESTION.  —  Lorsque  la  rencontre  a  eu  lieu  dans  un  pays 
barbare,  an  sein  de  peuplades  indépendantes,  étrangères  aux  prin- 
cipes du  droit  des  gens  et  aux  obligations  qui  en  découlent,  le  para- 
graphe 2  de  l'article  5  est-il  applicable? 

La  France  conserve  toujours  son  droit  de  répression,  comme 
si  le  combat  s'était  passé  sur  son  territoire.  Elle  peut  saisir  les  cou- 
pables el  les  livrer  à  la  justice  de  ses  tribunaux,  car  l'article  5  du 
Code  d'instruction  criminelle  suppose  l'existence  de  rapports  COD- 
stants  et  réguliers  qui  unissent  les  peuples  entre  eux,  dont  la  récipro- 
cité fait  le  fondement,  et  qui  assurent  à  chaque  nation  la  protection 
efâcace  etlesjustes  satisfactions  quelesautres  obtiennent  de  sa  part'. 

2'  QUESTION.  —  La  deuxième  question  n'a  jamais  été  traitée. 
Elle  est  particulièrement  intéressante  en  ce  que  sa  solution  peut 
offrir  aux  duellistes  un  moyen  d'échapper  aux  rigueurs  de  la  loi 
française. 

Qae  fïiudra-t-il  décider  al  la  législation  da  pays  où  le  oombat  «  au 
lian  ne  contient  aooone  dlaposiUoa  war  le  dnel,  et  se  borne,  ainsi  tfat 
la  loi  Bmaqtiiaa,  i  pnnir  d'une  manUre  gènirale  les  coups  et  les  Lles- 
snrea? 

1.  Vofei  Cuuiiou,  17  mat  1839,  Dalloi.  —  JurUprudmee  cnmintU*,  n*  111. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  343 

Nous  n'hésitons  pas  à  soutenir  que  c'est  uniquement  d'après 
les  idées  qui  ont  cours  à  l'étranger  que  cette  législation  devra  être 
appréciée,  et  que  les  poursuites  ne  seront  possibles  en  France  que 
si,  au  lieu  où  s'est  passé  le  duel,  la  pratique  judiciaire  les  eût  per- 
mises. 

Si  nos  tribunaux  ont  pu,  dans  un  intérêt  général,  détourner 
l'article  311  du  Gode  pénal  de  son  sens  véritable  et  raisonnable,  en 
assimilant  un  duel  loyal  au  délit  de  coups  etblessures,  et  en  refusant 
au  duelliste  l^xcuse  de  la  légitime  défense,  de  quel  droit  éten- 
draient-ils une  interprétation  aussi  excessive,  aussi  contraire  aux 
lois  qui  gouvernent  les  autres  peuples? 

Ces  lois  ont  leurs  interprètes  naturels  ;  ce  sont  les  magistrats 
qui  ont  mission  de  les  appliquer.  Ils  sont  mieux  h  môme  que  per- 
sonne d'en  pénétrer  l'esprit  et  d'en  dégager  les  conséquences  qu'elles 
comportent. 

Un  acte  législatif  ne  peut  être  isolé  de  la  jurisprudence  qui 
le  complète  et  qui  l'explique.  Cette  jurisprudence  fait  corps  avec 
Jui. 

Il  suit  de  là  que,  de  même  que  l'étranger  qui  aurait  pris  part 
à  un  duel  en  France  pourrait  être  poursuivi  devant  ses  juges  natio- 
naux, si  sa  loi  personnelle  contenait  une  règle  semblable  à  celle 
qui  existe  dans  l'article  5,  paragraphe  2  du  Code  d'instruction 
criminelle  français,  de  même  le  Français  qui  s'est  battu  sur  un 
territoire  étranger  devra  échapper  à  toute  répression  dana  son 
pays,  si  la  loi  étrangère,  tout  en  punissant  le  délit  de  coups  et 
blessures,  n'est  pas  appliquée  au  duel  par  les  tribunaux  locaux. 

Il  n'existe  à  notre  connaissance  aucun  document  de  jurispru- 
dence qui  se  soit  prononcé  d'une  manière  formelle  sur  la  difficulté 
que  nous  venons  d'examiner  ;  mais  il  ne  paratt  pas  que  les  auteurs 
aient  jamais  méconnu  le  rôle  important  qui  appartient  en  cette 
matière  aux  décisions  interprétatives  de  la  justice  étrangère. 

«  Nous  croyons,  dit  Ortolan  {Éléments  de  droit  pénale  6*  édition, 
par  M.  Albert  Desjardins,  tome  I,  page  {(06,  n^  918  bis),  que,  à  raison 
de  la  difficulté  des  preuves  à  tirer  d'un  pays  étranger  pour  des  faits 
souvent  sans  importance,  à  raison  enfin  de  ces  complications,  pour 
nos  magistrats,  de  législations  et  de  jurisprudences  étrangères 
mêlées  à  la  législation  et  à  la  jurisprudence  françaises,  l'application 
de  l'article  5,  paragraphe  2,  n'aura  lieu  qu'au  moyen  de  la  très 
grande  latitude  laissée  au  ministère  public  de  poursuivre  ou  de  ne 
pas  poursuivre  ^  » 

1.  Voyez  aussi  Gilardon,  thèse  de  doctorat,  Paris,  1876,  page  209  ;  et  A.  Wciss, 
Traité  élémentaire  de  droit  international  privé,  1'^  édition,  Paris,  1885,  page  91. 


F       su 


DElîXIÈMK  PARTIE. 


Si,  coniiDc  cela  a  lieu  pour  les  cantons  de  Genève,  d'Appenzel  el 
d'Uri  ',  les  Eribiinaux  i^itraiigers  n'ont  pas  encore  eu  à  se  prononcer 
sur  la  question,  si  aucun  duel  n'a  encore  fait  l'objet  de  poursuites 
devant  eux.  en  un  mot  si  leur  jui-isprudence  n'est  pas  établie  daus 
un  sens  ou  dans  un  autre,  l'interprétation  du  juge  français  ne  sera 
plu»  conamandc^c  par  celle  que  les  magistrats  étrangers  ont  donnée 
k  leur  loi  nationale,  puisque  cette  interprétation  fait  défaut. 

Est-ce  à  dire  que  sa  liberté  soit  entière? 

Non.  Les  principes  généraux  de  droit  lui  tracent  des  règles  doot 
il  ne  peut  s'affranchir. 

Il  est  en  effet  universellement  reconnu  que  toute  disposition 
d'ordre  pénal  doit  être  interprétée  reslrictivement  :  Pœnaiia  mo« 
sunt  extendnida.  Or  les  bésilations  trahies  par  la  jurisprudence 
française  jusqu'en  183-7,  les  différentes  propositions  de  loi  sur  le 
duel  qui  depuis  cette  époque,  et  tout  récemment  encore,  ont  va  le 
jour  dans  nos  Chambres,  les  critiques  dirigées  par  les  cnminalistcs 
les  plus  autorisés  contre  le  système  de  répression  qui  apréraludaas 
la  pratique,  témoignent  assez  combien  ce  système  est  incertain  et 
fragile. 

Ajoutons  que,  fût-il  possible  de  te  justifier  au  point  de  vue 
français,  il  n'est  pas  permis  d'en  élargir  le  domaine,  d'en  aggraver 
les  conséquences,  de  le  transporter  dans  la  législation  internatio- 
nale, en  un  mot  de  suppléer  par  analogie  au  silence  el  aux  lacunes 
de  la  loi  cl  de  la  jurisprudence  étrangères. 

L'esamen  dos  diverses  législations  qui,  autour  de  nous,  se  sont 
préoccupées  d'assurer  la  répression  du  duel  (et  elles  sont  nom- 
breuses*) atteste  que,  dans  les  États  où  elles  sont  en  vigueur,  le 
duel  constitue  une  infraction  spéciale,  se  suffisant  à  elle-même, 
ayant  ses  pénalités  distinctes  ;  que  nulle  part,  si  ce  n'est  peut-être 
en  Angleterre,  on  ne  le  confond,  sous  le  rapport  de  l'incrirainatioQ 
et  de  la  peine,  soit  avec  l'homicide  volontaire,  soit  avec  les  coups 
et  blessures  proprement  dits'. 

De  cet  accord  presque  unanime  se  dégage  une  sorte  de  droit 
commun  international,  auquel  le  juge  fran(;.ais  aurait  dans  tous 
les  cas  le  devoir  de  se  reporter,  en  cas  d'obscurité  ou  de  doute  sur 
l'application  d'une  loi  étrangère. 

C'est  par  lui  qu'il  convient,  k  défaut  de  jurisprudence  autorisée, 
d'expliquer  le  laconisme  des  codes  qui  ont  laissé  le  duel  eu  dehors 


1.  Voyci  Dotre  cliapltrc  Lxtxll. 
3.  Vojei  notre  chapitre  Lixin. 

3.  Voyez  DOtnmmcnt  ChauTesu  Adolpbe,  FauïtÎD  Hélie  el  Edmond  Wilejr,  7A«orù 
dnCode  pénal,  S*  édition,  tome  lU,  n'  12HU 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  345 

de  leurs  prévisions  formelles,  bien  plutôt  que  par  une  pratique 
aussi  locale,  aussi  incertaine,  aussi  justement  attaquée  que  l'est 
celle  de  nos  tribunaux  sur  ce  point  ;  et  ce  droit  commun  réclame 
avec  Topinion  publique  et  les  mœurs  contre  Tassimilation  du  duel- 
liste au  meurtrier  vulgaire. 

Pour  que  le  paragraphe  2  de  l'article  5  du  Gode  d'instruction 
criminelle  soit  applicable,  il  est  indispensable  que  le  duel  soit  puni 
par  la  législation  du  pays  où  il  a  eu  lieu.  Or  cette  condition  ne  peut 
être  considérée  comme  remplie  par  une  disposition  générale  répri- 
mant les  coups  et  blessures,  qu'aucune  décision  judiciaire  n'est 
Tenue  corroborer  en  la  déclarant  applicable  au  duel. 

La  circonstance  que  jamais  un  fait  aussi  fréquent  que  le  duel 
n'a  été  l'objet  de  poursuites  dans  ce  pays  ne  prouve-t-elle  pas 
surabondamment  qu'il  n'y  est  pas  puni  ? 

Résumant  les  développements  qui  précèdent,  nous  croyons 
donc  pouvoir  affirmer  qu'un  Français,  combattant  ou  témoin  dans 
un  duel  à  l'étranger,  duel  terminé  par  une  blessure  qualifiée  délit, 
ne  peut  être  poursuivi  en  France  que  dans  deux  cas  : 

1**  Si  la  loi  répressive  étrangère  {lex  deliti  commissi)  contient 
relativement  au  duel  une  disposition  spéciale  et  formelle  ; 

2""  Ou  tout  au  moins  si,  à  défaut  d'une  disposition  dece  genre, 
une  pratique  judiciaire  constante  étend  au  duel,  dans  le  pays  où  il  a 
lieu,  les  règles  du  droit  commun  qui  concernent  les  coups  et  bles- 
sures ordinaires'. 

£n  dehors  de  ces  deux  hypothèses,  si  le  duel  a  eu  lieu,  par 
exemple,  dans  les  cantons  d'Appenzel,  de  Genève  ou  d'Vri,  nousesti^ 
mons  que  l'itnpunité  est  acquise  au  duelliste. 

C'est  au  ministère  public,  seul  compétent  pour  mettre  en 
mouvement  l'action  publique  répressive,  qu'il  appartient  sans  aucun 
doute  d'établir  que  les  conditions  auxquelles  est  subordonnée  la 
poursuite  du  duel  en  France,  c'est-à-dire  l'existence  d'une  législa- 
tion ou  d'une  jurisprudence  conformes  à  l'étranger,  se  trouvent 
remplies,  Onus  probandi  incumbit  ei  qui  agit.  Les  travaux  prépara- 
toires de  la  loi  du  27  juin  186G  sont  formels  en  ce  sens. 

Mais  comment  cette  preuve  pourra-t-elle  être  rapportée?  De 
quels  faits,  de  quelles  justifications  résultera-t-elle  ? 

L'article  5  du  Gode  d'instruction  criminelle  ne  le  dit  pas,  et  il 
est  permis  d'en  conclure  qu'à  cet  égard  les  juges  sont  maîtres 

1.  Cette  opinion  est  celle  de  M.  André  Weiss,  le  savant  professeur  de  droit  inter- 
national, qui  a  bien  voulu  nous  donner  une  consultation  sur  ce  point. 


346  DEUXIÈME   PARTIE. 

absolus  de  puiser  où  il  leur  plaira  les  l'^lémeots  de  leur  conviction  ■. 

Ordinairement  la  partie  poursuivanle  commuDiquera  au  Iri- 
bunal  le  lejte  officiel  de  la  loi  étrangère  sur  laquelle  elle  se  fonde  '; 
ou  encore  celui  des  décisions  ayant  fixé  la  jurisprudence'. 

La  production  des  recueils  de  lois  et  arrêts  étrangers  sera  le 
plus  souïcnljugée  suffisante. 

En  cas  de  la  dénonciation  ofûciclle  dont  il  a  été  parlé  précé- 
demment, cette  dénonciation  même  pourra  être  considérée  comme 
une  présomption  sérieuse  que  le  duel  est  puni  par  la  loi  du  pays  où 
il  a  eu  lieu.  Généralement,  d'ailleurs,  l'autorité  étrangère  appuiera 
sa  dénonciation  sur  les  textes  des  lois  et  décisions  judiciaires,  faci- 
litant ainsi  dans  une  mesure  appréciable  la  lâche  et  les  investiga- 
tions de  la  justice  française. 

Parfois  aussi,  le  minislèro  public  invoquera  la  doctrine  una- 
nime des  auteurs  qui  ont  commenté  la  loi  prétendue  appli- 
cable*. 

Il  se  prévaudra  d'attestations  émanées  de  magistrats  étrangers'; 
de  certificats  délivrés  par  les  agents  diplomatiques,  ou  consulaires 
étrangers  "  ;  de  consultations  d'avocats  ou  de  jurisconsultes  ''. 

L'Institut  de  droit  international  a  mis  à  l'étude  il  y  a  quelques 
années  la  question  suivante  :  Quels  seraient  les  moyens  à  proposer 
aux  gouvernements,  en  vue  de  favoriser  la  connaissance  des  lois 
étrangères,  et  en  particulier  d'assurer  la  preuve  de  ces  lois  devant 
les  tribunaux  '  1 


1.  Voyci  CsssalioD,  17  décembre  1887,  —  Dalloi,  année  1888,  1"  partie,  pago 
330. 

2.  Bordoaui,  4'  chambre,  1"  mars  1880.  —  Pandcctei  françauii  piriodi<piet, 
1890,  3'  partiu,  page  21  ;  el  les  obaerTations  <tc  M.  L.  Beaucbct. 

3.  ConformémenI,  ïoyei  Iribuoald'AuverB,  13  janvier  1886,  Jburnoidel  Tribunavj: 
belges  da  11  mars  1881). 

i.  Ail,  29  avril  184i.  —  Sirey,  année  1815,  S'  partie,  page  114. 

5.  Tributml  de  laSeiae,  27  mare  i»if>.  Le  Droit,  du  28  mars.  —Lyon,  1"  janvier 
ISSl.  La  Ini  du  14 octobre. —Bordeaux,  21  décembre  138U.  Journal  de  Bordeaux, 
année  1887,  1"  partie,  page  91. 

6.  Caisalion,  4  avril  1881.  —  Sirey,  année  1883,  1"  partie,  page  65. 

7.  TribunaÈ  correctionnel  do  BorJcam,  18  janvier  1882,  Journal  de  droil  {n(«ma- 
tional  privé,  tSS2,  pngs  39,  —  Chambérv,  23  février  1S8S,  ibidem,  1885,  page  6C5.  — 
Pau,  22  juin  ]887.  —  Galette  du  Palais,  S  janvier  ISB7,  aupplément.  —  Tribnn&l 
de  ia  Seine,  13  février  18S9.  U  Droit  du  2{  avril  1889.  —  Cour  d'appel  d'Angleterre, 
IS  février  1889. —Journal  de  droit  inlernational  privé,  1889,  page  876. 

8.  Voyez  le  rapport  de  M.  Pierantoni  dana  la  Revue  de  droit  internalionai  de 
Gand,  1887,  page  180;  et  les  résolutions  adoptées  par  l'inatitut  datia  eon  Annuaire  de 
1888,  pages  305  et  auiv,  —  Conforma  mont,  sur  ta  preuve  des  lois  étrangèrea  en  géné- 
ral, Miltermaier,  dans  ]'Archiv  fur  eioitislische  Praxia,  totne  XVill,  ptges  67  61  suiv. 
—  Pierantoni,  Délia  prova  delli  leggi  siraniere  net  giuditxi  civili  dans  U  Filantieri, 
1883.  —  Laurent,  le  Droit  civil  international  privé,  lome  11,  page  262.  —  Brocher, 
Court  de  droit  international  privé,  tome  I,  page  153.  —  Asser  et  Ririer,  ËUmenlt  de 
droit  international  privé,  pages  34  et  euiv. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  347 

Observons  que  si  le  juge  français  est  en  principe  maître  d'attri- 
buer telle  valeur  qu'il  juge  convenable  aux  témoignages  qui  lui 
ont  été  fournis  par  le  ministère  public,  la  fausse  application  qu'il 
aurait  faite  de  la  loi  étrangère  donnerait  ouverture  à  cassation. 

A-til  condamné  le  Français  qui  a  blessé  son  adversaire  en  duel 
au  delà  de  nos  frontières,  en  s'appuyant  à  tort  sur  ce  que  la  loi 
étrangère  réprime  le  duel,  sa  décision  devra  être  annulée. 

En  vain  dirait-on,  pour  le  contester,  que  la  cour  suprême  n'a 
pas  à  veiller  au  respect  des  lois  qui  sont  Tœuvre  de  souverainetés 
étrangères,  et  que  sa  mission  se  borne  à  assurer  la  stricte  observa- 
tion de  la  loi  française. 

Sans  examiner  le  mérite  réel  de  cette  objection,  qu'il  nous 
suffise  de  remarquer  que,  dans  notre  hypothèse,  la  cassation  sera 
motivée  non  par  l'interprétation  inexacte  d'un  texte  étranger,  mais 
par  une  infraction  directe  à  la  loi  française. 

C'est  la  loi  française  en  effet  (Code  d'instruction  criminelle, 
article  5,  paragraphe  2)  qui  exige,  pour  qu'un  délit  commis  à  l'étran- 
ger par  un  de  nos  nationaux  encoure  une  répression  sur  notre  sol, 
que  de  son  côté  la  loi  étrangère  le  punisse. 

Si  cette  condition  n'est  pas  remplie,  la  loi  française  est  violée. 
Il  y  a  erreur  de  droit,  et  par  suite  la  Cour  de  cassation  peut  et  doit 
exercer  sa  censure. 

Son  arrêt  du  17  décembre  1887  (Dalloz,  année  1888,  l"'  partie, 
page  330)  semble  le  reconnaître  ^ 


CHAPITRE  LXXII 


Extinction  de  l'action  publique. 


Disons  quelques  mots  des  causes  qui  peuvent  éteindre  l'action 
publique. 

L'action  publique  est  éteinte  : 

V  Par  le  décès  du  prévenu; 

2*  Par  l'amnistie  ; 

3"*  Par  l'exception  de  la  chose  jugée  ; 

4»  Par  la  prescription  ; 

1 .  Voyez  au  surplus,  sur  la  cassaUon  pour  inobservation  ou  fausse  application 
d*nDe  loi  étrangère,  André  Weiss,  Traité  élémentaire  de  droit  international  privé, 
2*  édition  1890,  pages  297  et  suiv. 


.-4„ 


f  3IB 


DEUXIÈME  PARTIE. 


Quelques  lignes  résumant  ce  que  nous  aTons  déjà  dit  sur  ce 
dernier  mode  d'eitinclîon  nous  paraissent  uliles. 

La  prescriptioo,  étant  une  eiception  d'ordre  public,  peut  être 
proposée  en  tout  état  de  cause  et  devant  toutes  les  juridictions. 

Les  délais  de  la  prescription  de  l'action  publique  sont  de 
dii  ans  pour  les  faits  qualifiés  crimes  et  de  trois  ans  pour  les  faits 
qualifiés  délits.  Ils  commencent  à  courir  du  jour  ot  le  crime  ou  le 
délit  auront  été  commis  (articles  637-638  du  Code  d'instruction 
criminelle). 

La  prescription  peut  être  interrompue  par  des  actes  d'instruc- 
tion ou  de  poursuite  {ibkfi-m). 

Dans  ce  cas,  aui  termes  des  mêmes  articles,  elle  ne  recom- 
mence à  courir  qu'il  compter  du  dernier  acte  interruplif.  Tout  le 
temps  qui  s'est  écoulé  avant  l'interruption  est  réputé  non  acquis. 

Les  actes  d'instruction  ou  de  poursuite  interrompent  la  pres- 
cription non  seulement  envers  les  personnes  contre  lesquelles  ils 
sont  dirigés,  mais  à  l'égard  même  des  personnes  qui  ne  sont  pas 
impliquées  dans  cet  acte.  Ainsi  la  citation  au  combattant  qui  a 
blessé  son  adversaire  interrompt  la  prescription  vis-à-vis  les  té- 
moins. 


CHAPITRE    LXXIII 
Extradition. 


La  question  d'extradition  se  rattache  à  celle  du  duel  par  des 
liens  trop  étroits  pour  que  nous  n'en  disions  pas  quelques  mots. 

Supposons  que  deux  Français  se  battent  en  duel,  soit  en  France, 
soit  à  l'étranger,  et  que  le  duel  se  termine  par  la  mort  d'un  des 
combattants. 

Supposons  que  le  survivant  passe  dans  un  pays  voisin  de  celui 
oà  la  rencontre  a  eu  lieu,  afin  d'éviter  la  sancliou  d'une  législation 
dont  il  redoute  les  atteintes. 

Si  l'extradition  est  demandé»,  le  paye  de  reftage  l'aooordera-t-il? 

Il  faut  distinguer  trois  hypothèses  : 

1°  Si  l'état  requérant  et  l'état  requis  considèrent  le  duel 
comme  une  infraction  sui  generis,  si  aucune  clause  des  traités  ne 
mentionne  le  duel  parmi  les  faits  passibles  d'extradition,  il  est  pro- 
bable qu'elle  sera  refusée. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  349 

La  question  a  été  résolue  dans  ce  sens  par  le  tribunal  fédéral 
suisse  dans  son  audience  du  27  août  1883.  (Affaire  Lennig'.) 

2""  Si  rÉtat  requérant  considère  l'homicide  commis  en  duel 
comme  un  meurtre  ordinaire,  et  Tassimile  à  un  crime  de  droit 
commun,  tandis  que  l'État  requis  le  regarde  comme  une  infraction 
d'une  nature  particulière,  peu  importe  que  le  meurtre  figure  dans 
les  traités.  En  pratique,  très  probablement,  cette  fois  encore,  la 
demande  sera  repoussée. 

Ainsi  la  Belgique  n'extrade  pas  l'étranger  réclamé  sous  l'incul- 
pation de  meurtre  en  duel\ 

S'*  Si  la  loi  ou  la  jurisprudence  des  deux  pays  admettent 
l'assimilation  de  l'homicide  commis  en  duel  avec  le  meurtre  ordi- 
naire, l'extradition  sera  très  rationnellement  accordée. 

Bien  ne  s'oppose,  par  exemple,  à  ce  que  l'Angleterre  consente 
l'extradition  d'un  individu  accusé  d'avoir  donné  en  duel  la  mort  à 
son  adversaire,  puisque  le  droit  anglais  qualifie  cette  infraction  de 
murderer. 

Peu  importe  que,  d'après  la  loi  de  l'État  requérant,  elle  constitue 
également  un  meurtre  ou  tout  autre  fait  compris  dans  l'énumération 
du  traité'. 

Voici,  du  reste,  la  théorie  de  l'extradition  en  matière  de  duel, 
telle  qu'elle  est  exposée  par  le  docteur  Lammasch,  professeur  à  l'Uni- 
versité de  Vienne,  rapporteur  de  la  Commission  de  l'extradition  à 
rinstitut  de  droit  international,  dans  un  ouvrage  qui  fait  autorité 
dans  tous  les  pays  de  langue  allemande,  Auslieferufs  pfticht  und 
asylrecht^  Wien^  1887  : 

«  Le  duel  ne  figure  à  ma  connaissance  dans  aucun  traité  comme 
fait  nécessairement  passible  d'extradition. 

«  Bien  n'empêcherait  cependant  d'accorder  l'extradition  à  la 
suite  d'un  duel  ayant  entraîné  la  mort  ou  des  blessures  graves,  dans 
le  cas  où  le  traité  l'autorise  n  pour  toute  sorte  d'homicides  volon- 
«  taires,  blessures  et  lésions  volontaires*  ». 

a  Mais  lorsque  le  traité  énumère,  sous  leurs  noms  techniques 
d'assassinat  ou  de  meurtre,  les  infractions  ayant  causé  la  mort,  il 
n'est  pas  possible  à  un  État  dont  les  lois  voient  dans  le  duel  un  délit 


i.  Voyez  Journal  de  droit  international  privé,  année  1883,  page  533.  Appendice 
n«  106. 

2.  Voyez  Kirchner,  VExtradition,  page  369. —Bombay  et  GiU>rin,  Traité  pratique 
de  Pextradition,  Paris,  1886,  page  170. 

3.  Voyez  M.   Stephcn,  History  of  the  criminal  law  of  England,  3  vol.  London, 
1883,  tome  II,  page  69. 

4.  Voyez  notamment  le  traité  austro-russe  de  1874. 


350  DEUXIÈME  PARTIE. 

spécial,  dislJDCt  de  l'assassinat  et  du  meurtre,  d'exiger  l'ealradilion 
du  dudlisle  qui  a  lue  son  adversaire. 

u  A  plus  forte  ralsou  cet  État  ne  pourrait-iJ  réclamer  l'eilra- 
dilioD  à  raison  d'une  simple  blessure  Taite  en  duel,  encore  qu'une 
semblal)le  blessure  ne  se  trouve  pas  formellement  eiclue  «des  coups 
«  et  blessures  que  le  traité  prévoit'  u. 

Ainsi  l'article  216  du  Code  pénal  allemand  excuse  le  meurtre 
de  celui  qui  a  donne  son  consentement  {Todttiiig  rfei  Einwitli- 
gendai).  M,  Lammasch  eo  conclut  (page  172,  paragraphe  Ik) 
qu'aucua  Élat  allemand  ne  saurait  être  tenu  de  délivrer  à  la  France 
l'auteur  d'un  meurtre  ou  de  coups  et  blessures  résullaut  d'un  duel, 
étant  donné  que  ces  faits  ne  sont  pas  compris  par  la  législation  alle- 
mande, non  plus  que  par  les  traités  d'extradition  conclus  entre  la 
France  et  les  divers  États  allemands,  sous  la  qualificalioQ  technique 
de  meurtre. 

Passant  à  l'Aulriche,  M.  Lammasch  observe  que  les  traités  les 
plus  récents  conclus  par  la  monarchie  austro-hongroise  limiteot 
l'extradition  aux  infractions  qui  ont  trouvé  place  dans  lenr  nomen- 
clature; et  encore  faut-il  que  ces  infractions  soient  passibles  de 
peines  d'une  certaine  gravité. 

M.  Lammasch  eslime  que  l'Autriche  n'est  jamais,  aux  termes  de 
ces  traités,  tenue  d'accorder  l'extradition  d'un  duelliste,  alors  même 
que  la  peine  qu'il  aurait  encourue  serait  supérieure  au  taux  d'uae 
année  fixé  par  lesdils  traités*. 

C'est  d'aprijs  les  mêmes  distinctions  que  les  difticultés  relatives 
à  l'extradition  sont  résolues  en  Suisse,  et  notamment  lorsqu'il  s'agît 
d'une  demande  adressée  par  un  canton  à  un  autre  canton  \ 

Le  duel  ne  rentre  pas  dans  les  crimes  et  délits  pour  lesquels 
l'extradition  de  canton  à  canton  est  obligatoire. 

La  loi  fédérale  ne  parle  pas  du  duel.  Le  duel  ne  peut  donc 
donner  lieu  ù  extradition  entre  cantons  suisses  lorsque  tous  deux 
ou  l'un  d'eux  possèdent  une  législation  pénale  faisant  du  duel  an 
délit  spécial. 

Au  contraire,  entre  cantons  ne  possédant  pas  une  semblable 
législation,  les  lésions  corporelles  faites  en  combat  singulier  pour- 
raient être  considérées,  suivant  le  cas,  comme  meurtre  ou  coups  et 
blessures  volontaires  donnant  lieu  à  extradition. 

Même  dans  ce  dernier  cas,  l'extradition  pourrait  encore  être 


1.  Paragraphe  1,  p*ge  140. 

2.  Opu»  citatum,  p«r«grûphe  IS,  page  174. 

3.  Voyei  loi  (éd^le  du  U  juillet  1SS2,  niadifléopar  celles  du  34  juillet  1S67  el  du 
31  Hvrier  1873. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  331 

refusée  par  le  canton  requis,  s'il  s'engageait  à  faire  punir  le  duelliste  à 
teneur  de  ses  lois,  ou  à  lui  faire  subir  les  peines  déjà  prononcées 
contre  lai  (loi  fédérale,  article  2). 

Il  est  bon  de  remarquer  que  les  traités  passés  entre  les  diverses 
nations  qui  nous  avoisinent  ne  sont  pas  limitatifs  quanta  l'énumé- 
ration  des  faits  qui  peuvent  motiver  l'extradition. 

Il  est  admis  que  les  crimes  et  les  délits  non  compris  dans  les 
traités  peuvent  y  donner  lieu*. 

N'oublions  pas,  en  effet,  que  Textradition  est  uniquement  un 
droit  de  souveraineté  de  l'État  requis. 

Mais  il  est  juste  d'ajouter  que  dans  la  pratique  un  État  demande 
rarement  l'extradition  pour  un  fait  non  compris  dans  les  traités. 

Terminons  ce  chapitre  par  l'étude  d'une  question  qui  peut 
offrir  un  certain  intérêt,  eu  égard  à  la  différence  des  pénalités  qui 
attendent  l'individu  réclamé  par  deux  États  à  la  fois. 

Supposons  que  des  Français  se  battent  en  duel  à  l'étranger,  en 
Bavière,  par  exemple.  L'un  d'eux  est  tué,  l'autre  rentre  en  France; 
mais  comme  il  craint  d'y  être  poursuivi,  il  se  réfugie  en  Suisse,  dans 
le  canton  de  Genève. 

Deux  demandes  d'extradition  sont  adressées  à  la  Suisse  :  l'une 
par  le  pays  d'origine  du  réfugié,  l'autre  par  le  pays  où  le  duel  a  eu 
lieu.  Laquelle  aura  la  préférence  ? 

En  admettant  que  l'extradition  soit  possible,  ce  qui  nous  parait 
plus  que  douteux  pour  ce  qui  concerne  la  Bavière,  en  présence  de 
la  décision  du  tribunal  Suisse  du  27  août  1883,  rapportée  au  n»  106 
de  notre  appendice,  il  faut  décider  que  le  pays  de  refuge  a  le  choix 
entre  les  deux  demandes  *. 

Toutefois,  cette  règle  est  quelquefois  écartée  par  les  stipulations 
des  traités.  C'est  ainsi  que  l'article  8  de  la  Convention  franco-bava- 
roise du  29  novembre  1869  dispose  que  «  dans  le  cas  de  réclamation 
du  même  individu,  de  la  part  de  deux  États,  pour  la  même  infraction, 
l'extradition  sera  accordée  à  celui  sur  le  territoire  duquel  l'infraction 
aura  été  commise  ». 

L'Institut  de  droit  international  s'est  prononcé  dans  le  même 
sens  dans  sa  session  d'Oxford,  en  1880. 


1.  Voyez  Cassation,  30  juin  1827.  —  Affaire  de  la  Granville,  16  septembre  1841, 
Dallozy  année  1841,  V  partie,  page  440.  —  Cassation,  18  juillet  1851,  Dalloz,  année 
1851,  5*  partie,  page  248.  —  4  mai  1865,  Dalloz,  année  1865,  l'«  partie,  page  248. 

2.  Voyez  tribunal  fédéral  Suisse  du  16  décembre  1876.  —  Journal  d$  droit  inter- 
national privé,  1878,  page  63;  et  Billot,  Théorie  de  Vextradition,  page  231. 


i-.'.'.    ■ 


DEUXIÈME  PABTIE. 


CHAPITRE    LXXIY 


Moyens  dont  les  combattants  et  les  témoins  peuvent  i 
pour  échapper  à  la  sanction  de  la  loi  pénale. 


Après  avoir  constaté  que  rboraicide  et  les  blessures  commis  en 
duel  rendent  les  adTersaires  et  les  témoÏDS  passibles  en  France  des 
diverses  sanctions  que  nous  avons  i^numérées  chapitre  lxv,  noas 
alions  eiaminer  quels  moyens  ils  peuvent  tenter  dans  le  bat  de  s'f 
soustraire,  et  quelle  est  la  valeur  de  ces  moyens. 

Nous  les  diviserons  en  deux  classes  : 

La  première  comprend  les  moyens  estra-tégaux,  c'est-à-dire 
pris  en  dehors  de  la  loi.  I-a  seconde  comprend  les  moyens  empruntés 
à  la  loi,  que  les  intéressés  retournent  pour  ainsi  dire  contre  elle- 
même  et  dont  ils  se  font  une  égide. 

UOîENS     EXTHA-LÉGADX. 

Nous  n'en  connaissons  qu'un,  encore  n'est-il  pas  spécial  au 
duel,  et  tellement  banal  que  nous  n'en  parlerions  pas,  si  l'amour' 
propre  des  duellistes  et  un  étrange  besoin  de  réclame  ne  le  leur 
/aisaieul  trop  souvent  négliger. 

//  s'agit  du  secret  le  plus  absolu  gardé  avant,  pendant  et  après 
la  rencontre. 

Jamais  époque  n'a  été  plus  favorable  que  la  ndtre  à  sa  réossile. 
Depuis  quelques  années,  la  justice  semble  fermer  les  yeux  sur  les 
affaires  d'honneur.  Pour  qu'elle  les  ouvrit,  il  faudrait  qu'elle  y  fat 
contrainte  par  les  scandales  d'une  tapageuse  rencontre.  Si  elle 
intervenait,  ce  serait  pour  ainsi  dire  malgré  elle. 

Nous  ne  pouvons  trouver  un  exemple  plus  frappant  à  l'appai 
de  noire  thèse  que  celui  du  sous-lieutenant  d'infanterie  de  marine 
Wernert,  tuant  deux  hommes  à  quelques  jours  de  distance,  sans 
attirer  l'attention  de  la  justice  et  sans  que  le  ministère  public  une 
fois  avisé  exeri;At  des  poursuites  '. 

Nous  ne  saurions  garantira  tous  ceux  qui  voudraient  employer 
ce  moyen  un  égal  succès,  car  il  faut,  en  cela  comme  en  toute  chose, 

e  Wernert,  Gaittte  det  Tribunaux, 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  353 

compter  avec  certaiDs  aléas  qui  déjouent  les  plus  habiles  calculs. 
L'indiscrétion  des  témoins  ou  des  personnes  mêlées  à  l'affaire,  la 
curiosité  de  reporters  toujours  à  l'affût  des  moindres  nouyelles»  et 
cent  autres  causes  suffisent  pour  produire  ce  résultats 

Cependant  nous  le  recommandons,  car  il  joint  à  sa  qualité  de 
préservatif  celle  de  rentrer  dans  Tobseryation  correcte  des  règles  du 
point  d'honneur,  qui  interdisent  d'immiscer  le  public  à  des  querelles 
en  dehors  de  sa  compétence  indiscutable. 

MOYENS    LÉGAUX. 

Il  n'en  existe  qu'un  :  le  duel  à  l'étranger. 

Mais  comme  il  produit  des  effets  très  différents,  suivant  que  la 
rencontre  se  termine  par  un  fait  de  nature  à  être  qualifié  crime  ou 
par  un  fait  de  nature  à  être  qualifié  délit,  nous  allons  étudier  sépa- 
rément chacune  de  ces  hypothèses. 

V  cas.  —  Le  combat  se  termine  par  un  fait  de  nature 

à  être  qualifié  crime  ^. 

Les  adversaires  et  les  témoins  qui  veulent  se  prémunir  contre 
les  poursuites  du  ministère  public  français,  en  prévision  du  cas  où 
le  duel  se  terminerait  par  un  fait  de  nature  à  être  qualifié  crime,  la 
mort  de  Tun  deux,  par  exemple,  doivent  non  seulement  choisir  un 
territoire  autre  que  le  territoire  français  pour  vider  leur  différend, 
mais,  dans  le  cas  où  l'hypothèse  se  réaliserait,  ne  plus  y  rentrer  jus- 
qu'à l'expiration  des  dix  années  exigées  pour  prescrire  l'action  pu- 
blique ^ 

C'est  seulement  à  la  condition  de  demeurer  à  l'étranger  pendant 
ce  laps  de  temps  que  le  ministère  public  français  resterait  désarmé. 

On  a  reproché  au  moyen  que  nous  signalons  de  condamner 
ceux  qui  en  usent  à  un  bannissement  dont  la  rigueur  n'est  pas  en 
proportion  avec  le  péril  qu'ils  courraient  en  se  battant  dans  leur 
patrie  et  en  y  restant;  de  constituer, par  conséquent,  un  remède  pire 
que  le  mal. 

Cette  critique,  vraie  dans  bien  des  cas,  ne  l'est  cependant  pas 
toujours. 

Que  les  duellistes  et  leurs  mandataires  aient  raison  décompter 


i.  Voyes  affaire  de  Morès-Mayer,  assises  Seine.  La  Libre  parole,  n?  da  20  août 
1893.  —  Affaire  T...-R...,  août  1890.  Appendice  n»  108. 

2.  Voyei  notre  chapitre  lxt. 

3.  Voyez  notre  chapitre  Lix. 

23 


«^.mi;  Kk.-^-:'  *' 


354  DEUXIEME  PARTIE. 


dans  une  ceruime  mesure  sur  l'indulgence  des  jarés  lorsque  le  duel 
a  été  loyal,  nous  ne  songeons  pas  à  le  nier  ;  Diais  de  là  à  croire  que 
celle  indulgence  leur  est  forcément  acquise,  il  y  a  loin. 

Noua  pourrions  citer  plusieurs  exemples  à  l'appui  de  cette  asser- 
tion, et  notamment,  parmi  les  atîaires  les  plus  récentes,  les  affaires 
Asselin-Sainl-Victor,  Ghika-Soutzko,  Betz-Pîcrotli,  etc. 

Ils  ne  doivent  pas  oublier  que  le  jury  se  laisse  aller  d'ordinaire 
aux  impressions  du  moment,  au  courant  de  l'opinion,  et  qu'il  est  bien 
plus  disposé  â  prendre  en  considération  la  personnalité  des  indiri- 
dus  en  cause  que  la  logique  pure  et  la  justice  absolue.  Une  légitime 
sns|)icion  peut  donc  les  engager  quelquefois  à  ne  pas  affronter  son 
verdict. 

Du  reste,  la  rigueur  de  cet  exil  sera  singulièrement  atténua, 
pour  bien  des  gens,  par  l'administration  et  la  disposition  de  leurs 
biens  que  conservent  leseiîlés.  En  effet,  le  choix  qu'ils  font  d'un  ter- 
ritoire élrangerpourse  battre  el  lesoin  qu'ils  prennent  d'y  demeurer 
empêchent  qu'aucune  procédure  par  contumace  ne  soit  intentée 
contre  eux,  et  que  te  si'tjuesire  ne  soil  mis  sur  leurs  biens,  comme 
il  le  serait  st,  le  duel  ayant  eu  lieu  en  France,  Us  s'étaient  ensuite 
réfugiés  à  l'étranger. 

Un  inconvénient  plus  grave  du  moyen  que  nous  signalons  est 
d'exposer  ceux  qui  l'emploient  à  être  arrêtés  sur  le  territoire  de 
l'État  où  le  duel  a  eu  Heu,  et  à  subir  la  sanction  de  lois,  sinon  plus 
rigoureuses  que  les  nâtres,  du  moins  plus  régulièrement  appli- 
quées. 

Pour  s'y  soustraire,  ils  sont  obligés  de  se  réfugier,  aussitôt  après 
le  combat,  dans  un  paytj  qui  n'extrade  pas  les  individus  réclaroAi 
sous  l'inculpation  de  meurtre,  blessures,  lésions  corporelles,  etc., 
commis  en  duel. 

La  Suisse  nous  parait  devoir  élre  avantageusement  choisie.  En 
effet,  grSceà  la  variété  des  lois  pénales  qui  régissent  ses  cantons  très 
rapprochés  les  uns  dos  autres,  elle  se  prête  mieux  que  n'importe 
quelle  contrée  aux  combinaisons  qui  peuvent  être  tentées  dans  le 
but  d'esquiïer  l'action  publique  '. 

On  voit  que  les  intéressés  ne  doivent  jamais  choisir  le  pays  sur 
le  territoire  duquel  la  rencontre  aura  lieu,  et  celui  sur  le  territoire 
duquel  ils  se  réfugieront  ensuite,  sans  avoir  comparé  préalablement 
les  diverses  législations  étrangères  sur  le  duel  et  les  divers  traités 
relatifs  à  l'extradition. 

Si  les  circonstances  leur  permettent  de  passer,  sans  être  arrêtés, 

t  «péciitlemeot  l'aSaire  LeouiDg,  tribuDkl  fédérât 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE-  355 

de  Fan  des  territoires  choisis  à  l'autre  territoire,  il  est  probable  que 
leur  combinaison  sera  couronnée  de  succès  et  qu'ils  échapperont  à 
toute  sanction  pénale.  Cependant  la  certitude  ne  saurait  être  absolue, 
car  l'extradition  est  un  acte  de  souveraineté  de  l'État  requis.  II  peut 
la  consentir  malgré  le  silence  des  traités. 

Observons,  pour  clore  ce  trop  long  débat,  que  dans  certains  cas 
l'honneur  défend  aux  adversaires  et  aux  témoins  d'essayer  le  moyen 
dont  nous  nous  sommes  entretenus  précédemment;  par  exemple,  si 
un  refus  de  comparaître  devant  la  justice  est  de  nature  à  jeter  un 
doute  sur  la  loyauté  de  la  rencontre. 

2«  cas.  —  Le  combat  se  termine  par  un  fait  de  nature 

à  être  qualifié  délits 

Le  choix  d'un  territoire  étranger,  dans  le  but  d'éviter  les  consé- 
quences pénales  d'un  duel  terminé  par  un  fait  susceptible  d'être  qua- 
lifié délit,  terminé,  par  exemple,  par  une  blessure  entraînant  incapa- 
cité de  travail  pendant  moins  de  vingt  jours,  offre  des  chances  de 
réussite  bien  plus  grandes  que  si  le  choix  avait  eu  lieu  en  prévision 
du  cas  où  le  duel  se  terminerait  par  un  fait  susceptible  d'être  qua- 
lifié crime. 

Nous  savons  déjà  en  effet  que,  si  le  territoire  désigné  appartient 
à  un  État  dont  la  législation  ne  punit  pas  le  duel,  les  adversaires  et 
les  témoins  peuvent  rentrer  en  France  après  le  combat,  sans  y  être 
atteints  par  aucune  sanction  pénale  (art.  5,  Gode  instruction  crimi. 
nelle,  S  2)  ;  ^^  V^^  ^î  1^  territoire  appartient  à  un  État  dont  la  législa- 
tion punit  le  duel,  ils  ne  peuvent  être  poursuivis  après  leur  retour 
en  France  que  si  le  blessé  a  porté  plainte,  ou  si  l'autorité  étrangère 
a  dénoncé  officiellement  le  fait  à  l'autorité  française  (art.  5  du  Gode 
d'instruction  criminelle,  §  k). 

Nous  ne  connaissons  en  Europe  que  trois  pays  rentrant  dans 
les  conditions  énumérées  au  paragraphe  2.  Ce  sont  les  cantons  de 
Genève,  d'Appenzel  et  d'Uri. 

Gomme  leurs  lois  n'offrent  aucune  disposition  spéciale  et  pré- 
cise punissant  le  duel,  aucune  pratique  judiciaire  constante  éten- 
dant aux  lésions  corporelles  faites  en  combat  singulier  les  règles  du 
droit  commun  relatives  aux  coups  et  blessures,  nous  croyons  qu'ils 
constituent  le  seul  port  de  salut  susceptible  de  mettre  duellistes 
et  témoins  à  l'abri  de  toute  poursuite  en  France,  pour  les  faits 
dont  nous  nous  occupons,  lorsqu'ils  sont  de  nature  a  être  qualifiés 
délits. 

1.  Voyez  chapitre  lxv.  .      . 


356  DEL'XIÈME  PARTIE. 

Bien  que  cette  opinion  De  soit  élayée  d'aucune  di^cisîon  suscep- 
tible de  former  jurisprudence,  nous  hésitons  d'autant  naoios  à  la 
soutenir,  qu'une  erreur  de  noire  part  n'aurait  pas  d'autre  nfsnt 
lai  que  de  placer  les  intérossôs  dans  la  position  où  ils  se  Iroure- 
raienl  si  k-  combat  avait  eu  lieu  sur  le  lerriloire  il'un  État  où  le  dasi 
est  réprinii?. 

Aucune  poursuite  ne  pourrait,  comme  nous  Tenons  de  le  dire, 
f^lre  eserci^c  contre  eux,  sans  avoir  été  précédée  de  la  plainte  du 
blessé,  ou  de  la  dénonciation  oflicielle  dontil  est  question  au  para- 
graphe h  de  l'article  5. 

Or,  dans  la  plupart  des  cas,  ces  conditions  ne  seront  pas 
remplies,  car  le  blessé  se  gardera  bien  de  porter  une  plainte  qui 
rendrait  au  ministère  public  sa  liberté  d'action  et  lui  permet- 
trait de  le  poursuivre,  lui  blessé,  en  vertu  de  l'article  311  du  Code  ; 
pénal  '.  Généralement  aussi,  ils  auront  su  écbapper  à  la  pofiM 
iHrangére. 

Mais  s'il  y  a  probabilité  d'entraver  les  poursuites,  il  n'y  a  pas 
certitude,  quand  bien  môme  les  adversaires  se  seraient  engagés  d'a- 
vance à  ne  pas  porter  plainte,  ou  quand  bien  même  les  précautions  '■ 
les  plus  minutieuses  auraient  été  prises  afin  d'éviter  la  dénoacia-  i 
lion  ofllcielle.  Eu  effet,  dans  la  première  hypothèse,  l'engagement 
est  illégal,  el,  dans  la  seconde,  il  faut  compter  avec  un  hasard  mal- 
heureux. 

Les  recommandations  que  nous  avons  faites  à  propos  du  secret, 
qui  constitue  le  seul  moyen  extra-légal  d'éviter  les  poursuites,  sont 
encore  plus  vraies  dans  le  cas  présent. 

l.es  adversaires  et  les  témoins  doivent  en  effet  se  prémunir, 
non  seulement  contre  une  arrestation  flagrante  deticto,  ce  à  quoi  ils 
peuvent  arriver  en  se  battant  à  deux  pas  de  la  frontière  qu'ils  tra- 
versent à  la  première  alerte,  mais  encore  contre  les  renseignements 
que  la  police  étrangère  recueillera,  et  qui  lui  permettront  de  for- 
muler la  déooQciatian  qui  fournira  au  ministère  public  français  la 
possibilité  de  sortir  de  son  inaction. 

Qu'ils  seméflentdes  douaniers  qui,  pendant  la  yisite  des  bagages, 
peuvent  découvrir  les  armes,  des  cochers,  hôteliers,  reporters,  etc., 
etc.,  en  un  mot  de  tous  les  gens  qui  les  approchent  et  risquent  de 
donner  l'éveil  à  la  police. 

Inoonvénlents  do  dnel  à  l'étraiigar. 

Après  avoir  signalé  les  garanties  d'impunité  qu'offre  le  duel  à 
l'étranger,  il  nous  reste  à  en  montrer  les  inconvénients,  de  manière 

I.  Voyei  notre  chapitre  uv. 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  357 

à  permettre  aux  duellistes  de  prendre  une  décision  aTec  connais- 
sance de  caase. 

Pour  peu  qu'ils  soient  hommes  politiques,  ou  simplement 
hommes  connus,  pour  peu  que  les  préliminaires  de  la  rencontre 
aient  été  ébruités,  ils  ont  chance  d'être  reçus  à  la  descente  du  train 
par  les  gendarmes  étrangers,  sans  lesquels  ils  ne  peuTent  plus  faire 
un  pas,  jusqu'au  moment  où,  à  bout  de  patience,  ils  se  décideront  à 
mettre  un  terme  à  cette  situation  ridicule  et  à  rentrer  en  France 
comme  ils  étaient  Tenus  K 

S'ils  sont  assez  habiles  pour  dépister  leurs  gardes  du  corps  et 
pour  se  battre  quand  même,  ils  courent  risque  d'être  arrêtés  et 
exposés  à  une  législation  souTent  plus  rigoureuse  que  la  nôtre,  tou- 
jours plus  régulièrement  appliquée*. 

Nous  ne  citerons  que  pour  mémoire,  bien  qu'ils  aient  leur 
importance,  les  pertes  de  temps  et  les  frais  occasionnés  par  des 
voyages  qui  ne  sont  ni  à  la  portée  de  toutes  les  bourses  ni  à  celles 
de  toutes  les  positions,  et  la  difficulté,  plus  grande  qu'on  ne  le  croit 
généralement,  de  rencontrer,  même  lorsqu'on  n'est  pas  signalé  à  la 
police,  un  lieu  propre  à  la  lutte. 

Nous  voulons  parler  d'un  lieu  joignant  aux  conditions  énumé- 
rées  chapitres  xxii,  xxiv  et  xlvu  celle  de  toucher  à  la  frontière,  tout 
en  étant  assez  rapproché  d'une  ville  française  pour  que  le  blessé 
puisse  y  être  transporté  facilement  et  y  recevoir  les  soins  nécessités 
par  son  état,  sans  avoir  à  redouter,  pour  lui  et  les  témoins  restés  à 
ses  côtés,  la  condamnation  qui  les  frapperait  s'ils  demeuraient  dans 
le  pays  où  le  duel  a  eu  lieu. 

Nous  avons  entendu  soutenir  bien  des  fois  que  ces  précautions, 
admissibles  à  l'époque  où  le  duel  était  sévèrement  réprimé  en 
France,  sont  inutiles  aujourd'hui  que  le  vent  souffle  à  l'indulgence, 
et  que  le  ministère  public  n'intervient  guère  que  si  le  combat  s'est 
terminé  par  la  mort  d'un  des  champions  ou  s'il  a  été  déloyal.  Pour- 
quoi faire  tant  de  façons,  nous  disait-on,  lorsque  sénateurs  et  députés 
se  battent  à  qui  mieux  mieux,  lorsqu'on  a  pu  voir  naguère  un  prési- 
dent  du  Conseil  croiser  le  fer  sous  l'égide  du  chef  de  la  sûreté,  venu 
Coût  exprès  pour  assurer  le  calme  nécessaire,  lorsqu'un  substitut 
près  le  tribunal  de  la  Seine  est  replacé  deux  mois  après  avoir  donné 
sa  démission,  à  la  suite  d'une  rencontre  où  il  a  figuré  comme  acteur  ^7 

1.  Voyez  affaire  Rochefort-Isaac,  l* Intransigeant  du  14  mai  1801. —  Rochefort- 
Thiébaut,  la  Presse  du  8  septembre  1890.  Appendice  n«  109. 

2.  Voyez  la  désopilante  affaire  Marchis-Duchassin,  Gazette  des  Tribunaux,  n^ 
des  14, 17,  18  décembre  1876,  et  l*affaire  Laguerre-Dérouléde,  la  Presse^  n**  des  16, 
17,  18  novembre  1890.  Appendice  n<"  110  et  111. 

3.  Voyez  affaire  Floquet-Boulanger.  Appendice  n^  4.  —  Affaire  T..,-R..., 
août  1890.  Appendice  n<>  99. 


r 


DECXIÈME  PARTIE. 


I 


Mieuï  vanl  s'escrimer  ô  sa  porte  et  près  de  son  médecin.  C'est 
plas  économique,  plus  confortable  et  moins  (iangereuz. 

il  y  a  du  vrai  dans  ce  raisonnement,  mais  il  ne  faut  pas  trop 
généraliser.  Ce  serait  folie  de  croire  que  toute  rencontre  terminée 
par  de  simples  blessures  est  eierapte  de  danger. 

Un  pareil  optimisme  eiposerait  les  advei'saircs  et  les  témoiosi 
uu  réveil  désagréable. 

La  neutralité  actuelle  de  la  justice  n'implique  pas  son  désar- 
mement. Le  ministère  public  peut  très  bien  fermer  les  yeui 
sur  le  cas  de  M.  A.,.,  pemoua  grata  en  haut  lieu,  et  les  onvrir  sur 
celui  de  M.  B...,  un  gêneur,  qu'on  voudrait  mettreà  l'ombre  quelque 
temps. 

M.  B...  aura  beau  faire  ressortir  l'impuaité  du  voisin  et  criera 
l'injustice,  il  n'en  sera  pas  moins,  très  légalement,  sinon  très  jus- 
tement, traduit  devant  les  tribunaux  et  condamné. 

Ne  l'oublions  pas  :  tant  que  la  prescription  ou  l'amnistie  n'ont 
pas  couvert  l'acte  délictueux,  les  (-ombatlanlaetles  témoins  auraient 
tort  de  se  croire  indemnes  parce  qu'ils  n'ont  pas  été  poursuivis 
aussitôt  après  la  rencontre.  Ils  demeurent  passibles  d'articles  qui  ne 
sont  pas  abrogés,  et  qui  peuvent  élre  appliqués  du  jour  au  lende- 
main, sur  un  ordre  du  ministère'. 

De  même  que  nous  avons  conseillé  aux  adversaires  et  aux 
témoins  qui  voudraient  vider  leur  querelle  à  l'étranger  de  choisir 
pour  cela  les  territoires  de  Genève,  d'Appen/el  et  d'Un,  de  même 
nous  conseillerons  de  choisir  le  déparlemeot  de  la  Seioe  h  ceux 
qui  préféreraient  que  la  rencontre  ait  lieu  en  France. 

En  eCfet,  c'est  l'endroit  où  un  événement  de  cette  espèce  pas- 
sera le  plus  inaperçu,  laissera  le  public  plus  froid,  et  De  les  expo- 
sera guère  ani  poursuites  que  s'il  y  a  un  dénouement  tragique. 

En  pareille  occurrence,  celte  décision  leur  procurera,  en  outre, 
l'avantage  de  comparaître  devant  des  jurés  plus  indifféreDts  que 
partout  ailleurs  aux  influences  de  clocher,  moins  ignorants  que 
les  provinciaux  des  usages  du  point  d'honneur,  moins  malléables, 
par  conséquent  moins  disposés  à  confondre  un  duel  avec  une  rixe 
ordinaire,  et  celui  qui  tue  un  homme  dans  une  rencontre  loyale 
avec  un  vulgaire  meurtrier. 

Une  question  accessoire  se  grefTe  sur  la  question  des  avantages 
et  des  inconvénients  que  présente  le  duel  ù  l'étranger. 

Elle  a  été  soulevée  à  propos  de  l'afTaire  Lavertujon-BaretaQd*. 
On  s'est  demandé  si  la  clause    que  le  duel  aurait  lien  à 


RESPONSABILITÉ  PÉNALE.  359 

l'étranger  pourrait  être  imposée  comme  condition  sine  qud  non  de 
la  rencontre. 

A  notre  avis,  il  faut  distinguer  si  la  condition  est  posée  par  un 
des  adversaires,  ou  par  un  témoin. 

Dans  la  première  hypothèse,  la  réponse  doit  être  négative, 
parce  que  le  désir  d'esquiver  la  sanction  pénale  ne  saurait,  dans 
bien  des  cas,  entrer  en  ligne  de  compte  avec  d'autres  intérêts  plus 
respectables,  notamment  lorsque  la  partie  adverse  est  nécessi- 
teuse ou  dans  l'impossibilité  de  voyager.  La  solution  contraire  lui 
enlèverait,  en  effet,  la  faculté  de  demander  ou  de  rendre  raison 
pour  une  offense  donnée  ou  reçue,  ce  qui  est  contraire  aux  règles 
fondamentales  du  point  d'honneur. 

Dans  le  second  cas,  la  réponse  doit  être  afûrmati?e. 

En  effet,  les  témoins,  qui  se  chargent  bénévolement  d'un  lourd 
fardeau,  et  qui  sont  considérés  par  la  loi  pénale  comme  complices 
des  adversaires,  demeurent  exposés  à  toutes  les  conséquences  de  la 
complicité.  Il  est  donc  bien  juste  qu'ils  conservent  la  liberté  de 
prendre  les  précautions  qu'ils  regardent  comme  propres  à  en  atté- 
nuer le  danger,  et  qu'ils  soient  maîtres  de  subordonner  à  cette  con- 
dition l'assistance  dont  on  les  prie. 


TROISIÈME   PARTIE 

RESPONSABILITÉ  CIVILE  DES  ADVERSAIRES 

ET  DES  TÉMOINS. 


CHAPITRE    LXXV 

Éléments  de  la  responsabilité  civile.  —  Conditions  relatives 
au  dommage  souffert. — Personnes  auxquelles  appartient 
Faction  en  responsabilité  civile.  —  Contre  lesquelles  elle 
peut  être  dirigée.  —  En  quoi  consiste  la  réparation. 

Le  principe  de  la  responsabilité  civile  est  exprimé  de  la  manière 
la  plus  générale  dans  Tarticle  1382  du  Gode  civil,  en  vertu  duquel 
«  tout  fait  quelconque  de  l'homme  qui  cause  à  autrui  un  dommage 
oblige  celui  par  la  faute  duquel  il  est  arrivé  à  le  réparer  ». 

Dans  la  matière  qui  nous  occupe,  il  faut  entendre  par  le  mot 
0  dommage  »  tout  préjudice  qui  est  la  cause  du  duel  et  qui  existe 
à  rinstant  où  l'action  en  responsabilité  civile  est  intentée.  En  effet, 
le  dommage  doit  être  prouvé  au  moment  où  la  personne  lésée  porte 
sa  demande  devant  les  tribunaux  ;  l'allégation  d'un  dommage  éven- 
tuel ne  suffit  pas. 

Un  dommage  matériel,  pécuniaire,  n'est  pas  le  seul  qui  donne 
naissance  à  l'action  en  responsabilité  civile.  Dans  certains  cas,  un 
intérêt  purement  moral  suffit.  Ainsi  des  dommages  et  intérêts 
peuvent  être  réclamés  par  un  fils  pour  la  mort  de  son  père  tué  en 
duel,  par  une  femme  pour  la  mort  de  son  mari,  etc.,  quand  bien 
même  la  victime  aurait  été  à  leur  charge.  Si  les  tribunaux  font  droit 
à  cette  demande,  ce  sera  en  compensation  de  la  solitude  et  de  la 
douleur  où  ils  sont  plongés,  de  l'appui  qui  leur  fait  défaut,  etc.,  etc.  ; 
ils  la  lui  accorderont  pécuniaire,  faute  de  pouvoir  faire  mieux. 

Le  droit  de  demander  des  dommages  et  intérêts  appartient  à 
toutes  les  personnes  qui  ont  souffert  un  préjudice  par  le  fait  du 
duel  *. 

1.  Articles  i«'  et  63  du  Code  d'instraction  crimiDeUe. 


361  TROISIÈME  PARTIE, 


On  voit  de  suite  quelle  eiteosion  peut  être  donnée  à  la  respon- 
sabilité (les  duellistes,  et  combieu  la  liste  des  réclamatioas  peut  être 
cbargéc.  Nous  n'entreprendrons  pas  de  la  dresser  :  nous  nous  con- 
lenterons  de  donner  quelques  exemptes,  qui  suffiront  pour  montrer 
la  fécondité  du  principe  formulé  en  (été  du  Code  d'instruction 
criminelle. 

Ainsi  l'homme  qui,  dans  un  duel,  aura  fait  des  blessures  à  sod 
adrersaire,  pourra  être  condamné  à  des  réparations  envers  lui,  bien 
que  tout  se  soit  passé  loyalement  '. 

Celui  qui  aura  donné  la  mon  à  son  adversaire  pourra  être 
condamné  à  une  indemnité  au  profit  de  ta  famille  du  défunt. 

Nous  trouvons  de  nomlireux  arrêts  accordant  des  dommages 
et  intérêts,  notamment  : 

Aux  enfanta.  —  Affaire  Bctz-Pierotti,  assises  des  Bouches-dn- 
RhOue,  11  décembre  1880.  Dailoz.  Jurisprudence,  V  Duel,  supplé- 
ment, n"  ItS. 

A  la  leure.  —  Cassation,  29  juin  1827.  —  Cour  d'assises  des 
Basses- Pjrénées,  15  août  1837.  Voyez  Dailoz,  Jurisprudence.  V°  Duel, 
n"  105. 

A  la  mère.  —  Bordeaux,  15  avril  1835.  —  Cassation,  30  juin 
1836,  ibidem.  —  Cour  d'assises  de  Seine-et-Oise,  25  norembre  1862, 
et  Cassation,  20  février  1863.  Dailoz,  année  ISC^,  première  partie, 
page  'J9. 

Aux  frères  et  sœurs.  —  Même  arrêt. 

Etc.,  etc. 

Nous  arrêtons  là  nos  citations,  malgré  l'intérêt  que  pourraient 
offrir  d'autres  exemples. 

Nous  ne  parlerons  notamment  du  droit  des  héritiers  et  des 
créanciers  que  pour  indiquer  les  sources  auxquelles  le  lecteur 
pourra  puiser,  s'il  veut  étudier  ces  intéressantes  questions  et  appro- 
fondir les  controverses  qu'elles  ont  soulevées.  Cet  examen  dépasse- 
rait les  limites  de  notre  travail  >. 


1.  Voyei  Soardai,  Traité  de  la  rtsportsabiliti,  (orne  V,  n*  lOS  bù.  —  DemoloinlM, 
Contratt,  tome  Vlll,  u"  S12.  —  Laroinbière,  wmo  V,  page  710,  —  Aubr;  et  Riu, 
tome  IV,  page  743.  —  Rauter,  Législation  criminelle,  fome  II,  n»  i44. 

2.  Voyez,  sur  le  droit  des  hériliers,  Sourdat,  Aeipontubilit^,  tome  I,  n*  54. — 
Labbé,  Observationa  eur  un  jugemem  du  iribunal  correctiODoel  de  Besançon  on  dais 
du  !•'  décembre  1880,  Sirey,  année  1881,  2=  partio,  p»ge  ÏO,  —  Sur  le  droit  des 
créanders,  yoyei  Sourdat,  tomo  I,  n"  73.  —  Dalloi,  Juriiprvdtna,  V*  Obligaliont, 
paragraphe  502,  n°*  16  et  1 7.  —  Dcmolombe,  Conirati,  tome  II,  n°  80.  —  Larombidre, 
tome  I<',  sur  l'article  1160.—  Labbé,  Ob8cr\alions  sur  un  Jugement  du  tribunal  delà 
Soins  du  9  Janvier  1879,  Sirey,  année  ISSI,  2' partie,  page  28. 


RESPONSABILITÉ  CIVILE.  363 

Uaction  publique,  pour  l'application  de  la  peine,  ne  peut  être 
dirigée  que  contre  le  prévenu.  Elle  s'éteint  à  la  mort. 

L'action  en  responsabilité  civile  peut  être  dirigée  contre  l'auteur 
du  fait  dommageable  et  contre  ses  représentants  ^ 

En  conséquence,  elle  peut  êti*e  dirigée  contre  la  personne  civi- 
lement responsable,  par  exemple  contre  le  père  d'un  mineur  qui 
aurait  tué  un  homme  en  duel,  et  contre  les  héritiers,  car  les  biens 
du  défunt  ne  leur  ont  été  transmis  que  grevés  de  cette  obliga- 
tion, etc. 

L'action  en  dommages  et  intérêts  peut  être  également  intentée 
contre  les  témoins,  en  vertu  des  articles  1382  et  1383  du  Gode  civil; 
mais  la  seule  qualité  de  témoins  ne  suffit  pas  pour  entraîner  néces- 
sairement leur  responsabilité  civile. 

On  ne  saurait  admettre,  par  exemple,  que  les  parents  d'un 
individu  tué  en  duel  puissent  raisonnablement,  et  par  le  seul 
motif  que  les  mandataires  de  la  partie  adverse  ont  assisté  au  com- 
bat, leur  réclamer  des  dommages  et  intérêts,  alors  qu'ils  se 
sont  acquittés  de  leur  charge  avec  tout  le  soin  et  la  conscience 
désirables,  et  qu'ils  ont  dirigé  l'affaire  avec  la  plus  entière  correc- 
tion. 

Il  faudrait  que  de  leur  part  il  se  fût  produit  une  faute,  pour 
l'appréciation  de  laquelle  les  juges  ont  un  pouvoir  discrétionnaire. 
Dans  ce  cas,  ils  pourraient  demander  des  dommages  et  intérêts 
même  aux  témoins  de  leur  parent. 

Un  arrêt  de  la  Cour  de  cassation  belge,  en  date  du  17  décembre 
1888,  nous  offre  un  exemple  frappant  à  l'appui  de  cette  assertion. 

Dans  l'espèce,  il  s'agissait  d'un  témoin  qui,  sortant  de  son  rôle 
modérateur,  avait  envenimé  l'affaire,  et  avait  contribué  personnelle- 
ment à  la  rencontre  '. 

Nous  croyons  que  des  dommages  et  intérêts  pourraient  être 
également  demandés  à  l'individu  non  témoin  qui,  par  ses  sar- 
casmes ou  les  écarts  méchants  de  sa  langue,  aurait  provoqué  la 
rencontre. 

Les  tribunaux  ont,  pour  la  fixation  des  dommages  et  intérêts, 
un  pouvoir  discrétionnaire,  mais  ils  devront  tenir  compte  de  la 
gravité  du  préjudice,  de  la  situation  sociale  et  pécuniaire  où  se 
trouvaient  les  adversaires,  et  des  circonstances  qui  ont  préparé  ou 
accompagné  la  rencontre.  Us  doivent  se  préoccuper,  en  particulier, 
de  la  faute  imputable  à  l'auteur  du  préjudice.  Il  n'est  pas  douteux, 
en  effet,  qu'à  égalité  de  dommage  matériel,  ils  n'accordent  une 


1.  Article  2  du  Gode  d'instruction  criminelle. 

2.  Voyex  Dalloz,  Jurisprudence,  supplément,  V»  Duelf  n^  75. 


su  TROISIÈME  PARTIE. 

iDdemoilé  plus  considérable  à  celui  qai  aara  été  obligé  de  se  lultre, 
poar  aiasi  dire  malgré  lui.  qu'à  l'agresseor. 

>~ooblioDS  pas  qu'eu  matière  de  dutJ,  c'est  l'auleiir  de  l'offense 
et  non  celai  qui  a  cnTojé  le  cartel  qui  est  coasidà^  comme  proTo- 
caleor*. 

Les  dommages  et  intérêts  se  traduisent  toajonrs  par  le  payement 
d'une  somme  d'argent.  Ils  peurent  consister,  par  exemple,  soit  eu 
une  somme  fiie.  payable  d'un  seul  coop  on  â  terme,  soit  dan^  une 
reste  reyeraible  on  non  rereistble,  etc.  >. 


CHAPITRE    LTÏVl 

Mode  d'obligatiOD  des  personnes  responsables.  —  Solidarité. 
—   Exécution   des   coodaumations  sur  les  biens    et   la 


En  Tertu  de  l'article  55  du  Code  péaal,  ions  lesiadiridus  con- 
damnés poar  an  même  crime  on  pour  an  même  délit  sont  tenns 
sdidairemeDl  des  amendes,  des  restitotions.  des  dommages  et  iiit«- 
rêls  et  des  fr;iis. 

Arant  de  faire  l'applicfllion  des  rllsposilicns  contenues  dans  cet 
article  au  sujel  qui  ntiui  û -c:^^c,  li^iiLiiii^ji-i  I2  i-^LiL^i'ilt. 

L'obligation  est  solidaire  entre  débiteurs,  lorsque  chacoo  d'eu 
est  A  considérer,  dans  ses  rapports  avec  le  créancier,  comme  débi- 
teur de  l'intégralité  de  la  dette  ;  en  d'autres  termes,  lorsine  chaqae 
débiteur  se  trouve  obligé,  au  (oui  et  pour  le  tout,  comme  s'il  ^it 
seul  débiteur. 

De  ce  principe  général,  on  peul,  relatiTement  aax  suites  péca- 
niaires  d'un  duel,  tirer  les  conséquences  soivaDles  : 

Tous  les  indiîidus,  combaltanis  et  témoins,  condamnés  derant 
la  Cour  d'assises  ou  les  tribunaux  correctionnels,  soit  comme  aateors 
de  rbomicide  ou  de  la  blessure,  soit  comme  complices,  sool  respon- 
sables les  uns  des  autres,  en  ce  qui  concerne  le  pavement  des 
sommes  dues  à  l'État,  c'est-à-dire  en  ce  qui  concerne  les  amendes 
encourues  et  les  frais  occasionnés  par  le  procès,  et  en  ce  qui  con- 
cerne le  payement  des  dommages  et  intérêts  alloués  k  la  personne 
lésée.  Dans  ce  cas,  la  solidarité  a  lieu  de  plein  droit  et  bien  que  les 

I.  yojaJMloi.JariMprvUaagtMir*!»,  V*D»«(,  d*  ISi.M  wi|>pl«m«st,  ««ïî. 
i.  ><TefCunlMB,a0féTTierll63.  Dklloi.  1861,  1"  putie,  p«ge  99. 


RESPONSABILITÉ  CIVILE.  365 

peines  prononcées  contre  eux  soient  différentes  et  que  le  montant 
des  condamnations  ne  soit  pas  le  même. 

Ainsi  deux  adversaires  sont  poursuivis  avec  leurs  quatre 
témoins.  Chacun  d'eux  est  condamné  à  500  francs  d'amende,  trois 
témoins  sont  condamnés  à  100  francs  chacun,  le  quatrième,  Pierre, 
à  25  francs  ;  les  frais  du  procès  sont  de  1,000  francs,  ce  qui  fait  un 
total  de  2,325  francs. 

Supposons  que  Pierre  soit  seul  solvable.  C'est  lui  qui,  bien  que 
le  plus  légèrement  condamné,  payera  la  totalité  des  2,325  francs. 

Lorsqu'il  s'agit  de  dommages  et  intérêts  et  de  témoins,  il  faut 
supposer,  bien  entendu,  que  les  derniers  ont  été  mis  en  cause 
à  raison  d'une  faute  personnelle,  et  ont  été  condamnés  à  cette  répa- 
ration en  même  temps  que  l'auteur  de  l'homicide  ou  de  la  blessure. 

Lorsque  l'action  en  dommages  et  intérêts  est  portée  directement 
devant  les  tribunaux  civils,  les  juges  peuvent  prononcer  la  solida- 
rité ;  mais  ils  n'y  sont  pas  obligés  comme  lorsque  la  réparation  est 
poursuivie  devant  les  tribunaux  de  répression  en  même  temps  que 
l'action  publique*. 

On  comprend  toute  l'importance  que  peut  avoir,  pour  les  per- 
sonnes mêlées  à  un  duel  d'une  manière  quelconque,  et  en  particu- 
lier pour  les  témoins,  la  question  de  solidarité,  surtout  en  ce  qui 
concerne  les  amendes  et  les  frais. 

Elle  est  intéressante  également  au  point  de  vue  de  la  contrainte 
par  corps.  Chaque  condamné  peut,  en  effet,  dans  certaines  condi- 
tions, être  tenu  personnellement  de  la  totalité  de  la  somme  par  ce 
moyen  de  recours. 

Après  avoir  vu  quelle  était  la  nature  de  l'action  en  réparation 
civile,  celle  de  la  réparation  elle-même  et  la  manière  plus  ou  moins 
rigoureuse  dont  le  débiteur  doit  être  tenu,  nous  allons  indiquer 
sommairement  comment  s'exécutera  la  condamnation. 

Uexécution  peut  porter  sur  tous  les  biens  du  condamné  que  la 
loi  ne  déclare  pas  insaisissables  et,  dans  certains  cas,  sur  sa  per- 
sonne, par  voie  de  la  contrainte  par  corps. 

La  détention  est  une  compensation  du  défaut  absolu  d'exécu- 
tion provenant  de  la  mauvaise  foi  ou  de  l'insolvabilité  du  condamné. 

Les  jugements  de  condamnation  prononcés  parla  Cour  d'as- 
sises et  les  tribunaux  correctionnels  entraînent  de  plein  droit  la 
contrainte  par  corps  pour  le  payement  des  amendes,  frais  et  dom- 
mages et  intérêts  au  profit  de  l'État  et  pour  celui  des  dommages  et 
intérêts  dus  à  la  partie  lésée  '. 

1.  Voyez  Soardat,  tome  !•',  n*«  162et8uiT. 

2.  Articles  \,  2,  3,  4^  delà  loi  du  22  Juillet  1867  et  loi  du  19  décembre  1871, 


^  3M 


TROISIÈME  PARTIE. 


Lorsque  la  rëparalion  est  poursuivie  deTant  les  tribanans 
civils,  il  faut  disllnguer  : 

Si  l'action  de  ta  partie  lésée  est  fondée  sur  un  crime  ou  un 
délit  préalablement  reconnu  par  les  tiibunaui  de  répression,  la 
contrainte  doit  s'exercer.  Dana  le  cas  contraire,  lorsque  l'action  revél 
un  caractère  purement  civil,  elle  ne  peut  pas  être  prononcée  '. 


CIIAPITRK    LXXVII 

Compétence.  —  Action  civile  portée  devant  les  tribunaux  de 
répression.  —  Devant  les  tribunaux  civils,  —  Preuve. 


La  partie  lésée  par  l'effet  d'uu  duel,  par  exemple  par  la  mort 
ou  la  blessure  d'un  des  adversaires,  peut  porter  l'action  eu  répara- 
tion civile,  soit  devant  les  tribunaux  de  répression,  soit  devant  les 
tribunaux  civils. 

Nous  allons  étudier  chacune  de  ces  hypothèses. 

De  l'action  civile  portée  devant  la  Cour  d'assises. 

Ln  partie  K^séc  peut  toujours  se  porter  partie  civile  dcraot  la 
Cour  d'assises,  à  raison  d'un  Tait  qui  lui  est  déféré  par  le  mlDis- 
tère  public  '. 

En  effet,  la  Cour  d'assises  est  compétente  pour  connaître  de 
l'action  civile  contre  l'accusé  condamné  ou  même  acquitté. 

N'oublions  pas  que  la  mission  du  jury  est  absolument  diffé- 
rente de  celle  de  la  cour.  Le  jury  a  pour  principal  devoir  de  sauve- 
garder l'intérêt  de  la  société.  Lorsque,  dans  l'acte  qui  lui  est  déféré, 
il  ne  voit  aucune  cause  de  lésion  pour  l'intérêt  social,  il  prononce 
un  acquittement.  La  cour,  au  contraire,  doit  non  seulement  sauve- 
garder l'inlérét  social,  mais  encore  protéger  l'intérêt  du  particulier 
lorsqu'il  réclame  sa  sauvegarde. 

Elle  peut  prononcer  des  dommages  et  intérêts,  même  en  cas 
d'acquittement  par  le  jury,  lorsqu'elle  reconnaît  dans  l'acte  qui  lui 
est  déféré  une  cause  de  dommage  pour  la  partie  civile. 

Dès  lors,  il  ne  faut  pas  s'étonner  qu'une  affaire  soumise  à  l'un 


RESPONSABILITÉ  CIVILE.  367 

et  à  Tautre  reçoive  en  même  temps  une  solution  diamétralement 
opposée  *. 

Le  duc  de  Grammont-Gaderousse,  qui  avait  tué  en  duel  son 
adversaire,  fut  renvoyé  indemne  par  le  jury  et  condamné  par  la 
cour  à  des  dommages  et  intérêts  considérables  envers  la  mère,  les 
frères  et  les  sœurs  de  la  victime. 

Les  arrêts  de  la  Gour  d'assises,  alors  même  qu'ils  statuent  sur 
une  demande  en  dommages  et  intérêt^,  ne  sont  pas  susceptibles 
d'appel.  La  voie  de  la  cassation  est  seule  ouverte  contre  eux. 

De  Taction  civile  portée  devant  le  tribunal  correctionnel. 

Ge  tribunal  ne  peut  prononcer  de  dommages  et  intérêts  qu'ac- 
cessoirement à  un  délit  par  lui  reconnu.  Il  ne  peut,  par  conséquent, 
acquitter  le  prévenu  et  accorder  des  dommages  et  intérêts  à  la 
partie  civile  *. 

Mais  le  tribunal  correctionnel  est  libre  de  rejeter  la  demande 
de  la  partie  civile,  après  avoir  condamné  le  prévenu,  sMl  reconnaît, 
par  exemple,  que  le  dommage  n'existe  pas. 

Les  jugements  rendus  en  matière  correctionnelle  peuvent  tou- 
jours être  attaqués  par  la  voie  de  Tappel. 

De  l'action  portée  devant  les  tribunaux  civils. 

La  partie  lésée  peut  toujours  porter  directement  sa  demande 
devant  les  tribunaux  civils,  lorsqu'elle  ne  veut  pas  exercer  son 
action  devant  les  tribunaux  de  répression  concurremment  avec 
l'action  publique. 

Elle  ne  peut  faire  autrement  que  d'agir  devant  les  tribunaux 
civils  toutes  les  fois  que  l'action  publique  est  paralysée  par  un  obs- 
tacle légal. 

Tel  est  le  cas  où  le  combat  a  eu  lieu  à  l'étranger,  dans  un  pays 
qui  ne  punit  pas  le  duel,  et  s'est  terminé  par  une  blessure  de  na- 
ture à  être  qualifiée  délit.  Aux  termes  de  l'article  5,  paragraphe  2, 
du  Gode  d'instruction  criminelle,  aucune  poursuite  ne  peut  être 
exercée  en  France  contre  Tauteur  de  la  blessure. 

Force  est  donc  au  blessé  ou  à  toute  autre  personne  lésée  de 
s'adresser  à  la  juridiction  civile  pour  obtenir  des  dommages  et 
intérêts. 


1.  Voyez  notamment  Taffaire  Dillon-de  Grammont-Caderoasse,  assises  de  àeine- 
et-Oise,  25  novembre  1862.  Dalioz,  année  1864,  l**"  partie,  page  99. 

2.  Voyez,  sur  les  personnes  civilement  responsables,  Sourdat,  tome  II,  n»  779. 


368  TROISIEME  PAKTIE. 

Il  en  est  de  môme  si  l'action  publique  est  éteinte,  soit  par  la 
prescriptiou,  soit  par  le  dt^cès  de  l'inculpé. 

De  même  si  l'auleur  du  fait  dommageable  est  couverl  par  l'im- 
munité parlementaire. 

C'est  aussi  devant  les  tribunaux  civils  que  l'actioa  en  dom- 
mages el  intûrôls  doit  être  portée,  en  cas  de  duel  entre  justiciables 
des  Iribunaui  militaires,  car  les  tribunaux  militaires  ne  statuent 
que  sur  l'action  publique  '. 

Lorsque  l'action  en  dommages  et  intérêts  est  Intentée  si'paré- 
ment  de  l'action  publique,  elle  reste  suspendue  tant  qu'il  n'a  pas 
été  prononcé  sur  l'action  publique  intentée  avant  ou  pendant  la 
poursuite  de  l'action  civile,  en  vertu  du  vieux  principe  que  le  cri- 
minel lient  le  civil  en  état  '. 

Une  question  controversée  est  celle  de  savoir  si  la  partie  lésée 
peut  cbanger  de  juridiction,  passer  du  civil  au  criminel,  c'est-à- 
dire  porter  sa  demande  devant  le  tribunal  de  répression  après 
l'avoir  portée  devant  la  juridiction  civile,  ou  i-ice  versa  passer  du 
criminel  au  civil. 

Supposons,  par  exemple,  qu'un  duel  ait  eu  lieu  à  l'étranger  et 
se  soit  terminé  par  une  blessure  de  naturel  être  qualifiée  délit,  el 
dont  la  poursuite  ne  peut  être  exercée  en  France  sans  une  platale 
ou  une  dénonciation  offlcielle. 

Le  blessé,  qui  a  peur  d'être  poursuivi  en  vertu  de  l'article  311 
du  Code  pi'nal,  si  par  une  plainte  il  rend  su  liberté  d'action  au  mi- 
nistère public,  et  qui  cependant  veut  obtenir  des  dommages  et 
intérêts,  porte  sa  demande  devant  le  tribunal  civil.  Entre  temps, 
une  dénonciation  offlcielle  se  produit.  Le  ministère  public  pour- 
suit. 

Pour  avoir  une  solution  plus  rapide,  le  blessé  Toudrail  aban- 
donner l'action  directe  qu'il  avait  portée,  et  se  joindre  à  l'actioa 
publique  comme  partie  civile.  Cette  faculté  lui  sera-t-elle  accor- 
dée ?  Voyez,  dans  Sourdat,  Responsabilité,  tome  P',  n-"  232  et  sui- 
vants, l'exposition  et  la  discussion  des  trois  systèmes  rivaux. 

La  partie  qui  réclame  réparation  pour  le  dommage  causé  par 
l'clfel  d'un  duel  doit  établir  l'existence  de  ce  dommage  et  la  faute 
qui  lui  a  donné  naissance. 

Elle  peut  justifier  sa  demande  par  tous  les  moyens  de  preave 
reconnus  par  la  loi, 

1.  Articles  S3  el  St,    code  de  justice  militaire.  —  Arlictea  74  et  75,  code  nuri- 
8.  Article  3  du  Code  d'instructioD  crîmiDelle. 


RESPONSABILITÉ  CIVILE.  369 


CHAPITRE   LXXVIII 


Extinction  de  l'action  civile.  —  Renonciation.  —  Transaction. 

Désistement.  —  Prescription. 


Les  faits,  autres  qu'une  décision  judiciaire,  qui  peuvent  éteindre 
Taction  en  dommages  et  intérêts  résultant  de  l'homicide  ou  de  la 
blessure  commis  en  duel,  sont  :  la  renonciation,  la  transaction,  le 
désistement  et  la  prescription. 

Disons  quelques  mots  sur  chacun  de  ces  moyens  d'extinction. 

Renonciation. 

La  partie  à  qui  appartient  l'action  civile  en  réparation  du  pré- 
judice causé  peut,  à  condition  d'être  capable,  en  disposer  libre- 
ment, et,  par  conséquent,  y  renoncer  purement  et  simplement.  Nul 
n'est,  en  effet,  contraint  de  poursuivre  en  justice  l'auteur  d'un  dom- 
mage dont  il  a  souffert  ;  c'est  un  acte  qui  dépend  uniquement  de 
sa  volonté. 

Transaction. 

* 

Le  droit  de  renoncer  entraîne  celui  de  transiger. 

La  personne  capable  pour  renoncer  à  l'action  est  capable  pour 
attacher  à  cette  renonciation  les  conditions  qui  lui  conviennent, 
pourvu  que  ces  conditions  soient  licites  ^ 

Cependant,  un  arrêt  de  la  Cour  de  cassation  en  date  du  7  no- 
vembre 1865,  rapporté  par  Dalloz,  année  1866,  première  partie, 
page  204,  semblerait  indiquer  qu'il  doit  en  être  différemment 
lorsque  l'obligation  est  née  entre  coauteurs  d'un  acte  délictueux  ; 
dans  notre  espèce,  entre  l'auteur  de  la  blessure  et  le  blessé. 

Telle  n'est  pas  notre  opinion.  Nous  croyons  que  l'arrêt  est  spé- 
cial aux  dettes  de  jeu,  et  que  l'analogie  entre  les  deux  cas  n'est  pas 
suffisante  pour  motiver  la  prohibition. 

Ici  peut  se  placer  une  question  importante,  car  sa  solution 
affirmative  pourrait  diminuer  considérablement,  dans  certains  cas, 

1.  Articles  2045  et  2046  du  Code  civil. 

24 


it  . 


310  TROISIÈME  PARTIE. 

la  responsabilité  de  l'auteur  de  l'hooiicide  ou  de  la  blessure  commu 
en  duel. 

On  s'est  demandé  quelle  sérail  la  râleur  légale  d'une  conven- 
tion au  moyen  de  laquelle  les  deux  adversaires  s'aSTranc^iiraieDl 
par  avance  de  toute  responsabilité  civile,  à  raison  de  l'homicide 
qu'ils  pourront  commettre,  ou  de  la  blessure  qu'ils  pourront  faire 
dans  la  rencontre  qui  doit  avoir  lieu,  soit  en  renonçant  puremeat 
et  simplement  à  tous  droits  à  des  dommages  et  intérêts,  soil  en 
attachant  à  cette  renonciation  certaines  coodilions. 

Elle  est  nulle  comme  n'ayant  pas  de  cause  née,  et,  en  admet- 
tant que  la  cause  fût  née,  comme  reposant  sur  une  cause  illicite'. 

H  en  serait  de  mCme  relativement  à  la  convention  par  laquelle 
les  adversaires  s'engageraient,  avant  le  duel,  à  constituer  un  ou 
plusieurs  arbitres  chargés  de  juger  les  difficultés  qui  pourraient 
surgir  à  la  suite  et  â  cause  de  la  rencontre. 

Désistement.  ^^^| 

De  même  qu'une  personne  lijjre  de  l'esercice  de  ses  droits 
peut  transiger,  de  même  elle  peut  se  désister. 

Il  y  a  deus  manières  de  se  désister,  soit  à.  la  suite  d'une  trans- 
action, soit  en  abandonnant  purement  et  simplement  sa  demande 
formée  devant  les  tribunaux. 

Eolro  ces  deux  modes  de  désistement,  il  existe  une  diUérence 
importante.  Si  le  désislemcnt  a  lieu  à  la  suite  d'une  transaction,  il 
est  lié  a  l'existence  même  de  cette  transaction.  Il  ne  peut  exister 
que  si  elle  est  valable  et  ne  peut  tomber  qu'avec  elle. 

S'il  a  lieu  sans  transaction,  il  n'a  d'effet  que  relativemeot  à  la 
procédure  commencée. 

Le  fond  du  droit  existe  toujours,  et  la  partie  qui  s'était  désis- 
tée peut  reprendre  son  action  tant  qu'elle  n'est  pas  prescrite  *. 

En  matière  de  renonciation,  de  transaction  et  de  désistement, 
nous  ne  saurions  recommander  une  trop  grande  clarté  dans  U 
rédaction  de  l'acte  qui  les  constate. 

L'ambiguïté  pourrait  être  préjudiciable  pour  les  deux  parties, 
et  en  particulier  pour  l'auteur  de  l'homicide  ou  de  la  blessure. 

11  a  été  jugé  en  effet  :  que  celui  qui  transige  sur  les  dommages 
et  intérêts  résultant  d'une  blessure  ne  transige  pas  sur  les  dom- 

1.  Article  1131  du  Code  civil.  Voyei   Troploog,  Trantaetion,  articles  2015,  3016, 


RESPONSABILITÉ  CIVILE.  371 

mages  et  intérêts  résultant  de  sa  mort,  si  cette  mort  a  été  le  résul- 
tat du  même  accident^;  que  la  transaction  par  laquelle  la  victime 
d'un  accident  renonce  à  poursuivre  la  personne  responsable  de  cet 
accident  ne  met  pas  obstacle  à  la  réclamation  ultérieure  d'un  sup- 
plément d'indemnité  motivé  par  une  aggravation  de  maladie  sur- 
venue depuis  la  transaction  ;  et,  spécialement,  qu'une  personne  qui 
avait  obtenu  une  rente  viagère  à  raison  de  la  perte  d'un  œil  était 
fondée  à  réclamer  un  supplément  lorsque  la  même  blessure  avait 
eu  pour  conséquence  ultérieure  la  perte  de  l'autre  ^ 

En  cas  de  difficultés  sur  la  transaction,  les  tribunaux  ont  un 
pouvoir  discrétionnaire  pour  apprécier  la  valeur  et  la  portée  de  la 
rédaction. 

Prescription. 

Lorsque  l'action  civile  en  réparation  du  dommage  causé  par  la 
mort  ou  la  blessure  d'un  des  combattants  est  exercée  concurrem- 
ment avec  l'action  publique,  elle  se  prescrit  par  dix  ans  si  le  fait 
est  qualifié  crime,  et  par  trois  ans  s'il  est  qualifié  délit  ^ 

A-t-on  voulu  étendre  le  même  mode  de  prescription  au  cas  où 
l'action  résultant  du  crime  ou  du  délit  qualifié  serait  portée  de  piano 
devant  les  tribunaux  civils  et  où  la  réparation  du  dommage  serait 
poursuivie  séparément  de  l'action  publique?  Faut-il  appliquer,  au 
contraire,  la  prescription  trentenaire? 

On  admet  généralement  que  la  prescription  de  l'action  pu- 
blique éteint  en  même  temps  l'action  civile  ^. 

11  en  est  de  même  si  la  partie  lésée,  au  lieu  de  baser  sa 
demande  sur  le  crime  ou  le  délit  qualifié,  n'invoque  que  le  fait 
dommageable  en  lui-même,  en  le  considérant  comme  une  faute 
ordinaire  donnant  droit  à  des  réparations  civiles  en  vertu  de  Tar- 
licle  1382  du  Code  civil  ^ 

La  prescription  de  l'action  civile  court  du  jour  où  le  fait  qui 
motive  cette  action  s'est  produit  (Fhomicide  ou  la  blessure  dans 
notre  espèce),  si  dans  le  délai  fixé  pour  la  prescription  il  n'a  été 
fait  aucun  acte  d'instruction  ou  de  poursuite. 

1.  Paris,  11  août  1868.  Dalloz,  année  1868,  2»  partie,  page  186. 

2.  Aix,  2  avril  1870.  Dalloz,  1871,  2«  partie,  page  241. 

3.  Articles  637,  638  du  Code  d'instruction  criminelle. 

4.  Voyez  Sourdat,  Responsabilité,  tome  1",  n»  378.  —  Larombière,  Obligations, 
tome  V,  page  727.  —  Curasson,  Compétence  des  juges  de  paix,  tome  1",  n®  159.  — 
Contra,  tribunal  de  Gien,  2janvier  1838.  —  Cassation,  17  décembre  1839.  Dalloz, 
année  1840,  V  partie,  page  68  ;  et  Bourguignon,  article  637,  Code  d'instruction  cri- 
minelle. 

5.  Conformément,  voyez  Sourdat,  Responsabilité,  n®  379,  et  nombreux  arrêts. 


371  TROISIÈME  PARTIE. 

S'il  a  été  fait  des  actes  d'instnictio  d  ou  de  poursuite  non  sui- 
vis de  jugement,  le  délai  pour  la  prescription  des  deux  actions  ne 
recommence  à  courir  qu'à  compter  du  dernier  acte,  à  l'égard 
même  des  personnes  qui  ne  seraient  pas  impliquées  daus  cetle 
instruction  ou  celle  poursuite'. 

Le  jugement  rendu,  une  nou Telle  cause  d'obligation,  résultant 
de  la  condamnation,  se  substitue  à  l'ancienne,  c'est-à-dire  à  celle 
qui  avait  sa  base  dans  le  crime  ou  dans  le  délit  déféré  à  la  juridic- 
tion répressive.  L'action  civile  qui  naît  pour  en  assurer  l'eiécution 
dérive  alors  du  jugement  lui-même  et  ne  peut  plus  être  prescrite 
que  par  le  délai  ordinaire  de  la  prescription,  c'est-à-dire  par  trente 
ans,  conformément  aui  dispositions  combinées  de  l'article  642  du 
Code  d'instruction  criminelle  et  de  l'article  2262  du  Code  civil- 
Mais  il  faut  remarquer  qu'il  n'en  est  ainsi  qu'à  l'égard  des 
individus  qui  ont  été  poursuivis  personnellement.  Vis-à-vis  de  ceux 
qui  n'ont  pas  été  impliqués  dans  la  poursuilo,  le  jugement  ne  con- 
stitue, au  point  de  vue  de  l'interruption,  que  le  dernier  acte  d'io- 
struction  et  devient  lui-même  le  point  de  départ  de  la  prescription'. 


CHAPITRE    LX'XIX 

Moyens  dont  les  adversaires  et  les  témoins  peuvent  user 
pour  échapper  à  l'action  en  responsabilité  civile. 


Les  adversaires  qui  engagent  une  affaire  d'honneur  et  les  té- 
moins qui  les  assistent  ne  songent  guère  d'habitude  aux  consé- 
quences pécuniaires  que  leur  entreprise  peut  entraîner. 

En  cela  ils  ont  tort,  car,  dans  l'addition  de  la  carte  &  payer,  la 
responsabilité  civile  forme  souvent  la  colonne  la  mieux  remplie. 

Qui  peut,  en  effet,  mesurer  d'avance  le  dommage  causé  par  un 
coup  d'épée  ou  une  balle  de  pistolet? 

Ëu  cas  dejnort,  le  défunt  peut  laisser  des  enfants,  une  veuve, 
un  associé  et  d'autres  encore,  ruinés  par  sa  Un  prématurée,  ou.  qui 
souffrent  de  sa  perte. 

Lorsqu'en  1862,  le  duc  de  Grammont-Caderousse  tua  le  jour- 
naliste Dillon,  il  passa  aux  assises  et  fut  acquitté,  mais  condamné 


RESPONSABILITÉ  CIVILE.  373 

à  des  dommages  et  intérêts  envers  la  mère  et  les  frères  de  la  yic- 
time,  sous  forme  d'une  somme  de  100,000  francs  et  d'une  pension 
alimentaire  encore  aujourd'hui  payée. 

Ce  serait  bien  autre  chose  maintenant. 

11  est  vrai  que  tout  le  monde  n'étant  pas  duc  et  millionnaire, 
l'indemnité  ne  monte  généralement  pas  aussi  haut. 

Dans  l'affaire  Betz-Pierotti,  qui  fut  jugée  devant  la  Cour  d'as- 
sises des  Bouches-du-Rhône,  le  11  décembre  1889,  les  dommages 
et  intérêts  alloués  à  la  veuve  et  aux  enfants  du  défunt  n'excédèrent 
point  10,000  francs,  auxquels  il  convient  d'ajouter  les  frais  qui 
enflent  toujours  singulièrement  la  note. 

Si  le  duel  se  termine  par  une  blessure,  le  champ  des  hypo- 
thèses reste  encore  grand  ouvert,  car  cette  blessure  peut  être  égale- 
ment une  cause  de  dommage  plus  ou  moins  grand. 

On  voit  que  dans  la  somme  des  prévisions  désagréables»  sus- 
ceptibles d'inspirer  de  salutaires  réflexions  aux  indi?idus  sur  le 
point  d'engager  une  afiaire  d'honneur,  la  question  pécuniaire  ne 
doit  pas  être  négligée.  Il  existe,  en  effet,  des  gens  qui,  par  leur  carac- 
tère, leur  situation,  leur  entourage  et  cent  autres  causes,  doivent 
être  considérés  a  priori  comme  dispendieux,  et  qu'on  ne  doit  en- 
dommager qu'avec  circonspection. 

Elle  intéresse  particulièrement  les  témoins  qui,  en  leur  qua- 
lité de  complices,  risquent  d'être  tenus  solidairement  avec  l'au- 
teur principal  pour  les  amendes  et  les  frais,  et  qui  peuvent  être 
actionnés  en  dommages  et  intérêts,  si  dans  Taccomplissement  de 
leur  rôle  ils  ont  commis  une  faute  qui  a  porté  dommages 

Il  est  donc  naturel  que  combattants  et  témoins  s'efforcent  d'es- 
quiver le  danger  commun. 

La  difficulté  de  l'entreprise  est  plus  considérable  que  lorsqu'il 
s'agit  d'éviter  l'action  publique.  Ce  n'est  plus,  en  effet,  un  seul  ad- 
versaire (le  ministère  public),  qu'ils  ont  à  combattre,  mais,  toute  la 
série  des  individus  lésés,  qui  agissent  en  leur  nom  personnel,  en 
vertu  d'un  droit  qui  leur  est  propre,  et  à  l'égard  desquels  une  con- 
vention à  laquelle  ils  n'auraient  pas  [donné  leur  adhésion  serait 
sans  effet. 

Ainsi  la  transaction,  bien  que  très  valable  lorsqu'elle  a  lieu 
entre  l'auteur  de  la  blessure  et  le  blessé,  n'empêcherait  point,  par 
exemple,  un  père  à  la  charge  duquel  son  flls  serait  tombé,  de  ré- 
clamer au  premier  des  dommages  et  intérêts  pour  les  dépenses  excep- 
tionnelles que  lui  aurait  occasionnées  la  blessure,  et  ainsi  de  suite 
jusqu'à  réparation  complète  des  lésions. 

1.  Voyez  cassation  belge,  17  décembre  1888.  —  Dalloz,  Jurisprudence,  supplé- 
ment, V®  Duel,  n.  75. 


374  TROISIEME  PARTIE. 

Celle  extension  de  la  responsabilité  ne  pcarail  être  oubliée, 
car  elle  domine  toute  la  malière. 

Supposons  mainlenaut  que  la  difficulté  dont  nous  venons  d'eo- 
irelenir  le  lecteur  soit  aplanie;  supposons,  par  exemple,  qne  l'au- 
teur de  la  blessure  ou  de  rhoraicide  n'ait  en  face  de  lui  qu'une  seule 
personne  susceptible  de  lui  intenter  une  action  en  dommages  et 
intérêts,  un  fils,  par  exemple.  Aura-t-il  à  sa  disposition  un  moyen 
de  l'esquiver  li^galcment? 

Nous  n'en  connaissons  aucun. 

Pour  qu'il  en  fût  autrement,  il  aurait  fallu  qu'avant  le  combat 
le  fils  eût  pris  l'engagement  d'affranchir  de  toute  responsabilité 
civile  l'adversaire  de  son  père,  en  cas  où  il  le  tuerait  ou  blesserait 
dans  la  rencontre  subséquente.  Or  toutes  les  conventions  de  ce  genre 
sont  nulles. 

Nous  allons  voir  qu'on  ne  peut  pas  y  arriver  non  plus  arec 
certitude  par  des  moyens  détournés. 

Pour  qu'il  en  fût  autrement,  on  devrait  supposer  qu'en  sous- 
crivant cette  décharge,  les  personnes  susceptibles  d'être  lésées  lais- 
seraient en  blanc  la  date  et  autres  indications  nécessaires,  de  ma- 
nière à  les  ajouter  après  le  duel  et  à  donner  à  l'acte  l'apparence 
d'une  convention  libératrice  intervenue  postérieurement  au  fait  géné- 
rateur de  la  lésion,  c'est-à-dire  après  le  combat. 

Mais  ceprocédé.qui  pourrait  peut-iître  avoir  une  certaine  valeur 
devant  les  tribunaux  qu'il  induirait  en  erreur,  ne  saurait  être  em- 
ployé dans  notre  espèce,  parla  raison  qu'en  matiùre  de  point  d'hon- 
neur iQule  supercherie  est  interdite,  sous  peine  d'être  eu  contra- 
diction avec  nue  législation  qui  repose  avant  tout  sur  la  bonne  foi 
et  la  probité. 

En  effet,  si  la  partie  qui  s'est  engagée  veut  revenir  sur  sa  pa- 
role, elle  peut  toujours  établir  qu'il  y  a  eu  simulation  dans  le  but  de 
frauder  la  loi  ^ 

Elle  peut,  notamment,  déférer  le  serment  au  défendeur,  qui  se 
trouve  placé  dans  Talternative  de  commettre  un  parjure  ou  de  re- 
connaître la  nullité  delà  convention. 

De  ce  que  les  renonciations  antérieures  au  duel  n'ont  aucune 
valeur  légale,  il  ne  faut  pas  en  conclure  qu'elles  soient  absolument 
dépourvues  d'efficacité,  et  qu'on  doive  y  renoncer  absolument;  il 
peut  arriver  que  l'engagement  soit  de  nature  à  lier  d'une  manière 
si  étroite  l'honneur  des  contractants,  qu'ils  reculent  au  dernier 
moment  devant  la  tare  qui  les  disqualifiera  s'ils  ne  font  pas  hon- 
neur à  leur  signature. 

1.  Vojei  fionnier,  TraiU  da  preuv*i,  tome  I,  page  169. 


RESPONSABILITÉ  CIVILE. 


376 


Bien  que  personne  ne  puisse  engager  autrui  sans  son  consen- 
tement, ne  peut-il  arriver,  en  outre,  que  la  solidarité  qui  unit  les 
membres  d'une  même  famille,  amène  certains  parents  à  endosser 
une  promesse  qui  n'est  pas  la  leur  ? 

Tout  ceci  est  possible,  mais  nous  devons  avouer  en  toute  sin- 
cérité qu'une  victoire  aussi  éclatante  du  point  d'honneur  sur  l'in- 
târét  pécuniaire  est  chose  trop  problématique  pour  qu'on  puisse 
raisonnablement  fonder  de  sérieuses  espérances  sur  un  pareil 
moyen. 


v_M»  «.'    -BTi-''-.    *. 


.    -ïi  -.      .   — 


....'<    '.A  • 


■^- .:;i»»ts.«*'.' »-_i.  -•.iM*  •  *«:^\-'^'  •" 


QUATRIÈME   PARTIE 

RESPONSABILITÉ  RELIGIEUSE  DES  ADVERSAIRES 
ET  DES  TÉMOINS. 


CHAPITRE  LXXX 

Égalise    catholique. 

Le  duet  engagé  oa  simplemeat  accepté  est  réproaré  par  l'Église 
catholique. 

Elle  n'admet  aucune  raison  qui  puisse  le  légitimer.  En  rain  se 
rejette-t-on  sur  la  réputation  de  lâcheté  que  procure  un  refus,  sur 
la  perte  de  sa  dignité  et  de  sa  situation,  sur  la  ruine  de  ses  espé- 
rances,  sur  l'impossibilité  d'obtenir  justice  autrement;  en  vain 
^ense-t-on  s'excuser  sur  ce  que  le  duel  accepté  n'aura  certainement 
'       9  lieu,  que  tout  est  simulé,  ou  qu'on  s'arrêtera  au  premier  sang. 
^B,ns  ces  inotifj  ont  été  rejetés  par  les  Sourerains  Pontifes,  et  spé- 
^K'enient  par  Benoît  XIV  [Detestabilem,  année  1752.) 
^P  L'Église  soutient  la  doctrine  morale  de  toutes  les  forces  de  son 
jfl»vVoir  coercitif.  Les  peines  qu'elle  édicté  sont  l'excommunication 
£u  a  privation  de  sépulture  ecclésiastique. 

*tt.  Ezoommunioation. 

^  Celle  censure,  portée  par  le  Concile  de  Trente  (Sess.  25,  Cap. 19, 
Mefor.y,  confirmée  par  Grégoire  XIII  {ad  toUendam...);  Glé- 
IVllI  [llliiis  vices;  Benoit  XIV  {Detestabilem...)  se  trouve  bien 
I  dans  ce  qu'on  peut  appeler  le  code  pénal  de  l'Église, 
Blitution  de  Pie  IX,  Àpostoliae  sedis. 
|le  est  de  celles  dont  le  Souverain  Pontife  s'est  réservé  l'abso- 
ISn  simplicirer,  et  soumise,  par  conséquent,  à  la  jurisprudence  de 
^cette  calt'gorie  de  peines.  La  voici  dans  sa  traduction  textuelle  : 

«  Sont  soumis  k  l'excommunication  réservée  au  Souverain 
Pontife  «  simpliciter  a  ;  ceux  qui  se  battent  en  duel  ;  ceux  qui  pro- 
voquent en  duel  ou  acceptent  la  provocation;  tout  complice   et 


376  nUATRlÈHE  PARTIE. 

toute  personne  qui  y  coopère  ou  le  favorise  ;  cens  qui  y  assistent  à 
dessein  ;  ceui  qui  le  permettent  ou  ne  l'empêchent  pas  de  tout  leur 
pouvoir,  de  quelque  dignité  qu'ils  soient,  celte  dignité  serait-elle  la 
royauté  ou  l'empire,  a 

Cette  censure  atteint  donc  quatre  sortes  de  personnes  : 

Les  duellistes;  et  cela  en  toute  circonstance,  quelles  que  soient 
les  conililions  du  duel,  dès  l'instant  où  il  y  a  danger  de  blessure. 
La  simple  provocation,  faite  avec  intention  de  combattre,  même  en 
dehors  de  l'acceptation,  et  l'acceptation  non  suiïie  d'effet,  tombent 
sous  le  coap  de  la  censure  ; 

tes  complices  et  coopéraleurs;  sous  ce  nom  viennent  ceux  qui 
favorisent  le  duel,  comme  les  témoins  et  les  conseillers;  ceux  qui 
dictent,  écrivent  ou  portent  les  lettres  de  provocation,  excitent  au 
combat  par  leurs  railleries;  enfin  tout  autre  coopérateur,  comme 
serait  un  médecin  ou  un  confesseur,  qui,  par  l'effet  d'une  entente 
préalable,  se  tiendrait  prôt  â  porter  secours  aux  blessés  (S.  Off., 
31  mai  188fi); 

Ceux  qui,  à  dessein, assistent  au  duel.  On  ne  comprend  pas  dans 
cette  catégorie  les  passants  qui  par  hasard,  de  loin  et  sans  Otre  vus, 
regarderaient. 

Il  faut  en  excepter  également  le  spectateur  venu  avec  rinlenlion 
d'empêcher  le  duel  ; 

Enfin  les  autorités,  qui  permettent  le  duel,  ou  ne  l'empêcheot 
pas  quiind  elles  pourraient  et  devraient  l'empêcher;  par  exemple 
les  chefs  d'armées,  les  propriétaires  de  terrains,  etc. 

Privation  d«  sépnltor»  «oolésiastiqu«. 

Cette  peine  atteint  le  duelliste  dans  toute  sa  sévérité.  Benoit  XIV 
déclare  qu'elle  sera  encourue,  avant  même  une  sentence  judiciaire, 
par  les  combattants  morts  sur  le  terrain,  ou  décédés  ailleurs  à  la 
suite  de  blessures  reçues  en  duel,  quand  même,  avant  leur  mort,  ils 
auraient  donné  des  signes  certains  de  repentir,  et  reçu  l'absolution 
de  la  censure  et  de  leurs  péchés  {Detestabileui ,  20  novembre  1752). 

Ou  peut  consulter  également  la  lettre  du  pape  Léon  \III, 
adressée,  le  11  septembre  1801,  aux  évéques  de  l'Allemagne  et  de 
l'Autriche  qui  l'avaient  interrogé  sur  »  ta  mauvaise  habitude  des 
duels  H,  et  en  particulier  le  paragraphe  où  il  est  question  des  duels 
militaires. 


RESPONSABILITÉ  RELIGIEUSE.  379 


Église    réformée. 

La  responsabilité  religieuse  des  duellistes  et  des  témoins  appar- 
tenant à  la  religion  réformée  est  déterminée  par  Tarticle  32  de  la 
discipline  des  Églises  réformées  en  France  :  «  Ceux  qui  apellent  ou 
font  apeler  en  duel,  ou  qui  estant  apelés  l'acceptent,  même  tuent 
leurs  parties  ;  quand  bien  depuis  ils  auroient  obtenu  grâce,  ou 
auroient  esté  austrement  justifiez,  seront  censurez  jusqu'à  la  suspen- 
sion de  la  Sainte  Cène,  laquelle  suspension  sera  promptement 
publiée]:  et  en  ce  cas  qu'ils  yeuillent  estre  reçus  à  la  paix  de  l'église, 
ils  feront  reconnaissance  publique  de  leur  faute.  » 

Il  résulte  de  cet  article  que  les  Églises  protestantes  en  France 
ont,  par  leur  discipline,  formellement  condamné  et  interdit  le  duel, 
au  nom  de  l'esprit  même  de  la  morale  chrétienne. 

Elles  n'ont  youlu  ni  atteindre  ni  frapper  celui  qui  meurt  dans 
un  duel,  car  elles  ne  reconnaissent  ce  droit  qu'à  Dieu  seul;  mais 
pour  le  suryiyant,  ou  pour  les  deux  ad?ersaires,  si  ni  Tun  ni  Tautre 
ne  succombe,  la  discipline  les  place  sous  le  coup  de  la  censure  et  de 
la  suspension  du  sacrement  de  la  Sainte  Gène. 

Cet  article  de  Fancienne  discipline  des  Églises  réformées  est 
encore  en  vigueur,  comme  toutes  ses  autres  prescriptions,  dont 
aucune  n'a  été  abolie  formellement.  Ce  n'est  que  l'application  qui 
en  a  été  modifiée  dans  la  forme,  pour  être  accommodée  à  notre 
temps. 

Au  lieu  d'une  censure  et  d'une  suspension  publiques,  c'est  le 
pasteur  qui,  au  nom  de  son  ministère,  fait  en  particulier  sentir  leur 
faute  aux  coupables,  et  les  engage  à  s'abstenir  de  la  Sainte  Gène, 
jusqu'à  ce  qu'ils  aient  désavoué  leur  faute  et  déclaré  qu'ils  re- 
viennent aux  vrais  principes  chrétiens. 


S^"^ 


1  ~*- 


l*. 


CINQUIÈME   PARTIE 


LE   DUEL  A  L'ÉTRANGER. 


Usages.  »  Législation. 

En  France,  raction  publique  et  Faction  ciyile  s'étendent  à 
toutes  les  infractions  commises  sur  le  territoire.  Elles  peuvent 
atteindre,  par  conséquent,  les  étrangers  qui  s'y  sont  battus  et  les 
témoins  qui  les  ont  assistés '• 

Notre  législation  du  point  d'honneur  est  également  seule  ap- 
plicable, lorsqu'un  Français  et  un  étranger  recourent  à  la  voie  des 
armes  pour  vider  un  différend  survenu  pendant  que  tous  deux  se 
trouvent  sur  le  territoire  français. 

Réciproquement,  dès  que  le  Français  a  foulé  le  sol  d'un  pays 
étranger,  il  tombe  sous  le  coup  de  ses  usages  et  de  ses  lois,  tant 
pour  ce  qui  regarde  les  conditions  de  la  rencontre  que  relativement 
à  la  sanction  ^. 

Point  de  difficultés,  par  conséquent,  si  l'offense,  le  cartel  et 
les  négociations  ont  lieu  dans  un  seul  pays. 

Il  n'en  est  pas  de  même  lorsque  l'offense  a  lieu  sur  le  terri- 
toire d'un  État  où,  pour  une  raison  quelconque,  le  cartel  ne  peut  pas 
être  envoyé  et  les  conditions  discutées. 

Supposons  que,  sur  le  quai  d'une  gare,  à  Paris,  un  Autrichien 
souffleté  un  Français,  et  que,  dans  la  précipitation  d'un  départ  en 
sens  inverse,  les  deux  antagonistes  n'aient  que  le  temps  d'échanger 
leurs  cartes. 

Supposons  que  l'agresseur  retourne  en  Autriche,  où  l'offensé 
est  obligé  de  lui  demander  réparation. 

Supposons  qu'il  y  ait  désaccord  sur  les  conditions  de  la  ren- 
contre, le  Français  prétendant  imposer  le  duel  à  l'épée,  que 
l'Autrichien  refuse,  sous  prétexte  que  cette  arme  est  illégale  dans 
son  pays,  où  on  ne  se  bat  qu'au  sabre  et  au  pistolet. 


1.  Art.  3,  Code  inst.  crim. 

2.  Conf.  Voyez  Angelini,  Codice  cavalkresco,  chap.  vi  ;  Gelli,  Codice  cavalleresco, 
3*  partie,  par.  5,  article  220. 


an  CINQUIEME  PARTIE. 

Quelle  législation  du  point  d'honneur  sera  choisie  pour  tran- 
cher le  différendî 

Trois  solutions  peuvent  être  données  à  la  question.  Nous  nous 
contenterons  de  les  exposer,  en  abandonnant  au  lecteur  le  sois  de 
conclure,  car  les  limites  de  ce  travail  ne  nous  permettent  ni  de 
donner  à  celte  controverse  un  développement  suMsant,  ni  de  moliver 
nos  préférences. 

Disons  seulement  qu'une  alTairc  récente,  celle  du  capilainc 
Scrvan,  commandant  le  paquebot  fran(;ais  Canada,  avec  le  capi- 
taine Cietsch,  commandant  du  paquebot  allemand  Allemania, 
rapportée  au  n"  113  de  l'appendice,  démontre  clairement  l'intérêt 
qu'elles  peuvent  offrir. 

On  peut  décider  que  les  règles  du  point  d'honneur  applicables 
seront  celles  du  pays  de  l'offensé,  parce  qu'étant  la  personne  iulé- 
ressanle,  tous  les  avantages  doivent  être  de  son  côté. 

C'est  la  théorie  soutenue  eu  Italie  par  Gelli  :  Codice  caial- 
Ifiesco,  par.  12;  et  Angelini,  ibidem,  chap.  x,  arl.  35, 

Elle  esl  très  rationnelle  lorsque  les  règles  servant  à  déterminer 
à  qui  revient  la  qualité  d'olTensé  sont  les  mêmes  dans  les  deux 
pays,  mais  elle  cesse  de  l'être  en  cas  de  divergence.  On  ne  peut,  en 
efTel,  attribuer  le  r(Me  d'offensé  qu'après  être  préalablement  tombé 
d'accord  sur  la  législation  applicable.  C'est  précisément  la  ques- 
lion. 

On  peut  di^cider  que  les  règles  applicables  seront  les  règles  en 
vigueur  dans  le  pays  où  aura  été  envoyé  le  cartel,  et  où  les  con- 
ditionsde  la  rencontre  seront  discutées;  pour  deux  motifs:  d'abord, 
parce  que  c'est  à  partir  du  moment  où  le  cartel  est  envoyé  que 
commencent  toutes  les  formalités  qui  donnent  au  différend  le 
caractère  d'une  affaire  d'honneur;  ensuite,  parce  qu'en  l'absence 
d'une  législation  internationale  du  point  d'honneur,  chaque  Étal 
reste  indépendant  et  ne  peut  pas  subir  davantage  des  lois  étran- 
gères qu'il  ne  peut  imposer  les  siennes  aux  États  voisins. 

On  reproche  à  cette  solution  de  produire  des  résultats  injustes 
et  de  favoriser  la  déloyauté  de  l'agresseur.  Il  est  clair,  en  effet,  que 
si  on  l'adopte,  rien  ne  sera  plus  facile  à  ce  dernier  que  de  se  retirer 
dans  le  pays  dont  il  trouve  la  législation  la  plus  avantageuse,  et 
d'obliger  son  adversaire  à  l'y  suivre,  s'il  veut  obtenir  réparation. 

On  peut  décider  enfin  que  les  règles  applicables  seront  les 
règles  en  vigueur  dans  le  pays  où  l'offense  a  eu  lieu. 

Cette  solution  peut  être  avantageuse  dans  certaines  hypo- 
thèses, par  exemple  s'il  s'agit  d'un  Français  offensé  en  Italie  par  un 
Autrichien,  qui  passerait  dans  certains  cantons  suisses  où  le  duel  est 
inconnu,  et  où  il  n'existe  aucune  règle  spéciale  en  matière  de  point 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  383 

d'honneur.  Elle  nous  semble  devoir  être  adoptée  chaque  fois  que 
dans  les  deux  États  les  règles  qui  déterminent  à  qui  revient  les 
droits  de  Toffensé  ne  sont  pas  les  mêmes. 

L'objection  la  plus  sérieuse  qu'on  puisse  faire  à  ce  système  est 
défavoriser  aussi  quelquefois  Fagresseur,  notamment  lorsqu'il  s'agit 
d'offenses  commises  par  la  voie  de  la  presse. 

Supposons  qu'un  homme  de  lettres  publie  à  Vienne,  contre  un 
Français,  une  série  d'articles  où  il  lui  impute  des  actes  déshono- 
rants, et  qu'il  les  lui  adresse  à  Paris  sous  pli  recommandé. 

Si  le  Français  lui  envoie  ses  témoins  à  Vienne,  et,  en  sa  qualité 
d'offensé,  choisit  Tépée,  le  journaliste  pourra  récuser  cette  arme,  en 
disant  que  les  articles  ayant  été  publiés  sur  le  territoire  autrichien, 
ce  sont  les  règles  en  usage  dans  ce  pays  qui  doivent  être  appliquées, 
et  que  ces  règles  ne  reconnaissent  pas  l'épée  comme  arme  légale. 

Les  partisans  du  dernier  système  répondent  que  cette  prétention 
n*est  pas  admissible,  et  que  l'exemple  ne  prouve  rien. 

Ils  soutiennent  que  l'obligation  de  venger  une  injure  n'existe 
pour  une  personne  qu'à  l'instant  où  cette  injure  parvient  à  sa  con- 
naissance; que,  dans  l'espèce,  c'est  la  réception  des  numéros, 
constatée  par  l'émargement  du  destinataire,  qui  produit  ce  résultat  ; 
que  cet  émargement  ayant  eu  lieu  à  Paris,  la  législation  française 
du  point  d'honneur  est  seule  applicable. 

L'argument  ne  nous  semble  pas  très  concluant. 

Gomme  les  lois  et  les  usages  étrangers  diffèrent  souvent  des 
nôtres,  on  comprend  tout  l'intérêt  que  peut  avoir  le  Français  à  être 
renseigné  d'une  manière  précise  sur  leurs  dispositions. 

Nous  avons  consacré  deux  chapitres  à  cette  importante  ques- 
tion. 

Le  chapitre  lxxxi  traite  des  règles  du  duel  chez  les  peuples 
qui  nous  entourent,  et  plus  particulièrement  chez  ceux  qui  forment 
la  Triple  alliance  (Allemagne,  Autriche,  Italie),  car  leur  attitude 
vis-à-vis  la  France  perpétuera  longtemps  encore  une  antipathie 
nationale  grosse  de  froissements  et  de  querelles. 

La  traduction  que  nous  avons  faite  de  neuf  auteurs  qui  ont  écrit 
sur  ce  sujet  en  langue  allemande  et  italienne,  l'examen  comparatif 
de  leurs  doctrines  auquel  nous  nous  sommes  livré,  les  références 
que  nous  donnons,  communiquent  à  ce  travail,  coûteux  et  pénible, 
une  utilité  d'autant  plus  réelle  qu'il  est  absolument  inédit. 

Grâce  à  lui,  le  Français  pourra  défendre  ses  droits  contre  les 
entreprises  de  témoins  peu  scrupuleux  qui,  profitant  de  sa  qualité 
d'étranger,  voudraient  lui  imposer  comme  légales  des  conditions 
irrégulières,  mais  avantageuses  pour  leur  client. 


^  -»  ^■'-- 


384  CINQUlfiME  PARTIE. 

Le  chapitre  uxxu  traite  de  la  législatioa  pénale  chez  les  diffé- 
rents peuples  d'Europe. 

Nous  n'insisterons  passur  son  utilité,  car  les  chapitres  qae  nous 
avons  consacrés  it  la  poursuite  des  délits  commis  à  l'étranger  et  ani 
moyens  d'éviter  l'action  publique  la  démontrent  surabondamment. 

Les  textes  des  lois  élrangëros  qu'il  contient  sont  au  nombre  de 
quarante-huit. 

Cet  ensemble  constitue  le  recueil  le  plus  complet  qui,  sur  la 
malière,  ait  été  publié  dans  noire  langue. 

Comme  un  grand  nombre  de  l(fgislations  n'ont  jamais  été  tra- 
duites, comme  un  certain  nombre  d'autres  ne  se  rencontrent  pas 
dans  les  bibliothèques  juridiques,  on  comprend  que  l'entreprise 
n'ait  pas  été  sans  oiïrir  une  grande  difficulté'. 


CHAPITRE   LXXXI 

RÈOLES  sa  DUEL  EN  ITALIE,  EN  ÂLLBMAGSE,  EN  AUTRICSE 
ETC.,    ETC. 


RÈGLES  DU  DUEL  EH  ITALIE. 

Les  règles  principales  qui  ont  été  formulées  par  Chateaavillard 
et  reproduites  par  ses  commentateurs  sont  admises  dans  toute 
l'étendue  du  territoire  français. 

Il  n'en  est  pas  toujours  de  même  en  Italie. 

La  question  de  savoir  à  qui  revient  le  droit  de  choisir  les 
armes,  le  duel  et  la  distance,  question  primordiale  s'il  en  fut, 
donne  lieu  notamment  à  de  vives  controverses  qui  ne  sauraient 
nous  laisser  indifférents. 

On  va  comprendre  de  suite  pourquoi. 

L'usage  du  sabre  est  aussi  répandu  en  Italie  qu'il  est  excep- 
tionnel en  France.  De  1879  à  1889,  il  y  a  eu  dans  toute  l'étendue 
du  royaume  2,758  duels,  sur  lesquels  00  ont  été  à  l'épée,  79  au  pis- 
tolet et  2,589  au  sabre.  On  peut  donc  dire  que  dans  la  péninsule 

1.  C'est  k  l'iaépuisBble  d^vaucoient  d'un  polyglotte  aussi  dislÎDgué  que  mode*Ie, 
M.  G.  Darcy,  que  nous  detons  d'avoir  pu  résister  nu  furdeau  des  traductions,  et 
mener  à  bonoe  Bn  l'eatreprisB  Écrasante,  sans  cela,  dos  cbspitrea  LXXXi  et  liiui. 

Ce  témoignage  de  reconnaiasance  eipliquera  en  même  lempila  dédicace  de  notre 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  385 

l'épée  et  le  pistolet  sont  les  armes  du  petit  nombre  et  le  sabre 
Parme  de  tous^ 

Si  une  querelle  s'élève  entre  un  Français  et  un  Italien,  et  si  ce 
dernier  a  le  choix  des  armes,  il  est  donc  à  peu  près  certain  qu'il 
prendra  le  sabre  et  que  son  adversaire  en  ignorera  le  maniement. 
De  là  une  infériorité  pour  le  Français  à  laquelle  nous  allons  essayer 
de  le  soustraire. 

Deux  écoles  sont  en  présence. 

La  première  ne  recherche  pas  qui  est  agresseur  et  offensé, 
mais  bien  qui  adresse  le  cartel  et  qui  le  reçoit. 

Elle  accorde  au  défié  {diffidato)  le  droit  de  choisir  Tarme  dont 
on  se  servira,  et  au  défiant  {diffidanté)  le  droit  d'imposer  les  condi- 
tions de  la  rencontre. 

La  seconde  école  ne  s'occupe  ni  du  défiant  ni  du  défié,  mais 
elle  recherche  qui  est  agresseur  et  qui  est  offensé. 

Elle  accorde  à  Voffensé  le  choix  des  armes,  et,  tenant  compte  de 
la  gradation  des  offenses,  elle  estime  qu'à  raison  de  leur  gravité 
ascendante,  il  peut  joindre  à  ce  droit  celui  d'imposer  les  conditions 
de  la  rencontre. 

L'usage  d'accorder  le  choix  des  armes  à  la  personne  qui  reçoit 
le  cartel  vient  des  Espagnols.  On  l'a  conservé  plus  ou  moins  intact 
dans  les  pays  autrefois  soumis  à  leur  domination.  A  Naples,  notam- 
ment, il  est  suivi  par  la  majorité  des  duellistes. 

L'usage  d'accorder  le  choix  des  armes  à  l'offensé  a  prévalu  dans 
l'Italie  du  Nord  et  du  Centre. 

Les  disciples  de  la  première  école  invoquent  l'autorité  de  deux 
auteurs  qui  sont  par  ordre  de  date  : 

Bellini  (Vincenzo),  Manuale  del  duello,  In-S^»,  1881.  Napoli  :  de 
Ângelis  e  figlio. 

Rossi  (Giordano),  Scherma  di  spada  e  sciabplUy  Manuale  teorico 
pratico  con  cenni  storici  suite  armi  e  sulla  scherma  e  principali 
regole  del  duello.  In-8o,  1885.  Milan  :  Fratelli  Dumolard*. 

Les  disciples  de  la  seconde  école  invoquent  l'autorité  de  trois 
auteurs  qui  sont  par  ordre  de  date  : 

De  Rosis  (Luigi),  Codice  italiano  sul  duello  scritlo  dal  prof  es- 
sore di  scherma.  In-8°,  1865.  Napoli  :  de  Angelis.— 2"*  édition  en  1869; 

Angelini  (Achille)  (Tenente  générale),  Codice  cavalier esco  ita- 


i.  Voyez  Gelli  (Jacope)  :  Codice  cavallerescOf  2*  partie,  chap.  vni;  article  148,  et 
Statistica  del  duello. 

%  A  consulter,  dans  Bellini,  les  droits  réciproques  du  d^ffant  et  du  défié  :  pré- 
face, et  les  chapitres  i,  paragraphe  5;  u,  paragraphe  4;  iv,  paragraphe  4;  v,  pfurar 
graphe  3.  —  Dans  Rossi,  le  chapitre  ii. 

25 


j  ■  «  ■ 


L 


386  CINyirÉME  PARTIE. 

liatio,  1883.  Firenze:  G.  Barbera.  — 2°édition.  In-8°,  1886.  Pîrenze: 
G.  Barbera.  —  3°  édition.  In-8".  1888.  Ronia  :  E.  Vercetlini; 

Gelli  (Jacopo)  (GaTalîere),  /(  Duello,  neila  storia  délia  giuris- 
prudenzaenella  pnitica  ilaliana{Codice  cavalleresco).  Iq-8'',  1886. 
Firenze  :  Lœscherct  Seeber.  —  2'  édil.  ln-8°,  1888  ;  F.  Stianti  e  Comp. 

La  cour  d'honneur  permanente  de  Florence  a  adopté  ce  code 
pour  la  solution  des  questions  qui  lui  sont  soumises  '. 

Il  eiisle  PDCore  d'autres  ouvrages  modernes  que  nous  n'avons 
pas  pu  consulter.  Comme  il  se  pourrait  que  leur  autorité  fût  utiie- 
meut  invoquée  par  l'une  ou  l'autre  école,  nous  regardons  comme 
opportun  d'en  donner  le  titre.  Ce  sont  : 

GandoÛ  (Giovani).  Melodoper  la  scherma  di  sciabola  e.  norme 
ijeiierali  per  il  duello.  ln-8°,  1876.  Torino  :  Borgarelli; 

Jacambo,  Il  Duello  e  la  moderna  civilita.  In-8°,  1800.  Napoli. 
2'  édition  eu  1879; 

Marchini,  Il  Duello  esaïuinato.  In-S".  1879.  Savona; 

Menta,  I!  Duello  letile  et  il  duello  '«itaU.  la-k°,  1875.  Palerma.    - 

Quoique  Napolitain,  do  Roaia  s'élève  avec  force  contre  l'usage 
d'accorder  au  déflé  le  choix  des  armes  : 

0  iV'esl-il  pas  absurde  el  souverainement  injuste,  écrit-il  dans 
sa  préface,  qu'une  personne  obligée  d'adresser  nne  provocation, 
par  cela  m^me  qu'elle  est  insultée,  voie  le  choix  des  armes  passer 
à  celui  qui  l'a  contrainte  à  cette  extrémité?etc,,  etc.  » 

De  RoaiB  divise  les  offenses  en  trois  classes  : 

1°  L'offense  {offesa);  S"  l'insulte  (insulta);  'S-  la  provocaLiofl 
avec  voie  de  fait  {la  provoca:ionc  eon  via  di  fatti). 

L'offensé  choisit  l'arme.  L'insulté  choisit  l'arme,  la  place  sur  le 
terrain  {posta)  et  la  distance  si  le  duel  est  au  pistolet.  Le  provoqué 
avec  voie  de  fait  choisit  l'arme,  la  place  sur  le  terrain,  les  condi- 
tions de  la  rencontre  et  la  distance  si  le  duel  est  au  pistolet'. 

Même  énergie  dans  le  blàuie  chez  Angeiini: 

ic  Accorder  lechoii  des  armes  ù  l'offenseur,  écrit-il,  chapitre  vi, 
est  un  usage  détestable  el  contraire  au  sens  commun,  etc.  '.  » 

Angelini  divise  les  offenses  en  trois  classes,  qui  comprennent  : 

1°  Les  offenses  graves  ou  avec  insulte  (ojfKseyratiiocoM  insutlo); 

2"  Les  offenses  très  graves  ou  avec  outrage  (affese  gravissinie  o 
con  oltraggio)  ; 

3-  Les  offenses  atroces  ou  avec  voie  de  fait  {offese  atroce  o  con 
vie  di  fatto). 

1.  Voyei  pase  402. 

8.  Voyei  chapilrc  ii,  $%  9,  tO,  11. 

3,  Vo/ei  également  bs  préftco. 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  387 

Il  accorde  à  Toffensé  le  droit  de  choisir  son  arme,  sa  place  sur 
le  terrain  et  d'établir  les  conditions  du  duel,  qui  doivent  être  pro- 
portionnées à  la  gravité  de  l'offense. 

S'il  s'agit  d'offense  très  grave  ou  atroce,  l'offensé  qui  choisit  le 
pistolet  peut  également  établir  que  le  duel  sera  de  pied  ferme.  Dans 
ce  cas,  il  tire  le  premier. 

Si  l'offense  est  de  moindre  degré,  le  duel  doit  avoir  lieu  en 
avançant  {con  avanzata)  *• 

Geiii  s'élève  également  contre  la  coutume  d'accorder  le  choix 
des  armes  au  défié  ^ 

Il  divise  les  offenses  en  trois  classes  : 

\^  L'offense  simple  ou  avec  insulte  ou  injure  {ingiuria); 

2^*  L  offense  grave  ou  avec  outrage  ou  offense  {offesa)  ; 

3*»  L*oiïense  très  grave,  ou  atroce,  ou  avec  voie  de  fait,  ou 
outrage  (oUraggio). 

L'offense  simple  donne  le  choix  de  l'arme. 

L'offense  grave  donne  le  droit  de  choisir  l'arme  et  d'imposer 
les  conditions  de  la  rencontre. 

L'offense  atroce  ou  avec  voie  de  fait  donne  le  droit  de  choisir 
l'arme,  de  dicter  les  conditions  de  la  rencontre,  d'imposer  la  nature 
du  combat  et  de  déterminer  les  distances  dans  le  duel  au  pistolet'. 

Les  partisans  de  l'opinion  qui  s'appuie  sur  de  Rosis,  Angelini 
et  Gelli,  prétendent  que  leurs  adversaires  ont  grand  tort  de  leur 
opposer  Bellini,  car  son  témoignage  constitue  le  meilleur  argument 
en  leur  faveur. 

Il  confesse,  en  effet,  dans  sa  préface,  que  si,  au  lieu  de  se  borner 
à  exposer  sans  commentaires  le  rituel  minutieusement  détaillé  du 
système  généralement  en  vigueur  à  Naples,  il  avait  pu  déterminer 
selon  ses  lumières  les  lois  régulatrices  du  duel,  si,  au  lieu  d'un 
manuel,  il  avait  fait  un  code,  il  n'aurait  pas  choisi  d'autres  principes 
que  ceux  de  de  Rosis,  les  seuls  équitables. 

Relativement  à  Giordano  Rossi,  ils  objectent  que  son  livre  est  un 
traité  d'escrime,  qui  ne  consacre  que  peu  de  lignes  aux  règles  du 
duel,  et  ne  saurait  entrer  en  parallèle  avec  les  ouvrages  précédents. 

Le  Français  qui  a  une  affaire  d'honneur  en  Italie  avec  un  habi- 
tant du  pays  peut  tirer  un  bon  parti  de  ces  controverses. 

SHl  a  essuyé  une  offense,  il  réclamera  le  choix  des  armes 


1.  Voyez  chapitre  ?i.  Mais  il  faut  comparer  les  diyerses  éditions  pour  quelipies 
détails  qui  Tarient  de  l'une  à  Tautre. 

2.  Voyez  par.  9,  article  149. 

3.  Voyez  1'*  partie,  article  11. 


P  3S8 


GINQCIKME  PARTIE. 


comme  offensé,  en  inToquant  de  Rosis,  Angelini  et  surtout  Gelli 
dont  l'onvrage  a  une  grande  autorit(!. 

Dans  ce  cas,  il  soutiendra  que  la  coutume  d'accorder  le  choii 
des  armes  au  àéù('  est  une  coutume  provinciale,  particularïste, 
qu'on  De  saurait  pas  plus  opposer  à  un  étranger  qu'il  ne  serait  per- 
mis de  lui  faire  passer  la  TÎcille  monnaie  bourbonnienne  à  la  place 
de  la  monnaie  diïcimale  actuelle. 

Du  moment  que  d'un  bout  à  l'autre  de  la  p<>Dinsule  il  n'entend 
parler  que  d'unité  politique,  judiciaire  et  administrative,  du  moment 
qu'il  voit  le  même  code  civil,  la  m^mc  législation  pénale  appliqués 
à  tous  les  sujets  du  royaume,  ou  ne  comprend  pas  que  les  choses  se 
passent  dilTéiemment  en  matière  de  point  d'honneur. 

C'est  le  cas  de  retourner  contre  les  Italiens  cette  fameuse  unité 
dont  ils  sont  si  fiers. 

S'il  ext  agresneiir  il  réclamera  le  choii  des  armes  comme  défié, 
en  faisant  observer  que  l'opinion  émise  par  Bellini  est  une  opinion 
toute  personnelle,  qu'il  n'essaye  pas  de  faire  prévaloir  contre  la 
coutume  ancienne.  Il  constate,  au  contraire,  que  celte  coutume 
continue â être  suivie  dans  l'Italie  du  Sud  parla  généralité  des  duel- 
listes, et  que  de  Rosis  oblige  seulement  ceux  qui  ont  apposé  leur 
signature  à  la  fin  de  son  ouvrage. 

Quelques  détails  nous  paraissent  utiles  pour  compléter  l'esposé 
que  nous  avons  fait  des  usages  italiens  relatifs  aujt  privilèges  accor- 
dés au  défié  par  une  école  el  à  l'offensé  par  l'autre. 

Nous  examinerons  ; 

l"  Quelles  sont  les  armes  légales  en  Italie; 

2»  Quel  est  le  sens  des  mots  :  place  sur  le  terrain  {posto)  ; 

3°  En  quoi  consiste  le  droit  de  choisir  les  conditions. 

Armes  légales. 

En  Italie;  ce  sont  l'épée,  le  sabre  et  le  pistolet. 

Gomme  nous  l'avons  déjà  expliqué.  le  sabre  est  l'arme  de  duel 
par  escellence.  Il  ne  peut  jamais  être  refusé  par  un  civil  '. 

A  Naples,  on  se  sert  du  fleuret  attaché  au  poignet  par  un  lien, 
bien  plus  que  de  l'épée  proprement  dite*. 

L'usage  du  fleuret  et  du  lien  sont,  au  contraire,  interdits  par 
Angelini,  chapitre  xv,  §  l/i,  et  Gelli,  articles  lh^  et  181. 

Si  l'un  des  adversaires  est  étranger  et  doit  se  battre  à  l'épée,  il 
peut  se  servir,  soit  de  celle  en  usage  dans  le  pays  où  il  se  trouve, 

1.  Voyci  Gelli,  2*  partie,  chapitre  vin,  ariiclo  117  el  148. 

2.  Voyez  BelliDÎ,  chapitres  vui  et  x.  — De  Itoiis,  chapitre  iv,  paragraphe  3.. 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  389 

soit  de  celle  en  usage  dans  son  propre  pays,  pourvu  que  les  armes 
soient  de  même  longueur  et  de  de  même  poids  ^.  De  Rosis  observe 
que  celte  permission  n'est  que  pour  Tépée  ;  quant  au  sabre,  il  ne 
peut,  d'après  lui,  y  avoir  de  différence  essentielle.  Nous  n'avons  pas 
trouvé  cette  prohibition  formulée  par  les  autres  auteurs. 

Place  stir  le  terrain  {posto). 

Les  expressions  employées  par  de  Rosis  et  Angelini  pour  dési« 
gner  un  des  privilèges  de  certains  offensés  signifient,  non  que  celui 
qui  en  jouit  pourra  se  placer  où  il  voudra,  en  mettant  son  adversaire 
dans  la  position  la  plus  désavantageuse  relativement  au  vent,  au 
soleil,  etc.,  mais  qu'une  fois  les  deux  places  déterminées  par  les 
seconds  avec  la  plus  rigoureuse  équité,  il  pourra  choisir  celle  qui  lui 
semblera  préférable  *. 

Gelli  ne  fait  pas  du  choix  de  la  place  un  privilège  de  certains 
offensés.  Les  seconds  choisissent  les  places  d'un  commun  accord,  et 
en  cas  de  contestation  tirent  au  sort  '. 

En  quoi  consiste  le  droit  de  choisir  les  conditions. 

L'étendue  de  ce  droit  varie  suivant  les  auteurs. 

D'après  Beiiini,  le  défiant  a  le  droit  de  décider  si  le  duel  sera 
au  4)remier  sang,  à  blessure,  à  discrétion  du  chirurgien  ou  du 
blessé,  au  dernier  sang,  le  nombre  de  balles  à  échanger,  la  question 
du  gant  et  de  la  distance^. 

On  s'est  demandé  si  le  droit  d'imposer  les  conditions  comporte 
pour  le  défiant  le  droit  d'imposer  la  nature  du  combat,  ou,  en  d'au- 
tres termes,  lui  confère  le  choix  du  duel. 

L'affirmative  nous  paraît  indiscutable  en  présence  des  termes 
si  formels  du  paragraphe  3  du  chapitre  vni  : 

a  Aux  sept  conditions  énumérées  plus  haut  s'ajoutent,  écrit 
Bellini,  les  suivantes  pour  le  duel  au  pistolet:  «Au  commandement. 
—  Au  visé. —  A  la  barrière  ». 

Ces  trois  duels  étant  rangés  sous  la  rubrique  «  Conditions  du 
duel  »,  il  est  clair  que  celui  qui  possédera  le  droit  de  choisir  les 
conditions  possédera  en  même  temps  celui  de  décider  que  c'est  au 
commandement,  par  exemple,  que  Ton  se  battra. 

1.  Voyez  de  Rosis,  observations;  Angelini,  chapitre  vi,  paragraphe  4. 

2.  Voyez  de  Rosis,  chapitres  iv,  article  8;  v,  paragraphe?;  vi,  paragraphes 2, 3, 4, 
i6.  —  Angelini,  chapitre  xv,  paragraphe  7,  et  chapitre  xviii,  par.  1  et  2. 

3.  Voyez  Gelli,  article  283. 

4.  Voyez  chapitre  viii. 


■«.■'j»»fif>Ai-:--    /. 


CINOUlfeME  PARTIE. 


Les  duels  présentas  par  Bellini  comme  légaux  reviennent  â  nos 
duels  au  signal,  au  commandement,  à  volonté  et  à  marcher. 

D'après  deRosts.le  droit  de  déterminer  les  condilions  comporte 
pour  l'olTensé  les  mêmes  prérogatives,  et  notamment  le  choix  du 
duel,  si  l'arme  adoptée  est  le  pistolet  '. 

Les  duels  au  pistolet  considérés  comme  légaux  par  de  Rosis 
sont  : 

Le  duel  fi  distance  Itic,  au  signal,  au  visé  {sulla  mira)  -, 

Le  duel  â  distance  lise,  en  se  nplouruant,  .iu  signal; 

Le  duel  en  marchant  ju?i(]u'ii  la  barrière,  à  volonté. 

D'après  Angeiini,  le  droit  d'imposer  les  condttious  comporte 
pour  l'offensé  â  peu  près  les  m^-nies  prérogatives  ;  mais  il  n'enlralne 
pas  toujours  le  droit  de  choisir  le  duel  quand  l'arme  adoptée  est  le 
pistolet. 

Eu  effet,  comme  nous  l'avons  vu  page  382,  si  l'offense  est  dn 
premier  ou  du  second  degré,  la  rencontre  ne  peut  avoir  lieu  qu'en 
avançant. 

L'offensé  du  troisième  degré  a  seul  le  droit  de  choisir  le  duel, 
mais  il  est  très  limité  dans  son  choix.  Car  la  rencontre  au  visé  ft 
tir  successif  ou  la  rencontre  eu  avançant  sont  les  seules  admises 
comme  légales  par  cet  auteur'. 

Les  conditions  dont  Geiii  accorde  la  disposition  ù  l'offensé  sont 
éoumérées  articles  iHi  et  suivants  de  la  \lir  partie,  et  relatives  au 
choix  du  jour,  de  l'heure,  du  lieu,  des  repos,  des  gants,  à  la  gravité 
que  devra  présenter  la  lilessure  pour  terminer  la  rencontre,  et  à 
l'avis  des  médecins. 

Ces  articles  sont  muets  sur  le  droit  d'imposer  la  nature  du 
combat  lorsque  l'arme  adoptée  est  le  pistolet;  aussi  ne  saurions- 
MOUS,  comme  le  voudraient  certaines  personnes,  accorder  à  l'offensé 
avec  offense  du  deuxième  degré  celte  importante  prérogative. 

En  présence  des  termes  si  formels  des  paragraphes  2  et  3  de 
l'arlicte  11,  elle  nous  paraît  devoir  être  réservée  au  seul  offensé, 
avec  offense  atroce  ou  voie  de  fait. 

Cette  solution  est  d'autant  plus  rationnelle  que  rieu  dans  la 
suite  de  l'ouvrage  ne  vient  appuyer  l'opinion  contraire.  L'article  416, 
le  seul  où  (lelli  revienne  sur  les  droits  de  l'offensé  d'après  la  valeur 
de  l'offense,  ne  fait  aucune  allusion  au  choix  du  duel. 

Puisque  nous  en  sommes  à  l'article  Z|I6,  observons  qu'il  ne 
doit  pas  être  oublié  du  lecteur  qui  voudra  se  rendre  un  compte 


i.  Vojez  chapitre  ii,  pir.  9,  10,  It  et  s.,  cl  vi  iolilulé  :  ■  Conditions  indiipen- 
isbles  pour  le  duel  »u  pistolet. 

2,  Voyet  chapitre  ïi,  paragraphe  2. 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  394 

exact  de  Tétat  où  se  trouve  en  Italie  la  question  des  droits  de 
PolTensé.  Il  verra  que,  même  étudiée  dans  Gelli,  elle  demeure 
obscure  et  incertaine. 

Que  signifle  notamment  celte  phrase  du  paragraphe  F  :  «  L'of- 
fensé avec  offense  grave  jouit  du  choix  des  armes  ou  des  dis- 
tances »,  qui  est  en  contradiction  avec  les  paragraphes  2  et  3  de 
Tarticleli? 

Comment  concilier  les  expressions  du  même  paragraphe  F: 
«  A  Poflfensé  revient  toujours  le  droit  de  tirer  le  premier,  en  hom- 
mage au  principe  que  tous  les  désavantages  sont  à  la  charge  de 
Tagresseur »,  avec  celles  qui  suivent:  «  C'est  pourquoi  nous  conseil- 
lerons toujours  de  déroger  au  principe  formulé  plus  haut,  et  de 
faire  décider  par  le  sort  dans  les  duels  au  pistolet  provoqués  par 
des  ofTenses  non  atrocement  graves  ». 

Les  duels  au  pistolet  admis  comme  légaux  par  Gelli  sont  :  le 
duel  de  pied  ferme,  en  visant  ou  avec  feu  au  commandement,  le 
duel  en  avançant,  au  visé  ou  avec  feu  au  commandement. 

L'étude  comparée  des  usages  italiens  en  matière  de  duel  pré- 
sente encore  d'intéressantes  questions,  mais  qui  dépasseraient  le 
cadre  que  nous  nous  sommés  tracé.  Nous  nous  contenterons  de 
signaler,  aussi  brièvement  que  possible,  celles  qui  peuvent  être 
utiles  au  Français  en  Italie  et  qui  diffèrent  des  règles  admises  dans 
notre  pays. 

En  ce  qui  touche  au  degré  de  rofiènse. 

L'ofTense  par  voie  de  la  presse  est  du  troisième  degré  ^ 
La  menace  de  voie  de  fait  équivaut  à  la  voie  de  fait*. 

En  ce  qui  touche  à  la  réparation. 

0 

L'offensé  avec  voie  de  fait  peut  demander  réparation  par  les 
armes  à  l'offenseur,  et  s'adresser  aux  tribunaux  civils  pour  obtenir 
réparation  pécuniaire  du  dommage  causé  '. 

L'offensé  avec  voie  de  fait  a  le  droit  d'imposer  les  conditions 
les  plus  graves,  et,  s'il  est  mis  hors  de  combat,  il  peut  se  déclarer 
non  satisfait  et  recommencer  l'épreuve  aussitôt  rétabli  *. 

Ces  deux  articles  sont  en  opposition  avec  le  principe  français 
qu'il  n'est  dû  qu'une  réparation  pour  une  même  offense. 

i.  Voyez  Gelli,  article  14. 

2.  Ibidem,  article  20. 

3.  Voyez  Gelli,  par.  4,  spécialement  article  28. 

4.  Voyez  Gelli,  article  44.  —  Angelini,  chapitre  v,  page  42,  et  chapitre  x,  para- 
graphe 30. 


'  «    4 


391  CINQIIÈWE  l'ARTin. 

En  ce  qui  touche  aux  mandatairâs. 

II  faut  distinguer  entre  les  seconds  et  les  témoins. 

Le  second  est  chargé  de  traiter  l'alTaire,  depuis  le  déÛ  jusqn'it 
la  couclusion.  Le  témoin  ne  fait  qu'assister  le  second.  Souvent  il  ne 
prend  poiul  part  aux  discussions  et  ne  parait  que  sur  le  terrain  '. 

Si,  pour  une  circonslaoce  indépendante  de  sa  personne,  l'ofTensé 
ne  trouve  pas  de  rcprdsenlaDls,  il  prie  les  représentants  de  l'adver- 
saire de  décider  deux  de  leurs  amis  à  Tassisler.  Un  refus  non 
légitimé  de  servir  de  témoin,  entre  personnes  de  même  condition, 
équivaut  à  une  indélicatesse  pour  qui  lu  commet  et  à  une  offense 
pour  qui  essuie  le  refus.  Aucun  gentilhomme  ne  peut  décemment 
refuser  ce  service,  à  un  (étranger  surtout  '. 

En  ce  qui  touche  à  l'acceptation  du  cartel. 

Le  déû  une  fois  accepté  et  les  représentants  constitués  par 
celui  qui  a  reçu  le  cartel,  si  la  rencontre  est  jugée  indispensable, 
le  défié  devra  se  rendre  avec  ses  propres  témoins  dans  la  ville 
qu'hal)ile  l'oiïensé,  en  hommage  au  principe  que  tous  les  désa- 
Tantages  doivent élre  à  la  charge  de  l'agresseur'. 

En  ce  qui  touche  au  droit  de  refuser  le  cartel. 

A  cinquante-cinq  ans,  un  homme  peut  cesser  d'aller  sur  le 
terrain  '. 

lEln  ce  qui  touche  aux  droits  et  devoirs  des  témoins 
dans  le  duel  au  sahre  et  à  l'épée. 

Les  témoins  doivent  commander  halte  pour  suspendre  ou 
arrêter  le  combat  lorsqu'une  blessure  atteint  l'agresseur. 

Si  le  blessé  est  l'olTensé,  les  témoins  doivent  attendre  qu'il  ait 
riposté  au  coup  de  l'agresseur,  on  que  celui-ci  lui  ait  fait  uoe 
seconde  blessure  ^ 

En  ce  qui  touche  au  corps  à  corps. 

il  ne  doit  pas  être  interdit  et  ne  doit  être  arrêté  qu'en  cas  de 
violation  des  règles  du  duel  °. 

1.  Voj'ci  Belliiii,  clinpilre  i",  puragrs|ihe  3;  chapitre  vi,par»gr»pheS.— De  Rosis, 
chapitre  m.  —  Gcili,  chapitre  viii,  article  57.  Contra  ADgelini,  chapitre  i\. 

2.  Voyei  Angclioi,  chapitre lï,  paragniplie  1 .  —  Gclli, cliapiire viir,  articles 57.et  CI . 

3.  Voyez  Angclini,  chapitre  i,  paragraphe  3S.  —  Gclli,.arlicle  132. 
i.  Voyez  Gelli,  article  £22. 

5.  Vojei  Gclli,  articles  31i,  315. 

6,  Voyez  Gelli,  article  3Ï3.  —  Apgclini,  chapitre  ïï,  paragraphe  23.      , 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  393 

En  ce  qui  touche  à  la  chute. 

II  est  permis  de  se  baisser  jusqu'à  mettre  la  main  à  terre,  mais 
non  le  genou*. 

En  ce  qui  touche  à  la  blessure. 
Elle  doit  être  annoncée  '. 

En  ce  qui  touche  aux  droits  et  devoirs  des  témoins 

dans  le  duel  au  pistolet. 

Il  n'est  pas  permis  de  fixer  d'avance  le  nombre  de  balles  à 
échanger,  car  il  est  de  règle  qu'un  duel  ne  doit  pas  se  terminer 
sans  blessure  '. 

Il  est  interdit  de  tirer  en  Tair,  même  pour  l'agresseur,  et  de 
refuser  de  faire  feu. 

Cet  acte  est  considéré  comme  une  félonie  et  une  nouvelle 
insulte,  et  après  deux  minutes  l'adversaire  peut  continuer*. 


RÈGLES  DU  DUEL  EN  ALLEMAGNE 

ET  EN  AUTRICHE. 

En  Allemagne  et  en  Autriche,  les  règles  qui  constituent  la  légis- 
lation du  point  d'honneur  sont  empruntées  presque  exclusivement 
à  Ghateauvillard,  qui  dans  ces  pays  jouit  d'une  autorité  réellement 
étonnante,  si  on  considère  l'antipathie  des  deux  races  et  leur  hosti- 
lité politique. 

Parmi  les  auteurs  allemands  et  autrichiens  qui  se  sont  occupés 
du  duel,  les  uns  ont  traduit  purement  et  simplement  son  Essai, 
les  autres  en  ont  publié  des  extraits  ou  s'en  sont  largement 
inspirés. 

Voici  le  titre  de  leurs  ouvrages  : 

Pour  Tempire  d'Allemagne. 

Chateauvillard  {Graf  de)  Duell  Code.  Aus  dem  Franz  ûbers. 
von.  C.  von.  L***.  8%  1888.  Karlsruhe:  Bielefeld. 

1.  Voyez  Angelini,  chapitre  xiv,  paragraphe  8.  —  Angelini,  article  35S. 

2.  Voyez  Gelli,  article  361. 

3.  Voyez  ADgelini,  chapitre  xvi,  paragraphe  7.  —  Gelli,  article  392. 

4.  Voyez  Angelini,  chapitre  xvin,  paragraphe  24.  —  Gelli|  article  416. 


394  CINQUIÈME  PARTIE. 

Die  Coni-entionellen  Gebrauche  beim  Zweikampt  miter  beson- 
derer Berilcksicktiijung des offizieratandeg  von  etnem  altereti  actiien 
offizier.  Yieiie  vmgearbeitete  und  term^hrle  aitftage.  S".  BerliD, 
1890.  Verlag  vou  R.  EiseDschraidt. 

Pour  l'Empire  austro-hongrois. 

Bolgar  (Friz  tod)  (Oberlienl).  Die  Itegein  d.  Dtiells  8",  1880. 
Budapest.  —  2(e.  Verm.  Aufl.  H".  188ii,  Wien  :  Seidel  u  Soho. 

Hergseil  (Cuslav).  Ducll  Codex.  Wienn.  Pesl.  Leipzig.  A.  Harl- 
lebeus  Terlag,  1891'. 

Sebelic  (Raimund)  (Oberlienl).  DHell-Itegeln.  3te  nnverând 
Auil.,  12°.  1881.  Debreczin  :  Czàtliy.  —  k"  Auf.  12".  1887.  Graz  ; 
Cieslar, 

Nous  ue  voulons  point  passer  sous  silence  les  hommages  que 
ces  quaire  écrivains  rendent  à  Chateauvillard,  car  ils  viennent  à 
l'appui  du  la  thèse  que  nous  avons  défendue  pendant  tout  le  cours 
de  notre  ouvrage  : 

(1  L'Essai  sur  h-  duel  est  le  véritable  code  du  point  d'honneur.  » 

Il  Pour  établir  les  règles  du  duel,  écrit,  page  6,  l'auteur  ano- 
nyme de  la  brochure  allemande  Die  Convenlionellen,  j'ai  suivi  les 
usages  reçus  dans  notre  armée  et  les  décisions  que  le  comte  de  Gho- 
teauviUard,  membre  du  Jockey-Club,  publia  en  1830  dans  son  Exsaî 
sur  le  duel,  avec  la  collaboration  de  généraui  et  de  gcntilsbommes 
français,  etquiareçupourainsidireunecoRi^crationintemattona^e.» 

«  Je  me  suis  laissé  guider,  écrit  Hergseil  dans  son  avant-propos, 
par  les  prescriptions  du  comte  de  Gbaleauvillard... 

Il  Pour  être  anciennes,  les  règles  elconsidérationsqu'il  a  tracées 
u'en  offrent  pas  moins  d'inestimables  matériaux,  et  doivent  être 
respectées  de  tous  les  hommes  d'honneur,  aussi  longtemps  qu'une 
association  autorisée  d'hommes  aussi  compétents  en  matière  de 
point  d'honneur  ne  nous  aura  pas  conrectionné  d'autres  préceptes 
et  d'autres  lois...  Cet  ouvrage  a,  du  reste,  acquis  une  indiscutable 
valeur  hors  de  son  pays  originaire.  " 

Bolgar  et  Sebetic  se  montrent  aussi  explicites  dans  le  même  seus. 

Après  une  semblable  affirmation  de  principes,  on  comprend  que 
lesrègles  formulées  par  ces  écrivains  ne  peuventsensiblenient  différer 
de  celles  qui  constituent  en  France  la  législation  du  point  d'honneur. 

Dans  ta  brochure  allemande,  très  substantielle  sous  un  petit 
volume,  la  parité  est  eu  effet  quasi  absolue,  notamment  en  ce  qui 
louche  : 

■ûre,  e 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  395 

La  distinction  et  le  classement  des  ofiènses. 

C'est  à  l'offensé  que  revient  le  choix  des  armes,  contrairement 
àPopinion  très  répandue,  mais  complètement  erronée,  qui  Tattribue 
au  défié  *. 


La  nature  des  armes. 

Mais  nous  ne  retrouvons  pas  mentionnée  la  controverse  relative 
au  droit  accordé  par  Chateauvillard  au  civil  de  refuser  le  sabre. 

Par  contre,  le  sabre  et  Tépée  peuvent  être  refusés  si  l'intéressé 
en  ignore  complètement  le  maniement*. 


Les  règles  spéciales  aux  diverses  espèces  de  duels,  etc.,  etc. 

Une  observation  pour  terminer  ce  qui  concerne  la  brochure 
Die  Conventienellen, 

De  son  titre,  on  pourrait  induire  qu'elle  ne  règle  que  les  diffé- 
rends survenus  entre  officiers  allemands  et  ne  s'applique  pas  à 
d'autres  catégories  d'individus. 

Rien  n'est  plus  faux. 

L'auteur  fait  observer,  au  contraire,  que  les  règles  qu'il  a 
empruntées  à  Chateauvillard,  étant  de  droit  commun,  obligent  tous 
les  u  gentlemen  »,  pour  nous  servir  des  expressions  qu'il  emploie 
page  5. 

Les  modifications  qu'il  y  apporte,  conformément  aux  usages 
adoptés  dans  l'armée,  constituent  des  exceptions  justifiées  par  cer- 
taines situations  particulières  aux  officiers  *. 

Comme  la  brochure  dont  nous  nous  occupons  est  l'ouvrage 
le  plus  nouvellement  publié  en  Allemagne,  il  importait  d'établir 
par  qui  et  contre  qui  elle  peut  être  valablement  invoquée. 

Dans  les  ouvrages  autrichiens  cités  plus  haut,  il  n'existe  de 
désaccord  avec  les  usages  français  que  sur  un  petit  nombre  de 
points. 


1.  Voyez  page  9,  et  Hergsell,  !'•  partie,  Règles  du  duel  en  généraL 

2.  Voyez  page  15  et  la  note. 

3.  Voyez  pages  il  et  12,  à  propos  du  délai  obb'gatoire de  vingt-quatre  heures; 
page  16,  à  propos  de  la  violation  des  règles  du  duel;  page  17,  à  propos  de  Tattente 
sur  le  terrain. 


3»  crNyilÈME  PARTIE. 

Ces  dîTergences  porleol  : 

Sur  la  valeur  à  donner  à  certaines 

Lorsqae  l'eiistcDce  morale  d'un  homme  est  menacée  par  une 
injure  ou  une  accusatioD  imméritée,  l'offense  csl  assimilée  à  la  loie 
de  fait.  II  en  est  de  môme  pour  la  menace  de  Toiede  fait'. 

Sur  le  droit  de  refuser  le  du^. 

La  proTocation  est  refusée  lorsque  le  prorocanl  a  été  dteUré 
sans  honneur  (r'Arfoi)  poar  aroir  accepté  un  duel  américain  (geon 
de  duel  exceptionnel)  on  s'ètTc  chargé  d'une  proTocation  de  ce  genre*. 

Sur  la  nature  des  armes. 

Le  sabre  et  le  pislolel  sont  seuls  admis  par  Elergsell  comme 
armes  légales,  imposables  à  tout  le  monde,  aussi  bien  aax  cirtls 
qu'aux  militaires. 

D'après  lui,  l'ôpée  peut  toujours  être  refusée,  par  la  raison  que 
le  duel  à  cette  arme  n'est  pas  en  usage  en  Autriche. 

Il  spécifie  que  l'étranger,  même  offensé,  ne  peut  prétendre 
l'imposer,  bien  qu'elle  soit  légale  dans  son  pars  '. 

Bolgar  est  moins  absolu.  Il  ne  regarde  pas  le  duel  à  Tépée 
comme  illégal,  mats  comme  pea  mile,  ce  qui  n'esl  pas  du  (oui  la 
même  chose,  et  se  contente  de  passer  sous  ^lence  te  droit  du  ciril 
à  repousser  le  sabre,  sans  le  lui  dénier  absolument. 

Voiri,  du  reste,  comment  il  s'exprirae,  1"  partie,  chapitre  f. 
article  1"  : 

fl  Le  duel  a  trois  sortes  d'armes  :  le  sabre,  l'épée  et  le  pistolet. 

«  Toute  autre  arme  appartient  à  la  catégorie  des  duels  excep- 
tionnels. » 

Et  plus  loin,  2*  partie,  chapitre  ii  : 

0  Le  duel  à  l'épée,  habituel  en  France  et  en  Italie,  est  très  rare- 
meniemployé  chez  nous.  Lu  conseil  d'honneur,  réuni  à  Buda-Pesth, 
ayant  eu  ù  se  prononcer  sur  la  possibilité  d'un  duel  à  l'épée,  déclara 
que  cette  arme,  non  en  usage  parmi  nous,  pouvait  être  récusée.  • 

Sebetic  ne  fait  aucune  allusion  à  cette  coutume  autrichienne, 
et  aucune  restriction  à  la  liste  des  armes  légales  donnée  par  Cba- 
teauvillard. 

>  Les  armes  légales  pour  le  duel,  écrit-il,  sont  le  sabre,  Tépée 
et  lo  pistolet.  « 

I.  Vjyn  McrgnU.  1"  jmixii.  Do  iatà  «  de  l'olT^Dtc.  OffeoM   du  3*  d«gré.  —  Se- 

u^  VvfFt  UtrgwU,  Refai  do  dud,  1"  («nie,  tnide  9,  et  loopadlé d«s  tecood), 
VijM  BcTfMtl,  V  [«"le,  On  ^iffétmUt  torttt  de  ducli. 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  397 

Comme  Chateauvillard,  il  accorde  aux  témoins  de  l'agresseur 
le  droit  de  refuser  le  sabre  lorsque  leur  client  est  un  civil,  mais  à 
condition  qu'il  n'y  ait  pas  eu  voie  de  fait  ^ 

On  voit  que  Tautorité  de  BoJgar  et  de  Sebetic  peuvent  être  utile- 
ment invoquées  parle  Françaisauquel  un  Autrichien  prétendrait  refu- 
ser le  droit  de  se  battre  à  l'épée  en  s'appuyant  sur  le  texte  d'Hergsell. 

Sur  certaines  règles  du  duel  au  sabre. 

Le  duel  au  sabre  sans  coups  de  pointe,  dans  lequel  on  permet 
seulement  le  coup  de  taille  {hiele)^  est  de  beaucoup  le  plus  répandu. 
Toutes  les  fois  que  le  procès-verbal  de  rencontre  ne  mentionne  pas 
spécialement  que  les  adversaires  pourront  frapper  d'estoc  (condition 
exceptionnelle,  mais  non  illicite),  la  prohibition  du  coup  de  pointe 
est  sous-entendue. 

Dans  le  duel  au  sabre,  il  est  permis  de  s'entourer  le  cou  d'une 
cravate  ou  d'un  mouchoir  roulée 

Sur  certaines  règles  du  duel  au  pistolet. 

On  ne  doit  jamais  stipuler  que  le  combat  continuera  jusqu'à  ce 
qu'une  blessure  ait  lieu.  On  peut  refuser  tout  duel  où  plus  de  trois 
balles  devront  être  échangées;  mais  on  peut  stipuler  qu'après  trois 
balles  échangées  sans  résultat,  le  combat  aura  lieu  au  sabre  K 

Lorsque  l'offense  n'est  pas  du  troisième  degré,  on  peut  refuser 
non  seulement  le  duel  au  signal,  comme  en  France,  mais  encore  le 
duel  au  commandement,  qui,  dans  notre  pays,  est  le  mode  de  combat 
le  plus  répandu. 

Sur  certaines  règles  du  duel  à  Tépée. 

Lorsque  ce  genre  de  combat  a  lieu,  par  hasard,  entre  adver- 
saires qui  tombent  d'accord  pour  se  servir  de  cette  arme,  les  coups 
de  pointe  {stôose),  réguliers  d'école,  doivent  être  dirigés  seulement 
contre  le  haut  du  corps,  avec  exception  du  visage. 

Cependant,  de  la  part  d'un  tireur  inhabile,  les  coups  portés  plus 
bas  ou  plus  haut  ne  peuvent  jamais  être  nommément  réprouvés  ^ 

La  lecture  de  ce  passage  dénote  une  inexpérience  de  l'escrime 
à  l'épée  sur  laquelle  nous  n'avons  pas  besoin  d'insister. 

1.  Voyez  l'^  partie,  chapitres  net  iv.  Des  témoins. 

2.  Voyez  Hergsell,  2*  partie,  Duel  au  sabre. 

3.  Voyez  Hergsell,  Refus  d'un  duel  déterminé,  1'*  partie  :  Pistolet,  articles  2  et  5; 
et  2*  partie  :  Différentes  espèces  du  duel  au  pistolet. 

4.  Voyez  Hergsell,  Duel  à  Tépée,  2«  partie,  article  28. 


^--m.-!     "^  r-  -.        .^ 


CINQUIÈME  PARTIE 


REGLES  DU  DUEL  EN  ANGLETERRE. 


Lorsqu'un  Anglais  est  offensé,  il  s'adresse  aux  tribunaux.  Les 
magistrats  de  son  pays  ne  lui  marchaDdent  jamais  la  réparatiou 
qui  lui  esl  due,  réparation  avant  tout  pécuniaire,  el  dont  le  mon- 
tant peut  atteindre  une  somme  considérable. 

N'avons-nous  pas  vu  un  écrivain  condamné  S  10.000  livres 
sterling  d'indemnité  pour  avoir  inséré  dans  une  revue  quelques 
lignes  offensantes  à  l'adresse  de  la  femme  d'un  gentleman  ?  Est-il 
besoin  do  rappeler  à  quel  chiffre  énorme  se  sont  montes  les  dom- 
mages et  intérêt»  accordés  à  certains  maris  en  cas  de  criminai 
conversation  ? 

On  pourrait  multipliera  l'infini  les  exemples  de  la  sévérité 
avec  laquelle  la  jurisprudence  des  tribunaux  britanniques  réprime 
les  injures  privées. 

En  France,  rbomme  qui,  placé  dans  les  mêmes  conditions, 
recourt  aux  tribunaux,  est  assuré  de  ne  recevoir  qu'une  inGme  répa- 
ration pour  les  atteintes  les  plus  graves  à  son  honneur. 

Une  telle  inégalité  dans  la  répression  devait  entraîner  pour 
chaque  iiays  des  conséquences  diamétralement  opposées.  C'est  ce 
qui  arrive,  en  elTet. 

Le  duel  est  tombé  en  désuétude  dans  les  Royaumes-Unis.  Les 
règles  qui  présidaient  aux  rencontres  ont  naturellement  subi  le 
même  sort. 

Du  moment  que  leslois  ordinaires  le  protégeaient  efficacement, 
pourquoi  l'Anglais  aurait-il  recouru  à  la  législation  du  point  d'hon- 
neur, qui  n'a  d'autre  raison  d'exister  que  l'insuffisance  de  ces 
loisî 

11  n'y  songe  même  pas. 

Aussi  ne  fait-il  aucune  différence  entre  un  duel  et  une  rixe 
ordinaire,  et  applique-t-il  généralement  sans  scrupule  aux  duellistes 
les  peines  du  droit  commun. 

Il  H  a  sur  ce  point  union  intime  entre  les  mœurs  et  la  loi. 

En  France,  c'est  la  loi  répressive  qui  tombe  de  jour  en  jour  en 
désuétude.  Elle  a  beau,  comme  la  loi  anglaise,  édicter  contre  les 
duellistes  les  peines  du  droit  commun,  les  jurés  se  refusent  à 
regarder  comme  un  vulgaire  meurtrier  celui  qui  tue  son  adver- 
saire dans  un  duel  loyaL  Ils  l'acquittent  généralement. 


LE    DUEL   A  L'ÉTRANGER.  399 

En  revanche,  les  rencontres  y  sont  presque  quotidiennes. 
L'homme  du  monde  offensé  doit,  sous  peine  d'être  taxé  de  pusil- 
lanimité, recourir  aux  armes  pour  venger  son  injure. 

Sur  ce  point,  il  y  a  divergence  absolue  entre  les  mœurs  et  la 
lot. 

La  comparaison  que  nous  venons  de  faire  entre  les  deux 
peuples  nous  amène  à  penser  : 

1°  Qu'une  loi  répressive,  quelle  qu'elle  soit,  est  impuissante  à 
extirper  le  duel,  si  les  mœurs  ne  sont  pas  disposées  à  la  recevoir  ; 

2*'  Que  la  seule  manière  de  les  y  préparer  consiste  à  assurer 
aux  citoyens  dont  on  attaque  Thonneur  une  satisfaction  au  moins 
égale  à  celle  sur  laquelle  ils  ont  droit  de  compter,  pour  ce  qui 
concerne  les  biens  d'un  moindre  prix  ; 

3°  Que  cette  satisfaction  doit  être  pécuniaire  ^ 

En  vain  objecterait-on  que  les  Anglais  ont  Tépiderme  moins 
sensible  que  nous,  et  que  les  considérations  de  nature  à  les  arrêter 
dans  leur  recours  aux  armes  ne  sauraient  nous  influencer. 

Les  faits  se  chargent  de  réfuter  le  premier  argument.  Si  nous 
consultons,  en  effet,  la  bibliographie  de  l'escrime  ancienne  et 
moderne,  publiée  en  1891  par  Garl.  A.  Thimm,  nous  voyons, 
pages  195  et  suivantes,  que  nos  voisins  d'outre-mer  étaient  autrefois 
aussi  esclaves  du  point  d'honneur  que  nous  pouvons  l'être,  et  se 
battaient  souvent. 

Au  second  argument,  nous  répondrons  que,  dans  le  siècle 
éminemment  pratique  où  nous  vivons,  tout  le  monde  tient  à  sa 
bourse. 

A  Paris  comme  à  Londres,  la  perspective  de  lui  voir  subir  une 
abondante  saignée  peut  arrêter  les  manifestations  injurieuses  de 
l'agresseur,  tandis  que  celle  de  l'arrondir  peut  engager  l'offensé  à 
confier  ses  intérêts  aux  tribunaux. 

L'âpreté  de  la  lutte  pour  la  vie,  généralisant  les  nécessités,  géné- 
ralisera leurs  conséquences  et  tuera  le  préjugé. 

Frapper  fort  sur  la  bourse,  c'est  frapper  juste. 

1.  Cette  thèse  n^est  pas  noavelle.  Elle  a  été  soatenue  en  France  par  Sully  dans 
ses  Mémoires,  Dareau,  Mercier,  etc.  ;  à  Pétranger,  par  Jerem.  Bentham,  Traité  de  la 
législation  civile  et  pénale,  tomeU,  page  325;  Poffendorf,  Droit  de  la  nature,  livre  II, 
chap.  V,  S  i%  etc. 


I  hOii 


CINQUIÈME   PARTIE. 


\ 


RÈGLES  DU  DUEL  EN  BELGIQUE. 

11  n'a  i^-lé  publié  aucun  ouvrage  sur  les  règles  du  duel  en 
Belgique. 

Du  reste,  les  Belges  se  ballenl  peu.  Lorsque  pareil  fait  se  pro- 
duit, nous  croyons,  étant  donnée  l'afllnilé  de  mœurs  et  de  langage 
qui  les  unit  à  !a  France,  qu'Us  suiîent  nos  usages,  mais  sans  oser 
l'alûrmer  positirement. 

RÈGLES  DU  DUEL  EN  ESPAGNE. 


Sur  les  règles  du  duel  en  Espagne,  on  peut  consulter  : 
Iniguez  (Eusebio),    Ofetisas  ij  desafios,  Recapitiilacio»  de  las 

leges  que  r'njeit  el  diirto  y  ciiusaK  originales  de  este,  (omadas  de 

los    mejores  tratadistas,  con  notas  del  autor.  1  vol.   en  quarto 

meoor. 

Saoz  (Adelardo),  Esgrima  del  sable  y  consideraeiones  sobre  ef 

duello.aa  8".  1886.  Madrid,  Fortaned. 


REGLES  DU  DUEL  EN  HOLLANDE. 


Sur  les  règles  du  duel  en  Hollande,  on  peut  consulter  : 
Joactiim  (Ps),  Gids  in  zake  van  eer  vooriiamelijk  ten  dienste 
van  officieren  van  de  Nederlandsche  zee —  en  landmacht  {scbut- 
terijen)  en  van  het  Nederlandsck.  Indische  léger,  bevattende  : 
1'  de  internationale  regels  loor  (het  tweegececht) ;  2°  uittreksel  uU 
het  Nederlandsch  }¥etboek  van  Strafrecht  (het  tweegevecht)  met 
Aanhangsel  waarin  :  1'  uittreksel  uit  de  wet,  regelende  de  bevor- 
dering  eus  van  de  militaire  officieren  bij  de  zeemackt  (raden  van 
onderroek);  2"  idem  idem  van  die  bij  de  landmacht;  3°  idem  van 
de  Europeesche  officieren  bij  de  landmacht  in  Nederlandsck.  — 
Indië,  1889,  a  HoorD  8°. 

Kock.  {H.  F.  de)  Het  duel.  Acad.  proefschrift  8%  1876.  Leyden. 


LE  DUEL   A  L'ÉTRANGER.  404 


REGLES  DU  DUEL  EN  RUSSIE. 


L'administration  de  la  Bibliothèque  impériale  de  Saint- 
Pétersbourg  nous  informe  que  les  seuls  ouvrages  sar  le  duel 
en  Russie  possédés  par  cet  établissement  sont  les  suivants  : 

Les  Duels,  par  6.  L.  E.  Saint-Pétersbourg,  1837. 

Le  Duel  et  la  Cour  de  cassation,  par  A.  Lochwitsky.  Saint- 
Pétersbourg,  1858.  —  (Ce  travail  est  un  tirage  à  part  des  Annales 
de  la  patrie,  n^»  10, 11,  12  de  Tannée  1858.) 

La  brochure  toute  récente  de  Séversky  : 

OcoCennafl  qacxB  pyccRaro  yrojiOBHaro  opana* 

Cette  liste  ne  contient  aucun  ouvrage  relatif  aux  règles  du 
duel. 

11  ne  faut  pas  s'en  étonner.  Le  duel  a  été  sévèrement  défendu 
en  Russie  depuis  le  règne  de  Pierre  le  Grand,  et  fut  particulièrement 
antipathique  à  ses  successeurs.  On  comprend  qu'un  livre  rentrant 
dans  le  cadre  de  notre  chapitre  lxxxi  ne  pouvait  être  approuvé  par 
la  censure  et  imprimé. 

Est-ce  à  dire  que  les  Russes  ne  se  battent  pas?  Les  faits  sont  là 
pour  établir  le  contraire.  Moins  fréquentes  que  chez  nous,  leurs 
rencontres  sont  en  revanche  plus  meurtrières.  L'arme  choisie  est 
presque  toujours  le  pistolet,  et  le  duel,  celui  à  marcher. 

C'est  dans  un  combat  de  cette  espèce  que  leur  grand  poète 
Pouschkine  fut  tué,  en  1834,  par  son  beau-frère  le  baron  d'Anthes. 

Quels  usages  les  Russes  observent-ils  dans  leurs  rencontres  ? 
Nous  n'avons  pas  pu  le  savoir  positivement. 

Le  si  bon  et  regretté  prince  Dolgoroukow,  alors  gouverneur 
de  Moscou,  avec  lequel  nous  avons  eu  l'honneur  de  tirer  souvent 
au  pistolet  à  Vichy,  nous  a  bien  donné  des  détails  intéressants  sur 
la  partie  anecdotique  et  sur  la  répression,  mais  ne  s'est  jamais 
prononcé  sur  la  question  des  règles  du  duel. 

Nous  croyons  que  ce  sont  celles  de  Chateauvillard,  plus  ou 
moins  altérées  par  des  usages  forcément  non  codifiés. 

Son  autorité  ne  saurait  être  moindre  dans  un  pays  aussi  ami 
de  la  France  qu'elle  ne  l'est  en  Allemagne,  où  les  auteurs  le  pro- 
clament a  Gode  international  et  guide  du  point  d'honneur  ». 


26 


-  .1 


r 


CINQUIÈME   PARTIE. 


RÈGLES  DU  DUEL  EN  SUISSE. 


Les  rencoDtres  entre  citoyens  suisses  sont  telleroeot  rares, 
qu'on  peut  regarder  le  duel  comme  tombé  en  désuétude  dans  ce 
pays. 

C'est,  du  reste,  par  celte  affirmation  que  commencent  presque 
toutes  les  lettres  des  jurisconsultes  qui  ont  bien  todIu  nous  ren- 
seigner sur  la  législatiou  pénale  des  nombreux  cantons  qui  formeal 
la  Confédération  helvétique. 

Dans  ces  conditions,  un  ouvrage  snr  les  règles  du  duel  était 
sans  raison  d'être.  Nous  n'en  connaissons  pas. 


Une  erreur  de  copiste  aous  a  empoché  de  dooner,  page  386,  le  résnoié 
complet  de  noire  apprécialion  sur  le  Codice  cavaltereKo  de  U.  Gelli. 

Nous  nous  empressons  de  la  réparer,  en  disant  que  l'aatoriU  dont  il 
jouit  en  Italie  est  parfaitement  justifîée. 

Outre  son  Coc/lcB  cavaUeresco,  cet  auteur  a  publié  de  q ombrent  oarrages 
sur  les  spécialités  qui  se  rattachent  au  duel.  Il  suffit  de  les  parcourir  poni 
comprendre  leur  succès,  qui  place  M.  Gelli  au  premier  rang  des  auteurs  ioùeiis 
dont  la  plume  a  traité  le  même  sujet. 


CHAPITRE  LXXXII 

Texte  des  lois  qui  répriment  le  duel  dans  les  différents 

États  d'Europe. 


ALLEMAGNE. 
-  Gode  pénal  régissant  tout  l'Empire,  4870.  —  Du  duel. 

Art.  204.  —  Seront  panis  de  la  détention  de  six  mois  au  plas,  la  provo- 
cation en  duel  avec  armes  meurtrières,  ainsi  que  l'acceptation  du  défi. 

Art.  202.  —  La  peine  sera  la  détention  de  deux  mois  à  deux  ans,  si  la 
provocation  porte  que  le  combat  ne  cessera  que  par  la  mort  de  Tun  des  com- 
battants, ou  si  cette  intention  résulte  du  genre  de  duel  choisi. 

Art.  203.  —  Ceux  qui  se  chargent  de  la  provocation,  ou  qui  la  trans- 
mettent à  la  partie  adverse,  seront  punis  de  la  détention  pendant  six  mois,  au 
plus. 

Art.  204.  —  Aucune  peine  ne  sera  prononcée,  si  lespartîesont  spontané- 
ment renoncé  au  duel  avant  de  commencer  le  combat. 

Art.  205.  —  Le  duel  sera  puni  de  trois  mois  à  cinq  ans  de  détention. 

Art.  206.  —  Celui  qui  aura  tué  son  adversaire  en  duel  sera  puni  de  deux 
ans  au  moins  de  détention-,  la  peine  sera  la  détention  de  trois  ans  au  moins 
si  le  duel  ne  devait  cesser  que  par  la  mort  d'un  des  combattants. 

Art.  207.  —  Celui  qui  aura  tué  ou  blessé  son  adversaire,  en  violant  Tolon- 
lairement  les  règles  conventionnelles  ou  traditionnelles  du  duel,  sera  puni 
suivant  les  dispositions  générales  sur  le  meurtre  ou  les  lésions  corporelles,  à 
moins  qu'il  n'ait  encouru  une  peine  plus  grave  aux  termes  des  dispositions  ci- 
dessus. 

Art.  208.  —  Lorsque  le  duel  aura  lieu  sana  seconds,  la  peine  encourue 
pourra  être  augmentée  de  moitié,  sans  que,  néanmoins,  elle  puisse  dépasser 
dix  ans. 

Art.  209.  —  Les  intermédiaires  du  défi  qui  auront  cherché  sérieusement 
à  empocher  le  duel,  les  seconds,  ainsi  que  les  témoins,  médecins  et  chirurgiens 
appelés  pour  assister  au  duel,  seront  exempts  de  peine. 

Art.  240.  —  Celui  qui  volontairement,  et  notamment  par  des  marques  ou 
menaces  de  mépris,  aura  excité  un  individu  à  se  battre  en  duel  avec  uu  tiers, 
sera  puni  d'un  emprisonnement  de  trois  mois  si  le  duel  a  eu  lieu. 

Modifications  ob  4876.  —Duel. 

Article  208.  —  Lorsque  le  duel  aura  lieu  sans  seconds,  la  peine 
encourue  pourra  être  augmentée  de  moitié,  sans  que,  néanmoins»  elle  puisse 
dépasser  quinze  ans. 


CINQCIÉME   PARTIE. 


ANDORRE. 


C»lte  république  est  régie  par  des  coutumes  publiées  on  plutdl  écrites 
(c'est  UD  manuscril)  en  langue  basque  (le  poliUtr],  mais  ne  conteoaQt  proba- 
blement rien  sur  le  duel. 

A.  un  certain  point  de  vue,  on  peut  dire  que  le  territoire  d'Andorre  e5t  on 
territoire  neutre,  puisqu'il  est  soumis  à  des  règles  particulières;  cepeudaot, 
la  circonslanco  rnSme  que  les  jugements  sont  rendus  au  nom  de  la  France  sa 
Tait  une  sorte  d'Ëtat  vassal,  sur  lequel  celle-ci  exerce  un  droit  de  suzeraineti. 
un  véritable  protectorat. 

On  doit  le  considérer  comme  territoire  français,  au  point  de  vue  de  la  poON 
suite  des  crimes  et  délits  commis  par  tous  autres  que  les  indigènes,  et  oottm- 
ment  par  les  Français  '. 


ANGLETERRE. 

Le  duel,  en  Angleterre,  est  soumis  à  la  législation  de  droit  commun.  On 
peut  s'en  assurer  en  consultant  un  traité  élémentaire  ou  manuel  de  législation, 
intitulé  the  Cabinet  lawyer  [ItiSt),  qui  traite,  dans  le  même  cbapiire  (p.  719J, 
du  meurtre  {murder^  momlonçhier)  et  du  duel,  soumis  tous  deux  aux  mâmes 
pénalités,  allendu  que,  duos  l'un  comme  dans  l'autre,  il  y  a  eu  expressed  ma- 
lice  or  délibérais  intention. 

Des  principes  généraux  du  droit  pénal,  les  cours  de  justice  anglaises  ont 
peu  à  peu  tiré  no  certain  nombre  de  règles,  d'après  lesquelles  tout  acte  ayant 
pour  effet  de  concourir  A  un  duel  conslitue  une  iofraction  à  la  législation  pé- 
nale anglaise  : 

1°  Envoyer  un  déQ,  alors  même  qu'il  ne  serait  pas  accepté,  est  un 
trouble  à  la  paii  publique.  La  pénalité  estl'ameude  ou  la  prison, à  ladiscrétiOD 
de  la  cour,  avec  Taculié  d'imposer  au  prévenu  une  garanLe  de  sa  bonoe  con- 
duite pendant  trois  ans. 

S"  Toute  personne  qui  transmet  le  défi  est  punissable  des  œftmes 
peines. 

3°  Toute  personne  qui,  à  l'aide  do  paroles  ou  de  lettres,  on  provoque 
une  autre  en  duel,  est  exposée  à  la  même  répression. 

iP  Si  le  duel  a  eu  lieu  dans  un  endroit  public,  la  pénalité  ast  celle  ci- 
dessus. 

5°  Si  le  duel  a  eu  lieu  dans  un  endroit  privé,  la  qualiQcation  du  ûéLU  est 
différente,  c'est  un  assoull;  mais  ses  conséquences  pénales  sont  les  mêmes. 
Ce  délit  résulte  du  seul  fait  de  tirer  une  épée  ou  de  diriger  un  pistolet  contre 
son  adversaire. 

11  convient  de  se  rappeler  que,  d'après  la  législation  anglaise,  tout  attentat 

1.  Voyeï  Futier-HenoanD,  Répertoire  de  drotl  fi-ançait,  article  Andorre,  n*  49. 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  405 

à  la  vie  est  ud  délit,  l'auteur  du  délit  le  dirigeât-il  contre  sa  propre  existence  ; 
ainsi  la  tentative  de  suicide  a  souvent  été  punie  de  six  mois  de  prison. 

6"^  et  7*^  Le  simple  fait  de  8*assembler  pour  participer  à  un  duel  comme 
combattants  ou  comme  témoins  peut  être  relevé  à  rencontre  de  ceux  qui  y 
prennent  part,  comme  délit  de  eonspiracy,  réprimé  par  l'amende  et  la 
prison. 

8*"  Si  le  duel  a  lieu  et  qu'il  y  ait  blessure  môme  légère,  il  y  a  délit  de 
wUawful  wounding  (blessure  illégale),  ce  qui  expose  l'auteur  de  la  blessure  à 
cinq  ans  de  réclusion. 

9"*  S*il  s'agit  d'un  duel  à  mort,  il  y  a  délit  de  atUmpl  to  mur,d^  (ten- 
tative de  tuer),  puni  de  la  prison  à  perpétuité. 

40^*  En  cas  de  blessure  grave,  il  y  a  délit  de  wounding  loilA  intent  to 
murder  (blessure  avec  intention  de  tuer),  ce  qui  entraîne  l'emprisonnement 
à  vie. 

44°  En  cas  de  mort  de  l'un  des  combattants,  le  survivant  est  exposé  à  être 
pendu. 

42°  Les  témoins,  voire  le  médecin,  qui  assistent  au.  duel  et  Tencou- 
ragent  par  leur  présence,  sont  exposés  aux  mêmes  peines  que  les  combat- 
tants. 

Des  poursuites  criminelles  pour  duel  ont  été  récemment  Intentées  en  Angle- 
terre; les  rigueurs  pénales  ne  sont  pas  tombées  en  désuétude. 

Le  cas  échéant,  elles  seraient  appliquées  avec  la  même  impartialité  aux 
étrangers  qu'aux  Anglaise 


j 


ILE  DE  MAN.   HALTE.  GIBRALTAR. 


C^tte  lie  a  une  législation  .  spéciale  qui  porte  le  nom  de  Lex  scripta  ou 
Recueil  d'ordonnances' et  de  statuts,  publié  en  4849.  On  n'y  parle  que  des 
crimes  de  droit  commun  :  meurtres,  coups  et  blessures.  Rien  sur  le  difel,  qui 
rentre  par  conséquent  dans  la  catégorie  des  attentats  ordinaires  contre  les 
personnes,  et  doit  encourir  les  mômes  peines,  avec  les  tempéraments  habi- 
tuels que  comporte  l'application  de  la  loi  dans  les  poursuites  de  cette  na- 
ture. 

Malte  est  également  régie  par  des  lois  criminelles  spéciales  qui  ne  disent 
rien  du  duel. 

De  môme  pour  Gibraltar,  dont  le  recueil,  assez  confus,  de  vieilles  ordon- 
nances, ne  fait  aucune  mention  du  délit  qui  nous  occupe. 

Pour  l'une  comme  pour  l'autre,  s'en  référer  au  droit  commun. 

1.  Extrait  d'un  article  publié  par  le  Journal  de  droit  international  privé,  sur 
Taffaire  Martineau-Boulanger  (1890,  n<"  1  et  11,  pages  77  et  suiv.),  17*  année. 


CINQUIÈME  PARTIE. 


EMPIRE  ADSTRO-HONGROIS.  —  AUTRICHE. 
Gode   pénal   ds    185Î.  —  Duel. 

Abticle  4S8.  —  Celui  qui,  poar  quelqae  cause  que  ce  soit,  provoque 
au  combat  avec  armes  meurtrières,  el  celui  qui  accepte  cette  provocation, 
commettent  le  délit  de  duel. 

Abt.  169.  —  Ce  délit  doit,  si  aucune  blessure  n'ec  est  résultée,  6tre  pucj 
de  six  mois  â  un  an  de  prison. 

Abt.  160.  —  Si  dans  le  duel  une  blessure  a  eu  lieu,  la  prison  sera  de  noe 
â  cinq  aoQties,  CepeDdanl.  si  le  duel  a  entraîné  une  des  suites  désignées  dans 
l'article  156,  la  peine  sera  de  la  prison  dure  da  cinq  à  dix  ans. 

Art.  161.  —  Si  le  duel  a  été  suivi  de  la  mort  de  l'un  des  combaiiants,  le 
meurtrier  sera  puni  de  dix  i  vingt  ans  de  prison  dure. 

Art.  163.  —  En  tout  cas,  le  provocateur  sera  condamné  à  un  plus  long 
temps  qu'il  ne  l'aurait  été  s'il  avait  élé  le  provoqué. 

Abt.  163.' —  Celui  qui  a  poussé  l'une  ou  l'autre  des  parties  à  la  provoca- 
tion ou  à  leur  comparution  effective  sur  te  ternùn,  ou  bien  a  contribué  avec 
intention  à  faciliter  cette  rencontre,  ou  bien  encore  a  proréré  des  menaces  on 
du  mépris  contre  celui  qui  cherchait  à  détourner  la  provocation,  sera  puni  de 
six  mois  à  un  ao  de  prison;  mais  si,  en  outre,  son  influence  a  été  effecttvt 
et  qu'une  blessure  ou  la  mort  s'en  soit  suine,  la  peine  sera  de  un  an  à  cinq 
ans. 

Art.  1 6i.  —  Ceux  qui  m  sont  constilués  assistants,  autrement  dit  seconds 
pour  un  des  combattants,  seront  punis  do  six  mots  à  une  année  de  prison,  et, 
d'après  la  valeur  de  leur  iuUueiice  et  le  mal  qui  s'en  est  soivij  pourront  4tn 
punis  jusqu'à  cinq  ans. 

AsT.  165.  —  La  culpabilité  pour  ce  délit  cessera: 

a.  Pour  le  provocateur,  s'il  ne  comparait  pas  au  combat; 

b.  Pour  celui-ci,  aussi  bien  que  pour  le  provoqué,  si,  quoique  ayant  paru 
an  combat,  ils  se  sont  volontairement  désistés  do  commencer  le  combat; 

c.  Pour  les  antres  complices,  s'ils  ont  mis  un  zèle  actif  à  obtenir  le  désiste- 
ment volontaire  du  combat,  et  que  ce  zèle  ait  produit  son  effet. 


HONGRIE. 
Code  pénal  de  1880.  —  Duel. 

Article  193,  — La  provocation  en  duel  et  l'acceptation  de  la  provocation 
constituent  un  délit  et  seront  punis  au  maximum  de  six  mois  de  prison  d'Ëlat. 

Art.  394.  —  I.a  peine  édictée  ï  l'article  précédent  est  aussi  applicable  aux 
seconds,  ainsi  qu'à  tous  ceux  qui  empêchent  l'accommodement  (art.  300). 

(On  appelle  second,  segedeck,  mémo  celui  qui  porte  une  provocation.) 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  407 

Art.  295.  —  Celui  qui  excite  directement  un  tiers  à  se  battre  en  duel, ou 
qui,  parce  que  le  tiers  ne  provoque  pas  une  autre  personne  en  duel  ou  n'ac- 
cepte pas  une  provocation,  le  menace  de  son  mépris,  sera  puni,  au  maximum, 
d'un  an  de  prison  d'État. 

(Le  délit  est  commis  au  moment  où  les  parties  prennent  position  pour  le 
combat;  tout  ce  qui  précède  ne  constitue  qu'une  tentative  non  punie.) 

Art.  296.  —  Celui  qui  prend  position  en  armes  potlr  commencer  le  combat 
est  puni  au  maximum  d'un  an  de  prison  d'État. 

Art.  297.  —  Si  les  parties  ont  renoncé  au  duel,  personne  ne  sera  puni. 

Art.  298.  —  Celui  qui  blesse  son  adversaire  en  duel  sera  puni,  au  maxi- 
mum, de  deux  ans  de  prison  d'État. 

Si  le  blessé  perd  un  membre  ou  l'usage  d'un  sens,  ou  s'il  résulte  de  la 
blessure  une  infirmité  incurable,  la  peine  sera  au  maximum  de  trois  ans  de  pri- 
son d'État. 

Celui  qui  a  tué  en  duel  son  adversaire,  quand  môme  la  mort  ne  serait  pas 
survenue  sur-le-cbamp,  sera  puni,  au  maximum,  de  cinq  ans  de  prison  d'État. 

Art.  299.  —  Le  duelliste  qui  a  violé  les  règles  du  duel  établies  parl'usage 
ou  d'un  commun  accord,  et  par  suite  a  tué  son  adversaire,  sera  puni  de  ta 
peine  de  l'homicide  volontaire,  et,  s'il  l'a  blessé,  de  la  peine  applicable  au  crime 
de  grave  lésion  corporelle  (trois  ans  de  réclusion). 

Dans  les  cas  prévus  par  le  présent  article,  les  seconds  seront  punis  comme 
complices. 

Art.  300.  —  Ne  sont  pas  punis,  les  témoins  et  les  médecins  présents  au 
duel,  non  plus  que  les  seconds  qui  se  sont  efforcés  d'empêcher  le  duel,  à  l'excep- 
tion, pour  ces  derniers,  des  cas  prévus  à  l'article  précédent. 


BOSNIE  ET  HERZÉGOVINE. 

CODB   PÉNAL    DE    4880.   —   DUBL. 

Article  234.  —  Celui  qui,  pour  une  cause  quelconque,  a  provoqué 
quelqu'un  au  combat  à  armes  meurtrières,  et  celui  qui,  sur  cette  provocation,  a 
accepté  le  combat,  commettent  le  délit  de  duel. 

Art.  235.  —  Ce  délit  sera  puni,  s'il  n'en  est  résulté  aucune  blessure,  de 
six  mois  à  un  an  de  prison. 

Art.  236.  —  Si  une  blessure  a  eu  lieu,  la  peine  est  de  une  à  cinq  années 
de  prison,  et  contre  ceux  à  la  charge  desquels  existerait  quelque  circonstance 
aggravante,  ia  prison  dure  (schweres)  pour  la  môme  durée. 

Art.  237.  —  S'il  y  a  eu  mort  de  l'un  des  combattants,  le  meurtrier  sera 
puni  de  cinq  à  dix  ans  de  prison. 

Mais  s'il  avait  été  préalablement  établi  une  convention  concernant  la  mort 
de  l'un  des  combattants,  le  coupable  qui  aurait  réclamé  ce  genre  de  combat,  si 
son  adversaire  a  trouvé  la  mort,  serait  puni  de  dix  ans  à  vingt  ans  de  prison  dure. 

Art.  238.  —  En  principe,  le  provocateur  est  plus  fortement  puni  que  le 
provoqué,  à  moins  que  le  provoqué  n*ait  donné  lieu  à  la  provocation  par  une 
conduite  coupable  ou  méchante  à  un  haut  degré. 


i08  CiNgLIÈME  PAKTIE. 

Art.  33tl.  —  Celui  qui,  par  moquerie,  menace  de  mépris  ou  d'aae  antre 
des  manières  désignées  dans  l'article  9,  aura  occasionné  ou  réclamé  avec  inien- 
tion  l'mécution  ou  la  provocation  d'an  duel  ;  celui  qui,  avec  p ré médi talion,  s 
cherché  h  fournir  l'occasion  et  le  moyen  d'accomplir  le  délit,  ou  a  été  complice 
intentionnol  d'une  autre  manière,  sera,  même  s'il  n'en  est  résulté  aucun  mal, 
puni  de  six  mois  à  un  au  de  prison;  mais  si  une  blessure  ou  la  mort  s'en  eet 
suivie,  le  combattant  sen  puni  d'après  les  articles  135,  236  et  137,  et  mémo 
d'après  la  plus  grosse  peine  établie  eu  l'article  S3T,  si  la  convention  dange- 
reuse a  été  stipulée  sor  son  initiative. 

Abt.  140.  —  Ceux  qui  se  sont  constitaés  assistants,  autrement  dit  seconds 
d'un  duel,  sont  punis  de  six  mois  à  un  an  de  prison  et,  selon  l'importance  de 
leur  influence  et  des  conséquences  malheureuses  de  la  rencontre,  jusqu'à 
cinq  ans. 

Mais,  dans  la  mesure  où  le  résultat  du  duel,  ainsi  que  la  convention  dan- 
gereuse, dont  parle  l'article  !37,  ou  les  conséquences  rigoureuses  du  combat, 
doivent  être  attribuées  à  leur  influence,  on  les  traitera  d'après  les  disposiUoiis 
de  l'article  339. 

AnT.  til.  —  De  la  disculpabilîté  [comme  pour  l'Autriche). 


BELGIQUE. 

CODB    PÉNAL    DB  4867. 


ArtTtcLE  4'23.  —  La  provocation  en  duel  sera  punie  d'un  emprisonne- 
ment de  quinze  jours  à  trois  mois  et  d'une  amende  de  100  à  500  Irancs. 

Art.  424.  —  Seront  punis  des  mêmes  peines  ceux  qui  auront  décrié  publi- 
quement ou  injurié  une  personne  pour  avoir  refusé  un  duel. 

Art.  425.  —  Celui  qui,  par  une  injure  quelconque,  aura  donné  lieu  à  la 
provocation,  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  un  mois  à  six  mois  et  d'une 
amende  de  100  à  1,000  francs. 

Art.  436.  —  Celui  qui,  dans  un  duel,  aura  fait  usage  de  ses  armes  contre 
son  adversttire,  sans  qu'il  soit  résulté  du  combat  ni  homicide  ni  blessure,  sera 
puni  d'un  emprisonnement  de  un  mois  h  six  mois  et  d'une  amende  de  tOO  i 
1,000  francs.  Celui  qui  n'aura  pas  fait  usage  de  ses  armes  sera  puni  con- 
formément à  l'article  4î3. 

Art.  487.  — Celui  qui,  dans  un  duel,  aura  blessé  son  adversaire,  sera  puni 
d'un  emprisonnement  de  deux  mois  h  un  an  et  d'une  amende  de  300  à 
1,500  francs. 

Art.  428.  —  Si  les  blessures  ont  causé  une  maladie  on  incapacité  de  travail 
personnel,  le  coupable  sera  puni  d'un  emprisonnement  de  trois  mois  à  deux  ans 
et  d'une  amende  de  500  a  2,000  francs. 

Art.  429.  —  L'emprisonoemenl  sera  de  six  mois  à  trois  ans  et  l'amende 
de  1 ,000  à  6,000  francs,  si  les  blossures  résultant  du  duel  ont  causé,  soit  une 
maladie  paraissant  incurable,  soit  une  incapacité  permanente  de  travail  per- 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  409 

sonnel,  soit  la  perte  de  Tusage  absola  d'un  organe,  soit  une  mutilation 
grave. 

Art.  430.  —  Celui  qui,  dans  un  duel,  aura  donné  la  mort  à  son  adversaire, 
sera  puni  d*nn  emprisonnement  de  un  an  à  cinq  ans  et  d'une  amende  de  2,000 
à  4  0,000  francs. 

Art.  434.  —  Ceux  qui,  d'une  maniôre  quelconque,  auront  excité  au  duel, 
seront  punis  des  mômes  peines  que  les  auteurs.  Dans  le  cas  où  le  duel  n'aurait 
pas  eu  lieu,  ils  encourront  un  emprisonnement  de  un  mois  à  un  an  et  une 
amende  de  400  à  4,000  francs. 

Art.  433.  —  Les  coupables  condamnés,  en  vertu  des  articles  425  et  sui- 
vants, seront,  en  cas  de  nouveaux  délits  de  môme  nature  commis  dans  le 
délai  fixé  par  l'article  56,  condamnés  au  maximum  des  peines  portées  par  ces 
articles,  et  ces  peines  pourront  ôtre  élevées  an  double. 


DANEMARK. 

CODB    PBNAL    DE    4866.   —  DUBL. 

Article  208.  —  Quiconque  se  sera  battu  en  duel  sera  puni  de  l'empri- 
sonnement simple. 

Si  quelqu'un  a  tué  une  autre  personne  en  duel,  ou  lui  a  fait  une  blessure 
grave  (art.  204],  la  peine  sera  de  trois  mois  d'emprisonnement  au  moins.  S'il 
a  été  convenu  entre  les  deux  adversaires  que  le  combat  continuerait  jusqu'à  la 
mort  de  Tud  d'eux,  la  peine  pourra  ôtre  portée  jusqu'à  cinq  ans  d'emprisonne- 
ment dans  une  prison  d'État. 

Si  quelqu'un,  pendant  le  combat,  par  une  violation  volontaire  des  règles 
du  duel  ou  des  conventions  intervenues  entre  les  parties,  a  causé  la  mort  de 
son  adversaire,  ou  lui  a  fait  une  blessure,  on  appliquera  la  peine  générale  éta- 
blie pour  le  cas  dont  il  s'agit. 

Art.  209.  —  Les  témoins  seront  punis  de  deux  mois  au  moins  d'empri- 
sonnement simple,  lorsqu'ayant  su  que  le  duel  devait  durer  jusqu'à  la  mort  de 
l'un  des  adversaires,  ils  ne  s'y  seront  pas  opposés,  ou  lorsqu'ils  auront  volon- 
tairement manqué  aux  devoirs  que  leur  imposaient  les  règles  du  duel,  ou  les 
conventions  intervenues  entre  les  parties. 


ESPAGNE. 
Gode  pénal  db  4870.  —  Duel. 

Article  439.  —  Les  autorités  qui  auront  connaissance  d'un  duel  projeté 
procéderont  à  l'arrestation  du  provocateur  ;  à  celle  de  l'adversaire,  si  celui-ci  a 
accepté  le  défi;  ils  ne  seront  mis  en  liberté  qu'après  avoir  donné  leur  parole 
d'honneur  de  se  désister  de  leur  projet. 


110  CINQUIÈME  PARTIK. 

Celui  qui,  manquant  déloyalement  à  sa  parole,  proToqaeratt  de  oouveaa 
son  adversaire,  sera  puni  d'interdiction  temporaire  de  l'exercice  de  toutes  les 
fonctions  publiques  et  même  du  banniasemonl. 

Celai  qui,  dans  les  mèmas  conditions,  accepterait  le  duel,  sera  puai 
d'exil. 

Art.  i40.  — Celai  qui  luerail  en  duel  son  adversaire  sera  puni  de  récln- 

S'il  le  blessait  de  blessures  définies  dans  le  n°  1  de  l'arlicte  431 ,  il  sera 
puni  de  la  prison  correction  ne  lie  (applicalion  des  pénalités,  moyenne  ou  maii- 
mum).  £a  tout  autre  cas,  on  punira  de  détention  les  combattaols,  alors  même 
qu'il  n'y  aurait  pas  de  blessures. 

Akt.  4i1,  —  Au  lieu  des  pénalités  signalées  à  l'article  précédent,  an 
punira  de  bannissement,  en  cas  d'homicide;  d'exil,  en  cas  de  blessures  stipulées 
dans  le  n"  1  de  l'article  431,  et  d'une  amende  de  50  à  500  pesetas  dans  chacun 
des  cas  suivants  : 

1°  Le  provoqué  ou  dé&é  qui  se  battrait  pour  ne  pas  avoir  obtenu  de  son 
adversaire  eiplica lion  des  motib  du  duel; 

î"  Le  déQé  qui  se  battrait  parce  que  son  adversaire  lui  aurait  refusé 
des  explications  suffisantes,  ou  une  satisfaction  honorable  pour  l'offense 
encourue  ; 

3°  L'offensé  qui  se  battrait  pour  n'avoir  pu  obtenir  de  l'offenseur 
une  esplicalioD  suffisante  ou  une  satisfaction  honorable  qu'il  aurait  de- 
mandée. 

AiiT.  443.  —  Les  péualités  établies  i  l'article  i40  seront  appliquées  au 
maximum  ; 

t"  A  celui  qui  provoquerait  le  duel  sans  en  expliquer  les  motifs  à  son 
adversaire,  ai  celui-ci  l'eiigâait; 

1°  A  celui  qui,  ayant  provoqué,  même  avec  raison,  rejetterait  les  explica- 
tions suffisantes  ou  la  satislactioD  honorable  que  lui  aurait  offertes  sou  advei^ 

3°  A  celui  qui,  ayant  faltinjure  è  son  adversaire,  se  refuserait  à  lui  accor- 
der des  explications  suffisantes  ou  une  satisfactipn  honorable. 

Art.  443.  —  Celui  qui  exciterait  un  autre  à  provoquer  ou  b  accepter  un 
due!  sera  puni  respectivement  des  pénalités  mentionnées  à  l'article  440  si  le 
duel  a  eu  lieu. 

A  H  T.  444.  —  Celui  qui  outragerait  ou  discréditerait  un  autre  publique- 
ment, pour  le  fait  d'avoir  refusé  un  duel,  encourrait  une  des  pénalités  établies 
pour  les  injures  graves. 

Art.  445.  — Les  témoins  d'un  dueld'oi)  résulteraient  la  mort  ou  des  bles- 
sures seront  respectivement  punis  comme  auteurs  de  ces  délits  avec  prémédi- 
tation, s'ils  ont  provoqué  le  duel  ou  employé  quelque  perfidie,  soit  dans  l'oxé- 
cution  du  duel,  soit  dans  le  règlement  des  conditions  de  celui-ci,  comme  com- 
plices des  mêmes  délits  s'ils  avaient  décidé  un  duel  h  mort,  ou  connaissaient 
l'avantage  de  l'un  des  combattants. 

Ils  encourent  la  réclusion  et  une  amende  de  250  â  !,500  pesetas,  s'ils 
n'ont  point  fait  tout  leur  possible  pour  concllierles  parties,  ou  s'ils  n'ont  point 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  4H 

établi  les  conditions  du  duel  de  la  façon  la  moins  périlleuse  possible  pour  la  vie 
des  combattants. 

Art.  446.  —  Le  duel  qui  aurait  lieu  sans  l'assistance  de  deux  ou  plusieurs 
témoins  majeurs  pour  chaque  partie,  et  sans  que  ceux-ci  eussent  choisi  les  armes 
et  réglé  toutes  les^autres  conditions,  sera  puni  : 

4°  De  prison  correctionnelle,  s'il  n'en  résulte  pas  mort  ou  blessure; 

%""  Des  pénalités  générales  de  ce  code,  si  la  mort  en  est  résultée,  la  péna- 
lité ne  pouvant  jamais  être  moindre  que  la  prison  correctionnelle. 

Art.  447.  —  On  appliquera  aussi  les  lois  générales  de  ce  code  et,  en 
entre,  l'interdiction  absolue  temporaire  de  l'exercice  de  toutes  les  fonctions 
publiques  : 

4°  A  celui  qui  provoquerait  ou  donnerait  lieu  à  un  défi  ayant  en  vue  un 
intérêt  pécuniaire  ou  un  but  immoral; 

2°  Au  combattant  qui  commettrait  la  lâcheté  de  manquer  aux  conditions 
établies.par  les  témoins. 


GRÈGE. 
Gode  pénal  db  4834.  »  Duel. 


Article  208.  —  Gelui  qui,  pour  des  moliiis  quelconques,  provoque  un 
autre  individu  à  se  battre  en  duel,  de  même  celui  qui  consent  à  se  rendre  sur 
le  terrain  de  la  lutte,  seront  punis  : 

^'^  D'un  emprisonnement  de  quatorze  jours  à  six  mois,  au  cas  oti  le  duel 
n'aura  pas  occasionné  de  graves  blessures  ; 

i?  D'un  emprisonnement  de  trois  mois  à  deux  ans,  au  cas  où  les  blessures 
auront  occasionné  une  incapacité  de  travail  d*au  moins  trois  mois  ; 

3^  Aux  travaux  forcés,  au  cas  où  l'un  des  adversaires  aura  été  blessé  moi^ 
tellement  ou  aura  été  tué  sans  qu'il  eût  été  convenu  que  le  duel  aurait  pour  but 
la  mort  de  l'un  ou  de  l'autre  adversaire  ; 

4°  Aux  travaux  forcés  à  temps,  au  cas  où  il  y  aurait  eu  mort,  en  consé- 
^ence  d'un  accord  préalable.  (Gode  pénal,  442,  205,  207,  209,  240,  244.) 

Art.  209.  —  Seront  punis  d'un  emprisonnement  maximum  de  trois 
mois  : 

4®  Geux  qui  auront  provoqué  ou  accepté  la  provocation  en  duel,  quoique 
le  duel  n'eût  pas  eu  lieu  ; 

2®  Geux  qui  se  sont  livrés  à  des  menaces  ou  manifestations  de  mépris 
contre  celui  qui  a  refusé  de  se  battre  en  dueL  (Gode  pénal,  443,  208,  330.) 

A&T.  240.  —  Est  considéré  comme  circonstance  aggravante  le  fait  de  re- 
pousser l'offire  de  la  partie  adverse,  de  mettre  fin  au  différend  par  la  voie  judi- 
ciaire, ou  bien,  après  avoir  suivi  cette  voie,  d'être  revenu  au  moyen  du  duel. 
(Gode  pénal,  205.) 

Art.  244.  —  N'est  passible  d'aucune  peine  quiconque  a  assisté  au  duel 
comme  témoin  ou  aide.  (Gode  pénal,  56,  57,  208.) 


*.*  î-jiji^'^. 


CIXUCIËME  PABTEE. 


ITALIE. 

Code   pénal   dO:  <-   DÉCBiiBkE    4889.  —  Dcbl. 

Akticlb  1ï7.  —  Quiconque  provoque  quelqu'un  en  duel  est  pnoî  d'une 
amende  pouranl  s'élever  jusqu'à  500  livres,  quand  même  la  provocsiioo  n'au- 
rait pas  été  acceptée;  maiâ  s'il  a  été  la  cause  injuste  et  dëtennioante  du  fail 
d'où  est  sortie  la  provocation,  la  peine  peut  aller  jusqu'il  deux  mois  de  déteo- 
lion. 

Est  exempt  de  peine  celai  quj  a  été  entraîné  à  la  provocation  par  une 
insulte  grave  ou  un  grave  outrage. 

Celui  qui  accepte  la  provocation,  quand  même  la  cause  iJa  bit  dont  elle 
dérive  aurait  été  injoâte,  est  puni  d'une  amende  de  tOO  à  1,500  trancs. 

Si  le  duel  a  lieu,  on  applique  seulement  les  dispositions  des  articles  sai- 
vaiits. 

Abt.  J3S.  —Quiconque  fait  usage  des  armes  en  duel  est  puni,  s'il  ne 
cause  pas  à  l'adversaire  de  lésions  personnelles,  de  la  détention  jusqu'à  deux 

Si  le  coupable  a  été  la  cause  injuste  et  déterminante  du  duel,  la  détention 
est  de  quinze  jours  a  quatre  mois. 

Akt.  239.  —  Le  combattant  en  duel  est  puni  de  la  détention  : 

1°  De  six  mois  ci  cinq  ans,  s'il  tue  l'adversaire  on  lui  fait  une  blessure 
amenant  la  mort; 

i"  D'un  mois  ù  deux  ans,  s'il  fait  une  blessure  entraînant  un  des  effets 
prévus  dans  le  premier  paragraphe  de  l'article  373; 

3*  Jusqu'à  quatre  mois,  en  cas  de  toute  autre  blessure. 

Si  le  coupable  a  été  la  cause  injuste  et  déterminante  du  duel,  la  détention 
est,  dans  le  premier  cas,  de  deux  à  sept  ans;  dans  le  second,  de  trois  mois  à 
trois  ans  ;  et  dans  le  troisième,  de  un  à  six  mois. 

Abt.  S40.  —  Les  peines  établies  dans  la  première  partie  d«s  deux  précé- 
dents articles  sont  diminuées  d'un  sixième  à  un  tiers,  si  le  coupable  a  été 
entraîné  au  duel  par  une  insulte  grave  ou  par  un  grave  outrage. 

Akt.  Sil.  —  Les  porteurs  de  laprovocation  sont  punis  d'une  amende  poo* 
vant  aller  jusqu'à  500  francs;  mais  ilssoot  exempts  de  peine  s'ils  empêchent  le 
combat. 

Les  parrains  ou  seconds  sont  punis  d'une  amende  de  400  à  4,000  francs, 
s'il  n'est  résulté  aucune  blessure  de  la  rencontre,  et  de  la  détention  pouvant 
aller  jusqu'à  dix-huit  mois,  dans  les  autres  cas  ;  mais  ils  sont  exempts  de  peine 
si  avant  le  duel  ils  ont  fait  tout  ce  qui  dépendait  d'eux  pour  concilier  les  par- 
ties, ou  si  par  leurs  elTorls  le  combat  n'a  pas  eu  de  résultat  aussi  grave  que 
celui  qui  pouvait  avoir  lieu. 

Art.  343.  —  Sv  l'un  des  combattants  n'avait  pris  aucune  part  au  fait  qui  a 
occasionné  le  duel  et  s'il  combat  à  la  place  de  celui  qui  était  directement  inté- 
ressé, les  peines  établies  dans  les  précédents  articles  S3S  et  139  sont  augmen- 
tées de  moitié. 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  4^3 

Od  n'applique  pas  cette  augmentatioD  de  peine  si  le  combattant  est  un 
proche  parent  de  la  personne  intéressée,  Ou  encore  si  c'est  un  des  parraina  ou 
seconds  qui  se  bat  à  la  place  de  son  client  absent. 

Art.  243.  —  A  la  place  des  dispositions  des  articles  239  et  242,  on  applique 
pour  l'homicide  et  les  blessures  résultant  du  duel  les  dispositions  des  chapitres 
I  et  n  du  titre  IX  : 

4°  Si  les  conditions  du  combat  n'ont  pas  été  établies  préalablement  par 
les  parrains  ou  seconds,  ou  bien  si  le  combat  n'a  pas  eu  lieu  en  leur  présence  ; 

2^  Si  les  armes  employées  pour  le  combat  ne  sont  pas  égales  et  ne  sont 
ni  des  épées,  ni  des  sabres,  ni  des  pistolets  également  chargés,  ou  bien  si  ce 
sont  des  armes  de  précision  ou  à  plusieurs  coups  ; 

3^  Si  dans  le  choix  des  armes  ou  dans  le  combat,  il  y  a  fraude  ou  viola- 
tion des  conditions  établies  ; 

4*"  S'il  a  été  expressément  convenu  ou  s'il  résulte  de  la  nature  du  duel  ou 
de  la  distance  entre  les  combattants,  ou  des  autres  conditions  établies,  que  l'un 
des  combattants  devait  rester  mort. 

Dans  tous  les  cas,  la  peine  est  la  réclusion;  et  dans  le  cas  où  la  condam^ 
nation  n'entraîne  pas  l'interdiction  perpétuelle,  on  ajoute  l'interdiction  tempo- 
raire des  emplois  publics. 

Si  la  blessure  entraîne  une  peine  inférieure  à  celles  édictées  aux  articles 
23^9  et  242,  on  applique  lesdites  peines,  augmentées  d'un  tiers,  en  substituant 
la  réclusion  à  la  détention. 

Les  parrains  ou  seconds»  dans  les  cas  des  paragraphes  2,  3  et  /ï,  tombent 
lOus  les  mômes  peines  que  celles  établies  dans  cet  article  contre  les  coinbattants, 
toutefois  elles  peuvent  être  diminuées  d'un  tiers. 

La  fraude  ou  la  violation  des  conditions  qui  règlent  le  choix  des  armes  ou 
le  combat  est  à  la  charge  non  seulement  de  son  auteur,  mais  encore  de  celui 
qui,  parmi  les  combattants,  parrains  ou  seconds,  en  avait  eu  connaissance  ^vant 
ou  pendant  le  combat. 

Art.  244.  —  Quiconque  offense  publiquement  une  personne  ou  la  désigne 
de  quelque  manière  au  mépris  public,  parce  qu'elle  n'a  pas  provoqué  en  duel 
on  a  refusé  le  duel,  ou  encore  en  témoignant  du  mépris  ou  en  meni^çant 
de  le  faire,  pousse  quelqu'un  au. duel,  est  puni  de  la  détention  d*un  mois  à  un 
an. 

Art.  245.  —  Quand  celui  qui  provoque  ou  défie  {(itia)  en  duel,  ou  bien 
menace  de  provoquer  ou  de  défier,  agit  avec  l'intention  d'extorquer  de  l'argent 
ou  quelque  autre  profit,  on  applique,  selon  les  cas,  les  dispositions  de  l'article  407 
ou  de  l'article  409. 


LUXEMBOURG. 
Code  pénal  du  48  juin,   45  octobre  4879.  —  Édition  de  4884. 

Titre  YUI.  —  Des  crimes  et  des  délits  contre  les  personnes. 
Chapitre  m.  —  Du  dueL 


m  CINQDIÈME  PARTIE. 

Articl  b  iJ3.  —  La  provocation  an  duel  et  l'accepCatioD  de  cotle  ptovo- 
catiOQ  seront  punies  d'un  empriaoDQement  de  quinïo  jours  h  trois  mois  et  d'une 
amende  de  tOO  à  500  Trancs. 

AttT.  iîi.  —  Seront  punia  des  mêmes  peines  ceux  qui  aoroat  décrié  pobli- 
quemeot  ou  injurié  une  personne  pour  avoir  refusé  un  duel. 

Art.  4i&.  —  Celui  qui,  par  une  injure  quelconque,  aura  donné  lieu  à  la  pro- 
vocation, sera  puni  d'un  eniprisonnement  d'un  mois  à  six  mois  et  d'une  amende 
de  100  à  1,000  [rancs. 

Art.  426.  —  Celui  qui,  dans  un  duel,  aura  fait  usage  de  ses  armes  conlrB 
son  adversaire,  sans  qu'il  soit  résulté  du  conibal  ni  homicide  ni  blessure,  ^ta 
puni  d'un  emprisonnement  d'un  moisb^  mois  et  d'une  amende  de  îOOi 
1 ,000  francs. 

Celui  qui  n'aura  pas  fait  usage  de  ses  armes  sera  puni  cou  formé  ment  â 
l'article  il3. 

Le  combattant  qui  a  été  blessé  sera  passible  des  peines  prononcées  par  le 
paragraphe  f  ou  le  paragraphe  i  du  présent  article,  selon  qu'il  aura  fait  anft 
de  ses  armes  contre  son  adversaire. 

Art.  ht.  —  Celui  qui,  dans  un  duel,  aura  blessé  son  adversaire,  sen 
puni  d'un  emprisonnement  de  deux  mots  h  un  au  et  d'une  amende  de  300  i 
4,500  francs. 

Art.  428. —  Si  les  blessures  ont  causé  une  maladie  ou  une  incapacité  de 
travail  personnel,  le  coupable  sera  puni  d'un  emprisonnement  do  trois  moisi 
deux  ans  et  d'une  amende  de  600  à  2,000  francs. 

Art.  429.  —  L'emprisonnement  sera  de  six  mois  à  trois  ans  et  l'amende 
de  1,000  à  3,000  francs,  si  les  blessures  résullanl  du  duel  ont  causé,  soil 
une  maladie  paraissant  incurable,  soit  une  incapacité  pernianonlo  de  travail 
personnel,  soit  la  perte  de  l'usage  absolu  d'un  organe,  soit  une  mutilalioD 
grave. 

Art.  430.  —  Celui  qui,  dans  un  duel,  aura  donné  la  mort  à  son  advesaire, 
sera  puni  d'un  emprisonnement  d'un  an  à  cinq  ans  et  d'une  amende  de  S,OO0 
à  10,000  francs. 

Art.  431 .  —  Ceux  qui,  d'une  manière  quelconque,  auront  excité  au  dnel, 
seront  punis  dos  mêmes  peines  que  les  auteurs. 

Dans  le  cas  où  le  duel  n'aurait  pas  eu  lieu,  ils  encourront  un  emprisonae- 
ment  d'un  mois  a  un  an  et  une  amende  de  400  à  1,000  francs. 

Art.  432.  —  Dans  les  cas  prévus  par  les  articles  417  à  430,  les  témoins 
seront  punis  d'un  eraprisonnemenl  d'un  mois  à  un  an  et  d'une  amende  de  100 
è  1,000  francs,  ou  de  l'une  de  ces  peines  seulement. 

Art.  433.  —  Les  coupables  condamnés  en  vertu  des  articles  423  et  sui- 
vants seront,  en  cas  de  nouveaux  délits  de  même  nature  commis  dans  le  délai 
fixé  par  l'arlicle  55,  condamnés  au  maximum  des  peines  portées  par  ces  article*, 
et  ces  peines  pourront  être  élevées  au  double. 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  415 


PRINCIPAUTÉ  DE   MONACO. 
Code  pénal.  —  Duel. 

Article   307.  —  Le  duel  est  un  délit. 

SoDt  coupables  de  duel  les  personnes  qui,,  par  suite  de  conditions  préala- 
blement établies,  se  rencontrent  munies  d'armes  et  accompagnées  de  témoins, 
et  fooi  usage  de  leurs  armes  l'une  contre  Pautre. 

Art.  308.  —  L'homicide  commis  dans  un  duel  est  puni  de  deux  à  cinq 
ans  de  prison. 

S'il  est  résulté  du  duel  des  blessures  ayant  occasionné  une  incapacité  de 
travail  pendant  plus  de  vingt  jours,  Fauteur  des  blessures  sera  puni  d'un  an  à 
trois  ans  de  prison. 

Si  les  blessures  n'ont  occasionné  aucune  incapacité  de  travail  pend  ant 
plus  de  vingt  jours,  la  peine  sera  de  trois  mois  à  un  an  de  prison. 

Art.  309.  —  Le  duel,  non  suivi  de  blessures,  sera  puni  delà  peine  d'un 
mois  à  trois  mois  de  prison. 

Art.  340.  —  Dans  tous  les  cas,  les  coupables  du  délit  dé  duel  seront 
condamnés  à  une  amende  de  300  à  3,000  francs. 

Art.  344.  —  Les  témoins  seront  considérés  comme  complices;  les 
médecins,  chirurgiens  ou  officiers  de  santé  ne  sont  pas  considérés  comme 
témoins. 

Art.  312.  —  La  tentative  de  duel  qui  n'aura  manqué  que  par  des  circon- 
stances indépendantes  de  la  volonté  des  parties  est  punie  comme  le  duel  lui- 
même. 

Art.'  343.  —  Les  articles  précédents  ne  sont  pas  applicables  si  les  com* 
battants  n*ont  pas  été  assistés  de  quatre  témoins  ou  si  les  conditions  du  combat 
n'ont  pas  été  loyalement  remplies. 

Dans  l'un  ou  l'autre  de  ces  cas,  les  articles  287,  296, 297  et  298  sont  seuls 
applicables. 

(Les  articles  auxquels  on  renvoie  feraient  considérer  le  duel  c^omme  un 
assassinat  ou  comme  blessures  volontaires,  guet-apens,  et,  dans  ces  cas, 
l'auteur  serait  condamné  à  mort,  à  la  réclusion  ou  à  une  très  forte 
amende.) 

MONTÉNÉGRO. 

Le  Monténégro  n'a  pas  de  loi  réprimant  le  duel.  Du  reste,  c'est  à  peine  s'il 
a  des  lois  pénales  écrites.  Tout  est  à  peu  près  réglé  par  l'usage  et  la  tradition. 
Dans  bien  des  cas,  c'est  le  souverain  lui-même  qui  rend  la  justice. 

D'ailleurs,  le  duel  n'existe  pas  à  proprement  parler  dans  le  pays.  Les  que- 
relles se  vident  à  peu  près  comme  en  Corse  par  la  vendetta,  mais  avec  bien 
moins  d'entraves  et  une  répression  moins  assurée. 

(Renseignements  donnés  de  vive  voix  par  M.  le  comte  de  Sercey,  chargé 
d'affaires  à  Cettigne,  en  juillet  4889.) 


416  CINQUIÈME  PARTIE. 


PAYS-BAS. 

CODB     PENAL    DU    3    MARS  4884.   —  DuBL. 

Art I  CLE  452.  —  Est  puni  d'un  emprisonnement  de  six  mois  oa  plus  : 

4<^  Celui  qui  excite  quelqu'un  à  faire  une  provocation  ou  à  en  accepter  une, 
s'il  s'ensuit  duel; 

V  Celui  qui  transmet  une  provocation  avec  intention,  s'il  s'ensuit  on 
duel. 

Art.  i53.  —  Est  puni  d'un  emprisonnement  de  quatre  mois  au  plus  ou 
d'une  amende  de  300  florins  en  plus,  celui  qui,  en  public  ou  en  présence  d'an 
tiers,  fait  des  reproches  à  quelqu'un,  ou  l'expose  à  la  raillerie,  pour  ne  pas  avoir 
provoqué  en  duel,  pour  avoir  refusé  une  provocation. 

Art.  454.  —  Le  duel,  pour  celui  qui  ne  fait  pas  de  blessures  à  son  adver- 
saire, est  puni  d'un  emprisonnement  de  six  mois  au  plus. 

Celui  qui  fait  une  lésion  corporelle  à  son  adversaire  est  puni  d'un  an  de 
prison. 

Celui  qui  fait  une  lésion  grave  est  puni  de  trois  ans  de  prison  au  plus. 

Celui  qui  tue  son  adversaire  est  puni  de  six  ans  de  prison  an  plus,  et,  s'il 
y  a  eu  duel  à  mort,  de  douze  ans  au  plus. 

La  tentative  de  duel  n'est  pas  punissable. 

Art.  455.  —  Les  dispositions  relatives  au  meurtre,  à  l'homicide  ou  aux 
sévices  s'appliquent  à  celui  qui,  dans  un  duel,  tue  son  adversaire  ou  lui  lait 
quelque  lésion  corporelle  (détention  de  neuf  années  de  prison)  (sic)  : 

4<>  Si  les  conditions  n'ont  pas  été  réglées  d'avance  ; 

2^  Si  le  duel  n'a  pas  eu  lieu  en  présence  de  témoins  des  deux  parties; 

3^  Si  l'auteur  commet  quelque  fraude  ou  s'écarte  des  conditions,  avec 
intention  et  au  détriment  de  son  adversaire. 

Art.  456.  —  Les  témoins  et  les  médecins  qui  assistent  à  un  duel  ne  sont 
pas  punis. 

Les  témoins  sont  punis  : 

4°  De  deux  ans,  au  plus,  de  prison,  si  les  conditions  n'ont  pas  été  réglées 
d'avance  ou  s'ils  excitent  les  parties  à  continuer  le  duel; 

2^  De  trois  ans  de  prison,  au  plus,  si,  avec  intention,  et  au  détriment  d*une 
des  parties,  ils  commettent  ou  permettent  quelque  fraude  de  la  part  des  com- 
battants, ou  permettent  qu'on  s'écarte  des  conditions. 

Les  dispositions  relatives  au  meurtre,  à  l'homicide,  aux  sévices  s'appliquent 
au  témoin,  dans  un  duel,  si  l'une  des  parties  a  été  tuée  ou  blessée,  s'il  a,  avec 
intention  et  au  détriment  de  celle-ci,  commis  quelque  fraude,  ou  permis  quelque 
fraude,  ou  s'il  a  permis  qu'on  s'écartât  des  conditions,  au  détriment  de  la  pei^ 
sonne  tuée  ou  blessée. 


LE  DU£L  A  L'ÉTRANGER.  417 


PORTUGAL. 
Code  pénal  ou  46  septembre  1886.  —  Duel. 


Article  381.—  La  provocatiOD  ea  duel  sera  punie  d'un  mois  à  trois 
mois  de  prison  et  d'une  amende  pouvant  aller  jusqu'à  un  mois. 

En  Portugal  comme  en  Espagne,  Pamende  est  proporlionnelle  aux  revenus 
du  coupable;  par  conséquent,  l'amende  d'un  mois  est  calculée  d'après  le  dou- 
zième des  revenus  de  l'inculpé. 

Art.  382.  —  Seront  punis  de  la  môme  peine  ceux  qui,  publiquement, 
discréditeront  ou  ii^jurieront  une  personne  ayant  refusé  de  se  battre  en 
duel. 

Art.  383.  —  Celui  qui  exdle  quelqu'un  à  se  battre  en  duel,  et  également 
celui  qui,  par  une  injure,  motivera  une  provocation  en  duel,  sera  puni  d'un 
mois  à  un  an  de  prison  et  d'une  amende  correspondante; 

Art.  384.  —  Celui  qui,  dans  un  duel,  aura  fait  usage  de  ses  armes  contre 
son  adversaire,  sans  qu'il  en  résulte  homicide  ni  blessure,  sera  puni  de  deux 
mois  à  un  an  de  prison  et  d'une  amende  correspondante. 

Art.  385.  —  Si,  dans  un  duel,  l'un  des  combattants  tue  l'autre,  il  sera  puni 
de  un  à  deux  ans  de  prison  et  du  maximum  de  l'amende^  le  temps  de  prison 
pouvant  être  porté  au  double  avec  les  seuls  effets  de  la  prison  correction- 
nelle. 

4^  S'il  résulte  du  duel  Tun  des  effets  signalés  dans  les  n~  3  à  6  de  l'article 
360  et  dans  Tarlicle  364,  la  peine  sera  la  prison  de  six  mois  à  deux  ans,  avec 
l'amende  correspondante; 

t^  S'il  y  a  eu  blessure,  en  dehors  des  cas  énumérés  dans  le  paragraphe 
précédent,  la  peine  sera  la  prison  de  trois  à  dix-huit  mois  et  l'amende  corres- 
pondante. 

Art.  386.  —  Seront  punis  de  la  prison  jusqu'à  six  mois  et  d'amende  jus- 
qu'à un  mois,  les  parrains,  quand  ils  ne  devront  pas,  en  vertu  des  règles  géné- 
rales, être  punis  comme  auteurs  ou  complices  du  crime. 

Art.  387.  — >  Les  peines  généralement  établies  par  la  loi  (le  droit  commun] 
seront  appliquées  lorsqu'il  y  aura  homicide  ou  blessures  résultant  du  duel  dans 
les  cas  suivants  : 

4®  Quand  le  duel  aura  lieu  sans  l'assistance  de  témoins; 

2^  Contre  toute  personne  qui,  par  intérêt  pécuniaire,  provoquera  ou  exci- 
tera, ou  donnera  lieu  volontairement  à  un  duel. 

Art.  388.  —  Si  l'un  des  incriminés  est  un  employé  public,  on  pourra 
ajouter  la  peine  de  la  démission,  selon  les  circonstances. 


CrN(JCIÈMK  PABTIE. 


BOOUAMS. 
Code   pèhal.  —   Don. 

Abticle  168.  —  Celui  qui,  dani  un  dael,  en  se  servant  d'armes,  a'» 

occasionné  ni  mort  ni  blesâures,  est  puni  d'un  e  m  prison  aemeot  de  six  jours  à 
as  mois  et  d'une  amende  île  100  à  1,000  francs. 

A  AT.  159.  —  Lorsque  le  duel  aura  occasionné  mort  ou  bieisures,  la  peine 
des  combattants  sera  de  six  jours  à  deux  ans  de  prison.  Les  juges  pourront, 
d'après  les  circonstances,  porter  celle  pénalité  jusqu'à  quatre  ans  de  prison. 

Art.  i60.  —  Silesconabaltanlsse  sont  battus  sans  témoins  ni  seconds,  on 
si  les  règles  Qxées  par  les  témoins  ou  seconds  n'ont  pas  èlé  observi^es,  et  ù  le 
duel  a  occastonaâ  mort  ou  blessures  do  l'un  d'eus,  le  coupable  sera  puni  d'apris 
les  dispositions  générales  comprises  dans  le  présent  code.  (Renvoi  k  la  législk- 
tion  de  droit  commun  sur  les  mourires  et  blessures;  ce  droit  commun  n'esl 
autre  que  celui  de  la  législation  française.) 

An  T.  ïGl,  —  Lorsqu'un  militaire  se  bal  avec  an  civil,  il  sera  soumis  i  la 
juridiction  des  tribunaux  civils. 

Une  note  ajoutée  h  l'article  Ï60  indique  que  cet  article  est  emprunté  lu 
code  pénal  prussien. 

(Trsduclion  et  indicatioTis  données  de  vive  voix  par  un  allaclié  à  la  léga- 
tion de  Uoumanie,  avenue  Uontaigne,  33.) 


RUSSIE. 
Disposition   du  code  de   police   préventive. 

Article  355.  —  Il  est  défondu,  en  cas  d'offense  personnelle,  de  provo- 
quer en  duel,  soit  verbalement,  soit  par  écrit,  soit  par  intermédiaire,  et  il  est 
également  défendu  d'accepter  le  duel  sur  la  provocation  d'autrui. 

Art.  357.  —  Il  est  défendu  de  transmettre  une  provocation  en  duel, 
d'exciler  au  duel  et,  en  général,  de  faciliter  un  duel  de  quelque  façon  que  ce  soiU 

Art.  361.  —Les  témoins  du  duel  ont  le  droit  de  défendre  le  duel  au  nom 
de  la  loi  el,  s'ils  supposentquo  les  combattants  ne  voudront  pas  leur  obéir,  ils 
doivent,  pour  leur  propre  justiGcaiion,  dénoncer  le  fait,  pour  les  personnes 
employées  au  service  de  l'Ëiat,  It  leurs  supérieurs  immédiats  et,  pour  toutes  Les 
autres  personnes,  à  la  police  locale. 

Art.  367.  —  Les  individus  coupables  d'un  délit  se  rapportant  à  un  dael 
sont  renvoyés  devant  les  tribunaux  criminels  pour  yétro  jugés  conformément 
aux  prescriptions  des  articles  1197-1513  da  Code  pénal  [édition  de  1866J. 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  449 


Dispositions  du  codb  pénal  (4866). 

Article  4497.  — Quiconque  aura  adressé  une  provocation  en  duel  pour 
quelque  raison  que  ce  soit,  excepté  les  cas  prévus  ci-dessous  par  Tarticle  4  499, 
si  cette  provocation  n'a  pas  eu  de  résultat,  quand  bien  môme  ce  serait  par  suite 
de  circonstances  indépendantes  de  la  volonté  du  provocateur,  sera  puni  d'uoe 
arrestation  de  trois  à  sept  jours. 

Si  la  provocation  a  eu  pour  résultat  une  rencontre,  mais  si  cette  rencontre 
s'est  terminée  sans  effusion  de  sang,  le  provocateur  sera  puni  d'une  arrestation 
de  trois  semaines  à  trois  mois. 

Celui  qui  se  sera  rendu  coupable  de  ce  délit  pour  la  seconde  fois  sera 
puni  de  la  détention  dans  une  enceinte  fortiûée  pour  un  temps  de  deux  à  quatre 
mois. 

Art.  4498.  —  Les  peines  établies  par  l'article  1497  seront  augmentées 
d^un  ou  deux  degrés  si  la  provocation  a  été  faite  par  celui  qui  a  été  la  cause 
première  de  la  querelle. 

Art.  4499.  —  Si  la  provocation  en  duel  a  été  motivée  par  une  offense  grave 
faite  au  provocateur  môme,  à  son  père,  à  sa  mère  ou  à  un  autre  de  ses  parents 
en  ascendance,  ou  bien  à  sa  femme,  sa  ûancée,  sa  sœur,  sa  fille,  sa  bru,  sa 
belle-sœur  ou  aux  autres  personnes  dont  la  tutelle  lui  est  confiée,  et  si  la  pro- 
vocation n'a  pas  de  suite,  le  provocateur  n'encourt  aucune  peine,  ou  bien  est 
seulement  puni  d'une  arrestation  d'un  à  trois  jours. 

Art.  397.— Tout  fonctionnaire  qui  aura  osé  provoquer  son  chef  sera  puni, 
selon  les  circonstances,  de  la  détention  dans  une  enceinte  fortifiée,  pour  un 
temps  de  quatre  à  huit  mois,  ou  de  la  privation  de  certains  droits  civiques, 
selon  l'article  50  du  présent  code,  et  de  la  réclusion  dans  une  maison  de  cor- 
rection pour  un  temps  de  huit  mois  à  un  an  et  quatre  mois. 

Si  avec  cela  le  fonctionnaire  a  provoqué  son  chef  pour  une  cause  prove- 
nant de  leurs  rapports  officiels,  ou  pour  se  venger  d'une  peine  disciplinaire 
qu'il  aura  encourue,  le  provocateur  sera  puni  de  la  détention  dans  une  enceinte 
fortifiée  pour  un  temps  d'un  an  et  quatre  mois  à  quatre  ans  et  de  la  privation 
de  certains  droits  civiques  selon  l'article  50. 

Art.  4500. — Quiconque  sera  convaincu  d'avoir  excité  un  autre  à  se  battre 
en  duel  sera  puni  selon  les  circonstances,  au  cas  où  il  s'en  est  suivi  une  ren- 
contre, de  la  détention  dans  une  enceinte  fortifiée  pour  un  temps  d'un  an  et 
quatre  mois  à  quatre  ans,  ou  d'un  emprisonnement  de  quatre  mois  à  un  an  et 
quatre  mois. 

Les  mômes  peines  sont  prononcées  contre  celui  qui  aura  exciré  quelqu'un 
à  se  rendre  coupable  d*une  injure  grave  à  l'égard  d'une  autre  personne  dans 
le  but  de  la  provoquer  en  duel,  au  cas  où  un  duel  s'en  est  réellement 
suivi. 

Art.  4504»  —  Quiconque  aura  transmis  une  provocation  en  due),  sll  n'a 
pas  fait  tout  son  possible  pour  empocher  ce  conflit,  ou  bien  s'il  n'a  pas  autre- 
ment tâché  que  la  provocation  n'ait  pas  de  suites,  sera  passible  des  peines  éta- 
blies par  l'article  4497  pour  la  provocation  môme. 


«0  CINQUIÈME  PARTIE. 

Art.  1S01.  —  Quiconque,  ayant  accepté  une  provocation  en  duel,  se  Ben 
rendu  au  lieu  cociveDU,  quand  bien  même  la  rencontre  serait  empêchée  par  des 
clrcoostanceg  iadépendaDtea  de  sa  volonté,  sera  puni  d'une  arrestation  d'an  k 
trois  jours. 

Mais  au  ca^  oit  il  aurait  tiré  l'âpée  ou  Tait  usage  des  armes  contre  son 
adversaire,  bien  que  la  rencoalre  n'ait  pas  eu  pour  suite  l'effusion  du  sang,  il 
sera  puni  d'une  arrestation  de  trois  à  sept  joors. 

Art.  150^.— Quiconque,  s'èlant  biltu  en  duel,  aura  tué  son  adversaire  ou 
lui  aura  causé  de  graves  blessures,  s'il  est  avec  cela  l'agresseur,  ou  bien  si  l'on 
ne  peut  décider  qui  est  ragres^eur,  maiss'ilest  prouvé  qu'il  est  le  provocateur, 
est  puni,  eu  cas  de  mort,  de  la  détention  dans  une  enceinte  TortiGce  pouma 
teuipi  de  quatre  ans  à  six  ans  et  huit  mois;  en  cas  de  blessures  graves  et  de 
mutilation,  de  la  même  peine,  pour  un  temp^  de  doux  à  quatre  ans. 

Si,  pourtant,  ce  n'était  pas  lui  qui  était  cause  de  la  rencontre  et  que  li 
provocation  lui  ait  été  adressée  par  son  adversaire,  il  sera  puni,  en  cas  d» 
mort,  de  la  détention  dans  une  enceinte  fortiliée  pour  un  temps  de  deoi  i 
quatre  ans;  ot  en  cas  de  mutilation  ou  de  blessures  graves,  mais  non  iDor- 
telles,  do  la  même  peine  pour  un  temps  de  huit  mois  à  deux  ans. 

ART.tSOi.—  Si,  on  acceptant  la  provocation,  il  a  été  convenu  entre  les 
combattants  de  se  battre  h  niorl,  et  si,  par  suite  d'une  telle  convenlion,  l'un 
des  deux  adversaires  a  été  tué  ou  moriellement  blessé,  le  coupable  sera  panii  ' 
au  CHS  où  cette  condition  aurait  été  proposée  par  lui,  de  la  privation  de  UM 
ses  droits  civils  et  do  la  déiM)rlation  on  Sibérie;  et  au  cas  où  il  a  seulement  i 
accepté  celte  condition,  de  la  détention  dans  une  eoceinle  rortiGée  pour  ua 
temps  do  six  ans  et  huit  roois  à  dix  ans. 

Les  témoins,  |>our  avoir  admis  une  telle  condition,  seront  punis  de  '^ 
détention  dans  une  enceinte  Tortiliée  pour  un  temps  de  deux  à  quatre  moïS' 

Aht.  IjOj.  —  Si  un  duel  s'est  terminé,  bien  qu'avec  effusion  da  sgngi 
mais  avec  des  blessures  légères  ne  mettant  pas  la  vie  en  danger  et  ne  causaa' 
ni  mutilation  ni  dommages  sérieux  à  la  santé  du  blessé,  les  coupables  sont 
punis  d'un  emprisonnement  ou  de  la  détention  dans  une  enceinte  fortifiai 
celui  qui  a  été  l'agresseur  ou,  si  cela  demeure  indécis,  le  provocateur,  pour  un 
temps  de  huit  mois  à  quatre  mois  l'un,  et  l'autre  pour  un  temps  de  demi 
quatre  mois. 

Akt.  1506.  —  Si  les  personnes  convenues  de  se  battre  en  duel,  après  s'être 
pt  éparées  pour  le  combat,  mais  avant  d'avoir  versé  le  sang,  se  réconcilient  de 
leur  propre  mouvement  ou  par  suite  des  conseils  des  lémoios,  mais  non  par  des 
circonstances  indépendantes  de  leur  volonté,  elles  n'encourent  aucune  peine. 

Art.  15UT.  —  Les  témoins  qui,  avant  ou  pendant  le  duel,  n'auront  pas 
employé  tous  les  moyens  possibles  de  persuasion  pour  empêcher  ou  prévenir 
le  combat,  seront  punis,  ai  le  duel  a  eu  pour  suite  la  mort  ou  une  blessure 
roorlelle  de  l'un  des  adversaires,  de  la  détention  dans  une  enceinte  fortifiée 
pour  un  temps  de  quatre  à  huit  mois,  et  dans  les  autres  cas  d'un  emprison- 
nement de  deux  h  quatre  mois. 

N.  B.  —  Les  médecins  invités  pour  porter  secours  anx  blessés  ne  sont 
pas  considérés  comme  témoins. 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER,  4)4 

Art.  4508.  —  Si  les  témoins  du  duel  sont  convainctis,  non  seulement  de 
n'avoir  pas  employé  tous  les  moyens  possibles  de  persuasion  pour  prévenir  ou 
faire  cesser  le  combat,  mais  d'avoir,  au  contraire,  excité  les  combattants  à 
continuer  ou  à  renouveler  le  duel,  ils  seront  punis  de  la  détention  dans 
une  enceinte  fortiGée  pour  un  temps  de  deux  ans  et  huit  mois  à  quatre  ans. 

Art.  4509.  —  Si  le  duel  a  eu  lieu  sans  témoins,  et  s'il  a  eu  pour  résultat 
la  mort  ou  des  blessures  graves,  le  coupable  sera  puni  de  la  peine  instituée 
par  l'article  4504,  pour  avoir  proposé  ou  accepté  de  se  battre  à  mort. 

Mais  si  cette  rencontre  n'a  eu  pour  suite  ni  la  mort  ni  des  blessures 
graves,  les  coupables  ne  seront  punis  que  de  la  détention  dans  une  enceinte 
fortifiée  pour  un  temps  d'uo  an  et  quatre  mois  à  trois  ans. 

A  R  T.  4540.  —  Quiconque  aura  tué  en  duel  Fon  adversaire  ou  lui  aura  porté 
une  blessure  grave,  en  employant  la  trahison,  sera  puni  du  maximum  de  la 
peine  établie  par  l'article  4454  du  présent  code  pour  meurtre  ou  préméditation, 
et,  si  le  duel  a  eu  lieu  sans  témoins,  de  la  peine  établie  pour  meurtre  avec 
préméditation,  eu  cas  des  circonstances  aggravantes  citées  dans  l'article 
4453. 

En  cas  de  blessures  graves,  le  coupable  encourt  le  maximum  des  peines 
établies  par  l'article  4477  pour  blessures  graves  avec  préméditation. 

Les  témoins  qui  auront  aidé  le  coupable  à  porter  le  coup  mortel  ou  à 
causer  une  blessure  grave,  en  employant  la  trahison,  subiront  la  môme 
peine. 

Art.  4544.  —  Quiconque  se  sera  trouvé  fortuitement  à  un  duel  et  n'aura 
pas  profité  de  cette  occasion  pour  tâcher  de  persuader  aux  combattants  de  se 
réconcilier  sera  puni,  si  le  duel  a  pour  suite  la  mort  ou  des  blessures  graves, 
d'une  des  peines  contenues  dans  l'article  4524,  pour  n'avoir  pas  porté  secours 
à  un  homme  se  trouvant  en  péril. 

Art.  4542.  —  Quiconque  aura  reproché  à  une  autre  personne  ou  l'aura 
injuriée,  soit  verbalement,  soit  par  voie  de  fait,  de  n'avoir  pas  accepté  une 
provocation  en  duel  ou  d'avoir  lait  cesser  le  duel  par  suite  d'une  réconciliation, 
sera  puni,  si  le  duel  en  est  résulté,  d'une  des  peines  établies  par  l'article  4  500, 
pour  avoir  excité  au  duel,  etc.  ;  en  cas  contraire,  d'une  des  peines  instituées 
pour  injures  plus  ou  moins  graves.  (Code  des  peines  de  la  juridiction  des  juges 
de  paix,  articles  430-435.) 

(Traduction  manuscrite  d'Emilio  di  Pietro,  qui  se  trouve  à  la  bibliothèque 
de  législation  étrangère  de  Paris. 


RÉPUBLIQUE  DE  SAINT-MARIN. 


Le  code  pénal,  rédigé  en  4859,  par  le  professeur  Zappetta,  fut  promulgué 
peu  après  par  le  gouvernement,  qui  lui  fit  subir  quelques  modifications. 

Cette  loi  pénale  ne  parle  pas  du  duel,  qui  rentre  dans  les  attentats  de 
droit  commun  contre  les  personnes,  meurtre,  coups  et  blessures,  et  doit  encou- 


ru .«t.  JLJ:-"^.-  .  .♦. 


Ul  CENl^UltHE  PARTIE. 

Tir  les  peines   ordinaires,  modîQées,  comme  partout  ailleurs,  par  l'admisàon 
des  cireoQfilances  atténaantes. 

Nous  ignorons  s'il  existe  une  jarispmdeDce. 


SUÈDE. 

Loi    pésale    du   46   féviiieii  (864. 

Cfaap.  stv. .—  De  l'astastiHat,  du  meurtre  et  det  actes  de  violence. 

g  38.  —  K  deux  individus  sont  convenus  de  se  battre  en  dael  el  que  la 
mort  de  l'un  d'eux  s'en  soit  suivie,  l'homicide  sera  condamné  aut  travaai 
forcés  pondant  six  à  dii  ans.  Si  li>s  conventions  portaient  qao  le  duel  ne  fini- 
rait que  par  ta  raort  de  l'un  des  combattants,  et  que  la  mort  s'en  soit  suivie, 
la  peine  des  travaux  Torccs  à  perpétuité  on  pendant  dix  ans  sera  prononcée. 

Si  un  individu  a  reçu  de  graves  blessures  en  duel,  l'auteur  encourra  la 
peine  de  deux  à  six  ans  de  travaux  forcés.  Si  la  blessure  a  été  légère  on  s'il 
n'en  est  résulté  aucune,  la  peiue  d'nn  emprisonne  ment  de  sis  mois  à  deux  ans 
sera  prononcée. 

g  39.  —  Celui  qui  aura  provoqué  autrui  en  doel  ou  qui  aura  accepté 
un  tel  déâ,  sera  puni  d'un  emprisonnement,  bien  que  le  duel  n'ait  pas  en 

§  io.  —  Lorsqu'un  individu  aura  agi  avec  déloyauté  dans  un  duel,  et  que 
la  mort  do  l'adversaiio  s'en  sera  suivie,  il  sera  puni  d'i^prés  le  paragra~>he  1', 
comme  coupable  d'assassinat.  Si  par  la  déluyanté  de  l'un  des  deux  combat- 
tants, de  graves  blessnres  ont  été  cansées  à  l'antre,  le  coupable  sera  puni  de 
six  ans  k  dix  ans  do  Iravaux  forcé''.  S'il  en  est  résulté  une  blessure  légère,  la 
peine  de  deux  à  six  ans  de  travaux  forcés  sera  prononcée, 

§  41.  —  Sera  puni  d'un  emprisonnement  celui  qui  aura  servi  d'aide  pour 
arrêter  les  conventions  d'un  duel,  ou  de  témoin  dans  un  tel  combat. 


NOBVÈGE. 

CODB    PÉNAL    DE   <87Û.   —   DtBL. 

Abticlb  1b. —Chapitre  XIV.— La  peine  dos  travaux  forcés  est  infliger-^ 
en  cas  do  mort  de  l'un  des  adversaires,  ou  bien  si  les  combattants  ont  décid^^ 
do  se  battre  à  mort,  quelle  que  soit  l'issue  du  duel. 

A  n  T.  19.  —  Chapitre  xv.  —  Il  en  est  de  mémo  à  le  duel  a  eu  pour  consé-'^ 
quenco  la  porte  d'un  membre,  d'un  organe  essentiel,  ou  une  maladie  grav»  ^ 
ou  des  infirmités. 

Si  les  blessures  ne  sont  que  légères,  aucune  peine  n'est  encourue.  Le^ 
témoins  ne  sont  pas  punissables. 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  4S3 


SUISSE. 

CANTON    D'APPENZEL-INNERGHODEN. 
Rhodes  iifTÉRisuR. 

Jusqu'à  la  fin  de  la  trentième  année  de  ce  siècle  a  subsisté,  dans  ce  petit 
canton  isolé,  la  coutume  du  pugilat  réglé  :  les  blessures  qui  se  produisaient 
dans  ce  pugilat  restaient  impunies  ^ 

Quant  au  duel,  il  n'existe  pas  de  règles  légales.  Ce  demi-canton  n'a  pas 
de  code  pénal  écrit.  Le  duel  est  regardé  comme  un  delictumjuris  communis. 
Il  serait  puni  comme  lésion  corporelle  ou  homicide,  avec  admission,  cependant, 
de  circonstances  atténuantes. 

S'il  s'agissait  d'une  simple  lésion  corporelle,  il  n'y  aurait  qu'une  poursuite 
ex  officio;  mais,  si  la  plainte  était  portée,  il  y  aurait  inévitablement  punition, 
avec  admission  d'une  peine  légère  . 

(Traduction  littérale  d'une  consultation  demandée  à  un  jurisconsulte  du 
pays.) 

Cette  opinion  n'est  du  reste  appuyée  sur  aucune  décision  judiciaire.  Il  n'y 
a  pas  plus  de  jurisprudence  sur  cette  matière  qu'il  n'y  a  de  disposition  législa- 
tive. 

Une  lettre  de  M.  le  procureur  général,  en  date  du  3  janvier  4893,  nous 
permet  de  l'affirmer. 


CANTON  D'APPENZEL. 
Rhodes  extérieur.  —  Code  pénal  du  98  avril  4878. 

Pas  de  législation  spéciale  sur  le  duel. 

Le  duel  n'est  pas  visé  dans  le  code  pénal  du  canton. 

Il  n'existe  aucune  pratique  judiciaire,  aucune  jurisprudence  en  cette 
matière,  par  la  raison  que,  depuis  un  temps  très  reculé,  il  n'y  a  pas  eu  de  duel 
sur  son  territoire. 

Il  est  probable  que  si  un  combat  singulier  avait  lieu  sur  le  territoire  du 
canton  d'Appenzell,  il  serait  regardé  comme  un  délit  de  droit  commun  ;  mais, 
en  l'absence  de  précédents,  on  ne  saurait  Taffirmer. 

(Traduction  d'une  lettre  de  M.  le  procureur  général  près  la  Cour  de  justice 
du  canton  d'Appenzel,  en  date  du  24  décembre  4892.) 


Voyez  J.-B.-E.  Rasch  Wanderspiegel.  Revw,  1872.  —  Ofenbruzgen.  ttudM  histo- 
rtquei,  1868. 


4li  CINQUIÈME  PARTIE. 


CANTON   D'ARGOVIB. 
Code  pénal  du  41    février  1857.  —  Titre  XXII. 

Article  431.  —Lorsque  deux  personnes  se  livrent,  pour  cause  d^offense 
et  d'an  commun  accord,  à  un  combat  en  règle  avec  des  armes  mortelles, 
elles  commettent  le  crime  de  duel. 

Art.  132.  —  Le  duel  est  puni  comme  suit  : 

I.  —  En  cas  de  morl  : 

A.  Quand  elle  n'est  accompagnée  d'aucune  circonstance  aggravante,  de 
quatre  à  six  ans  de  réclusion  ; 

B.  Quand  Fauteur  de  la  mort  a  cherché  querelle  pour  des  motifs  indignes, 
ou  a  refusé  de  se  réconcilier  pour  des  motifs  indignes,  de  six  à  douze  ans  de 
réclusion. 

II.  —  En  cas  de  blessures  mortelles  ou  de  muUlalion  grave  : 

A.  Dans  le  cas  du  paragraphe  V,  il,  de  la  peine  de  la  réclusion  d'un  à 
quatre  ans  ; 

B.  Dans  le  cas  du  paragraphe  I*',  D,  Tauleur  est  puni  de  deux  ans  à  six  ans 
de  réclusion. 

III.  —  SHl  n'y  a  eu  ni  morl,  ni  blessure  mortelle,  ni  mutilation,  te  duel 
est  puni  correctionnellemenl. 

Art.  133.  —  Les  Féconds,  témoins  et  médecins  qui  assistent  au  duel,  ne 
sont  pas  punis  on  règle  générale. 

Mais  si  un  second  a  causé  la  mort  ou  une  blessure  mortelle,  ou  une  muti- 
lation grave,  en  violant  intentionnellement  les  règles  usuelles  ou  spéciale- 
ment convenues  du  duel,  il  est  puni  comme  Fauteur  de  la  mort  ou  de  la  bles- 
sure. 

CANTON   DE   THURGOVIE. 
Code  pénal  du  15  juin  1841.  —  Titre  XXV.  —  De  la  défense 

PERSONNELLE     ET     DU    DUEL. 

Article  264.  — Celui  qui  provoque  un  autre  en  duel  avec  des  armes 
mortelles  et  celui  qui  accepte  une  pareille  provocation  sont  punis  d'un  empri- 
sonnement de  deux  mois  au  plus,  si  le  duel  a  eu  lieu  et  n'a  pas  causé  de 
blessures,  ou  bien  seulement  dans  le  sens  de  l'article  85,  lettre  C.  (Maladie  ou 
incapacité  de  travail  de  moins  de  soixante  jours.) 

Art.  265.  — Lorsque,  dans  le  cas  de  l'article  264,  il  est  résulté  du  duel  la 
mort  ou  une  blessure  grave,  la  peine  est  de  deux  ans  de  prison  au  plus,  et  s'il 
est  établi  qu'on  a  choisi  un  mode  de  combat  devant  nécessairement  amener 
la  mort  ou  une  blessure  grave,  ou  que  l'auteur  de  celles-ci  a  cherché  à  se 
battre  pour  des  motifs  indignes,  ou  a  rejeté  des  propositions  de  réconciliation 
acceptables,  il  peut  être  puni  dos  travaux  forcés  pour  deux  ans  au  plus. 


LH  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  425 

Art.  266.  —  Dans  les  limites  des  pénalités  légales,  l'on  doit  toujours  punir 
plus  sévèrement  celui  qui  a  causé  le  duel  par  la  nature  de  l'offense  ou  par  une 
provocation  de  propos  délibéré. 

Art.  267.  —  Les  seconds,  témoins  et  médecins  qui  ont  assisté  au  duel  ne 
sont  pas  punissables,  pourvu  qu'il  ne  soit  pas  établi  qu'ils  en  aient  été  les  pro- 
moteurs. 

Art.  268.  —  Lorsque  les  parties  ont  renoncé  à  se  battre,  sans  en  avoir 
été  empêchées  par  des  obstacles  extérieurs,  elles  ne  sont  pas  punies. 

Celui  qui  excite  à  un  duel  ou  témoigne  à  l'une  des  parties  du  mépris  pour 
avoir  refusé  de  se  battre,  ou  à  raison  d'un  accommodement,  est  puni  d'un 
emprisonnement  d'un  mois  au  plus,  ou  d'une  amende  de  4  00  francs  au 
plus. 


CANTON  DE   BALE-VILLE. 
Code  pénal  du  47  juin   4872.  —   Chap.    xvi. 

Provocation  en  duel, 

Articlb446.  —  Celui  qui  provoque  en  duel  ou  qui  accepte  une  pareille 
provocation  est  condamné  à  un  emprisonnement  pouvant  s*élever  à  trois  mois 
ou  à  une  amende  pouvant  s'élever  à  4 ,000  francs. 

Si  la  provocation  stipule  qu'une  des  parties  doit  perdre  la  vie,  ou  si  cette 
intention  résulte  du  mode  de  combat  qui  a  été  choisi,  la  peine  peut  s'élever 
jusqu'à  deux  ans  d'emprisonnement. 

A  RT.  447.  —  Le  duel  est  puni  de  la  prison. 

Art.  448.  —  Celui  qui  tue  son  adversaire  en  duel,  ou  lui  cause  une  lésion 
corporelle  grave,  est  puni  de  six  mois  à  six  ans  de  prison  et,  s'il  y  a  eu  inten- 
tion de  donner  la  mort,  de  la  réclusion  pouvant  aller  jusqu'à  dix  ans. 

Art.  449.  —  Les  porteurs  de  cartels  sont  punis  d'un  emprisonnement  do 
trois  mois  au  maximum,  ou  d'une  amende  de  4,000  francs  au  maximum. 
S'ils  ont  sérieusement  cherché  à  empêcher  le  duel,  i's  ne  sont  pas  punis. 

Les  médecins,  seconds  ou  témoins  d'un  duel  ne  sont  pas  punis. 

Art.  420.  —  Si  la  mort  ou  les  lésions  corporelles  ont  été  occasionnées  par 
une  violation  intentionnelle  des  règles  usuelles  ou  convenues  du  duel,  les  di^ 
positions  sur  l'homicide  et  la  lésion  corporelle  sont  applicables. 


CANTON  DE  BALE-CAMPAGNB. 
Code  pénal  du  3  février  4S73.  —  Chap.  xvi. 


Articles  446-420.  — Mêmes  dispositions  que  pour  le  canton  de  Bàle- 
Ville. 


:•■  r 


426  CINQUIÈME  PARTIE. 


CANTON  DE  BERNE. 
Code     pânal    db    4866. 

Crimes  el  délits  contre  les  personnes. 

Section  IL  —  Mauvais  traitements  et  coups  et  blessures  non  qualifiés 
meurtre. 

Article  448.  —  Quiconque  S9  bat  en  due^  sans  violer  à  dessein  les 
règles  usitées  ou  convenues  pour  ce  genre  de  combat,  se  rend  passible  des 
peines  suivantes  : 

S'il  tue  son  adversaire,  il  sera  condamné  à  la  peine  d'une  année  à  six  ans 
de  détention  dans  une  maison  de  correction.  Dans  tous  les  autres  cas,  la  peine 
ne  pourra  dépasser  soixante  jours  d'emprisonnement  ou  quatre  années  de  dé- 
tention dans  une  maison  de  correction. 

Si  les  blessures  n'ont  eu  aucune  des  conséquences  prévues  par  les 
articles  439  (coups  et  blessures  entraînant  la  mort),  440  (coups  et  blessures 
ayant  pour  conséquences  une  incapacité  absolue  de  travail,  une  maladie  incu- 
rable ou  une  autre  infirmité  permanente)  et  444  (incapacité  de  travail  person- 
nel de  plus  de  vingt  jours),  le  délinquant  ne  pourra  être  poursuivi  et  puni  que 
sur  la  plainte  de  la  partie  lésée. 

Si  celui  qui  se  bat  en  duel  viole  à  dessein  les  règles  usitées  ou  convenues, 
ou  si  le  combat  a  eu  lieu  sans  témoins,  les  dispositions  des  articles  4  23  à  449 
(c'est-à-dire  les  dispositions  sur  les  délits  ordinaires  contre  la  vie)  seront  appli- 
cables. 

Les  témoins  et  les  médecins  qui  auront  assisté  à  ce  duel,  de  même  que  les 
porteurs  du  cartel,  sont  exempts  de  toute  peine. 

Cependant  le  témoin  qui  aura  violé  à  dessein  les  règles  usitées  ou  conve- 
nues pour  le  duol  sera,  suivant  la  gravité  des  circonstances,  puni  d'un  empri- 
sonnement qui  ne  pourra  excéder  soixatite  jours,  ou  de  quatre  années  au  plus 
de  détention  dans  une  maison  de  correction. 


CANTON  DE   FRIBOURG. 

Article  376.  —  La  provocation  en  duel  avec  armes  meurtrières,  et 
l'acceptation  de  celte  provocation,  seront  punies  d'un  emprisonnement  de 
quinze  jours  à  deux  mois  et  d'une  amende  qui  n'excédera  pas  600  francs.  La 
peine  sera  de  quatre  mois  d'emprisonnement  si  la  provocation  porte  que  le 
combat  ne  cessera  qu'avec  la  mort  de  l'un  des  combattants,  ou  si  cette  inlen- 
lion  résulte  du  genre  de  combat  qui  a  été  choisi. 

Art.  377.  —  Ceux  qui  acceptent  la  mission  de  transmettre  une  provocation 
en  duel  ou  qui  l'accompliront  seront  punis  d'un  emprisonnement  de  quinze  à 
quarante  jours 

Art.  378.  —  Aucune  peine  ne  sera  prononcée  contre  le  provocateur  ou 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  427 

celui  qui  a  accepté  la  provocation,  ni  contre  les  porteurs  du  cartel,  si  les 
parties  ont  spontanément,  et  avant  de  commencer  le  combat,  renoncé  aa 
duel. 

Art.  379.  —  Le  duel  est  puni  de  deux  à  quatre  ans  de  bannissement  du 
canton  ou  d'une  amende  de  500  à  3,000  francs,  s'il  n'y  a  pas  eu  de  blessures, 
ou  si  elles  sont  légères. 

Si  l'un  des  combattants  a  été  tué  ou  s'il  a  éprouvé  une  lésion  grave,  la 
peine  sera  un  bannissement  hors  du  canton  pendant  six  à  dix  ans  ;  cette  der- 
nière peine  pourra  élre  cumulée  avec  une  amende  de  2,000  francs  au  maxi- 
mum. 

Art.  380.  —Sera  puni  d'un  bannissement  hors  du  canton  pendant  dix  ans 
celui  qui  tue  son  adversaire  dans  un  duel  qui  ne  devait  cesser  qu'avec  la  mort 
de  l'un  des  combattants  (art.  376). 

Une  amende  de  2,500  francs  sera  cumulée  avec  cette  peine. 

Art.  381.  —  Les  médecins  et  les  chirurgiens  appelés  au  duel  ne  sont  pas 
punissables,  et  ils  ne  sont  obligés  de  dénoncer  le  duel  projeté  ou  réalisé  que 
quand  ils  en  sont  requis  par  l'autorité^ 

Les  porteurs  du  cartel  ne  seront  également  pas  punis  s'ils  ont  fait  des  efforts 
sérieux  pour  empêcher  le  duel. 

Les  seconds  ainsi  que  les  témoins  seront  punis  d'un  emprisonnement  de 
deux  mois  au  moins. 

Art.  382.  —  Les  peines  établies  contre  le  duel  recevront  leur  application 
alors  môme  que  les  coupables  seront  convenus  de  se  battre  hors  du  canton,  si 
le  duel  a  été  proposé  et  accepté  dans  le  canton.  (V.,  dans  la  partie  criminelle, 
art.  4  33.)  , 

Art.  383.  —Si,  par  suite  de  la  violation  volontaire  des  règles  convenues 
ou  adoptées  par  l'usage  dans  un  duel,  l'un  des  adversaires  a  été  tué  ou  blessé, 
celui  qui  a  violé  ces  règles  sera  puni  suivant  les  dispositions  du  présent  cha- 
pitre. 

CANTON   DE  GENÈVE. 

Dans  le  canton  de  Genève,  il  n'existe  aucune  législation  spéciale  relative 
au  duel,  aucune  jurisprudence  sur  la  matière. 

Des  recherches  minutieuses  faites  dans  les  archives  par  un  magistrat  fran- 
çais, un  avocat  genevois  et  le  greffier  de  la  Cour  de  justice  lui-môme,  ont 
amené  la  découverte  de  plusieurs  enquêtes,  mais  toutes  non  suivies  de  pour- 
suites. 

Tel  est  le  cas  de  la  rencontre  où  le  célèbre  agitateur  Lassalle  perdit  la  vie, 
en  4864. 

En  présence  de  cette  pénurie  absolue  de  documents,  il  est  impossible  de 
prévoir  avec  certitude  quelle  interprétation  serait  donnée  au  silence  du  Code 
pénal.  , 

L'homicide  ou  les  blessures  commis  en  duel  seraient-ils  considérés  comme 
des  crimes  ou  des  délits  de  droit  commun?  C'est  ce  que  nous  ne  saurions 
affirmer  et  ce  que  ne  pouvait  affirmer  le  procureur  général  auquel  nous 
nous  sommes  adressé  par  l'intermédiaire  de  M.  Gans,  avocat  à  Genève. 


P         498 


CINQDIÈME  PARTIE. 


II  croyait  qu'il  y  aurait  poursuites,  couronnement  au  droit  coaimun,  mais, 
eo  l'absence  d'uDO  jurisprudence  quelconque,  ne  pouvait  rien  préjuger  du 
résultat. 

CANTON   DES  GRISONS. 
Code   pénal  du   8    jdillbt  1851. 

Article  83.  —  Celui  qui  provoque  un  autre  en  duel  et  celui  qui  accepte 

une  pareille  provocation  sont  punis,  si  le  duel  a  réellement  lieu  : 

4"  De  la  prison  ou  de  la  riïclusion  de  quatre  ans  au  plus.sileduel  a  amené 
la  mort  de  l'un  des  comballants,  soit  directement,  soit  par  suite  de  blessures 
reçues  dans  le  combat; 

2"  De  deux  ans  de  prisin  au  plus,  si  le  duel  a  amena  des  troubles  perma- 
nents dans  la  santé  ou  une  mutilation  corporelle  quelconque; 

3"  Dtf  trois  mois  de  pd-oo  au  plus,  si  la  blessure  n'a  amené  ni  des 
troubles  permanents  dans  la  sanlé,  ni  une  mutilation  corporelle; 

4°  De  six  semaines  do  prison  au  plus,  s'il  n'rst  résulté  du  duel  aucune 
blessure. 

Art.  8i,  —  Dans  les  limites  des  pénalités  prévues  par  la  loi,  celui  qui  a 
amené  le  duel  par  la  nature  de  l'ofrcnse  ou  par  une  provocation  de  propos 
délibéré  doit  être  puni  plus  sévèrement.  De  mfme  l'on  tiendra  compte, 
dans  l'app'icalion  de  la  peine,  do  la  nature  des  armes  et  des  condi'.ions  du 
combat. 

A  aT.  85.  —  Ceui  qui  ont  poussé  intentionnellement  au  duel  ou  à  sa  coati- 
nuatioii  peuvent,  selon  les  circonstances,  être  punis  de  la  même  peine  que  los 
CombaCtanls  ou  d'une  peiae  moindre. 

Art.  8G.  —  Seconds  et  témoins.  —  Celui  qui  assiste  comme  second  ou 
comme  témoin  au  duel  est  puni,  d'un  emprisonnement  de  trois  à  douze  se- 
maines, suivant  que  le  duel  n'a  pas  eu  de  suites  ou  qu'il  s'en  rst  suivi  des 
blessures  plus  ou  moins  graves,  ou  la  moit;  mais  les  seconds  ou  témoins  ne 
sont  pas  punissables,  s'il  est  établi  qu'ils  ont  cherché  à  empêcher  le  duel,  ou, 
pendant  le  combat,  à  empêcher  celui-ci  d'avoir  une  issue  fatale. 

Les  médecins  appelés  à  un  duel  ne  sont  pas  punissables  comme  tels, 
pourvu  qu'aucune  autre  faute  ne  soit  à  leur  charge. 


CANTON   DE    GLARIS. 
Code  pénal  de    IseT,   kevu  en  4887. 

Article  tOS.  — Si  une  mort  ou  des  lésions  corporelles  résultent  d'uDduel 
en  régie,  l'auteur  est  puni,  dans  le  premier  cas,  de  six  ans  de  réclusion,  au 
maximum;  dans  le  second  cas,  la  peine  subit  la  même  atténuation  qu'à  l'article 
toi,  page  !  (si  les  blessures  ont  entraîné  incapacité  totale  de  travail,  ou  perle 
d'un  organe,  ou  dérangements  de  facultés  intellectuelles,  sans  espoir  de  gué- 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  429 

risoo,  ou  si  elles  ont  entraîné  d'antres  conséquences  graves  pour  la  santé} , 
la  peine  consiste  dans  les  travaux  forcés  ou  la  prison  ;  s'il  en  est  résulté  une 
maladie  ou  une  incapacité  de  travail  de  plus  de  quatorze  jours»  la  peine  est  la 
prison  seulement. 


CANTON  DE  LUCERNE. 

Code  pénal  criiiinbl  du  29  janvier  4860,  entre  en  vigueur 

le  28  janvier  4864. 

Article  476.  —Si deux  personnes  se  livrent  d'un  commun  accord,  à 
cause  d'une  affaire,  à  un  combat  réglé  avec  des  armes  de  nature  à  mettre  la 
vie  en  danger,  elles  commettent  le  crime  de  combat  singulier  (duel}. 

Art.  177.  —  Le  duel  est  puni  : 

(a)  De  la  réclusion,  si  l'un  des  combattants  est  tué; 

(b)  De  six  mois  à  deux  ans  de  prison,  si  l'un  des  combattants  est  grave- 
ment blessé  ; 

(c)  D'un  an  de  prison  au  maximum»  s'il  n'en  est  résulté  qu'une  blessure 
insigniâante  ; 

(d)  Le  duel  qui  n'a  entraîné  aucune  blessure  est  puni  correctionnel- 
lement. 

Art.  478.  —  Si  les  combattants  et  leurs  seconds  ou  témoins  se  sont  rendus 
à  l'étranger  pour  exécuter  un  duel  convenu  dans  ce  canton  et  l'ont  mis  à  exé- 
cution à  l'étranger,  ils  seront  néanmoins  tous  traités  et  punis  conformément  au 
présent  code. 

Art.  480.  —  Ceux  qui  menacent  de  mépris  la  personne  qui  a  refusé  de 
se  battre  en  duel,  ou  qui  lui  ont  témoigné  du  mépris,  sont  punis  correction- 
nellement. 


CANTON  DE  NIDWALD. 

La  loi  du  canton  de  Nidwald  défend  sévèrement  le  duel  sous  toutes  ses 
formes,  et  punit  les  blessures  ou  la  mort  occasionnées  par  le  duel  comme 
des  délits  ordinaires.  Les  punitions,  dans  ce  cas,  faute  de  législation  particu- 
lière, seraient  celles  des  blessures  et  des  meurtres  ordinaires.  La  loi  dit  :  «  Si, 
dans  votre  pays,  quelqu'un  osait  provoquer  une  autre  personne  en  duel,  lui  et 
ses  assistants  perdraient  leur  honneur  et  leurs  biens,  i  On  voit  que  la  simple 
provocation,  de  môme  que  l'acceptation  d'un  duel,  sont  sévèrement  défendues  : 
on  peut  en  conclure  que  les  duellistes  seraient  déférés  à  la  justice  et  punis 
selon  le  droit  commun,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut. 

(Consultation  d'un  jurisconsulte  de  Stans,  à  nous  transmise  par  l'obligeant 
canal  de  M.  Scbmid,  procureur  général  à  Altdorf.) 


L— -"^     f*'^  •  .-  -    .  .      .  ■  _  -•  .**■! 


CINQUIÈME  PABTIE. 


CANTON  DE    ^fSUCBAIEL. 
Code   fAnal   di:   (S   féihiei    i89l. —   Cbapitksit^ —   De    dcbl. 

AsTicLB  177.  —  Lorsqne  la  mort  oo  oae  lésion  corporelle  pvre  tOL  le 
résultat  d'un  dnel  régalier,  ta  peine  sen  l'er^pftsonnement  jusqu'à  cinq  au. 
Celui  qoi  a  été  giièvemeat  blessé  pourra  éùe  exempté  de  cette  peine.  Si  le 
dael  n'a  csusé  aucune  léâion  grafe,  cliacun  des  combaUanls  sera  coodamné  i 
la  prison  civile  jusqu'à  trois  mois. 

Art.  478  —  L'amende  jnsqu'ï  5,000  francs  sera  toujours  prononcée 
contre  chacun  des  adversaires,  qael  qu'ail  été  le  résultat  du  duel. 

Art.  179. —  Celui  qui  tue  ou  blesse  griêiemeat  son  adversaire  dans  nn 
duel  est  pas^ble  des  peines  ordinaires  établies  pour  le  meurlre  et  les  lésions 
corporeJles  ; 

t'  S'il  s'est  Tolontai  renie  ni  écaité  des  r^les  admises  pour  ce  genre  de 
combat,  ou  s'il  ■  commis  quelque  fraude; 

V  Si  les  cooditiaus  du  duel  éUienl  telles  qu'il  devait  néce^£aîremeol  ea 
résulter  la  mort  de  l'un  des  deux  combaltauts; 

3°  Si  le  duel  a  eu  lieu  san^  témoins. 

Abt.  ISO.— <.>uiconqueeicitâ  publiquement  quelqa'nnà&re  une  profo- 
caMoQ  ou  à  l'accepter,  s'il  en  résulte  un  duel,  sera  puni  de  l'eiufHÎsoiineraeDt 
jusqu'à  trois  nuHs. 

Sera  puni  de  l'empiisonnemcnt  jnsqa'i  six  mois  celui  qui  reproche  publi- 
quement à  queliju'un  do  ne  pas  avoir  fiiil  une  provoculion  en  duel  ou  de  ne  pas 
l'avoir  ai'ceplée. 

Art.  181.  —  Les  témoins  présents  à  un  duel  ne  sont  pas  ponis,  à  moina 
qu'ils  se  se  soient  prêtés  à  quelque  fraude.  Dans  ce  dernier  cas,  s'il  est  résulté 
du  duel  la  mort  d'un  des  deux  combattants  ou  une  lésion  corporelle  grave,  les 
lémoins  coupables  seront  punis,  maijseulementà  titre  de  complices,  des  peines 
qui  frappent  le  meurtre  et  les  lésions  corporelles. 

Les  médecins  ne  sont  pas  punis. 

Art.  18Î.  —  En  matière  de  duel,  la  tentative  n'est  pas  punissable. 


CANTON  DE   SAINT-GALL. 
Code  pénal  du  !5  novembre  (885,  applichblh   dkpuis  le  i"  mai 

<886,     SOLS      LE     TITHB    ;    CniUBS     ET     DÉLITS      SPÉCIAUX      COMRI 
LA     PAIX     PUBLIQDB. 

Article  4i>8.  —  La  provocation  au  duel  et  l'accepta  lion  de  la  provocation 
sont  punies  d'une  amende  de  500  francs  au  plus,  ou  de  deux  mois  de  prison  au 
plus.  Ces  peines  peuvent  aussi  être  cumulées. 

Si  le  duel  a  eu  lien,  les  deux  parties  éont  punies  d'une  amende  de  500  francs 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  431 

au  plas,  ou  d'un  an  d'emprisonnement  au  plus.  Ces  peines  peuvent  aussi  être 
cumulées. 

Les  porteurs  de  cartels,  les  seconds,  les  témoins  et  le  juge  du  combat  sont 
punis  d'une  amende  de  400  Trancs  au  plus. 

Dans  l'application  de  la  peine,  il  sera  tenu  compte  du  danger  que  pré- 
sentent les  armes  ou  le  genre  de  combat  que  Ton  a  adoptés  ou  que  Ton  a 
employés. 

S'il  est  résulté  du  duel  une  blessure  ou  la  mort,  on  applique  les  disposi- 
tions pénales  sur  les  lésions  corporelles  ou  l'homicide  ;  mais,  suivant  les  cir- 
constances, on  pourra  appliquer  une  peine  plus  douce  que  la  peine  ordi- 
naire. 


CANTON   DE  SCHAFFOUSE. 

Code  pénal  ou  3  avril  4859,   sous  le   titrb   : 

De  la  défense  personnelle,  grimes  et  délits  contre  la  paix. 

Article  448.  —  Celui  qui  provoque  un  autre  en  duel  avec  des  armes 
mortelles  et  celui  qui  accepte  une  pareille  provocation  sont  punis,  si  le  duel  a 
effectivement  eu  lieu  : 

4°  De  six  ans  de  réclusion  au  maximum,  s'il  a  été  convenu  entre  les  par- 
ties que  le  duel  serait  prolongé  jusqu'à  la  mort  de  l'un  des  combattants  et  si  la 
mort  s'en  est  réellement  suivie  ; 

%""  De  la  prison  au  premier  degré,  de  six  mois  au  moins,  si,  sous  une 
pareille  convention,  un  des  combattants  a  été  tué,  ou  s'il  en  est  résulté  pour 
l'un  d'eux  ou  pour  tous  les  deux  une  blessure  mortelle  ou  entraînant  une  alté- 
ration permanente  de  la  santé  ; 

3"*  Dans  les  autres  cas,  de  deux  ans  de  prison  au  plus,  ou  d'une  amende 
de  4,000  francs  au  plus. 

Le  crime  est  consommé  dès  que  l'un  des  combattants  a  fait  usage  contre 
l'autre  des  armes  convenues  pour  le  duel. 

Art.  449.  —  Application  de  la  peine.  —  Dans  les  limites  fixées  par  la 
loi,  celui  qui  a  amené  l'autre  en  duel,  par  la  nature  de  l'offense  ou  par  l'étour- 
derie  ou  la  méchanceté  de  sa  provocation,  doit  être  puni  plus  sévèrement  que 
l'autre. 

Art.  420.  —  Promoteurs  ei  aides.  —  Ceux  qui  ont  été  les  promoteurs 
du  duel  ou  qui  ont  poussé  à  sa  continuation,  subissent  les  mômes  peines  que 
les  combattants,  d'après  les  distinctions  contenues  dans  l'article  448. 

Par  contre,  les  seconds  ou  les  témoins  qui  ont  assisté  au  duel  sont  punis, 
dans  le  cas  de  l'article  4  4  8,  page  4 ,  de  la  prison  au  premier  degré,  d'un  an  au 
plus;  dans  les  autres  cas,  de  trois  ans  de  prison  au  plus,  ou  de  500  francs 
d'amende  au  plus.  Les  médecins  et  chirurgiens  qui  ont  assisté  au  duel,  en  cette 
qualité,  ne  sont  pas  punis. 

Art.  424.  —  Tentative.  —  Si  les  parties  ont  été  empêchées  de  se  battre, 
après  s'être  rencontrées  au  lieu  convenu,  elles  sont  punies  des  peines  àpplir 
cables  à  la  tentative. 


t31  CINQDIÈHB  PARTIE. 

Si,  sans  en  avoir  été  empêchées  par  descircODStaDcesexIérienres.ellesool 
renoncé  à  se  ballre.  elles  ne  sont  pas  punissabloa. 

Art.  m.  —  Violation  des  réglet  du  combat.  — Si  l'un  des  combatlub 
on  des  seconda  a  élé  cause  de  la  mort  ou  de  téàons  corporelles,  par  la  violi- 
lion  intenlionnelle  des  règles  usuelles  ou  convenues  du  duel,  il  ^  pnoî 
d'après  les  disposiiions  sur  l'iiomicide  ou  Ips  blessures  corporelles. 

A  B  T.  4  i3.  —  Provocation  nu  duel.  —  La  provocation  au  duel  ei  son  accep- 
latioD,  lorsque  des  circonsLances  eitérîeures  ont  empêché  le  duel  d'avoir  liea, 
â'jnl  punies  d'une  amende  de  100  francs  au  plus,  ou  de  la  prison  an  second 
degré,  de  quatre  semaines  au  plus. 


CANTON    DE    SOLEURE. 
Code  pknal    uv   39   août    1885. 

AnricLB  110.  — §  i.  —  L'homicide  est  puni  de  cinq  ans  d'emprisoa- 
nement  au  maximum,  si  la  mort  résuite  d'un  duel  en  règle. 

Les  médecins  et  seconds  qui  ont  pris  pari  au  duel  ne  sont  pas  pnoù- 

fables. 

CANTON    DH  SCIiWVTZ. 
Code    pénal  cnlllI^BL   uu   30    haï    lâSI. 


Article  67.  —  Lorsque  deux  personnes  se  Uvmit  à  na  oooibat  en  régie, 
avec  des  armes  mortelles,  pour  la  saiisTactiou  d'une  offense,  et  d'un  Gommiin 
accord,  ce  crime  est  puni  : 

(a)  De  l'em prison nemenl  de  six  ans  au  maximum,  si  la  mort  d'un  des  coin- 
batlanls  s'en  est  suivie; 

{b}  D'uQ  e  m  prison  Dément  de  deux  ans  au  maximum,  en  cas  de  blessure 
plus  ou  moins  grave. 

Art.  68.  —  Les  seconds  et  les  témoins  assignés  an  reodez-TOUS,  qui  ont 
assisté  à  un  pareil  combat,  sont  punis  d'un  emprisonnement  de  six  mois  au 
maximum;  mais  s'il  est  prouvé  qu'ils  ont  cherché  à  empêcher  le  combat, 
ou  à  empêcher  une  issue  dangereuse  da  celui-ci,  ils  ne  seront  pas  punis. 


CANTON  DO  TESSIN. 
Code    pénal  du    13  uars    1873,    e\TnB    bm  viauBUR   le    I"   haï. 

Contrairement  aux  dispositions  de  l'ancien  code  lessinois,  le  code  d«  1873 
n'envisage  pas  le  duel  comme  un  délit  exceptionnel. 
Il  l'a  classifié  parmi  les  délits  communs. 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  433 

L'article  323  est  ainsi  conçu  : 

c  La  loi  n'admet  pas  d'excuse  pour  les  auteurs  ou  les  complices  d'homicides 
ou  de  lésions  commis  ou  tentés  à  cause  du  duel,  i 

L'homicide  ou  la  blessure  en  duel  doit»  par  conséquent,  être  puni  comme 
l'homicide  volontaire  et  les  lésions  communes. 

La  tentative  à  l'égard  du  duel  entre,  elle  aussi,  dans  la  classification  ordi- 
naire des  délits  prévus  par  l'article  M  :  «  Celui  qui,  par  des  actes  voisins  et 
capables  d'atteindre  le  but,  a  manifesté  l'intention  directe  de  commettre  un 
crime  ou  un  délit,  mais,  par  des  circonstances  accidentelles  et  indépendantes 
de  sa  volonté,  n'a  pas  fait  tout  ce  qui  était  nécessaire  pour  le  perpétrer,  est 
coupable  du  crime  ou  délit  tenté.  » 

L'accord  solennel  des  adversaires,  la  gravité  de  la  provocation,  la  loyauté 
du  combat  ne  peuvent  être  invoqués  que  comme  des  circonstances  suscep- 
tibles de  faire  diminuer  la  peine,  jamais  pour  excuser  le  délit 

(Consultation  de  M.  Francesco  Azzi,  avocat  à  Lugano.) 


CANTON  D'UNTERWALDEN  (Obwald) 
Code  pénal  du   6  août  4864. 


Si  deux  personnes  se  livrent,  pour  cause  d'offense  et  d'un  commun 
accord,  à  un  combat  en  règle  avec  des  armes  meurtrières,  elles  commettent  le 
crime  de  duel. 

Celui-ci  est  puni  : 

(a)  De  la  réclusion  de  deux  à  six  ans,  si  l'un  des  combattants  est  tué; 

(b)  De  la  prison  de  six  mois  à  deux  ans,  si  l'un  d'eux  est  gravement 
blessé; 

(c)  D'un  emprisonnement  d'un  an  au  maximum ,  s'il  en  est  résulté  une 
blessure  insignifiante  ; 

(d)  Ceux  qui  prennent  part  à  un  duel  duquel  il  n'est  résulté  aucune  bles- 
sure, les  témoins  et  les  seconds  sont  punis  correctionnellem  ent. 

Les  dispositions  ci-dessus  s'appliquent  également  aux  personnes  domici- 
liées dans  le  canton,  qui  la  quittent  pour  exécuter  un  duel  convenu  dans 
ledit  canton  et  qui  le  mettent  à  exécution  sur  territoire  étranger. 


CANTON  D'URL 

Le  duel  n'est  pas  considéré,  dans  le  canton  d'Un,  comme  un  crime  ou 
un  délit  d'une  nature  spéciale;  ce  canton  ne  possède  pas  de  Code  pénal.  La 
législation  se  borne  à  énumérer  les  délits  et  les  crimes  dans  un  seul  article. 
Le  meurtre  et  l'homicide,  comme  aussi  la  lésion  corporelle  d'une  nature  grave, 
sont  punis  par  le  tribunal  criminel. 

28 


.*»*—■ 


43i  CINQUIÈME  PARTIE. 

Le  duel,  une  spécialité  jusqu'ici  ioconnue  dans  dos  contrées,  serait  Trappe, 
lecaséchéanl,  parles  mËmes peines  auxquelles  s'expose  celui  qui  se  read cou- 
ps b'e  d'un  homicide  involontaire  ((otilsc/ifas^  ou  d'une  lésion  corporelle  grave. 
Le  duel,  par  conséquent,  rentre  danâ  le  droit  commun. 

L'accord  des  parties,  la  loyauté  da  combat,  le  silence  de  la  loi,  etc.,  ne 
subiraient  certainement  pas  h  faire  disparaître  la  criminalité  de  l'acte  et  à 
exempter  l'auteur  d'une  poursuîle;  toutefois,  on  lui  attribuerait  les  circon- 
stances al  lénuantcs.  (Consultalion  de  M.  le  docteur  Schmîd.  procureur  général 
à  Alldorf.) 

La  jurisprudence  est  aussi  muolte  que  la  loi  pénale  aur  la  question  du  duel 
De  l'aveu  de  M.  Scbmid,  il  u'eiiste,  dans  le  canton  d'Uri,  aucune  disposition, 
particulière  permettant  de  fiior  une  pratique  Judiciaire  quelconque. 


CANTON  DU    VALAIS. 


Article  Î37.  —  L'individu  qui,  pour  un  motif  quelconque,  aura  défié 
quelqu'un  en  lui  proposant  de  so  battre  avec  des  armes  de  nature  à  donner  la 
mort,  sera  coupable  de  duel. 

Il  ËQ  sera  de  mémo  de  celui  qui,  ensuite  du  déG  porté,  se  sera  présenté 
sur  le  lieu  du  combat. 

AkT.  i'iS.  —  L'homicide  commis  en  duel  est  puni  par  un  emprisonnemeol 
qui  peut  s'élever  h  dix  ans. 

Art.  Î39.  —  Si  le  duoi  a  eu  pour  résultat  des  blessures  do  la  nature  do 
ccllos  mentionnées  aux  articles  âi5,  !iG,  !4S  ou  349,  la  peine  sera  d'un  empri- 
sonnement pour  un  terme  qui  n'oicédera  pas  les  deux  tiers  de  celui  fixé  sus- 
dits articles. 

Art.  140.  —  Dans  les  cas  prévus  aux  deux  articles  précédente,  celui  qui 
aura  proposé  le  déli  sera  condamné,  outre  les  peines  ci-dessus,  h  une  amende 
qui  pourra  s'élever  à  500  francs  et  à  la  privation  des  droits  politiques  pendant 
un  temps  qui  n'excédera  pas  dix  ans. 

Celte  disposition  sera  pareillement  applicable  à  celui  qui  aura  accepté  le 
défi,  s'il  a  été  le  provocateur  de  la  dispute. 

Art.  S4I.  —  Dans  l'application  delà  peine  du  duel, le  tribunal  aura  égard 
aux  loris  que  peut  avoir  eus  l'un  et  l'autre  des  délinquants,  au  momeot  de  la 
querelle  qui  a  donné  lieu  h  la  provocation. 

Art,  ta.  —  La  peine  du  duel  ne  sera  pas  appliquée  à  ceux  qui,  après 
avoir  provoqué  ou  accepté  le  déâ,  se  seront  désistés  volontairement. 

Si  le  duel  n'a  pas  eu  lieu  par  des  circonstances  indépendantes  do  leur 
volonté,  ou  s'il  n'en  est  résulté  aucune  blessure,  la  peine  sera  une  amende  qui 
n'excédera  pas  100  francs  et  la  privation  des  droits  politiques  pendaut  cinq 
ans  au  plus. 

La  même  peine  est  applicable  à  celui  qui  a  proposé  un  dé£  non  accepté 
par  son  adversaire. 

Art.  243.  —  Dans  les  cas  prévus  au  présent  chapitre,  la  peine  de  l'ompri- 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  435 

sonnement  pourra,  suivant  les  circonstances,  être  remplacée  par  celle  du 
bannissement,  en  comptant  deux  années  de  bannissement  pour  une  d'empri- 
sonnement. 

Par  contre,  dans  les  cas  graves,  la  peine  de  la  réclusion  pourra,  suivant 
les  circonstances,  élre  substituée  à  celle  de  Temprisonnement. 

Art.  244.  —  Les  peines  établies  contre  le  duel  recevront  leur  application, 
lors  même  que  les  coupables  seraient  convenus  de  se  battre  hors  du  canton, 
si,  d'ailleurs,  le  duel  a  été  proposé  et  accepté  dans  le  canton. 


CANTON  DE   VAUD. 

Code  pénal  du  48  février  4843.  «  Chapitre  iu 
Des  batteries  et    ou   duel. 


Article  247.  —  Les  dispositions  des  articles  240,  244,  242,  243,  245 
et  2Zi6  sont  applicables  au  duel.  Toutefois,  le  tribunal,  dans  l'application  de 
la  peine,  aura  égard  aux  torts  que  peut  avoir  eus  l'un  ou  l'autre  des  combat- 
tants, au  moment  où  la  querelle  a  eu  lieu. 

Le  maximum  de  la  peine  peut  être  élevé  de  moitié  contre  ceux  qui  ont 
été  provocateurs,  ou  qui  ont  contribué  à  prolonger  le  duel,  ou  qui  se  sont 
conduits  avec  déloyauté  pendant  le  combat. 

Les  témoins  et  autres  asâstants  du  duel  ne  sont  punissables  qu'autant 
qu'ils  ont  empoché  la  réconciliation,  excité  ou  envenimé  la  querelle,  ou  cherché 
à  aggraver  les  conditions  du  combat. 

Dans  ce  cas,  ils  sont  réputés  complices  et  punis  comme  tels. 

Art.  248.  —  Dans  les  cas  prévus  aux  articles  242  à  247  inclusivement,  la 
peine  de  la  réclusion  peut,  suivant  les  circonstances^  être  substituée  à  celle  de 
l'emprisonnement. 

Art.  240.  —  Celui  qui  prend  une  part  active  à  une  batterie,  lors  même 
qu'elle  ne  présente  aucun  des  caractères  mentionnés  aux  articles  suivants,  est 
puni  par  une  amende  qui  ne  peut  excéder  60  francs  (90  francs  actuellement), 
ou  par  un  emprisonnement  qui  ne  peut  excéder  quinze  jours. 

Art.  244 .  —  Si  la  batterie  a  eu  pour  résultat  une  lésion  du  genre  de  celles 
qui  sont  mentionnées  à  l'article  234  (incapacité  de  travail  de  dix  à  trente  jours), 
l'auteur  de  cette  lésion  est  puni  par  un  emprisonnement  de  dix  jours  à  dix  mois  ; 
les  autres  personnes  qui  ont  pris  part  à  la  batterie  sont  punies  par  un  empri- 
sonnement qui  ne  peut  excéder  quatre  mois,  ou  par  une  amende  qui  ne  peut 
excéder  600  francs  (900  francs  monnaie  actuelle). 

Art.  242.  —  Si  la  batterie  a  eu  pour  résultat  une  lésion  du  genre  de  celles 
qui  sont  mentionnées  à  l'article  232  (incapacité  de  travail  de  plus  de  trente 
jours;  fracture  d'os  à  un  bras,  à  une  jambe  ou  à  toute  autre  partie  principale 
du  corps;  privation  de  Tusage  d'un  œil,  d'un  membre  ou  de  toute  autre  partie 
principale  du  corps],  l'auteur  de  cette  lésion  est  puni  par  un  emprisonnement 
d'un. mois  à  deux  ans;  les  autres  personnes  qui  ont  pris  part^la  batterie  sont 


436  CINQUIEME  PARTIE.    . 

punies  d'an  emprisonnement  qui  ne  peut  excéder  dix  mois  et  d'aoe  amende 
qui  ne  peut  escéder  1,000  francs  (l.ôOO  francs  monnaie  acluelle). 

A  HT.  îi3,  —  Si  labatteiiea  eu  pour  réaullatune  des  lésions  mentionnées 
à  l'article  Ï33  (privation  complète  de  l'usage  de  la  vuo,  de  l'ouïe,  des  deui 
bras,  des  deux  jambes,  démence,  imbécillité,  maladie  incurable,  inc3pacil«  de 
80  livrer  à  l'acte  de  la  génération),  raul«ur  de  celle  lésion  est  puni  d'un  em- 
prisomiement  de  dix  mois  à  quatre  ans. 

Si  elle  a  eu  pour  résultat  une  lésion  ayant  occasionoâ  la  mort,  l'auteur  de 
cette  lésion  est  puni  par  un  emprisonnement  de  dix  mois  h  quinxe  ans.  sans 
préjudice  dos  autres  dispositions  sur  l'homicide. 

Les  autres  personnes  qui  on  t  pris  part  à  la  batterie  sont  punies  d'un  cmpri- 
sODDementqui  ne  peut  excéder  deux  ans,  ou  d'une  amende  qui  no  peut  excé- 
der a, 000  frjncs. 

Art.  345.  —  Si  le  délinquant  a  encouru  la  peine  d'un  eœprisonnemenl 
de  dix  mois  ou  au  delà,  le  juge  peut  substituer,  en  partie,  le  bannissement  i 
l'emprisonnement  (la  ConsUtulion  fédérale,  article  ii,  ne  permet  plus  de  pro- 
noncer le  bannissement],  de  lelle  sorte  que  le  délinquant  soit  condamné  â^ 
mois  au  moins  d'emprisonnement;  en  outre  au  bannissement  pour  un  temps 
qui  no  peut  excéder  dix  années,  ni  être  moindre  d'un  an. 

A  AT.  j46.  —  Dans  les  cas  prévus  au  présent  chapitre,  le  juge  peut  libérer 
do  toute  peine  celui  qui  a  fait  ses  efforls  pour  arrêter  la  rixe,  lora  m^me  qu'il 
y  a  pris  une  part  active,  ainsi  que  celui  qui  est  suffisamment  éprouvé  par  let^ 
mauvais  Iraitemenis  qu'il  a  éprouvés  ou  par  les  blessures  qu'il  a  reçues. 

Il  existe  un  projet  de  code  pénal  vaudois  (1882|  qui  apporte  les  modiSca- 
tions  suivantes  à  celui  de  1843  : 

A  HT.  Îi7  (ancien  240).  —  Le  maximum  de  l'ameude  est  de  100  francs  et 
de  l'emprisoiinemont  un  mois. 

Art.  ii6  (ancien  iil).  —  Maximum  de  l'em prison nemODl  on  de  la  récla- 
sioQ  pour  l'auteur  principal  :  deux  ans;  pour  les  autres  personnes  :  emprison- 
nement d'un  an  au  maximum  ou  une  amende  ne i cédant  pas  3,000  francs. 
Cumul  possible  des  deux  peine-:. 

Art.  349.  —  A  peu  prés  semblable  aux  anciens  articles  142  et  343,  saof 
l'amende  contre  les  témoins,  portée  au  maximum  de  3,000  francs.  Quanti  la 
peine  contre  l'auteur  principal, elle  se  réduit i  l'emprisonoament,  dont  le  maxi- 
mum est  de  quatre  ans  en    cas  de  blessures,  et  de  quinze  ans  en  cas  de 

L'article  345  est  supprimé. 


CANTON    DE   ZUG. 
Code    l'ii.vAL    nu  30  janvieh    187S. 

Article  79.  —  Si  la  mort  ou  des  blessures  graves  ont  résulté  d'an 
duel  en  règle,  la  peine  est  de  six  ans  de  travaux  forcés  an  minimum  et,  s'il 
y  a  eu  inteotioa  de  donner  la  mort,  la  réclusion  de  dix  ans  au  maximum. 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER.  487 

Ceux  qui  ont  été  appelés  à  assister  au  duel,  pour  le  régler,  ne  sont  pas 
punis,  pour\'u  qu'ils  n'en  aient  pas  été  les  promoteurs. 

S'il  y  a  eu  violation  intentionnelle  des  règles  usuelles  ou  convenues  du 
duel,  et  quM  soit  résulté  de  celui-ci  la  mort  ou  des  lésions  corporelles,  on 
applique  les  dispositions  sur  Thoroicide  et  les  lésions  corporelles. 


CANTON  DE  ZURICH. 
Code  pénal  du  24  octobre  4870.  —  Dispositions  spéciales  sur 

LE   DUEL,     sous    LE  TITRE   :   CrIHES    ET  DELITS    CONTRE   LA   PAIX 

(Art.  y2-97). 

Article  92.  —  Le  duel  est  puni,  tant  en  ce  qui  concerne  celui /jui  pro- 
voque en  duel  qu'en  ce  qui  concerne  celui  qui  accepte  la  provocation,  d'un 
emprisonnement  de  deux  mois  au  maximum  et  de  l'amende  maximum  géné- 
rale :  15,000  francs  fart.  23),  môme  s'il  n'en  résulte  aucune  lésion  corporelle, 
ou  seulement  une  lésion  corporelle  insignifiante.  Mais  s'il  en  résulte  la  mort  ou 
des  lésions  corporelles  désignées  à  l'article  438,  lettre  a  (lésions  entraînant  une 
incapacité  corporelle  grave  et  permanente,  ou  une  altération  grave  et  perma- 
nente de  la  santé  du  blessé),  la  peine  inQigée  à  l'auteur  de  cette  mort  ou  de 
ces  lésions  est  d'un  emprisonnement  de  deux  mois  au  moins  ;  maximum  géné- 
ral :  cinq  ans  (art.  9]  et  de  l'amende. 

Art.  93.  —  Si  l'on  a  choisi  un  mode  de  combat  devant  nécessairement 
entraîner  la  mort  ou  une  blessure  grave,  ou  si,  lors  du  duel,  les  règles  usuelles 
du  combat  ont  été  intentionnellement  violées  et  qu'il  en  soit  résulté  la  mort 
ou  une  lésion  corporelle  grave,  les  auteurs  et  complices,  dans  les  deux  cas, 
sont  punis  conformément  aux  dispositions  sur  l'homicide  ou  les  lésions  corpo- 
relles. 

Art.  94.  —  Les  porteurs  de  cartels  sont  punis  d'un  emprisonnement  de 
deux  mois  au  maximum  et  de  l'amende  ;  les  seconds,  les  témoins  et  le  juge  du 
combat  d'une  amende  de  \  00  francs  au  maximum.  Les  médecins  ne  sont  pas 
punis. 

Art.  95.  — Si  ceux  qui  doivent  prendre  part  à  la  rencontre  se  sont  réunis 
pour  le  duel  en  un  lieu  déterminé,  mais  qu'il  n'y  ait  pas  été  donné  suite  pour 
des  moti^is  extérieurs,  celui  qui  a  provoqué  en  duel  et  celui  qui  a  accepté  la 
provocation  sont  punis  d'un  emprisonnement  d'un  mois  au  maximum  et  de 
l'amende. 

Art.  95.  —  Celui  qui  excite  à  un  duel,  ou  à  la  continuation  d'un  duel, 
ou  qui  cherche  à  empêcher  le  règlement  amiable  du  différend  ;  celui  qui,  à 
dessein,  fournit  le  local  ou  les  armes  pour  un  duel,  ou  qui  le  favorise  autre- 
ment, doit  être  puni  de  deux  mois  d'emprisonnement  au  maximum  et  de 
l'amende  ;  dans  des  cas  moins  graves,  de  l'amende  seule.  S'il  s'agit  d'un  auber- 
giste, Taulorisation  de  tenir  auberge  peut  lui  être  retirée  pour  un  certain 
temps. 


438  CINQUIÈME    PARTIE. 

Art.  97.  —  Il  est  défendu  de  tenir  des  réunions  (associations)  qui  favo- 
risent le  duel. 

Celui  qui  prend  part  à  ces  réunions  est  passible  d'une  amende  de  police 
de  25  à  4  00  francs  <• 


1.  C'est  au  savant  professeur  neuchàtelois,  M.  le  docteur  Mentha,  collaborat^ir 
si  apprécié  de  la  Bévue  pénale  Suitse,  que  nous  deyons  d*aYoir  pu  dresser  un  état 
complet  de  la  législation  Helvétique  en  matière  de  duel. 

Nous  lui  en  exprimons  toute  notre  gratitude,  ainsi  qu'à  nos  autres  correspondants  : 
M.  F.  Schmid,  procureur  général  à  Altdorf ;  M.  Axzi,  avocat  à  Lugano  ;  M.  Besney, 
avocat  à  Lausanne,  et  MM.  les  procureurs  généraux  des  cantons  d*Appenzel  et  de 
Genève. 


AVIS   AU    LECTEUR 

sur  la  manière  de  comprendre  l'appendice. 


Les  auteurs  qui  se  sont  occupés  du  duel  ont  généralement  appuyé  sur  des  exemples 
los  règles  quMls  formulaient. 

Nous  ayons  cru  deyoir  les  imiter,  mais  nous  nous  sommes  bien  gardé  de  pré- 
senter, comme  ils  Tout  fait,  des  récits  qui  semblent  imaginés  pour  les  besoins  de  la 
cause.  Les  nôtres  sont  authentiques  et  entourés  de  garanties  qui  prouvent  leur  vé- 
racité. 

En  tète  des  cent  quinze  affaires  contenues  dans  l'appendice,  nous  donnons,  en 
effet,  le  titre  des  livres  et  des  Joumaui  où  nous  les  avons  trouvées,  avec  le  nom  des 
parties,  la  page  ou  le  numéro. 

Le  lecteur  peut  nous  contrôler  facilement. 

Chaque  affaire  correspond  à  Pune  dei  règles  posées  dans  ks  cinq  premières  divi- 
sions du  livre. 

Elle  est  discutée  théoriquement  au  point  de  vue  de  cette  règle,  dont  elle  tend  à 
faciliter  rintelligence. 

Pour  être  fructueuse,  la  lecture  de  Tappendice  devra  donc  se  combiner  avec  celle 
des  passages  à  élucider,  qu'un  système  de  numérotage  fait  concorder  ensemble.  Opérée 
isolément,  cette  lecture  n^ottre  du  reste  aucun  intérêt,  à  cause  de  la  banalité  des  sujets 
et  du  point  de  vue  auquel  nous  les  traitons. 

Tous  nos  exemples  sont  tirés  de  la  Gazette  des  Tribunaux,  de  VAnnuaire  du 
duel  ou  de  procès-verbaux  publiés.  Ils  ne  portent  que  sur  des  faits  tombés  dans  le 
domaine  public,  émanant  de  personnes  qui  nous  sont  aussi  indifférentes  que  peuvent 
Tètre  les  chiffres  servant  à  résoudre  un  problème  de  théorie  pure. 

Le  soin  que  nous  avons  pris  d*élaguer  tous  les  détails  inutiles  à  la  question,  ou 
susceptibles  de  piquer  une  curiosité  maligne,  la  précaution  que  nous  avons  eue  de 
cacher  sous  des  initiales  les  noms  des  parties,  chaque  fois  qu*une  divulgation  com- 
plète nous  a  semblé  de  nature  à  leur  être  préjudiciable,  su£Qront-ils  pour  éviter  les 
réclamations  qui  accompagnent  quelquefois  semblables  publications? 

Nous  ne  saurions  le  prévoir.  Mais  cette  conscience  et  cette  impartialité  nous 
dispenseront,  du  moins,  de  répondre  aux  réclamations  qui  porteraient  sur  autre  chose 
que  sur  des  rectifications  matérielles,  et  nous  permettront  de  renvoyer  ces  dernières 
à  une  seconde  édition. 


SIXIEME    PARTIE 


APPENDICE 


N*"  1.  —  Afbire  Laur-Thomson. 

42  juillet  4889. 

A  la  suite  d'expressions  prononcées  à  la  tribune  du  Corps  législatif  par 
M.  Laur,  et  dans  lesquelles  il  attaquait  les  députés  de  l'Algérie,  M.  Thomson, 
Tun  d'entre  eux,  le  rencontra  dans  les  couloirs  et  lui  dit  : 

—  M'avez-vous  visé  personnellement,  monsieur? 

—  J'ai  parlé  en  général,  repartit  M.  Laur. 

—  Eh  bien,  reprit  M.  Thomson,  vos  paroles  sont  outrageantes  pour  ladépu- 
tation  de  l'Algérie  dont  j'ai  l'honneur  de  faire  partie.  Je  ne  yeux  pas  faire  de 
scandale,  je  ne  veux  pas  vous  gifler  dans  les  couloirs  de  la  Chambre,  mais 
tenez  cette  gifle  pour  reçue. 

M.  Laur  ne  répondit  pas.  Il  se  relira,  conversa  avec  quelques  amis,  puis, 
revenant  sur  ses  pas,-  il  rencontra  M.  Thomson,  qu'il  essaya  de  souffleter. 
Ensuite  il  s'éloigna.  Le  député  de  Constantine  se  précipita  aussi  tôt  sur  M.  Laur 
à  coups  de  pied  et  à  coups  de  poing.  On  sépara  les  combattants,  non  sans 
peine.  Les  témoins  ne  purent  s'entendre  sur  la  qualité  d'ofiensé. 

Un  arbitrage  dut  être  constitué.  11  aboutit  au  procès-verbal  suivant  : 
c  MM***,  Consultés  sur  la  question  de  savoir  qui  de  M.  Thomson  ou  de  M.  Laur 
avait  la  qualité  d'offensé  ; 

«  Considérant  que,  si  M.  Laur  s'est  livré  à  une  voie  de  fait  sur  la  personne 
de  M.  Thomson,  ce  dernier  lui  avait  quelques  minutes  auparavant  adressé  les 
paroles  suivantes  :  cEh  bien,  monsieur,  tenez  cette  gifle  pour  reçue I  » 

c  Considérant  que  dans  ces  conditions,  il  est  assurément  regrettable  que 
M.  Laur  ait  manqué  à  la  correction,  en  frappant  qui  ne  l'avait  pas  frappé, 
alors  qu'un  certain  laps  de  temps  s'était  écoulé  depuis  l'injure  reçue; 

«  Mais  que  cependant  M.  Laur  n'a  fait  que  riposter  à  l'outrage  sanglant 
qui  lui  avait  été  adressé,  et  qui  dans  l'espèce  prime  toute  autre  ofi'ense; 

a  Déclarent,  à  l'unanimité,  que  la  qualité  d'off'ensé  appartient  à  M.  Laur.  » 

11  choisit  le  pistolet.  Deux  balles  furent  échangées  sans  résultat. 

Malgré  l'autorité  des  personnes  choisies  pour  arbitres,  nous  ne  saurions 
admettre  cette  solution  : 


Ul  SIXIÈME   PARTIE. 

1°  Parce  qu'elle  assimile  la  menace,  l'aononce  d'une  voie  de  Tait,  à  la  voie 
de  fail  consommée;  ce  qui  est  illogique  '  ; 

ï"  Parce  qu'elle  est  contraire  au  principe  formulé  Jpar  Chateauvillard, 
chapitre  premier,  article  premier  : 

V  Dans  une  querelle,  si  l'injure  arme,  c'est  Tinjuriâ  qui  est  l'offenâé.  Haie 
si  l'injure  est  suivie  d'un  coup,  c'e.-t  celui  qui  reçoit  le  coup  qui  est  l'offensé.  ■ 

3°  Parce  que  M.  Laur  s'était  laissé  entraîner  à  une  faute,  bien  excusable 
du  reste,  mais  en  somma  i  une  faute,  en  riposlant  de  la  manière  que  nous 
connai^ons  il  l'outrage  qu'il  venait  d'essuyer. 

Son  devoir  était  d'y  répondre  aussitôt  par  an  cartel. 

Sans  doute  il  lui  aurait  fallu  bien  du  sang-froid  pour  résister  â  la  leolatioD 
d'obtenir  une  vengeance  éclatante  Pt  immédiate;  mais,  comme  le  dit  en  propres 
termes  Clialeauvjtiard,  ce  sang-Froid  aurait  trouvé  sa  récompense  dang  le  privi- 
lège d'offensé  avec  injure  grave  qui  lui  aurait  élé  alors  très  légalement  altriboé. 

Il  ne  conserva  pas  ce  sang-froid.  Ilfrappa.  Ce  coup,  consLiLuanl  une  offense 
d'une  catégorie  supérieure  a  l'offense  verbale  qu'il  avait  re<;ue,  aurait  dû  lui 
faire  perdre  la  qualité  d'oiïcusé,  qui  aurait  dû  passer  à  M.  Thornsou. 


■  Ministère  de  la  guerre.  —  Cabinet  du  ministère. 
Correspondance  générale. 


Puis,  5  Juillet  1888. 

Le  ministre  de  la  guerre  &  H.  le  géoérsl  commandaDt  du. . .  corps  d'ar- 
mée, à... 

«  Mon  cher  général, 

«  Mon  attention  a  été  appelée  sur  le  danger  qui  peut  résulter  de  l'emploi 
du  fleuret  dans  les  duels  militaires. 

ic  J'ai,  en  conséquence,  décidé  que,  dans  les  cas  fort  rares  oit  une  renconlre 
les  armes  ^  la  main  peut  être  non  prescrite,  mats  nulorii^e  par  les  che^de 
corps,  les  combattants  ne  devront  jamais  faire  usage  de  fleurets,  mais  se  ser- 
viront d'épées  de  combat,  qu'on  se  procurera  pour  la  circonstance. 

<  J'ai  l'honneur  de  vous  prier  d'adresser  aux  cbefs  de  corps  placés  sous 
vos  ordres  des  instructions  formelles  à  ce  sujet. 

«  Siijné:  C-  de  Fketcinbt.  • 


I.  Dsni  la  Code  pdntl,  la  distinction  que  noua  [lisons  ici  a  été  observée  d'une 
manière  bien  conclaaoïe  i  •  La  menace  verbait  de  tuer  quelqu'un,  lorsqu'elle  n'est 
ac<^mpagnéo  d'aucun  ordre  el  d'aucune  condition,  ne  constitue  aucun  délit.  (Casa-, 
22  août  1872.)  L'acte  accompli  peut  entraîner  la  paine  capitale  (art.  302). 


APPENDICE.  443 


N«  3.  —  AfOedre  de  Malortie-de  La  Poêze. 

Gazette  des   Tribunaux,   4-5   décembre  4869,  aoec  renvoi 

au  n^  48  de  ^appendice. 

«  Il  fui  convenu  qu'on  échangerait  Irob  balles,  et  que,  b'il  n'y  avait  pas 
mort  ou  blessure  grave,  le  combat  se  continuerait  à  i'épée  jusqu'à  impossibilité 
absolue  pour  le  blessé  de  tenir  son  arme.  M.  de  La  Poëze,  considéré  comme 
l'offensé,  demandait  le  pistolet,  mais  M.  de  Malortie  imposa  l'épée  comme 
•complément,  et  en  fit  la  condition  sine  qua  non  de  son  acceptation. 

Les  témoins  commirent  une  faute  en  consentant  à  cette  innovation,  contraire 
au  principe  qu'une  fois  l'offensé  reconnu,  c'est  lui  qui  impose  son  arme,  qui 
devient  celle  de  l'agresseur  ^ 


N""  4.  —  Affaire  Floquet-Boulanger. 

U;u»7;eH  888. 

Cléxnenceau-Déroulède,  Qémenceau-Millevoye. 

Du  tO  au  24  décembre  4892. 

Le  44  juillet  4888,  M.  Floquet,  président  du  Conseil,  prononça  devant  la 
Chambre  un  discours  très  agressif  contre  le  général  Boulanger,  son  collègue, 
et  le  termina  par  les  expressions  suivantes  :  «  Quels  services  avez-vous  rendus 
à  la  République,  pour  vous  en  proclamer  le  champion,  vous  qui  avez  passé  la 
plus  grande  partie  de  votre  existence  dans  les  sacristies  ou  dans  les  anticham- 
bres des  ministères?  » 

A  quoi  le  général  répondit  :  ce  M.  le  président  du  Conseil  essaye  d'être 
spirituel;  il  n'a  réussi  qu'à  parler  comme  un  pion  de  collège,  pion  mal  élevé. 
Je  lui  répète  donc  ce  que  je  lui  ai  dit  quatre  fois  de  ma  place  :  «  Vous  en 
a  avez  menti!  » 

A  la  suite  de  la  séance,  il  y  eut  échange  de  témoins,  et  le  procès-verbal 
suivant  fut  rédigé  :  o  MM...,  témoins  du  général,  ont  réclamé  pour  leur  client 
la  qualité  de  premier  offensé.  MM...,  témoins  de  M.  Floquet,  sans  contester 
le  caractère  blessant  des  paroles  de  M.  Floquet,  ont  déclaré  qu'elles  ne  pou- 
vaient souffrir  de  comparaison  avec  la  réplique  outrageante  du  général.  Les 
témoins  de  ce  dernier  ont  déclaré  renoncer  au  bénéfice  de  la  situation  qu'ils 
persistaient  à  réclamer  pour  leur  client.  En  conséquence,  le  choix  des  armes 
appartient  à  M.  Floquet*  L'épée  de  combat  est  l'arme  choisie.  » 

Le  duel  se  termina  par  une  blessure  qui  mit  le  général  hors  de  combat. 

1.  Voyez  auBsi  affaire  Pierre  Bonaparte-de  Ro?igo,  25  novembre  1849.  Appendice 
no  78. 


ut  SIXIEME  PARTIE. 

Nous  ne  rechercherons  pas  pourquoi  les  Lémoins  du  général  Doulanger  k 
laissèrenl  arracher  une  telle  concession,  mais  noos  exaraineroos  au  point  Je 
vue  théoricjue,  \c.  seul  qui  nous  occupe,  ai  cette  coDcessîOD  était  conrorme  aai 
règles  tracées  par  Chateauvitlsrcl. 

Nous  njus  trouvons  en  présence  de  deux  injures.  Le  général  ps^uie  la 
première.  Quelle  est  sa  valeur?  Rentre-t-elle  dans  la  catégorie  de  celles  qui 
Foni  visées  par  l'article  ï  de  notre  chapitre  vniT  Constitne-t-elle  l'injure  graTeî 
Toute  la  question  6i>t  là. 

Oui.  Il  est  impossible  de  dénier  qu'elle  ne  soit  de  naturel  inculper  l'honneoi 
du  général  et  sa  considération,  puisque  M.  Boulanger  fut  accusé  d'avoir  gagné 
ses  grades,  non  sur  le  champ  de  bataille  et  k  Torce  de  loyaux  services,  mais 
comme  un  plat  valet,  piUer  d' an ti chambres,  bu  moyen  de  complaisances 
inavouables. 

L'intention  d'in$ulter  gravement  est  évidente.  Il  n'y  a  pjs  jusqu'au  moi 
>  sacristie  i>,  très  innocent  par  lui-même,  qui  n'acquière  dans  la  bouche  de 
U.  Floquet,  anticlérical,  une  significition  particulièrement  méprisante. 

La  phrase  rentre  donc  parfaitemenl  dans  les  conditions  du  paragraphe  2 
de  l'article  3  :  «  L'mjure  grave  constilue  essentiellement  l'offense,  n  Elle  doii 
être  clamée  purmi  celles  du  deuiième  degré  qui  procurent  à  l'offensé  le  clioii 
des  armes  ei  du  duel. 

Pou  importait  que  M.  Boulanger  eût  riposté  par  une  autre  injure  i  il  n'eo 
restait  pas  moins  l'offensé,  car  il  avait  reçu  la  première. 

L'article  2  est  formel,  et  notre  solution  ne  saurait  élrecontestée,  du  moment 
que  la  phrase  du  président  du  Conseil  consUiue  autre  chose  qu'une  oiTense 
simple. 

L'épilhèle  de  pion  mal  élevé  et  le  démenti  proféré  on  réponse  sont-iU 
plus  in.-^ultants?  Rien  n'est  moins  certain,  et,  nous  ajouterons  mème,rieD  n'est 
moins  utile  à  constater;  car,  pour  que  le  général  eùl  perdu  tout  droit  au  choix 
des  armes  et  au  choix  du  duel,  il  aurait  fallu  qu'il  se  fût  permis  une  insolle 
d'un  ordre  supérieur,  c'est-à-dire  la  voie  de  fait,  conibrmémeat  à  l'article  5 
de  notre  chapitre  viii. 

C'est,  du  reste,  l'opinion  émise  par  H.  Paul  de  Cassagnac  : 

«  Les  témoins  du  général,  écrivait-i.l  quelques  jours  après  le  duel,  ont  agi 
imprudemment  en  laissant  prendre  à  M.  Floquet  une  situation  d'offensé  qui 
ne  lui  revenait  point.  Do  qui  émanait  la  première  injure?  De  H.  Floquet.  C'est 
ce  qu'il  fallait  résolument  maintenir. 

a  Que  se  fiit-il  passé  au  pistolet,  nous  l'ignorons,  mais  U,  Floquet  avait 
grande  chance  d'y  rester,  le  général  tirant  parfaitement.  • 

Cet  abandon  des  prérogatives  qui  revenaient  à  leur  client  inQua  sur  sa 
destinée  d'une  manière  néfaste.  Un  général  battu  par  un  simple  pékin,  c'est  ce 
que  la  foule  ne  put  digérer.  Après  le  coup  d'épée  de  H.  Floquet,  tout  son 
prestige  disparut. 

Deux  affaires  absolument  analogues,  l'affaire  Déroulède-Clémenceau  et 
Willevoyc-Clémenceau,  viennent  de  surgir  tout  à  point  pour  corroborer  ce  que 
nous  venonsde  dire  touchant  lanécessitéd'une  stricte  observation  de  l'article  2. 

Dans  la  séance  du  20  décembre  1S92  à  la  Chambre,  HM.  Déroulëde  et 


APPENDICE.  445 

Millevoye  dénoncèrent  à  tour  de  rôle  Cornélius  Hertz  comme  agent  de 
réIran ger,  et  M.  Clemenceau  comme  son  complice.  M.  Clemenceau  riposta  par 
un  double  démenti,  suivi  d'un  double  envoi  de  témoins. 

La  question  de  la  personne  à  qui  revenait  la  qualité  d'offensé  fut  immé- 
diatement soulevée,  et  donna  lieu  aux  mômes  controverses  que  lors  du  duel 
Boulanger.  Nous  allons  montrer  que,  cette  fois  encore,  il  ne  pouvait  y  avoir  de 
solution  rationnelle  en  dehors  des  dispositions  de  l'article  2. 

Après  s'être  entendus  sur  le  choix  d'un  auteur  chargé  de  les  départager, 
conformément  à  ce  que  nous  recommandons  chapitres  i*',  xvn  et  xxii,  les  témoins 
auraient  dû  chercher  simplement  dans  quelles  divisions  pouvaient  être  classés 
les  imputations  et  les  démentis,  de  manière  à  établir  les  degrés  des  offenses  qui 
en  résultaient. 

Si  ils  pouvaient  être  rangés  dans  la  môme  division,  la  priorité  de  la 
réception  déterminait  seule  le  droit  d*offensé,  conformément  à  l'article  2  dont 
la  règle  est  reproduite  dans  tous  les  ouvrages  qui  traitent  du  poiut  d'honneur. 
Dans  notre  espèce,  les  deux  offenses  étaient  incontestablement  des  offenses 
graves,  car,  malgré  les  licences  du  langage  parlementaire,  on  ne  saurait  pas 
davantage  admettre  qu'une  accusation  de  trahison  puisse  laisser  iodemne 
l'honneur  de  qui  la  reçoit,  qu'on  ne  saurait  l'admettre  pour  celle  de  mensonge. 
M.  Clemenceau,  ayant  subi  la  première  offense,  devait  ôtre  déclaré  offensé 
avec  injure  grave  et  jouir  des  prérogatives  attachées  à  cette  qualité  :  le  choix 
des  armes  et  du  duel. 

Au  lieu  de  cela,  on  semble- avoir  négligé  do  s'entendre  sur  le  code  auquel 
on  devait  recourir  pour  s'éclairer  et  se  départager  au  besoin.  On  prétendit, 
croyons-nous,  accorder  le  droit  d^offensé  à  celui  qui  aurait  subi  l'offense  la  plus 
grave,  abstraction  faite  du  degré  et  de  la  priorité  de  la  réception. 

Aussi  l'accord  ne  se  fit-il  qu'après  trois  arbitrages  consécutifs  et  de  longues 
discussions,  au  cours  desquelles  les  mandataires  de  M.  Clemenceau  soutinrent 
une  opinion  diamétralement  opposée  à  celle  que  leur  client  défendait  quelques 
années  auparavant,  comme  représentant  de  M.  Floquet,  dans  son  duel  avec  le 
général  Boulanger. 

Encore  cet  arrangement  fut-il  si  incomplet,  et  les  conditions  si  peu  ex  pli- 
âtes, que  les  prérogatives  attachées  à  la  qualité  d'offensé  restèrent  indécises. 
Le  droit  de  choisir  son  duel  fut  refusé  à  M.  Clemenceau. 

Dans  la  première  affaire,  il  dut  subir  le  tir  au  commandement,  au  lieu  du 
duel  à  marcher  qu'il  souhaitait;  six  balles  furent  échangées  sans  résultat. 

Dans  la  deuxième  affaire,  il  ne  reçut  aucune  satisfaction,  car  les  témoins 
de  M.  Millevoye  prétendirent  lui  imposer  le  duel  au  commandement  avec 
échange  de  deux  balles,  et  avec  la  condition  qu'en  cas  de  résultat  négatif  il  y 
aurait  suite  à  l'épée. 

Cette  condition  ne  pouvait  ôtre  acceptée,  car  elle  accordait  à  l'agresseur 
une  quote-part  dans  le  choix  des  armes,  contrairement  à  la  doctrine  enseignée 
par  tous  les  auteurs  ^ 

1.  Voyez  aussi,  relativement  à  la  nécessité  de  choisir  an  auteur  et  d'appliquer  les 
articles  de  notre  chapitre  vui^  affaire  Barbier-Monltouis.  Appendice  n*114. 


SIXIÈME   PARTIE. 


H"  5.  —  Affaire  Ritter-Appleton. 
Gaz.  tril/.,  S  el  3  avril  4673,  avec  renvoi  aux  n<*  34-95  de  l'appendice. 

Une  grande  froideur  refait  entra  U.  Ritter,  recereiiT  des  Snances  i 
Hayenoe,  et  H.  AppletOQ,  sous-préfet,  à  propos  de  visites  faites  el  non  reoduee. 

lis  se  rencontr^reot  dans  une  soirée.  Après  une  férié  d'esplicaLtoos  désa- 
gréables, trop  longues  à  narrer,  H.  Ritter  enjoignit  â  M.  Appleton  de  le  saluer. 
en  s' écriant  :  a  Voas  le  ferez,  ou  de  mon  gant  jo  vous  frapperai  an  visage  !  ■  Dn 
morceau  de  musique  tolerrompit  la  discussion.  Dès  qu'il  fut  terminé,  M.  RiUer 
se  tournant  de  nouveau  vers  H.  Appleton  lui  dit  à  bsnte  voix,  do  ton  la  plut 
impérïeu):  :  «  Venez,  monsieur,  voilà  le  moment  1  u  Et  comme  H.  Appleton  s'j 
refusait,  M.  Ritter  lui  lança  son  gant  i  la  Tigure. 

Il  riposta  par  un  aouniot. 

Après  d'interminables  discussions,  M.  Appleton  fut  considéré  comme 
offensé.  11  choisit  le  (listolel  et  le  duel  au  signal. 

11  perdit  le  vie  dans  la  rencontre. 

La  décision  des  témoins  fut  jasie.  Elle  ne  pouvait  donner  lieu,  da  reste, 
à  contestations,  en  présence  des  terme^^  formels  de  l'article  2,  paragraphe  3, 
chapitre  vin.  Le  souEUet  donné  par  H.  Appleton  n'était  en  effet  qu'une  riposte 
il  la  voie  de  fait  qui  l'avait  atteint  le  premier. 


N»  6.  —  Affaire  des  I'"  et  J"*. 
Gax.  Irib.,  àetb  octobre  tSBO,  avec  renvoi  autvtide  l'appatdke 

A  la  suite  d'un  article  qu'il  conâdéra  comme  injurieux,  M.  des  I**' 
envoya  à  H.  J***  M***,  rédacteur  du  journal  Je  Réveil  du  Midi,  des  témoins 
pour  lui  en  demander  raison. 

Les  mandataires  de  H.  des  1'**  ayant  déclare  qu'il  choisissait  l'épée,  en 
sa  qualité  d'offensé,  ceux  de  H.  J"*  H***,  sans  la  lui  contester,  présentèrent 
une  alleslation  signée  de  deux  médecins,  constatant  qu'une  luxation  ancienne 
du  poignet  le  mettait  dans  un  étal  d'infériorité  tel,  qu'il  refusait  uu  duel  à 
l'épée,  tout  en  acceptant  le  duel  au  pistolet. 

Les  témoins  de  H,  dos  1***  en  référèrent  i  leur  client,  et  annoncèrent  que  ce 
dernier  considérait  cette  fin  de  non-recevoir  comme  un  refus  de  se  battre.  Les 
amisdu  journaliste  se  retirèrent  enprotestant  et  en  déclarant  leur  mission  terminée. 

Quelque  temps  après,  M.  des  1"*  et  ses  témoins  se  rendirent  aux  bureanï 
du  journal,  où  se  trouvait  M.  J'**  M*".  Après  un  vif  dialogue,  M.  des  I**' 
elfleura  de  son  gant  la  Sgure  du  journaliste,  et  sortit  en  disant  qu'il  ne  donne- 
rait réparation  de  cet  outrage  qu'après  avoir  d'abord  obtenu  raison  de  l'injure 
dont  il  se  plaignait. 

Nous  n'avons  pas  à  apprécier  ici  la  valeur  de  l'exception  proposée  par 
M.  J*"H***,  ni  à  étudier  ici  quelle  était  la  meilleure  manière  de  l'amener  kse 


.    APPENDICE.  447 

battre  à  Tëpée.  Nous  pouvons  constater  seulement  que  la  prétention  émise  par 
M.  des  I*^**^  de  ne  rendre  raison  qu'après  avoir  obtenu  satisfaction,  Tépée  à  la 
main,  de  l'article  injurieux,  ne  pouvait  plus  être  admise. 

Grâce  à  la  voie  de  fait  à  laquelle  il  s'était  livré,  et  en  vertu  de  l'article  6, 
chapitre  viii,  les  rôles  étaient  déplacés.  D'offensé  M.  des  I***  devenait  offen- 
seur, et  M.  J***  M***  acquérait  la  situation  que  perdait  son  adversaire,  avec  un 
supplément  de  privilèges. 


N""  7.  —  AfEedre  Gérôme-Stevens. 
Gaz,  trib,,  ÎO  février  4862. 

Origine  de  la  querelle  :  motifs  d'ordre  intime. 

En  pareille  conjoncture,  M.  Gérôme,  bien  qu'ayant  subi  une  voie  de  fiait, 
accepta  sans  discussion  le  combat  au  pistolet,  de  pied  ferme,  à  tir  successif, 
avec  priorité  de  tir  pour  M.  Stevens. 

Il  subit  son  feu,  et  reçut  une  blessure  dont  il  manqua  périr. 


No  8. 

A  la  suite  du  funeste  combat  qui,  le  tt  juillet  \  836,  coûta  la  vie  à  Armand 
Carrel,  M.  Emile  de  Girardin  reçut  une  seconde  provocation  de  M.  de  Feuillide» 
pour  le  motif  qui  avait  déjà  mis  en  présence  les  deux  adversaires. 

Le  général  Excelmans  et  M.  Taxile  Delord,  témoins  dans  la  première  aflGaiire, 
déclarèrent  qu'une  réparation  loyale  et  complète  ayant  été  donnée,  il  n*y  avait 
pas  lieu  d'en  accorder  une  seconde. 

Le  cartel  fut  justement  refusé,  en  vertu  du  principe  énoncé  chapitre  ix 
qu'il  n'est  dû  qu'une  réparation  pour  une  môme  offense. 

Violation  de  cette  règle  ;  voyez  :  Affaire  de  Beaupoil  de  Saint-Aulaire-de 
Pierrebourg,  47  mars  4849.  Golombey,  Histoire  anecdotique  du  duel.  — 
Affaire  Hyène-de  Pêne.  Voyez  appendice  b9  4  0. 


N°  9.  —  AfiEadre  X...-Perrier. 

Mars  4888. 

A  la  suite  d'un  article  paru  dans  un  journal  de  Moulins,  et  qui  visait 
la  conduite  tenue  par  les  sous-officiers  du  7*  chasseurs  dans  les  cafés  de  la 
ville,  ces  militaires  chargèrent  le  plus  ancien  en  grade  de  demander  au  jour- 
naliste réparation  de  l'offense  adressée  au  corps  des  sous-officiers. 

Il  accepta  l'adversaire  présenté,  mais  rien  ne  l'y  obligeait.  La  désignation 
du  plus  ancien,  très  correcte  au  point  de  vue  des  habitudes  militaires,  ne 
l'était  plus  théoriquement  dans  notre  espèce. 


448  SIXIÈME  PARTIE. 

Le  journaliste  pouvait  très  légalement  refuser  le  doyen  des  sous-officiers 
et  exiger  le  tirage  au  sort  parmi  tous  les  ipembres  de  la  collectivité  intéressée 
à  la  réparation. 


N""  10.  -—  Affaire  Coiirtiels-Hyène-de  Pêne. 
Gaz.  trib.,  48-19  mai^  ^^  juillet  4858,  avec  renvoi  au  n^  25  de  Vappendice. 

DaDs  les  échos  de  Paris,  au  Figaro^  M.  de  Pêne  avait  laissé  échapper  une 
phrase  moqueuse  à  Tadresse  des  sous-lieutenants  de  Tarmée  française,  au  cours 
d'un  article  où  il  insinuait  que  leur  tenue  dans  les  bals  des  Tuileries  laissait 
fort  à  désirer. 

Cette  remarque  fit  éclater  sur  sa  tête  une  tempête  épistolaîre,  grosse  de 
provocations.  Chaque  correspondant  se  présentait  comme  le  champion  du  corps 
entier  des  sous-lieutenants,  insulté  par  le  journaliste. 

M.  de  Pêne  se  battit  avec  le  plus  acharné,  M.  Courtiels,  du  9^  chasseurs, 
alors  en  garnison  à  Amiens,  assisté  de  deux  camarades  du  même  grade. 
A  la  première  reprise,  M.  Courtiels  fut  blessé. 

Immédiatement,  un  de  ses  témoins,  M.  Hyène,  aussi  sous-lieutenant 
comme  nous  l'avons  déjà  fait  observer,  prétendit  se  substituer  au  vaincu  pour 
venger  l'injure  commune. 

Il  provoqua  M.  de  Pêne  et  le  menaça  de  voies  de  fait,  s'il  ne  lui  donnait 
pas  immédiatement  satisfaction.  Le  combat  eut  lieu  séance  tenante,  et  bientôt 
H.  de  Pêne  tomba  grièvement  blessé. 

Ce  duel  est  resté  célèbre,  non  seulement  à  cause  de  la  personnalité  syos- 
pathique  de  l'écrivain,  mais  encore  parce  qu'il  offre  un  exemple  frappant  de 
l'inol^ervation  de  l'axiome  placé  en  tête  du  chapitre  ix  et  de  l'article  pre- 
mier dudit  chapitre. 

Examinons  d'abord  quel  était  le  droit'  de  M.  de  Pêne,  relativement  au 
choix  de  son  adversaire. 

Si  tous  les  sous-lieutenants  de  l'armée  avaient  envoyé  à  l'homme  de  lettres 
un  champion  désigné  par  le  sort  et  chargé  de  représenter  la  collectivité, 
M.  de  rêne  (en  admettant  que  l'oflense  eût  paru  suffisante  pour  motiver  la 
renconlre)  était  obligé  d'accepter  ce  champion. 

Mais  il  n'en  fut  pas  ainsi  dans  celte  malheureuse  affaire.  En  effet,  les  huit 
ou  dix  sous-lieutenants  qui  lui  envoyèrent  des  cartels  ne  pouvaient  prétendre 
représenter  une  collectivité  qui  ne  leur  avait  donné  aucun  mandat.  Leur  appel 
était  personnel,  et,  comme  il  n'y  avait  pas  offense  personnelle,  devait  être 
repoussé  par  une  fin  de  non-recevoir. 

Si  les  sous-lieutenants  avaient  persisté  dans  leurs  cartels,  si  ces  cartels 
avaient  été  injurieux,  ils  auraient  subi  la  condition  d'agresseurs  unis  pour 
commettre  la  même  offense  envers  la  môme  personne,  et  M.  de  Pêne  aurait 
acquis,  en  môme  temps  que  les  prérogatives  ordinaires  de  l'offensé,  le  droit  de 
choisir  parmi  les  insulteurs  l'adversaire  qu'il  aurait  préféré,  conformément  à 
l'article  i  de  notre  chapitre  ix.  Les  témoins  ne  le  firent  pas,  et  commirent 
une  première  faute. 


APPENDICE.  i49 

Ils  en  commirent  une  seconde,  plus  grande  encore,  en  tolérant  un 
deuxième  duel,  immédiat,  entre  un  homme  déjà  fatigué  et  un  autre  frais  et 
dispos,  qui  avait  pu  étudier  le  jeu  de  son  adversaire. 

Leur  devoir  était  de  refuser  tout  net  leur  concours,  et  de  provoquer  la 
réunion  d'un  jury  d'honneur,  qui  n'aurait  pas  manqué  de  décider,  conformé- 
ment à  l'axiome  du  chapitre  ix,  qu'une  réparation  loyale  ayant  été  accordée  à 
M.  Courtiels  pour  Tarticle  prétendu  injurieux,  l'affaire  était  définitivement  close. 

De  la  menace  proférée  par  M.  Hyène  naissait  une  nouvelle  offense,  qui 
procurait  à  M.  de  Pêne  le  privilège  d'offensé,  avec  offense  grave,  et  qui  néces- 
sitait de  nouvelles  formalités  ^  * 


No  11.  —  Affaire  Crestin-Cazalot. 

Assises  Jura.  Gaz,  Irib.,  SI6  juillet  et  3  septembre  4847. 

Les  lieutenants  Bocher  et  Cazalot  rencontrèrent  M.  Crestin,  avocat  à  Besan- 
çon, dans  un  café  de  la  ville.  Bocher  le  traita  de  Jâche,  de  canaille,  etc.,  et 
le  provoqua  en  duel,  à  propos  d'une  dame  qu'il  prétendait  avoir  été  diffamée 
par  lui  Crestin. 

Ce  dernier  protesta  contre  ces  imputations,  et  soutint  qu'il  était  innocent 
des  propos  qu'on  lui  prêtait. 

Le  lendemain,  il  adressa  une  lettre  à  un  autre  lieutenant,  offrant  de 
démentir  les  paroles  qui  lui  avaient  été  reprochées,  et  ce,  en  présence  des  per- 
sonnes qui  les  avaient  rapportées.  Ce  dernier  en  donna  connaissance  aux 
officiers  qui  se  trouvaient  au  café.  Cazalot  prit  la  lettre,  et,  apercevant  Crestin 
qui  se  promenait  sur  la  place,  il  la  lui  remit,  en  accompagnant  cette  démarche 
des  épilhètes  les  plus  injurieuses,  et  finalement  d'un  coup  de  pied. 

A  la  suite  de  cette  scène  scandaleuse,  une  rencontre  fut  décidée,  et 
Crestin,  comme  offensé,  choisit  le  pistolet. 

Cependant,  Bocher,  qui  avait  provoqué  Crestin  la  vieille,  prétendait  que 
l'affaire  lui  était  personnelle,  parce  que  l'injure  faite  à  ce  dernier  était  antérieure 
à  la  voie  de  fait  du  lieutenant  Cazalot. 

Mais  cette  difficulté  ayant  été  soumise  à  la  discussion  des  officiers  du  régi- 
ment, ils  décidèrent  que  les  voies  de  fait  exercées  par  Cazalot  envers  Crestin 
exigeaient  une  première  réparation. 

Dans  la  rencontre  qui  s'ensuivit,  Cazalot  reçut  une  balle  qui  le  tua. 

La  décision  des  officiers  était  juste  quant  à  la  fin  de  non-recevoir  opposée 
aux  prétentions  de  Bocher,  mais  non  quant  aux  motifs  invoqués  par  lui. 

C'était  uniquement  le  bon  plaisir  de  Crestin,  qui  devait  désigner  la  per- 
sonne appelée  à  rendre  immédiatement  raison,  quelle  que  fût  la  solution  don- 
née à  la  question  de  savoir  s'il  devait  se  contenter  d'un  duel  avec  un  seul 
de  ses  agresseurs,  ou  s'il  pouvait  appeler  successivement  les  deux  lieutenants. 
La  gravité  comparative  des  deux  offenses  ne  pouvait  entraver  son  choix. 

i.  Voyez  circulaire  ministérielle  du  21  juillet  1858,  relative  à  la  provocation  col- 
lective. Sauflsine,  Dictionnaire  de  législation  et  administration  militaire,  V»  Duel. 


130  SIXIEME  PARTIE. 

En  effet,  si  on  adoptait  la  preoiiêre  opioion,  c'est-à-dire  l'obligalion  de  l'eu 
tenir  i  une  seule  rencontre,  ce  ne  pouvait  âlro  qu'en  vertu  de  l'article  i  da  cha- 
pitre is,  qui  confère  à  l'otleDso  le  droit  de  choisir  qui  boa  lai  senihle.  S  oa 
aloptatt,  au  contraire,  la  seconde  opinion,  aucune  disposition  spéciale  ne  TOaait 
entraver  le  libre  arbitre  de  l'offensé.  Crestin,  dans  les  doux  hypothèses,  pouviïl 
doni  choisir  Cazalot  s'il  le  jugeait  opportun. 

Ceci  posé,  exa[QinoDs  ce  qui  touche  au  choix  a  Taire  entre  les  denxopi 
nions  relBlivement  à  la  légalité  d'une  deuxième  reoconire. 

Nous  croyons  que,  même  ap  èd  son  duel  avec  (^azalot,  Crestia  coiuenml 
inlacl  le  droit  d'appeler  Bocher  pour  l«s  offenses  de  la  veille,  cor  il  y  avait  en 
réalité  deux  offenses  d'espèces  et  de  degrés  différents,  et  non  plus,  comme  dam 
l'espèce  prévue  pjr  l'article  t  du  cliapiUe  ii,  a  même  offense  ■■  Cet  arlids 
n'était  pas  plus  applicable  que  l'axiome  inscrit  en  téie  du  chapitre  précité. 


H"  12.  —  Afihire  Traverso-PeUetier. 

8    janvier    188J.   Annuaire   d\i    duel,   par  Ferrens. 

M.  Pelletier  écrivit  unelettrequelut  M' (jâlioeau,  défenseur  de  M.  (tocheforl. 
dans  le  procès  Rouslan.  Cette  lettre  contenait  des  paroles  offensantes  poar 
M""  E.  M...,  sœur  de  M.  Traverse.  Ce  dernier  envoya  ses  témoins  â  U.  Pel- 
letier, qui  le  récusa,  en  soutenant  que  c'était  au  mari  de  H*"  E.  M...  et  ooa  i 
son  frère  de  relever  l'offense. 


ABaire   Bonaparte  'Wyse-de  Solau-Edmond  Lepelletier. 

Janvie.r  189î,  avec  renvoi  au  n"  2t, 

A  la  suite  d'un  procès  retentissant,  aiiquel  M°"  de  Rule  avait  été  mêlée, 
sa  conduite  fui  jugée  sévèrement  par  toute  la  presse. 

M.  Edmond  Lepellotier  se  fit  remarquer  parmi  ses  plus  ardents  détracteart. 

Le  frère  da  tH-"  dcKute,  M.  Bonaparte-Wyse,  malgré  ses  soixante-septtns. 
se  constitua  chevalier  de  sa  sœur,  et  envoya  ses  témoins  à  M.  Lepelletier,  qui 
le  récusa,  et  accepta  M.  de  Solms,  fils  d'un  premier  mariage  de  la  din>e< 
L'arme  choisie  fut  l'épée.  M.  Lepelle'.ier  reçut  une  légère  blessure. 

En  agissant  ainsi,  MM.  Pelletier  dans  la  premiôre  affaire,  et  Lepelletisr 
dans  la  seconde,  se  conformèrent  théoriquement  aux  règles  du  duel.  Il  ert 
clair,  en  effet,  que  le  mari  dont  la  femme  porte  le  nom  et  partage  la  concbe 
passe  avant  qui  que  ce  soit  ;  puis  vient  le  lîls.  Le  ^re  ne  saurait  prétendre  U 
même  rang. 

Nous  disons  a  se  conformèrent  théoriquement  i,  car  nous  ne  prétendons 
nullement  juger  la  question  de  fait,  qui  n'est  pas  de  notre  compétence  et  donl 
nous  ignorona  complètement  les  dessous. 


APPENDICE.  45f 


N^  13. 

Tiré  du  c  Maître  de  forges  »,  par  Georges  Obnet. 

L'ioterpellation  adressée  par  le  duc  au  mattre  de  Torges»  après  l'offense  à 
laquelle  se  livre  la  femme  de  ce  dernier  vis-à-vis  la  duchesse,  résume  parfai- 
ieaient  la  question  : 

c  Approuvez-vous,  monsieur,,  ce  que  M'""  Darblay  vient  de  dire  à  la 
duchesse  ?  Ètes-vous  disposé  à  vous  en  excuser,  ou  ôtes-vous  prêt  à  en  prendre 
la  responsabilité  ?  » 

Le  duc  ne  demande  pas  :  a  Êtes-  vous  disposé  à  faire  des  excuses  pour 
M'^*  Darblay  ?  »  mais  bien  :  «  Êtes-vous  prêt  à  vous  eu  excuser  ?  »  comme  si 
M*"*  Darblay  n'existait  pas^  et  comme  si  Toffense  avait  été  commise  par  son  mari. 


N""  14.  —  Responsabilité  des  journalistes. 
AfEedre  Maret-Andrieux. 

29  octobre  <888. 

Le  Radical,  dont  M.  Henry  Maret  était  le  rédacteur  en  chef,  publia,  dans 
SOD  numéro  du  28,  le  compte  rendu  d'une  réunion,  signé  R.  F.,  au  sujet 
duquel  M.  Andrieux,  visé,  fit  demander  à  M.  Henry  Maret  des  explications  par 
deux  amis. 

M.  Henry  Maret  fit  répondre  par  ses  témoins  qu'il  n'avait  personnellement 
aucune  explication  à  fournir  à  M.  Andrieux,  l'arlicle  étant  signé  des  initiales 
d'un  des  collaborateurs  du  journal. 

Les  témoins  de  M.  Andrieux  ayant  maintenu  pour  leur  client  le  droit  de 
demander  des  explications  à  M.  Maret  comme  rédacteur  en  chef,  un  arbitrage 
fut  décidé. 

La  question  suivante  fut  posée  à  MM,  A.  de  La  Forge  et  Clemenceau,  arbitres  : 

c  M.  Maret  peut-il  refuser  à  M.  Andrieux  les  explications  que  ce  dernier 
lui  demande?  » 

Us  répondirent  :  «  MM...  reconnaissent  qu^en  principe  chacun  doit  être 
responsable  de  ce  qu'il  écrit,  mais  conseillent  toutefois,  dans  le  cas  présent,  à 
M.  Henry  Maret,  de  régler  avec  M.  Andrieux  la  question  qui  lui  est  posée  par 
celui-ci.  » 

M.  Maret  consentit  immédiatementà  une  rencontre.  Il  fut  blessé  légèrement. 

Cette  affaire,  que  nous  ne  connaissons  que  par  les  procès-verbaux  cités 
plus  haut,  peut  être  interprétée  de  deux  manières  : 

4**  hypothèse.  —  M.  Maret  paraît  avoir  soutenu  que  si  un  article  offensant 
est  signé  des  initiales  d'un  rédacteur  du  journal  où  cet  article  a  paru,  le  rédac- 
teur en  chef  est  dispensé  de  toute  responsabilité. 


Ul  SIXIEME  PARTIE. 

Il  semble  avoir  dil  :  »  Je  tous  déclare  que  les  initiales  apposées  an  bas 
de  l'arlicle  sont  celles  d'un  rédacteur  do  mon  journal.  C'est  tout  ce  que  je 
vous  dirai.  Cbercliez  qui  ce  peut-eire,  et  débrouillei-vous  avec  lui.  »  Si  notre 
supposition  est  exacte  (ce  dont  nous  ne  sommes  pascertain],  cette  ibéorie  ëtail 
insoulenable.  M.  Maret  n'avait  pas  i  laisser  cbercber  l'auteur  masqué  par  ces 
initiales.  Il  devait  te  désigner  nominativement  et  immédiatement,  faute  de 
quoi  il  prenait  son  lieu  et  place. 

S°  hypothèse.  —  On  peut  supposer  également  que  le  différend  parlait 
snr  la  capacité  du  rédacteur  qui  réctamail  la  paternité  de  l'article  signé  B.  F. 

La  lliÉorie  des  responsabilités  personnelles,  très  admissible  et  très  adml» 
en  principe,  est  cependant  sujette  à  des  exceptions.  Aussi,  voyoDs-uoua  Its 
arbitres,  après  l'avoir  reconnue,  conseiller  en  l'espèce  à  M.  Maret  de  rendre 
raison  h  M.  Andrioux,  bien  que  l'individu  qui  avait  signé  K.  F.  eût  accepté  la 
patemilé  de  l'article. 

MM.  Audrieux  et  Maret  étaient  députés,  personnage  de  même  enTergnre. 
de  là  le  simple  conseil  tendant  bien  évidemment  h  épargner  à  H.  Andrieux  de 
se  mesurer  avec  un  reporter  qui  sans  doute  ne  devait  avoiraucune  importance. 

Disproportioa  de  perso naalttés,  de  la  le  conseil. 


Affaire  Laffîtte-comte  de  Dion. 

1  juin  1880.   Voyez  Annuaire  du  ilwl,  par  Ferrens. 

M.  Jules  LaDltle,  directeur  du  foliaire,  se  battit  avec  le  comte  de  Dion. 
pour  un  article  non  signé  paru  dans  le  Voltaire. 

L'article  était  d'une  femme.  Le  duel  eut  lieu  à  l'épce.  SI.  Lailjtte  fut  bluisé 
au  visage  et  au  coté. 

Peu  après,  il  eut  une  autre  atîaire,  dans  un  cas  pareil,  avec  M.  Albert  Wolf. 
Elle  s'arrangea  devant  un  jury  d'honneur. 

Les  témoins  de  M.  Wolf  étaient  MM.  C.  des  Pcrriùres  et  Bachaumont.  Les 
témoiiis  de  M.  LiHitto  étaient  MM.  Giraudeau  et  Marcellin  Pellet,  député. 


N"  15. 

Comme  exemple  de  duels  entre  parents,  nous  pouvons  citer  ceux  de; 

MM.  de  Broglie  et  de  Trédern,  beaux-frères,  motivé  par  une  lettre  inju- 
rieuse de  M.  de  Trédern  à  U.  de  Broglie,  au  sujet  de  sa  déposition  dans  la 
procès  Trédern,  à  Angers.  La  rencontre  eut  lieu  à  l'épée.  M.  de  Broglie  fui 
blessé  au  coté.  —  14  mars  1886.  Voyez  Annuaire  du  duel. 

MM.  Paul  deCassagnac  et  Lissagaray,  cousins  germaios,  pour  insultes  à 
la  famille  du  premier.  Il  eut -lieu  au  fleuret,  ill.  Lissagaray  fat  blessé.  —  YoyU 
Gaz.  irib.,  31  août,  1'^'  septembre  1868. 

Le  duc  de  Hontpensieret  l'infant  Don  Ilcnry  de  Bourbon,  ï  Madrid,  cousins 
germains.  — (î  mars  1870.  Au.  pistolet  et  à  dix  pas.  L'infant  Don  Henri  fut  tué. 


APPENDICE.  453 


N°  16.  —  Affaire  Grodet-POTtalis. 

42  novembre  4888,  Annuaire  du  duel. 

Le  «8  juillet  4888  parut  un  article  du  JT/A'*'  Siècle,  dont  M.  Grodet, 
gouverneur  de  la  Martinique,  se  trouva  offensé. 

A  la  date  du  26  octobre,  ii  assigna  le  journal  devant  la  Cour  d'assises.  A 
quelque  temps  da  là,  il  demanda  une  réparation  par  les  armes  à  M.  Portails, 
directeur  de  la  feuille  incriminée,  et  pour  le  môme  motif. 

M.  Portails  lui  répondit  que,  du  moment  qu'il  avait  choisi  le  terrain  judi- 
x:ialre  pour  obtenir  réparation  de  son  honneur,  il  devait  s'y  tenir  ;  qu'il  ne  lui 
était  plus  permis  de  choisir  une  autre  juridiction  ;  que  c'était  au  jury  seul 
qu'il  appartenait  de  trancher  le  différend. 

Cette  fin  de  non-recevoir  était  absolument  correcte. 


N«    17.    —  A£GBdr6    du    capitaine    des   H'*"^ 
et  de  l'ex-lieutenant  F***. 

Gaz,  trib.,  25  nov.  1853  et  %  février  4854. 

Le  capitaine  des  H***  fut  abordé  brusquement,  au  Palais-Royal,  par 
Tex-Ueutenant  F***,  accompagné  par  plusieurs  individus,  et  sans  aucune  pro- 
vocation frappé  par  lui.  «  Je  ne  suis  plus  sous  tes  ordres,  canaille  1  s'écria 
F***  ;  tu  seras  bien  forcé  de  te  battre  avec  moi.  » 

Le  capitaine  des  H***  s'y  refusa,  par  la  raison  que  F***  avait  été  flétri  par 
on  arrêt  du  conseil  de  discipline  et  chassé  du  corps* 

Il  traduisit  son  agresseur  devant  les  tribunaux,  qui  le  condamnèrent  à 
-quinze  mois  de  prison. 


N'»  18.  —  AflEedre  de  M***,  de  La  P^. 
Gaz.  trib.,  4-5  décembre  4869,  5  février  ^^70,  avec  renvoi  au  n**  3. 

Au  cours  d'une  soirée  chez  une  femme  du  demi-monde,  M.  de  M***  fut 
salué  par  H.  de  La  P***.  Il  ne  lui  rendit  pas  son  salut. 

Une  discussion  s'ensuivit,  après  laquelle  M.  de  La  P***  lui  envoya  ses 
témoins. 

Befus  de  M.  de  M***,  qui  dit  ne  vouloir  consentir  au  duel  que  si  M.  de 
La  P***  fournissait  un  certificat  signé  de  deux  hommes  honorables  constatant 
qu'on  pouvait  croiser  le  fer  avec  lui.  Il  prétendait  que  M.  de  La  P***  avait 
reçu  un  soufflet  et  n'en  avait  pas  demandé  raison. 


r 


M.  de  La  P'"  prouva  que  l'auleur  de  ta  voie  do  fait  loi  avait  adressé  des 
Bicuees. 

I^  duel  qui  s'ensuivit  devait  èlre  un  duel  à  outranco.  Il  se  lermiiia,  en 
effet,  par  do  graves  et  moluelles  blessures. 

N'  19.  —  Affaire  de  B"*,  Pa»il  F*",  rédacteur 
au  National. 

3i  mi'i  1SS3,  Vni/es  Amimiife  du  iluel. 

Origine  do  la  querelle  :  article  du  National.  —  M.  Paul  F**'  conseolîlï 
donner  réparation,  â  condition  que  son  adversaire  ferait  la  preuve queses  asser- 
tions élaieet  mal  fondées,  devant  un  jury  d'honneur.  M.  de  B*",  ayant  élé 
réintégré  dans  la  Légion  d'honneur,  considéra  la  législation  qui  l'y  avait  fail 
rentrer  comme  suprême,  et  demeura  dans  l'attente  des  témoins  de  M.  ¥"", 
déclarant  quo  celui-ci  avait  usé  d'un  prétexte  pour  ne  pas  ee  battre. 

M.  F""  répondit,  par  lettre  publiée,  que  M.  de  B*"  cherchait  une  reit- 
contre  pour  éviier  de  produire  son  dossier. 

Sans  vouloir  approfondir  le  bien  fondé  do  ces  allégations  contradictoire!, 
qui  n'ont  aucune  importance  théorique  et  que  nous  ne  connaissons  que  par  les 
quelques  lignes  de  l'^rmuoirerfiirfiiei,  congtalonsque  la  correction  se  trouvail 
du  côté  de  la  partie  qui  demandait  la  conslitution  d'un  jury  d'honneur  poar 
trancher  le  différend. 

Affaire  Clémenceau-Maïuan-Picbon-Ernest  Judet. 
Le  Petit  Jourtial  du  3i  août  1893. 

Au  cours  de  la  campagne  menée  contre  H.  Clemenceau  par  le  Petit 
Journal,  MM.  Uaujan  et  Pichon  refusèrent  de  se  battre  avec  Al.  Ernesi  Jadeii 
rédacteur  de  cette  feuille,  sous  prétexte  que  le  rôle  joué  par  lui  dans  l'affaire 
des  faux  papiers  entraînait  sa  disqualiGcation. 

Les  témoins  deH.  Judel  s'adressèrent  â  M.  de  Villeneuve,  président  de  la 
Société  d'encouragement  à  l'escrime,  qui  convoqua  de  suite  le  juryd'honneur 
do  cette  Société. 

Deux  questions  lui  furent  posées  : 

1°  Un  adversaire  et  ses  témoins  peuvent-iU s'arroger  à  eusaeuls  ledroil 
de  disqualifier? 

1°  Quand  l'indignité  n'est  établie  par  rien,  comment  les  témoins  peuvent- 
ils  couvrir  leur  client  contre  une  assertion  injurieuse,  et  établir  le  bien  fondé 
de  leur  demande  en  réparation? 

A.  la  première  question,  il  fut  répondu  : 

Lorsqu'une  affaire  d'honneur  e?t  engagée,  il  n'appartient  pas  k  l'une  des 
parties  ou  à  ses  témoins  de  disqualilier  son  adversaire,  sans  une  preuve  cer- 
taine de  son  indignité. 


APPENDICE.  45^ 

A  la  seconde  : 

Celte  indignité  ne  peut  être  établie  que  par  une  condamnation  judiciaire 
infamante,  ou  par  une  sentence  rendue  par  desarbilres  régulièrementconstilués. 


N*»  20.  —  Affaire  Rochefort  fll8,-L***  V***,   rédacteur 
au  Oaalols,  Arthur  Meyer,  directeur  du  Oaulols. 

t  juin  4880.  Annuaire  du  duel. 

Un  article  injurieux  pour  M.  Rochefort  parut  dans  le  Gaulois,  à  la  suite 
de  l'affaire  Kœchlin-Rochefort . 

Eq  l'absence  de  M.  Rochefort  père,  son  fils  envoya  ses  témoins  à  M.  L**"^ 
V***,  rédacteur  au  Gaulois . 

Ils  ne  purent  le  joindre. 

H.  Arthur  Meyer,  directeur  du  Gaulois,  revendiqua  la  responsabilité  de 
Farticle,  mais  prit  date  pour  une  rencontre  ultérieure  avec  M.  Rochefort  père, 
ne  voulant  pas  se  mesurer  avec  le  fils  à  cause  de  son  jeune  âge  (dix-sept  ans) . 

Affaire  Haut  de  Lassus-H.  de  Delva. 

45  avril  4  882.   Annuaire  du  duel. 

M.  de  Delva  étant  mineur,  les  témoins  de  M.  de  Lassus  voulurent  se 
retirer.  Ils  consentirent  cependant  à  prendre  M.  Tavemier  comme  arbitre. 

Ce  dernier  conclut  à  remettre  l'honneur  de  M.  de  Delva  entre  les  mains  de 
quelque  personne  ayant  qualité. 

M.  de  Delva  refusa  d'accepter  ces  conditions. 


N»  21.  —  Affaire  Sevaistre  et  Félix  Pyat,  députés. 

6  juin  4888. 

A  cette  date  fut  publié  le  procès -verbal  suivant  : 

«  A  la  suite  de  l'incident  qui  s'est  produit  hier  à  la  Chambre  des  députés, 
entre  M.  Félix  Pyat,  député  des  Bouches-du-Rhône,  et  M.  Sevaistre,  député  de 
TEure,  ce  dernier  a  demandé  la  constitution  d'un  jury  d'honneur,  qui  déci- 
derait s'il  pouvait  demander  une  réparation  par  les  armes  à  un  de  ses  collè- 
gues, alors  qu'il  y  a  entre  eux  une  absolue  différence  d'âge. 

c  Le  jury  d'honneu'*,  après  avoir  lu  le  compte  rendu  ofGciel  deTincident, 
est  d'avis  que  M.  Sevaistre  est  d'autant  moins  autorisé  à  transgresser  les 
usages  qur  mettent  un  homme,  dans  le  cas  d'une  absolue  disproportion  d'âge, 
en  dehors- du  duel,  que  la  première  provocation  vient  du  député  de  l'Eure. 

•  •  • 

«  Signé  :  A.  de  La  For^e.  P.  de  Cassagnag.  » 


'**-  «r  .  .     -  • 


SIXlF.ME  PARTIE 


ÂfTaire  Bonaparte- Wyse-Edmond  Lepelletier.       ^H 

Janvier  181)2,  nvee  renvoi  au  «°  (î. 

Nous  avons  vu,  an  n"  11  de  cet  appendice,  qu'a  l'issue  d'un  procès  reten- 
tissunt.  M"*  de  Raie  fui  vi  vemeot  prise  à  parlie  par  la  presse,  et  on  parliculiet 
par  M.  Edmond  Lepelletier;  que  M.  Wy^e,  frère  de  M°"  de  Rule,  prit  tt 
déreosQ  de  sa  sœur,  et,  malgré  ses  soixante-sept  an?,  demanda  léparalioD  m 
journaliste. 

La  posilion  do  M.  Lepelletier  vis-à-vis  un  homme  de  cet  âge  était  eilrf- 
meoient  délicatî,  aussi  essaya-l-il,  ce  qui  était  fort  naturel,  d'eequlver  nne 
rencontre  au^sî  disproportionnée  par  tous  ks  moyena  poïâbles. 

Ses  témoins  soutinrent  que  ai  M.  Wyae  avait  été  offensé  personnellement, 
leur  client  aurait  été  tenu  de  lui  reûdre  raison,  mais  qu'il  n'en  était  plus  ainsi 
du  moment  que  H.  Wyse  n'était  pas  en  jeu,  mais  intervenait  pour  autrui. 

Ils  lui  opposèrent  l'exception  de  vieillesse. 

Fort  lieurousement  pour  M.  Lepelletier,  te  fils  de  W°"  de  Rute  se  pré- 
senta ensuite  et  trancha  la  difficulté. 

M.  Lepelletier  se  liiila  de  l'accepter,  trop  heureui  de  sortir  ainsi  de  \» 
fausse  position  où  le  plaçait  le  cartel  du  sexagénaire. 

Si  nous  examinons  celte  affaire  au  point  de  vue  théorique,  nous  voyons 
que  la  Qo  de  non-recevoir  opposée  par  M.  Lepelletier  ne  pouvait  être  admise, 
car  il  tombe  sous  le  sens  que  l'exception  de  vieillesse  ayant  été  éUtbIie  pour 
sauvegarder  le  vieillard  contre  une  demande  de  réparation  émanant  d'au 
liomme  plus  Jeune,  ne  peut  lïtro  invoquée  contre  lui  lorsqu'il  est  offensé,  oa 
qu'il  se  substitue  légalement  à  une  autre  personne  offensée. 

Les  témoins  de  M.  Lepelletier  pouvaient  discuter  la  valeur  de  l'olTenst, 
les  droils  de  M.  Wyse  à  prendre  en  main  l'honneur  de  sa  sœur,  etc.,  mais 
abstraction  faite  de  toute  question  d'âge.  Si  U'°°  de  Rute  n'avait  pas  eu  de  fils 
en  état  de  se  battre  pour  elle,  et  si  son  frère  avait  été  admis  à  ^e  substituer, 
H.  Lepelletier,  malgré  sa  répugnance  que  tout  le  mondre  comprendra,  n'aurai! 
pu  se  soustraire  h  un  duel  avec  M.  Wyse, 


N°  22.  —  Affaire  des  I**-  J^,  M***. 
Gaz.  Mb.,  5  décembre  1S80,  avec  renvoi  au  n°  6. 

A  la  suite  d'une  condamnation  prononcée  par  la  tribunal  d'Avignon 
contre  M.  des  I"*,  M.  J"*  M*",  rédacteur  en  chef  de  la  Gazelle  du  Midi, 
3crivit  un  article  dans  lequel  M.  des  I"*  vit  une  insulte. 

Les  témoins  ayant  déclaré  qu'en  sa  qualité  d'offensé,  leur  client  choi^ssait 
l'épée,  les  (êmoios  de  M.  J***  M***  présentèrent  une  attestation  constatant 
qu'une  luxation  ancienne  du  poignet  mettait  H.  J***  H***  en  état  d'iardriorité 
certaine  et  directe. 


APPENDICE.  457 

Ils  ajoutèrent  que  H.  J***  M***  était  prêt  à  accepter  toute  autre  arme  de 
combat. 

Les  témoins  de  M.  des  I***  déclarèrent  que  leur  client  se  voyant  refuser 
le  choix  des  armes,  qui  lui  appartenait  comme  offensé,  considérait  l'allégation 
de  M.  J***  M***  comme  un  refus  dé  lui  rendre  raison.  Les  témoins  du  jour- 
naliste protestèrent  et  déclarèrent  leur  mission  terminée. 

Si  nous  nous  en  référons  aux  règles  posées  par  Ghateauvillard,  il  est 
constant  que  les  témoins  de  M.  J***  M***  ne  pouvaient  obliger  les  témoins 
adverses  à  s'en  rapporter  au  certificat  qu'ils  leur  présentaient,  |du  moment 
que  l'infirmité  n'était  point  apparente,  et  pour  ainsi  dire  patente. 

Ceux  de  M.  des  I***  agirent  correctement,  en  considérant  comme  un  refus 
de  duel  l'opposition  d'une  exception  qui  avait  pour  effet  de  priver  leur  client  de 
ta  prérogative  la  plus  importante,  à  laquelle  lui  donnait  droit  sa  qualité  d'offensé. 

Le  devoir  des  témoins  de  M.  J***  M.***  était  de  demander  la  constitution 
d'un  jury  d'honneur,  qui  aurait  désigné  un  ou  plusieurs  médecins  pour  exami- 
ner le  membre  blessé. 

En  agissant  ainsi,  ils  étaient  en  droit  d'espérer  que  les  intérêts  matériels  et 
moraux  de  leur  client  seraient  sauvegardés  et  qu'on  lui  réserverait  solen- 
nellement le  bénéfice  d^une  situation  dont  il  aurait  été  injuste  que  M.  des  1*** 
bénéficiât. 

Cette  sentence  aurait  coupé  court  aux  commentaires  malveillants  et  aurait 
obligé  M.  des  1***  à  choisir  le  pistolet. 

Pour  un  motif  diamétralement  opposé,  les  mandataires  de  ce  dernier 
avaient  tout  intérêt  à  approuver  et  à  provoquer  cette  constitution,  car,  dans 
leur  conviction,  la  sentence  devait  faire  justice  du  certificat  et  confirmer  leur 
client  dans  son  droit  au  choix  de  l'épée.  « 

Sur  la  question  des  infirmités  qui  ne  sont  pas  un  obstacle  à  l'emploi  de 
Parme  choisie,  voyez  chapitre  xu,  in  /fn«,  l'analyse  de  l'affaire  Ledat-Maizeroy. 
Écho  de  Paris tn?dn  43  octobre  4892,  les  consultations  de  MM.  de  Àldama 
et  Aurélien  Scholl,  et  le  Gaulois,  même  date. 


N»  23.  —  Affaire  Dupuis,  peintre-Habert,  critique  d'art. 

■»■ 

Gaz.  trib.,  25-26-27  juin  4888,  avec  renvoi  aux  n<"  26-40-42  de  l'appendice. 

Motifs  de  la  querelle  :  dissentiments  futiles  suivis  d'un  article  de  M.  Habert. 
Rencontre  au  pistolet.  M.  Dupuis  est  tué. 

Nous  ne  pouvons  offrir  d'exemple  plus  frappant  que  la  réponse  d'un  des 
témoins  à  un  reproche  du  président  : 

«  Si  un  malheur  est  arrivé,  ce  n'est  pas  à  moi  qu'il  faut  s'en  prendre.  Je 
n'entends  rien  absolument  aux  affaires  d'honneur,  i 

Aussi  les  personnes  présentes  au  procès  assistèrent-elles  au  spectacle 
curieux  d'un  avocat  général  requérant  une  peine  plus  sévère  contre  les 
témoins,  que  contre  l'auteur  de  l'homicide. 


SIXIÈMIÎ   PAItTIE. 


N<  24.  —  Aftfdre  Desmes-Clovis  Hugues. 
Aisiii-s  Bouches-dii-JlhAne.  Gaz,  Int.,  S1-I3  février  1878. 

Holifs  de  la  rencjniro  !  polémique  de  presse.  Duel  ï  l'épéc.  M.  Deames 
est  lue. 

Dans  celte  affaire,  le  Mvo  de  la  victime  était  témoin. 

Devant  la  Cour  d'assises,  les  quatre  lémoins  furent  en  coatradiclion  sur 
une  phase  du  combat,  et  sur  les  circoostances  qui  précédëreot  et  accom- 
pagnèrent le  coup  mortel. 

Il  s'agissait  de  savoir  si,  oui  uu  non,  M.  Clovis  Hugues  avait  frappé  Desmes 
apiès  que  celui-ci  eut  baissé  son  épée,  s  la  suite  d'une  blessure  que  lui  Deames 
croyail,  prétendait-on,  avoir  faite  à  son  adversaire. 

Le  jury  rendit  un  vordici  négatif  sur  loules  les  questions. 

En  présence  des  déposiliona  absolument  contradiotoirea  faites  par  des  té- 
moins également  bien  placés  pour  suivre  les  phases  du  comtal,  mais  dont  l'un 
se  trouvait  tire  frère  du  défunt,  la  réponse  du  jury  était  indiquée. 

L'accusation  de  ce  frère  fut  considérée  à  juste  titre  comme  dictée  par  lj 
vengeance.  Une  suspicion  bien  naturelle  plana  sur  sa  déposition. 


N°  25.  —  Affaire   Hyène-de  Pène-Courtiels. 

Avec  renvoi  an  ii"  )0  t/e  l'appendice.  Mime  affaire. 

Le  droit  de  H.  de  Pêne,  et  le  devoir  de  ses  témoins,  élait  d«  réenser  les 
deux  sous-lieutenants  qui  se  présenlèrent  pour  aseist«r  H.  Coarliels,  comme 

intéressés  dans  l'afFaire,  en  leur  qualité  de  membres  d'une  collectivité  offensée 
dont  leur  client  prétendait  venger  l'injure. 

Si  la  récusation  avait  été  exercée,  il  est  certain  que  leurs  remplaçants 
étant  pris  en  dehors  du  corps  des  sous-lieutenants,  prétendu  insulté,  et 
n'ayant  plus  les  mêmes  motifs  d'irritation,  n'auraient  jamais  adressé  une 
seconde  provocation,  suivie  d'un  duoi  immédiat,  en  violation  d'une  règle  fon- 
damentale du  point  d'honneur. 

N"  26.  —  Affaire  Dupuis-Habert. 
Gaz.  trib.,  45-Î6-S7  juin  1888,  «w^c  renvoi  au  tfi  *3-40-«. 

.  Voilà  comment  s'exprimait  l'acte  d'accusation  sur  la  quosiion  d'inimitié 
entre  témoins  et  combattants  : 

Il  Hab''rt  constitua  pour  témoins  MM.  X***  et  L"*. 

■  X*'*  aurait  dd.  à  tous  égards,  décliner  la  mission  qui  lui  était  oflerte, 
car  il  était  en  mésintelligence  avec  Dupuis.  l'adversaire  de  son  mandant,  et  ne 


APPENDICE.  459 

se  trouvait  pas  dans  les  conditions  désirables  de  neutralité  et  d'impartialité 
pour  opérer  une  conciliation  que  les  circonstances  rendaient  nécessaires. 

a  Et  c'est  lui  qui,  en  définitive,  n'a  pas  craîut  d'accepter  la  direction  du 
combat!  » 


N<'27.  — AfEsdre  Boiron,  étudiant-Lullier,  officier  de  marine. 

Gaz.  trib.,  24  novembre  4868. 

A  la  suite  d'une  altercation  dans  une  brasserie,  rendez- vous  fut  pris  pour 
le  lendemain,  à  Bagatelle.  L'épée  fut  l'arme  choisie.  Grande  fut  la  surprix  de 
Boiron  en  voyant  arriver  seul  Lu  Hier,  dont  les  témoins  avaient  manqué  le 
train.  Lullier  ayant  fait  observer  à  son  adversaire  que  du  moment  où  il  avait 
des  témoins,  l'affaire  pouvait  avoir  lieu,  le  duel  commença  et  Boiron  fut  blessé 
après  le  plus  fantaisiste  des  combats. 

Quel  témoin  doué  de  bon  sens  aurait  accepté  un6  pareille  mission,  surtout 
en  présence  d'un  cerveau  brûlé  comme  Lullier  ?  La  blessure  de  Boiron  fûtpeut- 
ètre  un  bonheur  pour  ses  mandataires  et  pour  lui-môme. 

Si  Lullier  eût  succombé,  s'il  y  avait  eu  poursuites,  quel  témoignage  eusseni- 
ils  invoqué  pour  affirmer  la  loyauté  de  la  rencontre,  puisque  tous  les  téihoins 
auraient  été  les  amis  de  l'auteur  de  l'homicide? 


N<>  28.  —  Affaire  Naquet,  ex-rédacteur  en  chef  du  Petit 
Daupbinols-Monvielle,  rédacteur  en  chef  du  Réveil  du 
Daupblné. 

Grenoble.  Police  correctionnelle,  ii  août  1887,  avec  renvoi 
aux  n*  5/,  60,  65,  72,  96  de  ^appendice. 

Le  n^  96  contient  le  procès-verbal  après  la  rencontre. 
Motif  du  duel  :  polémique  de  presse.  Duel  à  l'épée. 
M.  Monvieiie  eut  son  épée  arrêtée  par  M.  Naquet  qui  le  blessa  à  l'aine, 
Au  cours  du  procès,  Naquet  ne  cessa  de  désavouer  ses  témoins  et  de  leur 
reprocher  le  peu  de  soin  qu'ils  avaient  pris  de  ses  intérêts. 

N°  29. 

C'était  en  4846.  Deux  candidats  de  même  nuance  poliiique  se  présentaient 
à  une  élection  pour  le  Corps  législatif  dans  la  petite  ville  de  N....  A  la  suite 
d'une  réunion  privée,  il  fut  convenu  que  l'un  des  deux,  M.  0...,  se  retirerait  et 
céderait  la  place  à  M.  J...,  qui  avait,  disait-on,  le  plus  de  chances. 

Quelles  étaient  les  conditions  de  cette  retraite?  Y  eut-il  malentendu? 
L'histoire  ne  le  dit  pas.  Toujours  est-il  qu'au  moment  de  s'eiécuter,  M.  0.«« 


-.rf.Ap'X'jt. .%' 


UO  SIXIÈME  PARTIE. 

refasa.  L'élection  eol  lieu,  et  les  deux  candidats  restèrent  sor  le  carreau.  Un 
troisièmn  prit  li  place. 

Grande  colère  de  H.  J...,  polémiques  et  cancans.  Des  amis  communs  inter- 
vinrent, et  l'atTaire  en  serait  restée  là,  si  le  Ris  de  M.  0...,  qui  faisait  son  droîE 
à  Paris,  n'avait  adressé,  par  le  canal  de  deux  étourdis  de  son  espèce  et  au  nom 
de  son  père,  une  provocalion  écrite,  si  injurieuse  pour  M.  J...,  que  les  négocia- 
tions devin  renl  infructueuses  ot  toute  conciliation  impossible. 

Bien  que  H.  0...  fût  parfaitement  valide,  ses  témoins  obtinrent  la  substi- 
tution do  son  Gis.  Le  duel  eut  lieu  h  l'étranger.  M.  J...  fut  grièvement  blessé. 

Quelle  responsabilité  pour  les  témoins  du  61s  qui  se  chargèrent  du  cartel 
injurieux,  si  des  poursuites  avaient  été  exercées  i  raison  do  la  blessure  de 
M.  J...1 


N"  30.  —  Aflaire  de  Sirèmes-de  Loucelles, 

Tribunal  correct,  de  Saiitl-Lo.  Gazvtte  lrib.,t^  janvier  1834. 

H.  de  Louc«lles  ayant  cbassé  sur  les  propriétés  de  H.  de  Sirémes,  en 
l'absence  et  sans  la  permission  de  ce  dernier,  fut  provoqué  par  lui. 

Il  répondit  |>ar  la  poste  qu'il  acceptait,  et  indiqua  le  lieu,  le  jour  etl'heure 
du  rendez-vous. 

Pendant  deui  heures,  il  attendit  vainement  avec  ses  témoins. 

M.  de  Loucelles  n'avait  garde  de  paraître.  11  était  en  train  de  diner  paisi- 
blement, cheiun  voisin,  complètement  ignorant  de  la  réponse  de  M.  de  Sirémes, 
et  de  la  garde  forcée  que  le  dernier  montait  infructueusement. 

Fureur  de  M.  de  Sirémes,  qui  lui  écrit  qu'il  ne  se  dérangera  plus  et  ne 
répondra  plus  à  ses  lettres. 

Le  soir  même,  tout  le  monde  disait  que  M.  de  Loucelles  avait  manqué  à 
un  rendez-vous  d'honneur. 

Deux  jours  aprèi,  il  recevait  la  fameuse  lettre,  oubliée  dans  le  tiroir  de  la 
receveuse  de  la  poste. 

Il  était  donc  fort  innocent. 

Pour  bien  montrer  qu'il  ne  fuyait  pas  M.  de  Sirémes,  il  prit  le  parti  excen- 
trique de  faire  publier  il  son  de  caisse  l'annonce  suivante  : 

■  Vingt  francs  de  récompense  à  qui  pourra  lui  présenter  M.  de  Siréœes, 
qu'il  cherche  vainement  pour  une  affaire  d'honneur.  ■ 

H.  de  Sirémes  répondit  à  l'appel  du  tambour  par  celui  de  la  police  correc- 
tionnelle. L'histoire  finit  par  une  amende  que  paya  M.  de  Loucelles. 


N*  31.  —  Aiïàire  Victor  Noir-Pierre  Bonaparte. 

Haute  Cour  de  ytslice,  21  man  (870. 

Extrait  de  l'acte  d'accusation  :  «  Le  10  janvier  1870,  MM.  Yvan  CalmoD, 
•dit  Victor  Noir,  et  Ulrich  de  Fonvielle,  directeur  de  ia  Marseillaise,  se  ren- 


APPENDICE.  461 

daient  à  Auteuil,  au  domicile  du  ptince  Pierre  Bonaparte.  Ils  étaient  chargés  de 
lui  remettre,  au  nom  de  M.  Paschal  Grousset,  un  cartel  motivé  par  une  lettre 
publiée  le  30  décembre  dans  le  journal  l'Avenir  de  la  Corse. 

«  MM.  Noir  et  de  Fonvielle  furent  introduits  vers  le  prince.  Quelques  in- 
stants aprèâv  Victor  Noir  sortait  en  chancelant  et  venait  s'affaisser  mourant  sur 
le  trottoir.  Presque  aussitôt,  M.  Ulrich  de  Fonvielle  se  précipitait  hors  de  la 
maison,  tête  nue,  et  brandissant  un  revolver.  Le  paletot  de  M.  de  Fonvielle  por- 
tait les  traces  d'un  coup  de  feu. 

«  Que  s'était-il  passé  ? 

«  M.  Ulrich  de  Fonvielle  prétendait  que  le  prince  avait  tiré  sur  lui  sans  pro- 
vocation. Le  prince  soutenait  n'avoir  fait  feu  qu'après  avoir  reçu  un  soufflet  de 
Victor  Noir  et  avoir  vu  M*  U.  de  Fonvielle  essayer  d'armer  un  pistolet  qu'il 
avait  dans  sa  poche,  etc.,  etc.  » 


N»  32.  —  Affaire  Dichard,  directeur  du  Petit  Caporal; 
de  Massas,  directeur  du  Combat. 

Gaz.  irib.^  26  et  27  septembre  4882,  avec  renvoi 
aux  n*^  55, 67  de  V appendice. 

Extrait  de  la  sentence  du  jury  d'honneur  :  «  Au  surplus,  les  soussignés 
se  croient  obligés  d'interdire  aux  rédacteurs  en  chef  du  Petit  Caporal  et  du 
Combat  d'accueillir,  dans  les  journaux  qu'ils  dirigent,  toute  nouvelle  polé- 
mique d'un  caractère  outrageant  pour  l'un  et  l'autre  de  ces  journaux,  ou  pour 
leurs  rédacteurs  en  chef. 

«  Si  le  soin  de  leur  dignité  ne  faisait  pas  à  MM.  Dichard  et  de  Massas  une 
loi  de  respecter,  en  se  respectant  eux-mêmes,  la  cause  qu'ils  ont  l'honneur  de 
servir,  etc.,  etc.  (Signé  :  Paul  de  Gassagnac,  Guneo  d'Ornano.)  » 

L'origine  de  la  querelle  fut  une  polémique  de  presse.  Une  rencontre  à 
l'épée  eut  lieu  dans  la  forêt  de  Saint-Germain.  L'arrivée  de  la  gendarmerie 
empêcha  le  combat.  La  polémique  ayant  continué,  un  jury  d'honneur,  composé 
de  MM.  de  Gassagnac  et  Guneo  d*Ornano,  déclara  qu'une  rencontre  nouvelle 
était  nécessaire,  et  rendit  la  sentence  que  nous  venons  de  rapporter.  Le  combat 
eut  lieu  à  Nogent.  M.  de  Massas  fut  tué. 


Iifo  33.  —  Affaire  Roziez-de  M*^,  lieutenants  d'infanterie. 

Gaz.  trib.  du  W  au  46  mars,  30  mars  au  M  avril,  txau  %  mat,  22-30  mai, 

8  juin  1858.  Conseil  de  guerre  de  Lyon. 

Motifs  de  la  querelle  :  antipathie  de  vieille  date;  jalousie  de  de  M***  contre 
son  camarade. 

Extrait  de  l'acte  d'accusation  :  a  De  M***  ne  quitte  plus  le  lieutenant 
Roziez.       .  . 


i«|  SIXIËME  PARTIE. 

■  Il  le  reUrde  dans  sa  marche.  Une  discussion  vive  et  animée  s'éli've  ei 
ces  paroles  sont  enlendues  ■  Venez,  parlons  e. 

n  Ils  gravissent  ensemble  It-s  marches  du  logement  dp  de  M"*. 

0  Que  se  passa-t-ilî 

«  La  viclime  seule  pourrait  le  dire,  mais  die  meurt  trop  loi,  en  laissaol 
(*c!iapper  ces  mots  :  "  Le  lâche  I  l'assassin  !  » 

u  De  M'"  Trappe  cbez  un  officier  voisin,  el  kl  dit  :  (  Venez,  Hosiez  est 
mnrl.  Il  t'st  venu  m'insuller  cliez  moi,  nous  nous  sommes  battus  et  je  t'ai  tué.  ■ 

De  SI*"  fui  condamné  à  mort. 


N^  34.  —  Affaire  Ritter-Appleton. 

Cas.  Irib.  dts  î  e(  3  flt>riM873,  avec  rentoi  auxn"'  5  eOS  de  l'appendice. 

Nous  avons  e:ipliqué  au  n"  ii  comment  l'affaire  s'engagea.  Nous  savons  qu'à 
la  suite  d'une  discussion,  M.  Etilter  jeta  son  gant  à  la  ligure  de  M.  Appleton, 
qui  riposta  par  un  soufQel. 

Le  lendemain,  U.  Applelouee  rendit  chez  un  ami.  11  lui  dit  que  H.  Ritler 
no  lui  avtdt  pas  envoyé  de  lémoios,  et  lui  demanda  s'il  ne  devait  pas  lui  en 
envoyer  lui-même.  L'ami  lui  conseilla  d'attendre,  et  do  considërer  l'affaire 
comme  terminée  si  M.  Ritler  ne  bougeait  pas. 

Pendant  ce  temps,  M.  Riiter  attendait  le  cartel  de  M.  Appleton. 

Plusieurs  semaines  s'écoulèrent,  pendant  lesquelles  les  babiiants  de 
Mayenne  déchirèrent  si  bien  les  deux  adversaires,  les  accusèrent  si  bien  de 
lâcheté,  que  l'affaire,  eùt-ello  été  minime,  devenait  inarrangeablo  après  èlre 
passée  par  tant  de  boudics. 

Ils  se  battirent  au  pistolet. 

M.  Appleton  fut  tué. 


N'  35.  —  Affaire  I.evasseur-Arrig'hi. 

Gaz.  trib.,  ii  janvier,  iO  février,  ii  mari  tSiî,  avec  renvoi 
au  n"  91  de  l'appendice. 

Le  commandant  Arrighi,  se  croyant  desservi  auprès  du  miniitre  de  la 
guerre  par  le  général  Le vasseur,  enconcul  un  vif  ressentiment. 

Il  donna  sa  démission  pour  pouvoir  se  battre  avec  lui  et  vint  le  provoquer 
en  Algérie.  L'autorité,  prévenue,  le  fit  arr<ïter  et  embarquer  de  force.  Le  mal- 
heur voulut  que  dans  le  trajet  le  général  se  reoconlrât  sur  son  passage. 

Il  le  Trappa  d'un  coup  de  cravache.  11  y  eut  échange  de  témoins.  L'arme 
agréée  fut  le  pistolet  ;  mais  une  dissidence  s'éleva  sur  la  distance  qui  devait 
séparer  les  combattants. 

Les  témoins  du  général  rerusèrent  d'assister  au  duel,  ai  elle  était  moindre 
de  vingt  pas.  Le  commandant  refusa  le  combat,  s'il  avait  lieu  à  moins  de  dix  pas. 

Le  général  constitua  de  nouveaux  mandataires,  qui  adhérèrent  aux  condi- 
tions imposées.  Le  sort  le  favorisa.  II  tira  le  premier  et  tua  Arrighi. 


APPENDICE.  46â 

L'interrogatoire  des  témoins  va  nous  montrer  rinconyénient  de  laisser  les 
adversaires  assistera  leurs  conférences. 

Écoulons  M.  Falcon,  témoin  du  général  : 

a  Je  cherchais  à  me  mettre  en  rapport  avec  M;  Gasabianca,  ténK)in  du 
commandant,  mais  je  ne  pus  parvenir  à  le  rencoDlrer  seul,  et  ne  pus  le  voir 
qu'en  présence  d'Arrighi. 

c  J'eus  ensuite  trois  entrevues  avec  M.  Arrighi  et  M.  Casabianca.  Arrighi 
fut  inébranlable,  disant  qu'il  aurait  préféré  se  battre  en  tenant  le  bout  d'uo 
mouchoir  et  en  tirant  à  un  signal  donné;  qu'il  regardait  comme  une  concession 
Id  distance  de  dix  pas.  » 

«  Le  Président,  — Quelle  était  TinQuence  d'Arrighi  sur  M.  Casabianca?  » 

a  M.  Falcon,  —  Casabianca  ne  m'a  pas  semblé  agir  librement,  et  je  pense 
que,  hors  de  l'influence  d'Arrighi,  il  se  serait  prêté  à  admettre  des  conditions 
s'écartant  moins  des  règles  du  duel.  Dans  nos  conversations,  j^ai  constaté  qu'il 
subissait  toutes  les  volontés  du  commandant.  » 


N""  36.  -—  Affaire  Ollivier-Feuilherade. 

Gaz,  irih,,  tx  août  4  876,  Assises  (Seine),  avec  renvoi  aux  n**"  66,  71,  75,  79 

de  l^ appendice. 

Malgré  les  prétextes  dont  les  témoins  d'Oilivier  voilèrent  le  cartel,  le  seul 
motif  de  la  rencontra  était  sa  jalousie  à  l'endroit  d'une  maîtresse  qu'il  entre- 
tenait, dont  il  était  fou,  et  qui  le  trompait  avec  le  premier  venu. 

M.  Feuilherade  avait,  croyait-il,  obtenu  ses  faveurs,  inde  irœ  et  provo- 
cation. 

Les  témoins  de  M.  Feuilherade,  au  lieu  de  ramener  l'affdire  à  ses  justes 
proportions  et  de  soutenir  énergiquement  la  cause  de  leur  client,  se  laissèrent 
circonvenir  par  la  diplomatie  des  mandataires  adverses,  qui  les  éblouirent  de 
raisons  et  d'arguments  spécieux,  et  leur  escamotèrent  toutes  les  prérogatives 
auxquelles  leur  client  avait  droit. 

On  en  jugera  par  ces  quelques  lignes,  extraites  de  l'interrogatoire  des 
témoins. 

Réponse  de  H.  G***,  témoin  de  M.  Feuilherade  :  o  Je  reconnais  que  nous 
avons  accepté  l'insertion  dans  le  procès-verbal  de  mots  très  exagérés,  o 

Interrogatoire  de  M.  C***,  témoin  d'Oilivier  : 

«  Le  Président,  —  Pourquoi  avez-vous  inséré  dans  le  procès-verbal  les  mots 
a  gravement  offensé  »,  alors  que  vous  8aviez  que  pour  une  cause  de  ce  genre 
l'honneur  n'était  pas  atteint? 

«  C***.  —  C'est  vrai,  le  mot  «  gravement  offensé  »  est  trop  fort,  mais  c'était 
aux  témoins  de  M.  Feuilherade  à  se  défendre.  Enfin,  il  faut  bien  que  chacun  ait 
un  rôle.  Nous  avions  reçu  mandat  d'Oilivier  pour  lut  obtenir  ce  privilège,  etc.  > 

Le  duel  eut  lieu  à  Tépée.  OUivier  fut  tué.  En  procédant  à  l'autopsie,  on 
constata  qu'il  portait  une  ceinture  blindée,  susceptible  de  lui  protéger  tout 
l'abdomen. 


SI.\ir:ME  PARTIE. 


N"  37.  —  Affaire  Betz-Pierotti,  journalistes. 

Asiises  Bouches-dn-Rhône,  16  ûl  17  décembre  18S9,  avec   renvoi  aux 
n"  63,  80  de  l'appendice. 

Motif  do  la  rencootre  :  refus  d'insérer  nn  renilletOQ  ;  polémique  de  presse. 

M.  PieroUifut  taé. 

Le  dui'l  de  Marseille,  écrivait  Albert  Woff dans  le  Figaro  du  16décembre, 
n'esl  pas  ce  qu'on  peut  appeler  une  affaire  d'iionneur.  Il  a  pour  point  de  départ 
celte  cbofe  inavouable,  d'un  écrivain  répondant  par  de  sanglantes  personua- 
lilés  su  refus  d'insertion  d'un  roman. 

M.  Dtlz  n'en  avait  point  él6  atteint  dans  son  honneur,  mais  dans  sa  vanité 
d'auteur.  L'origine  de  la  rencontre  de  Marseillea  donc  été  purement  misérable. 
et  mâme,  en  tenant  compte  du  sangcbaud  du  Hidi  et  de  l'exaltation  politique, 
on  DO  saurait  l'excuser.  II  y  a  dans  ce  cfs  ta  froide  combinaison  d'un  homme 
(jui  veut  se  rendre  populaire,  en  tuant  un  malbeureux  père  de  fiiniiile.  Les 
détails  sont  vérilatilemeot  répugnants. 

Avant  de  se  battre,  M.  lielz  passe  chez  un  papetier  et  lui  recommande  de 
se  procurer  »3  photographie,  peur  satisfaire  la  curiosité  publique  qui  ne  tar- 
dera pas  à  être  éveillée  en  sa  faveur. 

Après  le  duel,  il  se  rend  à  son  cercle,  saliafail  de  sa  journée,  ptôt  à  récoller 
la  popularité  qui  doit  s'attacher  h  son  nom. 

11  écrit  à  un  ami  que  la  mort  de  l'ierotii  l'a  mis  en  évidence,  et  que  main- 
tenant il  est  ^(iT  d'aller  comme  député  confectionner  les  lois. 

Dans  celle  cervelle  affolée  de  parvenir  par  dee  voies  rapides,  il  n'y  a  place 
que  pour  une  incommensurable  vanité. 

Betz  fut  condamné  a  deux  ans  de  prison. 


N"  38.  —  Affaire  de  Marseul-Daudier. 

Gaz.  trib.,  14  janvier  1881.  Assises  Mayenne. 

M.  de  Marseul  rencontra  dans  une  rue  do  Laval  M.  Daudier,  avec 
lequel  il  était  en  mduvais  termes.  II  le  regarda  fltement,  d'un  air  provocant, 
en  se  retournant  sur  lui  à  plusieurs  reprises.  Puis,  il  fit  un  geste  de  mépris 
à  son  adresse.  Chacun  continua  son  chemin. 

A  quelque  temps  de  là,  M.  Daudier  rencontra  M.  de  Marseul  et  lui  demanda 
si  le  geste  était  à  son  intention.  M.  de  Marseul  lui  répondit  que  cela  ne  le 
regardait  pas. 

M.  Daudier  lui  donna  un  soulûet, 

La  première  opéiation  deslémoins,  une  fois  abouchés,  fut  d'examiner  s'il 
était  bien  exact  que  M.  de  Marseul  eût  rencontré  M,  Daudier,  l'eût  regardé 
flïement  et  d'une  manière  agressive,  eût  accompagné  ce  regard  d'un  geste 


APPENDICE.  465 

méprisant,  la  Qatare  de  ce  geste,  etc.  Ils  durent  constater  les  termes  exacis  de 
r interpellation  de  M.  Daudier,  ceux  de  la  réponse  de  M.  de  Marseul,  Tattitude 
des  adversaires  et  la  nature  de  la  voie  de  fait. 

Ce  fut  seulement  après  qu'ils  furent  tombés  d'accord  sur  la  malérialilé  des 
faits,  qu'ils  les  eurent  insérés  comme  reconnus  vrais  an  procès-verbal  de  ren- 
contre, qu'ils  purent  discuter  logiquement  la  valeur  comparative  des  offenses 
et  déterminer  celui  des  antagonistes  qui  avait  le  droit  d'offensé. 

Le  duel  eut  lieu  au  fleuret.  M.  Daudier  fut  tué. 


N<>  39.  —  Affaire  Reinach-Rochefort. 

26  mars  1882.  Voyez  Annuaire  du  duel. 

Motifs  :  article  de  l'Intransigeant.  M.  Rochefort  répondit  aux  témoins  de 
son  adversaire  par  une  lettre  où  il  refusa  de  se  mettre  à  la  disposition  de 
M.  Reinach,  tant  que  celui-ci  ne  se  serait  pas  mis  à  la  sienne  pour  une  affaire 
antérieure.  Puis  il  constitua  ses  témoins.  Une  fois  les  quatre  témoins  réunis, 
ceux  de  M.  Reinach  consentirent  à  continuer  les  pourparlers  de  la  présente 
affaire,  à  condition  que  la  qualité  d*offensé  serait  livrée  au  sort. 

Les  témoins  de  M.  Rochefort  refusèrent  et  se  retirèrent. 


N*"  40.  —  Affaire  Dupuis-Habert. 

Gaz.  trib.,  25,  26  juin  4888.  Assises  Seine,  avec  renvoi 
aux  n°"  23,  26,  42  de  Vappendice. 

Dans  cette  affaire,  née  de  motifs  absolument  futiles,  on  attendit  de  se 
trouver  sur  le  terrain  pour  proposer  un  moyen  de  conciliation  qui  était  accep- 
table avant  la  rencontre,  qui  l'eût  été  sans  doute  la  veille,  mais  qui  ne  Tétait 
plus  à  cet  instant,  et  qui  fut  en  effet  repoussé. 

L'inopportunité  de  celte  démarche  fut  reprochée  à  juste  titre  aux  témoins 
dans  le  procès  qui  suivit  la  mort  de  Dupuis. 

Voyez  l'interrogatoire  des  témoins. 


N*"  41 .  —  Affaire  Baron-Pesson. 

Voyez  Gaz,  trib.,  30  janvier,  2  février,  t3  juillet,  7,U  et  25  août  4837. 

A  la  suite  d'un  bal  où  M.  Pesson  fut  souffleté  par  M.  Baron,  une  rencontre 
fut  décidée. 

Arrivés  sur  le  terrain,  les  témoins  firent  une  tentative  suprême  de  conci- 
liation. 

30 


im  SIS'J^ME  PARTIE. 

ÉcoutousM.  D***,  un  des  témoins  de  U.  Pcsson  : 

«  Nous  trouvâmes  M.  Baron  avec  deux  de  ses  amis.  L'un  deux,  M.  V*", 
dirait  beaucoup  que  le  duel  n'eut  pas  lieu;  mais  les  eiplicalions  données  par 
lui  éUienl  vagui^B,  et  ne  pouvaient  passer  pour  des  excuses.  Enfin,  il  s'appro- 
cha de  M.  Peeson  et  lui  dit  :  »  Baron  reconuait  ses  torts;  il  est  là,  et  ne  me 
■  dédira  pas  >.  Baron  ne  dit  mot.  n 

Les  adversaires  Turent  mis  en  présence. 

M.  Baroo  Tut  tuâ. 

Comme  le  président  reprochait  à  M.  Pesson  de  n'avoir  pas  accepté  les 
excuses  de  !a  victime,  ce  dernier  lui  adressa  une  réponse  qui  est  la  mise  en 
action  du  principe  que  nous  avons  formulé  : 

>  Je  TOUS  demande,  monsieur  le  président,  si  après  l'insulte  que  j'avais 
reçue,  ia  plus  grave  qu'un  liommu  d'honneur  puisse  essuyer,  je  n'avais  jws  le 
droit  d'être  diCTicile,  el  st  je  ne  pouvais  pas  demander  des  excuses  peraonoelles 
et  spontanées.  M,  V**'  répéta  bien,  devant  moi,  que  M.  Baron  reconnaissait 
aes  torts,  mais  c«  dernier  s'obstina  à  ne  rien  dire.  Ne  pouvait-il  arriver  qu'il 
se  contentât  do  laisser  dire  son  témoin,  quitte  h.  le  désavouer  ensuite  pouraon 
coinplo?  > 


N"  42.  —  AffEÔre  Dupiiis-Habert. 

Giix.  irih.,  ï3  et  IG  juin  <8N8.  Assises  Seine,  avec  reiivi 
aux  11"  !3,  i6.  iO  de  l'appendice. 

Un  des  témoins  de  M.  Ilabert  nous  sembla  avoir  mal  compris  son  rôle, 
lorsque,  à.l  intcrpellatioo  du  président  :  «  lilnria,  vous  lui  avez  conseillé  de  ne 
pas  rctircric  mot  injurieux  »,  il  répondit  qu'il  n'avait  pas  de  conseil  ï  lui  donner. 

Son  devoir  était,  au  contraire,  de  répondre,  en  son  âme  et  conscience,  à  U 
demande  qui  ki  était  faite  par  son  client.  Le  rôle  de  cooGdent  et  de  conseiller 
est  une  des  faces  du  mandat  qu'il  avait  accepté. 


Vers  1S40,  un  jeune  sainl-cyrien,  qui  se  destinaità  la  cavalerie,  vint  faire 
son  s'age  à  Saumur,  avant  de  se  lendro  au  régiment.  Il  appartenait  à  une  fa- 
mille très  pieuse.  Très  pieux  lui-même,  il  était  en  butte  à  d'incessantes  tracas- 
series. 

Un  camarade  avait  entrepris  de  le  déniaiser  par  tous  les  moyens  possibles. 

A  la  un,  voyant  qu'il  ne  parviendrait  pas  à  le  faire  battre  pour  de  mé- 
chants propos  qui  ne  s'adressaient  qu'à  lui,  il  attaqua  l'honneur  de  sa  mère  el 
la  Qétrit  d'une  épithète  de  caserne. 

Le  pauvre  jeune  homme  ne  put  supporter  une  pareille  injure  :'il  se  battit 
et  fut  tué.  (Colombey,  Histoire  anecdoliquc  du  duel,  page  95.) 


APPENDICE.  467 


N°  44.  —  Affaire  H.  Rochefort,  directeur  de  V Intransigeant; 

C.  Drejrfus,  rédacteur  de  là  Nation. 

27  avril  1886.  Voyez  Anntiaire  du  duel, 

V 

Motif  :  article  de  M.  Dreyfus.  —  Les  témoins  de  M.  Dreyfus  refusèrent  à 
M.  Rochefort  la  qualité  d'offensé.  M.  Rochefort  proposa  de  s'en  rapporter  à 
l'arbitrage  de  cinq  députés.  M.  Dreyfus  accepta,  mais  M.  Rochefbrt  ayant  vouhi 
que,  parmi  les  arbitres,  il  y  eut  un  membre  de  la  droite,  M.  Dreyfus  préféra 
lui  reconnaître  la  qualité  d'offensé. 

M.  Rochefort  choisit  le  pistolet  au  visé  à  trente-cinq  pas,  avec  faculté  po^r 
chacun  d'avancer  de  cinq  pas,  le  feu  continuant  jusqu'à  ce  qu'un  des  combattants 
fûtatteiot.  Les  témoins  de  M.  Dreyfus  acceptèrent  le  choix  du  pistolet  et  propo- 
sèrent, ou  le  tir  au  commandement  à  trente  pas  avec  décharge  de  deiiK.i>alles^ 
ou  bien  le  môme  avec  décharge  d'une  seule  balle,  et,  dans  le  cas  où  il  n'y  aurait 
pas  de  résultat,  reprise  à  l'épée. 

Les  pourparlers  furent  interrompus,  repris,  et  enfin  rompus  défijutLvamant. 

Si  la  méthode  que  nous  conseillons  avait  été  suivie;  si  le  dagiré  de  l'offeasa 
reçue  par  M.  Rochefort  avait  été  établi;  si  un  auteur  avait  été.  choisi  pour 
servir  de  code  aux  témoins,  les  négociations  auraient  été  bien  simplifiées  et 
auraient  amené  une  prompte  solution. 

L'offense  essuyée  par  M.  Rochefort  était-elle  une  offense  grave?  Il  avait 
le  droit  au  choix  du  duel,  et  pouvait,  partant,  imposer. valablement  la  duel  à 
marcher,  qui  est  compris  dans  la  catégorie  des  duels  légaux.  Tous  les  auteurs 
paras  jusqu'alors  le  lui  accordaient.  Mais  il  ne  pouvait  prétendra  au  choix  de 
la  distance,  car  cette  prérogative  est  réservée  à  Pôffensé  avec  voie  de  fiedt.Était- 
elle,  au  contraire,  regardée  comme  une  offense  simple,  le  choix  d^'  doel  appar- 
tenait aux  quatre  témoins  et,  en  cai  de  désaccord*,  devait  être  réglé  par  nu  arbi- 
trage on  tiré  au  sort. 


N«  45.  —  Affaire  Maurel-Clémenceau,  député,  directeur  de 

la  Justice. 

Documents  parus  dans  les  journaux  les  il,  12,  43  décembre  1888,  à  la 
suite  d'une  vioe  polémique  motivée  par  la  récente  élection  du  Var,  et 
dans  UigueUe  M.  Maurel  se  jugea  offensé. 

1"  Lettre  de  M.  Ataurel  à  M.  Clemenceau  : 

«  Monsieur, 

«  Vous  avez  traité  de  menteur  et  de  faussaire  celui  qui,  sue  vaM  demande 
expresse,  sous  vos  yeux,  a  minuté  pour  voua,  a  recopié  la  dépêche  .du  j:S0  aor 


i$K  SIXIÈME   PARTIE. 

Torabre  adressée  au  maire  de  la  Soyne,  di'pêche  que  tous  avez  finalement  lan- 
cée ïoua-mPine,  après  qu'elle  eùl  élé  par  deux  fois  Tue  et  approuvée  par  vous 
intégralemoDl. 

0  J'estime,  dès  lors,  que  vous  me  devez  une  réparation;  mais  il  me  con- 
vient aussi,  avant  de  l'exiger,  que  la  vérité  des  faits  soit  établie,  pour  que  le 
public  sache  lequel  de  nous  deux  ment,  lequel  de  nous  deux  est  uo  faus^re 
et  un  calomniateur.  Je  tous  demande  donc  de  soumettre  immédiatement  à  un 
jury  d'honneur,  composé  de  trois  républicaius,  vos  allégations  et  les  miennes, 
car  J'ai  le  souci  légitime  de  corriger  préalalilemenl  vos  défaillances  de  mé- 
moire, etc.  (Â).  ■ 

i'  Réponse  de  M.  Clêmatceau.  —  «  Monsieur,  —  Tout  ce  que  vous 
voudrez.  ■ 

M.  A***,  dopulé,  choisi  pour  arbitre  par  M,  Haurel,  se  rendit  chez  M-  Cle- 
menceau pour  II-  prier  de  désigner  â  son  tour  un  de  ses  amis.  M.  Clémenc«ati 
lui  répondit  qu'il  ne  lui  paraissait  pas  utile  do  faire  choix  d'an  arbitre,  et  qu'il 
s'en  remettait  volontiers  A  la  décision  d'uu  jury  d'honneur  tout  entier  composé 
par  M.  Maurel  (S). 

M.Haurol  ayant  déclaré  ne  pouvoir  accepter  de  jury  composé  dans  ces  condi- 
tions, M.  Clemenceau  pria  doux  de  ses  amis  de  vouloir  bien  faire  partie  du  jury. 

M.  Uaurel  en  Gt  autant. 

'A"  Sentence  du  junj  d'honneur.  —  Hier,  à  midi,  lej  deux  arbitres  de 
U.  Uaurel  et  ceux  de  M.  Clé.nonceau,  après  l'audition  des  témoins  de  la  scène 
de  la  dépêche,  ont  rendu  ta  sentence  suivante  : 

a  Les  soussignés,  choisis  comme  arbitres  pjr  HU.  Hanrel  et  Clemenceau, 

après  avoir  désigné  M.  Victor  S**"  comme  cinquième  arbitre  en  cas  de  désac- 
cord, 0!it  examiné  le  différendqui  s'est  élevé  entre AIM.  Miurel  et  Clemenceau. 

«  Il  est  résulté  de  cet  examen  que  ce  différend  n'est  que  le  résultat  d'une 
série  de  malentendus  qui  ne  portent  atteinte  ni  à  k  parfaite  bonoe  foi  ni  à 
l'honorabilité  de  MU,  Mauret  et  Clemenceau. 

n  Les  soussignés  déclarent  donc  d'un  commun  accord  que  l'aSaire  ne  doit 
comporter  aucune  suite  [C).  » 

A  la  suite  do  cette  sentence,  M.  Maurel  envoya  à  H.  Clemenceau  ses  té- 
moins, pour  lui  demander  réparation  par  les  armr^s  des  exprès  ions  injurieuses 
insércrécs  dans  sa  première  letlro. 

M.  Clemenceau,  par  lintemiédiaire  de  ses  témoins,  déclara  être  prêt  à 
accorder  cette  réparation,  à  condition  que  M.  Maure!  déclarât  ne  pas  recon- 
naître la  décision  du  jury  d'honneur,  disant  que  l'atTaire  ne  devait  comporter 

M.  Maurel  adressa  aux  membres  du  jury  une  lettre  conçue  en  ces  termes  : 

0  MM.  X***  m'ont  fait  l'honneur  de  me  remettre  hier  votre  décision.  Je 
me  suis  incliné. 

a  Je  télégraphie,  sans  délai,  de  suspendre  toute  publication  relaiive  au 
diflérend  qui  s'est  élevé  entre  H.  Clemenceau  et  moi. 


APPENDICE.  469 

«  ...  Je  m'étais  incliné,  plein  de  déférence  pour  les  arbitres  de  la  première 
solution,  mais  comme  je  Tai  dit  sur-le-champ  à  MM.  M***  et  L***,  comme  Je 
l'ai  expressément  réservé  dans  ma  lettre  réclamant  un  jury,  comme  je  Tai  écrit 
à  M.  R***  en  le  priant  de  siéger  avec  vous,  je  revendique  absolument  le  droit 
de  poursuivre  la  réparation  de  Tinjure  que  j'ai  reçue.  i> 

Les  témoins  de  M.  Maurel  maintinrent,  en  conséquence,  le  droit  absolu  de 
leur  mandant  de  réclamer  une  réparation  par  les  armes,  sans  décliner  la  sen- 
tence arbitrale  qui  lui  donnait  toute  satisfaction  sur  la  question  de  fait  (D). 

L'entente  étant  devenue  impossible,  du  moment  que  M.  Clemenceau  ne 
voulait  pas  retirer  les  paroles  qu'il  avait  appliquées  à  M.  Maurel,  un  arbitrage 
fat  décidé;  mais  M.  Clemenceau  écrivit  à  ses  témoins  ^de  renoncer  à  Tarbi- 
trage  et  de  se  mettre  à  la  disposition  de  son  adversaire. 

DISCUSSION   THÉORIQUE    DB    L'BXBMPLB. 

{A}  Dans  l'affaire  qui  nous  occupa,  nous  voyons  M.  Maurel  demander  la 
réunion  d'un  jury  d'honneur  chargé  de  vérifier  un  fait  matériel,  relatif  aux 
circonstances  de  la  rédaction  et  de  l'envoi  d^une  dépêche  au  maire  de  la  Seyne, 
et  ce  avant  toute  constitution  de  témoins. 

(B)  M.  Maurel  agit  correctement  en  refusant  la  proposition,  faite  par  M.  Cle- 
menceau, de  s'en  remettre  à  la  décision  d'un  jury  tout  entier  choisi  par 
M.  Maurel. 

Sans  doute  l'adhésion  de  M.  Clemenceau  à  un  jury  môme  irrégulière- 
ment composé  l'obligeait  à  s'incliner  devant  la  sentence,  quelle  qu'elle  pût 
être.  Mais  il  n'en  était  pas  de  môme  pour  le  public. 

[C]  Si  nous  nous  rapportons  aux  pièces  rapportées  plus  haut,  les  seules 
que  nous  connaissions  d'après  les  journaux,  il  nous  semble  que  les  jurés  excé- 
dèrent leur  mandat  lorsqu'ils  jugèrent  que  l'aflbire  ne  comportait  aucune  suite. 

En  effet,  le  seul  point  soumis  à  leur  décision  était  de  savoir  si  réellement 
la  dépêche  adressée  au  maire  de  La  Seyne  avait  été  rédigée  et  expédiée  dans 
les  conditions  indiquées  par  le  demandeur. 

La  question  de  l'opportunité  ou  de  l'inopportunité  d'une  rencontre  subsé- 
quente ne  pouvait  être  valablement  résolue,  puisque  M.  Maurel,  dans  sa  lettre 
à  M.  Clemenceau  et  ses  communications  aux  jurés,  l'avait  si  formellement 
réservée. 

En  constatant  que  le  différend  était  une  suite  de  malentendus,  ne  portant 
atteinte  ni  à  la  bonne  foi  ni  à  Thonorabilité  des  adversaires,  les  jurés  obli- 
geaient par  le  fait  M.  Clemenceau  à  retirer  les  épithètes  dont  il  avait  qualifié 
la  manière  d'agir  de  M.  Maurel.  Il  ne  le  fit  pas.  M.  Maurel  restait  offensé. 

(/))  Quant  à  la  prétention  émise  par  les  témoins  de  M.  C'émenceau  de 
subordonner  la  réparation  demandée  par  M.  Maurel  à  la  condition  qu'il  décla- 
rerait ne  pas  reconnaître  la  décision  du  jury  d'honneur,  elle  était  contraire  au 
principe  que  la  sentence  des  jurés  volontairement  choisis  par  les  parties  est 
obligatoire  pour  tout  ce  qui  est  compris  dans  la  limite  du  compromis,  et 
engage  irrévocablement  les  signataires. 


..■^ 


«0  SIXIÈME  PARTIE. 

M.  Maurel  no  pouvait  pas  ralionnellement  renoncer  au  bénéfice  de  ta 
constalatiou  du  fait  matériel  soumis  aux  jurés,  mais,  en  nous  iilaçant  Uiéori- 
quement  au  point  de  vue  des  règles  que  nous  avons  formulées  sur  rarbitraee, 
il  nous  semble  avoir  pu  trè^  logiquement  leur  dénier  le  droit  de  l'empé^ber 
de  demander  réparation  pour  les  épiUiètes  écrites  h  l'occasion  de  oe  fait. 


N'  46.  —  Affaire  de  C^llonne-Fio^entino,  publicistes. 

Voyez    Affaire    AcIianl-Fioie/ilino.    Gaz,    irtb.,    i"    ieptembre    (850. 

MM.deCaloQtieet  Pioreulino  échangèrent  dans  les  journaux  une  polémique 
très  vive.  Le  second  adres.sa  au  premier  unn  provocation.  Avant  d'y  répondre, 
comme  l'honorabililé  de  M.  Fiorentino  était  mise  en  doute,  M.  de  Calonne 
voulut  un  référer  ï  un  jury  d'honneur  pris  dans  la  Société  des  gens  de  lellres, 
dont  lui-même  faisait  partie.  Ce  jury  déclara  que  la  provocation  ne  pouvait  être 
acceptée, 

M.  Fiorentino  protesta  contre  ce  jogement  rendu  hors  de  sa  présence, 
sans  qu'il  eût  désigné  ses  arbitres  et  fourni  aucune  explication. 

Au  nombre  des  jurés  se  trouvait  M.  Amodèe  Achard,  M.  Fiorentino  le 
provoqua  dans  un  violent  article,  se  battit  avec  lui,  et  le  blessa  grièvement. 

On  voit  que  la  décision  du  jury  d'honnenr  ainsi  composé  ne  parut  guère 
obligatoire,  puisque,  après  avoir  déclaré  M.  Fiorentino  indigne,  H.  Acliard  ne 
crut  pas  pouvoir  lui  opposer  la  question  préalable  d'indignité,  comme  il  n'au- 
rait pas  manqué  de  le  faire,  si  la  compétence  du  tribunal  d'honneur  aviiit  été 
absolument  indiscutable. 


N"  47.  —  Afiaire  Ro***  et  Re***. 

37  octobre  i88S.  Voyez  Annuaire  dit  duel. 

Violation  de  cette  règle. 

Un  jury  d'honneur  présidé  par  le  général  L*"  ayant  examiné  l'honors- 
bilité  de  MM,  Ro'**  et  Re***  et  l'ayant  reconnue  parfaite  pour  tous  les  deux, 
M.  Ro*",  le  lendemain  da  procès-verbal  de  ce  jury  d'honneur,  écrivit  qu'il 
ne  lavait  pas  le  passé  de  M,  Re***,  olc.  En  protestant  contre  la  décision  du 
jury  d'honneur,  il  est  clair  que  M.  Ro***  commettait  une  faute  et  violait  une 
règle  importante  de  la  législation  qui  nous  occupe  [s'il  avait  adhéré  à  la  com- 
position de  ce  jury,  et  si  les  membres  qui  en  faisaient  partie  aTaieut  jugé 
dans  la  mesure  de  leur  compromis). 


APPENDICE.  474 


N«  48.  —  Affaire  Be***,  Ce***,  rédacteur  à  la  France. 

i**  novembre  1884.  Atinuaire  du  duel. 

Motifs  :  lettres  injurieuses  et  voies  de  fait. 

Les  témoins  de  M.  Be*^^  déclarèrent  ane  rencontre  avec  M.  Ce***  impos- 
sible, à  cause  de  Tioexpérience  de  leur  client  dans  l'arme  que  Toffeosé  avait 
choisie,  et  lui  infligèrent  un  blâme  pour  s'être  laissé  emporter  à  des  voies  de 
fait  vis-à-vis  M.  Ce***. 

A  la  suite  du  procès-verbal  rédigé  dans  ce  sens,  M.  Bé***  désavoua  ses 
témoins  par  une  lettre  rendue  publique.  Il  en  constitua  d'autres  qu'il  envoya 
à  M.  Ce***,  qui  refusa  d*entrer  en  pourparlers  avec  eux. 

Si  les  choses  se  passèrent  comme  les  quelques  lignes  de  V Annuaire  sem- 
blent l'indiquer,  M.  Bé***  était  en  droit  de  récuser  des  mandataires  qui  fai- 
saient son  procès  au  lieu  de  le  soutenir,  et  qui  le  lâchaient  sous  un  prétexte 
aussi  préjudiciable  à  sa  considération. 


N»  49.  —  Deux  officiers  de  chasseurs. 

Gaz.  'trib.  26  novembre  {842. 

Au  mois  de  novembre  4842,  à  Grenoble,  un  terrible  duel  eut  lieu  entre  deux 
officiers  des  chasseurs  d'Orléans,  M.  B***  et  M.  D***. 

Les  deux  officiers  du  même  corps  qui  leur  servaient  de  témoins  avaient 
employé  vainement  tous  les  moyens,  toutes  les  représentations,  pour  les 
reconcilier.  Désespérés  de  voir  leurs  tentatives  échouer,  ils  essayèrent  un 
dernier  moyen  sur  le  terrain  môme  du  duel.  Ils  se  retirèrent  en  négligeant 
malheureusement  d'emporter  les  armes. 

Le  cliquetis  des  épées  les  rappela  bientôt.  Ils  accoururent  pour  arrêter  le 
combat.  Trop  tard  malheureusement. 

M.  D***,  atteint  au  cœur,  tombait  dans  leurs  bras« 

M.  B***,  qui  ne  paraissait  pas  môme  blessé  et  avait  pris  sa  tunique  pour 
s'en  aller,  s'affaissait  à  son  tour. 

Tous  deux  étaient  morts. 


N"*  50.  —  Affaire  Grandin-Durand. 

Extrait  du  journal  le  Cher,  48  mars  4889. 

A  la  suite  de  l'insertion,  dans  la  Démocratie  du  47  mars,  d*un  entrefilet 
que  M.  Grandin,  directeur  du  journal  le  Cher,  jugea  offensant^  il  chargea  deux 


.-•Vj;  t'jî.    .,.      *■■  ■: 


i7«  SIXIÈME  PARTli;. 

de  ses  amis,  ]HH.  Jallct  ot  Hartiu,  de  demander  à  M.  Durand,  directeur  de 

la  Démocriitie,  dos  explications  oii  une  retractatioa. 

H.Durand  les  ayant  mis  en  rapport  avec  BI M.  UirepiedetDncrot.îIseureDl 
une  entrevue  au  cours  de  laquelle  fut  rédigée  d'un  commun  accord  et  signée 
par  tes  quatre  lémoins  une  note  dont  les  termes  mettaient  Sn  à  l'incident  et 
écartaienl  la  nécessité  d'une  rencontre. 

H.  Durand  refusa  d'accepter  la  rédaction  du  procès-verbal  dressé  de  con- 
cert entre  ses  témoins  et  ceux  de  M.  Grandin. 

Il  lea  cliargea  de  porter  ce  fait  à  la  connaissance  des  mandataires  de  ce 
dernier,  en  les  assurant  qu'il  restait  i  kur  disposition. 

Les  témoins  de  H.  Grandin  prolestèrent,  et  soutinrent  que  les  manda- 
taires de  M.  Durand,  en  rédigrant  el  en  signant  le  procès-verbal  d'arrange- 
ment, avaient  agi  dans  la  plénitude  de  leur  mandat;  que  ce  procès-verbal 
restait  acquis,  parce  qu'il  était  revêtu  do  tous  les  caractères  qui  en  font  une 
décision  prise  par  des  jugea  ccmpétents;  que  l'écliange  des  originaux  le  proo- 
vait  bien;  qu'ils  considéraient  leur  mission  comme  terminée,  et  qu'ils  ne 
consentiraient  jamais  à  admettre  que  les  pouvoirs  de  MM.  Mirepied  et  Ducrot 
fussent  inïuRItanls. 

II  n'y  a  point  d'exemple,  ajoutatenl-ils,  qu'une  personne  ayant  constitue 
des  témoins,  c'est-à-dire  ayant  investi  ileux  do  ses  amis  de  sa  confiance,  et 
les  ayant  chargés  de  discuter  avec  les  témoins  do  son  adversaire  le  soin  de 
régler  une  afToire  d'iionneur,  ne  se  soit  pas  inclinée  devant  la  décision  do  ses 
représentants,  qui,  à  partir  du  prenuer  moment  de  l'entrevue,  incarnent  pour 
ainsi  dire  leur  client,  qui  disparaît  derrière  eux. 

niSCDSSION    TRéOKlOUB. 

Si  les  témoins  de  M.  Grandin  avaient  demandé  à  ceux  de  H.  Dnnnd  : 
0  Avez-vous  pouvoir  de  traiter  en  son  nom  un  arrangement  définitif?  i  Si  la 
réponse  de  ces  derniers  avait  été  affîrmative,  elle  était  censée  contenir  la 
vérité,  el  M.  Durand  élait  forcé  de  s'incliner  devant  l'arrangement,  contre 
lequel  il  ne  pouvait  s'éievor  qu'en  produisant  une  preuve  écrite,  constatant 
que  ses  témoins  n'avaient  pas  mandat  suffisant;  en  produisant,  par  exemple,  un 
double  de  ce  mandat,  muni  de  leur  acceptation. 

Ils  ne  semblent  pas  avoir  posé  cette  question.  S'ils  ne  l'ont  pas  lait, 
H.  Durand  est  censé  n'avoir  donné  qu'un  mandat  restreint,  et  sous  réserve  de 
ratification.  Il  conserve  un  droit  de  veto  qui  no  peut  lui  être  enlevé  que  sur 
la  production  d'un  mandat  contraire  faite  par  MM.  Mirepied  et  Ducrot, 

Or  celte  production  n'eut  pas  lieu.  Rien  n'empSchail  donc  M.  Durand  de 
récuser  l'arrangement.  Jusque-là  sa  manière  do  faire  fut  correcte. 

Elle  cessa  de  l'être  lorsqu'il  chargea  MM. Mîrepiedet  Ducrolde  transmettre 
son  refus  el  de  commencer  de  nouvelles  négociations,  car  c'était  les  forcer  à 
se  déjuger  et  à  reconnaître  comme  non  avenu  un  acte  muni  de  leurs  signatures. 

Il  devait  les  désavouer,  el,  après  ce  désaveu,  choisir  d'autres  témoins  qui, 
étant  étrangers  aux  premières  négociations,  pouvaient  les  recommencer  sur 
des  bases  toutes  différonles,  si  leur  conscience  le  leur  permettait. 


APPENDICE.  473 


N^  51. 

Nous  citerons,  entre  autres  exemples  des  conséquences  funestes  de  procès- 
verbaux  incomplètement  étudiés,  les  duels  Ghapuis-Deckeirel ,  Monvielle- 
Naquet. 

Dans  ces  deux  affaires,  il  y  eut  préhension  ou  détournement  de  Tépée 
ennemie  avec  la  main  gauche,  entraînant  mort  ou  blessure,  flots  d'encre 
répandus  pour  et  contre  cette  manœuvre,  acquittement  ou  peines  légères 
provenant  surtout  de  Tindédsion  où  se  trouvèrent  juges  et  jurés  sur  la  valeur 
de  chaque  opinion,  et  tout  cela  parce  que  les  témoins  avaient  oublié  d'insérer 
ces  deux  lignes  :  «  Il  est  défendu  de  saisir  ou  de  détourner  Tanne  de  son 
adversaire  avec  la  main  qui  ne  manie  pas  i'épée.  » 

S'il  en  eût  été  autrement,  l'auteur  de  l'infraction  n'aurait  pu  arguer  ni  de 
son  ignorance  des  usages,  ni  de  son  étourderie.  Sa  signature  le  condamnait.  — 
Il  est  môme  probable  qu'à  raison  de  cet  engagement,  les  choses  se  seraient 
passées  avec  correction  ^ 


N""  52.  —  AfGaire  Odysse  Barrot-Jecker. 

3  et  i  août  1868.  Gaz.  trib. 

Le  duel  choisi  fut  le  duel  au  pistolet  en  marchant.  Au  commandement, 
M.  Jeci^er  fit  dix  pas,  M.  Barrot  restant  à  la  limite. 

Les  adversaires  étant  demeurés  huit  minutes  sur  la  défensive,  les  témoins, 
pour  couper  court  à  la  situation,  décidèrent  qu'ils  échangeraient  deux  balles 
au  commandement. 

Ils  excédèrent  leur  droit.  Au  lieu  de  changer  la  nature  de  la  rencontre, 
ils  devaient  ou  déclarer  l'affaire  terminée,  en  se  fondant  sur  ce  que  l'inaction 
des  adversaires,  pendant  un  délai  supérieur  de  plusieurs  minutes  au  délai  légal, 
indiquait  leur  volonté  de  terminer  amiablement  la  querelle,  ou,  tout  en  conser- 
vant le  duel  à  marcher,  fixer  un  délai  minime,  passé  lequel  le  combat  devait 
cesser,  si  l'échange  des  balles  n'avait  pas  eu  lieu. 


N""  53.  —  Affaire  Lemerle-de  Mosny. 

Assises  Marne,  Gaz.  trib»,  24  août  4833,  avec  renvoi  au  n»  89 

de  Vappendice. 

Dans   un    duel  au   pistolet   à   marcher,   M.    Lemerle    avait   manqué 
M.  de  Mosny,  qui  se  préparait  à  riposter,  lorsque  de  R*^*,  témoin  de  ce  dernier, 

1.  Voyez  sur  raffaireChapuis-Dekeirel,  Tavernier,  Art  duduel,  page 247,  etlcn<>73, 
de  l'appendice;  sur raffaire  Naquet-Mon?ielle,  les  n^* 28, 60, 65, 76 et 96 de  Tappendice. 


./.i 


iïi  sixi(':mr  PAHÏMî. 

cria  d'arrêter,  ea  enjoignanl  aux  adversaires  d'avancer  jusqu'à  la  dtslBiKr 
de  dix  pas,  limile  cxtrf^me  fixée  par  les  conventions. 

Il  obligea  M.  Lemorle  a  essuyer  ainsi  le  feu  de  son  adversaire. 

A  la  suite  du  dénouement  malheureux  de  celte  alTaire,  une  cousultalioa  fut 
demandée  au  général  Exelmans  relativeoifntàla  correction  ou  l'IncorrecOûnde 
cet  ordre. 

Lit  général  décida  que  de  R***  avait  violé  Tes  règles  du  duel,  eu  obligeant 
un  homme  désarmé  à  avancer  plus  prés  i|ue  no  le  demandait  son  adversûre 
pour  t'ssuyer  son  coup. 

Il  ajouta  que,  dans  tous  les  cas,  un  pareil  droit  existerait-il  au  profit  da 
cxjmbntlant  qui  n'a  pas  encore  lire,  ce  no  serait  qu'à  lui  seul  qu'appartiendrail 
d'on  réclamer  l'exécution. 

Les  témoins,  qui  doivent  apporter  une  impartialité  et  une  justice  eitrémee 
dans  l'accompliisonient  de  leurs  fonction!;,  manqueraient  donc  à  tous  leurs 
devoirs  s'ils  interrompaient  le  combat,  pour  réclamer  seuls,  et  en  Taveurd'un 
seul  combattanl,  le  bénéfice  d'une  condition  aussi  dangereuse. 


N"  54.   —   AtEaire  B^^-Meimier  et  Vescot. 
Aisises  Seitif.  et-Oise.  Gnz.  Irib.,  21  novembre  1S47. 

B*",  élève  de  Saint-Cyr,  avait  reçu  des  soufflets  de  deux  cainaradei. 
Meunier  et  Vescot.  Deux  duels  furent  décidés. 

B...  croisa  d'abord  le  for  avec  Vescot,  qui  fut  blessé. 

ImmédiatemEnt  après,  et  sous  le  coup  de  l'émotion  et  de  la  lasâtuda 
causées  par  la  première  rencontre,  les  témoins  laissèrent  engager  le  second 
duel,  qui  devait  avoir  une  issue  fatale. 

En  effet,  B...  était  tué  au  bout  de  quelques  instants.  Le  blâme  qui  leur 
fut  infligé  était  bien  mérité. 


N*  55.  —  AffEiire  Dichaxd-de  Massas. 

G/is.  Irib.,  S6,  î7  décembre  *88!,  avec  renvoi  aux  n"  3!,  G7 
de  l'appendice. 

Extrait  de  la  sentence  du  jury  d'honneur  :  n  H.  Dichard,  étant  l'offensé, 
conserve  naturellement  le  choiit  du  jour,  de  l'heure,  et  du  lieu  de  la  rencontre. - 
'  Signé  :  Cunéo  d'Omano,  Paul  de  Cassagnac.  > 


APPENDICE.  476 


N®  56.  —  Affaire  Dujarrier,  directeur  de  la  Presse, 
et  de  Beauvallon,  rédacteur  du  Olobe, 

Assises  Seine-Inférieure,  Gaz.  /K6.,  26  mars  4846,  avec  renvoi 

aux  n<~88,  94,  40i  de  l'appendice. 

L'exposé  de  l'affaire  est  fait  n<>  88.  Motifs  de  la  rencontre  :  discussion 
pendant  un  souper  aux  Frères  provençaux.  Extrait  de  l'acte  d'accusation  : 
«  On  partit  pour  le  bois  de  Boulogne.  La  température  était  froide.  Il  était 
tombé  beaucoup  de  neige.  Dujarner  arriva  le  premier.  De  Beauvallon  se  fit 
attendre  pendant  une  heure  et  demie. . . 

V  Dujarrier,  saisi  par  le  froid,  énervé  de  l'altente,  était  en  proie  à  une 
surexcitation  nerveuse  qui  fit  craindre  à  ses  témoins  que  l'issue  du  combat 
dans  ces  conditions  ne  lui  fût  fatale.  Ils  insistèrent -donc,  ainsi  que  le  docteur, 
pour  que  M.  Dujarrier  quittât  le  terrain,  comme  c'était  son  droit.  Il  s'y  r^usa. 

«  Enfin  de  Beauvallon  arriva,  etc.,  etc.  » 

Les  témoins  de  M.  Dujarrier  furent  blâmables  de  n'avoir  pas  forcé  leur 
client  à  se  retirer. 

Ils  auraient  dû,  en  désespoir  de  cause,  le  menacer  de  l'abandonner  s'il  ne 
le  faisait  pas,  et  dresser  un  procès-verbal  de  carence  contre  M.  de  Beauvallon. 

Leurs  prévisions  se  réalisèrent  du  reste,  car  un  instant  après  Bl.  Dujarrier 
manquait  son  adversaire,  et  recevait  dans  la  tête  une  balle  qui  le  tuait. 


N»  57.  —  Affaire  A***-Cai.  V*^ 

2  juin  4888.   Annuaire  du  duel. 

Motifs  de  la  rencontre  :  article  de  l'Événement  du  4*'  juin.  Sur  le  terrain, 
M.  Ch.  y***  se  fit  excuser  par  ses  témoins,  qui  déclarèrent  qu'il  ne  pourrait 
pas  arriver  avant  une  heure  et  quart,  par  suite  de  l'impossibilité  de  se  rencon- 
trer à  temps  avec  son  médecin  et  de  trouver  une  voiture.  Les  témoins  de 
M.  A***  déclarèrent  l'affaire  terminée  et  se  retirèrent. 

Nous  croyons  que  les  motifs  invoqués  par  M.  Gh.  V***  n'étaient  pas 
suffisants.  Quand  on  a  sur  les  bras  une  affaire  où  l'inexactitude  peut  être  si 
préjudiciable  à  la  réputation,  on  s'assure  d'avance  d'un  véhicule  ;  au  besoin  on 
se  passe  de  docteur,  et  on  arrive  avec  ses  témoins. 

Mais  s'il  avait  été  prouvé  que  la  voiture  de  M.  Ch.  Y***  s'était  brisée  en 
route,  qu'en  sautant  il  s'était  donné  une  entcse,  etc,  comme  ces  accidents 
auraient  constitué  un  cas  de  force  majeure  absolument  fortuit  et  impossible 
à  prévoir  par  l'homme  le  plus  prudent,  l'excuse  devait  être  considérée  conmie 
valable. 


SIXIÈME  PAHTIE. 


N"  58.  —  Affaire  de  S-'-M'". 
a     décembre    1S85.    AMinaire    ilii    iluel. 

A  la  suite  d'un  article  publié  par  M.  H'**,  une  rencontre  fut  décidée. 

L'arme  elle  duel  choisis  Tarent  le  pistolet  avec  qtistre  balles  éctiaa^ 
en   marclianl. 

Sur  le  terrain,  M.  M*"  no  vint  pas. 

Ses  témoins  produisirent  une  letlre  de  lui  où  il  déclinait  le  duel  conTcnn. 
et  SB  mirent  à  la  disposition  de  M.  de  S*",  qui  refusa  celte  substitution  cocliaï» 
ant  règles  du  dael. 


N"  59. —  Affaire  Drumont-Meyer. 

Ga:,  tiib.,  87  juin  18SG.  aD«c  renvoi  aux  n"  64,  69,  77,<0trfe  i'iippeiidkt. 
Tribunal  correcUonnH  de  Pari». 


Motifs  de  la  rencontre  :  personnalilés  dirigées  contre  M.  Meyer  dans  (o 
France  juive.  Renconlre  à  l'épÉo  près  de  Versailles.  M.  Orumont  fut  blessé. 

Extrait  de  l'inlerrogaloiredeM.  Mejer:  u  Le  combat  devait  avoirlieuàla 
Celle-Saint-Cloud.  A  notre  arrivée  on  nous  Til  attendre  longtemps,  pendant  que  les 
témoins  se  mettaient  fila  recherche  d'un  terrain,  le  moins  mauvais  ptssible. 

*  Il  était  quand  mi^me  si  accidenté,  qu'on  dut  enlever  les  pierre»  qui  le 
rendaient  impraticable.  ■  _^^ 


N°  60.  —  Affaire  Haquet-Monvielle. 

Gaz.  Irib.,  n  aoûl  188y,  avec  i-envoi 
aux  n"  !8|51,  65,  7î,  96  t/e  l'oppeiuJici'.  Tribunal  correctionnel  de  Greiuélf. 

Dans  ce  duel,  M.  Monvielie  eut  son  épée  arrâlée  par  la  iD3in  gauche  Ai 
M.  Naquet,  qui  îo  blessa  en  même  temps  à  l'aine. 

Devant  lo  tribunal,  ce  dernier  soutint  que  le  lerraio  du  combat  avait  été 
choisi  par  les^euls  témoins  da  M.  Monvielie  et  en  l'absence  des  témoins  de 
M.  Naquet;  que  les  conditions  de  ce  choix  étaient  défavorables  à  un  liomme  de 
son  âge,  etc. 

Cet  ensemble  de  circonstances  lui  fut  en  effet  compté,  et  attéoua  dans  une 
certaine  mesure  la  rigueur  de  la  condamnation. 


APPENDICE.  477 


N""  61.  —  Affaire  Lavertiyon,  directeur  du  Petit  Centre, 

et  B***,  avocat. 


3  août  4889.  Annuaire  du  duel. 


Motif  de  la  rencontre  :  polémique  électorale.  Rencontre  à  Pépée.  A  la 
première  reprise,  les  adversaires  furent  tous  deux  légèrement  atteints... 

M.  B***  refusa  de  continuer  le  duel,  sous  prétexte  qu'il  était  trop  violent. 

Le  motif  allégué  parut  ajuste  titre  ridicule  aux  témoins,  qui  protestèrent. 
La  conduite  de  Bl.  B***  donna  lieu  à  de  vives  critiques  dont  les  journaux  de 
l'époque  se  firent  l'écho  ^ 


N''  62.  —  Affaire  de  Briqueville-de  Dalmatie. 

Procès-verbal  rapporté  par  Fougeroux  deChampigmulles,  tome  II, 

n®  305  des  pièces  justificatives. 


f  Après  avoir  choisi  pour  arma  Tépée,  les  adversaires  ont  commencé  un 
combat  qui  a  duré  plus  de  dix  minutes.  M.  de  Dalmatie  ayant  rencontré  une 
pierre  est  tombé  à  la  renverse.  M.  de  Briqu avilie  s'est  empressé  de  lui  tendre 
la  main  et  de  le  mettre  sur  le  bon  terrain. 

«  Le  combat  a  recommencé.  Cette  fois,  Pépée  de  M.  de  Briqueville  s'étant, 
après  une  assez  longue  phase  d'armés,  engagée  dans  celle  de  M.  de  Dalmatie, 
B*e8t  échappée  de  sa  main.  Il  s'est  avancé  droit  sur  son  adversaire,  qui  lui 
remit  son  arme  avec  empressement. 

f  A  la  suite  d'un  repos  que  nécessitait  un  attaque  si  vive,  le  combat  reprit 
de  nouveau.  Les  adversaires  se  précipitèrent  Pun  sur  l'autre  et  arrivèrent 
bientôt  au  corps  à  corps.  Les  témoins  se  jetèrent  entre  eux,  et  déclarèrent 
qu^en  gens  d'honneur  ils  ne  devaient  pas  permettre  la  continuation  d'un  enga- 
gement si  opiniâtre. 

«  Les  deux  combattants  se  sont  soumis  à  cette  décision,  et  se  sont  séparés 
en  se  donnant  réciproquement  les  marques  d'uoe  franche  et  loyale  estime. 

f  Signé  :  maréchal  Clausbl,  général  Jacquemont, 
f  C.  Ragot,  député,  général  Exgblmans.  » 

La  raison  du  duel  était  une  attaque  dirigée  contre  le  ministre  de  la  guerre, 
dans  un  discours  à  la  Chambre  • 

i.  Voyez,  sur  ce  sujet,  Annuaire  de  la  presse,  année  1890. 


478  SIXIÈME   PARTIE. 


N°  63.  —  Affaire  Betz-Pierotti. 


*» 


Voyez  Gaz,  trib.^  <6,  47,  48  décembre  4889.    Assises  de  PAveyran, 
avec  renvoi  aux   n**  37,   80  de  l'appendice. 

a  II  fat  décidé  que  l'arme  serait  Tépée  de  combat  et  que  chaqae  reprise 
ne  pourrait  excéder  ddux  minutes.  A  la  première  blessure,  le  combat  devait  cesser. 
Si  après  deux  reprises  il  n'y  avait  aucun  résultat,  le  combat  serait  arrêté.  » 


N"  64.  —  Affaire  Drumont-Meyer. 

Gaz,   irib.^  27  juin  4886.  Police  correctionnelle,  Paris,  avec  renvoi 

auxn*^  59,  69,  77,  404  de  l'appendice. 

Déposition  du  docteur  Danet  :  «  Tout  à  coup  un  groupe  tomba  sur  nous 
avec  rapidité.  Un  terrible  corps  à  corps  se  produisit.  J'étais  juste  derrière 
M.  DrumonI,  mon  collègue  derrière  M.  Meyer.  Je  nepus  m'empôcber  de  m'écrier: 
«  Arrêtez,  on  ne  se  bat  pas  comme  celai  »  Je  saisis  M.  Drumont  à  bras  le 
corps.  Desfossés  saisit  M.  Meyer.  Les  témoins  arrivèrent,  M.  Duray  en  tète.  > 

En  sa  qualité  de  directeur  de  combat,  ce  dernier  reprocha  aux  médecins, 
et  en  particulier  au  docteur  Danet,  cette  intervention  inopportune. 

Il  eut  raison  en  droit  et  en  fait.  En  droit,  car  les  médecins  n'avaient  reçu 
aucun  mandat.  En  fait,  parce  qu'en  saisissant  M.  Drumont,  sans  être  assuré 
que  son  collègue  en  ferait  autant  pour  M.  Meyer,  le  docteur  Danet  pouvait 
paralyser  les  mouvements  du  seul  Drumont,  et  Toffrir  sans  défense  à  l'épée  de 
son  antagoniste. 


N°  65.  —  Affaire  Naquet-Monvielle, 

Police  correctionnelle f  Grenoble.  Gaz,  trib.y  4<  août  4887, 
avec  renvoi  aux  n°*  28,  60,  72,  96  de  Vappendice, 

Lorsque  M.  Naquet  fut  traduit  en  police  correctionnelle  pour  avoir  blessé 
M.  Mon  vielle,  en  arrêtant  de  la  main  gauche  l'épée  de  ce  dernier,  il  se  défendit 
en  soutenant  qu'il  avait  obéi  à  un  mouvement  instinctif  de  conservation  pro- 
voqué par  l'impossibiUté  où  il  se  trouvait  de  parer  l'attaque  de  M.  Mon  vielle 
avec  une  arme  qui  était  sur  lo  point  de  lui  échapper  à  cause  de  la  fatigue 
occasionnée  par  son  poids  exceptionnel.  11  soutenait  que  les  épées  n'avaient 
pas  été  examinées  par  les  témoins  et  dépassaient  la  pesanteur  ordinaire. 

Il  y  eut  à  ce  sujet  un  débat  sans  conclusion,  qui  servit  à  Tinculpé,  comme 
l'indique  expressément  l'extrait  du  jugement  rendu  sur  appel  le  43  jan- 
vier 4  888  : 


APPENDICE.  479 

«  Attendu  qu'il  y  a  eu  lieu  de  prendre  en  sérieuse  coDsidération,  pour 
Tapplication  de  la  peine,  les  conditions  d'inégalité  dans  lesquelles  Naquet  se 
trouvait  vis-à-vis  de  son  adversaire,  à  cause  de  la  lourdeur  des  épées  et  de  la 
fatigue,  etc.,  etc.  » 


N«  66.  —  Affaire  OUivier-Feuilhrade. 
Gaz-  trib.j  4  août  4876,  avec  renvoi  aux  n®»36,  71,  75,  79  de  l'appendice. 

Des  épées  avaient  été  apportées  par  chacun  des  combattants.  Le  sort 
désigna  la  paire  de  M.  Feuilhrade,  mais  un  des  témoins  d'Ollivier  ne  les  trouva 
pas  assez  pointues,  et  obtint  que  celles  de  son  client  lui  fussent  substituées, 
contrairement  à  la  règle  que  l'arme  tirée  au  sort  doit  toujours  servir. 

Les  conditions  indiquées  pages  470  et  suivantes,  auraient  évité  jusqu'au 
prétexte  de  cette  difficulté. 


N""  67.  —  Affaire  Dichard-de  Massas. 
Gaz.  trib.,  26-27  décembre  4882,  avec  renvoi  aux  n*"32, 55  de  l'appendice. 

Le  combat  eut  lieu  dans  une  allée  si  étroite  que  les  témoins  ne  purent 
se  placer  de  chaque  côté  des  combattants  et  surveiller  aussi  attentivement  la 
latte  qu'ils  l'auraient  fait  s'ils  avaient  été  rangés  sur  deux  rangs. 

Nous  avons  entendu  attribuer  à  cette  étroitesse  du  champ  Timpossibilité 
où  ils  se  trouvèrent  d'arrêter  le  combat,  après  une  première  blessure  et  avant 
le  coup  qui  tua  M.  de  Massas. 

N*^  68.  —  Affaire  C***  et  P***,  joumaUstes. 

Annuaire  du  duel,  page  204,  septembre  4887. 

Une  rencontre  motivée  par  une  polémique  de  presse  eut  lieu  à  M***,  il 
Y  a  quelques  années,  entre  deux  journalistes,  MM.  G***  et  P***.  La  querelle 
86  vida,  si  nos  souvenirs  nous  servent  bien,  dans  une  très  longue  allée,  où 
aucun  champ  n'avait  été  délimité. 

M.  P***  rompait  sans  cesse,  et  M.  C*^,  asthmatiq<ie  et  manchot,  le  suivait 
de  son  mieux,  haletant  et  suffocant. 

Cet  exercice  dura  si  longtemps  queforcefutauxtémoins,  malgré  différents 
repos  accordés,  de  suspendre  définitivement  la  bataille  sans  aucune  blessure. 

M.  G***,  capable  de  combattre  l'épée  à  la  main,  ne  pouvait  lutter  à  la 
coursé.  Outre  un  brevet  de  courage  bien  mérité,  on  lui  en  accorda  malgré  lui 
un  antre,  d'impotence,  qui  le  mettait  du  coup»  hors  de  service. 

,  Si  le  champ  avait  été  délimité,  M.  G***,  à  petits  pas,  gagnait  tout  doucement 


460  SIXIÈME  PARTIE. 

la  lerraiti  que  H,  l""  perdait  eo  rompant,  et  Gnissait  par  l'acculer,  le  metlanl 
ainsi  dans  l'obligation  ou  de  Tranchir   la  limite,  ou  d'en  découdre  à  portée. 
Dans  le  premier  cas,   il  obtenait  les  hooneurs  de  la  journée.  Dans  le 
second,  il  reprenait  l'avantage  que  son  Ijaliitudo  des  armes  lui  assurait. 


N°  69.  —  Affaire  Drumont-Meyer. 

P'Aice  eoireclioniieUe,  Paru.  Gaz.  Irib.,  !7  j\iin  (886,  avec  r 
aBaïn"*  59,  6i,  "7  de  l'appendice. 


La  propriâté  oiise  rencontrèrent  les  adversaires  préâegtail  un  terrain  mou- 
vementé et  accidenté,  dont  on  dut  préalablemeat  enlever  Us  pierres,  pour  le 
rendre  un  peu  praticable. 

Le  combat  eut  lieu  devant  une  écurie  A.  Derrière  H.  Heyerse  irouTailunc 


partie  de  sol  mootueuse  et  rocailleuse  B.  Les  médecins  étaient  cacbés  ou* 
rière  le  pignon  C.  Le  champ  n'avait  été  délimité  ni  en  longueur  ni  en  largeur. 

A  la  deuxième  reprise,  M.  Drumont  attaqua  U.  Meyer  avec  foagat- 
M.  Meyer  rompit  ;  mais  pour  éviter  les  aspérités  du  terrain  qui  était  derriéw 
lui  et  no  pas  se  hasarder  dans  la  montée  B,  il  contourna  l'écurie,  toujao'^ 
chargé  par  son  antagoniste,  et  tomba  au  milieu  des  médecins  qui  étale"' 
cachés,  avons-nous  dit,  par  le  pignon  C. 

Uncorpsà  corps  se  produisit,  au  cours  duquel  M.  Meyer  fut  accusé  d'avoi' 
paré  avec  la  main  gauche. 

Les  docteurs  arrélèreot  le  corps  à  corps,  qui  se  passa  hors  de  la  vue  des 
témoins  masqués  par  le  pignon. 

Lorsqu'il  s'agit  de  témoigner  s'il  y  avait  eu  en  réalité  préhension  de  l'ép^ 
enaemle,  ou  parade  de  la  main  gauche,  il  en  résulta  que  les  témoins  "^ 


APPENDICE.  48i 

furent  pas  d'accord.  Les  uns  n'avaient  rien  yu»  un  antre  croyait  s'être  aperçu 
de  gestes,  mais  n'osait  l'assurer. 

M.  Duruy,  qui  avait  tourné  le  pignon  le  premier,  fut  seul  affirmatif. 

Toutes  choses  qui  n'auraient  pu  se  présenter  avec  un  terrain  convenable» 
choisi  d'avance,  et  un  champ  délimité  en  largeur  comme  en  longueur. 


N*  70. 

A  la  suite  d'une  discussion  d'intérêt,  un  duel  eut  lieu,  le  46  mai  4860, 
dans  un  atelier  de  peinture  de  la  rue  Pigalle. 

Un  des  combattants  attaqua  avec  une  vigueur  surprenante.  Son  épée 
8*arréta  sur  la  bretelle  de  son  adversaire,  qu'on  crut  percé  de  part  en  part, 
mais  qui  ne  fut  pas  blessé  et  qui  riposta  par  un  coup  à  la  gorge  de  son  parte- 
naire. 

On  voit  que  la  négligence  des  témoins,  qui  lui  laissera  nt  conserver  des 
bretelles,  changea  le  dénouement  du  combat. 

Là  est  le  danger  réel  d'un  oubli  ou  d'une  tolérance  qui  n'offriraient  pas 
grand  inconvénient  s'ils  n'avaient  pas  d'autres  résultats  que  de  diminuer  le 
péril  de  la  rencontre.  Colombey  [Histoire  anecdolique  du  duel)» 


N""  71.  —  AfiEBtire  OUivier-Feuilherade; 
Gaz.  irih,,  4  août  1876,  avec  renvoi  aux  n**  36, 66^  75,  79  de  l'appendicei 

A  la  troisième  reprise,  Ollivier  se  fendit  avec  une  extrême  impétuosité,  en 
attaquant  sans  se  couvrir.  Il  s'enferra  et  mourut  sur  le  coup. 

Il  fut  transporté  à  Longwy  pour  y  être  embaumé. 

Les  médecins  constatèrent  que  tout  le  côté  droit  de  son  abdomen  était 
protégé  par  une  ceinture  munie  d'un  bandage  d'environ  25  centimètres, 
flexible,  susceptible  d'arrêter  un  coup  d'épée,  et  ne  ressemblant  pas  au  clas- 
sique bandage  herniaire. 

Us  ne  trouvèrent  aucune  trace  d'infirmité  justifiant  cet  appareil. 

Grâce  à  cette  cuirasse  d'un  nouveau  genre,  Ollivier,  rassuré  sur  ses  œuvres 
basses^  bien  couvert  dans  les  lignes  du  dessus,  était  à  peu  près  tranquille 
pour  sa  peau.  Une  trop  grande  témérité  le  perdit. 

Quelle  confiance  dans  l'incurie  des  témoins  ne  lui  était-elle  pas  nécessaire 
pour  lui  foire  affronter  le  danger  d'une  visite,  qui,  si  elle  avait  eu  lieu,  l'aurait 
perdu  d'honneur  ! 

Quelle  incurie  réelle  en  définitive,  puisque  la  ceinture  servit  onze  fois,  à 
un  très  petit  intervalle»  sans  exciter  leur  méfiance,  et  bien  qu'à  plusieurs 
reprises  les  adversaires  eussent  touché  Ollivier  sans  occasionner  de  blessure  ! 

L'exemple  est  devenu  justement  classique. 


SIXIÈME  PARTIE. 


N°  72.  —  AfTaire  Haquet-MonvleUe. 

Gaz.  Irili.  Police  correctionnelU,  Grenoble,  11  août  4687,  a 
attx  n"*  Î8,  60,  65,  96  de  l'appendice. 


Les  témoins  do  M.  Naquet  demandèrent  qu'il  fùl  interdit  aux  combattants 
de  rompre  pendant  le  duel  de  plus  de  troJa  pas.  Les  témoins  de  M.  Uonrielle 
repoussèrent  ajuste  titre  cette  condition. 


N°  73.  —  Affaire  Chapuis,  lieutenant  au  110°  de  ligne, 
et  Deckeirel. 

Gax.  tTii.,  30  el  3<  mai  188!),  Assises  du  !ford,  avec  renvoi 
aun°51  de  l'appendice. 

Motifs  de  la  rencontre  :  discussion  dans  un  café.  Duel  i.  l'épée.  M.  Chapaia 
est  tué. 

Extrait  du  procès-verbal  rédigé  après  la  rencontre  :  a  A.  la  reprise,  H.  Cba- 
puis  30  porta  rapidemftal  en  avant,  et  les  deux  adversaires  se  trouvèrent  do 
suite  engagés  de  très  près. 

'  «  La  main  gauche  de  H.  Deckeirel  s'abattit  et  fit  dévier  l'épée  de  son  adver- 
saire. 

«  M.  Chapuis  reçut,  à  ce  moment,  un  coup  d'épée  qui  lui  traversa  la 
poitrine. 

a  11  n'a  pas  été  possible  aux  témoins  de  voir  si  l'épëe  de  M.  CbapuJs  avait 
été  seulement  écariée,  ou  si  elle  avait  éié  saisie. 

iiToulefois,  il  a  été  constaté  après  le  combat  par  la  docteur  que  M.  Deckeirsl 
était  atteint  àl'indei  de  la  main  gauche  d'une  blessure  d'environ  un  centimètre 
de  longueur,  paraissant  provenir  d'une  arme  tranchante,  etc.  > 

Une  consultation  fut  demandée  à  M,  Anatole  de  la  Forgo  sur  la  légalité  ou 
l'illégalité  de  la  parade  de  la  main  gauche. 

Il  répondit:  o  J'ai  été  pendant  de  longues  années  pris  comme  arbitre  avec  le 
marquis  du  Hallay.  Jamais  ni  lui  ni  moi  n'avons  permis  la  parade  delà  main 
gauche.  Voyez-eo  le  danger  dans  l'affaire  que  vous  allez  discuter.  Vous  avez  i 
interroger  les  quatre  témoins  du  duel,  qui  ne  sont  pas  d'accord  sur  ce  qui 
s'est  passé  pendant  le  combat  qui  avait  lieu  sous  leurs  yeux,  et  qui  ne  peuvent 
dire  s'il  y  a  eu  parade  ou  préhension... 

€  La  conclusion  à  Urer  de  ce  duel  est  la  nécessité  d'interdire  touleparade 
de  la  main  qui  ne  manie  pas  l'épée.  Si  elle  était  permise,  il  pourrait  arriver, 
eu  effet,  qu'instinctivement,  et  sans  s'en  rendre  compte,  un  homme,  au  lieu 


APPENDICE.  Isa 

de  parer  simplemeDt  comme  il  aurait  été  permis,  saisirait  Tarme  de  son  adver- 
saire» et  rendrait  le  combat  impossible  et  déloysd  K  » 

N«  74.  —  Affaire  Darzens-Moréas. 

Le  Temps,  22  mai  4888^  avec  renvoi  aunf*  A03de  V appendice. 

• 

Les  témoins  de  M.  Darzens  prétendirent  qu*ils  avaient  proposé  d^nsérer 
au  procès-verbal  la  défense  de  se  servir  de  la  main  gauche,  mais  que  les  man- 
dataires de  M.  Moréas  s'y  étaient  opposés  dans  un  but  de  courtoisie. 

Ils  ne  devaient  pas  souscrire  à  cette  fin  de  non-recevoir.  La  courtoisie 
n'a  rien  à  voir  en  pareil  cas. 

Pour  l'intelligence  de  cette  affaire,  nous  croyons  utile  de  reproduire  le 
procès- verbal  publié  après  la  rencontre  : 

ce  A  la  suite  d'une  altercation  survenue  entre  MM.  Jean  Moréas  et  Rodolphe 
Darzens,  une  rencontre  à  Tépée  eut  lieu  aux  environs  de  Paris.  M.  Moréas,  au 
moment  où  son  épée  venait  de  traverser  la  chemise  de  son  adversaire,  pour 
aller  effleurer  son  bras  gauche,  s'est  servi  de  sa  main  gauche  pour  éviter  une 
riposte  simultanée  de  M.  Darzens.  Le  combat  a  été  arrêté  sur  la  demande 
expresse  des  témoins,  d 

Nous  croyons  avec  M.  Tavernier,  page  200,  que  puisque  dans  cette  affaire 
la  parade  n'a  été  suivie  d'aucun  coup  porté,  il  y  a  eu  irrégularité  et  faute,  mais 
non  félonie  ;  que,  par  conséquent,  M.  Moréas  pouvait  ôtre  blâmé,  mais  non  récusé. 

Les  témoins  de  M.  Moréas  devaient  le  soutenir  énergiquement  dans  les 
discussions  qui  procédèrent  de  cette  affaire,  et,  en  cas  de  désaccord,  soumettre 
la  question  de  disqualification  à  un  jury  d'honneur. 


N"»  75.  —  Affaire  Ollivier-Feuilherade. 

Voyez  GazArih,^  4  août  4876,  avec  renvoi  aux  n*  36,  66,  74,  79 

de  Pappendice» 

Dans  ce  duel,  le  procès-verbal  fut  muet  sur  la  question  des  repos  et  sur 
celle  des  reprises. 

L'interrogatoire  des  témoins  va  nous  montrer  à  quoi  on  en  arrive  avec  la 
tolérance  que  nous  combattons. 

Aux  premières  passes,  Ollivier  avait  fait  une  telle  dépense  de  force  qu'il 
fut  bientôt  à  bout. 

Il  fit  un  signe,  et  un  de  ses  témoins,  M.  C***,  ordonna  le  repos,  auquel 
ceux  de  M.  Feuilherade  consentirent. 

1.  Voyez  également  aflaire  Dramont-Meyer.  Police  correctionDelle,  Paris,  Gazette 
des  Tribunaux,  27  Juin  1886,  et  n^*  59,  6i,  69,  77  de  l'appendice  ;  Naquet-Monvielle. 
Police  correctionnelle,  Grenoble,  11  août  1887,  etn»*  28,51,60,  65,72  de  Tappendice. 


su  SIXIÈME  PABTIB. 

D«nD(  ta  Conr  d*a9siM8,  la  qnettim  de  saroir  s'Û  CoanMÏt  «fvrMflr  la 
Imia  qnand  un  des  «dveraaJre*  était  latigné  Tst  posée. 

IntMTOgé  par  le  président,  un  des  ténoisa  de  M.  Feoiliende  rêpondil  : 
■  Cm!  ime  ijoesiion  de  loyauté  de  la  pari  de  l'advenaire  qni  Le  demande. 
Noua  élioD$  cooTaiucoâ  de  celle  d'Oltiiier.  ■ 

Ce  deroier  était  cuirassé,  et  la  fiiligue  qa'tl  duait  r«SMBtir  venait  d»  ce 
que,  conEïaat  dans  la  ceinture  qui  lui  prot^eait  une  partie  du  corp*,  il  s'était 
précipité  sur  wo  adtereaite  avec  ucte  aveu^e  Impétaosité.  La  coDfiance  d» 
lëmoias  de  H.  Fenilberade  était,  comme  oa  le  voit,  ûngnliérement  placée. 


N"  76.  —  Affaire  Pons-San-Malato. 

5  mai  1881. 

Motif  du  duel  ;  altercaliOD  dans  un  assaut.  Bencontrc  h  l'épée  au  VéeU 
net.  H.  Saa-Knblo  (ut  blessé  à  la  main,  puis  au  poignet. 

Après  avoir  acculé  sod  adversaire  au  mur  du  parc,  H.  Pons  se  vit  dépouilier 
du  bénéfice  d'une  habile  stratégie,  par  le  Tait  de  ses  témoins,  qui  conseaiireot 
t  rendre  le  champ.  Celle  concessïoa  était  d'autant  plus  iniempestire  que 
H.  Pona,  mal  guéri  d'une  chuta  grave,  avait  à  lutter  contre  un  homme  pour 
qui  la  EOuplease,  l'agititc,  la  furia  étaient  la  base  d'un  jeu  redoutable-. 

Neutraliser  celte  fougue  par  uoe  tactique  radicalemcut  opposée,  et  Boir 
par  acculer  son  adversaire,  tel  avait  été  l'objectif  du  maître. 

La  concession  du  cliamp  remit  tout  en  question. 

Pour  l'analyso  détaillée  du  combat,  voyez  Tavemier,  page  (57. 


N*  77.  —  Affaire  Drumont-Meyer. 
Gaz.  trib.,  il  juin  4886,  auec  renvoi  aux  n°  69,  6i,  G9,  101  de  Vappendice 

Le  compte  rendu  du  procès-verbal  auquel  donna  lieu  ce  duel  constitue  le 
meilleur  argument  en  Tavcur  de  notre  opiaioD. 

Il  fut  convenu  que  le  combat  ne  serait  arrêté  sous  aucun  prétexte,  même 
en  cas  de  corps  à  c/trps...  A  la  première  reprise,  H.  Drumont  attaqua  avec 
fougue,  M.  Meyer  rompit... 

A  ce  moment  so  produisit  un  terrible  corps  à  corps.  Les  adversaires  étaient 
poitrine  contre  poilrine,  l'épée  basse.  L'un  dos  témoins  a  dit  qu'ils  se  man- 
geaient le  nez. 

A  la  seconde  reprise,  un  deuxième  corps  à  corps  aussi  intime  que  le 
premier  eut  lieu...  Ce  fut  un  clioc  extraordinaire,  oii  les  combattants  se  livraient 
aux  mouvements  les  plus  désordonnés,  chercliant  à  se  frapper  de  haut  en  bas. 
C'est  alors  que  M,  Meyer  blessa  M,  Drumont.  La  main  gauche  du  premier 
s'abatlit  sur  l'épée  do  son  adversaire  pendant  qu'il  le  lardait  entre  les  jambes. 

Les  lémoins  furent  non  seulement  incapables  d'ompécher  cotte  faute,  mais 
encore  de  la  constater  authentiquement.  Nous  l'avons  déjà  vu  n'  69. 


APl>ENDICE.  485 

Lorsque  le  président  leur  posa  la  question  :  f  Avez-vdns  vu  Mèyer  saisir 
l'épëe  de  Dnimont  à  la  fin  de  là  deuxième  reprise?  »  Deux  répondirent  : 
f  Nous  n'avons  rien  vu  I  »  Le  troisième  n'osa  pas  l'assurer.  Un  seul  l'affirma. 

Aussi  le  tribunal,  dans  sa  décision  en  date  du  3  juillet  4886,  après  avoir 
blâmé  énergiquement  la  permission  du  corps  à  corps,  excusa-t-il  dans  une 
large  mesure  la  violation  des  règles  du  duel  qui  se  produisit  sous  la  forme  de 
parade  de  la  main  gauche,  parce  que  cette  incorrection  avait  eu  lieu  dans  une 
lutte  acharnée  où  les  combattants  ne  pouvaient  guère  être  responsables  d'un 
mouvement  instinctif  de  conservation. 


N^  78.  —  Procès-verbal  de  rencontre  entre  MM.  Pierre 

Bonaparte  et 


Gaz,  Irib.^  25  novetnbre  4849. 

Motif  de  la  querelle  :  discussion  politique,  t  II  avait  été  convenu  entre  les 
témoins  que  le  duel  commencerait  au  salû'e  et  continuerait  à  Tépée,  après  la 
première  blessure  reçue.  - 

«  M.  Bonaparte,  ayant  attaqué,  a  été  arrêté  par  un  coup  de  pointe  qui  l'a 
blessé  à  la  poitrine  et  au  poignet;  mais  au  môme  instant  le  sabre  de  M.  de  Rovigo 
est  tombé,  et,  sur  le  cri  des  témoins,  M.  Bonaparte,  l'arme  levée,  s'est  arrêté 
en  effet. 

«  Les  blessures  de  M.  Bonaparte  n'ayant  pas  paru  à  ses  témoins  assez 
graves  pour  que  le  duel  cessât,  ils  ont  proposé  de  continuer  le  combat  au 
sabre,  en  se  fondant  sur  ce  que  la  circonstance  du  désarmement  devait  forcé- 
ment modifier  les  conditions  premières.  Les  témoins  de  M.  de  Rovigo,  s'en 
rapportant  exclusivement  aux  conditions  premières,  ont  soutenu  que  le  combat 
devait  avoir  lieu  à  l'épée.  Pour  prendre  un  moyen  terme,  les  témoms  de 
H.  Bonaparte  ont  proposé  le  combat  au  pistolet.  Ceux  de  M.  de  Rovigo  ont 
encore  refusé.  » 

Les  témoins  de  M.  Pierre  Bonaparte  n'avaient  pas  le  droit  de  récuser 
l'épée,  puisqu'une  blessure  avait  été  reçue.  Ceux  de  M.  de  Rovigo  avaient 
cent  fois  raison  de  s'en  tenir  aux  conventions  du  procès-verbal,  le  désarme- 
ment étant  sans  influence  sur  leur  exécution.  Bien  plus,  M.  Pierre  Bonaparte 
était  blâmable  de  n'avoir  pas  immédiatement  cessé  la  lutte  et  d'avoir  attendu 
pour  s'arrêter  l'intervention  des  témoins* 


N""  79.  —  Affiedre  Ollivier-Feuilherade. 

Assises  Seine,  Gaz.  trib.,  4  août  4  876,  avec  renvoi  aux  n"»*  36,  66,  74 ,  75 

de  Vappendice. 

m 

On  découvrit  au  cours  ^u  procès  que»  dans  une  rencontre  précédente, 
M»  de  Fontenay,  adversaire  d'OlIivier,  l'ayant  touché,  eut  son  épée  faussée» 


•  t  -  - 


U6  SIXIÈME  PARTIE. 

comme  si  elle  avait  frappé  un  corps  dur,  et  que  M.  C*",  témoin  d'OlUïier,  se 
coQtenla  de  redreasor  la  lame;  après  quoi  !e  duel  recommença,  saos  que  les 
tâmoÎDs  adrersca  songeassent  h  vériâer  la  cause  de  ce  raosscmenl  d'épée, 
vcrificalion  qui  aurait  fait  découvrir  la  cuirasse  dont  OUiTÎer  se  rovôlail  les 
jours  de  rencontre. 


N"  80.  —  Affaire  Betz-Pierotti. 

Aitise»  Bouches-du-Rh6ne.  Gaz.  trOt.,  16,  17  et  4S  décembre   IS89, 
avec  renvoi  aux  n°>  37,  63  de  l'appendice. 

Extrait  de  l'acte  d'accusation  :  <  Les  conditions  suivantes  furent  établies: 
l'arme  serait  l'épée  de  combat,  avec  gant  de  ville  à  volonté.  Chaqac  reprise  ne 
pouvait  excéder  deui  minutes.  A  la  première  blessure,  le  combat  devait  cesser. 
Si  après  deuï  reprises  il  n'y  avait  aucun  résultat,  le  combat  serait  arrêté. 

0  Sur  le  terrain,  i!  avait  été  secrètement  entendu  avec  los  témoins  que 
chaque  reprise  ne  durerait  qu'une  minuta  au  lieu  de  deux. 

B  A  la  première  passe,  et  après  trente  secondes  de  combat,  Pierotli  fui 
atteint  au  croux  de  l'estomac  par  l'épée  de  son  adversaire  et  mourut  sur  te 

1  L'autopsie  a  démODtré  que  Pierotli,  avant  de  recevoir  le  coup  mortel, 
avait  été  blessé  deux  fois,  à  la  partie  supérieure  de  la  région  inîeroe  du 
bras  droit.  ■> 

Ces  blessures  étaient,  il  est  vrai,  sans  gravité;  mais  comme  les  motifs  du 
duel  c'taient  très  futiles,  los  quelques  gouttes  de  sang  répandues  auraient  pu 
sauver  la  vie  à  M.  Pierotli,  et  à  SI,  Belz  les  deux  années  do  prison  auxquelles 
le  jury  le  condamna*. 


N°  81.  —  Affaire  Mermeix,  député  boulangiste; 
de  Labniyère,  journaliste. 

Le  mtionat,  9,10,11  ieplembre  1890,  avec  renvoi  au  n"  97, 100 
de  l'appendice. 

Une  rencontre  eu  lieu  le  7  septembre,  entre  MM.  Hermeii  et  de  Labniyère, 
à  propos  de  la  publication  des  Coulisses  du  boulangisme. 

■  Au  premier  engagement,  est-il  dit  dans  le  procès-verbal,  M.  Mayer-Levy, 
témoin  de  M.  Mermeix,  s'étant  écrié  :  «  M.  de  Labruyëre  est  loucliél  » 
M.  Maxime  Dreyfus,  directeur  du  combat,  a  arrêté  immédiatement  le  duel, 

1.  Voye!  aussi  :  Crim.  cais.,  affaire  Servant-Lavarile,  4  janvier  18i5j  — 
affaire  Gtoïis  Hugues-Deamcs,  tMiseï  des  Bouches-du-Rlifine,  Gasettt  du  Tribunaux, 
82-23  révriarlSTS  et  n*  Si  de  l'appendice;  alTaire  Dichard-de  Hatial,  GauU»  <Ut 
TribUMaux.  3S  «  S7  décambM  1882,  et  n-  32,  65,  67  de  l'appendice.   ; 


APPENDICE.  «7 

«  M.  de  Labruyère,  se  dégardant  à  riojonction  de  M.  Dreyfas,a  élé  touché 
au  môme  instant  à  la  partie  interne  du  médius,  etc.,  etc.  » 

M.  de  Labruyère  soutint  (ce  qui  fut  du  reste  nié  par  M.  Mermeix}  qu'il 
avait  fiché  son  épée  en  terre  lorsqu'il  reçut  cette  blessure. 

Si,  au  lieu  d'agir  ainsi,  il  avait  rompu  vivement,  l'épée  en  ligne  et  bien  en 
garde,  il  aurait  évité  le  coup. 


N»  82.  —  Affaire  Coste-Benolt. 
Gaz.   trib.j  3  août  4832. 

Motif  d'ordre  privé.  Duel  au  pistolet.  Conditions  :  distance,  cinquante  pas; 
faculté  d'avancer  chacun  de  quinze  pas.  Arrivé  à  la  limite,  M.  Benoit  invite 
M.  Coste  à  tirer.  Celui-ci  s'y  étant  refusé,  il  se  produisit  un  combat  de  géné- 
rosité qui  menaçait  de  s'éterniser.  Les  témoins  convinrent  que  deux  balles 
seraient  échangées  au  signal.  M.  Benoit  fut  tué. 


N""  83.  —  Affaire  Mazard-de  Montbron. 

Assises  Haute-Vienne,  Gaz.  trib.,  4*'  et  2  septembre  4849. 

Motif  de  la  rencontre  :  discussion  politique.  Duel  au  pistolet  à  tir  successif. 
M.  Mazard  fut  blessé. 

Extrait  de  l'acte  d'accusation  :  «  M.  de  Montbron,  après  avoir  essuyé  le  feu 
de  son  adversaire,  l'ajusta  pendant  le  temps  que  l'on  met  au  tir  pour  viser  un 
objet  quelconque. 

<  A  ce  moment,  un  des  témoins  de  M.  Mazard  s'écria  :  f  Mais  tirez  donci 
a  tirez  donc  I  d  M.  de  Montbron  tira.  M.  Mazard  tomba.  Le  môme  témoin  s'écria: 
a  Monsieur  de  Montbron,  vous  avez  visé  bien  longtemps.  » 

Et  pourtant  il  n'avait  mis  que  quelques  secondes  pour  tirer. 


N"»  84.  —  Affaire  Reinach-Déroulède. 

Si  octobre  (890, 

Motif  de  la  rencontre  :  discussion  politique  à  la  suite  des  événements 
boulangistés.  Duel  au  pistolet  au  commandement. 

«  Procès-verbal  après  la  rencontre. 

«  Les  deux  adversaires  au  commandement  donné  ont  tiré  en  même  temps. 
La  balle  de  M.  Reinach  n'a  pas  atteint  M.  Déroulède.  Le  pistolet  de  M.  Dérou- 
lède  n'est  pas  parti.  Les  témoins  de  M.  Reinach  ont  alors  proposé  à  M.  Dérou- 
lède de  recommencer  le  coup.  M.  Déroulède  a  décliné  cette  proposition.  Les 
témoins  se  sont  rangés  de  son  avis,  etc.  » 

Us  agirent  correctement». 


SIXIÈME  PARTIE. 


Parmi  les  Boires  où  le  rechargemenl  n'a  pas  ou  Heu.  citons,  oulre 
l'afTaire  précédeDle,  l'aiTaire  ChacnbellaD-BDucbSTdOD,  Gaz.  Irib.,  assises  Lyon, 
mars  4Mî6. 

Parmi  celles  où  le  rechargeroeot  a  eu  lieu  :  affaire  de  La  Brun«rie-de 
Romans,  idem,  il  aoùMSil; 

Ferrer- Abiet,  assises  Gironde,  S  mai  1S3S: 

Hszaril-de  MonlbroD,  assises  de  la  Haute-Vienne,  ibidem,  {«octobre  1849. 


Jf  86.  —  Aifiûre  Déroulède-Lagu^re. 
i3  Hovemlire  1890. 

Moiifa  de  la  rencontre  :  polémique  à  la  suite  des  événements  boulan- 
gislcs.  La  reoconlre  devait  avoir  lieu  su  commandement. 

Il  avait  été  convenu  que  si  les  deux  premières  balles  n'avaient  pas  produit 
de  résultat,  deux  nouvelles  seraient  échangées. 

Au  signal,  M.  Laguerre  tira  sur  M.  Déroulède,  qui  tira  en  l'air.  Deux 
seconds  pistolets  ayant  été  remis  aux  adversaires,  H.  Laguerre  visa  de  nou- 
veau M.  DéroulËde,  qui  celle  Tois  encore  lira  en  l'air. 

La  ceoduile  des  adversaires  Tut  très  diversement  appréciée. 

M.  Déroulède  avail'il  le  droit  de  tirer  en  l'air?  M.  Laguerre  avait-il  le 
droit  de  tirer  sur  H.  Déroulède  après  que  celui-ci  eut  tiré  sa  première  balle 
en  l'air? 

Voyez  les  avis  de  AIM.  de  Casfagnac,  Arène,  Dreyfus,  Dugué  de  La 
Fauconnerie,  Carie  des  Perrières,  R.  Mitcbell,  Ranc,  Lockroy,  Gasti ne- Reinette 
dans  les  numéros  de  la  Presse,  de  VÈclair,  de  l'Événement  des16  et  17  no- 
vembre 1 8d0. 


N"  87.  —  AfîEaire  Mira-Dovalle. 
Gaz.  Irib.,  %7  octobre  1830. 

Le  molir  du  duel  Tut  on  article  de  Dovalle  que  Hira  considéra  comme  iuju- 
rieui. 

Arrivé  sur  le  terrain,  Slira  sortit  de  sa  poche  la  déclaration  qu'il  demau- 
dait.  Elle  lui  Tut  refusée.  Dovalle,  favorisé  par  le  sort,  tirale  premier  et  manqua. 
Le  même  accident  arriva  à  Mira. 

Les  témoins  pensaient  que  l'affaire  était  terminée,  mais  Hira  réclama  de 
nouveau  une  rétractation  qui  lui  fut  encore  refusée. 


APPENDICE.  489 

Il  s'écria  alors  :  a  Eh  bien,  il  n'y  a  plus  que  quatre  balles I  Continuons! 
Si  elles  ne  suffisent  pas,  j'en  apporterai  vingt,  et  nous  tirerons  jusqu'à  ce  que 
j'aie  obtenu  satisfaction-  > 

Le  nombre  de  balles  à  tirer  n'avait  pas  été  convenu.  Au  lieu  d'en  profiter 
pour  terminer  l'affaire  après  l'échange  des  premiers  coups  de  feu,  les  témoins 
cédèrent. 

Dovalle  fut  tué. 


N''  88.  —  Affaire  Dig'arrieivde  Beauvallon. 

Gaz.  trib.,   27-31  marsj  4  avril,  24  novembre,  %  décembre  4846, 
avec  renvoi  aux  n~  56, 94, 402  de  Vappendice* 

A  la  suite  d'une  querelle  futile,  entre  Dujarrier,  directeur  de  la  Presse^ 
et  de  Beauvallon,  directeur  du  Globe,  une  rencontre  fut  décidée.  Les  conditions 
du  duel  furent  que  les  combattants,  placés  à  trente  pas,  pourraient  avancer 
chacun  de  cinq.  La  question  de  savoir  par  qui  les  armes  seraient  fournies  fut 
laissée  an  hasard  ;  mais  il  fut  stipulé  qu'elles  devaient  être  absolument  incon- 
nues des  adversaires. 

Le  sort  s'élant  dc'claré  pour  de  Beauvallon,  dTcquevilley,  son  témoin, 
présenta  des  pistolets  d'arçon  et  des  pistolets  de  précision.  Les  pistolets 
d'arçon  furent  rejetés  conrme  étant  la  propriété  de  d'Ecquevilley. 

Celui-ci  ayant  remis  alors  à  l'examen  des  témoins  la  paire  de  pistolets  de 
précision,  M.  Bertrand,  témoin  de  Dujarrier,  introduisit  un  doigt  dans  le  canon, 
et  le  retira  noirci  jusqu'à  la  naissance  de  l'opgle.  Il  manifesta  la  crainte  que 
ces  pistolets  n'eussent  été  essayés.  Mais  d'Ecquevilley  le  rassura,  en  lui  disant 
qu'il  n'avait  fait  que  les  flamber.  Il  jura,  d'ailleurs,  sur  l'honneur,  que  de 
Beauvallon  ne  connaissait  pas  les  armes  dont  il  allait  se  servir. 

L'explication  et  le  serment  furent  acceptés.  Dujarrier  manqua  son  anta- 
goniste et  reçut  de  Beauvallon  une  balle  qui  le  tua. 

Le  26  mars  4846,  de  Beauvallon  et  les  témoins  passèrent  en  cour  d'assises. 
De  Beauvallon  et  d'Ecquevilley  jurèrent  que  les  pistolets  apportés  par  ce  dernier 
étaient  bien  réellement  inconnus. 

Tout  le  monde  lut  acquitté. 

Mais  un  M.  de  Meynard  déclara  ensuite  avoir  assisté  dans  le  jardin  de 
d'Ecquevilley,  le  matin  du  duel,  à  l'essai  des  pistolets. 

Sur  une  plainte  du  tuteur  des  enfants  de  la  victime,  d'Ecquevilley  fut 
renvoyé  devant  la  Cour  d'assises  de  la  Seine  sous  l'accusation  de  faux  témoi- 
gnage en  matière  criminelle  ;  de  Beauvallon  comme  témoin  à  sa  requête. 

De  Meynard  raconta  que,  la  veille  du  duel,  de  Beauvallon  vint  le  prier  de 
venir  s'exercer  au  tir  le  lendemain,  à  six  heures  et  demie  ;  qu'ils  allèrent  à 
Chaillot,  et  que  de  Beauvallon  tira,  en  effet,  une  dizaine  de  coups  sur  le  mur  dn 
jardin,  avec  deux  paires,  une  d'arçon  et  une  de  précision,  en  lui  indiquant  la 
provenance  de  cette  dernière.  Ce  fut  lui,  de  Meynard,  qui  traça  avec  un  caillou 
une  ligne  sur  la  muraille  du  fond.  Cette  ligne  servit  de  point  de  mire. 


iSO  SIXIÈME  PARTIE. 

A  la  suite  d'un  verdict  afSrmatlf  sur  toules  les  qaesltons,  do  Beauvalion 
tai  coodamoé  à  hait  ans  et  d'Bcf^aevilloy  à  dii  ans  de  réclusion. 

11  est  impossible  de  rencontrer  ua  exemple  pins  frappant  des  conséquences 
nuisibles  que  peut  avoir  la  stipulation  contre  laquelle  nous  venons  de  nous 
élever. 

Les  téa]oinsc«nvinroDt  queles  armas  seraient  inconnues  des  adversaires. 
C'était  une  oicallenle  intention,  mais  ils  ne  comprirent  paj  qu'en  taiisaot  i 
chacun  le  droit  d'apportsr  des  pistolets,  on  s'exposait  k  un  résultat  diamétra- 
lement opposé. 

Quel  moyeu  de  centrée  leur  restailT  Les  intéressés  ne  ponvaienl-ils  pu 
les  tromper  impunémentT  Ne  pouvaient-ils  apporter  des  armes  non  seulement 
conaaej,  mais  souEnisejà  toites  tes  manceivroi  déloyales  dont  nous  avons 
parlé  chapitre  xliii,  et  jurer  que  la  condition  était  strictement  observée? 

De  B3auv3llon  et  d'Ecquevillay  n'y  manquèrent  pas.  Leur  déloyauté  serait 
demeurée  impunie,  s'il*  n'avaient  pas  admis  un  tiers  à  l'essai  das  armes,  par 
une  imprudence  qne  la  lecture  des  débats  ne  nous  a  pas  eïpliquée,  et  s'étaient 
livrés  seuls  h  l'expérience. 

Ne  d  Ht-oQ  pas  s'étonner  aussi  de  l'incoQséquaace  des  témoins  adverses, 
qui  n'arrêtèrent  pas  l'alTaire,  en  présence  de  la  quasi-;:ertitude  que  leï  pisto- 
lets d'arçon  étaient  conaus  de  Biauvallon  et  de  l'épisode  du  djigis  noirciT 

Non;  y  puisoas  un  nouvel  argument  en  faveur  da  la  nécessité  de  pré- 
senter les  armes  avant  la  rédaction  du  procès- verbal,  et  da  les  sceller  dans 
une  boite,  dont  l'ouverture  n'est  faite  que  sur  le  terrain. 


N»  89.  —  Affitlra  Le  M"-de  M™. 

AssiKS  Marne.  Gaz.  Irib.,  8(  aoàl  <833,  avec  renvoi  au  n'  53 
de  l'appendice. 

DeR***,  témoinde  M***,  emprunta  chez  un  vétérinaire  des  pistolets  d'iné- 
gale bonté. 

Il  les  donna  h  un  armurier,  pour  les  remettre  en  état,  et  lui  recomma  nda 
de  marquer  d'un  signe  la  meilleure  arme.  Oo  colla  surlacrosse  un  papier  bleu. 

Le  droit  de  choisir,  tiré  au  son,  échut  à  de  U***;  de  R***  lui  remit 
l'arme  marquée. 

Les  généraux  Pajol  et  Excelmans,  consultés  sur  la  loyauté  ou  la  déloyauté 
de  cet  acte,  répondirent  :  <  Il  est  évident  qu'une  partie  qui  connaît  seule 
l'inégalité  des  armes,  et  peut  seule  distinguer  la  meilleure,  ne  peut  sios 
déloyauté  user  du  privilège  de  choisir  que  lui  donne  le  sort.  C'est  se  réserver 
un  privilège  qui  rompt  l'égalité,  première  loi  du  duel.  £nQn,  ce  n'eat  jamais 
aux  témoins  à  exercer  ce  choix,  mais  bien  au  combattant  que  le  sort  favorise- 
Il  y  a  donc,  dans  les  faits  rapportés  plus  haut,  violation  manifeste  des  lois  du 
duel.  1 


APPENDICE.  4^1 


IT  90.  —  AflEBdres  Bonnet-d'Omano  ;  Laisant-de  La  Rochette. 

Dans  an  duel  au  pistolet  à  tir  successif  qui  eut  lieu  pendant  les  Cent- 
Jours,  le  général  Bonnet  ne  dut  la  vie  qu'à  une  pièce  de  cinq  francs  sur 
laquelle  s'amortit  la  balle. 

Il  riposta,  et  le  général  d*Ornano  reçut  une  balle  dans  la  cuisse,  dont  il 
pensa  mourir. 

Même  incident  se  produisit  dans  le  duel  entre  M.  Laisant  et  M.  de  La 
Rochette,  rapporté  par  M.  Tavernier,  page  217.  M.  Laisant  reçut  une  balle 
qui  fut  amortie  par  un  gros  pardessus  d'hiver  qu'il  avait  conservé.  Il  riposta 
et  blessa  grièvement  M.  de  La  Rochette. 

Ces  deux  exemples  montrent  l'importance  de  la  visite  et  la  faute  com- 
mise par  les  témoins  qui  la  négligent,  ou  qui  tolèrent  un  objet  ou  un  yètement 
capable  d'arrêter  la  balle. 

Nous  le  répétons  encore  :  si  l'objet  conservé  n'avait  pour  résultat  que  de 
servir  de  bouclier  et  d'éviter  un  dénouement  tragique,  le  mal  ne  serait  pas 
bien  grand,  mais  il  peut  être  cause  d'une  riposte  mortelle  pour  un  homme 
qui  sans  cela  n'aurait  couru  aucun  danger.  Là  est  l'iajustice  et  la  violation  des 
règles  du  duel. 


N""  91.  —  Afbire  Layasseur-Arrighi. 

Assises  BauchesHiW'Rhâne.  ^Gaz.  Irib,,  44, 45  mars  4842, 
avec  renvoi  au  n9  35  de  l'appendice. 

Rappelons  que  la  rencontre  était  au  pistolet,  à  tir  successif  à  dix  pas. 

Déposition  de  M.  Casabianca,  témoin  d^Arrighi. 

c  Le  commandant,  atteint  par  le  feu  du  général  Levasseur,  resta  un  instant 
debout,  puis  tomba  en  vomissant  des  flots  de  sang.  Dans  l'intervalle  du  coup 
à  sa  chute  je  lui  présentai  le  second  pistolet,  en  lui  disant  :  «  A  votre  tour, 
c  tirez,  commandantl  »  Il  fit  un  léger  mouvement  conama  pour  le  prendre,  mais 
ne  put  en  venir  à  bout.  » 

On  voit  que  le  général  avait  tiré  sur  un  adversaire  dont  le  pistolet  était 
resté  entre  les  mains  des  témoins,  et  qui  était,  par  conséquent,  privé,  d'une 
légère  chance  de  salut. 


SIXIÈME  PARTIE. 


N"  92.  —  Affaire  de  T***,  député  des  Bouches-du-Rh&ne, 
et  P^. 

Juin  4839.  Colombey,  Histoire  anecdolique  du  dueL 

La  primaulê  dutiréchuCàM.deT***.  Tandis  que  les  témoins  rhargeaient, 
H.  P***  gourmaDdait  leur  lenteur  el  montrait  une  impatience  fébrile.  A  peine 
les  armes  remises  entre  les  mains  des  combattants,  il  pressa  M.  de  T***  de 
tirer,  sans  attendre  le  signal.  M.  de  T*"  obéit  et  le  tua. 

11  Tut  b'âmé  b  juste  titre. 

En  obtempérant  à  l'injonction  de  son  adversaire,  il  commit  une  fonte  noa 
entachée  de  déloyauté,  puisqu'il  ne  viola  pas  l'ordre  établi,  mais  certainement 
contraire  aux  règles  du  duel. 


N"  93  —  Affaire  Dr^rfiis-de  Mores. 
Voyez  journal  l'Escrime  française,  3  février  )  8) 


Dans  l'affaire  que  nous  rapportons.  le  duel  eut  lieu  au  commandement, 
mais  il  peut  servir  d'exemple  pour  tous  les  duels  au  pistolet. 

U.  Dreyfus  tira  entre  feu  el  un;  il  replia  aussitôt  le  bras  dans  la  position 
classique  de  l'aitente  en  pareil  cas.  Bien  lui  en  prit,  car  M.  de  Mores  ayant 
tiré  au  commandement  deux,  la  balle  viot  frapper  son  adversaire  dans  la 
partie  supérieure  de  l'avant-bras,  où  elle  resta  onfoucée. 

Si  M.  Dreyfus  n'avait  pas  pris  l'attitude  que  nous  recommandons,  il  esl 
évident  que  lit  balle  lui  aurait  causé  une  blessure  sinon  mortelle,  du  moins 
beaucoup  plus  grave. 


N"   94.  —  Affaire  Diyarrier-de  Beauvallon. 

Gaz.  trilt.il-3\  mars,  1"  ni'cii,  21  novembre,  ^décembre  i&i6,  avec  renvoi 
aun"'  o6,  88,  102  de  l'appendice. 

D'apiès  les  conditions,  les  combatlants,  placés  à  trente  pas,  en  pouvaient 
faire  cinq  avant  de  tirer.  Un  coup  tiré  appelait  l'autre  à  l'instant  même. 

Le  signal  une  fois  donné,  Dujamor  tira  aussitôt,  et  manqua  son  adver- 
saire.  De  Beauvallon  releva  lestement  soa  arme,  et  ajusia  longtemps.  '  Hais 
tirez  donci  Sacré  n...  de  Dl...  »  lui  cria  un  dos  témoins,  traduisant  par  cette 
imprécation  l'anxiété  des  assislants.  Lo  coup  partit:  Dujarrier  tombafrappé  aa     ! 
front. 

Accusé  d'avoir  visé  trop  longtemps,  il  prétendit  être  resté  dans  les  termes  j 
de  la  convention,  puisqu'il  avait  mis  en  joue  immédiatement  après  le  coup  de  | 
feu  tiré  sur  lui,  et  n'avait  pas  visé  plus  de  temps  qu'on  en  met  au  tir.  1 


.     APPENDICE.  «93 


N""  95.  —  AfEàire  Ritter-Appleton. 

Assises  Mayenne.  Gaz',  trib.  2  e(  3  avril  4873,  avec  renvoi  aux  n«*  6, 34 

de  l'appendice. 

Le  dael  eat  lieu  aa  pistolet,  au  signal. 

Extrait  de  l'acte  d'accusation  :  c  Au  signal  donné,  le  pistolet  de  M.  Ritter 
rata  ;  celui  de  M.  Appleton  fit  feu  au  troisième  coup,  et  la  balle  effleura  le 
premier  sans  le  blesser.  Oq  remarqua  qu^après  avoir  vu  rater  son  pistolet, 
M.  Ritter  ne  l'avait  pas  relevé  immédiatement,  et  avait  continué  à  tenir  son 
adversaire  en  joue.  » 

Si  le  pistolet  avait  fait  long  feu,  ce  retard  aurait  pu  donner  lieu  à  des 
commentaires  fâcheux  pour  M.  Ritter,  bien  qu'il  ne  fût  en  réalité  coupable 
d'aucune  déloyauté. 


N<>  96.  —  A£Eàire  Naquet-^Monvielle. 
Gaz.  Trib.  4  4  août  4  887,  avec  renvoi  aux  n^  28, 54 ,  60, 66, 72  de  l'appendice. 

Procès-verbal  après  la  rencontre  :  a  A  la  suite  d'une  polémique  engagée 
entre  M.  Monvielle,  rédacteur  eu  chef  du  Réveil  du  Dauphiné^  et  M.  Naquet, 
rédacteur  en  chef  du  Petit  Dauphinois^  une  rencontre  a  été  jugée  inévitable 
par  les  témoins  des  deux  parties.  M.  Monvielle,  offensé,  avait  choisi  l'épée  de 
combat.  Sur  la  demande  de  M.  Naquet,  le  combat  ne  devait  cesser  que  sur 
une  blessure  assez  grave  pour  mettre  l'un  des  adversaires  dans  l'impossibi- 
lité de  continuer. 

c  A  la  troisième  reprise,  M.  Naquet,  ayant  saisi  de  la  main  gauche  l'épée 
de  son  adversaire,  l'a  maintenue  assez  longtemps  pour  lui  permettre  de  blesser 
M*  Monvielle,  ainsi  mis  sans  défense,  au  tiers  interne  de  Taine  gauche.  En 
maintenant  l'arme  de  M.  Monvielle,  il  s'est  blessé  lui-môme  à  la  main  gauche, 

c  Cet  acte  inqualifiable,  et  contraire  à  toutes  le3  règles  de  l'honneur,  a  été 
blâmé  avec  la  plus  grande  énergie  par  les  quatre  témoins. 

ff  Un  médecin  assistait  à  la  rencontre.  Un  mattre  d'armes  dirigeait  le 
combat. 

«  Signé  :  »... 

La  lecture  de  ce  document  suffît  pour  montrer  que,  dans  une  autre  affaire, 
la  question  préalable  aurait  pu  être  invoquée  contre  M.  Naquet,  en  vertu 
d'un  procès-verbal  aussi  explicite,  sans  que  la  réunion  d'un  jury  d'honneur 
fût  nécessaire,  et  quand  bien  môme  les  témoins  ne  se  seraient  pas  entendus 
pour  ajouter  le  paragraphe  où  ils  apprécient  sa  conduite. 


r. 


SIXIÈME  PARTIE. 


N"  97.    —  ASalre  Mermeix-de  Labruyère-Castelin- 
L«  Pelletier-Millevoye. 

Voyez  le  National,  n"  des  9,  10,  1)  septembre  1890,  et  Ions  le$  journaux 
de  Paris  de  celle  époque,  avec  renvoi  aux  n"  81  e[100  de  l'appel*- 
dice. 

À  ia  suite  de  la  publication  des  Cûi4lisses  du  boulangisme,  M.  Hermeii 
demanda  réparation  à  quatre  pertonnes  à  U  fois  : 

A  M.  de  Labruyère,  journaliste; 

A  M.  CaBtelin.  député; 

A  M.  LepellelJer,  journaiisto; 

A  M.  Millevoye,  député. 

La  première  affaire  fut  rég:ée  le  7  septembre. 

Le  procès- verbal  après  la  rencontie  contenait  lesphrases  soi  vantes  :  u  Au  pre- 
mier engagement,  qui  a  duré  en\iron  quarante  secondes,  M.  Meyer-Lévy.  lémoin 
de  H.  Mermeii,  s'étant  écrié  :  •  M.  de  Labruyère  est  touchél  c  M.  Dreyfus  a 
arrêté  immédiatement  le  duel.  M.  de  Labruyère,  se  dégardaut  à  l'injonclion  de 
M.  Dreyfus,  a  été  touché  au  même  insiant  à  la  partie  interne  du  médius. 

«  Il  a  été  coDsiaté  par  tous  les  témoins  que  AL  de  Labruyère  n'avait  été 
auparavant  atteint  en  aucune  façon,  a 

La  deuiième  affaire  h  régler  Était  celle  de  U.  Castelin. 

Les  témoios  de  ce  dernier  adressèrent  le  S  septembre,  i  leur  client,  une 
lettre  dans  laquelle  ils  lui  déclaraient  qu'ils  s'élaieot  présealés  cbez  H,  de  La- 
bruyère, aQn  d'être  renseignés  sur  la  nature  des  faits  qui  avaient  donné  lien  a 
la  rédaction  du  procès-verbal  ci-dessus  relaté,  et  que  M.  de  Labruyère  leur 
avait  fait  la  réponse  suivante  :  t  Sur  l'honneur,  j'aflirme  que  M,  Uerraeiz  a  mis 
à  proBl  pour  me  frapper  le  moment  où  le  combat  était  suspendu,  sur  l'ordre 
de  M.  Dreyfus,  et  où  j'avais  rassemblé  en  arrière  et  Qché  mon  épée  en  terre.  •• 

Ils  terminaient  celto  lettre  en  annonçant  à  M,  Castelin  qu'en  présence  des 
accusations  formelles  do  M.  de  Labruyère,  ils  considéraient  la  rencontre  comme 
impossible  avec  M.  Mcrmeix,  et  l'avaient  déclaré  aux  témoins  de  ce  dernier. 

Le  même  jour,  les  témoins  de  U.  M«rmeix  lui  adressèrent  une  lettre  où  ils 
protestaient  contre  le  récit  do  M.  de  Labruyère  : 

i  Lorsque  M,  de  Labruyère,  lui  écrivaient-ils,  reçut  voire  coup  d'épée, 
vous  étifz  engagé  dans  une  attaque  très  vive.  Le  coup  a  été  lancé  avant  que  le 
corn  mandement  o  Halle  I  >  fût  prononcé...  ei  h  rînslanl  même  où  M.  de  La- 
bruyère se  dégardait  après  l'inleipellation  de  M.  Meyer-Lévy...  Nous  jurons 
sur  no  tte  honneur  que  M.  de  Labruyère  a  fait  imprimer  hier  le  contraire  de 
la  vérité;  B  etc. 

A  celto  lettre,  M.  Mermeix  répondit  :  «  que  la  contre-vérité  publiée  par 
M.  de  Labruyère  n'était  qu'un  prétexte  fourni  aux  gens  sans  courage  qui 
l'avaient  insulté  pour  se  dérober  et  refuser  réparation  i. 


APPENDICE.  495 

Celte  lettre  fut  suhie  d'ane  autre  de  M.  Castelin  à  ses  témoins,  déclarant 
approuver  leur  fin  de  noD-recevoir;  d'une  lettre  de  M.  Mermeix  à  ses  témoins, 
où  il  proclama  son  mépris  pour  M.  Castelin  et  ses  mandataires,  où  il  traita  le 
premier  de  a  bon  béta  »,  et  l'autre  de  c  rien  du  tout  »,  «  solidaires  de  la  lâ- 
cheté montrée  par  leur  mandant  »;  d'une  réponse  de  M.  Castelin  où  il  reproche 
à  son  antagoniste  ses  délations,  ses  friponneries  et  sa  lâcheté;  d'une  lettre  de 
M.  Delagneau,  témoin  de  M.  Castelin,  où  il  accuse  M»  Mermeix  de  détourne- 
ments et  d'abus  de  confiance,  et  d'une  lettre  de  M.  Duret,  autre  témoin  de 
M.  Castelin,  où  il  traite  M.  Mermeix  de  «  Judas,  pis  qu'un  simple  bandit,  pis 
qu'un  Cartouche  et  qu'un  Mandrin,  et  justiciable  des  seuls  balayeurs  ». 

Ces  lettres  ayant  toutes  été  rédigées  pour  être  communiquées  aux  jour- 
naux et  l'ayant  été  en  effet,  nous  ne  croyons  pas  être  désagréable  aux  per- 
sonnes citées  en  les  reproduisant  comme  documents  à  l'appui^de  notre  thèse. 

La  troisième  affaire  à  régler  était  celle  de  M.  Lepelletier*  M.  Edmond 
Lepelletier,  mis  en  cause  à  £on  tour,  répondit  par  une  fin  de  non-recevoir 
moins  crue  dans  les  expressions,  mais  conçue  dans  le  même  £ens. 

En  présence  de  cette  série  de  récusations,  les  témoins  de  M.  Mermeix 
adressèrent  à  ceux  de  M.  de  Labruyère  une  lettre,  en  date  du  9  septembre, 
où  ils  leur  demandaient  une  entrevue  pour  afSrmer  leur  procès-verbal,  et 
prendre  des  dispositions  afin  de  protester  en  commun  contre  les  allégations  de 
M.  de  Labruyère  qui  les  atteignaient,  eux  témoins,  bien  plus  que  M.  Mermeix, 
qui  était  couvert  par  le  procès- verbal  signé  en  commun  et  leurs  déclarations 
postérieures. 

A  celte  lettre,  M.  des  Houx,  témoin  de  M.  de  Labruyère,  répondit  par  un 
refus  tiré  :  l^*  de  ce  que  le  mandat  qui  leur  avait  été  confié  par  M.  de  La- 
bruyère était  expiré  par  la  signature  du  procès-verbal  ;  2<>  de  ce  que  le  procès- 
verbal  n'avait  besoin  ni  d'affirmation  ni  de  confirmation,  et  que  son  témoi- 
gnage restait  entier  en  dépit  de  tous  les  commentaires. 

M.  Mermeix  proposa  alors  à  M.  de  Labruyère  la  réunion  d'un  jury  d'honneur. 

M.  de  Labruyère  répondit  :  «  Après  votre  conduite,  je  vous  considère 
comme  n'étant  justiciable  que  destriburaux  de  droit  commun.  » 

M.  Mermeix  écrivit  alors  une  lettre  au  procureur  général,  où  il  l'informait 
du  duel^t  de  tes  péripéties,  en  lui  demandant  qu'une  instruction  fût  ouverte. 

Le  ministère  public  demeura  muet. 

Restait  à  régler  l'affaire  avec  M.  Millevoye.  Les  témoins  de  M.  Millevoye 
déclaièrent  que  leur  client  acceptait  en  principe  le  cartel  de  M.  Mermeix, 
mais  qu'il  voulait  qu'un  jury  d'honneur  se  prononçât  auparavant  sur  les  inci- 
dents du  duel  La  bruyère.  Une  blessuregrave,  reçue  par  M.  Mermeix  dans 
l'intervalle  entre  ces  pourparlers  et  la  réunion  du  jury  d'honneur,  arrêta 
l'affaire,  qui  n'eut  pas  de  suite. 

Si  nous  nous  plaçons  au  point  de  vue  théorique,  le  seul  qui  nous  occupe, 
M.  Millevoye  nous  parait  avoir  agi  avec  une  indiscutable  correction. 

Faut-il  porter  le  même  jugement  sur  les  polémiques  et  les  fins  de  non- 
recevoir  que  nous  rencontrons  dans  les  affaires  précédentes?  C'est  ce  que 
nous  ne  nous  permetterons  pas  de  décider,  car  nous  ignorons  tous  les  dessous 
susceptibles  de  les  expliquer,  et  ne  pouvons  les  juger  que  d'après  des  docu- 
ments ofiiciels,  et,  partant,  peu  explicites* 


r 


«96  SIXIÈME  PARTIE. 

Il  nous  semblo  cependant  que  les  lémoias  du  duel  où  M,  de  Labrnyëre 
fut  blessé,  auraient  dû  rédiger  le  procès-verbal  de  maniérée  ae  laisser  planer 
fiucua  doute  sur  la  nature  de  l'infraction  et  les  circonstances  qui  l'avaient 
accompagnée - 

Lo  coup  qui  a  blessé  M.  de  Labruyère  a-t-il  été  porté  après  que  ce  der- 
nier eût  rassemblé  en  arrière  et  fiché  son  épée  en  terre  T 

Le  commandement  :  «  Arrêtez  1  d  de  M.  Dreyfus  a-l-il,  au  contraire,  été 
concomitant  avec  la  botte  de  M.  HermeixT  C'est  co  qu'il  fallait  démontrer. 
C'est  ce  qui  ne  fut  pas  tranché. 

Qu'en  résulU-l-il? 

Les  témoins  de  M.  Uermeix  affirmèrent  sur  l'honneur  un  tail  que  lo  pro- 
cès-vorhal  laissait  indécis. 

.M.  de  Labruyère  affirma  de  son  côté  sur  l'honneur  que  ce  ^l  s'était 
passé  d'une  manière  diamétralement  opposée.  Les  témoins  de  M.  de  Labruyère 
refusèrent  de  donner  dos  explications,  en  s'appiiyjat  précisément  sur  le  procès- 
verbal  qui  engendrait  l'équivoque. 

Los  doux  antagonistes,  dont  les  aSaires  devaient  se  régler  ensuite,  furent 
accusés  par  M.  Mormeix  de  proQter  du  litige  pour  esquiver  le  danger  des  ren- 
contres qui  les  menaçaient. 

Au  lieu  d'échanger  les  injures  que  nous  avons  reproduites,  non  dans  un 
but  de  dénigrement  à  l'adresse  de  per^uues  que  nous  ne  connaissons  pas, 
mais  comme  un  argument  réel  à  l'appui  de  notre  thèse,  ne  valait-il  pas  mieux 
suivre  la  marche  qui  vient  d'être  conseillée  ? 


N'  98.  —  Affaire  Naquet-Monvielle. 
Gaz.  tria.,  H  ootlf  ISST,  avec  renvoi  aux  n"  ii.  60,  63,  ^i  de  l'appendice. 

A  la  suite  de  l'infraction  commise  par  M.  Naquet  et  de  la  blessure  qui  en 
résulta  pour  H.  Monviello,  M.  Naquet  fut  injurié  par  plusieurs  témoins. 

Un  d'entre em,  M.  M'*',  se  laissa  même  aller  jusqu'à  le  soufili'ter. 

Il  fut  blâmé  ajuste  titre  par  le  présideat,  au  cours  du  procès  qui  s'en- 
suivit, car  il  était  sorti  complètement  de  son  rôle. 

Interrogé  sur  les  mobiles  qui  l'avaient  poussé  à  cet  a;te,  il  no  put  en  in- 
voquer d'autres  que  la  colère. 


N"  99.  —  Affaire  T***-R'^. 

Avec  renvoi  au  n°  108  de  l'appendice. 

Cn  duel  mystérieui,  dont  les  acteurs  s'efforcèrent,  par  tous  les  moyens 
possibles,decachorle  sujet  et  le  résultat,  eut  lieu  à  Genève,  au  mois  d'août  1S90, 
et  défraya  les  commentaires  de  li  presse  pendaut  quelques  jours. 

Les  journaux  d'i  a  for  mations  finirent  par  découvrir  et  par  publier   que 


APPENDICE.  497 

M.  T***-R***,  substitut  près  le  tribunal  de  la    Seine,    avait  été    l'un  des 
combattants. 

M.  T***-R***  fut  obligé  de  donner  sa  démission.  S'il  avait  commis  celle 
infraction  à  la  loi  pour  laquelle  il  avait  charge  de  requérir,  à  une  époque  où  la 
tolérance  en  matière  de  duel  était  moins  grande,  il  n*en  aurait  pas  été  quitte 
à  si  bon  marché. 


N*"  100.  —  AfEBire  Mermeix-Labruyère. 
Avec  renvoi  aux  n**8l  e^  97  de  l'appendice. 

Au  lieu  d'insérer  simplement  au  procès-verbal  que  M.  Meyer-Lévy, 
témoin  de  M.  Mermeix,  s'étant  écrié  :  «  M.  de  Labruyère  est  touché!  » 
M.  Dreyfus  arrêta  le  combat,  et  que  M  de  Labruyère^  se  dégardant  à  cette 
injonction,  fut  touché  au  môme  instant^  il  fallait  spécifier  quelle  était  l'attitude 
de  M.  de  Labruyère  au  moment  où  il  reçut  le  coup  et  dans  quelles  conditions 
M.  Mermeix  porta  ce  coup. 

La  question  offrait  un  intérêt  d'autant  plus  grand  que  la  version  des  té- 
moins de  M.  Mermeix  paraissait  attribuer  son  incorrection  à  une  sorte  de  fa  ta* 
lité,  tandis  que  celle  de  M.  de  Labruyère  tendait  à  lui  imprimer  un  caractère 
de  félonie. 


N°  101.  —  Affaire  Drumont-Meyer. 

Gaz,  trib,,  tl  juin  1886.  Tribunal  correctionnel  de  la  Seine,  avec  renvoi 

aux  n"**  59,  64,  69,  77  de  f appendice. 

Extrait  de  l'interrogatoire  des  témoins  : 

M®  Lente.  —  «  M.  D***  a  dit  tout  à  l'heure  qu'il  n'avait  pas  vu  la  main 
de  M.  Meyer  se  porter  sur  l'épée  de  M.  Drumont  au  premier  choc.  Youdraifr-il 
me  dire  comment  il  a  consenti  à  l'insérer  au  procès-verbal  ?  » 

Le  TéMOiN.  —  c  Messieurs,  nous  entrons  alors  dans  la  partie  délicate  de 
l'affaire.  Un  des  témoins»  M.  Duruy,  affirme  qu'il  a  parfaitement  vu  le  mouve. 
ment.  Nous  ne  pouvions  douter  de  sa  parole  d'honneur,  de  son  œil  exercé,  de 
l'énergie  de  sa  déclaration.  Il  affirme  nettement  qu'il  a  vu. 

c  Que  nous  fallait-il  de  plus  ?  » 


N^  102.  —  AfCaire  Di\jarrier-de  Beauvallon. 

Gaz.  trib,^  27,  34  mars^^"^  avril,  24  novembre,  2  décembre  4846, 
avec  renvoi  atix  n^  56,  88,  94  de  V appendice. 

Ce  fut  avec  raison  que  M.  de  Guise,  appelé  à  déposer  comme  témoin, 
devant  le  juge  d'instruction,  contre  d'Ëcquervilley  et  de  Beauvallon,  à  propos 

32 


«M  .•ilMtME  P,VRT1E. 

da  duel  où  Dujarrier  perdit  la  vie,  répondit  à  one  menace  qui  lui  était  faite 

ft  cause  de  aa  déposition,  que,  si  une  provocation  lui  était  adre^éo,  il  la  Iran:^ 
mettrait  âinipleiuent  au  procureur  du  roi,  pour  lu  jojudre  aui  pièces  de  U  pro- 
céduro. 


N>  103.  —  Affoîre  Darzena-Moréas. 

Voyaz  te  Tempi,  b°  du  Si  mai  1H88,  atiec  renvoi  au  n' 

Procès-verbal  après  la  rencontre  :  «  A  la  suite  d'une  altercation  s 
entre  MM.  Jean  Mor6as  et  Rodolphe  Darzens,  une  rencontre  à  i'épée  eut  lien 
dans  les  environs  de  Paris. 

I  M.  Moréas,  au  moment  ofl  son  épée  venait  do  traverser  la  chemise  de  son 
adversaire  pour  aller  eltleurer  son  bras  gauche,  s'est  servi  de  sa  main  gauche 
pour  arri>ter  une  riposte  simultanée  de  M.  Darzens.  Le  combat  a  été  arrêté  sur 
la  demande  expresse  des  témoins.  Ont  signé,  etc.  > 

Tout  le  monde  semblait  d'accord  sur  le^  faits,  et  l'incident  paraissait  clos. 
lorsque  Il'S  témoins  de  M.  Moréas  publièrent  une  prolestatton  constatant  que  le 
coup  porté  par  leur  client  était  antérieur  au  mouvement  qui  lai  avait  fuît  saisir 
I'épée  de  son  adversaire;  que  le  corps  à  corps  allait  commencer;  que  le  direc- 
teur du  combat  allait  commander  l'arrêt;  quelecoap  de  M.  Darzens  ne  pouvait 
atteindre  M.  Moréas,  et  que,  par  le  Tait,  ce  dernier  n'avait  pu  détourner  un  coup 
effectir;  euQn  qu'on  avait  vu  H.  Moréas  Gclier  son  épée  en  terre  de  la  main 
droite,  tandis  qu'il  saisissait  l'épéo  de  son  adversaire  de  la  main  gauche. 

Les  témoins  de  M.  Darzens  publit'renl  une  contre- protestation,  dans  laquelle 
ils  déclarèrent  s'en  tenir  i  la  première  versioo  et  repousser  l'interprétation  don- 
née après  coup. 

Les  témoins  de  M.  Moréas  nous  paraissent  mal  fondés  à  prolester  contre 
un  procès-verbal  aussi  précis,  et  rédigé  en  commun  sans  aucune  réserve.  Les 
témoins  de  M.  Darzens  semblent  avoir  agi  dans  la  plénitude  de  leur  droit  en 
opposant  le  procès-verbal  que  nous  avons  rapporté.  Empressons-nous  d'ajouter 
que  l'infraction  de  M.  Moréas  ne  l'cmpécha  pas  d'être  accepté  comme  adver- 
sairo  peu  de  temps  après,  et  que  depuis  il  s'est  plusieurs  fois  battu,  notam- 
ment le  1"  juin  1888,  avec  M.  Cellarius.  rédacteur  au  Gil  Blas;  le  8  juin,  avec 
M.  Harden-Hickey,  rédacteur  au  TriboiUel;  le  7  août  18SS,  avec  M.  Darzens. 


M"  104. 

Ordre  du  jour  du  minisire  de  la  guerre,  11  juin  1835. 

Au  mépris  de  toutes  les  règles  de  la  subordination,  un  lieutenant-colonel 
a  osé  provoquer  en  duel  son  supérieur.  Un  événement  aussi  fâcheu:(,  qui 
aurait  pu  porter  atteinte  à  la  discipline  du  corps,  méritait  une  punition  prompte 


APPENDICE.  499 

et  sévère.  Le  ministre  de  la  guerre  vient  d'ordonner  que  ce  lieutenant-colonel 
soit  traduit  devant  un  conseil  de  guerre. 

Quant  au  supérieur  qui,  pouvant  se  servir  de  l'autorité  dont  l'armaient  la 
loi  et  son  grade,  a  eu  la  coupable  condescendance  de  répondre  à  cette  provo- 
cation, il  sera  puni  par  la  perte  de  son  emploi^  et  les  témoins  officiers  du  corps, 
qui  ne  se  sont  pas  opposés  à  cette  rencontre,  garderont  les  arrêts  de  rigueur 
pendant  quinze  jours. 

En  portant  à  la  connaissance  de  l'armée  des  faits  aussi  graves  que  ceux 
qu'il  vient  de  signaler,  le  ministre  de  la  guerre  veut  prouver  qu'aucune  infrac- 
tion ne  demeurera  impunie,  et  qu'il  est  déterminé  à  maintenir  l'autorité  du 
grade,  qu'il  considère  comme  la  base  la  plus  solide  de  cette  discipline,  sans 
laquelle  il  n'y  a  pas  d'armée  possible. 

Voyez  également  séance  du  conseil  de  guerre,  Gaz.  trib,,  8  juillet  àHZ^* 


N^  105. 

Gaz.  trib.y  3  février  4838. 

Ordre  du  jour  du  ministre  de  la  guerre  à  l'occasion  d'un  duel  entre  un 
chef  d'escadrons  et  un  capitaine,  dans  lequel  ce  dernier  succomba  :  c  Un  chef 
d'escadrons  vient  de  provoquer  un  capitaine  sous  ses  ordres.  Celui-ci  a  répondu 
à  la  provocation  de  son  supérieur  : 

c  L*ordre  du  jour  porté  à  la  connaissance  de  l'armée,  le  43  juin  4835,  par  le 
ministre  qui  m'a  précédé,  aurait  dû  prévenir  tout  renouvellement  d'une  aussi 
grave  infraction  aux  règles  de  la  discipline.  Ce  coupable  oubli  des  devoirs  du 
commandement,  ce  renversement  de  toute  subordination  exigeaient  une  peine 
sévère. 

o  Le  chef  d'escadrons  qui  a  provoqué  son  inférieur  sera  mis  en  retrait 
d'emploi. 

«  Le  témoin  du  môme  grade  sera  puni  d'un  mois  de  prison» 

c  Le  second  témoin  subira  quinze  jours  d'arrêt,  ainsi  que  le  colonel  du 
régiment  qui  n'a  pas  su  faire  usage  de  son  autorité  pour  le  maintien  de  la  su- 
bordination. » 


N«  106.  —  Tribunal  fédéral. 

Audience  du  27  août  4883.  —  Affaire  Lennig. 

Par  note  du  48  juillet  4883,  l'État  de  Bavière,  invoquant  l'article  4*^, 
n^  40,  du  traité  d'extradition  conclu,  le  24  janvier  4874,  entre  la  Suisse  et 
TEmpire  allemand,  a  requis  l'extradition  d'Eugène  Lennig,  étudiant  en 
chimie,  de  Philadelphie,  arrêté  à  Bàle  ensuite  d'un  mandat  décerné  le 
47  juillet  par  le  juge  d'instruction  de  Wiirzbourg.  Lennig  est  inculpé 
c  d'avoir,  avec  préméditation,  porté  en  duel  des  coups  et  blessures  ayant 


eOO  SIXIEME    l'AltTIK. 

entraîné  la  mort,   crime  pr6vu  par  les  articles  S06,  213  et  226  da  (knje 
pénal  >. 

Arrêt  I.  —  Il  n'est  pas  coDlestê  et,  d'ailleurs,  il  résnlte  dea  docamenls 
produits,  que  les  blessures  qui  ont  donné  lieu  i  la  demande  d'extradition  odI 
été  faims  en  duel. 

D'après  l'article  5R  de  la  loi  sur  l'organisalion  judiciaire  du  27  juin  187i, 
l'unique  question  à  résoudre  est  de  savoir  si  le  prévenu  est  poursuivi  i 
raiion  de  l'un  des  crimes  ou  délits  énumérés  dans  l'article  4"  du  traité 
d'eKtrdditioD. 

Arrél  //.  —  La  réponse  doit  être  négative.  Le  Code  pénal  allemand 
(art.  30t  etsuiv.),  ainsi  que  la  grande  majorité  des  codes  suisses,  envisage 
le  duel  comme  un  délit  sui  gcnerii,  non  assimilable  au  meurtre  ou  aux  coups 
ot  blessures.  Or  le  duel  n'est  point  spécialement  meetionaé  dans  le  traité 
enire  l'AIIomagne  et  la  Suisse,  dont  l'article  I",  n°  10,  ne  vise  que  le  délit 
général  de  coups  et  blessures,  et  encore  de  coups  et  blessures  graves,  sua- 
ceptibies  d'entraîner  la  peine  des  travaux  rorcés.  (Art.  2ï4  et  suiv.  Code 
pénal  allemand.) 

Colle  omission  s'explique  par  le  caractère  moins  rigoureux  des  pénalités 
attachées  bu  duel,  que  le  Code  pénal  allemand  punit,  nnâme  dans  les  cas  les 
plus  graves,  de  l'inleroemont  dans  une  forteresse  {custodia  honeala). 

II  importe  peu  que,  dans  son  mandat  du  <7  juillet,  le  juge  d'iestruction 
de  Wtii'7.bou[g  invoque,  non  seulement  l'article  Î06,  mai:^  aussiles  articles  !!3 
et  tS6  du  Code  allemand,  on  se  mettant  de  la  sorte  eu  opposition  mani- 
feste, soit  avec  le  texte  de  ces  dispogilions  légales,  soit  avec  la  teneur  mfme 
d'un  premier  mandat  lancé  le  13  juillet  :  c'est,  en  effet,  au  tribunal  de  céans, 
et  à  lui  seul,  qu'il  uppariieal  de  recliorcber  si  le  traité  en  vigueur  lui  fait  un 
devoir  d'accorder  l'extradition  à  raison  des  faits  imputés  h  Lennig. 


N°  107,  —  Affaire  du  sous-lieutenzmt  Wemert. 
CoiueU  de  guerre  de  Toulon,  Gaz.  irib.,  »"  des  20-î(  octobre  1890. 

Dans  la  soirée  du  Si  mai,  le  souB-lieu tenant  Wemert  disparut. 

On  le  chercha  vainement  pendant  plusieurs  semaines.  Sa  disparition  donna 
lieu  aux  commentaires  les  plus  divers  jusqu'au  9  octobre,  époque  à  laquelle 
il  se  présenta  chez  son  colonel  en  demandant  à  être  jugé. 

Il  ût  connaître  à  son  chef  que  son  départ  était  l'épilogue  de  drames  san- 
glants dans  lesquels  il  avait  mortfUement  frappé  deux  hommes.  Le  jeune 
oSicier  expliqua,  sans  vouloir  d'ailleurs  entrer  dans  aucun  détail,  qu'une 
haine  de  famille  l'avait  mis  dans  la  nécessité  de  se  battre  avec  un  civil 
habitant  Lyon,  et  occupant  un  certain  rang  dans  la  société. 

La  rencontre  avait  eu  lieu  la  nuit,  aux  ûambesui,  dans  le  jardin  de  la 
maisonnette  occupée  par  l'ofScier.  Blessé  grièvement  d'un  coup  d'épée  au  bas- 
ventre,  ce  premier  adversaire  euccombait  peu  de  jours  après. 


APPENDICE.  501 

  quelque  temps  de  là,  second  duel  avec  un  des  témoins  de  la  première 
rencontre,  qui  avait  accusé  le  sous-lieutenant  de  déloyauté.  Cette  fois  encore, 
l'adversaire  de  M.  Wemert,  mortellement  frappé,  était  emporté  secrè- 
tement jusqu'au  chemin  de  fer,  et  il  expirait  à  Lyon,  après  quelques  jours 
d*agonie. 

C'est  alors  que,  voyant  sa.carrière  brisée  par  la  perspective  d'un  procès 
en  cour  d'assises,  M.  Wemert  quitta  Toulon,  et  qu'après  avoir  erré  en  Suisse, 
il  se  réfugia  dans  sa  famille,  à  Schlestadt,  où  il  serait  encore,  s'il  n'avait  pas 
été  accusé  d'avoir  vendu  aux  Allemands  des  pièces  militaires,  accusation  à  la 
suite  de  laquelle  il  vint  se  constituer  prisonnier. 

Traduit  devant  un  conseil  de  guerre,  il  fut  acquitté  à  l'unanimité. 


N«  108.  —  Affaire  T***-R***. 
Août  4890,  avec  renvoi  au  n^  99  de  Vappendice. 

Un  duel  mystérieux  défraya  pendant  quelques  jours  les  commentaires  de 
la  presse,  non  qu'il  eût  présenté  des  circonstances  extraordinaires,  mais  parce 
qu'on  murmurait  qu'un  personnage  en  vue  s'y  trouvait  mêlé. 

Malgré  la  précaution  d'aller  se  battre  à  Genève  et  de  ne  mettre  dans  la 
confidence  que  le  nombre  de  personnes  strictement  nécessaire,  un  journal 
d'informations  finit  par  découvrir  que  M,  T***-R***,  substitut  près  du  tri- 
banal  de  la  Seine,  était  l'un  des  adversaires. 

M.  T***.R***  dut  donner  sa  démission.  Ajoutons  qu'au  bout  de  deux  ou 
trois  mois,  il  fut  replacé. 


N<»  109.  —  Affaire  Rochefort-Isaac. 

V Intransigeant,  w°  rfà  44  mai  4894 . 

Motif  de  la  rencontre  :  article  de  M.  Bochefort,  critiquant  la  conduite  de 
M.  le  sous-préfet  Isaac  dans  les  événements  de  Fourmies.  —  Nous  nous  con- 
tenterons de  copier  la  lettre  adressée  à  M.  H.  Rocbefort  par  ses  témoins,  car 
elle. résume  toute  l'affaire,  dont  les  détails  ne  sauraient  trouver  place  dans  le 
cadre  restreint  de  cet  appendice  : 

a  Cher  ami, 

«  11  avait  été  convenu  que  la  rencontre  arrêtée  dans  le  procès-verbal  que 
nous  avons  eu  l'honneur  de  vous  communiquer  Aurait  lieu  sur  le  territoire 
hollandais,  dans  les  environs  de  Breskens. 

«  Mais  en  arrivant  à  Heyst- sur-Mer,  la  gendarmerie  est  intervenue,  et  un 
commissaire  de  police  nous  a  signifié  que  non  seulement  il  avait  reçu  l'ordre 


,  « 


t 


602  STXltMF.  PARTIE. 

de  s'opposer  au  duoi  projeté,  mais  qu'il  nous  accompagnerait  jusqu'à  la  fron- 
tière, Dii  nous  alleodraient  les  autorités  bollandaises  prévenues  par  télé- 
gramme. 

a  Dans  ces  conditions,  nous  avons  dil  rentrer  avec  vous  i  Bruges,  escor- 
tés par  la  gendarmerie  qui,  a  l'heure  mËme  où  nous  écrivons,  monte  eucore  la 
garde  devant  notre  porte. 

<  Dans  une  nouvelle  entrevue  avec  les  témoin»  de  M.  Issat,  nous  leor 
avons  déclaré  que  nous  étions  a  leur  disposition,  et  leur  avons  demandé  de 
nous  indiquer  un  autre  point  de  la  frontière  hollandaise  oii  la  rencontre  fût 
possible,  le  territoire  français  vous  étant  formé  comme  proscrit. 

<  Ces  messieurs  ont  reconnu  que,  gardés  à  vue  comme  nous  é^on?, 
nous  ne  pourrions  donner  suite  à  nos  projets... 

«  Dès  lors,  nous  n'avions  plus  qu'à  considérer  notre  mission  comme  ter- 
minée, etc.  » 

A  lire  également  dans  le  numéro  du  journal  ta  Prrtse.ea  date  du  8  sep- 
tembre 1890,  h  propos  de  l'alTairo  Hochetort-Thiébaut,  l'article  intitulé  Avant 
la  rencontre,  désopilant  récit  des  tribulations  que  font  .'^ubir  aux  chrimpions 
l'acharnemeni  des  reporters  qui  se  cachent  sous  leurs  lits,  montent  derrière 
leurs  voitures,  ou  les  escortent,  en  s'empilant  dans  des  fiacres  comme  les 
invités  d'une  noce  qui  se  rend  au  Bois. 


N"  110.  —  Affaire  Marchis-Duchsissin. 

f.Vir.  Iril'.,  li  diiccmbre  1R76. 

A  cotte  date,  on  lisait  dans  la  Gazette  de  Mons  :  <  Hier  arrivaient  dans 
noire  ville  MM.  Marchis  et  Duchassin,  le  premier  maire,  le  second  adjoint  de 
la  Cliapelle-Fouclié  (Dordogne). 

n  II  parait  qu'à  la  suite  d'une  discussiou  orageuse  au  Conseil  municipal, 
MM,  Marchis  et  Ducliassin  avaient  échangé  des  propos  vifs  qui  avaient  déter- 
miné la  rencontre,  el  comme  ces  messieurs  se  figuraient  que  le  duel  ne  tom- 
bait pas  en  Belgique  sous  le  coup  de  la  loi  pénale,  ils  avaient  fait  bravement, 
avec  leurs  témoins  et  sept  ou  huit  parents  el  amis,  parmi  lesquels  le  président 
du  tribunal  de  Périgueux,  gendre  de  M.  Marchis,  et  le  greffier  du  même  siège, 
plusieurs  centaines  de  lieues  pour  venir  vider  leur  diRërend  dans  nos  parages. 

I  Ces  messieurs  étaient  descendus  dans  deux  hôtels  différents,  oit  leurs 
préparatifs  avaient  donné  l'éveil.  Aussi,  quand  ils  arrivèrent  au  bois  d'Havre, 
le  maréelial  des  logis  Crévecœur,  en  tenue  bourgeoise,  s'y  tenait  avec  siï 
gendarmes  qu'il  avait  disposés  aui  environs  de  Longue-Croix. 

<  Les  dispositions  du  combat  furent  vite  prises,  plus  vite  que  ne  le  sup- 
posait le  maréchal  des  logis,  qui  faillit  être  victime  do  cette  circonstance. 

t  Le  duel  avait  lieu  au  pistolet  de  cavalerie.  Les  armes  furent  immédiate- 
ment chargées,  el  les  combattants  placés  h  vingt  mètres. 

<i  A  ce  moment,  le  maréchal  des  logis  s'avançait,  après  avoir  lancé  un 


APPENDICE.  503 

coup  de  sifQet  qui  ralliait  ses  hommes.  Mais  au  même  moment  deux  détooa- 
tions  retentissaient,  et  tandis  que  les  adversaires  en  étaient  quittes  pour 
Témotion,  M.  Crèvecœur,  qui  accourait  derrière  M.  Duchassin,  enlendit  siffler 
la  balle  de  M.  Marchis  à  un  pouce  de  son  oreille  et  manqua  être  tué. 

c  Duellistes,  témoins,  parents,  tous  furent  arrêtés  et  amenés  en  grande 
pompe  à  Mons,  dans  une  voilure  escortée  de  gendarmes  à  cheval,  pour  être 
conduits  au  Palais  de  Justice  entre  deux  haies  de  curieux. 

c  Ils  furent  incarcérés  et  gardés  sous  les  verrous,  jusqu'à  ce  que  la  Cour 
d'appel  eût  statué  sur  leur  liberté  provisoire.  Elle  eut  lieu  le  20  décembre, 
moyennant  une  caution  qui  fut  fixée  à  3,000  francs  pour  chacun  des  adver- 
saires, ù 


N*"  111.  —  Affaire  Lag^erre-Déroulède. 

La  Presse  du  \Z  novembre  4 890  et  n^  suivants. 

Motifs  de  la  rencontre  :  polémique  à  la  suite  des  événements  boulanglstes. 

Le  départ  des  adversaires  fut  signalé  aux  autorités  belges.  Bien  que  débar- 
qués à  Namarpar  des  trains  différents,  ils  furent  immédiatement  escortés  de 
nombreux  agents  qui  ne  les  quittèrent  plus.  Nous  renonçons  à  peindre  leur 
voyage  de  Namur  à  Visé^,  dans  cette  aimable  société,  agrémentée  de  la  persé- 
cution des  reporters;  l'assistance  nombreuse  qui  les  reçut  au  lieu  du  rendez- 
vous  ;  le  retour  aussi  mouvementé  que  le  départ,  etc. 

Enfin  la  rencontre  finit  par  avoir  lieu  aux  environs  de  Charleroi.  Deux 
balles  furent  tirées  sans  résultat  par  M.  Laguerre  sur  son  antagoniste  qui,  par 
deux  fois,  tira  en  Tair. 

  peine  rentrés  en  ville,  ils  furent  arrêtés  et  écroués. 

A  partir  de  ce  moment,  les  journaux  retentirent  de  leurs  doléances  :  longs 
interrogatoires,  visites  médicales,  fouilles,  secret,  régime  peu  confortable,  rien 
ne  leur  fut  épargné. 

Ils  furent  enfin,  non  sans  peine,  remis  en  liberté,  sous  caution  de  2,000  fr. 
pour  M.  Laguerre  et  de  1 ,500  francs  pour  M.  Déroulède. 

Le  tribunal  correctionnel  de  Charleroi,  dans  son  audience  du  23  juil- 
let 4894,  condamna  M.  Laguerre  à  un  mois  de  prison  et  200  francs  d'amende, 
et  M.  Déroulède  à  quinze  jours  de  prison  et  400  francs  d'amende: 

La  peine  de  M.  Laguerre  fut  plus  élevée,  parce  qu'il  avait  fait  usage  de  ses 
armes. 

Il  convient  d'ajouter  que  ces  condamnations  furent  conditionnelles,  dans 
le  sens  de  la  loi  Bérenger  française. 

Elles  ne  devaient  être  exécutées  que  si  les  condamnés  devenaient  récidi- 
vistes du  duel  en  Belgique  dans  les  trois  années  qui  suivraient  le  jugement. 


r 

■  S04 


SIXIÈME  PABTIE. 


I 


N"  112.  —  Affaire  Déroulède-Clémenceau. 

îi  décembre  189!,  avec  renvoi  au  n*i. 

Dans  cette  affaire  dont  ooas  avons  raconté  les  péripéties  au  n°  4  de  cei 
appendice,  le  procès- verbal,  autant  que  nous  ayons  pu  en  juger  d'après  les 
journaux,  ne  contenait  aucune  Btipulation  reldtîve  au  dâiai  dans  lequel  devait 
être  donné  le  commandement. 

Cette  omission  devint  la  source  de  contestations  qui  manquèrent  amener 
un  nouveau  duel- 

Nouâ  empruntons  h  l'Écho  de  Pamle  rédt  de  cet  épisode  : 

u  Ce  Tut  M.  Dumontnil  auquel  échut  la  direction  du  combat.  Voici  com- 
monl  il  crut  devoir  donner  les  commandements  : 

■  Premier  commandement.  —  Messieurs,  6les-vous  prèlsî  II  fut  immé- 
diatement répondu  d  Oui  t. 

t  Alors,  M.  Dumonteil  laissa  passer  pre.'que  une  minute,  se  prome- 
nant même,  Ondis  que,  pendant  cette  attente  eicessivemenl  longue,  faite  pour 
énerver  les  combattants,  les  adversaires  demeuraient  le  bras  longeant  le  pan- 
talon, l'arme  dirigée  vent  la  terre. 

V  Les  deuxième  et  troisième  commandements  :  Feu,  une,  deux,  trois, 
furent  donnés  sans  aucun  arrêt  entie  chacun  de  ces  quatre  mots,  prononces 
avec  une  extrême  précipitation,  intisitée  en  pareille  circonstance.  Les  témoins 
de  M,  Clemenceau  protestèrent  vivement  contre  cette  façon  de  diriger  le 
combat. 

i  M.  Clemenceau  dit  è  H.  Dumonteil  :  —  Vous  avez  dirigé  le  combat  de 
manière  à  rendre  imposaibla  le  lir. 

«  Al.  Dumonteil  répondit  :  —  J'ai  tout  fdit  pour  vous  embarrasser,  et  j'ai 
réussi. 

V  Six  battes  fureot  échangées  fans  résultat. 

>  Le  dénouement,  que  la  réputation  de  M.  Clemenceau  comme  tireur  au 
pistolet  ne  pouvait  faire  supposer,  fut  très  commenté.  Due  altercation  assez 
vive  eut  lieu  entre  M.  Dumontpil  et  M.  Raoul  Canivet,  directeur  du  Pari».  On 
craignit  qu'une  nouvelle  rencontre  en  fdt  la  conséquence,  mais  l'affaire  put 
(tre  arrangée.  » 


N"  113.  —  Affaire  Servan-Cietsch. 

Tous  les  jourjiauux  français  de  février  à  avriHS9i. 

Le  1j  janvier  1893,  un  différend  survint  entre  le  lieutenant  de  marine 
Servan,  commandant  le  paquebot  français  Canada,  et  le  capitaine  Cietscb, 
commandant  le  paquebot  hambourgeois  Allemania,  au  sujet  d'une  indemnité 
réclamée  par  ce  dernier,  6  l'occasion  d'une  avarie  survenue  pendant  une 
manœuvre. 


APPIiNDlCE.  505 

Le  capitaine  allemand  vint  à  bord  du  Canada,  qui  se  trouvait  alors  dans 
la  rade  de  Guayra.  Il  y  formula  sa  réclamation  d'une  manière  impolie.  M.Ser- 
yan  le  mit  à  la  porte. 

La  rencontre  eut  lieu  le  30  mars,  sur  le  territoire  luxembourgeois.  Six  balles 
furent  échangées  sans  résultat. 

Cette  affaire  n'offre  en  réalité  pas  grand  intérêt  théorique,  grâce  à  M.  Ser- 
van,  qui  concéda  de  suite  à  son  adversaire  le  choix  des  armes,  et  ne  chicana 
sur  aucune  condition. 

.  Mais  il  pouvait  en  être  autrement,  car  elle  touche  aux  différents  points 
que  nous  avons  signalés  à  Tavant-propos  du  chapitre  lxxxi,  comme  contro- 
versés. 

On  pouvait  se  demander  notamment  : 

4*»  Si  une  offense  commise  sur  un  navire  de  transport  français  pouvait 
être  regardée  comme  ayant  eu  lieu  sur  notre  territoire,  ou  si  elle  était,  au 
contraire,  censée  commise  sur  le  territoire  de  Guayra  ; 

t^  Quelle  était  la  législation  du  point  d'honneur  applicable,  alors  que  la 
correspondance  relative  au  cartel  et  aux  stipulations  de  la  rencontre  avaient 
été  échangées,  soit  de  paquebot  à  paquebot,  soit  dans  des  ports  d'escale,  soit 
du  Havre  à  Hambourg  et  réciproquement. 


N""  114.  —  Affaire  Mont-Louis-Barbier,  journalistes. 

Le  Petit  Clermontois,  n^  des  2  et  3  décembre  i893.  —  Extrait  des  procès- 
verbaux. 


M.  Barbier,  du  Petit  Clermontois,  fut  souffleté  dans  un  café  de  la  ville 
par  M.  Mont-Louis,  du  Moniteur  du  Puy-de-Dôme,  à  la  suite  d'une  altercation 
motivée  par  un  article  que  ce  dernier  jugea  offensant. 

Tous  deux  réclamèrent  la  qualité  d'offensé  et  prétendirent  imposer  l'arme 
de  leur  choix  ;  M.  Barbier  le  pistolet  et  M.  Mont-Louis  l'épée. 

Gomme  ils  se  bornaient  à  ces  affirmations  contradictoires,  sans  appuyer 
leurs  prétentions  sur  les  règles  de  la  législation  du  point  d'honneur,  l'affaire 
risquait  de  s'éterniser,  lorsque  M.  Mont-Louis  déclara  que,  tout  en  réservant 
ses  droits  à  la  qualité  d'offensé,  il  était  prêt  à  accepter  «  les  conditions  de 
M.  Barbier,  quelles  qu'elles  fussent,  pour  ne  pas  laisser  à  son  adversaire  un 
prétexte  pour  éviter  la  rencontre  ». 

M.  Barbier  choisit  le  duel  au  commandement  à  vingt-cinq  pas. 

On  pouvait  croire  l'affaire  en  voie  de  conclusion  rapide,  lorsque 
M.  Mont-Louis  déclara  subordonner  son  acceptation  à  la  condition  que  le  duel 
serait  a  au  visé  à  courte  distance,  ou  avec  un  seul  pistolet  chargé  »,  sous  pré- 
texte que  son  adversaire  a  n'avait  jamais  tenu  un  pistolet,  et  que  lui  voulait  un 
duel  sérieux  ». 

Les  témoins  de  M.  Barbier,  pour  éviter  à  leur  client  c  un  duel  aussi  dan- 
gereux »,  acceptèrent  l'arme  primitivement  choisie  par  son  adversaire, 
«  l'épée  ». 


fi06  SIXIÈME   l'ARTIE. 

H.  Barbier  refusa  de  souscrire  k  ces  conditions. 

Eq  préseace  de  ce  dé.-aveu  indirect,  ses  témoins  se  retirèrent,  il  réclama 
un  arbitrage,  mais  son  adversaire  déclara  s'en  tenir  aai  termes  des  procès- 
verbuux. 

A  l'heure  où  nous  écrivons  les  choses  en  Pont  là, 

Bien  que  celto  affaire  ne  présente  qu'un  intérêt  local,  nous  n'avons  pas 
cru  devoir  la  passer  sous  silence,  car  elle  ofTre  nn  argamenl  de  plus  à  l'appui 
de  la  thèse  que  nous  avons  soutenue  pages  140,  141,  14S,  1 55, 138,  159,  cl  sur 
l'importance  de  laquelle  nous  ne  saurions  trop  insister. 

Si  après  avoir  échangé  leurs  pouvoirs,  et  avant  de  formuler  les  prélenlions 
respectives  de  leurs  mandants,  les  témoins  s'étaient  entendus  pour  choisir  un 
auteur  destiné  h  leur  servir  de  code,  oi  pour  constater  les  Faits,  l'affaire  aurait 
forcément  reçu  une  solution  conforme  au  bon  sens  et  aux  règles  du  point 
d'honneur. 

La  qualité  d'olfensé  avec  voie  de  Tait  aurait  ét^  dévolue  à  M.  Barbier,  en 
vertu  du  principe  admis  par  tous  les  auteurs  et  formulé  en  ces  termes  :  •  Lors- 
qu'il a  été  répondu  h  une  offense  grave  par  une  voie  de  fait,  c'est  celui  qui  a 
essuyé  la  voie  de  fait  qui  est  l'offensé  '.  ■ 

Au  lieu  d'en  être  réduit  à  l'alternative  de  garder  le  soufûet  qu'il  avait 
reçu,  ou  de  subir  les  conditions  de  gon  adversaire,  il  acquérait  le  droit  de 
choisir  son  arme,  sou  duel  et  ses  distances,  et  partant  celui  d'imposer  le 
combat  au  pistolet  â  vingt-cinq  pas,  que  H.  Mont-Louis  ne  pouvait  récuser 
sans  violer  une  règle  fondamentale  de  la  législation  qu'il  invoquait  *. 


N"  115.  —  Affaire  Drumont-Casiinir-PerieivThoiiiegiiez. 

6  décembre  1893. 

Au  moment  de  mettre  sous  presse,  on  nous  communique  un  article  de 
M.  Drumont  paru  dans  ta  Libre  Parole  du  6  décembre  1893,  et  la  lettre 
qu'un   escrimeur   bien    connu,    M.  Thomeguei,  lui  adressa  à  la  suite  de  cet 

Elle  est  conçue  en  ces  termes  : 

u  Monsieur  le  directeur, 

a  Votre  a  leading  ■  article  de  ce  matin  est  outrageant  pour  H.  Casimir- 
Perier,  qui,  dans  sa  position,  ne  peut  se  battre  avec  vous.  Ayant  l'honneur 
d'être  Ëon  neveu  par  alliance,  je  viens  vous  déclarer  que  je  vous  provoque  en 
duel,  à  cause  de  cet  article. 

a  Si  vous  n'êtes  pas  un  lâche,  vous  relèverez  le  gant,  et  choisirez  votre 

<i  J'ai  l'honneur  de  vous  présenter  mes  civilités,  etc.,  etc.  •> 


APPENDICE.  507 

Nous  ignorons  la  réponse  que  fera  M.  Dramont,  mais  il  n'est  pas  douteux 
qu'elle  peut  être  négative,  sans  cesser  de  rester  conforme  aux  règles  du  point 
d'honneur. 

M.  Thomeguex  peut  être  récusé  : 

4<^  En  vertu  du  principe  formulé  page  73  :  c  Les  offenses  sont  personnelles 
et  se  vengent  personnellement.  » 

L'article  de  la  Libre  Parolene  le  visait  pas  en  effet,  mais  bien  M.  Gasimir- 
Perier. 

t^  Parce  que  M.  Casimir -Perler  ne*  se  trouve  pas  dans  les  conditions 
exigées  pour  qu'une  personne  capable  puisse  se  substituer  à  lui  (page  77). 
Il  n'est  atteint  d'aucune  infirmité  susceptible  de  l'empêcher  de  venger  son 
injure. 

3^  Parce  qu'en  admettant  qu'il  en  fût  atteint,  et  qu'il  n'eût  (chose  que 
nous  ignorons)  ni  fils  ni  frère  capable  de  le  remplacer,  M.  Thomeguex,  neveu 
par  alliance,  n'est  pas  compris  dans  la  catégorie  des  personnes  admises  à  se 
substituer  (page  75). 

Nous  passons  sous  silence  la  différence  de  position  entre  MM.  Drumont, 
journaliste,  et  Casimir-Perier,  ministre.  Dans  l'état  actuel  de  notre  société,  les 
fluctuations  sont  si  brusques  et  si  rapides,  qu'un  homme  politique  n'est  jamais 
sûr  du  lendemain.  Il  suffit  de  quelques  voix  pour  que  son  adversaire  de  la 
veille  occupe  sa  place. 

L'inégalité  momentanée  de  situations  aussi  précaires  ne  saurait  motiver 
une  exception  valable  à  la  règle  générale. 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES 

contenues  dans  les  quatre-vingt-deux  chapitres 

de  Touvrage. 


CHAPITRE    PREMIER 

Législation  du  point  dlionneur.  —  But.  —  Utilité. 

I.  —  Code  de  CSiateauvillard. 


Qu'estp-ce  que  la  législation  du  point  d'honneur?  Son  but.  —  Elle  supplée 
à  l'insuffisance,  au  silence,  à  l'impuissance  de  la  loi* 

Son  influence  sur  l'application  de  la  loi  pénale.  —Son  utilité.  —  Sa  con- 
naissance est  nécessaire  aux  magistrats,  jurés,  avocats  et  antagonistes,  indis- 
pensable aux  témoins,  arbitres  et  membres  d^un  jury  d'honneur.  —  Son 
influence  sur  la  responsabilité  des  témoins. 

Ëtat  de  la  législation  du  point  d'honneur  avant  la  publication  de  VEssai  sur 
le  duel,  de  Ghateauvillard.  Ce  livre  constitue  le  vrai  code  du  point  d'honneur. 

—  Règles  pour  l'interpréter.  —  Décisions  des  arbitres  et  des  jurys  d'honneur.  — 
Opinion  des  auteurs.  —  Ck>nsultations  d'experts.  —  Leur  valeur  comparative. 

Règles  pour  suppléer  à  son  silence.  —  Usage.  —  Conditions  auxquelles 
est  subordonnée  l'autorité  de  l'usage.  —  Preuves  de  l'usage. 

Abrogation  et  modifications  des  règles  contenues  dans  VEssai  sur  le  dueL 

—  Importance  de  la  question. —  Conditions  mises  à  l'abrogation  et  aux  modi- 
fications. —  But  visé  par  l'auteur  du  présent  travail.  —  Son  rôle  volontaire- 
ment effacé. 


CHAPITRE  II 
Des  offenses  en 


Définition  de  l'offense.  —  Offense  par  paroles,  par  action,  par  omission. 
—  Atteintes  à  la  personne,  à  l'honneur,  aux  biens. 

De  l'honneur  proprement  dit  et  de  ses  dérivés.  —  Honneur  moral.  -~ 
Honneur  social. 

De  la  considération. 

De  l'amour-propre.  —  De  la  dignité.  —  De  la  susceptibilité.  —  De  la 
politesse.  —  De  la  délicatesse. 

Du  point  d'honneur. 


MO  SIXIÈME  PARTIE. 

Commeot  l'ofTense  peut  atleindre  une  personne  dans  ses  bieas. 
DistinclioD  des  ofToDEes  d'après  leur  nature  et  d'après  les 
qui  les  modifianl. 


CHAPITRE    III 
De  la  valeur  et  du  classement  des  oËfenses. 

Degrés  (le  l'oiTense.  —  Offense  avec  voie  de  Tait.  —  OITeaso  grave  on 
injare.  —  Offense  simple.  —  Importaoce  de  ce  classemeol.  —  Métbode  i 
suivre  pour  l'opérer. 


CHAPITRE  IV 
De  l'offense  étudiée  dans  sa  nature. 

Atieintes  i  l'honneur.  —  Par  action.  —  Go-'les.  —  DémarchoB.  —  Procédés. 
—  Omissions.  —  Par  paroles.  —  Par  écrit. 

L'accord  entre  les  préceptes  de  U  morale  et  cortains  préceptes  conven- 
tionnels est  nécessaire  pour  constituer  l'honneur  dont  il  est  question  ici. 

Atieintos  à  la  considération. 

Leur  nalure.  —  Caracière  relatif  de  la  considération.  —  Points  de  tuo 
auxquels  elle  peut  ftro  envisagée. 

Considération  privée. 

Considération  professionnelle.  —  Droit  de  critique.  —  Ses  limites. 

Considération  politique.  —  idem. 

Considération  littéraire.  —  Idem. 

Probité  littéraire.  —  Imputation  de  plagiat.  -~  Écrits  publiés  sous  le  nom 
d'autrui . 

Di/famation.  —  La  vérité  du  fait  difTamaloire  n'exonère  pas  le  dilTaraateur 
d'une  responsabilité.  —  Exception.  —  Tentative  d'un  fait.  —  Fait  personnel 
à  l'individu.  —  Pour  qu'il  y  ait  diffamation,  il  n'est  pas  nécessaire  que  l'Iion- 
neur  ou  la  considération  aient  été  réellement  lésés. 

AtteinUs  à  l'amour-propre.  —  Infirmités.  —  Difformités  corporelles  ou 
intellectuelles. 

Alleinles  à  la  dignité. 

AUeinles  à  la  politesse.  —  L'impolitesse  est-elle  toujours  une  ofTense  ? 
Caractère  qu'elle  doit  posséder  pour  le  devenir. 
Atteintes  à  la  délicatesse. 
Impertinence.  —  Procédés  indélicats. 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  541 

De  la  voie  de  fait.  —  Que  faut-il  entendre  par  voie  de  fait  7  —  Toucher 
vaut  frapper.  —  Tentatives  de  voie  de  fait.  —  Menaces  de  voie  de  fait. 

Exemple  :  Affaire  Laur-Thomson,  42  juillet  4889.  Appendice  n^  4. 

Pourquoi  l'offensé  avec  voie  de  fait  acquiert-il  le  maximum  des  privilèges 
réservés  à  l'offensé  ? 


CHAPITRE  V 

De  Toffense  au  point  de  vue  des  circonstances 

qui  la  modifient. 

Certaines  circonstances  changent  le  degré  de  Toffense.  —  Exemples. 
Certaines  autres  modi6ent  son  intensité  sans  changer  son  degré.    — 
Exemples. 

•  i^  Influence  de  la  personnalité  de  l'offenseur.  —  Age.  —  État.  —  Condi- 
tion. —  Profession.  —  Position  sociale. 

2o  Influence  de  la  personnalité  de  l'offensé.  —  Honneur  militaire.  -—  De 
la  femme.  —  Du  mari.  —  Honneur  professionnel,  etc. 

3<^  Influence  du  but  et  des  moyens.  -—  Intentions  d'offenser. 

Conditions  requises  pour  la  caractériser.  —  Bonne  foi.  —  Cas  où  l'offense 
existe  sans  que  le  but  soit  de  nuire  à  la  personne  visée.  —  Démence.  — 
Passions.  —  Ivresse. 

Force  majeure.  —  Autres  causes  justificatives. — Circonstancesaggravantes. 

—  Atténuantes.  —  Préméditation. 

Preuve  de  l'intention  offensante.  -^  De  la  préméditation.  —  De  la  bonne 
foi.  —  A  qui  elle  incombe.  —  Influence  de  la  déclaration  faite  par  Toffenseur. 

—  Moyens  employés. 

Publicité.  —  Ironie.  —  Allégorie.  —  Plaisanterie,  etc. 

40  Influence  du  temps  et  du  lieu. 


CHAPITRE  VI 
Nature  des  armes. 

Armes  admises  en  France  comme  armes  de  duel.  —  Épée.  —  Pistolet.  — 
Sabre  à  titre  exceptionnel. 

Cas  où  le  sabre  peut  être  imposé  à  l'agresseur  et  refusé  par  lui.  —  Con- 
troverse. 

Opinion  de  Chateauvillard.  —  Le  sabre  peut  être  refusé  par  un  civil.  — 
Opinion  contraire  de  Du  Verger  de  Saint-Thomas,  tirée  des  nécessités  du  service 
obligatoire.  —  Conformément,  Emile  André,'  le  Jeu  de  Vépée. 

Opinion  de  Tayernier.  —  Elle  consacre  Tautorité  de  Chateauvillard  et 
tient  compte  des  exigences  de  la  nouvelle  loi  militaire. 


ôlî  SIXIÈME  PARTIE. 

CoDrormément.  Prévost  et  JollÎTet,  l'Etcrime  et  le  duel. 

CoDcInsioD. 

Règle  pour  dislingaer  les  personnes  actuellemeot  comprises  dans  la  caté- 
gorie des  civils  et  dans  celle  des  mililaireg  aaxqnela  le  sabre  peut  être  imposé 
ou  ne  l'être  pas  '. 

Les  militaires  auxquels  le  sabre  est  imposable  ne  peuveot  refuser  le 
pistolet. 

Conseils  aui  lémoios  d'un  agresseur  auquel  te  sabre  est  imposé,  alors 
qu'il  est  débile  ou  ignore  rescrîme  de  celte  arme. 


CHAPITRE    Vil 
Privilèges  de  l'ofTimBé. 

L'off'enié  du  premier  degré  choitit  son  arme.  —  Sens  de  ces  expressions. 

Le  choix  doit  porter  sur  une  seule  espèce  d'armes,  lilégalilé  de  la  conven- 
tion contraire. 

Exemple  :  AfTaire  de  H...  de  La  P,..,  Gazette  des  Tribatwux,  a"  des  4 
et  o  décembre  )8G9  '. 

L'iijfeiiié  avec  injure  choisit  ton  arme  et  tûn  duel.  —  Sens  de  c«s 
expressions.  —  Lo  privilège  du  choix  du  duel  tronve-t-il  son  application  dans 
la  rencontre  à  l'épée  ?  —  Controverses. 

Voff'enté  avec  voie  de  fait  choisit  son  arme,  son  duel  et  ses  distances. 

—  Sens  de  ces  expresaioDS.  —  Le  bénéGce  du  choix  des  distances  trouve-t-il 
son  applicaiioD  dans  la  renconire  à  l'épée?  — Controverse. 

Opinion  de  M,  Jol'ivel.  sur  les  privilèges  de  l'olTensé,  coolraire  en  appa- 
rence au  systome  de  Cliateauvillard,  — Ces  privilèges  varient  suivant  les  pays. 

—  Exemple.  —  Condition  du  Français  à  l'étranger.  —  De  l'étranger  en  France. 

—  Les  privilèges  de  l'offensé  constituent  en  sa  faveur  un  droit  de  propriété 
auquel  ses  témoins  ne  peuvent  porter  atteinte  sans  son  coasentement. 


CHAPITRE  Vlll 
Déterminatioii  de  la  personne  offensée. 

Importance  de  ce  chapitre.  —  Division. 

Cas  où  une  seule  offense  est  essuyée. 
Article  prehier.  —  Sens  particulier  du  mot  injure. 
Cas  où  il  y  a  offenses  réciproques. 
Art.  Ï.  —  g  i"-  —  Si  les  offenses  sont  du  même  degré,  la  priorité  de 
réception  donne  droit  d'olTensé. 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  543 

§  2.  —  Application  de  cette  règle  à  Tinjare  grave  *. 

§  3.  —  A  la  voie  de  fait*.  —  Silence  gardé  relativement  à  Toffense  simple. 

§  4.  —  Au  cas  où  à  une  voie  de  fait  il  est  répondu  par  un  coup  entraînant 
infirmité  temporaire.  —  Opinion  contraire  de  M.  Tavernier.  —  Discussion.  — 
La  règle  précitée  s'applique-t-elle  à  l'offense  simple  ?  —  Raison  de  douter. 

Art.  3.  —  Cas  où  à  une  simple  impolitesse  il  est  répondu  par  une  atteinte 
grave  à  Tamour-propre.  —  Tirage  au  sort.  —  L'article  3  est  une  exception  à 
la  règle  posée  au  paragraphe  premier  de  l'article  f .  —  Conséquences. 

Offenses  réciproques  de  deg^é  différent. 

Art.  4.  —  Si  à  une  offense  simple  il  est  répondu  par  une  offense  grave, 
celui  qui  reçoit  cette  dernière  est  l'offensé. 

Art.  5.  —  Si  a  une  offense  grave  il  est  répondu  par  une  voie  de  fait,  celui 
qui  essuie  cette  dernière  est  l'offensé  \ 

Exception  proposée  par  M.  Tavernier.  —Elle  doit  être  ramenée  à  la  règle 
de  l'article  2,  paragraphe  3. 

L'article  5  est-il  applicable  au  cas  où  le  mari  trompé  frappe  l'amant  de  sa 
femme  ?  Doit-il  être,  au  contraire,  fait  application  de  l'article  2,  paragraphe  3  ?  — 
Assimilation  des  lésions  portées  à  l'honneur  conjugal  et  qui  procèdent  du 
contact  avec  la  voie  de  fait  ordinaire.  —  Objections.  —  Discussions. 

Cas  où  raïeul,  le  père,  le  frère  se  trouvent  dans  la  même  position  vis-à-vis 
le  séducteur  d'une  petite-ûile,  d'une  fille  ou  d'une  sœur. 

A  rt.  6.  —  Si  l'offense  n'est  pas  bien  caractérisée,  le  choix  des  armes  est 
tiré  au  sort.  —  Situation  particulière  à  laquelle  correspond  l'article  6. 

A  R  T.  7.  —  Si  un  cartel  est  envoyé  sans  raison  suffisante,  celui  qui  le  reçoit 
esl  l'offensé. 

Résumé  des  sept  articles  précédents. 

Concordance  entre  la  progression  des  privilèges  accordés  à  Poffensé  et  la 
progression  des  offenses  essuyées  par  lui. 

Considération  sur  l'esprit  qui  a  dicté  le  chapitre  viii.  —  Critiques  non 
fondées  qu'il  a  fait  naître. 

Duels  à  motifs  secrets.] 

Responsabilité  spéciale  des  témoins.  ^  Leurs  devoirs  *. 


1.  Voyez  affaires  Floquet-Boulanger,  14  juillet  1888,  —  Clémenceau-Déroulède,— 
Ciémeoceau-Miilevoye.  Appendice  n^  4. 

2.  Voyez  affaire  Ritier-Appleton,  assise  Mayenne.  Gaz,  trib.    2-3   avril  1893. 
Appendice  n**5. 

3.  Voyez  affaire  des  L-J.-M.  Gas.  trib,,  4  et  5,  octobre  1880.  Appendice  n^  6. 

4.  Voyez  affaire  Gérôme-Stevons.  Gas,  trib.,  20  février  1862.  Appendice  n»  7,  et 
lettre  du  prince  Bibesco  à  M*  Ferry  d'EscIand. 


33 


Ll    —  '_ 


SIXIÈME  PARTIE. 


CHAPITRE 


Une  seule  réparation  pour  une  même  offense. 


r 

^H  Importance  de  cet   âKiomo  i, 

^H  Article  pnBHiEit.  —  Offemes  aux  coileelivités.  —  La  collectivité  ne 

^H  peut  demander  raison  qau  par  l'intermédiaire  d'un  seul  membre. 

^B  En  présence  d'un  cartel  eu  nom  collectif  ou  d'un  champion  choisi  par  la 

^^  collectivité,  l'agresseur  peut  refuser  cartel  et  champion,  et  esiger  lo  tirage  aa 

^H  eort  parmi  tous  les  membres  de  la  collectivité  >. 

^B  Droit  des  supérieurs  hiérarchiques. 

^H  Définition  de  l'olTenso  collective.  —  Exemples. 

^1  Fin  de  non- recevoir  opposable  par  l'agresseur  lorsque  l'offeoBe  est  gi^nérale 

^H  et  sans  application  particulière. 

^H  Art.  t.  —  Si  une   mâme  oOeuse  est  commise   par  plusieurs  individus 

^m  eovors  la  mi^me  personne,  celle-ci  peut  choisir  son  adversaire.  —  Pourquoi  ? 

^U  Si  les  oITensos  sont  d'inégale  gravité  ou  de  nature  différente,  l'oiTensé  peut 

^M  envoyer  autant  de  cartels  qu'il  y  a  eu  de  personnes  ayant  adressé  des  offenses 

^Ê  dislîncles.  —  Il  n'est  astreint  à  observer  aucun  ordre  déterminé  *. 

^M  Cas  où  plusieurs  personnes  répètent  une  oDbnse.  —  La  désignation  de 

^M  l'auteur  ne  les  décharge  pas.  Application  de  ce  principe  au  journaliste  qui 

^B  reproduit  un  arLcIe  offensant. 

p  Aht.  3.  —  OITenses  de  degrés  différents,  adressées  par  un  mfme  individu 

â  plusieurs  personnes.  —  RÈglemoot  d'ordre  pour  l'envoi  des  cartels. 

Difficultés  que  présente  l'application  de  ra\iome  >  Une  seule  réparation 

pour  une  même  offense  >.  —  Écrit  offensant  pour  une  personne,  publié  sous 

le  nom  d'un  tiers. 


CHAPITRE  X 
Personnalité  des  offenses.  —  Substitutions. 


Axiome.  —  Les  offenses  sont  personnelles  et  se  vengent  personnellemenl. 
Corollaire.  —  Los  substitutions  de  personnes  sont  interdites.  Fsceptions 
â  cette  prohibition.  —  Motifs  qui  les  ont  fait  admettre. 
Division  dos  substitutions  en  deux  classes. 
f*  classe.  —  Les  substitutions  de  fils  ï.  père,  petit-Gls  à  grand-père  et 

1.  Voyez  Rtraire  GirardJn-Armand  Currel,  22  juillet  <S36,  elc.  Appendice  a'  S. 

2.  Vuyeï  aff&ire  X.-Perrior,  t"  mars  IS8B.  Appendice  d°  9.   —  Affaire   de  Pêne- 
Courlieli-Hjènc.  Gaz.  Irib.  18-19  mai,  14-15  juillet  1858.  Appendice  a'  10. 

3.  Voyez  afTftire  Crolîa-Cauloi,  atsiscs  Jura.  Cas.  trib.  30  juillet,  3  u^ptcmbre 
1817.  AppeudicenMl. 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  545 

vice  versUj  sont  permises.  —  De  frère  à  frère  tolérées.  —  De  neveu  à  ODcle 
et  vice  versa  controversées. 

Lea  substitutions  de  cousin  à  cousin,  de  tuteur  à  pupille,  d'ami  à  ami, 
interdites. 

Conditions  auxquelles  les  substitutions  sont  subordonnées. 

Offenses  aux  personnes  atteintes  de  maladies  mentales. 

2*  classe,  —  Substitution  du  protecteur  naturel  de  la  femme  en  cas  d'of- 
fenses adressées  à  cette  dernière. 

Ordre  à  observer  s'il  y  a  concours  entre  les  protecteurs  <.  Influence  de 
la  respectabilité  de  la  femme  sur  la  légalité  de  la  substitution. 

Offenses  à  la  mémoire  des  morts,  —  Droits  de  la  fjoimille.  —  Droits  de 
Thistoire.  —  Gomment  les  concilier. 

Devoirs  des  témoins  ou  des  arbitres  appelés  à  se  prononcer  sur  un  cartel 
motivé  par  une  offense  de  ce  genre. 

Conditions  mises  à  la  demande  en  réparation,  adressée  par  un  parent  du 
défunt.  Les  unes  sont  relatives  à  la  personne  du  parent,  les  autres  à  la  per- 
sonne du  défunt.  Importance  de  ce  double  point  de  vue.  Cas  où  Toffense  s'adresse 
bien  plus  aux  parents  qu'à  la  mémoire  du  défunt. 


CHAPITRE  XI 

Responsabilité  des  parents.  —  Protecteurs  de  la  fenune.  — 
Mitres. —  Commettants.  —  Supérieurs  hiérarchiques.— 
Mandants.  —  Avocats  et  clients 

Parents.  —  La  responsabilité  incombe  aux  parents  qui  jouissent  du  droit 
de  substitution.  Les  fils,  petits-fils,  frères  sont  responsables  des  offenses  com- 
mises par  leur  père,  grand-père,  frère  et  vice  versa.  Cette  responsabilité 
n'atteint  ni  Toncle,  ni  le  cousin  germain,  ni  le  tuteur. 

Conditions  mises  à  la  responsabilité  des  parents. 

Protecteurs  de  la  femme,  —  Leur  responsabilité  a  pour  conséquence 
l'irresponsabilité  de  leur  protégée  *• 

Conséquence  de  la  fin  de  non-recevoir  opposée  par  le  protecteur  au  cartel 
de  l'offensé. 

Journalistes,  —  Deux  éventualités. —  L'article  est  signé.  —  L'article  n'est 
pas  signé. 

4«'  cas,  —  Varticle  est  signé,  —  Le  signataire  est  responsable  comme 
auteur  présumé. 

1.  Voyez  affaire  Traverso-Pellotier,  8  janvier  1882.  Anntuiire  du  duel,  par  Fer- 
reas.  —  Affaire  Bonaparte- Wyse-de  Solins-Edmond  Lepelletier,  Janvier  1892.  Appendice 
no  12. 

2.  Voyez  appendice  no  13. 


616  SIXIEME  PARTIE. 

ii\ceptioD».  —  Le  directeur  eu  le  rédacteur  en  chef  fonl  responsables  : 

1«  Lorsque  le  signataire  se  dérobe; 

i'  Lorsqu'il  ne  peutôlro  rencontré  de  suite'  ; 

3"  Lorsqu'il  ae  possède  pas  la  capacité  requise  pour  se  battre  en  duel; 

4"  Cas  où  la-signature  masque  la  persoonalilé  d'un  individu,  et  ootamment 
celle  du  directeur  ou  du  rédacteur  en  chef.  La  preuve  de  l'inlorposilion  Incombe 
à  l'otreasé.  Nature  de  la  preuve.  Preuve  indirecte.  En  l'absence  de  preuve  suffi- 
sante, moyen  d'atteindre  la  personne  dissimulée. 

2'  cas.  —^  L'article  n'est  pas  siijné.  —  Initiales.  —  Pseuionymes.  — 
Ubligations  du  directeur  ou  du  rédocteur  en  chef.  —  lU  doivent  nommer  l'au- 
teur '.  —  Ils  sont  responsables  s'ils  ne  le  font  pas.  —  Si  la  persoone  indiquée 
se  dérobe,  est  impossible  â  trouver,  est  incapable,  est  inlerposéo'.  —  La 
preuve  de  celte  interposition  leur  incombe. 

Si  le  directeur  ou  le  rédacteur  en  chef  ne  peuvent  ou  ne  veulent  pas  se 
batire,  l'offensé  peut,  dans  certains  cas,  s'adresser  au  propriétaire.  Pourquoi? 
Le  gérant  est  toujours  récusabla. 

Conseils  à  un  simple  particulier  aux  prises  avec  an  journaliste. 

Maitrea,  cummeltanls,  supérieurs  hiérarchiques.  —  Leur  responsabilité 
résulte  uniquement  de  leur  participation  à  l'offense  commise  par  leurs  domes- 
tiques, préposes  ou  inférieurs.  —  Faute  commune.  —  Responsabilité  coru- 
mune.  —  L'offeneé  a  le  droit  de  choisir  entre  les  deux  son  adversaire.  —  Avau- 
lages  de  ce  droit.  —  Conditions  misesà  son  exercice. 

Cas  où  l'oirensé  choisit  le  maître,  commettaut,  supérieur  hiéraicliiqun.  — 
La  charge  de  prouver  qu'ils  ont  donné  l'ordre  lui  Jocombe. 

Cas  où  l'offensé  choisit  l'ogeni  direct  de  l'offense,  valeur  des  exceptions 
que  cet  agent  peut  proposer  :  lois,  règlements  militaires,  obéissance  pas^ve,  etc. 
Distinction  â  faire  entre  l'ordre  pris  en    lui-même  et  la  manière  dont  il  a  été 

Avocats,  clienli.  —  La  responsabilité  des  avocats  est  une  conséquence 
des  droits  et  devoirs  de  leur  profession. 

Reiponsabilitc  du  citent.—  Ses  effets.  —  Elle  n'exonère  pa^  l'avocat.  — 
UroiL  d'option  accordé  àl'offen^é.  Conditions  mises  à  l'exercice  de  ce  droit. 

La  preuve  du  mandat  donné  iocombe  à  l'etrensé.  Nature  de  la  preuve.  — 
Présomption.  —  Silence  gardé  par  le  client  pendant  ou  après  la  plaidoirie. 

Exceptions  proposées  par  l'avocat.  —Immunité  de  la  défense. 

L'offensé  peut  demanoer  au  tribunal  acte  des  paroles  ou  des  éciils  olfen- 
sants.  —  Utilité  de  cette  demande  po'ir  h  constatation  de  l'offense. 

i.  Vojcî  affaire  Boclieforl  flIs-L -V.-Artliur  Mej'er,2juJD  I88t).  .Xppendice o°  2i>. 

2.  Voyoï  aff»ire  Marcl-Aoïirieui,  29  octobre  )S88.  Appendice  d"  14. 

3.  Voyei  alTaires  L&ni tu- comte  do  Dlou-LaUiie- Albert  U'atff.  Appcndiccn°  H. 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  517 


CHAPITRE  Xll 

Incapacités.   —  Avec  quelles   personnes   le  duel  est 

inadmissible. 


Article  p r e m i b r.  ^  Prohibition  faite  aux  parents  ou  aux  atnis  d'un 
homme  tué  ou  blessé  dans  une  rencontre  loyale  de  provoquer  soo  adversaire 
à  raison  du  résultat. 

En  cas  de  provocation,  droits  de  l'adversaire  :  4*  si  l'appel  n'est  pas  inju- 
lieux;  %**  si  l'appel  est  injurieux;  3*"  si  les  parents  ou  les  amis  provoquent 
une  discussion  pour  se  faire  insulter. 

Art.  2.  —  Prohibition  des  duels  entre  parents  rapprochés.  —  Elle  est 
moins  stricte  entre  parents  par  alliance  qu'en  cas  de  parenté  naturelle.  — 
Degrés  auxquels  les  duels  sont  permis  ou  seulement  tolérés. 

Exemple  de  duels  entre  parents  ^  —  Conseils  aux  témoins.  —  Précau- 
tions dont  ils  doivent  s'entourer  en  pareil  cas. 

Art.  3.  — Prohibition  faite  au  maître  d'armes  de  se  servir  de  son  arme 
professionnelle.  Exception  s'il  y  a  voie  de  fait.  —  Position  délicate  du  maître 
d'armes  en  pareil  cas.  —  Remède.  —  Obligations  qui  en  découlent. 

Art.  4.  —  Le  débiteur  ne  peut  appeler  son  créancier  s'il  n'a  pas  acquitté 
sa  dette.  —  Pourquoi  ?  —  Cas  où  c'est  le  créancier  qui  appelle  le  débiteur. 

Art.  5.  —  L'offensé  qui  a  recours  aux  tribunaux  perd  le  droit  d'appeler 
en  duel  son  agresseur*,  même  s'il  retire  sa  plainte.  Exception  lorsque  la  pour- 
suite est  exercé  d'office  contre  un  simple  particulier.  Elle  n'est  pas  applicable 
en  cas  d'offense  à  une  personne  qualifiée,  bien  que  la  poursuite  soit  exercée 
sans  £on  consentement. 

Cas  où  l'agresseur  refuse  d'abord  de  se  battre  et  revient  ensuite  sur  sa 
décision  après  que  l'offensé  a  porté  plainte. 

Dans  les  affaires  d'honneur,  l'intervention  de  la  justice  est-elle  quelquefois 
admissible?  —  Opinion  de  M.  Tavernier. —  Discussion. 

L'exercice  du  droit  de  réponse  et  de  rectification  enlève-t-il  à  l'offensé 
celui  d'appeler  ensuite  en  duel  son  agresseur  pour  le  fait  qui  a  motivé  l'action 
en  rectification  et  en  réponse?  —  Distinction. 

Devoir  des  parents  ou  amis  d'un  homme  tué  ou  blessé  dans  une  rencontre 
loyale,  lorsqu'ils  sont  appelés  à  témoigner  en  justice. 

Devoir  du  blessé. 

La  question  préalable  peut  être  opposée  : 

Art.  6.  —  Aux  parents  qui  ont  poursuivi  ou  fait  poursuivre  l'adversaire 
'un  parent  tué  ou  blessé  dans  un  duel  loyal,  et  au  blessé  qui  agit  de  môme. 

1.  Voyez  appendice  n^  15. 

2.  Voyez  affaire  Grodet-Portalis,  12  noyembre  1888.  Appendice  n**  16. 


d 


:^i  ..-. 


548 


SIXIÈME  PARTIE. 


Abt.  7. —  Atout  homme  convaincu  de  malhonnêteté  caracl^fîsêe '. 
Sursû  à  l'aO^ire  en  cas  de  poursuites  devant  les  tribunaux.  CooséqneDces  de 
certains  acquittemeota. 

Abt,  s,  —  A  tout  homme  qui,  dans  une  rencontre  aotérienre,  a  violé 
gravement  les  règles  du  duel. 

Abt.  9.  —  A  tout  individu  qui,  sans  motif  plausible,  a  nfasé  derendie 
raison  &  un  galant  ttomme. 


Exceptions  d'indignité. 

Celui  qui  oppose  l'eiMplion  doit  fournir  la  preuve  du  fait  sur  lequel  il 
l'appuie.  S'il  ne  le  fait  pas,  il  prend  rang  d'agresseur  avec  injuragrave.  Lednel 
est  dit  h  outrance  '.  Utilité  d'une  eiirâme  circoospeclion .  Il  (sut  en  ceCt« 
matière  tenir  compte  de  l'altilude  probable  de  l'adversaire,  après  le  refus  de 
duel.  —  Pourquoi? 

Le  jury  d'Iionneur  est  U  Juridiction  compéiente  pour  trancher  les  ques- 
tions d'indignité.  11  les  tranche  en  dernier  ressort'. 

Peul-on  opposer  la  question  préalable  aux  individus  qui,  par  leur  posi- 
tion sociale,  leur  profession,  sont,  d'après  les  préjugés  ou  l'état  des  mœuri, 
considérés  comme  incapables? 

AnT.  10.  —  La  question  préalable  peut  être  opposée  au  mineur.  Limites 
de  la  minorité  d'après  H.  Du  Verger  de  Siint-Thomas  et  d'après  M.  Tavornier. 
Majorité  sociale  de  dix-huit  h  vingt-un  ans.  Majorité  légale  â  vingt-un  ans. 

Conditions  auxquelles  une  rencontre  est  subordonnée  pendant  la  majorité 
sociale  ' . 

Art.  h.—  a  soixante  ans,  le  vieillard  peut  cesser  d'aller  sur  le  terrain, 
-l'ourquoi'î 

Exceptions.  —  Conditions  mises  au  combat  avec  un  vieillard. 

\"  cas. —  Le  vieillard  est  agresseur.  Nécessité  d'une  offense  CJjnsidérable. 
Gontroverie  sur  le  degré.  Consentement  écrit  du  vieillard.  Constatation  de  son 
aptitude  physique  et  de  son  habileté  comparée  avec  celle  de  l'offensé. 

t°  cas.  —  Le  vieillard  est  offensé.  Nécessité  d'une  demande  écrite.  La 
rigueur  des  conditions  requises  dans  le  premier  cas  est  mitigée.  —  Pourquoi  T 
Dans  quelles  liraires  '. 

L'exceplion  de  vieillesse  n'est  pas  opposable  par  les  journalistes.  —  Pour- 
quoi? 

Art.  1i.  —  L'impotence  et  lesinGrmités  empâchent  le  duel. 


1.  Voyez  affaire  du  cipllainc  des  K.  et  de  l'ex-liGuteDant  F.  Gaz.  trtii.,  39  oo- 
ïEmbre  1853  et  2  février  1854.  Appendice  n"  17. 

2.  Voyeî  affaire  de  M.-de  U  P.  Ga;.  Irib.  5  février  1870,  Appendice  n"  18. 

3.  Voyoi  affaire  de  B.-Paul  F.   24  mai   1883.  Ànnuair»  du  duel.  Appendice 
n°  19. 

1.  Voyez  affaire  Rochefort  flIs-L.  V.  3  juin  1S80.  —  Affaire  Haut  de   Lasaus  et 
II.  do  Delvft.  Annuaire  du  duel.  Appendice  a'  20. 

5.  Voj-cî  affaire  Félii  Pyal-SeTeaire,  5  juin  1888.  Appendice  n°  21. 

0.  VojBi  affaire  Bonaparte  Wyae-Edniond  LepellcUer,  janvier   189Ï.   Appendice 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  519 

Règles  pour  sauvegarder  la  personne  inûrme  ou  impotente,  tout  en  ne 
laissant  pas  les  personnes  valides  à  la  merci  de  ses  insultes. 

Exemples  : 

L'bomme  extropié  de  manière  à  ne  pas  se  servir  du  sabre  ou  de  Tépëe 
peut  les  refuser  si  l'offense  n'est  pas  une  voie  de  fait; 

Compensation  accordée  à  l'offensé  qui  est  obligé,  par  la  force  des  choses, 
de  subir  le  pistolet  ; 

Le  borgne  peut  refuser  le  pistolet,  mais  seulement  en  cas  d'offense  simple» 
—  Pourquoi?  —  Visite  médicale.  —  Jury  d'honneur  nécessaire ^ 

Infirmités  qui  ne  permettent  pas  de  refuser  l'arme  de  l'offensé,  mais  qui 
rendent  impossible  le  duel  choisi  par  lui.  —  Nécessité  d'un  examen  médical. 
Fin  de  non-recevoir  à  certaines  prétentions  de  Hnfirme  *. 


CHAPITRE   XIII 
Des  témoins.  —  Qualités  d'un  bon  témoin. 

Le  rôle  des  témoins  indique  les  qualités  qu'ils  doivent  posséder. 

Ils  sont,  tour  à  tour,  confidents,  conciliateurs,  avocats,  juges  du  camp, 
magistrats  chargés  de  faire  appliquer  la  législation  du  point  d'honneur. 

Ils  doivent  posséder  la  discrétion,  la  conciliation,  la  diplomatie,  la  fermeté , 
la  connaissance  de  la  législation  qu'ils  appliquent',  la  science  des  armes,  le 
coup  d'œil,  le  sang-froid,  Tâge,  la  vigueur  convenable,  et,  par-dessus  tout, 
l'honorabilité . 

Témoin  décoratif. 

Erreur  commise  par  certains  adversaires  dans  le  choix  de  leurs  témoins. 


CHAPITRE    XIV 
Empêchements  au  rôle  de  témoin. 

Sont  récusables  les  témoins  qui  ne  possèdent  pas  : 

1°  L'honorabilité.  —  Causes  d'indignité; 

2<»  L'impartialité,  par  exemple  un  débiteur  ou  des  parents  appelés  à  se 
substituer,  etc.  *  ; 

3<^  Le  désintéressement  dans  l'affaire.  Ce  qu'il  faut  entendre  par  ces  expres- 
sions ^ 

1.  Voyez  affaire  des  I.-J.-M.  Gax,  trib,  4  et  5  octobre  1880.  Appendice  n«  22. 

2.  Voyez  affaire  Ledat-Maizeroy,  Echo  de  Paris  du  13  octobre  1892.  Appendice 
n*  22. 

3.  Voyez  affaire  Dapuis-Habert.  Gax,  trib,.ib  Juin  1888.  Appendice  n*  23. 

4.  Voyez  affaire  Desmes-Clovis  Hugues.  Gaz,  trib.  22  et  23  février  1878.  Appen- 
dice no  24. 

5.  Voyez  affaire  de  Pène-Coortiels-Hyenne.  Appendice  n®  25. 


^. 


BiO  SIXlliME  PARTIE. 

Un  ancien  adversaire  peul-il  être  récusé  'T 

i*  Conditions  inlellectuelles  et  physiques  néceasalrea  à  l'accomplisse  ment 
du  mandat  de  témoin. 


CHAPITRE    XV 
Engagement  de  l'afiaire.  —  Constitution  des  témoins. 

Offense.  —  Échange  ds  cartes.  —  Érliango  de  témoins.  —  Marche  à 

Inconvénients  de  celle  qui  est  indiquée  par  la  majoriléde^  auteurs  lorsque 
l'aiïaire  a  lieu  en  province  ot  surtout  à  la  campagne.  —  Modilîeations  pro- 
posées. 

En  principe,  le  délai  poar  conaiiluer  les  témoins  et  y  répondre  est  de 
qiiaraiilo-liuit  heures.  —  Ce  délai  n'est  pas  sacramentel.  —  Cas  de  force 
majeure.  —  Demande  de  prolongation,  —  Itai-on  sufritante. 

Les  lénioins  doivent  être  au  nombre  de  quatre.  —  Tourquoi  '  î 

CHAPITRE    XVI 

Rôle  des  adversaires  et  des  témoins  à  partir  du  moment  où 
t'aSaire  est  engagée  Jusqu'à  la  première  réunion  de  ces 
derniers. 

Devoirs  des  témoins  envers  leur  mandant. 

Ils  doivent  l'écouler,  le  conseiller,  accepter  ou  refuser  carrément  et  sans 
arrière-pensée  le  mandat  qu'il  leur  propose,  et  lui  garder  le  secret.  —  Droit  du 
mandant  en  cas  d'indiscrétion. 

En  cas  d'accepiation, nécessilé  d'un  mandat  écrit.  —Pourquoi'? 

Devoirs  des  témoins  vis-à-vis  la  partie  adverse. 

Cartel  verbal.  —  Carlel  écrit.  —  Modération.  —  Politesse.  —  Danger  des 
cartels  injurieux'. 

Les  témoins  ne  doivent  pas  discuter  avec  l'adversaire. 

1.  Vojci  affaire  Dupuia-Habert.  Gaz.  Mb.  des  K.-Ï6-27  jain  1888.  Appendice 
n"  20. 

2.  Voyei  affïire  Lullier-Boiron.  Gaz.  Irib.  21  novembre  1808.  Appendice  n*  2". 

3.  Voyoi  ïffïire  ^aquet- Mon  vielle.  Gai.  (rtù.  11  août  1887.  Appendice  n*  28. 
*.  Vojei  appendice  n"  39. 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  524 

InterventioD  d'un  ami  commun. 

Procès-verbal  de  carence.  —  Précaution»  à  prendre  avant  de  le  dresser  * . 
Les  témoins  qui  portent  le  cartel  et  l'adversaire  qui  les  reçoit  doivent  être 
sans  armes*. 

Devoirs  des  adversaires  vis-à-vis  Tun  de  l'autre. 

A  partir  de  rechange  ou  de  la  remise  du  cartel,  ils  ne  doivent  plus  com- 
muniquer que  par  l'intermédiaire  des  témoins.  —  Il  leur  est  interdit  d'échan- 
ger de  nouvelles  offenses  *. 

Danger  des  entrevues  seul  à  seul  *, 

Devoirs  des  adversaires  vis-à-vis  les  témoins. 

Quiconque  reçoit  un  cartel  doit  rendre  une  réponse  immédiate,  catégo- 
rique, polie,  et  constituer  des  témoins . 

En  cas  d'offenses  réciproques,  nécessité  d'engager  rapidement  l'affaire  ^ . 
Les  adversaires  ne  doivent  pas  assister  aux  entrevues  des  témoins  *. 


CHAPITRE    XVll 

Rôle  des  témoins  une  fois  constitués.  —  Instruction  de 
l'afiTaire.  —  Constatation  des  faits. 

C'est  aux  témoins  de  l'appelant  à  aller  trouver  ceux  de  l'appelé. 
Choix  d'un  auteur  destiné  à  servir  de  code.  —  Son  utilité.  —  Les  témoins 
échangent  leurs  pouvoirs.  —  lis  exatninent  les  questions  préalables. 
Ces  questions  préalables  sont  relatives  : 
40  A  l'identité»; 
2«  A  l'âge  •  ; 

3^  A  l'importance  et  aux  inGrmités  *  ; 
4*»  A  la  parenté**; 
5*  A  la  moralité  des  personnes**;  —  A  la  moralité  des  querelles;  — 

i.  Voyez  affaire  de  Loucelles-de  Sirèmes.  Gaz.  trib.  27  Janvier  i83i.  Appendice 
n<»30. 

2.  Voyez  affaire  Pierre  Bonaparte-Louis  Noir,  21  mars  1870.  Appendice  n°31. 

3.  Voyez  affaire  Dichard-de  Massas.  Cas,  trib.  26-27  septembre  1882.  Appendice 
n»  32. 

4.  Voyez  affaire  Roziez-de  M.  Gaz,  tnb,  11  au  16  mars,  30  mars,  17  avril,  4  au 
6  mai,  22  au  30  mai,  8  juin  1858.  Appendice  n<>  33. 

5.  Voyez  affaire  Rilter-Appleton.  Gaz,  trib,  2  et  3  avril  1873.  Appendice   n^  34. 

6.  Voyez  affaire  du  général  Levasseur  et  du  commandant  Arrighi.  Gaz,  trib. 
24  janvier,  20  février,  14  mars  1842.  Appendice  n<*  35^. 

7.  Voyez  nos  chapitres  x  et  xi. 

8.  Voyez  notre  chapitre  xii,  articles  10  et  11. 

9.  Ibidem,  article  12. 

10.  Ibidem,  article  2. 

11.  Ibidem,  articles  6,  7,  8,  9. 


sijjj  —.:_>- 


8»  SIXIÈME  PARTIE. 

ImporUncA  i]e  la  question  '  ;  —  Deroirs  àes  lémoîos  en  parnlle  ntatière*; 

6°  A  la  qa^tion  d'argent  '  ; 

7°  A  la  profession  *  ;  —  Eiceplioo  d'indignité  '  ; 

8*  A  l'aiiomo  :  <  Il  n'est  dil  qu'âne  réparation  pOQf  une  même  offeoee  *  >. 

Les  téinoîna  constatent  ensaile  les  faits  matériels  qui  cvostitaent  l«  diSS- 
rend  et  motiveot  l'appel.  Ils  doivent  s'entendre  sar  ce  point  arant  de  d^der 
quelle  est  la  valeur  de  l'offense  et  à  qui  revient  la  qnalité  d'offensé  '. 


CHAPITRE  XVIII 

Solutions  qui  peuvent  être  données  à  l'afEùre  après 
la  constatation  des  faits. 

Elles  sont  BU  nombre  de  deux  : 

(A)  Les  témoins  peuvent  décider  qu'il  n'y  a  pas  ou  offense  suffisante 
pour  motiver  une  rencontre.  —  Procès-verbal  de  constat.  —  Droit  de  la  partie 
qui  s'est  réservé  la  faculté  de  contrôler  les  résolutions  adoptées  par  les 
témoins. 

(fij  Les  ti^moios  peuvent  décider  qu'il  y  a  eu  offense  suffisante  poor 
motiver  une  rencontre.  —  Ils  déterminent  alors  le  degré  de  l'offense.  — 
Olfenses  réciproques.  —  Ils  décident  ensuite  auquel  des  deux  adversaires 
revient  le  droit  d'offensé.  —  Bn  cas  de  désaccord,  ils  recourent  à  un  arbitrage 
ou  h  un  jury  d'honneur  pour  établir  ce  droit,  mais  ils  ne  doivent  jamais  le  tirer 
au  sort.  —  Pourquoi  '  î 

ImporUar^  que  peut  avoir  devant  les  tribunaux  la  déteiminalion  de  la 
personne  offensée,  relativement  à  la  question  de  savoir  qui,  de  ragre.'sear 
ou  de  l'expéditeur  du  cartel,  doit  être  considéré  comme  le  véritable  provoca- 
teur. 

Une  fois  la  désignation  delà  personne  offensée  opérée,  il  peut  se  présenter 
deux  éventualilos  : 

f*  hijpothèie.  —  Les  témoins  aboutissent  dans  leurs  tentatives  de  coorâ- 
lialion. 

La  conciliation  eàt  un  devoir  pour  eux,  —  Moment  oii  elle  doit  être 
tentée  '. 


3.  Ibiitm,  article  4. 

i.  Ibidem,  article  3  et  9  in  fine,  eiception  d'indignité,  article  9  tn  (int. 

5.  Ibidem,  article  9,  in  fine. 

r.,  Cliapitre  i\. 

1.  Voj-ei  affaire  (le  Marseul-Daudior.  Coi.  trib.  li  janvier  1881.  Appendice  n"  38. 

S.  Voyci  atTaire  Reynach-Roclietort,   20  mars  1882.  Jnnuutrt  du  dtwi.  Appendice 

9.  Voj-ez aflkire  Qupuls-Babert.  Gax.  trib.25,  20  Juin  1888.  Appendice  0°  40. 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  523 

La  réparation  doit  être  proportionnée  à  roffèDse*. 

Excuses.  —  Critérium  pour  reconnaître  si  un  arrangement  peut,  sans 
motiver  un  blAme,  être  proposé  et  accepté.  —  Les  témoins  ne  peuvent  refuser 
de  répondre  à  la  question  qui  leur  est  posée  à  ce  sujet  *. 

Si  Toffensé  du  premier  ou  du  deuxième  degré  refuse  d'accepter  des 
excuses  jugées  suffisantes  par  ses  témoins,  il  perd  ses  privilèges.  — Armes  et 
duel  sont  tirés  au  sort.  Il  n'en  est  plus  de  même  s'il  y  a  eu  voie  de  fait. 

Cas  où  un  homme  déclare  que  ses  convictions  religieuses  lui  interdisent 
le  duel  et  reconnaît  ses  torts. 

Devoir  de  l'offensé.  —  Insultes  aux  personnes  connues  pour  refuser  de  se 
battre  en  duel  à  cause  de  leurs  convictions  religieuses.  —  Séminaristes  sous 
les  drapeaux,  etc.  *. 

Excuses  sur  le  terrain.  —  L'offensé  peut  les  refuser  sans  perdre  ses  privi- 
lèges. —  A  qui  incombe  le  blâme  lorsque  des  excuses  sont  faites  sur  le  terrain  : 
—  Spontanément  par  l'agresseur  ;  —  Par  lui  sur  le  conseil  de  ses  témoins  ;  — 
Par  les  témoins  on  son  nom? 

2^  hypothèse.  —  Les  témoins  échouent  dans  leurs  tentatives  de  conci- 
liation. 

Ils  discutent  immédiatement  les  conditions  du  duel. —La  constatation  des 
faits,  la  détermination  de  la  valeur  de  l'offense  qui  ont  été  opérées  antérieure- 
ment, facilitent  leur  tâche  ^. 

Rôle  forcément  opposé  que  les  témoins  de  chaque  partie  ont  à  remplir. 

Si  Fentenle  est  impossible,  ils  recourent  à  un  arbitrage  ou  à  un  jury 
d'honneur. 

CHAPITRE    XIX 
Arbitrage.  —  Jury  d'honneur. 

Définition  de  l'arbitrage. 

Sens  des  expressions  «  les  arbitres  sont  ceux  qui  ont  reçu  le  pouvoir...  » 

Les  arbitres  doivent  être  choisis  par  les  parties  ou  agréés  par  elles.  S'il  y  a 
plusieurs  arbitres  à  nommer,  chaque  partie  en  désigne  la  moitiés 

Tiers-arbitre. 

Jury  d'honneur.  —  Il  est  soumis  aux  règles  de  Parbitrage.  —Décision  des 
arbitres  qui  n'ont  pas  reçu  mandat  des  deux  parties  ou  n'ont  pas  été  agréés 
par  elles  *. 

1.  Voyez  affaire  Baron-Pesson.  Cas,  trib,  30  Janvier,  2  février,  23  juin,  7,14 
août  1837.  Appendice  n^  41. 

2.  Voyez  affaire  Dupuis-Habert.  Gax.  trib,  25,  26  décembre  1888.  Appendice  n»  42. 

3.  Voyez  appendice  n®  43. 

4.  Voyez  affaire  Rochefort-Dreyfus,  26  avril  1886.  AuniAaire  du  duel  Appendice 
n«44. 

5.  Voyez  affaire  Blaurel-Clémenceau;  11, 12, 13  décembre  1888.Appendicen«45(6). 

6.  Voyez  affaires  de  Calonne-Fiorentino  et  Achard-Fiorentino.  Gaz.  trib.  !«'  sep- 
tembre 1850.  Appendice  n®  46. 


5ïi  SIXIÈME  PARTIE. 

Les  décisions  ëmanant  d'arbitres  et  de  juréa  régulièrement  constilués  Ft 
agissaut  dans  la  limite  de  leur  mandat  sont  obligatoires  pour  les  paities  ', 

Les  conditions  exigées  pour  ftlro  nommé  arbitre  sont  les  mêmes  que  pour 
èlte  [émoin,  sauf  pour  ce  qui  touche  aux  qualités  pbysiques. 

Compromis.  —  Définition,  —  Son  utilité. 

Il  est  général  ou  spécial.  —  La  forme  écrite  est  préférable,  —  Il  doit  élre 
signé  et  daté,  spéciGer  le  point  litigieux  et  l'étendue  des  pouvoirs  accordés 
uux  arbitres  et  aux  jurés.  —  Nullité  des  décisions  rendues  pour  ou  contre  le 
compromis'. 

Cette  nullité  ne  peut  être  que  partielle  '. 

Comment  doivent  juger  les  arbitres  et  les  jurés?  Utilité  de  l'arbitrage.  — 
l'ourquoi  est-il  rare?  —  Sanction  de  l'opinion  publique  *. 


CHAPITRE    XX 

Mandat  des  témoms.  —  Sa  nature.  —  Récusation, 
Démission. 

Troij  espèces  de  mandai  : 

Mandat  tam  réteree  de  contrôle.  —  Les  témoins  no  sont  pas  técusables 
par  le  mandant. 

Mandai  impératif.  —  Les  témoins  doivenls'y  conformer  aveuglément,  et 
peuvoni  ôtre  récusés. 

Mu'tdal  mus  réserve  de  cotttrôle.  —   Il  su^jpuso  uu  droit  de  récusaliuo 

Inconvénienls  des  doux  premiers  systèmes.  —  Avantages  du  Iroiàième  ■. 

Devoirs  des  mandataires  et  du  mandant  vis-a-vis  les  uns  les  autres  et  vis- 
à-vis  la  partie  adverse,  on  cas  de  récusation  ou  de  démission. 

ËD  principe,  les  témoins  peuvent  etro  récusés  ou  se  retirer  jusqu'à  la 
signature  du  (troc es- verbal  de  renconlr.',  mais  il  vaut  infiniment  mieux  le 
faire  avant.  —  Pourquoi  ?  ^  Jamais  sur  le  terrain  '. 

Nécessité  d'un  mandai  écrit,  sî^né  et  accepté,  qui  garantisse  la  stabilité 
des  conventions.  —  Échange  des  pouvoirs.  —  Ce  qu'il  faut  enlendie  par  ces 
expressions.  —  Question  à  poser  ab  inilio.  —  La  réponse  des  témoins  est 
présumée  contenir  l'expression  de  la  vérité.  —  Elle  engage  le  mandant. 

Si  la  question  n'est  pas  posée,  il  est  présume  s'être  réservé  ce  droit  de 
contrôle.  —  Preuve  contraire. 

1.  Voyez  affaire  Maurcl-ClÛnieacc&u.  Appendice  □"  lu  (d). 
*2.  ibidem.  Appendice  □'  45  (cj. 

3.  Ibidtm.  Appendice  n°  45  (d). 

4.  Voyei  alTaire  Ro.-Bc,  27  octobre  18S6.  annuaire  du  dusl.  Appeadice  D°i7. 

5.  Vojci  affaire  Bo.-Ce.,  1"  novembre  1884.  .annuaire  du  duel.  Appendice  n°  48. 
0.  Voyez  Gax.  trib.  26  novembre  1842.  Appendice  n"  49. 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  525 

Le  mandant  qui  refuse  de  ratifier  les  conditions  souscrites  par  ses  manda- 
iaires  doit  les  désavouer  spécialement.  —  Pourquoi  ^  ? 


CHAPITRE   XXI 
Procès-verbal  de  rencontre. 

En  quoi  il  consiste.  ^-  Son  importance. 

11  instruit  chacun  de  son  devoir.  —  Il  supprime  toute  équivoque  et  toute 
discussion,  avant,  pendant  et  après  la  rencontre. 

11  détermine  les  responsabilités  *.  »  11  constitue  une  chance  d'éviter  la 
peine  en  cas  de  poursuites  j udiciaires. 

Il  est  fait  en  double  expédition,  signée  des  témoins,  signée  et  approuvée 
des  adversaires. 

Les  conditions  énoncées  doivent  être  exécutées  strictement  et  sans  modi- 
fication, môme  de  consentement  mutuel,  principalement  sur  le  terrain  ^ 

Les  témoins  ne  peuvent  réclamer  Texécution  d'une  convention  dange- 
reuse pour  la  partie  adverse  et  à  laquelle  semble  renoncer  le  clieAt  qu'ils 
représentent^. 

Conditions  à  discuter  pour  dresser  correctement  un  procès-verbal  de 
rencontre. 

Les  unes  sont  cojimunes  à  tous  les  duels.  Les  autres  sont  spéciales  à 
chaque  espèce. 


CHAPITRE    XXll 
Stipulations  communes  à  tous  les  duels. 

Elles  sont  relatives  : 

Article   premier.  —  Au  choix  d'un  auteur^; 

Art.  2.  —  A  Tinstruction  de  l'affaire  *  ; 

Art.  3.  —  A  la  désignation  de  l'offensé, au  degré  de  l'offense,  au  choix 
de.s  armes  ^  ; 

Art.  4.  —  Au  choix  du  duel  et  des  distances*; 

Art.  5.  —  Conditions  relatives  au  clioix  du  jour,  de  l'heure  et  du  lieude 
la  rencontre. 


1.  Voyez  affaire  Grandin-Dorand,  18-19  mars  1889.  Appendice  n»  50. 

2.  Voyez  appendice  n**  51. 

3.  Voyez  affaire  Odysse-Barrot-Jecker.  Gaz.  trib,  3-4  août  1868.  Appendice  n«  52. 

4.  Voyez  affaire  Le  Merle-de  Mosny.  Gaz,  trib.  21  août  1833.  Appendice  n»  53. 

5.  Voyez  chapitre  xvu. 

6.  Ibidem. 

7.  Voyez  les  chapitres  vu  et  viii. 

8.  Voyez  les  chapitres  vu,  xxxvu  et  xxxviii. 


"J 


^  Zi .  ij.         ^      .    :  •  ■*'..'''.  -^  -•*.  ■■•  '•  .>  .  -.v-.-  .'-^bL.  .il  - . .    .  "  ^  .  -vï 


536  SIXIEME  PARTIE. 

Le  choix  du  joar.  —  Ksi  laissé  auï  lëmoins,  —  Il  faut  consulter  la  com- 

modilé  générale.  —  Le  délai  de  quarante-huit  heures  n'est  pas  sacrameolel. 

Le  mâme  individu  do  doit  pas  vider  deui affaires  dans  la  même  jouruée '. 

Choix  de  l'heure.  —  Sou  imporlaoce  h  raisoD  de  divers  états  pbrâiqaos. 
—  A  qui  il  appartient*? 

Esaclitude  obligatoire.  —  Quart  d'heure  de  grâce.  —  Procès-verbal  de 
carence.  —  lolempérie  des  saisons  '. 

Motifs  invoqués  pour  justiGer  ou  retard.  —  Cas  de  force  majeure.  —  LacoD- 
stilulion  d'arbitres  ou  d'un  jury  d'honneur  est  nécessaire  pour  les  apprécier*. 

Cas  où  les  témoins  d'un  adversaire  qui  manque  au  reodeE-Toas  offrent  de 
le  remplacer.  —  Celte  proposition  doit  être  refusée  '. 

Choix  du  lieu.  —  Le  choix  du  lieu  apparlient  aui  témoins.  —  Le  lieu 
doit  être  reconnu  d'avance  '.  Pur  les  témoins  des  deux  parties  '. 

Art.  6.  —  Conditions  relatives  à  l'adjunction  des  médecins.  —  Ils  ont 
une  double  mission  :  prodiguer  leurs  soins  aux  blessés,  donner  leur  avis  sur 
la  blessure  re^ue.  —  Valeur  de  cet  aviy.  —  Stipulaiions  relatives  au  degré  de 
gravité  que  doivent  présenter  les  blessures  pour  amener  la  ( 
combat. 

DueL  k  mort.  —  Duel  à  oulrance.  —  Mise  hors  de  combat.  — 
de  continuer.  —  Dual  au  premier  sang.  —  Ëtat  d'infériorité. 

Si  le  procès-verbal  est  muet  sur  la  valeur  qui  doit  être  accordée  h  l'avis 
des  médecins,  ils  sont  inleriogés  â  titre  cousuliatif  seulement. 

Le  blessé  ne  peut  âtre  obligé  de  conliouer  malgré  lui.  —  U  peut  refuser, 
sous  sa  responsabilité  ". 

Les  témoins  peuvent-ils  arrêter  ie  combat  avant  qu'une  blessure  se  soit 
produite  •  f 

Valeur  de  la  clause  portant  qu'après  un  certain  laps  do  temps  Gxé  d'avance, 
le  combat  serait  arrêté  même  sans  blessure  ■°, 

Les  médecins  ne  doivent  jamais  faire  acte  do  témoins". 

Art.  7.  —  Altitude  des  adversaires  sur  le  terrain.  —  Salut  facullalif  — 
Silence  sous  les  armes  obligatoire.  —  Eiclamalions,  cris,  appels  inlerdil.«. 


i.  Vojez  affaire  B.  Vescot  et  Meuaier.  Gaz.  Irib.  21   novembre  18*7.   Appendice 
u'  5*. 

2.  Voyei  alTairo  Dichard -do  Massas.  Gai.  trib.  20-27  décembre  18HS.  Appendice 
D"  M. 

3.  Voye^  atraire  Dujarrier-de  Beuuvallon.  Gai.  trib.  26  mars  1816  el  Guivautee. 
Appendice  n°  bG. 

4.  Voyez  affaire  A.-Ch.  V.,  2  juin  1888.  Appendice  n"  57. 

5.  Voyez  affaire  S.-M.  .annuaire  du  duel,  H  décembre  1885.  Appendice  n°  58. 

6.  Voyez  affaire  Drumoiit-Meyor.  Gai.  trib.  2  juin  1886.  Appendice  o" 50. 

7.  Voyez  affaire  Naquct-Mon vielle.  6'a;.  Irib.  Il  aoû^  1887.  Appendice  n"  60. 

8.  Voyez  affaire  Lavertujon-B.  3  août  1880.  Annuaire  du  duel.  Appendice  n"  61 . 

9.  Voyez  affaires  de  BriquBvilie-duc  de  Dalmalie.  Fougcrouz-de  Champigneulles, 
t.  II,  n"  30.  Appendice  b"  fi2. 

10.  Voyez  affaire  Uotz-I'ierotti.   Ga:.   Irib.  16,  17,  18  décembre  1889.  Appendice 

11.  Voyez  affaire  Drumout-Mejer.  Gai.  trib.  2  juin  1886.  Appendice  o"  6i. 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  527 

Les  communications  entre  adversaires  sont  faites  par  l'intermédiaire  des 
témoins. 


CONDITIONS  SPÉCIALES  AU  BUBL  A  L'ÉPÉE 


CHAPITRE  XXIII 
Choix    des    épées. 

11  faut  distinguer  le  cas  où  les  adversaires  se  servent  d'armes  à  eux  per- 
sonnelles et  celui  où  ils  n'ont  pas  le  droit  de  s'en  servir. 

Dans  le  premier  cas,  les  deux  paires  peuveot  être  dissemblables.  —  Pro- 
portions. 

Dans  le  second,  si  chacun  apporte  sa  paire,  le  sort  désigne  celle  dont  on 
se  servira.  Les  épées  de  même  paire  doivent  être  identiques,  mais  certaines 
différences  soot  tolérées  entre  chaque  paire.  —  Le  combattant  dont  la  paire 
n'est  pas  sortie  acquiert  le  droit  de  choisir  parmi  les  épées  tombées  au  sort. 
Môme  solution  lorsqu'un  seul  des  adversaires  apporte  ses  épées.  —  S'il  a  été 
stipulé  qu'une  paire  inconnue  servirait  seule,  on  tire  au  sort. 

Les  armes  doivent  être  présentées  à  l'examen  et  à  l'acceptation  des 
témoins,  au  moment  de  la  rédaction  du  procès-verbal. 

Conditions  requises  pour  cette  acceptation.  —  Les  épées  doivent  être 
légères  et  bien  en  main.  —  Centre  de  gravité,  ^  Pommeau.  —  Lame  chargée 
du  bout,  tranchante,  ébréchée.  —  Poids  «. 

Coquilles.  —  Dimensions.  —  Percées.  ^  A  gouttières.  —  Usées.  •—  Mon- 
tage. 

En  cas  d'arbitrage  pour  l'admission  des  épées,  l'arbitre  ne  doit  pas  être,  si 
possible,  un  armurier.  —  Pourquoi?  —  Importance  du  chapitre  xxii^. 

Précautions  utiles  '. 

Outils  à  emporter. 


1.  Affaire  de  Morès-Mayer,  la  Libre  Parole  du  30  août  1893. 

2.  Voyez  affaire  de  Morès-Mayer,  la  Libre  Parole  des  30  et  31  août  1892.  —  L*Ei' 
crime  française,  n*  du  30  septembre  1892.  —  Affaire  Naquet-Monyielle.  Gaz. 
trib.  11  août  1887.  Appendice  n*"  G5. 

3.  Voyez  affaire  OUivier-Feuilherade.  Gax.  trib,  4  août  1870.  Appendice  n®  66. 


..'-.,'■■.    .»■    ••*.*r.>.  "^.-l"         :xJ^v 


SlXIÈMi;  PARTIE. 


CHAPITRE    X\IV 

Choix  du  terrain.  —  Mesure  du  cbamp.  —  Tirage  au  sort 
des  places. 

Condilions  que  doit  présenter  un  iBrraio  propice  au  duel  à  l'épée. 

IncoDvéoientB  d'un  terrain  étroii'. 

Le  lirage  au  sort  des  places  est  indépendant  du  tirage  des  épâes. 

Cbamp  ou  arène  du  combat. 

Le  droit  d<^  déterminer  les  dimeDsiouB  du  champ  appartient  aux  témoins 
vn  cas  d'offenses  du  premier  et  du  deuiième  degré  ;  —  A.  l'oflonsé  s'il  y  a  voie 
de  fait. 

LJm.tes  outre  letiquelles  ce  choix  doit  âiretait  (40  ï  60  mèlrds). 

But  de  la  délimitation  longitudinale*. 

But  de  la  délimitation  latérale  ^. 

Cas  où  un  des  combattants  frdDcliit  plusieurs  fois  les  limites.  —  Averti>- 
semonis  préalables.  —  Leur  nombre.  —  Cas  où  le  procès-verbal  ast  muel  sut 
la  mesure  du  champ. 


CHAPIÏHE  XXV 
Toilette  et  visite  des  adversaires.   —  Gants. 

lurso  im.  —  Aiauljg«s.  —  iucooïéûieals.  —  Viîlomonls  toJorëâ. 

Cliemiso  non  empesée,  de  Qinelle,  en  soie,  quelquefois  en  molleton.  — 
Chemises  empesées  interdites.  —  Pourquoi? 

Devoirs  des  lémoins  dont  le  client  est  vieux,  rhumalisaol,  etc. 

Les  combatlatils  doivent  enlever  ce  qui  peut  arrêter  le  poiote  de  l'épée'. 

Hernies  et  inllrmités  motivant  bandages  ou  ceintures.  —  Déclaralion 
préalable.  —  Constatation  médicale.  —  Visite  de^  adversaires  sur  le  lerraio, 
—  Comment  et  par  qui  elle  est  exécutée". 

Le  refus  de  visite  enlraiiiB  refus  de  duel. 

Les  gants  de  ville  ou  d'ordonnance  sont  toujours  permis.  —  Les  ganls 
d'armes  avec  ou  sans  crispin  ne  sont  pas  imposables. 

Mouchoir.  —  Martingales.  —  Casquettes.  —  Calottes. 

1.  Voyez  sllitiru  Uiclmrd-de  Musss.  Ga2.  Irib.  26  et  21  décembre  I8â2.  Appen- 
dice n"  07. 

2.  Voyci  afl'aiieC**'*  el  P'*'   Appeudico  n"  6lf. 

3.  Vovw  ufTuLre  Diumout-Meycr,  Gai^ette  des  Tribunaux,  27  juin  1880.  .\pppndice 
n'  00. 

4.  \o}0i  10  mai  1800,  Colonibcy,  Histoire  anecdotiqae  rfu  duel.  Appendice 
u»  70. 

a.  Voye*  afliiire  OUivier-Feuilherade,  GastlU  des  Tribunaux,  iAoUlK'iG.Appca- 


RÉSUME  DES  MATIÈRES.  5S9 


CHAPITRE  XXVI 
Le  directeur  du  combat. 

Importance  de  sa  mission. 

Qualités  nécessaires  pour  la  remplir. 

Le  droit  de  choisir  un  directeur  du  combat  appartient  eiclusivement  aux 
témoins. 

Parmi  quelles  personnes  ce  choix  peut-il  être  exercé? 

4  "  système.  —  Parmi  les  témoins  seulement.  —  Pourquoi  ? 

V  système,  —  En  dehors  des  témoins.  —  Pourquoi?  ^  Discussion.  — 
Système  mixte. 

Conditions  auxquellefi  est  subordonné  le  choix  du  directeur,  lorsqu'il 
est  exercé  en  dehors  des  témoins. 

Rôle  du  directeur  du  combat.  —  Il  unifie  le  commandement  et  facilite 
l'exécution  du  procès-verbal.  ^  Directeur  adjoint. 

Places.  —  Remise  des  épées.  ^  Rappel  des  conditions.  —  Mise  en  garde. 
—  Systèmes  de  M.  Tavernier,  de  Château viliard. 

Signal.  —  Surveillance  du  combat.  —  Arrêt.  —  Injonction  verbale.  — 
Intervention  effective.  —  Coup  paré  sans  juste  cause. 

Devoirs  des  témoins  vis-à-vis  le  directeur  du  combat.  —  Ils  peuvent  le 
contrecarrer  s'il  n'observe  pas  les  conditions  du  procès  verbal. 

En  cas  d'incidents  nécessitant  suspension  du  duel,  les  témoins  ne  doivent 
pas  se  borner  à  signaler  le  fait  au  directeur  du  combat  et  à  rester  neutres.  — 
Leur  devoir'. 


CHAPITRE  XXVIl 
Les  adversaires  pendant  le  combat. 

Une  fois  le  signal  donné,  ils  peuvent  évoluer  à  leur  gré  dans  le  champ  qui 
leur  est  mesuré. 

Conditions  auxquelles  est  subordonnée  cette  liberté.  —  Elle  ne  peut  être 
restreinte  que  par  consentement  mutuel*. 


i.  Voyez  affaire  Mermeix-de  Labrayère,  9,  10  septembre  1890.  Appendice 
n»  81  et  07. 

3.  Voyez  aflaire  Naquet-Monvielle,  Gazette  des  Tribunaux,  19  août  1887.  Appen- 
dice u?  7Sé 


34 


SIXIEME  l'ARTIE. 


CHAPITRE  XXVIM 
Usage  de  la  main   qui  ne  meuile  pas  l'épéâ. 

Le  coup  d'épée  ne  peut  Cire  paré  qu'avec  l'épée. 

La  parade  ou  la  prëheosion  de  l'arme  adverse  avec  ia  maÎD  qui  ne  maaie 
pas  l'épée  constitue  uno  violaliou  dt'3  règles  du  duel  '. 

L'interdiction  doitfitre  insérée  au  procès- verbal.  —  Pourquoi'?  —  Saoc- 
tion  de  celte  défense. 

Parade  ou  préhension  non  suivie  d'un  coup  porté  *;  —  Suivie  d'un  coup 
porté. 

Position  de  la  main  qui  ne  nianio  pas  l'épéo,  eu  cas  de  tendance  à  la 
parade  ou  à  la  prétieosion. 

Défense  de  repousser  l'adversaire  de  la  main,  de  le  frapper  du  pommeau 
ou  avec  l'épée  prise  par  la  lame. 

Peut-on  changer  l'épée  de  main  au  cours  de  la  lutteT  —  Controverse.  — 
La  solution  négative  doit  éire  rejetée.  —  Pourquoi  T  —  II  faut  décider  que  le 
changement  de  main  peut  ôlre  effeciué  sans  déclaration  préalable  et  sans 
qne  les  témoins  adverses  aient  le  droit  de  s'y  opposer. 

CHAPITRE  XXIX 
Les  reprises,   —  Les   repos. 

QuestioD§  qui  s'y  rattacbent. 

Le  droit  de  décider  a'il  y  aura  oui  ou  non  repos,  leur  durée,  la  durée  des 

reprises  appartient  aux  témoins  en  cas  d'offense  simple,  h  l'offensé  en  cas 
d'oBense  grave  et  de  voie  de  fait*. 

Limites  maiima  et  minima  entre  lesquelles  ce  choix  peut  ôtre  exercé. 

Devoirs  des  témoins  dont  le  client  se  trouve  dans  un  état  physique 
entraînant  une  prompte  fatigue. 

Le  silence  du  procès-verbal  doit  être  interprété  dans  le  sens  négatif.  — 
Conséquences  du  système  contraire". 

Devoir  du  directeur  du  combat,  des  témoins  et  des  combatlants  en  cas  de 
repos. 

A  la  reprise,  les  adversaires  sont-ils  replacés  à  l'endroit  qui  leur  a  été 
désigné  par  le  sort  au  début  du  combat,  ou  â  celui  qu'ils  occupaient  au 
moment  du  repos  ? 

1.  Vovez  affaire  Chapuis-Deckerel,  Ga::elU  des  Tribunaux,  31  mui  1S85.  Appen- 
dice n"  73. 

i.  Voyez  affaire  Diriena- Mo  ri-as,  le  Temps,  a-  du  22  mai  1888.  Appendko 
n°  7i. 

3.  Voyez  affaire  Darzene-Moréas,  ibidem. 

i.  Vojoî  noire  chupitre  vu. 

5.  Voyez  aSkire  OUivier-Feuilherade,  Gatette  des  Tribunaux,  4  août  I87â.  Appeii- 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  534 


CHAPITRE  XXX 
L'acculement. 

Qu'est-ce  que  racculement?  —  II  est  une  cause  de  suspension. 

Devoir  du  directeur  du  combat  et  des  témoins  en  cas  d'acculement. 

Cas  où  la  limite  du  champ  eât  franchie  par  l'acculé. 

Remise  en  garde*  —  Le  terrain  conquis  ne  se  rend  pas'. 

Combien  de  fois  le  franchissement  de  la  limite  peut-il  être  toléré? 

Le  combattant  prêt  à  franchir  la  limite  ne  doit  pas  être  averti.  ^  Pour- 
quoi? —  Cas  où  le  repos  coïncide  avec  Tacculement 

Bien  qu'un  des  combattants  franchisse  la  limite,  son  adversaire  n'est  pas 
tenu  de  s'arrêter  avant  le  signal  des  témoins. 


CHAPITRE  XXXI 
Le  corps  à  corps. 

Le  corps  à  corps  est  une  cause  de  suspension. 

Le  corps  à  corps  ne  doit  pas  être  autorisé.  —  Pourquoi  *  ? 

Signes  auxquels  on  reconnaît  le  corps  à  corps. 

Devoir  du  directeur  du  combat,  des  témoins  et  des  adversaires  en  cas  de 
corps  à  corps.  ^  Intervention.  —  Suspension.  ^  Remise  en  garde.  —  Le 
terrain  conquis  ne  se  rend  pas. 


CHAPITRE  XXXII 
Le  désarmement. 

Le  désarmement  est  une  cause  de  suspension. 

Pour  qu'un  combattant  soit  réputé  désarmé,  il  faut  que  son  épée  soit  visi- 
blement sortie  de  sa  main. 

Le  combattant  qui  voit  son  adversaire  désarmé  doit  s'arrêter  spontané- 
ment, sans  attendre  Tinjonction  des  témoins.  —  Pourquoi  ? 

Attitude  du  combattant  désarmé. 

Devoir  du  directeur  du  combat  et  des  témoins  en  pareil  cas.  —  Interven- 
tion. —  Suspension. 

1.  Voyez  affaire  Pons-San-Malato,  5  mai  1881,  Annuaire  du  duel.  Appendice 
n«76. 

2.  Voyez  aflledre  Dramont-Meyer,  Gazette  des  Tribunaux f  27  juin  1886.  Appen- 
dice n«  77. 


>.      '  "V*  •  ...«£  :...♦*■■ 


I  S3t 

H  Acte  de  frapper  ou  de  chercher  à  frapper  un  adversaire    visîblemeat 

H  désarmé.  —  Sanction. 

H  Remise  eD  garde.  —  Le  terrain  conquis  n6  se  rend  pas. 

H  Le  comballanl  qui  s'arrête   spontanément   n'accomplit   pas  un  acte  de 

H  générosité,  mais  un  devoir  strict  '. 

f  ' 

■  slipu 

V  lesqu 


SIXIÈME  PARTIE. 


CHAPITRE  XXXIH 
Bris  et  faussement  d'èpée. 


Ce  sont  des  causes  de  suspoo^oo. 

Les  prescriptions  â  observer  varient  dans  les  deux  cas,  suivant  qu'il  a  été 
stipulé  que  les  adversaires  apporteraient  cliacnn  une  paire  d'épées  entre 
lesquelles  on  tirera  au  sort,  ou  qu'ils  se  serviraient  de  leurs  armes  peraon- 
aellcs. 

Eu  cas  de  biis  et  faussement  d'épée,  la  contre-visite  des  adversaires  peut 
s'imposer  '. 

Le  combattant  qui  voit  l'épée  do  sou  adversaire  brisée  ou  faussée  doit 
s'arrêter  spontanément.  —  Pourquoi?  —  Altitude  de  celui  auquel  arrive  cet 
accident.  ~  Devoir  du  directeur  du  combat  et  des  témoins.  —  lolervenlioa.  — 
Suspension. 

Remise  en  garde.  —  Le  terrain  conquis  ne  se  rend  pas. 

Cas  oii  le  combuttant  qui  s'aperçoit  du  bris  ou  du  faussement  do  l'^pee 
adverse  ne  s'anèle  pas, 

CHAPITRE   XXXIV 
La  chute. 

La  chute  est  une  cause  de  suspension. 

Le  combattant  qui  voit  tomber  son  adversaire,  l'adversaire  qui  tombe, 
doivent  s'arrêter.  —  Leur  attitude  rospoctive. 

Devoir  du  directeur  du  combat  et  des  témoins.  —  Intervention.  —  Sus- 
pension. 

A  quel  moment  la  chult  ost-ello  tenue  pour  consommée  et  entrai  ne -1-ellc 
obligation  de  s'arrêter  ? 

Toute  espèce  de  coup,  pour  l'exécution  duquel  le  combattant  qui  l'essaye 
prend  une  position  susceptible  d'être  confondue  avec  une  chute,  est  interdit. 
—  Pourquoi  T 

En  cas  de  chute,  le  champ  n'est  pas  rendu. 

1,  Voyei  affaire  Pierre  Bonapftrte-deRovigo,Co«H«dM  Tribunaux,  iS  novembre 
1849.  Appendice  n'  78. 

a.  Voyer  sffairo  Ollivier-Feailherado,  Gaiette  dit  Tribunaux,  t  août  1876. 
Appendice  n°  7U. 


RÉSUME  DES  MATIÈRES.  533 


CHAPITRE   XXXV 
La  blessure. 

J^a  blessure  est  une  cause  de  suspension  ou  d'arrêt  déûnitif. 

Le  directeur  du  combat  et  les  témoins  doivent  suspendre  la  lutte  aussitôt 
qu'une  blessure,  môme  légère,  se  produit.  —  Pourquoi  *  ? 

Devoir  du'  combattant  qui  a  blessé  son  adversaire  ou  qui  croit  l'avoir 
blessé.  —  Devoir  du  blessé.  —  Droit  du  premier  si  le  blessé  ne  s*arrôte  pas 
instantanément.  —  Objection  tirée  de  la  difficulté  où  on  se  trouve  d'éviter  la 
mauvaise  foi  du  combattant  qui  a  porté  le  coup  et  le  mauvais  vouloir  du 
blessé  qui  n'annonce  pas  qu'il  est  touché.  —  Moyen  d'y  obvier. 

Cas  où  le  blessé  se  jette  sur  son  antagoniste  après  la  suspension  du 
combat.  —  Cas  où  le  combattant  demeuré  intact  essaye  de  firapper  le  blessé. 
—  Intervention  des  médecins.  -:-  Valeur  de  leur  avis.  —  Le  champ  doit-il 
être  rendu  en  cas  de  blessure  ?  —  Raison  de  douter. 


CHAPITRE  XXXVl 

Devoir  des  adversaires  et  des  témoins  dans  les  cas  prévus 

aux  chapitres  XXIX  et  suivants. 

Ce  chapitre  est  le  résumé  des  règles  éparses  dans  les  chapitres  précé- 
dents. 

Devoir  des  témoins.  —  Aussitôt  que  l'incident  se  produit,  les  témoins 
arrêtent  le  combat,  verbo  et  opère,  à  leurs  risques  et  périls. 

Devoir  des  combattants,  —  En  tout  état  de  cause,  ils  sont  tenus  de 
s'arrêter  immédiatement  après  l'injonction  des  témoins. 

Si  l'injonction  n'est  pas  concomitante  avec  le  fait  qui  motive  la  suspension, 
le  devoir  des  combattants  varie  suivant  les  circonstances. 

4  «  En  cas  de  repos,  d'acculement  et  de  corps  à  corps,  ils  continuent  la 
lutte  jusqu'à  l'intervention  des  témoins,  quand  bien  même  cette  intervention 
se  ferait  a' tendre.  —  Pourquoi  7 

V  En  cas  de  désarmement,  de  [bris  d'épée  et  de  chute,  ils  sont  tenus 
de  8*arréter  spontanément  et  sans  attendre  l'intervention  des  témoins.  — 
Pourquoi  ? 

Z'*  En  cas  de  faussement  d'épée  et  de  blessure,  le  devoir  des  combattants 
est  plus  délicat.  —  Pourquoi?  —  Moyen  terme  qui  garantit  la  sécurité  de  celui 
qui  a  porté  le  coup,  de  celui  qui  l'a  reçu,  et  leur  évite  de  commettre  un  acte 

1.  Voyez  affaire  Betz-Pierotti,  Gaxette  des  Tribunaux,  16, 17, 18  décembre  1889. 
Appendice  n9  80. 


^       N        .»       .  Jh  '.  '      •  Il         il  11    ^H 


U4  SIXIÈME  PARTIE. 

qui,  s'il  ne  vîolo  pas  la  stricto  loi  du  duel,  n'en  est  pas  moins  incorrect  a 
point  de  vue  de  la  délicatesse  ot  de  l'Ijonneur. 

Attitude  des  comballatits  dans  tous  les  cas  d-deseus  énoDCés  '. 


CONDITIONS  SPÉCIALES  AU  DUEL  AU  PISTOLET 


CHAPITRE  XXXVII 

Choix  du  duel. 

Le  choix  du  duel  doit  être  laît  entre  les  daels  légaux  par  les  témoins 
en  cas  d'ofTense  simple  ;  par  l'ofleosé,  en  cas  d'offense  grave,  ou  s'il  y  a  voie 

Il  y  a  sept  duels  légaux,  divisés  en  deux  classes. 

La  première  classe  [duel  au  visé}  comprend  :  Le  duel  de  pied  ferme  i 
tir  successif.  —  Le  duel  de  pied  ferme  'd  volonté.  —  Le  duel  à  marcher.  — 
Le  due!  â  marclie  interrompue.  —  Le  duel  â  lignes  parallèles. 

La  deuxième  classe  comprend  :  Le  duel  au  signal.  —  Le  duel  au  comman- 
dement. 

La  question  dn  choix  du  duel  et  la  responsabilité  des  témoins  sont  intime- 
ment liées. 

Leur  responsabilité  varie  suivant  que  ce  sont  oui  ou  l'offensé  qui  choisis- 
sent le  duel. 

/"  hypothèse.  —  Lorsque  les  témoins  sont  appelés  à  choisir  le  duel,  il 
est  impossible  de  déterminer  par  avance  cl  à  coup  sur  celui  sur  lequel  ils  ont 
intérêt  à  s'arnîter,  mais  on  peut  indiquer  les  qualités  que  doit  posséder  le  duel 
type,  et,  procédant  par  comparaison,  celui  qui  s'en  écarte  le  moins. 

Comparaison  de  classe  h  classe. 

Comparaison  entre  les  duels  de  la  même  classe. 

Le  duel  au  commandement  est  celui  qui  résume  le  mieux  les  qualités 
demandées.  —  Puis  vient  le  duel  ou  visé  de  pied  ferme,  à  volonté.  —  Lo  duel 
à  marcher.  —  Le  duel  à  marche  inierrompue.  —  Le  duel  au  signal.  —  Le 
duel  au  visé  a  tir  successif. 

2'  hypothèse.  —  Lorsque  c'est  l'offensé  qui  choisit  le  duel,  quelle  conduite 
peuvent  tenir  les  témoins,  si  celui  qui  est  imposé  leur  parait  de  nature  à  com- 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  635 

promettre  leur  responsabilité  ou  à  blesser  leur  conscience  ?  —  Peuvent-ils  se 
retirer  ?  —  Intérêt  de  la  question.  —  Position  scabreuse  des  témoins  pris  entre 
la  sanctioa  des  lois  ordinaires  et  les  obligations  imposées  par  la  législation  du 
point  d'honneur.  —  La  solution  de  la  question  dépend  des  termes  de  leur 
mandat. 

Peuvent-ils  apporter  des  modifications  au  duel  choisi?  —  Conditions 
auxquelles  ces  modifications  peuvent  être  exercées.  —  Exemple. 


CHAPITRE  XXXVIII 
G3ioix  des  distances. 

Le  choix  des  distances  appartient  aux  témoins  en  cas  d'offense  simple  ou 
d'injure  grave,  à  l'offensé  s'il  y  a  eu  voie  de  fait. 

Nécessité  d'une  limite  maxima  et  d'une  limite  minima  entre  lesquelles  le 
choix  devra  être  circonscrit.  Tableau  des  distances  admises  comme  légales. 

Conséquence  du  choix  d'une  dislance  inférieure  au  minimum  légal.  — 
Adversaires  et  témoins  doivent  la  refuser. 

Conséquences  d'un  choix  supérieur  au  maximum.  —  L^agresseur,  si  ce 
choix  est  fait  par  l'offensé,  les  deux  adversaires^  si  ce  choix  est  fait  par  les 
témoins,  sont  libres  d'accepter  ou  de  refuser. 

Cas  où  le  choix  d'une  distance  supérieure  au  maximum  résulte  d'une 
convention  mutuelle.  —  Cas  où  elle  a  lieu  sur  le  terrain. 

Les  témoins  ne  doivent  pas  augmenter  la  distance  stipulée  au  procès- 
verbal  à  l'insu  des  combattants.  —  Pourquoi? 

Nécessité  d'énoncer  en  mètres  la  distance  convenue  et  de  se  servir  du 
mètre  pour  la  mesurer. 

Devoirs  des  témoins  lorsque^ayant  le  choix  des  distances,  ils  ne  peuvent 
tomber  d'accord. 


CHAPITRE  XXXIX 
Détermination  du  délai  pour  tirer. 

Le  délai  accordé  pour  échanger  les  balles  doit  être  déterminé  dans  le 
procès-verbal. 

Le  droit  de  le  déterminer  appartient  aux  témoins.  —  Pourquoi  *■  ? 

Les  témoins  peuvent  apporter  certains  changements  aux  délais  indiqués 
par  Chateauvillard.  —  En  quoi  consistent  ces  changements  7 

Relativement  à  cette  question,  on  peut  diviser  les  duels  en  trois  classes. 

i.  Voyez  afiEeûre  Coste-Benolt,  GaMette  des  TribunauXy  3  août  1832.  Appendice 
n0  83. 


636  SIXIÈME  PARTIE. 

Pour  Ici  duels  de  la  première  classe,  c'esUà-dire  pour  le§  duels  au  visé, 
è  ToloDlé,  k  marcher,  à  marche  interrompue,  à  ligues  parallèles,  le  chaoge- 
ment  consiste  dans  l'adoplion  du  commandement  :  a  Tirez  I  >  ou  <i  Marchez  !  > 
comme  point  de  départ  uniforme  d'un  délai  immuable  et  plus  court  que  le 
délai  indiqué  par  Cbaleauviliard. 

Eiemple.  —  Ce  cbangemenl  réunit  les  conditions  requises  pour  être  légal. 
—  Prouves  à  l'appui. 

Proportions  dans  lesquelle  les  délais  fixés  par  Château  vil  lard  pour  les 
duels  précédents  peuvent  être  dimioués.  —  Effets  de  la  diminution. 

Pour  le  duel  de  la  seconde  classe,  c'est-à-dire  pour  le  duel  â  tir  succes- 
sif, le  seul  changement  consiste  dans  la  diminution  du  délai.  —Pourquoi? 

Pour  les  duels  de  la  troisième  classe,  c'est-à-dire  pour  le  duel  au  signal, 
et  pour  le  duel  au  commandement,  nous  conservons  le  laps  do  temps  Gxé  par 
Cbateauvjllard  et  Taveroier. 

Expérience  qui  justiSe  les  diminutions  proposées'.  —Cas  ou  les  témoins 
sont  en  désaccord  sur  la  question  des  délais. 

Supplément  de  délai  accordé  au  blessé  pour  riposter.  —  Il  n'a  pas 
raison  d'élre  si  le  dnel  est  au  signal  ou  au  commandement,  —  filon  qu'il  soit 
accordé  par  Chateauvillard  lorsque  le  duel  est  au  visé,  nous  le  refusons.  — 
Poiir<]uoi? 


CHAPiTRE  \L 
Coup  raté,  coup  tiré  en  l'air. 

Bd  l'absence  de  stipulation  contrairei  tout  coup  raté  est  consdéré 
comme  tiré. 

Les  témoins  appelés  à  rédiger  un  procès- verbal  de  rencontre  au  pistolet 

doivent-ils  stipuler  que  tout  coup  raté  sera  considéré  comme  tiré,  ou  que 
l'arme  sera  rechargée  et  tirée  à  nouveau?  —  Importance  de  la  question. 

La  nature  du  duel  au  signal  et  du  duel  au  commandement  ne  permet 
pas  la  clause  du  rechargement'. 

Duels  au  visé.  —  Comparaison  des  résultats  produits  par  les  deux  sys-  ■ 
tèmes  '. 

Cas  ou  l'offensé  tire  et  rate.  —  Droit  de  l'agresseur  si  on  admet  la  règle 
«  coup  raté,  coup  tiré  i.  —  Situation  délicate  on  il  se  trouve. 

Cas  où  l'offensé  tire  et  manque.  —  Où  l'agresseur  riposte  et  rate. 

Résultats  des  deux  systèmes,  —  Discussion.  —  Impossibilité  d'une  solu- 
tion catégorique  et  absolument  rationnelle.  —  Palliatif.  —  Adoption  du  duel 
au  commandemenl. 

1.  Voyez  affaire  Maiard-de  Monlbron,  Galette  det  Trxbutuuix,  3  septembre  1S49. 
Appendice  n*  83, 

2.  Voyei  affaire  Reintch-Oéroulède,  Annuairt  du dael,  21  octobre  ISOO.  Appen- 
dice D"  84. 

3.  Voyei  appendice  n"  85. 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  537 

Acle  de  tirer  en  l'air,  —  Les  combattants  ont-ils  le  droit  de  tirer  en 
Pair?  —  Quelle  influence  peut  avoir  cet  acte  sur  les  droits  de  l'adversaire  '  ? 
Les  droits  de  l'adversaire  varient  suivant  que  c'est  l'ofiTensé  ou  l'agresseur 
qui  tire  en  l'air.  —  Si  c'est  l'offensé,  l'acte  équivaut  à  un  refus  de  duel.  — 
Si  c'est  Tagresseur,  l'offensé  conserve  le  droit  de  tirer  le  nombre  de  balles 
convenu  au  procès- ver  bal.  —  Pourquoi  ? 
Devoir  des  témoins  dans  ces  deux  cas  • 

Nombre  de  balles  à  échanger. 

ndoit  être  inséré  au  procès- verbal.  —  Le  silence  du  procès-verbal  est 
interprété  dans  un  sens  restrictif  *  ? 


CHAPITRE  XLI 
Choix  des  pistolets. 

Le  droit  de  choisir  les  pistolets  qui  serviront  au  duel  appartient  aux 
témoins,  sauf  en  cas  de  voie  de  fait  où  l'offensé  peut  se  servir  de  ses  armes 
personnelles,  en  laissant  la  môme  faculté  à  l'agresseur.  —  Les  armes  sont 
alors  présentées  à  l'acceptation  des  témoins. 


CHAPITRE  LXII 
Ck>nditions  mises  à  Tacceptation  des  pistolets. 

Pour  que  les  pistolets  soient  acceptés,  il  faut  qu'ils  soient  propres  au 
combat,  c'est-à-dire  capables  de  faire  feu  et  d'atteindre  avec  la  môme  justesse 
le  but  visé. 

Causes  qui  in/luenlsur  la  justesse  du  tir.  —  4<>  Le  forage  et  la  rayure. 

—  Les  armes  lisses  moins  justes  que  les  armes  rayées.  —  Pourquoi?  —  Vent. 

—  Effet  des  irrégularités  de  forage  et  de  rayure.  —  Moyen  de  les  reconnaître. 

t*  La  proportion  de  la  chambre. 

3*  La  charge.  —  La  balle  doit  ôtre  exactement  de  m&me  calibre.  —  Effets 
d'une  disproportion  entre  la  balle  et  l'âme  du  pistolet.  —  Proportion  qui  doit 
exister  entre  la  mesure  de  poudre  et  le  poids  de  la  balle. 

i^  Le  guidonnage.  —  Guidonnage  régulier,  principale  cause  de  justesse. 
Inutilité  de  corriger  la  dérivation  latérale  et  la  parabole  de  la  trajectoire.  — 
Moyen  de  reconnaître  si  le  guidonnage  est  régulier. 

i.  Voyez  affaire  Déroalède-Lagaeire,  13  novembre  1890.  Appendice  n*  86. 
2.  Voyez  affaire  Mira-Dovalle,  Gazette  des  Tribunaux^  27  octobre  1830.  Appen- 
dice n*  87. 


SIXIÈME   PARTIE. 


CHAPITRE  XLIII 
Opérations  déloyales  dont  les  armes  peuvent  être  l'objet. 


Leur  objectif.  —  Enlever  au  tireur  de  bonne  toi  qui  vise  comm»  à  i'ot- 
tlinaire  toute  chance  de  toucher   le  but,  tandis  que  soo  adversaire  prévenu 

d'avance  peut  corriger  l'écart, 

J/oyen5  employés.  —  Leurs  réiullati:.  —  Déplacement  du  guidon  ou  du 
cran  do  mire,  ou  des  deux  à  la  fois.  —  Leur  exhaussement.  —  Leur  abais- 
sera en  I. 

Le  déplacement  du  guidon  à  droite  Tait  porter  le  coup  à  gaucho,  et  vice 
rrrta.  —  Figure  explicative,  —  Manière  de  corriger  l'écart.  —  L'eihaiisse- 
ment  du  cran  de  mire  fait  porter  le  coup  plus  bsul.  —  L'exhaussement  du 
guidon  Tait  portf  r  le  coup  plua  bas. 

Figures  explicalivea.  —  Manière  de  corriger  l'écart.  —  La  combinaison 
de  ces  fraudes  est  difiicila  è  découvrir  et  produit  un  grand  écart. 

Circonstances  dans  lesquelles  ces  manœuvres  peuvent  être  commises. 

Sur  le  terrain .  —  Avant  la  rencontre.  —  Plus  dangereuse  dans  ce  dernier 
cas. —  Manière  de  reconnaître  les  manœuvres  frauduleuses  une  fois  commises. 
—  Manière  de  les  prévenir. 

Pour  les  fraudes  commises  sur  le  terrain,  adoption  du  guidon  lîxe. 

Pour  les  fraudes  commises  avant  la  rencontre,  adoption  d'armes  neuve:;, 
inconnues  des  adversaires,  non  laissées  entre  leurs  mains.  —  Sens  du  mol 
inconnues.  —  locanvénient  des  armes  louées  ou  prêtées.  —  Précautions  à 
prendre  on  pareil  cas. 

Les  pistolets  d'une  même  paire  doivent  être  similaires.  —  Sens  de  cette 
expression. 

Délentes.  —  Moyen  de  s'assurer  si  leur  sensibilité  est  égale  pour  les 
deux  armes. 

Scellement  do  la  boUe  des  pistolets. 

Co  qu'il  faut  et  ne  faut  pas  tirer  au  sort.  —Cas  où  les  adversaires  se  ser- 
vent d'armes  personnelles.  —  Elles  doivent  êlre  présentées  à  Tacceplalion 
des  témoins.  —  Condilions  pour  être  accopices.  —  La  stipulation  que  chacun 
des  combattants  apportera  ea  paire  et  qu'on  tirera  au  sort  doit  être  rejetée.  — 
Pourquoi  '  î 

Le  combattant  dont  la  paire  n'est  pas  sortie  choisit  le  pistolet  qui  lui 
convient.  Los  témoins  ne  doivent  jamais  choisir  '. 


1.  VoyOE  affaira  Oujarrlernlo  BeauTsIloD,  GatitU  ix*  Tribunaux,  37,  31  mtrt, 
4  «vril,  S»  novembre,  9  décembre  1816.  Appendice,  n«  88. 

3.  Vojei  sffairo  L"*  M'"-do  M.,  GaMlU  de»  TribvMMX,  SI  août  1833.  Appen- 
dice 11°  89. 


RÉSUMÉ  DBS  MATIÈRES.  539 

CHAPITRE  XLIV 
Manière  d'atténuer  le  danger  de  la  rencontre. 

Les  balles  de  liège,  les  pistolets  à  soupape,  la  double  ou  triple  charge  ne 
doivent  pas  être  employés.  —  Pourquoi?  —  Le  meilleur  moyen  cousiste  à 
durcir  les  détentes. 

Avant  de  pratiquer  ce  durcissement,  les  témoins  doivent  s'ôtre  entendus 
sur  le  poids  que  supporteront  les  détentes.  —  Pourquoi?  —  Poids  acceptable; 
—  Refusable. 

L'emploi  de  la  double  détente  est  interdit  comme  dangereux  pour  les 
a  dversaires  et  les  témoins.  —  Le  silence  du  procès-verbal  interprété  dans  un 
sens  négatif.  —  Manière  d'annuler  la  double  détente  dans  les  pistolets  qui  en 
sont  munis. 

CHAPITRE  XLV 
Charg^ement. 

Importance  de  cette  opération.  Elle  peut  s'effectuer  de  deux  manières  : 
40  Par  le  ministère  des  témoins.  Distinction  à  faire  entre  le  cas  où  les 
pistolets  d'une  seule  paire  serviront  et  celui  où  chaque  adversaire  est  autorisé 
à  se  servir  de  son  arme. 

%""  Par  un  chargeur  de  profession.  Soins  qu'il  faut  apporter  au  chargement. 

CHAPITRE  XLVl 
ToUette.  —  Visite. 

Les  adversaires  peuvent  garder  les  vêtements  incapables  d'arrêter  la  balle. 
Us  doivent  se  dépouiller  de  tout  ce  qui  peut  l'arrêter  ^ 

Conseils  aux  adversaires  sur  la  tenue  la  plus  capable  d'atténuer  le  danger 
de  leur  situation. 

CHAPITRE  XLVII 
Cihoix  du  terrain.  —  Tirage  au  sort  des  places. 

Le  choix  doit  être  opéré  avant  la  rencontre.  U  doit  porter  sur  un  terrain 
dé  couvert,  en  rase  campagne,  et  non  sur  une  allée  étroite,  plantée  d'arbres.  — 
Pourquoi? 

1.  Voyez  affaires  Bonnet-d'Omano,  Laisant-de  La  Rochette.  Appendice  n^  90. 


SIXIÈME  PARTIE. 

Les  désavantages  provenant  de  l'élal  de  l'almosphère  doivent  être  par- 
tagés. 

La  tirage  au  sort  ne  fomporte  pas  pour  celui  qui  en  est  favonsA,  le  droil 
de  choisir  sa  place.  —  Pourquoi. 

Le  tirage  au  sort  des  places  est  indépeDdaot  de  celui  des  armes. 


CHAPITRE  XLVIII 
Duel  au  visé  de  pied  terme  à  tir  successif. 


m 


La  caracl^rislique  de  ce  duel  esl  la  de icrmi nation  de  l'ocdre  dans  lequel 
les  adveresires  doivent  tirer. 

A  qui  appartieitl  le  droil  de  tirer  le  premier.  —  Si  l'offense  est  du 
premier  degré,  il  est  rerais  au  sort. 

Si  l'offenjiecfil  du  second  degré  :  deux  systèmes. 

Il  laul  s'en  tenir  au  système  de  Château villard,  qui  donne  la  primauté  à 
l'offensé,  A  condition  que  les  quatre  témoins  tombent  d'accord  pour  fixer  la 
distance  h  trente-cinq  pas.  —  Pourquoi  T 

Si  TotTense  est  du  troisième  degré,  U  primauté  du  tir  appartient  h  l'offensé. 
qui  fiie  la  distance  à  trente-cinq  pas. 

Dittanct.  —  Elle  varie  entre  quinze  pas  ou  douze  mhtna  et  Irente-ciiiq 
pas  ou  vingt-huit  mètres. 

Délai  pour  t!clianger  les  balles.  —  D'après  Cbateauv illard,  il  est  d'une 
mioule  pour  chaque  combattant,  avec  supplément  d'une  minute  s'il  y  a  blei- 

D'après  notre  système,  le  délai  est  réduit  h  une  minute  pour  l'échange  des 
deux  balles,  sans  aucun  supplément  au  blessé. 

Starc/ie  du  duel.  —  Mesure  des  distances.  —  Tirage  des  places.  —  Véri- 
Gcalion  des  scellés.  —  Cbargemenl.  —  Tirage  au  sort  pour  la  primauté  du 
tir  s'il  n'appartient  pas  à  l'offensé.  —  Pour  les  pistolets,  idem. 

Les  pistolets  sont  remis  non  armés  aux  adversaires  et  en  même  temps  '■ 

Visite.  —  Position  occupée  par  les  témoins. 

Rappel  des  conditions. 

Avertissement  préalable.  —  Signal  ', 

Position  de  celui  qui  subit  le  feu'. 

Coup  raté,  coup  tiré. 

Cas  où  le  duel  continue  aprèj  les  premières  balles  tirées. 

1.  \oyei  sffaire  LeTâiBeur-Arrighi,  Ga:elte  des  Tribunaux,  li,  15  msra  i8t2. 
Appendice  n'Or. 

2.  Voj  ei  Rllïire  de  T*"  et  P***.  Colombey,  Bistoirs  atucdotigtu  du  dutl.  Appen- 


RÉSUME  DES  MATIÈRES.  544 


CHAPITRE  XLIX 
Duel  au  visé  de  pied  ferme  à  volonté. 

Distance  unique  :  yingt-cinq  pas  ou  vingt  mètres. 

Délai  pour  tirer.  —  D'après  Château villard,  une  minute  à  partir  du  pre- 
mier coup  qui  est  ad  libitum.  Ce  délai  est  porté  à  deux  en  cas  de  blessure. 

D'après  notre  système,  les  deux  balles  doivent  ôtre  tirées  h.  volonté  dans 
un  délai  immuable  d'une  minute  à  partir  du  signal.  Tout  supplément  est 
refusé. 

Marche  du  duel.  —  Renvoi  au  chapitre  xlviii,  sauf  pour  ce  qui  concerne 
la  liberté  du  tir  et  les  droits  et  devoirs  des  adversaires  à  partir  du  signal. 


CHAPITRE  L 
Duel  au  visé  à  marcher. 

Distance.  —  Elle  varie  entre  trente-cinq  pas  ou  vingt-huit  mètres  et 
quarante  pas  ou  trente-deux  mètres.  Chaque  adversaire  peut  avancer  de  dix 
pas  ou  de  huit  mètres. 

Délai  pour  tirer.  —  Chateauvillard  ne  fixe  aucun  délai  pour  marcher  et 
tirer  le  premier  coup.  Il  accorde  à  celui  qui  Ta  essuyé  une  minute  pour  mar- 
cher et  liposter,  et  au  blessé  un  supplément  d'une  minute  s'il  est  tombé. 

D'après  notre  système,  marche  et  échange  des  balles  doivent  être  exécutés 
dans  le  délai  unique  d'une  minute  à  partir  du  signal.  —  Tout  supplément 
est  refusé  au  blessé. 

Marche  du  duel.  »  Renvoi  au  chapitre  xlviii,  sauf  pour  ce  qui  concerne 
le  tracé  des  limites;  la  maiîière  de  donner  le  signal,  la  marche,  l'attitude  et  le 
droit  des  adversaires  à  partir  de  ce  moment  ;  le  devoir  du  combattant  qui  a 
subi  le  premier  feu  et  qui  a  tiré  le  premier. 

La  clause  par  laquelle  deux  pistolets  sont  remis  aux  combattants  ne  doit 
pas  être  acceptée.  —  Pourquoi  ?  —  Idem^  celle  par  laquelle  il  est  stipulé  que 
le  premier  coup  sera  immédiatement  suivi  du  second.  —  Pourquoi  ^  ? 


i.  Voyez  affaire  Dujarrier-de  BeauvaUon,  Gazette  des  Tribunaux,   27,  31  mars, 
1*'  avril,  21  novembre,  S  décembre  1846.  Appendice  n»  94. 


SIXIÈME  PARTIE. 


CHAPITRE    LI 
Duel  au  visé  à  marche  interrompue. 

Ditlaace.  —  Elle  varie  entre  cinquanle  pas  ou  quaTaote  mètres  et  qua- 
rante-cioq  pas  ou  U-eole-siK  mètres,  avec  Taculté  pour  les  adversaires  d'avancer 
rIibcud  (le  quinze  pas  ou  douxe  mètres. 

Délai.  —  Château villard  ne  ûxe  aucun  dëlai  pour  marcher  et  tirer  le 
premier  coup.  —  Il  accorde  à  celui  qui  l'a  essuyé  une  demi-minute  pour 
marcher  et  riposter,  et  une  minute  au  blessa  A  partir  du  moment  ou  il  est 
tombé. 

Nous  n'accordons  qu'une  demi-minulo  à  partir  du  signal  pour  marclieret 
tirer  les  deux  coups.  Nous  reFasons  tout  supplément. 

Marche  du  duel.  —  Renvoi  au  chapitre  xLviu,  sauf  pour  ce  qui  concerne 
les  limites,  la  manière  de  donner  le  signal,  la  marche  qui  peut  n'eiécuter  en 
ùgzag,  l'atlitude,  les  droits  et  devoirs  dos  adversaires  â  partir  du  signal. 


CHAPITRE  LU 
Duel  BU  visé  à  marcher  et  à  li^e  parallèle. 
Renvoi  ii  VEttai  »ur  le  duel  de  CbsieauTillard,  page  i9.  —  'Pourquoi  T 

CHAPITRE  LUI 
Duel   au    signal. 

Dislance.  —  Elle  varie  entre  vingt-cinq  pas  ou  vingt  mètres  et  trente-cinq 
pas  ou  viDgl-huit  mètres. 

Droit  de  donner  le  signal.  —  Il  appartieut  b  l'offensé  avec  voie  de  fait. 
—  Il  est  tiré  au  sort  en  cas  d'ofTense  du  deuxième  et  du  premier  degré. 

Délai.  —  Si  les  témoins  de  l'olTensé  donnent  le  signal,  il  est  de  six  h  neuf 
secondes  pour  les  trois  coups. 

Si  le  droit  de  donner  le  signal  est  tiré  au  sort,  le  délai  varie  entre  deux  et 
six  secondes  pour  les  trois  coups. 

Marche  du  duel.  —  Points  pour  lesquels  il  est  fait  un  renvoi  au  cha- 
pitre xuviii. 

Points  spéciaux  au  duel  au  signal.  —  Manière  de  donner  le  signal. 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  543 

Obligation  imposée  aux  adversaires  de  tirer  simultanément  au  troisième 
coup. 

Cas  où  un  des  adversaires  tire  avant  ou  après  le  troisième  coup.  —  Sanc- 
tion proposée  par  Chaleauvillard.  —  Ses  inconvénients.  —  Cas  oi!i  un  adver- 
saire reste  à  viser  après  le  troisième  coup.  —  Coup  raté,  coup  tiré.  —  Conseils 
aux  combattants  dont  le  pistolet  a  raté  ^ 


CHAPITRE  LIV 
Duel  au  commandement. 

Il  est  une  modification  du  duel  au  signal.  —  Ses  ressemblances.  —  Ses 
dissemblances. 

Dislance.  —  Elle  varie  de  vingt-cinq  pas  ou  vingt  mètres  à  trente-cinq 
pas  ou  vingt-huit  mètres. 

Le  droit  de  donner  le  signal  appartient  aux  témoins  de  Toffensé  avec  voie 
de  fait.  —  En  dehors  de  ce  cas  il  est  tiré  au  sort.  —  Opinion  contraire  de 
M.  Tavernier. 

Délai.  —  Nécessité  d'une  détermination  antérieure  au  combat. 
L'intervalle  entre  le  mot  feu  et  le  nombre  trois  varie  d'une  seconde  et 
demie  à  quatre  secondes  et  demie  '• 

Marche  du  duel,  —  Points  pour  lesquels  il  est  fait  un  renvoi  au  cha- 
pitre XLVllI. 

Conditions  spéciales  au  duel  au  commandement  —  Manière  de  donner  le 
signal.  —  Obligations  qui  en  découlent  pour  les  adversaires  et  les  témoins. 

Observation  sur  la  manière  dont  les  combattants  doivent  tenir  leur  pistolet 
en  attendant  le  signal. 

La  position  haut  le  pistolet  est  préférable  à  celle  où  le  bout  est  incliné  vers 
la  terre.  —  Pourquoi? 


CHAPITRE  LV 
Duel  au  sabre. 

Les  règles  du  duel  à  Tépée  sont  presque  toutes  applicables  au  duel  au 

sabre. 

Points  sur  lesquels  le  duel  au  sabre  diffère  du  duel  à  l'épée. 

Renvoi  au  chapitre  où  Chaleauvillard  traite  de  ce  genre  de  rencontre. 

1.  Voyez  affaire   Ritter-Appleton,    Gazelle   des  Tribunaux,  2  et  3   avril  1873. 

Appendice  n®  95. 

2.  Voyez  affaire  aémenceau-Déroulède,  22  décembre  1892.  Appendice  a»  112. 


SIXIÈME  PARTIE. 


CHAPITRE    LVI 


Violation  des  règles  du  duel.  —  Prorocation  à  la  suite 
et  à  cause  du  duel. 


m  6u 

I 

^V  Ed  cas  de  violation  des  règles  du  duel  ou  des  Bliputations  du  procès- 

^r  verbal,  les  tëmoins  arrêtent  le  combat. 

^Ê  Cas  où  l'infraction  est  peu  grave  et  où  les  (émoins  s'accordenl  pour  la 

^1  coaeidérer  comme  une  simple  fauie. 

^L  Cas  où  les  témoins  ne  sont  pas  d'accord  sur  la  valeur  de  l'iofraclion. 

^H  Cas  où  rinTraction  a  causé  une  bkssnre. 

^H  Cas  où  les  témoins  s'accordenl  pour  déclarer  qu'il  y  a  eu  déloyauté. 

^H  Faits  qui  entraînent  ipso  facto  présomption  de  déloyauté. 

^^Ê  Pour  le  duel  à  l'épée. 

^^M  Pour  le  duel  au  pistolet. 

^F  Récidive  d'une  simple  faute. 

L'interruption,  la  susponsLon  et  l'arrêt  définitif  ne  sont  pas  des  sanctions. 
—  Exemple. 

En  quoi  consiste  la  sanction  d'uoe  infraction  non  eotacbée  de  déloyauté 
et  d'une  infraction  entachée  de  déloyauté. 

Procès-verbal  de  constat.  —  Renvoi  au  chapitre  Lvu. 

Disqualification.  —  Cas  où  elle  est  encourue  de  plein  droit  '. 
Cas  où  la  partie  qai  oppose  la  question  pré&'able  s'appuie  sur  ua  procès- 
verbal  douteux, 

Nécessité  d'un  jury  d'honneur'. 

La  dénenciation  aux  tiibucaux  des  faits  entachés  de  déloyauté  e^t  dange- 
reuse pour  le  blessé  et  les  témoins. 

Devoirs  du  directeur  du  combat  et  des  témoins  en  cas  de  violation  des 
règles  du  duel  '. 

Provocation  à  la  suite  ou  à  cause  du  duel.  —  Devoir  de  l'adversaire 
sorti  victorieux  d'une  première  rencontre'. 

Les  témoins  qui  reçoivent  un  cartel  au  sujet  du  duel  bénéScient  des 
piivilèges  accordés  aux  offensés  avec  voie  de  fjit,  si  les  torts  sont  du  côté  du 
provocateur.  —  Pourquoi  ï 


1.  VojcE  affaire  Miqust-Montviellc,  Gaietlt  dt»  Trtàifmaux,  11  août  1887.  Ap|i«a- 
n*9e. 

Je  National,  n"des9,  10,  11  septembre 


2.  Voyoi  affaire  Mermeii-La  Bruyéi 
18»0  et  auivaali.  Appendice  n"  97. 

3.  Voyez  affaire  Naquct-Montviclle.  Appendi 

4.  Vojei   affaire  Hjène-de   Pêne.   Appendir 
Appendice  n'  S. 


-  Circulaire  miniatérielle. 


RÉSUfttË  DES  MATIÈRES.  545 


CHAPITRE  LVII 
Procès- verbal  après  la  rencontre. 

Sa  forme* 

Nécessité  d'une  rédaction  immédiate  et  à  huis  clos.  —  Pourquoi  '? 

Si,  malgré  les  précautions  prises  pour  garder  Taffaire  secrète,  un  journa- 
liste en  publie  un  compte  rendu  et  cause  un  préjudice  aux  acteurs  ou  aux 
témoins,  est-il  responsable  ? 

Nécessité  d'une  rédaction  claire  et  précise  *. 

Ce  que  les  témoins  doivent  signer.  —  Ce  qu'ils  peuvent  refuser  '. 

Leur  droit  relativement  à  la  reconnaissance  de  la  déloyauté  de  l'acte. 

Obligation  de  déposer  toute  la  vérité  en  justice  ou  devant  le  jury  d'hon- 
neur. 

Les  témoins  ne  sont  sujets  à  aucun  appel  à  raison  de  leur  déposition.  ~ 
Réserves*. 

Cas  où  les  témoins  se  séparent  sans  avoir  pu  rédiger  en  commun  le 
procès- verbal. 

Lorsque  le  procès-verbal  est  signé  des  quatre  témoins,  aucun  d'eux  ne 
peut  avancer  quoi  que  ce  soit  contre  son  contenu  ^. 

Opportunité  de  la  publication  du  procès- verbal. 


CHAPITRE  LVIII 
Duels  exceptionnels. 

Qu'est-ce  qu'un  duel  exceptionnel  ? 

Il  peut  toujours  être  refusé  par  les  adversaires,  sans  qu'on  puisse  les  en 
blâmer. 

Les  témoins  qui  concourent  à  un  duel  exceptionnel  violent  une  règle  du 
point  d'honneur  et  encourent  une  grande  responsabilité.  —  Pourquoi? 

Exemples  de  duels  exceptionnels. 

1.  Voyez  affaire  T***-R***,  août  1890.  Appendice  no  99. 

2.  Voyez  affaire  Mermeix-Labruyère.  Appendice  n»  100. 

3.  Voyez  affaire  Drumont-Meyer,  Gazette  des  Tribunaux,  27  juillet  1886.  Appen- 
dice n°  101. 

4.  Voyez  affaire  Dujarrier-de  Beanvallon.  Appendice  n«  102. 

5.  Voyez  affaire  Darzens-Moreaa,  le  Temps  du  22  mai  1888.  Appendice  n*  103. 


35 


SIXIÈME  PARTIE. 


CONSÉQUENCES  LEGALES  DU  DUEL.  —  SANCTION 
PÉNALE.  —  RESPONSABILITÉ  CIVILE.  —  ACTION 
PUBLIQUE.  —  DIVISION  DU  SUJET. 


CHAPITRE  LIX 

Provocation  en  duel  entre  individus  non  revêtus  d'un 
caractère  public  et  non  militaires, 

La  loi  française  ne  punit  pas  la  provocation  si  elle  n'est  ni  dilTamatoiie 
li  iajurieuse.  —  Conventions  de  duel  non  suivies  d'effet. 


CHAPITRE   LX 

Provocations  adressées  aux  personnes  revêtues  d'un 
caractère  public  (magistrats,  fonctionnaires,  etc.}. 

La  provocation  adressée  à  une  personne  protégée  parles  articles  31  et  33 
de  la  loi  du  19  juillet  4831,  liî  et  suivants  du  Code  pénal,  coastitue-t-elle  un 
délit  lorsqu'elle  est  conçue  en  termfs  polis  et  mesurés? 

Non,  lorsqu'elle  est  adressée  en  dehors  de  l'eiercice  des  fonctions,  el 
lorsqu'elle  n'a  aucun  rapport  avec  les  fonctions  ou  la  qualité. 

Lorsque  la  provocation  est  adressée  à  raison  des  fonctions  ou  de  la  qualité, 
il  faut  rechercher  si  elle  est  de  nature  à  inculper,  suivant  le  cas,  l'honneur, 
la  considération,  la  délicatesse  de  la  personne  qualiGée,  ou  <i  rentrer  dans  la 
déSnition  donnée  au  mol  injure  par  la  loi  de  1881  sur  la  presse.  —  Pour- 
quoi? 

Controverse.  —  Trois  systèmes.  —  Le  système  mixte  est  le  plus  logique. 
Son  application  au  magistrat  provoqué  à  raison  d'une  décision  qu'il  a  reodue. 
--  Au  ministère  public. 

Condition  sans  laquelle  la  personne  quaUhée  ne  peut  réclamer  la  pro- 
tection des  articles  31  et  33  de  la  loi  de  1881,  !31  du  Code  pénal. 

L'examen  dont  il  vient  d'être  parlé  n'a  plus  sa  raisou  d'être,  lorsque  la 
provocalioQ  est  adressée,  saoa  publicité,  à  une  personne  protégée  par  les 
articles  114  et  suivants  du  Code  pénal.  —Pourquoi? 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  547 


CHAPITRE  LXI 

Procès-verbal  constatant  qu'une  personne  revêtue  d'iui 
caractère  public  a  refusé  de  se  battre. 

La  publicité  donnée  à  un  procès-verbal  constatant  qu'une  personne  qua- 
lifiée a  refusé  de  se  battre  ne  constitue  pas  une  atteinte  à  son  honneur.  — 
Pourquoi? 

Gonstitue-t-elie  une  atteinte  à  sa  considération  ?  La  question  est  con- 
troversée. 

Exposition  des  trois  systèmes.  —  Discussion.  —  La  solution  négative  est 
la  plus  rationnelle.  —  Pourquoi? 


CHAPITRE  LXII 

Influence  de  la  perpétration  et  de  la  publicité  sur  la 

juridiction  compétente. 

Intérêt  des  adversaires  et  des  témoins  à  éviter  la  Juridiction  correction- 
nelle et  à  être  traduits  en  cour  d'assises. 

Moyens  qu'ils  peuvent  employer  pour  y  arriver.  —  Le  cartel  doit  être 
adressé  en  dehors  de  l'exercice  des  fonctions.  Il  doit  être  rendu  public. 

Si  la  personne  qualifiée  est  comprise  dans  Ténumération  des  articles  224 
et  suivants  du  Gode  pénal,  le  cartel»  bien  que  non  public,  échappe  à  la  com- 
pétence correctionnelle,  pourvu  qu'il  soit  rédigé  par  écrit.  —  Pourquoi  ? 

Modes  divers  de  perpétratioD  de  publicité. 

Nécessité  de  faire  rentrer  la  personne  qu*on  veut  provoquer  en  duel 
dans  la  catégorie  qui  lui  convient. 


CHAPITRE   LXIII 

Provocation  entre  militaires  de  grades  inégaux  de  l'armée 
de  terre.  —  Armée  active.  —  Réserve.  —  Armée  territo- 
riale.  —  Adversaires.  —  Témoins.  —  Cassation.  —  Non- 
activité.  —  Réforme.  —  Plainte.  —  Jury  d'honneur. 

4'«  hypothèse.  — Le  mililaire  qui  adresse  le  cartel  est  un  inférieur. 
A,  —  Il  fait  partie  de  Vannée  active. 

La  provocation  adressée  à  ud  supérieur  constitue  une  infraction  à  la 
subordination  punie  par  l'article  224  du  code  de  justice  militaire  *. 

i.  Voyez  ordre  du  Jour  du  ministre  de  la  guerre.  Appeqdice  n^  104. 


t.- 


5&8  SIXIÈME  PA.RT1E. 

Texte  et  explication  de  l'article  224  du  code  de  justice  militaire. 

Sens  du  mot  «  supérieur  ».  —  Circonstances  agrayantes.  —  FrovocatioD 
pendant  le  service  ;  —  A  l'occasion  du  service.  —  La  pénalité  varie  suivant 
que  l'inférieur  est  ou  n'est  pas  officier. 

Provocation  étrangère  au  service. 

Questions  controversées  relatives  à  l'application  de  l'article  224  du  code 
de  justice  militaire  : 

4<»  La  provocation  adressée  par  écrit  à  un  supéri<)ur  tombe-t-elle  sous 
le  coup  de  cet  article  ? 

t^  Y  a-t-ii  outrage  si  le  supérieur  ne  s'est  pas  tenu  dans  la  limite  absolue 
de  ses  pouvoirs  ? 

3®  SMl  n'était  pas  en  uniforme  au  moment  de  la  provocation? 

4''  L'offense  subie  par  l'inférieur  peut-elle  lui  servir  d'excuse  ou  de 
circonstance  atténuante? 

5<^  L'inférieur  qui  a  échappé  à  la  sanction  de  l'article  224  peut-il  encou- 
rir une  peine  disciplinaire  ? 

B.  —  L'inférieur  qui  adresse  la  provocation  appartient  à  la  réserve 
de  Varmée  active  ou  à  Varmée  territoriale. 

k^  espèce,  —  L'inférieur  se  trouvait  sous  les  drapeaux  au  moment  de  la 
provocation.  —  Môme  solution  que  pour  l'inférieur  de  l'armée  active  (article  52 
de  la  loi  du45  juillet  4889). 

2®  espèce,  —  L'inférieur  ne  se  trouvait  pas  sous  les  drapeaux  au  moment 
de  la  provocation. 

Il  faut  distinguer  deux  cas  :  4°  celui  où  il  était  revêtu  d'effets  d'uniforme 
au  moment  de  la  provocation  ;  t^  celui  où  il  n'en  était  pas  revêtu. 

Dans  le  premier  cas,  il  est  justiciable  des  tribunaux  militaires,  en  vertu  de 
l'article  53  de  la  loi  de  4  889. 

Il  y  a  controvorse  sur  la  sanction  applicable  (article  224  code  de  justice 
militaire,  ou  article  224  du  tableau  D  annexé  à  la  loi  du  45  juillet  4889). 

Intérêt  de  la  question  pour  rinférieur. 

Exposition  et  discussion  des  systèmes. 

Influence  des  solutions  adoptées  sur  l'admission  des  circonstances  atté- 
nuantes. —  Sens  des  expressions  a  elfets  d'uniforme  ». 

Dans  le  second  cas,  la  situation  faite  à  l'inférieur,  réserviste  ou  territorial 
non  revêtu  d'effets  d'uniforme,  est  réglée  par  l'article  57  de  la  loi  du  45  juillet 
4887  et  22 i  du  tableau  D  annexé  à  ladite  loi.  —  Textes  de  ces  articles.  — 
Conditions  relatives  à  leur  application. 

§  4*'^  —  Nécessité  d'un  motif  de  vengeance  contre  un  acte  d'autorité 
légalement  exercé.  —  Importance  de  cette  condition.  —  Elle  est  limitée  à 
la  provocation  adressée  à  l'occasion  du  service. 

§  2.  —  L'inférieur  et  le  Lupérieur  doivent  être  tous  deux  revêtus 
d'effets  d'uniforme. 

Nature  des  offenses  à  raison  desquelles  l'inférieur  peut  demander  répa- 
ration sans  rentrer  dans  les  conditions  des  articles  57  et  224,  tableau  D. 

Laps  de  temps  à  partir  duquel  l'inférieur  de  l'armée  territoriale. peut 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  549 

adresser  une  provocation  de  quelque  nature  que  ce  soit,  môme  motivée  par  un 
désir  de  vengeance  contre  un  acte  d  autorité  légalement  exercé,  sans  devenif 
justiciable  des  tribunaux  militaires. 

Peines  disciplinaires. 

Cas  où  la  révocation  peut  ôtre  prononcée  contre  un  inférieur,  officier  de 
la  réserve  ou  de  l'armée  territoriale,  à  raison  d'une  provocation,  conformément 
aux  paragraphes  4.  et  ^  de  l'article  7  du  décret  du  31  août  4878. 

V  hypothèse.  —  Le  militaire  qui  adresse  la  provocation  est  un  supé- 
rieur. —  Examen  de  sa  situation,  suivant  qu'il  fût  partie  de  l'armée  active, 
de  la  réserve  ou  de  l'armée  territoriale.  —  Cas  où  il  commet  ou  ne  commet 
pas  de  faute  contre  la  discipline. 

3*  hypothèse.  —  Le  supérieur  accepte  la  provocation  d'un  inférieur. 
Mômes  distinctions.  —  Mômes  solutions. 

4*  hypothèse.  —  L'inférieur  accepte  la  provocation  du  supérieur. 
Mômes  distinctions.  —  Circonstances  atténuantes. 


La  situation  faite  aux  témoins  qui,  étant  d'un  grade  inférieur  à  la  personne 
provoquée,  lui  transmettent  le  cartel  d'un  subordonné,  varie  suivant  qu'ils 
font  partie  dé  l'armée  active,  de  la  réserve  ou  de  l'armée  territoriale. 

Complicité,  en  quoi  elle  consiste. 

Influence  que  peuvent  avoir  sur  les  conséquences 

de  la  provocation  : 

1*  La  rétrogradation  volontaire  ou  forcée; 

V  La  mise  en  non-activité; 

3°  La  mise  en  réforme; 

4°  La  retraite; 

5<*  La  démission, 

La  démission  n'a  d^effet  que  lorsqu'elle  est  acceptée.— Intérêt  de  l'inférieur 
à  dissimuler  le  véritable  motif  de  sa  démission. 

La  démission  acceptée  ne  permet  pas  toujours  à  l'inférieur  de  provoquer 
impunément  son  supérieur. 

Cas  où  l'inférieur  est  intéressé  à  donner  sa  démission ,  à  ne  pas  la  donner; 
à  ce  que  le  supérieur  la  donne. 

Les  effets  de  la  démission  acceptée  sont  immédiats.  —  Opinion  contraire 
erronée. 

6<>  La  plainte.  —  Seule  voie  régulière  ouverte  à  l'inférieur  offensé  par 
un  supérieur. 

Il  peut  en  user,  sans  encourir  de  blâme,  chaque  fois  que  la  voie  des  armes 
lui  est  fermée.  —  Conditions  mises  à  l'exercice  de  ce  droit  —  L'inférieur  qui 
porte  plainte  perd  tout  droit  à  une  réparation  ultérieure. 

T*  Jury  d^ honneur.  —  Intérêt  que  peuvent  avoir  l'inférieur  et  môme  le 


660  SIXIÈME  PARTIE. 

supérieur  à  la  constitution  d'an  jury  d'honneur  chargé  de  Irancher  Inir  <lifl&- 
rend.  —  Sa  composition  parliculiëre. 

Conseil  au  subordonné  lorsque  te  supérieur  oppose  une  On  de  non-recavoir 

à  la  proposition  qui  lui  est  faite  de  recourir  à  celle  solution.  —  Situation  dé- 
licate où  il  peut  placer  les  égaux  du  supérienr.  —  Ses  résultais. —  Pre&sion 
morale.  — Quarantaine.  —  Démission. 

Conditiona  pour  que  la  leDtativedel'inrérieurréusaiase. 


CHAPITRE   LXIV 
Provocation  entre  militaires  de  grades  in^aux. 

Armée  '/e  mer.  —  La  sitoalion  de  l'inférieur  qui  provoque  un  supérioar 
est  réglée  par  l'article  30Î  du  code  de  justice  maridme. 

Renvoi  au  chapitre  précédent  pour  ce  qui  concerne  l'armée  active  ;  —  La 
réserve  ;  —  L'armée  terrilorialo. 

Exceptions,  —  Outrages  h  bord.  —  lascrila  maritimes.  —  Sens  des 
expressions  «  Tout  marin  n,  —  i  Tout  militaire  embarqué  »,  —  «Tout  iadivido 
faisant  partie  de  l'équipage  d'un  bâtiment  de  l'Ëtal  i. 

Situation  faite  aux  passagers  â  bord  d'un  bâtiment  de  l'État  : 

t°  Lorsqu'ils  sont  justiciables  des  tribunaux  militaires,  mais  non  inscrits 
au  rôle  du  bâtiment. 

!"  Lorsqu'ils  ne  sont  justiciables  ni  des  tribunaux  mililaîreâ  ni  des  tri- 
bunaux maritimes  (article  303  du  coda  de  justice  maritime). 


CHAPITRE  LXV 

ConBéquences  pénales  du  duel  entre  individus 
non  militaires. 

L'homicide  et  la  blessure  commis  en  duel  sont  des  infractions  de  droit 


Qualification.  —  Crime.  —  Délit.  —  Importance  de  la  qualification  à 
raison  de  la  compétence  ;  —  A  raison  des  conditions  mises  à  la  poursuite, 
lorsque  le  duel  a  eu  lieu  à  l'étranger. 

Qualification  qui  peut  é^e  donnée  à  l'infraction  dans  diverses  hypothèses. 
—  Articles  applicables. 

1'°  hypothèse.  —  Le  duel  peut  se  terminer  par  la  mort  d'un  des  com- 
battants. 

A,  —  Cas  oii  la  mort  est  immédiate. 

B.  —  Cas  où  la  blessure  faite  volontairement,  mais  sans  iotention  de 
donner  ta  mort,  l'a  pourtant  occasionnée. 


RÉSUME  DES  MATIÈRES.  654 

V  hypothèse.  ^  Le  duel  peut  se  terminer  par  la  blessure  d'un  des  com- 
battants. 

C.  —  Cas  où  rintention  de  donner  la  mort  est  constatée. 

/>.  ~  Cas  où  la  blessore  entraîne  mutilation,  amputation,  privation  de 
Tusage  d'un  membre,  cécité,  perte  d'un  œil  ou  autre  infirmité  permanente. 

E.  —  Cas  où  elle  entraine  une  maladie  ou  incapacité  de  travail  personnel 
pendant  plus  de  vingt  jours* 

F.  —  Cas  où  elle  entraîne  une  maladie  ou  incapacité  de  travail  personnel 
pendant  moins  de  vingt  jours. 

3*  hypothèse.  —  Le  duel  peut  se  terminer  par  la  blessure  des  deux  com- 
battants. 

G.  —  Cas  où  les  blessures  sont  d'égale  gravité. 
H.  —  Cas  où  les  blessures  sont  d'inégale  gravité. 

4*  hypothèse,  —  Le  duel  peut  se  terminer  sans  blessure. 

L  —  Cas  où  les  adversaires  ont  eu  Tintention  de  se  donner  la  mort;  — 
N'ont  pas  eu  cette  intention. 

Preuve  de  l'intention. 

Détails  sur  la  jurisprudence  du  tribunal  de  la  Seine,  qui  permet  d'atteindre 
les  deux  adversaires  lorsqu'ils  n'ont  pas  eu  l'intention  de  se  donner  la  mort, 
et  que  le  duel  s'est  terminé  sans  blessure  ;  —  Le  blessé,  en  môme  temps  que 
l'auteur  de  la  blessure,  lorsque  le  duel  s'est  terminé  par  la  blessure  d'un  seul 
combattant. 

Loi  Bérenger  sur  l'atténuation  ou  l'aggravation  des  peines* 


CHAPITRE  LXVI 
Cîonséquences  du  duel  entre 

Distinction  entre  le  duel  pris  en  lui-môme  et  l'homicide  ou  les  blessures 
qui  en  résultent.  —  Conséquences. 

A  plusieurs  reprises,  les  conseils  de  guerre  ont  refusé  de  punir  Thomicide 
commis  dans  un  duel  loyal. 

Lorsque  parmi  les  prévenus  se  trouvent  des  individus  non  militaires  et 
des  militaires,  les  tribunaux  ordinaires  sont  compétents. 

L'autorité  supérieure  peut- elle  obliger  les  militaires  à  se  battre  en  duel 
malgré  eux  ? 

CHAPITRE  LXVII 
Conséquences  du  duel  relativement  aux  témoins. 

Les  témoins  sont  complices  des  adversaires. 

Différence  entre  la  complicité  des  témoins  dans  un  duel  et  la  complidté 


55*  SrXIÈME  PARTIE. 

ordinaire.  —  Conséquences.  —  Excilalion  au  dueL   —  Tente,  locsiîon,  prèl 
d'armes,  de  maison,  de  parc. 

Les  témoins  peuvent  dtre  poursuivis,  bien  que  l'auteur  prindpaJ  ne  aoil 
pas  en  cause,  aitétâ  dâclaré  non  coupable,  etc. 


CUAPiTBE   LXVIH 

Exercice  de  l'action  publii^ue  dans  l'intérieur 
du  territoire. 

L'action  publique  s'élecd  h  tous  les  crimes  et  délits  commis  sur  le  terri- 
toire français.  —  Ce  (jn'il  faut  enlendro  par  territoire.  —  Pays  étrangers  qui 
doivent  être  considérés  comme  terriloire  français,  au  point  de  vue  de  la  loi 
pénale.  —  Consulats,  etc. 


CHAPITHE   LXIX 

Situation  faite  par  la  loi  freinçaise  aux  adversaires  et  aux 
témoins  lorsque  le  duel  a  eu  lieu  à  l'étranger. 

Cette  question  intéresse  particulii-rement  les  adversaires  et  les  témoins. 
—  Pourquoi?  —  Point  do  vue  auquel  il  fout  l'envisager. 

Ènuroération  des  conditions  qui  reslreignenl  Vaclion  du  ministère  public: 
r  Lorsque  le  résultat  du  duel  conslîlue  un  crime  ;  i"  Lorsqu'il  coustilue  un 
délit. 


CHAPITRE  LXX 

Conditions  communes  à  la  poursuite  des  faits  qualifiés 
crimes  et  des  faits  quedifiés  délits,  lorsque  le  duel  a 
lieu  à  l'étranger. 

i"  condilion.  —  11  faut  que  l'inculpé  ait  la  qualité  de  Français  et  que  le 
fait  soit  puni  par  la  Joi  Trancaiso. 

V  condition.  ~  11  faut  que  l'inculpé  n'ait  pas  été  jugé  déGnilivement  à 
l'étranger. 

Maiimo  non  bis  in  idem.  —  Nécessité  d'un  jugement  déSnllif. 

Contumace.  —  Jugement  par  défaut. 

L'exception  de  la  chose  jugée  est  préjudicielle  et  personnelle. 

La  question  de  savoir  si  un  jugement  étranger  a  acquis  l'autorité  de  la 
chose  jugée  doit  être  décidée  d'après  la  loi  du  pays  où  le  jugement  a  été 
rendu. 

3"  condition.  —  Il  faut  que  l'inculpé  soit  de  retour  en  France.  —  CoDsé- 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  553 

quences  relativement  aux  condamnations  par  contumace  et  au  séquestre  des 
biens. 

Nécessité  d'un  retour  volontaire.  —  Retour  temporaire. 

Valeur  du  calcul  fait  par  un  duelliste  qui  attendrait  hors  de  France  que  le 
temps  fixé  pour  la  prescription  de  l'action  publique  fût  écoulé  pour  y  rentrer 
ensuite.  —  Point  de  départ  de  la  prescription  de  crimes  et  délits  commis  à 
l'étranger.  —  Actes  interruptifs,  suspensifs.  ~  Prescription  de  la  peine. 

Effets  des  condamnations  par  contumace  relativement  à  la  prescription  : 
—  Vis-à-vis  l'auteur  principal  ;  —  Vis-à-vis  les  témoins. 


CHAPITRE  LXXI 

Conditions  mises  à  la  poursuite  des  adirersaires  et  des 
témoins,  lorsque  le  duel  a  eu  lieu  à  l'étranger  et  que 
le  fait  dont  ils  sont  inculpés  est  qualifié  délit. 

^^  condition.  —  La  poursuite  doit  être  précédée  d'une  plainte  de  la  per- 
sonne offensée  ou  d'une  dénonciation  officielle. 

Le  droit  de  plainte  est  limité  au  blessé. 

Formes  de  la  plainte  et  de  la  dénonciation  officielle. 

En  l'absence  de  dénonciation  officielle,  le  silence  gardé  par  le  blessé 
entrave  l'exercice  de  l'action  publique. 

Nullité  des  conventions  par  lesquelles  les  combattants  s'engageraient  à  ne 
pas  porter  plainte.  —  Inefficacité  du  désistement. 

%^  condition.  —  La  poursuite  doit  être  intentée  à  la  requête  du  ministère 
public. 

3^  condition.  —  La  poursuite  n'a  lieu  que  si  le  fait  est  puni  par  la  légis- 
lation du  pays  o^  il  a  été  commis. 

Motif  de  la  solidarité  établie  par  l'article  5  du  Code  d'instruction  criminelle, 
entre  la  loi  qui  régit  le  pays  étranger  et  la  loi  française. 

Hypothèses  diverses  relatives  à  la  troisième  condition  '. 

Cas  où  le  duel  a  eu  lieu  dans  un  pays  barbare,  étranger  aux  principes  du 
droit  des  gens. 

Cas  où  la  législation  du  pays  où  le  combat  a  eu  lieu  ne  contient  aucune 
disposition  sur  le  duel  et  se  borne,  comme  la  législation  française,  à  punir  d'une 
manière  générale  les  coups  et  les  blessures.  —  Exemples  :  cantons  de  Genève, 
d'Appenzel  et  d'Uri. 

Importance  considérable  de  la  question.  —  Elle  n'a  jamais  été  traitée. 

Il  faut  décider  que  le  ministère  public  ne  peut  pas  poursuivre.  —  Pour- 
quoi? 

La  preuve  que  la  législation  étrangère  punit  le  duel  incombe  au  ministère 
public.  —  Modes  de  preuve. 

Fausse  applicatioii  de  la  loi  pénale  étrangère. 

1.  Voyez  notre  chapitre  Lxxxni  Législation  étrangère  en  matière  de  duel  . 


jj 


SIXIÈME  PARTIE. 


CHAPITRE   LXXIl 


Extincliou  de  l'action  publique.  —  Décès  du  préTena.  ■ 
Exception  de  la  chose  jngée.  —  Prescriplion. 


CHAPITRE  LXXIII 
Extradition. 

[ntérét  de  la  question  pour  ]es  adversaires  et  les  témoins. 

Cas  où  l'Etat  requérant  et  l'Éiat  requis  considèrent  le  dael  comme  une 
infrac^on  de  nalare  spt^ciale  <. 

Cas  où  l'Ëlal  requérant  considère  le  dael  comme  nne  infraction  de  droit 
commun  et  l'I^tat  requis  comme  une  infraction  de  nature  apéciate. 

Cas  où  les  deux  Ëlats  admcltenl  l'assimilation  de  l'homicide  et  des  bles- 
sures commis  en  dnel  avec  lo  meurtre  et  les  coups  et  blessures  ordinaires. 

Théorie  do  M.  le  professeur  Lammasch  sur  l'extradition.  —  Son  application 
aux  pays  de  langue  allemande. 

Cas  où  deux  demandes  d'cxtradilion  sont  adressées  en  roCme  temps  an 
CQÛme  Ëtat  par  deux  autres  Étais,  â  raison  de  la  mCme  infraction. 


CHAPITRE   LXXIV 

Moyens  dont  les  adversaires  et  les  témoins  peuvent  user 
pour  échapper  à  la  sanction  de  la  loi  pénale. 

Moyen  extra-légal,  —  Secret  absolu.  —  Son  efficacité  il  notre  époque.  — 
Exemple,  affaire  Wernert,  CazeKe  rfej  rrifcunaua;,  n'des  30  eHI  octobre 
1890,  appendice  n°  t07. 

Moyen  légal.  —  Duel  à  l'étranger. 

Son  efficacité  lorsque  la  rencontra  s'est  terminée  par  on  fait  susceptible 
d'être  qnalihé  crime. 

Elle  est  sabordonoée  à  la  condition  d'un  séjour  de  dix  années  hors  de 
France. 

Critiques  soulevées  par  cette  condition.  —  Elles  ne  sont  pas  lonjours 
fondées.  —  Pourquoi  ? 

Extradition.  —  Contumace.  —  Séquestre  des  biens. 

1.  Voyai  Tribunal  fédéral  suiBie,  37  aoAt  1SB3.  Appendice  u"  1». 


RËaUH.£  DES  MATIÈRES. 


555 


Efficacité  du  duel  à  l'étranger  lorsque  le  combat  s'est  terminé  par  un  fait 
susceptible  d'être  qualifié  délit. 

Elle  est  assurée  lorsque  la  législation  de  l'État  choiffl  ne  punit  pas  le  duel. 
—  Cantons  de  Genève,  d'Appenzel,  d'Un. 

Elle  est  moindre  lorsque  la  législation  de  l'État  choisi  punit  le  dueU  — 
Conditions  mises  à  la  poursuite.  —  Plainte  du  blessé.  —  Dénonciation  offi- 
cielle. 

Inconvénients  du  duel  à  l'étranger. 

Intervention  de  la  police  étrangère  qui  peut  rendre  le  combat  impossible  ^ 

Tribulations  après  le  combat  —  Législation  plus  sévère  et  mieux  appli- 
quée*. 

Frais.  —  Perte  de  temps,  etc. 

Prétendue  inutilité  du  duel  à  l'étranger  en  présence  de  l'inaction  actuelle 
de  la  justice  française. 

Conseils  aux  personnes  qui  préféreraient  se  battre  en  France.  —  Départe- 
ment de  la  Seine.  —  Poursuites.  —  Jury. 

La  clause  que  le  duel  aura  lieu  à  l'étranger  peut-elle  être  imposée  comme 
condition  sine  qua  non  de  la  rencontre  ? 

1.  Voyez  affaires  Rochefort-Isaac,  Flntransigeant  du  14  mai  1891.  Appendice 
n»  109. 

2.  Voyez  affaire  Marchis-Dachassin.  Gaz.  trib,  des  14,  17,  18  décembre  1876  ; 
Laguerre-Déroulède,  la  Presse  des  16,17, 18  novembre  1890.  Appendice  u9*  110  et  111. 


.  «i 


656  •      SIXIÈME  PARTIE. 


RESPONSABILITÉ  CnriLE  DES  ADVERSAIRES 

ET  DES  TÉMOINS. 


CHAPITRE  LXXV 

Ëléments  de  la  responsabilité  civile.  —  Conditions  relatives 
au  dommage  souffert. — Personnes  auxquelles  api>artient 
l'action  ;  contre  lesquelles  elle  peut  être  dirigée.  —  En 
quoi  consiste  la  réparation. 

Principe  de  la  responsabilité  civile  exprimé  dans  l'article  4382  du  Gode 
dvil.  —  Sens  du  mol  «  dommage  o.  —  Un  dommage  moral  suffit.  —  A  qui  appar- 
tient l'action  en  responsabilité  civile?  —  Blessé,  enfants,  veuve,  mère,  frères 
et  sœurs,  héritiers,  créanciers,  etc. 

L'action  en  responsabilité  civile  peut  être  dirigée  contre  l'auteur  du  fait 
dommageable  :  — Contre  les  héritiers;  —  Contre  les  témoins.  —Nécessité  d'une 
faute  de  leur  part. 

Pouvoir  discrétionnaire  des  tribunaux  pour  la  fixation  des  dommages  et 
intérêts. 


CHAPITRE  LXXVl 

Mode  d'obligation  des  personnes  responsables.  —  Solidarité. 
—  Exécution  des  condsunnations  sur  les  biens  et  la  per- 
sonne. 

Article  55  du  Code  pénal.  —  Définition  de  la  solidarité. 

Efiets  des  condamnations  prononcées  par  les  tribunaux  de  répression  rela- 
tivement à  la  solidarité.  —  Témoins.  —  Faute  personnelle. 

Cas  où  l'action  est  portée  devant  les  tribunaux  civils. 

Exécution  de  la  condamnation  sur  les  biens.  —  Biens  insaisissables.  — 
Sur  la  personne.  —  Contrainte  par  corps.  —  Effets  des  jugements  de  condam- 
nation prononcés  par  les  tribunaux  de  répression. 

Cas  où  l'action  est  portée  devant  les  tribunaux  civils. 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  557 


CHAPITRE  LXXVII 

Compétence.  —  Action  civile  portée  devant  les  tribunaux  de 
répression.  —  Devant  les  tribunaux  civils.  —  Preuve. 

De  Vaclion  civile  portée  devant  la  cour  cTassises.  —  Étendue  de  8a 
juridiction.  —  Elle  prononce  sur  l'action  privée  aussi  bien  en  cas  d'acquitte- 
ment qu'en  cas  de  condamuatiou.  —  Exemple. 

De  Vaclion  civile  portée  devant  le  tribunal  correctionnel*  —  Il  ne  peut 
prononcer  des  dommages  et  intérêts  contre  le  prévenu  acquitté. 

De  Vaction  portée  devant  les  tribunaux  civils,  —  Cas  où  la  partie  lésée 
doit  recourir  forcément  à  cette  juridiction.  —  Cas  où  l'action  pub'ique  tient 
l'action  civile  en  suspens.  —  Preuve. 


CHAPITRE  LXXVill 

Extinction  de  Faction  civile.  —  Renonciation.  —  Transaction. 

Désistement.  —  Prescription. 

Capacité  pour  renoncer;  —  Pour  transiger.  — Transaction  entre  coauteurs 
du  délit.  —  Nullité  de  la  renonciation,  de  la  transaction,  de  la  constitution 
d'arbitres  antérieure  à  la  rencontre. 

Désistement.  —  Ses  effets.  —  Distinction. 

Précautions  à  prendre  dans  la  rédaction  de  l'acte  constatant  la  renoncia- 
tion, la  transaction  ou  le  désistement.  —  Exemples. 

Prescription.  —  Sa  durée  lorsque  l'action  civile  est  exercée  concurrem- 
ment avec  l'action  publique.  —  Lorsqu'elle  est  portée  devant  les  tribunaux 
civils.  ~  Distinction. 

Point  de  départ  de  la  prescription.  —  Actes  d'instruction  et  de  poursuite. 
—  Jugements. 


CHAPITRE  LXXIX 

Moyens  dont  les  adversaires  et  les  témoins  peuvent  user 
pour  échapper  à  l'action  en  responsabilité  civile. 

Les  adversaires  et  les  témoins  doivent  songer  avant  la  rencontre  à  la 
question  des  dommages  et  intérêts.  —  Son  importance.  —  Exemples. 


558  SIXIÈME  PARTIE. 

Intérêt  particulier  des  témoins. 

Il  n'existe  aucun  moyen  légal  d'échapper  à  l'action  en  responsabilité 
civile. 

Moyen  extra-légal. 

Renonciation  avec  date  en  blanc  inadmissible.  —  Pourquoi? 

Influence  indirecte  d'un  engagement  sans  valeur  légale.  —  Gooclnsions. 


RÉSUMÉ  DES  MATIÈRES.  5S9 


RESPONSABILITÉ  REUGIEUSE  DES  ADVERSAIRES 

ET  DES  TÉMOINS. 


-  -J 


CHAPITRE  LXXX 
Censures  ecclésiastiques. 

Église  catholique^ 

ExcommunicatioD.  —  Personnes  qui  y  sont  soumises.  —  Duellistes.  — 
Complices  et  coopérateurs.  —  Assistants.  —  Autorités.  »  Privation  de  sépul- 
ture ecclésiastique. 

Église  réformée. 

Article  23  de  la  discipline  des  Églises  réformées  en  France.  —  Il  ne  fait 
pas  mention  de  la  privation  de  sépulture  ecclésiastique.  —  Pourquoi  ? 

Adoucissements  apportés  à  Tancienne  discipline  relativement  à  la  censure 
et  à  la  suspension  de  la  sainte  cène. 


». 


*** 


560  SIXIÈME  PARTIE. 


LE  DUEL  A  L'ÉTRANGER 


Usages.  —  Législation. 

L'étranger  est  soumis  aux  usages  du  pays  où  il  se  trouve.  —  Controverse 
relativement  à  la  législation  du  point  d'bonneur,  applicable  lorsque  le  cartel  ne 
peut  être  envoyé,  et  les  conditions  ne  peuvent  ôtre  discutées,  dans  le  pays  où 
roffeose  a  eu  lieu. 


CHAPITRE   LXXXI 
Règles  du  duel  en  Italie,  en  Allemagne,  en  Autriche,  etc. 

Italie,  -—  Ces  règles  varient  suivant  les  provinces,  notamment  en  ce  qui 
concerne  le  choix  des  armes.  —  Deux  écoles  sont  en  présence.  —  Auteurs  qui 
se  sont  môles  à  cette  controverse.  —  Principaux  arguments.  —  Intérêt  du 
Français  à  les  connaître.  —  Armes  légales  en  Italie.  —  Sens  du  mot  «  place  »  sur 
le  terrain.  —  Droit  de  choisir  les  conditions.  —  Autres  points  sur  lesquels  les 
usages  italiens  diffèrent  des  usages  français. 

Allemagne^  Autriche,  —  Règles.  —Les  auteurs  qui,  dans  ces  deux  pays, 
ont  écrit  sur  le  duel,  prennent  pour  guide  Château villard. 

Points  sur  lesquels  les  usages  allemands  et  autrichiens  diffèrent  des  usages 
français. 

Angleterre,  —  Duel  tombe  en  désuétude.  Pourquoi? 

Belgique,  —  Espagne,  —  Hollande,  ^Russie.  —  Suisse, 


RÉSUMÉ  DES   MATIÈRES. 


564 


CHAPITRE    LXXXIi. 

Textes  des  lois  qui  répriment  le  dael  dans  les  divers  États  d'Enrope 

dont  les  noms  suivent  : 


Empire  d'Allemagne  ; 

Andorre  ; 

Angleterre  ; 

Ile  de  Man  ; 

Malte; 

Gibraltar  ; 

Autriche  ; 

Hongrie  ; 

Bosnie  et  Herzégovine  ; 

Belgique; 

Danemark  ; 

Espagne  ; 

Grèce  ; 

Italie; 

Luxembourg  ; 

Monaco; 

Monténégro  ; 

Pays-Bas  ; 

Portugal  ; 

Roumanie  ; 

Russie  ; 

Saint-Marin  ; 

Suède; 

Norvège  ; 


Suisse   :    Appenzel-Ianerchoden    ou 
Rhodes  intérieur; 
Appenzel  ou  Rhodes  extérieur; 
Argovie  ; 
Thurgovie  ; 
Bâle-Yille; 
Bâle-Campagne , 
Berne  ; 
Fribourg  ; 
Genève; 
Grisous  ; 
Glaris  ; 
Lucerne  ; 
Nidvvald  ; 
Neuchâtel  ; 
Saint-Gall; 
Schaffouse  ; 
Schwytz  ; 
Tessin; 

Duterwalden  (Obwald)  ; 
Uri; 
Valais  ; 
Vaud; 
Zug; 
Zurich. 


36 


-.  4 


•. -.       i. 


.--.     ■^     - 


561 


SIXIÈME  PARTIE. 


MODELES  DE  PROCÈS-VERBAlUX  AVANT 

LA  RENCONTRE. 


Procès-verbal  avant  la  rencontre. 


[ndication  des  points  qui  doi- 
vent être  examinés  par  les 
témoius  pendant  la  discus- 
sion des  conditions. 

Ouvrages  à  consulter. 


Choix  d*un  auteur. 

En  première  ligne,  Chateauvillard, 
Essai  sur  le  duel.  En  deuxième,  Taver- 
nier.  Art  du  duel.  En  troisième, 
Du  Verger  de  Saint-Thomas,  Nouveau 
Code  du  duel. 

Sur  cette  question  importante, 
voyez  notre  chap.  i«'  et  pages  i  40, 
U1,  4  48,  458,  et  appendice  n°»  4  et 
444. 


Sens  dans  lequel  peuvent 
être  rédigées  les  stipula- 
tions insérées  au  procès- 
verbal. 


Aujourd'hui  (année,  mois,  jour] 
les  soussignés  (noms  et  prénoms) 
agissant  comme  témoins  de  M.  A*** 
d'une  part;  Et  (noms  et  prénoms) 
agissant  comme  témoins  de  M.  0*** 
d'autre  part,  se  sont  réunis  à  (indi- 
quer le  lieu),  pour  examiner  le  diffé- 
rend survenu  entre  ces  deux  mes- 
sieurs. 


Les  soussignés  déclarent  choisir, 
pour  les  guider  dans  cet  examen  et  les 
départager  au  besoin,  le  Code  du  duel, 
par  Chateauvillai  d . 

A  défaut  de  solution  donnée  par  cet 

auteur,  ils  consulteront (Indiquer 

le  nom  de  l'auteur  et  le  titre  de  l'ou- 
vrage.) 


MODÈLES   DE   PROCÈS-VERBAUX. 


563 


PREMIER    POINT. 


Conslalation  des  faits. 

Les  témoins  éclaircissent  avant  tout 
les  faits  qui  constiluent  le  différend 
et  motivent  l'appel.  Ils  doivent  s'en- 
tendre sur  ce  point  avant  de  soulever 
la  question  de  savoir  à  qui  revient  le 
droit  d'offensé,  le  choix  des  armes,  etc . 
(Voyez  notre  cbap.  xvii,  page  142.) 


Les  soussignés  exposent  que  :  (Suit 
l'énoncé  des  faits.) 


DEUXIEME    POINT. 


Existence  ou  non^existence  d'une 
offense  suffisante  pour  motiver  la 
rencontre,  (Voyez  nos  chapitres  ii 
et  suiv.) 

S'ils  décident  qu'il  n'y  a  pas  eu 
offense  suflisante...  (Voyez  notre  chap. 
xviii,  page  143.) 


(^) 


Les  soussignés,  après  examen  atten- 
tif dos  faits  exposés  au  §  4*",  n'ayant 
trouvé  ni  dans  les  manifestations  exté- 
rieures auxquelles  s'est  livré  M.  Â., 
ni  dans  sa  conduite,  aucune  intention 
offensante  vis-à-vis  M.  0.,  estiment 
qu'il  n'existe  aucune  offense  et  qu'il 
n'y  a  pas  lieu  de  donner  suite  à 
l'affaire. 


(B) 


S'ils  décident  qu'il  y  a  eu  offense 
suffisante...,  page  U3. 


Les  soussignés,  après  examen  atten- 
tif des  faits  exposés  au  §  4®',  déclarent 
qu'il  y  a  eu  offense... 

Ou  bien  : 

Offenses  réciproques. 


TROISIEME    POINT. 


Valeur  de  l'offense. 

Les  témoins  recherchent  ensuite  la 
valeur  de  l'offense  ou  des  offenses. 

L'offense  comporte  trois  degrés  : 

1«  degré.  Offense  simple.  (Tout  ce 
qui  touche  à  l'amour-propre.) 

V  degré.  Offense  grave  ou  injure. 


Que  cette  offense  est  une  offense... 
(Indiquer  si  c'est  une  offense  simple, 
grave,  avec  voie  de  fait.  —  Spécifier 
le  degré.) 

Ou  bien  : 

Déclarent  qu'il  y  a  eu  offenses  réci- 
proques  


^   K 


564 


SIXIÈME  PARTIE. 


(Tout  ce  qui  touche  à  ThoDOdur,  à  la 
considération  privée.) 

a*'  degré.  Voie  de  fait. 

Sur  la  question  des  degrés,  voyez 
DOS  chap.  III,  IV,  V.  —  Château- 
villard,  chap.  1**%  art.  8.  —  Taver- 
nier,  p.  82.  —  Du  Verger,  chap.  i«', 
art.  2.  —  Emile  André,  p.  495. 


Que  la   première    offense   est    une 

offense (Indiquer  comme  plus  haut 

la  nature  et  le  degré.) 

Que   la  seconde  offense  est  une 
offense. . .  (Mômes  indications.) 


QUATRIÈMB    POINT. 


Les  témoins  recherchent  à  qui 
revient  la  qualité  d'offensé,  suivant 
que  Toffense  rentre  dans  un  des  cas 
énumérés  ci-dessous,  mais  sans  dire 
un  mot  des  privilèges  qui  y  sont  atta- 
chés, et  sans  faire  connaître  les  pré- 
tentions do  leurs  clients.  (Très  impor- 
tant. —  Pourquoi?)  —  Voyez  notre 
chap.  XXII,  page  459. 

<•'  cas.  —  S'il  n'y  a  qu'une  offense. 

Voyez  notre  chap.  viii,  art.  I**.  — 
Chateauvillard,  chap.  V.  —  Deux 
premières  lignes  de  Tart.  i**.  —  Du 
Verger,  chap.  i",  art.  4. 

2'^  cas,  —  S'il  7j  a  offenses  récipro- 
ques, 

{A) 
Offenses  du  même  degré, 

La  qualité  d  offonsé  revient  à  celui 
qui  a  reçu  la  première  offense. 

Voyez  notre  chap.  viii,  art.  2,  §1«'. 
Du  Verger,  chap.  i",  art.  4. 

Application  de  cette  règle  à  V offense 

grave. 

Voyez  notre  chap.  viii,  art.  2,  §  2.  — 
Chateauvillard,   chap.    i''',  art.  2.  — 
Tavernier,  p.  24.  —Du  Verger, chap.  r, 
rt.  7  et  9. 


MODÈLES  DB  PROCÈS-VERBAUX. 


565 


Application  de  cette  règle  à  la  voie 

de  fait* 

Voyez  notre  chap.  viii,art.  2,  §  3  et  4. 
—  Tavernier,  p.  85.  —  Du  Verger, 
chap.  i**,  art.  U,  42,  43,  U.  —  Cha- 
teauvillard,  chap.  i",  art.  4". 

Offenses  de  degrés  différents. 

Si  à  une  offense  simple  il  est  répondu 
par  une  offdnse  grave,  c'est  celui  qu  i 
a  reçu  l'offense  grave  qui  est  l'offensé. 

Voyez  notre  chap.  viii,  art.  4.  —  Ta- 
vernier, p.  24,  §  3.  —  Du  Verger, 
chap.  !«',  art.  8. 

S'il  a  été  répondu  à  une  offense 
grave  par  une  voie  de  fait,  c'est  celui 
qui  a  essuyé  la  voie  de  fait  qui  est 
l'offensé. 

Voyez  notre  chap.  viii,  art.  5.  — 
Chateauvillard,  chap.  i",  art.  4".  — 
Du  Verger,  chap.  i",  art.  40.  —  Ta- 
vernier, p.  25. 

3«  cas.  —  Si  la  qualité  d'offensé  ne 
ressort  pas  clairement  de  l'examen 
des  faits. 

Les  prérogatives  attachées  à  cette 
qualité  sont  tirées  au  sort. 

Voyez  notre  chap.  viii,  art.  3  et  6.  — 
Chateauvillard,  chap.  i""',  art.  3  et  4.  — 
Tavernier,  p.  23  et  24.  —  Du  Verger, 
chap.  I*',  art.  5  et  6. 


.  ..Et  que  la  qualité  d'offensé  doit 
être  attribuée  à  M.  0. 

Ou  bien  : 

Comme  il  résulte  de  1  examen  attentif 
des  faits  que  la  qualité  d'offensé  ne 
saurait  être  accordée  à  aucun  des 
adversaires,  les  soussignés  décident 
que  la  question  de  l'arme  sera  remise 
au  sort. 


CINQUIEME    POINT. 


A  cet  instant,  les  témoins  font  leur  s 
efforts  pour  concilier  l'affaire. 

Conciliation.  —  Arrangements 
amiables. 

Voyez  sur  ces  matières  notre  cha- 
pitre XVIII,  4"*  hypothèse  et  excuses, 
p.  4  44 et  s. —Chateauvillard»  chap.  m, 


.•'iji 


Aii^^-f'J 


•  ■  -^^^  «,:<■&  Uft^ 


SIXIEME  PARTIE. 


arl.  i,5,6,pages98,99.—  Tavernier, 
p.  391.  — Du  Verger,  chap.rï,arl.  1i, 
et  observations  sur  cet  article. 

Les  témoins  peuvent  rédiger,  sui- 
vant le  cas,  les  clauses  suivontes  : 


Si  l'initiative  de  la  propoûtion 
d'arrangement  vient  du  càt4  de  l'ol- 
Unsè,  elsi  les  témoins  de  l'agresseur 

acceptent. 


Les  léoKUDS  de  l'offensé  ayant  dé- 
claré qne  leur  client  était  prêt  i 
terminer  l'affaire  d'une  manière  couci- 
lisnte  ai  l'agresseur  retirait  ses  maai- 
fcsialions  offenaanles...  (Les  indiquer 
clei  renient.) 

Ou  bien  : 

S'il  faisait  des  ejcuses  dans  la  forme 
ci-»près...  (L'indifiuer  clairement.) 
Ou  bien  : 

S'il  rxprimaitses  regrets  danslafoime 
ci-après...  (L'indiquer  clsiremeut). 

Les  témoins  de  l'offensé  ont  dé- 
claré y  consentir. 

11  en  résulte  que  l'affaire  se  trouve 
arrangée  bonorablempnl  p'jur  les  deui 


Si  l'initiative  vient  du  côté  de 
l'agresseur,  et  si  les  témoins  de  l'or- 
fcnsé  acceptent. 


Les  témoins  de  l'agresseur  ayant 
déclaré  que  leur  client  était  prêta 
terminer  l'affaire  d'une  manière  con- 

(Indiqucr  la  nature  de  l'offre.) 

(On  peut  reproduire  la  formule  du 
paragraphe  précédent.) 

Les  témoins  de  l'offensé  out  déclaré 
y  consentir.  Il  en  résulte  que  l'affaire 
est  arrangée  bon  on  ble  ment  pour  les 
deux  parties. 


u  bien   sans  mentionner  do  qui 
il  1.1  proposition  d'arrangement. 


Les  parties  étant  tombées  d'accord 
sur  l'opportunité  d'un  arrangement 
amiable,  col  arrangement  a  été  exé- 
cuté en  présence  de. . .  (Indiquer  les 
assistants.) 


MODÈLES  DE  PROCÈS-VERBAUX. 


667 


De  la  manière  suivante 

Ou  bien  : 

Dans  la  forme  suivante 

Les  quatre  témoins  déclarent  que 
l'offense  est  réparée  et  l'affaire  déûni- 
tivement  arrangée. 


(D) 


Lorsque  les  témoins  d'une  partie  ne 
veulent  pas  accepter  les  propositions 
qui  leur  sont  faites. 


M'  M'   déclarent  ne  pouvoir  ac- 
cepter  


{E) 


Lorsque  les  témoins  d'une  partie 
désirent  en  référer  à  leur  client. 


M**  H'  ayant  déclaré  vouloir  con- 
sulter leur  client  au  sujet  de...  (Indi- 
quer le  motif)  la  séance  s'est  trouvée 
interrompue  à...  (Indiquer  l'heure.) 

Elle  a  été  reprise  à  ...  (Indiquer 
l'heure.) 


IF) 


Lorsque  l'offensé  refuse  une  répara- 
tion amiable  jugée  suffisante  par  ses 
témoins. 

Voyez  notre  chap.  xviii,  page  445. 
—  Chateauvillard^  chap.  iii>  art.  4. 


Attendu  qu'une  réparation  a  été 
consentie  par  l'agresseur  sous  la  forme 
de...  (Indiquer  clairement  en  quoi  elle 
consistait.) 

Que  cette  réparation,  jugée  suffi  santé 
par  les  témoins  de  l'offensé,  a  été  re- 
fusée par  lui  ;  il  en  résulte  qu'il  perd 
les  droits  attachés  à  sa  qualité  d'of- 
fensé. (Indiquer  lesquels,  choix  des 
armes,  du  duel,  des  distances.) 

Ils  seront  tirés  au  sort. 


SIXIEME    POINT. 


Choix  du  jour,  de  l'heure^  du  lieu 
du  combat,  —  Adjonction  des  mé- 
decins. 

Voyez    notre   chap.    xxii,   art.    5 
et  6,  pages  4  59  et  suiv. 


Le  combat  aura  lieu  tel  jour,  à  telle 
heure,  dans  tel  lieu. 

Chacune  des  parties  amènera  un  mé- 
decin. 

Ou  bien  : 
Les  médecins  seront  amenés  par.r. 


SIXIÈME  PARTIE. 


Déclaration  de  l'a 

dùliinvci 


•,  du  duel  et  des  L'offensé  déclare  choiMr  telle  anne. 

iiisies.  tel  (iael,  telle  distance. 


C'est  spulemenl  ï  ce  moment  précis 
que  les  témoins  de  l'offensé  loot  con- 
naître l'arme,  le  duel,  les  dislances 
qu'il  choisit,  selon  que  le  degré  de 
l'oiTense  lui  donne  droit  il  une  de  ces 
prérogatives,  à  deux  ou  à  toutes  à  la 
fois. 

L'offensé  du  proinier  degré  choisit 
son  arme,  le  choix  du  duel  et  des  dis- 
tances restant  aux  témoins. 

L'offensédu  dousiérao  degré  eboiât 
son  arme  el  son  duel,  le  choix  des 
distances  restant  aux  témoins. 

L'offensé  du  troisième  degré  choisit 
son  arme,  son  duel  et  ses  distances. 

Cesclioixne  peuvent  être  eiercés  que 
parinilssarnies,duels,dislanceslég3ui. 

Ski*  let  prérogative»  de  t'offefué  en 
général. 

Voyei  noire  chap.  vn,  page  146. 
Sur  le  choix  de  l'arme. 

Voyez  notre  chap.  vu.  —  Chaloau- 
villard.cliap.  i",  art.  9.  —  Tavernier, 
page  a.  —  Du  Verger,  chap.  i", 
art.  S8.  En  cas  de  voie  de  fait,  voyez 
notre  chap,  vu.  page  4S.  —  Cbaleau- 
villard,chHp.  i",arl.  41,chap.  M,arl.4, 
page  3S.  Page  40,  art.  4  et  6.  —  Du 
Verger,  cliap,  vi,  art.  9,  chap.  viii, 
art.  0. 

Sur  1rs  armes  It'ij'iles. 

Épee,  pistolet,  sabre  exceptionnel- 
lement. 

Voyez  noire  chap.  vi.  —  Chateau- 
villard.chap.  ii. — Tavernier,  chap.  i", 
page  19. 

L'agresseur  qui  est  dans  le  civil  peut 
refuser  lo  sabre. 


MODÈLES  DE  PROCÈS-YERBAUX. 


569 


Voyez  notre  chap.  vi,  in  fine,  page 
44.  —  Cbateauvillard^  chap.  ii.  —  Ta- 
vernier,  page  300.  —  Prévost  et  Jolli- 
vet,  page  233.  ^Contra,  Du  Verger, 
page  489.  —  Emile  André,  page  S23. 

Sur  le  choix  du  duel. 

Voyez  nos  chap.  yh,  page  47,  xxii, 
xxxvn.  —  Ghateanvillard,  chap.  i", 
art.  4  0  et  4  2,  chap.  vi,  art.  4  «^  et  suiv. 

—  Tavernier,  page  tl,  —  Du  Verger, 
chap.  1*%  art.  29,  34,  et  chap.  vin. 

Sur  le  choix  des  distances. 

Voyez  nos  chap.  vu,  xxii,  xxxvu. 

—  Château villard,  chap.  i«',  art.  44, 
chap.  VI,  §  \^\  et  à  chaque  duel  au 
pistolet  les  distances  maxima  et  mi- 
nima.  —  Tavernier,  page  22.  —  Du 
Verger,  chap.  i",  art.  30. 


_.  "... ..  .a-  : 


CONDITIONS  SPÉCIALES  AU  DUEL  A  L'ËPÊE. 


HUITIÈME    POINT. 


Choix  des  épées. 

Les  épées  doivent  être  présentées  à 
l'examen  des  témoins  dans  le  cas  où 
les  adversaires  ont  le  droit  de  se  ser- 
vir de  leurs  armes  personnelles,  et 
dans  celui  où  chaque  partie  apporte  une 
paire  entre  lesquelles  on  tire  au  sort. 

Voyez  noire  chap.  xxiu. 

Conditions  mises  à  Pacceplation 
des  épées. 

Voyez  tôirfc w et  Taver nier,  page  75. 
—  Du  Verger,  chap.  vi,  art.  8,  9,  et 
observations  sur  ces  art  ides .  —  La- 
marche,  Traité  de  Vépée,  Marpon- 
Flammarion,  1884,  chap.  ii. 

Sur  la  question  du  poids,  voyez 
affaire  de  Morès-Mayer,daiis  notre  chap. 
xxiii, page  169,  et  Lamarche,  page42. 

Le  poids  ne  peut  pas  dépasser 
530  grammes. 

Cas  où  une  épée  se  brise  ou  se 
fausse  pendant  le  combat. 

Voyez  notre  chap.  xxxiii.  —  Taver- 
nier,  page  174. 


Deux  paires  d'épées  ont  été  présen- 
tées par  les  adversaires  et  acceptées 
par  les  témoins.  Le  sort  décidera  celle 
dont  OD  se  servira. 

Ou  bien  : 

Chaque  adversaire  pourra  se  servir 
de  ses  armes. 

Si  une  des  épées  est  mise  hors  de 
service  pendant  le  combat..  (Indiquer 
comment  elle  sera  remplacée.) 

Si  cet  accident  se  reproduit  une 
seconde  fois,  ibidem,) 


NEUVIEME    POINT. 


Mesure  du  champ  où  les  adversaires 
devront  évoluer. 

Maximum  :  60  mètres  de  long  sur 
10  mètres  de  large. 


Le  terrain  sera  choisi  par  les  quatre 
témoins  réunis  et  les  places  tirées  au 
sort.  Le  tirage  au  sort  des  places  sera 
indépendant  de  celui  des  épées. 

Le  champ  dans  lequel  les  adver- 


MODÈLES  DE  PROCÈS-VERBAUX. 


574 


■; 


Minimom  :  40  mètres  sur  8  mètres. 

Voyez  noire  chap.  xxiv. —  Tavernier, 
page  459.  —  Emile  André,  page  235. 

Acte  de  franchir  les  limites.  Nombre 
de  fois  qu'il  est  toléré. 

Voyez  ibidem,  —  Tavernier,  page 
460. 


saires  pourront  évoluer  aura...  mètres 
de  long  et..«  de  large.  (Indiquer  ces 
mesure.^) 

L'acte  de  franchir  (Indiquer  le 
nombre  de  fois.)  les  limites  du  champ 
entraînera  la  cessation  du  combat. 


DIXIEME    POINT. 


Toilette. 

Obligation  de  se  dépouiller  de  tout 
ce  qui  peut  arrêter  la  pointe  de  Tépée^ 
par  exemple  chemises  empesées,  etc. 
—  Cas  de  hernies,  etc. 

Voyez  notre  chap.  xxv.  —  Chaleau- 
viliard,  chap.  v,  art.  6.  —  Tavernier, 
pages  82  et  suivantes.  —  Du  Verger, 
page  356.  Observations  sur  l'art.  5 
du  chap.  VI. 

Les  gants  d^armes  peuvent  être 
refusés. 

Voyez  Chateauvillard,  chap. .  v, 
art.  40.  —  Tavernier,  page  278.  — 
Du  Verger,  chap.  vi,  art.  40. 


Les  adversaires  se  battront  le  torse 
nu... 

Ou  bien  : 

Revêtus  d'une  chemise  non  empe- 
sée, etc.  (Indiquer  clairement  le  cos- 
tume.) Gants  de  viile  à  volonté. 


ONZIEME    POINT. 


Les  adversaires  pendant  le  combat. 

Voyez  notre  chap.  xxvii.  —  Cha- 
teauvillard, chap.  V,  art.  4  6.  —  Taver- 
nier, pages  461  et  476.  —  Du  Verger, 
chap.  VI,  art.  45. 


Pendant  la  lutte,  iOS  combattants 
pourront  se  baisser,  se  grandir,  se 
jeter  à  droite  et  à  gauche,  rompre,  se 
jeter  en  avant,  voltiger  autour  de  leur 
adversaire,  mais  sans  jamais  faire  de 
coup  pour  l'exécution  duquel  le  corps 
prend  une  position  susceptible  d'être 
confondue  avec  une  chute. 


DOUZIEME    POINT. 


Obligation  de  s'arrêter  à  IHnjonction 
des  témoins. 

Voyez    nos  chap.   xxvi   et    suiv., 

XXXVI. 


Ils  s'arrêteront  instantanément  aus- 
sitôt que  les  témoins  le  leur  enjoin- 
dront par  les  mots  :  «  Halte  !  »  ou 
I  «  Arrêtez  I  » 


SlXrÈME  PARTIE. 


Déiarmemenl  viailile. 
Voyez  DOS  chap.  xisii  ot  xxxvi. 
G  hâte  au  ïi!  lard,   chap,  v,  art.  17, 
pagû  10g. 


Ils  davront  le  faire  spontané  me  ot 

>n  CBS  de  désarmement. 


Bris  ou  fauuemenl  d'ëpêei. 
ytrfex  009  chap.  xxxtii  et  xxxvi, 


I       ...  De  bria  ou  faussement  ( 
rendant  l'arme  inoCTensive. 


QUINZIEHE      POINT. 

Chuta.  . ..  De  chute,.. 


Voyez  nos  chap,  xx\iv  ot  xswi.  - 

Château  vil  lard,  cbap.  v,  art.  17.   - 
Tavernler,  page  175. 


EUE    POINT. 


Bletsure. 

Vûyz  nos  chap.  xxxv  et  xxxvi. 
Les  blessures  faites  ou  reçues  doi- 

ïenl  ^Ire  annoncées.  —  Pourquoi  ' 
Ibidem,  —  Tavernior,  pages  177  oL 


...  Et  de  blessure. 

Toute  bleasore  devra  être  (iiDoucée. 


Inleriliction  déparer  avec  la  main 
qui  ne  mame  pas  i'i'pée. 

Voyez  notre  chip,  xxvni.  —  Cha- 
toauvillard,  chap.  iv,  art.  hd,  el 
chap.  V,  art.  14.  — Tdvernier,  page246. 
Eil-il  permis  de  changer  de  mainf 

Pour,  voyez  notre  chap.  xxviii. 
—  Prévost  ot  Jolhvet,  page  !Î9.  — 
Château villard  reste  muet, 

Contra,  Tavernior,  page  Î6i.  — 
Du  Verger,  chap.  vi.  art.  17,  et  obser- 
vations sur  cet  article. 


Il  leur  est  inlerdit  de  saisir  le  fer 
adverse,  ou  de  parer  avec  la  mainqui 
ne  manie  pas  l'épée  (gauche  ou  droite 
suivant  que  le  tireur  est  droiiter  ou 
gaucher). 

Il  est  permis  de  changer  l'épée  de 
main,  et  do  tirer  à  volonté  avec  la 
droite  ou  avec  la  gauche. 


MODÈLES  DE  PROCÈS-VERBAUX. 


173 


DIX-HUITIEME    POINT. 


Reprises.  —  Repos.  —  Leur  durée. 

Voyez  notre  chap.xxu.— Château- 
Tillard,  chap.iv,art.  42.  —  Tavemier, 
page  454. 

Le  droit  de  fixer  la  durée  appartient- 
il  à  l'offensé  du  deuxième  et  du 
troisième  degré. 

Voyez  notre  chap.  xxix.  —  L'état 
physique  doit  peser  dans  la  balance. 
—  Idem, 


La  durée  des  reprises  sera  de. . . 
(Indiquer  le  nombre  de  minutes.) 

A  la  suite  de  chaque  reprise  il  y 
aura  un  repos  de...  (Indiquer  le  nombre 
de  minutes.) 


DIX-NEUVIEME    POINT. 


Corps  à  corps.  —  Les  corps  à  corps 
sont  interdits 

Pour  Va/firmative,  voyez  notre 
chap.  XXXI. 

Contra,  G.  Jollivet  et  Prévost, 
page  247.  —  Emile  André,  page  228.  ; 


Les  corps  à  corps  sont  interdits. 


VINGTIEME    POINT. 


Endroit  où  les  adversaires  devront 
être  replacés  en  cas  de  suspension 
du  combat. 

Pour  cause  de  repos,  acculement, 
corps  à  corps,  désarmement.  Bris  et 
faussement  d'épée,  chute,  blessure  et 
Tiolation  des  règles  du  duel. 

Cette  question  a  été  traitée  par 
nous  en  détail  dons  nos  chap.  xxix 
à  xxxvii. 

Voyez  Tavemier,  page  457. 


Dans  le  cas  où  le  combat  serait  sus- 
pendUf  pour  cause  d'acculemcnt,  de 
corps  à  corps,  de  désarmement,  do 
bris  ou  de  faussement  d'épée,  de  chute, 
de  violation  des  règles  du  duel,  les 
adversaires  seront  replacés  à  l'endroit 
qu'ils  occupaient  au  moment  où  l'in- 
cident s'est  produit. 

Le  terrain  conquis  ne  sera  pas 
rendu. 

En  cas  de  repos  ou  de  blessure  n'en- 
traînant pas  la  cessation  définitive 
du  duel,  ils  seront  replacés  au  milieu 
du  champ.  Le  terrain  conquis  sera 
rendu. 


■;       *>  „ 


CONDITIONS  DU  DUEL  AU  PISTOLET. 


Le  choix  du  duel  doit  Cire  exercé 
parmi  les  dueU  légaux,  c'est-i-diro  : 
aa  visa  de  pied  ferme,  à  tir  successif. 

De  pied  fermo  à  volonté. 

A  marcher. 

  marche  interrouipae. 
A  ligne  parallèle . 

Au  signal . 

Au  comoiaadement. 

Le  plus  usité  est  le  dut-1  au  cont- 
nianderoent. 

Sur  les  avanlugps  ol  les  inconvé- 
nients do  chaque  duel,  voyez  noire 
chap.  xiïTii.  —  ChaleauvilUrd,  chap. 
vr.  —  Tavernier,  pages  189  ol  suiv. 
—  Du  Verger,  chap.  vm. 


Le  duel  choisi  est  le  duel. ..(au  com- 
mandement par  exemple].  Indiquer 
clairement  l'espèce. 


Choix  des  distances. 

Voyez  dans  nos  chap.  vu,  xxwui  à 
Lv,  el  dans  Clialeauvillard,cliap.  vi,  les 
paragraphes  consacrés  au  choix  des 
distances  pour  chaque  espèce  de  duel. 


I  Les  adversaires  seront  placés  à  la 
distance  de...  (Indiquer  cette  mesure 
on  mètres.) 

Pour  les  duels  k  marcher  ;  Ils  pour- 
ront avancer  dp... 


Délai  pour  tirer  el  riposici: 

Le  choix  du  délai  appartient  aux 
témoins. 

Voyez  ncis  cliap.  xliv,  xlvhi  h  lv. 
—  Ghateauvillard.diap,  vi. 

Le  délai  doit  toujours  avoir  comme 


Le  délai  pour  échanger  les  balles 
sera  de,..  (Indiquer  le  nombre  de 
secondes)  à  partir  du  signal. 

Aucun  supplément  de  délai  ne  sera 
accordé  au  blessé. 


MODÈLES  DE  PROCÈS-VERBAUX. 


576 


point  de  départ  anique  le  signal.  (Très 
important.) 

Nécessité  de  diminuer  de  moitié  les 
délais  fixés  par  Cbateauvillard.  Pour- 
quoi. 

Voyez  notre  chap.  xxxix.  —  Taver- 
nier,  page  209. 

Suppression  d'une  augmentation  de 
délai  en  cas  de  blessure. 

Voyez  notre  chap.  xxxix.  —  Con- 
sulter également  le  chapitre  qui  est 
consacré  spécialement  au  duel  choisi 
et  où  la  question  du  délai  est  toijyours 
traitée  en  détail. 

Contra.  Chateauvillard,  chap.  vi. 


ONZIEME    POINT. 


Nombre  de  balles  à  échanger. 

Si  on  ne  convient  pas  que  le  duel 
continuera  jusqu'à  [ce  qu'un  des  ad- 
versaires Eoit  touché,  les  témoins  dé- 
cident combien  il  y  aura  de  balles 
échangées.  Cette  prérogative  n'appar- 
tient pas  à  l'offensé. 

Voyez  notre  chap.  xl. 


Tant  de  balles  seront  échangées. 


Coup  raté. 

Voyez  notre  chap.  xl. 
villard,  page  37,  art.  43. 


DOUZIEME    POINT. 


—  Château - 


Tout  coup  raté  sera  considéré  comme 
tiré. 


TREIZiéMB    POINT. 


Choix  des  pistolets. 

Le  droit  de  désigner  les  pistolets 
qui  serviront  au  duel  appartient  aux 
témoins,  excepté  s'il  y  a  voie  de  fait  ; 
alors  l'offensé  peut  exiger  que  chacun 
se  serve  des  siens. 

Voyez  notre  chap.  xli.  —  Cbateau- 
villard, page  35,  art.  4. 

La  condition  que  chaque  combattant 
apportera  sa.  paire  et  qu'on  tirera  au 


Les  témoins  achèteront  (ou  loueront) 
une  paire  de  pistolets  neufs,  absolu- 
ment inconnus  des  adversaires.  Elle 
sera  enfermée  dans  une  botte  scellée 
qui  ne  sera  ouverte  que  sur  le  terrain. 

(Ou  bien  :  si  les  adversaires  sont  ad- 
mis à  se  servir  de  leurs  armes.) 

Chaque  adversaire  a  présenté  une 
paire  de  pistolets,  qu'après  examen 
les  témoins  ont  déclarées  propres  au 
combat.  Elles  seront  enfermées  dans 


:  ..1^>  : 


576 


SIXIÈME  PARTIE. 


sort  doit  être  rejetée  comme  facili- 
tant la  fraude. 

Voyez  notre  cbap.  iLm^  page  238. 

Opérations  déloyales  dont  les  armes 
peuvent  ô(re  l'objet.  Manière  de  les 
éviter. 

Conditions  mises  au  choix  ou  à 
r acceptation  des  pistolets.  (Armes 
neuves,  inconnues  des  adversaires,  — 
guidon  fixe,  détente  de  dureté  égale, 
paires  choisies  enfermées  dans  une 
boite  scellée  qu'on  n'ouvre  que  sur  le 
terrain,  t  irage  au  £ort  de  chaque 
pistolet.) 

y  oyez  sur  ces  questions  nos  cbap. 

XL1,  XLII,  XLIII. 

Manière  d'atténuer  les  dangers  do 
la  rencontre. 
Voyez  notre  chap.  xliv. 


une  boîte  scellée  qui  ne  sera  ouverte 
que  sur  le  terrain. 


QUATORZIEME    POINT. 


Chargement. 

Par  un  chargeur  de  profession.  — 
Par  les  témoins.  —  Par  un  témoin 
désigné  par  le  sort.  —  Avant  la  ren- 
contre. —  Sur  le  terrain. 

Voyez  notre  chap.  xlv.  —  Chateau- 
teauvillard,  page  35,  art.  6. 


Le  chargement  a  été  opéré  avant  la 
rencontre. 

Ou  bien  : 
Sera    opéré  sur  le  terrain  par  un 
chargeur  de  profession  choisi  par  les 
témoins. . . 

Ou  bien  : 

Par  un  témoin  désigné  parle  sort, 
etc. 


QUINZIEME    POINT. 


Toilette. 

Voyez  notre  chap.  xlvi,  avec  les 
réfé  1  enccs  pour  les  autres  auteurs. 


Les  adversaires  se  battront  dans  tel 
costume.  (L'indiquer  clairement.) 


SEIZIEME     POINT. 


Choix  du  terrain.  —  Tirage  au  sort 
des  places. 

Il   est  indépendant  de   celui   des 
armes.  Voyez  notre  chap.  xlvii. 


Le  terrain  sera  choisi  par  les  quatre 
témoins  réunis.  Les  places  seront  tirées 
au  sort. 

Le  choix  du  terrain  sera  indépen- 
dant de  celui  des  armes. 


CONDITIONS  SPÉCIALES 
AUX  DIFFÉRENTES  ESPÈCES  DE  DUEL  AU  PISTOLET  ' 


DIX-SEPTIEME    POINT. 


Duel  au  visé  de  pied  ferme, 
à  tir  successif. 

On  trouvera  les  règles  de  ce  duel 
dans  notre  chap.  xlyiii,  et  dans  Gha- 
teauTiUard,  chap.  vi,  page  34. 

A  qui  revient  le  droit  de  tirer 
le  premier? 

A  Toffensé  en  cas  de  voie  de  fait 
et  d'offense  grave. 

11  est  tiré  au  sort  en  cas  d'offense 
simple. 

Yoyez  Ghateauvillard,  page  34,  art.8 
et  page  44S. 

Manière  dont  les  témoins  de  Tagres- 
seor  peuvent  rendre  illusoire  le  droit 
de  tirer  le  premier  accordé  à  Toffensé 
en  cas  d'offense  grave,  et  arriver 
par  on  moyen  détourné  au  tirage  au 
sort. 

Voyez  notre  chap.  xlvuu 


Duel  au  visé  à  volonté. 

Yoyez  notre  chap.  zlix.  —  Gba- 
teauvillard,  chap.  vi,  page  38. 


Le  droit  de  tirer  le  premier  appar- 
tiendra à  H.  0.  comme  ayant  essuyé 
une  voie  de  fait. 

(Dans  le  cas  contraire,  on  remplace 
par  :  Il  sera  tiré  au  sort.) 


Duel  au  visé  à  marcher. 

Yoyez  notre  chap.  l.  —  Ghateau- 
villard  chap.  vi,  page  39. 

1.  Yoyez  Ghateauvillard,  chapitre  vi,  et  observations  sur  le  dael  au  pistolet,  page  llOi 

37 


SIXIÈME  PABTIK. 


Duel   au  viiè  à   marche 
interrompue. 


Voj-ez  notre  cliap.  ii.  —  Clialeau- 
villard,  page  45, 


Dael  au  Hië  à  ligne  parallèle. 
Château villard,  cbap.  vi,  page  4'J. 


Voyez  noire  chap.  lui,  etCbateau- 
villard,  chap.  tt,  page  53. 


A  qui  apj'arlieni  le  droit  de  donner 

Aax  lémoins  de  l'etTensé  en  cas  de 
voie  de  fait.  En  cas  d'oflenge  grare  ou 
simple  il  est  lire  au  sort. 

VofezClialeauvJtlard,  pageSi,  art.S 
et  9.  —  Du  Verger,  page  388,  art.  6 
ei  7. 

Délai  dans  Iwjuel  le  signal  doit  ftre 
donné,  ibidem,  ibidem. 

Le  lémoin  do  l'otTetifé  avec  voie  de 
fdil  n'est  pas  lenu   d'avertir  du  délai 


clio 


ilnde?. 


Voyez  notre  chap.  llv,  el  Tavernier, 
page  S 15. 

A  qui  appartient  le  droit  de  donner 
le  commaiidemenl? 

Même  solution  que  pour  le  duel  au 
signal.  Voyezpage  S17. 

Délais  dans  lesquels  le  commdnde- 
menl  doit  Être  donné. 

Voyez  notre  ciiap.  uv,  et  Tavernier, 
page  2 1 7. 


)   SIgD! 


On  tirera  au  sort  par  qui  '. 
sera  donné. 

Ou  bien,  en  cas  de  voie  de  Taii 
M.  X...  est  désigne  pour  donner  I 
signal. 

Le  laps  de  temps  accordé  pou 
échanger  les  balles  est  do...  dans  l 
premier  cas  (si  les  témoins  do  l'offenst 
veulent  bien  le  f.iire  connaître]...  e 
de. ..  dans  le  second. 


Mémo  formule  que  pour  le  duel  pré- 
cédent, seulement  on  remplace  le  mol 
V  signale  parlemot  «  commandements . 


MODÈLES  DE  PROCÈS-VERBAUX. 


579 


Position  que  doit  occuper  le  pistolet 
avant  de  tirer. 

La  position  verticale  est  préférable 
à  la  position  le  boJt  tourné  vers  la 
terre.  Si  on  adopte  cette  dernière,  il 
estnécessaire  de  spécifier  à  quelle  dis- 
tance le  bout  du  pistolet  devra  étre^ 
éloigné  du  pied.  Voyez  notre  cbap. 
LX1V,  page  259. 


Avant  de  tirer,  les  adversaires  tien- 
dront le  pistolet  verlicalement. 


OIX-HOITIEME    POINT. 


On  terminera  par  l'indicatioi  du 
degré  de  gravité  que  devra  présenter 
la  blessure  pour  amener  la  cessation 
do  combat.  —  A  outrance.  —  Mise 
hors  de  combat.  —  Impossibilité  de 
continuer.  —  État  d'infériorité.  — 
Bael  au  premier  sang. 

Les  médecins  seront-ils  consultés  à 
litre  impératif  ou  comme  reoseigne- 
moDt? 

L'avis  conforme  des  médecins  et 
des  témoins  sera-t-il  nécessaire? 

Voyez  nos  chap.  xxii  et  xxxv. 


Le  combat  cessera  après  une  bles- 
sure. (Indiquer  le  degré  de  gravité  né- 
cessaire.) Les  médecins  seront  con- 
sultés à  titre... 


DIX-NBUVIEMB     POINT. 


Désignation  de  la  personne  appelée 
à  diriger  le  combat. 

Voyez  notre  chap.  xxvi. 


Les  témoins  ont  convenu  de  char- 
ger M.  X.  de  diriger  le  combat... 
Oa  bien  : 

M.  X.  a  été  désigné  par  le  sort 
pour  diriger  le  combat. 


VINGTIEME     POINT. 


Approbation  du  procès-verbal  par 
les  adversaires.  —  Signature. 

Voyez  notre  chap.  xxi. 


On  termine  ainsi  : 
Les  conditions  insérées  auditprocès- 
verbal  ont  été  lues  aux  adversaires  et 
agréées  par  eux.  (Suivent  leurs  signa- 
tures et  celles  des  quatre  témoins.) 


58a  SIXIÈME  PARTIE. 


Procès-verbal  après  la  rencontre. 

En  présence  des  témoins  soussignés  a  en  lieu  aujourd'hui,  à  ......  heure 

.......  minutes à (indiquer  le  lieu)  entre  MM 

(noms,  prénoms,  qualités)  un  duel  à (indiquer  l'arme),  conformément 

aux  conditions  préalablement  établies  dans  un  procès-verbal  en  date  du 

signé  et  approuvé  par  les  deux  parties,  toutes  les  tentatives  de  con- 
ciliation renouvelées  sur  le  lieu  du  comb  at  étant  demeurées  sans  résultat. 

Ainsi  quMl  avait  été  convenu,  M.  X***  a  pris  la  direction  du  duel. 

Le  duel  s'est  passé  de  la  manière  suivante 

(La  marche  du  duel  doit  être  racontée  briè  vement,  lorsqu'il  n'y  a  point  à 
mentionner  d'incident  particulier.  Dans  le  cas  contraire,  l'incident  doit  être 
exposé  aussi  exactement  que  possible,  surtout  lorsqu'une  irrégularité  ou  une 
violation  des  règles  du  duel  a  été  commise,  et  que  cette  irrégularité  ou  cette 
violation  entraîne  disqualification  ou  nécessité  d'une  intervention  de  Tautoiité 
judiciaire*}. 

En  foi  de  quoi 

Signature  des  témoins  : 
Les  témoins  de  M.  A***  Les  témoins  de  M.  0***. 


1.  Voyez  notre  chapitre  lvii. 


INDEX   BIBLIOGRAPHIQUE 


Ouvrages  sur  le  duel  publiés  en  France  depuis  le 

commencement  du  siècle. 

Almbbrt  («Vlfred).  —  Physiologie  du  duel,  in-8%  4867.  Paris,  Amyot. 

André  (Emile).  —  Le  jeu  de  l^épée.  Leçons  de  J.  Jacob,  rédigées  par 
£inile  André,  suivies  du  duel  au  sabre,  du  duel  au  pistolet  et  de  conseils  aux 
témoins,  in-S*»,  4887.  Paris,  Ollendorff. 

Anonyme.  —  Du  combat  singulier  eji  duel  (brochure),  in-4^  Caen,  4829. 

Anonyme.  —  Des  duels  et  suicides  du  bois  de  Boulogne.  Recueil  histo- 
rique par  unrôjeur,  t  vol.  in-IS,  4824.  Paris. 

Bâtai LLARD.  —  Du  duel  considéré  sous  le  rapport  de  la  morale,  de 
C histoire,  de  la  législation  et  de  l'opportunité  d'une  loi  répressive,  in-8®, 
4829. 

Beaumont  (Edouard  de).  —  L'Épée  et  les  /e;nmtf5^iD-8^  4882.  Paris, 
Librairie  des  bibliophiles. 

Beauvoir  (Roger  de).  —  Duels  et  duellistes,  in-42,  486&.  Paris,  Lévy 
frères. 

Bbgcaria.  —  Des  délits  et  des  peines,  4823.  Paris.  —  Le  chapitre  xxix 
a  pour  titre  :  Des  duels. 

Bbnoit-Ghampy  (Ch.).  —  Essai  sur  la  complicité,  in-8*»,  4862.  Paris.  — 
Le  chapitre  ii  de  la  troiâième  partie,  pages  98  et  suivantes,  a  rapport  au  duel. 

Bbrtauld  (A.),  —  Cours  de  droit  pénal,  4«  édition,  in-S**,  4873.  — 
Les  pages  546  et  suivantes  sont  relatives  au  duel. 

BiBBSCO  (G.).  —  Recueil.  Politique,  religion,  duel,  îd-8%  4888.  Paris. 

Biographie  universelle.  —  52  voL  in-8",  4844-4828.  Paris.  —  VoL  V, 
p,  402,  403.  -  VoL  XXIII,  p.  44  4 .  —  Vol  .X  LIX ,  p.  4  27, 404 .  -  Vol.  XLVUI, 
p.  22.  —  Vo).  XLIX,  p.  430  (Duel). 

Blanche.  —  Étude  sur  le  Code  pénal,  7  vol.  in-8<>,  4  864-4872.  Paris.  — 
Les  n*  472  à  566  sont  relatifs  au  duel. 

Blot  (Jacques-Antoine).  —  V École  de  l'escrime, suivie  du  code  du  duel, 
iii-12,  4875.  Paris.  —  Tarride,  nouvelle  édition  in-32,  4888.  Paris,  Marpon- 
Plammarioo. 


I 


iiSÎ  INDEX  BlBLIOaaAPHlQL'E. 

BoiTARD.  —  Uçtms  de  droit  criminel,  (3*  édiiion,  1890.  Parif,  - 
Les  D"  337  et  BuivBDls  sonl  reUlifa  au  duel . 

Cavciit  (Bugênc).  —  Du  duel  comUléré  dimt  se$  oHginei  et  dans  J'elol 
atluel  de  no*  mœurs,  2  vol.  iri-8°,  1846.  Paris,  ilingray.  —  NouvelW  édition 
en  1863.  Paris,  Guilkumia  et  C". 

CuATEAuviLLUio  (coinle  de).  —  Enni  si.  r  le  duel,  m--^°<  <836.  Pïr'' 
Bohaire. 

CuADvEAU  (Ad.)  el  FauBtin  Hèuk.  —  Théorie  du  Code  pèîxil,  6'  ^*" 
lion,  itiH'.  Paris.  —  Les  n"  de  Iii6  h  I38t  sont  relaliTsau  duel. 

Cluskrbt.  —  Proposition  de  loirolalÎTe  h  la  répressioD  du  dueL Chant  ^^ 
d6B  députée,  h'  ltïg.,sess.  ti<r.  1S89,  n"  131.  Annexée  au  procèa-verbal  d^^'' 
séSDCedu  3  d6c«mbre  48B9. 

CoLouBET  (Emile).  —  Histoire  anecdolique  du  duel  dans  tout  »" 
Irmps  ri  doia  lovs  les  //ays,  in-IS,  S.  d.  Paris,  Michel  Lévy. 

Dalloz.  —  Répertoire  de  jurisprudence  générale,  el  supplémeK>'> 
V  Duel. 

Decous  ob  La  PsTRiàBE.  —  De  In  léi/islalion  el  de  la  jurisprudence  ri 
ce  qui  concerne  le  duel,  ia-B',  (877, 

Duel  [Le).  ~  la-18,  186S.  Paris,  Lebigre-Duquesne. 

Duel  (te)  et  l'escrime.  —  Paris  illustré,  l'  du  1"  juin  1885. 

Le  Duet  el  les  duellistes.  —  In-IS,  Parb.  —  Ce  livre  Tait  partie  de  la 
Bibliothèque  des  eu  ri  obi  tés. 

DuFOUH  (Louis).  —  Répression  du  duel.  Recherche  du  meilleur  mods 
de  pénalité,  in-g°,  iBiO,  PuriF,  Duraod.  {E<i(rait  de  la  Rtvue  de  législa- 
tion et  df  jurispi'iidencv.) 

Faiï  CtJeorges).  —  Le  Duel,  di  Bsertalion  présentée  à  la  Faculté  de  droil, 
de  l'Académie  de  Genève,  in-8°,  1871.  Genève,  H.  Georg. 

FouCEtioux  DE  CuAUPiGNECLLEs.  —  Histoire  des  duels  anciens  et  mo- 
dernes, î  voL  Paris,  Tessier  el  CherbuUez,  1S35. 

Freppël  (M^'),  —  Proposilion  de  loi  relative  à  la  répression  du  duel. 
Ch.  des  dép.|  4'  législ.,  sess.  de  1888,  n"  Î96î.  Annexée  au  procès-verbal 
de  la  séance  du  16juill<?t  1888. 

Garkald.  —  Précis  de  droil  criminel,  in-8°.  Paris,  3«  édition.  —  Le 
n"1i8  eit  relatif  au  duel. 

Gbnaudet.  —  Élude  historique  et  léijislath-e  sur  le  duel,  \a-S',Mhi. 

Gbavb  (Théodore  de).  —  Les  Duellistes.  in-IS,  1868.  Paris,  Barba. 

—  Les  Drames  dr  l'épée,  in-l!,  1879.  Pari?,  Deniu. 
Grellet-Dumazeau.  —  Traité  de  la  di/famatiop,  de  l'injure  el  de  iou- 
trage,  2  vol.  in-8°,  1847. 

GaiFFE.  —  Rapport  sur  la  profosîtion  do  loi  Hérold,  relative  â  la  répres- 
sion du  duel.  Annales  du  Sénal.  Documeots  parlemenUires  Sess.  ord.,  1883, 
9  janvier,  4  aoill,  lome  VIJ[,  p.  ï8. 

Grisjeh  (Augustin).  —  tes  Armes  et  le  duel/m-%-.  1847.  Paris,  Garnier. 


INDEX  BIBLIOGRAPHIQUE.  583 

—  t«  édition,  grand  in-8S  1863.    Paris,  Dentu.  —  3«  édition,  in-8^  4864. 
Paris,  Dentu. 

HÉROLD.  —  Proposition  de  loi  relative  à  la  répression  du  duel.  Annales 
da  Sénat  et  de  la  Chambre  des  députés.  Sess.  extraordinaire  de  4  877,  tome  P', 
da  9  janvier  au  17  février  4877,  p.  482. 

La  Marche.  —  Traité  de  Vépée,  iQ-4S,  4884.  Paris^  Marpon-Flamma- 
rioo. 

Lapanousb  (M.-J.).  —  Le  Duel  jugé  au  tribunal  de  la  raison  et  de 
rhonneur,  in  8'',  4802.  Paris,  Munier. 

Laroussb  (Pierre).  —  Grand  dictionnaire  universel  du  XIX*  siècle.  Paris, 
Larousse  et  Boyer,  Y^  DueL 

Letbinturier-Fradiec.  —  Le  Duel  à  travers  les  âges,  4892.  Paris,  Mar- 
pon-Flammarion. 

LiviNGSTON.  —  Opinion  sur  le  duel  et  la  manière  de  le  réprimer,  in-8'', 
1829.  Paris. 

Mafpioli.  —  Dissertation  sur  le  duel  enseignée  aux  écoles  de  droit, 
in-8^  4822.  Paris. 

Martin  (Edmond).  —  Étude  Juridique  :  le  duel,  in-8^  4J877.  Paris,  Du- 
rand. 

Mendbz(T1i.-A.).  —  Essai  sur  le  duel,  in-8°,  4854.  Paiis,  Appert  et 
Vavasseur. 

Mirabbl-Chambauo.  -^Questions  de  duel,  in-8°,  4839.  Paris. 

HoLiKiBR  (Joseph- Victor).  —  Du  duel.  Examen  du  dernier  projet  de  loi 
sur  le  duel,  in-8^  4864.  Toulouse,  Bonnal  et  Gibrac. 

MoRiN  (Ach.).  —  Répertoire  de  droit  criminel,  tome  I**j  p.  780, 
V«  DueL  2  vol.  in-8%  4  854 . 

Nougarboe  de  Fatet.  —  Du  duel  sous  le  rapport  de  la  législation  et 
des  mœurs,  in-8^  4838.  Paris,  Gapelle. 

Panobctbs  françaises.  —  Revue  de  législation  et  de  jurisprudence  en 
cours  de  publication,  Y^  DueL 

PÉRBT.  —  De  la  réforme  du  Code  pénal,  4889.  —  Les  pages  48  et  sui- 
vantes sont  relatives  au  duel. 

PiNET.  —  Du  duel  en  jurisprudence  et  en  législation,  in-4  2*'^  4  849. 

Prévost  (G.)  et  Jollivet  (G.).  —  VEscrimeet  le  duel,  in-8*»,  4894.  Paris, 
Hachette. 

Pujos  (Maurice).  —  Essai  sur  la  répression  du  duel,  in-18, 4861.  Paris, 
Dupré  de  La  Mahérie. 

Rauter.  —  Droit  criminel  français,  2  vol.  in-8°,  4836.  —  Le  n^  444, 
tome  II,  est  relatif  au  duel. 

Robaglia  (le  capitaine).  •—  L* Escrime  et  le  duel,  in-12,  4884.  Paris, 
Dejey.  —  2*  édition,  in- 8°,  4890.  Paris,  Kolb. 

Saillbt  (de)  (Alexandre).  —  Histoire  des  duels  célèbres,  tome  I**,  in  8% 
4857.  Paris,  Ghabot-FonteDay. 


eSi  INDEX   BIBLrOGRAPHIQDE. 

Sti^fT-TiidHAS  (comte  Charles  Du  Verger  de).  — Nouveau  code  du  duel  . 
Hittolre.  Li'giilaHon.  Droit  contemporatTi,  io-IS,  1979.  Paris,  Denlu. 
—  V  édition,  1887. 

Savarin  (Brillât  db).  —  Etsai  iur  te  duel,  (819. 

SknemaM)  (P.).  —  Élude  tiir  h  duel,  in-8°,  1873.  Poitiers.  Dupté. 

SoiiÉ  (Em,).  —  Le  Mol  de  la  lin  sur  te  duel.  Les  gens  de  plume  et  1rs 
gens  d'^pëe,  in-S",  1867.  Paris,  Ach.  Faure. 

Taversier  (Adolphe).  —  L'Art  du  duel,  in-IS,  1886.  Paris,  Uarpon- 
FlammarioD.  —  2*  édition,  1S88. 

TniMM  ;Carl-A,j.  —  Uibliographie  comptèle  de  l'escrime  antienne  et 
moderne.  Duel,  elc,  in-1S,  1890.LondreF,  FraniThimm  et  C'*.—  Paris,  Pisch- 
bacher. 

Thomas  (l'abbé  Alexandre].  —  le  Duel,  l'Église  catholique  et  l'Armée, 
in-S",  1869.  Versailles,  Beau.  —  i'  édilion.  Librairie  de  la  Socié lé  bibliogra- 
phique. 

Vaissb  (Jean-Louis).  —  Messie  el  jaumnlUte.  Polémique  pbilosopbico- 
polilique  i?l  morale  :  le  duel,  iii-»<",  1871.  Toulouee,  Gimet. 

Vale tte.  —  Rapport  sur  le  duel  inséré  dans  la  Rnue  de  législation  et 
de  jurisprudence,  ISïiT,  tome  XI,  p.  4j,  et  tome  XII,  1858.  pages  37etsuiv. 

VallÉb  (Henry).  —  Le  Duel,  ses  lois,  ses  règles,  son  histoire,  in-IS, 
1877.  Paris,  Derodon.  —  1'  édilion,  ir-S",  1888;  Paris.  Derius  etDreyfoos. 

Vie  \la]  sportive  en  iS7i.  —  le  Tir  au  pistolet.  —  Galerie  des  tireurs 
célèbres.  --  Le  Duel,  in-18, 1874.  Paiis. 

Vai:x  (le  baron  Ludovic  de;.  —  Les  Hommes  d'épée,  iû-8°.  1881.  Paris, 
Bouveyre.  —  Les  Tireurs  nu  pistolet,  ic-8'',  188S.  Paris,  MarpOD-Flamma- 
rion.  —  Les  Duels  célèbres,  grand  in-S",  1881.  Paris,  Bouvejre. 

ViCEANT  (F.).  —  Duels  de  maîtres  d'armes,  petit  in-i".  Paris,  CoQqucl. 

WoRUS.  —  Les  Alleitlats  à  l'honneur,  diffamation,  injures,  outrages, 
adultères,  duels, e\c.,  in-8°,  1890,  Paris,  Perrin. 


TABLE   DES  CHAPITRES 


AYB1TIS8IMBNT, 


PREMIÈRE  PARTIE 


Cbapitie  I'^. 

—  IL 

—  III. 

—  IV. 

—  V. 

—  VI. 

—  VIL 

—  VIIL 

—  IX. 

—  X. 

—  XL 


XIL 

XIIL 
XIV. 
XV. 

XVL 


XVIL 
XVIII, 


—  Législalion  da  point  d'honneur.  —  But.  — 

Utilité.  —  Code  de  Ghaleauvillard  ....        4 

—  Des  offenses  en  général 9 

—  De  la  valear  et  du  classement  des  offenses.   .      43 

—  De  Toffense  étudiée  dans  sa  nature 44 

—  De  l'offense  au  point  de  vue  des  circonstances 

quila  modifient 30 

—  De  la  nature  des  armes 41 

—  Privilèges  de  l'offensé 46 

—  Détermination  de  la  personne  offensée.  ...      52 

—  Une  seule  réparation  pour  une  même  offense.      66 

—  Personnalité  des  offenses.  —  Substitutions  .      73 

—  Responsabilité  des  parents,  des  protecteurs  de 

la  femme,  des  journalistes,  des  maîtres, 
commettants,  supérieurs  hériarcbiques, 
mandants,  des  avocats  et  de  leurs  clients.      85 

—  Incapacités.  —  Avec  quelles  personnes  un 

duel  n'est  pas  admissible 405 

—  Des  témoins.  —  Qualités  d'un  bon  témoin.  .    4  28 

—  Empêchements  au  rôle  de  témoins 4  30 

—  Engagement  de  l'affaire.  —  Constitution  de 

témoins 432 

—  Rôle  des  adversaires  et  des  témoins  à  partir 

du  moment  où  l'affaire  est  engagée  jus- 
qu'à la  première  rencontre  de  ces  der- 
niers   435 

—  Rôle  des  témoins  une  fois  constitués.  —  Instruc- 

tion de  l'affaire.  —  Constatation  des  faits.    440 

—  Solutions  données  à  l'affaire  après  la  consta- 

tation des  faits 443 


586  TABLE  DES  CHAPITRES. 

Chapitre    XIX.        —  Arbitrage.  —  Jury  d'honneur 448 

—  XX.  —  Mandat  des  témoins.  —  Sa  nature.  —  Récu- 

sation. —  Démission. 452 

—  XXI.        —  Procès-verbal  de  rencontre.  —  Son  utilité.  — 

Conditions  qu'il  doit  renfermer 456 

—  XXIL      —  Stipulations  communes  à  tous  les  duels.   .   .     458 


Conditions  spéciales  au  duel  à  l'épée. 

Chapitre  XXIIL         —  Choix  des  épéeç 468 

—  XXIV.         —  Choix  du  terrain.  —  Mesure  du  champ.  — 

Tirage  au  sort  des  places 472 

—  XXV.  —  Toilette.  —  Visite.  —  Gants 474 

—  XXVI.         —  Le  directeur  du  combat 477 

—  XXVII.       —  Les  adversaires  pendant  le  combat.  ...  482 

—  XXVI H.      —  Usage  de  la  main  qui  ne  manie  psi3  Tépée.  483 

—  XXXIX.     —  Les  reprises  et  les  repos 487 

—  XXX.  —  L'acculoment 190 

—  XXXI.         —  Le  corps  à  corps 194 

—  XXXII.       —  Le  désarmement 493 

—  XXXIII.      —  Le  bris  et  le  faussement  d'épée 494 

—  XXXIV.      —  La  chute 495 

—  XXXV.        —La  blessure 497 

—  XXXVI.      —  Devoirs  des  témoins  et  des   adversaires 

dans  les  cas  prévus  chapitres  xxvni  et 

suivants 499 


Chapitre 

XXXVII. 

XXXVIII. 

— 

XXXIX. 

— 

XL. 

XLF. 

_^ 

XLIl. 

Conditions  spéciales  au  duel  au  pistolet. 

—  Choix  du  duel iOt 

—  Choix  des  distances 24  4 

—  Détermination  du  délai  pour  tirer  ....  245 

—  Coup  raté.  —  Coup  tiré  eu  l'air 223 

—  Choix  des  pistolets 228 

—  Conditions  mises  au  choix  et  à  l'acceptation 

des  pistolets 229 

—  XLIII.  —  Opérations  déloyales    dont    les   pistolets 

peuvent  être  l'objet 233 

—  XLIV.  —  Manière  d'atténuer  les  dangers  de  la  ren- 

contre   242 

—  XLV.  —  Chargemonl 244 

—  XLVI.  —  Toilette.  —  Visile 245 

—  XL VII.        —  Choix  du  terrain.  —Tirage  au  sort  des 

places 246 


TABLE  DES  CHAPITRES. 


587 


Chapitre  XLVIII.  —  Duel  au  visé  de  pied  ferme  à  tir  successif.  247 

—  •  •    XLIX.  —  Duel  au  visé  de  pied  fermeà  volonté.   .   .  262 

—  L.  —  Duel  au  visé  à  marcher 253 

—  L I.  —  Duel  au  visé  à  marche  interrompue  .   .   .  255 

—  *        LU.  —  Duel  au  visé  à  ligne  parallèle 256 

—  LIIL  —  Duel  au  signal 256 

—  LIV.  ^  Duel  au  commandement 259 

Conditions  spéciales  au  duel  au  sabre. 

Chapitre  LV.  —  Duel  au  sabre 265 


—  LVL 

—  LVH. 

—  LVIIL 


—  Violation  des  règles  du  duel.  —  Provoca- 

tions à  la  suite  et  à  cause  du  duel.  .  265 

—  Procès-verbal  après  la  rencontre  ....  270 

—  Duels  exceptionnels 274 


DEUXIÈME  PARTIE. 
Responsabilité  pénale  des  témoins  et  des  adversaires. 


Chapitre  LIX. 


LX. 


LXI. 

LXIL 
LXIIL 


LXIV. 

•       . 

LXV. 

LXVI. 

L-XVIL 


Provocation  en  duel  entre  personnes  non 

revêtues  d'un  caractère  public  ...      278 

Provocation  en  d\)el  aux  personnes  revê- 
tues d'un  caractère  public 279 

Procès- verbal  constatant  qu'une  per- 
sonne revêtue  d'un  caractère  public  a 
refusé  de  se  battre 283 

Influence  de  la  perpétration  et  de  la  pu- 
blicité sur  la  juridiction  compétente.      289 

Provocat  on  entre  militaires  de  grades 
tn^^at^  dans  l'armée  de  terre.  —  Ar- 
mée active.  —  Réserve.  —  Armée  ter- 
ritoriale.  —  Adversaires.  — Témoins. 
Cassation.  —  Non-activité.  —  Ré- 
forme. —  Plainte,  —  Jury  d'honneur.      291 

Provocation  entre  militaires  de  grades  iné- 
gaux. (Armée  de  mer.) 346 

Conséquences  pénales  du  duel  entre  indi- 
vidus non  militaires 348 

Conséquences  pénales  du  duel  entre  mili- 
taires       326 

Conséquences  pénales  du  duel  relative- 
ment aux  témoins 327 


TABLE  DES  CHAPITRES. 


Chapitre    LXVIII. 


LXXII. 
LXXllI. 
LXXIV. 


-  Exercice  de  l'aciioD  publique  dans  l'inté- 

rieur  du  terriloire 3^^^ 

■  Situation  faite  par  Ja  toi  française  aux  com- 

baltsnifi  et  aux  lémoins,  lorsque  le  duel 

a  eu  lieu  à  l'élranger 3^  ■ 

-  Conditions  mises  à  la  poursuite  des  adver- 

saires et  des  témoins, lorsque  le  duel  a 
eu  lieu  à  l'élranger  et  que  le  fait  dont 
ils  sont  inculpés  est  qualifié  crime.  .       33-* 

■  Conditions  mises  à  la  poursuite  des  adver- 

saires et  des  icmoins, lorsque  le  duela 
eu  lieu  à  l'étranger  et  que  le  fait  dont 
ils  sont  inculpés  est  qualiGé  délil.   .       33!:^ 

-  OxtinctioD  de  l'action  publique  .....       34'?' 

-  Eïtradiiion 34» 

-  Moyens  que  les  adversaires  et  les  témoins 

peuvent  tenter  pour  échapper  à  la 
sanction  do  la  loi  pénale 35i 


^TROISIÈME  PARTIE. 
Responsabilité  civile  des  adversaires  et  des  témoins. 


piTHB  LXXV.  —  Élémentsdola  responsabilité  civile.  —  Con- 
ditions relatives  au  dommage  soul- 
fert.  —  Aqui  appartient  l'action  enres- 
ponsabilité  civile?  —  Pereon  nés  contre 
lesquelles  elle  peut  être  intentée.   .   .       36t 

—  LXXV!.'    —   Modes  d'obligation  des  personnes  respon- 

sables. —  Solidarité.  —Exécution  des 
con  dam  nations  sur  les  biens  et  sur  la 
personne 364 

—  LXXVII.     —  Gompéience.  —  Action  civile  portée  de- 

vant les  tribunaux  de  répression.  — 
Devant  les  tribunaux  civils.  —  Preuve.      3G6 

—  LXXVIH.    —  Extinction  de  l'action  civile.  —  Renon- 

ciation. —  Transaction.  —  Désiste- 
ment. —  Prescription 369 

—  LXXJX.      —  Moyens  que  les  adversaires  peuvent  tenter, 

ainsi  que  les  témoins,  pour  éviter 
l'action  en  responsabilité  civile.   .   .      37i 


TABLE  DES  CHAPITRES.  589  ,^: 

'..  - 1" 

■A 

.  -fi 

QUATRIÈME    PARTIE.  Iv^ 

Responsabilité  religieuse. 


Chapitre    LXXX.       —  Église  catholique.  —  Église  protestante.  .      377 


CINQUIÈME  PARTIE. 
Le  duel  en   pays   étranger. 

CbapitreLXXXI.    —  Règles  du  dael  en  Allemagne,  en  Autriche, 

en  Italie,  en  Ëspagoe 384 

—         LXXXII.  —  Textes  des  lois  qui  répriment  le  duel  danâ  qua- 
rante-huit États  ou  cantons  de  l'Europe.      403 


SIXIÈME  PARTIE. 

Appendice.  —  Pièces  justificatives 441 

RÉSUMÉ 509 

Modèles  de    procès-verbaux  avant  et  après  la  ren- 
contre   362 

Index  bibliographique 581 


'^«1 


*\ 


-■?i 


r 


1 
■J 


,s 


«1 


à 


TABLE    DES    AFFAIRES 


RAPPOETÉES  DANS  L'APPENDICE. 


I 


N->.  CAapilm 

I.  AfTairo  Laur-Thomson IV. 

i.  LettrominislârielleiDlerdisaDt  l'emplui  du  Heu rel  dans  les 

duels  militaires.  .   .  VI  et  LXVI. 

3.  Affaire  do  M*"-de  La  P*" VII. 

4,  Affaires  Fioqnot-Boulanger ;  Clômenceau-Déroulède;  Cle- 

menceau-Mil!  evoye VIII. 

5    Affaire  Ritter-Appleloa VIII. 

6.  Affaira  des  I*"  et  J'"-M— VQI. 

-.  Affaire  Gèromo-Steveus  .   .' VIII. 

M.  Affaire  Armand  Carrel-Ëmile  de  Girardln IX. 

9.  Affaire  X...-Perrior IX. 

10.  Affaire  de  Pène-Courtiels-Hyène IX. 

H.  Affaire  Crestin-Caialot .  (X. 

i%.  Affaires   P  elletier-Tra  verso  ;   Bonaparte  Wyse-de  Solms- 

E.  Lepelleticr .  X. 

13.  Exemple  tiré  du  Maiire  île  forges XI. 

14.  Affaires    Maret-Andrieui;    J.    LafiUo-comte   de    Dion; 

J.  LaûUe-AlberlWolf XI. 

15.  Affaires  de  Broglie-de  Trédern  ;  Lissagaray-P.  de  Cassa- 

gnac;  duc  de  iMontpetisier-Infant  de  Bourbon  .   .    .  XII, 

16.  Affaire  GrodeUPortalis XII. 

17.  Affaire  du  capitaine  desH*"  et  de  l'ei-lieutenant  F"*  ,  XII. 

18.  Affaire  de  M"Me  La  P*' XII. 

19.  Affaire  de  B'^'-Paul  F"*.  —  Affaire  Judet-Clémenceau- 

Uaujan-PicboD XII. 

ÎO.  Affaires  Rochefort  Cls-L***  ;  V***-Arltiur  Meyer;  Haut  de 

Uissus-comte  de  Delva XI  et  XII. 


TABLE  DES  AFFAIRES.  691 

H.  Affaires  Sevestre-Félix  Pyat;  Bonaparte  Wyse-Edmond 

Lepelletier  . XIl. 

!!.  Aftireades  l***-J"'-H*'*i  Ledal-Maû-roy XII. 

SI.  Affaire  Dupais-Haberl XIII, 

ii,  Affiiire  Desraes-Clovis  Hugues XIV. 

ft.  Affaire  do  Pène-Courliels-Hyène.   '.'...' XIV. 

Î6.  Affaire  Dupuis-Haberl XIV, 

ï7.  Affaire  Luilier  BoiroQ XV. 

i8,  Affaire  Naquol-Mon vielle XVI. 

59.  Affaire  b"'-J"» XVI. 

30.  Affaire  do  Sirémes-de  Loucelles ,  XVI. 

31.  Affaire  Pierre  Bonaparle-Viclor  Noir XVI. 

.rt.  Affaire  JJkliûrd-JeJHassaâ '. XVI. 

23.  Affaire  Itoziez-de  M*** XVI. 

34.  Affaire  Ritlyr-Aiijilelon XVI. 

35.  Affaire  Lo\  asseur-Ardghi XVI. 

36.  Affaire  Ollivier-Feuilherade XVII. 

37.  Affaire  Betz-PierotU XVU. 

38.  Affaire  de  Marseul-Daudier '. XVII. 

39.  Affaire  tteinacli-Ilocliefort '. XVIII. 

40.  Affaire  Dapuis-llabert XVIII. 

il.  Af&ire  BaroD-Pesson XVIII. 

il.  Affaire  DuifULs-IIabert .'..'.■ XVIII. 

43.  Entre  élèves  à  Saumnr XVIII. 

ii.  Affaire  Hoclieforl-Dreyfus .' XVIII. 

iS.  A^ire  JMaurel-Clâmenceau XlX. 

46.  Affaire  de  Calonne-FiorentinO'Acbard XIX. 

47.  Affaire  Ro***-Re'" XlX. 

48.  Affaire  Be»**-Ce'** XX. 

i9.  Affaire  B'»'-D*»*,  à  Grenoble XX. 

60.  Affaire  Grandin-Durand XX. 

61.  Affaire  Cliapuis-Dsckeirel-Naquel-Mofl vielle XXI, 

63.  Affaire  OJyssR-Barrot-Jeckor XXI. 

63.  Affaire  Lemerle-de  Hosny XXI. 

6i.  Affaire  B***-Meuaier-Ve8C0t XXII. 

66.  AOïiire  Dicbard-de  Uassas XXII. 

56.  A&ire  Dujarrier-de  Beauralloa XXJI. 

67.  Aff^re  A'^-d.  V»** XXJI. 

68.  Affaire  S'**-M" XXJl. 


B»  TABLE  DES  AFFAIRES. 

N«.  Cbapltret. 

59.  Affeîro  Drumont-Ueyer XXII. 

60,  Affaire  Niquet-MonTiells XXII. 

m.  Affaire  Uvertujon-B*»' XXII, 

lit.  AlTaire  do  Uriqueville-doc  de  Dalmatie.  ■  .   . XXII. 

es.  Al^ro  BeU-PwroIli XXU. 

tit.  Affaire  Urumont-Meyor XXII. 

65.  \!tÛTO  Naquol-Monvielle XXlll. 

66.  Affaire  Ollivior-Feuilherade XXIII. 

67.  Ailiiîrc  Uichard-do  Massas XXIV. 

68.  Affiûre  C"*-!"" XXIV. 

fi9.  Ail'ftiro  Dfumonl-Moyer XXIV. 

70.  Affaire  iliins  un  atelier XXV. 

1{.  Affaire  OlUvior-Feuilberade XXV. 

71.  Affaire  Naquot-Monvielie XXVII. 

73.  AI11iirt>CliBpui&-D©ckeirel ,  .  XXVIII. 

7i.  Affaire  Uarzoïu-Moréas XXVIU. 

75.  Affaire  Ollivicr-Fwiilherade XXIX. 

76.  Affaire  Pons-San-Matato XXX. 

77.  Affuiro  nrumonl-Meyar XXXI. 

78.  Affaire  Pierre  Bonaparte-duc  de  Bovïgo XXXll. 

79.  Affaire  OUivier-Feuilherade XXXIII. 

SO.  Affaire  Belz-PieroUi XXXV. 

81.  Affaire  Slermeii-de  Labruyère XXXVI. 

8i.  Affaire  Cosle-Benolt XXXIX. 

83.  Affaire  Maiard-de  Monlbron XXXIX. 

84.  Affaire  Reinach-Déroulède XL, 

85.  Affaires  Chanibellan-BouchardoD  ;  La  Brnnen&-<le  Romans; 

Ferrer-Abiet;  Mazard-de  Montbron XL. 

86.  Affaire  La  guerre- Dé  roulède XL. 

87.  Affaire  Uira-Dovalle XL. 

88.  Affaire  Dujarrier-de  Beauvallon XLIII. 

89.  Affaire  Leir.erle-de  M*" XLIU. 

90.  Affaires  d'Ornano-BonnetiLaisanl-de  La  Hochette \LV1. 

9).  Affaire  Lovasseur-Arrighi ■ XLVUI. 

9i.  Affaire  de  T'"-P"* XLVUI. 

93.  Affaire  Dreyfus-de  Mores - XLVIII. 

94.  Affaire  Dujarrier'de  Beauvallon L. 

95.  Affaire  Rilter-Appleton LUI. 

96.  Affaira  Naquet-MonTiollo LVI. 


TABLE  DES  AFFAIRES.  593 

N»».  Chapitre*. 

97.  Affaires  Mermeiz-de  Labruyère  ;  Mermeix-Castelin  ;  Menneix- 

Lepelletier;  Mermeix-Millevoye LVI. 

98.  Affaire  Naquet-Monvielle LVI. 

99.  Affaire  T***-R*** LVU. 

400.  Affaire  Mermeix-de  Labruyère LVII. 

401.  Affaire  Drumont-Meyer LVII. 

402.  Affaire  Dujarrier-de  Beau  vallon LVII. 

403.  Affaire  Darzens-Moréas LVII. 

404.  Ordre  du  jour  du  ministre  de  la  guerre,  44  juin  4835  ....  LXIII. 

405.  Ordre  du  jour  du  ministre  de  la  guerre,  3  février  4838.   .    .    .  LXIII. 

406.  Tribunal   fédéral;   audience   du   27   août  4883.   —   Affaire 

Lennig LXXBI. 

407.  Affaire  du  lieutenant  Wernert LXXIV. 

408.  Affaire  T***-R»** LXXIV. 

409.  Affaire  Rochefort-Isaac LXXIV. 

440.  Affaire  Marchis-Duchassin LXXIV. 

444.  Affaire  Laguerre-Déroulède LXXIV. 

442.  Affaire  Déroulède-Clémenceau UV. 

443.  Affaire  Servan-Gietsch LXXXI. 

444.  Affaire  Barbier-Mont-Louis XXIf. 

445.  Affaire  Drumont-Casimir-Perier-Thomeguex X. 


.38' 


.  4 


•7.i 


Paris.  —  May  et  Motteroz,  Lib.-Imp.  réanies 
7,  rue  S&iDt-Benolt 


^  '  < * ï  .■*♦■"■"*■  èC.   »  ' 


i'Hii-.        May  et  Moirriio;.  Ijli.-lin|).  réunies 
7,  rue  Shini-BcDoit 


t