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LA SCIENCE
DU
POINT D'HONNEUR
COMMENTAIRE RAISONNÉ
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L'OFFENSE — LE DUEL
SES USAGES ET SA LÉGISLATION EN EUROPE
LA RESPONSABILITÉ CIVILE, PÉNALE, RELIGIEUSE
DES ADVERSAIRES ET DES TÉMOINS
AVEC PIÈCES JUSTIFICATIVES
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THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY
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ASTOR, LENCX AND
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AVERTISSEMENT
DONT LA LECTURE EST INDISPENSABLE
A l'intelligence DE l'OUYRAGE
Ayant de commencer une entreprise, on doit l'examiner sous
tontes ses faces, de manière à en connaître les difficultés, à en pré-
voir les suites, à posséder, en un mol, une ligne de conduite bien
définie.
Ce n'est pas ainsi qu'agissent habituellement les individus qui
veulent s'adresser à la juridiction du point d'honneur pour vider
un différend, et ceux dont ils réclament l'assistance.
Demande, promesse, refus ont lieu sous l'impression du mo-
ment, presque à l'aveugle.
Aussi quelles blessures d'amour-propre ils ont à souffrir lorsque
leurs actes sont jetés au crible de l'opinion et minutieusement
épluchés I
Quelle responsabilité, si la justice, intervenant à son tour, éta-
blit leur bilan et règle leur compte!
Les avertir des périls et de la responsabilité qui accompagnent
cette échéance, et parla notion exacte qu'ils en auront leur inspirer
une crainte salutaire, tel est le but que nous nous sommes proposé
en écrivant l'ouvrage que nous publions aujourd'hui.
Il est divisé en six parties, qui correspondent aux différents
aspects sous lesquels peut être envisagé le rôle que les adversaires
et les témoins auront à remplir dans le drame qui va se jouer.
La r° partie traite des offenses et des usages du duel. — Les
témoins y trouveront clairement indiquées les règles qui leur per-
mettront de donner aux offenses la valeur qui leur est propre, de
déterminer la personne offensée et l'étendue de ses privilèges, de
stipuler les conditions équitables d'un arrangement ou d'une ren-
contre, de les faire exécuter loyalement et, pour tout résumer, de
* ^.-1
11 AVERTISSEMENT.
remplir le mandat qu'on leur a confié avec une indiscutable correc-
tion.
Une méthode uniforme basée sur la substitution de la coutume
écrite, représentée par Chateauvillard et ses collaborateurs, A la tra-
dition orale et aux consultations individuelles, nous a servi de
guide, et communique à notre travail une autorité particulière.
Grâce à cette méthode el aux références dont nous nous sommes
étayé chaque fois que nous avons traité une question controversée,
des témoins, même inexpérimentés, pourront discuter à armes
égales avec des collègues peu scrupuleux, mais ferrés sur la matière,
et ne pas être leurs dupes.
Le chapitre F est consacré à cette exposition.
Sa lecture attentive éclaire le labyrinthe, obscur sans cela, des
cinquante-sept autres, en montre l'enchaînement et permet, à qui
n'efTraye pas Taridité du sujet, d'en tirer un bénéfice immédiat,
qu'il ne saurait obtenir en les parcourant au gré de son caprice ou
au hasard de ses besoins.
La 2'' PARTIE traite de la responsabilité pénale. — Il ne suffit
pas que les adversaires et les témoins sachent vider correctement
une aflaire d'honneur, il faut en outre qu'ils connaissent la sanc-
tion dont ils sont passibles après le dénouement.
Ils jugent alors avec connaissance de cause si cette sanction est
de nature à les faire reculer, ou s'ils doivent passer outre.
Les seize chapitres que nous avons consacrés à la responsabilité
pénale leur permettront, dans ce dernier cas, de combiner les
moyens propres à atténuer le châtiment qui les menace, s'ils ne
parviennent pas à l'éviter tout à fait.
La 3® PARTIE traite de la responsabilité civile, qui, sous le nom
de frais, amendes et dommages et intérêts, vise la bourse des
mêmes personnes.
Cette question dont elles ne se préoccupent guère habituelle-
ment, et qui, dans la somme des prévisions désagréables qu'un duel
peut motiver, forme dans certains cas la colonne la mieux remplie,
faitTobjet de cinq autres chapitres.
La 4* PARTIE traite de la responsabilité religieuse, c'est-à-dire
des pénalités dont l'Église catholique et TÉglise réformée frappent
ceux qui ont participé au duel.
Nous ne pouvions les omettre, car, à notre époque si peu
AVERTISSEMENT. m
croyante, il se rencontre encore des gens qu'aucune considération
matérielle ne saurait toucher lorsque l'honneur est en jeu, et pour
lesquels les censures ecclésiastiques constituent un obstacle infran-
chissable.
La 5* PARTIE traite du duel à Vétranger, au double point de vue
de ses usages et de sa répression en Europe.
Il est nécessaire, en efTet, que le Français voyageant à l'étran-
ger, soumis, par conséquent, à des lois et à des usages qui ne sont
pas les siens, connaisse exactement les droits qu'ils lui confèrent,
les devoirs qu'ils lui imposent, de manière à les invoquer ou à les
discuter suivant ses besoins, et à tirer le meilleur parti de la situa-
tion qui lui est faite.
Deux chapitres sont consacrés à cette importante question.
Sous le titre d'AppENDicE, la 6® partie contient les pièces justifi-
catives.
C'est la partie anecdotique du livre, s'il est pernais d'appliquer
cette épithète à la discussion théorique des affaires qui nous ont
paru de nature à éclairer, par des exemples tangibles et vrais,
certaines questions obscures ou difficilement assimilables.
Ces exemples sont tirés de la Gazette des Tribunaux, de
V Annuaire du duely ou de procès-verbaux publiés dansiez journaux
et ne portent que sur des faits tombés dans le domaine public.
Ils ne sauraient donc exciter une curiosité maligne et nuire
aux personnes citées, que nous ne connaissons pas et dont nous
avons caché les noms sous des initiales, toutes les fois qu'une
divulgation complète nous a paru susceptible de leur être préjudi-
ciable.
Un résumé, contenant Texposition succincte des matières trai-
tées dans notre ouvrage, facilite les recherches.
Nous terminons le volume par un Index bibliographique et un
modèle de procès-verbaux avant et après la rencontre.
Est-il besoin d'insister sur Tutilité que ces modèles, et spécia-
lement le premier, offrent aux témoins?
Voici, en quelques mots, la manière de s'en servir :
Chaque page est divisée en deux colonnes.
Dans la colonne de gauche se trouve rénumération des ques-
tions qui doivent être examinées avant le duel, et, à la suite de cha-
cune, l'indication du chapitre qui s'y rapporte dans notre ouvrage
PREMIÈRE PARTIE
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL
CHAPITRE PREMIER
Législation du point d'honneur
SON BUT, SON UTILITÉ
CODE DE CHATEAUVILLARD
On entend par Législation du point d'honneur l'ensemble des
règles qui déterminent d'une manière obligatoire les droits, les
deYoirs et, partant, la conduite des individus engagés à un titre
quelconque dans une aiFaire d'honneur.
La législation du point d'honneur a pour but de suppléer au
silence ou à l'insufAsance de la loi ordinaire et de remédier à son
impuissance.
Au Silence : car la loi n'accorde aucune satisfaction pour un
certain nombre d'offenses ;
A VInsuffisance : car elle n'accorde que des réparations déri-
soires pour certaines autres ^ ;
A son Impuissance : car il existe des griefs pour lesquels les
atteintes à l'bonneur sont de nature tellement subtile qu'elles
échappent aux qualifications légales, et qui correspondent à un
sentiment si délicat qu'elles ont tout à perdre aux controverses pu-
bliques et aux luttes du barreau.
Aux offenses qui ne reçoivent point de réparation ou qui ne
reçoivent que des réparations insuffisantes, aux griefs qui ne ressor-
tissent d'aucun tribunal, la législation du point d'honneur accorde
le seul juge qui reste, « soi-même ».
1. Comparez, page 398 : Pourquoi le duel n'existe plus en Angleterre? Comment
le supprimer en France?
1
;i
% PREMIÈRE PARTIE.
On Yoit que le droit de se faire justice à soi-même est substitué,
par elle, au principe diamétralement opposé qui sert de base à nos
lois civiles et pénales.
Il en résulte un antagonisme qui semble devoir leur interdire
tout autre contact que celui qui natt de la lutte que la première
soutient contre les deux autres.
Cette proposition n'est cependant pas aussi absolue qu'elle en
a l'air. Des exemples récents montrent que les tribunaux, pendant
les débats et quand ils prononcent leurs jugements, s'inquiètent
de savoir si les règles adoptées [eu matière de duel ont été suivies
dans les affaires qui leur sont soumises ^
Si nous parcourons les débats de ces trois affaires, nous voyons
le président adresser de nombreuses questions relativement au corps
à corps, au cboix du terrain, à l'emploi de la main gauche, au
poids des épées, aux devoirs des adversaires et des témoins, etc. ; le
ministère public requérir une sanction d'autant plus rigoureuse que
les prescriptions de la législation du point d'honneur afférentes aux
cas précités avaient été moins religieusement observées, et le juge-
ment en subir le reflet.
Il n'est donc pas vrai de dire, comme on le fait souvent, que la
correction ou l'incorrection de la rencontre, ne modifie ni la valeur
de l'acte incriminé, ni la proportion du châtiment, et que, par con-
séquent, les magistrats et les jurés n'ont pas intérêt à connaître les
règles du point d'honneur.
Leur ignorance souvent voulue est au contraire préjudiciable
aux affaires qu'ils ont en main.
Aussi lorsque, dans un procès célèbre, le président s'écriait en
parlant de VEssai sur le duel de Ghateauvillard : u Voilà un ouvrage
qui n'entrera jamais dans ma bibliothèque et que je ne veux pas
lire, » il obéissait à un préjugé et prononçait une parole impru-
dente, car bientôt après il interrogeait des experts pour savoir si
les actes reprochés aux inculpés étaient loyaux ou déloyaux, c'est-
à-dire conformes ou non conformes aux règles du duel que Ghateau-
villard venait précisément d'édicter.
On voit que la lecture de l'ouvrage qu'il méprisait tant lui aurait
été nécessaire pour adresser aux experts des questions précises et
pour contrôler leurs déclarations, qui pouvaientrenfermer des asser-
tions erronées et influer, par conséquent, sur l'équité de la sentence.
1. Voyez affaire Chapuis-Dôkeirel, Gazette des Tribunaux, no des 28-29 mai 1885.
— Affaire Drumonl-Meyer, ibidem, n^" des 6-27 juin, 4 Juillet 1886.— Affaire Naqnet-
Monvielle, ibidem, no* des 1, 2, 11 août 1887, 14 janvier 1888. — Mayer-de Mores,
la Libre parole^ no« dos 30 et 31 août 1802, et l'Escrime française, no du 30 sep-
tembre 1892.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 3
Si la connaissance des règles du point d'honneur est utile aux
gens du palais, combien ne l'est-elle pas davantage aux adversaires?
Est-il admissible qu'ils choisissent une législation pour trancher
leur différend, et qu'ils ignorent les devoirs que (cette législation
leur impose? Ajoutons que cette connaissance du fus et nef as
peut influer sur leur sécurité matérielle, car, ayant plus entière
liberté d'esprit, ils pourront se battre avec plus de sang-froid.
La proposition est encore plus évidente lorsqu'il s'agit des
témoins, des arbitres et des jurés d'honneur.
Les Témoins peuvent être considérés comme étant les pre-
miers magistrats chargés d'appliquer la législation du point d'hon-
neur. Ils représentent le degré inférieur d'une juridiction que les
arbitres et les jurés exercent en dernier ressort, et à raison de la-
quelle tous contractent une responsabilité morale et matérielle
considérable.
En effet, le témoin qui, par son impéritie, cause un préjudice
aux adversaires, encourt le blâme de l'opinion publique, avec une
sanction pénale et civile plus rigoureuses que s'il avait agi confor-
mément aux règles qui lui sont tracées par la législation du point
d'honneur.
Tel serait le cas où, se départissant du rôle essentiellement
modérateur qui lui est assigné, il envenimerait la querelle, empê-
cherait un accord, et causerait la mort d'un homme pour une futi-
lité. Au contraire, s'il ne s'écarte pas de ce rôle modérateur, si, dans
l'espèce que nous avons posée, il épuise les moyens de conciliation
compatibles avec l'honneur vrai, il peut obtenir des circonstances
atténuantes et même éviter la condamnation qui le frapperait s'il
avait moins bien compris son devoir ^
Maintenant que nous avons expliqué le but de la législation du
point d'honneur et énuméré les différentes classes de personnes
auxquelles la connaissance de cette législation est utile, il nous
reste à indiquer la source à laquelle doit puiser quiconque veut en
étudier les règles précises et la doctrine véritable .
La source, c'est le livre que publia en 1836 le comte de Château-
villard et qui fait de lui le législateur du point d'honneur.
Pour bien comprendre les titres de cet écrivain à une qualifica-
tion si élogieuse, il faut se demander sur quelle base reposait avant
lui la législation qui nous occupe.
Il n'y avait rien de défini : tout se bornait à un certain nombre
de règles non écrites, admises par l'usage, conservées plus ou moins
1. Voyez Cassation, 22 août 1S48, Dallôz, année 1848, l'« partie, page 16i.
4 PREMIÈRE PARTIE.
fidèlement par tradition, et interprétées selon l'intérêt personnel oa
les caprices de la mode avec une fantaisie qui autorisa les duels les
plus barbares et les plus excentriques.
« On a TU, écrit Gbateauvillard, des hommes se chasser
comme des bêtes fauves dans un champ de blé ; des combattants
blessés se faire porter en face l'un de l'autre sur des matelas, pour
s'acheyer comme feraient des bouledogues; d'autres charger un
seul pistolet, se yiser à bout portant sur le bord d'une fosse creu-
sée à cette intention; d'autres s'égorger dans un envier avec un
rasoir; ou armés d'un couteau, attachés l'un à l'autre dans une Toi-
ture, se larder pendant un délai fixé à l'avance. »
Toutes ces choses étaient admises, pourvu qu'il n'y eût pas félonie.
Ghateauvillard passa en revue ces usages et les discuta avec le
concours de soixante-seize collaborateurs émineuts par leur hono-
rabilité, leur compétence en pareille matière, leur position sociale,
et en tète desquels se trouvaient le général Excelmans et le marquis
du Hallay, arbitres de presque toutes les affaires d'honneur pendant
un quart de siècle.
Il élagua les usages qui ne lui parurent pas devoir être admis,
il classa les autres avec une méthode aussi claire que logique et les
réunit finalement en un ouvrage intitulé : Essai sur le duely titre
modeste pour un livre si important.
La substitution de coutumes rédigées aux usages non écrits
fit disparaître les inconvénients attachés à des conditions incertaines
et variables ; les affaires d'honneur reçurent un cours régulier et
furent enfin réglées suivant les formes voulues par la délicatesse et
le droit.
On voit que louvrage de Ghateauvillard réunit toutes les condi^
lions nécessaires pour devenir la source à laquelle sera tenu de
puiser quiconque veut étudier les règles précises et la doctrine véri^
table de la législation qui nous occupe, et qu'il constitue, par consé-
quent, U7i code obligatoire pour tous les individus engagés à mi titre
quelconque dans une affaire d'honneur.
Il est du reste considéré comme tel à l'étranger, notamment en
Allemagne et en Autriche, où il a été traduit, et où il est proclamé
« Gode international » par les principaux auteurs qui ont écrit sur
les règles du duel. En Italie, de Rosis, Angelini et Gelli s'en sont
inspirés ^
Est-ce à dire que ce code possède une si grande perfection,
qu'on soit toujours assuré d'y rencontrer un article précisément et
1. Sur cette intéressante qaeition, yoyez ô« partie, le Duel à l'étranger (Usages).
Chapitre lxxzi.
OFFENSliS. — RÈGLES DU DUEL. 5
indiscutablement applicable à tous les cas qui peuvent se présenter?
Évidemment non.
Malgré sa clarté, il peut ofitrir des points douteux ; malgré sa
prévoyance, il peut renfermer des lacunes.
Qui se chargera d*élucider les points obscurs, de trancher les
controverses et de suppléer aux omissions ? Questions importantes
pour lesquelles nous réclamons toute Tattention du lecteur.
A qui revient le droit d'interpréter le code de Cîhateauvillard?
Aux personnes qui ontledroitde l'appliquer, qui ont la juridic-
tion, c'est-à-dire aux témoins, aux arbitres et aux jurés d'honneur.
Où doiTentrils oheroher la base de leur interprétation?
Si les décisions que les arbitres et les jurés ont données sur les
cas douteux qui leur ont été soumis depuis 1836 avaient été
recueillies, avec leur dispositif, en un corps formant jurisprudence,
nul doute que ce recueil ne fit autorité, et que les intéressés ne
dussent le considérer comme étant la base cherchée.
Malheureusement, il n'existe pas, et ne peut guère être fait, car les
sentences arbitrales ou autres n'ont généralement pas été publiées,
ou si elles l'ont été, ce fut dans des conditions d'actualité qui ont
rendu leur dispersion immédiate et leur recherche infructueuse.
Il faut remarquer, en outre, qu'elles ne sont pas motivées.
Force est, par conséquent, de renoncera ce mode d'information,
et de demander à la doctrine ce que la jurisprudence ne peut donner.
On interrogera d'abord les auteurs qui, depuis Château villard,
ont écrit sur la législation du point d'honneur.
Nous mettrons en première ligne Tavernier, l'Art du duel,
Paris, Marpon-Flammarion, s. d., ouvrage clair, bien écrit et
respectueux des préceptes de Ghateauvillard ; puis Du Verger de
Saint-Thomas, Nouveau Code du duel, Paris, Dentu, moins lucide,
plus verbeux et de doctrine moins sûre que le précédent.
Il a été rédigé par un homme ayant longtemps servi dans
l'armée italienne, imbu par conséquent des mœurs et coutumes de
sa patrie originelle, qu'il s'efforce de nous faire adopter.
Viennent ensuite : le Jeu de Vépée, leçons de Jules Jacob, par
Emile André, Paris, Ollendorf, 1887; l'Escrime et le Duel, par
C. Prévost et G. Jollivet, Paris, Hachette, 1891.
Ni Tun ni l'autre ne doivent être oubliés, car, à la partie qui
traite de l'enseignement technique de l'escrime, ils ont joint un
abrégé des règles du duel et des usages du point d'honneur.
6 PREMIÈRE PARTIE.
Mais la place Tolontairement restreinte qu'ils ont assignée
dans leurs ouvrages à ces matières (les seules qui nous occupent)
montre clairement que leur but a été de publier une sorte d'aide-
mémoire, une sorte de vade-mecum pouvant, suivant l'expression
même de H. G. Jollivet, « mettre les témoins en garde contre la
première impression qui les hante au début d'une affaire : celle de
paraître ignorants du rôle qu'ils ont à jouer».
A ce titre, ils peuvent être consultés utilement.
Nous faisons toutefois nos réserves pour ce qui concerne cer-
taines pages de f Escrime et le Duel (voyez notamment pages212-213),
où, se plaçant à un point de vue diamétralement opposé au ndtre,
l'auteur refuse à Ghateauvillard le rôle prépondérant que nous lui
accordons, et substitue imprudemment, comme nous allons le dé-
montrer, les traditions ou les consultations orales, l'initiative et
l'appréciation individuelles, aux règles fixes de la coutume écrite.
Heureusement qu'au cours de son ouvrage, le sympathique
écrivain se montre moins révolutionnaire que l'exposé de ses
principes ne le ferait craindre, et qu'après quelques fugues il suit
assez paisiblement la route tracée par son devancier.
Ces réserves faites et ce péril signalé, nous nous empressons de
payer à ses qualités de style, de concision et de clarté le tribut qui
leur est dû, et de reconnaître que son travail peut en effet rendre
de réels services dans le cadre qu'il s'est tracé.
Faute de trouver dans les auteurs la solution cherchée, on
consultera les personnes réputées compétentes.
Le lecteur s'étonnera peut-être que nous mettions au dernier
rang l'avis des experts, bien que ce mode d'information soit fré-
quemment employé.
Nous en usons ainsi pour trois motifs :
Le premier, c'est que les experts peuvent être très forts, très
réputés comme duellistes, et ignorer les règles élémentaires de la
législation qu'ils doivent élucider.
Le second, c'est qu'ayant à se prononcer sur des faits ou des
hommes qui les intéressent, ils sont moins capables de le faire avec
impartialité que les auteurs qui raisonnent théoriquement.
Le troisième et le plus important, c'est que le système contraire
aurait pour effet d'entraîner l'incertitude et l'anarchie, par suite
de la possibilité où on se trouverait de faire prédominer l'opinion
individuelle sur la loi écrite.
Terminons ce qui concerne le degré de créance méritée par les
auteurs et les experts, en rappelant que jamais leur avis ne doit
prévaloir contre une décision contraire de Ghateauvillard : ils n'ont
qu'une valeur d'éclaircissement, et pas autre chose.
I
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 7
La première question, celle de l'interprétation résolue, passons
à la seconde, c'est-à-dire à Thypothèse où le code de Chateauyillard
serait muet sur un point quelconque.
Gomment suppléer au silence qu'il aura gardé?
A défaut de loi précise, on doit recourir à Vusage.
L'autorité de Tusage ne saurait être déniée si les faits qui le
constituent réunissent les conditions suivantes : ils doivent être
uniformes, publics, observés par la généralité, réitérés pendant un
long espace de temps, et non contraires à la loi écrite.
Nous trouvons la consécration de cette règle dans le duel au
commandement, qui n^est pas inscrit sur la liste des rencontres
considérées comme légales par Ghateauvillard, et qui n'en devient
pas moins, grâce à l'usage, aussi régulier que les autres. Pour nous
en convaincre, nous n'avons qu'à parcourir les chapitres xxxvn et
uv de cet ouvrage. Nous y verrons que le duel au commandement
réunit toutes les conditions énumérées plus haut, celle entre autres
de n'être pas contraire à la loi écrite, puisqu'il constitue un perfec-
tionnement du duel au signal, tel que le comprend Ghateauvillard.
CSomment l'usage se prouve-i-il?
L'usage se prouve au moyen de certificats, dont la valeur est
d*autant plus grande qu'ils émanent des auteurs cités plus haut, et
d'autant moindre qu'ils résultent de consultations individuelles.
Si nous appliquons cette proposition au duel au commande-
ment qui vient d'être cité comme exemple, nous voyons que M. Ta-
vernier doit faire autorité sur ce point.
Nous venons de voir que les règles formulées dans le code de
Ghateauvillard peuvent être interprétées, et qu'il peut être suppléé
à leur silence.
Nous allons aborder une troisième question, celle de savoir si
les règles dont il vient d'être parlé sont abrogeables ou modifiables,
et, dans le cas où l'affirmative prévaudrait, quelles conditions sont
mises à Tabrogation ou au changement.
Les règles formulées par Ghateauvillard sont-elles abrogeables
et modifiables?
Pas plus que les lois ordinaires, la législation du point d*hon-
neur ne saurait prétendre à Timmutabilité, car elle correspond à
8 PREMIÈRE PARTIE.
un état essentiellement variable, celui des mœurs des homines
qu'elle doit régir.
Les prescriptions qu'elle édicté peuvent donc être abrogées et
modifiées.
Aucune hésitation sur ce point.
Dans quelles oonditions rabrogation ou le oliangement
peuvent-ils être opérés?
La question a une importance capitale : elle touche à l'existence
môme de la législation du point d'honneur. En effet, si une licence
absolue était accordée aux novateurs, cette législation serait ébranlée
jusque dans ses fondements. Au contraire, si l'exercice du droit
d'abrogation et de changement est circonscrit dans des limites
justes et raisonnables, s'il correspond à un besoin réel, Teffet qu'il
produit est vivifiant, il la rajeunit et en assure la durée.
Il est de principe qu'une loi ne peut être abrogée que par
l'autorité qui Ta faite. Nous devons en conclure que la législation
du point d'honneur étant une coutume écrite, rédigée par un
homme compétent, assisté d'un conseil nombreux de collaborateurs
et de critiques, peut bien être abrogée par une autre coutume
écrite, mais à condition que cette nouvelle coutume soit rédigée par
un homme aussi compétent que le premier, assisté d'un conseil
jouissant d'une égale autorité.
Tant que ces conditions ne se trouveront pas réunies, le code
de Ghateauvillard aura force de loi, et devra être observé religieu-
sement dans ses prescriptions et ses parties essentielles ^
jNous disons prescriptions essentielles, car la prohibition de faire
la moindre modification n'est pas absolue. Une modification est
permise à condition qu'elle porte sur des détails de peu de
valeur, qu'elle n'ait pas pour effet d'annuler une règle impor-
tante de la coutume écrite, et soit plutôt une interprétation ou
un perfectionnement apporté à l'application de cette règle qu'un
changement ^
Nous ne saurions assez nous élever contre la tendance actuelle
à considérer les prescriptions du code de Ghateauvillard comme
démodées ; en effet, si cette tendance prévalait, elle aurait pour
résultat de replonger la législation du point d'honneur dans le chaos
dont ce livre Ta tirée, et de nous ramener à ces duels exceptionnels
qu'il a rendus presque légendaires.
1. Voyez conformément Tarernier, page 302, et les divers auteurs allemands
cités dans notre chapitre lxxxi.
2. Voyez nos chapitres xxx\ii, xxxvui, xxxix.
OFFEiXSES. — RÈGLES DU DUEL. 9
Maintenir la priorité de la loi écrite, contenue dans VEssai sur
le duel de Chateauvillard, sur l'usage non codifié et sur les innova-
tions individuelles, telle doit être la préoccupation de l'homme qui
écrit sur le point d'honneur. Tel sera le but de notre ouvrage.
Nous n'ignorons pas qu'un parli pris de cette nature nous réduit
au rôle de simple commentateur, et nous enlève tout espoir de faire
montre d'un esprit ingénieux et personnel, mais il nous procure eu
revanche une base solide pour asseoir notre travail, et une voie sûre
pour le mener à bonne fin.
Simple commentateur nous voulons être, simple commenta-
teur nous resterons jusqu'au bout.
CHAPITRE II
Des offenses en général.
On entend par offense ce qui se dit, s'écrit, se fait ou même
s'omet, avec l'intention de nuire à quelqu'un dans sa personne, dans
son honneur ou dans ses biens.
Indiquons le sens des termes employés dans notre définition.
Cette explication préliminaire nous parait indispensable à rintelli-
gence du sujet.
Ce qui se dit, ou s'^crtï, comprend les injures, invectives, diflfa-
mations, lettres, articles de journaux, dessins, peintures, gravu-
res, etc., en un mot toute manifestation outrageante par la parole,
par la plume, le pinceau, le burin, etc., d'une personne envers une
autre.
Ce qui se /att^ désigne généralement, les coups, blessures, voies
de fait, gestes, etc., en un mot toutes les manifestations outra-
geantes d'une personne envers une autre, produites au moyen
d'actes qui ne dérivent ni de la parole, ni de la plume, ni des autres
moyens énumérés plus haut, et qui ne sont pas des omissions.
Ce qui «'omet, comprend toutes les manifestations outrageantes,
exprimées au moyen d'abstentions, négligences intentionnelles, etc.
En un mot, on offense une personne par abstention lorsqu'on ne lui
rend pas certains devoirs auxquels elle a droit.
Par intention de nuire, il faut entendre l'intention d'offenser.
Cette intention, sur laquelle nous reviendrons chapitre v, est indis-
pensable à l'existence de l'offense, à condition de sortir du domaine
de la conscience et de se manifester extérieurement.
40 PREMIÈRE PARTIE.
Que faut-il entendre par oes mots : dans sa personne,
dans son honneur et dans ses biens?
Entre la personne et les biens, la distinction s'établit d'elle-
même. On voit plus difficilement les caractères qui séparent la per-
sonne de rhonneur, surtout au point] de vue qui nous occupe, et
dans lequel l'honneur, à lui seul, absorbe en quelque sorte la
personne tout entière. Il serait donc utile de bien s'entendre sur
ce mot honneur, qui domine toute la matière des offenses.
Vhonneur est le patrimoine de la conscience, l'ensemble des
vertus acquises et des principes observés, conformément aux pres-
criptions de la loi morale.
Cette définition abstraite a le défaut de ne pas caractériser
l'honneur plus conventionnel et plus mondain qui sert de base à
la législation du point d'honneur.
A cette hauteur, beaucoup d'offenses ne sauraient l'atteindre.
L'honneur, qui ne relève que de la conscience et de la loi
morale, ne se préoccupe guère en effet des préceptes arbitraires, et,
à plus forte raison, des préjugés d'une société. Il est trop restreint
relativement à l'extension que lui donnent les règles du point
d'honneur, qui embrassent en outre certains sentiments, certaines
qualités ou manières d'être , tels que la considération, l'amour-
propre, la politesse, la dignité, la délicatesse, qui dérivent de lui et
qui, non moins que lui, sont susceptibles d'être atteintes par une
offense.
Nous appellerons l'honneur proprement dit honneur morale
tandis que ses dérivés, quels qu'ils soient, seront compris sous la
dénomination collective d'honneur social.
Cette distinction extrêmement importante pour le classement
des offenses, et sur laquelle nous attirons toute l'attention du
lecteur, n'est pas assez faite. Dans l'habitude de la vie, tout homme
qui se prétend offensé demande réparation au nom de son honneur,
quel que soit le genre d'atteinte qu'il ait subie, et bien que souvent
l'honneur proprement dit ne soit nullement en jeu.
Lhonneur moral doit, bien entendu, occuper la plus haute
place ; c'est celui qui tient à la personne, émane d'elle et peut se
passer de l'opinion. C'est un sentiment qui nous donne l'estime de
nous-même par la conscience de Taccompiissement d'un devoir.
Au contraire, la considération est extérieure. Elle arrive du
dehors, elle naît moins des mérites que l'on a que des mérites que
Ton parait avoir. C'est uu hommage rendu par ceux qui nous entou-
rent à notre position dans le monde. Un homme considéré peut être
OFFENSES. — RÈGLES DC DUEL. 44
sans honneur, et an homme d'honneur sans considération. Con-
tester la probité d'nne personne, c'est atteindre son honneur ; con-
tester son mérite et son crédit, c'est attaquer sa considération.
A côté de cette considération soumise à tant d'influences exté-
rieures, nous trouTons un sentiment plus personnel, qui tient à la
fois de l'honneur et de la considération parle besoin de se respecter
et de se faire respecter qu'il inspire à Phomme. C'est l'amour-propre
entendu dans son acception la plus autorisée, c'est-à-dire Testime
de soi. II est vrai que ce mot désigne ordinairement une prétention
voisine de la vanité ; mais lorsqu'il s'applique à une conception
plus élevée de notre mérite, il prend le nom de dignité.
L amour-propre a pour auxiliaire la susceptibilité.
Nous n'entendons pointparler ici de cette ombrageuse méfiance
qui se choque de tout, et qui fait dire d'un homme : a Quel fagot
d'épines! » mais simplement de la faculté de sentir une offense,
d'être affecté par elle.
Cette faculté est tenue en éveil par l'appréciation plus ou moins
justifiée que nous avons de notre importance, de notre mérite, de
nos vertus. On constate plus spécialement son action sur Pépiderme
tellement sensible du point d'honneur. Elle nous met en garde non
seulement contre les atteintes à l'honneur, à la considération, mais
encore contre les infractions à la politesse, et contre tout ce qui
frappe notre délicatesse.
La politesse est l'ensemble des règles établies par l'usage ou la
convention, pour faciliter sous des dehors bienveillants les rapports
que la vie sociale impose aux individus. La politesse comprend le
savoir-vivre, qui lui-même se rattache à la délicatesse.
Celle-ci est également un produit de la civilisation. C'est une
culture spéciale de tous les sentiments qui touchent à l'honneur, un
raffinement dans la manière de comprendre et de sentir les procé-
dés, dans l'interprétation des règles du savoir-vivre.
C'est elle qui fait le galant homme.
De même que le véritable honnête homme est celui qui ne se
contente pas d'observer le code, de même Thomme délicat a pour
principe de ne pas s'en tenir à Tobservation pure et simple de la
politesse. Une politesse irréprochable n'est pas toujours la délica-
tesse.
Nous pouvons maintenant nous faire une idée exacte du point
dhonneur, intimement lié par sa nature même à toutes les défini-
tions que nous venons de donner.
Nous l'intitulerons : la susceptibilité légitime de l'honneur sous
toutes ses formes, contre toutes les atteintes qui le menacent. Il
varie bien entendu de caractère et d'intensité, selon le tempéra-
\
n PREMIÈRE PARTIE.
ment, la position sociale de l'offensé, etc. ; mais ces distinctions
Tiendront à leur place, lorsque nous étudierons les offenses au point
de yue des circonstances gui peuvent le modifier.
L'offense, avons-nous dit, peut atteindre un individu non seu-
lement dans sa personne, mais encore dans ses biens.
A première vue, cette proposition semble inadmissible. On ne
comprend guère qu'un préjudice matériel, un dommage pécu-
niaire, soient de nature à motiver une réparation par les armes, et
on est tenté de renvoyer sans examen préalable aux tribunaux
l'bomme qui s'adresse à la juridiction du point d'honneur pour
une atteinte à ses biens. On aurait cependant tort d'agir ainsi.
Il ne faut pas confondre la lésion pécuniaire, qui donne droit
à une réparation que les tribunaux peuvent en effet seuls accorder,
avec l'offense qui existe concurremment. Il peut bien se faire, ne
l'oublions pas, qu'un même acte nous atteigne à la fois dans notre
honneur et dans nos biens.
Tel serait le cas où un individu briserait le buste de mon père,
le couvrirait d'ordures, le maculerait pour toujours. Lorsqu'il y a
quelques années M. Lippmann, gendre d'Alexandre Dumas, lacéra
en pleine exposition du Cercle artistique le tableau du peintre
Jaquet représentant son beau-père en marchand juif, il est évident
qu'il entendit causer à l'artiste non pas seulement un dommage ma-
tériel et pécuniaire, mais encore lui rendre offense pour offense.
Les définitions et explications que nous venons de donner nous
permettent de poser une règle qui doit être appliquée chaque fois
qu'on veut opérer rationnellement le classement d'une ou de plu-
sieurs offenses.
Toute tentative pour y arriver sans elle n'amènera que des
résultats illogiques.
On peut la formuler ainsi :
La valeur des offenses est subordonnée,d'une part, à leur nature
propre^ d'autre part, aux circonstances qui les modifient.
Par leur nature propre, les offenses se distinguent entre elles,
d'abord lorsqu'elles s'opposent à des qualités d'espèces différentes,
telles que l'honneur, la considération, la politesse, etc., auquel cas,
elles deviennent desoffensesd'espècecontraireà ces mêmes qualités.
Une atteinte à l'honneur est toute autre qu'une simple infrac-
tion à la politesse.
Ensuite, lorsqu'elles se trouvent en antagonisme avec une
même qualité ou avec les fonctions d'une même qualité, mais à des
degrés différents.
On entend par circonstances les qualités accidentelles s'ajou-
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 43
taDt à l'offense déjà constituée dans sa nature pour en modilier la
portée.
Par qui Poffense a-t-elle été commise? A qui s'adresse-t-elle?
Quelle est la condition? Quel est l'âge ou l'état de la personne
offensée, aussi bien que de la personne qui offense?
Gomment l'offense s'est-elle produite? Est-ce par parole, par
écrit, par action, par omission, spontanément ou avec préméditation,
avec ignorance ou en pleine connaissance? Dans quel but et dans
quelle intention 7
Enfin certaines questions de temps et de lieu devront également
entrer en ligne de compte, sans oublier les circonstances acces-
soires, les incidents, les nuances de toutes espèces, qui peuvent
modifier en bien ou en mal la portée d'un acte injurieux.
C'est à l'aide de ces données générales que nous essayerons
d'établir un classement méthodique et rationnel des offenses.
CHAPITRE III
De la valeur et du classement des offenses.
En matière dépeint d'honneur, l'offense comprend trois degrés
ou catégories :
L offense simple ou du premier degré;
L'offense grave, aussi nommée injure, qui est du deuxième
degré;
Loffense avec voie de fait, qui est du troisième degré.
L'offense grave, avons-nous dit, prend le nom d'injure. Ce nom
lui est exclusivement réservé ; aussi lorsque, au cours des chapitres
relatifs à l'offense, le lecteur trouvera le mot injure employé sans
adjonction d'épithète, il devra lecoubidérer comme synonyme d'of-
fense grave ou du second degré.
La détermination de la valeur des offenses est l'opération la
plus délicate que les témoins aient à remplir, principalement s'il y
y a offenses réciproques, c'est-à-dire lorsqu'à une offense il a été
répondu par une autre offense. Elle constitue également la partie la
plus importante de la mission qui leur est confiée.
S'ils lisent nos chapitres vu et vin, ils verront que, selon que
l'offense monte ou descend d'un degré, elle donne, s'il y a offenses
réciproques, la qualité d'agresseur ou d'offensé et confère ou retire,
44 PREMIÈRE PARTIE.
dans tous les cas, certains avantages dont la vie des adversaires peut
dépendre.
En effet, roffensé du premier degré choisit son arme; Voffenséiu
second degré choisit son arme et son duel; l'offensé du troisième
degré choisit son arme^ son duel et ses distances.
Cette considération, sur la gravité de laquelle il parait inutile
d'insister, suffira, nous n'en doutons pas, pour expliquer notre in-
sistance, frapper Tattention des témoins, et assurer au classement
qu'ils entreprendront toute la sollicitude dont ils sont capables.
Pour mener à bien cette entreprise, il leur faut non une solution
donnée à Favance pour tous les cas, une étiquette pour chaque
offense (la chose est impossible à tous les points de vue), mais une
méthode rationnelle, une base d'appréciation leur permettant de
ranger sans trop de peine, dans la catégorie qui leur convient, et
grâce à des principes généraux, les offenses soumises à leur déci-
sion.
Cette méthode leur est indiquée par la règle formulée au cha-
pitre précédent, aux termes de laquelle : « la valeur des offenses est
subordonnée d'abord à leur nature propre^ ensuite aux circon-
stances qui les modifient ».
Ces deux points de vue, auxquels correspondront les chapi-
tres IV et v, constituent la base de tout classement.
CHAPITRE IV
De l'offense étudiée dans sa nature.
Dans ce chapitre, nous entendons apprécier les offenses
d'après les qualités, vertus ou prétentions avec lesquelles elles se
trouvent en opposition.
En principe, tout ce qui se fait, se dit ou s'omet contre Fhon-
neur est une injure ou offense grave. Les atteintes à la considé-
ration sont le plus souvent, mais ne sont pas nécessairement des
injures.
Toutes celles qui concernent l'amour-propre, la politesse, la
délicatesse, pris dans le sens que nous leur avons donné chapitre n,
ne sont que des offenses simples, à moins qu'elles n'atteignent du
même coup l'honneur ou la considération, cas auquel elles dispa-
^raissent devant l'atteinte la plus grave, qui détermine le classement.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 45
Des atteintes à l'honneur.
Ce qui se fait contre rhonneur comprend tout d'abord la voie
de fait, la plus grave de toutes les offenses» dont nous renvoyons
rétude à la fin de ce chapitre, et qui donne à celui qui l'a essuyée
le maximum des privilèges réservés à Toffensé. Viennent ensuite les
actes outrageants, qui, sans constituer la voie de fait, se manifestent
par des gestes, des attitudes et tous les mouvements extérieurs qui
marquent le mépris.
Faire le geste de frapper quelqu'un, cracher devant lui, lui
montrer le poing, lui tirer la langue, lui faire un pied de nez,
exprimer par un jeu de physionomie le dégoût qu'il vous inspire, etc.,
peut, suivant les circonstances, constituer une offense grave.
Montrer la porte à quelqu'un entre dans la même catégorie.
Une démarche peut être gravement offensante, sans être
accompagnée de gestes et de paroles. Lorsqu'il y a quelques années,
H. Wilson fit sa rentrée à la Chambre, après le fameux procès des
décorations, plusieurs députés quittèrent immédiatement la salle.
Personne ne pouvait se méprendre sur le sens injurieux de cette
retraite silencieuse.
Toute entreprise amoureuse contre une fille, une sœur, une
épouse, etc., est une atteinte à Thonneur, qui peut conférer, sui-
vant les circonstances, au père, au frère, au mari, etc., soit les pri-
vilèges d'offensé avec injure grave, soit ceux d'offensé avec voie de
fait, conformément aux distinctions établies chapitre viii.
Les omissions contre l'honneur sont également des injures. Si
TOUS refusez de rendre àquelqu'un le salut qu'il vous adresse, après
avoir déclaré publiquement que vous ne saluez jamais les gens que
vous méprisez, cette omission fait présumer une offense grave de
votre part.
Ce qui se dit contre l'honneur comprend toutes les injures par
parole et par écrit.
La parole prend la forme d'invectives, d'outrages, d'affronts, etc.
Elle sert également à la diffamation , c'est-à-dire à la calomnie,
à la médisance, aux jugements téméraires, aux accusations de
toute sorte portées contre l'honneur. Nous l'étudierons plus eu
détail après que nous nous serons occupés de la considération.
Les écrits arrivent aux mêmes résultats sous forme de lettres,
articles de journaux, livres, pamphlets, dessins, etc.
En résumé, on injurie quelqu'un en le traitant de malhon-
nête homme, en lui reprochant toutes les actions contraires à la
loi morale, si ces infractions sont en même temps contraires à
riionneur social, si elles relèvent du point d'honneur.
46 PREMIÈRE PARTIE.
L'accord de la loi morale et des préceptes conventionnels de
Phonneur social est en effet nécessaire, ne Poublions pas, pour
constituer Phonneur d'espèce particulière qui nous occupe. C'est
parce que Phomicide, le vol, le viol, le faux, le parjure, etc., trans-
gressent à la fois les préceptes de la morale et les préceptes conven-
tionnels dont il vient d'être parlé, que Pimputation d'une de ces
infractions doit être indiscutablement rangée parmi les offenses
qui lui portent atteinte.
L'introduction d'un élément conventionnel dans l'ensemble
des qualités ou vertus qui forment cet honneur, qu'on peut très
justement qualifier de spécial, amène nécessairement quelques ré-
sultats illogiques.
C'est quelquefois sans cause bien apparente que Paccord
existe ou n'existe pas, et que Pimputation de faits contraires à la
morale constitue ou ne constitue pas en même temps une atteinte
aux principes conventionnels de Phonneur social.
Pour ne prendre qu'un exemple : la colère et le mensonge sont
des défauts réprouvés par la loi morale. Cependant, si je dis d'un
homme du monde : <c Quel homme emporté et colère !» je ne l'of-
fense pas dans son honneur. Le contraire a lieu si je m'écrie : « Quel
menteur! » Pourquoi dans ce dernier cas une pareille aggravation
de l'offense ? II faut en chercher la cause dans une vieille institution,
celle de la chevalerie, où le preux devait être un miroir de vérité
que le moindre souffle ternissait. Le déshonneur attaché au men-
songe, et par suite au démenti qui n'est autre chose qu'une accu-
sation de mensonge, n'a donc pas d'autre motif que d'être un
reflet de mœurs et d'institutions disparues.
Si Paccord sur lequel nous insistons n'a pas lieu, parce que les
principes conventionnels attachent seuls une idée de réprobation à
Pacte imputé, tandis que les lois morales ne le font pas, nous
avons Pattein te à la considération, l'atteinte à Pamour-propre, etc.,
nous n'avons plus l'atteinte à Phonneur.
Atteintes à la considération.
La considération peut être atteinte par les mêmes manifesta-
tions outrageantes que Phonneur (actes, paroles, écrits ou omis-
sions). Mais si toutes les atteintes à Phonneur sont des offenses
graves, il n'en est plus de même pour les atteintes à la considéra-
tion. Elles sont tantôt du premier, tantôt du second degré.
En vertu de la définition donnée chapitre ii, qui fait dépendre
la considération de causes extérieures, de mérites conventionnels
souvent étrangers à Phonneur, une offense sera grave ou simple
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 47
suiyant l'importance que le monde attachera an défaut qui nous est
imputé.
On voit de suite combien ce classement sera nécessairement
arbitraire, puisque Timpression personnelle des témoins et des ar-
bitres influera sur leur manière d'apprécier l'importance attachée
par le monde à ce défaut. On peut dire cependant que l'honneur
proprement dit est la source la plus efficace de la considération.
Un homme jouit d'une réputation de probité incontestée ; on l'es-
time à cause de cela. C*cst son honneur qui lui procure cette consi-
dération. Le traiter de voleur, c'est l'atteindre à la fois dans son hon-
neur et dans sa considération.
11 en résuite qu'en général la gravité de l'offense sera d'autant
plus considérable que la qualité à laquelle l'atteinte aura été portée
se rapprochera davantage des qualités constitutives de l'honneur, et
qu'inversement la gravité de l'offense sera d'autant moindre que la
qualité à laquelle l'atteinte aura été portée s'en éloignera davantage,
et se rapprochera de celles qui constituent la politesse, la délica-
tesse et autres tributaires de l'amour-propre.
Nous disons en général, car ces principes souffrent de nom-
breuses exceptions, notamment en ce qui concerne l'imputation
d'avoir reçu un soufflet sans en demander raison, d'avoir refusé
satisfaction à une personne offensée, etc.^.
Ces distinctions, qui se présentent naturellement à l'esprit, ont
été exprimées dans ces termes par Portails :
« Un citoyen a trois espèces de réputation à garder : la réputa-
tion de probité, la réputation de vertu, la réputation de talent et de
mérite. L'injure la plus grande est celle qui attaque la probité, parce
que la réputation de probité est la plus utile à l'homme qui vit avec
les autres hommes. La réputation de vertu vient ensuite, etc.. »
Elles nous amènent à examiner la considération, relativement à
certaines conditions correspondant à ses rapports avec la vie privée,
la vie professionnelle, avec la vie politique, avec la vie littéraire.
1. Voyez même chapitre : Considération privée.
Dans son beau livre sur la Diffamation^ Vinjurê et l'outrage, M. Grellet-Dumazeau
a traité ces questions avec une ampleur de vues remarquable, un réel talent et une
compétence qui s'imposent encore aujourd'hui. Aussi Pavons-nous suivi pas à pas,
pour tout ce qui concerne les différentes espèces de considération, et lui avons-
nous emprunté ce qui paraissait susceptible de rentrer dans notre cadre.
Le mélange intime de ces emprunts avec les passages qui nous sont personnels
ne nous permettait guère d'indiquer exactement la part qui revient à chacun.
Cette déclaration générale suffira, nous Tespérons, pour nous éviter Timputation
de plagiat.
* Voyez, du reste, pour plus amples renseignements : Opus citatum, 1846 Deus
volumes in-8% tome I, paragraphe 70 et suiv.
1 «
/8 PREMIÈRE PARTIE.
Considération privée.
On appelle ainsi celle qui natt de la pratique des vertus et de
Pobservation des règles de conduite qui font Thonnéte homme, le
bon père de famille, le citoyen honorable.
Elle est complète lorsqu'elle a pour base Thonneur moral et
l'honneur social, mais nous savons que le point d'honneur n'exige
pas le cumul de ces deux qualités.
De même que certains actes contraires à la loi morale ne sont
pas contraires aux principes conventionnels dont il a été parlé
précédemment, de même que l'imputation de ces actes ne constitue
pas une atteinte à l'honneur spécial qui nous occupe, de même
certains actes, qui ne sont pas contraires à la loi morale, sont con-
traires aux principes conventionnels sur lesquels repose la consi-
dération, et lui portent atteinte.
Ainsi, recevoir un soufflet sans en demander réparation par
les armes est évidemment conforme aux principes de la loi morale,
qui interdit de se faire justice à soi-même. 11 n'en est pas moins
vrai que Thomme du monde, frappé au visage, est livré au mépris
s'il subit cet outrage avec résignation. Il est taxé par les uns de
lâcheté, par les autres de faiblesse, et par tous de cette timidité qui
fait dire d'un individu qu'il n'a pas de sang sous les ongles.
En présence de cette mésestime, publier qu'un homme a reçu
un soufflet sans en demander satisfaction, c'est évidemment nuire
à sa considération et commettre envers lui une offense grave.
Mais pour que cette offense soit sujette à réparation par les
armes, il faut qu'elle s'adresse à un homme soumis aux préjugés
conventionnels du point d'honneur et ne pouvant s'y soustraire ni
par son état, ni par sa condition, ni par ses principes.
Un individu de basse condition, un paysan accusé d'avoir reçu
un soufflet, ne restera peut-être pas insensible à l'outrage, mais ne
cherchera certainement pas à laver son injure selon les formes
indiquées par Chateauvillard.
Terminons ce qui regarde la considération par l'examen d'une
question qui a soulevé de violentes controverses.
On s'est demandé s'il était permis à l'histoire contemporaine
de faire une incursion dans la vie privée d'un individu, d'en révéler
les secrets blessants, si ces secrets se rattachent à la vie publique
et en expliquent les actes.
Nous n'hésitons pas à répondre négativement.
Le droit de critique, sur lequel nous allons revenir à propos
des autres formes de la considération, ne doit pas franchir impuné-
ment le fameux mur de la vie intime. Toute incursion dans le
à
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 49
domaine privé, quelle que puisse être la forme sous laquelle elle
se masque, constitue une offense à la réparation de laquelle l'écri-
yain ne saurait se soustraire sans contrevenir aux règles du point
d'honneur.
Considération professionnelle.
La considération professionnelle s'entend de Testime que chacun
peut avoir acquis dans l'état qu'il exerce.
Elle ne se confond pas avec la considération privée. On peut
être un parfait honnête homme, très considéré, très bien accueilli
dans le monde, et être un médecin sans valeur, un barbouilleur
de plats d^épinards.
Cependant, quelques professions sont soumises à des devoirs
spéciaux, donnant naissance à une considération qui se rapproche
beaucoup de la considération privée. Les avocats, les notaires, etc.,
peuvent commettre certaines infractions susceptibles d'être punies
disdplinairement et capables d'entacher gravement leur considé-
ration, car les règles violées ont précisément pour but d'assurer la
dignité de l'ordre par des obligations individuelles.
Telle est^ par exemple, celle du secret professionnel.
Les actes qui portent atteinte à une face de la considération
professionnelle, autre que cette face sui generis, ne constituent
généralement pas une offense grave, principalement si la profession
exercée par l'individu visé le met en contact avec le public et le
rend tributaire de sa critique.
Ainsi, l'avocat qui plaide devant un tribunal ne saurait être
admis à demander réparation par les armes parce qu'on aura dit qu'il
a perdu une bonne cause grâce à de piètres arguments, ou à son
manque d'éloquence, bien qu'il doive résulter de cette imputation
une atteinte à son amour-propre et même à ses intérêts pécuniaires.
Le droit de critique devient encore plus étendu lorsqu'il porte
sur des personnes publiques, telles que fonctionnaires, agents de
l'autorité, etc., et autres énumérées articles 222 et suivants du Code
pénal, 31 de la loi de 1881. En effet, de leur qualité même naît le
droit d'examiner leur conduite, de scruter leurs actes et de dévoiler
les fautes de leur vie publique.
Mais il est bien entendu que le droit de critique est limité aux
actes de fonction et ne s'étend pas à ceux de la vie privée. 11
constitue une exception aux règles ordinaires et n'a d'autre but
que d'assurer par un examen vigilant la bonne administration des
affaires publiques, abstraction faite de toute personnalité sans inté-
rêt pour la société, ,
SO PREMIÈRE PARTIE.
Toute attaque à la vie privée constitue une offense dont le
degré yarie naturellement selon la nature de l'atteinte et les cir-
constances qui l'accompagnent. Constitueraient également offense
les expressions outrageantes qui accompagneraient une critique,
même tolérée, de la considération professionnelle.
Si j'impute, par exemple, à un fonctionnaire d'avoir interprété
une circulaire ministérielle d'une façon erronée, je n'outrepasse
pas mon droit de critique ; mais si je conclus par ces mots : « Il a
agi comme un âne bâté », je commets envers lui une offense qui ne
peut, comme nous le verrons pour la diffamation, être effacée par
la vérité de mon assertion.
Peu importe, en effet, qu'il ait commis une énorme balourdise,
et que je le prouve. L'épithète d'âne bâté était inutile à la sauve-
garde de l'intérêt public, qui est la base du droit de critique. Au
reste, cette distinction doit être faite chaque fois qu'en vertu d'un
droit d'appréciation reposant sur n'importe quelle base, une face
quelconque de la considération est en jeu.
Considération politique.
La considération politique est celle qui résulte de l'aptitude,
du talent, de l'habileté, du dévouement dont un homme fait preuve
dans le maniement des affaires publiques, ou de la gloire qu'il s'y
est acquise.
Elle peut être librement discutée dans son origine et dans sa
valeur.
Le droit de censure s'étend à tous les actes de la vie publique.
Les intérêts qui s'agitent dans cette sphère élevée sont trop
importants pour que la vigilance qu'ils appellent n'obtienne pas
toute la latitude d'action compatible avec une liberté sage et
décente tout à la fois.
La considération politique ne peut naître que d'actes purement
politiques, se rattachant à l'exercice d'un droit plutôt qu'à l'exercice
d'une fonction.
Il ne faut donc pas la confondre avec la considération profes-
sionnelle, qui est le patrimoine de toute personne exerçant une
fonction publique ou privée, ou en dehors de la politique, et pour
laquelle le droit de critique est plus restreint.
Le sénateur, le député, le publiciste, le journaliste sont des
hommes politiques dont la considération, en ce qui touche cette
face de leur personnalité, peut être impunément attaquée.
La distinction entre la considération politique et les autres
considératioQft présente quelquefois une certaine difficulté, s'il
OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. H
s'agit, par exemple, d'un candidat à dès fonctions électives, qui ne
peut être considéré uniquement, ni comme un simple particulier,
ni comme étant revêtu d'un caractère public, mais qui participe de
ces deux personnalités.
Les électeurs ont le droit de discuter sa personnalité politique,
ses titres, d'apprécier son attitude, d'interroger tous les actes de sa
vie publique antérieure, de contrôler ses opinions, ses votes et ses
tendances, en un mot de rechercher s'il mérite la confiance de ses
concitoyens.
Il s'ensuit que le droit de discuter le candidat comporte celui
de diriger contre lui des imputations, ou d'employer des expressions
qui seraient regardées comme blessantes dans le commerce habituel
de la vie; mais il faut que ces imputations et ces expressions,
appréciées au point de vue de l'intention, puissent être expliquées
par les entraînements de la lutte électorale, sous la seule condition
qu'elles n'aillent pas jusqu'à la calomnie. L'intérêt d'éclairer les
électeurs passe avant celui du candidat.
On comprend, du reste, que ce dernier n'ait pas le droit de se
montrer aussi chatouilleux que s'il était resté en dehors de la lutte
électorale, car, par le fait de sa candidature, il a lui-même provoqué
les électeurs à le discuter.
Irons-nous, comme le voudraient certains pnblicistes, jusqu'à
donner au droit de critique une extension telle qu'il comportât
celui d'attaquer Thonorabilité du candidat et de faire des incur-
sions dans sa vie privée, sous réserve de la vérité des imputations?
Certainement non. L'honneur, la considération privée doivent tou-
jours demeurer indemnes.
La preuve n'exonère Toffenseur de sa responsabilité que si le
fait qu'il avance est de nature à entraîner Tindignité de l'individu
offensé ^
Ce que nous disons des hommes pris individuellement, nous le
dirons des journaux qui représentent ces individualités.
Le journal qui exploite le domaine des événements et des opi-
nions politiques doit supporter toutes les conséquences de ce genre
d'entreprise.
Les inculpations de parti à parti ne ressortissent que du domaine
de l'opinion.
La polémique doit jouir, dans ses rapports réciproques, d'une
grande liberté et même d'une certaine licence. Ainsi, toute imputa-
tion portant sur les vœux, les espérances, le but, etc., d'un journal
est permise. On peut rechercher les antécédents des gérants, rédac-
1. Voyez, notre chapitre xu.
n PREMIÈRE PARTIE.
teurs, directeurs, propriétaires, pourvu que ces antécédents se rat-
tachent à la politique et ne soient pas publiés dans un but de
déconsidération privée.
Considération littéraire.
Nous entendons par ces mots non seulement la considération
que donne la culture des lettres, mais encore la pratique des
sciences et des arts; en un mot, la réputation de talent et de mérite.
Elle aussi peut être discutée librement.
On peut attaquer un livre, un système, un tableau, pourvu que
Tœuvre ne soit pas le prétexte de l'attaque et l'auteur le véritable
but.
Concédons à la critique le droit de déclarer que le système ren-
ferme des propositions absurdes, le livre des opinions impies et
malsonnantes, le tableau des allégories séditieuses, la statue des
nudités déshonnétes ; qu'elle ait carte blanche a fortiori pour s'at-
taquer au langage, au style, à la forme, au sujet.
La pensée tout entière de l'auteur appartient au critique. A lui le
droit de l'interroger, de l'interpréter, de la dénaturer même.
Mais si nous livrons la considération littéraire de l'auteur ii
toutes les chances de la publicité qu'il dépendait de lui d'éviter,
gardons-nous de permettre que sa probité soit impunément atta-
quée.
Nous n'entendons pas parler ici de sa probité d'homme privé ;
il serait inutile, après ce que nous avons dit, de faire des réserves à
cet égard, mais d'une probité particulière à l'homme de l'art qui
rend sa moralité personnelle solidaire de la moralité de son œuvre.
Il y aurait offense, non couverte par le droit de critique, dans le fait
d'imputer à un peintre de produire comme original un tableau qui
ne serait qu'une copie ; à un sculpteur d'exposer une statue moulée
pour une statue modelée ; à un auteur des infidélités préméditées
ou des interpolations dans les textes. Il ne s'agirait plus, en effet,
d'un jugement porté sur l'ouvrage, mais de faits de fraude articu-
lés contre l'ouvrier à raison de son ouvrage.
Ce n'est plus son intelligence, son jugement, son esprit, sa doc-
trine, qui sont attaqués ; c'est sa bonne foi, son honnêteté.
Il n'est plus accusé de débiter un produit de mauvaise qualité,
mais de tromper sur la nature du produit.
L'imputation de plagiat ne dépasse pas les limites de la critique
permise, si on entend par plagiat les emprunts dissimulés de sujets,
d'idées ou de textes partiels ; mais il en est autrement si le plagiat
allégué prend les proportions d'une sorte de contrefaçon.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 23
Lorsqu'on attribue à autrui des vers, des lettres, des discours
absurdes ou ridicules, altaque-t-on seulement la considération litté-
raire de l'individu qui est censé les avoir publiés ? Cette attribution
simulée ne donne-t-elle pas matière à réparation?
Si, car il ne s'agit pas, dans l'espèce, de considération littéraire
proprement dite qui appartient au public, dont l'auteur provoque
l'examen. La personne sous le nom de laquelle l'œuvre ridicule a
été publiée, n'ayant pas recherché la dangereuse épreuve de la publi-
cation, n'est pas tributaire du public. Sa considération privée est
seule en jeu.
Il y a offense grave dans le fait d'imputer à un écrivain de
vendre, sous l'autorité et la garantie de son nom, des ouvrages dont
il n'est pas l'auteur, car une pareille imputation s'attaque à la pro-
bité de celui qui en est l'objet.
Diffamation.
Nous croyons utile de dire quelques mots sur la diffamation,
qui, soit par parole, soit par écrit, constitue un des moyens les plus
fréquents d'offenser.
La diffamation consiste dans l'imputation ou l'allégation d'un
fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération.
En principe, pour qu'il y ait diffamation, il n'est pas nécessaire
que le fait allégué ou imputé soit faux. Le mot diffamation com-
prend aussi bien la médisance ou le jugement téméraire que la
calomnie.
La vérité des faits diffamatoires ne met pas V agresseur à l'abri
aune réparation.
Si je dis : « M. X... est un cocu, » réelle ou fausse, Timputation est
une offense. J'aurai beau me retrancher derrière la notoriété pu-
blique, ou même derrière un jugement établissant clair comme le
jour que M. X... a subi le sort de Ménélas, je ne pourrai me sous-
traire au cartel qu'il m'adressera.
Il existe cependant deux cas où la preuve décharge l'agresseur
de l'obligation de réparer :
1^ Si le fait allégué ou imputé entraine l'indignité de la
personne diffamée. On ne se bat pas avec un voleur ou avec un
escroc * ;
2^ Lorsqu'il s'agit de personnes ayant agi dans un caractère pu-
blic ou politique, pour faits relatifs à cette face de leur personnalité,
c'est-à-dire absolument étrangers à leur vie privée et sous réserve
1. Voyez chapitre xii.
Î4 PREMIÈRE PARTIE.
des expressions outrageantes qui ont pu accompagner Timputatlon
et qui n'ont rien à voir avec la preuve *.
Dans ces deux cas, le fardeau de la preuve incombe à l'auteur
de l'imputation.
La loi pénale n'admet pas la diffamation sans que le fait allégué
ou imputé soit précis et déterminé. Traiter quelqu'un de voleur
est une injure, le traiter de banqueroutier est une diffamation,
parce qu'alors l'imputation précise les circonstances dans lesquelles
le vol s'est accompli.
En matière de point d'honneur, celte distinction est sans grande
importance, puisqu'il y a offense dans les deux cas. Observons
cependant que la précision du fait peut quelquefois modifier la va-
leur de l'offense. Si d*une voix ironique je dis : « M. X... est un
malin, » l'offense (en admettant qu'elle existe) est bien moindre que
si j'ajoute : « Il a dans telle circonstance côtoyé la loi pénale avec
une remarquable habileté. »
La tentative d'un fait contraire à l'honneur ou à la considéra-
tion est une diffamation. Exemple : Reprocher à une personne d*a voir
essayé de tricher au jeu.
Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait diffamation, que le fait
allégué soit œuvre active de la personne à qui on l'impute, dès qu'il
porte atteinte à l'honneur ou à la considération.
Dire d'une jeune fille qu'elle a été violée, d'un mari qu'il a été
trompé, sont des diffamations, bien qu'il n'y ait aucun rapport actif
entre le fait et la personne. Le fait allégué ou imputé n'a pas besoin
non plus d'être directement personnel à l'individu qui se prétend
diffamé.
Je suis militaire, en concurrence, pour obtenir un grade, avec
Pierre qui l'emporte sur moi. Si je dis : « Ce n'est pas étonnant,
Pierre a fait un cadeau à la femme du chef de corps pour être porté
avant moi sur la liste de promotion *. » Il n'est pas douteux que l'of-
fense n'atteigne ce chef de corps.
Pour qu'ily ait diffamation, il n'est pas nécessaire que l'honneur
ou la considération aient été réellement atteints ; l'intention de diffa-
mer et le fait imputé suffisent.
Peu importe, notamment, que l'honneur de la personne visée
soit à l'abri de toute atteinte.
1. Vovez Considération professionnelle et poliliqm.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. Î5
Des atteintes à Tamour-propre et à la dignité.
Gomme Thonneur et la considération, V amour-propre et la
dignité peuvent être atteints par des actes, des paroles et surtout
par des omissions, qui, en cette matière, constituent le mode d'of-
fenser le plus habituel. En passant de la considération à l'amour-
propre, nous descendons d'un degré, surtout s'il s'agit de Tamour-
propre inspiré par la yanité. Nous tombons alors dans Toffense
simple.
Reprocher à un vieux beau ses prétentions ridicules, le persifler
à cause de ses cheveux teints, de ses fausses dents, de ses prétendues
conquêtes, c'est, dans certaines circonstances, latteindre douloureu-
sement dans son amour-propre; mais l'offense, si offense il y a, ne
dépasse pas la limite de Toffense simple.
Les atteintes qui sont motivées par des railleries, invectives, etc.,
portant sur des difformités et infirmités corporelles ou intellectuelles,
comme s'écrier, par exemple : « Ah I le vilain bossu I Le déplaisant
bancal I L'embélant personnage!» rentrent dans cette catégorie.
Cependant, si elles ont rapport à certains points de vue intimes,
elles peuvent constituer exceptionnellement Finjure grave.
Rééditer pour une femme les fameux vers adressés à la mar-
quise de Pompadour :
La marquise est pleine d'appas;
Les fleurs naissent sous ses pas.
Mais se sont des fleurs b
ne saurait recevoir un autre classement, car c'est dire : « J'ai eu lieu
de m'en apercevoir, j'ai eu des rapports intimes avec elle ; » c'est
porter atteinte à son honneur en même temps qu'à son amour-
propre.
L'imputation de certaines inaladies contagieuses risquerait
d'amener le même résultat.
L'amour-propre d'un ordre plus élevé que celui dont nous avons
parlé tout à l'heure, Vestime de soi, qui prend le nom de dignité, se
confond dans certains cas avec la considération, et peut donner lieu
à des offenses graves.
Un homme considère comme de sa dignité de rester fidèle à ses
opinions, à ses principes, à ses engagements, à ses amis ; il a acquis
par cette attitude le respect des gens qui Fentourent. Si vous cher-
chez à compromettre cette manière de vivre à leurs yeux, si vous
lui reprochez d'y contrevenir, vous vous rendez coupable envers lui
56 PREMIÈRE PARTIE.
d'une offense réelle, qui pourra être grave dans certaines circon-
stances.
Traiter quelqu'un de pantin politique, de plat valet du pouvoir,
rentre dans cette dernière catégorie.
Le qualifier de ganache, subissant Finfluence du premier Tenu,
ne compte que comme offense simple. En effet, Pépithète de ganache
ne vise que l'intelligence ; elle ne porte atteinte ni à l'honneur ni à
la considération privée. Le plus honnête homme du monde, le plus
vénéré, le plus éminent, un Socrate, un Platon, peuvent devenir
ganaches en quelques secondes. Il suffit pour cela de la plus légère
congestion.
Des atteintes à la politesse et au savoir-vivre.
Par cela même que la politesse ne concerne guère que les ac-
tions superficielles de notre vie, les infractions à ce code d'urbanité
sociale ne peuvent prétendre au titre d'offenses graves, et pas tou-
jours même à celui d'offenses simples.
Il n'en est pas moins vrai que l'impolitesse joue un rôle impor-
tant dans les affaires d'honneur, sinon comme agent direct et prin-
cipal, du moins comme point de départ de discussions et alterca-
tions aboutissant à des offenses réciproques.
La difficulté sera souvent de déterminer le véritable caractère
d'une impolitesse. Est-elle suffisamment grave pour donner à celui
qui Ta reçue le titre d'offensé? Au contraire, ce titre doit-il apparte-
nir à la personne atteinte par la réplique que son inconvenance a
provoquée ? Ou bien faudra-t-il laisser au sort le soin de départir les
rôles ?
Trois hypothèses qui modifient singulièrement la position res-
pective des antagonistes ^
Si la réplique constitue une atteinte à l'honneur ou à la consi-
dération privée, l'hésitation n'est pas possible. C'est celui qui l'a
subie qui est l'offensé ; mais dans le cas contraire la difficulté s'ac-
centue.
Nous nous trouvons alors au dernier degré de l'échelle, à cette
limite difficile à saisir qui sépare la simple inconvenance, trop
minime pour valoir une réparation, de l'offense réelle.
La seule impolitesse sujette à réparation est celle qui a le carac-
tère d'un affront, pour la constatation duquel les circonstances et
la question d'intention jouent un rôle prépondérant.
Ne pas rendre un salut, parler à une femme sans se découvrir,
1. Voyez chapitre vm.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. tl
annoncer qu'on ne répondra pas à telle leltre, ou qu'on ne rendra
pas telle visite, parce qu'on ne veut pas entrer en rapport avec « ces
gens-là », ou se commettre avec « des espèces », ou voir des per-
sonnes qui ne sont pas « du monde » ; regarder avec dédain, parler
avec hauteur, etc., etc., sont des impolitesses qui peuvent constituer
l'offense du premier degré.
Des témoins prudents verront-ils, par contre, matière à un duel
dans un simple manque d'égards ou de procédés .-comme refuser un
service, ne pas prendre l'initiative du salut lorsqu'on est beaucoup
plus jeune, laisser une lettre sans réponse, négliger de rendre une
visite, en un mot dans l'inobservation non visiblement préméditée
de ces mille bienséances imposées par l'usage aux gens qui ont reçu
une bonne éducation?
Évidemment non.
L'individu dont Tépiderme est trop sensible pour supporter phi-
losophiquement ces coups d'épingle mondains n'aura d'autre res-
source que de rendre impolitesse pour impolitesse, mais plus mar-
quée cette fois, de manière à ce que l'intention soit bien précisée
et qu'il n'y ait pas de doute sur le but de sa riposte.
Il 7 gagnera la qualité d'agresseur et devra subir l'arme de son
adversaire; mais, étant donné son tempérament, ce doit être pour lui
une considération secondaire.
Des atteintes à la délicatesse.
Ce genre d'atteintes offre une assez grande analogie avec celles
que nous avons étudiées. La politesse et la délicatesse se touchent
de près.
Il ne s'agit pas ici de l'indélicatesse prise dans son acception
vulgaire et synonyme d'escroquerie. Le fllou ne relève que des lois
pénales.
Nous ne parlons que des procédés de mauvais aloi, ou bien
encore de ces froissements qu'une interprétation de toutes les conve-
nances morales et sociales fait sentir plus vivement à l'homme bien
élevé. Ces sortes de blessures n'exigent pas toujours une réparation.
Lorsqu'elles sont légères, elles ouvrent simplement la porte à l'of-
fense, par les représailles qu'elles provoquent ; mais leur légèreté
n'est souvent qu'apparente; la forme extérieure recouvre parfois
une atteinte véritable. Souvent elle se manifeste sous forme d'im-
pertinence.
L'impertinence est une impolitesse perfectionnée. On pourrait
la définir: le savoir-vivre de l'impolitesse. Elle frappe selon les
^ •l'^.r. '
J8 PREMIÈRE PARTIE.
formes ; ce qui ne Tempéche pas de pénétrer aussi profondément
qu'une brutalité. Avec elle on peut tout dire au mauvais entendeur.
Le bon entendeur envoie ses témoins.
Supposons qu'un convive, s'appropriant le mot de l'évêque de
Grasse, dise à son voisin qui vient de se couper le doigt en man-
geant une côtelette de porc: « Vous avez taillé dans le vif, mon-
sieur 1 )» L*offense sera la même que s'il lui avait dit : « Vous êtes
un cochon 1 » Offense grave assurément, malgré l'atticisme de la
forme.
Si l'impertinence ne sort pas du domaine de l'impolitesse pro-
prement dite, si elle n'atteint que nos ridicules, ne blesse que notre
amour-propre, elle demeure naturellement une offense simple ou
du premier degré.
En dehors des atteintes à la délicatesse par insinuations mal-
veillantes, il y a les procédés indélicats. Nous voulons parler de ces
actions permises par la loi, et tolérées dans certains milieux, mais
qu'un galant homme ne doit pas commettre ; ce qu'en termes fami-
liers on appelle un mauvais tour, et en termes vulgaires une canail-
lerie: toutes les trahisons, fourberies, etc., dictées par l'intérêt,
l'ambition, la méchanceté, etc.
Par exemple trahir un secret important (lorsqu'il ne s'agit pas
du secret professionnel), desservir un ami, une personne qui vous a
rendu service pour se substituer à un avantage dont elle devait pro-
fiter; intriguer pour une place, une élection contre une personne à
laquelle on doit des égards, etc. Ce sont en général des offenses du
premier degré, à moins que les procédés employés n'aient causé
une atteinte à l'honneur ou à la considération.
C'est surtout lorsqu'il s'agit d'une atteinte à la politesse, à la
délicatesse, à la dignité, à l'amour-propre, qu'il faut tenir compte
dès nuances, des incidents, de la qualité des personnes, des milieux,
des intentions, etc., pour arriver à préciser la valeur de Toffense;
en un mot de toutes les circonstances qui peuvent accompagner
l'acte et dont nous nous occuperons au chapitre v.
On raconte que, sous l'Empire, Berryer, faisant le tour d'une
assemblée où se trouvaient réunis un grand nombre de ses amis poli-
tiques, entremêlés de quelques sommités impérialistes, distribua des
poignées de main à chacun des premiers ; puis, arrivant au groupe
bonapartiste, replongea avec affectation sa main dans la profondeur
de son habit, pour reprendre un peu plus loin sa distribution. Ce
geste suffisait à manifester l'impolitesse.
Si un des adversaires politiques du grand orateur avait pris
l'initiative de lui tendre ostensiblement la main auparavant, n'est-il
pas évident que ce même geste aurait constitué un refus méprisant
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 29
et agressif, d'une portée inflnimeat plus considérable que dans la
première hypothèse ?
De la voie de fait.
La voie de fait occupe le degré le plus élevé dans Téchelle des
offenses; aussi la législation du point d'honneur accorde-t-elle le
maximum des avantages à celui qui en est victime.
On entend par voie de fait tonie mainmise, tout contact insul-
tant et matériel d'un corps contre un individu. Tels sont les coups
et blessures, soufflets, coups de pied et coups de poing, coups de
coude; tirer les cheveux, la barbe ou les oreilles, donner des chique-
naudes, secouer par le revers de Thabit, etc.
La voie de fait consiste également dans Taction de lancer des
objets, une matière quelconque sur la personne qu'on veut insulter.
Ainsi lui cracher à la figure, la lui barbouiller avec une matière
de n'importe quelle espèce, jeter un verre, son contenu, des cartes
à jouer, un gant, etc., sont voies de fait.
Le toucher équivaut au frapper. Tous les auteurs sont d'accord
sur ce point.
La gravité de l'offense n'est pas proportionnée à la force du
coup. Que la main frappe ou ne fasse qu'effleurer, le résultat est le
même^
En matière d'offenses du troisième degré, Tintention est réputée
pour le fait, si cette intention s'est manifestée par un commence-
ment d'exécution, et si la tentative n'a manqué son effet que par des
circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.
Vous levez la main pour me frapper, vous portez le coup, j'ar-
rête votre bras ; quoique non atteint, je reste offensé avec voie de
fait. Il en est de même si vous me lancez un objet quelconque à la
figure, et si, par un mouvement de recul, j'esquive le coup.
Dans la matière qui nous occupe, la question d'intention joue
un rôle primordial ; aussi les témoins devront-ils y porter toute leur
attention. Nous traiterons du reste ce point dans le chapitre v, en
même temps que nous étudierons les autres circonstances qui
modifient la valeur et la portée des offenses.
Le geste le plus insultant n'est pas une voie de fait, s'il ne
touche ni ne frappe, ou ne constitue pas la tentative de toucher ou
de frapper. Ainsi, lever la main contre un individu à une distance
trop grande pour que le contact soit possible, cracher à terre en le
1. Voyez Chateauvillard, chapitre premier, article premier. — Tavernier, Art du
duel, page 26.
30 PREMIÈRE PARTIE.
regardant d'un air méprisant, etc., sont des injures et non des voies
de fait.
La menace d'une voie de fait ne saurait, à plus forte raison, être
assimilée à la Toie de fait elle-même ; c'est une offense grave, offense
du deuxième degré et pas autre chose.
Conséquemment, si à une injure grave je réponds par ces mots :
u Tenez-vous pour souffleté, » ce soufflet verbal ne donne pas à
mon adversaire le droit d'offensé, puisque c'est moi qui ai subi la
première offense. Je reste l'offensé en vertu du paragraphe !•' de
rarticle 2, chapitre vni :
(( Si les offenses sont du même degré, la priorité de la réception
donne rang d'offensé ^ »
Nous terminerons ce qui concerne la voie de fait en recherchant
pourquoi Chateauvillard la considère comme la plus grosse des
offenses, et lui accorde le maximum des privilèges réservés à l*of-
fensé.
Son but est évidemment d'empêcher que les querelles ne dégé-
nèrent en rixes et en pugilats, offrant le scandaleux spectacle
d'hommes réputés bien élevés se gourmant comme des croche-
teurs.
Tel serait l'épilogue de la plupart des querelles, si la personne
gravement offensée pouvait, sans perdre les avantages que lui con-
fère l'injure qu'elle a reçue, se livrer à une vengeance d'autant plus
tentante qu'elle est éclatante et immédiate.
N'oublions pas que la législation du point d'honneur doit être
celle des gens bien élevés, des délicats, des raffinés. Ces considéra-
tions expliquent certaines décisions qui peuvent surprendre tout
d'abord, mais qui paraissent ensuite naturelles lorsqu'on les exa-
mine au même point de vue que Chateauvillard.
CHAPITRE V
De Tofifense au point de vue des circonstances
qui la modifient.
Les circonstances donnent à l'offense une valeur relative, extrin-
sèque, qui s'ajoute a sa valeur propre, tirée de sa nature même. 11
1. Voyez appendice no 1. — Affaire Laur-Thomson, 12 juillet 1889.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 31
ne s'agit pas seulement d'une lésion morale, étudiée dans son
essence, mais des transformations qu'elle subit en devenant un fait.
Sur vingt offenses de même nature, il n'y en aura peut-être pas deux
se produisant de la même manière.
De là, pour chacune d'elles, une manière d'être, un caractère
particulier, qui modifient plus ou moins son intensité.
Dans certains |cas, les circonstances donnent à l'offense une
moralité nouvelle et changent son degré. Grâce à elles, l'offense
simple peut devenir injure grave, et l'injure grave perdre cette
qualité.
Si à la suite d*un souper très arrosé, entre vieux amis, gens
discrets, qui se connaissent dans tous les recoins de leur vie privée,
qui aiment à se plaisanter et qui en sont arrivés à ce point où les
femmes deviennent le sujet des verbiages masculins, je dis en riant
à l'un d'eux, magistrat et père de famille : a Et toi, Pierre, reçois
tous mes compliments; j'admire avec quelle facilité tu passes de
Thémis à Vénus, et te reposes des fatigues de l'une dans les bras de
l'autre. Lorsque certain jour je t'ai surpris fourrageant les charmes
deH°^X., dont l'époux est de ton âge J'ai cru voir non plus un
conseiller à barbe grise, mais un jeune substitut. »
Cette interpellation peut constituer une plaisanterie de mauvais
goût, un manque de savoir-vivre, mais non une injure grave, parce
que le combat amoureux dont je viens de faire une quasi-apologie
devient aux yeux des auditeurs, gens de plaisir, plutôt un succès
envié qu'une atteinte à la considération de Pierre; et qu'en admet*
tant même que ce récit apprenne quelque chose de nouveau aux
amis de ce dernier, il peut compter sur leur discrétion.
Supposons, au contraire, qu'en sa qualité de magistrat, Pierre
soit désigné pour juger un procès en adultère, que j'écrive les
mêmes phrases dans le journal de la ville où il va siéger, et que je
termine mon article par les expressions suivantes : « Enfin, on ne
pourra pas dire qu'il ne connaît pas son sujet ? » Mon imputation
sera dénature à porter atteinte à sa considération, car la dignité de
vie et la correction sont des qualités sans lesquelles le père de
famille ne saurait prétendre au respect de ses enfants, et le magis-
trat à celui de ses justiciables.
Gomme cette imputation a été préméditée, comme elle a été
rendue publique, il n'est pas douteux que, bien qu'ayant été conçue
dans les termes de la première hypothèse, elle ne prenne une mo-
ralité nouvelle, ne change de degré, et qu'au lieu de rester offense
simple, elle ne constitue une offense grave, à raison des circon-
stances.
Dans certains cas, les circonstances ne changent rien au degré
3Î PREMIÈRE PARTIE.
de Voffense, Il resle toujours le même. Elles augmentent ou dimi-
nuent seulement son intensité dans le même degré.
Si rencontrant Pierre dans une rue où il ne passe que deux ou
trois inconnus, je le salue, si Pierre n'a pas l'air de me voir et ne
me rend pas mon salut, il commet à mon égard une simple impo-
litesse, qui tient le dernier rang des offenses simples, en admettant
qu'elle soit considérée même comme une offense.
Si cette impolitesse a lieu en présence d'une assemblée nom-
breuse de gens qui nous connaissent, si elle est accompagnée d'un
coupd'œil agressif ou d'un sourire ironique, elle se métamorphose,
grâce à ces circonstances, en atteinte grave à l'amour-propre, mais
elle ne change pas de degré et demeure toujours offense simple,
c On peut se demander quel intérêt ont les témoins ou les arbitres
à constater cette métamorphose et à peser la nouvelle intensité de
l'offense, puisque, le degré restant le même, le droit d'offensé n'est
pas modifié.
Cet intérêt peut être considérable, lorsqu'il s'agit d'offenses ré-
ciproques, prévues par l'article 3 du chapitre vni, aux termes
duquel si, à une simple impolitesse, il est répondu par une atteinte
grave à l'amour-propre, toutes les chances de la rencontre sont
tirées au sort.
Si nous faisons l'application de cette règle à l'exemple précé-
dent, c'est-à-dire au cas où une simple impolitesse a été commise,
on voit que si je réponds à l'omission de Pierre par l'épitbëte d'In-
solent, qui constitue une atteinte grave à l'amour-propre, je perds
la qualité d'offensé à laquelle j'aurais eu droit sans cette expression
d'intensité majeure, et que je dois subir l'aléa du tirage au sort.
Dans la seconde hypothèse, comme les circonstances ont donné
au salut refusé par Pierre le caractère d'une atteinte grave à l'amour-
propre, je puisle traiter d'insolent sans perdre mon droit d'offensé,
en vertu du paragraphe premier de l'article 2, chapitre vin, aux
termes duquel : « Si les offenses sont du même degré, la priorité de
la réception donne rang d'offensé. »
L'importance de la modification que l'offense peut éprouver
sans changer de degré, par le fait des circonstances, est encore très
sensible lorsque l'affaire se termine par un arrangement amiable.
Il est clair, en effet, que la réparation à laquelle sera tenu
l'agresseur augmentera ou diminuera proportionnellement à la
gravité donnée à Toffense, par les circonstances qui la modifient
sans changer son degré.
Prenons encore le même exemple que tout à l'heure. Ne
voyons-nous pas que si l'omission offensante a été faite devant une
assemblée de personnes qui nous connaissent, j'aurai le droit
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 33
d'exiger que les regrets que Pierre exprimera leur soient communi-
qués, tandis que, dans le cas où il n'y aurait pas eu d'autres témoins
que des inconnus, la publicité ne serait plus aussi nécessaire.
Les circonstances qui modifient Toffense sont relatives li"" A la
qualité des personnes; 2^ à la manière dont elle a été commise.
Nous nous demandons d'abord :
Par qui Toffense a-t-elle été commise?
Puis, à qui s'adresse-l-elle ?
Puis, dans quel but, et par quels moyens?
Où?— et quand?
1<> Par qui Tofiense a-t-elle été commise?
L'acte offensant peut être plus ou moins grave suivant l'âge,
rétat, la condition, la profession, la position sociale de celui qui le
commet.
Suivant Vdge. — Il est évident que des paroles proférées par
un homme mûr ont une portée tout autre que celles qui le sont
par un tout jeune homme sans grande consistance. Il est permise
un vieillard d*adresser à un homme beaucoup moins âgé des con-
seils sévères, et même, dans certains cas, des reproches qui seraient
peut-être considérés comme offensants dans une bouche moins
vénérable. ,
Suivant la condition et l'état des personnes. — Entre parents
(nous ne parlons ici, bien entendu, que de ceux entre lesquels le
duel est toléré), les paroles et les actes n'ont pas la même valeur
qu'entre étrangers; ainsi la parenté qui existe entre cousins auto-
rise certaines libertés qui paraîtraient blessantes entre personnes
qui n'auraient que des rapports de hasard ou de société.
L'amitié autorise également bien des familiarités et des liber-
tés analogues.
Par contre, elle peut augmenter quelquefois la gravité de l'of-
fense. Si un ami me diffame publiquement, si entendant quelqu'un
me diffamer, au lieu de prendre ma défense il s'en réjouit, inter-
roge le diffamateur, l'excite, coopère efficacement, en un mot, à
l'atteinte portée à mon honneur, il n'est pas douteux qu'à égalité
de lésion, cette atteinte ne soit plus vivement ressentie par moi que
si elle avait été causée par un indifférent, car au préjudice viendra
se joindre la douleur de la trahison.
L'autorité, l'ascendant légitime d'une personne sur une autre
lui confèrent envers cette dernière une liberté de conseils et d'ap-
préciation particulièrement étendue. Exemple : Le tuteur, même
arrivé au terme de ses fonctions vis-à-vis son pupille, le précepteur
3
*. , j^. -"îi
34 PREMIÈRE PARTIE.
vis-à-yisde son élève, etc. Dans Tordre hiérarchique nous trouvons
des dérogations encore plus accentuées, surtout dans la hiérarchie
militaire ^
Suivaiit la profession. — Ainsi les épithètes que se prodiguent
les journalistes, les accusations qu'ils se jettent à la face, consti-
tueraient souvent des injures d*une extrême gravité, si elles éma-
naient de personnes étrangères à la presse.
Entre gens de plume, elles deviennent la même monnaie des
polémiques quotidiennes, et n'émeuvent guère plus ceux qui les
échangent que le public qui les lit. C'est un langage d'un genre
spécial, auquel tout le monde est habitué et qu'il ne faut pas prendre
au pied de la lettre.
Suivant la position sociale. — Disons quelques mots sur Fin-
fluence de la position sociale, abstraction faite de toute question
de hiérarchie et de subordination réglementaires.
Le Français, répëte-t-on sans cesse, ne tient qu'à Tétiquette de
la liberté, mais il est affamé d'égalité. C'est vrai. Mais il est non
moins vrai que cet appétit ne saurait jamais être complètement
assouvi. L'égalité devant la loi existe bien théoriquement, mais
l'égalité sociale est un mythe.
Mille avantages de force physique et morale, de naissance, de
fortune, etc., etc., sont et seront toujours là pour détruire Téqui-
libre tant souhaité.
De là grande jalousie, et, disons le mot, grande haine de tous
ceux qui, entraînés au bas de la roue, suivent du regard le mouve-
ment ascensionnel de voisins plus favorisés.
Étant donné un pareil état d'hostilité, nous voyons que si un
de ces derniers se livre à une offense vis-à-vis un des disgraciés,
l'atteinte sera plus vivement ressentie que si elle émanait d'un
habitant des étages du dessous, c'est-à-dire d'un égal ou d'un infé-
rieur.
Il est donc vrai de dire que la position sociale n'est pas sans
influence sur l'intensité de l'atteinte.
2^ A qui rofifense est-elle adressée ?
Plus encore au point de vue passif qu'au point de vue actif, la
qualité des personnes influe sur la valeur des offenses. En effet,
nous rencontrons ici un classement particulier à l'honneur social,
qui correspond à diverses catégories d'individus plus ou moins
sensibles à l'outrage, selon la position qu'ils occupent. De là ces dé-
1. Voyes chapitre Lxm, Provocation entre militaires de gradée inégaux.
fT ^ 1
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 35
nominations d'honneur militaire, honneur du mari, honneur de la
femme, honneur professionnel, etc., etc., concernant divers groupes
ayant à défendre, chacun en ce qui le concerne, un bien qui lui
appartient en propre.
L'honneur militaire est très chatouilleux. Presque toutes les
atteintes dirigées contre lui sont graves. Le courage y tient la pre-
mière place. Tout ce qui le met en doute devient une injure.
Si j'accuse, par exemple, un ancien officier d'avoir donné, sans
y être obligé par un motif de force majeure, sa démission au mo-
ment de la guerre, ou de n'avoir pas repris de service après nos
premiers désastres, alors que tous ses camarades le faisaient et
que lui n'avait aucune raison de s*en dispenser, cette accusation
est plus injurieuse que si je reproche à un civil d'avoir trouvé
moyen de ne pas quitter ses foyers à pareille époque. Cependant
cette double imputation met également en doute le courage de cha-
cun d'eux.
Lhonneur du mari est encore plus susceptible que l'honneur
militaire ^
Lhonneur de la femme, de la jeune fille surtout, est très délicat.
Il suffit d'un souffle pour le ternir. La moindre insinuation, une
simple inconvenance, deviennent des offenses graves. Un homme
réputé bien élevé qui se laisse aller à des propos grossiers, incon-
venants, ou môme simplement à double sens devant une jeune
fille, peut se rendre coupable d'une offense grave, alors même
qu'ils ne lui sont pas adressés.
Pour faire apprécier combien l'honneur de la femme diffère de
celui de l'homme, il suffit de rappeler le peu d'importance que
Timputation d'adultère peut offrir dans certains cas, lorsqu'elle
s'adresse au mari, comparée à celle qu'elle acquiert si elle est diri-
gée contre la femme.
L'honneur du nom est moins exigeant que les précédents *.
Ce que nous avons dit au chapitre iv sur la considération pro-
fessionnelle nous dispense de revenir sur ce sujet, qui clora la liste
des exemples destinés à expliquer l'influence de la qualité de la
personne offensée sur la portée de Toffense.
Nous y renvoyons le lecteur.
1. Voyez notre chapitre viii.
2. Voyez notre chapitre x.
• .. .^J
36 PREMIÈRE PARTIE.
30 Dans quel but et par quels moyens Tofifense
a-t-elle été commise ?
Laissant de côté pour le moment les divers mobiles particuliers
(baine, jalousie, etc.) qui peuvent inciter l'bomme à offenser son
procbain, nous allons nous occuper seulement de la question d'in-
tention, qui, dans notre matière comme dans tous les actes humains,
joue un rôle prédominant.
En effet, la perpétration d'un acte qui, par sa nature, est suscep-
tible de porter atteinte à l'bonneur moral et social d'un individu,
ne suffit pas pour engager la responsabilité de son auteur. Il est
nécessaire qu'au fait matériel se joigne Tintention d*offenser.
LHntention d'offenser résulte du concours de trois conditions.
11 faut que Fauteur ait eu : l"" la connaissance des circon-
stances qui impriment au fait un caractère offensant ; 2^ la capacité
de discerner ce caractère offensant ; S"" qu'il ait joui du libre exer-
cice de sa volonté.
En Fabsence d'une seule de ces conditions, il n^y a plus inten-
tion offensante, il ne peut 7 avoir offense.
Reprenons en détail chacune d'elles.
l"' condition. — Il est évident que si l'auteur du fait ignore le
caractère offensant qui est attaché à ce fait, en un mot s'il est de
bonne foi, sa responsabilité n'est pas engagée, bien qu'il y ait eu
perpétration matérielle d'un acte préjudiciable. Si étranger, parlant
et comprenant mal la langue d'un pays, je me sers, en m'adressant
à un indigène, d'un qualificatif que je crois être une formule de
politesse, et qui se trouve être une grossièreté, je ne serai tenu à
aucune autre réparation qu'à établir mon ignorance, et partant la
bonne foi avec laquelle j'ai parlé, et à exprimer mes regrets d'un
malentendu qui a pu être préjudiciable. Cette dernière partie de la
déclaration, qui peut être faite par l'homme le plus raffiné en
matière de point d'honneur, sans lui attirer de blâme, est une con-
dition essentielle pour que la partie adverse accepte l'explication ;
car, en somme, j'ai commis, sinon une faute, du moins une impru-
dence, puisque je me suis servi d'une langue que je ne connaissais
pas. Je dois la réparer, sinon Fexplication sera justement rejetée.
L'offense peut exister sans que le but de Fauteur ait été de
nuire à la personne offensée, par cela seul qu'il a pu et dû prévoir
les conséquences préjudiciables de son acte, et que le mobile auquel
il a obéi n'était pas de nature à l'exonérer de la responsabilité du
mal qu'il a causé.
Si étant seul dans une chambre, je profère à haute voix contre
Pierre des paroles outrageantes, qui sont entendues par plusieurs
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 37
personnes, j'aurai beau répondre au cartel qu'il m'adressera que
mon but n'était pas de me faire entendre ; comme je ne pouvais
ignorer le sens de mes paroles, comme il ne tenait qu'à moi de
garder le silence ou de baisser la voix, comme ces expressions ont
causé préjudice, l'exception de bonne foi ne saurait être admise.
Si, étant gérant d'une agence de renseignements, je fournis à
mes abonnés des bulletins contenant des imputations diffamatoires
pour des tiers, je ne puis me prévaloir de ce que je ne les ai rédigés
que pour éclairer ceux envers lesquels Tagence était liée, et non
dans une intention nuisible ; car cette intention résulte suffisam-
ment de la connaissance que je dois avoir du caractère préjudiciable
d'un mode de renseignements que des contrats d'abonnement ne
sauraient autorisera
Si, étant journaliste, je publie des faits diffamatoires, peu
importe que je ne connaisse pas la personne à la considération de
laquelle ces faits portent atteinte, et que j'aie agi dans Tunique but
de publier un article qui me paraissait de nature à intéresser le
lecteur».
Peu importe, du reste, que le fait soit de notoriété publique, ait
déjà été publié dans un journal, que j'aie cru à sa réalité, etc. ; car
la réalité du fait laisse subsister l'offense et ne m'exonère d'une répa-
ration que si elle entraîne l'indignité de la personne offensée '.
2* et 3* conditions. — C'est par l'influence qu'elles exercent sur
la volonté de Fauteur que ces dernières conditions entraînent son
irresponsabilité. Elles résultent de la démence et de la contrainte
produite par un cas de force majeure.
Démence.
Il y a démence toutes les fois que le discernement de
l'auteur se trouvait, au moment de la perpétration de l'acte,
couvert d'un nuage qui l'empêchait d'en percevoir la moralité ,
quel que soit d'ailleurs le nom de la maladie :*fureur, imbécillité,
idiotisme, monomanie, lorsque le fait se rattache à l'objet de sa
monomanie, etc. Il y a démence, en un mot, toutes les fois que
Tesprit a été égaré par une aliénation momentanée ou par une
aliénation complète et permanente.
Les passions, quelque fougueuses qu'elles soient, peuvent
1. Cest dans ce sens que la Cour d'Aix a jugfé, 19 février 1869. —Voyez Dallor,
année 1869, 2*' partie, pa^^ 83.
2. Paris, 4 mars 1834. Dallox J. G. V. Pressé, outrage, n^ 878, 2s et 883.
3. Voyex notre chapitre iv : Diffamation. — Conformément, Cassation, 21 février
1875. Dalloz, année 1877, V partie, page 186; et Uble des vingt-deux années, V^
Presse, Outrage, n<» 577 et 582.
38 PREMIÈRE PARTIE.
entraîner la volonté de Thomme, mais elles ne lui enlèvent pas son
libre arbitre. Elles ne peuvent donc être assimilées à la démence.
Tel est le désordre de l'esprit causé par la colère, la jalousie, etc.
Il en est de même de Tivresse. En effet, Tivresse n'est pas un cas
fortuit et de force majeure, comme la démence, mais la consé-
quence d'une passion qu*il dépend de l'homme de combattre.
Force msgeure.
La force majeure consiste dans la force qu*on ne peut ni prévoir
ni éviter, à laquelle il est impossible de résister, et d'où résulte
un état de contrainte qui enlève à la volonté humaine toute
liberté. Ces caractères suffisent pour faire reconnaître si les faits
proposés comme faits justificatif peuvent être considérés comme
tels.
On peut encore ranger parmi les causes exclusives de l'inten-
tion offensante, l'obéissance à la loi et aux ordres légalement
émanés de l'autorité légitime, la juste cause, dans certains cas l'in-
térêt public, etc.
Circonstances atténuantes.
A côté des causes sous l'influence desquelles le caractère offen-
sant d'un acte peut disparaître totalement se placent certains faits
qui, bien que laissant subsister l'offense, en diminuent la gra-
vité.
Les circonstances atténuantes varient à l'infini. Nous citerons
pour mémoire la provocation, qui, en droit pénal, va jusqu'à con-
stituer une excuse légale et même jusqu'à enlever à l'acte tout
caractère délictueux, lorsqu'il s'agit d'une injure.
Girconstsmces aggravantes.
De même que le caractère offensant d'un acte disparaît avec
l'absence d'intention, ou s'atténue lorsque cette intention diminue,
de même il s'aggrave avec son intensité majeure, et en particulier
avec la préméditation, c'est-à-dire avec le dessein formé d'avance
de commettre cette offense.
La préméditation implique, en effet, une résolution arrêtée de
sang-froid, méditée, réfléchie, qui ajoute à la conscience du mal
que l'action peut produire le calcul qui en mesure l'étendue et qui
combine les moyens les plus assurés de Taccomplir.
Elle exclut la pensée d'un entraînement subit et irréfléchi.
.£ -«^
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 39
Nous ne pouvons songer à cataloguer les faits qui indiquent
la préméditation; ils yarient à Tinfini. Nous dirons seulement
qu'elle peut être supposée, toutes les fois que Tinterralle entre la
Yolonté et Texécution a été assez long pour faire admettre que la
réflexion Tait entraînée ^
Preuve de rintention offensante, de la préméditation,
de la bonne foi.
A qui incombe la preuve de rintention offensante ? Il faut dis-
tinguer : Si le fait est manifestement offensant dans sa nature, c'est
à l'auteur à justifier de son intention, qui est présumée offensante
jusqu'à preuve du contraire. Si le fait ne présente pas un caractère
visiblement offensant, la preuve de rintention est à la charge de
celui qui se prétend offensé. C'est également à lui qu'incombe l'obli-
gation d'établir la iH*éméditation.
La preuve de la bonne foi doit toujours être faite par l'auteur
de la prétendue offense, car la bonne foi est une exception en sa
faveur.
La question de savoir qui doit faire la preuve a une importance
particulière, lorsqu'on se trouve en présence d'offenses réciproques,
lorsqu'il s'agit d'établir la priorité d'une offense, ou de comparer la
gravité respective de deux offenses.
Une phrase équivoque semble m'accuser d'agissements indé-
licats dans un acte d'administration, dans la gestion d'une tutelle,
par exemple; je réponds à mon interlocuteur que ce n*est pas à lui,
grec de profession , qu'il appartient de juger un honnête homme.
Si je prouve que la phrase équivoque dont je me plains dit
réellement ce qu'elle semble dire, je suis le premier offensé, grave-
ment offensé, jouissant de tous les privilèges attachés à cette
qualité.
Dans le cas contraire, les avantages passent à mon adversaire.
Modes de preuve.
La preuve peut être faite par toute espèce de modes, y compris
les présomptions.
Elle peut résulter de la déclaration faite par Fauteur de Tacte
prétendu offensant.
Cette déclaration constitue-t-elle un moyen auquel les arbitres
i. Voyex Dalloz J. G. — V<» Volonté, Peines, Crimes et délits contre les per-
sonnes.
L ■". "J "- ^'
40 PREMIÈRE PARTIE.
et les témoins sont obligés de se rapporter en tout état de cause?
li faut distinguer :
Si cette déclaration a été faite spontanément ou en réponse à
une question qui n'indique pas que les arbitres ou les témoins
adverses ont entendu y subordonner la conclusion de l'affaire, la
réponse doit être négative ; arbitres et témoins conservent toute
liberté de contrôle. Il en est autrement dans l'hypothèse inverse.
On ne saurait admettre, en effet, qu'après avoir subordonné l'issue
de l'affaire à la parole de l'adversaire, arbitres et témoins puissent
revenir sur le compromis.
La question d'intention offensante une fois résolue, passons à
celle des moyens employés.
Nous n'entreprendrons pas, bien entendu, une énuméraiion
impossible. Nous nous contenterons de montrer, par deux ou trois
exemples, que la circonstance de moyen influe aussi sur la portée
de l'offense et doit être examinée avec attention.
N'est-il pas évident que la publicité, et spécialement la publi-
cité par la voie de la presse, constitue une circonstance très aggra-
yante, d'abord à raison de la préméditation qu'elle indique, ensuite
à raison du préjudice qu'elle occasionne?
Ce préjudice, dont l'étendue est en raison directe du nombre
des personnes à la connaissance desquelles Toffense (une diffamation,
par exemple) est portée, présente ce caractère spécial de gravité,
qu'il est non seulement actuel, mais persistant. En vertu de l'adage
Verba volant^ scripta manenty la personne visée est atteinte dans son
honneur ou sa considération, non seulement au moment où le
livre parait, où le journal est publié, mais pendant toute sa vie;
souvent même la diffamation la poursuit encore par delà sa tombe.
Nous pouvons ranger encore parmi les moyens qui changent la
portée de l'offense, l'ironie, l'allégorie, la persistance de l'attaque, la
plaisanterie, qui, d'ordinaire, apaise l'âcreté d'un affront, et qui,
dans certains cas, contribue à lui donner plus d'intensité, etc., etc.
4*' Où et quand l'ofiTense a-t-elle été commise?
Le temps et le lieu doivent également, avons-nous dit, entrer
en ligne de compte dans l'examen d'un acte offensant.
Une invective reçue en public est évidemment plus grave que
si elle l'a été nez à nez.
Un père de famille offensé devant ses enfants ressent plus
vivement l'affront qui lui fait perdre sa dignité aux yeux d'êtres qui
lui doivent un profond respect.
Le jeune homme criblé de sarcasmes devant la jeune fllle qu'il
.•->.- .#.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 41
doit époaser se trouve, pour des motifs à peu près analogues, dans
le même cas, etc., etc.
Résumons notre chapitre en disant que toutes les circonstances,
quelque accessoires, quelque secondaires qu'elles paraissent, doiyent
être scrupuleusement examinées. Un mot, un geste, une phrase,
s'interprètent de bien des manières. Une intonation suffit pour
modifier le sens d'une parole. Un haussement d'épaules, par
exemple, signe habituel du dédain, exprime quelquefois la commi-
sération, ou bien encore une simple moquerie presque sympathique.
Un mot souligné aggrave ou atténue la portée d'une expres-
sion, etc.
La juste appréciation de toutes ces nuances exige de la saga-
cité, du tact, de Texpérience et du sang-froid.
CHAPITRE VI
De la nature des armes.
Il n'y a que deux armes qui, en France, soient admises comme
armes de duel légales, c'est-à-dire qui soient susceptibles d'être tou-
jours imposées à l'agresseur sans contestation valable de sa part :
tépée et le pistolet. Le sabre n'existe qu'à titre exceptionnel ^
En dehors de Tépée, du pistolet et du sabre, dans certains cas
que nous déterminerons, toute autre arme peut être refusée, car son
adoption ferait rentrer le combat dans la classe des duels excep-
tionnels, qui sont absolument prohibés*.
Daxis quels cas le sabre peut-il être imposé à l'agresseur ?
Cette question est controversée et réclame toute notre attention.
D'après Châteauvillardyle sabre peut toujours être imposé à un
officier en activité de service ou à un officier en retraite reconnu
propre à le manier. Il peut toujours être refusé par un civiP.
Relativement aux officiers, Chateauvillard considère à juste
titre comme inadmissible la prétention que pourrait émettre l'un
d'eux de récuser l'arme qu'il porte ou a portée au côté, qui a été
l'insigne de son commandement, et dont il a pu apprendre l'escrime
s'il a voulu.
1. Voyez Chateauvillard, cliapitre ii.
S. Voyez notre chapitre lviii.
3. Voyez Essai sur le duel, chapitre ii, article premier.
^^^jift.jO*: ,'-'..-' --•.'' •'
42 PREMIÈRE PARTIE.
Du Verger de Saint-Thomas n'admet pas que le sabre puisse
être refusé par qui que ce soit.
D'après lui, le sabre est une arme aussi légale que Fépée et le
pistolet*.
a Le droit de refuser le sabre pouvait, dit-il, être accordé avant
que tout le monde fût soldat, mais aujourd'hui il n'en est plus ainsi.
Les carrières administratives et les magistrats eux-mêmes four-
nissent des officiers aux armées de réserve. II est évident que les
individus appartenant, soit à la réserve, soit à l'armée territoriale,
ne sauraient refuser le sabre, qui est leur arme professionnelle
lorsqu'ils sont sous les drapeaux, en alléguant qu'ils sont dans le
civil *. »
M. Tavernier combat vivement la manière devoir de Du Verger,
dont l'argumentation lui semble pécher par la base :
« Et d'abord, écrit-il, l'auteur se figure que tous ceux qui
peuvent avoir une affaire d'honneur sont officiers, ou dans la cava-
lerie. Les mots « arme professionnelle » ne peuvent signifier autre
chose.
« Or, il est bien certain que l'agresseur appartiendra le plus
souvent à l'infanterie et sera non gradé, ce qui fait qu'il ignorera
généralement l'usage du sabre, bien qu'il appartienne à l'armée.
« L'opinion de Du Verger est donc sujette à caution, puisqu'elle
s'appuie sur des arguments erronés '. »
M. Tavernier ne méconnaît pas la valeur du motif invoqué par
les partisans du sabre obligatoire pour tout le monde, à savoir que
l'escrime au sabre est beaucoup plus facile que l'escrime à l'épée,
qu'elle laisse une bien plus large part aux moyens purement phy-
siques, et qu'elle égalise les chances lorsqu'un homme inexpé-
rimenté se trouve provoqué par un individu fort à l'épée et au pis-
tolet. Mais cette considération particulière ne lui semble pas suffi-
sante pour entrer en ligne de compte avec un motif général et
péremptoire, qu'il développe en ces termes :
« Jusqu'à nouvel ordre, le code du duel de Ghateauvillard et de
ses éminents collaborateurs a toujours force de loi parmi les gens
d'honneur, sinon dans ses détails parfois un peu surannés, du moins
dans ses grandes lignes. C'est toujours à lui qu'il faut s'en référer en
cas de désaccord.
1. Voyez Nouveau Code du duel, page 180.
2. Conformément, voyez Emile Andiô et Jacob, le Jeu de Vépée^ page 222. Observons
cependant que M. André, consulté depuis pâmons, a bien voulu reconnaître^ dans une
lettre en date du 25 Janvier 1890, « qu'en pratique c'est plutôt le système contraire
qui est admis».
3. Voyez Art du duel, page 300.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 43
« On ne peut s'en écarter et y contredire sans laisser la porte
ouTerte à toutes les fantaisies du premier écrivain venu auquel il
plaira de décréter, par exemple, que le fleuret démoucheté, que le
fusil, le poignard ou toute autre arme peuvent être imposés par
l'offensé.
« Donc, jusqu'à ce qu'un jury, composé d*hommes d'une indis-
cutable compétence en matière d'honneur, ait modifié le code de
Chateauyillard, en accordant au sabre les mêmes immunités qu'à
l'épée et au pistolet, nous pensons que le sabre peut toujours être
refusé par un civil. »
Cette décision, qui consacre la théorie de soumission à la cou-
tume écrite représentée par Ghateauvillard, théorie que nous avons
soutenue chapitre premier, rentre trop bien dans notre manière de
voir pour que nous ne l'adoptions pas de préférence à celle de
Du Verger, qui, imbu, comme nous Favons fait observer, des cou-
tumes italiennes, veut introduire en France une arme qui, dans son
pays d'origine, est beaucoup plus fréquemment usitée que les deux
autres ^
Nous répéterons donc, après ces trois auteurs : Le sabre peut
toujours être refusé par un civil.
Que fout-il entendre par le mot oivil?
Nous entendons : l"" l'agresseur qui n'a jamais été astreint au
service militaire ; 2"" l'agresseur non-officier, qui, bien qu'ayant été
astreint au service militaire, a cessé d'appartenir à l'armée, par
exemple, s'il a atteint l'âge de quarante-cinq ans.
Nous disons : l'agresseur non-officier, parce qu'en vertu de la
règle formulée par Château villard, chapitre n, article premier, l'of -
cier est considéré comme militaire au point de vue spécial qui nous
occupe, même après qu'il n'appartient plus à l'armée, pendant tout
le temps qu'il est capable de manier un sabre. Cette arme peut tou-
jours lui être imposée.
Restent les militaires non-officiers de l'armée active, de la
réserve ou de Tarmée territoriale. Parmi eux, les uns appartiennent
à des armes, la cavalerie, par exemple, où le sabre fait partie de
l'armement et où son maniement est réglementairement enseigné;
les autres appartiennent à des armes, l'infanterie, par exemple, où
le sabre n'est porté que par un très petit nombre d'individus (adju-
1. Conformément, voyez Prévost et Jollivet : VEtcrime et le duel, page
333.
44 PREMIÈRE PARTIE.
dants et sergents-majors) et où son maniement n*est pas réglemen-
tairement enseigné.
Quel est vis-à-yis eux le droit de l'offensé pendant les yingt-
cinq ans qu'ils sont astreints au service militaire ?
Peut-il imposer le sabre à son agresseur, abstraction faite de la ca-
tégorie à laquelle appartient ledit agresseur , ou bien sa préro-
gative est-elle, au contraire, limitée?
M. Tavernier se prononce dans le sens restrictif. Nous sommes
absolument d'accord ayec lui sur ce point, mais non sur la méthode
qu*il préconise comme étant infaillible pour résoudre cette délicate
question :
(1 L'agresseur appartient-il à un corps où Parme du duelr^^fl^m^n-
taire est le sabre, il ne peut décliner le sabre dans une rencontre.
« Appartient-il à un corps où l'arme de duel réglementaire est
Fépée, on ne saurait lui imposer le sabre comme arme de combat, t
Nous ne croyons pas devoir adopter ce critérium, par la rsdson
qu'il n'existe en réalité aucune arme réglementaire pour les duels
de régiments.
Une lettre ministérielle rapportée au n*" 2 de l'appendice, seul
document officiel qui, à notre conaissance, puisse être consulté sur
la question des armes de duel entre militaires, n'a en vue que la
substitution de Tépée au fleuret. Elle ne parle pas du sabre et ne peut
être invoquée dans notre espèce.
En l'absence de règlements, la désignation du sabre ou de l'épée
appartient en fait aux chefs de corps.
Comment, dans ces conditions, admettre un critérium aussi
variable ?
A notre avis, celui qui doit uniquement servir, c'est l'arme-
ment.
L'agresseur appartient-il à un corps oii les militaires de son
grade sont armés du sabre, il ne peut le décliner. Comment admettre
quHl ne sache pas se servir de Varme qu'il porte au côté?
Appartiefit'il à un corps où les militaires de son grade ne portent
pas le sabre? Pour la raison inverse, on ne saurait le lui imposer
comme arme de duel.
Cette règle générale permet de distinguer facilement et dans
tous les cas, pour le présent comme pour l'avenir, la catégorie dans
laquelle l'agresseur doit être rangé.
Elle est préférable à une énumération qui, vraie aujourd'hui,
risquerait de devenir fausse un peu plus tard, étant donné le peu
de stabilité des règlements militaires.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 45
Elle respecte le principe formulé par GhateauTillard. Elle donne
satisfaction saffiisante aux innovations qui se sont produites en ma-
tière de service militaire depuis 1836, époque de la publication de
l'Essai sur le duel, puisqu'elle réduit, conformément aux nouvelles
lois, le nombre des individus qui peuvent être regardés comme civils.
Elle doit être adoptée.
Nous ferons remarquer que le droit qui est accordé aux civils
de refuser le sabre, et l'obligation de le subir qui est imposée à
certains militaires, n'ont pas pour conséquence d'autoriser ces der-
niers à refuser le pistolet si Toffensé le leur impose.
La nature de la profession qu'ils ont embrassée met à leur
compte une charge de plus, celle du sabre, sans les exonérer des
charges communes en France à tous les individus qui se soumet-
tent à la juridiction du point d'honneur : celles de l'épée et du
pistolet.
Terminons ce qui concerne le sabre par quelques conseils à
Tadresse des témoins de l'agresseur auquel cette arme a été yalable-
ment imposée, sans qu'il en connaisse Tescrime, ou sans qu'il pos-
sède les moyens physiques nécessaires pour la manier, alors que
son adversaire jouit de ce double ayantage.
Personne n'ignore que l'escrime du sabre telle qu'on rensei-
gne dans les salles d'armes et telle qu'on la pratique arec les sabres
de cayalerie est une gymnastique fatigante, qui nécessite un poi-
gnet rigoureux, de la souplesse et des poumons à Tavenant.
Comment rétabliront-ils un peu l'équilibre?
Comment assureront-ils à leur client quelque chance de s'en
tirer?
En refusant d'accepter les armes lourdes et de maniement diffi-
cile, que les témoins de l'offensé s'efforceront naturellement de
faire adopter, et en luttant pour qu'on choisisse au contraire des
armes légères se rapprochant le plus possible de l'épée, le sabre
droit des officiers d'infanterie, par exemple.
Ils soutiendront énergiquement que le privilège de l'offensé se
borne, dans l'espèce, à imposer le sabre préférablement à l'épée ou
au pistolet, mais ne saurait comporter celui d'obliger l'agresseur à
accepter le modèle de sabre qui conyient à lui, offensé.
Ce modèle peut être discuté, et sur ce point les témoins de l'of-
fenseur reprennent tout leur libre arbitre.
Leur ténacité et leur diplomatie sont-elles couronnées de succès,
ils auront rendu à leur client un service signalé, car avec du sang-
froid et en se servant uniquement de la pointe, ce dernier peut se
tirer d'affaire, s'il a l'habitude de l'épée.
46 PREMIÈRE PARTIE.
Dans le cas contraire, ils réclameront un arbitrage ou le tirage
au sort, et lui gagneront par le fait une chance de Toir écarter le
modèle du sabre qu'il redoute.
CHAPITRE YII
Privilèges de rofifensé.
Nous ayons divisé, chapitre m, les offenses en trois catégories :
Foffense simple ou du premier degré ; l'offense grave, aussi appelée
injure, qui est du second degré; l'offense avec coups ou blessures,
ou du troisième degré.
Aux offenses de chacune des ces classes correspondent, ayons-
nous dit, certaines prérogatives dont l'importance est en raison
directe de leur gravité.
1** L'offensé du premier degré choisit son arme,
qui devient celle de Tagresseur^
Par ces expressions, il faut entendre que l'offensé a le droit de
décider, selon ses préférences, si c'est à l'épée ou au pistolet qu'on se
battra, ou au sabre, si Tagresseur se trouve dans les conditions
requises pour qu'il puisse lui être imposé. L'agresseur est obligé de
se conformer à cette décision et ne peut opposer d'autres excep-
tions que celles qui sont tirées de l'illégalité de Tarme ou de
situations particulières énumérées chapitre xu.
Remarquons que le choix de Toffensé ne peut porter que sur
une seule espèce d'armes, et que l'arme choisie doit servir pendant
tout le duel. On ne peut, par conséquent, convenir que le combat,
après avoir commencé à Tépée, finira au pistolet, ou vice versa.
L'opinion que nous émettons peut sembler contraire à l'article 15
du chapitre rv de Ghateauvillard, ainsi conçu : « Les témoins peu-
vent déclarer qu'il conviendra de changer d'armes, si l'insulté est
dans le cas de l'article 11 du chapitre r% c'est-à-dire avec voie de
fait. »
Nous ne croyons pas que ce désaccord existe réellement.
Les mots « changer d'armes » ne signifient point passer du pis-
tolet à l'épée, ou inversement. Ils signifient que l'offensé avec voie
i. VovM Ghateauvillard, chapitre premier, article 9. — TaYemier, page 2S. —
Dtt Verger, chapitre premier, article 28.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 47
de fait pourra, à la Térité, employer d'autres armes que celles dont
il se sera servi primitivement, mais à condition qu'elles soient de
même espèce.
Si, usant de la faculté qui lui est accordée chapitre vi, article k,
il apporte, par exemple, sur le terrain une paire ou deux paires de
pistolets, il peut (en admettant que plusieurs balles doivent être
échangées), après avoir tiré inutilement avec un des pistolets,
choisir un autre pour tirer une seconde fois.
L'interprétation contraire aurait de grands inconvénients. En
effet, si le droit d'ordonner le changement d'armes appartenait aux
témoins, malgré Foffensé, ce droit pourrait avoir, dans certains cas,
pour effet de diminuer le privilège de ce dernier, qui est de choisir
Tarme qu'il préfère et qui deyient celle de son adversaire.
Si ce droit appartenait à l'offensé malgré les témoins, il pourrait,
dans certains cas, lui procurer un supplément de privilèges auquel
il n'aurait pas droit, et qui pourrait rendre pire la condition de son
adversaire, si cet adversaire était habile au maniement de l'arme
primitivement choisie.
Dans le cas où le changement d'armes serait demandé par les
deux antagonistes, les témoins ne devraient jamais l'accorder, car
cette manœuTre complique la rencontre, augmente beaucoup leur
responsabilité et peut faire naître des difficultés inextricables.
La direction d*un combat est déjà bien assez scabreuse lorsqu*il
se passe comme à l'ordinaire ^
2"* L'o£fensé avec injure grave choisit son arme
et son duel.
Ce choix ne peut être fait que parmi les duels légaux *•
Par ces mots : choisit son duel, il faut entendre que Toffensé peut,
après avoir désigné son arme, choisir, parmi les différents.duelsadmis
comme légaux, celui qui lui convient le mieux. Il peut choisir,
par exemple, entre le duel au pistolet de pied ferme et le duel au
pistolet en marchant, celui qu'il entend imposer à son adversaire.
H. Tavernier, page 22, prétend que le bénéfice du choix du
duel ne trouve pas son application dans une rencontre à l'épée, car
il n*y a qu'une manière de s'en servir. Malgré la valeur de cet
argument, nous croyons que, même dans ce genre de rencontre, le
privilège de choisir son duel existe pour l'offensé avec insulte
grave, en ce qu'il lui permet de fixer la durée des reprises et des
1. Voyez ^>peiidice n<* 3. Affaire deMalortie-de La Poeze. Gasette des Tribunaux,
4-5 décembre 1869.
2. Voyez Chateauyillard, chaiTttre premier, articles 10, 12. — TaYeroier, page 22.
— Du Verger de Saint-Thomas, chapilre premier, article 29 et 31.
48 PREMIÈRE PARTIE.
repos, s'il n'aime mieux que le combat se poursuive sans inter-
ruption *.
3° L'offensé avec coups ou blessures choisit ses armes,
son duel et ses distances*.
Il est libre d'user d'armes à lui appartenant, si ces armes sont
reconnues propres au combat, mais il doit laisser la même latitude
à son adversaire. Inversement, il peut exiger que ce dernier ne se
serve pas d'armes à lui appartenant ; mais, dans ce cas, il ne doit
pas se servir des siennes '.
Suivant une opinion qui dérive de celle que M. Tavernier
exprime au sujet du choix du duel, le bénéfice du choix des dis-
tances ne saurait avoir sa raison d'être que si l'offensé désigne le pis-
tolet, parce que le duel à l'épée, nécessitant le contact des deux Ters
au commencement de la rencontre, il ne peut être question de
distances variables.
L'objection ne nous semble pas aussi péremptoire qu'elle en a
Tair. On peut très rationnellement trouver Tapplication de notre
règle en accordant à Toffensé avec voie de fait la faculté de déter-
miner la dimension du champ dans lequel seront limitées les évo-
lutions des acteurs, faculté précieuse dans certains états physiques.
L'assimilation d'une telle prérogative accordée à l'offensé du
troisième degré qui prend l'épée, avec celle qui revient à l'offensé
du même degré qui préfère le pistolet, est d'autant plus admisible
que leur droit de choisir la distance est restreint dans certaines
limites que ni l'un ni l'autre ne peuvent franchir *.
Telles sont les règles qui déterminent, en France, la position
réciproque de l'offenseur et de l'offensé. Elles sont admises par tous
les auteurs '.
L'annonce de cette unanimité peut surprendre en présence
d'un passage de f Escrime et le duel, par MM. Prévost et Jollivet, De
l'offense^ pages 212, 213, où ce dernier déclare ne pas comprendre
les distinctions faites par Ghateauvillard entre l'offense simple et
l'offense grave, ne pas admettre la théorie grâce à laquelle l'offense
simple entratne la faculté de choisir les armes, l'offense grave celle
1. Voyez notre chapitre xxix.
2. Ghateauvillard, chapitre premier, article 11. — Tavernier, page 22. — Du Ver-
ger, chapitre premier, article 30.
3. Voyez Ghateauvillard, chapitre premier, article 11; chapitre 4, article 9; cha-
pitre 5, article 7 ; chapitre 6, article 4. — Tavernier, page 22. — Du Verger, chapitre
premier, article 30.
4. Voyez nos chapitres xxiv et xxxviii.
6. Conformément, voyez le Jeu de Vépée, par Emile André, page 195.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 49
de choisir les armes et le duel, l'ofifeuse avec voie de fait, le choix
des armes, du duel et des distances, et où il prétend n'accorder dans
tous ces cas qu'un unique privilège, le choix des armes.
Si M. Jollivet s'était borné à cette affirmation de principes,
notre assertion serait évidemment erronée, et les témoins de l'agres-
seur pourraient invoquer son autorité chaque fois qu'il s'agirait de
diminuer les prérogatives de Toffensé.
Les choses ne sauraient heureusement se passer ainsi. Il suffit
d'examiner attentivement le reste du passage que cet auteur consa-
cre à l'ofifense, pour constater que la divergence est moindre qu'on
ne le supposerait tout d'abord.
En efifet, après avoir affirmé qu'une fois le choix des armes
arrêté, les témoins reprennent leur liberté d'action, il ajoute : «Assu-
rément les témoins de Tagresseur ne peuvent pas se refuser à un
duel, soit à l'épée, soit au pistolet, (Paprès les conditions ordinaires
qui leur seraient imposées; mais, à moins d'un blanc-seing donné
d'avance par leur client, ils peuvent refuser les duels dits excep-
tionnels. »
N'est-ce pas exactement la doctrine de Ghateauvillard ?
Le désaccord provient surtout d'un malentendu.
« Dans la rigueur des principes posés par Ghateauvillard, écrit
plus loin M . Jollivet, les témoins de l'offensé auraient le droit d'imposer
le lieu de la rencontre, la position sur le terrain, par exemple.
« Ce sont là des prétentions excessives, sauf s'il y a eu voie de
fait. »
Jamais Ghateauvillard n'a accordé ces privilèges à aucun offensé,
même avec voie de fait.
Le lieu est choisi par les témoins, et la place tirée au sort.
Le lecteur nous pardonnera la longueur de cette digression en
faveur de son utilité.
Il importe que les témoins de l'agresseur n'arrivent pas à
diminuer les privilèges de l'offensé, en invoquant comme favorable
l'opinion d'un auteur aussi sympathique que l'est M. Jollivet.
Grâce à nos explications, les mandataires de l'offensé pourront
maintenir intacts les droits de leur client, et même les -augmenter
s'il y a eu voie de fait, puisque M. Jollivet lui consent le choix du
lieu, qui dans le système contraire est laissé aux quatre témoins,
et le choix de la position, qui est tiré au sort.
Les règles qui déterminent les prérogatives de l'offensé, lorsque
les deux adversaires sont français, les déterminent encore lorsque
l'un d'eux est étranger, et que le différend a eu lieu sur le territoire
français.
4
60 PREMIERS PARTIE.
Un Italien de passage à Bordeaux eut, .il y a quelques
années, une discussion au théâtre avec un habitant de cette yille.
Conformément aux usages de son pays, il voulut lui imposer
le sabre comme arme de duel. L'agresseur, qui était un civil, refusa
d'accepter cette condition.
U soutint que les lois et usages d'un État sont dépourvus d'au-
torité au delà des frontières de cet État, mais obligent indistincte-
ment tous ceux, régnicoles ou étrangers, qui se trouvent dans
rétendue de son territoire. U prétendit que la législation française
du point d'honneur lui était par conséquent applicable, à Texclu-
sion de toute autre, et qu'en vertu de cette législation il échappait
comme civil à l'obligation d'accepter le sabre.
Cette application des principes formulés dans l'article 3 du Gode
civil nous semble très rationnelle en matière de point d'honneur.
Réciproquement, si un Français voyageant à l'étranger récolte
en route une affaire d'honneur avec un habitant du pays qu'il tra-
verse, ce seront les usages de ce pays qui détermineront les privi-
lèges de l'offensé et les autres conditions de la rencontre.
On conçoit tout l'intérêt que peuvent avoir les Français à con-
naître cesprérogativespour les diverses contréesquinousavoisinent.
Nous recommandons spécialement la lecture du chapitre xxa,
que nous consacrons à l'étude des usages du duel dans les pays qui
nous entourent, comparés avec les usages français.
Nous terminerons ce qui touche à retendue des privilèges de
Toffensé par l'étude d'une question fort intéressante, qui est celle
de savoir si la relation qui existe entre la valeur de l'offense et les
privilèges de l'offensé constitue, en faveur de ce dernier, un droit
strict, auquel ses témoins nepeuvent renoncer sans son autorisation.
Supposons que Pierre, tireur au pistolet de première force, soit
offensé par Paul, qui de sa vie n'a brûlé une amorce. Pierre choi-
sira naturellement l'arme qu'il manie le mieux, c'est-à-dire le pis-
tolet. Supposons que les témoins de Paul, l'agresseur, soient des
gens de loi, imbus des idées admises dans le monde auquel ils ap-
partiennent.
Ils soutiendront que la prétention de Pierre ne saurait être ac-
ceptée. En effet, diront-ils, à côté des règles qu'il invoque pour
baser son droit, il en existe une autre, la première de toutes, c'est
qu'il faut la plus grande égalité dans les chances du combat. Or
cette égalité n'existe pas entre deux adversaires de forces aussi dis-
proportionnéees. Un duel dans ces conditions n'est plus qu'un
odieux guet-apens, dans lequel le plus faible sera livré à la merci
du plus fort.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. M
Us inTiteront, en conségaence, les témoins de Pierre, l'aflènsé,
à renoncer à an avantage qui rend la rencontre déloyale K
Si les témoins de Pierre, effrayés des conséquences #a duel
aussi disproportionné, obéissent à Fin jonction, yiolent-ils les
du point d'honneur 7
Nous n'hésiterons pas à répondre oui. En effet, la dnânon
offenses en trois catégories auxquelles correspondent trom priyi-
lëges distincts constituant la base de la légidation à lagadte tes
adversaires se sont soumis, il est clair que nul ne peut iMKher t
cette base sans compromettre tout Fédiflce.
Par conséquent, si l'offense reçue par Pierre est du premier
degré, ses témoins ne sauraient renoncer sans son autorisation au
choix des armes, ou refuser de se conformer à celui qu'il aurait
fait parmi les armes légales, puisque le droit au choix des armes
constitue le privilège attaché au degré de l'offense qu'il a essuyée.
Mais ils sont libres, si la nature de leur mandat le leur permet, de
s^entendre avec les témoins de l'agresseur pour choisir un duel et
des distances qui, tout en ne compromettant pas les intérêts de leur
client, diminueront les dangers de la rencontre.
Si l'offense est du second degré, il leur est interdit de renoncer
non seulement au choix des armes, sans l'autorisation de Pierre, ou
d'aller contre son choix, mais encore de renonce à son droit de
choisir le duel, ou de choisir un duel autre que celui auquel fl a
donné la préférence, si elle est légale; mais ils pourront mitîger les
conséquences du duel choisi par Pierre, en y apportant certaines
modifications de détail, sous réserve que ces modifications ne por*
teront pas atteinte au droit lui-même, et en choisissant la distance
qai leur semblera le plus capable de diminuer les risques du
combat ^.
Si l'offense est du troisième degré, outre le droit au dioix des
armes et du duel, comme Pierre a acquis celui de choisir les dis-
tances, il est évident que ses témoins ne pourront pas davantage y
renoncer, qu'ils ne pourraient adopter une antre mesure q«e oeHe
indiquée par lui, si elle est légale.
N'auront-ils donc aucun moyen de sauvegarder la responrabi*
lité civile et pénale qui les menace par le fait d'un combat si
inégal ?
1, Voyez, conformément, dansbt Revue critique de légiilatUm et 4t JMriijrmfcuci^
année ISfià, Tarticle intitulé : « Du duel et en particulier de cette question : Si rof-
fensé a un droit al»olu an choix des armes, par FlandiD, conseiilnr à fat Cour de
cassation. » Article curieux où se trouvent développés les aorguments tm hymar et fat
négative, et exposé en détail Tantagonisme de la législation pénale et de U législation
du point d'honneur.
9. Voyes pour plus amples détails notre chapitre xxxvii.
52 PREMIÈRE PARTIE.
Leur seule ressource consiste dans la résignation de leur man-
dat, qu'ils peuvent faire, si, de sa teneur, il ressort que mandataires
et mandants se sont conservé une indépendance suffisante. Dans
certains cas, ils peuvent décider que le duel sera au premier sang,
ou qu'il ne s'arrêtera qu'après une blessure légère. Ils peuvent
aussi apporter certaines atténuations au duel choisi ^
Mais ce ne sont là que des palliatifs, puisque l'inégalité subsiste
toujours et que le dénouement peut être tout autre que celui qui
est souhaité par les témoins.
CHAPITRE VIII
Détermination de la personne offensée.
Ghateauvillard a tracé des règles qui sont admises par tous les
auteurs; nous les reproduirons textuellement. Formulées avec pré-
cision et clarté, marquées au coin du bon sens, elles doivent être
religieusement suivies par tous ceux, témoins ou arbitres, qui sont
chargés de débrouiller la question la plus ardue et la plus impor-
tante de toutes celles qui surgissent au cours d'une affaire d'hon-
neur : la désignation de Voffensé.
Des commentaires explicatifs les aideront dans cette tftche, faci-
litée du reste par une méthode de groupement sur laquelle nous
attirons leur attention.
Y a-t-il une seule offense? Y a-t-il offense réoiproque?
Telle est la question qu'ils devront se poser d'abord. Elle forme
la première division de ce chapitre.
Une fois cette séparation opérée, ils rechercheront les prescrip-
tions applicables à chaque éventualité.
Ils verront que, s'il existe une seule offense, un article unique
règle tout ; tandis que si les offenses sont réciproques, les prescrip-
tions varient suivant qa'il y a concurrence entre offenses du même
degré ou offenses de degrés différents.
C'est la seconde distinction à opérer. Nous n'avons pas manqué
de la faire avec tout le soin réclamé par l'importance du sujet.
Nous examinerons enfin le cas où un cai^tel est envoyé sans
offense constatée ou sans raison suffisante.
1. Voyez nos chapitres xx, xxxvii, xxxviii, xxxix.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 53
L'exposé que nous venons de faire suffira pour démontrer,
nous Tespérons, la nécessité de déterminer ayant tout la valeur
des offenses, puisque, lorsqu'il y a réciprocité (et c'est le cas le plus
fréquent), la désignation de la personne offensée résulte ou de la
priorité de l'offense qu'elle a reçue ou de son degré plus élevé, et
partant d'une mutuelle comparaison.
Cas où il existe une seule offense.
« Article premier. — Dans une querelle amenée par une dis-
cussion, si l'injure arrive, c'est l'injurié qui est certainement l'of-
fensé *. »
Des termes de cet article, il semble résulter qu'il est seulement
applicable aux querelles amenées par une discussion, et qu'il est
spécial aux injures graves. Il n'en est rien. Si Ghateauvillard pré-
voit le cas d'une discussion, c'est à cause de sa fréquence; mais il
ne limite pas la portée de la règle à cette éventualité.
Elle est générale, et vise a fortiori Thypothëse où Toffense est
essuyée à brûle-pourpoint et sans discussion.
Le mot injure est employé ici dans un sens général {quod non
jure fit, tout ce qui est fait contre le droit), et noû plus dans le
sens particulier où il indique un degré spécial de gravité, par oppo-
sition à l'offense simple et à la voie de fait.
Il faut décider, en conséquence, que toutes les fois qu'une per-
sonne reçoit une impolitesse, une injure ou une voie de fait, sans y
répondre, c'est elle qui est certainement l'offensée.
Cas où il existe des offenses réciproques.
Il faut comparer les offenses entre elles et appliquer les règles
suivantes :
Offenses réciproques du même degré.
a Art. 2. — § 1®'. — Si les deux offenses sont du même degré,
c'est celui qui reçoit la première offense qui reste l'offensé *. »
Gonséquemment :
« § 2. — L'injure grave constitue essentiellement l'offense, et,
1. GhateauTillard, chapitre premier, article premier. — Du Verger de Saint-
Thomas, chapitre premier, article 4.
2. Voyez Da Verger, chapitre premier, article 4.
9k PREMIÈRE PARTIE.
bîHi qall y soit répondu par une autre injure, c'est celui qui le
liUMiifi Ta reçue qui reste Toffensé ^
c § B. — S'il est répondu à une voie de fait par une voie de
Ait, €'69t celui qui a essuyé la première qui reste l'offensé *. »
a§ 2î. — La blessure ne constitue pas Toffense ou une aggraya-
tion de l'offense ; ainsi, répondre à un soufflet par un coup qui
occasionne une blessure grave ne constituerait pas que Toffensé
fût celui qui a reçu la blessure, mais le premier qui a été touché'. »
Dans le paragraphe premier de notre article est formulée la règle
générale. Dans les paragraphes 2 et 3, cette règle est appliquée aux
deux cas les plus susceptibles de prêter à la controverse, à raison de
rimpoitance des privilèges que Toffense procure alors à l'offensé :
à rcÂense grave et à la voie de fait.
De ce que Ghateauvillard garde le silence sur Toffense simple,
faml*il en conclure que cette règle générale ne lui soit pas appli-
cable 7 Évidemment non. La preuve se trouve dans Tarticle 3 du
même chapitre où cet auteur, à la suite du principe général/ place
la sevle exception qui doive y être apportée. -
Comme nous le verrons à l'article suivant, ces' deux articles se
craipièleDt et s'expliquent Tun par l'autre.
M. Tavemier (voyez Art du duel, page 25) fait la critique du
paragraphe k de l'article 2.
« A un soufflet, écrit-il, vous répondez par un coup de canne
qui brise le bras droit de votre adversaire. Vous choisisses, en qua-
lité de premier touché, Tépée...
a II est certain qu'il vous faut attendre la guérison complète de
votre ennemi pour vous mesurer avec lui; mais pendant ce temps
vous vous exercez à la salle d'armes, tandis que lui, ne pouvant en
faire autant, se trouvera dans les conditions manifestes d'inégalité
au jour de la rencontre, et ce par votre faute, puisque vous pouviez
lui rendre son soufflet sans lui briser le bras.
(( En l'espèce , nous estimons que le premier frappé perd, à
raison de la blessure infligée à son ennemi, l'avantage de sa situation
première.
i. Voyez Ghateauvillard, chapitre premier, article 2. — Du Verger, chapitre pre-
mier, articles 7 et 9. ^ Tavernier, page 24. — Affaires Floquet-Boulangeri 14 juillet
1888. — aémenceau-Déroulède et Clémenceau-Millevoye, 20 au 24 décembre 18^. —
Appendice n» 4.
2. Voyez Ghateauvillard, chapitre premier, article premier, et affaire Ritter-
Applcton, GaxetU des Tribunaux, 2 et 3 avril 1873. Voyez appendice n« 5.
2. Voyez Ghateauvillard, ibidem. Les dispositions de Tarticle 2 sont admises par
tous les auteurs et entre autres par Du Verger, chapitre premier, articles il, 12, 13
et 14.
OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. 55
« Les chances de la rencontre doivent, selon nous, être tirées
au sort. »
Cette solution ne nous parait pas exacte théoriquement :
!<" Parce qu*elle admet une sorte de compensation entre le
soufflet et la blessure, compensation qui est contraire au principe
formulé par M. Tavernier lui-même, page 26, en ces termes : « Dans
les offenses avec coups et blessures, qui touche frappe; aucune
différence n*est admise » ; 2<' parce qu'elle ne reconnaît plus ni
offenseur ni offensé, contrairement à la règle énoncée par lui à la
page 23 : « Dans une querelle, Foffensé est celui qui le premier
reçoit une injure » ; 3"* parce qu'elle prive l'individu qui a reçu le
soufflet de toute prérogative, même du choix des armes, qui lui
reviendrait si» ayant essuyé une offense, il avait riposté par une
injure de même nature ; k'' parce qu'elle le place dans la situation
d'un homme qui demanderait raison d'une impolitesse quasi insai-
sissable, survenue à la suite d'une discussion où les convenances
auraient été parfaitement observées ^
Cette assimilation est-elle juste et raisonnable?
Nous ne le croyons pas.
Tenons-nous-en donc à la règle de Ghateauvillard. Accordons à
celui qui a essuyé le premier coup le rôle d'offensé qui lui appar-
tient en droit, et laissons aux témoins ou aux arbitres la mission de
décider en fait quelles atténuations sont compatibles avec les privi-
lèges qui sont attachés à cette qualité.
a A RT. 3. — Si, à une chose impolie, on répond par une injure,
si l'agresseur se prétend offensé, ou si celui qui a reçu l'injure se
prétend offensé, il n'y a pas à hésiter à remettre au sort toutes les
chances de la rencontre qui doit résulter de ces débats *. »
Par le mot injure employé dans cet article, il faut entendre
autre chose qu'une impolitesse, et autre chose qu'une offense grave
du second degré.
En effet, si à une impolitesse il est répondu par une autre impo-
litesse, c'est celui qui a reçu la première impolitesse qui reste
l'offensé, conformément à l'article 2, paragraphe premier, du présent
chapitre.
Si à une impolitesse il est répondu par une offense grave du
second degré, c'est celui qui a essuyé l'offense grave qui est l'offensé,
conformément à l'article 4 du même chapitre.
Par le mot injure, il faut donc entendre une offense du premier
1. Voyez Tarticle 6 du présent chapitre.
2. Voyez conformément Ghateauvillard, chapitre premier, article 3. — Taver-
nier, page 23. « Da Verger de Saint-Thomas, chapitre premier, article 5.
56 . . PREMIÈRE PARTIE.
degré, qui, sans porter atteinte à Thonneur ou à la considération,
a une importance majeure relativement à l'impolitesse.
Au lieu d'être employée par Chateauvillard dans le sens qu'il lui
donne généralement, et en particulier dans l'article 2 de son chapitre
premier, c'est-à-dire au lieu de signifier une atteinte à l'honneur ou
à la considération, cette expression, dans Thypothèse actuelle,
indique une de ces atteintes graves à Tamour-propre, dont nous
nous sommes occupés chapitre m.
N'oublions pas ce que nous avons déjà observé en étudiant plus
haut l'article 2. L'article 3 est une exception qui doit être stricte-
ment limitée au cas en vue duquel elle a été établie, c'est-à-dire au
cas où il est répondu à une simple impolitesse par une atteinte
grave à l'amour-propre, ou, pour nous exprimer plus clairement, à
une offense du premier degré par une offense du même degré, mais
d'intensité supérieure.
Toutes les fois qu'à une simple impolitesse il est répondu par
une autre impolitesse, ou à une atteinte grave à l'amour-propre
par une atteinte analogue, la qualité d'offensé résulte de la priorité
de Toffense reçue, sans qu'il y ait lieu de recourir au tirage au sort.
Offenses réciproques de degrés différents.
Si les offenses sont de degrés différents, les règles varient sui-
vant qu'à une offense simple il est répondu par une injure grave, ou
qu'à une injure grave il est répondu par une voie de fait. Nous
allons étudier séparément chacune de ces hypothèses.
(( Art. 4. — Si à une offense simple, il est répondu par une
offense grave, attaquant l'honneur ou la considération, c'est celui
qui a reçu l'offense grave qui reste l'offensé *. »
Cet article est clair. [1 convient toutefois de remarquer qu'il faut
entendre par simple offense toute atteinte à Tamour-propre pouvant
être rangée parmi les offenses du premier degré, abstraction faite
du rang qu'elle occuperait dans ladite catégorie.
« Art. 5. — Lorsqu'il a été répondu à une offense grave par une
voie de fait, c'est celui qui a essuyé la voie de fait qui reste l'offensé *. »
M. Tavernier {Art du duel, page 28) enseigne que quelquefois
la voie de fait doit céder le pas à certains outrages. A ce propos, il
cite l'exemple suivant :
1, Conformément, voyez Tavernier, page 24. — Du Verger de Saint-Thomas, cha-
pitre premier, article 8.
2. Conformément, voyez Chateauvillard, chapitre premier, article premier. —
Tavernier, page 25. — Du Verger de Saint-Thomas, chapitre premier, article 10, et
l'affaire des !♦♦♦ J*** »!♦♦♦, Cajje((e des Tribunaux, 4 et 5 octobre 1880. Appendice n^ 6.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 57
« Une discussion s'éleva un jour, entre deux spectateurs, au sujet
d'une place de théâtre.
« L'un d'eux était accompagné de sa mère, qui occupait un fau-
teuil dont Tautre réclamait la propriété. Pour forcer la dame à
déguerpir, ce dernier s'assit sur ses genoux. »
Que serait-il arrivé si le flls l'avait frappé ?
Cette voie de fait aurait-elle procuré au grossier personnage le
droit d'offensé ?
Non, répond M. Tavernier. L'offense faite à la mère prime le
coup porté, c'est une exception à l'article 5.
Nous sommes de cet avis, mais non pour le même motif.
Selon nous, il n*y avait pas lieu de déroger au principe que
nous venons de poser article 5. En effet, dans l'espèce de M. Tavernier,
ce n^était pas cet article qui devait être appliqué, mais bien le para-
graphe 3 de l'article 2, car l'acte de l'agresseur pris en lui-même
constituait non une injure grave, mais une voie de fait à l'adresse
de la mère, en vertu de la règle « qui touche frappe ». Le fils acqué-
rait naturellement le privilège d'offensé, puisque le soufflet qu'il
administrait à Tinsolent ne constituait qu'une riposte.
L'artiole 5 est-il applioable lorsqu'il s'agit d'un maxi trompé qui firappe
l'axnant de sa femme? — A qui revient dans ce cas la qoalité
d'offensé?
Pour résoudre cette question, il suffit de rechercher si la lésion
subie par le mari peut être rangée dans la catégorie des offenses du
troisième degré, car, s'il en est ainsi, le droit à la qualité d'offensé
lui est accordé par le paragraphe 3 de Tarticle 2 du présent cha-
pitre, tandis que, dans le cas contraire, c'est Tamant qui bénéficie de
cette situation en vertu de Tarticle 5.
Pour arriver à cette solution, nous allons examiner :
1« Ce qu'il faut entendre par mari trompé ;
2*" Quelle est la nature et la base du droit du mari ;
3"" Quelle est la nature de la lésion.
Qu'est-ce qu'un mari trompé ?
Le mari trompé est celui dont l'épouse viole la foi conjugale, en
abandonnant à un autre qu'à leur légitime propriétaire un corps,
une âme, une affection qu'elle avait juré de lui conserver intacts.
Il résulte de cette définition qu'il existe deux sortes d'infidé-
lités : l'une morale, l'autre matérielle, et que, lorsqu'il s'agit du
point d'honneur, la qualification de mari trompé s'applique à celui
qui a subi l'une ou l'autre de ces lésions, bien que leurs consé-
quences ne soient pas également graves, et que, dans le langage
58 PREMIÈBE PARTIE.
nsael, Pépithète s'entende principalement de rhoinme qui a essuyé
la lésion matérielle.
Quelle est la nature du droit du mari 7
Le droit de propriété exclusive sur la personne physique et
morale de la femme, qui appartient au mari, constitue en faveur de
ce dernier un patrimoine sacré, Vhonneur conjugal^ qu*il est tenu
de défendre avec une jalouse sollicitude, sous peine d'encourir la
mésestime publique.
La caractéristique de ce droit est d'être lésé non plus par une
invective, une menace, un terme de mépris, comme lorsqu'il s'agit
de Vhonneur personnel à l'individu offensé dépouillé de sa qualité
d'époux, mais par tout acte d'apparence agréable ou flatteuse qui a
pour but d'usurper son bien.
Quelle est la nature de la lésion 7
La caractéristique de la lésion qui résulte de toute tentative
d'usurpation et de toute usurpation consommée est d'être subor-
donnée au consentement de la femme. En effet, si c'est contre son
gré que les témoignages d'amour lui sont prodigués, ces témoignages
se métamorphosent en injure ordinaire, et le mari se trouve placé
dans la situation de n'importe quel protecteur ^
Delà nature particulière du droit, de l'étroitesse de l'obligation,
faut-il conclure que la législation du point d'honneur doive créer en
faveur des époux trompés quelques privilèges spéciaux, à l'instar
de la loi pénale qui excuse le meurtre commis par l'époux sur son
épouse et sur le complice, à l'instant où il les surprend en flagrant
délit dans la maison conjugale* 7
Intervertit-elle en sa faveur Tordre dans lequel les offenses sont
classées 7
Lui accorde-t-elle toujours, comme l'enseigne M. Du Verger de
Saint-Thomas, page 174, le droit d'offensé avec voie de fait 7
Nous ne le croyons pas. Cette fols-ci, comme toujours, la classi-
fication de Chateauvillard doit être maintenue, parce qu'elle suffit à
déterminer aussi rationnellement et équitablement que possible la
valeur de Toffense et l'étendue des privilèges de l'offensé, sans qu'il
soit nécessaire de créer une exception arbitraire qui a le grave
inconvénient d'accorder un privilège également considérable pour
des offenses très inégalement préjudiciables à l'époux.
On comprend cependant qu'entre le compliment affecté, miel
de la coquette, chicotin du mari, entre la déclaration passionnée,
amoureusement accueillie, et la dernière faveur, il existe bien des
degrés.
1. Voyez notre chapitre x.
S. Code pénal, article 324, $ 2.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 59
Pour résoudre la question et décider qui, du mari trompé ou
de ramant frappé, obtiendra le privilège d'offensé, nous applique-
rons purement et simplement les règles ordinaires.
Nous rangerons dans la première classe les actes qui blessent
Tamour-propre et la susceptibilité du mari sans entacher son
honneur.
Nous rangerons dans la seconde ceux qui blessent son hon-
neur, mais qui par leur nature ne constituent pas la voie de fait.
Nous ferons enfin rentrer dans la troisième ceux qui corres-
pondent à la voie de fait, c'est-à-dire qui consistent dans le contact
matériel d'une partie quelconque des deux corps, et nous accorde-
rons le priyilège d'offensé du troisième degré à celui qui aura le
premier subi la voie de fait.
La seconde classe comprendra, par exemple, les déclarations,
aveux, promesses, rendez-vous, baisers envoyés de la main, etc.
La troisième classe, tous les attouchements, depuis Tétreinte
furtive de la main, jusqu'à la conjonction finale.
A ce système on peut faire plusieurs objections, auxquelles
nous allons répondre successivement.
Première objection — Le principe de ranger dans la catégorie
des offenses graves tous les actes qui lèsent l'honneur du mari, sans
se manifester par un contact matériel, n'est-il pas trop arbitraire ?
Ne peut-il pas arriver, par exemple, que les épi très échangées, les
paroles surprises, ne soient conçues en termes si libres qu'elles aient
un caractère de gravité supérieur à une simple pression de main ?
Sera-t-il juste d'accorder au mari qui les intercepte un privilège
moindre qu'au mari qui surprend Tétreinte?
A cela nous répondons : Les motifs qui nous ont dicté notre clas-
sement reposent sur le danger plus ou moins grand que court le
mari de subir le maximum de préjudice, c'est-à-dire l'acte con-
sommé.
Il n'est pas douteux que la femme qui abandonne à un amant
une partie quelconque de son corps expose bien davantage son
époux à la lésion suprême, caractérisée par la perte de l'honneur
et la survenance d'enfants illégitimes, que celle qui souhaite et
prépare l'heure du berger. Il y a entre les deux situations toute la
différence qui existe entre l'intention coupable et la tentative,
toute la distance qui sépare la coupe des lèvres.
Il est donc naturel d'attacher aux actes préliminaires matériels,
qui font courir aux maris les plus grands dangers de lésion
maxima, une importance capitale relativement au classement des
offenses.
60 PREMIÈRE PARTIE.
11 ne faut, da reste, pas oublier que, dans l'espèce proposée, on
doit, pour déterminer la griëyeté des paroles et des épltres, considé-
rer non ces paroles et ces épttres prises en elles-mêmes, mais les
faits qu'elles expriment et constatent. C'est le fait indiqué par elles
qui engendre seul l'offense et qui détermine la classe à laquelle
cette offense appartiendra et l'étendue du privilège accordé au
mari.
Il n'est donc pas juste de dire que ces lettres ou ces paroles
procureront au mari des avantages moindres que ceux qui lui
reviendraient s'il avait constaté de visu la pression de main,
puisque, s'il résulte des termes de ces lettres ou de ces paroles que
l'étreinte a eu lieu dans une intention coupable, elles serviront à
prouver son droit au maximum des prérogatives qui sont l'apanage
des offensés de la troisième catégorie.
Deuxième objection. — On prétend que le principe de ranger
dans la catégorie des voies de fait les offenses qui procèdent du
contact, en admettant qu'il repose sur des motifs rationnels, a préci-
sément le résultat que nous reprochons à Du Verger de Saint-
Thomas, c'est-à-dire de n'établir aucune gradation entre les actes
qui sont considérés comme voies de fait, et d'accorder au mari
dont réponse a consenti la plus minime privante le même privilège
qu'à celui dont l'épouse a tout donné. .'
A cela nous répondrons que l'inconvénient signalé existe bien
réellement, mais qu'il est une conséquence de la division des
offenses en trois classes et du parallèle que nous avons établi entre
celle par le contact et la voie de fait. De même que celui qui est
effleuré du gant acquiert un privilège égal à celui qui est accordé
à l'homme qui essuie un soufflet retentissant, des coups violents, ou
subit des blessures, en vertu de la règle « qui touche frappe », de
même le mari, si un contact s'est produit, acquiert, en vertu de la
même règle, des prérogatives semblables.
Pour bien comprendre Téconomie de notre système, il ne faut
pas oublier que la question est traitée seulement au point de vue
théorique, en raisonnant sur des hypothèses nettement tranchées, et
en faisant abstraction de la question de fait et d'intention qui varie
à l'infini.
En résumé, nous croyons pouvoir décider logiquement que si
les offenses commises par l'amant ne proviennent pas d'un contact
avec l'épouse, et si le mari le frappe, c'est l'amant qui est l'offensé,
tandis que, s'il y a contact, c'est le mari qui jouit de cette préroga-
tive.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 61
La solation est-elle analogue lorsqu'il s'agit de déterminer la situa-
tion du père, de l'aïeul, du frère, etc., placés en face de l'amant
de leur ûlle , de leur petite-ûlle ou de leur sœur, dans des con-
ditions analogues à celles de l'épcuz vis-à-vis le séducteur de sa
femme?
Nous ne saurions répondre aussi catégoriquement, car la
question de fait joue en l^espèce un rôle prédominant. Les droits
des ascendants et du frère ne reposent plus sur un principe unique,
invariable et perpétuel, le droit de propriété, mais sur des bases
multiples, qui sont Tautorité paternelle pour les uns, et la solida-
rité familiale pour ce qui concerne les autres.
Ces principes varient en outre, suivant l'état de minorité,
d^émancipation, de majorité, etc., dans des proportions tellement
considérables, que le même acte accompli par le même individu,
envers la même personne, peut être considéré comme offensant
dans certaines conjonctures, et comme indifférent dans certaines
autres.
Pour ne citer qu'un exemple, le billet doux adressé furtive-
ment à une mineure, par un homme qui veut la séduire dans le
but de répouser malgré l'opposition de ses parents, constitue une
offense qui lèse le père dans son droit de puissance paternelle.
Au contraire, le même billet, conçu en termes identiques et
remis dans un but analogue à une fille majeure, n'entraîne pas
forcément ce résultat, puisqu'à vingt-cinq ans une fille peut se
marier à son gré, sous réserve des actes respectueux.
Nous n'entreprendrons pas de classer ces diverses espèces
d'offenses. Nous nous contentons de renvoyer le lecteur aux règles
que nous avons tracées lorsqu'il s'est agi du mari trompé. Il
pourra s'en inspirer dans une certaine mesure.
Rappelons enfin que, quelle que soit l'importance de l'offense,
elle doit nécessairement trouver sa place dans une des trois divi-
sions indiquées précédemment, sans qu'il soit loisible de procurer à
l'offensé des privilèges supérieurs à ceux qui correspondent à la
classe dans laquelle l'offense qu'il a subie est cataloguée.
Après avoir établi les règles à observer dans les différents cas où
il y a offenses commises par un seul individu et le cas où il y a
réciprocité d'offenses, il nous reste à examiner les règles à suivre
lorsqu'il n'y a pas offense bien apparente^ ou lorsque le cartel est
envoyé sans raison suffisante.
« Art. 6. — S'il n*y a pas injure, mais qu'à la suite d'une dis-
62 PREMIÈRE PARTIE.
cussion où les règles du savoir-vivre et de la politesse ont été suivies
à la lettre, Tuo des antagonistes demande raison, le demandeur ne
prend pas pour cela le rang d'agresseur, et celui qui raccorde le rang
d'offensé. Toutes les chances de la rencontre sont tirées au sort^ »
A première vue, Tartlcle 6 peut inspirer une certaine hésitation,
et on est tenté d'approuver la fln de non-recevoir conseillée par
M. Tavernier en pareil cas. {Art du duel, page 2&.)
Cependant, pour peu qu'on y réfléchisse, on reconnaîtra que les
dispositions dudit article sont parfaitement rationnelles.
Qui n'a pas rencontré sur sa route une personne experte en
l'art de la raillerie, à laquelle le plaisir de lancer un bon mot et
d'amuser la galerie ferait sacrifier son meilleur ami 7
Personne détestée s'il en fût, mais personne redoutée à raison
de l'esprit qui assaisonne ses méchancetés, et qui rend une escar-
mouche d'épigrammes et de saillies, chose périlleuse avec elle.
Elle se garde bien de commettre une imprudence. Il est presque
impossible au pauvre diable qui lui a servi de plastron de carac-
tériser une offense matérielle. Pourtant la blessure existe, d'autant
plus perfide qu'elle est plus enguirlandée des fleurs de la politesse
et masquée par le ton de la bonne compagnie ; d'autant plus cruelle
qu'elle se compose de cent coups d'épingle, aux endroits les plus
sensibles de Tépiderme.
Qui n'a pas été en contact avec un poseur infatué de sa per-
sonne, de sa fortune ou de sa race, et dont l'attitude impertinente
produit le même résultat 7
L'article 6 correspond à ces diverses situations et peut être
invoqué chaque fois que l'amour-propre d'un individu a été fh)issé,
sans qu'il en soit résulté une offense assez apparente pour être
classée dans la catégorie de celles qui procurent à l'offensé le choix
des armes.
Mais il ne faut pas se dissimuler qu'à raison des faits peu tan-
gibles que prévoit Tariicle 6, son application sera généralement
difficile; aussi la riposte par un vigoureux coup de boutoir, ri-
poste qui ne demande pas une forte dose d*éloquence et qui a
l'avantage d'être à la portée du premier venu, sera-t-elle générale-
ment Vultima ratio de l'homme trop chatouilleux pour digérer une
impertinence déguisée, et trop peu soucieux de sa peau pour
faire entrer en ligne de compte la perte d'un privilège probléma-
tique, avec l'humiliation d'avoir servi de plastron sans broncher.
Ajoutons que la perspective d'un dénouement de cette espèce
1. Ghateauvillard, chapitre premier, article 4. — Du Verger de Saint-Thomas,
chapitre premier, article 6.
OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. 63
émoassera généralement raiguillon du bel esprit et la morgue du
vaniteux.
a Art. 7. — Si on envoie un cartel sans raison suffisante, c'est
bien certainement celui qui envoie le cartel qui est Fagresseur ; les
témoins, avant de permettre le combat, doivent en demander la
raison suffisante ^ »
Considératioxis sur l'esprit qui a présidé à la rédaction
des six articles précédents.
Dans ces divers articles, Chateauvillard n*es8aye pas seulement
de réprimer les atteintes & Fbonneur et à la considération, mais de
conserver les usages de la bonne compagnie, dans les conjonctures
les plus irritantes.
Remarquons, à ce propos, la concordance qui existe entre la
progression des privilèges accordés à Toflénsé et les écarts de plus
en plus violents auxquels se livre Tagresseur.
Au cours d'une discussion, vous recevez une impolitesse à la-
quelle vous ne répondez que par un cartel : vous avez le choix des
armes.
Vous vous animez, au contraire, et répondez par une offense
qui sans porter atteinte à Thonneurou la considération, en un mot
sans constituer l'offense grave, a une importance majeure relative-
ment À l'impolitesse : le choix des armes est tiré au sort.
Au lieu de cela, vous proférez une injure grave; peu importe
que vous ayez essuyé la première offense ; c'est vous qui prenez
le rôle d*agresseur, et procurez à votre adversaire le droit au choix
des armes et du duel.
Au lieu d'une impolitesse, vous recevez une injure grave ; vous
frappez votre adversaire : le coup vous enlève le choix des armes et
du duel que vous auriez eu sans cela, et le transporte à votre anta-
goniste, avec le choix des distances. Vous vous êtes conduit en
homme mal élevé dans le premier cas, brutal dans le dernier. Tant
pis pour vousl Sans doute, tl vous aurait fallu bien du sang-froid
pour résister à la tentation d'obtenir une vengeance immédiate et
éclatante, mais votre sang-froid aurait trouvé sa récompense dans
le privilège d'offensé avec injure grave qui vous aurait été
accordé *.
Le chapitre que nous venons d'étudier a soulevé plusieurs cri-
i. Voyex Chate&avilUrd, chapitre premier, article 5 et notre chapitre xvu.
3. Voyez notre chapitre lY (Voie de fait).
64 PREMIÈRE PARTIE.
tiques qui proviennent généralement de Tinterprétation yicieuse
qui en a été faite.
Grisier entre autres, dans son livre Des armes et du duel, s'élève
avec force contre Ténormité du privilège accordé par Tarticle 5 à
l'offensé avec voie de fait :
(c Un homme, écrit-il, veut assouvir sa haine contre un autre.
II injurie son adversaire dans ce qu'il a de plus cher ; celui-ci, dont
la patience est épuisée par une telle continuité d'insultes, lève le
bras et frappe. Le Code de Chateauvillard le déclare offenseur I Et
celui qui, pour en arriver là, n'a cessé de l'insulter mortellement,
choisira son arme, son duel et ses distances, ravissant ainsi une
existence qu'il considère comme sa proie I »
La critique serait fondée, si le pauvre diable étaitpris forcément
entre Talternative de recevoir sans broncher un déluge d'invectives
et celle de frapper après avoir essuyé toute la bordée. Mais rien ne
Ty oblige fatalement. Tant pis pour lui s'il agit avec une si grande
maladresse. Chateauvillard est d'autant moins coupable qu'il lui
offre (Voyez article 1®' de ce chapitre) le moyen facile de déjouer la
manœuvre de son agresseur. II suffit qu'aussitôt après la première
injure grave il lui adresse un cartel et se retire s'il le peut. Il ac-
quiert par la force des choses le choix des armes et celui du duel,
et oblige son adversaire à cesser de nouvelles agressions, qu'il ne
peut continuer sans violer une règle fondamentale en matière de
point d'honneur. En effet, à partir de la demande de réparation,
toute altercation doit cesser. D'après les règles du duel, les adver-
saires ne peuvent plus communiquer directement. Ils deviennent,
si nous pouvons nous exprimer ainsi, pour mieux faire comprendre
notre pensée, sacrés l'un pour l'autre. Le cartel adressé par l'offensé
lui permet donc de garder ensuite le silence, sans encourir aucun
blâme K
L'agresseur qui s'acharnerait encore ne pourrait s'en prendre
qu'à lui s'il récoltait, en un de compte, une correction bien méritée.
La persistance de l'attaque servirait d'excuse à la voie de fait, qui
deviendrait un acte de légitime défense contre un individu qui,
s'étant mis par sa manière d'agir en dehors des règles du point
d'honneur, ne serait pas admis naturellement à les invoquer, pour
obtenir réparation d'une conséquence de leur transgression.
Aussi les témoins repousseraient-ils sa prétention au droit
d'offensé avec voie de fait, sans contrevenir aux règles que nous
avons étudiées plus haut.
1. Conformément, voyez Prévost et JoUivet, l'Escrime et le duel, page 199, et à
rélranger, Gelli.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 65
Duels à motifs secrets.
Nous ne pouvons clore le chapitre vm sans rechercher à qui
reviennent les privilèges qui sont attachés à la qualité d'offensé,
lorsque les motifs du duel sont tenus secrets.
Si les parties refusent de faire connaître les motifs de la provo-
cation, à raison de la nature particulièrement délicate de l'offense,
les témoins agiront prudemment en refusant leur concours.
En effet, comme récrivait le prince Bibesco à M. Ferry
d'Esclands dans une lettre en date du 20 mars 1885 : « Les témoins
ont le droit et le devoir de connaître la cause de la provocation.
« Il est inadmissible qu'on puisse la leur cacher.
« Je vais raconter une anecdote à ce propos :
« Il y a quelques années, deux hommes du meilleur monde
cherchèrent des témoins pour une rencontre qu'ils disaient néces-
saire, irrémissible. Leur haute situation ne permit pas de douter de
la sincérité de leur allégation. Personne ne fit de questions sur le
motif du duel, et on se trouva sur le terrain sans autre déclaration
que le « c'est nécessaire ».
« Mais à de vagues indices, corroborant de vagues soupçons,
les témoins conçurent des doutes, et, craignant de prêter leur con-
cours à quelque aventure indigne d'un combat sérieux, ils invi-
tèrent les parties à dire le pourquoi du duel.
tt Ils constatent un grand embarras, deviennent de plus en plus
pressants, et exigent une réponse catégorique. Après de fausses
explications, des réticences nombreuses, les adversaires se jettent à
la figure dlnexplicables démentis. Les témoins comprennent enfin
qu'il y a eu entre eux une de ces compétitions sans excuse, aux-
quelles le duel doit être étranger. Us se retirent au plus vite et font
bien. C'est par là qu'ils auraient dû commencer. »
Si les témoins jugent ne pouvoir se dispenser de concourir à un
duel de cette espèce, ils sont en droit d'exiger au moius que les
adversaires affirment sur 1 honneur, et signent, que les motifs de
la rencontre ne sauraient être divulgués pour des raisons d'ordre
intime ^
Ils doivent être plus circonspects que jamais, prendre tout le
temps nécessaire pour instruire Faffaire, et pour examiner s'il n'y a
pas sous roche quelque motif contraire à Thonneur ^
1. Voyeï TaTornier, page 31. — Dq Verger de Saint-Thomas, chapitre premier,
article 21.
2. Voyez notre chapitre x?ii.
5
»-- ■^<
66 PREMIÈRE PARTIE.
Cependant, lorsqu'un des adversaires accepte sans discussion le
rôle d'offensé avec toutes ses conséquences, comme il n'est guère
admissible qu'un homme subisse de telles éyentualités, et de si
grands désavantages, sans motifs sérieux et licites, les témoins
peuvent être moins absolus dans leur refus de concours ^
En cas de duel à motif secret, Tobligation d'un procès-verbal
rédigé minutieusement, et susceptible de sauvegarder la respon-
sabilité des témoins, s'impose bien davantage qu'en temps ordinaire;
car, dans ce cas, le combat est dit à outrance, et doit se poursuivre
jusqu'à ce qu'une blessure mette celui qui l'a reçue dans Timpos-
sibilité absolue de continuer.
Les témoins peuvent aussi y insérer une déclaration des com-
battants, constatant que toutes les tentatives de conciliation ont
été épuisées en vain, qu'ils sont décidés à se battre malgré tout, et
que le refus d'assistance dont ils sont menacés ne fera que retarder
la rencontre, et les obliger à prendre comme mandataires les
premiers venus.
La responsabilité des témoins étant plus grande, avons-nous
dit, que pour les rencontres ordinaires, il est juste qu'ils conservent
une plus grande liberté d'action que dans les cas habituels, relati-
vement à la fixation des conditions du duel.
Gomme ils ne peuvent juger par eux-mêmes quel est l'offensé
et quelle est la griëveté de l'offense, ils ne sont pas tenus de s'en
rapporter à la déclaration des adversaires.
Ils s'efforcent tout d'abord de s'entendre amiablement sur les
armes, le duel et la distance. S'ils ne peuvent tomber d'accord, ils
tirent au sort.
Il est bien entendu que le choix ou le tirage au sort doivent
rigoureusement être exercés parmi les armes, les duels et les distances
admis comme légaux *.
CHAPITRE IX
Une seule réparation pour une même o£Fense.
Cet axiome fondamental de la législation du point d'honneur
mérite toute l'attention du lecteur. Il a été introduit pour éviter
1. Voyez affaire Gérôme-Steyeos, 20 février 1862. Appendice n® 7.
2. Voyez nos chapitres xxxvu et xxxvm.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 67
que les querelles ne se perpétuent à rinfini et ne dégénèrent
en vendettas, contraires à la justice et aux mœurs de notre
époque.
Les articles suivants prévoient plusieurs cas où ce principe est
applicable ^
« Article premier. — Nul cartel ne peut être envoyé en nom
collectif. Si un corps, une association, une réunion d'individus, a
reçu une insulte, il n'appartient au corps, à l'association ou à l'as-
semblée que le droit d'envoyer un de ses membres pour venger
celte insulte. Un cartel en nom collectif est toujours refusable, et il
appartient à celui qui le reçoit, soit de choisir parmi ceux qui le
présentent, soit de demander que le sort désigne l'un d'eux *. »
Des termes de cet article il résulte :
l"" Que le droit de demander raison d'une insulte collective
appartient à la collectivité qui Ta reçue.
Par ce mot collectivité, nous entendons parler non seulement
du corps, c'est-à-dire de la personne morale ou fictive, représentant
une collection d'individus agissant dans un intérêt public ou dans
un intérêt particulier, jouissant des mêmes privilèges, soumis aux
mêmes devoirs, exerçant la même profession, mais encore de l'as-
sociation, c'est-à-dire de la réunion de plusieurs personnes dans un
but commun, et enfin de la réunion, c'est-à-dire de rassemblée
publique ou privée d'un certain nombre d'individus.
Notre article s'applique donc aussi bien à l'offense reçue par
les membres d'un tribunal, d'un corps d'ofûciers, etc., etc., qu'à
celle qui est essuyée par les membres d'un cercle, les administra-
teurs d'une société, les personnes réunies autour de notre table ou
dans notre salon, etc.
2<> Que le droit de demander raison pour la collectivité n'ap-
partient qu'à un membre de cette collectivité.
S^" Que le droit de récuser le champion qui se présente au nom
de la collectivité est absolu pour l'agresseur, et que le tirage au
sort est le seul moyen qu'on puisse alors employer '.
A propos de ce droit de récusation, remarquons que pour qu'il
y ait matière à l'exercer, il est nécessaire qu'il existe un concert
entre les membres de la collectivité pour désigner le champion qui
devra la représenter. S'il en était autrement, l'agresseur opposerait
i. Voyez Épilogue de Taffaire Armand Carrel-Émile de Girardio, 22 juillet 1836,
et surtout la circulaire ministérielle du 21 Juillet 1S58. Appendice n^ 8, relative à la
provocation collective. Sausaiae, Dictionnaire de législation militaire, Vo Duel,
2. Chateauvillard, chapitre m, article 7. — Tavemier, page 27. — Du Verger de
Saint-Thomas, chapitre premier, article 16.
3. Voyez ailaire X...-Perrier,.mars 1888. Appendice n» 9.
68 PREMIÈRE PARTIE.
purement et simplement une fin de non-recevoir pour inexis-
tence de mandat, et le tirage au sort n'aurait lieu que lorsque la
collectivité tout entière se serait unie pour demander réparation.
Cependant, si la collectivité a un supérieur hiérarchique et si
ce supérieur réclame ToSense comme sienne, il le fait légalement,
et Tagresseur ne peut le récuser. C'est l'équitable contre-partie de
la responsabilité qui est imposée audit supérieur par notre cha-
pitre XI.
Remarquons, à propos du tirage au sort, que ce n'est pas parmi
es champions désignés par la collectivité pour venger son injure
qu'il doit être exercé, mais bien parmi l'universalité des membres
de cette collectivité. Tel est le véritable sens des mots : « parmi ceux
qui présentent le cartel », écrits dans l'article premier.
Conformément, si je dis : Les officiers de tel régiment sont des
ivrognes, et si trois d'entre eux se présentent au nom du corps
entier, j*ai le droit de les récuser, et d'exiger que le tirage au sort
ait lieu entre tous les officiers du régiment.
Maintenant que nous avons établi clairement les droits réci-
proques des antagonistes, il nous reste à expliquer ce qu'il faut
entendre par injure collective.
Linjure collective est celle dont le vague intentionnel atteint
un ensemble d'individus, un certain nombre de personnes qui ne
sont pas nominativement désignées.
Si nous disons: Tous les membres de la Société X... sont des
fripons, Tinjure est collective. Mais si nous disons : Pierre et Paul,
membres de la Société X... sont des voleurs, l'injure ne présente
plus le même caractère, puisque les noms sont donnés. Peu im-
porte qu'un même vice les unisse dans notre esprit, et semble la
vraie cause de l'insulte. Nous ne pouvons pas opposer l'exception
de collectivité aux cartels de Pierre et de Paul, et nous leurs devons
une double réparation.
Si nous disons : Pierre, administrateur de la Société X... est
aussi voleur que ses collègues, nous proférons une injure person-
nelle à Pierre, et collective à l'adresse des administrateurs consi-
dérés comme association. Nous devons accepter le cartel de Pierre,
et exiger le tirage au sort pour ce qui concerne la détermination
du champion des autres administrateurs.
Une offense peut être collective, bien qu'elle s'adresse en
apparence à une seule personne, et atteindre ainsi tout le corps,
l'association ou la famille à laquelle cette personne appartient ; mais
il faut pour que l'offense produise ce résultat qu'elle ne s'attaque
pas exclusivement à la personne désignée.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 69
Il est nécessaire qu'elle compromette ThooDeur ou la considé-
ration de la colIectiTité.
Exemple : Pierre écrit à Paul qu'il s'est aperçu que ce dernier
fait usage dans son sceau, des armes de sa famille, à lui» Pierre, que
ces armes ont été frauduleusement usurpées par le père de Paul.
Il lui enjoint de les faire disparaître, et accompagne cet ordre de
commentaires injurieux à l'adresse des gens qui se llyrent à de tels
emprunts.
Paul a quatre frères, qui tous font usage de sceaux pareils au
sien. Ils sont, par le fait, englobés dans l'injonction offensante de
Pierre.
Cette injonction est deyenue publique.
A qui rcTient le droit de demander raison ?
A Paul seul, ou aux quatre frères réunis ?
A la collectivité des quatre frères. Car Toffense n'est pas dirigée
contre Paul pris dans son individualité singulière, mais contre un
membre de la collectivité dont II porte le nom, et partant contre la
collectivité tout entière * .
Nous terminerons par une observation importante.
En matière de point d'honneur comme en matière de droit
pénal, l'outrage appliqué, soit à une profession, soit à une classe
entière d individus, ne peut donner lieu à aucun appel, s'il ne
s^agit que d'une appréciation générale et pour ainsi dire théorique,
sans application particulière à un plus ou moins grand nombre
d'individus.
Gonséquemment, lorsqu'en 1888, l'auteur du livre intitulé
Sous-^/f. dépeignit sous un jour absolument odieux et grotesque
un certain nombre de types de sous-officiers, ce livre était bien
offensant pour l'armée française en général et fut incriminé comme
tel; mais il ne pouvait motiver l'appel des sous-officiers d'un régi-
ment quelconque, s'il n'était pas établi que l'écrivain avait eu
l'intention de viser spécialement les sous-officiers dudit régi-
ment *.
« Art 2. — Lorsqu'une même offense est commise par
plusieurs individus envers une même personne, l'offensé est libre
de choisir l'adversaire auquel il demandera réparation de cette
offense '. »
1. Voyez, Grellet-Damazeau. — Traité de la diffamation, de l'injure et de Voih
trage, page 36.
ï. Voyez, pour ce qai concerne Tapplication de raziome et de Tarticle premier,
appendice n" 10. — Affaire de Pène-Hyenne, Gazette des Tribunaux, lS-19 mai,
15 Joillet 1858.
3. Voyez Tavemier, page 27. — Du Verger, chapitre premier, article 17.
' ,. j» «^ *- ^ «^ ^M 'im ■■ • . . - ' * i
70 PREMIÈRE PARTIE.
Il est facile de comprendre pourquoi les auteurs laissent à
Toffensé ce droit d'option.
Ils Teulent éyiler que des adyersaires malhonnêtes, se coalisant
pour insulter un même individu, puissent conserver Tespoir d'ar-
river ainsi à une substitution déguisée. Du moment qu'ils ont été
unis pour l'offense, ils restent solidaires pour la réparation.
L'offensé est absolument libre de choisir qui bon lui semble.
Il ne doit compte à personne de sa préférence, et serait impru-
dent de ne pas user de cette prérogative, ou de se laisser égarer par
une générosité qui, dans l'espèce, deviendrait une réelle duperie.
Sans ce risque personnel, quiconque en voudrait à son voisin
pourrait s'adjoindre un spadassin qui manœuvrerait de manière à
endosser le danger de la rencontre. C'est pour cela que les auteurs
refusent aux agresseurs qui se trouvent dans le cas prévu par notre
article 2 jusqu'à la chance du tirage au sort.
Lorsque les offenses essuyées par une même personne, de la
part de plusieurs autres, sont de gravité différente, l'article 2 du
chapitre ii est- il applicable?
Un exemple fera mieux comprendre l'intérêt de la question.
Supposons que Pierre et Paul s'entendent pour insulter Jean,
ennemi du premier. Pierre, qui ne connaît rien aux armes, adresse
à Jean une offense simple, d'où naît une discussion au cours de
laquelle Paul, duelliste consommé, se livre envers ce dernier à une
voie de fait. Ils pensent que l'article 2 est seul applicable dans
l'espèce, et comptent bien que Pierre ne courra aucun danger,
puisque Jean, ne pouvant adresser qu'un unique appel, choisira
forcément l'adversaire qui Taura frappé.
Leur calcul sera-t-il couronné de succès?
Nous ne saurions l'admettre.
Jeanasubiunedoubleoffense;ilpeutexigerunedoubleréparation.
Gomment la lui refuser?
Du moment que l'offense s'est manifestée par des actes de
nature différente (surtout s'ils sont classés, comme dans notre
hypothèse, aux extrémités opposées de Téchelle des degrés), peu
importe qu'un même mobile ait guidé les offenseurs; il n'y a pas la
condition essentielle à laquelle est subordonnée l'application de l'ar-
ticle 2. II n'y a pas « même offense », et partant aucune obligation
d'appliquer la règle que consacre ledit article.
Si on ne peut pas forcer Jean à n'adresser qu'une provocation,
peut-on du moins le contraindre à observer dans l'envoi des cartels
un ordre particulier, à commencer, par exemple, par appeler l'au-
teur de la voie de fait ?
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 1{
Rien ne justifie une telle préteDtion. Nous Terrons en effet,
lorsque nous étudierons Farticle 3 du présent chapitre (le seul que
nous ayons entendu inyoquer en faveur de TaffirmatiTe), que cet
article ne s'occupe pas du cas où un individu est offensé par
plusieurs autres, mais qu'il établit un règlement d'ordre entre
plusieurs personnes offensées par un même individu ^
Jean est donc libre de s'adresser d'abord à Pierre, sll le juge
convenable, sans que Paul soit déchargé de l'obligation de lui
rendre ensuite raison pour la voie de fait. Nous allons plus loin, et
nous croyons que, même dans le cas où les offenses seraient d'égale
gravité, et seraient classées dans la même catégorie, Jean conser-
verait encore ce droit, si lesdites offenses n'étaient pas identiques ;
car elles ne rentreraient pas plus dans les termes de l'axiome inscrit
en tête de ce chapitre que dans ceux de l'article 2, qui supposent
u une même offense ».
Par contre, nous ne doutons pas que l'article 2 ne s'applique au
cas où plusieurs personnes répètent, par quelque moyen de trans-
mission que ce soit, une offense de n'importe quelle nature, verbale
ou écrite.
L'offensé est libre de choisir, parmi tous les individus qui ont
écrit ou proféré l'offense, celui auquel il entend demander raison^
sans avoir à rechercher si la paternité lui en revient, ou s'il n'a fait
que répéter cette offense. La personne appelée ne peut lui opposer
une fin de non-recevoir absolue, tirée, par exemple, de ce que l'im-
putation diffamatoire (si diffamation il y a) porte sur un fait connu
de plusieurs personnes ; car, ainsi que nous l'avons expliqué cha-
pitre IV, page 37, la vérité d'un fait, et à plus forte raison la simple
apparence de la vérité de ce fait, n'autorise qui que ce soit à le publier
méchamment, ou avec la perspective de causer un dommage à autrui.
S'il en était autrement, rien ne serait plus facile que de pré-
parer d'avance son excuse, en semant à petit bruit la diffamation,
pour la recueillir grossie et colportée par la malignité du monde
toujours avide de scandale.
En conséquence, si une personne est appelée par une autre
pour avoir raconté une chose offensante, et si cette personne nomme
l'individu qui la lui a dite, la désignation qu'elle en fait ne la
décharge pas vis-à-vis l'offensé.
De même, le journaliste qui publie une nouvelle injurieuse
pour un tiers n'est pas exonéré par le fait que la nouvelle est
copiée dans une autre feuille et reproduite sous toute réserve. En.
1. Voyez affaire Crestin-Cazalot. Gazette des Tribunaux, 26 Juillet-3 septembre
1847. Appendice n^ 11.
n PREMIÈRE PARTIE.
effet, le journaliste, en reproduisant Tarticle offensant^ s'est assi-
milé Toffense et a dû en prévoir les conséquences.
Dans certains cas non prévus par les articles précédents, l'ap-
plication de l'axiome : a Une seule réparation pour une même
offense », peut soulever quelques difficultés.
On s'est demandé notamment s'il serait applicable au cas où
une personne publierait frauduleusement, sous le nom d'une autre,
un écrit supposé dans lequel un tiers serait offensé, et si, par con-
séquent, une seule réparation par les armes libérerait l'auteur de
l'article de toute réclamation subséquente.
Nous ne le croyons pas.
Un exemple fera bien comprendre pourquoi :
Pendant la longue et irréconciliable brouille survenue entre
le prince Napoléon et son fils aîné, il est arrivé à plusieurs journa-
listes de mettre dans la bouche de ce dernier des propos outrageants
pour son père, des accusations de trahison, par exemple. Ces propos
offensaient directement le prince Napoléon. Ils offensaient égale-
ment, le prince Victor, en lui prêtant méchamment une conduite
révoltante et indigne d'un homme d'honneur. Il y avait double
offense, et matière à double réparation.
La réparation accordée au prince Victor, en supposant qu'il
l'eût demandée, ne libérait pas l'auteur de l'imputation de l'obli-
gation de répondre au prince Napoléon, s'il s'était ensuite adressé
à lui, et réciproquement.
(( ART. 3. — Lorsque dans plusieurs querelles successives des
offenses ont été commises par le même individu envers des per-
sonnes différentes, la primauté de la réparation appartient à la
première offense, si ces offenses sont du même degré, autrement
l'offense la plus grave donne droità la primauté de la réparation ^»
Remarquons que Tarlicle 3 ne fait pas double emploi avec
l'article premier de ce chapitre, car il suppose, non plus un indi-
vidu adressant une offense à une collectivité, mais un individu
adressant des offenses non identiques à plusieurs personnes, dans
des conditions telles que chacune ait droit à une réparation indi-
viduelle.
Il règle l'ordre dans lequel les réparations seront accordées,
s'il y a discussion relativement à la primauté du tour.
On voit que, pour que l'article 3 soit applicable, il faut néces-
sairement que la classification des offenses soit opérée.
i. Voyez Tavernier, paje 28, — Du Verger de Saint-Thomas, page 168, chapitre
premier, article 18.
OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. 73
CHAPITRE X
Personnalité des offenses, substitutions.
Les offenses sont personnelles et se vengent personnellement.
Ce principe, formulé pour la première fois sous celte forme
concise par M. Tavernier, a une importance capitale et sur laquelle
nous ne saurions trop insister, mais qui présente certaimes diffi-
cultés d'application, qu'un exemple fera bien comprendre:
Pierre impute à Paul un fait déshonorant. Jean, fils de Paul,
prétend être diffamé par cette imputation, bien qu'elle soit person-
nelle à son père. Il dit qu'il y a solidarité entre les membres d'une
famille, solidarité d'autant plus étroite que les degrés de parenté
sont plus rapprochés; que ce qui blesse l'honneur du père doit né-
cessairement blesser l'honneur du fils appelé à recueillir l'héritage
d'un nom qu'il a intérêt à conserver pur de toutes flétrissures ; que
par la force de Topinion, qui repose sur un préjugé injuste à la Te-
nté, mais dont il faut tenir compte, l'atteinte rejaillit sur lui, Jean,
et diminue sa considération.
Il demande en conséquence raison à Pierre.
Sa prétention est-elle admissible ?
Non, car l'injure, relativement à la matérialité de l'imputation,
tombe exclusivement sur la personne du père. S'il est possible
qu'elle rejaillisse sur la personne du fils, c'est en ce qui touche le
dommage indirect, et non la chose imputée ^
L'axiome: « Les offenses sont pei'sonnelles et se vengent per-
sonnellement », a pour corollaire : « Les substitutions de personnes
sont interdites*, »
La raison de cette prohibition est facile à comprendre. Du
duel par procuration à l'assassinat par devant témoins, de l'ami
qui se dévoue au spadassin qui se fait payer, il n'y a qu'un pas. La
législation du point d'honneur ne pouvait permettre qu'on le fran-
chit.
Elle autorise donc à refuser le duel proposé dans de semblables
conditions, sans encourir de blâme, quiconque ne trouve pas en
face de lui un adversaire personnellement et directement intéressé.
1. Voyez Grellet-Dumazeaa, Traité de la diffamation, de Vinjure et de Voih
trage, tome I, page 38.
2. Voyez affaire Dramont-Boissy-d^Anglas-Thomegttex, 6 décembre 1893. Appea-
dlce n<* 115.
74 PREMIÈRE PARTIE.
Bien plus, même dans le cas où Toffenseur y donnerait son adhé-
sion, elle dénie aux témoins le droit de concourir à une affaire de
cette espèce.
En cela elle reflète Tétat de nos mœurs qui répugnent à ces
remplacements, et marche d'accord avec la loi pénale, en couvrant
d'une juste réprobation, non seulement Thomme qui arme le bras
d'un tiers, mais le tiers qui frappe dans une querelle où il n'est pas
intéressé.
Quelque stricte que soit la règle que nous venons de poser,
elle comporte cependant plusieurs exceptions.
En effet, certains individus sont admis à venger des injures
qui ne les atteignent pas directement. Réciproquement certains
autres deviennent responsables d'offenses qu'ils n'ont pas com-
mises.
Nous allons examiner :
l"* Les raisons qui ont pu motiver ces dérogations à la person-
nalité des offenses ;
2<> Les divisions qui en résultent ;
3"" Les différences ;et les analogies qui existent entre les di-
verses classes d'exceptions ;
/t® Les personnes admises à se substituer ;
50 Les conditions mises à ces substitutions.
1» Motifs qui ont fait admettre les stibstitutions.
Parmi les substitutions, les unes sont basées sur l'affection
naturelle entre parents unis par les liens du sang, d'une manière si
intime que Tatteinte à l'honneur de l'un rejaillit sur l'honneur de
Tautre, avec la plus complète solidarité. Telles sont les substitutions
de fils à père, de père à fils, etc.
Les autres sont basées sur Tirresponsabilité active et passive de
la personne outragée. Par exemple, lorsqu'il s'agit d'offenses faites
aux femmes.
2^" Divisions qui en résultent. — 3<> Différences et
ressemblances qui existent entre les classes.
On voit qu'il est rationnel de diviser les substitutions en deux
classes d'après les motifs qui les ont fait établir.
Ces deux classes diffèrent, en ce que, lorsqu'il s'agit des substi-
tutions de la première classe, le droit de se faire remplacer par un
parent n'appartient jamais à l'agresseur, et n'appartient à l'offensé
que si Finjure qu'il a subie est une injure grave ou une voie de fait;
OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. U
tandis que, pour ce qui concerne la seconde classe, le protecteur de
la femme prend sa place dans toutes les conjonctures, c'est-à-dire
quel que soit son rôle et quelle que soit la valeur de l'offense.
Elles se ressemblent en ce que le substitué s'incarne dans la
peau de la personne qu'il remplace, jouit de tous ses privilèges,
subit toutes ses charges, et accomplit valablement tous les actes que
rincapable aurait droit de faire, s'il jouissait de sa capacité.
Elles se ressemblent encore, en ce que les substitutions con-
stituant des exceptions à uq principe fondamental en matière de
point d'honneur sont restreintes aux personnes spécialement auto-
risées à en user, et aux cas en vue desquels elles ont été établies.
4"" Personnes admises à se substituer.
Première classe de substitution.
La substitution de fils à père est formellement admise par Gha-
eauvillard (chapitre premier, article 6). Elle entraîne celle du p^^t^
fils au grand-père, et réciproquement celle du père au fils, et du
grand-père au petiUfils,
La substitution de frère à frère est-elle permise ?
La question est controversée.
Les partisans de l'affirmative s'appuient sur l'autorité de Du
Verger de Saint-Thomas (chapitre premier, article 24), sur celle de
Tavernier (p. 309), et de G. JoUivet (p. 211).
Les partisans de la négative, sur le silence gardé par Chateau-
villard , et sur les conditions exceptionnellement rigoureuses aux-
quelles il subordonne la substitution de fils à père ; toutes choses
dont la concordance indiquerait, d'après eux, la volonté de res-
treindre à la personne du fils le droit de remplacement.
Ils observent que cette solution est seule logique, si on admet
comme ils l'admettent VEssai sur le duel comme guide et code du
point d'honneur, et qu'elle est seule conforme au principe que les
exceptions demeurent limitées au cas spécial en vue duquel elles
sont édictées, et ne comportent pas d'extension.
Il est facile de voir, en relisant notre chapitre premier, que la
solution négative est la conséquence directe des prémisses que nous
7 avons posées ; aussi n'hésiterions-nous pas à Tadopter, si nous
n'étions effrayés de ses conséquences pratiques.
Eu effet, si on l'applique strictement, l'infirme qui n'a pas de
fils ou de père en état de le protéger devient la victime assurée
d'un brutal, assez lâche pour attaquer un être sans autre défense
qu'un frère incapable de lui venir en aide. Aussi n'osons-nous pas
proclamer absolument contraire aux règles du point d'honneur le
76 PREMIÈRE PARTIE.
concours prêté par des témoins au duel entre le frère de l'inca-
pable et son agresseur, lorsque l'injure est très graye, et l'offensé
affligé d'une infirmité permanente : en un mot lorsqu'il est digne
d'un intérêt spécial et indiscutable. Mais ils ne doivent le faire
qu'avec une extrême prudence, et n'admettre les raisons invoquées
qu'après examen sévère ; toutes choses qui sont généralement sou-
mises à l'appréciation d'un jury d'honneur.
Les raisons qui nous ont fait hésiter lorsqu'il s'est agi du frère
remplaçant le frère n'ont plus la même valeur lorsqu'il s'agit de la
substitution du neveu à ronde et vice versa.
En effet, les liens du sang deviennent de moins en moins
étroits, la présomption d'une affection et d'une solidarité sans mé-
lange d'intérêt moins forte.
Nous n'hésitons donc pas à la repousser, malgré l'opinion con-
traire exprimée par Tavernier, p. 309, et Du Verger de Saint-Thomas,
chapitre premier, article 23 *.
Nous repoussons, à plus forte raison, celle de cousin à cousin.
La substitution du tuteur à son pupille n'est admissible que si
le tuteur est père, grand-père ou frère dudit pupille. Elle n'est pas
autorisée hors de ces cas.
En effet, la tutelle est une charge imposée par la loi, ou par la
volonté de l'homme, en vertu des dispositions de la loi, pour admi-
nistrer gratuitement les biens d'un incapable et prendre soin de sa
personne. Elle n'établit entre eux aucun lien du sang, aucune soli-
darité d'honneur. Il serait injuste d'imposer à un homme chargé
d'un fardeau si pesant un surcroît de responsabilité que rien ne
justifie.
M. Tavernier admet la substitution diin ami à un ami, à con-
dition :
1» Qu'il y ait offense grave de la part d'un agresseur majeur;
2» Impossibilité matérielle pour Toffensé de venger son hm-
neur;
3** Qu'il n'existe aucun parent capable de se substituer à lui;
/t*" Que les liens du substitué avec l'offensé ne soient point ceux
d'une amitié banale, mais de la plus grande intimité ;
5* Que l'agresseur accepte cette substitution. S'il ne l'accepte
pas, un procès-verbal l'en punit.
Du moment que nous refusons d'étendre le droit de se substi-
tuer à des parents aussi rapprochés que l'oncle et le neveu, nous
devons le refuser, à plus forte raison, à l'ami, et interdire aux té-
1. Conformément, voyez G. JoUi?et, page 211.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 77
moias de prêter leur concours à un remplacement que nous consi-
dérons comme illégal.
En effet, la violation du principe fondamental placé en tête du
présent chapitre ouvre la porte à tous les abus en vue desquels il a
été édicté, sans qu'il soit possible d'invoquer ni la communauté
d'origine, ni la solidarité d'honneur, comme circonstances vérita-
blement atténuantes.
Qui peut mesurer le degré d'affection qui établit, entre deux
êtres étrangers par les liens du sang^ cette quasi-parenté sur la-
quelle M. Tavernier s'appuie pour autoriser le remplacement?
Cette amitié ne peut-elle couvrir une association de défense od l'ami
jouerait le rôle de garde du corps de l'impotent ?
Peu importe le consentement de l'agresseur. L'intérêt général
passe avant tout.
L'ami véritable a du reste la ressource de rendre une injure
égale à celle reçue par son Pylade. Dans cette occurrence, M. Taver-
nier remet au sort le soin de décider l'arme dont on se servira.
Nous croyons qu'il commet une erreur. Il n'y a aucune indivisi-
bilité entre les deux querelles, et partant aucun motif de faire
exception aux règles ordinaires ^
S^" Conditions exigées pour que les personnes énumérées
plus haut soient autorisées à se substituer à l'incapable.
<c Le fils, écrit Chateauvillard (chapitre premier, article 6), peut
prendre la défense de son père, trop faible pour répondre à une
offense : si l'adversaire est plus rapproché de l'âge du fils que de
celui du père.... si ce dernier a soixante ans au moins. Il se met
au lieu et place de la personne offensée et profite de ses droits. —
Le fils ne peut se mêler de l'affaire de son père, si ce dernier est
l'agresseur. »
Et plus loin, dans ses remarques sur l'offense (p. 95), il ajoute :
« Pour que le fils puisse prendre sa défense, il faut que son père
ait été bien réellement et bien graToment offensé, qu'il n'ait pas
provoqué Toffense par une offense égale, qu'il ait raison, enfin que
l'agression soit flagrante et facile à élablir. » En résumé, quatre
conditions, dont une est relative à l'incapacité physique, une autre
au degré de l'offense, et dont les dernières regardent l'âge.
L'interprétation des textes que nous venons de rapporter, a
donné lieu à une controverse trop importante pour que nous la pas-
sions sous silence.
1. ConformémoDii voyez G. Prévost, G. Jolllret, l'Escrime et le duel, page 213«
78 PREMIÈRE PARTIE.
Oa s'est demandé si GhateauTillard exigeait bien réellement,
dans tous les cas, le concours des quatre conditions pour que la
substitution fût licite ; si certaines d'entre elles ne • pouvaient pas
manquer sans entraîner le résultat contraire ; enfin, dans le cas où
l'affirmative prévaudrait, quelles étaient ces conditions.
Aucune difficulté sérieuse ne pouvait raisonnablement porter
sur le degré de l'offense. Il est clair qu'une atteinte grave à l'hon-
neur ou à la considération, ou une voie de fait, sont seules capa-
bles de justifier une pareille dérogation au principe de la person-
nalité des offenses ; mais elle pouvait porter et elle porta en effet
sur la question d'ftge.
Il parut injuste de refuser à un fils le droit de remplacer son
père infirme et gravement offensé, par cela seul que le père aurait
moins de soixante ans, ou parce que l'âge de Tagresseur ne se rap-
prochait pas assez du sien.
Aussi M. Tavernier enseigne-t-il (p. 306) que du moment que
le père est gravement offensé, et physiquement incapable de venger
son injure, la substitution est permise, sans qu'il soit nécessaire de
se préoccuper de Tâge.
M^ Du Verger de Saint-Thomas (Observations sur l'article 22 du
chapitre premier) pose la question sans la résoudre. Nous croyons
qu'on peut le faire au moyen d'une distinction.
Si le père est trop faible pour se mesurer, sans infériorité, avec
son agresseur, le concours des quatre conditions est exigible. Si
son état physique est tel qu'il se trouve dans l'impossibilité absolue
de venger l'injure qu'il a reçue, il n'y a pas lieu de se préoccuper
des conditions relatives à l'âge; il suffit que l'injure soit grave, non
provoquée et facile à établir.
Cette solution nous parait ressortir des textes que nous avons
cités plus haut. En effet, lorsque, dans l'article 6 de son chapitre pre-
mier, Ghateauvillard met la question d'âge en avant, il ne prévoit pas
une hypothèse générale embrassant tous les cas d'incapacité absolue
ou relative qui peuvent se présenter.
Il ne vise pas ceux qui font de l'offensé la victime assurée de
n'importe quel agresseur même plus âgé que lui : la perte de la vue,
la paralysie, etc., etc. Il suppose, chose tout à fait différente, que le
père est a trop faible » pour se mesurer avec un adversaire beau-
coup plus jeune que lui. C'est le cas de don Diègue dans le Cid.
Substitution du petii-ûls au grand-père.
Les conditions sont les mêmes que pour la substitution du fils
au père.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 79
Il faut eD outre que le grand-père n'ait pas de fils en état de le
remplacer, car dans cette hypothèse le fils prime le petit^fils.
Substitution de père à fils et de grand-père à petit-fils.
Les conditions mises à la substitution du père au fils Tarient
suivant Tàge de ce dernier.
Est-ce un enfant qui n'a pas encore atteint la majorité, que
nous appellerons majorité sociale, c'est-à-dire dix-huit ans ? L*in-
jure qui lui est faite est censée faite à la personne sous la puissance
de qui il se trouTe, c'est-à-dire à la personne du père ou du grand-
père, qui peuvent se substituer à lui, quand bien même il serait
valide, à la seule condition que l'injure soit grave, facile à établir, et
non provoquée.
Il n'en est plus ainsi, pendant la période qui court de dix-huit
à vingt et un ans, car le jeune bomme commencé à compter dans
le monde.
Le droit à la substitution n'existe plus de piano. L'état physique
et moral de l'offensé, son habileté plus ou moins grande au manie-
ment des armes, doivent entrer en ligne de compte, et la solution
affirmative ou négative ne doit résulter, dans l'intérêt des deux
parties, que d'un arbitrage ou de la sentence d'un jury d'honneur.
A partir de la majorité légale, c'est-à-dire de vingt et un ans,
les conditions mises à la substitution de père à fils sont les mêmes
que celles qui sont mises à la substitution de fils à père, sauf pour
ce qui à rapport aux questions de proportion entre les âges, qui
n'ont plus raison d'être ^
Mêmes conditions pour le cas peu probable ou le grand-père,
en l'absence du père, voudrait se substituer à son petit- fils.
Substitution de frère à frère.
Les conditions exigées pour la substitution de frère à frère, si
on admet le système qui la considère comme légale, sont identiques,
mais il faut en outre que roiïensé n'ait ni père ni fils en état de le
remplacer.
Offenses aux personnes atteintes de maladies mentales.
Les individus atteints de maladies mentales, tels qu'aliénés,
idiots, etc., ne peuvent pas plus être offensés personnellement
!• Voyez notre chapitre xii, article 10.
80 PREMIÈRE PARTIE.
qu'ils ne peuvent être responsables des actes offensants qulls peu-
vent commettre.
N'ayant pas Fexacte notioa du bien et du mal, du juste et de
rinjuste, le point d*lionneur n'existe pas pour eux. Les parents qui
sont assez rapprochés pour se substituer ne sauraient donc invoquer
leur incapacité pour prendre leur lieu et place.
Il faut, pour qu'ils soient autorisés à demander réparation d'une
offense qui semble viser plus spécialement l'insensé, que cette
offense puisse être considérée comme leur étant en réalité person-
nelle. C'est alors en leur nom qu'ils adressent le cartel qui en résulte.
Nous n'avons pas besoin d'insister sur la délicatesse de la question
et sur les difficultés que présentera souvent la solution ^
2"" Classe de substitutions. — Offenses aux femmes.
Le père peut toujours prendre la défense de sa fille insultée, le
mari de sa femme, le frère de sa sœur, le cavalier de la dame qu'il
accompagne, etc.
Dans tous ces cas, l'offense n'atteint pas la femme (personne
incapable), mais frappe son protecteur naturel, vis-à-vis lequel
l'agresseur se trouve placé, comme si c'était à lui qu'il se fût adressé
directement».
Par le mot protecteur naturel, nous entendons l'homme dont la
femme doit attendre naturellement, et par la force des choses, aide
et protection.
Dans le cas dont nous nous occupons, on voit qu'il n'y a pas,
à proprement parler, substitution réelle dans le sens des substitu-
tions précédentes, puisque la femme n'existe pas au point de vue de
la réception de l'offense, ou de l'appel qui en résulte.
Aussi cette substitution, si substitution il y a, n'est-elle soumise
à aucune condition spéciale. L'affaire est instruite et conduite
d'après les règles ordinaires. En particulier, pour que l'intervention
du protecteur naturel de la femme soit justifiée, il n'est pas néces-
saire, comme pour les substitutions de la première classe, que l'of-
fense subie soit une offense grave. Une offense simple suffit.
L'énumération des protecteurs naturels que nous avons faite en
tête de cet article n'est pas limitative. Le droit de remplacement
s'applique à toutes les personnes dont la femme peut attendre aide
et protection, mais avec cetle restriction que le classement et l'ordre
à observer sont déterminés par le degré de parenté, les mœurs, les
1. Voyez notre chapitre v (Intention).
2. Voyez Tayernier, page 309 •
OFFENSES. — BÈGLES DU DUEL. 84
usages, les règles de la raison et du bon sens, mais non par le
caprice des intéressés.
Ainsi le frère d'une femme qui possède un mari ou un fils en
étal de venger son injure ne saurait s'imposer à Tagresseur, qui
peut le récuser sans cesser d'agir correctement. La môme fin de
non-recevoir pourrait être opposée au cousin d'une jeune fille qui
se présenterait comme champion de son honneur, alors que la
jeune fille a un père ou un frère capables de se battre pour elle ^
Si une femme qui a un mari, ou un fils, ou un père, etc., en
état de venger son injure, se trouve offensée lorsqu'elle est au bras
d'un individu dont le degré de parenté est plus éloigné, ou n'existe
pas, à qui revient le droit de se battre pour elle, lorsque le parent
le plus rapproché et Tindividu au bras duquel la femme a été
offensée demandent ensemble réparation à Toffenseur?
Nous posons la question, mais nous renonçons à y donner une
réponse théoriquement vraie, car elle suppose l'examen de faits
trop variables pour être prévus. C'est affaire aux témoins, aux
arbitres et aux membres d'un jury d'honneur, qui doivent s'inspirer
des raisons de convenances, et rechercher si Toffense adressée à la
femme n'a pas un côté personnel à l'individu qui lui offrait son bras.
En Italie, c'est le cavalier qui est préféré*.
Pour que la rencontre puisse être autorisée, il faut, chaque fois
qu'il s'agit de substitution pour offense à une femme, que la mora-
lité et rhonorabilité de la femme soient indiscutables. A première
vue, cette proposition semble contraire à la théorie que nous venons
d'émettre sur la façon dont le protecteur de la femme acquiert le
droit de se battre pour elle.
En effet, du moment que l'outrage ne s'arrête pas à celte der-
nière, et frappe directement sou champion, du moment que le
champion est considéré comme étant le seul offensé, il semble que
son honorabilité suffise pour rendre le duel admissible.
Il n'en est rien cependant.
En effet, si la femme n'est point partie agissante dans l'affaire,
elle en est au moins Toccasion et le motif déterminant. Or, dans
une affaire d'honneur, les témoins doivent considérer non seule-
ment l'honorabilité des combattants, mais encore la moralité des
querelles et des motifs ^
1. Voyex affaire Traverso-Pelletier, 8 janvier 1882. — Annuaire du duel, pu
Ferreus. — Affaire B. Wyse-de Solms-Le Pelletier, janvier 1892. Appendice n» 12.
2. Voyez Gelli, Codice cavalleresche, art. 2U.
3. Voyez notre chapitre xvii.
(>
82 PREMIÈRE PARTIE.
Il s'ensuit que la moralité et rhonorabilité de la femme devien-
neDt uDe condition essentielle pour l'admissibilité de la rencontre.
Ix^ures à la mémoire des morts.
Ici se place la question si controversée de savoir si Toffense
adressée à la mémoire des morts peut être considérée comme
adressée à la famille du défunt, et si cette famille peut valablement
en demander raison par les armes. Ni Ghateauvillard ni ses com-
mentateurs ne Font abordée.
Nous n'bésitons pas à répondre oui.
En effet, la fortune mobilière et immobilière du défunt n'est
pas seule à composer son héritage. Il transmet aussi son nom, qui
devient la propriété collective de tous les membres de sa famille,
unis dans une mutuelle solidarité, pour conserver ce patrimoine
sacré qu'ils sont tenus de transmettre intact à leurs descendants.
Il serait injuste de leur enlever le droit de défendre ce bien contre
les attaques qui le diminuent, et de demander réparation du dom-
mage qu'ils ont subi. Ceci est incontestable.
Mais à côté des droits de la famille privée, il y a ceux de la
famille universelle que représente Thistoire. Que deviendrait son
indépendance; où serait l'utilité de ses enseignements, s'il lui était
interdit d'offenser les morts, et de livrer à la justice de la postérité
les actes de ceux qui ne sont plus ?
Gomment concilier deux principes aussi opposés ? Grâce à une
fiction qui consiste à substituer le plus proche parent du mort à la
personne de ce dernier, et à considérer comme étant personnelles
au substitué les injures adressées à la mémoire du défunt?
Nous nous trouvons, au moyen de ce subterfuge, en présence
d'une offense adressée à une personne vivante, et rentrant, par con-
séquent, dans la catégorie de celles qui sont régies par les principes
que nous avons développés lorsque nous avons traité de Toffense.
Les témoins appelés à se prononcer sur la valeur d'une insulte
de cette espèce devront rechercher, d'abord, si elle présente un
caractère de gravité suffisant pour motiver une rencontre. Ils
devront examiner, conformément à la distinction que nous avons
faite, dans notre chapitre iv, entre les droits de la famille et les
droits de l'histoire, si le défunt a été un simple particulier, s'il a
rempli des fonctions publiques, joué un rôle politique, exercé un
art, une profession, etc., qui par leur nature l'exposaient à la
censure de Topinion.
Était-il simple particulier ? Toute atteinte à son honneur ou
à sa considération devient un acte d'autant plus coupable qu'il
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 83
dénote une haine que la tombe n'a pu désarmer. L'intention de
nuire est évidente, car elle n'a pas Texcuse des intérêts froissés ou
du contact irritant d'un ennemi. La blessure est d'autant plus cui-
sante qu'elle frappe des parents à l'endroit d^une plaie mal cica-
trisée et profane leur douleur.
A-t-il, au contraire, rempli des fonctions publiques? A-t-il joué
un rôle politique? Exercé un art? etc., etc. En un mot s'est-il trouvé
dans le cas d'être soumis à la censure de ses concitoyens ? A-t-il été,
par exemple, journaliste? chef de parti ?
Il faut encore distinguer entre sa vie privée, dont l'honneur et
la considération ne peuvent être lésés sans offense à sa famille, et
sa Yie publique, littéraire et politique, qui demeure justiciable de
rhistoire à laquelle elle appartient sans conteste.
Après avoir supposé que l'offense était reconnue assez grave
pour motiver la rencontre, après avoir admis le droit de certains
parents à la considérer comme leur et à se substituer au défunt, il
r^te à examiner les autres conditions requises pour que la substi-
tution soit valable.
Cet examen porte non seulement sur la capacité du substitué,
mais encore sur celle du défunt, qu'on fait revivre pour la circon-
stance.
Le parent qui demande la substitution doit réunir toutes les
conditions de capacité qui seraient exigées de sa part, si Toffense
lui était réellement personnelle, et s'il en demandait réparation pour
son propre compte. De plus, il doit être parent à un degré assez
rapproché pour justifier son intérêt à la substitution.
Quelle est la limite de cette parenté ? Peut-on accorder ce droit
à toutes les personnes autorisées à se substituer à des individus
vivants ?
Oui, car leur situation est la même.
Le père, le fils, le grand-père, le petit-fils, le frère jouiront de
ce privilège.
Peut-on rétendre à Toncle ? au neveu ? au cousin germain ? La
question soulève naturellement la même controverse que celle dont
nous nous sommes occupés au commencement du présent chapitre.
Nous la résolvons encore dans un sens négatif.
Observons que, même dans le cas où les témoins et les membres
du jury d'honneur adopteraient l'affirmative, ils ne pourraient
autoriser la substitution que si le parent qui se présente pour rem-
placer le défunt porte le même nom que lui. En effet, dans le caa
contraire, le motif qui a fait admettre cette exception à la person-
nalité des offenses (l'honneur du nom) n'existe plus.
Relativement aux conditions que doit réunir le défunt, il faut
84 PREMIÈRE PARTIE.
que la personne dont la mémoire a été attaquée possède la capacité
nécessaire pour demander réparation. On la ressuscite en pensée
pour cet examen, et on recherche si une des questions préalables,
énumérées dans notre chapitre xu, ne peut lui être valablement
opposée. L'exception d'indignité attirera particulièrement l'atten-
tion.
Cette règle cesse d'être absolue, lorsque l'injure s'adresse plutôt
au parent qui demande réparation qu'à la personne du défunt.
L'offense à sa mémoire est alors considérée comme l'accessoire de
l'insulte faite au parent, et comme un moyen détourné d'arriver
jusqu'à lui. Il suffit, pour que le combat soit permis, que la personne
qui adresse l'appel possède la capacité suffisante. L'agresseur ne
peut opposer aucune question préalable tirée de l'incapacité du
défunt.
Exemple :
Le 7 novembre 1832, Deulz livra la duchesse de Berry au gou-
vernement de Louis-Philippe, moyennant une somme considérable,
dans des conditions particulièrement odieuses. Les honnêtes gens
de tous les partis, y compris les partisans du gouvernement qui
profita de cette trahison, furent unanimes pour flétrir cet acte et
accabler son auteur sous le poids de leur mépris.
Supposons que, vingt ou trente ans après, un historien ait
publié le récit des guerres de Vendée. Il y rapporte naturellement
la confiance accordée par la duchesse à Deutz, les négociations avec
H. Thiers. Il discute le montant du prix fixé, etc., et qualifie sévè-
rement la conduite du dénonciateur. Supposons que Deutz ait laissé
un fils, et que ce fils ait provoqué Thistorien, à raison de l'injure
essuyée par lui dans la personne de son père. Supposons que ce fils
ait été un très honnête homme, qui, ne voulant pas bénéficier du
prix de la honte, l'ait distribué aux pauvres ; tel, en un mot, que son
nom seul soit contre lui.
L'historien aurait-il été forcé de se battre? Non, car si Deulz père
fût revenu au monde, il aurait été considéré comme indigne et inca-
pable de demander réparation.
Au contraire, si, pendant un procès, l'adversaire de Deutz avait
fait paraître un mémoire commençant par ces mots : « C'est bien à
Deutz de parler de désintéressement et de loyauté, lui fils d'un
traître et d'un infâme, etc., » l'injure s'adressant bien plus au fils
qu'à la mémoire du père, et ne pouvant être justifiée par aucun
intérêt historique, il est certain que la capacité de Deutz fils suffi-
sait pour que la rencontre fût autorisée.
La question préalable tirée de l'indignité de son père lui eût été
vainement opposée.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 85
CHAPITRE XI
Responsabilité des parents. — Protecteurs de la femme. —
Journalistes. — Maîtres. — Commettants. — Supérieurs
hiérarchiques. — Avocats et leurs clients.
En principe, chacan répond personnellement de son fait. Le
fait d'antrui nons est étranger. La raison nous dit que chacun n'est
garant que de ses actes, et que l'auteur de l'offense doit seul répa-
ration à Toffensé.
Cependant, par exception, la législation du point d'honneur
admet certains cas où la responsabilité incombe à d'autres personnes
qu'à l'agent direct.
Ainsi :
l"" Certains parents sont responsables des offenses émanant de
personnes qui les touchent de plus ou moins près.
2'' Les personnes chargées de protéger les femmes sont respon-
sables des offenses qu'elles ont pu commettre.
Dans l'un et l'autre cas, l'incapacité de l'agent direct de l'offense
est la cause de cette responsabilité.
Rangerons-nous dans la même catégorie les maîtres et com-
mettants, supérieurs hiérarchiques, mandants et clients des avocats?
Les rendrons-nous, comme le fait la loi civile pour certains d'entre
eux, responsables des offenses commises par leurs [domestiques,
préposés, inférieurs, mandataires ou défenseurs, quand bien même
ils y seraient étrangers ?
Non, ils rentrent dans le droit commun, et ne sont tenus à
réparer que ce qui peut leur être attribué personnellement. Aussi
renverrions-nous le lecteur, pour ce qui les concerne, aux règles
ordinaires, si certaines questions délicates ne venaient se greffer sur
cette responsabilité personnelle, et ne nécessitaient des explications
que nous donnerons au cours de ce chapitre.
Restent les journalistes dont la responsabilité est mixte. En effet,
ils peuvent bien, dans certains cas, être tenus à rendre raison d'ar-
ticles dont ils né sont pas auteurs, ^nais cette responsabilité n'est
pas celle du fait d'autrui ; car s'ils n'ont pas écrit Tarticle, ils l'ont
publié, et y ont participé dans une certaine mesure.
La distinction entre les personnes tenues du fait d'autrui, les
personnes qui n'en sont pas tenues, et les personnes qui n'en sont
86 PREMIÈRE PARTIE.
pas complètement tenaes, une fois signalée, nous allons examiner
en détail les éventualités qui peuvent se présenter pour chacune
d'elles.
Responsabilité de certains parents.
La responsabilité des parents dont nous donnons la liste plus
bas n'est pas fondée, comme la responsabilité civile du père et de
la mère, sur la puissance paternelle, qui, leur donnant le droit et
leur imposant le devoir de veiller sur les actes de leurs enfants, les
oblige à prévenir leurs fautes. Elle est la conséquence du droit
exceptionnel de substitution qui leur a été accordé chapitre x, et
lui sert de contrepoids.
Si ces parents sont autorisés à remplacer leurs parents inca-
pables, lorsque ces incapables sont offensés, il est juste qu'ils les
remplacent également lorsqu'ils sont agents de Toffense et tenus à
réparation.
De la liaison qui existe entre le droit de substitution et la
charge de la responsabilité, il résulte :
i^ Que la charge doit incomber aux personnes qui jouissent du
privilège de la substitution ; qu'elle ne peut être étendue au delà de
la liste que nous avonà dressée chapitre x, et qu'elle leur incombe
de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de prouver leur faute.
Le fils, le petit-âls sont donc responsables des offenses com-
mises par leur père ou leur grand-père incapables. Réciproquement,
le frère Test de celles qui émanent de son frère placé dans les
mêmes conditions. D'après notre système, l'oncle, le neveu, les
cousins germains, étant exclus du droit de substitution, sont éga-
lement déchargés de la responsabilité.
2» Que les conditions mises à la responsabilité sont les mêmes
que celles qui sont mises à la substitution. Pour que la responsabilité
du ûls et du petit-âls soit engagée de manière à ce qu'ils ne puissent
s'y soustraire sans être blâmés, il est par conséquent nécessaire
que le père et le grand-père soient incapables de rendre raison par
les armes de l'offense qu'ils ont commise, que cette offense soit
grave, etc., etc. ^
La responsabilité du père, à son défaut celle du grand-père, à
son défaut celle du frère, a lieu de plein droit, lorsque le fils, petit-
fils ou frère est âgé de moins de dix-huit ans, et abstraction faite de
son état physique ou moral. De dix-huit à vingt et un, elle est
1. Voyez DOS chapitres x et m, articles 11 et 12.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 87
subordonnée à la constatation d'un état d'incapacité physique ou
moral, faite par un jury d'honneur.
A partir de vingt et un ans, elle ne peut résulter que d'une
incapacité absolue. Il est bien entendu que, dans toutes ces hypo-
thèses, l'existence d*une offense grave ou d'une voie de fait est
toujours supposée ^
Responsabilité des protecteurs de la femme.
Nous avons montré que l'offense adressée à une femme passe
par-dessus sa tête, sans l'atteindre, pour aller frapper son protecteur
naturel, directement, et comme si la femme ne se trouvait pas inter-
posée entre l'agresseur et lui. Réciproquement, la femme est irres.
ponsable des offenses qu'elle a pu commettre. Elles sont censées
avoir été adressées directement et personnellement parle protecteur
naturel qui en devient responsable de plein droit*.
Il en résulte que l'offensé doit demander directement réparation
à ce dernier, qu'il peut le faire pour une offense du premier degré,
et qu'il n'est apporté aucune exception aux règles ordinaires dans
la conduite de l'affaire.
Si l'irresponsabilité de la femme n'avait pas pour correctif la
responsabilité de Thomme qui est chargé de sa défense, nul ne
serait à l'abri des nerfs ou de la méchanceté de certaines d'entre
elles, qui possèdent un arsenal de traits cuisants pour l'amour-
propre d'autrui, ou mortels pour son honneur.
Si la conséquence de chaque calomnie, de chaque médisance
préjudiciables était un appel, la charité y gagnerait. La crainte du
scandale, la timidité, l'affection pour l'objet de la provocation, la
mobilité naturelle à la plus belle moitié du genre humain, seront
du reste généralement de puissants auxiliaires pour une satisfaction
amiable.
S'il arrive à Toffensé de provoquer un époux endurci, guer-
royant avec sa femme, et peu disposé à endosser les mauvaises
histoires de sa moitié, peut-être recevra-t-il la réponse que fit en
pareille circonstance un vieux colonel du premier Empire à un
sien compagnon d'armes : « Si j'avais été obligé de croiser le fer
pour toutes les méchancetés de H""* X..., je serais mort depuis long-
temps, ou la ville serait dépeuplée. C'est contre elle que je m'escrime
depuis Waterloo. Déléguez-moi votre vengeance. Croyez que je me
reprocherais d'ajouter un coup d'épée à la blessure que sa langue a
faite à un galant homme comme vousl »
1. Voyez nos chapitres x et xii, article 10.
2. Appendice n^ 13.
88 PREMIÈRE PARTIE.
Et comme Toffensé se récriait :
« Si vous tenez absolument à vous battre, je suis votre homme;
mais, de grâce, que ce ne soit pas pour ma femme I Allons, mon cher,
allons déjeuner. Ma mort la réjouirait trop. »
De la boutade du colonel X..., tirons les conclusions suivantes :
Le refus de duel, permis à un vieux brave, serait dangereux
pour tout autre qui n'aurait pas fait ses preuves.
Il entraîne un désaveu si humiliant pour la femme, qu'il con-
stitue satisfaction suffisante lorsqu'il est inséré, par les témoins de
l'offensé, dans un procès-verbal de constat auquel ils donnent la
publicité qu'ils estiment nécessaire à la réparation de l'offense.
Responsabilité des journalistes.
Lorsqu'un article injurieux parait dans un journal, à quelle
personne l'offensé doit-il demander réparation ?
La législation du point d'honneur étant liée par l'axiome qu*il
n*est dû qu'une réparation pour une même offense ne peut, comme
la loi pénale, atteindre tous les participants à l'offense, et distribuer
à chacun d'eux une part proportionnelle à sa participation. Elle ne
met en cause qu'un individu, celui qu'elle regarde comme l'auteur
de l'offense, et dont la détermination varie, selon que l'article est
signé ou n'est pas signé.
1" cas. — L^article est signé.
Si Tarlicle est signé, le signataire est considéré, jusqu'à preuve
du contraire, comme étant auteur véritable. C'est lui qui est respon-
sable de son œuvre. C'est à lui que le cartel doit être adressé.
Il est fait exception à cette règle dans quatre circonstances :
1° Lorsque le signataire se dérobe ;
2*» Lorsqu'il y a impossibilité à une rencontre immédiate avec
lui* ;
3* Lorsqu'il ne possède pas la capacité requise pour qu'un duel
soit admissible avec lui ;
4"* Lorsqu'il est prouvé qu'il n'est qu'un prête-nom et que der-
rière le signataire se cache une autre personne.
Dans les trois premières conjonctures, c'est celui qui^ ayant droit
d'empêcher Vinsertion des lignes offensantes, ne l'a pas fait qui est
responsable et qui prend la place du signataire. En autorisant la
t. Voyez affaire Rochefort fils-L*** V***-Arthup Meyer, 2 Juin 1880. Appendice
no 20.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 89
publication, il est devenu complice de la personne qui a fait insé-
rer l'article, et doit acquitter sa dette si elle est insolvable au point
de vue de la réparation par la voie des armes. Gomme c'est le
rédacteur en chef qui reçoit Tépreuve en page et qui donne le bon à
tirer, c*est lui qui, dans lesjournauxoùil n'y a pas de directeur, est
responsable. C'est à lui que l'offensé pourra toujours s'adresser.
Au contraire, lorsque le journal comporte un directeur, c'est le
directeur qui doit prendre la responsabilité. Le rédacteur en chef ne
vient qu'à son défaut. En effet, le directeur, par sa position, est à la
tête de la feuille. Il possède un droit de veto qui l'emporte, en cas de
divergence d'opinions, sur l'avis du rédacteur en chef. Il ne peut,
par conséquent, se retrancher derrière ce dernier, et soutenir, par
exemple, que, son rôle à lui directeur étant de donnerd'une manière
générale l'impulsion politique et littéraire à la feuille, il ne saurait
être tenu des questions de détail, qui ne lui passent généralement
pas sous les yeux.
Du moment qu'il tient en main le moyen d'éviter l'offense, cela
suffit. Peu importe qu'il en ait oui ou non usé, s'il lui était loisible
de le faire. L'offensé n'a pas à entrer dans la cuisine du breuvage
qu'il a avalé.
Dans la quatrième hypothèse, c'est naturellement la personne
qui s'est abritée derrière le signataire qui prend sa place.
Le principe général une fois posé, reprenons individuellement
chacune de ces espèces.
1^ HYPOTHÈSE. — Nous dlsous quo le directeur ou le rédacteur
en chef est responsable si le signataire se dérobe.
Décider autrement serait obliger l'offensé ou à garder l'offense,
faute d'adversaire à qui s'adresser, ou à rendre au signataire une
injure assez grave pour obliger Thomme le moins brave à sortir de
son apathie ; mesure extrême, qui a l'inconvénient de déplacer les
rôles, et de procurer à l'agresseur originel le privilège d'offensé, qui,
sans cela, revenait de droit à l'individu visé dans Tarticle.
Observons, avant de terminer l'examen de cette première hypo-
thèse, que nous prenons les mots se dérober dans le sens le plus
large, abstraction faite des prétextes allégués pour refuser le duel.
Il suffit que le signataire esquive ou refuse une prompte répara-
tion, pour que le directeur ou le rédacteur en chef puisse être vala-
blement mis en cause.
2« HYPOTHÈSE. — Ce que nous venons de dire est encore vrai,
lorsque l'offensé ne peut rencontrer de suite le signataire.
Supposons, par exemple, que Pierre, qui voyage en Amérique,
*.?-. /
90 PREMIÈRE PARTIE.
adresse à un journal de Paris un article injurieux pour Paul, qui habite
cette ville. Paul sera-t-il obligé d'aller le chercher outre-mer? Non.
C'était au directeur ou au rédacteur en chef à prévoir l'éventualité
d'unappelprovoquéparl'artide injurieux, avantde le laisser paraître.
Si Paul juge que son honneur va être compromis par un délai
prolongé, et s'il demande réparation immédiate à l'un d'eux, il doit
la lui accorder.
3' HYPOTHÈSE. — Même solution si le signataire ne possède pas
la capacité requise pour se battre en duel.
Remarquons, à ce propos, que l'incapacité du signataire ne
résulte pas seulement de son indignitéy comme on pourrait le croire
en lisant un passage de M. TavernierS mais de toutes les causes
physiques et morales qui ont pour effet de rendre un duel inad-
missible avec lui ^
k"" HYPOTHÈSE. — S*il est établi que la signature apposéeau bas
d'un article offensant masque une tierce personne, nous avons vu
qu'elle est responsable.
Ce principe s'applique notamment à l'hypothèse d'un directeur
de journal ou d'un rédacteur en chef dont la personnalité se cache-
rait derrière une signature de complaisance. Dans l'espèce, il est
évident que c'est à Tun ou à l'autre de ces deux individus que l'of-
fensé pourra demander réparation.
Tout le monde est d'accord sur ce point. Mais où il y a controverse,
c'est sur la question de savoir à qui incombe la charge de la preuve.
Un article offensant pour Pierre, article signé Paul, parait dans
un journal dont Jacques est directeur ou rédacteur en chef.
Pierre demande raison à Jacques, en soutenant que l'article est
bien à la vérité signé Paul, mais que Paul n'est qu'un préte-nom
derrière lequel il se cache.
Est-ce à Jacques, directeur ou rédacteur en chef, à prouver que
Paul est bien réellement auteur de l'article? Ou bien est-ce à l'of-
fensé Pierre à démontrer que la signature de ce dernier est une
signature de complaisance ?
L'obligation de prouver l'interposition incombe, suivant nous, à
Pierre. Par le fait que l'article porte la signature de Paul, il y a pré-
somption qu'il émane de ce dernier.
Il existe, en faveur de Jacques, une situation de non-responsa-
bilité acquise.
1. Voyez Art du duel, page 319.
2. Voyez notre chapitre xii, et appendice n» 14, affaire Maret-Ândrioax; 2« hypo-
thèse : Inégalité de situation entre les adversaires.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 94
Si Pierre veut aller contre cette présomption, il doit prouver le
contraire dece qu'elle établit; s'il veutpriver le journaliste des avan-
tages de sa situation, il doit démontrer que c'est à tort qu'il en jouit.
Cette application d'un vieil axiome de droit romain : Actori
incumbit probatio, est indépendante de la difficulté plus ou moins
grande, et même de l'impossibilité où se trouve Pierre d'établir l'in-
terposition.
C'est ici l'instant de rechercher quels éléments l'offensé devra
produire pour arriver à la constatation du fait.
Dans l'espèce que nous avons posée, Pierre sera-t-il tenu de
fournir la preuve directe, et pour ainsi dire tangible, que tel jour et
à telle heure, en tel lieu, Paul a été chargé par Jacques de faire un
article contre lui 7 Faute d'établir ce fait, perdra-t-il son droit d'ap-
pel contre Jacques 7
Non. Les arbitres et les jurés, décidant ex œquo et bono, sont
libres de puiser ou bon leur semble les éléments de leur convic-
tion. Ils peuvent se contenter de la preuve indirecte, et en particu-
lier des présomptions, c'est-à-dire des conséquences qu'ils tirent d'un
fait connu, pour arriver à la constatation du fait contesté.
Les présomptions doivent être graves, précises et concordantes.
Cette latitude atténue singulièrement l'immunité du journaliste, qui
l'aurait en fait à peu près complète, si l'offensé était tenu de présen-
ter un instrument écrit, ou d'offrir la preuve testimoniale.
L'attitude de Paul et de Jacques, leur refus de répondre autre-
ment que par une fin de non-recevoir aux questions qui leur sont
posées, ou à la déclaration qui leur est demandée, leurs rapports
antérieurs avec Pierre, leur intérêt, etc., doivent entrer largement
en ligne de compte.
Supposons, par exemple, qu'une feuille de reportage publie
une histoire scandaleuse, dans laquelle Pierre joue le rôle de mari
trompé, et oCi on insinue qu'il supporte son infortune avec une
philosophie trop étonnante pour ne pas être intéressée.
L'article est signé Paul, simple rédacteur audit journal, et qui
jouit de la capacité physique et morale nécessaire pour se battre en
duel. Pierre le considère comme un comparse, payé pour endosser
les mauvaises affaires inhérentes à la sp^ialité du journal. Il peut
prouver que Paul rédige, dans la feuille qui l'a attaqué, les articles
d'informations semblables à celui qui l'a diffamé ; que, quotidienne-
ment, il accommode au goût des lecteurs les scandaleuses histoires
qui sont fournies à la rédaction par un service de reportage spécia-
lement organisé. Il peut prouver que Paul est une sorte de spadas-
sin, qui profite de la crainte qu'il inspire aux gens paisibles, à raison
de ses duels heureux et de sa force à toutes les armes, pour tirer
92 PREMIÈRE PARTIE.
impunément sur leur honneur. II peut prouver que Paul et lui ne
se connaissaient même pas ayant Tarticle offensant, mais il ne peut
établir aucune interposition.
A défaut de cette preuve directe, sera-t-il réduit à se contenter
de Paul, et à lui demander réparation faute de mieux?
Nous ne saurions l'admettre.
Dans Tespèce, toutes les présomptions de yéracité sont en faveur
des assertions de Pierre. On doit voir en Paul un instrument choisi
par les individus qui dirigent le journal, pour élaborer le contingent
d'actualités nécessaire à son alimentation quotidienne.
Dans le bon à tirer qu'ils ont don né à Tarticle diffamatoire, il y a
sinon une preuve d*un mandat qu'ils lui auraient confié à cet effet,
du moins une présomption sérieuse de leur consentement. Le direc-
teur ou le rédacteur en chef nous paraissent par conséquent res-
ponsables, et tenus à réparation.
En vain objecteraient-ils, comme nous Pavons entendu objec-
ter, que si cette solution prévalait dans les us et coutumes du jour-
nalisme, la responsabilité personnelle, base de toute affaire d'hon-
neur, ne serait plus qu'un vain mot. Dans l'espèce qui nous occupe,
où est la responsabilité personnelle 7 En quoi la dignité de la presse
serait-elle compromise, parce que certains bureaux de rédaction
cesseraient d'être transformés en officines de diffamations, d'injures
et de scandales, gardées par une escouade de spadassins 7
Supposons que les témoins ou les arbitres ne considèrent pas
comme suffisamment probants les arguments fournis par Pierre.
Ce dernier est-il définitivement déchu de tout nouveau recours
contre Jacques, et doit-il se contenter de Paul, s'il veut absolument se
battre avec quelqu'un ? Nous ne le croyons pas.
Voici un moyen détourné que nous lui conseillons de tenter.
Il dira à Jacques :
« Le fait qui a donné naissance à l'article diffamatoire paru
dans votre journal n'appartenait pas à la publicité. Il ne touchait
ni à la politique, ni à la polémique, ni à un acte en dehors du cercle
restreint de la famille. Il était, par conséquent, exclu des matières
que vous pouvez traiter licitement.
« Soit par animosité, soit par désir de satisfaire la curiosité
malsaine de vos lecteurs, soit pour tout autre motif, vous l'avez
publié méchamment et sciemment.
« En ce faisant, vous m'avez causé un préjudice plus considé-
rable que celui que Paul aurait pu m'occasionner, si vous ne lui
aviez pas offert le moyen de diffusion le plus grand qu'un homme
puisse employer, la publicité du journal.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 93
cf Dans la somme du dommage que j'éprouye, il existe donc
une part qui vous incombe personnellement.
« Je yous demande, en conséquence, de publier une rétracta-
tion conçue en termes susceptibles de neutraliser dans la limite de
yotre pouyoir le tort que j'ai subi par yotre fait- »
Si Jacques se refuse à une demande aussi juste, ne doit-il pas
être considéré comme s*assimilant complètement l'injure, et comme
la répétant ?
Pierre ne se trouye-t-il pas dans les termes de notre article 2 du
chapitre ix 7 C'est-à-dire en présence de deux indiyidus qui ont
commis la même offense, enyers la même personne ? N'aura-t-il pas,
en conséquence, le droit de choisir celui auquel il demandera rai-
son ? Ne pourra-t-il s*adresser à Jacques, sans être tenu de prouyer
l'interposition de Paul ?
Oui, nous n'en doutons pas.
En yain le directeur ou le rédacteur en chef objecteraient-ils
que la loi assurant à Toffensé un droit de rectification et de réponse
dans la feuille accusatrice (art. 13 de la loi du 29 juillet 1881), c'est
à lui Pierre qu'il appartient d'en appeler à l'opinion publique et de
l'éclairer.
Cette prétention nous semble inadmissible, car elle peut ayoir
comme résultat de priver Pierre du droit d'obtenir, par la voie delà
juridiction du point d'honneur, réparation de l'offense qu'il a subie.
Nous verrons en effet, lorsque nous étudierons l'article 5 du cha-
pitre xii, que le droit de rectification et de réponse ne peut être
exercé dans certains cas sans l'intervention des tribunaux.
Il en résulterait, d'après une opinion fort accréditée, que si l'of-
fensé, pour obtenir l'insertion de sa réponse, est obligé d'y avoir
recours, il contrevient ipso facto à la prohibition édictée par le-
dit article 5, et risque de voir opposer par le journaliste lui-même
une fin de non-recevoir très correcte au cartel qu'il lui adressera
postérieurement. Nous croyons que cette éventualité, si préjudi-
ciable à l'offensé , milite énergiquement en faveur de la responsa-
bilité de Jacques.
2" cas. — L'article n'est pas signé.
Si l'article n'est pas signé, s'il n'est signé que d'initiales ou
d'un pseudonyme, le directeur ou le rédacteur en chef, en un mot
celui sans le visa duquel aucun article ne peut être imprimé, doit
nommer l'auteur.
S'il ne veut pas ou ne peut pas satisfaire à la demande de l'of-
fensé, il devient seul responsable de l'offense.
La prétention émise par certains journalistes de ne fournir
-x'.-
94 PREMIÈRE PARTIE,
aucune explication à Toffensé, lorsqu'il existe des initiales ou un
pseudonyme, en un mot de le laisser se débrouiller, n'est pas admis-
sible. Ils doivent nommer Fauteur et donner toutes les indications
susceptibles de le faire retrouver immédiatement ^
Est-il nécessaire d'ajouter que la responsabilité du directeur ou
du rédacteur en chef subsiste quand même il nomme l'auteur :
1^ Si la personne désignée se dérobe ;
io Si un duel immédiat est impossible avec elle ;
3"" Si elle est incapable * ;
k"" Si elle n'est qu'un prête-nom à l'abri duquel se cache une
autre personne.
La chose est évidente, et nous nous contenterions de renvoyer
le lecteur à ce que nous avons dit plus haut à ce sujet, s'il n'existait
une différence relativement à la preuve, entre le cas où l'article est
bien signé, mais signé d'un prête-nom, et celui où en l'absence de
signature, la personne désignée par le directeur ou le rédacteur en
chef comme auteur de l'article est considérée par l'offensé comme
étant interposée.
Lorsque l'article est signé, si l'offensé prétend que l'individu
nommé comme auteur de l'article est un prête-nom derrière lequel
s'abrite, soit une tierce personne, soit le rédacteur en chef, soit le
directeur du journal, c'est à lui, offensé, qu'incombe la preuve de
l'interposition.
Au contraire, lorsque l'article n'est pas signé, c'est au directeur
du journal^ ou au rédacteur en chef, à établir que la personne dési-
gnée par lui directeur, ou lui rédacteur en chef, est bien auteur de
l'article injurieux.
En effet, la situation n'est plus la même que dans l'hypothèse
précédente, où, par le fait de l'existence d'une signature, il y a pré-
somption que l'article émane bien du signataire.
Lorsque l'article n'est pas signé, il y a présomption qu'il émane
du directeur ou du rédacteur en chef, et que la personne désignée
par lui est une personne chargée d'endosser la responsabilité qui
lui incombe. Il existe en faveur de l'offensé une position acquise,
dont il ne peut être privé que si le journaliste établit la fausseté de
la présomption qui fait la basé du droit de l'appelant.
Gomment l'établira-t-il ?
Nous le répétons, il n'y a pas de règle déterminée. C'est une
question de fait, qui est laissée à l'appréciation des témoins, des
1. Voyez affaire Maret-Andricux, 29 octobre 1888, l'*' hypothèse. Appendice n» 14
2. Voyez affaire Laffite-comte de Dion, 4 juin 1880. Appendice n^ 14.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 93
arbitres et des jurés, qui sont chargés de trancher la controverse.
La dernière question qui nous reste à examiner, pour détermi-
ner ce qui touche à la responsabilité des articles de journaux, est
ceile de savoir à qui incombe la charge d'un article injurieux,
lorsque le directeur ou le rédacteur en chef, après en avoir été dé-
claré responsable, refuse de se battre ou d'accorder les rectifications
demandées, se trouve dans des conditions où un duel immédiat est
impossible avec lui, ou ne possède pas la capacité requise pour une
rencontre.
Certaines personnes voudraient que la responsabilité incombât
dans ce cas au gérant.
Nous ne saurions l'admettre.
Le temps n'existe plus où les journaux avaient un gérant, spa-
dassin plus ou moins émérite, derrière lequel se retranchait la
rédaction, et auquel les offensés étaient obligés de s'adresser s'ils
voulaient obtenir une réparation quelconque.
Aujourd'hui, tous les auteurs sont d'accord pour ne considérer le
gérantquecommeunhommedepaille,uniquementdestinéàrépondre
à la justice, et généralement incapable au point de vue du duel.
L'offensé ferait un marché de dupe en changeant une person-
nalité de l'envergure du directeur ou du rédacteur en chef contre
un comparse d'aussi piètre volée que le gérant. Écartons-le donc
sans appel.
A qui s'adressera-t-il ?
Au propriétaire du journal, à condition d'établir clairement que
cette qualité s'applique réellement à la personne à laquelle il demande
raison, et qu'en qualité de propriétaire, cette personne a commis
une faute, une imprudence ou une négligence personnelle.
Nous énonçons le principe sans nous occuper de la difficulté
que rencontrera souvent l'offensé à fournir la preuve, car cette dif-
ficulté est une question de fait qui ne saurait influer sur le principe.
Nous disons que la faute, l'imprudence ou la négligence du
propriétaire, engendrent sa responsabilité dans l'espèce qui nous
occupe.
En effet, le propriétaire, qui choisit les personnes destinées à
exploiter l'industrie dont il tire ses bénéfices, ne doit pas se borner
à leur demander des aptitudes et une intelligence susceptibles de
faire rendre à son entreprise la plus grande somme de produit.
Il a en outre le devoir de choisir des individus solvables au
point de vue de l'honneur, c'est-à-dire susceptibles de payer la dette
de réparation que tout homme qui commet une offense contracte
envers Foffensé. En choisissant des insolvables, le propriétaire
commet une faute, et devient d'autant plus justement responsable
96 PREMIÈKE PARTIE.
des conséquences de celte faute qu'il peut atténuer facilement et
notablement la lésion qui en résulte, et que son irresponsabilité
constituerait en sa faveur une source de lucre.
Nous disons qu'il est maître d'atténuer facilement la lésion.
En effet, sa qualité de propriétaire lui donne toute facilité
pour faire insérer les rectifications, excuses ou désaveux réclamés
par l'offensé.
Il peut les consentir, sans que sa dignité personnelle en souffre,
et sans qu'il puisse être taxé de faiblesse, puisqu'il se borne à
réparer les méfaits d'agents qu'il peut désavouer sans blâme.
Nousdisons qu'il est maître d'atténuer notablement la lésion.
En effet, si l'offensé obtient le rétablissement des faits, et autres
satisfactions à la portée du propriétaire, il obtient réparation suffi-
sante de la part d'un homme qui répond seulement du fait d'autrui.
Le désir de vengeance, le besoin de donner au monde une
opinion favorable de son courage, ne sont en effet que l'accessoire
des motifs qui doivent le pousser à se battre.
Si le propriétaire refuse une si facile et si juste réparation, il
doit être considéré comme approuvant ipso facto l'offense, comme
se l'assimilant. Il contracte envers l'offensé Tobligation personnelle
de lui donner réparation par les armes, et doit être blàmé^ s'il s'y
soustrait.
Nous disons que l'irresponsabilité du propriétaire peut consti-
tuer en sa faveur une source de lucre. Qui Tempêche, en effet, de
mettre à la tête de son journal des incapables, et de se livrer, à
l'abri derrière ces personnages inertes au point de vue delà répara-
tion d'honneur, à une entreprise d'injure, de diffamation et de
scandale alléchants pour la malignité publique, et partant à une
entreprise rémunératrice, si elle est assez habilement menée pour
éviter les rigueurs de la loi pénale?
Notre système est du reste celui de la loi de 1881 sur la presse.
Aux termes de l'article kh de ladite loi, les propriétaires des
journaux ou écrits périodiques sont responsables des condamna-
tions pécuniaires prononcées au profit des tiers contre les gérants
ou les éditeurs, auteurs, imprimeurs, vendeurs, distributeurs, affi-
cheurs, conformément aux dispositions des articles i382-1383-138/(
du Code civil, c'est-à-dire s'il est constaté à leur charge une faute,
une imprudence, une négligence personnelle, une participation
quelconque à la direction ou au contrôle des opérations.
Si la propriété du journal appartient non à une seule personne,
mais à plusieurs, ou à une société, et qu'alors la participation des
intéressés, tant à la propriété qu'à la direction et au contrôle de la
publication, soit plus grande ou plus restreinte, plus active ou plus
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 97
efficace, la responsabilité civile des crimes et des délits contenus
dans ce journal n'atteint que ceux qui sont personnellement en
faute, ou à l'égard desquels le gérant peut être considéré comme un
véritable préposé ^
En matière de point d'honneur, il en est de même, avec cette
différence que les rectifications, les excuses ou le duel, remplacent
les dommages et intérêts.
Responsabilité des réclames et des annonces.
Ce que nous avons dit touchant la responsabilité des articles
contenus dans un journal s'applique également atuv réclames et
aux annonces qui y sont insérées, quelle que soit la place qu'elles y
occupent. Peu importe donc qu'elles soient placées à la quatrième
page, que l'administration exploite elle-même cette quatrième page,
qu'elle l'ait louée à un tiers ou à une société.
La responsabilité des réclames et annonces incombe, par con-
séquent, d'abord à Tindividuqui les fait insérer; à son défaut, au di-
recteur du journal ; à défaut du directeur, au rédacteur en chef;
en un mot à celui qui a le devoir d'examiner ou de faire examiner
le contenu de la feuille, et qui, pouvant opposer en dernier ressort
son veto à la publication, ne l'a pas fait.
De ce que les lignes offensantes occupent une autre place que
le corps du journal, il n'en résulte pas que les droits de Toffensé
changent de nature, et que la responsabilité des journalistes dimi-
nue ou se déplace.
S'il en était autrement, la voie de l'annonce ou de la réclame
permettrait de tirer impunément sur l'honneur des gens.
A défaut du directeur, ou, à son défaut, du rédacteur en chef,
l'offensé peut s'adresser encore au rédacteur faisant les fonctions de
rédacteur en chef, sans en porter le .titre, ou enfin au secrétaire
de la rédaction, qui est chargé de la mise en pages du journal, qui
en a surveillé la correction, auquel, par conséquent, rien de ce qui
s'y publie ne doit échapper.
Nous disons peut^ et non doit, car dès que l'offensé ne trouve
ni directeur ni rédacteur en chef pour lui rendre raison par les
armes, il est libre de s'adresser aux tribunaux pour obtenir répara-
tion, et ne saurait être blâmé s'il use d'une juridiction autre que
celle du point d'honneur.
A plus forte raison ne peut-il être contraint à accepter l'admi-
1. Voyez sur la responsabilité civile des propriétaires de journaux : Barbier,
Code expliqué de la presse^ tome lî, n<" 825 et suiv. — Code pénal annoté, do Dalloz.
Appendice, loi da 29Jnillet 1881, article 4i, n^ 15 et suiv.
7
n PREMIÈRE PARTIE.
nîslrateur ou le gérant du journal, qui n'ont qu'une responsabilité
d'ordre judiciaire et sont toujours récusables.
Telles sont les règles qui serrent à établir les responsabilités en
matière d'offense par la voie de la presse. Bien qu'elles puissent
sembler au premier abord avoir été inspirées par un sentiment de
partialité un peu excessif pour le particulier, pour rindiyidu isolé,
elles nous paraissent ne devoir point être atténuées en faveur des
journalistes. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que le simple
particulier, aux prises avec la puissance redoutable qu'on nomme la
presse, serait destiné à succomber dans sa vie morale et physique, s'il
n'était efficacement protégé par la législation du point d'honneur.
C'est lui qui joue le rôle de l'agneau que tout le monde connaît.
C'est lui qui, dans l'affaire, est intéressant.
Les journalistes réservés et prudents, ceux qui préfèrent les
articles sérieusement écrits et consciencieusement médités aux
commérages, le reconnaissent en fait, car s'ils se laissent entraîner
par hasard à une offense, ils ne reculent pas devant la responsa-
bilité qui leur incombe.
Tel n'est pas malheureusement l'avis de certains autres. A leurs
yeux, la nécessité de fournir quotidiennement au public sa pleine
râtelée de nouvelles prime toutes les considérations et justifie tous
les moyens. Le reportage devient un sacerdoce, devant l'exercice
duquel la vie privée, la famille, l'individu, tout disparait.
Tant pis pour celui qui est pris dans l'engrenage. La copie avant
touti
S'il réclame, on le regarde comme un gêneur qu'il faut écon-
duire au plus vite. Aussi, pour peu qu'il soit timide ou ignorant des
usages du point d'honneur, c'est le gérant qu'on lui offre pour lui
répondre, ce sont des rédacteurs en sous-ordre chargés de cette
besogne. Le directeur, le rédacteur en chef, ont bien autre chose à
faire.
Si le pauvre diable ahuri proteste, si ses témoins menacent, il
se trouve à point nommé un autre journaliste, non moins désinté-
ressé dans la question, pour servir d'arbitre, et lui enjoindre, au
nom de la responsabilité personnelle, au nom de la dignité de la
presse, d'aller se faire embrocher par un comparse.
Au simple particulier placé dans de semblables conjonctures,
nous dirons : « Ne vous égarez pas dans les bas-fonds. Visez la tête.
« Refusez carrément le gérant qui n'a rien à voir dans l'affaire,
et les autres adversaires du même acabit. Refusez l'arbitre unique
pris dans les journalistes qui ne sont pas connus par leur honnêteté
etleurimpartialilé.Adressez-vousaudirecteurouaurédacteurenchef.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 99
« Dassiez-Yous être forcé de rendre, pour les obliger à se battre,
une iojare plus graye que celle dont vous vous plaignez, dussiez-
Tons perdre ainsi la qualité d'offensé, ne les lâchez pas.
« Mieux vaut courir un risque plus considérable, en ayant
devant soi un adversaire sérieux, que de garder l'offense, ou de se
battre même avec des chances majeures contre un homme sans
consistance. »
Quiconque veut avoir recours à la législation du point d-hon--
neur doit, ne l'oublions pas, connaître assez bien l'usage des diffé-
rentes armes admises comme légales, pour que l'adoption de l'une
préférablement à Vautre ne le fasse pas hésiter. C'est un tort de n'en
pratiquer qu'une seule.
Responsabilité des znsdires, commettants, supérieurs
hiérarchiques et mandants.
Comme nous l'avons déjà expliqué, la responsabilité des
maîtres, commettants, supérieurs hiérarchiques ou mandants, eh
matière de point d'honneur, n'est pas celle du fait d'autrui, c'est-à-
dire la responsabilité édictée par Farticle 138/» du Code civil. S'ils
n'ont point participé à l'offense, ils ne peuvent être appelés à cause
d'elle.
C'est seulement lorsqu'ils ont commandé l'acte offensant, ou
donné mandat de l'accomplir, que cet acte est considéré comme
leur étant personnel.
Ils en sont alors responsables personnellement.
Mais la responsabilité des commettants, supérieurs et mandants,
n'a pas plus, en matière de point d'honneur qu'en droit civil, le
résultat de décharger ipso facto les préposés, inférieurs ou manda-
taires, d'une part de responsabilité.
En vain prétendraient-ils repousser l'appel de l'offensé, en
disant que c'est aux premiers à supporter les conséquences de
l'ordre ou du mandat qu'ils ont donné, et partant les conséquences
de son exécution.
Il y a faute commune ; faute de la part de celui qui a com-
mandé un acte préjudiciable, faute de la part de celui qui a accepté
de l'exécuter, soit qu*il ait connu le but de son mandat, soit qu'il
n'en ait pas mesuré les conséquences.
Nous supposons, bien entendu, que l'offense est parfaitement
caractérisée, et ne peut être couverte par aucun fait justificatif;
l'autorilé de la loi, par exemple.
5^^%%^ V
»t.k^ .-■•■-.'/• .Il»—'* • .<-»". Vj
400 PREMIÈRE PARTIE.
L'offensé ne pourra leur demander raison à tous deux, mais il
pourra choisir celui d'entre eux qull préférera, conformément à
Tarticle 2 du chapitre ix.
Nous n'ayons pas besoin d'insister sur l'importance de ce droit
d'option, qui permet à quiconque subit un outrage de l'espèce que
nous étudions d'avoir sous la main quelqu^un à qui demander répa-
ration, même dans le cas où Pun des agresseurs serait incapable.
Il est évident que si la faculté de demander raison était limitée
à la personne qui exécute, et si cet individu se trouvait, par exemple,
un domestique, celui qui aurait subi l'offense, ne pouvant décem-
ment se battre avec cet inférieur, serait obligé de garder l'insulte.
Ceci posé, et le droit d'appeler ad libitum l'un ou l'autre des
agresseurs une fois concédé à l'offensé, reste à examiner pour
chacune des deux hypothèses les conditions mises à Pexercice de
son droit :
lo L'offensé demande réparation à V individu qu'il prétend avoir
donné l'ordre ou le mandat offensant.
Supposons que Pierre, chassant dans des bois loués par Paul,
ait été rencontré par Jacques, piqueur et garde de ce dernier, et
que Jacques, en même temps qu'il lui dressait procès-verbal, ait
prononcé des paroles injurieuses qui semblent avoir été dites au
nom de Paul.
Supposons que Pierre demande raison de cette offense à Paul,
et que ce dernier lui refuse toute satisfaction.
Est-ce Pierre qui doit établir le bien fondé de son appel? La
charge de prouver la neutralité qu'il a gardée dans l'offense, et par-
tant la raison de sa fin de non-recevoir, incombe-t-elle au contraire
à Paul ?
La distinction que nous venons de faire entre la responsabilité
de l'article 1384 et la responsabilité du point d'honneur nous permet
de trancher de suite la question.
S'il s'agissait d'un cas de responsabilité du fait d'autrui, tel que
le prévoit l'article 1384, comme la responsabilité dans cette occur-
rence résulterait de la présomption de la loi elle-même, il suffirait
à Toffensé de prouver qu'il existe entre Paul et Jacques les quali-
tés de maître à domestique, ou, si on aime mieux, de commettant à
préposé. La responsabilité de Paul s'en déduirait naturellement.
Mais il s'agit ici d'une responsabilité dérivant d'une faute person-
nelle au maître. Elle n'a pas lieu de plein droit. C'est à celui qui
demande réparation du dommage qu'incombe l'obligation d'en
établir la cause génératrice, c'est-à-dire la participation du maître,
du commettant ou du supérieur.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 404
Dans notre espèce, Pierre sera donc obligé de prouver non seule-
ment que Paul est le maître de Jacques, mais encore qu'il lui a donné
Tordre de prononcer les paroles injurieuses, ou l'a invité à le faire.
Rappelons encore une fois que cette preuve, étant laissée à
Tappréciation souveraine des arbitres et des jurés, pourra résulter
non seulement de documents écrits ou de témoignages oraux, mais
encore de présomptions.
2** L offensé demande raison à Vagent direct de Voffense.
Supposons que les paroles injurieuses ont été prononcées non
plus par Jacques, domestique de Paul, mais par Jean, garde général
sous la surveillance duquel se trouvent placés les bois dont la
chasse a été louée à Paul. Il jouit de la capacité nécessaire pour se
battre en duel.
Si Pierre lui demande réparation, il ne peut s*y soustraire en
alléguant que Paul Tavait chargé de la commission, puisque nous
avons établi que la responsabilité de Fun ne décharge pas l'autre
de la part qui lui revient dans l'offense.
S'il allègue une autre excuse, par exemple Timpossibilité où il
se trouvait de connaître le caractère injurieux de la commission
dont on le priait, c'est à lui à en établir la preuve.
Lorsque l'agent de l'offense est un inférieur qui se retranche
derrière les ordres de son supérieur hiérarchique, et prétend n'avoir
fait qu'obéir à la loi en les exécutant, cette excuse n'est pas toujours
admissible, s'il y a eu réellement injure, car l'injure, d'après son
étymologie, suppose une désobéissance à la loi, qui est faite préci-
sément pour sauvegarder les hommes placés sous son empire, et
non pour les léser.
Il ne faut pas perdre de vue que, en général, l'obéissance impo-
sée au subordonné envers son supérieur hiérarchique ne doit pas
être complètement aveugle. Si l'ordre est évidemment criminel,
il peut refuser son obéissance, et, dans le cas où il a obéi, il est res-
ponsable de ses actes. Il en est de même si l'ordre du supérieur est
en dehors de ses attributions ^
Hâtons-nous d'ajouter qu'en pareille matière, il est difficile,
sinon impossible, de tracer des règles absolues et de déterminer
théoriquement les limites passé lesquelles la soumission devient
coupable, et engendre la responsabilité de l'inférieur. Les unes et
les autres varient suivant la profession et les circonstances.
Lorsqu'il s'agit de militaires, par exemple, ces limites n'existent
pour ainsi dire pas.
1. Voyei Dallox, J. G. Peine, n» 417.
^i
401 PREMIÈRE PARTIE.
u £d effet, aux termes des règlements qui les régissent, tout su-
périeur doit obtenir de ses subordonnés une obéissance entière et
une soumission de tous les instants. Il faut que les ordres soient
exécutés littéralement, sans hésitation et sans murmure. L'autorité
qui les donne en est responsable, et la réclamation n'est permise à
l'inférieur que lorsqu'il a obéi. C'est, dans son expression la plus
stricte, Tobéissance passive. »
Du reste, pour apprécier à qui revient la charge de la respon-
sabilité, il faut soigneusement distinguer entre l'ordre pris en lui-
même et la manière dont il a été exécuté. L'offense peut en effet
être absolument distincte de l'ordre.
Supposons qu'un supérieur chargé de la police d'un monu-
ment public pendant une cérémonie dise à un subordonné : « Faites
circuler dans telle partie de l'espace, et empêchez le public de pé-
nétrer dans telle enceinte. »
Supposons que Pierre ignore cette consigne et la viole sans
mauvaise intention, et que le subordonné lui crie en le repoussant
brutalement : « Fous-moi le camp, sacré cochon I »
Si Pierre envoie un cartel au subordonné, ce dernier ne pourra
être admis à soutenir qu'il devait obéir passivement aux ordres de
son supérieur, car l'ordre pris en lui-même était parfaitement légal,
et ne comportait ni les invectives ni les violences qui furent œuvre
personnelle du subordonné.
Responsabilité des avocats et de leurs clients.
En matière de point d'honneur, comme en matière de droit
civil ou pénal, Tavocat est responsable des paroles qu'il profère et
des écrits qu'il produit devant les tribunaux.
Cette responsabilité a été consacrée par un certain nombre de
décisions judiciaires *.
Elle est une conséquence des prérogatives attachées à la profes-
sion d'avocat. En effet, l'avocat a le droit dédire tout ce qu'il importe
aux tribunaux de connaître pour l'exacte appréciation des débats;
maisil ne doit le faire qu'avec modération. Il ne doit jamais oublier
qu'il a été interposé entre les plaideurs et la justice pour substituer
aux emportements de l'intérêt personnel et au langage des passions
le calme de la raison et le langage de la vérité.
1. Voyez décret du 28 décembre 1883. Règlement pour le service intérieur.
2. Vo3'ez Boulogne-fiur-Mer. Tribunal correctionnel. Gazette des Tribunaux^
28 octobre 1829. — Rouen, 7 mars 1835. Dalloz. J. G. V» avocat, n* 357. —
Cresson, Profession d'avocat, tome U, pages 57 et suivantes. — Mollot, Règles de la
profession d'avocat, tome I, page 389.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 403
Il doit, par conséquent, éviter tout ce qui aurait un caractère
d'objurgation et de violence, l'inconvenance et la grossièreté des
termes, remploi d'imputations étrangères ou inutiles à la cause,
les allégations contraires à la vérité ou dénuées d'une raisonnable
présomption d'exactitude ^
I^ partie don t l'avocat soutient la cause est également responsable
aux yeux de la législation du point d'honneur, comme aux yeux
de la législation ordinaire, s'il est établi qu'elle lui a donné mandat
de prononcer les paroles ou de produire les écrits offensants '.
La responsabilité du client n*a du reste pas pour effet, comme
nous Tavons déjà dit, de décharger Favocat de la part de responsa-
bilité qui lui incombe. Il ne peut soutenir raisonnablement, pour
éviter l'appel de l'offensé, qu'il a été induit en erreur, et que, par
conséquent, c'est à son client à supporter les conséquences du man-
dat qu'il lui a donné.
En effet, une des prérogatives les plus importantes de sa pro-
fession étant de choisir librement ses moyens, sans avoir à subir
ceux de la partie, et de présenter la cause qu*il plaide comme il
le juge convenable, il est tout naturel de l'obliger à demander la
preuve des faits que la partie lui apporte, et à examiner si ces faits
sont nécessaires à la cause, ou imposés par un esprit de malice et
de dénigrement*.
En s'en abstenant, il a commis une faute dont il doit suppor-
ter les conséquences.
La double responsabilité du défenseur et du client entraîne
pour Foffensé le droit de demander raison à celui des deux qu'il
considère comme étant le véritable auteur de l'offense.
Lui refuser cette option, ce serait lui enlever, dans bien der
cas, toute possibilité d'obtenir une réparation.
Si nous admettions, en effet, que l'avocat est seul responsable,
la partie qui voudrait faire impunément outrager son adversaire
choisirait un avocat infirme ou trop âgé pour qu'un duel fût admis-
sible avec lui.
Dans l'hypothèse inverse, le recours de l'offensé serait non
1. Voyex casfation, arrêts des 15 et 20 février 4844. — Cresson, Profession
d^avocat, tome II, page 58, et cassation du 24 avril 1828, ibidem.
2. Sur la responsabilité personnelle du client au point de vue légal.
Voyei Rouen, 7 mars 1835. — Dalloz, Jurisprudence générale, V» avocat, n» 357.
— Bordeaux, 7 août 1844. — Dalloz, périodique, année 1845. — 2« partie,
page 83.
3. Voyez Rouen, 7 mars 1835, précédemment cité. — Tribunal de la Seine, GaieWe
des Tribunaux, 5 et 6 avril 1830. — Cassation, 2 août 1829. — Cresson, Profession
d'avocat, tome II, page 76.
404 PREMIÈRE PARTIE.
moins illnsoire, si pour un motif quelconqae la partie était inca-
pable, on se dérobait ^
Le droit d'appeler ad libitum chacan des adversaires ane fois
concédé à roffensé, il nous reste à énumérer les conditions mises à
Texercice de ce droit relatiTement à la preuve, lorsque le choix de
l'offensé se porte sur le client.
Conformément à ce que nous ayons expliqué plus haut, l'offensé
doit prouver que son adversaire a donné à son avocat charge de
prononcer les paroles, ou de produire les écrits offensants. Cette
preuve résulte, nous le répétons, non seulement d'écrits et de témoi-
gnages, mais de toutes les présomptions jugées suffisantes par les
arbitres ou les jurés d'honneur.
Elle résulte notamment du mutisme gardé par un client pen-
dant que son avocat prononce, et après qu'il a prononcé des pa-
roles outrageantes.
Il a été jugé que « la partie qui souffre qu'un avocat, en sa
présence et sans opposition de sa part, articule des imputations
diffamatoires ou injurieuses contre son adversaire, « peut devenir
personnellement responsable' ».
Si le vieil adage, « qui ne dit rien consent », a pu trouver son
application devant les tribunaux ordinaires, il en sera de même à
plus forte raison devant la juridiction du point d'honneur, qui n'est
pas astreinte comme les premiers à observer des règles de preuves
aussi étroites. Au reste, dans Tespèce qui nous occupe, la déclaration
de la partie constatant qu'elle est étrangère à l'outrage, et qu'elle
répudie les paroles de son avocat, est souvent la seule ressource
dont puissent disposer les arbitres et jurés pour démêler la
vérité.
Ce désaveu, qui peut être provoqué par une interpellation h
l'audience, constitue, par le fait de sa publicité et de sa solennité,
une bonne réparation.
Observons que l'avocat appelé pour une offense commise pen-
dant une plaidoirie invoquera généralement Timmunilé judiciaire,
et prétendra n'avoir pas excédé les droits de la défense.
Comme ce droit est très élastique, il naîtra une contestation
qui risquera de s'éterniser, si par esprit de corps les confrères de
l'agresseur prennent fait et cause pour lui. Dans cette prévision,
Toffensé aura intérêt à faire constater par le juge quejes droits de la
discussion ont été outrepassés, de manière à enlever à l'avocat tout
prétexte d'éluder décemment une juste réparation.
1. Voyez Dalloz, Jurisprudence générale, avocat, n© 358.
2. CoDformément, voyez Bordeaux, 7 août 1814, Dalioz, périodique, année 1845,
2* partie, page 83.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 405
Il demandera, en conséquence, acte au tribunal des expres-
sions offensantes, mais il n'usera de ce moyen que ail peut es-
pérer avoir chance de réussir, car une fin de non-recevoir auto-
riserait Tavocat à refuser toute satisfaction par les armes, sans
pouvoir être blâmé, puisqu'il ne serait pas sorti de son droit.
CHAPITRE XII
Incapacités. — Avec quelles pexnsoxmes un duel
n'est pas
Article premier. — Le père, le fils, le frère, le parent, l'ami, etc.,
ne sont pas admis à venger par une nouvelle provocation le fils, le
père, le parent, tués ou blessés dans une première rencontre loyale ^
Cet article vise Thypothëse où les parents de la victime veulent
se battre avec le vainqueur, précisément et uniquement à cause des
suites fatales de la rencontre.
Nous allons examiner quels résultats entraîne cette prohibition.
Trois cas peuvent se présenter.
Le parent ou l'ami peuvent :
1** Adresser un cartel non injurieux ;
2"" Faire naître une discussion au cours de laquelle il provoque
l'adversaire heureux ;
3"" Au cours de laquelle il manœuvre de façon à se faire insulter
par lui.
1" Cas, — Si le parent ou Tami envoie un cartel non injurieux,
basé uniquement sur les motifs du premier combat et sur son dé-
nouement, sa prétention doit être repoussée de piano, parce qu'elle
viole l'axiome « qu'il n'est dû qu'une seule réparation pour une
même offense ».
2® Cas. — Si le parent ou Tami, instruit de la fin de non-rece-
voir qui l'attend, dans le cas où il adresserait un cartel de l'espèce
précédente, provoque une discussion au cours de laquelle il insulte
l'adversaire sorti vainqueur de la première rencontre, c'est ce der-
nier qui est l'offensé. La proposition est tellement évidente que nous
ne la formulerions même pas, si la nature particulière de l'of-
fense et la protection méritée par celui qui la reçoit n'influaient sur
l'étendue des privilèges qui lui seront accordés.
1. Oiateaavillard, chapitre m, article 8.
«^ . .- ^
40fi PREMIÈRE PARTIE.
Nous disons que Poffense est d'une nature particulière.
En effet, elle a été combinée dans le but de passer outre à la
prohibition formulée plus haut, et de violer un principe fondamen-
tal en matière de point d'honneur, sur l'utilité duquel nous nous
sommes étendus longuement.
Nous disons qu'une protection spéciale est due à l'offensé.
Chateauvillard, page 95 et s., parle de l'intérêt qu*il lui inspire,
à raison de l'inégalité dans laquelle il se trouverait, s'il lui fallait
subir les assauts succesifs d'une légion de vengeurs, et à raison de
rinfluence morale que peut avoir cette perspective sur Tâme la mieux
trempée. Il est évident, en effet, que cette influence se fait sentir
non seulement pour ce qui concerne la seconde affaire, mais encore
pour ce qui touche à la première, si, comme il arrive trop souvent,
le parent ou l'ami annoncent par avance l'intention de demander
compte du sang répandu.
On comprend que la protection qui est due au vainqueur in-
sulté ne peut se borner, comme dans le premier cas, an droit de
refuser un duel contraire aux règles du point d'honneur, car cette
fin de non-recevoir, très correcte théoriquement, laisse subsister une
sorte de flétrissure attachée à celui qui garde une offense sans en
demander raison.
Elle ne peut se borner non plus aux privilèges qui sont attachés
dans les cas ordinaires à la catégorie à laquelle appartient l'offensé,
puisque la perspective d'en subir les conséquences désavantageuses
n'a pas arrêté le parent ou l'ami dans son entreprise.
Quelle sera l'étendue de ce supplément d'avantages?
Chateauvillard et M. Tavernier fulminent bien contre celte vio-
lation des règles du point d'honneur, mais ni l'un ni l'autre ne ré-
pondent d'une manière précise à la question.
Duverger, chapitre m, article 17, se contente de déclarer que le
parent ou l'ami prend le rang d'agresseur, et que l'adversaire jouit
de plein droit des prérogatives de l'offensé avec injure grave, ou
même, s'il y a lieu, avec voie de fait. Il ne donne point d'autres ex-
plications et ne motive pas sa proposition.
Nous croyons qu'il faut chercher la solution de cette question
dans les paragraphes que Chateauvillard et M. Tavernier consacrent
aux témoins qui reçoivent un injuste cartel, à raison du combat
auquel ils ont prêté leur assistance'.
Les raisons invoquées en faveur du privilège des témoins sont
les mêmes que celles qui justifient la protection du combattant
1. Voyei Chateauvillard, chapitre iv, article 24. — Tayeroier, page 189.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 407
sorti vainquear de la première affaire, ayec cette seule différence
que les témoins étant revêtus d'une charge particulièrement
lourde, et d'un caractère spécialement respectable, ont droit à une
sauvegarde plus étendue que l'adversaire sorti vainqueur du pre-
mier duel. Aussi ne concédons-nous pas à ce dernier, dans tous
les cas et pour tous les degrés de l'offense, le privilège d'offensé
avec voie de fait qui appartient aux témoins placés en même
conjoncture.
Nous supposons seulement que l'offense qu'il a reçue est d'un
degré supérieur au degré qui lui reviendrait s'il l'avait essuyée en
toute autre circonstance.
D'après notre système, l'offense est-elle du premier degré? Il
bénéficie du choix des armes et du duel.
Est-elle du second degré? Il acquiert en outre celui des distances,
qu'il garde a fortiori s'il a eu à subir la voie de fait.
3* Cas, — La troisième hypothèse est celle où le parent ou l'ami
provoque une discussion, avec l'intention bien arrêtée de se faire
insulter par Tadversaire de son parent ou de son ami, et atteint en
effet ce but.
Remarquons d'abord qu'il faut écarter l'hypothèse où le parent
ou Tami se contenterait de soulever une discussion non injurieuse,
au cours de laquelle il se bornerait à demander raison de la mort
ou de la blessure de son parent ou de son ami.
Il n'existe dans ce cas aucune raison de s'écarter des règles
ordinaires et d'accorder à l'adversaire sorti vainqueur du premier
combat un supplément de privilèges ; car il peut opposer valable-
ment la question préalable et n'est pas excusable de s'être laissé
entraîner à des injures.
L'hypothèse qui nous occupe est celle où il y a eu offenses réci-
proques. Le parent ou Tami adresse la première offense, pousse la
première botte, mais légère et sans gravité, afin de provoquer une
riposte violente qu'il obtient en effet. Il semblerait rationnel et con-
forme aux motifs énumérés plus haut que la question préalable pût
être opposée valablement au cartel envoyé par l'auteur d'une telle
manœuvre, puisque c' est volontairementqu'il a provoqué cette riposte.
Telle est bien notre opinion.
Hais la chose n'est pas toujours possible.
Si l'adversaire croit devoir accepter la deuxième recontre, quelle
sera retendue de ses prérogatives ?
Lui accorderons-nous toujours celle d'offensé avec injure grave
ou voie de fait ?
Non. En effet, si le parent ou l'ami a commis un acte coupable
en provoquant une discussion dans le but d'éviter une prohibition
• ■; * ':*.
408 PREMIÈRE PARTIE.
du code du point d'honneur, l'adversaire en commet un autre en se
laissant entraîner à toute la fougue de son caractère.
Nous nous contentons de «diminuer d'un degré la gravité de
l'offense à laquelle il s'est livré, et d'appliquer purement et simple-
ment ensuite les règles ordinaires.
A-t-il essuyé une offense de la première catégorie et riposté par
une injure de la seconde ? Cette injure baissant d'un degré, et ne
constituant plus qu'une injure de degré égal à la première, c'est lui
qui est considéré comme l'offensé. Il a le choix des armes.
Répond-il à une injure grave par une voie de fait? Comme la
voie de fait baisse d'un degré, il est censé avoir répondu à une in-
jure grave par une injure du même degré, et acquiert le choix des
armes et du duel.
Hais s'il répond à une offense simple par une voie de fait,
malgré l'abaissement d'un degré, il perd sa position d'offensé, et le
parent ou l'ami en obtient le privilège.
Ce système a l'avantage de tenir compte, pour déterminer la
position des adversaires et leurs prérogatives, de la proportion qui
existe entre les fautes qu'ils ont commises.
Jusqu'ici nous avons supposé que la préméditation du parent
ou de l'ami qui provoque la discussion est clairement établie. En
fait, cette éventualité se présentera rarement. Il masquera d'ordi-
naire, sous des prétextes spécieux, le but réel de son entreprise, et
s'efforcera d'égarer la religion des témoins.
C'est à débrouiller cet écheveau que ces derniers devront em-
ployer leur perspicacité, conformément à ce que nous enseignons
chapitre xvii.
Ils ne failliront pas à ce devoir de leur charge, et, s'ils jugent
que le motif réel du combat soit contraire aux règles du point d'hon-
neur, ils dresseront un procès-verbal motivé qui servira de décharge
à l'adversaire sorti vainqueur de la première rencontre, s'il croit ne
pas devoir ou ne pas pouvoir répondre au second cartel.
Au contraire, si la rencontre ne peut être évitée, les témoins
de ce dernier revendiqueront les privilèges qui sont dus à leur client.
Généralement un jury d'honneur sera nécessaire pour trancher le
différend.
Art. 2. — Le duel est inadmissible entre proches parents.
De quels parents veut-on parler? Quelle est la limite de cette
prohibition ?
Il faut distinguer entre le cas où il s'agit de parents unis par
les liens du sang, descendant d'un auteur commun, et le cas où il
s'agit de parents par alliance.
OFFENSES. — RÈGLES DD DUEL. 409
S'agit-il d'ane parenté naturelle, la prohibition est très étendue.
Le duel est interdit entre ascendants et descendants, entre frères S
entre oncle et neyeu '.
Est-il interdit entre cousins germains?
M. Tayernier répond négativement, mais il formule son opinion
sous une forme si dubitative qu'elle équivaut presque à une fin de
non-recevoir. Du Verger autorise la rencontre.
En présence d'avis si différents, nous croyons qu'il faut s'en
tenir à celui de H. Tavemier, et ne pas interdire le duel dans cer-
taines conditions absolument exceptionnelles, mais entourer la
permission de tant de difficultés qu'elle constitue une exception.
S'agil-il de parents par alliance? Comme les liens qui les
unissent sont pour ainsi dire artificiels et ne dérivent que de la loi,
la prohibition est moins absolue.
On peut admettre, en conséquence,que s'il ne s'agit pas du beau-
père, du gendre et du beau-fils, qui sont sacrés l'un pour l'autre,
en vertu de raisons si évidentes qu'il est inutile de les rappeler, la
question préalable de parenté ne peut être opposée de piano et
sans discussion K
(( A des haines qui s'éternisent faute d'une soupape de sûreté,
je préfère, écrit Du Verger, un bon appel qui soumettra l'affaire à
l'appréciation de témoins sérieux et conciliants, qui arriveront
presque toujours à arranger la querelle. »
Pour notre compte, sans être aussi optimiste, nous considérons
un cartel envoyé dans de telles conditions comme devant être
avant tout un moyen d'arriver à la constitution d'un jury d'hon-
neur, alors que la demande d'un tel jury, faite directement par
l'offensé, sans être précédée d'un appel, serait presque toujours
repoussée.
Si l'arrangement est impossible, si le degré de parenté semble
un empêchement à la rencontre, les témoins rédigent un procès-
verbal qui sauvegarde l'honneur de l'offensé, sans la moindre effu-
sion de sang.
Le degré est-il plus éloigné ? L'injure est-elle si grave que le
dénouement menace de tourner au tragique malgré tous leurs
efforts ? Y a-t-il en présence, par exemple, un mari trompé, altéré
de vengeance, et le séducteur de sa femme? Ils peuvent autoriser le
duel afin d'éviter de plus grands malheurs, mais en sauvegardant
leur responsabilité par toutes les précautions imaginables.
1. Voyez Tayernier, page 55.
2. Voyez Du Verger de Saint-Thomas, chapitre m, article 19.
3. Voyez, comme exemple de duels entre parents, appendice n^ 15.
■.«
440 PREMIÈRE PARTIE.
Ainsi, dans l'hypothèse précédente, ils feront bien de réclamer
au mari une déclaration spécifiant qu'en cas où on lui refuserait
assistance, il se fera justice lui-même.
En tout état de cause, les conditions de la rencontre, le compte
rendu des efforts faits par les témoins pour éviter le combat, leur
insuccès, doivent être soigneusement mentionnés au procès-verbal
et signés des adversaires.
En résumé, le duel entre proches parents ne peut être qu'une
exception rarissime. Mais le degré de parenté, lorsqu'il franchit les
limites établies pour la prohibition absolue, ne saurait constituer
un motif opposable de piano, sans discussion et sans appel, à la
demande d'une mutuelle constitution d'individus destinés à former
un jury d'honneur.
Art. 3. — Un maître d'armes ne peut se servir de son arme
professionnelle que s'il a été frappé ^
Nous ferons observer que la prohibition ne s'applique pas aux
duels entre maîtres d'armes, qui sont régis par le droit commun,
mais aux duels entre maîtres d'armes et amateurs. Encore faut-il
distinguer quels sont les amateurs appelés à se battre avec des
maîtres d'armes. Autant il semblerait anormal qu'un professeur
d'escrime se battit à l'épée avec un tireur de force petite ou
moyenne, autant il est naturel qu'il se serve de son arme profes-
sionnelle s'il a affaire à un de ces amateurs qui ont l'habitude de
croiser le fer, sans désavantage, avec les sommités de Tescrime
dans les assauts publics.
Nous disons que le professeur victime d'une voie de fait peut se
servir de son arme professionnelle.
A-t-on bien réfléchi à l'impasse dans laquelle il se trouve s'il
use de ce droit contre un adversaire de force ordinaire, ou si, par
une générosité souvent imprudente, il y renonce?
Dans le premier cas, le combat se termine-t-il par la mort ou la
blessure de son antagoniste? Est-il poursuivi ? Il a contre lui l'opi-
nion publique, la presse et le jury.
Dans le second cas, il se prive d'un avantage bien mérité, et le
procure à son adversaire. Nous ne prévoyons pas l'hypothèse où il
refuse de se battre; car alors sa position n'est plus tenable.
En présence d'une situation aussi scabreuse, créée à un homme
digne d'intérêt, puisqu'il a reçu l'outrage le plus sanglant qu'il
puisse subir, pourquoi ne serait-il pas fait exception au principe
qu'à une voie de fait il n'y a pas d'excuse possible ?
I. Voyez Tavernier, page 312.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 444
Pourquoi ne lui permettrait-on pas d'accepter, sans être taxé
de faiblesse, une réparation suffisante? La menace faite par lui
d'employer Fépée amènerait souyent la conciliation.
L'agresseur refuserait-il la satisfaction demandée, on ne pour-
rait plus s'en prendre qu'à lui, si le maître d'armes, usant du pri-
yilège auquel il a droit, se servait de son arme professionnelle.
Quoi qu'il en soit, rappelons que le maître d'armes est obligé de
£aire connaître sa profession, aussitôt après la constitution des
témoins.
Art. 4. — Un débiteur ne peut appeler son créancier que s'il
a acquitté sa dette.
« Il y a un principe bien connu, écrit Chateauvillard, page 99,
tt c'est qu'un débiteur ne peut jamais tirer sur son créancier. Ainsi,
(c dans une querelle qui prendrait sa source dans une affaire d'ar-
« gent, et qui serait suscitée par le débiteur, les témoins ne doivent
u pas laisser battre leur homme qu'il ait payé.
«c C'est plutôt une affaire civile qu'une affaire de champ clos.
« Ce serait vraiment une manière trop facile d'acquitter ses dettes
« que de tuer son créancier. Les témoins qui mettent leur veto sur
a ce cartel doivent en faire la déclaration, qu'ils remettent à celui
u qu'ils empêchent de se battre, en se rendant garant de son
a honneur. »
Le cas est bien différent dans une querelle suscitée pour des
intérêts pécuniaires, si c'est le créancier qui appelle son débi-
teur.
L'interdiction qui fait l'objet du présent article est applicable
même lorsqu'il s'agit de dettes de jeu non reconnues par la loi
civile.
Art. 5. — a moins que l'adversaire n'y donne son consen-
tement, l'offensé qui a recours aux tribunaux perd son droit à
envoyer ensuite un cartel *.
Rien de plus juste. Avant de se mettre en campagne, l'offensé
doit avoir réfléchi à la juridiction à laquelle il s'adressera pour
demander réparation. C'est le cas de rappeler le vieil adage : una
via electa, non datur recursus ad alteram. Ici, comme en droit ordi-
naire, il trouve son application.
Mais il ne faut pas confondre la plainte de l'offensé, ou la
citation directe, avec la poursuite exercée d'office par le ministère
public, et frapper de la même incapacité l'individu qui volon-
1. Voyez Du Verger de Saint-Thomas, chapitre ni, article 20. — Taveroier, page
288 et suivantes. — Affaire Grodet-Portalis, 12 novembre 1888. Appendice
n« 16.
442 PREMIÈRE PARTIE.
tairement s'adresse aax tribanaux, et celai qui involontairement est
cause d'une poursuite.
Au cours d'une discussion, mon interlocuteur se précipite sur
moi et me roue de coups. Cet incident s'est passé dans la rue. La
police intervient. Le ministère public poursuit d'office et fait con-
damner mon agresseur à la prison ou à l'amende.
Peut-il opposer la question préalable au cartel que je lui
envoie après ma guérison, sous prétexte que l'affaire s'est dénouée
devant les tribunaux, et que je n'ai droit qu'à une réparation pour
une même offense ?
Non, car la pénalité lui a été infligée au nom de l'ordre
public qu'il a troublé, sans que je me sois plaint et sans que j'aie
pu arrêter les poursuites.
Mais si je me porte partie civile, je renonce ipso facto à tout
droit de réparation par les armes.
L'offensé qui, après s'être adressé à la justice, retire sa plainte,
conserve-t'il le privilège de recourir ensuite à la voie des atomes?
Avant la loi du 29 juillet 1881, le retrait de la plainte ne pro-
duisait aucun effet, car l'action publique une fois mise en mouve-
ment ne pouvait plus être entravée. En est-il de même depuis que
la loi de 1881, article 60, accorde à l'offensé qui se désiste le droit
d'arrêter toute poursuite?
L'affirmative n'est pas douteuse.
Il importe que l'agresseur sache à quoi s'en tenir immédiatement
sur les intentions de son adversaire. S'il est tenu de le suivre sur
le terrain qu'il choisit, il n'est pas tenu de se conformer au sautil-
lement de ses caprices. Cette solution s'applique également au cas
où, pour une raison quelconque, la plainte serait entachée de nul-
lité, au cas où le tribunal serait incompétent, etc., etc.
Mais il y a une réserve à faire pour le cas où l'agresseur, après
avoir commis une offense, refuse d'accorder une réparation par les
armes. Dans cette hypothèse, l'offensé, faute d'autre compensation,
en est souvent réduit à porter plainte, ou à citer directement.
Si l'agresseur revient sur sa décision et accepte le combat qu'il
avait refusé d'abord, l'offensé est libre, ou de poursuivre son action
devant les tribunaux sans encourir de blâme, ou d'accorder le
combat sans contrevenir à l'article 5.
Nous avons dit que le particulier victime d'une voie de fait
pouvait en demander raison par les armes, quand bien même son
adversaire aurait été poursuivi, si cette poursuite avait eu lieu
d'office.
En serait-il de même pour les personnes qualifiées, protégées
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 443
par les articles 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, 222 et suivants
du Code pénal, lorsque la poursuite a lieu non pas sur leur plainte,
mais sur la plainte du ministre dont elles relèvent, ou à la requête
du ministère public 7
Malgré tout l'intérêt que peut oflfrirleur situation, lorsque c'est
contre leur volonté que Faction publique a été mise en mouvement,
nous croyons qu*il faut répondre négativement :
l"" Parce que l'exception ne serait plus restreinte à des cas extrê-
mement rares, comme dans l'espèce où il s'agit du simple parti-
culier;
2'> Parce que cette exception constituerait en faveur de per-
sonnes déjà protégées par des pénalités exceptionnellement rigou-
reuses une prérogative excessive, si on compare la situation qui
leur est faite avec celle qui est faite au particulier placé dans la
même situation.
Supposons qu'un magistrat de Tordre administratif, un préfet
par exemple, essuie à l'occasion de ses fonctions, de la part d'un
particulier, un outrage par paroles non rendu public. L'auteur de
l'outrage sera passible d'une peine pouvant atteindre deux ans
d'emprisonnement (article 222, Gode pénal).
Supposons qu'une offense identique soit adressée au simple
particulier par le préfet, ce dernier ne sera passible que des peines
de la simple police. Ne serait-il pas monstrueux d'accorder à ce
magistrat le droit d'exiger la réparation par les armes d'une offense
déjà si chèrement payée ?
M. Tavernier propose une espèce où, d'après lui, il serait avan-
tageux pour l'offensé de saisir d'abord la justice, et où cet appel à
une juridiction diamétralement opposée à celle du point d'honneur
ne lui enlèverait pas le droit de demander ensuite réparation par
les armes.
Tel serait le cas où un homme nous diffamerait de telle sorte
que notre honneur ou notre probité serait en jeu, par exemple s'il
nous accuse d'avoir manqué à des engagements matériels. Un duel
ne prouverait rien.
« Vous êtes bien forcé, ajoute M. Tavernier, de saisir les tribu-
naux pour établir la diffamation. Envoyez-lui vos témoins. S'il
soutient son accusation après la décision de la justice, il ne pourra
TOUS opposer la question préalable. »
Quelle que soit l'autorité de cet auteur, nous ne pouvons
accepter sans réserve son opinion.
Faisons remarquer d'abord que ce procédé ne peut s'appliquer
ni aux diffamations contre les particuliers, ni aux diffamations rela-
8
444 PREMIÈRE PARTIE.
tiyes à la vie privée des personnes qualifiées, ni aux outrages régis
par les articles 222 et suivants du Gode pénal, qui ne sont ni les
uns ni les autres delà compétence du jury, et pour lesquels la dé-
monstration de la preuve n'est pas admise. (Article 35, loi du 29 juil-
let 1881.)
Dans ces diverses hypothèses, la condamnation obtenue par
la personne diffamée établit bien qu'il y a eu diffamation, mais ne
prouve nullement que le fait imputé ou allégué n'est pas exacte
L'interdiction d'apporter la preuve s'appliquant aussi bien
devant la juridiction civile que devant la juridiction correctionnelle,
on voit que, dans les cas énumérés ci-<lessus, la partie diffamée
n'aura aucun intérêt à choisir la voie conseillée par M. Tavernier *.
S'il s'agit de personnes qualifiées, diffamées à raison de leurs
fonctions ou de leur qualité, la cause sera bien soumise au jury, et
la preuve sera bien permise, aux termes de l'article 35 de la loi du
29 juillet 1881 ; mais, comme nous l'avons expliqué précédemment,
le duel ne sera plus accordé par la législation du point d'honneur,
car l'agresseur serait exposé à une double responsabilité.
Nous croyons qu'il est infiniment plus prudent de ne pas im-
miscer la justice dans le débat, au risque de se voir fermer l'accès
de a juridiction du point d'honneur, mais qu'il faut porter l'affaire
devant un jury d'honneur, qui, n'étant lié par aucune restriction
légale, admet toute espèce de preuves.
Gc jury, après avoir établi la fausseté du fait imputé, interdit ou
permet ensuite une rencontre s'il la juge nécessaire.
Influence de l'exeroioe du droit de reotifioation et de réponse
sur le droit de demander ensuite réparation par les armes.
La personne attaquée dans un article de journal peut-elle user
du droit de rectification et de réponse qui lui est accordé par les
articles 12 et 13 de la loi du 29 juillet 1881, sans perdre celui de
demander ensuite réparation par les armes de Toffense qu'elle a
subie ?
La question est controversée.
Les partisans de l'affirmative soutiennent que, dans l'espèce, les
choses doivent se passer en matière dépeint d'honneur comme en
matière civile ou pénale. Suivant eux, le droit de demander à un
journaliste l'insertion d'une rectification ou d'une réponse constitue
1. Sur Tadmissibilité de la preuve, voyez Dalioz, Code pénal annoté, loi du
29 juillet 1881, article 35, n« 169 et suiv.
2. Voyez ibidem, n© 178, et parmi les arrêts, Cassation, 16 août 1882, Dalioz,
année 1883, 1'* partie, page 401.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 415
un droit de légitime défense et non une réparation proprement dite.
Ce droit est, par conséquent, tout à fait distinct de celui de deman-
der ensuite réparation civile, pénale, ou les armes à la main. Sui-
yant eux, Toffensé peut fort bien intenter d'abord une action pour
obtenir l'insertion d'une rectification ou d'une réponse, et, après
l'avoir obtenue, réclamer des dommages et intérêts, porter plainte
en diffamation, citer directement ou, s'il le préfère, recourir à la
voie des armes. Ils soutiennent que les motifs dont s'est inspiré
le législateur de la loi de 1881, lorsqu'il a rédigé les articles 12 et 13,
doivent dicter la solution de la question lorsqu'il s'agit du point
d'honneur.
Une seconde opinion, qui réunit de nombreux partisans, pré-
tend qu'il faut distinguer entre le cas où l'offensé s'adresse aux tri-
bunaux pour obtenir l'insertion de la rectification et de la réponse,
et celui où il se contente d'adresser au journaliste une simple
demande verbale ou écrite, en dehors de toute procédure.
Dans le premier cas, l'offensé rentre dans les termes de notre
article cinquième. N'enverrait-il qu'une simple sommation, il est
déchu du droit de s'adresser ensuite à la juridiction du point d'hon-
neur, en vertu de l'axiome : Una via electa non datur recursus ad
aller am.
Dans le second cas, le recours à la voie des armes lui reste
ouvert.
Puisque nous en sommes sur le chapitre de Tintervention de la
justice dans les affaires d'honneur, examinons quelle doit être l'at-
titude du combattant blessé et des membres de la famille du com-
battant défunt, appelés à témoigner contre l'auteur de la blessure
ou de l'homicide, dans un procès qu'ils n'auront, bien entendu,
pas provoqué par une plainte ou uoe dénonciation, mais qui
aura été précédé de poursuites exercées d'office par le ministère
public.
Plus que jamais, ils se souviendront qu'ils doivent à la justice
toute la vérité, mais rien que la vérité. Leur conscience devra les
engagera se renfermer strictement dans les questions qui leur sont
posées et à y répondre avec modération.
Ils n'oublieront pas qu'en choisissantpourtrancherleurdifférend
la législation du point d'honneur, les parties se sont interdit d'avoir
recours ensuite à la justice, non seulement par une plainte, mais
encore par une intervention passionnée, qui aurait pour résul-
tat de leur procurer indirectement, et pour ainsi dire par ricochet,
une seconde réparation pour une offense dont ils ont déjà reçu
satisfaction.
416 PREMIÈRE PARTIE.
Art. 6. — On peut opposer la question préalable aux membres
d'une famille qui, usant du bénéfice de la loi, auraient injustement
poursuivi ou fait poursuivre l'adversaire d'un parent tué dans un
duel loyal.
(( On peut Topposer, à plus forte raison, au combattant blessé
qui aurait agi de même contre l'auteur de sa blessure ^ »
Qui peut opposer cette question préalable?
Toute personne appelée en duel dans la suite par le blessé ou
par un parent qui a rendu plainte, qui s'est porté partie civile ou
qui a réclamé une indemnité devant les tribunaux civils, à raison
d'un duel antérieur loyalement terminé.
A ceux de ces individus qui, dans une seconde affaire, voudraient
recourir à la voie des armes, la législation du point d'honneur
répond :
(( Du moment que les adversaires avaient accepté librement ma
juridiction, du moment que les chances étaient égales et que tout
s'était passé loyalement, vos poursuites devenaient injustes. Il m'a
été impossible de les empêcher, car je n'ai pas d'autre sanction que
le blâme de l'opinion qui imprime une sorte de flétrissure à qui
transgresse mes lois.
« Je vous proclame déchu du droit d'avoir recours à moi pour
régler vos querelles futures, car rien ne me prouve que vous ne
recommenceriez pas encore cette fois-ci.
u C'est à la juridiction que vous avez invoquée préférablement
à la mienne, et en concurrence avec elle, qu'incombe votre défense. »
Ce droit d'opposer la question préalable, qui est peut-être for-
mulé d'une manière un peu absolue dans l'article 6, et dont Tappli-
cation sera quelquefois mitigée par les arbitres et les jurés d'hon-
neur, constitue le seul frein susceptible d'arrêter la vengeance ou la
cupidité des parents ou du blessé, puisque les conventions par les-
quelles les combattants interdiraient à leurs ayants cause, ou s'inter-
diraient avant la rencontre le droit de porter plainte ou d'exercer
une action en dommages et intérêts, sont nulles aux yeux de la loi.
Nous sommes forcé de reconnaître que le frein n'est pas d'une
solidité à toute épreuve, car la sanction est malheureusement trop
platonique pour entrer en ligne de compte avec la haine et l'avidité
de personnes souvent peu raffinées en matière de point d'honneur ;
mais, tel qu'il est, il peut avoir une certaine utilité. C*est pour cela
que nous sommes entré dans des détails aussi minutieux à son
sujet.
1. Voyex Cbateauvillard, chtpiire in, article 8.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 417
« Art. 7. — On peut opposer la question préalable à tout
homme convaincu de malhonnêteté caraclérisée ^ »
II est souvent difficile de débrouiller un homme honorable du
cahos de gens tarés qui grouillent dans les grandes villes. Un cri-
térium de rhonorabilité des adversaires, c'est Thonorabilité des
témoins qui les couvrent de leur pavillon *.
Lorsqu'une personne est poursuivie devant les tribunaux à rai-
son d'un fait susceptible d'entacher son honorabilité, les témoins
doivent surseoir jusqu'au prononcé du jugement.-
Une condamnation judiciaire n'entraîne du reste pas toujours
l'indignité. Gela dépend de Tappréciation des motifs au point de
vue de l'honneur.
Par contre, un acquittement prononcé faute de preuves, ou
faute d'éléments suffisants pour tomber sous le coup de la loi pénale,
n'exempte pas toujours de l'indignité. Cela dépend du verdict pro-
noncé par l'opinion publique jugeant au point de vue de Fhonneur
et de la délicatesse.
0 Art. 8. — On peut opposer la question préalable à l'individu
qui dans une rencontre a violé les règles du duel '. »
Remarquons que, pour que cette violation entraîne indignité,
il faut supposer qu^elle est déloyale. Si les irrégularités ont été
motivées par un oubli, un manque d'attention ou l'ignorance des
règles du duel, il n'en serait plus ainsi ^
(( Art. 9. — On peut opposer la question préalable à tout individu
qui, sans motifs plausibles, a refusé de rendre raison de l'offense
faite à un galant homme. Ces invalides de l'honneur, qui doivent
être exécutés dans un procès-verbal rendu public, peuvent toujours
être récusés par des adversaires ultérieurs \ »
Exceptions d'indignité.
Parfois, après la réception d'un cartel et avant l'engagement
de l'affaire, une question préalable est posée, celle d'un jury
d'honneur.
Un des adversaires déclare, par exemple, qu'ayant des doutes
1. Voyex affaire du capitaine des H*** et de rex-lieuteDant F***. Gazette des
Tribunaux, 26 novembre iS53, 2 février 1854. Appendice n<»i7.
2. Voyez, du reste, pour toutes les questions qui touchent à l'article 7, Taver-
nier. Questions de duel, pages 275 et suiv., et 315 et suiv.
3. Voyez Tavemier, page 47, note. — Du Verger de Saint-Thomas, chapitre m,
article 18. — Prévost et G. Jollivet, page 207.
4. Voyez nos chapitres xxxvi, xliii, lvi.
5. Conformément, voyez Tavernier, page 270.
f ^-^ . -
fis PREMIÈRE PARTIE.
sur la loyaaté de son antagoniste, il réclame la constitation d'un
jary, qui décidera si la personne suspectée est digne ou indigne
d'en appeler & la juridiction du point d'honneur.
Une telle all^ation ne doit jamais être formulée sans preuves
réelles. La question préalable dont nous nous occupons ne peut
être posée que si on a la certitude du fait reproché. On ne doit
même pas y faire allusion tant qu'on n'a pas une sanction pénale
ou mondaine à invoquer contre l'individu que Ton . considère
comme indigne ^
En admettant même que la partie qui veut invoquer la ques-
tion préalable d'indignité tienne en main les pièces établissant le
bien fondé de son imputation, elle agira sagement en ne l'ouvrant
qu'après avoir mûrement réfléchi aux conséquences de l'acte
qu'elle va entreprendre, et notamment à l'attitude que son adver-
saire prendra à la suite du refus de dueL
Il peut arriver, en effet, que, dans son exaspération, il se livre
vis-à-vis d'elle à une voie de fait ; qu'il la soufflette, lui crache & la
figure, etc., etc.
Il peut arriver notamment qu'il la trouve dans un lieu public,
et que là, coram populo, il lui présente deux cannes d'égale lon-
gueur et d'égale grosseur, en lui disant: «Vous refusez de me
rendre raison avec les armes ordinaires des duels. En voilà d'autres,
les seules qui conviennent à un lâche tel que vous I Choisissez et
défendez-vous, sinon je vous coupe la figure. »
C'est une éventualité qui s'est déjà présentée, et qui risque de
se présenter chaque fois qu'un homme énergique, prêt à tout, et
désireux de ne pas laisser croire à un guet-apens, voudra obliger
la personne qui lui refuse satisfaction à se battre quand même avec
lui.
Quelle attitude gardera cette personne? Reviendra-t-elle sur
son refus ? Acceptera-t-elle la canne qui lui est tendue, au risque
d'être bâton née d'importance? chose possible, car il est présumable
que l'adversaire n'a choisi ce mode de combat qu'à raison de son
habileté et de sa force.
Se laissera-t-elle battre et recourra- t-elle ensuite aux tribunaux,
en proclamant qu'elle ne veut pas se commettre avec un indigne ?
Si elle prend le premier parti, mieux aurait valu ne rien dire.
Le changement d'avis, le retour sur une parole donnée en pré-
sence d'une menace ne sont guère à son avantage.
Si elle prend le second, elle est obligée de laisser son adver-
1. Voyez G, JoUivet, V Escrime et le duel, page 207.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 449
saire sur le carreau, après lui avoir administré la plus belle volée
de bois vert qu'il soit possible, sinon les rieurs ne seront pas avec
elle. En pareille matière, la foule se range toujours du côté du
plus fort.
Si'elle garde les coups, ce sera bien autre chose.
Pour que Topinion publique admette Pimmiition de la jus-
tice en pareille affaire, il faut que Tauteur de la bastonnade ait
pour le moins ramé sur les galères du roi. Cette assertion est sur-
tout vraie lorsqu'il s'agit d'un militaire.
Si, peu sensible à ces considérations, la partie qui veut opposer
la question préalable persiste dads sa fin de non-recevoir, le refus
du duel et la demande d'un jury d'honneur doivent être faits par
écrit et indiquer clairement les motifs à l'appui.
La rédaction de cette pièce sera modérée et convenable. On lui
donnera le moins de publicité possible avant le prononcé de la
sentence, pour une double raison : d'abord, parce que le jury seul
a le droit de déterminer la diffusion qu'il entend donner à sa déci-
sion ; ensuite, pour éviter de mettre le mauvais rôle de son côté, si
l'affaire se déroule finalement en justice.
Avons-nous besoin d'ajouter que quiconque refuse un appel,
en opposant la question préalable d'indignité, prend vis-à-vis
de son adversaire le rôle de demandeur, et doit fournir la
preuve.
S'il ne le fait pas, sa situation au point de vue de l'offense
devient très mauvaise, et son adversaire acquiert ipso facto le
rang d'offensé avec injures graves.
Si on a simplement des doutes sur l'honorabilité d'un adver-
saire qui est inconnu, il ne faut pas demander la réunion d'un
jury d'honneur, mais charger ses témoins de faire une enquête
sur l'honorabilité de l'adversaire et sur celle de ses mandataires.
Si le jury d'honneur saisi d'une exception d'indignité autorise
le duel, la rencontre qui s'ensuit ne peut être que très sérieuse et
proportionnée à la lésion morale causée par la suspicion ^
La juridiction compétente, pour connaître en dernier ressort
des questions d'indignité, étant celle du jury d'honneur y la per-
sonne qui oppose cette question ne peut, sans encourir de blâme,
refuser de lui soumettre l'appréciation des motifs invoqués pour
justifier sa fin de non-recevoir. Réciproquement, l'individu contre
lequel on l'oppose, ne peut se prévaloir valablement d'une décision
1. Voyex affaire de M***-de la P***. Gazette de$ Tribunaux^ 5 février i 87a
Appendice n<» 18.
4S0 PREMIÈRE PARTIE.
émanée d'une juridiction autre pour se soustraire à celle du jury
d'honneur ^
Il faut se défier des brerets d'indignité que se décernent jour-
nellement les hommes de parti et les journalistes. C'est la menue
monnaie de leurs polémiques. Les témoins devront considérer ce
point de vue, tant pour ce qui concerne l'admission de la question
préalable que Tappréciation de l'offense.
Peut-on opposer la question préalable aux individus qui, par le
caractère dont ils sont revêtus, la profession qu'ils exercent, la posi-
tion qu'ils occupent dans le monde, sont considérés comme inca-
pables suivant les préjugés en vigueur?
Le lecteur sera frappé, à première vue, du vague de la
question et de son manque de précision. Nous nous hâtons de
constater que c'est intentionnellement que nous l'avons rédigée
ainsi.
En effet, si tout le monde est d'accord pour admettre que le
duel est inadmissible avec un prêtre, à raison de son caractère ;
avec un domestique^ à raison de sa condition, etc. ; tout le monde
reconnaît également qu'en dehors de catégories aussi nettement
tranchées, il en existe d'autres composées de gens fort honnêtes à
la vérité, mais qui ne semblent pas destinés par leur éducation à
être justiciables d'une législation aussi raffinée que celle du point
d'honneur.
Nous nous abstiendrons de donner une solution à cette question
si controversabie et si discutée.
De quel droit frapperions-nous d'exclusion cette masse d'indi-
vidus, du moment que les raisons invoquées pour ou contre la fin
de non-recevoir ne reposent sur aucun principe théoriquement et
moralement certain, mais sur une question de mœurs, et, disons
le mot, de préjugés, qui varie selon les personnes, les époques et
les milieux?
Nous ne pouvions passer sous silence cette question intéressante.
Nous laissons aux membres des jurys d'honneur, dont la constitu-
tion nous parait nécessaire en pareille circonstance, le soin de
décider en fait quelle suite l'affaire devra comporter*.
1. Voyez affaire de B...-Paul Foucher, 24 mai 1883, Annuaire du duel, par
Ferrens, Appendice, n* 19, et avis du jury d'honneur de la Société d'encouragement
à l'escrime, affaire Ernest Judet, Clemenceau, Maujan, Pichon, le Petit Journal,
Q« du 31 août 1893, ibidem.
2. Voyez G. JoUivet, VEscrime et le duel, condiiions sociales, page 205.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. ^î^
Age en matière de duel.
«Art. 10. — Minorité. —On peut opposer la question préa-
lable au mineur ^n
En matière de point d'honneur, à quel âge finit la minorité?
A quelle époque la majorité commence-t>elle ?
Ghateauyillard est muet sur cette importante question. Du Verger
de Saint-Thomas admet deux espèces de majorité : la majorité
légale, qui commence à vingt et un ans, et la majorité sociale, qui
n^a pas de point de départ bien défini, et qui comprend les jeunes
gens ayant fini leurs études et déjà admis dans la société ^
M. Tavernier ne reconnaît qu'une majorité, celle de vingt et un
ans, mais il admet de si nombreuses exceptions, par exemple en
faveur du jeune homme marié, engagé volontaire, étudiant en
droit, en médecine, élève des écoles militaires, etc., que par une
voie difi'érente il arrive au même résultat ^.
En résumé, d'après ces auteurs, le mineur, au point de vue
du duel, est celui qui est encore au collège et n'a pas fini ses études.
Pour ce qui nous concerne, nous admettons la division de
M. Du Verger de Saint-Thomas, à savoir: une majorité légale à
partir de laquelle les jeunes gens entrent dans le droit commun, et
une majorité que nous appellerons sociale, faute d'épithète plus
caractéristique, qui commencera à dix-huit ans pour aller jusqu*à
vingt et un.
Au lieu d'un point de départ indécis, nous prenons dix-huit ans,
parce que c'est l'âge auquel un jeune homme peut accomplir deux
des actes les plus importants de sa vie : s'engager dans l'armée et
contracter mariage.
Comment refuser à un homme le droit de venger les injures
qui lui sont adressées personnellement, ou qui sont adressées à son
épouse, lorsque la loi lui reconnaît la capacité requise pour venger
l'injure de son pays et pour faire un père de famille ?
Réciproquement, comment le soustraire à la responsabilité
personnelle des offenses qu'il a pu commettre à pareille époque, ou
dont sa femme s'est rendue coupable ?
En résumé, jusqu'à dix-huit ans, les enfants sont mineurs
dans toute l'acception du mot, quels que soient leur situation
i. Voyez affaires Rochefort flls-L*** V***, 20 juin 1880. — Haut do Lassus-H. de
DeWa, 15 avril 1882, Annuaire du duel^ par Ferrens, et appendice n® 20.
2. Voyez page 240 et suiv.
3. Voyez page 233.
i%% PREMIÈRE PARTIE.
dans le monde et leur état physique. Us sont toujours récusables
et irresponsables, mais la substitution est permise en leur fayeur,
s'ils ont le droit d'offensé. Réciproquement, les parents admis à se
substituer demeurent responsables des offenses auxquelles ils
peuvent se livrer.
Vient ensuite la période de transition entre Tenfance et la
majorité, entre la faiblesse et rentière possession des forces phy-
siques et morales.
A cet état intermédiaire devront naturellement correspondre
des règles qui tiendront une juste mesure entre Timpersonnalité
active et passive de Tenfant et la responsabilité complète de Phomme
qui jouit de tous ses droits. Aussi croyons-nous que, durant le
temps qui court de dix-huit à vingt et un ans, le jeune homme ne
saurait pas plus être récusé de plein droit pour cause de jeunesse,
s*il demande réparation, qu'être déchargé de l'obligation de réparer
les offenses auxquelles il se sera livré.
En revanche, nous pensons que le duel ne peut être autorisé
que par la décision d'un jury d'honneur constatant:
l"" Que l'offense est une injure grave ou une voie de fait;
2^ Que la disproportion entre la situation physique et morale
du mineur et son habileté dans la pratique des armes, comparées
avec celles du majeur, n'est pas trop considérable;
3« Que les témoins choisis sont majeurs et expérimentés.
Est-il besoin d'ajouter qu'au cas où la rencontre est autorisée, les
témoinsdoiventse prévaloir d'une situation aussi exceptionnelle pour
en mitiger autant que possible les conditions. Dans le cas contraire,
c'est-à-dire lorsque le jury d^honncur n'admet pas qu'une rencontre
immédiate soit possible, le père, le frère sont substitués activement
et passivement au jeune homme, à moins que l'offensé ne préfère
attendre la cessation de la cause d'impossibilité, ou la majorité
légale. L'agresseur ne peut lui refuser réparation à l'échéance.
Dans ces deux cas, le jury d'honneur dresse un procès-verbal
de constat, qui sert de décharge aux adversaires jusqu'au moment
où le duel peut avoir lieu.
Art. 11. — Vieillesse. — On s'accorde pour reconnaître qu'à
soixante ans le vieillard peut cesser d'aller sur le terrain. On sup-
pose, en effet, que ses forces physiques sont en pleine décadence ^
Cependant, la règle n'est pas absolue.
Dans certaines circonstances exceptionnelles, le combat d'un
homme jeune ou d'âge mûr avec un sexagénaire peut être autorisé.
Mais il faut le concours de plusieurs conditions, dont Tappréciation
1. Voyex affaire Sevestre-Félix Pyat, 5 juin i888. Appendice n^ 21.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 4S3
est laissée aux témoins, ou, mieux encore, aux jurés d'honneur, et
qui varient suivant que le vieillard est agresseur ou offensé.
Si c'est le vieillard qui est agresseur, il faut :
l** Que l'offense soit considérable.
Les auteurs ne sont pas d'accord sur le degré nécessaire.
Château villard, chapitre iv, article 19, subordonne le duel à
la voie de fait.
Tavernier, page 237, et Du Verger de Saint-Thomas, article 21,
chapitre iv, le permettent également en cas d'injure grave.
En présence de cette diversité d'opinions, la nécessité d'un jury
d'honneur s'impose encore davantage.
Nous croyons quMl ne faut pas l'enchaîner dans des limites trop
étroites. On doit le laisser maître d'autoriser le duel chaque fois
que la gravité de l'offense et sa nature sont telles que, malgré la
sentence interdisant le combat, l'honneur de l'offensé resterait
atteint d'après les préjugés existants.
2"* Il faut, en second lieu, que le vieillard donne son consente-
ment par écrit à la rencontre.
Le refus d'écrire équivaut à un refus de duel ^
Dans ce cas, les témoins réunis dressent un procès-verbal qui
tient lieu de décharge et de réparation à l'offensé.
S"" Il faut que les témoins ou le jury d'honneur examinent l'état
physique et moral du vieillard et déclarent qu'il est apte au genre
de combat imposé par l'offensé. {Ibidem.)
Ne l'oublions pas, Tâge de soixante ans n'a rien d'absolu et ne
constitue qu'une moyenne destinée à servir de base pour l'apprécia-
tion des témoins. Gomme le dit très justement M. Tavernier, certains
sexagénaires sont si bien conservés, sont si bien entraînés, que le
bénéfice de l'âge ne saurait être invoqué décemment en leur faveur.
Est-il besoin d'ajouter que l'âge de l'offensé doit naturellement
entrer largement en ligne de compte, ainsi que son état physique,
et, si c'est possible, son habileté à Tarme choisie. C'est un point de
vue que les personnes appelées â décider la question ne peuvent
impunément négliger.
Lorsque c'est le vieillard qui est insulté, et qui demande répa-
ration, toutes les conditions restrictives indiquées plus haut ne
peuvent plus être exigées. En effet, il serait injuste de lui imposer
malgré lui une exception qui n'a été établie qu'en sa faveur, et de
lui retirer le droit le plus important de tous ceux qui sont recon-
nus par la législation du point d'honneur.
Tant pis pour le jeune homme qui offense un vieillard, il doit
1. Voyer mômes auteurs, ibidem.
424 PREMIÈRE PARTIE.
lui accorder réparation dans tous les cas où il serait obligé de le
faire, si, au lieu d'avoir dépassé la soixantaine, ToiTensé se trouvait
dans la force de Tâge.
Que le vieillard soit insulté personnellement, qu'il prenne la
défense d'une autre personne, d'une femme, par exemple, s'il
remplit toutes les autres conditions requises pour le faire légale-
ment, l'agresseur ne peut se retrancher derrière l'âge avancé d'un
tel adversaire et refuser de le suivre sur le terrain. Mais comme la
disproportion de vigueur et d'habileté qui existe entre eux place
l'homme jeune dans une situation exceptionnellement délicate, il
est juste d'exiger du vieillard qu'il signe un écrit constatant en
termes précis qu'il veut la rencontre, qu'il choisit telle arme et
qu'il se reconnaît propre à la maniera
Est-il besoin d'observer qu'en pareil cas, les témoins sont tenus
d'épuiser tous les moyens de conciliation ?
Si le duel est inévitable, ils doivent équilibrer, autant que faire
se peut, les chances, et, dans la limite du possible, atténuer les
dangers de la rencontre.
Exception : Offenses commises par les journalistes.
« Dans une offense commise par la voie de la presse, où l'attaque
a été préméditée de sang-froid, sans provocation de la partie
adverse, le bénéfice de l'immunité de l'âge ne peut plus être invo-
qué. Sans cette exception, il deviendrait beaucoup trop commode
de prendre des paravents sexagénaires, pour pouvoir, à l'abri de
leurs cheveux blancs, tirer impunément sur l'honneur des gens^ »
État physique.
Art. 12. — Impotence, infirmités. — L'état d'inûrmité ou
d'impotence constitue un autre empêchement au combat.
Il est clair que le duel à l'épée entre un homme valide et un
homme amputé d'une jambe n'est pas un duel, c'est un assassinat.
Mais si l'impotent a perdu une jambe il a gardé sa langue, qui
peut lancer des traits mortels pour Thonneur d'autrui.
Lui accordera-t-on une immunité complète, et partant le pri-
vilège d'offenser tout le monde impunément ?
Évidemment non.
De là les prescriptions fort sages imaginées par Chateauvil-
lard, chapitre iv, articles 16, 17, 18, pour réglementer la concor-
dance qui doit exister entre certains états physiques et le droit de
refuser Tarme de l'offensé.
1. Voyez affaire de Wyse, Edmond Lepclletier. Appendice n^ 21.
2. Voyez Tavernier, page 238. Mous partageons complètement Topinion de cet
auteur.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. «5
Ayant d'examiner les différentes espèces posées parlai, obser-
vons que rénumération qu'il fait n'est pas limitative. Ce sont des
exemples, et pas autre chose.
Les témoins d'un homme estropié de manière à ne pouvoir se
servir du sabre ou de l'épée peuvent toujours refuser ces armes, à
moins que l'insulté ne l'ait été avec voie de fait.
Ainsi, les témoins d'un homme ayant perdu le bras droit, si
c'est un droitier, le bras gauche, si c'est un gaucher, les témoins
d'un homme amputé d'une jambe, peuvent se prévaloir de ces infir-
mités pour opposer une fin de non-recevoir absolue à la prétention
qu'aurait l'offensé du premier et du second degré de leur imposer
l'épée ou le sabre.
Mais il en est autrement si l'offensé a essuyé de la part de l'in-
firme une voie de fait.
<( Il nous a paru sage, écrit Chateauvillard, page 102, que
l'homme estropié fût forcé de prendre l'arme de la personne qu'il
insulte avec coups et blessures ; car, après tout, il ne tient qu'à lui
de n'avoir pas recours à cette extrémité. Il est à présumer que,
puisqu'il a eu la force de se faire justice par une pareille violence,
il sera capable d'en faire autant l'épée à la main.
tt De plus, si on prenait toujours en considération son empê-
chement physique, il deviendrait, lui impotent, le plus avantagé,
car son étude a dû se porter spécialement sur le pistolet.
« Mais si ses témoins font ce refus, ceux de l'insulté choisissent
parmi les duels au pistolet celui qui lui convient le mieux et la
distance qu'il préfère ^ »
Il est juste que l'insulté, qui est obligé de subir l'arme de l'impo-
tent, soit libre de choisir parmi les duels au pistolet légaux celui qui
lui parait le moins désavantageux et la distance à laquelle il est habi-
tué. Cette option ne peut être pour lui qu'une faible compensation
des avantages qu'il perd en perdant le choix des autres armes.
Les témoins d'un borgne peuvent refuser le pistolet, mais seu-
lement lorsque l'offense à laquelle il s'est livré est du premier
degré. Lorsque son adversaire se trouve offensé avec injure grave
ou voies de fait, il est obligé de subir l'arme choisie par la partie
adverse*.
Il était naturel de préserver moins efficacement, comme le fait
très justement remarquer M. Tavernier, le borgne dont l'infirmité
1. Voyez Giateauvillard, chapitre iv, article 18.
2. Ibidem, chapitre iv, article 17.
I • i
426 PREMIÈRE PARTIE.
est moins complète, eu égard au pistolet, que ne Test celle de l'am-
puté, par exemple, en face de Tépée.
On a élevé des objections contre la solution donnée à cette
question. On a dit : « Pourquoi ne peut-on pas provoquer le borgne
à toute espèce d'armes, y compris le pistolet?
« Est-ce qu'on ne ferme pas Pœil au pistolet pour mieux viser,
et ne devient-on pas ainsi borgne volontairement? »
M. Tavernier l'explique clairement :
a Le borgne, écrit-il, ne voit pas, avec son œil unique, de la
même manière que lorsque vous fermez un œil pour viser. De là
inégalité absolue, s'il n'est pas exercé. De plus, la vue dans le com-
bat à Fépée n'est plus l'auxiliaire pour ainsi dire unique du tireur,
comme dans le duel au pistolet.
a Au pistolet, c'est le coup d'œil, le rayon visuel, qui est l'agent
vraiment actif. Dans le combat à l'épée, certes, le coup d'œil n'est
pas à dédaigner; mais c'est un peu l'accessoire.
« Il y a en effet autre chose. Il y a la main qui pare, les
jambes qui vous permettent d'éviter un coup en rompant.
<c 11 y a le sentiment du fer qui seconde très puissamment une
vue imparfaite.
(( Au pistolet, l'homme qui y voit mal ne peut appeler à son
secours aucune de ces ressources. »
Les infirmités anodines ou de minime conséquence sont insuf-
fisantes pour procurer à celui qui en est atteint le droit d'alléguer
l'impotence *.
Cependant il existe des infirmités qui, sans procurer à l'agres-
seur le droit de refuser l'arme de l'adversaire, lui procurent celui
de se soustraire à certaines conditions dont l'exécution lui est im-
possible à cause de son infirmité.
Par exemple, le sourd sera-t-il tenu d'accepter un duel au com-
mandement ou au signal, où la perception de paroles et de nombres
rapidement prononcés constitue l'essence même de la rencontre ?
Non. L'offensé ne perdra pas pour cela le droit d'imposer le
pistolet, mais il devra choisir un genre de duel où Touïe ne joue pas
un rôle prépondérant et puisse être remplacé par un signal s'adres-
sant à rœil.
Toute exception d'infirmité ou d'impotence doit être discutée
par les témoins et, en dernier ressort, par les membres d'un jury
d'honneur, qui, jouissant d'une autorité plus considérable, seront
plus aptes que les premiers à mener à bien une entreprise si déli-
i. Voyez Chateauvillard, page 102.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. Ml
cate, et à couper court aux récriminations qui peuvent en résulter.
II est, du reste, indispensable, et nous insistons sur ce point,
que leur décision soit appuyée d'un examen médical. En effet, l'in-
firmité ou l'impotence peut résulter de causes qui ne sont pas
apparentes, comme la perte d'un bras ou la perte d'une jambe, et
l'impossibilité de se servir de Parme imposée par Toffensé n'en être
pas moins réelle.
N'oublions pas qu'à raison de l'importance du rapport médical,
il faut que les personnes, quelles qu'elles soient, témoins, arbitres ou
jurés, appelées à se prononcer sur une exception de cette espèce,
fl^entendent avant toute chose pour désigner le ou les hommes de
l'art qui seront consultés ^
Lorsque les infirmités ne sont pas suffisantes pour empêcher
que celui qui en est atteint se serve de l'arme choisie ou remplisse
les conditions du duel, mais sont de nature à lui créer un désavan-
tage, peut-il exiger de son adversaire l'emploi de moyens qui ren-
dent la partie égale ?
Par exemple, dans un duel au pistolet, si Tun des antagonistes
se trouve obligé par sa conformation de tirer en restant de face et
en visant droit devant lui, ce qui l'oblige à présenter le corps tout
entier, au lieu de se placer de profil et en s'effaçant, peut-il exiger
que son adversaire adopte cette posture anormale ?
La question a été soulevée dans l'affaire Ledat-Maizeroy (voyez
Écho de Paris, 13 octobre 1892) et n'a pas reçu de solution, car l'ar-
bitrage proposé par les témoins de M. Maizeroy ne fut pas accepté.
Nous croyons qu'elle doit être résolue dans le sens de la néga-
tive, spécialement si, comme dans l'affaire qui nous occupe, c'est
l'infirme qui a désigné l'arme. Il suffit que son adversaire se con-
forme aux règles générales du duel choisi, pour qu'il n'ait rien à
exiger de plus.
La question de surface n'est pas à examiner.
S'il en était autrement, tout combattant obèse, en face d'un
adversaire en lame de couteau, pourrait émettre la même préten-
tion avec autant de droit, ce qui est admissible.
11 faut considérer, en outre, que l'adoption de cette condition
n'aurait pas eu pour résultat de rétablir l'égalité entre les deux
adversaires. Elle créait, au contraire, un avantage en faveur de
M. Ledat, car elle lui permettait de tirer dans une position qui lui
était familière et à laquelle H. Maizeroy n'était pas habitué.
1. Voyez affaire des l***-j***-M***, Gazette des Tribunaux, 4-5 octobre 1880,
appendice n° 22, et appendice ti? 6.
4S8 PREMIÈRE PARTIE.
On objecte que, dans un duel entre Benjamin Constant et
H. Forbin des Issarts, les deux adversaires tirèrent assis chacun
dans un fauteuil, parce que Benjamin Constant était trop faible
pour rester debout.
Ceci ne prouve rien, car H. Forbin des Issarts était maître
d'accepter ou de remettre la rencontre au temps oCi son antago-
niste se trouverait assez fort pour garder la position verticale sur
le terrain.
Il accepta comme il était libre d'accepter toute autre condition
non contraire aux règles du duel, mais on ne pouvait l'y forcer.
CHAPITRE XIII
Des témoins. — Qualité d'un bon témoin.
On n'est jamais tué que par ses témoins. Lorsqu'on réfléchit à
la légèreté avec laquelle certaines personnes acceptent ce rôle dif-
ficile, on comprend la justesse de cette boutade répétée si souvent,
qu'elle est devenue un lieu commun ^
Les uns ne veulent que sang et combat et vous laisseraient
égorger volontiers pour avoir le plaisir d'assister à un duel émouvant
Les autres se préoccupent médiocrement de votre honneur, et
sont prêts à faire toutes les concessions pour se débarrasser d*une
corvée.
Le rôle d'un bon témoin exige des qualités exceptionnelles,
nécessitées par les charges multiples qui lui incombent. Écoutons
Chateauvillard, page 105 :
u Après avoir rempli tour à tour le rôle de confidents, de con-
ciliateurs, d'avocats, afin d'obtenir pour celui dont ils prennent la
charge les meilleures conditions ou des réparations honorables, le
rôle de juges du champ clos au moment du combat, ils ne doivent
avoir qu'une seule pensée, celle de faire justice du coupable s'il
arrive que le combat se passe hors des règles voulues. Ils ne sont
plus les avocats des adversaires; ils sont leurs juges, mais ils ne
sont jamais leurs seconds. »
Nous voyons que les témoins doivent joindre la conciliation à
la fermeté.
1. Voyez affaire Dupuia-Habcrt, Gazette des Tribunaux, 25 juin 1888. Appendice
Do23.
OFFENSES. — RÈGLES DU DDEL. 429
Ils doivent être conciliants. Leur intérêt les engagea essayer par
tous les moyens compatibles avec Thonneur et la conscience de
dénouer pacifiquement l'affaire.
En effet, bien que la loi pénale considère les témoins comme
complices, les tribunaux ont admis, dans certains cas, que s'ils ont
bien réellement fait tous leurs efforts jusqu'au dernier moment
pour empêcher la rencontre, ils peuvent, quoique ayant assisté au
combat, être soustraits à la prévention de complicité du délit \ sur-
tout lorsque leur assistance a eu pour but d'éviter de plus grands
malheurs *.
Ils doivent être fermes, car, outre qu'ils s'exposent au camou-
flet d'un désaveu humiliant, les témoins qui, par pusillanimité, se
sont laissé entraîner à des actes préjudiciables à l'honneur de leur
client, assument Tobligation de lui accorder réparation.
Ils doivent être diplomates, car les préliminaires du duel consti-
tuent une partie où la vie et l'honneur sont en jeu, et pour le gain de
laquelle l'adresse est permise, lorsqu'elle ne s'écarte pas de la probité.
Certains arguments gagnent à être présentés sous certaines
faces. Certains avantages demandent à être étalés, certains points
faibles à être masqués.
Les témoins seront, autant que possible, d'âge moyen, car à
cette période de la vie correspond l'apogée des forces physiques et
morales.
Leur respectabilité doit être indiscutable.
Joignez à cet ensemble la connaissance des règles du duel,
l'expérience des affaires d'honneur, l'habitude des armes, le coup
d'oeil et le sang-froid, et vous aurez le bon témoin.
S'il est doté d'un ensemble physique et social qui en impose,
vous aurez le témoin décoratif, l'idéal de M. Tavernier, celui que
nous souhaitons à tous nos lecteurs.
Nous terminons ce chapitre en signalant une erreur dans
laquelle tombent parfois les antagonistes en quête de témoins. Ils
sont trop portés à choisir pour ce rôle des hommes doht le seul
mérite est de bien tirer Tépée ou le pistolet. A coup sûr, la con-
naissance des armes ne nuit pas, nous sommes les premiers à le
reconnaître; mais il tombe sous le sens que tel qui sait à merveille
tromper un contre sera peut-être très malhabile à arranger une
affaire ou à soutenir les droits de son client.
L'intelligence, le tact et les autres qualités énumérées plus
haut doivent aller de pair.
i. Cassation, 4 janvier 1845, Dalloz, année 1845, V partie, page 60.
2. Cassation, 22 août 1848, Dalioz, année 1848, l'« partie, page 164.
9
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430 PREMIÈRE PARTIE.
CHAPITRE XIV
Empêchements au rôle de témoins.
Nous yenoDs d'examiner quel est le maximum de qualités que
le mandant doit souhaiter rencontrer dans son mandataire. Exa-
minons maintenant quelle somme minima ce mandataire doit pos-
séder, sous peine de léser les justes intérêts de la partie adverse et
d'être récusé par elle.
Ces qualités obligatoires sont :
1<» L'honorabilité ; — 2** impartialité ; — 3* le désintéressement
dans Taffaire ; — k'' les conditions physiques et intellectuelles in-
dispensables pour l'exécution de son rôle.
Honorabilité.
L'honorabilité parfaite est la qualité primordiale d'un témoin.
Sont récusablesy par conséquent, ceux qui ne la possèdent pas
intacte.
Les causes d'indignité sont les mêmes pour les témoins que
pour les adversaires *.
Impartialité.
Les proches parents, père, grand-père, fils, petit-fils, frère, en
un mot ceux en faveur de qui la substitution est permise, ne peu-
vent pas plus être témoins pour que contre les parents auxquels ils
pourraient se substituer*.
Le débiteur ne saurait être témoin contre son créancier, etc.
Les liens du sang qui unissent les premiers, la situation déli-
cate où se trouvent les seconds, sont censés leur enlever la liberté
d'appréciation et l'esprit de justice qui constituent le principal
devoir d'un témoin ^
i. Voyez notre chapitre xii, articles 6, 7, 8, 9.
2. Voyez Chateauviilard, chapitre iv, article 25. —Affaire Clovis Hugues -Desmes,
assises des Bouches-du-Rhône, Gasette des Tribunaux^ 22 et 23 février 1878. Appen-
dice no 24.
1. Voyez chapitre xii, articles 1, 2, 4.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 434
Désintéressement dans l'affaire.
Par ces mots, il faut entendre que les témoins ne doivent avoir
aucun intérêt qui puisse influer sur leur conscience et leur liberté
dans l'affaire actuellement pendante.
Sont récusables entre autres :
Les personnes qui ont demandé une réparation à propos d'une
offense atteignant une collectivité d'individus, soit par un cartel
collectif, soit par cartels individuels ^
Les personnes qui ont participé à Toffense, lorsqu'une même
offense a été faite par plusieurs individus envers une môme per-
sonne*.
Les personnes qui ont demandé réparation à propos d'offenses
commises dans diverses querelles successives, par un même indi-
vidu, envers des personnes différentes ^
Ici se pose une question délicate.
Peut-on récuser un ancien adversaire uniquement à raison de
cette qualité?
Non, au point de vue du droit strict, s'il n'a pas d'intérêt dans
raffaire pendante et s'il n'existe entre lui et l'antagoniste de son
mandant aucune animosité actuelle et constatée.
Mais si cette qualité d'ancien adversaire ne constitue pas un
motif suffisant de récusation, il n'est pas douteux qu'elle ne soit un
danger pour celui qui la possède, et ne doive l'engager à s'abstenir.
Si son client viole, par exemple, une règle du duel, ou commet un
acte déloyal, quelle sera sa position devant l'opinion publique et la
justice? Extrêmement fausse évidemment ^
Conditions intellectuelles et physiques nécessaires pour
l'accomplissement du rôle.
Dans un duel, les témoins sont appelés à payer de leur intelli-
gence, aussi bien dans l'intérêt de l'une que dans l'intérêt de l'autre
partie.
Sont récusables, par conséquent, les individus atteints de ma-
ladies mentales, les mineurs, les vieillards dont les facultés ne sont
plus à la hauteur de leur mission, etc.
Leurs qualités physiques sont également mises à contribution
dans l'intérêt commun.
1. Voyez chapitre IX, article premier. — Tavernier,i4rt du du«l, page 271.— Affaire
de Pène-Courtieis-Hyene. Appendice n« 25, avec renvoi au n» iO.
2. Voyez chapitre ix, article 2, et Tavernier, ibidem,
3. Voyez chapitre ix, article 3.
4. Voyez affaire Dupuis-Habert, Gazette des Tribunaux, 2b, 26, 27 juin 1888.
Appendice d9 26.
k-l *- ^ <r.v ■-..._ -..-■• - ■ _ »... ■ "1 LjT J .—,.'• .
43S PREMIÈRE PARTIE.
Est récusable, par conséquent, tout homme qu'une infirmité
quelconque rend incapable de remplir sa charge. Ainsi, dans un
duel à l'épée, un boiteux ou un manchot n'aura généralement ni la
dextérité ni la force suffisante pour suivre les adversaires dans
leurs évolutions, et pour arrêter immédiatement la lutte, en cas de
blessures ou d'inobservation des règles du duel.
Le sourd n'entendra pas le commandement ou les paroles
d'arrêt, etc.*.
CHAPITRE XV
Engagement de Tafiàire. — Constitution de témoins.
Aussitôt après avoir essuyé une offense, la personne offensée
dit à son adversaire : u Monsieur, je vous enverrai mes témoins. »
C'est le meilleur moyen d'éviter que la querelle ne soit enve-
nimée par la galerie ou ne dégénère en voie de fait, ce qui enlève-
rait toute chance de conciliation.
Si les adversaires ne se connaissent pas, il y a échange de cartes
et d'adresses. « Monsieur, veuillez me donner votre carte, » con-
stitue la formule consacrée.
Quand bien môme le différend ne paraîtrait pas à celui qui
reçoit cette demande suffisant pour motiver un échange de cartes,
nous lui conseillons de s'exécuter immédiatement, car un refus
l'exposerait à des injures, à des accusations de lâcheté ou à des vio-
lences regrettables^
Celui qui demande réparation est tenu d'envoyer le premier ses
témoins.
Ils se rendent au domicile de Tadversaire, ordinairement dans
la matinée, heure à laquelle on est censé devoir le trouver plus
facilement.
La courtoisie veut que, si l'adversaire est marié ou s'il vit dans
sa famille, ils Talent prévenu la veille de leur visite et lui aient
demandé un rendez-vous.
S'ils ne le trouvent pas, ils lui laissent leur carte sous enve-
loppe, en ayant soin d'ajouter un mot annonçant qu'ils viennent de
la part de M. X..., et qu'ils prient le destinataire de cette carte de
1. Voyez notre chapitre xii, articles 10, U, i2.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. f33
Touloir bien désigner une heure et un endroit où ils rencontreront
ses témoins.
En principe, c'est la personne chez laquelle on se rend qui a le
droit d'indiquer l'heure et le lieu des conciliabules ; mais les témoins
adverses peuvent, dans la lettre dont nous venons de parler, pro-
poser le domicile de Tun d'eux.
Si l'adversaire ne répond pas, ils lui adressent une lettre
recommandée, par laquelle ils le préviennent qu'en cas de non-
réponse dans les vingt-quatre heures, ils considéreront ce silence
comme un refus de duel.
Cette marche, que nous avons empruntée à H. JoliivetS est
également suivie dans le cas où l'offensé n'a pas pu répondre à
Toffense par un cartel instantané; si, par exemple, elle s'est pro-
duite dans un article de journal dont il n'a pas eu connaissance
immédiate.
Elle est d'une exécution facile à Paris et dans les grandes villes,
où tout est simplifié : recherches de témoins, démarches et dis-
tances ; mais elle présente quelques, inconvénients lorsque l'affaire
se passe en province, et surtout à la campagne. Elle expose les
témoins à des courses longues et souvent infructueuses.
Elle les assujettit quelquefois à des réceptions embarrassantes,
ou à des scènes pénibles. Ils peuvent être reçus, comme nous l'avons
entendu raconter, par (une femme enceinte, qui se doute de leur
mission, se pâme et les met dans la plus ridicule situation; par une
mère, qui vfiut à toute force leur offrir le vivre et le couvert jus-
qu'au retour de son flls, hospitalité qu'ils sont obligés d'accepter, à
cause de la neige et du verglas qui les bloquent et de la distance
considérable qui les sépare de tout abri.
Mieux vaut, à notre avis, qu'ils préviennent de suite l'agresseur,
par lettre chargée, que tel jour, à telle heure, ils se présenteront
chez lui dans tel but. Ils calculent la date de cette visite de manière
à lui laisser largement le temps de répondre.
Celui-ci, toujours par lettre chargée, accepte le rendez-vous, ou
en offre un plus abordable ou moins susceptible d'effrayer son
entourage. Il peut aussi leur désigner immédiatement deux manda-
taires avec lesquels ils pourront s'aboucher.
Si l'agresseur ne répond pas dans un délai raisonnablement
calculé, l'affaire reprend le cours indiqué précédemment, c'est-à-
dire que les témoins de l'offensé se rendent au domicile de son
adversaire et procèdent comme nous avons dit.
Cette modification à la marche ordinaire donne à Tagresseur un
1. \oyeiV Escrime et le duel, page 200.
43« PREMIÈRE PARTIE.
délai plus considérable pour se munir de témoins, chose souvent
longue et difficile à la campagne, et même dans les villes de pro-
yince, où le duel est une rareté, et où les amis ne cherchent qu'à
esquiver la corvée.
Elle éyite en même temps l'immixtion gênante et énervante des
femmes, toujours fâcheuse en pareille occurrence. Il est vrai qu'elles
peuvent ouvrir ces lettres. Dans ce cas, nous avouons être à bout
d'expédients, et renonçons à protéger d'une manière plus efficace un
homme entouré d'une inquisition si vigilante.
Délais pour constituer des témoins et pour y répondre.
Leur nombre.
En principe, l'appel doit être adressé avant l'expiration des
vingt-quatre heures à partir de l'offense connue.
La réponse de l'appelé doit être donnée et la constitution des
témoins opérée avant Texpiration du même délai, à partir de l'envoi
des témoins porteurs du cartel.
Donc, à partir du moment où vous avez connu l'offense, vous
êtes tenu d'envoyer vos témoins dans les vingt-quatre heures. De
même, si vous recevez un cartel, vous devez y répondre et constituer
vos témoins dans les vingt-quatre heures qui suivent la visite des
témoins adverses et la remise du cartel ^
Hâtons-nous d'ajouter que ces délais ne sont pas sacramentels
et ne sauraient être appliqués d'une façon draconienne.
Ils constituent une moyenne qui doit être, autant que possible,
observée, et pas autre chose*.
M. G. Jollivet accorde deux jours à Toffensé pour envoyer ses
témoins ^
Tous reconnaissent que certaines questions de fait (éloigne-
ment, cas fortuits, maladie) peuvent excuser un relard.
Une prolongation ne saurait donc être refusée à la partie qui
justifie d'une raison suffisante. Nous considérons comme suffisante
la demande d'une prolongation de délais pour trouver des témoins,
adressée par un adversaire qui affirme ne pouvoir se les procurer
dans les vingt-quatre heures.
L'appelé qui se trouve en face de cet empêchement, plus
sérieux qu'on ne le croit en général, devra donc prévenir immédia-
1. Voyez Chateauvillard, chapitre m, article 9. — Tavemier, page 47.
3. Cette solution résulte des termes mômes employés par Cbateauvillard et des
réserves expresses faites par UM. Tavemier, page 267, et Du Verger de Saint-Thomas,
page 210.
3. Voyez VEscrime et le duel, pages 200 et 214.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 435
tement les mandataires adverses, leur demander une prolongation
de délais et une attestation de cette demande.
S'ils s'y refusent, s'ils prétendent considérer sa requête comme
une fin de non-receyoir, il réclamera énergiquement la réunion
d'un jury d'honneur, chargé de se prononcer sur la raison suffisante
du supplément de délais.
Observons, du reste, que l'entêtement des témoins adverses à
s'en tenir à la lettre de la règle et à ne vouloir pas examiner la valeur
des raisons invoquées serait mal interprété et considéré comme
un prétexte mis en avant par leur client, pour profiter d'un cas de
force majeure et esquiver ainsi les dangers de la rencontre.
Quel doit être le nombre des témoins?
Us ne peuvent être moins de quatre ; deux pour chacune des
parties.
Cette règle, admise par la majorité des auteurs, doit être reli-
gieusement observée, sous peine d'exposer les individus qui accep-
teraient la direction d'une affaire en pareilles conditions, et les com-
battants eux-mêmes, à une lourde responsabilité en cas de dénoue-
ment fatal et de poursuites judiciaires.
L'éventualité d'une intervention delà justice ne doit jamais être
perdue de vue.
L'opinion contraire est enseignée par M. JoUivet à la page 194
de son livre l'Escrime et le duel ; mais nous la considérons comme
imprudente ^
CHAPITRE XVI
Rôle des adversaires et des témoins à partir du moment
où l'affaire est engagée jusq[u'à la première réunion de
ces derniers.
Les adversaires ont des devoirs à remplir vis-à-vis l'un de
l'autre et vis-à-vis les témoins.
Les témoins ont des devoirs à remplir vis-à-vis l'homme qui
demande leur assistance et vis-à-vis son adversaire.
1. Voyez affaire Lullier-BoiroD, Gaxette de$ Tribunaux, 21 novembre 1868. Appen-
dice 0* S7.
U6 PREMIÈRE PARTIE.
\o Devoirs des témoins vis-à-vis leur client.
Les personnes dont les adversaires sollicitent le concours
doivent se faire raconter l'affaire par le mena. Elles jugent si elle
mérite qu'on y donne suite, et, après avoir offert leur avis, acceptent
ou refusent le mandat qui leur est proposé.
Mais, dans Tun ou dans Tautre cas, elles se rappelleront que
leur devoir strict est de garder une discrétion absolue.
« Le témoin, écrit Chaleauvillard, page 97, est, pour ainsi dire,
le confesseur de celui qui lui accorde sa confiance. Il doit garder le
secret de sa conférence, obtenir l'aveu de sa peosée et de son désir.
Ainsi, par exemple, un combattant peut dire au témoin : « Faites
u tous vos efforts pour que l'affaire ne s'arrange pas; ma querelle
« est déterminée par une cause secrète. »
c( Il peut dire aussi : « Faites tous vos efforts pour que l'affaire
« s'arrange. » Il éprouve des regrets ou désire ne pas se battre.
« Il lui suffira que son honneur soit sauf.
« Si ces propositions qui lui sont faites, à lui témoin, s'ac-
cordent mal avec ses principes d'honneur, après les avoir combat-
tues, il doit se récuser, sans jamais trahir le secret de l'homme qui
lui a confié sa faiblesse, sa haine ou son désir de vengeance, sous
peine d'être considéré comme manquant de délicatesse et ayant
forfait à l'honneur. »
Par le temps de reportage effréné que nous traversons, où Tim-
mixtion de la presse dans des affaires qui devraient lui être fermées
est passée dans nos mœurs, nous croyons indispensable d'insister
sur cette obligation trop souvent oubliée. Ajoutons que l'indiscrétion
du mandataire peut donner au mandant qualité pour lui demander
réparation du préjudice qu'il en a éprouvé.
Si les témoins croient pouvoir accepter le mandat qui leur est
offert, après mûr examen et minutieuses explications, ils demandent
à leur client ses instructions écrites et s'en pénètrent de manière à
ne laisser échapper aucune chance avantageuse.
Nous disons qu'ils les lui demandent écrites.
Le rôle de témoin est, en effet, une corvée si lourde, qu'il ne
faut pas s'étonner si ceux qui l'assument prennent leurs pré-
cautions.
Outre une absence de mémoire, ils ont à redouter le moment
de désarroi qui suit un duel malheureux ou déloyal, pendant lequel
chacun rejette sur son voisin la responsabilité qui lui incombe.
C'est le quart d'heure des désaveux, des ignorances et autres
agréments du témoin qui n'a pas pris ses précautions.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 437
Avec le mandat écrit, rien de pareil. Chacun sait ce qu*il a à
faire et marche droit ^
2^ Devoirs des témoins vis-à-vis la partie adverse.
Les témoins porteurs d'un cartel yerbal doivent se borner à
décliner leurs titres et qualités à l'adversaire qui les reçoit, et à lui
expliquer brièvement, sans commentaires inutiles et toujours poli-
ment, qu'ils viennent lui demander, pour telle raison, rétractation,
excuses ou réparation par les armes.
Ils le prient enfin de leur désigner deux témoins avec lesquels
ils conféreront.
S'agit-il d'un cartel écrit, ils s'assureront qu'il est rédigé sous
forme de lettre, motivé brièvement, sans qualification blessante, et
terminé par une formule en usage dans la bonne compagnie.
Ils refuseront de le transmettre s'il est inconvenant.
Ils se rappelleront, en eff^et, qu'un cartel de ce genre ferme la
porte à toute conciliation et gâte Taflaire de l'expéditeur et des
messagers, si la justice intervient.
Ils feront comprendre à l'offensé qu'une provocation outra-
geante, entrant en ligne décompte dans l'appréciation des offenses,
risque de déplacer les rôles '.
Les témoins ne doivent en aucun cas entrer en discussion
avec l'adversaire auquel ils transmettent l'appel de l'offensé, sauf
dans le cas, assez rare, où ils peuvent espérer enlever une solution
avantageuse pour leur client, et où ils ont intérêt à battre le fer
pendant qu'il est chaud. Il y a, du reste, péril à se découvrir dans
les premiers pourpalers.
Si l'adversaire qui reçoit l'appeh persiste à discuter, s'il refuse une
réponse immédiate, s'il ne veut pas accepter le duel ou constituer des
témoins, les porteurs du cartel se retirent et dressent procès-verbal.
C'est seulement avec les mandataires constitués par celui qui
reçoit la provocation qu'ils peuvent s'expliquer '.
Quelques mots sur l'intervention d'un ami commun.
Si les adversaires sont liés ensemble, il n'est pas douteux qu'un
ami commun ne puisse essayer une démarche conciliatrice. L'ami,
n'étant qu'un simple intermédiaire sans caractère officiel, peut
discuter et faire des démarches interdites aux témoins, s'il espère
ainsi négocier un rapprochement. Dans cette hypothèse, point de
1. Voyez affaire Nagaet-Monvielle, Gazette det Tribunaux du 9 août 1887. Appen*
dice n« 28.
2. Voyez appendice n^ 29.
3. Voyez Tavernier, âge 46.
438 PREMIÈRE PARTIE.
règles à observer. L*intermédiaire bénévole agit au mîeax de la
paix qu'il veut obtenir.
Les témoins qui adressent une letti'e chargée pour annoncer
le jour, l'heure et le but de leur visite à la personne qu'ils veulent
appeler, ne manqueront pas de s'assurer, avant de rédiger un pro-
cès-verbal de carence en cas de rendez-vous manqué, que leur
lettre est bien arrivée à son adresse dans les délais qu'ils avaient
prévus.
Pour cela, ils consultent le registre d'émargement où le réci-
piendaire a dû signer. Ce registre porte, en effet, la date de la
remise et fait foi si la signature est bien de la main de celui à qui
la lettre était adressée.
Cette précaution n'est pas inutile. En effet, lorsque la maison
est connue du facteur, principalement à la campagne et dans les
petites villes, il remet parfois les lettres chargées à la femme, aux
parents habitant la même maison, qui signent pour le destinataire.
Est-il absent? la missive l'attend précieusement enfermée, à moins
qu'elle ne soit ouverte et dissimulée pendant une période d'hésita-
tions et d'inquiétudes aussi préjudiciables que naturelles.
Dans ce cas, la personne appelée n'est pas blâmable si elle ne
répond pas dans les délais, car, pour des causes indépendantes de
sa volonté, elle a ignoré le rendez-vous ^
Les témoins porteurs d'un cartel ne doivent jamais être armés.
La même interdiction s'applique également à celui qui le
reçoit*.
3"" Devoirs des adversaires l'un envers Fautre.
A partir de la remise des cartes, l'affaire est engagée. Toute
discussion doit cesser entre les adversaires.
Ils ne peuvent plus communiquer que par l'intermédiaire de
leurs témoins.
Ce principe est absolu.
Pour nous servir d'une expression exagérée, mais qui rend
bien la pensée du législateur en matière de point d'honneur, ils
sont sacrés l'un pour l'autre au point de vue de nouvelles offenses.
Celui qui publierait dans un journal ou colporterait, comme
cela arrive quelquefois, que son antagoniste a peur de lui, qu'il ne
1. Voyex affaire de Sirèmes-de Loucelles, Gasettedu Tribunaux, 39 janvier 1834.
Appendice n* 30.
2. Voyez affaire Victor Noir-Pierre Bonaparte, Haute cour de justice, 21 mars 1870.
Appendice n« 31.
OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. U9
se battra pas, et autres allégations déshonorantes, commettrait une
faute grave contre les règles du duel ^
Les adversaires ne peuvent, sous aucun prétexte, se présenter
à leurs domiciles réciproques pour se provoquer, régler les condi-
tions du duel ou tenter la conciliation.
Qui peut prévoir le dénouement d'une entrevue seul à seul?
Ne peut-elle cacher un guet-apens*?
Toute entrevue consentie pour ménager un rapprochement
doit avoir lieu au domicile d'une tierce personne ou en terrain
neutre et en présence des témoins.
L'entrevue sur un terrain neutre coupe court à bien des suscep-
tibilités. La présence des témoins empêche que de courtoises expli-
cations ne dégénèrent en discussions passionnées. En cas d'arran-
gement, elle empêche que les conditions ne soient déniées ensuite.
Observons que les parties et les témoins qui refuseraient une
entrevue conciliatrice assumeraient une grande responsabilité, par-
ticulièrement en cas de poursuites devant les tribunaux. C'est un
point de vue trop négligé, et qui peut attirer des réveils désagréables.
Nous aurons à maintes reprises Toccasion de le constater, lorsque
nous traiterons la responsabilité pénale et civile des témoins.
40 Devoirs des adversaires vis-à-vis les témoins.
La partie appelée doit accueillir avec courtoisie les mandataires
adverses, les écouter sans interruption et leur donner sans com-
mentaires une réponse immédiate et catégorique. Peu importe
qu'elle refusela rencontre ou qu'elle oppose une question préalable.
Cette attitude est obligatoire dans tous les cas. Il serait, par consé-
quent, incorrect de refuser de les recevoir ou d'entrer en pour-
parlers avec eux.
Il faut toujours répondre à un envoi de témoins par une consti-
tution de témoins, même lorsqu'on juge le motif du différend trop
peu grave pour nécessiter une rencontre.
En effet, s'il n'y a pas constitution, les témoins adverses se
retirent et dressent un procès-verbal constatant simplement le refus
de duel, qui produit toujours mauvais effet.
En cas d'arrangement, la partie qui le consent seule avec les
témoins adverses parait avoir cédé à la pression et à la crainte.
1. Voyez affaire Dichard-de Bfasaas, GazetU des Tribunaux^ 26 et 27. septembre
18S2.. Appendice, qo 32.
2. Voyez affaire Roziez-de M***, Gazette des Tribunattx des il au 16 mars,
30 mars, 17 a?ril, 4 au 6 mai, 22 au 30 mai, 8 Juin 1858. Appendice, n« 33.
440 PREMIÈRE PARTIE.
Lorsqu'il y a eu offenses réciproques, il peut arriver que les
deux antagonistes croient avoir rang d'offensé.
Dans cette occurrence, ils ne doivent point attendre, chacun
sous sa tente, que Tautre fasse les premières démarches et engage
l'affaire.
Peu importe qui commence.
Nous leur conseillons de constituer rapidement leurs témoins.
La temporisation ne fait qu'envenimer les choses et prêter aux
commentaires malveillants de la galerie ^
Est-il besoin d'ajouter que les adversaires ne doivent jamais
assister, sans nécessité absolue, aux entretiens des témoins, et à
plus forte raison participer aux discussions que l'affaire peut
motiver «.
CHAPITRE XVII
Rôle des témoins une fois constitués. — Instz*uction
de l'afEBÔre. — Constatation des faits.
Les témoins, une fois constitués, conviennent d'un rendez-vous
pris pour le moindre dérangement mutuel.
Les témoins de rappelant vont trouver naturellement ceux de
rappelé pour fixer la réunion. C'est à eux de faire la première
démarche.
Aussitôt abouchés, ils commencent par essayer de s'entendre
sur le choix d'un auteur destiné à leur servir de code. Ils s'engagent
à le consulter et à s'y conformer en cas de désaccord.
Mention de l'auteur choisi est faite dans les protocoles du procès-
verbal de rencontre.
Nous ne saurions trop insister sur les avantages d'une telle
entente, qui met de suite l'affaire en voie de légalité et évite les
consultations et les arbitrages, qui retardent quelquefois la solution.
Cette clause est souvent insérée dans les procès-verbaux en Italie ^
Comme nous l'avons dit chapitre premier, nous conseillons
1. Voyez affaire Ritter-Appleton, Gazelle des Tribunaux, 2 et 3 avril 1873. Appen-
dice, no 34.
2. Voyez affaire Levasseur-Arregiii, Gazelle des Tribunaux du 24 janvier, 20 fé-
vrier, 14 mars 1842. Appendice, n<> 35.
3. Voyez Angelini, Codice cavallerescOf chapitre xv, paragraphe premier.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 444
d'abord Ghateauvillard et son JB^sat sur le duel, puis Tavernier avec
son Art du duel, ensuite Du Verger de Saint-Thomas.
Nous engageons, du reste, les témoins qui ont une préférence
à ne pas trop chicaner pour l'adoption de leur ouvrage de prédi-
lection. Les points essentiels sont traités à peu près de même par-
tout. L'important est que la condition d'un choix quelconque
soit adoptée ^
Cette question vidée, les témoins échangent leurs pouvoirs^.
Ils examinent ensuite les questions préalables qui peuvent leur
être opposées.
Elles se rapportent :
1« A l'identité; 2'* à Tâge; 3° à l'impotence et aux infirmités;
W à la parenté; 5** à la moralité des personnes et des querelles;
6* aux questions d'argent; 7*" à la profession; 8*" à l'axiome : u Une
seule réparation pour une même offense. »
Identité. — Les offenses étant personnelles et devant se venger
personnellement, la première chose à examiner est la question des
substitutions et des responsabilités '.
Age^.
Impotence. — Infirmités *.
Parenté •.
Moralité des personnes ''.
Moralité des querelles.
On oublie trop souvent de rechercher si le motif de la querelle
n'est pas contraire à l'honneur. Des témoins expérimentés donne-
ront à un appel de cette espèce un dénouement tout autre que
celui rêvé par l'agresseur *.
Lorsque la cause du duel n'a pas été correcte, lorsque, par
exemple, l'offense a été combinée dans un but qui s'éloigne d'au-
tant plus du vrai point d'honneur qu'il se rapproche d'un intérêt
vulgaire et inavouable ; quand, par exemple, celui qui adresse la
provocation ne cherche pas une réparation à l'atteinte subie par sa
dignité, mais quand il poursuit une réclame et veut faire du duel
une plate-forme pour sa vanité, les témoins doivent ramener à leurs
i. Voyez, sur l*incoDvénieDt de négliger cette précaution, affaire Clemenceau-
Déroulède et Clémenceau-Millevoye. Appendice n^ 4. Barbier-Mont-Louis, n® 114.
2. Voyez, sur le mandat des témoins, notre chapitre xx.
3. Voyez nos chapitres x et xi.
4. Voyez notre chapitre xii, articles 10 et 11.
5. Voyez ibidem, article 12.
6. Voyez ibidem, article 2.
7. Pour ce qui concerne la moralité des personnes, voyez ibidem, articles 2, 6, 7,
8 et 9.
8. Voyez affaire OUiyier-Feulhrade, Gazette des Tribunaux, 4 août 1876. Appen-
dice no 3G.
- -. •'
j
442 PREMIÈRE PARTIE.
vraies proportions de semblables différends. Ils déterminent, en
conséquence, les responsabilités, opposent la question préalable ou
refusent leur concours ^
La recherche des motifs réels d'une rencontre est une opération
sur laquelle nous attirons particulièrement l'attention du lecteur.
Sans être contraires à l'honneur, ces motifs peuvent être de nature
à influer sur la décision des témoins et ne doivent pas en rester
ignorés.
L'opération est délicate, car il arrive rarement que le motif
exposé dans le cartel soit exempt de sous-entendus. Souvent, der-
rière Toffense qui motive le cartel, se trouve une longue série de
petits griefs accumulés, de malentendus, de jalousies. L'outrage
final est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. C'est à débrouiller
cet écheveau que les témoins emploieront leur intelligence et leur
finesse.
Questions d'argent *.
Profession '.
Axiome : « Une seule réparation pour une même offense *. »
Lorsque les témoins ont éclairci les faits, lorsqu'ils les ont mis
bien en place, en un mot lorsque la lumière est faite, ils doivent
employer toute leur ténacité pour les faire reconnaître comme
vrais par les mandataires adverses.
En effet, l'unanimité dans la constatation de l'existence du fait
matériel, dépouillé de toute espèce de qualification, constitue la
seule base véritablement solide sur laquelle ils pourront établir
leurs négociations ultérieures ".
Ils ont le droit de suspendre la séance ou de la renvoyer si un
supplément d'instruction est nécessaire, comme nous l'avons dit
chapitre xv. Ils ne doivent pas se laisser intimider par la menace
d'une question préalable pour avoir dépassé le délai de quarante-
huit heures qui forme, d'après certaines personnes, le laps de temps
sacramentel entre la réunion des mandataires et le duel.
Leur première obligation consiste dans la recherche de la
vérité, cette recherche ferait-elle traîner la rencontre.
Une fois la constatation des faits matériels opérée, on doit la
mentionner au procès-verbal rédigé avant la rencontre.
1. Voyez affaire Betz-Pierotti, 16, 17, 18 décembre 1889. Appendice n^ 37.
2. Voyez notre chapitre xii, article 4.
3. Voyez ibidem, article 3, et Exceptions d'indignité, in fine.
4. Voyez notre chapitre ix et notre chapitre xii, articles 1, 5, 6.
5. Voyez affaire de Marseul-Daudier, Gazette des Tribunaux, 14 février 1881.
Appendice n** 38.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. Ai^
CHAPITRE XVIII
Solutions données à TafEadre après la constatation des faits.
Une fois les témoins d'accord sur le fait matériel, ils peuvent
donner deux solutions à l'affaire :
(a) Us peuvent décider qu'il n'y a pas eu offense suffisante pour
motiver une rencontre ;
(b) Ils peuvent, au contraire, décider qu'il y a eu offense suffi-
sante.
A. — suis décident qu'il n'y a pas eu offense suffisante, un
procès-verbal constatant cette solution est rédigé et signé par les
quatre mandataires, en double expédition, dont un exemplaire est
remis à chaque antagoniste, comme sauvegarde de son honneur.
Observons que ce procès-verbal n'engage pas toujours lesadver*
sabres. En effet, s'ils n'ont donné à leurs mandataires qu'un mandat
dont ils se sont réservé de contrôler l'exécution, s'ils estiment que
ces mandataires ont excédé leurs pouvoirs, ils sont libres de les
désavouer et de constituer de nouveaux témoins, s'ils n'aiment mieux
recourir à un jury d'honneur*.
B. — S'ils décident qu'il y a offense, les témoins doivent déter-
miner, immédiatement après, la valeur de l'offense s'il n'en existe
qu'une, et la valeur comparative des offenses s'il y a réciprocité.
Ils en assignent le degré conformément aux règles formulées
dans nos chapitres n, m, iv et v.
Ils décident ensuite, en se reportant aux règles que nous avons
tracées chapitre vin, à qui revient la qualité d'offensé.
S'ils ne s'entendent pas sur ce point capital, ils peuvent, à con-
dition que les termes de leur mandat les y autorisent, s'en remettre
à un arbitre du soin de les départager, ou demander la réunion
d'un jury d'honneur. Dans aucun cas ils ne peuvent tirer au sort la
qualité d'offensé, car cette qualité résulte de faits matériels et ne
peut dépendre du hasard. Le contraire serait toujours un non-sens,
et dans certains cas une injustice.
Cette prohibition parait être en désaccord avec ce que nous
1. Voyez notre chapitre xx.
44i PREMIÈRE PARTIE.
enseignons chapitre viii, articles 3 et 6. Il n'en est rien cependant,
car dans les deux hypothèses prévues par ces articles, qui constituent,
soit dit en passant, deux exceptions, ce n'est pas la qualité d'offensé
qui est tirée au sort, ce sont les conditions de la rencontre ^
La détermination de la personne offensée doit être Tobjet de
toute la sollicitude des témoins, non seulement à cause des préro-
gatives qui y sont attachées, mais encore parce qu'en cas de pour-
suites judiciaires, c'est Tauteur de Toffense qui est considéré comme
le véritable provocateur, alors même que ce ne serait pas lui qui
aurait envoyé le cartel, et qu'il peut résulter de là des circonstances
atténuantes en sa faveur *.
L'importance de cette détermination n'est pas moindre lorsque
les tribunaux ont à statuer sur le montant des dommages et intérêts
demandés en réparation de la mort ou de la blessure d'un des
champions ^
Deux hypothèses peuvent se présenter à cet instant :
LES TÉMOINS ABOUTISSENT DANS LEURS TENTATIVES DE
conciliation; ils ne parviennent PAS A ARRANGER
l'affaire.
1^^ hypothèse. — Les témoins aboutissent dans leurs
tentatives de conciliation.
Une fois que les témoins sont tombés d'accord sur la personne
à laquelle revient la qualité d'offensé et sur le degré de l'offense,
ils doivent faire tous leurs efforts pour arranger l'affaire si elle est
arrangeable. Leur devoir et leur intérêt sont d'accord pour les y
pousser*.
C'est, du reste, à ce moment précis que les tentatives de conci-
liation doivent avoir lieu. Plus tard, elles auraient moins de chances
de réussir. Elles en auraient vingt contre une d'échouer si elles
étaient faites sur le terrain \
1. Voyez affaire Reynach-Rochefort, 26 mars 1882, Anntmire du duel. Appendice
no 39.
2. Voyer Paria, 21 mai 1840. Dalloz, Jurisprudence générale^ Y» Duel, n<* i24.
3. Voyez Demolombe, tome XXXI, page 413. — Larombière, tome V, page 510. —
Soardat, Responsabilité y tome l, n^ 108 bis.
4. Voyez chapitre XIU.
5. Voyez affaire Dupuis-Habert, Gazette desTribunatuc, 25, 26 juin 1888. Appen-
dice no 40.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 445
Hais la première condition pour que les témoins de Tofieuse
tentent d'amener leur client à un arrangement, c'est que la répara-
tion qu*on lui offre soit proportionnée à l'offense ^
L'honnête homme qui a commis une offense ne doit pas refuser
de la réparer, lorsque des témoins honorables, après examen appro-
fondi de l'affaire, lui conseillent un arrangement compatible avec son
bonnenr, lui déclarent que dans un cas semblable ils agiraient de
même et offrent d'insérer cette déclaration au procès-verbal '.
S'ils ne prennent pas Tinitiative de cette déclaration, l'agresseur,
auquel une proposition d'arrangement ou d'excuse est faite, doit
leur poser carrément la question suivante :
« Considérez-vous que je doive faire telle excuse ou telle
démarche? La croyez-vous compatible avec mon honneur? A ma
place la feriez-vous? Êtes-vous prêts à le signer? »
La réponse des témoins est la meilleure épreuve de leur sincé-
rité. Ils ne peuvent se refuser à la donner avec précision '.
Voilà pour Tagresseur; reste l'offensé.
11 est clair que, de même que le premier est libre de ne pas faire
d'excuses, de même le second n'est pas tenu davantage à les accep-
ter, s'il ne les considère pas comme opportunes ou suffisantes.
En cas de doute, il posera à ses témoins la question que Tagres-
seur aura adressée aux siens : « A ma place, accepteriez -vous les
excuses proposées? Êtes-vous prêts à le signer ? »
Qu'arrivera-t-il si, malgré l'avis de ses mandataires, l'offensé
refuse d'accepter les réparations ou excuses proposées ?
Écoutons Ghateauvillard, chapitre m, article k :
« Si celui qui a fait l'insulte fait réparation suffisante, si cette
réparation peut annuler l'offense d'après le dire des témoins de celui
même qui a reçu Tinjure, si ces témoins déclarent qu'en pareil cas
ils seraient satisfaits, et qu'ils sont prêts à le signer; si celui qui a
calomnié, par exemple, écrit une lettre de réparation bien explicite,
celui qui a fait la réparation, si elle n'est pas acceptée, ne prend
point le rang d'agresseur, et les armes sont tirées au sort. Mais à
un coup il n'y a pas d* excuse possible. Les réparations ne sont
valables que faites devant les témoins réunis. »
1. Voyez affaire Baron-Pesson, Gazette des Tribunaux, 30 janvier, 2 férrier,
23 JoiD, 7, 14, 25 août 1837. Appendice n* 41.
2. Voyez CtiateauTillard, chapitre m, article 4.
3. Voyez affaire Dupuis-H&bert, Gazette des Tribunaux, 25, 26 Juin 1888. Appen-
dice, no 42.
40
446 PREMIÈRE PARTIE.
La règle posée par Tauteur de l'Essai sur le duel est-elle absolue?
L'offensé qui, malgré ses témoins, ue croit pas devoir accepter les
excuses de son adversaire, perd-il forcément le choix des armes ?
S'il y a offense avec voie de fait, nous venons de voir qu'il est
dans son droit strict. Si l'offense est une injure grave ou une offense
du premier degré, il lui reste le droit d'en appeler à la décision d'un
jury d'honneur qui prononce en dernier ressort sur la question de
savoir si les excuses étaient suffisantes ou ne l'étaient pas.
Il est un genre d'excuses qu'un honnête homme doit accepter,
s'il le peut sans danger pour son honneur, et si la nature de l'offense
est telle qu'une excuse soit admissible. Ce sont les regrets valables
et suffisants, présentés spontanément et en temps utile, par celai
qui, après s'être oublié, déclare que ses convictions religieuses lui
Interdisent de se battre en duel. En effet, tout homme d'honneur
comprendra qu'il faut cent fois plus de courage pour exprimer des
regrets en pareille occurrence que pour échanger des balles ou
risquer un coup d'épée.
Quelle que soit la religion à laquelle appartient un tel homme,
accueillez comme elles le méritent les réparations offertes par lui,
c'est-à-dire avec courtoisie, et n'en parlez jamais autrement.
Vous ferez bien, par exemple, d'ajouter au procès-verbal que, tout
en cédant aux scrupules de votre agresseur, vous regrettez de n'avoir
pas reçu de lui la réparation par les armes que vous souhaitiez.
Avez-vous, au contraire, maille à partir avec un tartufe que vous
connaissez pour tel, et qui essaye de cacher son venin et sa lâcheté
sous le couvert de la religion ? 11 est clair que vous n'êtes pas tenu
à la même obligation ; obligation toute morale, nous n'avons pas
besoin de le dire, et qui n'a d'autre sanction que la conscience.
Que dire de celui qui, connaissant la solidité des principes reli-
gieux d'un individu et sa résolution bien arrêtée de refuser tout
duel, Toffenserait gravement? Que dire, par exemple, du militaire
qui, prenant à partie un séminariste appelé sous les drapeaux, lui
ferait subir mille vexations et procédés injurieux, motivés par le ca-
ractère sacerdotal dont il sera revêtu plus tard? Ce militaire commet-
trait une mauvaise action, presque une lâcheté. Tous les honnêtes
gens seront de notre avis ^
Excuses sur le terrain. — Les excuses ne doivent pas avoir lieu
sur le terrain.
L'offensé auquel des excuses sont offertes aussi tardivement
1. Voyez Colombey, Histoire anecdotique du duel, page 95. Appendice p*» 43.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 447
peut les refaser sans perdre ses privilèges et sans avoir à courir le
risque du tirage au sort ^
On peut supposer, en effet, que c'est par calcul, pour mettre
par exemple son courage à réprouve et obtenir des conditions plus
douces, que l'agresseur a repoussé les tentatives de conciliation
&ites en temps utile par les témoins.
Cependant, si les témoins de Toffénsé estiment en leur âme et
conscience que les excuses présentées sur le terrain sont valables,
et que rien ne s'oppose à ce qu'elles soient acceptées, ils peuvent lui
conseiller de le faire, parce que, s'il y a poursuites judiciaires, sa
position et la leur deviendraient alors mauvaises. La justice ne
s'occupe guère, en effet, des subtilités du point d'honneur.
A qui incombe le blâme d'excuses faites sur le terrain?
Si le combattant qui fait des excuses les présente lui-même,
spontanément, le blâme ne retombe que sur lui ^
S'il les présente lui-même, d'après le conseil de ses témoins, le
blâme est partagé.
Pour éviter toute solidarité désagréable, les mandataires de celui
qui s'excuse agiront donc prudemment, en déclinant, dans leprocès-
yerbal rédigé ad hoc^ toute participation à cette démarche humiliante.
Si les témoins de l'agresseur présentent des excuses en son
nom, il faut, pour reconnaître à qui revient le blâme, examiner la
nature de leur mandat.
Ont-ils accepté un mandat impératif? Il est clair que c'est leur
mandant qui doit être blâmé.
Leura-t-il, au contraire, donné carte blanche? Le blâme retombe
sur eux seuls, puisque, comme le fait très justement observer Gha-
teauvillard, chapitre m, article 6, ils se sont rendus responsables et
garants de son honneur.
Si le mandat n'a été donné que sous réserve de contrôle, le
blâme doit être partagé, puisque le mandant était libre de dégager
sa responsabilité et de protester. Le silence gardé par lui doit être
considéré comme un acquiescement.
2® hjrpothèse. — Les témoins ne réussissent point à arranger
l'affaire.
Le duel est inévitable.
C'est le moment d'en discuter les conditions.
La tâche est très simplifiée, puisque la valeur de l'oflense est
1. Voyez Tavernier, page 293.
2. Chateauvillard, chapitre m, article 5.
448 \ PREMIÈRE PARTIE.
déterminée, ainsi qne la personne à qui revient le droit d'offensé ^
L'offensé avec offense simple a le choix des armes; avec injure
grave, le choix des armes et dn duel ; avec voie de fait, le choix des
armes, du duel et des distances, conformément à ce que nous avons
dit chapitre vii.
A ce moment, ses témoins déclarent quelle est son arme, quel
est son duel, quelles sont les distances, selon l'importance de la
lésion subie.
Ils s'efforcent de faire prévaloirs es instructions et de tirer de sa
position la quintessence des avantages qui peuvent lui être accordés.
Autant la conciliation et la diplomatie étaient de mise au début,
autant la ténacité leur est commandée à présent que la position
d'offensé est acquise à leur client, ils seront donc inébranlables à
maintenir ses droits.
Réciproquement, les témoins de l'agresseur s'efforceront de
contester et de diminuer tant qu'ils pourront ces avantages, mais en
employant les moyens compatibles avec l'honneur et la bonne foi
dont ils ne doivent jamais se départir.
C'est pour en arriver à cette prompte solution que nous recom-
mandons avant tout aux personnes chargées d'une affaire d*honneur
de s'entendre sur le choix d'un auteur compétent, destiné à servir
de guide et au besoin d'arbitre portatif, sans parti pris, et imbu de
la saine doctrine que ne possèdent pas toujours ses confrères en
chair et en os.
Inutile d'ajouter que les formes les plus courtoises doivent
régner pendant les conférences.
L'entente est-elle impossible? Les témoins n'ont d'autre res-
source que de s*<în rapporter à la décision d'arbitres ou d'un jury
d'honneur.
CHAPITRE XIX
Arbitrage. — Jury d'honneur.
Les arbitres sont ceux qui, en dehors des témoins, ont reçu pou-
voir de trancher une contestation relative à une affaire d'honneur.
Indiquonslesensdesexpressionsemployéesdanscettedéûnition.
Une explication nous parait indispensable à Tintelligence du sujet.
I. Voyez affaire Rocheforl-Dreyfus, 27 avril 1886, i4nnua»rc du doe/. Appendice
no 44
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 449
Noos disons que les arbitres sont ceux qui ont reçu pouvoir. En
effet, le libre choix fait par les adversaires constitue l'essence même
de cette juridiction, et la condition sine qud non de sa raison d*ëtre.
Les parties peuvent confier la solution des difficultés relatives
à leur différend, soit à un seul individu, soit à plusieurs. Dans ce
dernier cas, chacune d'elles désigne moitié des arbitres ^
Le tiers chargé de départager les arbitres qui ne peuvent tom-
ber d*accord est désigné, soit par les adversaires, soit, ce qui est
plus ordinaire, par les arbitres eux-mêmes, soit par les témoins.
Tout dépend des conventions.
Lorsque les questions soumises aux arbitres intéressent la per-
sonnalité morale d'un adversaire, lorsqu'il s'agit, par exemple, d'une
fin de non-recevoir basée sur un cas d'indignité, la réunion prend
le nom de jury d'honneur. Le jury d'honneur n'est pas autre chose
qu'une forme de l'arbitrage, aux règles duquel il demeure soumis.
Toute décision d'arbitres qui n'ont pas reçu mandat des deux
parties, ou qui n*ont pas été agréés par elles, est nulle *.
Tel serait le cas où les témoins d'un des adversaires, après
avoir accepté un mandat aux termes duquel ce dernier se réserve
le droit de contrôler leurs décisions, choisiraient, sans lui en
demander licence, un arbitre chargé de trancher un différend sur-
venu avec les mandataires de la partie adverse. La sentence de cet
arbitre ne saurait lui être valablement opposée.
Il en serait autrement si, au lieu de se réserver un droit de veto,
l'adversaire avait déclaré qu'il remettait purement et simplement sa
cause entre leurs mains, et ratifiait par avance leur décision.
Nous disons que les arbitres sont ceux qui ont reçu pouvoir de
trancher définitivement les contestations.
En effet, les arbitres régulièrement constitués et agissant dans
la limite de leur compromis font office de juges, se livrent à des
actes d'instruction, constituent, en un mot, une juridiction qui rend
des sentences obligatoires et sans appel, devant lesquelles adver-
saires et témoins doivent s'incliner, puisqu'elles émanent de magis-
trats qu'ils se sont donnés eux-mêmes '.
Quelles conditions sont exigées pour être arbitre et juré ?
Ce sont les mêmes que pour être témoin, excepté en ce qui
concerne les qualités physiques *.
1. Voyez affaire Maarel-Clémenceau, il, 12, 13 décembre 18K8. Appendice n® 45,
lettre B.
2. Voyez affaire de Calonne-Fiorentino, avec renvoi à Taffaire Achard-Fiorentino.
Cassette dis TribunauXf i" septembre 1850. Appendice n^ 46.
3. Voyez affaire Maarel-Clémenceau, 11, 12, 13 décembre 1888. Appendice no 45,
lettre D.
4. Voyez nos chapitres xiii et xiv.
450 PREMIÈRE PARTIE.
Peu importe, en effet, qu'an arbitre ou qu'an juré soit ingambe
ou cul-de-jatte, qu'il possède ses deux bras ou soit manchot. Gomme
il n'assiste pas au combat et n'est pas appelé à payer de sa personne,
une bonne tête suffit. Mais il est facile de comprendre que toutes
les autres conditions sont plus impérieusement réclamées pour un
homme qui juge en dernier ressort que pour un témoin dont il est
toujours possible de critiquer la décision d'après le système que
nous préconisons chapitre xx.
Compromis.
Un compromis, c'est-à-dire une convention particulière fixant
les attributions des arbitres et des jurés, est indispensable pour
déterminer leur compétence.
Le compromis peut être général, c'est-à-dire porter sur Ten-
semble de l'affaire, ou spécial, c'est-à-dire ne porter que sur un
objet.
Il peut embrasser les contestations présentes et les contesta-
tions futures.
Formes du compromis^
Un compromis verbal serait valable, mais la forme écrite est
infiniment préférable, car c'est Tunique moyen d'éviter les malen-
tendus et les actes de mauvaise foi qui accompagnent trop souvent
les stipulations verbales.
Il doit être daté et signé des parties contractantes.
Désignation du litige.
Le compromis désigne clairement Tobjet de la contestation et
rétendue des pouvoirs des arbitres ou des jurés. Nous ne saurions
assez insister sur Timportance de ces deux clauses, dont l'inobser-
vation risque d'amener les plus graves complications.
Est-il besoin d'ajouter que les arbitres doivent rester stricte-
ment dans la limite de leur mandat, et que toute décision prise en
dehors est nulle * ?
Remarquons cependant que, dans ce cas, la nullité n'est que
partielle. Tout ce qui rentre dans leur compétence oblige les
témoins, s'il n'y a pas indivisibilité entre la matière qu'ils ont
1. Voyez appendice n» 45, lettre C.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 454
traitée à juste titre et celle qu'ils n'avaient point le droit
d'aborder *.
Une dernière question à résoudre est celle de savoir comment
doivent juger les jurés et les arbitres.
Ils sont tenus de juger d'après les règles du point d*bonneur.
II leur est interdit de substituer leur opinion individuelle aux déci-
sions des auteurs dont les écrits constituent la législation qu'ils
doivent appliquer ^
Utilité de l'arbitrage. — Nécessité de sa généralisation.
«Combien d'affaires d'honneur, écrivait avec infiniment de bon
sens M. Gaston JoUivet, dans un article du 28 août 1889 paru dans
le Matin, combien d'affaires d'honneur pourrait-on citer où des
pourparlers mal menés ont conduit à un dénouement fatal, qu'on
aurait évité si, dès les premières divergences soulevées entre té-
moins, ces derniers avaient eu recours à un arbitre I N*est-il pas,
en effet, superflu de rappeler qu'à défaut d*autres mérites, ce tiers,
désigné par les quatre intéressés, apporte dans Texamen de l'affaire
une qualité nécessairement étrangère aux témoins : l'impartialité ?
M Pourquoi cependantcetteintervention salutaire est-elle si rare-
ment sollicitée ? C'est que malheureusement la vanité a toujours
été en France notre péché mignon. II en coûte à des témoins de
s'avouer, au cours d'une entrevue, que leur éloquence reste im-
puissante à terrasser les témoins advei*ses.
u Ils ont quitté leur client en rassurant délibérément que son
affaire est entre bonnes mains, et il est pénible pour leur amour-
propre de revenir lui dire piteusement : « Pas moyen de convaincre
ces têtus I Ils veulent un arbitre. »
tt Aussi que de témoins, pour éviter d'avoir à faire choix d'un
arbitre, en arrivent à se séparer sans s'être entendus ; et c'est alors
que vous voyez s'étaler dans les journaux la formule sacramentelle :
a Mes chers amis, je regrette de vous avoir inutilement dérangés, »
qui appelle immédiatement la riposte des témoins de l'adversaire,
expliquant la raison pour laquelle ils ont décliné la prevocation
adressée à leur ami.
« Singulière bataille de plume où chacun se donne raison, où
le public est très tenté de donner tort à tout le monde, et qui très
souvent n'a pas l'avantage d^étre un dénouement, car ces corres-
pondances désobligeantes ont plus d'une fois greffé un nouveau
1. Voyez appendice, n^ 45 lettre D.
2. Voyez notre chapitre premier.
452 PREMIÈRE PARTIE.
différeDd, inconciliable, celui-là, sur une première affaire qui, prise
à temps, pouvait être arrangée par un arbitre.
« Puisque depuis les édits de Richelieu jusqu'à nos jours, ni la
rigueur ni la persuasion n'ont déraciné chez nous le préjugé du
duel, c'est bien le moins que les gens sensés approuvent et encou-
ragent les meilleurs moyens proposés pour rendre les rencontres
les moins fréquentes possible. Il n'y en a pas, selon nous, de préfé-
rables à la généralisation de l'arbitrage. Mais pour que cette magis-
trature conciliante puisse s'exercer avec fruit, deux conditions sont
requises :
(t II faut d'abord que les témoins comprennent l'intérêt qa*ils
ont à se décharger sur un tiers éclairé et impartial d'une respon-
sabilité acceptée souvent à la légère. 11 faut ensuite que l'opinion
publique intervienne.
(( C'est à elle, en effet, qu'il appartient de se prononcer énergi-
quement, chaque fois que l'occasion se présente, contre les adver-
saires et les témoins qui, après avoir refusé un arbitre, ont encore
l'audace de maintenir leur provocation et de traiter de couard celui
qui ne la relève pas ; et, plus énergiquement encore, contre ceux
qui, après avoir remis leur différend à des arbitres ou à un jury
d'honneur, refusent de se soumettre à leur décision, si cette déci-
sion ne les satisfait pas complètement ^ »
CHAPITRE XX
Mandat des témoins. — Sa nature. ^- Récusation.
Démission.
Comment les adversaires doivent-ils comprendre le rôle de
leurs témoins ?
Nous nous trouvons en présence de trois systèmes, que nous
étudierons d'abord au point de vue des rapports des mandataires et
du mandant, ensuite au point de vue de la stabilité des conven-
tions.
Rapport des mandataires et du mandant.
1" SYSTÈME. — Suivant une première opinion, les témoins, une
\. Voyez affaire Ro*** et Re***, 27 octobre 1886, il nntiaire du dwe/. Appendice
D«47.
OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. 453
fois choisis et mis au coaraot de Taffaire, devienDent maîtres de la
conduire comme ils l'ectendent.
Ils consentent l'arrangement ou décident le duel à leur gré, et
dans les conditions qu'ils agréent, sans que leur client puisse les
discuter. Ils ne sont pas récusables par lui.
T SYSTÈME. — Le second système impose aux témoins une mis-
sion toute passive, qui leur est tracée par un mandat impératif
auquel ils sont tenus de se conformer aveuglément.
3^ SYSTÈME. — Le troisième système, qui est celui de Château-
▼illard, laisse aux témoins le droit de discussion et au client le
droit de contrôle, avec la faculté de récusation réciproque ^
Le premier système serait excellent, si on avait à son service le
témoin idéal ; mais trop souvent les mandataires ignorent leurs
devoirs ou sont incapables de les remplir.
Nous ne le conseillons pas.
Le mandat impératif est encore moins acceptable pour deux mo-
ûbi le premier, c'est qu'alors on n'est plus témoin, mais simple assis-
tant ; le second, c'est que la personne qui vous demande votre concours
TOUS prouve en même temps qu'elle n'a pas confiance en vous.
Il Tant mieux s'en tenir au troisième, qui est du reste générale-
ment adopté.
La partie qui estime en son âme et conscience que ses témoins
ont rempli d'une manière infidèle ou défectueuse leur mandat est
donc libre de les remercier et d'en chercher d'autres *.
Réciproquement, si les témoins estiment que leur conscience
ne leur permet point de l'assister, ils peuvent se retirer et résigner
leur mandat entre ses mains. Nous disons entre ses mains : en
conséquence, les témoins, qui sans lui avoir remis leurs pouvoirs,
écriraient aux mandataires adverses qu'ils se désistent, commet-
traient une faute grave '.
Tout changement de témoins, toute désignation de nouveaux
mandataires sont signifiés k ceux de la partie adverse. Ce sont les
derniers venus qui se dérangent, et se mettent à la disposition des
autres pour les entrevues nécessaires *.
A quel moment les témoins peuvent-ils être récusés ou résigner
leur mandat?
1. Conformément, voyez Château villard, pages 97, 98. — Tavernlcr, page 52. —
Daverger, chapitre iv, articles 4 et 6, et observations sur cet article.
2. Voyez affaire Bé***-Cé***, 1" novembre 1884, Annuaire du duel. Appendice
ii«48.
3. Voyez Chateauvillard, page 98. — Tavemier, page 53. — Du Verger, pages 213,
237 et suiv.
4. Voyez Tavemier, ibid. — Duverger, ibid.
«. .^
454 PREMIÈRE PARTIE.
En principe, ce droit de récusation mutuelle existe jusqu'à la
signature du procès-yerbal dans lequel sont insérées les conditions
de Tarrangement ou de la rencontre; mais, dans leur intérêt propre,
mandataires et mandants feront bien de ne pas attendre ce moment.
Dans l'entrevue préliminaire et confidentielle que les témoins ont
eue avec leur ami, ce dernier a dû leur expliquer Taffaire en toute
sécurité, et leur demander leur a?is. Ils ont dû faire leurs obserra-
tions et leurs réserves. C'était alors le moment de se récuser.
Outre qu'une révocation ou une démission tardives produisent
mauvais effet aux yeux du public, elles peuyent amener des diffi-
cultés ayec les témoins adverses, qui refuseront peut-être d*être
mis en rapport avec de nouveaux visages. Ils ont le droit de scruter
de très près les causes de ce remplacement, et ils n*y manqueront
généralement pas; trop beureux qu'ils seront de vider l'affaire sans
danger pour leur client, et en laissant le vilain rôle à son adver-
saire ^
A plus forte raison, sauf le cas de force majeure, les témoins ne
peuvent pas décemment abandonner leur client à l'instant de la
rencontre, après l'avoir engagé par le fait de conventions qu'ils ont
stipulées pour lui. Du moment qu'ils les ont signées, ils sont tenus
d'en surveiller l'exécution. Une retraite à pareille beure constitue-
rait une violation des règles du duel et un mauvais procédé dont
leur mandant pourrait leur demander raison. Sur le terrain elle
risque d'entraîner les plus graves conséquences *. La récusation
opérée dans ces dernières conditions équivaut généralement à un
refus de duel.
En résumé, la révocation et la retraite ne doivent être admises
que dans les cas absolument exceptionnels.
Afin d'éviter toute équivoque, les instructions que les adversaires
donnent à leurs témoins doivent être données par écrit et signées.
Nous insistons tout paiHiculiërement sur cet instrument écrit.
Survient-ii une discussion après un arrangement ? Survient-il une
poursuite après la rencontre? Avec lui, point d'ambiguïté possible.
Les responsabilités sont clairement établies.
Stabilité des conrentions.
Quel que soit le système adopté, il faut que les témoins sachent
sur quel pied ils traiteront entre eux, et si les discussions prélimi-
1. Conformément, voyez Chtteaavillard, — Tavernier, — Du Verger de Saint-
Thomas, ibidmn. — G. Jollivet, VEscrime et le duel, page 198.
2. Voyez affaire des deux officiers de chasseurs, Gaxette dei Tribunaux, 26 no-
Tembro 1842. Appendice n» 49.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 455
naires aboutiront à des conventions définitivement arrêtées entre
collègues, ou à de simples projets soumis à l'approbation des
adversaires.
Il est injuste de laisser une partie aller de Tavant, croyant à un
engagement sérieux, pendant que Tautre se réserve de refuser son
adhésion si le résultat lui déplaît.
Ce qull importe d'assurer avant tout, c'est la stabilité et la sin-
cérité des conventions. Nous ne voyons qu'une manière d'y arriver,
c'est par réchange des pouvoirs entre témoins et la constatation
de rétendue de leur mandat. Ceci ne veut pas dire que les témoins
seront tenus de se communiquer mutuellement des instructions
confidentielles qu'ils auront reçues, mais qu'ils sont obligés d'affir-
mer s'ils possèdent la capacité de traiter directement au nom de
leur mandant et de l'engager, ou s'ils sont tenus de lui en référer
avant de conclure.
Telle est la question qu'ils doivent toujours se poser. La réponse
des témoins est censée contenir l'expression de la vérité et engage
leur mandant. Tant pis pour qui choisit des représentants malhon-
nêtes ; l'adversaire ne peut en souffrir.
Si la question n'est pas posée, si les négociations sont enta-
mées entre témoins qui ignorent leurs pouvoirs, les conventions
stipulées n'engagent pas les mandants, qui sont réputés jusqu'à
preuve contraire s'être réservé le droit de veto.
Cette preuve contraire résulte d'instructions écrites fournies
par les mandataires dont les conventions sont contestées.
La partie adverse qui se plaint d'avoir cru traiter ferme, et sti-
puler une convention définitive au lieu d'une convention sous
réserve de la ratification du mandant, doit s'en prendre à ses
témoins.
Les témoins qui se plaignent d'être désavoués ne peuvent s'en
prendre qu'à eux-mêmes. Ils devaient exiger des pouvoirs écrits et
échanger ces pouvoirs avec leurs collègues.
La partie qui refuse son acquiescement aux conventions ne
peut le faire qu'en désavouant spécialement ses témoins. L'obliga-
tion d'un désaveu est une mesure grave qui offre une garantie
contre un mouvement de dépit, ou une légèreté irréfléchie ^
1. Voyez affaire Grandin-Durand. Journal le Cher, 18-19 mars 1889. Appendice
n» 50.
4B6 PREMIÈRE PARTIE.
CHAPITRE XXI
Procès-Terbal de rencontre. — Son utilité. •— Conditions
qull doit renfermer.
Les témoins qui règlent les conditions d'une rencontre doivent
en préToir les é?entualités, et leur donner par ayance une solution
basée sur les règles du point d'honneur. Dès qu'une question est
résolue, ils Tinsèrent au procès-verbal, nommé procès-verbal de
rencontre, ou mieux procès-verbal avant la rencontre. Elle devient
condition. L'ensemble de ces conditions constitue la loi du duel en
vue duquel les témoins ont été constitués.
On voit que ce procès-verbal est d'une importance capitale.
Aucun contrat notarié ne doit être rédigé avec une sollicitude
plus minutieuse. C'est la vie, c'est l'honneur de leur client que les
témoins tiennent en main.
Peu importe la longueur de sa rédaction. Il faut tout prévoir,
ne rien laisser au hasard, voilà l'essentiel.
A partir du moment où témoins et adversaires ont apposé leurs
signatures, le procès- verbal devient obligatoire. Il instruit chacun
de ses devoirs. Il supprime toute équivoque, évite toute discussion
sur le terrain ou à la suite du duel, et détermine les responsabilités
en cas de poursuites ou de contestations.
Bappeiez-vous donc, témoins, que si vous n'apportez pas à la
rédaction de cette pièce capitale tous les soins dont vous êtes ca-
pables, vous devenez lourdement chargés en cas d'accident, ou si
les règles du duel ont été violées ^
Rappelez-vous aussi que la meilleure méthode pour éviter les
catastrophes et pour rendre le duel moins dangereux consiste dans
un procès-verbal bien fait.
Nous ajouterons qu'en cas de poursuites judiciaires, il devient
un excellent instrument de preuve, pour constater que vous avez
fait tous vos efforts afin d'arriver à la conciliation, et qu'il constitue,
par conséquent, une chance de vous tirer d'affaire.
Nous insistons pour que ce procès-verbal soit fait en double
expédition, toutes deux signées des témoins, signées et approuvées
des adversaires.
i. Voyei affaires Chapuis, Deikerel-Naquot, Monyielle. Appendice vP 51.
OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. 457
Sauf le cas de force majeure, les couditions énoocées au procès-
verbal doivent être exécutées strictement, sans que les parties puis-
sent y apporter aucune modification sur le terrain, même de con-
sentement mutuel ^
En effet, les premières conditions ont été débattues et pesées
mûrement. Elles ont été écrites. Il serait dangereux de leur en
substituer d'autres qui, prises rapidement, peuvent cacher des sur-
prises plus ou moins loyales, plus ou moins conformes aux règles
du duel.
Ce serait aller contre le but que des témoins sérieux doivent
se proposer dans leur propre intérêt, à savoir : de substituer un
instrument écrit, minutieusement étudié, aux conventions verbales
dont on se contente avant le combat, quitte à les déplorer ensuite,
lorsque la justice intervient, ou lorsque l'opinion publique et la
presse font la critique de TafTaire.
Puisque nous nous occupons de l'interprétation des conditions
insérées au procès-verbal, nous pouvons examiner la question sui-
vante :
Est-il dans le droit des témoins de prendre la parole et d'inter-
rompre le duel pour réclamer l'exécution d'une convention dange-
reuse pour la partie adverse, mais à laquelle semble renoncer le
client qu'ils représentent?
Certainement non. Le général Exelmans, consulté sur ce point
délicat, rendit en ce sens une consultation à laquelle nous renvoyons
le lecteur *.
Conditions qui doivent être insérées au procés-verbal
de rencontre.
Parmi ces conditions, les unes sont communes à tous les duels,
les autres sont spéciales à chaque arme.
Nous les étudierons séparément.
Les témoins consulteront avec fruit la table des chapitres et
surtout le résumé placé à la fin de notre ouvrage, ils embrasseront
ainsi d'un coup d'œil les stipulations qui leur sembleront devoir
mériter leur examen ou être laissées de côté.
Ce sera pour eux un aide-mémoire commode, grâce auquel
1. Voyez affaire Odysse Barrot-Jecker, Gazette des Tribunatâx, 3 et 4 août 1868.
Appendice d* 52.
2. Voyez affaire Lemorle-do Mosny, GazeUe des Tribunaux, 21 août 1833. Appen-
dice n« 53.
458 PREMIÈRE PARTIE.
ils se reporteront, si c'est nécessaire, à la discussion des points sus-
ceptibles de controverse ^
Nous les engageons également à consulter le modèle de procès-
verbal qui se trouve à la fin de ce volume. Il leur sera très utile*
CHAPITRE XXII
Stipulations communes à tous les duels.
Les matières qui doivent être traitées d*abord par les témoins
et faire l'objet des premières stipulations à insérer au procès-verbal
sont communes à tous les duels et relatives :
l"" Au choix d'un auteur destiné à servir de code;
2*" Au résumé de l'instruction de Taffaire ;
3<» A la désignation de la personne offensée, au degré de l'offense
et au choix des armes ;
«
k"" Au choix du duel et des distances ;
5<> Au jour, à rheureet au lien de la rencontre;
6"* A Tadjonction des médecins et à la valeur de leur consulta-
tion en cas de blessure ;
T" A l'attitude des combattants.
Pour le n*» 1, voyez chapitre xvu.
Pour le n« 2, voyez chapitre xvu.
Pour le n* 3, voyez chapitre vii et chapitre viii.
Pour le n^ 4, voyez chapitre vu et chapitres xxxvii et xxxvni.
Quelques réflexions sur la marche à suivre au début de railalre
et sur les premières conditions.
Les témoins apporteront tous leurs soins à la constatation des
faits et à les faire admettre pour vrais.
Ils décideront d'après ces faits quelle est la personne offensée
et la valeur de roflense.
Ces points établis, ils les mentionneront par écrit et les re-
garderont comme étant la vraie base des négociations subséquentes.
Alors, mais alors seulement, ils feront connaître larme choisie par
l'offensé, puis une fois l'arme adoptée le duel, puis une fois le duel
1. Voyez sur la nécessité d*un procès-verbal avant la rencontre : Tavernier,
page 168. — Du Verger de Saint-Thomas, chapitre iv, remarques sur Tarticleil. —
Contra, voyez G. Jollivet, l'Escrime et le duel, pages 202 et 203, où cet auteur émet
des opinions très chevaleresques assurément, mais que les cinq ou six cents duels dont
nous avons parcouru les comptes rendus nous autorisent à proclamer très imprudentes.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 459
choisi la distance, suvremi que le degré de TofTeose lui procure une
de ces prérogatiyes, ou deux, ou toutes à la fois.
La situation de l'ofTensé étant dès lors bien établie, il se pré-
sente fort de son droit. Les discussions ne peuyent plus guère rouler
que sur des détails moins importants.
Souvent on procède d*une manière absolument contraire. L'une
des parties, avant toute instruction et toute constatation des faits
se proclame offensée, et déclare qu'en cette qualité elle choisit telle
arme et même tel duel, suivant retendue de ses prétentions.
L'arme choisie déplalt-elle à l'adversaire ?
Il est évident que ses témoins chicaneront tant qu'ils pourront
sur le degré de Toffense et sur la détermination de l'offensé. Les
discussions seront plus ardentes et l'affaire mal engagée^
Reprenons Texplication des autres articles.
Article 5. — Les témoins doivent déterminer le jour, l'heure
€t le lieu de la rencontre.
Choix du jour.
Pour choisir le jour, il faut consulter non seulement la com-
modité des parties, mais encore celle des témoins, la nécessité de
terminer rapidement l'affaire, et les autres questions de fait qui ne
peuvent être prévues d'avance.
En principe, une affaire d'honneur doit se vider dans les qua-
rante-huit heures qui suivent la mutuelle constitution des témoins.
Ce délai de quarante-huit heures, que certaines personnes re-
gardent comme sacramentel, n'a, comme nous l'avons déjà expliqué,
d'autre motif d'exister que la crainte de voir l'affaire traîner, deve-
nir publique et s'envenimer par ce fait. Certainement, la raison n'est
pas sans valeur; mais nous considérons l'instruction parfaite de
l'affaire, la détermination de l'offensé, les préliminaires de conci-
liation et la rédaction d'un procès-verbal bien fait, comme autre-
ment importants. Aussi refusons-nous d'une manière absolue de
considérer le délai de quarante-huit heures comme sacramentel, et
susceptible, s'il est dépassé, de constituer une fln de non- recevoir*.
Dans le cas où un même individu aurait deux affaires sur les
bras en même temps, il est absolument contraire aux règles du
duel que les deux rencontres aient lieu le môme jour ^
i. Voyez affaire Barbier-Montlouis, 2 et 3 décembre 1893. Appendice n» 114.
2. Voyez ce qae nous avons dit à ce sujet, chapitre xv.
3. Voyez affaire B***-Ve8cot-Meunier, Gasette des Tribunaux, 21 novembre 1847.
Appendice, et n<> 54^
460 PREMIÈRE PARTIE.
Choix de l'heure.
Le choix de l'heure peut avoir une certaine importance, et, en
matière de duel, l'adage : « Savoir choisir son heure », doit être
médité. En effet, pour certaines personnes obèses, maladives ou
livrées à l'insomnie, le duel à l'épée est dangereux au sortir du lit.
Baides, lourdes et quasi enkylosées, elles ont besoin, comme lesr vieux
chevaux, d'un peu d'échauffement pour partir.
Le matin est favorable pour la majorité des tireurs au pistolet,
qui n'ont pas besoin de souplesse, mais de calme et de sang-froid.
Au contraire, les heures qui suivent les repas leur sont défavora-
bles, car la digestion agite le sang, fait trembler la main et trouble
le coup d'œil.
A qui appartient le choix de l'heure ?
Nous ne croyons pas que le choix de l'heure constitue une
prérogative inhérente à la qualité d'offensé. Selon nous, il n'existe
aucune corrélation entre le droit de choisir Theure du duel et le
droit de choisir le duel lui-même ^
Nous croyons que le choix de l'heure, comme celui du jour,
doit être déterminé par la commodité générale et les circonstances.
Quoi qu'il en soit, nous signalons ce point à la sollicitude des
témoins, qui tenteront naturellement de faire adopter Theure favo-
rite de leur client*.
Il est d'une suprême inconvenance de se faire attendre sur le
terrain.
Le quart d'heure de grâce suffit amplement pour fixer la limite
de l'attente, parer aux écarts d'horloges en retard et aux accidents
ordinaires du voyage. Passé ce délai, le premier arrivé est en droit
de quitter la place, et ses témoins peuvent dresser procès-verbal de
carence.
Cependant, nous conseillons de pousser la patience jusqu'à la
demi-heure. En effet, une retraite plus précipitée pourrait être
considérée comme un prétexte saisi au vol pour éviter le duel, et le
blâme retomber aussi bien sur l'adversaire exact que sur le retar-
dataire ^
Dans le cas où l'intempérie des saisons risque d'amener un
1. Voyez cependant une Rcntencc de jur}- d'honneur en sens contraire. Affaire
Dichard-de Massas, Gazette des Tribunaux y 26-27 décembre 1882. Appendice n*» 55.
2. Voyez Tavernier, page 65. — G. Prévost et Jollivet, l'Escrime et le dueL
page 220.
3. Conformément, voyez Tavernier, page 273.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 464
état d'infériorité pour le premier arrivé, il est clair que ses témoins
sont tenus de l'obliger à quitter la place au bout d*un quart d'heure
seulement ^.
Lorsqu'un obstacle de force majeure empêche un des com-
battants d'arriyer à Fheure, ses témoins doivent prévenir ceux de
Tadversaire avec toute la diligence possible, et s'entendre avec eux
pour remettre la rencontre à un autre momend.
En cas de refus péremptoire ou de contestation sur la validité
du motif justificatif, il n'y a qu'un arbitrage ou un jury d'honneur
qui puisse trancher valablement le différent.
La partie qui refuse d'accepter la proposition qui lui en est
faite est blâmable.
Est-il besoin d'ajouter que les arbitres et le jury d'honneur ne
doivent admettre comme raison suffisante que les cas où la force
majeure est parfaitement constatée, c'est-à-dire les cas où le retard
n'est motivé par aucune faute, même légère, du combattant
inexact*.
Les suites de Tinexactitude d'un des adversaires sont autres en
Italie.
Voici comment s'exprime à ce sujet un auteur milanais, Gior-
dano Rossi, dans son livre, Schenna di spada e sciabolUf Milano^
1885 : « Si à l'heure et sur le lieu fixé pour la rencontre par le
procès-verbal des témoins, une des parties ne se présente pas, ses
mandataires se mettent à la disposition de son adversaire. Les
témoins de celui-ci déclarent s'il doit y avoir duel. Dans le cas
afûrmatif, le sort décide celui des témoins de l'absent qui prendra
sa place, l'autre témoin servant de second au combattant.
a Si les témoins de l'adversaire déclarent ne pas accepter le
remplacement du manquant par le témoin que le sort a désigné,
on déclare le débat clos, au plus grand déshonneur de celui qui
aura manqué au rendez-vous. »
Ce remplacement peut sembler chevaleresque à première vue;
il nous parait à nous un non-sens. En effet, mettre en présence des
gens qui n'ont aucun intérêt dans la querelle, c'est leur faire jouer
le rôle de seconds, contrairement à la règle : « Les offenses sont
personnelles et se vengent personnellement. »
Hâtons-nous d'ajouter que l'offre n'a presque jamais été faite
de notre temps en France, et que, lorsqu'elle l'a été, on y a toujours
répondu par une fin de non-recevoir '.
1. Voyez affaire Dujarrier-dc Beauvallon, Gazette des Tribunaux,^! mars 1S46 et
numéros suivants. Appendice n** 56.
2. Voyez affaire Ajalbert-Ch. V***, 2 juin 1888, Annuaire du duel. Appendice n° 51.
3. Voyez affaire S***-M***, 11 décembre 1885, iinnuaire du duel. Appendice n» 58.
44
IBS PREMIÈRE PARTIE.
Ce n'est pas seulement au point de vue de la correction que
nons recommandons une extrême exactitude sur le terrain. Nous
songeons également à l'intérêt particulier des adversaires.
En effet, un tireur expérimenté profite des quelques instants
laissés à sa disposition pour étudier son terrain, le tftter. se rendre
compte du jour, du soleil, du vent, etc., etc., et, sniirant l'expression
de H. Tayernier, pour se débarrasser de tous les impedimenta qui
le gêneraient pendant l'action, ce qu'il ne pourrait pas &ire s^il
n'arrivait pas le premier.
Choix du lieu.
A qaï appartient le ohoiz du lieu?
Malgré l'opinion de H. Jollivet et les termes du procës-yerbal
des 26 et 27 septembre 1882 S nous croyons qu'il doit en être pour
le choix du lieu comme pour celui du jour et de l'heure, même si
Toffense est une voie de fait. Il appartient aux quatre témoins de
tomber d'accord sur ce point.
Autant que possible, le lieu de la rencontre doit être reconnu
par eux à Tayance. II faut soigneusement éviter de marcher il'ayen-
ture*.
Un sentiment de convenance défend de promener les adver-
saires à travers champs, ou de les laisser en tête à tête.
En agissant autrement, on risque de voir la querelle s'en-
venimer encore ou de donner l'éveil à la police, principalement si
la rencontre se passe à l'étranger.
Nous ne parlerons pas des conditions relatives aux terrains
propices à chacun des duels légaux, car ces conditions varient avec
les armes choisies. Nous renvoyons le lecteur aux articles afférents,
dans les chapitres que nous consacrons à chaque espèce de duel.
Nous dirons seulement qu'il faut choisir un endroit isolé, en
dehors de la circulation et des regards indiscrets.
Cette précaution est plus importante qu'elle n'en a l'air. Abs-
traction faite de l'ennui do se donner en spectacle ou d'être arrêté
par un représentant de l'autorité, il existe un autre inconvénient
qui s'attache à la présence des spectateurs étrangers.
S'il y a poursuite judiciaire, la multiplicité des témoignages
émanant de personnes qui ignorent les conventions de la rencontre,
et souvent les règles les plus élémentaires du duel, trop mal placées
1. Voyez l* Escrime et le duel, page 213, et les termes du procès-verbal des 20 et
27 septembre 1882. Affaire Dichard-de Massas. Appendice n» 55.
2. Voyez affaire Drumont-Meyer, Gaxette des Tribunaux, 27 juin 1886. Appen-
dice n^ 59.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 463
du reste pour saisir les moindres détails de la lutte, embrouille la
justice, et peut être nuisible aux combattants et aux témoins. Ce
phénomène a été remarqué pour toutes les rencontres en présence
d'une galerie.
Si le lieu du duel est reconnu d'ayance, il doit l'être par tous
les témoins réunis, et mention de leur double présence être insérée
an procès-verbale
Ac^onction des médecins. — Influence de leur consultation
sur l'arrêt ou la continuation du duel.
Art. 6. — Aux quatre témoins il doit être adjoint deux méde-
cins. Ce nombre peut sembler exagéré, mais il ne Test pas en réalité
s'il y a deux blessures à soigner en même temps.
Les médecins ont une autre mission à remplir que celle de
soigner les combattants blessés. Ils peuvent être consultés sur la
question de savoir s'il convient d'interrompre le duel après qu'une
blessure a été constatée, ou s'il faut le continuer.
Quelle est la valeur de leur avis ?
Elle dépend des stipulations du procès-verbal relativement à la
grièveté nécessaire à la blessure pour amener la cessation du
combat, et aussi du titre auquel il leur sera permis, à eux médecins,
de se prononcer.
Nous disons que la valeur de leur avis dépend des stipulations
du procès-verbal relativement à la grièveté de la blessure néces-
saire pour amener la cessation du combat.
Il est évident que s'il a été convenu que le combat cessera
lorsqu'une blessure mettra Fun des adversaires dans Timpossibilité
de continuer, ou dans un état d'infériorité, le rôle des médecins se
borne, dans le premier cas, à constater si le blessé peut ou non con-
tinuer, et dans le second, si par le fait de sa blessure il n'est pas
devenu inférieur comme résistance à son adversaire. Pour cela on
compare autant que possible sa résistance actuelle à celle qu'il
avait avant la blessure.
Mais s'il a été stipulé que le combat ne serait arrêté que par
une blessure grave, les médecins ont un libre arbitre plus grand,
car l'épithète de grave est très élastique.
Nous disons que la valeur de l'avis des médecins dépend du
titre auquel il leur aura été permis de se prononcer.
1. Voyez affaire Naquet-Monvielle, il août 1887. Appendice n» 60.
164 PREMIÈRE PARTIE.
Eq effet, il peut être stipulé quUls se prononceront à titre
impératif, c'est-à-dire seuls, et souverainement ; ou à titre consul-
tatif, c'est-à-dire qu'après leur consultation les témoins restent seuls
juges.
Il peut aussi être conyenu que le combat ne pourra cesser que
sur l'avis conforme des médecins et des témoins.
Quelques réflexions sur les stipulations relatives à la gravité
des blessures qui détermineront la cessation du combat nous pa-
raissent utiles.
Il est imprudent de stipuler que le duel sera un duel à mort ou
à outrance, à cause des poursuites judiciaires.
Dans les cas graves, il vaut mieux stipuler que le combat se
poursuivra jusqu'à ce qu'un des adversaires soit mis hors de
combat ou dans l'impossibilité de continuer.
On évitera de convenir que le duel sera au premier sang, car
décider sans périphrase qu'une simple piqûre d'aiguille suffira pour
laver une offense assez grave pour faire tirer l'épée, c'est donner à
raffdire un caractère de puérilité ridicule.
Cependant on arrive au même résultat, grâce à un euphé-
misme, en stipulant que la lutte continuera jusqu'à ce qu'un des
champions ait reçu une blessure capable de le mettre en état d'infé-
riorité. Par le fait, c'est l'équivalent du premier sang, mais gazé
sous une périphrase. Il est clair, en effet, qu'en présence du vague
de cette qualification, les médecins augmenteront généralement
l'importance d'une égratignure, et que généralement aussi les
témoins seront heureux de se retrancher derrière cette consultation
pour éviter un dénouement qui peut être tragique, et dont ils ont
une appréhension bien naturelle.
Dans les diverses hypothèses énumérées plus haut, si un doute
subsiste dans l'esprit de témoins consciencieux, il leur est toujours
loisible de demander à l'homme de l'art sa parole que son affir-
mation est bien l'expression de ce qu'il croit être la vérité.
Si le procès-verbal de rencontre est muet sur la gravité que doit
présenter la blessure pour amener la cessation du combat, les méde-
cins ne sont plus consultés à titre impératif. Leur mandat se borne
à renseigner les témoins, qui prononcent alors en dernier ressort.
Y a-t-il blessure grave? Le devoir des témoins est de s'opposer
à la reprise du duel malgré le blessé lui-même.
La blessure est-elle légère ? C'est le motif de la rencontre qui
les guidera surtout.
Du reste, les lémoins ne doivent jamais obliger le blessé, même
légèrement atteint, à continuer la lutte malgré lui. A leur invitation
s'il répond par un refus, il agit uniquement sous sa responsabilité
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 465
personnelle. Les témoins restent maîtres de dégager la leur, en
faisant des réserves dans le procès-verbal après la rencontre*.
Un duel à Tépée terminé sans blessures prête généralement au
ridicule.
Devons-nous refuser, en conséquence, aux témoins le droit de
persuader aux adversaires, après un certain temps de combat, que
l'honneur est satisfait?
Si l'affaire n'est pas grave, si le duel s'est prolongé longtemps,
si les champions se sont bravement conduits, nous croyons, avec
Chateauvillard*, que le droit de donner cette permission ne doit
pas leur être enlevé dans certains cas exceptionnels.
Il faut songer, en effet, aux conséquences désastreuses d'une
fin tragique survenue pour une bagatelle, et à tout le cortège de
responsabilités qui en découle, s'il y a poursuites judiciaires. Mais
les témoins n'useront de cette licence que sous condition de ne
porter aucun préjudice moral à l'offensé, qui est toujours libre de
refuser la proposition ^
Le procès-verbal de rencontre cité comme exemple d'un duel
arrêté sans blessures est remarquable, en ce que, malgré sa nature
insolite, il est signé de noms appartenant à des hommes célèbres
alors, par leur courage, leur illustration militaire, leur compétence
en matière de point d'honneur, et parmi lesquels nous voyons trois
collaborateurs de Ghateauvillard.
Dans le duel à l'épée, quelques procès-verbaux contiennent la
mention qu'après un certain nombre de reprises dont la durée est
fixée d'avance, le duel sera arrêté définitivement, une fois que
le laps de temps convenu sera écoulé, et quand bien même aucune
blessure n'aurait été reçue ^
Les témoins espèrent ainsi diminuer les dangers de la rencontre
et l'étendue de leur responsabilité. Atteignent-ils le but qu'ils se
proposent? Nous ne le croyons pas. En effet, pour peu que les
adversaires aient du cœur au ventre, ils ne voudront pas être
soupçonnés d'avoir laissé couler le temps en vaines simagrées,
mais, pressés par le court délai qu'on leur impose, ils auront hâte
d'en finir. Au lieu d'assister à un combat sage et correct, généra-
lement terminé sans grandes blessures, si les champions sont des
1. Voyex affaire Lavertujon-B***, 3 août 1889, Annuaire du rfwef. Appendice n<» 61.
S. Chapitre nr, article 23.
3. Voyez affaires de BriqueviUe-dc Dalmatie, Fougcroux de Champignolles, tome II,
n» 305 des pièces justificatives. Appendice n» 62. — Contra, voyez Tavernier, page
1S2.
4. Voyez affaire Betz-Pierroti, Gazette des Tribunaux, 16, 17, 18 décembre 1889.
Appendice n? 63.
466 PREMIÈRE PARTIE.
tirears, les témoins présideront à un ferraillemeni, & un vilain jeu,
avant-coarears d'un dénouement diamétralement opposé & celui
qu'ils espéraient.
C'est donc une clause à rejeter.
La mission des médecins est strictement restreinte à Texercice
de leur art. Il leur est interdit de se mêler & la conduite du duel et
de faire acte de témoins. U faut que ces derniers conservent l'absolue
direction d'une affaire pour laquelle ils sont responsables.
Le rôle des médecins ne commence qu'au moment précis où
leur ministère est réclamé pour examiner une blessure, répondre à
des questions, ou prodiguer des soins. Tout en se tenant à proxi-
mité du lieu où se yide le différend, il vaut mieux qu'ils n'assistent
pas à la lutte ^
Attitude des adversaires une fois rendus sur le terrain.
Art. 7. — Une fois sur le terrain, les adversaires qui veulent
agir selon les règles de la courtoisie et de la bonne éducation se
saluent et saluent les témoins adverses.
Mais ce salut n'est pas obligatoire.
Ce qui est obligatoire, c'est le silence sous les armes pendant
toute la durée du duel.
Les exclamations, les cris plus ou moins articulés, plus ou
moins bruyants que se permettent dans le duel à Fépée certains
tireurs, sous l'influence de l'ardeur du combat ou dans le but
d'impressionner leur antagoniste, sont interdits.
Chez les Italiens, en particulier, le cri devient souvent une
sorte de feinte destinée à faire croire à une attaque franche, alors
qu'on attaque à demi. Peu importent ces habitudes. Elles ne sont
pas tolérées en France. Les étrangers, qui, chez nous, pour une
affaire survenue en France, se battent avec un Français, doivent
observer les règles de notre législation du point d'honneur à
l'exclusion de toutes autres*.
Tout colloque entre combattants est interdit. Si une commu-
nication doit être faite à l'une des parties par la partie adverse, ce
sont les témoins qui se chargent de la transmettre.
Toute injure, toute violence entraînent suspension, car ces
injures ou ces violences peuvent avoir déplacé les rôles et fait
1. Affaire Drumont-Meyer, Gazette des Tribunaux, n^ du 27 juin 1886. Appen-
dice n* 64. — Conformément, voyez G. Prévost et G. Jollivet, l'Escrime et le duel,
page 194.
2. Voyez notre chapitre Lxxxi.
I. <*>u».! ~-..i ^.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 167
perdre à l'offensé sa situation originelle, ou lui ayoir procuré, au
contraire, un supplément de priyilëge.
Pour tout résumer, il faut qu'après l'échange des saints, les
ad?ersaires demeurent silencieux et à l'écart, jusqu'à ce qne les
témoins leur disent de se déshabiller *.
1. Conformément, voyez Tavernier, pages 74 et suiv.
■i*i .".
CONDITIONS SPÉCIALES AU DUEL A I/ÈPÉE.
CHAPITRE XXIII
Qunz des épées.
Dans UD duel à l'épée, deux cas peuvent se présenter :
Les adversaires se servent de leurs armes personnelles. — Ils
ne s'en servent pas.
!<" Si les adversaires sont autorisés & se servir de leurs armes,
les deux paires, bien que n'étant pas tenues à se ressembler absolu-
ment, ne doivent pas être trop dissemblables.
Ainsi les coquilles de Tune ne sauraient être très étroites, alors
que les coquilles de la paire adverse protégeraient tout l'avant-
bras.
Quant à la longueur des lames, elle doit être égale.
Le droit de se servir d'épées à lui appartenant est formellement
reconnu par Ghateauvillard, chapitre v, article 7, à l'offensé avec
voie de fait, à charge de laisser son adversaire user de la même
faculté.
Il n*en est plus de même en cas d'offense simple ou d'injure
grave. Gomme ce sont alors les témoins qui déterminent le choix
des épées, on s'est demandé s'il leur était permis d'accorder aux
combattants Tautorisation de se servir d*armes personnelles,
lorsque l'un d'entre eux leur adresse cette requête.
Rien ne les en empêche, s'ils tombent d'accord sur l'opportunité
d'une telle mesure. Tel sera, par exemple, le cas où les deux adver-
saires sont des tireurs également intéressés à se servir d'instruments
souvent maniés. Au contraire, si l'un d'eux se trouve être un tireur
peu habile, Taccord n'aura probablement pas lieu, car ses témoins
rengageront à ne point abdiquer la chance de gêner son antago-
niste, en lui imposant peut-être, grâce au tirage au sort, une arme
qu*il n'aura jamais touchée.
Z^ Si les adversaires ne sont pas autorisés à se servir de leurs
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 469
armes, généralement chacun apporte sa paire d'épées. Dans ce cas,
on tire au sort entre les deux paires quelle est celle dont on se
serrira.
Il faut alors que les épées de chaque paire soient exactement
semblables.
Quant à la différence de paire à paire, elle ne peut guère être
plus considérable que lorsque les adversaires se servent de leurs
armes personnelles. En effet, si, par suite du bris des épées ou de leur
mise hors de service, il n'en reste plus que deux, qui ne sont pas
de la même paire, il peut avoir été convenu que les adversaires
s*en serviraient pour éviter de remettre la rencontre à une date
postérieure.
Le combattant dont les armes ne sont pas sorties lors du
tirage choisit entre les deux épées, composant la paire tombée au
sort, celle qui lui convient le mieux.
Le même droit d'option appartient à celui qui n'apporte pas
d'épées sur le terrain, et qui se sert de celles qui sont apportées
par son adversaire.
S'il a été convenu (stipulation rarement demandée) qu'une
seule paire inconnue des deux adversaires servira, le droit d'option
n'existe pour personne. Elles sont tirées au sort.
Dans ces deux dernières éventualités, la mise hors de service
d'une des épées entraîne forcément la cessation du combat.
En tout état de cause et quelle que puisse être la nature de la
stipulation, les témoins sont tenus de se faire représenter, avant la
clôture du procès-verbal, les épées dont les adversaires comptent
se servir, de manière à les examiner et à les récuser si elles ne sont
pas conformes aux conditions requises pour chacun des cas dont
nous venons de parler. Mention de l'acceptation est insérée au
procès-verbal *.
Nous empruntons à un livre publié par M. Lamarche, en 1881,
sous le titre de Traité de l'épée, quelques détails relatifs aux qua-
lités constitutives d'une bonne épée.
Ils aideront les témoins dans cet examen préliminaire.
L'épée doit être légère et bien en main.
On se ferait une fausse idée du poids d'une épée en la jetant
sur la balance. La légèreté de l'arme dépend de plusieurs condi-
tions, dont la principale est le lieu de son centre de gravité.
. *
1. Voyes, sur Tutilité de cette mesure, Taffaire Morès-Mayer, dans V Escrime fran"
çaiie, n^ du 30 septembre 1892. Réponse des experts à la troisième question du juge
d'instruetioD.
t — .'. -1.
470 PREMIÈRE PARTIE.
En général, une épée est d'autant plus lourde que le centre de
grayité passe plus en avant de la coquille. Une épée parfaitement
équilibrée est celle dont le centre de grayité passe à un on deux
centimètres en avant du pouce, sur la face supérieure de la
coquille. La lourdeur du pommeau contribue du reste beaucoup
à la légèreté de Fépée, car le pommeau est un contrepoids qui
maintient le centre de gravité au niveau de Textrémité du ponce,
de telle sorte que Taction des doigts consiste, non k produire une
grande force, mais à constituer vivement et à volonté une sorte de
poids additionnel chargé de faciliter le départ et de régler la direc-
tion de la pointe. Une épée mal montée, mal équilibrée peut être
récusée ^
Quel doit être le poids des épéoB?
La question est importante. Supposons qu'un homme vigou-
reux et habitué à tirer avec des armes très pesantes se trouve en
présence d'un partenaire moins heureusement doué, ou moins bien
entraîné, il est clair que si les épées du premier servent au combat,
il lui sera facile, en prolongeant le duel, de briser le poignet de
son adversaire et de l'avoir à sa merci.
Les mandataires de ce dernier sont tenus de le soustraire &
cette cause d'infériorité. C'est ce qu'ils ne font pas d'ordinaire, et
jusqu'alors il n'a guère été en usage de constater le poids. L'affaire
de Horès-Mayer vient de prouver qu'il y a là une faute dont le
résultat peut mettre en jeu la responsabilité des témoins.
A notre avis (et c'est le seul rationnel), toutes les fois que les
épées soumises à l'examen ne sont pas d'un emploi habituel dans
les duels à Tépée, ne sont pas celles dont on se sert d'ordinaire, les
témoins adverses peuvent les récuser, et réclamer, dans l'intérêt de
leur client, remploi d' épées ordinaires, d'un poids normal et courant.
Quel est le maximum de ce poids?
La déposition du commandant Esterhazy dans le procès intenté
à M. de Mores après la mort du capitaine Heyer nous permet de
le déterminer expérimentalement. Ce témoin a pesé soixante-dix-huit
paires d'épées prises au hasard chez les principaux armuriers de
Paris. Il a constaté que la moyenne des épées de combat varie entre
480 et 530 grammes. Aurdessus de 530 grammes, les armes n'ont
pas le poids courant et normal, et peuvent être récusées ».
1. Conformément, voyez Tavemier, page 76 et suiv.
2. Voyez dans l'Escrime françaitef ïi9 du 30 septembre 1892, questions posées
aux experts par le Juge d*instruction, article de M. Ranc et avis de M. Emile André.
— Voyez également affaire Naquet-Mo a ?ielle, Gazette des rrt&Mfiaua?, 11 août 1887.
Appendice, n<>S5.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 471
Pour éviter les contestations qu'on peut soulever à propos du
poids des épées, M. Émiie André, se faisant Técho de nombreux
escrimeurs, exprime le vœu que les adversaires puissent toujours
se servir d'une épée du poids qui leur convient. Les épées pourraient
donc être de poids très différents, la longueur de la lame et la
largeur de la coquille restant égales. Nous nous y associons com-
plètement.
La lame doit être flexible, effilée progressivement et, surtout,
n*étre pas chargée du bout.
Une lame tranchante, ébréchée ou épointée, ne saurait servir.
Les lames dont on a déjà fait usage sont reçues, après avoir été
remises en état.
Les formes des coquilles sont assez nombreuses, mais toutes
se ramènent à un segment de sphère dont la section couvrirait une
surface arrondie de 8 à 12 centimètres de diamètre environ et dont
la profondeur est ordinairement de 2 à 3 centimètres. Des épées
montées avec des coquilles plus grandes peuvent être refusées.
Les témoins commettent souvent une méprise dans le choix
des armes.
Us jettent volontiers leur dévolu sur de très larges coquilles,
sans se douter que si elles sont un bouclier précieux pour la main,
elles laissent glisser la pointe vers le corps, et peuvent entraîner un
résultat tout opposé à celui qu'ils voulaient atteindre.
La surface de la coquille doit être bronzée ou noircie, pour
éviter le miroitement du soleil. Elle ne peut être acceptée, si elle
est percée de petits trous appelés casse-pointe, ou munie d'un bord
relevé, formant gouttière, qui arrête la pointe de Tépée.
La fusée doit avoir environ 12 à U centimètres de long sur
7 centimètres de périmètre dans son plus fort. Elle peut être garnie
en maroquin, en chagrin, en peau de requin ou en simple ficelle
comme les fleurets.
Les garnitures en peau de requin, ou de chien de mer, sont
dures. Elles peuvent, en quelques minutes, provoquer la formation
d*ampouIes très douloureuses. On y obvie en cousant sur cette,
fusée une mince peau de gant, qui prend bien la forme des stries et
permet de tirer sans inconvénient, même avec la main nue. Celte
enveloppe prolectrice, étant placée dans Tintérét des deux parties,
ne peut être refusée. On vend également des fusées garnies en
caoutchouc qui sont encore préférables.
Les témoins s'occuperont aussi du montage de ces diverses
pièces. Ce montage ne doit pas être fait absolument horizontal,
mais légèrement courbé.
j. .'
47S PREMIÈRE PARTIE.
En cas de désaccord relativement à Tadmission ou au refus des
armes, les témoins prendront pour arbitre non un armurier, qui
n'a d'ordinaire jamais manié d'épéesque pour les Tendre, mais un
professeur d'escrime, qui s'en sert quotidiennement, et qui connaît
théoriquement et pratiquement les qualités requises pour qu'elles
soient propres au combat.
Une fois les armes acceptées, les témoins, qui voudront pousser
la précaution jusqu'aux dernières limites, piqueront la pointe de
chaque épée dans un bouchon de liège, et entortilleront chaque
paire dans un papier fort qu'ils scelleront. Cette méthode, qui ne
dispense pas du mesurage, évite qu'il ne se produise sur le terrain
des discussions du genre de celles qui surgirent dans Taffaire citée
comme exemple au numéro 66 de l'Appendice ^
Puisque nous en sommes au chapitre des précautions , signa-
lons-en une qui peut être fort utile dans bien des cas.
Nous conseillons aux témoins de mettre dans le coffre du clas-
sique landau qui les transportera sur le terrain un petit étau portatif,
qui se trouve chez tous les quincailliers et s^adapte partout, un
marteau, une lime fine ou un morceau de grès. Ces outils per-
mettent de redresser sur place une lame tordue, d'aiguiser une
pointe émoussée, et évitent que pour un très léger accident l'affaire
ne soit remise & une autre fois.
CHAPITRE XXIV
CShoix du terrain. — Mesure du champ.
Tirage au sort des places.
Nous avons dit, chapitre xxu, que le lieu du combat doit,
autant que possible, avoir été choisi par les témoins avant la ren-
contre, et mention de ce choix avoir été insérée au procès-verbal.
Occupons-nous maintenant des conditions spéciales que doit pré-
senter un terrain destiné à une rencontre à Tépée.
Il faut choisir, si faire se peut, une allée ombreuse, à l'abri du
soleil, du vent, de la poussière, assez longue pour que les adver-
saires puissent rompre de la mesure permise, assez large pour que
les témoins se rangent de chaque côté sans gêner l'action, plane,
1. Voyez affaire 01i?ier-Feailherade, Gazette des Tribuiuiux, 4 août 1876.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 473
de terrain solide, en dehors de la circulation et, comme nons
rayons dit, des regards indiscrets.
Si la route est trop étroite, les témoins, forcés de se ranger
d*un seul côté, ne peuyent surveiller le combat avec la même effica-
cité *.
Gomme les conditions énumérées plus haut ne se rencontrent
généralement pas toutes réunies, les témoins devront veiller à ce
que les adversaires souffrent aussi également que possible des
imperfections du terrain. Par exemple, si le duel doit avoir lieu
dans une prairie exposée au soleil, les combattants seront placés de
manière à le recevoir par côté, car, s*il en était autrement, celui qui
le recevrait dans les yeux se trouverait à la merci de son adversaire.
Les places sont tirées au sort. Mention de cette condition est
faite au procès-verbal. Observons qu'il faut remettre au hasard, non
pas le droit, pour celui qui en est favorisé, de choisir une place
plutôt qu'une autre, comme cela arrive quelquefois, mais tirer la
place même que chaque combattant occupera.
Le tirage au sort des places doit être indépendant de celui des
épées, afin d'éviter l'accumulation de toutes les chances au profit
d'une seule personne.
Préalablement, on a dû déterminer en longueur et en largeur la
surface de terrain accordée aux adversaires pour évoluer; en un
mot, le champ du combat.
Mention en est faite au procès-verbal.
Le droit de déterminer la mesure du champ appartient, suivant
nous, à l'offensé s'il y a eu voie de fait, et aux témoins s'il y a eu seu-
lement injure grave ou offense simple ^
La dimension longitudinale du champ ne peut être moindre de
kO mètres, ni supérieure à 60. Telles sont les mesures données par
M. Tavernier, page 159. M. Emile André, page 235, porle le mini-
mum à 25 mètres, et admet le même maximum. Gomme ces auteurs
sont les seuls qui se soient occupés de la question, leur opinion
doit faire autorité.
Elle est, du reste, très juste. En effet, s'il est utile, pour éviter
Tacculement et le corps à corps, que chaque adversaire ait derrière
lui un espace suffisant pour rompre largement, il ne faut pas qu'il
puisse le faire indéfiniment, de manière à éterniser la lutte, comme
cela s'est produit à diverses reprises ^
1. Voyez affaire Dichard-de Massas, Gaxef/e des Tribunaux, 26-27 décembre 1 882.
Appendice n^ 67.
2. Voyez notre chapitre vu.
3. Voyez notamment affaire C*** et P***, Annuaire du duel, page 201. Appendice
no 68.
474 PREMIÈRE PARTIE.
La dimension ducIiampenlargeardoitTarierentreSet 10 mètres.
Ces proportions noas paraissentrationnelles» car elles permettent
aux adversaires d'opérer toutes les évolations qui sont dans leur
droit S sans avoir nn double inconvénient qu'il importe de signaler.
Si le champ n'est pas délimité en largeur, ou s'il est de dimen-
sions exagérées, il peut arriver» en effet, que pour tourner son
adversaire un des combattants se jette dans un terrain impropre
à la lutte, par exemple dans les broussailles qui bordent souvent les
routes (cas auquel les témoins ne sont plus libres de suivre conye*
nablementles évolutions des acteurs*}, ou que» trouvant derrière lui
un espace considérable, il prolonge indéfiniment le combat.
Les extrémités du champ sont marquées d'unefoçon ostensible, par
exemple au moyen de cannes plantées ou de mouchoirs posés à terre.
Le procès-verbal doit prévoir ce qu'il adviendra lorsqu'un des
duellistes franchira les limites, et, en particulier, le nombre d'aver-
tissements qui précéderont la suspension du duel.
S'il n'y a pas de champ limité, et si le combat menace de s^éter-
niser à raison de la fuite continuelle d'un des adversaires, les
témoins fixeront un champ, eu se conformant aux dimensions indi-
quées plus haut, et préviendront le fuyard que, s'il dépasse encore
la limite, le combat sera clos et procès-verbal dressé contre lui \
Hais, pour que cette mesure puisse être prise, il faut que les
quatre témoins tombent d'accord, non seulement sur son opportu-
nité, mais encore sur la dimension à donner au champ et sur le
nombre des avertissements préliminaires.
Dans le. cas contraire, le duel est remis, car les discussions de
cette importance sont interdites sur le terrain.
CHAPITRE XXV
Toilette et visite des conibattants. — Gants.
Le mieux serait que les adversaires se battissent le torse nu, car
une chemise ou un gilet même du tissu le plus fin peut empê-
cher de voir une première blessure, et partant d'arrêter le duel.
1. Voyez notre chapitre xxvii.
2. Voyez affaire Drumont-Meyer, Gazette des Tribunaux, 27 juin 1886. Appendice
no 69.
3. Conformément, voyez Tavernier, pa^çe 160.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 476
Mais comme il y a des circonstances où cette mesure n'est guère
possible, par exemple à raison du froid, ou de l'état de santé
des combattants, force est de rechercher quelle pelure est protec-
trice contrôles intempéries, tout en restant perméable à Tépée.
H. Tavernier range dans cette catégorie la chemise ordinaire à
plastron, col ou poignet empesés. Nous ne saurions partager sa ma-
nière de voir et conseiller aux témoins pareille tolérance. A notre
avis, elle doit, au contraire, être interdite.
La chemise empesée protège, en effet, comme une légère cui-
rasse, le cou, la poitrine et le poignet. Si Tun des adversaires porte
une chemise à col rabattu et l'autre à col droit, si son plastron est
moins garni de triplure et moins empesé, si ses poignets sont plus
petits ou plus échancrés, les chances ne sont pas égales.
Quelle responsabilité pour tout le monde si le mieux empesé
des adversaires, après avoir reçu un coup qui glisse sur son plastron,
traverse ensuite celui de son partenaire moins cuirassé I Pour que
les chances fussent égales, il faudrait que les témoins se livrassent,
au moment de la rédaction du procès-verbal, à un examen compa-
ratif, et fissent pour les chemises ce qu'ils doivent faire pour les
épées.
Nous permettons, en revanche, tous les vêtements qui ne
peuvent arrêter Tépée, chemise de soie, de fil, coton, etc., non empe-
sée, chemise et gilet de flanelle ou de molleton, qui, dans les hivers
rigoureux, empêchent le pauvre diable vieux ou rhumatisant de
tomber en garde déjà transi et perclus, victime assurée d'un adver-
saire plus valide. Les témoins du premier manqueraient à leur
devoir, s'ils ne soutenaient pas énergiquement les intérêts de leur
mandant, et se laissaient arracher un costume d'une légèreté préju-
diciable.
Arrivés sur le terrain, les adversaires se dépouillent des médail-
lons, médailles, portefeuille, porte-monnaie, clefs, argent, ceinture,
bretelles, etc., en un mot de tout ce qui pourrait arrêter la pointe
de l'épée*.
Les combattants qui portent une ceinture, un bandage her-
niaire ou un appareil chirurgical quelconque, sont tenus d'en faire
la déclaration avant la conclusion du procès-verbal de rencontre.
Les témoins agiront sagement en faisant constater: 1° que le
bandage est justifié par une infirmité; 2" qu'il ne dépasse pas les
dimensions nécessaires à la compression de la partie malade ; S"" qu'il
n'est pas susceptible par sa grandeur de constituer une sorte de
1. Voyez appendice d? 70.
476 PREMIÈRE PARTIE.
cuirasse, mettant l'adversaire dans un état d'infériorité trop notoire.
Hais, dans ce dernier cas, il faudra considérer si Tinfirmité
éprouvée par le porteur du bandage n'est pas de nature à compenser,
par rincommodité qu'elle lui cause, l'avantage qu*elle peut lui pro-
curer comme protection.
Cette constatation et ses conséquences seront insérées au
procès-verbal.
Les conventions relatives à lu toilette des adversaires ont pour
sanction la yisite que passent les témoins.
A la première invitation, les combattants se laissent examiner et
palper. Ils subissent cette formalité sans manifester ni répugnance
ni étonnement, et sont les premiers à la faciliter en entr*ouTrantleur
chemise. Il est inutile d*8Jouter que c'est toujours un témoin adverse
qui y procède.
L'adjonction des médecins est plus correcte, s'il existe une cein-
ture ou un bandage, principalement si l'examen préliminaire que
nous avons conseillé n'a pas eu lieu.
Les témoins manqueraient à un devoir strict de leur charge en
ne mettant pas dans cette vérification un soin minutieux ^
Le refus de visite fait par un des adversaires entraîne refus de
duel. En pareil cas, les témoins arrêtent Taffiiire et dressent un
procès-verbal de constat K
La question des gants n'est pas sans importance et doit faire
Tobjet d*une stipulation.
Les gants ordinaires, dits gants de ville, les gants d'ordonnance,
sont toujours permis, pourvu qu'il n'y ait ni rembourrage, ni dou-
blure, ni crispin, ni peau trop épaisse; rien, en un mot, qui puisse
arrêter Tépée.
L'emploi des gants d'escrime ne peut résulter que du consente-
ment mutuel, sans jamais être imposable'.
S'il a été convenu qu'on mettra des gants d'armes, un seul peut
s'en servir, si L'autre refuse d'en faire usage; mais si, par oubli, il
n'a été apporté qu'un seul gant, nul ne doit user de cet avantage.
Ghateauvillard permet aux combattants de s'entourer, à défaut
de gants, la main d'un mouchoir, pour amortir le choc de la fusée
ou de la coquille, et de se servir d'une martingale pour retenir
l'arme sur le point de leur échapper. Il ne met d'autre restriction à
1. Voyez affaire Gllivier-Fouilherade, Gazette des Tribunaux, A tout 1876. Appen-
dice n» 71.
2. Conformément sur ces questions, voyez Ghateauvillard, chapitre v, article 6. —
Tavernier, page 8 S.
3. Voyez Ghateauvillard, chapitre v, article 10. — Tavomier, page 278. — Du Ver-
ger de Saint-Thomas, chapitre vi, article 10.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL- 477
cette licence, que Tobligation poar celui qui eu use de ne pas lais-
ser pendre les bouts du mouchoir ou de la martingale, qui peuvent
s'entortiller à Tépée adverse, ou troubler la vue de Tautre combat-
tant, grâce au mouvement de rotation imprimé.
Nous conseillons aux témoins de faire en sorte que la question
du mouchoir ne soit pas soulevée, car il peut en résulter des con-
testations, si Tenroulage est fait de manière à établir des bourrelets
protecteurs autour de la main ou du poignet. Ils y arriveront en
stipulant que les combattants useront uniquement de gants, ou
mieux encore en se les faisant présenter et en les enfermant dans
le même paquet que les épées.
Terminons le chapitre a Toilette » par un conseil à l'adresse
des témoins dont le client, à raison de sa calvitie, de son âge ou de
quelque accident cérébral constaté, ne peut rester exposé aux interne
péries des saisons, sans éprouver des troubles qui le mettent dans
un état immédiat d'infériorité.
En prévision, soit de la neige, soit d'une pluie glacée, soit d'un
soleil ardent, ils peuvent réclamer pour lui le droit de rester cou-
vert, pendant la durée du combat, soit d'une légère calotte, soit d'une
mince casquette. Il nous parait difficile que les témoins adverses
puissent s'y refuser, si la coiffure (condition sine qud no7i) n'est pas
de nature à arrêter la pointe de Tépée.
Bien entendu que l'adversaire peut rester également couvert,
s'il le veut.
Les casquettes ou calottes sont présentées à l'acceptation des
témoins au moment de la discussion des conditions.
CHAPITRE XXVI
Le directeur du combat.
Le choix de l'homme appelé à diriger le duel est très important.
Outre les qualités exigées pour faire un bon témoin, il lui faut
un supplément de coup d'oeil pour apercevoir la moindre blessure,
de sang- froid pour suivre les moindres détails de la lutte, d'énergie
pour réprimer les moindres écarts aux règles et conventions du
duel. Il lui faut surtout une plus grande habitude des armes et des
affaires d'honneur.
Le droit de choisir le directeur du duel revient aux témoins et
4Î
479 PREMIÈRE PARTIE.
non aux adversaires, qui ne sont plos que des soldats obligés d'obéir
sans discussion.
Parmi quelles penonnes oe choix doit-il fttre exercé?
Nous nous trouvons en présence de deux systèmes.
Les uns soutiennent que le directeur du combat doit toujours
être pris parmi les témoins.
Si tous les témoins sont tireurs et gens d'expérience, ils remettent
la direction du duel au plus âgé, qui s'adjoint le plus Âgé de l'autre
partie. Si les âges sont à peu près égaux, c*est le sort qui décide. S*il
se trouve parmi eux des personnes d'expérience inégale, ils chargent
de ce soin le plus habile. En cas de dissentiment, ils tirent au
sort*.
Les autres veulent que le directeur du duel soit pris en dehors
des témoins, et le plus étranger possible aux combattants. Le rôle
du directeur du duel est si délicat, son intervention peut influer si
complètement sur Tissue de la rencontre, que, d'après eux, on doit
préférer un homme absolument indififérent au sort des deux cham-
pions à un témoin qui n'est pas dans les mêmes conditions. L'in-
tervention d'une cinquième personne a en outre l'avantage de
départager les témoins, s'il y a entre eux des divergences de vues
sur l'interprétation d'une clause du procès-verbal ou sur tout autre
point.
Bien qu'il nous semble plus correct de choisir le directeur du
duel parmi les témoins, qui, ayant rédigé les stipulations de la ren-
contre, sont plus que tous autres à même d'en surveiller l'exécution,
nous ne saurions interdire absolument de prendre un étranger.
Ne peut-il arriver que les témoins soient capables de remplir
convenablement les seconds rôles et ne possèdent pas les qualités
requises pour le premier ?
En pareil cas, les considérations, respectables assurément, mises
en avant par M. Tavernier, doivent céder le pas au danger de voir
l'affaire mal conduite, les conditions du procès-verbal mal exécu-
tées, et finalement une catastrophe en résulter.
Nous acceptons donc un directeur pris en dehors des témoins,
mais à condition :
1*" Qu'il approuve le procès-verbal de rencontre et promette de
l'exécuter ;
2® Qu'il observe les conditions et n'innove rien ;
S'' Que, pour ce qui lui incombe, il partage la responsabilité des
témoins.
i . Conformément, voyez Tavernier, page 92.
OFFENSES. — RÈGLES DO DUEL. 479
Après avoir examiné par qui et dans quelles conditions peut
être exercé le choix de l'homme appelé à diriger le combat, il nous
reste à examiner en qaoi oonsiste son rôle. M. Tavernier l'explique
avec sa compétence et sa lucidité ordinaires. Nous ne croyons pou-,
Yoir mieux faire qu'en reproduisant textuellement les paragraphes
qu'il consacre à cette importante question : :.) >
(( Une fois désigné, écrit-il, le juge du camp assigne à chacuD
des témoins son rôle, il désigne celui qui devra le seconder dans
sa tâche en se plaçant du côté opposé à celui où il se trouve lui-
même, et indique leur place aux autres témoins. Les combattants
sont amenés par les témoins les plus jeunes à la place qui leur est
échue par le sort.
a Le directeur de la rencontre se place du côté qui lui convient
le mieux, à égale distance et sur le flanc des combattants, un peu en
avant de ceux-ci, à un mètre de la ligne que traceront les épées pla-
cées bout à bout. La personne appelée à le seconder dans sa tâche
se place du côté opposé, et à une distance double environ, pour ne
pas gêner les évolutions des combattants.
« Les autres témoins sont disposés intervertis, de manière à ce
que chaque combattant ait à sa proximité un des mandataires delà
partie ennemie. Tous les témoins, y compris les témoins dirigeants,
sont armés de fortes. cannes et non d*épées. »
Si le directeur du combat est pris en dehors des témoins, le
nombre cessant d'être pair et la disposition symétrique, l'ordre des
places change naturellement. Le directeur du combat reste toujours
au milieu, mais il n'a pas de directeur adjoint. Chaque tireur est
entouré des deux témoins adverses placés l'un à droite et l'autre à
gauche.
« Tout le monde ainsi placé, le directeur de la lutte prend der-
rière lui la paire d'épées qui doit servir au combat, et qui a été
placée préalablement à sa portée. 11 la reconnaît, la soumet à une
contre-visite rapide, la montre au besoin à ses collègues, et, plaçant
sa canne sous son bras, il saisit les deux épées en les croisant près de
la pointe. Ace moment, il s'assure d'un coup d'œil que chacun est bien
à sa place, et adresse aux champions les suprêmes recommanda-
tions : « Messieurs, vous connaissez les conventions de la rencontre,
vous les avez signées et approuvées. Je vous rappelle que, lorsque
je vous remettrai ces épées, l'honneur vous ordonne de ne pas faire
de mouvement avant que je n'aie commandé : « Allez ? » De même
vous devez vous arrêter immédiatement au signal de : a Halte ! »
ou de : « Arrêtez I »
« Ces paroles prononcées, les épées sont remises par lui aux
champions. 11 les tient près de la pointe, et sans les lâcher. La dis-
480 PREMIÈRE PARTIEL
tance entre les combattants doit être telle qu'étant fendus ils ne
puissent se toucher.
« Pour ce, en tenant les épées près de la pointe, les adversaires
ayant les talons en équerre, on les oblige à se fendre légèrement en
arri^, le bras tendu dans toute sa longueur.
« Ceci fait et la position de chacun embrassée dans un rapide
coup d'œilfle directeur prononce: «Allez, messieurs! » en lAchant
Tiyement les pointes d*épées et en se retirant quelques pas en ar-
rière. »
La mise en garde préconisée par GbateauYillard diffère un peu
de celle que H. Tavemier a recommandée. Il veut que les témoins
marquent deux places à une distance de deux pieds plus longue
quil ne faut, pour joindre les deux pointes d'épées, les adversaires
étant fendus.
Ces deux méthodes sont bonnes. Nous pencherions cependant
pour celle de Ghateauvillard, qui éloigne davantage les adversaires,
les oblige à marcher, et empêche le coup de surprise.
Le soin et le tact avec lesquels le directeur du combat procède à
tous les préparatifs antérieurs au commandement doivent être
extrêmes, et la simultanéité entre le geste et la parole absolue.
« Le signal donné, le directeur du duel, ainsi que les autres
assista nts, suivent avec, une attention extrême toutes les phases
d e la lutte, le plus près possible des combattants, sans pourtant
nuire en aucune façon à l'exécution de leurs mouvements. Il les
accompagnent dans leurs moindres évolutions, en prêtant une
attention particulière à se tenir toujours à peu près à leurs dis-
tances respectives, si rapide que soit leur marche et leur retraite,
en se gardant bien de se placer en arrière ou de se masser d'un
seul côté. »
Ils se tiennent en silence, s'abstiennent de tout geste, prêts à
arrêter le combat en cas de blessure ou pour une des causes de sus-
pension temporaire ou définitive que nous étudierons au fur et &
mesure de ce travail.
Le commandement verbal n'est pas toujours suffisant pour pro-
duire ce résultat. Dans le feu de l'action, il peut ne pas être entendu.
Mieux vaut qu'il soit accompagné de l'intervention effective des
témoins, et principalement du directeur du combat et de son adjoint.
G*est la partie difficile de leur rôle. Outre le danger personnel qu'on
peut courir en détournant les épées dans un[corps à corps fougueux,
on risque d'arrêter un seul adversaire. Quelle écrasante respon-
sabilité, si l'autre combattant le frappe pendant qu'il ne peut se
défendre I
Mais le commandement de : « Arrêtez I » doit précéder toute inter-
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 481
veDtioD effective ou lui être simultané. En aucune circonstance,
cette intervention ne peut se produire à la muette.
En dehors des cas énumérés chapitre ixvin et suivants, c'est-à-
dire en dehors des cas spécialement prévus où Tintervention devient
un devoir pour les directeurs et les témoins, parer un coup ou arrêter
un combattant constitue pour eux une lourde faute, qui entraîne
une sanction plus ou moins sévère, selon les cas.
Dans rhypothèse où la violation serait assez grave pour entraî-
ner la disqualification de celui qui s'en est rendu coupable, on peut
se demander si le combat devrait être forcément remis, ou s'il serait
loisible de le reprendre immédiatement.
Lorsque le directeur du. duel est choisi parmi les témoins, le
combat ne peut être immédiatement repris, puisque la récusation
du coupable réduit leur nombre à trois.
Lorsque le directeur est pris en dehors des témoins, la question
est très discutable, car les témoins sont en nombre réglementaire.
Nous croyons cependant que le combat, cette fois encore, doit être
suspendu, et l'affaire remise, car l'émotion que cet incident produit
et la passion qu'il soulève pourraient nuire à la bonne direction du
duel. Si la faute incombe à un témoin, la rencontre est encore sus-
pendue, parce que le directeur n'est pas témoin, et que le nombre
quatre n'existe plus.
Pour terminer ce qui touche à la personnalité et au rôle du
directeur du combat, il nous reste à parler des devoirs des témoins
vis-à-vis lui et de leur importance réciproque. Nous avons dit que
les témoins gardent le silence, et s'abstiennent de tout geste ; ceci
ne veut pas dire qu'ils restent témoins passifs, laissant au seul direc-
teur le soin de conduire la lutte à sa guise. Le directeur du combat
n'est institué que pour unifier le commandement et éviter la confu-
sion ; mais il n'est pas, comme certains pensent, le supérieur des
autres témoins.
Leurs droits sont égaux comme leur responsabilité. Insti-
tués pour stipuler les conventions insérées au procès-verbal, ils le
sont également pour en surveiller l'exécution. Si le directeur du
combat s'en écarte, ils peuvent et doivent le contrecarrer sans
scrupule.
Trop souvent les adversaires se figurent qu'ils ne doivent obéir
qu'au seul directeur du combat. Trop souvent les témoins qui
s'aperçoivent d'un incident qui nécessite l'interruption du duel
s'imaginent que leur rôle se borne à signaler le fait au directeur du
combat, qui seul a le droit de commander l'arrêt. Tous deux se
trompent.
48S PREMIÈRE PARTIB. :
• bn exemple fera mieux comprendre les conséquences fâcheuses
qui résulteraient de la mise en pratique de cette théorie.
Pierre et Paul se battent à Tépée. Jacques, simple témoin, croit
s'apercevoir que le premier est touché. Il se contente de le dire an
directeur du combat, sans donner personnellement Tinjonction
d'arrêter.
Si le directeur du combat ne le liait pas immédiatement, et si
j[>endant ce petit balancé Pierre atteint son adversaire d'un coup qui
le blesse» ce dernier soutiendra qu'il y a eu félonie. Pierre lui répon-
dra : « Le directeur du combat avait seul qualité pour m'intimer
Tordre de suspendre le duel. Je lui ai obéi immédiatement. Je ne
pouvais rien déplus. Tant pis pour vous, si l'ordre a été donné trop
tard I » Et ce disant, il aura raison.
Au contraire, si on admet Topinion suivant laquelle Jacques a
le droit d'ordonner l'arrêt, dès qu'il s'aperçoit d'un fait susceptible
de le motiver, et s'il l'ordonne en effet, Pierre commet une infraction
aux règles du duel, en n'obtempérant pas aussitôt.
Concluons donc en disant qu'immédiatement après l'engage-
ment du combat, témoios et directeur ont un droit égal à ordonner
^'arrét, et que les adversaires doivent se conformer aussi bien aux
injonctions des premiers qu'à celles du second '.
CHAPITRE XXVII
Les adversaires pendant le combat.
Une fois le signal donné par le commandement « Allez I » les
combattants ont le droit d'évoluer à leur gré dans Tespace qui leur
est assigné comme arène.
Se baisser, se grandir, avancer, rompre, sauter, se jeter à
droite, à gauche ou en avant, voltiger autour de son adversaire,
manœuvrer de manière à le placer dans une position désavantageuse
et conquérir le côté le plus favorable, est dans les règles du combat.
Tous les auteurs sont d'accord sur ce points mais à condition que
1. Voyez affaire Mermeiz-La Bruyère, le National, n^ des 9-10 septembre 1890.
Appendice n<» 81 et 97.
2. Voyez Ghateauvillard, chapitre v, article 16. ^Taveroier, page 161. — Du Ver-
ger de Saint-Thomas, chapitre ti, article 15.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 183
les antagonistes observent les règles que nous étudierons dans les
chapitres xxvm et suivants
Les témoins qui proposeraient des conditions restrictives de
ces libertés proposeraient des conditions que les témoins adverses
pourraient repousser, sans cesser d'agir correctement, et s'il y avait
arbitrage, les arbitres devraient se prononcer en faveur de la fin de
non-recevoir ^
Réserve de cette liberté est faite au procës-verbal, qui trace en
outre les devoirs des combattants en cas de repos, acculement,
corps à corps, désarmement, bris ou faussement d'épée, chute et
blessure.
Nous allons étudier séparément chacune de ces hypothèses.
Observons auparavant que les adversaires doivent chercher à se
frapper d'estoc seulement. La structure de Tépée et son escrime
rindiquent surabondamment.
Il faut donc regarder comme contraires aux règles du duel les
coups de fouet intentionnellement portés, par exemple, sur la main
ou sur le bras.
Serait» également contraire à ces règles Tacte du combattant
qui, se servant de Tépée comme les Basques du couteau, la lance-
rait contre son adversaire.
CHAPITRE XXVIII
Usage de la main qui ne manie pas Tépée.
Le coup d'épée ne peut être paré qu'avec Vépée. Ce principe
domine toute la matière.
// en résulte que l'acte d'écarter l'arme de son adversaire avec
la main qui ne manie pas l'épée, aussi bien que l'acte de la saisir,
constituent une violation des règles du duel^.
Aucune clause contraire ne peut faire l'objet d'une stipulation
et être insérée au procès-verbal. Par contre, la prohibition doit y
figurer clairement exprimée.
Trop souvent la négligence ou la timidité des témoins a causé
la mort ou la blessure d*un des combattants. Il est probable, en
1. Voyez aff»ire Naquct-Monvielle, Gazette des TribunauXf 11 août 1887. Appen-
dice n« 72.
2. Gonfornoément, voyez Chateauviilard^ chapitre iv, article 10 et chapitre v,
article 14. — Tavemier, page 246. — G. JoUivet, l'Escrime et le duel, page 219, etc. —
Affaire Chapuis-Deckerel, Gazette des Tribunaux, 30 et 31 mai 1885. Appendice
n»73.
184 PREMIÈRE PARTIE.
effet, que si les adversaires avaient été avertis qu'ils commettraient
ane forfaiture en saisissant l'épée de leur partenaire, ou en parant
avec la main, et s*ils avaient été engagés par leur signature, ils se
seraient abstenus ^
Quelle est la sanotion de la prohibition qui fait le enjet
de oe ohapitre?
II faut distinguer:
S'il y a parade ou préhension non suivie d'un coup porté, ce
fait peut être considéré bien plus comme un mouvement instinctif
de préservation que comme un acte déloyal. Si cette aggravation
n'est pas constatée, il nous semble difficile de considérer comme
disqualifié Tindividu qui s'y sera laissé entraîner instinctivement K
S'il y a parade ou préhension suivie d'un coup porté, l'excuse
du mouvement de préservation ne peut être admise, car sur le
mouvement de défense instinctive est venu se greffer l'acte offensif,
caractérisé par le coup porté.
L'intention déloyale est présumée, soit que le coup ait été suivi
d'une blessure, soit qu*il n*ait pas abouti ; car, dans cette dernière
hypothèse, la blessure n'a manqué que par des circonstances indé-
pendantes de la volonté de son auteur.
La disqualification nous semble devoir alors être encouruer
Certains tireurs placent si mal la main qui leur sert de balan-
cier, qu'ils ne peuvent jamais être assurés de résister au mouvement
instinctif dont nous parlons. Nous leur conseillons de saisir avec
force la patte de ceinture attachée à leur pantalon, ou d'introduire
la main tout entière entre le corps et la ceinture. Ce point d'appui
suffira généralement pour empêcher toute excursion en dehors de
la zone permise. Si le mouvement est irrésistible, il faut attacher
la main coupable'.
A cette question principale viennent se joindre deux autres
propositions incidentes.
On peut se demander :
1° S'il est permis de repousser son adversaire de la main qui ne
manie pas l'épée, ou de le frapper avec le pommeau; 2f* de changer
l'épée de main.
A la première, nous répondrons négativement.
En effet, si la réponse était affirmative, les rencontres dégé-
néreraient en scènes de pugilat, contrairement à Tesprit de la légis-
1. Voyez affaire Darzens-Moreas, le Temps, u^ du 22 mai 1888. Appendice n» 74.
2. Voyez affaire Darzens-Moreas. Appendice n® 74.
3. Voyez Cbateauyillard, chapitre v, article 15.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 485
lation du point d'honneur, qui cousidëre précisément le duel
comme un moyen d'éviter les rixes et les violences indignes de
gens bien élevés ^
C'est pour les mêmes raisons que dans un corps à corps, où tous
les mouvements sont gênés et où le maniement d'une arme longue
est difficile, il est interdit de saisir son épée par la lame, de manière
à la raccourcir, et à en frapper plus commodément son adversaire,
comme d'un poignard, sans cesser de le colleter.
Estril permis de changer de main?
La question est controversée.
Les uns soutiennent que, pour avoir ce droit, il est indispen-
sable de prévenir les témoins de la partie adverse qu'on est dans
rintention de se servir alternativement de la droite et de la gauche,
d d'en obtenir Tautorisation ^ D'autres interdisent absolument cette
manœuvre.
Les premiers donnent comme raison que l'absence de décla-
ration causerait à l'adversaire une surprise sur laquelle il serait
peu loyal de tabler. Les seconds ajoutent que le changement de
main, même prévu, procure un délassement qu'on peut se donner
au moment utile, et qui, étant presque toujours l'apanage d'un seul
tireur, devient un avantage illicite.
Ces raisons ne nous satisfont pas.
A notre avis, les seuls avantages interdits sont ceux dont l'une
des parties jouit, sans que l'autre possède la capacité d'en jouir
également.
Tel serait le cas où Tun des adversaires n'aurait qu'un bras, et
où l'autre voudrait se livrer à la manœuvre soit disant défendue. Il
est clair que le manchot serait incapable de l'imiter, quMI y aurait
impossibilité matérielle, et que Tinterdiction serait justifiée.
Hais il n'en est plus ainsi dans notre espèce. Les deux combat-
tants sont supposés également valides, et par suite également capa-
bles de prendre l'épée de l'une ou de l'autre main, et de se livrer à
un exercice qui est une aff'aire d'habitude, et partant à la portée de
tout le monde. A l'individu qui demanderait d'interdire l'emploi
alternatif de la main droite et de la main gauche dans un duel où
il serait acteur, nous répondrions exactement ce que répondraient
les adversaires de notre système à l'homme qui, n'ayant jamais
touché une épée, se plaindrait d* avoir à croiser le fer avec un tireur
1. Conformément, voyez Château v illard, chapitre v, article 17.
2. Voyez Tavernier, page 26 i.
486 PREMIÈRE PARTIE.
de premier ordre, qui lui imposerait, en sa qualité d'offensé, Parme
qu'il excelle à manier :
(( Les salles d'armes vous étaient ouvertes comme à lui. Gomme
lui vous êtes valide. Gomme lui vous pouviez apprendre & défendre
votre peau. Vous ne l'avez pas fait, tant pis pour vous I Tout ce que
nous pouvons en votre faveur, c'est de veiller à ce que les con-
ditions matérielles du combat soient égales. »
Si nos adversaires accordent à l'émule de Saint-Georges le droit
d'user d'une aussi écrasante supériorité vis-i-vis un homme qui
n'a jamais manié une épée, de quel droit laisserions-nous dépouiller
ce malheureux de la mioce planche de salut que lui offre le chan-
gement ?
Il peut arriver, en effet, que la nature ou l'habitude lui aient
procuré dans d'autres exercices que l'escrime une force et une
adresse, sinon égales pour les deux mains, du moins supérieures à
la moyenne ordinaire. Dans ce cas, s'il parvient à faire traîner le duel
en longueur, il est clair que son adversaire se lassera bien plus vite
que lui, et qu'au bout d'un certain temps, la fatigue que le tireur
habile éprouvera compensera dans une certaine mesure Tinexpé-
rience du premier.
Soyons de bon compte.
Les raisons de surprises, d'avantages quasi déloyaux, sont au-
tant d'arguties mises en avant par la majorité des bons tireurs, qui
ne font fort que d'une main, et voudraient proscrire cette ma-
nœuvre, qu'ils redoutent comme un danger. Les auteurs qui sou-
tiennent l'opinion contraire à la nôtre ne seraient-ils pas dans ce
cas ?
L'assimilation qu'ils essayent de faire entre Facte de parer avec
la main qui ne manie point l'épée et l'acte de se servir alternative-
ment de la gauche ou de la droite n'est pas admissible.
// n'y a qu'une défense licite, l'épée opposée à l'épée, mais peu
importe la main qui la tient.
Nous soutenons, en conséquence, que le changement peut
avoir lieu sans qu'une déclaration préalable soit nécessaire et sans
que les témoins adverses puissent s y opposer. Nous le faisons d'au-
tant plus volontiers que le silence gardé par Chateauvillard sur
ce point, après les deux articles consacrés à l'interdiction de la
parade avec la main qui ne manie pas l'épée, est un indice à peu
près certain de l'acquiescement qu'il donne au changement de
main K
1. Conformément, voyez G. Prévosl et G. Jollivet, V Escrime et le duel, p. i29.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 487
CHAPITRE XXIX
Les reprises et les repos.
Y aura-MI repos après un certain laps de combat ?
Le combat se poursuiyra-t-il au contraire sans repos jusqu'à ce
qu'une blessure vienne l'interrompre ? Telle est la première ques-
tion qu'on peut se poser, et sur Timportance de laquelle nous ne
saurions trop insister, car dans certains états physiques Tissue du
duel en dépend. Elle doit être discutée avant la rencontre, et faire
Tobjet d'une clause insérée au procès-verbal.
Sur cette première question se greffe celle de savoir à qui re-
-vient le droit de décider dans l'un ou dans l'autre sens.
Elle est controversée.
Nous allons examiner les différents systèmes proposés.
Le premier, qui est soutenu par MM. Tavernier, p. 151 ; Du
Yei^er de Saint-Thomas, chapitre vi, article 22 ; M. G. Jollivet, p. 227,
accorde à tout combattant fatigué, qui en fait la demande verbale-
ment ou par un signe convenu, la faculté de faire arrêter aussitôt le
duel.
Cette opinion nous semble inadmissible. Nous ne comprenons
pas qu'un tireur pressé, désorienté, puisse escamoter le péril qui le
menace, en prétextant la fatigue et en faisant un geste ou un appel.
Il y a là une source de tromperies et de discussions qui doit la faire
proscrire *.
Un deuxième système bien plus rationnel reconnaît aux seuls
témoins le droit de décider, par accord mutuel avant la rencontre,
s'il y aura ou non repos.
Il est appuyé de l'autorité de Ghateauvillard, chapitre iv, ar-
ticle 12.
Nous Tadoptons lorsque l'offense est du premier degré, mais
lorsqu'elle est du second ou du troisième, nous croyons que le pri-
yilège de décider s'il y aura ou non repos appartient à l'offensé,
comme conséquence de son droit au choix du duel, conformément
à ce que nous avons expliqué chapitre vu.
1. Voyez affaire OUivier-Feuilhcrade, Gaselte des Tribunaux, 4 août 1876. Appen-
dice n^ 75.
188
HfltoDS-nooB d'observer qoe cette solation très lo^qae et très
soateoable, puisqu'elle découle des prémisses posées par Chaleau-
Tillard laï-mftme, chapitre premier, articles 10 et 11, nous est per-
sonnelle. Noos DO prélendoDS donc pas l'imposer.
Dans le cas où les (émoi os ne l'admettraient point, ils devraient
s'en tenir au second syslC^me et rejeter absolument le premier.
Id clause par laquelle il est stipulé que le duel se continuera
sans interraptlon est excessivement rare. Tout au plus nous rap-
pelona-noos l'aToir rencontrée une fois ou deux dans les comptes
rendos des nombreuses affaires qu'il nous a été donné de par-
courir. .
Au contraire, celle qui accorde les repoa se voit continiteUeiiieat.
Elle ne peut guère être refusée.
L'omission de la ctease slipolaDt qu'il j aura repos nous semble
devoir être interprétée dans un sens négatif, car une fois sur le terrain
il n'est plus temps de discuter une question anssi complexe *.
La duréedesreprisesetdes repos doit être dét^minée d'année
et insérée au procès-verbal.
Nouq ne saurions admettre, comme l'enseigne H. Do Verga"
de Saint-Thomas, qu'an témoin puisse arrêter le duel lorsqu'il Joge
que l'an des combattants est fatigué, car il serait maître de tirer
ainsi son client d'une passe défavorable.
On s'est demandé si cette prohibition détendait an cas où Tun
des combattants serait pris d'une quinte de totu on bien de ces
éteruuements qui ahnrissent le patient, l'aveuglent et lui enlèvent
temporairement ses moyens.
Nous croyons qu'il faut répondre affirmativement, parce que
ces quintes ou ces éteruuemeuts peuvent être simulés dans le but
de tirer celai qui s'y livre d'un mauvais pas, ou de le sauver de la
fatigue.
Hais, dans le doate, la délicatesse, à défaut de prescription lé-
gale, oblige son adversaire & garder la défensive et ji éviter de le
charger pendant le cours de l'iocident.
La dnrée des reprises varie entre trois et cinq minutes environ.
La durée des repos est proportionnelle à celle des reprises,
mais ne doit guère dépasser cinq minutes.
On comprend, du reste, que l'âge et l'état physique des com-
battants entrent forcément en ligne de compte, lorsqu'il s'agit de dis-
cuter cette importante question.
1. Voyez Tavernier, pige 15i.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 489
Les témoins d'un homme obèse, asthmatique ou atteint de bat-
tements de cœur, par exemple, auront le devoir de s'appuyer sur son
infirmité pour demander des reprises courtes et des repos nom-
breux. Quand bien même la fixation de la durée des reprises et des
repos appartiendrait à l'adversaire d'un être aussi malmené dans
sa santé, les témoins de ce dernier ne devraient pas abandonner la
partie.
En insistant énergiquement sur la responsabilité qui incom-
berait à l'offensé et à ses mandataires, si leur refus d'accorder des
repos fréquents et des reprises courtes amenait un dénouement
fatal et des poursuites judiciaires ; en faisant vibrer les sentiments
généreux et la crainte de l'opinion publique, ils ont chance d'éviter
à leur client une lutte où il serait vaincu par avance.
Lorsque le procès-verbal spécifie qu'il y aura repos, le direc-
teur du combat ou son acolyte mesure, chronomètre en main, la
durée de la reprise, et suspend le duel par le commandement
« Halte I » ou « Arrêtez I » appuyé s'il le faut d'une intervention
effective, à la seconde précise où expire le délai.
A ce signal, les adversaires doivent rompre, en se tenant en
garde, et suspendre tout engagement.
Le directeur du combat se place au milieu d*eux. Leurs man-
dataires les rejoignent et les éloignent de quelques pas. Le délai
fixé pour le repos une fois expiré, les combattants sont replacés en
face l'un de l'autre. Les précautions indiquées chapitre xxvi pour
la mise en garde, au début de la rencontre, sont prises de nouveau.
Après le commandement « Allez! » le duel recommence.
Quel sera l'endroit où devra être opérée cette nouvelle mise en
garde ? Les adversaires occuperont-ils les places qui leur auront été
désignées par le sort au début de la rencontre ? Reprendront-ils,
au contraire, celles qu'ils occupaient avant le repos?
Il faut distinguer.
Si les conventions portent que le repos sera accordé sur la de-
mande d'un combattant fatigué, on fera Tapplication pure et simple
d'un principe sur lequel nous aurons à revenir souvent : « Le terrain
conquis ne se rend pas, » et les adversaires seront placés à l'endroit
précis qu'ils occupaient avant le repos. Si les conventions portent
que le repos sera accordé après un certain temps fixé d'avance, le
doute est permis, car on peut considérer chaque reprise comme un
acte absolument terminé à l'expiration du délai stipulé, et celle qui
suit le repos comme une seconde phase indépendante de la pre-
mière. Nous croyons qu'il vaut mieux replacer les combattants au
centre du champ.
^.^^ 4^; -"1^' -^^^l^-':'^^^'^
190 F&filllÈRB Ti^TIB.
CHAPITRE XXX
L'aoculaBiflBtr
Le combat peat être eompliqu^ d'aoeolemeiitn Pim des lireinÉ,
pressé par Fautre, butte, en rompant, contre la Ihnite natnireUë ou
conventionnelle qui borne le champ*
Xn sarail oasy la (durmp doitrll être reiidtt?
Certains directeurs de combat, après aroir Ml faire halte,
replacent les adversaii^es dans l'endroit où ib ont commencé la
lutte. Cette manière de procéder est nuisible à Phomntô qui au
péril de ses jours a manœurré de manière à terminer Taction sur
la limite de Tarène ^
Nous n'hésitons pas è la condamner et à &ire Papplication de
la règle formulée par M.Tàferhier : « Le terrain conquis ne 8& rend
pas. »
Du moment que les combattants ont derrière eux un e^Mice
suffisant pour rompre largement, tant pis pour cehil qui se laisse
acculer. 11 n'a qu*à reprendre roflènsive et à se débloquer par un
vigoureux effort.
Lorsque Tud des adversaires franchit la limite conventionnelle,
canne, mouchoir, etc., qui borne Tarène, le directeur du combat
arrête le duel, et, après avertissement, replace sur la limite celui
auquel cet accident est arrivé. Il fait ensuite reculer Tassaillant de
la mesure strictement nécessaire pour que les épées soient engagées
à 5 ou 10 centimètres de la pointe, en observant les précautions
indiquées pour la mise en garde au moment de la première reprise '.
Remarquons que si on adopte la mise en garde préconisée par
Château villard, ce mouvement de recul est un peu plus accentué.
Dans Tune ou Tautre hypothèse, il a pour but d'éviter le corps à
corps qui se produirait inévitablement sans cette précaution, tout
en sauvegardant, dans la limite du possible, les droits de Tassaillant.
Dans son livre le Jeu de l'épée, M. E. André, page 252, soutient
qu'il faut prévenir de Taccident qui le menace le combattant sur le
1. Voyez affaire Pons-Neveu-Saa Malato. Appendice iv* 76. — Tavernier, page 157
et suiy.
2. Voyez chapitre xivi.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 491
point d'être acculé, pour qu'il ne soit pas surpris trop brusquement.
Telle n'est pas notre opinion. Nouscroyons que cet avertissement
lai sera plus nuisible qu'utile, car il détournera son attention, qui
ne sera plus tendue que sur un point : ne pas dépasser le but.
Combien de fois Facte de franchir la limite peut-il se produire
sans eutralner la suspension de la lutte? Cette question doit avoir
été prévue, et sa solution dépend de raccord des témoins, mais il
existe des limites qui ne peuvent être excédées. Raisonnablement,
trois actes répétés nous semblent plus que suffisants pour motiver
la suspension du combat. La tolérance est naturellement d'autant
moindre que la surface du champ est plus grande.
Il peut se faire que le moment du repos sonne au beau milieu
deTacculement. Les choses se passent alors comme si ce dernier
incident ne s'était pas produit, c'est-à-dire qu'à l'instant précis où
doit se terminer la reprise d'après les conventions, le directeur du
combat arrête le duel, et le repos a lieu.
Après ce repos, les combattants sont replacés à l'endroit désigné
par le procès-verbal, sans que la règle : « le terrain conquis ne se
rend pas », puisse prévaloir contre la stipulation contraire, qui est
alors la loi des parties.
Il en est de même lorsqu'au moment fixé pour le repos il se
produit un corps à corps, un désarmement, une chute, un bris ou
un faussement d'épée.
Observons que si un des combattants franchit la limite du
champ, son adversaire n'est pas tenu de s'arrêter de lui-même, et
sans attendre le commandement des témoins. Il peut continuer la
lutte, car ce n'est pas à lui de juger s'il y a ou s'il n'y a pas incor-
rection. C'est à ceux qui dirigent et surveilleat le combat.
Hais aussitôt le signal donné, la cessation doit être Instantanée.
Cette éventualité se produira du reste rarement, car l'infraction est
si apparente que les témoins interviendront en temps utile.
CHAPITRE XXXI
Le corps à corps.
Le combat peut se compliquer de corps à corps, soit que cet
incident se produise dans une portion du champ autre que ses
extrémités, soit qu'il ait lieu à la limite de ce champ, et devienne
une conséquence de Tacculement.
49S PREMIÈRE PARTIE.
Celte éventualité ne saurait être négligée dans le procès-rerbal de
rencontre. Le corps à corps sera-t-il permis ou interdit? Les témoins,
s'il se produit, derront-ils s'abstenir de toute interrention ou deyronl-
ilsl'interrompreîTelles senties questions qui se posent tout d'abord.
Nous croyons qu'il faut y répondre négatirement, parce que le
corps à corps métamorphose la rencontre en une sorte de rixe
qui n*est autrr ^'Jiose que le duel au couteau, avec la seule différence
de la longueur des armes ; duel où les poitrines se heurtent, où les
membres s'entre-croisent, où les moufement sont désordonnés, où
la Tiolation des règles reçues et des conyentions stipulées ne peut
guère plus être é?itée que constatée.
Quelle responsabilité pour les témoins si pareil fait se produit
et entraîne mort ou blessure^ I
Les signes auxquels on reconnaît le corps à corps ne sauraient
être déterminés, théoriquement, d'une manière absolue. Cependant
on peut dire qu'il y a corps à corps lorsque les ad?ersaires sont
tellement rapprochés que les épées sont engagées jusque vers la
coquille, et comme l'indique l'expression même (corps à corps),
lorsque les antagonistes sont prêts de se toucher.
Le directeur du combat et les témoins sont tenus d'arrêter alors
immédiatement la lutte, non seulement par une intenrention rer-
bale, mais par une interrention manuelle si c'est nécessaire, en se
précipitant entre les antagonistes.
Il ne faut pas se dissimuler que cette partie de leur mission est
dangereuse et délicate ; dangereuse, car ils risquent d'être blessés;
délicate, car, si l'une des épées est immobilisée avant l'autre, il peut
arriver que Parme restée libre vienne frapper l'adversaire que rien
ne défend plus.
C'est ainsi qu'au mois de mai 1892, le maréchal des logis
Beaumalou a été tué à l'École militaire.
Le maître d'armes voulut parer un coup dangereux porté par
Beaumalou. Il releva Pépée de ce dernier, et le court espace de
temps pendant lequel il le mit hors de défense sufût pour que son
adversaire le frappât mortellement.
La difficulté de relever les deux épées précisément à la même
seconde constitue du reste l'argument principal, et non sans valeur,
des personnes qui autorisent le corps à corps.
Une fois le corps à corps arrêté, les adversaires sont replacés à
1. Voyez affaire Drumont-Meyer, Gazette des Tribunaux, 27 juin 1886. Appendice
no 77. — Contra. Voyez G. Jollivet, PEscrime et te duel, page 217. — Emile André,
le Jeu de l'épée, page 228.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 493
Tendroit qu'ils occupaient au moment où la lutte a été arrêtée. Le
terrain conquis ne se rend pas.
Les précautions indiquées chapitre xxyi pour la mise en garde
sont de rigueur cette fois encore.
CHAPITRE XXXII
Le désarmement.
Le combat doit être interrompu lorsqu'il y a désarmement.
Un combattant est réputé désarmé, lorsque son épée est visible-
ment sortie de sa main.
Tant que l'épée n*a pas quitté la main, le combattant n'est pas
considéré comme désarmé, bien que Tarme vacille entre ses doigts.
Le tireur qui a désarmé son adversaire s'arrête net sans porter
de coup et sans attendre le commandement des témoins. Il rompt
et garde la position défensive, jusqu'à ce que l'épée ait été ramassée
et que le directeur du combat ait donné le signal d'une nouvelle
reprise.
u Dans Fardeur du combat, dans une riposte du tac au tac,
écrit Gbateauvillard, il peut arriver qu'on n'ait pas le temps de voir
que son adversaire est désarmé. Nous avons donc ajouté le mot
« visiblement ».
« Lorsqu'il a pu être visible pour le combattant que son adver-
saire est désarmé, il doit, sans attendre la voix des témoins, rompre
en garde et s'arrêter. Et si les témoins ont pu voir que l'épée était
sortie de la main avant la riposte, le combattant armé doit s'en
être aperçu, et s'il a touché son ennemi il a agi contrairement aux
règles établies.
« S'il était fait en cela de plus larges concessions, on unirait
par frapper son adversaire lorsque son épée serait à terres »
C'est le temps et la position qui doivent établir le jugement des
témoins. Ils ne s'en rapporteront donc qu'à eux seuls pour juger
cette importante question.
Dans l'hypothèse que nous étudions, plus encore que dans celles
que nous venons de traiter, le devoir des témoins et du directeur
du duel est d'arrêter instantanément la lutte, puisque le combat-
1. Chateauvillard, chapitre v, articles 17, 18 et page 108.
43
^ .■-'!-'- -
494 PREMIEHE PARTIE.
lant désarmé se trouve absolument, et sans défense possible, à la
merci de son adversaire.
Le combatlantqui cherche â frapper son adversaire visiblement
désarma, ou le frappe, commet un acte déloyal molivant disqualifi-
cation et susceptible d'être déféré aux tribunaux.
Le comhaltaut désarma doit exécuter, aussitôt après, un bond
en arrière, le plus rapidement possible, el sans attendre l'inlerven-
lion des témoins ou du directeur du combat.
II n'essaye pas de ramasser son arme. Celte charge incombe à
ceux qui l'assistent.
Il atlend hors de portée qu'on le remette en garde. Cotte remise
en garde est opérée de la manière indiquée, chapitre xwi, pour le
premier acte du duel, et à l'endroit occupé par les combaltaols à
l'instant où le désarmement s'est produit.
Cette fois encore, le terrain perdu ne se rend pas.
Du moment que le combattant qui a désarmé sou adversaire
est tenude s'arréterspontauémcut, du momeut que, s'il ne le fait
pas, il se rend coupable d'une félonie, il en résulte que le combat-
tant désarmé ne contracte vis-i'i-vis de lui aucune dette de recon-
naissance, car il n'a fait qu'accomplir un devoir strict. 11 ne peut
invoquer, par conséquent, son altitude comme une générosité, pour
obtenir le changement ou l'abandon d'nne condition qu'il considère
comme lui étant préjudiciable.
Le procès-verbal doit être exécuté dans son entier, comme si le
désarmement n'avait pas eu lieu '.
CHAPITRE XXXIII
Le bris et le faussement d'é]
Le combat doit titre interrompu pour cause du bris ou du faus-
sement d'une des épées.
Deux cas peuvent se présenter eu pareille occurrence :
1' Si les paires ont été tirées au sort, à moins de stipulation
contraire, on met de côtéla paire dépareillée, et on prend celle que
le sort n'a point choisie.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEU 195
Si le même accident se présente une seconde fois» la rencontre
doit être remise» à moins qu'il n'ait été convenu que les armes
restant en bon état seraient tirées au sort, ou que chaque combat-
tant prendrait celle qui lui appartient.
2^ Si chacun des adversaires est autorisé à se servir de ses
armes» l'épée faussée ou brisée est remplacée par une seconde de la
même paire. Les deux antagonistes continuent, par conséquent, à
user de leurs propres armes.
C'est surtout en cas de bris ou de faussement d'épée que la
contre- visite des adversaires s'impose, pour peu qu'il y ait doute
sur la cause de l'accident qui peut résulter d'une ceinture ou d'une
cuirasse. Le refus de cette visite entraîne forcément arrêt définitif
du duel, procès-verbal et disqualification ^
Le combattant qui s'aperçoit que l'épée de son adversaire est
brisée doit s'arrêter spontanément et immédiatement, puisque son
adversaire ne tient plus à la main qu'un tronçon inoffensif. Il reste
sur la défensive et indique le pourquoi de sa retraite.
II agit de même en cas de faussement.
Pour plus amples détails, voyez notre chapitre xxxvi.
S'il continue le combat et cherche à frapper son adversaire,
il viole les règles du duel, et cette violation peut devenir félonie.
Aussitôt après le réarmement des adversaires, ils sont replacés
à l'endroit précis qu'ils occupaient au moment de l'incident, et les
précautions indiquées chapitre xxvi pour la mise en garde sont
appliquées.
Le terrain conquis ne se rend pas.
CHAPITRE XXXIY
La chute.
Il n'est pas plus permis de frapper un ennemi tombé à terre
qu'à celui-ci d'essayer, pendant qu'il est dans cette position, d'at-
teindre son adversaire, ou de se relever et de le charger.
Tous deux sont tenus de cesser le combat spontanément, et
d'attendre que les témoins les remettent en garde et que le signal
soit donné pour recommencer la lutte. S'ils ne le fout pas, ils
1. Voyez affaire Ollivier-Feulherade, Gazette des Tribunaux, 4 août 1876. Âppea-
dice n« 79.
196 PREHIËRB PARTIE.
violent les règles du duel et commclteot une iofraetioa qui peut
être considérée comme une félonie.
Du reste, les témoins doivent intervenir et arrêter le combat à
l'instant même où la chute se produit.
Où commence l'instant de la cliule véritable? Quel est le
moment précis oii cesse pour l'adversaire le droit de continuer?
Question d'autant plus délicate que le petit inlerralle pendant
lequel il hésite, en se dc^mandant ce qu'il doit faire, peut lui être
fatal, si cet accident n'est qu'une feinte, ou s'il est assez incomplet
pour permettre à qui le subit de reprendre l'attaque en même
temps que son aplomb.
Nous croyons que le combat doit cesser au moment où le com-
battant qui tombe a touché terre, mais qu'il peut contiiuier pen-
dant la période d'oscillation.
Il y a là une question de fait qui est de la compétence des
témoins. Du reste, mieux vaut cent fois pour le duellisic resté debout
laisser échapper, en cas de doute, l'occasion d'un coup d'épée heu-
reux, que risquer de commettre un acte dont la loyauté peut être
discutée.
Est-il nécessaire d'insister sur le soin avec lequel les témoins
doivent surveiller la lutte, de manière à intervenir au moment
précis où la chute est visible et appréciable? Ils le comprendront
en songeant qu'une seconde de retard peut causer un malheur irré-
parable.
Jamais la chute ne doit être permise comme feinte, Ea effet, da
momeni que la chute véritable impose au combattant resté debout
l'obligation de s'arrêter, cette prohibition devient nécessaire, et ia
feinte de chute constitue an acte déloyal, parce qu'elle induit en
erreur celui qui en est témoin, et le livre pour ainsi dire désarmé
à la botte qui suit la feinte.
Le coup qui consiste à se mettre à genoux ou à s'aplatir, une
main posée à terre et servant de point d'appui, pendant que l'autre
cherche à toucher en ligne basse, n'est donc plus autorisé. Mention
de ces défenses doit être insérée au procès-verbal '.
C'est une légère restriction apportée au droit, que nous ayons
reconnu aux combattants, d'évoluer à leur gré pendant le duel. Ils
conservent celui de se baisser, mais il est subordonné à la condi-
tion que ce mouvement ne puisse pas être pris pour une chute.
Lorsque le combat recommence, les adversaires sont replacés à
l'endroit précis qu'ils occupaient au moment de l'accident, et les pré-
cautions énoncées chapitre xxvi pourlamise en garde sontde rigueur.
1. Conrorménieot, voyei TtTernier, page 175.
OFFENSES, — RÈGLES DU DUEL. 497
CHAPITRE XXXY
La blessure.
La blessure est généralement répilogue du duel. Les témoins
se pénétreront de ce principe, c'est qu'ils doivent arrêter les com-
battants aussitôt qu*ils croient que la pointe de l'épée adverse a
frôlé une partie du corps de l'un d'eux, et employer tous les moyens
possibles afin d'arriver à ce résultat. Ils y sont tenus quand bien
môme cette intervention mettrait leur vie en danger.
Il arrive que, dans la chaleur du combat, le blessé ne sent rien;
souvent aussi la plaie ne saigne guère ou même ne saigne pas du
tout. Les témoins doivent cependant voir que le coup a porté et
Intervenir aussitôt. Ils n'ont pas le droit d'être aveugles.
Que de fins tragiques survenues pour des querelles insigni-
fiantes, à la suite de blessures qui auraient mis fin au combat si
les témoins s'en fassent aperçus ^
Le combattant qui croit avoir blessé son adversaire doit rompre
aussitôt, en se tenant en garde sur la défensive et en disant :
« Je crois avoir touché. »>
Le blessé doit en faire autant, le plus rapidement que son état
le permettra, et en articulant à haute voix le mot « touché ».
Dans ces deux occurrences, celui qui est intact ne peut plus
attaquer, mais seulement parer et riposter, si le blessé ne s'arrête
pas immédiatement. Toutefois, cette défensive n'est obligatoire que
pendant quelques secondes, car le fait de ne pas s'arrêter immédia-
tement après l'annonce de la blessure équivaut pour le blessé à
son assentiment de continuer*.
On fait une objection à ce système.
Vous allez vous trouver, disent les adversaires, en présence de
deux éventualités : d'abord en présence d'un individu qui, ayant vu
la blessure qu'il a faite, continuera une passe d'armes qu'il croira
devoir lui être favorable, et qui prétendra ne s*être aperçu de rien
dans la chaleur de la lutte. Gomment découvrirez-vous son men-
songe? Quelle sanction appliquerez-vous ?
i. Voyez affaire BeU-Pierrotti, Gaxette des Tribunaux, \0, 17, 18 décembre 1889*
Appendice n« 80.
3. Cooformément, voyez Chatcauyillard, chapitre v, article 20 et page 109. —
Ta?crnier, pages 177 et suiv.
/;_;•: -
198 PREMIÈRE PARTIE.
Ou bien vous vous trouverez en présence d'un blessé qui, par
respect humain» ne Toudra pas annoncer qu'il est touché, de peur
qu'en signalant une lésion peu grave il ne semble vouloir esquiver
une prolongation du duel. Gomment prouverez-vous qu'il a volon-
tairement gardé le silence?
Nous sommes les premiers à reconnaître qu'en matière de for
intérieur, il peut y avoir des présomptions» mais non des preuves
tangibles. Nous ne proposerons donc qu'un simple palliatif. Il con-
siste dans Tinsertion au procès-verbal d'une clause stipulant que les
blessures reçues ou portées seront annoncées.
La solennité d'un tel engagement d'honneur empêchera celui
qui aura frappé de continuer une lutte inégale. L'obligation morale
qui en résultera enlèvera au blessé la crainte de paraître céder à un
sentiment pusillanime ^
Le directeur du combat et les témoins ne doivent, du reste, pas
avoir besoin de l'avertissement des acteurs pour arrêter la lutte par
une intervention effective.
Une fois le combat arrêté, si le blessé continue à croiser le fer
avec précipitation et se jette sur son adversaire, cela équivaut
encore à son assentiment de continuer. L'adversaire peut reprendre
l'offensive.
Si, après le duel arrêté, le combattant demeuré intact se jette
sur le blessé et essaye de le frapper, il y a félonie entraînant arrêt
définitif.
Aussitôt que le combat est arrêté, les médecins s'approchent sur
rinvitationdes témoins, examinenlla blessure et donnent leur avis*.
Si, malgré la blessure, la lutte doit recommencer, les formalités
indiquées chapitre xxvi pour la mise en garde sont de rigueur.
Le procès-verbal stipulera si le champ sera rendu, ou si les
combattants reprendront les places qu'ils occupaient au moment où
le combat a cessé. Nous croyons que, dans le cas actuel, il vaut
mieux les remettre au milieu de Parène, parce qu'élant donné l'état
d'infériorité dans laquelle se trouve le blessé, il serait injuste de le
priver de la faculté de rompre largement, faculté si précieuse dans
sa position.
Si le combat recommence, le blessé est libre de demander tous
les repos dont il a besoin. Le directeur veille avec sollicitude sur
lui, et fait cesser définitivement la lutte si la blessure se rouvre ou le
met dans un état d'infériorité par trop grand.
1. Nous avons trouvé dans Gelli et Ângelini, auteurs italiens cités chapitre lxxxi..
la même doctrine enseignée.
2. Relativement à la valeur de cet avis, voyez notre chapitre xxii.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 499
CHAPITRE XXXVI
Devoirs des témoins et des adversaires dans les cas prévus
chapitre xxvm et suivants.
Au risque de nous répéter, nous croyons utile de réunir en un
seul chapitre les prescriptions relatives aux obligations des témoins
et des adversaires en cas de repos, d'acculement, de corps à corps,
de bris ou de faussement d'épée, de désarmement, de chute et de
blessures.
Dans tous ces cas, les témoins doivent arrêter le combat aussitôt
que l'incident se produit, en criant : « Arrêtez I » ou « Halte ! )> et en
se précipitant entre les antagonistes, à leurs risques et périls.
Les combattants sont tenus de cesser la lutte dans les huit cas
précités^ à l'instant oii les témoins commandent « Halte! » ou
« Arrêtez! » Nul prétexte ne peut les en empêcher.
Hais là ne se bornent pas leurs devoirs. D'autres leur sont
imposés si, pour une raison quelconque, le commandement des
témoins se fait attendre.
Dans certains cas, ils sont obligés de continuer la lutte. Dans
certains autres, ils sont obligés de l'interrompre spontanément.
Quelquefois enfin, bien que les règles strictes du duel ne les
obligent point à prendre ce dernier parti, la délicatesse et le soin
de leur honneur doivent le leur faire adopter.
1" Ils sont obligés de continuer la lutte jusqu'à lintervention
des témoins, sans avoir le droit de Vinlerrompre volontairement, en
cas de repos, d'acctilement et de corps à corps.
En eSét, les témoins seuls ont qualité pour mesurer la durée
des reprises et pour contrôler si les limites ont été franchies, ou si
le corps à corps est assez intime pour motiver Tinterruption du
duel.
2** Ils sont tenus de cesser la lutte spontanément, et satis
attendre l'intervention des témoins, en cas de désarmement, de bris
d'épée et de chute, parce qu'en semblable occurrence, le combat-
tant qui s'arrête n'a rien à redouter d'un adversaire incapable de le
frapper pendant un certain laps de temps.
SOO PREMIÈRE PARTIE.
3^" Le cas de faussement d'épée et celui de blessure demandent
à être examinés séparément, car, pour avoir été blessé oa aroir
eu son épée faossée, le combattaut auqael arrivent ces accidents o*en
reste pas moins armé et présentant un certain danger à son anta-
goniste.
Écoutons Ghateauvillard : « S11 est dans le devoir de la cour-
toisie de s'arrêter si vous avez blessé votre adversaire, ou s'il vous
crie que vous êtes* blessé, et dans cette conviction se tient moins
bien sur ses gardes, ce n'est pas dans la stricte loi du duel de cesser,
car le combat ne doit être arrêté que par la voix des témoins. En
effet, ne peut-il pas se présenter le cas où un ad versaire de mauvaise
foi, vous criant qu'il vous a touché, profiterait de votre hésitation
pour vous frapper? » Pour résoudre le problème, il faut trouver no
moyen terme, qui, tout en assurant la sécurité du combattant qui
interrompt la lutte, lui évite de commettre un acte qui ne viole pas
à la vérité la stricte loi du duel, mais qui n'en est pas moins incor-
rect et blâmable, pour peu qu'on se place sur le terrain de la délica-
tesse et de l'honneur.
Nous croyons que la solution est celle-ci :
En cas de faussement d'épée, celui qui s'aperçoit de l'accident
ou entend son adversaire l'annoncer ; en cas de blessure, celui qui
croit avoir touché ou; entend son adversaire l'annoncer, celui-là,
disons-nous, doit, selon les règles de l'honneur bien compris (pour
nous servir des expressions de Ghateauvillard), rompre vivement,
en restant en garde, en conservant la défensive, et en annonçant
le pourquoi de sa retraite, si c'est lui qui s'est aperçu du faussement
ou de la blessure.
Il ne peut plus attaquer, mais seulement parer ou riposter, en
rompant vivement, si l'autre partie ne Timite pas dans son arrêt et
continue à l'attaquer. Le droit de riposter lui est accordé, car, bien
que blessé ou armé d'une épée faussée, son adversaire n'en est pas
moins resté dangereux.
Bien entendu, ce droit lui est refusé si le faussement met l'épée
hors de service, et ne la rend plus dangereuse. Toutefois, cette défen-
sive n'est obligatoire que pendant quelques secondes, car l'acte de
ne pas interrompre immédiatement équivaut pour celui dont Tépée
est faussée, ou qui a reçu une blessure, à son assentiment de con-
tinuer*.
Dans cette occurrence, son adversaire reprend le droit d'atta-
quer jusqu'à rintervention des témoins. Agir autrement nous
semble gros de périls en cas de poursuites, de soupçons injurieux
1. Voyez ChateauYiUard, chapitre v, article 20 et page 100.
OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. 204
et de dbmmeDtaires malveillâDts. Dans le cas même où la justice
n'inteiriendrait pas, noas répétons ce que nous avons déjà dit :
il vaut infiniment mieux manquer l'occasion de placer an coup
d'ëpée heureux que de risquer un acte d'une moralité douteuse.
Un dernier conseil. Toutes les fois que le duel est interrompu
pour une raison quelconque, le combattant qui a encore Tépée à la
main doit, au lieu d'en baisser la pointe à terre et de rester immo-
bile, rompre de quelques mesures, se tenir sur la défensive et con-
server son arme la pointe en ligne, prête à repousser un retour
offensif*.
Le combattant qui a lâché son épée, dont l'épée est brisée ou
faussée, n'ayant plus que ses jambes comme préservatif, en usera
pour mettre aussitôt le plus d'intervalle possible entre son adver-
saire et lui. Il peut le faire sans scrupule : ce n'est pas fuir.
1. Voyez affaire Mermeix-dc La Bruyère, le National, 9, 10, 1i septembre 1890.
Appendice noSl.
CONDITIONS SPÉCIALES AU DUEL AU PISTOLET.
Au lieu de se prononcer pour l'épt^e, si l'offensé choisît le pis-
tolet, les témoins doivent irailer d'abord les questions relatives :
au choix du duel, — au chois des distances, — au délai accordi^
pour tirer, — au coup raté.
Une fois d'accord sur ces points généraux, ils s'occupent du
choix ou de l'adoption des pistolets, et des questions qui s"y ratta-
chent; par exeniple, des fraudes qui peuvent être commises à celte
occasion, — du chargement, — du choix d'un terrain propice, — du
tirage au sort des places, — de la toilette et de la visite des combat-
tants.
Ils terminent enfin par la stipulalion des conditions spéciiiles à
l'espèce de duel qui a élé désigné, et les insèrent au procès-verbal,
à la suite de celles que nous venons d'éuumérer.
CHAPITRE XXXVII
Choix du duel.
Responsabilité des témoins à raison de ce choix.
Le ckoix du duel doit être fait parmi les duels légaux, écrit
Chateauvillard, chapitre premier, article 12.
Si nous faisons l'application de cette règle au duel aa pistolet,
nous voyons :
r Que celui ou ceux auxquels appartient le choix du duel
(témoins en cas d'offense simple, offensé en cas d'offense grave ou
de voies de fait) ne peuvent l'exercer en dehors de la liste des ren-
contres admises comme légales, sous peine de le voir rangé dans la
catégorie des duels exceptionn^s et r^usé;
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. Î03
2'* Que tout choix portant sur une des rencontres comprises
dans celte liste devient obligatoire et doit être acceptée
Les duels au pistolet considérés comme légaux sont au nombre
de sept. Ils se divisent en deux classes, d'après la corrélation qui
existe entre la manière dont le signal est donné et le laps de temps
imposé aux adversaires pour tirer.
La première classe comprend les duels au visé, qui se subdi-
visent en duels au visé de pied fei*me à tir successif, — au visé de
pied 'ferme à volonté, — au visé à marcher, — au visé à marche
interrompue, — au visé à lignes parallèles,
La seconde classe comprend le duel au signal et le duel au
commandement.
Le duel au signal présente cette particularité qu'il peut être
refusé si Toffensé ne Test pas avec voie de fait*.
L'énumération que nous venons de faire embrasse les ren-
contres au nombre de six, indiquées par Ghateauvillard dans son
chapitre vi, et un nouveau duel non cité par lui, le duel au com-
mandement.
Bien que certains combats parmi les six premiers soient tombés
en désuétude, nous les reproduisons.
En effet, si nous empruntons à Ghateauvillard la règle d'une
importance capitale, en vertu de laquelle roffensé avec injure grave
ou voie de fait impose à l'agresseur le duel de son choix, nous
sommes obligé de lui emprunter aussi la liste des combats parmi
lesquels ce choix doit être opéré.
Toute élimination aurait pour résultat de frustrer Toffensé d'un
privilège important qui lui appartient de droit. Du moment, en
effet, que l'agresseur ne serait pas lié par une règle précise, ayant
force de loi, il s'autoriserait de cet exemple pour refuser le combat
qui lui déplairait, sous prétexte qu'il est démodé.
Reste le duel au commandement, non traité par Ghateauvillard.
Il est la reproduction du duel au signal sous une forme moins
compliquée et plus facilement exécutable.
Nous avons indiqué, chapitre premier, en traitant de l'autorité
qui est attachée à Fusage, les raisons qui lui ont fait accorder droit
de cité parmi les autres rencontres légales ; nous n'y reviendrons
pas. Rappelons seulement que ce mode de combat est de beaucoup
le plus usité à notre époque. Sur vingt duels au pistolet, il y en a
bien dix-huit qui sont au commandement. VAnnuaire du duel est
là pour le démontrer.
i. Voyez notre chapitre vu.
2. Voyez Ghateauvillard, chapitre iv, article 1 1 .
i _
S04 PREMIÈRE PARTIE.
Responsabilité des témoins à raison du choix du duel.
La question du choix du duel est intimement liée à celle de la
responsabilité des témoins. On comprend qu'après une rencontre
suivie de mort ou de blessure grave, le mode de combat qui a pro-
duit ce résultat ne saurait passer inaperçu. En pareil cas, Topinion
publique et les tribunaux demandent aux témoins comment ils ont
rempli cette partie de leur mission, et font entrer ce point essentiel
en ligne de compte.
Mais leur responsabilité varie suivant que ce sont eux qui ont
été appelés à choisir le duel, ou que c'est r offensé qui a joui de cette
prérogative.
Dans le premier cas, leur responsabilité sera naturellement
plus grande, puisqu'un libre arbitre complet leur aura été laissé, et
que rien ne les a empêchés d'adopter le mode de combat le mieux
approprié à Taffaire qu'ils devaient conduire.
Dans le second cas, elle sera moindre, car ils ont dû subir une
condition qu'ils n'étaient pas mattres de changer.
Cette remarque faite, nous allons examiner quelle doit être la
conduite des témoins dans chacune de ces hypothèses.
l'* HYPOTHÈSE. — Lorsque les témoins choisissent le duel, la
première idée qui leur vient à l'esprit est de rechercher s'il existe
une règle indiquant par avance et à coup sûr le combat qu'ils
devront adopter.
Cette règle n'existe pas, et ne peut être formulée. Les motifs
susceptibles de faire pencher la balance varient en effet suivant la
nature ou l'importance de l'affaire, l'adresse des combattants et
maintes autres circonstances qu'il est impossible de prévoir. N'ou-
blions pas non plus que, si les témoins sont autorisés à veiller sur
leur sécurité, ce ne doit jamais être au détriment du client qu'ils
représentent.
Tout ce que nous pouvons faire est de leur indiquer les qualités
que le duel doit réunir pour être le meilleur, de leur montrer, en
procédant par comparaison, quel est celui des sept combats légaux
qui s'éloigne le moins du duel type, et de leur en conseiller
l'adoption.
Le plus parfait, selon nous, est celui qui égalise le mieux les
forces, qui est le plus court, le plus simple, le plus facile à conduire
et le moins dangereux.
Pour trouver le duel qui se rapproche davantage de cet idéal,
nous allons d'abord comparer entre elles les deux classes de duels,
puis nous comparerons entre eux les duels de chaque classe.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. J05
Comparaison de classe à classe.
Si nous comparons les duels au yisé de la première classe avec
le duel au commandement delà seconde, que nous prenons comme
type à l'eiclusion du duel au signal à peu près tombé en désuétude,
nous voyons que le duel au commandement se rapproche bien plus
que le duel au visé de l'idéal que nous cherchons.
II égalise mieux les chances, il est plus court, plus simple, plus
facile à conduire et moins dangereux.
Nous disons qu'il égalise mieux les chances.
En effet, la rapidité du commandement, l'obligation de faire feu
dans un laps de temps sacramentel et très court, la crainte de
dépasser le nombre trois et de violer la loi du combat, enlèvent au
tireur habile une somme de moyens plus considérable que ne font
les duels au visé, qui comportent un délai plus long et qui per-
mettent d'attendre, pour lâcher le coup, qu'il soit bien assuré.
Nous disons qu'il est plus court, plus simple et plus facile à
conduire.
Un parallèle détaillé nous conduirait trop loin. Contentons-nous
de renvoyer le lecteur aux chapitres qui traitent des règles particu-
lières à chaque espèce de duel. II verra que le commandement sup-
prime les contestations relatives au coup raté, au supplément de
délai accordé au blessé, à la primauté du tir, aux complications de
la marche, etc. Nous conseillons de l'adopter.
Gomparaiscn entre les daels de la môme classe.
Si après avoir comparé les duels au visé et le duel au comman-
dement, c'est-à-dire les deux classes de duel, nous comparons les
duels de chaque classe, d'abord au point de vue de l'équilibre des
chances, nous croyons que le combat de pied ferme à volonté et
les divers combats à marcher présentent à peu près le même avan-
tage. Pour tous le feu est à volonté.
Nous voyons, au contraire, que le combat de pied ferme à volonté,
tel que nous le comprenons, l'emporte sur le combat à tir successif,
par la raison que, dans le premier, la brièveté relative du délai et la
vue d'une arme menaçante enlèvent au duelliste, môme habile, une
plus grande somme d'avantages que si, tirant le premier et confiant
dans sa force, il vise froidement un homme désarmé, victime assurée
de son adresse.
Si nous comparons les duels au visé, au point de vue de la sim-
plicité et de la facilité de direction, et si nous mettons d'abord en
»».. .
t06 PREMIÈRE PARTIE.
parallèle le duel de pied ferme à yolonté ayec le duel à tir saccessif,
nous ToyoDs qae le premier supprime les difficultés relatiyes à la
primauté du feu, qu'il est plus rapide et nécessite moins de calculs.
Nous Toyons qu*il diminue la cruelle attente du patient, obligé de
subir le bon plaisir de son antagoniste, pendant un espace de temps
relativement interminable lorsque le duel est à tir successif.
Rappelons aux témoins, à ce propos, que s'ils sont poursuivis à
raison d'une mort ou d'une blessure survenue dans cette dernière
condition, ils auront à compter avec la répulsion instinctive qui
s'attacbe à un genre de rencontre absolument délaissé à notre
époque, et paraîtront devoir encourir une responsabilité plus grande
que si le feu a été volontaire.
Si nous comparons entre eux les duels ft marcher, toujours au
même point de vue de la facilité de leur direction, nous voyons que
le duel à marche interrompue est plus embarrassant pour les
témoins que le duel à marche pure et simple.
En effet, ils ont ft présider, non plus à une marche en ligne
droite, mais à une marche en zigzag, limitée dans le sens de la lar-
geur comme dans le sens de la longueur, et partant moins facile à
surveiller.
Nous voyons que le duel ft lignes parallèles arrive dernier, car
à tous les inconvénients signalés plus haut, il joint celui d'être
presque aussi dangereux pour les assistants que pour les acteurs
eux-mêmes.
Si nous comparons entre eux les duels de la deuxième classe,
c'est-à-dire le duel au signal et le duel au commandement, nous
comprenons vite la raison qui a fait délaisser le premier, en son-
geant qu'il entraîne robligation d'une simultanéité absolue entre
les feux et le dernier coup frappé, et partant le déshonneur si cette
condition n'est pas mathématiquement exécutée.
Pour tout résumer, nous conseillons en première ligne l'adoption
du duel au commandement, en seconde ligne Vadoption du duel à
volonté. Nous mettons au troisième rang le duel à marcher.
Nous repoussons les rencontres à marche interrompue, et sur-
tout à ligne parallèle et au signal, comme dangereuses, trop com-
pliquées, ou d'une exécution trop difficile. Nous mettons au dernier
rang, pour les raisons indiquées plus haut, le combat au visé à tir
successif, gui occupait la première place il y a quarante ou cin-
quante ans.
2" HYPOTHÈSE. — Lorsqu'à raison du degré de l'offense qu'il a
essuyée, l'offensé choisit son duel, il peut se faire que ce choix porte
sur un mode de combat qui paraît aux témoins susceptible de
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. i07
compromettre leur responsabilité, ou de blesser leur conscience.
Il peut se faire, par exemple, qu'un homme connu pour sa force au
pistolet impose à un autre, dont la maladresse est notoire, un duel
à tir successif.
Quelle conduite devront-ils tenir?
Leur sera-t-il permis de se retirer?
A défaut de cette permission, leur sera-t-il au moins loisible
d'apporter certaines modifications au duel choisi?
Abordons d'abord la première question.
Les témoina peavent-Us se retirer?
Leur position est digne d'intérêt. Ils sont placés entre la légis-
lation civile, la législation pénale et la législation du point d'hon-
neur, auxquelles ils sont également soumis, et qui se trouvent, sur
ce point comme sur tant d'autres, en antagonisme complet.
En effet, la législation pénale et la législation civile, non con-
tentes de regarder le duel comme un acte délictueux, punissable
quant à ses résultats, et sujet à réparation, même quand Tégalité des
forces est absolue, considèrent cette inégalité comme une circon-
stance aggravante frisant la déloyauté, lorsque le combattant le
plus faible devient la victime du plus adroit.
Quand pareille éventualité se produit, les témoins deviennent
les boucs émissaires, et peuvent encourir une double responsabilité,
moins grande, avons-nous dit, que slls avaient, en cas d'offense
simple, choisi librement le duel, mais qui n'en existe pas moins^
Au contraire, la législation du point d'honneur considère le
duel comme une réparation dont l'agresseur contracte la dette en
même temps qu'il commet Toffense, et les témoins comme étant
chargés de veiller à ce que le payement de cette dette soit intégra-
lement et loyalement acquitté.
Elle dit à l'agresseur :
(( Vous avez commis une injure entachant gravement l'honneur
de M. X. Je lui accorde comme compensation le droit de vous impo-
ser Parme et le duel de son choix. Vous ne pouvez vous y soustraire,
si ce choix est fait entre les armes et les duels que je considère
comme légaux.
a En vain objecteriez-vous que vous n'avez jamais touché Tarme
qui vous est imposée, et que le duel vous est défavorable. Ces rai-
sons n'ont pas de valeur à mes yeux.
1. Voyez Revue de législation et de jurisprudence f année 1863. Du duel et en par-
ticulier de cette question : si Toffensé a un droit absolu au choix des armes.
208 PREMIÈRE PARTIE.
tt II fallait, ayant d'insulter, prévoir les conséquences d'un acte
que TOUS pouidez éviter. Subissez-les, puisque tous n'avez pas cm
devoir prendre le sage parti de l'abstention. Aujourd'hui il est trop
tard pour vous plaindre. Faites des excuses si le payement vous
effraye. »
Puis s'adressant aux mandataires de l'agresseur : « En accep-
tant le rôle de témoins, vous vous êtes obligés à assister votre client
dans toutes les conjonctures favorables ou défavorables qui résultent
de l'affaire dans laquelle il s'est lancé. Il serait malhonnête de
l'abandonner au moment où il a le plus besoin de vos services, alors
surtout que l'éventualité qui vous efiraye n'est autre chose que la
conséquence nécessaire du fait à raison duquel vous avez accepté
son mandat. »
A ceux de l'offensé : « Après avoir rempli tour à tour le rôle de
confidents et de conciliateurs, vous êtes tenus de remplir Toffice
d'avocats, afin d'obtenir pour celui dont vous avez la charge les
meilleures conditions possibles. Au lieu de maintenir avec opini&-
treté les prérogatives auxquelles sa position d'offensé avec injure
grave lui donnait droit, vous essayez de l'en frustrer. En ce faisant
vous violez ma loi! »
Gomment concilier des principes si opposés?
Gomment allier le désir bien naturel aux témoins de sauve-
garder leur responsabilité avec les obligations qu'ils ont contrac-
tées, moralement, vis-à-vis Tami qu'ils assistent?
Pour résoudre la question, pour décider si la retraite leur est
permise, il faut rechercher avant tout quels sont les termes du man-
dat qu'ils ont accepté.
Ont-ils accepté un mandat impératif? lissent obligés de suivre
la condition de leur client, c'est-à-dire de prêter leur concours au
duel qu'il impose ou qu'il subit.
Leur mandant leur a-t-il remis ses intérêts, en déclarant s'en
rapporter à la décision qu'ils prendront, et en promettant de la
ratifier ?
Une pareille confiance les oblige à agir vis-à-vis d'un ami si
plein de confiance en leur probité comme ils agiraient pour leur
propre cause, sans arrière-pensée et avec le sacrifice de leur sécurité
fait d'avance. Cette fois encore, mandataires et mandant s'iden-
tifient.
A-t-il été convenu que les mandataires et le mandant conser-
veraient leur indépendance?
Ils doivent faire tous leurs efforts pour amener la solution qu'ils
considèrent comme la meilleure ; mais si leurs conseils restent
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 109
inutiles, s'ils se heurtent à une impossibilité matérielle, s'ils ne
peuyent vaincre, par exemple, Topiniâtreté d'un offensé qui prétend
imposer un duel quj leur répugne, ils sont libres de se retirer en
motivant, s'il y a lieu, le pourquoi de leur retraite.
La publication d'un procès-verbal motivé peut, dans certains
cas exceptionnels et vis-à-vis certaines personnes, constituer un
moyen susceptible d*amener le récalcitrant à composition.
Arrivons à la deuxième question.
LoTBqae les témoins ne veulent ou ne peuvent pas se retirer,
quelle est la limite de leur droit en présence d'un duel qui leur
répugne ou dont ils redoutent les conséquences?
Sont-ils tenus, par le seul fait que ce duel est compris dans la
catégorie des duels légaux, d'appliquer à la lettre les règles tracées
par Chateauvillard dans les chapitres consacrés à chaque espèce de
combat ? Ne peuvent-ils essayer d'égaliser les chances et de dimi-
nuer leur responsabilité, en apportant certains changements à la
rencontre ?
L'obligation de suivre passivement les règles tracées par Cha-
teauvillard semble ressortir des prémisses que nous avons posées ;
mais, en y réfléchissant, on comprend qu'une distinction entre les
éléments essentiels et constitutifs du duel et ses parties accessoires
ne soit pas chose irrationnelle.
On sent que les règles principales, celles auxquelles on ne peut
toucher sans défigurer l'œuvre de Chateauvillard, doivent être con-
servées intactes, mais que certains détails sans importance capitale
peuvent être modifiés dans une mesure prudente.
Il ne faut point oublier, par exemple, que depuis la publication
de l'Essai sur le duel, c'est-à-dire depuis 1836, les pistolets ont été
perfectionnés comme portée et comme précision, et qu'en observant
servilement les règles tracées pour une époque où les armes étaient
inférieures, on augmenterait aujourd'hui les dangers de la ren-
contre.
Nous avons enseigné, chapitre premier, que les témoins étaient
libres d'élaguer certaines efflorescences inutiles, mais à condition
que les stipulations nouvelles ne changent rien au titre et à la
substance du duel que Toffensé a choisi comme lui étant favorable,
mais qu'elles constituent plutôt une interprétation des règles de Cha-
teauvillard que leur abrogation.
Il faut surtout qu'elles rendent effectivement le combat moins
dangereux et plus facile à conduire, puisque tel est le but poursuivi.
Supposons, par exemple, que Toffensé impose le duel à marcher.
44
240 PREMIÈRE PARTIE. '^
Les témoins ouvrent le liyre de Ghateaavillard et cherchent le
chapitre qui lui est consacré.
Supposons qu'après lecture faite, ce genre de rencontre les
effraye. Quelles parties seront-ils tenus de conserver intégralement?
Quels détails peuvent-ils supprimer?
Ils sont tenus de marquer, entre les points extrêmes de la
dislance fixée, deux lignes intermédiaires destinées à limiter la
marche. Impossible de l'éviter. Mais ils peuvent, si l'offensé n'a
pas aussi le choix des distances, prendre celle de vingt pas, qui est
la limite maxima, comme intervalle entre les lignes intermédiaires.
Ils ne peuvent ni stipuler que la marche sera en zigzag, bien
que cette marche présente plus de difficulté pour viser, ni permettre
que les adversaires tiennent leur arme horizontalement pendant la
marche. En effet, dans le premier cas, cette condition complique la
surveillance du duel, et demeure la caractéristique de la rencontre
à marche interrompue. Dans le second, l'obligation de maintenir le
pistolet vertical est une gène, qui diminue la précision et la rapi-
dité du tir.
Ils ne peuvent forcer celui qui a essuyé le premier feu à s'ar-
rêter aussitôt pour tirer, car cette station forcée est encore une
particularité du duel à marche interrompue, tandis que la faculté
d'avancer jusqu^à la limite est une condition du duel à marche
ordinaire. xMais ils ont la ressource de fixer un laps de temps rela-
tivement court et obligatoire pour l'échange des deux balles, au
lieu de permettre aux adversaires, comme le fait Chateauvillard, de
tirer le premier coup à volonté, et d'accorder à celui qui a été
manqué un espace de temps relativement long pour riposter. Celte
diminution de délai atténue encore le danger de la rencontre.
Ils peuvent interdire le duel avec deux pistolets remis à chaque
adversaire, et la continuation de l'affaire aussitôt après l'échange
des premières balles.
Ce droit de modification admis, si le lecteur veut connaître les
changements qui peuvent être faits aux autres duels légaux, il se
reportera aux différents chapitres consacrés par nous à chacun en
particulier, et leur fera l'application des règles précédentes.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 244
CHAPITRE XXXVIII
CShoix des distances.
Nous sarons que le choix des distances appartient aux quatre
témoins, en cas d'offense simple et d'injure grave; à l'offensé, en
cas de voie de fait.
Faut-il en conclure qu'offensé et témoins puissent choisir la
distance qui leur convient ?
Évidemment non. Tout le monde comprend la nécessité d'une
limite minima, destinée à empêcher le duel à bout portant avec un
furieux, duel réprouvé par la législation du point d'honneur, et la
nécessité d'une limite maxima, capable d'éviter ia ridicule exagé-
ration en sens inverse d'un homme trop prudent.
Ghateauvillard, chapitre vi, a déterminé, pour chacun des six
duels qu'il considère comme légaux, les distances auxquelles les
adversaires doivent être placés et doivent tirer. Nous allons les lui
emprunter :
1** Pour le duel de pied ferme, au visé, à tir successif, la distance
minima est de 15 pas et la dislance maxima de 35, qui, réduites
en mètres, font 12 et 28 mètres;
2» Pour le duel à marcher, la distance minima est de 35 pas et
la distance maxima de kO pas, qui, réduites en mètres, font 28 et
32 mètres, avec lignes tracées également entre ces deux distances
et éloignées l'une de l'autre de 15 à 20 pas, ce qui fait, en mètres,
12 à 16 mètres;
3" Pour le duel à marche interrompue, la distance minima est
de ^5 pas et la distance maxima de 50, ce qui fait, réduit en mètres,
36 et 40 mètres, avec lignes tracées également entre ces deux
distances, et éloignées l'une de l'autre de 15 à 20 pas, ce qui fait, en
mètres, 12 et 16 mètres;
4» Pour le duel à lignes parallèles, deux lignes parallèles sont
tracées à 15 pas l'une de l'autre, ce qui fait, en mètres, 12 mètres.
Elles ont chacune une longueur égale qui varie entre 25 pas et
35 pas, ce qui fait, en mètres, 20 ou 28 mètres;
5« Pour le duel ati signal, la distance est de 25 pas au minimum
et de 35 pas au maximum, ce qui fait, en mètres, 20 et 28 mètres.
Dans le cas où les distances ne seraient pas soumises au droit
r .1 .«. .
S4l . PREMIÈRB PARTIE:
de l'oflensé, où elles seraient discutables, il peut être pris un terme
moyen entre les distances prescrites ft chaque dueP.
La même faculté appartient, à plus forte raisonna Toffensé lors-
qu'il est en droit de désigner la distance. Donc point de contestation
possible en ce qui concerneles cinq rencontres énumérées plus haut.
Restent le duel à Yolonté et le duel au commandement.
Cbateauvillard n'indique qu'une distance pour le duel au visé
de pied ferme à volonté, celle de 25 pas (voyez page 38). Impossible,
par conséquent, de prendre un terme moyen, comme le prescrit le
paragraphe 3 de la page 111, et de concilier son texte ayec celui de
l'article unique consacré, page 38, au duel à volonté.
Faut-il interpréter l'omission d'une deuxième distance comme
un oubli? Faut-il s'en tenir à la lettre de Tarticle spécial consacré
au duel à volonté, et admettre une distance unique, celle de 25 pas?
Devons-nous, au contraire, considérer cette distance comme étant
une distance minima, et emprunter au duel à tir successif celle de
35 pas comme distance maxi ma?
Écartons d'abord l'hypothèse d'un oubli, qui nous semble inad-
missible en présence des collaborateurs si nombreux sous les yeux
desquels le livre a passé.
Restent les deux autres systèmes.
Ils reposent l'un et l'autre sur une interprétation de Particle
unique, consacré, page 38, au duel à volonté, combiné avec l'ar*
ticle 8 du duel à tir successif.
Que dit l'article consacré, page 38, au duel à volonté? « Les
choses se passent comme dans le duel précédent, si ce n'est que,
dérogeant à l'article 8 du duel à tir successif, les combattants sont
placés à 25 pas, dos à dos, que le signal est donné, et qu'alors ils
se retournent et font feu à volonté. »
On voit que Tarlicle 8 du duel à tir successif est formellement
abrogé.
Les partisans du premier système prétendent que cet article 8
traite précisément du droit accordé à l'offensé avec voie de fait de
choisir la distance de 35 pas comme distance maxima. Ils en con-
cluent que la dérogation dont 11 est question page 38 porte sur ce
droit, sur cette distance, qu'elle empêche de faire aucune assimi-
lation sous ce point de vue entre les deux duels, et que l'injonction
de placer toujours les adversaires à 25 pas ne comporte aucune
interprétation restrictive ou extensive.
1. Voyez Chateauvillard, Remarques sur les duels au pistolety page 111, para-
graphe 3.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 843
Les partisans du deuxième système objectent que l'article 8 ne
consacre pas pour Toffensé avec yoie de fait le droit de fixer la
distance à 35 pas, car ce droit lui est accordé formellement par
Tarticle du même duel combiné avec l'article 11, chapitre premier,
de VEssai sur le duel, mais qu*il détermine seulement les consé-
quences entraînées par le choix de la distance de 35 pas opéré par
Toffensé avec yoie de fait relativement à la primauté du tir.
D'après eux, l'article unique du duel à volonté, page 38,
n'abroge que les dispositions relatives à l'ordre et à la primauté
du tir, et ne touche pas à la distance, qui est réglementée par
l'article premier du duel à tir successif et fixée au maximum de
35 pas.
Pour notre part, nous nous arrêtons à la distance unique de
25 pas ou, en mètres, 20 mètres, parce que la règle formulée
page 111, paragraphe 3, est une règle générale, qui admet des
exceptions; parce que cette exception est faite en termes précis:
(( les combattants seront placés à 25 pas », dans Tarticle unique
consacré au duel à volonté ; parce qu'en nous plaçant au point de
vue de la diminution du danger, qui est le but visé, nous voyons
que si l'interdiction de porter la distance de 25 à 35 pas, c'est-à-
dire de l'étendre de 10 pas, augmente le danger, l'interdiction de
rabaisser de 25 ft 15 pas, c'est-à-dire Tinterdiction de la diminuer
de 10 pas, atténue le danger et produit compensation.
Donc, pour le duel à volonté, nous reconnaissons une distance
unique de 25 pas ou 20 mètres.
Nous n'avons plus à nous occuper que du duel au comman-
dément pour épuiser la liste des distances applicables à chaque
duel légal.
Ghateauvillard ne parlant pas de ce duel, nous n'avons aucune
donnée précise, mais nous pouvons tirer de là nature de cette ren-
contre des indices suffisants pour asseoir une opinion rationnelle.
Le duel au commandement n'est qu'une modification du duel
au signal, dont il présente tous les caractères essentiels. Il faut donc
se reporter à ce dernier duel pour déterminer la distance maxima
et minima à laquelle les adversaires peuvent être placés. Elle varie
entre 25 pas au minimum et 35 au maximum, ce qui, réduit en
mètres, fait 20 et 28 mètres. Nous l'adoptons K
Ceci posé, et l'obligation de choisir la distance parmi celles qui
ont été déterminées par Ghateauvillard une fois admise, on peut se
demander qaelle oonséquenoe entraînerait la désignation d'une dis-
1. Conformément, voyez Tavernier, page 216.
244 PREMIÈRE PARTIE.
tanœ inférieure aa w><«<TwnTifi réglementaire faite par on oflénaè
avec ooapa et blesaorea.
Il y aurait duel exceptionnel, et obligation pour l'agresseur
de refuser un semblable combat, auquel les témoins ne pour-
raient prêter assistance sans yioler une règle importante du point
d'honneur.
QueUe oonséciaenoe entraînerait la désignation d'âne distance
supérieure au maximum déterminé par CShateauvillard 7
Il n'y aurait plus obligation, mais faculté pour Tagresseur de
refuser cette distance exceptionnelle en sens inrerse de celle que
nous Tenons de proscrire. S'il acceptait, les témoins devraient lui
prêter leur concours. C'est une conséquence du caractère modé-
rateur de leur mission.
Le même droit de refus appartient aux deux parties lorsque
la désignation d'une distance supérieure à la distance maxima
indiquée par Château villard pour le duel choisi provient de Tac*
cord des témoins. En effet, la question d'une distance préférée
peut n'être pas étrangère au choix qu'aura fait l'offensé avec injure
grave d'un duel plutôt que d'un autre. L'agresseur, de son côté,
pourra être intéressé à voir adopter une mesure plus courte, s'il a
l'habitude de tirer à cette distance.
Si une distance supérieure au maximum réglementaire est
choisie par convention mutuelle, rien n'empêche qu'elle ne devienne
la loi du combat.
Ici se place une question délicate. Est-il permis aux témoins de
s'entendre pour augmenter la distance convenue, à Tinsu des com-
battants, en les trompant sur le nombre et sur l'amplitude des pas,
ou de toute autre manière ?
Nous ne le croyons pas, si nous nous plaçons au point de vue
des règles du duel.
En effet, le désir qu'ils peuvent éprouver de rendre le duel
moins dangereux, et de sauvegarder leur responsabilité, ne saurait
entrer en ligne de compte ni avec Tobligation stricte, en matière de
point d'honneur, d'exécuter scrupuleusement les conventions in-
sérées au procès-verbal, sans y apporter aucune modification sur le
terrain, ni avec Tobligation de respecter les droits légitimes, tel
que celui d'imposer sa distance, dont jouit Toffensé avec voie
de fait.
C'est au moment de rédiger le procès-verbal de rencontre qu'ils
doivent essayer d'imposer leur opinion.
OFFENSrES. — RÈGLES DU DUEL. S45
' • . . • • . ■•
Réduction des distances en mètres et centimètres.
Chateauvlllard ne compte que par pas. Quelle est, réduite en
centimètres, Tamplitude de ces pas?
D'après M. Tavernier {Art du duel, page 202), le pas moyen
représente 80 centimètres. Nous adoptons aussi cette mesure.
Au cours de ce travail, nous ramènerons donc au mètre celles
qui sont énoncées en pas dans VEssai sur le duel. C'est en mètres
que doit être insérée au procès-verbal la distance convenue. C'est
au moyen d'un décamètre qu'elle doit être mesurée sur le terrain.
La nécessité de cette opération est évidente. En eflet, si un
témoin a une taille de fantassin, un autre celle d'un tambour-major,
un autre une taille moyenne, quelle difTérence dans l'ouverture du
compas ! Quelle incertitude dans les mesures! Quelle porte ouverte
aux contestations! Il faut y renoncer.
Terminons ce qui regarde la question des distances en indi-
quant aux témoins ce qu'ils doivent faire toutes les fois qu'ayant le
droit de choisir ils ne peuvent pas tomber d'accord.
Chacun spécifie la distance de son choix. Elles sont tirées au
sort. On peut encore partager par moitié la différence qui existe
entre elles, à condition que la mesure trouvée rentre dans celles
que nous avons indiquées comme légales ^
CHAPITRE XXXIX
Détermination du délai pour tirer.
Dans tous les duels au pistolet, le laps de temps accordé aux
adversaires pour échanger leur feu, et passé lequel ils ne pourront
plus tirer, doit être réglementé d'avance.
C'est un principe qui ne souffre pas d'exceptions. Aussi la ques-
tion du délai doit-elle faire Tobjet d'une clause insérée au procès-
verbal de rencontre, à la suite de celles qui sont relatives au choix
du duel et au choix des distances.
A qui appartient le choix du délai?
Si les règles tracées par Chateauvillard pour chacun des duels
• * • . r -
1» Conformément, voyez Chateauvillard, page 112, paragraphe 1^..
t46 PREMrÈRE PARTIE.
légaux ûlaipot sacramentelles et doTaîent être suivies à la lettre,
sans modiûcatioii possible, il est clair que le choix des délais serait
la consi^queoce du chois du duel, puisqu'en désignant le duel de
leur clioii, les témoins en cas d'offense du premier degré, l'offensé
en cas d'oCfense du second el du troisième, désigneraient le délai
qui est attaché par ChateauTillard à ce duel, et imposeraient par le
fait le laps de temps qu'ils souhaiteraient pour échanger les feux.
Mais nous avons démontré, chapitre xxxvii, que les témoins
n'étaient pas astreints à observer religieusement touten les régies
édictées par Chalcauvillard.
Nous avons expliqué qu'ils peuvent y faire certaines modifi-
cations d'une importance secondaire, à la condition que ces modi-
licalions : 1° simplifient la direction du combat; 2" le rendent
moins dangereux; 3" ne changent rien â sa nature et ne dépouillent
l'olTensé d'aucune prérogative considérable.
Il faut en conclure que, si les témoins apportent au délai fixé
par Cbaleauvillard des changements présentant ce triple caractère,
ils le font légalemcnl.
Oh {leut donc avancer hardiment f/u'eii (ait, te choix du délai
leur appartient sous ces conditioMs.
La question de capacité résolue, il nous reste à indiquer :
Quels cbangenients les tèmoios peuvent apporter aux dètais de
Ghateauvillard, saaâ sortir de la légalité et aana outrepaaser leur
droit.
Pour y arriver, nous diviserons les duels, au point de vue des
délais, en trois catégories.
La première catégorie comprendra :
Le duel au visé de pied ferme k volonté ; — le duel A marcher ;
-- le duel à marche interrompue ; -- le duel à lignes parallèles ; —
en tout quatre duels.
La seconde catégorie comprendra le duel au visé de pied ferme
à tir successif.
Là troisième comprendra le duel an signal et le duel au com-
mandement.
Duels de la première oatégoiie.
Les changements qui peuvent y être apportés consistent dans
l'adoption du commandement : « Tirez I » comme point de départ
uniforme du délai accordé aux adversaires pour échanger leurs
balles; dans l'immutabilité du délai, qui une fois adopté ne com-
porte ni restriction ni extension ; enfin, dans la diminution ration-
nelle da laps de temps indiqué par CbateauTilIard, de manière &
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. «n
restreindre proportionnellement le délai unique dont nous venons
de parler.
Prenons comme exemple le duel de pied ferme à volonté.
D'après le système de Chateauvillard, les adversaires ont tout
le temps qui leur convient pour tirer le premier coup. C'est à
partir de Fexplosion que court le délai imposé pour riposter.
Dans notre système, le laps de temps indéterminé pendant
lequel les antagonistes peuvent tirer le premier coup est supprimé.
Ce n*est plus à partir de Texpiosion que court le délai, mais à partir
c3a commandement : « Tirez I » Ce délai est moins long que celui
i ndiqué par Fauteur de V Essai sur le duel.
Le combattant qui le laisse passer perd son droit, quand bien
même le premier coup de feu aurait été tiré à la dernière seconde.
Après avoir expliqué en quoi consiste, pour les quatre duels de
la première catégorie, ce système de changements, il nous reste à
démontrer qu'il produit les trois résultats exigés pour légitimer
n*importe quelle modification aux règles de Chateau^illard, confor-
mément à ce que nous avons expliqué chapitres premier et xxxvii.
l*" Ce changement simpliQe la direction du combat :
En effet, le directeur du duel peut donner le signal au moment
qui lui va le mieux, par exemple au moment où Taiguille est sur
la première seconde. Dans ce cas, il mesure à première vue le
temps convenu.
Au contraire, si c'est le coup de feu qui sert de point de départ
au délai, il peut se faire que l'explosion se produise au bout d'un
certain nombre de secondes. Dans ce cas, le directeur du combat
est forcé de se livrer à un petit calcul qui détourne son attention
et peut nuire à la conduite du duel.
Le changement proposé fait disparaître, en outre, le supplé-
ment accordé au blessé pour riposter, et par suite les complications
qui en résultent souvent.
Il évite aux témoins l'embarras de se trouver dans une singu-
lière position mentionnée au u"" 82 de l'appendice, c'est-à-dire en
présence de deux adversaires restant pendant huit ou dix minutes
sur une défensive motivée, soit par un combat de générosité, soit
par une sorte de tactique, et réduits, pour terminer cette situation
ridicule, à les faire battre au signal ou au commandement, bien
que le duel primitivement choisi fût le duel à marcher, et qu'en
agissant ainsi, ils violassent une règle fondamentale qui interdit de
modifier sur le terrain les conventions stipulées avant la rencontre ^
1. Voyez affaire Coate-Beoolt, Ga;ie//e des TribunauXj3 août 1832. Appendice n^ 82.
.4
248 PREBIIÈRE PARTIE.
2'' Ce changement diminue le danger de la rencontre :
En effet, cette modification a pour résultat d'enlever aux com-
battants la liberté absolue de tirer le premier coup dans un délai
Indéterminé. Elle lui substitue Tobligation de se conformer à un
délai relativement court, et procure aux adversaires une gène qui
Influe défavorablement sur la précision du coup.
Quant à la diminution de danger résultant de la suppression
du privilège accordé au blessé, elle est évidente.
Est-il besoin d'ajouter que la diminution des dangers de la
rencontre atténue la responsabilité des témoins?
3<> Ce changement ne modifie pas la nature du combat, et ne
lèse pas Toffensé de la deuxième et troisième catégorie dans sa pré-
rogative d'imposer le duel de son choix :
En effet, il conserve aux duels dont nous nous occupons leur
caractère distinctif, qui est le tir à volonté, c'est-à-dire le droit
pour les combattants de faire feu sans être astreints à un ordre
déterminé.
Le système que nous préconisons offre un danger.
Si les témoins avaient une latitude complète pour modifier les
délais fixés par Ghateauvillard, ils pourraient, en les allongeant ou
en les raccourcissant à volonté au delà de certaines mesures, modi-
fier la nature de la rencontre.
Supposons que l'offensé ait jugé avantageux de se battre au
visé à volonté, et que les témoins conviennent que l'échange des
deux balles aura lieu dans le délai de trois secondes à partir du mot :
« Tirez I » il n'y a plus duel au visé à volonté proprement dit, mais
une sorte de duel au commandement ou au signal qui lèse l'offensé
dans son choix.
Nous évitons ce péril en attribuant aux adversaires, pour
échanger leurs balles, le temps que Ghateauvillard leur accorde
pour riposter.
Examinons quel est pour chaque duel de la première catégorie
l'effet de celte réduction.
Duel à volonté.
L'article consacré par Ghateauvillard au duel à volonté,
page 38, où il renvoie au duel à tir successif pour ce qui n'est pas
formellement excepté, et où il ajoute ensuite : « Les adversaires
tirent à volonté », donne matière à deux interprétations.
Les uns regardent ces expressions : «Tirent à volonté » comme
indiquant une exception, permettant aux adversaires de tirer et de
riposter quand bon leur semble.
Les autres soutiennent que la combinaison des expressions
OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. «49
susdites, avec leur renvoi au duel à tir successif, implique Tidée
d'une liberté qui ne serait absolue que pour le premier feu. D'après
cette interprétation, rindiyidu qui n aurait pas encore tiré ne pour-
rait le faire que dans l'intervalle d'une minute à partir du premier
coup.
D'accord sur ce point avec Tavernier (voyez page 211), nous
leur accordons seulement un délai d'une minute, à partir du com-
mandement : « Tirez ! » pour échanger les deux balles à volonté.
Duel à marcher.
Cette fois encore, Ghateauvillard, page ^2, articleU, ne déter-
mine aucun délai pour exécuter la marche et tirer le premier
coup. Le délai pour riposter reste toujours fixé par lui à une minute
à partir du premier feu.
Pour ce qui nous concerne, nous prenons le commandement :
« Marchez I» comme point de départ du délai, et accordons encore
une minute pour échanger les deux balles.
Duel à marohe interrompue.
Le premier coup peut encore, d'après Chateauvillard, être tiré
ad libitum. Mais le délai pour riposter n'est plus que d'une demi-
minute à partir du premier coup de feu.
Conformément à la règle de proportion que nous avons établie,
nous réduisons à une demi-minute à partir du commandement :
a Marchez I » le délai dont peuvent disposer les adversaires pour
échanger leurs deux balles.
Duels de la deuxième oatégorie.
Le duel à tir successif ne comporte pas de délai ayant un point
de départ unique, puisque les adversaires tirent l'un après l'autre.
Le seul changement qu'on puisse apporter à ce genre de ren-
contre est de diminuer le laps de temps accordé par Chateauvillard
pour tirer à son tour.
Cet auteur, page 37, article U, et page 117, accorde une mi-
nute pour tirer et une minute pour riposter à partir du premier feu.
D'accord avec Tavernier (voyez page 209), nous réduisons ces
proportions à une demi-minute pour tirer et une demi-minute pour
riposter ; en tout une minute pour l'échange des deux balles.
DuelB de la troisième oatégorie. — Duel au signoial.
Étant donnée la nature particulière du combat, nous ne voyons
pas grande utilité à diminuer les délais choisis par Chateauvillard,
page 55, article 8, et indiqués en ces termes :
ttO PREMIÈRE PARTIE.
« Si rinsulté se trouye frappé, si son témoin donne le signal, il
doit le donner dans Tintervalle de trois à neuf secondes, c'est-à-dire
trois secondes entre chaque coup, qui produisent neuf secondes
pour les trois coups, ou de deux à six secondes, c'est-à-dire deux
secondes entre chaque coup, qui produisent six secondes pour les
trois.
(c Si le droit de donner le signal est tiré au sort, ce signal doit
être donné dans Tintervalie de deux secondes à six secondes pour
les trois coups. »> {Ibidem, art. 10.)
Dael au commandement.
Le duel au commandement, dont Ghateauvillard ne parle pas,
constitue une modification pratique du duel au signal qui est très
difficile à exécuter correctement.
Au lieu d'être astreints à tirer précisément et simultanément
au mot (( trois », comme dans le duel au signal, les combattants
peuvent tirer à partir du commandement : « Feu I » jusqu'au mot
« trois ». Il y a donc pour eux une notable diminution dans la dif-
ficulté du tir.
Il nous a paru juste de diminuer, en conséquence, les délais
indiqués pour le duel au signal.
Les adversaires peuvent tirer dans un délai qui ne peut être
moindre qu'une seconde et demie, c'est-à-dire que l'intervalle
entre chaque coup compté à haute voix est d'environ une demi-
seconde, ni supérieur à quatre secondes et demie, c'est-à-dire que
rintervalie entre chaque coup est d'environ une seconde et
demie *.
Les diminutions que nous venons de faire réunissent-elles les
trois conditions susceptibles de légitimer un changement aux règles
de Ghateauvillard ?
Évidemment oui. Les explications dans lesquelles nous sommes
entré h propos des duels de la première catégorie rendent toute
nouvelle démonstration inutile. Nous n'y reviendrons pas.
La nécessité d'opérer ces diminutions est justifiée par Texpé-
rience. Nous conseillons aux témoins de s'en rendre compte avant
la discussion des délais, en visant pendant une minute un objet
quelconque avec un pistolet chargé à blanc, ou bien encore en se
mettant face à face et en représentant le duel.
Ils jugeront par Ténervement général, par le sentiment anxieux
du témoin qui compte les secondes, combien paraît interminable
une fraction de temps, si minime en réalité.
1. Conformément, voyez Tavcrnier, page 217.
OFFENSES. — RÈGLES DU DCEL. 224
M. Tavernier fait cette observation page 209.
Elle est confirmée par un exemple frappant *.
L'exclamation : « Mais tirez donc ! » échappée au témoin,
exprime bien son angoisse. L'espace de temps n'est que de quatre
ou cinq secondes. 11 lui paraît un siècle.
Obseryons, à ce propos, que les témoins ne doivent jamais se
permettre d^interpellations semblables, qui peuvent influencer le
tireur, et lui causer un préjudice auquel son adversaire n'a pas été
exposé.
Si un combattant dépasse le délai fixé pour tirer, les témoins
doivent l'arrêter; mais tant que le laps de temps n'esl pas expiré, il
a droit de faire feu dans le repos le plus absolu.
Tant pis pour les assistants impressionnables!
Supplément de délai accordé au blessé pour riposter.
La nature du duel au signal et celle du duel au commande-
ment ne permettent jamais d'étendre la mesure du délai pendant
lequel les coups de feu doivent être échangés.
Aussi voyons-nous que c'est seulement lorsqu'il s'agit de duels
an visé que Ghateauvillard accorde au blessé un laps de temps sup-
plémentaire pour riposter. Deux minutes au lieu d'une seule, par
exemple, dans la rencontre à tir successif, et deux minutes au lieu
d'une seule (lorsque le blessé est tombé) dans la rencontre à marcher.
Il faut avouer que, si le duel est à tir successif, la faveur accor-
dée au blessé est assez juste.
Du moment, en effet, que le combattant auquel revient la pri-
mauté du tir a tout le temps nécessaire pour viser un homme qui
conserve une attitude passive, et ne lui fait courir aucun danger, il
est équitable d'accorder à ce dernier, s'il est blessé, le double du
temps qui lui reviendrait sli n'avait pas été atteint.
Dans la pensée de Ghateauvillard, la minute supplémentaire
pendant laquelle le blessé reprend ses forces et ses esprits com-
pense rimpossibilité où il est d'exercer son droit de riposte dans
des conditions aussi avantageuses que celui qui a tiré le premier.
Cette compensation est-elle aussi justifiée lorsque le duel choisi
ne comporte pas un ordre de tir réglementé d'avance ? lorsqu'il
s'agit, par exemple, du duel à volonté, pour lequel le premier coup
est ad libitum, d'après le système de Ghateauvillard ?
Nous ne le croyons pas. En effet, les situations ne sont plus
1. Voyez affaire Mazard-de Montbrond, 1*''' et 2 septembre 18i9. Appendice
n«83.
f^- -
2tt PREMIÈRE PARTIE.
analogues à celles du duel à tir successif. Rien n'obligeait le blessé
à attendre si longtemps le feu de son adversaire. Rien ne Tempd-
chait de tirer ai«int. Son retard doit être considéré comme une tac-
tique qui n'a pas réussi, et pas autre chose.
Pour ce qui nous concerne, du moment que nous adoptons un
délai unique et sacramentel, pendant lequel les adversaires doivent
tirer et passé lequel ils ne le peuvent plus, nous refusons au blessé
tout supplément de délai à raison de sa blessure, soit que le duel
ait été au visé à volonté, au irisé à marcher, ou à marche inter-
rompue.
Cette fin de recevoir est-elle avantageuse dans la pratique ?
Cette modification peut-elle être adoptée 7 Oui, car elle supprime
les difficultés relatives à la constatation des droits du blessé, facilite
la direction du duel, en diminue le danger, et ne change rien k la
nature du combat.
Elle supprime, disons-nous, les difficultés relatives à la consta-
tation des droits du blessé.
Gomment les témoins peuvent-ils, avec le système de Château-
villard, constater l'existence et la gravité de la blessure ? Comment
peuvent-ils reconnaître, par exemple, dans le duel à marcher, si la
chute qui vaut au blessé un supplément d'une minute est expliquée
par une blessure suffisante pour la motiver réellement 7 Ils n'ont
pas d'autre ressource que de s'en rapporter à l'affirmation du blessé,
ou de le faire examiner par les médecins.
Dans le premier cas, ils s'exposent à des erreurs provenant, soM
d'une exagération faite de bonne foi, et souvent très naturelle, soit
d'une amplification déloyale, très difficile à constater.
Dans le second, ils suppriment à la vérité le danger d*une
erreur d'appréciation, mais ils augmentent la durée du combat et
les difficultés de sa direction, puisque la vérification suppose un
arrêt du duel, un nouveau délai, un nouveau point de départ et
des calculs plus embrouillés. N'y aura-t-il pas complication, par
exemple, si le blessé reste debout pendant la majeure partie du
délai qui lui est accordé, s'il n'y a pas chute, et tombe au dernier
moment ?
Il est donc juste de dire qu'en supprimant ce privilège on sim-
plifie le combat.
On le rend aussi moins dangereux, puisque le temps pendant
lequel celui qui aura tiré le premier coup restera exposé à la riposte
sera diminué de moitié.
Malgré les raisons que nous avons données, certains témoins
peuvent vouloir s'en tenir aux règles tracées par Chateauvillard,
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. M3
soit pour la question du délai, soit pour la question du supplément
accordé au blessé.
Nous ne prétendons pas leur imposer notre système, bien qu'il
ait pour résultat de sauvegarder leur responsabilité ; nous le leur
conseillons, mais nous les laissons libres de choisir.
Aussi, dans les chapitres que nous consacrons à la monogra-
phie de chaque espèce de duel, avons-nous soin d'exposer d'abord
le délai fixé par Chateauvillard et le supplément accordé au blessé
pour tirer.
Le tableau des diminutions que nous proposons vient après.
Les témoins ont, de cette manière, latitude absolue pour exer-
cer leur choix en toute connaissance de cause.
CHAPITRE XL
Coup raté. — Coup tiré en Tair.
Dans le duel au pistolet, si un raté se produit, et s'il n'existe
pas de stipulation contraire, le coup raté est considéré comme
tiré*.
Donc, s'il n'y a pas de clause spéciale, aucune discussion ne
I>eut surgir.
Les témoins qui prooèdent à la rédaotion du prooès-verbal de
renoontre doivent-ils, pour plus de sûreté, consacrer cette régie
par une oonvention spéciale, ou décider en sens inverse que la per-
sonne dont le pistolet aura raté [pourra le faire remettre en état
et tirer de nouveau?
La question est excessivement importante et mérite toute leur
attention.
Pour la résoudre, il faut distinguer s*il s'agit des duels au signal
et au commandement, ou des duels au visé.
S'agit-il des duels au sitjual ou au commaudewent, tout coup
raté est considéré comme tiré. La règle est absolue, et découle de
la nature même du délai accordé pour échanger les balles, délai
trop court pour qu'il soit possible de Tinterrompre *.
1. Voyez Chateauvillard, page 37, article 13.
2. Voyez affaire Reinach-Déroulëde, 21 octobre 1800, Annuaire du duel. Appendice
n* 84.
tu PREMIÈRE PARTIE.
S'agit-il des daels au visé de qaelqae nature qae ce soit, les
témoins éprouveront un embarras très naturel, car les aateors
sont muets sur ce point, et on troure des exemples dans les deux
sens ^.
Il n'existe donc pas pour eux d'autre manière de se fonder une
opinion rationnelle sur la valeur des deux systèmes que de com-
parer minutieusement les résultats qu'ils entnilnent.
Supposons que le coup raté soit considéré comme tiré, et exa-
minons quelles peuvent être les suites de cette convention*
Soit A... Tagresseur et 0... l'offensé.
0... tire le premier et rate. D'après les conventions, A... peut
riposter. 0... doit attendre dans rimmobilité la j[>lus complète
l'expiration du laps de temps qui est accordé à son agresseur pour
faire feu... Si A... le tue ou le blesse, il use d'un droit strict, et n'est
point blftmable au point de vue des règles du duel.
Cependant, quelle position plus embarrassante que la sienne,
observent les partisans du rechargement, en présence d*un homme
qu'il a gravement offensé, et qui est tombé à sa merci par la mau-
vaise qualité de son arme, ou l'incurie du chargeur I S'il use de ce
fameux droit strict, le fait d'avoir tué froidement on grièvement
blessé un homme désarmé, qui ne lui a fait courir aucun danger,
ne sera-t-il pas considéré comme un acte de barbarie frisant la
déloyauté 7
Use-t-il de générosité, et refose-t-il de tirer? 11 prête à rire si le
combat doit se terminer sans ucuvel échange de balles. Si un plus
grand nombre doit être tiré, il joue sa vie.
Supposons maintenant que 0..., Foffensé, tire et manque, et
que A..., Tagresseur, riposte et rate.
Si on applique la règle « coup raté, coup tiré », il est clair que
le combat ou tout au moins le premier acte du combat est terminé,
puisque A... ne peut plus riposter.
Ce résultat est injuste, font observer les partisans du rechar-
gement. L'offensé n'a-t-il pas eu en main toutes les chances qui lui
revenaient? Il a tiré, il a manqué; tant pis pour lui I Est-il équi-
table de priver son adversaire du même droit? La réciproque est
vraie dans le cas où les rôles seraient intervertis.
Ils soutiennent que, dans tous ces cas, il faut recharger le pis-
tolet du combattant qui a raté, mais en n'augmentant sous aucun
prétexte le laps de temps fixé par le procès -verbal, car ce laps de
temps est sacramentel.
Par conséquent, disent-ils, dans un duel à volonté où ce délai
1. Voyez appendice n^ 85.
OFFENSES. — RÈGLES DU DDEL. U5
serait fixé à une minute, si 0..., l'offensé, tire à la 50® seconde et
rate, les témoins constatent le nombre de secondes écoulées depuis le
commandement : « Tirez I » Tannoncent à haute yoix, procèdent au
rechargement et n'accordent plus aux adversaires que dix secondes
pour faire feu.
Les partisans de la règle « coup raté, coup tiré», objectent à leur
tour que l'expédient proposé n'est guère pratique ; en premier lieu,
parce qu'à la distance à laquelle se trouvent les témoins, il leur est
impossible, dans certains cas« de s'apercevoir instantanément du raté ;
tel est celui où le raté provient de Tabsence de capsule ou d'une
capsule qui ne fait pas explosion. Ils ne peuvent, dans ces conditions,
donner le signal d'arrêt au moment précis où l'accident se produit
et exécuter la convention dans son entier. D'où la conséquence que
l'individu qui dans l'intervalle entre le raté et le commandement :
0 Arrêtez ! » risposterait et tuerait son adversaire, ne serait pas
blftmable, car il l'aurait fait dans les délais convenus.
Ils repoussent, en second lieu, l'expédient proposé, parce qu'en
admettant même que les choses se passent régulièrement, l'égalité
entre les chances des deux adversaires n'existe plus dans bien
des cas.
Ne voit-on pas, dans l'exemple proposé, 0. . . rater à la 50' seconde,
les témoins crier d'arrêter, et A... obéir, mais au moment où, après
avoir longuement visé son adversaire, il le tient à l'œil, pour nous
servir d'une expression triviale, mais qui rend bien notre pensée.
Lorsque après le chargement le combat recommence, il ne lui
reste plus que 10 secondes pour lâcher son coup. Peut-on dire qu'il
conserve tous ses avantages? Évidemment non, car ces 10 secondes
ne sauraient compenser les 50 qu'il a perdues. Il est obligé de tirer
plus rapidement et, s'il a l'habitude de viser très longtemps, il le
fait avec moins grande chance de succès.
En troisième lieu, ils déclarent le rechargement inacceptable,
parce que le calcul des secondes écoulées et celui des secondes
restantes complique la direction d'une affaire déjà si compliquée.
Ils objectent, en quatrième lieu, qu'il est bien difficile, dans
certains cas, de procéder au rechargement dans les conditions
stipulées au procès-verbal ; par exemple, lorsqu'il a été décidé que
deux balles seulement seraient tirées, et que les armes seraient
chargées avant la rencontre par un chargeur de profession, si ce
chargeur ne se trouve pas sur le terrain.
Notons en passant qu'il est indispensable que l'arme qui a raté
soit déchargée complètement. Tout le monde a pu éprouver, en
effet, le sentiment d'hésitation et de malaise produit par un pistolet
simplement réamorcé et qu'il faut tirer à nouveau» Le manque de
45
U6 PREMIÈRE PARTIE.
confiance, la crainte d'nn antre raté, paralysent chez bien des per-
sonnes, même habiles, tons les moyens.
Quelles complications! quelles portes ouvertes aux malentendus,
aux discussions et à la manyaise foi I Quelle responsabilité pour les
témoins !
En présence de considérations si contraditoires* et qui toutes
ont une certaine valeur, nous n'osons nous prononcer étune manière
absolue contre ou pour la règle « coup raté, coup tiré ». Nous croyons
que la meilleure ressource pour tourner les difficultés que nous
avons signalées consiste dans l'adoption du duel au commande-
ment, pour lequel le coup raté est toujours considéré comme tiré,
à raison de Tintervalle insignifiant qui sépare le mot « feu » du
nombre trois.
C'est le sentiment instinctif des inconvénients signalés plus
haut qui a probablement contribué à diminuer notablement les
rencontres au visé, et à les faire remplacer de nos jours par le duel
au commandement.
Malgré les observations que nous venons d'enregistrer, si Pof-
fensé avec injure grave ou voie de fait, profilant du droit de choisir
son duel, exige une rencontre au visé, nous croyons qu'il vaut mieux
interdire le rechargement. Mais, dans ce cas, les témoins feront bien
de réduire autant que possible les délais pour tirer et pour
riposter.
Coup tiré en Tair.
Les oombattants ont-ila le droit de tirer en l'air ?
Cette question, à laquelle une affaire récente vient de donner
un regain d'actualité, a soulevé de vives conlroverses^
L'acte de tirer en l'air ne nous semble pas de nature à être
expressément défendu; d'abord parce que Chateauvillard ne le
prohibe point, ensuite parce qu'iln'estpas plus entaché de déloyauté
que celui qui consiste à presser involontairement la détente après
le signal, au moment d'abaisser le pistolet, et à échapper le coup.
Tous deux constituent un simple manqué.
Examinons quelles sont les conséquences de cette solution rela-
tivement au droit de l'adversaire.
Il varie suivant que c'est Toffensé ou l'agresseur qui a tiré en
rair.
Si c'est l'offensé, et si le duel est au visé, l'adversaire ne doit
1. Voyez affaire Lagucrre-Déroulède, 13 novembre 1890, appendice n« 86, et les
avis ou consultations publiés à cette époque, ibidem, auxquels nous avons tous fait
plasieurs emprunts.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 2ï7
pas riposter, car l'acte de l'offensé équivaut à un désistement. Il est
censé renoncer à demander réparation de l'offense qu'il a subie,
puisque cette réparation consiste précisément dans le coup qu^il
s'a pas Toulu diriger contre son agresseur. Dans ces conditions,
ce dernier n'a plus aucune raison de tirer, et les témoins doivent
l'en empêcher.
Si le duel est au signal ou au commandement, comme les coups
doiyent être simultanés dans l'un, et à peu près simultanés dans
l'autre, les témoins ne sauraient intervenir utilement. C'est seule-
ment lorsque plusieurs balles doivent être échangées, et après le
premier acte du duel, que leur veto a sa raison d'être.
Si c'est l'agresseur qui tire en l'air, Toffensé conserve intact le
droit de faire feu sur lui autant de fois qu'il est stipulé au procès-
verbal; car l'agresseur, en approuvant et en signant le procès-verbal,
s'est engagé à en observer et à en subir les conditions.
Nous ne saurions admettre qu'il soit libre de changer la loi du
combat, et, parce qu'il lui platt de tirer en l'air, d'esquiver le feu de
son antagoniste.
Ce serait trop facile si, après avoir insulté un homme, on pou-
vait éviter les conditions qu'il vous a légalement imposées, et le
frustrer de la réparation qui lui est due, en ayant l'air de faire le
généreux.
Est-il admissible, en un mot, que les conditions du duel
puissent être changées par la volonté de celui à qui on a demandé
réparation, contre la volonté de celui qui avait le droit de Texiger?
Du reste, l'acte de tirer en Tair est généralement moins che-
yaleresque qu'on voudrait le faire croire.
En effet, sll existe des cas où Tagresseur doit subir le feu de son
adversaire sans tirer sur lui ; s'il s'agit, par exemple, du séducteur
d'une jeune fille placé en face du père irrité, personne ne niera
qu*il ne lui soit loisible de manquer son adversaire, sans exprimer
tout haut et d'une façon apparente son intention, au lieu de la
garder pour lui.
Cette générosité ne semble-t-elle pas, dans bien des cas, une
invite à une générosité pareille de la part de Toffensé, générosité
forcée presque toujours, car elle procède d'un sentiment d'appréhen-
sion bien naturel, celui de la responsabilité qu'il assume aux yeux
des lois ordinaires s'il tue ou blesse un homme qui n'a pas voulu
attenter à sa vie !
Nous conclurons en disant que si Tacte de tirer en l'air ne sau-
rait être considéré comme déloyal et formellement interdit, il est,
en revanche, de mauvais goût, offensant pour l'adversaire et sus-
ceptible d'être interprété d'une manière peu favorable.
m PREMIÈRE PARTIE.
Aussilôtquelecoup de feu a été tiré en l'air par l'agresseur, les
témoins doivent arrêter l'offensé et tâcher d'arranger l'affaire. Pour
cela ils font valoir ïîs-à-vis les adversaires les arguments divers que
nous avons indiqués. Ils en exagèrent au besoin la portée.
L'offensé, dûment instruit des risques qu'il court s'il lient à user
de son droit à riposter, persiste-l-îl à vouloir l'eiercer? Les témoins
ne peuvent l'en priver. Il n'a dans ce cas pour tirer que le laps de
temps qui lui restait au moment où le duel a été arrêté par eux.
Si plusieurs balles doivent être échangées, ils demandent k
l'agresseur s'il entend recommencer, et les choses se passent comme
nous venons de le dire, en cas de réponse afûrmative.
Si l'offensé déclare ne pas oser tirer sur qui ne se défend pas,
à cause de l'écrasante responsabilité qui le menace dans le cas où
il le ferait, les témoins dressent un procès-verbal constatant que
l'oPfensi? n'a pas repu réparation. L'agresseur est dans ce cas censé
avoir refusé de se battre'.
Nombre de beilleB à échanger.
Le procf-s-verbal doit spécifier combien de balles seront échan-
gées. Son silence doit élre interprété dans un sens restrictif, c'est-
à-dire qu'en pareil cas le duel est an-été après le premier feu.
Le nombre de balles h échanger ne peut jamais dépendre du
caprice des adversaires ou de l'exécution d'une condition, comme
dans l'atTairc Mlra-Dovalle, Gazelle des Tribiinauj;, 27 octobre 1830.
Appendice n" 87.
Le droit de décider combien il y aura de balles échangées ne
fait pas partie des privilèges de l'offensé. Il appartient aui témoins.
CHAPITRE XLl
Choix des piatolets.
Si l'offense est une offense du premier ou du second degré, les
témoins choisissent les pistolets, c'est-à-dire qu'ils se procurent
1. Voyez conrormémsat Aageliai, Codice cavallereico, cbtpitre xviii, trticla 34.
— Gelti, article 410. — Lea codes allemaDda déclarant ladigne celui qui tira deux
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 2Î9
d'ane manière qaelconqae, achat, location, etc., les armes propres
an combat. Les adversaires sont obligés de s*en servir. Elles doivent
leur être absolument inconnues.
Si Toffense est avec voies de fait, Toffensé peut se servir de ses
pistolets, mais Tagresseur acquiert ipso facto le même droit ^
Dans cette seconde hypothèse, les pistolets de chaque partie
sont présentés avant la clôture du procès-verbal aux témoins, qui
peuvent les accepter ou les refuser, selon qu'ils sont ou ne sont pas
conformes aux règles de nos chapitres xui et suivants. Mention de
cet examen et du résultat est insérée au procès-verbal.
Si roffensé avec voies de fait ne présente pas d'armes, les té-
moins exercent le choix des pistolets dans les conditions que nous
Tenons d'indiquer plus haut.
Ce droit de choix ou d'examen une fois reconnu aux témoins,
il nous reste à étudier trois questions qu'ils doivent forcément con-
naître, s'ils veulent remplir convenablement cette partie de leur
mandat.
Elles sont relatives :
1"» Aux conditions requises poar que les pistolets soient propres
au combat et puissent être choisis ou agréés par les témoins;
2'' Aux manœuvres frauduleuses dont les armes peuvent être
l'objet, au but de ces manœuvres, à leur résultat, aux moyens de les
prévenir et de les reconnaître ;
3^ Aux conditions qui peuvent enlever au tir une certaine
somme de justesse, au combat une somme de dangers proportion-
nelle, tout en conservant aux armes leur précision et à la rencontre
son caractère de loyauté.
L'examen de chacune de ces questions formera la matière d'un
chapitre séparé.
CHAPITRE XLII
Conditions mises au choix et à Tacceptation des pistolets.
Pour que les pistolets soient choisis ou acceptés par les témoins,
il faut qu'ils soient reconnus propres au combat.
Pour que les pistolets soient propres au combat, il faut qu*ils
soient capables de faire feu d'une manière assurée, et susceptibles
d'atteindre avec justesse le but visé.
1. Voyei Chateauvillard, page 35, article 4, et notre chapitre i^ii.
r
^ 130
PREMltRE PARTIE.
Nous allons examiner successivement les causes qui peuvent
ioflLier d'abord sur la certitude du départ, ensuite sur la précisiou
du tir.
Les cames qtii influent sur la certitude du d^imrt sont : 1° le
sens de la communication ; 1" le chargement.
Nous disons que le sens de la communication influe sur la
certitude ou l'incertitude du déparl. En elTel. la première condition
pour que des armes ne ratent pas, c'est que le feu soit régulière-
menl communiqni.^ h la poudre.
Pour cela il faut non seulement que la perforation du petit
canal qui traverse la cheminée, pour aboutir à la chambre où se
trouve la charge de poudre, soil complète, mais quelle soit faite en
équerre, et non directement comme dans les fusils à piston ordi-
naires.
En elTet, avec la communication directe, s'il se trouve dans le
canon la moindre grave, la moindre parcelle décrasse, ces corps
étrangers sont projetés dans la chambre par l'ébranlement des coups
de maillet.
Ils tombent de là dans la cheminée, par suite de la situation
verticale de l'arme pendant le char{;ement, et produisent, suivant
leur volume, des longs feux ou des ratés, qui peuvent amener des
complications désastreuses.
Au contraire, avec la communication en équerre, la grave ou la
crasse s'arrête dans la partie à angle droit et ne produit pas d'obtu-
ration.
Nous disons que le chargement est la seconde cause qui influe
sur la certitude du départ.
En effet, si le chargeur verse la pondre avant de s'assurer que
la communication n'est pas bouchée, s'il n'assujettit pas la capsule,
en un mot s'il commet une bévue qui empêche le fen d'atteindre la
poudre, le bon sens indique qu'il provoquera un raté.
On voit que l'opération du charçement mérite qu'on s'y arrête ;
nous la traiterons en détail chapitre xlv.
r la jast«aB« du tir, abstraoUon &ite de
1° Le forage du canon et sa rayure;
2° Les proportions de la chambre;
3" Lacharge;
W Le guidonttage.
1> Forage. Rature. — Les armes lisses, même parfaitement
forées et repassées, ne peuvent aroir une portée et une exactitude
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. «34
égales à celle des armes rayées. En effet, pour permettre Tintroduc-
don du projectile, 11 faut entre celui-ci et le canon une différence de
calibre appelée vent.
Au moment du départ, le projectile, reposant sur la partie infé-
rieure du canon, laisse à sa partie supérieure un yide où passe une
partie du gaz de la poudre; d*où résultent à la fois une série de
l)attements dans Fintérieur du tube qui empêchent de prévoir la
direction exacte que prendra le projectile au sortir du canon, et en
même temps un mouyement de rotation d'arrière en avant qui
Tient aussi accroître rincertitude de cette direction. Ces défauts
sont corrigés dans les armes rayées.
Il n'est pas sans intérêt de rechercher quelle influence peut
ayoir sur la précision du tir des armes, tant lisses que rayées, les
irrégularités du forage et de la rayure.
Les défauts dans le forage et dans la rayure donnent, lorsqu'ils
sont suffisamment prononcés, des déviations qui n'ont pas une
Taleur constante et varient d'un coup à Fautre, mais qui diminuent
à mesure que ces défauts s'éloignent de la bouche.
Ils se rencontrent rarement à un degré suffisamment considé*
rable dans les pistolets neufs pour les rendre impropres au combat;
mais dans les armes ayant déjà servi, la rouille, le nettoyage
brutalement opéré avec une baguette en fer, ou mieux encore en
acier, qui aplatit ou déforme un certain nombre de rayures, peut
amener ce résultat.
Pour constater Tétat du canon, il faut entourer la baguette à
layer avec un morceau de foulard de soie, l'enfoncer doucement et
la retirer de même. Toute résistance éprouvée est l'indice d'une
imperfection.
Il suffit ensuite de déculasser l'arme et de regarder dans le tube
comme dans une lorgnette pour en constater l'état, car à chaque
aspérité un peu considérable reste attachée une peluche de soie.
2* Proportions de la chambre. — Pour qu'un pistolet con-
serve une très grande somme de justesse, il faut que la partie de la
chambre qui est en contact, d'un côté avec la balle, et de l'autre en
communication avec le feu, ait une capacité de nature à contenir
exactement la charge de poudre.
Il faut, en outre, que la concavité dans laquelle la balle doit
être logée soit fraisée avec la fraise qui a servi pour le moule à
balles, et ne soit ni plus ni moins profonde que la moitié de ladite
balle, de manière à ce que cette dernière appuie partout et ne soit
pas déformée par les coups de maillet.
Bien qu'une chambre mal proportionnée influe sur la justesse.
f m
PREMIÈRE PARTIE.
il faut reconnaître que, généralement, l'influence est trop minime
pour rendre l'arme impropre au combat.
Cependant, comme la disproportion peut être telle que le con-
traire se présente, nous ayons cru devoir entrer dans ces détails, qui
ne seraient pas complets si nous ue rappelions aui témoins que la
constatation des défauts provcuant delà chambre nécessite le décu-
3" CHAittiF. — Le calibre exact du projectile, la juste propor-
tion entre la quantité de poudre et le poids de la balle, forment la
troisième condition d'une grande précision.
Nous disons que la balle doit être exactement du calibre de
l'arme. En effet, une balle trop grosse ne peut entrer dans un pistolet
lisse, et ne peut être introduite dans un pistolet rayé qu'à force de
coups de maillet, qui la réduisent à l'état de lingot, au délrimentde
Si la balle est irop petite, le vent augmente en raison de la diffé-
rence de calibre qui existe entre l'Ame du canon et le projectile ; les
battements se produisent plus fréquents, et la balle ne reçoit plus
de direction assurée.
Les témoins ne peuvent accepter une arme ainsi chargée.
Nous disons que la mesure de poudre doit être proportionnée
au poids de la balle. Une charge de poudre exagérée fait relever le
coup. Une charge trop faible produit le résultat inverse. L'expé-
rience nous a démontré qu'on peut compter 25 centigrammes de
poudre par 10 grammes de plomb, cl 2 centigrammes par chaque
gramme en sus. Kous croyons pouvoir engager les témoinsâadopter
ces proportions pour les calibres ordinaires.
4" GuiDOBHACE. — Le guidonnage , c'est-à-dire la position
régulière du guidon et du cran de mire, constitue la dernière
condition d'une grande justesse. G'estcelle qui influe davantagesur
Is précision de l'arme.
Dans le tir au pistolet, comme il ne s'agit pas d'une arme k
longue portée, et comme la distance n'excède guère trente-cinq pas,
il n'est pas question de corriger la dérivation latérale et la courbe
de la trajectoire, et, par conséquent, de déplacer le guidon ou de se
servir d'une hausse.
Pour que les pistolets soient considérés comme réglés, deux
conditions suffisent.
II faut :
1° Que le cran de mire et le guidon soient placés exactement
dans l'axe du canon, et que, par conséquent, la ligne de mire, c'est-
à-dire la ligne déterminée par le fond du cran de mire et l'extré-
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 233
mité du guidon, soit parallèle à la ligne de tir, c'est-à-dire à l'axe
du canon indéfiniment prolongé;
2o Que le fond du cran de mire et l'extrémité du guidon aient
la même hauteur.
Cette dernière condition suppose que les canons sont d'égale
grosseur partout.
Cette égalité du canon est générale à notre époque. Nous la
supposerons toujours existante dans les explications que nous allons
avoir à donner, et négligerons les corrections qui étaient nécessaires
avec les armes anciennes, plus renforcées au tonnerre qu'à l'extré-
mité.
Pour reconnaître si le cran de mire et le guidon sont bien dans
l'axe du canon, on mesure généralement le pan sur lequel la mire
et le guidon sont fixés, et on examine s'ils en occupent exactement
le centre.
On s^assure également que l'épaisseur du fer à l'extrémité du
canon est partout bien égale.
Cette Yérification ne donne pas une certitude absolue, car le
milieu du pan peut lui-même ne pas être dans l'axe du canon; mais
les témoins peuvent s'en contenter, parce que la certitude mathé-
matique résulterait d'opérations délicates, et parce que l'approxi-
mation à laquelle ils arrivent indique que Tarme est telle qu'elle
est sortie de la main du fabricant, et n'a pas été repassée dans un
but coupable.
CHAPITRE XLlll
Opérations déloyales dont les armes peuvent être l'objet.
Certaines opérations déloyales peuvent être exécutées sur les
pistolets, dans le but de diminuer leur justesse et d'enlever au com-
battant de bonne foi, qui vise comme à l'ordinaire, toute chance
d'atteindre son adversaire, tandis que ce dernier, prévenu, s'arrange
pour corriger Técart.
Il importe aux témoins de les connaître.
Nous allons rechercher en conséquence :
l"" Quels moyens peuvent être employés, et quels en sont les
résultats ;
2"» Dans quelles circonstances ces moyens peuvent être tentés ;
>...'.--
PUÈllIIÈRE PARTIE,
3° Commeiit ta fraude peut être reconnue ;
II" Commeut od peut la prévenir.
1" Quels moyens peuvent être employés? — Quels en sont
tes résultats?
La manœuvre déloyale s'opère en déplaçant adroite ou à gauche
de l'axe du canon, soit le guidon seul, soit le cran de mire seul, soit
les deux en même temps. On peut aussi abaisser le guidon et
exhausser le cran de mire, ou exhausser le guidon et abaisser le
cran de mire.
Toutes ces opérations ont pour résultat de détruire le parallé-
lisme qui doit exister entre la ligne de tir et la ligne de mire, et de
produire une déviation latérale ou verticale.
Toiil déplacement du guidon à droite fait porter le projectile à
gauche, lii^cipro^uemeiit, tout di'placeiiient diit/uidû» à gauche fait
porter le /irojectile à droite.
Soit B le cran de mire placé dans l'axe A G du canon. Soit 0 le
but à atteindre. Supposons qu'au lieu de laisser le guidon dans
l'axe du canon, comme cela devrait avoir lieu régulièrement, une
des parties le repousse à droite jusqu'au point E, Le combattant qui
vise le but 0 n'a pas chance de l'atteindre, car la ligne de mire, c'est-
à-dire celle qui est déterminée par le fond du cran B, le sommet du
guidon K et le but 0, ne conserve pas son parallélisme avec la ligne
de tir A G 0', c'est-à-dire avec l'axe du canon indéfiniment pro-
longé, mais forme avec elle un angle 0 B 0' d'autant plus ouvert
que le but est plus éloigné. La balle ira frapper en 0', à gauche du
point visé.
Pour corriger cet écart, la partie qui connaît le déplacement du
guidon vise à droite du but, d'une mesure égale à la distance qui
sépare les points 0 et 0'.
Tout déplacement du cran de mire à droite fait porter l'arme à
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL.
235
droite. Tout déplacement du cran de mire à gauche fait porter l'arme
à gauche.
JL.
4y
B
'TÇmwZT'
Soit B le cran de mire repoussé à droite de l*aie du canon. Soit
E le guidon conservé sur cet aie. Soit 0 le point visé. La figure
Dous montre que le projectile suivra la ligne de tir A G et ira frapper
en 0', à droite du but, en formant un angle 0 E 0'. La correction
s'opère en visant à gauche du but, d'une mesure égale à la
distance 0 0'.
Si on repousse le guidon à droite et le cran de mire à gauche,
Pécart se produit à gauche. Si on repousse le guidon à gauche et le
cran de mire à droite, V écart se fait à droite. L'écart est plus consi-
dérable que celui qui est produit par un déplacement pur et simple
du seul cran de mire ou du seul guidon.
La correction s'opère en visant, à droite ou à gauche du but,
d*une distance égale à l'amplitude de l'écart.
La figure suffira au lecteur pour s'en assurer.
Lexhaussement du cran de mire fait porter le projectile plus
haut que le but visé.
Si cet exhaussement est accompagné de l'abaissement du guidon,
l'écart est encore plus sensible.
hf^'-'
Lift» dt
-0'
-0
Soit B le cran de mire placé comme le guidon E dans Taxe du
canon, mais plus élevé que le guidon, qui est réduit à son minimum
de hauteur.
Pour que le rayon visuel partant du cran de mire et passant
*•
236 PREMIÈRE PARTIE.
par Textrémité du guidon yienne frapper le but 0, il faut élever le
bout du canon et donner à Farme une inclinaison oblique.
La ligne de tir suit le même mouvement et forme avec la ligne
de mire un angle 0 K 0' d'autant plus grand que la différence de
hauteur entre le cran de mire et le guidon est plus considérable.
La balle ira frapper en 0' au-dessus du but 0. La correction s*opère«
en visant au-dessous du but, d'une mesure égale à la distance 0 0'.
Réciproquement^ V exhaussement du guidon fait porter le pro-
jectile plus bas que l'objet visé.
Ligmt'ém wiarw
La correction s'opère, en visant au-dessus du but 0, d'une
mesure égale à la distance 0 et 0'.
2<> Dans quelles circonstances ces opérations déloyales
peuvent-elles être commises?
Elles peuvent être commises sur le terrain ou préparées avant
la rencontre.
Si les guidons sont mobiles, un témoin déloyal peut en une
seconde, sur le terrain, déplacer celui d'un des pistolets précédem-
ment bien réglés, et remettre le pistolet déréglé à l'adversaire de son
client, tandis que ce dernier recevra une arme qui n'aura subi
aucune fraude.
Il peut aussi dérégler les deux armes. Son client, prévenu, cor-
rigera approximativement la dérivation, et aura chance d'atteindre
l'adversaire. Dans ces deux cas, il ne courra aucun danger, puisque
le combattant non averti visera comme à l'ordinaire, et portera
à droite ou à gauche du but qu'il veut atteindre.
Nous disons que les opérations déloyales peuvent être effectuées
avant la rencontre.
Il peut arriver, par exemple, que des armes, même inconnues,
restent entre les mains de témoins ou d'adversaires indélicats. Il
peut avoir été convenu que chacun des adversaires apportera des
pistolets et que le sort décidera la paire dont on se servira.
Dans ces deux cas, il est facile de régler à faux, sans éveiller
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. S37
l'attention, soit Tune des deux armes marquée d un signe convenu^
soit les deux armes à la fois.
Les choses se passent alors comme nous venons de le faire
obserrer, mais avec cette aggravation que Tauteur ou le complice de
la fraude aura pu faire Texpérience de l'écart produit, et pourra le
corriger plus facilement que si l'opération s'est faite sur le terrain.
Pour peu qu'on ait le temps, le déplacement du guidon et du
cran de mire, leur exhaussement, sont faciles et s'exécutent dans
des conditions qui rendent la fraude presque insaisissable,
Supposons qu'on veuille faire porter des pistolets à gauche et très
haut, on ne déplacera pas le guidon d'une quantité suffisante
pour qu'il produise à lui seul cet effet, car la supercherie serait trop
apparente. On se contente de le pousser légèrement à droite et de
l'abaisser d'une petite quantité. On fait faire ensuite une plaque de
mire plus étroite que le pan et plus haute que le guidon. On la
fixe le plus à gauche possible du pan et on creuse le cran de mire
bien au centre.
Les témoins qui examinent les armes ne s'aperçoivent point
que, par le fait du petit intervalle qui existe entre l'extrémité droite
de la plaque de mire et l'arête droite du pan, le cran de mire est
reporté à gauche.
Gomme ces déplacements pris isolément sont très peu visibles,
ils acceptent des armes qui portent sensiblement trop haut et à
gauche.
Il existe une autre méthode pour faire porter un pistolet, à
volonté, à droite, à gauche, en haut ou en bas du point visé. Cette
fraude est rare, car elle nécessite une préméditation de longue
date et la complicité d'un ouvrier habile, mais, en revanche, elle est
difficile à constater.
Avant que le canon ne soit dégrossi à l'extérieur, mais après
qu'il a été foré et rayé, l'ouvrier le met à la forge et le fait chauffer
au rouge, puis le fermant dans un étau, à quelques centimètres de
la chambre, il tire l'autre bout et l'amène légèrement à lui. Cette
traction produit une courbe qui ne saurait être appréciée à Toeil
DU, mais qui influe considérablement sur la précision du tir.
Pour mieux cacher la fraude, l'ouvrier finit les pans du canon
à l'extérieur comme si la courbe n'existait pas.
Cette opération a sur la justesse du tir une influence plus consi-
dérable que celle qui résulte du déplacement du guidon et de la
mire»
Avec une courbe à peine sensible à la baguette enfoncée à
plein dans le canon, on peut, à ce que nous a assuré un armurier,
obtenir une déviation de 1 mètre par 15 mètres environ.
r
i38 PKEMlfcRE l'AKTIE.
L'écrasement de rayures près delà bouche, le trayail de la \m^^
ti la bouche m^me, sont également des causes de dérÎTalion.
On peut eufin rendre les chances inégales enlre les ilreurs, en
donnant à une des délenles un degré de dureté supérieur à l'autre.
Cette inégalité est surtout préjudiciable lorsque le duel est au
signal ou au comoiandeuient, car, dans ces cas, le doigt presse la
détenle avec brusquerie, et entraîne, lorsque la résistante est
eicessive, de grands écarts.
3* Comment les témoins reconnaîtront-ils l'existence
des manoeuvres &auduleuses que nous venons de si^aler?
On reconnaît la fraude qui résulte du déplacement du point de
mire et du guidon, en enfonçant dans le canon une baguette à plein
qui dépasse l'orifice de 50 centimètres au moins. On fait ensuite
passer un fil par le cran de mire et l'eitrémité du guidon, et on le
prolonge jusqu'à celle de la baguette. S'il y a manœuïrc dans le
genre de celles que nous aTous expliquées, le &I, au lieu d'aboutir
au centre de ladite baguette, passe à sa droite ou à sa gauche, au-
dessus ou au-dessous, suivant le genre d'opération à laquelle on
s'est liïré.
On reconnaît la fraude qui consiste â donner une courbe au
cynon lui-même en déculas*ant le pistolet. On voit que les bords
du canon, à la culasse, ne sont plus d'égale épaisseur, L'eiameu de
l'intérieur du lube ne donnerait pas des résaltats safflsamineDt
précis.
4° Gomment les &audes dont nous venons de parler
peuvent^lles être prévenues 7
Les fraudes qui se produisent sur le terrain, grâce au déplace-
ment du guidon ou au durcissement des détentes, sont évitées en
refusant toute arme munie d'un guidon mobile, et pourvue d'une
détente dont une vis permet de modifier la sensibilité.
On évite les fraudes qui demandent un espace de temps plus
considérable, en se serrant d'armes neuves, louées ou achetées par
les témoins, et partant complètement inconnues des combattants;
en ne les laissant ni entre leurs mains, ni entre les mains des té-
moins, mais en les enfermant dans une boite scellée et en exigeant
le tirage au sort de chaque pistolet.
S'il est impossible d'user de pistolets inconnus, on arrive
au même résultat en autorisant les adversaires à se servir des leurs,
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. Î39
et en interdisant la clause en vertu de laquelle chaque antagoniste
apporte sur le terrain une paire qui est tirée au sort.
Tel est l'énoncé des moyens qui nous semblent propres à empé-
oher les fraudes que nous avons signalées plus haut.
Nous allons donner sur chacun d'eux des détails complémen-
taires.
1® Lorsqu'il a été convenu que les armes seraient inconnues des
€Mdversaires, on se sert de pistolets appartenant à la même paire,
exactement semblables par conséquent, et n'ayant jamais été tou-
chés ni vus par eux.
Le mot inconnu est pris dans le sens le plus étroit, et non
sans raison. Il n'est pas douteux qu'un instant de maniement suffit
à un tireur habile pour étudier la couche des armes, leur détente
et les adapter à sa main .
Si, par impossible, les témoins ne peuvent ni acheter ni louer
iine paire neuve, et en sont réduits à en emprunter une qui ait déjà
servi, il est absolument nécessaire que les adversaires n'en con-
naissent pas la provenance, et que leurs mandataires le certifient
par écrit.
Nous n'admettrions jamais, pour notre part, des armes ainsi
prêtées, car nous craindrions de retomber dans les doutes et les
contestations que l'achat ou la location d'armes neuves, et absolu-
ment inconnues, a précisément pour but d*éyiter.
Ayec la facilité des communications, rien n'est plus facile
maintenant.
Nous disons que les pistolets choisis doivent être absolument
similaires. Il faut entendre par ces expressions que le poids, la
couche, la longueur, la rayure, le calibre, le guidonnage, la
détente, etc., doivent être exactement les mêmes pour chacun
d'eux.
Nous allons ajouter quelques mots à ce que nous avons dit
8ur la fraude produite par le durcissement inégal des détentes.
Trop souvent les personnes appelées à examiner les pistolets
ne se préoccupent pas de savoir exactement si la dureté de la détente
est la même pour les deux armes. Elles se contentent de les armer
et de les désarmer, en retenant le chien, et se bornent à cette opé-
ration qui constitue à peine un à peu près.
£n cela elles ont tort. La certitude est indispensable. Voici
pourquoi : le coup de doigt, cet écueil du tireur au pistolet, est en
raison directe de la dureté de la détente. Il en résulte que, bien que
les adversaires soient armés de pistolets absolument identiques
comme structure et fabrication, si ces pistolets n'ont pas des
ItO PREMIÈRE PARTIE.
détentes égatementdures.réquilibredans les chances n'eiiste plus,
car ils sont munis d'instruments dont, avec la même adresse, ils ne
peuvent pas tirer mi^me parti.
Pour s'assurer de Ja dureté des détontes, on arme un pistolet
et, le tenant yerlicalemenl, on passe doucement sur la détente, â
l'endroit où se place le doigt pour tirer, un lien dont les deux bouts
pendent de chaque cAté de la crosse et sont réunis par un double
crochet en forme d'S. L'extrémité de ce crochet supporte les poids
dont l'addilîon, remplaçant la pression du doigt, fait abattre le
chien.
Les deux pistolets, pour être choisis, doivent supporter le
même poids.
Que les armes soient louées ou achetées, leur contrôle nécessite
le concours de tous les témoins. Mention du concert est insérée au
procès- verbal.
Une fois choisis, les pistolets ne sont pas plus laissés à la dispo-
sition des témoins qu'à celle des adversaires. On les enferme dans
une boite entourée, par mesure de précaution, d'un ruban qui est
scellé, serrure comprise, du sceau des témoins. VériOcation, bris
des cachets et ouverture ont lieu sur le terrain même, à l'instant
de la rencontre.
Les pistolets sont ensuite tirés au sort.
liemarquons, à ce propos, qu'il ne faut pas tirer au sort le droit
pour le combattant favorisé de choisir l'arme qu'il pi-éfère, car la
fraude pourrait en résulter si les armes n'étaient pas absolument
inconnues des adversaires. On tire au sort â qui appartient chaque
pistolet, au moyen d'une pièce de monnaie, de la courte paille on
des billels.
2" Lorsgue les adversaires se servent de leurs armes person-
nelles, chaque paire doit être remise, avant la rédaction du pro-
cès-verbal, entre les mains des témoins, qui les acceptent ou les
refusent, selon qu'elles sont eu bon ou en mauvais état, que les'
guidons sont fixes ou mobiles, qu'il existe ou n'existe pas une diffé-
rence de plus de quinze lignes (3 centimètres) de longueur au
canon ', et que leur mode de chargement, la forme de leurs projec-
tiles, l'âme du canon sont semblables ou dissemblables.
On voit que, si certaines limites de dissemblance ne doivent
pas être franchies, une parité absolue n'est plus exigée comme s'il
a été stipulé que les armes seraient inconnues des adversaires.
- Tavernier, page 199. — Du Verger de
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 244
Nous répétons encore ce que nous avons déjà expliqué. Il ne
Éaut jamais stipuler que chaque partie apportera une paire de pisto-
lets, et que le sort décidera celle dont on se servira. Nous avons
signalé les manœuvres déloyales qui peuvent en résulter; nous n'y
reviendrons pas.
Constatons seulement que cette condition est fréquemment
acceptée par des témoins qui se piquent d'être experts en matière
cle duels, et que, par surcroît d'inconséquence, elle est souvent
accompagnée de la clause accessoire suivante : u Les témoins des
cleux parties devront apporter chacun une boite de pistolets. Us
déclareront sur l'honneur que jamais les adversaires n'ont vu ou
touché lesdites armes » ; ou bien : « Les adversaires apporteront
chacun une paire de pistolets, qu'ils déclareront sur l'honneur
n'avoir jamais été essayés par eux. n
Cette clause est un non-sens. En effet, le contrôle de son
accomplissement résulte entièrement de la déclaration des per-
sonnes intéressées, qui peuvent être de mauvaise foi.
La confiance en la parole des témoins est chose relative, ques-
tion de fait et de personnalité, qui ne saurait entrer en ligne de
compte lorsqu'il s'agit d'examiner, au point de vue théorique, un
cas du genre de celui qui nous occupe.
Il suffit que la fraude soit possible pour que la convention dont
die découle doive être rejetée ^
Si, par ignorance ou pour tout autre motif, les témoins adop-
tent malheureusement la clause de l'apport des deux paires et du
tirage au sort, celui dont la paire est tombée doit abandonner à la
jpartie qui n'a pas été favorisée le droit de choisir entre les deux
pistolets celui qui lui convient. Les témoins ne doivent jamais faire
ce choix, exclusivement réservé au combattant dont les armes ne
sont pas sorties ^
1. Voyez affairo Dujarrier-de Beau vallon, Gdsette des Tribunaux, 3 octobre 1846^
27, 31 mars, 4 ayril, 21 Dovembre 1846. Appendice n^ 88.
2. Voyez affaire Le M***-de M***, Gazette des Tribunaux, 21 août 1833. Appen-
dice n« 89.
46
PREMIÈRE PARTIE.
CHAPITRE XLIV
Manière d'atténuer les dang^ers de la rencontre.
Si l'affaire à laquelle ils donnent leur concours a un motif peu
imporlaul, si l'habileté des tireurs est très inégale, etc., etc., les
témoins soubaiteot généralement, par humanité et dans le but de
sauvegarder leur responsabililt?, que la rencontre se termine sans
dénouement fatal, toujours à craindre avec les armes à feu.
Pour eu arriver là, que foot-ils?
Certains mellent des balles de liège ; d'autres, grâce à des pis-
tolets à soupape basculant à l'intérieur, escamotent les projeclilcs,
la poudre et la bourre restant seules dans le canon.
Nous ne citons que pour mémoire ces chinoiseries indignes de
j^ens sérieux.
Certains esagërent dans des pioportions considérables la charge
de poudre et la violence des coups de maillet. En cela ils se trom-
pent, car la double ou la triple charge fait relever le coup et aug-
mente la force de pénétration. Il en résulte que l'homme qui Yïse
son antagoniste à la ceinture, comme les tireurs espérimentés ne
manquent pas de faire, le touche à la tête, tandis que celui qui le
vise l'i la lùle passe par-dessus, el que le projectile, qui n'aurait
produit qu'une blessure avec la chaîne réglementaire, lue avec la
ebarge plus forte.
Toutes ces manœuvres doivent être proscrites avec d'autant
plus de raison que les témoins ont sous la main la possibilité d'ar-
river an résultat qu'ils désirent sans sortir de ta légalité. C'est de
choisir des pistolets lisses qui, par leur nature, ne possèdent qu'une
justesse très relative '. ou de donner à la détente une dureté suffi-
sante pour que le tir ne puisse s'exécuter qu'au mofeo d'une forte
pression.
L'opération du durcissement des détentes ne doit pas être
abandonnée au hasard de la morsare d'une lime manœnvrée par
an ouvrier, ou à la sensibilité de son doigt.
Les témoins doivent, avanl de lui confier la mission de durcir
les détentes, s'être entendus sur le poids qu'elles supporteront.
1. Voyei Dotn chapitre uii.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 243
En effet, sous prétexte d'atténuer la supériorité ou l'adresse
^attribuée à on des adversaires au moyen d'une détente rendue plus
dure que les détentes ordinaires, ils risquent, s'ils outrepassent cer-
taines limites, de créer une supériorité en sens inverse, en faveur
combattant dont la vigueur de poignet dépasse la moyenne.
Quelques indications seront utiles pour les guider.
Dans les tirs publics, le poids supporté par les pistolets destinés
u tir au visé est ordinairement de 800 grammes à 1 kilogramme,
considère ces détentes comme douces. Le poids que supportent
les pistolets destinés à exercer les amateurs au tir au commande-
Knent, varie entre 1 et 2 kilogrammes. On les considère comme
irelativement dures.
De 2 kilogrammes jusqu'à 3 kil. 500 grammes, il est possible à
vtn homme qui a longtemps pratiqué ce genre de sport d'acquérir
nne certaine régularité.
A partir de 3 kil. 500 grammes, le tir est forcément très irré-
g^ulier, et le coup de doigt presque assuré, surtout avec le duel au
commandement.
3 kil. 500 grammes ou 3 kil. 800 grammes représentent donc
la limite extrême de la dureté acceptable.
" Observons que les témoins d'un homme habile qui accepte-
raient Tadoption de pistolets à âme lisse et à détente durcie dimi-
nueraient leur responsabilité en diminuant la justesse des armes,
mais travailleraient en faveur de la partie la moins adroite, c'est-à-
dire en faveur de la partie adverse, et non en faveur de leur client.
Au lieu de fournir à ce dernier une arme précise, capable
d'obéir à la direction qu'il lui donnera, ils lui fournissent un
instrument qui ne le sert plus fidèlement. Ils le privent ainsi du
bénéûcB de son adresse, et Tcxposent au coup de hasard qui peut
fort bien le tuer. Ils devront donc peser les conséquences de l'acte
avant d*y consentir, et se demander s'il rentre bien dans Tesprit du
mandat qui leur est confié. Il y a là une question de délicatesse
sur laquelle nous appelons leur attention.
Ici peut se placer une question dont la solution se rattache à
l'intitulé de notre chapitre, et qui a été controversée.
Peut-on interdire l'emploi de la double détente?
Les partisans de la négative soutiennent qu'elle n'a pas été
proscrite par les auteurs, que son emploi n'a rien de déloyal, que,
par conséquent, les combattants ne peuvent être privés de l'avan-
tage qui en résulte pOjar qui a l'habitude de s'en servir.
t4V PREMIERE PARTIE.
Nous ne saurioas admetlre ce système.
Pour qu'il fût soutenable, il faudrait que le droit de choisir 1^*"*.
détente fût une prérogative de loITensé, qui l'imposerait alors î^*^
juste titre. Or le droit de choisir les pistolets, ou de déterniiaer ei*^*
fait si ceux qui sont présentés peuvent servir, appartient unique *
metit aux ifiitoiiis '. 11 faut donc en conclure que le droit de refuser "*■
la double détente ne saurait leur être contesté.
Ajoutons qu'ils ont maintes raisons pratiques pour agir dans *
ce sens. La double délente augmente le danger que courent les *
adïersaires, les expose à violer les règles du duel par un départ
précipité, qu'un simple frôlement du doigt peut occasionner*. Elle *
est aussi fort dangereuse pour les témoins eux-mêmes, à raison de '
réchappement du coup dans les directions les moins attendues.
Le silence du procès-verbal doit donc toujours être interprété
dans UD sens négatif.
Si les pistolets présentés aux témoius sont munis d'une double
délente, ils peuvent en détruire l'effet en enlevant la vis qui se
trouve sous la détente.
CHAPITRE XLV
Chargement.
Le chargement est une opération de la plus grande împortaDce.
Les témoins le comprendront pour peu qu'ils réfléchissent que la rie
de leur client peut dépendre d'une cheminée obstruée, d'une capsule
mal assujettie, et de maints accidents ou étourderies facilesà éviter.
Ils se rappelleront, en outre, que quelques grains de poudre
en plus ou eu moins, quelques coups de maillet trop violemment
donnés, peuvent amener le même dénouement, en enlevaDt au
combattant qu'ils assistent la justesse de son arme.
Le chargement peut élre effeclué de deux manières : par les
témoins ou par un chargeur de profession. Mention du mode auquel
les témoins se seront arrêtés doit être insérée au procès-verbal.
Le chargement est-il opéré par les témoins, il faut distinguer
s'il a été convenu qae les pistolets d'une seule et même paire servi-
raient, ou si chacun des adversaires a été autorisé à se servir de ses
armes personnelles.
1. Vofei notre chapitre lU.
2. Vo]'eiaSUreCrowUier>Hel*huii,FaugerouideauuoplKnettUe>|Ioiiiell,p>{rel3T.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. Ub
Lorsqu'il a été convenu que les pistolets d'une seule et même
paire serviraient, un mandataire de chaque combattant charge un
c]es pistolets. Ils opèrent à tour de rôle, en présence les uns des
antres. Ils se servent de la même chargette, et comparent mutuel-
lemcDt, en introduisant la même baguette dans les canons, le
contenu des deui armes ^
Au lieu de faire charger un pistolet par un témoin de chaque
partie, on peut convenir, au contraire, qu'un témoin, désigné à
l'ananimité ou tiré au sort, sera seul préposé à cette opération, en
présence des autres mandataires.
Lorsque les adversaires se servent de leurs armes personnelles,
les témoins se contentent de charger les uns devant les autres et à
tour de rôle*.
Le chargement doit-il être effectué par un chargeur de pro-
fession ? Le chargeur peut accomplir sa mission, soit avant la ren-
eontre^ soit sur le terrain même, et toujours en présence des quatre
témoins.
Dans le premier cas, on comprend que l'obligation de sceller
la botte contenant les armes devient encore plus étroite que si le
chargement n'a lieu qu'à l'instant de la rencontre.
Quelle que soit la personne à laquelle la mission de charger
les armes est confiée, elle aura soin de flamber chaque pistolet pour
dégager le canon, de veiller à ce que la communication ne soit pas
bouchée et à ce que la poudre arrive bien. Elle mettra dans chaque
pistolet la même quantité de poudre, une balle de même calibre,
frappera le même nombre de coups avec une vigueur égale, exami-
nera si la capsule est garnie de fulminate, et l'assujettira à fond sur
la cheminée.
Toutes ces opérations sont essentielles.
CHAPITRE XLVI
Toilette. — Visite.
Gomme la force de pénétration d'une balle est très supérieure
à celle de la pointe d'une épée, les combattants qui se battent au
1. Voyez GhateauYillard, page 35, article 6.
1 Ibidem,
Sis PREMIÈRE PARTIE.
pistolet ne sont pas tenus de se dépouiller aussi complètement que
lorsqu'ils se battent à l'arme blanche. Ils gardent tous les vêtements
qui ne risquent pas d'arrôter le projectile, tels que redingotes,
jaquettes, vestons, gilets, pardessus légers, gilets de Danelle, che-
mises empesées ou non empesées, etc. Ils se dépouillent de tout ce
qui peut leur servir de cuirasse : pardessus épais, tricots, clefs,
argent, portefeuille, porte-monnaie, médailles, etc. '.
La visite est obligatoire et s'opère de la même manière que
dans le due! à l'épine. Comme pour l'épée. le refus de se souraellre
a la visite équivaut à un refus de duel *.
Les combattants agiront prudemment en revêlant des habits
noirs ou de couleur foncée, avec absence complète de linge appa-
rent. Les boutons, les bijoui, en un mot tout ce qui peut servir de
point de mire doit être soigneusement enlevé.
Nous crof ODB poaToir leur conseiller des Tâtemeots amples ri
flottants, qui trompent fadversaire sar la sltoation exacte de là
ligne qu'il doit s'efforcer de viser. Cet effet d'îndâdsion sera d'aa-
tant plus sensible que le laps de temps accordé pour tirer sera pins
restreint; mais il feut, bien entenda, qae ces Tfitements soient
légers et incapables d'arrêter la balle.
CHAPITRE XLVll
Choix du terrain. — Tirage au sort des places.
Rappelons que le choix du terrain propice doit être opéré, si
Faire se peut, par les témoins avant la rencontre. Nous en avons
donné la raison chapitre xxu ; nous j renvoyons le lecteur.
Pour le duel an pistolet, il faut que les adversaires soient pla-
cés en rase campagne, ou tout au moins dans un terrain ouvert,
car le tir exécuté dans ces conditions est très différent de celui au-
quel les amateurs sont accoutumés dans les établissements à ce des-
tinés.
Une allée étroite, jalonnée d'arbres, formant une sorte de cou-
loir favorable à la précision du tir, ne saurait être choisie.
1. Voyci Tavernicr, pages 2^6-227, et affaires BoDnet.d'Oriiuio, Laisani-de La
Rochelle. Appendice n° 90. — H. Jollivet permei de coaierrer un portereuille. Cet(«
lolérancB est contraire i la logique et à l'eipérienco. Voyet FBtcrinu tt l» duêl,
page 238.
3. Voyet C bateau tïI lard, page 36, article 0, et tous Ira auteurs.
-^^ ■"^
rrlîNSES. - RÈGLES DU DUEL.
247
Il faut éviter que l'un des tireurs se trouve placé devant un
objet qui l'encadre et aide à le viser, tandis que l'autre a derrière lui
l'horizon.
Les inconvénients résultant du vent, de la poussière, du soleil,
de la neige, de la pluie, etc., doivent être partagés aussi équitable-
ment que faire se pourra.
Les places, après avoir été désignées, sont tirées au sort.
Rappelons que ce n'est pas le droit de choisir une place plutôt
qu'une autre qui est livré au hasard, mais chaque place indivi-
duellement. Le tirage au sort des places est toujours indépendant
de celui des armes.
CHAPITRE XLVIIl
Duel au visé de pied ferme à tir successif.
Quelle que soit notre appréciation sur les inconvénients et les
dangers de ce genre de rencontre, nous ne pouvons nous abstenir
d'en tracer les règles, car, par le fait de sa légalité, elle peut être
imposée dans certains cas.
La caractéristique du duel à tir successif étant Texistence d'un
ordre déterminé que les adversaires doivent suivre pour tirer, nous
rechercherons d'abord comment s'aoqaiert le droit de faire feu le
premier, et à qui il appartient.
La condition primordiale, indispensable pour acquérir le droit
de tuer le premier, est de posséder le choix du duel dont les règles
admettent cette primauté.
Il en résulte que le privilège de l'offensé du premier degré, se
bornant an choix des armes, ne comprend jamais le droit dont
nous nous occupons.
En cas d'offense simple, si les témoins s'entendent pour adop-
ter le duel à tir successif, ils doivent tirer au sort pour savoir quel
sera le champion désigné pour faire feu le premier.
Lorsque l'offense est du second degré, la question devient plus
scabreuse, car l'offensé a le choix du duel. Ghateauvillard ne lui
accorde le droit de tirer le premier que si les distances sont fixées
par les témoins à 35 pas ou 28 mètres ^
U Voyez Essai s w le duel, page 36, article S, et pages 113 et su iv. — Du Verger
de Saint-Thomas, chapitre viii, article il.
r
l'REMifcKE PARTIE.
M. Tavernier laisse au hasard le soin de déterminer l'ordre du
tir, mais, en revanche, il octroie à l'offensé avec injure grave, outre
le chois de t'arme, celui des dislances, pourvu qu'elles ne soient
pas inft!Tieures à 25 pas '.
Bien qoe toutes nos préférences soient pour le tirnge au son.
dont l'aléa paraît très propre à dégoûter l'offensé d'imposer un duel
BDtipatbique aux mœurs de notre époque, nous ne croyons pas
devoir adopter l'opinion de M. Tavernier, car elle est en désaccord
avec les privilèges de l'offensiïque nous avons énumérés chapitre vu,
et que M. Tavernier lui-même a posés en principe à la page 22 de
son livre; privilèges en vertu desquels le droit de choisir les dis-
tances est réservé au seul offensé avec voie de fait,
Aussi nous rangerons-nous celte fois encore à la solution de
Chateauvillard, qui possède le double avantage d'fitre correcte théo-
riquement, et de laisser aux témoins de l'agresseur la facilité de
rendre illusoire le privilège de tirer le premier qui est accordé à
l'offensé avec offense grave, s'ils trouvent ce privilège abusif.
Nous disons que la solution donnée par Chateauvillard est cor-
recte lliéoriquement.
En effet, dans le système de cet auteur, l'offensé de la
deuxième catégorie conserve le choix du duel, et les témoins le
choix des distances, conformément aux principes généraux.
IVous disons que celte solution conserve aux témoins de l'agres-
seur la facililé do rendre illusoire, s'ils le jugent à propos, le privi-
lège accordé à l'offensé avec offense grave de tirer le premier. Uu
moment, en effet, que la désignation d'une dislance de 35 pas
constitue la condition sine quà non de ce privilège ; du momentque
le droit de déterminer cette distance n'appartient ni à l'offensé ni à
ses témoins, agissant isolément et en désaccord avec ceux de l'agres-
seur, mais résulte d'un accord unanime entre tous les témoins, on
voit que si les mandataires de l'agresseur n'acceptent pas, comme
c'est leur droit, la distance de 35 pas et s'obstinent par exemple, à
vouloir celle de 25, la seule ressource pour sortir de cette impasse
sera de tirer au sort ta distance, ou de partager par moitié la diffé-
rence qui existe entre les distances proposées, conformément â la
règle admise par tous les auteurs el formulée par ChateauTîUard,
page 112, SI.
Or le tirage au sort des distances équivaut au tirage an sort
de la primauté du tir, puisqu'il y a autant de chances pour que la
distance de 35 pas ne sorte point qne pour qu'elle sorte, autant de
chances, par conséquent, pour que la condition h laquelle le droit
I. Vojrei Àrî du dnêt, pige SM.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 249
de TofTensé à la primauté du tir est subordonné dans l'espèce ne
se réalise pas que pour qu'elle se réalise.
Le résultat est le même lorsque les distances sont partagées
par moitié, puisque la distance de 35 pas ne saurait être atteinte,
si on use de ce procédé. On peut dire, par conséquent, que si, fidèle
A ses principes, Ghateauvillard donne d'une main la permission de
tirer le premier à celui qui a le choix du duel, il la lui ôte de
l'autre, lorsque les témoins de l'agresseur considèrent ce privi-
lège comme abusif.
Lorsque l'offense est du troisième degré, la controverse n'a
plus raison d'être, car l'offensé ayant le droit de choisir son arme,
son duel et sa distance, peut choisir celle de 35 pas à laquelle
est subordonné le privilège de tirer le premier, et acquérir ainsi le
droit à la primauté du tir.
S'il ne choisit pas la distance de 35 pas, la question de savoir à
qui revient le droit de tirer le premier est remise au sort. Le tirage
a lieu sur le terrain.
La solution donnée à l'importante question que nous venons
de traiter doit toujours être insérée au procès-verbal.
La deuxième question dont les témoins doivent s'occuper est
irélatiTe à la distance à laqueUe les adversaires seront placés.
Elle varie entre 15 pas ou 12 mètres, et 35 pas ou 28 mètres.
La troisième <iuestion est relative au délai pendant lequel les
«tdversaires doivent échanger leur feu.
Ghateauvillard accorde une minute à chaque combattant pour
tirer, soit deux minutes pour l'échange des deux coups.
Nous avons expliqué, chapitre xxxix, la nécessité de réduire
ce délai de moitié, ce qui, d'après notre système produit une demi-
minute pour tirer, une demi-minute pour riposter, une minute en
tout.
S'il y a blessure, Ghateauvillard accorde au blessé un supplé-
ment d'une minute pour tirer à son tour, ce qui porte à deux mi-
nutes, à partir du coup qui l'a frappé, le délai total pendant lequel
il peut riposter.
Nous avons reconnu que les raisons données en faveur de ce
supplément de délai n'étaient pas sans importance lorsqu'il s'agit
du duel qui nous occupe. Malgré cela, nous conseillons aux témoins
de le refuser, car il augmente notablement les dangers de la ren-
contre.
1 . Voyez chapitre xxxvnr.
Ï60 l'REMLEUK PARTIE.
Ces trois questions préliminaire a réeolueB, examinons quelle
est la marche du duel.
Une fois sur le terrain, les témoins mesurent le plus eiacle-
ment possible les dislances et marquent les places. Puis ils tirent
au sort chaque place.
Ils procèdent ensuite au chargement des pistolets, à moins qui;
cette opération n'ait été eiécutée avant le duel.
Dans les deux cas, ils vérifient les scelliîs de la boite qui les
contient, constatent s'ils sont bien dans l'état où on les y a placés.
ils conduisent ensuite les champions à la place qu'ils doivent
occuper daprès le tirage au sort.
Si le droit de tirer le premier n'appartient pas à l'offensé, ils
tirent au sort pour savoir à qui reviendra ce privilège.
Us iloivent, nous n'avons pas besoin de le dire, apporter dans
cette opéialion capitale la plus grande attention.
S'il a été convenu qu'une seule paire de pistolets absolument
inconnue des adversaires serait apportée sur le terrain, ils tirent
au sort 11 qui appartiendra chacun des pistolets.
Si malgré le danger d'une telle stipulation, il a 616 conTenu que
chaque combattant apportera une paire, et que le hasard décidera
celle dont on se servira, ils procèdent encore au tirage. Dans ce
cas, le combattant dont la paire est sortie est tenu de laisser choi-
sir à son antagoniste le pistolet qui lui convient.
Si les combattants sont admis à se servir de leurs armes, le
tirage au sort n'a plus sa raison d'être. Ils prennent le pistolet qui
leur convient.
Si, pour une raison quelconque, l'agresseur n'apporte pas
d'armes à lui personnelles, et s'il consent à se servir de celles pré-
sentées par l'offensé, ce dernier est tena de lui en donner le choix.
Les pistolets sont livrés non armés, et en même temps, au
denx adversaires.
Ce dernier membre de phrase demande à £tre expliqué.
Dans plusieurs duels à tir successif dont nous avons lu le récit,
nOQs avons constaté que le patient qui devait essuyer le premier
feu n'était pas muni de son arme, et qne les témoins attendaient
pour la lui remettre que son tour de tirer fût arrivé. En cela, ils
commettaient une faute, puisqu'ils le privaient du bouclier tradi-
tionnel que les tireurs dans cette position interposent devant la
partie de leur corps pour laquelle ils tremblent le plus'.
Les témoins procèdent ensuite à la visite des combattants.
1. Voyei affaire Le VMieur-Arrighl, Gazette dti Tribunaux, ii-lH mars 1832,
appendice n° 01, et k la page 210 du Dutl d traotrt les Agts, par Lcieinturier-FradiD,
la gnvurc repriSsentant Dujairier uns arme attendant le fou du Beaurailon.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 254
Ils se placent d'an même côté et sur la même ligne, de ma-
nière à ce que chaque combattant ait pour yis-à-yis les témoins
adverses.
Ils s'efforcent de trouver une position où, tout en étant bien
défilés, ils puissent surveiller efficacement les péripéties du drame.
Le directeur du combat lit alors les conditions du procès-ver-
bal, ou tout au moins les rappelle, et termine par ces mots :
« Messieurs, vous connaissez les stipulations qui ont été arrêtées
par vos témoins et ratifiées par vous. Je vous avertis que Thonneur
vous oblige à les respecter et à attendre le signal « Tirez I » pour
abaisser vos armes et viser K n
Il s'écrie alors : u Armez ! »
Après ce mot : « Armez I » qui prépare le signal, il ajoute pour
donner ce signal : « Tirez ! »
Le commandement doit être prononcé très distinctement et à
voix forte.
Dès que le commandement « Tirez ! » est prononcé, le com-
battant admis à tirer le premier peut le faire dans le temps con-
venu. L'adversaire doit attendre son feu dans Timmobilité la plus
absolue, aussi effacé que possible, et protégé de son mieux par le
bras, la main et le pistolet.
Aussitôt après l'explosion, il peut tirer s'il n*a pas été atteint,
ou si ayant été blessé il a conservé assez de forces. En effet, c'est à
partir du premier coup que court le délai qui lui est accordé pour
riposter.
Il est bien entendu que son adversaire prend dans ce cas, à
son tour, l'attitude passive que lui vient de quitter.
Ajoutons quelques mots à ce que nous venons de dire à pro-
pos de cette attitude.
Dans quelques affaires, les témoins ont obligé le patient à tenir
son arme verticalement devant la figure. En cela ils excédaient
leurs pouvoirs. Tout ce qu'ils pouvaient exiger de lui, c'était Tim-
mobilité, mais il était libre de protéger comme il le jugeait plus
avantageux la partie du corps dont il redoutait surtout la lésion.
Un exemple récent peut nous montrer que, pour être étroit, le bou-
clier n'en est pas moins efficace dans certains cas*.
Tout coup raté est considéré comme tiré, à moins de stipula-
tion contraire.
Si les deux coups sont partis sans blessures, et si le duel con-
1. Voyei affaire de T***-de P***, Juin 1839. Colombey, Histoire anecdotique du
dwl. Appendice n^ 92.
2. Voyeï affaire Dreyfas-de Mores, journal V Escrime française, 3 février 1889.
Appendice n<> 93. — Prévost et G. Jollivet, page 239.
K% .- PREMIÈRE PARTIE
tîDue, on recharge de la mémi? maDiëre qu'avant le combat, el
toutes les prescriptions obserrées au premier acte le sont encore sa
second.
S'il y a blessure, et si le duel doit continuer, les témoins obser-
vent les ri'gles lract''es cbapilre xsii, article G, relativement à l'in-
tervention des mtideciDs.
CHAPITRE XLIX
Duel au visé de pied ferme à Tolonté.
Les lémoins réunis pour établir les conditions d'une rencontre
de cette nature doivent traiter, en premier lieu, les questions rela-
tives à la dislance et au délai.
n n'y a qu'une distance, celle de 25 pas ou 20 mètres. Cette
mesure n'est suceptible ni de diminution ni d'extension, et doit être
forcément adoptée '.
ChateauTillard accorde aux adversaires tout te temps qui leur
convient pour tirer le premier coup, mais il limite à une minute à
partir de la première explosion le temps pendantleqiiel le combat-
tant qui l'a subie peut riposter.
D'accord sur ce pointavec H.Taveraier (page 211), nous avons,
dans notre chapitre xxxix, limité à une minute comptée h partir
du commandement a Tirez 1 >< le délai pendant lequel les coups
de feu doivent être échangés.
Les adversaires tirent à volonté pendant ce laps de temps.
Aussitôt la minute expirée, ils ne peuvent plus le faire, et les
témoins arrêtent le duel.
Chateauvillard accorde au blessé, pour riposter, deux minutes
qui courent à partir du premier coup. Nous avons engagé les
lémoins k refuser ce supplément, qui devient uo non-sens, s'ils
admettent comme nous un délai unique, fixe, non suceptible d'ex-
tension, avec le signal comme point de départ.
Sur le terrain, les choses se passent comme dans le duel à tir
successif, sauf qu'à partir du signal « Tirez! » les adversaires tirent
& volonté, simultanément, ou l'un après l'autre, sans autre limite
à leur caprice que l'obligation de le faire dans le délai d'une minute
i. Vo;ei chapitra ixxviil
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 253
à partir du premier feu si les témoins adoptent la règle de Chateau-
villard, ou à partir du signal s'ils adoptent notre système.
Nous renvoyons donc le lecteur au chapitre précédent pour
tout ce qui concerne la marque des places, leur tirage au sort, le
chargement, l'ouverture de la boite où sont enfermés les pistolets,
le tirage au sort des armes s'il y a lieu, leur remise, la visite, la
position occupée par les témoins, l'avertissement préalable et la
manière de donner le signal, le coup raté, le cas où le duel doit
continuer, le supplément en cas de blessure, le rôle des médecins
et celui des témoins.
Ghateauvillard place les adversaires dos à dos et ne leur donne
la permission de se retourner qu après le signal.
C'est une complication inutile, absolument tombée en désuétude
dont M. Tavernier ne parle pas, et que M. Du Verger de Saint-
Thomas n'a conservée que parce qu'elle se trouve d'accord avec les
usages italiens. Elle peut être supprimée sans inconvénients.
CHAPITRE L
Duel au visé à marcher.
Distanoes. — Dans le duel à marcher, les adversaires sont placés
à une distance qui peut être de 35 pas ou de 28 mètres au minimum,
etdeiOpasou 32 mètresau maximum. Chaque adversaire peutavan-
cer de 10 pas ou 8 mètres. On voit que les distances peuvent être
réduites à un moment donné à 15 pas (12 mètres) ou à 20 pas
(16 mètres) suivant que le minimum ou le maximum aura été
adopté.
Délai pour marcher et pour tirer. — Ghateauvillard ne fixe
aucun délai pour exécuter la marche et tirer le premier coup, qui
est complètement ad libitum. Le combattant qui l'a essuyé a une
minute pour faire feu à son tour, à partir de la première explosion.
II reconnaît au blessé le droit de tirer sur son adversaire, mais
il ne lui accorde point de supplément de délai si la blessure ne lui
a pas occasionné de chute. Il lui concède, au contraire, deux
minutes s'il est tombé.
Nous avons conseillé, chapitre xxxix, de substituer le signal au
coup de feu comme point de départ immuable du délai et de n'ac-
corder qu'une minute pour réchange des deux balles.
»« PREMIÈRE PARTIE.
Nous sommes obligé, par conséquent, de refaser loat supplé-
ment au blessé, môme eu cas de chute.
Daus le duel à marcher, les choses se passent comme daos les
duels précédents, avec quelques modiflcations.
La première ditTérence consiste en ce que les tëmoÏDS, une fois
arrivés sur le terrain, i\e se conteoteot pas de marquer les dem
extrémités de la distance choisie, mais tirent, entre ces estrémités
et à dix pas de chacune d'elles, deux lignes qui indiquent les
limites que les adversaires ne doivent pas franchir en marchant.
La deusième différence consiste en ce que le directeur du
combat donne le signal par le seul mot : » Marchez! »
Les combattants marchent alors, s'ils le jugent à propos, mais
ils doivent marcher droit l'un sur l'aulre. Ils sont oblige de tenir
le pistolet verticalement en marchant. Ils peuvent mettre en joue en
s'an'étanl. môme sans tirer, remarcher après, arriver jusqu'à la
ligne traci'e par une canne ou un mouchoir entre les dislances,
sans jamais la dépasser, tirer de leur place avant de marcher, tirer
après avoir marché, tirer quand bon leur semble '.
Celui qui a tiré doit attendre dans l'immobilité la plus complète
le feu de ïon adversaire.
Jusqu'à respiration du délai fixé, le combattant qui a essuyé
le premier feu peut toujours tirer sur son adversaire. Il peut
avancer jusqu'à la ligue tracée, mais l'adversaire n'est pas tenu
d'avancer jusqu'à sa limite pour essuyer à son tour le second coup.
Il ne |ieut pas plus y ôtre contraint qu'on ne pouri'ait lui per-
mettre de rétrograder pour diminuer le danger qui le menace *.
Nous proscrivons absolument la clause par laquelle deux pisto-
lets sont remis aux combattants. C'est une complication dangereuse
etioatile, puisque rien n'empêche les témoins, lorsque l'aCTaire est
d'une gravité suffisante, de stipuler que le duel recommencera jus-
qu'à ce qu'un des adversaires soit dans l'impossibilité de continuer,
ou qu'un nombre déterminé de balles soit échangé.
Parfois, dans ce duel, on convient que le coup de feu du pre-
mier qui tirera sera suivi immédiatement du feu de son adversaire.
Dans ce cas, les témoins ne doivent sou&ir aucun retard. Celte
clause n'est pas à conseiller, car le temps nécessaire pour ajuster et
tirer, étant une mesure qui varie selon les individus, peut devenir
un sujet de contestations.
L'intérêt commun exige que le laps de temps accordé pour
t. Voyci ChHteauvillard, pttge *I, article 12.
i. Voyez coitiututioD du géofral Exelmanf, Aflàire Lemerl^ile Haïay. Appen-
dice n* 53.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 255
riposter à celai qui a essuyé le premier feu soit déterminé d'avance
et que Tinsertion en soit faite au procès-verbal ^
Nous renvoyons le lecteur au chapitre xlvui pour tout ce qui
concerne le tirage au sort des places, le chargement, l'ouverture de
la boite où sont enfermées les armes, le tirage au sort des pistolets,
leur remise, la visite, la position occupée par les témoins, le coup
raté, le cas où le duel doit continuer, le supplément de délai en cas
de blessure, le rôle des médecins, etc.
Le directeur du combat ne doit pas oublier l'avertissement
préalable destiné à rappeler les conditions du duel.
Le signal se donne, nous le répétons, par ce seul mot :
t Marchez I »
CHAPITRE LI
Duel au visé à marche in^rrompue.
Dans ce duel, les adversaires peuvent être placés à une distance
qui est de 50 pas ou &0 mètres au maximum, et de 65 pas ou
36 mètres au minimum. Ils peuvent avancer chacun de 15 pas
(12 mètres). Deux lignes sont tracées à distance égale des points
extrêmes. Elles indiquent la limite de la marche et sont rendues
bien apparentes au moyen d'une canne ou d'un mouchoir.
La marche peut réduire, par conséquent, la distance qui sépa-
rera finalement les adversaires à 20 pas (16 mètres), ou 15 pas
(12 mètres), suivant que la mesure maxima ou la mesure minima
aura été adoptée.
Délai pour maroher et tirer. — GbateauviUard ne fixe aucun
délai pour exécuter la marche et tirer le premier coup, qui est
ad libitum. L'adversaire qui Ta essuyé a une demi-minute pour tirer
à son tour à partir du premier feu. Le blessé peut tirer s'il en a
la force, mais il n'a qu'une minute pour le faire à partir du temps
où il est tombé.
Nous avons conseillé, chapitre xxxix, de substituer le signal au
coup de feu comme point de départ du délai, et de n'accorder
qu'une demi-minute, en tout, pour l'échange des deux balles.
Nous sommes obligé de refuser, par conséquent, tout supplé-
ment de délai au blessé.
1. Voyez affaire Dujarrier-de BeauvalloD, Gazette des Tribunaux, 27, 31 mars.
\" avril, 2i novembre, 2 décembre 18 i6. Appendice n®94.
»it-.A'?:.'jii. .
B
PREMIÈRE PARTIE.
Dans le riuel à marche interrompue, les choses se passent
comme dans les duels précédents, avec la seule différence qu'une
fois le signal donné par le mol : « Marchezl <> les combattants
marchent l'un sur l'autre, s'ils le préfi^rent en zigzag, sans toutefois
s'éloigner de plus de deux pas de chaque cdtt5 de la ligne droite qui
les conduit aux lignes intermédiaires. Ils peuvent marcher droit à
ce but, s'arréler, resler en place s'ils le jugent plus avanlageui,
viser sans tirer, même en marchant, s'arrêter et tirer. Mais au pre-
mier coup tiré, les deux champions doivent rester en place. Celui
qui n'a pas tiré peut le faire, mais sans avancer.
Nous renvoyons le lecteur au chapitre xLvm pour tout ce qui
concerne le tirage au sort des places, le chargement, l'ouverture de
la boite où sont enfermées les armes, le tirage au sort des pistolets,
leur remise, la visite, la position des témoins, le coup raté, le cas où
le duel doit continuer, le cas de blessure, le raie des médecins, etc.
Le directeur du combat ne doit pas oublier l'avertissement
préalable, destiné à rappeler les conditions insérées au procès- verbal,
et la nature du signal, qui se donne, nous le répétons, par le mot :
« Marchez ! »
CHAPITRE LU
Duel au visé à lig^ne parallèle.
Comme nous l'avons expliqué chapitre xxxvui, le duel à ligne
parallèle n'est qu'une modification des autres duels à marcher,
mais une modiûcation aussi dangereuse pour les témoiasque pour
les adversaires et qui complique, en outre, la direction du combat.
Nous avons conseillé de ne jamais l'adopter. Nous n'en étudie-
rons pas les règles, que le lecteur trouvera k la page Ii9 de l'Essai
sur le duel de Chaleaavillard.
CHAPITRE LUI
Duel au signal.
DistBDoe. ~ Dans ce duel, les adversaires sont placés k une
dislance qui varie de 25 pas ou 20 mètres h 35 pas ou 28 mètres.
Prott d« donner le signal. — Le droit de donner le signal
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. «57
appartient aux témoins de l'offensé si Toffense est accompagnée
d'une voie de fait. Si l'offense est du deuxième ou du premier degré,
les témoins tirent au sort à qui reviendra cette prérogative ^ •
Délai dans lequel le signal doit être donné. — Si Tintervalle des
coups frappés n'était pas réglé d'avance, le témoin d*un habile
tireur donnerait le signal très lentement, pour que son client
puisse bénéficier de l'adresse qu'il possède. Le témoin d'un mala-
droit le donnerait très rapidement, afin de paralyser les moyens du
tireur expérimenté.
Lorsque c'est un témoin de Tinsulté avec voie de fait qui doit
donner le signal, il le fait dans l'intervalle de 3 à 9 secondes, ou de
2 à 6 secondes, c'est-à-dire 3 secondes entre chaque coup, qui pro-
duisent 9 secondes pour les trois coups, ou 2 secondes entre chaque
coup, qui produisent 6 secondes pour les trois coups.
Il n'est pas tenu d'avertir les témoins adverses du choix qu'il a
fait entre ces deux manières de donner le signal ^.
Si le droit de donner le signal est tiré au sort, l'intervalle entre
chaque coup doit être de 2 secondes à 6 pour les trois coups '.
On remarquera que le duel au signal présente deux exceptions
aux règles générales.
La première, qui a été déjà signalée par nous chapitre xxxviii,
est relative au droit que possède l'agresseur de refuser le duel au
signal, toutes les fois que l'offense n'est pas avec voie de fait ^.
La deuxième, qui est relative au droit qui est accordé aux
témoins de Toffensé, et par le fait à l'offensé, de choisir le délai s'il
y a eu voie de fait, est une atteinte portée au principe formulé cha-
pitre XXXIX, en vertu duquel le choix du délai doit résulter de l'ac-
cord des témoins.
Dans le duel au signal, les choses se passent comme dans les
duels précédents, pour tout ce qui concerne le tirage au sort des
places, le chargement, l'ouverture de la botte où sont enfermées les
armes, leur tirage au sort, leur remise, la visite, la position des
témoins, le cas où le duel doit continuer, le cas de blessure, le rôle
des médecins. Nous renvoyons le lecteur à ce que nous avons expli-
qué chapitre xlviii.
Le duel dont nous nous occupons diffère des autres combats par
la manière dont le signal est donné.
1. Yoyez Chateauvillard, pago 5i, articles 8 et 0. — Du Verger de Saint-Thomas,
page 388, articles 6 et 7.
2. Ibidem»
3. Ibidem,
4. Ibidem, chapitre iv, article 11.
47
A-^.
»S PREMIERS PARTIE.
Les combattaDts, aussitôt qu'ils ont reçu leurs armes, doireot
les armer et teoir le boni du caaon vers la terre eo attendaot le
signal.
Le signal se donne par trois conps frappés daosla main, & égale
distance les uns des autres. Au premier coup frappé, les combattants
doirent lerer leur arme; entre le premier, peodant le second et jus-
qu'au troisième, viser.
Au troisième, qu'ils soient ou ne soient pas en ligne, ils doivent
tirer simultanément. Simultanément est le mot. Il s'agit de la vie el
de l'bonnear. Il n'ya, pour tirer avant ou pour tirer après le signal,
ni l'excuse de l'agitation, ni aucune excuse possible.
On comprend la nécessité de l'aTerlissemeot préalable donné
par le directeur du combat : « Souvenez-Tous, messieurs, leur ditMl,
que l'bonneur exige que chacun de tous tire au troisième coup
frappé, ne lève pas l'arme avant le premier coup, et ne tire pas avant
le troisième. »
Si l'un des combattants lire avant le troisième coup ou seule-
ment une demi-seconde après, il est un homme sans foi, et, s'il tue.
S'il tire avant le troisième coup, son compagnon peut prendr»
tout le temps qu'il veut pour tirer, et tirer sans scrupule '.
La punition est bien méritée, et nous ne saurions blAmer I9-
combattanl qui l'infligerait â un adversaire aussi déloyal. Mais oou»
devons lui signaler les dangers auxquels il s'exposerait si, ea ral>--
scncc de stipulation prévoyant expressément ce cas, il usait de la
permission donnée |iar Cliateauvillard, et tuait ou blessait son anta-
goniste, après avoir visé gilus longtemps que les régies du duel au
signal ne le comporteut'.
Il serait plus prudent, croyons-nous, de laisser aux témoins ou
aux jurés d'honneur la titchc d'imprimer au combattant déloyal la
sanction d'une flétrissure, qui constitue la punition la plus sévère
que la législation du point d'honneur ait édictée, et même de le
déférer A la justice.
Si l'un des combattants a tiré au troisième coup et selon la
règle, et que l'autre oliampioa reste ti viser, les témoins doivent se
jeter, à leure risques el pOiils, entre les adversaires et leur faire
mettre arme bas. Dans ce cas, les témoins de celui des deux qui a agi
selon les conventions peuvent demander tout autre duel et refuser
celui-ci. Les témoins de celui qui est resté à viser doivent le répri-
mander d'uoe vigouj'cuse manière et consentir à l'autre duel.
OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. «59
L'affaire est alors remise et procès-yerbal de constat dressé,
conformément au principe que nous tenons à sauvegarder chaque
fois que l'occasion se présente et qui serait violé sans cela : c'est
qu'aucun changement important ne doit être fait sur le terrain,
aoz conditions insérées au procès-yerbal dressé avant la ren-
contre.
Dans le duel au signal, tout coup raté est considéré comme
tiré. Il ne peut y.avoir stipulation contraire, puisque l'obligation de
tirer simultanément est une condition essentielle des duels de celte
espèce.
Terminons notre chapitre par une observation qui peut sembler
trop minutieuse au premier abord, mais qui a son importance.
Dans le cas où le pistolet d'un des adversaires ne serait pas
parti au troisième coup, nous lui conseillons de le relever instanta-
nément.
En effet, si un long feu se produit, et si le coup part après le
signal, comment le combattant dont l'arme sera restée. braquée sur
son adversaire pourra-t-il prouver qu'il n'y a pas de sa faute et qu'il
a serré le doigt en temps voulu?
Ne peut-il se faire que les témoins, à raison de la distance,
n'aient pas vu s'abaisser le chien, et que l'explosion du pistolet
adverse ait couvert le bruit de la capsule?
Du moment qu'un retard d'une demi-seconde suffit pour rendre
le coup déloyal, il faut éviter jusqu'aux chances les plus impro-
bables d'un tel malheur ^
CHAPITRE LIV
Duel au commandement.
Le duel au commandement n'est qu'une modification du duel
au signal.
Tous deux, en effet, ont le môme but, celui d'égaliser les chances
entre un homme habile et un autre qui ne Test pas.
Tous deux ont le même caractère, qui consiste dans l'obligation
imposée aux adversaires de tirer dans un délai très court, et de se
conformer à un commandement donné par trois coups frappés dans
1. Voyez affaire Ritter-Applcton, Gazette des TribunauXj 2 et 3 août 1873. Appen-
dice n* ^5.
ÏCO PREM1(;HE l'AUTIE.
la main, et par les nombres ud, deux, trots, prononcés à intervalles
égaux.
Le premier duel diffère du second en ce que TobligalioR de
leverrarme au premier coupet de tirer simultanément au troisième,
qui esl imposée aux adversaires dans le duel au signal, n'existe
plus daus le duel au commandement. Elle est remplacée par la
faculté de tirera Tolonté, dans un laps de temps qui commence an
mol <i feu I) pour se lermint^T au nombre « trois ».
Il faut conclure de ce parallèle que les règles formulées par
Cbateauvillard pour le duel au signal restent applicables au duel
au commandement pour tout ce qui ne rentre ni dans la manière
de donner le signal, ni dans le délai pendant lequel on doit le
donner.
Elles sont applicables, par conséquent, à la question des dis-
tances et à celle de savoir à qui revient le droit de donner le signal,
car ces deux points sont indépendants de ceux à propos desquels il
a été innové.
Distanoes. — Les combattants sont placés, comme pour le duel
au signal, â une dislance qui ne peut être ni moindre de vingt-cinq
pas (20 mètres}, ni supérieur à Irenle-cinq pas (28 mètres) '.
Droit de donner le al^aal. — Le droit de donner le signal
appartient, comme lorsqu'il s'agitdu duel précédent, aux témoins de
l'offensé, lorsque l'ofTensc est du troisième degré. Il est tiré au sort
si l'offense est du premier ou du second.
La raison pour laquelle ce privilège a été réservé par Chateau-
rillard à celui-là seul qui a essuyé le maximum des offenses est
motivée par l'avantage considérable que lui procure le droit de
recevoir un commandement auquel il est accoutumé. Aussi ne
saurions-nous admettre l'opinion de M. Tavernier, qui en fait
toujours l'apanage de l'offensé, même si l'offense est du premier
degré et ne comporte pas le droit au choix du duel *.
Délai. — L'importance de la réglementation du délai pendant
lequel le commandement devra être donné est aussi considérable
dans le duel dont nous nous occupons que dans le duel précédent,
et pour les mêmes motifs. Cette question doit faire l'objet d'une
stipulation insérée au procès-verbal '.
Mais comme dans le duel au commandement les adversaires
ne sont plus tenus k l'obligation de tirer instantanément et simul'
i. Conformément, ToyeiTavornier, page 216.
2. Ibidem, pige 217.
3. Voyei affaire Déronlède-Clémenccau, 22 décembre 1S?I2, Appendice a' 1 13.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. Î6I
tanément au nombre trois ; comme ils peuvent le faire à yolontét
à partir du mot « feu », il est juste de diminuer les délais fixés
par Chateauvillard pour le duel au signal.
L'intervalle isochrone entre le mot <(feu », le nombre « un » et
cbaque coup compté à haute voix, varie entre une demi-seconde,
qui produit une seconde et demie pour les trois coups, et une
seconde et demie, qui produit quatre secondes et demie pour les
trois coups. Une bonne moyenne est celle d'une seconde, qui pro-
duit trois secondes en tout ^
Dans le duel au commandement comme dans les autres duels
au pistolet, excepté le duel au signal, le droit de choisir le délai
n'appartient jamais à l'offensé, quel que puisse être le degré de
l'offense. Nous rentrons dans la règle générale formulée cha-
pitre XXXIX et qui réserve le droit aux témoins. S'ils ne sont pas
d'accord, le sort décide, ou bien on prend la moyenne entre les
deux desiderata s
Marche du duel. — Dans le duel au commandement, les choses
se passent comme dans le duel précédent, pour tout ce qui concerne
le tirage au sort des places, le chargement des armes, leur tirage
au sort, leur remise, la visite, la position des témoins, le coup raté,
le cas où le duel doit continuer ; le rôle des médecins '.
FJles diffèrent pour tout le reste.
Aussitôt que les pistolets ont été remis aux combattants, le
directeur du duel leur résume les conditions de la rencontre, leur
fait promettre de les exécuter, et termine son speech en disant : « Je
vous rappelle que vous devez tenir votre pistolet verticalement;
ou le bout à terre (suivant la position choisie par les témoins) ;
répondre oui ou non à l'interrogation de « Êtes-vous prêts? » ; que
rhonneur vous oblige à attendre le mot « feu » pour abaisser votre
arme et tirer, et que vous ne pouvez plus tirer dès que le mot « trois »
a été prononcé. »
Avant de commander le feu, il jette un coup d'oeil rapide sur
la position des adversaires et veille à ce que le bout des canons
soitdirigéen l'air ou à terre, suivant les conventions.
Il commande alors le plus haut et le plus distinctement possible:
tt Ètes'vous prêts ? » A ces mots qui préparent au signal, les com-
battants ne bougent pas leur arme, mais répondent oui ou non*
Dès qu'il a entendu la réponse affirmative des deux champions,
1. Conformément, voyez Tavernier, page 216.
2. Ibidem, page 217, il ne faut pas confondre dans ce texte le droit de déterminer
les délais et celui de donner le signal.
3. Voyez chapitre xLVin pour toutes ces questions.
jj^. -. f
262 PREMIÈRE PARTIE.
il continue par le commandement de « Feuf » qa'il fait suivre de
rénumération suivante, bien scandée et bien martelée dans la
main : « Un » — « deux » — « trois ».
Dès que le mot « feu » est prononcé, les combattants abaissent
ou lèvent leur arme et peuvent tirer. Le coup doit partir entre le
mot tt feu » et le nombre « trois. »
Tirer avant le mot « feu » ou après le nombre « trois » constitue
une déloyauté.
Dans le duel au commandement, tout coup raté est considéré
comme tiré.
Position qae doivent avoir les pistolets dans le duel an oom-
mandement. — Nous terminerons ce chapitre par une observation
sur la manière dont les adversaires doivent tenir leur arme en atten-
dant le signal.
Au lieu d'exiger que le bout du canon soit tenu en l'air et
l'arme placée verticalement, comme nousl'avons indiqué pins haut,
MM. Tavernier et G. Jollivet enseignent que le bout du pistolet
doit être incliné vers la terre.
A première vue, il semble que ces deux positions se valent et
qu'elles peuvent être choisies indifféremment. Il n'en est rien cepen-
dant. La première nous semble préférable, et nous conseillons aux
témoins de l'adopter, pour plusieurs raisons :
l"" Parce qu'elle n'est ni dangeureuse pour le tireur, ni suscep-
tible de l'exposer à échapper le coup dans la direction de son
antagoniste avant le signal ;
2» Parce qu'elle simplifie la direction du combat et rend cer-
taines fraudes difficiles à commettre;
3" Parce qu'elle diminue le danger de la rencontre, et partant
la responsabilité des témoins.
Nous disons qu'elle n'est ni dangereuse pour celui qui tire, ni
susceptible de l'exposer à échapper son coup dans la direction de
l'antagoniste avant le signal.
En effet, avec la position verticale, si pareil accident se pro-
duit, il n'y a qu'une balle perdue en l'air, sans lésion morale ou
physique pour personne.
En est-il de même si le bout du pistolet est dirigé vers la terre?
Nous ne le croyons pas.
Les précautions que M. Tavernier conseille aux adversaires
nous semblent constituer le meilleur argument en faveur de cette
assertion : « Je recommande instamment aux combattants, écrit -il
page 218, de ne jamais placer leur arme dans la direction de leur
pied, comme je l'ai vu faire souvent. La moindre distraction, la
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 2&3
moindre contraction nerveuse, peut faire partir le coup. Il en résul-
tera une blessure assez grave, toujours ridicule. On devra donc prêter
son attention à tenir le bout du canon de l'arme à une certaine
distance du pied droit. »
Mais ce n'est que le moindre inconvénient de cette position.
L'échappement intempestif du coup peut avoir un dénouement plus
fâcheux encore, lorsque le bout du canon est dirigé plus en avant
du pied que dans la première hypothèse.
Un ricochet se produit-il alors ? La balle atteint-elle ou effleure-
t-elle l'autre combattant ?
Le tireur coupable d'une simple contraction nerveuse peut être
regardé comme ayant commis une déloyauté.
Pareil accident survint, il y a quelques années, dans un duel
au revolver entre deux officiers belges. Les témoins adverses n'ad-
mirent pas l'excuse du mouvement réflexe. Ils refusèrent de conti-
nuer l'affaire, au grand préjudice moral de celui qui avait échappé
le coup.
Nous disons que la position verticale de l'arme simplifie la di-
rection du combat.
Elle évite les discussions qui peuvent s'élever relativement à
l'angle plus ou moins grand que le canon du pistolet abaissé pourra
former avec le sol, angle dont l'ouverture exacte doit être çtipulée
au procès-verbal et vérifiée sur le terrain.
Les adversaires devront-ils laisser tomber le bras naturellement
le long du corps? Pourront-ils le tendre au contraire en avant 7
Dans quelle mesure? Gomment les témoins s'assureront-ils qu'il y
a symétrie dans la position des deux champions ?
Autant de questions qui n'ont plus leur raison d'être avec la
station verticale, qui n'admet point de moyen terme.
Nous disons que la position verticale rend certaines fraudes
difficiles à commettre.
Elle évite notamment celle qui consiste à relever le pistolet
par un mouvement insensible, de manière à diminuer la course
qa'il doit accomplir pour atteindre la position horizontale, et rendre
le tir plus rapide.
En effet, le bout du canon tenu verticalement se détache sur
Riorison. Il devient le point de mire involontaire de tous les
regards, qui percevraient immédiatement la moindre oscillation
iilégBlé si elle était esquissée.
Roos disons qu'elle diminue les dangers de la rencontre.
En effet, le combattant qui tient le pistolet abaissé trouve
»:..''
I
Mf ['REMIÈRE PARTIE.
rapMemcnl sa ligne qu'il rencontre â la cheville de son adversaire.
Il peut, par conséquent, attaquer la détente à partir du genou.
Peu importe que cetle détente soit douce ou raîde, qu'il
prenne fin guidon ou trop de guidon. S'il évite l'écart latéral, il est
certain de toucher un peu plus bas ou un peu moins bas, mais en
somme de toucher, ce qui est essentiel.
Or, grâce à la pression commencée au genou de l'adversaire
et continuée progresst?emeiil en remontant, il évite, même avec
une détente dure et inconnue, le coup de doigt, celle cause ordi-
naire des écarts. Toutes les chances sont en sa fareur '.
Au contraire, le tireur qui a son pistolet dans la position fcr-
tîcalo et qui est obligé de l'abaisser pour faire feu ne peut, sans
imprudence, commencer à presser la détente à l'instant où it ren-
contre la tOle de son adversaire. Kn effet, s'il ignore la dureté de la
détente, ou s'il prend trop de guidon, ce qui arrive d'ordinaire, il a
bien des chances, l'émotion aidant, pour passer par-dessus son
homme.
Son unique ressource pour éviter cet accident est de baisser le
plus rapidement possible son iirme, de chercher h viser le point
qu'il veut atteindre, et de serrer le doigt aussitôt qu'il l'a trouvé.
Mais comme cette manœuvre lui a pris du temps, comme il est
obligé de courir après le commandement, il est plus que probable
que la pression sera saccadée et qu'il donnera le coup de doigt,
surtout si, comme cela arrive généralement, la délenle est dure et
iDCOQDue. Il y a bien des chances, par conséquent, poar qu'il porte
à droite ou à gauche.
On voit qu'avec le délai restreint qui est la caractéristique de
notre duel, le combattant qui tient son arme penchée à terre se
trouve dans de bien meilleures conditions pour atteindre son
adversaire quecelui qui la tient verticale.
Les témoins soucieux de diminuer les dangers de la rencontre
et leur responsabilité possèdent un moyen d'autant plus efficace d'y
arriver, que la majorité des tireurs, des tireurs parisiens surtout,
s'est exercée au tir de bas en haut'.
Le point de vue différent auquel nous nous plaçons, et qui est
celui auquel les témoins doivent se placer dans la plupart des cas,
explique notre dissentiment.
1. Conronnénicnt, Tojet opinion du prince Bibcico. Tavernier, page 197.
2. Contra, Toye* G, Prétoii et G. JoUiTet, PEtcrime et le dutl, p«çe 239,
CONDITIONS SPÉCIALES AU DUEL AU SABRE
CHAPITRE LV
Duel au sabre.
Les règles du dael à Tépée sont applicables au duel au sabre,
sauf pour ce qui concerne la nature des armes et la manière dont
il est permis de s'en servir.
Les chapitres relatifs : l"" au choix des épées, pour tout ce qui
n'est pas spécial à l'épée en tant que contexture ; 2"" au choix du
terrain, à la mesure du champ, au tirage au sort des places; 3<» à la
toilette et à la visite; k"* au directeur du combat; 5<> à l'usage de la
main qui ne manie pas Farme; 6*" aux reprises et aux repos;
!• à Tacculement; S"* au corps à corps; 9*" au désarmement; lO^» au
bris et au faussement; 11"" à la chute; 12'' à la blessure, s'ap-
pliquent également au duel au sabre.
Dans le duel au sabre, les témoins peuvent conseiller l'usage
des sabres courbes comme moins dangereux, mais cette condition
ne peut pas être imposée ^
Lorsque le signal est donné, les combattants se portent des
coups d'estoc et de taille, avancent, rompent, se courbent, tournent
et voltigent, se plient, font toutes les voltes qui paraissent avanta-
geuses.
Nous renvoyons, du reste, le lecteur, pour plus amples explica-
tions, au chapitre vui de VEssai sur le duel où Chateauvillard entre
dans de minutieux détails sur ce genre de combat et sur le duel au
sabre sans coups de pointe, quelquefois en usage, mais qui ne peut
être imposé par Toffensé qui a le choix du duel.
CHAPITRE LVl
Violation des règles du duel. — Provocations à la suite
et à cause du duel.
Lorsqu'une infraction aux règles du duel ou aux conditions de
la rencontre se produit, les témoins arrêtent le combat.
1. Voyez ce que nous avons dit chapitre vi sur l'adoption du sabre droit, et
Du Verger de Saint-Thomas, chapitre vir, observations sur Tartlde 8.
f-^:.'
tt4, TRElirERE PARTIE.
Si l'iofractiOD e&t p«a grare, si les témoios s'accordent ponr la
regarder comme simple faDt« excusable dans qm ceruiae mesure,
et aoa comme qd acte entaché de déloranté, il y a interraption de
courte dnrêe. Le combat est repris dans la séance où a été commise
l'infraclioD.
Si les témoins ne sont pas d'accord snr la raleoret le caractère
de l'infraction, si les mandataires da délioqoant prétendent qn'ily
a en simple faute, «rt si les mandataires adrerses soatiennent qn'Û
y a eu intention déloyale, le combat oe peut être repris dans la
séance où l'infractioa s'est produite. 11 faut aupararaot qn'on jury
d'tionnear se soit prononcé sur la qaaliflcalion à donner h l'acte-
Si l'infraction entraîne une blessure, le combat est toujours
suspendu, même quand le blessé demande k continuer, ou si les
témoins n'accusent pas de déloyauté celui qui a porté le coup, cas"
la circonstance de la blessure donne au fait une grarilé spéciale
et nécessite un examen plus approfondi que celui qai peut aToir
lieu sur le terrain.
Si les témoins reconnaissent unanimement qu'il y a eu înlen —
tion déloyale, l'arrél du combat est définitif, quand bien même?
l'infraction n'aurait pas causé de blessure.
Il existe des cas où rinleutioD déloyale est si fortement présu — ■
mée, que la simple constatation du fait par les témoins entrains?
l'arrêt définitif, bien que le procës-Terbai soit mnet snr U qaestiotv-
de (li^-loyauté.
On peut ranger parmi les faits auxquels les circonstances don—
nent tantôt le caractère de simples infractions, tantâl le caractère
d'actos déloyaux :
Pour le duel A l'épi-c : le cas oi'i l'un des combattants engage le
fer avant le signal, continue malgré l'arcrtissenient des témoins,
pare avec la main qui ne manie pas lépée (droite ou gaucbe, selon
qu'il est gaucher ou droitier], mais sans porter de coup.
Pour le duel au pistolet : le cas où un des combattants abaisse
ou lève son arme, vise ou marclie avant ou après le signal ou
après l'ordre d'arrêter, mais sans tirer.
On peut ranger parmi les faits susceptibles d'entratuer ipso
facto la présomption de déloyauté :
Pour 1« duel à l'épée : le cas où un des combattants refuse de
se laisser visiter, est trouvé porteur d'une cuirasse, pare avec la
main qulne manie pfis l'épée ou saisît l'arme adverse, et proûte de
celle manixQTre pour toucher ou essayer de loucher son adver-
sairaj le cas où il le frappe ou cherche à le frapper lorsqu'il est
" """ T-- t^sarraé ou tombé; le cas où, malgré la stipulation
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. Î67
contraire, il feint de tomber et touche ou cherche à toucher son
adversaire qui croit à une chute véritable ; le cas où il s'acharne
sur le blessé, malgré Pinterrention des témoins.
Pour le duel au pistolet : le cas où les armes auraient été
Fobjet de manœuvres coupables ; le cas où un des combattants
refuserait de se laisser visiter, serait porteur d'un objet pouvant
servir de cuirasse, tirerait avant son tour, avant ou après le signal
ou malgré l'ordre d'arrêter, quand bien même le coup n'aurait pas
été suivi de mort ou de blessure.
La récidive d'un acte entraînant simplement l'interruption du
combat produit le même résultat.
L'interruption ou la suspension du combat doivent être consi-
dérées comme un moyen d'arriver à punir l'infraction, l'arrêt défi-
nitif comme une conséquence de cette punition, mais ils ne sont
jamais une sanction proprement dite.
La sanction d'une infraction non entachée de déloyauté consiste
dans le rappel à l'ordre, le blâme et l'insertion au procès-verbal.
La sanction d'une infraction entachée de déloyauté consiste
dans la rédaction du procès-verbal de constat, dans la disqualifica-
tion du coupable et dans la plainte ou la dénonciation du fait aux
tribunaux répressifs.
Nous nous occuperons, au chapitre suivant, de ce qui concerne
le procès-verbal de constat ; disons quelques mots de la disqualifi-
cation.
Toutes les fois qu'un procès-verbal, signé de quatre témoins,
constate, d'une manière authentique et indéniable, Texistence
d'une infraction à laquelle la présomption de déloyauté est atta-
chée, à plus forte raison toutes les fois que le procès-verbal déclare
qu'il y a eu félonie, la disqualification est encourue de plein droit,
et la question préalable d indignité peut être opposée de piano au
délinquant, sans que celui qui refuse le duel puisse encourir de
bl&me^
Toutes les fois que le procès-verbal invoqué n*est pas revêtu
d'an caractère d'authenticité suffisant pour faire foi complète de
l'existence de l'infraction et de son caractère déloyal, la disqualifi-
cation ne peut résulter que de la sentence d'un jury d'honneur.
Il en résulte que la partie qui invoquerait, pour opposer la
question préalable d'indignité, un procès-verbal rédigé de telle
façon qu'il pût y avoir doute sur la déloyauté de l'acte, et qui refu-
i. Voyez affaire N***-Monvielle, Gazette des Tribunaux, 11 août 1887. Appen*
dice n«.96.
■ ^ «
ses i'RE!iiii:nE i-artie.
serait la proposition qui lui serait faite de soumettre le litige â la
décision d'un arbitre, ou mieux d'un jury d'Iionneur, agirait incor-
rectement.
Celte solution s'applique non seulement au cas où celui qui
oppose ia question préalable a élu partie dans l'alTaire où l'infrac-
tion s'est produilD, mais encore au cas oi!i c'esl un tiers qui n'y a
pas Été mél^.
Trop souvent ou suit une marche diamélralement oppost^e. Au
lieu de soumettre le litige à un jury d'honneur, qui est seul capable
de lui donner une solution rationnelle et dcflnitive, les parties
engagent une polémique dans les journaux, qui enregistrent à
l'envi procès-verbaui, lettres rectiHcalivos, injurus et démeoiis.
En agissant ainsi, personne n'atteint son but.
En effet, lorsque la polémique est close, la question demeure
en l'élat, et les intéressés n'ont obtenu d'autre résultat que de fati-
gUL'i' le public de leur bruyante personnalité ' .
Lorsque l'infraction présente un caractère spécial de gravité,
tant à cause de la déloyauté àv l'acte qu'à cause de la lésion corpo-
relle qu'elle a entraînée, l'intérêt social eiige que le coupable
reçoJTe une punition plus exemplaire que la disqualification, qu'on
considère avec juste raison comme trop platonique. Mais comme la
législation du point d'honneur n'offre aucun moyen de correction
plus efflcace que la mise au ban de l'opinion publique, force est
aux témoins de recourir à une législation mieux armée, c'est-à-dire
aux tribunaux ordinaires.
Chateanvillard et ses commentateurs vont jusqu'à leur en
imposer l'obligation •. Mais il importe de faire remarquer qu'en
obéissant à celte injonction, en ajoutant la sanction de la loi répres-
sive à la sanction du point d'honneur, ils exposent leurs clients
et ils s'exposent eux-mêmes au danger d'être englobés dans les pour-
suites comme coauteurs et complices.
Bien qu'au moment oi'i nous écrivons, le ministère public
semble peu disposé à s'immiscer d'office dans les affaires d'hon-
neur, le péril existe.
Il faut considérer, en effet, que celte inaction n'implique pas
la volonté de désarmer et de tolérer le duel, mais une neutralité
passagère qui disparaîtra avec les raisons accidentelles qui l'ont
fait naître.
Le ministère public, obligé de fermer les yeux par ordre sapé-
1. Voyu affaire Hermeix-La Bruyère, etc., Etc. Le Kalional, n" de» 9, 10, Il
«eptcmbre ISSO. Appendice n°S7.
S. Vojrei Estai lur U dutl, page 34, article W. ■~- Tavcrnier, page 187, etc.
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 269^
rieur, les ouvrira aussitôt que les duellistes yiendront eux-mêmes
le réveiller. De leur côté, les magistrats, qui protestent in petto
contre une impunité qu'ils trouvent scandaleuse, saisiront avec joie
roccasion de faire un exemple, et de rappeler au public que Pacte
déloyal n'est pas une condition sine qud non du délit, mais que ce
délit existe indépendamment de toute félonie ^
Reste ù étudier le rôle du directeur du combat et celui des
témoins, en cas de violation des règles ou conventions du duel.
Ils séparent immédiatement les combattants, les désarment et
les éloignent. Un témoin de chaque partie se place à côté de son
client pour éviter toute collision, pendant que les deux autres
confèrent à l'écart. La conférence terminée, les premiers rem-
placent auprès des antagonistes leurs collègues qui délibèrent à
leur tour.
Est-il besoin d'insister sur la tenue correcte que doivent garder
les témoins pendant tout ce temps? Il leur est interdit d^injurier et
surtout de frapper Tauteur de Tinfraction >.
Ces procédés, contraires aux devoirs des témoins, enlèvent au
procès-verbal rédigé après la rencontre une partie de l'autorité
qu'il devrait avoir. Il semble alors dressé sous Tempire de la colère
et en dehors de toute impartialité. Au lieu de nuire à l'auteur de
l'infraction, il lui procure quelquefois des circonstances atté-
nuantes qu'il n'aurait pas obtenues sans cela.
Provocation à la suite et à cause du duel.
Si le combattant sorti vainqueur de la lutte, si les témoins
reçoivent sur le terrain une provocation à cause du duel, ils
doivent refuser de se prêter à une rencontre immédiate'.
Les témoins qui reçoivent un cartel au sujet du duel bénéfi-
cient des avantages accordés à Toffensé avec coups et blessures, s'il
est démontré que les torts sont du côté du provocateur*.
Comme le fait justement remarquer M. Tavernier, page 189,
on a voulu ainsi punir les provocations adressées, par certains
tireurs forts aux armes, à des hommes inexpérimentés, dont la
1. Voyez cependant dans l'affaire Mermeix-Labruyère, précédemment citée, la
lettre qae M. Mermeix adressa en vain au procureur général pour obtenir d'ôtre tra-
duit devant les tribunaux.
2. Voyez affaire N***-Monvieîle, Gazette des Tribunaux, 11 août 1887. Appendice
ao98.
3. Voyez Chateauvillard, chapitre iv, article 5, et notre chapitre xii, article pre-
mier. ^
4. Ibidem, article 2i. — Du Verger de Saint-Thomas, chapitre iv, article 4o.
J70 PREMIÈRE PARTIE.
liberld d'action eût pu ôlre enlravée par l'espèce de terreur qa'ins-
pirent géoéralenient les duellistes habiles et peu scrupuleui.
En faisant bi^ULÛcîer les provoqués de celte catégorie du clioii
des armes, du duel et des distances, avantages accordés aui offeo-
sé8 avec voie de fait, Ghateauvillard a voulu donner ù réfléchir
aux agresseurs exercés et réserver, le cas échéant, de légitinies
avantages à l'hounéle homme auquel l'accomplissement de son
devoir a valu une odieuse provocation.
Le sentiment qui a inspiré le législateur du point d'honnenr
esl celui qui a inspiré le législateur de la loi pénale lorsqu'il a
frappé de sanctions exceptionnelles les injures et dîlTamatioDS
adressées aux témoins ordinaires, à cause de leur déposition.
CHAPITIIE LVII
Procès-verbal après la rencontre.
Aussitôt après la rencontre, un procès-verbal est rédigé. Il doit
être fait en doubleexpédition.dontchacun des combattants conserve
un exemplaire. Chaque exemplaire est signé par les quatre témoins.
Nous engageons les témoins h rédiger ce procès-verbal aussitôt
après le combat, de manière à le faire avec le souvenir précis des
moindres incidents de la lutte, sous le coup de l'événement, et
avant que des conseils ou des observations intéressées n'aient pn
influer sur la véracité absolue qui doit présidera la confection d'un
acte si important.
NousIesengageoDsâ le rédigera huis clos, afin d'éviter des immix'
tionseldesindiscrétionsTàcheuses; en particulier, celles de la presse'.
Cette recommandation est plus importante qu'elle ne semble
tout d'abord. En effet, s'il y a des duels qui nécessitent une certaine
publicité, il en est un plus grand nombre qui doivent rester inédits
dans l'intérêt moral et matériel des parties.
Dans l'intérêt moral :
Abstraction faite du sentiment de gène et d'irritation que doit
éprouver un galant homme, simple particulier, k voir traîner son
nom dans les journaux, et cette notoriété malencontreuse inter-
prétée comme une réclame de mauvais goût, il peut résulter de la
OFFENSES. — RËGLES DU DUEL. «74
)ubIication un préjadice considérable, si les motifs du duel sont de
nature intime ; si, par exemple, Thonneur d'une femme est en jeu.
Dans l'intérêt matériel :
Nous verrons, en effet, lorsque nous étudierons la législation
pénale, qu'un silence absolu constitue le moyen le plus efficace
d'éviter l'intervention de la justice dans une affaire sur laquelle
elle fermerait peut-être les yeux, si la publicité qui en est faite ne
l'obligeait à s'en occuper malgré elle^
Nous n'ignorons pas que, par le temps de reportage à outrance ob
nous vivons, l'entreprise est difficile. Elle mérite pourtant d*étre tentée.
Si elle ne réussit pas, si la presse aux écoutes surprend ce qui
s'est dit dans des procès-verbaux échangés entre des gens qui n'ap-
partiennent à la publicité ni par la nature de la querelle, ni par leur
individualité, et qui se sont réunis pour régler leurs affaires à petit
bruit; si elle dévoile l'incognito dont ils se sont entourés; si cette
divulgation cause un préjudice matériel ou moral, la personne
lésée pourra-t-elle demander raison au journaliste qui aura commis
l'indiscrétion ?
L'énoncé de la question suffit pour indiquer quels sont les ar-
guments sur lesquels s'appuient les partisans de l'affirmative. Ceux
de l'opinion contraire raisonnent ainsi :
Il est admis que la publicité, qui doit respecter la vie privée,
est à l'abri de toute responsabilité si elle enregistre un acte qua-
lifié par la loi crime ou délit, par la raison que la vie privée
n'existe plus en présence d'un pareil acte. Or le duel consommé
est considéré par la loi comme une infraction de droit commun,
et les duellistes comme les] auteurs [d'un fait susceptible d'être
déféré aux tribunaux.
Entre les adversaires dans un combat singulier et les adver-
saires dans une rixe ordinaire, la loi n'établit point de différence.
Il s'ensuit que les deux faits, étant identiques au point de vue
de l'action publique, se trouvent placés sur le même rang vis-à-vis
de la publicité. Il s'ensuit, par conséquent, que les journaux
n'excèdent pas davantage leur droit en relatant un duel malgré les
parties qu'ils ne l'excèdent en racontant que tel individu a été
blessé par des souteneurs devant tel numéro de telle rue, bien que
ce numéro se trouve être celui d'un mauvais lieu, et bien que le
fait divulgué puisse nuire ù la considération de la victime.
Nous supposons, bien entendu, que le duel a été consommé,
car la loi ne regarde comme acte délictueux ni le cartel, ni les con-
ventions préliminaires.
1. Vo)ez affaire T***-R*^*, août 1890. Appendice n« 99.
ÎTi l'HEMlKIlE PARTIE.
Observons que le droit du journaliste se borne à enregistrer
les faits. S'il accompagne son compte rendu d'appréciations difffi-
matoires ou d'expressions injurieuses, il n'est pas couvert par l'im-
munité dont nous Tenons de parler. Il demeure responsable Ws-à-
Tis la ou les personnes olîensées et tenu à rt'paralion.
Le proct's-verbal doit mentionner l'heure, le lieu, la durée do
combat, ses dilTérentes phases, les épisodes qui l'ont signalé, la
nature et la gravité de la blessure, constater, en un mot, les faits
avec clarté et concision.
Trop souvent les témoins sacrifient la première de ces qua-
lités à la seconde, et, â force de vouloir être concis, cessent d'être
clairs. Eu cela ils se trompent. Ils doivent non seulement énoncer
le fait, mais spécilier les circonstances dans lesquelles il s'est pro-
duit, si ces circonstances peuvent eu modifier le caractère et la
qualification'.
Les témoins ne peuvent refuser en conscience de signer un
procès-verbal relatant exactement les faits du duel, puisque ces
faits se sont passés sous leurs yeux; l'honneur les oblige ii dire la
vérité tout entière. Mais ils ne doiventaffirmer que ce qu'ils ont va
personnellement. « de leurs propres yeux vu, ce qui s'appelle vu »,
Si un incident de la lutte échappe â l'un deux, il doit faire ses
réserves dans le procès- verbal, quel que soit le degré de créance
mérité par un collègue disant ; " J'affirme que tel incident s'est
produit. » Il ne doit jamais se mettre à la remorque et signer de
coaHanco'.
Si les témoins ne peuvent refuser de signer le procès-verbal
constatant un faiteiact, ils peuvent refuser de signer celui qui con-
tiendrait une appréciation sur la conduite de leur client, et no-
tamment sur l'intention dans laquelle il a accompli l'acte qui lai
■<Kt reproché. En elîet, l'appréciation qu'on leur demande constitue
l'arme la plus dangereuse dont la partie adverse puisse se servir
pour exécuter leur mandant.
Il est donc juste qu'ils ne se prononcent qu'à bon escient, et
prennent le temps nécessaire pour faire le calcul d'inductions et de
déductions indispensable pour juger une manifestation aussi déli-
cate du for intérieur. Mais s'il y a réunion d'un jury d'honneur, ou
poursuites judiciaires, les témoins doivent donner leur avis en
toute sincérité.
1, Voyci alTaii'o Mermeix-de Ia Bruyère. Appendice n* 100, avec renvoi au
n- 01.
3. Voyei affaire Drumont-Heyer, Gabelle de* Tribunaux, 37 juillet 1SS6. Appeu-
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. «73
Le plus galant homme peut se tromper sur le compte d'un
autre. L'aveu de son erreur ne saurait le discréditer. S'il se pro-
nonce en son àme et conscience, il n'est sujet ù aucun appel à
raison de sa déposition, et peut opposer la question préalable sans
encourir de blâmée
Observons que si le témoin est réputé inviolable pour tout ce
qui concerne son témoignage, c'est à condition qu'il témoigne avec
modération. Il demeure responsable des expressions injurieuses ou
diffamatoires qui sont inutiles à la connaissance de la vérité, et
doit accorder réparation à la personne offensée, si l'indignité n'a
pas été prononcée contre elle.
Est-il besoin d'ajouter que, même dans le cas où la disquali-
fication serait encourue, le témoin ne doit jamais se départir des
convenances et de la modération qui constituent un des devoirs de
sa charge.
Profiter de ce que la personne contre laquelle il dépose ne peut
ni lui demander raison, ni lui faire courir de danger, pour la salir
et Tinjurier, est indigne d'un honnête homme.
Où s'arrête le droit de qualifier l'acte, et partant le droit de
qualifier l'auteur?
Le lecteur comprend que les limites avancent ou reculent sui-
vant les circonstances, et qu'il y a là une question de fait impos-
sible à prévoir d'avance.
Il peut arriver que les témoins ne s'entendent pas sur la rédac-
tion du procès-verbal. M. Tavernier leur conseille de rédiger alors
séparément cette pièce importante. D'après lui, si l'une des rédac-
tions contient à l'adresse d'un combattant des imputations suscep-
tibles d'entacher son honneur, les mandataires de la partie sur le
compte de laquelle il est parlé en termes offensants apprécient s'ils
ne doivent pas protester, dans quels termes et dans quelle mesure.
Cette protestation n'empêche pas leur mandant de se disculper s'il
le juge convenable.
Nous ne conseillons pas de suivre cette marche, qui, outre l'in-
convénient de mener aux polémiques contre lesquelles nous nous
sommes élevé, présente celui plus grand encore de n'offrir aucuae
solution.
Le jury d'honneur nous paraît, cette fois encore, la seule ma-
nière rationnelle de clore le différend .
Lorsqu'un procès-verbal est rédigé et signé d'un commun
accord par tous les témoins, aucun d'eux ne doit fournir de rensei-
gnements capables de le modifier.
J. Voyez aflaire Dujarrier-de BeauvaUon. Appendice no 102.
4S
. t
S7i PREMIÈRE PARTIE.
Le procès-verbal fait foi entière de ce qu'il conlient,
Ësl-il admissible, en efTet, que des hommes raisonnables,
comme doivent l'être des u^moios, soient assez légers pour collabo-
rer à un acte qui ne contient pas reipression de la vérilé, et pour
consentir à le signer'.
Si les témoins reconnaissent la nécessité de donner satisrac-
tion à l'opinion publique, par eieniple en cas d'offense par yoie
des journaui, ils peuvent s'entendre pour livrer les procès-verbaux
à la publicité. Ils déterminent alors la mesure dans laquelle la pu-
blication doit 6lre faite et les termes qui doivent être employés.
Mais, nous le répétons, celte mesure ne saurait être qu'une
esceplion. Il nous parait inconvenant de mettre le public dans la
confidence de querelles privées, sans motifs graves pour agir ainsi.
Ajoutons que le manque de convenance peut être suivi de
désagréables réveils. Si certaines gens trouvent flatteur pour leur
amour- propre de lire dans les feuilles publiques le récit de leurs
eiploits, et de passer aux yeux de leurs concitoyens pour des
foudies de guerre, ils digèrent moins bien les commentaires qui
accompagnent souvent ce récit.
Leur épidémie pave linalement trop cher une célébrité de
quelques heures. A celui qui se plaindrait d'apoir été jeté en pâture
aux commérages et à la malice, les journalistes répondraient avec
raison : » Ce n'est pas nous qui avons renversé le mur de votre vie
privée. C'est vous, imprudent, qui en avez enlevé les premières
assises et aves fait l'ouTerture par laquelle nous sommes entrés. >
CHAPITRE LVIII
Duels exceptionnels.
Nous avons vu, chapitres vu et xxxvii, que le choix du duel
ne peut étpe exercé que parmi les duels légaux, c'est-à-dire parmi
ceux que nous avons empruntés à Château villard et à M. Taver-
nier.
Tout combat dont les conditions ne sont pas calquées sur celles
des dueh légaux, que nous avons étudiés précédemment, est dit excep-
1. Vojrez aOure Dariens-Horèii), k Tempi, n' du 32 mai 18S8. Appendice
OFFENSES. — RÈGLES DU DUEL. 275
tionnel et peut toujours être refusé par les adversaires, quelles que
soient les personnes {témoins ou offensé) qui prétendent l'imposer,
et sans que celui qui le refuse puisse être blâmé ^,
Les témoins qui concourraient à un duel de cette espèce com-
mettraient une infraction aux règles du point d'honneur et une
imprudence au point de vue de leur responsabilité en cas de mort
ou de blessures.
N'oublions pas que, dans l'état de nos mœurs, on regarde le
duel ordinaire comme suffisant pour satisfaire au besoin de layer
une injure.
Le duel exceptionnel est considéré comme Texpression d'un
profond et sauvage ressentiment de haine et de vengeance. L'opi-
nion publique le frappe d'une sorte de réprobation dont le verdict
des jurés et la décision des juges se ressentiraient forcément, et
pour ainsi dire malgré eux.
Parmi les duels exceptionnels, citons :
Le duel à toute autre arme que Tépée, le pistolet, et le sabre
dans certains cas.
Le duel à cheval, à quelque arme que ce soit.
Le duel à l'épée, avec la parade de la main qui ne manie pas
l'arme, ou avec la chute permise comme feinte, etc.
Le duel au fleuret, qui est du reste interdit dans l'armée par
une circulaire ministérielle en date du 5 juillet 1889 et reproduite
au n"* 2 de l'appendice.
Le duel au pistolet à une distance inférieure à quinze pas, soit
de pied ferme, soit à marcher.
A bout portant.
Le duel à ligne parallèle, avec marche non interrompue.
Avec une seule arme chargée.
A la carabine.
Au fusil, etc., etc.
1. Voyez Château villard, chapitre premier, article 12, chapitre viir. — Taver-
nier, pages 223 et 282. — Du Verger de Saiat-Thomas, chapitre x.
•w 1.^1-
DEUXIÈME PARTIE
RESPONSABILITÉ PÉNALE DES ADVERSAIRES
ET DES TÉMOINS.
CSonséquences légales du duel.
L'homicide et les blessures commis en dnel lèsent deux inté-
rets : en premier lieu rintérét de la société, dont le daelliste a brayé
la défense ; en second lieu Tintérét privé, qui souffre aussi du mal
qui en résulte.
S'il y a double lésion, une double réparation existe pareille-
ment:
La réparation publique, c'est-à-dire l'application d'une peine ;
la réparation privée, c'est-à-dire le payement du dommage causé.
Pour obtenir cette double réparation, les intérêts lésés ont deux
actions. La première est destinée à la société elle-même ; c'est l'ac-
tion publique. La seconde est destinée au simple particulier; c'est
Faction civile. Nous les traiterons séparément.
Action publique.
Avant d'étudier en détail l'action publique, nous croyons utile
d'indiquer à grands traits les principales divisions que comporte
cette partie de notre sujet.
Ce coup d'œil d'ensemble aidera le lecteur à en suivre le déve-
loppement.
La première question est celle de la provocation en duel. Nous
débuterons par elle.
Nous examinerons ensuite les conséquences du duel (homicide,
blessure), tant au point de vue des combattants qu'à celui des té-
moins, lorsque la rencontre a eu lieu sur le territoire français et
lorsqu'elle a eu lieu en pays étranger.
Nous dirons quelques mots sur l'extinction de l'action publique
et sur l'extradition.
I
ï-8 DEUXIÈME PARTIE.
Nous rechercherons eufin quels moyens peuTeut être tentés
pour éviterla sanction de la loi pdnalc cl quelle est la valeur de ces
moyens.
CHAPITIIE LIX
Provocation en duel entre personnes non revêtues
d'un caractère public et non militaires.
Avant d'examiner quelle sanction est attachée par la lof fran-
çaise â la provocation en duel, il importe de préciser le sens de
celte eipressiou.
Par provocation, nous coleDilons et nous entendrons, chaque
fois que le mot se présentera sons notre plume, le cartel verbal ou
Écrit par lequel un individu qui se prétend offensé demande à son
adversaire réparation par les armes. Donc nous supposons tou-
jours l'articulation d'une offense préalable, et dans notre esprit le
mot provocation est synonyme de demande en réparation par les
armes, d'appel ou de cartel.
Nous emploierions indifféremment ces trois locutions, si le mot
appel n'était également usité en législation pénale, et si nous ne
craignions d'amener quelquefois une confusion.
Ces eiplicaliuus données, recherchons quels caractères la loi
française attachée la proTOcation du duel.
Contrairement à ce qui existe chez la majorité des peuples qui
nous enlourenl, la loi française ne regarde pas le duel comme une
infraction de nature spéciale, soumise à une législation répressive
particulière. Elle ne punît pas le duel en tant que duel, elle ne
l'atteint que dans ses conséquences, qu'elle range parmi les atten-
tats contre la personne (homicide, coups, blessures, violences).
11 en résulte que la provocation considérée en elle-même, et
pour ainsi dire toute nue, abstraction faite de ses suites, n'a pas
le caractère d'un délit.
Mais c'est à condition qu'elle n'ait pas été accompagnée d'ex-
pressions diffamatoires ou injurieuses. Dans le cas contraire, si
l'individu diffamé on injurié portait plainte, une peine pourrait
être encourue par celui qui aurait adressé la provocation ; mais
alors la peine ne serait pas motivée par l'acte d'avoir appelé son
adversaire en duel, mais par les expressions injurieuses ou diff'a-
matoires dont il se serait servi dans le cartel.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 279
C'est ce qui ressort d'un arrêt sur lequel nous attirons Tattention
du lecteur *.
Il résulte de la jurisprudenceétabliepar l'arrêt du 15 octobre iShh :
1"* Que les conventions de duel non suivies d'effet sont bien à la
yérité des actes préparatoires ayant pour objet une pensée coupable,
mais ne constituent pas le commencement d'exécution nécessaire
pour caractériser la tentative légale ;
2"* Que, même dans le cas où le cartel aurait été accepté, le
procès-yerbal de rencontre signé, où les adversaires se seraient
rendus sur le terrain, le ministère public ne pourrait poursuivre
s'il n'y a pas eu commencement d'exécution ;
3"" Que la manière dont le duel a manqué (accord des parties,
circonstances indépendantes de leur volonté) importe peu. Il suffit
qu'il n'y ait pas eu commencement d'exécution '.
CHAPITRE LX
Provocation adressée aux personnes revêtues
d*un caractère public.
En est-il de la provocation en duel adressée aux personnes
qualifiées, désignées dans les articles 222 et suivants du Gode pénal,
et 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, comnie de la provo-
cation dont nous venons de nous occuper au chapitre précédent?
Doit-on s'en tenir à la jurisprudence consacrée par l'arrêt du
15 octobre 18/i6, et décider que la provocation ne constitue pas un
délit, si elle n'est pas accompagnée d'expressions outrageantes, in-
jurieuses ou diffamatoires; si, au contraire, elle est conçue en termes
polis ; si elle se borne, par exemple, à énoncer Poffense commise par
la personne qualifiée et à lui demander réparation par les armes;
si elle est transmise conformément aux usages reçus en pareil cas;
en un mot, si de tout cet ensemble il apparaît que Fauteur a obéi
non à une intention outrageante, mais au besoin d'obtenir une sa-
tisfaction légitimée aux yeux du monde par le point d'honneur.
i. Voyez Cassation, 15 octobre 1844, Dalloz périodique, année 1845, l'* partie
page 59, et Répertoire, ¥<> Duelf paragraphe 125. Sur le point de savoir si ]a question
doit être résolue sous Tempire de la loi du 29 Juillet 1881 comme sous celui de la loi,
de 1819, voyez solution affirmative, DaHoz, Répertoire, supplément, V« Duelf para-
graphes 67 et 68.
2. Contra. Voyez la théorie soutenue dans les paragraphes 69, 70, 71 du supplé-
ment au Répertoire de Dallez, V^ DueU
S80 DEUXIÈME PARTIE.
L'intérêt de la question est considérable, d'abord à raison d a
nombre si grand di^à des personnes revêtues d'un caraclère public,
et qui augmente de jour en jour, enlin à cause des pénalités cicep-
tiunnellcment sévères qui les protf-gent.
En présence d'un aléa si menaçant, l'individu oITcasé par une
personne qualifiée, doit Être à lut^me de mesurer les conséquences
du cartel qu'il veut lui adresser.
Ce serait folie de sa part de se jeter en aveugle dans une entre-
prise où il jouerait trop gros jeu.
La question n'offre point de difficulté, s'il n'existe aucune rela-
tion entre l'exercice des fonctions, les fonctions ou la qualité de la
personne et la provocation, car cette provocation est alors censée
adressée à un simple particulier, et nous retonibons dans l'hypo-
thèse de l'arrêt du 15 octobre iSkh-
Elle est controversée lorsque l'individu qui se prétend offensé
par une personne révolue d'un caractère public lui adresse une
provocation qui a un rapport plus ou moins direct avec ses fonc-
tions ou sa qualité.
En admettant que la provocation soit alors de nature à motiver
des poursuites, elle ne peut être incriminée que comme renfermant,
soit les éléments constitutifs du délit de diffamation prévu par l'ar-
ticle 31 de la loi du 29 juillet 1881. soit les éléments du délit d'injure
prévu par l'article 33, paragraphe premier, de la même loi, soit les
éléments du délit d'outrage prévu par les articles 222 et suivants
du Code pénal.
Si elle ne renferme pas tous les éléments de la diffamation, de
l'injure ou de l'outrage, elle ne constitue pas un délit.
Or une des conditions pour que l'article 31 de la loi de 1881
soit applicable, et pour qu'il y ait délit de diffamation contre un
membre du ministère, un membre de l'une ou l'autre Chambre,
contre un fonctionnaire, un dépositaire ou agent de l'autorité pu-
blique, un citoyen chargé d'un service public temporaire ou per-
manent, un juré, un témoin à raison de sa déposition, c'est que le
fait qui lui est imputé ou qui est allégué contre lui porte atteinte à
son honneur ou à sa considération.
Une des conditions pour que le paragraphe premier de l'arti-
cle 33 soit applicable, et qu'il y ait délit d'injure envers les mêmes
personnes, c'est que les to-mes employés rentrent dans la définition
donnée au mot injure par l'article 29de la lot de 1881 :
Cl Toute expression outrageante, terme de mépris, qui ne ren-
ferme l'imputation d'aucun fait. »
Une des conditions requises pour que l'article 222 du Code pénal
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 284
soit applicable et qu'il y ait délit d'outrage envers un magistrat de
Tordre administratif ou judiciaire ou un juré, etc., c'est que les
expressions soient de nature à porter atteinte à son honneur ou à
sa délicatesse.
Du moment que l'absence d'une seule condition suffit pour en-
lever à l'acte incriminé son caractère de délit, on voit que, pour
reconnaître si la provocation en duel adressée à une personne pro-
tégée par les articles 31 et 33 de la loi de 1881, ou par l'article 222
du Gode pénal, peut tomber sous leur sanction, il suffit d'examiner,
suivant le cas, si elle est de nature à inculper son honneur, sa con-
sidération, sa délicatesse, ou à rentrer dans la définition donnée par
la loi de 1881 au mot injure.
Si nous ne nous livrons pas au même examen relativement à
la provocation adressée sans publicité aux personnes qualifiées des
articles 224 et 225 du Gode pénal, c'est que l'outrage peut exister
vis-à-vis elles, abstraction faite de toute atteinte à l'honneur, à la
considération ou à la délicatesse ^
Trois systèmes sont en présence :
Le premier s'en tient à la jurisprudence inaugurée par l'arrêt
du 15 octobre iShkei répond négativement.
Les partisans du second soutiennent que lorsqu'il s'agit de
personnes qualifiées, c'est-à-dire de personnes spécialement pro-
tégées par le législateur, les expressions « honneur, considération,
délicatesse » doivent être prises dans un sens plus étendu que
lorsqu'il s'agit de simples particuliers, et qu'il faut considérer
comme portant atteinte à ces qualités tout acte qui indique un
sentiment de mépris pour les fonctions dont ces personnes sont
revêtues et l'autorité qu'elles exercent, ou qui est de nature à di-
minuer le respect dont elles doivent être entourées* ; que tous ces
caractères se rencontrent dans la provocation en duel dont nous
nous occupons; qu'elle doit être, par conséquent, considérée comme
renfermant une des conditions requises pour constituer un des
délits prévus par les articles 31-33 de la loi du 29 juillet 1881,
222 du Gode pénal.
Un troisième système, le plus rationnel suivant nous, dis-
tingue entre la forme et le fond de la provocation, entre la lettre et
l'esprit, entre les termes au moyen desquels l'individu offensé par
une personne qualifiée lui demande réparation, et les raisons
mises en avant pour justifier cette demande.
1. Voyez Cassation, 7 mai 1853. Dalloz, année 1853, 1'* partie, page 250. — Paris,
2 Janvier 1868, DaUoz, année 1870; 5« partie, page 280.
2. Voyez Cassation, 17 mars 1851. Dalloz, année 1851^ l'* partie, page 99; et
25 Juin 1855, Dalloz, année 1855, l^* p&rtie, page 429.
Î8I DEUXIEME PARTIE.
Dans l'hypothèse d'un cartel rédigé en termes polis et me-
surés, la forme ne saurait être considérée comme oulrageanle,
mais il peut en être autrement si on enyisage le motif allégué.
Supposons, par exemple, un magistrat appelé en duel à raison
d'une décision qu'il a rendue et que le perdant qualifie de déni de
justice. Rien n'empi^che de soutenir que c'est un acte de la con-
science du magistrat que ce dernier critique, son équité, son hono-
rahitilé qu'il met en sus|iicion, que c'est, par conséquent, un outrage
qu'il commet contre le magistrat en tant que magistral, cl que la
provocation tombe sous le coup de l'article 31 de la loi de 1881, ou
de l'article 2'22 du Code pénal, suivant les circonstances.
Mais pour que le magistrat puisse invoquer la protection des
textes précédents, tl faut que ce soit dans l'observalion stricte des
devoirs de ses fonctions qu'il ait été outragé, sinou il reutre dans la
condition d'un simple particulier, et la provocation i\ lui adressée
ne nous semble pas de nature à tomber sous le coup des^articles
31 et 222.
Supposons qu'un procureur de la République poursuive en
vertu de l'arlicle 1 de la loi sur la presse, c'est-à-dire pour avoir
négligé de déclarer dans les cinq jours le nom cl la demeure du
nouveau gérant, le propriétaire d'un journal, homme universelle-
ment connu et estimé.
Dans le feu de son réquisitoire, il le traite de canaille et de
gredin.
Le jourualisle attend qu'il soit en dehors de l'exercice de ses
fouctiuna, et lui adresse nue lettre non rendue publique et conçue
en termes polis.
Dans cette lettre, il déclare s'incliner devant la décision de la
justice, il proteste de son respect pour les magistrats, mais il s'é-
lève contre les épithètes qui ont accompagné le réquisitoire. Il
montre au procureur combien elles sont disproportionnées avec la
gravité de l'infraction, et partant injustes. Il lui fait sentir le préju-
dice qui en résultera pour son honneur, et lui demande de se
rétracter ou de lui accorder réparation par les armes.
Le procureur pourra-t-il invoquer l'article 222 du Code pénal?
Nous ne le pensons pas, car les fonctions du ministère public
consistent à requérir, mais non à injurier. En proférant une injure,
il est sorli des attributions de ses fonctions. Il ne peut donc raison-
nablement invoquer les dispositions exceptionnelles que la loi a
édictées spécialement pour protéger les fonctions contre les troubles
apportés à leur exercice.
La jurisprudence ne s'est pas, que nous sachions, prononcée
sar l'importante gnestion que nous venons de traiter. Dans tontes
RESPONSABILITÉ PÉNALE. t83
les espèces qa*il nous a été donné de parcourir, la provocation en
duel est accompagnée d'expressions injurieuses ou de menaces.
Elles ne rentrent pas, par conséquent, dans l'hypothèse que nous
ayons supposée, c'est-à-dire celle d'un cartel conçu en termes polis
et mesurés*.
Dans cette dernière affaire qui n*a pas été publiée et qui suivit
toute la filière de Tappel et de la cassation, M. de R... se considérant
comme insulté par le sous-préfet de Gannat, qui avait mis en doute
la loyauté avec laquelle il accomplissait certains actes de ses fonc-
tions de maire, lui adressa une lettre à peu près conçue en ces termes :
« Monsieur le sous-préfet,
a Votre arrêt me prouve que le mensonge est le fait de ceux qui
nous administrent. Vous m'en avez imposé pour arriver à vos fins.
Apprenez que je ne suis pas d'humeur à le supporter sans en
demander réparation par les armes.
« Queljour7Aquelleheurepourrez-vousrecevoirmes témoins? »
Il fut inculpé d'avoir, dans une lettre non rendue publique,
adressé au sous-préfet dans Texercice de ses fonctions des outrages
tendant à inculper son honneur et sa délicatesse ; mais les allusions
à la mauvaise foi du magistrat administratif furent seules visées.
CHAPITRE LXI
Procès-verbal constatant qu'une personne revêtue
d'un caractère public a refusé de se battre.
Est-ce porter atteinte à l'honneur, à la considération, à la déli-
catesse d'une personne qualifiée que de publier, sans accompagner
cette publication d'aucun commentaire blessant, qu'elle a refusé de
rendre raison d'une offense commise par elle, ou, en d'autres termes,
qu'elle a refusé de se battre?
Pour mieux nous faire comprendre, prenons comme exemple
l'affaire de R... citée plus haut. Supposons qu'à un cartel dépouillé
de toute expression blessante, le sous-préfet ait répondu par une fin
de non-recevoir pure et simple.
1. Voyez notamment : Cassation, 15 juin iS2S. Devilleneuve et Carette, page iil,
9" Tolume. — Tribunal correctionnel de Charleville, Gazette des Tribunaux^ 9 mars
iS33. — Tribuoal correctionnel de Gannat, affaire do R***^, 9 août ISSi.
lU DEUXIÈME l'ARTlE.
Supposons que les lémoins de M . de lî. ., aient rédigé le procès-
Terbai suivant :
" Aujourd'hui, ., nous... nous sommes présentés à la sous-pré-
recture de Gannal, et avons rerais à M. X,.., sous-préfet, une lettre
conçue en ces termes... •>
(Suit le texte du cartel.)
Il M. X... a déclart refuser toute rétractation el toute réparation
par les armes. 11 considère l'arrêté où il apprécie la conduite de
H. de R... comme un acte parfaitement correct de ses fonctions,
poui- le contrôle desquelles il n'admet pas d'autre intervention que
celle de ses supérieurs hiérarchiques.
<• En présence de ce refus, nous avons rédigé le présent proc(>s-
verbal, auquel M. It... donnera toute la publicité nécessaire pour
sauvegarder son honneur publiquement offensé. »
Le sous-préfet aurait-il pu prétendre que la publication de ce
procès-verbal constituait l'iaipulaiion d'un fait diffamatoire suscep-
tible d'enlacher son honneur ou sa considération? Nous allons
examiner la question au double point de vue de l'honneur et de la
ronsidéralion.
Atteinte à l'honneur.
La possibilité d'une atteinte à l'honneur doit être écartée.
En effet, comme ledit forljustement M. Grellel-DumaKcau dans
son beau Traité de la tlifffuniiHon, lic l'injure H île l'oiifrafie, auquel
nous avons fajl et ferons cncwe de nombreux emprunts, l'honneur
ne consiste pas dans l'estime qu'on a de soi-même d'après ses propres
idées, ou dans l'estime que les autres ont de vous, d'après les
impressions qui leur sont personnelles. Il peut se passer de l'opinion,
mais il ne peut exister ni contre la morale, ni contre le droit; ce
n'est pas une chose relative et variable, mais une et immuable.
Or, du moment que le duel est interdit par la morale el par la
loi, il est difficile de soutenir que le refus de leur désobéir puisse
entacher l'honneur, et que l'imputation pure et simple d'un tel
refus produise le même effet.
Atteinte à la considération.
Trois systèmes sont en présence :
I" sïSTÈuE. — Les partisans de l'affirmative, c'est-à-dire de
l'opinion qui regarde la publication du procès-verbal comme une
atteinte à la considération, raisonnent ainsi :
La considération ne peut se passer de l'opinion. Elle naît moins
RESPONSABILITÉ PÉNALE. S85
des mérites que l'on a que des mérites que l'on parait avoir. Elle est
telle que le monde la fait. C'est lui qui la distribue à sa guise..
Or, d'après l'état de nos mœurs, le refus de se battre en duel
entraîne un soupçon de pusillanimité humiliant pour celui qui en
est l'objet.
Publier cette imputation, c'est rendre sa position équivoque et
difficile, puisque, d*après ce qui vient d'être expliqué, la considé-
ration se compose de cette bienveillance, de ce bon accueil, de cette
déférence accordés par le >pionde à ceux qu'il estime et qu'il res-
pecte.
Ce n'est pas l'opinion du moraliste et du jurisconsulte, mais
c'est l'opinion du plus grand nombre, et cela suffit.
Les partisans de ce système invoquent à l'appui :
l"" Un jugement du tribunal correctionnel de NantesS jugeant
que l'allégation dirigée contre un individu d'avoir reçu un soufflet
sans en avoir demandé réparation est une diffamation ;
2« Un arrêt de la Cour de cassation', jugeant qu'il y a diffa-
mation de la part de celui qui soutient que les coups par lui portés
à un individu sont des soufflets et non des coups, a Attendu, dit
l'arrêt, que cette imputation n'a d'autre but que d'imprimer une
flétrissure publique sur le front de celui qui aurait reçu un outrage
si sanglant que, dans les idées du monde, il doit se laver avec du
sang. »
2« SYSTÈME. — Une deuxième opinion admet bien une atteinte
portée à la considération, mais la fait dépendre des qualités exigées
pour que la personne soi-disant diffamée obtienne cette considé-
ration.
Ce n'est pas la susceptibilité plus ou moins grande de l'individu
qu'elle mesure, c'est l'opinion commune aux impressions du plus
grand nombre, eu égard aux habitudes, à l'éducation, aux mœurs
des personnes, à la profession qu'elles exercent et au milieu dans
lequel elles vivent.
S'agit-il d'un officier, pour lequel le courage est une vertu si
primordiale qu'elle se confond chez lui avec l'honneur?
L'imputation d'avoir refusé une réparation que le préjugé com-
mande, que les traditions légitiment, est avilissante, susceptible de
briser sa carrière, et partant une atteinte à sa considération.
S'agit-il, au contraire, d'un magistrat qui par sa position est
chargé de faire respecter la loi, et qui, par conséquent, est tenu de la
1. Voyez Gazette des Tribunaux, 31 novembre 1838.
2. Voyez Dalloz, Jurisprudence générale, Vo Presse, Outrage^ n» 827,
r^-^ '.-' rt '■ .' ■ ... - . - * A
186 DEl'XIKME PARTIE.
respecter luUinânie ? Le tort fait à sa coDsidération d'homme privé
est largement compensé par le tort que ferait à sa considération
professionnelle l'acceptation du duel. L'imputation de l'aToir refusé
ne saurait donc produire les mêmes effets que dans l'bypothèse pré-
cédente.
Dans ce système, les deux esemples types du militaire et du
magistrat serrent à mesurer l'influence comparative du préjugé snr
la considération des personnes qualiûées, qui est d'autant plus for-
tement atteinte que les fonctions de ces personnes les rapprochent
des militaires et les éloignent des magistrats.
3' SYSTÈME. — Les partisans delà négative, c'est-à-dire de l'opi-
nion qui n'admet pas que la publication du procès-verbal porte
atteinte à la considération, raisonnent ainsi :
I^ loi n'a pas voulu abandonner davantage auï caprices de
l'opinion l'appréciation de ce qui constitue la considération que
l'appréciation de ce qni constitue l'honneur. On ne peut décider
autrement sans donner son approbation aux préjugés les plus
odieux.
La distinction qui a été faite par les partisans du deuxième sys-
tème, entre une sorte de considération type spéciale au militaire
et une autre particulière au magistral, est complt'-lement arbitraire.
Elle produit, lorsqu'on en déduit les conséquences, des résultats
irrationnels que deux exemples vont établir clairement :
Exemple n° 1. — Un dilïérend survint en 1883 entre M' Arson-
ncau, arouéàBatna.ttlc capitaine de iUeui. pour dcsmali£s d'ordre
intime.
Le capitaine, placé dans une situation très délicate vis-à-vis un
mari outragé, aurait voulu éviter une rencontre avec lui. 11 Ût tous
ses efforts dans ce but, mais l'autorité militaire lui ayant infligé des
arrêts pour refus de duel, il dut mettre de côté ses scrupules. La
rencontre eut lieu. M' Arsonneau fut tué '.
2' exemple. — M. Telssière, conseiller à la cour de Grenoble,
accepta la proposition de duel qui lui fut faite par un journaliste.
11 se rendit avec ses témoins au lieu de la rencontre, mais les gen-
darmes empêchèrent le combat.
Il fut frappé d'une suspension de deux ans : « Attendu, dit
l'arrêt, que le duel étant prohibé par nos lois, c'est une faute grave
de la part du magistrat chargé de les faire respecter de donner, au
contraire, l'exemple de leur violation *. »
i. VoyL-z CazelUdti Tribunaux.W du 29 décembre ISS3.
S, Voyez charabro réunie), procureur général conirc TeiMière; CaBMtion,
16 juin itt2. DaUoi, uuée 1883, 1" partie, p»ge 355.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 287
Si nous analysons ces affaires, nous nous trouyons en présence
de deux individus, qui dans la même conjoncture, celle d'une pro-
Yocation en duel à eux adressée, ont agi d'une manière diamétra-
lement opposée, et ont été punis pour des motifs absolument
contraires.
Supposons que ces deux aventures se soient produites dans la
même ville et à des intervalles rapprochés. Supposons qu'un jour-
naliste, rendant compte des mesures disciplinaires qui ont frappé le
militaire et le magistrat, se soit placé sur le terrain des devoirs
professionnels, et se soit livré à l'égard du capitaine et du con-
seiller à des appréciations qu'ils regardent comme attentatoires
à leur considération. Supposons qu'une double plainte ait été dé-
posée.
Voilà donc des juges qui, slls adoptent le principe d'une consi-
dération dépendant de la profession exercée par le plaignant et du
milieu dans lequel il gravite, condamneront successivement le
même individu parce qu'il aura écrit dans un même article que le
capitaine de Rieux a été justement mis aux arrêts pour avoir refusé
de se battre, et que W Teissiëre a été non moins justement suspendu
pour avoir accepté un cartel.
Rien plus, s'il est admis que la considération est subordonnée
à l'impression louangeuse du plus grand nombre, et la déconsidé-
ration aux impressions méprisantes de cette même majorité, nous
tombons dans Tabsarde.
Supposons, par exemple, qu'à sa qualité de magistrat, M"" Teis-
siëre ait joint celle d'officier dans l'armée territoriale, et qu'à raison
de cette double personnalité il ait fait partie de deux cercles, com-
posés l'un de militaires, Tautre de magistrats et de ce qui de près
ou de loin touche au palais.
Supposons que chaque cercle ait compté le même nombre de
membres.
Supposons que, pendant une période d'exercices, notre officier-
magistrat ait reçu la provocation dont il vient d'être parlé, qu'il ait
refusé de se battre, et qu'à la suite de la publication d'un procès-
verbal de constat les membres du Cercle militaire l'aient mis en
quarantaine.
Sera-til admis à soutenir que sa considération se trouve grave-
ment compromise, si le journaliste accusé par lui de diffamation
peut prouver que les membres du Cercle du palais ont protesté en
sens inverse et l'ont félicité de son obéissance à la loi 7
Non, car le nombre des membres étant égal, il y a eu équilibre
entre le blâme et l'éloge.
A ces divers arguments qui battent en brèche le second système,
f !8i
!88 DEUXIÈME PARTIE.
les partisans de la négative en ajoutent un autre qui nous semble
avoir une réelle valeur.
Comment admettre, disent-ils, que les tribunaux puisseot ra-
lionnellement proclamer qu'un homme a souffert dans sa considé-
ration, parce qu'il a préféré avoir recours à la loi pour trancher son
diirérend plutôt qu'à l'épreuve antisociale des armes que cette loi
prohibe et punît?
Une semblable décision serait en réalité une apologie du duel,
dont elle impliquerait la uécessilé et la légitimité. Elle constituerait
la reconnaissance du droit de se faire justice soi-même.
Lorsque les préjugés sont eu opposition manifeste avec toutes
les idées de droit, de morale et d'ordre public, les tribunaux accom-
plissent un devoir strict en s'efTorçant de les briser.
Les partisans de la négative font remarquer, en outre, que les
espèces à l'occasion desquelles sont intervenus le jugement du tri-
bunal de Nantes du 21 novembre 1838, et l'arrêt de la Cour de cas-
sation du 2ii mai ifOili, invoqués en faveur du premier système, n'ont
aucune analogie avec celle qui nous occupe.
Ces décisions visent l'imputation d'un soulflet reçu sans en de-
mander réparation, tandis que daus notre hypothèse il s'agit d'une
personne qualiûée qui refuse de rendre raison d'une offense qu'elle
a commise.
lis font observer, avec juste raison, que si, dans les préjugés du
monde, un homme est déconsidéré pour avoir gardé un soufQctsans
l'avoir lavé dans le sang, il n'en est plus toujours de môme pour
celui qui, ayant ofleusé un individu, refuse de lui accorder répa-
ration.
Rien n'empêche de considérer cet acte comme étantincorrectau
point de rue des règles du point d'honneur, mais comme ayant un
autre mobile que la lâcheté. Témoin l'affaire de R..., où le soas-
préfet se retranche derrière les droits que lui confère sa profession.
Tels sont les principaux arguments invoqués pour ou contre la
possibilité d'une atteinte à l'honneur ou à la considération d'une
personne qualifiée, accusée d'avoir refusé le cartel qui lui est adressé.
Quelle serait leur valeur devant les tribunaux?
C'est ce que nous ne saurions dire positivement, car il n'existe
sur ce point aucune jurisprudence.
Nous croyons cependant que le dernier système aurait chance
de prévaloir, surtout devant le jury.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 289
CHAPITRE LXII
Influence de la perpétration et de la publicité sur la
juridiction compétente.
Si un individu offensé par une personne qualifiée veut lui adres-
ser une proTocation qui a une relation avec ses fonctions et qui est
susceptible de porter atteinte h son honneur, à sa considération ou à
sa délicatesse, il a intérêt à éviter la compétence correctionnelle et
à tomber sous celle de la Cour d*assises, pour deux raisons :
D'abord parce que les jurés sont accessibles aux considérations
de mœurs, d'habitudes, voire même de préjugés qui doivent être
étrangères aux magistrats correctionnels chargés d'appliquer stric-
tement la loi ; ensuite parce qu'en matière de diffamation, la preuve
des faits diffamatoires, admise devant la Cour d'assises, ne l'est jamais
devant les tribunaux correctionnels, et que cette interdiction prive
l'inculpé de son moyen de défense le plus efficace.
Pour obtenir d'être jugé par ses pairs, l'individu dont nous par-
lons devra se préoccuper du moment propice à l'envoi du cartel et de
la publicité qu'il convient de lui donner.
Il évitera de provoquer la personne qualifiée pendant qu*elle est
dans l'exercice de ses fonctions, car c'est le moment oii il court le
plus grand risque de tomber sous le coup des articles 222 et suivants
du Code pénal ^
La question de savoir quand commence et quand finit l'exercice
des fonctions attirera particulièrement son attention, car il ne doit
pas oublier que les tribunaux seront toujours portés à étendre cet
exercice jusqu'aux dernières limites de la vraisemblance '.
La question d'opportunité résolue, l'individu qui veut demander
raison à une personne qualifiée examinera si le cartel doit être oui
ou non rendu public.
La personne qualifiée est-elle comprise dans Fénumération faite
par rarticle 222 du Gode pénal, le cartel devra être public, puisque
Toutrage public diffamatoire ou injurieux est de la compétence du
i. Voyez Barbier, Code expliqué de la presse, n^* 609, 616, 618, 619; et Dalloz,
Code pénal annoté, articles 222, 223, d«> 676 et suiv.
2. Voyez Dalloz, Code pénal annoté, condition de Poutrage dans ses rapports avec
les fonctions et la qualité de la personne outragée, articles 222 et suiv. ; et la loi du
29 juillet 1881, article 31.
49
b:..^^.^.
*^
Î90 DEUXIÈME PARTIE.
jury, tandis que l'absence de publicité le rend josticiable des tribu-
naus correctionnels'.
La personne qualifiée est-elle comprise dans l'énumératioa des
articles 22'j, 22") du Code pi5nal7
L'espédileur du cartel jouit d'une bien plus grande latitude.
Eu effet, s'il rend le cartel public, il devieut justiciable de la
Cour d'assises; s'il ne lui donne pas la publicité exigée par la loi de
1881 , il éciiappe également à la juridiction correctionnelle, pourvu
qu'il le rédige par écrit ;car les outrages par écrit non rendus publics,
adressés aux personnes désignées aux articles précités, à l'occasion
de l'exercice des fonctions, ne peuvent être frappés que comme injure
simple, donnant lieu aux peines de la simple police, prévues par
l'article /i71 du Code pénal, auquel renvoie l'article 31 de la toi sur
la presse'.
Mais pour bénéficier du silence que les articles 22E| et 225 gardent
sur les outrages par écrit non rendus publics, l'individu qui adresse
le cartel devra éviter de le lire on d'en faire faire la lecture à son
adversaire ou à ses témoins ; car celte lecture constitue un des élé-
ments de l'outrage verbal qui, dans ces conditions, entraîne toujours
la compt'tence des tribunaux correctionnels'.
Nous terminerons cectiapiire en signalant à l'individu qui veut
envoyer un cartel différentes questions dont il doit se préoccuper
auparavant, sous peine de s'exposer aux périls que nous avons signa-
lés plus haut.
£JIc5 sont rfilâliVËS :
1° Aux modes de publicité qui constituent une des conditions de
la diffamation, de l'inj ure ou de l'outrage, et partant de la compétence
des cours d'assises*;
2° Aux modes de perpétration des délits de diffamation et d'in-
jure, rapprochés des modes de perpétration du délit d'outrage';
3" Aux personnes protégées, soit par les articles 222 et suivants,
soit par l'arlicie 31 de la loi du 29 juillet 1881 \
1. Voyei Barbier, Code expliqué de la pretse, a" 610, 619.
2. Ibidem, w li\i.
3. Vojei Dalloî, RiSperloire, V" Prette, Outrage, d" 795, et C«ss»Uon, 11 Janvier
18S1. Dallai, aniiËe 1S51, 5* partie, page 436.
4. Voyet Dalloi, CoJt pénal annoté, loi du 29 juillet 1881, article 2B, a- 301 et
suiv., notamment sur la praféralioa dans lea lieux et réunions publics, n" 3S8; sur IM
letlreg-missivea, n" 452, publiËog postérieure ment i leur eipéditioD. — Voyez affaire
Gouttc-Soulard, Paris, première cbambrc siégeant correclionnellenient, Gasette dt*
Tribunaux, n" du 25 novembre 1891. Carlos posliiesi loi du 11 février 1887.
5. Voyet Dallez, Code piaat annoté, toi du 29 Juillet 1881, article 29, ii°' 380 et
suiv., SI article 2i2 du Code pénal, a" 50O et suiv.
6. Voyez Dalloi, Ccd* pénat annoté, article 322, d" 186 et suiv. ; article 221
n'iSet suiv., «rUclâ 31 de la loi du 20JuiUet IS81, n» ST'et suiv.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 294
II est difficile quelquefois de classer la persouDe qualifiée dans
la catégorie qui lui convient; pourtant c'est une opération néces-
saire, sans laquelle celui .qui veut lui envoyer un cartel risquerait
d'obtenir un résultat tout opposé à son but, qui est d'éviter la com-
pétence qu'il redoute.
.CHAPITRE LXIII
Provocation entre militaires de grades inégiaux. — Armée
de terre. Armée active. Réserve. Armée territoriale.
Adversaires. Témoins. Cassation. Non-activité. Ré-
forme. Plainte. Jury d'honneur.
La provocation en duel, même conçue en termes polis et mesurés,
est interdite entre militaires de grades inégaux.
Cette prohibition, qui est formulée dans deux ordres du jour
du ministre de la guerre, Fun en date du 11 juin 1835, rapporté
à Fappendice n"» 10/|, l'autre en date du 3 février 1838, rapporté à
Tappendice n'' 105, comporte une sanction rigoureuse qui doit être
étudiée relativement à quatre hypothèses distinctes :
1"* En ce qui concerne l'inférieur provoquant un supérieur ;
2^" En ce qui concerne le supérieur provoquant un inférieur ;
3* En ce qui concerne le supérieur acceptant la provocation de
l'inférieur ;
4® En ce qui concerne les témoins; et en distinguant, dans tous
ces cas, si les adversaires et les témoins font partie de Tarmée
active, de la réserve ou de l'armée territoriale au moment de la pro-
vocation.
Nous rechercherons quel peut être le résultat de la démission
donnée par l'un des adversaires, de la rétrogradation, delà cassation,
de la mise en non-activité, en réforme, de la plainte déposée par
l'offensé, ou de la demande d'un jury d'honneur formulée par
lui.
Nous examinerons les avantages et les inconvénients de chacun
de ces partis, et nous prononcerons en faveur de celui qui nous
paraîtra offrir à Toffensé la voie la plus sûre pour obtenir répa-
ration.
DEL'XIËUE PARTIE.
1" hypothèse. — Le militaire qui adresse le cartel
est un inférieur.
- IL FAIT PARTIE DE L'ARMÉE ACTIVE.
I
L'inrérieur qui, faisant partie <Je l'armée acti?e, provoque nn
supérieur, commet un outrage de l'espèce prévue par l'article 224
du code de justice militaire.
La qualîQcation d'outrage appliquée à an cartel conçu eu
termes polis et mesurés, et adressé à un homme qui porte un sabre
ou une épée au ctïlé, semble anormale au premier abord. Il n'en
est rien cependant. L'article 224 fait en effet partie des diverses
prescriptions relatives à la subordination. Dans sa généralité il ne
comporte aucune distinction onlre les différentes manières d'ou-
trager.
Le législateur ne se préoccupe pas de la aalore du fait et du
caractère qu'il peut présenter dans la déânition de la loi pénale
ordinaire. Que la parole échappée à l'inférieur contre son supérieur
constitue une injure, une calomnie, une diffamation, la loi dans
tous ces cas ne voit qu'une infraction qui domine toutes les aubres,
l'infraction à la subordination'.
La provocation en duel adressée par l'inférieur produit-elle ce
résultat? Tonte la question est là.
Or il est indisculahle que si les inférieurs pouvaient appeler
en duel leurs supérieurs chaque fois qu'ils croiraient avoir à se
plaindre de leur procédés, c'en serait fait du respect qui doit
entourer le grade, et assurer la sécurité du commandement, c'en
serait fait de l'obéissance passive exigée par le décret de 1883 poi^
tant règlement sur le service intérieur.
Il y a donc bien infraction contre la subordination, outrage.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. Î93
et cet outrage tombe bien sous le coup de Tarticle 22/i du code de
justice militaire :
('. Tout militaire qui, pendant le service ou à Toccasion du ser-
vice, outrage son supérieur par fparoles, gestes ou menaces, est
puni de la destitution avec 'emprisonnement d'un an à cinq ans,
si ce militaire est officier, et de cinq ans à dix ans de travaux
publics, s'il est sous-officier, caporal, brigadier ou soldat.
« Si les outrages n'ont pas eu lieu pendant le service ou à l'oc-
casion du service, la peine est de un an à cinq ans d'emprisonne-
ment. »
Des termes de cet article il résulte que le militaire qui pro-
voque un supérieur encourt la même pénalité, quel que soit le
degré hiérarchique de ce dernier. La loi ne reconnaît pas la dis-
tinction de grade en ce qui concerne le supérieur outragé.
La hiérarchie militaire forme dans ses différentes parties,
depuis le caporal jusqu'au général, une chaîne dont on ne saurait
détacher un anneau sans porter préjudice à l'ensemble. Elle impose
à Tinférieur de tous les degrés le même respect et la même obéis-
sance. Le caporal, le général, &est toujours Vautorité *.
Observons que l'expression supérieur embrasse tous les mili-
taires plus élevés en grade des armées de terre ou de mer, quels
que soient l'arme ou le corps auxquels ils appartiennent*.
Mais la loi reconnaît une distinction de grade en ce qui con-
cerne rinférieur. En effet, la pénalité varie suivant qu'il est ou
n'est pas officier, lorsque la provocation a lieu pendant le service
ou à Toccasion du service.
Adressée par un officier, elle est punie de la destitution et d'un
emprisonnement de un an à cinq ans.
Adressée par un militaire non officier, elle est punie de cinq
ans ft dix années de travaux publics.
Lorsque la provocation n'est pas motivée par le service, la dis-
tinction de grade n'existe plus. Elle entraîne une pénalité variant
entre un et cinq ans d'emprisonnement, que l'inférieur soit officier
ou ne le soit pas.
On voit que le paragraphe 2 de l'article 224 pose la sanction
du respect dû par l'inférieur au supérieur, abstraction faite de toute
circonstance aggravante.
Le paragraphe premier spécifie deux cas d'aggravation motivés
par la circonstance du service.
1. Voyez exposé des motifs, loi du 9 Juin 1857.
2. Voyez décret du 28 décembre 1883, Marques extérieures de respect, devoirs
généraux.
IM DECXlfeME PARTIE.
De ce5denx aggravalioDs, l'une prend sa sonrce dans celle cir^
constance que l'un des mililair^s nt df serrice. Peu importe le
motif qui a fait adresser la proTocalion. Ce motif serait-il relaliX à la
vie priït'e, si l'un des adversaires est «le service, c*Ia sHffit'.
L'autre aggravallon prend sa source dans loccafion 4» terrice.
Elle est indêpendanle de la condition précédente et peut exister en
dehors de tout service. II sufiil que la provocation ait eu le service
pour cause, on. pour nous servir des termes du projet de loi, ■■ qne
le souvenir du service ail poussé ilnférieur A l'adresser >.
Nous n'essayerons pas de poser une règle pour déterminer
quand la provocation est adressée pendant le service ou à Tocca-
^on du service. Ce serait chercher en vain à spétiSer à l'avacce
des cas qui varient à J'infini. Les conseils de guerre ont sur la
question de fait un droit souverain d'appréciation.
Cetle appréciation, généralement facile lorsque la provocation
a lien pendant le service, ou en dehors de toute question de ser-
■ricc, peut devenir plus délicate lorsqu'elle se produit à [octaiiou
eu sfrnVe.
Supposons que pour se procurer un rendei-vous avec la femme
d'an des capitaines de son régimeoi, un colonel donne à ce dentier
an ordre de service qui l'oblige à s'absenter.
K son retour, le mari apprend son infortune, va trouver le
colonel el, tn deken de tout serrict, loi reproche la déloyauté de sa
conduite et lui adresse un cariel motivé par le rendei-vous.
Ne peul-on soutenir avec grande apparence de raison que ce
cartel na pas le service pour cause "Ce n'est pas. en effet, de l'ordre
pris en Ini-méme, ce n'est pas de la nature du senice qne le capi-
taine se plaint, et à raison desquels il demande réparation. Non, cet
ordre, ce serrice, il les a exécutés sans murmurer, avec toute la cor-
rection requise, el en ce faisant, il a accompli tous les deroiis mili-
taires qui procédaient du service.
Ce dont il demande réparation, c'est de l'atteinte portée à son
honneur conjugal, atteinte purement privée.commise par un hooirae
agissant en dehors de tout caractère public : réparation demandée
eo veriu du droit le plus intime, celui de la puissance maritale.
Toutes choses exclusives de Tidée du sorice =.
I. Toyei lettre miBist^ri^lTe da 31 dcrembre IWJ: CblKpoBdrr. MammHéM
Irilw—j da mrwtîa dt Irrrt H dt mur. page jM. — Ceittra^ V^«t Fnthtr, Ctm-
fèrtmet» dt drcil pàial, édiiion de IMI, U I, page â9t.
i. Voyei iBT ttt diiVTtea nMitrm : Cipôw do autiK k^ ds 9 jaù ISS7. Dal-
kx. uW mi. t* putie. pape lU. — FaadWT. Ccmtmtmtmin nr li todt et jaOkt
militmitr, fft» TM et soit. — Aji4t de la Gnr de «MMti— . GmsttU ia THtwMKr,
>• da I" jurier ItT,. ~ Pndkr^odérr. CcMMntoir* tm b csrir dtjutm mib-
tmn, ptcM Ml M MIT.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 295
L'application de Tarticle 22i!i donne naissance à plusieurs ques-
tions, toutes controversées, que nous allons étudier successive-
ment.
l"' QUESTION. — L'article 224 ne parle que des outrages par
parole, geste ou menace. Faut-il en ccnclure que la provocation en
duel adressée par écrit à un supérieur échappe à sa sanction?
A défaut d'une jurisprudence émanant de conseils de guerre ou
de conseils de revision, qui fait à peu près complètement défaut, on
a soutenu qu'il fallait suivre par analogie celle des tribunaux ordi-
naires.
Avant la loi du 13 mai 1863, qui ajouta les outrages par
écrit aux outrages par parole, geste ou menace, punis par Tar-
ticle 222 du Gode pénal lorsqu'ils sont adressés à une certaine
catégorie de personnes qualifiées, la question se posait dans les
mêmes termes.
Elle fut d'abord résolue dans le sens de la négative, et la Cour
de cassation regarda récriture comme une parole écrite ; mais, à
partir d'un arrêt en date du 9 février 1839, l'opinion contraire pré-
valut, et, depuis celte époque jusqu'à la loi du 13 mai 1863, l'ou-
trage par écrit non rendu public échappa à la sanction de l'ar-
ticle 222 du Gode pénal.
La cour n'admit pas que l'écriture fût une parole écrite, car la
parole implique une articulation, l'émission d'un son, tandis que
l'écriture, au lieu de frapper l'oreille, s'adresse directement aux
yeux.
Elle prit le mot parole dans son sens naturel, au risque de
soustraire l'injure écrite à une punition proportionnée à sa gravité,
car elle ne crut pas avoir le droit de remplir cette lacune de la loi
et de se substituer au législateur. Lorsqu'on discuta la loi du 13 mai
1863, cette question fut également posée au sujet de l'article 224 du
Code pénal et résolue dans le sens deTarrét précédent. L'article 22&
continua à ne viser que les outrages par parole, geste et menace ^
En présence du silence également gardé par l'article 224 du code
de justice militaire sur l'outrage écrit, il semble rationnel d'admettre
la même solution. Nous croyons que cette opinion peut fort bien
être soutenue, tout en reconnaissant que, si les tribunaux se placent
exclusivement sur le terrain de la discipline, la question risque fort
d'être tranchée dans le sens rigoureux*.
1. Voyez Dalloz, Code pénal annoté, article 229, n<» 554 et suiv. — Jurisprudence
générale, \^ Presne, Outrage, n<" 781 et suiv. — Rapport sur la loi du 13 mai 1863,
Dalloz, année 1863, 4' partie, page 89.
2. Voyez cependant contra décision et revision, 22 juin 1881.
ni DEUXIÈME PARTIE.
Nous verrons, du reste, que la question a été trancbée dans ce
scûs devant les tribunaux maritimes, lorsque nous étudierons la pro-
vocation adressée par un inférieur appartenant à l'armée de mer.
2" QUKSTiox. — Est-il néoeBaaira, pour que la provocation de
llnférlour constitue un outrage, que le supérieur se soit tenu, rela-
tive^nent à l'aote qui l'a motivée, dans la limite de ses pouvoirs,
dans rezaote application des règles auxquelles la loi on les règle-
ments militaires ont soumis son action?
L.a solution négative, qui est généralement admise pour l'appii-
cation des articles 222 et suivauts du Code pénal ordinaire, noas
semble devoir l'être également pour celle de l'article a2Ii du code de
justice militaire. Elle ressort des principes sur la subordination, sur
Ics fautes contre la discipline, sur le droit de punir, sur les récla-
mations, etc., principes gui sont formulés dans le décret du 28 dé-
cembre 1883. et aussi d'un arrôt trt>s important de la Cour de cassa-
lion, rapporté par la Gazelle i/t* Tribunaux dans son numéro du
l"ianvierl887.
3* <ii ESTiOS. — Pour que la provocation de llnfirleor oonatltae
un outrage, est-il néoessaire que le supérieur soit en uniforme?
La solution doit élre négative.
Le port de l'habit bourgeois ne suffit pas pour soustraire l'infé-
rieur aux pénalités de l'article 22k, s'il a eu connaissance de la qua-
lité de son adversaire '.
h' oiB^Tios. — L'inférieur qui demande réparation à un supé-
rieur peut-il se prévaloir d'uno sorte de compensation entre l'oSenae
qnll a easoyée et le cartel qu'il a adressé ?
Peut-elle lui servir d'excuse ou de circonstances atténaantes?
Non, car aux termes de l'article 65 du Code pénal ordinaire,
dont les dispositions sont applicables devant les conseils de gaerre
en vertu de l'article 202 da code de justice militaire, « nnl crime,
nul délit ne peut être excuse, ni la peine mitigée que dans les c^
et dans les circonstances où la loi déclare le fait excusable ou per-
met de lai appliquer une peine moins rigoureuse ■.
Or l'article S2fi du code de josUce militaire est mael snr ces
deox points.
Le législateur s'est contenté de graduer les peines. 11 en résulte
que, suivant le degré de culpabilité, les juges peuvent appliquer le
minimum ou le maiimam, ou une peine intermédiaire, mais sont
oblig- . -ï' : : I- ' - imites qui leur sont posées.
Du i-iéaie, k priui:ipe <}a cette matière est que les circonstances
I. VtijtaOtXk»tJmriipnÈime*9iKiirak, V* Prcst, 0»tngt,m*&ô.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 297
atténuantes ne peuvent être appliquées que pour crimes ou délits
de droit commun (vol, pillage, etc.). La loi les rejette pour tous
crimes ou délits militaires proprement dits (insubordination, rébel-
lion, etc.).*
5^ QUESTION. — En supposant que, pour on motif qaeloonqne,
la provocation en duel adressée par un inférieur échappe à la sanc-
tion de l'article 224 du code de justice militaire, peut-elle motiver
une peine disciplinaire comme faute contre la subordination?
L'affirmative ne nous parait pas contestable.
En effet, aux termes de l'article 271 du code de justice militaire,
les infractions contre la discipline sont laissées à la répression de
Tautorité supérieure, qui est armée en outre du droit d'infliger cer-
taines punitions dont la nature est déterminée par le décret du
28 décembre 1883.
B. — L'INFÉRIEUR QUI ADRESSE LA PROVOCATION
FAIT PARTIE DE LA RÉSERVE DE L'ARMÉE ACTIVE
OU DE L'ARMÉE TERRITORIALE.
Sa situation varie suivant qu'il se trouvait ou ne se trouvait pas
sous les drapeaux au moment de cette provocation. Elle doit être
examinée dans chacune de ces hypothèses.
l'*^ ESPÈCE. — L'inférieur se trouvait sous les drapeaux.
Tout ce que nous venons de dire relativement au militaire de
l'armée active lui est applicable.
En effet, aux termes de l'article 52 de la loi du 15 juillet 1889 :
« Sous les drapeaux, les hommes de la réserve et de l'armée territo-
riale sont soumis à toutes les obligations imposées aux militaires de
l'armée active par les lois et règlements en vigueur.
«c Ils sont justiciables des tribunaux militaires en temps de paix
comme en temps de guerre :
« 1® En cas de mobilisation, à partir du jour de leur appel à
l'aclivité, jusqu'à celui où ils sont renvoyés dans leurs foyers-,
« 2^ Hors le cas de mobilisation, lorsqu'ils sont convoqués pour
des manœuvres, exercices ou revues, depuis l'instant de leur réu-
nion en détachement pour rejoindre, ou de leur arrivée à destina-
tion s'ils rejoignent isolément, jusqu'au jour où ils seront renvoyés
dans leurs foyers ;
1. Voyez Exposé des motifs du code de justice militaire, Pradier-Fodéré, pages
271 et suiv.
'jk,'^*.**».-. _
S98 DEUXIÈME PARTIE.
« 3' Lorsqu'ils sont placés daos les liûpitaui militaires on dans
les salles des hôpitaux civils affectés aux militaires, et lorsqu'ils
voyagent comme militaires sous la conduite de la force publique,
qu'ils se trouvent déteuus dans les établissements, prisons et péni-
tenciers militaires, ou qu'ils subissent dans un corps de troupe une
peine disciplinaire.
Toutefois, des circonstances atti^nuantes pourront être accor-
dées, alors même que le code militaire n'en prévoit pas, aui hommes
qui, n'ayaul pas trois mois de présence sous les drapeaux, se trou-
veront dans l'une des positions indiquées aux paragraphes 2" et 3'
ci-dessus, »
-2' ESPÈCE. — L'inférieur ne se trouvait pas sous les drapeaux
au moment où il a provoqué le supérieur.
Sa situation varie suivant qu'il était ou n'était pas révolu d'effets
d'uniforme, et doit être examinée relativement à chacune de ces
hypothèses.
1" CAS. — Le HÉSERVISTE OU LE TEniilTOBl AL ÉTAIT BEVÊTII
d'effets d'uniforme.
II devient justiciable des tribunaux militaires, conformément
aux dispositions de l'arlicle 53 de la loi de 1S80. Aucun doute sur ce
point.
Il n'fii est plus de mi^me sur celui de savoir quelle sanction
devra ùin- appJigut-e. La provocation tombera-t-elle sous le coup de
l'article 224 dn oode dejustioe militaire, on eera-t-elle régie par
l'artiole 224 du tableau D annexé à la loi du IS juillet 1889 ?
La question est controversée.
Le lecteur saisira facilement l'intérêt qu'elle peut offrir en con-
sidérant que l'article 22^ du tableau D ne regarde le fait incriminé
comme ayant eu lieu à l'occasion du service que s'il est le résultat
d'une vengeance contre un acte d'autorité légalement exercé, et
n'applique le deuxième paragraphe de l'article 224 du code de jus-
tice militaire que dans le cas oii l'inférieur et le supérieur seraient
l'un et l'autre revêtus d'effets d'uniforme ; double condition très
favorable au subordonné, et qui ne se rencontre pas dans les dispo-
sitions de l'article 22k du code de justice militaire. Elle a, en outre,
de l'importance relativement à l'admission des circonstances atté-
nuantes.
Les partisans du système qui n'admet pas l'application de
l'article 22li, tableau D, mais bien l'application de l'article 22I| du
code de j ustice militaire, s'appuient sur les articles 7 et 12, et princî- -
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 299
paiement sur le paragraphe 1* de Tarticle 17 de la loi du 18 novembre
1875; sur une circulaire ministérielle du 18 février 1876, relative
à l'application de la loi précédente ; sur la discussion devant les
Chambres, sur les travaux de la commission, et enfin sur l'article 53
de la loi du 15 juillet 1889 qui reproduit les articles précédemment
cités et considère le réserviste ou le territorial revêtu d'effets d'uni-
forme, en dehors de sa présence sous les drapeaux, comme un mili-
taire en congé. Ils font observer que Tarticle 57 in fine de la même
loi consacre cette assimilation.
Les partisans du système qui admet l'application de l'article 224.
tableau D, soutiennent que le texte de l'article 12 de la loi de 1875,
n*ayant pas été reproduit par l'article 53 de la loi de 1889, n'a plus
aucune valeur, et que, du reste, Tarticle 53 est spécial aux marques
extérieures de respect prescrites par les règlements militaires.
D'après eux, les expressions u sont considérés sous tous les rap-
ports comme des militaires en congé » ne s'appliquent qu'à l'obser-
vation des devoirs de déférence et de respect, et non aux délits que
les réservistes et les territoriaux peuvent commettre lorsque, ne se
trouvant pas sous les drapeaux, ils sont revêtus d'effets d'uniforme.
D'après cette opinion, la compétence est réglée à leur égard par
l'article 57 de la loi de 1889.
Une troisième opinion combine les deux systèmes.
Suivant elle, les hommes de la réserve et de l'armée territoriale
non présents sous les drapeaux et revêtus d'effets d'uniforme sont
très justement assimilés aux militaires en congé.
Il ne faut pas confondre, en effet, les deux membres de phrase
qui composent le texte de l'article 53 de la loi de 1889. Le premier
est spécial aux marques de respect; le second est général et com-
prend tous les actes que les réservistes et les territoriaux revêtus
d'effets d'uniforme peuvent commettre en dehors de leur présence
sous les drapeaux.
Comme les militaires en congé de l'armée active, c'est en vertu
de l'article 57 du code de justice militaire qu'ils sont renvoyés
devant les conseils de guerre, et non en vertu de l'article 57 de la
loi de 1889, qui demeure spécial à ceux qui se sont livrés aux
mêmes actes alors qu'ils étaient revêtus d'effets civils.
La sanction dont ils sont passibles est celle des articles 224 du
code de justice militaire, et 224 du tableau D annexé à la loi de
1889 combinés.
D'après cette troisième opinion, le paragraphe l*'de l'article 224
du code de justice militaire est applicable :
^r'.^,-u
300 DEUXIÈME PARTIE.
1^ A la provocation adressée par eux pendant le service, car
l'article 224, tableau D, ne prévoit pas cette hypothèse ;
2"" A la provocation adressée par eux à l'occasion du service.
Le paragraphe 1'''' de l'article 22i!i, tableau D, est spécial aux outrages
adressés par les réservistes ou les territoriaux renvoyés dans leurs
foyers et non revêtus d'uniforme.
Les partisans du troisième système font remarquer que, comme
ce dernier paragraphe apporte un notable adoucissement à la rigueur
de l'article 224 du code de justice militaire, il serait irrationnel de
rappliquer à l'espèce qui nous occupe, car l'acte de s'être mis en
uniforme pour adresser une provocation à un supérieur constitue
une circonstance aggravante qui ne permet pas de le ranger dans
la même catégorie.
Mais, si la provocation est adressée en dehors du service et sans
avoir le service pour cause, l'application du deuxième paragraphe
de l'article 224 n'est faite que sous réserve des dispositions spéciales
indiquées au deuxième paragraphe de l'article 224, tableau D,
c'est-à-dire dans le cas a où le supérieur et l'inférieur auraient été
Vun et l'autre revêtus d'effets d'uniforme au moment de la provoca^
tion>K
Remarquons, en ce qui concerne l'application des articles pré-
cédents aux réservistes et aux territoriaux rentrés dans la vie civile»
mais revêtus d'effets d'uniforme, qu'il n'y a pas à s'occuper du laps
de temps depuis lequel ils ne sont plus sous les drapeaux. Cette
condition est spéciale au cas oCi ils sont revêtus d'effets civils.
Se serait-il écoulé six mois, un an, deux ans même, depuis
qu'ils ont été renvoyés dans leurs foyers, s'ils se rendent coupables
d'une provocation outrageante envers un supérieur, ils peuvent
être traduits devant les tribunaux militaires.
En parlant de l'intérêt offert par la question que nous venons de
traiter, nous avons dit qu'elle touchait à un point important : celui
de Tadmission des circonstances atténuantes.
En effet, si la provocation adressée à un supérieur par un réser-
viste ou un territorial non présent sous les drapeaux, mais revêtu
d'effets d'uniforme, tombe sous le coup de l'article 224 du code de
justice militaire, comme cet article est muet sur les circonstances
atténuantes, et comme le dernier paragraphe de l'article 17 delà loi
du 18 novembre 1875 n'a pas été reproduit par celle de 1889, il est
impossible d'en accorder sans violer l'article 65 du Gode pénal qui
est applicable devant les tribunaux militaires, en vertu de l'ar-
ticle 202 du code de justice militaire.
Au contraire, si la provocation tombe sous le coup de l'ar-
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 304
ticle 224, tableau D, il peut être accordé, aux termes de l'article 79
de la loi de 1889, des circonstances atténuantes, alors même que le
code de justice militaire n'en prévoit pas, aux hommes ayant moins
de trois mois de présence sous les drapeaux. Cet adoucissement à
la rigueur des dispositions pénales se produit en temps de paix
seulement, car en temps de guerre il n'y a jamais lieu à Tapplica-
tion des circonstances atténuantes.
D'après le troisième système, si la provocation a été adressée
pendant le service ou à l'occasion du service, il ne peut être ques-
tion de circonstances atténuantes. Il peut au contraire en être
accordé si elle a eu lieu en dehors du service et sans avoir le ser-
vice pour cause.
Nous devons, pour être juste, reconnaître qu'en ce qui touche
la question des circonstances atténuantes, le troisième système
produit des résultats singuliers, puisqu'il prive de toute atténuation
dans la peine le réserviste ou le territorial qui, non présent sous les
drapeaux, mais revêtu d'effets d'uniforme, adresse une provocation
à un supérieur pendant le service ou à Toccasion du service, tandis
que le dernier paragraphe de l'article 52 de la loi de 1889 en
accorde aux hommes qui, ayant moins de trois mois de présence
sous les drapeaux, se trouvent dans l'une des positions indiquées aux
paragraphes 2 et 3, c'est-à-dire qui sont convoqués pour des ma-
nœuvres, exercices ou revues, placés dans les hôpitaux, etc., etc.
Il y a là une anomalie qu'il importe de signaler.
Terminons ce qui concerne Thypothèse que nous venons d'étu-
dier en déterminant le sens des expressions a effets d'uniforme »
employées par l'article 53 de la loi de 1889.
Le législateur a entendu parler non pas de l'uniforme propre-
ment dit, mais bien de l'un des effets composant l'uniforme et per-
mettant de considérer celui qui en est revêtu comme appartenant à
l'armée ^
2* CAS. — Le réserviste ou le territorial avait été renvoyé
DANS ses foyers, ET n'ÉTAIT PAS REVÊTU D'EFFETS d'uNI-
forme au moment de la provocation.
Leur situation doit être examinée au double point de vue de la
juridiction compétente et de la pénalité applicable.
Elle est réglée par l'article 57 de la loi du 15 juillet 1889 et
l'article 224 du tableau D annexé à ladite loi.
!• Voyez circulaire ministérielb relative à Tapplicatioû de la loi du 18 novembre
lS75b
.3M DEDXIËHE PARTIS.
L'article 57 est ainsi conçu : « Les hommes de la réserve 6e
l'année active, de l'armée territoriale ou dé sa réserve, sont jiuli-
ciables des tribananx militaires en temps de paix comme en taoj/i
de ^erre, pour les crimes et délits préros et punis par les articles
du code de justice militaire énamérés dans le tableau D annexé à
la présente loi, lorsque, après aroir été appelés sous les drapeaBx,ili
ont été renroféii dans leurs foyers.
« L'application de ces articles est Jàite aux Ineolpés soasréMne
des dispositions spéciales indiquées au tableau.
• Toutefois, les hommes appartenant A l'armée territoriale on i
-la réserve de cette armée ne sont plus justiciables des tribunaux
militaires en temps de paix, pour les crimes et délits prévus parles
deux paragraphes précédents, lorsqu'ils ont été renvoyés dans lenn
foyers depuis plus de six mois, à moins que, au moment oii les fidti
incriminés ont été commis, les délinquants fussent revêtus d'elle
d'uniforme. »
L'article 22li du code de justice militaire, livre IV, titre II, appli-
cable dans les cas prévus par les articles 57 et 79 de la loi du 15 joit-
let 1889, tableau D, est ainsi conçu :
a Pour l'application du premier par^raphe de cet article, la
fait incriminé ne sera considéré comme ayant eu lieu & l'occasiOD
du service que s'il est le résultat d'une vengeance contre un ade
d'autorité légalement exercé.
« Le deuxième paragraphe de ces mêmes articles ne sera appli-
cable que dans le cas où le supérieur et l'inférieur seraient l'un et
l'antre revêtus d'effets d'uniforme. »
Des termes de l'article 57, combiniis arec ceux de l'article 22in
tableau D, 11 résulte :
1° Que pour motiver l'application du paragraphe premier i^
l'arlidij 224 du tableau D, il faut que les circonstances qui or^
précédé ou accompagné la provocation soient de nature à Ic:^
donner le caractère bien marqué d'un délit îDlenlioDocllemei^
accompli contre le devoir militaire, et dont la répression par Ic^
conseils de guerre importe essentiellement à la discipline. Il fan -^
que les juges reconnaissent que le fait incriminé a eu pour origine
le désir de se venger d'un acte d'autorité légalement exercé.
Tel serait le cas où un supérieur commanderait à l'un de se^
subordonnés un service que ce dernier exécuterait imparfaitement^
et 6 raison de quoi il le punirait.
une fois rentré dans ses foyers l'inférieur non revêtu d'effets-
d'aniforme lui adresse un cartel motivé par la punition, les juges
auront à rechercher non plus seulement si l'inférieur a été poussé
HESPONSABILITÉ PÉNALE. 303
à provoquer son supérieur par le souvenir du service, comme
lorsqu'ils se trouvent en présence d*un militaire de Tarmée active,
mais encore s*il n'y a pas eu illégalité commise par le supérieur.
2"" Que la provocation adressée pendant le service tombe sous
le coup de l'article 224 du code de justice militaire, paragraphe pre-
mier, sans qu'il faille pour cela qu'elle soit le résultat d*une ven-
geance contre un*acte d'autorité légalement exercé.
En effet, l'article 224, tableau D, paragraphe premier, ne subor-
donne Texistence de Toutrage à cette condition que si le fait a eu
lieu à l'occasion du service.
3<> Que si un homme de la réserve de l'armée active renvoyé
dans ses foyers, et non revêtu d'effets d'uniforme, adresse à un
supérieur une provocation pouvant être considérée comme une ven-
geance contre un acte d'autorité légalement exercé, il est justiciable
des tribunaux militaires quel que soit le laps de temps écoulé depuis
son renvoi dans ses foyers; tandis que l'homme de l'armée territo-
riale qui se livre au même acte n'en est justiciable que si la provoca-
tion s'est produite dans les six mois qui ont suivi ce renvoi. Ce délai
écoulé, le territorial est rendu à la vie civile. Il peut demander à son
supérieur toutes les réparations auxquelles il pense avoir droit, sans
encourir la sanction de l'article 22i!i du code de justice militaire.
h'' Que si le réserviste, que si le territorial, avant les six mois
écoulés, adressent alors qu'ils sont revêtus d'effets civils une provo-
cation en dehors du service, et qui n'a pas le service pour cause, à un
supérieur en uniforme, ils ne commettent pas un outrage ; car aux
termes de l'article 224, tableau D, il faut, pour entraîner l'application
du paragraphe 2 de l'article 224 du code de justice militaire que le
supérieur et l'inférieur soient tous deux revêtus d'effets d'uniforme.
On voit combien ces conditions élargissent le champ des répa-
rations que l'inférieur peut demander sans encourir les pénalités
sévères qui l'atteindraient s'il faisait partie de l'armée active.
Pour mieux le faire comprendre, nous allons résumer les cas
où les hommes de la réserve et de l'armée territoriale, non revêtus
d'effets d'uniforme et renvoyés dans leurs foyers, peuvent (en temps
du paix) adresser à un supérieur une provocation sans encourir la
sanction de l'article 224 du code de justice militaire, applicable sous
réserve des dispositions spéciales indiquées au tableau D annexé à
la loi du 15 juillet 1889.
Les hommes de la réserve de Varmée active^ les hommes de
Varmée territoriale et de la réserve de cette armée (pendant lès six
mois qui suivent leur renvoi dans leurs foyers) peuvent, en dehors
;/tf. -
I 301
DEUXIÈME PARTIE.
du service, demander réparation pour toutes les offenses étrangèrei
au service et pour toutes celtes qui, bien qu'ayant le service peur
cause, ne cùmmuniquetit pas à la provacation un caracti^re de cen-
geance contre un acte d'autorité légalemeftt exercé.
A l'expiration des six mois, les hommes de l'armée territoriale
et de la réeervede cette armée peuvent demander réparation de toutes
les offenses qu'ils auront reçues, ces offenses seraient-elles retativei
au service et susceptibles de communiquer à la provocation uncarac-
tvre de vengeance contre un acte d'autorité légalement e.rercê.
Bienplus.cetteproTocalJon pourra ôtre conçue et transmise d'une
façon moins correcte que dans les hypothèses que nous avons posées.
Mais si les hommes de la réserve et de la territoriale éviteDl la
sanction des articles précités, ils De sont pas à l'abri des puuîlioDS
disciplinaires que les règlements permettent h lautoriié militaire
d'ioiliger'.
Lorsque la provocation émane de réservistes ou dp territoriaui
officiers, ils peuvent encourir la destitution, conformémeDt aux
dispositions de i'arliclc 7 du décret du 31 août 1878 '.
En effet, aux termes de cet article, si les infractions reprochées
à un des officiers n'ont pas un caractère de gravité suffisant pour
l'amener devant les tribunaux militaires, la révocation peut être
prononcée contre lui par décret du président de la République, sur
avis conforme d'un conseil d'enquéle : « Pour faute grave dans le
service et contre la discipline. " (Paragraphe ïj.)
u Si, eu deiioi's de la période d'activité, il adresse à un de ses
supérieurs (militaires), ou publie coutre lui un écrit injurieux, ou
commet envers l'un deux un acte offensant. » (Paragraphe 7.)
Le paragraphe k nous semble notamment devoir être appliqué
à la provocation couçue en termes polis et mesurés, adressée en
dehors du service par un officier de l'armée territoriale non revêtu
d'effets d'uniforme et renvoyé dans ses foyers depuis plus de six
mois, à un supérieur à. l'occasion de service et dans un but de
vengeance contre un acte d'autorité légalement exercé.
En effet, le motif de la provocation étant une rancune de ser-
vice, il y a insubordination et faute grave contre la discipline.
Mats si la provocation a été motivée par une raison étrangère
au service, il ne saurait, croyons-nous, en être do même, car en
demandant réparation en dehors du service pour une affaire privée.
1. Voyez décret du 3S décembre tSS3 (PunU[ons). — Droit de punir lors de la
réDDion de l'armée territoriale, Instruction ministérielle du 32 man 1SS6, pago 4ii.
9. Voyei Dftilot, kiin6e 1879, i* ptrtie, page 5.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 305
rinfériear agit comme civil, comme simple citoyen et non plus
comme militaire.
Le paragraphe 7 pourra être applicable à toute provocation
inconvenante dans sa forme ou dans son mode de transmission,
quel que soit d'ailleurs le motif qui l'a dictée, serait-il même absolu-
ment privé.
On voit quel intérêt peut avoir l'officier de la réserve ou de
l'armée territoriale qui veut demander réparation à un supérieur, à
rédiger son cartel avec convenance'et à le transmettre de même.
Les témoins devront se pénétrer de cette situation et garder
toujours une attitude correcte, ce qui ne les empêchera pas, du reste,
de remplir leur mission avec toute Ténergie requise.
Nous n'ignorons pas que cette extension du paragraphe 7 à la
provocation injurieuse motivée par une raison d'ordre privé est
controversée, et que, d'après beaucoup de militaires, son applica-
tion est limitée à Toutrage dicté par une rancune de service.
Nous n'admettons pas cette interprétation, en présence des
termes généraux de l'article 7, qui ne fait aucune distinction entre
la nature des actes offensants ou des écrits injurieux.
Le vague des expressions est intentionnel. Elles ont pour mis-
sion de réprimer non seulement les fautes contre la discipline mili-
taire, mais encore de maintenir entre hommes qui peuvent être de
condition sociale très différente, mais qui sont placés sur un pied
d'égalité par l'uniforme qu'ils portent, les règles de la courtoisie et
de la bonne éducation qui doivent être l'apanage de tout officier
français et lui constituer une respectabilité indiscutable.
11 faut y voir une obligation qui naît de la qualité d'officier, et
qui vient s'ajouter à toutes celles qui lui sont déjà imposées par le
même décret.
Si le réserviste ou le territorial non officier en est déchargé,
c'est qu'il n'appartient pas à cette catégorie de militaires.
A qualité supérieure, obligations majeures. Rien de plus juste
et de plus rationnel.
2« HYPOTHÈSE.
Le militaire qui adresse la provocation est un supérieur.
Le supérieur qui provoque son inférieur ne commet pas un
outrage, mais il viole les règles de la discipline en recourant, pour
vider son différend, à un moyen qui suppose l'égalité du grade.
20
306 DEUXIÈME PARTIE.
Si lesupérieurappartient à l'armée active, la faute esisle, qnelle
que soit l'origiDC du différend. Si le motif de la provocatioD est
relatif au service, elle est plus grave que si le motif est relatif à Ja
vie privée, mais, dans ce dernier cas même, elle subsiste.
La sauctioD cousistera en une des peines disciplinaires déter-
minées par l'article 271 du code de justice militaire et le décret du
28 décembre 1883.
Dans l'exemple rapporté au n' 105 de l'appendice (ordre du
jour du ministre de la guerre, Gazette des Tribunaux du 3 février
1838), nous voyons que le chef d'escadrons qui provoqua un capi-
taine fut mis en retrait d'emploi.
Le supérieur apparlient-il à la réserve ou à l'armée territoriale,
il faut distinguer (rois cas ;
1" Celui où il était présent sous les drapeaux au moment de la
provocation ;
2" Celui où il était renvoyé dans ses foyers, mais se trouvait en
uniforme ;
3" Celui où, renvoyé dans ses foyers, il n'était pas revêtu
d'elTets d'uniforme.
Dans les deux premiers cas, ce que nous avons dit du supérieur
de l'armée active peut lui être appliqué, puisqu'aux termes de
l'article 52 de la toi du 15 juillet 1889, sous les drapeaux il est
soumis à toutes les obligations des militaires de son grade appar-
tenant â l'armée active, et puisqu'aui termes de l'article 53, iinilem,
il est considéré comme un militaire en congé lorsque étant reoToyé
dans ses foyers il revêt un effet d'uniforme.
Dans le troisième cas, il faut examiner si la provocation est
relative ou étrangère au service.
Relative au service, elle peut entraîner une peine disciplinaire.
Étrangère au service et adressée en dehors du service, elle
nous paraît devoir y échapper, car, en adressant sa provocation S
pareil moment et pour semblable motif, le supérieur agit comme
civil et QQO plus comme militaire.
3« HYPOTHÈSE.
Le supérieur accepte la provocation de l'inférieur.
Même distinction que dans l'hypothèse actuelle et mêmes solu-
tions. Toutes les fois que le supérieur, pouvant se servir de l'auto-
rité dont il est armé par la loi, ne le fera pas et condescendra à
RESPONSABILITÉ PÉNALE. m
répondre à l'appel de rinférieur, il commettra xine f^ate contre la
discipline et pourra être frappé d'une peine disciplinaire. Cette
solution ressort des termes de Tordre du jour du ministre de la
guerre, en date du 11 juin 1835, rapporté au n<> 105 de Tappendice.
Il* HYPOTHÈSE.
L'inférieur accepte la provocation.
Toutes les fois que le supérieur commet une faute en adressant
ta provocation, l'inférieur en commet une en l'acceptant, mais nous
croyons que Tobéissance passive qui lui est imposée doit militer en
sa faveur et lui servir de circonstance atténuante.
Témoins.
Examinons maintenant la situation faite aa militaire qui, étant
d'un grade inférieur à la personne provoquée, lui transmet le cartel
d'un subordonné, ou, pour mieux nous faire comprendre, quelle
serait par exemple la situation faite à un lieutenant qui, au nom d'un
camarade du même grade, demanderait réparation à un capitaine.
11 faut distinguer.
Faisait-il partie de l'armée active an moment de la provocation ?
L'article 202 du code de justice militaire, qui rend applicables
les articles 59 et 60 du Gode pénal ordinaire, permet d'atteindre ce
témoin comme complice. Il est passible de la même peine que celle
qui est édictée par la loi contre l'infraction commise par l'auteur
principal.
Mais si cette assimilation du témoin au complice est rendue
possible en vertu de Tarticle 202 du code de justice militaire, elle
n'est pas obligatoire. L'autorité militaire peut sévir discipli-
nairement pour faute contre la discipline, sans avoir recours â une
incrimination susceptible de produire des résultats dispropor-
tionnés avec la gravité de l'infraction, puisque l'article 224 ne
prévoit pas de circonstances atténuantes.
C'est ce qui arriva dans l'affaire qui donna lieu à Tordre du
jour rapporté au n" 104 de l'appendice.
L'inférieur fut traduit devant un conseil de guerre, mais les
témoins ne l'y suivirent pas et subirent seulement quinze jours
d'arrêt.
Le témoin était-il réserviste? territorial? sous les drapeaux?
renvoyé dans ses foyers, mais revêtu d'effets d'uniforme ? Ce que
308 DEUXIÈME PARTIE.
Dous avons dit relatîTement au militaire de l'armée active peut loi
élre appliqué.
Élait-il réserriste î territorial renvoyé dans ses foyers, mais dod
revêtu d'effets d'uniforme î Sa situation est raodiliée par les arti-
cles 57 de la loi du 15 juillet 1889. et 22i, tableau D, dans le scds
que nous avons indiqué précédemment pour ce qui concerne l'io-
férieur qui adresse une provocation dans les mêmes conditions.
Influence de la rétrogradation volontaire ou forcée, de la
cassation, de la mise en non-activité, de la mise en
réforme, de la retraite, de la démisaion des adversaires,
sur les conséquences de la provocation.
Rétrogradation volontaire ou forcée. — Cassation.
La rétrogradation volontaire ou forcée des adjudants et des
sous-ofûciers, leur cassatiou, la cassation des brigadiers ou capo-
raux, la remise volonlairE> du grade peuvent rétablir l'égalité
hiérarchique entre les adversaires et permettre à l'offensé de
demander une réparation qui l'aurait ciposé sans cela aux rigueurs
de la loi militaire.
Non-activité.
L'état de non-activité, c'est-à-dire Icxclusion temporaire dn ser-
vice où est placé l'ofûcier par sa suspension ou retrait d'emploi, ne
change rien aux conséquences de la provocation qui lui est adressée
oaquiest adressée par lui, car, pendant lanon-activité, ilresleson-
rais à toutes les règles de la discipline et de la subordination'.
Réforme.
L'offlcier en réforme est libéré des obligations de l'état d'acti-
vité et de non-activité.
Il ne fait plus partie de l'armée.
La provocation adressée par un ofûcier réformé à un supérieur
en activité ne saurait, en aucun cas, tomber sous le coup de la
législation pénale militaire, mais elle peut tomber, suivant les cir-
constances, sous le coup de la loi du 29 juillet 1S81 ou de l'article
22h ou 225 du Code pénal >.
1. Voyez décret du 38 décembre 1883, mise ea aoa-telUM ou ea réforme des
ofTiciers, et loi du 19 mû 18ït aur l'élat des onTiciera.
2. Voyoi Alger, 2i mura 1877. — Dalloi, année 1878, 2° parfio, p»ee2M. — (Ju-
satiuD, 21 mai 1873, ibidem, Moie 1871, ]" partie, page 183.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 309
La provocation adressée par un militaire en activité de service
à un ex-officier qui était de grade supérieur au sien avant que la
réforme ne fût prononcée ne peut produire un résultat différent
de rhypothèse précédente, car Toutrage visé par Tarticle 224 du
code de justice militaire est une infraction purement militaire,
supposant la présence de deux militaires de grades inégaux au
moment où elle a eu lieu.
Retraite.
La retraite produit les mêmes résultats que la réforme. Le
militaire retraité cesse d'appartenir à Tarmée *.
Cependant les officiers ou assimilés qui restent après leur mise
en retraite à la disposition du ministre de la guerre demeurent
soumis, pendant tout ce temps, aux lois et règlements militaires sur
la réserve et l'armée territoriale *.
Démission.
Les résultats de la démission sont plus complexes que ceux de
la réforme et de la retraite.
Observons d'abord que la démission n'a d'effet que lorsqu'elle
est acceptée. Tant que la notification de son acceptation n'est pas
parvenue au démissionnaire» il reste soumis à toutes les obligations
qui lui incombaient avant d'avoir envoyé sa démission K
On comprend l'intérêt que peut avoir l'officier qui veut
démissionner à dissimuler le véritable motif qui lui fait prendre
cette décision. Il est évident que, si l'autorité soupçonne que c'est
pour se battre impunément avec un supérieur» elle ne l'acceptera
pas.
Il ne faut pas croire que la démission, même acceptée, ait pour
effet d'exonérer toujours celui qui la donne des obligations qui lui
incombaient auparavant, et de le rendre d'une manière absolue à
la vie civile.
Pour qu'il en soit ainsi, il faut qu'il ait satisfait aux prescrip-
tions de l'article 37 de la loi du 15 juillet 1889 et accompli les
vingt-cinq années de service militaire que tout Français doit faire
dans l'armée active, la réserve de l'armée active, dans l'armée terri-
toriale et dans la réserve de cette armée.
1. Voyez loi du 19 mai 1834 sur l'état des officiers.
2. Voyez loi du 22 Juin 1878.
3. Voyez Cassation, 30 août 1855., Dalloz, année 1855, 1" partie, page 415. —
Cassation, Gazette des Tribunaux^ n<> du 19 novembre 1885. — Dalloz, Jurisprudence
générale, V« Organisation militaire, n»* 1S3 et 849.
910 DEUXIEME PAIlTIE.
S'il n'y â pas satisfait complèiement lorsqu'il donne sa démis-
sion, cet acte n'a d'autre effet que de lui faire perdre le grade qu'il
occupait auparavant, cl de le faire rentrercomme simple soldat dans
les rangs de l'une ou l'autre de ces armées, suivant le laps de ser-
vice militaire qui lui reste à accomplir.
Dans certain cas, l'ofûcier démissionnaire peut obtenir, il est
vrai, de renirer dans la réserve ou l'armée territoriale avec le grade
qu'il occupait auparavant ; mais comme cette mesure dcpend unique-
ment du bon plaisir ministériel, noua no nous en occuperons pas.
On voit que la démission d'un officier, même acceptée, n'a pas
loujours pour effet de lui permettre d'adresser impunément une
provocation à un supérieur.
Dans certains cas elle lui est non seulement inutile, mais rend
sa condition pire. Si, par exemple, un oflicier de l'armée active n'a
pas accompli, au moment oi!i il donne sa démission, le laps de
temps pendant lequel il doit faire partie de la réserve de l'armée
active, et s'il veut adresser une provocation motivée par un acte
(l'autorité légalement exercé par le supérieur, comme il est descendu
an rang des simples soldats, il encourt les travaux publics au lieu
d'encourir l'emprisonnement dont il aurait simplement été passible
avant d'avoir cessé d'être officier'.
Mais il a inlérét à la donner si. bien que relative au service, la
provocation ne présente pas le caractère d'une vengeance contre un
acte d'autorité légalement exercé, ou si elle n'a pas le service pour
cause, h condition, bien entendu, d'ûlre adressée en dehors du ser-
vice et en costume civil.
Si l'officier a accompli le laps de temps pendant lequel il doit
faire partie de la réserve de l'armée active, il peut, au contraire,
être intéressé adonner sa démission i car, en laissant écouler le
délai de six mois porté au paragraphe 3 de l'article 57 de la loi du
15 juillet 1889, il peut demander réparation de toutes les offenses
qu'il aura repues, quand bien même elles communiqueraient à la
provocation le caractère d'une vengeance contre un acte d'aulorité
l^lement exercé, sans avoir à redouter la sanction de l'article 22lt
du code de justice militaire, même modifié par le tableau D, annexé
à la loi de 1889.
L'inférieur est, par contre, toujours intéressé à ce que le supé-
rieur auquel il veut demander réparation donne sa démission, car,
cette démission une fois acceptée, il devient à son tour supérieur
ou égal de son adversaire, et ne commet plus d'outrage en le. pro-
voquant.
1. Arlicle 2!4, code dejaitice militaire, p&ragraphe i".
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 3H
Nous avons vu (hypothèse U) qu'il peut, à la-vérité, encourir
une punition disciplinaire, mais comme la gravité de cette puni-
tion est minime en comparaison de celle de l'article 224, nous ne
saurions admettre que la crainte d'y être, exposé soit de nature à
Tempécher de demander réparation pour une offense considérable.
Nous terminerons ce qui concerne les effets de la démission
en signalant une erreur commise par un grand nombre de mili-
taires. Ils croient que les officiers dont la démission est acceptée
demeurent (même slls ont accompli le temps de service fixé par
la loi du 15 juillet 1889), pendant cinq ans suivant les uns, un an
et un jour suivant les autres, assujettis aux dispositions du code de
justice militaire pour les provocations qu'ils adresseraient à un
supérieur relativement au service.
C'est inexact. Ils rentrent complètement dans la vie civile.
On a dû confondre les dispositions de la loi française et celle
du code militaire belge, qui contient, en effet, cette prohibition.
Plainte.
La seule voie que les règlements ouvrent au militaire offensé
par un supérieur, pour obtenir réparation, est celle de la plainte
par voie hiérarchique à l'autorité supérieure, qui est omnipotente
pour décider quelle suite il convient d'y donner.
Il existe, en effet, un principe qui protège Finférieur contre les
brutalités, injures et autres offenses graves du supérieur; c'est le
principe même de la discipline.
Le mot discipline ne signifie pas seulement subordination , mais
rapports du commandement et de Tobéissance, qui ont des devoirs
réciproques.
Les principes généraux placés en tête du décret du 28 dé-
cembre 1883 le disent formellement.
« Si l'intérêt du service demande que la discipline soit ferme,
il veut, en même temps, qu'elle soit paternelle. Toute rigueur qui
n'est pas nécessitée, toute punition qui n'est pas déterminée par le
règlement ou que ferait prononcer un sentiment autre que celui
du devoir, tout acte, tout geste, tout propos outrageants d'un supé-
rieur à un subordonné sont sévèrement interdits, n
Le sens général des termes employés montre que l'interdiction
s'applique non seulement aux actes, propos, gestes, qui constituent
une offense relative au service, mais encore à ceux qui se pro-
duisent en dehors du service, et qui atteignent l'homme privé. A
raison des uns et des autres, le droit de porter plainte existe pour
l'inférieur, et le droit de punir pour l'autorité supérieure.
Mt DEUXIÈME PARTIE.
En se plaçant au point de vue de la juridiction du point
d'bonneur, la plainte est un pis-alier dont l'inférieur offensé peut
user lorsqu'il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour obtenir
réparation par les armes.
Toutes les fois que le subordonné ne peut adresser une pro-
vocation sans encourir la sanction eiceplionnellemeot rigoureuse
de l'article 22/i du code de justice militaire, la voie de la plainte lui
est ouverte, sans qu'il puisse être atteint par la mésestime dont est
frappé le civil qui demande aux tribunaux justice de son offense,
au lieu de se la rendre à lui-même.
Tel serait, par exemple, le cas où un sous-lieutenant récem-
ment sorti de Saint-Cyr recevrait de la part de son capitaine, en
présence de la troupe, l'apostrophe suivante : « Comment, voua ne
pouvez pas sauter cet obstacle I Mais vous êtes donc un lâche! un
poltron ! t-a triste empiète que vient de faire l'escadron I »
En effet, comme le sous-lieulenant n'a pas terminé encore
l'engagement qu'il avait contracté avant d'entrer ù l'école, comme
il ne cesserait pas d'appartenir à l'armée active, même s'il donnait
sa démission, il ne peut se trouver aucun militaire pour soutenir
qu'en se plaignant il a contrevenu aux règles du point d'honneur.
C'est le supérieur qu'on doit blâmer.
Il est impossible de déterminer par avance la mesure des tenta-
tives que le subordonné devra faire avant de porter plainte, s'il
veut écliapper au Jjlâme. C'est une question de fait.
On ne peut raisonnablement exiger qu'il dise au supérieur :
« Accordez-moi réparation par les armes, sinon je porte plaintd, »
car cette menace sous condition équivaudrait à une provocation.
Nous ne nous dissimulons pas que là est le côté scabreux de la
question : aussi rec ii m an dons- nous à l'inférieur la plus extrême
prudence. '
Les témoins, arbitresou jurés d'honneur appelésà se prononcer
sur la suffisance ou l'insuifisance des efforts faits par le subordonné
ne devront pas perdre de vue les difficultés de sa situatioa et se
montrer trop exigeants.
Il suffit que l'intention de recourir à la voie des armes ressorte
clairement de l'instruction à laquelle ils se seront livrés, et que la
plainte soit uniquement un pis aller.
Il peut se faire que l'acte qui donne lieu â la plainte de l'in-
férieur constitue une faute contre la discipline ou contre l'honneur,
et que le supérieur soit frappé d'une peine qui fasse disparaître
l'inégalité du grade, la réforme par exemple. A la suite de cette ré-
forme, l'inférieur ne peut lui demander réparation par les armes,
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 343
sans contrevenir à l'axiome posé en tête du chapitre ix : « Il n'est
dû qu'une réparation pour une même offense », mais il en est
autrement si le supérieur a été traduit d'office devant le conseil
d'enquête et sans que l'inférieur ait porté plainte ^
Jury d'honneur.
Si Tinférieur offensé par un supérieur se trouve placé dans la
condition de ne pouvoir ni lui adresser un cartel immédiat sans
encourir les pénalités du code de justice militaire, ni attendre
qu'une modification dans leur état lui permette de croiser le fer
impunément avec lui, ni donner sa démission, ni adresser une
plainte à l'autorité supérieure, la réunion d'un jury d'honneur pa-
raît devoir s'imposer.
II semble naturel que l'inférieur demande à ses pairs et aux
pairs de son antagoniste d'examiner quelle suite il convient de
donner à l'affaire.
Il n'en est rien cependant, et ce mode de trancher les diffé-
rends est inusité dans l'armée. Est-ce à dire que l'inférieur doive y
renoncer complètement. Nous ne le croyons pas.
Souvent le supérieur lui-même sera intéressé à prendre l'ini-
tiative d'une telle demande. L'affaire s'est ébruitée, il s'entend plus
ou moins directement accuser d'avoir forfait à l'honneur. La froi-
deur croissante de ses camarades lui montre que son inaction les
étonne, et qu'ils sont disposés à croire au bien fondé de ce qu'on
lui reproche. Que lui reste-t-il à faire, sinon à prier ses camarades
de se constituer en une sorte de tribunal d'honneur, devant lequel
chacun plaidera sa cause?
Supposons que, bien loin de prendre l'initiative de cette dé-
marche, le supérieur refuse d'accepter la i^rr^'^osition qui lui en est
faite par son subordonné. Supposons qu'en présence de cette fin de
non-recevoir l'inférieur tienne aux égaux du supérieur le langage
suivant :
«It.-i... m'a grièvement offensé. Après avoir enlevé ma
sœur en lui promettant de l'épouser, il l'a abandonnée », ou bien
« Il était mon ami et il a séduit ma femme.
tt Je ne puis lui adresser de cartel immédiat sans m'exposer à
la sanction de l'article 22((. Je ne puis, étant donnée la nature de
Toutrage, attendre qu'une modification dans notre position mili-
taire réciproque me permette de me battre impunément avec lui.
1. Voyez chapilre xn, article 5.
3U DEUXIÈME PARTIE.
.< Je ne puis donner ma démission sans enlever le pain de mes
enfante.
« Je ne puis porter plainte, car l'olïense que j'ai subie n'ayant
aucun rapport avec les devoirs militaires, cette mesure feraildouler
de mon courage, et rendrait caduc mon droit d'appel ultérieur.
1^ II refuse de donner sa démission.
« 11 refuse de soumettre l'afTaire à votre eiamen. Je vous te
dénonce comme ayant forfait à l'honneur, et je viens vousdemander
votre appui pour l'obliger ti ra'accorder la réparation qui m'est si
bien due. »
Des militaires fran<;ais demeureront-ils sourds à cet appel d'un
honnête homme, d'un camarade, qu'ils sentent poussiî à bout, dé-
cidé à tout, même au scandale ?
Persisteront-ils dans une neutralité qui peut être interprétée
comme une approbation tacite, et qui les rend quasi solidaires d'une
vilaine action?
Nous ne saurions l'admettre.
Supposons qu'émus decette requête ils se décident à examiner
la conduite de leur camarade. Vont-ils se constituer en une sorte
de conseil d'enquête bénévole, agissant sous l'œil et avec l'assen-
timent de l'autorité militaire ! Non, les règlements ne les regardent
pas comme une juridiction. Ce sera en dehors de l'autorité qiiils se
réuniront, instruiront l'affaire et se prononceront. Il en résulte que
leur décision n'aura aucune valeur légale.
Ceci ne veut pas dire qu'elle demeurera snns effet. Le blânie
qu'ils infligeront, bien que platonique en apparence, sera appuyé
d'une sanction redoutable, la quarantaine, qui, une fois prononcée,
suivra l'ofûcier qui en aura été frappé dans les corps où il per-
mutera, et le placera dans une position tellement délicate, que géné-
ralement il aimera miens donner sa démission que de servir dans
de pareilles conditions.
Du reste, la persistance d'une situation aussi exceptionnelle ne
manquerait pas d'attirer l'attention de l'autorité, qui ferait compa-
raître l'ofûcier mis ù l'index devant un conseil d'enquête, comme
si l'offensé avait porté plainte.
Les égaux du supérieur qui se réunissent en jury d'honneur
ne peuvent jamais lui intimer purement et simplement l'injonction
de se battre avec le subordonné, car, militaires eux-mêmes, les
membres qui composent ce jury ne peuvent engager d'autres mili-
taires à commettre un acte violant la discipline.
Par contre, ils peuvent déclarer que le devoir du supérieur est
de donner sa démission et d'accorder ensuite réparation par les
armes à l'inférieur.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 315
La discipliDe ne met pas obstacle à ce qu'ils emploient tous les
moyens dont ils disposent pour l'y contraindre.
Lorsque les camarades du supérieur se réunissent pour exami-
ner sa conduite, ils ne commettent pas, à proprement parler, une
faute contre la discipline, puisqu'ils sont tous égaux en grade avec
lui. Ils commettent tout au plus un empiétement sur les droits de
l'autorité supérieure, que les règlements militaires ne punissent pas
plus qu'ils ne punissent, croyons-nous, la demande d'un jury d'hon-
neur qui est adressée par l'inférieur.
Il faut en conclure que la dénonciation de l'acte offensant, faite
aux égaux du supérieur pour qu'ils examinent si sa conduite n'est
pas contraire à l'honneur, peut constituer un moyen efficace d'ob-
tenir indirectement et par pression 'morale une réparation impos-
sible à obtenir sans cela.
Cette dénonciation a en outre l'avantage de conserver intact le
droit de l'offensé à porter plainte s'il n'obtient pas satisfaction, ou à
demander ultérieurement réparation par les armes si le supérieur
consent à donner sa démission.
Mais l'efficacité du moyen est subordonnée à plusieurs condi-
tions.
Il faut d'abord que l'offense offre un caractère de gravité consi-
dérable, et porte atteinte à l'homme privé bien plus qu'au militaire.
S'il s'agissait d'une question de service, les égaux du supérieur ren-
verraient le subordonné à se pourvoir devant qui de droit.
Nous avons déjà expliqué que les mœurs de l'armée considèrent
les questions de service comme ressortissant exclusivement de la
juridiction militaire, et la voie de la plainte comme étant, en pareil
cas, très compatible avec le respect de l'uniforme et l'honneur du
soldat.
Il faut ensuite que la dénonciation et la demande de jury
d'honneur adressée aux égaux du supérieur émanent d'un homme
énergique, sachant habilement tirer parti delà répulsion qu'éprou-
vent bien des gens à voir la presse immiscée dans leurs affaires.
Il y parvient en leur faisant toucher du doigt la position sca-
breuse dans laquelle ils se trouveraient, s'ils répondaient à sa de-
mande par une fin de non-recevoir que le public regarderait
comme une approbation, et qui les rendrait solidaires d'un acte
déshonorant.
- - - ^v
DEUXIÈME PARTIE.
CHAPITRE LXIV
Provocation entre militaires de grades inégaux. — Armée
de mer.
Armée activk. — I^ silnalion lîe l'inférieur qui provoque un
supérieur est réglée par rarticle 302 du code de justice mariljme,
aax termes duquel :
ic Tout marin, tout militaire embarqué, lout individu Taisant
partie de l'équipage d'un bfitimeut de l'État, qui, soit à bord, soit
pendant le service ou à l'occasion du service hors du bord, ou-
trage son supérieur par paroles, gestes ou meuaces, est puni de
cinq à dii ans de travaux publics, ou, s'il est officier, de la desti-
tution avec emprisonnement de un an à cinq ans.
Il Si Toulrage n'a pas eu lieu dans l'un des cas indiqués par le
paragrapbe précédent, la peine est de un an à cinq ans d'emprison-
nement. n
^ous avons peu de choses â dire sur cet article, car les hypo-
thèses qu'il prévoit sont les mêmes que celles prévues par l'ar-
ticle 221 du code de justice militaire. Nous renvoyons donc le lec-
teur à ce que nous avons écrit sur ce dernier article, notamment
en ce qui touche:
A l'influence que peut avoir le grade surla griëveté de l'outrage.
Au sens des expressions: « de service m » à l'occasion du ser-
vice ».
Mais nous ferons observer, relativement à ce dernier cas, que
la rédaction de l'arlicle 302 a été calculée de manière à ce qu'à
bord l'outrage à un supérieur soit toujours puni comme ayant en
lieu en service'.
II en résulte que la provocation à lui adressée à bord tombe
sons le coup du paragraphe premier de l'article 302, quand bien
même elle serait complètement étrangère au service.
Partout ailleurs qu'à bord, la distinction entre l'outrage pen-
dant le service ou à l'occasion du service doit être faite.
Nous renvoyons également le lecteur à ce que nous avons écrit
touchant l'armée de terre : pour la question de savoir si la provo-
cation par écrit bénéficie oui ou non du silence gardé par l'ar-
ticle 302 sur les outrages par écrit ; pour la question du costume,
miDiitârielle da 35 juin 1858 relalire à l'applicttiOD dn coda
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 347
pour la possibilité d'une compensation entre ToiTense essuyée et
la provocation, etc.
Nous ajouterons seulement, en ce qui touche aux outrages par
écrit, qu'une circulaire ministérielle du 19 janvier 1880 insérée au
Bulletin officiel de la marine, page U5, a tranché la question dans
le sens rigoureux, et que les conseils de guerre de la marine ont
plusieurs fois appliqué l'article 302 à des hommes coupables d'ou-
trages par écrit. Le conseil de guerre de Brest en a fait notamment
l'application à un sergent d'infanterie de marine passé depuis
moins de six mois dans la réserve de l'armée territoriale.
Précisons maintenant les individus qui tombent sous le coup
de Particle 302 du code de justice maritime.
Par Texpression « tout marin » employée audit article, la loi a
entendu désigner les aspirants, les officiers, le personnel des équi-
pages de la flotte et tous les assimilés judiciaires.
L'expression « tout militaire embarqué » s'applique non seu-
lement aux militaires de Tarinéede mer, mais encore aux militaires
de l'armée de terre, lorsqu'ils deviennent justiciables des tribunaux
maritimes par suite de leur inscription au rôle de l'équipage d'un
bâtiment de l'État.
L'expression « tout individu faisant partie de l'équipage d'un
bâtiment de l'État » comprend tous les individus exerçant à bord
une fonction quelconque, qu'ils soient marins ou ne le soient pas^
Occupons-nous maintenant de la situation faite aux passagers
à bord d'un bâtiment de l'État.
Si le passager est un justiciable des tribunaux militaires non
inscritaurôle de l'équipage, la provocation par luiadresséeàun supé-
rieur tombe sous le coup de l'article 22I|ducode de justice militaire.
Si le passager n'est ni un justiciable des tribunaux militaires,
ni un justiciable des tribunaux maritimes, sa situation est réglée
par l'article 303 du code de justice maritime.
«Tout passager abord d'un bâtiment de l'État, coupable de voie
de fait envers un officier de service, est puni de deux ans à cinq
ans d'emprisonnement.
« L'outrage est puni d'un emprisonnement de deux mois à
deux ans. »
Des termes de cet article il résulte que la provocation adressée
par un passager non justiciable des tribunaux militaires ou mari-
times n'est punissable que si le supérieur est officier et s'il est de
service. A bord, elle tombe toujours sous le coup de sa sanction.
1. Voyez instructiou ministérielle da 25 juin 1858 relative à Tapplication du code
de Justice maritime.
f 518.
DECXfÈME PARTIE.
Hors du bord, la provocation simplement. relative au service lui
dchappc.
Il ne faut pas en conclure que la provocation adressée par un
passager à un ofQcier qui n'est pas de service, ou à un gradé non
otiicier pendant le service ou à l'occasion du service, restera com-
plètement impunie. Elle pourra l'être disciplinaîrement aui termes
de l'article 369 du code de justice maritime».
ItÉSEnVE ET ARMËe TEHBITOniALB DE l'aDMÉI:: DE UEB. — Ce
que nous avons dit relativement à la provocation entre militaires de
grades inégaux appartenant â l'armëe de terre, eu qualilé de réser-
vistes ou de terriloriaui, peut s'appliquer aux réservistes ou aux
territoriaux de l'armée de mer.
Ils sont également régis par la loi du 15 juillet 188'J, sauf pour
ce qui coucerue les inscrits maritimes astreints à d'autres règles^.
CHAPITRE LXV
Conséquences pénales du duel entre individus non militaires.
Après avoir examiné les conséquences pénales de la provoca-
tion, il convient de rechercher celles que peut entraîner le combat.
On a vu, cliapiire 59, qu'en droit français, dill'ércnl. sur ce
point de presque toutes les législations étrangères, l'homicide et
les blessures commis en duel n'étaient pas considérés comnie des
infractions de nature particulière, mais rentraient dans les infrac-
tions du droit commun et étaient punis comme tels.
Nous allons rechercher de combien de manières un duel peut
se terminer, quelle qualification {crime ou délit) peut être donnée
à l'infraction, d'après chaque résultat, et dans ces différents cas
quel article du code est applicable.
L'importance de la qualiflcalion est considérable, à raison de
la compétence et des conditions mises k la poursuite, lorsque le
duel a eu lieu à l'étranger.
1. Voyei âgHlcmcDt sur ces maticrM ; une circulaire ministérîcltc en date du
(ijanvier 1873. BuHsd'n oflîciX de ia moitié. — Décret du SJuLn 1883, édition de 1889,
Hriicles 3t2 et suiv. — Pour les troupes, le texte de la guerre. Décret du 3 jkDTier
I88i sur les coaseils d'enquËte des officiers et assimiléli.
2. Vojci décret du 5 juin 1883, cdilLon de 1885. — Décret du 31 janvier 1887. —
Voyez «gaiement sur ces matières : décret du 8 m&ra I88i. — Décret du 20 mai 1885.
— Arrêté du !4 juin 1880, dans le Butklin officiel de la manne.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 349^
1^ Gompétenoe.
L'infraction est-elle qualifiée crime, les poursuites sont exercées
devant la Cour d'assises. Est-elle, au contraire, qualifiée de délit,
les poursuites sont exercées devant les tribunaux correctionnels.
Nous avons déjà expliqué, chapitre lx, lorsque nous nous
sommes occupés de la provocation adressée aux personnes quali-
fiées, rintérét que peut offrir la question de compétence. Cet intérêt
n^est pas moindre dans le cas présent
Presque jamais les jurés ne condamnent les individus qui
comparaissent devant eux pour faits de duel. Aussi a-t-on vu quel-
quefois les duellistes traduits en police correctionnelle, & raison de
blessures légères, soutenir qu'ils avaient eu Tintention de donner
la mort, de manière à imprimer au fait le caractère de crime et à
entratner la compétence de la Cour d'assises ^
2« Conditions mises aux poursuiieslorsque la renoontre a en lien
à l'étranger.
Nous verrons, en effet, chapitre lxix, que lorsque l'infraction
est qualifiée crime, les conditions mises à la poursuite par l'article 5
du Gode d'instruction criminelle sont bien moijis rigoureuses que
lorsque l'infraction est simplement qualifiée délit.
Voici les différentes hypothèses qu'on peut prévoir :
1'* HYPOTHÈSE.
Le duel i>eut se terminer par la mort d'un des combattants.
A. — Cet homicide a le caractère d'un crime, et les disposi-
tions de l'article 295 du Code pénal lui sont applicables».
Sur la question de savoir si ces dispositions sont applicables au
cas où l'auteur de l'homicide se serait tenu continuellement sur la
défensive, et où la victime se serait enferrée elle-même ^
B, — Si les coups portés ou les blessures faites volontairement,
mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée,
les dispositions de l'article 309, paragraphe 4, sont applicables. La
peine est celle des travaux forcés à temps.
1. Voyez affaire Granier de Cassagnac. Paris, !•' juin 1842. Dalloz, Jurisprudence,
V<» Duelf no 120. — Affaire Ranc-Yvan de Wœstine, Gazette des Tribunaux^ n^ du 30
Juillet 1872.
2. Voyez Cassation, 22 Juin et 15 décembre 1837. Dalloz, Jurisprudence, X^ Duelf
no» 107 et 108.
3. Voyez Dalloz, Jurisprudence, suppléaient, Y* Duel, n* 49.
m 310
DEUXIÈME PARTIE.
Lorsqu'il y a eu priînul-ditation, les dispositions de l'article 3i 0,
paragraphe 1", sont applicables. La peine est celledestraïaui forcés
à perpétuité.
Dans ces deux cas, le fait à le caractère d'un crime'.
2- UÏPOTIIKSE,
Le duel peut se terminer -par la blessured'un des combattants.
Il faut rechercher l'intention.
C. — SI l'intention de donner la mort est constatée, l'autear
de la blessure et le blessé lui-même sont passibles, en vertu de
l'article 2 du Code pénal, de la peine qui, en cas d'homicide coo-
sommé, aurait été applicable.
Le fait a le caractère d'un crime'.
Si les adversaires n'ont pas eu l'intention de se donner la mort,
ils ne sont responsables que des blessures qu'ils ont faites.
D. — Si les coups portés ou les blessures faites volontairement
ont été suivis de mutilation, amputation ou privation de l'usage
d'un des membres, cécité, perte d'un œil ou autres inflrraités per-
manentes, les dispositions de l'article 309 du Code pénal, para-
graphe 3, sont applicables.
La peine est celle de la réclusion.
S'il y a eu prémiditation, c'est l'article 310. La peine est celle
des travaux forcés à temps.
Dans ces deux hypothèses, le fait à le caractère d'un ctime.
Le blessé ne peut être poursuivi pour tentative da crime qal
est imputé à l'auteur de l'inrirmitë permanente, car c'est le fait de
l'inûrmité permanente qui constitue le crime et qui apporte une
aggravation à la situation pénale; mais, d'après la jurisprudence
inaugurée par le tribunal de la Seine le 10 mai 1873, et dont nous
nous occuperons en détail à la fin de ce chapitre, il peut l'être en
vertu de l'article 311 modifié par la loi du 13 mai 18C3, comme
ayant exercé contre l'auteur de la blessure des violences ou voies
de fait.
Pour ce qui concerne le blessé, le fait ne constitue donc qu'un
délit, mais ce délit peut être justiciable de la Cour d'assises, en
1. Voyoz CasMtioD, t janvier Kiit. D&llot, année 1845, 1" parti?, page 60.
2. Voyez Cassation, S décembre 1848. Dalloi, Jurisprudence, V Dutl, n» 120. —
C*MalIoD, SO décembre ISSO.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 3t\
yertudece principe que la juridiction la plus haute attire àelle
tous les faits accessoires ou concomitants du fait principal ^
£. — Si les adversaires n'ont pas eu l'intention de se donner la
mort, et si les coups portés ou les blessures faites yolontairement
ont entratné une maladie ou incapacité de trayail personnel pen-
dant plus de yingt jours, les dispositions de l'article 309, para-
graphe 1*% sont applicables. La peine est celle d'un emprisonnement
de deux ans à cinq ans et d'une amende de 16 francs à 2,000 francs.
Le fait a le caractère d'un délit.
S'il y a eu préméditation, les dispositions de l'article 310 sont
applicables. La peine est celle de la réclusion. Le fait a le caractère
d'un crime.
Le blessé, qui ne peut être poursuivi ni pour tentative de délit
(article 3 du Gode pénal) ni pour tentative de crime, puisque c'est
le fait de la maladie ou de l'incapacité de travail pendant plus de
YÎDgt jours qui, s'il y a eu préméditation, constitue le crime, peut
l'être, en vertu de la jurisprudence du tribunal de la Seine, pour
violences ou de voies de fait prévues par l'article 311.
Le fait a, relativement à lui, le caractère d'un délit.
Ce que nous venons de dire touchant la compétence de la Cour
d'assises est encore vrai.
F. — Si les coups ou les blessures n'ont occasionné qu'une
maladie ou incapacité de travail personnel pendant moins de vingt
jours, les dispositions de l'article 311, paragraphe r% sont appli-
cables.
La peine est celle d'un emprisonnement de six jours à deux
ans et d'une amende de 16 francs à 200 francs ou de Tune de ces
peines seulement;
S'il y a eu préméditation, les dispositions de l'article 311, para-
graphe 2, sont applicables. La peine est celle d'un emprisonnement
de deux ans à cinq ans, et l'amende de 50 à 500 francs.
D'après la jurisprudence du tribunal de la Seine, le blessé peut
être poursuivi pour violences ou voie de fait, en vertu de l'ar-
ticle 311.
Dans ces trois cas, le fait a le caractère d'un délit.
1. Voyez Faostin Hélie, Traité de l'instruction criminelle, n« 2377.
24
DEDXIF-MK PARTrE.
Le duel peut se terminer par la blessure
des deux combattants.
G. — Si les blessures sonl d'égale gravilé, les deux adversaires
sont poursuivis suivant la gravité do la blessure, pour te même
crime ou pour le mfime délit, et nous retombons dans les espèces
précédentes,
//. —Si les blessures sont d'inëgale gravité, si l'une entraîne,
par exemple, une intirmité permanente et l'autre une incapacité
de travail de moins de vingt jours, la question d'intention joue
encore un rôle prépondérant.
Si l'intention de donner la mort est établie, les deux combatr
tants peurcnt en effet être poursuivis pour tentative d'homicide
volontaiie.
Le fait a, pour ce qui les regarde tous deux, le caractère d'un
crime.
Si les corabatlants n'ont pas eu l'intention de se donner la
mort, chacun d'eux n'est responsable que des blessures qu'il a
faites personnellement.
Dans l'espèce qui nous occupe, les dispositions de l'article 309.
paragrapbe 3, ou 310, sont applicables à l'auteur de la blessure en-
traînant infirmité permanente.
Le fait a. vis-à-vis Ini, le caractère d'un crime.
Les dispositions de l'article 311 sont applicables à l'auteur des
blessures suivies d'une incapacité de travail pendant moins de
vingt jours.
Le fait a, vis-à-vis lui, le caractère d'un délit qui peut cepen-
dant, à raison de sa connexité à un crime, être justiciable de la
Cour d'assises.
h HTPOTHESE.
Le duel peut se terminer sans blessure.
/. — Dans ce cas, si les combattantsont eu l'intention desedoD-
ner la mort, et s'ils sont poursuivis, ce ne peut être que pour tenta-
tive d'homicide volontaire. Le fait a alors le caractère d'un crime.
S'ils n'ont pas eu l'intention de se donner la mort, il n'en
résulte, d'après l'opinion généralement admise, qu'une tentative de
blessure indéterminée qui échappe à toute répression.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 323
Cependant, d'après la jurisprudence du tribunal de la Seine,
l'article 311 serait encore applicable aux deux combattants, comme
ayant exercé vis-à-vis l'un de l'autre les voies de fait et les vio-
lences prévues par ledit article ^
Preuve de rintention homicide.
La preuve de l'intention homicide est abandonnée au pouvoir
d'appréciation des juges du fait ^
Ils peuvent puiser cette preuve dans la nature des armes, les
conditions du combat, et toutes les circonstances susceptibles de
faire connaître le vrai but des combattants.
Les armes à feu ont été reconnues par plusieurs arrêts comme
plus meurtrières que les armes blanches; aussi, dans certaines
affaires, voyons-nous, en l'absence d'indications plus précises, et
bien qu'ils ne se soient fait que des blessures, les adversaires être
présumés avoir tenté de se donner la mort parce qu'ils se sont battus
aa pistolet, et le contraire se produire parce qu'ils se sont battus &
l'arme blanche ^
S'il a été convenu qu'on se battrait à outrance, ou, en sens
inverse, que le duel aurait lieu au premier sang, on ne peut guère
élever de doute sur la portée de Tintention. Mais il n'en est plus de
même s'il a été convenu de n'arrêter le combat que lorsqu'une
blessure aurait mis l'un des adversaires en état d'infériorité, ou dans
l'impossibilité de continuer.
Les témoins ne devront point perdre de vue ces diverses con-
sidérations lorsqu'ils rédigeront les conditions du duel, puis-
qu'étant regardés comme complices des adversaires, et partant
soumis à toutes les règles de la complicité, ils ont le même intérêt
que les combattants à éviter la sanction pénale et la compétence
qui leur semblent le plus menaçantes.
Donnons quelques détails complémentaires sur la jurispru-
dence du tribunal de la Seine dont il a été question aux paragraphes
Avant la loi du 13 mai 1863, modifiant l'article 311 du Gode
pénal, lorsque le combat se terminait par la blessure d'un des
champions, et lorsque l'intention homicide était écartée, le blessé ne
pouvait pas plus être poursuivi que ne pouvaient être poursuivis
les deux champions lorsque le duel s'était terminé sans blessures.
1. Voyez, sur ces deux opijaions, Dalioz, Jurisprudence, V^ Duel^n^ 61 et suiv.
2. Voyez Cassation, 5 avril 1838. Dalioz, Jurisprudence, V» Duel, h? 123.
3. Voyez Dalioz, Jurisprudence, V<> Duel, n» 120 et suiv.
r
m
I
^H Nous termÎDeroQS ce chapitre par quelques mots relatifs à
^f une loi récente, la loi du 26 mars 1891 sur l'atténuation et l'aggra-
vation des peines, dite loi Bérenger, qui intéresse particulièrement
les duellistes et les témoins, car si elle permet aux tribunaux de
se montrer indulgents vis-à-vis eus dans certains cas, elle leur
donne aussi le pouvoir de les frapper dans d'autres, avec une rigueur
justifiée parla situation particulière où ils se seront placés.
Aux termes de l'article premier, en cas de condamnation k l'em-
prisonnement ou à l'amende, si l'inculpé n'a pas subi de condamna-
tion antérieure â la prison pour crime ou délit de droit cummuo,
les cours et tribunaux peuvent ordonner, par le même jugement,
et par décision motivée, qu'il sera sursis à l'exécutioa de la peine.
Si, pendant le délai de cinq ans à dater du jugement ou de
l'arrêt, le condamné n'a encouru aucune poursuite suivie de con-
damnation à l'emprisonnement, ou à une peine plus grave, pour
1. Voyez Iribunal correctioDoel de Paris, 10 mtr» 1S73. Dalloi, JurttprudMee,
gnpplémenl, VOuel n" 8,1. —Confirmé en appel. GazetU dei Tribunaux, 19 luillel
1873 (ChroDJque). — Tribunal correctioQael de la Soiae. Gazttle de) Tribunaux,
3 Juillet 1872, 3t octobre 1812, 16 octobre 18Ï3, etc. — Voyai également Iribunal
correctionnel de Lyon, aff&ire Cierc-Ponct, GaselU dtt Tribunaux!, 1668, et Casstlioa.
Casette du Tribunaux, 7 décembre 1873.
3|S DECXIÈME PARTIE.
La loi du 13 mai 1863 a permis, lorsque le duel s'est terminé
par la blessure d'un seul combattant, de poursuivre le blessé eu
même temps que l'auteur de la blessure, comme ayant exercé
envers ce dernier des violences et voies de fait.
En ajoutant aux délits de coups et blessures, énoncés originai-
rement par l'article 3U, les autres violences et voies de fait, la loi
de 1863 a eu pour but de réprimer non les violences légères pré-
vues parle code de brumaire an IV, mais les actes volontaires em-
preints d'un caractère de gravité punissable qui, saus atteindre
directement ou indirectement la personne contre laquelle ils sont
dirigés, la contraignent à se mettre en état de défense et la mena-
cent dans sa vie.
La nouvelle rédaction permet en outre de poursuivre les deux
combattants lorsque le duel s'est terminé sans blessure, et lorsque
l'intention homicide est ijcartée, pour avoir exercé vis-à-vis l'un de
l'autre des violences et des voies de fait. Les juges ne considèrent
pas, en elTet, les alternatives du combat, mais regardent comme
Tiolenccs et voies de fait les actes, quels qu'ils soient, qui constituent
'attaque et la défense dans un combat singulier '.
Loi Bérenger.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 32S
crime ou délit de droit commun, la condamnation sera comme non
ayenue.
Dans le cas contraire, la première peine sera exécutée, san3
qu'elle puisse se confondre avec la seconde.
Les peines de la récidive sont alors encourues dans les termes
des articles 57 et 58 du Gode pénal modifiés comme il suit :
« Art. 57. — Quiconque, ayant été condamné pour un crime
à une peine supérieure à une année d'emprisonnement, aura, dans
un délai de cinq années après l'expiration de cette peine ou sa
prescription, commis un délit ou un crime qui devra être puni de
la peine de Temprisonnement, sera condamné au maximum de la
peine portée par la loi, et cette peine pourra être portée jusqu'au
double, etc.
(c Art. 58. — Il en sera de même pour les condamnés h un em-
prisonnement de plus d'une année pour délit, qui dans le même
délai seraient reconnus coupables du même délit ou d'un crime
pouvant être puni de l'emprisonnement.
<( Ceux qui, ayant été précédemment condamnés à une peine
d'emprisonnement de moindre durée, commettraient le même
délit dans les mêmes conditions de temps, seront condamnés à une
peine d'emprisonnement qui ne pourra être inférieure au double
de celle précédemment prononcée, sans toutefois qu'elle puisse
dépasser le double du maximum de la peine encourue. »
CHAPITRE LXVI
Conséquences d'un duel entre
Lorsqu'il s'agit de duels militaires, il importe de faire une dis-
tinction entre le duel pris en lui-même, c'est-à-dire entre la con-
vention de se battre, entre l'action de choisir la voie des armes
pour vider son différend, et l'homicide ou les blessures qui peu-
vent être les conséquences de la lutte«
Dans notre espèce, le duel pris en lui-même est un acte qui se
rattache à la discipline, à la subordination militaire et aux obliga-
tions spéciales de l'armée. Au contraire, Thomicide et les blessures
se rattachent aux obligations qui sont imposées à l'universalité des
citoyens, la prohibition de tuer ou de blesser s'appliquant aussi
bien au non-militaire qu'au militaire.
_ ^'. u/.t_jV>..^
»6 DEUXIÈME PARTIE.
Il faut en conclure :
1" Que le duel pris en lui-même est an manquement ani
devoirs militaires, s'il a lieu entre personnes de grades înégaoi,
ou s'il a lieu entre personnes de même grade, mais qui n'ont pas
obtenu de l'autorité compétente la permission de se batlre ;
2° Que ce manquement est une infraclîon toute spéciale que
les mililairesseuls peuvent commettre, et qui tombe sous le coap
de la législation qui les régit;
3- Que celte infraction n'existe plus lorsque deux militaires de
même grade ont obtenu l'autorisation de se battre-
La dislinction que nous venons de faire entre le duel pris
en lui-même et Tbomicide ou les blessures qui en résultent res-
sort des termes de l'ordre du jour reproduit au n" 105 de l'ap-
pendice, et de la peine disciplinaire qui atteignit le militaire survi-
Tant.
Le commandant ne fut pas puni pouravoir tué son adversaire,
mais pour avoir adressé un cartel i un capitaine, son inférieur, et
violé ainsi la discipline militaire.
Il" Que l'homicide ou les blessures qui résultent du combat
sont des infractions de droit commun et ne sont considérés comme
mililaires qu'à raison de la qualité de leurs auteurs; qu'elles
devraient, par conséquent, demeurer soumises à l'application du
Code pénal au même titre que l'homicide ou les blessures commis
dans un duel entre non -militaires, conformément à la jurispru-
dence inaugurée par la Cour de cassation le 22 juin 1837.
Bien que logique, l'extension de celte jurisprudence auK consé-
quences des duels entre militaires n'a pas été suivie par les conseils
de guerre.
A plusieurs reprises la question fut posée, et le ministère pnblic
leur demanda d'établir leur jurisprudence. Ils répondirent chaque
fois par un acquittement'.
Nous ne croyons pas qu'ils se soient prononcés depuis en sens
contraire, et en vérité nous ne comprendrions guère qu'ils le
fissent, dès l'instant que l'autorité supérieure peut autoriser des mili-
taires à se battre et, par conséquent, ù faire tous leurs elTorts pour
se tuer ou pour se blesser'.
Cette indulgence n'aura du reste l'occasion de s'eiercer que si
les prévenus sont tous militaires ou assimilés. Dans le cas où la
poursuite comprend des individus non justiciables des tribunanx
1, Voyei conwil de guerre de Strasbourg. GastUetUs Tribunaux, n« du 39 mwn
ISW. — De U Rochelle, a' du 4 mai IS40.
2. Voyez lettre miuUtërielle en date du 5Juillel 1889. Appendice n* S.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 3«7
militaires, tous les préyenus indistinctement sont traduits devant les
tribunaux ordinaires ^
Mais lorsqu'un ou plusieurs militaires restent seuls en cause,
soit à raison du décès des non-militaires, soit parce qu'il a été
antérieurement statué sur leur sort, ou pour toute autre cause, ]a
juridiction ordinaire cesse d'être compétente, et les prévenus justi-
ciables des conseils de guerre doivent être mis à la disposition de
l'autorité militaire '.
Terminons ce qui concerne le duel militaire par une question à
laquelle une affaire récente, celle où le maréchal des logis Beau-
malou perdit la vie, communique un regain d'actualité.
L'autorité supérieure peut-elle obliger les militaires à se battre
en duel malgré eux ?
La réponse se trouve dans la lettre ministérielle reproduite au
n^" 2 de l'appendice. Elle est négative.
Ils ne sauraient y être contraints disciplinairement, et le refus
de le faire ne doit être passible d'aucune sanction.
En fait, ils sont presque toujours punis, mais alors le motif
exprimé n'est pas le refus d'aller sur le terrain.
C'est généralement un soufflet reçu, ce sont des injures échan-
gées ou une infraction disciplinaire quelconque, se rattachant plus
ou moins directement au duel.
CHAPITRE LXVII
Conséquences du duel relativement aux témoins.
Une des conséquences de la jurisprudence de la Cour de cassa-
tion en matière de duel, c'est l'application aux témoins desf règles de
la complicité .
Du moment, en effet, qu'on a appliqué le droit commun à
l'homicide et aux blessures faits en duel, c'est très logiquement que
les témoins sont considérés comme complices par aide et assistance.
Cependant il est impossible de méconnaître la différence qui
1. Loi du 22 messidor an IV-2. — Code de Justice militaire, article 76. — Voyez
affaire de Coetlogon-Charpentier, tribunal correctionnel de la Seine, Gazette des Tri-
bunauxy n» du 30 décembre 1868. — Affaire de Beaumont-Allez-Claparède, tribunal
correctionnel de la Seine, ibidem, n® du 2 décembre 1859.
2. Voyez Cassation, Gazette des TribunatuCf n° du 12 avril 1851. — Affaire de Pène-
Courtiels-Hyène et consorts. Réquisitoire du ministère public, Gazette des TribiA-
naux, n«> des 14 et 15 juin 1858.
vlÀti.
m 3is
DEUXIÈME PARTIE.
sépare, au point de vue de la crimiDalilé, de celte aide ou de cette
assistance, les ti^moios d'un duel des conipllce.i des autres crimes
ou des autres délits.
Aussi, daDS certaines affaires, les témoins d'un duel où un des
combattants avait succombé ont-ils pu étredéclarésnoncoupablesde
complicité, parce qu'il était résulté des circonstances qu'ils avaient
épuisé tous les moyens de conciliation, et qu'ils ne s'étaient rendussar
le terrain que pour y écarter lea chances probables d'un mslhear'.
Dans la plupart des législations étrangères, les tiers qui excitent
les adversaires à se battre encourent une sanction. On s'est
demandé s'il en était de même en France, et s'ils pouvaient être
poursuivis comme complices. La question est controversée ^
Si on voulait appliquer les principes de la complicité dans toute
leurélendue, il faudrait regarder comme complices du duel ceux qui
par dons, promesses, abus d'autorité ou de pouvoir, menaces, ma-
chinations ou artifices coupables, auraient provoqué au duel; ceux
qui auraient procuré sciemment les armes ou instruments du duel.
Il faudrait poursuivre notamment le chef qui a ordonné 4 son
inférieur de se battre, le maître d'armes qui a prêté son concours,
l'ami quia offert son parc ou sa maison, celui qui a prêté les armes,
l'armurier qui les a louées ou vendues'.
Mais sous la condition qu'ils auront agi avec connaissance de
cause.
Pour qu'uneaction soit intentée aux témoins comme complices,
il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'homicide ou de la blessure
soit mia en cause. 11 iiupoite peu qu'il soit en fuite ou réfugié à
l'étranger, ou qu'à raison d'un privilège personnel le ministère
public se trouve désarmé vis-à-vis lui.
Tel serait, par exemple, le cas où un député tuerait un homme
en duel, et où la Chambre refuserait l'autorisation de poursuivre.
Tant que durera la législature, le ministère public sera désarnaé
vis-à-vis le député, mais pourra exercer immédiatement les pour-
suites contre ses témoins.
Lors même que l'auteur de l'homicide ou de la blessure rais eu
cause avec les témoins serait déclaré non coupable, celte déclara-
tion ne ferait pas obstacle à la condamnation de ceux-ci, car la
non-cnlpabilité de l'auteur principal n'écarte pas l'existence maté-
rielle de l'infraction.
. Voyez Cour d'aisitet de la Seipe, Gasette dti TribmaKc, n* du S jDla 1839.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 389
CHAPITRE LXVIIl
Exercice de Taction publique dans l'étendue du territoire.
L'actioQ publique s'étend à tous les crimes et délits commis sur
le territoire français.
On conçoit l'intérêt que peuvent avoir les duellistes et les témoins
à savoir^u juste ce qull faut entendre par ces expressions.
Le territoire français comprend non seulement les contrées sou-
mises à la souveraineté de la France, jusqu'à ses frontières (mère-
patrie et colonies), mais encore tous les lieux où cette souverai-
neté se manifeste ostensiblement.
Tels sont les lieux où flotte le drapeau français, les pays placés
sous son protectorat, le rayon de deux lieues qui environne les rivages
de la mer, les navires français en mer ou dans les pays étrangers,
les lieux où siègent certains consulats français en pays étranger.
Disons quelques mots des pays étrangers qui doivent être con-
sidérés comme territoire français au point de vue de Tapplication
de la loi pénale.
Ces pays sont tous ceux où, par Teffet des conventions interna-
tionales, nos nationaux jouissent de rexterritorialité :
1<> Échelles du Levant et de Barbarie ; ordonnance d'août 1681,
titres IX et XII, ordonnance des 28 février 1687, juin 1778, loi du
28 mai 1836.
2<> Pays d'extrême Orient ; Mascate et Zanzibar ; loi du 8 juil-
let 1852, traité du 17 novembre 18U.
Perse, traité du 12 juillet 1855, loi du 18 mars 1858.
Birmanie, traité du 2k janvier 1873 et du 15 janvier 1885.
Siam, traité du 15 juillet 1867.
Chine, traités des 2k octobre 18U et 27 juin 1858.
Corée, traité du k juin 1886.
Japon, traité du 8 octobre 1858.
Il est de règle que, dans ces pays hors chrétienté, tous les crimes
et délits commis par un de nos nationaux ressortissent de la juri-
diction des consuls ^
Les délinquants français (les combattants et les témoins dans
i. Loi du 28 mai 1836, article i«' et circulaire ministérielle du 15 juillet 4836. —
Sur cette question, voyez Ferand-Giraud, Delà juridiction française dans Us f^ckelks
du Levant et de la Barbarie, tome U, pages 344 et suiv. — ^Loi du 8 juillet 18^2,
SSD DEUXIÈME PARTIE.
DOtre hypothèse) sont réputés se trouver en terre française, et les
infractions dont-ils se sont rendus coupables doivent être qualiflées
comme si elles avaient été commises en France'.
CHAPITRE LXIX
Situation faite par la loi française aux combattants et aux
témoins lorsque le combat a eu lieu à l'étranger.
Cette question est importante, car elle correspond, pour les
adversaires et les témoins, à l'espoir d'éviter les poursuites qui les
attendraient s'ils se hatlaienl sur le territoire français, et à la
croyance très répandue qu'on peut obtenir ce résultat en allant vider
son différend sur les frontières.
La lecture de l'article 5 du Gode d'instruction criminelle, eu
nous indiquant qu'il eiistc certaines conditions qui entravent alors
l'action publique, nous montre que celte croyance n'est pas dénuée
de tout fondement.
Itechercher quelles sont ces conditions, tel est le but du présent
chapitre. Les discuter, déterminer la mesure dans laquelle elles
entravent l'action du ministère public etjustiÛentles espérances des
adrersaires et des témoins, tel sera l'objet du chapitre qui suivra.
Ces conditions varient selon que le résultat du duel constitae
un crime ou un délit.
Elles sont an nombre de trois lorsqu'il s'agit d'an fait suscep-
tible d'être qualifié crime.
l" Il faut que l'accusé ait la qualité de Français el que le crime
soit puni par la loi française';
2° Il faut que l'accusé n'ait pas été jugé définitivement en pays
étranger';
3" Il faut que l'accusé soit de retour en France '.
Les conditions sont au nombre de trois lorsqu'il s'a^t d'un fait
susceptible d'être qualifié délit.
1. Loi de 1S36, article 75. Sur leaapplicatiiiD) decetteràgle, ToyeiAii, 17 norembre
1883, et C&ButiaD, 5 jsaviar ISSf. Sirey, 85, 1, St7, p. 8t, I, 433. — L. Renault,
dans I» Revut critique, 1881, p. 7IS et 7ie. — Garrsud, t. I, p. 211, note 14.
. S. Article 5 du Cc>de d'instrucdon crimiaelle, paragraphe 1.
3. Article 5, paragraphe 3.
if Article 5, para^pbe 5.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 334
1<> La poursuite ne peut être intentée qu'à la requête du minis-
tère public*;
2"" Elle doit être précédée d'une plainte de la personne offensée
ou d'une dénonciation officielle à l'autorité française par l'autorité
du pays où le délit a été commis * ;
S"" Elle n'a lieu que si le fait est puni par la législation du pays
où il a été commis'.
Bien entendu, la poursuite des délits commis à l'étranger sup-
pose, comme celle des crimes, que l'inculpé a la qualité de Français,
qu'il n'a pas été jugé définitivement en pays étranger et qu'il est de
retour en France.
Ces prémisses posées, nous allons reprendre individuellement
chacune des conditions que nous venons d'énumërer. Nous les dis-
cuterons au point de vue spécial qui nous occupe.
Nous en tirerons ensuite les conséquences pratiques qui en
découlent.
CHAPITRE LXX
Conditions mises à la poursuite des adversaires et des
témoins, lorsque le duel a eu lieu à l'étranger, si le fait
dont ils sont inculpés est qualifié crime.
1*^ condition. — Il faut que l'inculpé ait la qualité de Français
et que l'infiraction soit punie par la loi française.
C'est la qualité de Français qui donne à la loi qui régit l'inculpé
la puissance de le punir.
C'est la loi française qui détermine seule la qualification. Peu
importe, du reste, que la loi étrangère soit ou ne soit pas identique.
Peu importe, par exemple, que la loi française considère l'homicide
ou les blessures faites en duel comme des infractions de droit com-
mun, tandis que la loi du pays où le combat s'est livré les regarde
comme des infractions de nature particulière. La loi française les
atteint, cela suffit.
Du moment que c'est la loi française qui détermine seule la
1. Article 5, paragraphe 4.
2. Article 5, paragraphe 4.
3. Article 5, paragraphe S.
bA
381 DEUXIÈME PARTIE.
qualiQcalion ; du moment qae les condilioas mises par l'article 5 da
Code d'inslruclion criminelleà la poursuite dcsiofractions commises
à lélranger varient suivant qu'il s'agil de crimes ou de délits, on
Toit que la première chose à faire pour connaître la situation des
duellistes qui se sont ballus à l'étranger et celle des témoins, c'est
de rechercher si les faits qui leur sont impuli^s présentent l'un ou
l'autre de ces caractères, et, par conséquent, sous quelle qualiQcation
ils peuvent Cire incriminés. Nous renvoyons le lecteur à notre
chapitre lxv. Il verra à quel paragraphe correspond le fait et par-
tant à quelle classe d'infraction il appartient.
2° condition. — Il faut que l'inculpé n'ait pas été jugé
difinitivement à l'étranger.
En admettant qu'un duel malheureux constituât une infraction
à la loi pénale française et que son auteur méritât un châtiment, il
n'est pas douteu.x que le jugement rendu déûnitivement à son profit
ou contre lui à l'étranger uemette obstacle ù ce qu'il soit recherchéà
nouveau lors de son retour à sou pays d'origine. Xoii bis in idem.
S'il importe que le coupable ne puisse se soustraire par la fuite
à la peine qu'il a encourue, il n'est nullement besoin qu'il acquitte
(leuï fois sa dette â la société universelle qu'il a lésée.
Deux Élals ont qualité pour lui en demander compte, l'un à
raison du trouble matériel ou moral qu'il a éprouvé, l'autre à raison
du lieu d'allégeance qui soumet à ses lois chacun de ses nationaux
même expatriés.
Mais de ces deux compétences simultanées et parallèles, l'une
lerrJtoriale, l'autre personnelle, c'est celle de l'État dans les posses-
sions duquel le délit a été commis qui se justifie le mieux. Son inté-
rêt, qui se confond avec le maintien de l'ordre public dont il a la
garde et le souci, est plus directement en jeu.
L'action de la patrie de l'inculpé n'est que secondaire et 8ul>-
sidiaire; ses droits doivent s'incliner devant ceux de la souveraineté
territoriale.
Mais pour que la règle non bis in idem soit applicable, il faut
que le jugement soit définitif, irrévocable, passé en force de cbose
jugée'. C'est la condition sineiuà notiK
S'il ne l'était pas, la situation serait la même que s'il y avait eu
simplement poursuite. L'action du ministère public pourrait être
exercée.
Peu importe, du reste, que le jugement étranger soit un jugement
I. Voyez CauaUoD, Il décembre 1S61. Dalloi, «ddùo 1863, 1" partie, pa«e 300.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 333
d'absolation basé sur une lacune de la loi étrangère qui ne quali-
fierait pas crime ou délit le fait reproché à Tauteur de Thomicide ou
de la blessure, tandis que la loi française y attache un de ces carac-
tères.
L'article 5 du Code d'instruction criminelle n'établit aucune
distinction ^
Peu importe même que la peine prononcée n'ait point été exé-
cutée, car l'autorité de la chose jugée réside dans le jugement,
abstraction faite de ses suites.
Tel serait le cas où un Français aurait été condamné à l'étran-
ger par un jugement par défaut devenu définitif et se réfugierait en
France. Il ne pourrait plus y être poursuivi '.
L'exception de la chose jugée peut être opposée en tout état de
i^use. Elle est préjudicielle.
La preuve du jugement est mise à la charge de l'inculpé, parce
que ce jugement constitue l'exception qui faitsa défense ; mais si son
allégation parait sérieuse, bien qu'il ne puisse la justifier par un acte
authentique, il n'est pas douteux que le juge ne doive ordonner,
avant faire droit, l'apport des renseignements nécessaires pour la
vérifier ^
La question de savoir si c'est d'après la loi du pays où le juge-
ment a été rendu ou d'après les dispositions de la loi française
qu'un jugement étranger a acquis l'autorité de la chose jugée est
controversée.
C'est d'après la loi étrangère {lex delicti).
La jurisprudence le décide ainsi en matière civile^.
Il n'y a aucune raison pour admettre en matière criminelle une
solution différente. La législation étrangère a seule qualité pour
dire si les magistrats chargés de l'appliquer ont épuisé l'action
pénale. C'est dans les formes instituées par cette législation que le
jugement a nécessairement été rendu. On ne comprendrait pas
qu'il fallût se référer à d'autres dispositions pour établir s'il est ou
non irrévocable.
La seule objection que Ton pourrait faire à ce système consiste
dans l'obligation où se trouveront les juges de connaître les lois
étrangères.
1. Voyez Dalloz, Jurisprudence, Compétence criminelle, l? 133.
2. Voyez Dalloz, /uri^prtKieiictf, supplément, V° Duel, n« 78.
3. Voyez Faustiu Hélie, Instruction criminelley tome V, page 516.
4. Voyez GasBation, 23 juillet 1832, Dalloz, année 1832, 1" partie, page 311. —
Besançon, l'** août 1859, Dalloz, année 1859, 2' partie, page 211. — Liège, 14 no-
vembre 1879, Jurisprudence belge, 1882, page 1050. — Dalloz, Jurisprudence, V»
Chou jugée, n^ 332.
334 DEDXIÈME PARTIE.
Mais cette objection, déjà formulée en 18I|2 devant la Chambre
des députés par M. de Beaumont, oe semble pas avoir arrêté le
législateur de 1 866, puisque l'article 5, paragraphe 2, du Code d'ios-
Iructiou crimiaelle suppose toujours chez nos magistrats lu con-
oaissaoce des codes étraugers, en ne réprimant que les seuls délits
correclioDDels commis hors de nos frontières qui sooi punis par la
législation étrangère du lieu où ils ont été consommés.
11 n'existe â notre connaissance aucun document de juris-
prudence sur ce point, mais la solution que nous indiquons paraît
adoptée par les auteurs'.
Si le combattant, auteur de l'homicide ou de la blessure, a été
seul jugé définitivement en pays étranger, les témoins ne peuveut
opposer ralablement l'exception non bis in idem, car cetle excep-
lion constitue, aux termes mêmes de l'article 5, un privilège abso-
lument personnel à celui qui a été jugé définitivement. Elle laisse
subsister Taclion contre les témoins, qui, en leur qualitv de com-
plices, peuvent tomber sous le coup de la loi pénale, quand bieii
même l'auteur principal ne serait pas poursuivi à raison d'un
obstacle de fait ou de droit.
3* condition. ~ Il laut que l'inculpé
soit de retour en France.
La seule raison de la compétence de la juridiction française
sur les crimes commis h l'étrdnger élaol la pn>sence de l'inculpé
sur le territoire français et le scandale produit par son cootacl
avec ses concitoyens, celte raison n'existe plus lorsque son retour
n'a pas eu lieu.
Aucune poursuite, aucune procédure par contumace ne peuvent,
en conséquence, être intentées contre lui, d'où la conséquence
importante que te séquestre ne saurait être mis sur ses biens.
C'est seulement lorsque son retour s'est effectué que la juridic-
tion française recouvre sa liberté d'action.
Encore faut-il que ce retour soit volontaire. En dehors du
consentement de l'inculpé, les tribunaux français ne peuvent être
saisis ^
Peu importe, du reste, que ce retour soit seulement temporaire.
1. Voyei ootammenl A. Peyroo, Effeli dei jugcmtnli rèpreaifs en droit mltma-
tional, Paris, 18S5, pages h'-i et auiv. — Garraud, page 148, DO(e I. — Cf. Théurd,
Revue pratique, tome X\1I, page 386. ~ Fausiin llélîe, Rapport à la Cour dtcat-
tation, CaasstioD, 21 maral8U2, anoée 1862, 1" partie, page 140.
2. Voyez GaaMtioQ, 5 février 1857. Dallai, «nnée 18Ï7, 1^' partie, page 132.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 335
Il a été jugé que le seul fait de rentrer volontairement en. France
autorise la poursuite, encore que la résidence de Tagent de l'infrac-
tion ne se soit pas prolongée jusqu*au moment de cette poursuite ^
Ici une question peut se poser :
Quelle serait la valeur pratique du calcul fait par le duelliste
accusé d'un acte qualifié crime, accusé, par exemple, d'avoir tué son
adversaire, et qui, partant des principes ci-avant énoncés, raison-
nerait ainsi : « L'homme que j'ai tué était un homme politique en
pleine popularité; j'ai tout à craindre du jury qui, reflétant le
courroux général, voudra venger l'idole du moment.
(( A la quasi certitude d'une condamnation sévère, je préfère
l'exil, qui me laisse ma liberté et la disposition de mes biens. Je
vais attendre tranquillement à l'étranger que l'action publique soit
prescrite, et à l'expiration des dix années fixées pour acquérir la
prescription je rentrerai tranquillement en France, dans mes
foyers, où la justice française ne me pourra plus rien. »
Pour résoudre cette question, il faut rechercher d'abord si la
prescription doit être réglée d'après la loi étrangère ou d'après la
loi française. Il est incontestable que c'est d'après la loi française.
Dès rinstant, en effet, qu'il s'agit d'une infraction punie par
elle, elle seule peut déterminer les conditions d'exercice de l'action
publique.
Il faut rechercher ensuite quel est le point de départ de la
prescription, car du moment admis dépend le succès ou l'insuccès
du calcul fait par notre duelliste.
Il est clair, en effet, que si, comme le veut une opinion, la pres-
cription est suspendue pendant le séjour du duelliste à l'étranger
et ne prend cours qu'au moment de sa rentrée en France, ses
espérances seront déçues.
Elles se réaliseront, au contraire, si la prescription commence
à courir à partir du jour où. l'homicide a été commis.
Les partisans du premier système prétendent que dans l'espèce
il y a empêchement de droit provenant de la loi elle-même, qui
subordonne l'exercice de l'action publique au retour de l'inculpé ;
que, par son séjour prolongé, il met le ministère public dans la
même position que s'il se trouvait en présence d'un individu pour
lequel une autorisation préalable serait nécessaire.
Tant que l'autorisation préalable n'est pas obtenue, tant que le
retour n'est pas effectué, le ministère public ne peut faire aucun
acte; mais, par une juste réciprocité, la prescription ne saurait
1. Voyez Paris, 17 juin 1870. Dalloz, année 1870, 2« partie, page 177.
Voyez Paris, 17 juin 1870. Dallez, année 1870, 2« partie,
» -r^
336 DECXEËME PARTIE.
courir contre lui en vertu de la maiime Contra non ralentem non
curril prescriplio.
Ib soutiennent que celle solution n'a pas pour effet de rendre
imprescriptibles les crimes et les délita, puisque l'inculpé peut à
volonté rentrer ou demeurer et, par conséquent, donner ou ne pas
donner nuissance à la prescription.
Les partisans du second système font remarquer que si, pour
les crimes et les délits commis ,'■ l'étranger, il est fait application
delà loi française, il eat juste que l'inculpé puisse invoquer les
privilèges qu'elle accorde à ceux qui ontsu se déroberait châtiment
pendant un certain nombre d'années.
Il n'y a aucun motif de déroger aus règles générales, qui en
cette matière sont d'ordre public.
Ils observent, en outre, que la prescription en matière crimiaelle
reposant sur la présomption légale que* les preuves du crime el
celles de l'innocence ont dû périr, et que la société n'est plus après
un certain temps intéressée à sévir, la maxime Contra nan calentem
non ciirrit prescriplio n'est plus applicable".
Ce dernier système étant généralement adopté, il faut en
conclure qu'à l'expiration de son eiil de dix années, l'auteur de
l'homicide commis en duel pourra rentrer en France, libre de
toute sanction pénale, et que son calcul aura été juste.
Supposons maintenant que le duelliste rentre en France avant
l'expiration des dix années nécessaires pour lui assurer l'impunité,
la prescription continue à courir en sa faveur tant qu'il uc sur-
vient pas d'actes d'instruction ou de poursuite qui viennent l'inter-
rompre.
Peu importe que le ministère public ignore son retour, car les
empêchements de fait ne suspendent pas la prescription.
Pen imporle même qu'après être rentré en France le duelliste
se soit réfugié de nouveau à l'étranger. En effet, du moment que
sa résidence, même temporaire, même absolument passagère, a
pour résultat de rendre au ministère public la liberté que la loi lui
refusait auparavant, il est clair qu'une nouvelle éclipse ne peut
influer sur la prescription de l'action.
Si depuis la perpétration du crime dont il s'est rendu coupable
jusqu'au premier acte d'instruction ou de poursuite, dix ans se sont
écoulés, il ne peut plus être condamné.
Tout ce que nous venons de dire relativement à la prescription
des crimes est applicable aux délits, avec la différence que pour
- Braa de
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 337
ces derniers la prescription s'accomplit par un laps de trois ans K
Ce que nous yenons de dire des duellistes est applicable aux
témoins, qui juridiquement sont des complices.
S'il est intervenu des actes d'instruction ou de poursuite non
suivis de jugement, tout le temps qui s^est écoulé avant l'acte inter-
ruptif est réputé non avenu, et la prescription ne reprend son
cours qu'à partir du dernier acte d'instruction ou de poursuite,
même à Tégard des personnes qui n^étaient pas impliquées dans
Pacte d'instruction ou de poursuite '.
Dès que l'instance a pris fin par un arrêt ou un jugement
devenu définitif, le cours de la prescription de l'action publique
est irrévocablement arrêté. Cette décision donne naissance à une
nouvelle prescription, qui est celle de la peine.
Les peines portées par décisions rendues en matière criminelle
se prescrivent par vingt ans. Celles qui sont portées par des déci-
sions en matière correctionnelle se prescrivent par cinq ans. Ces
délais partent du jour où ces décisions sont devenues définitives.
(Articles 635, 636 du Gode d'instruction criminelle.)
Quelques mots sur les effets des condamnations par contumace.
Un exemple le fera mieux comprendre que tout antre genre
de démonstration.
Supposons que Pierre se batte à l'étranger avec Paul et le tue.
Il revient en France avec l'espoir de ne pas être inquiété. Des pour-
suites criminelles sont cependant exercées contre lui. Pour les
éviter, il franchit de nouveau la frontière, et une condamnation
par contumace est prononcée.
Quelle prescription Pierre pourra-t-il invoquer ?
Il ne pourra invoquer que la prescription de la peine, c'est-à-
dire celle de vingt années courant du jour où la condamnation
aura été prononcée.
Si avant l'expiration de ces vingt ans il rentre en France et
purge sa contumace, trois conséquences peuvent en résulter :
Il peut être acquitté. Tout est alors terminé à son avantage.
Il peut être condamné à une peine criminelle. Supposons
qu'après cette condamnation il parvienne à s'échapper, il ne pourra
invoquer toujours que la prescription de la peine (vingt ans), cou-
rant du jour où la condamnation contradictoire sera devenue défi-
nitive. (Article 635, Gode d'instruction criminelle.)
Il peut être condamné à une peine correctionnelle. Cette fois
encore, il ne pourra invoquer que la prescription de la peine, mais
1. Voyez article 638 du Code dUnstruct ion criminelle.
2. Voyez articles 637 et 638 du Code d'instruction criminelle.
%%
au DEUXIÈME PARTIE.
ce sera celle de cinq ans courantà partir du jour où lacondamnaHon
sera devenue déflniliïe. (Article 636, Code d'instrucUoD crimineUe.]
Pource qui concerne les témoins, supposons qu'après la coDdam-
oalion par contumace de Pierre, ils quittent le territoire (étranger
où ils étaient restés jusqu'alors et rentrent eu France.
Quelle situation leur est faite relativement ft la prescription?
Pourront-ils, comme Ils l'auraient pu ayant la condamnation
par contumace de Pierre, invoquer la prescription de l'acliou, c'est-
à-dire celle de dix ans? ou devront-ils suivre la condition de l'autenr
principal, et invoquer celle de la peine {vingt ans)?
Ils pouiTonl invoquer la prescription décennale, car i'arrét par
contumace n'est pas un acte de poursuite, mais une décision por-
tant condamnation, complètement étrangère à ceux qui n'y sontpas
nominativement désignés.
CHAPITRE LXXI ^^
Conditions mises à la poursuite des adversaires et des témoins
lorsque le duel a eu lieu à l'étranger et qae le fait dont ils
sont inculpés est qualifié délit.
Avant d'examiner les conditions auxquelles l'article 5 du Code
d'instruction criminello subordonne la poursuite des délits commis
à l'étranger, il faut rechercher dans quel cas le fait dont sont incul-
pés les adversaires et les témoins peut être qualifié délit.
Si nous nous reportons au chapitre lxv, nous voyons qu'il peut
en être ainsi quand le fait correspond à une des hypothèses prévues
dans les paragraphes E, F, /, c'est-à-dire lorsque la blessure a
entraîné une maladie ou incapacité de travail personnel de plus
de vingt jours (en l'absence d'intention homicide et de prémédita-
lion) ; lorsque la blessure a entraîné une maladie ou incapacité de
travail de moins de vingt jours [en l'absence d'intention homicide) ;
lorsque le duel s'est terminé sans blessures (en l'absence d'inten-
tion homicide), ou lorsqu'il s'agit du blessé.
Cette première question résolue, nous allons passer à l'examen
des conditions mises par l'article 5 à la poursuite des délits.
l" condition. — La poursuite ne peut être intentée qu'à la
requête du ministère public {article 5, paragraphe A).
La loi supprime ainsi le droit de citation directe.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 339
2« condition. — La poursuite doit être précédée d'une plainte
de la personne offensée, ou d'une dénonciation officielle à
Fautorité française par Tautorité du pays'où le délit a été
commis {ai^ticle 5, paragraphe h)-
Des termes de Tarticle 5, qui ne parle que de la partie offensée,
il faut conclure que le droit de porter plainte est limité dans notre
espèce au blessé, que personne ne peut l'exercer en son lieu et
place, ni de son vivant ni après sa mort ; qu'il est, par conséquent,
refusé aux parents, aux héritiers, etc., etc.
Quel que puisse être Tintérêt invoqué par un tiers, ce tiers ne
saurait, dans Thypothèse qui nous occupe, se porter partie civile»
caria partie civile n'existe qu'accessoirement à l'action publique. Il
peut seulement intenter un procès civil en dommages et intérêts, en
vertu de l'article 1382 du €ode civil.
Cette prohibition est la conséquence du principe qu'en matière
pénale il est interdit de suppléer aux termes de la loi et de les
étendre par voie d'interprétation. Du moment que l'article 5 a établi
une législation spéciale et exceptionnelle pour la poursuite de délits
commis à l'étranger, il doit être renfermé dans les termes où il est
conçu*.
Un arrêt de la Cour de cassation, en date du 17 août 1832, cité
par Dalloz, Jurisprudmce, Compétence criminelle, n"» 133, semble-
rait consacrer une jurisprudence contraire; mais il ne nous parait
pas applicable à notre espèce, car il vise le cas d'un Français assas-
siné, et partant dans l'impossibilité de porter plainte.
La plainte du blessé, étant la base et le point de départ néces-
saires de l'action publique, doit satisfaire, à peine de nullité, à
certaines conditions de forme et de régularité.
La plainte doit être adressée au procureur de la République, à
ses auxiliaires, au juge d'instruction. (Gode d'instruction crimi-
nelle, articles 63 et suivants.)
Elle doit être rédigée par le plaignant ou par son fondé de
procuration spéciale, ou en sa présence par le procureur de la Répu-
blique. (Code d'instruction criminelle, articles 31 et 65).
Elle doit être signée par les mêmes personnes. Si elles ne veu-
lent pas ou ne peuvent signer, il en est fait mention *. {Ibid.)
Cela est si vrai que l'action en dommages et intérêts intentée
par le blessé devant les tribunaux civils ne saurait remplacer la
plainte et permettre au ministère public de poursuivre.
i. Conformément, Le Seyllier, Des actions publiques et privées j noi989. — Carnet,
observations additionnelles sur Tarticle 5.
2. Conformément, voyez Faustin Hélie, Instruction crxminelle, tome II, page ^7.
Ud>:-:.i . '-'J
340 DEUXIÈME PA&TIB.
Quanta la dùDOQcialion officielle à laquelle le paragraphe U de
l'arlicle 5 du Code d'inslruclion criminelle subordonne, à défaut de
plainte, rouverlurc de l'acllon publique en France, elle doit être
adressée, conformément aux arliclos 30, /jS, âO du même code, soit
nu procureur de la ik'piiblique, soil fi ses auxiliaires, par le magis-
tral étranger au<iuel il eût appartenu de poursuivre le délinquanl
français, si ce dernier fût demeuré bors de nos frontières.
A moins de conventions internationales, autorisant les magistrats
étrangers à correspondre directement et sans intermédiaires avec
les autorités françaises, la dénonciation officielle sera transmise à
ces dernières par voie diplomatique, c'est-à-dire par le ministère
des affaires étrangères, ainsi qu'il est de règle pour les demandes
d'extradition. Le ministre des affaires étrangères, saisi de cette dénon-
ciation, la transmet à son collègue de la justice, qui la fait lui-même
parvenir biérarcbiquemenl au magistrat qui a qualité pour la
recevoir'.
Tant que le blessé n'a pas porté plainte, tant que l'autorité
étrangère n'a pas fait la dénonciation officielle, l'action reste sus-
pendue. Le ministère public ne peut poursuivre; mais dès que la
plainte a été portée, dès que la dénonciation officielle a eu lieu, il
reprend sa liberté d'action contre l'auteur de la blessure, contre les
témoins, et même, d'après la jurisprudence du tribunal de la Seioe,
contre le blessé lui-même, quand bien même la plainte serait limitée
à l'auteur principal.
On voit qu'en l'absence de dénonciation officielle, le blessé peut
enchaîner, s'il le veut, l'action publique jusqu'à ce que la prescrip-
tion soit acquise. Il lui suffit de garder le silence. Hais on ne peut
ni s'engager d'avance à ne pas porter plainte, ni faire de cet engage-
ment l'objet d'une transaction; ces actes sont nuls. (Article A du Code
d'instruction criminelle.)
Rien n'empêche, par conséquent, le blessé de porter plainte
après la signature de l'acte. Quelle que soit la stipulation, sa plainte
ne cesse pas d'être valable.
La question de savoir si son désistement peut empêcher le
ministère public de poursuivre, autrefois controversée, a 4é résolue
par plusieurs arrêts dans le sens de la négative *.
Dans le cas dont nous nous occupons, comme dans tous ceux
qui sont prévus par l'article 5 du Code d'instruction criminelle, la
1. ContonnénieDt, voj'ei nottunmenl GilRrdOD, Ibùse de doclorat, Puis 1876,
i. Voyoi DiUot, Jurùprudatct, V* Compilnct crîminelU, supplément, n* 83,
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 344
prescription de Taction publique court à partir de la perpétration
de Facte délictueux, conformément aux principes généraux sur la
matière et à ce que nous avons expliqué au chapitre lxx, et non à
partir de la plainte.
3* condition. — La poursuite n^a lieu que si le fait est puni
par la législation du pays où il a été commis {article b,
paragraphe 2).
La raison de la solidarité étroite établie par ce texte, au point
de vue de la répression des délits dont un Français s'est rendu cou-
pable en pays étranger, entre la loi qui régit ce pays et la loi fran-
çaise, se découvre aisément.
Sans doute, il peut paraître étrange que le législateur français
ait subordonné l'application de notre droit pénal aux dispositions
peut-être très différentes, dans leur lettre et dans leur esprit, qui
ont trouvé place dans les codes étrangers, mais le sacrifice de notre
autonomie législative est plus apparent que réel.
Tandis que le crime revêt par lui-même, et toujours, un carac-
tère de gravité et d'immoralité absolues, qui exige impérieusement
que son auteur ne demeure pas impuni, le délit est souvent une
infraction toute contingente, toute relative, qui n'a porté qu'une
&ible atteinte aux lois de la morale universelle.
Aussi lorsque l'État sur le territoire duquel un délit a été
consommé a jugé sa répression inutile, la patrie de celui qui l'a
commis, moins directement intéressée, aurait mauvaise grâce à se
montrer plus sévère.
Au contraire, la loi nationale du délinquant et la lex loci
s'accordent-elles pour déclarer punissable le fait allégué, il y a lieu
de penser que ce fait est contraire au droit commun des peuples
civilisés, et qu'ils ont un intérêt égal à le flétrir. L'harmonie de leurs
dispositions est la meilleure preuve de son immoralité.
Presque toutes les législations ont cru devoir édicter contre le
duel des pénalités particulières. Elles en ont fait une infraction dis-
tincte de toutes les autres, ayant son caractère, son régime et ses lois
propres.Telle, entre autres, la loi belge (Code pénal de 1867, article 423
et suivants). Telle la loi allemande (Code pénal,article 410), etc., etc.*.
Si la rencontre s'est produite sur le territoire belge ou alle-
mand, il est hors de doute, étant donnée la jurisprudence de nos
tribunaux relative au duel, que le Français qui a blessé son adver-
1. Voyez chapitre lxxxii. Législation des pays étrangers en matière de duel,
textes et analyses. ._
■ 311
DEUXIÈME PARTIE.
saire, {jui lui a, par exemple, infligé une incapacilé de travail de
moins rie vingl jours, lomberail sous l'appiicatiou estensive de l'ai-
ticlc 311 du Gode p^nal, el serait, eo conséquence, passible, à son
retour en France, d'un emprisonnement de six joui-s h deus ans el
d'une amende de 16 à 200 francs, si plainte préalable de rindlvidu
blessé a été porlée, ou si le fait a été dénoncé officiellement par
l'aulorité du pays où le duel a eu lieu.
« Le délit est puni par la législation du pays où il a été com-
mis. » 1,'article 5, paragraphe 2, du Code d'instruction criminelle, per-
met d'atteindre l'auteur et ses complices, et, d'après la jurispru-
dence de la cour de Paris, le blessé lui-même.
Peu importe, au surplus, que la peine établie par la loi étrangère
soit très différente dans son mode, ou dans son guaiitum, des péna-
lités françaises. Ce que teut la loi, c'est que le même fait soit
également prévu et réprimé dans les deux pays.
L'identité doit eiister, au point de vue do l'incrimination, non
au point de vue du châtiment; mais cette identité doit être absolue;
une simple analogie ne suffirait pas à autoriser l'application de
l'article 5, paragraphe 2. Cela a été dit formellement au cours de la
discussion soulevée par l'adoption de ce texte en 1866.
Ici se présentent deux questions :
1" QUESTION. — Lorsque la rencontre a eu lieu dans un pays
barbare, an sein de peuplades indépendantes, étrangères aux prin-
cipes du droit des gens et aux obligations qui en découlent, le para-
graphe 2 de l'article 5 est-il applicable?
La France conserve toujours son droit de répression, comme
si le combat s'était passé sur son territoire. Elle peut saisir les cou-
pables el les livrer à la justice de ses tribunaux, car l'article 5 du
Code d'instruction criminelle suppose l'existence de rapports COD-
stants et réguliers qui unissent les peuples entre eux, dont la récipro-
cité fait le fondement, et qui assurent à chaque nation la protection
efâcace etlesjustes satisfactions quelesautres obtiennent de sa part'.
2' QUESTION. — La deuxième question n'a jamais été traitée.
Elle est particulièrement intéressante en ce que sa solution peut
offrir aux duellistes un moyen d'échapper aux rigueurs de la loi
française.
Qae fïiudra-t-il décider al la législation da pays où le oombat « au
lian ne contient aooone dlaposiUoa war le dnel, et se borne, ainsi tfat
la loi Bmaqtiiaa, i pnnir d'une manUre gènirale les coups et les Lles-
snrea?
1. Vofei Cuuiiou, 17 mat 1839, Dalloi. — JurUprudmee cnmintU*, n* 111.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 343
Nous n'hésitons pas à soutenir que c'est uniquement d'après
les idées qui ont cours à l'étranger que cette législation devra être
appréciée, et que les poursuites ne seront possibles en France que
si, au lieu où s'est passé le duel, la pratique judiciaire les eût per-
mises.
Si nos tribunaux ont pu, dans un intérêt général, détourner
l'article 311 du Gode pénal de son sens véritable et raisonnable, en
assimilant un duel loyal au délit de coups etblessures, et en refusant
au duelliste l^xcuse de la légitime défense, de quel droit éten-
draient-ils une interprétation aussi excessive, aussi contraire aux
lois qui gouvernent les autres peuples?
Ces lois ont leurs interprètes naturels ; ce sont les magistrats
qui ont mission de les appliquer. Ils sont mieux h môme que per-
sonne d'en pénétrer l'esprit et d'en dégager les conséquences qu'elles
comportent.
Un acte législatif ne peut être isolé de la jurisprudence qui
le complète et qui l'explique. Cette jurisprudence fait corps avec
Jui.
Il suit de là que, de même que l'étranger qui aurait pris part
à un duel en France pourrait être poursuivi devant ses juges natio-
naux, si sa loi personnelle contenait une règle semblable à celle
qui existe dans l'article 5, paragraphe 2 du Code d'instruction
criminelle français, de même le Français qui s'est battu sur un
territoire étranger devra échapper à toute répression dana son
pays, si la loi étrangère, tout en punissant le délit de coups et
blessures, n'est pas appliquée au duel par les tribunaux locaux.
Il n'existe à notre connaissance aucun document de jurispru-
dence qui se soit prononcé d'une manière formelle sur la difficulté
que nous venons d'examiner ; mais il ne paratt pas que les auteurs
aient jamais méconnu le rôle important qui appartient en cette
matière aux décisions interprétatives de la justice étrangère.
« Nous croyons, dit Ortolan {Éléments de droit pénale 6* édition,
par M. Albert Desjardins, tome I, page {(06, n^ 918 bis), que, à raison
de la difficulté des preuves à tirer d'un pays étranger pour des faits
souvent sans importance, à raison enfin de ces complications, pour
nos magistrats, de législations et de jurisprudences étrangères
mêlées à la législation et à la jurisprudence françaises, l'application
de l'article 5, paragraphe 2, n'aura lieu qu'au moyen de la très
grande latitude laissée au ministère public de poursuivre ou de ne
pas poursuivre ^ »
1. Voyez aussi Gilardon, thèse de doctorat, Paris, 1876, page 209 ; et A. Wciss,
Traité élémentaire de droit international privé, 1'^ édition, Paris, 1885, page 91.
F su
DElîXIÈMK PARTIE.
Si, coniiDc cela a lieu pour les cantons de Genève, d'Appenzel el
d'Uri ', les Eribiinaux i^itraiigers n'ont pas encore eu à se prononcer
sur la question, si aucun duel n'a encore fait l'objet de poursuites
devant eux. en un mot si leur jui-isprudence n'est pas établie daus
un sens ou dans un autre, l'interprétation du juge français ne sera
plu» conamandc^c par celle que les magistrats étrangers ont donnée
k leur loi nationale, puisque cette interprétation fait défaut.
Est-ce à dire que sa liberté soit entière?
Non. Les principes généraux de droit lui tracent des règles doot
il ne peut s'affranchir.
Il est en effet universellement reconnu que toute disposition
d'ordre pénal doit être interprétée reslrictivement : Pœnaiia mo«
sunt extendnida. Or les bésilations trahies par la jurisprudence
française jusqu'en 183-7, les différentes propositions de loi sur le
duel qui depuis cette époque, et tout récemment encore, ont va le
jour dans nos Chambres, les critiques dirigées par les cnminalistcs
les plus autorisés contre le système de répression qui apréraludaas
la pratique, témoignent assez combien ce système est incertain et
fragile.
Ajoutons que, fût-il possible de te justifier au point de vue
français, il n'est pas permis d'en élargir le domaine, d'en aggraver
les conséquences, de le transporter dans la législation internatio-
nale, en un mot de suppléer par analogie au silence el aux lacunes
de la loi cl de la jurisprudence étrangères.
L'esamen dos diverses législations qui, autour de nous, se sont
préoccupées d'assurer la répression du duel (et elles sont nom-
breuses*) atteste que, dans les États où elles sont en vigueur, le
duel constitue une infraction spéciale, se suffisant à elle-même,
ayant ses pénalités distinctes ; que nulle part, si ce n'est peut-être
en Angleterre, on ne le confond, sous le rapport de l'incrirainatioQ
et de la peine, soit avec l'homicide volontaire, soit avec les coups
et blessures proprement dits'.
De cet accord presque unanime se dégage une sorte de droit
commun international, auquel le juge fran(;.ais aurait dans tous
les cas le devoir de se reporter, en cas d'obscurité ou de doute sur
l'application d'une loi étrangère.
C'est par lui qu'il convient, k défaut de jurisprudence autorisée,
d'expliquer le laconisme des codes qui ont laissé le duel eu dehors
1. Voyci Dotre cliapltrc Lxtxll.
3. Vojei notre chapitre Lixin.
3. Voyez DOtnmmcnt ChauTesu Adolpbe, FauïtÎD Hélie el Edmond Wilejr, 7A«orù
dnCode pénal, S* édition, tome lU, n' 12HU
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 345
de leurs prévisions formelles, bien plutôt que par une pratique
aussi locale, aussi incertaine, aussi justement attaquée que l'est
celle de nos tribunaux sur ce point ; et ce droit commun réclame
avec Topinion publique et les mœurs contre Tassimilation du duel-
liste au meurtrier vulgaire.
Pour que le paragraphe 2 de l'article 5 du Gode d'instruction
criminelle soit applicable, il est indispensable que le duel soit puni
par la législation du pays où il a eu lieu. Or cette condition ne peut
être considérée comme remplie par une disposition générale répri-
mant les coups et blessures, qu'aucune décision judiciaire n'est
Tenue corroborer en la déclarant applicable au duel.
La circonstance que jamais un fait aussi fréquent que le duel
n'a été l'objet de poursuites dans ce pays ne prouve-t-elle pas
surabondamment qu'il n'y est pas puni ?
Résumant les développements qui précèdent, nous croyons
donc pouvoir affirmer qu'un Français, combattant ou témoin dans
un duel à l'étranger, duel terminé par une blessure qualifiée délit,
ne peut être poursuivi en France que dans deux cas :
1** Si la loi répressive étrangère {lex deliti commissi) contient
relativement au duel une disposition spéciale et formelle ;
2"" Ou tout au moins si, à défaut d'une disposition dece genre,
une pratique judiciaire constante étend au duel, dans le pays où il a
lieu, les règles du droit commun qui concernent les coups et bles-
sures ordinaires'.
£n dehors de ces deux hypothèses, si le duel a eu lieu, par
exemple, dans les cantons d'Appenzel, de Genève ou d'Vri, nousesti^
mons que l'itnpunité est acquise au duelliste.
C'est au ministère public, seul compétent pour mettre en
mouvement l'action publique répressive, qu'il appartient sans aucun
doute d'établir que les conditions auxquelles est subordonnée la
poursuite du duel en France, c'est-à-dire l'existence d'une législa-
tion ou d'une jurisprudence conformes à l'étranger, se trouvent
remplies, Onus probandi incumbit ei qui agit. Les travaux prépara-
toires de la loi du 27 juin 186G sont formels en ce sens.
Mais comment cette preuve pourra-t-elle être rapportée? De
quels faits, de quelles justifications résultera-t-elle ?
L'article 5 du Gode d'instruction criminelle ne le dit pas, et il
est permis d'en conclure qu'à cet égard les juges sont maîtres
1. Cette opinion est celle de M. André Weiss, le savant professeur de droit inter-
national, qui a bien voulu nous donner une consultation sur ce point.
346 DEUXIÈME PARTIE.
absolus de puiser où il leur plaira les l'^lémeots de leur conviction ■.
Ordinairement la partie poursuivanle commuDiquera au Iri-
bunal le lejte officiel de la loi étrangère sur laquelle elle se fonde ';
ou encore celui des décisions ayant fixé la jurisprudence'.
La production des recueils de lois et arrêts étrangers sera le
plus souïcnljugée suffisante.
En cas de la dénonciation ofûciclle dont il a été parlé précé-
demment, cette dénonciation même pourra être considérée comme
une présomption sérieuse que le duel est puni par la loi du pays où
il a eu lieu. Généralement, d'ailleurs, l'autorité étrangère appuiera
sa dénonciation sur les textes des lois et décisions judiciaires, faci-
litant ainsi dans une mesure appréciable la lâche et les investiga-
tions de la justice française.
Parfois aussi, le minislèro public invoquera la doctrine una-
nime des auteurs qui ont commenté la loi prétendue appli-
cable*.
Il se prévaudra d'attestations émanées de magistrats étrangers';
de certificats délivrés par les agents diplomatiques, ou consulaires
étrangers " ; de consultations d'avocats ou de jurisconsultes ''.
L'Institut de droit international a mis à l'étude il y a quelques
années la question suivante : Quels seraient les moyens à proposer
aux gouvernements, en vue de favoriser la connaissance des lois
étrangères, et en particulier d'assurer la preuve de ces lois devant
les tribunaux ' 1
1. Voyci CsssalioD, 17 décembre 1887, — Dalloi, année 1888, 1" partie, pago
330.
2. Bordoaui, 4' chambre, 1" mars 1880. — Pandcctei françauii piriodi<piet,
1890, 3' partiu, page 21 ; el les obaerTations <tc M. L. Beaucbct.
3. ConformémenI, ïoyei Iribuoald'AuverB, 13 janvier 1886, Jburnoidel Tribunavj:
belges da 11 mars 1881).
i. Ail, 29 avril 184i. — Sirey, année 1815, S' partie, page 114.
5. Tributml de laSeiae, 27 mare i»if>. Le Droit, du 28 mars. —Lyon, 1" janvier
ISSl. La Ini du 14 octobre. —Bordeaux, 21 décembre 138U. Journal de Bordeaux,
année 1887, 1" partie, page 91.
6. Caisalion, 4 avril 1881. — Sirey, année 1883, 1" partie, page 65.
7. TribunaÈ correctionnel do BorJcam, 18 janvier 1882, Journal de droil {n(«ma-
tional privé, tSS2, pngs 39, — Chambérv, 23 février 1S8S, ibidem, 1885, page 6C5. —
Pau, 22 juin ]887. — Galette du Palais, S janvier ISB7, aupplément. — Tribnn&l
de ia Seine, 13 février 18S9. U Droit du 2{ avril 1889. — Cour d'appel d'Angleterre,
IS février 1889. —Journal de droit inlernational privé, 1889, page 876.
8. Voyez le rapport de M. Pierantoni dana la Revue de droit internalionai de
Gand, 1887, page 180; et les résolutions adoptées par l'inatitut datia eon Annuaire de
1888, pages 305 et auiv, — Conforma mont, sur ta preuve des lois étrangèrea en géné-
ral, Miltermaier, dans ]'Archiv fur eioitislische Praxia, totne XVill, ptges 67 61 suiv.
— Pierantoni, Délia prova delli leggi siraniere net giuditxi civili dans U Filantieri,
1883. — Laurent, le Droit civil international privé, lome 11, page 262. — Brocher,
Court de droit international privé, tome I, page 153. — Asser et Ririer, ËUmenlt de
droit international privé, pages 34 et euiv.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 347
Observons que si le juge français est en principe maître d'attri-
buer telle valeur qu'il juge convenable aux témoignages qui lui
ont été fournis par le ministère public, la fausse application qu'il
aurait faite de la loi étrangère donnerait ouverture à cassation.
A-til condamné le Français qui a blessé son adversaire en duel
au delà de nos frontières, en s'appuyant à tort sur ce que la loi
étrangère réprime le duel, sa décision devra être annulée.
En vain dirait-on, pour le contester, que la cour suprême n'a
pas à veiller au respect des lois qui sont Tœuvre de souverainetés
étrangères, et que sa mission se borne à assurer la stricte observa-
tion de la loi française.
Sans examiner le mérite réel de cette objection, qu'il nous
suffise de remarquer que, dans notre hypothèse, la cassation sera
motivée non par l'interprétation inexacte d'un texte étranger, mais
par une infraction directe à la loi française.
C'est la loi française en effet (Code d'instruction criminelle,
article 5, paragraphe 2) qui exige, pour qu'un délit commis à l'étran-
ger par un de nos nationaux encoure une répression sur notre sol,
que de son côté la loi étrangère le punisse.
Si cette condition n'est pas remplie, la loi française est violée.
Il y a erreur de droit, et par suite la Cour de cassation peut et doit
exercer sa censure.
Son arrêt du 17 décembre 1887 (Dalloz, année 1888, l"' partie,
page 330) semble le reconnaître ^
CHAPITRE LXXII
Extinction de l'action publique.
Disons quelques mots des causes qui peuvent éteindre l'action
publique.
L'action publique est éteinte :
V Par le décès du prévenu;
2* Par l'amnistie ;
3"* Par l'exception de la chose jugée ;
4» Par la prescription ;
1 . Voyez au surplus, sur la cassaUon pour inobservation ou fausse application
d*nDe loi étrangère, André Weiss, Traité élémentaire de droit international privé,
2* édition 1890, pages 297 et suiv.
.-4„
f 3IB
DEUXIÈME PARTIE.
Quelques lignes résumant ce que nous aTons déjà dit sur ce
dernier mode d'eitinclîon nous paraissent uliles.
La prescriptioo, étant une eiception d'ordre public, peut être
proposée en tout état de cause et devant toutes les juridictions.
Les délais de la prescription de l'action publique sont de
dii ans pour les faits qualifiés crimes et de trois ans pour les faits
qualifiés délits. Ils commencent à courir du jour ot le crime ou le
délit auront été commis (articles 637-638 du Code d'instruction
criminelle).
La prescription peut être interrompue par des actes d'instruc-
tion ou de poursuite {ibkfi-m).
Dans ce cas, aui termes des mêmes articles, elle ne recom-
mence à courir qu'il compter du dernier acte interruplif. Tout le
temps qui s'est écoulé avant l'interruption est réputé non acquis.
Les actes d'instruction ou de poursuite interrompent la pres-
cription non seulement envers les personnes contre lesquelles ils
sont dirigés, mais à l'égard même des personnes qui ne sont pas
impliquées dans cet acte. Ainsi la citation au combattant qui a
blessé son adversaire interrompt la prescription vis-à-vis les té-
moins.
CHAPITRE LXXIII
Extradition.
La question d'extradition se rattache à celle du duel par des
liens trop étroits pour que nous n'en disions pas quelques mots.
Supposons que deux Français se battent en duel, soit en France,
soit à l'étranger, et que le duel se termine par la mort d'un des
combattants.
Supposons que le survivant passe dans un pays voisin de celui
oà la rencontre a eu lieu, afin d'éviter la sancliou d'une législation
dont il redoute les atteintes.
Si l'extradition est demandé», le paye de reftage l'aooordera-t-il?
Il faut distinguer trois hypothèses :
1° Si l'état requérant et l'état requis considèrent le duel
comme une infraction sui generis, si aucune clause des traités ne
mentionne le duel parmi les faits passibles d'extradition, il est pro-
bable qu'elle sera refusée.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 349
La question a été résolue dans ce sens par le tribunal fédéral
suisse dans son audience du 27 août 1883. (Affaire Lennig'.)
2"" Si rÉtat requérant considère l'homicide commis en duel
comme un meurtre ordinaire, et Tassimile à un crime de droit
commun, tandis que l'État requis le regarde comme une infraction
d'une nature particulière, peu importe que le meurtre figure dans
les traités. En pratique, très probablement, cette fois encore, la
demande sera repoussée.
Ainsi la Belgique n'extrade pas l'étranger réclamé sous l'incul-
pation de meurtre en duel\
S'* Si la loi ou la jurisprudence des deux pays admettent
l'assimilation de l'homicide commis en duel avec le meurtre ordi-
naire, l'extradition sera très rationnellement accordée.
Bien ne s'oppose, par exemple, à ce que l'Angleterre consente
l'extradition d'un individu accusé d'avoir donné en duel la mort à
son adversaire, puisque le droit anglais qualifie cette infraction de
murderer.
Peu importe que, d'après la loi de l'État requérant, elle constitue
également un meurtre ou tout autre fait compris dans l'énumération
du traité'.
Voici, du reste, la théorie de l'extradition en matière de duel,
telle qu'elle est exposée par le docteur Lammasch, professeur à l'Uni-
versité de Vienne, rapporteur de la Commission de l'extradition à
rinstitut de droit international, dans un ouvrage qui fait autorité
dans tous les pays de langue allemande, Auslieferufs pfticht und
asylrecht^ Wien^ 1887 :
« Le duel ne figure à ma connaissance dans aucun traité comme
fait nécessairement passible d'extradition.
« Bien n'empêcherait cependant d'accorder l'extradition à la
suite d'un duel ayant entraîné la mort ou des blessures graves, dans
le cas où le traité l'autorise n pour toute sorte d'homicides volon-
« taires, blessures et lésions volontaires* ».
a Mais lorsque le traité énumère, sous leurs noms techniques
d'assassinat ou de meurtre, les infractions ayant causé la mort, il
n'est pas possible à un État dont les lois voient dans le duel un délit
i. Voyez Journal de droit international privé, année 1883, page 533. Appendice
n« 106.
2. Voyez Kirchner, VExtradition, page 369. —Bombay et GiU>rin, Traité pratique
de Pextradition, Paris, 1886, page 170.
3. Voyez M. Stephcn, History of the criminal law of England, 3 vol. London,
1883, tome II, page 69.
4. Voyez notamment le traité austro-russe de 1874.
350 DEUXIÈME PARTIE.
spécial, dislJDCt de l'assassinat et du meurtre, d'exiger l'ealradilion
du dudlisle qui a lue son adversaire.
u A plus forte ralsou cet État ne pourrait-iJ réclamer l'eilra-
dilioD à raison d'une simple blessure Taite en duel, encore qu'une
semblal)le blessure ne se trouve pas formellement eiclue «des coups
« et blessures que le traité prévoit' u.
Ainsi l'article 216 du Code pénal allemand excuse le meurtre
de celui qui a donne son consentement {Todttiiig rfei Einwitli-
gendai). M, Lammasch eo conclut (page 172, paragraphe Ik)
qu'aucua Élat allemand ne saurait être tenu de délivrer à la France
l'auteur d'un meurtre ou de coups et blessures résullaut d'un duel,
étant donné que ces faits ne sont pas compris par la législation alle-
mande, non plus que par les traités d'extradition conclus entre la
France et les divers États allemands, sous la qualificalioQ technique
de meurtre.
Passant à l'Aulriche, M. Lammasch observe que les traités les
plus récents conclus par la monarchie austro-hongroise limiteot
l'extradition aux infractions qui ont trouvé place dans lenr nomen-
clature; et encore faut-il que ces infractions soient passibles de
peines d'une certaine gravité.
M. Lammasch eslime que l'Autriche n'est jamais, aux termes de
ces traités, tenue d'accorder l'extradition d'un duelliste, alors même
que la peine qu'il aurait encourue serait supérieure au taux d'uae
année fixé par lesdils traités*.
C'est d'aprijs les mêmes distinctions que les difticultés relatives
à l'extradition sont résolues en Suisse, et notamment lorsqu'il s'agît
d'une demande adressée par un canton à un autre canton \
Le duel ne rentre pas dans les crimes et délits pour lesquels
l'extradition de canton à canton est obligatoire.
La loi fédérale ne parle pas du duel. Le duel ne peut donc
donner lieu ù extradition entre cantons suisses lorsque tous deux
ou l'un d'eux possèdent une législation pénale faisant du duel an
délit spécial.
Au contraire, entre cantons ne possédant pas une semblable
législation, les lésions corporelles faites en combat singulier pour-
raient être considérées, suivant le cas, comme meurtre ou coups et
blessures volontaires donnant lieu à extradition.
Même dans ce dernier cas, l'extradition pourrait encore être
1. Paragraphe 1, p*ge 140.
2. Opu» citatum, p«r«grûphe IS, page 174.
3. Voyei loi (éd^le du U juillet 1SS2, niadifléopar celles du 34 juillet 1S67 el du
31 Hvrier 1873.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 331
refusée par le canton requis, s'il s'engageait à faire punir le duelliste à
teneur de ses lois, ou à lui faire subir les peines déjà prononcées
contre lai (loi fédérale, article 2).
Il est bon de remarquer que les traités passés entre les diverses
nations qui nous avoisinent ne sont pas limitatifs quanta l'énumé-
ration des faits qui peuvent motiver l'extradition.
Il est admis que les crimes et les délits non compris dans les
traités peuvent y donner lieu*.
N'oublions pas, en effet, que Textradition est uniquement un
droit de souveraineté de l'État requis.
Mais il est juste d'ajouter que dans la pratique un État demande
rarement l'extradition pour un fait non compris dans les traités.
Terminons ce chapitre par l'étude d'une question qui peut
offrir un certain intérêt, eu égard à la différence des pénalités qui
attendent l'individu réclamé par deux États à la fois.
Supposons que des Français se battent en duel à l'étranger, en
Bavière, par exemple. L'un d'eux est tué, l'autre rentre en France;
mais comme il craint d'y être poursuivi, il se réfugie en Suisse, dans
le canton de Genève.
Deux demandes d'extradition sont adressées à la Suisse : l'une
par le pays d'origine du réfugié, l'autre par le pays où le duel a eu
lieu. Laquelle aura la préférence ?
En admettant que l'extradition soit possible, ce qui nous parait
plus que douteux pour ce qui concerne la Bavière, en présence de
la décision du tribunal Suisse du 27 août 1883, rapportée au n» 106
de notre appendice, il faut décider que le pays de refuge a le choix
entre les deux demandes *.
Toutefois, cette règle est quelquefois écartée par les stipulations
des traités. C'est ainsi que l'article 8 de la Convention franco-bava-
roise du 29 novembre 1869 dispose que « dans le cas de réclamation
du même individu, de la part de deux États, pour la même infraction,
l'extradition sera accordée à celui sur le territoire duquel l'infraction
aura été commise ».
L'Institut de droit international s'est prononcé dans le même
sens dans sa session d'Oxford, en 1880.
1. Voyez Cassation, 30 juin 1827. — Affaire de la Granville, 16 septembre 1841,
Dallozy année 1841, V partie, page 440. — Cassation, 18 juillet 1851, Dalloz, année
1851, 5* partie, page 248. — 4 mai 1865, Dalloz, année 1865, l'« partie, page 248.
2. Voyez tribunal fédéral Suisse du 16 décembre 1876. — Journal d$ droit inter-
national privé, 1878, page 63; et Billot, Théorie de Vextradition, page 231.
i-.'.'. ■
DEUXIÈME PABTIE.
CHAPITRE LXXIY
Moyens dont les combattants et les témoins peuvent i
pour échapper à la sanction de la loi pénale.
Après avoir constaté que rboraicide et les blessures commis en
duel rendent les adTersaires et les témoÏDS passibles en France des
diverses sanctions que nous avons i^numérées chapitre lxv, noas
alions eiaminer quels moyens ils peuvent tenter dans le bat de s'f
soustraire, et quelle est la valeur de ces moyens.
Nous les diviserons en deux classes :
La première comprend les moyens estra-tégaux, c'est-à-dire
pris en dehors de la loi. I-a seconde comprend les moyens empruntés
à la loi, que les intéressés retournent pour ainsi dire contre elle-
même et dont ils se font une égide.
UOîENS EXTHA-LÉGADX.
Nous n'en connaissons qu'un, encore n'est-il pas spécial au
duel, et tellement banal que nous n'en parlerions pas, si l'amour'
propre des duellistes et un étrange besoin de réclame ne le leur
/aisaieul trop souvent négliger.
// s'agit du secret le plus absolu gardé avant, pendant et après
la rencontre.
Jamais époque n'a été plus favorable que la ndtre à sa réossile.
Depuis quelques années, la justice semble fermer les yeux sur les
affaires d'honneur. Pour qu'elle les ouvrit, il faudrait qu'elle y fat
contrainte par les scandales d'une tapageuse rencontre. Si elle
intervenait, ce serait pour ainsi dire malgré elle.
Nous ne pouvons trouver un exemple plus frappant à l'appai
de noire thèse que celui du sous-lieutenant d'infanterie de marine
Wernert, tuant deux hommes à quelques jours de distance, sans
attirer l'attention de la justice et sans que le ministère public une
fois avisé exeri;At des poursuites '.
Nous ne saurions garantira tous ceux qui voudraient employer
ce moyen un égal succès, car il faut, en cela comme en toute chose,
e Wernert, Gaittte det Tribunaux,
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 353
compter avec certaiDs aléas qui déjouent les plus habiles calculs.
L'indiscrétion des témoins ou des personnes mêlées à l'affaire, la
curiosité de reporters toujours à l'affût des moindres nouyelles» et
cent autres causes suffisent pour produire ce résultats
Cependant nous le recommandons, car il joint à sa qualité de
préservatif celle de rentrer dans Tobseryation correcte des règles du
point d'honneur, qui interdisent d'immiscer le public à des querelles
en dehors de sa compétence indiscutable.
MOYENS LÉGAUX.
Il n'en existe qu'un : le duel à l'étranger.
Mais comme il produit des effets très différents, suivant que la
rencontre se termine par un fait de nature à être qualifié crime ou
par un fait de nature à être qualifié délit, nous allons étudier sépa-
rément chacune de ces hypothèses.
V cas. — Le combat se termine par un fait de nature
à être qualifié crime ^.
Les adversaires et les témoins qui veulent se prémunir contre
les poursuites du ministère public français, en prévision du cas où
le duel se terminerait par un fait de nature à être qualifié crime, la
mort de Tun deux, par exemple, doivent non seulement choisir un
territoire autre que le territoire français pour vider leur différend,
mais, dans le cas où l'hypothèse se réaliserait, ne plus y rentrer jus-
qu'à l'expiration des dix années exigées pour prescrire l'action pu-
blique ^
C'est seulement à la condition de demeurer à l'étranger pendant
ce laps de temps que le ministère public français resterait désarmé.
On a reproché au moyen que nous signalons de condamner
ceux qui en usent à un bannissement dont la rigueur n'est pas en
proportion avec le péril qu'ils courraient en se battant dans leur
patrie et en y restant; de constituer, par conséquent, un remède pire
que le mal.
Cette critique, vraie dans bien des cas, ne l'est cependant pas
toujours.
Que les duellistes et leurs mandataires aient raison décompter
i. Voyes affaire de Morès-Mayer, assises Seine. La Libre parole, n? da 20 août
1893. — Affaire T...-R..., août 1890. Appendice n» 108.
2. Voyei notre chapitre lxt.
3. Voyez notre chapitre Lix.
23
«^.mi; Kk.-^-:' *'
354 DEUXIEME PARTIE.
dans une ceruime mesure sur l'indulgence des jarés lorsque le duel
a été loyal, nous ne songeons pas à le nier ; Diais de là à croire que
celle indulgence leur est forcément acquise, il y a loin.
Noua pourrions citer plusieurs exemples à l'appui de cette asser-
tion, et notamment, parmi les atîaires les plus récentes, les affaires
Asselin-Sainl-Victor, Ghika-Soutzko, Betz-Pîcrotli, etc.
Ils ne doivent pas oublier que le jury se laisse aller d'ordinaire
aux impressions du moment, au courant de l'opinion, et qu'il est bien
plus disposé â prendre en considération la personnalité des indiri-
dus en cause que la logique pure et la justice absolue. Une légitime
sns|)icion peut donc les engager quelquefois à ne pas affronter son
verdict.
Du reste, la rigueur de cet exil sera singulièrement atténua,
pour bien des gens, par l'administration et la disposition de leurs
biens que conservent leseiîlés. En effet, le choix qu'ils font d'un ter-
ritoire élrangerpourse battre el lesoin qu'ils prennent d'y demeurer
empêchent qu'aucune procédure par contumace ne soit intentée
contre eux, et que te si'tjuesire ne soil mis sur leurs biens, comme
il le serait st, le duel ayant eu lieu en France, Us s'étaient ensuite
réfugiés à l'étranger.
Un inconvénient plus grave du moyen que nous signalons est
d'exposer ceux qui l'emploient à être arrêtés sur le territoire de
l'État où le duel a eu Heu, et à subir la sanction de lois, sinon plus
rigoureuses que les nâtres, du moins plus régulièrement appli-
quées.
Pour s'y soustraire, ils sont obligés de se réfugier, aussitôt après
le combat, dans un paytj qui n'extrade pas les individus réclaroAi
sous l'inculpation de meurtre, blessures, lésions corporelles, etc.,
commis en duel.
La Suisse nous parait devoir élre avantageusement choisie. En
effet, grSceà la variété des lois pénales qui régissent ses cantons très
rapprochés les uns dos autres, elle se prête mieux que n'importe
quelle contrée aux combinaisons qui peuvent être tentées dans le
but d'esquiïer l'action publique '.
On voit que les intéressés ne doivent jamais choisir le pays sur
le territoire duquel la rencontre aura lieu, et celui sur le territoire
duquel ils se réfugieront ensuite, sans avoir comparé préalablement
les diverses législations étrangères sur le duel et les divers traités
relatifs à l'extradition.
Si les circonstances leur permettent de passer, sans être arrêtés,
t «péciitlemeot l'aSaire LeouiDg, tribuDkl fédérât
RESPONSABILITÉ PÉNALE- 355
de Fan des territoires choisis à l'autre territoire, il est probable que
leur combinaison sera couronnée de succès et qu'ils échapperont à
toute sanction pénale. Cependant la certitude ne saurait être absolue,
car l'extradition est un acte de souveraineté de l'État requis. II peut
la consentir malgré le silence des traités.
Observons, pour clore ce trop long débat, que dans certains cas
l'honneur défend aux adversaires et aux témoins d'essayer le moyen
dont nous nous sommes entretenus précédemment; par exemple, si
un refus de comparaître devant la justice est de nature à jeter un
doute sur la loyauté de la rencontre.
2« cas. — Le combat se termine par un fait de nature
à être qualifié délits
Le choix d'un territoire étranger, dans le but d'éviter les consé-
quences pénales d'un duel terminé par un fait susceptible d'être qua-
lifié délit, terminé, par exemple, par une blessure entraînant incapa-
cité de travail pendant moins de vingt jours, offre des chances de
réussite bien plus grandes que si le choix avait eu lieu en prévision
du cas où le duel se terminerait par un fait susceptible d'être qua-
lifié crime.
Nous savons déjà en effet que, si le territoire désigné appartient
à un État dont la législation ne punit pas le duel, les adversaires et
les témoins peuvent rentrer en France après le combat, sans y être
atteints par aucune sanction pénale (art. 5, Gode instruction crimi.
nelle, S 2) ; ^^ V^^ ^î 1^ territoire appartient à un État dont la législa-
tion punit le duel, ils ne peuvent être poursuivis après leur retour
en France que si le blessé a porté plainte, ou si l'autorité étrangère
a dénoncé officiellement le fait à l'autorité française (art. 5 du Gode
d'instruction criminelle, § k).
Nous ne connaissons en Europe que trois pays rentrant dans
les conditions énumérées au paragraphe 2. Ce sont les cantons de
Genève, d'Appenzel et d'Uri.
Gomme leurs lois n'offrent aucune disposition spéciale et pré-
cise punissant le duel, aucune pratique judiciaire constante éten-
dant aux lésions corporelles faites en combat singulier les règles du
droit commun relatives aux coups et blessures, nous croyons qu'ils
constituent le seul port de salut susceptible de mettre duellistes
et témoins à l'abri de toute poursuite en France, pour les faits
dont nous nous occupons, lorsqu'ils sont de nature a être qualifiés
délits.
1. Voyez chapitre lxv. . .
356 DEL'XIÈME PARTIE.
Bien que cette opinion De soit élayée d'aucune di^cisîon suscep-
tible de former jurisprudence, nous hésitons d'autant naoios à la
soutenir, qu'une erreur de noire part n'aurait pas d'autre nfsnt
lai que de placer les intérossôs dans la position où ils se Iroure-
raienl si k- combat avait eu lieu sur le lerriloire il'un État où le dasi
est réprinii?.
Aucune poursuite ne pourrait, comme nous Tenons de le dire,
f^lre eserci^c contre eux, sans avoir été précédée de la plainte du
blessé, ou de la dénonciation oflicielle dontil est question au para-
graphe h de l'article 5.
Or, dans la plupart des cas, ces conditions ne seront pas
remplies, car le blessé se gardera bien de porter une plainte qui
rendrait au ministère public sa liberté d'action et lui permet-
trait de le poursuivre, lui blessé, en vertu de l'article 311 du Code ;
pénal '. Généralement aussi, ils auront su écbapper à la pofiM
iHrangére.
Mais s'il y a probabilité d'entraver les poursuites, il n'y a pas
certitude, quand bien môme les adversaires se seraient engagés d'a-
vance à ne pas porter plainte, ou quand bien même les précautions '■
les plus minutieuses auraient été prises afin d'éviter la dénoacia- i
lion ofllcielle. Eu effet, dans la première hypothèse, l'engagement
est illégal, el, dans la seconde, il faut compter avec un hasard mal-
heureux.
Les recommandations que nous avons faites à propos du secret,
qui constitue le seul moyen extra-légal d'éviter les poursuites, sont
encore plus vraies dans le cas présent.
l.es adversaires et les témoins doivent en effet se prémunir,
non seulement contre une arrestation flagrante deticto, ce à quoi ils
peuvent arriver en se battant à deux pas de la frontière qu'ils tra-
versent à la première alerte, mais encore contre les renseignements
que la police étrangère recueillera, et qui lui permettront de for-
muler la déooQciatian qui fournira au ministère public français la
possibilité de sortir de son inaction.
Qu'ils seméflentdes douaniers qui, pendant la yisite des bagages,
peuvent découvrir les armes, des cochers, hôteliers, reporters, etc.,
etc., en un mot de tous les gens qui les approchent et risquent de
donner l'éveil à la police.
Inoonvénlents do dnel à l'étraiigar.
Après avoir signalé les garanties d'impunité qu'offre le duel à
l'étranger, il nous reste à en montrer les inconvénients, de manière
I. Voyei notre chapitre uv.
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 357
à permettre aux duellistes de prendre une décision aTec connais-
sance de caase.
Pour peu qu'ils soient hommes politiques, ou simplement
hommes connus, pour peu que les préliminaires de la rencontre
aient été ébruités, ils ont chance d'être reçus à la descente du train
par les gendarmes étrangers, sans lesquels ils ne peuTent plus faire
un pas, jusqu'au moment où, à bout de patience, ils se décideront à
mettre un terme à cette situation ridicule et à rentrer en France
comme ils étaient Tenus K
S'ils sont assez habiles pour dépister leurs gardes du corps et
pour se battre quand même, ils courent risque d'être arrêtés et
exposés à une législation souTent plus rigoureuse que la nôtre, tou-
jours plus régulièrement appliquée*.
Nous ne citerons que pour mémoire, bien qu'ils aient leur
importance, les pertes de temps et les frais occasionnés par des
voyages qui ne sont ni à la portée de toutes les bourses ni à celles
de toutes les positions, et la difficulté, plus grande qu'on ne le croit
généralement, de rencontrer, même lorsqu'on n'est pas signalé à la
police, un lieu propre à la lutte.
Nous voulons parler d'un lieu joignant aux conditions énumé-
rées chapitres xxii, xxiv et xlvu celle de toucher à la frontière, tout
en étant assez rapproché d'une ville française pour que le blessé
puisse y être transporté facilement et y recevoir les soins nécessités
par son état, sans avoir à redouter, pour lui et les témoins restés à
ses côtés, la condamnation qui les frapperait s'ils demeuraient dans
le pays où le duel a eu lieu.
Nous avons entendu soutenir bien des fois que ces précautions,
admissibles à l'époque où le duel était sévèrement réprimé en
France, sont inutiles aujourd'hui que le vent souffle à l'indulgence,
et que le ministère public n'intervient guère que si le combat s'est
terminé par la mort d'un des champions ou s'il a été déloyal. Pour-
quoi faire tant de façons, nous disait-on, lorsque sénateurs et députés
se battent à qui mieux mieux, lorsqu'on a pu voir naguère un prési-
dent du Conseil croiser le fer sous l'égide du chef de la sûreté, venu
Coût exprès pour assurer le calme nécessaire, lorsqu'un substitut
près le tribunal de la Seine est replacé deux mois après avoir donné
sa démission, à la suite d'une rencontre où il a figuré comme acteur ^7
1. Voyez affaire Rochefort-Isaac, l* Intransigeant du 14 mai 1801. — Rochefort-
Thiébaut, la Presse du 8 septembre 1890. Appendice n« 109.
2. Voyez la désopilante affaire Marchis-Duchassin, Gazette des Tribunaux, n^
des 14, 17, 18 décembre 1876, et l*affaire Laguerre-Dérouléde, la Presse^ n** des 16,
17, 18 novembre 1890. Appendice n<" 110 et 111.
3. Voyez affaire Floquet-Boulanger. Appendice n^ 4. — Affaire T..,-R...,
août 1890. Appendice n<> 99.
r
DECXIÈME PARTIE.
I
Mieuï vanl s'escrimer ô sa porte et près de son médecin. C'est
plas économique, plus confortable et moins (iangereuz.
il y a du vrai dans ce raisonnement, mais il ne faut pas trop
généraliser. Ce serait folie de croire que toute rencontre terminée
par de simples blessures est eierapte de danger.
Un pareil optimisme eiposerait les advei'saircs et les témoiosi
uu réveil désagréable.
La neutralité actuelle de la justice n'implique pas son désar-
mement. Le ministère public peut très bien fermer les yeui
sur le cas de M. A.,., pemoua grata en haut lieu, et les onvrir sur
celui de M. B..., un gêneur, qu'on voudrait mettreà l'ombre quelque
temps.
M. B... aura beau faire ressortir l'impuaité du voisin et criera
l'injustice, il n'en sera pas moins, très légalement, sinon très jus-
tement, traduit devant les tribunaux et condamné.
Ne l'oublions pas : tant que la prescription ou l'amnistie n'ont
pas couvert l'acte délictueux, les (-ombatlanlaetles témoins auraient
tort de se croire indemnes parce qu'ils n'ont pas été poursuivis
aussitôt après la rencontre. Ils demeurent passibles d'articles qui ne
sont pas abrogés, et qui peuvent élre appliqués du jour au lende-
main, sur un ordre du ministère'.
De même que nous avons conseillé aux adversaires et aux
témoins qui voudraient vider leur querelle à l'étranger de choisir
pour cela les territoires de Genève, d'Appen/el et d'Un, de même
nous conseillerons de choisir le déparlemeot de la Seioe h ceux
qui préféreraient que la rencontre ait lieu en France.
En eCfet, c'est l'endroit où un événement de cette espèce pas-
sera le plus inaperçu, laissera le public plus froid, et De les expo-
sera guère ani poursuites que s'il y a un dénouement tragique.
En pareille occurrence, celte décision leur procurera, en outre,
l'avantage de comparaître devant des jurés plus indifféreDts que
partout ailleurs aux influences de clocher, moins ignorants que
les provinciaux des usages du point d'honneur, moins malléables,
par conséquent moins disposés à confondre un duel avec une rixe
ordinaire, et celui qui tue un homme dans une rencontre loyale
avec un vulgaire meurtrier.
Une question accessoire se grefTe sur la question des avantages
et des inconvénients que présente le duel ù l'étranger.
Elle a été soulevée à propos de l'afTaire Lavertujon-BaretaQd*.
On s'est demandé si la clause que le duel aurait lien à
RESPONSABILITÉ PÉNALE. 359
l'étranger pourrait être imposée comme condition sine qud non de
la rencontre.
A notre avis, il faut distinguer si la condition est posée par un
des adversaires, ou par un témoin.
Dans la première hypothèse, la réponse doit être négative,
parce que le désir d'esquiver la sanction pénale ne saurait, dans
bien des cas, entrer en ligne de compte avec d'autres intérêts plus
respectables, notamment lorsque la partie adverse est nécessi-
teuse ou dans l'impossibilité de voyager. La solution contraire lui
enlèverait, en effet, la faculté de demander ou de rendre raison
pour une offense donnée ou reçue, ce qui est contraire aux règles
fondamentales du point d'honneur.
Dans le second cas, la réponse doit être afûrmati?e.
En effet, les témoins, qui se chargent bénévolement d'un lourd
fardeau, et qui sont considérés par la loi pénale comme complices
des adversaires, demeurent exposés à toutes les conséquences de la
complicité. Il est donc bien juste qu'ils conservent la liberté de
prendre les précautions qu'ils regardent comme propres à en atté-
nuer le danger, et qu'ils soient maîtres de subordonner à cette con-
dition l'assistance dont on les prie.
TROISIÈME PARTIE
RESPONSABILITÉ CIVILE DES ADVERSAIRES
ET DES TÉMOINS.
CHAPITRE LXXV
Éléments de la responsabilité civile. — Conditions relatives
au dommage souffert. — Personnes auxquelles appartient
Faction en responsabilité civile. — Contre lesquelles elle
peut être dirigée. — En quoi consiste la réparation.
Le principe de la responsabilité civile est exprimé de la manière
la plus générale dans Tarticle 1382 du Gode civil, en vertu duquel
« tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage
oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Dans la matière qui nous occupe, il faut entendre par le mot
0 dommage » tout préjudice qui est la cause du duel et qui existe
à rinstant où l'action en responsabilité civile est intentée. En effet,
le dommage doit être prouvé au moment où la personne lésée porte
sa demande devant les tribunaux ; l'allégation d'un dommage éven-
tuel ne suffit pas.
Un dommage matériel, pécuniaire, n'est pas le seul qui donne
naissance à l'action en responsabilité civile. Dans certains cas, un
intérêt purement moral suffit. Ainsi des dommages et intérêts
peuvent être réclamés par un fils pour la mort de son père tué en
duel, par une femme pour la mort de son mari, etc., quand bien
même la victime aurait été à leur charge. Si les tribunaux font droit
à cette demande, ce sera en compensation de la solitude et de la
douleur où ils sont plongés, de l'appui qui leur fait défaut, etc., etc. ;
ils la lui accorderont pécuniaire, faute de pouvoir faire mieux.
Le droit de demander des dommages et intérêts appartient à
toutes les personnes qui ont souffert un préjudice par le fait du
duel *.
1. Articles i«' et 63 du Code d'instraction crimiDeUe.
361 TROISIÈME PARTIE,
On voit de suite quelle eiteosion peut être donnée à la respon-
sabilité (les duellistes, et combieu la liste des réclamatioas peut être
cbargéc. Nous n'entreprendrons pas de la dresser : nous nous con-
lenterons de donner quelques exemptes, qui suffiront pour montrer
la fécondité du principe formulé en (été du Code d'instruction
criminelle.
Ainsi l'homme qui, dans un duel, aura fait des blessures à sod
adrersaire, pourra être condamné à des réparations envers lui, bien
que tout se soit passé loyalement '.
Celui qui aura donné la mon à son adversaire pourra être
condamné à une indemnité au profit de ta famille du défunt.
Nous trouvons de nomlireux arrêts accordant des dommages
et intérêts, notamment :
Aux enfanta. — Affaire Bctz-Pierotti, assises des Bouches-dn-
RhOue, 11 décembre 1880. Dailoz. Jurisprudence, V Duel, supplé-
ment, n" ItS.
A la leure. — Cassation, 29 juin 1827. — Cour d'assises des
Basses- Pjrénées, 15 août 1837. Voyez Dailoz, Jurisprudence. V° Duel,
n" 105.
A la mère. — Bordeaux, 15 avril 1835. — Cassation, 30 juin
1836, ibidem. — Cour d'assises de Seine-et-Oise, 25 norembre 1862,
et Cassation, 20 février 1863. Dailoz, année ISC^, première partie,
page 'J9.
Aux frères et sœurs. — Même arrêt.
Etc., etc.
Nous arrêtons là nos citations, malgré l'intérêt que pourraient
offrir d'autres exemples.
Nous ne parlerons notamment du droit des héritiers et des
créanciers que pour indiquer les sources auxquelles le lecteur
pourra puiser, s'il veut étudier ces intéressantes questions et appro-
fondir les controverses qu'elles ont soulevées. Cet examen dépasse-
rait les limites de notre travail >.
1. Voyei Soardai, Traité de la rtsportsabiliti, (orne V, n* lOS bù. — DemoloinlM,
Contratt, tome Vlll, u" S12. — Laroinbière, wmo V, page 710, — Aubr; et Riu,
tome IV, page 743. — Rauter, Législation criminelle, fome II, n» i44.
2. Voyez, sur le droit des hériliers, Sourdat, Aeipontubilit^, tome I, n* 54. —
Labbé, Observationa eur un jugemem du iribunal correctiODoel de Besançon on dais
du !•' décembre 1880, Sirey, année 1881, 2= partio, p»ge ÏO, — Sur le droit des
créanders, yoyei Sourdat, tomo I, n" 73. — Dalloi, Juriiprvdtna, V* Obligaliont,
paragraphe 502, n°* 16 et 1 7. — Dcmolombe, Conirati, tome II, n° 80. — Larombidre,
tome I<', sur l'article 1160.— Labbé, Ob8cr\alions sur un Jugement du tribunal delà
Soins du 9 Janvier 1879, Sirey, année ISSI, 2' partie, page 28.
RESPONSABILITÉ CIVILE. 363
Uaction publique, pour l'application de la peine, ne peut être
dirigée que contre le prévenu. Elle s'éteint à la mort.
L'action en responsabilité civile peut être dirigée contre l'auteur
du fait dommageable et contre ses représentants ^
En conséquence, elle peut êti*e dirigée contre la personne civi-
lement responsable, par exemple contre le père d'un mineur qui
aurait tué un homme en duel, et contre les héritiers, car les biens
du défunt ne leur ont été transmis que grevés de cette obliga-
tion, etc.
L'action en dommages et intérêts peut être également intentée
contre les témoins, en vertu des articles 1382 et 1383 du Gode civil;
mais la seule qualité de témoins ne suffit pas pour entraîner néces-
sairement leur responsabilité civile.
On ne saurait admettre, par exemple, que les parents d'un
individu tué en duel puissent raisonnablement, et par le seul
motif que les mandataires de la partie adverse ont assisté au com-
bat, leur réclamer des dommages et intérêts, alors qu'ils se
sont acquittés de leur charge avec tout le soin et la conscience
désirables, et qu'ils ont dirigé l'affaire avec la plus entière correc-
tion.
Il faudrait que de leur part il se fût produit une faute, pour
l'appréciation de laquelle les juges ont un pouvoir discrétionnaire.
Dans ce cas, ils pourraient demander des dommages et intérêts
même aux témoins de leur parent.
Un arrêt de la Cour de cassation belge, en date du 17 décembre
1888, nous offre un exemple frappant à l'appui de cette assertion.
Dans l'espèce, il s'agissait d'un témoin qui, sortant de son rôle
modérateur, avait envenimé l'affaire, et avait contribué personnelle-
ment à la rencontre '.
Nous croyons que des dommages et intérêts pourraient être
également demandés à l'individu non témoin qui, par ses sar-
casmes ou les écarts méchants de sa langue, aurait provoqué la
rencontre.
Les tribunaux ont, pour la fixation des dommages et intérêts,
un pouvoir discrétionnaire, mais ils devront tenir compte de la
gravité du préjudice, de la situation sociale et pécuniaire où se
trouvaient les adversaires, et des circonstances qui ont préparé ou
accompagné la rencontre. Us doivent se préoccuper, en particulier,
de la faute imputable à l'auteur du préjudice. Il n'est pas douteux,
en effet, qu'à égalité de dommage matériel, ils n'accordent une
1. Article 2 du Gode d'instruction criminelle.
2. Voyex Dalloz, Jurisprudence, supplément, V» Duelf n^ 75.
su TROISIÈME PARTIE.
iDdemoilé plus considérable à celui qai aara été obligé de se lultre,
poar aiasi dire malgré lui. qu'à l'agresseor.
>~ooblioDS pas qu'eu matière de dutJ, c'est l'auleiir de l'offense
et non celai qui a cnTojé le cartel qui est coasidà^ comme proTo-
caleor*.
Les dommages et intérêts se traduisent toajonrs par le payement
d'une somme d'argent. Ils peurent consister, par exemple, soit eu
une somme fiie. payable d'un seul coop on â terme, soit dan^ une
reste reyeraible on non rereistble, etc. >.
CHAPITRE LTÏVl
Mode d'obligatiOD des personnes responsables. — Solidarité.
— Exécution des coodaumations sur les biens et la
En Tertu de l'article 55 du Code péaal, ions lesiadiridus con-
damnés poar an même crime on pour an même délit sont tenns
sdidairemeDl des amendes, des restitotions. des dommages et iiit«-
rêls et des fr;iis.
Arant de faire l'applicfllion des rllsposilicns contenues dans cet
article au sujel qui ntiui û -c:^^c, li^iiLiiii^ji-i I2 i-^LiL^i'ilt.
L'obligation est solidaire entre débiteurs, lorsque chacoo d'eu
est A considérer, dans ses rapports avec le créancier, comme débi-
teur de l'intégralité de la dette ; en d'autres termes, lorsine chaqae
débiteur se trouve obligé, au (oui et pour le tout, comme s'il ^it
seul débiteur.
De ce principe général, on peul, relatiTement aax suites péca-
niaires d'un duel, tirer les conséquences soivaDles :
Tous les indiîidus, combaltanis et témoins, condamnés derant
la Cour d'assises ou les tribunaux correctionnels, soit comme aateors
de rbomicide ou de la blessure, soit comme complices, sool respon-
sables les uns des autres, en ce qui concerne le pavement des
sommes dues à l'État, c'est-à-dire en ce qui concerne les amendes
encourues et les frais occasionnés par le procès, et en ce qui con-
cerne le payement des dommages et intérêts alloués k la personne
lésée. Dans ce cas, la solidarité a lieu de plein droit et bien que les
I. yojaJMloi.JariMprvUaagtMir*!», V*D»«(, d* ISi.M wi|>pl«m«st, ««ïî.
i. ><TefCunlMB,a0féTTierll63. Dklloi. 1861, 1" putie, p«ge 99.
RESPONSABILITÉ CIVILE. 365
peines prononcées contre eux soient différentes et que le montant
des condamnations ne soit pas le même.
Ainsi deux adversaires sont poursuivis avec leurs quatre
témoins. Chacun d'eux est condamné à 500 francs d'amende, trois
témoins sont condamnés à 100 francs chacun, le quatrième, Pierre,
à 25 francs ; les frais du procès sont de 1,000 francs, ce qui fait un
total de 2,325 francs.
Supposons que Pierre soit seul solvable. C'est lui qui, bien que
le plus légèrement condamné, payera la totalité des 2,325 francs.
Lorsqu'il s'agit de dommages et intérêts et de témoins, il faut
supposer, bien entendu, que les derniers ont été mis en cause
à raison d'une faute personnelle, et ont été condamnés à cette répa-
ration en même temps que l'auteur de l'homicide ou de la blessure.
Lorsque l'action en dommages et intérêts est portée directement
devant les tribunaux civils, les juges peuvent prononcer la solida-
rité ; mais ils n'y sont pas obligés comme lorsque la réparation est
poursuivie devant les tribunaux de répression en même temps que
l'action publique*.
On comprend toute l'importance que peut avoir, pour les per-
sonnes mêlées à un duel d'une manière quelconque, et en particu-
lier pour les témoins, la question de solidarité, surtout en ce qui
concerne les amendes et les frais.
Elle est intéressante également au point de vue de la contrainte
par corps. Chaque condamné peut, en effet, dans certaines condi-
tions, être tenu personnellement de la totalité de la somme par ce
moyen de recours.
Après avoir vu quelle était la nature de l'action en réparation
civile, celle de la réparation elle-même et la manière plus ou moins
rigoureuse dont le débiteur doit être tenu, nous allons indiquer
sommairement comment s'exécutera la condamnation.
Uexécution peut porter sur tous les biens du condamné que la
loi ne déclare pas insaisissables et, dans certains cas, sur sa per-
sonne, par voie de la contrainte par corps.
La détention est une compensation du défaut absolu d'exécu-
tion provenant de la mauvaise foi ou de l'insolvabilité du condamné.
Les jugements de condamnation prononcés parla Cour d'as-
sises et les tribunaux correctionnels entraînent de plein droit la
contrainte par corps pour le payement des amendes, frais et dom-
mages et intérêts au profit de l'État et pour celui des dommages et
intérêts dus à la partie lésée '.
1. Voyez Soardat, tome !•', n*« 162et8uiT.
2. Articles \, 2, 3, 4^ delà loi du 22 Juillet 1867 et loi du 19 décembre 1871,
^ 3M
TROISIÈME PARTIE.
Lorsque la rëparalion est poursuivie deTant les tribanans
civils, il faut disllnguer :
Si l'action de ta partie lésée est fondée sur un crime ou un
délit préalablement reconnu par les tiibunaui de répression, la
contrainte doit s'exercer. Dana le cas contraire, lorsque l'action revél
un caractère purement civil, elle ne peut pas être prononcée '.
CIIAPITRK LXXVII
Compétence. — Action civile portée devant les tribunaux de
répression. — Devant les tribunaux civils, — Preuve.
La partie lésée par l'effet d'uu duel, par exemple par la mort
ou la blessure d'un des adversaires, peut porter l'action eu répara-
tion civile, soit devant les tribunaux de répression, soit devant les
tribunaux civils.
Nous allons étudier chacune de ces hypothèses.
De l'action civile portée devant la Cour d'assises.
Ln partie K^séc peut toujours se porter partie civile dcraot la
Cour d'assises, à raison d'un Tait qui lui est déféré par le mlDis-
tère public '.
En effet, la Cour d'assises est compétente pour connaître de
l'action civile contre l'accusé condamné ou même acquitté.
N'oublions pas que la mission du jury est absolument diffé-
rente de celle de la cour. Le jury a pour principal devoir de sauve-
garder l'intérêt de la société. Lorsque, dans l'acte qui lui est déféré,
il ne voit aucune cause de lésion pour l'intérêt social, il prononce
un acquittement. La cour, au contraire, doit non seulement sauve-
garder l'inlérét social, mais encore protéger l'intérêt du particulier
lorsqu'il réclame sa sauvegarde.
Elle peut prononcer des dommages et intérêts, même en cas
d'acquittement par le jury, lorsqu'elle reconnaît dans l'acte qui lui
est déféré une cause de dommage pour la partie civile.
Dès lors, il ne faut pas s'étonner qu'une affaire soumise à l'un
RESPONSABILITÉ CIVILE. 367
et à Tautre reçoive en même temps une solution diamétralement
opposée *.
Le duc de Grammont-Gaderousse, qui avait tué en duel son
adversaire, fut renvoyé indemne par le jury et condamné par la
cour à des dommages et intérêts considérables envers la mère, les
frères et les sœurs de la victime.
Les arrêts de la Gour d'assises, alors même qu'ils statuent sur
une demande en dommages et intérêt^, ne sont pas susceptibles
d'appel. La voie de la cassation est seule ouverte contre eux.
De Taction civile portée devant le tribunal correctionnel.
Ge tribunal ne peut prononcer de dommages et intérêts qu'ac-
cessoirement à un délit par lui reconnu. Il ne peut, par conséquent,
acquitter le prévenu et accorder des dommages et intérêts à la
partie civile *.
Mais le tribunal correctionnel est libre de rejeter la demande
de la partie civile, après avoir condamné le prévenu, sMl reconnaît,
par exemple, que le dommage n'existe pas.
Les jugements rendus en matière correctionnelle peuvent tou-
jours être attaqués par la voie de Tappel.
De l'action portée devant les tribunaux civils.
La partie lésée peut toujours porter directement sa demande
devant les tribunaux civils, lorsqu'elle ne veut pas exercer son
action devant les tribunaux de répression concurremment avec
l'action publique.
Elle ne peut faire autrement que d'agir devant les tribunaux
civils toutes les fois que l'action publique est paralysée par un obs-
tacle légal.
Tel est le cas où le combat a eu lieu à l'étranger, dans un pays
qui ne punit pas le duel, et s'est terminé par une blessure de na-
ture à être qualifiée délit. Aux termes de l'article 5, paragraphe 2,
du Gode d'instruction criminelle, aucune poursuite ne peut être
exercée en France contre Tauteur de la blessure.
Force est donc au blessé ou à toute autre personne lésée de
s'adresser à la juridiction civile pour obtenir des dommages et
intérêts.
1. Voyez notamment Taffaire Dillon-de Grammont-Caderoasse, assises de àeine-
et-Oise, 25 novembre 1862. Dalioz, année 1864, l**" partie, page 99.
2. Voyez, sur les personnes civilement responsables, Sourdat, tome II, n» 779.
368 TROISIEME PAKTIE.
Il en est de môme si l'action publique est éteinte, soit par la
prescriptiou, soit par le dt^cès de l'inculpé.
De même si l'auleur du fait dommageable est couverl par l'im-
munité parlementaire.
C'est aussi devant les tribunaux civils que l'actioa en dom-
mages el intûrôls doit être portée, en cas de duel entre justiciables
des Iribunaui militaires, car les tribunaux militaires ne statuent
que sur l'action publique '.
Lorsque l'action en dommages et intérêts est Intentée si'paré-
ment de l'action publique, elle reste suspendue tant qu'il n'a pas
été prononcé sur l'action publique intentée avant ou pendant la
poursuite de l'action civile, en vertu du vieux principe que le cri-
minel lient le civil en état '.
Une question controversée est celle de savoir si la partie lésée
peut cbanger de juridiction, passer du civil au criminel, c'est-à-
dire porter sa demande devant le tribunal de répression après
l'avoir portée devant la juridiction civile, ou i-ice versa passer du
criminel au civil.
Supposons, par exemple, qu'un duel ait eu lieu à l'étranger et
se soit terminé par une blessure de naturel être qualifiée délit, el
dont la poursuite ne peut être exercée en France sans une platale
ou une dénonciation offlcielle.
Le blessé, qui a peur d'être poursuivi en vertu de l'article 311
du Code pi'nal, si par une plainte il rend su liberté d'action au mi-
nistère public, et qui cependant veut obtenir des dommages et
intérêts, porte sa demande devant le tribunal civil. Entre temps,
une dénonciation offlcielle se produit. Le ministère public pour-
suit.
Pour avoir une solution plus rapide, le blessé Toudrail aban-
donner l'action directe qu'il avait portée, et se joindre à l'actioa
publique comme partie civile. Cette faculté lui sera-t-elle accor-
dée ? Voyez, dans Sourdat, Responsabilité, tome P', n-" 232 et sui-
vants, l'exposition et la discussion des trois systèmes rivaux.
La partie qui réclame réparation pour le dommage causé par
l'clfel d'un duel doit établir l'existence de ce dommage et la faute
qui lui a donné naissance.
Elle peut justifier sa demande par tous les moyens de preave
reconnus par la loi,
1. Articles S3 el St, code de justice militaire. — Arlictea 74 et 75, code nuri-
8. Article 3 du Code d'instructioD crîmiDelle.
RESPONSABILITÉ CIVILE. 369
CHAPITRE LXXVIII
Extinction de l'action civile. — Renonciation. — Transaction.
Désistement. — Prescription.
Les faits, autres qu'une décision judiciaire, qui peuvent éteindre
Taction en dommages et intérêts résultant de l'homicide ou de la
blessure commis en duel, sont : la renonciation, la transaction, le
désistement et la prescription.
Disons quelques mots sur chacun de ces moyens d'extinction.
Renonciation.
La partie à qui appartient l'action civile en réparation du pré-
judice causé peut, à condition d'être capable, en disposer libre-
ment, et, par conséquent, y renoncer purement et simplement. Nul
n'est, en effet, contraint de poursuivre en justice l'auteur d'un dom-
mage dont il a souffert ; c'est un acte qui dépend uniquement de
sa volonté.
Transaction.
*
Le droit de renoncer entraîne celui de transiger.
La personne capable pour renoncer à l'action est capable pour
attacher à cette renonciation les conditions qui lui conviennent,
pourvu que ces conditions soient licites ^
Cependant, un arrêt de la Cour de cassation en date du 7 no-
vembre 1865, rapporté par Dalloz, année 1866, première partie,
page 204, semblerait indiquer qu'il doit en être différemment
lorsque l'obligation est née entre coauteurs d'un acte délictueux ;
dans notre espèce, entre l'auteur de la blessure et le blessé.
Telle n'est pas notre opinion. Nous croyons que l'arrêt est spé-
cial aux dettes de jeu, et que l'analogie entre les deux cas n'est pas
suffisante pour motiver la prohibition.
Ici peut se placer une question importante, car sa solution
affirmative pourrait diminuer considérablement, dans certains cas,
1. Articles 2045 et 2046 du Code civil.
24
it .
310 TROISIÈME PARTIE.
la responsabilité de l'auteur de l'hooiicide ou de la blessure commu
en duel.
On s'est demandé quelle sérail la râleur légale d'une conven-
tion au moyen de laquelle les deux adversaires s'aSTranc^iiraieDl
par avance de toute responsabilité civile, à raison de l'homicide
qu'ils pourront commettre, ou de la blessure qu'ils pourront faire
dans la rencontre qui doit avoir lieu, soit en renonçant puremeat
et simplement à tous droits à des dommages et intérêts, soil en
attachant à cette renonciation certaines coodilions.
Elle est nulle comme n'ayant pas de cause née, et, en admet-
tant que la cause fût née, comme reposant sur une cause illicite'.
H en serait de mCme relativement à la convention par laquelle
les adversaires s'engageraient, avant le duel, à constituer un ou
plusieurs arbitres chargés de juger les difficultés qui pourraient
surgir à la suite et â cause de la rencontre.
Désistement. ^^^|
De même qu'une personne lijjre de l'esercice de ses droits
peut transiger, de même elle peut se désister.
Il y a deus manières de se désister, soit à. la suite d'une trans-
action, soit en abandonnant purement et simplement sa demande
formée devant les tribunaux.
Eolro ces deux modes de désistement, il existe une diUérence
importante. Si le désislemcnt a lieu à la suite d'une transaction, il
est lié a l'existence même de cette transaction. Il ne peut exister
que si elle est valable et ne peut tomber qu'avec elle.
S'il a lieu sans transaction, il n'a d'effet que relativemeot à la
procédure commencée.
Le fond du droit existe toujours, et la partie qui s'était désis-
tée peut reprendre son action tant qu'elle n'est pas prescrite *.
En matière de renonciation, de transaction et de désistement,
nous ne saurions recommander une trop grande clarté dans U
rédaction de l'acte qui les constate.
L'ambiguïté pourrait être préjudiciable pour les deux parties,
et en particulier pour l'auteur de l'homicide ou de la blessure.
11 a été jugé en effet : que celui qui transige sur les dommages
et intérêts résultant d'une blessure ne transige pas sur les dom-
1. Article 1131 du Code civil. Voyei Troploog, Trantaetion, articles 2015, 3016,
RESPONSABILITÉ CIVILE. 371
mages et intérêts résultant de sa mort, si cette mort a été le résul-
tat du même accident^; que la transaction par laquelle la victime
d'un accident renonce à poursuivre la personne responsable de cet
accident ne met pas obstacle à la réclamation ultérieure d'un sup-
plément d'indemnité motivé par une aggravation de maladie sur-
venue depuis la transaction ; et, spécialement, qu'une personne qui
avait obtenu une rente viagère à raison de la perte d'un œil était
fondée à réclamer un supplément lorsque la même blessure avait
eu pour conséquence ultérieure la perte de l'autre ^
En cas de difficultés sur la transaction, les tribunaux ont un
pouvoir discrétionnaire pour apprécier la valeur et la portée de la
rédaction.
Prescription.
Lorsque l'action civile en réparation du dommage causé par la
mort ou la blessure d'un des combattants est exercée concurrem-
ment avec l'action publique, elle se prescrit par dix ans si le fait
est qualifié crime, et par trois ans s'il est qualifié délit ^
A-t-on voulu étendre le même mode de prescription au cas où
l'action résultant du crime ou du délit qualifié serait portée de piano
devant les tribunaux civils et où la réparation du dommage serait
poursuivie séparément de l'action publique? Faut-il appliquer, au
contraire, la prescription trentenaire?
On admet généralement que la prescription de l'action pu-
blique éteint en même temps l'action civile ^.
11 en est de même si la partie lésée, au lieu de baser sa
demande sur le crime ou le délit qualifié, n'invoque que le fait
dommageable en lui-même, en le considérant comme une faute
ordinaire donnant droit à des réparations civiles en vertu de Tar-
licle 1382 du Code civil ^
La prescription de l'action civile court du jour où le fait qui
motive cette action s'est produit (Fhomicide ou la blessure dans
notre espèce), si dans le délai fixé pour la prescription il n'a été
fait aucun acte d'instruction ou de poursuite.
1. Paris, 11 août 1868. Dalloz, année 1868, 2» partie, page 186.
2. Aix, 2 avril 1870. Dalloz, 1871, 2« partie, page 241.
3. Articles 637, 638 du Code d'instruction criminelle.
4. Voyez Sourdat, Responsabilité, tome 1", n» 378. — Larombière, Obligations,
tome V, page 727. — Curasson, Compétence des juges de paix, tome 1", n® 159. —
Contra, tribunal de Gien, 2janvier 1838. — Cassation, 17 décembre 1839. Dalloz,
année 1840, V partie, page 68 ; et Bourguignon, article 637, Code d'instruction cri-
minelle.
5. Conformément, voyez Sourdat, Responsabilité, n® 379, et nombreux arrêts.
371 TROISIÈME PARTIE.
S'il a été fait des actes d'instnictio d ou de poursuite non sui-
vis de jugement, le délai pour la prescription des deux actions ne
recommence à courir qu'à compter du dernier acte, à l'égard
même des personnes qui ne seraient pas impliquées daus cetle
instruction ou celle poursuite'.
Le jugement rendu, une nou Telle cause d'obligation, résultant
de la condamnation, se substitue à l'ancienne, c'est-à-dire à celle
qui avait sa base dans le crime ou dans le délit déféré à la juridic-
tion répressive. L'action civile qui naît pour en assurer l'eiécution
dérive alors du jugement lui-même et ne peut plus être prescrite
que par le délai ordinaire de la prescription, c'est-à-dire par trente
ans, conformément aui dispositions combinées de l'article 642 du
Code d'instruction criminelle et de l'article 2262 du Code civil-
Mais il faut remarquer qu'il n'en est ainsi qu'à l'égard des
individus qui ont été poursuivis personnellement. Vis-à-vis de ceux
qui n'ont pas été impliqués dans la poursuilo, le jugement ne con-
stitue, au point de vue de l'interruption, que le dernier acte d'io-
struction et devient lui-même le point de départ de la prescription'.
CHAPITRE LX'XIX
Moyens dont les adversaires et les témoins peuvent user
pour échapper à l'action en responsabilité civile.
Les adversaires qui engagent une affaire d'honneur et les té-
moins qui les assistent ne songent guère d'habitude aux consé-
quences pécuniaires que leur entreprise peut entraîner.
En cela ils ont tort, car, dans l'addition de la carte & payer, la
responsabilité civile forme souvent la colonne la mieux remplie.
Qui peut, en effet, mesurer d'avance le dommage causé par un
coup d'épée ou une balle de pistolet?
Ëu cas dejnort, le défunt peut laisser des enfants, une veuve,
un associé et d'autres encore, ruinés par sa Un prématurée, ou. qui
souffrent de sa perte.
Lorsqu'en 1862, le duc de Grammont-Caderousse tua le jour-
naliste Dillon, il passa aux assises et fut acquitté, mais condamné
RESPONSABILITÉ CIVILE. 373
à des dommages et intérêts envers la mère et les frères de la yic-
time, sous forme d'une somme de 100,000 francs et d'une pension
alimentaire encore aujourd'hui payée.
Ce serait bien autre chose maintenant.
11 est vrai que tout le monde n'étant pas duc et millionnaire,
l'indemnité ne monte généralement pas aussi haut.
Dans l'affaire Betz-Pierotti, qui fut jugée devant la Cour d'as-
sises des Bouches-du-Rhône, le 11 décembre 1889, les dommages
et intérêts alloués à la veuve et aux enfants du défunt n'excédèrent
point 10,000 francs, auxquels il convient d'ajouter les frais qui
enflent toujours singulièrement la note.
Si le duel se termine par une blessure, le champ des hypo-
thèses reste encore grand ouvert, car cette blessure peut être égale-
ment une cause de dommage plus ou moins grand.
On voit que dans la somme des prévisions désagréables» sus-
ceptibles d'inspirer de salutaires réflexions aux indi?idus sur le
point d'engager une afiaire d'honneur, la question pécuniaire ne
doit pas être négligée. Il existe, en effet, des gens qui, par leur carac-
tère, leur situation, leur entourage et cent autres causes, doivent
être considérés a priori comme dispendieux, et qu'on ne doit en-
dommager qu'avec circonspection.
Elle intéresse particulièrement les témoins qui, en leur qua-
lité de complices, risquent d'être tenus solidairement avec l'au-
teur principal pour les amendes et les frais, et qui peuvent être
actionnés en dommages et intérêts, si dans Taccomplissement de
leur rôle ils ont commis une faute qui a porté dommages
Il est donc naturel que combattants et témoins s'efforcent d'es-
quiver le danger commun.
La difficulté de l'entreprise est plus considérable que lorsqu'il
s'agit d'éviter l'action publique. Ce n'est plus, en effet, un seul ad-
versaire (le ministère public), qu'ils ont à combattre, mais, toute la
série des individus lésés, qui agissent en leur nom personnel, en
vertu d'un droit qui leur est propre, et à l'égard desquels une con-
vention à laquelle ils n'auraient pas [donné leur adhésion serait
sans effet.
Ainsi la transaction, bien que très valable lorsqu'elle a lieu
entre l'auteur de la blessure et le blessé, n'empêcherait point, par
exemple, un père à la charge duquel son flls serait tombé, de ré-
clamer au premier des dommages et intérêts pour les dépenses excep-
tionnelles que lui aurait occasionnées la blessure, et ainsi de suite
jusqu'à réparation complète des lésions.
1. Voyez cassation belge, 17 décembre 1888. — Dalloz, Jurisprudence, supplé-
ment, V® Duel, n. 75.
374 TROISIEME PARTIE.
Celle extension de la responsabilité ne pcarail être oubliée,
car elle domine toute la malière.
Supposons mainlenaut que la difficulté dont nous venons d'eo-
irelenir le lecteur soit aplanie; supposons, par exemple, qne l'au-
teur de la blessure ou de rhoraicide n'ait en face de lui qu'une seule
personne susceptible de lui intenter une action en dommages et
intérêts, un fils, par exemple. Aura-t-il à sa disposition un moyen
de l'esquiver li^galcment?
Nous n'en connaissons aucun.
Pour qu'il en fût autrement, il aurait fallu qu'avant le combat
le fils eût pris l'engagement d'affranchir de toute responsabilité
civile l'adversaire de son père, en cas où il le tuerait ou blesserait
dans la rencontre subséquente. Or toutes les conventions de ce genre
sont nulles.
Nous allons voir qu'on ne peut pas y arriver non plus arec
certitude par des moyens détournés.
Pour qu'il en fût autrement, on devrait supposer qu'en sous-
crivant cette décharge, les personnes susceptibles d'être lésées lais-
seraient en blanc la date et autres indications nécessaires, de ma-
nière à les ajouter après le duel et à donner à l'acte l'apparence
d'une convention libératrice intervenue postérieurement au fait géné-
rateur de la lésion, c'est-à-dire après le combat.
Mais ceprocédé.qui pourrait peut-iître avoir une certaine valeur
devant les tribunaux qu'il induirait en erreur, ne saurait être em-
ployé dans notre espèce, parla raison qu'en matiùre de point d'hon-
neur iQule supercherie est interdite, sous peine d'être eu contra-
diction avec nue législation qui repose avant tout sur la bonne foi
et la probité.
En effet, si la partie qui s'est engagée veut revenir sur sa pa-
role, elle peut toujours établir qu'il y a eu simulation dans le but de
frauder la loi ^
Elle peut, notamment, déférer le serment au défendeur, qui se
trouve placé dans Talternative de commettre un parjure ou de re-
connaître la nullité delà convention.
De ce que les renonciations antérieures au duel n'ont aucune
valeur légale, il ne faut pas en conclure qu'elles soient absolument
dépourvues d'efficacité, et qu'on doive y renoncer absolument; il
peut arriver que l'engagement soit de nature à lier d'une manière
si étroite l'honneur des contractants, qu'ils reculent au dernier
moment devant la tare qui les disqualifiera s'ils ne font pas hon-
neur à leur signature.
1. Vojei fionnier, TraiU da preuv*i, tome I, page 169.
RESPONSABILITÉ CIVILE.
376
Bien que personne ne puisse engager autrui sans son consen-
tement, ne peut-il arriver, en outre, que la solidarité qui unit les
membres d'une même famille, amène certains parents à endosser
une promesse qui n'est pas la leur ?
Tout ceci est possible, mais nous devons avouer en toute sin-
cérité qu'une victoire aussi éclatante du point d'honneur sur l'in-
târét pécuniaire est chose trop problématique pour qu'on puisse
raisonnablement fonder de sérieuses espérances sur un pareil
moyen.
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QUATRIÈME PARTIE
RESPONSABILITÉ RELIGIEUSE DES ADVERSAIRES
ET DES TÉMOINS.
CHAPITRE LXXX
Égalise catholique.
Le duet engagé oa simplemeat accepté est réproaré par l'Église
catholique.
Elle n'admet aucune raison qui puisse le légitimer. En rain se
rejette-t-on sur la réputation de lâcheté que procure un refus, sur
la perte de sa dignité et de sa situation, sur la ruine de ses espé-
rances, sur l'impossibilité d'obtenir justice autrement; en vain
^ense-t-on s'excuser sur ce que le duel accepté n'aura certainement
' 9 lieu, que tout est simulé, ou qu'on s'arrêtera au premier sang.
^B,ns ces inotifj ont été rejetés par les Sourerains Pontifes, et spé-
^K'enient par Benoît XIV [Detestabilem, année 1752.)
^P L'Église soutient la doctrine morale de toutes les forces de son
jfl»vVoir coercitif. Les peines qu'elle édicté sont l'excommunication
£u a privation de sépulture ecclésiastique.
*tt. Ezoommunioation.
^ Celle censure, portée par le Concile de Trente (Sess. 25, Cap. 19,
Mefor.y, confirmée par Grégoire XIII {ad toUendam...); Glé-
IVllI [llliiis vices; Benoit XIV {Detestabilem...) se trouve bien
I dans ce qu'on peut appeler le code pénal de l'Église,
Blitution de Pie IX, Àpostoliae sedis.
|le est de celles dont le Souverain Pontife s'est réservé l'abso-
ISn simplicirer, et soumise, par conséquent, à la jurisprudence de
^cette calt'gorie de peines. La voici dans sa traduction textuelle :
« Sont soumis k l'excommunication réservée au Souverain
Pontife « simpliciter a ; ceux qui se battent en duel ; ceux qui pro-
voquent en duel ou acceptent la provocation; tout complice et
376 nUATRlÈHE PARTIE.
toute personne qui y coopère ou le favorise ; cens qui y assistent à
dessein ; ceui qui le permettent ou ne l'empêchent pas de tout leur
pouvoir, de quelque dignité qu'ils soient, celte dignité serait-elle la
royauté ou l'empire, a
Cette censure atteint donc quatre sortes de personnes :
Les duellistes; et cela en toute circonstance, quelles que soient
les conililions du duel, dès l'instant où il y a danger de blessure.
La simple provocation, faite avec intention de combattre, même en
dehors de l'acceptation, et l'acceptation non suiïie d'effet, tombent
sous le coap de la censure ;
tes complices et coopéraleurs; sous ce nom viennent ceux qui
favorisent le duel, comme les témoins et les conseillers; ceux qui
dictent, écrivent ou portent les lettres de provocation, excitent au
combat par leurs railleries; enfin tout autre coopérateur, comme
serait un médecin ou un confesseur, qui, par l'effet d'une entente
préalable, se tiendrait prôt â porter secours aux blessés (S. Off.,
31 mai 188fi);
Ceux qui, à dessein, assistent au duel. On ne comprend pas dans
cette catégorie les passants qui par hasard, de loin et sans Otre vus,
regarderaient.
Il faut en excepter également le spectateur venu avec rinlenlion
d'empêcher le duel ;
Enfin les autorités, qui permettent le duel, ou ne l'empêcheot
pas quiind elles pourraient et devraient l'empêcher; par exemple
les chefs d'armées, les propriétaires de terrains, etc.
Privation d« sépnltor» «oolésiastiqu«.
Cette peine atteint le duelliste dans toute sa sévérité. Benoit XIV
déclare qu'elle sera encourue, avant même une sentence judiciaire,
par les combattants morts sur le terrain, ou décédés ailleurs à la
suite de blessures reçues en duel, quand même, avant leur mort, ils
auraient donné des signes certains de repentir, et reçu l'absolution
de la censure et de leurs péchés {Detestabileui , 20 novembre 1752).
Ou peut consulter également la lettre du pape Léon \III,
adressée, le 11 septembre 1801, aux évéques de l'Allemagne et de
l'Autriche qui l'avaient interrogé sur » ta mauvaise habitude des
duels H, et en particulier le paragraphe où il est question des duels
militaires.
RESPONSABILITÉ RELIGIEUSE. 379
Église réformée.
La responsabilité religieuse des duellistes et des témoins appar-
tenant à la religion réformée est déterminée par Tarticle 32 de la
discipline des Églises réformées en France : « Ceux qui apellent ou
font apeler en duel, ou qui estant apelés l'acceptent, même tuent
leurs parties ; quand bien depuis ils auroient obtenu grâce, ou
auroient esté austrement justifiez, seront censurez jusqu'à la suspen-
sion de la Sainte Cène, laquelle suspension sera promptement
publiée]: et en ce cas qu'ils yeuillent estre reçus à la paix de l'église,
ils feront reconnaissance publique de leur faute. »
Il résulte de cet article que les Églises protestantes en France
ont, par leur discipline, formellement condamné et interdit le duel,
au nom de l'esprit même de la morale chrétienne.
Elles n'ont youlu ni atteindre ni frapper celui qui meurt dans
un duel, car elles ne reconnaissent ce droit qu'à Dieu seul; mais
pour le suryiyant, ou pour les deux ad?ersaires, si ni Tun ni Tautre
ne succombe, la discipline les place sous le coup de la censure et de
la suspension du sacrement de la Sainte Gène.
Cet article de Fancienne discipline des Églises réformées est
encore en vigueur, comme toutes ses autres prescriptions, dont
aucune n'a été abolie formellement. Ce n'est que l'application qui
en a été modifiée dans la forme, pour être accommodée à notre
temps.
Au lieu d'une censure et d'une suspension publiques, c'est le
pasteur qui, au nom de son ministère, fait en particulier sentir leur
faute aux coupables, et les engage à s'abstenir de la Sainte Gène,
jusqu'à ce qu'ils aient désavoué leur faute et déclaré qu'ils re-
viennent aux vrais principes chrétiens.
S^"^
1 ~*-
l*.
CINQUIÈME PARTIE
LE DUEL A L'ÉTRANGER.
Usages. » Législation.
En France, raction publique et Faction ciyile s'étendent à
toutes les infractions commises sur le territoire. Elles peuvent
atteindre, par conséquent, les étrangers qui s'y sont battus et les
témoins qui les ont assistés '•
Notre législation du point d'honneur est également seule ap-
plicable, lorsqu'un Français et un étranger recourent à la voie des
armes pour vider un différend survenu pendant que tous deux se
trouvent sur le territoire français.
Réciproquement, dès que le Français a foulé le sol d'un pays
étranger, il tombe sous le coup de ses usages et de ses lois, tant
pour ce qui regarde les conditions de la rencontre que relativement
à la sanction ^.
Point de difficultés, par conséquent, si l'offense, le cartel et
les négociations ont lieu dans un seul pays.
Il n'en est pas de même lorsque l'offense a lieu sur le terri-
toire d'un État où, pour une raison quelconque, le cartel ne peut pas
être envoyé et les conditions discutées.
Supposons que, sur le quai d'une gare, à Paris, un Autrichien
souffleté un Français, et que, dans la précipitation d'un départ en
sens inverse, les deux antagonistes n'aient que le temps d'échanger
leurs cartes.
Supposons que l'agresseur retourne en Autriche, où l'offensé
est obligé de lui demander réparation.
Supposons qu'il y ait désaccord sur les conditions de la ren-
contre, le Français prétendant imposer le duel à l'épée, que
l'Autrichien refuse, sous prétexte que cette arme est illégale dans
son pays, où on ne se bat qu'au sabre et au pistolet.
1. Art. 3, Code inst. crim.
2. Conf. Voyez Angelini, Codice cavalkresco, chap. vi ; Gelli, Codice cavalleresco,
3* partie, par. 5, article 220.
an CINQUIEME PARTIE.
Quelle législation du point d'honneur sera choisie pour tran-
cher le différendî
Trois solutions peuvent être données à la question. Nous nous
contenterons de les exposer, en abandonnant au lecteur le sois de
conclure, car les limites de ce travail ne nous permettent ni de
donner à celte controverse un développement suMsant, ni de moliver
nos préférences.
Disons seulement qu'une alTairc récente, celle du capilainc
Scrvan, commandant le paquebot fran(;ais Canada, avec le capi-
taine Cietsch, commandant du paquebot allemand Allemania,
rapportée au n" 113 de l'appendice, démontre clairement l'intérêt
qu'elles peuvent offrir.
On peut décider que les règles du point d'honneur applicables
seront celles du pays de l'offensé, parce qu'étant la personne iulé-
ressanle, tous les avantages doivent être de son côté.
C'est la théorie soutenue eu Italie par Gelli : Codice caial-
Ifiesco, par. 12; et Angelini, ibidem, chap. x, arl. 35,
Elle esl très rationnelle lorsque les règles servant à déterminer
à qui revient la qualité d'olTensé sont les mêmes dans les deux
pays, mais elle cesse de l'être en cas de divergence. On ne peut, en
efTel, attribuer le r(Me d'offensé qu'après être préalablement tombé
d'accord sur la législation applicable. C'est précisément la ques-
lion.
On peut di^cider que les règles applicables seront les règles en
vigueur dans le pays où aura été envoyé le cartel, et où les con-
ditionsde la rencontre seront discutées; pour deux motifs: d'abord,
parce que c'est à partir du moment où le cartel est envoyé que
commencent toutes les formalités qui donnent au différend le
caractère d'une affaire d'honneur; ensuite, parce qu'en l'absence
d'une législation internationale du point d'honneur, chaque Étal
reste indépendant et ne peut pas subir davantage des lois étran-
gères qu'il ne peut imposer les siennes aux États voisins.
On reproche à cette solution de produire des résultats injustes
et de favoriser la déloyauté de l'agresseur. Il est clair, en effet, que
si on l'adopte, rien ne sera plus facile à ce dernier que de se retirer
dans le pays dont il trouve la législation la plus avantageuse, et
d'obliger son adversaire à l'y suivre, s'il veut obtenir réparation.
On peut décider enfin que les règles applicables seront les
règles en vigueur dans le pays où l'offense a eu lieu.
Cette solution peut être avantageuse dans certaines hypo-
thèses, par exemple s'il s'agit d'un Français offensé en Italie par un
Autrichien, qui passerait dans certains cantons suisses où le duel est
inconnu, et où il n'existe aucune règle spéciale en matière de point
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 383
d'honneur. Elle nous semble devoir être adoptée chaque fois que
dans les deux États les règles qui déterminent à qui revient les
droits de Toffensé ne sont pas les mêmes.
L'objection la plus sérieuse qu'on puisse faire à ce système est
défavoriser aussi quelquefois Fagresseur, notamment lorsqu'il s'agit
d'offenses commises par la voie de la presse.
Supposons qu'un homme de lettres publie à Vienne, contre un
Français, une série d'articles où il lui impute des actes déshono-
rants, et qu'il les lui adresse à Paris sous pli recommandé.
Si le Français lui envoie ses témoins à Vienne, et, en sa qualité
d'offensé, choisit Tépée, le journaliste pourra récuser cette arme, en
disant que les articles ayant été publiés sur le territoire autrichien,
ce sont les règles en usage dans ce pays qui doivent être appliquées,
et que ces règles ne reconnaissent pas l'épée comme arme légale.
Les partisans du dernier système répondent que cette prétention
n*est pas admissible, et que l'exemple ne prouve rien.
Ils soutiennent que l'obligation de venger une injure n'existe
pour une personne qu'à l'instant où cette injure parvient à sa con-
naissance; que, dans l'espèce, c'est la réception des numéros,
constatée par l'émargement du destinataire, qui produit ce résultat ;
que cet émargement ayant eu lieu à Paris, la législation française
du point d'honneur est seule applicable.
L'argument ne nous semble pas très concluant.
Gomme les lois et les usages étrangers diffèrent souvent des
nôtres, on comprend tout l'intérêt que peut avoir le Français à être
renseigné d'une manière précise sur leurs dispositions.
Nous avons consacré deux chapitres à cette importante ques-
tion.
Le chapitre lxxxi traite des règles du duel chez les peuples
qui nous entourent, et plus particulièrement chez ceux qui forment
la Triple alliance (Allemagne, Autriche, Italie), car leur attitude
vis-à-vis la France perpétuera longtemps encore une antipathie
nationale grosse de froissements et de querelles.
La traduction que nous avons faite de neuf auteurs qui ont écrit
sur ce sujet en langue allemande et italienne, l'examen comparatif
de leurs doctrines auquel nous nous sommes livré, les références
que nous donnons, communiquent à ce travail, coûteux et pénible,
une utilité d'autant plus réelle qu'il est absolument inédit.
Grâce à lui, le Français pourra défendre ses droits contre les
entreprises de témoins peu scrupuleux qui, profitant de sa qualité
d'étranger, voudraient lui imposer comme légales des conditions
irrégulières, mais avantageuses pour leur client.
^ -» ^■'--
384 CINQUlfiME PARTIE.
Le chapitre uxxu traite de la législatioa pénale chez les diffé-
rents peuples d'Europe.
Nous n'insisterons passur son utilité, car les chapitres qae nous
avons consacrés it la poursuite des délits commis à l'étranger et ani
moyens d'éviter l'action publique la démontrent surabondamment.
Les textes des lois élrangëros qu'il contient sont au nombre de
quarante-huit.
Cet ensemble constitue le recueil le plus complet qui, sur la
malière, ait été publié dans noire langue.
Comme un grand nombre de l(fgislations n'ont jamais été tra-
duites, comme un certain nombre d'autres ne se rencontrent pas
dans les bibliothèques juridiques, on comprend que l'entreprise
n'ait pas été sans oiïrir une grande difficulté'.
CHAPITRE LXXXI
RÈOLES sa DUEL EN ITALIE, EN ÂLLBMAGSE, EN AUTRICSE
ETC., ETC.
RÈGLES DU DUEL EH ITALIE.
Les règles principales qui ont été formulées par Chateaavillard
et reproduites par ses commentateurs sont admises dans toute
l'étendue du territoire français.
Il n'en est pas toujours de même en Italie.
La question de savoir à qui revient le droit de choisir les
armes, le duel et la distance, question primordiale s'il en fut,
donne lieu notamment à de vives controverses qui ne sauraient
nous laisser indifférents.
On va comprendre de suite pourquoi.
L'usage du sabre est aussi répandu en Italie qu'il est excep-
tionnel en France. De 1879 à 1889, il y a eu dans toute l'étendue
du royaume 2,758 duels, sur lesquels 00 ont été à l'épée, 79 au pis-
tolet et 2,589 au sabre. On peut donc dire que dans la péninsule
1. C'est k l'iaépuisBble d^vaucoient d'un polyglotte aussi dislÎDgué que mode*Ie,
M. G. Darcy, que nous detons d'avoir pu résister nu furdeau des traductions, et
mener à bonoe Bn l'eatreprisB Écrasante, sans cela, dos cbspitrea LXXXi et liiui.
Ce témoignage de reconnaiasance eipliquera en même lempila dédicace de notre
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 385
l'épée et le pistolet sont les armes du petit nombre et le sabre
Parme de tous^
Si une querelle s'élève entre un Français et un Italien, et si ce
dernier a le choix des armes, il est donc à peu près certain qu'il
prendra le sabre et que son adversaire en ignorera le maniement.
De là une infériorité pour le Français à laquelle nous allons essayer
de le soustraire.
Deux écoles sont en présence.
La première ne recherche pas qui est agresseur et offensé,
mais bien qui adresse le cartel et qui le reçoit.
Elle accorde au défié {diffidato) le droit de choisir Tarme dont
on se servira, et au défiant {diffidanté) le droit d'imposer les condi-
tions de la rencontre.
La seconde école ne s'occupe ni du défiant ni du défié, mais
elle recherche qui est agresseur et qui est offensé.
Elle accorde à Voffensé le choix des armes, et, tenant compte de
la gradation des offenses, elle estime qu'à raison de leur gravité
ascendante, il peut joindre à ce droit celui d'imposer les conditions
de la rencontre.
L'usage d'accorder le choix des armes à la personne qui reçoit
le cartel vient des Espagnols. On l'a conservé plus ou moins intact
dans les pays autrefois soumis à leur domination. A Naples, notam-
ment, il est suivi par la majorité des duellistes.
L'usage d'accorder le choix des armes à l'offensé a prévalu dans
l'Italie du Nord et du Centre.
Les disciples de la première école invoquent l'autorité de deux
auteurs qui sont par ordre de date :
Bellini (Vincenzo), Manuale del duello, In-S^», 1881. Napoli : de
Ângelis e figlio.
Rossi (Giordano), Scherma di spada e sciabplUy Manuale teorico
pratico con cenni storici suite armi e sulla scherma e principali
regole del duello. In-8o, 1885. Milan : Fratelli Dumolard*.
Les disciples de la seconde école invoquent l'autorité de trois
auteurs qui sont par ordre de date :
De Rosis (Luigi), Codice italiano sul duello scritlo dal prof es-
sore di scherma. In-8°, 1865. Napoli : de Angelis.— 2"* édition en 1869;
Angelini (Achille) (Tenente générale), Codice cavalier esco ita-
i. Voyez Gelli (Jacope) : Codice cavallerescOf 2* partie, chap. vni; article 148, et
Statistica del duello.
% A consulter, dans Bellini, les droits réciproques du d^ffant et du défié : pré-
face, et les chapitres i, paragraphe 5; u, paragraphe 4; iv, paragraphe 4; v, pfurar
graphe 3. — Dans Rossi, le chapitre ii.
25
j ■ « ■
L
386 CINyirÉME PARTIE.
liatio, 1883. Firenze: G. Barbera. — 2°édition. In-8°, 1886. Pîrenze:
G. Barbera. — 3° édition. In-8". 1888. Ronia : E. Vercetlini;
Gelli (Jacopo) (GaTalîere), /( Duello, neila storia délia giuris-
prudenzaenella pnitica ilaliana{Codice cavalleresco). Iq-8'', 1886.
Firenze : Lœscherct Seeber. — 2' édil. ln-8°, 1888 ; F. Stianti e Comp.
La cour d'honneur permanente de Florence a adopté ce code
pour la solution des questions qui lui sont soumises '.
Il eiisle PDCore d'autres ouvrages modernes que nous n'avons
pas pu consulter. Comme il se pourrait que leur autorité fût utiie-
meut invoquée par l'une ou l'autre école, nous regardons comme
opportun d'en donner le titre. Ce sont :
GandoÛ (Giovani). Melodoper la scherma di sciabola e. norme
ijeiierali per il duello. ln-8°, 1876. Torino : Borgarelli;
Jacambo, Il Duello e la moderna civilita. In-8°, 1800. Napoli.
2' édition eu 1879;
Marchini, Il Duello esaïuinato. In-S". 1879. Savona;
Menta, I! Duello letile et il duello '«itaU. la-k°, 1875. Palerma. -
Quoique Napolitain, do Roaia s'élève avec force contre l'usage
d'accorder au déflé le choix des armes :
0 iV'esl-il pas absurde el souverainement injuste, écrit-il dans
sa préface, qu'une personne obligée d'adresser nne provocation,
par cela m^me qu'elle est insultée, voie le choix des armes passer
à celui qui l'a contrainte à cette extrémité?etc,, etc. »
De RoaiB divise les offenses en trois classes :
1° L'offense {offesa); S" l'insulte (insulta); 'S- la provocaLiofl
avec voie de fait {la provoca:ionc eon via di fatti).
L'offensé choisit l'arme. L'insulté choisit l'arme, la place sur le
terrain {posta) et la distance si le duel est au pistolet. Le provoqué
avec voie de fait choisit l'arme, la place sur le terrain, les condi-
tions de la rencontre et la distance si le duel est au pistolet'.
Même énergie dans le blàuie chez Angeiini:
ic Accorder lechoii des armes ù l'offenseur, écrit-il, chapitre vi,
est un usage détestable el contraire au sens commun, etc. '. »
Angelini divise les offenses en trois classes, qui comprennent :
1° Les offenses graves ou avec insulte (ojfKseyratiiocoM insutlo);
2" Les offenses très graves ou avec outrage (affese gravissinie o
con oltraggio) ;
3- Les offenses atroces ou avec voie de fait {offese atroce o con
vie di fatto).
1. Voyei pase 402.
8. Voyei chapilrc ii, $% 9, tO, 11.
3, Vo/ei également bs préftco.
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 387
Il accorde à Toffensé le droit de choisir son arme, sa place sur
le terrain et d'établir les conditions du duel, qui doivent être pro-
portionnées à la gravité de l'offense.
S'il s'agit d'offense très grave ou atroce, l'offensé qui choisit le
pistolet peut également établir que le duel sera de pied ferme. Dans
ce cas, il tire le premier.
Si l'offense est de moindre degré, le duel doit avoir lieu en
avançant {con avanzata) *•
Geiii s'élève également contre la coutume d'accorder le choix
des armes au défié ^
Il divise les offenses en trois classes :
\^ L'offense simple ou avec insulte ou injure {ingiuria);
2^* L offense grave ou avec outrage ou offense {offesa) ;
3*» L*oiïense très grave, ou atroce, ou avec voie de fait, ou
outrage (oUraggio).
L'offense simple donne le choix de l'arme.
L'offense grave donne le droit de choisir l'arme et d'imposer
les conditions de la rencontre.
L'offense atroce ou avec voie de fait donne le droit de choisir
l'arme, de dicter les conditions de la rencontre, d'imposer la nature
du combat et de déterminer les distances dans le duel au pistolet'.
Les partisans de l'opinion qui s'appuie sur de Rosis, Angelini
et Gelli, prétendent que leurs adversaires ont grand tort de leur
opposer Bellini, car son témoignage constitue le meilleur argument
en leur faveur.
Il confesse, en effet, dans sa préface, que si, au lieu de se borner
à exposer sans commentaires le rituel minutieusement détaillé du
système généralement en vigueur à Naples, il avait pu déterminer
selon ses lumières les lois régulatrices du duel, si, au lieu d'un
manuel, il avait fait un code, il n'aurait pas choisi d'autres principes
que ceux de de Rosis, les seuls équitables.
Relativement à Giordano Rossi, ils objectent que son livre est un
traité d'escrime, qui ne consacre que peu de lignes aux règles du
duel, et ne saurait entrer en parallèle avec les ouvrages précédents.
Le Français qui a une affaire d'honneur en Italie avec un habi-
tant du pays peut tirer un bon parti de ces controverses.
SHl a essuyé une offense, il réclamera le choix des armes
1. Voyez chapitre ?i. Mais il faut comparer les diyerses éditions pour quelipies
détails qui Tarient de l'une à Tautre.
2. Voyez par. 9, article 149.
3. Voyez 1'* partie, article 11.
P 3S8
GINQCIKME PARTIE.
comme offensé, en inToquant de Rosis, Angelini et surtout Gelli
dont l'onvrage a une grande autorit(!.
Dans ce cas, il soutiendra que la coutume d'accorder le choii
des armes au àéù(' est une coutume provinciale, particularïste,
qu'on De saurait pas plus opposer à un étranger qu'il ne serait per-
mis de lui faire passer la TÎcille monnaie bourbonnienne à la place
de la monnaie diïcimale actuelle.
Du moment que d'un bout à l'autre de la p<>Dinsule il n'entend
parler que d'unité politique, judiciaire et administrative, du moment
qu'il voit le même code civil, la m^mc législation pénale appliqués
à tous les sujets du royaume, ou ne comprend pas que les choses se
passent dilTéiemment en matière de point d'honneur.
C'est le cas de retourner contre les Italiens cette fameuse unité
dont ils sont si fiers.
S'il ext agresneiir il réclamera le choii des armes comme défié,
en faisant observer que l'opinion émise par Bellini est une opinion
toute personnelle, qu'il n'essaye pas de faire prévaloir contre la
coutume ancienne. Il constate, au contraire, que celte coutume
continue â être suivie dans l'Italie du Sud parla généralité des duel-
listes, et que de Rosis oblige seulement ceux qui ont apposé leur
signature à la fin de son ouvrage.
Quelques détails nous paraissent utiles pour compléter l'esposé
que nous avons fait des usages italiens relatifs aujt privilèges accor-
dés au défié par une école el à l'offensé par l'autre.
Nous examinerons ;
l" Quelles sont les armes légales en Italie;
2» Quel est le sens des mots : place sur le terrain {posto) ;
3° En quoi consiste le droit de choisir les conditions.
Armes légales.
En Italie; ce sont l'épée, le sabre et le pistolet.
Gomme nous l'avons déjà expliqué. le sabre est l'arme de duel
par escellence. Il ne peut jamais être refusé par un civil '.
A Naples, on se sert du fleuret attaché au poignet par un lien,
bien plus que de l'épée proprement dite*.
L'usage du fleuret et du lien sont, au contraire, interdits par
Angelini, chapitre xv, § l/i, et Gelli, articles lh^ et 181.
Si l'un des adversaires est étranger et doit se battre à l'épée, il
peut se servir, soit de celle en usage dans le pays où il se trouve,
1. Voyci Gelli, 2* partie, chapitre vin, ariiclo 117 el 148.
2. Voyez BelliDÎ, chapitres vui et x. — De Itoiis, chapitre iv, paragraphe 3..
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 389
soit de celle en usage dans son propre pays, pourvu que les armes
soient de même longueur et de de même poids ^. De Rosis observe
que celte permission n'est que pour Tépée ; quant au sabre, il ne
peut, d'après lui, y avoir de différence essentielle. Nous n'avons pas
trouvé cette prohibition formulée par les autres auteurs.
Place stir le terrain {posto).
Les expressions employées par de Rosis et Angelini pour dési«
gner un des privilèges de certains offensés signifient, non que celui
qui en jouit pourra se placer où il voudra, en mettant son adversaire
dans la position la plus désavantageuse relativement au vent, au
soleil, etc., mais qu'une fois les deux places déterminées par les
seconds avec la plus rigoureuse équité, il pourra choisir celle qui lui
semblera préférable *.
Gelli ne fait pas du choix de la place un privilège de certains
offensés. Les seconds choisissent les places d'un commun accord, et
en cas de contestation tirent au sort '.
En quoi consiste le droit de choisir les conditions.
L'étendue de ce droit varie suivant les auteurs.
D'après Beiiini, le défiant a le droit de décider si le duel sera
au 4)remier sang, à blessure, à discrétion du chirurgien ou du
blessé, au dernier sang, le nombre de balles à échanger, la question
du gant et de la distance^.
On s'est demandé si le droit d'imposer les conditions comporte
pour le défiant le droit d'imposer la nature du combat, ou, en d'au-
tres termes, lui confère le choix du duel.
L'affirmative nous paraît indiscutable en présence des termes
si formels du paragraphe 3 du chapitre vni :
a Aux sept conditions énumérées plus haut s'ajoutent, écrit
Bellini, les suivantes pour le duel au pistolet: «Au commandement.
— Au visé. — A la barrière ».
Ces trois duels étant rangés sous la rubrique « Conditions du
duel », il est clair que celui qui possédera le droit de choisir les
conditions possédera en même temps celui de décider que c'est au
commandement, par exemple, que Ton se battra.
1. Voyez de Rosis, observations; Angelini, chapitre vi, paragraphe 4.
2. Voyez de Rosis, chapitres iv, article 8; v, paragraphe?; vi, paragraphes 2, 3, 4,
i6. — Angelini, chapitre xv, paragraphe 7, et chapitre xviii, par. 1 et 2.
3. Voyez Gelli, article 283.
4. Voyez chapitre viii.
■«.■'j»»fif>Ai-:-- /.
CINOUlfeME PARTIE.
Les duels présentas par Bellini comme légaux reviennent â nos
duels au signal, au commandement, à volonté et à marcher.
D'après deRosts.le droit de déterminer les condilions comporte
pour l'olTensé les mêmes prérogatives, et notamment le choix du
duel, si l'arme adoptée est le pistolet '.
Les duels au pistolet considérés comme légaux par de Rosis
sont :
Le duel fi distance Itic, au signal, au visé {sulla mira) -,
Le duel â distance lise, en se nplouruant, .iu signal;
Le duel en marchant ju?i(]u'ii la barrière, à volonté.
D'après Angeiini, le droit d'imposer les condttious comporte
pour l'offensé â peu près les m^-nies prérogatives ; mais il n'enlralne
pas toujours le droit de choisir le duel quand l'arme adoptée est le
pistolet.
Eu effet, comme nous l'avons vu page 382, si l'offense est dn
premier ou du second degré, la rencontre ne peut avoir lieu qu'en
avançant.
L'offensé du troisième degré a seul le droit de choisir le duel,
mais il est très limité dans son choix. Car la rencontre au visé ft
tir successif ou la rencontre eu avançant sont les seules admises
comme légales par cet auteur'.
Les conditions dont Geiii accorde la disposition ù l'offensé sont
éoumérées articles iHi et suivants de la \lir partie, et relatives au
choix du jour, de l'heure, du lieu, des repos, des gants, à la gravité
que devra présenter la lilessure pour terminer la rencontre, et à
l'avis des médecins.
Ces articles sont muets sur le droit d'imposer la nature du
combat lorsque l'arme adoptée est le pistolet; aussi ne saurions-
MOUS, comme le voudraient certaines personnes, accorder à l'offensé
avec offense du deuxième degré celte importante prérogative.
En présence des termes si formels des paragraphes 2 et 3 de
l'arlicte 11, elle nous paraît devoir être réservée au seul offensé,
avec offense atroce ou voie de fait.
Cette solution est d'autant plus rationnelle que rieu dans la
suite de l'ouvrage ne vient appuyer l'opinion contraire. L'article 416,
le seul où (lelli revienne sur les droits de l'offensé d'après la valeur
de l'offense, ne fait aucune allusion au choix du duel.
Puisque nous en sommes à l'article Z|I6, observons qu'il ne
doit pas être oublié du lecteur qui voudra se rendre un compte
i. Vojez chapitre ii, pir. 9, 10, It et s., cl vi iolilulé : ■ Conditions indiipen-
isbles pour le duel »u pistolet.
2, Voyet chapitre ïi, paragraphe 2.
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 394
exact de Tétat où se trouve en Italie la question des droits de
PolTensé. Il verra que, même étudiée dans Gelli, elle demeure
obscure et incertaine.
Que signifle notamment celte phrase du paragraphe F : « L'of-
fensé avec offense grave jouit du choix des armes ou des dis-
tances », qui est en contradiction avec les paragraphes 2 et 3 de
Tarticleli?
Comment concilier les expressions du même paragraphe F:
« A Poflfensé revient toujours le droit de tirer le premier, en hom-
mage au principe que tous les désavantages sont à la charge de
Tagresseur », avec celles qui suivent: « C'est pourquoi nous conseil-
lerons toujours de déroger au principe formulé plus haut, et de
faire décider par le sort dans les duels au pistolet provoqués par
des ofTenses non atrocement graves ».
Les duels au pistolet admis comme légaux par Gelli sont : le
duel de pied ferme, en visant ou avec feu au commandement, le
duel en avançant, au visé ou avec feu au commandement.
L'étude comparée des usages italiens en matière de duel pré-
sente encore d'intéressantes questions, mais qui dépasseraient le
cadre que nous nous sommés tracé. Nous nous contenterons de
signaler, aussi brièvement que possible, celles qui peuvent être
utiles au Français en Italie et qui diffèrent des règles admises dans
notre pays.
En ce qui touche au degré de rofiènse.
L'ofTense par voie de la presse est du troisième degré ^
La menace de voie de fait équivaut à la voie de fait*.
En ce qui touche à la réparation.
0
L'offensé avec voie de fait peut demander réparation par les
armes à l'offenseur, et s'adresser aux tribunaux civils pour obtenir
réparation pécuniaire du dommage causé '.
L'offensé avec voie de fait a le droit d'imposer les conditions
les plus graves, et, s'il est mis hors de combat, il peut se déclarer
non satisfait et recommencer l'épreuve aussitôt rétabli *.
Ces deux articles sont en opposition avec le principe français
qu'il n'est dû qu'une réparation pour une même offense.
i. Voyez Gelli, article 14.
2. Ibidem, article 20.
3. Voyez Gelli, par. 4, spécialement article 28.
4. Voyez Gelli, article 44. — Angelini, chapitre v, page 42, et chapitre x, para-
graphe 30.
' « 4
391 CINQIIÈWE l'ARTin.
En ce qui touche aux mandatairâs.
II faut distinguer entre les seconds et les témoins.
Le second est chargé de traiter l'alTaire, depuis le déÛ jusqn'it
la couclusion. Le témoin ne fait qu'assister le second. Souvent il ne
prend poiul part aux discussions et ne parait que sur le terrain '.
Si, pour une circonslaoce indépendante de sa personne, l'ofTensé
ne trouve pas de rcprdsenlaDls, il prie les représentants de l'adver-
saire de décider deux de leurs amis à Tassisler. Un refus non
légitimé de servir de témoin, entre personnes de même condition,
équivaut à une indélicatesse pour qui lu commet et à une offense
pour qui essuie le refus. Aucun gentilhomme ne peut décemment
refuser ce service, à un (étranger surtout '.
En ce qui touche à l'acceptation du cartel.
Le déû une fois accepté et les représentants constitués par
celui qui a reçu le cartel, si la rencontre est jugée indispensable,
le défié devra se rendre avec ses propres témoins dans la ville
qu'hal)ile l'oiïensé, en hommage au principe que tous les désa-
Tantages doivent élre à la charge de l'agresseur'.
En ce qui touche au droit de refuser le cartel.
A cinquante-cinq ans, un homme peut cesser d'aller sur le
terrain '.
lEln ce qui touche aux droits et devoirs des témoins
dans le duel au sahre et à l'épée.
Les témoins doivent commander halte pour suspendre ou
arrêter le combat lorsqu'une blessure atteint l'agresseur.
Si le blessé est l'olTensé, les témoins doivent attendre qu'il ait
riposté au coup de l'agresseur, on que celui-ci lui ait fait uoe
seconde blessure ^
En ce qui touche au corps à corps.
il ne doit pas être interdit et ne doit être arrêté qu'en cas de
violation des règles du duel °.
1. Voj'ci Belliiii, clinpilre i", puragrs|ihe 3; chapitre vi,par»gr»pheS.— De Rosis,
chapitre m. — Gcili, chapitre viii, article 57. Contra ADgelini, chapitre i\.
2. Voyei Angclioi, chapitre lï, paragniplie 1 . — Gclli, cliapiire viir, articles 57.et CI .
3. Voyez Angclini, chapitre i, paragraphe 3S. — Gclli,.arlicle 132.
i. Voyez Gelli, article £22.
5. Vojei Gclli, articles 31i, 315.
6, Voyez Gelli, article 3Ï3. — Apgclini, chapitre ïï, paragraphe 23. ,
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 393
En ce qui touche à la chute.
II est permis de se baisser jusqu'à mettre la main à terre, mais
non le genou*.
En ce qui touche à la blessure.
Elle doit être annoncée '.
En ce qui touche aux droits et devoirs des témoins
dans le duel au pistolet.
Il n'est pas permis de fixer d'avance le nombre de balles à
échanger, car il est de règle qu'un duel ne doit pas se terminer
sans blessure '.
Il est interdit de tirer en Tair, même pour l'agresseur, et de
refuser de faire feu.
Cet acte est considéré comme une félonie et une nouvelle
insulte, et après deux minutes l'adversaire peut continuer*.
RÈGLES DU DUEL EN ALLEMAGNE
ET EN AUTRICHE.
En Allemagne et en Autriche, les règles qui constituent la légis-
lation du point d'honneur sont empruntées presque exclusivement
à Ghateauvillard, qui dans ces pays jouit d'une autorité réellement
étonnante, si on considère l'antipathie des deux races et leur hosti-
lité politique.
Parmi les auteurs allemands et autrichiens qui se sont occupés
du duel, les uns ont traduit purement et simplement son Essai,
les autres en ont publié des extraits ou s'en sont largement
inspirés.
Voici le titre de leurs ouvrages :
Pour Tempire d'Allemagne.
Chateauvillard {Graf de) Duell Code. Aus dem Franz ûbers.
von. C. von. L***. 8% 1888. Karlsruhe: Bielefeld.
1. Voyez Angelini, chapitre xiv, paragraphe 8. — Angelini, article 35S.
2. Voyez Gelli, article 361.
3. Voyez ADgelini, chapitre xvi, paragraphe 7. — Gelli, article 392.
4. Voyez Angelini, chapitre xvin, paragraphe 24. — Gelli| article 416.
394 CINQUIÈME PARTIE.
Die Coni-entionellen Gebrauche beim Zweikampt miter beson-
derer Berilcksicktiijung des offizieratandeg von etnem altereti actiien
offizier. Yieiie vmgearbeitete und term^hrle aitftage. S". BerliD,
1890. Verlag vou R. EiseDschraidt.
Pour l'Empire austro-hongrois.
Bolgar (Friz tod) (Oberlienl). Die Itegein d. Dtiells 8", 1880.
Budapest. — 2(e. Verm. Aufl. H". 188ii, Wien : Seidel u Soho.
Hergseil (Cuslav). Ducll Codex. Wienn. Pesl. Leipzig. A. Harl-
lebeus Terlag, 1891'.
Sebelic (Raimund) (Oberlienl). DHell-Itegeln. 3te nnverând
Auil., 12°. 1881. Debreczin : Czàtliy. — k" Auf. 12". 1887. Graz ;
Cieslar,
Nous ue voulons point passer sous silence les hommages que
ces quaire écrivains rendent à Chateauvillard, car ils viennent à
l'appui du la thèse que nous avons défendue pendant tout le cours
de notre ouvrage :
(1 L'Essai sur h- duel est le véritable code du point d'honneur. »
Il Pour établir les règles du duel, écrit, page 6, l'auteur ano-
nyme de la brochure allemande Die Convenlionellen, j'ai suivi les
usages reçus dans notre armée et les décisions que le comte de Gho-
teauviUard, membre du Jockey-Club, publia en 1830 dans son Exsaî
sur le duel, avec la collaboration de généraui et de gcntilsbommes
français, etquiareçupourainsidireunecoRi^crationintemattona^e.»
« Je me suis laissé guider, écrit Hergseil dans son avant-propos,
par les prescriptions du comte de Gbaleauvillard...
Il Pour être anciennes, les règles elconsidérationsqu'il a tracées
u'en offrent pas moins d'inestimables matériaux, et doivent être
respectées de tous les hommes d'honneur, aussi longtemps qu'une
association autorisée d'hommes aussi compétents en matière de
point d'honneur ne nous aura pas conrectionné d'autres préceptes
et d'autres lois... Cet ouvrage a, du reste, acquis une indiscutable
valeur hors de son pays originaire. "
Bolgar et Sebetic se montrent aussi explicites dans le même seus.
Après une semblable affirmation de principes, on comprend que
lesrègles formulées par ces écrivains ne peuventsensiblenient différer
de celles qui constituent en France la législation du point d'honneur.
Dans ta brochure allemande, très substantielle sous un petit
volume, la parité est eu effet quasi absolue, notamment en ce qui
louche :
■ûre, e
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 395
La distinction et le classement des ofiènses.
C'est à l'offensé que revient le choix des armes, contrairement
àPopinion très répandue, mais complètement erronée, qui Tattribue
au défié *.
La nature des armes.
Mais nous ne retrouvons pas mentionnée la controverse relative
au droit accordé par Chateauvillard au civil de refuser le sabre.
Par contre, le sabre et Tépée peuvent être refusés si l'intéressé
en ignore complètement le maniement*.
Les règles spéciales aux diverses espèces de duels, etc., etc.
Une observation pour terminer ce qui concerne la brochure
Die Conventienellen,
De son titre, on pourrait induire qu'elle ne règle que les diffé-
rends survenus entre officiers allemands et ne s'applique pas à
d'autres catégories d'individus.
Rien n'est plus faux.
L'auteur fait observer, au contraire, que les règles qu'il a
empruntées à Chateauvillard, étant de droit commun, obligent tous
les u gentlemen », pour nous servir des expressions qu'il emploie
page 5.
Les modifications qu'il y apporte, conformément aux usages
adoptés dans l'armée, constituent des exceptions justifiées par cer-
taines situations particulières aux officiers *.
Comme la brochure dont nous nous occupons est l'ouvrage
le plus nouvellement publié en Allemagne, il importait d'établir
par qui et contre qui elle peut être valablement invoquée.
Dans les ouvrages autrichiens cités plus haut, il n'existe de
désaccord avec les usages français que sur un petit nombre de
points.
1. Voyez page 9, et Hergsell, !'• partie, Règles du duel en généraL
2. Voyez page 15 et la note.
3. Voyez pages il et 12, à propos du délai obb'gatoire de vingt-quatre heures;
page 16, à propos de la violation des règles du duel; page 17, à propos de Tattente
sur le terrain.
3» crNyilÈME PARTIE.
Ces dîTergences porleol :
Sur la valeur à donner à certaines
Lorsqae l'eiistcDce morale d'un homme est menacée par une
injure ou une accusatioD imméritée, l'offense csl assimilée à la loie
de fait. II en est de môme pour la menace de Toiede fait'.
Sur le droit de refuser le du^.
La proTocation est refusée lorsque le prorocanl a été dteUré
sans honneur (r'Arfoi) poar aroir accepté un duel américain (geon
de duel exceptionnel) on s'ètTc chargé d'une proTocation de ce genre*.
Sur la nature des armes.
Le sabre et le pislolel sont seuls admis par Elergsell comme
armes légales, imposables à tout le monde, aussi bien aax cirtls
qu'aux militaires.
D'après lui, l'ôpée peut toujours être refusée, par la raison que
le duel à cette arme n'est pas en usage en Autriche.
Il spécifie que l'étranger, même offensé, ne peut prétendre
l'imposer, bien qu'elle soit légale dans son pars '.
Bolgar est moins absolu. Il ne regarde pas le duel à Tépée
comme illégal, mats comme pea mile, ce qui n'esl pas du (oui la
même chose, et se contente de passer sous ^lence te droit du ciril
à repousser le sabre, sans le lui dénier absolument.
Voiri, du reste, comment il s'exprirae, 1" partie, chapitre f.
article 1" :
fl Le duel a trois sortes d'armes : le sabre, l'épée et le pistolet.
« Toute autre arme appartient à la catégorie des duels excep-
tionnels. »
Et plus loin, 2* partie, chapitre ii :
0 Le duel à l'épée, habituel en France et en Italie, est très rare-
meniemployé chez nous. Lu conseil d'honneur, réuni à Buda-Pesth,
ayant eu ù se prononcer sur la possibilité d'un duel à l'épée, déclara
que cette arme, non en usage parmi nous, pouvait être récusée. •
Sebetic ne fait aucune allusion à cette coutume autrichienne,
et aucune restriction à la liste des armes légales donnée par Cba-
teauvillard.
> Les armes légales pour le duel, écrit-il, sont le sabre, Tépée
et lo pistolet. «
I. Vjyn McrgnU. 1" jmixii. Do iatà « de l'olT^Dtc. OffeoM du 3* d«gré. — Se-
u^ VvfFt UtrgwU, Refai do dud, 1" («nie, tnide 9, et loopadlé d«s tecood),
VijM BcTfMtl, V [«"le, On ^iffétmUt torttt de ducli.
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 397
Comme Chateauvillard, il accorde aux témoins de l'agresseur
le droit de refuser le sabre lorsque leur client est un civil, mais à
condition qu'il n'y ait pas eu voie de fait ^
On voit que Tautorité de BoJgar et de Sebetic peuvent être utile-
ment invoquées parle Françaisauquel un Autrichien prétendrait refu-
ser le droit de se battre à l'épée en s'appuyant sur le texte d'Hergsell.
Sur certaines règles du duel au sabre.
Le duel au sabre sans coups de pointe, dans lequel on permet
seulement le coup de taille {hiele)^ est de beaucoup le plus répandu.
Toutes les fois que le procès-verbal de rencontre ne mentionne pas
spécialement que les adversaires pourront frapper d'estoc (condition
exceptionnelle, mais non illicite), la prohibition du coup de pointe
est sous-entendue.
Dans le duel au sabre, il est permis de s'entourer le cou d'une
cravate ou d'un mouchoir roulée
Sur certaines règles du duel au pistolet.
On ne doit jamais stipuler que le combat continuera jusqu'à ce
qu'une blessure ait lieu. On peut refuser tout duel où plus de trois
balles devront être échangées; mais on peut stipuler qu'après trois
balles échangées sans résultat, le combat aura lieu au sabre K
Lorsque l'offense n'est pas du troisième degré, on peut refuser
non seulement le duel au signal, comme en France, mais encore le
duel au commandement, qui, dans notre pays, est le mode de combat
le plus répandu.
Sur certaines règles du duel à Tépée.
Lorsque ce genre de combat a lieu, par hasard, entre adver-
saires qui tombent d'accord pour se servir de cette arme, les coups
de pointe {stôose), réguliers d'école, doivent être dirigés seulement
contre le haut du corps, avec exception du visage.
Cependant, de la part d'un tireur inhabile, les coups portés plus
bas ou plus haut ne peuvent jamais être nommément réprouvés ^
La lecture de ce passage dénote une inexpérience de l'escrime
à l'épée sur laquelle nous n'avons pas besoin d'insister.
1. Voyez l'^ partie, chapitres net iv. Des témoins.
2. Voyez Hergsell, 2* partie, Duel au sabre.
3. Voyez Hergsell, Refus d'un duel déterminé, 1'* partie : Pistolet, articles 2 et 5;
et 2* partie : Différentes espèces du duel au pistolet.
4. Voyez Hergsell, Duel à Tépée, 2« partie, article 28.
^--m.-! "^ r- -. .^
CINQUIÈME PARTIE
REGLES DU DUEL EN ANGLETERRE.
Lorsqu'un Anglais est offensé, il s'adresse aux tribunaux. Les
magistrats de son pays ne lui marchaDdent jamais la réparatiou
qui lui esl due, réparation avant tout pécuniaire, el dont le mon-
tant peut atteindre une somme considérable.
N'avons-nous pas vu un écrivain condamné S 10.000 livres
sterling d'indemnité pour avoir inséré dans une revue quelques
lignes offensantes à l'adresse de la femme d'un gentleman ? Est-il
besoin do rappeler à quel chiffre énorme se sont montes les dom-
mages et intérêt» accordés à certains maris en cas de criminai
conversation ?
On pourrait multipliera l'infini les exemples de la sévérité
avec laquelle la jurisprudence des tribunaux britanniques réprime
les injures privées.
En France, rbomme qui, placé dans les mêmes conditions,
recourt aux tribunaux, est assuré de ne recevoir qu'une inGme répa-
ration pour les atteintes les plus graves à son honneur.
Une telle inégalité dans la répression devait entraîner pour
chaque iiays des conséquences diamétralement opposées. C'est ce
qui arrive, en elTet.
Le duel est tombé en désuétude dans les Royaumes-Unis. Les
règles qui présidaient aux rencontres ont naturellement subi le
même sort.
Du moment que leslois ordinaires le protégeaient efficacement,
pourquoi l'Anglais aurait-il recouru à la législation du point d'hon-
neur, qui n'a d'autre raison d'exister que l'insuffisance de ces
loisî
11 n'y songe même pas.
Aussi ne fait-il aucune différence entre un duel et une rixe
ordinaire, et applique-t-il généralement sans scrupule aux duellistes
les peines du droit commun.
Il H a sur ce point union intime entre les mœurs et la loi.
En France, c'est la loi répressive qui tombe de jour en jour en
désuétude. Elle a beau, comme la loi anglaise, édicter contre les
duellistes les peines du droit commun, les jurés se refusent à
regarder comme un vulgaire meurtrier celui qui tue son adver-
saire dans un duel loyaL Ils l'acquittent généralement.
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 399
En revanche, les rencontres y sont presque quotidiennes.
L'homme du monde offensé doit, sous peine d'être taxé de pusil-
lanimité, recourir aux armes pour venger son injure.
Sur ce point, il y a divergence absolue entre les mœurs et la
lot.
La comparaison que nous venons de faire entre les deux
peuples nous amène à penser :
1° Qu'une loi répressive, quelle qu'elle soit, est impuissante à
extirper le duel, si les mœurs ne sont pas disposées à la recevoir ;
2*' Que la seule manière de les y préparer consiste à assurer
aux citoyens dont on attaque Thonneur une satisfaction au moins
égale à celle sur laquelle ils ont droit de compter, pour ce qui
concerne les biens d'un moindre prix ;
3° Que cette satisfaction doit être pécuniaire ^
En vain objecterait-on que les Anglais ont Tépiderme moins
sensible que nous, et que les considérations de nature à les arrêter
dans leur recours aux armes ne sauraient nous influencer.
Les faits se chargent de réfuter le premier argument. Si nous
consultons, en effet, la bibliographie de l'escrime ancienne et
moderne, publiée en 1891 par Garl. A. Thimm, nous voyons,
pages 195 et suivantes, que nos voisins d'outre-mer étaient autrefois
aussi esclaves du point d'honneur que nous pouvons l'être, et se
battaient souvent.
Au second argument, nous répondrons que, dans le siècle
éminemment pratique où nous vivons, tout le monde tient à sa
bourse.
A Paris comme à Londres, la perspective de lui voir subir une
abondante saignée peut arrêter les manifestations injurieuses de
l'agresseur, tandis que celle de l'arrondir peut engager l'offensé à
confier ses intérêts aux tribunaux.
L'âpreté de la lutte pour la vie, généralisant les nécessités, géné-
ralisera leurs conséquences et tuera le préjugé.
Frapper fort sur la bourse, c'est frapper juste.
1. Cette thèse n^est pas noavelle. Elle a été soatenue en France par Sully dans
ses Mémoires, Dareau, Mercier, etc. ; à Pétranger, par Jerem. Bentham, Traité de la
législation civile et pénale, tomeU, page 325; Poffendorf, Droit de la nature, livre II,
chap. V, S i% etc.
I hOii
CINQUIÈME PARTIE.
\
RÈGLES DU DUEL EN BELGIQUE.
11 n'a i^-lé publié aucun ouvrage sur les règles du duel en
Belgique.
Du reste, les Belges se ballenl peu. Lorsque pareil fait se pro-
duit, nous croyons, étant donnée l'afllnilé de mœurs et de langage
qui les unit à !a France, qu'Us suiîent nos usages, mais sans oser
l'alûrmer positirement.
RÈGLES DU DUEL EN ESPAGNE.
Sur les règles du duel en Espagne, on peut consulter :
Iniguez (Eusebio), Ofetisas ij desafios, Recapitiilacio» de las
leges que r'njeit el diirto y ciiusaK originales de este, (omadas de
los mejores tratadistas, con notas del autor. 1 vol. en quarto
meoor.
Saoz (Adelardo), Esgrima del sable y consideraeiones sobre ef
duello.aa 8". 1886. Madrid, Fortaned.
REGLES DU DUEL EN HOLLANDE.
Sur les règles du duel en Hollande, on peut consulter :
Joactiim (Ps), Gids in zake van eer vooriiamelijk ten dienste
van officieren van de Nederlandsche zee — en landmacht {scbut-
terijen) en van het Nederlandsck. Indische léger, bevattende :
1' de internationale regels loor (het tweegececht) ; 2° uittreksel uU
het Nederlandsch }¥etboek van Strafrecht (het tweegevecht) met
Aanhangsel waarin : 1' uittreksel uit de wet, regelende de bevor-
dering eus van de militaire officieren bij de zeemackt (raden van
onderroek); 2" idem idem van die bij de landmacht; 3° idem van
de Europeesche officieren bij de landmacht in Nederlandsck. —
Indië, 1889, a HoorD 8°.
Kock. {H. F. de) Het duel. Acad. proefschrift 8% 1876. Leyden.
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 404
REGLES DU DUEL EN RUSSIE.
L'administration de la Bibliothèque impériale de Saint-
Pétersbourg nous informe que les seuls ouvrages sar le duel
en Russie possédés par cet établissement sont les suivants :
Les Duels, par 6. L. E. Saint-Pétersbourg, 1837.
Le Duel et la Cour de cassation, par A. Lochwitsky. Saint-
Pétersbourg, 1858. — (Ce travail est un tirage à part des Annales
de la patrie, n^» 10, 11, 12 de Tannée 1858.)
La brochure toute récente de Séversky :
OcoCennafl qacxB pyccRaro yrojiOBHaro opana*
Cette liste ne contient aucun ouvrage relatif aux règles du
duel.
11 ne faut pas s'en étonner. Le duel a été sévèrement défendu
en Russie depuis le règne de Pierre le Grand, et fut particulièrement
antipathique à ses successeurs. On comprend qu'un livre rentrant
dans le cadre de notre chapitre lxxxi ne pouvait être approuvé par
la censure et imprimé.
Est-ce à dire que les Russes ne se battent pas? Les faits sont là
pour établir le contraire. Moins fréquentes que chez nous, leurs
rencontres sont en revanche plus meurtrières. L'arme choisie est
presque toujours le pistolet, et le duel, celui à marcher.
C'est dans un combat de cette espèce que leur grand poète
Pouschkine fut tué, en 1834, par son beau-frère le baron d'Anthes.
Quels usages les Russes observent-ils dans leurs rencontres ?
Nous n'avons pas pu le savoir positivement.
Le si bon et regretté prince Dolgoroukow, alors gouverneur
de Moscou, avec lequel nous avons eu l'honneur de tirer souvent
au pistolet à Vichy, nous a bien donné des détails intéressants sur
la partie anecdotique et sur la répression, mais ne s'est jamais
prononcé sur la question des règles du duel.
Nous croyons que ce sont celles de Chateauvillard, plus ou
moins altérées par des usages forcément non codifiés.
Son autorité ne saurait être moindre dans un pays aussi ami
de la France qu'elle ne l'est en Allemagne, où les auteurs le pro-
clament a Gode international et guide du point d'honneur ».
26
- .1
r
CINQUIÈME PARTIE.
RÈGLES DU DUEL EN SUISSE.
Les rencoDtres entre citoyens suisses sont telleroeot rares,
qu'on peut regarder le duel comme tombé en désuétude dans ce
pays.
C'est, du reste, par celte affirmation que commencent presque
toutes les lettres des jurisconsultes qui ont bien todIu nous ren-
seigner sur la législatiou pénale des nombreux cantons qui formeal
la Confédération helvétique.
Dans ces conditions, un ouvrage snr les règles du duel était
sans raison d'être. Nous n'en connaissons pas.
Une erreur de copiste aous a empoché de dooner, page 386, le résnoié
complet de noire apprécialion sur le Codice cavaltereKo de U. Gelli.
Nous nous empressons de la réparer, en disant que l'aatoriU dont il
jouit en Italie est parfaitement justifîée.
Outre son Coc/lcB cavaUeresco, cet auteur a publié de q ombrent oarrages
sur les spécialités qui se rattachent au duel. Il suffit de les parcourir poni
comprendre leur succès, qui place M. Gelli au premier rang des auteurs ioùeiis
dont la plume a traité le même sujet.
CHAPITRE LXXXII
Texte des lois qui répriment le duel dans les différents
États d'Europe.
ALLEMAGNE.
- Gode pénal régissant tout l'Empire, 4870. — Du duel.
Art. 204. — Seront panis de la détention de six mois au plas, la provo-
cation en duel avec armes meurtrières, ainsi que l'acceptation du défi.
Art. 202. — La peine sera la détention de deux mois à deux ans, si la
provocation porte que le combat ne cessera que par la mort de Tun des com-
battants, ou si cette intention résulte du genre de duel choisi.
Art. 203. — Ceux qui se chargent de la provocation, ou qui la trans-
mettent à la partie adverse, seront punis de la détention pendant six mois, au
plus.
Art. 204. — Aucune peine ne sera prononcée, si lespartîesont spontané-
ment renoncé au duel avant de commencer le combat.
Art. 205. — Le duel sera puni de trois mois à cinq ans de détention.
Art. 206. — Celui qui aura tué son adversaire en duel sera puni de deux
ans au moins de détention-, la peine sera la détention de trois ans au moins
si le duel ne devait cesser que par la mort d'un des combattants.
Art. 207. — Celui qui aura tué ou blessé son adversaire, en violant Tolon-
lairement les règles conventionnelles ou traditionnelles du duel, sera puni
suivant les dispositions générales sur le meurtre ou les lésions corporelles, à
moins qu'il n'ait encouru une peine plus grave aux termes des dispositions ci-
dessus.
Art. 208. — Lorsque le duel aura lieu sana seconds, la peine encourue
pourra être augmentée de moitié, sans que, néanmoins, elle puisse dépasser
dix ans.
Art. 209. — Les intermédiaires du défi qui auront cherché sérieusement
à empocher le duel, les seconds, ainsi que les témoins, médecins et chirurgiens
appelés pour assister au duel, seront exempts de peine.
Art. 240. — Celui qui volontairement, et notamment par des marques ou
menaces de mépris, aura excité un individu à se battre en duel avec uu tiers,
sera puni d'un emprisonnement de trois mois si le duel a eu lieu.
Modifications ob 4876. —Duel.
Article 208. — Lorsque le duel aura lieu sans seconds, la peine
encourue pourra être augmentée de moitié, sans que, néanmoins» elle puisse
dépasser quinze ans.
CINQCIÉME PARTIE.
ANDORRE.
C»lte république est régie par des coutumes publiées on plutdl écrites
(c'est UD manuscril) en langue basque (le poliUtr], mais ne conteoaQt proba-
blement rien sur le duel.
A. un certain point de vue, on peut dire que le territoire d'Andorre e5t on
territoire neutre, puisqu'il est soumis à des règles particulières; cepeudaot,
la circonslanco rnSme que les jugements sont rendus au nom de la France sa
Tait une sorte d'Ëtat vassal, sur lequel celle-ci exerce un droit de suzeraineti.
un véritable protectorat.
On doit le considérer comme territoire français, au point de vue de la poON
suite des crimes et délits commis par tous autres que les indigènes, et oottm-
ment par les Français '.
ANGLETERRE.
Le duel, en Angleterre, est soumis à la législation de droit commun. On
peut s'en assurer en consultant un traité élémentaire ou manuel de législation,
intitulé the Cabinet lawyer [ItiSt), qui traite, dans le même cbapiire (p. 719J,
du meurtre {murder^ momlonçhier) et du duel, soumis tous deux aux mâmes
pénalités, allendu que, duos l'un comme dans l'autre, il y a eu expressed ma-
lice or délibérais intention.
Des principes généraux du droit pénal, les cours de justice anglaises ont
peu à peu tiré no certain nombre de règles, d'après lesquelles tout acte ayant
pour effet de concourir A un duel conslitue une iofraction à la législation pé-
nale anglaise :
1° Envoyer un déQ, alors même qu'il ne serait pas accepté, est un
trouble à la paii publique. La pénalité estl'ameude ou la prison, à ladiscrétiOD
de la cour, avec Taculié d'imposer au prévenu une garanLe de sa bonoe con-
duite pendant trois ans.
S" Toute personne qui transmet le défi est punissable des œftmes
peines.
3° Toute personne qui, à l'aide do paroles ou de lettres, on provoque
une autre en duel, est exposée à la même répression.
iP Si le duel a eu lieu dans un endroit public, la pénalité ast celle ci-
dessus.
5° Si le duel a eu lieu dans un endroit privé, la qualiQcation du ûéLU est
différente, c'est un assoull; mais ses conséquences pénales sont les mêmes.
Ce délit résulte du seul fait de tirer une épée ou de diriger un pistolet contre
son adversaire.
11 convient de se rappeler que, d'après la législation anglaise, tout attentat
1. Voyeï Futier-HenoanD, Répertoire de drotl fi-ançait, article Andorre, n* 49.
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 405
à la vie est ud délit, l'auteur du délit le dirigeât-il contre sa propre existence ;
ainsi la tentative de suicide a souvent été punie de six mois de prison.
6"^ et 7*^ Le simple fait de 8*assembler pour participer à un duel comme
combattants ou comme témoins peut être relevé à rencontre de ceux qui y
prennent part, comme délit de eonspiracy, réprimé par l'amende et la
prison.
8*" Si le duel a lieu et qu'il y ait blessure môme légère, il y a délit de
wUawful wounding (blessure illégale), ce qui expose l'auteur de la blessure à
cinq ans de réclusion.
9"* S*il s'agit d'un duel à mort, il y a délit de atUmpl to mur,d^ (ten-
tative de tuer), puni de la prison à perpétuité.
40^* En cas de blessure grave, il y a délit de wounding loilA intent to
murder (blessure avec intention de tuer), ce qui entraîne l'emprisonnement
à vie.
44° En cas de mort de l'un des combattants, le survivant est exposé à être
pendu.
42° Les témoins, voire le médecin, qui assistent au. duel et Tencou-
ragent par leur présence, sont exposés aux mêmes peines que les combat-
tants.
Des poursuites criminelles pour duel ont été récemment Intentées en Angle-
terre; les rigueurs pénales ne sont pas tombées en désuétude.
Le cas échéant, elles seraient appliquées avec la même impartialité aux
étrangers qu'aux Anglaise
j
ILE DE MAN. HALTE. GIBRALTAR.
C^tte lie a une législation . spéciale qui porte le nom de Lex scripta ou
Recueil d'ordonnances' et de statuts, publié en 4849. On n'y parle que des
crimes de droit commun : meurtres, coups et blessures. Rien sur le difel, qui
rentre par conséquent dans la catégorie des attentats ordinaires contre les
personnes, et doit encourir les mômes peines, avec les tempéraments habi-
tuels que comporte l'application de la loi dans les poursuites de cette na-
ture.
Malte est également régie par des lois criminelles spéciales qui ne disent
rien du duel.
De môme pour Gibraltar, dont le recueil, assez confus, de vieilles ordon-
nances, ne fait aucune mention du délit qui nous occupe.
Pour l'une comme pour l'autre, s'en référer au droit commun.
1. Extrait d'un article publié par le Journal de droit international privé, sur
Taffaire Martineau-Boulanger (1890, n<" 1 et 11, pages 77 et suiv.), 17* année.
CINQUIÈME PARTIE.
EMPIRE ADSTRO-HONGROIS. — AUTRICHE.
Gode pénal ds 185Î. — Duel.
Abticle 4S8. — Celui qui, poar quelqae cause que ce soit, provoque
au combat avec armes meurtrières, el celui qui accepte cette provocation,
commettent le délit de duel.
Abt. 169. — Ce délit doit, si aucune blessure n'ec est résultée, 6tre pucj
de six mois â un an de prison.
Abt. 160. — Si dans le duel une blessure a eu lieu, la prison sera de noe
â cinq aoQties, CepeDdanl. si le duel a entraîné une des suites désignées dans
l'article 156, la peine sera de la prison dure da cinq à dix ans.
Art. 161. — Si le duel a été suivi de la mort de l'un des combaiiants, le
meurtrier sera puni de dix i vingt ans de prison dure.
Art. 163. — En tout cas, le provocateur sera condamné à un plus long
temps qu'il ne l'aurait été s'il avait élé le provoqué.
Abt. 163.' — Celui qui a poussé l'une ou l'autre des parties à la provoca-
tion ou à leur comparution effective sur te ternùn, ou bien a contribué avec
intention à faciliter cette rencontre, ou bien encore a proréré des menaces on
du mépris contre celui qui cherchait à détourner la provocation, sera puni de
six mois à un ao de prison; mais si, en outre, son influence a été effecttvt
et qu'une blessure ou la mort s'en soit suine, la peine sera de un an à cinq
ans.
Art. 1 6i. — Ceux qui m sont constilués assistants, autrement dit seconds
pour un des combattants, seront punis do six mots à une année de prison, et,
d'après la valeur de leur iuUueiice et le mal qui s'en est soivij pourront 4tn
punis jusqu'à cinq ans.
AsT. 165. — La culpabilité pour ce délit cessera:
a. Pour le provocateur, s'il ne comparait pas au combat;
b. Pour celui-ci, aussi bien que pour le provoqué, si, quoique ayant paru
an combat, ils se sont volontairement désistés do commencer le combat;
c. Pour les antres complices, s'ils ont mis un zèle actif à obtenir le désiste-
ment volontaire du combat, et que ce zèle ait produit son effet.
HONGRIE.
Code pénal de 1880. — Duel.
Article 193, — La provocation en duel et l'acceptation de la provocation
constituent un délit et seront punis au maximum de six mois de prison d'Ëlat.
Art. 394. — I.a peine édictée ï l'article précédent est aussi applicable aux
seconds, ainsi qu'à tous ceux qui empêchent l'accommodement (art. 300).
(On appelle second, segedeck, mémo celui qui porte une provocation.)
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 407
Art. 295. — Celui qui excite directement un tiers à se battre en duel, ou
qui, parce que le tiers ne provoque pas une autre personne en duel ou n'ac-
cepte pas une provocation, le menace de son mépris, sera puni, au maximum,
d'un an de prison d'État.
(Le délit est commis au moment où les parties prennent position pour le
combat; tout ce qui précède ne constitue qu'une tentative non punie.)
Art. 296. — Celui qui prend position en armes potlr commencer le combat
est puni au maximum d'un an de prison d'État.
Art. 297. — Si les parties ont renoncé au duel, personne ne sera puni.
Art. 298. — Celui qui blesse son adversaire en duel sera puni, au maxi-
mum, de deux ans de prison d'État.
Si le blessé perd un membre ou l'usage d'un sens, ou s'il résulte de la
blessure une infirmité incurable, la peine sera au maximum de trois ans de pri-
son d'État.
Celui qui a tué en duel son adversaire, quand môme la mort ne serait pas
survenue sur-le-cbamp, sera puni, au maximum, de cinq ans de prison d'État.
Art. 299. — Le duelliste qui a violé les règles du duel établies parl'usage
ou d'un commun accord, et par suite a tué son adversaire, sera puni de ta
peine de l'homicide volontaire, et, s'il l'a blessé, de la peine applicable au crime
de grave lésion corporelle (trois ans de réclusion).
Dans les cas prévus par le présent article, les seconds seront punis comme
complices.
Art. 300. — Ne sont pas punis, les témoins et les médecins présents au
duel, non plus que les seconds qui se sont efforcés d'empêcher le duel, à l'excep-
tion, pour ces derniers, des cas prévus à l'article précédent.
BOSNIE ET HERZÉGOVINE.
CODB PÉNAL DE 4880. — DUBL.
Article 234. — Celui qui, pour une cause quelconque, a provoqué
quelqu'un au combat à armes meurtrières, et celui qui, sur cette provocation, a
accepté le combat, commettent le délit de duel.
Art. 235. — Ce délit sera puni, s'il n'en est résulté aucune blessure, de
six mois à un an de prison.
Art. 236. — Si une blessure a eu lieu, la peine est de une à cinq années
de prison, et contre ceux à la charge desquels existerait quelque circonstance
aggravante, ia prison dure (schweres) pour la môme durée.
Art. 237. — S'il y a eu mort de l'un des combattants, le meurtrier sera
puni de cinq à dix ans de prison.
Mais s'il avait été préalablement établi une convention concernant la mort
de l'un des combattants, le coupable qui aurait réclamé ce genre de combat, si
son adversaire a trouvé la mort, serait puni de dix ans à vingt ans de prison dure.
Art. 238. — En principe, le provocateur est plus fortement puni que le
provoqué, à moins que le provoqué n*ait donné lieu à la provocation par une
conduite coupable ou méchante à un haut degré.
i08 CiNgLIÈME PAKTIE.
Art. 33tl. — Celui qui, par moquerie, menace de mépris ou d'aae antre
des manières désignées dans l'article 9, aura occasionné ou réclamé avec inien-
tion l'mécution ou la provocation d'an duel ; celui qui, avec p ré médi talion, s
cherché h fournir l'occasion et le moyen d'accomplir le délit, ou a été complice
intentionnol d'une autre manière, sera, même s'il n'en est résulté aucun mal,
puni de six mois à un au de prison; mais si une blessure ou la mort s'en eet
suivie, le combattant sen puni d'après les articles 135, 236 et 137, et mémo
d'après la plus grosse peine établie eu l'article S3T, si la convention dange-
reuse a été stipulée sor son initiative.
Abt. 140. — Ceux qui se sont constitaés assistants, autrement dit seconds
d'un duel, sont punis de six mois à un an de prison et, selon l'importance de
leur influence et des conséquences malheureuses de la rencontre, jusqu'à
cinq ans.
Mais, dans la mesure où le résultat du duel, ainsi que la convention dan-
gereuse, dont parle l'article !37, ou les conséquences rigoureuses du combat,
doivent être attribuées à leur influence, on les traitera d'après les disposiUoiis
de l'article 339.
AnT. til. — De la disculpabilîté [comme pour l'Autriche).
BELGIQUE.
CODB PÉNAL DB 4867.
ArtTtcLE 4'23. — La provocation en duel sera punie d'un emprisonne-
ment de quinze jours à trois mois et d'une amende de 100 à 500 Irancs.
Art. 424. — Seront punis des mêmes peines ceux qui auront décrié publi-
quement ou injurié une personne pour avoir refusé un duel.
Art. 425. — Celui qui, par une injure quelconque, aura donné lieu à la
provocation, sera puni d'un emprisonnement de un mois à six mois et d'une
amende de 100 à 1,000 francs.
Art. 436. — Celui qui, dans un duel, aura fait usage de ses armes contre
son adversttire, sans qu'il soit résulté du combat ni homicide ni blessure, sera
puni d'un emprisonnement de un mois h six mois et d'une amende de tOO i
1,000 francs. Celui qui n'aura pas fait usage de ses armes sera puni con-
formément à l'article 4î3.
Art. 487. — Celui qui, dans un duel, aura blessé son adversaire, sera puni
d'un emprisonnement de deux mois h un an et d'une amende de 300 à
1,500 francs.
Art. 428. — Si les blessures ont causé une maladie on incapacité de travail
personnel, le coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans
et d'une amende de 500 a 2,000 francs.
Art. 429. — L'emprisonoemenl sera de six mois à trois ans et l'amende
de 1 ,000 à 6,000 francs, si les blossures résultant du duel ont causé, soit une
maladie paraissant incurable, soit une incapacité permanente de travail per-
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 409
sonnel, soit la perte de Tusage absola d'un organe, soit une mutilation
grave.
Art. 430. — Celui qui, dans un duel, aura donné la mort à son adversaire,
sera puni d*nn emprisonnement de un an à cinq ans et d'une amende de 2,000
à 4 0,000 francs.
Art. 434. — Ceux qui, d'une maniôre quelconque, auront excité au duel,
seront punis des mômes peines que les auteurs. Dans le cas où le duel n'aurait
pas eu lieu, ils encourront un emprisonnement de un mois à un an et une
amende de 400 à 4,000 francs.
Art. 433. — Les coupables condamnés, en vertu des articles 425 et sui-
vants, seront, en cas de nouveaux délits de môme nature commis dans le
délai fixé par l'article 56, condamnés au maximum des peines portées par ces
articles, et ces peines pourront ôtre élevées an double.
DANEMARK.
CODB PBNAL DE 4866. — DUBL.
Article 208. — Quiconque se sera battu en duel sera puni de l'empri-
sonnement simple.
Si quelqu'un a tué une autre personne en duel, ou lui a fait une blessure
grave (art. 204], la peine sera de trois mois d'emprisonnement au moins. S'il
a été convenu entre les deux adversaires que le combat continuerait jusqu'à la
mort de Tud d'eux, la peine pourra ôtre portée jusqu'à cinq ans d'emprisonne-
ment dans une prison d'État.
Si quelqu'un, pendant le combat, par une violation volontaire des règles
du duel ou des conventions intervenues entre les parties, a causé la mort de
son adversaire, ou lui a fait une blessure, on appliquera la peine générale éta-
blie pour le cas dont il s'agit.
Art. 209. — Les témoins seront punis de deux mois au moins d'empri-
sonnement simple, lorsqu'ayant su que le duel devait durer jusqu'à la mort de
l'un des adversaires, ils ne s'y seront pas opposés, ou lorsqu'ils auront volon-
tairement manqué aux devoirs que leur imposaient les règles du duel, ou les
conventions intervenues entre les parties.
ESPAGNE.
Gode pénal db 4870. — Duel.
Article 439. — Les autorités qui auront connaissance d'un duel projeté
procéderont à l'arrestation du provocateur ; à celle de l'adversaire, si celui-ci a
accepté le défi; ils ne seront mis en liberté qu'après avoir donné leur parole
d'honneur de se désister de leur projet.
110 CINQUIÈME PARTIK.
Celui qui, manquant déloyalement à sa parole, proToqaeratt de oouveaa
son adversaire, sera puni d'interdiction temporaire de l'exercice de toutes les
fonctions publiques et même du banniasemonl.
Celai qui, dans les mèmas conditions, accepterait le duel, sera puai
d'exil.
Art. i40. — Celai qui luerail en duel son adversaire sera puni de récln-
S'il le blessait de blessures définies dans le n° 1 de l'arlicte 431 , il sera
puni de la prison correction ne lie (applicalion des pénalités, moyenne ou maii-
mum). £a tout autre cas, on punira de détention les combattaols, alors même
qu'il n'y aurait pas de blessures.
Akt. 4i1, — Au lieu des pénalités signalées à l'article précédent, an
punira de bannissement, en cas d'homicide; d'exil, en cas de blessures stipulées
dans le n" 1 de l'article 431, et d'une amende de 50 à 500 pesetas dans chacun
des cas suivants :
1° Le provoqué ou dé&é qui se battrait pour ne pas avoir obtenu de son
adversaire eiplica lion des motib du duel;
î" Le déQé qui se battrait parce que son adversaire lui aurait refusé
des explications suffisantes, ou une satisfaction honorable pour l'offense
encourue ;
3° L'offensé qui se battrait pour n'avoir pu obtenir de l'offenseur
une esplicalioD suffisante ou une satisfaction honorable qu'il aurait de-
mandée.
AiiT. 443. — Les péualités établies i l'article i40 seront appliquées au
maximum ;
t" A celui qui provoquerait le duel sans en expliquer les motifs à son
adversaire, ai celui-ci l'eiigâait;
1° A celui qui, ayant provoqué, même avec raison, rejetterait les explica-
tions suffisantes ou la satislactioD honorable que lui aurait offertes sou advei^
3° A celui qui, ayant faltinjure è son adversaire, se refuserait à lui accor-
der des explications suffisantes ou une satisfactipn honorable.
Art. 443. — Celui qui exciterait un autre à provoquer ou b accepter un
due! sera puni respectivement des pénalités mentionnées à l'article 440 si le
duel a eu lieu.
A H T. 444. — Celui qui outragerait ou discréditerait un autre publique-
ment, pour le fait d'avoir refusé un duel, encourrait une des pénalités établies
pour les injures graves.
Art. 445. — Les témoins d'un dueld'oi) résulteraient la mort ou des bles-
sures seront respectivement punis comme auteurs de ces délits avec prémédi-
tation, s'ils ont provoqué le duel ou employé quelque perfidie, soit dans l'oxé-
cution du duel, soit dans le règlement des conditions de celui-ci, comme com-
plices des mêmes délits s'ils avaient décidé un duel h mort, ou connaissaient
l'avantage de l'un des combattants.
Ils encourent la réclusion et une amende de 250 â !,500 pesetas, s'ils
n'ont point fait tout leur possible pour concllierles parties, ou s'ils n'ont point
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 4H
établi les conditions du duel de la façon la moins périlleuse possible pour la vie
des combattants.
Art. 446. — Le duel qui aurait lieu sans l'assistance de deux ou plusieurs
témoins majeurs pour chaque partie, et sans que ceux-ci eussent choisi les armes
et réglé toutes les^autres conditions, sera puni :
4° De prison correctionnelle, s'il n'en résulte pas mort ou blessure;
%"" Des pénalités générales de ce code, si la mort en est résultée, la péna-
lité ne pouvant jamais être moindre que la prison correctionnelle.
Art. 447. — On appliquera aussi les lois générales de ce code et, en
entre, l'interdiction absolue temporaire de l'exercice de toutes les fonctions
publiques :
4° A celui qui provoquerait ou donnerait lieu à un défi ayant en vue un
intérêt pécuniaire ou un but immoral;
2° Au combattant qui commettrait la lâcheté de manquer aux conditions
établies.par les témoins.
GRÈGE.
Gode pénal db 4834. » Duel.
Article 208. — Gelui qui, pour des moliiis quelconques, provoque un
autre individu à se battre en duel, de même celui qui consent à se rendre sur
le terrain de la lutte, seront punis :
^'^ D'un emprisonnement de quatorze jours à six mois, au cas oti le duel
n'aura pas occasionné de graves blessures ;
i? D'un emprisonnement de trois mois à deux ans, au cas où les blessures
auront occasionné une incapacité de travail d*au moins trois mois ;
3^ Aux travaux forcés, au cas où l'un des adversaires aura été blessé moi^
tellement ou aura été tué sans qu'il eût été convenu que le duel aurait pour but
la mort de l'un ou de l'autre adversaire ;
4° Aux travaux forcés à temps, au cas où il y aurait eu mort, en consé-
^ence d'un accord préalable. (Gode pénal, 442, 205, 207, 209, 240, 244.)
Art. 209. — Seront punis d'un emprisonnement maximum de trois
mois :
4® Geux qui auront provoqué ou accepté la provocation en duel, quoique
le duel n'eût pas eu lieu ;
2® Geux qui se sont livrés à des menaces ou manifestations de mépris
contre celui qui a refusé de se battre en dueL (Gode pénal, 443, 208, 330.)
A&T. 240. — Est considéré comme circonstance aggravante le fait de re-
pousser l'offire de la partie adverse, de mettre fin au différend par la voie judi-
ciaire, ou bien, après avoir suivi cette voie, d'être revenu au moyen du duel.
(Gode pénal, 205.)
Art. 244. — N'est passible d'aucune peine quiconque a assisté au duel
comme témoin ou aide. (Gode pénal, 56, 57, 208.)
*.* î-jiji^'^.
CIXUCIËME PABTEE.
ITALIE.
Code pénal dO: <- DÉCBiiBkE 4889. — Dcbl.
Akticlb 1ï7. — Quiconque provoque quelqu'un en duel est pnoî d'une
amende pouranl s'élever jusqu'à 500 livres, quand même la provocsiioo n'au-
rait pas été acceptée; maiâ s'il a été la cause injuste et dëtennioante du fail
d'où est sortie la provocation, la peine peut aller jusqu'il deux mois de déteo-
lion.
Est exempt de peine celai quj a été entraîné à la provocation par une
insulte grave ou un grave outrage.
Celui qui accepte la provocation, quand même la cause iJa bit dont elle
dérive aurait été injoâte, est puni d'une amende de tOO à 1,500 trancs.
Si le duel a lieu, on applique seulement les dispositions des articles sai-
vaiits.
Abt. J3S. —Quiconque fait usage des armes en duel est puni, s'il ne
cause pas à l'adversaire de lésions personnelles, de la détention jusqu'à deux
Si le coupable a été la cause injuste et déterminante du duel, la détention
est de quinze jours a quatre mois.
Akt. 239. — Le combattant en duel est puni de la détention :
1° De six mois ci cinq ans, s'il tue l'adversaire on lui fait une blessure
amenant la mort;
i" D'un mois ù deux ans, s'il fait une blessure entraînant un des effets
prévus dans le premier paragraphe de l'article 373;
3* Jusqu'à quatre mois, en cas de toute autre blessure.
Si le coupable a été la cause injuste et déterminante du duel, la détention
est, dans le premier cas, de deux à sept ans; dans le second, de trois mois à
trois ans ; et dans le troisième, de un à six mois.
Abt. S40. — Les peines établies dans la première partie d«s deux précé-
dents articles sont diminuées d'un sixième à un tiers, si le coupable a été
entraîné au duel par une insulte grave ou par un grave outrage.
Akt. Sil. — Les porteurs de laprovocation sont punis d'une amende poo*
vant aller jusqu'à 500 francs; mais ilssoot exempts de peine s'ils empêchent le
combat.
Les parrains ou seconds sont punis d'une amende de 400 à 4,000 francs,
s'il n'est résulté aucune blessure de la rencontre, et de la détention pouvant
aller jusqu'à dix-huit mois, dans les autres cas ; mais ils sont exempts de peine
si avant le duel ils ont fait tout ce qui dépendait d'eux pour concilier les par-
ties, ou si par leurs elTorls le combat n'a pas eu de résultat aussi grave que
celui qui pouvait avoir lieu.
Art. 343. — Sv l'un des combattants n'avait pris aucune part au fait qui a
occasionné le duel et s'il combat à la place de celui qui était directement inté-
ressé, les peines établies dans les précédents articles S3S et 139 sont augmen-
tées de moitié.
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 4^3
Od n'applique pas cette augmentatioD de peine si le combattant est un
proche parent de la personne intéressée, Ou encore si c'est un des parraina ou
seconds qui se bat à la place de son client absent.
Art. 243. — A la place des dispositions des articles 239 et 242, on applique
pour l'homicide et les blessures résultant du duel les dispositions des chapitres
I et n du titre IX :
4° Si les conditions du combat n'ont pas été établies préalablement par
les parrains ou seconds, ou bien si le combat n'a pas eu lieu en leur présence ;
2^ Si les armes employées pour le combat ne sont pas égales et ne sont
ni des épées, ni des sabres, ni des pistolets également chargés, ou bien si ce
sont des armes de précision ou à plusieurs coups ;
3^ Si dans le choix des armes ou dans le combat, il y a fraude ou viola-
tion des conditions établies ;
4*" S'il a été expressément convenu ou s'il résulte de la nature du duel ou
de la distance entre les combattants, ou des autres conditions établies, que l'un
des combattants devait rester mort.
Dans tous les cas, la peine est la réclusion; et dans le cas où la condam^
nation n'entraîne pas l'interdiction perpétuelle, on ajoute l'interdiction tempo-
raire des emplois publics.
Si la blessure entraîne une peine inférieure à celles édictées aux articles
23^9 et 242, on applique lesdites peines, augmentées d'un tiers, en substituant
la réclusion à la détention.
Les parrains ou seconds» dans les cas des paragraphes 2, 3 et /ï, tombent
lOus les mômes peines que celles établies dans cet article contre les coinbattants,
toutefois elles peuvent être diminuées d'un tiers.
La fraude ou la violation des conditions qui règlent le choix des armes ou
le combat est à la charge non seulement de son auteur, mais encore de celui
qui, parmi les combattants, parrains ou seconds, en avait eu connaissance ^vant
ou pendant le combat.
Art. 244. — Quiconque offense publiquement une personne ou la désigne
de quelque manière au mépris public, parce qu'elle n'a pas provoqué en duel
on a refusé le duel, ou encore en témoignant du mépris ou en meni^çant
de le faire, pousse quelqu'un au. duel, est puni de la détention d*un mois à un
an.
Art. 245. — Quand celui qui provoque ou défie {(itia) en duel, ou bien
menace de provoquer ou de défier, agit avec l'intention d'extorquer de l'argent
ou quelque autre profit, on applique, selon les cas, les dispositions de l'article 407
ou de l'article 409.
LUXEMBOURG.
Code pénal du 48 juin, 45 octobre 4879. — Édition de 4884.
Titre YUI. — Des crimes et des délits contre les personnes.
Chapitre m. — Du dueL
m CINQDIÈME PARTIE.
Articl b iJ3. — La provocation an duel et l'accepCatioD de cotle ptovo-
catiOQ seront punies d'un empriaoDQement de quinïo jours h trois mois et d'une
amende de tOO à 500 Trancs.
AttT. iîi. — Seront punia des mêmes peines ceux qui aoroat décrié pobli-
quemeot ou injurié une personne pour avoir refusé un duel.
Art. 4i&. — Celui qui, par une injure quelconque, aura donné lieu à la pro-
vocation, sera puni d'un eniprisonnement d'un mois à six mois et d'une amende
de 100 à 1,000 [rancs.
Art. 426. — Celui qui, dans un duel, aura fait usage de ses armes conlrB
son adversaire, sans qu'il soit résulté du conibal ni homicide ni blessure, ^ta
puni d'un emprisonnement d'un moisb^ mois et d'une amende de îOOi
1 ,000 francs.
Celui qui n'aura pas fait usage de ses armes sera puni cou formé ment â
l'article il3.
Le combattant qui a été blessé sera passible des peines prononcées par le
paragraphe f ou le paragraphe i du présent article, selon qu'il aura fait anft
de ses armes contre son adversaire.
Art. ht. — Celui qui, dans un duel, aura blessé son adversaire, sen
puni d'un emprisonnement de deux mots h un au et d'une amende de 300 i
4,500 francs.
Art. 428. — Si les blessures ont causé une maladie ou une incapacité de
travail personnel, le coupable sera puni d'un emprisonnement do trois moisi
deux ans et d'une amende de 600 à 2,000 francs.
Art. 429. — L'emprisonnement sera de six mois à trois ans et l'amende
de 1,000 à 3,000 francs, si les blessures résullanl du duel ont causé, soil
une maladie paraissant incurable, soit une incapacité pernianonlo de travail
personnel, soit la perte de l'usage absolu d'un organe, soit une mutilalioD
grave.
Art. 430. — Celui qui, dans un duel, aura donné la mort à son advesaire,
sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de S,OO0
à 10,000 francs.
Art. 431 . — Ceux qui, d'une manière quelconque, auront excité au dnel,
seront punis dos mêmes peines que les auteurs.
Dans le cas où le duel n'aurait pas eu lieu, ils encourront un emprisonae-
ment d'un mois a un an et une amende de 400 à 1,000 francs.
Art. 432. — Dans les cas prévus par les articles 417 à 430, les témoins
seront punis d'un eraprisonnemenl d'un mois à un an et d'une amende de 100
è 1,000 francs, ou de l'une de ces peines seulement.
Art. 433. — Les coupables condamnés en vertu des articles 423 et sui-
vants seront, en cas de nouveaux délits de même nature commis dans le délai
fixé par l'arlicle 55, condamnés au maximum des peines portées par ces article*,
et ces peines pourront être élevées au double.
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 415
PRINCIPAUTÉ DE MONACO.
Code pénal. — Duel.
Article 307. — Le duel est un délit.
SoDt coupables de duel les personnes qui,, par suite de conditions préala-
blement établies, se rencontrent munies d'armes et accompagnées de témoins,
et fooi usage de leurs armes l'une contre Pautre.
Art. 308. — L'homicide commis dans un duel est puni de deux à cinq
ans de prison.
S'il est résulté du duel des blessures ayant occasionné une incapacité de
travail pendant plus de vingt jours, Fauteur des blessures sera puni d'un an à
trois ans de prison.
Si les blessures n'ont occasionné aucune incapacité de travail pend ant
plus de vingt jours, la peine sera de trois mois à un an de prison.
Art. 309. — Le duel, non suivi de blessures, sera puni delà peine d'un
mois à trois mois de prison.
Art. 340. — Dans tous les cas, les coupables du délit dé duel seront
condamnés à une amende de 300 à 3,000 francs.
Art. 344. — Les témoins seront considérés comme complices; les
médecins, chirurgiens ou officiers de santé ne sont pas considérés comme
témoins.
Art. 312. — La tentative de duel qui n'aura manqué que par des circon-
stances indépendantes de la volonté des parties est punie comme le duel lui-
même.
Art.' 343. — Les articles précédents ne sont pas applicables si les com*
battants n*ont pas été assistés de quatre témoins ou si les conditions du combat
n'ont pas été loyalement remplies.
Dans l'un ou l'autre de ces cas, les articles 287, 296, 297 et 298 sont seuls
applicables.
(Les articles auxquels on renvoie feraient considérer le duel c^omme un
assassinat ou comme blessures volontaires, guet-apens, et, dans ces cas,
l'auteur serait condamné à mort, à la réclusion ou à une très forte
amende.)
MONTÉNÉGRO.
Le Monténégro n'a pas de loi réprimant le duel. Du reste, c'est à peine s'il
a des lois pénales écrites. Tout est à peu près réglé par l'usage et la tradition.
Dans bien des cas, c'est le souverain lui-même qui rend la justice.
D'ailleurs, le duel n'existe pas à proprement parler dans le pays. Les que-
relles se vident à peu près comme en Corse par la vendetta, mais avec bien
moins d'entraves et une répression moins assurée.
(Renseignements donnés de vive voix par M. le comte de Sercey, chargé
d'affaires à Cettigne, en juillet 4889.)
416 CINQUIÈME PARTIE.
PAYS-BAS.
CODB PENAL DU 3 MARS 4884. — DuBL.
Art I CLE 452. — Est puni d'un emprisonnement de six mois oa plus :
4<^ Celui qui excite quelqu'un à faire une provocation ou à en accepter une,
s'il s'ensuit duel;
V Celui qui transmet une provocation avec intention, s'il s'ensuit on
duel.
Art. i53. — Est puni d'un emprisonnement de quatre mois au plus ou
d'une amende de 300 florins en plus, celui qui, en public ou en présence d'an
tiers, fait des reproches à quelqu'un, ou l'expose à la raillerie, pour ne pas avoir
provoqué en duel, pour avoir refusé une provocation.
Art. 454. — Le duel, pour celui qui ne fait pas de blessures à son adver-
saire, est puni d'un emprisonnement de six mois au plus.
Celui qui fait une lésion corporelle à son adversaire est puni d'un an de
prison.
Celui qui fait une lésion grave est puni de trois ans de prison au plus.
Celui qui tue son adversaire est puni de six ans de prison an plus, et, s'il
y a eu duel à mort, de douze ans au plus.
La tentative de duel n'est pas punissable.
Art. 455. — Les dispositions relatives au meurtre, à l'homicide ou aux
sévices s'appliquent à celui qui, dans un duel, tue son adversaire ou lui lait
quelque lésion corporelle (détention de neuf années de prison) (sic) :
4<> Si les conditions n'ont pas été réglées d'avance ;
2^ Si le duel n'a pas eu lieu en présence de témoins des deux parties;
3^ Si l'auteur commet quelque fraude ou s'écarte des conditions, avec
intention et au détriment de son adversaire.
Art. 456. — Les témoins et les médecins qui assistent à un duel ne sont
pas punis.
Les témoins sont punis :
4° De deux ans, au plus, de prison, si les conditions n'ont pas été réglées
d'avance ou s'ils excitent les parties à continuer le duel;
2^ De trois ans de prison, au plus, si, avec intention, et au détriment d*une
des parties, ils commettent ou permettent quelque fraude de la part des com-
battants, ou permettent qu'on s'écarte des conditions.
Les dispositions relatives au meurtre, à l'homicide, aux sévices s'appliquent
au témoin, dans un duel, si l'une des parties a été tuée ou blessée, s'il a, avec
intention et au détriment de celle-ci, commis quelque fraude, ou permis quelque
fraude, ou s'il a permis qu'on s'écartât des conditions, au détriment de la pei^
sonne tuée ou blessée.
LE DU£L A L'ÉTRANGER. 417
PORTUGAL.
Code pénal ou 46 septembre 1886. — Duel.
Article 381.— La provocatiOD ea duel sera punie d'un mois à trois
mois de prison et d'une amende pouvant aller jusqu'à un mois.
En Portugal comme en Espagne, Pamende est proporlionnelle aux revenus
du coupable; par conséquent, l'amende d'un mois est calculée d'après le dou-
zième des revenus de l'inculpé.
Art. 382. — Seront punis de la môme peine ceux qui, publiquement,
discréditeront ou ii^jurieront une personne ayant refusé de se battre en
duel.
Art. 383. — Celui qui exdle quelqu'un à se battre en duel, et également
celui qui, par une injure, motivera une provocation en duel, sera puni d'un
mois à un an de prison et d'une amende correspondante;
Art. 384. — Celui qui, dans un duel, aura fait usage de ses armes contre
son adversaire, sans qu'il en résulte homicide ni blessure, sera puni de deux
mois à un an de prison et d'une amende correspondante.
Art. 385. — Si, dans un duel, l'un des combattants tue l'autre, il sera puni
de un à deux ans de prison et du maximum de l'amende^ le temps de prison
pouvant être porté au double avec les seuls effets de la prison correction-
nelle.
4^ S'il résulte du duel Tun des effets signalés dans les n~ 3 à 6 de l'article
360 et dans Tarlicle 364, la peine sera la prison de six mois à deux ans, avec
l'amende correspondante;
t^ S'il y a eu blessure, en dehors des cas énumérés dans le paragraphe
précédent, la peine sera la prison de trois à dix-huit mois et l'amende corres-
pondante.
Art. 386. — Seront punis de la prison jusqu'à six mois et d'amende jus-
qu'à un mois, les parrains, quand ils ne devront pas, en vertu des règles géné-
rales, être punis comme auteurs ou complices du crime.
Art. 387. — > Les peines généralement établies par la loi (le droit commun]
seront appliquées lorsqu'il y aura homicide ou blessures résultant du duel dans
les cas suivants :
4® Quand le duel aura lieu sans l'assistance de témoins;
2^ Contre toute personne qui, par intérêt pécuniaire, provoquera ou exci-
tera, ou donnera lieu volontairement à un duel.
Art. 388. — Si l'un des incriminés est un employé public, on pourra
ajouter la peine de la démission, selon les circonstances.
CrN(JCIÈMK PABTIE.
BOOUAMS.
Code pèhal. — Don.
Abticle 168. — Celui qui, dani un dael, en se servant d'armes, a'»
occasionné ni mort ni blesâures, est puni d'un e m prison aemeot de six jours à
as mois et d'une amende île 100 à 1,000 francs.
A AT. 159. — Lorsque le duel aura occasionné mort ou bieisures, la peine
des combattants sera de six jours à deux ans de prison. Les juges pourront,
d'après les circonstances, porter celle pénalité jusqu'à quatre ans de prison.
Art. i60. — Silesconabaltanlsse sont battus sans témoins ni seconds, on
si les règles Qxées par les témoins ou seconds n'ont pas èlé observi^es, et ù le
duel a occastonaâ mort ou blessures do l'un d'eus, le coupable sera puni d'apris
les dispositions générales comprises dans le présent code. (Renvoi k la législk-
tion de droit commun sur les mourires et blessures; ce droit commun n'esl
autre que celui de la législation française.)
An T. ïGl, — Lorsqu'un militaire se bal avec an civil, il sera soumis i la
juridiction des tribunaux civils.
Une note ajoutée h l'article Ï60 indique que cet article est emprunté lu
code pénal prussien.
(Trsduclion et indicatioTis données de vive voix par un allaclié à la léga-
tion de Uoumanie, avenue Uontaigne, 33.)
RUSSIE.
Disposition du code de police préventive.
Article 355. — Il est défondu, en cas d'offense personnelle, de provo-
quer en duel, soit verbalement, soit par écrit, soit par intermédiaire, et il est
également défendu d'accepter le duel sur la provocation d'autrui.
Art. 357. — Il est défendu de transmettre une provocation en duel,
d'exciler au duel et, en général, de faciliter un duel de quelque façon que ce soiU
Art. 361. —Les témoins du duel ont le droit de défendre le duel au nom
de la loi el, s'ils supposentquo les combattants ne voudront pas leur obéir, ils
doivent, pour leur propre justiGcaiion, dénoncer le fait, pour les personnes
employées au service de l'Ëiat, It leurs supérieurs immédiats et, pour toutes Les
autres personnes, à la police locale.
Art. 367. — Les individus coupables d'un délit se rapportant à un dael
sont renvoyés devant les tribunaux criminels pour yétro jugés conformément
aux prescriptions des articles 1197-1513 da Code pénal [édition de 1866J.
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 449
Dispositions du codb pénal (4866).
Article 4497. — Quiconque aura adressé une provocation en duel pour
quelque raison que ce soit, excepté les cas prévus ci-dessous par Tarticle 4 499,
si cette provocation n'a pas eu de résultat, quand bien môme ce serait par suite
de circonstances indépendantes de la volonté du provocateur, sera puni d'uoe
arrestation de trois à sept jours.
Si la provocation a eu pour résultat une rencontre, mais si cette rencontre
s'est terminée sans effusion de sang, le provocateur sera puni d'une arrestation
de trois semaines à trois mois.
Celui qui se sera rendu coupable de ce délit pour la seconde fois sera
puni de la détention dans une enceinte fortiûée pour un temps de deux à quatre
mois.
Art. 4498. — Les peines établies par l'article 1497 seront augmentées
d^un ou deux degrés si la provocation a été faite par celui qui a été la cause
première de la querelle.
Art. 4499. — Si la provocation en duel a été motivée par une offense grave
faite au provocateur môme, à son père, à sa mère ou à un autre de ses parents
en ascendance, ou bien à sa femme, sa ûancée, sa sœur, sa fille, sa bru, sa
belle-sœur ou aux autres personnes dont la tutelle lui est confiée, et si la pro-
vocation n'a pas de suite, le provocateur n'encourt aucune peine, ou bien est
seulement puni d'une arrestation d'un à trois jours.
Art. 397.— Tout fonctionnaire qui aura osé provoquer son chef sera puni,
selon les circonstances, de la détention dans une enceinte fortifiée, pour un
temps de quatre à huit mois, ou de la privation de certains droits civiques,
selon l'article 50 du présent code, et de la réclusion dans une maison de cor-
rection pour un temps de huit mois à un an et quatre mois.
Si avec cela le fonctionnaire a provoqué son chef pour une cause prove-
nant de leurs rapports officiels, ou pour se venger d'une peine disciplinaire
qu'il aura encourue, le provocateur sera puni de la détention dans une enceinte
fortifiée pour un temps d'un an et quatre mois à quatre ans et de la privation
de certains droits civiques selon l'article 50.
Art. 4500. — Quiconque sera convaincu d'avoir excité un autre à se battre
en duel sera puni selon les circonstances, au cas où il s'en est suivi une ren-
contre, de la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps d'un an et
quatre mois à quatre ans, ou d'un emprisonnement de quatre mois à un an et
quatre mois.
Les mômes peines sont prononcées contre celui qui aura exciré quelqu'un
à se rendre coupable d*une injure grave à l'égard d'une autre personne dans
le but de la provoquer en duel, au cas où un duel s'en est réellement
suivi.
Art. 4504» — Quiconque aura transmis une provocation en due), sll n'a
pas fait tout son possible pour empocher ce conflit, ou bien s'il n'a pas autre-
ment tâché que la provocation n'ait pas de suites, sera passible des peines éta-
blies par l'article 4497 pour la provocation môme.
«0 CINQUIÈME PARTIE.
Art. 1S01. — Quiconque, ayant accepté une provocation en duel, se Ben
rendu au lieu cociveDU, quand bien même la rencontre serait empêchée par des
clrcoostanceg iadépendaDtea de sa volonté, sera puni d'une arrestation d'an k
trois jours.
Mais au ca^ oit il aurait tiré l'âpée ou Tait usage des armes contre son
adversaire, bien que la rencoalre n'ait pas eu pour suite l'effusion du sang, il
sera puni d'une arrestation de trois à sept joors.
Art. 150^.— Quiconque, s'èlant biltu en duel, aura tué son adversaire ou
lui aura causé de graves blessures, s'il est avec cela l'agresseur, ou bien si l'on
ne peut décider qui est ragres^eur, maiss'ilest prouvé qu'il est le provocateur,
est puni, eu cas de mort, de la détention dans une enceinte TortiGce pouma
teuipi de quatre ans à six ans et huit mois; en cas de blessures graves et de
mutilation, de la même peine, pour un temp^ de doux à quatre ans.
Si, pourtant, ce n'était pas lui qui était cause de la rencontre et que li
provocation lui ait été adressée par son adversaire, il sera puni, en cas d»
mort, de la détention dans une enceinte fortiliée pour un temps de deoi i
quatre ans; ot en cas de mutilation ou de blessures graves, mais non iDor-
telles, do la même peine pour un temps de huit mois à deux ans.
ART.tSOi.— Si, on acceptant la provocation, il a été convenu entre les
combattants de se battre h niorl, et si, par suite d'une telle convenlion, l'un
des deux adversaires a été tué ou moriellement blessé, le coupable sera panii '
au CHS où cette condition aurait été proposée par lui, de la privation de UM
ses droits civils et do la déiM)rlation on Sibérie; et au cas où il a seulement i
accepté celte condition, de la détention dans une eoceinle rortiGée pour ua
temps do six ans et huit roois à dix ans.
Les témoins, |>our avoir admis une telle condition, seront punis de '^
détention dans une enceinte Tortiliée pour un temps de deux à quatre moïS'
Aht. IjOj. — Si un duel s'est terminé, bien qu'avec effusion da sgngi
mais avec des blessures légères ne mettant pas la vie en danger et ne causaa'
ni mutilation ni dommages sérieux à la santé du blessé, les coupables sont
punis d'un emprisonnement ou de la détention dans une enceinte fortifiai
celui qui a été l'agresseur ou, si cela demeure indécis, le provocateur, pour un
temps de huit mois à quatre mois l'un, et l'autre pour un temps de demi
quatre mois.
Akt. 1506. — Si les personnes convenues de se battre en duel, après s'être
pt éparées pour le combat, mais avant d'avoir versé le sang, se réconcilient de
leur propre mouvement ou par suite des conseils des lémoios, mais non par des
circonstances indépendantes de leur volonté, elles n'encourent aucune peine.
Art. 15UT. — Les témoins qui, avant ou pendant le duel, n'auront pas
employé tous les moyens possibles de persuasion pour empêcher ou prévenir
le combat, seront punis, ai le duel a eu pour suite la mort ou une blessure
roorlelle de l'un des adversaires, de la détention dans une enceinte fortifiée
pour un temps de quatre à huit mois, et dans les autres cas d'un emprison-
nement de deux h quatre mois.
N. B. — Les médecins invités pour porter secours anx blessés ne sont
pas considérés comme témoins.
LE DUEL A L'ÉTRANGER, 4)4
Art. 4508. — Si les témoins du duel sont convainctis, non seulement de
n'avoir pas employé tous les moyens possibles de persuasion pour prévenir ou
faire cesser le combat, mais d'avoir, au contraire, excité les combattants à
continuer ou à renouveler le duel, ils seront punis de la détention dans
une enceinte fortiGée pour un temps de deux ans et huit mois à quatre ans.
Art. 4509. — Si le duel a eu lieu sans témoins, et s'il a eu pour résultat
la mort ou des blessures graves, le coupable sera puni de la peine instituée
par l'article 4504, pour avoir proposé ou accepté de se battre à mort.
Mais si cette rencontre n'a eu pour suite ni la mort ni des blessures
graves, les coupables ne seront punis que de la détention dans une enceinte
fortifiée pour un temps d'uo an et quatre mois à trois ans.
A R T. 4540. — Quiconque aura tué en duel Fon adversaire ou lui aura porté
une blessure grave, en employant la trahison, sera puni du maximum de la
peine établie par l'article 4454 du présent code pour meurtre ou préméditation,
et, si le duel a eu lieu sans témoins, de la peine établie pour meurtre avec
préméditation, eu cas des circonstances aggravantes citées dans l'article
4453.
En cas de blessures graves, le coupable encourt le maximum des peines
établies par l'article 4477 pour blessures graves avec préméditation.
Les témoins qui auront aidé le coupable à porter le coup mortel ou à
causer une blessure grave, en employant la trahison, subiront la môme
peine.
Art. 4544. — Quiconque se sera trouvé fortuitement à un duel et n'aura
pas profité de cette occasion pour tâcher de persuader aux combattants de se
réconcilier sera puni, si le duel a pour suite la mort ou des blessures graves,
d'une des peines contenues dans l'article 4524, pour n'avoir pas porté secours
à un homme se trouvant en péril.
Art. 4542. — Quiconque aura reproché à une autre personne ou l'aura
injuriée, soit verbalement, soit par voie de fait, de n'avoir pas accepté une
provocation en duel ou d'avoir lait cesser le duel par suite d'une réconciliation,
sera puni, si le duel en est résulté, d'une des peines établies par l'article 4 500,
pour avoir excité au duel, etc. ; en cas contraire, d'une des peines instituées
pour injures plus ou moins graves. (Code des peines de la juridiction des juges
de paix, articles 430-435.)
(Traduction manuscrite d'Emilio di Pietro, qui se trouve à la bibliothèque
de législation étrangère de Paris.
RÉPUBLIQUE DE SAINT-MARIN.
Le code pénal, rédigé en 4859, par le professeur Zappetta, fut promulgué
peu après par le gouvernement, qui lui fit subir quelques modifications.
Cette loi pénale ne parle pas du duel, qui rentre dans les attentats de
droit commun contre les personnes, meurtre, coups et blessures, et doit encou-
ru .«t. JLJ:-"^.- . .♦.
Ul CENl^UltHE PARTIE.
Tir les peines ordinaires, modîQées, comme partout ailleurs, par l'admisàon
des cireoQfilances atténaantes.
Nous ignorons s'il existe une jarispmdeDce.
SUÈDE.
Loi pésale du 46 féviiieii (864.
Cfaap. stv. .— De l'astastiHat, du meurtre et det actes de violence.
g 38. — K deux individus sont convenus de se battre en dael el que la
mort de l'un d'eux s'en soit suivie, l'homicide sera condamné aut travaai
forcés pondant six à dii ans. Si li>s conventions portaient qao le duel ne fini-
rait que par ta raort de l'un des combattants, et que la mort s'en soit suivie,
la peine des travaux Torccs à perpétuité on pendant dix ans sera prononcée.
Si un individu a reçu de graves blessures en duel, l'auteur encourra la
peine de deux à six ans de travaux forcés. Si la blessure a été légère on s'il
n'en est résulté aucune, la peiue d'nn emprisonne ment de sis mois à deux ans
sera prononcée.
g 39. — Celui qui aura provoqué autrui en doel ou qui aura accepté
un tel déâ, sera puni d'un emprisonnement, bien que le duel n'ait pas en
§ io. — Lorsqu'un individu aura agi avec déloyauté dans un duel, et que
la mort do l'adversaiio s'en sera suivie, il sera puni d'i^prés le paragra~>he 1',
comme coupable d'assassinat. Si par la déluyanté de l'un des deux combat-
tants, de graves blessnres ont été cansées à l'antre, le coupable sera puni de
six ans k dix ans do Iravaux forcé''. S'il en est résulté une blessure légère, la
peine de deux à six ans de travaux forcés sera prononcée,
§ 41. — Sera puni d'un emprisonnement celui qui aura servi d'aide pour
arrêter les conventions d'un duel, ou de témoin dans un tel combat.
NOBVÈGE.
CODB PÉNAL DE <87Û. — DtBL.
Abticlb 1b. —Chapitre XIV.— La peine dos travaux forcés est infliger-^
en cas do mort de l'un des adversaires, ou bien si les combattants ont décid^^
do se battre à mort, quelle que soit l'issue du duel.
A n T. 19. — Chapitre xv. — Il en est de mémo à le duel a eu pour consé-'^
quenco la porte d'un membre, d'un organe essentiel, ou une maladie grav» ^
ou des infirmités.
Si les blessures ne sont que légères, aucune peine n'est encourue. Le^
témoins ne sont pas punissables.
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 4S3
SUISSE.
CANTON D'APPENZEL-INNERGHODEN.
Rhodes iifTÉRisuR.
Jusqu'à la fin de la trentième année de ce siècle a subsisté, dans ce petit
canton isolé, la coutume du pugilat réglé : les blessures qui se produisaient
dans ce pugilat restaient impunies ^
Quant au duel, il n'existe pas de règles légales. Ce demi-canton n'a pas
de code pénal écrit. Le duel est regardé comme un delictumjuris communis.
Il serait puni comme lésion corporelle ou homicide, avec admission, cependant,
de circonstances atténuantes.
S'il s'agissait d'une simple lésion corporelle, il n'y aurait qu'une poursuite
ex officio; mais, si la plainte était portée, il y aurait inévitablement punition,
avec admission d'une peine légère .
(Traduction littérale d'une consultation demandée à un jurisconsulte du
pays.)
Cette opinion n'est du reste appuyée sur aucune décision judiciaire. Il n'y
a pas plus de jurisprudence sur cette matière qu'il n'y a de disposition législa-
tive.
Une lettre de M. le procureur général, en date du 3 janvier 4893, nous
permet de l'affirmer.
CANTON D'APPENZEL.
Rhodes extérieur. — Code pénal du 98 avril 4878.
Pas de législation spéciale sur le duel.
Le duel n'est pas visé dans le code pénal du canton.
Il n'existe aucune pratique judiciaire, aucune jurisprudence en cette
matière, par la raison que, depuis un temps très reculé, il n'y a pas eu de duel
sur son territoire.
Il est probable que si un combat singulier avait lieu sur le territoire du
canton d'Appenzell, il serait regardé comme un délit de droit commun ; mais,
en l'absence de précédents, on ne saurait Taffirmer.
(Traduction d'une lettre de M. le procureur général près la Cour de justice
du canton d'Appenzel, en date du 24 décembre 4892.)
Voyez J.-B.-E. Rasch Wanderspiegel. Revw, 1872. — Ofenbruzgen. ttudM histo-
rtquei, 1868.
4li CINQUIÈME PARTIE.
CANTON D'ARGOVIB.
Code pénal du 41 février 1857. — Titre XXII.
Article 431. —Lorsque deux personnes se livrent, pour cause d^offense
et d'an commun accord, à un combat en règle avec des armes mortelles,
elles commettent le crime de duel.
Art. 132. — Le duel est puni comme suit :
I. — En cas de morl :
A. Quand elle n'est accompagnée d'aucune circonstance aggravante, de
quatre à six ans de réclusion ;
B. Quand Fauteur de la mort a cherché querelle pour des motifs indignes,
ou a refusé de se réconcilier pour des motifs indignes, de six à douze ans de
réclusion.
II. — En cas de blessures mortelles ou de muUlalion grave :
A. Dans le cas du paragraphe V, il, de la peine de la réclusion d'un à
quatre ans ;
B. Dans le cas du paragraphe I*', D, Tauleur est puni de deux ans à six ans
de réclusion.
III. — SHl n'y a eu ni morl, ni blessure mortelle, ni mutilation, te duel
est puni correctionnellemenl.
Art. 133. — Les Féconds, témoins et médecins qui assistent au duel, ne
sont pas punis on règle générale.
Mais si un second a causé la mort ou une blessure mortelle, ou une muti-
lation grave, en violant intentionnellement les règles usuelles ou spéciale-
ment convenues du duel, il est puni comme Fauteur de la mort ou de la bles-
sure.
CANTON DE THURGOVIE.
Code pénal du 15 juin 1841. — Titre XXV. — De la défense
PERSONNELLE ET DU DUEL.
Article 264. — Celui qui provoque un autre en duel avec des armes
mortelles et celui qui accepte une pareille provocation sont punis d'un empri-
sonnement de deux mois au plus, si le duel a eu lieu et n'a pas causé de
blessures, ou bien seulement dans le sens de l'article 85, lettre C. (Maladie ou
incapacité de travail de moins de soixante jours.)
Art. 265. — Lorsque, dans le cas de l'article 264, il est résulté du duel la
mort ou une blessure grave, la peine est de deux ans de prison au plus, et s'il
est établi qu'on a choisi un mode de combat devant nécessairement amener
la mort ou une blessure grave, ou que l'auteur de celles-ci a cherché à se
battre pour des motifs indignes, ou a rejeté des propositions de réconciliation
acceptables, il peut être puni dos travaux forcés pour deux ans au plus.
LH DUEL A L'ÉTRANGER. 425
Art. 266. — Dans les limites des pénalités légales, l'on doit toujours punir
plus sévèrement celui qui a causé le duel par la nature de l'offense ou par une
provocation de propos délibéré.
Art. 267. — Les seconds, témoins et médecins qui ont assisté au duel ne
sont pas punissables, pourvu qu'il ne soit pas établi qu'ils en aient été les pro-
moteurs.
Art. 268. — Lorsque les parties ont renoncé à se battre, sans en avoir
été empêchées par des obstacles extérieurs, elles ne sont pas punies.
Celui qui excite à un duel ou témoigne à l'une des parties du mépris pour
avoir refusé de se battre, ou à raison d'un accommodement, est puni d'un
emprisonnement d'un mois au plus, ou d'une amende de 4 00 francs au
plus.
CANTON DE BALE-VILLE.
Code pénal du 47 juin 4872. — Chap. xvi.
Provocation en duel,
Articlb446. — Celui qui provoque en duel ou qui accepte une pareille
provocation est condamné à un emprisonnement pouvant s*élever à trois mois
ou à une amende pouvant s'élever à 4 ,000 francs.
Si la provocation stipule qu'une des parties doit perdre la vie, ou si cette
intention résulte du mode de combat qui a été choisi, la peine peut s'élever
jusqu'à deux ans d'emprisonnement.
A RT. 447. — Le duel est puni de la prison.
Art. 448. — Celui qui tue son adversaire en duel, ou lui cause une lésion
corporelle grave, est puni de six mois à six ans de prison et, s'il y a eu inten-
tion de donner la mort, de la réclusion pouvant aller jusqu'à dix ans.
Art. 449. — Les porteurs de cartels sont punis d'un emprisonnement do
trois mois au maximum, ou d'une amende de 4,000 francs au maximum.
S'ils ont sérieusement cherché à empêcher le duel, i's ne sont pas punis.
Les médecins, seconds ou témoins d'un duel ne sont pas punis.
Art. 420. — Si la mort ou les lésions corporelles ont été occasionnées par
une violation intentionnelle des règles usuelles ou convenues du duel, les di^
positions sur l'homicide et la lésion corporelle sont applicables.
CANTON DE BALE-CAMPAGNB.
Code pénal du 3 février 4S73. — Chap. xvi.
Articles 446-420. — Mêmes dispositions que pour le canton de Bàle-
Ville.
:•■ r
426 CINQUIÈME PARTIE.
CANTON DE BERNE.
Code pânal db 4866.
Crimes el délits contre les personnes.
Section IL — Mauvais traitements et coups et blessures non qualifiés
meurtre.
Article 448. — Quiconque S9 bat en due^ sans violer à dessein les
règles usitées ou convenues pour ce genre de combat, se rend passible des
peines suivantes :
S'il tue son adversaire, il sera condamné à la peine d'une année à six ans
de détention dans une maison de correction. Dans tous les autres cas, la peine
ne pourra dépasser soixante jours d'emprisonnement ou quatre années de dé-
tention dans une maison de correction.
Si les blessures n'ont eu aucune des conséquences prévues par les
articles 439 (coups et blessures entraînant la mort), 440 (coups et blessures
ayant pour conséquences une incapacité absolue de travail, une maladie incu-
rable ou une autre infirmité permanente) et 444 (incapacité de travail person-
nel de plus de vingt jours), le délinquant ne pourra être poursuivi et puni que
sur la plainte de la partie lésée.
Si celui qui se bat en duel viole à dessein les règles usitées ou convenues,
ou si le combat a eu lieu sans témoins, les dispositions des articles 4 23 à 449
(c'est-à-dire les dispositions sur les délits ordinaires contre la vie) seront appli-
cables.
Les témoins et les médecins qui auront assisté à ce duel, de même que les
porteurs du cartel, sont exempts de toute peine.
Cependant le témoin qui aura violé à dessein les règles usitées ou conve-
nues pour le duol sera, suivant la gravité des circonstances, puni d'un empri-
sonnement qui ne pourra excéder soixatite jours, ou de quatre années au plus
de détention dans une maison de correction.
CANTON DE FRIBOURG.
Article 376. — La provocation en duel avec armes meurtrières, et
l'acceptation de celte provocation, seront punies d'un emprisonnement de
quinze jours à deux mois et d'une amende qui n'excédera pas 600 francs. La
peine sera de quatre mois d'emprisonnement si la provocation porte que le
combat ne cessera qu'avec la mort de l'un des combattants, ou si cette inlen-
lion résulte du genre de combat qui a été choisi.
Art. 377. — Ceux qui acceptent la mission de transmettre une provocation
en duel ou qui l'accompliront seront punis d'un emprisonnement de quinze à
quarante jours
Art. 378. — Aucune peine ne sera prononcée contre le provocateur ou
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 427
celui qui a accepté la provocation, ni contre les porteurs du cartel, si les
parties ont spontanément, et avant de commencer le combat, renoncé aa
duel.
Art. 379. — Le duel est puni de deux à quatre ans de bannissement du
canton ou d'une amende de 500 à 3,000 francs, s'il n'y a pas eu de blessures,
ou si elles sont légères.
Si l'un des combattants a été tué ou s'il a éprouvé une lésion grave, la
peine sera un bannissement hors du canton pendant six à dix ans ; cette der-
nière peine pourra élre cumulée avec une amende de 2,000 francs au maxi-
mum.
Art. 380. —Sera puni d'un bannissement hors du canton pendant dix ans
celui qui tue son adversaire dans un duel qui ne devait cesser qu'avec la mort
de l'un des combattants (art. 376).
Une amende de 2,500 francs sera cumulée avec cette peine.
Art. 381. — Les médecins et les chirurgiens appelés au duel ne sont pas
punissables, et ils ne sont obligés de dénoncer le duel projeté ou réalisé que
quand ils en sont requis par l'autorité^
Les porteurs du cartel ne seront également pas punis s'ils ont fait des efforts
sérieux pour empêcher le duel.
Les seconds ainsi que les témoins seront punis d'un emprisonnement de
deux mois au moins.
Art. 382. — Les peines établies contre le duel recevront leur application
alors môme que les coupables seront convenus de se battre hors du canton, si
le duel a été proposé et accepté dans le canton. (V., dans la partie criminelle,
art. 4 33.) ,
Art. 383. —Si, par suite de la violation volontaire des règles convenues
ou adoptées par l'usage dans un duel, l'un des adversaires a été tué ou blessé,
celui qui a violé ces règles sera puni suivant les dispositions du présent cha-
pitre.
CANTON DE GENÈVE.
Dans le canton de Genève, il n'existe aucune législation spéciale relative
au duel, aucune jurisprudence sur la matière.
Des recherches minutieuses faites dans les archives par un magistrat fran-
çais, un avocat genevois et le greffier de la Cour de justice lui-môme, ont
amené la découverte de plusieurs enquêtes, mais toutes non suivies de pour-
suites.
Tel est le cas de la rencontre où le célèbre agitateur Lassalle perdit la vie,
en 4864.
En présence de cette pénurie absolue de documents, il est impossible de
prévoir avec certitude quelle interprétation serait donnée au silence du Code
pénal. ,
L'homicide ou les blessures commis en duel seraient-ils considérés comme
des crimes ou des délits de droit commun? C'est ce que nous ne saurions
affirmer et ce que ne pouvait affirmer le procureur général auquel nous
nous sommes adressé par l'intermédiaire de M. Gans, avocat à Genève.
P 498
CINQDIÈME PARTIE.
II croyait qu'il y aurait poursuites, couronnement au droit coaimun, mais,
eo l'absence d'uDO jurisprudence quelconque, ne pouvait rien préjuger du
résultat.
CANTON DES GRISONS.
Code pénal du 8 jdillbt 1851.
Article 83. — Celui qui provoque un autre en duel et celui qui accepte
une pareille provocation sont punis, si le duel a réellement lieu :
4" De la prison ou de la riïclusion de quatre ans au plus.sileduel a amené
la mort de l'un des comballants, soit directement, soit par suite de blessures
reçues dans le combat;
2" De deux ans de prisin au plus, si le duel a amena des troubles perma-
nents dans la santé ou une mutilation corporelle quelconque;
3" Dtf trois mois de pd-oo au plus, si la blessure n'a amené ni des
troubles permanents dans la sanlé, ni une mutilation corporelle;
4° De six semaines do prison au plus, s'il n'rst résulté du duel aucune
blessure.
Art. 8i, — Dans les limites des pénalités prévues par la loi, celui qui a
amené le duel par la nature de l'ofrcnse ou par une provocation de propos
délibéré doit être puni plus sévèrement. De mfme l'on tiendra compte,
dans l'app'icalion de la peine, do la nature des armes et des condi'.ions du
combat.
A aT. 85. — Ceui qui ont poussé intentionnellement au duel ou à sa coati-
nuatioii peuvent, selon les circonstances, être punis de la même peine que los
CombaCtanls ou d'une peiae moindre.
Art. 8G. — Seconds et témoins. — Celui qui assiste comme second ou
comme témoin au duel est puni, d'un emprisonnement de trois à douze se-
maines, suivant que le duel n'a pas eu de suites ou qu'il s'en rst suivi des
blessures plus ou moins graves, ou la moit; mais les seconds ou témoins ne
sont pas punissables, s'il est établi qu'ils ont cherché à empêcher le duel, ou,
pendant le combat, à empêcher celui-ci d'avoir une issue fatale.
Les médecins appelés à un duel ne sont pas punissables comme tels,
pourvu qu'aucune autre faute ne soit à leur charge.
CANTON DE GLARIS.
Code pénal de IseT, kevu en 4887.
Article tOS. — Si une mort ou des lésions corporelles résultent d'uDduel
en régie, l'auteur est puni, dans le premier cas, de six ans de réclusion, au
maximum; dans le second cas, la peine subit la même atténuation qu'à l'article
toi, page ! (si les blessures ont entraîné incapacité totale de travail, ou perle
d'un organe, ou dérangements de facultés intellectuelles, sans espoir de gué-
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 429
risoo, ou si elles ont entraîné d'antres conséquences graves pour la santé} ,
la peine consiste dans les travaux forcés ou la prison ; s'il en est résulté une
maladie ou une incapacité de travail de plus de quatorze jours» la peine est la
prison seulement.
CANTON DE LUCERNE.
Code pénal criiiinbl du 29 janvier 4860, entre en vigueur
le 28 janvier 4864.
Article 476. —Si deux personnes se livrent d'un commun accord, à
cause d'une affaire, à un combat réglé avec des armes de nature à mettre la
vie en danger, elles commettent le crime de combat singulier (duel}.
Art. 177. — Le duel est puni :
(a) De la réclusion, si l'un des combattants est tué;
(b) De six mois à deux ans de prison, si l'un des combattants est grave-
ment blessé ;
(c) D'un an de prison au maximum» s'il n'en est résulté qu'une blessure
insigniâante ;
(d) Le duel qui n'a entraîné aucune blessure est puni correctionnel-
lement.
Art. 478. — Si les combattants et leurs seconds ou témoins se sont rendus
à l'étranger pour exécuter un duel convenu dans ce canton et l'ont mis à exé-
cution à l'étranger, ils seront néanmoins tous traités et punis conformément au
présent code.
Art. 480. — Ceux qui menacent de mépris la personne qui a refusé de
se battre en duel, ou qui lui ont témoigné du mépris, sont punis correction-
nellement.
CANTON DE NIDWALD.
La loi du canton de Nidwald défend sévèrement le duel sous toutes ses
formes, et punit les blessures ou la mort occasionnées par le duel comme
des délits ordinaires. Les punitions, dans ce cas, faute de législation particu-
lière, seraient celles des blessures et des meurtres ordinaires. La loi dit : « Si,
dans votre pays, quelqu'un osait provoquer une autre personne en duel, lui et
ses assistants perdraient leur honneur et leurs biens, i On voit que la simple
provocation, de môme que l'acceptation d'un duel, sont sévèrement défendues :
on peut en conclure que les duellistes seraient déférés à la justice et punis
selon le droit commun, comme nous l'avons dit plus haut.
(Consultation d'un jurisconsulte de Stans, à nous transmise par l'obligeant
canal de M. Scbmid, procureur général à Altdorf.)
L— -"^ f*'^ • .- - . . . ■ _ -• .**■!
CINQUIÈME PABTIE.
CANTON DE ^fSUCBAIEL.
Code fAnal di: (S féihiei i89l. — Cbapitksit^ — De dcbl.
AsTicLB 177. — Lorsqne la mort oo oae lésion corporelle pvre tOL le
résultat d'un dnel régalier, ta peine sen l'er^pftsonnement jusqu'à cinq au.
Celui qoi a été giièvemeat blessé pourra éùe exempté de cette peine. Si le
dael n'a csusé aucune léâion grafe, cliacun des combaUanls sera coodamné i
la prison civile jusqu'à trois mois.
Art. 478 — L'amende jnsqu'ï 5,000 francs sera toujours prononcée
contre chacun des adversaires, qael qu'ail été le résultat du duel.
Art. 179. — Celui qui tue ou blesse griêiemeat son adversaire dans nn
duel est pas^ble des peines ordinaires établies pour le meurlre et les lésions
corporeJles ;
t' S'il s'est Tolontai renie ni écaité des r^les admises pour ce genre de
combat, ou s'il ■ commis quelque fraude;
V Si les cooditiaus du duel éUienl telles qu'il devait néce^£aîremeol ea
résulter la mort de l'un des deux combaltauts;
3° Si le duel a eu lieu san^ témoins.
Abt. ISO.— <.>uiconqueeicitâ publiquement quelqa'nnà&re une profo-
caMoQ ou à l'accepter, s'il en résulte un duel, sera puni de l'eiufHÎsoiineraeDt
jusqu'à trois nuHs.
Sera puni de l'empiisonnemcnt jnsqa'i six mois celui qui reproche publi-
quement à queliju'un do ne pas avoir fiiil une provoculion en duel ou de ne pas
l'avoir ai'ceplée.
Art. 181. — Les témoins présents à un duel ne sont pas ponis, à moina
qu'ils se se soient prêtés à quelque fraude. Dans ce dernier cas, s'il est résulté
du duel la mort d'un des deux combattants ou une lésion corporelle grave, les
lémoins coupables seront punis, maijseulementà titre de complices, des peines
qui frappent le meurtre et les lésions corporelles.
Les médecins ne sont pas punis.
Art. 18Î. — En matière de duel, la tentative n'est pas punissable.
CANTON DE SAINT-GALL.
Code pénal du !5 novembre (885, applichblh dkpuis le i" mai
<886, SOLS LE TITHB ; CniUBS ET DÉLITS SPÉCIAUX COMRI
LA PAIX PUBLIQDB.
Article 4i>8. — La provocation au duel et l'accepta lion de la provocation
sont punies d'une amende de 500 francs au plus, ou de deux mois de prison au
plus. Ces peines peuvent aussi être cumulées.
Si le duel a eu lien, les deux parties éont punies d'une amende de 500 francs
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 431
au plas, ou d'un an d'emprisonnement au plus. Ces peines peuvent aussi être
cumulées.
Les porteurs de cartels, les seconds, les témoins et le juge du combat sont
punis d'une amende de 400 Trancs au plus.
Dans l'application de la peine, il sera tenu compte du danger que pré-
sentent les armes ou le genre de combat que Ton a adoptés ou que Ton a
employés.
S'il est résulté du duel une blessure ou la mort, on applique les disposi-
tions pénales sur les lésions corporelles ou l'homicide ; mais, suivant les cir-
constances, on pourra appliquer une peine plus douce que la peine ordi-
naire.
CANTON DE SCHAFFOUSE.
Code pénal ou 3 avril 4859, sous le titrb :
De la défense personnelle, grimes et délits contre la paix.
Article 448. — Celui qui provoque un autre en duel avec des armes
mortelles et celui qui accepte une pareille provocation sont punis, si le duel a
effectivement eu lieu :
4° De six ans de réclusion au maximum, s'il a été convenu entre les par-
ties que le duel serait prolongé jusqu'à la mort de l'un des combattants et si la
mort s'en est réellement suivie ;
%"" De la prison au premier degré, de six mois au moins, si, sous une
pareille convention, un des combattants a été tué, ou s'il en est résulté pour
l'un d'eux ou pour tous les deux une blessure mortelle ou entraînant une alté-
ration permanente de la santé ;
3"* Dans les autres cas, de deux ans de prison au plus, ou d'une amende
de 4,000 francs au plus.
Le crime est consommé dès que l'un des combattants a fait usage contre
l'autre des armes convenues pour le duel.
Art. 449. — Application de la peine. — Dans les limites fixées par la
loi, celui qui a amené l'autre en duel, par la nature de l'offense ou par l'étour-
derie ou la méchanceté de sa provocation, doit être puni plus sévèrement que
l'autre.
Art. 420. — Promoteurs ei aides. — Ceux qui ont été les promoteurs
du duel ou qui ont poussé à sa continuation, subissent les mômes peines que
les combattants, d'après les distinctions contenues dans l'article 448.
Par contre, les seconds ou les témoins qui ont assisté au duel sont punis,
dans le cas de l'article 4 4 8, page 4 , de la prison au premier degré, d'un an au
plus; dans les autres cas, de trois ans de prison au plus, ou de 500 francs
d'amende au plus. Les médecins et chirurgiens qui ont assisté au duel, en cette
qualité, ne sont pas punis.
Art. 424. — Tentative. — Si les parties ont été empêchées de se battre,
après s'être rencontrées au lieu convenu, elles sont punies des peines àpplir
cables à la tentative.
t31 CINQDIÈHB PARTIE.
Si, sans en avoir été empêchées par descircODStaDcesexIérienres.ellesool
renoncé à se ballre. elles ne sont pas punissabloa.
Art. m. — Violation des réglet du combat. — Si l'un des combatlub
on des seconda a élé cause de la mort ou de téàons corporelles, par la violi-
lion intenlionnelle des règles usuelles ou convenues du duel, il ^ pnoî
d'après les disposiiions sur l'iiomicide ou Ips blessures corporelles.
A B T. 4 i3. — Provocation nu duel. — La provocation au duel ei son accep-
latioD, lorsque des circonsLances eitérîeures ont empêché le duel d'avoir liea,
â'jnl punies d'une amende de 100 francs au plus, ou de la prison an second
degré, de quatre semaines au plus.
CANTON DE SOLEURE.
Code pknal uv 39 août 1885.
AnricLB 110. — § i. — L'homicide est puni de cinq ans d'emprisoa-
nement au maximum, si la mort résuite d'un duel en règle.
Les médecins et seconds qui ont pris pari au duel ne sont pas pnoù-
fables.
CANTON DH SCIiWVTZ.
Code pénal cnlllI^BL uu 30 haï lâSI.
Article 67. — Lorsque deux personnes se Uvmit à na oooibat en régie,
avec des armes mortelles, pour la saiisTactiou d'une offense, et d'un Gommiin
accord, ce crime est puni :
(a) De l'em prison nemenl de six ans au maximum, si la mort d'un des coin-
batlanls s'en est suivie;
{b} D'uQ e m prison Dément de deux ans au maximum, en cas de blessure
plus ou moins grave.
Art. 68. — Les seconds et les témoins assignés an reodez-TOUS, qui ont
assisté à un pareil combat, sont punis d'un emprisonnement de six mois au
maximum; mais s'il est prouvé qu'ils ont cherché à empêcher le combat,
ou à empêcher une issue dangereuse da celui-ci, ils ne seront pas punis.
CANTON DO TESSIN.
Code pénal du 13 uars 1873, e\TnB bm viauBUR le I" haï.
Contrairement aux dispositions de l'ancien code lessinois, le code d« 1873
n'envisage pas le duel comme un délit exceptionnel.
Il l'a classifié parmi les délits communs.
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 433
L'article 323 est ainsi conçu :
c La loi n'admet pas d'excuse pour les auteurs ou les complices d'homicides
ou de lésions commis ou tentés à cause du duel, i
L'homicide ou la blessure en duel doit» par conséquent, être puni comme
l'homicide volontaire et les lésions communes.
La tentative à l'égard du duel entre, elle aussi, dans la classification ordi-
naire des délits prévus par l'article M : « Celui qui, par des actes voisins et
capables d'atteindre le but, a manifesté l'intention directe de commettre un
crime ou un délit, mais, par des circonstances accidentelles et indépendantes
de sa volonté, n'a pas fait tout ce qui était nécessaire pour le perpétrer, est
coupable du crime ou délit tenté. »
L'accord solennel des adversaires, la gravité de la provocation, la loyauté
du combat ne peuvent être invoqués que comme des circonstances suscep-
tibles de faire diminuer la peine, jamais pour excuser le délit
(Consultation de M. Francesco Azzi, avocat à Lugano.)
CANTON D'UNTERWALDEN (Obwald)
Code pénal du 6 août 4864.
Si deux personnes se livrent, pour cause d'offense et d'un commun
accord, à un combat en règle avec des armes meurtrières, elles commettent le
crime de duel.
Celui-ci est puni :
(a) De la réclusion de deux à six ans, si l'un des combattants est tué;
(b) De la prison de six mois à deux ans, si l'un d'eux est gravement
blessé;
(c) D'un emprisonnement d'un an au maximum , s'il en est résulté une
blessure insignifiante ;
(d) Ceux qui prennent part à un duel duquel il n'est résulté aucune bles-
sure, les témoins et les seconds sont punis correctionnellem ent.
Les dispositions ci-dessus s'appliquent également aux personnes domici-
liées dans le canton, qui la quittent pour exécuter un duel convenu dans
ledit canton et qui le mettent à exécution sur territoire étranger.
CANTON D'URL
Le duel n'est pas considéré, dans le canton d'Un, comme un crime ou
un délit d'une nature spéciale; ce canton ne possède pas de Code pénal. La
législation se borne à énumérer les délits et les crimes dans un seul article.
Le meurtre et l'homicide, comme aussi la lésion corporelle d'une nature grave,
sont punis par le tribunal criminel.
28
.*»*—■
43i CINQUIÈME PARTIE.
Le duel, une spécialité jusqu'ici ioconnue dans dos contrées, serait Trappe,
lecaséchéanl, parles mËmes peines auxquelles s'expose celui qui se read cou-
ps b'e d'un homicide involontaire ((otilsc/ifas^ ou d'une lésion corporelle grave.
Le duel, par conséquent, rentre danâ le droit commun.
L'accord des parties, la loyauté da combat, le silence de la loi, etc., ne
subiraient certainement pas h faire disparaître la criminalité de l'acte et à
exempter l'auteur d'une poursuîle; toutefois, on lui attribuerait les circon-
stances al lénuantcs. (Consultalion de M. le docteur Schmîd. procureur général
à Alldorf.)
La jurisprudence est aussi muolte que la loi pénale aur la question du duel
De l'aveu de M. Scbmid, il u'eiiste, dans le canton d'Uri, aucune disposition,
particulière permettant de fiior une pratique Judiciaire quelconque.
CANTON DU VALAIS.
Article Î37. — L'individu qui, pour un motif quelconque, aura défié
quelqu'un en lui proposant de so battre avec des armes de nature à donner la
mort, sera coupable de duel.
Il ËQ sera de mémo de celui qui, ensuite du déG porté, se sera présenté
sur le lieu du combat.
AkT. i'iS. — L'homicide commis en duel est puni par un emprisonnemeol
qui peut s'élever h dix ans.
Art. Î39. — Si le duoi a eu pour résultat des blessures do la nature do
ccllos mentionnées aux articles âi5, !iG, !4S ou 349, la peine sera d'un empri-
sonnement pour un terme qui n'oicédera pas les deux tiers de celui fixé sus-
dits articles.
Art. 140. — Dans les cas prévus aux deux articles précédente, celui qui
aura proposé le déli sera condamné, outre les peines ci-dessus, h une amende
qui pourra s'élever à 500 francs et à la privation des droits politiques pendant
un temps qui n'excédera pas dix ans.
Celte disposition sera pareillement applicable à celui qui aura accepté le
défi, s'il a été le provocateur de la dispute.
Art. S4I. — Dans l'application delà peine du duel, le tribunal aura égard
aux loris que peut avoir eus l'un et l'autre des délinquants, au momeot de la
querelle qui a donné lieu h la provocation.
Art, ta. — La peine du duel ne sera pas appliquée à ceux qui, après
avoir provoqué ou accepté le déâ, se seront désistés volontairement.
Si le duel n'a pas eu lieu par des circonstances indépendantes do leur
volonté, ou s'il n'en est résulté aucune blessure, la peine sera une amende qui
n'excédera pas 100 francs et la privation des droits politiques pendaut cinq
ans au plus.
La même peine est applicable à celui qui a proposé un dé£ non accepté
par son adversaire.
Art. 243. — Dans les cas prévus au présent chapitre, la peine de l'ompri-
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 435
sonnement pourra, suivant les circonstances, être remplacée par celle du
bannissement, en comptant deux années de bannissement pour une d'empri-
sonnement.
Par contre, dans les cas graves, la peine de la réclusion pourra, suivant
les circonstances, élre substituée à celle de Temprisonnement.
Art. 244. — Les peines établies contre le duel recevront leur application,
lors même que les coupables seraient convenus de se battre hors du canton,
si, d'ailleurs, le duel a été proposé et accepté dans le canton.
CANTON DE VAUD.
Code pénal du 48 février 4843. « Chapitre iu
Des batteries et ou duel.
Article 247. — Les dispositions des articles 240, 244, 242, 243, 245
et 2Zi6 sont applicables au duel. Toutefois, le tribunal, dans l'application de
la peine, aura égard aux torts que peut avoir eus l'un ou l'autre des combat-
tants, au moment où la querelle a eu lieu.
Le maximum de la peine peut être élevé de moitié contre ceux qui ont
été provocateurs, ou qui ont contribué à prolonger le duel, ou qui se sont
conduits avec déloyauté pendant le combat.
Les témoins et autres asâstants du duel ne sont punissables qu'autant
qu'ils ont empoché la réconciliation, excité ou envenimé la querelle, ou cherché
à aggraver les conditions du combat.
Dans ce cas, ils sont réputés complices et punis comme tels.
Art. 248. — Dans les cas prévus aux articles 242 à 247 inclusivement, la
peine de la réclusion peut, suivant les circonstances^ être substituée à celle de
l'emprisonnement.
Art. 240. — Celui qui prend une part active à une batterie, lors même
qu'elle ne présente aucun des caractères mentionnés aux articles suivants, est
puni par une amende qui ne peut excéder 60 francs (90 francs actuellement),
ou par un emprisonnement qui ne peut excéder quinze jours.
Art. 244 . — Si la batterie a eu pour résultat une lésion du genre de celles
qui sont mentionnées à l'article 234 (incapacité de travail de dix à trente jours),
l'auteur de cette lésion est puni par un emprisonnement de dix jours à dix mois ;
les autres personnes qui ont pris part à la batterie sont punies par un empri-
sonnement qui ne peut excéder quatre mois, ou par une amende qui ne peut
excéder 600 francs (900 francs monnaie actuelle).
Art. 242. — Si la batterie a eu pour résultat une lésion du genre de celles
qui sont mentionnées à l'article 232 (incapacité de travail de plus de trente
jours; fracture d'os à un bras, à une jambe ou à toute autre partie principale
du corps; privation de Tusage d'un œil, d'un membre ou de toute autre partie
principale du corps], l'auteur de cette lésion est puni par un emprisonnement
d'un. mois à deux ans; les autres personnes qui ont pris part^la batterie sont
436 CINQUIEME PARTIE. .
punies d'an emprisonnement qui ne peut excéder dix mois et d'aoe amende
qui ne peut escéder 1,000 francs (l.ôOO francs monnaie acluelle).
A HT. îi3, — Si labatteiiea eu pour réaullatune des lésions mentionnées
à l'article Ï33 (privation complète de l'usage de la vuo, de l'ouïe, des deui
bras, des deux jambes, démence, imbécillité, maladie incurable, inc3pacil« de
80 livrer à l'acte de la génération), raul«ur de celle lésion est puni d'un em-
prisomiement de dix mois à quatre ans.
Si elle a eu pour résultat une lésion ayant occasionoâ la mort, l'auteur de
cette lésion est puni par un emprisonnement de dix mois h quinxe ans. sans
préjudice dos autres dispositions sur l'homicide.
Les autres personnes qui on t pris part à la batterie sont punies d'un cmpri-
sODDementqui ne peut excéder deux ans, ou d'une amende qui no peut excé-
der a, 000 frjncs.
Art. 345. — Si le délinquant a encouru la peine d'un eœprisonnemenl
de dix mois ou au delà, le juge peut substituer, en partie, le bannissement i
l'emprisonnement (la ConsUtulion fédérale, article ii, ne permet plus de pro-
noncer le bannissement], de lelle sorte que le délinquant soit condamné â^
mois au moins d'emprisonnement; en outre au bannissement pour un temps
qui no peut excéder dix années, ni être moindre d'un an.
A AT. j46. — Dans les cas prévus au présent chapitre, le juge peut libérer
do toute peine celui qui a fait ses efforls pour arrêter la rixe, lora m^me qu'il
y a pris une part active, ainsi que celui qui est suffisamment éprouvé par let^
mauvais Iraitemenis qu'il a éprouvés ou par les blessures qu'il a reçues.
Il existe un projet de code pénal vaudois (1882| qui apporte les modiSca-
tions suivantes à celui de 1843 :
A HT. Îi7 (ancien 240). — Le maximum de l'ameude est de 100 francs et
de l'emprisoiinemont un mois.
Art. ii6 (ancien iil). — Maximum de l'em prison nemODl on de la récla-
sioQ pour l'auteur principal : deux ans; pour les autres personnes : emprison-
nement d'un an au maximum ou une amende ne i cédant pas 3,000 francs.
Cumul possible des deux peine-:.
Art. 349. — A peu prés semblable aux anciens articles 142 et 343, saof
l'amende contre les témoins, portée au maximum de 3,000 francs. Quanti la
peine contre l'auteur principal, elle se réduit i l'emprisonoament, dont le maxi-
mum est de quatre ans en cas de blessures, et de quinze ans en cas de
L'article 345 est supprimé.
CANTON DE ZUG.
Code l'ii.vAL nu 30 janvieh 187S.
Article 79. — Si la mort ou des blessures graves ont résulté d'an
duel en règle, la peine est de six ans de travaux forcés an minimum et, s'il
y a eu inteotioa de donner la mort, la réclusion de dix ans au maximum.
LE DUEL A L'ÉTRANGER. 487
Ceux qui ont été appelés à assister au duel, pour le régler, ne sont pas
punis, pour\'u qu'ils n'en aient pas été les promoteurs.
S'il y a eu violation intentionnelle des règles usuelles ou convenues du
duel, et quM soit résulté de celui-ci la mort ou des lésions corporelles, on
applique les dispositions sur Thoroicide et les lésions corporelles.
CANTON DE ZURICH.
Code pénal du 24 octobre 4870. — Dispositions spéciales sur
LE DUEL, sous LE TITRE : CrIHES ET DELITS CONTRE LA PAIX
(Art. y2-97).
Article 92. — Le duel est puni, tant en ce qui concerne celui /jui pro-
voque en duel qu'en ce qui concerne celui qui accepte la provocation, d'un
emprisonnement de deux mois au maximum et de l'amende maximum géné-
rale : 15,000 francs fart. 23), môme s'il n'en résulte aucune lésion corporelle,
ou seulement une lésion corporelle insignifiante. Mais s'il en résulte la mort ou
des lésions corporelles désignées à l'article 438, lettre a (lésions entraînant une
incapacité corporelle grave et permanente, ou une altération grave et perma-
nente de la santé du blessé), la peine inQigée à l'auteur de cette mort ou de
ces lésions est d'un emprisonnement de deux mois au moins ; maximum géné-
ral : cinq ans (art. 9] et de l'amende.
Art. 93. — Si l'on a choisi un mode de combat devant nécessairement
entraîner la mort ou une blessure grave, ou si, lors du duel, les règles usuelles
du combat ont été intentionnellement violées et qu'il en soit résulté la mort
ou une lésion corporelle grave, les auteurs et complices, dans les deux cas,
sont punis conformément aux dispositions sur l'homicide ou les lésions corpo-
relles.
Art. 94. — Les porteurs de cartels sont punis d'un emprisonnement de
deux mois au maximum et de l'amende ; les seconds, les témoins et le juge du
combat d'une amende de \ 00 francs au maximum. Les médecins ne sont pas
punis.
Art. 95. — Si ceux qui doivent prendre part à la rencontre se sont réunis
pour le duel en un lieu déterminé, mais qu'il n'y ait pas été donné suite pour
des moti^is extérieurs, celui qui a provoqué en duel et celui qui a accepté la
provocation sont punis d'un emprisonnement d'un mois au maximum et de
l'amende.
Art. 95. — Celui qui excite à un duel, ou à la continuation d'un duel,
ou qui cherche à empêcher le règlement amiable du différend ; celui qui, à
dessein, fournit le local ou les armes pour un duel, ou qui le favorise autre-
ment, doit être puni de deux mois d'emprisonnement au maximum et de
l'amende ; dans des cas moins graves, de l'amende seule. S'il s'agit d'un auber-
giste, Taulorisation de tenir auberge peut lui être retirée pour un certain
temps.
438 CINQUIÈME PARTIE.
Art. 97. — Il est défendu de tenir des réunions (associations) qui favo-
risent le duel.
Celui qui prend part à ces réunions est passible d'une amende de police
de 25 à 4 00 francs <•
1. C'est au savant professeur neuchàtelois, M. le docteur Mentha, collaborat^ir
si apprécié de la Bévue pénale Suitse, que nous deyons d*aYoir pu dresser un état
complet de la législation Helvétique en matière de duel.
Nous lui en exprimons toute notre gratitude, ainsi qu'à nos autres correspondants :
M. F. Schmid, procureur général à Altdorf ; M. Axzi, avocat à Lugano ; M. Besney,
avocat à Lausanne, et MM. les procureurs généraux des cantons d*Appenzel et de
Genève.
AVIS AU LECTEUR
sur la manière de comprendre l'appendice.
Les auteurs qui se sont occupés du duel ont généralement appuyé sur des exemples
los règles quMls formulaient.
Nous ayons cru deyoir les imiter, mais nous nous sommes bien gardé de pré-
senter, comme ils Tout fait, des récits qui semblent imaginés pour les besoins de la
cause. Les nôtres sont authentiques et entourés de garanties qui prouvent leur vé-
racité.
En tète des cent quinze affaires contenues dans l'appendice, nous donnons, en
effet, le titre des livres et des Joumaui où nous les avons trouvées, avec le nom des
parties, la page ou le numéro.
Le lecteur peut nous contrôler facilement.
Chaque affaire correspond à Pune dei règles posées dans ks cinq premières divi-
sions du livre.
Elle est discutée théoriquement au point de vue de cette règle, dont elle tend à
faciliter rintelligence.
Pour être fructueuse, la lecture de Tappendice devra donc se combiner avec celle
des passages à élucider, qu'un système de numérotage fait concorder ensemble. Opérée
isolément, cette lecture n^ottre du reste aucun intérêt, à cause de la banalité des sujets
et du point de vue auquel nous les traitons.
Tous nos exemples sont tirés de la Gazette des Tribunaux, de VAnnuaire du
duel ou de procès-verbaux publiés. Ils ne portent que sur des faits tombés dans le
domaine public, émanant de personnes qui nous sont aussi indifférentes que peuvent
Tètre les chiffres servant à résoudre un problème de théorie pure.
Le soin que nous avons pris d*élaguer tous les détails inutiles à la question, ou
susceptibles de piquer une curiosité maligne, la précaution que nous avons eue de
cacher sous des initiales les noms des parties, chaque fois qu*une divulgation com-
plète nous a semblé de nature à leur être préjudiciable, su£Qront-ils pour éviter les
réclamations qui accompagnent quelquefois semblables publications?
Nous ne saurions le prévoir. Mais cette conscience et cette impartialité nous
dispenseront, du moins, de répondre aux réclamations qui porteraient sur autre chose
que sur des rectifications matérielles, et nous permettront de renvoyer ces dernières
à une seconde édition.
SIXIEME PARTIE
APPENDICE
N*" 1. — Afbire Laur-Thomson.
42 juillet 4889.
A la suite d'expressions prononcées à la tribune du Corps législatif par
M. Laur, et dans lesquelles il attaquait les députés de l'Algérie, M. Thomson,
Tun d'entre eux, le rencontra dans les couloirs et lui dit :
— M'avez-vous visé personnellement, monsieur?
— J'ai parlé en général, repartit M. Laur.
— Eh bien, reprit M. Thomson, vos paroles sont outrageantes pour ladépu-
tation de l'Algérie dont j'ai l'honneur de faire partie. Je ne yeux pas faire de
scandale, je ne veux pas vous gifler dans les couloirs de la Chambre, mais
tenez cette gifle pour reçue.
M. Laur ne répondit pas. Il se relira, conversa avec quelques amis, puis,
revenant sur ses pas,- il rencontra M. Thomson, qu'il essaya de souffleter.
Ensuite il s'éloigna. Le député de Constantine se précipita aussi tôt sur M. Laur
à coups de pied et à coups de poing. On sépara les combattants, non sans
peine. Les témoins ne purent s'entendre sur la qualité d'ofiensé.
Un arbitrage dut être constitué. 11 aboutit au procès-verbal suivant :
c MM***, Consultés sur la question de savoir qui de M. Thomson ou de M. Laur
avait la qualité d'offensé ;
« Considérant que, si M. Laur s'est livré à une voie de fait sur la personne
de M. Thomson, ce dernier lui avait quelques minutes auparavant adressé les
paroles suivantes : cEh bien, monsieur, tenez cette gifle pour reçue I »
c Considérant que dans ces conditions, il est assurément regrettable que
M. Laur ait manqué à la correction, en frappant qui ne l'avait pas frappé,
alors qu'un certain laps de temps s'était écoulé depuis l'injure reçue;
« Mais que cependant M. Laur n'a fait que riposter à l'outrage sanglant
qui lui avait été adressé, et qui dans l'espèce prime toute autre ofi'ense;
a Déclarent, à l'unanimité, que la qualité d'off'ensé appartient à M. Laur. »
11 choisit le pistolet. Deux balles furent échangées sans résultat.
Malgré l'autorité des personnes choisies pour arbitres, nous ne saurions
admettre cette solution :
Ul SIXIÈME PARTIE.
1° Parce qu'elle assimile la menace, l'aononce d'une voie de Tait, à la voie
de fail consommée; ce qui est illogique ' ;
ï" Parce qu'elle est contraire au principe formulé Jpar Chateauvillard,
chapitre premier, article premier :
V Dans une querelle, si l'injure arme, c'est Tinjuriâ qui est l'offenâé. Haie
si l'injure est suivie d'un coup, c'e.-t celui qui reçoit le coup qui est l'offensé. ■
3° Parce que M. Laur s'était laissé entraîner à une faute, bien excusable
du reste, mais en somma i une faute, en riposlant de la manière que nous
connai^ons il l'outrage qu'il venait d'essuyer.
Son devoir était d'y répondre aussitôt par an cartel.
Sans doute il lui aurait fallu bien du sang-froid pour résister â la leolatioD
d'obtenir une vengeance éclatante Pt immédiate; mais, comme le dit en propres
termes Clialeauvjtiard, ce sang-Froid aurait trouvé sa récompense dang le privi-
lège d'offensé avec injure grave qui lui aurait élé alors très légalement altriboé.
Il ne conserva pas ce sang-froid. Ilfrappa. Ce coup, consLiLuanl une offense
d'une catégorie supérieure a l'offense verbale qu'il avait re<;ue, aurait dû lui
faire perdre la qualité d'oiïcusé, qui aurait dû passer à M. Thornsou.
■ Ministère de la guerre. — Cabinet du ministère.
Correspondance générale.
Puis, 5 Juillet 1888.
Le ministre de la guerre & H. le géoérsl commandaDt du. . . corps d'ar-
mée, à...
« Mon cher général,
« Mon attention a été appelée sur le danger qui peut résulter de l'emploi
du fleuret dans les duels militaires.
ic J'ai, en conséquence, décidé que, dans les cas fort rares oit une renconlre
les armes ^ la main peut être non prescrite, mats nulorii^e par les che^de
corps, les combattants ne devront jamais faire usage de fleurets, mais se ser-
viront d'épées de combat, qu'on se procurera pour la circonstance.
< J'ai l'honneur de vous prier d'adresser aux cbefs de corps placés sous
vos ordres des instructions formelles à ce sujet.
« Siijné: C- de Fketcinbt. •
I. Dsni la Code pdntl, la distinction que noua [lisons ici a été observée d'une
manière bien conclaaoïe i • La menace verbait de tuer quelqu'un, lorsqu'elle n'est
ac<^mpagnéo d'aucun ordre el d'aucune condition, ne constitue aucun délit. (Casa-,
22 août 1872.) L'acte accompli peut entraîner la paine capitale (art. 302).
APPENDICE. 443
N« 3. — AfOedre de Malortie-de La Poêze.
Gazette des Tribunaux, 4-5 décembre 4869, aoec renvoi
au n^ 48 de ^appendice.
« Il fui convenu qu'on échangerait Irob balles, et que, b'il n'y avait pas
mort ou blessure grave, le combat se continuerait à i'épée jusqu'à impossibilité
absolue pour le blessé de tenir son arme. M. de La Poëze, considéré comme
l'offensé, demandait le pistolet, mais M. de Malortie imposa l'épée comme
•complément, et en fit la condition sine qua non de son acceptation.
Les témoins commirent une faute en consentant à cette innovation, contraire
au principe qu'une fois l'offensé reconnu, c'est lui qui impose son arme, qui
devient celle de l'agresseur ^
N"" 4. — Affaire Floquet-Boulanger.
U;u»7;eH 888.
Cléxnenceau-Déroulède, Qémenceau-Millevoye.
Du tO au 24 décembre 4892.
Le 44 juillet 4888, M. Floquet, président du Conseil, prononça devant la
Chambre un discours très agressif contre le général Boulanger, son collègue,
et le termina par les expressions suivantes : « Quels services avez-vous rendus
à la République, pour vous en proclamer le champion, vous qui avez passé la
plus grande partie de votre existence dans les sacristies ou dans les anticham-
bres des ministères? »
A quoi le général répondit : ce M. le président du Conseil essaye d'être
spirituel; il n'a réussi qu'à parler comme un pion de collège, pion mal élevé.
Je lui répète donc ce que je lui ai dit quatre fois de ma place : « Vous en
a avez menti! »
A la suite de la séance, il y eut échange de témoins, et le procès-verbal
suivant fut rédigé : o MM..., témoins du général, ont réclamé pour leur client
la qualité de premier offensé. MM..., témoins de M. Floquet, sans contester
le caractère blessant des paroles de M. Floquet, ont déclaré qu'elles ne pou-
vaient souffrir de comparaison avec la réplique outrageante du général. Les
témoins de ce dernier ont déclaré renoncer au bénéfice de la situation qu'ils
persistaient à réclamer pour leur client. En conséquence, le choix des armes
appartient à M. Floquet* L'épée de combat est l'arme choisie. »
Le duel se termina par une blessure qui mit le général hors de combat.
1. Voyez auBsi affaire Pierre Bonaparte-de Ro?igo, 25 novembre 1849. Appendice
no 78.
ut SIXIEME PARTIE.
Nous ne rechercherons pas pourquoi les Lémoins du général Doulanger k
laissèrenl arracher une telle concession, mais noos exaraineroos au point Je
vue théoricjue, \c. seul qui nous occupe, ai cette coDcessîOD était conrorme aai
règles tracées par Chateauvitlsrcl.
Nous njus trouvons en présence de deux injures. Le général ps^uie la
première. Quelle est sa valeur? Rentre-t-elle dans la catégorie de celles qui
Foni visées par l'article ï de notre chapitre vniT Constitne-t-elle l'injure graTeî
Toute la question 6i>t là.
Oui. Il est impossible de dénier qu'elle ne soit de naturel inculper l'honneoi
du général et sa considération, puisque M. Boulanger fut accusé d'avoir gagné
ses grades, non sur le champ de bataille et k Torce de loyaux services, mais
comme un plat valet, piUer d' an ti chambres, bu moyen de complaisances
inavouables.
L'intention d'in$ulter gravement est évidente. Il n'y a pjs jusqu'au moi
> sacristie i>, très innocent par lui-même, qui n'acquière dans la bouche de
U. Floquet, anticlérical, une significition particulièrement méprisante.
La phrase rentre donc parfaitemenl dans les conditions du paragraphe 2
de l'article 3 : « L'mjure grave constilue essentiellement l'offense, n Elle doii
être clamée purmi celles du deuiième degré qui procurent à l'offensé le clioii
des armes ei du duel.
Pou importait que M. Boulanger eût riposté par une autre injure i il n'eo
restait pas moins l'offensé, car il avait reçu la première.
L'article 2 est formel, et notre solution ne saurait élrecontestée, du moment
que la phrase du président du Conseil consUiue autre chose qu'une oiTense
simple.
L'épilhèle de pion mal élevé et le démenti proféré on réponse sont-iU
plus in.-^ultants? Rien n'est moins certain, et, nous ajouterons mème,rieD n'est
moins utile à constater; car, pour que le général eùl perdu tout droit au choix
des armes et au choix du duel, il aurait fallu qu'il se fût permis une insolle
d'un ordre supérieur, c'est-à-dire la voie de fait, conibrmémeat à l'article 5
de notre chapitre viii.
C'est, du reste, l'opinion émise par H. Paul de Cassagnac :
« Les témoins du général, écrivait-i.l quelques jours après le duel, ont agi
imprudemment en laissant prendre à M. Floquet une situation d'offensé qui
ne lui revenait point. Do qui émanait la première injure? De H. Floquet. C'est
ce qu'il fallait résolument maintenir.
a Que se fiit-il passé au pistolet, nous l'ignorons, mais U, Floquet avait
grande chance d'y rester, le général tirant parfaitement. •
Cet abandon des prérogatives qui revenaient à leur client inQua sur sa
destinée d'une manière néfaste. Un général battu par un simple pékin, c'est ce
que la foule ne put digérer. Après le coup d'épée de H. Floquet, tout son
prestige disparut.
Deux affaires absolument analogues, l'affaire Déroulède-Clémenceau et
Willevoyc-Clémenceau, viennent de surgir tout à point pour corroborer ce que
nous venonsde dire touchant lanécessitéd'une stricte observation de l'article 2.
Dans la séance du 20 décembre 1S92 à la Chambre, HM. Déroulëde et
APPENDICE. 445
Millevoye dénoncèrent à tour de rôle Cornélius Hertz comme agent de
réIran ger, et M. Clemenceau comme son complice. M. Clemenceau riposta par
un double démenti, suivi d'un double envoi de témoins.
La question de la personne à qui revenait la qualité d'offensé fut immé-
diatement soulevée, et donna lieu aux mômes controverses que lors du duel
Boulanger. Nous allons montrer que, cette fois encore, il ne pouvait y avoir de
solution rationnelle en dehors des dispositions de l'article 2.
Après s'être entendus sur le choix d'un auteur chargé de les départager,
conformément à ce que nous recommandons chapitres i*', xvn et xxii, les témoins
auraient dû chercher simplement dans quelles divisions pouvaient être classés
les imputations et les démentis, de manière à établir les degrés des offenses qui
en résultaient.
Si ils pouvaient être rangés dans la môme division, la priorité de la
réception déterminait seule le droit d*offensé, conformément à l'article 2 dont
la règle est reproduite dans tous les ouvrages qui traitent du poiut d'honneur.
Dans notre espèce, les deux offenses étaient incontestablement des offenses
graves, car, malgré les licences du langage parlementaire, on ne saurait pas
davantage admettre qu'une accusation de trahison puisse laisser iodemne
l'honneur de qui la reçoit, qu'on ne saurait l'admettre pour celle de mensonge.
M. Clemenceau, ayant subi la première offense, devait ôtre déclaré offensé
avec injure grave et jouir des prérogatives attachées à cette qualité : le choix
des armes et du duel.
Au lieu de cela, on semble- avoir négligé do s'entendre sur le code auquel
on devait recourir pour s'éclairer et se départager au besoin. On prétendit,
croyons-nous, accorder le droit d^offensé à celui qui aurait subi l'offense la plus
grave, abstraction faite du degré et de la priorité de la réception.
Aussi l'accord ne se fit-il qu'après trois arbitrages consécutifs et de longues
discussions, au cours desquelles les mandataires de M. Clemenceau soutinrent
une opinion diamétralement opposée à celle que leur client défendait quelques
années auparavant, comme représentant de M. Floquet, dans son duel avec le
général Boulanger.
Encore cet arrangement fut-il si incomplet, et les conditions si peu ex pli-
âtes, que les prérogatives attachées à la qualité d'offensé restèrent indécises.
Le droit de choisir son duel fut refusé à M. Clemenceau.
Dans la première affaire, il dut subir le tir au commandement, au lieu du
duel à marcher qu'il souhaitait; six balles furent échangées sans résultat.
Dans la deuxième affaire, il ne reçut aucune satisfaction, car les témoins
de M. Millevoye prétendirent lui imposer le duel au commandement avec
échange de deux balles, et avec la condition qu'en cas de résultat négatif il y
aurait suite à l'épée.
Cette condition ne pouvait ôtre acceptée, car elle accordait à l'agresseur
une quote-part dans le choix des armes, contrairement à la doctrine enseignée
par tous les auteurs ^
1. Voyez aussi, relativement à la nécessité de choisir an auteur et d'appliquer les
articles de notre chapitre vui^ affaire Barbier-Monltouis. Appendice n*114.
SIXIÈME PARTIE.
H" 5. — Affaire Ritter-Appleton.
Gaz. tril/., S el 3 avril 4673, avec renvoi aux n<* 34-95 de l'appendice.
Une grande froideur refait entra U. Ritter, recereiiT des Snances i
Hayenoe, et H. AppletOQ, sous-préfet, à propos de visites faites el non reoduee.
lis se rencontr^reot dans une soirée. Après une férié d'esplicaLtoos désa-
gréables, trop longues à narrer, H. Ritter enjoignit â M. Appleton de le saluer.
en s' écriant : a Voas le ferez, ou de mon gant jo vous frapperai an visage ! ■ Dn
morceau de musique tolerrompit la discussion. Dès qu'il fut terminé, M. RiUer
se tournant de nouveau vers H. Appleton lui dit à bsnte voix, do ton la plut
impérïeu): : « Venez, monsieur, voilà le moment 1 u Et comme H. Appleton s'j
refusait, M. Ritter lui lança son gant i la Tigure.
Il riposta par un aouniot.
Après d'interminables discussions, M. Appleton fut considéré comme
offensé. 11 choisit le (listolel et le duel au signal.
11 perdit le vie dans la rencontre.
La décision des témoins fut jasie. Elle ne pouvait donner lieu, da reste,
à contestations, en présence des terme^^ formels de l'article 2, paragraphe 3,
chapitre vin. Le souEUet donné par H. Appleton n'était en effet qu'une riposte
il la voie de fait qui l'avait atteint le premier.
N» 6. — Affaire des I'" et J"*.
Gax. Irib., àetb octobre tSBO, avec renvoi autvtide l'appatdke
A la suite d'un article qu'il conâdéra comme injurieux, M. des I**'
envoya à H. J*** M***, rédacteur du journal Je Réveil du Midi, des témoins
pour lui en demander raison.
Les mandataires de H. des 1'** ayant déclare qu'il choisissait l'épée, en
sa qualité d'offensé, ceux de H. J"* H***, sans la lui contester, présentèrent
une alleslation signée de deux médecins, constatant qu'une luxation ancienne
du poignet le mettait dans un étal d'infériorité tel, qu'il refusait uu duel à
l'épée, tout en acceptant le duel au pistolet.
Les témoins de H, dos 1*** en référèrent i leur client, et annoncèrent que ce
dernier considérait cette fin de non-recevoir comme un refus de se battre. Les
amisdu journaliste se retirèrent enprotestant et en déclarant leur mission terminée.
Quelque temps après, M. des 1"* et ses témoins se rendirent aux bureanï
du journal, où se trouvait M. J'** M*". Après un vif dialogue, M. des I**'
elfleura de son gant la Sgure du journaliste, et sortit en disant qu'il ne donne-
rait réparation de cet outrage qu'après avoir d'abord obtenu raison de l'injure
dont il se plaignait.
Nous n'avons pas à apprécier ici la valeur de l'exception proposée par
M. J*"H***, ni à étudier ici quelle était la meilleure manière de l'amener kse
. APPENDICE. 447
battre à Tëpée. Nous pouvons constater seulement que la prétention émise par
M. des I*^**^ de ne rendre raison qu'après avoir obtenu satisfaction, Tépée à la
main, de l'article injurieux, ne pouvait plus être admise.
Grâce à la voie de fait à laquelle il s'était livré, et en vertu de l'article 6,
chapitre viii, les rôles étaient déplacés. D'offensé M. des I*** devenait offen-
seur, et M. J*** M*** acquérait la situation que perdait son adversaire, avec un
supplément de privilèges.
N"" 7. — AfEedre Gérôme-Stevens.
Gaz, trib,, ÎO février 4862.
Origine de la querelle : motifs d'ordre intime.
En pareille conjoncture, M. Gérôme, bien qu'ayant subi une voie de fiait,
accepta sans discussion le combat au pistolet, de pied ferme, à tir successif,
avec priorité de tir pour M. Stevens.
Il subit son feu, et reçut une blessure dont il manqua périr.
No 8.
A la suite du funeste combat qui, le tt juillet \ 836, coûta la vie à Armand
Carrel, M. Emile de Girardin reçut une seconde provocation de M. de Feuillide»
pour le motif qui avait déjà mis en présence les deux adversaires.
Le général Excelmans et M. Taxile Delord, témoins dans la première aflGaiire,
déclarèrent qu'une réparation loyale et complète ayant été donnée, il n*y avait
pas lieu d'en accorder une seconde.
Le cartel fut justement refusé, en vertu du principe énoncé chapitre ix
qu'il n'est dû qu'une réparation pour une môme offense.
Violation de cette règle ; voyez : Affaire de Beaupoil de Saint-Aulaire-de
Pierrebourg, 47 mars 4849. Golombey, Histoire anecdotique du duel. —
Affaire Hyène-de Pêne. Voyez appendice b9 4 0.
N° 9. — AfiEadre X...-Perrier.
Mars 4888.
A la suite d'un article paru dans un journal de Moulins, et qui visait
la conduite tenue par les sous-officiers du 7* chasseurs dans les cafés de la
ville, ces militaires chargèrent le plus ancien en grade de demander au jour-
naliste réparation de l'offense adressée au corps des sous-officiers.
Il accepta l'adversaire présenté, mais rien ne l'y obligeait. La désignation
du plus ancien, très correcte au point de vue des habitudes militaires, ne
l'était plus théoriquement dans notre espèce.
448 SIXIÈME PARTIE.
Le journaliste pouvait très légalement refuser le doyen des sous-officiers
et exiger le tirage au sort parmi tous les ipembres de la collectivité intéressée
à la réparation.
N"" 10. -— Affaire Coiirtiels-Hyène-de Pêne.
Gaz. trib., 48-19 mai^ ^^ juillet 4858, avec renvoi au n^ 25 de Vappendice.
DaDs les échos de Paris, au Figaro^ M. de Pêne avait laissé échapper une
phrase moqueuse à Tadresse des sous-lieutenants de Tarmée française, au cours
d'un article où il insinuait que leur tenue dans les bals des Tuileries laissait
fort à désirer.
Cette remarque fit éclater sur sa tête une tempête épistolaîre, grosse de
provocations. Chaque correspondant se présentait comme le champion du corps
entier des sous-lieutenants, insulté par le journaliste.
M. de Pêne se battit avec le plus acharné, M. Courtiels, du 9^ chasseurs,
alors en garnison à Amiens, assisté de deux camarades du même grade.
A la première reprise, M. Courtiels fut blessé.
Immédiatement, un de ses témoins, M. Hyène, aussi sous-lieutenant
comme nous l'avons déjà fait observer, prétendit se substituer au vaincu pour
venger l'injure commune.
Il provoqua M. de Pêne et le menaça de voies de fait, s'il ne lui donnait
pas immédiatement satisfaction. Le combat eut lieu séance tenante, et bientôt
H. de Pêne tomba grièvement blessé.
Ce duel est resté célèbre, non seulement à cause de la personnalité syos-
pathique de l'écrivain, mais encore parce qu'il offre un exemple frappant de
l'inol^ervation de l'axiome placé en tête du chapitre ix et de l'article pre-
mier dudit chapitre.
Examinons d'abord quel était le droit' de M. de Pêne, relativement au
choix de son adversaire.
Si tous les sous-lieutenants de l'armée avaient envoyé à l'homme de lettres
un champion désigné par le sort et chargé de représenter la collectivité,
M. de rêne (en admettant que l'oflense eût paru suffisante pour motiver la
renconlre) était obligé d'accepter ce champion.
Mais il n'en fut pas ainsi dans celte malheureuse affaire. En effet, les huit
ou dix sous-lieutenants qui lui envoyèrent des cartels ne pouvaient prétendre
représenter une collectivité qui ne leur avait donné aucun mandat. Leur appel
était personnel, et, comme il n'y avait pas offense personnelle, devait être
repoussé par une fin de non-recevoir.
Si les sous-lieutenants avaient persisté dans leurs cartels, si ces cartels
avaient été injurieux, ils auraient subi la condition d'agresseurs unis pour
commettre la même offense envers la môme personne, et M. de Pêne aurait
acquis, en môme temps que les prérogatives ordinaires de l'offensé, le droit de
choisir parmi les insulteurs l'adversaire qu'il aurait préféré, conformément à
l'article i de notre chapitre ix. Les témoins ne le firent pas, et commirent
une première faute.
APPENDICE. i49
Ils en commirent une seconde, plus grande encore, en tolérant un
deuxième duel, immédiat, entre un homme déjà fatigué et un autre frais et
dispos, qui avait pu étudier le jeu de son adversaire.
Leur devoir était de refuser tout net leur concours, et de provoquer la
réunion d'un jury d'honneur, qui n'aurait pas manqué de décider, conformé-
ment à l'axiome du chapitre ix, qu'une réparation loyale ayant été accordée à
M. Courtiels pour Tarticle prétendu injurieux, l'affaire était définitivement close.
De la menace proférée par M. Hyène naissait une nouvelle offense, qui
procurait à M. de Pêne le privilège d'offensé, avec offense grave, et qui néces-
sitait de nouvelles formalités ^ *
No 11. — Affaire Crestin-Cazalot.
Assises Jura. Gaz, Irib., SI6 juillet et 3 septembre 4847.
Les lieutenants Bocher et Cazalot rencontrèrent M. Crestin, avocat à Besan-
çon, dans un café de la ville. Bocher le traita de Jâche, de canaille, etc., et
le provoqua en duel, à propos d'une dame qu'il prétendait avoir été diffamée
par lui Crestin.
Ce dernier protesta contre ces imputations, et soutint qu'il était innocent
des propos qu'on lui prêtait.
Le lendemain, il adressa une lettre à un autre lieutenant, offrant de
démentir les paroles qui lui avaient été reprochées, et ce, en présence des per-
sonnes qui les avaient rapportées. Ce dernier en donna connaissance aux
officiers qui se trouvaient au café. Cazalot prit la lettre, et, apercevant Crestin
qui se promenait sur la place, il la lui remit, en accompagnant cette démarche
des épilhètes les plus injurieuses, et finalement d'un coup de pied.
A la suite de cette scène scandaleuse, une rencontre fut décidée, et
Crestin, comme offensé, choisit le pistolet.
Cependant, Bocher, qui avait provoqué Crestin la vieille, prétendait que
l'affaire lui était personnelle, parce que l'injure faite à ce dernier était antérieure
à la voie de fait du lieutenant Cazalot.
Mais cette difficulté ayant été soumise à la discussion des officiers du régi-
ment, ils décidèrent que les voies de fait exercées par Cazalot envers Crestin
exigeaient une première réparation.
Dans la rencontre qui s'ensuivit, Cazalot reçut une balle qui le tua.
La décision des officiers était juste quant à la fin de non-recevoir opposée
aux prétentions de Bocher, mais non quant aux motifs invoqués par lui.
C'était uniquement le bon plaisir de Crestin, qui devait désigner la per-
sonne appelée à rendre immédiatement raison, quelle que fût la solution don-
née à la question de savoir s'il devait se contenter d'un duel avec un seul
de ses agresseurs, ou s'il pouvait appeler successivement les deux lieutenants.
La gravité comparative des deux offenses ne pouvait entraver son choix.
i. Voyez circulaire ministérielle du 21 juillet 1858, relative à la provocation col-
lective. Sauflsine, Dictionnaire de législation et administration militaire, V» Duel.
130 SIXIEME PARTIE.
En effet, si on adoptait la preoiiêre opioion, c'est-à-dire l'obligalion de l'eu
tenir i une seule rencontre, ce ne pouvait âlro qu'en vertu de l'article i da cha-
pitre is, qui confère à l'otleDso le droit de choisir qui boa lai senihle. S oa
aloptatt, au contraire, la seconde opinion, aucune disposition spéciale ne TOaait
entraver le libre arbitre de l'offensé. Crestin, dans les doux hypothèses, pouviïl
doni choisir Cazalot s'il le jugeait opportun.
Ceci posé, exa[QinoDs ce qui touche au choix a Taire entre les denxopi
nions relBlivement à la légalité d'une deuxième reoconire.
Nous croyons que, même ap èd son duel avec (^azalot, Crestia coiuenml
inlacl le droit d'appeler Bocher pour l«s offenses de la veille, cor il y avait en
réalité deux offenses d'espèces et de degrés différents, et non plus, comme dam
l'espèce prévue pjr l'article t du cliapiUe ii, a même offense ■■ Cet arlids
n'était pas plus applicable que l'axiome inscrit en téie du chapitre précité.
H" 12. — Afihire Traverso-PeUetier.
8 janvier 188J. Annuaire d\i duel, par Ferrens.
M. Pelletier écrivit unelettrequelut M' (jâlioeau, défenseur de M. (tocheforl.
dans le procès Rouslan. Cette lettre contenait des paroles offensantes poar
M"" E. M..., sœur de M. Traverse. Ce dernier envoya ses témoins â U. Pel-
letier, qui le récusa, en soutenant que c'était au mari de H*" E. M... et ooa i
son frère de relever l'offense.
ABaire Bonaparte 'Wyse-de Solau-Edmond Lepelletier.
Janvie.r 189î, avec renvoi au n" 2t,
A la suite d'un procès retentissant, aiiquel M°" de Rule avait été mêlée,
sa conduite fui jugée sévèrement par toute la presse.
M. Edmond Lepellotier se fit remarquer parmi ses plus ardents détracteart.
Le frère da tH-" dcKute, M. Bonaparte-Wyse, malgré ses soixante-septtns.
se constitua chevalier de sa sœur, et envoya ses témoins à M. Lepelletier, qui
le récusa, et accepta M. de Solms, fils d'un premier mariage de la din>e<
L'arme choisie fut l'épée. M. Lepelle'.ier reçut une légère blessure.
En agissant ainsi, MM. Pelletier dans la premiôre affaire, et Lepelletisr
dans la seconde, se conformèrent théoriquement aux règles du duel. Il ert
clair, en effet, que le mari dont la femme porte le nom et partage la concbe
passe avant qui que ce soit ; puis vient le lîls. Le ^re ne saurait prétendre U
même rang.
Nous disons a se conformèrent théoriquement i, car nous ne prétendons
nullement juger la question de fait, qui n'est pas de notre compétence et donl
nous ignorona complètement les dessous.
APPENDICE. 45f
N^ 13.
Tiré du c Maître de forges », par Georges Obnet.
L'ioterpellation adressée par le duc au mattre de Torges» après l'offense à
laquelle se livre la femme de ce dernier vis-à-vis la duchesse, résume parfai-
ieaient la question :
c Approuvez-vous, monsieur,, ce que M'"" Darblay vient de dire à la
duchesse ? Ètes-vous disposé à vous en excuser, ou ôtes-vous prêt à en prendre
la responsabilité ? »
Le duc ne demande pas : a Êtes- vous disposé à faire des excuses pour
M'^* Darblay ? » mais bien : « Êtes-vous prêt à vous eu excuser ? » comme si
M*"* Darblay n'existait pas^ et comme si Toffense avait été commise par son mari.
N"" 14. — Responsabilité des journalistes.
AfEedre Maret-Andrieux.
29 octobre <888.
Le Radical, dont M. Henry Maret était le rédacteur en chef, publia, dans
SOD numéro du 28, le compte rendu d'une réunion, signé R. F., au sujet
duquel M. Andrieux, visé, fit demander à M. Henry Maret des explications par
deux amis.
M. Henry Maret fit répondre par ses témoins qu'il n'avait personnellement
aucune explication à fournir à M. Andrieux, l'arlicle étant signé des initiales
d'un des collaborateurs du journal.
Les témoins de M. Andrieux ayant maintenu pour leur client le droit de
demander des explications à M. Maret comme rédacteur en chef, un arbitrage
fut décidé.
La question suivante fut posée à MM, A. de La Forge et Clemenceau, arbitres :
c M. Maret peut-il refuser à M. Andrieux les explications que ce dernier
lui demande? »
Us répondirent : « MM... reconnaissent qu^en principe chacun doit être
responsable de ce qu'il écrit, mais conseillent toutefois, dans le cas présent, à
M. Henry Maret, de régler avec M. Andrieux la question qui lui est posée par
celui-ci. »
M. Maret consentit immédiatementà une rencontre. Il fut blessé légèrement.
Cette affaire, que nous ne connaissons que par les procès-verbaux cités
plus haut, peut être interprétée de deux manières :
4** hypothèse. — M. Maret paraît avoir soutenu que si un article offensant
est signé des initiales d'un rédacteur du journal où cet article a paru, le rédac-
teur en chef est dispensé de toute responsabilité.
Ul SIXIEME PARTIE.
Il semble avoir dil : » Je tous déclare que les initiales apposées an bas
de l'arlicle sont celles d'un rédacteur do mon journal. C'est tout ce que je
vous dirai. Cbercliez qui ce peut-eire, et débrouillei-vous avec lui. » Si notre
supposition est exacte (ce dont nous ne sommes pascertain], cette ibéorie ëtail
insoulenable. M. Maret n'avait pas i laisser cbercber l'auteur masqué par ces
initiales. Il devait te désigner nominativement et immédiatement, faute de
quoi il prenait son lieu et place.
S° hypothèse. — On peut supposer également que le différend parlait
snr la capacité du rédacteur qui réctamail la paternité de l'article signé B. F.
La lliÉorie des responsabilités personnelles, très admissible et très adml»
en principe, est cependant sujette à des exceptions. Aussi, voyoDs-uoua Its
arbitres, après l'avoir reconnue, conseiller en l'espèce à M. Maret de rendre
raison h M. Andrioux, bien que l'individu qui avait signé K. F. eût accepté la
patemilé de l'article.
MM. Audrieux et Maret étaient députés, personnage de même enTergnre.
de là le simple conseil tendant bien évidemment h épargner à H. Andrieux de
se mesurer avec un reporter qui sans doute ne devait avoiraucune importance.
Disproportioa de perso naalttés, de la le conseil.
Affaire Laffîtte-comte de Dion.
1 juin 1880. Voyez Annuaire du ilwl, par Ferrens.
M. Jules LaDltle, directeur du foliaire, se battit avec le comte de Dion.
pour un article non signé paru dans le Voltaire.
L'article était d'une femme. Le duel eut lieu à l'épce. SI. Lailjtte fut bluisé
au visage et au coté.
Peu après, il eut une autre atîaire, dans un cas pareil, avec M. Albert Wolf.
Elle s'arrangea devant un jury d'honneur.
Les témoins de M. Wolf étaient MM. C. des Pcrriùres et Bachaumont. Les
témoiiis de M. LiHitto étaient MM. Giraudeau et Marcellin Pellet, député.
N" 15.
Comme exemple de duels entre parents, nous pouvons citer ceux de;
MM. de Broglie et de Trédern, beaux-frères, motivé par une lettre inju-
rieuse de M. de Trédern à U. de Broglie, au sujet de sa déposition dans la
procès Trédern, à Angers. La rencontre eut lieu à l'épée. M. de Broglie fui
blessé au coté. — 14 mars 1886. Voyez Annuaire du duel.
MM. Paul deCassagnac et Lissagaray, cousins germaios, pour insultes à
la famille du premier. Il eut -lieu au fleuret, ill. Lissagaray fat blessé. — YoyU
Gaz. irib., 31 août, 1'^' septembre 1868.
Le duc de Hontpensieret l'infant Don Ilcnry de Bourbon, ï Madrid, cousins
germains. — (î mars 1870. Au. pistolet et à dix pas. L'infant Don Henri fut tué.
APPENDICE. 453
N° 16. — Affaire Grodet-POTtalis.
42 novembre 4888, Annuaire du duel.
Le «8 juillet 4888 parut un article du JT/A'*' Siècle, dont M. Grodet,
gouverneur de la Martinique, se trouva offensé.
A la date du 26 octobre, ii assigna le journal devant la Cour d'assises. A
quelque temps da là, il demanda une réparation par les armes à M. Portails,
directeur de la feuille incriminée, et pour le môme motif.
M. Portails lui répondit que, du moment qu'il avait choisi le terrain judi-
x:ialre pour obtenir réparation de son honneur, il devait s'y tenir ; qu'il ne lui
était plus permis de choisir une autre juridiction ; que c'était au jury seul
qu'il appartenait de trancher le différend.
Cette fin de non-recevoir était absolument correcte.
N« 17. — A£GBdr6 du capitaine des H'*"^
et de l'ex-lieutenant F***.
Gaz, trib., 25 nov. 1853 et % février 4854.
Le capitaine des H*** fut abordé brusquement, au Palais-Royal, par
Tex-Ueutenant F***, accompagné par plusieurs individus, et sans aucune pro-
vocation frappé par lui. « Je ne suis plus sous tes ordres, canaille 1 s'écria
F*** ; tu seras bien forcé de te battre avec moi. »
Le capitaine des H*** s'y refusa, par la raison que F*** avait été flétri par
on arrêt du conseil de discipline et chassé du corps*
Il traduisit son agresseur devant les tribunaux, qui le condamnèrent à
-quinze mois de prison.
N'» 18. — AflEedre de M***, de La P^.
Gaz. trib., 4-5 décembre 4869, 5 février ^^70, avec renvoi au n** 3.
Au cours d'une soirée chez une femme du demi-monde, M. de M*** fut
salué par H. de La P***. Il ne lui rendit pas son salut.
Une discussion s'ensuivit, après laquelle M. de La P*** lui envoya ses
témoins.
Befus de M. de M***, qui dit ne vouloir consentir au duel que si M. de
La P*** fournissait un certificat signé de deux hommes honorables constatant
qu'on pouvait croiser le fer avec lui. Il prétendait que M. de La P*** avait
reçu un soufflet et n'en avait pas demandé raison.
r
M. de La P'" prouva que l'auleur de ta voie do fait loi avait adressé des
Bicuees.
I^ duel qui s'ensuivit devait èlre un duel à outranco. Il se lermiiia, en
effet, par do graves et moluelles blessures.
N' 19. — Affaire de B"*, Pa»il F*", rédacteur
au National.
3i mi'i 1SS3, Vni/es Amimiife du iluel.
Origine do la querelle : article du National. — M. Paul F**' conseolîlï
donner réparation, â condition que son adversaire ferait la preuve queses asser-
tions élaieet mal fondées, devant un jury d'honneur. M. de B*", ayant élé
réintégré dans la Légion d'honneur, considéra la législation qui l'y avait fail
rentrer comme suprême, et demeura dans l'attente des témoins de M. ¥"",
déclarant quo celui-ci avait usé d'un prétexte pour ne pas ee battre.
M. F"" répondit, par lettre publiée, que M. de B*" cherchait une reit-
contre pour éviier de produire son dossier.
Sans vouloir approfondir le bien fondé do ces allégations contradictoire!,
qui n'ont aucune importance théorique et que nous ne connaissons que par les
quelques lignes de l'^rmuoirerfiirfiiei, congtalonsque la correction se trouvail
du côté de la partie qui demandait la conslitution d'un jury d'honneur poar
trancher le différend.
Affaire Clémenceau-Maïuan-Picbon-Ernest Judet.
Le Petit Jourtial du 3i août 1893.
Au cours de la campagne menée contre H. Clemenceau par le Petit
Journal, MM. Uaujan et Pichon refusèrent de se battre avec Al. Ernesi Jadeii
rédacteur de cette feuille, sous prétexte que le rôle joué par lui dans l'affaire
des faux papiers entraînait sa disqualiGcation.
Les témoins deH. Judel s'adressèrent â M. de Villeneuve, président de la
Société d'encouragement à l'escrime, qui convoqua de suite le juryd'honneur
do cette Société.
Deux questions lui furent posées :
1° Un adversaire et ses témoins peuvent-iU s'arroger à eusaeuls ledroil
de disqualifier?
1° Quand l'indignité n'est établie par rien, comment les témoins peuvent-
ils couvrir leur client contre une assertion injurieuse, et établir le bien fondé
de leur demande en réparation?
A. la première question, il fut répondu :
Lorsqu'une affaire d'honneur e?t engagée, il n'appartient pas k l'une des
parties ou à ses témoins de disqualilier son adversaire, sans une preuve cer-
taine de son indignité.
APPENDICE. 45^
A la seconde :
Celte indignité ne peut être établie que par une condamnation judiciaire
infamante, ou par une sentence rendue par desarbilres régulièrementconstilués.
N*» 20. — Affaire Rochefort fll8,-L*** V***, rédacteur
au Oaalols, Arthur Meyer, directeur du Oaulols.
t juin 4880. Annuaire du duel.
Un article injurieux pour M. Rochefort parut dans le Gaulois, à la suite
de l'affaire Kœchlin-Rochefort .
Eq l'absence de M. Rochefort père, son fils envoya ses témoins à M. L**"^
V***, rédacteur au Gaulois .
Ils ne purent le joindre.
H. Arthur Meyer, directeur du Gaulois, revendiqua la responsabilité de
Farticle, mais prit date pour une rencontre ultérieure avec M. Rochefort père,
ne voulant pas se mesurer avec le fils à cause de son jeune âge (dix-sept ans) .
Affaire Haut de Lassus-H. de Delva.
45 avril 4 882. Annuaire du duel.
M. de Delva étant mineur, les témoins de M. de Lassus voulurent se
retirer. Ils consentirent cependant à prendre M. Tavemier comme arbitre.
Ce dernier conclut à remettre l'honneur de M. de Delva entre les mains de
quelque personne ayant qualité.
M. de Delva refusa d'accepter ces conditions.
N» 21. — Affaire Sevaistre et Félix Pyat, députés.
6 juin 4888.
A cette date fut publié le procès -verbal suivant :
« A la suite de l'incident qui s'est produit hier à la Chambre des députés,
entre M. Félix Pyat, député des Bouches-du-Rhône, et M. Sevaistre, député de
TEure, ce dernier a demandé la constitution d'un jury d'honneur, qui déci-
derait s'il pouvait demander une réparation par les armes à un de ses collè-
gues, alors qu'il y a entre eux une absolue différence d'âge.
c Le jury d'honneu'*, après avoir lu le compte rendu ofGciel deTincident,
est d'avis que M. Sevaistre est d'autant moins autorisé à transgresser les
usages qur mettent un homme, dans le cas d'une absolue disproportion d'âge,
en dehors- du duel, que la première provocation vient du député de l'Eure.
• • •
« Signé : A. de La For^e. P. de Cassagnag. »
'**- «r . . - •
SIXlF.ME PARTIE
ÂfTaire Bonaparte- Wyse-Edmond Lepelletier. ^H
Janvier 181)2, nvee renvoi au «° (î.
Nous avons vu, an n" 11 de cet appendice, qu'a l'issue d'un procès reten-
tissunt. M"* de Raie fui vi vemeot prise à parlie par la presse, et on parliculiet
par M. Edmond Lepelletier; que M. Wy^e, frère de M°" de Rule, prit tt
déreosQ de sa sœur, et, malgré ses soixante-sept an?, demanda léparalioD m
journaliste.
La posilion do M. Lepelletier vis-à-vis un homme de cet âge était eilrf-
meoient délicatî, aussi essaya-l-il, ce qui était fort naturel, d'eequlver nne
rencontre au^sî disproportionnée par tous ks moyena poïâbles.
Ses témoins soutinrent que ai M. Wyae avait été offensé personnellement,
leur client aurait été tenu de lui reûdre raison, mais qu'il n'en était plus ainsi
du moment que H. Wyse n'était pas en jeu, mais intervenait pour autrui.
Ils lui opposèrent l'exception de vieillesse.
Fort lieurousement pour M. Lepelletier, te fils de W°" de Rute se pré-
senta ensuite et trancha la difficulté.
M. Lepelletier se liiila de l'accepter, trop heureui de sortir ainsi de \»
fausse position où le plaçait le cartel du sexagénaire.
Si nous examinons celte affaire au point de vue théorique, nous voyons
que la Qo de non-recevoir opposée par M. Lepelletier ne pouvait être admise,
car il tombe sous le sens que l'exception de vieillesse ayant été éUtbIie pour
sauvegarder le vieillard contre une demande de réparation émanant d'au
liomme plus Jeune, ne peut lïtro invoquée contre lui lorsqu'il est offensé, oa
qu'il se substitue légalement à une autre personne offensée.
Les témoins de M. Lepelletier pouvaient discuter la valeur de l'olTenst,
les droils de M. Wyse à prendre en main l'honneur de sa sœur, etc., mais
abstraction faite de toute question d'âge. Si U'°° de Rute n'avait pas eu de fils
en état de se battre pour elle, et si son frère avait été admis à ^e substituer,
H. Lepelletier, malgré sa répugnance que tout le mondre comprendra, n'aurai!
pu se soustraire h un duel avec M. Wyse,
N° 22. — Affaire des I**- J^, M***.
Gaz. Mb., 5 décembre 1S80, avec renvoi au n° 6.
A la suite d'une condamnation prononcée par la tribunal d'Avignon
contre M. des I"*, M. J"* M*", rédacteur en chef de la Gazelle du Midi,
3crivit un article dans lequel M. des I"* vit une insulte.
Les témoins ayant déclaré qu'en sa qualité d'offensé, leur client choi^ssait
l'épée, les (êmoios de M. J*** M*** présentèrent une attestation constatant
qu'une luxation ancienne du poignet mettait H. J*** H*** en état d'iardriorité
certaine et directe.
APPENDICE. 457
Ils ajoutèrent que H. J*** M*** était prêt à accepter toute autre arme de
combat.
Les témoins de M. des I*** déclarèrent que leur client se voyant refuser
le choix des armes, qui lui appartenait comme offensé, considérait l'allégation
de M. J*** M*** comme un refus dé lui rendre raison. Les témoins du jour-
naliste protestèrent et déclarèrent leur mission terminée.
Si nous nous en référons aux règles posées par Ghateauvillard, il est
constant que les témoins de M. J*** M*** ne pouvaient obliger les témoins
adverses à s'en rapporter au certificat qu'ils leur présentaient, |du moment
que l'infirmité n'était point apparente, et pour ainsi dire patente.
Ceux de M. des I*** agirent correctement, en considérant comme un refus
de duel l'opposition d'une exception qui avait pour effet de priver leur client de
ta prérogative la plus importante, à laquelle lui donnait droit sa qualité d'offensé.
Le devoir des témoins de M. J*** M.*** était de demander la constitution
d'un jury d'honneur, qui aurait désigné un ou plusieurs médecins pour exami-
ner le membre blessé.
En agissant ainsi, ils étaient en droit d'espérer que les intérêts matériels et
moraux de leur client seraient sauvegardés et qu'on lui réserverait solen-
nellement le bénéfice d^une situation dont il aurait été injuste que M. des 1***
bénéficiât.
Cette sentence aurait coupé court aux commentaires malveillants et aurait
obligé M. des 1*** à choisir le pistolet.
Pour un motif diamétralement opposé, les mandataires de ce dernier
avaient tout intérêt à approuver et à provoquer cette constitution, car, dans
leur conviction, la sentence devait faire justice du certificat et confirmer leur
client dans son droit au choix de l'épée. «
Sur la question des infirmités qui ne sont pas un obstacle à l'emploi de
Parme choisie, voyez chapitre xu, in /fn«, l'analyse de l'affaire Ledat-Maizeroy.
Écho de Paris tn?dn 43 octobre 4892, les consultations de MM. de Àldama
et Aurélien Scholl, et le Gaulois, même date.
N» 23. — Affaire Dupuis, peintre-Habert, critique d'art.
■»■
Gaz. trib., 25-26-27 juin 4888, avec renvoi aux n<" 26-40-42 de l'appendice.
Motifs de la querelle : dissentiments futiles suivis d'un article de M. Habert.
Rencontre au pistolet. M. Dupuis est tué.
Nous ne pouvons offrir d'exemple plus frappant que la réponse d'un des
témoins à un reproche du président :
« Si un malheur est arrivé, ce n'est pas à moi qu'il faut s'en prendre. Je
n'entends rien absolument aux affaires d'honneur, i
Aussi les personnes présentes au procès assistèrent-elles au spectacle
curieux d'un avocat général requérant une peine plus sévère contre les
témoins, que contre l'auteur de l'homicide.
SIXIÈMIÎ PAItTIE.
N< 24. — Aftfdre Desmes-Clovis Hugues.
Aisiii-s Bouches-dii-JlhAne. Gaz, Int., S1-I3 février 1878.
Holifs de la rencjniro ! polémique de presse. Duel ï l'épéc. M. Deames
est lue.
Dans celte affaire, le Mvo de la victime était témoin.
Devant la Cour d'assises, les quatre lémoins furent en coatradiclion sur
une phase du combat, et sur les circoostances qui précédëreot et accom-
pagnèrent le coup mortel.
Il s'agissait de savoir si, oui uu non, M. Clovis Hugues avait frappé Desmes
apiès que celui-ci eut baissé son épée, s la suite d'une blessure que lui Deames
croyail, prétendait-on, avoir faite à son adversaire.
Le jury rendit un vordici négatif sur loules les questions.
En présence des déposiliona absolument contradiotoirea faites par des té-
moins également bien placés pour suivre les phases du comtal, mais dont l'un
se trouvait tire frère du défunt, la réponse du jury était indiquée.
L'accusation de ce frère fut considérée à juste titre comme dictée par lj
vengeance. Une suspicion bien naturelle plana sur sa déposition.
N° 25. — Affaire Hyène-de Pène-Courtiels.
Avec renvoi an ii" )0 t/e l'appendice. Mime affaire.
Le droit de H. de Pêne, et le devoir de ses témoins, élait d« réenser les
deux sous-lieutenants qui se présenlèrent pour aseist«r H. Coarliels, comme
intéressés dans l'afFaire, en leur qualité de membres d'une collectivité offensée
dont leur client prétendait venger l'injure.
Si la récusation avait été exercée, il est certain que leurs remplaçants
étant pris en dehors du corps des sous-lieutenants, prétendu insulté, et
n'ayant plus les mêmes motifs d'irritation, n'auraient jamais adressé une
seconde provocation, suivie d'un duoi immédiat, en violation d'une règle fon-
damentale du point d'honneur.
N" 26. — Affaire Dupuis-Habert.
Gaz. trib., 45-Î6-S7 juin 1888, «w^c renvoi au tfi *3-40-«.
. Voilà comment s'exprimait l'acte d'accusation sur la quosiion d'inimitié
entre témoins et combattants :
Il Hab''rt constitua pour témoins MM. X*** et L"*.
■ X*'* aurait dd. à tous égards, décliner la mission qui lui était oflerte,
car il était en mésintelligence avec Dupuis. l'adversaire de son mandant, et ne
APPENDICE. 459
se trouvait pas dans les conditions désirables de neutralité et d'impartialité
pour opérer une conciliation que les circonstances rendaient nécessaires.
a Et c'est lui qui, en définitive, n'a pas craîut d'accepter la direction du
combat! »
N<'27. — AfEsdre Boiron, étudiant-Lullier, officier de marine.
Gaz. trib., 24 novembre 4868.
A la suite d'une altercation dans une brasserie, rendez- vous fut pris pour
le lendemain, à Bagatelle. L'épée fut l'arme choisie. Grande fut la surprix de
Boiron en voyant arriver seul Lu Hier, dont les témoins avaient manqué le
train. Lullier ayant fait observer à son adversaire que du moment où il avait
des témoins, l'affaire pouvait avoir lieu, le duel commença et Boiron fut blessé
après le plus fantaisiste des combats.
Quel témoin doué de bon sens aurait accepté un6 pareille mission, surtout
en présence d'un cerveau brûlé comme Lullier ? La blessure de Boiron fûtpeut-
ètre un bonheur pour ses mandataires et pour lui-môme.
Si Lullier eût succombé, s'il y avait eu poursuites, quel témoignage eusseni-
ils invoqué pour affirmer la loyauté de la rencontre, puisque tous les téihoins
auraient été les amis de l'auteur de l'homicide?
N<> 28. — Affaire Naquet, ex-rédacteur en chef du Petit
Daupbinols-Monvielle, rédacteur en chef du Réveil du
Daupblné.
Grenoble. Police correctionnelle, ii août 1887, avec renvoi
aux n* 5/, 60, 65, 72, 96 de ^appendice.
Le n^ 96 contient le procès-verbal après la rencontre.
Motif du duel : polémique de presse. Duel à l'épée.
M. Monvieiie eut son épée arrêtée par M. Naquet qui le blessa à l'aine,
Au cours du procès, Naquet ne cessa de désavouer ses témoins et de leur
reprocher le peu de soin qu'ils avaient pris de ses intérêts.
N° 29.
C'était en 4846. Deux candidats de même nuance poliiique se présentaient
à une élection pour le Corps législatif dans la petite ville de N.... A la suite
d'une réunion privée, il fut convenu que l'un des deux, M. 0..., se retirerait et
céderait la place à M. J..., qui avait, disait-on, le plus de chances.
Quelles étaient les conditions de cette retraite? Y eut-il malentendu?
L'histoire ne le dit pas. Toujours est-il qu'au moment de s'eiécuter, M. 0.««
-.rf.Ap'X'jt. .%'
UO SIXIÈME PARTIE.
refasa. L'élection eol lieu, et les deux candidats restèrent sor le carreau. Un
troisièmn prit li place.
Grande colère de H. J..., polémiques et cancans. Des amis communs inter-
vinrent, et l'atTaire en serait restée là, si le Ris de M. 0..., qui faisait son droîE
à Paris, n'avait adressé, par le canal de deux étourdis de son espèce et au nom
de son père, une provocalion écrite, si injurieuse pour M. J..., que les négocia-
tions devin renl infructueuses ot toute conciliation impossible.
Bien que H. 0... fût parfaitement valide, ses témoins obtinrent la substi-
tution do son Gis. Le duel eut lieu h l'étranger. M. J... fut grièvement blessé.
Quelle responsabilité pour les témoins du 61s qui se chargèrent du cartel
injurieux, si des poursuites avaient été exercées i raison do la blessure de
M. J...1
N" 30. — Aflaire de Sirèmes-de Loucelles,
Tribunal correct, de Saiitl-Lo. Gazvtte lrib.,t^ janvier 1834.
H. de Louc«lles ayant cbassé sur les propriétés de H. de Sirémes, en
l'absence et sans la permission de ce dernier, fut provoqué par lui.
Il répondit |>ar la poste qu'il acceptait, et indiqua le lieu, le jour etl'heure
du rendez-vous.
Pendant deui heures, il attendit vainement avec ses témoins.
M. de Loucelles n'avait garde de paraître. 11 était en train de diner paisi-
blement, cheiun voisin, complètement ignorant de la réponse de M. de Sirémes,
et de la garde forcée que le dernier montait infructueusement.
Fureur de M. de Sirémes, qui lui écrit qu'il ne se dérangera plus et ne
répondra plus à ses lettres.
Le soir même, tout le monde disait que M. de Loucelles avait manqué à
un rendez-vous d'honneur.
Deux jours aprèi, il recevait la fameuse lettre, oubliée dans le tiroir de la
receveuse de la poste.
Il était donc fort innocent.
Pour bien montrer qu'il ne fuyait pas M. de Sirémes, il prit le parti excen-
trique de faire publier il son de caisse l'annonce suivante :
■ Vingt francs de récompense à qui pourra lui présenter M. de Siréœes,
qu'il cherche vainement pour une affaire d'honneur. ■
H. de Sirémes répondit à l'appel du tambour par celui de la police correc-
tionnelle. L'histoire finit par une amende que paya M. de Loucelles.
N* 31. — Aiïàire Victor Noir-Pierre Bonaparte.
Haute Cour de ytslice, 21 man (870.
Extrait de l'acte d'accusation : « Le 10 janvier 1870, MM. Yvan CalmoD,
•dit Victor Noir, et Ulrich de Fonvielle, directeur de ia Marseillaise, se ren-
APPENDICE. 461
daient à Auteuil, au domicile du ptince Pierre Bonaparte. Ils étaient chargés de
lui remettre, au nom de M. Paschal Grousset, un cartel motivé par une lettre
publiée le 30 décembre dans le journal l'Avenir de la Corse.
« MM. Noir et de Fonvielle furent introduits vers le prince. Quelques in-
stants aprèâv Victor Noir sortait en chancelant et venait s'affaisser mourant sur
le trottoir. Presque aussitôt, M. Ulrich de Fonvielle se précipitait hors de la
maison, tête nue, et brandissant un revolver. Le paletot de M. de Fonvielle por-
tait les traces d'un coup de feu.
« Que s'était-il passé ?
« M. Ulrich de Fonvielle prétendait que le prince avait tiré sur lui sans pro-
vocation. Le prince soutenait n'avoir fait feu qu'après avoir reçu un soufflet de
Victor Noir et avoir vu M* U. de Fonvielle essayer d'armer un pistolet qu'il
avait dans sa poche, etc., etc. »
N» 32. — Affaire Dichard, directeur du Petit Caporal;
de Massas, directeur du Combat.
Gaz. irib.^ 26 et 27 septembre 4882, avec renvoi
aux n*^ 55, 67 de V appendice.
Extrait de la sentence du jury d'honneur : « Au surplus, les soussignés
se croient obligés d'interdire aux rédacteurs en chef du Petit Caporal et du
Combat d'accueillir, dans les journaux qu'ils dirigent, toute nouvelle polé-
mique d'un caractère outrageant pour l'un et l'autre de ces journaux, ou pour
leurs rédacteurs en chef.
« Si le soin de leur dignité ne faisait pas à MM. Dichard et de Massas une
loi de respecter, en se respectant eux-mêmes, la cause qu'ils ont l'honneur de
servir, etc., etc. (Signé : Paul de Gassagnac, Guneo d'Ornano.) »
L'origine de la querelle fut une polémique de presse. Une rencontre à
l'épée eut lieu dans la forêt de Saint-Germain. L'arrivée de la gendarmerie
empêcha le combat. La polémique ayant continué, un jury d'honneur, composé
de MM. de Gassagnac et Guneo d*Ornano, déclara qu'une rencontre nouvelle
était nécessaire, et rendit la sentence que nous venons de rapporter. Le combat
eut lieu à Nogent. M. de Massas fut tué.
Iifo 33. — Affaire Roziez-de M*^, lieutenants d'infanterie.
Gaz. trib. du W au 46 mars, 30 mars au M avril, txau % mat, 22-30 mai,
8 juin 1858. Conseil de guerre de Lyon.
Motifs de la querelle : antipathie de vieille date; jalousie de de M*** contre
son camarade.
Extrait de l'acte d'accusation : a De M*** ne quitte plus le lieutenant
Roziez. . .
i«| SIXIËME PARTIE.
■ Il le reUrde dans sa marche. Une discussion vive et animée s'éli've ei
ces paroles sont enlendues ■ Venez, parlons e.
n Ils gravissent ensemble It-s marches du logement dp de M"*.
0 Que se passa-t-ilî
« La viclime seule pourrait le dire, mais die meurt trop loi, en laissaol
(*c!iapper ces mots : " Le lâche I l'assassin ! »
u De M'" Trappe cbez un officier voisin, el kl dit : ( Venez, Hosiez est
mnrl. Il t'st venu m'insuller cliez moi, nous nous sommes battus et je t'ai tué. ■
De SI*" fui condamné à mort.
N^ 34. — Affaire Ritter-Appleton.
Cas. Irib. dts î e( 3 flt>riM873, avec rentoi auxn"' 5 eOS de l'appendice.
Nous avons e:ipliqué au n" ii comment l'affaire s'engagea. Nous savons qu'à
la suite d'une discussion, M. Etilter jeta son gant à la ligure de M. Appleton,
qui riposta par un soufQel.
Le lendemain, U. Applelouee rendit chez un ami. 11 lui dit que H. Ritler
no lui avtdt pas envoyé de lémoios, et lui demanda s'il ne devait pas lui en
envoyer lui-même. L'ami lui conseilla d'attendre, et do considërer l'affaire
comme terminée si M. Ritler ne bougeait pas.
Pendant ce temps, M. Riiter attendait le cartel de M. Appleton.
Plusieurs semaines s'écoulèrent, pendant lesquelles les babiiants de
Mayenne déchirèrent si bien les deux adversaires, les accusèrent si bien de
lâcheté, que l'affaire, eùt-ello été minime, devenait inarrangeablo après èlre
passée par tant de boudics.
Ils se battirent au pistolet.
M. Appleton fut tué.
N' 35. — Affaire I.evasseur-Arrig'hi.
Gaz. trib., ii janvier, iO février, ii mari tSiî, avec renvoi
au n" 91 de l'appendice.
Le commandant Arrighi, se croyant desservi auprès du miniitre de la
guerre par le général Le vasseur, enconcul un vif ressentiment.
Il donna sa démission pour pouvoir se battre avec lui et vint le provoquer
en Algérie. L'autorité, prévenue, le fit arr<ïter et embarquer de force. Le mal-
heur voulut que dans le trajet le général se reoconlrât sur son passage.
Il le Trappa d'un coup de cravache. 11 y eut échange de témoins. L'arme
agréée fut le pistolet ; mais une dissidence s'éleva sur la distance qui devait
séparer les combattants.
Les témoins du général rerusèrent d'assister au duel, ai elle était moindre
de vingt pas. Le commandant refusa le combat, s'il avait lieu à moins de dix pas.
Le général constitua de nouveaux mandataires, qui adhérèrent aux condi-
tions imposées. Le sort le favorisa. II tira le premier et tua Arrighi.
APPENDICE. 46â
L'interrogatoire des témoins va nous montrer rinconyénient de laisser les
adversaires assistera leurs conférences.
Écoulons M. Falcon, témoin du général :
a Je cherchais à me mettre en rapport avec M; Gasabianca, ténK)in du
commandant, mais je ne pus parvenir à le rencoDlrer seul, et ne pus le voir
qu'en présence d'Arrighi.
c J'eus ensuite trois entrevues avec M. Arrighi et M. Casabianca. Arrighi
fut inébranlable, disant qu'il aurait préféré se battre en tenant le bout d'uo
mouchoir et en tirant à un signal donné; qu'il regardait comme une concession
Id distance de dix pas. »
« Le Président, — Quelle était TinQuence d'Arrighi sur M. Casabianca? »
a M. Falcon, — Casabianca ne m'a pas semblé agir librement, et je pense
que, hors de l'influence d'Arrighi, il se serait prêté à admettre des conditions
s'écartant moins des règles du duel. Dans nos conversations, j^ai constaté qu'il
subissait toutes les volontés du commandant. »
N"" 36. -— Affaire Ollivier-Feuilherade.
Gaz, irih,, tx août 4 876, Assises (Seine), avec renvoi aux n**" 66, 71, 75, 79
de l^ appendice.
Malgré les prétextes dont les témoins d'Oilivier voilèrent le cartel, le seul
motif de la rencontra était sa jalousie à l'endroit d'une maîtresse qu'il entre-
tenait, dont il était fou, et qui le trompait avec le premier venu.
M. Feuilherade avait, croyait-il, obtenu ses faveurs, inde irœ et provo-
cation.
Les témoins de M. Feuilherade, au lieu de ramener l'affdire à ses justes
proportions et de soutenir énergiquement la cause de leur client, se laissèrent
circonvenir par la diplomatie des mandataires adverses, qui les éblouirent de
raisons et d'arguments spécieux, et leur escamotèrent toutes les prérogatives
auxquelles leur client avait droit.
On en jugera par ces quelques lignes, extraites de l'interrogatoire des
témoins.
Réponse de H. G***, témoin de M. Feuilherade : o Je reconnais que nous
avons accepté l'insertion dans le procès-verbal de mots très exagérés, o
Interrogatoire de M. C***, témoin d'Oilivier :
« Le Président, — Pourquoi avez-vous inséré dans le procès-verbal les mots
a gravement offensé », alors que vous 8aviez que pour une cause de ce genre
l'honneur n'était pas atteint?
« C***. — C'est vrai, le mot « gravement offensé » est trop fort, mais c'était
aux témoins de M. Feuilherade à se défendre. Enfin, il faut bien que chacun ait
un rôle. Nous avions reçu mandat d'Oilivier pour lut obtenir ce privilège, etc. >
Le duel eut lieu à Tépée. OUivier fut tué. En procédant à l'autopsie, on
constata qu'il portait une ceinture blindée, susceptible de lui protéger tout
l'abdomen.
SI.\ir:ME PARTIE.
N" 37. — Affaire Betz-Pierotti, journalistes.
Asiises Bouches-dn-Rhône, 16 ûl 17 décembre 18S9, avec renvoi aux
n" 63, 80 de l'appendice.
Motif do la rencootre : refus d'insérer nn renilletOQ ; polémique de presse.
M. PieroUifut taé.
Le dui'l de Marseille, écrivait Albert Woff dans le Figaro du 16décembre,
n'esl pas ce qu'on peut appeler une affaire d'iionneur. Il a pour point de départ
celte cbofe inavouable, d'un écrivain répondant par de sanglantes personua-
lilés su refus d'insertion d'un roman.
M. Dtlz n'en avait point él6 atteint dans son honneur, mais dans sa vanité
d'auteur. L'origine de la rencontre de Marseillea donc été purement misérable.
et mâme, en tenant compte du sangcbaud du Hidi et de l'exaltation politique,
on DO saurait l'excuser. II y a dans ce cfs ta froide combinaison d'un homme
(jui veut se rendre populaire, en tuant un malbeureux père de fiiniiile. Les
détails sont vérilatilemeot répugnants.
Avant de se battre, M. lielz passe chez un papetier et lui recommande de
se procurer »3 photographie, peur satisfaire la curiosité publique qui ne tar-
dera pas à être éveillée en sa faveur.
Après le duel, il se rend à son cercle, saliafail de sa journée, ptôt à récoller
la popularité qui doit s'attacher h son nom.
11 écrit à un ami que la mort de l'ierotii l'a mis en évidence, et que main-
tenant il est ^(iT d'aller comme député confectionner les lois.
Dans celle cervelle affolée de parvenir par dee voies rapides, il n'y a place
que pour une incommensurable vanité.
Betz fut condamné a deux ans de prison.
N" 38. — Affaire de Marseul-Daudier.
Gaz. trib., 14 janvier 1881. Assises Mayenne.
M. de Marseul rencontra dans une rue do Laval M. Daudier, avec
lequel il était en mduvais termes. II le regarda fltement, d'un air provocant,
en se retournant sur lui à plusieurs reprises. Puis, il fit un geste de mépris
à son adresse. Chacun continua son chemin.
A quelque temps de là, M. Daudier rencontra M. de Marseul et lui demanda
si le geste était à son intention. M. de Marseul lui répondit que cela ne le
regardait pas.
M. Daudier lui donna un soulûet,
La première opéiation deslémoins, une fois abouchés, fut d'examiner s'il
était bien exact que M. de Marseul eût rencontré M, Daudier, l'eût regardé
flïement et d'une manière agressive, eût accompagné ce regard d'un geste
APPENDICE. 465
méprisant, la Qatare de ce geste, etc. Ils durent constater les termes exacis de
r interpellation de M. Daudier, ceux de la réponse de M. de Marseul, Tattitude
des adversaires et la nature de la voie de fait.
Ce fut seulement après qu'ils furent tombés d'accord sur la malérialilé des
faits, qu'ils les eurent insérés comme reconnus vrais an procès-verbal de ren-
contre, qu'ils purent discuter logiquement la valeur comparative des offenses
et déterminer celui des antagonistes qui avait le droit d'offensé.
Le duel eut lieu au fleuret. M. Daudier fut tué.
N<> 39. — Affaire Reinach-Rochefort.
26 mars 1882. Voyez Annuaire du duel.
Motifs : article de l'Intransigeant. M. Rochefort répondit aux témoins de
son adversaire par une lettre où il refusa de se mettre à la disposition de
M. Reinach, tant que celui-ci ne se serait pas mis à la sienne pour une affaire
antérieure. Puis il constitua ses témoins. Une fois les quatre témoins réunis,
ceux de M. Reinach consentirent à continuer les pourparlers de la présente
affaire, à condition que la qualité d*offensé serait livrée au sort.
Les témoins de M. Rochefort refusèrent et se retirèrent.
N*" 40. — Affaire Dupuis-Habert.
Gaz. trib., 25, 26 juin 4888. Assises Seine, avec renvoi
aux n°" 23, 26, 42 de Vappendice.
Dans cette affaire, née de motifs absolument futiles, on attendit de se
trouver sur le terrain pour proposer un moyen de conciliation qui était accep-
table avant la rencontre, qui l'eût été sans doute la veille, mais qui ne Tétait
plus à cet instant, et qui fut en effet repoussé.
L'inopportunité de celte démarche fut reprochée à juste titre aux témoins
dans le procès qui suivit la mort de Dupuis.
Voyez l'interrogatoire des témoins.
N*" 41 . — Affaire Baron-Pesson.
Voyez Gaz, trib., 30 janvier, 2 février, t3 juillet, 7,U et 25 août 4837.
A la suite d'un bal où M. Pesson fut souffleté par M. Baron, une rencontre
fut décidée.
Arrivés sur le terrain, les témoins firent une tentative suprême de conci-
liation.
30
im SIS'J^ME PARTIE.
ÉcoutousM. D***, un des témoins de U. Pcsson :
« Nous trouvâmes M. Baron avec deux de ses amis. L'un deux, M. V*",
dirait beaucoup que le duel n'eut pas lieu; mais les eiplicalions données par
lui éUienl vagui^B, et ne pouvaient passer pour des excuses. Enfin, il s'appro-
cha de M. Peeson et lui dit : » Baron reconuait ses torts; il est là, et ne me
■ dédira pas >. Baron ne dit mot. n
Les adversaires Turent mis en présence.
M. Baroo Tut tuâ.
Comme le président reprochait à M. Pesson de n'avoir pas accepté les
excuses de !a victime, ce dernier lui adressa une réponse qui est la mise en
action du principe que nous avons formulé :
> Je TOUS demande, monsieur le président, si après l'insulte que j'avais
reçue, ia plus grave qu'un liommu d'honneur puisse essuyer, je n'avais jws le
droit d'être diCTicile, el st je ne pouvais pas demander des excuses peraonoelles
et spontanées. M, V**' répéta bien, devant moi, que M. Baron reconnaissait
aes torts, mais c« dernier s'obstina à ne rien dire. Ne pouvait-il arriver qu'il
se contentât do laisser dire son témoin, quitte h. le désavouer ensuite pouraon
coinplo? >
N" 42. — AffEÔre Dupiiis-Habert.
Giix. irih., ï3 et IG juin <8N8. Assises Seine, avec reiivi
aux 11" !3, i6. iO de l'appendice.
Un des témoins de M. Ilabert nous sembla avoir mal compris son rôle,
lorsque, à.l intcrpellatioo du président : « lilnria, vous lui avez conseillé de ne
pas rctircric mot injurieux », il répondit qu'il n'avait pas de conseil ï lui donner.
Son devoir était, au contraire, de répondre, en son âme et conscience, à U
demande qui ki était faite par son client. Le rôle de cooGdent et de conseiller
est une des faces du mandat qu'il avait accepté.
Vers 1S40, un jeune sainl-cyrien, qui se destinaità la cavalerie, vint faire
son s'age à Saumur, avant de se lendro au régiment. Il appartenait à une fa-
mille très pieuse. Très pieux lui-même, il était en butte à d'incessantes tracas-
series.
Un camarade avait entrepris de le déniaiser par tous les moyens possibles.
A la un, voyant qu'il ne parviendrait pas à le faire battre pour de mé-
chants propos qui ne s'adressaient qu'à lui, il attaqua l'honneur de sa mère el
la Qétrit d'une épithète de caserne.
Le pauvre jeune homme ne put supporter une pareille injure :'il se battit
et fut tué. (Colombey, Histoire anecdoliquc du duel, page 95.)
APPENDICE. 467
N° 44. — Affaire H. Rochefort, directeur de V Intransigeant;
C. Drejrfus, rédacteur de là Nation.
27 avril 1886. Voyez Anntiaire du duel,
V
Motif : article de M. Dreyfus. — Les témoins de M. Dreyfus refusèrent à
M. Rochefort la qualité d'offensé. M. Rochefort proposa de s'en rapporter à
l'arbitrage de cinq députés. M. Dreyfus accepta, mais M. Rochefbrt ayant vouhi
que, parmi les arbitres, il y eut un membre de la droite, M. Dreyfus préféra
lui reconnaître la qualité d'offensé.
M. Rochefort choisit le pistolet au visé à trente-cinq pas, avec faculté po^r
chacun d'avancer de cinq pas, le feu continuant jusqu'à ce qu'un des combattants
fûtatteiot. Les témoins de M. Dreyfus acceptèrent le choix du pistolet et propo-
sèrent, ou le tir au commandement à trente pas avec décharge de deiiK.i>alles^
ou bien le môme avec décharge d'une seule balle, et, dans le cas où il n'y aurait
pas de résultat, reprise à l'épée.
Les pourparlers furent interrompus, repris, et enfin rompus défijutLvamant.
Si la méthode que nous conseillons avait été suivie; si le dagiré de l'offeasa
reçue par M. Rochefort avait été établi; si un auteur avait été. choisi pour
servir de code aux témoins, les négociations auraient été bien simplifiées et
auraient amené une prompte solution.
L'offense essuyée par M. Rochefort était-elle une offense grave? Il avait
le droit au choix du duel, et pouvait, partant, imposer. valablement la duel à
marcher, qui est compris dans la catégorie des duels légaux. Tous les auteurs
paras jusqu'alors le lui accordaient. Mais il ne pouvait prétendra au choix de
la distance, car cette prérogative est réservée à Pôffensé avec voie de fiedt.Était-
elle, au contraire, regardée comme une offense simple, le choix d^' doel appar-
tenait aux quatre témoins et, en cai de désaccord*, devait être réglé par nu arbi-
trage on tiré au sort.
N« 45. — Affaire Maurel-Clémenceau, député, directeur de
la Justice.
Documents parus dans les journaux les il, 12, 43 décembre 1888, à la
suite d'une vioe polémique motivée par la récente élection du Var, et
dans UigueUe M. Maurel se jugea offensé.
1" Lettre de M. Ataurel à M. Clemenceau :
« Monsieur,
« Vous avez traité de menteur et de faussaire celui qui, sue vaM demande
expresse, sous vos yeux, a minuté pour voua, a recopié la dépêche .du j:S0 aor
i$K SIXIÈME PARTIE.
Torabre adressée au maire de la Soyne, di'pêche que tous avez finalement lan-
cée ïoua-mPine, après qu'elle eùl élé par deux fois Tue et approuvée par vous
intégralemoDl.
0 J'estime, dès lors, que vous me devez une réparation; mais il me con-
vient aussi, avant de l'exiger, que la vérité des faits soit établie, pour que le
public sache lequel de nous deux ment, lequel de nous deux est uo faus^re
et un calomniateur. Je tous demande donc de soumettre immédiatement à un
jury d'honneur, composé de trois républicaius, vos allégations et les miennes,
car J'ai le souci légitime de corriger préalalilemenl vos défaillances de mé-
moire, etc. (Â). ■
i' Réponse de M. Clêmatceau. — « Monsieur, — Tout ce que vous
voudrez. ■
M. A***, dopulé, choisi pour arbitre par M, Haurel, se rendit chez M- Cle-
menceau pour II- prier de désigner â son tour un de ses amis. M. Clémenc«ati
lui répondit qu'il ne lui paraissait pas utile do faire choix d'an arbitre, et qu'il
s'en remettait volontiers A la décision d'uu jury d'honneur tout entier composé
par M. Maurel (S).
M.Haurol ayant déclaré ne pouvoir accepter de jury composé dans ces condi-
tions, M. Clemenceau pria doux de ses amis de vouloir bien faire partie du jury.
M. Uaurel en Gt autant.
'A" Sentence du junj d'honneur. — Hier, à midi, lej deux arbitres de
U. Uaurel et ceux de M. Clé.nonceau, après l'audition des témoins de la scène
de la dépêche, ont rendu ta sentence suivante :
a Les soussignés, choisis comme arbitres pjr HU. Hanrel et Clemenceau,
après avoir désigné M. Victor S**" comme cinquième arbitre en cas de désac-
cord, 0!it examiné le différendqui s'est élevé entre AIM. Miurel et Clemenceau.
« Il est résulté de cet examen que ce différend n'est que le résultat d'une
série de malentendus qui ne portent atteinte ni à k parfaite bonoe foi ni à
l'honorabilité de MU, Mauret et Clemenceau.
n Les soussignés déclarent donc d'un commun accord que l'aSaire ne doit
comporter aucune suite [C). »
A la suite do cette sentence, M. Maurel envoya à H. Clemenceau ses té-
moins, pour lui demander réparation par les armr^s des exprès ions injurieuses
insércrécs dans sa première letlro.
M. Clemenceau, par lintemiédiaire de ses témoins, déclara être prêt à
accorder cette réparation, à condition que M. Maure! déclarât ne pas recon-
naître la décision du jury d'honneur, disant que l'atTaire ne devait comporter
M. Maurel adressa aux membres du jury une lettre conçue en ces termes :
0 MM. X*** m'ont fait l'honneur de me remettre hier votre décision. Je
me suis incliné.
a Je télégraphie, sans délai, de suspendre toute publication relaiive au
diflérend qui s'est élevé entre H. Clemenceau et moi.
APPENDICE. 469
« ... Je m'étais incliné, plein de déférence pour les arbitres de la première
solution, mais comme je Tai dit sur-le-champ à MM. M*** et L***, comme Je
l'ai expressément réservé dans ma lettre réclamant un jury, comme je Tai écrit
à M. R*** en le priant de siéger avec vous, je revendique absolument le droit
de poursuivre la réparation de Tinjure que j'ai reçue. i>
Les témoins de M. Maurel maintinrent, en conséquence, le droit absolu de
leur mandant de réclamer une réparation par les armes, sans décliner la sen-
tence arbitrale qui lui donnait toute satisfaction sur la question de fait (D).
L'entente étant devenue impossible, du moment que M. Clemenceau ne
voulait pas retirer les paroles qu'il avait appliquées à M. Maurel, un arbitrage
fat décidé; mais M. Clemenceau écrivit à ses témoins ^de renoncer à Tarbi-
trage et de se mettre à la disposition de son adversaire.
DISCUSSION THÉORIQUE DB L'BXBMPLB.
{A} Dans l'affaire qui nous occupa, nous voyons M. Maurel demander la
réunion d'un jury d'honneur chargé de vérifier un fait matériel, relatif aux
circonstances de la rédaction et de l'envoi d^une dépêche au maire de la Seyne,
et ce avant toute constitution de témoins.
(B) M. Maurel agit correctement en refusant la proposition, faite par M. Cle-
menceau, de s'en remettre à la décision d'un jury tout entier choisi par
M. Maurel.
Sans doute l'adhésion de M. Clemenceau à un jury môme irrégulière-
ment composé l'obligeait à s'incliner devant la sentence, quelle qu'elle pût
être. Mais il n'en était pas de môme pour le public.
[C] Si nous nous rapportons aux pièces rapportées plus haut, les seules
que nous connaissions d'après les journaux, il nous semble que les jurés excé-
dèrent leur mandat lorsqu'ils jugèrent que l'aflbire ne comportait aucune suite.
En effet, le seul point soumis à leur décision était de savoir si réellement
la dépêche adressée au maire de La Seyne avait été rédigée et expédiée dans
les conditions indiquées par le demandeur.
La question de l'opportunité ou de l'inopportunité d'une rencontre subsé-
quente ne pouvait être valablement résolue, puisque M. Maurel, dans sa lettre
à M. Clemenceau et ses communications aux jurés, l'avait si formellement
réservée.
En constatant que le différend était une suite de malentendus, ne portant
atteinte ni à la bonne foi ni à Thonorabilité des adversaires, les jurés obli-
geaient par le fait M. Clemenceau à retirer les épithètes dont il avait qualifié
la manière d'agir de M. Maurel. Il ne le fit pas. M. Maurel restait offensé.
(/)) Quant à la prétention émise par les témoins de M. C'émenceau de
subordonner la réparation demandée par M. Maurel à la condition qu'il décla-
rerait ne pas reconnaître la décision du jury d'honneur, elle était contraire au
principe que la sentence des jurés volontairement choisis par les parties est
obligatoire pour tout ce qui est compris dans la limite du compromis, et
engage irrévocablement les signataires.
..■^
«0 SIXIÈME PARTIE.
M. Maurel no pouvait pas ralionnellement renoncer au bénéfice de ta
constalatiou du fait matériel soumis aux jurés, mais, en nous iilaçant Uiéori-
quement au point de vue des règles que nous avons formulées sur rarbitraee,
il nous semble avoir pu trè^ logiquement leur dénier le droit de l'empé^ber
de demander réparation pour les épiUiètes écrites h l'occasion de oe fait.
N' 46. — Affaire de C^llonne-Fio^entino, publicistes.
Voyez Affaire AcIianl-Fioie/ilino. Gaz, irtb., i" ieptembre (850.
MM.deCaloQtieet Pioreulino échangèrent dans les journaux une polémique
très vive. Le second adres.sa au premier unn provocation. Avant d'y répondre,
comme l'honorabililé de M. Fiorentino était mise en doute, M. de Calonne
voulut un référer ï un jury d'honneur pris dans la Société des gens de lellres,
dont lui-même faisait partie. Ce jury déclara que la provocation ne pouvait être
acceptée,
M. Fiorentino protesta contre ce jogement rendu hors de sa présence,
sans qu'il eût désigné ses arbitres et fourni aucune explication.
Au nombre des jurés se trouvait M. Amodèe Achard, M. Fiorentino le
provoqua dans un violent article, se battit avec lui, et le blessa grièvement.
On voit que la décision du jury d'honnenr ainsi composé ne parut guère
obligatoire, puisque, après avoir déclaré M. Fiorentino indigne, H. Acliard ne
crut pas pouvoir lui opposer la question préalable d'indignité, comme il n'au-
rait pas manqué de le faire, si la compétence du tribunal d'honneur aviiit été
absolument indiscutable.
N" 47. — Afiaire Ro*** et Re***.
37 octobre i88S. Voyez Annuaire dit duel.
Violation de cette règle.
Un jury d'honneur présidé par le général L*" ayant examiné l'honors-
bilité de MM, Ro'** et Re*** et l'ayant reconnue parfaite pour tous les deux,
M. Ro*", le lendemain da procès-verbal de ce jury d'honneur, écrivit qu'il
ne lavait pas le passé de M, Re***, olc. En protestant contre la décision du
jury d'honneur, il est clair que M. Ro*** commettait une faute et violait une
règle importante de la législation qui nous occupe [s'il avait adhéré à la com-
position de ce jury, et si les membres qui en faisaient partie aTaieut jugé
dans la mesure de leur compromis).
APPENDICE. 474
N« 48. — Affaire Be***, Ce***, rédacteur à la France.
i** novembre 1884. Atinuaire du duel.
Motifs : lettres injurieuses et voies de fait.
Les témoins de M. Be*^^ déclarèrent ane rencontre avec M. Ce*** impos-
sible, à cause de Tioexpérience de leur client dans l'arme que Toffeosé avait
choisie, et lui infligèrent un blâme pour s'être laissé emporter à des voies de
fait vis-à-vis M. Ce***.
A la suite du procès-verbal rédigé dans ce sens, M. Bé*** désavoua ses
témoins par une lettre rendue publique. Il en constitua d'autres qu'il envoya
à M. Ce***, qui refusa d*entrer en pourparlers avec eux.
Si les choses se passèrent comme les quelques lignes de V Annuaire sem-
blent l'indiquer, M. Bé*** était en droit de récuser des mandataires qui fai-
saient son procès au lieu de le soutenir, et qui le lâchaient sous un prétexte
aussi préjudiciable à sa considération.
N» 49. — Deux officiers de chasseurs.
Gaz. 'trib. 26 novembre {842.
Au mois de novembre 4842, à Grenoble, un terrible duel eut lieu entre deux
officiers des chasseurs d'Orléans, M. B*** et M. D***.
Les deux officiers du même corps qui leur servaient de témoins avaient
employé vainement tous les moyens, toutes les représentations, pour les
reconcilier. Désespérés de voir leurs tentatives échouer, ils essayèrent un
dernier moyen sur le terrain môme du duel. Ils se retirèrent en négligeant
malheureusement d'emporter les armes.
Le cliquetis des épées les rappela bientôt. Ils accoururent pour arrêter le
combat. Trop tard malheureusement.
M. D***, atteint au cœur, tombait dans leurs bras«
M. B***, qui ne paraissait pas môme blessé et avait pris sa tunique pour
s'en aller, s'affaissait à son tour.
Tous deux étaient morts.
N"* 50. — Affaire Grandin-Durand.
Extrait du journal le Cher, 48 mars 4889.
A la suite de l'insertion, dans la Démocratie du 47 mars, d*un entrefilet
que M. Grandin, directeur du journal le Cher, jugea offensant^ il chargea deux
.-•Vj; t'jî. .,. *■■ ■:
i7« SIXIÈME PARTli;.
de ses amis, ]HH. Jallct ot Hartiu, de demander à M. Durand, directeur de
la Démocriitie, dos explications oii une retractatioa.
H.Durand les ayant mis en rapport avec BI M. UirepiedetDncrot.îIseureDl
une entrevue au cours de laquelle fut rédigée d'un commun accord et signée
par tes quatre lémoins une note dont les termes mettaient Sn à l'incident et
écartaienl la nécessité d'une rencontre.
H. Durand refusa d'accepter la rédaction du procès-verbal dressé de con-
cert entre ses témoins et ceux de M. Grandin.
Il lea cliargea de porter ce fait à la connaissance des mandataires de ce
dernier, en les assurant qu'il restait i kur disposition.
Les témoins de H. Grandin prolestèrent, et soutinrent que les manda-
taires de M. Durand, en rédigrant el en signant le procès-verbal d'arrange-
ment, avaient agi dans la plénitude de leur mandat; que ce procès-verbal
restait acquis, parce qu'il était revêtu do tous les caractères qui en font une
décision prise par des jugea ccmpétents; que l'écliange des originaux le proo-
vait bien; qu'ils considéraient leur mission comme terminée, et qu'ils ne
consentiraient jamais à admettre que les pouvoirs de MM. Mirepied et Ducrot
fussent inïuRItanls.
II n'y a point d'exemple, ajoutatenl-ils, qu'une personne ayant constitue
des témoins, c'est-à-dire ayant investi ileux do ses amis de sa confiance, et
les ayant chargés de discuter avec les témoins do son adversaire le soin de
régler une afToire d'iionneur, ne se soit pas inclinée devant la décision do ses
représentants, qui, à partir du prenuer moment de l'entrevue, incarnent pour
ainsi dire leur client, qui disparaît derrière eux.
niSCDSSION TRéOKlOUB.
Si les témoins de M. Grandin avaient demandé à ceux de H. Dnnnd :
0 Avez-vous pouvoir de traiter en son nom un arrangement définitif? i Si la
réponse de ces derniers avait été affîrmative, elle était censée contenir la
vérité, el M. Durand élait forcé de s'incliner devant l'arrangement, contre
lequel il ne pouvait s'éievor qu'en produisant une preuve écrite, constatant
que ses témoins n'avaient pas mandat suffisant; en produisant, par exemple, un
double de ce mandat, muni de leur acceptation.
Ils ne semblent pas avoir posé cette question. S'ils ne l'ont pas lait,
H. Durand est censé n'avoir donné qu'un mandat restreint, et sous réserve de
ratification. Il conserve un droit de veto qui no peut lui être enlevé que sur
la production d'un mandat contraire faite par MM. Mirepied et Ducrot,
Or celte production n'eut pas lieu. Rien n'empSchail donc M. Durand de
récuser l'arrangement. Jusque-là sa manière do faire fut correcte.
Elle cessa de l'être lorsqu'il chargea MM. Mîrepiedet Ducrolde transmettre
son refus el de commencer de nouvelles négociations, car c'était les forcer à
se déjuger et à reconnaître comme non avenu un acte muni de leurs signatures.
Il devait les désavouer, el, après ce désaveu, choisir d'autres témoins qui,
étant étrangers aux premières négociations, pouvaient les recommencer sur
des bases toutes différonles, si leur conscience le leur permettait.
APPENDICE. 473
N^ 51.
Nous citerons, entre autres exemples des conséquences funestes de procès-
verbaux incomplètement étudiés, les duels Ghapuis-Deckeirel , Monvielle-
Naquet.
Dans ces deux affaires, il y eut préhension ou détournement de Tépée
ennemie avec la main gauche, entraînant mort ou blessure, flots d'encre
répandus pour et contre cette manœuvre, acquittement ou peines légères
provenant surtout de Tindédsion où se trouvèrent juges et jurés sur la valeur
de chaque opinion, et tout cela parce que les témoins avaient oublié d'insérer
ces deux lignes : « Il est défendu de saisir ou de détourner Tanne de son
adversaire avec la main qui ne manie pas i'épée. »
S'il en eût été autrement, l'auteur de l'infraction n'aurait pu arguer ni de
son ignorance des usages, ni de son étourderie. Sa signature le condamnait. —
Il est môme probable qu'à raison de cet engagement, les choses se seraient
passées avec correction ^
N"" 52. — AfGaire Odysse Barrot-Jecker.
3 et i août 1868. Gaz. trib.
Le duel choisi fut le duel au pistolet en marchant. Au commandement,
M. Jeci^er fit dix pas, M. Barrot restant à la limite.
Les adversaires étant demeurés huit minutes sur la défensive, les témoins,
pour couper court à la situation, décidèrent qu'ils échangeraient deux balles
au commandement.
Ils excédèrent leur droit. Au lieu de changer la nature de la rencontre,
ils devaient ou déclarer l'affaire terminée, en se fondant sur ce que l'inaction
des adversaires, pendant un délai supérieur de plusieurs minutes au délai légal,
indiquait leur volonté de terminer amiablement la querelle, ou, tout en conser-
vant le duel à marcher, fixer un délai minime, passé lequel le combat devait
cesser, si l'échange des balles n'avait pas eu lieu.
N"" 53. — Affaire Lemerle-de Mosny.
Assises Marne, Gaz. trib», 24 août 4833, avec renvoi au n» 89
de Vappendice.
Dans un duel au pistolet à marcher, M. Lemerle avait manqué
M. de Mosny, qui se préparait à riposter, lorsque de R*^*, témoin de ce dernier,
1. Voyez sur raffaireChapuis-Dekeirel, Tavernier, Art duduel, page 247, etlcn<>73,
de l'appendice; sur raffaire Naquet-Mon?ielle, les n^* 28, 60, 65, 76 et 96 de Tappendice.
./.i
iïi sixi(':mr PAHÏMî.
cria d'arrêter, ea enjoignanl aux adversaires d'avancer jusqu'à la dtslBiKr
de dix pas, limile cxtrf^me fixée par les conventions.
Il obligea M. Lemorle a essuyer ainsi le feu de son adversaire.
A la suite du dénouement malheureux de celte alTaire, une cousultalioa fut
demandée au général Exelmans relativeoifntàla correction ou l'IncorrecOûnde
cet ordre.
Lit général décida que de R*** avait violé Tes règles du duel, eu obligeant
un homme désarmé à avancer plus prés i|ue no le demandait son adversûre
pour t'ssuyer son coup.
Il ajouta que, dans tous les cas, un pareil droit existerait-il au profit da
cxjmbntlant qui n'a pas encore lire, ce no serait qu'à lui seul qu'appartiendrail
d'on réclamer l'exécution.
Les témoins, qui doivent apporter une impartialité et une justice eitrémee
dans l'accompliisonient de leurs fonction!;, manqueraient donc à tous leurs
devoirs s'ils interrompaient le combat, pour réclamer seuls, et en Taveurd'un
seul combattanl, le bénéfice d'une condition aussi dangereuse.
N" 54. — AtEaire B^^-Meimier et Vescot.
Aisises Seitif. et-Oise. Gnz. Irib., 21 novembre 1S47.
B*", élève de Saint-Cyr, avait reçu des soufflets de deux cainaradei.
Meunier et Vescot. Deux duels furent décidés.
B... croisa d'abord le for avec Vescot, qui fut blessé.
ImmédiatemEnt après, et sous le coup de l'émotion et de la lasâtuda
causées par la première rencontre, les témoins laissèrent engager le second
duel, qui devait avoir une issue fatale.
En effet, B... était tué au bout de quelques instants. Le blâme qui leur
fut infligé était bien mérité.
N* 55. — AffEiire Dichaxd-de Massas.
G/is. Irib., S6, î7 décembre *88!, avec renvoi aux n" 3!, G7
de l'appendice.
Extrait de la sentence du jury d'honneur : n H. Dichard, étant l'offensé,
conserve naturellement le choiit du jour, de l'heure, et du lieu de la rencontre. -
' Signé : Cunéo d'Omano, Paul de Cassagnac. >
APPENDICE. 476
N® 56. — Affaire Dujarrier, directeur de la Presse,
et de Beauvallon, rédacteur du Olobe,
Assises Seine-Inférieure, Gaz. /K6., 26 mars 4846, avec renvoi
aux n<~88, 94, 40i de l'appendice.
L'exposé de l'affaire est fait n<> 88. Motifs de la rencontre : discussion
pendant un souper aux Frères provençaux. Extrait de l'acte d'accusation :
« On partit pour le bois de Boulogne. La température était froide. Il était
tombé beaucoup de neige. Dujarner arriva le premier. De Beauvallon se fit
attendre pendant une heure et demie. . .
V Dujarrier, saisi par le froid, énervé de l'altente, était en proie à une
surexcitation nerveuse qui fit craindre à ses témoins que l'issue du combat
dans ces conditions ne lui fût fatale. Ils insistèrent -donc, ainsi que le docteur,
pour que M. Dujarrier quittât le terrain, comme c'était son droit. Il s'y r^usa.
« Enfin de Beauvallon arriva, etc., etc. »
Les témoins de M. Dujarrier furent blâmables de n'avoir pas forcé leur
client à se retirer.
Ils auraient dû, en désespoir de cause, le menacer de l'abandonner s'il ne
le faisait pas, et dresser un procès-verbal de carence contre M. de Beauvallon.
Leurs prévisions se réalisèrent du reste, car un instant après Bl. Dujarrier
manquait son adversaire, et recevait dans la tête une balle qui le tuait.
N» 57. — Affaire A***-Cai. V*^
2 juin 4888. Annuaire du duel.
Motifs de la rencontre : article de l'Événement du 4*' juin. Sur le terrain,
M. Ch. y*** se fit excuser par ses témoins, qui déclarèrent qu'il ne pourrait
pas arriver avant une heure et quart, par suite de l'impossibilité de se rencon-
trer à temps avec son médecin et de trouver une voiture. Les témoins de
M. A*** déclarèrent l'affaire terminée et se retirèrent.
Nous croyons que les motifs invoqués par M. Gh. V*** n'étaient pas
suffisants. Quand on a sur les bras une affaire où l'inexactitude peut être si
préjudiciable à la réputation, on s'assure d'avance d'un véhicule ; au besoin on
se passe de docteur, et on arrive avec ses témoins.
Mais s'il avait été prouvé que la voiture de M. Ch. Y*** s'était brisée en
route, qu'en sautant il s'était donné une entcse, etc, comme ces accidents
auraient constitué un cas de force majeure absolument fortuit et impossible
à prévoir par l'homme le plus prudent, l'excuse devait être considérée conmie
valable.
SIXIÈME PAHTIE.
N" 58. — Affaire de S-'-M'".
a décembre 1S85. AMinaire ilii iluel.
A la suite d'un article publié par M. H'**, une rencontre fut décidée.
L'arme elle duel choisis Tarent le pistolet avec qtistre balles éctiaa^
en marclianl.
Sur le terrain, M. M*" no vint pas.
Ses témoins produisirent une letlre de lui où il déclinait le duel conTcnn.
et SB mirent à la disposition de M. de S*", qui refusa celte substitution cocliaï»
ant règles du dael.
N" 59. — Affaire Drumont-Meyer.
Ga:, tiib., 87 juin 18SG. aD«c renvoi aux n" 64, 69, 77,<0trfe i'iippeiidkt.
Tribunal correcUonnH de Pari».
Motifs de la rencontre : personnalilés dirigées contre M. Meyer dans (o
France juive. Renconlre à l'épÉo près de Versailles. M. Orumont fut blessé.
Extrait de l'inlerrogaloiredeM. Mejer: u Le combat devait avoirlieuàla
Celle-Saint-Cloud. A notre arrivée on nous Til attendre longtemps, pendant que les
témoins se mettaient fila recherche d'un terrain, le moins mauvais ptssible.
* Il était quand mi^me si accidenté, qu'on dut enlever les pierre» qui le
rendaient impraticable. ■ _^^
N° 60. — Affaire Haquet-Monvielle.
Gaz. Irib., n aoûl 188y, avec i-envoi
aux n" !8|51, 65, 7î, 96 t/e l'oppeiuJici'. Tribunal correctionnel de Greiuélf.
Dans ce duel, M. Monvielie eut son épée arrâlée par la iD3in gauche Ai
M. Naquet, qui îo blessa en même temps à l'aine.
Devant lo tribunal, ce dernier soutint que le lerraio du combat avait été
choisi par les^euls témoins da M. Monvielie et en l'absence des témoins de
M. Naquet; que les conditions de ce choix étaient défavorables à un liomme de
son âge, etc.
Cet ensemble de circonstances lui fut en effet compté, et attéoua dans une
certaine mesure la rigueur de la condamnation.
APPENDICE. 477
N"" 61. — Affaire Lavertiyon, directeur du Petit Centre,
et B***, avocat.
3 août 4889. Annuaire du duel.
Motif de la rencontre : polémique électorale. Rencontre à Pépée. A la
première reprise, les adversaires furent tous deux légèrement atteints...
M. B*** refusa de continuer le duel, sous prétexte qu'il était trop violent.
Le motif allégué parut ajuste titre ridicule aux témoins, qui protestèrent.
La conduite de Bl. B*** donna lieu à de vives critiques dont les journaux de
l'époque se firent l'écho ^
N'' 62. — Affaire de Briqueville-de Dalmatie.
Procès-verbal rapporté par Fougeroux deChampigmulles, tome II,
n® 305 des pièces justificatives.
f Après avoir choisi pour arma Tépée, les adversaires ont commencé un
combat qui a duré plus de dix minutes. M. de Dalmatie ayant rencontré une
pierre est tombé à la renverse. M. de Briqu avilie s'est empressé de lui tendre
la main et de le mettre sur le bon terrain.
« Le combat a recommencé. Cette fois, Pépée de M. de Briqueville s'étant,
après une assez longue phase d'armés, engagée dans celle de M. de Dalmatie,
B*e8t échappée de sa main. Il s'est avancé droit sur son adversaire, qui lui
remit son arme avec empressement.
f A la suite d'un repos que nécessitait un attaque si vive, le combat reprit
de nouveau. Les adversaires se précipitèrent Pun sur l'autre et arrivèrent
bientôt au corps à corps. Les témoins se jetèrent entre eux, et déclarèrent
qu^en gens d'honneur ils ne devaient pas permettre la continuation d'un enga-
gement si opiniâtre.
« Les deux combattants se sont soumis à cette décision, et se sont séparés
en se donnant réciproquement les marques d'uoe franche et loyale estime.
f Signé : maréchal Clausbl, général Jacquemont,
f C. Ragot, député, général Exgblmans. »
La raison du duel était une attaque dirigée contre le ministre de la guerre,
dans un discours à la Chambre •
i. Voyez, sur ce sujet, Annuaire de la presse, année 1890.
478 SIXIÈME PARTIE.
N° 63. — Affaire Betz-Pierotti.
*»
Voyez Gaz, trib.^ <6, 47, 48 décembre 4889. Assises de PAveyran,
avec renvoi aux n** 37, 80 de l'appendice.
a II fat décidé que l'arme serait Tépée de combat et que chaqae reprise
ne pourrait excéder ddux minutes. A la première blessure, le combat devait cesser.
Si après deux reprises il n'y avait aucun résultat, le combat serait arrêté. »
N" 64. — Affaire Drumont-Meyer.
Gaz, irib.^ 27 juin 4886. Police correctionnelle, Paris, avec renvoi
auxn*^ 59, 69, 77, 404 de l'appendice.
Déposition du docteur Danet : « Tout à coup un groupe tomba sur nous
avec rapidité. Un terrible corps à corps se produisit. J'étais juste derrière
M. DrumonI, mon collègue derrière M. Meyer. Je nepus m'empôcber de m'écrier:
« Arrêtez, on ne se bat pas comme celai » Je saisis M. Drumont à bras le
corps. Desfossés saisit M. Meyer. Les témoins arrivèrent, M. Duray en tète. >
En sa qualité de directeur de combat, ce dernier reprocha aux médecins,
et en particulier au docteur Danet, cette intervention inopportune.
Il eut raison en droit et en fait. En droit, car les médecins n'avaient reçu
aucun mandat. En fait, parce qu'en saisissant M. Drumont, sans être assuré
que son collègue en ferait autant pour M. Meyer, le docteur Danet pouvait
paralyser les mouvements du seul Drumont, et Toffrir sans défense à l'épée de
son antagoniste.
N° 65. — Affaire Naquet-Monvielle,
Police correctionnelle f Grenoble. Gaz, trib.y 4< août 4887,
avec renvoi aux n°* 28, 60, 72, 96 de Vappendice,
Lorsque M. Naquet fut traduit en police correctionnelle pour avoir blessé
M. Mon vielle, en arrêtant de la main gauche l'épée de ce dernier, il se défendit
en soutenant qu'il avait obéi à un mouvement instinctif de conservation pro-
voqué par l'impossibiUté où il se trouvait de parer l'attaque de M. Mon vielle
avec une arme qui était sur lo point de lui échapper à cause de la fatigue
occasionnée par son poids exceptionnel. 11 soutenait que les épées n'avaient
pas été examinées par les témoins et dépassaient la pesanteur ordinaire.
Il y eut à ce sujet un débat sans conclusion, qui servit à Tinculpé, comme
l'indique expressément l'extrait du jugement rendu sur appel le 43 jan-
vier 4 888 :
APPENDICE. 479
« Attendu qu'il y a eu lieu de prendre en sérieuse coDsidération, pour
Tapplication de la peine, les conditions d'inégalité dans lesquelles Naquet se
trouvait vis-à-vis de son adversaire, à cause de la lourdeur des épées et de la
fatigue, etc., etc. »
N« 66. — Affaire OUivier-Feuilhrade.
Gaz- trib.j 4 août 4876, avec renvoi aux n®»36, 71, 75, 79 de l'appendice.
Des épées avaient été apportées par chacun des combattants. Le sort
désigna la paire de M. Feuilhrade, mais un des témoins d'Ollivier ne les trouva
pas assez pointues, et obtint que celles de son client lui fussent substituées,
contrairement à la règle que l'arme tirée au sort doit toujours servir.
Les conditions indiquées pages 470 et suivantes, auraient évité jusqu'au
prétexte de cette difficulté.
N"" 67. — Affaire Dichard-de Massas.
Gaz. trib., 26-27 décembre 4882, avec renvoi aux n*"32, 55 de l'appendice.
Le combat eut lieu dans une allée si étroite que les témoins ne purent
se placer de chaque côté des combattants et surveiller aussi attentivement la
latte qu'ils l'auraient fait s'ils avaient été rangés sur deux rangs.
Nous avons entendu attribuer à cette étroitesse du champ Timpossibilité
où ils se trouvèrent d'arrêter le combat, après une première blessure et avant
le coup qui tua M. de Massas.
N*^ 68. — Affaire C*** et P***, joumaUstes.
Annuaire du duel, page 204, septembre 4887.
Une rencontre motivée par une polémique de presse eut lieu à M***, il
Y a quelques années, entre deux journalistes, MM. G*** et P***. La querelle
86 vida, si nos souvenirs nous servent bien, dans une très longue allée, où
aucun champ n'avait été délimité.
M. P*** rompait sans cesse, et M. C*^, asthmatiq<ie et manchot, le suivait
de son mieux, haletant et suffocant.
Cet exercice dura si longtemps queforcefutauxtémoins, malgré différents
repos accordés, de suspendre définitivement la bataille sans aucune blessure.
M. G***, capable de combattre l'épée à la main, ne pouvait lutter à la
coursé. Outre un brevet de courage bien mérité, on lui en accorda malgré lui
un antre, d'impotence, qui le mettait du coup» hors de service.
, Si le champ avait été délimité, M. G***, à petits pas, gagnait tout doucement
460 SIXIÈME PARTIE.
la lerraiti que H, l"" perdait eo rompant, et Gnissait par l'acculer, le metlanl
ainsi dans l'obligation ou de Tranchir la limite, ou d'en découdre à portée.
Dans le premier cas, il obtenait les hooneurs de la journée. Dans le
second, il reprenait l'avantage que son Ijaliitudo des armes lui assurait.
N° 69. — Affaire Drumont-Meyer.
P'Aice eoireclioniieUe, Paru. Gaz. Irib., !7 j\iin (886, avec r
aBaïn"* 59, 6i, "7 de l'appendice.
La propriâté oiise rencontrèrent les adversaires préâegtail un terrain mou-
vementé et accidenté, dont on dut préalablemeat enlever Us pierres, pour le
rendre un peu praticable.
Le combat eut lieu devant une écurie A. Derrière H. Heyerse irouTailunc
partie de sol mootueuse et rocailleuse B. Les médecins étaient cacbés ou*
rière le pignon C. Le champ n'avait été délimité ni en longueur ni en largeur.
A la deuxième reprise, M. Drumont attaqua U. Meyer avec foagat-
M. Meyer rompit ; mais pour éviter les aspérités du terrain qui était derriéw
lui et no pas se hasarder dans la montée B, il contourna l'écurie, toujao'^
chargé par son antagoniste, et tomba au milieu des médecins qui étale"'
cachés, avons-nous dit, par le pignon C.
Uncorpsà corps se produisit, au cours duquel M. Meyer fut accusé d'avoi'
paré avec la main gauche.
Les docteurs arrélèreot le corps à corps, qui se passa hors de la vue des
témoins masqués par le pignon.
Lorsqu'il s'agit de témoigner s'il y avait eu en réalité préhension de l'ép^
enaemle, ou parade de la main gauche, il en résulta que les témoins "^
APPENDICE. 48i
furent pas d'accord. Les uns n'avaient rien yu» un antre croyait s'être aperçu
de gestes, mais n'osait l'assurer.
M. Duruy, qui avait tourné le pignon le premier, fut seul affirmatif.
Toutes choses qui n'auraient pu se présenter avec un terrain convenable»
choisi d'avance, et un champ délimité en largeur comme en longueur.
N* 70.
A la suite d'une discussion d'intérêt, un duel eut lieu, le 46 mai 4860,
dans un atelier de peinture de la rue Pigalle.
Un des combattants attaqua avec une vigueur surprenante. Son épée
8*arréta sur la bretelle de son adversaire, qu'on crut percé de part en part,
mais qui ne fut pas blessé et qui riposta par un coup à la gorge de son parte-
naire.
On voit que la négligence des témoins, qui lui laissera nt conserver des
bretelles, changea le dénouement du combat.
Là est le danger réel d'un oubli ou d'une tolérance qui n'offriraient pas
grand inconvénient s'ils n'avaient pas d'autres résultats que de diminuer le
péril de la rencontre. Colombey [Histoire anecdolique du duel)»
N"" 71. — AfiEBtire OUivier-Feuilherade;
Gaz. irih,, 4 août 1876, avec renvoi aux n** 36, 66^ 75, 79 de l'appendicei
A la troisième reprise, Ollivier se fendit avec une extrême impétuosité, en
attaquant sans se couvrir. Il s'enferra et mourut sur le coup.
Il fut transporté à Longwy pour y être embaumé.
Les médecins constatèrent que tout le côté droit de son abdomen était
protégé par une ceinture munie d'un bandage d'environ 25 centimètres,
flexible, susceptible d'arrêter un coup d'épée, et ne ressemblant pas au clas-
sique bandage herniaire.
Us ne trouvèrent aucune trace d'infirmité justifiant cet appareil.
Grâce à cette cuirasse d'un nouveau genre, Ollivier, rassuré sur ses œuvres
basses^ bien couvert dans les lignes du dessus, était à peu près tranquille
pour sa peau. Une trop grande témérité le perdit.
Quelle confiance dans l'incurie des témoins ne lui était-elle pas nécessaire
pour lui foire affronter le danger d'une visite, qui, si elle avait eu lieu, l'aurait
perdu d'honneur !
Quelle incurie réelle en définitive, puisque la ceinture servit onze fois, à
un très petit intervalle» sans exciter leur méfiance, et bien qu'à plusieurs
reprises les adversaires eussent touché Ollivier sans occasionner de blessure !
L'exemple est devenu justement classique.
SIXIÈME PARTIE.
N° 72. — AfTaire Haquet-MonvleUe.
Gaz. Irili. Police correctionnelU, Grenoble, 11 août 4687, a
attx n"* Î8, 60, 65, 96 de l'appendice.
Les témoins do M. Naquet demandèrent qu'il fùl interdit aux combattants
de rompre pendant le duel de plus de troJa pas. Les témoins de M. Uonrielle
repoussèrent ajuste titre cette condition.
N° 73. — Affaire Chapuis, lieutenant au 110° de ligne,
et Deckeirel.
Gax. tTii., 30 el 3< mai 188!), Assises du !ford, avec renvoi
aun°51 de l'appendice.
Motifs de la rencontre : discussion dans un café. Duel i. l'épée. M. Chapaia
est tué.
Extrait du procès-verbal rédigé après la rencontre : a A. la reprise, H. Cba-
puis 30 porta rapidemftal en avant, et les deux adversaires se trouvèrent do
suite engagés de très près.
' « La main gauche de H. Deckeirel s'abattit et fit dévier l'épée de son adver-
saire.
« M. Chapuis reçut, à ce moment, un coup d'épée qui lui traversa la
poitrine.
a 11 n'a pas été possible aux témoins de voir si l'épëe de M. CbapuJs avait
été seulement écariée, ou si elle avait éié saisie.
iiToulefois, il a été constaté après le combat par la docteur que M. Deckeirsl
était atteint àl'indei de la main gauche d'une blessure d'environ un centimètre
de longueur, paraissant provenir d'une arme tranchante, etc. >
Une consultation fut demandée à M, Anatole de la Forgo sur la légalité ou
l'illégalité de la parade de la main gauche.
Il répondit: o J'ai été pendant de longues années pris comme arbitre avec le
marquis du Hallay. Jamais ni lui ni moi n'avons permis la parade delà main
gauche. Voyez-eo le danger dans l'affaire que vous allez discuter. Vous avez i
interroger les quatre témoins du duel, qui ne sont pas d'accord sur ce qui
s'est passé pendant le combat qui avait lieu sous leurs yeux, et qui ne peuvent
dire s'il y a eu parade ou préhension...
€ La conclusion à Urer de ce duel est la nécessité d'interdire touleparade
de la main qui ne manie pas l'épée. Si elle était permise, il pourrait arriver,
eu effet, qu'instinctivement, et sans s'en rendre compte, un homme, au lieu
APPENDICE. Isa
de parer simplemeDt comme il aurait été permis, saisirait Tarme de son adver-
saire» et rendrait le combat impossible et déloysd K »
N« 74. — Affaire Darzens-Moréas.
Le Temps, 22 mai 4888^ avec renvoi aunf* A03de V appendice.
•
Les témoins de M. Darzens prétendirent qu*ils avaient proposé d^nsérer
au procès-verbal la défense de se servir de la main gauche, mais que les man-
dataires de M. Moréas s'y étaient opposés dans un but de courtoisie.
Ils ne devaient pas souscrire à cette fin de non-recevoir. La courtoisie
n'a rien à voir en pareil cas.
Pour l'intelligence de cette affaire, nous croyons utile de reproduire le
procès- verbal publié après la rencontre :
ce A la suite d'une altercation survenue entre MM. Jean Moréas et Rodolphe
Darzens, une rencontre à Tépée eut lieu aux environs de Paris. M. Moréas, au
moment où son épée venait de traverser la chemise de son adversaire, pour
aller effleurer son bras gauche, s'est servi de sa main gauche pour éviter une
riposte simultanée de M. Darzens. Le combat a été arrêté sur la demande
expresse des témoins, d
Nous croyons avec M. Tavernier, page 200, que puisque dans cette affaire
la parade n'a été suivie d'aucun coup porté, il y a eu irrégularité et faute, mais
non félonie ; que, par conséquent, M. Moréas pouvait ôtre blâmé, mais non récusé.
Les témoins de M. Moréas devaient le soutenir énergiquement dans les
discussions qui procédèrent de cette affaire, et, en cas de désaccord, soumettre
la question de disqualification à un jury d'honneur.
N"» 75. — Affaire Ollivier-Feuilherade.
Voyez GazArih,^ 4 août 4876, avec renvoi aux n* 36, 66, 74, 79
de Pappendice»
Dans ce duel, le procès-verbal fut muet sur la question des repos et sur
celle des reprises.
L'interrogatoire des témoins va nous montrer à quoi on en arrive avec la
tolérance que nous combattons.
Aux premières passes, Ollivier avait fait une telle dépense de force qu'il
fut bientôt à bout.
Il fit un signe, et un de ses témoins, M. C***, ordonna le repos, auquel
ceux de M. Feuilherade consentirent.
1. Voyez également aflaire Dramont-Meyer. Police correctionDelle, Paris, Gazette
des Tribunaux, 27 Juin 1886, et n^* 59, 6i, 69, 77 de l'appendice ; Naquet-Monvielle.
Police correctionnelle, Grenoble, 11 août 1887, etn»* 28,51,60, 65,72 de Tappendice.
su SIXIÈME PABTIB.
D«nD( ta Conr d*a9siM8, la qnettim de saroir s'Û CoanMÏt «fvrMflr la
Imia qnand un des «dveraaJre* était latigné Tst posée.
IntMTOgé par le président, un des ténoisa de M. Feoiliende rêpondil :
■ Cm! ime ijoesiion de loyauté de la pari de l'advenaire qni Le demande.
Noua élioD$ cooTaiucoâ de celle d'Oltiiier. ■
Ce deroier était cuirassé, et la fiiligue qa'tl duait r«SMBtir venait d» ce
que, conEïaat dans la ceinture qui lui prot^eait une partie du corp*, il s'était
précipité sur wo adtereaite avec ucte aveu^e Impétaosité. La coDfiance d»
lëmoias de H. Fenilberade était, comme oa le voit, ûngnliérement placée.
N" 76. — Affaire Pons-San-Malato.
5 mai 1881.
Motif du duel ; altercaliOD dans un assaut. Bencontrc h l'épée au VéeU
net. H. Saa-Knblo (ut blessé à la main, puis au poignet.
Après avoir acculé sod adversaire au mur du parc, H. Pons se vit dépouilier
du bénéfice d'une habile stratégie, par le Tait de ses témoins, qui conseaiireot
t rendre le champ. Celle concessïoa était d'autant plus iniempestire que
H. Pona, mal guéri d'une chuta grave, avait à lutter contre un homme pour
qui la EOuplease, l'agititc, la furia étaient la base d'un jeu redoutable-.
Neutraliser celte fougue par uoe tactique radicalemcut opposée, et Boir
par acculer son adversaire, tel avait été l'objectif du maître.
La concession du cliamp remit tout en question.
Pour l'analyso détaillée du combat, voyez Tavemier, page (57.
N* 77. — Affaire Drumont-Meyer.
Gaz. trib., il juin 4886, auec renvoi aux n° 69, 6i, G9, 101 de Vappendice
Le compte rendu du procès-verbal auquel donna lieu ce duel constitue le
meilleur argument en Tavcur de notre opiaioD.
Il fut convenu que le combat ne serait arrêté sous aucun prétexte, même
en cas de corps à c/trps... A la première reprise, H. Drumont attaqua avec
fougue, M. Meyer rompit...
A ce moment so produisit un terrible corps à corps. Les adversaires étaient
poitrine contre poilrine, l'épée basse. L'un dos témoins a dit qu'ils se man-
geaient le nez.
A la seconde reprise, un deuxième corps à corps aussi intime que le
premier eut lieu... Ce fut un clioc extraordinaire, oii les combattants se livraient
aux mouvements les plus désordonnés, chercliant à se frapper de haut en bas.
C'est alors que M, Meyer blessa M, Drumont. La main gauche du premier
s'abatlit sur l'épée do son adversaire pendant qu'il le lardait entre les jambes.
Les lémoins furent non seulement incapables d'ompécher cotte faute, mais
encore de la constater authentiquement. Nous l'avons déjà vu n' 69.
APl>ENDICE. 485
Lorsque le président leur posa la question : f Avez-vdns vu Mèyer saisir
l'épëe de Dnimont à la fin de là deuxième reprise? » Deux répondirent :
f Nous n'avons rien vu I » Le troisième n'osa pas l'assurer. Un seul l'affirma.
Aussi le tribunal, dans sa décision en date du 3 juillet 4886, après avoir
blâmé énergiquement la permission du corps à corps, excusa-t-il dans une
large mesure la violation des règles du duel qui se produisit sous la forme de
parade de la main gauche, parce que cette incorrection avait eu lieu dans une
lutte acharnée où les combattants ne pouvaient guère être responsables d'un
mouvement instinctif de conservation.
N^ 78. — Procès-verbal de rencontre entre MM. Pierre
Bonaparte et
Gaz, Irib.^ 25 novetnbre 4849.
Motif de la querelle : discussion politique, t II avait été convenu entre les
témoins que le duel commencerait au salû'e et continuerait à Tépée, après la
première blessure reçue. -
« M. Bonaparte, ayant attaqué, a été arrêté par un coup de pointe qui l'a
blessé à la poitrine et au poignet; mais au môme instant le sabre de M. de Rovigo
est tombé, et, sur le cri des témoins, M. Bonaparte, l'arme levée, s'est arrêté
en effet.
« Les blessures de M. Bonaparte n'ayant pas paru à ses témoins assez
graves pour que le duel cessât, ils ont proposé de continuer le combat au
sabre, en se fondant sur ce que la circonstance du désarmement devait forcé-
ment modifier les conditions premières. Les témoins de M. de Rovigo, s'en
rapportant exclusivement aux conditions premières, ont soutenu que le combat
devait avoir lieu à l'épée. Pour prendre un moyen terme, les témoms de
H. Bonaparte ont proposé le combat au pistolet. Ceux de M. de Rovigo ont
encore refusé. »
Les témoins de M. Pierre Bonaparte n'avaient pas le droit de récuser
l'épée, puisqu'une blessure avait été reçue. Ceux de M. de Rovigo avaient
cent fois raison de s'en tenir aux conventions du procès-verbal, le désarme-
ment étant sans influence sur leur exécution. Bien plus, M. Pierre Bonaparte
était blâmable de n'avoir pas immédiatement cessé la lutte et d'avoir attendu
pour s'arrêter l'intervention des témoins*
N"" 79. — Affiedre Ollivier-Feuilherade.
Assises Seine, Gaz. trib., 4 août 4 876, avec renvoi aux n"»* 36, 66, 74 , 75
de Vappendice.
m
On découvrit au cours ^u procès que» dans une rencontre précédente,
M» de Fontenay, adversaire d'OlIivier, l'ayant touché, eut son épée faussée»
• t - -
U6 SIXIÈME PARTIE.
comme si elle avait frappé un corps dur, et que M. C*", témoin d'OlUïier, se
coQtenla de redreasor la lame; après quoi !e duel recommença, saos que les
tâmoÎDs adrersca songeassent h vériâer la cause de ce raosscmenl d'épée,
vcrificalion qui aurait fait découvrir la cuirasse dont OUiTÎer se rovôlail les
jours de rencontre.
N" 80. — Affaire Betz-Pierotti.
Aitise» Bouches-du-Rh6ne. Gaz. trOt., 16, 17 et 4S décembre IS89,
avec renvoi aux n°> 37, 63 de l'appendice.
Extrait de l'acte d'accusation : < Les conditions suivantes furent établies:
l'arme serait l'épée de combat, avec gant de ville à volonté. Chaqac reprise ne
pouvait excéder deui minutes. A la première blessure, le combat devait cesser.
Si après deuï reprises il n'y avait aucun résultat, le combat serait arrêté.
0 Sur le terrain, i! avait été secrètement entendu avec los témoins que
chaque reprise ne durerait qu'une minuta au lieu de deux.
B A la première passe, et après trente secondes de combat, Pierotli fui
atteint au croux de l'estomac par l'épée de son adversaire et mourut sur te
1 L'autopsie a démODtré que Pierotli, avant de recevoir le coup mortel,
avait été blessé deux fois, à la partie supérieure de la région inîeroe du
bras droit. ■>
Ces blessures étaient, il est vrai, sans gravité; mais comme les motifs du
duel c'taient très futiles, los quelques gouttes de sang répandues auraient pu
sauver la vie à M. Pierotli, et à SI, Belz les deux années do prison auxquelles
le jury le condamna*.
N° 81. — Affaire Mermeix, député boulangiste;
de Labniyère, journaliste.
Le mtionat, 9,10,11 ieplembre 1890, avec renvoi au n" 97, 100
de l'appendice.
Une rencontre eu lieu le 7 septembre, entre MM. Hermeii et de Labniyère,
à propos de la publication des Coulisses du boulangisme.
■ Au premier engagement, est-il dit dans le procès-verbal, M. Mayer-Levy,
témoin de M. Mermeix, s'étant écrié : « M. de Labruyëre est loucliél »
M. Maxime Dreyfus, directeur du combat, a arrêté immédiatement le duel,
1. Voye! aussi : Crim. cais., affaire Servant-Lavarile, 4 janvier 18i5j —
affaire Gtoïis Hugues-Deamcs, tMiseï des Bouches-du-Rlifine, Gasettt du Tribunaux,
82-23 révriarlSTS et n* Si de l'appendice; alTaire Dichard-de Hatial, GauU» <Ut
TribUMaux. 3S « S7 décambM 1882, et n- 32, 65, 67 de l'appendice. ;
APPENDICE. «7
« M. de Labruyère, se dégardant à riojonction de M. Dreyfas,a élé touché
au môme instant à la partie interne du médius, etc., etc. »
M. de Labruyère soutint (ce qui fut du reste nié par M. Mermeix} qu'il
avait fiché son épée en terre lorsqu'il reçut cette blessure.
Si, au lieu d'agir ainsi, il avait rompu vivement, l'épée en ligne et bien en
garde, il aurait évité le coup.
N» 82. — Affaire Coste-Benolt.
Gaz. trib.j 3 août 4832.
Motif d'ordre privé. Duel au pistolet. Conditions : distance, cinquante pas;
faculté d'avancer chacun de quinze pas. Arrivé à la limite, M. Benoit invite
M. Coste à tirer. Celui-ci s'y étant refusé, il se produisit un combat de géné-
rosité qui menaçait de s'éterniser. Les témoins convinrent que deux balles
seraient échangées au signal. M. Benoit fut tué.
N"" 83. — Affaire Mazard-de Montbron.
Assises Haute-Vienne, Gaz. trib., 4*' et 2 septembre 4849.
Motif de la rencontre : discussion politique. Duel au pistolet à tir successif.
M. Mazard fut blessé.
Extrait de l'acte d'accusation : « M. de Montbron, après avoir essuyé le feu
de son adversaire, l'ajusta pendant le temps que l'on met au tir pour viser un
objet quelconque.
< A ce moment, un des témoins de M. Mazard s'écria : f Mais tirez donci
a tirez donc I d M. de Montbron tira. M. Mazard tomba. Le môme témoin s'écria:
a Monsieur de Montbron, vous avez visé bien longtemps. »
Et pourtant il n'avait mis que quelques secondes pour tirer.
N"» 84. — Affaire Reinach-Déroulède.
Si octobre (890,
Motif de la rencontre : discussion politique à la suite des événements
boulangistés. Duel au pistolet au commandement.
« Procès-verbal après la rencontre.
« Les deux adversaires au commandement donné ont tiré en même temps.
La balle de M. Reinach n'a pas atteint M. Déroulède. Le pistolet de M. Dérou-
lède n'est pas parti. Les témoins de M. Reinach ont alors proposé à M. Dérou-
lède de recommencer le coup. M. Déroulède a décliné cette proposition. Les
témoins se sont rangés de son avis, etc. »
Us agirent correctement».
SIXIÈME PARTIE.
Parmi les Boires où le rechargemenl n'a pas ou Heu. citons, oulre
l'afTaire précédeDle, l'aiTaire ChacnbellaD-BDucbSTdOD, Gaz. Irib., assises Lyon,
mars 4Mî6.
Parmi celles où le rechargeroeot a eu lieu : affaire de La Brun«rie-de
Romans, idem, il aoùMSil;
Ferrer- Abiet, assises Gironde, S mai 1S3S:
Hszaril-de MonlbroD, assises de la Haute-Vienne, ibidem, {«octobre 1849.
Jf 86. — Aifiûre Déroulède-Lagu^re.
i3 Hovemlire 1890.
Moiifa de la rencontre : polémique à la suite des événements boulan-
gislcs. La reoconlre devait avoir lieu su commandement.
Il avait été convenu que si les deux premières balles n'avaient pas produit
de résultat, deux nouvelles seraient échangées.
Au signal, M. Laguerre tira sur M. Déroulède, qui tira en l'air. Deux
seconds pistolets ayant été remis aux adversaires, H. Laguerre visa de nou-
veau M. DéroulËde, qui celle Tois encore lira en l'air.
La ceoduile des adversaires Tut très diversement appréciée.
M. Déroulède avail'il le droit de tirer en l'air? M. Laguerre avait-il le
droit de tirer sur H. Déroulède après que celui-ci eut tiré sa première balle
en l'air?
Voyez les avis de AIM. de Casfagnac, Arène, Dreyfus, Dugué de La
Fauconnerie, Carie des Perrières, R. Mitcbell, Ranc, Lockroy, Gasti ne- Reinette
dans les numéros de la Presse, de VÈclair, de l'Événement des16 et 17 no-
vembre 1 8d0.
N" 87. — AfîEaire Mira-Dovalle.
Gaz. Irib., %7 octobre 1830.
Le molir du duel Tut on article de Dovalle que Hira considéra comme iuju-
rieui.
Arrivé sur le terrain, Slira sortit de sa poche la déclaration qu'il demau-
dait. Elle lui Tut refusée. Dovalle, favorisé par le sort, tirale premier et manqua.
Le même accident arriva à Mira.
Les témoins pensaient que l'affaire était terminée, mais Hira réclama de
nouveau une rétractation qui lui fut encore refusée.
APPENDICE. 489
Il s'écria alors : a Eh bien, il n'y a plus que quatre balles I Continuons!
Si elles ne suffisent pas, j'en apporterai vingt, et nous tirerons jusqu'à ce que
j'aie obtenu satisfaction- >
Le nombre de balles à tirer n'avait pas été convenu. Au lieu d'en profiter
pour terminer l'affaire après l'échange des premiers coups de feu, les témoins
cédèrent.
Dovalle fut tué.
N'' 88. — Affaire Dig'arrieivde Beauvallon.
Gaz. trib., 27-31 marsj 4 avril, 24 novembre, % décembre 4846,
avec renvoi aux n~ 56, 94, 402 de Vappendice*
A la suite d'une querelle futile, entre Dujarrier, directeur de la Presse^
et de Beauvallon, directeur du Globe, une rencontre fut décidée. Les conditions
du duel furent que les combattants, placés à trente pas, pourraient avancer
chacun de cinq. La question de savoir par qui les armes seraient fournies fut
laissée an hasard ; mais il fut stipulé qu'elles devaient être absolument incon-
nues des adversaires.
Le sort s'élant dc'claré pour de Beauvallon, dTcquevilley, son témoin,
présenta des pistolets d'arçon et des pistolets de précision. Les pistolets
d'arçon furent rejetés conrme étant la propriété de d'Ecquevilley.
Celui-ci ayant remis alors à l'examen des témoins la paire de pistolets de
précision, M. Bertrand, témoin de Dujarrier, introduisit un doigt dans le canon,
et le retira noirci jusqu'à la naissance de l'opgle. Il manifesta la crainte que
ces pistolets n'eussent été essayés. Mais d'Ecquevilley le rassura, en lui disant
qu'il n'avait fait que les flamber. Il jura, d'ailleurs, sur l'honneur, que de
Beauvallon ne connaissait pas les armes dont il allait se servir.
L'explication et le serment furent acceptés. Dujarrier manqua son anta-
goniste et reçut de Beauvallon une balle qui le tua.
Le 26 mars 4846, de Beauvallon et les témoins passèrent en cour d'assises.
De Beauvallon et d'Ecquevilley jurèrent que les pistolets apportés par ce dernier
étaient bien réellement inconnus.
Tout le monde lut acquitté.
Mais un M. de Meynard déclara ensuite avoir assisté dans le jardin de
d'Ecquevilley, le matin du duel, à l'essai des pistolets.
Sur une plainte du tuteur des enfants de la victime, d'Ecquevilley fut
renvoyé devant la Cour d'assises de la Seine sous l'accusation de faux témoi-
gnage en matière criminelle ; de Beauvallon comme témoin à sa requête.
De Meynard raconta que, la veille du duel, de Beauvallon vint le prier de
venir s'exercer au tir le lendemain, à six heures et demie ; qu'ils allèrent à
Chaillot, et que de Beauvallon tira, en effet, une dizaine de coups sur le mur dn
jardin, avec deux paires, une d'arçon et une de précision, en lui indiquant la
provenance de cette dernière. Ce fut lui, de Meynard, qui traça avec un caillou
une ligne sur la muraille du fond. Cette ligne servit de point de mire.
iSO SIXIÈME PARTIE.
A la suite d'un verdict afSrmatlf sur toules les qaesltons, do Beauvalion
tai coodamoé à hait ans et d'Bcf^aevilloy à dii ans de réclusion.
11 est impossible de rencontrer ua exemple pins frappant des conséquences
nuisibles que peut avoir la stipulation contre laquelle nous venons de nous
élever.
Les téa]oinsc«nvinroDt queles armas seraient inconnues des adversaires.
C'était une oicallenle intention, mais ils ne comprirent paj qu'en taiisaot i
chacun le droit d'apportsr des pistolets, on s'exposait k un résultat diamétra-
lement opposé.
Quel moyeu de centrée leur restailT Les intéressés ne ponvaienl-ils pu
les tromper impunémentT Ne pouvaient-ils apporter des armes non seulement
conaaej, mais souEnisejà toites tes manceivroi déloyales dont nous avons
parlé chapitre xliii, et jurer que la condition était strictement observée?
De B3auv3llon et d'Ecquevillay n'y manquèrent pas. Leur déloyauté serait
demeurée impunie, s'il* n'avaient pas admis un tiers à l'essai das armes, par
une imprudence qne la lecture des débats ne nous a pas eïpliquée, et s'étaient
livrés seuls h l'expérience.
Ne d Ht-oQ pas s'étonner aussi de l'incoQséquaace des témoins adverses,
qui n'arrêtèrent pas l'alTaire, en présence de la quasi-;:ertitude que leï pisto-
lets d'arçon étaient conaus de Biauvallon et de l'épisode du djigis noirciT
Non; y puisoas un nouvel argument en faveur da la nécessité de pré-
senter les armes avant la rédaction du procès- verbal, et da les sceller dans
une boite, dont l'ouverture n'est faite que sur le terrain.
N» 89. — Affitlra Le M"-de M™.
AssiKS Marne. Gaz. Irib., 8( aoàl <833, avec renvoi au n' 53
de l'appendice.
DeR***, témoinde M***, emprunta chez un vétérinaire des pistolets d'iné-
gale bonté.
Il les donna h un armurier, pour les remettre en état, et lui recomma nda
de marquer d'un signe la meilleure arme. Oo colla surlacrosse un papier bleu.
Le droit de choisir, tiré au son, échut à de U***; de R*** lui remit
l'arme marquée.
Les généraux Pajol et Excelmans, consultés sur la loyauté ou la déloyauté
de cet acte, répondirent : < Il est évident qu'une partie qui connaît seule
l'inégalité des armes, et peut seule distinguer la meilleure, ne peut sios
déloyauté user du privilège de choisir que lui donne le sort. C'est se réserver
un privilège qui rompt l'égalité, première loi du duel. £nQn, ce n'eat jamais
aux témoins à exercer ce choix, mais bien au combattant que le sort favorise-
Il y a donc, dans les faits rapportés plus haut, violation manifeste des lois du
duel. 1
APPENDICE. 4^1
IT 90. — AflEBdres Bonnet-d'Omano ; Laisant-de La Rochette.
Dans an duel au pistolet à tir successif qui eut lieu pendant les Cent-
Jours, le général Bonnet ne dut la vie qu'à une pièce de cinq francs sur
laquelle s'amortit la balle.
Il riposta, et le général d*Ornano reçut une balle dans la cuisse, dont il
pensa mourir.
Même incident se produisit dans le duel entre M. Laisant et M. de La
Rochette, rapporté par M. Tavernier, page 217. M. Laisant reçut une balle
qui fut amortie par un gros pardessus d'hiver qu'il avait conservé. Il riposta
et blessa grièvement M. de La Rochette.
Ces deux exemples montrent l'importance de la visite et la faute com-
mise par les témoins qui la négligent, ou qui tolèrent un objet ou un yètement
capable d'arrêter la balle.
Nous le répétons encore : si l'objet conservé n'avait pour résultat que de
servir de bouclier et d'éviter un dénouement tragique, le mal ne serait pas
bien grand, mais il peut être cause d'une riposte mortelle pour un homme
qui sans cela n'aurait couru aucun danger. Là est l'iajustice et la violation des
règles du duel.
N"" 91. — Afbire Layasseur-Arrighi.
Assises BauchesHiW'Rhâne. ^Gaz. Irib,, 44, 45 mars 4842,
avec renvoi au n9 35 de l'appendice.
Rappelons que la rencontre était au pistolet, à tir successif à dix pas.
Déposition de M. Casabianca, témoin d^Arrighi.
c Le commandant, atteint par le feu du général Levasseur, resta un instant
debout, puis tomba en vomissant des flots de sang. Dans l'intervalle du coup
à sa chute je lui présentai le second pistolet, en lui disant : « A votre tour,
c tirez, commandantl » Il fit un léger mouvement conama pour le prendre, mais
ne put en venir à bout. »
On voit que le général avait tiré sur un adversaire dont le pistolet était
resté entre les mains des témoins, et qui était, par conséquent, privé, d'une
légère chance de salut.
SIXIÈME PARTIE.
N" 92. — Affaire de T***, député des Bouches-du-Rh&ne,
et P^.
Juin 4839. Colombey, Histoire anecdolique du dueL
La primaulê dutiréchuCàM.deT***. Tandis que les témoins rhargeaient,
H. P*** gourmaDdait leur lenteur el montrait une impatience fébrile. A peine
les armes remises entre les mains des combattants, il pressa M. de T*** de
tirer, sans attendre le signal. M. de T*" obéit et le tua.
11 Tut b'âmé b juste titre.
En obtempérant à l'injonction de son adversaire, il commit une fonte noa
entachée de déloyauté, puisqu'il ne viola pas l'ordre établi, mais certainement
contraire aux règles du duel.
N" 93 — Affaire Dr^rfiis-de Mores.
Voyez journal l'Escrime française, 3 février ) 8)
Dans l'affaire que nous rapportons. le duel eut lieu au commandement,
mais il peut servir d'exemple pour tous les duels au pistolet.
U. Dreyfus tira entre feu el un; il replia aussitôt le bras dans la position
classique de l'aitente en pareil cas. Bien lui en prit, car M. de Mores ayant
tiré au commandement deux, la balle viot frapper son adversaire dans la
partie supérieure de l'avant-bras, où elle resta onfoucée.
Si M. Dreyfus n'avait pas pris l'attitude que nous recommandons, il esl
évident que lit balle lui aurait causé une blessure sinon mortelle, du moins
beaucoup plus grave.
N" 94. — Affaire Diyarrier-de Beauvallon.
Gaz. trilt.il-3\ mars, 1" ni'cii, 21 novembre, ^décembre i&i6, avec renvoi
aun"' o6, 88, 102 de l'appendice.
D'apiès les conditions, les combatlants, placés à trente pas, en pouvaient
faire cinq avant de tirer. Un coup tiré appelait l'autre à l'instant même.
Le signal une fois donné, Dujamor tira aussitôt, et manqua son adver-
saire. De Beauvallon releva lestement soa arme, et ajusia longtemps. ' Hais
tirez donci Sacré n... de Dl... » lui cria un dos témoins, traduisant par cette
imprécation l'anxiété des assislants. Lo coup partit: Dujarrier tombafrappé aa !
front.
Accusé d'avoir visé trop longtemps, il prétendit être resté dans les termes j
de la convention, puisqu'il avait mis en joue immédiatement après le coup de |
feu tiré sur lui, et n'avait pas visé plus de temps qu'on en met au tir. 1
. APPENDICE. «93
N"" 95. — AfEàire Ritter-Appleton.
Assises Mayenne. Gaz', trib. 2 e( 3 avril 4873, avec renvoi aux n«* 6, 34
de l'appendice.
Le dael eat lieu aa pistolet, au signal.
Extrait de l'acte d'accusation : c Au signal donné, le pistolet de M. Ritter
rata ; celui de M. Appleton fit feu au troisième coup, et la balle effleura le
premier sans le blesser. Oq remarqua qu^après avoir vu rater son pistolet,
M. Ritter ne l'avait pas relevé immédiatement, et avait continué à tenir son
adversaire en joue. »
Si le pistolet avait fait long feu, ce retard aurait pu donner lieu à des
commentaires fâcheux pour M. Ritter, bien qu'il ne fût en réalité coupable
d'aucune déloyauté.
N<> 96. — A£Eàire Naquet-^Monvielle.
Gaz. Trib. 4 4 août 4 887, avec renvoi aux n^ 28, 54 , 60, 66, 72 de l'appendice.
Procès-verbal après la rencontre : a A la suite d'une polémique engagée
entre M. Monvielle, rédacteur eu chef du Réveil du Dauphiné^ et M. Naquet,
rédacteur en chef du Petit Dauphinois^ une rencontre a été jugée inévitable
par les témoins des deux parties. M. Monvielle, offensé, avait choisi l'épée de
combat. Sur la demande de M. Naquet, le combat ne devait cesser que sur
une blessure assez grave pour mettre l'un des adversaires dans l'impossibi-
lité de continuer.
c A la troisième reprise, M. Naquet, ayant saisi de la main gauche l'épée
de son adversaire, l'a maintenue assez longtemps pour lui permettre de blesser
M* Monvielle, ainsi mis sans défense, au tiers interne de Taine gauche. En
maintenant l'arme de M. Monvielle, il s'est blessé lui-môme à la main gauche,
c Cet acte inqualifiable, et contraire à toutes le3 règles de l'honneur, a été
blâmé avec la plus grande énergie par les quatre témoins.
ff Un médecin assistait à la rencontre. Un mattre d'armes dirigeait le
combat.
« Signé : »...
La lecture de ce document suffît pour montrer que, dans une autre affaire,
la question préalable aurait pu être invoquée contre M. Naquet, en vertu
d'un procès-verbal aussi explicite, sans que la réunion d'un jury d'honneur
fût nécessaire, et quand bien môme les témoins ne se seraient pas entendus
pour ajouter le paragraphe où ils apprécient sa conduite.
r.
SIXIÈME PARTIE.
N" 97. — ASalre Mermeix-de Labruyère-Castelin-
L« Pelletier-Millevoye.
Voyez le National, n" des 9, 10, 1) septembre 1890, et Ions le$ journaux
de Paris de celle époque, avec renvoi aux n" 81 e[100 de l'appel*-
dice.
À ia suite de la publication des Cûi4lisses du boulangisme, M. Hermeii
demanda réparation à quatre pertonnes à U fois :
A M. de Labruyère, journaliste;
A M. CaBtelin. député;
A M. LepellelJer, journaiisto;
A M. Millevoye, député.
La première affaire fut rég:ée le 7 septembre.
Le procès- verbal après la rencontie contenait lesphrases soi vantes : u Au pre-
mier engagement, qui a duré en\iron quarante secondes, M. Meyer-Lévy. lémoin
de H. Mermeii, s'étant écrié : • M. de Labruyère est touchél c M. Dreyfus a
arrêté immédiatement le duel. M. de Labruyère, se dégardaut à l'injonclion de
M. Dreyfus, a été touché au même insiant à la partie interne du médius.
« Il a été coDsiaté par tous les témoins que AL de Labruyère n'avait été
auparavant atteint en aucune façon, a
La deuiième affaire h régler Était celle de U. Castelin.
Les témoios de ce dernier adressèrent le S septembre, i leur client, une
lettre dans laquelle ils lui déclaraient qu'ils s'élaieot présealés cbez H, de La-
bruyère, aQn d'être renseignés sur la nature des faits qui avaient donné lien a
la rédaction du procès-verbal ci-dessus relaté, et que M. de Labruyère leur
avait fait la réponse suivante : t Sur l'honneur, j'aflirme que M, Uerraeiz a mis
à proBl pour me frapper le moment où le combat était suspendu, sur l'ordre
de M. Dreyfus, et où j'avais rassemblé en arrière et Qché mon épée en terre. ••
Ils terminaient celto lettre en annonçant à M, Castelin qu'en présence des
accusations formelles do M. de Labruyère, ils considéraient la rencontre comme
impossible avec M. Mcrmeix, et l'avaient déclaré aux témoins de ce dernier.
Le même jour, les témoins de U. M«rmeix lui adressèrent une lettre où ils
protestaient contre le récit do M. de Labruyère :
i Lorsque M, de Labruyère, lui écrivaient-ils, reçut voire coup d'épée,
vous étifz engagé dans une attaque très vive. Le coup a été lancé avant que le
corn mandement o Halle I > fût prononcé... ei h rînslanl même où M. de La-
bruyère se dégardait après l'inleipellation de M. Meyer-Lévy... Nous jurons
sur no tte honneur que M. de Labruyère a fait imprimer hier le contraire de
la vérité; B etc.
A celto lettre, M. Mermeix répondit : « que la contre-vérité publiée par
M. de Labruyère n'était qu'un prétexte fourni aux gens sans courage qui
l'avaient insulté pour se dérober et refuser réparation i.
APPENDICE. 495
Celte lettre fut suhie d'ane autre de M. Castelin à ses témoins, déclarant
approuver leur fin de noD-recevoir; d'une lettre de M. Mermeix à ses témoins,
où il proclama son mépris pour M. Castelin et ses mandataires, où il traita le
premier de a bon béta », et l'autre de c rien du tout », « solidaires de la lâ-
cheté montrée par leur mandant »; d'une réponse de M. Castelin où il reproche
à son antagoniste ses délations, ses friponneries et sa lâcheté; d'une lettre de
M. Delagneau, témoin de M. Castelin, où il accuse M» Mermeix de détourne-
ments et d'abus de confiance, et d'une lettre de M. Duret, autre témoin de
M. Castelin, où il traite M. Mermeix de « Judas, pis qu'un simple bandit, pis
qu'un Cartouche et qu'un Mandrin, et justiciable des seuls balayeurs ».
Ces lettres ayant toutes été rédigées pour être communiquées aux jour-
naux et l'ayant été en effet, nous ne croyons pas être désagréable aux per-
sonnes citées en les reproduisant comme documents à l'appui^de notre thèse.
La troisième affaire à régler était celle de M. Lepelletier* M. Edmond
Lepelletier, mis en cause à £on tour, répondit par une fin de non-recevoir
moins crue dans les expressions, mais conçue dans le même £ens.
En présence de cette série de récusations, les témoins de M. Mermeix
adressèrent à ceux de M. de Labruyère une lettre, en date du 9 septembre,
où ils leur demandaient une entrevue pour afSrmer leur procès-verbal, et
prendre des dispositions afin de protester en commun contre les allégations de
M. de Labruyère qui les atteignaient, eux témoins, bien plus que M. Mermeix,
qui était couvert par le procès- verbal signé en commun et leurs déclarations
postérieures.
A celte lettre, M. des Houx, témoin de M. de Labruyère, répondit par un
refus tiré : l^* de ce que le mandat qui leur avait été confié par M. de La-
bruyère était expiré par la signature du procès-verbal ; 2<> de ce que le procès-
verbal n'avait besoin ni d'affirmation ni de confirmation, et que son témoi-
gnage restait entier en dépit de tous les commentaires.
M. Mermeix proposa alors à M. de Labruyère la réunion d'un jury d'honneur.
M. de Labruyère répondit : « Après votre conduite, je vous considère
comme n'étant justiciable que destriburaux de droit commun. »
M. Mermeix écrivit alors une lettre au procureur général, où il l'informait
du duel^t de tes péripéties, en lui demandant qu'une instruction fût ouverte.
Le ministère public demeura muet.
Restait à régler l'affaire avec M. Millevoye. Les témoins de M. Millevoye
déclaièrent que leur client acceptait en principe le cartel de M. Mermeix,
mais qu'il voulait qu'un jury d'honneur se prononçât auparavant sur les inci-
dents du duel La bruyère. Une blessuregrave, reçue par M. Mermeix dans
l'intervalle entre ces pourparlers et la réunion du jury d'honneur, arrêta
l'affaire, qui n'eut pas de suite.
Si nous nous plaçons au point de vue théorique, le seul qui nous occupe,
M. Millevoye nous parait avoir agi avec une indiscutable correction.
Faut-il porter le même jugement sur les polémiques et les fins de non-
recevoir que nous rencontrons dans les affaires précédentes? C'est ce que
nous ne nous permetterons pas de décider, car nous ignorons tous les dessous
susceptibles de les expliquer, et ne pouvons les juger que d'après des docu-
ments ofiiciels, et, partant, peu explicites*
r
«96 SIXIÈME PARTIE.
Il nous semblo cependant que les lémoias du duel où M, de Labrnyëre
fut blessé, auraient dû rédiger le procès-verbal de maniérée ae laisser planer
fiucua doute sur la nature de l'infraction et les circonstances qui l'avaient
accompagnée -
Lo coup qui a blessé M. de Labruyère a-t-il été porté après que ce der-
nier eût rassemblé en arrière et fiché son épée en terre T
Le commandement : « Arrêtez 1 d de M. Dreyfus a-l-il, au contraire, été
concomitant avec la botte de M. HermeixT C'est co qu'il fallait démontrer.
C'est ce qui ne fut pas tranché.
Qu'en résulU-l-il?
Les témoins de M. Uermeix affirmèrent sur l'honneur un tail que lo pro-
cès-vorhal laissait indécis.
.M. de Labruyère affirma de son côté sur l'honneur que ce ^l s'était
passé d'une manière diamétralement opposée. Les témoins de M. de Labruyère
refusèrent de donner dos explications, en s'appiiyjat précisément sur le procès-
verbal qui engendrait l'équivoque.
Los doux antagonistes, dont les aSaires devaient se régler ensuite, furent
accusés par M. Mormeix de proQter du litige pour esquiver le danger des ren-
contres qui les menaçaient.
Au lieu d'échanger les injures que nous avons reproduites, non dans un
but de dénigrement à l'adresse de per^uues que nous ne connaissons pas,
mais comme un argument réel à l'appui de notre thèse, ne valait-il pas mieux
suivre la marche qui vient d'être conseillée ?
N' 98. — Affaire Naquet-Monvielle.
Gaz. tria., H ootlf ISST, avec renvoi aux n" ii. 60, 63, ^i de l'appendice.
A la suite de l'infraction commise par M. Naquet et de la blessure qui en
résulta pour H. Monviello, M. Naquet fut injurié par plusieurs témoins.
Un d'entre em, M. M'*', se laissa même aller jusqu'à le soufili'ter.
Il fut blâmé ajuste titre par le présideat, au cours du procès qui s'en-
suivit, car il était sorti complètement de son rôle.
Interrogé sur les mobiles qui l'avaient poussé à cet a;te, il no put en in-
voquer d'autres que la colère.
N" 99. — Affaire T***-R'^.
Avec renvoi au n° 108 de l'appendice.
Cn duel mystérieui, dont les acteurs s'efforcèrent, par tous les moyens
possibles,decachorle sujet et le résultat, eut lieu à Genève, au mois d'août 1S90,
et défraya les commentaires de li presse pendaut quelques jours.
Les journaux d'i a for mations finirent par découvrir et par publier que
APPENDICE. 497
M. T***-R***, substitut près le tribunal de la Seine, avait été l'un des
combattants.
M. T***-R*** fut obligé de donner sa démission. S'il avait commis celle
infraction à la loi pour laquelle il avait charge de requérir, à une époque où la
tolérance en matière de duel était moins grande, il n*en aurait pas été quitte
à si bon marché.
N*" 100. — AfEBire Mermeix-Labruyère.
Avec renvoi aux n**8l e^ 97 de l'appendice.
Au lieu d'insérer simplement au procès-verbal que M. Meyer-Lévy,
témoin de M. Mermeix, s'étant écrié : « M. de Labruyère est touché! »
M. Dreyfus arrêta le combat, et que M de Labruyère^ se dégardant à cette
injonction, fut touché au môme instant^ il fallait spécifier quelle était l'attitude
de M. de Labruyère au moment où il reçut le coup et dans quelles conditions
M. Mermeix porta ce coup.
La question offrait un intérêt d'autant plus grand que la version des té-
moins de M. Mermeix paraissait attribuer son incorrection à une sorte de fa ta*
lité, tandis que celle de M. de Labruyère tendait à lui imprimer un caractère
de félonie.
N° 101. — Affaire Drumont-Meyer.
Gaz, trib,, tl juin 1886. Tribunal correctionnel de la Seine, avec renvoi
aux n"** 59, 64, 69, 77 de f appendice.
Extrait de l'interrogatoire des témoins :
M® Lente. — « M. D*** a dit tout à l'heure qu'il n'avait pas vu la main
de M. Meyer se porter sur l'épée de M. Drumont au premier choc. Youdraifr-il
me dire comment il a consenti à l'insérer au procès-verbal ? »
Le TéMOiN. — c Messieurs, nous entrons alors dans la partie délicate de
l'affaire. Un des témoins» M. Duruy, affirme qu'il a parfaitement vu le mouve.
ment. Nous ne pouvions douter de sa parole d'honneur, de son œil exercé, de
l'énergie de sa déclaration. Il affirme nettement qu'il a vu.
c Que nous fallait-il de plus ? »
N^ 102. — AfCaire Di\jarrier-de Beauvallon.
Gaz. trib,^ 27, 34 mars^^"^ avril, 24 novembre, 2 décembre 4846,
avec renvoi atix n^ 56, 88, 94 de V appendice.
Ce fut avec raison que M. de Guise, appelé à déposer comme témoin,
devant le juge d'instruction, contre d'Ëcquervilley et de Beauvallon, à propos
32
«M .•ilMtME P,VRT1E.
da duel où Dujarrier perdit la vie, répondit à one menace qui lui était faite
ft cause de aa déposition, que, si une provocation lui était adre^éo, il la Iran:^
mettrait âinipleiuent au procureur du roi, pour lu jojudre aui pièces de U pro-
céduro.
N> 103. — Affoîre Darzena-Moréas.
Voyaz te Tempi, b° du Si mai 1H88, atiec renvoi au n'
Procès-verbal après la rencontre : « A la suite d'une altercation s
entre MM. Jean Mor6as et Rodolphe Darzens, une rencontre à i'épée eut lien
dans les environs de Paris.
I M. Moréas, au moment ofl son épée venait do traverser la chemise de son
adversaire pour aller eltleurer son bras gauche, s'est servi de sa main gauche
pour arri>ter une riposte simultanée de M. Darzens. Le combat a été arrêté sur
la demande expresse des témoins. Ont signé, etc. >
Tout le monde semblait d'accord sur le^ faits, et l'incident paraissait clos.
lorsque Il'S témoins de M. Moréas publièrent une prolestatton constatant que le
coup porté par leur client était antérieur au mouvement qui lai avait fuît saisir
I'épée de son adversaire; que le corps à corps allait commencer; que le direc-
teur du combat allait commander l'arrêt; quelecoap de M. Darzens ne pouvait
atteindre M. Moréas, et que, par le Tait, ce dernier n'avait pu détourner un coup
effectir; euQn qu'on avait vu H. Moréas Gclier son épée en terre de la main
droite, tandis qu'il saisissait l'épéo de son adversaire de la main gauche.
Les témoins de M. Darzens publit'renl une contre- protestation, dans laquelle
ils déclarèrent s'en tenir i la première versioo et repousser l'interprétation don-
née après coup.
Les témoins de M. Moréas nous paraissent mal fondés à prolester contre
un procès-verbal aussi précis, et rédigé en commun sans aucune réserve. Les
témoins de M. Darzens semblent avoir agi dans la plénitude de leur droit en
opposant le procès-verbal que nous avons rapporté. Empressons-nous d'ajouter
que l'infraction de M. Moréas ne l'cmpécha pas d'être accepté comme adver-
sairo peu de temps après, et que depuis il s'est plusieurs fois battu, notam-
ment le 1" juin 1888, avec M. Cellarius. rédacteur au Gil Blas; le 8 juin, avec
M. Harden-Hickey, rédacteur au TriboiUel; le 7 août 18SS, avec M. Darzens.
M" 104.
Ordre du jour du minisire de la guerre, 11 juin 1835.
Au mépris de toutes les règles de la subordination, un lieutenant-colonel
a osé provoquer en duel son supérieur. Un événement aussi fâcheu:(, qui
aurait pu porter atteinte à la discipline du corps, méritait une punition prompte
APPENDICE. 499
et sévère. Le ministre de la guerre vient d'ordonner que ce lieutenant-colonel
soit traduit devant un conseil de guerre.
Quant au supérieur qui, pouvant se servir de l'autorité dont l'armaient la
loi et son grade, a eu la coupable condescendance de répondre à cette provo-
cation, il sera puni par la perte de son emploi^ et les témoins officiers du corps,
qui ne se sont pas opposés à cette rencontre, garderont les arrêts de rigueur
pendant quinze jours.
En portant à la connaissance de l'armée des faits aussi graves que ceux
qu'il vient de signaler, le ministre de la guerre veut prouver qu'aucune infrac-
tion ne demeurera impunie, et qu'il est déterminé à maintenir l'autorité du
grade, qu'il considère comme la base la plus solide de cette discipline, sans
laquelle il n'y a pas d'armée possible.
Voyez également séance du conseil de guerre, Gaz. trib,, 8 juillet àHZ^*
N^ 105.
Gaz. trib.y 3 février 4838.
Ordre du jour du ministre de la guerre à l'occasion d'un duel entre un
chef d'escadrons et un capitaine, dans lequel ce dernier succomba : c Un chef
d'escadrons vient de provoquer un capitaine sous ses ordres. Celui-ci a répondu
à la provocation de son supérieur :
c L*ordre du jour porté à la connaissance de l'armée, le 43 juin 4835, par le
ministre qui m'a précédé, aurait dû prévenir tout renouvellement d'une aussi
grave infraction aux règles de la discipline. Ce coupable oubli des devoirs du
commandement, ce renversement de toute subordination exigeaient une peine
sévère.
o Le chef d'escadrons qui a provoqué son inférieur sera mis en retrait
d'emploi.
« Le témoin du môme grade sera puni d'un mois de prison»
c Le second témoin subira quinze jours d'arrêt, ainsi que le colonel du
régiment qui n'a pas su faire usage de son autorité pour le maintien de la su-
bordination. »
N« 106. — Tribunal fédéral.
Audience du 27 août 4883. — Affaire Lennig.
Par note du 48 juillet 4883, l'État de Bavière, invoquant l'article 4*^,
n^ 40, du traité d'extradition conclu, le 24 janvier 4874, entre la Suisse et
TEmpire allemand, a requis l'extradition d'Eugène Lennig, étudiant en
chimie, de Philadelphie, arrêté à Bàle ensuite d'un mandat décerné le
47 juillet par le juge d'instruction de Wiirzbourg. Lennig est inculpé
c d'avoir, avec préméditation, porté en duel des coups et blessures ayant
eOO SIXIEME l'AltTIK.
entraîné la mort, crime pr6vu par les articles S06, 213 et 226 da (knje
pénal >.
Arrêt I. — Il n'est pas coDlestê et, d'ailleurs, il résnlte dea docamenls
produits, que les blessures qui ont donné lieu i la demande d'extradition odI
été faims en duel.
D'après l'article 5R de la loi sur l'organisalion judiciaire du 27 juin 187i,
l'unique question à résoudre est de savoir si le prévenu est poursuivi i
raiion de l'un des crimes ou délits énumérés dans l'article 4" du traité
d'eKtrdditioD.
Arrél //. — La réponse doit être négative. Le Code pénal allemand
(art. 30t etsuiv.), ainsi que la grande majorité des codes suisses, envisage
le duel comme un délit sui gcnerii, non assimilable au meurtre ou aux coups
ot blessures. Or le duel n'est point spécialement meetionaé dans le traité
enire l'AIIomagne et la Suisse, dont l'article I", n° 10, ne vise que le délit
général de coups et blessures, et encore de coups et blessures graves, sua-
ceptibies d'entraîner la peine des travaux rorcés. (Art. 2ï4 et suiv. Code
pénal allemand.)
Colle omission s'explique par le caractère moins rigoureux des pénalités
attachées bu duel, que le Code pénal allemand punit, nnâme dans les cas les
plus graves, de l'inleroemont dans une forteresse {custodia honeala).
II importe peu que, dans son mandat du <7 juillet, le juge d'iestruction
de Wtii'7.bou[g invoque, non seulement l'article Î06, mai:^ aussiles articles !!3
et tS6 du Code allemand, on se mettant de la sorte eu opposition mani-
feste, soit avec le texte de ces dispogilions légales, soit avec la teneur mfme
d'un premier mandat lancé le 13 juillet : c'est, en effet, au tribunal de céans,
et à lui seul, qu'il uppariieal de recliorcber si le traité en vigueur lui fait un
devoir d'accorder l'extradition à raison des faits imputés h Lennig.
N° 107, — Affaire du sous-lieutenzmt Wemert.
CoiueU de guerre de Toulon, Gaz. irib., »" des 20-î( octobre 1890.
Dans la soirée du Si mai, le souB-lieu tenant Wemert disparut.
On le chercha vainement pendant plusieurs semaines. Sa disparition donna
lieu aux commentaires les plus divers jusqu'au 9 octobre, époque à laquelle
il se présenta chez son colonel en demandant à être jugé.
Il ût connaître à son chef que son départ était l'épilogue de drames san-
glants dans lesquels il avait mortfUement frappé deux hommes. Le jeune
oSicier expliqua, sans vouloir d'ailleurs entrer dans aucun détail, qu'une
haine de famille l'avait mis dans la nécessité de se battre avec un civil
habitant Lyon, et occupant un certain rang dans la société.
La rencontre avait eu lieu la nuit, aux ûambesui, dans le jardin de la
maisonnette occupée par l'ofScier. Blessé grièvement d'un coup d'épée au bas-
ventre, ce premier adversaire euccombait peu de jours après.
APPENDICE. 501
 quelque temps de là, second duel avec un des témoins de la première
rencontre, qui avait accusé le sous-lieutenant de déloyauté. Cette fois encore,
l'adversaire de M. Wemert, mortellement frappé, était emporté secrè-
tement jusqu'au chemin de fer, et il expirait à Lyon, après quelques jours
d*agonie.
C'est alors que, voyant sa.carrière brisée par la perspective d'un procès
en cour d'assises, M. Wemert quitta Toulon, et qu'après avoir erré en Suisse,
il se réfugia dans sa famille, à Schlestadt, où il serait encore, s'il n'avait pas
été accusé d'avoir vendu aux Allemands des pièces militaires, accusation à la
suite de laquelle il vint se constituer prisonnier.
Traduit devant un conseil de guerre, il fut acquitté à l'unanimité.
N« 108. — Affaire T***-R***.
Août 4890, avec renvoi au n^ 99 de Vappendice.
Un duel mystérieux défraya pendant quelques jours les commentaires de
la presse, non qu'il eût présenté des circonstances extraordinaires, mais parce
qu'on murmurait qu'un personnage en vue s'y trouvait mêlé.
Malgré la précaution d'aller se battre à Genève et de ne mettre dans la
confidence que le nombre de personnes strictement nécessaire, un journal
d'informations finit par découvrir que M, T***-R***, substitut près du tri-
banal de la Seine, était l'un des adversaires.
M. T***.R*** dut donner sa démission. Ajoutons qu'au bout de deux ou
trois mois, il fut replacé.
N<» 109. — Affaire Rochefort-Isaac.
V Intransigeant, w° rfà 44 mai 4894 .
Motif de la rencontre : article de M. Bochefort, critiquant la conduite de
M. le sous-préfet Isaac dans les événements de Fourmies. — Nous nous con-
tenterons de copier la lettre adressée à M. H. Rocbefort par ses témoins, car
elle. résume toute l'affaire, dont les détails ne sauraient trouver place dans le
cadre restreint de cet appendice :
a Cher ami,
« 11 avait été convenu que la rencontre arrêtée dans le procès-verbal que
nous avons eu l'honneur de vous communiquer Aurait lieu sur le territoire
hollandais, dans les environs de Breskens.
« Mais en arrivant à Heyst- sur-Mer, la gendarmerie est intervenue, et un
commissaire de police nous a signifié que non seulement il avait reçu l'ordre
, «
t
602 STXltMF. PARTIE.
de s'opposer au duoi projeté, mais qu'il nous accompagnerait jusqu'à la fron-
tière, Dii nous alleodraient les autorités bollandaises prévenues par télé-
gramme.
a Dans ces conditions, nous avons dil rentrer avec vous i Bruges, escor-
tés par la gendarmerie qui, a l'heure mËme où nous écrivons, monte eucore la
garde devant notre porte.
< Dans une nouvelle entrevue avec les témoin» de M. Issat, nous leor
avons déclaré que nous étions a leur disposition, et leur avons demandé de
nous indiquer un autre point de la frontière hollandaise oii la rencontre fût
possible, le territoire français vous étant formé comme proscrit.
< Ces messieurs ont reconnu que, gardés à vue comme nous é^on?,
nous ne pourrions donner suite à nos projets...
« Dès lors, nous n'avions plus qu'à considérer notre mission comme ter-
minée, etc. »
A lire également dans le numéro du journal ta Prrtse.ea date du 8 sep-
tembre 1890, h propos de l'alTairo Hochetort-Thiébaut, l'article intitulé Avant
la rencontre, désopilant récit des tribulations que font .'^ubir aux chrimpions
l'acharnemeni des reporters qui se cachent sous leurs lits, montent derrière
leurs voitures, ou les escortent, en s'empilant dans des fiacres comme les
invités d'une noce qui se rend au Bois.
N" 110. — Affaire Marchis-Duchsissin.
f.Vir. Iril'., li diiccmbre 1R76.
A cotte date, on lisait dans la Gazette de Mons : < Hier arrivaient dans
noire ville MM. Marchis et Duchassin, le premier maire, le second adjoint de
la Cliapelle-Fouclié (Dordogne).
n II parait qu'à la suite d'une discussiou orageuse au Conseil municipal,
MM, Marchis et Ducliassin avaient échangé des propos vifs qui avaient déter-
miné la rencontre, el comme ces messieurs se figuraient que le duel ne tom-
bait pas en Belgique sous le coup de la loi pénale, ils avaient fait bravement,
avec leurs témoins et sept ou huit parents el amis, parmi lesquels le président
du tribunal de Périgueux, gendre de M. Marchis, et le greffier du même siège,
plusieurs centaines de lieues pour venir vider leur diRërend dans nos parages.
I Ces messieurs étaient descendus dans deux hôtels différents, oit leurs
préparatifs avaient donné l'éveil. Aussi, quand ils arrivèrent au bois d'Havre,
le maréelial des logis Crévecœur, en tenue bourgeoise, s'y tenait avec siï
gendarmes qu'il avait disposés aui environs de Longue-Croix.
< Les dispositions du combat furent vite prises, plus vite que ne le sup-
posait le maréchal des logis, qui faillit être victime do cette circonstance.
t Le duel avait lieu au pistolet de cavalerie. Les armes furent immédiate-
ment chargées, el les combattants placés h vingt mètres.
<i A ce moment, le maréchal des logis s'avançait, après avoir lancé un
APPENDICE. 503
coup de sifQet qui ralliait ses hommes. Mais au même moment deux détooa-
tions retentissaient, et tandis que les adversaires en étaient quittes pour
Témotion, M. Crèvecœur, qui accourait derrière M. Duchassin, enlendit siffler
la balle de M. Marchis à un pouce de son oreille et manqua être tué.
c Duellistes, témoins, parents, tous furent arrêtés et amenés en grande
pompe à Mons, dans une voilure escortée de gendarmes à cheval, pour être
conduits au Palais de Justice entre deux haies de curieux.
c Ils furent incarcérés et gardés sous les verrous, jusqu'à ce que la Cour
d'appel eût statué sur leur liberté provisoire. Elle eut lieu le 20 décembre,
moyennant une caution qui fut fixée à 3,000 francs pour chacun des adver-
saires, ù
N*" 111. — Affaire Lag^erre-Déroulède.
La Presse du \Z novembre 4 890 et n^ suivants.
Motifs de la rencontre : polémique à la suite des événements boulanglstes.
Le départ des adversaires fut signalé aux autorités belges. Bien que débar-
qués à Namarpar des trains différents, ils furent immédiatement escortés de
nombreux agents qui ne les quittèrent plus. Nous renonçons à peindre leur
voyage de Namur à Visé^, dans cette aimable société, agrémentée de la persé-
cution des reporters; l'assistance nombreuse qui les reçut au lieu du rendez-
vous ; le retour aussi mouvementé que le départ, etc.
Enfin la rencontre finit par avoir lieu aux environs de Charleroi. Deux
balles furent tirées sans résultat par M. Laguerre sur son antagoniste qui, par
deux fois, tira en Tair.
 peine rentrés en ville, ils furent arrêtés et écroués.
A partir de ce moment, les journaux retentirent de leurs doléances : longs
interrogatoires, visites médicales, fouilles, secret, régime peu confortable, rien
ne leur fut épargné.
Ils furent enfin, non sans peine, remis en liberté, sous caution de 2,000 fr.
pour M. Laguerre et de 1 ,500 francs pour M. Déroulède.
Le tribunal correctionnel de Charleroi, dans son audience du 23 juil-
let 4894, condamna M. Laguerre à un mois de prison et 200 francs d'amende,
et M. Déroulède à quinze jours de prison et 400 francs d'amende:
La peine de M. Laguerre fut plus élevée, parce qu'il avait fait usage de ses
armes.
Il convient d'ajouter que ces condamnations furent conditionnelles, dans
le sens de la loi Bérenger française.
Elles ne devaient être exécutées que si les condamnés devenaient récidi-
vistes du duel en Belgique dans les trois années qui suivraient le jugement.
r
■ S04
SIXIÈME PABTIE.
I
N" 112. — Affaire Déroulède-Clémenceau.
îi décembre 189!, avec renvoi au n*i.
Dans cette affaire dont ooas avons raconté les péripéties au n° 4 de cei
appendice, le procès- verbal, autant que nous ayons pu en juger d'après les
journaux, ne contenait aucune Btipulation reldtîve au dâiai dans lequel devait
être donné le commandement.
Cette omission devint la source de contestations qui manquèrent amener
un nouveau duel-
Nouâ empruntons h l'Écho de Pamle rédt de cet épisode :
u Ce Tut M. Dumontnil auquel échut la direction du combat. Voici com-
monl il crut devoir donner les commandements :
■ Premier commandement. — Messieurs, 6les-vous prèlsî II fut immé-
diatement répondu d Oui t.
t Alors, M. Dumonteil laissa passer pre.'que une minute, se prome-
nant même, Ondis que, pendant cette attente eicessivemenl longue, faite pour
énerver les combattants, les adversaires demeuraient le bras longeant le pan-
talon, l'arme dirigée vent la terre.
V Les deuxième et troisième commandements : Feu, une, deux, trois,
furent donnés sans aucun arrêt entie chacun de ces quatre mots, prononces
avec une extrême précipitation, intisitée en pareille circonstance. Les témoins
de M, Clemenceau protestèrent vivement contre cette façon de diriger le
combat.
i M. Clemenceau dit è H. Dumonteil : — Vous avez dirigé le combat de
manière à rendre imposaibla le lir.
« Al. Dumonteil répondit : — J'ai tout fdit pour vous embarrasser, et j'ai
réussi.
V Six battes fureot échangées fans résultat.
> Le dénouement, que la réputation de M. Clemenceau comme tireur au
pistolet ne pouvait faire supposer, fut très commenté. Due altercation assez
vive eut lieu entre M. Dumontpil et M. Raoul Canivet, directeur du Pari». On
craignit qu'une nouvelle rencontre en fdt la conséquence, mais l'affaire put
(tre arrangée. »
N" 113. — Affaire Servan-Cietsch.
Tous les jourjiauux français de février à avriHS9i.
Le 1j janvier 1893, un différend survint entre le lieutenant de marine
Servan, commandant le paquebot français Canada, et le capitaine Cietscb,
commandant le paquebot hambourgeois Allemania, au sujet d'une indemnité
réclamée par ce dernier, 6 l'occasion d'une avarie survenue pendant une
manœuvre.
APPIiNDlCE. 505
Le capitaine allemand vint à bord du Canada, qui se trouvait alors dans
la rade de Guayra. Il y formula sa réclamation d'une manière impolie. M.Ser-
yan le mit à la porte.
La rencontre eut lieu le 30 mars, sur le territoire luxembourgeois. Six balles
furent échangées sans résultat.
Cette affaire n'offre en réalité pas grand intérêt théorique, grâce à M. Ser-
van, qui concéda de suite à son adversaire le choix des armes, et ne chicana
sur aucune condition.
. Mais il pouvait en être autrement, car elle touche aux différents points
que nous avons signalés à Tavant-propos du chapitre lxxxi, comme contro-
versés.
On pouvait se demander notamment :
4*» Si une offense commise sur un navire de transport français pouvait
être regardée comme ayant eu lieu sur notre territoire, ou si elle était, au
contraire, censée commise sur le territoire de Guayra ;
t^ Quelle était la législation du point d'honneur applicable, alors que la
correspondance relative au cartel et aux stipulations de la rencontre avaient
été échangées, soit de paquebot à paquebot, soit dans des ports d'escale, soit
du Havre à Hambourg et réciproquement.
N"" 114. — Affaire Mont-Louis-Barbier, journalistes.
Le Petit Clermontois, n^ des 2 et 3 décembre i893. — Extrait des procès-
verbaux.
M. Barbier, du Petit Clermontois, fut souffleté dans un café de la ville
par M. Mont-Louis, du Moniteur du Puy-de-Dôme, à la suite d'une altercation
motivée par un article que ce dernier jugea offensant.
Tous deux réclamèrent la qualité d'offensé et prétendirent imposer l'arme
de leur choix ; M. Barbier le pistolet et M. Mont-Louis l'épée.
Gomme ils se bornaient à ces affirmations contradictoires, sans appuyer
leurs prétentions sur les règles de la législation du point d'honneur, l'affaire
risquait de s'éterniser, lorsque M. Mont-Louis déclara que, tout en réservant
ses droits à la qualité d'offensé, il était prêt à accepter « les conditions de
M. Barbier, quelles qu'elles fussent, pour ne pas laisser à son adversaire un
prétexte pour éviter la rencontre ».
M. Barbier choisit le duel au commandement à vingt-cinq pas.
On pouvait croire l'affaire en voie de conclusion rapide, lorsque
M. Mont-Louis déclara subordonner son acceptation à la condition que le duel
serait a au visé à courte distance, ou avec un seul pistolet chargé », sous pré-
texte que son adversaire a n'avait jamais tenu un pistolet, et que lui voulait un
duel sérieux ».
Les témoins de M. Barbier, pour éviter à leur client c un duel aussi dan-
gereux », acceptèrent l'arme primitivement choisie par son adversaire,
« l'épée ».
fi06 SIXIÈME l'ARTIE.
H. Barbier refusa de souscrire k ces conditions.
Eq préseace de ce dé.-aveu indirect, ses témoins se retirèrent, il réclama
un arbitrage, mais son adversaire déclara s'en tenir aai termes des procès-
verbuux.
A l'heure où nous écrivons les choses en Pont là,
Bien que celto affaire ne présente qu'un intérêt local, nous n'avons pas
cru devoir la passer sous silence, car elle ofTre nn argamenl de plus à l'appui
de la thèse que nous avons soutenue pages 140, 141, 14S, 1 55, 138, 159, cl sur
l'importance de laquelle nous ne saurions trop insister.
Si après avoir échangé leurs pouvoirs, et avant de formuler les prélenlions
respectives de leurs mandants, les témoins s'étaient entendus pour choisir un
auteur destiné h leur servir de code, oi pour constater les Faits, l'affaire aurait
forcément reçu une solution conforme au bon sens et aux règles du point
d'honneur.
La qualité d'olfensé avec voie de Tait aurait ét^ dévolue à M. Barbier, en
vertu du principe admis par tous les auteurs et formulé en ces termes : • Lors-
qu'il a été répondu h une offense grave par une voie de fait, c'est celui qui a
essuyé la voie de fait qui est l'offensé '. ■
Au lieu d'en être réduit à l'alternative de garder le soufûet qu'il avait
reçu, ou de subir les conditions de gon adversaire, il acquérait le droit de
choisir son arme, sou duel et ses distances, et partant celui d'imposer le
combat au pistolet â vingt-cinq pas, que H. Mont-Louis ne pouvait récuser
sans violer une règle fondamentale de la législation qu'il invoquait *.
N" 115. — Affaire Drumont-Casiinir-PerieivThoiiiegiiez.
6 décembre 1893.
Au moment de mettre sous presse, on nous communique un article de
M. Drumont paru dans ta Libre Parole du 6 décembre 1893, et la lettre
qu'un escrimeur bien connu, M. Thomeguei, lui adressa à la suite de cet
Elle est conçue en ces termes :
u Monsieur le directeur,
a Votre a leading ■ article de ce matin est outrageant pour H. Casimir-
Perier, qui, dans sa position, ne peut se battre avec vous. Ayant l'honneur
d'être Ëon neveu par alliance, je viens vous déclarer que je vous provoque en
duel, à cause de cet article.
a Si vous n'êtes pas un lâche, vous relèverez le gant, et choisirez votre
<i J'ai l'honneur de vous présenter mes civilités, etc., etc. •>
APPENDICE. 507
Nous ignorons la réponse que fera M. Dramont, mais il n'est pas douteux
qu'elle peut être négative, sans cesser de rester conforme aux règles du point
d'honneur.
M. Thomeguex peut être récusé :
4<^ En vertu du principe formulé page 73 : c Les offenses sont personnelles
et se vengent personnellement. »
L'article de la Libre Parolene le visait pas en effet, mais bien M. Gasimir-
Perier.
t^ Parce que M. Casimir -Perler ne* se trouve pas dans les conditions
exigées pour qu'une personne capable puisse se substituer à lui (page 77).
Il n'est atteint d'aucune infirmité susceptible de l'empêcher de venger son
injure.
3^ Parce qu'en admettant qu'il en fût atteint, et qu'il n'eût (chose que
nous ignorons) ni fils ni frère capable de le remplacer, M. Thomeguex, neveu
par alliance, n'est pas compris dans la catégorie des personnes admises à se
substituer (page 75).
Nous passons sous silence la différence de position entre MM. Drumont,
journaliste, et Casimir-Perier, ministre. Dans l'état actuel de notre société, les
fluctuations sont si brusques et si rapides, qu'un homme politique n'est jamais
sûr du lendemain. Il suffit de quelques voix pour que son adversaire de la
veille occupe sa place.
L'inégalité momentanée de situations aussi précaires ne saurait motiver
une exception valable à la règle générale.
RÉSUMÉ DES MATIÈRES
contenues dans les quatre-vingt-deux chapitres
de Touvrage.
CHAPITRE PREMIER
Législation du point dlionneur. — But. — Utilité.
I. — Code de CSiateauvillard.
Qu'estp-ce que la législation du point d'honneur? Son but. — Elle supplée
à l'insuffisance, au silence, à l'impuissance de la loi*
Son influence sur l'application de la loi pénale. —Son utilité. — Sa con-
naissance est nécessaire aux magistrats, jurés, avocats et antagonistes, indis-
pensable aux témoins, arbitres et membres d^un jury d'honneur. — Son
influence sur la responsabilité des témoins.
Ëtat de la législation du point d'honneur avant la publication de VEssai sur
le duel, de Ghateauvillard. Ce livre constitue le vrai code du point d'honneur.
— Règles pour l'interpréter. — Décisions des arbitres et des jurys d'honneur. —
Opinion des auteurs. — Ck>nsultations d'experts. — Leur valeur comparative.
Règles pour suppléer à son silence. — Usage. — Conditions auxquelles
est subordonnée l'autorité de l'usage. — Preuves de l'usage.
Abrogation et modifications des règles contenues dans VEssai sur le dueL
— Importance de la question. — Conditions mises à l'abrogation et aux modi-
fications. — But visé par l'auteur du présent travail. — Son rôle volontaire-
ment effacé.
CHAPITRE II
Des offenses en
Définition de l'offense. — Offense par paroles, par action, par omission.
— Atteintes à la personne, à l'honneur, aux biens.
De l'honneur proprement dit et de ses dérivés. — Honneur moral. -~
Honneur social.
De la considération.
De l'amour-propre. — De la dignité. — De la susceptibilité. — De la
politesse. — De la délicatesse.
Du point d'honneur.
MO SIXIÈME PARTIE.
Commeot l'ofTense peut atleindre une personne dans ses bieas.
DistinclioD des ofToDEes d'après leur nature et d'après les
qui les modifianl.
CHAPITRE III
De la valeur et du classement des oËfenses.
Degrés (le l'oiTense. — Offense avec voie de Tait. — OITeaso grave on
injare. — Offense simple. — Importaoce de ce classemeol. — Métbode i
suivre pour l'opérer.
CHAPITRE IV
De l'offense étudiée dans sa nature.
Atieintes i l'honneur. — Par action. — Go-'les. — DémarchoB. — Procédés.
— Omissions. — Par paroles. — Par écrit.
L'accord entre les préceptes de U morale et cortains préceptes conven-
tionnels est nécessaire pour constituer l'honneur dont il est question ici.
Atieintos à la considération.
Leur nalure. — Caracière relatif de la considération. — Points de tuo
auxquels elle peut ftro envisagée.
Considération privée.
Considération professionnelle. — Droit de critique. — Ses limites.
Considération politique. — idem.
Considération littéraire. — Idem.
Probité littéraire. — Imputation de plagiat. -~ Écrits publiés sous le nom
d'autrui .
Di/famation. — La vérité du fait difTamaloire n'exonère pas le dilTaraateur
d'une responsabilité. — Exception. — Tentative d'un fait. — Fait personnel
à l'individu. — Pour qu'il y ait diffamation, il n'est pas nécessaire que l'Iion-
neur ou la considération aient été réellement lésés.
AtteinUs à l'amour-propre. — Infirmités. — Difformités corporelles ou
intellectuelles.
Alleinles à la dignité.
AUeinles à la politesse. — L'impolitesse est-elle toujours une ofTense ?
Caractère qu'elle doit posséder pour le devenir.
Atteintes à la délicatesse.
Impertinence. — Procédés indélicats.
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 541
De la voie de fait. — Que faut-il entendre par voie de fait 7 — Toucher
vaut frapper. — Tentatives de voie de fait. — Menaces de voie de fait.
Exemple : Affaire Laur-Thomson, 42 juillet 4889. Appendice n^ 4.
Pourquoi l'offensé avec voie de fait acquiert-il le maximum des privilèges
réservés à l'offensé ?
CHAPITRE V
De Toffense au point de vue des circonstances
qui la modifient.
Certaines circonstances changent le degré de Toffense. — Exemples.
Certaines autres modi6ent son intensité sans changer son degré. —
Exemples.
• i^ Influence de la personnalité de l'offenseur. — Age. — État. — Condi-
tion. — Profession. — Position sociale.
2o Influence de la personnalité de l'offensé. — Honneur militaire. -— De
la femme. — Du mari. — Honneur professionnel, etc.
3<^ Influence du but et des moyens. -— Intentions d'offenser.
Conditions requises pour la caractériser. — Bonne foi. — Cas où l'offense
existe sans que le but soit de nuire à la personne visée. — Démence. —
Passions. — Ivresse.
Force majeure. — Autres causes justificatives. — Circonstancesaggravantes.
— Atténuantes. — Préméditation.
Preuve de l'intention offensante. -^ De la préméditation. — De la bonne
foi. — A qui elle incombe. — Influence de la déclaration faite par Toffenseur.
— Moyens employés.
Publicité. — Ironie. — Allégorie. — Plaisanterie, etc.
40 Influence du temps et du lieu.
CHAPITRE VI
Nature des armes.
Armes admises en France comme armes de duel. — Épée. — Pistolet. —
Sabre à titre exceptionnel.
Cas où le sabre peut être imposé à l'agresseur et refusé par lui. — Con-
troverse.
Opinion de Chateauvillard. — Le sabre peut être refusé par un civil. —
Opinion contraire de Du Verger de Saint-Thomas, tirée des nécessités du service
obligatoire. — Conformément, Emile André,' le Jeu de Vépée.
Opinion de Tayernier. — Elle consacre Tautorité de Chateauvillard et
tient compte des exigences de la nouvelle loi militaire.
ôlî SIXIÈME PARTIE.
CoDrormément. Prévost et JollÎTet, l'Etcrime et le duel.
CoDcInsioD.
Règle pour dislingaer les personnes actuellemeot comprises dans la caté-
gorie des civils et dans celle des mililaireg aaxqnela le sabre peut être imposé
ou ne l'être pas '.
Les militaires auxquels le sabre est imposable ne peuveot refuser le
pistolet.
Conseils aui lémoios d'un agresseur auquel te sabre est imposé, alors
qu'il est débile ou ignore rescrîme de celte arme.
CHAPITRE Vil
Privilèges de l'ofTimBé.
L'off'enié du premier degré choitit son arme. — Sens de ces expressions.
Le choix doit porter sur une seule espèce d'armes, lilégalilé de la conven-
tion contraire.
Exemple : AfTaire de H... de La P,.., Gazette des Tribatwux, a" des 4
et o décembre )8G9 '.
L'iijfeiiié avec injure choisit ton arme et tûn duel. — Sens de c«s
expressions. — Lo privilège du choix du duel tronve-t-il son application dans
la rencontre à l'épée ? — Controverses.
Voff'enté avec voie de fait choisit son arme, son duel et ses distances.
— Sens de ces expresaioDS. — Le bénéGce du choix des distances trouve-t-il
son applicaiioD dans la renconire à l'épée? — Controverse.
Opinion de M, Jol'ivel. sur les privilèges de l'olTensé, coolraire en appa-
rence au systome de Cliateauvillard, — Ces privilèges varient suivant les pays.
— Exemple. — Condition du Français à l'étranger. — De l'étranger en France.
— Les privilèges de l'offensé constituent en sa faveur un droit de propriété
auquel ses témoins ne peuvent porter atteinte sans son coasentement.
CHAPITRE Vlll
Déterminatioii de la personne offensée.
Importance de ce chapitre. — Division.
Cas où une seule offense est essuyée.
Article prehier. — Sens particulier du mot injure.
Cas où il y a offenses réciproques.
Art. Ï. — g i"- — Si les offenses sont du même degré, la priorité de
réception donne droit d'olTensé.
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 543
§ 2. — Application de cette règle à Tinjare grave *.
§ 3. — A la voie de fait*. — Silence gardé relativement à Toffense simple.
§ 4. — Au cas où à une voie de fait il est répondu par un coup entraînant
infirmité temporaire. — Opinion contraire de M. Tavernier. — Discussion. —
La règle précitée s'applique-t-elle à l'offense simple ? — Raison de douter.
Art. 3. — Cas où à une simple impolitesse il est répondu par une atteinte
grave à Tamour-propre. — Tirage au sort. — L'article 3 est une exception à
la règle posée au paragraphe premier de l'article f . — Conséquences.
Offenses réciproques de deg^é différent.
Art. 4. — Si à une offense simple il est répondu par une offense grave,
celui qui reçoit cette dernière est l'offensé.
Art. 5. — Si a une offense grave il est répondu par une voie de fait, celui
qui essuie cette dernière est l'offensé \
Exception proposée par M. Tavernier. —Elle doit être ramenée à la règle
de l'article 2, paragraphe 3.
L'article 5 est-il applicable au cas où le mari trompé frappe l'amant de sa
femme ? Doit-il être, au contraire, fait application de l'article 2, paragraphe 3 ? —
Assimilation des lésions portées à l'honneur conjugal et qui procèdent du
contact avec la voie de fait ordinaire. — Objections. — Discussions.
Cas où raïeul, le père, le frère se trouvent dans la même position vis-à-vis
le séducteur d'une petite-ûile, d'une fille ou d'une sœur.
A rt. 6. — Si l'offense n'est pas bien caractérisée, le choix des armes est
tiré au sort. — Situation particulière à laquelle correspond l'article 6.
A R T. 7. — Si un cartel est envoyé sans raison suffisante, celui qui le reçoit
esl l'offensé.
Résumé des sept articles précédents.
Concordance entre la progression des privilèges accordés à Poffensé et la
progression des offenses essuyées par lui.
Considération sur l'esprit qui a dicté le chapitre viii. — Critiques non
fondées qu'il a fait naître.
Duels à motifs secrets.]
Responsabilité spéciale des témoins. ^ Leurs devoirs *.
1. Voyez affaires Floquet-Boulanger, 14 juillet 1888, — Clémenceau-Déroulède,—
Ciémeoceau-Miilevoye. Appendice n^ 4.
2. Voyez affaire Ritier-Appleton, assise Mayenne. Gaz, trib. 2-3 avril 1893.
Appendice n**5.
3. Voyez affaire des L-J.-M. Gas. trib,, 4 et 5, octobre 1880. Appendice n^ 6.
4. Voyez affaire Gérôme-Stevons. Gas, trib., 20 février 1862. Appendice n» 7, et
lettre du prince Bibesco à M* Ferry d'EscIand.
33
Ll — '_
SIXIÈME PARTIE.
CHAPITRE
Une seule réparation pour une même offense.
r
^H Importance de cet âKiomo i,
^H Article pnBHiEit. — Offemes aux coileelivités. — La collectivité ne
^H peut demander raison qau par l'intermédiaire d'un seul membre.
^B En présence d'un cartel eu nom collectif ou d'un champion choisi par la
^^ collectivité, l'agresseur peut refuser cartel et champion, et esiger lo tirage aa
^H eort parmi tous les membres de la collectivité >.
^B Droit des supérieurs hiérarchiques.
^H Définition de l'olTenso collective. — Exemples.
^1 Fin de non- recevoir opposable par l'agresseur lorsque l'offeoBe est gi^nérale
^H et sans application particulière.
^H Art. t. — Si une mâme oOeuse est commise par plusieurs individus
^m eovors la mi^me personne, celle-ci peut choisir son adversaire. — Pourquoi ?
^U Si les oITensos sont d'inégale gravité ou de nature différente, l'oiTensé peut
^M envoyer autant de cartels qu'il y a eu de personnes ayant adressé des offenses
^Ê dislîncles. — Il n'est astreint à observer aucun ordre déterminé *.
^M Cas où plusieurs personnes répètent une oDbnse. — La désignation de
^M l'auteur ne les décharge pas. Application de ce principe au journaliste qui
^B reproduit un arLcIe offensant.
p Aht. 3. — OITenses de degrés différents, adressées par un mfme individu
â plusieurs personnes. — RÈglemoot d'ordre pour l'envoi des cartels.
Difficultés que présente l'application de ra\iome > Une seule réparation
pour une même offense >. — Écrit offensant pour une personne, publié sous
le nom d'un tiers.
CHAPITRE X
Personnalité des offenses. — Substitutions.
Axiome. — Les offenses sont personnelles et se vengent personnellemenl.
Corollaire. — Los substitutions de personnes sont interdites. Fsceptions
â cette prohibition. — Motifs qui les ont fait admettre.
Division dos substitutions en deux classes.
f* classe. — Les substitutions de fils ï. père, petit-Gls à grand-père et
1. Voyez Rtraire GirardJn-Armand Currel, 22 juillet <S36, elc. Appendice a' S.
2. Vuyeï aff&ire X.-Perrior, t" mars IS8B. Appendice d° 9. — Affaire de Pêne-
Courlieli-Hjènc. Gaz. Irib. 18-19 mai, 14-15 juillet 1858. Appendice a' 10.
3. Voyez afTftire Crolîa-Cauloi, atsiscs Jura. Cas. trib. 30 juillet, 3 u^ptcmbre
1817. AppeudicenMl.
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 545
vice versUj sont permises. — De frère à frère tolérées. — De neveu à ODcle
et vice versa controversées.
Lea substitutions de cousin à cousin, de tuteur à pupille, d'ami à ami,
interdites.
Conditions auxquelles les substitutions sont subordonnées.
Offenses aux personnes atteintes de maladies mentales.
2* classe, — Substitution du protecteur naturel de la femme en cas d'of-
fenses adressées à cette dernière.
Ordre à observer s'il y a concours entre les protecteurs <. Influence de
la respectabilité de la femme sur la légalité de la substitution.
Offenses à la mémoire des morts, — Droits de la fjoimille. — Droits de
Thistoire. — Gomment les concilier.
Devoirs des témoins ou des arbitres appelés à se prononcer sur un cartel
motivé par une offense de ce genre.
Conditions mises à la demande en réparation, adressée par un parent du
défunt. Les unes sont relatives à la personne du parent, les autres à la per-
sonne du défunt. Importance de ce double point de vue. Cas où Toffense s'adresse
bien plus aux parents qu'à la mémoire du défunt.
CHAPITRE XI
Responsabilité des parents. — Protecteurs de la fenune. —
Mitres. — Commettants. — Supérieurs hiérarchiques.—
Mandants. — Avocats et clients
Parents. — La responsabilité incombe aux parents qui jouissent du droit
de substitution. Les fils, petits-fils, frères sont responsables des offenses com-
mises par leur père, grand-père, frère et vice versa. Cette responsabilité
n'atteint ni Toncle, ni le cousin germain, ni le tuteur.
Conditions mises à la responsabilité des parents.
Protecteurs de la femme, — Leur responsabilité a pour conséquence
l'irresponsabilité de leur protégée *•
Conséquence de la fin de non-recevoir opposée par le protecteur au cartel
de l'offensé.
Journalistes, — Deux éventualités. — L'article est signé. — L'article n'est
pas signé.
4«' cas, — Varticle est signé, — Le signataire est responsable comme
auteur présumé.
1. Voyez affaire Traverso-Pellotier, 8 janvier 1882. Anntuiire du duel, par Fer-
reas. — Affaire Bonaparte- Wyse-de Solins-Edmond Lepelletier, Janvier 1892. Appendice
no 12.
2. Voyez appendice no 13.
616 SIXIEME PARTIE.
ii\ceptioD». — Le directeur eu le rédacteur en chef fonl responsables :
1« Lorsque le signataire se dérobe;
i' Lorsqu'il ne peutôlro rencontré de suite' ;
3" Lorsqu'il ae possède pas la capacité requise pour se battre en duel;
4" Cas où la-signature masque la persoonalilé d'un individu, et ootamment
celle du directeur ou du rédacteur en chef. La preuve de l'inlorposilion Incombe
à l'otreasé. Nature de la preuve. Preuve indirecte. En l'absence de preuve suffi-
sante, moyen d'atteindre la personne dissimulée.
2' cas. —^ L'article n'est pas siijné. — Initiales. — Pseuionymes. —
Ubligations du directeur ou du rédocteur en chef. — lU doivent nommer l'au-
teur '. — Ils sont responsables s'ils ne le font pas. — Si la persoone indiquée
se dérobe, est impossible â trouver, est incapable, est inlerposéo'. — La
preuve de celte interposition leur incombe.
Si le directeur ou le rédacteur en chef ne peuvent ou ne veulent pas se
batire, l'offensé peut, dans certains cas, s'adresser au propriétaire. Pourquoi?
Le gérant est toujours récusabla.
Conseils à un simple particulier aux prises avec an journaliste.
Maitrea, cummeltanls, supérieurs hiérarchiques. — Leur responsabilité
résulte uniquement de leur participation à l'offense commise par leurs domes-
tiques, préposes ou inférieurs. — Faute commune. — Responsabilité coru-
mune. — L'offeneé a le droit de choisir entre les deux son adversaire. — Avau-
lages de ce droit. — Conditions misesà son exercice.
Cas où l'oirensé choisit le maître, commettaut, supérieur hiéraicliiqun. —
La charge de prouver qu'ils ont donné l'ordre lui Jocombe.
Cas où l'offensé choisit l'ogeni direct de l'offense, valeur des exceptions
que cet agent peut proposer : lois, règlements militaires, obéissance pas^ve, etc.
Distinction â faire entre l'ordre pris en lui-même et la manière dont il a été
Avocats, clienli. — La responsabilité des avocats est une conséquence
des droits et devoirs de leur profession.
Reiponsabilitc du citent.— Ses effets. — Elle n'exonère pa^ l'avocat. —
UroiL d'option accordé àl'offen^é. Conditions mises à l'exercice de ce droit.
La preuve du mandat donné iocombe à l'etrensé. Nature de la preuve. —
Présomption. — Silence gardé par le client pendant ou après la plaidoirie.
Exceptions proposées par l'avocat. —Immunité de la défense.
L'offensé peut demanoer au tribunal acte des paroles ou des éciils olfen-
sants. — Utilité de cette demande po'ir h constatation de l'offense.
i. Vojcî affaire Boclieforl flIs-L -V.-Artliur Mej'er,2juJD I88t). .Xppendice o° 2i>.
2. Voyoï aff»ire Marcl-Aoïirieui, 29 octobre )S88. Appendice d" 14.
3. Voyei alTaires L&ni tu- comte do Dlou-LaUiie- Albert U'atff. Appcndiccn° H.
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 517
CHAPITRE Xll
Incapacités. — Avec quelles personnes le duel est
inadmissible.
Article p r e m i b r. ^ Prohibition faite aux parents ou aux atnis d'un
homme tué ou blessé dans une rencontre loyale de provoquer soo adversaire
à raison du résultat.
En cas de provocation, droits de l'adversaire : 4* si l'appel n'est pas inju-
lieux; %** si l'appel est injurieux; 3*" si les parents ou les amis provoquent
une discussion pour se faire insulter.
Art. 2. — Prohibition des duels entre parents rapprochés. — Elle est
moins stricte entre parents par alliance qu'en cas de parenté naturelle. —
Degrés auxquels les duels sont permis ou seulement tolérés.
Exemple de duels entre parents ^ — Conseils aux témoins. — Précau-
tions dont ils doivent s'entourer en pareil cas.
Art. 3. — Prohibition faite au maître d'armes de se servir de son arme
professionnelle. Exception s'il y a voie de fait. — Position délicate du maître
d'armes en pareil cas. — Remède. — Obligations qui en découlent.
Art. 4. — Le débiteur ne peut appeler son créancier s'il n'a pas acquitté
sa dette. — Pourquoi ? — Cas où c'est le créancier qui appelle le débiteur.
Art. 5. — L'offensé qui a recours aux tribunaux perd le droit d'appeler
en duel son agresseur*, même s'il retire sa plainte. Exception lorsque la pour-
suite est exercé d'office contre un simple particulier. Elle n'est pas applicable
en cas d'offense à une personne qualifiée, bien que la poursuite soit exercée
sans £on consentement.
Cas où l'agresseur refuse d'abord de se battre et revient ensuite sur sa
décision après que l'offensé a porté plainte.
Dans les affaires d'honneur, l'intervention de la justice est-elle quelquefois
admissible? — Opinion de M. Tavernier. — Discussion.
L'exercice du droit de réponse et de rectification enlève-t-il à l'offensé
celui d'appeler ensuite en duel son agresseur pour le fait qui a motivé l'action
en rectification et en réponse? — Distinction.
Devoir des parents ou amis d'un homme tué ou blessé dans une rencontre
loyale, lorsqu'ils sont appelés à témoigner en justice.
Devoir du blessé.
La question préalable peut être opposée :
Art. 6. — Aux parents qui ont poursuivi ou fait poursuivre l'adversaire
'un parent tué ou blessé dans un duel loyal, et au blessé qui agit de môme.
1. Voyez appendice n^ 15.
2. Voyez affaire Grodet-Portalis, 12 noyembre 1888. Appendice n** 16.
d
:^i ..-.
548
SIXIÈME PARTIE.
Abt. 7. — Atout homme convaincu de malhonnêteté caracl^fîsêe '.
Sursû à l'aO^ire en cas de poursuites devant les tribunaux. CooséqneDces de
certains acquittemeota.
Abt, s, — A tout homme qui, dans une rencontre aotérienre, a violé
gravement les règles du duel.
Abt. 9. — A tout individu qui, sans motif plausible, a nfasé derendie
raison & un galant ttomme.
Exceptions d'indignité.
Celui qui oppose l'eiMplion doit fournir la preuve du fait sur lequel il
l'appuie. S'il ne le fait pas, il prend rang d'agresseur avec injuragrave. Lednel
est dit h outrance '. Utilité d'une eiirâme circoospeclion . Il (sut en ceCt«
matière tenir compte de l'altilude probable de l'adversaire, après le refus de
duel. — Pourquoi?
Le jury d'Iionneur est U Juridiction compéiente pour trancher les ques-
tions d'indignité. 11 les tranche en dernier ressort'.
Peul-on opposer la question préalable aux individus qui, par leur posi-
tion sociale, leur profession, sont, d'après les préjugés ou l'état des mœuri,
considérés comme incapables?
AnT. 10. — La question préalable peut être opposée au mineur. Limites
de la minorité d'après H. Du Verger de Siint-Thomas et d'après M. Tavornier.
Majorité sociale de dix-huit h vingt-un ans. Majorité légale â vingt-un ans.
Conditions auxquelles une rencontre est subordonnée pendant la majorité
sociale ' .
Art. h.— a soixante ans, le vieillard peut cesser d'aller sur le terrain,
-l'ourquoi'î
Exceptions. — Conditions mises au combat avec un vieillard.
\" cas. — Le vieillard est agresseur. Nécessité d'une offense CJjnsidérable.
Gontroverie sur le degré. Consentement écrit du vieillard. Constatation de son
aptitude physique et de son habileté comparée avec celle de l'offensé.
t° cas. — Le vieillard est offensé. Nécessité d'une demande écrite. La
rigueur des conditions requises dans le premier cas est mitigée. — Pourquoi T
Dans quelles liraires '.
L'exceplion de vieillesse n'est pas opposable par les journalistes. — Pour-
quoi?
Art. 1i. — L'impotence et lesinGrmités empâchent le duel.
1. Voyez affaire du cipllainc des K. et de l'ex-liGuteDant F. Gaz. trtii., 39 oo-
ïEmbre 1853 et 2 février 1854. Appendice n" 17.
2. Voyeî affaire de M.-de U P. Ga;. Irib. 5 février 1870, Appendice n" 18.
3. Voyoi affaire de B.-Paul F. 24 mai 1883. Ànnuair» du duel. Appendice
n° 19.
1. Voyez affaire Rochefort flIs-L. V. 3 juin 1S80. — Affaire Haut de Lasaus et
II. do Delvft. Annuaire du duel. Appendice a' 20.
5. Voj-cî affaire Félii Pyal-SeTeaire, 5 juin 1888. Appendice n° 21.
0. VojBi affaire Bonaparte Wyae-Edniond LepellcUer, janvier 189Ï. Appendice
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 519
Règles pour sauvegarder la personne inûrme ou impotente, tout en ne
laissant pas les personnes valides à la merci de ses insultes.
Exemples :
L'bomme extropié de manière à ne pas se servir du sabre ou de Tépëe
peut les refuser si l'offense n'est pas une voie de fait;
Compensation accordée à l'offensé qui est obligé, par la force des choses,
de subir le pistolet ;
Le borgne peut refuser le pistolet, mais seulement en cas d'offense simple»
— Pourquoi? — Visite médicale. — Jury d'honneur nécessaire ^
Infirmités qui ne permettent pas de refuser l'arme de l'offensé, mais qui
rendent impossible le duel choisi par lui. — Nécessité d'un examen médical.
Fin de non-recevoir à certaines prétentions de Hnfirme *.
CHAPITRE XIII
Des témoins. — Qualités d'un bon témoin.
Le rôle des témoins indique les qualités qu'ils doivent posséder.
Ils sont, tour à tour, confidents, conciliateurs, avocats, juges du camp,
magistrats chargés de faire appliquer la législation du point d'honneur.
Ils doivent posséder la discrétion, la conciliation, la diplomatie, la fermeté ,
la connaissance de la législation qu'ils appliquent', la science des armes, le
coup d'œil, le sang-froid, Tâge, la vigueur convenable, et, par-dessus tout,
l'honorabilité .
Témoin décoratif.
Erreur commise par certains adversaires dans le choix de leurs témoins.
CHAPITRE XIV
Empêchements au rôle de témoin.
Sont récusables les témoins qui ne possèdent pas :
1° L'honorabilité. — Causes d'indignité;
2<» L'impartialité, par exemple un débiteur ou des parents appelés à se
substituer, etc. * ;
3<^ Le désintéressement dans l'affaire. Ce qu'il faut entendre par ces expres-
sions ^
1. Voyez affaire des I.-J.-M. Gax, trib, 4 et 5 octobre 1880. Appendice n« 22.
2. Voyez affaire Ledat-Maizeroy, Echo de Paris du 13 octobre 1892. Appendice
n* 22.
3. Voyez affaire Dapuis-Habert. Gax, trib,.ib Juin 1888. Appendice n* 23.
4. Voyez affaire Desmes-Clovis Hugues. Gaz, trib. 22 et 23 février 1878. Appen-
dice no 24.
5. Voyez affaire de Pène-Coortiels-Hyenne. Appendice n® 25.
^.
BiO SIXlliME PARTIE.
Un ancien adversaire peul-il être récusé 'T
i* Conditions inlellectuelles et physiques néceasalrea à l'accomplisse ment
du mandat de témoin.
CHAPITRE XV
Engagement de l'afiaire. — Constitution des témoins.
Offense. — Échange ds cartes. — Érliango de témoins. — Marche à
Inconvénients de celle qui est indiquée par la majoriléde^ auteurs lorsque
l'aiïaire a lieu en province ot surtout à la campagne. — Modilîeations pro-
posées.
En principe, le délai poar conaiiluer les témoins et y répondre est de
qiiaraiilo-liuit heures. — Ce délai n'est pas sacramentel. — Cas de force
majeure. — Demande de prolongation, — Itai-on sufritante.
Les lénioins doivent être au nombre de quatre. — Tourquoi ' î
CHAPITRE XVI
Rôle des adversaires et des témoins à partir du moment où
t'aSaire est engagée Jusqu'à la première réunion de ces
derniers.
Devoirs des témoins envers leur mandant.
Ils doivent l'écouler, le conseiller, accepter ou refuser carrément et sans
arrière-pensée le mandat qu'il leur propose, et lui garder le secret. — Droit du
mandant en cas d'indiscrétion.
En cas d'accepiation, nécessilé d'un mandat écrit. —Pourquoi'?
Devoirs des témoins vis-à-vis la partie adverse.
Cartel verbal. — Carlel écrit. — Modération. — Politesse. — Danger des
cartels injurieux'.
Les témoins ne doivent pas discuter avec l'adversaire.
1. Vojci affaire Dupuia-Habert. Gaz. Mb. des K.-Ï6-27 jain 1888. Appendice
n" 20.
2. Voyei affïire Lullier-Boiron. Gaz. Irib. 21 novembre 1808. Appendice n* 2".
3. Voyoi ïffïire ^aquet- Mon vielle. Gai. (rtù. 11 août 1887. Appendice n* 28.
*. Vojei appendice n" 39.
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 524
InterventioD d'un ami commun.
Procès-verbal de carence. — Précaution» à prendre avant de le dresser * .
Les témoins qui portent le cartel et l'adversaire qui les reçoit doivent être
sans armes*.
Devoirs des adversaires vis-à-vis Tun de l'autre.
A partir de rechange ou de la remise du cartel, ils ne doivent plus com-
muniquer que par l'intermédiaire des témoins. — Il leur est interdit d'échan-
ger de nouvelles offenses *.
Danger des entrevues seul à seul *,
Devoirs des adversaires vis-à-vis les témoins.
Quiconque reçoit un cartel doit rendre une réponse immédiate, catégo-
rique, polie, et constituer des témoins .
En cas d'offenses réciproques, nécessité d'engager rapidement l'affaire ^ .
Les adversaires ne doivent pas assister aux entrevues des témoins *.
CHAPITRE XVll
Rôle des témoins une fois constitués. — Instruction de
l'afiTaire. — Constatation des faits.
C'est aux témoins de l'appelant à aller trouver ceux de l'appelé.
Choix d'un auteur destiné à servir de code. — Son utilité. — Les témoins
échangent leurs pouvoirs. — lis exatninent les questions préalables.
Ces questions préalables sont relatives :
40 A l'identité»;
2« A l'âge • ;
3^ A l'importance et aux inGrmités * ;
4*» A la parenté**;
5* A la moralité des personnes**; — A la moralité des querelles; —
i. Voyez affaire de Loucelles-de Sirèmes. Gaz. trib. 27 Janvier i83i. Appendice
n<»30.
2. Voyez affaire Pierre Bonaparte-Louis Noir, 21 mars 1870. Appendice n°31.
3. Voyez affaire Dichard-de Massas. Cas, trib. 26-27 septembre 1882. Appendice
n» 32.
4. Voyez affaire Roziez-de M. Gaz, tnb, 11 au 16 mars, 30 mars, 17 avril, 4 au
6 mai, 22 au 30 mai, 8 juin 1858. Appendice n<> 33.
5. Voyez affaire Rilter-Appleton. Gaz, trib, 2 et 3 avril 1873. Appendice n^ 34.
6. Voyez affaire du général Levasseur et du commandant Arrighi. Gaz, trib.
24 janvier, 20 février, 14 mars 1842. Appendice n<* 35^.
7. Voyez nos chapitres x et xi.
8. Voyez notre chapitre xii, articles 10 et 11.
9. Ibidem, article 12.
10. Ibidem, article 2.
11. Ibidem, articles 6, 7, 8, 9.
sijjj —.:_>-
8» SIXIÈME PARTIE.
ImporUncA i]e la question ' ; — Deroirs àes lémoîos en parnlle ntatière*;
6° A la qa^tion d'argent ' ;
7° A la profession * ; — Eiceplioo d'indignité ' ;
8* A l'aiiomo : < Il n'est dil qu'âne réparation pOQf une même offeoee * >.
Les téinoîna constatent ensaile les faits matériels qui cvostitaent l« diSS-
rend et motiveot l'appel. Ils doivent s'entendre sar ce point arant de d^der
quelle est la valeur de l'offense et à qui revient la qnalité d'offensé '.
CHAPITRE XVIII
Solutions qui peuvent être données à l'afEùre après
la constatation des faits.
Elles sont BU nombre de deux :
(A) Les témoins peuvent décider qu'il n'y a pas ou offense suffisante
pour motiver une rencontre. — Procès-verbal de constat. — Droit de la partie
qui s'est réservé la faculté de contrôler les résolutions adoptées par les
témoins.
(fij Les ti^moios peuvent décider qu'il y a eu offense suffisante poor
motiver une rencontre. — Ils déterminent alors le degré de l'offense. —
Olfenses réciproques. — Ils décident ensuite auquel des deux adversaires
revient le droit d'offensé. — Bn cas de désaccord, ils recourent à un arbitrage
ou h un jury d'honneur pour établir ce droit, mais ils ne doivent jamais le tirer
au sort. — Pourquoi ' î
ImporUar^ que peut avoir devant les tribunaux la déteiminalion de la
personne offensée, relativement à la question de savoir qui, de ragre.'sear
ou de l'expéditeur du cartel, doit être considéré comme le véritable provoca-
teur.
Une fois la désignation delà personne offensée opérée, il peut se présenter
deux éventualilos :
f* hijpothèie. — Les témoins aboutissent dans leurs tentatives de coorâ-
lialion.
La conciliation eàt un devoir pour eux, — Moment oii elle doit être
tentée '.
3. Ibiitm, article 4.
i. Ibidem, article 3 et 9 in fine, eiception d'indignité, article 9 tn (int.
5. Ibidem, article 9, in fine.
r., Cliapitre i\.
1. Voj-ei affaire (le Marseul-Daudior. Coi. trib. li janvier 1881. Appendice n" 38.
S. Voyci atTaire Reynach-Roclietort, 20 mars 1882. Jnnuutrt du dtwi. Appendice
9. Voj-ez aflkire Qupuls-Babert. Gax. trib.25, 20 Juin 1888. Appendice 0° 40.
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 523
La réparation doit être proportionnée à roffèDse*.
Excuses. — Critérium pour reconnaître si un arrangement peut, sans
motiver un blAme, être proposé et accepté. — Les témoins ne peuvent refuser
de répondre à la question qui leur est posée à ce sujet *.
Si Toffensé du premier ou du deuxième degré refuse d'accepter des
excuses jugées suffisantes par ses témoins, il perd ses privilèges. — Armes et
duel sont tirés au sort. Il n'en est plus de même s'il y a eu voie de fait.
Cas où un homme déclare que ses convictions religieuses lui interdisent
le duel et reconnaît ses torts.
Devoir de l'offensé. — Insultes aux personnes connues pour refuser de se
battre en duel à cause de leurs convictions religieuses. — Séminaristes sous
les drapeaux, etc. *.
Excuses sur le terrain. — L'offensé peut les refuser sans perdre ses privi-
lèges. — A qui incombe le blâme lorsque des excuses sont faites sur le terrain :
— Spontanément par l'agresseur ; — Par lui sur le conseil de ses témoins ; —
Par les témoins on son nom?
2^ hypothèse. — Les témoins échouent dans leurs tentatives de conci-
liation.
Ils discutent immédiatement les conditions du duel. —La constatation des
faits, la détermination de la valeur de l'offense qui ont été opérées antérieure-
ment, facilitent leur tâche ^.
Rôle forcément opposé que les témoins de chaque partie ont à remplir.
Si Fentenle est impossible, ils recourent à un arbitrage ou à un jury
d'honneur.
CHAPITRE XIX
Arbitrage. — Jury d'honneur.
Définition de l'arbitrage.
Sens des expressions « les arbitres sont ceux qui ont reçu le pouvoir... »
Les arbitres doivent être choisis par les parties ou agréés par elles. S'il y a
plusieurs arbitres à nommer, chaque partie en désigne la moitiés
Tiers-arbitre.
Jury d'honneur. — Il est soumis aux règles de Parbitrage. —Décision des
arbitres qui n'ont pas reçu mandat des deux parties ou n'ont pas été agréés
par elles *.
1. Voyez affaire Baron-Pesson. Cas, trib, 30 Janvier, 2 février, 23 juin, 7,14
août 1837. Appendice n^ 41.
2. Voyez affaire Dupuis-Habert. Gax. trib, 25, 26 décembre 1888. Appendice n» 42.
3. Voyez appendice n® 43.
4. Voyez affaire Rochefort-Dreyfus, 26 avril 1886. AuniAaire du duel Appendice
n«44.
5. Voyez affaire Blaurel-Clémenceau; 11, 12, 13 décembre 1888.Appendicen«45(6).
6. Voyez affaires de Calonne-Fiorentino et Achard-Fiorentino. Gaz. trib. !«' sep-
tembre 1850. Appendice n® 46.
5ïi SIXIÈME PARTIE.
Les décisions ëmanant d'arbitres et de juréa régulièrement constilués Ft
agissaut dans la limite de leur mandat sont obligatoires pour les paities ',
Les conditions exigées pour ftlro nommé arbitre sont les mêmes que pour
èlte [émoin, sauf pour ce qui touche aux qualités pbysiques.
Compromis. — Définition, — Son utilité.
Il est général ou spécial. — La forme écrite est préférable, — Il doit élre
signé et daté, spéciGer le point litigieux et l'étendue des pouvoirs accordés
uux arbitres et aux jurés. — Nullité des décisions rendues pour ou contre le
compromis'.
Cette nullité ne peut être que partielle '.
Comment doivent juger les arbitres et les jurés? Utilité de l'arbitrage. —
l'ourquoi est-il rare? — Sanction de l'opinion publique *.
CHAPITRE XX
Mandat des témoms. — Sa nature. — Récusation,
Démission.
Troij espèces de mandai :
Mandat tam réteree de contrôle. — Les témoins no sont pas técusables
par le mandant.
Mandai impératif. — Les témoins doivenls'y conformer aveuglément, et
peuvoni ôtre récusés.
Mu'tdal mus réserve de cotttrôle. — Il su^jpuso uu droit de récusaliuo
Inconvénienls des doux premiers systèmes. — Avantages du Iroiàième ■.
Devoirs des mandataires et du mandant vis-a-vis les uns les autres et vis-
à-vis la partie adverse, on cas de récusation ou de démission.
ËD principe, les témoins peuvent etro récusés ou se retirer jusqu'à la
signature du (troc es- verbal de renconlr.', mais il vaut infiniment mieux le
faire avant. — Pourquoi ? ^ Jamais sur le terrain '.
Nécessité d'un mandai écrit, sî^né et accepté, qui garantisse la stabilité
des conventions. — Échange des pouvoirs. — Ce qu'il faut enlendie par ces
expressions. — Question à poser ab inilio. — La réponse des témoins est
présumée contenir l'expression de la vérité. — Elle engage le mandant.
Si la question n'est pas posée, il est présume s'être réservé ce droit de
contrôle. — Preuve contraire.
1. Voyez affaire Maurcl-ClÛnieacc&u. Appendice □" lu (d).
*2. ibidem. Appendice □' 45 (cj.
3. Ibidtm. Appendice n° 45 (d).
4. Voyei alTaire Ro.-Bc, 27 octobre 18S6. annuaire du dusl. Appeadice D°i7.
5. Vojci affaire Bo.-Ce., 1" novembre 1884. .annuaire du duel. Appendice n° 48.
0. Voyez Gax. trib. 26 novembre 1842. Appendice n" 49.
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 525
Le mandant qui refuse de ratifier les conditions souscrites par ses manda-
iaires doit les désavouer spécialement. — Pourquoi ^ ?
CHAPITRE XXI
Procès-verbal de rencontre.
En quoi il consiste. ^- Son importance.
11 instruit chacun de son devoir. — Il supprime toute équivoque et toute
discussion, avant, pendant et après la rencontre.
11 détermine les responsabilités *. » 11 constitue une chance d'éviter la
peine en cas de poursuites j udiciaires.
Il est fait en double expédition, signée des témoins, signée et approuvée
des adversaires.
Les conditions énoncées doivent être exécutées strictement et sans modi-
fication, môme de consentement mutuel, principalement sur le terrain ^
Les témoins ne peuvent réclamer Texécution d'une convention dange-
reuse pour la partie adverse et à laquelle semble renoncer le clieAt qu'ils
représentent^.
Conditions à discuter pour dresser correctement un procès-verbal de
rencontre.
Les unes sont cojimunes à tous les duels. Les autres sont spéciales à
chaque espèce.
CHAPITRE XXll
Stipulations communes à tous les duels.
Elles sont relatives :
Article premier. — Au choix d'un auteur^;
Art. 2. — A Tinstruction de l'affaire * ;
Art. 3. — A la désignation de l'offensé, au degré de l'offense, au choix
de.s armes ^ ;
Art. 4. — Au choix du duel et des distances*;
Art. 5. — Conditions relatives au clioix du jour, de l'heure et du lieude
la rencontre.
1. Voyez affaire Grandin-Dorand, 18-19 mars 1889. Appendice n» 50.
2. Voyez appendice n** 51.
3. Voyez affaire Odysse-Barrot-Jecker. Gaz. trib, 3-4 août 1868. Appendice n« 52.
4. Voyez affaire Le Merle-de Mosny. Gaz, trib. 21 août 1833. Appendice n» 53.
5. Voyez chapitre xvu.
6. Ibidem.
7. Voyez les chapitres vu et viii.
8. Voyez les chapitres vu, xxxvu et xxxviii.
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^ Zi . ij. ^ . : • ■*'..'''. -^ -•*. ■■• '• .> . -.v-.- .'-^bL. .il - . . . " ^ . -vï
536 SIXIEME PARTIE.
Le choix du joar. — Ksi laissé auï lëmoins, — Il faut consulter la com-
modilé générale. — Le délai de quarante-huit heures n'est pas sacrameolel.
Le mâme individu do doit pas vider deui affaires dans la même jouruée '.
Choix de l'heure. — Sou imporlaoce h raisoD de divers états pbrâiqaos.
— A qui il appartient*?
Esaclitude obligatoire. — Quart d'heure de grâce. — Procès-verbal de
carence. — lolempérie des saisons '.
Motifs invoqués pour justiGer ou retard. — Cas de force majeure. — LacoD-
stilulion d'arbitres ou d'un jury d'honneur est nécessaire pour les apprécier*.
Cas où les témoins d'un adversaire qui manque au reodeE-Toas offrent de
le remplacer. — Celte proposition doit être refusée '.
Choix du lieu. — Le choix du lieu apparlient aui témoins. — Le lieu
doit être reconnu d'avance '. Pur les témoins des deux parties '.
Art. 6. — Conditions relatives à l'adjunction des médecins. — Ils ont
une double mission : prodiguer leurs soins aux blessés, donner leur avis sur
la blessure re^ue. — Valeur de cet aviy. — Stipulaiions relatives au degré de
gravité que doivent présenter les blessures pour amener la (
combat.
DueL k mort. — Duel à oulrance. — Mise hors de combat. —
de continuer. — Dual au premier sang. — Ëtat d'infériorité.
Si le procès-verbal est muet sur la valeur qui doit être accordée h l'avis
des médecins, ils sont inleriogés â titre cousuliatif seulement.
Le blessé ne peut âtre obligé de conliouer malgré lui. — U peut refuser,
sous sa responsabilité ".
Les témoins peuvent-ils arrêter ie combat avant qu'une blessure se soit
produite • f
Valeur de la clause portant qu'après un certain laps do temps Gxé d'avance,
le combat serait arrêté même sans blessure ■°,
Les médecins ne doivent jamais faire acte do témoins".
Art. 7. — Altitude des adversaires sur le terrain. — Salut facullalif —
Silence sous les armes obligatoire. — Eiclamalions, cris, appels inlerdil.«.
i. Vojez affaire B. Vescot et Meuaier. Gaz. Irib. 21 novembre 18*7. Appendice
u' 5*.
2. Voyei alTairo Dichard -do Massas. Gai. trib. 20-27 décembre 18HS. Appendice
D" M.
3. Voye^ atraire Dujarrier-de Beuuvallon. Gai. trib. 26 mars 1816 el Guivautee.
Appendice n° bG.
4. Voyez affaire A.-Ch. V., 2 juin 1888. Appendice n" 57.
5. Voyez affaire S.-M. .annuaire du duel, H décembre 1885. Appendice n° 58.
6. Voyez affaire Drumoiit-Meyor. Gai. trib. 2 juin 1886. Appendice o" 50.
7. Voyez affaire Naquct-Mon vielle. 6'a;. Irib. Il aoû^ 1887. Appendice n" 60.
8. Voyez affaire Lavertujon-B. 3 août 1880. Annuaire du duel. Appendice n" 61 .
9. Voyez affaires de BriquBvilie-duc de Dalmalie. Fougcrouz-de Champigneulles,
t. II, n" 30. Appendice b" fi2.
10. Voyez affaire Uotz-I'ierotti. Ga:. Irib. 16, 17, 18 décembre 1889. Appendice
11. Voyez affaire Drumout-Mejer. Gai. trib. 2 juin 1886. Appendice o" 6i.
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 527
Les communications entre adversaires sont faites par l'intermédiaire des
témoins.
CONDITIONS SPÉCIALES AU BUBL A L'ÉPÉE
CHAPITRE XXIII
Choix des épées.
11 faut distinguer le cas où les adversaires se servent d'armes à eux per-
sonnelles et celui où ils n'ont pas le droit de s'en servir.
Dans le premier cas, les deux paires peuveot être dissemblables. — Pro-
portions.
Dans le second, si chacun apporte sa paire, le sort désigne celle dont on
se servira. Les épées de même paire doivent être identiques, mais certaines
différences soot tolérées entre chaque paire. — Le combattant dont la paire
n'est pas sortie acquiert le droit de choisir parmi les épées tombées au sort.
Môme solution lorsqu'un seul des adversaires apporte ses épées. — S'il a été
stipulé qu'une paire inconnue servirait seule, on tire au sort.
Les armes doivent être présentées à l'examen et à l'acceptation des
témoins, au moment de la rédaction du procès-verbal.
Conditions requises pour cette acceptation. — Les épées doivent être
légères et bien en main. — Centre de gravité, ^ Pommeau. — Lame chargée
du bout, tranchante, ébréchée. — Poids «.
Coquilles. — Dimensions. — Percées. ^ A gouttières. — Usées. •— Mon-
tage.
En cas d'arbitrage pour l'admission des épées, l'arbitre ne doit pas être, si
possible, un armurier. — Pourquoi? — Importance du chapitre xxii^.
Précautions utiles '.
Outils à emporter.
1. Affaire de Morès-Mayer, la Libre Parole du 30 août 1893.
2. Voyez affaire de Morès-Mayer, la Libre Parole des 30 et 31 août 1892. — L*Ei'
crime française, n* du 30 septembre 1892. — Affaire Naquet-Monyielle. Gaz.
trib. 11 août 1887. Appendice n*" G5.
3. Voyez affaire OUivier-Feuilherade. Gax. trib, 4 août 1870. Appendice n® 66.
..'-.,'■■. .»■ ••*.*r.>. "^.-l" :xJ^v
SlXIÈMi; PARTIE.
CHAPITRE X\IV
Choix du terrain. — Mesure du cbamp. — Tirage au sort
des places.
Condilions que doit présenter un iBrraio propice au duel à l'épée.
IncoDvéoientB d'un terrain étroii'.
Le lirage au sort des places est indépendant du tirage des épâes.
Cbamp ou arène du combat.
Le droit d<^ déterminer les dimeDsiouB du champ appartient aux témoins
vn cas d'offenses du premier et du deuiième degré ; — A. l'oflonsé s'il y a voie
de fait.
LJm.tes outre letiquelles ce choix doit âiretait (40 ï 60 mèlrds).
But de la délimitation longitudinale*.
But de la délimitation latérale ^.
Cas où un des combattants frdDcliit plusieurs fois les limites. — Averti>-
semonis préalables. — Leur nombre. — Cas où le procès-verbal ast muel sut
la mesure du champ.
CHAPIÏHE XXV
Toilette et visite des adversaires. — Gants.
lurso im. — Aiauljg«s. — iucooïéûieals. — Viîlomonls toJorëâ.
Cliemiso non empesée, de Qinelle, en soie, quelquefois en molleton. —
Chemises empesées interdites. — Pourquoi?
Devoirs des lémoins dont le client est vieux, rhumalisaol, etc.
Les combatlatils doivent enlever ce qui peut arrêter le poiote de l'épée'.
Hernies et inllrmités motivant bandages ou ceintures. — Déclaralion
préalable. — Constatation médicale. — Visite de^ adversaires sur le lerraio,
— Comment et par qui elle est exécutée".
Le refus de visite enlraiiiB refus de duel.
Les gants de ville ou d'ordonnance sont toujours permis. — Les ganls
d'armes avec ou sans crispin ne sont pas imposables.
Mouchoir. — Martingales. — Casquettes. — Calottes.
1. Voyez sllitiru Uiclmrd-de Musss. Ga2. Irib. 26 et 21 décembre I8â2. Appen-
dice n" 07.
2. Voyci afl'aiieC**'* el P'*' Appeudico n" 6lf.
3. Vovw ufTuLre Diumout-Meycr, Gai^ette des Tribunaux, 27 juin 1880. .\pppndice
n' 00.
4. \o}0i 10 mai 1800, Colonibcy, Histoire anecdotiqae rfu duel. Appendice
u» 70.
a. Voye* afliiire OUivier-Feuilherade, GastlU des Tribunaux, iAoUlK'iG.Appca-
RÉSUME DES MATIÈRES. 5S9
CHAPITRE XXVI
Le directeur du combat.
Importance de sa mission.
Qualités nécessaires pour la remplir.
Le droit de choisir un directeur du combat appartient eiclusivement aux
témoins.
Parmi quelles personnes ce choix peut-il être exercé?
4 " système. — Parmi les témoins seulement. — Pourquoi ?
V système, — En dehors des témoins. — Pourquoi? ^ Discussion. —
Système mixte.
Conditions auxquellefi est subordonné le choix du directeur, lorsqu'il
est exercé en dehors des témoins.
Rôle du directeur du combat. — Il unifie le commandement et facilite
l'exécution du procès-verbal. ^ Directeur adjoint.
Places. — Remise des épées. ^ Rappel des conditions. — Mise en garde.
— Systèmes de M. Tavernier, de Château viliard.
Signal. — Surveillance du combat. — Arrêt. — Injonction verbale. —
Intervention effective. — Coup paré sans juste cause.
Devoirs des témoins vis-à-vis le directeur du combat. — Ils peuvent le
contrecarrer s'il n'observe pas les conditions du procès verbal.
En cas d'incidents nécessitant suspension du duel, les témoins ne doivent
pas se borner à signaler le fait au directeur du combat et à rester neutres. —
Leur devoir'.
CHAPITRE XXVIl
Les adversaires pendant le combat.
Une fois le signal donné, ils peuvent évoluer à leur gré dans le champ qui
leur est mesuré.
Conditions auxquelles est subordonnée cette liberté. — Elle ne peut être
restreinte que par consentement mutuel*.
i. Voyez affaire Mermeix-de Labrayère, 9, 10 septembre 1890. Appendice
n» 81 et 07.
3. Voyez aflaire Naquet-Monvielle, Gazette des Tribunaux, 19 août 1887. Appen-
dice u? 7Sé
34
SIXIEME l'ARTIE.
CHAPITRE XXVIM
Usage de la main qui ne meuile pas l'épéâ.
Le coup d'épée ne peut Cire paré qu'avec l'épée.
La parade ou la prëheosion de l'arme adverse avec ia maÎD qui ne maaie
pas l'épée constitue uno violaliou dt'3 règles du duel '.
L'interdiction doitfitre insérée au procès- verbal. — Pourquoi'? — Saoc-
tion de celte défense.
Parade ou préhension non suivie d'un coup porté *; — Suivie d'un coup
porté.
Position de la main qui ne nianio pas l'épéo, eu cas de tendance à la
parade ou à la prétieosion.
Défense de repousser l'adversaire de la main, de le frapper du pommeau
ou avec l'épée prise par la lame.
Peut-on changer l'épée de main au cours de la lutteT — Controverse. —
La solution négative doit éire rejetée. — Pourquoi T — II faut décider que le
changement de main peut ôlre effeciué sans déclaration préalable et sans
qne les témoins adverses aient le droit de s'y opposer.
CHAPITRE XXIX
Les reprises, — Les repos.
QuestioD§ qui s'y rattacbent.
Le droit de décider a'il y aura oui ou non repos, leur durée, la durée des
reprises appartient aux témoins en cas d'offense simple, h l'offensé en cas
d'oBense grave et de voie de fait*.
Limites maiima et minima entre lesquelles ce choix peut ôtre exercé.
Devoirs des témoins dont le client se trouve dans un état physique
entraînant une prompte fatigue.
Le silence du procès-verbal doit être interprété dans le sens négatif. —
Conséquences du système contraire".
Devoir du directeur du combat, des témoins et des combatlants en cas de
repos.
A la reprise, les adversaires sont-ils replacés à l'endroit qui leur a été
désigné par le sort au début du combat, ou â celui qu'ils occupaient au
moment du repos ?
1. Vovez affaire Chapuis-Deckerel, Ga::elU des Tribunaux, 31 mui 1S85. Appen-
dice n" 73.
i. Voyez affaire Diriena- Mo ri-as, le Temps, a- du 22 mai 1888. Appendko
n° 7i.
3. Voyez affaire Darzene-Moréas, ibidem.
i. Vojoî noire chupitre vu.
5. Voyez aSkire OUivier-Feuilherade, Gatette des Tribunaux, 4 août I87â. Appeii-
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 534
CHAPITRE XXX
L'acculement.
Qu'est-ce que racculement? — II est une cause de suspension.
Devoir du directeur du combat et des témoins en cas d'acculement.
Cas où la limite du champ eât franchie par l'acculé.
Remise en garde* — Le terrain conquis ne se rend pas'.
Combien de fois le franchissement de la limite peut-il être toléré?
Le combattant prêt à franchir la limite ne doit pas être averti. ^ Pour-
quoi? — Cas où le repos coïncide avec Tacculement
Bien qu'un des combattants franchisse la limite, son adversaire n'est pas
tenu de s'arrêter avant le signal des témoins.
CHAPITRE XXXI
Le corps à corps.
Le corps à corps est une cause de suspension.
Le corps à corps ne doit pas être autorisé. — Pourquoi * ?
Signes auxquels on reconnaît le corps à corps.
Devoir du directeur du combat, des témoins et des adversaires en cas de
corps à corps. ^ Intervention. — Suspension. ^ Remise en garde. — Le
terrain conquis ne se rend pas.
CHAPITRE XXXII
Le désarmement.
Le désarmement est une cause de suspension.
Pour qu'un combattant soit réputé désarmé, il faut que son épée soit visi-
blement sortie de sa main.
Le combattant qui voit son adversaire désarmé doit s'arrêter spontané-
ment, sans attendre Tinjonction des témoins. — Pourquoi ?
Attitude du combattant désarmé.
Devoir du directeur du combat et des témoins en pareil cas. — Interven-
tion. — Suspension.
1. Voyez affaire Pons-San-Malato, 5 mai 1881, Annuaire du duel. Appendice
n«76.
2. Voyez aflledre Dramont-Meyer, Gazette des Tribunaux f 27 juin 1886. Appen-
dice n« 77.
>. ' "V* • ...«£ :...♦*■■
I S3t
H Acte de frapper ou de chercher à frapper un adversaire visîblemeat
H désarmé. — Sanction.
H Remise eD garde. — Le terrain conquis n6 se rend pas.
H Le comballanl qui s'arrête spontanément n'accomplit pas un acte de
H générosité, mais un devoir strict '.
f '
■ slipu
V lesqu
SIXIÈME PARTIE.
CHAPITRE XXXIH
Bris et faussement d'èpée.
Ce sont des causes de suspoo^oo.
Les prescriptions â observer varient dans les deux cas, suivant qu'il a été
stipulé que les adversaires apporteraient cliacnn une paire d'épées entre
lesquelles on tirera au sort, ou qu'ils se serviraient de leurs armes peraon-
aellcs.
Eu cas de biis et faussement d'épée, la contre-visite des adversaires peut
s'imposer '.
Le combattant qui voit l'épée do sou adversaire brisée ou faussée doit
s'arrêter spontanément. — Pourquoi? — Altitude de celui auquel arrive cet
accident. ~ Devoir du directeur du combat et des témoins. — lolervenlioa. —
Suspension.
Remise en garde. — Le terrain conquis ne se rend pas.
Cas oii le combuttant qui s'aperçoit du bris ou du faussement do l'^pee
adverse ne s'anèle pas,
CHAPITRE XXXIV
La chute.
La chute est une cause de suspension.
Le combattant qui voit tomber son adversaire, l'adversaire qui tombe,
doivent s'arrêter. — Leur attitude rospoctive.
Devoir du directeur du combat et des témoins. — Intervention. — Sus-
pension.
A quel moment la chult ost-ello tenue pour consommée et entrai ne -1-ellc
obligation de s'arrêter ?
Toute espèce de coup, pour l'exécution duquel le combattant qui l'essaye
prend une position susceptible d'être confondue avec une chute, est interdit.
— Pourquoi T
En cas de chute, le champ n'est pas rendu.
1, Voyei affaire Pierre Bonapftrte-deRovigo,Co«H«dM Tribunaux, iS novembre
1849. Appendice n' 78.
a. Voyer sffairo Ollivier-Feailherado, Gaiette dit Tribunaux, t août 1876.
Appendice n° 7U.
RÉSUME DES MATIÈRES. 533
CHAPITRE XXXV
La blessure.
J^a blessure est une cause de suspension ou d'arrêt déûnitif.
Le directeur du combat et les témoins doivent suspendre la lutte aussitôt
qu'une blessure, môme légère, se produit. — Pourquoi * ?
Devoir du' combattant qui a blessé son adversaire ou qui croit l'avoir
blessé. — Devoir du blessé. — Droit du premier si le blessé ne s*arrôte pas
instantanément. — Objection tirée de la difficulté où on se trouve d'éviter la
mauvaise foi du combattant qui a porté le coup et le mauvais vouloir du
blessé qui n'annonce pas qu'il est touché. — Moyen d'y obvier.
Cas où le blessé se jette sur son antagoniste après la suspension du
combat. — Cas où le combattant demeuré intact essaye de firapper le blessé.
— Intervention des médecins. -:- Valeur de leur avis. — Le champ doit-il
être rendu en cas de blessure ? — Raison de douter.
CHAPITRE XXXVl
Devoir des adversaires et des témoins dans les cas prévus
aux chapitres XXIX et suivants.
Ce chapitre est le résumé des règles éparses dans les chapitres précé-
dents.
Devoir des témoins. — Aussitôt que l'incident se produit, les témoins
arrêtent le combat, verbo et opère, à leurs risques et périls.
Devoir des combattants, — En tout état de cause, ils sont tenus de
s'arrêter immédiatement après l'injonction des témoins.
Si l'injonction n'est pas concomitante avec le fait qui motive la suspension,
le devoir des combattants varie suivant les circonstances.
4 « En cas de repos, d'acculement et de corps à corps, ils continuent la
lutte jusqu'à l'intervention des témoins, quand bien même cette intervention
se ferait a' tendre. — Pourquoi 7
V En cas de désarmement, de [bris d'épée et de chute, ils sont tenus
de 8*arréter spontanément et sans attendre l'intervention des témoins. —
Pourquoi ?
Z'* En cas de faussement d'épée et de blessure, le devoir des combattants
est plus délicat. — Pourquoi? — Moyen terme qui garantit la sécurité de celui
qui a porté le coup, de celui qui l'a reçu, et leur évite de commettre un acte
1. Voyez affaire Betz-Pierotti, Gaxette des Tribunaux, 16, 17, 18 décembre 1889.
Appendice n9 80.
^ N .» . Jh '. ' • Il il 11 ^H
U4 SIXIÈME PARTIE.
qui, s'il ne vîolo pas la stricto loi du duel, n'en est pas moins incorrect a
point de vue de la délicatesse ot de l'Ijonneur.
Attitude des comballatits dans tous les cas d-deseus énoDCés '.
CONDITIONS SPÉCIALES AU DUEL AU PISTOLET
CHAPITRE XXXVII
Choix du duel.
Le choix du duel doit être laît entre les daels légaux par les témoins
en cas d'ofTense simple ; par l'ofleosé, en cas d'offense grave, ou s'il y a voie
Il y a sept duels légaux, divisés en deux classes.
La première classe [duel au visé} comprend : Le duel de pied ferme i
tir successif. — Le duel de pied ferme 'd volonté. — Le duel à marcher. —
Le due! â marclie interrompue. — Le duel â lignes parallèles.
La deuxième classe comprend : Le duel au signal. — Le duel au comman-
dement.
La question dn choix du duel et la responsabilité des témoins sont intime-
ment liées.
Leur responsabilité varie suivant que ce sont oui ou l'offensé qui choisis-
sent le duel.
/" hypothèse. — Lorsque les témoins sont appelés à choisir le duel, il
est impossible de déterminer par avance cl à coup sur celui sur lequel ils ont
intérêt à s'arnîter, mais on peut indiquer les qualités que doit posséder le duel
type, et, procédant par comparaison, celui qui s'en écarte le moins.
Comparaison de classe h classe.
Comparaison entre les duels de la même classe.
Le duel au commandement est celui qui résume le mieux les qualités
demandées. — Puis vient le duel ou visé de pied ferme, à volonté. — Lo duel
à marcher. — Le duel à marche inierrompue. — Le duel au signal. — Le
duel au visé a tir successif.
2' hypothèse. — Lorsque c'est l'offensé qui choisit le duel, quelle conduite
peuvent tenir les témoins, si celui qui est imposé leur parait de nature à com-
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 635
promettre leur responsabilité ou à blesser leur conscience ? — Peuvent-ils se
retirer ? — Intérêt de la question. — Position scabreuse des témoins pris entre
la sanctioa des lois ordinaires et les obligations imposées par la législation du
point d'honneur. — La solution de la question dépend des termes de leur
mandat.
Peuvent-ils apporter des modifications au duel choisi? — Conditions
auxquelles ces modifications peuvent être exercées. — Exemple.
CHAPITRE XXXVIII
G3ioix des distances.
Le choix des distances appartient aux témoins en cas d'offense simple ou
d'injure grave, à l'offensé s'il y a eu voie de fait.
Nécessité d'une limite maxima et d'une limite minima entre lesquelles le
choix devra être circonscrit. Tableau des distances admises comme légales.
Conséquence du choix d'une dislance inférieure au minimum légal. —
Adversaires et témoins doivent la refuser.
Conséquences d'un choix supérieur au maximum. — L^agresseur, si ce
choix est fait par l'offensé, les deux adversaires^ si ce choix est fait par les
témoins, sont libres d'accepter ou de refuser.
Cas où le choix d'une distance supérieure au maximum résulte d'une
convention mutuelle. — Cas où elle a lieu sur le terrain.
Les témoins ne doivent pas augmenter la distance stipulée au procès-
verbal à l'insu des combattants. — Pourquoi?
Nécessité d'énoncer en mètres la distance convenue et de se servir du
mètre pour la mesurer.
Devoirs des témoins lorsque^ayant le choix des distances, ils ne peuvent
tomber d'accord.
CHAPITRE XXXIX
Détermination du délai pour tirer.
Le délai accordé pour échanger les balles doit être déterminé dans le
procès-verbal.
Le droit de le déterminer appartient aux témoins. — Pourquoi *■ ?
Les témoins peuvent apporter certains changements aux délais indiqués
par Chateauvillard. — En quoi consistent ces changements 7
Relativement à cette question, on peut diviser les duels en trois classes.
i. Voyez afiEeûre Coste-Benolt, GaMette des TribunauXy 3 août 1832. Appendice
n0 83.
636 SIXIÈME PARTIE.
Pour Ici duels de la première classe, c'esUà-dire pour le§ duels au visé,
è ToloDlé, k marcher, à marche interrompue, à ligues parallèles, le chaoge-
ment consiste dans l'adoplion du commandement : a Tirez I > ou <i Marchez ! >
comme point de départ uniforme d'un délai immuable et plus court que le
délai indiqué par Cbaleauviliard.
Eiemple. — Ce cbangemenl réunit les conditions requises pour être légal.
— Prouves à l'appui.
Proportions dans lesquelle les délais fixés par Château vil lard pour les
duels précédents peuvent être dimioués. — Effets de la diminution.
Pour le duel de la seconde classe, c'est-à-dire pour le duel â tir succes-
sif, le seul changement consiste dans la diminution du délai. —Pourquoi?
Pour les duels de la troisième classe, c'est-à-dire pour le duel au signal,
et pour le duel au commandement, nous conservons le laps do temps Gxé par
Cbateauvjllard et Taveroier.
Expérience qui justiSe les diminutions proposées'. —Cas ou les témoins
sont en désaccord sur la question des délais.
Supplément de délai accordé au blessé pour riposter. — Il n'a pas
raison d'élre si le dnel est au signal ou au commandement, — filon qu'il soit
accordé par Chateauvillard lorsque le duel est au visé, nous le refusons. —
Poiir<]uoi?
CHAPiTRE \L
Coup raté, coup tiré en l'air.
Bd l'absence de stipulation contrairei tout coup raté est consdéré
comme tiré.
Les témoins appelés à rédiger un procès- verbal de rencontre au pistolet
doivent-ils stipuler que tout coup raté sera considéré comme tiré, ou que
l'arme sera rechargée et tirée à nouveau? — Importance de la question.
La nature du duel au signal et du duel au commandement ne permet
pas la clause du rechargement'.
Duels au visé. — Comparaison des résultats produits par les deux sys- ■
tèmes '.
Cas ou l'offensé tire et rate. — Droit de l'agresseur si on admet la règle
« coup raté, coup tiré i. — Situation délicate on il se trouve.
Cas où l'offensé tire et manque. — Où l'agresseur riposte et rate.
Résultats des deux systèmes, — Discussion. — Impossibilité d'une solu-
tion catégorique et absolument rationnelle. — Palliatif. — Adoption du duel
au commandemenl.
1. Voyez affaire Maiard-de Monlbron, Galette det Trxbutuuix, 3 septembre 1S49.
Appendice n* 83,
2. Voyei affaire Reintch-Oéroulède, Annuairt du dael, 21 octobre ISOO. Appen-
dice D" 84.
3. Voyei appendice n" 85.
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 537
Acle de tirer en l'air, — Les combattants ont-ils le droit de tirer en
Pair? — Quelle influence peut avoir cet acte sur les droits de l'adversaire ' ?
Les droits de l'adversaire varient suivant que c'est l'ofiTensé ou l'agresseur
qui tire en l'air. — Si c'est l'offensé, l'acte équivaut à un refus de duel. —
Si c'est Tagresseur, l'offensé conserve le droit de tirer le nombre de balles
convenu au procès- ver bal. — Pourquoi ?
Devoir des témoins dans ces deux cas •
Nombre de balles à échanger.
ndoit être inséré au procès- verbal. — Le silence du procès-verbal est
interprété dans un sens restrictif * ?
CHAPITRE XLI
Choix des pistolets.
Le droit de choisir les pistolets qui serviront au duel appartient aux
témoins, sauf en cas de voie de fait où l'offensé peut se servir de ses armes
personnelles, en laissant la môme faculté à l'agresseur. — Les armes sont
alors présentées à l'acceptation des témoins.
CHAPITRE LXII
Ck>nditions mises à Tacceptation des pistolets.
Pour que les pistolets soient acceptés, il faut qu'ils soient propres au
combat, c'est-à-dire capables de faire feu et d'atteindre avec la môme justesse
le but visé.
Causes qui in/luenlsur la justesse du tir. — 4<> Le forage et la rayure.
— Les armes lisses moins justes que les armes rayées. — Pourquoi? — Vent.
— Effet des irrégularités de forage et de rayure. — Moyen de les reconnaître.
t* La proportion de la chambre.
3* La charge. — La balle doit ôtre exactement de m&me calibre. — Effets
d'une disproportion entre la balle et l'âme du pistolet. — Proportion qui doit
exister entre la mesure de poudre et le poids de la balle.
i^ Le guidonnage. — Guidonnage régulier, principale cause de justesse.
Inutilité de corriger la dérivation latérale et la parabole de la trajectoire. —
Moyen de reconnaître si le guidonnage est régulier.
i. Voyez affaire Déroalède-Lagaeire, 13 novembre 1890. Appendice n* 86.
2. Voyez affaire Mira-Dovalle, Gazette des Tribunaux^ 27 octobre 1830. Appen-
dice n* 87.
SIXIÈME PARTIE.
CHAPITRE XLIII
Opérations déloyales dont les armes peuvent être l'objet.
Leur objectif. — Enlever au tireur de bonne toi qui vise comm» à i'ot-
tlinaire toute chance de toucher le but, tandis que soo adversaire prévenu
d'avance peut corriger l'écart,
J/oyen5 employés. — Leurs réiullati:. — Déplacement du guidon ou du
cran do mire, ou des deux à la fois. — Leur exhaussement. — Leur abais-
sera en I.
Le déplacement du guidon à droite Tait porter le coup à gaucho, et vice
rrrta. — Figure explicative, — Manière de corriger l'écart. — L'eihaiisse-
ment du cran de mire fait porter le coup plus bsul. — L'exhaussement du
guidon Tait portf r le coup plua bas.
Figures explicalivea. — Manière de corriger l'écart. — La combinaison
de ces fraudes est difiicila è découvrir et produit un grand écart.
Circonstances dans lesquelles ces manœuvres peuvent être commises.
Sur le terrain . — Avant la rencontre. — Plus dangereuse dans ce dernier
cas. — Manière de reconnaître les manœuvres frauduleuses une fois commises.
— Manière de les prévenir.
Pour les fraudes commises sur le terrain, adoption du guidon lîxe.
Pour les fraudes commises avant la rencontre, adoption d'armes neuve:;,
inconnues des adversaires, non laissées entre leurs mains. — Sens du mol
inconnues. — locanvénient des armes louées ou prêtées. — Précautions à
prendre on pareil cas.
Les pistolets d'une même paire doivent être similaires. — Sens de cette
expression.
Délentes. — Moyen de s'assurer si leur sensibilité est égale pour les
deux armes.
Scellement do la boUe des pistolets.
Co qu'il faut et ne faut pas tirer au sort. —Cas où les adversaires se ser-
vent d'armes personnelles. — Elles doivent êlre présentées à Tacceplalion
des témoins. — Condilions pour être accopices. — La stipulation que chacun
des combattants apportera ea paire et qu'on tirera au sort doit être rejetée. —
Pourquoi ' î
Le combattant dont la paire n'est pas sortie choisit le pistolet qui lui
convient. Los témoins ne doivent jamais choisir '.
1. VoyOE affaira Oujarrlernlo BeauTsIloD, GatitU ix* Tribunaux, 37, 31 mtrt,
4 «vril, S» novembre, 9 décembre 1816. Appendice, n« 88.
3. Vojei sffairo L"* M'"-do M., GaMlU de» TribvMMX, SI août 1833. Appen-
dice 11° 89.
RÉSUMÉ DBS MATIÈRES. 539
CHAPITRE XLIV
Manière d'atténuer le danger de la rencontre.
Les balles de liège, les pistolets à soupape, la double ou triple charge ne
doivent pas être employés. — Pourquoi? — Le meilleur moyen cousiste à
durcir les détentes.
Avant de pratiquer ce durcissement, les témoins doivent s'ôtre entendus
sur le poids que supporteront les détentes. — Pourquoi? — Poids acceptable;
— Refusable.
L'emploi de la double détente est interdit comme dangereux pour les
a dversaires et les témoins. — Le silence du procès-verbal interprété dans un
sens négatif. — Manière d'annuler la double détente dans les pistolets qui en
sont munis.
CHAPITRE XLV
Charg^ement.
Importance de cette opération. Elle peut s'effectuer de deux manières :
40 Par le ministère des témoins. Distinction à faire entre le cas où les
pistolets d'une seule paire serviront et celui où chaque adversaire est autorisé
à se servir de son arme.
%"" Par un chargeur de profession. Soins qu'il faut apporter au chargement.
CHAPITRE XLVl
ToUette. — Visite.
Les adversaires peuvent garder les vêtements incapables d'arrêter la balle.
Us doivent se dépouiller de tout ce qui peut l'arrêter ^
Conseils aux adversaires sur la tenue la plus capable d'atténuer le danger
de leur situation.
CHAPITRE XLVII
Cihoix du terrain. — Tirage au sort des places.
Le choix doit être opéré avant la rencontre. U doit porter sur un terrain
dé couvert, en rase campagne, et non sur une allée étroite, plantée d'arbres. —
Pourquoi?
1. Voyez affaires Bonnet-d'Omano, Laisant-de La Rochette. Appendice n^ 90.
SIXIÈME PARTIE.
Les désavantages provenant de l'élal de l'almosphère doivent être par-
tagés.
La tirage au sort ne fomporte pas pour celui qui en est favonsA, le droil
de choisir sa place. — Pourquoi.
Le tirage au sort des places est indépeDdaot de celui des armes.
CHAPITRE XLVIII
Duel au visé de pied terme à tir successif.
m
La caracl^rislique de ce duel esl la de icrmi nation de l'ocdre dans lequel
les adveresires doivent tirer.
A qui appartieitl le droil de tirer le premier. — Si l'offense est du
premier degré, il est rerais au sort.
Si l'offenjiecfil du second degré : deux systèmes.
Il laul s'en tenir au système de Château villard, qui donne la primauté à
l'offensé, A condition que les quatre témoins tombent d'accord pour fixer la
distance h trente-cinq pas. — Pourquoi T
Si TotTense est du troisième degré, U primauté du tir appartient h l'offensé.
qui fiie la distance à trente-cinq pas.
Dittanct. — Elle varie entre quinze pas ou douze mhtna et Irente-ciiiq
pas ou vingt-huit mètres.
Délai pour t!clianger les balles. — D'après Cbateauv illard, il est d'une
mioule pour chaque combattant, avec supplément d'une minute s'il y a blei-
D'après notre système, le délai est réduit h une minute pour l'échange des
deux balles, sans aucun supplément au blessé.
Starc/ie du duel. — Mesure des distances. — Tirage des places. — Véri-
Gcalion des scellés. — Cbargemenl. — Tirage au sort pour la primauté du
tir s'il n'appartient pas à l'offensé. — Pour les pistolets, idem.
Les pistolets sont remis non armés aux adversaires et en même temps '■
Visite. — Position occupée par les témoins.
Rappel des conditions.
Avertissement préalable. — Signal ',
Position de celui qui subit le feu'.
Coup raté, coup tiré.
Cas où le duel continue aprèj les premières balles tirées.
1. \oyei sffaire LeTâiBeur-Arrighi, Ga:elte des Tribunaux, li, 15 msra i8t2.
Appendice n'Or.
2. Voj ei Rllïire de T*" et P***. Colombey, Bistoirs atucdotigtu du dutl. Appen-
RÉSUME DES MATIÈRES. 544
CHAPITRE XLIX
Duel au visé de pied ferme à volonté.
Distance unique : yingt-cinq pas ou vingt mètres.
Délai pour tirer. — D'après Château villard, une minute à partir du pre-
mier coup qui est ad libitum. Ce délai est porté à deux en cas de blessure.
D'après notre système, les deux balles doivent ôtre tirées h. volonté dans
un délai immuable d'une minute à partir du signal. Tout supplément est
refusé.
Marche du duel. — Renvoi au chapitre xlviii, sauf pour ce qui concerne
la liberté du tir et les droits et devoirs des adversaires à partir du signal.
CHAPITRE L
Duel au visé à marcher.
Distance. — Elle varie entre trente-cinq pas ou vingt-huit mètres et
quarante pas ou trente-deux mètres. Chaque adversaire peut avancer de dix
pas ou de huit mètres.
Délai pour tirer. — Chateauvillard ne fixe aucun délai pour marcher et
tirer le premier coup. Il accorde à celui qui Ta essuyé une minute pour mar-
cher et liposter, et au blessé un supplément d'une minute s'il est tombé.
D'après notre système, marche et échange des balles doivent être exécutés
dans le délai unique d'une minute à partir du signal. — Tout supplément
est refusé au blessé.
Marche du duel. » Renvoi au chapitre xlviii, sauf pour ce qui concerne
le tracé des limites; la maiîière de donner le signal, la marche, l'attitude et le
droit des adversaires à partir de ce moment ; le devoir du combattant qui a
subi le premier feu et qui a tiré le premier.
La clause par laquelle deux pistolets sont remis aux combattants ne doit
pas être acceptée. — Pourquoi ? — Idem^ celle par laquelle il est stipulé que
le premier coup sera immédiatement suivi du second. — Pourquoi ^ ?
i. Voyez affaire Dujarrier-de BeauvaUon, Gazette des Tribunaux, 27, 31 mars,
1*' avril, 21 novembre, S décembre 1846. Appendice n» 94.
SIXIÈME PARTIE.
CHAPITRE LI
Duel au visé à marche interrompue.
Ditlaace. — Elle varie entre cinquanle pas ou quaTaote mètres et qua-
rante-cioq pas ou U-eole-siK mètres, avec Taculté pour les adversaires d'avancer
rIibcud (le quinze pas ou douxe mètres.
Délai. — Château villard ne ûxe aucun dëlai pour marcher et tirer le
premier coup. — Il accorde à celui qui l'a essuyé une demi-minute pour
marcher et riposter, et une minute au blessa A partir du moment ou il est
tombé.
Nous n'accordons qu'une demi-minulo à partir du signal pour marclieret
tirer les deux coups. Nous reFasons tout supplément.
Marche du duel. — Renvoi au chapitre xLviu, sauf pour ce qui concerne
les limites, la manière de donner le signal, la marche qui peut n'eiécuter en
ùgzag, l'atlitude, les droits et devoirs dos adversaires â partir du signal.
CHAPITRE LU
Duel BU visé à marcher et à li^e parallèle.
Renvoi ii VEttai »ur le duel de CbsieauTillard, page i9. — 'Pourquoi T
CHAPITRE LUI
Duel au signal.
Dislance. — Elle varie entre vingt-cinq pas ou vingt mètres et trente-cinq
pas ou viDgl-huit mètres.
Droit de donner le signal. — Il appartieut b l'offensé avec voie de fait.
— Il est tiré au sort en cas d'ofTense du deuxième et du premier degré.
Délai. — Si les témoins de l'olTensé donnent le signal, il est de six h neuf
secondes pour les trois coups.
Si le droit de donner le signal est tiré au sort, le délai varie entre deux et
six secondes pour les trois coups.
Marche du duel. — Points pour lesquels il est fait un renvoi au cha-
pitre xuviii.
Points spéciaux au duel au signal. — Manière de donner le signal.
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 543
Obligation imposée aux adversaires de tirer simultanément au troisième
coup.
Cas où un des adversaires tire avant ou après le troisième coup. — Sanc-
tion proposée par Chaleauvillard. — Ses inconvénients. — Cas oi!i un adver-
saire reste à viser après le troisième coup. — Coup raté, coup tiré. — Conseils
aux combattants dont le pistolet a raté ^
CHAPITRE LIV
Duel au commandement.
Il est une modification du duel au signal. — Ses ressemblances. — Ses
dissemblances.
Dislance. — Elle varie de vingt-cinq pas ou vingt mètres à trente-cinq
pas ou vingt-huit mètres.
Le droit de donner le signal appartient aux témoins de Toffensé avec voie
de fait. — En dehors de ce cas il est tiré au sort. — Opinion contraire de
M. Tavernier.
Délai. — Nécessité d'une détermination antérieure au combat.
L'intervalle entre le mot feu et le nombre trois varie d'une seconde et
demie à quatre secondes et demie '•
Marche du duel, — Points pour lesquels il est fait un renvoi au cha-
pitre XLVllI.
Conditions spéciales au duel au commandement — Manière de donner le
signal. — Obligations qui en découlent pour les adversaires et les témoins.
Observation sur la manière dont les combattants doivent tenir leur pistolet
en attendant le signal.
La position haut le pistolet est préférable à celle où le bout est incliné vers
la terre. — Pourquoi?
CHAPITRE LV
Duel au sabre.
Les règles du duel à Tépée sont presque toutes applicables au duel au
sabre.
Points sur lesquels le duel au sabre diffère du duel à l'épée.
Renvoi au chapitre où Chaleauvillard traite de ce genre de rencontre.
1. Voyez affaire Ritter-Appleton, Gazelle des Tribunaux, 2 et 3 avril 1873.
Appendice n® 95.
2. Voyez affaire aémenceau-Déroulède, 22 décembre 1892. Appendice a» 112.
SIXIÈME PARTIE.
CHAPITRE LVI
Violation des règles du duel. — Prorocation à la suite
et à cause du duel.
m 6u
I
^V Ed cas de violation des règles du duel ou des Bliputations du procès-
^r verbal, les tëmoins arrêtent le combat.
^Ê Cas où l'infraction est peu grave et où les (émoins s'accordenl pour la
^1 coaeidérer comme une simple fauie.
^L Cas où les témoins ne sont pas d'accord sur la valeur de l'iofraclion.
^H Cas où rinTraction a causé une bkssnre.
^H Cas où les témoins s'accordenl pour déclarer qu'il y a eu déloyauté.
^H Faits qui entraînent ipso facto présomption de déloyauté.
^^Ê Pour le duel à l'épée.
^^M Pour le duel au pistolet.
^F Récidive d'une simple faute.
L'interruption, la susponsLon et l'arrêt définitif ne sont pas des sanctions.
— Exemple.
En quoi consiste la sanction d'uoe infraction non eotacbée de déloyauté
et d'une infraction entachée de déloyauté.
Procès-verbal de constat. — Renvoi au chapitre Lvu.
Disqualification. — Cas où elle est encourue de plein droit '.
Cas où la partie qai oppose la question pré&'able s'appuie sur ua procès-
verbal douteux,
Nécessité d'un jury d'honneur'.
La dénenciation aux tiibucaux des faits entachés de déloyauté e^t dange-
reuse pour le blessé et les témoins.
Devoirs du directeur du combat et des témoins en cas de violation des
règles du duel '.
Provocation à la suite ou à cause du duel. — Devoir de l'adversaire
sorti victorieux d'une première rencontre'.
Les témoins qui reçoivent un cartel au sujet du duel bénéScient des
piivilèges accordés aux offensés avec voie de fjit, si les torts sont du côté du
provocateur. — Pourquoi ï
1. VojcE affaire Miqust-Montviellc, Gaietlt dt» Trtàifmaux, 11 août 1887. Ap|i«a-
n*9e.
Je National, n"des9, 10, 11 septembre
2. Voyoi affaire Mermeii-La Bruyéi
18»0 et auivaali. Appendice n" 97.
3. Voyez affaire Naquct-Montviclle. Appendi
4. Vojei affaire Hjène-de Pêne. Appendir
Appendice n' S.
- Circulaire miniatérielle.
RÉSUfttË DES MATIÈRES. 545
CHAPITRE LVII
Procès- verbal après la rencontre.
Sa forme*
Nécessité d'une rédaction immédiate et à huis clos. — Pourquoi '?
Si, malgré les précautions prises pour garder Taffaire secrète, un journa-
liste en publie un compte rendu et cause un préjudice aux acteurs ou aux
témoins, est-il responsable ?
Nécessité d'une rédaction claire et précise *.
Ce que les témoins doivent signer. — Ce qu'ils peuvent refuser '.
Leur droit relativement à la reconnaissance de la déloyauté de l'acte.
Obligation de déposer toute la vérité en justice ou devant le jury d'hon-
neur.
Les témoins ne sont sujets à aucun appel à raison de leur déposition. ~
Réserves*.
Cas où les témoins se séparent sans avoir pu rédiger en commun le
procès- verbal.
Lorsque le procès-verbal est signé des quatre témoins, aucun d'eux ne
peut avancer quoi que ce soit contre son contenu ^.
Opportunité de la publication du procès- verbal.
CHAPITRE LVIII
Duels exceptionnels.
Qu'est-ce qu'un duel exceptionnel ?
Il peut toujours être refusé par les adversaires, sans qu'on puisse les en
blâmer.
Les témoins qui concourent à un duel exceptionnel violent une règle du
point d'honneur et encourent une grande responsabilité. — Pourquoi?
Exemples de duels exceptionnels.
1. Voyez affaire T***-R***, août 1890. Appendice no 99.
2. Voyez affaire Mermeix-Labruyère. Appendice n» 100.
3. Voyez affaire Drumont-Meyer, Gazette des Tribunaux, 27 juillet 1886. Appen-
dice n° 101.
4. Voyez affaire Dujarrier-de Beanvallon. Appendice n« 102.
5. Voyez affaire Darzens-Moreaa, le Temps du 22 mai 1888. Appendice n* 103.
35
SIXIÈME PARTIE.
CONSÉQUENCES LEGALES DU DUEL. — SANCTION
PÉNALE. — RESPONSABILITÉ CIVILE. — ACTION
PUBLIQUE. — DIVISION DU SUJET.
CHAPITRE LIX
Provocation en duel entre individus non revêtus d'un
caractère public et non militaires,
La loi française ne punit pas la provocation si elle n'est ni dilTamatoiie
li iajurieuse. — Conventions de duel non suivies d'effet.
CHAPITRE LX
Provocations adressées aux personnes revêtues d'un
caractère public (magistrats, fonctionnaires, etc.}.
La provocation adressée à une personne protégée parles articles 31 et 33
de la loi du 19 juillet 4831, liî et suivants du Code pénal, coastitue-t-elle un
délit lorsqu'elle est conçue en termfs polis et mesurés?
Non, lorsqu'elle est adressée en dehors de l'eiercice des fonctions, el
lorsqu'elle n'a aucun rapport avec les fonctions ou la qualité.
Lorsque la provocation est adressée à raison des fonctions ou de la qualité,
il faut rechercher si elle est de nature à inculper, suivant le cas, l'honneur,
la considération, la délicatesse de la personne qualiGée, ou <i rentrer dans la
déSnition donnée au mol injure par la loi de 1881 sur la presse. — Pour-
quoi?
Controverse. — Trois systèmes. — Le système mixte est le plus logique.
Son application au magistrat provoqué à raison d'une décision qu'il a reodue.
-- Au ministère public.
Condition sans laquelle la personne quaUhée ne peut réclamer la pro-
tection des articles 31 et 33 de la loi de 1881, !31 du Code pénal.
L'examen dont il vient d'être parlé n'a plus sa raisou d'être, lorsque la
provocalioQ est adressée, saoa publicité, à une personne protégée par les
articles 114 et suivants du Code pénal. —Pourquoi?
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 547
CHAPITRE LXI
Procès-verbal constatant qu'une personne revêtue d'iui
caractère public a refusé de se battre.
La publicité donnée à un procès-verbal constatant qu'une personne qua-
lifiée a refusé de se battre ne constitue pas une atteinte à son honneur. —
Pourquoi?
Gonstitue-t-elie une atteinte à sa considération ? La question est con-
troversée.
Exposition des trois systèmes. — Discussion. — La solution négative est
la plus rationnelle. — Pourquoi?
CHAPITRE LXII
Influence de la perpétration et de la publicité sur la
juridiction compétente.
Intérêt des adversaires et des témoins à éviter la Juridiction correction-
nelle et à être traduits en cour d'assises.
Moyens qu'ils peuvent employer pour y arriver. — Le cartel doit être
adressé en dehors de l'exercice des fonctions. Il doit être rendu public.
Si la personne qualifiée est comprise dans Ténumération des articles 224
et suivants du Gode pénal, le cartel» bien que non public, échappe à la com-
pétence correctionnelle, pourvu qu'il soit rédigé par écrit. — Pourquoi ?
Modes divers de perpétratioD de publicité.
Nécessité de faire rentrer la personne qu*on veut provoquer en duel
dans la catégorie qui lui convient.
CHAPITRE LXIII
Provocation entre militaires de grades inégaux de l'armée
de terre. — Armée active. — Réserve. — Armée territo-
riale. — Adversaires. — Témoins. — Cassation. — Non-
activité. — Réforme. — Plainte. — Jury d'honneur.
4'« hypothèse. — Le mililaire qui adresse le cartel est un inférieur.
A, — Il fait partie de Vannée active.
La provocation adressée à ud supérieur constitue une infraction à la
subordination punie par l'article 224 du code de justice militaire *.
i. Voyez ordre du Jour du ministre de la guerre. Appeqdice n^ 104.
t.-
5&8 SIXIÈME PA.RT1E.
Texte et explication de l'article 224 du code de justice militaire.
Sens du mot « supérieur ». — Circonstances agrayantes. — FrovocatioD
pendant le service ; — A l'occasion du service. — La pénalité varie suivant
que l'inférieur est ou n'est pas officier.
Provocation étrangère au service.
Questions controversées relatives à l'application de l'article 224 du code
de justice militaire :
4<» La provocation adressée par écrit à un supéri<)ur tombe-t-elle sous
le coup de cet article ?
t^ Y a-t-ii outrage si le supérieur ne s'est pas tenu dans la limite absolue
de ses pouvoirs ?
3® SMl n'était pas en uniforme au moment de la provocation?
4'' L'offense subie par l'inférieur peut-elle lui servir d'excuse ou de
circonstance atténuante?
5<^ L'inférieur qui a échappé à la sanction de l'article 224 peut-il encou-
rir une peine disciplinaire ?
B. — L'inférieur qui adresse la provocation appartient à la réserve
de Varmée active ou à Varmée territoriale.
k^ espèce, — L'inférieur se trouvait sous les drapeaux au moment de la
provocation. — Môme solution que pour l'inférieur de l'armée active (article 52
de la loi du45 juillet 4889).
2® espèce, — L'inférieur ne se trouvait pas sous les drapeaux au moment
de la provocation.
Il faut distinguer deux cas : 4° celui où il était revêtu d'effets d'uniforme
au moment de la provocation ; t^ celui où il n'en était pas revêtu.
Dans le premier cas, il est justiciable des tribunaux militaires, en vertu de
l'article 53 de la loi de 4 889.
Il y a controvorse sur la sanction applicable (article 224 code de justice
militaire, ou article 224 du tableau D annexé à la loi du 45 juillet 4889).
Intérêt de la question pour rinférieur.
Exposition et discussion des systèmes.
Influence des solutions adoptées sur l'admission des circonstances atté-
nuantes. — Sens des expressions a elfets d'uniforme ».
Dans le second cas, la situation faite à l'inférieur, réserviste ou territorial
non revêtu d'effets d'uniforme, est réglée par l'article 57 de la loi du 45 juillet
4887 et 22 i du tableau D annexé à ladite loi. — Textes de ces articles. —
Conditions relatives à leur application.
§ 4*'^ — Nécessité d'un motif de vengeance contre un acte d'autorité
légalement exercé. — Importance de cette condition. — Elle est limitée à
la provocation adressée à l'occasion du service.
§ 2. — L'inférieur et le Lupérieur doivent être tous deux revêtus
d'effets d'uniforme.
Nature des offenses à raison desquelles l'inférieur peut demander répa-
ration sans rentrer dans les conditions des articles 57 et 224, tableau D.
Laps de temps à partir duquel l'inférieur de l'armée territoriale. peut
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 549
adresser une provocation de quelque nature que ce soit, môme motivée par un
désir de vengeance contre un acte d autorité légalement exercé, sans devenif
justiciable des tribunaux militaires.
Peines disciplinaires.
Cas où la révocation peut ôtre prononcée contre un inférieur, officier de
la réserve ou de l'armée territoriale, à raison d'une provocation, conformément
aux paragraphes 4. et ^ de l'article 7 du décret du 31 août 4878.
V hypothèse. — Le militaire qui adresse la provocation est un supé-
rieur. — Examen de sa situation, suivant qu'il fût partie de l'armée active,
de la réserve ou de l'armée territoriale. — Cas où il commet ou ne commet
pas de faute contre la discipline.
3* hypothèse. — Le supérieur accepte la provocation d'un inférieur.
Mômes distinctions. — Mômes solutions.
4* hypothèse. — L'inférieur accepte la provocation du supérieur.
Mômes distinctions. — Circonstances atténuantes.
La situation faite aux témoins qui, étant d'un grade inférieur à la personne
provoquée, lui transmettent le cartel d'un subordonné, varie suivant qu'ils
font partie dé l'armée active, de la réserve ou de l'armée territoriale.
Complicité, en quoi elle consiste.
Influence que peuvent avoir sur les conséquences
de la provocation :
1* La rétrogradation volontaire ou forcée;
V La mise en non-activité;
3° La mise en réforme;
4° La retraite;
5<* La démission,
La démission n'a d^effet que lorsqu'elle est acceptée.— Intérêt de l'inférieur
à dissimuler le véritable motif de sa démission.
La démission acceptée ne permet pas toujours à l'inférieur de provoquer
impunément son supérieur.
Cas où l'inférieur est intéressé à donner sa démission , à ne pas la donner;
à ce que le supérieur la donne.
Les effets de la démission acceptée sont immédiats. — Opinion contraire
erronée.
6<> La plainte. — Seule voie régulière ouverte à l'inférieur offensé par
un supérieur.
Il peut en user, sans encourir de blâme, chaque fois que la voie des armes
lui est fermée. — Conditions mises à l'exercice de ce droit — L'inférieur qui
porte plainte perd tout droit à une réparation ultérieure.
T* Jury d^ honneur. — Intérêt que peuvent avoir l'inférieur et môme le
660 SIXIÈME PARTIE.
supérieur à la constitution d'an jury d'honneur chargé de Irancher Inir <lifl&-
rend. — Sa composition parliculiëre.
Conseil au subordonné lorsque te supérieur oppose une On de non-recavoir
à la proposition qui lui est faite de recourir à celle solution. — Situation dé-
licate où il peut placer les égaux du supérienr. — Ses résultais. — Pre&sion
morale. — Quarantaine. — Démission.
Conditiona pour que la leDtativedel'inrérieurréusaiase.
CHAPITRE LXIV
Provocation entre militaires de grades in^aux.
Armée '/e mer. — La sitoalion de l'inférieur qui provoque un supérioar
est réglée par l'article 30Î du code de justice maridme.
Renvoi au chapitre précédent pour ce qui concerne l'armée active ; — La
réserve ; — L'armée terrilorialo.
Exceptions, — Outrages h bord. — lascrila maritimes. — Sens des
expressions « Tout marin n, — i Tout militaire embarqué », — «Tout iadivido
faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de l'Ëtal i.
Situation faite aux passagers â bord d'un bâtiment de l'État :
t° Lorsqu'ils sont justiciables des tribunaux militaires, mais non inscrits
au rôle du bâtiment.
!" Lorsqu'ils ne sont justiciables ni des tribunaux mililaîreâ ni des tri-
bunaux maritimes (article 303 du coda de justice maritime).
CHAPITRE LXV
ConBéquences pénales du duel entre individus
non militaires.
L'homicide et la blessure commis en duel sont des infractions de droit
Qualification. — Crime. — Délit. — Importance de la qualification à
raison de la compétence ; — A raison des conditions mises à la poursuite,
lorsque le duel a eu lieu à l'étranger.
Qualification qui peut é^e donnée à l'infraction dans diverses hypothèses.
— Articles applicables.
1'° hypothèse. — Le duel peut se terminer par la mort d'un des com-
battants.
A, — Cas oii la mort est immédiate.
B. — Cas où la blessure faite volontairement, mais sans iotention de
donner ta mort, l'a pourtant occasionnée.
RÉSUME DES MATIÈRES. 654
V hypothèse. ^ Le duel peut se terminer par la blessure d'un des com-
battants.
C. — Cas où rintention de donner la mort est constatée.
/>. ~ Cas où la blessore entraîne mutilation, amputation, privation de
Tusage d'un membre, cécité, perte d'un œil ou autre infirmité permanente.
E. — Cas où elle entraine une maladie ou incapacité de travail personnel
pendant plus de vingt jours*
F. — Cas où elle entraîne une maladie ou incapacité de travail personnel
pendant moins de vingt jours.
3* hypothèse. — Le duel peut se terminer par la blessure des deux com-
battants.
G. — Cas où les blessures sont d'égale gravité.
H. — Cas où les blessures sont d'inégale gravité.
4* hypothèse, — Le duel peut se terminer sans blessure.
L — Cas où les adversaires ont eu Tintention de se donner la mort; —
N'ont pas eu cette intention.
Preuve de l'intention.
Détails sur la jurisprudence du tribunal de la Seine, qui permet d'atteindre
les deux adversaires lorsqu'ils n'ont pas eu l'intention de se donner la mort,
et que le duel s'est terminé sans blessure ; — Le blessé, en môme temps que
l'auteur de la blessure, lorsque le duel s'est terminé par la blessure d'un seul
combattant.
Loi Bérenger sur l'atténuation ou l'aggravation des peines*
CHAPITRE LXVI
Cîonséquences du duel entre
Distinction entre le duel pris en lui-môme et l'homicide ou les blessures
qui en résultent. — Conséquences.
A plusieurs reprises, les conseils de guerre ont refusé de punir Thomicide
commis dans un duel loyal.
Lorsque parmi les prévenus se trouvent des individus non militaires et
des militaires, les tribunaux ordinaires sont compétents.
L'autorité supérieure peut- elle obliger les militaires à se battre en duel
malgré eux ?
CHAPITRE LXVII
Conséquences du duel relativement aux témoins.
Les témoins sont complices des adversaires.
Différence entre la complicité des témoins dans un duel et la complidté
55* SrXIÈME PARTIE.
ordinaire. — Conséquences. — Excilalion au dueL — Tente, locsiîon, prèl
d'armes, de maison, de parc.
Les témoins peuvent dtre poursuivis, bien que l'auteur prindpaJ ne aoil
pas en cause, aitétâ dâclaré non coupable, etc.
CUAPiTBE LXVIH
Exercice de l'action publii^ue dans l'intérieur
du territoire.
L'action publique s'élecd h tous les crimes et délits commis sur le terri-
toire français. — Ce (jn'il faut enlendro par territoire. — Pays étrangers qui
doivent être considérés comme terriloire français, au point de vue de la loi
pénale. — Consulats, etc.
CHAPITHE LXIX
Situation faite par la loi freinçaise aux adversaires et aux
témoins lorsque le duel a eu lieu à l'étranger.
Cette question intéresse particulii-rement les adversaires et les témoins.
— Pourquoi? — Point do vue auquel il fout l'envisager.
Ènuroération des conditions qui reslreignenl Vaclion du ministère public:
r Lorsque le résultat du duel conslîlue un crime ; i" Lorsqu'il coustilue un
délit.
CHAPITRE LXX
Conditions communes à la poursuite des faits qualifiés
crimes et des faits quedifiés délits, lorsque le duel a
lieu à l'étranger.
i" condilion. — 11 faut que l'inculpé ait la qualité de Français et que le
fait soit puni par la Joi Trancaiso.
V condition. ~ 11 faut que l'inculpé n'ait pas été jugé déGnilivement à
l'étranger.
Maiimo non bis in idem. — Nécessité d'un jugement déSnllif.
Contumace. — Jugement par défaut.
L'exception de la chose jugée est préjudicielle et personnelle.
La question de savoir si un jugement étranger a acquis l'autorité de la
chose jugée doit être décidée d'après la loi du pays où le jugement a été
rendu.
3" condition. — Il faut que l'inculpé soit de retour en France. — CoDsé-
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 553
quences relativement aux condamnations par contumace et au séquestre des
biens.
Nécessité d'un retour volontaire. — Retour temporaire.
Valeur du calcul fait par un duelliste qui attendrait hors de France que le
temps fixé pour la prescription de l'action publique fût écoulé pour y rentrer
ensuite. — Point de départ de la prescription de crimes et délits commis à
l'étranger. — Actes interruptifs, suspensifs. ~ Prescription de la peine.
Effets des condamnations par contumace relativement à la prescription :
— Vis-à-vis l'auteur principal ; — Vis-à-vis les témoins.
CHAPITRE LXXI
Conditions mises à la poursuite des adirersaires et des
témoins, lorsque le duel a eu lieu à l'étranger et que
le fait dont ils sont inculpés est qualifié délit.
^^ condition. — La poursuite doit être précédée d'une plainte de la per-
sonne offensée ou d'une dénonciation officielle.
Le droit de plainte est limité au blessé.
Formes de la plainte et de la dénonciation officielle.
En l'absence de dénonciation officielle, le silence gardé par le blessé
entrave l'exercice de l'action publique.
Nullité des conventions par lesquelles les combattants s'engageraient à ne
pas porter plainte. — Inefficacité du désistement.
%^ condition. — La poursuite doit être intentée à la requête du ministère
public.
3^ condition. — La poursuite n'a lieu que si le fait est puni par la légis-
lation du pays o^ il a été commis.
Motif de la solidarité établie par l'article 5 du Code d'instruction criminelle,
entre la loi qui régit le pays étranger et la loi française.
Hypothèses diverses relatives à la troisième condition '.
Cas où le duel a eu lieu dans un pays barbare, étranger aux principes du
droit des gens.
Cas où la législation du pays où le combat a eu lieu ne contient aucune
disposition sur le duel et se borne, comme la législation française, à punir d'une
manière générale les coups et les blessures. — Exemples : cantons de Genève,
d'Appenzel et d'Uri.
Importance considérable de la question. — Elle n'a jamais été traitée.
Il faut décider que le ministère public ne peut pas poursuivre. — Pour-
quoi?
La preuve que la législation étrangère punit le duel incombe au ministère
public. — Modes de preuve.
Fausse applicatioii de la loi pénale étrangère.
1. Voyez notre chapitre Lxxxni Législation étrangère en matière de duel .
jj
SIXIÈME PARTIE.
CHAPITRE LXXIl
Extincliou de l'action publique. — Décès du préTena. ■
Exception de la chose jngée. — Prescriplion.
CHAPITRE LXXIII
Extradition.
[ntérét de la question pour ]es adversaires et les témoins.
Cas où l'Etat requérant et l'Éiat requis considèrent le dael comme une
infrac^on de nalare spt^ciale <.
Cas où l'Ëlal requérant considère le dael comme nne infraction de droit
commun et l'I^tat requis comme une infraction de nature apéciate.
Cas où les deux Ëlats admcltenl l'assimilation de l'homicide et des bles-
sures commis en dnel avec lo meurtre et les coups et blessures ordinaires.
Théorie do M. le professeur Lammasch sur l'extradition. — Son application
aux pays de langue allemande.
Cas où deux demandes d'cxtradilion sont adressées en roCme temps an
CQÛme Ëtat par deux autres Étais, â raison de la mCme infraction.
CHAPITRE LXXIV
Moyens dont les adversaires et les témoins peuvent user
pour échapper à la sanction de la loi pénale.
Moyen extra-légal, — Secret absolu. — Son efficacité il notre époque. —
Exemple, affaire Wernert, CazeKe rfej rrifcunaua;, n'des 30 eHI octobre
1890, appendice n° t07.
Moyen légal. — Duel à l'étranger.
Son efficacité lorsque la rencontra s'est terminée par on fait susceptible
d'être qnalihé crime.
Elle est sabordonoée à la condition d'un séjour de dix années hors de
France.
Critiques soulevées par cette condition. — Elles ne sont pas lonjours
fondées. — Pourquoi ?
Extradition. — Contumace. — Séquestre des biens.
1. Voyai Tribunal fédéral suiBie, 37 aoAt 1SB3. Appendice u" 1».
RËaUH.£ DES MATIÈRES.
555
Efficacité du duel à l'étranger lorsque le combat s'est terminé par un fait
susceptible d'être qualifié délit.
Elle est assurée lorsque la législation de l'État choiffl ne punit pas le duel.
— Cantons de Genève, d'Appenzel, d'Un.
Elle est moindre lorsque la législation de l'État choisi punit le dueU —
Conditions mises à la poursuite. — Plainte du blessé. — Dénonciation offi-
cielle.
Inconvénients du duel à l'étranger.
Intervention de la police étrangère qui peut rendre le combat impossible ^
Tribulations après le combat — Législation plus sévère et mieux appli-
quée*.
Frais. — Perte de temps, etc.
Prétendue inutilité du duel à l'étranger en présence de l'inaction actuelle
de la justice française.
Conseils aux personnes qui préféreraient se battre en France. — Départe-
ment de la Seine. — Poursuites. — Jury.
La clause que le duel aura lieu à l'étranger peut-elle être imposée comme
condition sine qua non de la rencontre ?
1. Voyez affaires Rochefort-Isaac, Flntransigeant du 14 mai 1891. Appendice
n» 109.
2. Voyez affaire Marchis-Dachassin. Gaz. trib, des 14, 17, 18 décembre 1876 ;
Laguerre-Déroulède, la Presse des 16,17, 18 novembre 1890. Appendice u9* 110 et 111.
. «i
656 • SIXIÈME PARTIE.
RESPONSABILITÉ CnriLE DES ADVERSAIRES
ET DES TÉMOINS.
CHAPITRE LXXV
Ëléments de la responsabilité civile. — Conditions relatives
au dommage souffert. — Personnes auxquelles api>artient
l'action ; contre lesquelles elle peut être dirigée. — En
quoi consiste la réparation.
Principe de la responsabilité civile exprimé dans l'article 4382 du Gode
dvil. — Sens du mol « dommage o. — Un dommage moral suffit. — A qui appar-
tient l'action en responsabilité civile? — Blessé, enfants, veuve, mère, frères
et sœurs, héritiers, créanciers, etc.
L'action en responsabilité civile peut être dirigée contre l'auteur du fait
dommageable : — Contre les héritiers; — Contre les témoins. —Nécessité d'une
faute de leur part.
Pouvoir discrétionnaire des tribunaux pour la fixation des dommages et
intérêts.
CHAPITRE LXXVl
Mode d'obligation des personnes responsables. — Solidarité.
— Exécution des condsunnations sur les biens et la per-
sonne.
Article 55 du Code pénal. — Définition de la solidarité.
Efiets des condamnations prononcées par les tribunaux de répression rela-
tivement à la solidarité. — Témoins. — Faute personnelle.
Cas où l'action est portée devant les tribunaux civils.
Exécution de la condamnation sur les biens. — Biens insaisissables. —
Sur la personne. — Contrainte par corps. — Effets des jugements de condam-
nation prononcés par les tribunaux de répression.
Cas où l'action est portée devant les tribunaux civils.
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 557
CHAPITRE LXXVII
Compétence. — Action civile portée devant les tribunaux de
répression. — Devant les tribunaux civils. — Preuve.
De Vaclion civile portée devant la cour cTassises. — Étendue de 8a
juridiction. — Elle prononce sur l'action privée aussi bien en cas d'acquitte-
ment qu'en cas de condamuatiou. — Exemple.
De Vaclion civile portée devant le tribunal correctionnel* — Il ne peut
prononcer des dommages et intérêts contre le prévenu acquitté.
De Vaction portée devant les tribunaux civils, — Cas où la partie lésée
doit recourir forcément à cette juridiction. — Cas où l'action pub'ique tient
l'action civile en suspens. — Preuve.
CHAPITRE LXXVill
Extinction de Faction civile. — Renonciation. — Transaction.
Désistement. — Prescription.
Capacité pour renoncer; — Pour transiger. — Transaction entre coauteurs
du délit. — Nullité de la renonciation, de la transaction, de la constitution
d'arbitres antérieure à la rencontre.
Désistement. — Ses effets. — Distinction.
Précautions à prendre dans la rédaction de l'acte constatant la renoncia-
tion, la transaction ou le désistement. — Exemples.
Prescription. — Sa durée lorsque l'action civile est exercée concurrem-
ment avec l'action publique. — Lorsqu'elle est portée devant les tribunaux
civils. ~ Distinction.
Point de départ de la prescription. — Actes d'instruction et de poursuite.
— Jugements.
CHAPITRE LXXIX
Moyens dont les adversaires et les témoins peuvent user
pour échapper à l'action en responsabilité civile.
Les adversaires et les témoins doivent songer avant la rencontre à la
question des dommages et intérêts. — Son importance. — Exemples.
558 SIXIÈME PARTIE.
Intérêt particulier des témoins.
Il n'existe aucun moyen légal d'échapper à l'action en responsabilité
civile.
Moyen extra-légal.
Renonciation avec date en blanc inadmissible. — Pourquoi?
Influence indirecte d'un engagement sans valeur légale. — Gooclnsions.
RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 5S9
RESPONSABILITÉ REUGIEUSE DES ADVERSAIRES
ET DES TÉMOINS.
- -J
CHAPITRE LXXX
Censures ecclésiastiques.
Église catholique^
ExcommunicatioD. — Personnes qui y sont soumises. — Duellistes. —
Complices et coopérateurs. — Assistants. — Autorités. » Privation de sépul-
ture ecclésiastique.
Église réformée.
Article 23 de la discipline des Églises réformées en France. — Il ne fait
pas mention de la privation de sépulture ecclésiastique. — Pourquoi ?
Adoucissements apportés à Tancienne discipline relativement à la censure
et à la suspension de la sainte cène.
».
***
560 SIXIÈME PARTIE.
LE DUEL A L'ÉTRANGER
Usages. — Législation.
L'étranger est soumis aux usages du pays où il se trouve. — Controverse
relativement à la législation du point d'bonneur, applicable lorsque le cartel ne
peut être envoyé, et les conditions ne peuvent ôtre discutées, dans le pays où
roffeose a eu lieu.
CHAPITRE LXXXI
Règles du duel en Italie, en Allemagne, en Autriche, etc.
Italie, -— Ces règles varient suivant les provinces, notamment en ce qui
concerne le choix des armes. — Deux écoles sont en présence. — Auteurs qui
se sont môles à cette controverse. — Principaux arguments. — Intérêt du
Français à les connaître. — Armes légales en Italie. — Sens du mot « place » sur
le terrain. — Droit de choisir les conditions. — Autres points sur lesquels les
usages italiens diffèrent des usages français.
Allemagne^ Autriche, — Règles. —Les auteurs qui, dans ces deux pays,
ont écrit sur le duel, prennent pour guide Château villard.
Points sur lesquels les usages allemands et autrichiens diffèrent des usages
français.
Angleterre, — Duel tombe en désuétude. Pourquoi?
Belgique, — Espagne, — Hollande, ^Russie. — Suisse,
RÉSUMÉ DES MATIÈRES.
564
CHAPITRE LXXXIi.
Textes des lois qui répriment le dael dans les divers États d'Enrope
dont les noms suivent :
Empire d'Allemagne ;
Andorre ;
Angleterre ;
Ile de Man ;
Malte;
Gibraltar ;
Autriche ;
Hongrie ;
Bosnie et Herzégovine ;
Belgique;
Danemark ;
Espagne ;
Grèce ;
Italie;
Luxembourg ;
Monaco;
Monténégro ;
Pays-Bas ;
Portugal ;
Roumanie ;
Russie ;
Saint-Marin ;
Suède;
Norvège ;
Suisse : Appenzel-Ianerchoden ou
Rhodes intérieur;
Appenzel ou Rhodes extérieur;
Argovie ;
Thurgovie ;
Bâle-Yille;
Bâle-Campagne ,
Berne ;
Fribourg ;
Genève;
Grisous ;
Glaris ;
Lucerne ;
Nidvvald ;
Neuchâtel ;
Saint-Gall;
Schaffouse ;
Schwytz ;
Tessin;
Duterwalden (Obwald) ;
Uri;
Valais ;
Vaud;
Zug;
Zurich.
36
-. 4
•. -. i.
.--. ■^ -
561
SIXIÈME PARTIE.
MODELES DE PROCÈS-VERBAlUX AVANT
LA RENCONTRE.
Procès-verbal avant la rencontre.
[ndication des points qui doi-
vent être examinés par les
témoius pendant la discus-
sion des conditions.
Ouvrages à consulter.
Choix d*un auteur.
En première ligne, Chateauvillard,
Essai sur le duel. En deuxième, Taver-
nier. Art du duel. En troisième,
Du Verger de Saint-Thomas, Nouveau
Code du duel.
Sur cette question importante,
voyez notre chap. i«' et pages i 40,
U1, 4 48, 458, et appendice n°» 4 et
444.
Sens dans lequel peuvent
être rédigées les stipula-
tions insérées au procès-
verbal.
Aujourd'hui (année, mois, jour]
les soussignés (noms et prénoms)
agissant comme témoins de M. A***
d'une part; Et (noms et prénoms)
agissant comme témoins de M. 0***
d'autre part, se sont réunis à (indi-
quer le lieu), pour examiner le diffé-
rend survenu entre ces deux mes-
sieurs.
Les soussignés déclarent choisir,
pour les guider dans cet examen et les
départager au besoin, le Code du duel,
par Chateauvillai d .
A défaut de solution donnée par cet
auteur, ils consulteront (Indiquer
le nom de l'auteur et le titre de l'ou-
vrage.)
MODÈLES DE PROCÈS-VERBAUX.
563
PREMIER POINT.
Conslalation des faits.
Les témoins éclaircissent avant tout
les faits qui constiluent le différend
et motivent l'appel. Ils doivent s'en-
tendre sur ce point avant de soulever
la question de savoir à qui revient le
droit d'offensé, le choix des armes, etc .
(Voyez notre cbap. xvii, page 142.)
Les soussignés exposent que : (Suit
l'énoncé des faits.)
DEUXIEME POINT.
Existence ou non^existence d'une
offense suffisante pour motiver la
rencontre, (Voyez nos chapitres ii
et suiv.)
S'ils décident qu'il n'y a pas eu
offense suflisante... (Voyez notre chap.
xviii, page 143.)
(^)
Les soussignés, après examen atten-
tif dos faits exposés au § 4*", n'ayant
trouvé ni dans les manifestations exté-
rieures auxquelles s'est livré M. Â.,
ni dans sa conduite, aucune intention
offensante vis-à-vis M. 0., estiment
qu'il n'existe aucune offense et qu'il
n'y a pas lieu de donner suite à
l'affaire.
(B)
S'ils décident qu'il y a eu offense
suffisante..., page U3.
Les soussignés, après examen atten-
tif des faits exposés au § 4®', déclarent
qu'il y a eu offense...
Ou bien :
Offenses réciproques.
TROISIEME POINT.
Valeur de l'offense.
Les témoins recherchent ensuite la
valeur de l'offense ou des offenses.
L'offense comporte trois degrés :
1« degré. Offense simple. (Tout ce
qui touche à l'amour-propre.)
V degré. Offense grave ou injure.
Que cette offense est une offense...
(Indiquer si c'est une offense simple,
grave, avec voie de fait. — Spécifier
le degré.)
Ou bien :
Déclarent qu'il y a eu offenses réci-
proques
^ K
564
SIXIÈME PARTIE.
(Tout ce qui touche à ThoDOdur, à la
considération privée.)
a*' degré. Voie de fait.
Sur la question des degrés, voyez
DOS chap. III, IV, V. — Château-
villard, chap. 1**% art. 8. — Taver-
nier, p. 82. — Du Verger, chap. i«',
art. 2. — Emile André, p. 495.
Que la première offense est une
offense (Indiquer comme plus haut
la nature et le degré.)
Que la seconde offense est une
offense. . . (Mômes indications.)
QUATRIÈMB POINT.
Les témoins recherchent à qui
revient la qualité d'offensé, suivant
que Toffense rentre dans un des cas
énumérés ci-dessous, mais sans dire
un mot des privilèges qui y sont atta-
chés, et sans faire connaître les pré-
tentions do leurs clients. (Très impor-
tant. — Pourquoi?) — Voyez notre
chap. XXII, page 459.
<•' cas. — S'il n'y a qu'une offense.
Voyez notre chap. viii, art. I**. —
Chateauvillard, chap. V. — Deux
premières lignes de Tart. i**. — Du
Verger, chap. i", art. 4.
2'^ cas, — S'il 7j a offenses récipro-
ques,
{A)
Offenses du même degré,
La qualité d offonsé revient à celui
qui a reçu la première offense.
Voyez notre chap. viii, art. 2, §1«'.
Du Verger, chap. i", art. 4.
Application de cette règle à V offense
grave.
Voyez notre chap. viii, art. 2, § 2. —
Chateauvillard, chap. i''', art. 2. —
Tavernier, p. 24. —Du Verger, chap. r,
rt. 7 et 9.
MODÈLES DB PROCÈS-VERBAUX.
565
Application de cette règle à la voie
de fait*
Voyez notre chap. viii,art. 2, § 3 et 4.
— Tavernier, p. 85. — Du Verger,
chap. i**, art. U, 42, 43, U. — Cha-
teauvillard, chap. i", art. 4".
Offenses de degrés différents.
Si à une offense simple il est répondu
par une offdnse grave, c'est celui qu i
a reçu l'offense grave qui est l'offensé.
Voyez notre chap. viii, art. 4. — Ta-
vernier, p. 24, § 3. — Du Verger,
chap. !«', art. 8.
S'il a été répondu à une offense
grave par une voie de fait, c'est celui
qui a essuyé la voie de fait qui est
l'offensé.
Voyez notre chap. viii, art. 5. —
Chateauvillard, chap. i", art. 4". —
Du Verger, chap. i", art. 40. — Ta-
vernier, p. 25.
3« cas. — Si la qualité d'offensé ne
ressort pas clairement de l'examen
des faits.
Les prérogatives attachées à cette
qualité sont tirées au sort.
Voyez notre chap. viii, art. 3 et 6. —
Chateauvillard, chap. i""', art. 3 et 4. —
Tavernier, p. 23 et 24. — Du Verger,
chap. I*', art. 5 et 6.
. ..Et que la qualité d'offensé doit
être attribuée à M. 0.
Ou bien :
Comme il résulte de 1 examen attentif
des faits que la qualité d'offensé ne
saurait être accordée à aucun des
adversaires, les soussignés décident
que la question de l'arme sera remise
au sort.
CINQUIEME POINT.
A cet instant, les témoins font leur s
efforts pour concilier l'affaire.
Conciliation. — Arrangements
amiables.
Voyez sur ces matières notre cha-
pitre XVIII, 4"* hypothèse et excuses,
p. 4 44 et s. —Chateauvillard» chap. m,
.•'iji
Aii^^-f'J
• ■ -^^^ «,:<■& Uft^
SIXIEME PARTIE.
arl. i,5,6,pages98,99.— Tavernier,
p. 391. — Du Verger, chap.rï,arl. 1i,
et observations sur cet article.
Les témoins peuvent rédiger, sui-
vant le cas, les clauses suivontes :
Si l'initiative de la propoûtion
d'arrangement vient du càt4 de l'ol-
Unsè, elsi les témoins de l'agresseur
acceptent.
Les léoKUDS de l'offensé ayant dé-
claré qne leur client était prêt i
terminer l'affaire d'une manière couci-
lisnte ai l'agresseur retirait ses maai-
fcsialions offenaanles... (Les indiquer
clei renient.)
Ou bien :
S'il faisait des ejcuses dans la forme
ci-»près... (L'indifiuer clairement.)
Ou bien :
S'il rxprimaitses regrets danslafoime
ci-après... (L'indiquer clsiremeut).
Les témoins de l'offensé ont dé-
claré y consentir.
11 en résulte que l'affaire se trouve
arrangée bonorablempnl p'jur les deui
Si l'initiative vient du côté de
l'agresseur, et si les témoins de l'or-
fcnsé acceptent.
Les témoins de l'agresseur ayant
déclaré que leur client était prêta
terminer l'affaire d'une manière con-
(Indiqucr la nature de l'offre.)
(On peut reproduire la formule du
paragraphe précédent.)
Les témoins de l'offensé out déclaré
y consentir. Il en résulte que l'affaire
est arrangée bon on ble ment pour les
deux parties.
u bien sans mentionner do qui
il 1.1 proposition d'arrangement.
Les parties étant tombées d'accord
sur l'opportunité d'un arrangement
amiable, col arrangement a été exé-
cuté en présence de. . . (Indiquer les
assistants.)
MODÈLES DE PROCÈS-VERBAUX.
667
De la manière suivante
Ou bien :
Dans la forme suivante
Les quatre témoins déclarent que
l'offense est réparée et l'affaire déûni-
tivement arrangée.
(D)
Lorsque les témoins d'une partie ne
veulent pas accepter les propositions
qui leur sont faites.
M' M' déclarent ne pouvoir ac-
cepter
{E)
Lorsque les témoins d'une partie
désirent en référer à leur client.
M** H' ayant déclaré vouloir con-
sulter leur client au sujet de... (Indi-
quer le motif) la séance s'est trouvée
interrompue à... (Indiquer l'heure.)
Elle a été reprise à ... (Indiquer
l'heure.)
IF)
Lorsque l'offensé refuse une répara-
tion amiable jugée suffisante par ses
témoins.
Voyez notre chap. xviii, page 445.
— Chateauvillard^ chap. iii> art. 4.
Attendu qu'une réparation a été
consentie par l'agresseur sous la forme
de... (Indiquer clairement en quoi elle
consistait.)
Que cette réparation, jugée suffi santé
par les témoins de l'offensé, a été re-
fusée par lui ; il en résulte qu'il perd
les droits attachés à sa qualité d'of-
fensé. (Indiquer lesquels, choix des
armes, du duel, des distances.)
Ils seront tirés au sort.
SIXIEME POINT.
Choix du jour, de l'heure^ du lieu
du combat, — Adjonction des mé-
decins.
Voyez notre chap. xxii, art. 5
et 6, pages 4 59 et suiv.
Le combat aura lieu tel jour, à telle
heure, dans tel lieu.
Chacune des parties amènera un mé-
decin.
Ou bien :
Les médecins seront amenés par.r.
SIXIÈME PARTIE.
Déclaration de l'a
dùliinvci
•, du duel et des L'offensé déclare choiMr telle anne.
iiisies. tel (iael, telle distance.
C'est spulemenl ï ce moment précis
que les témoins de l'offensé loot con-
naître l'arme, le duel, les dislances
qu'il choisit, selon que le degré de
l'oiTense lui donne droit il une de ces
prérogatives, à deux ou à toutes à la
fois.
L'offensé du proinier degré choisit
son arme, le choix du duel et des dis-
tances restant aux témoins.
L'offensédu dousiérao degré eboiât
son arme el son duel, le choix des
distances restant aux témoins.
L'offensé du troisième degré choisit
son arme, son duel et ses distances.
Cesclioixne peuvent être eiercés que
parinilssarnies,duels,dislanceslég3ui.
Ski* let prérogative» de t'offefué en
général.
Voyei noire chap. vn, page 146.
Sur le choix de l'arme.
Voyez notre chap. vu. — Chaloau-
villard.cliap. i", art. 9. — Tavernier,
page a. — Du Verger, chap. i",
art. S8. En cas de voie de fait, voyez
notre chap, vu. page 4S. — Cbaleau-
villard,chHp. i",arl. 41,chap. M,arl.4,
page 3S. Page 40, art. 4 et 6. — Du
Verger, cliap, vi, art. 9, chap. viii,
art. 0.
Sur 1rs armes It'ij'iles.
Épee, pistolet, sabre exceptionnel-
lement.
Voyez noire chap. vi. — Chateau-
villard.chap. ii. — Tavernier, chap. i",
page 19.
L'agresseur qui est dans le civil peut
refuser lo sabre.
MODÈLES DE PROCÈS-YERBAUX.
569
Voyez notre chap. vi, in fine, page
44. — Cbateauvillard^ chap. ii. — Ta-
vernier, page 300. — Prévost et Jolli-
vet, page 233. ^Contra, Du Verger,
page 489. — Emile André, page S23.
Sur le choix du duel.
Voyez nos chap. yh, page 47, xxii,
xxxvn. — Ghateanvillard, chap. i",
art. 4 0 et 4 2, chap. vi, art. 4 «^ et suiv.
— Tavernier, page tl, — Du Verger,
chap. 1*% art. 29, 34, et chap. vin.
Sur le choix des distances.
Voyez nos chap. vu, xxii, xxxvu.
— Château villard, chap. i«', art. 44,
chap. VI, § \^\ et à chaque duel au
pistolet les distances maxima et mi-
nima. — Tavernier, page 22. — Du
Verger, chap. i", art. 30.
_. "... .. .a- :
CONDITIONS SPÉCIALES AU DUEL A L'ËPÊE.
HUITIÈME POINT.
Choix des épées.
Les épées doivent être présentées à
l'examen des témoins dans le cas où
les adversaires ont le droit de se ser-
vir de leurs armes personnelles, et
dans celui où chaque partie apporte une
paire entre lesquelles on tire au sort.
Voyez noire chap. xxiu.
Conditions mises à Pacceplation
des épées.
Voyez tôirfc w et Taver nier, page 75.
— Du Verger, chap. vi, art. 8, 9, et
observations sur ces art ides . — La-
marche, Traité de Vépée, Marpon-
Flammarion, 1884, chap. ii.
Sur la question du poids, voyez
affaire de Morès-Mayer,daiis notre chap.
xxiii, page 169, et Lamarche, page42.
Le poids ne peut pas dépasser
530 grammes.
Cas où une épée se brise ou se
fausse pendant le combat.
Voyez notre chap. xxxiii. — Taver-
nier, page 174.
Deux paires d'épées ont été présen-
tées par les adversaires et acceptées
par les témoins. Le sort décidera celle
dont OD se servira.
Ou bien :
Chaque adversaire pourra se servir
de ses armes.
Si une des épées est mise hors de
service pendant le combat.. (Indiquer
comment elle sera remplacée.)
Si cet accident se reproduit une
seconde fois, ibidem,)
NEUVIEME POINT.
Mesure du champ où les adversaires
devront évoluer.
Maximum : 60 mètres de long sur
10 mètres de large.
Le terrain sera choisi par les quatre
témoins réunis et les places tirées au
sort. Le tirage au sort des places sera
indépendant de celui des épées.
Le champ dans lequel les adver-
MODÈLES DE PROCÈS-VERBAUX.
574
■;
Minimom : 40 mètres sur 8 mètres.
Voyez noire chap. xxiv. — Tavernier,
page 459. — Emile André, page 235.
Acte de franchir les limites. Nombre
de fois qu'il est toléré.
Voyez ibidem, — Tavernier, page
460.
saires pourront évoluer aura... mètres
de long et..« de large. (Indiquer ces
mesure.^)
L'acte de franchir (Indiquer le
nombre de fois.) les limites du champ
entraînera la cessation du combat.
DIXIEME POINT.
Toilette.
Obligation de se dépouiller de tout
ce qui peut arrêter la pointe de Tépée^
par exemple chemises empesées, etc.
— Cas de hernies, etc.
Voyez notre chap. xxv. — Chaleau-
viliard, chap. v, art. 6. — Tavernier,
pages 82 et suivantes. — Du Verger,
page 356. Observations sur l'art. 5
du chap. VI.
Les gants d^armes peuvent être
refusés.
Voyez Chateauvillard, chap. . v,
art. 40. — Tavernier, page 278. —
Du Verger, chap. vi, art. 40.
Les adversaires se battront le torse
nu...
Ou bien :
Revêtus d'une chemise non empe-
sée, etc. (Indiquer clairement le cos-
tume.) Gants de viile à volonté.
ONZIEME POINT.
Les adversaires pendant le combat.
Voyez notre chap. xxvii. — Cha-
teauvillard, chap. V, art. 4 6. — Taver-
nier, pages 461 et 476. — Du Verger,
chap. VI, art. 45.
Pendant la lutte, iOS combattants
pourront se baisser, se grandir, se
jeter à droite et à gauche, rompre, se
jeter en avant, voltiger autour de leur
adversaire, mais sans jamais faire de
coup pour l'exécution duquel le corps
prend une position susceptible d'être
confondue avec une chute.
DOUZIEME POINT.
Obligation de s'arrêter à IHnjonction
des témoins.
Voyez nos chap. xxvi et suiv.,
XXXVI.
Ils s'arrêteront instantanément aus-
sitôt que les témoins le leur enjoin-
dront par les mots : « Halte ! » ou
I « Arrêtez I »
SlXrÈME PARTIE.
Déiarmemenl viailile.
Voyez DOS chap. xisii ot xxxvi.
G hâte au ïi! lard, chap, v, art. 17,
pagû 10g.
Ils davront le faire spontané me ot
>n CBS de désarmement.
Bris ou fauuemenl d'ëpêei.
ytrfex 009 chap. xxxtii et xxxvi,
I ... De bria ou faussement (
rendant l'arme inoCTensive.
QUINZIEHE POINT.
Chuta. . .. De chute,..
Voyez nos chap, xx\iv ot xswi. -
Château vil lard, cbap. v, art. 17. -
Tavernler, page 175.
EUE POINT.
Bletsure.
Vûyz nos chap. xxxv et xxxvi.
Les blessures faites ou reçues doi-
ïenl ^Ire annoncées. — Pourquoi '
Ibidem, — Tavernior, pages 177 oL
... Et de blessure.
Toute bleasore devra être (iiDoucée.
Inleriliction déparer avec la main
qui ne mame pas i'i'pée.
Voyez notre chip, xxvni. — Cha-
toauvillard, chap. iv, art. hd, el
chap. V, art. 14. — Tdvernier, page246.
Eil-il permis de changer de mainf
Pour, voyez notre chap. xxviii.
— Prévost ot Jolhvet, page !Î9. —
Château villard reste muet,
Contra, Tavernior, page Î6i. —
Du Verger, chap. vi. art. 17, et obser-
vations sur cet article.
Il leur est inlerdit de saisir le fer
adverse, ou de parer avec la mainqui
ne manie pas l'épée (gauche ou droite
suivant que le tireur est droiiter ou
gaucher).
Il est permis de changer l'épée de
main, et do tirer à volonté avec la
droite ou avec la gauche.
MODÈLES DE PROCÈS-VERBAUX.
173
DIX-HUITIEME POINT.
Reprises. — Repos. — Leur durée.
Voyez notre chap.xxu.— Château-
Tillard, chap.iv,art. 42. — Tavemier,
page 454.
Le droit de fixer la durée appartient-
il à l'offensé du deuxième et du
troisième degré.
Voyez notre chap. xxix. — L'état
physique doit peser dans la balance.
— Idem,
La durée des reprises sera de. . .
(Indiquer le nombre de minutes.)
A la suite de chaque reprise il y
aura un repos de... (Indiquer le nombre
de minutes.)
DIX-NEUVIEME POINT.
Corps à corps. — Les corps à corps
sont interdits
Pour Va/firmative, voyez notre
chap. XXXI.
Contra, G. Jollivet et Prévost,
page 247. — Emile André, page 228. ;
Les corps à corps sont interdits.
VINGTIEME POINT.
Endroit où les adversaires devront
être replacés en cas de suspension
du combat.
Pour cause de repos, acculement,
corps à corps, désarmement. Bris et
faussement d'épée, chute, blessure et
Tiolation des règles du duel.
Cette question a été traitée par
nous en détail dons nos chap. xxix
à xxxvii.
Voyez Tavemier, page 457.
Dans le cas où le combat serait sus-
pendUf pour cause d'acculemcnt, de
corps à corps, de désarmement, do
bris ou de faussement d'épée, de chute,
de violation des règles du duel, les
adversaires seront replacés à l'endroit
qu'ils occupaient au moment où l'in-
cident s'est produit.
Le terrain conquis ne sera pas
rendu.
En cas de repos ou de blessure n'en-
traînant pas la cessation définitive
du duel, ils seront replacés au milieu
du champ. Le terrain conquis sera
rendu.
■; *> „
CONDITIONS DU DUEL AU PISTOLET.
Le choix du duel doit Cire exercé
parmi les dueU légaux, c'est-i-diro :
aa visa de pied ferme, à tir successif.
De pied fermo à volonté.
A marcher.
 marche interrouipae.
A ligne parallèle .
Au signal .
Au comoiaadement.
Le plus usité est le dut-1 au cont-
nianderoent.
Sur les avanlugps ol les inconvé-
nients do chaque duel, voyez noire
chap. xiïTii. — ChaleauvilUrd, chap.
vr. — Tavernier, pages 189 ol suiv.
— Du Verger, chap. vm.
Le duel choisi est le duel. ..(au com-
mandement par exemple]. Indiquer
clairement l'espèce.
Choix des distances.
Voyez dans nos chap. vu, xxwui à
Lv, el dans Clialeauvillard,cliap. vi, les
paragraphes consacrés au choix des
distances pour chaque espèce de duel.
I Les adversaires seront placés à la
distance de... (Indiquer cette mesure
on mètres.)
Pour les duels k marcher ; Ils pour-
ront avancer dp...
Délai pour tirer el riposici:
Le choix du délai appartient aux
témoins.
Voyez ncis cliap. xliv, xlvhi h lv.
— Ghateauvillard.diap, vi.
Le délai doit toujours avoir comme
Le délai pour échanger les balles
sera de,.. (Indiquer le nombre de
secondes) à partir du signal.
Aucun supplément de délai ne sera
accordé au blessé.
MODÈLES DE PROCÈS-VERBAUX.
576
point de départ anique le signal. (Très
important.)
Nécessité de diminuer de moitié les
délais fixés par Cbateauvillard. Pour-
quoi.
Voyez notre chap. xxxix. — Taver-
nier, page 209.
Suppression d'une augmentation de
délai en cas de blessure.
Voyez notre chap. xxxix. — Con-
sulter également le chapitre qui est
consacré spécialement au duel choisi
et où la question du délai est toijyours
traitée en détail.
Contra. Chateauvillard, chap. vi.
ONZIEME POINT.
Nombre de balles à échanger.
Si on ne convient pas que le duel
continuera jusqu'à [ce qu'un des ad-
versaires Eoit touché, les témoins dé-
cident combien il y aura de balles
échangées. Cette prérogative n'appar-
tient pas à l'offensé.
Voyez notre chap. xl.
Tant de balles seront échangées.
Coup raté.
Voyez notre chap. xl.
villard, page 37, art. 43.
DOUZIEME POINT.
— Château -
Tout coup raté sera considéré comme
tiré.
TREIZiéMB POINT.
Choix des pistolets.
Le droit de désigner les pistolets
qui serviront au duel appartient aux
témoins, excepté s'il y a voie de fait ;
alors l'offensé peut exiger que chacun
se serve des siens.
Voyez notre chap. xli. — Cbateau-
villard, page 35, art. 4.
La condition que chaque combattant
apportera sa. paire et qu'on tirera au
Les témoins achèteront (ou loueront)
une paire de pistolets neufs, absolu-
ment inconnus des adversaires. Elle
sera enfermée dans une botte scellée
qui ne sera ouverte que sur le terrain.
(Ou bien : si les adversaires sont ad-
mis à se servir de leurs armes.)
Chaque adversaire a présenté une
paire de pistolets, qu'après examen
les témoins ont déclarées propres au
combat. Elles seront enfermées dans
: ..1^> :
576
SIXIÈME PARTIE.
sort doit être rejetée comme facili-
tant la fraude.
Voyez notre cbap. iLm^ page 238.
Opérations déloyales dont les armes
peuvent ô(re l'objet. Manière de les
éviter.
Conditions mises au choix ou à
r acceptation des pistolets. (Armes
neuves, inconnues des adversaires, —
guidon fixe, détente de dureté égale,
paires choisies enfermées dans une
boite scellée qu'on n'ouvre que sur le
terrain, t irage au £ort de chaque
pistolet.)
y oyez sur ces questions nos cbap.
XL1, XLII, XLIII.
Manière d'atténuer les dangers do
la rencontre.
Voyez notre chap. xliv.
une boîte scellée qui ne sera ouverte
que sur le terrain.
QUATORZIEME POINT.
Chargement.
Par un chargeur de profession. —
Par les témoins. — Par un témoin
désigné par le sort. — Avant la ren-
contre. — Sur le terrain.
Voyez notre chap. xlv. — Chateau-
teauvillard, page 35, art. 6.
Le chargement a été opéré avant la
rencontre.
Ou bien :
Sera opéré sur le terrain par un
chargeur de profession choisi par les
témoins. . .
Ou bien :
Par un témoin désigné parle sort,
etc.
QUINZIEME POINT.
Toilette.
Voyez notre chap. xlvi, avec les
réfé 1 enccs pour les autres auteurs.
Les adversaires se battront dans tel
costume. (L'indiquer clairement.)
SEIZIEME POINT.
Choix du terrain. — Tirage au sort
des places.
Il est indépendant de celui des
armes. Voyez notre chap. xlvii.
Le terrain sera choisi par les quatre
témoins réunis. Les places seront tirées
au sort.
Le choix du terrain sera indépen-
dant de celui des armes.
CONDITIONS SPÉCIALES
AUX DIFFÉRENTES ESPÈCES DE DUEL AU PISTOLET '
DIX-SEPTIEME POINT.
Duel au visé de pied ferme,
à tir successif.
On trouvera les règles de ce duel
dans notre chap. xlyiii, et dans Gha-
teauTiUard, chap. vi, page 34.
A qui revient le droit de tirer
le premier?
A Toffensé en cas de voie de fait
et d'offense grave.
11 est tiré au sort en cas d'offense
simple.
Yoyez Ghateauvillard, page 34, art.8
et page 44S.
Manière dont les témoins de Tagres-
seor peuvent rendre illusoire le droit
de tirer le premier accordé à Toffensé
en cas d'offense grave, et arriver
par on moyen détourné au tirage au
sort.
Voyez notre chap. xlvuu
Duel au visé à volonté.
Yoyez notre chap. zlix. — Gba-
teauvillard, chap. vi, page 38.
Le droit de tirer le premier appar-
tiendra à H. 0. comme ayant essuyé
une voie de fait.
(Dans le cas contraire, on remplace
par : Il sera tiré au sort.)
Duel au visé à marcher.
Yoyez notre chap. l. — Ghateau-
villard chap. vi, page 39.
1. Yoyez Ghateauvillard, chapitre vi, et observations sur le dael au pistolet, page llOi
37
SIXIÈME PABTIK.
Duel au viiè à marche
interrompue.
Voj-ez notre cliap. ii. — Clialeau-
villard, page 45,
Dael au Hië à ligne parallèle.
Château villard, cbap. vi, page 4'J.
Voyez noire chap. lui, etCbateau-
villard, chap. tt, page 53.
A qui apj'arlieni le droit de donner
Aax lémoins de l'etTensé en cas de
voie de fait. En cas d'oflenge grare ou
simple il est lire au sort.
VofezClialeauvJtlard, pageSi, art.S
et 9. — Du Verger, page 388, art. 6
ei 7.
Délai dans Iwjuel le signal doit ftre
donné, ibidem, ibidem.
Le lémoin do l'otTetifé avec voie de
fdil n'est pas lenu d'avertir du délai
clio
ilnde?.
Voyez notre chap. llv, el Tavernier,
page S 15.
A qui appartient le droit de donner
le commaiidemenl?
Même solution que pour le duel au
signal. Voyezpage S17.
Délais dans lesquels le commdnde-
menl doit Être donné.
Voyez notre ciiap. uv, et Tavernier,
page 2 1 7.
) SIgD!
On tirera au sort par qui '.
sera donné.
Ou bien, en cas de voie de Taii
M. X... est désigne pour donner I
signal.
Le laps de temps accordé pou
échanger les balles est do... dans l
premier cas (si les témoins do l'offenst
veulent bien le f.iire connaître]... e
de. .. dans le second.
Mémo formule que pour le duel pré-
cédent, seulement on remplace le mol
V signale parlemot « commandements .
MODÈLES DE PROCÈS-VERBAUX.
579
Position que doit occuper le pistolet
avant de tirer.
La position verticale est préférable
à la position le boJt tourné vers la
terre. Si on adopte cette dernière, il
estnécessaire de spécifier à quelle dis-
tance le bout du pistolet devra étre^
éloigné du pied. Voyez notre cbap.
LX1V, page 259.
Avant de tirer, les adversaires tien-
dront le pistolet verlicalement.
OIX-HOITIEME POINT.
On terminera par l'indicatioi du
degré de gravité que devra présenter
la blessure pour amener la cessation
do combat. — A outrance. — Mise
hors de combat. — Impossibilité de
continuer. — État d'infériorité. —
Bael au premier sang.
Les médecins seront-ils consultés à
litre impératif ou comme reoseigne-
moDt?
L'avis conforme des médecins et
des témoins sera-t-il nécessaire?
Voyez nos chap. xxii et xxxv.
Le combat cessera après une bles-
sure. (Indiquer le degré de gravité né-
cessaire.) Les médecins seront con-
sultés à titre...
DIX-NBUVIEMB POINT.
Désignation de la personne appelée
à diriger le combat.
Voyez notre chap. xxvi.
Les témoins ont convenu de char-
ger M. X. de diriger le combat...
Oa bien :
M. X. a été désigné par le sort
pour diriger le combat.
VINGTIEME POINT.
Approbation du procès-verbal par
les adversaires. — Signature.
Voyez notre chap. xxi.
On termine ainsi :
Les conditions insérées auditprocès-
verbal ont été lues aux adversaires et
agréées par eux. (Suivent leurs signa-
tures et celles des quatre témoins.)
58a SIXIÈME PARTIE.
Procès-verbal après la rencontre.
En présence des témoins soussignés a en lieu aujourd'hui, à ...... heure
....... minutes à (indiquer le lieu) entre MM
(noms, prénoms, qualités) un duel à (indiquer l'arme), conformément
aux conditions préalablement établies dans un procès-verbal en date du
signé et approuvé par les deux parties, toutes les tentatives de con-
ciliation renouvelées sur le lieu du comb at étant demeurées sans résultat.
Ainsi quMl avait été convenu, M. X*** a pris la direction du duel.
Le duel s'est passé de la manière suivante
(La marche du duel doit être racontée briè vement, lorsqu'il n'y a point à
mentionner d'incident particulier. Dans le cas contraire, l'incident doit être
exposé aussi exactement que possible, surtout lorsqu'une irrégularité ou une
violation des règles du duel a été commise, et que cette irrégularité ou cette
violation entraîne disqualification ou nécessité d'une intervention de Tautoiité
judiciaire*}.
En foi de quoi
Signature des témoins :
Les témoins de M. A*** Les témoins de M. 0***.
1. Voyez notre chapitre lvii.
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Rauter. — Droit criminel français, 2 vol. in-8°, 4836. — Le n^ 444,
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WoRUS. — Les Alleitlats à l'honneur, diffamation, injures, outrages,
adultères, duels, e\c., in-8°, 1890, Paris, Perrin.
TABLE DES CHAPITRES
AYB1TIS8IMBNT,
PREMIÈRE PARTIE
Cbapitie I'^.
— IL
— III.
— IV.
— V.
— VI.
— VIL
— VIIL
— IX.
— X.
— XL
XIL
XIIL
XIV.
XV.
XVL
XVIL
XVIII,
— Législalion da point d'honneur. — But. —
Utilité. — Code de Ghaleauvillard .... 4
— Des offenses en général 9
— De la valear et du classement des offenses. . 43
— De Toffense étudiée dans sa nature 44
— De l'offense au point de vue des circonstances
quila modifient 30
— De la nature des armes 41
— Privilèges de l'offensé 46
— Détermination de la personne offensée. ... 52
— Une seule réparation pour une même offense. 66
— Personnalité des offenses. — Substitutions . 73
— Responsabilité des parents, des protecteurs de
la femme, des journalistes, des maîtres,
commettants, supérieurs hériarcbiques,
mandants, des avocats et de leurs clients. 85
— Incapacités. — Avec quelles personnes un
duel n'est pas admissible 405
— Des témoins. — Qualités d'un bon témoin. . 4 28
— Empêchements au rôle de témoins 4 30
— Engagement de l'affaire. — Constitution de
témoins 432
— Rôle des adversaires et des témoins à partir
du moment où l'affaire est engagée jus-
qu'à la première rencontre de ces der-
niers 435
— Rôle des témoins une fois constitués. — Instruc-
tion de l'affaire. — Constatation des faits. 440
— Solutions données à l'affaire après la consta-
tation des faits 443
586 TABLE DES CHAPITRES.
Chapitre XIX. — Arbitrage. — Jury d'honneur 448
— XX. — Mandat des témoins. — Sa nature. — Récu-
sation. — Démission. 452
— XXI. — Procès-verbal de rencontre. — Son utilité. —
Conditions qu'il doit renfermer 456
— XXIL — Stipulations communes à tous les duels. . . 458
Conditions spéciales au duel à l'épée.
Chapitre XXIIL — Choix des épéeç 468
— XXIV. — Choix du terrain. — Mesure du champ. —
Tirage au sort des places 472
— XXV. — Toilette. — Visite. — Gants 474
— XXVI. — Le directeur du combat 477
— XXVII. — Les adversaires pendant le combat. ... 482
— XXVI H. — Usage de la main qui ne manie psi3 Tépée. 483
— XXXIX. — Les reprises et les repos 487
— XXX. — L'acculoment 190
— XXXI. — Le corps à corps 194
— XXXII. — Le désarmement 493
— XXXIII. — Le bris et le faussement d'épée 494
— XXXIV. — La chute 495
— XXXV. —La blessure 497
— XXXVI. — Devoirs des témoins et des adversaires
dans les cas prévus chapitres xxvni et
suivants 499
Chapitre
XXXVII.
XXXVIII.
—
XXXIX.
—
XL.
XLF.
_^
XLIl.
Conditions spéciales au duel au pistolet.
— Choix du duel iOt
— Choix des distances 24 4
— Détermination du délai pour tirer .... 245
— Coup raté. — Coup tiré eu l'air 223
— Choix des pistolets 228
— Conditions mises au choix et à l'acceptation
des pistolets 229
— XLIII. — Opérations déloyales dont les pistolets
peuvent être l'objet 233
— XLIV. — Manière d'atténuer les dangers de la ren-
contre 242
— XLV. — Chargemonl 244
— XLVI. — Toilette. — Visile 245
— XL VII. — Choix du terrain. —Tirage au sort des
places 246
TABLE DES CHAPITRES.
587
Chapitre XLVIII. — Duel au visé de pied ferme à tir successif. 247
— • • XLIX. — Duel au visé de pied fermeà volonté. . . 262
— L. — Duel au visé à marcher 253
— L I. — Duel au visé à marche interrompue . . . 255
— * LU. — Duel au visé à ligne parallèle 256
— LIIL — Duel au signal 256
— LIV. ^ Duel au commandement 259
Conditions spéciales au duel au sabre.
Chapitre LV. — Duel au sabre 265
— LVL
— LVH.
— LVIIL
— Violation des règles du duel. — Provoca-
tions à la suite et à cause du duel. . 265
— Procès-verbal après la rencontre .... 270
— Duels exceptionnels 274
DEUXIÈME PARTIE.
Responsabilité pénale des témoins et des adversaires.
Chapitre LIX.
LX.
LXI.
LXIL
LXIIL
LXIV.
• .
LXV.
LXVI.
L-XVIL
Provocation en duel entre personnes non
revêtues d'un caractère public ... 278
Provocation en d\)el aux personnes revê-
tues d'un caractère public 279
Procès- verbal constatant qu'une per-
sonne revêtue d'un caractère public a
refusé de se battre 283
Influence de la perpétration et de la pu-
blicité sur la juridiction compétente. 289
Provocat on entre militaires de grades
tn^^at^ dans l'armée de terre. — Ar-
mée active. — Réserve. — Armée ter-
ritoriale. — Adversaires. — Témoins.
Cassation. — Non-activité. — Ré-
forme. — Plainte, — Jury d'honneur. 291
Provocation entre militaires de grades iné-
gaux. (Armée de mer.) 346
Conséquences pénales du duel entre indi-
vidus non militaires 348
Conséquences pénales du duel entre mili-
taires 326
Conséquences pénales du duel relative-
ment aux témoins 327
TABLE DES CHAPITRES.
Chapitre LXVIII.
LXXII.
LXXllI.
LXXIV.
- Exercice de l'aciioD publique dans l'inté-
rieur du terriloire 3^^^
■ Situation faite par Ja toi française aux com-
baltsnifi et aux lémoins, lorsque le duel
a eu lieu à l'élranger 3^ ■
- Conditions mises à la poursuite des adver-
saires et des témoins, lorsque le duel a
eu lieu à l'élranger et que le fait dont
ils sont inculpés est qualifié crime. . 33-*
■ Conditions mises à la poursuite des adver-
saires et des icmoins, lorsque le duela
eu lieu à l'étranger et que le fait dont
ils sont inculpés est qualiGé délil. . 33!:^
- OxtinctioD de l'action publique ..... 34'?'
- Eïtradiiion 34»
- Moyens que les adversaires et les témoins
peuvent tenter pour échapper à la
sanction do la loi pénale 35i
^TROISIÈME PARTIE.
Responsabilité civile des adversaires et des témoins.
piTHB LXXV. — Élémentsdola responsabilité civile. — Con-
ditions relatives au dommage soul-
fert. — Aqui appartient l'action enres-
ponsabilité civile? — Pereon nés contre
lesquelles elle peut être intentée. . . 36t
— LXXV!.' — Modes d'obligation des personnes respon-
sables. — Solidarité. —Exécution des
con dam nations sur les biens et sur la
personne 364
— LXXVII. — Gompéience. — Action civile portée de-
vant les tribunaux de répression. —
Devant les tribunaux civils. — Preuve. 3G6
— LXXVIH. — Extinction de l'action civile. — Renon-
ciation. — Transaction. — Désiste-
ment. — Prescription 369
— LXXJX. — Moyens que les adversaires peuvent tenter,
ainsi que les témoins, pour éviter
l'action en responsabilité civile. . . 37i
TABLE DES CHAPITRES. 589 ,^:
'.. - 1"
■A
. -fi
QUATRIÈME PARTIE. Iv^
Responsabilité religieuse.
Chapitre LXXX. — Église catholique. — Église protestante. . 377
CINQUIÈME PARTIE.
Le duel en pays étranger.
CbapitreLXXXI. — Règles du dael en Allemagne, en Autriche,
en Italie, en Ëspagoe 384
— LXXXII. — Textes des lois qui répriment le duel danâ qua-
rante-huit États ou cantons de l'Europe. 403
SIXIÈME PARTIE.
Appendice. — Pièces justificatives 441
RÉSUMÉ 509
Modèles de procès-verbaux avant et après la ren-
contre 362
Index bibliographique 581
'^«1
*\
-■?i
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1
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«1
à
TABLE DES AFFAIRES
RAPPOETÉES DANS L'APPENDICE.
I
N->. CAapilm
I. AfTairo Laur-Thomson IV.
i. LettrominislârielleiDlerdisaDt l'emplui du Heu rel dans les
duels militaires. . . VI et LXVI.
3. Affaire do M*"-de La P*" VII.
4, Affaires Fioqnot-Boulanger ; Clômenceau-Déroulède; Cle-
menceau-Mil! evoye VIII.
5 Affaire Ritter-Appleloa VIII.
6. Affaira des I*" et J'"-M— VQI.
-. Affaire Gèromo-Steveus . .' VIII.
M. Affaire Armand Carrel-Ëmile de Girardln IX.
9. Affaire X...-Perrior IX.
10. Affaire de Pène-Courtiels-Hyène IX.
H. Affaire Crestin-Caialot . (X.
i%. Affaires P elletier-Tra verso ; Bonaparte Wyse-de Solms-
E. Lepelleticr . X.
13. Exemple tiré du Maiire île forges XI.
14. Affaires Maret-Andrieui; J. LafiUo-comte de Dion;
J. LaûUe-AlberlWolf XI.
15. Affaires de Broglie-de Trédern ; Lissagaray-P. de Cassa-
gnac; duc de iMontpetisier-Infant de Bourbon . . . XII,
16. Affaire GrodeUPortalis XII.
17. Affaire du capitaine desH*" et de l'ei-lieutenant F"* , XII.
18. Affaire de M"Me La P*' XII.
19. Affaire de B'^'-Paul F"*. — Affaire Judet-Clémenceau-
Uaujan-PicboD XII.
ÎO. Affaires Rochefort Cls-L*** ; V***-Arltiur Meyer; Haut de
Uissus-comte de Delva XI et XII.
TABLE DES AFFAIRES. 691
H. Affaires Sevestre-Félix Pyat; Bonaparte Wyse-Edmond
Lepelletier . XIl.
!!. Aftireades l***-J"'-H*'*i Ledal-Maû-roy XII.
SI. Affaire Dupais-Haberl XIII,
ii, Affiiire Desraes-Clovis Hugues XIV.
ft. Affaire do Pène-Courliels-Hyène. '.'...' XIV.
Î6. Affaire Dupuis-Haberl XIV,
ï7. Affaire Luilier BoiroQ XV.
i8, Affaire Naquol-Mon vielle XVI.
59. Affaire b"'-J"» XVI.
30. Affaire do Sirémes-de Loucelles , XVI.
31. Affaire Pierre Bonaparle-Viclor Noir XVI.
.rt. Affaire JJkliûrd-JeJHassaâ '. XVI.
23. Affaire Itoziez-de M*** XVI.
34. Affaire Ritlyr-Aiijilelon XVI.
35. Affaire Lo\ asseur-Ardghi XVI.
36. Affaire Ollivier-Feuilherade XVII.
37. Affaire Betz-PierotU XVU.
38. Affaire de Marseul-Daudier '. XVII.
39. Affaire tteinacli-Ilocliefort '. XVIII.
40. Affaire Dapuis-llabert XVIII.
il. Af&ire BaroD-Pesson XVIII.
il. Affaire DuifULs-IIabert .'..'.■ XVIII.
43. Entre élèves à Saumnr XVIII.
ii. Affaire Hoclieforl-Dreyfus .' XVIII.
iS. A^ire JMaurel-Clâmenceau XlX.
46. Affaire de Calonne-FiorentinO'Acbard XIX.
47. Affaire Ro***-Re'" XlX.
48. Affaire Be»**-Ce'** XX.
i9. Affaire B'»'-D*»*, à Grenoble XX.
60. Affaire Grandin-Durand XX.
61. Affaire Cliapuis-Dsckeirel-Naquel-Mofl vielle XXI,
63. Affaire OJyssR-Barrot-Jeckor XXI.
63. Affaire Lemerle-de Hosny XXI.
6i. Affaire B***-Meuaier-Ve8C0t XXII.
66. AOïiire Dicbard-de Uassas XXII.
56. A&ire Dujarrier-de Beauralloa XXJI.
67. Aff^re A'^-d. V»** XXJI.
68. Affaire S'**-M" XXJl.
B» TABLE DES AFFAIRES.
N«. Cbapltret.
59. Affeîro Drumont-Ueyer XXII.
60, Affaire Niquet-MonTiells XXII.
m. Affaire Uvertujon-B*»' XXII,
lit. AlTaire do Uriqueville-doc de Dalmatie. ■ . . XXII.
es. Al^ro BeU-PwroIli XXU.
tit. Affaire Urumont-Meyor XXII.
65. \!tÛTO Naquol-Monvielle XXlll.
66. Affaire Ollivior-Feuilherade XXIII.
67. Ailiiîrc Uichard-do Massas XXIV.
68. Affiûre C"*-!"" XXIV.
fi9. Ail'ftiro Dfumonl-Moyer XXIV.
70. Affaire iliins un atelier XXV.
1{. Affaire OlUvior-Feuilberade XXV.
71. Affaire Naquot-Monvielie XXVII.
73. AI11iirt>CliBpui&-D©ckeirel , . XXVIII.
7i. Affaire Uarzoïu-Moréas XXVIU.
75. Affaire Ollivicr-Fwiilherade XXIX.
76. Affaire Pons-San-Matato XXX.
77. Affuiro nrumonl-Meyar XXXI.
78. Affaire Pierre Bonaparte-duc de Bovïgo XXXll.
79. Affaire OUivier-Feuilherade XXXIII.
SO. Affaire Belz-PieroUi XXXV.
81. Affaire Slermeii-de Labruyère XXXVI.
8i. Affaire Cosle-Benolt XXXIX.
83. Affaire Maiard-de Monlbron XXXIX.
84. Affaire Reinach-Déroulède XL,
85. Affaires Chanibellan-BouchardoD ; La Brnnen&-<le Romans;
Ferrer-Abiet; Mazard-de Montbron XL.
86. Affaire La guerre- Dé roulède XL.
87. Affaire Uira-Dovalle XL.
88. Affaire Dujarrier-de Beauvallon XLIII.
89. Affaire Leir.erle-de M*" XLIU.
90. Affaires d'Ornano-BonnetiLaisanl-de La Hochette \LV1.
9). Affaire Lovasseur-Arrighi ■ XLVUI.
9i. Affaire de T'"-P"* XLVUI.
93. Affaire Dreyfus-de Mores - XLVIII.
94. Affaire Dujarrier'de Beauvallon L.
95. Affaire Rilter-Appleton LUI.
96. Affaira Naquet-MonTiollo LVI.
TABLE DES AFFAIRES. 593
N»». Chapitre*.
97. Affaires Mermeiz-de Labruyère ; Mermeix-Castelin ; Menneix-
Lepelletier; Mermeix-Millevoye LVI.
98. Affaire Naquet-Monvielle LVI.
99. Affaire T***-R*** LVU.
400. Affaire Mermeix-de Labruyère LVII.
401. Affaire Drumont-Meyer LVII.
402. Affaire Dujarrier-de Beau vallon LVII.
403. Affaire Darzens-Moréas LVII.
404. Ordre du jour du ministre de la guerre, 44 juin 4835 .... LXIII.
405. Ordre du jour du ministre de la guerre, 3 février 4838. . . . LXIII.
406. Tribunal fédéral; audience du 27 août 4883. — Affaire
Lennig LXXBI.
407. Affaire du lieutenant Wernert LXXIV.
408. Affaire T***-R»** LXXIV.
409. Affaire Rochefort-Isaac LXXIV.
440. Affaire Marchis-Duchassin LXXIV.
444. Affaire Laguerre-Déroulède LXXIV.
442. Affaire Déroulède-Clémenceau UV.
443. Affaire Servan-Gietsch LXXXI.
444. Affaire Barbier-Mont-Louis XXIf.
445. Affaire Drumont-Casimir-Perier-Thomeguex X.
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Paris. — May et Motteroz, Lib.-Imp. réanies
7, rue S&iDt-Benolt
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i'Hii-. May et Moirriio;. Ijli.-lin|). réunies
7, rue Shini-BcDoit
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