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IT9S 17&4 ' t795
DAPRÈS DES DOCUMENTS INÉDITS
Par FELIX CLEREMBRAY
Avec Pré&ca de O^ùrgûB DtîBOSO
ROUEN
UHRAIRË
Rue lâanuê'dÂre, ii
PARIS
LîBUAmES
Rm Bonaparte. S2
1901
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LA TERREUR A ROUEN
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LA TERMUR A Rfllli
1793 - 1794 - 1795
D'APRÈS DES DOCUMENTS INÉDITS
Par FÉLIX CLÈREMBHAY
Avec Préface de Georges DUBOSO
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ci
A Monsieur Poivre,
Conservateur des Eaux & Forêts
en retraite, Chevalier de la
Légion d'Honneur & du Mérite
Agricole» à Compiègne,
Et à Madame Poivre,
née de Savoye.
Hommage respectueux de
ma vive reconnaissance.
Félix Clérembray.
17878G
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PRÉFACE
Dans la première préface de son Histoire de la Révolution,
Michelet, répondant aux critiques si acerbes que Louis Blanc avait
dirigées contre son œuvre, s'écriait : « Peut-on écrire à Londres,
riiistoire du Paris révolutionnaire? » En cela, il avait raison, car il
voulait dire que Thistoire d'une époque déterminée se déroulant
dans une ville, ne peut être écrite que par un historien vraiment
local, possédant l'esprit, le tempérament, le caractère du pays,
connaissant à fond les mœurs, la vie, les habitudes du terroir, et
pouvant ainsi pénétrer les causes, les raisons intimes des événements
qui s'y sont déroulés. Seul, l'écrivain qui rentre dans ces conditions
est en mesure non-seùlement de recueillir les documents les plus
cachés et les plus secrets, mais de les contrôler, de les vérifier, d'en
connaître et d en apprécier la valeur avec une justesse impartiale, et
une sagacité absolue.
Quand on a affaire à une période aussi troublante, aussi agitée
que la Terreur révolutionnaire où les ressorts des passions mises en
jeu sont parfois si mystérieux, ces conditions historiques s'im-
posent encore plus vivement. Heureusement, l'auteur qui a signé ce
livre sur la Révolution à Rouen. M. F. Clérembray, répondait à ces
nécessités de l'érudition historique. Normand, ayant approfondi, en
des travaux précédemment remarqués, certains coins intéressants de
notre histoire locale, il était en mesure de mener avec impartialité
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II
la grande enquête qu'il avait entreprise sur les hommes et les événe-
ments de la Terreur rouennaise. Dans cette t&che difiScile, il n'a
épargné ni son temps*, ni ses recherches, ni ses démarche^, et le
lecteur s'en apercevra certainement à la solidité de son œuvre. Par
de longues heures passées à feuilleter les archives révolutionnaires
dans nos grands dépôts publics, en revivant, pour ainsi dire, dans la
poussière des liasses maintes fois manipulées, les faits douloureux
et tristes de ces jours enfiévrés de passions populaires, M. Clérembray
s'est, en quelque sorte, identifié avec les hommes et les choses
révolutionnaires. Des milliers de notes, prises au courant de longues
lectures, lui ont rendu familiers les origines, les antécédents,
l'existence, le rôle joué par les Terroristes rouennais, et il a pu,
ainsi renseigné minutieusement, ainsi éclairé par les documents et
les pièces, porter sur eux un jugement raisonné et approfondi.
C'était la vraie méthode, celle qui s'imposait dans un travail de
ce genre, entrepris sans parti-pris d'école historique avec le seul
souci delà vérité. A deux points de vue, M. Clérembray se devait
de la suivre. Tout d'abord, parce que la Terreur en province reste
toujours mal connue. Ensuite, parce que les documents contem-
porains, souvent fort restreints, portent, la plupart du temps,
la marque et le reflet des passions et des haines.
Pour la Révolution parisienne, pour Paris, centre de l'action
révolutionnaire, les documents surabondent, surtout en ce qui
concerne la Presse, qui a pris un développement si prompt et
si irrésistible, débordant alors avec tant d'impétuosité et de fracas,
qu'il semble qu'elle ne date que de celte époque. Journaux, pam-
phlets, publications, affiches, caricatures, petites feuilles, nés au
gré des événements, sont une mine inépuisable de renseignements
qui nous restituent non-seulement les faits, mais l'esprit, la tour-
nure, l'air ambiant. En province, quelle que fût la violence de la
transformation apportée par la Révolution, il n'en est pas ainsi, et
c'est là une difficulté de plus pour les historiens. A Rouen, sous la
Terreur, les feuilles publiques, — c'est un fait qu'ont pu constater
tous ceux qui les ont feuilletées, — sont muettes, ou, pour une grande
partie, ont été très habilement expurgées. Peu ou point de brochures
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III
n n plus pendant cette période; on est loin de Téclosion des
Dombreuscs petites feuilles parues aux commencements de la Révo-
lution, des Avis aux Normands et pamphlets similaires.
Les mémoires personnels n'existent point non plus. Les hommes
publics qui prirent part au mouvement révolutionnaire en province
n'ont pas eu le temps et les loisirs d'écrire, au jour le jour, leurs
impressions personnelles. Suivant le mot célèbre. . . « Ils ont vécu, »
et c'était certes à cçtts époque un problème à résoudre suffisant. Les
uns étant venus à résipiscence quand la tourmente fut passée,
nommés sénateurs ou préfets, sous TEmpire ou la Restauration,
n'ont guère eu à coeur d'attirer postérieurement l'attention sur
leurs faits et gestes. Les autres, s'ils n'abandonnèrent en rien
leurs opinions, n'osèrent plus les proclamer sous les gouvernements
d'autorité qui succédèrent au régime républicain. Aussi bien, sur-
tout sous la Terreur, les hommes qui menèrent en province le mou-
vement jacobin, ne furent que des exécuteurs médiocres des pensées
transmises par les comités parisiens et par la Convention. C'est ce
que Taine a si rigoureusement démontré.
Restent les mémoires écrits, non par les auteurs du drame
terroriste, mais par ceux qui y ont assisté. Avec justesse, M. Clé-
rembray ne leur attribue pas une valeur historique et documentaire
absolue. La plupart du temps, ces mémoires, d'une impartialité
relative, gardent, p:ur certains personnages, des ménagements qui
seraient incompréhensibles, si on ne les savait plutôt dictés par la
reconnaissance que par le souci de la vérité. C'est le cas des
mémoires bien connus d'Horcholle, simples notes écrites au jour le
jour, par l'ancien procureur à la Chambre des Comptes, sur des
événements auxquels il semble ne pas avoir toujours assisté et dont
il parle d après les feuilles publiques. M. Clérembray trouve qu'en
son temps Horcholle dut être regardé comme révolutionnaire. Tel
n'est point tout-à-fait notre avis. En ses notes fort sèches, Horcholle
nous apparaît plutôt comme un esprit étroit et sans largeur d'idées,
imbu des préjugés anciens, ayant pu accepter certaines théories
réformatrices dans la grande querelle des Parlements, mais n'ayant
rien compris au mouvement si large, si beau, si fraternel de la Révo-
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IV
lutioQ à ses débuts. Comme mémoires personnels, àcôté de ces notes
rouennaises, on ne peut guère citer que les mémoires, tout récemment
publiés, de M™* de Chastenay, car le manuscrit, trop vanté, de M. de
la Querière ne contient que des fragments bien courts où l'on
puisse trouver des appréciations ou des observations réellement
« vécues. »
Mêlée par hasard aux hommes et aux choses de la Révolution h
Rouen, M*"^ de Chastenay, quelle que fût la délicatesse affinée de soa
esprit, n'a pu juger bien profondément les grands faits qui se sont
déroulés sous ses yeux. Jeune, frivole, entichée de certains préjugés
de noblesse, poussée parfois par une jalousie féminine qui ne par-
vient pas à se dissimuler, elle n'a guère les qualités rigoureuses de
rhistorien. La Révolution semble n'avoir été pour elle qu'un mau-
vais moment à passer : elle Ta aperçue de loin, par une fenêtre de
cette vieille abbaye de Sain t-Ouen, où elle avait trouvé un abri, et
h cette distance, les Terroristes les plus farouches lui sont apparus
conime de braves gens fort serviables, dont, somme toute, elle n'a
pas eu trop à se plaindre.
En cette absence de mémoires personnels, apportant leurs
témoignages, M. Clérembray a dû surtout faire surgir, pour ainsi
dire, ses appréciations sur cette période historique, des faits eux-
mêmes. Ce sont les documents, les actes, les pièces officielles,
contrôlés et rapprochés les uns des autres, qui ont pu lui livrer les
secrets et les motifs des acteurs révolutionnaires. Les procès-
verbaux de leurs délibérations, les dossiers de leurs commissions, de
leurs comités si nombreux, les rapports de police, les correspondances
ont seuls pu lui permettre d'éclairer ce qu'on peut appeler les
« points obscurs » et, parfois volontairement obscurcis, de la Révo-
lution rouennaise. C'est là, certainement, Toriginalilé profonde, la
marque de ce volume.
Pour arriver à ce but, M. Clérembray a utilisé deux sources de
renseignements qu'on peut considérer comme presque inédits.
Tout d'abord, il a su se servir des innombrables documents conservés
aux Archives municipales de Rouen, fonds à peine effleuré par
M. Gosselin dans son excellenteétwdeûes Episodes révolutionnaires.
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Il y a là une infinité de documents peu connus, demeurés pour la
plupart inédits, et dont la publication, si jamais on osait la tenter,
constituerait une véritable histoire de la Révolution à Rouen.
En second lieu, il a été donné à lauteur de la Terreur à Rouen
de pouvoir consulter les registres, jusqu'alors absolument inconnus,
de la Société populaire de Rouen. Tout au plus, de nos jours, avait-
on pu parcourir un de ces registres, sur une copie faite au début du
siècle. Ils sont pourtant au nombre de treize, renfermant plus de
quatorze cents pages, et, à eux seuls, ces procès- verbaux forment la
plus mouvementée, la plus documentaire des révélations sur le
Rouen révolutionnaire. Là, en ces grandes feuilles de fort papier, à
peine jaunies par le temps, couvertes d'une large écriture paisible,
revivent toutes les discussions, tous les actes, toutes les passions
d'une époque, qui, malgré tout, fut grande, tous les espoirs et tous
les rêves de ces hommes de la Révolution. Mieux que partout
ailleurs, sous la phraséologie pompeuse dont ils aimaient à parer
leurs idées, on y sent leur esprit , on y retrouve un peu de leur
àme, on y entrevoit leur caractère et le mobile de leurs actions. Et,
malgré tout, en feuilletant ces pages, on ne peut oublier que c'est de
leurs efforts, de leurs luttes fratricides, de leurs conceptions, môme
les plus sanglantes, qu'est sorti un monde nouveau ! Quoique incom-
plets, ces procès- verbaux, que personna n'avait jamais consultés avant
M. Clérembray, ont puissament aidé l'historien dans son travail et
lui ont fourni les meilleures pages de son œuvre.
C'est grâce à cette recherche de documents inédits que
M. Clérembray a pu apporter des contributions nouvelles à l'histoire
révolutionnaire dans notre région et redonner aux hommes qui ont
été mêlés aux événements de cette période une physionomie plus
exacte et plus véridique que celle sous laquelle on les a dépeints. Il
y a là un travail de remise au point très curieux et qui saisira cer-
tainement l'esprit du lecteur. Il a pu ainsi replacer sous leur vrai
jour plusieurs personnalités rouennaises : M. d'Herbouville ,
M. Rondeaux, M. de Fontenay, dont la légende de modération perd
un peu à être examinée et serrée de près ; il a pu également dépeindre
les mouvements royalistes à Rouen et rendre au procès d'Aumont
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VI
et à Téchaufifourée de la place de la Rougemareleur véritable carac-
tère. Au fur et à mesure que les événements se pressent, M. Clé-
rembray nous y fait assister, en fournissant de nouveaux détails
inédits et très complets sur les premiers émigrés, sur leurs biens et
aussi sur le mouvement, très peu connu, auquel donna lieu la vente de
leurs propriétés, acquises par de louches syndicats dans lesquels les
futurs Terroristes ont trop souvent pris part. Les chapitres que
l'écrivain consacre à la Société populaire ti à ses différentes trans-
formations ne sont pas moins fortement documentés. On y voit
apparaître les principaux acteurs de la période terroriste : Vimar,
Forfait, Brémontier, Thiessé, Pillon, Poret, Guttinguer, Lézurier,
Blanche, Lamine, Bérard, Vernon, Descroizilles, Laumônier,
Lefebvre-Signol, et on y note d'un trait l'influence générale que la
jeune Société exerce, dans toutes les manifestationsde la vie politique,
sur l'élection des évêques et sur les élections à la Convention.
Le développement du Fédéralisme, le rôle de médiateurs que les
révolutionnaires rouennais semblent avoir voulu prendre entre Paris
et les départements dissidents, la suspicion qui en résulte pour la ville
de Rouen, ne sont pas expliqués avec un moindre intérêt. Tout cela
est très neuf et presque inédit, ainsi que les pages où se précise le
rôle des conventionnels en mission, Pocholle, Carrier, Alquier,
Legendre, Louchet et Delacroix, Guimberteau, Siblot, Sautereau,
personnages de peu d'envergure, mais dont la présence exerça
souvent une redoutable influence, tant était grande sur le personnel
rouennais le pouvoir de la Convention. En même temps qu'il fournit
les notes les plus précises sur les arrestations, sur les grandes battues
patriotiques, sur les incarcérations à Saint-Lô ou à Saint- Yon, dont
il signale la plupart du temps l'injustice, M. Clérembray ne se fait
pas faute cependant de rectifier certaines erreurs historiques, comme
la préméditation d'un massacre des détenus, qui aurait renouvelé à
Rouen les scènes de l'Abbaye. *
Aucun des événements, si précipités, si tumultueux, si nombreux,
qui se succèdent rapidement en cette période tragique, n'a échappé
à l'historien, ni l'arrestation del'évêqueGratien, ni la transformation
des églises, ni les menées de la franc-maçonnerie, ni la création du
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VII
culte de la Raison, ni les innombrables fêtes civiques qui déroulent
alors leur cortège par les rues. En passant môme, il s'occupe de cette
si mystérieuse affaire de Combray el Acquêt de Férolles, qui a déjà
préoccupé M. Homberg, M. Ernest Daudet et M. G. Lenôtre.
toute cette série de faits met surtout en avant deux figures révolu-
tionnaires, celles du maire Pillon et de Poret. Aussi Técrivain s'est-il
appliqué à restituer leur vie en les moindres détails, recherchant
leurs origines, leur conduite antérieure, sondant le mobile de leurs
actions et de leurs ambitions. Il en résulte deux portraits très
pénétrants et très curieux.
Vienne la réaction thermidorienne, qui ne fit pas cesser immé-
diatement le régime terroriste, M. Clérembray en suit les effets et
les épisodes principaux, commo le suicide de Guyet. Sous la pres-
sion des événements, on y voit, dans les chapitres qui terminent son
ouvrage, s'exaspérer la lutte entre le District, la Municipalité et la
Société populaire. On assiste aux déchirements intérieurs de tous
CCS comités, .travaillés par mille passions haineuses et où se déchaîne
un vent de délations et de dénonciations, qui aboutissent à la rupture
entre la Société populaire et les Jacobins, et, par suite, à la mise en
suspicion et à l'arrestation de Pilon, de Poret et de bien d'autres,
auxquels la lâcheté de leurs accusateurs ferait trouver des excuses.
C'est la fin de cette période de la Terreur qui, pendant trois
années, de 1793 à 1795, a pesé sur la population rouennaise, et que
M. Cléremb-ay a tenu à étudier, circonscrivant son travail à l'avène-
ment, à la chute et à la punition des hommes qui ont participé à co
mouvement politique. Arrivé à co point de son œuvre, l'historien
relisant le petit opuscule fielleux où fermente une haine recuite,
vrai libelle où sont contenus les rapports des sections contre les
Terroristes rouennais, se demande si c'est-là un jugement définitif,
et il examine à nouveau leur conduite.
A proprement parler, la Terreur à Rouen ne mit en évidence
que des hommes de second plan, que des médiocrités sans autorité
et sans valeur, et il en fut à peu près de même partout en
province, sauf peut-être en Vendée, où la lutte, plus ardente et
plus tragique, trempa plus énergiquement les caractères. Les Terro-
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vni
ristes rouennais furent surtout les porte-paroles de la Convention,
dont ils avaient embrassé, avec un enthousiasme factice, les idées
autoritaires et sanglantes. Si rigoureuses, si violentes, si arbitraires
que fussent leurs conceptions du pouvoir dictatorial, on voudrait
croire qu'elles leur avaient été dictées par des convictions solides et
par un fanatisme réel. Les faits semblent prouver le contraire.
A Paris, la Terreur garde une certaine grandeur farouche et tragique
parce que, malgré tout, on sent palpiter chez ceux qui restaurèrent
un mode aussi effrayant de gouvernement, une croyance véritable,
quasi mystique et religieuse, dans son eflScacité. En province, le
même système, entre les mains des procéduriers et des hommes de
loi, dont Taine a montré le rôle dans toute la Révolution, se borne
souvent à une âpre conquête du pouvoir, permettant de liquider de
vieilles querelles, tout cela, le plus souvent, avec une petitesse
hypocrite, basse et rebutante. Maintes fois, au cours des procès-
verbaux de la Société populaire, on est étonné, en effet, par la
futilité des sujets de discussion.
Somme toute, il est fort difficile de porter un jugement d'en-
semblo sur la Terreur à Rouen, parce que la responsabilité des
hommes qui y prirent part, parait atténuée par des influences exté-
rieures. Sur eux plane presque constamment l'ombre de la Conven-
tion. Si même on devait trouver à leurs acte^ des atténuations, on les
chercherait dans l'indépendance dont ils ont parfois fait preuve, et
qui leur a permis de poser certaines limites à l'action révolutionnaire
moins souillée de sang, à Rouen, qu'en bien d'autres villes.
Il semble, en effet, qu'en maintes circonstances, ils se sont repris et
ont su fermer l'oreille à des excitations qui les auraient entraînés
dans une voie criminelle.
De cela, M. Clérembray leur tient compte, et, certes, quand on
songe aux risques que ce modérantisme relatif pouvait faire courir à
ceux qui osèrent leprofesser, en messidor notamment, on peut trouver
qu'il y avait quelque mérite à le proclamer. A tout prendre, ils
eurent une conduite moins équivoque et moins douteuse qu'une
partie des royalistes rouennais, qui, ralliés au régime républicain,
hurlèrent avec les loups, et qui, par pusillanimité, encouragèrent
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IX
les pires excès, comptant ainsi détourner de leurs têtes Torago
révolutionnaire.
En terminant son ouvrage, M. Clérembray nous montre le
peuple en qui toutes les énergies du travail^ toutes les qualités
morales se sont conservées. C'est le mot de Michelet qui a écrit :
« Dans tous les partis,^pendant la Révolution, le peuple a valu beau-
coup mieux que ses meneurs. Plus j'ai creusé, plus j'ai trouvé que le
meilleur était dessous, dans les profondeurs obscures. » Trempé par
l'adversité au sortir de cette tourmente furieuse, où il a pris
conscience do lui-même, le peuple se retrouve prêt pour les
grandes tâches du siècle qui s'ouvre. C'est la leçon et lexemple qu'il
convient de tirer de ce livre, écrit avec le souci et le respect de la
justice rigoureuse et de l'impartiale vérité.
Georges DUBOSC.
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\
LA TERREUR A ROUEN
jlL^^ne^ittient, CKute et Pimnition des 17e]?]?o]?ii»toi»
(1793- 1794 - 1795).
CHAPITRE PREMIER.
Pour tenir lieu d'avant-propos. — Journaux du temps «t « Pièces curieuses ». —
Sources manuscrites de l'histoire rouennaise de la Terreur. — Archives publi-
ques et autres. — Manuscrits de Horcholle et de M. E. de la Quériére — Un
peu de bibliographie : Le Journal de M Gosselin. — Mémoires de M*"* de
Chaslenay. — M. et M»*» d'Herbouvillo — Ecrits divers récents.
C'est une question jusqu'ici très diversement envisagée et
résolue que celle de savoir si la Terreur s'est durement fait sentir
à Rouen.
Les contemporains de la Révolution ont eu à l'étudier à fond et
à la juger dans un moment tout à fait opportun. . . à certains points
de vue. Alors vivaient presque tous les personnages ayant rempli
des fonctions, joué un rôle et pu encourir des responsabilités. De
leurs actes, la plupart publics, le souvenir était encore dans toute
son acuité et les preuves subsistaient assez pour qu'il n'y eût guère
d'incertitude.
n semble donc qu'aujourd'hui il devait suffire, pour être éclairé,
de se reporter aux pièces de la longue et laborieuse enquête de
l'an III, dont les principales sont les avis des sections et du Conseil
général de la commune de Rouen, les témoignages recueillis par le
Comité révolutionnaire, les rapports des commissaires des sections
— moins dignes de foi que remarquables par leur ironie souvent
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— 2 —
triviale et fatigante, leurs erreurs et leurs réticences singulières (1) —
et enfin les procédures suivies devant les tribunaux correctionnel et
criminel, les jugements de ces tribunaux et les décisions du repré-
sentant du peuple Casenave.
Malheureusement, Texamen de ces <( documents de la cause x>
s'il réveille les esprits les plus blasés, ne permet guère d'asseoir une
opinion définitive et sûr'^, aussi bien quant à l'ensemble qu'à l'égard
de chaque fait ou de chaque individu.
L'impression qu'il laisse, c'est que les enquêtes, les décisions et
même les jugements furent surtout des occasions de récriminations
et de représailles privées, et essentiellement des mesures politiques,
dictées à des juges ou plutôt à des adversaires, et inspirées beaucoup
moins par la volonté d'accomplir des actes de justice nationale que
par la nécessité d'apaiser le parti des persécutés, dont on pouvait déjà
entrevoir les chances de retour au pouvoir et de ménager celui des
persécuteurs, qui ne s'avouait pas encore vaincu.
La postérité s'est-elle plus aisément débarrassée des entraves
qui , en 1795, gênaient la vérité et la justice ? S'est-elle montrée
moins hésitante, moins <( engagée i> et partant plus équitable que
ceux qui concouraient aux arrêts de l'an III, et dont plusieurs
figuraient parmi les accusés?
Il est permis d'en douter.
Au surplus, ce serait une entreprise considérable et fort diflBcile
que la « révision » complète du « procès des terroristes ». Des docu-
ments essentiels, par exemple les registres du Comité de surveil-
lance ont été falsifiés. En revanche, ceux de la Société populaire,
qui se sont trouvés en dernier lieu, c'est-à-dire à l'époque de sa dis-
solution, dans des mains intéressées à les conserver, n'ont pas eu le
1. Un exemplaire complet de ces rapports et annexes est à la Bibliothèque muni-
cipale de Rouen (imprimés, U. 2973 f. ) Il porte cette mention : «Plusieurs feuillets ont
été enlevés à la fin de ce volume ; il se compose de 122 feuillets y compris un feuillet
blanc. Un exemplaire d'ancienne brochure, qui a été comparé à celui-ci, lui était
entièrement conforme, d'où l'on peut induire que la pièce retranchée à la fin de cet
exemplaire lui était étrangère». Les rapports ne sont pas anonymes. Leur rédacteur,
qui a signé les deux premiers, et les a imprimés tous, est le journaliste Robert, avec
pes collaborateurs dont on trouvera les noms plus loin.
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- 3 —
sort des procès-verbaux des Jacobins de Paris (1) : ils existent, et
l'on sait où les trouver (2). Les procès-verbaux des séances des
différentes administrations rouennaises, surtout dans les circons-
tances graves, ne sont pas toujours des modèles de sincérité. Il serait
indispensable de consulter Ténorme quantité de dossiers de ce temps,
abondant encore , malgré tout , en paperasseries inexplorées
qui restent aux archives municipales (3), départementales (4),
nationales (5) et. . . ailleurs, et dont le classement n'est pas encore
partout achevé.
Lés feuilles publiques de toute nuance devraient largement
venir en aide. Or, la principale d'entre elles, le Journal de Rouen,
par une prudence qui n'a rien d'excessif, est presque muette pendant
la Terreur. On pourrait dire qu'au point de vue local ce journal est
intéressant à étudier, seulement pour rechercher les raisons, souvent
instructives, qui le contraignent à sortir de sa réserve habituelle.
U Indicateur politique, dont une liasse appauvrie est à la
Bibliothèque municipale, ne fournit pas davantage une suite non
interrompue de renseignements utiles. La Chronique nationale et
étrangère y est représentée pour l'époque intéressante par quelques
numéros, et V Observateur de V Europe n'y figure point. Pour com-
penser, l'ardente et vindicative Vedette Normande s'y trouvé, trop
soigneusement expurgée. On s'imaginerait volontiers que les numéros
sensationnels de ces feuilles — dont il aurait été d'ailleurs imprudent
(1) La destruction des procès- verbaux des séances de la Société des Jacobins de
Paris semble certaine, disent M. Âulard (la Société de^ Jacobinny t. P^» c* M- Toumeux
(Bibliogr, des sout'ces de VHist. de Paris, t. II, n" 9,049/.
(i) Tout récemment, il a été imprimé à tort que ces registres ont disparu.
(3) Les arcbives révolutionnaires de la municipalité sont nombreuses et très inté-
ressantes. MM. Langlois et Stein (Arch, de l'Hist, de France], n'en font nulle mention.
Je me lais un devoir et un plaisir de réitérer ici au laborieux et bienveillant archiviste
de rUôtel-de-Ville, M. PouUain, tous mes remerciements pour ses obligeantes commu-
nications. Son empressement à renseigner les travailleurs n'a d'égal que celui de
M. Beaurain, Térudit conservateur-adjoint de la Bibliothèque municipale.
(4) Le fonds révolutionnaire est fort important. (Langlois et Stein, ouvr. cité, p. 247).
(5) De très nombreux cartons renferment des pièces capitales pour l'histoire révo-
lutionnaire rouennaise. 11 m'a été donné d'en découvrir un certain nombre que j'ai
utilisées.
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— 4 —
d'accepter tout sans contrôle — ont eu le sort des feuillets du
registre d'écrou de la prison de Sain t-Lô, découvert par M. De Lérue,
feuillets enlevés par des mains qui s'imaginèrent protéger ainsi de
chères mémoires ou abriter des susceptibilités au moins discutables
contre les indiscrétions et les indignations de l'avenir (1).
De patientes recherches font découvrir dans les nombreux
cartons de la collection Leber (2) de rares brochures où il est question
de la Révolution à Rouen. Les imprimés de la même époque
recueillis par M. de Montbret (3) ne sont guère utilisables (4).
A défaut de journaux, les mémoires sont une précieuse
ressource, dont on ne peut user sans prendre garde. En première
ligne des souvenirs de contemporains de la Révolution, se présentent
pour Rouen ceux de HorcholIe(5). restés manuscrits peut-être parce
que leur impression eût entraîné un remaniement total nécessité par
leur ordonnance défectueuse. C'est, dans tous les cas, le plus inté-
ressant de tous les documents connus du public. Horcholle, l'ancien
(1) Nouvelliste de Bouen, 5, 6, H, 18 ot 20 février, 10, 17, 18 et 24 mars 1884. La
plupart dos noms dont los êcrous ont été ainsi supprinïés sont ceux d'individus arrêtés
en janvier, février et mars 179IÎ à la suite des troubles de la place de la Rouj?emare. et
ceux concernant toutes les arrestations auxquelles fit procéder jusqu'au 29 août
suivant le conseil général de la conunune, sur les indications du premier comité de
suiTeillance, et dans les premi(»rs jours de septembre, le comité institué le 29 août. On
retrouvera ces noms dans une liste d'environ 2,.')00 détenus ou consij?nés se trouvant à
la suite d'un travail sur les prisons de Rouen pendant la Révolution, travail qui complé-
tera celui-ci.
(2) Hibl. mun. de Rouen.
(3) Bibl. mun. de Rouen. M. 11,183 à 11,205 etc.
(4) Une bibliothèque de simple chef-lieu de canton, celle de Kécamp, possède dans
ses rayons si richement garnis par un mystérieux donateur, notamment une cinquan-
taine de volumes formés de pièces curieuses et rares sur la Révolution de France^ dont
quelques unes concernent Rouen. Celui qui a si généreusement pourvu Fécamp a
pensé sans nul doute lui fournir un utile complément à ses archives et à ses registres
de la période révolutionnaire, archives et registres négligés par les historiens de cette
ville, et dont le classement se fait en ce moment même.
(5) Anecdotes de ce qui 8*est passé à Rouen depuis l'établiss&nietU des Etats Généraux
jusqu'en iSOi. Bibliothèque municipale de Rouen, mns. Y. 128*. — Des archives
privées renferment d'autres manuscrits sur la Révolution à Rouen, notamment celui
des mémoires de M. Le Vavasseur, où il est question fréquemment de Pillon, son voisin,
n existe une copie manuscrite de ces mémoires aux mains de M. P. L..., de Rouen.
— M. de la Quérière en cite d'autres parmi lesquels ceux de M. Léguillier.
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- 5 -
procureur à la Chambre des Comptes qui, pour avoir accepté les
idées réformatrices du chancelier Maupeou et admis le grand
Bailliage substitué au Parlement, dut être, en son temps, regardé
comme un tant soit peu révolutionnaire, n'en est pas pour cela moins
systématique, partial et fréquemment inexact.
Toutefois, son œuvre, si incomplète qu'elle soit malgré son
étendue, est fort utile aux travailleurs avertis qu'elle ménage les
amis auxquels il a dû de vivre relativement tranquille et qu'elle
s'acharne volontiers après les autres révolutionnaires. Ecrite après
coup, au moins en partie, avec des articles de journaux inévitable-
ment discrets ou malveillants, elle commande, naturellement, la
circonspection.
Le manuscrit de Horcholle en a fait naître — sans l'inspirer
toujours — un autre, depuis peu déposé à la Bibliothèque munici-
pale et dû à feu M. delaQuérière (1). De beaucoup moins d'étendue,
celui-ci embrasse pourtant toute la période révolutionnaire, puis-
qu'il va de 1789 à 1800. L'auteur s'est appesanti sur divers événe-
ments qui lui tiennent davantage à cœur. S'il n'ose pas réhabiliter
absolument Bordier et Jourdain, il fait le procès à leurs juges qu'une
note marginale, crayonnée apparemment par une main autre que la
sienne, traite de « scélérats, comme ceux de Calas, Labarre et
Sirven. »
Comme Horcholle, il se complait dans la description minutieuse
des fêtes et cortèges, organisés moins par l'enthousiasme populaire
que pour occuper et entraîner les sans-culottes, braver les contre-
révolutionnaires et vexer les fanatiques. Il n'est pas inutile de cons-
tater que tout en insistant sur ce qu'il n'y aurait eu, à Rouen, a que
des suspects incarcérés, des abus de pouvoir, et de mauvais procédés
de la part de quelques hommes », M. de la Quérière rappelle les
traitements inhumains dont les prêtres déportables furent l'objet à
Rouen.
Le véritable intérêt de ce manuscrit, divisé méthodiquement
(1) M. delà Quérière : Rouen sous la Rét'olution, avec introduction, mns. de 446 pp.,
Bibli<»th. municipale do Rouen. Cet ouvrage, qui paraît dater d'une trentaine d'années,
a été donné à la ville par la famille de l'auteur il y a environ un an.
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— 6 —
en dix « périodes » et qui a dû, lui, être destiné à l'impression,
réside dans les passages, malheureusement trop courts, consacrés à
la période de Thermidor, au projet de massacre des prisonniers de
Saint-Yon, au suicide du terroriste Guyet — médecin de la famille
de l'auteur, lequel n'en accepte pas moins trop facilement là-dessus
les racontars des commissaires des sections et de Horcholle, — et enfin
à l'appréciation de l'ensemble des faits et seulement de certains
hommes dé la Terreur
Tout en s'inscrivant avec raison contre les rapports des com-
missaires de sections, M. de la Quérière ne leur substitue que des
explications atténuantes trop généralisées, sauf en ce qui concerne
spécialement l'avocat Thierry et Robert de Saint- Victor, portés par
les sections sur les listes de terroristes et écartés par le Conseil
général de la commune. Le savant et respecté archéologue, pris de
pitié pour Robert, à propos de la destruction du trône épiscopal, le
plaint d'avoir été « étranger aux arts du moyen âge )) ; de plus,
gémit-il plaisamment, il partageait l'erreur de tout son siècle, il
avait le malheur de les déprécier. . .
D'après le même écrivain (1), s'appuyant sur l'autorité donnée
à ses souvenirs par son grand âge qui lui avait permis d'être, bien
jeune encore, témoin de la révolution et de connaître des hommes
qui y avaient été mêlés activement, il y aurait eu à Rouen fort peu
de maux. « La ville de Rouen, dit-il, sut rester pure de tout excès ;
une seule fors, Téchafaud politique se dressa dans ses murs » et ce
fut pour l'exécution de l'abbé d'Amphernet, le 21 fructidor an II
(7 septembre 1794) (2). Or, ce jour-la, l'échafaud politique opérait
pour la treizième fois à Rouen depuis le premier mars 1793. Et ce
(1 ) Examen de Vapofogie <h' Vabhé d'Amphernt*t etc. Rouen, H. Boissel, in-8" de 29 p. —
M. de la Qu6nèi*c a aussi puhlié dans la Ret'ue de la Nonnandie en décembre 1857 :
Sédition ivyaliste à l'occasion de la Disette (troubles de genninal an UDqui est un
extrait de son manuscrit déposé à la Bibliothèque municipale.
(2) Les condamnés à mort pour crimes contre-révolutionnaires ou politiques qui
ont été exécutés à Rouen pendant cette période, avant l'abbé d'Amphernet , sont :
4° François Lebrun; 2" femme Barré; 3" femme Durand; 4" Jérôme Billiard; 5" Jean
Poret; G» Pierre Lemoine: 7" l*'ran<;ois Labouglise; 8" Jean Michel dit Duval; 9" Nicolas
Vallet dit I^mbcrt ; K)" Cbarlcs-riemmin de llerle et non du Tertre; M" Victor-Alexandre
Delamai-e ; h> Charles de Ram fi-c ville, et non d'Amfiwille.
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— 7 -
n'était pas la dernière. L'erreur de M. de la Quérière est d'autant
plus excusable qu'elle est partagée par l'auteur de la notice sur
Rouen insérée dans V Histoire des Villes de France (1) d'après des
notes fournies par M. Richard , archiviste du département , et
autres.
Somme toute, un amour profond de sa ville natale, attesté par
les travaux de sa vie entière, une admiration enthousiaste, presque
sans réserve, pour les réformes de la Révolution , lui font accorder
aux entraînements et aux méfaits des patriotes rouennais plus
d'indulgence qu'on en attendait de l'auteur des Aperçus sur l'état
ancien et Pétat nouveau de la société (2).
M. Gosselin — beaucoup mieux renseigné qu'un témoin — a
publié (3) sur les principaux épisodes de la Révolution , un très
important ouvrage qui ne mérite que des éloges, et qui contredit
M. de la Quérière au moment où celui-ci fait imprimer la brochure
qui vient d'être citée. En indiquant les motifs de la discrétion qui
lui était imposée, lesquels, suivant lui, doivent cesser à la fin de ce
siècle, M. Gosselin ne permet guère de s'étonner qu'il n'ait men-
tionné aucune des exécutions qui ont eu lieu à Rouen, et qu'il n'ait
pas voulu divulguer des.excès auxquels, dit-il, on croira difficilement,
ni s'expliquer sur le sort de ceux que l'opinion publique, après
thermidor, désignait et voulait faire châtier comme ayant été les
agents de Robespierre Il donne à entendre qu'il eût eu en môme
temps à révéler la conduite de certains royalistes, ce qui fait regret-
ter davantage encore sa résolution d'arrêter ses récits à la date du
neuf thermidor.
Cependant la récente publication des Mémoires de Madame de
Chastenay (4) est venue corroborer en partie les impressions de
M. de la Quérière. Plusieurs des chapitres du premier volume sont
consacrés au séjour que cette dame fit à Rouen et aux environs . et
leur rapide résumé apportera un utile appoint à ce préambule.
cl) T. v, p. 496.
(2) Rouen, 1850.
(3) hewie (lo Nonmanflio, 18a5-1 866-1 867.
(4) Paris, 1896, t. I, cliap. viii, ix vi x.
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— 8 -
Réfugiée chez son oncle maternel, le marquis dllerbouville (1),
naguère colonel de la garde nationale rouennaise , « commissaire du
roi au département de la Seine-Inférieure, procureur syndic de
l'Assemblée provinciale de la Haute-Normandie (2) », et à ce
moment président de l'administration départementale, madame de
.Chastenay resta à Saint-Jean-du-Cardonnay (3) et à Rouen depuis
le 4 juillet 1792 (4) jusqu'en mai ou juin 1794.
Comme la plupart des autobiographes, elle se laisse parfois
entraîner par une assez grande facilité d'imagination qui a fait d'elle
une professionnelle de la littérature (5). Aussi donne-t-elle, pour ime
(1) Le père do M"'« (k? Chastenay s'était marié en 1770 à la sœur de M. d'Herboiiville.
Est-il bien sûr que, comme le dit une note des mémoires, ce mariage ait eu lieu à Saint-
Su Ipice de Paris? Les notes si soigneusement relevées par M. de Ghastellux sur les
registres de cette paroisse, à riIôtel-de-Ville, n'en font pas mention.
M. d'Herbouville avait épousé à Saint-Sulpice de Paris, le 15 avril 1788, Marie-
Louise-Victorinc Le Bascle d'Argenteuil, née à Villemareschal, diocèse de Sens, le
7 janvier 1751, plus âgée que lui de pn^s de six ans, fille du marquis d'Argente^iil et
d'une Le Veneur, et abbesse du Chapitre noble d'Epinal. — M. d'IIerbouville était ainsi
l'oncle et le cor.sin de M™*" de Clmstenay dont l'aïeule paternelle était une Le Bascle. —
L*auteur des Mémoires, après avoir raconté le projet de la marier à son oncle d'Her-
bouville, évite de parler du mariage de celui-ci et de laisser deviner que sa fenmie fut
précisément celte abbesse à laquelle, ensuite, on tenta, vainement, de la faire succéder
t^u chapitre d'Epinal. — M. et M"" d'Herbouville sont morts à Paris tous les deux en 1829.
Leurs deux filles, nées l'une le 23 avril 1789, et l'autre le 22 octobre 179^1, sont devenues,
la première, marquise de Crillon, la seconde, comtesse de Choiseul-Praslin. L'une des
filles de la marquise de Crillon épousa en 18i2 le lils aîné du prince de Polignac. —
Il n'est pas inutile de rectifier ici les biographies normandes qui tiennent à faire naître
à Rouen M. d'IIerbouville, né à Paris, paroisse Saint-Paul, le 14 avril 1766. (Comte de
Ghastellux, Notes pnses sur les registres de Vétat-cixùl de Paris).
(2) Ces derniers titres lui sont donnés dans cet ordre à l'acte de baptême à Sainte-
Croix-des-P^letiers de Rouen, de la seconde de ses filles. M. d'Herbouville avait été
élu député suppléant de la noblesse du bailliage de Caudebec en 1789 et n'avait pas eu
à siéger.
(3) Domaine seigneurial des d'Herbouville, à 12 kilomètres de Rouen, canton de
Maromme.
(4) Et non 17a3.
(5) Elle figure déjà dans la Biographie des hommes vivants (1818). Ses ouvrages sont
anonymes. L'un des premiers : Le Village abandonné, est la traduction d'un poëme
anglais, publiée» en 1797 par la « C. V... de C... » la citoyenne Victorine de Chastenay »
Quérard, Supercheries littéraires, t. I, p. 823 a.) Quérard ii'a-t-il pas eu tort de lire la
citoyenne au lieu th» la chanoinesse ?
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— 9 —
première moitié de la période révolutionnaire, un tableau passable-
ment romanesque, presque rassurant, delà vie que menaient alors les
nobles réfugiés à Rouen. Elle y compare le chef-lieu de la Seine-
Inférieure à une oasis, et à Venise pendant le carnaval !
L'ex-chanoinesse a toujours l'esprit si plein du souvenir de ses
soirées concertantes, de ses promenades en Seine, de ses flirts et de
ses déceptions matrimoniales, qu'elle ne fait point allusion aux agis-
sements graves du Directoire du département, présidé par son
oncle, vers le 10 août 1792, et mentionne assez sèchement l'arres-
tation de M. d'Herbouville, sans souffler mot de celle de sa femme (1)
sous la municipalité Pillon.
Fière d'appartenir, comme M. d'Herbouville, « à la noblesse
d'épée » (2) elle semble dédaigner la noblesse de robe, en grande ma-
jorité à Rouen, et dont « la morgue et le mécontentement » l'ont
frappée. Aussi, peu de noms de l'aristocratie rouennaise apparaissent-
ils dans son récit. C'est à peine si l'on en rencontre deux : M. de
Campuley, ce vieillard dont la riche succession dévolue en partie,
croyait-on d'abord, à des émigrés, allait bientôt tant émouvoir les
ayants-droit et les administrateurs ; puis, madame de Grécourt qui,
d'après un pamphlet manuscrit du temps (3), avait la manie de pas-
d) Le prétexte de l'emprisonnement de M. d'Herbouville fut Témigration des deux
fK'res de sa femnie, laquelle déclarait aloi-s être brouillée avec eux « pour différence
d'opinion ». On trouvera plus loin des détails sur les arrestations de M. et M"»* d'Her-
bouville.
(2) Elle a publié : Les Chevaliet^ Not^niands en Italie et en Sicile, sans doute parce
que les d'Herbouville prétendaient descendre de la famille normande de Mortemer,
vivant au commencement du xïif siècle.
(3) Nouveaux Logements, pièce satirique, datant de 1791, difficile à publier in
extenso, où sont lardées d'épigi'ammes salées une vingtaine d'honnestes dames de la
haute société de Rouen, parmi lesquelles celle-ci, la moins maltraitée : « Titon et
• VAurorCy fable, pour M'"'" de Grécourt. Aux Trois Somrs, rue Princesse. Cette fable
• s'est réalisée pour M"* de Grécourt ; mais le rajeunissement du vieux Titon a été bien
» court. Cette dame a deux sœurs, charmantes comme elle. Mais elles ont toutes la
» nianie de passer pour femmes de qualité. » — Louis-Anne Grente de Grécourt, avocat
général au ci-devant parlement de Normandie, âgé de 64 ans, est mort à Rouen, le 25
octobre 1791. L'une des scetu*s de M«« de Gréctmrt, était M™*» de la Pallu, dont il est
question dans les Mémoires, Elles étaient nées de la Fresnaye, et filles du marquis de
la Fresnaye, seigneur d'Kscajeul et autres lieux, qui habitait, en 1788, Guibray, fau-
bourg de Falaise (Calvados). Ix)uis Vaussy, qui d«'vint cuisinier de la maison des
susp<»cts (Saint- Yon) était Tancien « officier de maison >» du maniuis de la Fresnaye.
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-do-
ser pour femme de qualité. Quoiqu'elle parle de la lutte entre les
gens de loi, d'une part, et les chefs dé maisons de commerce et de
fabrique, d'autre part, elle n'en cite aucun incident, et parvient
môme à ne pas mentionner les noms de M. Rondeaux, concurrent
heureux de M. d'Herbouvillo à l'élection du maire, en décembre 1792,
ni de M. de Fontenay, qui a remplacé le môme M. d'Herbouville à
la présidence du département
Tout heureuse d'avoir été quitte là pour quelques transes, tandis
qu'à peine retournée dans son pays elle y fut arrêtée, madame de
Chastenay n'a vu dans les jacobins, pour la plupart desquels Hor-
choUe et M. Gosselin sont impitoyables, que des énergumènes pr^-
que inoffensifs dont « les services rendus à une infinité de personnes
» ont influé puissamment sur l'ensemble I »
Cette appréciation s'explique d'elle-môme sans se justifier :
outre que madame de Chastenay a quitté Rouen en prairial an II
(mai ou juin 1794), au milieu de la Terreur (1), elle n'y a connu que
ceux des révolutionnaires dont elle rappelle les bons offices d'après
lesquels, cela va de soi, elle les juge ; elle a entrevu, de trop loin pour
avoir à en gémir sérieusement, les malheurs et les ruines qui ont
affligé Rouen. (2)
Parmi les principaux écrivains qui se sont occupés de l'histoire
révolutionnaire de Rouen, on doit surtout citer M. l'abbé Loth (3)
(i) Elle parle cependant de faits bien postêrieui*s à son départ, principalement de
ceux concernant Lambert, l'un des plus sévèrement traités par les thermidoriens.
(^) Il existe peu de traces du séjour à Rouen de la famille de Chastenay. On trouve
au 7 avril 4796 la mention d'une lettre reçue par la municipalité du directeur de la
liquidation des biens d'émigrés relative à la citoyenne d'Herbouville, épouse de Chas-
tenai-Lanti, lettre qui fut renvoyée au bureau d'émigration. Barthélémy, dont M"»« de
Chas*enay ne parle pas, est attaqué en pluviôse an vi par Regnard, à propos de la radiation
de M. de Chastenay de la liste des émigrés et de la restitution de ses biens. [Révolution de
France, Pièces curieuses et rares, bibliothèque municipale de Fécamp]. Il est question
de M. de Chastenay dans des vers recueillis par un Conseiller au parlement do Rouen,
reproduits dans une notice sur le marquis de Réfuveillo \La Normandie, 1894 p. 403]
et qui mettent.... « Ce pauvre Chastenay, né pour être bonhomme » au rang de « ces
petits conjurés, ces demi -scélérats, qui avaient choisi pour maître l'abbé Sieyès. »
(3) La Cathédrale de Rouen, chap. xxiv et xxv, 1879. Les Conventionnels de la
Seinc-Inféi*ieurc, 1883 ; Histoire du Cardinal de la Rocfiefoucauld et du diocèse de
Rouen pendant la Révolution. 1893.
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- 11 —
qui a su rendre si attachants ses tableaux de la persécution contre le
clergé de la Haute-Normandie et en particulier celui de Rouen.
A diverses reprises, le savant et infatigable M. Wallon, de
rinstitut, a parlé des Rouennais. (1) M. Wallon est avec M. Gosselin
un de ceux qui ont joui du privilège, plus rare qu'on ne le croit,
d'avoir librement accès à certains dépôts d'archives non catalogués.
Son témoignage a donc un grand poids. Il le résume lorsqu'il dit
qu'à Rouen il y avait « des démagogues qui ne le cédaient en rien à
ceux de Paris. . . » (2)
D'heureuses circonstances ont amené son fils, un des plus sym-
pathiques membres de la Chambre de Commerce de Rouen, à entre-
prendre V Histoire de la Bourse découverte de Rouen (3), au cours
de laquelle il a raconté, avec pièces à l'appui, l'im des actes de ven-
dalisme reprochés aux chefs de la municipalité terroriste.
En mentionnant les travaux remarqués de M. de Beaurepaire
sur les Prisons de Rouen pendant la Révolution (4) de MM. Noury
et Dubosc sur Bordier et Jourdain, de M. d'Estaintot sur la Fédéra-
tion, de M. Le Parquier notamment sur les subsistances, le Jomr-
nalisme et le Fédéralisme, (5) et la notice de M. Georges Pennetier
sur le chirurgien Laumonier (6), j'aurai, je crois, énuméréàpeu près
complètement ce qui a été imprimé concernant particulièrement
l'histoire révolutionnaire rouennaise.
Nulle part, le sujet du présent essai n'a été raconté. HorchoUe
et M. de la Quérière l'ont seulement effleuré. . . Traité largement, il
fournirait la matière de plus d'un gros volume, puisqu'il devrait
(1) Les repvéstmlanls du peuple en mission et la justice révolutionnaire dans les
départeniefits^ 1889, t. n, pp, 71 et s. ; Le Fédéi'alvtnie et la Révolution du Si wmi, t. i,
pp. 409 et s. — V. aussi son Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris^ notamment
t. I, p. 252 et s.
(2) Représentants en mission,
(3) Rouen, Lestringant 1897, in-8.
(4) Précis analytique des travaux de l'Académie imp. de Rouen, 1860-18&I, pp. 333
et s. et aussi sa Notice sur U*s maisons de force de la généralité de Rouen avant 1790,
même Précis, 1858-1859, pp. 279 et s. et spécialement p. 314.
(.5) ]j\ Normandie, 1894, 1895, 1896 et 1897.
{6) Rouen, imp. Lccerf, 1887.
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- 42 -
comprendre le rappel de la plupart des faits accomplis sous les cinq
municipalités Rondeaux, de Fontenay (provisoire), Pillon (première
et deuxième) et Leboucher. Je me suis forcément tenu à ce qui m'a
semblé indispensable pour saisir les causes, le caractère et les consé-
quences des manœuvres et des compromissions de Tenquête de
l'an III.
Chemin faisant, j examine quelques légendes dignes d'attention,
transmises par les mémorialistes et autres avec une fidélité infini-
ment moins louable que de sérieux efforts pour découvrir la réalité,
la réalité moins mystérieuse ou moins dramatique, et partant moins
attrayante. J'en signalerai dès à présent une, la principale, peut-être,
celle du prétendu projet de massacre des prisonniers, en thermidor. . .
On doit s'attendre, naturellement, à beaucoup de noms propres.
Qu'on se rassure, je les citerai toujours lorsque je les aurai lus dans
un document public ou authentique, appartenant à l'histoire, si cela
est nécessaire pour édifier sur la portée d'un fait ou d'un écrit.
Le peu de stabilité des institutions et l'originalité du système
qui met tout citoyen et surtout le fonctionnaire à la merci d'une
dénonciation, dont l'effet s'arrête rarement à la simple épuration et à
la destitution, ont multiplié les victimes et, aussi, les persécuteurs.
Eussent-ils été choisis à l'élection, les administrateurs ne pou-
vaient jouir longtemps de la confiance du peuple. Il suffit de con-
naître les procès verbaux de leurs délibérations secrètes et publiques,
sans avoir recours aux dossiers des nombreuses commissions , des
bureaux de police, d'émigration, des biens nationaux, des finances,
des subsistances, pour apprécier l'affluence et les complications,
souvent imprévues , des travaux auxquels avaient à se livrer
surtout les membres du conseil général d'une commune telle que
Rouen « ville immense » disaient-ils eux-mêmes , et pour voir
qu'il leur restait bien peu de temps — s'il leur en restait — à con-
sacrer à des affaires personnelles.
Les malheureux citoyens que le sentiment exagéré du devoir,
l'ambition, la manie de l'intrigue — une maladie qui sévit à cette
époque beaucoup plus qu'on ne peut l'imaginer — le souci d'intérêts
menacés de toutes parts, et l'espoir d'assurer la tranquillité de leurs
familles, avaient jetés dans les assemblées municipales ou dans les
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- 13 -
comités, en contact immédiat avec la population, y perdaient promp-
tement leurs plus chères illusions. En revanche, ils étaient bientôt
vilipendés, destitués, privés de la liberté, couraient les plus grands,
dangers et parfois s'exposaient à la ruine et à la mort.
Il en est pourtant bon nombre qui, sans avoir pu résoudre
l'irrésoluble problème de contenter tout le monde et d'être eux-
mêmes satisfaits, parvinrent, non sans peine, il faut le croire, à
rendre service à la société et à des particuliers, el à sortir sains et
saufs de la terrible crise historique. Ceux-là sont les véritables
vainqueurs et sont parfaitement heureux. La postérité trouve
presque toujours leur apologie toute faite, quelquefois . par leurs
propres soins dans des procès-verbaux, ou par de bons amis, dans
des biographies qui — est-il besoin de le dire ? — ont tu soigneu-
sement les défaillances accidentelles et les habiletés trop grandes,
et mis en relief les qualités et les dévouements.
A la commune, au comité de surveillance et à la société popu-
laire surtout, au district, au département et même au tribunal
criminel, des personnages, en évidence moins par leur valeur et
par leurs fonctions que par des manifestations d'un retentissement
obligatoire ou cherché, ont vécu de la vie révolutionnaire si sur-
menée, si féconde en haines. Après s'être grisés des enthousiasmes
populaires et s'être tenus en haleine par les émotions et périls
incessants de la désorganisation — ou, pour ne froisser personne —
(fe la rénovation sociale, ils auront, eux, à compter d'abord avec la
justice de leurs adversaires, neutralisée à demi par les ménagements
et la clémence d'amis et d'anciens collègues, et ensuite avec les
représailles de celles des victimes de la Révolution qui se retrouveront
assez de vigueur pour reprendre ToflEensive.
Ces révolutionnaires, ces terroristes qui, pour le plus grand
nombre, firent momentanément tête à la bourrasque réactionnaire,
on les réprouve et on les maudit en bloc ou en détail, sans savoir
comment ils se défendaient et comment et par qui ils furent jugés.
A leur égard, c'est-à-dire quant à leur sort après la tourmente, tout
est resté obscur. Vouloir faire un peu de lumière dans ces ténèbres
est une entreprise bien téméraire pour qui ne dispose pas, comme
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— 14 —
M. Ernest Daudet (1), d'un ministre pour avoir communication
de dossiers de certaines archives et, dépourvu de tels appuis , le
chercheur, si consciencieux et si persévérant qu'il soit, reste exposé à
des lacunes et à des inexactitudes plus graves sûrement que celles
qu'il lui arrive parfois de signaler chez autrui.
Il s'en aflflige d'abord, puis s'en console par l'espoir qu'il aura
provoqué ainsi des rectifications et peut-être un ouvrage complet
et définitif exauçant ses vœux et ceux des sincères amis de la vérité
historique.
{ij L'auteur de La Police et les Chouans sous le Consulat de V Empire, ( Pion,
Nourrit et O», 1895). On sait comment il est parvenu à obtenir les pièces de l'affaire .
d*Aché-de Combray, déposées aux archives du Palais de Justice de Rouen. Cette
affaire avait été déjà nombre de fois racontée, d'une façon moins romanesque et moins
complète, mais plus historique, notamment, avec documents à Tappui, par M. Eug. de
Beaurepaire, de Caen, dans la Revue de la Révolution ( G. Bord. ). M. E. Daudet a mis
en lumière les aptitudes policières de Licquet, le secrétaire-général de la mairie de
Rouen, « homme de lettres » dont il est regrettable que les souvenirs n'aient pas
encore été publiés....
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CHAPITRE DEUXIÈME
Points de départ et d'arrêt de la Terreur à Rouen. ^ Election! de norevbre et
décembre 1792 et janvier 1793. — Une injustice de l'histoire : Asselin, chef de la
municipalité sans maire de novembre à janvier. — Nouvelle bataille entre
patriotes tt contre-révolutionnaires : L'affaire de la Rougemare. — Petits
problèmes historiques. — D'ofOciers municipaux à ministre.
La Convention, intéressée, pour la sauvegarde de beaucoup de
ses membres à restreindre la période dans laquelle s'étaient accom-
plies les « horreurs » dont elle se prit à s'indigner si haut et si tard,
en fixe la fin au 9 thermidor, négligeant d'en déterminer le com-
mencement (1). Il est vrai que, dans sa séance du 5 septembre 1793,
par décret, sur pétition des Jacobins, des Sections et de la Commime
de Paris, elle avait mis la terreur à l'ordre du jour, mais sans que
cela puisse impliquer qu'elle n'existait point antérieurement.
Fort justement, on s'est peu préoccupé de cette limitation dont
les termes, d'ailleurs, ne pouvaient affecter rien d'impératif. Aussi
n'en parlè-je ici que pour répondre d'avance à la fin de non-recevoir
qu'en tirait en l'an III un terroriste rouennais récalcitrant, juris-
consulte avisé. (2)
Les uns, parmi lesquels M. Wallon (3), placent la Terreur entre
la date de la chute des Girondins et celle de Robespierre
(31 mai 1793 - 27 juillet 1794). D'autres, la font remonter aux
journées des 2 et 3 septembre 1792, (4) ou au 20 septembre 1792,
date de la première séance de la Convention. (5)
On s'accorde mieux sur la fin, sur l'apaisement, qui coïnciderait
avec la suppression du tribunal révolutionnaire, laquelle eut lieu le
28 frimaire an III (18 décembre 1794) ^ c'est-à-dire près de quatre
mois après l'exécution de Robespierre.
(i) Décrets des 14 et 21 germinal an III.
(2) Leclerc, accusateur public.
(3) La Terreuh, études critiques, t. W, p. 4.
(4) Notamment Ch. de Mazade, Dict, de la Politique, de M. Bloch, v. Terreur.
(5) E. Biré, Journal d'un bourgeois de Pans pendant la Tet'i^eur, 1. 1,
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— 16 —
La diversité des dates sur les débuts de la Terreur, résultée de
systèmes préconçus, envisageant seulement la capitale, s'explique
de soi lorsqu'il s'agit de départements différents.
Cependant, un désaccord analogue pourrait s'élever en ce qui
concerne Rouen : Il y aurait quelque fondement à prétendre que la
Terreur y prit naissance, soit dès septembre 1792 pendant le séjour
de ces commissaires du pouvoir exécutif qui tentèrent d'en appliquer
le régime, soit pendant le procès du Roi, à l'occasion de ce procès,
c'est-à-dire par les troubles de la Rougemare, les 11, 12 et 13 jan-
vier 1793, ou vers le premier avril, en môme temps qu'étaient
institués, au sein de la Commune, un comité de surveillance et des
commissions pour les visites domiciliaires et la recherche des
suspects.
Il parait toutefois plus rationnel d'admettre que, jusqu'à la fin
d'août 1793, il ne s'agit que de « préliminaires », de tentatives de
terrorisme, presque toujours réfrénées par les administrateurs
rouennais.
C'est effectivement avec certitude qu'à partir de l'entrée en
fonctions du véritable comité de salut public ou de surveillance,
organisé — illégalement — par les représentants du peuple, le 29
août, l'on peut reconnaître les procédés caractéristiques de la
Terreur dans les événements locaux si nombreux, si complexes et si
confus, qui se succèdent sans interruption et se pressent, en sollicitant
l'attention troublée par une affolante multitude d'incidents, de noms,
de dates, de causes, d'effets et de doutes.
L'abolition de la royauté et la proclamation de la République
par la Convention, les 21 et 22 septembre 1792, entraînaient la né-
cessité d'un renouvellement des corps administratifs et municipaux,
qui fut décrété le 10 octobre.
Les événements les plus graves, l'emprisonnement du roi, les
massacres, les troubles, même ceux de Rouen, loin d'inspirer le
dégoût des affaires publiques à des hommes tels que MM. d'Herbou-
ville, de Fontenay et Rondeaux et à leurs amis, les leur faisaient
rechercher, moins par ambition que pour écarter des révolution-
naires. Comme trente-cinq ans plus tard Berryer, ils pensaient, sans
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-17-
doute, que quand la force domine dans un Etat, les particulier^ ne
peuvent que se soumettre, et les gens de bien doivent encore à la
société le tribut de leurs efforts pour détourner de plus grands
maux (1).
Aussi, M. de Fontenay (2) qui avait succédé dans les premiers
jours de décembre 1791, à M. d'Estoutteville, second maire de Rouen
depuis 1789, ne donnait-il sa démission, le 29 septembre 1792, que
parce qu'il venait d'être élu membre du Conseil général du départe-
ment, à la présidence duquel il était appelé le 3 décembre suivant.
Le directoire du département, installé le 29 novembre, présidé
d'abord par Bouvet (3), de Rouen, au bénéfice de l'âge, et ensuite
par M. de Fontenay, élu président le 3 décembre, à la majorité abso-
lue des suflErages, est, en outre, composé de Bouvet, doyen d'âge ;
Revelle, juge de paix à Veules ; Dubois, serrurier à Saint-Saens ;
Belhoste, de Rouen ; Grandin, d'Elbeuf ; Bazire ; Choin du Lys, du
Havre ; Dumazert, apothicaire et maire de Fauville ; Anquetin de
Beaulieu, procureur général syndic, dont Bazire est le suppléant, et
Niel, élu à l'unanimité secrétaire général. Bouvet est désigné, au
troisième tour de scrutin, comme devant avoir la voix prépondérante.
Du directoire du district font partie Cabissol (4), ancien adminis-
(i) Séance de la Chambre des Députés, du il août 1890. Moniteur du 12 août 1890,
p. 890, col. 3.
2) Pierre-Nicolas de Fontenay, négociant, ancien administrateur de TUôtel-Dieu
et ancien juge consul, fils de Nicolas-Eustache de Fontenay et de Marie-Thérèse
Grandin, né à Rouen, le 27 septembre 1743, veuf en premières noces de M"« Hurard,
s'était remarié à Saint- Vincent de Rouen, le 3 juin 1776, à Marie-Elisabeth Ribard, fille
de Jean-Pbilippe-Nicolas Ribard, officier de la panneterie du roi, ancien conseiller
échevin, ancien juge consul, et de M.-G. Guillemard. Lui seul signait son nom avec un
F affectant la forme majuscule. Ses frères ne recouraient point à cet innocent artifice.
M. Gosselin Ta remarqué et il imprime toujours Defontenay, comme le faisaient les
contemporains de celui-ci. V. not. art. nécrologique dans TAnnuaire statistique du dép<
de la Seine-Inf. de 1807.
(3) Pascal Bouvet, avocat, inscrit à Rouen dès 1753, syndic en 1789, date à
laquelle il demeurait comme Thouret, cour de ville. Il présidait le département, lorsqu'en
4800, Beugnot fut nommé préfet de la Seine-Inférieure.
( 4) Cabissol a joué un rôle politique important pendant et après la Terreur. Ancien
procureur du roi de la Vicomte de TEau. Dans Tétat des non valeurs de la capitation
de la Chambre des comptes, des officiers de justice, des nobles et des privilégiés de
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— 18 —
trateur ; Deschamps père, ex-officier municipal ; François-Aimable
Berée, Bellamy, Thomas, ex-commissaire du roi au Tribunal, procu-
reur-syndic, Milcent, secrétaire. — Sont administrateurs du district :
Andrieu, juge de paix à Rouen, Delespine père, négociant, ex-offi-
cier municipal ; Lefebvre-Signol, prud'homme ; Caudron, marchand
chapelier, ex-officier municipal ; Dornay, juge de paix à Saint-
Martin-de-Boscherville, Bademer, négociant; Gorlier et Thomas
Vincent, propriétaire à Saint-Thomas-la-Chaussée.
Les élections du conseil général de la commune s'accomplirent
avec moins de calme.
Les deux principaux aspirants aux fonctions de maire étaient
MM. d'Herbouville et Rondeaux ( 1), tous les deux non réélus au
département, que présidait le premier.
M. d'Herbouville avait des antécédents politiques et adminis-
tratifs qui le mettaient plus en vue que M; Rondeaux. Cependant,
celui-ci, quelques jours avant le 10 août, s'était placé en évidence,
par un acte qui dénote un homme dévoué et énergique, et que ses
biographes ont oublié de mentionner. Un décret du 13 août avait
mandé ThieuUen, procureur général syndic, à la barre de l'Assem-
blée nationale. Le conseil général du département, « témoin des
travaux considérables du procureur général syndic, qui ont affecté
sa santé, craignant qu'il ne pût obéir au décret s'il succombait à sa
faiblesse », accepta l'offre spontanée de M. Rondeaux, d'accompagner
ThieuUen, tant à cause de sa santé que pour le suppléer. (2).
Rouen, en 1783, il figure pour une taxe de 54 1., avec cette indication marginale : « Im-
payable; demeure chez M. de Belbeuf. » Il devint conseiller de préfecture sous l'Empire
et mourut en 1820.
(1) Messire François Rondeaux, chevalier, sieur de Montbray, seigneur de Brilly,
conseiller du roi, maître ordinaire de la Cour des Comptes, Aides et Finances de la
Normandie ( acte de naissance de son fils, S»-Nicaise de Rouen, 5 juillet 1782 ). Veuf
en premières noces d'une Chapais, M. Rondeaux avait épousé, en 1781, M"« Marie-
Anne Dufou. — Il était né à Rouen en 1753 ; mort à Louviers en 1820. Il avait fait partie
de la loge maçonnique rouennaise la Ce/es^e ^t9it7iV^ disparue au début de la Révolution.
( 2) Le hasard réunit les noms de Rondeaux et de ThieuUen dans une toute autre
circonstance. Leurs fils faisaient partie, le 11 août 1830, de la commission municipale de
Rouen qui se rendit à Paris pour complimenter Louis-Philippe de son avènement au
trône.
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-19 -
C'était un voyage dangereux, ainsi que le fait voir le compte-
rendu de la séance du 13 août (1). Thuriot qui, déjà, est le porte-
parole des révolutionnaires de Rouen, et saisit avec empressement
les occasions de s'occuper de cette ville, n'est pas satisfait des décla-
rations et des assurances de Thieullen. Il rappelle que le 5 août, un
courrier extraordinaire du directoire du département de la Seine-
Inférieure est arrivé directement chez le ministre de la justice et de
là s'est rendu au département de Paris et chez M. Ducastel, le
député. « Le procureur-général syndic, ajoute-t-il à brûle-pourpoint,
doit être en état de nous dire s'il est vrai que Ton ait eu le projet
d'emmener le roi à Rouen, et s'il est vrai que les prêtres aient pris
les armes dans cette ville? »
Thieullen s'explique, affirmant sur son honneur et celui du
département qu'il n'a été envoyé de courrier qu'à Ducastel. On
craignait, dit-il, l'invasion des Autrichiens et la descente des
Anglais (2). Il ignore si le courrier avait des dépêches particulières;
il n'a jamais été question au département que l'on dût emmener le
roi à Rouen (3). Il n'a jamais été question de cela au conseil général
et c'est un projet que lui, Thieullen, n'aurait jamais pu entendre
sans horreur, auquel il se serait constamment opposé. Sur les
prêtres, il ne sait si les Suisses leur ont fait faire l'exercice
Thuriot persiste, parle de combinaisons adroites, reproche au
procureur-général de ne pas répondre avec franchise ( on applaudit)
et fait décréter que les membres du département de Paris et le
ministre de la justice seront mandés à la barre.
(1) Moniteur du iS août 1792, p. 970.
(^ Le procès-verbal de la séance du 4 août, du département, ne parle ni des
Autrichiens ni des Anglais. « Considérant qu'il ne doit rien négliger dans les circon-
stances actuelles pour bien connaître et suivre le fil des événements qui commencent à
se développer, » il arrête qu'il sera expédié aux députés du département à l'Assemblée
nation^e un courrier qui restera auprès d'eux, et par lequel ils seront in\ités de faire
part de tout ce qui pourra intéresser le département, même de faire succéder un autre
courrier au premier dans le cas où les événements se suivraient assez rapidement pour
l'exiger. »
(3) On connaît ce projet. D'après des allégations de Musquinet de la Pagne, le
maire d'Ingouville, un navire attendait le roi au Havre, et ce navire se nommait le
Fwtuné, ~ prénom de M. d'Herbouville.
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- 20 -
Mis en cause, Ducastel intervient et renseigne sur ce qui le
concerne, avec moins de clarté peut-être encore que Thieullen. Il
révèle que, malade, il chargea Vimar de concerter avec la députa tien
la réponse qui fut rédigée chez Tarbé et que le soir, à neuf heures,
en se retirant, il fut arrêté, conduit à la mimicipalité et au comité de
surveillance. Le courrier aussi avait été appréhendé, ses lettres lues,
mais non incriminées.
Tout concourait à donner à ces éclaircissements une teinte
embarrassée, mystérieuse et inquiétante : Tarbé vint à son tour
déclarer qu'il ne retrouvait pas la lettre du Directoire du départe-
ment, restée probablement chez lui, d'après Vimar.
Et il semble bien, quand on voit le même Tarbé, quelques jours
auparavant, dans la séance du 10 août, insister vainement pour lire
une adresse du conseil général du département de la Seine-Infé-
rieure (1), qu'il y avait eu autre chose que les craintes « imaginaires »
d'invasion dont parlent Thieullen et Ducastel. Cette adresse, du 8
août (et non du 9), proteste contre les velléités de violation de la
Constitution par l'Assemblée, qui se laisse présenter des pétitions
tendant h la déchéance du roi. L'assemblée, objecte-t-on, ne peut
rien proposer ni consentir qui porte atteinte à la Constitution.
« Louis XVI est roi par la Constitution, comme vous êtes législateurs
par la Constitution. Il tient son droit du peuple comme vous tenez
le vôtre, et vous ne pouvez pas plus le déclarer déchu que lui ne
pourrait vous déclarer dissous. La Nation est seule souveraine. »
L'adresse et l'arrêté du lendemain (2) donnaient créance à
tous les bruits de complots ourdis à Rouen et avaient déterminé les
investigations à la suite desquelles Thieullen avait dû se rendre à
Paris avec M. Rondeaux, qui, comme lui, avait pris part aux
délibérations des 4, 8 et 9 août.
Après des émotions qui n'étaient pas de nature à raffermir la
santé de VOrateur du sentiment (3), MM. Thieullen et Rondeaux
(i) Moniteur du 28 juin 1792, p. 761.
(2) Le texte de l'adresse et de l'arrêté sont dans les registres du département et
dans le numéro du Journal de Bouen du 12 août.
(3) Surnom donné à Thieullen ( Lebreton, Biographie).
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- 21 -
rentrèrent à Rouen, et, dans la séance du 17 août, le premier rendit
verbalement compte du voyage. On ratifia le serment qu'il avait
prêté devant l'Assemblée au nom du département, et les membres
du district s'y associèrent. (1) Le Journal de Rouen, en publiant le
compte rendu de la séance de la Convention du 13, passe sous silence
les apostrophes de Thuriot et les dires de Ducastel. A l'en croire
« les explications de ThieuUen ont paru à la Convention sufiSsantes à
quelques égards, et, après débats, il a été admis aux honneurs de la
séance... (2)
Cette digression me sera pardonnée, je pense : Elle présente
M. Rondeaux sous un jour favorable ; elle fait voir quel renom de
royalisme Rouen s'était acquis au sein de l'Assemblée législative, et
quelle surveillance passionnée s'exerçait déjà autour des adminis-
trateurs du département à Rouen et des députés à Paris.
Le directoire du département, surtout, se trouvait irrémédia-
blement atteint d'un discrédit contre lequel, à la veille des élections,
il s'était efforcé de réagir par des manifestations fréquentes. Il en
est une surtout qu'il tint à faire connaître au ministre de l'intérieur
Roland, lequel l'approuva. Je veux parler de sa commande vraiment
opportuniste au peintre Lemonnier, le 21 septembre 1792, d'un
tableau dont il agréa, le 3 novembre, l'esquisse représentant l'homme
brisant ses fers et reconquérant la liberté et l'égalité que des tyrans
lui avaient ravie. (3)
M. d'Herbouville semble avoir été le candidat préféré du conseil
communal sortant qui, le 17 décembre, le désigne comme délégué
devant présider l'ouverture de la sixième section, celle de son domi-
(1) Arch. dép. Procès-verbaux des séances du dép».
(2) Journal de Rouen, des 17 et 18 août 1793.
(3) Ce tableau devait avoir au moins 9 pieds de hauteur sur 6 à 7 de largeur, être
encadré d'une bordure dorée d'une valeur de 5 à 600 1. et être livré dans le délai de 6
mois contre le paiement de 3,000 1. M. Rondeaux était chargé d'en surveiller Texécution
qui eut lieu. — N'est-ce pas celui décrit par le journal de HorchoUe et signalé par M. de
la Bunodiére (Notice arch, et hist, sur l'église Saint^Ouen de Rouen^ p. 66) tableau qui
représentait « un tyran renversé tenant en sa main un poignard et enchaîné par le cou
d*ime grosse chidne attachée dans une muraille » ?
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— 22 —
cile, laquelle s assemblait dans une des salles de la ci-devant com-
munauté de Saint-Patrice. (1)
S'il se présenta sous ce patronage, il eut tort, carie Conseil,
tout récemment, s'était aliéné un grand nombre d'électeurs. Il venait
de repousser, à deux reprises, les tentatives de quatorze des vingt-
six sections de Rouen, tendant à l'organisation d'un « prétendu
bureau de la majorité des sections, sorte de comité central, corps
intermédiaire délibérant » qualifié d'illégal, et de faire poursuivre le
président et les deux secrétaires de ce bureau, comme fauteurs d'as-
semblées illicites. (2)
Peut-être, au surplus, les deux candidatures Rondeaux et d'Her-
bouville n'étaient-elles qu'une tactique dirigée contre les révolution-
naires. C'est peu vraisemblable, toutefois. Il paraît qu'à ce moment
déjà on voulait porter Pillon (3) à la mairie, et que dans les sections
les plus populeuses ses adeptes sollicitaient les ouvriers dans leurs
ateliers, offrant de l'argent aux uns, faisant boire les autres pour
obtenir leurs suffrages (4).
Quoi qu'il en ait été, MM. Rondeaux et d'Herbouville obtinrent
au premier tour Je scrutin le plus grand nombre de voix, sans
rétinir la pluralité absolue des suffrages.
Le 25 décembre, le second tour de scrutin, lors duquel les
électeurs n'avaient pu voter que pour ces deux candidats (5), donna,
sur 1747 votants, 1349 voix à M. Rondeaux qui fut élu. Le conseil
général de la commune, en proclamant ce résultat, charge les citoyens
Turgis, officier municipal, Mauger, notable. Renard et Lemachoix,
commissaires de sections, d'aller lui faire part de son élection. Ils
(1) Arch. mpales. Le citoyen Blanche présidait la première section, réunie en la
salle d'administration de Tllôtel-Dieu ; Ribard la 4«, réunie en la Chambre dite de
Commerce ; Thésard fils, la 7«, au Palais de justice ; Bouvet, la 8«, en la salle d'audience
de la Maison conunune ; Vimar, la 12«, en la salle ci-devant maison de Saint-Ouen ;
Gratien, évêque, la 14«, en la salle des Etats de l'Archevêché ; Bignon, l'alné, la !?•, au
Collège ; Legentil, commissaire, la '18«, aux Capucins.
(2) Arch. mpales. Procès-verbaux des séances.
(3) Pillon avait alors 26 ans et 3 mois. — L'âge exigé était 25 ans.
(4) Rapports des commissaires des sections de l'an IIL
(5) Procès- verbaux des séances. — Décret du 14 décembre 1789, art. 16. — L*art. 8
de ce décret avait supprimé le 3« tour de scrutin.
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— 23-
reviennent avec lui, et son acceptation a lieu dans la séance de ce
jour même où il prononce un discours qui, pour être bref, n'en est
pas moins remarquable. « Le républicain, dit M. Rondeaux, déteste
les honteux calculs de l'intérêt personnel : il tire un voile sur les
idoles de son cœur » Le citoyen Asselin, qui préside, lui
répond (1).
Les péripéties de ces mémorables élections, faites dans des jours
si critiques, méritent d'être résumées.
Deux tours de scrutin furent aussi nécessaires pour l'élection de
tous les officiers municipaux. Le second eut lieu les 30 et 31 dé-
cembre. 2393 votants donnèrent à : Pillon, 1115 voix ; Pinel, 699 ;
Jean Asselin, 688; Vulgis-Dujardin, 648; Brémontier, 696; Houel,
588 ; Lamine, 581 ; Loui^ Robert, 550 ; Levieux, 499 ; Clavier, 488 ;
Ddlamare, 486; Leblond, 401; Debonne fils, 394; Guillaume
Adeline, 393 ; Tamelier, 370, et Le Canu fils, 352.
Après eux avaient obtenu le plus grand nombre de suffrages :
Féré, 349; Thiessé, 337 ; Adam, 335 ; Roger fils, Delalande, Turgis,
Hubert, Houel, Victor Lefebvre et Harel.
Quatre des élus, G. Adeline, Levieux, Debonne fils et Houel,
ayant déclaré ne pouvoir accepter, il fut décidé qu'ils seraient rem-
placés non par des notables, mais par les citoyens ayant réuni le plus
de voix après les élus. Thiessé qui, on vient de le voir, est le second,
refuse. Par suite, ce sont les citoyens Féré, Roger fils, Delalande et
Hubert qui se trouvent être nommés. A leur tour, Vulgis Dujardin,
Delalande, Hubert et Brémontier n'acceptent point et sont remplacés
par Victor Lefebvre, Harel et Turgis. Une dernière modification
survient, Brémontier s'étant décidé à accepter.
Il faut pareillement deux tours pour le procureur de la commune.
Les candidats sont Lecoutour et Harel. Le premier triomphe le
3 janvier avec 1,034 voix contre 729.
Le substitut est élu le 6 janvier, toujours au deuxième tour.
C'est Pierre Lecomte, grefiSer des consuls, premier des députés
suppléants à la Convention (2) qui remporte la victoire par 872 voix.
(i) Id. — Le discours de M. Rondeaux est dans le Journal de Rouen^ du 98 décembre.
(3) Pierre Lecomte est vraisemblablement le même que Lecomte, bourgeois, rue
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- 24-
Elle lui a été très vivement disputée par Samson (1) qui en
obtient 742.
Pour ne pas scinder ce tableau succinct des élections, il est
nécessaire d'anticiper sur les événements et d'aller jusqu'au
11 janvier. Le dépouillement du scrutin pour la nomination des
quarantenleux notables avait été fixé à cette date à six heures du
soir. Mais les manifestations de la place de la Rougemare sur-
viennent et obligent aie remettre au lendemain matin. Les mêmes
causes font qu'il a lieu seulement le 12, à deux heures et demie et à
cinq heures du soir.
Voici ces notables : Arvers, Guyet, R. Allais, Eudeline le jeune,
Poret fils aîné, Thiessé, Vulgis-Dujardin, J.-B. Pinel, Desaubris,
Samson , Villard , Carré , Pouchet - Maugendre , Harel , Tarbé,
Lebertois, Houel, Dieu, Bellencontre, Guill. Lefebvre, Anque-
tin le jeune, Herbouville, Lagnistre, Mordant, Le Boucher,
L. Hurard , Isambert , Bérard , Bénicourt , Gambard , Desmalis,
Gaillon, Lepiller, Néel, BouUenger, Prosper Ribard, Chouquet,
Lézurier fils aîné, Grandcourt, Thorel, Delacroix et Pemelle.
Neuf n'acceptent pas : Villard, Houel, G. Lefebvre, Mordant,
Hurard, Isambert, Lepiller, Ribard et Pemelle. On leur substitue
Guttinguer, Huault, Long, Dumare, Thomas père, Legendre,
Digard, curé. Barbier et Duplessis (2) premiers suppléants.
En somme, seize des oflBciers municipaux sur vingt, plus
M. Rondeaux, et vingt-sept des quarante- deux notables sont de
nouveaux venus dans l'assemblée communale.
L'élection de huit commissaires de police n'est intéressante à
mentionner que parce que le 24 janvier il se produisit de la part de
la 23* section des protestations contre la nomination du citoyen
Legentil. En oulre, celui-ci fut mêlé, dans les premiers mois de 1794,
à une (( ténébreuse affaire » dont les détails jettent un jour singulier
sur les dessous de la police révolutionnaire à Rouen. Au surplus,
la plupart de ces « fonctionnaires » ayant au moins momentanément
de l'Estrade, notable sous la première municipalité de Fontenay. — 11 était célibataire
et âgé en 1794 de quarante-neuf ans.
(1) Louis-Michel Sanson, avocat depuis 4781, demeurait rue du Sacre, 18.
(2) Le 31 janvier, Duplessis, notable, donne sa démission, vu ses infirmités.
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figuré sur les listes de terroristes, leurs noms sont utiles à connaître.
Les voici, avec l'indication des divisions dont ils furent chargés :
Vincent (le Champ-de-Mars) ; Legentil (Robec) ; Cottais (Saint-
Sever^ ; Lemonnier (la Crosse) ; Lemoine (la Bourse) ; Gontier
(Cauchoise) ; Dubost (Notre-Dame), et Beaufils (Saint-Hilaire).
Le Conseil général sortant resta sans maire depuis la démission
de M. de Fontenay jusqu'au 18 janvier 1793. En même temps que ce
dernier, le procureur de la commune, Bazire, sort lui-môme du
conseil par suite de sa nomination comme membre du directoire du
département. Lecoutour, son substitut, qui, ne prévoyant pas être
élu le 3 janvier, pour succéder à Bazire, a accepté les fonctions de
juge au tribunal du district, prive ainsi momentanément le conseil
de son concours.
Pendant cette période de près de trois mois, d'une agitation
extrême, la présidence du conseil se trouva dévolue au troisième (1)
officier municipal inscrit, T.-L. Asselin (2) ; Debonne fils et Houel
auraient rempli les fonctions de procureur et de substitut (3).
Ce furent ces hommes, moins expérimentés et moins doués que
les titulaires prématurément sortis du conseil, qui, en janvier,
eurent à faire face aux embarras sérieux créés par une tumultueuse
manifestation en faveur du roi. Il me faut parler de cette affaire
en évitant les redites et en apportant un utile contingent de détails
absolument inédits.
(i) Les deux premiers étaient Deschamps, négociant, rue Martainville, et Le Boucher,
homme de loi, entrés au directoire du district. Le Boucher revint à la commune en
qualité de notable.
(2) Thomas-Lôuis Asselin, négociant, rue de la Pie, qu'il ne faut pas confondre avec
Jean Asselin, aussi négociant et officier municipal lequel demeure place du Marché
aux Veaux.
(3) D'après M. Gosselin. On verra plus loin que Lecoutour et Lecomte étaient
entrés en fonctions à la municipalité au moins dès le 12 janvier, six jours |avant l'instal-
lation officielle. — Houel et Debonne furent témoins dans le procès Aumont-Leclerc
devant le tribunal révolutionnaire de Paris. — Debonne essaya de se faire récuser à
raison de sa qualité d'officier municipal, et comme ayant signé les procès-verbaux.
Son audition fut ordonnée « sauf aux citoyens jurés à avoir tel égard que de raison à
sa déposition >. Houel fut entendu sur assignations de l'accusateur public et d'Aumont.
Jacques Debonne fils aîné « ex-marchand en détail, » fut arrêté le 19 brumaire an II,
comme suspect d'incivisme et d'aristocratie et mis en liberté par le représentant
Guimberteau sur un « tableau de sa conduite politique ».
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Ainsi que l'imprimeur Leclerc l'avait annoncé dans son journal
la Chronique Nationale et Etrangère (1), le 9 janvier, et, comme
l'avocat Aumont était venu en prévenir Houel, faisant fonctions de
substitut, dans la matinée du vendredi 11 janvier, cette adresse se
signait devant la maison d' Aumont lui-même, place de la Rougemare,
n<> 7 (2). Le peu de délai ne permettant pas de remplir des formalités
pour obtenir un autre local, un Avis aux Citoyens, imprimé sur
papier rouge, affiché et distribué avec profusion, l'avait annoncé au
public (3).
La municipalité n'avait point mis obstacle, d'abord, à l'accom-
plissement de ces desseins, à la signature de l'adresse; mais le nombre
considérable de personnes qui la souscrivaient de leurs noms (4) et
que, dans une période électorale surtout, on ne pouvait manquer
d'observer, d'épier, attira promptement l'attention des partisans de
la révolution. Dans cette foule on retrouva môme Henry La Chambre,
(i) Ce jovrnal avait pour directeur-gérant Leclerc. Son imprimerie était dirigée par
un sieur Besche, rue Saint- Lô, il. Ce Besche (Nicolas-Gemiain) fut emprisonné par
mesure de haute police et mis au secret pendant un mois en juin-juillet 1806. \\ avait
une maîtresse, « femme romanesque, fanatisée avec les romans » qui avait « la manie
de toujours vouloir être riche quoique brouillée avec la fortune, jusqu'au point de
s'être donnée à connaître pour la marquise de Neuilly. »
(2) Cette maison avait été acquise par Aumont de Gaspard-Charles Bunel, médecin
à Neufchâtel, à la charge d'une rente viagère due à M. Du val. Elle se composait d'un
grand corps de logis, au bas de la rue des Carmélites, faisant face sur la place du
marché de la Rougemare. Aumont en avait une autre sur la même place, louée au sieur
Noël, et une troisième rue Saint-Patrice. U possédait trois fermes à Pissy, à Saint-
Jean-du-Cardonnay et à Barentin, et d'autres biens à Quincampoix et en Basse-
Normandie, plus des rentes. Il empruntait le \*^ septembre 1792, 10,000 1. de Louis
Bobée, de Rouen, et le 6 juin 1793 (veille de son transfert à Paris), s^ns doute pour les
besoins de son procès, 3,000 1. de H.-A. Ricquier, de Rouen, dont le billet était déposé à
Castel, notaire. Le premier emprunt pouvait bien avoir servi à la campagne royaliste, à
la proj)agande dont Fouquier-Tinville l'accuse lorsqu'il dit que trois semaines avant le
il janvier, Aumont faisait changer des écus de six francs en petite monnaie de 24 sols
et de 12 sols et qu'un seul citoyen lui en a changé pour 60 1. — Dix-sept maisons de la
place de la Rougemare appartenaient à l'abbaye de Saint-Ouen, et avaient été vendues
les 25 juin et 26 octobre 1791, comme biens nationaux.
(3) Réquisitoire de Fouquier-Tinville. Arch. nat. W 285, dossier 131, 1^ partie,
pièce 4.
(4) 30,000 personnes, dit-on notamment dans VHistoire des Villes de France, de
Guilbert, et dans le Dict. de la Révolution^ de E. Boussin et Challamel, défilèrent chez
Aimiont,
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- 27 -
qui avait été le premier à signer, et Ton sut qu'il avait acheté de
l'encre, du papier et des plumes, recevant ensuite les signatiures, et
signant pour les illettrés (1).
La forte logique de l'écrit d'Aumont avait provoqué l'explosion
du sentiment public déjà surexcité par d'énergiques efforts pour
sauver Louis XVI. Jusque-là, nul n'avait osé recourir ouvertement
aune telle manifestation (2). Aussi Fouquier-Tinville put-il soutenir
que l'Adresse n'était qu'un prétexte pour exciter une sédition.
L'enthousiasme bruyant des signataires, leurs cris de Vive le
Roi! durent confirmer les révolutionnaires dans la pensée que
l'émotion causée par le procès du roi, ravivée par l'Adresse, avait
contribué pour beaucoup à diminuer leurs succès électoraux, surtout
pour les notables.
Les membres du nouveau conseil appartenaient effectivement
à peu près pour moitié au parti modéré et pour moitié à celui des
Montagnards. Ceux-ci, pour dominer, devaient recourir à l'intimi-
dation, à la violence. Ils n'allaient pas y manquer, soutenus qu'ils
étaient par les excitations et les exemples de Paris et surtout par
l'ardent désir de ne pas voir renaître les soupçons qui avaient mis
Rouen en si grande défaveur auprès de la Convention.
D'où le tumulte survenu tout à coup, le 11, à l'instant où étaient
au moins pressentis, sinon connus, les résultats de l'élection des
notables, faciles à supputer pour les initiés, pour ceux qui savaient
les votes des sections, avant même le dépouillement général.
A partir de ce même jour, 11 janvier, une cinquantaine d'arres-
tions sont opérées dont quinze à cette date même. Les personnes
(1) Réquisitoire de Fouquier-Tinville.
(2) Outre Y Adresse des 450 communes de Normandie (anonyme), à la Conventiou
sur le jugement de Louis XVI, datée de 1793, il y a aux Arch. nat. différents écrits ayant
rapport au procès du roi, et venant de Rouen. Entre autres, une lettre d'un t citoyen lio
Rouen qui veut le bien » — vraisemblablement un avocat, — datée du 8 décembre 179;^,
résxunant les principes que la Convention va violer dans Taffaire du ci-devant roi :
Le !•', qui veut qu'on ne juge personne sans l'entendre ou sans l'appeler; le 2«,. qu*oîi
ne peut juger sur des pièces non représentées ou des faits non communiqués; le
3», qu'on ne peut juger deux fois ni infliger deux peines à une même personne pour urj
même fait; le 4«, qu'on ne peut juger quelqu'un contre le vœu de la loi; le 5«, qu'il
but un tribunal spécial; le 6*, que la Convention ne peut, puisqu'elle accuse, jugei'
raccusé, etc...
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- 28 -
arrêtées sont conduites les unes au violon, les autres à la maison
d'arrêt de Saint-Lô. La quatrième et la cinquième de celles-ci,
amenées le 12 par des gendarmes, sont Georges-Michel Aumont (1)
avocat, et Jacques Leclerc, imprimeur, prévenus : l'un d'être l'auteur
« d'un rassemblement de citoyens des deux sexes à l'occasion d'un
» projet d'adresse » et l'autre a d'avoir distribué le même projet
» d'adresse in-12. contenant huit pages, tendant à soulever les cito-
» yens et à troubler la sûreté générale, qui a été troublée par un
» attroupement considérable (2). »
Leclerc, arrêté et mis en liberté le 11 ou le 12, est, cette fois,
repris sur un violent réquisitoire de Descroisilles, a-t-on dit. Ne
serait-ce pas plutôt après un réquisitoire prononcé dans une séance
de ce jour par le suppléant du procureur de la commune, dont le nom
est un problème : Le procureur Basire est démissionnaire et passé au
département; son substitut, Lecoutour, devenu juge, lui succède
ensuite comme procureur le 3 janvier, mais n'est pas encore installé.
D'après la version de M. Gosselin, ce devait être Houel ou Debonne
qui aurait eu le 12 à requérir contre Leclerc. Il semble pourtant que
ce fut le substitut du procureur de la Commune, Lecomte, qui prit
la parole. Il est aux séances dès avant le 10, et se présente, en cette
qualité, devant le district, le 11 ; il assiste sans mention de qualité
à la délibération du 12, et il signe pour V absence du procureur de la
Commune l'expédition de cette délibération envoyée à la Convention
et la proclamation de la Commune, du 12 janvier. Cependant, il
apparaît, on le verra tout à l'heure, que Descroisilles a pris part aux
agissements de la Société populaire contre les auteurs de la manifes-
tation de la place de la Rougemare.
(1) Aumont, inscrit depuis 1775, était né à Rouen, paroisse Saint-Godard, le juillet
1750, du second mariage de Georges Aumont, bourgeois de Rouen, avec une fille de
Vincent Gautier, avocat au parlement de Normandie. Il avait épousé Marie-Françoise
Cossart, fille du doyen des huissiers du parlement et de l'amirauté. Sa sœur était mariée
à Lesage, avocat, conseiller du roi, juge-garde en la monnaie de Rouen (1778). En
Fan VII, M™« veuve Aumont, née Cossart, fut soupçonnée d'avoir donné asile à un
émigré du département de Loir-et-Cher, et signalée comme étant très connue pour être
très attachée au parti royaliste et « pour avoir été l'amie et la grande protectrice du
trop fameux Gérard-Saint-Elme. » — Arch. mpales.
(2) Mandats d'arrêt datés du 12, signés de Debonne fUs, pour Aumont, et d'Asselin
pour Leclerc.
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- 29 —
Les noms d'Aumont et de Leclerc prédominent dans toute la
suite de Tafifaire de la Rougemare. C'étaient, au surplus, ceux de
deux hommes que leurs antécédents, leur situation et par dessus
tout vraisemblement leurs relations mettaient en évidence. Certaines
particularités fort peu connues peuvent en partie expliquer,
avec les circonstances où se produisit la manifestation des 11,
12 et 13 janvier, leur rôle et Tacharnement mis à s'occuper d'eux,
d'une part pour les perdre, d'autre part pour les sauver.
Avant la révolution, Aumont ajoutait à sa profession d'avocat
au Parlement et près la cour des Comptes les fonctions de procureur
du roi à l'hôtel des Monnaies dé Rouen et d'avocat fiscal de la haute
justice du chapitre Notre-Dame.
Il avait déjà des ennemis. Le 24 mai 1788, M. de Breteuil, mi-
nistre du département de la maison du Roi et de Paris, adresse à
M. de Maussion, intendant de Rouen, une lettre d'un pseudo comte
de Foy , a un malintentionné qui a contrefait son écriture et employé
un nom supposé » imputant k plusieurs aoocats de Rouen des pro-
pos séditieux et de chercher à soulever le peuple !
Des informations prises, il résulta que « ces avocats n'étaient
» rien moins que capables de mauvais propos. Ils jouissent d'une
» bonne réputation. Il en est trois surtout qui, réunissant à la pro-
» fession d'avocat d'autres fonctions honorables, ne se hasarde-
» raient pas à faire la moindre chose qui pût les compromettre. —
» Le S"^ Barrois (1) qui a toujours passé pour un homme sage et pru-
» dent est le chef de la juridiction de la vicomte de l'Eau ; il a cepen-
)) dant la profession d'avocat, ainsi qu'un de ses frères ; il ne m'a
» pas été possible de savoir lequel des deux on a prétendu inculper.
)) Le sieur Aumont est procureur du roi de la Monnaye et le S'
[1] Le 25 avril 1789, M. Barrois, vicomte de TEau, accepte les fonctions de secré-
taire de la députation aux Etats-généraux. (Invent, sommaire des Archives comm. de
Rouen, A. 55, p. 453). Le 20 septembre 1790, le directoire du département certifie que
M. Barrois, vicomte de l'Eau et membre du district de Rouen, est digne de remplir
toutes les fonctions de judicature qu'il plaira à S. M. de lui confier. (Reg. du dép^). A la
fin de décembre suivant, commissaire national du district de Cany, il fut destitué
dans les derniers jours d'octobre 1793 et arrêté pour incivisme. (Arch. municipales de
Rouen). Il a dû occuper auparavant le même poste à Gournay.
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— 30 —
» Bayeux (1) est secrétaire provincial. Quant au S"" Thierry, on sait
» qu'il est à Paris depuis quelque temps (2). On prétend même qu'il
» y sollicite une place dans l'un des nouveaux tribunaux. » (3)
Ce dénonciateur, on peut le supposer, se retrouve parmi les
plus déchaînés contre Aumont ei janvier 1793.
Leclerc, lui, avait été une première fois arrêté le 40 sep-
tembre 1792 par un des agents (4) des commissaires du conseil
exécutif, et incarcéré à Saint-Lô d où il était sorti le 15 du même
mois. Cela s'était produit à la suite d'un procès-verbal dressé par
Mariette, juge de paix, membre du bureau de sûreté, à ce moment-
là candidat à la députation. Dans ce procès-verbal, les sieurs
Guisier et Laugeux, (5) — deux noms à retenir, le dernier surtout, —
dénonçaient, en leur qualité de commissaires et au nom des 13* et
14* sections réunies, (6) un paragraphe de la lettre d'un soldat du
(1) Georges-Mathieii-Nicolas-Denis Bayeux « avocat au Parlement, secrétaire pro-
vincial de l'administration de la Haute-Normandie, membre de l'Académie royale des
sciences, arts et belles-lettres de Rouen, correspondant de l'Académie des Inscriptions
et belles-lettres de Paris », marié a Louise-Anne-Julie Guillot de Colleville, laquelle était
originaire de Carcagny, près Bayeux. Ces prénoms et ces qualités sont donnés à Bayeux
et dans les actes de naissance de son fils de sa fille à Rouen (Saint-Patrice, 2 mars 1784
et 7 mars 1788). Le fils, Georges-Félix (et non Georges- Louis), était né en 1784, et non en
1796, et avait eu pour pîirrain Doury, procureur au Parlement de Normandie, empri-
sonné sous la Terreur, et qui, après Tbermidor, voulut faire condamner 4. Darcel, pour
arrestation arbitraire. On sait que Bayeux, devenu procureur général syndic du Calvados,
fut massacré à Caen, le 6 septembre 1792. (Eug. de Beaure paire, La Not^rtiandie en i79S^
Assassinat de Georges Bayettjc, procureur général syndic du Calvados^ Revue de la Révo-
lution, 1887, 1. 1, pp. 441 et suiv., et t. II, pp. 3 et suiv.).
12) Beau- frère de Thiessé.
3) Lettre de M. de Maussi5n, intendant, au ministre, du 15 juin 1788 (Arch. dép.
C. 318.)
(4) Cet agent, clubiste parisien, qui se vantait de cette arrestation, avait été, lés
4 et 6 août 1789, comme Bordier, Jourdain et Bance, incarcéré deux fois de suite. Plus
habile que ceux-ci, qu'il avait peut être entraînés et dirigés, il sut se tirer d'affaire et
passer inaperçu. A en juger par ceiiains indices, ce dut être lui qui rédigea le placard
provocateur de la nuit du 24-25 juillet : « Nation, vous avez ici quatre têtes à abattre... »
Ce personnage vint et séjourna plusieurs fois à Rouen à des époques mémorables et y
écrivit un de ses plus fameux pamphlets. J'ai recueilli sur lui nombre de notes que je
compte faire connaître dans une publication ultérieure.
(5) Laugeux, dont il sera plus d'une fois question, était alors secrétaire des commis-
saires du pouvoir exécutif.
(6) Ces deux sections comprenaient notamment Saint- Vivien et Saint-Hilaire.
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- 34 -
camp de Mouzon, du 28 août, insérée dans la Chronique Nationale
du 2 septembre, faisant pressentir que les ennemis pourraient bien
gagner jusqu'à Paris.
La société des Amis de la liberté et de l'égalité a un compte à
régler avec Leclerc, dont le journal Ta attaqué naguère , lorsqu'elle
s'appelait la société des Amis de la Constitution. Dans sa «juste indi-
gnation » elle a arrêté, le 7 décembre 1790, de cesser de suite son
abonnement à ce journal de laristocratie, et d'inviter tous les
membres à ne plus recevoir chez eux cette feuille proscrite (1).
Ce qui s'est passé depuis n'a pas amélior S les rapports entre la
Chronique nationale et étrangère et la Société. Toujours aux aguets,
celle-ci, la première, a été renseignée sur les projets d'Aumont et de
Leclerc et sur le texte même de la « fameuse » adresse, que le
citoyen Garraut, — un futur comniissaire de police qu'elle récom-
pensera par une mention honorable, — est venu lui dénoncer avec
un « courage républicain. » (2)
Deux de ses membres, Néel, notable, et Lamine, architecte,
officier municipal, tous les deux récemment élus, viennent signaler
à la commune et au directoire du département les faits dont la place
de la Rougemare est le théâtre. (3)
Mais la Société ne s'en est pas tenue là : le 10 janvier (et non le 12),
elle charge Lecanu de la rédaction d'une adresse tendant à faire
repousser par la Convention l'appel au peuple , et répondant
en quelque sorte à celle qu'allait publier et faire signer Aumont.
Lecanu en donne lecture dans la séance du lendemain, et elle reste
déposée sur le bureau « pour que chaque individu à qui elle convient
puisse la signer». Les déductions insinuantes et l'âpre concision de ce
document montrent combien étaient grandes l'irritation et l'ardeur
dans le camp des révolutionnaires, et quelle activité ils durent
mettre à le faire couvrir de signatures durant la partie de la journée
du 12 qui leur restait.
Dans la séance du samedi 12 , la société décide que deux com-
(1) Procès-verbaux des séances de la Société des Amis de la Liberté et de l'Egalité.
(2) id. id.
(3) M. Gosseliii, ouvr. cité.
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missaires, Poret et Lecanu (1), seront envoyés à la Convention
pour porter cette adresse et Thistorique de ce qui s'est passé.
Descroisilles lit « les événements arrivés hier, rédigées par lui-même,
ainsi que les députés les présenteront à la Convention.» Approuvant
le travail du frère Descroisilles, elle l'invite à continuer le a journal
des événements » de ce jour et du 13 jusqu'à l'heure delà poste, et
à les envoyer à Poretet Lecanu. Ceux-ci en feront part à la Con-
vention (( qui sera satisfaite de voir encore une fois de plus
l'hideuse (sic) aristocratie terrassée par le plus courageux patrio-
tisme. » Et la séance, que la Marseillaise ouvrit, s'achève au chant
de « la même hymne, par Bignon, le jeune, (2) qui y a ajouté un
couplet de sa façon. ))
Le dimanche 13, la Convention admettait à sa barre a un
ofUcier municipal et un officier de la garde nationale de Rouen (3) qui
avaient fait le voyage exprès, » dit M. Gosselin en exprimant le
regret de ne pas savoir leurs noms. Ces noms, on vient de le voir,
sont ceux de Poret et Lecanu, tous les deux avocats, acharnés à la
perte d'un de leurs confrères.
Cette « députation » présente la pétition que ses mandants
opposent à l'adresse d'Aumont, pétition qui mérite d'être connue : (4)
« Représentants du peuple,
» Vous avez décrété que vous jugeriez Louis XVI : plus de
(i) La biographie de Tavocat révolutionnaire Lecanu serait i*une des plus curieuses
et des plus chargées. On retrouvera plusieurs fois son nom a^i cours de ce travail.
(2) Bignon, le jeune, avait alors 22 ans. 11 devint secrétaire de la Société populaire,
y prit parti dans une des questions qui passionnèrent le plus les patriotes, et raoatra
qu'il s'occupait plus encore de politique que de chansons.
(3) Moniteur du 16 janvier 1793, p. 70, col. 2. L'extrait imprimé du procès- verbal de la
Convention dit : c Une députation des citoyens de la ville de Rouen est admise à la
barre. » L'officier municipal est Lecanu, l'officier de la garde nationale est PoreU
(4) M. Gosselin, Revue de la NomiatidiCj 1866, p. 648, dit inexactement que cette
pétition demandait la mort de Louis XVL— Il y en eut une autre, des « prétendus sans-
culottes » de Rouen, adressée au ministre de l'intérieur, dont je ne connais pas le texte
et qui donna lieu à des poursuites contre les citoyens Dupont et Letellier, un moment
détenus en janvier 1793. Ayant établi qu'ils n'en n'étaient pas les auteurs, ils obtinrent
d'être relâchés le 30 janvier, sur un ordre signé Rondeaux et Havard. (Procès- verbaux
des délibérations de la commune, 27 et 30 janvier.)
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— 33 —
délai, et faites que lundi ne se passe pas sans- que^ous prononciez ce
jugement. Quel qu'il soit, le peuple le sanctionne d'avance.
» L'assemblée législative a suspendu Louis et Ta renvoyé à une
Convention pour être jugé. Elle nous a invités de nous réunir en
Assemblées primaires pour nommer nos députés à cotte Convention.
Nous vous avons nommés ; vous êtes donc délégués par nous pour
juger ce grand coupable.
» Que signifie cet appel au peuple, que l'on vous propose ?
Nous vous le déclarons formellement, il n'en faut pas : C'est l'appel
à la guerre civile. Louis est-il donc pins qu'un homme, pour le
donner à juger au souverain lui-même ? Nous avons exercé notre
souveraineté en vous déléguant pour ce jugement. Vous êtes revêtus
de nos pouvoirs illimités. Jugez donc, et jugez sans appel. En
appeler de vous à nous dans cette circonstance, ce serait en appeler
de nous à nous-mêmes, ce qui est absurde.
» L'impunité du coupable augmente chaque jour le nombre de
ses complices, en augmentant celui de ses partisans. On a crié dans
Paris : Vice le Roi ! On a poussé le même cri dans cette ville ; notre
républicanisme s'en indigne ; la liberté chancelle. Vos seuls délais,
votre seule faiblesse en sont cause. Déployez l'énergie propre à des
vrais républicains et montrez que vous en avez le sublime courage.
» Tel est le vœu des citoyens de la ville de Rouen, soussignés,
souscrit d'un très-grand nombre de signatures. » (1)
Les signatures ne sont pas à la suite du texte imprimé de cette
pétition ; on les trouve, au nombre de trois cents environ, sur l'ori-
ginal, écrit certainement par J.-V. Lecanu, qui cependant ne
signa qu'après Godebin-Jouvenet, premier signataire. On remarque
parmi les autres noms, ceux de Dieu, Hubert, Yvernès, Guyet,
Mabon, le Roy, Eudeline le jeune, Poret fils, Gaillon, Delalande,
Guyet père, Lefebvre-Signol, Rupalley, Fontaine, Lambert, C.-F.
Arvers, Bignon l'aîné, Angrand, Regnault, Lhuillier, Bignon,
L. Robert, V. Grout, Poisson, Letellier, Le Carpentier, Collet,
Lecanu, Jean Lefebvre, Becquet, J.-C. Carré, J. Poret fils le jeune,
Poret l'aîné, Paynel, Laborde, Fouquet, Bourdin, Bourdin, Darcel,
(!) Imp. nat. 7 pp.
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— 34-
Jacques Boudet, J. Delarue, Defresne, Pierre Lafontaine, J. CoUom-
bel fils, Martin, L. Buhot, etc., etc. La signature de Pillon n'y est
pas. (1)
L'un des deux Rouennais fait ensuite le récit de divers attentats
commis à Rouen contre la liberté, du courage des gardes nationales
et de Tarrestation d*une partie des rebelles. Il désigne Aumont, dans
là maison duquel on a signé une adresse séditieuse pour la délivrance
et rimpunité de Louis Capet, et crié Vive le Roi et au diable la
République. Il donne connaissance de la proclamation de la com-
mune de Rouen, ordonnant aux citoyens d'arrêter tous les perturba-
teurs et dénonce la Chronique Nationale, en lisant la «déclamation»
qu'elle contient en faveur du ci-devant roi.
Le récit, la lecture, excitent la plus vive indignation. On sait
que ce récit n'est autre que l'historique de Descroisilles, qui « fait
violence à la vérité. »
Une lettre de la municipalité (2) confirme tous les faits annoncés
par ces citoyens et la Convention ordonne l'impression et l'envoi de
la pétition aux 84 départements. Puis, le président (Vergniaud)
répond et admet la députation aux honneurs de la séance et l'on
décrète la mention honorable de la conduite du corps municipal et
de la garde nationale (3). La Cohvention daignait faire bon accueil à
la mercuriale que la pétition lui administrait incidemment.
C'est dans la môme séance que Thuriot, oubliant que la contre-
révolution naissait non delà signature de l'adresse d'Aumont, mais
bien de la mise en jugement du roi, triomphe avec cet argument
déconcertant : « Citoyens, si Louis était mort, y aurait-il une contre-
révolution à Rouen ? »
Par quelles raisons, dans cette môme séance du 13 janvier, « sur
la pétition du citoyen de la ville de Rouen, » et sur la proposition
(1) L'original de la pétition est aux Arch. nat. C 245.
(2) II y avait aussi une lettre confirmative écrite par le directoire du département.
(3) Moniteur du 16 janvier 1793. L'impression qui eut lieu en conséquence de Tordre
de la Convention comprend : l» Extrait de la séance du 13 janvier ; 2« Pétition contre
rappel au peuple ; 3» Aux Français^ par Du Moulinet le jeune , d'Âlençon [extrait] :
4» Délibération de la commune de Rouen, du 12 janvier, signée : T.-L. Asselin, président ;
pour Tabsence du proc. de la commune, Lecomte et Havard, secr. greffier, et 5» Pro-
clamation du même jour, signée des mêmes.
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- 35 -
d'un de ses membres (Thuriot), la Convention trop expéditive
décrétc-t-elle qu'il y a lieu à accusation (1) contre l'imprimeur
Leclerc, sans nommer Aumont, en arrestation avec lui? Celui-ci ne
s'était-il pas surabondamment déclaré, dans la matinée du 11,
Tauteur du projet d'adresse, l'instigateur, l'organisateur de la sous-
cription publique de l'adresse? Cela se passait, disaient les deux
Rouennais à la barre, dans sa propre maison.
Mystère et révolution I
Le ministre de l'Intérieur, Roland, lui, n'eût pas, comme la
Convention, récompensé la municipalité de sa conduite par une
mention honorable. Avisé aussi des manifestations des 11 et 12 jan-
vier, il s'en montre vivement contrarié. Ces nouvelles lui parviennent
dans un moment où sa situation est fort ébranlée, et il épanche sa
mauvaise humeur sur les administrateurs de li ville, qu'il blâme
d'avoir manqué de vigilance. « Il eut bien mieux valu, dit-il avec
trop de raison, ne pas laisser faire l'injure à l'arbre et au bonnet de
la liberté, que d'avoir à les relever et remplacer. » Avant même
d'avoir pu fixer son opinion, il se révolte à l'idée que dans une ville,
siège de trois corps constitués, on a laissé assaillir et maltraiter les
patriotes, et constate que, depuis la Révolution, Rouen n'a causé
qu'alarmes et inquiétudes au gouvernement (2).
Il en devait être d'autant plus désolé que le 31 août précédent,
UQ de ses émissaires, V. Féron, était venu à Rouen pour y répandre
de bons écrits, et particulièrement ceux dont l'Assemblée législative
avait voté l'impression. Ces écrits et même le « discours invitatif »
de Féron étaient restés stériles.
Le ministre était, en janvier, sous le coup d'accusations d'autant
plus graves qu'elles partaient d'ennemis redoutables. Peut-être,
lorsqu'il écrivait si durement aux Rouennais, entendait-il encore
résonner les paroles menaçantes de Marat à la séance du 9 janvier,
aussitôt après la lecture de la liste des nouveaux membres
(1) Le décret d'accusation, du 13, parvint dès le 14 à la municipalité (Arch. mpales.
Reg, de corresp., lettre du 14,. au ministre de la justice).
(2) M. Tiosselin a reproduit le texte entier de la lettre de Roland.
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- 36 —
du comité de sûreté générale, qu'on Taccusait de transformer en
comité contre-révolutionnaire \1).
J'ignore quelles réponses Roland reçut des directoires du district
et du département, mais je sais que le conseil général de la commune
de Rouen ne laissa point passer l'admonestation sans y répliquer
avec une grande fermeté.
L'équité exige que cette réplique soit publiée comme l'a été la
la lettre ministérielle (2).
» 18 janvier 1793.
» Au Ministre de Tlntérieur.
» La lecture de votre lettre du 14 de ce mois a vivement affecté
le Conseil général de la commune de Rouen. Vous nous dites qu'il
eût mieux valu ne pas laisser insulter l'arbre de la liberté que de
réparer l'injure qui lui a été faite ; nous le savons tous. Nous savons
de plus que quand le mal s'exécute, il faut l'arrêter, qu'il faut en
punir les auteurs quand il y a lieu. C'est dans ces trois points que sont
renfermés tous les devoirs de l'Administration. Nous sommes cou-
pables si nous y avons manqué. Mais s'il suffisait qu'une mauvaise
action, qu'un crime, qu'un mouvement contre-révolutionnaire eussent
eu lieu dans une ville, siège de plusieurs corps constitués, pour re-
procher aux magistrats de ne l'avoir point prévenu quand ils n'ont
fait que l'arrêter et le punir, toutes les autorités légales de Paris,
par exemple, seraient donc coupables des attentats que quelques
scélérats ont osé concevoir et exécuter au milieu d'eux ? (3)
» Non, citoyen ministre, vous n'avez pas pu le penser^ si la
calomnie avait tenté de vous le faire croire dans un moment où
l'audace de la valetaille contre-révolutionnaire devait vous indigner.
» Maintenant que les procès-verbaux de la journée du samedi
(1) Moniteur du jeudi 10 janvier 1793, p. 46, 3* col.
(2) Cette lettre parvint à Rouen le 15. Le même jour, Thiessé et Petit sont nommés
commissaires pour l'examiner et en faire le rapport. Le projet de réponse fut lu et
approuvé dans la séance du 16. Cependant, cette réponse est datée du 18. Peut-é're
attendit-on d'autres nouvelles de Paris ou voulut-on se concerter avec le nouveau
conseil général ou avec le district et le département.
(3) Il y a là, ce semble, une allusion à la faiblesse dont Roland fit preuve lors
des massacres de Septembn».
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12 de ce mois vous sont parvenus, vous nous rendrés, nous en som-
mes sûrs (vous qui plus que qui ce soit avez éprouvé que la calomnie
défigure la plus franche conduite, les actions les plus louables), vous
nous rendrés la justice que nous n'avons jamais cessé de mériter,
mais c'est un besoin pour le conseil général d'en recevoir l'assurance
de la bouche d'un homme de bien, qu'elle estime dans le moment
même qu'il juge mal ses véritables intentions.
» Que le gouvernement cesse d'avoir des inquiétudes sur l'esprit
public de la ville de Rouen. Nous vous attestons qu'on y veut la
liberté dans toute son énergie, le règne des lois dans toute sa pureté,
et que jamais la contre-révolution ni l'anarchie ne partiront du sein
de nos murs, car vous n'appelés contre-révolution le délire
de quelques douzaines de fanatiques et d'imbéciles qui ne paraissaient
nombreux d'abord que parcequ'ils enveloppaient au milieu d'eux un
bien plus grand nombre de citoyens paisibles et timorés qui, rendus
à la liberté par la force publique, se sont mis les premiers à la pour-
suite des perturbateurs.
... (1) personnes ont été arrêtées. Pour rectifier à leur égard
les erreurs qu'on a dites ou distribuées, nous vous envoyons la liste
avec leurs qualités. Six bureaux sont établis pour accélérer Tins-
traction. Nos successeurs vont être installés au milieu de ce travail.
Unis de cœur et d'intention, ils vont suivre avec nous les connais-
sances que nous avons acquises, et s'ils ont besoin de nos soins, nous
ne les quitterons pas un instant jusqu'à ce que l'instruction com-
plétée, mette la justice à portée de venger par une punition écla-
tante les outrages faits aux patriotes et aux emblèmes sacrés de
notre liberté.
« Citoyen ministre, daignés croire que nous sommes des hommes
libres et que nous ne seront jamais d'indignes magistrats. C'est à ce
caractère qu'il faut nous reconnaître, si l'on ne veut point, en nous
écrivant, se méprendre sur le style qui nous convient. » (2)
Cette lettre, où se reconnaissent les phrases acérées de Thiessé,
parvînt-elle au pauvre Roland, et, dans tous les cas, eut-il le temps
de la lire?
(1) Blanc dans la copie de la minute de la lettre, transcrite sur le registre.
(2) Arcb. municipales. Reg. de corresp.
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Le Moniteur du 21 janvier contient une Note du ministre de
Tintérieur, au peuple, qui en révèle et en suggère beaucoup plus
que ce qu'on pourrait apprendre ailleurs : « Il est faux et atroce de
répandre que je cherche à fuir; je n'ai rien à cacher, je sais mourir.
Il est atroce de publier que je ne rends pas mes comptes. . . » Signé :
Roland. (1)
Pour épuiser ce qui est essentiel à dire quant à présent de cette
phase de l'affaire de la Rougemare, il reste à mentionner qu'à la
veille de remettre ladministration à ses successeurs, le conseil
général de la commune de Rouen prend deux résolutions importantes :
Jean Asselin, chargé de la visite des prisons, fait remarquer, le
15 janvier, que Leclerc, contre lequel il y a décret d'accusation est
encore à la maison d'arrêt, et propose de le faire transférer en la
maison de justice, ce qui a lieu le lendemain. Puis, affirmant bien
résolument la volonté de le soustraire à la juridiction criminelle, et
paraissant peu confiant dans les dispositions du nouveau conseil, le
conseil général veut — le 16 — mettre ses successeurs en présence
d'une décision exécutée. Après avoir entendu lecture des dénon-
ciations et déclarations et de l'interrogatoire de Leclerc, et vu que
l'accusé n'est prévenu que du délit énoncé en l'article 20 de la loi du
22 juillet 1791, il renvoie Leclerc au tribunal de police correction-
nelle, et fait remettre les pièces à ce tribunal. (2)
Toujours le 15 janvier, le conseil envoie au district un paquet
scellé, contenant différentes lettres et des journaux trouvés au
bureau de la Chronique. Mais le district ne croit pas devoir prendre
sur lui d'ouvrir ce paquet et le fait parvenir au département « qui
avisera. » Le directoire du département a les mêmes scrupules et
adresse au ministre le paquet scellé, en décidant de procéder tou-
jours ainsi. (3)
(1) Roland est encore le 21 janvier à la tête de son ministère, où il s'occupe notam-
ment de faire rochercher Paris, l'assassin de Le Peletkîr de Saint-Fargeau. (M. Tour-
^ ^'^' r •" •'. • •' «Mnine de Paris, p. 188.) Le 13 février, Charlier
' * ' , ^ . » .1 .X v*.vu.raiivju Cv^.ii..- iv RolaiiJ ol sa clique». (Moniteur du 15 février,
p. 214.;
(2) Reg. des délib. — Peut-être s'agit-il ici de la poursuite des faits de septembre.
— L'article visé est au titre II de la loi et s'applique aux outrages envers la force armée.
(3) Reg. du département.
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L'administration départementale est sur ses gardes. Elle a reçu
des ministres de l'intérieur et de la justice. Tordre de dénoncer à
l'accusateur public les signataires de l'adresse, et désormais elle
affecte de se renfermer dans une attitude passive.
Pendant ce temps, Aumont et Leclerc, probablement confiants
dans la sollicitude des gens dont ils ont mis les idées en pratique,
attendent sous les verrous une solution que l'on s'efforce de retarder
dans l'espoir que de longs mois et les événements la rendront
meilleure.
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CHAPITRE TROISIÈME
IntUllation et débuts de U miiDicipalitô Rondeaux — La liberté de la preste. —
Les joamalistes Deschamps, de Limoges et Guiibert. — FcriTains royalistes réfngiét
à Roiieii : Dalmas, Gorentin Royon, Montigny, Rioust et Pourra — Vandalisme
d'nn ami des arts. — Adresse à la Convention. ~ Application d*nn aTen de
Laumonier.
Les tracas suscités par les manifestations ont retardé de quelques
jours l'installation du corps municipal, qui a lieu seulement le ven-
dredi 18 janvier.
Maire, oflBciers municipaux, notables, procureur de la commune
et son substitut sont présents, à l'exception de Lecanu, Poret,
Arvers et Anquetin, que ceux qui aiment les conjectures peuvent
soupçonner d'être à Paris, occupés à suivre les séances de la Con-
vention, où ils parviennent peut-être à voir juger Louis XVI (1).
Par 57 voix sur 58, Havard est nommé secrétaire-greffier du
Conseil (2).
On échange d'inévitables discours. Le maire promet en son nom
et en celui de ses collaborateurs, qu'on retrouvera en eux des amis,
des frères, et, s'il le faut, « des Régulus prêts à s'immoler pour le
salut de la patrie. »
Nonobstant, en cette séance même, leur première besogne con-
siste à préparer l'immolation d'un certain nombre de leurs conci-
toyens. Ils entrent effectivement en fonctions par la nomination de
commissaires « pour s'occuper de Tinstruction concernant les détenus
(1) Délibération de la Commune de Rouen. — La municipalité invita Poret et
Lecanu a revenir à leur poste. (Arch. mpales, reg. de corresp.) Mais la Société popu-
laire, quMls tenaient au courant par des lettres qu'apportait Leclerc, parfumeur, les enga-
geait plutôt à attendre à Paris l'issue du procès du roi. — Reg. de la Société.
(2) L'art. !••■ du décret du 49 octobre 4792, ordonnait le renouvellement de tous les
corps administratifs et municipaux, ainsi que de leurs secrétaireâ-greffiers. Jean-
Pierre Havard avait été nommé le 20 juin 4787 agent des affaires de i'Hôtel-de- Ville, en
remplacement d'Evrevin, malade. (M. de Beaurepaire, inventaire sommaire des
Archives communales antérieures à 4790, Rouen, imp. Lecerf, 4887, p. 453.)
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1
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dans l'insurrection dernière » et la formation, à cet effet, de cinq
bureaux : premier, Pillon et Tarbé; deuxième, Robert (de Saint-
Victor) et Carré; troisième, Roger et Delacroix; quatrième, Bérée
et Leboucher, et cinquième, Amiot-Guenet et Gueroult, soit, dans
chaque bureau, un officier et un notable.
Ces cinq bureaux poursuivront les enquêtes contre Leclerc,
Aumont et autres, enquêtes dont, entre temps, le 27 janvier, il est
décidé qu'ils se communiqueront les charges et renseignements.
Pendant plusieurs mois, il s'ensuivra de nouvelles arrestations.
Au surplus, le nouveau conseil ne se pique pas de logique. Tout
en continuant l'enquête sur l'affaire de la place de la Rougemare, il
passe à Tordre du jour, le 24 janvier, sur une pétition de Leclerc
demandant la levée des scellés apposés chez lui pour avoir \m docu-
ment justificatif. Le Conseil prétexte que le décret d'accusation du
13 lui a retiré la compétence de cette affaire.
Dès le 13 février, le département renvoie le procès Leclerc au
district qui devra les faire parvenir au Tribunal Criminel. Il s'agit,
ici, évidemment, de l'affaire de la Rougemare, et ces formalités
seront suivies d'un nouvel acte d'accusation du 28 février, résultant
d'un décret de la Convention .
A diverses reprises , la Société populaire , impatiente , avait
pressé la solution du procès
Le 13 janvier, au moment où ses deux députés sont devant la
Convention, un de ses membres propose une autre adresse à cette
Assemblée, tendant à former un tribunal pour le prompt jugement
des coupables de la veille et de l'avant-veille, et « prononce là-
dessus un discours plein d'énergie. » A la suite de ces instances il
est décidé a una voce », qu'une pétition engagera la Convention à
nommer on juge spécial.
En même temps, la Société envoie à la commune des députés
pour l'avertir que les prisonniers font bombance et que ce n'est pas
ainsi que doivent être traités des contre-révolutionnaires. La com-
mune répond qu'ils vont être « serrés. »
Le 19 mars, elle arrête que deux commissaires, dont l'un est
est Thierry, lui feront un rapport sur cette affaire qu'on voudrait,
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si la Convention l'estime utile, voir renvoyée devant le tribunal
révolutionnaire. Le 30 avril, elle décide qu'une adresse et une lettre
seront envoyées à la Convention et au Ministre de la justice pour
demander la punition des coupables d 1 12 janvier. La rédaction en
est confiée aux citoyens Laugeux et Foumier. (1)
L'enquête se complétait lentement. Mais le Tribunal criminel
de la Seine-Inférieure fut dessaisi par un autre décret, du 26 mai,
renvoyant spécialement Âumont et autres devant le tribunal révo-
lutionnaire de Paris, auquel la connaissance de laffaire n'était point
attribuée par la loi du 10 mars. Le véritable motif de ce renvoi fut
la crainte de voir renaître des troubles pendant les débats où
devaient se trouvés mêlés plusieurs centaines de rouennais, tant
accusés que témoins.
En exécution de ce dernier décret, douze cavaliers de la garde
nationale conduisent, le 7 juin, les vingt-trois accusés, de Rouen à
Paris, et les mettent à la disposition du tribunal révolutionnaire. (2)
Leclerc, ai-je dit, était sous le coup de deux poursuites. On
avait repris celle à laquelle avaient donné lieu les troubles de
septembre. Le directoire du district reçoit de la municipalité le«
procédures relatives à ces troubles et y reconnait un projet manifeste
d'amener des désordres et de corrompre l'esprit public.
Ces procédures comprenaient originairement, avec Leclerc,
Deschamps (3), directeur du journal VAbeille, incriminé le
10 septembre, pour s'être efforcé de soustraire le sieur de
Limoges (4) à des perquisitions, et Guilbert (5) directeur de Journal
(1) Procès-verbaux des séances de la Société populaire.
(2) Arch. municipales, Reg. des délibérations. Â titre d'exemple des inexactitudes
commises, môme par des contemporains, c'est ici le cas de mentionner que d'après les
Lettres de Lesguillier, sur la ville de Rouen, p. 599, Aumont, Leclerc et leurs co-accusés
furent, le lendemain de leur arrestation, envoyés à Paris et constitués prisonniers à la
Conciergerie.
(3) Joseph Deschamps fut arrêté une seconde fois par ordre du Conseil général de
la commune de Rouen, le 4 floréal an II, et écroué à Saint-Lô; atteint de folie, et trans-
féré à Bicétre le 7 messidor (25 juin 1794), il y mourut le lendemain.
(4) Le chevalier Louis-Charles de Limoges du Thuit (et non de Saint-Saens) avait
été lieutenant des maréchaux de France au Havre ùv 1772 à 4792. Un comte de Limoges
rétait à Rouen en 1772, un Limoges du Thuit en 1779, d après M. de Belleval qui met
conune lieutenant des maréchaux de France à Rouen, M. Cavelier d'Esclavelles, de
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de Commerce, de Politique et de Littérature, détenus au 22 sep-
tembre. Tous les trois ont cependant été mis en liberté, Leclerc,
le 15, Deschamps, le 26 septembre, et Guilbert, le 1«' octobre.
La presse p&tit des inquiétudes causées aux administrateurs.
Guilbert que son emprisonnement de septembre n'a point apaisé
« distille dans son numéro vingt- trois le poison de l'incivisme et delà
contre-révolution et cherche à troubler par ses diatribles contre la
première des autorités constituées », lisez : le directoire du départe-
ment, présidé par M. de Fontenay, Aussitôt, le 14 janvier, le pro-
cureur général syndic, Anquetin, s'empresse de requérir le district
et la municipalité de sévir. La municipalité, occupée ailleurs, ne se
h&te point, attend plusieurs lettres de rappel et finit par obéir en
s'excusant.
C'est pour le substitut du procureur de la commune, Lecomte,
une occasion de faire ses premières armes (1) et de se distinguer.
Il prononce, le 24, contre les a folliculaires » du Journal de Com-
merce, un discours énergique qui, le lendemain, entraîne la suppres-
sion de cette feuille.
Bientôt, V Indicateur politique, mercantile et littéraire, qui suc-
cède au Journal de Commerce, sera l'objet de dénonciations
réitérées. U Indicateur a pour imprimeur le même Guilbert et pour
propriétaire Petit, qui demeure à Paris, rue de Verneuil, et qui
envoie tous les a matériaux ». Guilbert ne tarde pas à être de nou-
veau arrêté. Le 13 avril 1793, jour où un ordre du département lui
prescrit de se retirer à Lauzanne, lieu pour lequel un passeport lui
est délivré sur le champ, Guilbert subit un interrogatoire qui fournit
\7n à 1792. (Revue hist. et nob. 1877, p. 197 et 241). Le Jautmal de Normandie et le
Journal de Rcmen ont publié un grand nombre de poésies du chevalier de Limoges. H
est né, non pas à Rouen ni à Saint-Saens, le 2 août 1705, mais au Tronquay (Eure), le 12
janvier 1750, de Jean-Alexis de Limoges et de Louise-Charlotte-Elisabeth de Godard.
Après 8*étre vu divorcer le 7 nivôse an III (27 déc. 1795) de A.-F.-V. Brocque, qu'il avait
épousée à Ingouville, le 14 juin 1774, il se remaria le 16 du môme mois de nivôse à
M.-L. Gordier, naguère couturière, devenue imprimeur en caractères, rue du Loup, en
UgitinumU une fille et un fils nés pendant son précédent mariage. Son frère était mort
tragiquement à Rouen, le l*'' mai 1777, chez son ami Frémont.
(5) S'U ne les a pas faites le 12. Y. suprà.
(1) F.-J.-E.-V. Guilbert, ci-devant clerc de la paroisse de Saint- Vigor de Rouen,
iiQprimeur, littérateur, journaliste.
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— 4i —
sur son compte d'utiles indications : Il prend toujours la qualité de
prêtre, dit sa messe régulièment les dimanches et fêtes et rarement
les jours ouvrables en l'église Saint-Patrice. Il n'a pas prêté le
premier serment exigé des ecclésiastiques et Ton n'a pas voulu le
recevoir lorsqu'il a voulu prêter celui prescrit le 14 août. Ses
moyens de subsistances consistent dans son imprimerie en carac-
tères ; il demeure rue des Champs-Maillets, n® 23. Il a composé comme
auteur le Journal du Commerce et depuis il n'imprime que V Indi-
cateur. C'est en avril qu'il a commencé avec Gilles, homme de loi,
demeurant en ce temps-là rue Haranguerie, hôtel de la Romaine, à
imprimer le Journal du Commerce dans lequel il était chargé de la
partie politique et Gilles de celle du commerce. On lui demande si,
à raison de sa correspondance, il connait deux imprimés in-folio
arrivés récemment à Rouen, portant pour titre l'un : Déclaration du
régent de France et l'autre Lettres-patentes du régent de France
pour nommer un lieutenant général du royaume. H répond
négativement. (1)
Au cours de ces incidents, pendant l'instruction contre Leclerc
et les poursuites contre Deschamps et Guilbert, ce qui parait vrai-
ment étrange, c'est de voir résider à Rouen, sans y être inquiétés,
un certain nombre d'écrivains, de journalistes même, défenseurs
notoires de la royauté.
L'un d'eux est Joseph-Benoit Dalmas, ex-avocat, ex-député du
district d'Aubenas (Ardèche) à l'Assemblée législative, qui donnait
le bras à la reine Marie-Antoinette, le 10 août, lorsque celle-ci se
rendit à l'Assemblée au milieu du peuple insurgé. Dalmas est à
Rouen depuis le 25 septembre 1792, et c'est depuis son arrivée qu'il
a en le courage d'y faire imprimer et de distribuer à la Convention
ses Réflexions sur le procès de Louis XVI. (2) Il loge chez la
citoyenne Bizet, rue de la Perle, n*^ 7, et il est lié plus particulière-
ment avec les citoyens Vimar, Tarbé et Brémontier, ses anciens
collègues à l'Assemblée. Ce dernier est celui qu'il voit le plus
souvent. Il fréquente aussi la citoyenne veuve Harivel (ci-devant
fi) Arch. mpales.
(2) S. 1. n. d. 1 f. et 18 p. Arch. nat. R. AD. 1. 106.
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= — 45 —
Gonne ville (1) et la citoyenne Le Vaillant (2), demeurant à Canteleu ;
quelquefois, mais plus rarement, le citoyen Leclerc, accusateur
public, et sa famille, qui ont leur domicile rue de la Perle, dans la
même maison que la citoyenne Bizet.
A la table d'hôte de VEpée Nationale, chez Pierre Aubrée, rue
de la Constitution (rue des Carmes), n^ 30, et à la maison Vatel,
tenue par Legagneur, il rencontre diverses personnes parmi lesquelles
Lachausse, ex-maire (3) et premier médecin de Strasbourg, Véron
ancien négociant rouennais, demeurant rue Porte-aux-Rats, l'ex-
capitaine Philippe, qui demeure rue des Charettes, le directeur de
la poste-aux-lettres et Blard, commis chez Darcel, place de la
Régénération. Il est marié à la citoyenne Dardalhou, originaire de
Nimes, restée â Aubenas, et de laquelle il a quatre enfants.
Jacques-Corentin Roy ou Pennaurem, âgé de quarante-cinq ans,
ci-devant avocat et assesseur à la maréchaussée de Quimper, arrivé
à Rouen pareillement depuis septembre 1792, y demeure
rue Etoupée, n** 17, avec sa femme, Louise-Philippine Frércn, fille
d'une sœur des Roy ou, et du rédacteur de V Année littéraire. La
citoyenne Royou, âgée de trente-six ans, étant malade a obtenu ré-
gulièrement permission de résider à Rouen. Elle est la sœur du
représentant du peuple Fréron et de la générale Lapoype, résidant
à Toulon.
Royou-Penaurem était le frère du célèbre abl.é Thomas-Marie
Royou, ci-devant professeur émérite au collège Louis-le-Grand,
rédacteur de V Ami du Roi, mort' le 21 juin 1792. Il niait avoir
(1) Marie-Juliette Le Pailleur (Le Pilleur ?) veuve Harivel de Gonneville, âgée de
32 ans, native d'Âulnay, district de Caen.
(2) Bonne Vaillant, 28 ans, vivant de son revenu, née à Ragay, district de Caen,
flUe du maître de la verrerie de Maucomble. Emprisonnée aux Gravelines, en floréal
an II, elle fut transférée à Saint-Lô, d'où elle sortit le 24 brumaire an III.
(3) Je ne vois pas à quelle époque Lachausse a pu être maire de Strasbourg où
Monet semble avoir précédé immédiatement Diétrich, guillotiné comme on sait. 11 n'était
probablement qu'officier municipal. C'est la qualité qu'il prend, avec celle de membre
de la Société populaire de Strasbourg, lorsque le 21 brumaire an II, il présente à la
Société populaire de Rouen un diplôme de celle de Strasbourg, du 19 février 1793, qu'il
dut remplacer par un autre d'une date plus récente, accepté dans la séance du 12 fri-
maire. iReg. de la Soi'iété populaire). Lachausse prit part à l'œuvre de la réaction ther-
midorienne à Rouen.
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collaboré à ce journal et prétendait que s'il avait eu la vocation d'un
journaliste, il aurait pu continuer le journal de son frère ou travail-
ler à d'autres journaux soit à Paris, soit à Rouen, comme on insi-
nuait qu'il l'avait fait. UAmi du Roi, au surplus, disait-il, n'avait
pu offenser la République, puisqu'elle n'existait pas pendant sa
durée, qui prit fin dans les premiers jours de mai 1792. Roy ou pré-
tendait même ne pas connaître les journalistes de Rouen et n'avoir
aucune relation directe ou indirecte avec eux. Sur sa prétendue col-
laboration à VAmi du Roi, il variait et finissait par admettre qu'il
avait fourni quelques « brochures de gazettes ou bulletins de l'As-
semblée, mais que son frère disposait de tout en maître respon-
sable » (1). Royou était inscrit snr le registre de la garde nationale
de Rouen en l'an ni. Il se garde bien de parler du Véridique ou
Antidote des journaux qu'il publia d'octobre 1792 à mars 1793,
c'est-à-dire pendant son séjour à Rouen, sans indication de lieu ni
de nom d'imprimeur. Dix des treize numéros de ce journal sont
décrits sous le n® 4920 du catalogue Leber, d'après lequel Royou
brûla lui-même presque tous les numéros. (2).
Charles-Claude Montîgny, « négociant », ci-devant homme de
loi à Paris, rue des Fontaines, n<* 11, né à Caen, &gé de 50 ans,
demeurait rue de la République (rue du Vieux-Palais), n^ 2, à Rouen,
où il était, comme les précédents, depuis septembre 1792, s'occupant
aflRrmait-il, de la succession de son frère, mort le 5 avril 1793, suc-
cession qui avait donné lieu à procès et arbitrages.
Il s'était cru dispensé de l'obligation de déclarer à la municipa-
lité son changement de domicile, parcequ'il possédait à Rouen, quar-
tier de l'Egalité (Saint-Sever), une manufacture de plomb laminé (3).
Marié, il avait trois filles et un fils habitant avec lui. Ses occupa-
(1) Ses dires sont en désaccord avec le long « Avertissement b signé : Royou,
avocat, publié dans le n® du 7 août 1791 de VAmi du Boy, cité par M. Maurice Tour-
neux. Bibliog, de l'hist. de Patis pendant la Révolution (T. ii, p. 580) et dans lequel
Royou annonce qu'il snpplée son frère l'abbé Royou.
(2) Toumeux, Bibliog. de Thist. de Paris pendant la révolut., t, n, n« 4087. L'auteur,
Royou, ne veut point être guillotiné ni exposer personne à l'être.
(3) L'un des intéressés de cette manufacture était le député Kersaint. L'acte de
société pour l'établissement de l'usine, datait du 1«f août 1781. Un inventaire de l'actif
et du passif avait eu lieu le 31 décembre 1791.
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^ 47 -
tions, soit comme homme de lettres, soit comme homme de loi, le
rendaient étranger à toute espèce d* intrigue. Il déolarait /rancAe-
ment avoir contribué à la réduction du Journal de la Noblesse, qui
n'avait jamais existé sous la Convention, ni, par conséquent, sous la
République. Il n'avait fréquenté aucun noble, ni formé la liaison
même la plus éloignée avec qui que ce fut de cette caste, qui lui
avait toujours été étrangère. Enfin, il avait quitté toute occupation
littéraire depuis vingt mois, ce qui résultait, à l'en croire, de son
séjour, tant à Rouen qu'à Bayeux et à Caen.
Une autre personnalité non moins marquante, mais aux visées
plus incertaines, Mathieu-Noel Rioust, cet ancien prédicateur du
roi, dont on a fait partout inexactement un ex-chanoine de Rouen et
un normand, tandis qu'il était ex-vicaire-général de Nevers et mé-
ridional, se trouvait aussi à Rouen, depuis août 1792. Prêtre inser-
menté, devenu homme de lettres, peut-être déjà journaliste, il vivait
à Rouen sans être inquiété quoique en évidence, recevant chez lui
les Cabissol, les Leclerc, les Eudeline.
Rioust avait une situation des plus irrégulières (1) qui fit
oublier durant plus d'une année son ardeur « à prêcher le fédéra-
lisme jusque dans la Vendée. » Ses aventures épiques dans la Nièvre
et à Rouen, comprennent des incidents qui se rattachent étroite-
ment à l'histoire de la phase aiguë de la Terreur à Rouen.
Ces ardents contre-révolutionnaires, dont la vie est assez bien
connue, — sauf pourtant en ce qui concerne leur séjour à Rouen, —
ne se tenaient point, aussi rigoureusement qu'ils voulaient le faire
croire, à l'écart des mouvements politiques ; par exemple, Royou se
(1) Il est question de lui dans V Histoire du Mariage des Prêtres^ de l'ancien évêque
de Blois, Grégoire, p. 08. C'est apparemment Adrien Pasquier qui, avec sa biographie
fantaisiste de Rioust, est -la cause de l'erreur qui fait de celui-ci un normand. Il lui
attribue quantité de poésies signées « un Cauchois prés d'Honfleur », lesquelles ne sont
très certainement pas de lui. Mais Pasquier, qui fait de son contemporain M. d'Uerbou-
Tille un maire de Rouen, n'y regarde pas de prés. — Mathieu-Noël Rioust est né à
Nimes, le 25 mai 1756, du mariage de Charles-Franrois Rioust et de Madeleine Ventujol.
(Reg. de l'état-civil de la pai-oisse de Saint-Castor de Nîmes). Rioust qui figure dans la
Biographie des Hommes vivants, et est cité par M. de Vaulabelle dans son Histoire des
deux Restaurations, t. iv. p. 411, e>st absolument inconnu des Nîmois. (Lettre de M, le
conser\ateur i\o la hiblioth. de .Nîmes du 25 juillet 1805).
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— 48 -
trouvait à Vernon lors des troubles fédéralistes, et des membres du
Comité de surveillance de Rouen, chargés peut-être spécialement
par les représentants du peuple, — car Vernon était en dehors de
leur action, — eurent Tordre de l'arrêter, sans pouvoir y parvenir.
Ils jouirent pendant longtemps d'une sécurité à peu près com-
plète à Rouen. Mais tous les quatre eurent successivement affaire à
la police révolutionnaire.
En vertu d'un ordre du Comité de Sûreté générale, du
25 prairial an II (13 juin 1794), Dalmas, à son retour d'une courte
absence, le 5 Thermidor (23 juillet), fut saisi chez la citoyenne Bizet,
et conduit de brigade en brigade à Sainte-Pélagie de Paris. On
avait eu recours, pour le découvrir, à des perquisitions à VEpée
Nationale, et chez les veuve? Bizet et Harivel et la fille Vaillant.
Guimberteau, député, en mission à Louviers, par l'entremise duquel
le mandat d'arrêt avait été envoyé à Rouen, avait fourni des indi-
cations permettant de le reconnaître sûrement : « Dalmas va souvent
chés une femme Bizet et, à Canteleu, chez une ex-noble, nommée
Du Bosc. Il a une fistule lacrymale, et Lachausse, officier de santé,
la panse. Vous pourrez, par ce moyen, le découvrir. » (1)
Montigny fut arrêté le 24 floréal an II (13 mai 1794), détenu aux
Gravelines, puis à Saint-Lô de Rouen, par ordre de la Commune de
Rouen. — Il fut libéré seulement le 29 brumaire an III (19 no-
vembre 1793) (2).
Royou, sous le coup d'un mandat d'amener seulement, décerné
contre lui, en vendémiaire an III, parle Comité de Surveillance de
Rouen, en fut déchargé par deux membres de ce Comité le 19 du
même mois. Il semble pourtant qu'il avait été arrêté antérieurement,
car le 11 fructidor an II (28 août 1794), le représentant du peuple
Guimberteau écrit au Comité de Surveillance de Rouen que son
collègue Fréron, beau-frère de Royou, lui demande les motifs de
l'arrestation de celui-ci. (3)
(1) Lettre de Guimberteau au Comité de Surveillance de Rouen. (Arch. mpales).
(2) Un détail montrera combien les réponses de Montigny en floréal étaient peu
conformes à la vérité. Après la chute de Robespierre, étant à Rouen, il demande « à
prendre part à la glorieuse révolution thermidorienne » et à être accusateur public !
(Arch. nat.)
(3) Arch. mpales.
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- 49 —
Rioust, objet d'un mandat d arrêt de thermidor an II, parvint à
le faire rapporter par le Comité de Sûreté générale (1) . . .
Certains documents (3) autoriseraient à comprendre dans cette
courte liste de défenseurs actifs de la monarchie qui s'étaient réfugiés
à Rouen, Louis Pourrat, ex-négociant et journaliste, âgé de soixante
ans, qui paraît s'être, à un certain moment de la Terreur, retiré à
Rouen, où l'on rencontre plusieurs fois son nom (3) dans les procès-
verbaux de la Société Populaire.
Pourrat ou Pourra, qui avait son domicile à Paris, rue des
Piques, était le père de Françoise-Charlotte Pourrat, veuve de
Laurent- Vincent Le Couteulx, et de Jeanne-Jacqueline-Henriette
Pourrat, femme de Gilles-Toussaint Hocquart. Il était intéressé
pour 12,000 livres dans l'ancienne et la nouvelle société pour l'ex-
ploitation à Rouen, rue de l'Egalité, d'une manufacture d'huiles et
de savons, dont Michel Horcholle, demeurant à Rouen, rue aux
Ours, n® 80, était l'administrateur. (4)
Impliqué par l'un des Comités de la Convention dans l'afiEaire
des prisons, Pourrat, détenu au Luxembourg, en fut extrait pour être
conduit à la Conciergerie, et fit partie de la première fournée de
soixante accusés traduits devant le Tribunal révolutionnaire de
Paris(5). Le jugement collectif du 19messidor (19 juin) le condamna
à mort (( comme ennemi du peuple et conspirateur dans les
prisons. » (6)
Comment supposer que ces hommes, ces militants, dévoués au
régime monarchique, soient restés tous absolumeat étrangers au
projet d'adresse d'Aumont et à ses suites, et comment expliquer
que leur présence à Rouen n'ait attiré l'attention des Jacobins que
beaucoup plus tard, sous la mairie Pillon ?
(1) Ârch. mpales.
(2) Arch. mpales.
(3) Son prénom n'y est pas indiqué.
(4) Arch. mpales.
(5) Rapport de Saladin, au nom de la Commission des vingt-un, 12 vent, an III, p. 186.
- Wallon, Hist. du Trib. révoL, t. rv, pp. 424 & s.
(6) Extrait des minutes du greffe du Tribunal révolutionnaire cité dans une liasse
des Arch. mpales. — Les biens de Pourrat, qui s'étaient trouvés confisqués, furent res-
titués en exécution de la loi du 18 prairial an III.
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— 50 —
Un jour, on doit l'espérer, quelque véritable historien racontera
la genèse de la tentative hardie d'Aumont, et saura dire quelles
étaient les liaisons do celui-ci et peut-être découvrir qu'il eut avec lui,
derrière lui, d'énergiques complices (1), stimulés et dirigés par de
hautes personnalités du parti royaliste. L'histoire de l'organisation
et des efforts de ce parti à Rouen et dans la Haute-Normandie reste
à faire (2).
Le procès d'Aumont, Leclei*c et autres n'est pas la seule diffi-
culté léguée par l'ancienne mutiicipalité à M. Rondeaux et à ses
collègues. Sa succession en comprenait plusieurs autres, parmi
lesquelles il en est une, moins grave sans doute, mais qui a eu
quelque retentissement, et qui montre les membres du nouveau
conseil général de la Commune sous un jour plus défavorable qu'on
n'y attend à ce moment. En s'empressant d'accomplir un acte de
vandalisme, le consei marque déjà d'une façon significative son
dédain pour l'opinion de la minorité, et saisit l'occasion de se
montrer l'adversaire du clergé.
Il s'agit de la destruction de la chaire épiscopale, racontée
déjà (3) avec des restrictions et des ménagements qu'elle ne parait
en aucune façon comporter tout au moins pour ceux qui tiennent à
l'exactitude dans l'histoire. En voici quelques détails peu connus,
dont l'un montre que l'évoque constitutionnel aurait sa petit part
de responsabilité, et un autre qiii prouve que les violences révolu-
tionnaires ne doivent pas toujours être imputées au peuple. . .
Les administrateurs de la ci-devant fabrique Notre-Dame, Roger
fils, Vattier, C. Fréret, Mamilliot et Lecœur avaient formé la
municipalité, le 25 octobre 1792, de leur résolution de conserver la
(1) Les lettres de la municipalité de Houen, du 12 janvier, au ministre Roland et à
la Convention, disent que l'adresse est V œuvre d*un pc^'ti. Le réquisitoire de Fouquier-
Tinville ne semble pas avoir reproduit cette allégation.
[2] Je ne crois pas être le premier à fait^ la remarque qu'à Texemple de M. llippeau,
qui a recueilli des cahiers des doléances des bailliages et paroisses et donné des détails
sur la convocation des Etats-Généranx, beaucoup plus sur la Basse-Normandie que sur
la Haute-Normandie, M. de la Sicotière a négligé singulièrement la Haute-Normandie
dans son travail, nonobstant si curieux : Frotté et les Insun^ections Not^mndes,
(3) E.-H. Langlois, Staltes de la cathédrale de Bouerif N. PériauXi 1838, p. 93.
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- 51 -•
Chaire épiscopale « chef-d'œuvre d'architecture en son genre, (1) sur
lequel il n'existe aucune marque de féodalité et de royauté. »
Cela no devait point passer inaperçu. Dès le 28, dans une séance
de la Société des Amis de l'égalité, présidée par Hubert, le frère
Robert prit la parole pour se justifier d'une inculpation dont il avait
été l'objet, et offrit cent louis à celui qui prouverait les faits qu'on
lui imputait. Puis, sans transition, il fit lîi motion que le trône épis-
copal étant dans le chœur de la cathédrale fut abattu.
La discussion s'ouvre sur cesto proposition et la Société, dit le
procès- verbal, s'est convaincue combien il est ridicule de voir l'éga-
lité blessée jusqu'au pied des autels. Elle décide d'inviter le substitut
du procureur de la commune (Le Coutou) à écrire aux fabriciens
de la Cathédrale de faire tomber le trône épiscopal.
Sans doute. Le Contour sut démontrer que la chose ne pouvait
pas se passer aussi simplement et aussi brutalement, car la Société
chargea (2) un de ses membres d'en écrire au Journal de Rouen,
lequel, dans le supplément de son numéro du 2 novembre 1792 (3)
insère une lettre signée L. R. . . (Louis Robert). L'auteur, qui avait
traversé la Cathédrale les jours derniers, raconte qu'en considérant
dans l'intérieur du chœur les changements qui s'y faisaient, ses re-
gards avaient « rencontré encore ce lourd et maussade couvercle en
ogive dont était affublé ce qui s'appellait jadis le trône archiépis-
(1) H. Langlois a essayé d'établir Timportance artistique de ce trône épiscopal. —
M. de Beaurepaire (Inv. somm. des Ârch. dép. série G, 56, 64, 2138, 2403, 2495,
Î497, 2499, 2501 à 2505), cite des documents desquels il résulte qu'on y travaillait de
1458 à 1469. Le maître de l'œuvre, Laurent Adam était de Nèvers, où il n'a laissé nul
souTenir (Renseignements dô à M. Monceaux, archiv, à Auxerre). Le 19 mars 1569, lors
d'un Te Deuni d'action de grùces de la victoire du roi sur Côndé« cette chaire fut occu-
pôe par le maréchhal de Brissac et par Carrouges (G. 2168). î\ semble qu*en 1711 elle
avait des roulettes (G. 2746). Elle n'a point paru remarquable à l'auteur des Notes et
remarques sur toutes viUes de Normandie (Bibl. mpale de Rouen. Coll. Montbret,
Y. \% dont la compétence est discutable. M. Tabbé Loth (Histoire de la cathédrale) cite
diverses autorités attestant l'importance du trône archiépiscopal.
(2) Cela résulte non pas des procès- verbaux delà Société mais seulement de la lettre
de Robert.
(3) Ce numéro et ce supplément manquent à la collection du journal, à la Biblioth.
mpale. Je dois h l'obligeance de M. le rédacteur en chef Lafond d'avoir pu consulter
la collection conscr>ée au Jotittial de liouen qui, elle, possède ce numéro.
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— 52 —
copal ». En même temps, il avait appris le projet de conserver « ce
« ridicule chef d'œuvre » et l'avis du citoyen Roger, Tâme, disait-on,
du Conseil de Fabrique.
Selon L. R. . ., cet avis était loin de faire honneur aux principes
des citoyens qui l'avaient émis, en matière de convenance et de goût
dans l'architecture et les arts, et mettait en doute même leur civisme,
puisque dans la France républicaine les trônes, les dais et tous les
vestiges de la féodalité étaient irrévocablement bannis et supprimés,
nies sommait donc, « au nom du bon goût, de l'égalité, et de la très-
grande majorité des artistes et des citoyens, de laisser au plus tôt
rouler dans une nuée de poussière cette épouvantable machine. . . »
Selon lui, elle n'était pas exceptée de la classe des monuments a qui
pouvaient bien réjouir autrefois un tas d'imbécile marguilliers
dans les siècles d'ignorance et de barbarie, mais qui souillent et
offensent aujourd'hui les regards d'un peuple souverain, libre et
éclairé. »
Cette lettre révèle une particularité ignorée : « Le digne et vé-
» nérable pasteur (1) qui, seul, aurait le droit de réclamer, dédaigne
» les distinctions de ce genre, parce qu'il connaît et mérite les véri-
» tables : // désire et sollicite le premier la destruction prochaine de
» celle que je dénonce. »
L'épître del'ex-président à la Chambre des Comptes se termine
par une sorte d'appel éventuel à la violence, où perce laffilié à la
Société des Amis de la liberté, sûr du concours actif de ses frères.
Il vaut mieux, sans doute, dit-il, que la destrucvon de la chaire
soit paisible et légale, que si trop d'obstination V exposait à tomber
par des voies défait sous les coups de Vindignation publique, . .
Sa prose vient dans le Journal de Rouen, après des remarques
de la rédaction, dont ellle démontre opportunément la justesse. La
Révolution a donné des aîles au temps, constate Noël : le lendemain
est toujours à deux sièles de la veille !
Cependant Roger, piqué au vif, s'empresse de répliquer (2). Il est
des mots qui l'ont exaspéré : « Le libelle du soi-disant ami de la
(i) L'évoque constitutionnel Grctien.
(2) Joatmatde Rouen du 4 novembre 1792, p. 750.
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- 53 —
liberté, de légalité et des arts, écrit-il, est une de ces productions
quu dans des siècles d'ignorance n'eussent osé proclamé d'imbéciles
auteurs sans encourir le mépuis général des plus honnêtes gens du
monde, des marguillicrs de ce temps-là, et qui, aujourd'hui, dans un
siècle de lumières, impriment une souillure sur les feuilles qui les
contiennent. ».
Le ton agressif, injurieux, de cette polémique, obligea le
prudent Noël à a fermer sa feuille » à des discussions ultérieures, qui
ne pouvaient servir à éclairer l'opinion publique.
Les adversaires de la cliaire épiscopale et Roger ne se tinrent
pas pour battus. Le 2 novembre, une « pétition individuelle, »
revêtue des signatures de plusieurs citoyens demandait au conseil
général de la Commune, alors présidé par M. de Fontenay, la démo-
lition de la chaire. Hardiment, le conseil s'en tire par une échappa-
toire imaginée trop aisément dans un moment où la législation
transitoire facilite de telles solutions : il approuve sa décision
jusquau moment oà le conseil municipal aura l* administration des
Fabriques, — Or, les officiers municipaux avaient été chargés de
cette administration par un décret du 19 août 1792 !
Au surplus, la question ne devait pas pour cela être oubliée. Le
11 février 1793, elle reparaissait devant le conseil général renouvelé,
dans lequel étaient entrés les deux champions, Robert et Roger.
Le citoyen Robert sembla vouloir profiter d une sorte d'actualité
imprimée à la question du trône épiscopal par la chute récente du
trône royal. Sa motion, d'une habileté que l'on peut ne pas admirer
mais que l'on est forcé de reconnaître savamment appropriée aux
goût5 du jour, est bien Tœuvre d'un « patriote authentique, offi-
ciellement reconnu » comme il se qualifia plus tard, s'extuplé d'un
ancien magistrat, ci-devant noble, philosophe, économiste, litté-
rateur, académicien (1).
(1) t Messire Louis-Robert de Saint- Victor, chevalier, conseiller du roi en ses
conseils, président de la Cour des Comptes, Aides et Finances de Normandie, et
conseiller de grande cJiambre honoraire au Parlement de Rouen, seigneur et patron de
Saint-Victor-la-Campagne et autres lieux, » veuf de M™« M. -F. Le Camus, s'était remarié
s Saint-Godard çle Rouen, le 23 janvier 1787. U avait nn fils, Louis-Auguste-Robert de
Saint- Victor, émigré, et trois autres, Marcelin, Hippolyte et Paul, restés en France. Sa
fortune était évaluée à 290,000 l. environ en immeubles, et à 40,000 1. en mobilier et
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- 54 -
C'est d'abord lo patriote indigné qui parle i a II n existe plus
de thrône en France, sous quelque dénonciation que co puisse être,
et tout ce qui peut en rehausser l'image doit être proscrit irrévoca-
blement, sans retour et sans exception. » L'ex-magistrat ne se retrouve
que pénétré d'infiniment peu de respect pour la loi, du congé de
laquelle on n'a nul besoin « pour balayer le reste des ordures féo-
dales qui souillent et blessent encore dans les édifices publics les
regards du patriotisnie, et l'ami des arts estime que le bout du doigt
suffit pour précipiter à jamais dans la ooussière de l'oubli cette cons-
truction barbare et ridicule, quand même elle no serait pas antici-
vique, Elle est bien digne, s'écrie- t-il en terminant, défigurer avec
le SaintrRomain et sa gargouille, avec Charlemagne foulant aux
pieds de son cheval un champion terrassé et tous les ornements de
ce genre d'invention et de travail qui couronnent à pure perte les
grilles (1) dont le chœur est entouré. Il n'e«t besoin que d'un simple
assentiment de la volonté du Conseil pour faire disparaître enfin « ce
monument du défaut do génie et de l'excès de patience de nos pères,
cette masse lourde dans sa forme quoique légère en apparence dans
son exécution, dont tout le mérite consiste dans l'abus du temps et
la difficulté vaincue, mais dont l'existence déshonore le plus auguste
édifice de notre ville, centriste les amateurs des arts et du bon goût,
fait la risée des étrangers, excite les justes murmures et soulève l'in-
dignation de tous les vrais patriotes. ». (2)
L'effet de cette diatribe ne se fit point attendre. Adoptant les
motifs invoqués et la motion elle-même, le Conseil, après avoir en-
tendu le procureur de la commune, arrêta que le trône et son couron-
rentes. (An VIII). II reparaîtra sur la scène politique plus d*une fois, notamment après
la révolution du 31 mai. Il avait été secrétaire puis président de la Société des AmU de
la Constitution.
Robert n'était pas le seul membre du conseil qui fut compétent en matière d^art.
M. Rondeaux lui-môme avait été, au département, nommé « pour la partie des travaux
publics, des arts et de Tinstrucsion. » Il eut à ce titre à s'occuper, en octobre 1792, d*un
singulier incident né de la rivalité des peintres Lecarpentier et Lemonnier.. (Arch. dép.,
procès-verbaux des "séances du directoire du dép., 22 octobre.)
(1) Il y eut aussi une polémique entre iîobert de Saint- Victor et Roger pour ces
grilles.
(2) Arch. mpales. Copie certifiée conforme à Toriginal déposé au secrétariat par C.
Havard.
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— 55 —
nement seraient incessamment démolis sous les ordres et Tinspec-
tion du bureau municipal, invité — on tenait encore à paraître poli
— à prendre à l'égard du citoyen évoque métropolitain toutes les
mesures de bienséance dues à sou caractère.
Un membre qui, sans doute, tenait plus particulièrement à ce
que la résolution n'affectât rien de personnel, proposa qu'on en fit
autant pour le couronnement de la chaire de l'église Saint-Jean (1)
Rien, dans le procès-verbal de cette séance du 11 février, n'in-
dique le moindr dissentiment, la plus légère résistance. Pourtant on
s'était efforcé de faire repousser la motion. Roger fils avait pris la
parole pour établir l'incompétence du Conseil et demander Tordre
du jour ou l'ajournement au samedi suivant. Subsidiairement, il
était prêt à discuter le fond. Déclipatoire, ordre du jour, ajournement
et discussion avaient été écartées. Le procureur de la commune était
d'avis qu'on discutât. Et, sur tout cela, le procès-verbal garde le
silence I
Aussi, le lendemain, Roger adressait-il au district et au dépar-
tement une pétition faisant appel au public et demandant que la
délibération fût rapportée.
Il eut un instant d'espoir : le département suspendit provisoire-
ment l'exécution de la délibération et demanda l'avis du Conseil
et du district. Celui du Conseil consista dans l'envoi de la motion.
Finalement, Roger fils s'était dépensé en pure perte. Le 14
février, le district, présidé par Deschamps a considérant qu'en vertu
de la loi du 17 août 1792 (2) qui existait plus de deux mois avant la
fin de non-recevoir inventée en octobre par la municipalité De Fon-
tenay) les municipalités ont le droit de régir et administrer les
fabriques et qu'en conséquence elles ont le droit de faire & cet égard
telles dispositions qu'elles croient convenables et estime qu'il y a
(1) Le curé constitutionnel de Saint- Jean, Durand, fut arrêté et se maria.
(2) Cette loi (art. 3) transmettait aux officiers municipaux la régie et administration
des « revenus » des fabriques. Mais la question n'était pas là. Le trône épiscopal était-il
\m des monuments, restes de la féodalité, dont la « destruction » était confiée aux com-
munes par Fart. 3 d*un autre loi, celle du 14 août 1792, devait-il être enlevé et conservé
provisoirement (art. i^^" de la même loi), ne fallait-il pas préalablemeet consulter la
commission des monuments (art. 4) ?
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— 56 —
lieu de faire droit à la pétition Robert, « donnait un avis favorable à
la démolition.
Le département, dont le président dût être un peu gêné par cet
avis motivé du district, fut heureux de pouvoir y ajouter une raison
déterminante, et « vu la pétition, l'arrêté du district et une lettre
du ministre de l'intérieur (Roland) du 11 janvier, laquelle rappor-
tait toutes les lois relatives à l'abolition des signes de la royauté et
de ta féodalité, il arrêta à V unanimité que la délibération prise par
le conseil général de la commune, serait exécutée selon sa forme de
teneur. (1)
Le 20 février — vingt-quatre heures après — le commissaire
chargé de cette exécution faisait son rapport attestant qu'elle avait
eu lieu, aussi bien pour la chaire de Notre-Dame que pour celle d3
Saint-Jean. (2)
Société populaire, municipalité, district et département avaient
adopté des résolutions conformes qui les rendent solidaires delà des-
truction de la chaire et des procédés révolu lionnaires supprimant le
débat sur la proposition Robert.
C'était une victoire encourageante pour les Jacobins de la com-
mune. L'élite intellectuelle et artistique de la cité leur avait donné
son appui.
Ils n'attendirent pas longtemps pour un nouvel essai de leur
puissance.
Le soir même de la destruction des chaires, une seconde séance
s'ouvrit au conseil général de la commune. Etaient présents : le
maire, les officiers municipaux, entre autres Bréraonticr, Tamelier,
Roger fils, Turgis, le procureur de la commune Le Contour et son
substitut, et les notables au nombre desquels les citoyens d'Herbou-
ville, (3) Pouchet-Maugendre, Lézurier, BouUenger, Seuls, J.-B.
Pinel, Tarbé, Le Boucher et Delacroix sont absents « sans motifs
légitimes. »
Après l'appel nominal, un membre, qu'inspirent peut-être les
(1) Reg. du dépôt.
(2) Arch. mpales. Reg. du bureau permanent.
(3) M. d'Herbouville n'était pas à la séance du matin.
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— 57 -
manifestations isolées et en sens contraire parties de Rouen, (1) et le
rapport fait à la Convention le 17 par le député Ysabeau, au nom du
Comité des pétitions et de correspondance, sur les adhésions au
décret (( qui a arraché à la tyrannie sa dernirre espérance, » (2)
soumet à la délibération un projet d'adresse à la Convention natio-
nale. La rédaction en ayant été approuvée, il est arrêté, le procureur
de la Commune entendu, que cette adresse sera signée au nom du
Conseil par le maire et le secrétaire greffier seulement et qu'une
copie en sera envoyée au rédacteur du Journal de Rouen pour l'in-
sérer dans sa feuille.
L'adresse commence ainsi : « Le trône est abattu pour ne plus
se relever jamais ; le sang du dernier des tyrans, du traître et par-
jure Louis eu a scellé la chute et cimenté la ruine » (3)
Ne semble-t-il pas que les membres du Conseil qui autorisent à
parler ainsi en leur nom eussent, comme tant de conventionnels et
avec autant de conviction, voté un mois plus tôt la mort du roi ?
Un écrivain pourtant consciencieux, M. Gosselin, que j'ai sou-
vent l'occasion de citer, croit pouvoir dire (4) que cette adresse fut
plutôt surprise au Conseil que votée par lui! Ceqendant, rien n'ap-
paraît qui autorise une telle supposition. Aucun des membres ne
protesta soit lors de la délibération, soit après la publication de
l'adresse dans le Journal de Rouen, Pourquoi ne s'y seraient-ils pas
tous associés? Pour venir un mois plus tard, elle n'en était pas moins
l'écho, l'imitation légèrement plus accentuée de celle du département,
du 22 janvier, plus étonnante, elle, par sa date hâtive 1
L'adresse renferme donc bien « l'expression des sentiments du
Conseil général » ainsi que la municipalité l'écrit au président de la
(1) Le 7 février, Léger, de Rouen, écrit à la Convention qu*eUe a fait mourir le Roi
injustement. Preuve qu'il dit la vérité, c'est que malgré la chaux et la drogue mises
pour le consumer, son corps est aussi vermeil que lorsqu'il a été enterré. Il ne reste
plus aux conventionnels qu'à fuir, tant ce prodige devra les épouvanter. La sainte am-
poule est pleine d'huile pour le sacre d'un roi. « Ecrivez à Reims et vous verrez que je
ne vous ments point. « — Arch. nat.
(2) Moniteur du mardi 19 février.
(3) Arch. mpales. — M. Gosselin a publié entièrement le texte de cete adresse. Revue
de la Normandie.
(4) M. Gosselin. — Revue citée.
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- 58-
Convention le 21 février. (1) Elle reçut d'ailleurs, outre la publicité
du Journal de Rouen, celle de la séance de la Convention du 23 fé-
vrier, où elle fut lue en entier, à la suite de quoi rAssemblée en
ordonna Tinsertion dans son bulletin, avec mention honorable. (2)
Il serait assez difficile de justifier de leur concours sans réserve
à une pareille manifestation les membres du Conseil qui étaient
connus pour désapprouver la mise en jugement et la condamnation
de Louis XVI. Ceux-là ne sauraient découvrir d'excuse ailleurs que
dans cette phrase de leur concitoyen Laumonier, beaucoup plus fondé
qu'eux â invoquer les circonstances atténuantes : « Qui, dans la ville,
n'a pas tremblé sous l'exécrable tyrannie qui l'opprimait alors. » (3)
Aveu moins pénible en la forme que celui de Merlin de Thionville,
mettant ses collègues de la Convention au défi de lui reprocher
d'avoir manqué de courage et s'écriant dans un accès de franchise :
a Quel est celui qui ose m'accuser ? Quel est celui qui n'a pas été
aussi lâche que moi ? » (4)
(i) Arch. mpales. Reg. de corresp.
(2) Pénaux, Histoire de la Ville de Rouen, p. 628.
(3) Pétition justtficative de Laumonier du 6 prairial an m (25 mai 1795) que M. Gos-
selin n'a pas connue. M. G. Pennetier dans sa notice sur le chirurgien Laumonnier.
(Rouen, imp. Lecerf, 18S7) en a donné le texte, p. 54.
(4) Séance du 19 novembre anui (9 mars 1795). Moniteur du 22 ventôse, p. 708, col. 2.
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-59 —
CHAPITRE QUATRIÈME
Les administrations dn département et dn district. — Adresse de M. de Fontenay et
de ses collôgnes snr le jugement dn roi. — Déportation et réclusion des ecclésias-
tiques. — Emigrés, étrangers et suspects. — Les dénonciations. ~ Le mobilier et
les immeubles des émigrés. ~ Spéculations et syndicats — Les premières Tentes
mobilières. — Les huissiers. — Les imprimeurs. — Deux émigrés de marque :
Vez-président de Bailleul et l'ez-constituant Lambert d^ Frondeville — Essais
d'organisation révolutionnaire à la commune de Rouen. — Commissions et visites
demieiMaires - L'affaire capita'e des frères Leotaigne. — On demande un tribunal
réTolntionnaire. — Le premier Comité d^ Surveillance — Prêtres libellistes : les
abbés Bourdon et Heudier, Papillaut et Perchel ; un ecclésiastique qui n'est pas
résigné : l'abbé Pifre — Incidant grave. — Rôle di Pillon; sa démission refusée.
La présence de M. de Fontenay à la tête du directoire du dé-
partement, autorise à croire qu'il a dû partir de là seulement des
actes d'une modération telle qu'elle pouvait servir d'exemple aux
districts et aux municipalités. A cet égard, il s'est établi une sorte
de légende qui tentera quelque jour un écrivain soucieux avant tout
de rétablir la vérité.
L'administration du département, l'administration centrale,
comme on l'appelle parfois, s'est presque constamment montrée
soumise, autant, sinon plus, que la municipalité, aux décrets de la
Convention. Son attitude fournit vraisemblablement, avec la révé-
lation du royalisme de M. Rondeaux(l), l'explication la meilleure, la
plus plausible sur la différence si singulière entre le sort de ce dernier
et celai de M. de Fontenay pendant la Terreur.
Il semble résulter, effectivement, de faits assez nombreux, que
le département a égalé, — s'il ne les a pas dépassées, — les rigueurs
auxquelles la municipalité Rondeaux a été parfois entraînée, et,
(i) On trouvera dans Tun des chapitres suivants des détails inédits sur le rôle de
M. Rondeaux et autres, à l'époque de la suspension du roi, détails qui ne furent connus
qne par une sorte d'enquête faite en germinal an U, par Siblot, avec le concours de la
Société populaire.
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— 60 —
surtout, que loin d'être, ainsi qu'on Ta écrit (1) , hostile en tout temps à
Tapplication des mesures excessives telles que la déportation, il ne
se fit pas faute de l'ordonner quand Toccasion s'en présenta.
Dès le lendemain de son installation, le 30 novembre 1792, il
prescrit à Jean Richard, prêtre, resté en France, d'en sortir sous les
peines légales. Le 30 décembre, il fait dénoncer à l'accusateur public,
François Lemire, domestique d'émigré rentré. Le 14 janvier, il
remercie la Société populaire d'avoir dénoncé la Galette Nationale,
et l'engage à continuer. Les 13 et 19 janvier 1793, il fait dénoncer à
l'accusateur public le prêtre Samson, habitué à Saint^Etienne-des-
Tonneliers, et Quesnel, curé de Saint-Jacques de Dieppe; le
19 janvier il destitue Lepecq de la Clôture, médecin du dépôt de
mendicité, parce qu'il s'est absenté, et Marc, chirurgien du même
établissement, faute de serment.
Par des arrêtés des 21 et 23 janvier, il ordonne que Le Bailli f-
Mesnager (2) émigré, et Charlotte de Roncherollcs (3), arrêtée à
Dieppe avec Julie Lemaître, sa femme de chambre, tous les trois
rentrés en France, et détenus à la maison d'arrêt de Saint-Lô de
Rouen, seront transportés à Dieppe et delà en Angleterre « aux
termes de la loi du 9 novembre 1792. » Ces ordres recevront leur
exécution les 24 et 27 janvier. (4)
C'est par suite de la notification d'un arrêté du département du
5 avril que le prêtre-journaliste Guilbert est obligé de se retirer en
Suisse, et, en cette occasion, le directoire se fait l'exécuteur des
volontés depuis longtemps manifestées par la Société populaire,
dont la plupart de ses membres font partie, et qui veut la suppres-
sion des journaux aristocratiques (5).
Le 23 janvier, le même directoire fait renvoyer aux frontières
(1) H. Wallon, les Représentants en missionj t. III. p. 74.
(2) Il s'agit d'Alexandre-.Armand Le Baillif-Mesnager, chanoine déjà Cathédrale de
Rouen.
(3) De Lérue, d'après un reg. d'écrou de Sainl-LÔ.
(4) Le procès-verbal relatif au transport de Charlotte de Roncherolles hors des
frontières fut déposé sur le bureau du district le 26 janvier. La femme Lemaitre, grosse,
entra le même jour à la gésine de rilôtol-Dieu. Le 27 décembre précédent, elle avait
demandé sa mise en liberté provisoire et il en avait été référé au Ministre de rintérieur.
i5) Reg. de la Société populaire.
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- 61 —
cinq prêtres et quatre émigrés rentrés, et dénoncer à Taccusateur
public deux prêtres déportés. Le 1^"^ février, sur un avis du
district de Dieppe, il fait poursuivre Burette (1), agent des affaires
du marquis de Sommery, le dénonce au comité de surveillance de
la Convention, et demande la destitution de Bellon, capitaine du
port de Dieppe, suspecté de favoriser les émigrés, puis le 10 avril
suivant il informe la municipalité do Rouen de Fa présence de
Burette en cette ville, où il a un domicile.
Le 3 février, il enjoint au notaire Delamare de cesser ses fonc-
tions parce qu'il n a pas de certificat de civisme. Le 7, il fait déporter
Tabbé Bridel, curé d'Etot ; le 18, il provoque des mesures contre les
religieuses des Gravelines. Le 29, il rend une décision à Tégard des
femmes et des biens d'émigrés, laquelle pour être en harmonie avec
la législation spéciale n'en est pas moins révolutionnaire : les femmes
d'émigrés doivent être réputées civilement veuves. (Alors pourquoi
les divorcer, le mariage n'étant qu'un contrat civil ?; La confisca-
tion des biens d'émigrés, dit le département, n'a pas lieu à titre de
profit, mais pour indemniser Ja nation des dépenses que les émigrés
lui occasionnent pas les guerres qu'ils lui attirent.
Le 20 mars, il enjoint aux nommés Psalmon, Duhamel, Fastrel,
Prévost, Michel et Foloppe, prêtres. Cardon, religieux bénédictin,
Larcher, ci-devant curé de Ménerval, de se conformera l'article pre-
mier de la loi du 20 août 1792 sur la déportation. Le 27, il ordonne
que dix autres prêtres : Petit, Barbier, Taylor, Levallois, Guérard,
Lesueur, Delaunay, Franquelin, Ouf, Massé et Hcuzé, seront pro-
visoirement rétradés à Saint- Vivien jusqu'à leur déportation. Confor-
mément à l'avis du district, il décide la déportation à la Guyane
française de Jean-Gervais Prod'homme, lequel pétitionne inutile-
ment en se fondant sur ce qu'il n'était pas fonctionnaire public.
Sous la caution des citoyens Le Vavasseur, négociant, et
Ribard, rue Morand, le département avait, le 7 avril, élargi provi-
(l) Les armes de Burette, saisies parla municipalité de Neufchàtel, lui avaientété res-
tituées le -15 oct. 17»1. — Burttte, arrêté à Aulage, livré à la Commission militaire, fut,
de Neufchâtel, en vertu d'ordonnance du directeur du jury de cette \ille, transféré à
Saint-Lô de Roueu, le 29 août 1799, comme prévenu d'émigration. Rayé provisoirement
puis définitivement, il fut mis en liberté, sur la réquisition de Delaistre, commissaire du
gouvernement, le 18 janvier 1800.
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— 02 —
soircmentia famille deChaumontel, composée des père ot mère e)
de trois filles. Sous un prétexte fourni par la loi du 28 mars sur les
émigrés, et, en réalité, pour obéir à une nouvelle dénonciation,
il ordonne le 25 avril qu'ils seront réintégrés en prison. Le député
Saladin obtient, le 6 mai, qu'ils soient de nouveau mis en liberté et
consignés chez eux ainsi que leur domestique, sous la responsabilité
des citoyens Asselin et Donnay. Puis, le 22 mai, ordre est donné de
les conduire aux frontières du département. Cette décision sera
aussi rapportée et ces personnes seront réincarcérées jusqu'à la fin de
la Terreur. (1) M. de Chaumontel est l'un des Rouennais qui se sont
offerts comme otages de la famille royale. (2)
Si le département n'ordonne plus la déportation à partir du
4 mars 1793, il a soin d'en expliquer les raisons, qui se trouvent dans
un arrêté de Saladin et de Pocholle, représentants du peuple ;
« Dans le moment actuel , la déportation des ecclésiastiques est
une mesure non seulement insuffisante, mais dangereuse. C'est un
plus nouveau mode, adopté par la Convention ( décret du 23 avril ) ,
qu'il faut employer : l'embarquement et la translation à la Guyane
française. »
C'est enfin le département qui accueille la dénonciation faite à
l'instigation de la Société populaire, par Villiers, de Sommery,
contre Angué, de Manquenchy, et décide le 20 avril, de lenvoyer à
l'accusateur public, ce qui aboutira à la condamnation à mort de ce
malheureux, frère d'un prêtre.
Cependant, aux yeux de quelques-uns, ce qui pèse le plus lour-
dement peut-être sur les membres du département, c'est leur adresse
(1) M. et M«»« de Chaumontel furent mis en liberté le 11 octobre 1794, et leurs filles
le 14 novembre suivant par ordre du représentant du peuple Sautereau.
(2) E. Biré, Le$ défenseurs de Louis XVI ^ p. 286. — Lî liste des otages comprend
des noms d'habitants de Rouen et des environs parmi lesquels : Le Baitlif-Mesnager,
capitaine d'infanterie, gentilhomme ordinaire du roi ; Bourbel de Montpinçon (adminis-
trateur du département) ; Doury, procureur au Parlement de Normandie ; Guérard de la
Quesnerie, ex-substitut en la Cour des Comptes; Hélie de Combray, Hélie de Bonneuil
et Hélie de Tresperel ; Yvelin de Bcville, ex.procureur du Roi au siège de la vicomte de
TEau à Rouen ; Jolivet de Colomby, ex-conseiller à la Cour des Comptes de Normandie;
Benjamin Lentaigne; le chevalier de Limoges; MM. de Mellemont (Duhamel); le comte
de Miromesnil ; Louis Tiphaigne, avocat ; deux Caqueray de Valmenier, la marquise de
Combray, etc.
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1
- 63 —
du 22 janvier 1793, qu'on n'a pas eu à mettre sur le compte d'une
surprise, puisqu'on n'en a point parlé. Cest leur approbation du
« jugement solennel » que vient de rendre la Convention, donnée à
une telle date, avec une précipitation qu'on serait tenlé d'attribuer
à une sorte d'affolement, si les expressions, pour ainsi dire calculées,
de l'adresse, n'attestaient pas le plus grand sang-froid : « Nous nous
rallierons sans cesse autour de vous, nous ferons exécuter vos
loix. » (î) Voilà ce que M. do Fontenay et ses collègues trouvent
opportun de faire savoir aux juges de Louis XVI, le lendemain de
l'exécution de la sentence, un mois avant que les révolutionnaires du
conseil de la commune de Rouen entraînent ce conseil à envoyer à
leur tour à la Convention des félicitations. . . moins effrayées.
Aussi, n'est-on pas surpris lorsqu'on les voit, le 26 avril rédi-
ger une nouvelle adresse à la Convention, qui les a enthousiasmés —
eux qui comptent un ci-devant noble (2) dans leurs rangs — en
mettant les aristocrates et les ennemis de la révolution hors la loi.
Le district, presque toujours associé par ses avis conformes
aux résolutions de la municipalité et du département, laisse acci-
dentellement s'introduire dans ses séances les procédés de la Société
populaire et de l'Hôtel-de-Ville.
Par exemple, le 26 mars 1793, une scène s'y produit, début d'une
autre qui se dénoue au Conseil général de la Commune. Germain-
Denis Letellier, prêtre, qualifié d'insermenté, vient demander si
ayant prêté le serment civique à Saint-Martin-du- Vivier, il sera
dans le cas du nouveau décret, c'est-à-dire dispensé de la dépor-
tation. Il n'est pas fonctionnaire public ; « instituteur » do deux
enfants du citoyen Hébert, qui demeure à Ecalles, district de Cau-
debec, il habite provisoirement chez la dame Hébert, leur tante, rue
de l'Ecureuil.
Dès que l'abbé Letellier s'est expliqué, Lefebvre-Signol, mem-
(1) A cette séance publique du 22 janvier sont présents : De Fontenay, président,
Revelle, Belhoste, Dumazert, Grandin, Deshais, Choin, membres du Directoire;
Lwnbert, Leblond, Caron, Lestiboudois, Blanche, Albitte, Godefroy et Guéret, adminis-
trateurs; Basire, suppléant le procureur général syndic Anquetin, occupé dans son
bureau.
(2) Grandin.
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- 61 -
bredu conseil du district, fait observer qu'il le reconnaît parfaite-
ment pour être un des agitateurs du peuple dans rémeutedul2
janvier, et, sur le champ, le district ordonne que recclésiastique va
être, sous bonne et sûre garde, conduit à la municipalité, accom-
pagné de son dénonciateur. Arrivé là, Lefebvre-Signol précise :
La veille du jour où l'arbre de la lil)erté a été scié et brûlé sur la
place de la Rougemare, il a vu Letellier au pied de la table où Ton
signait Tadresse, criant : Vice le Roi !^ et disant : Si on eût mis
Vive le Roi ! en tête de l'adresse, tout le monde aurait signé. —
C'était grave, et Ton en condamna à mort pour de moindres
choses. — Mais si Tabbé reconnaissait avoir signé, il n'avait pas
entendu crier et n'avait pas même eu Tidéc de crier : Vive le Roi !
L'accusateur, un insigne patriote, n'en persistait pas moins.
Cependant, le prêtre put justifier, séance tenante, avoir prêté
serment, et le Conseil général de la Commune fit ce que le district
lui-même pouvait faire, il lui permit de se retirer sous sa caution
juratoire de se présenter. (1)
C'est le même jour que le directoire du district, en exécution
d'un arrêté du département du 16 mars, fait donner ordre au con-
cierge delà maison commune des prêtres non déportés (Saint- Vivien)
pour qu'aucun d'eux ne sorte et que personne du dehors ne puisse
leur parler sans une permission des commissaires chargés de l'ins-
pection et de la police (Lamine et Georges Langlois).
Il semble que malgré d'assez nombreuses publications sur ce
sujet, il reste encore beaucoup de détails intéressants à révéler sur
la persécution religieuse à Rouen, pendant cette période. Je me
bornerai à dire qu'il semble que si la municipalité Rondeaux est
moins défavorable aux nobles, aux f uspects réfugiés à Rouen, qu'aux
prêtres, ses procédés à l'égard de ces derniers affectent généralement
une correction relative, qui disparaîtra à la fin d'août en même temps
que s'installera le vrai Comité de Salut public. Ainsi, lorsqu'elle se
voit forcé de sévir contre deux des chapelains de l'hôpital gônéfal,
(1) Le 5 brumaire an FV Tadministration du canton de Frcville, informait le départe-
ment qu'elle avait décerné mandat d'arrêt contre cet ahbè Letellier, demeurant h
Ecalles-Alix, et fortement soupçonné d'avoir conlrtvcnu à la loi du 7 vendémiaire an IV
sur la police des cultes.
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elle écrit, le 20 avril, au citoyen Gratieû, évêque, que leur incivisme
très marqué a donné lieu à des dénonciations qui ont obligé à les
mettre en arrestation, et lui signale le troisième « dont le fanatisme
ne le cède en rien à celui des deux autres ». Gratien était, par suite,
vite à les remplacer tous les trois. (1)
Au commencement de 1793, il existait déjà une cinquantaine de
lois et décrets concernant les émigrés et leurs biens. Forcément,
les administrations antérieures s'étaient occupées des biens, mais
évidemment, comme on le leur reprochait peu de temps avant
« têlagage » de brumaire an II ( octobre 1793), elles avaient plutôt,
pour les personnes des émigrés que pour les prêtres, négligé l'exécu-
tion des ordres de l'Assemblée législative et de la Cîonvention.
Les dispositions des lois et décrets du 25 septembre 1791,
établissant la peine de la déportation contre les émigrés rentrés ; de
février, mars et avril 1791, mettant les biens des émigrés sous la
main do la nation ; du 15 août 1792, qui consignaient dans
leurs municipalités respectives les pères, mères, femmes et
enfants d'émigrés ; des 1«' et 8 septembre suivant, sur les ventes
de biens d'émigrés, et du. 12 septembre, sur la justification de
l'existence en France de leurs fils disparus, ne furent que très tardi-
vement et très incomplètement appliqués. On ne voit pas qu'il ait
été agi autrement à l'égard de certain arrêté fort peu connu, pris par
le Comité de Salut public de la Convention, le 19 septembre 1792,
et portant que le Ministre de l'Intérieur donnera les ordres néces-
saires pour faire arrêter tous les gens suspects à Rouen, Toulouse et
autres villes y dénommées, et pour les faire transporter dans le nord,
à cinquante lieues de leur pays (2).
Le département, le district, la municipalité ou font réimprimer
ou rééditent dans leurs propres arrêtés, eux-mêmes renouvelés
parfois à différentes reprises, les prescriptions, délais et peines de la
plupart des lois et décrets. Mais souvent cela n'est guère qu'un
simulacre, et il n'est pas rare, au Conseil général de la Commune,
qu'un membre signale qu'une loi est restée à l'état de lettre morte,
et fasse motion qu'elle soit mise à exécution.
(i) Ârcb. municipales.
(2) Archires nationales, A F ii 22, dossier 170, pièce n« 25.
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A la maison commune, où le bureau municipal a été autorisé à
prendre quinze commis supplémentaires pour s'occuper des biens
nationaux (1) sont installés, comme aux directoires Ju district et du
département, des bureaux où s'élaborent et se centralisent les listes
d'émigrés, les préparatifs des confiscations, séquestres, expertises,
inventaires, cahiers de charges et ventes de leurs biens. Tout cela
si lentement qu'un énorme arriéré ne tardera pas à s y accumuler,
encore bien qu'en ce qui concerne les immeubles de cette origine, les
réalisations ne commencent qu'en octobre 1793, un peu moins d'un
mois avant le renouvellement des administrations.
Les listes d'émigrés y sont établies ou rassemblées avec une
légèreté et des inexactitudes étranges, des indications vagues,
équivoques, qui en rendent l'application incertaine, de telle façon
que, plus tard, les radiations s'en trouveront facilitées.
Dès le 21 mars 1792, le district retourne à la municipalité une
liste de plusieurs individus, domestiques ou agents d'émigrés, restés
logés dans les maisons que leurs maîtres occupaient en ville, avec
autorisation de congédier ces individus dans le plus bref délai.
Ce sont : Dumesnil et Pierre Asselin, maison de l'ex-président
Armand de Bailleul, rue du Moulinet ; Toutain, homme d'affaires,
maison Lambert (deFrondeville) (2) rue deBeffroy ; Jacques Lozier
et veuve Laurent, maison Gueroult do Bouttcmont (3), rue Saint-
Patrice ; Jacques Leprevost, domestique, maison Rome (de Fres-
quiennes) (4) père et fils, rue de l'Hôpital ; Pommeraye, ex-maître
des Comptes ; la veuve Duval et Duval prêtre, habitant le côté
gauche de la maison Le Cordier de la Londe. Seule, la maison
(1) Séance du 29 mars 1793.
(2) Louis-César Lambert de Frondeville, ex-président à mortier au Parlement
de Rouen, t*un des quatre députés de la noblesse du bailliage de Rouen aux Etats-
Généraux. Son hôtel de la rue Beffroy, fut adjugé au sieur Lafosse, le 4 frimaire an III,
108,500 livre».
(3) Sa maison de la rue Saint-Patrice fut adjugée le 4 prairial an II, à M. G. Angran,
par 00,000 1. La plus grande partie de ses domaines, qui étaient à la Rùe-Saint-Pierre,
furent vendus 247,000 livres, et les autres environ 100,000 livres.
(4î Sa maison de la rue de l'Hôpital fut vendue comme bien national au marquis du
Hallay, 100,000 1. — La plupart de ses domaines n*ont pas été vendus.
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- 67 —
de Hécamp de Colletot, rue Sainte-Croix-des-Pelletiers est
vacante.
L'activité des Rouennais affecte de redoubler après que la loi du
15 août 1792 a étendu à leur ville les dispositions du décret du 20
mai relatif à la police do Paris et au moyen de constater les noms,
qualités et demeures des individus qui y arrivent journellement.
La dénonciation faite par le député Gensonné dans l'Assemblée
Législative, où il a représenté la ville de Rouen comme étant le
foyer d'une contre-révolution, le décret du 15 août qui met en accu-
sation le député Tarbé et autres, celui du lendemain relatif à la
répression des troubles de Rouen activent les mesures révolution-
naires.
Le 22 août, la municipalité s'appliquant à rendre efficace les
décrets relatifs aux parents émigrés qui doivent rester en otage,
décide de ne délivrer de passe-port qu'à ceux qui n'ont pas d'émigrés
parmi les leurs. Le département lui-même, encore alors présidé par
M. d'Herbouville (24 sept. 92) prend le 25 un arrêté consignant chez
eux les parents d'émigrés, mais obligeant ceux qui n'ont pas leur
domicile habituel à Rouen ou dans les autres localités du départe-
ment où ils sont actuellement en résidence momentanée, à se retirer
dans leurs municipalités respectives dans les huit jours sous peine
d'arrestation. Il autorise les commissaires des sections à se transporter
chez tous les citoyens, particulièrement chez les administrateurs du
département, du district et les officiers municipaux, sans les prévenir
du jour ni de l'heure de cette visite, mais seulement en ayant soin
de se faire accompagner par un officier municipal.
MM. de Fontenay, maire, et Bazire, procureur de la Commune,
font aflScher un arrêté du Conseil général de la Commune, pris en
présence des sections, le 19 septembre, qui est un appel aux
dénonciations, invitant à déclarer sur le champ quelles sont toutes
les personnes habitant Ronen connues pour avoir des enfants
émigrés : « Des ingrats, des traitres, que la France a trop longtemps
nourris dans son sein, ont été chez toutes les nations vous susciter
des ennemis. Réunis aux hordes des despotes, leui'S bras parricides
sont levés pour immoler patrie, liberté, pour égorger tout ce qui
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— 68 —
n'a pas l'âme d'un esclave. . . » — Ce qu'on s'est plu à appeler le
style de Pillon s'était, on le voit, introduit dans les actes de la
municipalité avant l'entrée de Pillon au conseil général.
Les incitations des aflBches ne donnant pas de résultat, on cher-
che à faciliter des délations dont bien souvent, sans doute, on n'aurait
nul besoin, car il est des émigrations dont plus d'un officier munici-
pal a personnellement connaissance. « Beaucoup de personnes,
croit-on, ne viennent pas faire de dénonciations contre les émigrés
parce qu'on les obligerait à signer. )) Cette considération détermine
la Commune à adopter, dans sa séance du 24 septembre, la propo-
sition de dispenser de signature... Un an plus tard, le Comité
départemental de Salut public ne sera pas plus accessible aux déla-
teurs.
Peut-être est-ce cela qui, le 6 octobre 1792, procura aux admi-
nistrateurs du district la satisfaction de faire passer à la municipalité
« un petit état d'enfants d'émigrés » qu'on vient de lui envoyer, non
signé, et qui comprend :
« Un ou deux fils du sieur de Guichainville, conseiller au ci-
devant parlement ;
(( Le fils du sieur Biencourt, rue de la Seille ;
« Le fils du sieur Morin, auditeur à la Chambre des Comptes,
rue des Maltresses ;
« Le fils du sieur de Trémauville ;
« Le fils aîné du sieur Quesnel, en son vivant procureur du roi
de la maîtrise de Caudcbec » (1).
D'autres, soupçonnés d'émigration, sont, en novembre 1792,
l'objet d'une sorte d'enquête. Parmi ceux-ci : les sieurs Troterel^
ci-devant conseiller au ci-devant parlement, ayant son dernier domi-
cile chez David Gueroult, émigré ; De Vivefoy, ci-devant conseiller
au parlement, qui habitait une partie de maison appartenant au
citoyen Robert de Saint- Victor ; De Piperey de MaroUes, ci-devant
conseiller au parlement, ayant demeuré rue de la Chaîne, chez le
citoyen de Thibouville, son beau-père ; Desperrières, ayant eu son
dernier domicile rue Faucon, n<> 65; Martain ville, ayant demeuré rue
(1) Archives municipales, pièce originale. — Il n'existe plus de registre des séances
du district de Rouen antérieur au i" janvier 1793.
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Beauvoisine, n® 88, maison du ci-devant chanoine Carrey de Saint-
Gervais ; Perrière, rue Bourg-l'Abbé; La Rocque, militaire, chez
Heutte, rue de TEpée ; le sieur de Sermentot, demeurant au collège
du Pape, rue Saint-Nicolas ; Laurent Guyot d'Etalleville, capitaine
de cavalerie, rue des Arsins, n® 12; Guillaume Rouland, ancien
gendarme, rue Pincedos, et Delamare, ancien gendarme, près le petit
Porche (1).
Les inconvénients du système adopté pour la confection dea
listes étaient manifestes. Il en est de nombreux exemples, entre
autres ceux résultant de ce que des nobles, restés ou réfugiés à
Rouen, n'y étaient point regardés comme émigrés, tandis que soit
au lieu de la situation de leurs biens, guettés par des voisins, soit au
lieu de leur dernier domicile, on les considérait comme tels. Par
suite d'un certificat de résidence délivré, on ne sait comment, par la
municipalité de Rouen, la municipalité de Vattetot, district de
JMontivilliers, avait négligé de séquestrer les biens de M. de Bailleul,
notoirement émigré, et le citoyen Lenud, d' Yvetot, s'acharnant déjà
contre les Rouennais, envoyaient à la Convention une dénonciation
inculpant ces derniers. La municipalité de Rouen, fortement émue,
se préoccupe, le 28 novembre 1792, d'écrire aux frères Lenud, et de
se disculper. D'Ochey, district de Toul, dont il était, le ce ci-devant
seigneur, )) on s'informait du sort du (( nommé Antoine-Gabriel
Le Bègue de Germiny, » à propos duquel on répondait de Rouen, le
14 mars 1793, qu'il demeurait en cette ville, rue de l'Hôpital, n^ 5. (2)
Les adjudications des biens domaniaux et ecclésiastiques, qui
ont eu lieu à partir du 8 octobre 1790, ont suivi leur cours (1)
D'après certain (c tableau général des produits et charges des biens
des religieux établis à Rouen, dressé par la municipalité dans son
département des domaines », il y aurait beaucoup à rabattre du
produit total de ces biens : sur les 361,810 1: 6 s. 7 d. que produi-
saient ces biens (115,110 1. 1 s. 3 pour Rouen, et 139,824 1. 8 s. 6 d.
pour la campagne) il y avait à prélever chaque année 109,783 1. 6 s.
5 d. ce qui laissait un excédent de 72,000 1. environ. La balance des
(i) Delamare fut guillotiné à Rouen, en 1794.
(3) Arch. municipales.
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— 70 -
revenus éventuels et des charges de même nature donnait un autre
excédant de 70,000 1. (1)
Particularité à noter. C'est le 12 janvier 1793, au moment où
les troubles de la Rougemare prennent un caractère inquiétant,
qu'il est procédé à la vente du Vieux-Palais, provenant du domaine
du roi, et qui est considéré par les révolutionnaires rouennais comme
une petite Bastille. Ce château « situé dans le plus beau quartier de
la ville, auprès de la rivière, à la portée d'une belle promenade,
contient 5664 toises superficielles d'un terrain précieux. » Il est mis
en vente avec ses fossés, en laissant suLsister pendant deux ans les
tours où sont enfermés les condamnés au fer ou à la gène, et sur
l'estimation de 450,000 livres, prix par lequel il a été adjugé par la
Nation à la Ville de Rouen. Le seul soumissionnaire apparent
d'abord est Nicolas Louis, architecte à Paris, rue de Choiseul, 14,
logé, le jour de l'adjudication, à l'hôtel d'Angleterre, rue. des
Carmes. Mais l'adjudication est prononcée par 834,800 livres au
profit tant de Louis que Jean-Louis Thibault et François-Nicolas
Thibaut frères, l'un entrepreneur à Rouen, rue du Vieux-Palais, 41,
et l'autre architecte à Paris, rue du Faubourg-Saint-Denis ; Michel
Delafosse, négociant à Rouen, rue et paroisse Saint-Eloi ; Louis-
Jacques Langlois, négociant à Rouen, place de la Cathédrale, et
Jacques-Angélique Manoury.
Le Bailliage, autre établissement qui ne jouissait pas d'une
grande considération parmi les révolutionnaires, adjugé, avec la
maison du buvetier, par 12,000 1. à la municipalité de Rouen, ne fut
revendu que le 20 juillet 1793, à Charles-François Fortier, entre-
preneur de bâtiments, à Rouen, rue Saint-Hilaire, par 65,000 livres
« francs deniers venants et montre. » La salle des ci-devant pro-
cureurs et celle où s'étaient tenues les audiences du ci-devant
bailliage étaient alors louées encore pour deux mois aux citoyens
Roland Gosselin et Lesguillier. N'étaient pas compris dans la vente
notamment l'autel des décorations et la grille en fer de la chapelle de
Tune des salles d'audiences, des grilles, guichets, verroux et serrures.
(1) Arch. mpales. — Les menses abbatiales et prieurales ni les lieux claustraux
ne sont pas compris dans les revenus.
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- 71—
Ces ventes ne semblent pas avoir causé grand émoi parmi le
peuple. Les spéculateurs s'y intéressaient davantage, naturellement,
et il serait assez intéressant de les suivre dans leurs opérations, afin
de reconnaître parmi eux quelques-uns des patriotes dont les noms
se retrouvent parmi ceux des diverses administrations et de la Société
populaire.
En effet, si quelques-uns, comme les Darcel, Thiberville,
Delalande, semblent agir isolément, il apparaît assez clairement que
les Bénicourt, Lamine, Gaillon, Thomas Grout, Angrand, Du jardin,
Blard et autres parmi lesquels Pillon lui-même, et le secrétaire
Havard, font partie d'un ou de plusieurs syndicats dont les entre-
prises, les comptes et la liquidation ont peut être laissé quelque part
des traces qui ne verront sûrement pas le jour maintenant.
Aucun rouénnais n'ayant été, comme certains administrateurs
des districts de Gournay (1), et de Dieppe (2), l'objet d'accusations
nettement formulées touchant les biens nationaux, on doit croire
que c'est par ce qu'ils n'avaient, de ce chef, encouru nul reproche...
Cependant, surtout lorsqu'on en vint aux ventes de biens
d'émigrés, il y eut certainement plus de prévoyantes spéculations,
dans les combinaisons savantes desquelles entraient les assignats, et
l'on en trouve d'assez remarquables exemples, non pas toujours
parmi les gens notoirement connus pour être partisans de la Révo-
lution, mais aussi quelquefois chez des ex-nobles ou anoblis. On
(1) Parmi ces imptiidents, traduits devant le tribunal criminel en fructidor an II,
se trouve cité — mais épargné, — un juge de paix de canton rural, père d'une dame
qui, cinquante ans plus tard, passait pour avoir servi de modèle à G. Flaubert, pour
t M"« Bovary. ^
(2) Notamment TafTaire du mobilier de Belmesnil, raccontée par M. Duchemin*
Le District de Dieppe (voir La Noi^iandie de mars 1895, p. 96.) Un jugement
du tribunal criminel de la Seine-Inférieure, du 5 floréal an II, acquitta deux des
accusés, Vandé et Âubé. Quant à Labbé et à Marcasin, comme ils n'échappment
à la condamnation que par insufflsance de preuves, le jugement les déclara
suspects, et ordonna levr détention jusqu'à la paix. En conséquence, on les transféra
de Rouen en la maison de détention de Dieppe, le 14 germinal. Un autre inculpé dans
la même affaire, le patriote La Mouque, — et quel patriote ! — fut poursuivi aussi pour
nudversation. Mais un jugement du tribunal criminel, du 5 floréal an II, déclara qu'il
n'y avait pas lieu à accusation contre lui, et il fut mis en liberté le jour même. Il était
devenu substitut de l'accu^atenr public près le même tribunal, en ventôse an ini
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pourrait citer telle famille (1) d'anciens sergents, aux descendants
parfaitement honorables de laquelle une brillante situation de fortune
territoriale, acquise ou plutôt considérablement agrandie alors
aussi, procure de nos jours les alliances les plus recherchées de la
haute noblesse française.
La mise à exécution des conâscations sur les émigrés, dès avant
môme que les décrets des 30 octobre et 3 novembre 1792 en eussent
déterminé les formalités, s effectue d'abord en s'attaquant à leur
mobilier. La vente de Timmobilier, suspendue par un décret du
du 11 novembre, ne commencera qu'en vendémiaire an II, au bureau
des finances.
La Révolution eût été tout de suite une vraie Californie pour les
huissiers, dont le ministère était requis pour les inventaires,
prisées et ventes des meubles confisqués. Mais ils vendaient à la
vacation ! Leurs procès-verbaux sont parfois d'une éloquence à
laquelle atteignent rarement les « écritures » de ce genre. (2) Des
huissiers, ou peu patriotes, ou qui avaient eu et pouvaient avoir
continué des relations avec les familles des ci-devant propriétaires
des mobiliers faisant l'objet de ces ventes « forcées », retardaient
parfois les opérations dont ils étaient chargés, sans doute pour per-
mettre à quelque intéressé d'être présent, ou d'agir et de faire
surseoir. Cottais, commissaire de police, l'un de ceux dont l#s agis-
sements durant la Terreur et l'immunité restent inexpliqués, fut
dénoncé et traduit devant le conseil général de la commune pour
avoir manqué à plusieurs rendez-vous relatifs à des séquestres.
Nonobstant; le nom d'huissier ne recouvra point la faveur
populaire, et, à Rouen, on semble alors l'avoir abhorré autant que
celui de procureur. On trouve même, dans un procès-verbal de la
société populaire, une motion de changer ce nom <( exécré » et, c'est
peut-être pour jouer un de ces bons tours dont on parait avoir été
(1) Son nom fait l'objet d'une note d'un des libelles les plus connus qu'aient fait
publier la suppression du Parlement et la création du grand bailliage, note singulière-
ment suggestive au point de vue de la justesse des théories sur l'atavisme. Ici ne
se trouve point confirmée la croyance populaire d'après laquelle les acquisitions de
biens nationaux, plutôt funestes que profitables, échappaient d'une façon quelconque,
à la suite de revers, aux descendants des acquéreurs, à la troisième génération.
(2) La vente des mobiliers d'Aumont et de Thouret me fourniront roccasioQ d'en
citer des exemples.
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coufumier chez les Jacobins de Rouen, que Ton nomme Houel pour
faire un rapport sur la question, comme plus tard on chargea Tex-
abbé Bignon de faire un rapport sur le mariage des prêtres.
Houel recueillit un jour pour la nation une riche aubaine dont
il vint faire part au directoire du district le 27 février 1793. Pendant
l'inventaire des meubles et effets de l'émigré Le Cordier delaLonde,
il avait trouvé dans un secrétaire 47,000 livres en vieux louis. Cela
fut transporté à Elbeuf . Le lendemain, les oflSciers municipaux de
cette ville, accompagnés de deux gendarmes, remettaient cette somme
au district, qui la faisait déposer provisoirement chez le trésorier.
Aussi, malgré les préventions contre les huissiers, Houel deviendra-
t'û secrétaire, puis président de la Société populaire.
Les imprimeurs doivent faire fortune ; tout au moins ceux des
administrations. Dans le chiffre énorme de 219,1191. q. s. 8d. def
frais d'impression pour le compte du département, s'appliquant à
la période de cinq mois et demi, du 12 octobre 1792 au 24 mars 1793,
dû pour 91,655 1. au citoyen Oursel, et pour 128,264 1. au citoyen
Le BouUenger, (1) imprimeurs, les aflBches des ventes de mobiliers
d'émigrés entrent dans le mémoire de ce dernier pour 819 livres.
Elles concernent vingt-cinq émigrés : Rome de Fresquiennes, Gueut-
teville, Caillot de Coqueréaumont, Vintimille, Lemarchand, Chail-
loué. Le Pigny, veuve Corneille de Beauregard, Costé de Triquer--
ville; Malherbe, Dubosc de Radepont, Lambert, de la Jonquière,
Le Cordier de la Londe, Le Roux de Crétot, Guerout de Boutte-
mont, Boullenc, Hécamp de Colletot, de Rouen de Bermonville,
Grenier fils, veuve Rome du Bec, Troterel, Liancourt, Mesnard et
Robert de Saint- Victor fils.
Les premières formalités aboutissant à ces ventes en concer-
nent une qui parait avoir été la plus importante : Celle du mobilier
de Vex-président de Bailleul, sur lequel les scellés avaient été appo-
sés dès le 12 juillet 1792. Par son secrétaire Jacques Toutain, M. de
Bailleul, comme tant d'autres, s'était efforcé, le 7 octobre 1792,
d'établir qu'il n'avait pas émigré, que sa mauvaise santé et celle de
sa femme les avaient obligés à se rendre aux eaux de Spa, en mars
1791, avec des passeports en forme mentionnant la cause de leur
(1) On trouvera plus loin quelques détails sur Le Boullenger.
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voyage. Il justifiait d'un certificat du sieur de Limbourg, docteur
^n médecine de la faculté de Paris, résidant à Spa, du 30 août 1792,
visé, scellé, et, de plus, affirmait être venu depuis plusieurs fois à
Paris. (1)
Dans sa séance du 13 octobre, le directoire du district trouva
ces « prétextes abusifs, et la réalisation de ses biens fut ordonnée. La
vente du mobilier dura vingt-sept jours des mois d'octobre et
décembre 1793, et produisit 27,765 1. 10 s. 3 d., non compris
plusieurs milliers de livres d'objets de campement (matelas,
paillasses, sommiers, lits et traversins), mis à la disposition du
Ministre de l'intérieur, par la loi des 3 août et 16 octobre 1793.
La vente mobilière Lambert de Frondeville, du 26 octobre et
jours suivants, devant la porte de son domicile, rue Beffroy, n* 39,
donna 15,796 1. 8 d., plus les objets de campement. Ce mobilier
comprenait deux tableaux <c un grand tableau sur toile, représentant
Joseph qui explique les songes, un portrait de Mîircel, prévôt de
Paris, peint en pied, sur toile, 1570, l'un et Tautre « d'un très grand
prix )> lesquels furent distraits et remis au ce muséum national du
district. »
M. de Frondeville parait avoir espéré soustraire ses biens aux
çffets de la confiscation, en donnant le 29 août 1791, son hôtel et ses
meubles à bail, pour trois, six ou neuf années,moyennant 3,0001- Tan,
à M°** veuve Armand de Montant, née Le Prévost. On passa outre
les protestations de Cl.-N. Hénin, son secrétaire, qui présentait un
certificat de J.-J. Hanszler, docteur en médecine de la ville d'Aix-
la-Chapelle, visé des bourgmestre, échevin et conseil du siège royal
et de la ville libre et impériale d'Aix-la-Chapelle, etc., attestant que
<i led. s' Lambert s'est confié à ses soins pour le rétablissement de
sa santé et qu'il lui a ordonné de continuer les eaux de lad. ville
comme absolument nécessaires pour compléter la cure par lui com-
mencée. » Hénin eut beau, selon une formule qu'on retrouve dans
la plupart de ces sortes d'inventaires, faire toutes oppositions, pro-
testations et réserves, objecter « que la liberté d'aller, de rester, de
partir où bon semble, est une des dispositions fondamentales ga-
"(i> Archives municipales.
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-r 75 ^
rantîespar les lois; que M. Lambert prouvait qu'il n'était point
dans un lieu de rassemblement armé, etc. » Rien n'y fit. M. Lambert
de Frondeville, ancien Constituant, notoirement compromis dans des
manifestations royalistes, ne pouvait avoir aucun titre à l'indul-
gence. . . ni môme à un sursis. (1)
Ces opérations ne donnent pas les résultats attendus. Plusieurs
abus ont été dénoncés au département, avec lequel des commissaires
du district viennent en conférer le 26 octobre 1792. Ces abus con-
cernent plus particulièrement « les objets utiles aux arts et au pro-
grès des sciences. » Immédiatement, le département prescrit la
nomination, par chaque district, d'un « homme de goût ami de?
arts, » pour marquer ces objets et les faire transporter au dépôt
général. Si l'on en juge parce qui s'est passé dans les châteaux de
MM, de Belmesnil et Bigot, ces précautions n'ont pas été eflScaces.
On s'inquiète, d'ailleurs, de ce que le mobilier n'est pas porté
dans les ventes à la valeur à laquelle il pourrait monter. La Société
Populaire, où Ton a parfois de bonnes inspirations, cherche les
moyens d'attirer la concurrence et croit, le 30 novembre 1^92, en
avoir trouvé un excellent, en réclamant du district l'affichage des
inventaires et d'une note des objets exposés en vente, ce qui laisse
supposer que les afSches donnaient des indications très insuffisantes.
Elle compte parmi ses membres quelqu'un qui, « par état a des
connaissances particulières des habitudes et de l'espèce d'agiotage de
ceux qui suivent d'ordinaire les ventes, » et elle le charge, avec deux
commissaires ad hoc, de faire un rapport qui permettra d'éclairer le
district.
A ce rapport, fait dans la séance du 2 décembre. fiu*ent jointes
des observations adoptées par la S|Ociété, d'après lesquelles les
mobiliers d'émigrés, au lieud'ôtre vendus dans les domiciles où ils se
trouvaient, devaient être réunis dans un local à ce uniquement
consacré, où la surveillance serait plus facile, et où la concentration
augmenterait la concurrence. Ce projet de « salle des ventes » ne
panait pas avoir été réalisé.
(1) Ârch. municipales.
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Ce n'est pas seulement de l'application des lois contre les véri-
tables émigrés que s'occupent les administrateurs. Les émigrés de
l'intérieur, qu'ils désignent souvent comme étant des étrangers
spécialement visés par la loi, et qui sont tout simplement des
français venus récemment établir leur résidence provisoire à Rouen,
leur causent beaucoup plus d'inquiétudes.
La soudaineté et la gravité de la manifestation de la Rougemare
a fait supposer que ces « étrangers, » ainsi que des émigrés et prêtres
déportés rentrés, y ont pris part. Il est certain que nombre d'habi-
tants de la banlieue s'y étaient mêlés, et que même des gens de
Lille avaient signé l'adresse d'Aumont.
Dès le 12 janvier 1793, la municipalité invite les citoyens à
dénoncer ces étrangers.
« Voulant prévenir les malheurs qui peuvent résulter de l'en-
vahissement de la ville par des étrangers plus que suspects qui, par
leurs propos et leurs menaces, tendent à troubler l'ordre public, » le
conseil général de la commune charge, le 27 février, Lecanu, Harel
et Le Boucher, de préparer un projet de délibération, qui est voté le
lendemain. Les commissaires de police, chacun dans sa division,
devront faire toutes les perquisitions nécessaires pour s'assurer qu'il
n'y a pas à Rouen d'autres étrangers que ceux qui ont passé leur
déclaration et dénoncer ceux qui ne sont pas en règle.
Le bureau des passeports est rétabli le 4 mars; il ne fonction-
nera, en réalité, que le 17 juin.
Le 12 mars, Yvemès, Lecanu, Carré, Tarbé, Anquetîn, Dela-
croix, délégués de la municipalité, confèrent avec le district et le
département, relativement aux étrangers « qui arrivent en foule à
Rouen. » Il en résulte, le 21 mars, une délibération prise « avant
l'ouverture des portes » enjoignant de nouveau à ces étrangers de
sortir de la ville dans le délai de trois jours : — « Toutes les fois que
des événements fâcheux ou des manifestations sinistres ont menacé
la liberté publique, des essaims d'étrangers sont venus fondre sur
notre ville et y établir leur domicile passager, sous le prétexte spé-
cieux d'y chercher un asile et d'y jouir de la protection des lois et de
tranquillité. Cependant l'affluence de ces inconnus a presque tôu-
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jours été suivie d'explosions funestes à cette même tranquillité qu'ils
avaient Tair de rechercher. Après la journée du 10 août, des
inconnus affectant un zèle hypocrite pour les intérêts du peuple,
régarèrent sur l'objet des subsistances. .. »
Cest le même jour, 21 mars, que le Conseil nomme vingt-six
commissaires, en tête desquels Pillon et Lamine, pour des visites
domiciliaires, afin d'exécution de la loi du 25 février contre les
émigrés et prêtres déportés.
Une des plus déplorables affaires qui assombrissent cette époque
naît dans les premiers jours de mars. Elle semble être la conséquence
plus ou moins directe de graves questions débattues au directoire
du district d'abord le 2, entre l'un des frères Lentaigne, et
Maillard, directeur de la ré^ie de l'enregistrement à Rouen (1). Le
26 mars, le bureau permanent du Conseil général de la Commune,
présidé par Pillon, ordonne l'arrestation des deux frères Lentaigne
comme prévenus de correspondance et «de propos anticiviques et
contre-révolutionnaires.
Pillon est le juge d'instruction du procès de ces doux hommes,
et reçoit immédiatement contre eux les dénonciations et dépositions
de Nicolas- Antoine Auger, Magloire Godefroy, Simon-Pierre Jorre,
Pierre-François Meslin, Jean-Dominique Lambert, et Pierre-Simon
Lebarbier.
Une perquisition a lieu le 26, chez Jean-François Lentaigne
aîné, et chez son frère Joseph, qui sont arrivés en 1792 à Rouen, où
l'un d'eux a même prêté le serment civique le 13 septembre. Des
indications susp^tes sur une carte à jouer, des lettres écrites de
Caen, notamment le 11 mars, et les noms même des amis de Len-
taigne créent et aggravent les charges contre les deux frères, dont
le second, Joseph, s'est enrôlé naguère au 7°*® régiment de cavalerie,
ci-devant Royal-étranger, et a pris, le 22 mars, un passe-port pour
aller au Havre.
(1) Ce Maillard parait être le môme que Pierre-Antoine Maillard, âgé de trente-trois
ans, receveur d'enregistrement, demeurant à Rouen, rue Saint-Patrice, 49, lequel,
détenu à la maison d'arrôt de Saint-Lô de Rouen, depuis le 13 frimaire an VI s évada
le lendemain des mains du commissaire de police et du juge de paix qui perquisition-
naient chez lui.
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Pendant leur longue détention à Rouen, ces malheureux se
plaignent de leur sort. Le 28 août 1793, ils réclament leur mise en
liberté, leur jugement, et la Commune passe à l'ordre du jour. Pour-
tant, on ne les envoie pas au tribunal révolutionnaire : M. Rondeaux
et ses amis sont encore là. Mais lorsque Pillon sera maire, Lentaigne
l'alné commettra, le 23 nivôse (12 mars 1794), l'imprudence de lui
envoyer de la maison d'arrêt de Saint-Lô de Rouen, une lettre qui se
termine ainsi : « C'est toi, citoyen, qui as signé mon arrestation ; c'est à
toi que je m'adresse avec confiance pour la faire cesser, et j'aime àme
persuader que si je suis encore à la maison d arrêt, c'est que tu as
oublié que j'y étais encore. » Une lettre de son frère parvenait à la
municipalité le môme jour et bientôt on leur prouva qu'ils n'étaient
point oubliés. Transférés à Paris, ils furent traduits le 23 messidor
(11 juillet) devant le tribunal révolutionnaire qui les condamna à
mort, et leur exécution eut lieu sur le champ. (1)
La fin du mois de mars et les premiers jours d'avril montrent
aux prises les modérés et les révolutionnaires rouennais, ceux-ci
empressés à faire appliquer les récentes mesures adoptées par la
Convention, et à saisir les occasions de faire prévaloir leurs plans.
Les circonstances paraissent favorables à Pillon et à ses amis qui
prennent goût aux visites domiciliaires, it la chasse aux suspects, et
chez la plupart desquels les procès- verbaux d'interrogatoires attes-
tent de véritables aptitudes pour la besogne d'un commissaire de
police ou d'un juge d'instruction. Depuis quelques mois ils font de
très fréquents voyages à Paris, et les patriotes parisiens viennent
volontiers à Rouen. PochoUe et Saladin, représentants du peuple,
sont souvent en cette dernière ville depuis le 15 mars, et le premier
amène la Société populaire à des manifestations significatives.
Les rouennais jalousent les parisiens. La Convention a établi à
Paris, les 10 et 14 mars, un tribunal criminel extraordinaire, dont
elle a fixé les attributions, et qui, sans que cela soit dit expressément,
étend sa compétence à tout le territoire de la République.
(1) Arch. départementales. Reg. du district. — Arch. m pales. — Arch. Jiat. W 414,
doss. 949. Les mandats d'arrêt signés de Pillon et ceux de la Municipalité qui les confir-
ment sont aux arch. nat. doss. cité, 2» partie, 2» et 27» pièces. V. d'ailleurs M. Wallon,
Hisi. du tnb. révol. de Pavis^ t. V, p. 25 et 26, où sont publiés deux des intéressants
documents saisis chez les Lentaigne.
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Le 29 mars, au conseil général de la commune de Rouen, un
membre fait la motion qu'une pétition ait lieu pour obtenir l'éta-
blissement à Rouen d'un tribunal révolutionnaire « qui serait autorisé
à prononcer sur les délits d une infinité (1) de contre-révolutionnaires
actuellement en état d'arrestation ». Le conseil passe à l'ordre du jour,
en se basant sur la loi du 10 mars, instituant le tribunal criminel
extraordinaire.
Cette fin de non recevoir n'a ni con^vaincu ni découragé celui qui
se l'est fait infliger. Peut-être est-il aussi membre de la Société
populaire où, dans la séance du lendemain 30 mars, un citoyen (2)
reproduit sa motion. Après discussion, la société décide d'envoyer la
pétition et charge de la rédaction les frères Caudron et Bignon,
qu'on ne s'attendrait pas à rencontrer en cotte occasion, si déjà Ton
n'avait vu leurs noms au pied de l'adresse du 12 janvier contre
l'appel au peuple.
Le dimanche 31, l'un des deux commissaires lit l'adresse, qui
est adoptée à l'unanimité. Le texte et les signatures, inédits, ne sont
pas dans le procès- verbal de la Société populaire.
Les voici néanmoins :
« Les citoyens de Rouen à la Convention Nationale :
» Ce \" Atril 1793, l'an deuxième de la République Française.
» Citoyens LÉGISLATEURS,
» Vous avez décrété l'organisation d'un tribunal révolutionnaire
dans la ville de Paris.
» Cette mesure rigoureuse est peut-être la meilleure sauvegarde
de la liberté, poiirvu que de semblables institutions se multiplient
selon l'étendue de nos besoins. En effet, comment penser qu'un tri-
bunal unique puisse juger avec la célérité convenable la tourbe
innombrable des scélérats que leurs forfaits y conduiront.
» Il faut placer le remède à côté du mal pour que les guérisona
soient promptes et assurées. Tous les départements ont leurs aristo-
crates, tous les départements doivent avoir leurs juges. D'ailleurs,
(1) Infinité ne s'applique p€is seulement à la ville de Rouen où les suspects arrêtés
n'étaient pas encore nombreux, mais bien aux détenus de tout le département.
(2) Ce mot semblerait indiquer qu'il ne s'agit pas d'un membre de la société, mais
plutôt d'un citoyen des tribunes de la société.
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il n'est pas juste, sans doute, de ruiner les finances de l'Etat pour le
transport de ces misérables qui font la guerre à leur Patrie. Eh ! ne
pouvons-nous donc en être délivrés sans acheter ce bonheur à grands
frais et par des délais toujours dangereux. Songez que les mesures
dilatoires et partielles n'ont que trop affaibli les ressorts du gouver-
nement et prenez garde qu'elles ne viennent enfin à bout d'en causer
la ruine totale.
» Des tribunaux donc, Législateurs, des tribunaux révolution-
naires pour les départements et surtout pour le nôtre.
» Que les forfaits soient immédiatement suivis d'un supplice
rigoureux, que l'exemple terrible de l'exécution des lois effraye les
aveugles suppôts de laristocratie dans tous les points de la Républi-
que à la fois, et la République est sauvée.
BiGNON.
Lemonnier.
PiLLON.
J.-B. Del ANC Y.
L.-S. Sandrez.
J.-B^«POLTIER. (?) ROZEL.
B. Landrin. Yvernès
Lefebvre, Orf®.
Blondel.
MoNNiER, l'Aîné
L. Delaporte.
Caudron.
Chesneau le Jeime.
Mabon.
Thébeauz.
J.-J. Burin. (?) (1)
Burdelot.
Arnaud. (2)
Philippe.
Lhoste.
J.-L. Haraneder.
Blanche.
L.-J. Lefebvre.
B. Prud'homme.
Cartier.
Fourneaux.
Germain Lenormand.
fournier.
Lamine.
Comme toujours, cela émane des « citoyens de Rouen », afin
d'imprimer à la supplique le caractère d'une pétition individuelle et
de dissimuler l'origine, qui en eut fait une pétition collective, inter-
dite par la loi des 10-18 mai 1791.
Il ne parait pas qu'on se soit occupé dans les séances de la
Convention de cette démarche des rouennais. On voit seulement par
les annotations de l'original de la pétition, qu'il parvint à destina-
tion le 6 avril, et qu'il fut renvoyé le J4 au Comité de législation et
correspondance de la Convention.
(1) Ce doit être Buron.
(2) Archive» nationales, pièce originale.
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Ce n'est évidemment point par Tefifet d'un pur hasard que le
jour même où les membres de la Société populaire demandent ainsi
un tribunal révolutionnaire, on s'occupe, au Conseil général de la
commune/ de compléter l'organisation révolutionnaire.
Jusque là, le véritable comité de surveillance, c'était la Société
populaire, fortement pénétrée de l'importance de sa mission, surtout
depuis le 12 novembre 1792, date à laquelle le Comité de sûreté
générale et de surveillance de la Convention lui faisait parvenir,
ainsi qu'à toutes les sociétés patriotiques, une circulaire qu'elle avait
transcrite sur ses registres : «... Du milieu des décombres du trône,
» du fond de cette corruption sur laquelle ils étaient assis, — disait
» la circulaire, — des insectes venimeux et de plus d'une espèce
» osMt mouvoir leurs têtes hideuses... Scrutateurs infatigables
» de tous les mouvements qui vous environnent, faites-nous con-
9 naître les dépositions des hommes et la marche des choses. . . .
» Mettez-nous à portée de présenter bientôt aux mandataires de la
» République un tableau fidèle de la situation politique delà France,
» et si, comme nous, vous vous défiez d'un patriotisme qui ne date
» que du 10 août, n'oubliez pas aussi que plus l'aristocratie emprunte
» les formes et le langage du civisme, plus votre surveillance doit
» être austère et inexorable. . . »
Mais cette surveillance de la société ne donnait pas les résultats
désirés par les patriotes. Le 15 janvier 1793, un de ses membres.
Prud'homme, professeur d'hydographie, si prodigue de discours en
général peu pratiques et fort ennuyeux, en avait prononcé un qui
invitait la société à former dans son sein un Comité de surveillance.
Quatre membres. Prud'homme lui-même, Arvers, Eudeline et
Lémery étaient chargés de faire à ce sujet un rapport qui n'a pas eu
lieu,
Deux mois après, le 21 mars, survint un décret ordonnant la
création dans chaque commune et dans chaque section des
communes divisées en sections, à l'heure qui serait indiqué par le
Conseil général, d'un Comité de doujse citoyens dont la mission se
réduisait à recevoir des étrangers résidant dans la ville ou qui pour-
raient y arriver, la déclaration de leurs noms, âge, profession, lieu
de naissance.
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Il n'est ici question de ce décret que parce qu'on s'est habitué à
le représenter comme ayant été la source ou le prétexte des véritables
comités de surveillance qui naissent vers cette époque. (1) Il est
facile de montrer qu'à Rouen, tout au moins, le décret du 21 mars
ne fut pour rien dans la naissance du Comité de surveillance du
!•' avril.
Les légistes que comptaient dans leurs rangs les patriotes de la
Société populaire et du conseil général de la commune s'inspirèrent
seulement de l'institution du Comité de surveillance existant à la
Commune de Paris dès avant le 10 août 1792, (2) du Comité de sur-
veillance de la Convention, auquel était dévolu la police de sûreté
g-^nérale, et du plus récent Comité de Salut public (26 mars).
A ce moment, leur attention était portée sur l'extension que
l'article 8 d'un décret du 8 mars, organisant le tribunal criminel
extraordinaire, venait de donner aux fonctions de police et de sûreté
générale, dont le décret du 11 août 1792 avait spécialement chargé
les municipalités pour la recherche des crimes compromettant la
sûreté extérieure et intérieure de l'Etat. Les décrets du 18 mars,
prescrivant la dénonciation des émigrés et prêtres déportables contre
lesquels il édictait la peine de mort ; du 19, contre ceux qui avaient
pris part aux émeutes lors du recensement ; du 26, sur le désarme-
ment des ci-devant nobles, autres que les fonctionnaires, et des
prêtres autres que les évoques, curés et vicaires, et de tous autres
suspects, et du 29 qui, pour faciliter les arrestations, obligeait à
l'affichage sur la porte des maisons, des noms de tous les habitants,
ces mesures accumulaient sur les membres des municipalités des
grandes villes une besogne et des responsabilités de nature à effrayer
les plus résolus.
Ce sont bien certainement les attributions de police et de sûreté
générale, dont l'importance s'était ainsi promptement accrue que
(1) V. notamment E. Rin'% Pans en il03, p. 158; H. ^Vallon, HisL du Tribunal
révohUionnaire, t. I, p. 68.
(2) Maurice Toumeux, Procts-vci-baux de la Commune de Paris, publication de la
Société de V Histoire de la Révolution, 1894, p. 12-22 et 61. Le Comité permanent institué
par la Commune de Paris le 12 août 1792, remplit provisoirement les fonctions attri-
buées aux juges de paix, aux commissaires de police et aux Comités du section. —
M. Tourncux, ouvrage cité, p. 14.
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— 83 -
l'on imagine de centraliser et de faire passer au Comité créé le
1«^ avril 1793.
Cela se passe le lendemain d'un jour pu M. Rondeaux n'avait
pas siégé, et où Pillon, premier oflBcier municipal, avait présidé. A
la séance particulière, après que le public s'est retiré, le maire est
présent, les notables ont repris séance avec les oflBciers municipaux.
V. Lofebvre, Samson, Herbouville, Grandcourt et Huault sont
absents sans motifs légitimes. Brémontier fait fonctions de suppléant
de procureur de la Commune.
Le procès-verbal s'exprime brièvement : « Sur la proposition
d'un membre, il sera créé un Comité d^ Surveillance, composé de
/lett/* membres. » Et, de suite, il est composé de : Lecanu, Pillon,
Lamine, oflBciers municipaux; Chouquet, Carré, Gaillon, Guyet,
Eudeline, notables, et Vincent Groult, — la fine fleur des révolu-
tionnaires du conseil et de la Société Populaire. Ces neuf membres
nommeront trois d'entre eux, lesquels se concerteront avec le corps
administratif sur tous les objets de sûreté générale.
Des délibérations ultérieures désignent ce comité tantôt sous la
dénomination de Comité de Police intérieure, tantôt sous celles de
Comité de Police de Sûreté Générale ou de Comité de Surveillance
du Conseil Général de la Commune. ( Séances des 4, 11 et 16 avril
1793).
Ce comité, on le voit, n'était nullement celui faisant l'objet des
décrets des 21 et 30 mars. Il n'était d'ailleurs ni élu, ni composé de
douze citoyens.
n comble les vœux de la Société Populaire car tous les membres
sont les siens. Dans sa séance du 14 avril 1793, lecture ayant été
donnée d'une lettre du ConseiLGénéral du département de l'Eure,
annonçant qu'il venait de nommer un Comité de Salut Public, un
membre de la Société de Rouen dit qu'un pareil comité a été établi
à la Commune, et ajoute avec un présomptueux orgueil qu'il ne le
cédera à aucun de ceu^ existant en France!
Cependant, son fonctionnement est étroitement limité dès le
début. Il devra. rendre compte au Conseil Général de la Commune,
dans les vingt-quatre heures, s'il est possible, et dans les trois jours
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au plus tard, de l'arrestation des personnes prévenues de manœuvres
contre-révolutionnaires et attentats à la sûreté générale, afin de
mettre le conseil en mesure de prononcer l'élargissement ou de
décerner mandat d'arrêt (1). Quelques jours après, le contrôle devient
plus rigoureux encore, car le comité se voit prescrire de rendre
compte jour par jour et par écrit de toutes ses opérations. Le district
lui-même exige qu'on le tienne très exactement au courant des
arrestations. (2)
Le Conseil Général approuvait le 11 les mesures prises par les
membres du comité contre les prêtres non fonctionnaires publics et
l'autorisait à mettre en arrestation ceux dénoncés par la notoriété
publique et à les détenir provisoirement à Saint- Vivien, où, dans le
seul mois d'avril, entrent 55 ecclésiastiques.
Le Comité semble s'être d'abord préoccupé de priver de leur
liberté surtout les prêtres connus pour recueillir et propager des
« écrits fanatiques et contre-ré volutionnairgs », et parleur influence
sur les autres ecclésiastiques.
Parmi eux sont deux frères, Jean Heudier, septuagénaire, et
gardien des Pénitents de Rouen, et son frère Michel, âgé de soixante-
neuf ans, eudiste. Leur arrestation montre comment procède le
Comité. L'un des ofl5ciers municipaux entrés au Comité de surveil-
lance, Lecanu, « appelé par la voix publique, depuis longtemps,
dans la maison des ci-devant Célestins, rue et place Eau-de-
Robec, comme suspectée de renfermer des émigrés et des prêtres
déportés et de donner facilité à de grands rassemblements qui s'y
opéraient », s'y rendit le 6 avril, avec le citoyen Gaillon, autre
membre du Comité. Ils étaient assistés des citoyens Beaufils et
Dubosc, commissaires, et d'un détachement du poste de fa Commune.
Au cours d'une «scrupuleuse» perquisition, entrés dans deux
chambres au premier, ils y trouvent couchés les deux frères Heudier,
qu'ils interrogent et qui déclarent n'avoir pas prêté serment et
n'être jamais sortis de Rouen. Ces deux prêtres, âgés, l'un de soixante-
dix ans, l'autre de soixante-neuf ans, sont trouvés nantis de pièces
(1) Délibération du 5 avril 4793.
{%) Arch. du départ. Reg. du district.
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- 85 —
que Lecanu et ûaillon saisissent et qui se retrouvent encore aujour-
d'hui avec les pièces relatives à leur arrestation. Ce sont : un Mani-
feste de la raison, de la justice et de la vérité, présenté par
un Français à ses compatriotes, en seize pages, imprimé à Bruxelles ;
une Epitaphe manuscrite de Louis XVI — peut-être une copie :
Ci-gît qui malgré ses bienfaits
Fut immolé par ses sujets.
Et qui, par un courage inconnu dans Thistoire,
Fit de son échafaud le trône de sa gloire.
D'autres vers ; Discours paternel d'un pasteur à ses paroissiens,
imprimé de vingt-quatre pages ; traduction d'un bref du pape
Pie VI, du 16 février 1789 ; la chanson : Portrait d'un Jureur fait
par lui-même, en double, Tun manuscrit, l'autre imprimé; chanson
d'un paroissien à son curé jureur ; lettre de Ferry (?) la veille de la
Saint-Sébastien ; recueil de chansons dont la première est : Aussitôt
que la lumière; deux numéros de VAnti-Marat; un extrait du
Testament de Louis XVI, et un billet ainsi conçu : « Mademoiselle
de Saint-Germain (1), supérieure de l'hôpital général, donnera, s'il
lui plaît, un habit à l'enfant nommée Reine- Antoinette, âgée de
seize mois, collier n® 868, donnée à nourrir à Geneviève Cave, femme
de Robert Lami, de la paroisse de Cléon, près Elbeuf. Rouen,
10 septembre 1791. » signé : Amiot-Guenet (2).
C'était plus que suffisamment répréhensible. On renferma les
frères Heudier à Saint-Vivien (3).
De leur côté, Pillon et Poret faisaient avec ardeur la chasse aux
prêtres : on les voit, le 10 avril, arrêter chez le citoyen Vieillard,
ancien capitaine de marine, pavé de Déville, où il se croyait en sûreté,
Jean Bourdon, ci-devant religieux capucin du monastère de Rouen,
ex-gardien delà maison deSotteville, originaire de Séez. Ils trouvent
sur lui treize exemplaires imprimés du Discours paternel d'uu pasteur
à ses paroissiens, déjà cité; un autre imprimé de trente-deux pages :
Les Français devenus protestants sans le savoir, ou parallèle de la
ci) Elisabeth Bordel de Saint-Germain, âgé de 71 ans, suspecte d'incivisme et d'a-
ristocratie, fut arrêté le 27 pluviôse an II, et conduite aux Gravelines, puis à Sainte-
Marie, prison des femmes. Le Ck)mité de sûreté générale la mit en liberté le 15 nivôse.
(2) Amiot-Guenet, négociant, administrateur de l'hospice général, ancien officier
municipal, Grande-Rue Saint-Jean, fut arrêté le 19 brumaire an II et mis en liberté le
24 thermidor, après 9 mois et 3 jours de détention.
(3) Leur élargissement eu lieu seulement le 5 ventôse an IIL
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religion protestante et de la nouvelle religion de France (l'abbé
Bourdon ne connaissait pas l'auteur de cet écrit qu'il proclamait
conforme aux principes de la foi) ; l'ordonnance du cardinal de la
Rochefoucauld au sujet de l'élection de M. Charrier de la Roche ; un
imprimé de trois pages, signé J.-A. Cavelier, prêtre, et intitulé
Rétractation de M. le vicaire de Saint-Léonard d'Harfleur; Vœux
de Louis X VI {on lui demanda qui en était l'auteur) une lettre signée
Hyacinthe, capucin, et une pièce de vers de la main du « prévenu ».
L'abbé Bourdon alla rejoindre les frères Heudier à Saint-
Vivien. (1)
Cependant Saint-Vivien ne recevait pas les ecclésiastiques les
plus compromis., Par exemple, les abbés Papillaut et Perchel, qui
jouissaient, à des titres bien différents (2) d'une grande notoriété à
Rouen et dans le département, furent l'objet de mesures immédia-
tement plus sévères.
L'un et l'autre, poursuivis comme accusés d'émigration, furent
incarcérés dans la maison d'arrêt de Saint-Lô, le 6 mai 1793, puis
dès le lendemain transférés à la maison de justice, en vertu d'une
ordonnance de Thierry, directeur du jury du district de Rouen.
Quoique ces ecclésiastiques ne pussent être considérés comce
émigrés, le tribunal les condamna ; mais comme la révision d'un
procès s'effectuait alors avec aussi peu de souci des formes que
lorsqu'il s'agissait du procès lui-même, ce fut un arrêté du départe-
(1) Il fut déporté le 19 ventôse an II et mourut le 22 août 1794. — M. l'abbé Loth*,
HUL du clergé de la Seine-Inférieure pendant la Révolution, p. 5^.
v2) L'abbé Isaac Papillaut, grand pénitencier de l'église de Rouen, était très popu-
laire. On sait que l'abbé Perciiel, ex-promoteur du chapitre, conseiller clerc au parle-
ment de Rouen, avait adhéré à la réforme entreprise parle chancelier Maupeou, et que,
membre du grand bailliage,il fut l'un des plus maltraités par les pamphlets de l'époque.
L'abbé Perchel mourut à la conciergerie du Palais, le 4 messidor an II (22 juin
1794). L'abbé Papillaut, le 8 thermidor (27 juillet 1894) fut transféré à Saint-Vivien,
d'où il sortit le lendemain. Néanmoins, sa mise en liberté n'eut lieu que le 5 ventôse
an III, et il restait, nonobstant, sous le coup d'un mandat d'arrêt que l'administration
départementale faisait revivre cinq ans après, le 28 vendémiaire an VIII, parceque,
disait-elle, les prêtres reclus, tels que l'abbé Papillaut, n'étaient rentrés dans la société
que faute de pouvoir les nourrir en prison. — Le 8 germinal an III, se conformant à la
loi, il déclarait qu'il exerçait le culte ; il demandait toute la literie enlevée de son do-
micile, qui ne se retrouvait point. Peu après, il était contraint de se cacher, car on
faisait pour l'ari'êter des recherches dont une délibération du département du 6 messi-
dor an III mentionne l'insuccès.
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- 87 —
ment qui, le 24 juin 1793, reconnut qu'ils ne pouvaient être consi-
dérés comme émigrés et les déchargea des peines prononcées contre
eux. Ils n'en restèrent pas moins emprisonnés pendant plus d'une
année. Le 24 juillet, le même département conformément à une lettre
du 10 du même mois, adressée par le ministre de la police générale,
auquel il en avait référé, dénonçait, comme déportés rentrés, ces
deux prêtres à l'accusateur public, qui vint le 6 août en conférer
avec le directoire.
Les papiers de l'abbé Papillaut, joints à son dossier, ont été
jugés dignes d'être conservés : Ils consistent en une liasse de lettres
par lui reçues de membres de la famille du bienheureux Benoit-
Joseph Labre, qui habitaient, en 1784, le village d'Amettes, lettres qui
ont dû attirer l'attention des patriotes Pillon et Poret ; une copie du
décret de béatification et canonisation de ce « vénérable serviteur de
Dieu, » du 31 mars 1792; un dialogue manuscrit en vers, de deux
habitants des environs d'Amettes ; des extraits de V Emile, de
J.-J. Rousseau, où le philosophe de Genève dit que la majesté des
Ecritures l'étonné. . .; d'autres de Voltaire, sur la religion :
La nature muette on Finterroge en vain,
On a besoin d'un Dieu qui parle au genre humain.
des couplets sur le Parlement de Paris, à propos de la bulle
Unigeniius ; d'autres imprimés, adressés par M. F. P. C. à M"® de
Saint-Germain, le jour de Sainte-Elisabeth, sa patronne ; un can-
tique sur les faux biens de ce monde ; extraits d'une lettre de
M. Marconi à M. P. Salmon, supérieur de la communauté de Laon
à Paris, datée de Rouen, du 10 août 1792; deux recueils manus-
crits de cantiques ; une liste de bons livres ; une chanson drôle sur
les habitants des villes; une énumération de marques de prédestination,
en dix articles ; deux lettres adressées à l'abbé Papillaut, l'une par le
frère Gervais, prieur de la Trappe, à propos d'une lettre insérée dans
la Gcusette de Paris ; et l'autre par son cousin Dobit père, d'Orléans,
dul2février 1792, etc. (1).
Un autre prêtre, d'une nature infiniment moins calme que les
précédents, fut arrêté peu de jours après les abbés Papillaut et
(1) Arch. mpales.
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- 88-
Perchel. Son identité n'était pas certaine, et ce fut par surprise que
le 9 mai, Féré, oflBcier municipal, et Legentil, commissaire de police,
parvinrent à se faire ouvrir par lui la porte de la maison n^ 1®' de la
rue du Sac, au troisième étage de laquelle il occupait une chambre.
L'abbé Gabriel Pitre, c'était son nom, montra une vivacité et une
énergie qui feraient supposer qu'il a pu être du nombre des prêtres
dont les Suisses commencèrent l'instruction militaire à Rouen en
août 1792. — Si vous n'étiez que deux, dit-il à ses visiteurs, qui
venaient pour l'arrêter sans ordre écrit, je vous roulerais. Il les
rudoya si bien, d'ailleurs, qu'ils durent envoyer chercher du renfort,
ce qui ne pouvait le calmer. La saisie de ses papiers l'irrita au dernier
point. Ils ne comprenaient pas moins de quarante-cinq manuscrits et
brochures, de la description desquels je crois devoir me dispenser,
lien est pourtant qui font regretter de n'en avoir que les titres : —
L'un est un carnet manuscrit intitulé : Premières prières du matin,
finissant par ces mots : voilà, voilà le courrier; un autre : lettre de
condoléance de Guillaume-Nicolas Bricole, patriote et sacristain de
Sotteville, au docteur Trépoy ; copie fidèle de la lettre pastorale du
« faux et hypocrite » Charrier, soi-disant évêque du département de
la Seine-Inférieure.
Après avoir soulevé des incidents sur des questions de forme au
cours de l'inventaire de ses papiers, l'abbé Pitre qui s'était d'abord
refusé de dire s'il était prêtre et s'il avait appartenu à quelque cor-
poration religieuse, se bornant à répondre qu'il était citoyen libre et
indépendant de la République française, finit, le 10 mai, par re-
connaître qu'il était prêtre, non fonctionnaire public. Il n'avait pas
célébré la messe depuis le samedi d'avant la Semaine sainte
(23 mars 1793), et auparavant il la disait à Saint-Patrice, à Notre-
Dame, depuis la suppression des églises de Sainte-Croix-des-Pelle-
tiers et des Nouvelles-Catholiques. Il n'avait prêté aucun serment,
n'avait ni liaisons ni ressources,et n'avait pas cessé de résider à Rouen.
Il fut conduit à la maison d'arrêt de Saint-Lô, parce qu'il avait
manqué de respect aux fonctionnaires qui l'arrêtaient. Il fut interrogé
par Mouard, juge de paix, seulement le 18 frimaire an II (8 dé-
cembre 1793), quoique dès le 7 mai le conseil général de la commune
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Tout renvoyé devant le tribunal correctionnel. Son mobilier fut
vendu le 21 germinal suivant, et produisit 1451. 17 s. (1)
Toutes les arrestations auxquelles procèdent les membres du
Comité de surveillance ont lieu sous le contrôle du Conseil général
de la commune. Ce contrôle s'exerce trop assidûment au gré des
membres de ce comité que les hésitations de l'assemblée municipale
ont parfois encouragés, et qui sont impatients d'agir avec indépen-
dance et vigueur. Les discussions qui, en avril, animent fréquem-
ment les séances de la Société populaire, écho affaibli des débats
violents dont la Convention est si troublée, ne sont probablement
pas étrangères aux menées inquiètes des Jacobins de la commune de
Rouen.
Ceux de ces Jacobins qui composent le Comité de surveillance
s'ingénient à surexciter la société-mère et la commune de Paris
contre les administrateurs modérés de Rouen, qui entravent leurs
opérations. Ils se démènent tant qu'en quelques jours, ils attirent
sur l'entreprenant comité les foudres des trois corps administratifs.
Le 16 avril, un membre de la commune dénonce en séance une
lettre parue dans le n^ 66 de V Indicateur Politique (2), écrite par le
Comité de surveillance de Rouen à celui de Paris, comme contenant
des calomnies contre le Conseil Général et les citoyens de Rouen.
La lecture de la lettre émeut assez le conseil pour qu'immédiatement
il interpelle deux des membres du comité, présents, de déclarer qui
Ta écrite. Deux ofiSciers municipaux ou notables sont à l'instant
môme députés vers le Comité pour en avoir la minute, qu'ils rap-
portent et que l'on paraphe. Une vive discussion s'élève au cours de
laquelle on se montre effrayé des effets produits par la publicité
donnée à ime telle lettre. Le comité, mis en demeure de s'expliquer,
cherche à excuser sa conduite, en déclarant n'avoir jamais eu l'inten-
tion d'élever aucun soupçon défavorable sur l'esprit public de la
ville de Rouen, ni sur le patriotisme d'aucun membre du conseil et
(i) U sortit de Saint^Lô à une époque que je ne puis indiquer. l\ s'était retiré à
Gruchet où il fut de nouveau arrêté le 19 floréal an XI (9 mai 1803) et conduit encore à
la prison de Saint-Lô, « comme prêtre insoumis » par ordre du préfet de la Seine
Inférieure. Le 18 messidor de la même année, la gendarmerie le transférait à Turin.
(3) Ce numéro manque à la collection de la Bibliothèque Municipale.
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Tassemblée m satisfaite i» — ou voulant paraître satisfaite — de cette
affirmation, passe à Tordre du jour.
Cependant cette solution . . . parlementaire ne suffisait point, et
le « Journal de Noël » dut insérer la délibération la constatant. Au
surplus, « à l'avenir le comité ne pourra entretenir aucime corres-
pondance sous sa dénomination particulière » (1). Voilà son action
bien restreinte.
Le district, lui aussi, tient à montrer que cet incident ne lui est
point indifférent.
Dans sa séance du lendemain, son procureur syndic, Thomas,
l'entretient de la lettre insérée dans l'Indicateur et fait remarquer
qu'après qu'elle a été lue au Conseil général de la commune de Paris,
ce conseil a entendu une motion tendant à envoyer à Rouen deux
compagnies de sans-culottes. Le district demande à la municipalité
si la lettre est authentique et une copie en règle (2).
D'autres, intéressés à mettre la discorde parmi les administra-
teurs, croient avoir trouvé dans ce « malentendu » une excellente
occasion. Gaillard, plus tard doublure, du journaliste Robert, avait
adressé de Rouen, le 12 avril, à la Révolution de 1792 ou Journal
de la Convention Nationale (3) une lettre insérée au n® 212, du
19 avril, dans laquelle il était dit que Rouen était le refuge des
modérés, des Brissotins, des aristocrates. « Ces troisespècesd'hommes,
disait cette lettre à la Société des Jacobins de Paris, se réunissent
ensemble pour comploter la perte de la France. Les patriotes
Jacobins ont la bouche close dans ce pays. Braves patriotes, quand
les Marseillais, ces enfants d'Hercule, auront nettoyé dans Paris les
étables d'Augias, envoyez-les vers nous, pour qu'ils en fassent
autant. » A la lecture de cette invitation, les Jacobins de Paris
s'étaient écriés : « Oui, oui, nous vous les enverrons », en applaudis-
très longtemps la prose de Gaillard, traduction plus ou moins
(1) Reg. de THôtel-de- Ville.
(i) Arch. dép., Reg. du district.
(3) Il s'agit du premier Journal de la Convention NaHoncUe ou le Point du Jour qui
a paru du ^ septembre 1792 au 30 juin 1703, et que rédigeaient Ch. Laveaux, Thomas,
etautres.n contenait les délMits et la correspondance des Jacobins de Paris. (Maurice
Toumeux, Bibliogf\ de VHist, de Paris, t. H, p. 642).
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- 91 -
sincère du mécontentement des patriotes rouennais, entravés par le
frein que mettaient aux projets de leur Comité de surveillance les
restrictions du Conseil général de la Commune.
Le département fut le premier à s'émouvoir de la lettre de
Gaillard et, le 20 avril, il ordonnait l'arrestation de celui-ci.
Cette lettre intempestive rouvrait un débat qui gênait la société
populaire où, le même jour, on s'occupe d'écrire aux Jacobins de
Paris pour avoir des détails sur Gaillard, et les assurer de la fausseté
de ce qu'il a écrit. Le lendemain, son président, qui est Néel, donne
connaissance de la lettre qu'il adresse au nom de la Société de Rouen
à celle de Paris pour l'avertir que l'esprit public n'est pas aussi
dépravé à Rouen qu'on s'efforce de le représenter. Et ce qui montre
qu'au fond, les patriotes rouennais redoutent l'arrivée à Rouen de
sans-culottes parisiens ou marseillais, c'est ceci : La journée du 12
janvier, dit l'épitre de Néel (lequel y a joué un rôle) prouve mieux
que tout que nous n'avons pas besoin de secours étrangers pour
contenir les malveillants. Au reste, s'il nous vient des forces des
départements, nous les embrasserons avec cordialité » (1).
Cet esclandre, dont les péripéties ne sont vraisemblablement
pas tout-à-fait étrangères aux débats -qui, vers ce temps-là, agitent
la Société populaire, a failli briser la carrière administrative de
Pillon, tout à la fois officier municipal, membre du Comité de sur-
veillance et de la Société. Le jour même où le département fait
emprisonner Gaillard, Pillon donne sa démission, comme oflScier
municipal. Mais le conseil passe à l'ordre du jour, et M. Rondeaux
écrit au démissionnaire pour l'inviter, et au besoin lui enjoindre, au
nom de la loi, de se rendre à son poste. (2)
La majorité des modérés qui s'était formée dans cette occasion
à la Commune ne se contenta point, en réalité, de la satisfaction
(Ju'elle disait avoir dans le seul procès-verbal du 16 avril, les expli-
cations du comité et Tinsertion au Journal de Rouen. Le procès-
verbal fut envoyé à Paris, aux députés de la Seine-Inférieure à la
Convention, en même temps qu'au Comité de Salut public de la
Convention et à la Commune de Paris, avec des lettres protestant
(î) Reg. de la Société populaire.
(i) Ârch. mpales. Reg. des délibérations.
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m.
— 92 —
contre la lettre qui prétait « à des interprétations défavorables au
civisme et à la fermeté dont le conseil g'Snéral de la Commune de
Rouen n'avait cessé de donner des preuves en toute circonstance. »
La municipalité do Rouen semble avoir voulu blâmer la Com-
mune de Paris pour son accueil trop empressé aux imputations
insérés ^^vV Indicateur et le Journal de la Convention : «.. . Citoyens,
nos frères, lui écrit-elle, comme vous, nous sommes républicains ;
comme vous, nous nous occupons sans cesse de poursuivre les contre-
révolutionnaires, et nous désirons le triomphe de la liberté et de
Tégalité, et quoique nous n'ayions pas un aussi grand nombre de
malveillants et d'agitateurs à contenir, nous n'en avons pas moins
une pureté de civisme et une fermeté de courage qui ne le cèdent à
aucune autre commune de la République. Tels sont les sentiments
de vos frères les membres du conseil général de la commune de
Rouen. (1)
La leçon administrée aux membres du Comité de surveillance
était complète, sévère et publique ; ils en conservèrent, Pillon plus
particulièrement, un mauvais souvenir. Elle accentua la scission
entre la majorité qu'elle dut renforcer au moins momentanément,
et le groupe de Montagnards dont Pillon était le chef.
Cette sorte de victoire inspire à la majorité accidentelle du
Conseil une trop grande confiance en elle mémo, et aux Montagnards
un trop vif ressentiment pour que l'offensive ne soit pas reprise
à la première occasion fournie par les événements.
L'action du Comité s'en trouve ralentie, si non suspendue, et
désormais, jusqu'à la fin d'août 1793, il ne fera plus guère parler de
lui. Les modérés s'arrangent pour ne pas obéir à l'ordre de la Con-
vention, du 26 mars 1793 (2), de renouveler les Comités de surveil-
lance des sections de Paris pour la formation desquels la loi avait
été violée comme pour celui de Rouen, et vraisemblablement ils ne
le tolèrent ensuite que parce que le 4 juin (3), les Comités de sur-
veillance établis par les autorités constituées dans les départements
sont maintenus provisoirement.
<i) Arch. mpales. Reg. de correspondance.
(2 et 3) CollecUon du Louvre, t. XVIV, p. 471. et p, 575.
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— 93 -
CHAPITRE CINQUIÈME
La Société populaire. -« Set origines. — Le calé Marièlle et la maifon de la me' de
l'inmdne. — Organiaatton de la Société. — Réception et ferment dei membrea. —
Cachet et detisea de la Société. — Président, secrétaires et censeurs — Caisse
iociale. — Comités. — Le bout de l'orelUe de Noël. — Epuration des Journaux
reçus par la Société. ~ Sociétés af allées et correspondants. — Les iMnmes
patriotes. — Les bourreaux Féray, membres de la Société. — Olfeoouars-
programme du président Forfait. — Ecole de gouYornanls... et de révolution-
maires. — Les francs-maçons et la Rérolution. — Les loges de Rouen. — Jean
Matliénf» grand-maltre du Chapitre proTincial de Rouen.
Jusqu'ici la Société populaire est connue seulement d'après les
r^istres des administrations, les journaux locaux ^ les rapports des
Comités thermidoriens et le manuscrit de HorchoUe. Ces sources
sont loin de suflSre pour juger son attitude, les mobiles de ses actes
et leurs efiets considérables lors de la plupart des faits particuliers à
la ville de Rouen, et lors des événements qui y ont eu leur cooftre-
eoup, d'octobre 1790 à janvier 1795.
C'est, naturellement, avec les nombreux procès-verbaux de ses
séances portés sur ceux de ses r^istres qui ont été conservés que,
malgré des lacunes regrettables, il devient plus facilede suivre et
d'apprécier son œuvre et les hommes qui l'ont soutenue et menée.
Les quatorze cents pages des treize registres in-folio que rem-
plissent ses délibérations fourniraient amplement la matière de
plusieurs volumes intéressants. Certes, on a publié intégralement
des documents de moindre importance. Aussi, est-ce avec un très
vif regret que je me vois contraint d'en extraire simplement un trop
court résumé do détails relatifs au fonctionnement de la Sodété, et
à quelques-unes de ses discussions, attrayantes même quand elles ne
doivent rien changer à la solution des graves questions politiques
ou sociales qui en font l'objet.
Il no serait vraisemblablement pas difficile de découvrir dans
certaines archives « administratives » des indications ^suffisamment
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— 94 -
précises sur la réunion plus ou moins clandestine d'où sont sortis
les Amis de la Constitution de Rouen. Leur association primitive
naquit peu de temps après que le Club breton, à Paris, eût été
transformé en société des Amis de la Constitution, séant aux
Jacobins, transformation qui n'est probablement pas antérieure à
décembre 1789, ni postérieure à janvier 1790, (1)
L'incertitude qui subsiste sur la date de la création de la Société
rouennaise résulte non seulement de Tabsence de procès-verbaux et
d'archives pour cette période initiale, mais aussi du silence complet
des feuilles publiques sur son apparition.
On a signalé l'établissement à Rouen, d'une part, le 4 juillet 1790,
d'une société des A mrs de la Constitution (2) et, d'autre part, le
surlendemain, d'une société AesAmis de la Révolution et de la Paix,
puis, dans le courant de la même année, d'une autre qui prit le titre
AeHocïéiéàesAmis de la Constitution, ÙQyeïiXXQ en 1793 la Société
populaire. (3)
Il était possible de se rapprocher davantage de l'exactitude.
Le Journal ou les Annales de Normandie du dimanche 9 mai
1790, contient effectivement sous ce titre : Variété, une adresse des
Amis de la Paix et de la Constitution à la garde citoyenne de Rouen,
avec cette épigraphe : Si vous aim^'^s la paix soyejs toujours armés,
variante, à la façon du maître de philosophie de M. Jourdain, de la
devise du cachet de cette même société : Soyejs toujours armé si
vous aimes la paix, dont l'empreinte est sur un document mêlé à ce
qui reste apparemment des archives si volumineuses de la Société
populaire. (4)
Elle est remarquable, cette bénigne adresse, en ce qu'elle fait
(1) F.-A. Aulard, Le Club des Jacobins sous la Monarchie (la Révolution Française,
4892, p. 107.)
(2) Frère. Manuel du bibliographe normand, p. 535, 2» col. Cette indication est con-
tredite par 4e Manuel lui-même, en mentionnant des adresses de cette société et des
extraits des registres dés Amis de la Paix et de la Constitution de juin précédent.
V. aussi ce que dit M. Gosselin, ouvr. cité. Revue de la Normandie, 1866, p. 324,
(3) N. Périaux, Hist. de la ville de Rouen, p. 614.
(4) Arch. municipales.
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— 95 -
présager les procédés ultérieurs de la Société populaire. Destinée à
la garde nationale et citoyenne de Rouen, son dernier alinéa atteste
que ses signataires sont tous officiers et soldats de cette môme
garde nationale et citoyenne ! Témoignage bien naïf de la vanité et
de la puérilité de ces manifestations patriotiques !
Le même journal, à la date du 6 juillet suivant (1), publie
l'adhésion empressée de la société des Amis de la Révolution et de
/ajoa/o^àunarrété de la Société des Jacobins de Paris, à laquelle
elle a « l'honneur d'être affiliée. » Cet arrêté décide de n'user que
de marchandises manufacturées dans les pays faisant partie de
l'Empire.
Ces dénominations diverses s'appliquent-elles à des sociétés
différentes ou à une seule ? L'hypothèse la plus admissible est la
première et celle d'une fusion dans le courant d'août.
L'existence des Amis de la Constitution, qui avaient survécu
aux autres ou plutôt les avaient ralliés à leurs idées sans doute aussi
variables alors qu'elles le furent par la suite, est affirmée, en sep-
tembre 1790, par un discours de Morel, leur président, à la tète
d'une députation, devant la municipalité. Les secrétaires de la société
étaient à ce moment Thiessé et Pillon.
Le titre social subsista jusqu'après l'époque où la Constitution
eut été atteinte dans ses parties essentielles par la suspension et la
déchéance du roi. Ce fut ensuite la société des Amis de la Liberté et
de V Egalité, puis, en juillet 1793, des Amis de la Constitution
républicaine; plus souvent, à partir de cette année, la Société
populaire et, enfin, la Société populaire et républicaine.
En réalité, l'organisation définitive de la Société remonte au
19 octobre 1790. Le procès verbal de la séance de ce jour et ceux qui
suivent immédiatement indiquent qu'elle en est encore à la période
d'installation. Son président reçoit le serment d'un nombre anormal
de membres et les nouveaux récipiendaires s'y succèdent en telle
quantité qu'on voit bien qu'il s'agit d'une nouveauté à la mode, que
les simples curieux, même les gens prudents et sages, tiennent à voir
de près.
(i) P. 380, 2» col.
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Scanegatti fait un rapport dont l'objet est la disposition de la
salle d'assemblée. MM. Barbarey, Vauquelin et Thibault lui sont
adjoints pour la direction des travaux. Leur plan, agréé, évalue à
996 livres la dépense pour retirer un refend séparant deux salles du
café MarioUe, dans la rue Ganterie, où se réunit la société, et établir
un poêle dans la chambre de lecture. Un concierge est choisi : c'est
Mariolle, lequel offre « un de ses garçons pour le service journalier
de la Société, mettre les papiers en ordre, faire les commissions et
distribuer les rafraîchissements dont les membres auront besoin, et
ce moyennant 120 livres l'an. » M. Mariolle s'oblige de plus à fournir
un « portier » qui sera logé gratis et dont le traitement est fixé le
SÎ9 décembre à 600 livres. Le café Mariolle n'était pas éloigné du
local de la rue de T Aumône (1) loué pour la société en ce temps-là, par
bail devant un notaire de Rouen, qui devait durer trois, six ou neuf
années. C^est là qu'était logé le portier et qu'eurent lieu, dfi 1790 à
1795, des réunions particulières, secrètes, û'administration, idont il
n'était pas dressé de procès verbal.
La Société avait déjà « beaucoup d'objets essentiels » en retard,
ce qui l'obligeait à tenir trois séances par semaine, les mardi, jeudi et
samedi.
Un projet de règlement, rédigé par Mariette, Hardy, Forfait
et Descroizilles, est lu le 20 octobre 1790 ; il sera plus d'une fois
remanié, renouvelé et orné d'articles additionnels dont l'un (15 dé-
cembre 1790), porte que les membres « qui ne font pas usage du
chapeau sur la tète, sont tenus de porter à la boutonnière de l'habit
un ruban aux couleurs nationales, et que ceux qui font usage du
chapeau sous bras sont également tenus de le décorer d'une cocarde,
sous peine d'une amende de six sols pour les pauvres. » Le règlement
n'a jamais été imprimé.
Il est question, au 21 décembre, du mode de réception des
membres, auquel des changements successifs furent apportés en
1793 et en 1794. Pour être présenté au scrutin d'admission, il faut
un présentateur et dou^e approbateurs. Pour être reçu membre, on
doit réunir les deux tiers des suffrages des votants. Le nom du can-
(i) Actuellement rue des Fossés-Louis- VIII.
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-.07 —
didat reste préalablement exposé pendant huit jours sur un tableau
ou ostensoir. Les réceptions ont lieu le mardi ; le scrutin est
dépouillé par six commissaires que désigne le président. Il y a deux
catégories de membres : les membres résidants, pris parmi les habi-
tants de Rouen et de Darnétal, et les membres non résidants ou
adjoints, domiciliés ailleurs que dans ces localités.
Les récipiendaires jurent « de surveiller les ennemis de la
» Constitution, de les dénoncer à tous les bons patriotes et de pro-
» téger de leur fortune et de leur sang tout citoyen qui aurait le
» courage de se dévouer à la dénonciation des traîtres à la patrie
(26 janvier 1791), » Lors de la discussion des articles d'un nouveau
règlement, en février suivant, cette formule fut modifiée ainsi :
« Je jure d'être fidèle à la Constitution, à la nation, à la loi et au roi,
de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par
l'Assemblée nationale, sanctionnée et acceptée par le roi, et de me
conformer aux règlements arrêtés pour cette société. » Il va de soi
que la chute de la royauté amena la suppression du nom du roi.
Plus tard, on ajouta le serment de ne se servir, soi et les personnes dé
sa maison, que de marchandises fabriquées en France.
Le 21 octobre 1790, Lefebvre, orfèvre, offre d'exécuter gratuite-
ment le sceau de la Société dont le métal (cuivre) et la forme sont
adoptés seulement le 29 novembre. Le choix est plus difficile qu'on
ne se l'imagine : A la séance du 27 octobre, Forfait (1), président, qui
avec (c du génie et de la philosophie », a de la méthode, propose
et fait admettre un a mode spécial de discussion » sur ce cachet.
Il partage les dessins en trois classes et met en délibération ces trois
points : Adoptera-t-on les figures humaines ? Adoptera-t-on les
emblèmes — ou les simples devises ? — Uinscription, qui ne
semble pas avoir été discutée, fut : La nation, la loi, le roi, (2) avec
cette légende : Société des Amis de la Constitution de Rouen. Le
(1) Né à Rouen en 1758. Ingénieur. Une humoristique « Liste des députés à la
Législative, contenant leurs noms et qualités, leurs caractères et leurs principes, avec
des notes relatives, » lui accorde « du génie et de la philosopliie. » (Biblioth. mpale de
Rouen, collection de Montbret, pièces curieuses sur la Révolution.)
Ci) A cette mscription fut ajoutée, le 18 février 1792, la devise : Vivre libre ou
mourir. — Aucun de ces cachets ou sceaux ne parait figui-er dans la vitrine du musée
d'antiquités de Rouen consacrée aux médailles datant de la Révolution.
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sceau sera orné de deux guirlandes de laurier et du bonnet de la
liberté.
Il y avait eu une sorte de concours, car plusieurs membres
avaient présenté des modèles qui furent conservés « sous un seul
verre ». Le modèle réunissant le plus de suffrages dut ôtre fourni par
Lamine, qu'on chargea de l'exécution.
La société fait acheter le 28 octobre un exemplaire sur vélin de
la Déclaration de^^ Droits de VHomme, pour en faire le principal
ornement de la salle d'assemblée. Chaque président lit cette déclara-
tion lors de son installation.
Elle s'occupe de faire installer dans le local de ses séances les
bustes du Roi (1), de J.-J. Rousseau, Voltaire, Caton, Brutus, ainsi
que celui de Franklin, si Ton peut se le procurer. Le trésorier déli-
vrera à Scanegatty, pour l'achat de ces bustes, 200 livres, lesquelles
furent loin de suffire.
Les fonctions du président durent un mois ; il n'est rééligible
qu'après trois mois. Il porte au col une médaille, retenue par un ruban
qui fut aux trois couleurs lorsqu'une aimable patriote eut l'attention
de lui offrir ce ruban en séance, aux applaudissements de l'Assemblée.
A des dates variables, quoique son élection ait lieu vers la fin du
mois, il prend possession de son siège qui est « un fauteuil », et l'an-
cien président à la Cour des Comptes, Robert, s'y assied lui-même
sans se scandaliser, lui qui ne veut pas que l'évoque constitutionnel,
« curé de la cathédrale » ait une chaire le distinguant des autres
membres du clergé, par une sorte de prééminence qui blesse
l'égalité I
Le président empêché est fréquemment remplacé par un ex-
président, ou un simple membre. Il n'y eut de vice-président qu'en
1794.
Les secrétaires furent à certaines époques au nombre de deux,
trois et même quatre. Leurs fonctions, importantes, ne sont pas
recherchées. Ils rédigent le procès-verbal sur des notes, et quoi que
les procès-verbaux disent à ce sujet, il est évident que ce n'est pas
toujours le lendemain , mais bien plusieurs jours après qu'ils sou-
ci) Un buste de Louis XVI, envoyé de Paris à l'une des administrations de Rouen
RU début de la Révolution, fut trouvé, lors du déballage, brisé vers les épaules.
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mettent leur rédaction ; aussi, a-t-on parfois quelque peine à se
mettre d'accord sur ce qui s'est passé et arrive-t-il qu'il faille attendre
la présence d'un membre ayant la mémoire sûre des faits et des
paroles pour les rectifications réclamées.
Il y a aussi des censeurs, le plus souvent un pour le contrôle des
cartes, et deux pour l'ordre dans l'intérieur.
Les secrétaires sont élus pour un mois et les censeurs renou-
velés chaque jour.
Dès sa fondation, la Société a un trésorier et peu après un
co-trésorier. Le 7 janvier 1793, elle décide d'acheter une caisse en
bois de chêne ou de fer qui sera déposée chez celui des deux trésoriers
le plus voisin du local social. Cette caisse sera fermée à trois serrures
et à trois clefs dont une sera aux mains du président, les deux autres
en celles du trésorier. Sur la caisse seront gravés ces mots : Caisse de
la Société des Amis de la Liberté et de l'Egalité, à Rouen, afin de
prévenir les inconvénients résultant du décès du trésorier. Il y a,
cela le décèle, des hommes de loi dans la société.
La caisse est alimentée par la cotisation que verse chaque
membre ; jusqu'au 1®' janvier 1791, cette cotisation est de 24 livres
Tan. Ensuite, on l'élève de 12 livres, mais le 8 octobre 1792, on la
réduit à 12 livres, ce qui paraîtra aussi trop élevé, car il sera ques-
rion de la diminuer encore. La société reçoit, d'ailleurs, des dons
importants pour l'armée, pour les pauvres. . . et, parfois, pour elle-
même.
Il y a dans la société, outre un comité permanent, des comités
de correspondance, do rapports, de l'instruction publique, de la
marine, du commerce et de l'agriculture, de constitution, de censure,
de travail et, plus tard, des comités de surveillance, de bienfaisance,
de défenseurs officieux, etc. Il y aura, à certaine époque, un comité
pour l'épuration de la société entière, et la fièvre épunitoire attei-
gnant alors son plus haut degré, ce comité lui-même devra être
préalablement épuré par toute la société, c'est à dire par ceux-là
auxquels il fera subir ensuite la même opération.
Le choix des journaux lus dans les séances ou déposés à la
chambre de lecture varie comme l'opinion qui domine à la société.
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- 100 —
Ce que Ton a dit des Jacobins de Paris, à ralliance fraternelle
desquels ils tenaient tant, peut, à plus forte raison, s'appliquer aux
Jacobins rouennais : a Monarchistes tant que la France fut monar-
chiste, républicains quand les circonstances entraînèrent la nation à
se constituer en république, robespierriste tant que Robespierre
régna. . . »(1). Ils firent plus : à Texemple de la municipalité Pillon,
ils s'affichèrent maratistes après thermidor ! Reste à voir si l'étiquette
n'était pas trompeuse, et c'est précisément à la Société populaire
qu'est révélé le motif réel de l'espèce de défi jeté par Pillon et Carré
au sentiment public, en exagérant follement leur vénération pour
V Ami du Peuple pend2Lnt\dk fête donnée en son honneur quelque»
jours avant leur destitution.
Le Journal de Rouen est le seul qui soit demeuré comme ina-
movible pour les Jacobins rouennais. Sa faveur est beaucoup plus
durable que celle de la Marseillaise, apparue aux séances de la
Société, pour la première fois, je crois, le 11 octobre 1792, et débitée
par le frère Lecoutre « avec toute l'énergie et le goût possibles. »
Ses couplets civiques furent chantés chaque soir depuis mi-octobre
jusqu'en novembre suivant. En pleine Terreur, il n'est presque pas
de séance qui ne s'ouvre par la « lecture du journal de Noél. » « On
lit Noél » disent les procès-verbaux. Cependant, l'habileté du jour-
naliste-équilibrîste ne parvient pas toujours à lui éviter les attaques,
et le bas-normand Bérard, ce cbmédien qui aime à casser les vitres,
constate un jour (12 janvier 1793), que Noél, depuis quelque temps,
montre le bout de ses oreilles. Mais le frère Noél est invulnérable, si
bien que le lendemain, une motion est adoptée qui supprime les mots
qui viennent d'être soulignés : La Société a besoin du Journal de
Rouen pour y publier des avis ou informations. . ., et les poésies
patriotiques qui sont débitées ou chantées dans ses séances.
En décembre 1792, la Société était abonnée à vingt-quatre
journaux dont voici la nomenclature et le prix d abonnement ;
1. Journal de Perlet (2). 36 livres.
(1) F.- A. Aulard, la Société des Jacobins sous la Monarchie (la Révolution Française,
4892, p. 107.)
(2) n a pour titre, à ce moment : Convention nationale^ corps administratifs et
nout^elles politiques et littéraires de VEurope (M. Tourneux), BiOliog, de l'Hist, de Paris
pendant la Révolution, t II, n»» 10288,
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• _ 101 --
2. Journal de Parts, 33 livres.
3. Annales Patriotiques, 36\iyres.
4. Nouvelles Politiques Nationales et Etrangères, 36 livres.
5. Gœsette Nationale de France, 26 \iy Tes.
6. V Argus du Département du Nord, 36 livres.
7. Le Mercure Universel, 72 livres.
8. Le Patriote Français^ 36 livres.
9. La Gojsette Française, 36 livres.
10. Le Courrier de V Europe, 84 livres.
11 . Le Républicain, petit format, 36 livres.
12. PrwûfAomme (1), 36 livres.
13. La Chronique de Paris, 33 livres.
14 . La Chronique de Rouen (2), 30 livres.
15. Le Républicain Universel, 72 liyres.
16. Le Moniteur Universel, 84 livres.
17. La Chronique du Mois, 27 livres.
18. Journal des Débats et Décrets de la Convention, 48 livres»
19 . Journal des Jacobins, 24 livres .
20. Gorsas (3), 72 livres.
21. Le Cultivateur, 15 livres.
22. La Feuille Villageoise, 9 liwes.
23. Journal de Noël y 60 livres.
24. Gasette de Leyde. (i)
Cela formait une dépense annuelle de mille livres environ, trop
lourde pour le budget de la société : a Plusieurs de ces feuilles pério-
diques se répètent et n'en absorbent pas moins des sommes considé-
rables dont la société, en les supprimant, pourrait faire un meilleur
usage ».
En conséquence, le Comité chargé du choix des journaux à
conserver, s'inspirant de motifs d'économie et d'utilité publique,
(1) Les Révolutions de Patois.
(2) Même après le désabonnement mentionné plus haut.
(3) C'est alors le Courrier des Départements (M* Toumeux, ouvr. cité, t. II,
nM0,233).
(4) Le prix de Tabonnement est omis. Le vrai titre de la Gazette de Leyde fut,
jusqu'en 1796 : « Nouvelles extraordinaires de divers endroits, (M. Toumeux, ouvr.
cité, notice préliminaire, xxxij).
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- loi- •
croit devoir les restreindre à neuf : 1. Journal de Perlet ; 2. Annales
patriotiques ; 3. Chronique de Paris ; 4. Moniteur Universel ;
5. Journal des Jacobins ; 6. Gorsas : 7. La Feuille Villageoise ;
8. Noël, deux exemplaires ; 9. Chronique de Rouen.
Il est partagé sur la conservation ou la suppression de Prud-
homme et du Moniteur Universel, et il s'en rapporte à la sagesse de
la Société sur ces deux feuilles « dont le mérite et le patriotisme lui
sont connus. »
Mais, à une très grande majorité, il prononce la suppression :
l.du Journal de Paris, parce qu'il répète les nouvelles lues dans
tous les autres journaux; 2. des Nouvelles politiques nationales et
étrangères ; de la Galette Nationale et étrangère, — parce que ces
deux journaux n'ont d'autre mérite que d'être l'écho de l'aristocratie.
« La Chronique de Rouen ne leur cède en rien sur cet article. » 4. de
V Argus du Nord, parce que toutes les nouvelles y consignées sont
fausses pour la plupart; 5. du Républicain Universel, parce que c'est
la répétition du Moniteur Universel, qui est conservé ; 6 . du Patriote
Français, parce qu'il est rédigé dans le môme sens que la Chronique
de Paris, que le Comité a cru devoir préférer ; 7. de la Galette
Française, parce que, comme \^Ga:;ette de Rouen, eW^ n'est qu'aristo-
cratique ; 8. du Courrier de i Europe, parce que c'est la reproduction
tardive des nouvelles politiques du Moniteur ; 9. du Républicain^
petit format, parce qu'il est sans intérêt ; 10. de la Chronique du
moiSy parce qu'elle n'est point lue, et que Roland envoie des exem-
plaires et imprimés détachés des objets y contenus ; 11. des Débats
et Décrets de la Convention, parce qu'il n'a d'autre mérite que le
retard dans le rapport des débats et décrets et qu'il est la répétition
du Moniteur ; 12. du Cultivateur ; et, 13, de la Galette de Leyde.
Les suppressions proposées furent acceptées, y compris celle du
Journal de Prudhomme, le frère Lamine ayant offert de communi-
quer à la société l'exemplaire qu'il recevait chaque semaine « lors-
qu'il contiendrait quelques morceaux ou nouvelles intéressants ». Le
Alercure Universel subit le même sort, parce qu'il est la répétition
du Moniteur.
Ensuite, Lamine et Yvernès proposèrent et la société arrêta :
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-403-
qu'elle ne pourrait à l'avenir convertir aucun abonnement sans liH
rapport préalable de son comité de travail, et qu'elle s'interdisait de
revenir sur les journaux supprimés quel que fût le nombre de mem-
bres qui en feraient la motion. Cet absolutisme imprévoyant n'a pas
empêché la société d'apporter d'importants changements à ces dis-
positions.
Les nouvelles données par les journaux se précisent et se com-
plètent par des communications venues d'un assez grand nombre de
sociétés, aflSliées ou non, parmi lesquelles celles de villes troublées
telles que Lyon, Aix, Nîmes, Strasbourg, Brest, Nantes,
Caen, etc.
La Société fait « bon accueil à la demande d'afifiliation des
Amis de la constitution française d'Avignon, mais elle ne lui répon-
dra qu'après examen de la situation politique de cette ville vis-à-vis
de la France, ce qui exige la plus grande circonspection ( 13 novem-
bre 1790. ) Elle regarde comme important le parti à prendre sur la
proposition de la société de Valognes, de se coaliser avec les Amis
de la révolution à Londres, à la tête de laquelle est lord Stanhope.
Elle félicite ce dernier ( 9 novembre 1790) pour avoir dénoncé dans
la Chambre haute le ministre Galonné, réfugié à Londres ; elle félicite
le docteur Price pour sa réfutation de l'ouvrage de lord Burcke
contre la Révolution française. Joh Bell, membre de la société des
Wighs constitutionnels, séant à Londres, vient lui remettre deux
exemplaires en anglais d'un écrit « sorti de la pliime savante de
Thomas Paine, « une lettre de cette société et une chanson patriotique.
Joh Bell, à la tribune de la société de Rouen, prononce un discours
« sublime » dans lequel, au nom de la « société constituée des Amis
du peuple, de la liberté et de légalité indépendants de Londres, il
témoigne combien elle a été touchée lorsque l'Assemblée législative
a déclaré la nation en danger. Lui, Bell, a ami des deux sexes, se
joint aux frères en Angleterre pour invoquer le suprême architecte
de Vunivers pour le succès des armes françaises et l'extermination
des despotes. » Les Rouennais — dit le procès-verbal rédigé par
Poret — « consacrèrent quelques moments à l'eflEusion délicieuse des
sentiments qu'inspire la présence de ce digne frère anglais, qui a tra-
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- 104 —
versé les mers pour venir nous donner l'assurance de rattachement
inaltérable de sa nation généreuse aux Français libres. »
C'est sans doute pour répondre à ces Wighs que le 13 novembre
suivant, Bignon rédige une « lettre aux sociétés populaires d'Angle-
terre, pleine d'idées hardies et d'un style séduisant. »
A la correspondance des sociétés, s'ajoutent des lettres parti-
culières adressées soit à la Société directement, soit à des membres
qui en lisent des extraits à la tribune. C'est ainsi que des renseigne-
ments sur les opérations militaires dans le Nord, dans l'Est, dans la
Vendée et même sur le siège de Toulon, viennent abondamment par
des lettres deDumouchel, fils de la femme de Lamine, du frère de
Poret, de Lelièvre fils, et de Le Vavasseur. Des volontaires rouennais,
qui font la guerre aux Bretons, joignent à leurs missives parfois
de curieux et d'étranges envois : un jour, la société reçoit de
l'un d'eux un chapelet, dépouille d'un brigani, une autre fois,
un bon royal de cinq livres, signé du prince de Talmont, de Beau-
villiers, et du fameux abbé Bernier, curé de Saint-Laud d'Angers,
portant ces mots : Armée catholique et royale, et Vive le roi
Louis XVII, (1) et, enfin, insérée dans un pli adressé par le citoyen
Liégeard, une oreille de chouan 1
Lorsque les séances sont devenues publiques, les citoyens et
citoyennes des tribunes usent assez souvent de l'autorisation de
prendre part aux discussions. Les rangs de ces spectateurs-acteurs
sont très môles, et malgré tout la -société — on s'en aperçoit — met
dans ses sentiments de fraternité à leur égard, une affectation nuan-
cée qui ne témoigne pas qu'elle admette sans restriction le grand
principe de l'égalité.
Les femmes des patriotes sont là en majorité. La citoyenne
Mabon, la plus qualifiée et la plus remuante, qui fera parler d'elle,
même lors des mouven:ents politiques, longtemps après thermidor,
prend volontiers la parole et contribue à attirer l'attention sur son
mari, lequel personnifiera le sans-culottisme au Conseil général de
la Commune, sous la mairie Pillon. D'autres femmes, qui ne sont pas
(i) Ce bon, offert par Frey, et qu'on avait décidé d'envoyer à la Convention, est resté
attaché dans Tun des registres de la Société populaire.
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- 105 —
moins en vue, sont d'assidues liabituées des séances : les citoyennes
Duclo? — laquelle est une marseillaise — Leblond, Mauduit, Vigou-
reux, et surtout la citoyenne Féray , qui a d'autant plus le droit de
s'y faire remarquer que ses enfants Thomas Féray et Charles-
André-Louis Féray, bourreaux et fils de bourreaux, sont membres
résidants de la société. Il est vrai de dire que ceux-ci ont été admis
longtemps après plusieurs comédiens, et avec infiniment moins
d'éclat que ces derniers, devenus citoyens en même temps qu'eux. —
Rien n'autorise à supposer que les femmes des sommités de la Société
populaire soient jamais venues assister aux séances. Au contraire, on
en rencontre une au moins, celle du trésorier, qui, en 1794, laisse
échapper sur le compte de la Société des réflexions hostiles.
Les femmes patriotes qui fréquentaient les séances des Jacobins
et qui amenaient même leurs enfants pour entendre la lecture des
papiers publics, s'y sont quelquefois distinguées par leur acharne-
ment à dénoncer. Elles viennent aussi pour solliciter des secours, le
plus souvent nécessités par l'absence du chef de la famille, parti aux
frontières ; d'autres sont en quête d'emplois tels que celui de concierge
aux prisons de femmes. Un assez grand nombre s'y font remarquer
par leur empressement à coudre des chemises pour les volontaires,
qu'elles furent nonobstant accusées plus tard d'empêcher de partir.
D'autres semblent ne venir aux séances que pour y faire entendre
des chants patriotiques. La citoyenne Langlois est celle qui obtient
le plus persistant succès.
Elles paraissent beaucoup plus dignes d'attention, les femmes
désespérées dont les maris, les fils, les pères ou les frères, arrêtés ou
menacés de l'être ou d'être envoyés au tribunal révolutionnaire, et
qui viennent certain jour où sans doute elles savent être vues par
des notabilités jacobines, apporter un don patriotique et s'assurer
ainsi une mention civique pour l'invoquer à l'instant opportun !
Les rouennaises paraissent avoir eu le désir de revendiquer une
place dans les manifestations révolutionnaires. En juin 1790, on
voit les « dames de Rouen » préoccupées autant que cela le comporte,
ce qui n'est pas peu dire, de se choisir un costume national pour le
jour de la Fédération. « Nous autres femmes, disent-elles, nous
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- ioé-
Vôyoùs avec « plaisir une Constitution qui, sani doute, fera dispa-
» raître les bizarreries de notre Coutume de Normandie, dont nous
» sommes depuis longtemps les victimes, en dépit de la galanterie
» française ; mais il nous peinait de voir que les hommes de ce pays
» se réservaient encore tout. Pas la moindre chose pour notre sexe
)) qui avait joué un si grand rôle du temps delà fameuse chevalerie.
» Enfin, au grand contentement de ma société, il est question de
» nous et soit dit entre nous pour un objet qui ne nous est rien
» moins qu'indifférent. » (1)
Il est douteux que ce soient les mêmes « dames » qui, à une date
diflBcile à préciser, tentèrent d'orgniser un club de femmes, projet
qui ne semble pas s'être réalisé et à l'exécution duquel se fût bientôt
opposé le décret du 30 octobre 1793, interdisant les clubs ou sociétés
populaires de femmes sous une dénomination quelconque (2).
Si Rouen fut privé d'un club de femmes, les femmes, même
étrangères, purent s'en croire amplement dédommagées par le cha-
leureux accueil qu'elles reçurent toujours à la société des Amis de la
Co/2s<ïïtt^fo/i, à la Société populaire. Celle-ci, le 12 mai 1791. admet
à la séance, présidée par Brémontier, « M™® Baudry, citoyenne,
» membre de la Société des Amis de la Constitution d'Orléans,
» revêtue de son diplôme, » et, le lendemain, introduite au milieu
d'acclamations redoublées, cette dame prononce un discours « dicté
» par le patriotisme le plus épuré, dans lequel elle a combattu avec
» succès l'injuste préjugé qui restreint l'éducation dés femmes, et a
» prouvé qu'elles pouvaient et devaient être admises parmi les véri-
» tables Amis de la Constitution. Ces vérités, qui ont emprunté une
» nouvelle force dans la bouche de l'orateur, ont excité les applau-
» dissements de la Société, qui a senti, dans cette circonstance, de
» combien d'énergie est capable ce sexe, que les hommes semblent
)) jusqu'alors n'avoir cru susceptible d'attachement que pour les
» seules frivolités. »
(1) Journal de Rouen des 20 et 25 juin 1790. Le second article, signé « Sensée et O* »
semblerait indiquer qu'il émane d'une société de dames, — ou d'un facétieux.
(2) Copie do ce décret est restée jointe à une requête des citoyennes Boisard,
Vaudoye, Dorothée Aignel et Hue, antérieure à ce décret, mais peut-être renouvelée
depuis. — Arch. mpales.
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- 1Ô7 -
C'était la première fois que la voix d'une femme était entendue
daûs la Société.
Le 15 juillet suivant, la mère et la sœur de l'anglaise Hélène-
Marie Williams, laquelle se trouvait au château du Fossé, chez
Thomas du Fossé, vinrent faire hommage à la Société de ses Lettres
écrites de France à une amie d'Angleterre, pendant l'année 1790.
Pendant les élections de la fin de 1792, la Société prêta son
local aux citoyennes qui se réunissaient pour entendre la lecture des
papiers publics. L'une d'elles, la citoyenne Vigoureux, vient l'en
remercier le 28 décembre, par un discours qu'elle lit à la tribune et
dans lequel, au nom de ses sœurs, elle exprime la douce satisfaction
que doivent éprouver tous les bons citoyens en ne formant qu'une
même famille, pour s'instruire mutuellement « et se mettre à portée
d'éviter tous les pièges que des tigres voraces de sang humain ne
cessent de nous tendre pour nous surprendre dans leurs filets. »
0 Soyez persuadés, ajoutait-elle, que des républicaines, telles que nous
sommes, savent se préserver de la contagion aristocratique; nous
avons pour bouclier à leur opposer la raison, la probité et l'amour de
notre patrie. » — Le président (Carré), dans sa réponse, parle de
quelques individus qui s'étaient oubliés d'une manière tellement
scandaleuse que les séances des citoyennes en avaient été troublées.
Plus tard, ce fut bien autre chose, et les Rouennais n'eurent qu'à
s'applaudir de n'avoir jamais affilié de femmes à leur Société.
De bonne heure, les Amis de la Constitution de Rouen sont
fermement convaincus de l'importance de leur mission sociale et
politique, et s'ils n'osent pas ambitionner, comme cela arrive trop
souvent à leurs grands frères de Paris, d'avoir une part décisive dans
les affaires gouvernementales, ils se mêlent activement à celles des
administrations. Ils se persuadent aisément qu'ils dirigeront l'esprit
public, non seulement à Rouen, mais aussi dans quelques autres
districts du département. Leur raison d'être, au surplus, c'est de
peser sur l'opinion, sur le choix des élus du peuple, et aussi des
fonctionnaires. Ce sera seulement à la fin de 1793, à l'apogée de
la puissance des sociétés populaires, que celles-ci seront érigées par
les représentants du peuple, en dispensatrices réelles des fonctions^
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- 108 —
môme de celles précédemment électives, et des grades, où Ton ne
sera admis et maintenu qu'avec leur assentiment. Les généraux eux-
mêmes rechercheront leur aflRliation, solliciteront leur protection.
A peine le droit d'association a-t-il été proclamé par le décret
du 13 novembre 1790 que les Amis de la Constitution saisissent
l'occasion d'entrer en scène et d'exposer leur programme. Le 25 de
ce mois, ime députation de ses membres, composée de Forfait, pré-
sident, Joly, Lesuire, Lefebvre, Barbarey et Bournisîen, va féliciter
la municipalité, qui vient d'être renouvelée. (1) Devant le Conseil,
Forfait prononce im discours d'après le registre de la Commune,
un compliment, selon le registre de la Société.
Les paroles de l'ingénieur Forfait méritent plus d'attention
qu'on ne le croit. Elles fournissent, sur le but de la société « philan-
thropique )) au nom de laquelle il parle et sur d'autres points dignes
d'intérêt, des indications se rattachant trop étroitement à l'histoire
de la Révolution pour être passées sous silence.
(( Les grandes révolutions, dans tous les empires du monde, ont
)) donné lieu, af&rme l'orateur, à des associations. Quand Rome eut
» brisé le sceptre des tyrans, c'est par l'initiation aux mystères que
» les hommes destinés aux places importantes apprirent l'art de
» gouverner. Cette institution, qui leur était venue des Grecs, se
» retrouve chez beaucoup de peuples asiatiques. C'est ainsi que se
» formèrent les sociétés maçonniques, dans lesquelles on mêle les
» principes et les finesses de la politique à des rêveries mystiques.
» Ces divers établissements sont tombés dans l'oubli, ou se sont
» totalement dénaturés, parce qu'ils n'avaient de source que dans
» l'intérêt personnel, de véhicule que dans les passions individuelle ,
}i de moyens que dans les erreurs religieuses.
» n était réservé au siècle de la philosophie de faire naître d'elles-
)) mêmes et sans les ressources de l'intrigue, démultiplier avec l'aurore
» de la liberté, des sociétés philanthropiques où, sans fasciner par un
» appareil imposant les yeux du vulgaire, on eût le courage de lui
» expliquer dans son idiome les vérités capables de le faire monter
» enfin où la nature a voulu le placer » (2)
(1) Àrch mpales. — Reg. des délibémtions.
(2) Arch. mpales. Reg. des délibérations.
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— 1D9 —
Des débutants ne pouvaient pas être plus modestes
En réalité. Forfait n'exagérait guère. La Société, à Rouen
comme ailleurs, fut sinon une école tout au moins une pépinière
d'administrateurs, de législateurs, et même de fonctionnaires. De
son propre aveu, elle n'était pour ainsi dire fréquentée, en dehors do
ceux qui croyaient y être abrités contre des accusations d'incivisme,
que par des gens espérant des places.
C'est effectivement avec son aide que sont mis en évidence, c'est
chez elle que se sont en partie initiés et formés à la vie politique,
aux intrigues et aux luttes parlementaires, à peu près toutes les
notabilités régionales apparues sous la Révolution après 1790 jusque
sous l'Empire et sous la Restauration. Forfait, Léon Le Vavasseur,
Vimar. Tarbé, Hardy, Duval, Mariette, Blutel, Brémontier, Beau-
vais, Guttinguer, Rabasse, Le Gendre, Thiessé, et môme M. de
Fontenay et les Duvergier ont pris part à ses délibérations. Plu-
sieurs autres n'ont pas eu de mandat législatif, mais pour cela n'en
ont pas moins joui d'une notoriété au moins égale, tels Lézurier,
Blanche, Laumonier, Descroisilles et les deux Bignon. De la main de
Bignon le jeune, le futur ambassadeur, ministre, député, pair de
France, sont écrits des procès-verbaux entiers de débats sérieux qui
passionnèrent la société en 1793, et son style, qui tranche sensible-
ment sur celui de la plupart des autres secrétaires, annonce l'homme
distingué qui se révélera vingt ans après. Licquet, le père des deux
i'cquet qui, seuls, bien injustement, figurent dans les biographies,
est à citer également parmi les meilleurs rédacteurs des procès-
^erbaux. Thieullen, qui devint le plus haut magistrat de la Cour
impériale de Rouen, présida la société aux heures les plus émou-
^^tes de Thermidor. Un personnage moins sympathique, quoi qu'en
'Se ;\|; ^Q la Quérière, Le Gendre, du tribunal criminel, la présida
^^* le même temps.
Malheureusement, cette « corporation tyrannique » (1) fut diri-
^ ^ ^Vix pires moments de 1793 et 1794 par des hommes chez les-
?^^^ les instincts de la combativité, de l'intrigue et de la domina-
j ^^ t!xpression d'André Chénier, dans un article sur les sociétés patriotiques publié
y *^ 60 supplément du Journal de Paris. La société de Rouen reçut d'André Chénier
'^^ ses écrits.
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- no -
tion s'y étaient aisément développés. Les révolutionnaires Lecanu,
Lamine, Pillon, Poret, Blanche, Lambert, Lefebvre-Signol, Vernon,
Bérard, et tant d'autres ambitieux déçus, sur le véritable but
desquels il serait aujourd'hui plus que jamais difficile de s'éclairer,
y représentèrent parfois trop fidèlement les partis les plus avancés
de la Convention, tout au moins par leur langage, leur impitoyable
dureté envers les prêtres, les ci-devant nobles et en général à Tégard
de tous les contre-révolutionnaires. Ils n^avaient pas même eu besoin
d'être entraînés par des députés tels que Pocholle, Carrier, Alquier,
Guimberteau, Legendre, Louchet, Delacroix, Siblot, Duport, et des
Jacobins outrés comme Loiseau, Dufourny et Galbois-Saint-Amand,
venus apporter à la société « la bonne parole », sinon le beau langage.
Si la société populaire n'avait compté ces violents parmi ses
membres, elle n'aurait pas d'histoire.
Le compliment — car c'en était un. . . pour la société, adressé
par son président Forfait à la commune de Rouen, entraîne à dire
quelques mots d'une thèse d'après laquelle la franc-maçonnerie
aurait produit la Révolution. Sans chercher nullement à résoudre ce
problème, il est à remarquer que si l'on s'en tient à ce que dit For-
fait, la franc-maçonnerie, en novembre 1790, ne jouissait pas, tout
au moins à Rouen, d'un grand crédit, et ne pouvait guère exercer de
prépondérance, même à la Société des Amis de la Constitution,
Et pourtant, il y avait encore dans la ville, en 1789, treize loges :
1® la grande Loge Ecossaise, chapitre métropolitain et loge provin-
ciale ; 2« la Fidélité ; 3* la Félicité ; i^ V Ardente Amitié ; 5^ V Unité ;
6* la Parfaite Harmonie ; 7** la Céleste Amitié ; 8® la Parfaite Union ;
9* les Bons Amis ; 10^ la Paix Ecossaise ; 11^ la Parfaite Egalité ;
12<» les Arts réunis (maçons exerçant la profession de comédiens) ;
et 13^ VA ccord parfait.
Les travaux de presque toutes ces loges furent suspendus vers
1789 ou 1790.(1)
Au nombre de ceux qui en faisaient partie, cités dans l'ouvrage
duquel cette nomenclature de loges est extraite, figurent quantité
de magistrats, d'avocats, de fonctionnaires, de militaires, de négo-
(1) Hist, géîierale de lu Franc-Maçonnerie en Normandie de 1739 à 1875. par le fr.
de Loucelles. Dieppe, imp. du fr. E. Delevoye, 1875.
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- m -
ciants, de médecins et même quelques ecclésiastiques, lesquels, pour
la plupart, ont eu à souffrir de la Terreur. Dans la liste de ceux qui
eurent à subir les excès de la révolution à Rouen, on rencontre M. de
la Chevalerie, vénérable de la Loge la Félicité ; Anquetin de Beau-
lieu, vénérable des Bons Amis, le grand maître Mathéus, dont il
va être plus spécialement question ci-après, et MM. Rondeaux et
de Fontenay, qui appartenaient à des loges rouennaises. — En
revanche, on retrouverait probablement beaucoup de francs-maçons
anciens ou en activité, dans les rangs des élus du peuple et des fonc-
tionnaires institués par les représentants du peuple en 1793 et 1794,
et qui ont été épargnés par les terroristes. Peut-être n'en retrouve-
rait-on pas moins dans le tableau des terroristes eux-mêmes.
On comprend qu'à Rouen, où il existait un chapitre dissident, il
soit resté chez les francs-maçons des loges « en sommeil » ou en
activité durant la Révolution, des souvenirs de rivalités et de dis-
cussions encore trop récentes pour qu'on ne relève aucun incident s'y
rattachant dans le cours de l'an IL
Il semble donc utile d'appeler l'attention sur des noms et des
faits restés dans l'obscurité et qui ont évidemment rapport à cette
question.
On sait que plusieurs Rose-Croix se réunirent à Rouen après
1769, pour former un chapitre indépendant du Grand-Orient
et que la loge V Ardente Amitié, s'étant adressée à l'Ecosse, reçut, le
1" mai 1786. de la grande loge de Heredom de Kilwinning, pour son
maître et vénérable Jean Mathéus, une patente de grand-maître pro-
vincial pour toute la France, le 1^' mai 1786. (1)
Mathéus, haut dignitaire du rite écossais, conquit par là une
situation pouvant avoir des avantages, mais ayant au moins l'in-
convénient de lui créer des adversaires dans les loges restées fidèles
au Grand-Orient. Il fut sans doute énergiquement soutenu dans sa
résistance aux tentatives de celui-ci pour opérer une fusion ; sa cor-
respondance avec la grande loge d'Edimbourg fournit à Findel des
renseignements pour ses travaux sur les associations maçonnique».
(1) HisL de la Franc-Mai omierin jusqu'à nos jours, par J.-F. Findel, 1861, traduite de
l'allemand par T. Tandel. Paris, 1866. t. ii, p. 52,
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- 412 —
On ne le voit figurer dans nul incident rôvolutionnaire, jusqu'à
l'approche de la fin du régime de la Terreur.
Cependant, il existe, dans des liasses d'archives révolutionnaires,
un mandat d'arrêt décerné contre lui pour cause d'incivisme et
d'aristocratie par le Comité de Surveillance de Rouen, à la date du
21 germinal an II (10 avril 1794). Ainsi que cela se produisit maintes
fois, ce mandat fut mis à exécution plus do deux mois et demi après,
c'est-à-dire seulement le 8 messidor (26 juin), ce qui signifie qu'on
guettait l'occasion sûre de l'atteindre. Quoique arrêté, Mathéus ne
fut point incarcéré, parce qu'il était commissaire pour la distribution
du pain, et investi, en outre, d'une commission du Comité de Salut
Public, qui paraît être celle d'agent de la commission de commerce.
Jusqu'à ce qu'il eut été pourvu à son remplacement, on le laissa chez
lui, rue de l'Unité ( rue Saint-Eloi ), 57, sous la garde de deux sans-
culottes.
Interrogé le jour même, il déclare ê^re âgé de quarante ans,
natif de Welzheim (?), palatinat du Rhin, à une lieue de Lindau,
être citoyen de la ville de Spire, réunie à la République Française. (1)
Il réside en France depuis vingt ans et a dans son commerce avec
son associé Louis Clavel, (2) environ 4.000 1. de rente, y compris le
bien de sa femme et de sa femme et de ses enfants. (3) Interpellé de
dire ses opinions politiques en diverses circonstances précises,
notamment lors de la rébellion de Rouen, du départ du tyran, etc.,
(1) La ville de Spire fut prise par les Français le 30 septembre 1792 et le 29 décem-
bre 4793. — Jean Mathéus s'y était marié en la communauté réformée le 19 septembre
1784. L'acte constatant son décès à Rouen, place de la Pucelle, n» 1"% le 23 novembre
1823, le fait naître à Weltzin (Bavière), 27 juillet 1754. Il était, dés 1808, membre du
consistoire de Rouen et consul de Danemark. — Son nom reparait dans deux circon-
stances, ainsi qu'on le verra dans des chapitres subséquents. "^
(2) Louis Clavel, âgé de trente-neuf ans, était né à Cully, dans le canton de Berne
(Suisse). Peut-être était-il de la famille du F.-T. B.-Clavel, avteur d'une Histoire pitto-
resque de la Franc-Maçonnerie H des Sociétés secrîtes anciennes et modeimes. (Paris,
Pagnerre 1843). L'ouvrage de Clavel mentionne, sans en nommer le grand-maître, la
formation de la Grande-Loge provinciale (p. 204).
(3) Le tableau des fortunes présumées, dressé pour la répartition de l'emprunt de
deux millions, le 21 septembre 1793, attribue à Clavel et Mathéus un avoir de 500,000 livres.
Leur contribution à l'emprunt de dix millions fut fixée le 21 brumaire (11 novembre 1798)
à 80,000 1. ce qui impliquait une fortune de deux millions de livres. On verra plus loin
rarbitraire qui avait fixé ces répartitions et à qui il était imputable. Le véritable motif
des mesures prises contre Clavel et Mathéus pouvait bien être leur refus de s'exécuter.
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- 113 -
« il répond qu'il a satisfait à tout ce que le devoir d'un républicain
exigeait de lui, et qu'il ne s'est jamais trouvé dans aucun groupe
pour propager une opinion quelconque ; il était en route pour affaire
de commerce lorsqu'il eût eu à accepter la Constitution; il n'a de
liaison avec qui que ce soit ; il a une correspondance de commerce
avec les sujets des puissances liguées contre la France. »
Une perquisition sans résultat et des scellés s'ensuivirent immé-
diatement.
De fort nombreux exemples attestent que les réponses du citoyen
Mathéus, mêmes vérifiées exactes, ne devaient point suffire à le
disculper. Mais, apparemment, il jouissait d'immunités que . ses
ennemis n'étaient parvenus à suspendre que pour peu de jours, car
Tinflexible comité, par une exception qui pourrait bien être unique,
consentit, dans une lettre mise sous les yeux du représentant Siblot,
à reconnaître qu'il avait été induit en erreur sur le compte de ce
citoyen, et qu'il n'était coupable d'aucun fait d'incivisme. Sur le
vu de cette lettre, un arrêté de Siblot, du 17 messidor, ordonna qu'il
serait mis provisoirement en liberté. (1)
Qu'on ne croie pas qu'en messidor une pareille affaire puisse
s'être ternâinée ainsi : le 28, c'est-à-dire le lendemain du jour où une
copie de l'ordre de mise en liberté avait été remise au citoyen
Mathéus, celui-ci et son associé Clavel, en vertu d ordonnance
d'Avenel, directeur du jury, faisant fonctions d'ofHcier de police de
sûreté, étaient écroués à la maison d'arrêt de Saint-Lô, (2) comme
accusés d'avoir introduit en France dos assignats faux, dont la
présence dans la caisse de la maison Mathéus, Clavel et C* venait
d'être constatée en levant les scellés apposés le 26 juin, lors de
l'arrestation de Mathéus. (3)
Le directeur du jury, devant lequel ils furent traduits, eut,
sur le point de savoir si la possession des assignats pouvait donner
lieu à poursuivre, un doute qu'il soumit à la décision du tribunal du
(1) Arch. mpales.
(2) Reg. d'écrou analysé par M. de Lérue, Nouvelliste de Rouen, numéros cités.
(3) Le belge Àdiien Cools, qu'un mois après le même tribunal condamnait à mort
pour introduction de 162, 320 1. d'assignats faux, était alors détenu à Rouen depuis
longtemps par ordre du comité de surveillance de Bruxelles.
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m
— «4 -
district, lequel rendit le 28 messidor (16 juillet) ce jugement:
(i Considérant : l^que les dits Clavel et Mathéus sont étrangers;
2« qu'ils correspondent avec les étrangers ; 3^ que tous les assignats
(435 1.) à eux envoyés par une maison étrangère, suivant lettre datée
de Brème, le 6 avril 1794, sont faux ; 4« enfin que sur la somme
d'environ 250,000 1. d'assignats dans la caisse, il s'en est trouvé
545 1. qui sont faux, » les renvoya devant le tribunal criminel.
Le 27 fructidor (13 septembre) ce dernier tribunal déclara que le
fait de Tintroduction était constant, mais ne leur était pas imputable.
L'accusation, à leur égard, était, ce semble, fort peu sérieuse, et la
seule possession de ces assignats les mettait simplement dans le cas
de tant d'autres dupes. Ils furent donc justement acqufttés. (1)
Leur défenseur devant le tribunal avait été le comédien CafBn-
Vernon, membre du comité des défenseurs officieux de la Société
populaire de Rouen, ex-président de cette société, et sans nul doute
franc-macon, si l'on en juge par les trois points accompagnant, h
trois reprises, le paraphe de sa signature, d'ailleurs fort originale. (2)
Un autre nom, peut-être plus marquant alors, et plus oublié
aujourd'hui, est à mentionner aussi à ce sujet. François-Désiré
Bacon de la Chevalerie, âgé do cinquante-huit ans, négociant à
Rouen, rue des Charrettes, — vénérable de l'une des loges rouennaises
— avait été, pendant la Constituante, président de l'assemblée de la
partie française de Saint-Domingue. A son installation en cette qua-
lité le 15 avril 1790, il prononçait un discours rapporté dans les Actes
des Apôtres (3) comme étant un avant-goût de la Constitution future
des colonies. En février 1793, Bacon était, on ne sait pour quelle
cause, politique sans doute, en arrestation à Liège, d'où il en avisait
la municipalité de Rouen, qui passa à l'ordre du jour. Rentré à
Rouen, il était, dès le 31 août suivant, l'objet d'un mandat d'arrêt
décerné par le nouveau Comité do Surveillance et mis à exécution le
7 septembre, sous un prétexte qui semble dissimuler son refus ou son
(1) Reg. du tribunal criminel.
(2) Reg. de la société populaire. Dans le Prévis Analytit/ue des travaux de VAcadt'-
mie de Rouen (1824, p. 143), Bignon a publié sur Mathéus une notice ne rappelant
aucun des faits mentionnés ici.
(3) N« 121, p. 12.
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- lis -
retard à verser sa contribution de plus de 6,0001. à l'impôt sur les
riches. Il sortit de la maison des suspects de Saint- Yon, le 8 novem-
bre 1794. (1)
Tels sont, avec quelques pièces concernant la détention d'un
autre haut-gradé des loges, peu connu, étranger à Rouen, et nanti de
ses insignes (2), les indices assez vagues de la persistance du désac-
cord entre les francs-maçons eux-mêmes.
. Quant à des preuves de l'action franc-maçonnique provoquant la
réforme sociale et la persécution religieuse à la veille de 1789, ou
les poursuivant depuis, il serait difficile d'en saisir de directes et
d'indiscutables.
(1) n fut encore détenu par mesure de haute police en juin 4806.
(2) Archives mpales.
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^ 11<}--
CHAPITRE SIXIEME
La Société populaire (suite). — Eyéques consUtutionnoU. — Viiite et discours da
normand Massien, éyéqne de Beauyais. — Mort de Mirabeau. — Fête des
Pavillons : discours de Bignon et de Robert. — Déchéance du roi. — F6ta
funèbre des yictimes du 10 août — Discours de Blutel : le droit à la réTolte —
Elections. — Gratien, candidat ? — Députés et suppléants. — Lettre inédite de
Fanre — Agents du pouToir exécutif et de la Commune de Paris dans la Société
populaire. — Les députés à la Législatiye exclus de la Société. — Le buste de
Lafayette. — Une rectification à propos du diforce. — Louis Gapet le dernier
doit-il être Jugé et exécuté ? — Mise en accusation de Marat. — Pocholle et
Saladin. — A bas Mirabeau le traître ! — Le patriotisme jacobin au pied du mur.
_ Une Société riyale : les Sans-Culottes de Rouen.
Il est temps de revenir aux Amis de la Constitution pour en
dévoiler les actes si peu connus.
Paraissant écarter la candidature du curé Lerat, (1) de Forges-
les-Eaux, appuyé au directoire du département peut-être par
Thomas du Fossé ou par Thiessé, ils préparent celle de l'abbé Le
Verdier, (2) curé de Choisy-le-Roi, h Tévêché des côtes de la
(i) Le directoire du département avait fait publier seulement le discours de Lerat.
Celui-ci vint avec Fleur>', de Forges, et Polel, maire de Serqueux, à la séance de la
société du 3i janvier. Lerat, dont les discours et les actes ajritiTent tant la petite ville
de Forges-les-Eaux, y était juge de paix lorsqu'il mourut, âgé de cinquante ans, le
30 juin 1803.
(2) Et non Verdier, comme l'écrit Horcholle, d'après lequel le curé de Choisy-le-
Roi, était « natif de Rouen, fils d'un marchand de bas, rue du Change. » 11 avait prc*c
le serment constitutionnel le 16 janvier 1701. Ce serment et son discours avaient été
remis le 10 du même mois à l'Assemblée électorale de Paris par une députatîon de la
municipalité de Choisy. Il mourut, Hge de quatre-vingt-deux ans, le 20 novembre 1805,
à Choisy « desser\*ant » de cette paroisse depuis quarante-quatre ans. Il s'y trouvait
donc lors des fréquents voyages qu'y fit Louis XV en 1703, et <|ui font l'objet d'un
curieux manuscrit de la collection Leber (lîibl. de Rouen). A l'acte du décès de l'ahbé
Le Verdier figure Nicolas- Vincent Le Venlier, son neveu, demeurant alors à Paris, rue
du Champfleury. Ce dernier, homme de loi, né aussi à Rouen, fut arrêté chez le citoyen
Labarbe, me de l'Ecole, 2, et détenu à Saint- Von, le 6 messidor an II. I^ section de
Drutus, de Paris, où il avait été juge de paix, le dénon^'ait, dé? prairial précédent, au
comité de Rouen, comme un acharné constitutionnel de 1700, ennemi juré des intérêts
du peuple, ami des Buob et des Bocquillon, etc., La Rivière, juge de paix, et Rœderer.
et comme clubi.ste de la Sainte-Chapelle et signataire de la pétition des vingt mille.
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- 117-
Manche, de la Somme et de l'Oise. Après avoir fait réimprimer et
distribuer dans tout le département de la Seine-Inférieure la bro-
chure de ce prêtre sur le serment ecclésiastique (24 janvier 1791), ils
entretiennent avec les Amis de la Constitution de Choisy-le-Roi,
dont l'abbé Le Verdier est le président, (1) et l'abbé Gault, son
vicaire, le vice-président, une correspondance qui comprend notam-
ment une adresse à l'évêque, dont l'acceptation datait du 9 février, (2)
une lettre de l'abbé Le Verdier et des félicitations des « frères » de
Choisy-le-Roy à leurs frères de Rouen. Ces derniers vont « pos-
séder au milieu d'eux un homme de paix, l'ami de la Nation et du
Roi, l'un des plus fermes soutiens de la Constitution, qui a été
jusqu'à ce jour (10 février), l'âme et l'agrément de la société de
Choisy, qui sera la gloire et l'ornement de celle de Rouen. »
Le nouvel évoque les ayant informés le 15 février qu'il était
pris d'une « fièvre lente », les Rouennais se firent envoyer de ses
nouvelles le 21, et apprirent son rétablissement le 28. Avisés le
l*' mars de ce que les citoyens de Choisy-le-Roi, particulièrement
ceux de la société des Amis de la Constitution, se proposaient d'ac-
compagner l'évêque à Rouen, des membres de la société de Rouen
se firent inscrire pour loger « leurs dignes frères ». Le 7 mars, un des
rouennais communiquait une lettre informant de la santé de M. l'é-
voque qui, par suite, n'avait pas encore à cette date donné sa démis-
sion, parvenue au département le 9.
La déception éprouvée par la société fait tomber son enthou-
siasme ; elle ne paraît pas s'être occupée de l'élection de Charrier de
(1) Le Verdier n'est pas le seul président à" Anus de la Constitution qui ait été can-
didat à levêché de Rouen. Le curé de la Trinité-de-Fécamp, Letellier, qui fut l'un des
ooncurrents de Leblanc-BeauUeu en i799 (les sociétés n'existaient plus depuis quatre
ans)^ avait été à la tète des Amis de la Constitution de Fécamp, d'octobre à dé-
cembre 47W.
(2) L'original de cette acceptation est aux Ârch. mpales. Le directoire du départe-
ment, dans sa séance du 22 février, présidée par Le Vavasseur, relate les démarches
laites pour mettre l'abbé Le Verdier en état de recevoir l'institution canonique. N'ayant
pas découvert d'évéque qui eût prêté serment dans le Calvados, la Manche, l'Orne,
rOise) la Somme et le Pas-de-Calais, il lui indiquait un nom dont le choix l'embar-
rassait encore, car il est resté en blanc dans son lïr^té.
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-148-
la Roche (1). Cependant, elle le félicite le 23 mars et saisit Toccasion
de sa visite, qu'elle va recevoir, pour obtenir le réfectoire du cou-
vent des Carmes, vaste pièce, décorée par le tapissier Duchesne lors
de la séance du 2 mai, à laquelle assis le Tévéque. Ce soir-là, Hardy,
qui préside, et l'évoque, déjà reçu solennellement par lei autorités
constituées le 15 avril, échangent des discours à la suite desquels le
visiteur accepte un diplôme qu'on avait arrêté de ne lui offrir que
s'il témoignait lenvie d'être membre de la société. Celle-ci, proba-
blement pour ménager la susceptibilité de Charrier de la Roche
délibérait la veille que le mot club était banni du langage de ses
membres, en même temps qu elle prenait des mesures exception-
nelles pour que les sociétaires seuls fussent admis le 2, et nommait
quatre censeurs pour faire observer le silence le plus « scrupuleux ».
Ses procès-verbaux ne mentionnent même pas l'élection de
Gratien, lequel ne vint pas la voir. Lindet (2), Massieu (3) et
Bonnet (4), tous les trois ses collègues à la Constituante, évêques
constitutionnels d'Evreux, de Beauvais et de Chartres sacrèrent, à
Rouen, le nouvel du le 18 mars 1792. Seul, Massieu se rendit aux
séances publiques de la société des 15 et 18 mars, présidées par
« Monsieur » Robert. A la première, il fit un discours civique et
jura de maintenir la Constitution et la liberté jusqu'à la mort ; à la
{\) Louis Charrier de la Roche, prévôt du chapitre noble et curé d'Ainay, député du
clergé de la sénéchaussée de Lyon aux Etats-Généraux. Elu curé de Saint-Victor de
Paris le 20 mars (Et. Charavay, Assemblée électorale de Pans), c'est-à-dire le jour
même de son élection à l'évéché de Rouen. 11 y eut, en même temps, à la Constituante,
un archevêque de Rouen et un évêque « intrus » occupant ce siège. M. Tabbé Loth a
reproduit la curieuse réponse du second à une ordonnance du premier. {Hist. de Mgr»
de la Rochefoucauld, etc., p. 295 et s.). Eymery a consacré à Charrier de la Roche un
article de son Dictionnaire des Girouettes.
(^) Lindet avait été installé le 6 mars comme évêque d'Evreux. On sait qull était
aussi constituant.
(3) J.-B. Massieu, né à Vemon (Eure) en 1742, prêtre du diocèse de Rouen, était
curé de Sergy, lors de son élection comme seul député du clergé aux Etats-Généraux
pour le bailliage de Senlis. Il avait été sacré à Paris le 6 mars et installé à Beauvais le
20 mars. Durant sa courte occupation du siège de Beauvais, il ne dédaigna point de
s'associer aux commissaires chargés des visites domiciliaires chez les suspects ( v. Trem-
blay, Notice sur Beauvais, p. 56.) Député à la Convention, il vota la mort du roi. II se
maria et divorça.
(4) Nicolas-Joseph Bonnet, curé de Villefort, député de Nîmes à la Constituante»
installé évêque de Chartres le 27 mars 17914
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seconde, il présenta son vicaire épiscopal Leclerc, et un citoyen de
Beauvais, dont il attesta le patriotisme. Massieu et son vicaire
reçurent un diplôme d'afiBliation. Le premier prit part à la discus-
sion dans la Société d'un projet de pétition demandant une loi
répressive contre les calomniateurs libellistes, et donna a comme
membre de l'Assemblée Constituante, des développements très
lumineux. »
On devine qu'en prodiguant des ovations au clergé constitu-
tionnel, la Société ne perd pas de vue les prêtres réfractaires et sur-
veille assidûment les actes du « ci-devant archevêque de Rouen. »
Elle fait dénoncer au département par Forfait, Thiessé, Mariette,
Debonne, Baron et Bournisien, le mandement de Mgr de Laroche-
foucauld, déclarant intrus l'évêque qui lui succédera, et schisma-
tiques tous les prêtres ayant prêté le serment. Elle s'émeut des
moindres manifestations des ecclésiastiques hostiles à la Constitution
civile du clergé, au courant desquelles elle est plus exactement
tenue que les administrations, ayant sur elles lavantage de compter
au rang de ses membres plusieurs prêtres assermentés. Les délations
ne viennent pourtant pas toujours de ceux-ci : le 9 mai 1791,
Eudeline dénonce M. Baston, (1) ecclésiastique, qui confesse dans
l'église des religieuses Gravelines. Leclerc jeune et Pillon sont adjoints
au dénonciateur pour se renseigner, et, deux jours après, ils font part
qu'ils n'ont rien remarqué de contraire à Tordre public. Bignonlit
un projet de pétition à l'Assemblée nationale sur le fanatisme per-
pétué par les prêtres réfractaires. Son projet est adopté avee
quelques changements (11 février 1792). Le 18 octobre 1792, les
frères Mabire et Poret sont envoyés prévenir le procureur de la
Commune du danger couru par la ville au sujet du rassemblement
dans la cathédrale des prêtres insermentés ... Il faut renoncer à la
suivre dans ses fréquentes hostilités contre le clergé.
La mort de Mirabeau, cette a calamité publique, » n'a point
donné lieu seulement au service funèbre célébré le 7 avril 1791 dans
la cathédrale où, dit le procès-verbal de la Société, « tous les cœurs
(i) Le chanoine Baston, dont M. Tabbé Loth et M* Verger, publient en ce moment
les Ménioiret,
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— 120 —
se sont élevés vers TEternel, rémunérateur des vertus, pour le prier
de récompenser celles du grand homme que la France a perdu. » La
Société, comme le directoire du département, décide, le 4 avril, de
prendre le deuil pour huit jours. Les murs extérieurs delà « maison »
de la Société sont tendus de noir. Les Amis de la Constitution se
procurent la a collection complète des œuvres de Riquetti, » et font
distribuer 2,400 livres de pain aux pauvres. Un modèle du cénotaphe
dressé à Notre-Dame, est exposé dans le local des séances, avec cette
inscription : A Mirabeau, les Amis de la Constitution , Rouen,
7 avril, 2« année de la Liberté, avec une garde d'honneur formée de
quinze membres de la Société, renouvelés matin et soir. La messe
fut célébrée pendant une huitaine par MM. Chalembert et Som-
bret (1) à l'autel élevé au pied du cénotaphe de Notre-Dame. L'éloge
funèbre de Mirabeau « où Tauteur a répandu la chaleur du plus pur
patriotisme, a tellement frappé l'assemblée » que cet auteur, l'abbé
Godefroy «2), est dispensé exceptionnellement du stage pour êtrd
admis dans la société et proclamé membre par le président Hardy.
Le 17 janvier, fête de l'inauguration des drapeaux français,
anglais et américains « ap pendus à la voûte de la salle de la
société ». Avalanche de discours célébrant les souvenirs de la « lutte
sanglante excitée dans la colonie de Saint-Domingue» (3) par l'or-
gueil aux prises avec les droits naturels de l'homme, et qui a rendu
cette malheureuse contrée victime de tous les fléaux des discordes
civiles. Ces scènes désastreuses ont donné aux anglais et aux améri-
cains l'occasion de déployer envers nous ce caractère de magna-
(1) J.-P.-L. Chalembert, ex-aumônier du régiment de Navarre; né à Rouen, le
27 juin 1746, marié le 13 prairial an II ; — Pierre-Edme Sombret, ci-devant religieux
feuillant, détenu, puis relâché par ordre du représentant Siblot, en germinal an IL
(2) Louis-Casimir-Barnabé Godefroy, né à Neufchâtel-en-Bray, le 41 juin 1749,
vicaire à Saint-Âmand de Rouen, vicaire épiscopal constitutionnel ; dépose ses lettres
de prêtrise le 3 germinal an II. S'est suicidé en septembre 1795.
(3) U y avait à Rouen en l'an II, une quarantaine de réfugiés de Saint-Domingue, parmi
lesquels les familles Audiger, Datty-Fontaine, Ménard, Lamy, Lagormal, Trutié, M»» Vre
Beaunay née Bacon, M. et M»» Duval-Sanadon. Ce Duval, naguère l'un des plus riches
colons dominicains, et dont les longues tribulations mériteraient d'être racontées, fut
détenu plusieurs fois à Rouen, même après la Révolution, notamment à la suite d'une
arrestation à Dieppe et conmie prévenu, à tort, d'émigration.
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nimité et de grandeur d'&me qui n'appartient qu'aux peuples
libres. » (1) Des dames citoyennes font « la plus vive sensation » en
offrant h la société une cocarde pour orner et unir les trois pavillons.
Après des airs patriotiques et surtout l'immortel Ça ira, M. Bignon
lit un discours analogue à la fête, dont voici quelques passages :
« Braves anglais, généreux américains, citoyens français Ils
sont donc détruits ces préjugés absurdes qui, en attachant un
homme au sol qui Ta vu naître, lui défendent d'aimer ses semblables
nés sous un ciel différent. . . Diviser pour régner, tel a été de tout
temps le système des princes ; s'unir pour être libre, tel doit être le
système des peuples. . . Oui, ce sont les rois et les gouvernements qui
ont nourri et peut-être naturalisé avec le temps. . • ces rivalités qu'ils
consacraient comme nationales et indestructibles Aussi, que
n'ont-ils pas fait pour anéantir la philanthropie naissante, pour tenir
au fond du puits la vérité toujours prisonnière et captive. . .
Louis XVI qui ne prévoyait pas sans doute les prodiges qui
devaient signaler son règne, se déclare pour vous dans cette grande
querelle et annonçait dès lors qu'il n'était peut-être pas indigne
d'être un jour roi d'un peuple libre... Et qu'enfin cette alliance
amicale d'un petit nombre de citoyens se change en une confédéra-
tion universelle de. tous les peuples du monde. »
M. Robert (2) lui-même a ce citoyen pacifique, » dans une
liarangue aux volontaires présents, fait un tableau imposant de leurs
devoirs sur la discipline et la subordination ; il vante Mirabeau, le
Franklin de la France, où les Washington ne manquent pas, et
Rochambeau et Lafayette. « Rochambeau qui vécut familièrement
» avec moi à Calais en 1787, lorsque j'y fus relégué par le plus vil et
» le plus lâche despotisme, (3) Lafayette, auquel on reconnaît dès le
> premier abord tous les traits des héros de la liberté; Narbonne,
(1) Discoiirs d'un iQembre de la Société.
(2) Elu membre de la Société le 10 janvier 1792, il avait prêté serment le lendemain.
Le 6 mars suivant, il était nommé président à la majorité des voix et entrait inmié-
diatement en fonctions, succédant à Vieillot et précédant Pillon.
(3) Episode inconnu de Texil des Parlements. Ce n'est pas en 1787, mais en 1788
Que Robert dut se retirer à Calais. La défense de s'assembler parvint à la Cour des
Comptes le 18 mai 1788. Elle ne reprit séance, Robert présent, que le jeudi 9 octobre
de la môme année. (Keg. de la G. des Comptes K
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- 422-
») «DÛn, qui, le premier, a fait entendre en France, dans une bouche
» ministérielle, le langage franc et loyal du citoyen. » Et l'acadé-
micien collectionneur termine par cette phrase caractéristique :
«-Citoyens soldats, soyez disciplinés et vous serez invincibles. Gêné-
» raux de lantiquité et des siècles modernes, ce fut là votre secret.
» Ce fut la leçon que le successeur de Trajan, si célèbre par ses vic-
» toires et ses expéditions militaires, se plaisait à répéter sur Tor de
)) de ses médailles. Le burin a rassemblé dans ce court espace des
» soldats et des cavaliers marchant en bon ordre, précédés de leurs
» chefs, avec cette légende précieuse, selon l'orthographe antique :
» DISCIPLINA. » (1)
La santé du roi ayant inspiré des inquiétudes, Hardy est chargé,
avec Forfait, Thiessé et Le Contour, de la rédaction d'une adresse
tendant à ce que les médecins de Louis XVI se présentent devant
l'Assemblée législative pour y rendre compte de sa santé. Jusqu'au
15 mars inclus, les séances de la Société s ouvrent par la lecture du
bulletin de la santé du roi.
Juin, juillet et août 1792 virent se modifier complètement selon
les faits les sentiments des Amis de la Constitution, qui se fami-
liarisèrent bientôt avec Tidée de la déchéance du roi. Hardy admet
le 5 août que la déchéance du roi peut être fondée. Il rappelle tous
les bienfaits immenses dont le peuple a comblé son a représentant
héréditaire ; » il réfute victorieusement les sophismes et les mauvais
arguments de tous les faux amis du roi, et il invite ses concitoyens
présents à investir plus que jamais de leur confiance le corps légis-
latif prêt à entamer la grande question de la déchéance. Le Coutour
revient sur cette question le 9, résumant et précisant ce qui a été dit
le 5. Il en résulte plus clairement que, comme lui, Hardy avait fait
des vœux pour que cette déchéance ne fût pas le résultat de la dis-
cussion, et que ces vœux s'étaient trouvés conformes à ceux des
assistants.
Le 11 août, la Société s'émeut du serment réitéré devant le
(1) Cette harangue de Robert, fort longue (trois pages in-folio) eut du succès. Lue
pour la deuxième fois le 19 janvier, elle fut Vobjet d'applaudissements encore plus vifs
qu'à la première lecture»
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- 193-
directoire du département par les officiers, sergeats et caporaux, à
rinstigation de M. de Liancourt, commandant la division. Un inci-
dent la préoccupe : M. de Liancourt a adressé la parole à M. Le-
febvre, qui était de planton au département et criait ; Vive la
NaJLion ! l'invitant à crier : Vice le Roi ! Lefebvre a répété, ainsi
que son peloton : Vice la Nation t Sur quoi M. de Liancourt lui a
dit : Je suis votre supérieur, je vous mets aux arrêts. » Lefebvre
vers lequel la Société envoie des commissaires, n'est nullement
inquiet des suites de l'incident^ et il a raison, car un caporal envoyé
par M. de Liancourt, vient à neuf heures lever les arrêts. Le souvenir
de ce serment provoqué ainsi au lendemain de la chute de la royauté
n'en restera pas moins un des plus vivaces chez les jacobins rouen-
nais.
Les détails sur la journée du 10 août fureint plus. d'une fois eur
tendus, on s'imagine avec quel intérêt, dans les séances suivantes.
Lamine, témoin oculaire, les raconte d'abord par écrit, puis ver-
balement, et d'autres viennent compléter son récit. Une adresse,
rédigée par Robert et Blutel, ât connaître à l'Assemblée législative
l'adhésion de la Société à la conduite qu'elle avait tenue, et promit
obéissance à ses décrets (15 août). Nulle part on ne fait allusion à
l'attitude des députés de la Seine-Inférieure dans la séance, où fut
prononcée la déchéance. Il est probable que tous, sauf Albitte,
étaient au nombre des 460 absents, révélés par l'appel nominal. (1)
"L^ Amis de la Constitution ]\xgkTent à propos de féliciter les
Marseillais, alors à Paris, dont on connaît les manifestations dès
ayant la déchéance. Mariette rédigea l'adresse qui leur fut envoyée
(15 août). On écrivit aussi au « vertueux » Pétion, si méchamment
calomnié dans cette cjité, » (2) pour le féliciter sur son patriotismOt
Ces dén^onstrations s'accordaient assez bien ayec l'adrçssie qu^ 1^
comniiune de Rouen faisait pasrvenir à rAssemblé^ n^tiom^e la
18 août, et dans laquelle était proclamée la nécessité d un^ révo^-
lution amenée par trois ans de trahison.
Le 16 août, à propos du procès- verbal de la veille, où il est
(1) Peltier, Bist, de la Bévoluiion du iO août i793f p. 217-250|
3) AUunon aux atUques de la Chronique^
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— 124 -
question des Jacobins de Paris, un membre de la Société de Rouen
réclame qu'on les nomme désormais les ^m/5 de la Patrie, à Paris ;
mais la Société passe à Tordre du jour, étant persuadée que le nom
de Jacobins ne peut qu'honorer ses principes de liberté et d'égalité.
Le 18 août, un opportuniste, — il y en avait déjà beaucoup, — pro-
pose de « délibérer s'il ne serait pas bon de changer le titre diAmis de
la Constitution en celui à! Amis de la liberté et de légalité. Cette
motion est combattue par plusieurs orateurs. Les uns prétendent que
tant que la Convention nationale n'aura rien prononcé, la Société
doit conserver son ancien titre. Un autre ayant prétendu que ce
changement serait un parjure, on réfute « avec succès » ce dernier
soutien. La motion fut ajournée le 20 août jusqu'à la formation de la
Convention. En fait, et sans délibération, la nouvelle dénomination
fut donnée à la Société dès le 29 août.
Sur une autre motion de Thierry, on décida de célébrer le
jeudi 23 août « une fête civique et funèbre en l'honneur des citoyens
morts victimes des complots perfides qui ont éclaté dans la journée
du 10, » et de prêter, lors de cette cérémonie, le serment civique sur
la tombe de ces généreux défenseurs de l'égalité et de la liberté.
Pillon et Blutel sont invités à s'entendre pour donner en cette cir-
constance « quelques discours analogues à la fête, » et M. Sombret,
prêtre, vient proposer de célébrer le même jour, pour le même
« objet )), un service solennel en l'église Saint-Eloi, au cours duquel
il y aurait une oraison funèbre .
Le programme de cette fête, dont le but parait avoir été non-
seulement de rendre hommage « aux cendres des martyrs de notre
liberté » mais aussi — et plus peut-être — de procurer à des candi-
datures l'occasion de se produire, se réalisa dans le local de la
société, avec une mise en scène exceptionnelle et un concours nom-
breux de citoyens.
Au milieu de la scène s'élevait une colonne surmontée de feuilles
de chêne et de cyprès, entourée de faisceaux d'armes auxquels étaient
suspendus des couronnes civiques et des rubans aux couleurs natio-
nales. On y voyait aussi des piques sur Tune desquelles brillait le
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- 125 —
bonnet de la liberté. Sur les quatre coins des bases de la colonne, on
lisait ces inscriptions « allégoriques » choisies par Pillon :
Si Vhonmie eftl créé libre, il doit se gouverner.
Si Vhomnie a des tyrans, il doit les détrôner.
Liberté^ égalité, résistance à Voppression.
J^ salut du peuple est la suprême loi.
Ils sont morts pour la Patrie : Nous les vengerons, ou nous périrons comme eux.
Une tenture funèbre, artistement posée, augmentait encore le
deuil et le recueillement. Douze vétérans et douze jeunes néophytes
en grand uniforme et le crêpe au bras étaient placés des deux côtés
du cénotaphe.
Une citoyenne « aussi modeste que bonne patriote » fit préf ent
d'un bouquet, exprima des sentiments du civisme le plus parfait, et
demanda que le nom de Lafayette et celui de tous les traîtres fussent
à jamais proscrits de la Société. L'assentiment de l'auditoire se tra-
duisit par des applaudissements.
Le président (Lambert) commence la série des discours. Le sien
est reproduit seulement en partie. En voici quelques extraits per-
mettant de l'apprécier : . . . « La patrie est sauvée, mais le triomphe
fut sanglant et les trophées de la victoire sont arrosés des larmes de
la Franco. — Une conjuration fut tramée dans le palais des Rois. Un
nouveau Charles IX, égaré par des conspirateurs perfides, instruit
à feindre et à combiner le crime avec l'art et le sang-froid des indécis,
eut recours au parjure pour endormir sur le bord de l'abîme la Nation
dont il méditait l'assassinat La bonne cause triomphe et le
Tarquin de la France ne trouve plus d'asile qu'au milieu de ce Sénat
auguste dont il vouait la veille la plus saine partie à la rage des
conjurés. C'est là que la magnanimité du peuple se déployé toute
entière par des représentants : la famille conspiratrice est mise sous
la sauvegarde de la loi et la nation prononce sur le crime et les
conspirateurs »
« Monsieur » Pillon monte ensuite à la tribune et en lit un
autre, non transcrit, sans doute à cause de sa longueur, car trois pages
entières sont laissées pour le copier. Après avoir entendu « les sons
lugubres et entrecoupés de la musique exprimant des airs déchi-
rants », Lambert fournit un second discours, « imprégné de l'énergie
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— 126 —
qui convient à un homme libre », pendant que des députatîons cou-
vrent de fleurs le cénotaphe. Le procès-verbal n'en donne que les
deux premières lignes, suivies de trois pages destinées à recevoir le
reste et peut-être d'autres discours.
Le serment de maintenir Togalité et la liberté est prêté par les
frères présents ; les chasseurs volontaires nationaux de Nantes, le
frère Louis-Amable Savary, de la Société de Nantes, jurent après
eux et sont imités par tous les citoyens présents dont « un élan
» simultané guide les bras vers le cénotaphe. La musique entraînée
» elle-même par cette secousse de patriotisme, oubliant le ton lugu-
» bre de la fête, joue l'air fameux : Ça ira, qui est reçu avec des
» transports généreux. ))
Cependant, le secrétaire, Blutel, bon juge, on doit le croire, du
moment où il doit prendre la parole, se décide, après que ses frères
ont été entendus, à cet instant « où le calme et le recueillement ont
ôuccédé à l'ivresse du patriotisme ». Il parle, et, cette fois, il insère
consciencieusement au registre son discours, un vrai programme de
futui" conventionnel, que je regrette de ne pouvoir donner ici inté-
gralement. Les invocations à la liberté, à la philosophie, les impré-
cations contre la tyrannie, un résumé historique de la naissance du
despotisme .des rois, de la régénération de la liberté, méditée en
silence sous le règne de Louis XV, la fuite des oppresseurs, l'iavi-
tation de repousser surtout le fanatisme, chemin de l'esclavage, pré-
cèdent cette phrase sur laquelle le juge de paix Blutel insiste à
l'appui de son serment : « Dans Tordre de la nature, l'homme est
» égal à l'homme. Dans l'ordre politique, tout homme conserve un
» droit égal de faire ou de changer .ses lois suivant la volonté géoé-
» raie, et celui de se soulever contre la loi à laquelle il na point
» coopéré / » — Doctrines bien difficiles à concilier, et où n'est que
trop nettement visible le germe de l'anarchie perpétuelle.
On pressent que la campagne électorale, inopinément ouverte
par le décret de suspension du roi et de convocation d'une Convention
nationale, sera trop courte, et Hardy, Mariette, Blutel, Lambert,
Pillon, Le Contour et Thierry se sont efforcés de mettre le temps
à profit.
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^
- 127 —
L'évêque Gratien semble avoir immédiatement posé sa candi-
dature à la Convention (1) . Dès le 18 août, il fait publier, sous sa signa-
ture comme président et celle de Goube, son vicaire, comme secré-
taire de la 14® section, un avis informant ses concitoyens que cette
section s'est déclarée « permanente et délibérante ))^ et invitant les
autres sections à suivre cet exemple. Peut-être fut-ce \h le point de
départ du concert entre quatorze des sections rouennaiseis pour la
formation d'un comité central que le conseil général de la commune
empêchait en septembre.
Le clergé constitutionnel du département avait dû être au moins
froissé do n'avoir pas eu un seul de ses membres parmi les députés à
la Législative (2). L'évêque d'alors. Charrier de la Roche, parce qu'il
avait été constituant, s'était trouvé inéligible, mais son clergé comp-
tait des notabilités parmi lesquelles il dut se produire des candida-
tures.
Le 26 août 1792, les assemblées primaires de Rouen désignaient
pour prendre part à l'élection des députés quatre-vingt-trois élec-
teurs dont le Journal de Rouen du premier septembre contient la
liste.
En sortant de leurs séances, les membres de la société des Amis
de la Constitution se rendent dans leurs sections pour continuer à y
discuter « sur l'importante question de savoir quels sont les meilleurs
moyens à employer pour faire le meilleur choix dans les prochaines
él^[^tions » ( 28 août ). La plus grande animation régnait partout. Dès
(1) Trois départements voisins, TEure, TOise et le Calvados envoyèrent à la Conven-
tion leurs évêques : Lindet, Massieu et Fauchet.
(2) Voici les noms de ces seize députés : Âlbitte aîné ; Brémontier, négociant à
Rouen ; Desportes fils, administrateur de la marine à Fécamp ; Ducastel, homme de loi
et officier municipal à Rouen ; Forfait, ingénieur-constructeur de la marine à Rouen ;
Froudiére, homme de loi à Rouen ; Grégoire aîné, négociant à Rouen ; Langlois, de
I^intot, administrateur du district de Dieppe; Letailleur, cultivateur à Elbeuf, prés Gour-
nay ; Levavasseur, capitaine d'artillerie des colonies à Rouen ; Lucas, homme de loi à
Bretleviïle ; Vimar, homme de loi, procureur de la commune dé Rouen ; Boullenger,
président du tribunal du district de Rouen ; Christinat, négociant, maire du Havre ;
Tarbé, négociant, officier municipal de Rouen ; Hochet, juge de paix à Mainneville-ës-
Plains. — Les suppléants sont : Lacome du Reslay, Hayet (d'Elbeuf?), Ruault,
PochoUe et Dubois, et sans doute un sixième, dont je ne retrouve pas le nom.
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te.'-;-
— 128 —
le 15 août, on s'était préoccupé, à la Société, d'éliminer des catégories
d'électeurs. Mariette rédigeait une pétition pour faire priver sans
retour des droits de citoyen et empêcher de voter et d'être élus « les
hommes qui, ennemis du bien public, ou guidés par un égoïsmo
destructeur de tout principe, réunissant d'ailleurs les qualités requi-
ses pour être citoyen? actifs, avaient négligé de se faire inscrire sur
les registres de la garde nationale et du jury avant le 10 août. » Des
commissaires sent même dépêchés vers la municipalité et le district
pour que ces registres soient arrêtés dans le jour. Nonobstant, il
reste des électeurs gênants : Le l^' septembre un membre
annonce que Rouen est à la veille d'être délivré pour jamais des viles
productions connues sous lenqm de Chronique de Rouen, V Abeille
et le Journal de Commerce, et que le rédacteur de l'une de ces
feuilles pestiférées a fait, dans sa section, la proposition de suspen-
dre et casser toutes les autorités constituées. . .
L'Assemblée électorale de la Seine-Inférieure, qui devait se
réunir à Neufchâtel, se trouva convoquée à Caudebec par suite du
décret rectificatif des 17 et 19 août. Elle s'y réunit en Téglise prin-
cipale le dimanche 2 septembre, à dix heures du matin. Romain-
Paul Delacour la présida comme doyen d'âge ; au nombre des scru-
tateurs était un prêtre. Le secrétaire provisoire fut Jean-Pierre
Du val, de Rouen.
Le bureau définitif, élu au scrutin de liste, eut pour président
l'évêque Gratien, qui avait obtenu 272 voix. Goube, 123 voix,
Hardy, 76, Hecquet, 66, sont scrutateurs. Hecquet a eu le même
nombre de suffrages que Pocholle, mais l'emporte sur celui-ci qui
est plus jeune.
La marche des opérations subséquentes ne témoigne pas qu'une
entente préalable ait eu lieu. Mariette et Blutel sont restés à Rouen ;
Hardy et Du val sont à Caudebec. Les rouennais ont été les premiers
à déposer leurs bulletins, dit le procès-verbal. Il apparaît des résul-
tats que l'on s'est efforcé d'attribuer à chaque district un nombre
de députés selon son importance. On n'y est point parvenu à cause
du refus de quelques-uns des élus.
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- 429 -
Le4septembre, Albitte, député à la Législative, réunit la presque
totalité des suffrages. Un courrier, qu*on lui expédie, rapportera son
acceptation le 8. Ensuite, trois tours de scrutin sont nécessaires pour
élire PochoUe, maire de Dieppe, à la pluralité des voix. Le 5, trois
tours do scrutin pour le troisième député : Hardy triomphe contre
Hecquet, maire de Caudebec, Trois autres scrutins, entre le même
Hecquet et Yger, juge au tribunal du district do Cany, ce dernier
est élu. Le 6, avec deux tours de scrutin, Hecquet est enfin nommé.
Jean-Pierre Duval, (1) (le secrétaire du bureau provisoire), plus heu-
reux, est élu au premier tour. Au troisième des scrutins qui suivent,
entre Faure, juge au tribunal civil du Havre, et Vincent (2), avocat
et administrateur du district de Neufchâtel, ce dernier est élu. Le 7,
Faure est nommé au premier tour. Lefebvre, receveur du district de
Gournay, aussi au premier tour. Trois scrutins sont nécessaires pour
décider entre Blutel et Bailleul, juges de paix, l'un à Rouen, l'autre
au Havre. C'est Blutel qui a la majorité finale. Le 8, Bailleul (3) est
élu au troisième tour contre Ruault, curé d' Yvetot. Le 9, Mariette (4),
qui n'est plus juge de paix, comme le dit le procès-verbal, mais bien,
(1) Duval, avocat ad honores, à Rouen, dit Robert, dans sa Vie des Hommes politiques,
mort à Paris (et non près de Poitiers), le 25 août 1817. Lors de son élection, il était âgé
de trente-huit ans, célibataire et greffier du bureau des juges de paix, à Rouen, où il
put prendre goût à la police. Ses biographes passent sous silence que depuis le
idmai 1796 jusqu'au 22 octobre 1798, date de sa nomination au ministère de la police
générale, il fut, en remplacement d'Anquetin, démissionnaire, commissaire du direc-
toire exécutif près le département de la Seine-Inférieure. Cette période de sa carrière
estd^un intérêt plus grand peut-être, au point de vue local, que celui de son passage à
la Convention. Dans tous les cas, elle a laissé plus de traces... Il faillit, le 16 mai 1798,
succéder à Rewbell, comme membre du Directoire, et, à ce sujet, les Mémoires de
Fouché, qui fut le successeur médiat de Duval à la police, en juillet 1799, donnentsur ce
dernier des appréciations peu bienveillantes, au milieu desquelles son « peu chari-
table et mauvais confrère, » dit que Duval était un brave homme, mais médiocre et nul.
(Saint-ïihne, Biographie des Ministres de fa Police en France, iS^.) Lors de son départ
pour la Convention, Duval se fit remplacer dans ses fonctions de greffier par Cottais,
commissaire de policé»
(2) Parent de Pocholle.
(3) En Ta^jsence du secrétaire de la Société des Amis de la Constitution de Rouen,
Bailleul rédige et signe sa délibération du 16 décembre 1791.
(4) Mariette était né non pas à Caen, mais à Saint-Martin-de-Creully, arrondissement
de Caen. Il est, avec Thouret, Hardy, Blutel et tant d'autres, à citer à l'appui de la
thèse favorite d'un aimable et savant docteur rouennais, d'après laquelle les bas-
normands n'ont pas cessé d'envahir la Haute-Normandie, même durant la Révolution.
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- 130-
depuis Tavant-veille, commissaire du Pouvoir exécutif près le direc-
toire du département, est élu au premier tour. La lutte entre le
curé d'Yvetot et Doublet, (1) laboureur à Londinières, donne lieu à
trois tours de scrutin dont le dernier élit Doublet. Celle entre le
môme Ruault et Riaux, greflRer du tribunal de commerce de Rouen,
aboutit, au troisième tour, à l'élection de Ruault. Le 10, Prévost
d'Octeville, par un troisième scrutin entre lui et Riaux, est élu;
mais on apprend qu'il refuse. Deux tours de scrutin s'ensuivent,
dont le second nomme Riaux. Thuillier, officier municipal au Havre,
sur lequel une grande majorité parait devoir se réunir lors du
troisième des nouveaux scrutins, refuse, et ce troisième scrutin n'a
pas lieu. Le 12 septembre, Riaux fait connaître qu'il n'accepte
pas. (2) Pour le remplacer, on va deux fois, infructueusement, au
scrutin. Au troisième, est nommé Bourgois, (3) juge au tribunal du
district de Neufchâtel, contre Desmarest, maire de Sainville. Enfin,
Delahaye, avoué, à Caudebec, est élu au troisième tour contre
Molard, laboureur aux Grandes- Ventes.
(1) Pierre-Philippe Doublet, né à Bois-d'Ennebourg, le 13 avril 1745, avait eu pour
jmrrain iPhilippe Doublet, de Saiiit-Vivien-de-Rouen. C'était un citoyen Doublet, sans
doute son parent, que le district de Rou<»n avait nounné pour veiller à la vente des
meubles de rémij^rê Caillot fils, de Bois-d*Ennebourg. Doublet, fermier, à Londinières, du
Chapitre-Dame-de-Rouen, était le parent de la vieille comtesse de C*auniont, née Lemes-
sier du Mesnillet, dont le fils était député à l'assemblée provinciale de la Haute-Nor.
mandie.
(2) Le choix persistant de Riaux, comme candidat, semble être dû à rinfluence de
Hardy, son ami. C'était à Uii que Hardy avait confié la clef de sa maison de Rouen
pendant qu'il se tenait caché après la révolution du 31 mai. « Riaux n a point accepté sa
nomination à la Convention, et j'en suis très fâché, parce qu'il a un caractère prononcé
et un excellent jugement. II vint hier me demander à souper et me dire que son frère,
qui demeurait dans son grelTe, était parti pour les frontièrt^s ; il lui était impossible
d'abandonner son état, sa fennne enceinte et ses enfants. «(Lettre du 16 septembre 1793,
signée E. R., adrtîssée à Tarl)é, (Arch. mpales).
(3) La Vie des Hommes Politiques, de Robert, fait de Bourgois un ancien lazariste.
Il avait été avocat, maire d'Aumale le 14 mars 1789, l'un des délégués de cette ville pour
l'élection des députés aux Etat.s-Généraux et administrateur de la Seine-Inférieure le
1" juillet 1790. Par .sa femme, il était l'allié de l'ex-constituant Charles Lenglier, de
Feuquières, qui devint juge au tribunal du 10 août 1793. Après la mort de Frémont.
président du tribunal criminel de la Seini^-Inférieure, Rourgois avait été appelé à prési-
der ce tribunal pen<lant le trimestre d'avril, mai, juin 1792, à son toin% comme d'autivs
juges des tribunaux des districts. C'est là ce qui a fait dire» inexactement dans son arto
de décès qu'il avait été •' pivsiderd » du tribunal criminel. Il ne l'était pas plus qu'un
conseiller qui préside les assises n'est présid(»nl de cour d'appel.
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-434 -
Ce même jour, 12 septembre, sont élus cinq des suppléants :
Lecomte, secrétaire des consuls à Rouen (1); Revelle, juge à Veules ;
Albitte le jeune, de Dieppe ; Grandin, d'Elbeuf, et François Rousse-
let, avocat à Thibermesnil ; le sixième, Arvers, pharmacien, électeur
de Rouen, est élu le 13.
Les seize députés titulaires, à part Albitte Talné, n'ont pas
d'antécédents, de situation politique, ne jouissent d'aucune notoriété
au-delà do leurs districts. Cela explique que Vincent, de Neufchâtel,
avocat obscur, mais proche parent do Pocholle, n'ait pu être élu que
sur la présentation et l'appui do celui-ci et d' Albitte ; Hecquet ne
doit d'avoir été choisi qu'à cette circonstance qu'il est maire de
Caudebec où se font les élections. C'est vraisemblablement à l'initia-
tive de Hardy que sont dues les nominations de Blutel, Mariette et
Duval.
La députation de septembre 1791 comprenait six hommes de
loi ; celle de septembre 1792, vraiment normande à ce point de vue,
en a douze. Le district de Rouen n'est point parvenu, comme en 1791,
à s'attribuer neuf des députés, c'est-à-dire presque les deux tiers.
Il en a seulement quatre, dont un seul rouennais d'origine. Tous
sont membres de la Société des Amis de la Constitution, comme
leurs douze collègues et les suppléants le sont certainement de
sociétés des autres districts du département. Albitte, Pocholle,
Doublet, Bailleul et Faure — celui-ci lorsqu'il est venu siéger comme
juge au tribunal criminel de la Seine-Inférieure — ont fréquenté les
séances de la Société.
Les Amis de la Constitution de Rouen s'enorgueillissent surtout
du succès de Hardy qui> de Caudebec, les avise de son élection à
« Taugusto fonction de représentant du peuple souverain. »
A part leurs discours dans les sociétés patriotiques, dont les
(1) Pierre Lecomte, qui a siégé plus de quinze mois à la Convention, et dont le rôle
politique a certainement plus d'importance que celui de la plupart des conventionnels,
députés titulaires du département, n'est mentionné dans aucune des biographies nor-
mandes. Le Dictionnaire des Parlementaires ignore où il est né, où et quand il est mort.
Il est né à Boisney, arrondissement de Bernay (Eure), le 29 septembre 1745 ; il est mort
célibataire, conseiller à la cour royale depuis plus de trente ans, à Rouen, rue des
Bons-Enfants, n*78, le 8 février 1831. Son décès fut déclaré par Elie Vanier, proprié-
taire, mêmes me et Huméi*<>, et par Louis Delarue, banquier, rue des Iroquois. 14.
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1..-'
- 132 —
déclamations servent parfois à dissimuler la véritable pensée des
orateurs, on ne sait rien des sentiments intimes de ces seize citoyens
aux jours où l'un des départements les moins révolutionnaires leur
confiait presque à l'improvisto la mission de le représenter dans une
assemblée où allaient se poursuivre et se dénouer tant d'événements
tragiques. Cependant les électeurs ont connu les opinions et les
tendances qu'ils avaient annoncées dans les Sociétés patriotiques et
dans des réunions particulières tenues à Caudebec. Les journaux du
temps ne se livrent à aucune conjecture à ce sujet.
Il serait pourtant intéressant de savoir quelles réflexions leur
suggéraient la perspective d'un tel mandat, et surtout s'ils en appré-
ciaient bien à l'avance l'étendue et la responsabilité. Aussi , dussè-je
une fois de plus encourir le reproche de sortir de mon programme, je
ne puis résister à la tentation de renseigner sur l'état d'esprit de l'un
des élus à la veille de se rendre à la Convention, à l'aide d'un docu-
ment, inédit semble-t-il, émanant du plus remarquable des députés
de la Seine-Inférieure.
Ce document est une lettre de Faure, du Havre, répondant h
l'offre que venait de lui faire de son appartement à Paris, Tarbé,
dont la tâche allait finir à l'instant où commencerait la sienne.
« Monsieur, lui écrit-il, je compte arriver à Paris jeudi
matin. (1) J'aurai l'honneur de vous saluer avant votre départ. Je
ne crois pas pouvoir profiter de votre logement; je suis très sensible
à la bonté que vous avés de me l'offrir. (2) J'ai un fils à Paris, subs-
titut de l'accusateur public au tribunal criminel, (3) chés lequel je
compte rester, quoique éloigné des Tuilleries.
(1) Faure fut le dernier des seize élus de Caudebec à se faire inscrire à Paris.
Cette lettre n'est pas datée.
(2) Tarbé s'occupait activement de rétrocéder son appartement. Vn de ses amis
lui écrit de Rouen, le 15 septeni])re : «... Mariette doit avoir son logement chez
M. Loiseau, député ici du pouvoir exécutif. Je n'ai point encore vu Haitly, et je ne
le crois pas reverm de Caudebec. J'ai chargé Mariette de dire à Blutel et à Du val que
vous aviez un logement agréable à céder, et je leur fais donner votre adresse. (Arch.
mpales.)
(3) Faure lils ne ligure pas dans la composition du tribunal du 17 août 1792
(Wallon, Hialoue de la RévolutionyiA, p. 452.) Elu par la Convention du 13 mars 1793,
aux fonctions d'accusateur public au tribunal in.stitué le 10 de ce mois, il y aurait
renoncé, (Wallon, ouvt. cité, t.I, p. 66), ce qui les fit échoir à Fouquier-Tinville, l'un de
ses adjoints. Le décret du 6 juin suivant ne lui eut pas permis de les conser\-er à
cause de sa parenté avec un mend)n* dr la C«nivention,
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— 133 -
» Je pourrais vous rétorquer les choses obligeantes que vous me
dites sur ma nomination. La patrie perdra certainement au change.
Du moins. Monsieur, vous avez pu dire librement votre façon de
voir, (1) la mienne est à peu près la même, et, cependant, je serai
obligé de me taire.
» Lorsque j'ai eu Thonneur de dîner avec vous chez M. Ma-
chuel (2), vous paraissiez déplorer le sort de la France. Que sera-ce
aujourd'hui ? Où sont ces âmes sensibles, dans la nouvelle assemblée,
capables de proposer des décrets modérés et qu'on pourra écouter
encore ? Non, l'esprit républicain dominera. La famille royale est
perdue. Quelle alternative ! Ou périr par le fer du despotisme, ou
voir s'établir une république de 25 millions d'hommes égaux de
droits ; enfin, plus de monarchie chez nous que par les armes des
Germains. Que de pillages I Que de sang ! Que de carnage I
» Adieu, monsieur, je vous félicite de tout mon cœur d'être
remis dans l'état de simple spectateur. C'était, à mon âge (3), le seul
rôle qui me convenait.
» Daignez agréer les sentiments les f lus vrais de mon estime et
de. ma considération .
» A monsieur Tarbé, député de l'Assemblée Nationale, rue
Basse-de-la-Madeleine, n® 20, près la rue Caumartin, à Parig (4). »
Les seize députés de la Seine-Inférieure s'inscrivirent sur le
registre spécial de l'Assemblée : Bourgois et Vincent, le 20 septem-
bre ; Bailleul, Duval , Hardy , Hecquet, Ruault et Yger, le 21
Doublet, le 22, Pocholle, le 24, Blutel et Lefebvre, le 25, Albitte,
(1) Tarbé n'avait pu dire sa pensée qu'au prix de sa liberté. Dans la séance
du 28 juin, à propos de l'adresse de Rouen contre la journée du 20 jiûn, il s'écriait
que ses collègues entendraient, malgré eux, la vérité qui les gênait. Le 26 juillet, il sur-
vint un autre incident plus grave à la suite duquel, — encore bien que Beugnot sortit
de sa réserve pour prendre très courageusement et très habilement sa défense —
r.^ssemblée infligea huit jours d'arrêt à Tarbé.
(2) Pierre Machuel, libraire, rue Ganterie, reçu membre delà Société des Amis de
la ConsUlution le 24 novembre 1790 ; notable sous la première municipalité De Fontenay;
l'un des 83 électeurs rouennais à Caudebec en septembre 1792. Il habitait une maison
dite Hôtel Saint- Wandrille, grevée d'une rente, vendue comme bien national et dont il
se rendit acquéreur le 18 décembre 1790 par 66,100 1.
(3) Faure était alors âgé de soixante-six ans.
(4) Àrch. mpales.
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- 134 -
le 26, Mariette, le 28, Faure et Delahaye, le 30. Les huit premiers
ont pu être au nombre des 371 députés présents le 21, lorsque la
loyauté a été abolie. Seuls, Bourgois et Vincent étaient à la séance
de la veille, 20 septembre, laquelle avait été réellement la première
séance de la Convention, ainsi que l'a fait ressortir M. Biré (1).
Un écrivain peudigne de foi, Robert, (2) dit que Mariette hésita à
se rendre à Paris quand il apprit que la Convention avait proclamé
la République La chose n'est pas impossible, mais l'hésitation pro-
viendrait plutôt de ce que, d'une part, Mariette venait d'être nommé
commissaire du pouvoir exécutif près le département, et que,
d'autre part, il se mariait le 24 septembre (3). En ce qui concerne
Faure et Delahaye, il est admissible qu'ils aient pu se demander
pendant quelques jours s'ils devaient se réunir à une assemblée dont
moins de la moitié des membres s'était arrogé le droit de prendre une
résolution préjudicielle, emportant des conséquences si graves.
Plusieurs députés de la Seine-Inférieure n'eurent rien de plus
pressé, à leur arrivée à Paris, que de se faire recevoir membres de la
Société des Jacobins. Ruault, Yger et Hecquet y sont admis avant
le 28 septembre, et PochoUe à une date inconnue. (4) Mariette,
Blutel et Lecomte paraissent y avoir été aussi affiliés ; Albitte l'était
sous la Législative.
Les seuls qui aient fait quelque bruit à l'Assemblée sont Albitte,
Faure, Bailleul, Hardy et Pocholle. De tous, il ne sera ici question
que pour révéler diverses particularités ignorées de leur carrière
politique, principalement celles ayant influé sur ce qui s'est passé à
Rouen.
Il est indispensable de faire quelques pas en arrière. Une sérieuse
et sanglante émeute, provenant du manque de subsistances, à la fin
(i| Journal d*un Bourgeois de Paris pendant la Terreur y p. 5.
(2) Vie des Hommes politiques,
(3) Après publication d'un ban et dispense des deux autres par levéque Gratien et
permission de labbé Périer, curé constitutionnel de Saint-Patrice, Mariette épousait le
lundi 24 septembre, à Notre-Dame-de-Préaux, près Rouen, M"« Carel qui, comme lui,
était de Saint-Patrice de Rouen. M»« Carel avait à Préaux un oncle, M. Osmont, et à
Rouen, une sœur, femme de M. Bouteiller, négociant. Asseline « ex-curé » de Préaux,
qui l'avait marié, dépose ses lettres de prêtrise le 29 ventôse an II.
(4) F.- A. Aulard, La Société des Jacobins, t. IV, p. 338; t. V, p. 169,
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— 435 —
d'août, s'était trouvée promptement réprimée et apaisée, grâce à
Ténergie de la municipalité. La Société des Amis de la Constitution
s'était émue, le 27, en apprenant qu'on était à la veille de manquer
de pain, mais bientôt elle adoptait « l'opinion très sage de cesser
toute discussion sur cet objet, » après qu'on lui eût assuré que la
commune avait toutprévu^ ce qui n'était pas absolument exact. (1).
La fin de ces troubles ne ramena point le calme dans la Société,
où se passaient des scènes peu rassurantes, pendant que les élections
se faisaient à Caudebec avec une solennelle lenteur. Le 7 septembre,
au moment où le ministre Roland annonçait leur arrivée, deux
« députés du pouvoir exécutif national provisoire », Loiseau et
Bonneville, paraissent à la séance de la Société. Le môme jour, deux
« commissaires du comité de surveillance de la commune de Paris »,
Saintex et Dufourny (2) s'y présentent aussi. Les premiers viennent
en mission pour les subsistances et entendre « les justes plaintes des
citoyens ; » ils ont sous leurs ordres deux des plus périlleux agents
de la police parisienne, dont Tun a déjà séjourné à Rouen en 1789;
mais ceux-ci ne pénètrent pas à la Société populaire. Les deux
autres, des patriotes éprouvés, engagent « tous les citoyens à faire
au Comité de surveillance de Paris, dans leurs sections respectives
ou chez eux-mêmes, commissaires, à l'hôtel du Croissant, toutes les
dénonciations propres à découvrir les complots des malveillants. Ils
montent à la tribune et y « développent, avec élocution, les vrais
principes de la liberté et de l'égalité, » et confirment la Société dans
la bonne opinion qu'elb a d'eux. Le président (Robert), paie à ces
deux généreux citoyens le tribut d'éloges qu'ils méritent. (3)
Ce quatuor de Jacobins enthousiasme la Société ; Foret qui, à
ces dates, rédige les procès-verbaux, est visiblement heureux. Le 8,
la séance allait être levée, lorsqu'on aperçoit l'un des envoyés de
de Paris. Des applaudissements réitérés l'appellent à la tribune ; il y
monte au milieu des bravos. « Chaque auditeur reprend sa place et
(1) V. Gosselin, ouvr. cité, Revue de la Normandie, 1866, p. 333, et la délibération
dn Conseil général de la Commune, du 29 août.
(2) Le premier était médecin, le second ingénieur.
(3) Phrase afTe^ctionnée par Poret qui Ta employée très fréquemment.
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— 136 —
prête son attention. M.* Dufourny parle. Les principes qu'il déve-
loppe, la momie qu'il professe, sont recueillis avec avidité. »
Le 11, Eudeline, président, félicite et remercie ces « dign^t
missionnaires d'un ministre patriote, venus ici propager Tesprit
public et les lumières philanthropiques. » L'un d'eux, Loiseau, « ré-
pond à cet hommage flatteur avec l'aisance et l'élocution qui lui sont
particulières; il parcourt successivement tous les avantages que les
sociétés populaires ont produits dans tous les lieux ,où elles sont
établies. Il démontre jusqu'à l'évidence combien leur existence est
attachée au bonheur public. . . » Loiseau, après avoir assisté à une
partie de cette séance, se lève et dit qu'il est impossible de se trouver
au milieu d'une société distinguée par ses lumières et son amour
inébranlable de la liberté et de l'égalité, sans éprouver aussitôt le
désir d'être admis au nombre de ses membres. Par un mouvement
spontané, lui et Bonneville sont successivement reçus. C'est ce jour-
là que l'opportuniste, « notre frère Fontenay l'alné, » que son poste
à la commune a empêché jusqu'ici de se rendre au milieu de ses
frères, vient prêter le serment de maintenir la liberté et Tégalité. Ces
« précautions » n'empêchent pas — au contraire — que « le maire
Fontenay » commette « l'injustice et l'abus » d'obliger l'un des
agents de Bonneville et Loiseau à cesser de s'acharner après le né-
gociant Morainville, et à rendre à celui-ci un cheval.
Danton a envoyé à la Société quantité d'exemplaires d'un pla-
card : « Compte rendu au peuple français » qu'aucun des afficheurs ne
veut apposer parce qu'ils sont menacés de coups de bâton. Le pré-
sident, Lecanu, en avise MM. les commissaires du pouvoir exécutif,
et les engage à user de tout le pouvoir « dont la nation les a investis »
pour faire cesser ces menaces et ces abus. Peu après, un incident naît
de ce qu'un placard porte : « compte rendu au souverain et non au
peuple souverain. Les commissaires interviennent et éclairent le
peuple : « La souveraineté est dans le peuple, vérité que personne ne
peut méconnaître. ))
Albitte, le premier élu de Caudebec, vient à la séance de la
Société du 14 septembre, ainsi que le frère Lecointre, (1) député,
(1) Laurent Lecointre, négociant et commandant de la garde nationale à Versailles,
administratevir de Seine-et-Oise, premier élu des quinze députés de ce département, en
septembre 1792, âgé alors de quarante- trois ans.
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- fST-
réélu comme lui. Depuis le 17 août, tous les deux sont en mission
dans le département pour la levée des trente mille hommes. Ils ont
invî (é les citoyens à s'armer et à se rendre au camp de Meaux. C'est
Yvelin qui préside et qui félicite Albitte, « cet homme courageux
qu'a su résister à une cour perfide. . . » Le frère Albitte proteste que
sa conduite fut celle d'un homme qui aime son pays ; que, sous le
joug des despotes, ses actions eussent été regardées comme des
vertus, mais que chez un peuple libre, ce n'est qu'un devoir. Il fait
une « courte analyse des crimes et conspirations de la Cour, des
horreurs qu'elle avait machinées pour courber de nouveau la tête des
Français sous le joug du despotisme, puis un tableau consolant du
patriotisme et des efforts des liabitants des contrées qu'il a par-
courues. Lecointre, à son tour, énumère rapidement les devoirs des
sociétés patriotiques et recommande l'observation religieuse et
scrupuleuse de la loi.
Hardy vient le lendemain. Il répond à l'accueil flatteur qu'on
lui fait en promettant de se montrer toujours le même au poste
d'honneur qui lui est confié. Et pour prouver qu'il n'a pas varié,
après la lecture de quelques articles de la Chronique de Rouen, il
s'indigne bruyamment avec Blanche, Durand, Lamine et Hubert de
voir encore subsister ce journal. Ils parlent d un arrêté pris par les
électeurs (?) pour sa suppression, et Hubert fait observer que le
procès- verbal (?) ne mentionne pas cet arrêté (1). On envoie incon-
tinent quatre délégués vers les commissaires du pouvoir exécutif
pour obtenir l'anéantissement de cette feuille aristocratique. Les
délégués reçoivent cette réponse : Les commissaires n'ont pas le
pouvoir (ie supprimer la Chronique, mais ils s'occuperont de l'em-
pêcher de répandre le poison.
Bonneville et Loiseau ne tardent pas à découvrir un moyeii :
c'est de supprimer lé journaliste. Ils l'appliquent en emprisonnant
Leclerc le jour-même 1 Mais les divers administrateurs de Rouen
n'étaient pas encore suflBsamment familiarisés avec ces procédés
expéditifs et bientôt ils trouvèrent que MM. les comiùissaires dépas*
(1) Il s'agit là vraisemblablement d'une mesure du Comité central des sections
qu'on s'efforçait d'organiseri
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— 138 —
saient la mesure 6t<lemandèrent qu'ils fussent rappelés. Dans leur
ardeur, les agents de ces messieurs ne s'en prenaient pas seulement
à des journalistes, ils allèrent jusqu'à incarcérer MM. Dérubé,
maire de Lillebonne, et Ledran (1), maire de Saint-Léger-du-Bourg-
Denis, qui ne se prêtaient pas à leurs réquisitions 1 Après cela, les
autorités constituées ne pouvaient plus rester indifférentes.
Dufoumy rendit compte aux Jacobins de Paris, le 9 octobre,
de sa mission à Rouen, « où il avait trouvé, après les troubles -de
septembre, le drapeau rouge flottant sur la maison commune, et où
il avait exterminé trois journaux qui égaraient le patriotisme » I (2)
Le séjour de ces envoyés noua ou resserra les liens entre
les Jacobins de Paris et les principaux révolutionnaires
rouennais : Lecanu, Lamine, Pillon, Poret et autres. Les effets de
rimpulsion qu'ils avaient donnée aux patriotes se j&rent sentir
longtemps dans la Société.
Lorsqu'ils eurent quitté Rouen, on crut pouvoir essayer de faire
revenir la Société sur une résolution à laquelle ils n'avaient pas été
étrangers. Après une discussion soutenue pendant trois jours, la
Société avait décidé, le 25 septembre, de rayer du tableau de ses mem-
bres ceux qui avaient été députés à la Législative. Le 18 novembre,
on osa demander que cette délibération fût rapportée. La discussion
fut reprise le lendemain, mais « après un débat très long et très
animé », la Société passa à l'ordre du jour.
La séance du 16 octobre fut consacrée à la mémoire du citoyen
Beaurepaire, le héros de Verdun.
Le 17, un membre dénonça le département qui conservait encore
le buste de l'infâme Lafayette. Plusieurs frères se joignent à lui
et s'acheminent vers le département pour lui demander la destruction
de cette image scandaleuse. Bientôt, ils reviennent de la mission dont
ils s'étaient « spontanément » chargés et annoncent que le buste
dénoncé est celui du citoyen Thouret et non celui du traître La-
fayette. Ils disent qu'un vil espion, les ayant devancés au départe-
ment, n'a pas rougi de désigner au citoyen Le Vavasseur, qui présidait,
(1) Ledran fut mis en liberté le 27 septembre.
(2) F.-A. Aulard, la Sociéié des Jacobins, t. IV, pp. 368, 870 et 373.
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le citoyen Lefebvre comme étant le dénonciateur. « Ils ont dédaigné
de répondre à ce mouchard, qu'ils vouent au mépris. »>
Les citoyens Lefebvre, Tellier et Lidon (1), commissaires en-
voyés par la Convention pour s'occuper des subsistances, assistent à
la séance de la Société du 11 novembre.
Cette question des subsistances ne passionne pas encore les Rouen-
nais. Ils s'en préoccupent forcément, mais sans y mettre beaucoup
plus d'entrain que pour celle du partage des communaux, qui donne
lieu a des discours de Descroisilles, Néel et Thiessé.
L'introduction du divorce dans les lois nouvelles n'occupe à au-
cun moment la Société. Les ménages désunis de Rouen ne se hâtent
point de profiter de cette innovation due à la Législative qui, le 18
août, avait proclamé la dissolubilité du mariage. Le premier divorce
à Rouen n'eut pas lieu le 12 septembre 1792, comme on l'a
dit par suite d'une confusion, mais seulement le 9 décembre suivant,
devant Henry Adam, oflScier public. Le nouveau régime matrimo-
nial y fut inauguré par Marie-Catherine Piedeleu, matelassière, âgée
de soixante-cinq ans, originaire de Saint-Aubin-jouxte-BouUeng,
et qui s'était, deux ans auparavant, mariée à Jean Bénard, â Saint-
Jean-d'Elbeuf. Bénard était absent depuis longtemps et, parti
pour aller au service, n'avait donné aucune nouvelle, ce qui était
attesté par un acte de notoriété devant Legingois, notaire à Rouen,
du 4 décembre. (2)
(1) Leur mission s'étendait aussi aux départements de Seine-et-Oise, Eure, Aisne
et Somme. D'après M. Aulard (la Révolution Française de juillet 1892) elle résultait d'un
décret du 30 novembre» c'est-à-dire postérieur à leur arrivée à Rouen. Julien Lefebvre,
de Nantes, fut Tun des 73 proscrits, Âmand-Constant Tellier, de Seine-et-Marne, et
Bernard-François Lidon, de la Corrèzè, se sont tués Tun à Chartres, à la fin de Fan m,
Taulre à Bayeux, le 24 brumaire an ii.
(2) Elle se remaria quinze jours après à Antoine Massue, vinaigrier, demeurant —
comme elle — rue des Champs. Le second divorce de Rouen fut celui des époux
Defresne-Maille, du 18 décembre, en conséquence d'une séparation de corps du 6 du
môme mois, résultant d'une sentence du tribunal du district, le 13. A partir de janvier,
les divorces deviennent plus nombreux. Il en est plusieurs qui eurent des suites fort
étranges.... A Paris, le premier divorce fut prononcé — avant la loi du 20 septembre —
mais bien entendu après la déclaration du 18 août, par le Juge de paix de la section
de 92, le 12 septembre entre les époux Boucher-Caux, pour incompatibilité d'humeur,
{Journal de Rouen, du dimanche 30 septembre, p. 468, d'après le Moniteur). Horcholle a
reproduit ce fait divers et M. Gosselin (Revue de la Normandiey 1866, p. 509) a cru que
cela s'appliquait à Rouen.
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— 140 —
Il est, au surplus, une question qui prime toutes les autres et qui
est mise à l'ordre du jour quand arrivent les trois conventionnels :
Louis Capet le dernier peut-il ou doit-il être Jugé ? par quel tribu-
nal ? et, s il est jugé, sera-t-il exécuté f L'affirmative et la néga-
tive (?) sont soutenues. Le 23, Lecanu et Ferrand parlent pour l'affi-
mative. Thierry — le futur conseiller à la Cour royale — combat les
partisans de l'inviolabilité. Le 25, « un membre » conclut que le
ci-devant roi doit être jugé, que la Convention faisant les fonctions
de Jury peut le décréter d'accusation et l'envoyer en jugement devant
la Haute-Cour nationale ou tout autre tribunal. La société sentit
enfin la stérilité de ces débats sans influence sur ceux de la Conven-
tion. Lecanu se rend à Paris et la tient assidûment au courant, sans
doute avec plus de détails que Blutel, Hardy et Mariette, dont la
correspondance était momentanément devenue rare.
Dans les circonstances graves, les seize députés de la Seine-
Inférieure n'ont guère modifié la ligne de conduite indiquée par
leurs votes lors du procès du roi où tous — môme Faure — décla-
raient le roi coupable, où Albitte et PochoUe, seuls, opinaient pour
la mort, et les quatorze autres pour la détention et le bannissement.
Ils votèrent les mesures contre les émigrés et les prêtres et nombre
de rigueurs affirmant la marche en avant de la révolution.
Lee 13 et 14 avril, Albitte fut seul à déclarer qu'il n'y avait pas
lieu de mettre Marat en accusation et encore ajouta-t-il, « quant à
présent », tandis que Bailleul, Bourgoîs, Delahaye, Doublet, Hec-
quet, Lefebvre, Ruault et Vincent furent pour laffirmative. Blutel,
Duval, Faure, Hardy, Mariette, PochoUe étaient absents (1).
Les séances de la Société populaire permettent alors de suivre
la révolution, pour ainsi dire pas à pas.
En mars, la Société voit apparaître chez elle les représentants
du peuple PochoUe et Saladin chargés, disent-ils, par un décret
du 9 (2), d'activer les opérations du recensement, et, ce qu'ils se
(1) Aulard, la Révolution Française, juillet 1897. Réimpression de l'appel nominal
sur Marat qui n'est ni au Moniteur^ ni dans aucun autre journal du temps et est devenu
rare; il figure cependant dans le catalogue de la bibliothèque de M. Renard, de Caen.
(2) A cette date, la Convention envoyait 8Î représentants en mission dans les dépar-
tements. Le décret était signé : GenBonné, président ; Huard, Mallarmé et Jullien.
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— 141 —
dispensent de dire, de faire arrêter « tout homme soupçonné d'être
coupable d'un délit contre la sûreté générale » (1). Ils ont été d'abord
témoigner à la municipalité le désir de se réunir au milieu des sec-
tions dans les églises de Saint- Vivien, Saint-Ouen, Saint-Godard,
Saint-Eloi et dans la Bourse couverte, afin de les entretenir des
dangers de la patrie et de leur rappeler qu'elle a besoin de défenseurs.
Ils seront accompagnés aux sections des citoyens Rondeaux, maire,
Pillon, Lecanu, Carré, Pouchet, Anquetin, Eudeline et V. Groult (2).
Pocholle monte à la tribune de la Société et prononce un discours
« sur les circonstances actuelles, invita toire pour le recrutement ».
Il est souvent interrompu et applaudi et cependant il constate que
ceux qui lui font cet accueil retardent sensiblement sur la Conven-
tion. Il est étonné « de voir encore à la tribune le buste d'un homme
qui a trahi sa patrie ! Il n'a pas eu le temps d'achever son observa-
tion que plusieurs membres de la Société se sont portés à cette
tribune et ont jeté à terre le buste indigne de rester plus longtemps
dans cette enceinte ». — Ce buste est celui de Mirabeau. Le 11 mars,
peut-être en prévision de la visite prochaine des deux conventionnels,
on avait demandé qu'il fût retiré. « Mirabeau restera, » dit triom-
phalement le procès-verbal, rédigé par Bignon l'aîné. Mais le procès
du roi avait trop déprécié le grand orateur pour qu'il conservât
plus longtemps la faveur des patriotes.
Le peu d'empressement des Rouennais à s'enrôler attirait l'atten-
tion de la Société et des autorités constituées longtemps avant
l'arrivée de Pocholle et de Saladin. Chez les Jacobins, qui font pro-
fession de patriotisme à tout propos, les choses se passent moins dis-
crètement et pourtant sans plus d'entrain qu'ailleurs. Il s'y produit
des incitations que leur singularité autoriserait à attribuer à des gens
désireux de faire ressortir le peu d'empressement des Jacobins « à
voler à la défense de la patrie. »
Le frère Delaporte, un vainqueur do la Bastille, le seul que
Rouen puisse se vanter de posséder, vient le 15 mars, Pocholle et
Saladin étant-là, s'indigner de ce qu'il est question dans sa section
(1) Moniteur du 11 mars. •
(2) Archives municipales. Registre des déliljérations.
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— 142 -
d'ouvrir une souscription pour avoir les trois hommes de son con-
tingent. Lui, du moins, prêche d'exemple : « Je m'enrôle volon-
tairement, dit-il; que tous les républicains fassent comme moi et la
patrie ne pourra qu'en profiter. » Il est « généralement applaudi. »
On l'honore d'une mention civique- et d'un diplôme. Delaporte n'en
est pas ébloui. Avec plusieurs sociétaires, il excite les tribunes à
s'enrôler volontairement. Lémery déclare que s'il se présentait seule-
ment quatre hommes, il marcherait à leur tête comme volontaire et
donnerait sa démission de commissaire des guerres. La seule réponse
qu'ils reçoivent, c'est une « lettre de Prudhomme à ses amis sur les
circonstances actuelles. »
Le lendemain, 16, la scène, plus pénible, se renouvelle, sous les
yeux des représentants du peuple. Lémery monte à la tribune et
invite tous les citoyens célibataires de la Société à s'enrôler comme
lui vient de le faire. Il est « beaucoup applaudi, mais, dit littérale-
ment le procès- verbal, personne na sut ci son exemple. »
Néel propose et décide par acclamation que tous les célibataires,
membres de la Société, qui sont dans la classe des citoyens appelés à
la défense de la patrie, soient soumis à un scrutin épuratoire, pour
savoir quels sont ceux qui, dispensés pardes considérations majeures,
ne déméritent point de la patrie pour ne pas s'étro enrôlés. . .
Le 18, le général la Bourdon naye arrive à Rouen. Un brevet du
pouvoir exécutif provisoire, du 9, signé Garât, président, et Ber-
nonville, l'a nommé commandant des troupes de l'armée des cô(es,
réparties dans les 12®, 13*, 14* et 15® divisions militaires. Il est
accompagné à Rouen par le souvenir de ses succès devant Lille et
Tournay, glorifiés en leur temps par le Journal de Rouen. (1) C'est
le premier général qui vient à la Société populaire (2). Il y
(1) Numéro du 14 novembre 1792. Vers présentés au général par un grenadier de
son armée.
(1) Anne-François-Auguste de la Bourdonnaye était à ce moment âgé de quarante-
six ans. Je crois qu'il n'était plus à Rouen lorsque le général Le Veneur et son aide de
camp Hoche, qu'il avait dû connaître à l'Armée du Nord, y vinrent. Le Veneur awiit
été arrêté à Neufchàtel-en-Bray comme complice de DunKnu-iez. La Bourdonnaye
mourut huit mois après à Dax. Je n'ai pu vérifier s'il était de la même famille que
Charles-Esprit-Marie de la Bourdonnaye de Blossac, des quatra jeunes enfants (l'aîné
avait dix ans) duquel le citoyen Lebret (qui avait épouse ime demoiselle lïue deMiroraé-
nil, ayant droit comme le général Le Veneur à la succession d'une Languedor de Rec-
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y^m'
— 148 —
prend la parole le 18, assurant qu'il s'est toujours fait un plaisir de
fréquenter les sociétés patriotiques, racontant qu'il haranguait tout
à l'heure une compagnie de canonniers qu'il a trouvée à la Commune
et qu'il leur a dit qu'ils devaient savoir qu'ils étaient faits pour sou-
tenir l'arbre de la liberté et la dignité de la nation. Visiblement,
La Bourdonnaye aime à discourir et c'est à ce point de vue le digne
prédécesseur de plusieurs officiers généraux venus à Rouen (1).
Quelqu'un profite de sa présence pour engager encore les
citoyens à le suivre à la défense de la patrie ; un autre invite le géné-
ral à envoyer les gardes nationales sur les frontières maritimes.
Le général reprend la parole pour improuver le mode de payer les
volontaires. L'importun Delaporte revient offrir aux citoyens des
tribunes qui voudraient prendre parti pour la défense de la patrie le
résultat de la bourse faite dans sa section. La Société le gratifie d'un
sabre et le général le présentera pour un brevet de sous-lieutenant.
Le lendemain, ce sabre lui est remis « avec un baiser de paix » !
Delaporte a jeté le malaise dans les esprits et contribué à réveil-
ler le patriotisme de la Société où par la suite les offrandes affluent
pour les volontaires dont la première division part le 24 mars. . . On
n'en continue pas moins à discuter une pétition afin que les céliba-
taires de dix-huit à quarante ans soient obligés, par la voie du sort,
daller aux frontières sans pouvoir se faire remplacer.
Thomas, morte à Neufcliàtel), présentait à la municipalité de Rouen, le 6 mars, c'est-à-
dire douze jours avant l'arrivée à Rouen, du général La Bourdonnaye, une pétition qui
fut suivie d'une délibération confiant au même Lebret la garde de ces enfants, qu'il
de\Ta élever dans l'amour de la révolution et des lois et représenter toutes les fois que
la municipalité Texigera. L'aïeul de ses pupilles, Paul-Esprit Marie, marquis de la Bour-
donnaye, comte deBlossac, marquis de Tymeur, ex-intendant de Poitiers, s'était réfugié
à Rouen, rue Beauvoisine, 140, depuis le 13 juillet 1792. Emprisonné, il fut mis en
liberté par ordre du Comité de sûreté générale, le 10 vend, an Ji. Il se trouvait encore à
Rouen, en messidor an ni.
(1) Parmi ces généraux sont à citer la Morlière, qui vint quelquefois à la Société
populaire, et Danican qui ne put y venir parce qu'elle n'exi.stait plus, mais qui alla
pérorer devant les administrateurs. Arrivé en mars 1794, peu de jours avant Casenave,
il se trouva mêlé à divers incidents. Le surlendemain de son équipée à la tète des
sections révoltées contre la Convention, en septembre suivant, sa maîtresse, son flls,
son domestique, son ordonnance et Brignon, son adjudant-major, furent- an*êtés àRoueu
et de là conduits à Paris. Casenave ayant trouvé dans les papiers de Danican un billet
de 50 louis d'or soascrit au profit de celui-ci pai* Jean-Louis Albitte, fit poursuivre ce
dernier, t-omnie lui député à la Convention.
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- 144 .-
Enfin, le 7 avril, un citoyen des tribunes, Christophe Hermier,
offre de marcher à la défense de la patrie « avec les membres de la
Société et seulement avec eux. . . » La Société lui accorde unanime-
ment les honneurs de la séance. Très judicieusement — et non moins
prudemment — le citoyen Poret fait observer que tous les citoyens
inscrits sur le registre delà garde nationale, étant à la disposition de
la guerre, il ne leur est pas permis de s'inscrire pour partir sans
ordre ! Le citoyen Le Contour parle dans le même sens. Hermier
finit par s'apercevoir que sa manifestation n'a pas été du goût de tout
le monde, il « cherche à expliquer ses intentions » et la Société se
débarrasse de cet autre fâcheux en arrêtant que son nom sera ins-
crit au procès- verbal « en très grosses lettres, » ce qui a lieu ! Après
cela, les ennemis de la France n'ont qu'à bien se tenir.
En ces jours-là, Lemonnier, membre de la Société, est frappé
d'une peine disciplinaire, consistant dans l'interdiction pendant deux
mois de prendre la parole, pour avoir écrit au ministre sans autori-
sation. Lemonnier, mécontent, s'insurge et rédige, en vue de l'éta-
blissement d'une autre Société, sous le titre d'Amis de la liberté et
de V égalité, un projet que Godebin lit dans la séance du 10 avril. La
Société, dédaigneusement, passe à l'ordre du jour, et après avoir
interpellé Lemonnier, qui refuse de répondre, elle le raye du tableau
de ses membres. Quelques jours après, la Société reçoit et son pré-
sident lit une lettre signée : Leclerc, secrétaire de cette soi-disant
Société des Sans-Culottes de Rouen. C'est le titre qu'en réalité elle
a choisi. La lecture de cette lettre est « suspendue par l'impossibilité
de l'entendre jusqu'au bout »(?)
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-145^^
CHAPITRE SEPTIEME
La Société Populaire (suite), — Les troubles de la GonTention. — La question des
suppléants — La citoyenne Bouillon. — Profession de foi sur les portes. — Lamine
soustrait une lettre de Blutel — Blntel dénoncé. — Un discours de Saladin —
L'Adresse du 25 Mai — Poret censuré — Bignon et Haraneder devant la Conven-
tion. — Compte-rendu de leur mission. — Le Fédéralisme — Roland, Buiot et
PétiOB à Rouen. — Le discours d'Anquetin et Tarrété du département (14 juin). —
ScissioB avec les Jacobins de Paris. — Les suites du Fédéralisme. — PochoUe et
Carrier. — Descroisilles et Bignon détenus et Haraneder récompensé. — Vraies
causes des hésitations f édérdlistes des rouenoais, d'après Hébert (lepère Duchéne).
— Députés eielns et arrêtés. — Les suppléants.
I
L'Assemblée conventionnelle — on la nomme ainsi parfois —
donne au monde le pitoyable spectacle de débats personnels, irritants,
et oublie, pour de misérables récriminations et dans le déchaînement
de haines mortelles, les grands intérêts de la France. Si Thouret a
des loisirs, il songe sûrement à modifier celui de ses rapprochements
historiques avec la révolution actuelle où il explique que, sous la
royauté, le gouvornement des français fut agité sans cesse par tant
d'entreprises et de disputes au sujet de Tautorité publique, pour
n'iivoir pas été établi et réglé par une constitution (1).
La Convention précipite les résolutions violentes ; ses séances
sont remplies par les ordres d'arrestations sensationnelles, telles que
celles des Broglie, du duc d'Orléans et de ses fils. L'agitation est
entretenue et mise à son comble par les débats du tribunal criminel
extraordinaire, la défection et la mise hors la loi do Dumourier (2) le
(1) A bhfgé des Révolutions de Vancien Gouvei-nemeni français, par Thouret, pour
l'instruction de de son fils, p. 297.
(2) Séances du 25 avril 1793. — Des meml)ros de la famille Dumourier, dont le
souvenir étôH 4)rol)ablempnt perdu pour les rouennais de 1793, avaient habité Rouen,
Neufchàtel-en-Bi*ay et Pont-Audemer. François Etienne de Fontenay était directeur des
aides, à Neufchâtel-en-Bray, lorsquen deuxièmes noces, en mars 1738, il épousa à
Saint-Sulpice, de Paris, Marie-Anne du Périer du Mourier, tante du général (Reg. de
VElal-Civil). L'une de^ filles de M. de Fontenay épousa le général, son cousin geimain,
en -1774. Une autre tahto du général, sœur de M"' de Fontenay, devint, en premières
noces, inarfpiise de Saint-Auvent, puis épousa, en deuxièmes noces, Legris de la
Poterie, lieutenant-général au bailliage de Pont-Audenif r, ville qu'elle habita de 1762 à
1774 (Georges Monval, le Laquais de Molière, 1887|, Le nom de famille de M. de
Fontenay était Etienne,
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- 146 -
discours de Robespierre aux Jacobins proposant de lever une année
révolutionnaire, l'adresse de la section de la Halle-aux-Blés deman-
dant l'échafaud pour Roland, le colloque exaspéré de Robespierre et
de Pétion, l'arrestation, la mise en accusation et Tacquittement
triomphal de Marat, la courte détention, à Rouen, du général
Le Veneur, soupçonné de complicité avec Dumourier, sa comparution
avec son aide de camp Hoche, devant les administrations départe-
mentale et municipale, la réapparition à Paris, parmi les meneurs
de cette période, de Dufourny, cette vieille connaissance des jacobins
rouennais, et de Maillard, connu non-seulement à Gournay et à
Fleury-la-Forêt, pays de ses familles paternelle et maternelle, mais
aussi à Rouen, où il a des parents parmi les révolutionnaires et les
royalistes (1), contribuent sans doute à grandir l'émotion des
gens qui suivent de près les événements. La pétition des sections
parisiennes (15 avril), réclamant l'exclusion des vingt-deux députés,
parmi lesquels Hardy qui fut le président, le préféré de la Société
populaire de Rouen, dut impressionner au plus haut point les
membres de cette société.
Nonobstant, les deux partis qui existent dans la Société s'obser-
vent et gardent longtemps une attitude qui ne fait guère pressentir
les déchirements furieux et les scissions irrémédiables dont les
orages politiques des 31 mai et 2 juin seront les principales causes .
Dans les premiers jours d'avril, les procès-verbaux, par leur
irrégularité, témoignent d'une sorte de désarroi. La Société a sûre-
ment été avisée et, dans tous les cas, le Journal de Rouen lui a
appris, le 4 avril, que le Convention n a été qu'incomplètement
rassurée par la démarche de la municipalité de Paris, venue lui
annoncer la dissolution d'un Comité de salut public des sections
correspondant avec tous les départements, création dont la perâdie
était immédiatement apparue. En effet, l'Assemblée, le l^^nvril, va,
séance tenante, s occuper de grandes mesures pour assurer la tran-
quilité et sauver, si c/le le peut, la chose publique (2).
Le 4 avril, surviennent un incident et une résolution d'une
(1) Les parents auxquels il (»st fait illusion ici ne portaient pag le nonn d«» Maillard.
12) Jownal de Rouen du 4 avril.
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- 147 -
gravité exceptionnelle. La lecture de la correspondance de la Société
est interrompue par la motion de proposer aux corps administratifs
de former à Rouen un bataillon pour voler au secours de Paris et
partir le lendemain. Ce projet est suivi d'un aulre plus étendu dans
le môme sens. Tous les deux pourraient bien n'être pas spontanés
autant qu'ils le paraissent, car le président annonce la présence, dans
la salle, d'un des Amis de la Liberté et de r Egalité, de Paris, lequel
a demandé d'envoyer deux députés h la Convention pour le même
sujet. La Société envoie, vers la commune de Rouen, quatorze com-
missaireS; dont huit des tribunes, lesquels exposent au conseil général
les dangers immédiats de la République, et l'invitent à s'environner
à*un corps de réserve de deux cents hommes et à requérir deux batail-
lons de la garde nationale pour se rendre auprès de la Convention et
la garantir des ennemis de la chose publique. A son tour, la Commune
envoie au département son comité de la police intérieure avec les
commissaires de la Société qui expliquent qu'il s'agit de secourir la
Convention menacée par un général rebelle (1). Les deux bataillons,
à offrir par une adresse, devront être prêts à partir au premier ordre.
La Commune, dans son adresse» reçue avec applaudissements, fait
l'offre non pas pour secourir la Convention et Paris, mais « pour
repousser du territoire français l'invasion de nos ennemis » (2).
L'ordre d'envoyer les bataillons no vint pas et les conventionnels
se disputaient toujours bruyamment.
Le 13 avril, un membre de la Société de Rouen s'exclame sur
ce que Roland demande des commissaires pour réviser ses comptes
et calomnie encore les patriotes, ainsi que le font les Vergniaud et
(1 ) Reg. di| dépai**.
(2) C'est évidemment à ces démarches, qui ne furent pas tenues secrètes (v. Jour-
nal de Rouen du 5 avril, p. 472), que se rapporte une enveloppe avec cette suscription :
« Aux citoyens députés do la Soine-Inférieure à la Convention Nationale, chez le
citoyen Duval, Fun d'eux, rue Saint-Honoré, cul-de-sac Dauphine, à Paris » , revenue à
Uouen avec ces mentions prises pour sa décharge par le courrier extraordinaire : « Le
courrier est parti (de Rouen à \\ heures du soir. — Hocu à 8 h. du matin. Signé : Duval.
- J'ai reçu auj( U'^d'hui Jeux lettres adressées au président de la Convention nationale,
qiii m'onl été remises par le citoyen Paul î^npruille, courrier, venant de Rouen. Paris,
lo 5 avril. Signé : BcrUiolk\t, hui.^sier de la Conv.?ntion Nationale » (Arch. nipales).
Vadressc, précédée d'une lettre du département fut lue dans la séance de la Convention
du 5, à 10 h. du matin, {Journal iio Rouen du 10 avril),
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-148-
autres. Ce membre dénonce le Mercure universel. Un autre veut
l'ordre du jour sui* cette dénonciation, parce que, dit-il, on doit
« désirer que les journaux nous donnent les plus grands détails sur
Roland ; nous ne pouvons fixer notre opinion sur son compte jusqu'à
ce qu'il ait été jugé, et sur Vergniaud et autres parce que, dans les
discussions qui occupent la Convention, il est impossible que des
agitations n'aient lieu, vu la grandeur des intérêts qui lui sontconfiés. »
Sur ce point précisément, les membres de la Société populaire
sont partagés. Tandis que les uns s'affligent des débats scandaleux de
la Convention et souhaitent qu'elle cesse les dénonciations indivi-
duelles pour s'occuper de la chose publique, les autres, les Monta-
gnards, croient qu'il est nécessaire qu'elle entende les accusations
réciproques afin de connaître les vrais coupables « puisque, dans ce
moment de crise, nos ennemis peuvent payer des traîtres jusque
parmi nos représentants. » On émet même le projet d'un scrutin
épuratoire des députés, écho d'un semblable émis à Paris pour
purger la Convention. Des formalistes voudraient que les dénoncia-
tions échangées par les députés fussent signées. Et alors quelqu'un
demande l'ordre du jour motivé « sur les passions des hommes, sur
les intérêts qui les inspirent, et sur ce que probablement la fin de
cette grande agitation aura lieu avec la reconnaissance des coupables
de la trahison qui a manqué de nous perdre. » Il est voté, malgré de
nouvelles observations de Bignon à lappui de l'Adresse projetée.
Vers ce temps-là, une idée juste, peut-être déjà mise en avant
ailleurs, mais qui ne parait avoir guère préoccupé la Convention, est
discutée dans la Société populaire.
Rouen avait reçu en premier lieu la visite d'Albitte l'aîné,
chargé d'une mission par la Législative, et qui en profita pour
préparer sa réélection; puis celle de Lidon, Tellier et Lefebvre,
envoyés par la Convention, le 11 novembre, dans cinq départements.
PochoUe et Saladin, arrivés le 15 mars, faisaient partie des quatre-
vingt-deux représentants nomrhés le 9 mars commissaires p#ur le
recrutement, et qui s'occuperont d'une foule d'autres choses. Faure,
Blutel, Hardy et Yger, dont l'appel nominal sur Marat constate
l'absence aux 13 et 14 avril, faisaient peut-être partie aussi de ces
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-149-
quatre-vingt-deux. (1) Mariette et Duval étaient partis en mission
dans rOrne.
Emue à la vue des couples et des trios de représentants qui
voyagaient et séjournaient loin de l'Assemblée où ils devaient siéger
et où, sans eux, on délibérait sur les intérêts nationaux; privés ainsi
de ceux de ses députés auxquels elle tenait le plus, la Société
populaire s'en alarma et voulut protester.
Le 14 avril, un de ses membres propose que dans l'adresse qu'on *
a décidé d'envoyer à la Convention, pour l'inviter à se calmer, il soit
dit que les suppléants remplaceront les députés partis en mission ;
mais le débat se trouva déplacé et Tordre du jour voté I
Le lendemain, Lefebvre, appuyé par Lenormand, fit rouvrir la
discussion. Haraneder, un nouveau venu dans la Société, fit observer
que la mesure de l'appel des suppléants était indispensable au salut
public. Gamare, accidentellement pris de scrupule, prétendit que
les Sociétés populaires n'avaient pas le droit de faire une pareille
adresse, qui attenterait à la souveraineté du peuple. Bignon, le
jeune, répliqua qu'elles avaient le droit de faire des adresses ayant
pour but le salut public.
Bignon, l'alné, diffère des préopinants sur le fond : L'équilibre
de la représentation nationale se trouvait rompu, les députés en
mission se trouvant dès lors considérés comme n'étant plus députés,
et, néanmoins, correspondant avec la Convention, et prenant des
mesures en son nom, d'où la représentation se trouvait augmentée I
Lefebvre et Bignon le jeune détruisent cette objection, on ne dit pas
comment. Gamare reparaît pour exprimer l'opinion, peu flatteuse
pour les suppléants, que ceux-ci seraient incapables de suivre les
opérations de la Convention. Godebin s'élève à son tour contre l'en-
voi des suppléants et produit un argument nouveau : plus on enverra
de députés, plus on aura de frais I
Le président (Cartier) met aux voix et il est décidé qu'on de-
mandera le remplacement des députés en moins par les suppléants.
Le 16 avril, un membre de la Société, peut-être de bonne foi, avance
(1) Aucun d'eux ne figure dans la liste de quarante-un de ces députés que M. Au-
l4ud est parvenu à reconstituer [La grande mission du 9 mars ilQS)^ La Révolution
frcmçaise, 1889, p. 139 et suivftntes).
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-- 150 —
que la Convention a rappelé les députés en mission et que l'adresse
est devenue inutile. La Société arrête qu'elle n'aura pas lieu. Cepen-
dant, il lui parvient le 25 avril un exemplaire de l'Adresse de la
Société d'Aix, tendant à l'appel des suppléants, un membre s'en
prévaut pour faire remarquer que le grand nombre des députés
commissaires aux arjnées et dans les départements affaiblit la Con-
vention. Les objections antérieures se reproduisent et l'ordre du
jour clôt le débat.
Parce qu'elles aident à se rendre compte de l'état des esprits, il
faut en passant mentionner les suites inattendues données par la
Société à l'un des décrets relatifs aux visites domiciliaires, à la
recherche des suspects. A la suite d'une motion originalement
motivée, faite aux Jacobins de Paris par le citoyen Dufourny qui,
on s'en souvient, a séjourné à Rouen en septembre 1792, la Conven-
tion a ordonné, le 29 mars, qua l'extérieur des habitations, seront
aflSchés les noms, prénoms, surnoms, âge et profession des individus
y résidant actuellement et habituellcmemt.
La Commune de Rouen, le l*"^ avril, pour l'exécution de ce décret,
prend un arrêté dont elle envoie un exemplaire à la Société. (1)
L'une des personnes signalées pour leur empressement à se mettre
en règle dans cette circonstance est « la veuvedu citoyen Bouillon »{2)
au sujet de laquelle le Comité de surveillance écrit à la Société, le
14 avril, que cette citoyenne qui s'est toujours comportée patrioti-
quement, s'est conformée à la loi en mettant sur l'aflBche apposée à
sa porte les noms de dix domestiques mâles, six femelles, et cinq
enfants de ces domestiques à son service I
Aux yeux de certains révolutionnaires, cela ne suffit pas. Le
19 mai, Robert propose une adresse au peuple pour l'engager à
afficher sur ses portes sa profession de foi, dont il offre le modèle.
Par amendement, Descroisilles veut que l'inscription soit précéd^^e
de ces mots : Haine aux vois ! Godebin et Robert sont chargés
.(1) Le Joutmal de Rouen publie cet arrêté le 4 avril.
(2) Née de Banastre. L'histoire de la duchesse de Bouillon et de la famille de
Banastre pendant la Révolution est des nioins connues. Elle est des plus curieuses. On
sait que Madame de Bouillon était la sœur. . • utérine de M. de Bréauté, lequel figure
dans la Galerie Dieppoise de M« l'abbé Cochet.
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- 451 —
d'obtenir du département et de la municipalité leur agrément et un
arrêté conforme. Robert semble s'être ravisé, car le lendemain il
exprime la crainte que cette proposition n'éprouve un « frais
accueil >) de la Commune. Le Contour, procureur de la Commune, ne
comprend pas que le frère Robert ait une telle méfiance sur le
compte du Conseil général. Bref, le 26, on invite tous les membres
de la Société à apposer ostensiblement sur leurs habitations l'ins-
cription dont voici le texte définitif : « Haine aux rois et aux
tyrans, — République française, une et indivisible, — Convention
nationale. Liberté, égalité ou la mort ...» Il est peu probable que
les autorités constituées aient pris au sérieux un tel projet, digne
pendant de la motion facétieuse sortie naguère du cerveau trop
fertile en saillies de Thiessé, et qui tendait à propager les principes
de 1% Constitution chez les peuples étrangers, au moyen d'imprimés
renfermés dans des ballons à pendules !
Ces intermèdes ne parviennent pas à dissimuler complètement
l'anxiété qui s'est emparée de la Société et que justifient et aggravent
chaque jour les entreprises anarchiques des sections et de la Com-
mune de Paris. Et pourtant la circonspection des procès-verbaux,
image fidèle sans doute de celle des membres de la Société, est telle
que durant près d'un mois c'est à peine si l'on remarque un incident
. précurseur des dissensions dont l'éclat est si proche. En voici un
pourtant.
Le 18 avril, Néel préside depuis le 10 : un membre demande
qu'xme lettre écrite par le citoyen Blutel, soustraite ou perdue, soit
remise à la Société pour être lue en séance publique. Il veut que
celui qui l'a reçue soit interpellé de révéler ce qu'il en a fait et qu'à
l'avenir les lettres écrites à la Société ne soient délivrées qu'au
président, en séance. Un ami de Blutel, Mabire, dit que si la lettre
ne se retrouve pas, il lira une lettre particulière par lui reçue du
même. On décide que le président écrira à Lamine — auteur du lar-
cin — pour savoir ce qu'il a fait de cette lettre, qu'il avait en ses
mains.
Le 20, « lecture de la lettre de Blutel en séance publique, » et
le 21, d'une autre lettre des représentants Blutel et Mariette. Après
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- 152 -
discussion, rassemblée ne statue rien sur le contenu de ces missives ;
elle ajourne même la lecture d'une autre lettre de ces deux députés,
qu'un membre voulait lire. Enfin le 22, Mabire lit une lettre
justificatwe de Blutel, qui exhorte la Société à ne pas se donner des
maîtres dans plusieurs d^ ses membres. Il demande à la déposer sur
le bureau pour que la discussion soit ouverte. Un membre voudmit
qu'on répondit à Blutel que sa lettre a été lue, que la Société a
toujours confiance en lui et que la plus grande union existe dans lu
Société. — Mabire annonce ensuite que Blutel a été — dit-on —
dénoncé au comité de surveillance par un membre de la Société.
L'ordre du jour est voté sur la soustraction de la lettre de Blutel,
cette lettre ayant été restituée, et le président féru à c^ui-ci une
réponse, approuvée le 23. — Se croyant quitte, Blutel, dans una
autre lettre du 3 mai, écrit qu'il sera toujours un défeaseur du
peuple et de la liberté.
Du contenu de sa lettre, évidemment incriminé, il n'est à ce
moment rien révélé. C'est seulement dans les derniers procès- verbaux,
vers la fin de l'existence de la Société populaire, qu'on en apprend
quelque chose. De quoi s'agissait-il donc ? D'une démaroke réelle-
ment fort grave, surtout au jugement de Lamine et des amis de ce
dernier : Blutel, et Mariette comme lui, demandaient qu'on envoyât
des bataillons au secours de Paris ! C'est pour cela qu'un peu plus
tard, en juillet, ils furent expulsés de la Société.
Cependant, une notable partie de la Société populaire était
portée à suivre l'exemple d'autres Sociétés qui invitaient publique-
ment la Convention à mettre fin à ses dissensions. On avait lu l'adresse
véhémente de la Société de Caudebec, du 22 avril (1), vraisembla-
blement inspirée par Delahaye, représentant du peuple, et celles
d'Aix et de Bordeaux.
Les Bordelais, qui s'attaquaient aux anarchistes et aux agitateurs,
aux nouveaux Catilina, avaient été fort applaudis, et leur adresse
rappelait le civisme de leur ville « si célèbre dans la Révolution, »
dit le procès-verbal, rédigé par Prudhomme," le professeur d'hydro-
graphie, venu de Bordeaux s'établir à Rouen.
(4) Jowmal de Rouen du 25 avril.
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-168-
Le 3 mai, à l'occasioa d'une lettre de la Société de Ganges
^HéraoU), invitant les Sociétés à demander ime constitution, un
roueimais demande qu'on y adhère; la division qui existe dans la
CooT^ition, dît-il, est imitée dans tous les corps administratifs et
émas les Sociétés populaii^es. A l'instant même, et comme si Ton
voQlatt prouver Texaotitude de cette aflRrmation, des bruits se pro-
duisent dans la salle, le président (Néel), fait remarquer qa'àia porte
et dans les tribunes il se trouve des agitateurs qui veulent refeter
sur la Société tous les malheurs qui ont lieu dans le département.
Il a dû. être alors question de porter une adresse à la Convention.
Bîgnon l'alné a obtenu, le 6 mai, un diplôme pour trois mois,
symptôme d^un départ prochain qu'un apaisement relatif a dû faire
Le député Saladin, revenu à Rouen, prononce à la Société
populaire, le 9 mai, un « très long et très éloquent discours, » vive-
ment applaudi, et auquel répond le président (Caudron). Si Saladin
a parlé du recrutement, il n'a pu s'abstenir de plaindre ses collègues
ddJa Convention de no pouvoir plus longtemps faire trêve à leurs
dissentionents, lui qui réprouve le maratisme assez pour être empri-
sonné après le 3 octobre.
La séance si tumultueuse delà Convention, du 16 mai, à propos
delà mise en liberté du juge de paix Roux, a impressionné les
ronenns^. Chacun, à l'Assemblée nationale, fait ce qu'il peut pour
amener le trouble. On y propose d'envoyer les turbulents à l'Abbaye.
Nous irons tous, s'écrie la Montagne, mais vous ne nous empêcherez
pa»âe penser que vous favorisez les contre-révolutionnaires. L'agi-
tmtion reprend de plus belle, et aussitôt un représentant propose
d'envoyer le procès- verbal de la séance aux départements, sans doute
pour les édifier. Le tapage redouble. Tout le monde crie, personne
n'e&tmtend«i. « Ils veulent un roi, dit Marat, voilà ce qui les tour-
mente et leur fait violer tous les principes, » les principes de Marat t
Le Journal de Rouen se lamente en rapportant ces incidents :
« Rien de plus orageux, de plus déchirant que cette séance, où le
trouble règne encore en ce moment. » (1)
(i) Numéro 4u samedi 18 mai, pp. 673 et 674.
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— f54 —
C'est quelques jours après que le parti modéré de la Société a
pris la résolution définitive d'une adresse à la Convention. Il s'est cru
suffisamment autorisé par les événements pour n'avoir pas à consulter
tous les membres de la Société et il a mis son projet à exécution
avec tant de discrétion que non seulement les procès-verbaux n'en
disent rien, mais des membres — ceux dont on s'est méfié — ont
connàîséU^eide l'adresse seulement à l'heure où elle est communiquée
J^TMiti}^ bt aux autorités constituées.
X Le Journal de Noël, comrre la majorité, modérée à cette date,
de la Société populaire, tournait franchement à la Gironde. Le samedi
25 mai, il annonce un Projet d'adresse à la Convention nationale
que les citoyens de Rouen sont invités d'aller signer dans la salle
d'assemblée des Amis de la liberté et de V égalité, enclos des ci-devant
Carmes, jusqu'au lendemain dimanche au soir. Ce prgjet, dont le
journal ne présente que des fragments, est, dit-il, le fruit d'un patrio-
tisme pur, pénétré d'une juste indignation contre l'ii^fluence tribu-
nitienne qui opprimas la Convention. Il s'attaque « à ces individus
d'un jour, publicistes par famine, anarchistes par besoin, assassins
par tempérament, et veut refouler dans le néant ces enfants de la
médiocrité, et combattre le despotime sous quelque forme
qu'il se produise, se parât-il des couleurs tricolores. » On y lit
ces paroles remarquables : « Il faut enfin que la dignité nationale soit
réhabilitée ; il faut que les lois régnent en souveraines ; que le bri-
gandage descende dans les cavernes ou monte sur les échafauds ; il
est temps que le glaive des lois apprenne aux prédicants du meurtre
et du carnage que ce n'est point par le crime que les républicains
préparent le règne de la vertu ». L'adresse se termine par ces mots
non moins dignes d'éloges : « Nous jurons de faire respecter la liberté
de la Convention nationale dans son intégrité sans souflErir que nulle
atteinte soit portée à la sûreté des personnes et des opinions de tous
et de chacun de nos députés ; il n'est point pour nous de partis, de
fractions, de côtés, l'Assemblée doit être une indivisible comme la
république. (1)
(1) Journal de Rouen du 26 mai, p. 714, 2» col. Une variante de cette phrase
soulignée se retrouvera vingt jours après dans le discours d'Ànquetin, procureur-géné-
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— 155 —
Cotte adresse fut déposée, pour être signée, au local de lasociété,
aux Carmes, les dimanche 26 et lundi 27 mai, jusqu'à une heure de
l'après-midi, et ensuite dans Tun des bureaux de la Bourse, ce der-
nier jour jusqu'à trois heures.
La Société populaire en avait fait remettre dès le 25 mai, au
département, des exemplaires par deux de ses membres. L'un de
ceux-ci l'avait lue. . . Le département, dans sa séance du lundi 27, à
six heures du soir (1), entend une nouvelle lecture de l'Adresse,
puis, (( joignant son vœu comme citoyen (s/c) àcelui des signataires, »
il arrête que l'Assemblée conventionnelle qui peut seule juger et
mesurer ses périls, est invitée à requérir du département ce qu'il
peut faire pour l'en préserver, qu'elle est en droit de tout attendre de
lui contre des gens qui paraissent tout oser contre elle. . . et qu'à
peine elle lui aura désigné les coupables, il lui en aura été fait la
plus prompte et la plus éclatante justice. Le district parait n'avoir
connu que le 28, l'adresse à laquelle il donna aussi adhésion (( comme
citoyen, » déclarant partager les vœux des pétitionnaires, et que la
Convention trouvera dans tous les membres du conseil des défen-
seurs prêts à verser leur sang pour la défense et le maintien de la
représentation nationale. (2)
L'adresse, dont le Journal de Rouen avait publié des extraits le
25, déplut aux Montagnards de la Société populaire. Dans la séance
du 26, Poret prend à brûle-pourpoint la parole et en combat les prin-
cipes. Il ajoute qu'elle « a été fabriquée au sein des ténèbres. »
Plusieurs membres réclament que Poret soit rappelé à l'ordre. En
vain, le président (Caudron), l'invite à parler de la Société avec plus
de respect; il persiste dans ses déclamations. Le président déclare
qu'il le censure et que son nom sera inscrit au procès- verbal.
rai syndic, dont elle sera pour ainsi dire la base : je n'adopte point de parti ; je ne
sui^ ni Plaine^ ni Montagne, ni Vergfiiaud, ni Danton, ni Guadet, ni BobespietTe, ni
Brisiot, ni Marat, je suis citoyen et n'aime que le bien de ma patrie.
(4). Présents : de Fontenay, président ; Bouvet, Belhoste, Grandin, Basire,
Choin, membres du directoire ; Godefroy, Auber, Rigoult, Blanche, Albitte de Quiè\Te-
court, Leblond et Lambert, membreip du Conseil général ; et Anquetin, procureur-
général-3yndic.
(2) Présents : Bademer, président; Cabissol, Deschamps, Dumesnil, Bellamy,
Caudron, Vincent» Thomas, proc. s., et Milcent, secrétaire.
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- 156 -
Immédiatement après, Haraneder lit l'adresse, puis la Société
décide que toute discussion est fermée. Elle ne semble accorder
qu'une bien faible attention à la demande insidieuse de Thierry,
qui veut proposer une adresse additionnelle le jeudi suivant — jour
où il n'en sera point question.
Dans des conciliabules dont l'existence est révélée par leurs
résultats, il a été arrêté que l'adresse serait portée à la Convention
par Bignon et Haraneder, commissaires désignés par la Société
populaire (1). Ceux-ci n'ont pas dû partir le lundi 27. Leur voyago
fut vraisemblablement retardé par celui des représentants du peuple,
Ruault et Blutel, venus le 29 conférer avec le département, dans sa
séance du matin (2), sur les dangers de la patrie à raison des troubles
qui agitent la Convention, ensuite de quoi le Conseil général arrête
qu'il sera fait une réquisition générale aux gardes nationales de la
Seine-Inférieure, pour les inviter à se tenir prêtes à partir au pre-
mier ordre pour aller au secours de la garde nationale do Paris et
de la Convention, s'il en est besoin. (3)
Nos députés, on le voit, s'engagent dans la lutte ; ils ont môme
Tespoir de faire jouer à l'un de leurs collègues un rôle infiniment
plus actif. « On procède en ce moment à l'élection d'un commandant
de la garde nationale de Paris. Beaucoup de citoyens veulent que cet
homme public soit pris dans le sein de la Convention, et la section du
Panthéon a déjà donné ses voix au citoyen Vincent, député de la
Seine-Inférieure, ancien chasseur et ancien gendarme, dont la bra-
voure égale l'humanité et dont les principes attestent l'honneur. (4)
Ruault et Blutel restèrent fort peu de temps à Rouen et purent
regagner Paris en môme temps que Bignon et Haraneder (5).
(1) Dans sa notice biographique sur Nicolcu Bigtwn^ M. de la Quérière dit que
celui-ci fut député à Paris par la commune de Rouen pour éclairer la Convention sur
les sentiments de la population de Rouen. Bignon tenait sa mission de la Société
populaire.
(2) Présents : les mêmes que le 28.
(3) Reg. du dépt.
(4) Journal de Rouen du 28 mai, p. 722. — Dans la séance de la commune de
Paris du 30 mai, le vice-président proclame, au nom des 48 sections, Henriot, comman-
dant de la section des Sans-Culottes, en qualité de commandant général provisoire de
la force armée de Paris.
(5) A moins que le déplacement de Ruault et Blutel ait été amené par l'arrivée à
Paris de Bignon et Haraneder.
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— 157 —
C'est dans la séance, si mouvementée déjà, du jeudi 30 que les
députés extraordinaires de Rouen paraissent à la barre de la Conven-
tion, présentant l'adresse, approuvée par le département et le dis-
trict. En les voyant, Marat, perspicace, leur fait Thonneur de s'écrier
que ce sont deux aristocrates. L'un des deux commissaires, vraisem-
blablement Bignon, commence la lecture de ladrcsse. « La première
phrase est accueillie par des murmures de plusieurs membres, mais
le style énergique dans lequel elle est conçue, les vérités sévères
qu'elle contient, rallient autour de ses motifs la majorité de l'Assem-
blée. Quand l'orateur est venu à cette phrase : Il faut que la dignité
nationale soit réhabilitée, que les lois etc., etc., les plus vifs applau-
dissements se sont fait entendre. Une partie de l'Assemblée demande
l'insertion au bulletin ; mais l'appel nominal ayant été obtenu, l'im-
pression de l'adresse passe à la pluralité. »
On ne retrouve pas, dans ce que Bignon lut à la Convention,
l'apostrophe virulente du projet, dirigée contre « les publicistes par
famine d supprimée peut-être d'après les conseils des administra-
teurs ; mais on y voit ces expressions indignées et hardies de
« républicains qui ont juré haine aux Rois, à tous les tyrans, à tous
» les genres de despolisme : «Quoi donc, la représentation natio-
» nale, la plus sacrée que le peuple puisse former, délibère des
» destinées du genre humain, au milieu des vociférations cannibales
» des sanguinaires agents de Pitt et de Cobourg ! Elle délibère au
» nom de vingt-cinq millions d'hommes et n'a pas le pouvoir de
» comprimer les mouvements séditieux d'un vil ramas de contre-
» révolutionnaires qui osent l'insulter, jusque dans son enceinte !
» 0 honte d'une grande nation ! La plus petite fraction d'une
» commune sait se faire respecter et obéir, et la plus auguste, la plus
» imposante de toutes les autorités légitimes n'a pas de force sufïi-
» santé pour maintenir la police de ses assemblées ! . . . ))(1)
Grâce, sans cloute, h ces modifications du texte primitif,
l'adresse avait réuni 555 noms, appartenant un pou à tous les partis.
(1) Moniteur du samedi 1" juin, p. 659, 3^ col. — Journal de Roueti du. 2 juin, p. 739.
Ce n» du 2 juin manque à la collection de l« hibliotb. mfHile.
y
V X
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— 158 —
C'est ainsi que figurent parmi les signataires : Caudron, Laugeux.
F.-A.-H. Descroizilles, Dnval, O. Leclerc, J.-B. Logendre, Adeline
fils aîné, Mabire, Bérard, Pernuit, Rosticelly, E.-M.-R. Selot,
Delamare, Meslin, Prud'homme, Porlier, Gamaro, Poisson, Payen-
neville, Mariolle, Boisard, Haraneder. L. Hubert, A. Denys,
LacUenez-Heude, Cartier, Delalande, Angerville, Dumesnil, Dcla-
quérière fils, Pierre Grout, Troussey, Le Canu, Mabon, Adeline,
Rupalley, etc. (1).
Les deux envoyés de la Société populaire séjournèrent à Paris
jusqu'au 3 juin, c'est-à-dire pendant les événements décisifs qui
précédèrent les 31 mai et 2 juin, et aussi lors de ce qui se passa dans
dans la Convention à ces dates : la fermeture des barrières de la
capitale, la saisie des lettres, l'arrestation des courriers, l'adhésion
des Jacobins aux actes des sections, la « cassation » du Comité des
douze, le tocsin, le canon d'alarme, les séances improvisées et
dramatiques de la Convention convoquée à des heures insolites par
la générale battue on ne savait par quel ordre, enfin l'envahisse-
ment de la Convention, sa capitulation devant les sections, le
décret d'arrestation contre vingt-neuf conventionnels, et tant
d'autres faits qui durent impressionner au plus haut point Bignon
et Haraneder.
Dans la séance de la Société du 2 juin, la lecture de leur lettre,
apportant un récit peut-être plus circonstancié que celui des feuilles
publiques, allait être suivie de celle du ./oa/'/ia/ de Noël \ovsqu un
membre s'y opposa en demandant qu'elle ne commençât qu'à partir
de l'époque où avait fini le Républicain. D'autres voulaient la lecture
entière. Thiessé les appuya, malgré que Noël fût accusé de partia-
lité (2). La Société arrêta d'entendre la lecture toute entière.
Ensuite, Descroisilles développe les raisons qui ont provoqué
les derniers troubles de la Convention et invite tous les bons français
à se réunir pour repousser l'anarchie et faire respecter les lois.
L'impression de son discours est demandée.
(i) Arch. nationales G. 255. — Pièce originale, format couronne, 3 p. de texte, 9 do
signatures. En haut, cette note : « L'impression de cette adresse a été décidée à
l'appel nominal, ce 30 may, Fan 2. »
(2) U y a impartialité dans le procès-verbal.
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- 159 -
Lamine aussi prononce un discours et propose une Adresse aux
bons citoyens de Paris. Bignon le jeune est un de ceux qui appuient
Lamine, mais ironiquement, car il demande que les bons citoyens
soient invités à respecter la Convention et à la faire respecter par la
troupe des factieux qui existent dans Paris. Poret et Yvernès parlent
en faveur de Lamine, mais eux, sérieusement.
Thiessé leur succède et après un discours énergique et générale-
ment applaudi, propose de députer deux commissaires vers les corps
administrati^'s afin de les inviter aux mesures demandées par la
Société populaire pour la garde de la Convention.
Toutes ces questions prématurément soulevées, non résolues,
reviennent à la séance du 6 juin. Haraneder, de retour, préside, avec
Bignon le jeune pour secrétaire. D abord sont lues deux adresses des
sociétés de Bayeux et de Nîmes à la Convention. Los Nîmois se
plaignent des divisions des Conventionnels et du despotisme de la
Commune de Paris ; ils rompent toute correspondance avec les
Jacobins de Paris.
Bignon l'aîné arrive enfin et rend compte de sa mission. Son
rapport est souvent interrompu. Après lui, Haraneder est entendu et
immédiatement un membre demande que la discussion sur la question
de savoir si la Société rompra sa correspondance avec les Jacobins
soit ouverte dès le lendemain dans une séance spéciale. Sous le pré-
texte qu'une délibération antérieure s'y oppose, l'ordre du jour est
voté.
Ce que ne font pas connaître les procès -verbaux de la Société,
. non plus, d'ailleurs, que ceux du département , où les deux commis-
saires sont allés le 4 juin rendre compte aussi de leur mission,
ce sont les impressions qu'ils ont rapportées do leur voyage h Paris.
L'auteur de la notice biographique sur Bignon, qui tenait de la
bouche de celui-ci des détails sur sa ^lission mémorable, ne supplée
pointa ce silence en racontant simplen^ent que, reçu dans la Con-
vention, Bignon s'a.ssit à côté de Lanjuiûâis, de cet homme à jamais
illustre. . .
Le seul témoignage connu sur ce point est celui de Bouvet, qui,
le 12 pluviôse an II, (31 janvier 1794), devenu président de Tadmi-
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— «0 —
nistration départementale, est interpellé par la Société, au couis
d'un scrutin épuratoire, de déclarer ce qu'il sait sur ce qui s'est passé
le 4 juin au département, afin de voir si Haraneder peut-être dis-
culpé. « Bouvet atteste que Bignon seul a parlé. (1) Il cite même les
expressions suivantes dont il s'est servi : Vous connaisses, a dit
Bignon, la peinture du Paradis de Millon, Eh bien ! ce que Miïion
a dit de V enfer n* approche pas de ce que nous avons vu à la Con-
vention, » Bouvet, qui est sur ses gardes, a peur qu'on lui demande
ce que les membres du département et lui-même ont répondu, et il
s'empresse d'ajouter : « Tels ont été les termes du scélérat Bignon, »
Le 9 juin, à la Société, lecture d'une adresse du club de
Marseille, annonçant que cette ville a secoué le joug des désorga-
nisateurs, et d'une lettre de la Société d'Alençon, prononçant forte-
ment sa haine contre les anarchistes et annonçant que les autorités
d'Alençon ont envoyé des courriers à tous les départements delà
ci-devant Normandie, pour aviser au Salut public. Une lettre des
citoyens d'Auxcrre, en assemblée de commune, demande que la
Convention expulse de son sein Brissot, Gensonné et à peu près une
vingtaine d'autres. (2) A l'occasion de cette lettre s'élève une dis-
cussion qui se prolonge très longtemps, avec chaleur et au milieu de
fréquentes interruptions. Descroisilles annonce qu'un membre a dit
qu'il serait arrêté (lui, Descroisilles?) sous vingt-quatre heures. Ce
membre s'explique et Ton passe à l'ordre du jour sur ces « person-
nalités I »
Le jacobin Lamine demande qu'il ne soit fait aucune adresse
qu'elle n'ait été auparavant lue en séance publique. Lamine triomphe
(4) Sur ce point, Bouvet était contredit par un ex-administraleur du département
qui soutenait que Haraneder avait parlé. A cette séance du 4 juin, étaient présents :
Dcfontenay, Bouvet; Grandin, Basirc, Choin, Belhoste, membres du directoire; Cotelle,
Âlbitte de Quiévrecouit, Leblond, Blanche, Lambert, Godefi'oy, membres du Conseil
général et Anquetin, procureur général syndic.
(2) Il s'agit apparemment d'une adresse du 20 mai, ayant pour but de provoquer un
mouvement contre la partie modérée de la Convention. Les Sans-Culottes d'Auxerre
demandent que les Girondins soient retirés de la Convention nationale et in\itent dans
une circulaire toutes les c<)mmunes de France à envoyer un vœu semblable. (H. Mon-
ceaux, la Révolution dans Ip département de l'Yonna; essai bibliog. Paris, Lechevalier,
4890, p. 26i, n" 1427).
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- 161 -
maintenant qu'il peut aisément montrer à Bignon et Haraneder, et à
leurs commettants, que leur démarche n'a pas empêché le 31 mai et
le 2 juin.
Le 12 juin recommencent des menées dont il faut chercher les
traces un peu partout ailleurs que dans les procès-verbaux de la
Société et dans ceux des corps administratifs. A cette date, sans en
rien dire à leurs frères — oflSciellement du moins — des commis-
saires de la Société, ou plus exactement, apparalt-il, d'une fraction
de la Société, se rendent au département, qu'ils invitent à prendre
dans les circonstances actuelles « un parti qui puisse seconder le zèle
des citoyens de la ville de Rouen ». Le président, M. de Fontenay,
leur répond que tous les membres de l'administration sont, depuis
le 8, convoqués pour délibérer à cet égard. Le département a attendu
le retour de Bouvet, en mission à Dieppe, et des réponses de Gran-
din, envoyé le 8 juin à Evreux, et d'Auber, qui se trcuve à Bayeux,
auprès des représentants du peuple^ l'armée des côtes de Cherbourg.
Il n'est pas douteux qu'il a eu du 8 au 12 des données plus exactes
sur la portée de la révolution des 31 mai et 2 juin.
Le 13 juin, le Journal de Rouen met dans une violente fureur
les montagnards rouennais. « Les yeux s'ouvrent, imprime-t-il ; le
silence le plus complet équivalant dans nos principes au plus souve-
rain mépris ; il ne nous est guère arrivé de parler de Marat, idole
d'un peuple trop longtemps abusé, de Marat que nous sommes loin
de confondre avec cette foule de citoyens dévoués à la révolution,
qui furent les premiers fondateurs du club de Paris. » Et il publie
une lettre adressée dès avant le 31 mai, à Marat, par le club de
Bordeaux, revêtue de deux mille signatures, lettre qui déverse sur
son destinataire des torrents d'injures.
Ici doivent se placer chonologiquement des faits essentiels qui
sont aussi des préliminaires des séances mémorables du département
des 13 et 14 juin. Il serait difficile de prouver que ces faits ont influé
sur les résolutions de M. de Fontenay et de ses collègues, et néan-
moins il importe de les signaler à l'attention des futurs historiens de
cette période encore insuffisamment étudiée.
D'après Laugeux, secrétaire de la Société populaire à la fin de
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- 162 -
mai et dans les premiers jours de juin, et que Lamine et autres firent
plus tard incarcérer comme suspect et comme fédéraliste, Buzot et
Pétion, ces traîtres et ces forcenés, qui se rendaient à Caen, séjour-
nèrent alors à Rouen. A un moment où ils y étaient peut-être encore,
Laugeux l'écrivit à Pillon, membre du comité de surveillance, et à
Danton, représentant du peuple, pour que celui-ci informât le
le comité de salut public du déguisement de Pétion et du surnom
sous lequel Buzot pouvait voyager. (1)
A la môme époque, Roland arrivait à Rouen, (2) où il devait
rester durant près de cinq mois, caché.
L'ancien ministre, le « roi du Calvados », Tex-maire de Paris,
Duval, Delahaye, et même Mariette (3) ont donc pu se trouver en
même temps à Rouen, et il est infiniment peu vraisemblable que
l'un d'eux, tous même, n'aient pas eu la possibilité de causer
durant quelques instants en secret avec un ou plusieurs des adminis-
trateurs rouennais.
Précisément le 13 juin, Hardy donnait signe de vie à la Société
populaire en lui adressant le projet de constitution. Ce soir-là, il est
question dans la Société des ouvertures faites de divers côtés au
département pour qu'il se réunisse aux départements de Bretagne et
de Normandie. Un membre, qui répond, est plusieurs fois interrompu
et obligé de descendre de la tribune sur l'invitation de la Société
entière. Il continue pourtant d'exposer son opinion. Celui qui vient
après lui et qui veut lappuyer ne peut parler bien longtemps au
milieu d'interruptions violentes et continuelles. Il s'attache à prou-
Ci) Compte-rendu de la conduite tenue par Laugeux depuis juillet 1789 jusqu'au
1" frimaire an ii (Arch. mpales.) fîuzot et IVtion arrivent à Caen l'un le 12 juin et l'autre
le 28. Pétion se rendit peut-être de Rouen à l'Y'camp. Dans la séance de la société
populaire de Fécamp, du 28 juillet 17913. ( Luneau, président, et Holley, secrétaire ), un
membre dit que la citoyenne Pétion hahile Fécamp, et fait la motion d'envoyer deux
commissaires à la municipalité puur vénlier s(*s papiers, la mettre en état d'arrestation
et en instmire le comité de Salut public de la Convention, ce qui est fait de suite.
(Reg. du comité de surveillance de Fécamp.)
(2j Suivant une induction tirée de la durée de son séjour à Rouen. 11 est à noter
que le procureur de la commune iUi Lyon, détenu à l'abbaye, écrit le 21 juin que
Roland est à Lyon, où Bnssot allait le rejoindre lorsqu'il fut arrêté. {Moniteiw du
23 juin, p. 731, 3« col.) Rrissot avait été arrêté à Moulins le 10 juin.
(3) On verra plus loin que Mariette se rendit aussi à Caen.
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— 103 -
ver la non liberté de la Convention et la nécessité de marcher vers
Paris pour rétablir Tordre. Vers la fin de son discours, il est inter-
rompu plus violemment. L'agitation se prolonge ; elle cesse enfin et
il peut continuer et conclure, puis céder sa place à un autre qui, lui,
tout en montrant la nécessité de l'union, présente comme révolution-
tionnaire la conduite des départements qui pensent à envoyer des
troupes vers Paris.
C'est au 13 juin que remonte l'origine d'un très gros incident
qui se dénouera le 16. Le procès verbal du 13 porte sept lignes qui
on t été rayées, dans lesquelles on relate laconiquement une discussion
sur la publicité des débats relatifs aux Jacobins et l'adoption d'un
renvoi de cette discussion au dimanche 16. Or, dans l'intervalle, le
14, une réunion /)ar//a///é/*e avait eu lieu — dont le procès-verbal
n'existe pas sur le registre — et décidait de biffer les sept lignes. . .
et de rompre avec la Société des Jacobins de Paris.
Les adversaires dos Jacobins paraissent s'être livrés à une pro-
pagande extrêmement active et acharnée pour rassembler de nom-
breuses adhésions à la rupture. Le rancuneux Lamine, en décembre
suivant, raconte qu'il a vu Laugeux, après le 31 mai, s'installer à la
Bourse de Rouen, avec une table, comme un charlatan qui voulait
débiter sa marchandise, et ce, pour faire signer par tous les membres
de la Société populaire une démission qui avait pour but d'ôter
l'affiliation des Jacobins, et, par conséquent de désorganiser celle de
Rouen. (1) D'après une autre source, la résolution de rupture avec
les Jacobins de Paris aurait été prise par huit cents membres de la
Société populaire (2), chiffre exagéré.
Grand émoi le 16 juin. Un membre se plaint de la radiation des
sept lignes, la séance particulière étant sans droit pour annuler une
délibération prise en séance publique. En même temps, il fait sentir
son mécontentement d'une rupture. Un autre fait observer que ceux
qui étaient censés avoir pris la délibération attaquée, n'étaient pas
présents. Un troisième combat ces deux préopinants, ce qui est
(1| Arch. mpales. Ce que dit Lamine peut tout aussi bien s'appliqu îr à
des signatures reeueillies vers le 13, qu'à des démissions datant du 25 juin. V. ci-aprés.
(2) Areh. mpales. Avis de la 1(>" s«'etion sur le maintien dcPillon dans la liste des
t<»rr4>ristes.
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— 164 -
accueilli par les huées des tribunes. Il formule une imputation géné-
rale qui excite le tumulte. L'ordre du jour est adopté. Quelle con-
clusion en tirer? Il semble que cela signifie que la rupture est main-
tenue.
On lit des adresses de Carcassonne et de Saint-Malo, Tune
faisant à la Convention, en style impératif, des reproches sur sa
conduite, et contenant, néanmoins, des principes sages; l'autre, à
peu près dans le même sens, mais avec des idées non conformes à
celles de la Société et paraissant propres à troubler.
A cet instant, il est parlé de la résolution prise le 14 par l'admi-
nistration que préside M. de Fontenay, « improuvant la conduite d^
départements qui avaient délibéré de marcher sur Paris. » Malgré
rintérét croissant des débats qui se poursuivent à la Société popu-
laire, il faut, brièvement, s'occuper de ce qui se passe à cette admi-
nistration.
Les 13 et 14 juin, le conseil général du département se livre à
une discussion qui, par le seul fait qu'elle a lieu, à un tel moment,
prouve assez qne ses membres étaient en majorité favorables
au fédéralisme. Mais cette discussion et les résolutions qui s'ensuivent
se produisaient à des dates où, déjà, les membres du conseil général
avaient pu juger de l'inanité des représentations faites à la Conven-
tion. Ils étaient édifiés sur la confiance qu'on pouvait avoir dans une
résistance organisée et soutenue à Evreux, à Caen ou ailleurs par des
hommes qui, maîtres du pouvoir avaient laissé les Montagnards
s'en emparer, et étaient loin d'avoir fait preuve, avant et pendant les
journées du 31 mai et du 2 juin, d'une prévoyance et d'une fermeté
rassurantes.
Le parti le plus sage eût été de se tenir coi.
Mais de nombreuses et puissantes raisons qui, aujourd'hui
n'apparaissent plus avec autant d'évidence, ne permettaient guère
une inaction absolue, contraire d'ailleurs aux idées bien connues et
plus ou moins affirmées de la majorité du Conseil général du dépar-
tement.
Trois des députés de la Seine-Inférieure étaient du Calvados.
Thouret. en juin 1793, n'avait vraisemblablement pas perdu toute
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- 465 —
son influence à Rouen, et cessé ses constants rapports d'amitié avec
M. de Fontenay. Les relations de toute sorte avec le Calvados et
l'Eure, la solidarité existant de tout temps entre la Seine-Inférieure
et l'Eure, (1) l'affectation de ce dernier département à la subsistance
de Rouen et des environs, constituaient des liens trop sérieux pour
être rompus sans scrupule. On ne pouvait à Rouen rester indifférent
et sourd aux appels réitérés des normands engagés imprudemment
par leurs députés dans une résistance dangereuse pour eux et aussi
pour leurs voisins.
Il eut été d'ailleurs surprenant que des esprits aussi subtils,
ayant contracté l'habitude de tout résoudre par des arrêtés, restassent
embarrassés parce qu'il ne pouvaient pas agir. Les débats de la Société
populaire de Rouen et l'attitude discordante de la commune de
Rouen, depuis la mission de Bignon et d'Haraneder, à laquelle elle
n'avait pas voulu ou osé s'associer, imposaient la circonspection à
M. de Fontenay et à ses collègues. Pourtant il leur faut satisfaire
l'opinion publique anxieuse. Ils comptent pouvoir se tirer d'affaire
avec des discours, des récriminations, des conseils et des vœux.
Ce fut bien une manœuvre habile en môme temps qu'une dé-
marche vraiment fraternelle et patriotique que de s'interposer entre
les départements dissidents et la Convention. Mais à cette tentative
spontanée de médiation, le conseil général du département mêla un
jugement officieux des actes et procédés des partis. Le rôle d'arbitre
put paraître excessif. Dicter à la Convention sa conduite ne l'était
pas moins et il y avait quelque contradiction à réclamer la punition
des révoltés de Paris et le pardon des fédéralistes.
Le discours (2) du procureur général syndic Anquetin et
(1) Des troubles de l'Eure ayant agité quelques parties de la Seine-Inférieure, ce
dernier département, à la date du 3 avril 1792, accepte la réquisition à lui faite par
celui de l'Eure de poursuivre sur son territoire les perturbateurs de l'ordre public, et
requiert lui-même l'administration de l'Eure de les poursuivre sur son territoire.
(Reg. du dép'.)
{% Dans son exposé du rôle de Rouen et du département en juin et juillet 1793
(La Noftnandie^ 1895, p. 321 et s., 353 et s.), M. Le Parquier a fait ressortir les points
principaux de cet important discours, et rectifié l'erreur qui l'avait inexactement attribué
à M. de Fontenay. L'erreur, qui provient de ce que le procés-verbal du 14 juin dit que
C'est v.n « membre » qui parle, avait été reproduite par M. Wallon lequel, se basant sur
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- 4C6 —
Tarrêté auquel il tient lieu d'exposé de motifs sont bien l'œuvre
éminemment caractéristique de l'un des plus avisés bas-normands
qui fussent alors demeurés à Rouen (1). Cependant, le talent et les
une simple conjecture de M. Gosselin, dit : « l'n membre (le président, M. de Fontenay,
son langage le désigne... {Le Fédéraiisme^ t. ^«'^ p. 411).
(i) Franvois-Noël Anquetin de Beaulieu, né à Beaulieu, arr. de Vire (l^lvados), en
17il, mort à Paris le 15 février 1800, avait été inscrit au barreau de Rouen en 1774 et
demeurait rue Ganterie, n» H6, puis rue du Chien-qui-Rit et rue Flahaut. Daiis son
travail sur les Avocates, au Parlement de Normandie (Rouen, imp. Oursel, 1872)»
M. A. Decorde n'accorde aucune mention spéciale à Anquetin, dont le nom ne figure ni
dans V Histoire du Parlemetd, de M. Fiotpiet, qui donne cependant les plus intéressants
détails sur les avocats en 1789, ni dans le Manuel du Bibliographe normand de Frère,
et à plus forte raison dans les biographies. A. l*asquier Ini consacre une notice fort
incomplète. — Vénérable de la loge les Bons Amis de Rouen (1779), capitaine de la
garde nationale (1790), procureur syndic du districKl7îK)), accusateur public au tribunal
criminel (1791), procureur général syndic (1792), commissaire du pouvoir exécutif
(déc. 1795-21 mai 1797), député au Conseil des Anciens (14 avril 1797) et auCoqis Légis-
latif (25 déc. 1799). Une députation de .soixante-quatre» dépuU'îs assista à ses funérailles
où Thiessé, membre du tribunal, prononça son éloge. Telle est sa biographie officielle,
dont le complément se trouve dans un fort curieux compte-rendu de sa conduite pen-
dant la révolution, dans lequel il évite de rappeler son discours du 14 juin 1793. Ce dis-
cours, en somme, tendait, autant que l'adres-se d'Aumont, à avilir la Convention,
et Anquetin qui avait dénoncé cette adresse avec un grand empressement comme
procureur-syndic, devait les rapprocher mentalement et faire de pénibles réflexions. —
(Arcn. départementales).
Anquetin est l'auteur ignoré de :
1" Lettre d'un Négociant de Rouen à MM. les Avocats, sous la signature : Caffé^
Indigo ^ C«, pamphlet contre l'avidité des avocats, lors des scènes qui agitèrent leur
corporation (1789). D'après .\nquetin, il y eut des rolKîS déchirées: Quidnon ynortalia
cogisf 2» Ecrit tendant à l'établissement d'une garde nationale avec des officiers élus
par elle tl789r; 3*^ Réflexions d'un citoyen de Rouen, qu'il communique à ses conci-
toyens et qui peuvent l'être à beaucoup d'autres (éloge de l'Assemblée Constituante
(1790); 4«' Un citoyen à ses concitoyens, en faveur du sennent ecclésiastique (1791);
5® Lettre de MM. les électeurs du département de la Seine-Inférieure au ci-devant
archevêque de Rouen (février 1791); 6» Adresse de remerciement à V Assemblée Cons-
tituante, sur les réformes dans le clergé (1792); 7» Adresse à l'Assemblée vationale par
les religieuses, béguines, femmes de toutes les congrégations séculières et régulières,
dévotes, bigotes, cagotes et autres femmes pieuses de... qui désirent conseï^'er les pHU"
cipaux véhicules de la propagation de la foi. « Ce n'est qu'une polissonnerie, dit
Anquetin, qui est persuadé que le ridicule, w surtout en matière de rt4igion, prépare
plutôt les esprits à la lumière que la discussion; » 8» Mémoire sur les obligations et le
but des iSociétés populaires, lu par lui à la Société de Rouen, le 4 novembre 1792, et
imprimé à 1,000 exemplaires; 9" Lettre au Journal de Rouen, tournant en ridicule le
respect qu'on a pour le pape, 1793; 10« Les gens de cour, le clergé et la fwblesse ont fait
la Révolution, 48 p. in-4o, brochure qui fit sensation.
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- 167 —
louables efforts de bon sens qu'on y dépensait n'obtinrent que les
effets ordinaires des artifices politiques : La Convention affecta de
ne pas s'en préoccuper, les fédéralistes du Calvados et de l'Eure n'en
tinrent nul compte, les Jacobins et la Commune de Paris s'en irri-
tèrent, les Montagnards de Rouen qualifièrent bientôt l'arrêté de
liberticide après en avoir paru satisfaits, sans doute parce qu'il était
une déception pour les fédéralistes rouennais.
Cependant les résolutions du département n'avaient point apaisé
les vifs dissentiments qui s'étaient manifestés dans la Société
populaire. La décision de rupture avec les Jacobins de Paris y est
toujours considérée comme dangereuse et impolitique par un parti
lequel s'oppose à ce qu'elle soit envoyée. Les Montagnards veulent
écrire aux Jacobins que les membres de la Société de Rouen les
regardent comme leurs frères ; ils voudraient aussi que des remer-
ciments fussent envoyés au département sur sa conduite sage et
prudente;
Robert, opposé à la décision, montre, le 16 juin, tous les avan-
tages de l'union et de la confiance dans la Convention, et aussi les
dangers du fédéralisme et les méfiances que l'on doit concevoir sur
les députés qui ont abandonné leur poste pour parcourir les départe-
ments. On demande l'impression de son discours et son envoi aux
Jacobins. Cela excite un trouble si grand qu'on ne peut se faire
entendre pour combattre Robert. Le tumulte dure longtemps, et de
nombreux membres se retirent. Les débats persistent néanmoins,
puis le tapage reprend, et la discussion est remise. Elle recommence
le lendemain, toujours sous la présidence de Haraneder. On lit un
long discours, « fort bien fait dans Thypothèse où la Société aurait
entendu calomnier le peuple de Paris.» Le président croit devoir
protester. On Ht, en outre, une lettre aux Jacobins, accusant la
majorité de la Société de Rouen d'avoir cherché à faire une nouvelle
Saint-Barthélémy, et d'avoir des intentions aristocratiques et contre-
révolutionnaires. (Applaudissements en divers sens.) Motion est faite
d'une troisième séance générale, mais publique, rouvrant la question
de la rupture. — Bruit, réclamations tumultueuses. — On demande
que la séance soit levée. Robert, qui est à la tribune, y reste en
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— 168 —
attendant le silence. Trois propositions sont à résoudre : la première,
de Descroisilles, d'une nouvelle séance publique; la deuxième, d'en-
tendre Robert, et la troisième, de lever la séance. De part et d'autre,
la priorité est réclamée. On décide d'entendre Robert. . . (1) Il parle,
et, cependant, un autre demande au président la parole par signe.
Un citoyen de la tribune droite l'apostrophe (?). Robert continue et
dénonce la majorité de la Société comme tramant des œuvres de
ténèbres dans le mystère et dans Vombre. « Réclamations, applau-
dissements, murmures, bruit indicible et longtemps prolongé. » Dès
que le calme est rétabli, Robert manifeste tout son zèle pour lunion
et contre la rupture avec les Jacobins. Il est applaudi. Ensuite Bignon
a la parole, mais l'abandonne. Lamine exigeant la priorité et
appuyant la motion de Descroisilles pour le renvoi àdimanche, motion
qui est adoptée.
La séance du dimanche 23 juin est bien remplie. Elle débute
par des escarmouches significatives : ordre du jour sur la motion
réitérée de féliciter par députation le département sur son arrêté,
ordre du jour sur une discussion à propos d'une réponse de Forfait
à la lettre lui annonçant sa réintégration dans la Société. D'inter-
minables motions — évidemment obstructives — se succèdent sur
le rang d'audition des orateurs. Il s'ensuit une telle confusion de
bruit et de réclamations que le président lève la séance. On proteste,
et Godebin, s'emparant du fauteuil, déclare la séance ouverte.
Robert qui, déjà, avait essayé infructueusement de se faire enteûdre,
occupe la tribune. Une vingtaine de membres, debout, continuent
le bruit, tandis que plus de quarante, restés assis, demandent per-
sévéramment la discussion, ce que voyant, Haraneder s'excuse
d'avoir levé la séance « par la fatigue d'une présidence si orageuse. »
Est-elle levée, la séance? La question, mise aux voix, est résolue
négativement. « Robert monte à la tribune. Les opposants se retirent,
quelques autres, ennuyés (2) les suivent. » On propose d'ouvrir deux
registres sur l'un desquels s'inscriront les partisans de l'affiliation
aux Jacobins, et sur l'autre ceux de la rupture. Enfin, Robert par-
(1) Les points suspensifs sont dans le procès- verbal.
(2) Ce mot est souligné au procès-verbal rédigé par Gamare.
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— 169 -
vient à se faire entendre. Il se répète : il veut l'union et pas la
rupture. Un autre appuie le système des deux registres, qui est
adopté. Yvernès prend la défense des Jacobins et remontre qu'ils
sont toujours l'objet de la haine des ennemis de la chose publique.
Finalement, renvoi encore au lendemain I
Déjà, s'effraient des gens qui étaient allés trop loin. Trois
démissions arrivent : celles de Descroisilles, Thubeuf et Seyer le
jeune,. Le 24, la lecture du procès-verbal de la veille fait réclamer et
délibérer que les noms des orateurs ne seront pas annoncés. On
évite, en effet, de les indiquer dans le texte. Mais une main
malicieuse — ou plutôt vindicative — a rendu la précaution
illusoire en las inscrivant en marge !
Lenormand s'oppose à la rupture, énumère les services rendus
à la Révolution par les Jacobins et les persécutions en sens contraire,
soutenant que les Jacobins actuels ne sont pas les Jacobins de la
liberté I On doit cesser de tenir à eux. Lefebvre est d'avis de
continuer laflBliation. Yvernès vante leurs services. Poret l'imite et,
documenté, donne lecture de la « prétendue » rupture avec les
Jacobins et de leur réponse, tendant à prouver qu'ils ne la croient
pas réelle, ni revêtue des formes nécessaires pour opérer une scission.
Il prononce un a discours historique démontrant la fausseté des
imputations faites aux vrais républicains, aux corps constitués et à
la municipalité de Paris, rappelant les trahisons de quelques
ministres et de quelques généraux, prouvant que ces traîtres étaient
les plus grands ennemis des sociétés populaires. » Il veut une adresse
de félicitations à la Convention, et, conciliant, admet que les frères
démissionnaires soient invités à se réunira la Société, pour travailler
au maintien de la paix, à l'affermissement de la liberté et de l'égalité.
— Carré, adhérant aux conclusions de Poret, fait remarquer que
les habitants de Rouen ne passent pas pour être animés de tout
le zèle nécessaire et qu'une rupture précipitée pourrait attirer de
nouveaux soupçons. — Caudron se plaint du ridicule dont on cherche
à couvrir les auteurs de la délibération de rupture dont il veut le
maintien. Godebin attaque cette délibération.
La discussion est fermée. Le rapport des deux délibérations
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^
- 170 -
rompant avec les Jacobins est adopté à la grande majorité et
délibéré définitivement. Le président (Haraneder), et le secrétaire
(Gamare), en aviseront les Jacobins et leur exprimeront le désir de
la Société de resserrer de plus en plus les nœuds qui l'attachent à la
Société de Paris, ce qui eut lieu par une lettre lue et applaudie le 25.
Les sociétés affiliées en furent avisées ; les frères Robert et Poret
rédigèrent des adresses aux frères de Paris et à la Convention. Pour
Tune, Poret dut supprimer Jes mots choquants : personnes sacrées
et sainte Montagne, et pour Tautre on le pria d'essayer de résumer
ses idées en un style plus laconique.
Dans ces entrefaites, Curmer cessait d'être membre; en re-
vanche, Pinel qui affirmait avoir démissionné parce que l'on avait
rompu avec les Jacobins, se rétractait. Un nppel à l'union et à Toubli
fut délibéré. On refusa de l'entendre. Le 30 juin arriva une déclara-
tion de cinquante-un membres renonçant au titre de membres de la
Société et demandant une assemblée four mettre ordre aux comptes
des finances sociales.
C'était la dislocation redoutée. Il y eut ensuite au moin.s un essai
d'association de la part des démissionnaires. Jusqu'ici, on n'en con-
naît pas d'autre indice qu'une assez vague allégation postérieure à
thermidor.
Le 27 juin, Caudron remit à Laugeux, en assignats et bons dq
Rouen, 4351. 5 sols, reliquat du compte de Mabire, trésorier, démis-
sionnaire de la Société. Le même jour, Laugeux paya au citoyen
Bignon, 103 1. 6 d., pour ses frais de route et son séjour à Paris,
lors de l'adresse de la fin de mai, et le 5 juillet, à Lemoiue, receveur
de l'hôpital, 332 1. 5 s. pour un terme de loyer de la maison de la
rue de l'Aumône (1). Cela dut simplifier la liquidation des finances
sociales.
Mais, ainsi qu'on pourra en juger, la Société survécut à cette
apparente liquidation, et donna bientôt, et encore pendant près de
dix-huit mois, des preuves de sa vitalité et de son influence.
(1) Arch. déparicinontales. Cette indication n'est pas fournie par les registres de là
Société populaire.
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- 171 -
IL
Pendant que les divisions éclataient et grandissaient ainsi a la
Société populaire, les administrations du département et du district
et la municipalité s'ingéniaient à ne pas se compromettre davantage.
Le fédéralisme s'éteignait dans les villes de TEure et du Calvados
où il avait eu le plus de consistance, et, vers la fin de juillet, grâce
surtout, croit-on, aux efforts de Lindet, les principaux acteurs
locaux de la coalition abjuraient leurs entraînements. Les Mon-
tagnards, eux, n'abjuraient rien.
Au département, où l'on s'est montré antipathique aux Jacobins
et favorable aux fédéralistes, les soucis, devenus naturellement plus
graves à mesure que s'accroit l'intensité de la crise, se sont ravivés
par des accusations parties de la commune de Paris et portées jusque
devant la Convention. Un prétendu volontaire du bataillon de la
Dordogne, dans lequel on croit reconnaître un individu qui accom-
pagnait le capitaine Féret (Féray?) chargé par le département
d'une mission à Paris, a dénoncé les administrateurs des districts du
Havre et de Rouen et ceux du département comme étant des contre-
révolutionnaires. Le département, quoiqu'il dise, se sent atteint par
l'imputation et y répond avec éclat le 26 juin dans une adresse à la
Convention, signalant l'attentat commis par l'entreprenante et
orgueilleuse Commune de Paris, protectrice de toutes les ordures,
champion de tous les infâmes qui répandent le poison des dénon-
ciations, et qui a osé demander la destituti-^n des administrateurs de
la Seine-Inférieure.
Cette prose énergique ne pouvait concilier les faveurs des révo-
lutionnaires au déparlement qui, jusque-là, avait pu, sans suites
fâcheuses, parler haut et ferme, se sentant appuyé, défendu. Avec
Pocholle et Saladin, on parvenait aisément à s'entendre. Lecointre,
Prieur et Lavallée avaient peu agi dans la Seine-Inférieure, et, par
suite, n'avaient guère inquiété de Fontenay, Anquetin, Rondeaux
et leurs amis.
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— 172 -
Mais à Saladin, compromis avec les Girondins, un arrêté a sub-
stitué Carrier ; celui-ci et PochoUe arrivent à Rouen le 17 juillet,
visitent les autorités constituées et la Société populaire. Aucun
document ne fait connaître l'impression produite par le député
auvergnat. Il semble pourtant, contre toute vraisemblance, qu'elle
ne lui fut point défavorable. Peut-être pour ne point desservir sou
collègue qui, lui, se trouvait au milieu de compatriotes et d'amis, se
fit-il plus aimable qu'il ne l'était en réalité et s'appliqua-t-il effec-
tivement à se faire connaître « par le bien qu'il pourrait faire. » (1)
Pocholle (2) et Carrier ont été présentés par Lecointre qui, devant
eux, remercie M. de Fontenay et ses collègues des égards personnels
dont il a été l'objet comme particulier et témoigne sa satisfaction
sur ceux qu'on lui a rendus comme représentant du peuple. Pocholle
exprime aussi des sentiments fraternels, et Lecointre promet de tout
faire à Paris pour le département, qu'il dit avoir bien mérité de la
patrie. (3) Carrier ne pouvait donc se croire en présence d'adminis-
trateurs contre-révolutionnaire!^.
Surprenant effet des préventions : Cest contre Pocholle, un
normand avenant, que s'élève l'opinion.
Dans les derniers jours de juillet, ne répand-on pas le bruit
qu'il a prêché dans la Société populaire la désorganisation, le pillage,
le meurtre I Aussi s'empresse-t-il, le 30, de publier que, depuis
qu'il est dans la ville de Rouen en qualité de représentant à l'armée
(1) Carrier, député du Cantal, âge alors de trente-sept ans, devait peu différer du
portrait qu'on donne de lui à trente ans. C'était un homme de taille haute, un peu
courbée ; son visage était celui d'un rêveur aux yeux petits et semblant toujours errer
dans le vide, son teint était basané, sa voix dure; sa mise peu recherchée correspondait
à l'extérieur peu avantageux de sa personne ; sa chevelure noire était sans i^prét ; il
était sombre, taciturne, distrait, intempérant... (La jeunesse et les débuts de Cairier,
par J. Dehnas, la Révolution Française^ 1895, p. 424 et s.)
(2) Jeune et élégant, ce représentant (Pocholle) à la figure douce et aux cheveux blonds,
formait un singulier contraste avec son ami. ( Récit de la visite de Carrier et Po-
cholle à Rennes (Rennes moderne, par A. Marteville, p. 251.) Pocholle, âgé de trente-un
ans en 1793, était le sosie de l'acteur Talma. Pocholle et Carrier, ce dernier dans sa
prime jeunesse, avaient été destinés à la carrière ecclésiastique.
(3) Reg. du département. Séance du 17 juillet. — V. pour le récit des incidents de
cette période à Rouen, not. Gosselin, ouvr. cité. Revue de la Normandie, i9d6^ p. 806 et s.
Wallon, Représ, en mission et Fédéralisme, Le Parquier, la Nomiandiê, art. cité.
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- 173 —
des côtes de la Manche, il n'a point encore pv*lé dans la Société
populaire, (1)
Les procès-verbaux de la Société font défaut depuis le premier
juillet jusqu'au 20 septembre 1793, c'est-dire pendant les jours où
Carrier et Pocholle vinrent surveiller, inspirer ses délibérations.
On y supplée en partie, d'une façon peu satisfaisante, avec des
données puisées à d'autres sources, et c'est ainsi, par exemple, qu'on
découvre les poursuites engagées, puis suspendues et enfin, plus tard,
reprises contre quelques-uns, ou définitivement abandonnées contre
de moins nombreux rouennais qui avaient pris part aux manifesta-
tions royalistes. L'absence de deux registres, applicables à ces deux
mois et demi, peut s'expliquer par la désorganisation momentanée
de la Société. Elle n'est point le résultat du pur hasard, pas plus que
la disparition de documents et de journaux de cette période. On a
voulu ainsi dissimuler les manifestations diverses qui, sûrement,
eurent lieu lors du meurtre de Marat, les dénonciations contre les
fédéralistes et les ennemis des Jacobins, les incidents au cours des-
quels les uns venaient expliquer leur conduite, renier leurs erreurs,
implorer le pardon, s'assurer l'appui des représentants du peuple
et reconquérir pour quelques semaines la confiance du peuple. . .
D'après les procès-verbaux du département, les membres du
conseil général de la Seine-Inférieure seraient parvenus à se laver
devant Pocholle et Carrier des soupçons de fédéralisme qui, malgré
les précautions prises en dernier lieu, continuèrent à peser sur eux.
L'ensemble des faits et ce qui advint peu après le départ de Pocholle
porte moins à admettre leur entière justification qu'à croire à une
entente pour donner à l'affaire une Conclusion qui, momentanément,
tranquillisait tout le monde et d'ailleurs entrait dans la voie do
conciliation où la Convention elle même affectait de s'engager.
A défaut du témoignage de Pocholle (2) qui serait préférable,
(i) Journal de Boucn du i«f août 1793. Cette protestation de Pocholle présente de
Tambigiiité. Les bruits dont il s'inquiète alors pourraient bien remonter au mois de
mars, époque où, d'après Horcholle, qui ne parle pas de la protestation, Pocholle et
Saladin « préconisèrent la loi agraire pour exciter le peuple au pillage.».
(2) Pocholle a laissé des Souvenirs et des papiers qu'on se proposait de publier
vers 1832, et qui étaient alors en la possession de l'aïeul d'un magistrat actuellement
conseiller à la cour d'appel de Rouen.
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— 174 -
on est réduit à citer une lettre de Carrier, écrite des Andelys, le
27 juillet, exposant à la Convention, avec une modération qui con-
traste avec le langage à lui prêté par Guilbert, que, pour exaspérer
les patriotes et leur persuader qu'il n'y avait de remède qu'en se
coalisant à la révolte du Calvados, la classe indigente et la mal-
veillance exagéraient le mal causé par la menace d'une disette réelle
qui pesait sur Rouen. (1) Plus tard, dans un rapport général du
même Carrier, celui-ci comprend la Seine-Inférieure parmi les dépar-
tements qu'embrasait le fédéralisme : « Là (à Rouen), dit-il, nous
vîmes le fédéralisme prêt à lever sa tête hideuse, et radministration
du département penchant pour ce système désastreux. Notre
présence, et surtout notre conduite à la Société populaire, où nous
développâmes les vrais principes, éteignirent tous les brandons de la
guerre civile, sans employer aucune mesure coércitive. » (2) Carrier
seul prit la parole dans la Société, car, on Ta vu, Pocholle se défend
d'y avoir dit un mot.
L'apaisement décrété par la Convention (3) n'arrêta pas plus les
Montagnards dans leurs représailles contre les fédéralistes et les
ennemis des Jacobins de Paris, qu'il n'empêcha la Convention elle-
même de s'acharner après les Girondins.
Le 13 juillet, Descroisilles est dénoncé pour avoir dit, Tavant-
veille, dans la rue Saint-Lô, près la maison commune, que son frère,
quoique inscrit pour partir où besoin serait, ne partirait pas. Déjà, il
s'était fait rayer sur le registre de la garde nationale de Rouen, afin
de ne pas concourir à la formation du bataillon mis en réquisition
par les représentants du peuple ; il avait même conseillé et détourné
le citoyen Jacques Delanos de marcher contre le Calvados, ajoutant
avec d'autres explications, que la Convention n'était pas libre et
que c'était la minorité qui opprimait la majorité.
(i) La Révolution française, 1890, p. 80.
(2) Rappoi't de CatTier, représentant du peuple, sur les différentes missions qui lui
ont été déléguées, imprimé par ordre de la Convention, p. 2.
(3) Les véritables sentiments de la Convention sont révélés notamment par l'art. 7
du décret du 16 août 1793, qui exclut des administrations ceux qui ont coopéré ou
adhéré à de% arrêtés liberticides tendant au fédéralisme et subversifs de l'unité et
de rindestructibilité de la République, ou qui auraient donné des marques particulières
dincivisme, môme s'ils s'étaient rétractés.
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- 175 -
Le jour même, une enquête est commencée contre Descroisilles;
mais, à ce moment, prévaut encore la modération, et, pour atteindre
Descroisilles, les Jacobins rouennais sont obligés de surseoir jusqu'à
l'heure où ils devfendront les maîtres. C'est seulement le 4 septembre,
après l'établissement du comité de salut public, dont il sera plus loin
question,, que le mandat décerné contre Descroisilles put recevoir
son exécution. Arrêté chez Mariolle, cafetier, et conduit à maison
d'arrêt, dite Saint-Lô, il s'y trouva pendant quelques jours avec
son ami Bîgnon, dans une chambre qu'il trouvait trop petite le
12 du même mois.
C'est en vain d'abord que Descroisilles, « cet ardent républicain,
qui s'est déclaré l'ennemi des rois, qui préfère la mort à la perte de
la liberté », joint ses eflEorts à ceux de ses amis pour sortir prompte-
ment de sa prison. Sa sœur, accompagnée d un mari (1) dont le
nom et l'état auraient dû donner un grand poids à sa démarche,
vient inutilement, le 24 septembre, solliciter en sa faveur la justice
du comité, auquel elle laisse un écrit où le couple patriote dit avoir
« bien mérité de la patrie en écrasant l'aristocratie épiscopale » et
regarde comme sa récompense la plus précieuse la liberté de
Descroisilles.
Visites et phrases ne surent point fléchir les anciens amis de
l'imprudent, coupable d'avoir dit tout haut ce que tant de gens
pensaient impunément, et de ne pas s'en être assez vite repenti. Il
fallait bien, au début, établir l'inflexibilité du comité. Cependant,
Descroisilles qui, peut-être, avait eu raison de craindre de se soli-
dariser avec Bignon, par une cohabitation involontaire à Saînt-Lô,
Descroisilles fut mis en liberté beaucoup plus tôt que son ami, et en
pleine Terreur. . .
Le prétexte à des poursuites contre Bignon ne se présentant
point, une députation de quatre citoyens — il est superflu de dire
(i) Victor-Amédée Quesnel, âgé de trente-neuf ans, curé de Saint- Jacques de
Dieppe, dont le Joutmal de Rouen avait annoncé le mariage sans révéler le nom de sa
femme. Bientôt, malgré son apostasie, il fut lui-même victime de la Révolution. Dénoncé
au département en janvier 1793, on le laissa tranquille ; mais le même fait le fit em-
prisonner et transférer à Rouen, le 14 janvier 1794, et mettre en accusation, le 16 mars
suivant, sur une seconde dénonciation du district de Dieppe. (Reg. du dépar^ et notes
de Tauteiur.) *
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- 176 -
d où ils viennent — dépose, le 26 juillet, une pétition individuelle
souscrite de trente-cinq signatures, dénonçant les citoyens Bignon,
dont l'un est principal du collège et l'autre professeur de sixième.
Les Bignon se sont mis dans un fort mauvais cas ; ils sont repré-
sentés comme étant les ennemis les plus déchaînés de « notre révo-
lution » ; leur aristocratie est si dégoûtante qu elle répugne à tout
homme libre ; ils ont proféré les propos les plus inciviques contre
« l'heureuse et immortelle insurrection des 31 mai, 1*^ et 2 juin. »
A la tribune des Jacobins de Rouen ils ont prêché ouvertement la
guerre civile ; ils ont excité au fédéralisme pour se coaliser avec les
départements insurgés ; ils ont soutenu qu'il fallait une sainte ligue
pour nous sauver ! Ces « deux féroces ennemis de leur pays » ne
doivent pas rester dans leurs places pour gangrener l'esprit des
enfants, et sont à remplacer par des hommes vertueux aimant la
liberté, l'égalité et la république. )) (1)
Les Bignon répondirent, peut-être un peu trop fièrement pour
la situation, par un écrit collectif, dédaigneux et irrité, excipant
d'abord d'un défaut de forme de la dénonciation, puis se faisant
blancs comme neige, taxant eux-mêmes de férocité leurs délateurs,
choisis parmi les moins marquants de leurs adversaires : «l'opinion
où nous étions, disent-ils pour se justifier, qu'une fraction de la
république attentait à la liberté des autres, nous porta à penser et à
dire que l'union de tous les départements était indispensable pour
garantir la représentation nationale. Est-ce là le fédéralisme et la
guerre civile? Nous avons parlé contre l'arrestation des députés
parce que nous ignorions leur délits. . . »
Sur le vu des pièces, la commune estima, le 9 août, que « no-
nobstant leur rétractation et l'aveu de leur erreur, lesdits Bignon
devaient être mandés par le procureur général syndic du départe-
ment pour recevoir l'injonction d'être plus circonspects à lavenir. »
Le district donnait le 29 août un avis conforme I (2)
Il n'est pas probable que Anquetin ait eu à admonester son
frère Bignon. L'un des premiers mandats d'arrêt lancés par le comité
(1) .\rch. mpales; pièce originale.
(2) Reg. du district et de la mpalitê.
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- 177 -
de salut public du 29 août fut décerné contre Biguon Talué comme
notoirement suspect d'incivisme et d'aristocratie. Le commissaire de
police Vincent l'arrêta au bureau permanent de la commune, après
en avoir demandé la permission aux membres de ce bureau. Conduit
le 30 à la maison d'arrêt de Saint-Lô, Bignon <( ami de la liberté,
républicain vertueux » adressait, le 4 septembre, « de l'odieux repaire
destiné aux esclaves, de l'asile du crime, » ses plaintes au comité :
« Je pourrais, dit-il, me réclamer de nos anciennes liaisons, dont la
rupture m'est devenue si funeste. C'est l'équité seule que 'j'invoque.
Si je suis malheureux, je saurai souflErir et être libre dans les fers. »
Il resta un an et douze jours à Saint- Yon, où il avait été transféré
le 18 octobre (1), recourant à tous les moyens pour en sortir, abdi-
quant même son état de prêtre (2), mais reculant toutefois devant
l'expédient extrême qui, peu de temps après, faisait promptement
mettre en liberté Durand, l'ex-curé de Saint-Jean.
Pendant sa détention, Bignon courut un très sérieux danger
dont il ne s'est peut-être jamais douté. On allait juger devant le
tribunal révolutionnaire de Paris les vingt-trois rouennais de
l'affaire la Rougemare. Au cours de la longue audition des témoins,
Fouquîer-Tinville se trouva amené — (l'idée ne lui en fut-elle pas
suggérée par les nombreux Jacobins rouennais présents h Paris ?) —
à produire le témoignage de labbé Bignon. Le comité de Rouen
en dissuada l'accusateur public qui, le 5 septembre, le remercia
d de ne pas lui avoir envoyé ce témoin qui, d après les causes de
son arrestation, est peu propre h figurer dans une affaire où il s'agit
de juger des contre-révolutionnaires » (3).
Bignon échappa ainsi aux redoutables éventualités qui mena-
cèrent parfois les témoins d'être transformés en accusés (4).
(1) L'abbé Bignon, alors professeur de seconde au collège, avait prêté le serment
à la cathédrale le 23 janvier 1791. Le 2 frimaire an II (22 novembre 1793) il écrivait au
Conseil général de la commune qu'il renonçait à exercer aucune fonction ecclésiastique
et que ses lettres de prêtrise étaient brûlées depuis deux ans.
(2) M. de la Quériére, dans sa notice sur Bignon, dit que celui-ci entra le premier
à Saint- Yon. Une vingtaine de détenus y étaient déjà depuis quelques jours lorsqu'il y
arriva. L'arrestation de Bignon entraîna l'apposition de scellés sur la sacristie du collège,
scellés qui se trouvèrent brisés accidentellement. Le portier du collège, Garon, qui
en était le gardien, n'en fut pas moins arrêté le 15 thermidor.
(3) Arch. mpales. Lettre autographe de Fouquier-Tinville.
(4) V. Wallon, Hist. du Tr\b. Rêvol,, t. III, p. 397,un exemple des risques courus par
If^ témoins.
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— 178 -
Quant à Bignon le jeune, moins compromis et moins attaqué, il
bénéficia de ce qu'il était laïque et de la faveur de ses vingt-deux
ans et de ses chansons d an tan. Il s'en tira en démissionnant le
10 novembre 1793 de ses fonctions de professeur, en s'enrôlant dans
le bataillon envoyé vers ce temps-là au Havre-Marat (1), et
en s'appliquant désormais uniquement h prouver que
Le mérite vengé n'a plus besoin d'aïeux :
Tout grand homme, aujourd'hui, sera son propre ouvrage.
Et la célébrité n'est plus un héritage (3>.
Un autre personnage dont le souvenir parait être entièrement
perdu h Rouen et dont on a pu suivre les évolutions durant les
débats sur la scission jacobine et le fédéralisme, Jean -Louis
Haraneder (3), qui avait accompagné Bignon Talné devant la Con-
vention le 30 mai, sut manœuvrer avec plus d'adresse et avec assez
d'opportunité, non seulement pour éviter la détention, mais aussi
pour retrouver la confiance des Jacobins.
L'extension extrêmement rapide de ses affaires commerciales,
ses relations avec des étrangers, servirent de prétexte à une dénon-
ciation à la suite de laquelle, le 6 août 1793, on l'interroge et on
vérifie ses registres et sa correspondance : Il a pour protecteur le
marquis do Miranda, qui habite Madrid depuis vingt ans, qu'il croit
être de Hendaye, et qui n'est pas un émigré. M. de Miranda.
principalement, et le comte de Prasca (ou Praselia), de Cadix, sont
les bailleurs de fonds considérables qu'il lui a fallu pour ses
H) Les biographies de Pierre-Eilouard-Henri Bignon sont d'une obscurité peut-être
intentionnelle pour cette période de sa vie. On le retrouve au Havi-c-Marat, chansoimaut
encore Coijourg dans des couplets dits au théàti-e du Havre, le 6 juillet 1794, et publiés
dans le Journal de Rouen du 1*2 messidor (12 juillet), p. i>9.
(2) E pitre d*un professeur aux écoliers à la rentrée de% classes, lue à la Société des:
Amis de la Constitution de Rouen, et imprimée par son ordre, par M. Bignon, professeur
de sixième au collège de cette ville, brochure de 16 p. in-8", à Rouen, à l'imprimene de
P. Seyer et Behours, imp. de la Société, 1791, avec cette épigraphe : On façonne les
plantes par la culture et les hommes par Véducation (Enéide, liv. I.)
(3) Son père avait été maire de Ciboure, près de Saint-Jean-de-Luz (arr. de
Bayoïme, Basses-Pyrénées.) Un de ses frères périt dans les troubles dAmérique à la
fin de 1793. 4.-L. Haraneder avait été dans la maison Elie Lefebvre depuis 1788 jusiju en
décembre 1792, époque à laquelle il la quitta pour fonder une riiaison de commerce rue
du Bac, n*» 48.
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- 179 -
achats (1). Il a tiré « sur d'autres banquiers, » notamment sur
Legrand et C»«, les citoyens Greflulhe et C^«, de Paris, et Zéerleder
etO«, deBergues (2).
Or, malgré la part qu'il a prise aux manifestations contre les
Jacobins de Paris, Hanmeder n'est pas même arrêté, et, le 27 août,
le conseil général de la commune déclare qu'il n'y a pas lieu à
accusation contre lui. Mieux encore, le surlendemain 29, on en fait
un membre du comité de Salut public tout comme le citoyen
Grandin, que sa mission de juin, à Evreux, eut dû, ce semble, faire
suspecter. L'audace qui l'a fa't triompher l'autorise à dire à la fin
d'octobre, dans la Société populaire, qu'il devait partir avec un de
ses frères pour l'armée, ^ mais que les représentants du peuple
la valent nommé du comité de subsistances et qu'il avait accepté
pour faire la guerre aux royalistes et aux fédéralistes. Cependant,
Haraneder n'était pas perdu de vue, et à la Société populaire, le
30 janvier 1794, lors de son épuration, une expression déplacée
l'ayant fait rappeler à l'ordre par Thierry, président, on lui reprocha
diflférents faits de fédéralisme, d'avoir traité les Jacobins de scélérats,
d'avoir injurié la Montagne, puis d'avoir chanté leurs louanges selon
que les circonstances l'exigeaient, d'avoir été l'agent d un comte
d'Espagne pour former à Rouen des accaparements immenses.
Comme on lui reproche plus particulièrement de s'être replié sous
toutes les formes pour en imposer au peuple et aux tribunes, un
membre vient le défendre et affirme qu'il le tient pour un bon
patriote — en se fondant sur les bons propos qu'il lui a tenus I — Et
Haraneder, qui ne manque pas d'aplomb, soutient qu'il n'a fait
qu'accompagner Bignon au département, qu'il n'a parlé ni contre
la Convention ni contre la Montagne, et que c'est une preuve qu'il
ne partageait pas l'opinion de Bignon ! Après une chaude discussion
et un résumé des principaux faits par le président qui en « offre la
balance à la justice de la société, » l'assemblée se prononce une fois
(1) En i79t, il versait aux mains du receveur séquestre du district de Rouen,
comme dues à des étrangers, habitant les pays en guerre avec la République, des
î^ommes montant à plus de 210,000 l. (Arch. du dép. — Reg. des pétitions du distr.)
(2) AiTh. nipales.
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- 180-
de plus en faveur de Haraneder (1). Il est vrai que Siblot, sans le
destituer, le remplaça par Arnault, comme oflScier municipal, le
3 germinal.
Lefebvre, capitaine des canonnière du 5® bataillon de la garde
nationale, fut moins heureux. Un arrêté des représentants du peuple
le destitua comme l'ennemi de la constitution républicaine, le
partisan du fédéralisme, le provocateur de la guerre civile (2).
Leblond, membre du département, un des auteurs de l'Adresse
fédéraliste du département, du 14 juin, sur les journées des 31 mai
et 2 Juin, destitué et non réintégré, fut arrêté à la tîn de germinal
an IL
Les dénonciations et les poursuites dureront longtemps encore
contre les fédéralistes rouennais, qui seront relancés jusque dans la
capitale. Dans la séance des Jacobins de Paris, du 16 décembre 1793,
Denys de Vitré (3), qui habite Rouen, hôtel de France, rue des
Carmes, est dénoncé par Lenud, d'Yvetot, et conduit au comité de
sûreté générale. Là, Hébert dit au sujet de cette arrestation que
a dans beaucoup de villes, et notamment à Rouen, il s'est glissé,
dans les sociétés populaires, un nombre infini d'agents de Pitt. On
s'y moque, clame Hébert, des décrets de la Convention. On se rap-
pelle, ajoute-il, que cette ville, qui penchait pour le parti fédéraliste,
n'a balancé à le suivre que parce qu'elle a eu tout le commerce passer
dans le midi (4). A Rouen, comme dans toutes les grandes villes
commerçantes, l'esprit public est très mauvais ; d'après le même
Hébert, les marchands sont essentiellement contre-révolutionnaires
et vendraient leur patrie pour quelques sous de bénéfice (5).
(1) Reg. de la Société populaire.
(2) Reg. des délibérations de la commune dç Rouen.
(3) Ce pseudo-anglais, diffîcile à définir, avait souscrit le 29 octobre 1792. pour
300 I. à l'emprunt de deux millions. 11 avait rt'sidé à Montargis en 1790-1791 et les
patriotes de cette ville lui reprochaient seulement d'à voirconser\'é une niuscadincne
ejrténeiire.U avait un commerce littéraii-e avec quelques habitants de Londres, qu'il avait
habité. On lui reprochait d'avoir été mis à la tète d'une manufacture appartenant à
Philippe d'Orléans. Détenu à Sainte-Pélagie, puis à la maison du Luxembourg, Denys
fut réclamé par la société populaire de Rouen en prairial an U. Le comité de sur\eil-
lance de Rouen, en mars 1793, avait fait sur ses antécédents une enquête peu favorable,
quoiqu'il eut été envoyé en mission officielle à Paris pour les subsistances.
(4) Moniteur du 1«f nivôse an IL
(5) Monitexir du 22 brumaire an II, p. 238. 1»^ col.
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- 181 -
m
Après avoir ainsi noté quelques-unes des suites du fédéralisme,
il ne sera pas inutile de donner des détails oubliés ou nouveaux sur
le sort des députés de la Seine-Inférieure, dont les opinions et les
actes n'avaient pas été sans influence sur l'attitude des sociétés
populaires et des administrations.
Faure fut le premier atteint : une loi du 21 août 1793 avait
ordonné l'arrestation de tous les députés ayant écrit contre les
journées des 31 mai, l*"^ et 2 juin (1). L'homme à tout faire de
Robespierre, l'ami intime de feu Marat, l'agent principal et l'as-
sassin privilégié aux ordres du Comité de Salut public (2), Louis
Héron, qui disait avoir son domicile rue Saint-Florentin, n® 674, ré-
clame le 23 août, c'est-à-dire le surlendemain de cette loi, son exé-
cution « à l'égard du nommé Faure, qui se trouve coupable de ce fait. »
A sa dénonciation. Héron joignait deux imprimés que le député
avait fait circuler dans la ville du Havre, et qui avaient été envoyés
de cette ville au citoyen Bernaudot (1), rue Saint-Florentin, n« 674,
Il y joignit aussi le Journal du Soir, d'Etienne Feuillant, contenant
le résumé de la séance de la Convention du 28 décembre 1792, où se
lisait ce passage, souligné : « Faure, député du Havre, a pensé que
la Convention se déshonorerait, se couvrirait d'opprobre, si elle
prononçait la peine de mort contre le ci-devant roi, »
Le 31 août, les membres du Comité de Salut public, « considé-
rant que l'auteur de ces écrits ne pouvait avoir eu d'autres intentions
que d'avilir la représentation nationale, calomnier le peuple de Paris
et faire marcher les départements contre la capitale, prescrivit que
(1) La dénonciation de Héron cite cette loi, qui n'est pas dans la collection Ron-
donneau, et que M. Biré ne mentionne pas dans son récit, quelque peu confus, des
mesures édictées contre les Gii*ondins, pas plus qu'il ne dit les conséquences qu'elle
eut en ce qui concerne Faure. 11 en est de même dans l'ouvrage de M. Wallon, sur le
Fédéi'alitnie,
(2) Senard, Révélations puisées dans les cartons des Comités de l^lut public et
de Sûreté générale,
(3) Ce Bernaudot ou Bemaudat était vraisemblablement le même que Bemaudat
AUt l'un des membres du Comité de surveillance du Havre, qui accompagnèrent' l'au-
dacieux Briquet, délégué du Comité de sûreté générale, dont l'odyssée,au Havre et «aix
environs, fut interrompue en l'an III par des poursuites et un renvoi devant le tribumU
révolutionnaire de Paris où il fut transféré le ffî vendémiaire an IV*
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- 182 -
Faure serait mis en arrestation et conduit au Luxembourg. (1) L'exé-
cution de cet ordre s'ensuivit bientôt (2).
Le décret du 3 octobre n'aggrava point la situation de Faure,
mais étendit à neuf de ses collègues de la Seine-Inférieure les
mesures de rigueur contre les vaincus des 31 mai et 2 juin. Les plus
sévèrement traités, Duval (3), Delahayeet Hardy (4), heureusement
cachés, étaient déférés au tribunal révolutionnaire avec quarante-
et-un autres. Bailleul, Doublet, Hecquet, Faure, Lefebvre, Ruault
et Vincent étaient envoyés en détention.
Il semble que Mariette faillit subir la môme peine, car le
rapport de JuUien (5) le cite avec Buzot, Barbaroux, Delahaye,
Duval et autres arrivant à Evreux et y prêchant l'insubordination,
la rébellion à tous les pouvoirs.
(1) Arch. nationales D m 343.
(2) Son fils demande, le 6 octobre, la permission d'aller le voir et produit le 8 un
certificat à lui délivré par le président et les juges du tribunal du premier arrondisse-
ment de Paris. Faure fut ensuite transféré à la maison d'arrêt des Ecossais. C'est de
cette maison qu'est daté du 13 vendémiaire an III, l'écrit publié a la suite de VOpiniofi
de CamboUy plaidant la cause de ses soixante-treize collègues, ou la vérité sur les
événements du 31 mai^ signé notamment de Faure et de Saladin.
(3) Duval, comme Hardy, figure dans un « Etat de la consistance des biens confis-
qués », dressé en floréal an II par la municipalité de Rouen. On ne lui commit aucuns
biens fonds ni meubles dans la commune ; a il est présumable qu'il a fait transporter
ses meubles à Paris, lorsqu'il a été nommé député, ou que peut-être ils ont été cachés,
ce dont on n'a pu se convaincre. » (Arch. du dépt.)
(4) Le mobilier de Hardy, inventorié le 8 octobre 1794, dans sa maison de la rue
des Charrettes, vis-à-vis le Pont-Aritaine, fut vendu les 12, 16 et 18 novembre 1794, plus
d'un an après sa mise hors la loi. Le produit s'en éleva à 5,425 1. 65 d. Ses livres (IKi
ouvrages en 243 volumes) avaient été envoyés à la bibliothèque du district de Rouen,
le 9 octobre. Ses papiers comprenaient entre autres les titres d'une vente due par le ci-
devant collège de médecine à Maillard d'Houppeville, et le registre des délibérations
de ce collège. Ses tableaux, estimés par Lecarpentier, comprenaient notamment :
Canards chassés par un chien et Chien gardant du gibier (300 1.) Silène barbouillé de
mûres par une nymphe et enchaîné par des satyres (inachevé) ; Soldats espagnols
jouant au dés (200 1.) Outre la restitution du montant de la vente mobilière, le comité
de sûreté générale, lorsque Hardy rentra à la Convention, lui accorda 6,000 1. pour
pertes faites sur sa maison de Rouen et celle qu'il occupait à Paris. Son mobilier de
Paris avait été vendu aussi. La maison de la rue des Chcurrettes, « occupée en partie
par une société littéraire et partie par Hardy, ayant appartenue à l'émigré Poutraincourt*
fut soumissionnée le 18 prairial /m II par Paynel, greffier du tribunal criminel (arch. du
dépt.) Paynel était peut-être un prète-nom. La société littéraire avait, en 1792, pour
syndic Allard ; Machuel en était membre.
{h) Rapport fait au nom du comité de sûreté générale par Jullien (de Toulouse),
député de la Haute-Garonne, sur les administrations rebelles.
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- 183 —
Doublet, incarcéré à la Force, y mourut à rinfirmeriei le 25
novembre 1793 (1).
Vincent, Hccquet et Ruault furent mis en arrestation d'abord
chez eux, puis aux Carmes. Pocholle se crut obligé, le !•' février 1794,
de déclarer au comité de sûreté générale que la nuit précédente il avait
reçu la visite du citoyen Vincent, député : « Vincent, dit-il, s'est
présenté chez moi avec un empressement qui n'a pas permis à celui
qui a ouvert la porte de s'assurer s'il devait le recevoir. II s'est
annoncé comme mon parent et il l'est effectivement. Il était accom-
pagné d'un garde que j'ai mal entrevu, étant alors couché. Il m'a
dit qu'il était sorti pour assister à la levée des scellés sur ses papiers.
Il a passé un quart d'heure auprès de mon lit » (2).
La députation de la Seine-Inférieure se trouva donc, dès avant
le décret du 3 octobre, réduite aux six députés épargnés. Mariette et
Blutel furent suspectés au moins pendant un certain temps; Albitte
et Pocholle étaient en mission. Le département n'était plus repré-
senté, pour ainsi dire, que par deux députés, Bourgois et Yger, les
plus insignifiants peut-être des seize élus.
Il y avait lieu de remplacer tout au moins les dix députés exclus,
et six suppléants seulement avaient été nommés.
Depuis leur élection, et avec les événements, la situation et les
idées de la plupart d'entre ces suppléants s'étaient modifiées*
Grandin, proche parent de M. de Fontenay, était encore adminis-
trateur du département et bien vu des patriotes, puisque le
29 août 1793, il entre au comité de Salut public, et y est maintenu
le 3 janvier 1794 (3). Rousselet devenait greflBer du tribunal du
district de Neufchâtel. Ces situations n'avaient point créé d'in-
compatibilité absolue. Cependant ils ne siégèrent pas plus que
(i) n semble qu'il n'avait pas été dressé d'acte de son décès, car on y supplée
lors du mariage de l'un de ses fils par un acte de notoriété dressé par Cuisinier,
notaire à Grandcourt (minutier de M« Lecompte, notaire à Londiniéres). Dès le lende-
main du décès de Doublet, le comité des décrets de la Convention écrivit à Rouen pour
faire remplacer l'un des suppléants ; sa lettre laisse en blanc le nom du district
auquel elle est destinée. (Ârcn. du dépt.)
(2) Arch. nationales, dui 357.
(3) Grandin donna sa démission d'administrateur le 21 avril 1794, comme étan
assimilé aux nobles par décret du 17 de ce mois. Lecomte le fit réintégrer le 1»' juillet
suivant, (Reg. du départ.)
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^ - 184 —
Arvers, lequel s'était fait inscrire dès le 6 mars 1793 (1), au moment
où, par suite de Tabsence de députés titulaires envoyés en mission,
on pouvait croire qu'il aurait à suppléer l'un d'eux.
Lecomte remplaça, dès le 25 juillet, Delahaye, déclaré démis-
sionnaire comme s'étant absenté sans congé. Il s'était fait inscrire la
veille, mais il était déjà depuis quelques jours à Paris, car, dès le
21, la municipalité de Rouen, privée de ses députés et corres-
pondants, et n'ayant guère h compter, alors, que sur l'appui de
Lecomte auprès de l'Assemblée et des Comités dans les circonstances
diflSciles, lui écrit une lettre flatteuse, lui envoyant ses vœux, espé-
rant que ses anciens collègues continueront de lui être cbers, lui
rappelant que le peuple de Rouen compte sur son courage et sa
loyauté (2). Il parait, pourtant, qu'à cette date, Lecomte n'était pas
encore définitivement agréé par la Convention ; c'est en effet seule-
ment le 5 novembre que le district de Rouen envoyait au comité des
décrets dés renseignements sur Lecomte (3).
Revelle remplace Duval à partir du 3 août, et Albitte le jeune
vient succéder à Doublet le 15 décembre. Ils ne furent admis, sans
doute, qu'après avoir été aussi l'objet d'enquêtes.
(i) G. Bord, ouyt. cité. Arvers avait été exclu de la Société populaire de Rouen,
encore bien que, selon Lamine, il fut bon patriote (séance du 16 brumaire an II).
(2) Arch. mpalee. Reg. de corresp.
9) Arch. du départ. Reg. du district.
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-.M5 -
CHAPITRE HUITIÈME
Maailtttations réTolutionnairef à U Gommane. — Discourt cenciliant da M. Rondeaux.
— Ezigancei des Sans-Culottes. — PochoUe et Carrier quittent la Seine-Inférieure
— La mission Legandre et Louchât. — La levée en masse. — L'affaire Bourgue-
BMBi-Tontain : Un gflet contre-révolutionnaire. — Roger fils, TTemés et Turgis,
juges du Tribunal de polict. — Fermeté de la municipalité. — Subsistances. ~
Un Agent secret — La Société populaire. — Un jouràaliste et la censure. —
Fable on complot? — Création du Comité départemental de Salut public. —
Excès de pouvoirs. — Les Députés trompent la Convention. — Réquisitions dans
l'Eure, illégales d*abord. — Legeodre, Louchât et Delacroix dans la maison Bigot.
— ' Le vin des émigrés.
L'enthousiasme des patriotes rouennais n'a point de bornes.
Aux victoires de la commune de Paris et de la Convention sur les
Girondins et le fédéralisme succèdent, avec la participation de
PochoUe et de Carrier, les solennités de l'acceptation de l'acte cons-
titutionnel du 24 juin. Cet acte est précédé d'une nouvelle déclaration
des Droits de l'homme et du citoyen, qui proclame et explique pom-
peusement beaucoup de banalités parmi lesquelles môme cette
« limite morale » de la liberté : ne fais pas à un autre ce que tu ne
veux pas qui te soit fait, si peu observée par les révolutionnaires...
et leurs adversaires. L'assassinat de Marat (1), au lieu de plonger les
(1) Marat fut tué le 13 juiUet par Charlotte Corday, laquelle, condamnée à mort, le
17, subit sa peine le même jour. Or, le 18, meurt à Rouen, peut-être d'émotion et
d'effroi, un vieillard, père d'une dame de Corday, née Duhamel, habitant alors cette
ville, rue de Maubeuge. L'enthousiasme des montagnards rouennais pour Marat pouvait
avoir eu pour origine le souvenir des succès remportés par celui-ci à TAcadémie de
Rouen, notamment en 1786, et ses liaisons jusque au début de la Révolution avec dom
Gourdin, Scanegatti et autres savants, refroidies surtout par la publication des LeUres
de « FAmi du Peuple », sur le Charlatanisme académique (1791) où sont maltraitées les
les académies de province. |V. la très curieuse étude de M. de Beaurepaire
sur un manuscrit de dom Goiurdin, lue à la séance de l'Académie de Rouen du
5 avril 1867). Ces savants et lettrés, occupés autant de problèmes sociaux et politiques
que de questions scientifiques, après s'être connus dans les loges maçonniques et les
sociétés littéraires se retrouvaient dans la Société des Amis de la Constitution^ qu'ils
fréquentaient surtout en 1790, 1791 et 1792. — Un ancien conseiller au Parlement de
Normandie, Vaultier de la Granderie, — dont la mère, une de Civille, s'était remariée
au citoyen Briscard, de Louviers, — fut dénoncé et arrêté en décembre 1793, par
Rupalley, qui l'avait entendu dire dans le bateau de la Bouille que Rouen aurait pu
s'appeler Rouen-Marat, aussi bien que le Havre> Havre-Marat. Par cette phrase, écrivait
ensuite rex-consélller au comité de surveillance, fai cru et je crois encore honorer
Rouen et non Voffemer. U n*en resta pas moins détenu jusqu'après thermidor. (Arch.
mpales.)
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— 486 —
montagnards dans un deuil silencieui^, transforme leur admiration
pour ses principes en un culte bruyant pour sa mémoire, et fait
prendre un nouvel essor à leurs manifestations.
Vingt-quatre sections de Rouen, sur vingt-six, ont adopté des
noms imités de ceux des sections de Paris et en harmonie avec Tac-
centuation récente des idées. Dans la séance du conseil général de la
Commune du 15 juillet, Tune d'elles, la vingt-deuxième, vient
soumettre à de bien rudes épreuves la longanimité des conven-
tionnels Lecointre et Lavallée.
Au discours des citoyens de cette section, qui venaient d'adopter
le titre de Sans-Culottes, M. Rondeaux répond par un discours où
l'on retrouve la preuve qu'il entend mettre un prix aux concessions
par lui faites pour le cnlme et la concorde : « . . . Vous réclamez,
dit-il, le titre de section des Sans-Culottes : Chacun de nous s honore
de le partager (sic). L'homme sage abjure les distinctions de la
fortune ; elles s'anéantissent devant la loi. Citoyens, soyons toujours
hospitaliers, et Rouen continuera d'être l'asile du commerce et
des arts qui jusqu'à présent ont fait sa gloire. » Dans cette
phrase, M. Rondeaux affirme clairement sa résistance à l'expulsion
des étrangers, des émigrés de l'mtérieur réfugiés à Rouen (1). Sa
réponse semble avoir tout concilié, on s'embrasse avec une touchante
effusion.
A cet instant, surviennent Lecointe et Lavallée, impressionnés
devant ce» fraternelles étreintes, auxquelles on fait trêve pour une
motion d'un contraste frappant : Un membre du conseil veut que les
emblèmes de la liberté — qui furent aussi Qeux de la Terreur — la
pique et ses accessoires, soient déposés derrière la place du maire !
Un autre propose qu'auparavant la pique soit promenée dans la
ville, un troisième demande qu'une partie du conseil accompagne
les Sans-Culottes pour cette promenade. C'est adopté : Plasne,
Turgis, Foret et Chouquet seront du cortège. Cependant cela ne
suffit pas à un indiscret et importun citoyen de la section : II ose
prier les représentants du peuple d'accorder la faveur de se joindre
(1) En racontant sommairement cette scène, M. Gosselin (Revue de Isl Nomiatidie),
4866, p. 806, ne rapporte rien du discours du maire.
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— 187 —
aux commissaires. C'était vraiment dépasser les bornes. L'un des
deux conventionnels fit observer que, si c'était une faveur, les autres
sections y prétendraient également. Au surplus, « les affaires im-
portantes dont ils sont chargés ne leur permettent pas de disposer
d'un seul de leurs moments. » Dans cette manifestation terroriste,
c'est à peine s'ils voulaient jouer lerôle de spectateurs.
Néanmoins, les sans-culottes voulurent bien se décider satis-
faits. Leur amour-propre se trouva grandement déçu lorsque, lisant
dans le Journal de Rouen le compte rendu de cette mémorable
séance, ils virent le mauvais tour du sournois et malicieux Noél, qui
supprimait leur discours et la réponse de M. Rondeaux. Il s'en plai-
gnirent amèrement au Conseil général, et le secrétaire Havard affirma
avoir envoyé au journaliste le procès-verbal in extenso, comprenant
les deux discours. Noél dut s'exécuter en insérant le tout, et comme
s'il eut tenu à prouver qu'il n'avait pas voulu être désagréable aux
plaignants, il publiait quinze jours après la chanson des Sans-
Culottes (1).
La mission de PochoUe et de Carrier dans la Seine-Inférieure,
la Manche, l'Eure, l'Orne et le Calvados est étendue le 14 août aux
départements formés de la ci-devant Bretagne (2). Resté néanmoins
en Normandie, même après l'arrivée d'autres députés à Rouen,
Carrier va notamment dans le Calvados et, de Caen, où il est entré
le 2 août, il écrit à la Convention que le trône de Buzot est enfin
renversé, qu'il vient de voir ses collègues Prieur et Romme rendus
à la liberté après cinquante-et-un jours de captivité, et qu'avant de
partir de Rouen, où il a laissé PochoUe, il a donné avec celui-ci
l'ordre d'emmener à Paris la femme de Pétion, leur fils, et la femme
d'un autre fugitif, qui ont été arrêtés à Honfleur (3).
PochoUe, lui, se dirige vers le Havre. Se souciantpeude faciliter
dans la Seine-Inférieure l'exécution des ordres de la Convention,
PochoUe écrit le 22 août à l'administration présidée encore par
M. de Fontenay que le décret mettant en réquisition les compagnies
(1) Journal de Rouen des 26 juillet et 10 août 1793.
(2) Àulard, la Révolution, septembre 1893, p. 267.
(3) Séance de la Convention du 5 août. Moniteur du 9, n« 218, p. 929, 3« colonne. La
beUe-mèrç de Pétion, née à Fécamp, fut condamnée et exécutée le 6 août 1793»
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-188-
de cavalerie du district de Rouen lui parait devoir exciter de pres-
santes réclamations et qu'il pense — il insinue — que les piieui
fondées doivent être celles qui feront valoir en leur faveur la néces-
sité de leur service dans le pays qu'elles habitent. . . M. deFontenay
envoie immédiatement copie de sa lettre au district (1). Le 5 sep-
tembre, Pocholle crée et installe un comité de surveillance au
Havre, d'où il va rejoindre Carrier à Rennes, où celui-ci est arrivé
dès le 1*' de ce mois.
On a prétendu que Carrier avait été éloigné du département par
une révocation sollicitée au nom des habitants de la Seine-Inférieure.
Du décret du 14 août il semble résulter plutôt que les succès qu'il
se vantait d'avoir remportés en Normandie contre les fédéralistes le
firent envoyer d'abord à Rennes, où il s'attacha, avec Pocholle, à
étoufiEer entièrement tout esprit de fédéralisme et de contre-révolu-
tion (2). De son côté, Pocholle ne devait pas ambitionner de réaliser
dans son pays d'origine le programme jacobin.
Legendre et Louchet « le premier de Paris et le deuxième de
TAveyron », présentent le 17 août au département le décret du
15 août qui les envoie « pour rechercher les causes de la disette des
subsistances dans la Seine-Inférieure et examiner les comptes de
l'administration des diverses autorités constituées, relativement à
cet objet » (3), Ils vont prendre des mesures franchement révolution-
naires et leur séjour de plusieurs mois dans le département sera
marqué par une suite non interrompue d'actes violents ; leur rivalité
constante avec certains patriotes tels que Musquinet de la Pagne,
ce maire d'Ingouville trop peu connu, et Grenier, commissaire du
comité de sûreté générale, presque ignoré et dont l'action à Rouen
se fit sentir simultanément, eut des conséquences déplorables.
L'arrivée de Legendre et de Louchet avait été précédée d'évé-
nements et de résolutions qui expliquent ou annoncent pour ainsi
dire leurs actes.
Par ce qui s'est passé à la Société populaire pour les enrôle-
ments volontaires, on peut mesurer l'émotion que causa la publîca-
(i) Arch. départementales. Guerre.
(2) Arch. nationales.
9) Arch. départementales. - Prooès-Terbaux du oonseil géDénd dui
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-189-
tîon de Karrêté pris par le conseil général de la Seine-Inférieure le
11 août 1793, pour l'exécution de celui des représentants du peuple
Elie Lacoste et Peyssard (1) daté de Douai du 4 août. Aux termes
de cet arrêté, tous les citoyens du département de la Seine-Inférieure
devront se réunir au chef-lieu de leur district le dimanche 18, à
sept heures du matin. Ainsi réunis, ils se mettront par canton. Les
pères de famille et tous autres au-dessus de cinquante ans et au-dessous
de seize sortiront des rangs et ij ne restera que ceux qui, n'étant
pas pères de famille et au-dessous do ces âges, seront en état de
porter les armes. Ils ne pourront sortir des rangs et ils se formeront
en compagnies de cent hommes (2).
Ces dispositions se confondent avec celles du décret des 14 et
16 août qui déclare que le peuple français va se lever tout entier
pour la défense de sa liberté et de sa Constitution et pour délivrer
enfin son territoire de ses ennemis. C est la levée en masse, dont
l'organisation ne s'effectua point avec un entrain remarquable. . .
Legendre et Louchet, investis ou non de la direction des opéra-
tions du rassemblement des forces nationales, ont eu à s'en occuper,
ainsi que des suites du recrutement.
Le manuscrit de HorchoUe, à la date du 18 août, mentionne une
assemblée générale de toutes les communes du district et des sections
« pour former des compagnies, » et dit quil ne fut rien décidé, La
vérité est que vers la mi-septembre, 300 dragons, levés dans la
Seine-Inférieure, partaient pour l'armée du Nord, et qu'on s'efforça
avec plus ou moins d'enthousiasme de répondre aux excitations des
commissaires spéciaux (3).
Un incident relatif au recrutement eut des suites graves et
d'une invraisemblable complication. Le 11 août, lors du dernier
rassemblement sur la place du Champ-dc-Mars par les représentants
du peuple près l'armée des côtes de Cherbourg (Pochollc et Carrier),
les nommés François Bourguemont (4), dit Fribourg, clerc de
ji) Elie Lacoslo et JVyssard avaient été envoyés en mission à l'Année du Nord les
95 et 27 juillet (Aulard, la Révolution Française, 1893, p. 266).
(2) Joutmal de Roneti du 14 août 1793.
(3) Arch. départementales.
(4) Peut-être fils de Pierre-François Bouriniemond, en 1764. suisse de Mprr l'arche-
vêque de Rouen (Mpr de La Rochefoiicauld).
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- 190 -
notaire, et Louis-François Toutain, commis au secrétariat de la
commune de Rouen, furent arrêtés : l'un pour être vêtu d'un gilet
avec bordure et fleurs de lys, surmontées d'une couronne (1), et tous
les deux pour avoir dit que, si 3,000 hommes marchaient, il y en
aurait 4,000 qui s'y opposeraient. Leur interrogatoire et les déposi-
tions des témoins au bureau permanent de l'Hôtel-de- Ville fut
transmis au conseil général de la commune, où l'affaire donna lieu
d examiner s'il y avait un mandat d'arrêt contre les prévenus — qui
étaient emprisonnés — pour les renvoyer au tribunal révolution-
naire de Paris. A la majorité, le conseil décide que non. Puis, on
discute les questions de savoir s'ils doivent ou être traduits au tri-
bunal criminel du département ou subir les peines de police correc-
tionnelle ou celles de police municipale. La majorité (modérée) du
conseil, écartant les solutions extrêmes et se basant sur des circons-
tances atténuantes, attribua l'affaire à la police municipale. Le débat
fut extrêmement passionné, et le 28 août, le citoyen Bucaille ayant
dénoncé Clavier et Roger fils, officiers municipaux, à raison de
lopinion par eux émise, il en surgit une. discussion au cours de
laquelle M. Rondeaux rappelait à l'ordre J.-B. Pinel, pour s'être
permis d'injurier une partie des membres du conseil général (2).
Le tribunal de police, saisi du renvoi, et dont la compétence
avait été étudiée et préjugée avec une remarquable sollicitude, était
formé de Roger fils, officier municipal, et d'Yvernès et Turgis,
notables, tous les trois commcr^*ants, c'est-à-dire peu familiarisés
avec les lois de cette époque transitoire, non moins confuses et non
moins élastiques que celles d'aujourd'hui. Ils n'en infligèrent pas
moins aux deux délinquants la plus forte peine, c'est-à-dire huit
jours de prison, une amende et l'affiche de leur jugement, plus la
destruction du gilet (3).
(1) Ce n'est pas le seul pilet contre-irvolulionnaire qui, à Rouen, ait fait arrêter
son propriétaire. Pierre Brasseur, cortloniiier, d'Ivn-la-Iîataille, pour un pareil gilet,
fond rose, parsemé de fleurs de lys, imprimées en faux or, fut, le 18 frimaire an II, arrêta,
un instant détenu à Rouen, et conduit, le 18 pluviôse, au tribunal révolutionnaire de
Paris, par ordre du Comité de SurveiHan<e de Rouen, maljjré l'intenentlun de la
Commune et du comité d'ivry.
(2) Reg. des délibérations.
(3) Arch. m pales.
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- 191 -
A peine cet arr^^ était-il rendu que, le 29 août, Legendre et
Louchet, donnant satisfaction aux rancunes des Montagnards, « et
considérant que dans un moment où il se trame dans la commune
de Rouen un complot contre-révolutionnaire et dont nous acons des
preuves matérielles, il est souverainement dangereux pour la liberté
de laisser dans les fonctions publiques des hommes qui ne sont pas
connus pour la pureté de leur civisme, et que d'après les renseigne-
ments donnés par des citoyens dignes do confiance, les principes
politiques du citoyen Roger sont notoirement suspects — en vertu
de nos pouvoirs, — le destituons de ses fonctions municipales... (1). »
Roger, présent à la séance du 29 août, entendit la lecture de
l'arrêté et se retira.
Un décret de la Convention, du 31, ayant cassé le jugement rendu
contre Bourguemont et Toutain, et ordonné la mise en arrestation
de Roger-^ Yvernès et Turgis, la municipalité, avec une fermeté qui
lui fait grand honneur, protesta dans une lettre par elle adressée à
Legendre et Louchet. Expliquant fort bien que le conseil général
avait le droit de décider la question de compétence, elle ajoutait que
si les trois officiers municipaux, en jugeant, avaient fait une faute,
elle leur était commune avec ceux de leurs collègues constituant la
majorité ayant voté le renvoi à la police municipale. Les uns et les
autres ont pu faire une mauvaise application de la loi, mais leurs
intentions ont été pures. La municipalité sollicitait donc la mise en
liberté provisoire des trois officiers municipaux avec lesquels elle se
solidarisait (2). Mais, pas plus que leurs collègues de la Convention,
Legendre et Louchet ne connaissaient le respect de la chose jugée.
Bourguemont et Toutain (3) furent déférés au tribunal révolution-
(1) Id. L'arrêté (les représentants du peuple a été transcrit sur le registre des
délibérations.
(2) Id. Reg. de correspondance.
(3) Les termes de la prévention, quant à Toutain, s'aggravèrent devant le tribunal
révolutionnaire. Tous les deux sont condamnés à la déportation à la Guyane par un
jugement du tribunal révolutionnaire du 27 septembre 1793, dont un extrait est aux
arch. mpales. Toutain fut ramené de Lisieux à Rouen le 22 avril 1798 et, sur la demande
en révision de son procès, mis en liberté le 8 juin suivant, en vertu d'une déclaration
du jury de ce jour. Ni Toutain ni Bourguemont ne figurent dans les listes de victimes
normandes de la Révolution. Toutain était né à Lisieux vers 1745.
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- 192-
naire et Roger fils, Yvernès et Turgis, emprisonnés à Rouen (1).
Depuis plusieurs mois, Tobsédanto question des subsistances,
prétexte aux missions des Conventionnels, ne laisse que de rares
répits aux administrateurs. Pourtant, l'insurrection du premier
mai, le seul trouble local sérieux de cette période, concorde trop avec
celle de Paris pour avoir été réellement et exclusivement causée
par la cherté des blés. Surprise de sa spontanéité, très hésitante
sur ses véritables motifs, la municipalité attribue d'abord la muti-
nerie des trois cents volontaires casernes, point de départ des
violences, à des instigations étranc/èrcs, puis « aux circonstances
où l'état des fabriques et la pénurie des denrées ont réduit une
population immense qui ne vit que des produits de son industrie » (2).
La condamnation à mort par le tribunal criminel de la Seine-
Inférieure, le 21 septembre 1793, pour conspiration et émeute à main
armée de cinq des révoltés (3), dont quatre sont des volontaires,
permettrait de laisser à Tafifaire le caractère contre-révolutionnaire
que la municipalité lui donnait à l'origine.
A la fin de juin et dans les premiers jours de juillet, la commune
et le département multipliaient leurs envois de délégués vers la
Convention, pour en obtenir des secours. Un commissaire de la
Seine-Inférieure exprimait à l'Assemblée, à la fin de juin,
l'effrayante situation résultée de ce que le Calvados, l'Eure et la
Somme, qui aidaient aux besoins de la Seine-Inférieure, s'étaient
indignement et lâchement coalisés et lui coupaient les vivres par
ambition et pour une faction impie (4).
(1) Yvernès et Turgis s'adressèrent au Comité de salut public; appuyés, ils furent
momentanéinent rais en Uberté sous la caution de Lambert, Pillon, Eudeline, Poret,
Lefebvre-Signol, Lamine, Bouvet, Grandin, Gaillon et Pinel (arch. mpalesS mais
obligés le 19 mars 1794 de se constituer prisonniers à Saint-Lô. Un arrêté les libéra le
19 avril, et ce fut Poret qui leva leur éorou. Hoger était encore détenu en août 1794. 8a
femme, née Brin^eon, an*étée le 29 mai 1791, ijuoique chérissant la Révolution, ne dut
sortir qu'après lui, car il demandait, le 2i août, qu'elle fût mise en liberté. Ruiné, il
eut recours aux tribunaux puis à la Convention pour obtenir raison d'injustices et de
spoliations. Le mémoire (imprimé) qu'il adressa à l'Assemblée dans ce but figuix» dans
la collection de pièces curieiises sur la Révolution de la biblioth.. mpale de Fécamp.
(2) Arch. mpales. Reg. de corresp. Lettres des 1*^ et 2 mai, à la Convention et au
ministre de l'intérieur.
(3) Gos.seIin, ouvr. et revue cit., 1866, [>. 798 et s. — Wallon, Représenl. en mission,
t. H, p. 76, n. 3.
(4) Jommal de Rouen du l-"^ juillet 1793.
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- 193 -
Dans le moment où Lamine et Lecanu étaient à Paris, deman-
dant avec l'appui de Pocholle et Prieur des secours pour continuer
l'achat des subsistances pour la ville (1), à la veille des jours où la
foule anxieuse se portait aux boulangeries, il y avait à Rouen un de
ces agents secrets, ou observateurs, — lisez espions — comme il s'en
trouve presque constamment sous la révolution, envoyés par le
Comité de sûreté générale ou le ministre de l'intérieur (2).
Legrand, c'est le nom de l'agent, écrit au ministre, le 14 juillet,
qu'à Rouen on ne manifeste point de craintes sur les subsistances.
« Le pain, d'assez bonne qualité, coûte 3 sols la livre, la viande de
18 à 20 sols et les autres comestibles en proportion ! Tous les bras
sont occupés et le salaire des ouvriers et des manoeuvres de toute
espèce étant proportionné aux dépenses actuelles on supporte sans
montrer beaucoup d'impatience le renchérissement excessif Açi toutes
les denrées. Le commerce de la ville de Rouen ne parait éprouver de
stagnation dans aucune de ses parties. . . » (3).
On s'explique que ce singulier optimisme, rapproché des lamen-
tations de la correspondance et des envoyés des administrateurs, ait
pu inspirer aux comités de la Convention et aux représentants en
mission, des soupçons défavorables, et que Carrier ait dit le 17 juillet
aux membres du département, que Pocholle et lui venaient s'assurer
si leurs besoins de subsistances étaient aussi grands qu'ils l'an-
nonçaient (4).
A leur tour, un mois plus tard, dès le lendemain de leur arrivée,
le 18 août, Legendre et Louchet recherchaient les causes de la
disette, devant les trois administrations réunies du département.
Les deux conventionnels, à qui vingt-quatre heures ont suffi pour
(1) Procès-verbal de Ja séance de la comirume du 14 juillet. — Lamine et Lecanu
avaient été députés par le bureau de la commune, le 8 juillet, vers le comité de salut
public, le ministre de Tintérieur et la Convention (Reg. du bureau permanent). Lecomte
substitut et Auger, tœsorier des subsistances, puis Poret et Bénicourt furent aussi
députés pour le même objet. Ces voyages étaient coûteux. La mission de Lecomte coûte
4S5 1. et celle de Poret au moins 600 1. ( v. reg. du bureau permanent )►
(% V. M. Wallon, Représ, en mission,
(3) Arch. nationales Fa 551. — M. Wallon (le Fédéralisme, 1. 1, p. 517), ne reproduit
pas ces passages du rapport de Legrand.
' - (4) Guiibert. Biographie de M. de Fontenay.
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v;^V^-
!V> -
- 194-
ôtre édifiés, s'inspirant, cela n'est pas douteux, de l'opinion qui
prévaut à la Société populaire, imputent la pénurie extrême de
subsistances ressentie par Rouen « à un nombre infini d'étrangers
que l'on dit habiter dans son sein, et observent qu'il convient que
les administrations prennent les mesures nécessaires pour les en
faire sortir ». On rappelle ce qui a été fait, et l'on est amené à
conclure que les dispositions prises resteront sans effet tant que la
Convention n'aura pas obligé les citoyens à rester dans leurs muni-
cipalités respectives (1). Il faut un internement général 1
La municipalité Rondeaux, plus rassurée que les deux autres
corps constitués parce qu'elle no s'était pas compromise ouvertement
dans les luttes contre les jacobins et pour le fédéralisme, tenait
ferme contre les assauts parfois furieux que lui livraient les mon-
tagnards de la Société populaire.
Le 8 août, quarante membres de la Société étaient venus à la
commune en séance dénoncer en bloc l'état-major de la garde
nationale qui, aussitôt, se présente et fait une réponse lue publique-
ment par son adjudant général. Cela se résout sur le champ par un
échec infamant pour la Société populaire qui ne le pardonnera point
à la municipalité. Le conseil proclame que l'état-major n'a cessé de
bien mériter de la commune, et déclare la dénonciation calomnieuse.
La réponse et la délibération flétrissant les délateurs seront
imprimés et affichés (2).
Mais les montagnards pressentent que la revanche est proche,
et ne laissent point échapper l'occasion de montrer leur hostilité. L'un
d'eux, Jacques Darcel. employé de la commune, alîecte une into-
lé!*able insubordination aux ordres du bureau permanent qui lui
prescrivent de délivrer des passeports à deux commissaires de la
municipalité, chargés d'une commission pour la commune. Le bureau
le destitue le 14 août de ses fonctions de chef de bureau des passe-
ports et le remplace par Le Halley, secrétaire du tiilunal de
police (3).
Le 16 août, la Société menace De Limoges de la suppression de
(\) Procès-verbaux des séances du département.
(2) Reg. des délibérations de la commune.
(3) id.
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- 195 —
sa feuiUe, V Echo politique ou Journal du Soir. Ce pauvre diable de
poète-journaliste s'adresse le lendemain à la Commune, se plaignant
d'être persécuté, car « n'ayant pas d'autre ressource pour faire
exister les siens, il lui importe de conserver son état de paix ». Et,
pour prouver son insigne bonne volonté, il se soumet de lui-môme
à la censure, sollicitant la désignation d'un commissaire pour
examiner son journal avant qu'il paraisse et en retrancher ce
qu'il lui plaira. Le conseil, peu soucieux de plaire à la Société
populaire, passe à Tordre du jour (1).
Cependant, Legendre et Louchet s'occupent de la réalisation
des vœux les plus chers des montagnards. Le 27 août, ils écrivent
au Comité de Salut public de la Convention que, depuis leur arrivée
à Rouen, il ne doutaient pas qu'il ne s'y tramât des complots contre-
révolutionnaires. Ils viennent d'en acquérir la certitude par la
remise à eux faite d'un signe de ralliement consistant dans un écusson
royal avec cette légende : Chancellerie militaire, gravé sur un carton
gris et blanc ^2), envoyé dans une lettre à un « bon citoyen » qui
s'était empressé de déposer l'un et l'autre dans leurs mains. La lettre
disait au « bon citoyen » : « Connaissant, monsieur, votre attache-
ment aux principes de l'honneur que tout français conserve dans
son coeur en dépit de la faction qui tyranise leur (sic) malheureuse
patrie, et, bien persuadé que nous pouvons compter sur vous à l'oc-
casion, nous vous envoyons le signe de ralliement au moyen duquel
vous pourrez vous joindre à nous quand il sera temps. »
Les grandes mesures qu'il était instant de prendre pour déjouer
ce complot, — mesures sur lesquelles ils ne s'expliquaient pas autre-
ment — exigeaient, d'après Legendre et Louchet, que le Comité leur
adjoignît sur le champ un collègue connu par son énergie ; ils en
avaient un besoin d'autant plus pressant que les subsistances absor-
baient tous leurs moments. Il n'y avait pas un moment à perdre pour
éviter à Rouen le sort de Lyon. Déjà, par un courrier extraordinaire,
ils avaient avisé de cette situation le Comité, qui ne paraissait pas
(1) Reg. des délibérations de la commune.
(2) Ne serait-ce pas la même chose que le petit ruban et le morceau de papier
envoyés par le directoire du département au premier comité de surveillance le 26
avril 1793, ranime pouvant être un signe de ralliement'} (Reg. du département.)
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-196-
s'^n être ému, et dont le silence les jetait dans un grand embarras (1).
Cette insistance semble motivée infiniment moins par les dan-
gers immédiats d'un prétendu complot révélé par un indice aussi
vague, aussi peu alarmant, que par les efforts désespérés des violents
de la commune, de la Société populaire et des sections afin d'avoir
raison de l'attitude résolue et brave de la majorité qui s'est établie à
la commune et qui s'oppose aux arrestations, aux actes arbitraires
et révolutionnaires. Le 7 août, pour avoir la paix, le conseil général
de la Commune a décidé que toutes les mesures de sûreté et de sur-
veillance ne seront exercées que par les membres composant le
comité de ce nom, conformément à la délibération qui le constitue.
Mais cela n'a pu suffire à satisfaire le comité.
La suspension des poursuites contre Bignon, Descroisilles et
autres, la décision sur la dénonciation contre l'état-major de la
garde nationale, la solution de la commune dans l'affaire Bourgue-
mont-Toutain, ont mis la Société populaire hors d'elle-même et le
^9 août, aussitôt après la destitution de Roger, deux de ses membres
viennent déposer une pétition interpellant le conseil général et le
critiquant sur sa négligence à l'exécution de plusieurs lois. Dédai-
gneusement, le conseil passe à l'ordre du jour, et un instant après,
lorsque Roger, destitué, se présente devant lui, il arrête qu'il lui
sera délivré un certificat attestant son zèle, son courage et ses soins
dans l'exercice de ses fonctions (2).
Le même jour 29, dans la grande salle du conseil général du
département, la résistance de M. Rondeaux et de ses amis, seul
complot qui existât, en réalité, allait être vaincue. L'assemblée,
formée des trois corps administratifs, s'entend annoncer par les
deux conventionnels qu'ils viennent conférer sur différentes mesures
de salut public et que les citoyens étrangers aux administrations
doivent se retirer.
L'un des représentants expose que d'après les renseignements
qui lui sont parvenus, il ne peut pas douter qx)!\\ existe dans la ville
un foyer de contre-révolution. Il en représente un signe de rallie-
ment qu'un citoyen connu lui a remis. Il observe qu'il convient que
(1) Archives nationales. — AFii 149, doss. 1204, 20 p.
(2) Reg. des délib. de la commune.
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-197 -
la loi sur la réclusion des étrangers et gens suspects soit prompte
ment exécutée si on ne veut pas voir éclore à Rouen les événements
de Lyon, Marseille, Caen. Puis il parle de mesures pour que la ville
ne puisse manquer de subsistances. On adjoint à Legendre M. de
Fontenay qui l'accompagnera à Paris, . ,
Ayant ainsi préparé leur auditoire, les citoyens représentants
annoncent l'intention d'établir un Comité de Salut public dans la
ville de Rouen. Ils auraient pu, disent-ils, prendre cet arrêté sans
le communiquer préalablement aux corps administratifs, mais ils
veulent agir fraternellement, et Louchet lit l'arrêté.
Comme s'ils savaient en quoi consiste le complot dont ils
parlent, ils basent cet arrêté d'abord sur l'existence d'une « vaste
conspiration pour anéantir la liberté publique et rétablir la royauté.
Les ennemis de l'intérieur et les tyrans de l'Europe, toujours d'ac-
cords dans leurs affreux projets, suivent constamment leur système
d'agir et de soulever les grandes cités, en y répandant l'or avec
profusion, en y semant des terreurs paniques, en y ff^isant éprouver
les horreurs de la famine au sein de l'abondance. Des faits nom -
breux et des pièces de conviction que le génie de la liberté a fait tout
récemment tomber entre leurs mains, prouvent invinciblement que
les ennemis de l'égalité profitent du sommeil léthargique de la
commune de Rouen, pour renouer les fils de la trame parricide qu'ils
y ont vainement ourdie pendant que la justice nationale préparait
le glaive qui devait frapper la tête du tyran. La loi contre les
étrangers et les suspects est demeurée sans exécution^ la sûreté de
l'Etat et de la ville de Rouen commandent Tes mesures les plus sages,
les plus sévères et les plus promptes ».
Ces mesurés se trouvent résumées en neuf articles dont le
premier supprime le Comité de surveillance, remplace ce comité pÉx
par un comité de salut public, composé de quatorze membres qui
sont (art. 8) les citoyens Lambert, Grandin, Bouvet, administrateurs
du département, Lefebvre, Andrieu, administrateurs du district (1) ;
Poret, Eudeline, Pinel l'aîné, Carré, Lamine, Gaillon, Lecanu,
(1) On ne 6*est pas préoccupé de donner à un seul des six autres districts le
moindre représentant dans ce comité départemental.
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— 498 —
Lecoutour et Pillon^ membres du conseil général de la commune.
Ces neufs derniers comprennent six membres du comité supprimé,
et trois nouveaux : Poret, Pinel Tainé et Lecoutour, qui remplacent
Chouquet, Guyet et V. Grout. Le secrétaire sera précisément Jacques
Darcel, l'employé destitué par la commune le 14 août.
Ce comité est investi de tout pouvoir pour rechercher dans
toute l'étendue du département les preuves de toute entreprise
révolutionnaire et notamment du complot qui se trame dans la ville
de Rouen, requérir la force armée, mettre en arrestation les per-
sonnes prévenues des délits énoncés dans les lois des 11 août 1792,
10 mars 1793 et autres lois de sûreté générale, faire apposer les
scellés sur leurs papiers, et, s'il y a lieu, les renvoyer directement
.devant les tribunaux compétents, assurer la pleine et entière exécu-
tion de la loi du 2 juin 1793 et les personnes notoirement suspectes
d'aristocratie et d'incivisme et celle des étrangers non domiciliés en
France avant le 14 juillet 1789. Il doit renvoyer dans leurs com-
munes respectives les ci-devant nobles, les prélres non employés,
4si'il juge leur séjour dangereux et les faire arrêter faute d'obéissance.
Les membres du comité ne peuvent ordonner d'arrestation sans être
au nombre de huit et autrement qu'à la majorité des voix. Enfin,
(( pour déjouer plus sûrement les projets de la malveillance, le
comité fera distribuer aux citoyens connus par leur patriotisme les
piques qui sont à la disposition de la commune de Rouen » (1).
Le conseil général du département, sur le registre duquel cet
arrêté est tout au long dans le procès-verbal de sa séance du 29,
ordonne le 30 qu'il sera imprimé et envoyé aux districts et à toutes
les municipalités.
La destitution de Roger, la création du Comité de salut public,
étaient tout simplement des actes arbitraires et illégaux. Legendre
et Louchet excédaient leurs pouvoirs et les avaient déjà excédés, le
19 août, en mettant en réquisition les cultivateurs du département
:de l'Eure.
La ratification de la Convention donnée, quant à rétablissement
(1) In-4 de 6 pp., à Rouen, de Timprimerie Oursel. L'original est aux arch. dépar-
tementales. Deux exempl. imp. sont aux arch. nationales. L*arrété est publié 'iftpa le
Journal de Rouen du 6 septenibre.
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— 199 —
du Comité, par décret du 3 septembre imprimé et publié à part (1),
vint couvrir l'irrégularité, mais non pas avant que les membres du
Comité eussent osé entrer en fonctions.
Legendre et Louchet se savaient si bien dépourvus d'instructions
et de pouvoirs que, le 3 septembre, avant d'avoir reçu le décret de
cette date, leur collègue Delacroix (2), qui leur a été adjoint le 29
août, et est venu depuis se réunir à eux, écrit avec Legendre au
Comité de salut public pour lui faire remarquer que leur mission
se borne aux subsistances et aux comptes y relatifs et a pour limites
le département de la Seine-Inférieure. Nous ne pouvons donc pas,
disent-ils, suspendre ou destituer les agents infidèles de la Repu-
blique, les fonctionnaires publics fédéralistes et les remplacer par
des patriotes, ni nous occuper de la classe des citoyens, ni nous
transporter dans l'Eure, oie cela peut devenir nécessaire. Ils
prient en conséquence le Comité de consulter l'Assemblée pour
savoir s'ils doivent remplir simplement la mission résultant du
15 août ou s'ils ont les pouvoirs de ceux de leurs collègues envoyés
dans les départements. Mieux encore, ils déclarent qu'ils se renfer-
ment strictement dans les limites de leurs pouvoirs jusqu'à ce que la
Convention se soit expliquée (3).
A l'égard du complot, il paraît qu'on l'empêcha sans savoir
au juste en quoi il consistait. Louchet n'en donne aucun détail dans
sa lettre du 1^' septembre à la Convention :
« Les complots liberticides qui se tramaiônt dans cette ville sont
déjoués ; rétablissement d'an Ck>mit6 de Salât Poblic composé des patriotes
les plas sages, les plas énergiques et les plus pars a ranimé le coarage de
toas les répablicains et confondu les coupables espérances des royalistes.
Les aristocrates sont arrêtés, les bons citoyens vont être armés de piques,
les lois s'exécutent, tout rentre dans l'ordre ; il prie la Ck>nvention de confir-
mer l'établissement du Ck>mité. . . (4). »
(i) Ampliation signée Robespierre, président, Merlin (de Douai), Duhen et
Lakanal. Imp. chez Ferrand Taîné, à Rouen.
(2) Le décret nommant Delacroix porte la date du 29 août.
(3) Arch. nationales, AFii 119, doss. 1205, ^ 26. Lettre autogr. de Delacroix. Elle
n'est pas non plus dans le Recueil publié par M. Aulard, déjà cité.
(4) Arch. nationales. Notes et minutes pour la rédaction du procés-verbal de la
Convention du !•' au 6 septembre 179B. Cahier du 2 septembre.
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— 200 —
La Convention fit cesser les inquiétudes des trois représentants
du peuple en les investissant, le 6 septembre, des mômes pouvoirs
que ses autres commissaires dans les départements et près les armées.
En même temps , elle étendit leur mission « aux départements
voisins (1). » Ces députés sans scrupules n'en avaient pas moins,
sciemment, exercé et même conféré des pouvoirs qu'ils n'avaient
pas et trompé la Convention et le Comité de Salut public.
Ainsi que Legendre et Louchet s'y attendaient, la commune de
Rouen s'était d'abord refusée à faire dans le département de l'Eure
les réquisitions de grains qu'ils avaient ordonnées le 19 août. Elle
redoutait sans doute encore les accusations de la commune de Paris,
qui, elle aussi, faisait réquisitionner dans l'Eure, mesure dont
Legendre et Louchet témoignent leur surprise au Comité de Salut
public le 23 août, le département de l'Eure étant réservé à l'appro-
visionnement de Rouen. Il y a d'ailleurs à cette date des intrigues
telles que Faure écrit du Havre au Comité de Salut public pour se
plaindre des manœuvres qui font monter le prix des denrées dans la
Seine-Inférieure (2).
Mais les nécessités devinrent si calamiteuses qu'avant même
d'avoir vu ratifier par la Convention l'ordre du 19 août, la commune
de Rouen fut contrainte de recourir à l'exécution de cet ordre. Le
27 août, un procès-verbal de son bureau permanent, impressionnant
et suggestif, reflétant l'anxiété de M. Rondeaux et de ses collègues
acculés à des illégalités, donne des instructions à des commissaires
entre lesquels il répartit les réquisitions dans les districts de l'Eure.
« Ceux des cultivateurs qui. conjurés (sic) au nom de l'huma-
nité, au nom de la fraternité, de l'amitié qui unissent les Français,
d'aider de tout leur pouvoir à l'exécution de ces réquisitions, se
montreront récalcitrants, seront dénoncés à leurs districts et signalés
aux représentants du peuple. . . (3) » Dans la nuit 30 août au 1^' sep-
tembre, le département autorisait la commune à envoyer six cents
(i) Arch. nationales, AF 149 doss. 120B, f« 25.
(2) Arch. nationales.
(3) Arch. mpales. Reg. du bureau permanent. Les instructions de ce procès-verbal
furent imprimées à 300 exemplaires, non pas à Rouen, mais à Evreux, par Ancel, impri-
meur du département de l'Eure*
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— 201 —
commissaires dans les campagnes pour exécuter Tordre du 19. Or,
ce n'est que le 3 septembre que le citoyen Fontenay, revenant de
Paris, fait part au district du succès de son voyage auprès de la
Convention qui a bien voulu accorder au département des réquisi-
tions sur le département de TEure (1).
Il faut croire que cela fut efficace puisque le Comité de Salut
public félicite Louchet le 3 septembre d'avoir « sauvé une grande
ville du plus pressant besoin », félicitations qu'elle réitère quelques
jours après. « Notre mission est diabolique, répondent Legendre et
Louchet, mais nous la rempliront. Ce sont les contre-révolutionnaires
qui affament la Seine-Inférieure. . . (2) »
De nouveaux incidents ne tarderont pas à modifier très sensi-
blement ces impressions.
Le jour même, M. de Fontenay, en personne, faisait part au
distriot du désir de Legendre, Louchet et Delacroix d'avoir un
logement dans la maison de quelque émigré. N'en voyant pas d'autre
que celle de Bigot, rue du Moulinet, le district s'empressa d'aller à
leur hôtel la leur offrir (3). Modestement, les trois conventionnels
acceptèrent cette demeure, l'une des plus belles habitations particu-
lières de Rouen, et s'y installèrent aussitôt. Ils s'y mirent d'autant
plus à leur aise, que la cave, bien garnie et jusque-là restée intacte,
se trouvait à leur disposition (4). S'il faut en croire Grenier, commis-
(i) Arch. du département. Reg. du district.
(2) Arch. nationales.
(3) Arch. du dépt. Reg. du district. Une partie de la maison Bigot était occupée par
Duval-Sanadon en vertu d'un bail authentique.
(4) On y puisa sans compter.Partis de Rouen et se ressouvenant à Neufchâtel ou
plutôt s'y étant entendu rappeler probablement par le gardien responsable du séquestre
(F.-J. Bitiaux, pour la garde de la bibliothèque et des vins, recevait 30 s. par jour) qu'il
manquait nombre de bouteilles à Tappel, ils écrivent au district de Rouen, offrant de
payer. Pour calculer combien et pour quelle valeur il en avait été bu, il fallut, après
coup, dresser un état estimatif qu'on leur envoya à Vernon : « Nous espérons, écrit le
district, que cette opération ne laissera rien à désirer pour remplir vos intentions. »
Les vins de Bigot étaient du goût des patriotes, car le commissaire du district de Cany
en but et en fit boire une si grande quantité aux huissiers, gardiens et autres personnes
venues au château de Sassetot, qu'on le traduisit notamment pour cela devant le
tribunal criminel le 18 germinal an III. Il fut acquitté. — L'hôtel Bigot, occupé par la
cavalerie, fut ensuite affecté au tribunal militaire qui en prit possession le 6 floréal an II,
jour où Cottais, commissaire de police, y dressait par ordre du district encore un état
des vins... La commission des subsistances de la Convention, le 3 du môme mois,
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- 202 —
saire du comité de sûreté générale, leur adversaire impitoyable, les
abus dont les trois conventionnels purent se rendre coupables à
Rouen ne furent pas les plus graves qu'on ait eu à leur reprocher.
L'occasion se présentera bientôt de mentionner les accusations qu'il
porta contre eux avec une persistance singulière.
avait prescrit de réserver du mobilier des émigrés, les vins, liqueurs et eau-de-vîe.
a L'expérience a prouvé que ces choses se vendent à vil prix dans un pays libre
où le faste et la somptuosité sont proscrits, où la frugalité est mise au rang des pre-
mières vertus, la Convention, dit le district, a donc pensé qu'il serait plu8 avantageux
de changer ces misères contre des objets vraiment utiles... » — On «ut au moins l'in-
tention d'échanger ceux provenant de la Chambre de Commerce contre des bœufs de
la Sv.isse (floréal an II). Il parait certain que les vins d'émigrés ne profitaient pas tou-
jours à la République. On le constate à propos de ceux de la succession de Guillebon,
le 6 vent, au VII. (Arch. départementales et mpales et notes de l'auteur).
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- 203
CHAPITRE NEUVIEME
Le Tribunal criminel jusqu'à la fin de 1793. — Ses Membres. — Le département yeut
retarder le remplacement de Frémont. — Pétition des rouennais. » Leboucher
du Tronche élu président. — Le président Legendre et l'accusateur public
Leclerc. — Les premiers jurés. — Un incident. — Thieulleu, Anquetin et
Duyal. — Cruauté du législateur. — L'échelle de la question. » Causes
curieuses et peu ou mal connues. — M. de Ver ton et M. de Maldérée. —
Bourreaux en disponibilité. — Deux yieilles familles normandes : Les Jouenne
et les Féray; leurs illu très alliances. — Grandeur et décadence. — Comment
Louis XVI et Turgot youlaient qu'on traitât le bourreau. — La presse et le
bourreau de Rouen. — La guillotine et ses débuts. — Ses victimes en 1793. —
Les prisons.
Selon les conceptions jacobines, le comité de Salut public,
désormais indépendant de la commune qui lui était même assujettie
à divers points de vue, devait être le principal agent, le moteur de
la révolution à Rouen et dans le département. Mais il n'était vrai-
ment puissant et redouté que pourvu de ses indispensables
auxiliaires : le tribunal criminel, le bourreau, la guillotine et les
prisons, qui ne furent pas toujours de simples épouvantails.
I.
Lors de son installation et de son serment de fidélité à la nation,
à la loi et au roi, le 17 janvier 1792, le tribunal criminel de la Seine-
Inférieure avait pour président J.-L.-P. Frémont, (1) et pour juges
nommés par le directoire du département, Faure, le futur conven-
tionnel, Grégoire Lechanoine et A.-L. Avenel, des tribunaux des
districts de Montivilliers, Caudébec et Rouen, appelés, ces trois
derniers, à siéger seulement pendant un trimestre. (2) F.-N. Anque-
tin (de Beaulieu) était l'accusateur public, J.-D. Thomas, le com-
(i) Aux détails donnés par les biographes sur Frémont, avocat à Rouen depuis
1756, il faut ajouter qu'en i789 il était titulaire d'un office de banquier expéditionnaire
eu cour de Rome. (Arch. du départ.)
(2) Le président était nommé pour six ans, l'acciisateur public d'abord pour quatre
ans, puis pour six ans. (Décret du 20 janv. 1791. >
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— 204 -
missaire du roi, et Paynel, le greffier (1). Seul, celui-ci était ina-
movible.
Le président et le commissaire du roi étaient porteurs de pro-
visions de « Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle
de l'Etat, roi des Français, » datées du 29* jour du mois de no-
vembre 1791 et de son règne le 15*, signées M.-L.-F. Duport, et
adressées à ses « amis et féaux les membres du conseil général de la
commune de Rouen, » auxquels il mandait d'installer ces magistrats.
Quand il s'agit de remplacer le président Frémont, mort le
4 avril 1792, des difficultés s'élevèrent. Le directoire du départe-
ment, requis par le tribunal de lui faire donner un successeur, au
lieu d'inviter le procureur général syndic à convoquer les électeure,
consulta le ministre de la justice, et, selon l'avis de celui-ci, sus-
pendit la convocation, ne voyant pas d'inconvénient à ce que le pré-
sident fût élu seulement en mars 1793 (2).
Au sein du tribunal même, des dissidencessurgissent et trouvent
des partisans dans le public et à la Société populaire qui organise
une de ses pétitions des « citoyens de Rouen » où Ion rappelle les
administrateurs au respect de la loi... et des électeurs. «C'est au
commencement de l'institution, disaient les promoteurs du remplace-
ment immédiat, qu'on ne peut l'exposer aux chances désavanta-
geuses de présidents de hasard et intérimaires dont aucun ne s'est
suffisammentpréparéàcet important service.» Selon euxlesprévisions
légales pour le mode et la suppléance provisoire ne s'appliquaient
pas à la place du président, restée sous le principe général du rem-
placement sans délai. Les pétitionnaires accusaient le directoire et le
procureur-syndic d'avoir manqué aux principes constitutionnels, et
même d'avoir attenté au droit de nomination du peuple. Ils étaient
cinquante, parmi lesquels Jacques Adam, Aroux, Anquetin, Bignon,
Seyer, Henri Adam, O. Leclerc, L. Robert, Durand, curé de Saint-
Jean, Blanche, Eudeline le jeune, Quillebeuf, Guyet, Lecomte;
(1) Paynel, devenu greffier en chef de la cour criminelle, fut dénoncé le 2 mai 1806
par la Cour qui, sur sa promesse d'être plus circonspect à l'avenir, décida, le 5, de ne
donner aucune suite au réquisitoire du procureur général. Il donna sa démission le
29 août suivant et fut remplacé par Simonin.
(2) Arch. nationales, pièce originale.
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- 205 -
Mabire, Lamine, Mariette, Lettré, Le Coutour, Lachesnez-Heude
et Potier.
Le décès de M. Massé, procureur général syndic, fut sans doute
une des causes qui décidèrent la convocation des électeurs, et, le
12 juillet, Le Boucher (du Tronche), homme de loi et officier muni-
cipal à Rouen, fut élu président du tribunal criminel, et Thieullen,
administrateur du département, en remplacement de M. Massé.
M.LeVavasseur, qui avait présidé l'assemblée électorale, avisa ras-
semblée nationale de ces élections. On ne voit pas que le président
ait accepté. Bunel, juge, élu le 1®' juillet président provisoire par
ses collègues Legendre, Ferry et Dufay, siégea jusqu'au 6 octobre,
date à laquelle Lecointe lui succéda. Les fonctions de celui-ci ces-
sèrent le 26 novembre, jour de l'installation de Legendre comme
président, et de Leclerc comme accusateur public. Ceux-ci avaient
été aussi élus « hauts-jurés » (1) le dernier jour des opérations de
l'Assemblée primaire réunie à Caudebcc pour nommer les députés à
la Convention.
Les noms de Legendre et de Leclerc sont ceux des magistrats de
Rouen les plus connus de la période révolutionnaire. Les notes qu'ils
ont eux-mêmes fournies sur leurs antécédents, pas plus que ce qui a
été publié depuis sur leur vie, ne sont de nature à fournir des
éclaircissements utiles. Ils déclarent, en effet, très discrètement :
Legendre qu'avant la révolution il était avocat , et depuis
juge au tribunal du district; Leclerc, aussi avocat, était devenu
commissaire du roi près le tribunal du district ; Paynel, de commis
au greffe criminel du bailliage de Rouen, était passé commis-greffier
au tribunal du district (2j.
Legendre a été gratifié d'une biographie. . . ; Leclerc, — en tout
moins heureux, — est resté à l'écart, quoique ni plus ni moins digne
d'attention.
Legendre était âgé de quarante-huit ans. Ancien élève du col-
lège des Jésuites, où il avait achevé ses études, il fut ensuite guidé
(1) Membres de la Haute-Cour nationale instituée en 1790.
(2) Archives nationales.
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- 20G —
par les « leçons d'un homme célèbre » (1). S'il fallait en croire son
« Eloge » écrit peu de temps après sa mort, par Lecarpentier, son
collègue de la Société libre d'Emulation, dont il avait été le prési-
dent, il s'était fait connaître pnr des plaidoyers et des mémoires
réunissant un jugement droit et solide. (2) Plus réservé, un auteur
récent (3) se borne à dire que c'était un avocat renommé. Au sur-
plus, on ne cite de lui aucune publication. On le voit, jusqu'à la
nouvelle organisation judiciaire, chargé plutôt des intérêts des
nobles que de ceux de la bourgeoisie (4) et ayant recours, pour
donner plus de poids à ses consultations, aux adhésions de quelques
uns de ses confrères. En 1790, il est secrétaire do l'Ordre et taxé à
36 livres qu'il paie le 18 mars, sans modération (5) comme c^la
arrive pour nombre de ses confrères, moins occupés ou moins aisés,
entre autres Le Contour, Boïeldieu, Delafoy , de Cour teilles et Doury,
Quoi qu'on en ait dit, il ne paraît avoir été qu'un avocat de second
ordre, qu'on ne saurait mettre au rang des Bayeux, des Thouret,
des Thieullen, des Thiessé, dont il était l'aîné.
Membre assidu de la société populaire, il n'y prend volontiers la
parole que pour quelque brève motion ou pour en treten ir ses frères des
affaires criminelles. C'est ainsi qu'il leur annonce avec une évidente
satisfaction, résultant assez de cela même qu'il aborde un tel sujet,
et témoignant aussi de son jacobinisme persistant après thermidor,
c'est ainsi qu'il leur annonce, sur son siège de président de la
Société, que le tribunal criminel, dont il est en mémo temps le
(1) François-César Lej^endre est né à Rouen (Saint-Patrice), le 24 octoln'c 1743, de
François Legendre et de M. M. Dubiùsson. Son parrain fut César Levenard. Legendre
est mort célibataire à Rouen, le 31 janvier 1815. Sa fdleadoptive, M"* Roussel-Legendre.
épousa M. Mimerel, négociant à Amiens. Toutes les publications rouennaises qui se
sont occupées de lui en font inexactement un député à la Législative. Elu le 25 ger-
minal an VI au Conseil des Cinq-Cents, il ne s'y tit en aucune façon remarquer. La
Restauration lui enleva ses fonctions de juge.
(2) BuUct'm de la Société d Emulation, 181.3, p. 50 et s. et Jountal de Rouen.
3 février 1815.
(3) M. Decorde, Les Avocats au Parlement de Normandie.
(4) Il est, en 1788, l'avocat du cbevalicr de Crény et de Morin de la Boi.<5saye, ancien
garde de la porte du roi, qui jiortait de si hardies accusations contre le président de
Pontcarré, et qui plaidait contre Riccpiier, négociant à U(»uen. maltraité pendant la
Terreur (.Vrch. du lépt. C. 92:5.)
(5) Arch. dudépt. C. 401.
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— 207 ^
président, va appliquer la loi contre un prêtre réfraclaire (1). Et le
lendemain, effectivement, Legendre prononce contre l'abbé d'Am-
phernet la peine de mort....
Encore bien qu'il approchât la cinquantaine, ses habitudes de
célibataire le portaient à se mêler aux jeunes gens, surtout à ceux qui
marchaient à la tête de la Société populaire, dont il fut d'ailleurs
plus tard accusé lui-même d'avoir été l'un des meneurs. Fréquentant
les théâtres, il y exposait son prestige de magistrat à de fâcheuses
atteintes. On le rencontre, dans la compagnie de Poret et autres,
occupés à morigéner les musiciens de l'orchestre du grand spectacle
pour avoir montré de la répugnance à donner plus souvent des airs
patriotiques. Poret, dont la modération n'est pas la vertu dominante,
s'entend apostropher devant le premier magistrat du tribunal, par
Granier, qui fait sur son compte de désagréables réflexions dont
l'effet pouvait rejaillir sur le président son compagnon (2).
D'autres traits pourraient aider à le peindre. De nos jours, on
serait fort scandalisé si un conseiller à la cour de Rouen, se rendant
à Evreux pour y présider les assises, s'y rendait accompagné du
bourreau. Sous la Terreur, il ne faut pas s'étonner de voir les citoyens
Legendre et Lcclerc, et leur frère Féray, l'exécuteur des sentences
criminelles, prendre en même temps leurs diplômes de membres de
la Société populaire de Rouen. Le 27 ventôse an II, le jour même
où, après une conférence du président avec Siblot, celui-ci a requis
le tribunal de se rendre à Dieppe pour y juger les brigands qui
infestent les environs, Legendre demande un diplôme tant pour lui
que pour l'accusateur public. « Ils sont accordés, ainsi qu'à Féré (sic)
autre membre do la Société » (3). Et Legendre tint à justifier sa
prévoyance : Le bourreau était indispensable puisque , dans sa
première audience, le 4 germinal, il y eut une condamnation à mort,
(1) Reg. (le In Sndêté populaire.
(2) Arch. mpales. — Outre Legendre, Eudeline et Hérard se trouvaient là lorsque
le musicien Granier, « entraîné par sa chaleur naturelle wprit la défense de son cama-
rade Giot, lequel avait dit au citoyen Poret qu'il était saoul ! Granier, inculpé de s'être
associé a l'insulte, fut renvoyé après une mercuriale des membres du Comité de sur-
veillance.
<3| Reg. de la Société populaire.
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i
i - 203 -
I
' la plus criante peut-être de toutes celles qui furent prononcées à
Dieppe.
Horcholle cite un fait qui montre que les actes les plus solennels
et les plus graves de ces magistrats jac»)bins étaient inspirés moins
par des sentiments de justice que par des ressentiments ou par le
dessein de faire une manifestation révolutionnaire (1).
La fin de la Terreur n'avait pas ôté entièrement au président du
Tribunal criminel ses ardeurs de patriote. En 1797, le 10 avril, il
envoie au commissaire du directoire exécutif (Anquetin) un imprimé
sortant, disait-on, des presses de Gallier et qu'on criait dans les
places et marchés de Rouen, et encore bien qu'en réalité il fasse acte
de jacobin policier, il lui signale, en clairvoyant bibliophile qu'il est,
une autre édition plus belle et sous le tifre de Bref éloge de
Louis XVI adressé à M, de la Harpe, qui se vend à un étal de la
rue Grand- Pont. . . (2).
Leclerc est moins connu que Legendre. Inscrit au barreau de
Rouen il était taxé comme Legendre à 36 livres. Il fut,
peut-être momentanément, l'avocat des chanoines du chapitre de
Notre-Dame de Rouen (3). On ne rencontre pas d'autre écrit de lui
que sa propre défense après thermidor. On a vu que l'un des écri-
vains royalistes les plus en vue sous la Révolution logea pendant plus
d'une année dans la même maison que lui.
L'impression que laissent les actes de ces personnages, dont là
conduite sera jugée plus aisément lors de la réaction thermidorienne,
c'est que la fièvre égalitaire des réformateurs de l'organisation judi-
(1) Lors de la réhabilitation d'un certain Hoiizô, accueilli bruyamment à la Société
populaire, Legendi-e la célébra par un {.«rand dîner.
(2) Arch. du dép». Anquetin est, comme lui, indigné de cette audace, mais ne voit
pas que la provocation au rétablissement de la royauté soit positivement le délit résul-
tant d'une « lamentable jérémiade sur le sort du roi » sans indication d'auteur et avec
fausse indication de nom d'imprimeur.
(.S) Arch. du départ. — Pierre-Alexandre-Olivier Leclerc, fils de Jean Leclerc,
employé aux fermes, et de M. -F. Cardon, est né à Saint-Pierre-de-Manneville, canton
de Grand-Couronne, le 26 février 1752 ; parrain : Pierre Quesney, de Vieux ; marraine:
M. Carpentier, de N.-D. de Varengeville. Il était marié àM.-C. Boissel et avait au moins
un fils.. Il est mort à l'Ilospice-Général de Rouen, le 27 juin 1804. — Le nom de sa mère
le fait supposer parent de l'historien normand Guilmeth.
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-^ 209 —
Claire n'avait guère permis de donner du prestige à la nouvelle
magistrature.
La simplicité et l'uniformité voulues des costumes et la trop
grande modération des appointements n'avaient pas dû contribuer
beaucoup à donner la considération aux magistrats (1).
Ce serait une étude extrêmement attachante que celle de suivre
de près l'application des règles résumées dans le décret du 29 sep-
tembre 1791 {Instruction pour la procédure criminelle), et d'observer
les progrès du président dans la rédaction et V arrangement, laissés
à sa discrétion, des questions sur lesquelles délibéraient les jurés. On
l'y verrait exceller bientôt dans la science, si perfectionnée depuis,
de rendre, à son gré et àl'insudesjurés, inévitable une condamnation
ou un acquittement. On sentirait aussi à quel degré extrême
l'Assemblée constituante avait poussé la minutie de se? précautions,
et la cynique cruauté de certaines prescriptions telles que celle qui
impose au président du tribunal criminel de retracer à celui-là
même qu'à l'instant il vient de condamner à la peine de mort, qu'il
doit subir quelques moments après , « la manière généreuse et
impartiale avec laquelle il a été jugé. » (2). Il pouvait en outre
l'exhorter à la fermeté, à la résignation, résignation obligatoire
d'ailleurs, depuis que le tribunal, interprétant abusivement les
décrets des 19 mars et et 7 avril 1793, faisait exécuter ses arrêts
dans les vingt-quatre heures et sans recours en cassation. (3).
(\) Aux termes d'un décret du 18 février 1791, tous les juges de districts, de tribu-
naux criminels et du tribunal de cassation portaient, seulement lorsqu'ils étaient en
"fonctions, l'habit noir, le manteau de drap et de soie noire, les parements du manteau
de laToéme couleur, et un ruban en sautoir aux trois couleurs de la nation, au bout
duquel une médaille dorée avec ces mots : la loi. Ils avaient la tête couverte d'un cha-
peau rond, relevé sur le devant, et surmonté d'un panache de plumes noires. Les
greffiers avaient le ctiapeau rond, relevé sur le devant et sans panache et un manteau
pareil à celui des juges. — A Rouen, le traitement des juges et commissaire du roi était
de 3,000 1. et celui du greffier de 1,000 1. (Décret du 30 août 1790). Le 4 septembre sui-
vant sont fixées des distractions sur les divers traitements pour être distribuées en
droits d'assistance. (Coll. Reaudouin).
(2) Plusieurs jugements, sous la présidence de Legendre, mentionnent que cette
prescription est observée.
(3) Ces deux décrets n'ordonnent l'exécution dans les vingt-quatre heures et sans
recours que lorsqu'il s'agit de révoltes ou d'émeutes contre-révolutionnaires. Il s'ensuit
que la plupart des condamnations exécutées ainsi dans la Seine-Inférieure, l'ont été
illégalement.
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- 210 -
A la maison de justice, on avait exposé, bien en vue, Téchelle
(le la question, instrument de torture devenu inutile depuis que, sous
Louis XVI, les deux questions avaient été abolies. (1) Par quel ordre
et dans quel but? Etait-ce pour justifier la « générosité » des nou-
velles lois pénales?
Sur le registre des juré^ prescrit par le décret du 29 sep-
tembre 1791, avait été des premiers à s'inscrire le 26 novembre,
F.-N. Anquetin, lequel jugea prudent d'ajouter : « Pour la conser-
vation de mes droits, le cas échéant. » Quelques autres l'imitent,
parmi lesquels Harel et Guisier. Il en est qui affectent de se qualifier
de citoyens, notamment G. -A. Lequesne, Guyet, Turgis le jeune, de
Fontcnay, Malatiré, Pillon, Pierre Lecomte, Leviderel.
La plupart des douze jurés dont les noms sortirent au premier
tirage au sort effectué le 1*' février 1792 ont tenu une place plus
ou moins grande dans les faits ultérieurs. Leurs noms ont mémo
gardé quelque notoriété; ce sont ceux do J.-B. Curmer fils, négo-
ciant, rue Ilerbière ; J.-A. Martin, membre du bureau de conciliation
à Gournay ; P. -A. Licquet, homme de loi à Caudebec; J.-C. Goube,
administrateur du département ; Charles Fleury, maire de Forges ;
Antoine Selot, curé de Saint-Oucn ; et parmi les jurés suppléants ;
Ant. -Alexis Varengue, notaire à Saint-Saens, François Duclos,
procureur de la commune à Caudebec (2) et Etienne Baron, négociant
à Dieppe.
Les trois premiers accusés, Boschard, Hébert et Prévost n'en
récusèrent aucun. Le quatrième en écarta trois, dont Curmer et
Goube .
Peu après apparaissent parmi les jurés, Ubeleski, de Dieppe (3),
Nicolas Thiessé, homme de loi, Louis Robert (de Saint- Vie ton),
(Il L'échelle était encore là m Tan VIII. Voiri dans quels termes cela est décrit
dans le. document des archives municipales qui révèle cette particularité : «c savoir :
dans la chambre de la question, un vieux tableau peint, estimé un franc ; dans le civile
Vàchellc de la question, estimée à un franc. » — Un concierge avait compris ces objets
dans une cession mobilière à son successeur ; ils en furent distraits comme apparte-
nant à la nation.
(2) Duclos, qui avait succédé dans ces fonctions à Lic<iuel, est un, des avocats de
ce temps dont la vie offre lo plus d'étranges particularités.
(3) Condamné à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris et guillotiné le
*2i floréal an lî.
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^ 211 -
Nicolas-Louis Lamine ; Levieux, administrateur du département ;
Jouenne, négociant, lequel, non comparant, est, le premier, con-
damné à 50 livres d'amende, et Bérard, cUoyen, rue des Charettes,
qui fut récusé.
L'institution des jurés n'inspirait aux accusés qu'une confiance
limitée, si l'on en juge par un incident qui se produit le 14 décem-
bre 1792 et qui mérite d'être noté. On procède devant le président
et l'accusateur public aux récusations à exercer aii nom des accusés.
Ceux-ci élèvent des plaintes sur ce que la liste du jury spécial est
formée comme en haine d'aux par le procureur général syndic du
département (Thieullen) (( attendu qu'elle est composée de citoyens
tous attachés à la police correctionnelle. » Cependant, il résulte
bientôt des explications fournies que Ton croit non pas « que
Thieullen ait des motifs de haine contre les plaignants, mais qu'il
avait pu s'entendre pour la formation de cette liste avec le citoyen
Anquetin, ci-devant accusateur public , le citoyen Duval, greffier
de la police correctionnelle et tous leurs complices, qui veulent perdre
les accusés. . » En résumé , ceux-ci prétendaient que le citoyen
Anquetin s'était concerté avec les citoyens chargés de composer la
liste et non avec le citoyen Thieullen, qu'ils ne connaissaient et ne
visaient pas.
Ces protestations ne semblent pas s'être renouvelées. La place
qu'elles tiennent et l'attention qu'on leur accorde témoignent assez
que le règne de la Terreur ne se fait pas encore sentir au Palais.
Elles viennent de Gysbert Steen et de Marie-Antoine Gastinel,
lesquels sont déboutés. Le premier, Steen, est ce réfugié hollandais,
ancien ministre et trésorier des guerres de la république batave
pendant la révolution de 1788, qui, donnant un exemple resté sans
imitateurs, fait publier dans le Journal de Rouen du 26 décembre
1792 un étrange Avis aux Citoyens les priant d'assister à son juge-
ment le 27 du présent mois, au juré spécial, dans l'auditoire du
palais de cette ville, à huit heures du matin », et le 4 janvier suivant
remercie de même les patriotes venus pour le voir juger — et qui
s'étaient dérangés inutilement car il y avait eu sursis (1).
(1) Jean-Gooppes-Oyshert Steen, né dans la principauté des Deux-Ponts, âgé de
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^ 212 -
L'une des premières affaires jugées devant le tribunal criminel
fut celle, née dans les districts de Neufchâtel et de Dieppe, de ce
« quidam » se disant d'abord Victor-Aimé-Xavier Broglio, comte
de Lyon, etc., de son vrai nom Victor-Charles-Antoine Bayard,
qui eut, en outre, affaire ?iu tribunal révolutionnaire de Paris (1).
D'autres , plus intéressantes , surviennent , au nombre desquelles
celles de Caqueray de Montmesnil, parmi les jurés de laquelle
un Le Vaillant, et de l'abbé Heude, curé de Saint-Patrice, dont
Tacte d'accusation fut annulé (2) le 11 juillet 1792 et qui, le 31 août,
fut acquitté.
Une affaire vraiment sensationnelle fut celle de Laurent de
Verton dit Després, dont les récits officiels sont trop connus pour
être rappelés (3).
Le tribunal en juge d autres bien curieuses qui, tout en n'ayant
pas pour origine des émissions de faux assignats et autres crimes
trcntcî-cinq ans, avait obtenu, le 4 septembre 1792, de la municipalité de Rouen, un
passeport pour se rendre dans son pays par l'Angleterre. Lui et Gastinel, son co-aceusé,
étaient entres à la maison de justice le 27 octobre. L'acte d'accu.sation contre eux fut
annulé le 31 décembre; ils furent condamnés seulementle25avril 1793. Gastinel s*évada.
(1) Wallo.n. ///>, du Trib. HévoL, t. I, p. 436. L'ancien constituant Victor de Broglie
ayant lu dans plusieurs journaux que ce prétendu Broglie était entré à la Conciergerie
le 17 juin 1793, crut devoir faire publier une note annonçant que ce n'était pas de lui
qu'il s'agissait [Momtciir du 18 juin 1793, p. 726, 2» col.). Le vrai Broglie, plus maltraité
que l'imposteur, fut guillotiné l'année suivante.
(2) Ces annulations sont alors très fréquentes.
(3) On sait que M. L. de Verton, arrêté « à la clameur publique », à Forges-les-Eaux
le 10 octobre 1792, fut acquitté le 20 décembre 1792. Il fit partie de la Société Populaire
de Rouen. De nouveau, cette fois pt>ur incivisme, il fut arrêté le 10 août 1793; il préten-
dait alors ne pas être noble ; il resta de' tenu jusqu'au 9 pluviôse an FÏL M. de Maldérêe,
propriétnire du château de Tounille-la-GliapelIe, où s'étaient passés les faits ayant
donné lieu au procès criminel de Verton, revint en France et résidait à Rouen, rue des
Carmes, 38, bôtel de l'Egalité, loi'squ'il fut lui-même, comme suspect d'incivisme et
d'aristocratie, incarcén'* à "Saint- Yon, le 8 frimaire an II. Il n'avait, disait-il, « ni père,
ni mère, ni frère, ni^oeur, ni femme », mais .seulement un fils unique de vingt-trois ans,
embarqué pour les colonies françaises de l'Amérique où il possédait des propriétés. La
vie de M. de Maldérêe, le détenu de Saint-Ton, paraît être une longue série d'aventures.
Il était à Rouen en relations suivies avec une citoyenne Ro.ssignol, née Cardinal, dont le
mari avait été consul ou chargé d'affaires en Russie' et en Suéde. M. de Maldérêe
veillait, comme elle, sur le sort d'un jeune enfant d'origine mystérieuse, et cette
citoyenne était en rapport avec Charles-Frédéric Valdeck, âgé de trente-six ans, né à
Pemberg en Franconie, qui parait être de la maison princiére d'Anhalt-Bernbourg-
Schaunbourg. Elle fut arrêtée à Rouen en même temps que Valdeck qui, intt«rrogé le
6 frimaire an II, di.sait résider à Paris, et être franc-maçon.
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— 213 — .
contre-révolutionnaires, sont néanmoins à peu près toutes nées de
faits symptômatiqucs essentiels à l'étude de la grande crise sociale
et politique. Devant les jurés, défilent successivement Féret, garçon
d'écurie de V Hôtel de France à Rouen, poursuivi pour banqueroute
frauduleuse ; Jaillot, apothicaire, à Gournay, la fille Letailleur, sa
servante, et J.-L. Tison, de Marines, accusés d'émission de faux
assignats, jugés après une procédure dont ils avaient, pendant leur
transfert de Gournay à Rouen, détourné les pièces, jetées par Tun
d'eux dans des latrines et retrouvées bientôt par Délesques, « gou-
verneur des moulins à papier de Vascueil » , après des péripéties
extraordinaires. On remarque en passant le procès de ce singulier
mailre do pension de Beauvoir-en-Lyons, accusé du vol d'une vache
qu'il prétendait s'être dirigée seule devant lui, pendant un parcours
d'environ huit lieues, depuis Saint-Saire jusqu'à son domicile, où il
l'avait recueillie ; celui de Géry, curé d'Auberbosc, qai avait proféré
en chaire des termes révoltants contre l'Assemblée Nationale qu'il
accusait d'avoir autorisé l'assassinat, le feu, le meurtre, la sédition
jusqu'au pied des autels (1).
Parmi les acquittements, assez fréquents, prononcés par le
tribunal criminel, on trouve, le 13 avril, celui d'André de Ram-
freville (2), accusé d'émigration, mis en liberté presque en même
temps qu'était emprisonné son frère Charles; le 15 juin, celui de
Siou, venant du Havre, accusé d'avoir dit à ceux qui se plaignaient
d'avoir difficilement du pain qu'il n'y avait pas d'autre moyen de
faire renaître l'abondance que celui qui avait réussi dans le Maine,
c'est-à-dire de couper la tête à dix ou douze personnes ; et le 16 juin,
celui de Victor Dufay, procureur de la commune de Saint-Ouen-
prend-en-Bourse, lequel, pour contraindre Félix Jourdain à partir
contre les Anglais qu'on disait débarqués à Veules, l'avait tué d'un
coup de sabre. . .
Le même tribunal a condamné, le 11 mai, Jean-Louis
(i ) Géry ne parait pas avoir été condamné. Cependant, il resta détenu et ne sortit
que le i^ pluviôse an V, sous la caution de Laumonier.
(S) André de Ramfreville avait été arrêté à la Boissiére-Saint-Martin-Osmonville.
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- 214 —
Bailleul (1), et le 15 juillet, Gabriel-Nicolas Dauvet, (2) à la dépor-
tation comme émigrés rentrés en France ; le 15 juin, Pierre-Martial
Lamondière, prêtre, mis en mer, à la déportation pour émigration (3) ;
le 1®' août, J.-B. Leudet, à la déportation à la Guyane pour exercice
des fonctions curiales sans serment préalable; le 3 septembre, Pierre
Choulant, entrepreneur de coupes de bois, à la déportation pour
propos séditieux; le 14 octobre, Lenormand, commis chez Asselin,
à la détention jusqu'à la paix, pour avoir porté à droite et non &
gauche la cocarde tricolore, et pour divers propos ; le 1®' novembre.
Coquet, maire de Neufchâtel, à la déportation à vie, pour provoca-
tion au rétablissement de la royauté (4) ; le 10, Gastinel (5) aussi à
la déportation à vie pour propos séditieux à Taudience; le 14, la
veuve Fleury, née Canu, (6) à trois ans de déportation, et Guillaume
Homo, à la détention jusqu'à la paix pour propos séditieux, et le 15,
J.-L. Rendu, fabricant, à la déportation à vie aussi pour propos
séditieux.
Outre les peines qui serviront de débuts à la guillotine, le tri-
bunal criminel prononce cette même année 1793, pour crimes de
contre-révolution, dix condamnations à mort : le 1" mars, François
Lebrun, marchand forain, femme Barré et femme Durand, tra-
meuses, pour fabrication et émission de faux assignats ; le 30 mai,
J.-B. Duboc, sans profession, pour mômes causes ; le 21 septembre,
Jérôme Richard, Pierre Lemoine et François Labouglise, volon-
taires, et Jean Poret, cordonnier, pour conspiration et émeute à
main armée; le 3 octobre, J.-R. Chapelain, receveur d'enregistre-
(1) Conduit hors du territoire de la République le 14 mai.
(2) Conduit aussi hors du territoire le jour même de sa condamnation. Son identité
est aujourd'hui assez difficile à établir à cause d'un parent ayant les mêmes prénoms.
l\ s'agit ici de « Gabriel-Nicolas Dauvet, trente-cinq ans, vicomte, majeur du 3* régi-
ment de cavalerie, ci-devant commissaire général, né à Manneville (Etire), demeurant
au Havre. »
(3) Transféré au Havre pour y être embarqué le 28 juin.
(4) Grâce à Lacroix, représentant du peuple, qu'il avait reçu à Neufchâtel, Coquet
ne tarda pas à être réintégré dans ses fonctions de maire.
(5) Ce Gastinel n'est pas le complice de Steen dont il a été question plus haut.
(6) Elle ne subit pas sa peine. Siblot annula le jugement.
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- 215 -
ment à Saint-Saëns, pour propos séditieux (1); le 14 décembre,
François Angué, cultivateur à Mauquenchy, pour propos séditieux
et excitant au renvers3ment du gouvernement (2), et le 18 décembre
Michel.
II
Si la police, les prisons et les geôliers constituaient avec les
législateurs, les administrateurs, le comité de surveillance, la société
populaire, les juges et les jurés, les moyens, les appuis, les stimu-
lants et les auxiliaires principaux de la Révolution, il ne faut pas,
néanmoins, perdre de vue un personnel ancien et un accessoire
nouveau qui jouissent durant la Terreur d'une influence incoutesta-
blement funeste, mais que Teffroi fit peut-être à un degré égal,
salutaire et préservatrice... Je veux parler des bourreaux et des
guillotines.
En Normandie, comme ailleurs, la Révolution avait achevé la
ruine des familles des exécuteurs des sentences criminelles. Les plus
connues, celle des Jouenne, dont lorigine remonterait à plusieurs
siècles (3) et celle des Féray, leurs alliés, les uns de Caudebec, les
autres venus de Basse-Normandie, avaient été durement éprouvées
par les réformes de 1775 et des années suivantes, qui avaient substitué
une rétribution fixe à la plus grande partie des perceptions en nature
formant leurs émoluments. De toutes ces perceptions, celles qui
consistaient en prélèvements sur les denrées exposées en vente dans
les marchés, répugnaient si fortement aux gens qui y étaient assu-
jettis que tous les moyens leur étaient bons pour s'y soustraire (4).
(1) Guillotiné à Neufchàtel-en-Bray le 4 octobre, entre sept et huit heures du soir.
Il avait été porté sur une liste d'émigrés, mais l'émigration ne motiva point sa condam-
nation.
(2) Guillotiné à Gournay, le 26 frimau'e an II, entre minuit et une heure du matin.
(3) P.-P.-H. Garet. Les Bourreaux Normands et leurs valets, Caudebec, 1856, p. 47.
Jouhanne dit Justice parait avoir été bourreau de Caudebec dés 1380, dit cet auteur,
qui cite même un passage du terrier de la vicomte de Caux où est rappelé un contrat
de 1202, mentionnant Nicolas Jouhanne dit la Justice. Il prétend même que les Jouanne
avaient arme et devise : Au champ de gueules à deux hacfies en sautoir d'or en chef y
toutenues en pointe des trois initiales 1. 1. E. (Johannis Justicia fecit) aussi d'or !
(4) Arch. du dépt. — Jugement du bailliage d'Evreux du 19 décembre 1665, sur la
requête de Jean Frigot, commis à l'exercice des sentences criminelles dud. bailliage
pour la minorité de Nicolas Levavasseur, pourvu audit office. Affiohe imprimée.
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- 216 -
Après les suppressions de leurs droits opérées en 1775, François-
Thomas Féray et Charles Féray avaient demandé à être indemnisés
par 15,000 livres do pension (1). Turgot s'occupa des négociations
qui aboutirent à des résultats désastreux, il leur faisait des objec-
tions assez faciles à réfuter et qui donneraient une piètre idée de la
valeur de ses doctrines d'économiste. Il leur oppose que si leurs
familles sont si nombreuses, ils sont dans le cas d'en tirer des services
et de diminuer le nombre de leurs domestiques, et il s'imagine que
« si l'on prenait des exécuteurs parmi les criminels à qui on ferait
grâce, le service ne coûterait pas tant, 3,0G0 livres lui paiaissent
suffisantes pour chacun des exécuteurs de Rouen. Aussi, le premier
président du Parlement de Rouen, M. de Montholon, exprime-t-il
la crainte que les Féray ne veuillent plus continuer leur service.
M. de Montholon, comme M. de Crosne, soutenait au moins en
partie les prétentions des exécuteurs (2). Louis XVI, lui, montra
quelque sollicite pour le bourreau, en essayant de proscrire ce nom
et de faire prévaloir celui d'exécuteur (3). Le nom de bourreau était
une obsession pour les Féray qui, k plusieurs reprises, avant et
depuis la Révolution, obtinrent des décisions interdisant cette appel-
lation (4).
(1) Ils exposent qu'ils ont à leur charge des parents indigents qu'on ne recevrait peut-
être pas à rhôpital... « Par une suite du préjugé attaché à leur office, leurs misérables en-
fants seraient privés de toute éducation s'ils ne faisaient venir chez eux des maîtres pour
la leur donner. On ne veut point souffrir ces enfants daus les écoles quoique les Féray
s'obligeassent de payer annuellement pour les pau\Tes Ils sont obligés de se
séquestrer journellement chez eux avec leurs familles sans pouvoir espérer jamais se
débarrasser de leurs enfants à l'âge où ils pourraient travailler et cesser de leur être à
charge parce que toute espèce d'état ou de profession leur est interdite par l'infamie
que le privilège a attaché à leurs fonctions et à leur naissance. » Vers 1780» la maison
de Charles Féray comprend sa femme, quatre enfants, deux domestiques, une servante,
deux chevaux. (Arch. dépt.) La plupart des Féray paraissent mourir jeunes. Depuis la
Révolution, à une époque où certains officiers de l'état-civil méticuleux, d'une localité
que je ne veux pas désigner, avaient la rare précaution d'indiquer la maladie cause du
décès, on voit deux de ces Féray, le père et le fils, mourir à peu d'années l'un de
l'autre d'une horrible maladie, qui aurait été héréditaire.
(2) A partir de 1775, les exécuteurs de la haute justice de Rouen ont un sort de
9,450 1. année commune, savoir : menus droits perçus, 2,250 sol, frais d'exécution 1,200
liv. et traitement provisoire (Arch. du départ.)
(3) Arch. du départ.
(4) Hippeau, le Gouvetmenienl de Normcmdiet t. II, p. 166 et s., Houard, Dicl, de
Droit Normand, t. IV, Supplice$*
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^ 217 -
Ces malheureux parias s'efforçaient de se dissimuler jusque
dans les actes do l'état-civil où, surtout vers le temps des réductions
imposées par Turgot, on les dit « marchands de grains», commerce
qui ne les enrichissait pas, car en 1783, dans les non-valeurs de la
capitation figure : « Thomas Féray, marchand de grains, pauvre,
21. 12 s. (1).
Les Feray, venus en 1725 de Vire à Rouen (2), se trouvaient
depuis, par les Jeanne et par eux-mêmes, alliés aux familles d'exécu-
teurs les plus connues. Ils étaient parents des Samson, de Paris, (3)
Carlier, de Pontoise ; des Malhœuvre, (4) Demorets, d'Estampes ;
Rivière et Olivier, de Gisors; Marin Boscher, de Caen ; Etienne, de
Verdun ; Lacaille, de Pont-rEvéque et de Harfleur, etc., (5)
L'abolition des deux questions par les décrets des 8 mai 1788 et
9 octobre 1789, ne fut peut-être pas plus regrettée par le bourreau que
par les médecins qui y assistaient, que flétrit M. Gosselin avec autant
d'autorité que d'indignation (6), et que les fils de la Révolution ont
honorés en donnant leurs noms à des rues de Rouen. Mais il vit avec
douleur supprimer en conséquence les émoluments spéciaux qu'elles
lui valaient.
Quoique la décapitation n'ait été substituée à la pendaison, au
feu, à la roue et à l'écartèlement que le 3 mai 1791, les journalistes,
sans pitié, considéraient depuis longtemps déjà comme fini le rôle
des Féray et Jouenne. Le second numéro (21 octobre 1788) du pseudo
Journal de la Cour et du Palais, sous le titre à: Affiches, Annonces
et A ois divers, annonce : « A vendre, une charetto et deux mauvais
chevaux. S'adresser au sieur Féray, bourreau privilégié, rue de la
Truie. » Et, plus loin, il invente une lettre du sieur Féray à
M. Desbrugnières, où le bourreau rappelle combien ses confrères et lui
(1) Arch. du départ.
(2) Etat-civil de Rouen. Lubin Jouanne était mort en fonctions à vingt-cinq ans, eut
pour successeur Charles Jouanne, auquel parait avoir succédé Nicolas Féray, mari de
Gabrielle Levavasseur, fille de feu Nicolas et de Marguerite Jouanne.
(3) G. Lenôtre, La Guillotine.
(4) En 1781, c*est Guillaume Malhœuvre qui est « exécuteur des décrets» de la cour
du Parlement de Rouen et sentences criminelles du bailliage et siège présidial de Rouen
et autres juridictions dépendant de lad. Cour (arch. du départ., G. 935).
(5) Etat-Civil de Rouen.
(6) Revue de la Normandie, Le9 petits Sorciers^ p. 486. •
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f ^î-îîv:-'
- 218 -
sont à plaindre dans leur commerce, et se recommande à sa sollici-
tude. « Si j'élève la voix (fait dire le pamphlétaire à Féray) c'est
parce que je suis dans le besoin : six mois sans ouvrages, point de
de ressources. Tout cela, mon cher ami, devrait vous faire ouvrir
les yeux sur nous. Je me trouve réduit à vendre ma charrette, mes
chevaux, mes chiens, et d'ailleurs il faut que nous vivions nous
mêmes . . . Vous pouvez vous adresser en notre nom, rue de la Truie,
ou au sieur Flambard (1), notre associé et ami (2). »
Les compensations advenues aux exécuteurs des hautes-œuvres
par suite des réformes de 1789, consistaient dans la qualité de citoyen
électeur et éligible que lui conféra implicitement l'Assemblée cons-
tituante, et dans un secours de 1,000 1. jusqu'au moment où ils pour-
raient être employés. Ceux qui, dans le département, jouissaient de
cette situation étaient Nicolas Féray (3), et Charles-Louis Féray,
ci-devant exécuteurs à Rouen ; André-Charles Féray, ci-devant
exécuteur à Provins et résidant à Rouen, et Jouanne, ci-devant
exécuteur à Caudebec (4). Le 13 juin 1793, un décret attribue à chaque
département un seul exécuteur aux appointements annuels de 4,000
livres, et le 22 novembre suivant, un autre décret lui alloue 1,600
livres pour deux aides et 12 livres par jour en cas déplacement.
Le 21 décembre 1793, Charles-Louis Féray père est nommé par
le directoire seul exécuteur en titre. Il démissionna et fut remplacé
par Charles- André-Louis Féray, le 1«' février 1794 (5).
(i) Officier de la maréchaussée, objet de la plus violente auimadversion de la part
des révolutionnaires rouennais.
(2) Bibl. mpale, coll. Le Ber.
(3) Nicolas Féray, ftls de François-Thomas, momentanément employé dans les
armées de la République, touchait le traitement attaché au grade de capitaine d'une
compagnie de volontaires. (Reg. du dépt. 2 pluv. an II,)
(4) Un Jouanne, vraisemblablement Tex-bourreau, était en 1792 concierge du dépôt
de mendicité (Bicêtre). Il y eut alors un nombre invraisemblable d'évasions qui le firent
suspecter. On en compte jusqu'à 83 depuis le 16 janvier 1792 jusqu'en janvier 179*.
Richard Jouanne est encore exécuteur à Caudebec, en mars 1793, date à laquelle il se
plaint de la médiocrité du traitement (Reg. du dépt. 15 mars 1793).
(5) Les prénoms sont donnés ici tels qu'ils figurent sur les documents d'où ces
détails sont extraits. Il est à noter que l'on trouve écrit et même signé tantôt Féray ou
Férey. Nicolas Féray fut commissionné le 8 décembre 1794 pour remplir les fonctions
d'exécuteur à Dijon, et destitué le 23 juin 1797. « Il aimait les plaisirs : le 19 février 1796
grand bal paré à la salle des spectacles, que le boureau a honoré de sa présence, sans
que sa vue ait excité aucune sensation parmi notre discrète jeunesse » {VOtnginal ou
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— 219 —
Outre son traitement et le « casuel » (1). Féray avait la
jouissance d une maison située rue de la Truie (2), dépendant du
domaine du roi, comprenant un étage en mansarde sur cette rue et
des écuries. Mais cette jouissance, tout au moins après la mise en
vente des biens nationaux, n'était pa» gratuite (3). Elle était
d'ailleurs trop petite pour contenir toute la famille.
III
L'un des graves soucis de la fin de 1792 et du commencement de
1793, transmis aux nouveaux administrateurs du département par
leurs prédécesseurs, était la question de la guillotine.
On n'oublie jamais de dire quel fut à Paris le premier guillotiné.
Il eût été également désirable de connaître les noms de ceux qui, les
derniers, furent pendus, brûlés ou roués (4). Si la loi a été respectée,
aucune peine capitale n'a été subie depuis le 3 mai 1791, date aux
termes duquel tout condamné à mort devait avoir la tôte tranchée.
Joui^nal du département de là Côte^'Ch'. n® 4, p. 33 et 34 ; M. Clément Jaiiin, le
Movimont de Dijon j boun'eaux et suppliciés j i889, p. 147 ; communicatiijn de M. Gui-
gnard, bibliothécaire de la ville de Dijon, du l»"" février 1896.) < A Dijon, pendant l'exer-
cice de Féray, les amis de Robespierre se plaignent de ce que le bourreau ne jouit pas
de la considération que lui nïéritent ses importantes fonctions de ministre de la mort
et de grand prêtre de la guillotine. Comme naguère à Rouen, Féray se plaignit à Dijon
de ce qu'on le nommait bourreau. Le tribunal de police réconduisit et le condamna
aux dépens.» (G. Bord, Revue de la Révolution, Un bourreau danseur, 1887, 2« partie,
p. 170).
(4) Malgré la suppression formelle de tout casuel en 1793, Féray trouva le moyen
de s'en créer un, beaucoup moins important il est vrai.
(2) La rue de la Truie a été supprimée en 1862. La maison dont il s'agit était
affectée au logement du bourreau dés gavant 1567. (Périaux, Dict. des Rues de Rouen,
p. 636.) Elle fut vendue comme bien national au citoyen Deswignes, moyennant
43) 1., le 26 thermidor an IV.
(3) Avant la révolution, le bourreau parait être logé « aux frais du Roi. » V. no t.
pour celui de Gisors (Arch. du départ., G. 935.
(4) Dans son gros volume sur la Guillotine, M. Lenôtre, qui s'est occupé de bien
d'autres choses, a négligé de renseigner là-dessus ses lecteurs. — Garet, l'historien
de Caudebec, donne à cet égard quelques détails intéressants, s'appliquant à Caude-
bec ; mais il est sujet à se tromper. U semble résulter d'un passage assez ambigu de son
livre que le premier guillotiné à Caudebec, par arrêt du bailliage, était un berger,
^^ssassin de sa maîtresse.
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— 220 —
jusqu'au 25 avril 1792, date de l'inauguration de la guillotine à Paris.
Je laisse à d'autres le soin de fixer ce point historique.
Sous le bras du progivs, bûcheron d'échafauds !
la potence, élevée à l'entrée du pont, avait été retirée le 9 oc-
tobre 1789, et le gibet avait été démoli le 22 juin 1790.
Le 27 avril 1792, c'est-à-dire le surlendemain du jour où l'ins-
trument de mort importé d'Angleterre, grâce à Guillotin et à
l'académicien Antoine Louis, venait d'être mis en usage à Paris
pour la première fois, l'administration du département de la Seine-
Inférieure écrivit au ministre de la justice (Duranton) pour lui
demander l'envoi de la « machine qu'on doit employer pour la peine
de mort », le 17 mai, au même, une lettre de rappel, et le 30 aux
ministres de la justice et de l'intérieur pour les inviter à se concerter
pour l'envoi de la machine.
Elle arriva enfin, expédiée non par les ministres auxquels on
s'était adressé, mais par le ministre des contributions (Beaulieu)
(1) à qui, le 22 juin, il en fut accusé réception, et on la plaça sous
les voûtes du département. A ce moment, les journaux de Rouen ne
souffle mot de l'introduction de cette nouveauté dans la ville.
Il y avait bien certainement des gens pressés de voir manœuvrer
le sinistre appareil. Nul ne l'était autant que l'exécuteur Féray,
réduit à l'inaction pendant la période transitoire, et réduit surtout à
un minimum de ressources- qui avait promptement laissé pénétrer
chez lui une gêne que la dispersion de sa famille n'avait pas fait cesser.
Le 25 juin, trois jours après la réception de la guillotine, le direc-
toire du département, afin de rendre à l'exécuteur toute la liberté...
d'esprit nécessaire pour l'accomplissement de ses terribles fonctions,
prenait un arrêté portant sursis provisoire à toutes poursuites contre
Féray pour les loyers de la maison qu'il occupait, jusqu'à ce qu'il en
eût ét'i autrement ordonné. Ainsi débarrassé de soucis d'argent
parce qu'il était redevenu indispensable, Féray put se préparer à
l'exercice de sa « charge ». Se fit-il initier par son confrère et parent
Samson, de Paris, au fonctionnement de l'appareil et Texpérimenta-t-il
lui-môme à Rouen sur des moutons vivants, comme le fit Samson ?
On rignore.
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~ 221 -
Le premier condamné qui, en Seine-Inférieure, paya d'après ce
mode si expéditif sa sanglante « dette envers la Société » fut Thomas
Henry, matelot, convaincu avec Germain Barge, aussi matelot,
d'avoir assassiné leur capitaine, nommé Louisneau. Conformément
à la loi, son exécution devait se faire sur la place publique de la
ville où le jury d'accusation avait été convoqué, c'est-à-dire à Dieppe,
ville à laquelle se trouva ainsi dévolu le triste avantage d'avoir vu,
pour la première fois dans le département, fonctionner la « machine
destinée à accélérer les exécutions ».
Cette machine, telle que l'avait construite Schmidt, l'entrepre-
neur de toutes celles qui étaient destinées aux départements (1), ne
suffisait pas ; il fallait, pour la surélever, un échafaud que, le 25 juin,
le département autorisa le district de Dieppe à faire construire.
L*exécution eut lieu le samedi 30 juin, à quatre heures et demie,
sur la place du marché de Dieppe. « L'effet qu'elle produisit fut
tel qu'on devait l'attendre. Un recueillement silencieux, mêlé d'un
effroi muet, produit par la nouveauté de l'appareil et du spectacle,
régnait parmi le peuple nombreux que cette expérience (?) avait
attiré. » (2)
Ce début encourageant ne décida point à continuer par Rouen.
Au surplus, l'occasion ne s'en présenta peut-être point. Pour les
exécutions de Tinel, à Cany, le samedi 31 décembre, de Torchy et
autres à Gournay, le samedi 9 février 1794, la machine fut trans-
portée dans chacune de ces localités par les soins du bourreau. Afin
(1) (i. Lenôtrp, ouv. cité.
r2) Journal de Rouen ilu 3 juillet 1792. p. 16, 2« col. — L»» ealnio qui régnait dans la
ville était d'autant plus remarquable que quelques heures auparavant, il y avait un
Krand tumulte. Vers midi, le hournîau venait de détaclier un nommé Guillaume
Simon, de dessus l'échafaud, où il avait été expiW' toute la matinée dans la plare
publique de Dieppe, et le ivcondui.sait dans la prison, eseorté de gendarmes et de
gaitles nationaux, lorsqu'un attroupement considérable de lenmies, ayant à leur tète
Thomas- Vincent Lesueur, charpentier et marinier, ayant une perruque blonde et dabord
un chapeau rond puis une coilVure de femnïc, dansant et agitant son chapeau pour
narguer la cavalerie, se précipita à travei*s les chevaux du cortège, arracha Simon des
mains de Keray et le jeta dans la maison de la dame Poyer, non loin de celle du sieur
Agassc et dt^ la fontaine faisant le coin de la place publique. Là, Simon fut déguisé
Uun jupon noir et d*un mantelet bleu ; puis, les femmes sortirent en foule, ayant au
milieu d'elles Simon, délilérent le long de la grande me vers le port, en dansant et en
chantant : Ça ira (Notes de l'auteur.)
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— 222 —
d'éviter et de réparer les accidents, le menuisier Trostin, qui la
montait habituellement, était obligé de l'accompagner. On finit par
s'apercevoir que les frais de transport absorbaient bientôt ceux d une
charpente pour chaque district, et, le 7 février, on décide qu'il sera
fait sept charpentes. (1)
Le 28 février, il fallait réparer le couteau : il y manquait deux
pièces en fer pour tenir celle faisant l'arrêt sur la bascule, et les vis
qui tenaient une autre pièce ; de plus, il était nécessaire de mettre
en fer les chevilles de bois et de raccommoder aussi les cadenas.
Quand tout fut bien en état, on se trouva, le 7 mars, en mesure
de décapiter trois matelots, William Thompson (aliàs Oby Ter-
geron) anglais, Richard Hassis ou Geresse, danois, et Lequecque,
français, qui avaient attenté aux jours du capitaine Bosquet, com-
mant le brick le Monan/iie, parti de Marseille, le 16 aotXt précédent,
et d'un mousse, et qui étaient en la maison de justice de Rouen
depuis le 20 octobre 1792.
Malgré les précautions, cette nouvelle exécution fut manquée.
Le bon public qui, venu sans que sa sensibilité en eût été alarmée,
avait recherché l'horreur de la décollation, vit « avec indignation le
» pavé de Téglise Saint-Eloi et les bras des hommes portant la bière
» teints et rougis du sang qui s'en échappait, faute d'avoir enduit
» de goudron les jointures et les parois intérieures des coffres ! »
Après cette explosion de sentimentalisme, pouvait-on croire les
foules sanguinaires ?
D'autres incidents nécessitèrent non-seulement des réparations
mais des perfectionnements successifs : Le 20 août 1793, sur l'ini-
tiative prise parle commissaire national près le district, le départe-
ment, afin d'éviter au coupable une peine plus forte que celle
infligée par la loi, par la longueur de son supplice ou par les douleurs
résultant d'un défaut de précaution, et pour ne point laisser aux
yeux des spectateurs des traces du sang nécessairement répandu,
prescrivit, dans sa sollicitude, l'achat d'un second couteau pour
suppléer au premier en cas de besoin, et la peinture en couleur
rouge ou approchant celle du sang. . .
(i) Hpfi. ïlii <l(''part'.
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— 223 -
Cela ne suffit point, et Ch. Féray, deuxième du nom, le 3 no-
vembre 1794, signalait que la guillotine était présentement hors
d'état de servir, exposait qu'il y fallait mettre des coulisses en
cuivre, vu que journellement on s'estropiait les mains en graissant,
et que, quelque peine que Ton prit, le mouton ne tombait pas
d'aplomb.
IV
Passons de ces sinistres détails à d'autres qui ne sont guère plus
attrayants :
Les prisons anciennes de Rouen ont été toutes plus ou moins
utilisées pendant la Révolution. Il y en avait sept : 1® celles du
bailliage; 2<* Bicêtre ou dépôt do mendicité; 3« la Tour-aux-
Normands ou Tour-aux-Libertins ; 4° les Galiofs ; 5^ les tours
jumelles du Vieux-Palais ; 6® la Conciergerie ou prison du Palais-
de-Justice ; T" le violon, qui se trouvait dans la cour du Palais-de-
Justice.
Leur état et leur organisation étaient tels qu'on ne pouvait y
maintenir ceux qui y étaient détenus. Par exemple, au bailliage,
vers 1791-1792, près de quatre-vingts évasions se produisent en
moins de deux ans. La Tour-aux-Normands n'était guère plus sûre.
Saint- Yon, qui servait antérieurement d'asile d'aliénés, n ofïrait
pas beaucoup plus de garanties.
La Révolution compléta provisoirement les établissements
pénitentiaires en transformant d'anciens couvents et une église en
maisons de détention. Ce serait s'engager dans un travail d'une trop
grande étendue que de donner ici autre chose qu'une nomenclature
des prisons nouvelles créées depuis 1792, et toutes désaffectées ou
supprimées depuis.
Ce sont : 1° Saint-Lô, depuis 1792 (maison d'arrêt) ; 2« Saint-
Yon, maison des suspects ou de sûreté générale depuis le 21 sep-
tembre 1793 : 3° les Gravelines, maison des suspects, plus spéciale-
ment des femmes, et où il y eut aussi des hommes, surtout à la suite
de la battue de floréal an II ; 4"* KSaint-Amand, femmes et hommefi
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- 224 —
siiypects, momentanément, en floréal an II; 5"* Saint-Vivien, réclu-
sion des prêtres insermentés et septuagénaires ; 6® Saint-François
(ecclésiastiques); 7*» Sainte-Marie, religieuses et quelques laïques;
8* «église Saint-Sever, condamnés aux fers (1).
Les archives communales et municipales renferment de nom-
Ijifuix et intéressants documents sur les prisons pendant la période
révolutionnaire. On trouvera plus loin, sous divers chapitres, des
renseignements inédits qui en sont extraits.
I î I M. de lîeaurepaire. — Xotirc sur li^s maisons de force de ta GénéraUlc de Rouen,
t f flf'/tr'rehes sur les anciennes prisons de Uonen, Précis de r Académie dt» Rov.en,
IttVH-:.*», pp. 29(5 à :M(>. et 1860-61, p|i^^7i à \W\. - Arch. dêpartom(^nlfiles el muni-
i^ijinh'S et notes de railleur.
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-225-
CHAPITRE DIXIEME
Jugement do ralfaire de la Rougemare. — M. de Fonteuay a-t-il tenf6 de sauver
Aamont. — Le v4r table p opriétaire des presses de Leclerc — La robe de
r&TOcat Aumont — L'impdt sur le? riches. — Nouvelle iniquité de Legendre et de
868 c^l ègues. — Encore les subsistances. — La Société d'Tvetot. — Intermèdes à
la Soeiété populaire. — Une poire phénoménale — Le cnbndrier et les prénoms
républicains. — Un nouvel adversaire des rouetmais : Coupô, de l'Oise — Arresta-
tion de M. Rondeaux. — Antres a'restatipns sensati'^nnelles : Le patricte Robert,
d'HerbouviUe , Hély, d'Oifsel, etc. — Une mouche rouennaue. — Ce qui se passe
an Département et à la Société populaire. — M. d) Fon'en y défendu par l3
conventionnel Delacroix
La solution tragique de lafifaire de la Rougemare coïncide avec
Touverture officielle, par la Convention, dans sa séance du 4 septem-
bre, du règne de la Terreur. L'émotion produite par réclat donné au
procès d' Aumont, Leclerc et autres, dut détourner momentanément
Tattontion des premiers actes du comité départemental du fSalut
public.
L'affaire avait commencé le 20 août, devant le tribunal révolu-
tionnaire de Paris. Deux cents témoins (1) arrivaient à Paris vers
cette date. Mais le nombre des jurés était incomplet ; vingt-trois
étaient occupés à l'affaire Custine, et il en fallait au moins dix « pour
épargner des frais » qu'eût entraînés un retard. Fouquier-Tinville
obtint de la Convention l'autorisation de les prendre, par la voie du
sort, dans les jurés du département de Paris (2). Ainsi, les accusés,
traduits devant un tribunal exceptionnel, furent privés exception-
nellement de tout juré de province.
Au moins deux des prévenus les plus compromis n'avaient pu
être découverts : une citoyenne Laudasse, de Francamp (3), et
(1) Cent trente-six à charge et .soixante-;in à décharge. (Arch. nationales). M. Gosse-
selin insiste sur C3 que son récit de l'alFaire de la Rougemare est fait d'après les los-
siersdu Palais de Justice. l\ est indispensable de consulter aussi non seulement les
archives municipales et du département, mais encore et surtout les archives nationales.
(2) Joutmal de Rouen du lundi 22 août. Le conventionnel Guillemard discuta la
proposition de Fouquier-Tinville, que Merlin de Douai lit voter.
(3) M. Gosselin est étonné dece(|uVllp n'ait pfis été p(>!n*suivie : Elh' était en fuite
•'t fut portée sur la liî^le des émign'^s.
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— 226 —
Dumoulinet le jeune, d'Alençon, lequel, on s'en souvient, était l'au-
teur de Tua des écrits publiés par la Chronique (1).
Pendant la longue audition des témoins, au moment où le procès
a pris un aspect inquiétant, le 30 août, lorsqu'on voit M. deFontcnay
partir pour Paris avec le conventionnel Legendre, on souhaite, pour
la mémoire du président du département, que les subsistances n'aient
pas été le seul but de ce voyage, et involontairement, oa cherche la
preuve qu'il a voulu tenter un suprême effort pour sauver Aumont
et Leclerc. Il est impossible, en'effet, qu'il n'ait pas été assailli alors
par le souven .r d'un émouvant mémoire adressé le 31 janvier 1793,
au (( citoyen président d du département. Dans ce mémoire, l'avocat
Aumont, après avoir montré le grossissement et l'inexactitude des
faits, terminait ainsi : « J'ai quelque droit de me plaindre que cette
» exagération, formée de la méchanceté et de Veffermscence, ait été
» le prétexte d'une diffamation prématurée tant dans certains
» papiers publics qu3 dans une proclamation émanée de cous,
» citoyens administrateurs, mais je me console par l'espoir que
» vous le regretterés à la vue d'une procédure insignifiante, d'une
» information peu propre à me charger. . . » (2).
Quoi qu'il en soit, le cinq septembre, impressionnés par les
témoignages, par l'éloquence de Fouquier-Tinville et par quelque
« consciencieux » résumé du président, les jurés de la Seine, à
l'unanimité, condamnèrent à la peine de mort Aumont, Leclerc et
cinq autres des accusés. Un huitième, Seyer, fut aussi condamné à
mort, à raison de la même affaire, le 24 septembre (3).
(i) I^ ChriinUiui' avait drjà inséré deux un trois opinions de Dumoulinet relatives
au procès du roi. 11 logeait à Uouen, rue Heauvoisine, ii" 149, Sur une lettre qu'il écrivit
d'Arras, le 3 février, pour décharger Leclerc, la municipalité de Houen le fit rechercher
à Arras où il était allé habiter un instant rue d'Amiens, au petit Saint-Christophe. irSyi».
et avait même décerné contre lui. le 7 février, un mandat d'arrêt signé : Pillon, Guyet
et IMnel, mais infructueusement. Le hasard m'a fait découvrir Du Moulinet (Oervais-
Protais-Kené), âgé de vingt-huit ans, né à Alenvon, disant dememvrà Amiens, en qua-
ité de percepteur (précepteur '.') depuis décembre 1792, détenu successivement dans
Idiverses prisons d'Amiens, du 18 octobre 1793 au 31 août 1794 (Dai-sy, les Doléances du
peuple, les vicChtœs, .\miens, 1887, p. 197). C'est évidemment celui de Rouen.
("1} Arch. du dép». Lettre manuscrite et mémoire imprimé, que M. Go.sselin «e
parait pas avoir connus non plus qu'un mémoire assez vif de Leclerc, dont un exemplaire
est aussi aux .Vrch. du dép'.
(3) Wallon, Hist. du trih. révol. t. i. p. 2.V2 à 258.
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- 2-27 -
Les débats avaient rais en évidence l'attitude antérieure, appa-
remment favorable aux accusés, de Tofficier municipal Assclin, du
notable Néel et du chef de bureau de la police Renard, qui ne
tardèrent pas à être ii leur tour traduits devant le tribunal révolu-
tionnaire (1).
L'exécution d'Aumont et de Leclerc eut des suites qu'on a
négligé de faire connaître.
Les Sans-Culot tes, ouvriers de la fabrique Saint-Paul (2),
demandent à la Socit?lô populaire que tous ceux qui ont signe
l'infâme pétition do la Rougemare n'aient point d'armes chez eux,
et soient destitués do leurs fonctions publiques La Société rend
grâce à la liberté « fille du ciel » et transmet cette demande au Comité
de Salut public en demandant qu'il y soit fait droit (3), et désor-
mais, on s'enquerra presque toujours de l'attitude à la Rougemare
des personnes qui auront affaire au Comité et à la Société (4).
Par arrêté du district de Rouen, du 21 février 1794, les presses
de Leclerc, comprises dans la confiscation de ses biens et séquestrées,
sont mises avec tous leurs agrès entre les mains de Noël, imprimeur
du district et rédacteur du journal, « attendu qu'il en a besoin pour
" - ■■■>
(I) Arch. imt. et munie. Walluii, ouvr. eité, t. H, p. 542. — Asseiiii et Henani
étaient iiicul|)ês de n'avDir pas enipêehé le rassemblement; ils encoururent la détention
jusqu'à la paix, mais furent lilsérés le 13 novembre 1794. Asselin s'était rendu volon-
tairement à la Conciergerie, par suite d'im mandat d'arrêt lancé contre lui par le tri-
bunal ri'volutionnaire de Paris. Nrel, détenu à la Conciergerie du Palais à Paris, fut
l'ohjet d'une ordonnance de non-lieu le 7 octobre 1793. Rayé de la Société populaii-e, il
fut détenu à Saint- Yon de Rouen, le 10 mai*s.1793, par ordre du comité de surveillance
(ri.«neauville, « comme fédéraliste et opposé au système républicain ». Réclamé par la
municipalité d'IsneauvilU?, comme laboureur et pin-e de famille, cet ex-procureur,
ex-avocat, obtint sa liberté le 2() août 1794. M. (iosselin, à qui ce pei'soimage est juste-
ment antipathique, fait remarquer (pi'il ne fut pas réhabilité {Uevue de la Normandie).
1866, p. (554). Il sendïle qu'il n'a ccnnu ni le non-lieu, ni les motifs de l'arrestation. La
comnmne inten'int en faveur d'Asselin, Renard et Néel. Le département écrivit à
Fouquier-Tinville en faveur de Néel. Le 29 septembre 179*3, la Société populaire de
Houen passait à l'ordr*» (tu jour sur une pétition de la citoyenne Néel, sollicitant un
certificat de civisme et de patriotisme pour son mari.
cil Cette fabrique appartenait à MM. de Fontenay.
(3) Jotumal de Homm, 24 septendut* 1793.
»i) Re|_'. de la StH'iété populaire et arch. municipales.
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— 22S —
rimpression des tableaux du maximum », à la charge de les remettre
d'après l'inventaire notarié (1).
Cette imprimerie n'appartenait pas à Leclerc. Le 2 décembre
1794, quand cela pouvait être révélé sans danger, Antoine Favre,
négociant à Rouen, justifiait que Leclerc la lui avait vendue à réméré
moyennant 6,556 livres, le 10 avril 1792, par acte sous seing privé
(( devenu authentique » par un bail notarié du 21 mai suivant.
L estimation faisant espérer un bénéfice, le district fut d'avis
d'exercer le réméré (2).
En ce qui concerne Aumont, son mobilier fut vendu en partie
le 26 floréal an II (25 avril 1794) (3). La nation ne se montrait pas
« généreuse » envers ceux qui avaient été les fournisseurs des
condamnés à mort. Encore bien que la valeur des biens confisqués
d'Aumont approchât 150,000 livres, le district de Rouen, s'appuyant
sur une disposition datant d'un régime exécré, et « considérant que
la république, aux termes de l'article 433 de \2Lci'deoant coutume àe
Normandie, ne peut se charger du paiement du mémoire (de Thomas
Desmarest, boucher) qu'à compter de six mois avant la condamna-
tion à mort, et que tout ce qui est fourni antérieurement à ces six
(1) Re'g. du dislrit^t.
(2) Arcli. du département; Ueg. du district. Peut-être y avait-il quelque lien de
parenté entre cet Antoine Kavre, et Favre ex-ciipitaine de la marine marchande cor-
saire, qui s'était acquis une certaine réputation de bravoure, et était devenu capitaine
de port au Havre, en janvier 1793, époque à laquelle le département le dénonce à
l'accusateur public pour avoir dit publiquement que si on tuait Louis XM il empêche-
rait les matelots dont il avait la confiance de servir sur les bâtiments de la République.
(Heg. du départ., 28 janvier 1793). Leclerc avait aussi vendu à réméré à J.-F. Gréaume,
le 22 novembre 1791, .sa maison de la rue Dinanderie.
(3) On remarque dans le procès-verbal, dres.sé par l'huissier Hautement, ces
articles : «... idem,, un très-grand portefeuille, en cuir noir, fermant à serrure et à clef,
vendu et adjugé à la somme de 40 sols à un ptuisanf ; idcnt, une vieille robe d'étamine
noiro, une chausse bordée de peau blanche, une vieille ceinture de coutil, deux vieii.x
fourreaux de drap rouge pour étui de pistolets, trois houppes de soie noire, le tout
vendu et adjugé h. la somme de 17 livres 5 .sols à un passant... une robe de chambre de
soie fond brun, un surtout, une vieille bourse de soie noire, adjugés à 33 1. au citoyen
Hébert, rue des Patriotes. »> Il était probablement d'usage alors de mettre au nom d'un
passant les objets adjugés à la veuve ou pour un héritier, comme de nos jours, parfois,
on in.scrit an nom du crieur certains objets dont l'acquéreur désire ne pas être
connu.
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- 229 -
mois ne peut être rempli », réduisit de plus de moitié, soit 400 1., le
prix des fournitures de viande faites pour la maison d'Aumont (1),
lequel, on le sait, avait été détenu plus de sept mois. — La fortune
immobilière d'Aumont fut restituée à sa veuve et à ses enfants par
suite de la loi du 21 prairial an IL
Cependant, malgré le succès du voyage de M. de Fontenay et
de Legcndre A Paris pour les subsistances, la Commune de Rouen
voyait les difficultés plutôt s'accroître. Le conseil général, privé
d'un très grand nombre de ses membres à causo des réquisitions dans
TEure et de l'établissement du comité de Salut public « dont tous les
moments sont entièrement consacrés à la sûreté publique » rappelle
les citoyens Arvers, Herbouville, Desmalis et Anquetin, absents, est
dont les congés sont expirés (2). La halle aux grains de Rouen pré-
sente cette particularité d'une pénurie de grains et d'une affluence
des habitants de la campagne. Le 11 septembre, la Commune établit
un comité des subsistances, sans doute pour vaincre les calculs
signalés par Chaumette à la Convention dans sa séance du 4 sep-
tembre, en des termes où un district, au moins, de la Seine-Infé-
rieure, put se croire visé. . . (3)
La Commune, s'inspirant des principes appliqués par la
Convention (4), s'occupe le 21 septembre de répartir, sur les habitants
riches et aisés, un emprunt de deux millions pour l'achat de subsis-
tances. Pour l'assiette de cet emprunt, elle dresse un tableau des for-
tunes présumées des rouennais, tçibleau qui, s'il pouvait être exact.
(1) Arch. dudép».
(2) Reg. de rHôtel-de-Ville.
.(3) Chaumette veut des rigueurs « contre les départements, où do nouveaux
soigneurs, non moins cruels, non moins avides, non moins insolents que les anciens,
se sont élevés sur les ruines de la féodalité ; ils ont acheté les propriétés de leurs
anciens maîtres et continuent à spéculer sur la misère publique, à tarir les sources de
labondance, et à tyranniser les destriicteurs de la tyrannie...; ils feraient les greniers,
calculent atrocement combien leur rapportera une disette, une émeute, un massacre...»
{Moniteur, n® 250, séance du 4 sept. 1793).
(4) Un décret du 30 mai 1793 ordonne im emprunt d'un milliard sur les citoyens riches.
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— 230 —
attesterait une rassurante prospérité (1). Il y aurait eu alors à Rouen
sept bi-millionnaires, quarante millionnaires et quantité de demi-
millionnaires. Le tout formait environ 450 contribuables, improvisés
avec une légèreté qui motiva de très nombreuses protestations et des
refus catégoriques de verser les contributions établies sur ces bases.
Nonobstant, les trois représentants du peuple jugèrent que la
Commune avait exagéré le respect de l'équité. Poret, qui leur avait
porté ce tableau, écrit le 23 septembre à ses collègues du Comité de
Salut Public :
. . .11 faut enfin que nous nous mêlions par nons-mèmesdes subsistances,
autrement nous périrons d'inanition ; la torpeur de notre infernale munici-
palité contre-révolutionnaire est la cause de nos maux ; le comité de aubsis-
taoceSy justement suspect, nous perdra si nous n'y prenons garde. Sa réparti-
tion du million est une infamie ; elle porte sur 448 individus ; ils ( les repré-
sentants du p3uple) désirent que le nombre des capitalistes n'excède pas
vingt, si toutefois il est possible. . . (2).
De son côté, la Société populaire va seconder les vues du Comité
départemental de Salut public : Garrault, qui revient de Paris, en
rapporte des motions, fruit de ses études révolutionnaires chez les
Jacobins de la capitale, et qui n'auront pas à Rouen tout le succès
qu'il espérait. La Société est pourtant séduite par l'idée de Léonard
Bourdon émise à la Convention le 4 septembre, pour faire sortir les
subsistances des magasins où elles sont accumulées, idée consistant
à organiser une armée révolutionnaire soldée aux dépens des riches,
avec un tribunal à sa suite pour juger les malveillants. Elle demande
donc, le 2 octobre, que des citoyens se rendent dans le département
pour les subsistances et soient payés et nourris par les laboureurs et
que, si cela ne suffit pas, le département forme une armée révolution-
naire pour marcher avec la guillotine et mettre les laboureurs à la
raison. La rédaction d'une pétition à cette fin est confiée à Courtin
et Lemonnier. L'armée révolutionnaire est un épouvantail sur l'effet
duquel la Société compte beaucoup.
Pendant que le département, le district, la commune, la Société
(1 ) Ce tableau est au procès- verbal du 21 septembre. — Le même i-egistre comprend
un autre tableau pour un emprunt de 10 millions aussi sur les riches, qui eut lieu peu
après.
(2) Arcli. mpales. — Lettre originaU*.
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populaire et le Comité départemental de Salut public, par des pro-
cédés divers, s'ingénient à ramener Tabondance à Rouen et dans la
Seine-Inférieure, des accusations de la plus haute gravité sont
portées contre les rouennais.
Les gens d'Yvevot semblent avoir été animés, à partir de 1792,
de sentiments peu fraternels pour le chef-lieu de la Seine-Inférieure.
Leur «comité de sûreté générale» a. pour président le citoyen
Lenud, en même temps membre de la société des Jacobins de Paris (1)
et que Ton voit en octobre 1793 suivre de très près les dispositions
des rouennais pour réquisitionner des grains dans le département.
Sans doute, les y vetotais intriguaient à cette date pour obtenir le
transfert en leur ville du chef-lieu de district établi à Caudebec (2),
mais on est en droit de les soupçonner d'avoir agi autant pour
empêcher chez eux les réquisitions de subsistances pour Rouen.
Le comité dTvetot écrit le 4 octobre au comité de Salut public
de la Convention qu'il lui était révélé un complot afifreux existant
dans la ville de Rouen, où les fanatiques et les aristocrates d'Yvetot
avaient ordre de se rendre le dimanche suivant.
(1) Il est difQcile aujourd'hui de préciser quel était celui des Lenud d'Yvetot ou de
Fongueusemare qui fréquentait ainsi les séances des Jacobins de Paris. Je crois que
c'est le même que le neveu de Lenud, administrateur du département, qui avait été
dénoncé en juin 1792, par la mimicipalité d'Yvetot, pour irrévérence envers celle-ci.
{Reg. du dépt. 16 juin 1792). Il doit aussi y avoir identité entre Lenud neveu et
i« le jeune Lenud chargé par Siblot d'une mission dans la Seine-Inférieure, en 1794 ;
2» N.-Augustin (et non Pierre, comme l'imprime à tort la Biogi*aphie de M™» Oursel)
Lenud, citoyen d'Yvetot, auteur de la Pierre de touche de la Révolutiony Paris, l" vent,
an VI delà République, de l'imprimerie de l'ancien conventionnel Antoine Bailleul, rue
Grange-Batelière, n» 3, in-32, 124 p. Il y avait au moins deux frères Lenud, nés à Fon-
gueusemare, fils de Nicolas et de Françoise Noël : 1« Pierre- Augustni Lenud, négo-
ciant au Havre, marié à Rouen (1777) à Marguerite Baudry, nièce du chirurgien Pillore,
fille de François Baudry et de M. M.-T. Bachelè ; 2o Etienne Lenud, né en 1748, admi-
nistrateur du département? (1792) commissaire du directoire exécutif près le tribu-
nal du district, juge, puis, en 1806, préaident du tribunal du district de NeufchàteU
dômissioimaire en 1823 ; mort en cette ville, place Notre-Dame, 32 (maison des Grouchy), le
13 février 1828, veuf de Marie-Anne Barbarey, et époux en deuxièmes noces de M"»« veuve
Desmares, née Foloppe. La femme du premier était la sœur de la femme de Louis-
Charles Gaillon, marchand et officier de la troupe bourgeoise à Rouen (1780) et de M"»»
du Caurroy de la Croix. La première femme du second n'était-elle pas de la famille de
M«« Pillon ? H y avait d'autres Lenud, l'un notaire à Foucarmont, depuis la Révolution,
l'autre chirurgien, à YVetot. Etienne Lenud était bailli d'Esneval dei)uis 1788.
(2) P. Duchemin, le canton de Motteville et les districts de Caudebec-Y'vetot -Cany, 1897,
p.67. Le transfert provisoire du district à Yvetot eut lieu par décret du 19 novembre 1973.
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— 232 —
Il est de fait que tous nos adversaires et eu général tous dos
ennemis sont encore à Rouen. Le projet de cdlte \ille est de faire partir, la
semaine prochaine, vingt mille personnes qui doivent forcer les campagoas
à marcher avec elles, passer dans Yvctot, Boibec et autres, tenter les moyens
pacifiques de nous faire marcher avec eux et user de sévérité contre les
citoyens qui s'y refuseraient. Ils doivent se rendre au Havre, où ils comptent
sur des secours qui ne peuvent leur être fournis que par les puissances
ennemies.
En môme temps, les membres du comité d'Yvetot (1) députent
un de leurs collègues et un « bon républicain », pris dans la Société
populaire, vers les représentants du peuple alors au Havre, afin qu'ils
leur subviennent et déjouent le projet « affreux » de Rouen. Ils
dénoncent les mômes faits au comité havrais. (2)
Leur lettre aux représentants est plus explicite. Ils y parlent de
pouvoirs que ceux-ci leur ont conférés pour surveiller les faiseurs
de complots du département. Il ont donné déjà, disent-ils, aux com-
missaires de la Convention et du Comité de Salut public des reai-
seignements sur Rouen et sur Le Havre :
Le citoyen JuUien, cet intéressant jeune homme qui s'est rendu au
Havre, et qui a fait destituer le général Beaulieu (3) et Tadjudant général
Âmabert (4), a beaucoup contribué à remettre Tesprit public au niveau qu*il
aurait toujours dû être. Le bataillon de Rouen, qui avait acquis le privilège
de faire le service du Havre, est remplacé par les sans-culottes de la D6r-
dogne, qui en avaient été renvoyés. Notre département, qui n'est pas le plus
patriote de la Rc^publique, commence à rouvrir les yeux. Les représenlanls
du peuple ont pris de grandes mesures pour Rouen (5), qui aurait pu devenir
(1) Lenud, llarriois, Yvoy, Jourdain, Dubronielle, Joignant et Esnard.
(2) Arch. nationales. A F ii 149. dossier 1.206, pièce 37.
(3) Pierre-Nicolas Merle-Beaulieii, général de brigade. Nommé le 15 mai précédent
à l'armée des côtes de Cherbourg, il se présente le 6 iuillet devant la commune de
Rouen, fait un discours, et peu après prend part aux mesures contre les fédéralistes.
Après sa destitution de juillet, il obtint de la commune de Rouen, le 17 octobre, un
certificat dont il la remerciait le 31 par une intéressante lettre dont voici le post-scriptum :
« J'ai payé le tribut du péché originel et n'ai nM;u que de.'^ louanges verbalement et par
écrit du comité do Salut public et du ministère (Arch. mpales,) » M. Ad\ieUe a publié en
1896, sur Merle-Heaulieu, une notice où Ton trouve peu de détails sur son rôle dans la
Seine-Inférieure et l'Eure.
(4) Les conséquences de sa destitution ne furent pas plus gmves. Il semble être à
Rouen encore à la fin de l'an IV, épociue à laquelle Charles Amabert achète le janlin
et les bâtiments dits buanderie du ci-devant couvent de Saint-Amand.
(5) Allusion à la création du comité départemental de Salut public.
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— 233 —
1a théâtre de la conlre-révolutico. 11 parait que les saleilites des tyrans
devaient desct^ndre en cette ville où étaient réfugiés nombre de mécontents
et d'étrangers désirant ardemment In conlre-révoJulion. Notre département
fut devenu une nouvelle Vendée. Le Havre eut été livré aux anglais. Et c'est
alors que les projets eussent éclaté
Quelle était la source des bruits ainsi exploités par les cauchois?
Il s'abstenaient de le dire et se préoccupaient moins encore de savoir
jusqu'à quel point ces bruits étaient fondés.
Chose certaine, c'est que les Yvetotais, en communauté d'idées
avec des jacobins de Rouen, poursuivaient le môme but que ceux-ci,
peut-être au début leurs complices et leurs inspirateurs. Leur
conclusion le montre assez :
Il serait important, disent-ils, que les administrateurs de ce département
soient renouvelés. Les administrateurs ne sont pas tous i)atriotes ; il en est
de même de la municipalité de Rouen, qui aurait dû subir le sort de celle du
Havre (1). Sans doute que les représentants du peuple prendront un grand
parti à cet égard (2).
Ces dénonciations intéressées ont pesé lourdement sur les
rouennais et n'ont pas peu contribué à la destitution de M. Ron-
deaux.
La Société populaire de Rouen éprouve et manifeste pour la
municipalité la môme antipathie que le Comité d'Yvetot. D'abord,
Haraneder, en prévision du sort qui menace M. Rondeaux et ses amis,
a proposé le 26 septembre de discuter s'il ne serait pas bon de salarier
les membres des communes. Le 8 octobre, est signée une pétition
aux représentants du peuple qui sont à Rouen, à l'effet d'obtenir
d'eux « l'expulsion des membres des corps administratifs qui ne sont
pas à la hauteur des principes. »
Entre temps, la Société demande h la Convention de déclarer à
tous les habitants de la terre (3) que le peuple français fera une
guerre éternelle à l'Angleterre tant que Pitt et Granville seront
dans le ministère anglais, et pendant qu'elle songe à faire empri-
(1) La municipalité du Havre avait été destituée par décret de la Convention du
21 septembre.
(2) Arch. nationales. A F ii 149, dossier 12U6, pièce 38.
\3) Le procès-verbal portait d'abord les habitants de VEurope,
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— 234 —
sonner les étrangers et surtout les Anglais, elle accueille Wild,
« citoyen anglais par naissance et français par choix », et « con-
vaincue de son patriotisme » lui accorde une attestation civique (1).
Elle procède de môme à l'égard de Denys de Vitré (2).
Elle s'émeut de la préférence marquée par les manufacturiers
pour les ouvriers de la campagne et s'occupe avec persistance de
procurer de l'ouvrage à ceux des villes (15-25 octobre). Elle s'épure;
son comité d'épuration, que préside Pillon, est lui-même épuré ;
nul n'aura la parole pour disculper les membres exclus, dont la liste,
à la demande de la citoyenne Duclos, sera affichée (19-21 octobre.)
(3) Ella projette d'élever à la Liberté une statue sur la place de la
Barbacane, et elle accorde à un phénomène végétal — une poire de
rousselet de Reims, cueillie dans un jardin du château de Rocque-
mont, et apportée par un gendarme — une attention excessive parce
que cette poire, moins connue que celle qui symbolisa la monarchie
de 1830, représente le bonnet de la Liberté (4).
(1) Cent quatre patriotes, des deux sexes, parmi lesquels Duclos, femme Mauduil,
Desniarest veuve Fêrey, Rivière fenime Féi'ey (ces deux dernières de la famille du
bourreau), François, vicaire épiscopai, P.-L. Mouchard, etc., etc., tous citoyens et
citoyennes des tribunes de la Société populaire, réclamèrent auprès du comité de sur-
veillance en faveur de Wild dont le père, disait-on, ne signait jamais autrement que
Wild, surnommé Guillaume Tell..., (Arch. mpales.)
(2) J.-B.-Aug. Denys, né à Londres en 1765, d'un père canadien et d'une mère fran-
çaise, était recommandé par les mêmes 104 patriotes que Wild au comité de surveil-
lance. Présent à la séance des Jacobins de Paris du 16 décembre 1793, il y fut dénoncé
par Benaudln, puis attaqué par Fabre d'Eglantine, comme agent de Pitt. Il résidait
en Fjance depuis quinze ans, venant de Montargis où il avait été à la tète d'une manu-
facture appartenant au duc d'Orléans. Lenud, d'Yvetot, qui était aussi à cette séance,
l'accusa de calomnies contre les Jacobins. {Moniteur du l*"" Nivôse an II.) Il fut arrêté,
détenu à Pans, et mis en liberté seulement après Thermidor, et revint à Rouen.
(3) llorcholle rapporte que par suite d'un scrutin épuratoire, la Société républicaine
fit afficher dans les premiers jours de novembre 1793 deux listes, Tune blette, de qua-
tre-vingt-deux de ses membres ayant donné leur démission depuis le 1»^ janvier pré-
cédent, et l'autre rouge, de cent vingt-quatre autres membres exclus.
(4) La Société délibérait le 15 octobre que le gendarme portemit à la Convention la
poire, préalablement dessinée. Le 16, est lu un rapport de Varin, jardinier en chef du
jardin botanique, à propos de la même poire; I^bbey et Barl)arey sont chargés de vérifier
l'exactitude du dessin, au bas duquel seront mis ces vers du frère Beuzelin :
Ce fruit, par un heureux augure.
L'an fécond de l'Egalité,
Fut façonné par la nature
Qui l'olTrit à la Liberté.
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- 235 —
Bientôt il lui faut s'intéresser à de plus graves sujets. Le frère
Lecomte, député, lui annonce le 17 octobre, quew la veuve de Capet
a subi la peine de mort » et qu^un général autrichien, précédé d un
trompette, est arrivé à cinq heures du soir pour parler au Comité de
Salut public, mais qu'il s'est présenté trop tard. . . (1)
Lecomte veille assidûment à ce que les Rouennais commettent
le moins possible d'anachronismes révolutionnaires. C'est lui qui
invite la Société à se conformer au calendrier républicain et à se
servir de la date par décade et par année de l'ère républicaine. La
Société l'adopte « le cinquième jour de la deuxième décade du pre-
mier mois de la deuxième année de l'ère française, une et indivisible »
(26 septembre) ; la municipalité ne s'y prend que le huitième jour du
premier mois (29 septembre), le district le 3 octobre et le départe-
ment le 8 octobre (2).
Deux incidents, qui ont dû influer sur le sort do la municipalité
Rondeaux, se produisent à la Société populaire le 30 vendémiaire
(21 octobre). Un membre dit que Ion continue de dénoncer à Paris la
ville de Rouen, relativement aux subsistances, et cite à ce sujet un
— Le 17, il est décidé qu'au lieu de l'envoyer par le gendarme, on invitera le
citoyen Le Barbier, directeur de la poste aux lettres, à la faire parvenir à la Convention
en l'adressant au citoyen Lecomte. — Requer, ministre du culte, qui devint plus tard
secrétaire de la sous-préfecture de Neufchàtel, adresse au Journal de Roueriy qui la
publie le 13 octobre, une lettre sur ce « jeu de la nature aussi surprenant que
singulier » et donne une minutieuse description de la poire.
(1) Arch. mpales.
(2) Le calendrier rural, complément du nouveau calendrier et qui remplace les
noms de saints par des noms de plantes ou d'instruments aratoires, ne jouit pas d'une
très grande faveur à Rouen. Des prénoms d'une fantaisie outrée furent pourtant donnés
à des enfants nés à partir de la fin d'octobre. En voici quelques uns : Romain-i?^pi<-
blicain Bradefer ; I7nite'- Virginie Dormery ; Républicain Foucœur ; Eloi-Pierre-Decorfi
Renault : Louis-République Godebin ; Pierre- La^Montag ne Quemont ; Octodi-La-Mon'
lagne Lemarçhand ; Unité Vallée ; KugèMqixe-EgalUé Hébert ; Brutm Desgenétais ;
Duodi Damberville ; Fratetmité Poupinel ; Colonne de la République Quertier ; Quintidi
Pm ; GeifiiinaUAsperge Levavasseur ; Gei^minoX-Egalité Pouchet ; Déesse de la Liba^té
Daché ; Charme-Liberté Née ; Marat Renouvin ; Scasvola^Floréal Alexandre ; Pyrame
Guire ; Floréal-Pourquoi Lebel ; ieanne- Déesse-Théolis Bruneau; Angélique la, Déesse
Godement; Pavot-Prairial Boulard ; Marie-Anne Absinthe; Virginie-3fe*«dor Saint-
Evron ; Yidoire- Bastille Marcband ; Barra-Therniidor Duveâ; Balsamine Legras ; Viala
Baudoin ; Bt^utus-Ftnictidor Rupalley (fils du commissaire) ; Tubéreuse Duboc ; Vergedor-
Décadi Taupin ; Madeleine - Sans - Culottide Sergent ; Montagnard - Sam - Culotte
Cannesson; Céiesie-Ui'Raison Simonnet; La^Vcrtu^e-la-Nature Letellier; Tiicolore
Broche (fils d'un teinturier) ; Brutus-Ennenn-de-la-Royauté Durenne, etc., etc.
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- 236 —
passage de V Indicateur. Coupé, député de l'Oise, a fait des revélar
tiens qui affligent les rouennaia à un tel point que la Société fait
publier la lettre qu'elle lui écrit pour l'inviter à dire en franc répu-
blicain de qui il tient ces détails et lui signaler que la garde natio-
nale de Rouen escorte les blés pour ses frères de Paris et qu'il e»t
incroyable que les Rouennais passent pour accapareurs. Le surlen-
demain, elle reçoit des Jacobins de Paris lassurance que Coupé est
un homme pur et que ce n'est pas sans raison que ces dénonciations
ont été faites. Cela ne suffit pas et les frères Gamare et Bernays leur
écriront de répondre catégoriquement.
A ce moment, se présentent trois commissaires de la Conven-
tion : Coulonghon, Fénéaux et Guiard, dont l'arrivée à Rouen fait
pressentir d'importants événements. Ils sont amenés vraisembla-
blement par les rapports de leur correspondant spécial en cette ville.
Contrairement à ce qui se passe d'ordinaire, ils ne vont pas exhiber
leurs pouvoirs aux aurorités constituées.
Le 5 brumaire (26 octobre) les difficultés inextricables des sub-
sistances font décider par la Société populaire qu'une nouvelle péti-
tition, rédigée par Hébert et Vernon, invitera la Convention à
envoyer l'armée révolutionnaire pour purger la ville. De plus, le
Comité départemental de Salut public est invité à ne pas délivrer de
passeports aux citoyens jusqu'à ce que l'armée révolutionnaire ait
fait sa revue ici, à moins que ces citoyens ne soient connus pour
bons patriotes.
Nul indice, dans les délibérations de la commune, ne permet de
deviher que des modifications du personnel administratif sont immi-
nentes. M. Rondeaux est toujours à son poste. Il préside, le 5 bru-
maire, le bureau permanent et la séance du conseil général, et ne
donne pas sa démission comme le dit inexactement HorchoUe.
Néanmoins, il est certain qu'il aperçoit les dangers dont il est
entouré. Un espionnage incessant s'exerce autour de lui et de ceux
que l'on soupçonne d'éclairer et de soutenir son courage. Il fut, en
effet, accusé de s'être, à ces instants suprêmes, inspiré des conseils
des adversaires des Montagnards. Vimar, disait-on, avait plusieurs
fois causé en cachette avec lui, et se vit reprocher par Lamine, son
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- 237 —
ennemi intime, ces conversations secrètes « où il tramait avec le
maire des complots liberticides » (1).
Cependant, dès le 3 brumaire (19 octobre), le Comité de
sûreté générale de la Convention avait ordonné la détention du maire
de Rouen dans la maison d'arrêt par mesure de sûreté générale,
comme ex-noble suspect y et le 6 brumaire, à sept heures du matin,
cet ordre est notifié à M. Rondeaux, à son domicile, rue Herbière,
par le commissaire de police Bourdon, en présence de Lambert,
vice-président du comité de surveillance de Rouen, lequel comité
est chargé de lexécution de Tordre.
Bourdon et Lambert, accompagnés d'un détachement de la
garde nationale, perquisionnent, mettent les scellés, puis écrouent
M. j^ondeaux à la maison de Saint-Lô. Le même jour,le prisonnier est
conduit à sa maison de campagne de Louviers (2) où se trouve
M™® Rondeaux. Là, quand on eut reconnu qu'il n'y avait que des
« papiers domestiques », on dut rappeler au « citoyen Rondeaux »,
heureux sans doute d'être réuni à sa compagne, et qui ne manifestait
pas d'empressement à revenir avec le commissaire, « qu'il était en état
d'arrestation et que, comme tel, il fallait qu'il fut transféré dans la
maison d'arrêt, à Rouen ». Il a observé, mentionne Bourdon dans
son procès- verbal, que son respect pour la loi lui faisait un devoir
de me suivre, mais qu'il était étonné qu'on le réputât noble, ne
l'ayant jamais été.
Le 8 brumaire, Lambert et Bourdon le prennent encore à Saint-
Lô, pour se rendre rue Herbière, où il n'y a que des recueils de lois,
notes de famille, des papiers concernant des projets d'utilité publi-
que, et des « aveux et autres titres du genre féodal », concernant la
terre de Foucreville (?) titres que l'on met à part sous enveloppe
cachetée. M. Rondeaux dit que ces vieux titres ne sont pas à lui,
qu'ils lui ont été apportés par le feudiste, pour être remis à la
(1) Arch. mpales. — Le même Lamine dénonçait à la Société populaire, le 13 bru-
niaire, Ganibard, notable, pour être un des amis du maire Rondeaux, chez lequel il
avait mangé plusieurs fois. — L'ordre du jour fut adopté.
i2) M. Rondeaux possédait à Louviers un quart de fief avec un manoir dans une
île au-dessous de la ville, nommé la Salle du Bois (Charpillon, DicL hist de l'Eure,
t' n, p. 475)» sur remplacement duquel il fit construire la filature de Saint-Germain,
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— 238 —
citoyenne Dufou, sa belle-sœur, propriétaire de la ferme de Fou-
creville.
Après cela, M. Rondeaux est ramené à Saint-Lô, d'où il sera
extrait le 17 brumaire, pour être mis à Saint- Yon, où il restera
détenu pendant près de dix mois, jusqu'au 7 fructidor.
Puis le silence se fait, absolu, sur l'administrateur sacrifié. Pas
un mot des. procès-verbaux de la commune, du district, du départe-
ment, ne fait allusion à son sort. Une année auparavant, quand
M. de Fontenay quitte la municipalité, on se répand en regrets,
en félicitations sur les services qu'il a rendus. Ses vertus civiques,
sa prudence alliée à sa fermeté, lui valent des témoignages publics
de satisfaction et de reconnaissance, perpétués par le registoe
de l'Hôtel-de-Ville.
Mais en brumaire an II ! C'est tout autre chose : un mandat
d'arrêt est décerné en guise de remerclments et de congratulations.
A tout prendre, aux yeux de la postérité, l'ordre d'arrestation
pourrait avoir autant, sinon plus de prix que l'attestation de
civisme. . .
Cette incarcération emprunte une partie de son éclat à ce qu'elle
eut lieu le jour où s'en effectuaient six autres dont une au moins
était inattendue et surprit grandement le comité de surveillance
lui-même.
Jusque-là, depuis le 29 août, toutes les arrestations ont eu lieu
par ordre de ce comité, sauf deux, celles de Verton et de Drague-
ville, ordonnées par la Commune. Or, les sept arrestations du 6 bru-
maire en comprennent six qui ont eu lieu en vertu de mandats du
Comité de sûreté générale de la Convention, tous du 3 brumaire,
MM. Rondeaux, de Biencourt-Poutraincourt (1), l'ancien député
(1) Pendant sa détention à Saint-Yon, M. de fiiencourt fut conduit par Tofficier
municipal Pinel, Lemoine, commissaire de police et deux gendarmes à son château de
Mesnières-en-Bray, alors transfonné en maison d'arrêt par le district de Neufchâtel, et
où l'on ne trouva que les petits meubles des prisonniers, puis au château de Martol
(Eure). M. de Biencourt fut mis en liberté le 28 brumaire an III. L'émigration de son
fils et de sa fille avait fait séquestrer ses biens. Sa femme fu*. Tobjet, le 30 gemiin»!
an III, d*une dénonciation de Pierre Fortin, l'accusant d'émigration (Arch. mpalec).
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— 239 -
Charles Tarbé (I). l'ex-ofiBcier municipal Vulgis Dujardin (2),
d'Herbouville (3) et Robert de Saint- Victor (4), et une seule par
ordre du Comité de Rouen, celle de Hély père, d'Oissel (5).
(1) Lefebvre-Signol présida a l'arrestation de Tarbé et, le 15 brumaire, levant les
scellés, saisit deux lettres dont l'une était celle de Faure, reproduite plus haut, chap. 8*.
La sœur de Tarbé, femme de Germain-Louis Chambosse, marchand à Rouen, rue des
Charcttes, 30 ( chez Tarbé ), ex-contrôleur principal des 20^ à Clermont-Ferrand, fut
arrêtée par ordre du Comité de Rouen, le 24 prairial an lî, mise à Saint-Lô, puis, le 8
messidor, aux Gravelines comme prévenue « d'avoir un frère ex-ministre émigré (?) et
d'incivisme et d'aristocratie.» La gouvernante des enfants Chambosse est Thérèse Boyel-
dîeu. U y a dans les pièces relatives à M"»« Chambosse une lettre de Tarbé où il semble
se recommander d'une grande dame. Le Joutmal de Rouen en publie une autre où il se
défend d'avoir fait condamner Bordier, aux enfants duquel, nonobstant, on voulait le
contraindre à servir une pension. Malgré de grands elforts pour sortir plustôt, il n'eut
SA itberté que le 4 fructidor an II.
(2) Dujardin avait été dénoncé comme prétendu noble (Rapports de l'an III contre
les terroristes). L'ordre d'arrestation n'indique pas les motifs, mais on dit plus tard que
c'est un mauvais citoyen qui a fait manquer de pain dans, la ville de Rouen. En liberté
le 17 thermidor an II.
- (3) M. d'Herbouville fut arrêté par Gontier, commissaire de police. Le Comité de
Rouen donna l'ordre d'arrêter sa femme. Ils sortirent : l'un de Saint- Yon, et l'autre des
Gravelines, le 4 ventôse (22 février 1794), pour assister à l'inventaire à leurs résidences
de la rue Sainte-Croix-des-Pelletiers et de Saint^ean-du-Cardonnay. La municipalité
du Cardonnay ne trouva rien de suspect, • rien, au contraire, qui ne caractérise le
civisme dont ils avaient toujours donné des preuves. * Le 3 plu\iôse, le bureau perma-
nent de la commune de Rouen fait dresser procès-verbal à un pavillon appartenant à
Langlois, chirurgien, à Rouen, où M«"« d'Herbouville venait de faire apporter du Car-
donnay quelques paniers de gros vins et un de vin fin ; on mentionne dans la cave de
ce pavillon 800 bouteilles de vin. M. d'Herbouville fut mis en liberté le 25 fructidor.
(4) Robert fut mis en liberté le 14 fructidor. Le mobilier de son fils, émigré, qu'il
revendiquait, avait été, nonobstant, vendu le 12 août 1793. Il eut à subir les consé-
quences de rémigration de ce fils, séquestres, inventaires, liquidation de patrimoine,
dans l'estimation duquel entrait pour une valeur relativement insignifiante ses collec-
tions qui vont être vendues sous l'Empire plus de 500,000 francs. Vainement il péti^
tioDna, importunant ses amis les Jacobins, qui lui firent toujours espérer son élargis-
sement ; lise recommandaità un moment de lettres favorables de Pocholle. M"»« Robert
ayant prié la Société Populaire de s'intéresser à son mari, un membre s'opposa à toute
démarche en produisant une lettre de Robert aux habitants de Saint-Victor-la-Cam-
pagne, dans laquelle il professait des principes contraires à l'opinion qu'on avait de lui
(29 janvier 1794). Robert a été pendant sa détention l'objet de faveurs exceptionnelles
qui ont dû la lui rendre supportable et qui ont dû contribuer à le rendre odieux à ses
co-détenus.
(5) M. Ilély-d'Oissel avait été immédiatement l'objet de dénonciations réitérées au
Comité de Salut public de Rouen : « Citoyens, l'intrigant que je vous ai dénoncé ces
jours derniers est sûrement bien dans le ca^ d'être mis en état d'arrestation... N'y
aurait-il que la manière dont il s'est conduit dans le commencement de la Révolution
et à la tête de la cavalerie nationale de cette ville. Comment n'a-t-il pas maltraité les
malheureux journaliers occupés aux travaux publics et aux ateliers de charité.... Il est
temps, citoyens, de lever le masque injurieux qui nuit à tous les patriotes; mettez-le
provisoirement en état d'arrestation, j
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- 240 -
Le cas du premier était unique. Quatre autres et le dernier
étaient du nombre de ceux qui pouvaient s'attendre à être incarcérés -
Mais le jacobin Robert ! Comment expliquer son emprisonne-
ment, sinon par une erreur ? Sans doute, il était ex-noble et père
d'émigré, et c'est là ce qui motive officiellement sa détention.
En réalité, c'est à d'autres causes qu'elle est due. On pourrait se
livrer à des conjectures et supposer que Robert, montagnard à la
Société populaire, réactionnaire autoritaire à sa ci-devant sei-
gneurie do Saint- Victor-la-Campagne, jouant double jeu, était
devenu suspect même à son ami Pillon, et il est certain qu'un peu
plus tard, la Société, après avoir essayé de le tirer d'affaire, édifiée
sur la solidité des convictions de l'ex-président à la Cour des
Comptes, l'abandonna, ne tenant plus compte de ses pétitions.
Pourtant ces conjectures n'aboutissent guère, et l'on se demande si
Robert n'était pas le successeur désigné de M. Rondeaux à la Mairie,
ou de M. de Fontenay au département, et si l'on a pas eu recours à
et stratagème violent pour l'écarter plus sûrement. , .
Reste à savoir d'où partit le coup. Des indices assez sûrs mon-
trent bien qui l'a porté. Dans l'histoire très compliquée de
cette arrestation et de ses suites, on aperçoit vaguement que,
provoquée par Leclerc, parfumeur (1), elle a des liens indirects
avec celle de M. Caillot de Coquéreaumont, ci-devant président à
(1) Jacques-François Leclerc, i4 ans, parfumeur et mouleur en bois, à Rouen, rue
de Lille, 137, et son flls, âgé de seize ans, clerc de Legentil, commissaire, furent
arrêtés le 17 pluviôse an II (5 février 1794). Le prétexte fut des malversations aux
chantiers de bois. On lui reprochait des liaisons avec des aristocrates (comtesse de
Caumont, Duval-Langrune, M"" de Saint-Paer,Bau(lon, comtesse de Saint-Empire, Duvfd
de Brunville, Dallet de Ronchei-oles, Poutraincouii, de Paul, d'avoir obtenu des repré-
sentants du peuple la mise en liberté de Duclos, ex-avocat, traqué par les Montagnards.
Ch.-V. Denis Legentil, commissaire de police, qui avait des liaisons particulières avec
Leclerc depuis la création du comité de suneillancc, fut impliqué dans ce commence-
ment de poursuites, reconnut avoir composé une liste de 33 individus arrêtés, envoyée
à Héron, secrétaire du Comité de sûreté g<*»nérale, comprenant notamment un patriote,
Gosselin, ex-prétre attaché à l'hospice. Leclerc ne savait pas écrire et Legentil lui faisait
ses lettres à Héron et Coulonghon. L'un dps témoins, après avoir raconté un fait qui lui
paraissait compromettant pour Leclerc, dit qu'à cause de sa femme et de ses enfants
plusieurs bons citoyens s'empressèrent d'étouffer l'affaire, ce qui fut fait à la prière de
0. Leclerc, accusateur public et président de section. L'affaire des chantiei*s, instruite
par Pi nel se termina le jour même, de l'arrestation de Leclerc, 17 pluviôse, faute dç
preuves suffisantes ( Arch. mpales).
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- 241 ^
la Ctour des Comptes, et père d'émigré, comme Robert de Saint-
Yictor, et que le Comité de Rouen fait arrêter le 7 brumaire. C'est
une des affaires bizarres et obscures où Ton voit les manœuvres
policières et la vénalité des mouches (1) ou indicateurs mettre la dé-
ception, l'irritation, le soupçon et même le désarroi parmi les scïdes
rouennais de la révolution. Parfois les membres du Comité, lorsqu'ils
ont quelque raison pour ne pas décerner eux-mêmes un mandat
d'arrêt, obtiennent du Comité de sûreté générale, soit par une
dénonciation, soit autrement, qu'il en prenne l'initiative ; mais
pour Robert, la chose s'est passée à leur insu, en dehors leurs pré-
visions et contre leur volonté.
La municipalité ne devait pas rester longtemps privée de chef.
Pendant les quelques jours qui s'écoulèrent entre l'arrestation de
M. Rondeaux et le choix et l'installation de son successeur, ses fonc-
tions eussent dû passer au premier officier municipal, Pillon ; mais
celui-ci est occupé ailleurs, et, sans doute, élabore avec ses amis la
liste des nouveaux administrateurs.
Les faits caractéristiques abondent en ces jours d'émotion. L'em-
prisonnement du maire n'apporte pas la solution des embarras
toujours renaissants au milieu desquels se meuvent les administra-
teurs. Le Conseil général de la Commune est aux abois. Terrifié par
la famine, il ordonne le 7 brumaire, la fermeture des spectacles et les
fait rouvrir le lendemain sur une pétition d'officiers du bataillon de
la section des Gravilliers de Paris, qui sont à Rouen. Ses membres
passent les nuits à rHôtel-de- Ville ; ils envoient au district une
délibération datée du 9, trois heures du matin, relative aux bouches
inutiles de Rouen et à la nécessité d'expulser tous ceux qui ne sont
pas dans l'indispensable nécessité d'y résider. Elle expose que la
gravité des circonstances exige que les administrations soient ras-
semblées sur le champ. Aussitôt, le district se rend au département
où il trouve la municipalité.
Au cours de l'assemblée, tenue a en comité secret » dans le
cabinet du procureur syndic, arrive une députation de la Société
(1) On désignait alors officiellement ainsi les agents de la police secrt'te ou correc-
tionnelle. V. not. reg. de la municipalité de Rouen, délibération du 30 janvier 1793.
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— 242 —
populaire, — qui surveille fiévreusement ce qui se passe — et que
Anquetin va recevoir. L'un des députés, Lemonnier, exprime le
désir qu'a la Société de connaître la position et les ressources en
subsistances du district. Des discours, notamment un dusageCabisf^ol,
s'ensuivent qui ne parviennent pas h faire disparaître les difficultés.
Néanmoins, cela se résout parlemeniairement, en décidant de
rédiger un mémoire « de tout ce qui a été fait », mémoire que le
procureur-syndic fera parvenir à la Société populaire.
Ce jour-là même, peut-être pour expérimenter sur les membres
du département la pierre de touche révolutionnaire, la Société leur
apporte une pétition tendant à ce qu'il soit organisé une force
armée à la suite de laquelle marchera la guillotine pour en imposer
aux malveillants et aux accapareurs de grains et autres denrées et
faire par ce moyen renaître l'ahondance. Le Conseil général ne
s'indigne pas, du moins à en juger d'après le procès-verbal de sa
séance ; il sait qu'il faut tenir pour sérieuses les requêtes de la
puissante et susceptible société. Aussi attend-il que la députation
soit partie pour délibérer, puis, « considérant que la demande n'est
pas de sa compétence », il arrête qu'il sera écrit en conséquence
à la Société populaire.
Le 10 brumaire, la Commune en vient à prescrire les visites
domiciliaires avec autorisation de faire ouvrir les portes par des
serruriers.
L'administration départementale a dû voir une menace dans la
création du Comité de Salut public. Depuis, plus que jamais, elle
alterne les décisions modérées et révolutionnaires. Elle fait placer le
drapeau tricolore sur le lieu de ses séances et sur tous 1rs domaines
nationaux, elle ordonne l'arrestation de Tabbé Langrcnay, curé de
Saint-Victor-la-Campagne, dénoncé par Robert ; elle écrit au district
de faire rechercher les cercueils en plomb dans les caveaux des
églises supprimées ou non de Rouen, la translation des cadavres
dans les cimetières publics et la conversion des cercueils en balles
de calibre. Celte dernière décision est prise après que le procureur
général syndic Anquetin a représenté « qu'il n'est plus temps de
conserver les monuments de l'orgueil qui tendaient à distinguer
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' — 243 -
encore les hommes lorsque la nature les rappelait à la terre qui les a
produits )) (9 septembre). Le département fait imprimer un poème
du citoyen Fromage, professeur, sur la Co/i.stiiution française
acccpiàepar les dieux, et un discours du conventionnel Louchet
à la rentrée du collège (l^"^ occobre). A un projet trop coûteux de
tableau civique de Lecarpentier, il substitue, pour indiquer d'une
manière ostensible la profession de foi des administrateurs^ cette
inscription en gros caractères sur la plinthe du bâtiment principal de
l'administration départementale, en face de la rue des Jacobins : —
République Française, utie et indivisible^ — Liberté, Egalité,
Fraternité ou la mort (19 vendémiaire). Il décide que les adminis-
trateurs et employés du département et des districts ne pourront
prendre de vacances que le 10, 20 et 30 de chaque mois ou les der-
niers jours de chaque décade.
Ces pratiques de M. de Fontenay et de ses collègues les ont fait
épargner jusqu'ici sans les mettre à Tabridu soupçon. M. de.Fontenay,
quant à lui, ne s'en tient pas là. Il continue d'entretenir avec Legendre,
Louchet et Delacroix des relations qui le protégeront et le maintien-
dront en place durant plusieurs semaines après les autres. Il est
d'ailleurs fort activement secondé par son frère Alexandre, lequel
fréquente aussi les représentants du peuple et les patriotes et s'est
trouvé avec eux tous (1) au Havre, dans un repas (2) où, d'après
l'étonnant maire d'Ingouville, Musquinet de la Pagne, — contre les
exagérations duquel il importe d'être en garde, — il y avait des
modérés, des feuillants. « On proposa des toasts ; chacun fit sa
motion ; je proposai de boire aux Jacobins, à la Commune et aux
sections do Paris qui ont sauvé la France, le 31 mai . . . Fontenay,
frère du contre-révolutionnaire Fontenay, président du département,
élova la voix contre moi. On lui ôta la parole par des huées. Le len-
demain ma tête fut mise à prix. Legendre et Lacroix ont donné les
mains h cette intrigue abominable. . . » (3)
(1) Laiiiine, Poret, Ilaranodor rtait'iit alors au Havre. "
(2) Ce ropas seiTil>le avoir pu lieu vers le 17 septembre. I^ nnuiicipalité du Havre
fut (Irstiluée pav décret du %).
(3) Arcli. nat. I) m 37)2. Lettre de Musquinet de la Paj^iie à Partie, niairtî de
Paris, liu 5 friiuaiix» au H ('2."> uov. 93). Dans une autre, au uiènie. du i ventôse, i^
accuse Lo^^eudre et Lacroix d'avoir proté^'é tous les accapareurs et de n'eu avoir pas
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-244 -
Une autre preuve plus sérieuse de l'appui obtenu par M. de
Fontenay auprès des trois conventionnels, est dans le procès-verbal
de la Société populaire du 10 brumaire (1®^ novembre). Delacroix
dit qu'il a conjointement avec ses collègues destitué les corps admi-
nistratifs de Rouen ; que, provisoirement, ils ont formé des direc-
toires du département et du district, et qu'il invite la Société à lui
désigner soixante-quatre membres pour former les conseils généraux.
Les commissaires nommés à cet effet se réuniront rue de rAumônc
après la séance. Dans cette même séance, il semble qu'on chercho à
diminuer le mérite attribué à M. de Fontenay d'avoir obtenu des
secours de la Convention, car un membre développe à la tribune
combien le frère Canu, étant à Paris, a servi les commissaires auprès
du ministre et de l'Assemblée pour les subsistances.
Peu d'instants après, un débat s'engage entre une députatîon
du conseil général de la commune et Delacroix. Ce dernier combat
une proposition dont l'objet n'est pas indiqué, et qui paraît être plus
radicale que les résolutions des trois représentants du peuple. La
discussion continue sur le citoyen de Fontenay, nommé maire. Les
tribunes crient : Point de Fontenay ! Un de ceux qui s'expriment
ainsi, Foisnard, marin, rue Tirhuit, n*» 24, reproche à ce magistrat
d'avoir fait afficher une délibération mettant le prix du pam à
volonté (1). Delacroix répond «qu'il a signé comme maire et non comme
de Fontenay ce que la majorité du conseil avait arrêté ». Cette
faible objection et d'autres en faveur de M. de Fontenay suffisent
pour faire changer de sentiments ses adversaires qui le manifestent
par des applaudissements.
puni un seul : « Il existe dans co diparlenicnt un affreux projet d'alîanier Paris : Voyez
Taffiche du Havre contre Paris, intitulée Vengeance! Lej^endre a trompé la Convention
quand il a dit (pie ce département mancpiait de subsistances. » Legendre, qu'il avait
dénoncé au Comité de Salut Public de la Convention et au comité des défenseurs offi-
cieux des .lacoliins de Paris, vint s'expliquer, le 9 octobre devant les Jacobins, et révéla
que La Pagne avait passé vingt-deux ans dans les prisons, qu'il avait failli subir le
supplice de la roue sous l'ancien régime et n'avait dû son salut (pi'aux altercations entre
deux tribunaux qui devaient connaître de son affaire. (Tncficalem- poUliqHC du 13 oct.
1793, pp. 4 et ')). Musquinct de la Pagne, qui figure dans les listes des victimes de la Ri^
volulion. a été condamné à moii et exécuté à Paris, le 16 mars 1794.
(I; La délibération dont il s'agit date de 1792.
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— 245 —
CHAPITRE ONZIÈME
Comédie éparatoire. — Pillon et Carré installent les administrations — M. de Fontenay
maire provisoire. — La statue de la Pucelle. — Propagande révolutionnaire —
Encore les subsistances, 1 armée révoluUonnaire et la guillotioe, et les Jacobins de
Paris de Rouen et d Tvetot.— Lamina et Poret arrêtés ?~ M. de Fontenay attaqué. —
Le Comité de surveillance. — Il favorise un ecclésiastique... — Deiacroit propose
de se passer de Tévéque Graiien. ~ Episode relatif au vol du garde-meuble. —
Suicide de Roland. — Bernard Cabanon. — Une proclcmation de Cabissol. — Arrivée
de Grenier et de Galbois-Saint-Amand — Réhabilitation de Bordier et Jourdain. —
La Société populaire se réjouit de l'arrestation de Garât et Laugeuz. — Il faut
que Rouen change sa vieille peau. — Démission et empisonnement de M de
Font' nay. -^ Mandat d*arrét contre une morte. — Poret intervient en faveur de
M. de Fontenay.
C'est de Dieppe que sont datés les arrêtés de Legendre,
Louchet et Delacroix, qui font prendre Vémélique (1) aux adminis-
teurs. Ils n ont dû, cependant, être complétés et devenir définitifs
qu'après que Delacroix, venu à Rouen le 11 brumaire, eût levé des
diflBcultés suscitées parle choix de certains noms, vraisemblablement
surtout par celui de M. do Fontenay.
Celui-ci présidait la séance du département, lorsque le lundi 11
(1«' novembre), il vit entrer les citoyens Pillon et Carré, membres
du Comité de surveillance, chargés d'installer les administrations
provisoires. Pillon lit l'un des arrêtés qui destitue l'administration
départementale, ajourne le remplacement du Conseil général,
interdit aux membres du directoire et au procureur général syndic
de s'absenter et compose le directoire, qui entre incontinent en fonc-
tions (2).
(i) Cette expression est dans un procès-verbal de la Société populaire ; on la
retrouve le 29 brumaire dans le Journal de Rouen à propos de Dieppe : « Legendre,
Louchet et Delacroix viennent d'administrer un remède violent aux autorités constituées
de cette ville : il parait quil faut un tempérament vraiment républicain pour y résister»
Un petit nombre de membres seulement a pu tenir à cet émêllque. »
(2) Membres du nouveau directoire : Bouvet, vice-président; J.-B. Grandin,
Belhoste, Dumazert, Allais, Choin etJ.-L. Albitte; Thierry, proc. gén. s. avec Lambert
pour suppléant.
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- 246 -
Au district, le même jour, Pillon et Carré exécutent de même
un semblable arrêté de destitution et de reconstitution (1),
A la maison commune, toujours le 11, s'accomplit une opération
analogue, mais plus complète. C'est Pillon, premier officier muni-
cidal, qui préside. L'absence du maire n'est pas signalée. L'appel
nominal constate la présence, outre Pillon et Carré, de huit officiers
municipaux, de Le Contour, procureur de la commune, de Pottier,
substitut, et de vingt-cinq notables.
Pillon expose la mission reçue par lui et Carré, et lit l'arrêté
destituant le corps municipal et le conseil général de la commune de
Rouen, et remplaçant provisoirement les maire, officiers municipaux
procureur et notables (2).
La situation créée par ces trois arrêtés est originale : des admi-
nistrateurs destitués sont simultanément réintégrés dans leurs
fonctions ou appelés à d'autres postes. Pillon et Carré étaient eux-
mêmes destitués et renommés, mais non réinstallés au moment où
ils installaient les directoires du département et du district; ils
agissaient, il est vrai, comme membres du comité de surveillance.
Ces singularités étaient simplement choquantes. Ce qui avait de
la gravité, c'était que les trois arrêtés violaient ouvertement la cons-
titution proclamée et acceptée si solennellement en juin et juillet,
et dont l'inaceptation devait, pendant toute une année, être un des
plus sérieux motifs de méfiance relevés dans la plupart des interro-
gatoires de suspects (3).
Mais la Convention, au nom de laquelle on agissait ainsi, n'en
(1) Nouveau (lirectuire du district : LL'fcl)Viv-Si;.'nol, vice-])ivsi(ïent, Cabissol, sup-
pléant le prucureur-syudic, I.ecanu ; Duniesnil et I-ecamus.
(2) Nouvelle administration municipale : De Fontenay, maire; Pillon fils, Fi-an^ois
Pinel, Lamine, Clavier, Delamare, LeMond-Lemire, AmaMe liêrée, Plasne, Tamelier,
Fëré, Victor LelVlnre, Guyet, Dieu, Lagnistre, Poret lils, Duré, Kudcliue, Godebin,
Vincent Groult, s-o'd en tout vin-^t oflieiers municipaux. Le C(»utour, procureur; Pottier,
substitut; J.-B. Pinel, Desaubris. Samson, Poucbet-Maug(Midre, Bellencontrc, Anquetin,
Leboucber, Dérard, Henieouii, Gambaii, Desmalis, Gaillon, Ikmllengor, Chouquet,
Grandeourt, Huault, Long, Dij^ard, Leudet, Gruult. Ktennemare, Leroy, Dernays,
Heroult, Romy Groult, Pegnault, Denis(\ Angrand, J.-R. Lej^^ras, Payenncville jeune,
Levasseur, Gamare, Louis Uîunel, Poisson, Marye, (Jutîsnel-Roj^'er, Barl)arey, Mabun,
Arnaud, Moulin, Tbomas Grout, et Poret père, nutables.
(3j Ou a néanmoins souvent écrit que celte constitution n'avait pas été appliquée.
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— 247 -
était plus à trangresser outrageusement ce qu'elle avait si pom-
peusement et si prestement voté. N'avait-elle pas, le 16 août 1793,
chargé dix-huit représentants du peuple de renouveler en tout ou
en partie les autorités constituées et les fonctionnaires publics et de
les remplacer par des citoyens d'un patriotisme reconnu !
Au surplus, il y avait déjà près d'un an qu'à Rouen on voulait
exclure des listes d'électeurs les contre-révolutionnaires. On se
rappelle les sorties violentes dans ce but à la Société populaire, à
la veille de septembre 1792. Avec le temps, ces projets avaient pris
consistance, et c'est évidemment en se faisant l'écho des desseins
et des vœux des montagnards qu'un agent secret, envoyé dans
la Seine-Inférieure, écrit, au cours d'un de ses rapports, en
date du 10 juillet 1793, que « les administrations sont composées,
» dans quelques districts, de gens sans zèle et sans moyens...
» le recrutement par voie de scrutin a fait ici beaucoup de
)) mécontents, » (1) Il y avait de ces mécontents à la Société
populaire de Rouen, qui pétitionne le 1®' octobre à la Convention
pour élaguer des corps administratifs les membres qui n'ont pas la
confiance du peuple, et le 8 à Legendre et à ses deux collègues pour
l'expulsion des membres des autorités constituées qui ne sont pas à
la hauteur des principes.
L'opération du 9 brumaire était, non seulement provisoire, mais
très-incomplète. Pour ne parler que du conseil général de la
commune, dix de ses vingt officiers municipaux (2) figuraient en cette
(1) Arch. nat. FA5riO.— Jiietz d'Inglemare, homme de loi, envoyé parle ministre
Garât en qualité de commissaire du pouvoir exé(;utif provisoire dans la Seine-Inférieure
et l'Eure pour prendre des renseignements sur Tagriculture, le commerce, les manu-
factures, les arts et l'instruction publi(|ue et 'les moyens de les faire fleurir dans ces
départements, fut très mal accueilli. Les administrations, principalement celles du
Havre et de Caudebec, convaincues, non sans raison, que sa mission comprenait
l'espionnage du personnel administratif, s'opposèrent à l'exercice de ses pouvoirs. Le
20 août 17U3. Garât s'efforçait vainement de persuader le district de Caudebec que cet
agent, qu'il révoquait néanmoins, n'avait pas d'autre mission que celle énoncée dans
ses pouvoirs. (Reg. du dép'. 21 juin 1793. Journal de Bouen du 30 août suivant.) Juestz
parait être originaire de l'Eure, où il existe un hameau d'Inglemare, commune d'Am-
freville-la-Cam pagne.
(2) Il en fallait 21. La mésaventure de Robert et l'espoir qu'on pouvait avoir encore
le 9 brumaire de le voir bientôt élargi, expliquent cette absence d'un officier municipal
sur rarrôté, qui persiste encore dans la municipalité de nivôse.
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— 248 —
qualité dans Tancien conseil, d'autres étaient des notables destitués,
peu étaient nouveaux. Jean Asselin, Robert, Roger fils se trouvaient
exclus ; d'autres, tel que Brémontier, passaient soit au district, soit
au département. Des quarante-deux notables, quatorze Tétaient dans
le précédent conseil, vingt-huit étaient nouveaux qui furent la
pépinière du conseil de nivôse. Parmi les exclus, on remarque Harel,
Tarbé, Lebcrtois, Herbouville, Mordant, Hurard, Isambert, Néel.
Ribard, Lézurier fils, Delacroix, Pesnelle et Thiessé. . . Le Coutour
reste procureur de la commune avec Pottier, son substitut.
Quoique les difficultés du moment ne soient pas moindres qu'en
janvier 1793, aucun refus ne se produit au département, :iu district.
à la municipalité, soit parce que les titulaires ont préalablement
consenti, soit parce que tous prévoient que leurs fonctions provisoires
seront courtes. A la tête de chaque directoire est placé seulement
un vice-président. M. de Fontenay compte- t-il retourner au dépar-
tement ? Il faut se résoudre à ne savoir jamais de quels singuliers
compromis étaient sorties ces combinaisons.
On a écrit qu'à partir de ce moment, les administrations ne
laissèrent rien à désirer en fait de soumission et de platitude (1).
Cela n'est pas absolument exact en ce qui concerne la Commune de
Rouen. Si, à l'exemple de M. Rondeaux, M. de Fontenay, redevenu
maire, se laisse aller, comme lorsqu'il était encore à ladministration
départementale, à des concessions répréhensibles, explicables sinon
justifiables, impossibles à condamner aujourd'hui, sa longanimité a
des limites. Au surplus, il fait preuve aussi, non- seulement d'habi-
leté, mais de vrai courage. Il doit s'attendre au même sort que
M. Rondeaux, son prédécesseur à la mairie, sort auquel, en quittant
le département, l'a soustrait momentanément la protection des
représentants du peuple.
A son nouveau poste, si aléatoire et si dangereux, le maire
provisoire essaie pourtant de se consolider. Il propose d'ouvrir !a
séance d'installation du 11 brumaire par la prestation du serment
civique, ce qui s'exécute sur-le-champ et est suivi d'un discours du
représentant du peuple Delacroix qui, entre les trois administrations,
(1) H. WaUon, Repi'ésentanis en mission, t. ii, p. 73.
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— 249 —
a choisi la Comraune pour la favoriser de sa présence (1). Le 16 bru-
maire (6 novembre), M. de Fontenay répare un long oubli en dépo-
sant sa médaille de bronze à refTigie de Louis XVI, qui lui a été
délivrée comme membre de l'Assemblée Constituante (2).
Il ne tarde pas à avoir affaire à la Société populaire. Celle-ci est
toujours fière d'avoir vu consacrer son droit d'exister par la Consti-
tution même et par un décret du 13 juin 1793, et d'avoir été chargée
de surveiller l'exécution des mesures prises pour la sûreté de l'Etat
par d'autres décrets de 18 septembre, 18 et 24 venddmiaire. Cepen-
dant, elle a éprouvé dans ces derniers temps bien des tracas, nés de
l'obligation de changer bientôt de local, à la suite de résolutions
prises au déparlement. Elle a jeté son dévolu sur diverses églises et,
en dernier lieu, sur celle de Sainte-Çroix-Saint-Ouen, qu'elle a
décidé d'acheter (3).
Le 4 brumaire (25 octobre), un mémoire, fort applaudi à la
Société populaire, a demandé que la statue de la Pucelle soit démolie
et qu'en place on mette ce que des commissaires détermineront et
en même temps qu'on détruise un Saint-Louis couronné de fleurs de
lys « demeurant à Saint-Ouen » et quelqu autre de la même espèce
au-dessus de la principale porte de Notre-Dame. Mansel et Garrault,
probablement les auteurs de la proposition, iront porter à la Com-
mune la pétition à ces fins. La question revient le 18 brumaire, et
Guesdon et Delalande sont nommés commis.saires et vont solliciter
la chute de la Pucelle et son remplacement par les bustes de
Le Peletier, Marat et Beauvais (4).
(1) Par modification au programme d'après lequel il eût dû se rendre au départe-
ment où doux députés, Carré et Bérard, vinrent l'annoncer à la séance du soir (Reg. du
dép.)
(2) C'est la médaille du 4 août 1789, à l'effigie de Louis XVI, rettaurateur de la
libei'lé ftxinçaisey par Duvivier, et au revers (abandon de tous les privilèges, autel à la
Patrie et serment des députés), par Gatteaux. M. de Fontenay figure dans l'état de dis-
tribution de la médaille, dont M. A. Brette a donné le fac-similé dans son Recueil de
documents relatifs à la convocation des Etats-Généraux, t. ii. M. de Fontenay en per-
sonne avait reçu sa médaille (Ouvr. cité, pi. XIII, -IT* bureau). Une de ces médailles, si
je ne me trompe, est au musée des Antiquités de Rouen.
(3) Le 16 septembre 1893, le maire de Rouen (Rondeaux) invite le président de la
Société populaire à venir conférer avec lui, parce que le département vient d'arrêter que
l6 local des ci-devant Carmes et celui de Sainte-Croix-Saint-Ouen serviraient de maga-
sins d'abondance.
(4) Reg. de la Société populaire.
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— 250 -
M. de Fontenay et ses collègues de la Commune espèrent tourner
la dilTîculté en prenant — toujours après le départ dos envoyés de la
Société — un arrêté ordonnant la suppression des fleurs de lys de la
statue de la Pucelle, et le renvoi préalable, au comité des arts de la
Convention, d(î la demande tendant à substituer à cette statue du
despotisme celle de Marat. (1) Cet arrêté resta sans doute pendant
quelques jours ignoré de la société qui. le 23, se plaint de n'avoir pas
de réponse et nomme de nouveaux commissaires pour hâter la
solution.
L'activité des Jacobins rouennais redouble : la Société invite
son comité de surveillance à choisir une quantité suffisante de
patriotes révolutionnaires « pour surveiller l'esprit public dans les
cafés, cabarets et tous autres lieux, dans les développements
des conversations tendant à atténuer l'esprit révolutionnaire, qui
doit amener le succès de la cause du peuple. »
L'avant-veille du jour où il a quitté la présidence du départe-
ment pour la mairie, le 9 brumaire, M. de Fontenay avait eu l'occa-
sion de décliner la compétence du directoire sur une nouvelle
demande de la Société tendant à obtenir une force armée précédée
de la guillotine. Pareille requête, amendée, est présentée le
17 brumaire, à la Commune qui, le jour même, prescrit l'organisation
à Rouen, d'une armée révolutionnaire pour faire exécuter prompte-
ment les réquisitions. Les partisans déclarés du projet, Mabon,
Grandcourt et Godebin, conféreront avec les représentants du peuple,
revenus à Rouen, sur la manière de former cette armée. A la Société
populaire, le 20, ce projet est repris, évidemment pour en empêcher
(1) L'art, nécrolot^ique sur M. de Fjnlenay, cité suprà^ raconte l'incident autrement:
« On voulait renverser la statue de Jeanne d'Arc. M. Defontenay ne dit qu'un mot, mais
judicieux, pour manifester son étonnement de ce que sous le régime de l'égalité, on
pensait à détruire le seul monument érigé sous le régime féodal à une héroïne du tiers
état. » — Sans contt^sler l'exactitude du mot, il est à remarquer que le renvoi
préalable attesté par le procés-verbal était un moyen plus sérieux d'arrêter les Jacobins,
puisqu'il s'appuyait sur un décret du 18 vendémiaire. En note delà réimpression d'mi
article de G. Pouchet sur les Sciences pendant la Terreur (la Révolution Française^
mars 1796, page 256), on trouve cette mention, extraite du registre de la commission
des arts de la Convention, et (|ui se rapporte vraisemblablement au même incident :
« Le président fait part d'une lettre du cunuté de Salut public, datée du 13 frimaire,
concernant les objets relatifs aux arts existant à Rouen, pour lesquels il n'y a personne
qui veille à leur conservation. »
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- 251 —
la réalisation. En effet, quelques-uns des membres s'y opposent,
parce qne « c'est à la Convention de créer Tarmée qui, si elle était
mal choisie, ferait le plus grand mal possible. » (l)Les représentants
du peuple eux-mêmes interviennent et rassurent les rouennais, en
promettant de les défendre à la Convention contre les calomnies.
Cette motion inquiétante avait, bien entendu, pour prétexte la
crise des subsistances, à sa période la plus aiguë, et que les séances
des sociétés de Rouen et de Paris montrent tournant au tragique et
laissant toujours exister une énigme, comme le dit un contemporain (2)
qui affectait de n'en pas trouver la clef, perdue pour la postérité.
Pendant la durée si restreinte de la municipalité de Fontenay,
il y a surabondance extraordinaire d'incidents d'un intérêt de pre-
mier ordre, dont le dénoûment se produit après la chute de cette
municipalité, qu'ils auront néanmoins en partie amenée.
Choisissons d'abord ceux qui se rattachent aux subsistances et
reprenons la suite, féconde en surprises, des dénonciations portées
contre les rouennais, par Coupé, de l'Oise.
Lamine raconte, le 14 brumaire, à la Société populaire, son
récent voyage à Paris, et, indigné des délations contre Rouen, fait
ressortir qu'au moment où chaque rouennais était réduit à une demi
livre de pain chaque jour, les Sans-Culottes respectaient et escor-
taient les blés venant du Havre pour Paris. Ce soir-là, on signale
trois individus, dont un fermier, descendus à sept lieues de Rouen sur
la route de Paris, qui venaient de dénoncer la ville de Rouen. Le
16 brumaire, la Société dénonce Mariette et Blutel à la Convention.
Six de ses membres s'étaient rendus à Saint- Valéry près de
Legendre, Louchet et Delacroix. L'entrevue avait dû être d'une cor-
dialité douteuse. A la séance do la Société, du 17 brumaire, Dela-
croix vient protester contre la réponse qu'on accusait ses collègues et
lui d'avoir faite à ces commissaires : que le peuple de Rouen meure
de faim, nous nous en f, . . tons. Legendre fournit des explications
(1) Le décret sur le mode do gouvernement révolutioimaire, du 14 frimaire an II,
section 3. art. 18, licencie toute armée révolutionnaire autre que celle créée par la
Convention.
(2) Moniteur du 22 frimaire an II (12 doc. 93), p. 330, séance des Jacobins de Paris.
Lonud, d'Yvetot, s'y défend d'avoir dénoncé la Société de Rouen connue composée
il accapareurs et d'ennemis de la Révolution ; il le fait en des temies qui ne mettent
pas absolument hors de cause la Société de Rouen, et qui maintiennent l'accusation,
au moins contre une partie de la ville de Rouen.
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— 252 -
sur ses démarches et sur les secours par lui obtenus, et annonce que
le décret (1) qui vient d'accorder des secours en grains à la com-
mune de Rouen envoie en cette ville Coupé, de l'Oise, pour cons-
tater par lui-même les faits de sa dénonciation. On écrit à Coupé le
18, jour où l'on apprend que le substitut de la commune de Paris
fRéal) a témoigné du respect des sans-culottes de Rouen pour les
subsistances de la capitale. Coupé est engagé à revenir de son opinion
sur le compte de la société de Rouen.
D'après HorchoUe, qui ne fournit pas le moindre éclaircisse-
ment à ce sujet, un extraordinaire incident se serait passé le 19
brumaire; Lamine et Poret auraient été arrêtés! Vraisemblablement
ce serait pour avoir répété les propos attribués à Legendre et à ses
collègues. Les commissaires envoyés à Saint- Valéry ont fait leur
rapport, dont Giguet dit que Legendre et Delacroix veulent bien
ne pas se prévaloir contre Poret et Lamine ; toutefois ils exigent
qu'on le leur donne pour mettre à couvert leur responsabilité. Des
négociations s'engagent qui paraissent avoir pour but de tirer
d'affaire non seulement Poret et Lamine, mais aussi les représen-
tants du peuple. Godebin avance qu'Eudeline sait qui a tenu le
propos imputé à ces derniers et Eudeline dit publiquement que c'est
Lacroix (Delacroix), ci devant notable.
D'autres éclaircissements arrivent : Gamarre, Giguet et Lecat,
trois des commissaires envoyés à Saint-Valery, rapportent que
Lacroix et Legendre se refusèrent aoec fermeté à toutes les proposi-
tions qui leur furent faites pour subvenir aux besoins pressants de
Rouen, mais déclarent qu'ils n'ont point tenu le propos de mépris et
d'insouciance qu'on leur prête ; au contraire, Legendre a dit qu'il
désirerait que ses entrailles fussent un magasin de blé et qu'il les
ouvrirait avec le plus grand plaisir, . . (g)
C'est dans la séance de la société des Amis de la Liberté et
r Egalité de Paris du 26 brumaire, que se discute et se décide le sort
des administrateurs rouennais, auxquels elle est presque entièrement
consacrée.
(1) Un décret du 14 brumaire avait eneotivemeiit envoyé Coupé en mission dans la
Seine-Inférieure et dépailements environnants. {\vLAimj\a Révolution FrançaisCfi^j
p. 60). Une seule pièce existe dans le dossier de la mission Coupé (arch. nat. A Fil UlV
(2) Reg. de la Société populaire de Rouen.
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— 253 —
Une députation de la commune de Rouen y est venue se plaindre
des reproches qu'on lui fait. Dufourny, préparé, répond passion-
nément : Le département de la Seine-Inférieure, en quelque année
que ce soit, recueille de quoi nourrir pendant six mois ses propres
habitants ; cependant il s'est toujours plaint de la disette, môme en
septembre 1792, quand Dufourny y est venu. Cela prouve (c non de
la part du peuple, mais des autorités constituées, une inertie crimi-
nelle », à en croire Defourny qui demande « pourquoi Fontenay est
maire de cette ville, Fontenay qui dêprisait les piques, qui regardait
ceux qui les portent comme une fort vilaine race, qui devait détruire
la sienne propre, Fontenay qui avait signé un arrêté contre-révolu-
tionnaire. »
Et l'enragé Lenud de parler ensuite de l'énigme sur les subsis-
tances dans la Seine-Inférieure, de rappeler que Bordier et Jourdain
surent bien découvrir les magasins de grains en 1789 (1), et d'insis-
ter pour avoir des commissaires aussi habiles que ces citoyens,
capables de faire goûter les fruits de la liberté au peuple de Rouen.
L^ndre est l'ami de Lenud qui, pourtant, ne lui reconnait plus
son énergie d'autrefois-; Louchet est un bon patriote; Lacroix, s'il
n'avait pas autour de lui des hommes riches et contre lui les souve-
nirs de la Belgique, pourrait passer pour un demi-patriote. Lenud
ajoute qu'il est étonnant que Fontenay soit maire de Rouen, et qu'il
était facile de faire un meilleur choix puisqu'il existe quelques
patriotes dans la ville. Il conclut que pour rendre cette grande cité
aux vrais principes et la replacer au niveau révolutionnaire, il faut :
1* de nouveaux commissaires ; 2^ une armée révolutionnaire ; 3** une
guillotine ; 4<* destituer tous les partisans du fédéralisme qui infec-
tent {sic) les administrations ; 5** rendre hommage i\ la mémoire de
Bordier et Jourdain, martyrs de la liberté.
Coupé de rOise dit quelques mots désapprouvant le projet
d'envoyer l'armée révolutionnaire à Rouen, et Hébert flétrit le très
mauvais esprit dos grandes villes commerçantes où les marchands
sont essentiellement contre-révolutionnaires. Il demande le rappel
de Legendre et surtout de Lacroix, ainsi que de tous les représentants
(1) ns n'avaient rien découvert.
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— 254 —
qui sont dans les départements voisins, où Lindet lui-même a sou-
tenu le fédéralisme. Il faut y envoyer des forces imposantes, car
c'est là qu'est maintenant la Vendée. Et les propositions d'ÎIébert
sont arrêtées et Ferrières, Dufo'irny, Mouchet, Lenud d'Yvetot,
désignés pour les porter au Comité de Salut public ! (1).
Un autre voile se déchire le 27 brumaire : un membre de la
Société de Rouen déclare que la calomnie lancée par Coupé vient de
la Société d'Yvetol, que Coupé a été interpellé aux Jacobins de
Paris de dénoncer les individus qui lavaient mis dans Terreur
contre la Commune de Rouen et qu'il n'a voulu rien dire. Cependant,
Coupé est convenu que la Convention avait rendu un décret l'en-
voyant à Rouen, et il a dit qu'il n'irait que lorsque la Convention
rendrait un second décret et qu'il aurait les deux pieds et les mains
liées (2).
Alors, les jacobins rouennais, outrés d'apprendre que la com-
mune de Paris ne voit pas favorablement celle de Rouen (29 brumaire)
s'acharnent après Lenud, le roitelet Lenud, lequel vient protester
le 19 frimaire au milieu de ses frères de Paris.
Chose singulière, dans ces discussions entre les parisiens et les
rouennais pour les subsistances, jamais il n'est fait allusion à un
arrêté des représentants du peuple Legendre, Louchet et Delacroix,
du 24 septembre 1793, qui pouvait bien avoir été l'une des vraies
causes de leurs querelles ; cette arrêté mettait à la disposition de
la commune de Rouen 2,616 quintaux de blé déposés dans les
magasins d'Evreux et d'Andolys et provenant des réquisitions faites
pour Paris dans le département de l'Eure ! (3)
Pendant que se déroulent ces incidents, source de tant d'in-
quiétudes surtout pour la municipalité, on voit se poursuivre les
opérations du comité départemental de Salut public, devenu comité
de surveillance de la commune et du district de Rouen depuis que
le décret' du 25 septembre a réservé la dénomination de comité de
Salut public à celui de la Convention et que les autres districts de la
Seine-Inférieure ont été pourvus de comités. Il n'est pas diflîcilc de
(1) Moniteur du 29 bnimairo an H. ]). ^'\H, :V col.
(2) l{«*jr, de la So('l«'lr [lopnlairv.
(3j Arch. (lépaiieiiu.'utaU's.
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— 255 —
découvrir que ses décisions n'ont pas d'autres règles que celles de son
bon plaisir et que les suspects arrêtés en se basant sur les décrets,
le sont plulùl parce qu'ils portent des noms qui ont figuré dans des
épisodes soit de l'ancien régime, soit des débuts de la révolution,
rappelant aux patriotes de mauvais souvenirs, politiques ou per-
sonnels.
Vincent Gressent (1), de Limoges, Godart de Belbeuf (2), Harel,
coiffeur, Lézurier, fils aîné, Tévêque Gratien, Niel, ex-secrétaire
général du département, F.-N. Anquetin, Amiot-Guenet, Debonne
(1) Ecuyer, conseiller du roi, son avocat aux requct is du Palais, substitut de MM.
les avocats et procureurs généraux au parlement de Normandie, demeurant rue du
Havre, 44, né à Neufchàtel-en-Hray, où son père avait été procureur du roi au bail-
liage; marié à M. C.-F. Caron. Kntré à Saint-Yon le 27 vendémiaire, il en sortit le
17 fructidor.
(2) Dans une pétitiqn du 25 frimaire an HI, les citoyens Godail père et fds disent
avoir été détenus à Saint-Yon depuis le 20 septembre. Les mandats d'arrêt sont du 17,
leur arrestation à Belbeuf et leur écrou à Saint-Lô, sont du 20. Ils ne sont entrés à
Saint-Yon que le 17 vendémiaire (8 octobre). Lors de la fameuse expédition des trois
cents gardes nationaux, commandés par Lelièvre, pour découvrir, au cbàteau de
Belbeuf, trois cents canons qu'on ne trouva point, on arrêta, en même temps que le
châtelain, ci-devant procureur-général au ci-devant parlement, et avec des mandats
portant ordre d'arrêter « les citoyens qui se trouveront chez le citoyen Godart », le
citoyen Godart fils (transféré à l'hôpital le 28 vendt miaire), la citoyenne Godart bru, la
citoyenne de Ses Maisons, le citoyen La Hrinb„ le citoyen Barre et six domestiques.
MM"" de Belbeuf et de Ses Maisons furent conduites aux Gravelines le 28 brumaire-
Les domestiques furent détenus aux Galiots, puis peti après reh\chés. Les membres de la
municipalité de Belbeuf ayant pétitionné pour l'élargissement de la famille Godart, le
comité de Rouen invita les représentants du peuple à les destituer comme indignes.
Poret futàcette occasion chargé de rédiger une proclamation contrôles insinuations des
ej-devant nobles. (Arch. mpales). M. de Belbeuf était visé depuis le début de la Révo-
lution et Mesd. de Belbeuf 3t de Ses Maisons étaient filles de M. de Laverdy, guillotiné
en 1794. Lors de l'inventaire fait au château de Belbeuf le 23 septembre, M. de Belbeuf
fit ob.server que la majeure partie de ses titres de toute espèce avaient été pillés, traînés
dans les rues, et déchirés à Rouen, en la maison vis-à-vis do la place Saint-Ouen de
Rouen, en juillet 1789. Les petits journaux de 1789 le comi)r(Muient avec d'Aligre et
aatres parlementfiires dans un Jugement général, rentlu en dernier ressort, le 25 août
1789), par le comit^ général des diettines du Valais-Royal, à faire amende honorable
d<'\aut la porte de l'église Notre-Dame, la tête nue, en chemiî^e, la torche au poing et la
corde au col, ayant chacun un écriteau devant et derriér(\ portant ces mots : Arca-
pmeurs de bled,, fanleurs de la misère piiblique et de la cherté du. pain^ crimhiels de
lèse-patrie et trailres, ce fait (H)nduits, sur la place de (îrève pour y avoir les bras, jambes
et cuisses seuleiniMit rompus, et leurs corps élevés sur des petites roues, à vingt-quatre
pied.s d(* hauteur, avec un pain d(; quatre livres devant eux, à la hauteur de deux pieds,
*;t y ["ester la face tournée vers le ciel, tant qu'il plaira à Dieu de leur conserver la vie;
cl, api-és qu'ils seront expirés, leurs corps être jetés au feu. (Bibl. mpale, coll. Leber).
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— 256 —
fils, Tiphaigne, Jarry, Basîre, L.-J. Lefebvre, Bruley dit Marigny,
sont dans ce cas.
La principale de ces arrestations, celle de Gratien (1), eut lieu
le 18 brumaire (8 novembre), par ordre du Comité de surveillance
de Rouen. Non-seulement Tévêque constitutionnel s'était déclaré
publiquement contre le mariage des prêtres, mais il était intervenu
en faveur de ceux qui, comme le curé Valentin (2), de Saint-Sever,
arrêté seulement le 2 frimaire, avaient tenu registre des baptêmes.
A la séance de la Société populaire du 20 brumaire (10 novembre)
entre une motion de Michaux, citoyen des tribunes, demandant que
les signes de la superstition fassent abattus le jour de la prochaine
décade, et une autre de Bournisien, accueillie par Tordre du jour,
pour supprimer les cérémonies extérieures lors des décès, le conven-
tionnel Delacroix fait nommer une commission, composée de
Lenormand, Yvernès, Frillard (?), Quesnel, Denîze et Bournisien,
et chargée d'un rapport, à la prochaine décade, dans l'église métro-
politaine, sur la question de savoir s'il serait avantageux pour les
rouennais de se passer du curé-évêque Gratien, aujourd'hui desti-
tué. On ne trouve nulle trace de ce rapport, mais, en fait, on se
passa de Gratien, qui resta détenu plus d'une année.
Il est cependant des accommodements avec le comité comme il
en est avec certaines consciences. Le citoyen curé de Saint-Jean,
(1) V. détails sur l'arrestation de Gratien et la dénonciation portée contre lui par le
comédien Bérard, la Not^iandie, 1896, p. 177.
(2) Le nmndat d'arrêt contre Valentin est du 1""^ frimaire. Dans les pièces le concer-
nant, et remises aux commissaires du Comité de Sûreté générale, figure un inventaire
de nombreux documents relatifs autant à Gratien qu'à lui-même. Le curé de Saint-Sever
avait été l'objet, le 2 septembre 1793, de la part de Bellant, son 1" vicaire, d'une dénon-
ciation d'après laquelle, i non content de supprimer les lois émanées de l'Assemblt'e
nationale en tenant un registre de baptêmes au point d'avoir forcé Bellant d"y inscrire
un acte et tenté de le forcer d'en inscrire d'autres, Valentin avait dit que l'Assemblée
nationale était composée d'hommes cherchant à perdre la religion ; » il ajoutait que le
curé s'opposait à ce que lui, Bellant, remplit aucune fonction sacerdotale, excepté de
dire la messe, et lui avait arraché l'étole en pleine rue le jour de l'Assomption. L'autr-e
vicaire, Tharel, vint confirmer le tout. — Uniî pétition des « Sans-Culottes républicains
de Saint-Sever» au Comité révolutionnaire de Rouen, .souscrite de 120 noms, demandait
que Valentin, leur consolateur, leur fût rendu ; ils répondaient de sa personne : <« Nous
le garderons et nous le surveillerons si cela est nécessaire ». Le 8 nivôse, Pierre Michaux
écrit à la Société populaire pour se plaindre du curé de Saint-Sever et de ses dévules
aristocrates.
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- 257 —
qui s'est mêlé aux discussions de juin sur la section des Jacobins et
le fédéralisme, s'est vu saisir au lit le 19 brumaire (9 novembre), à
sept heures du matin, par ordre du comité, du 16, auquel il a
témoigné « une très grande déférence ». Bourdon la conduit à
Saint-Yon, où il a pu rencontrer son évoque, Gratien. (1) Il y re^io.
seulement quelques jours. Le comité a des trésors d'indulgenco
pour les prêtres qui non seulement veulent bien abjurer comme l'a
vainement fait Bignon, mais vont jusqu'au mariage inclusivement.
Une décision rend provisoirement la liberté au citoyen Durand à la
condition qu'il se mariera le lendemain, et s'efforce d'établir à Taide
d'audacieux subterfuges qu'il est dans le cas du décret du 25 bru-
maire, aux termes duquel les prêtres mariés ou dont les bans ont
été publiés ne sont pas sujets à la déportation ni à la réclusion, (2)
Le mariage du citoyen Durand permet au Journal de Rouen de dire
à ses lecteurs que « plus d'un laurier croit et s'élève aux rayons
d'une philosophie aimable, et qu'un nouvel avantage a été remporté
sur l'erreur. » (3).
Cette décision peut aller de pair avec une autre qui sera rendue
à la fin de brumaire concernant le deuxième vicaire de Saint-
Vincent^ qui, d'après divers témoignages, a dit « en pleine
chaire, le 23 brumaire, sur les six heures du soir, pendant la prière :
Prions Dieu pour notre Saint-Père le Pape, Cardinaux et Evêques
et en général pour tous ecclésiastiques présents. » Cela parut bien
extraordinaire, ce vicaire étant sur le point d'épouser la veuve
Crevel. « Il n'y a pas eu de suite à cette affaire, ayant reconnu son
erreur. »
Le 27 septembre, le comité a fait une capture qu'il a dû consi-
dérer comme un de ses titres les plus sérieux à la reconnaissance de
(i) Le mandat d'arrêt contre Gratien porte la même date que celui de Durand.
(2) Pierre-François Durand, ancien curé de Saint-Jean-de-Rouen et marchand de
fil, demeurant rue du Tambour, n« 14, né à Notre-Dame-de-Caudebec, le 5 mai 1760, se
nuuie le 12 frimaire an 11, avant midi, devant Guyet, officier municipal, à M.-A.-F.
veuve Maubant, née en 1762 ; en présence notamment de Michel Durand, de Caudebec,
ancien notaire, père du marié, et de A.-N.-R. Le Bas, négociant, rue de la Régénération,
ami du même. (Etat-civil de Rouen). Le mariage avait subi un retard, sans doute pour
la publication, dont la mairie ne crut pas pouvoir se dispenser. Elle n'en vit pas l'équi-
valcot dans les circonstances relevées par le comité de surveillance.
(3) Numéro du 13 frimaire an II, p. 656, col. 2.
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— 258 —
la nation. Les journaux du temps n'en ont rien dit, ce qui s'explique;
il n'en a jamais été question depuis, ce qui est plus surprenant. Un
individu, que ses papiers bien en règle nommaient Fleury Dumon-
tier, âgé de vingt-quatre ans, demeurant chez Marescal, sur le port,
et pouvaient faire passer pour un patriote des plus purs, est lobjet,
le 26, d'un mandat d'arrêt du comité. Le gendarme Lasnier Tarrète
le 27 et le conduit à la prison du Palais de Justice. Il s'y donne
bientôt le nom de Buisson. De nombreux incidents s'ensuivent,
où l'on voit l'investissement de la maison dite du Mont-Gargaa
par la police, des tentatives d'évasion et révélation des complices,
parmi lesquels un certain Melin, qu'on disait de Châlons-sur-Saôae
et qui se trouva être à Fontainebleau. Jean Buisson n'était autre que
François Ariol dit Francisque, l'un des condamnés à mort de 1792,
pour vol du garde-meuble, qui s'étaient évadés. Cela fut signalé à
Legendre, Louchet et Delacroix qui donnèrent à Lamine et Lecanu
mission de rechercher les complices. Nos deux rouennais, heureux de
cette occasion de se signaler, découvrent le 29 brumaire, à Fontaine-
bleau, Horace Melin, ci-devant à Paris, rue Thévenet, 21, soi-disant
négociant en mousseline, vins, contrats de rente et greffes, divorcé,
remarié, ex-chapelier à Lyon, jusqu'en 1779, ex-bijoutier, ayant tenu
une académie de billard à Marseille. Il est nanti de 80,000 livres
de diamants et de bijoux. (1) Melin et sa femme sont conduits à
Paris par Lamine et Lecanu. Là, ce dernier, sans avoir eu le temps
de revoir ni même d'aviser son collègue et de prendre congé de lui,
part pour Lyon, où le comité de Salut public l'envoie en mission et
le laisse jusqu'en Tan III. (2) Lecanu n'en est pas moins nommé et
maintenu pendant ce temps agent national du district de Rouen.
(1) Cet épisode, dont la mention, nécessairement très écourtée, ne montre pas toute
l'importance qu'y attachèrent les patriotes de Rouen, en raison de ce que Ton a>'ait
voulu attribuer un caractère politique au vol du garde-meuble, paraît avoir été ignoré
de M. Germain Bapst, qui a consacré au récit de ce vol plusieurs chapitres de son li>Te
sur les Diamants de la Couronne,
(2) Lecanu fit partie de la commission temporaire de surveillance républicaine de
Lyon ; il tint à le faire savoir au district de Rouen, au moins en lui envoyant le 28 ven-
tôse an II, une feuille contenant le seing des membres de cette commmission. Il ne fut
remplacé au district de Rouen que par arrêté du conventionnel Sautereau, daté de
Fécamp, du 18 vendémiaire an III, nommant Ch.-A. Esnard, des Ândelys (Arch. du
départ). Lambert, qui avait un instant succédé à Lecanu, fut bientôt incarcéré.
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- 259 -
• Presque au même moment, le 15 octobre 1793, naissait l'affaire
du belge Coolz, arrêté et trouvé porteur de 162,382 1. d'assignats, la
plupart faux, et de 120 lettres à des émigrés. Vingt-cinq rouennais
parurent d'abord compromis et furent emprisonnés comme com-
plices de Coolz, mais relâchés après une longue détention. (1).
Le 22 brumaire (12 novembre), plusieurs soldats d'un détache-
ment de la garde nationale sont introduits par le frère Manneville,
dans la séance de la Société populaire. L'un d'eux annonce qu'un
détachement dont il faisait partie avait été au Mesnil-Raoult, à la
chasse des brigands qui désolent ces contrées, que les expéditions
avaient été heureuses, et qu'un individu, qu'ils avaient trouvé
mort (2) était le traître Roland, ex-ministre; que ses papiers et tout
ce qu'on avait trouvé sur lui ne permettaient pas d'en douter. De
vifs applaudissements accueillent ce récit et le président (Lenor-
mand), remercie le narrateur au nom de la Société. C'est évidem-
ment à la suite de cette démarche des gardes nationaux que
Legendre représentant du peuple, et Pillon, du Comité de Sur-
veillance, se sont rendus, dans la nuit du 12 au 13, à Radepont, dans
la maison de Bernard Cabanon, un rouennais, (3) où a été trans-
it) Coolz fut condamné à mort et exécuté à Rouen le 9 brumaire an III. Il reste aux
archives municipales un certain nombre de pièces originales relatives à ce procès,
notamment un curieux mémoire justificatif de M. de Germiny.
(2) Dans aucun des procès-verbaux ou récits de la mort de Roland il n'est dit que
son cadave ait été trouvé d'abord par des gardes nationaux. V. not. l'article de M. Per-
roud sur V Execution de Af™* Roland^ et le suicide de Roland^ dans la Révolution
française de 1895, p. 21.
(3) Bernard Cabanon, négociant, rue du Fardeau, n* 30, né à Cadix, de parents
français (son père, Pierre-Bernard Cabanon, y était encore agent de change en 1792),
s'y était marié, en l'église Notre-Dame du Rosaire, le 21 mai 1791, à M»» Lenormand.
La maison Cabanon et C« de Rouen, avait au nombre de ses commanditaires, pour
50,000 1. les citoyens Vandenyer père et ses deux fds, banquiers à Paris, condamnés à
mort avec la comtesse du Barry, le 18 frimaire an II (8 décembre). Les Vandenyer
étaient accusés notamment d'avoir favorisé les ennemis de l'intérieur en donnant
200,0001., à Rohan-Chabot et 200,0001. à La Rochefoucault, ci-devant évêque de Rouen.
Le 17 nivôse (27 décembre 1793), le district de Rouen donne acte à Cabanon et C«de leur
déclaration touchant la commandite des Vandenyer. Arrêté à Rouen, en messidor, par
des commissaires du comité de sûreté générale (Arch. mpales). Cabanon fut accusé de
correspondance et d'envoi d'argent au dehors, traduit devant le tribunal révolution-
naire de Paris, le 3 fructidor an II et acquitté faute de preuves. (Wallon, Histoire dti
Trib. RévoL, t. VI, p. 194). Dury « inspecteur des récoltes dans le département de la
Seine- Inférieure, » s'était emparé pendant la détention de Cabanon, du cheval de
cehii-ci « qui était devenu inutile à son propriétaire. » Bernard Cabanon, à qui le
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porté le corps de Roland, après les constatations faites ce
même jour par Mauchrétien, juge de paix du canton de Pont-
Saint-Pierre. De Rouen, Legendre informe la Convention de cet
événement, qui est suivi, le lendemain 23 brumaire, de l'arrestation,
par ordre du comité de surveillance, signé Regnault, de la citoyenne
Aimée Malortie (1), dont l'adresse avait été trouvée sur Roland.
Cette citoyenne, « chez laquelle la révolution n'avait point altéré les
sentiments et les mœurs austères et fraternelles d'une républicaine »
fut d'abord mise pondant trente-six heures dans un cachot de la
maison de justice, puis, le 26 brumaire, transférée aux Gravelines.
Elle affirmait n'avoir connu que deux heures avant son arrestation,
par le Journal de Rouen (2), le suicide de Roland.
Cependant M. de Fontenay multiplie ses démonstrations
civiques. A la séance du 24 brumaire, il invite tous ses collègues du
conseil à se couvrir dorénavant du bonnet de la liberté.
Dict.det Parlementaires consacre une intéressante notice, où ne sont relatées aucune
des particularités ci-dessus, devint député de la Seine-Inférieure en 1819 et en 1827, et
mourut à Rouen en 1839. Son fils Pierre, né à Rouen, devenu aussi député en 1842, n*a,
dans les biographies rouennaises, que quelques lignes, qui ne permettent point de le
reconnaître.
(1) Les demoiselles Malortie et non de Malortye demeuraient rue Malpalu. Le
12 août 1791, était intervenu un arrêté du département, en leur faveur, sur leur requête
sollicitant une gratification pour avoir administré pendant cinquante ans les revenus du
chapitre de la Cathédrale, lequel arrêté les renvoie à se pourvoir devant l'Assemblée
nationale. — On trouve aux arch. du dép'. G. 2,420, 2,452 et 2,455, des comptes rendus
par MM. Malortie et Lefebvre, M"« et M*"»» Malortie, comme chargés de la recette
générale du chapitre. — Aimée Malortie était arrêtée lorsque Legendre écrivit la lettre
où il dit que sans doute Roland se proposait de descendre chez elle à Rouen, ce qui
indiquait qu'on ne pensait pas alors que Roland venait de Rouen. — En haut de Tune
des pétitions par elle adressées en frimaire an II, pour obtenir sa mise en liberté du
Comité de Rouen, est restée épinplée cette note : r Becommandé par le citoyen Des-
croisilles. » On y a joint l'extrait, d'après le Jouamal de Paris du 29 frimaire, de la
séance de la Convention du 28, dans laquelle eut lieu le rapport de David sur la réor-
ganisation du Muséum t dont les membres actuels, dit David, ou peintres qui n'en ont
» que le nom, ou artistes sans patriotisme, sont amis de Roland, nominateur de ces
» commissions. Un d'ettx est le frère de celui qui avait retiré dans son domicile cet ftr-
» ministre^ et de chez lequel il sortit pour prendre la route de Paris^ sur laquelle il se
» poignarda lui-même, » (Moniteur du 26 brumaire, séance de la Convention du
25 brumaire.) 11 semble que l'une des Malortie avait épousé un Lefebvre, nom qui se
rencontre dans la commi.ssion réprouvée par David. (Arch. mpales.) Descroisilleà était
lié avec les Roland qu'il allait voir à Amiens. (Communication de M. Perroud.)
(2) Le bruit court que l'ex-ministre Roland s'est tué lui-même aux environs du
Bourg-Beaudouin, sur la route de Rouen à Paris. {Journal de Rouen du 23 biiimaire.
p. 573, 2« col.)
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Le 25, il souscrit à la proposition de Lecoutour, sur laquelle le
conseil adopte un arrêté réglant la police extérieure du culte, en
exécution d'un décret déjà ancien de la Convention : Suppression des
statues ayant le culte religieux pour objet, et placées en dehors des
maisons, sur les rues et places publiques, interdiction pour les
ministres du culte catholique de paraître désormais dans le^ rues en
habit d'église, défense aux curés et vicaires de tenir aucun registre
de baptême ou mariage, même de noter ces baptêmes ou mariages
sur des feuilles volantes ou agendas, défense à tous marchands col-
porteurs, histrions, bohémiens, diseurs de bonne aventure et autres
de vendre dans les rues ou places publiques aucunes images ou
coquilles bénites, relations, etc. Cet arrêté est une satisfaction
donnée à la Société populaire qui, la veille, a fait rédiger par
Anger ville une pétition au département et à la municipalité deman-
dant la suppression de tout individu qui se présente tant sur le port
qu'ailleurs dans le département, qui trompe le peuple et corrompt
l'esprit par son charlatanisme en vendant les uns (sic) des chapelets
en l'honneur des saints, d'autres par des objets non moins frappants.
Non contente d'avoir obtenu cet arrêté, la Société populaire
va, le 29 brumaire, requérir le district d'expulser aussi de son
territoire les empiriques et les charlatans. Le directoire du district,
présidé par le facétieux Lefebvre-Signol, applaudit à cette démarche
civique ^t fait rédiger sur le champ, par le citoyen Cabissol, une
proclamation affichée d'urgence, et dont le style a dû être jalousé par
les montagnards de la commune.
Le même jour, M. de Fontenay reçoit le serment civique du
jeune Boîeldieu (1) et l'abjuration du cordelier Jeannemey (2). C'est
à ce dernier seul qu'il donne le baiser fraternel I
(1) Boiêldieu est à ce moment âgé de dix-huit ans, et déjà l'un des soutiens d*une
famille nombreuse. Il est sans doute moins préoccupé d*art que soucieux de garder sa
liberté, qu'il a pu croire menacée comme celle de Garât, arrêté le 2 frimaire. Il fait
imprimer des Réflexions patHotiques sur l'utilité de la musique^ t application heu-
reuse d'un récent article du Jouimal de Rouen sur la nécessité d'avoir des écoles dans
les grandes communes.» Son père s'était occupé, avec peu de succès, de fabriquer de la
fécule ou farine de pommes de terre, et le département s'était borné, le 13 mars 1790,
à applaudir à son zèle, mais ne lUi avait point accordé le brevet qu'il demandait pour
8a sauvegarde contre les entreprises et les vexations des privilégiés (Reg. du départ.).
Le 18 vendémiaire an III, c vu les malheurs et pertes qu'il a éprouvés dans ua éM)li88e-
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Le Journal de Rouen a repris des allures frisant le jacobinisme.
Noël publie des Réflexions sur Torigine du bonnet rouge comme
emblème de la liberté, des poésies telles que celle du citoyen Cadet
de Gassicourt, sur la Montagne, et un compte rendu de la représen-
tation de VA mi du Peuple, donnée le 26 brumaire à Rouen. Des
appréciations de ce compte rendu contrastent grandement avec
celles du même journal touchant Marat, à la fin de mai :
.... Marat> sous le nom de Démophyle, est mis en scène par Tauleur
et peint avec les traits de vérité qui éternisent et fortifient la mémoire d'on
homme travaillé du di^sir du bit-n, trop longtemps méconnu, d'un homme
digne d*èlre apprécié plus (6t mais que des perfidus peignirent avec des
couleurs odieuses en dénonçant le véritable ami du peuple à la vindicte
publique.... (1)
Bientôt, Noël sentit même la nécessité de ne point se borner à
publier les vers patriotiques des autres : Il compose, pour la fête de
la Raison à Rouen, un chant populaire que Boleldieu met en musique.
Le 30 brumaire, Legendre, Louchet et Lacroix confirment
l'arrêté de la commune de Rouen du 12, visé par le district, homo-
logué par le département et approuvé par la Convention le 28,
décidant un emprunt de dix millions sur les citoyens riches ou aisés,
pour l'achat de 200,000 quintaux tant que froment que seigle, et
autorisant le conseil général provisoire à faire faire, chez les citoyens
qui auront refusé le paiement de leur contribution, des visites
domiciliaires, des perquisitions et même des fouilles dans les
appartements, caves, jardins et autres endroits où ils pourront
soupçonner de l'argent, des effets, ou autres objets cachés ou
enfouis, lesquels sont dès à présent acquis et confisqués au profit de
la République :
Cette mesure, salutaire aux Sans-Culottes, leur deviendrait funeste ou
du moins inutile si elle n'était accompagnée de quelques prescriptions
ment utile au public, il lui est impossible de payer à Tagent de Tenregistrement
l,iOO 1. montant d'un billet au profit de Martin de Boisville, détenu à Saint-Ton. >
(Arch. mpales).
(2) Jeannemey, né à Echenoz-la-Méline (Haute-Saône), en 1742, se mariait à Rouen,
lei" thermidor an II. Le procés-verbal de la séance de la conmiune de Rouen du
17 thermidor an II, contient Téloge, par Poret, des sentiments, du zèle et de l'activité
de Jeannemey, lequel, démissionnaire, est invité à rester à son poste de notable.
(i) Journal de Rouen du 27 brumaire an II.
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— 263 —
révolutionnaires. Le temps qu'exigerait la répartition et la perception de
cette somme sur tous ceux qui doivent y contribuer, demanderait beaucoup
de temps. Les besoins du peuple sont à leur comble; il a faim, il ne peut
plQS attendre; les villes leur doivent des secours, et c'est sur eux que nous
lirons à vue pour l'avance de 10 millions ; s'ils se refusent à remplir leur
contribution, ils éprouveront le sort des mauvais citoyens; nos mesures
sont rigoureuses ; elles sont révolutionnaires. . .
Frimaire arrive et avec lui Tune des périodes les plus difficiles
pour les administrations, les plus mauvaises pour tous les citoyens .
Les Montagnards rouennais s'ingénient à peser sur l'esprit
public, en semant Teffroi par rannonce de procédés imités de
ceux des parisiens, dont on espère ainsi mériter enfin la confiance.
A la Société populaire, c'est l'idée fixe : on apprend par la bouche
de Blanche que les Jacobins de Paris désirent correspondre plus
activement avec la Société, et vite, sans doute pour être agréable
aux Jacobins, Lamine va redemander aux représentants du peuple
l'armée révolutionnaire, cauchemar des modérés. On ne fait plus
rien sans consulter les amis de Paris : on leur demande si le journal
V Antifédéralisme est dans les bons principes.
Vernon et Denys, revenus de Paris, les 28 et 30 brumaire,
racontent à la Société que leurs cris ont ému la Convention,
laquelle ne voyait point, par la correspondance des corps adminis-
tratifs de Rouen, que cette commune fût dans une disette extrême!
La Convention va envoyer un commissaire, Cayeu, avec de pleins
pouvoirs pour des réquisitions en grains dans le département. A
Cayeu en succédera un autre qui prendra des mesures pour l'appro-
visionnement de Rouen, c'est-à-dire un vérificateur pour mettre les
campagnes à la raison. La commune de Rouen n'est pas vuefaoo-
rcd)lement des Jacobins de Paris. Tous les orateurs entendus dans
la séance à laquelle ont assisté Denys et Vernon, et où ce dernier a
pris la parole, ont peint Rouen comme rempli d* accapa'^eurs et de
fédéralistes, Vernon demande qu'un comité de quatre membres
avise à mettre Rouen au niveau de la Révolution. Ainsi, ce sont
Vernon et Denys, deux révolutionnaires étrangers à Rouen et même
à la Normandie, qui sont allés chercher à Paris l'agent le plus actif,
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— 264 —
lo plus dépourvu de scrupules, pour activer les mesures caractéris-
tiques de la Terreur.
Presque immédiatement apparaissent deux hommes dont l'un
surtout vient entreprendre une œuvre de provocation et de violence
devant la réalisation et les effets de laquelle reculeront, au dernier
moment, les plus acharnés des Montagnards, et que neutralisent en
partie l'autre envoyé et des rivalités dans le secret desquelles il serait
bien présomptueux de vouloir pénétrer.
Le citoyen Galbois Saint-Amand (1) envoyé par la commission
des subsistances de Paris, qui semble avoir été substitué à Cayeu, se
présente le !•' frimaire à la Société populaire. Dans un discours
« énergique et républicain, » ce patriote éprouvé, « qui a accompagné
Chalier (2) à sa dernière heure ï>, expose sa mission, qui est d'em-
ployer tous les moyens pour secourir Rouen ; il promet de faire
punir les accapareurs et les sangsues du peuple. Le président (3) lui
donne l'accolade fraternelle et Tinvite à venir fraterniser avec la
Socidté, « où il se trouvera des Jacobins dignes de lui. » Ribié et
Lemonnier sont nommés commissaires pour proposer les moyens de
(i) Galbois Saint-Amand, — parfois de Saint-Amand — d'origine bretonne, n'a pas
de biographie imprimée, mais figure dans divers documents sur la Révolution.
Quelques jours auparavant, le 23 brumaire, dans la séance des Jacobins de Paris, il dit :
« \ous voyez dans votre seui le dernier président des infortunés Jacobins de Lyon. Je
me nomme Saint-Amant ; je fus le compagnon du malheureux Chalier, comme
lui voué à la mort; il eut dix lx)ules pour être guillotiné; je n'en eus que neuf;
j'échappais, mais je voudrais avoir donné ma vie pour ma patrie et qu'elle fut utile
à quelque chose ». Après des phrases emphatiques d'Anacharsis Clootz, Saint-
Amant obtint l'accolade fraternelle. — Il avait été, à Lyon, commissaire des guerres
avec Ponteuil et Dumanoir, comédiens comme lui. Il avait été directeur du théâtre de
la rue du Bac. Il avouait que si le Directoire avait voulu se défaire de Camot, il s'en
serait chargé. Etant prisonnier aux Bénédictins anglais, il dénonça la nièce de
Cassini. En 1799, il était espion. C'est lui qui écrivait à Collot d'Herbois : « Tu peux
venir jouer la comédie à Lyon avec agrément ; j'ai fait couper tous les sifflets. » fDUt.
des Jaœbins vivants.) Il s'évada de la maison d'an'ét des Bénédictins, le 17 vend,
an III. L'arrêté des Consuls du 14 nivôse an IX le mit en surveillance spéciale, hors
du territoire européen. {Les crimes des Jacobins à Lyon.)
(2) Chalier, surnommé le Marat lyonnais, président du tribunal du Rhône, guillo-
tiné par les lyonnais révoltés contre la Convention, le 17 juillet 1793.
(3) A ce moment les procès-verbaux de la Société n'indiquent pas les noms du
président et du secrétaire. Blanche préside le 29 frimaire et Vemon le 8 fnmaire.
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- 865 —
rétablir la mémoire des citoyens Bordier et Jourdain (1), morts
martyrs de la liberté, correspondre avec leur famille et avec le
tribunal du district de Rouen, pour obtenir toutes les pièces du
procès. Les bustes de Bordier et Jourdain seront placés dans le local
de la Société. Une autre commission de six membres est instituée
pour présenter des mesures révolutionnaires ; elle est formée des
citoyens Delalande, Barbier, Denise père, Carré, Lemonnier et
Blanche.
A la môme séance, un membre du Comité de surveillance inter-
rompt une discussion de la Société pour y publier deux arrestations
attendues, désirées, celles de Laugeux et de Garât (2). La nouvelle
est reçue avec applaudissements.
Le 2 frimaire, Haraneder, au nom du Comité des subsistances (?)
(1) Uépisode du sac de l'Intendance, résultat des excitations de la presse violente
de i789 contre les accapareurs, la part qu'y eurent Bordier et Jourdain, les tentatives
faites pour s'emparer de l'intendant, M. de Maussion, l'exécution des principaux cou-
pables, ont été souvent racontées, mais avec moins de détails et d'intérêt que dans le
travail, malheureusement resté inachevé, de MM. G. Dubosc et Noury. {Normandie
hUtor. 1894 et 1895).
(2) Un article des plus intéressants de M. Noury {Patriote de Normandie desâOoct.,
4, il et 18 nov. 1891), donne sur le séjour à Rouen du musicien-chanteur Pierre-Jean
Garât, des détails d'autant plus opportuns que de nos jours on omet volontiers l'artiste
Garât dans les généalogies des Garât, barons et comtes de l'Empire. (V. Armoriai de
l'Empire Français, par le V»« A. Le Révérend, 1896, t. ii, p. 208 ) Au récit de M. Noury
peuvent être utilement ajoutées les indications suivantes : En 1788, résidait à Rouen,
un Bernard Garât, que sa profession (maître en fait d'armes) autoriserait jusqu'à un
certain point à croire gascon et dont la femme, née M.-C. Fouquet, meurt le 4 octobre,
âgée de trente-trois ans (Saint- Vincent de Rouen). Outre ce Garât, que rien n'empêche
de supposer être un frère négligé du ministre et un oncle du chanteur, il y avait à
Rouen un Antoine Garât, employé à l'administration du district, et qui obtint le 15 fé.
vrier 1794 un certificat de civisme. L'une des conjectures de M. Noury sur le nom de
celui qui, cédant aux suggestions des comédiens de Rouen, fît arrêter Garât, semble
être exacte. Grenier, commissaire du comité de Sûreté générale, dont il va être ques-
tion tout à l'heure, put effectivement, le l»»" frimaire, date de son arrivée à Rouen,
décider l'arrestation de Garât, comme étranger et suspect, laquelle fut ordonnée le 2,
par le Comité de Rouen. Peut-être le forte-piano que Grenier loua 13 1. par mois chez
Brière, luthier, rue des Carmes, dans la maison duquel habitait Boiëldieu, était-il celui
dont s'était servi celui-ci. Il est à signaler que pendant la Restauration, Garât dissimu-
lait son séjour à Rouen et tenait à faire croire qu'il avait émigré. (V. notamtoent le
Uictionnaire de Jal et U Biographie de$ Mu^iei^mi (le Fétis).
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— 266 -
annonce à la séance que la famille Marguerit (1) les citoyens Lepecq
de la Clôture (2), Trohay (3), Valentin, curé de Saint-Sever (4),
Marye de Merval (5), Flambard (6), Moulin, ci-devant lieutenant
criminel (7) sont en arrestation. Il ajoute qu'à leur tour vont être
jugés tous les juges (8) qui ont jugé Bordier et Jourdain et se sont
permis de les faire exécuter malgré un ordre du ministre qui sus-
pendait leur jugement.
Saint-Amand propose des mesures révolutionnaires : // faut
que la ville change sa vieille peau, quelle prenne celle des sans-
culottes ; il ne partira pas de Rouen sans V avoir purgé des aristo-
crates et des fédéralistes. La sainte guillotine marchera pour la
santé des patriotes. Il demande que le peuple soit en masse demain
à la fête préparée pour le rétablissement de la mémoire des deux
martys de la liberté.
Leclerc (9) propose d'inviter tous les bons sans-culottes à
dénoncer tous les mauvais citoyens qui souilleraient le bonnet rouge
et même à le leur arracher révolutionnairement.
(1) Antoine MargueHt père et Marie-Angélique Le Vicomte, sa femme, rue de
Lille, 120 ; Marie-A.-T. Marguerit, femme d'Ouësy, Marie-Victoire et Appoline-Antoinette
Marguerit, et Ant.-L. Marguerit (Ils, âgé de dix-sept ans, plus six^ domestiques, en tout
douze personnes, arrêtées le 12 brumaire et mises à Saint-Yon. Les domestiques furent
élargis les 22 frimaire, 1»^ et 3 pluviôse an ii, MM. et M«« de Marguerit le 5 brumaire an ni.
Le marquis n'avait pas payé sa part (70.000 1.) dans l'emprunt des dix millions (Arch.
mpales). Louis-Antoine de Marguerit, son deuxième fils, d'abord comte, puis marquis
à la mort de son frère Armand, est mort en 1870, après avoir longtemps habité le
manoir de Saint-Hilaire-de-Bouquetot (Eure).
(2) Arrêté le 2 brumaire ; sorti de Saint-Yon le 18 fructidor.
(3) François Trohé, marchand, boulevard Cauchoise, arrêté le 2 brumaire ; élargi
le 4 fructidor.
(4) Jean-Jacques Valentin, ex-curé de Saint-Sever, rue d'Elbeuf, 90, arrêté le 2 fri-
maire an II, sorti le 16 brumaire an m.
(5) Georges Marye de Merval, cinquante-cinq ans, receveur des décimes, me de
l'Ecureuil, entré à Saint-Yon le 2 frimaire an ii, sorti le 16 brumaire an m.
(6) Louis Flambart, soixante-deux ans, ex-lieutenant-colonel de gendarmerie, rue
Herbière, 92, entré le 2 frimaire an ii, sorti le 26 vendémiaire an lu.
(7) Jacques-François Moulin, 47 ans, ex-lieutenant général au bailliage, rue de
TEcureuil, 7, entré le 2 frimaire an ii, sorti le 11 brumaire an m.
(8) Michel- André Le Viderel, ex-conseiller au bailliage, quarante-sept ans, petite
rue de Lille, 5, et Cambon de Villemont, 70 ans, prévost général, rue Pincedos, 23,
furent arrêtés le 4 frimaire an ii et élargis le 26 vendémiaire an lu.
(9) U y avait au moins quatre Leclerc, membres de la Société populaire de Rouen.
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Rinquart, citoyen des tribunes, parle de la douloureuse affaire
Bordier et Jourdain, et demande que les malheureux que ce procès a
faits soient secourus par la Société, que ceux qui sont morts soient
assimilés à Jourdain et Bordier, et leur mémoire également rétablie,
que ceux qui sont vivants soient invités à la fête. Il désigne parmi
les morts le citoyen Dauphin, et parmi les vivants Soublin, Loyer
et Delène. La commune sera invitée par Lemonnier, Blanche et
Berthelot, à prendre en considération les résolutions prises selon le
vœu de Rinquart.
Pendant que Saint-Amand précipite ainsi les mouvements de la
Société, un autre émissaire. Grenier, d'abord moins bruyant,
quoique méridional, (1) arrive aussi le !•' frimaire au directoire du
département, qu'il trouve réuni pour le recevoir en comité et en
séance, non publique. Grenier remet sur le bureau une commission
à lui délivrée le 20 brumaire par le comité de sûreté générale et de
surveillance de la Convention, qui le charge d'une mission secrète
dans le département.
Saint Amand, lui, ne se présente que le lendemain matin au
département et justifie de pouvoirs de la commission des subsistances
et approvisionnements de la République, du 29 brumaire. Il vient
prendre dans la Seine-Inférieure les renseignements les plus positifs
sur la situation actuelle des subsistances du district et de la com-
mune de Rouen, et suivre, s'il est nécessaire, l'effet des réquisitions
qui ont été faites au profit de ce district dans ceux de Caudebec,
Cany, Montivilliers et Dieppe. Ces districts et celui de Rouen en
sont avisés avec recommandation de seconder Galbois. Celui-ci, ne
pouvant remplir sa mission qu'avec les lumières des administrateurs,
forme bientôt un comité dont les citoyens Allais et Lecorbeiller
font partie. Mais les lumières administratives ne suffiront pas à
éclairer Galbois, qui se fait délivrer le 6 frimaire un mandat de
3,000 livres, remboursable par le comité des subsistances.
La réhabilitation solennelle de Bordier et de Jourdain eut lieu
en la salle des séances de la commune, le 3 frimaire (23 novembre);
(1) U était originaire de Toulouse. l\ le dit dans Tun de ses écrits d'ailleurs parse-
més d'6 muets presque toujours transformés par une ponctuation caractéristique en é
ouverts. U est resté inconnu à Toulouse.
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-968-
sur invitation du maire, le district s'y fit représenter par les citoyens
Lefebvre et Delanoë et le département y assistait en corps.
M. de Fontenay prononce en l'honneur des deux martyrs de la
liberté un discours que des habiletés de style laissent bien pâle auprès
des phrases brutales de I^ibié (1)^ accusant les prêtres d'avoir fait
poursuivre Bordier et Jourdain, et des objurgations violentes de
Galbois. Le discours de M. de Fontenay, au surplus, est le seul que
le Journal de Rouen ose reproduire dans im compte-rendu qui
devait paraître le 4 frimaire et qu'il se décide à publier seulement
le 6. . . Les discours de Ribié et Laumonier (2) sont au procès-
verbal de la commune ; celui de Galbois n'a qu'une simple mention,
sûrement parce qu'il dépasse toute mesure.
Outre cette fête à la commune, la seule qui soit bien connue (3),
il y en a une autre, à six heures du soir, en la séance tenue par la
Société Populaire, <( dans le temple de toutes les vertus, » d'après
la motion qu'en avait faite le citoyen Saint-Amand, sur l'autel élevé
à la mémoire de Bordier et Jourdain, sacrifiés à Rouen par Taris-
tocratie. Vemon préside. Un procès-verbal de cette journée sera
rédigé par Lenormand et Yvemès, et les noms des victimes en-
fermées pendant dix-huit mois pour la même cause que Bordier et
Jourdain, seront placés dans la salle. Un membre lit une lettre de
Jourdain à sa femme à sa dernière heure.
Un enthousiasme — sincère ou affecté — règne dans les procès-
verbaux de la Société. Un bataillon qui vient d'être levé, doit partir
le lendemain. Les dons patriotiques affluent. Dumazert, «dit le Père
Duchesne », administrateur du département, fait don de 24 livres en
■ ' L
(1) Louis-François Ribié, comédien et directeur du noureau Théâtre-Français,
membre de la Société Populaire, n*y avait été admis qu'avec une grande méfiance. Les
histoires assez nombreuses dont il fut le héros à Rouen, sont dignes d'attention.
Ribié né à Saint-Sulpice de Paris, le 15 mars i75S, était fils de François Ribié,
sculpteur, qui mourut à Rouen, âgé de 73 ans, le 22 nivôse an II, et de Catherine Lebé.
Il s'était marié à Rouen le 9 mai 1793, à Marie-Denise Forest, née aussi à Paris, en 1772.
Les témoins de ce mariage avaient été les trois avocats Ledanois, Héron et Pottier, et
Champigny, marchand, rue Saint-Lô.
(2) Laumonier signe comme secrétaire le procès- verbal de la séance de la Société
FapuUU?e du 4 frimaire.
(3) V. M. Gosselin, Rwue d4 la Normandie, 4860, pp. 578 et a.
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- 269 —
écus, Seyer offre 12 matelas, Boullant, Dumouchel, Milcent, Michel
Lignel, Oxford, Berthelîn, chacun un fusil, « notre frère Wild » une
médaille d'or do 24 livres. Ce dernier apporte lui-même ses matelas
le lendemain. Le 5, Blanche annonce qu'il remet avec tous ses
élèves de l'hôpital militaire, 12 chemises, 8 paires de bas et 300 1.
pour les défenseurs de la patrie.
D'autre part, la citoyenne Duclos dénonce Bretteville comme
aristocrate, et un membre donne lecture de la liste des arrestations
faites au nom du comité de surveillance ; on chante La Marseillaise
et les couplets patriotiques insérés dans le Journal de Rouen.
Cependant la fête de la réhabilitation, que l'on s'était efforcé de
présenter comme ime satisfaction donnée à l'opinion publique, avait
été, en réalité, un brandon de discorde.
Le jour même de cette fête, le comité de surveillance, expri-
mant les sentiments des patriotes, écrit aux Jacobins de Paris qu'un
peuple immense a crié vengeance, et qu'organe de sa volonté il a fait
incarcérer ceux qui ont signé la mise en arrestation des deux victi-
mes : « Flambart Moulin, sont arrêtés » (1)
La participation de M. de Fontenay à cette parade-bravade
révolutionnaire a dû lui inspirer des regrets : il a mécontenté ses
vrais amis, il n'est point parvenu à satisfaire les patriotes. De plus,
le programme jacobin s'est assez dessiné pour l'avertir qu'il est
temps de se retirer. Aussi, le 6 frimaire, jour où le Journal de Rouen
publie — peut-être contre son gré — son discours du 3, donne-t-il
sa démission motivée, qui est transmise aux représentants du
peuple. (2)
Cette résolution n'a surpris personne. A la Société populaire,
la lettre du citoyen Fontenay faisant part de sa démission et celle
par lui écrite au Conseil général de la commune sont lues sans
aucun commentaire le jour même. Lo comité de surveillance, en
envoyant le 7 aux Jacobins de Paris la copie du procès-verbal de la
« trop tardive réhabilitation » s'exprime ainsi :
(1) Rapport de la commission de l'an in sur les actes des terroristes.
(2) Reg. de rHôtel-de-Ville. Les procès-verbaux offrent celte particularité que ceux
des 7, 8, 9, 13 et même du 16 frimaire, portent la signature biffée de M. de Fontenay.
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— 270 -
«t La cérémonie a été d*Kne de son motif. Pour la vcngesDce natioDala,
nous aurons probablement à revenir sur ce chapitre un de ces jours...
Pour le présent, il ne reste qu'à vous annoncer que Fontenay a donné sa
démission. Jacobins, soyez sûrs qu*il ne nous manquera pli:s que que'qaes
bonnes opérations de la «am^6 ^ue7/o^/ne à Rouen, et les louon nais devien-
dront dignes à tous égards de leu's frères de Paris. Ça oa, mais vous verrez
alors comme ça ira, »
Les effets directs de la désertion de M. de Fontenay ne se font
pas longtemps attendre. Le 11 frimaire (1*' décembre 1793) par un
arrêté que le ministre de la justice adresse à Taccusatear public près
le tribunal criminel de Rouen, le comité de Sûreté générale delà
Convention donne l'ordre de mettre « la veuve de Fontenay et ses
» fils en arrestation dans la maison d arrêt du lieu où ils seront
» saisis ; les scellés seront mis sur les papiers, extraction faite de
» ceux trouvés suspects, qui seront apportés au comité. (1)
On semble avoir hésité et s'être consulté avant d'exécuter ce
singulier mandat. C'est seulement le 15 qu'Abraham Blot, commis-
saire du comité de surveillance établi à Rouen, accompagné du juge
de paix Berrubé, appose les scellés et conduit M. de Fontenay à la
maison d'arrêt de Saint-Lô (2).
Quant à M"® veuve de Fontenay, impossible de l'arrêter,
attendu qu'elle était morte depuis plus de cinq ans (3). Cependant,
la raison commerciale, l'association entre elle et ses trois fils lui
avait survécu (4). C'était donc la maison de commerce qu'on avait
voulu atteindre, vraisemblablement parce que sa caisse n'avait pas
(1) Arch. mpales. Copie. Cet ordre est signé : Elic Lacoste, Louis Vadier (du Bas-
Rhin), Dubarran et Vouland. — La transcription de cet ordre, loi-s de l'écrou de M. de
Fontenay, à Saint-Lô, en modifie la teneur en ce sens que le comité... ordonne que
Fontenay, maire de Rouen, etc., sei*a mis en état d'arrestation.
(2) Ârch. mpales.
(3) Du 27 août 1788, inhumation dans le cimetière Cauchoise, de Marie-Marguerite
Grandin, veuve de Nicolas-Eustache de Fontenay, négociant, décédée la veille, âgée de
68 ans. (Etat-civil de Saint- Vincent de Rouen).
(4) Le procès-verbal de la séance municipale du 26 juillet 1791, porte que « Madame
veuve de Fontenay et ses fils n'acceptent pas certaines conditions pour l'établissement
d'une conduite d'eau. Lorsque, vers la même époque, le frère du maire achète le ter-
rain des eaux minérales de Saint-Paul, à Rouen, vendu comme bien national, il sous-
crit le procès-verbal de la signature sociale : t veuve de Fontenay et fils ». MM. de
Fontenay eurent plusieurs a.ssociés, notamment Descroisilles et Godet.
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— 271 —
effectué le versement à Tun des emprunts sur les « riches et aisés de
Rouen ».
Ce qui confirme cette conjecture, c'est que le 28 frimaire
(18 décembre), l'ex-maire de Fontenay adresse, de sa prison, au
citoyen Grenier, commissaire du pouvoir exécutif, une pétition afin
d'extraire de la caisse sociale, pour les verser dans celle du district,
les sommes destinées par ses frères Jacques-Eustache et Alexandre
de Fontenay, à l'emprunt volontaire ouvert par la loi du 24 août et
qu'il se disposait à verser lors de son arrestation et de la mise sous
scellés de ses papiers et de son comptoir. Il voulait même, quand on
vint l'arrêter, prendre pour cela des assignats dans sa caisse, mais le
juge de paix, Berrubé, n'avait pas en son pouvoir de l'y autoriser.
Une pétition au département n'avait pas eu plus de succès : on
l'avait renvoyée devant « l'autorité compétente ».
Cette autorité était apparemment celle du citoyen Grenier, ce
qui ferait présumer que celui-ci n'était pas étranger aux prélimi-
naires de l'ordre d'arrestation. Poret, devenu agent national à cette
date, en s'en rapportant à la sagesse de Grenier, lui transmet la
pétition avec cette observation favorable que le comité ne prescrit
pas d'apposer les scellés sur la caisse, mais sur les papiers.
L'accusateur public, ajoute-t-il, était donc suflBsamment auto-
risé à lui délivrer les fonds réclamés « et il ne l'a pas fait ».
Sur le placet même. Grenier répondit simplement : « Le citoyen
Fontenay ZHSZL non ~~^~^ »
Mais Grenier ne restera plus longtemps à Rouen, d'où l'issue de
sa lutte et de ses dénonciations contre Legendre, Louchet et Dela-
croix le contraindra de s'enfuir à l'improviste, et M. de Fontenay
pourra jouir de la rare fayeur d'être relâché, moins de quatre
mois après, à la fin de mars.
Les registres de la Société populaire et de la municipalité
révèlent des détails intéressants sur la mise en liberté de M. de
Fontenay et ses préliminaires, qui eurent lieu à un moment qui
paraissait plus particulièrement opportun, sans doute, car d'autres
détenus marquants de Saint- Yon s'efforcèrent aussi alors d'être
élargis. Aucun d'eux ne réussit, même le patriote Robert dont la
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- 272 -
femme, après avoir fait une démarche à la Société populaire, qui
s'était montrée favorable à cette « victime malheureuse », crut devoir,
le 27 pluviôse, aller jusqu'à donner des décorations « pour ceiadrc
les têtes des vrais amis du peuple Marat et Pelletier. » MM. Ron-
deaux et d'Herbouville ne furent pas plus heureux dans leurs
tentatives, quoique l'un d'eux eut envoyé à la société 100 livres et
l'autre des linges pour les soldats.
Les Fontenay, plus habiles et plus recommandés, commencèrent
par renouer des relations avec la Société, qui voulut bien, le 9 février,
intervenir pour eux auprès du comité des approvisionnements de la
République afin d'obtenir le coton nécessaire it leurs fabriques. Le
13 ventôse (3 mars) on était parvenu à rendre la Société populaire
assez favorable à M. de Fontenay pour qu'il put s'y adresser et
demander à être jugé. Sur le champ, en effet, le comité de corres-
pondance de la Société priait les conventionnels Legendre, Louchet
et Delacroix (1) de s'intéresser à lui. Puis, le 17 (17 mars) Poret,
qu'on a déjà vu essayer de disculper l'ex-maire devant Grenier, ose,
avec une diplomatie dont on le croirait incapable, s'il fallait le juger
d'après ce que disent de lui les mémoires de M"»* de Chastenay,
intervenir et reprendre sa défense en pleine séance de la Société.
Après avoir dit que la femme Debonne, aussi détenu à Saint- Yon,
essaie de prouver l'innocence de son mari, il parle de » Fontenay
» l'ancien maire, homme dont l'opinion publique se prononce
» infiniment bien pour lui et réclame contre son arrestation f sic) » (2).
Le même jour, le 7 mars, le Conseil général de la Com-
mune de Rouen, présidé par Pillon, certifie, sur la demande de
(i) Le procès des Dantonistes, dans lequel était compris Delacroix allait commencer
pour se terminer par la condamnation à mort de Delacroix et ses co-accusés, le 16 ger-
minal (6 avril). Il est peu probable qu'il se soit occupé alors de M. de Fontenay, qu'il
avait protégé dans la Société populaire.
(2) Reg. de la Société populaire. Cette phrase incoiTecte est suivie de celle-ci qui
ne Test pas moins : ... et plusieurs membres parlent ensemble, de manière à justifier
» la bonne opinion qu'on a de Fontenay ; il est donc d'après l'opinion même de Poret.
resté dans l'esprit de bons patriotes qui depuis 1789 ont toujours marché dans la même
ligne, doivent se réunir pour protéger les patriotes arrêtés et foudroyer les aristocrates
qui ont pris le masque patriotique pour mieux arriver à leurs desseins contre révolu-
tionnaires. »
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— 273 —
Fontenay, que celui-ci a donné, en diverses circonstances, des
preuves non équivoques de civisme et de Tamour du bien public.
Enfin, le 29, ce conseil, présidé par Lefebvre-Signol, entend
lecture d'une lettre de Lecomte relative aux événements récents et
annonçant que Fontenay vient d obtenir sa liberté. Cette nouvelle
est accueillie aux cris de : « Vive la République ! » et Chouquet et
Arnault vont la communiquer à la Société populaire (1).
Le Journal de Rouen, qui n'a fait aucune allusion à Temprison-
nement de M. Rondeaux, ne parle pas davantage de celui de
M. de Fontenay, ni de sa mise en liberté.
Rentré dans la vie privée, et tout en paraissant absorbé par ses
opérations commerciales, M. de Fontenay guette anxieusement la
minute propice de la revanche et reprendra, beaucoup plus tôt que
l'époque indiquée par ses biographes (2), une part très active aux
affaires politiques. Nous le retrouverons presque au début de la réac-
tion thermidorienne en possession d'un rôle officiel et des plus mili-
tants, prenant une attitude qui ne^ jure pas trop avec l'idée qu'on a
de lui d'après ses actes antérieurs.
(i) Arch. m[>ale8. — Reg. di;s délibérations.
(2) Us ne l<? font rentrer en scène que dix-huit mois après
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- 274 -
CHAPITRE DOUZIÈME
PiUoD, premier officier miinicipal. - Ses antécédents. — Pillon, garde-liTres de la
Chambre des Comptes. — Pillon pamphlétaire et jurisconsnlte. — Un mot sur
son ami Foret. — Hariage de PiUon. — Pillon châtelain — Son portrait — — La
fête de la Raison. — Pillon révolutionnaire, anti-catholique. — Il veut comme
Saint-Amand la régénération de Rouen. — Saint-Amand et les muscadines. — Le
règne de l'Egalité. — Pillon maire au refos de Lamine. — Grenier contre Saint-
Amand et contre Legendre, Louchet et Delacroix — Saint-Amand dénoncé et
arrêté. - Dépari de Grenier ; son arrestation. — Epuration à la Société populaire
des autorités constituées. — Les administrateurs du 9 nivôse.
Le jour même de la démission de M. de Fontenay, la Convention
incitait son comité de Salut public à s'occuper du mode de gouver-
ment provisoire et révolutionnaire et, moins d'une décade après, un
projet, déposé en conséquence par le Comité, était discuté et voté
(14 frimaire).
Suivant la nouvelle organisation décrétée par la Convention nationale,
toutes les autorités deviennent en quelque sorte des armées révolutionnaires
dont la position est différente, mais qui, agissant chacun dans une direction
donnée, pressent avec énergie sur tous les conspirateurs^ et leur offrent de
toutes parts un front inexpugnable. (1)
Aux municipalités et aux comités de surveillance est confiée Texécution
des lois, exécution dont la surveillaocô immédiate est attribuée aux districts.
Les Sociétés populaires deviennent les plus puissants auxiliaires de la
Convention ; elles sont la pépinière cù la République ira chercher pour les
appeler aux emplois les hommes puis, éclairés, impatients de la tyrannie ;
elles sont le f!«)mbeau des représentants en mission ; elles poseront le faite
de la Révolution dentelles cnt jeté les hardis et indestructibles fondements (2).
Pour accomplir ce programme sinon absolument nouveau, du
moins plus précis, et qui tend « à reporter et à rasseoir entier sur sa
base l'édifice ébranlé et chancelant », il faut des hommes déterminés.
Le hasard des votes de janvier 1793 appelait à la tête de la
municipalité, en frimaire an ii, lorsque M. de Fontenay l'eût quittée,
un citoyen brûlant du désir de se signaler et qui, devinant et
(1) Circulaire du Comité de Salut public aux Comités de surveillance ou révolu-
tionnaire, la Révolution, 1898.
(2) Circulaire du môme comité aux conmiunes. id.
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- 275 —
devançant les desseins de la Convention, en commence la réalisation
dès avant le décret de frimaire.
Ce citoyen, c'est Pillon, premier officier municipal, plusieurs
fois déjà apparu investi d'importantes missions et dont, maintenant
qu'il est devenu — provisoirement — chef de l'administration com-
munale, il convient d'esquisser la biographie, à peu près inédite (1).
Pillon doit toute sa notoriété à la Révolution.
Son nom, assez répandu dans la région du nord-ouest de la
France, surgit dans les faits historiques de 1789 à 1795, presque en
même temps qu'à Rouen, à Amiens (2), à Vernon (3) et môme
à Paris (4).
Madame de Chastenay croit Pillon bien né (5). Par cela, évi-
demment, elle veut dire qu'il était noble, et elle pense qu'il appar-
tient à l'une de ces cinq ou six familles Pillon, toutes anoblies, qui
ont résidé en Normandie (6).
Les Pillon, dont était le maire, vinrent, croit-on, de Basse-
(i) Adrien Pasquier, seul, parle de Pillon qu'il semble avoir peu connu.
(2) Le citoyen Pillon est charg<^ des fonctions de procureur général -syndic du
département de la Somme ( Moniteur du 16 juin 1893).
(3) Le maire de Vernon, en 1793. se nommait Pillon. ( Heg. des délibéi-at. de la
municipalité de Vernon ).
(4) Les citoyens Pillon et autres, membres du Comité Révolutionnaire delà section
Marat (Paris) sont destitués le 15 prairial an 11 { Taine : Origines de la France contem^
poraine, t. iv, p. 297, n. 2).
(5) Mémoires cités, t. i, p. 191.
(6) De la plus marquante de ces familles étaient sortis les Giverville — qui ne sont
autres, par suite de mutation de nom, que des Pillon de la Tiilais. Un Pillon de la
Tillais était sorti le premier des 58 élèves de l'Ecole militaire de Paris, promu lieutenant
en second le 1" septembre 1789, quand son condisciple Bonaparte n'en était que le qua-
rante-deuxième. (Jung. Bonaparte et son temps, t. i, p, 336). Ces Pillon de la Tillais,
parle mariage de l'un d'eux à une Scott de la Mésangère ]Saint-Nicaise de Rouen 1765),
étaient alliés au président de Hailleul. Ils l'étaient, depuis 1685, à la famille de Jeanne
d'Arc, ce que MM. de Bouteiller et de Braux ont omis dans leur ouvrage sur les colla-
téraux de la Pucelle.. (Pour les autres Pillon, V. les Recherches de la (îalissonniére et
mansc. Y 129 du même fonds, Bibl. mpale de Rouen). Le prénom de Barthélémy et celui
de Laurent donnés à deux Pillon de la famille du maire, appartenaient aussi à des Pil-
lon de la Tillais. D'autres Pillon vivaient à Rouen sous la Révolution, noUimment
Laurent Pillon, garçon cabar entier, né en Hongrie. Un Ch. Pillon, habitant près le Pont-
Xudemer, est reçu membre adjoint de la Société des Amis de la Constitution de Rouen
le 30 décembre 1790.
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— 276 -
Normandie (1) s'établir vers le milieu du xvii* siècle à Rouen. Peut-
être se rattachaient-ils à l'un des anoblis et étaient-ils tombés en roture.
Pillon père, bourgeois, naguère marchand, habitait en 1789,
une maison de la rue Beauvoisine, non loin de celle de M. Leva-
vasseur (2), maître des comptes, et avait été, en 1771, trésorier delà
fabrique de Téglise Saint-Laurent (3). Outre son office d' « auneur
de poiles », il était pourvu, encore en 1789, de Tun des offices de la
communauté des courtiers, gourmets de vins, cidres, poirés et autres
liquides, de la commune de Rouen. Il était imposé au rôle de la
capitation bourgeoise pour 1788, à 13 livres, et pour 1789, à
26 livres. Romain Darré, religieux bénédictin, était son beau-frère.
Pillon père entretient jusqu'à la Révolution de cordiales relations
avec les clergés régulier et séculier. En mai et juin 1792, il s'occupe
de rentes à lui dues parles Carmes de Rouen et l'abbaye de Bello-
zanne, et un peu plus tard, d'une créance sur un abbé Giriol, victime
.de la Révolution (4), et il cautionne un acquéreur de biens na-
tionaux (5). Nous l'avons vu en octobre 1790, s'associer à une mani-
festation royaliste de la section de l'Oratoire de Rouen, avec M. de
Trézy, avec le chirurgien Gamare, comme lui autrefois trésorier de
la fabrique de sa paroisse, et aussi avec Vimar, le député à la Légis-
lative, lequel s'affichait, dès 1792, ennemi des prêtres, à peu près
autant que le sera Pillon fils en 1793 et 1794.
Ce dernier est né sur la paroisse de Saint-Laurent de Rouen en
1766 (6). Il avait à peine terminé ses études lorsqu'à la fin de 1787,
(1) Louis-Marin Pillon, marié à Saint-Laurent de Rouen en 1770, vient de Boisset,
diocèse de Séez. Deinoisc^lle J*illon, Agée de 82 ans, née à .^éez, meurt à Rouen (Saint-
Laurent, 17Hi).
(2) Arch. du départ.
(3) Arch. du départ., série (i. 6811.
(4) Arch. du départ.
(5) Arch. du départ.
(6) Cejourd'hui 23« jour du mois d'août 1766, a été baptisé par M. le vicaire sous-
signé, .lean-Pierre-Rartliélmy /'s/V', né de ce matin du légitime mainage de M. Jean
Pilon Isu'l^ officier auneur de poiles (»/>) de la ville et banlieue de Rouen, et de dame
Marie-Anne Daré (sic)^ ses père et mère, de cette paroisse, qui a été nommé par
M. Pierre Simon, marchand, de la paroisse Saint-Vincent, et par Marie- Anne-Christine
Bellanger. de la paroisse Saint-Vivi<»n, qui ont signé avec nous et le père, signé: « Jean
Pillon, Anne-Christine Bellanger, Pierre Simon et Duval, vicaire. (Reg. de Saint-Laurent
de Rouen). Jean Pillon. père, fils de Clément et do Marie Gilles, habitait la paroisse
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— 277 —
à une date où il n'avait pas encore atteint le nombre d'ans requis, et
après dispense d'tge obtenue de Louis XVI, il fut pourvu de
Toffice de garde-livres (1) en la Cour des Comptes de Rouen, et reçu
peu de jours après la création, à cette cour, de certain cabinet secret
qu'on pourrait croire avoir été une précaution prise centre Tindis-
crétion du nouveau venu (2).
n serait sans nul doute fort intéressant de suivre Pillon et ses
amis dans les clubs ou chambres de lecture dont l'extension, l'attrait
et la fréquentation trop assidue par leurs maris et leurs fils, alar-
maient tant les épouses et les mères dès 1787 (3), et de savoir s'ils se
mêlaient aux avocats bruyants, tels qu'Albitte Talné, pour mener à
Rouen une existence turbulente au point d'être parfois traduits
comme celui-ci devant le juge de police (4).
Impatient de se produire, Pillon prit part de bonne heure aux
Saint-Jean de Rouen, lorsque le 25 mars 1761, à Saint- Vincent de Rouen, il épousa
M"« Darré, dont la mère était une Lemire. Pillon père est mort en sa maison de la rue
Beauvoisine, n« 124, âgé de 87 ans, le 7 janvier ISOO. Son fils habitait alors le n« 122 de
la même rue. Du mariage Pillon-Darré, étaient nés, en outre, deux filles, et Laurent-
Clément (1767), et Simon-Firmin 1771). Ce dernier est mort célibataire, rentier à Rouen,
rue Coignebert, 36, le 25 septembre 1856.
(1) On donnait le même nom au dépôt des archives et à ceux qui en avaient la
garde, d'abord simples commis, ensuite (1708) officiers nommés par le roi. [Notice sur
VHôtel de la Cour des Comptes, imprimée, communiquée par M. de lîeaurepaire). Je
réitère ici, au savant éminent, au vénéré archiviste du département la respectueuse
expression de ma très-vive gratitude pour les renseignements que je dois à son extrême
bienveillance.
(2) Pillon succédait J.-Gaspard Le Viderel. Les lettres de dispense d'âge et de provi-
sion, des 5 et 6 décembre 1786, furent enregistrées les 24 et 26 janvier, en même temps
qu'avait lieu une information sur les âge, vie, mœurs, religion, expérience et facultés
du suppliant, reçu à la charge notamment de porter honneur et respects à MM. les
présidents, conseillers maîtres, conseillers correcteurs, conseillers auditeurs et gens du
roi, de garder le secret sur le dépôt des comptes et liasses étant au garde-livres,
« Pillon fait entrer et parvenu en robe de Palais et collet, derrière le banc de MM. les
rapporteurs a fait et preste debout le serment requis et accoutumé > . (Reg. de la C. des
Comptes).
(3) Journal de Rouen des 31 mars et 4 avril 1787, pp. 110 et 115. Lettre sur les Clubs
ou Chambres de lecture, signée Mercator, et Lettre à des clubistes sur ce^'tains clubs qui
s*él<ngnent de leur institution, par madame"'. Cette dernière soutient que les clubs
éloignent les jeunes gens de la société des femmes, et entretiennent le goût du jeu et
celui de la liberté, et qu'en revenant dans leurs familles, il y gagneraient du côté des
mœurs et de la politesse.
(4) Le 31 août 1787, Albitte qui se nomme Albitte d'Orival, comme son père, est âgé
de vingt-cinq ans, avocat au Parlement et demeure à Rouen, rue de la Cigogne. Il
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- 278 -
luttes politiques. Il est l'auteur de nombreuses et importantes
motions à la Société populaire, mais dont il est difficile de recon-
naître toujours sûrement la paternité. Il arrive pourtant qu'on le
voit avec quelque certitude poser dans la Société sa candidature
comme député à la Convention, à la fin d'Août 1792.
Devenu avocat puis défenseur officieux quand la Cour des
Comptes eut cessé d'exister (1) et môme auparavant, on le trouve,
comme Poret, qualifié d'avocat dans les procès-verbaux des assem-
blées primaires, lors desquelles il obtint fort peu de voix. Peu de
ses premiers écrits sont connus. M. Floquet en cite un qui pourrait
être celui de ses débuts et d'après lequel il le considère, déjà au
commencement de 1792, comme un « furieux démagogue ». M. de
Vatimesnil, conseiller de l'ex- première chambre de vacations du
parlement de Normandie (2), à propos d'un projet d'adresse de
félicitations à T Assemblée nationale, qu'on voulait voter dans une
réunion de notables à l'Hôtel-de-Ville, s'étonnait qu'on crût avoir i
se louer des députés, et, applaudi, faisait rejeter le projet. « Pillon
suffoqué de la vive sortie de M. de Vatimesnil, n'osa cependant
parler, crainte des huées ; mais, bientôt, il se rattrapait dans un
pamphlet accusant le conseiller d avoir d'avoir tenu un langage
presque incendiaire, d'exciter les méfiances contre l'Assemblée
nationale, et lui faisant un grief d'avoir été membre de l'ancienne
chambre des vacations. » (3)
Le jeune polémiste suivait avec une apparente attention les
innovations législatives et n'était pas encore exclusivement préoccupé
dans les premiers mois de 1792 de détruire la féodalité et le catholi-
comparaît devant M. de Beaunay, lieutenant particulier du bailliage et siège présidialde
Rouen, à la suite d'une scène nocturne et de chansons indécentes contre Thonneur des
époux Postel, parfumeurs, rue des Cannes, scène à laquelle avaient pris part Lefeb\Te
et François Hourdou. Ce dernier a été abbé et est avocat au Parlement et secrétaire du
président de Bourville. Albitte nie les faits ; il connaît Hourdou pour lui avoir parlé soit
à la comédie, soit en loge de maçoiis, (Arch. du dép.).
(1) Décret de suppression des Chambres des Comptes, 47-29 Septembre 1791.
(2) M. de Vatimesnil demeurait rue de l'Ecole, non loin de Pillon et de son futur
beau-père Barbarey.
(3) Hist, du Parlement de Noitnandie, t. VII, pp. 650 et 654. Lettre à M. de Vatime*'
nil (46 février 4790) par Pillon, citoyen de la garde nationale de Rouen.
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-^279 —
cisme. Pasquier signale et reproduit incomplètement de courtes
observations publiées par Pillon, en mars, sur les vices de l'exécution
de la loi sur les hypothèques. On s attend à trouver dans ces lignes
d'un homme qui a travaillé si ardemment à la réforme sociale des
vues un tant soit peu neuves sur un sujet s'y prêtant d'autant plus
qu'il a été traité fort sommairement par les législateurs. Et l'on est
grandement déçu en constatant que ces observations, « signées
de lui », se bornent à appeler l'attention du commissaire du roi sur
ce que le tableau des hypothèques « sur lequel reposent la fortune
et le bonheur des familles », ne doit pas être un grimoire indéchif-
frable et inutile, qu'il est à désirer qu'il soit écrit en gros carac-
tères. » (1) Le premier venu eût été apte à exprimer de tels vœux,
et le futur chef des Montagnards rouennais n'améliore guère cet
essai, dont les capitalistes sont appelés à profiter plutôt que les
classes laborieuses.
Pillon cherche tout simplement à se mettre en évidence, et ce
qui le prouve, c'est qu'immédiatement à la suite de ces observations,
le même numéro du journal imprime une lettre de son camarade et
confrère Poret, prétextée par une réponse de la Chronique de
Rouen, à ce que, dans un numéro précédent, le Journal de Rouen
avait dit d'un prétendu projet d'envoyer la Sainte-Ampoule au pape,
à titre d'indemnité pour Avignon. Poret en profite pour parler
d'autres choses, de la faillite de Laborde, etc., et sa prose annonce
mieux ce qu'il sera à la fin de 1793 et en 1794, étant devenu
agent national à la commune ; par la forme, elle annonce même, le
dirai-je? un futur candidat à l'Académie. Aussi, n'est-on pas surpris
lorsqu'on le voit, le 21 mai 1793, commissaire député au départe-
ment par la commune avec Robert, pour y transmettre et appuyer
une pétition de l'Académie des sciences et arts de Rouen (2). Quelle
(1) Joutmal de Rouen du 3 a\Tili792, pp. 476 et 477. Il s'agit de Texécution de la
loi des 6 et 7 nov. 1790. Au moment même où PiUon écrit, on s'occupe d'une autre loi,
qui sera votée le 8 avril et qui déclarera que la vente des biens d'émigrés purge toutes
les hj-pothèques autres que l'hypothèque nationale, sauf les droits des créanciers, ce qui
est bien autrement grave que ce dont il se plaint.
(2) Reg. du départ. Paul-Robert-Nicolas Poret, né à Saint-Eloi de Rouen, le
27 juillet 1766, âgé alors comme Pillon, de 27 ans, se maria à Rouen, le 13 avril 1704, à
W^ Buisson.
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— 280 —
que soit l'ardeur des convictions et la violence de certains actes de
Poret, c'est à coup sûr bien à tort qu'on a dit de lui que « sastupidité
était aussi complète que grossière » (1).
Si Ton considère Pillon sous l'aspect éminemment sérieux et
positif qu'il prend par sa lettre du 31 mars 1792, admettra-t-on que
six mois après, au moment même où lui et ses amis s'efforçaient de
s'emparer de la direction des affaires municipales, il ait pu commettre
iin méfait dont madame de Chastenay a le vague souvenir : « J'ai la
pensée confuse, dit-elle, de quelque histoire d'enlèvement et de
quelque aventure tragique mêlées avec son nom ; je ne puis m'en
souvenir » (2). Il est peu vraisemblable que cela se rapporte à son
mariage, célébré pourtant avec une certaine précipitation, qui ne
surprend pas trop lorsqu'il s'agit d'un homme toujours pressé,
recourant à des dispenses d'âge pour être pourvu d'un office, et à
d'autres dispenses pour se marier plus vite. Pillon épousait, en
l'église Saint-Godard, le 2 octobre 1792 (3), presque une voisine, la
fîlle de l'architecte Barbarey, lequel avait été, comme lui-même, l'un
des premiers membres de la Société des Amis de la Constitution.
Peu de temps après, Pillon venait habiter rue de l'Ecole, chez son
beau-père.
L'un des actes de Pillon qui suggèrent le plus de réflexions est
l'acquisition,, par lui et deux au moins de ses amis, de la partie prin-
cipale d'un domaine provenant d'une famille qu'il connaissait très
(i) Mémoires cités, t. I»"", p. 196.
(2) Mémoires, t. i, p. 196.
(3) Le mariage du citoyen PiUon, mineur^ et de la citoyenne Madeleine-Denise
Barbarey, née à Saint-Laurent de Rouen, le 7 avril 1774, a lieu après publication d'un
seul ban au prône de Saint-Godard, l'avant-veille dimanche 30 septembre, dispense de
la veille I*""" octobre, signée François, vicaire épiscopal, portant permission de marier
le même jour, et fiançailles (célébrées immédiatement avant le mariage. C'est monsieur
Romain Darré, prêtre (oncle maternel du marié) qui, du consentement de monsieur
Dum'esnil, reçoit leur consentement mutuel et leur donne la bénédiction nuptiale avec
les cérémonies prescrites par la Sainte Eglise, en présence de leurs pères, et de J.-Et.
Selot, marchand, et F. Martin, oncles maternels de la mariée. La présence des mères
n'est pas mentionnée. (Etat-civil de Saint-Godard de Rouen). Le dernier acte dressé par
le clergé constitutionnel de cette paroisse porte la signature du « citoyen Cabousse ».
Dumesnil, curé, Bouteiller, premier vicaire, et Vregeon, habitué de Saint-Godard,
avaient prêté serment devant le conseil général de la commune de Rouen, le
27 août 1792. HorchoUe mentionne un autre serment du curé Dumesnil^ à Saint-
Laurent, le 6 février 1793.
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— 381 -
bien et au chef de laquelle il avait eu souvent affaire jusqu'en 1790,
famille qui fut persécutée de toutes les façons pendant la Révolution.
Cette acquisition, vraisemblablement projetée dès le 17 frimaire, eut
lieu à une date où Pillon était naturellement indiqué pour être
maire, puisqu'il était déjà maire provisoire.
Caillot de Coqueréanmont fils, émigré, possédait par suite d^'une
donation paternelle, à titre d'avancement d'hoirie, des biens importants
mis sous un séquestre dont le donateur Caillot de Coqueréaumont
père (1), ci-devant président à la Cour des Comptes, avait demandé
vainement la main-levée, en se fondant sur une clause stipulant le
droit de retour au cas où son fils décéderait avant lui sans enfants (2).
Parmi ces biens était le domaine de Coqueréaumont, sis en la
commune de Bois-d'Ennebourg (3), et par extension sur deux com-
munes voisines (4), et qui a joué un petit bout de rôle officiel pendant
la réaction thermidorienne.
Le 17 frimaire, surlendemain du jour de l'arrestation de M. de
Fontenay , Havard, secrétaire de la commune de Rouen, s'était rendu
adjudicataire d'une première ferme du domaine, par 100,400 1., tant
(i) Mort à Trouville (hameau de Bois-d'Ennebourg), le 17 nivôse an III, Agé de
soixante-onze ans, laissant pour recueillir sa succession, sa veuve, née Lesdos, et trois
enfants : M™* d'Houdemare, un fils, et une autre fille, M™« de Bermonville, ces deux
derniers émigrés. Le district affectait le 26 nivôse suivant sa maison de Rouen, me
BeflTroy, au logement du l'eprésentant du peuple Casenave. M. de Coqueréaumont père,
incarcéré le 7 brumaire an II, à Saint-Yon, en sortit le 6 germinal an III. On lui attri-
buait une fortune de 600,000 1. et un revenu de 41,0001. Les minutes de ses discours lors
de la réception du roi, du duc d'IIarcourt, etc. sont aux arch. mpales. En floréal an VII
(mai 1799), M"'« de Coqueréaumont et M. d'Houdemare, .son gendre, lequel habitait à
Rouen, rue Ganterie, et près Pont-Saint-Pieri'e, furent impliqués dans une aflaire
politique et des poursuites contre un nommé Pailleux, agent général des émigrés,
retenu à Paris, et Coquart, huissier au Pont-Saint-Pierre (Arch. mpales).
(2) Arch. du dé()art. — Arrêté du Directoire du 23 février 1793, basé sur ce que
Caillot fils, émigré, était mort civilement et laissait des enfants vivant et résidant en
France. Ce qui était moins juridique, c'est que, pour détruire l'objection tirée de ce
qu'aux tennes du contrat le droit de retour ne pouvait s'exercer qu'au préjudice des
héritiers, mais non à celui des créanciers, on jugeait, le 29 du même mois, que la con-
fiwation au profit de la nation avait lieu pour remplir celle-ci des dépenses occai-
sionnées par les guerres que lui attiraient les émigrés.
(3) Canton de Damétal, à 15 kil. de Rouen.
(4) Coq^iei*éaumont, naguère demi-fief noble, « tenu du fief et baronnie, haute jus-
tice et sirerie de Préaux ». Le château comprenait cuisine, salle à manger, salle de
compagnie, cinq chambres de maître et plusieurs autres, plus des bâtiments accessoires,
cour dans laquelle petite chapelle, jardin, parc au milieu duquel bosquet et avenue»
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pour lui que pour le citoyen Nicolas Bénicourt, fabricant à Rouen.
Le 24, comme si Ton eût attendu que Pillon fût certain d'être
nommé maire définitivement, était mis en vente un bien voisin
« nommé ci-devant le château de Coquéreaumont » avec une autre
ferme, le tout d'un revenu de 1.500 1. Aucune offre ne fut faite ce
jour-là et le 8 nivôse (29 décembre 1793), c'est-à-dire la veille de
l'arrêté des représentants du peuple, Havard reste adjudicataire de
ces château et ferme, par 70,200 1. tant pour lui que pour les citoyens
Bénicourt, notable, Pillon, maire, et autres amis qu'il se réserve
de désigner dans le délai de six mois. (1) Au surplus, Bénicourt et
Pillon sont présents et signent.
Comme pour la plupart des spéculations de ce genre, à cette
époque, c'est en grande partie avec le prix de la réalisation de la
superficie que les acquéreurs se libèrent. (2) Dans les combinaisons
originaires, le château a dû être destiné à Pillon, qui en est resté
seul attributaire. (3) On se perd en conjectures sur les raisons qui
plus quatre rangées de chênes le long du mur du château au couchant et vers le chemin
longeant les biens du citoyen des Essarts (Le Danois). Son emplacement est figuré sur
le plan cadastral (1825?) ce qui semble indiquer qu'il existait ^noore alors; il a été
démoli. Une tradition locale veut qu'on l'ait détruit en mettant aux quatre coins des
barils de poudre. W occupait le centre de ce qui a gardé l'aspect d'un parc. La chapelle
qui,- d'après un plan du xviii« siècle, était à l'entrée du parc à gauche, n'existe plus.
Les communs subsistent, ainsi que la grille, ses deux hauts piliers de briques et le
saut de loup. La propriété appartient depuis soixante-dix ans à la famille Mathéus-
Bouctot. Il est à noter que le 49 floréal an II, la Société populaire de Préaux demandait
au district autorisation de démolir un château existant dans cette commune. On l'in-
vita à dire d'abord si ce domaine avait l'aspect d'une forteresse, s'il avait des palissades.
(1) Le délai pour faire et accepter des déclarations de command ou élection
d'ami, qui est aujourd'hui de vingt-quatre heures ou de trois jours, (L. 22 frim. an VII
et art. 707 G. proc. civ.) était alors de six mois. (Décret du 43 sept. 4794.)
(2) Les 49 et 29 janv. 4794, les trois adjudicataires versaient par anticipation
23,4(X) 1. Un procès-verbal de Bougeard, maire du Bois-d'Ennebourg, constate Tenlève-
ment des bois nonobstant une opposition à l'abattis. Un autre incident eut lieu à pro-
pos d'une barque enlevée par la municipalité et qui servait au curage de l'étang.
Bougeard était l'ancien agent de la famille Caillot et lui était resté dévoué, ce qui
explique que, pendant un an, la municipalité de ce village ait fait attendre au district
les renseignements touchant les biens de M. de Coquéreaumont fils, et ne se soit décidée
à les envoyer qu'après des menaces. (Arch. du dèp*.) Bois-d'Ennebourg, commune des
moins importantes, fut cependant agitée pendant la Terreur. Les procès-verbaux de la
municipalité offrent quelque intérêt. Un ancien et beau registre de confrérie se trouve
aux archives de la Mairie.
(3) Son nom est le seul qu'on retrouve après 4795 comme étant celui du proprié-
taire du château. (Arch. du dépM
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— 283 —
inspirèrent aux montagnards cette acquisition peu démocratique.
Sans doute, la destruction des futaies, la démolition de la chapelle
et peut-être d'autres transformations, donnaient immédiatement à
la résidence seigneuriale l'aspect d une maison de campagne ; mais
si l'on ne voit pas dans cet achat Tune des nombreuses opérations du
syndicat Bénicourt, on est amené à y voir une satisfaction d'amour
propre ou de rancune peut-être de la part de l'ex-garde des livres
de la Cour des Comptes. Etait-ce l'application de l'une des maximes
favorites de Pillon : Guerre aux richesses, respect au nivellement
des fortunes ! Ou bien jugeait-il que comme premier magistrat
municipal, à l'exemple des Herbouville, des Fontenay, des Ron-
deaux, il convenait qu'il eût maison à la ville (1) et résidence à la
campagne. On croira plutôt qu'imitant son ami Robert de Saint-
Victor (2), il se fit un devoir d'être un des premiers à se rendre
acquéreur de biens d'émigrés, alors que beaucoup hésitaient encore.
Pour terminer cet exposé très imparfait de l'origine et des
antécédents de Pillon, il n'est pas superflu de donner son portrait,
non d'après un des peintres rouennais qui florissaient en pleine
Terreur, mais suivant un Bertillon quelconque de l'an III : « Taille
de 5 pieds 7 pouces (1™87). cheveux et sourcils noirs et châtains, les
yeux gris et enfoncés, nez petit et relevé, bouche ordinaire, menton
rond, figure maigre ! » Nonobstant le silence du document où ces indi-
cations sont puisées pour les curieux, les deux dernières indications
semblent indiquer que Pillon ne portait point de barbe.
Revenons à l'administrateur.
Si Pillon paraît s'être tenu un peu à l'écart des affaires munici-
pales après l'arrestation de M. Rondeaux, il n a pas cessé alors de
s'occuper des affaires qui affluent au Comité de surveillance, dont il
est le vice-président.
C'est lui qui, au nom du comité, le 22 brumaire, invite le bureau
municipal à munir la maison de sûreté d'Yon d'une pompe et de
(1) H semble qu'à Rouen, lors -de sa nomination comme maire, Pillon n'avait pas
de domicile particulier, et qu'il logeait chez son beau-père.
(2) Le patriote Robert se faisait un titre d'avoir acquis la maison de Le Roux
d'Esneval, rue Maladrerie, pour donner l'exemple. Or, il fallait qu'il fût bien pressé
de le donner, car, dès le 10 septembre 4793, il se plaignait au district du retard dans
la vente de cette maison. (Arch. du dép^ Reg. de corresp. du district.)
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seaux pour arrêter les progrès des incendies. Cette précaution est
justifiée par la rapide augmentation du nombre des détenus qui,
pour la plupart, apportent avec eux de la literie, du linge, des vête-
ments, des livres, — voire même des instruments de musique, des
tableaux de maîtres et autres objets d'art (1).
Le Comité de surveillance ne chôme pas davantage et ne se
borne pas à préparer des arrestations. Il prend des arrêtés, par
exemple le 29 brumaire, pour la suppression des boutons fleurdelysés
qui subsistent encore aux uniformes et sa sollicitude s'étend jusqu'aux
fleurs de lys des marmites de potin (2).
Parmi les nombreuses arrestations décidées ou faites pendant
cette période, il en est qui s'effectuent daos des conditions singu-
lières. Ce sont celles de Thiessé et de Vimar, ci-devant avocat»,
ordonnées pour Thiessé le 16 brumaire et pour Vimar le l*"" frimaire.
Au lieu de se saisir à Rouen de leurs personnes depuis longtemps
prévenues, le Comité de surveillance paraît avoir été heureux de
leur infliger l'avanie d'une arrestation dans leur pays natal, à moins
que tous les deux, pressentant leur sort, n'eussent quitté Rouen
dans l'espoir de s'y soustraire. Arrêtés, le premier, à Neufchàtel, le
4 frimaire, et le second, à Forges seulement le 18 pluviôse, c'est-à-
dire plus de trois mois après l'ordre, ils essayèrent vainement de
retarder leur transfert à Rouen, Vimar aidé de la Société populaire
de Neufchâtel, et Thiessé plutôt desservi par Lehalleur, le cauteleiuL*
juge de paix de Forges (3).
Après la démission de M. de Fontenay, Pillon prend au sérieux
ses prérogatives de premier oflScier municipal. Alors il se- multiplie.
Il est vrai que la situation n'est plus la même qu'à la date de la-chute
de M. Rondeaux, et que le conseil général de la commune agit sou»
les yeux de Saint-Amand et de Grenier.
Les envois de lettres de prêtrises et d'abdication de l'état
ecclésiastique se produisent tout à coup en plus grand nombre. L'ex-
bénédictin Darré, oncle de la citoyenne Pillon, figure parmi les
(1) Arch. rapales.
(2) Id.
(3) Arch. mpales et du dépt.
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trente et quelques prêtres qui, du 7 au 12 frimaire, envoient ou
apportent leurs démissions.
Entre temps, Pillon va donner à l'audacieux Saint-Amand une
première satisfaction que celui-ci n'eût certainement pas obtenue de
M. deFontenay. Le 10 frimaire, jour où, pour la première fois, est
célébrée à Rouen In fête de la Raison (1), il procède à une série de
consécrations de places publiques et d'édifices rouennais, à une
sorte de transformation idéale et officielle de la vieille cité. Il se fait
le porte-parole des violents de la Société populaire, où, le même
jour, on demande que « le Christ soit descendu et les grilles enlevées,
ce qui est arrêté. » On n'oublie rien, à la Société, et lorsqu'on vise
les grilles de la cathédrale, à coup sûr on ne suit pas un conseil de
Saint-Amand, on se rappelle lune des polémiques de Roger et de
Robert, polémiques qui ont eu leur source aux séances de la Société.
dans les derniers mois de 1792.
La journée du 10 frimaire est une sorte de prélude à toutes les
démonstrations analogues, aux fêtes patriotiques ou civiques.
Racontée amplement déjà dans des publications antérieures, elle
obtient ici plus qu'une simple mention, à cause do sa relation immé •
diate avec ce qui s'est passé peu de jours auparavant à la Société
populaire. Le représentant du peuple Alquier, Galbois Saint-
Amand qui prend le titre de « commissaire du Conseil exécutif
provisoire, » l'Etat-Major de la garde nationale, la Société populaire,
les corps administratifs et judiciaires, les juges de paix et assesseurs,
les professeurs et instituteurs de la jeunesse, — et la jeunesse elle-
même, car il y avait dans le cortège des groupes de jeunes garçons
et de jeunes filles, — étaient de la fête, suivis, dit le procès-verbal,
d'un peuple innombrable. Il eût été difficile, sans doute, de distin-
guer dans cette foule, les vrais patriotes des simples curieux.
En chantant des hymnes on a brûlé des tapisseries fleurdelysées
de l'Hôtel des Monnaies, des tableaux des rois, titres féodaux et cléri-
caux, brevets de croix de Saint-Louis. Après ce .sacrifice expiatoire,
^a place de la Rougemare, souillée par l'attentat des 11 et 12 janvier,
est purifiée par la plantation d'un arbre de la Liberté. Pillon y
(1) La première fête de la Raison avait eu lieu à Paris, le 20 l)rumaire (10 novembre
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-. 286 -
proDonce un premier discours qui n'est pas le moins cynique de la
série de ce jour.
« C'est ici, dit-il en face de la maison de feu son confrère
Aumont, à l'instruction de l'affaire duquel il a pris une part très
active, c'est ici que de vils esclaves osèrent élever leurs voix sédi-
tieuses en faveur du dernier des tyrans... Nos places publiques,
voilà les livres où le peuple doit étudier la Révolution, ses droits et
sesdevoirs envers la Patrie...» A la fin de ce discours, Pillon, se ména-
geant un effet oratoire, s'arrête pour épargner à ses auditeurs des
souvenirs qui devaient être « déchirants » au moins autant pour
lui-même que pour eux, et il proclame que désormais cette place se
nommera place de la Révolution. On y danse en rond.
De là, le cortège se rend au Champ-de-Mars où est élevée une
Montagne sur la cîme de laquelle Alquier, les présidents des corps
constitués, et Saint-Amand prêtent un de ces serments qui leur
coûtaient si peu. ?aint-Amand dit un bref discours qu'il s'efforce de
rendre violent, et qui est bien loin d'être au niveau de celui qu'il a
prononcé dans la chaire, lors de la réhabilitation de Bordier et
Jourdain (1). Les canons de la Montagne de la Liberté (Sainte-
Catherine) font plusieurs salves et les administrateurs et citoyens
lèvent en l'air leurs bonnets.
Puis, on se dirige vers la cathédrale et Pillon, à la tribune,
débite une diatribe où il vocifère contre les rois et les prêtres, niant
et injuriant Dieu, condensant tout ce que les Jacobins ont de ran-
cunes, exaltant et inaugurant le régne de la philosophie et de la
liberté. Après cela, il croit pouvoir logiquement proclamer la
ci-devant cathédrale temple de la Raison (2).
Alquier (3) lui succède, et, plus politique, plus prévoyant,
n'étant pas soumis comme Pillon aux exigences et aux collaborations
d'un entourage dangereux, et d'un énergumène tel que Saint-Amand,
(1) Le manuscrit d'Horcholle résume ce premier discours de Saint-Amand, qui
semblei'ait avoir servi de canevas à celui de Pillon du 12 frimaire.
(2) N.-D. de Paris avait été proclamée temple de la Raison le 20 brumaire (10 noA'.)
(3) « Homme de beaucoup d'esprit, peu austère dans ses mœurs, il était cependant
rempli de sentiments honnêtes ;... régicide par peur, mais ayant voté Pappel... nous
avons eu à M. Alquier les plus réelles obligations. » ( Mémoires de M"*- de Chastenay,
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Alquier, lui, croit en Dieu, « mais au dieu des patriotes, et non au
dieu du pape et de la Vendée ».
L'ex-curé de Saint-Jean, qui se mariera le surlendemain, ter-
mine la série des discours à la cathédrale par une improvisation dont
le succès dit assez l'objet tout d'actualité.
Sur la tribune aux harangues de la place du Marché-Neuf,
rinépuisable Pjllon fournit un troisième discours, hommage à Marat,
Beaurepaire, Le Peletier et Beau vais ; Bouvet, vice-président du
département, prend la parole aussi pour rendre hommage à la
Montagne, et former des vœux pour la régénération et l'indépen-
dance de la Vendée, la punition des traîtres et l'extirpation du
royalisme. « Voilà, s'écrie Bouvet, nos plus pressants besoins I »
Aucun de ces réformateurs verbeux ne dit un mot sérieux sur
des projets d'amélioration du sort du peuple qu'il amuse.
L'effQt du discours de Pillon au Temple de la Raison a-t-il été
vraiment celui attendu par les Jacobins ? N'ont-ils pas trouvé qu'il
avait dépassé le but ? Il n'en est pas question à la Société populaire
où le même jour Denise parle aussi sur la fête de la Raison et sur le
fanatisme. On décide bien de lire son discours à trois séances, ce
qui n'est pas exécuté, et la motion de l'imprimer est accueillie par
l'ordre du jour. Le langage de Pillon avait dû impressionner beau-
coup plus péniblement ses amis, ses concitoyens, que les excitations
de l'agent provocateur Saint-Amand. C'est, semble- t-il, au souvenir
de ce discours tout récent, qu'il faut attribuer les hésitations de la
Société populaire lorsque, dans ce même mois de frimaire, elle
s'occupe du choix d'un maire et préfère d'abord Lamine à Pillon.
Cependant il faut obéir à l'impulsion et à l'exemple venus de
Paris (1), et poursuivre l'abolition du catholicisme, On a senti que la
publicité des séances des corps administratifs et de la Société popu-
laire ne suflBt point faire oublier les dimanches, les offices et les
1. 1, p. 194). « On lui a reproché d'avoir assez bien arrondi son colTre-fort lorsqu'il fut
chargé des réquisitions dans les départements de l'ouest» (Robert. Vie politique de tous
les Députés, etc.) Alquier était avocat du roi à la Rochelle on 1789, et président du
tribunal criminel de Seine-et-Oise au moment des massacres de Versailles (sept 92).
Né en 1755, devenu chevalier, puis baron et ambassadeur de l'Empire, mort en 1826.
(1) La suppression du culte catholique avait été décrétée en brumaire par la Com-
mune de Paris.
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autres cérémonies du culte. Le 15 frimaire, après avoir annoncé que
les prêtres « s'agitent ou sont agités sur l'état de leur religion « un
membre demande à la Société de nommer un orateur pour faire un
discours de morale (1) au Temple de la Raison le décadi prochain,
qu'il y ait une fête civique les jours de décadi, et qu'on invite les
directeurs des spectacles à y envoyer leurs musiciens. A la ci-devant
église Saint-Laurent, où la Société s'est installée le 9 frimaire, en
attendant l'appropriation de l'église des Carmes que le département
lui a enfin accordée la veille, on a chanté la Marseillaise Sivec accom-
pagnement de l'orgue (2) tenu par frère Delaporte, qui joue différents
autres airs patriotiques. Sans parler des fêtes où les cortèges visent
à frapper les imaginations et à surpasser en magnificence les solen-
nités du catholicisme (3) et sur les beautés desquelles on n'a guère
que des appréciations purement officielles, on s'applique à faire neuf,
et c'est ainsi que l'on entend dans le Temple de la Raison tantôt
Ribié déclamer « une prière républicaine au Père de l'Univers,
» éternelle puissance qui fait marcher le soleil devant la liberté
» pour éclairer ses augustes travaux, et qui donne aux uns des
I) chaînes et des vertus et aux autres des trésors et des vices », —
ou encore, à une autre décade, le capitaine du navire le Joseph,
réciter une Prière à l'Eternel par Pillon, maire (4). On cite sur-
tout, comme ayant beaucoup do succès, l'hymne^ de Real, sur la
mort du tyran, et l'hymne des Rouennais : Guerre aux intrigants.
Les adeptes ou plutôt les propagateurs à Rouen de la religion
philosophique se vantent d'avoir presque devancé tous les chefs-
lieux des départements dans la célébration des fêtes instituées en
l'honneur de la Raison, et dans l'observance des jours de décadi. Il
faut rabattre considérablement de ce qu'ils disent sur ce dernier
point. Ce sont eux aussi, disent-ils, qui, après Paris, ont mis dans
les fêtes la pompe, l'ordre et l'ensemble qui les ont particulièrement
distinguées (5).
(1) Elle devançait ainsi mènie la section de (TuiUaume Tell (Paris) qui, seule-
ment le 20 février, décide d'élire des orateurs de morale.
(2) Reg. de la Société populaire.
(3) V. notamment Gosselin, llevur de Normandie, ouvr. cité, 1867.
(4) On attribuait à tort cette prière à Ribié. V. Journal de Rouen des 4, 9 llorOvd et
3 prairial an 11.
(5) Journal de Rouen du 3 pluviôse an II, p. 410.
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Les rouennaises se sont probablement montrées scandalisées des
violentes objurgations de Saint-Amand à la cathédrale le 3 frimaire.
Dans la séance du soir de la Société populaire, il veut qu'on pour-
suivre les muscadines pour les forcer d'aller comme les Sans-Culottes,
et s'indigne qu'elles ne soient pas encore pénétrées de la nécessite
de l'égalité, et qu'on ne les mène pas révolutionnairement. Il s'ex-
prime ainsi le surlendemain du jour où Elie Leclerc, un fabricant
rouennais — dont la Société a improuvé les termes injurieux —
est venu reprocher aux citoyennes de Rouen « d'être trop délicates
pour coudre des guêtres » , et dire « qu'ayant des amants dans
cette ville, elles voulaient les empêcher de partir en arrêtant les
travaux ».
L'application des principes de l'égalité est aussi l'objet des
préoccupations de certains patriotes. La municipalité s'était em-
pressée de faire enlever des églises et maisons particulières tous les
hochets du fanatisme, et, le 6 frimaire, avait arrêté d'envoyer les
argenteries à la Convention. Elle fit demander à la Société populaire
de désigner trente bons Sans-Culottes pour accompagner cet envoi,
efiectué par une voiture et des chevaux qu'ojBrit Thiberville, voiture
sur laquelle on écrivit en gros caractères : « les hochets du
FANATISME DE LA COMMUNE DE ROUEN A LA CONVENTION ».
D'aucuns jugèrent qu'il était convenable qu'aux trente Sans-
Culottes se joignissent des officiers municipaux et des notables. Or,
la commune n'est pas immédiatement de cet avis, et le 12 frimaire,
elle examine une proposition de « cette bête orgueilleuse de Lenor-
mand (1) » déposée par la Société populaire, commençant par ce
blâme : « Les représentants du conseil général de la commune
cramdraient-ils de se trouver avec leurs frères, les Sans-Culottes,
pour se rendre à Paris, pour les hochets du fanatisme altéré (?) et
finissant par ceux-ci : « Oh I règne de l'égalité tu n'existes donc pas
encore 1 » Et ce qui prouve bien l'urgence de l'épuration du conseil.
(1) Expressions extraites d'une lettre non datée du sans-culotte Duclos an président
de la Société populaire. Lonomiand de Losier marié, à Rouen, à une d'*"*' Cahiére
paraît être un parent de M^^e Thouret. La bioj?raphie de M"'« Oursel fait à tort deux
personnajîcs dilTérents de Germain Lenormand et de Lenormand de Losier.
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c'est qu'il osa improuver les expressions imméritées dont Lenormand
s'était servi (1) ».
L'épuration des corps constitués est, en effet, toujours la question
la plus importante à cette date. Saint-Amand demande encore à la
Société, le 10 frimaire, une liste des magistrats qui ne sont pas
reconnus patriotes afin de la présenter aux Jacobins de Paris, et
propose de faire une liste par appel nominal des corps administratifs,
comprenant Tétat-major de la garde-nationale, les commis des
bureaux et les tribunaux. A cette occasion, on se récrie sur la nomi-
nation des membres de la Commune présidée par Fontenay, faite en
galopant, peut-être parce qu'au fond on désapprouvait le projet
excessif de Saint-Amand de soumettre une telle liste aux parisiens,
peut-être aussi parce qu'on attendait la législation nouvelle et immi-
nente, législation réorganisant ou plutôt donnant les moyens de
réorganiser les municipalités (2).
Par un arrêté, daté à Pont-Audemer du 13 frimaire, les trois
représentants du peuple nomment maire de Rouen Lamine (3) qui;
(1) Arch. mpales. Reg. des délibérations. Le conseil capitula. Le 20 frimaire se
présentait devant la Convention une doputation composée des {sic) membres de la
commune, du comité de surveillance, du département de la Société populaire de
Rouen, venue faire hommage de l,r>00 marcs d'argent provenant des dépouilles des
églises, et rappeler que les citoyens de Rouen avaient déjà offert à la Patrie en 1789,
4,000 marcs d'argent. On en profita pour demander à l'Assemblée l'autorisation de se
réunir en sections dans les églises abandonnées, au moins deux fois par semaine
{Jouimal de Rouen du 22 frimaire).
(2) Le 4 frimaire, un décret était intervenu concernant la formation provisoire du
conseil général et du corps municipal de Paris. Le décret du 12 frimaire (2 décembre 1793)
autorisait le comité de salut publie à prendre les mesures nécessaires pour le change-
ment d'organisation des autorités constituées et chargeait les repré.sentants en mis-
sion d'achever sans délai l'épuration complète de ces autorités et d'en rendre un
compte particulier avant la fin du mois suivant.
(3) Nicolas-Louis Lamine, sculpteur, arrivé à Rouen vers juin 1771, était né à
N.-I).-aux-Fonts de la ville de Liège, le 27 février 17ô(), et avait été marié à Saint-Vivien
de Rouen, par Leblanc, alors sous-vicain^ de cette paroisse, le 18 février 1772, à Cath.-
llélène Godet, lingère, vcuvt* de Louis DumouclK'l. Un cousin de Lamine, S.-F. Lan-
celin était, en 1772, curé de Saint<^-Callierine de Liège. Linaut, imprimeur, assistait à
son mariage que célébra l'abbé A. -H. Le Blanc, sous-vicaire de Saint-Vivien, futur curé
constitutionnel de Saiut-Maclou. l'un dv^ deux prêtres qui assistaient Rordicr et Jour-
dam à leurs derniers moments et ([ui ont laissé une relation manuscrite de lexécution
de ces derniers.
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le 14, informe la Société populaire qu'il ne peut accepter cette
place et proposé qu'on Toffre à « notre frère Pillon, premier officier
municipal. » Le procès- verbal de la Société n'en dit pas plus, mais
le Journal de Rouen raconte que Lamine s'était efforcé d'établir
qu'il ne possédait aucun des talents nécessaires et qu'il indiquai t
Pillon comme le plus digne d'être promu. Tous ceux qui s'expliquent
à cette occasion applaudissent à la modestie du patriote Lamine,
mais tous ne croient pas que l'on doive céder « à l'exception » qu'il
invoque. Indécise néanmoins dans le choix de deux citoyens qui ont
également mérité de la patrie, la Société s'ajourne à une séance du
soir du même jour, où les assistants viendront « enrichir de leurs
lumières le cours de la discussion ».
Le 15, Lamine, pressé par le conseil de la commune de faire
connaître sa réponse revient faire à la Société « l'historique abrégé
de sa propre conduite, très patriotique depuis ses jeunes ans. Il fait
aussi l'apologie de Pillon : il en parle en homme qui connaît et qui
sent ce que vaut la vertu simple et modeste ; il déclare que quant à
lui il ne se sent pas la mérite nécessaire, et il montre Pillon comme
méritant à tous égards (1) la place de maire. » Bref, la Société se
joindra à Lamine pour demander aux représentants du peuple de
nommer Pillon. On ne voit pas pourquoi Lamine, décidé à refuser,
demande l'envoi officiel de l'arrêté qui le nomme. Au surplus,
Lamineaplus d'un motif pour ne pas accepter. Architecte, sculpteur,
officier municipal, membre du comité de l'instruction publique et
du comité de surveillance, il s'occupe du projet d'appropriation du
Temple de la Raison, l'une des grosses affaires du moment, pour
laquelle, quinze jours après, il se fera adjoindre Barbarey, le beau-
père de son ami Pillon. Il engagera même dans ces travaux un capital
de 10,0001. par lui avancé à la ville (2). En outre, il s'est rendu
acquéreur par 115,000 1. avec son ami le négociant Gaillon, le 13 no-
vembre 1792; d'immeubles importants au coin des rues des Arsins et
de l'Hôpital, comprenant l'église, la maison claustrale et le jardin
(1) Le procès- verbal, dont je m'applique à reproduire les expressions, poHail d'aboitl
ces mots : .. . comme le seul citoyen qui... lesquels ont été rayés.
(2) Arch. mpales. Procès-verbal de la séance de la commune du 23 nivôse.
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des prêtres de l'Oratoire (1), et peut-être tient-il à. pouvoir réserver
une partie de son temps à sa clientèle, recrutée surtout parmi les
riches rouennais et qui paraît lui être restée fidèle malgré tout (2).
Nonobstant la présentation de Pillon par Lamine à la Société
'populaire, ce fut seulement le 21 frimaire qu'aboutirent les repré-
sentants du peuple Legendre et Delacroix, dont un arrêté, daté du
Havre, nomme Pillon. Celui-ci n'est pas à la séance de la commune
quand y parvient cet arrêté, très bref, en trois articles, pris « sur la
lettre écrite le 8 frimaire par le conseil général de la commune
annonçant la démission de Fontenay » ;
A.rticle pr»^mier. — Le citoyen Pillon, officier municipal, est nomirié
ïïiaire de la commune de Rouen. — Article deuxième. — Le premitT
notpble (3) passera officier municipal à la place du citoyen Pillon. —
Article troisième. ~ Le remplacement du premier notable est ajourné.
Des commissaires sont députés vers Pillon, il leur répond qu'il
fera part de sa résolution au conseil général. Le lendemain, il vient
déclarer son acceptation, prononce un discours dont le texte n'a pas
été conservé et prête le serment civique.
Lamine tint à informer lui-même la Société populaire de l'ac-
ceptation et du serment de Pillon dans sa séance du 24, et, le 25, le
président de la Société, le comédien Vernon, « lit les quatre vers
suivants, qui sont applaudis :
En nous donnant pour maire le vertueux Pillon,
Lamine s'est couvert dune gloire immortelle.
Un caractère franc consulte la raison,
L'ami de la vertii fait toujours tout pour elle.
Goube (4) demande et fait décider que ces vers soient envoyés
aujc journalistes patriotes pour être insérés (5).
(1) Arch. du dé|;^ Procès-verl aux d'adjudication de biens nationaux.
(2) Vers la fin de nivôse an II, environ un mois après son refus de la mairie,
Lanrine livrait à M. Midy-d'Andè, huit chapiteaux corinthiens, d'un prix de friO liv. Son
client n'en fut pas moins arrêté comme jjère d'émigré le I(> ventôse. M'"* Midy avait
guitlé Rouen avant la Terreur, dès août 1791, voyageant avec ses enfants en Suisse, en
AMeinagne et en Hollande. Par hasard elle rencontra aloi-s M. Reding, chancelier des
tiuiiii cantons, lecjuel épousa M"- Midy. A Hambourg, elle confia .ses fils aux soins de
M"*" Heine et fils, négociants en cette ville.
^ i3) C'était Guyet.
{%) Il s«Mnl)le qu'il ne peut ici s'agir de GouIk» (Ignace-Casimir), âgé de quarante-
t|iialre ans, ex-administrateur et futur maire de Rouen, que le comité de suiTeillana'
avail fait mettre à Saint-Yon, dés le 6 frimaire, pour incivisme et aristocrafie, et qu'un
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- 293 —
Devenu maire provisoire, Pillon inaugure ou plutôt continue la
longue série de ses démonstrations vexatoires contre les « fanatiques ».
Le bureau permanent, où siègent avec lui Clavier, Leblond,
Béréeet V. Groult, arrête, les 26 et 27 frimaire : 1^ qu'il sera placé
sur le portail du Temple de la Raison, une table de marbre sur
laquelle sera gravée l'inscription suivante :
Si l'homme est créé libre, il doit se gouverner,
Si l'homme a des tirans, il doit les détrôner (1).
Liberté — Egalité
TEMPLE DE LA RAISON
2^ qu'il sera substitué au Christ existant sur le pont de bateaux, une
flamme tricolore surmontée du bonnet de la liberté ; 3® que la croix
de pierre existant dans le carrefour ci-devant de Bonne-Nouvelle
sera démolie et les matériaux en provenant seroiît déposés dans le
magasin de la commune. (2).
Le 25 frimaire, à la Société populaire, Goube apostrophe
« Amand » et lui dit qu'il est prêt à le suivre dans ses opérations
afin qu'il ait pour secrétaire un vrai sans-culotte. C'est une attaque
directe contre Haraneder, que Saint-Amand voulait se faire associer
à titre de secrétaire. Après qu'Eudeline oflfre Leleu pour ce poste,
Bérard lui-même propose un citoyen Ciseau (3) « qui a de l'honneur,
état des détenus, dressé après thennidor, qualifie, pour préparer son élargissement de
« cultivateur théorique et pratique ». Ce serait plutôt son frère, le vicaire-général de
Gratien. et qui s'efforça d'éviter le sort de celui-ci par ses actes inconscients et scan-
daleux. Devenu curé de Gournay, président du district, entreposeur de tabacs, chef
ordonnateur d'une filature, et président de la Société populaire de la même ville, il
avait abdiqué ses fonctions de curé et de prêtre, le 6 frimaire an II. En messidor
suivant, il épousait la sœur de la femme de Tex-curé de Forges, l'abbé Lerat. Au
21 frimaire, un Goube prononce un discours sur la pomme de terre ; il est douteux que
ce soit l'ex-prêtre. Un Goube, huissier, parî\ît en ce temps-là dans la Société.
(5) Le Jouirai de Rouen ne les a pas publiés, peut-être parce que les deux
premiers ont treize pieds.
(1) Pillon a déjà fait mettre ces deux Ters de Voltaire, le 23 août 1792, sur la colonne
qui figure à la fête organisée à la Société populaire pour les victimes du 10 août
(v. chap. VI*)
(2) Arch. mpales. Reg. du bureau permanent.
(3) Ou plutôt Cizos, dit de Sèze. Ce citoyen « vertueux » venait d'envoyer, par sa
femme et son enfant, à la Société populaire, en don civique, deux chemises accompa-
gnées d'une lettre f très patriotique et philosophique», dont le post-scriptum semble
révéler que les femmes patriotes faisaient parfois le signe de la croix en entrant à
l'église Saint- Laurent, pendant les séances de la Société : c Si, par une vieille habitude,'
ma républicaine était tentée de faire le signe de la folie en entrant dcms le Temple de la
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— 294 -
de la probité et le civisme le plus pur. » L'ordre du jour clôt cet
incident qui nous montre les patriotes rouennais empressés à satis-
faire le jacobin Saint-Amand.
Celui-ci e-;t en vedette, et conduit les administrateurs terrorisés.
Il impose partout ses volontés ; aux théâtres, il fait mettre en vue le
bonnet de la liberté ; il part en mission avec Bérard dans les districts
de Cany et de Dieppe et est chargé, le 5 frimaire, par la Société de
Rouen, d'une visite conciliante à la société d'Yvetot. Les deux
envoyés rendent compte, dès le 9, et obtiennent une mention civique
et l'accolade fraternelle du président. On est donc satisfait d'eux.
Amand repart, le 11 frimaire, toujours pour les subsistances, et le
lendemain, il écrit qu'il apprend que lui et Bérard ont été menacés à
Yvetot. La Société entière dénonce Lenud au comité de surveillance
du département, et s'appuie sur la lettre d' Amand, nonobstant une
demande de Lamine tendant à ce que cette dénonciation soit suspen-
dues On s'agite pour arrêter Tcffet de ces résolutions et un membre
— qui paraît être Bérard — raconte que lui et son collègue ont reçu
l'accolade fraternelle de la Société d'Yvetot. (1) Un autre voudrait que
l'on vécut en bonne intelligence avec elle. On diffère jusqu'au retour
d' Amand. Le 17 frimaire, Amand revient et fait un rapport sur ses
fonctions dans divers districts du département, et le président
(Vernon) lui dit ce que le Comité de surveillance avait /ait pour
connaître les causes qui avaient détourné Amand et ses collègues de
la route d' Yvetot.
Cela n'atteint pas l'envoyé du Comité des subsistances, carie 18,
il obtient de la Société la nomination, pour se concerter avec lui et
les autorités constituées sur des mesures de salut public, de huit
commissaires qui seront huit notabilités jacobines : Blanche, Labbé,
François, Vernon, Blondel, Cusson, Lemonnier et Garreau.
Le 20, Amand parle sur les mesures de sûreté générale et
Raison, je lui ai bien rcoumniandé de dire : Au nuin de ma patrie, de la libei-té et de
légalité (Journal de Rouen, 7 frini. an 11, et rtig. de la Société popul. du 4frim.)
(1) On trouve, dans les archives du comité de Rouen, un extrait du procès-verbal
du comité d'Yvetot du 13 frimaire, d'après le(iuel Lamine et Poret. venus sur le rapport
inquiétant de Saint-Amand, concilient tout, reçoivent l'accolade fraternelle du président
du comité d'Yvetot et l'assurance que ce comité marchera d'accord avec la commune
de Rouen.
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- 295 —
Haraneder sur les visites domiciliaires chez tous les accapareurs.
Le premier voudrait voir le Comité de surveillance requérir du
commandant de la garde nationale des patrouilles toute la nuit pour
que rien ne sorte de la Commune. Le procureur de la Commune
(Le Contour) lui donne incontinent satisfaction, et, sur-le-champ,
a lieu rappel des 150 membres de la Société devant concourir le
lendemain matin aux visites domiciliaires. Amand se multiplie : le
23 frimaire, il veut qu'on mette à Tordre du jour l'afiFaire d'Elbeuf (1).
Puis, tout-à-coup, le 26, il écrit qu'il est parti pour Paris et que si
Ton a calomnié les vouennais, il va mettre au feu le fer qui doit mar-
quer du sceau de Tinfamie tous leurs calomniateurs. Il reparaît lo
1" nivôse (21 décembre) et, à la tribune de la Société, fait part de la
calomnie qui le poursuit lui. Saint- Amand, jusque dans la Société ;
il demande acte de sa conduite dans la Société, et l'assemblée,
consultée, passe à Tordre du jour, motivé sur ce que les vertus
civiques d'Amand n'ont pas été attaquées et que son patriotisme ne
s'est jamais démenti dans cette Société (2). Le vindicatif Jacobin
retourne à Paris, non pas pour y réhabiliter les rouennais comme il
l'a écrit, mais bien pour les accuser et pour s'y défendre lui-même.
A la Société populaire de Rouen, on est sur ses gardes, car on a
appris à connaître Saint-Amand. Celui-ci, le 6 nivôse (26 décembre)
à la séance des Jacobins de Paris, rend compte de sa mission à
Rouen, disant avoir des choses de la dernière importance à commu-
niquer, toutes tendant au bien général et donnant quelques détails
sur la position de la Commune de Rouen. Mais il ne s'attendait pro-
(1) Il s'agit de François-Pierre Balleroy, juge de paix d'Elbeuf, prévenu de propos
tendant à avilir les autorités constituées et la souveraineté du peuple. Incarcéré à Saint-
Lô, le 2 pluviôse, en vertu d'ordre du Comité de surveillance d'Elbeuf de la veille, il fut
traduit avec l'un de ses frères devant le Tribunal révolutionnaire de Paris, et acquitté
le 13 messidor an II. Belleroy et ses deux frères avaient adressé au Comité de sûreté
générale, le 19 frimaire, en faveur de leur père, sellier à Pont-l'Evéque, arrêté par
ordre du Comité de cette ville, une pétition dont il faisait parvenir copie à Rouen, et
dans laqnelle ils dévoilaient les motifs secrets de cette arrestation : Balleroy père avait
plaisanté les prétentions épiscopales d'un jeune curé constitutionnel... Balleroy d'Elbeuf
jugea convenable de venir le 23 frimaire se disculper à la tribune de la Société popu-
laire de Rouen où Legendre intervint et l'en empêcha. (Arch. mpales et du dép').
(2) Le procès-verbal portait d'abord le mot Commune surchargé par Société qu'on
y substitua sur une motion du lendemain, en décidant d'inviter Amand à rapporter
l'extrait du i'»" nivôse.
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— 296 —
bablement à la présence d'un citoyen de Commune-Affranchie —
peut-être Lecanu — lequel déclare qu'il regarde Saint- Amand comme
im intrigant. « Cet homme qui s'est dit Tami et le compagnon de
rinfortuné Chalier, devenait très souple quand à Lyon il arrivait
des mauvaises nouvelles de la Vendée ; quand, au contraire, on
annonçait des succès, il redevenait sublime et maltraitait les mus-
cadins»... Dufourny voulut qu'on entendît Saint-Amand sur la
Commune de Rouen. Saint-Amand ne donna auoun détail ; mais il
prétendit que l'esprit public était détestable à Rouen et que cela
tournerait mal si on n'y envoyait des missionnaires Jacobins. Un
officier municipal de Rouen (Chouquet) est présent aussi, et vient
détruire les fausses inculpations de Saint-Amand contre le peuple
de Rouen (1).
Uexécution de Galbois Saint-Amand aux Jacobins enlevait aux
rouennais de grandes inquiétudes. A la Société populaire, on témoi-
gne le désir que, dorénavant, « on soit plus avare de confiance envers
les étrangers qu'on ne l'a été jusqu'à ce jour ; on va saisir l'occasion
pour convaincre enfin les parisiens du vrai patriotisme de Rouen.
Un tableau va être dressé de ce que Saint-Amand a fait dans cette
commune, des personnes qu'il a fréquentées, des liaisons qu'il a eues
avec elles, et des sentiments plus ou moins civiques et inciviques de
ces personnes. » (8 nivôse).
Les violences de Saint-Amand et la défaveur dans laquelle il
était si vite tombé, avaient profité à Grenier, envoyé du comité de
sûreté générale, auquel sa mystérieuse mission donnait plus de pres-
tige et qui était exposé à un moins rapide discrédit. Les plus
éclairés parmi les gens incarcérés comme suspects, Vimar et
beaucoup d'autres, s'adressaient à lui pour obtenir leur liberté (2),
(1) Journal de la Montagne, sept. 4793 à nivôse an II, 2^ partie dn volume, pp. 365-
366. Arch. nat. Al) xx a \\<\:^y. — Chuuquel envoyait à la Société p jpulaire. qui le reçut le 8
nivôse, un extrait du i)roccs-verbal de la séance des,laeohins,lH»aueoupnionis précis que
celui publié par lnJouttial df la Moidaipie. A ce journal il joignait par une lettre, lue par
Guyet, et d'a]>rés le i)ost-scnptuni (lcla«|nclle Galhois Saint-Amand avait été conduit des
Jacobins d(» Paris en incarciM-ation. Dans la même séance, Yvernês lit une lettre delà
citoyenne Haudry-liarrois, annonçant à Dodai'd (jue (Jalbois est arrêté et conduit à la
Force. (Arch, mpales et arch. du dép'. Reg. de la Société populaire).
(2) De nombreuses pétitions, à lui adressées, sont aux Archives mpales. Quelques
unes le qualifient de représentant du peuple. V. notamment celle du citoyen de Gar-
rault de la commune de la Chaussée, datée de la Tour aux Normands, du 1" décem-
bre an II.
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— 297 —
r
f et le malin méridional ne cherchait point à les désabuser. Les repré-
f sentants du peuple, des actes desquels il était ou se fit le contrôleur
l et le dénonciateur acharné, le jalousaient et cherchaient vraisem-
blablement le moyen de s'en débarasser.
La Société populaire, où jusqu'alors il ne paraît pas être venu,
• reçoit le 3 nivôse la visite du « citoyen Grenier, qui a écrit et
dénoncé Saint-Amand (sic) au comité de Sûreté générale ; il monte
: à la tribune et fait part de son opinion, qui tend à l'humanité (?) Le
président (Blanche) lui donne l'accolade fraternelle. » La société
; délibère que Grenier et Amand seront entendus conjointement et en
I séance publique. On demandera alors à Amand, en présence de
I Grenier : « Pourquoi il n'a rien dit aux Jacobins lors de son dernier
voyage (celui du 26 frimaire) ainsi qu'il l'avait promis à la Société ;
pourquoi il n'a pas assisté à la fête de Chalier qui a eu lieu à Paris
où Amand était alors ; combien il est resté de temps à Yvetot et
s'il est vrai qu'il y ait dit qu'il n'y avait que des patriotes à Rouen. »
Et en6n on lui fera cette dernière question plu^ suggestive encore
que les autres : « Combien de temps il est resté avec Lenud à Paris,
et qu'ayant dit avant de partir qu'il voulait le ^aire arrêter, par quel
bonheur il est devenu son apologiste en si peu de temps. »
Mais Saint-Amand était parti pour ne plus revenir et la Société
populaire, naguère si soumise aux volontés du redouté jacobin,
envoie le 8 nivôse Labbé et Lenormand remercier Grenier des
moyens par lui employés pour repousser la calomnie déversée sur
Rouen, et d'avoir eu le courage de dénoncer Saint-Amand, « dont
la conduite contre-révolutionnaire s'était montrée à découvert dans
le Temple de la Raison, ainsi que dans d'autres endroits publics. »
Elle fait remettre à Grenier un extrait de sa délibération.
Grenier, triomphant, fait publier aussitôt dans le Journal de
Rouen (1), une lettre annonçant son voyage à Paris, le 11, assurant
les rouennais de son dévouement, et invitant ses « frères et sœurs »
de Rouen, d'oublier à jamais qu'un énergumène ait eu l'audace de
blesser leurs oreilles de propos sanguinaires.
Le lendemain, 10 nivôse (30 décembre), il revient à la tribune
(1) Numéro du 9 nivôse.
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— 298 —
à*: la Société annoncer qu'il est obligé d'aller à Paris pour le bien
public, et répondre à beaucoup de réclamations. « H nous a dénoncé
un intrigant, il compte en démasquer un autre qui s'appelle La-
mriuque, qui est à Dieppe ». Le président (Bournisien) le remercie et
lui témoigne de l'obligation pour le don d'un livre intitulé : De la
nnissance et de la chute des anciennes j^épubliques et de la véritable
rt-fff.^e de la décadence de la république romoine^^l) ». Un membre
voudrait qu'à Paris, Grenier s'occupe de Lecoutour, détenu à
Ko lien (2) ; un autre s'y oppose ; mais plusieurs insistent, et le pré-
sident fait observer que Grenier s'étant chargé des réclamations de
tous les détenus opprimés, n'oublira point Lecoutour.
Dans la soirée du 11, Grenier partit, assez précipitamment,
oubliant quatre bécasses et une perdrix ( 3 ), crochetées à l'exté-
rieur d'une fenêtre de la chambre qu'il occupait rue des Carmes,
hôtel ci-devant d'Angleterre, et dont il avait remis la clef au citoyen
\\nid, croyant revenir bientôt. Bien lui avait pris de déguerpir, car
lo 18 nivôse (7 janvier), le comité révolutionnaire de Rouen, d'après
l'( >rdre des représentants du peuple, Legendre, Louchet et Delacroix,
décernait contre lui, comme suspect, un mandat d'arrêt que le com-
missaire de police Blot essaya vainement de mettre à exécution (4).
On se rend compte des sentiments des trois conventionnels à
l'é^^ard de Grenier, en lisant ses tableaux « adoucis » quoique
ît fidèles » des «prévarications du traître Lacroix et de ses adhérents
Legendre et Louchet. Le premier instigateur des bateaux à soupapes,
le boucher Legendre (5), lui qui disait aux bourgeois de Dieppe sur
1 1 ) Un exemplaire de cette brochure est à la bibliothèque municipale de Rouen,
foHn-rion Leber. Louchet s'est plus particulièrement occupé du livre oHert par Grenier.
(Hi-. lie la Société, procès-verbal du M nivôse). Ce livre que les trois conventionnels
■srfjiblent avoir attribué à ce dernier, paraît être le même que la traduction de l'anglais
(d ÏMi'uard-Worthley de Montagne), par Cantwel, Paris, Maradan, 1793, in-8. (V. Dicl.
ih*A nuvrages Anonymes de Barbier, t. VI, p. 392 b.).
ri) Lecoutour avait été emprisonné à Saint-Yon le 25 frimaire, sur mandat du
l'iHMilé de Rouen et pm* ordre du comité de sûreté de la Convention. La Société popu-
Ifiirr ititercédait pour lui à diverses reprises.
\'.\} Ce gibier fut vendu par ordre du comité, et produisit 8 livres, destinées à
SifMjiier (Arch. m pales).
[U Ce mandat se retrouve en double aux Arch. mpales. Grenier fut aiTété à Paris,
d;iiM les premiers jours de pluviôse, et resta détenu jusqu'à la fin de thermidor. U était
(■((smte sans emploi et avait vainement sollicité une place d'enregistreur dans les
lithriiux des comités de gouvernement. (Arch. nat. Din3.V2). Il écrivit le 30 frimaire à la
^1 U\ Société populaire de Rouen, qui, sur sa lettre, passa à l'ordre du jour. Il adressait
(Il iSiiréal an II, à la citoyenne Lapierre, de Rouen, une lettre qu'intercepta le comité
(Il M- juen (Rapports de l'an III contre les terroristes). Il revint à Rouen en germinal an III.
^5) Legendre avait été aussi matelot. (Robert, ouvr. cité,)
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leurs réclamations pour les subsistances : Egorgez les aristocrates,
buvez leur sang, mangez leur chair ! Moi, j'en mangerais une entre-
côte sur le gril !... !... I... Eh ! bien, ce cannibale, je le défie de me
répondre, non plus que le jésuitique magister, ce très louche
Louchet (1). Est-il possible que ces hommes-là, non moins ignares
que dénués, siègent encore dans le Sénat français (2)... »
Ainsi, pendant sa mairie provisoire de vingt jours, Pillon voyait
disparaître deux individus de l'ardeur et de la rivalité desquels pou-
vaient naître les incidents les plus graves. Les représentants en
mission contribuaient à aplanir les difficultés en destituant le 9 nivôse
plusieurs administrateurs d' Yvetot. Enfin, le 9 nivôse, ils réalisaient
les projets de réorganisation définitive des corps administratifs, dont
la Société populaire n'avait pas cessé de s'occuper.
La Société, en effet, n'est pas complètement absorbée par
l'amélioration de tous les arts et de tous les moyens de bonheur des
rouennais (3) ; elle ne s'occupe pas seulement de désigner l'artiste
qui élèvera sur une des places de la ville, un monument à la Liberté
que nous adorons (4), et d'entendre des mémoires sur le défriche-
ment des bruyères Saint -Julien, et des discours originaux tels que
celui dont Blacher la gratifie le 19 brumaire, et qui a pour but de
terrasser le fanatisme (5).
(1) Louchet avait été professeur au coUège de Rodez, cela expliquerait qu'en sep-
tembre 4792, à la rentrée des classes, il ait prononcé un discours mentionné dans les
registres de la Société populaire de Rouen. Devenu, en frimaire an IV, receveur général
de la Somme, poste qu'il conserva sous TEmpire, il disparut de son domicile après une
réception qu'il avait donnée, en décembre 4813. On n'a jamais su ce qu'il était devenu.
(A. Kuscinski, la Révolution Française, 1896, pp. 478-479.)
(2) Arch. nationales D m 352.
(3) Reg. de la Société populaire.
l4) Id.
(5) Voici un des plus curieux passages de ce discours : «.... Citoyens, je pense ici
que personne ne peut nier que de grandes nations qui ont établi leur culte et leur mo-
rale ne puissent les changer jusqu'au moment où elles auront Tassiette invariable et
bien déterminée de l'esprit de tous les habitants du globe. — Pour conclure donc, je
je te somme, de par l'amour de l'ordre, de par la révolution, toi, Laumonier, de nous
faire un travail de quatre pages sur la probité ; toi, Contour, un travail sur la loyauté ;
toi Monnier, un travail sur l'égalité ; toi, Legendre, un travail sur la justice ; toi, Hara-
neder, un travail sur l'ingratitude ; toi, Lenormand, un travail sur la pudeur; toi,
Vernon, un travail sur la sensibilité, et vous, mes autres concitoyens, vous n'êtes pas
hors de ma sommation, car il vous est réservé de traiter de l'amitié, de la révolution,
des droits du peuple et du poste du bon citoyen... (Reg. de la Société pop.)
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■--73.^
^ 300 -
A peine Pillon est-il maire provisoire qu'elle entreprend de
composer la liste du futur conseil général de la Commune. C'est
d'abord Lamine qui dirige l'opération et donne, les 25 et 26 février,
lecture des listes des maire, officiers municipaux, procureurs et
notables, des membres du district, du comité de surveillance, et du
département. Cette liste parait avoir amené des observations de la
part des représentants du peuple, et Ton y répondait le 4 nivôse,
jour d'une nouvelle lecture des listes. Une réclamation contre
Gambard est rejetée ; mais celle contre Dumesnil (1), du district,
accusé de s'enivrer, est d'abord admise. Un autre examen a lieu le
6 nivôse (Blanche, président) sur une liste lue par Godebin. L'un des
suppléants figurant sur la liste des membres du département est
Doublet, du district de Neufchâtel (2), l'autre est Benjamin
Pavie, faubourg Sain t-Hilaire (3). Deux noms sont proposés pour
l'agence nationale du district : Thierry et Lecanu. Dumesnil est
esl maintenant au district, «avec cette apostille qu'il a l'habitude
de s'enivrer. » Pour la commune, la liste y compris le maire ne com-
prend qne. vingt noms, plus trois suppléants : Arvers, Yvernès et
Turgis, ces deux derniers suspendus. Delamare sera maintenu avec
la même apostille que Dumesnil. Les notables comprenaient quarante-
et-un noms, plus dix suppléants. Le nom de Denis, détenu à Paris,
fut rayé. Les citoyens devant composer la liste du comité de sur-
veillance étaient « tous patriotes de 89 (6).")) Enfin toutes les listes
furent arrêtées et confirmées d'une voix unanime.
Puis, pour les porter aux trois conventionnels (5), au Havre,
Eudeline, Delihu et Vernon furent désignés. On chanta des «couplets
et chansons » notamment un dialogue sur l'air de la Carmagnole,
(1) Sa conduite ne tarda pas à être incrinunée ; V. séance du district du 23 ventôse
an II. (Arch. du dép«.)
(2) Parent, sans doute, du conventionnel.
(3) Ex-avocat, détenu depuis le 2 frimaire.
(4) Cette étiquette est d'une exactitude contestable. Yvelin et Jeannemey étaient deux
de ces membres. Leurs noms sont rayés le 4 nivôse parce qu'ils ont été prêtres, « qua-
lité qu'ils ont cependant abdiquée . Leurs noms furent remplacés par ceux de GaiTault
et Hochet, qui ne furent pas nommés.
(5) Legendre et ses collègues étaient alors à Anet (Eure), où les trois commissaires
de la Société populaire leur remirent les listes. De là, les conventionnels se rendirent
au Havre, d'où ils envoyèrent leurs «uTétés à Rouen par un courrier extraordinaire
(Reg. de la Société populaire.)
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— 301 —
auteur Real ; « les commissaires pour les listes, dit le procès-verbal,
le porteront » pour le^chanter aux représentants du peuple. »
Avant de clore le paquet^ on ajoute le nom d'Anquetin le jeune,
notable, oublié, et le paquet cacheté est remis à Vernon.
Les trois commissaires firent un long et beau voyage (1), d'où
ils revinrent seulement le 9 nivôse. Ils avaient été jusqu'à Anet
(Eure-et-Loir) où, le 7, ils avaient été reçus par les trois députés
qui s'y reposaient chez Delacroix, Tun d'eux, de leurs tracas du
séjour des grandes villes (2).
La réorganisation et l'installation des autorités constituées, par
suite des arrâtés de Legendre, Louchet et Delacroix, datés à Tillières
du 9 nivôse, s'effectua sans bruit. Les journaux publièrent les noms
des divers administrateurs (3) et la Société populaire, satisfaite une
fois de plus de les avoir choisis, cessa de s'en occuper dès qu'elle
sut que les représentants les avait acceptés.
(1) Ce voyage coûta 300 1. qui furent remboursés à Lamine, le 22 nivôse (Reg. de la
Société populaire).
(2) Lorsque Lacroix fut dénoncé à la Convention, on lui reprocha notamment
d'avoir épousé une ci-devant comtesse qui avait un tabouret chez Madame, et l'on
rappela que chez lui, à Anet^ on avait trouvé des linges marqués au chiffre de l'archi-
duchesse d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas. (Moniteur du 20 germinal, an II,
p. 809, 3« col).
(3) Conseil général de la commune : Pillon, rue de l'Ecole, maire ; Aimable Bérée,
Tamjlier, Victor Lefebvre, Guyet, Lagnistre, Carré, Vincent Groult, Roumy, Desmalis»
L. Ilamel, Quesnel-Roger, Bérard, Moulin, Haraneder, Clavier, Dieu, Chouquet,
Le Boucher, Caffîn-Vemon, officiers mpaux (les conventionnels ont supprimé le nom
de Delamare, d'où seulement vingt officiers municipaux). Foret, agent national ;
Ar\*ers, substitut ; J.-B. Pinel, Baudry, Long, Gignet, Lambert, Lebas, Desaubris,
Demay, Etennemare, Thomas Groult, Regnault, Lignel, Bellencontre, Arnault, Bérat,
Pouchet-Maugendre, Legendre, Dumesnil, Legras, Mabon, Nos, Bourdon, Thébault,
Masson, Paquenneville, Thiémé, Levasseur, Lepiller, Esnault. Yvelin, Gamare, Grand-
court, Marie, Lefebvre père, Alexandre, Jeannemey, Angerville, IlénauJt, Olivier Lenioinc,
Bonneterre, Auney et Lemort, notables. — Bureau municipal : Pillon, maire; Bérat,
Guyet, Moulin, V. Grout, Carré, Le Boucher, Poret, agent national ; Arvers, substitut ;
Administrateurs du dép» : Bouvet, Grandin, Belhosle, Allais, Ghoin, Aubert,
Dumazort, ThieiTy et Castel ;
Directoire du, district : Lefebvre-Signol, président, rue de la Halle; Cabissol, rue
du Petit-Enfer ; Vincent, rue du déi)S n" 20 ; Delarue, rue Potard ; Eudeline, rue des
Iroquois ; Lecanu, agent national, rue Belï'roi. Conseil général : Dumesnil, rue Saint-
Patrice ; Courtin, rue des Charrettes ; Cartier, rue du Vieux-Palais.
Comité de surveillance : Lambert, rue des Jacobins, président ; Lamine, rue des
Faulx ; Gaillon, rue du Citoyen, secrétaire ; Regnault. rue du Cai)oral ; François Pinel,
rue Kau-de-Robec ; Barbarey, rue de l'Ecole ; Poisson, fonrlcur, rue Ganterie ! Godebin-
Jouvenet, rue de Robec ; Bt^iicourt, sur les Petites-Eaux ; Labbé, fabricant à Etampes;
Troussey, peintre, fbg Cauchoise ; G™» Angrand, rue Cauchoise.
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-302 -
CHAPITRE TREIZIÈME
Real succède à ^aint-Amand à Rouen.— Fin de la mission Legendre, Lonchet et Lacroix.
— Prise de Toulon ; la blanchisseuse de Léon Le Yavassenr. — Saint-Ouen réservé
au culte ; le curé Selot. — Cloches et clochers ~ Protestants. — Instituteurs et
institutrices. — Baillv, de Forges.— L huissier Jugletetle président Legendre —
Employés de la Douane. — Les Sociétés populaires de Sottevill % Elbeuf et
Harcourt. - Incidents divers à la Société prpulaire de Rouen — Arrivée de
Guimberteau. — Destruction de la Bourse découverte et envahissement de
rSvéché. — La statue de la Liberté. — Les bruyères de Saint-Julien. — Blanci:e
et les prêtres, les nobles, les charlatans et les filles publiques. — Blanche contre
Lemaire-Ternantes ; autres médecins de Rouen. — L'hospice général. — Les
Rouennais et le procès des hébertistes. — Siblot à la Société populaire; ses
excitations et ses menaces. — Il y fait une émouvante enquête. — Révélations —
Chouio, Thierry, Bouvet, Thieullen, Perrin, Daupeley, etc., épurés. — Les
destitutions du 30 germinal.
I
Le départ do Galbois Saint-Amand et sans doute celui de
Grenier ramenaient momentanément une tranquillité relative chez
les patriotes aussi bien qu'il diminuait les inquiétudes des contre-'
révolutionnaires.
La commission des subsistances et approvisionnements de la
République donna promptement à son agent un successeur beaucoup
plus calme mais non moins intrigant que lui, et qui devait, quelques
mois après, se retourner comme lui contre les Rouennais. Ce nouvel
agent, Real (1), premier substitut de Tagent national de la commune
de Paris, vint à Rouen vers le 17 nivôse (6 janvier 1794) et rendit
compte aux parisiens, le 18, de sa mission qui avait eu, dit-il, beau-
(!) Pierre-François Real, â{,'é alors de trente-six ans, ex-procureur au Ghâtelet de
Paris, ex-accusateur public au tribunal de la Seine. Le l»"" genninal an II, la commune
de Paris invitait son maire à écrire à Real, encore en mission dans les départements,
d'opter entre cette mission et ses fonctions de substitut. C'était, dit la Biographie des
hommes vivants, de Michaud, un révolutionnaire de beaucoup d'esprit, même d'un
esprit agréable, et qui ne semblait pas appartenir à sa barbare faction, «t II parait qu'il
se fit envoyer en mission à Rouen, parce quc^sa position à Paria allait devenir embarras-
sante ». (Saint-Edme, ouvr. cité, p. 402.)
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r
— 303 —
coup de succès, les autorités ayant seconde ses opérations. Le surplus
de ses instants avait été employé à éclairer Tesprit public (1) ; il
obtint a mention patriotique » du zèle des citoyens Emmanuel et
Louis Osmont, Ez. Desmarest, Clavel, etc. (2)
Real revint à Rouen le l^*" pluviôse (19 février) ; une délibération
du conseil de Paris du 18 nivôse et une lcttre.de Pache exprimaient
l'enthousiasme fraternel des parisiens touchés du soin, de l'activité
et du dévouement avec lesquels les rouennais expédiaient les grains
pour l'approvisionnement de Paris. Enchanté, Pillon, « interprète de
rattachement inviolable voué par les bons citoyens de Rouen pour
leurs bons frères de Paris, donnait à la commune de Paris le baiser
fraternel de Rouen ». (3) Bérard et Desmalis accompagnaient le soir
même Real à la Société populaire où il recevait du président Blanche
une accolade, après avoir indiqué les moyens à l'aide desquels il avait
anéanti l'esprit de division entre deux communes qui concouraient
si efficacement au bonheur public. La Société populaire s'empressait
de faire publier la lettre de Pache et d'envoyer aux Jacobins de Paris
un extrait du procès-verbal de la séance. A partir de ce moment,
ceux de Rouen durent se croire réconciliés avec les Parisiens et h
l'abri d'injustes soupçons. (4) A en juger par les chants qu'il composa
pendant son séjour à Rouen et qu'on y entendait encore après son
retour à Paris dans la Société populaire et dans les fêtes civiques,
les subsistances seules n'avaient pas dû l'occuper. Peut-être
est-ce de cette époque que datent ses relations avec la famille de
Chastenay. (5)
La mission de Legendre, Loruchet et Delacroix, commencée il y
avait plus de six mois, allait bientôt finir.. Avant de rentrer ix Paris,
les trois conventionnels vinrent passer quelques jours au milieu de
(1) Réal ne paraît pas être venu alors dans la Société populaire. Il n'y vint qua son
second voyage.
(2) Moniteur des 20 et 23 niv. an II, pp, 441 et 45:5.
(3) Arch. mpales. Reg. des délibérations.
(4) Arch. du dép». Reg. du district.
(5) Mémoires cités, t. i, pp. 309 et s.
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' ^- 304 —
leurs bons amis de Rouen. (1) On les vit le 15 nivôse à la Société
populaire, où les deux premiers prirent part à une assez vive
discussion concernant les bouchers, dénoncés par un certain
Dumouchel, « boucher de profession et républicain ». Lacroix
proposa de solliciter un décret taxant les bestiaux, vanta la loi du
maximum, bonheur du peuple, et blâma les bouchers qui faisaient
des ventes clandestines. Quanta Legendre, il appuya les propositions
de son collègue par des motifs tirés de ses connaissances particu-
lières sur la boucherie, (2)
A cette question s'en mêlaient d'autres, notamment colle du
suif, de la chandelle et de la tannerie. La chandelle était devenue
si rare qu'on désignait des commissaires pour la distribuer, et que pour
l'épargner on interdisait les billards ainsi que le travail du soir dans
les administrations. Un peu plus tard, en germinal, les tanneurs de
Rouen dénoncent Poret, père de l'agent national, qui continue*
livrer toutes ses peaux à leur confrère Delahaye.
La reprise de Toulon enthousiasme les rouennais qui l'ont fêtée
non seulement le 20 nivôse à la commune (3), mais aussi dès le 6 de
ce môme moi ^ à la Société populaire, où ces sortes de manifestations
sont moins coûteuses. La commune, plus prévoyante qu'on ne se
l'imagine, s'était préoccupée, le 14 nivôse, de savoir dans quelle caisse
elle prendrait les 20,000 livres à dépenser pour célébrer cette victoire.
(1) Legendre et Delacroix ont été investis le 9 nivôse — c'est-à-dire le jour même
où ils renouvelaient les administrations rouennaises — d'une mission spéciale pour
l'établissement du gouvernement révolutionnaire dans la Seine-Inférieure et l'Eure.
(Aulard, Révolution Fmncahe, 1897, p. 64.) Ils n'en parlent nullement le 15 à la Société
populaire. — Louchet était encore avec eux à Rouen, le 17 nivôse. — Les arch. du dép'.
mentionnent l'envoi dans la Seinè-Inférieure, au temps où y étaient déjà Legendre et
autres, de Foumel, député de Lot-et-Garonne, dont le nom ne se rencontre nulle pari
dans les procès- verbaux des diverses administrations.
(2) Le comité do surveillance de Rouen fit incïircérer le 15 floréal, non seulement
Anquetin, boucher, qui avait vendu de la viande au-dessus du maximum, mais'méme
Castel, qui lui avait procuré un appartement pour déposer sa viande. Sur les poursuites
de l'agent national (Poref, le tribunal de police, le 5 floréal, tout en condamnant
Anquetin à 50 1. d'amende, et en déclarant surseoir pour Castel, ordonnait qu'on se
saisirait de leurs personnes.
(3) V. Reg. de l'Hôtel-de-Ville, et Gosselin, revue citée, 1867, p. 107.
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^ 305 -
Le district ne voit pas d'autre moyen que celui de les emprunter
aux bons citoyens. (1)
Pour la Société populaire, l'intérêt de révcncment semble
résider surtout dans ce qu'un rouennais, de quelque notoriété déji').
Le Vavasseur (2), recouvre la liberté par l'entrée des français ;i
Toulon. C'est elle-même qui apprend à Le Vavasseur père que son
fils est vivant et sorti « de son cachot, après quatre mois de
captivité. »
La fête célébrée à cette occasion fut moins solennelle mais plus
bruyante qu'à la commune. Celle-ci vint à la Société populaire,
précédée d'une musique guerrière et « environnée et suivie de sans-
culottes » lesquels mêlaient leurs voix aux clairons pour chanter des
hymnes à la liberté et publier la gloire conquise dans les environs et
sous les murs même de Toulon, cette ville coupable, infâme, qui ca
disparaître pour faire pince à la ville et au port de la Montagne, (3)
On entend un discours du président (Blanche) et la citoyenne
Leblond, « qui demeure rue du Mans, n® 22 », chante un hymne de
victoire (4).
La municipalité, le district, le département et le comité de
surveillance s'occupent do déterminer le nombre des temples qui
resteront consacrés au culte catholique. Chacune de ces administra-
tions a ses visées et il en résulte parfois de singuliers malentendus.
(1) M. Gosselin attribue à tort cette réponse au département et la cause de l'em-
prunt à la fôte anniversaire de la mort de Louis XVI.
(2) Léon Le Vavasseur, fils d'un ex-juge consul et échevin de Rouen et d'une
Debonne, était alors âgé de trente-un ans. Membre de la Société, il lui écrivait de Paris
lorsqu'il était membre de la Législative. — En pluviôse, il donne à son père, qui les
communique à la Société, des détails sur les atrocités commises par les Anglais avant
leur fniie de Toulon et mentionnant les traits patriotiques d'une citoyenne, sa blan-
chisseuse, que la Société félicita ainsi que Le Vavasseur lui-même. — Son frère, Ben-
jamin, dont parlent assez longuement les Mémoires de M™« de Chastenay (t. I'r,pp.169et s.)
écrivait aussi, le 1" pluviôse, à la Société, rendant compte des succès français en Corse,
et faisant espérer la destruction prochaine des partisans de Paoli. L'un des deux
1-e Vavasseur envoyait par la poste les lettres de noblesse de son père à la commune
de Rouen, le 18 floréal. Le 26 du même mois, il adresse à la Société une brochure :
Mutius Scevola an camp de Péronne, et prend dans la lettre le titre de chef des
constructions de l'artillerie de la marine.
CS) V. dahs le Moniteur du 13 nivôse, notamment le discours de Barrère au nom du
Comité de Salut public, reprochant à Toulon d'avoir été vénale, anglo-espagnole, etc.
(4) Reg. de la Société populaire.
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1
- 306 —
Sur Tinitiativc prise par le comité, la commune, invitée par le district
à donner son avis, dit qu'un temple suffira et que Tédiâce le plus
convenable est Saint-Ouen.Le département homolo.îrue publiquement
cet avis le surlendemain, et son empressement alarme la commune
qui, dans une séance particulière, provoquée par le maire, exprime
le désir qu il soit différé à Tarrété d'homologation. Toutefois, la
difficulté ne tarde pas à s'aplanir ; le choix de Saint-Ouen est
maintenu et. à la suite d'une pétition de gens qui voudraient voir
attribuer cette église seulement au curé de Saint-Ouen et à son
clergé, la commune, le 13 nivôse, proclame — sauf à ne point l'appli-
quer — que « tout citoyen a le droit d exercer le culte qui lui
convient », et, peu après, sur la demande que font vingt personnes
de la clef do la sacristie et de la faculté de sonner la cloche, passe à
l'ordre du jour. Parmi ces pétitionnaires est le curé constitutionnel de
Saint-Ouen, Antoine Selot, lequel est, à la suite de ses démarches,
le 29 nivôse, écroué à Saint- Yon, tout surpris d'être privé de sa
liberté après avoir embrassé et soutenu avec tant de persévérance
la cause de la Révolution, et pris pour « guide infaillible Robeî-
pierre ». (1)
Tout cela s'est produit après que le bureau permanent de la
Commune, présidé par Pillon, a nommé Jacques Malandrin pour
ouvrir et fermer tous les jours au lever et au coucher du soleil l'église
Saint-Ouen, et pour la garde de tous les effets nationaux existant
dans l'église et le clocher, avec recommandation notamment do
n'obéir qu'aux ordres de la municipalité (2).
La question des cloches, des clochers et des églises sera souvent
l'objet de l'attention des Jacobins. Ainsi, le 2 pluviôse, à la Société
populaire, Lnmine demandera qu'on fasse disparaître tous les clochers
et que les bois et charpentes en sortant soient employés h des tra-
vaux nécessaires au local de la Société (3). L'utilité des cloches —
et, partant, des clochers, — pour avertir di'S incendies, fait remettre
(1) Arch. mpalos. Selot oLtient un certificat de civisme le 13 avril 1793, et prête
serment devant la commune, le 15 brumaire.
(2) Arch. mpales. Reg. du hureau permanent.
(3) Reg. de la Société populaire.
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— 307 —
la décision. Quant aux charpentes, Lamine et Fontaine, au nom de la
Société, en avaient déjà obtenu une partie du département, le 8 fri-
maire, en même temps que Téglise des Carmes était mise h la dispo-
sition de la Société (1). Malgré l'émotion produite dans le public pnr
les bruits de suppression des cloches, bruits contre lesquels la muni-
cipalité avait été obligée de protester, la Commune ordonne le
23 germinal que les cordes des cloches soient rassemblées et mises
à la disposition du ministre de la marine.
Détail à mentionner : Les citoyens professant le culte réformé
peuvent impunément déclarer à la municipalité, le 17 pluviôse, qu'ils
célébreront leur culte dans la ci-devant église de Saint- Vigor (2), à
partir du dimanche suivant. La Commune ne s'émeut point de ce
que les protestants fassent revivre le dimanche. Comme les autres
administrations, elle réserve son indignation pour les catholiques
qui ne substituent pas le décadi au dimanche. Au surplus, les mi-
nistres protestants ne sont pas même astreints à se pourvoir de
certificats de civisme (3).
Les 29 nivôse et !•' pluviôse , la Société populaire reçoit
les instituteurs des écoles - publiques du quartier Martainville,
accompagnés d'élèves des deux sexes. Un de ces jeunes
républicains prononce un discours remerciant la Société d'avoir
assisté à la plantation d'un arbre de la liberté devant les écoles
du u cimetière Saint-Maclou ». Un instituteur annonce qu'il a pris
le nom de Montagne au lieu de celui de Leroy, et dénonce les
citoyennes préposées aux écoles gratuites de Martainville comme
aristocrates et articule des faits : La Société qui, déjà, le 7 nivôse,
a nommé Prudhomme, Carpentier et Letellier, professeurs,
(1) Arch. du dép». Procès- verbaux des séances.
(2) Sur leur demande, le département leur accordait, le 8 juillet 1791, l'église des
Mathurins. En octobre 1793, ils avaient l'église Saint-Lô. Le 22 ventôse an IH, les
citoyens Mordant, Malhérée, Leseigneuret autres déclarèrent à la Commune leur inten-
tion de s'assembler dans la ci-devant église Saint-Vigor, les jours appelés dimanches.
Le 14 vendémiaire an V, les protestants, en grand nombre, demandaient un local con-
venable pour la célébration de leur culte.
(3) La Commune enregistre, le 15 juin 1793, une lettre du district avec copie d'une
autre du ministre de Tintérieur d'après laquelle les ministres prolestants ne doivent
pas être astreints à des certificats de civisme»
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1
- 308 —
Chouin et Noél, du Journal de Rouen, membres d'un comité pour
examiner les candidats instituteurs, « prendra en outre des mesures
générales pour réprimer raristocratie et le modérantisme de tous les
individus préposés à l'enseignement dans cette commune. » Aussi,
les institutrices seront-elles reçues froidement lorsqu'elles deman-
deront des certificats de civisme (27 pluviôse). Après « plusieurs
débats » et sur la motion de Lefebvre-Signol, la Société délibère que
Xepcu de civib-me de ces institutrices sera épuré p«ar un commissariat
ad hoc : Delaporte, Yvernès, Crespin, Fouteier, Quesnel et Lesage.
Yvernès demande qu'on regarde comme suspects les instituteurs
fanatisés, et Lefebvre veut que le jour du décadi les enfants soient
tenus d'accompagner leurs instituteurs et institutrices pour recevoir,
dans le Temple de la Raison, les premières empreintes du répu-
blicanisme. La citoyenne Locquet, maltresse d'école, n'a pas peu
contribué à attirer cette défaveur sur les instituteurs. Ne s'est-elle
pas avisée, avec d autres femmes de la ci-devant paroisse S^int-Paul
de présenter une pétition pour la réouverture de l'église Saint-Paul,
afin qu'on y célèbre le culte catholique! Le district, dit que déjà une
église est ouverte, dont on peut jouir à son aise, et passe à Tordre du
du jour ; mais comme la pétition a été inspirée par le fanatisme, et
qu'il paraît dangereux de laisser à la femme Locquet l'éducation des
enfants auxquels il est facile de faire prendre de bonnes ou de mau-
vaises impressions, il la signale à la commune.
Bailly (1), de la société de Forges, vi^nt chanter à la tribune Je
(I) Harthélcmy-Joseph Hailly, nv en 1746, mort avant octobre 1812. U avait épousé
vers la fin degorminnl an V,M.-A.-G. Prieur» morte à Forges le 3 octobre 1&I2, Ce singulier
personnage est mentionné par M. Ruuquet dabs VHistoire des Eaux de Forges, p. 447448.
Il semble s'être établi libraire-colporteur surtout au moyen des acbats de Vivres
qu'il fit à la vente des bibliothèques d'abbaye et de couvents des environs, notamment
à celle des capucins de Forges qui eut lieu le 25 mai 1791 (Arcb. du départ.). Il fut
arrêté à Xeufcbàtel-en-Bray le 13 août 1798, pour avoir vendu le jour du marché des
écrits tenJant à rétablir la royauté et exciter à la guerre civile, et avoir composé une
pirtie de ces écrits. !)•» Hallieu et Lhommedieu, associés à Gournny, qui avaient impnmé
ces écrits, furent traduits avec lui devant le tribunal criminel de la Seine-Inférieure
(Carel, président), le 27 août 1799. L'écrit colporté était le manifeste du prince de Condé
aux Français. On trouva chezimiliy une Confession générale delà République, dont le \Tai
titre était : Confession dune Grande Dame, une chanson sur l'air du Uéreildupettplf,
plusieurs exemplaires d'une Prédiction pour la fin du XVIII* siècle, tirée du Mirabilis
libery une pièce de vers : La République aux abois, un couplet sur l'air La Bonne
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-300-
la Société, le 29 pluviôse, une chanson patriotique qu'on applaudît.
Les fastidieux examens du civisme des membres de la Société
et dtes fonctionnaires occupent presque tous les inst mts des patriotes,
qui ne se lassent pourtant que de ce qui les en distrait. Ils ont par-
fois des conséquences imprévues. Ainsi, l'huissier Juglet (1) qui, le
26 septembre 1793, s'est vu refuser l'affiliation après « des incul-
pations fortes » de Legendre, président du tribunal criminel, appuyé
par le greffier Paynel et Lemonnier, envoie au bout de trois mois, à
Legendre, une citation devant le juge de paix, en 10,0vX) livres de
donamages-intérêts. Legendre s'en émeut assez pour venir demander
le 21 nivôse (12 janvier 1794), un extrait du refus de la Société.
Les employés de la douane furent toujours traités plus rigou-
Avcnturey le Bref de Pie VI, une Satire nouvelle, commençant par ces mots : Quelle
honrible cahos («iV), une pièce en prose : Malheureux FrançalSj qu'allez-vous faire f
L'acte d'accusation contre Bailly reproduit deux couplets particulièrement incriminés
de la Confession :
J*ai confessé mon arrogance
Et mon opiniâtreté
A vouloir asservir la France
Sous ma dure captivité,
J'ai confessé ma turpitude.
Mon esprit d'irréligion
Et ma criminelle habitude
D'égorger en toute saison.
Je lègue à Siéyès mon génie,
Mon Grand-Livre à mes créanciers.
Aux bourreaux ma philantropie,
Mes exploits aux aventuriers,
Aux Français, l'horrsur de mes crimes,
Mon exemple à tous les tyrans,
La France à ses rois légitimes
Et les remords à mes parents.
Bailly fut condamné à la peine de mort, commuée en celle de la déportation par
suite de l'admission de circonstances atténuantes. Le Bouvier était son avocat. La dé-
cision du tribunal criminel de Rouen fut cassée^ et le tribunal de Beauvais, devant
lequel il fut renvoyé, l'acquitta le 15 mai 1800. Bailly est l'auteur de la Passion de
Bailly ou le Déporté rendu libre (Beauvais, imp* Desjardins), Vei*s sur les mémorables
Joutmées des i8 et iO bnimaire an VIII, au consul Bonaparte, — Babioles du père
Havé, par son successeur Palastre (fantaisie abracadabrante. Palastre est le nom d'un
ex-curé de Boscgeffroy), à Neufchâtel, imprimerie J. Féray,4 p. in-8o, s. n. n. d.(anlV).
Ce dernier écrit est une sorte de prospectus annonçant l'histoire de la sorcellerie dans
le pays de Bi*ay. (Notes de l'auteur),
(l) Juglet, avant la révolution premier huissier à la vicomte de l'Eau, avait été
nommé huissier du tribunal criminel le 20 février 1792, en remplacement d'Avenel. Il
parait avoir été détenu à Paris en floréal an II (Arch. du départ. Reg. du distrj
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- 310 —
rcuseraent parce que leur chef, Portier (1) s'était montré favorable
aux démonstrations royalistes de M. dcLiancourt. Huit d'entre eux,
interrogés le 13 nivôse, déclarent que dans les bureaux on a lu le
Journal de Peviet et VIndicateur, qu'on y était abonné à la
Chronique, mais ils ont soin d'ajouter que lorsqu'on disait du mal
des Sociétés populaires on ne voulait pas l'entendre L'un d'eux
est vivement pressé par le président (Lenormand) de dénoncer ceux
qui ont t;înu des propos anti- républicains : « Auras-tu le courage
de les nommer dans un comité ? Je t'observe que la dénonciation
est une vertu lorsqu'il s'agit de contre-révolutionnaires. »
A propos de l'affiliation de la Société — naissante, mais
patriote — de Sotteville, à la Société populaire de Rouen, Lemon-
nier et Licquet, qui ont la vertu vantée par leur frère Lenormand,
rapportent que le maire (Brunel) (2) et le curé (Joly) (3) de cette
(1) Henri-Jean L3 Portier, cinquante ans, ex-directeur des fermes, à Rouen, rue
des Charettes, 106. La Commune lui refusa un certificat de civisme le 26 février 1793.
On voulut l'arrêter dés le 31 août 1793, en vertu d'un ordre du comité de Salut public,
mais sa sœur, la citoyenne Lemaître, le dit absent quoiqu'il fut chez lui. Le 15 frimaire,
une fille Motte, couturière, dénonçait Osmont, neveu de Le Portier, résidant chez celui-
ci, comme un aristocrate enragé, et Le Portier lui-même. Ce Osmont était en bru-
maire an m inspecteur des vivres et fourrages à larmée du midi. Le 23 germinal an II,
Le Portier fut arrêté, conduit à Saint- Yon, après que Blanche lui eut fait subir un
mterrogatoire dont de piquants exraits sont dans l'un des rapports de la commission
thermidorienne contre les terroristes. Le Portier fut mis en liberté par arrêté du
Comité de Sûreté générale du 14 brumaire an III. Des notes de police le mentionnent
comme ayant passé pour être le caissier de l'armée royale en Normandie, et comme
ayant logé le vicomte de Chamhray, général démissionnaire de cette armée. Il avait
déclaré que son cœur et son âme étaient au roi et à la Camille royale. On le dit domi-
cilié à Paris en l'an VII. — M. de Chambray était détenu à Rouen, par ordre d'AUan,
juge de paix, le 7 sept. 4796, et mis en liberté le 15 nov. suivant par ordre d'Aroux,
directeur du jury. — Arrêté de nouveau et conduit à Caen pour y être jugé, il fut délivTé
en chemin par M. de Mauduit, à la tête d'une troupe de trente à quarcmte hommes, dont
quelques uns étaient masqués, le 31 décembre 1796. Un de ceux qui avalent facilité
cette évasion, Jean Duflos, âgé de dijç-neuf ans, fut détenu à Rouen, (28 août 1798) et
traduit devant le tribunal criminel. Une lettre de Delaistre, commissaire du directoire
exécutif au clép', du 17 nov. 1798, donne le signalement de M. de Chambray, qu'il qua-
lifie d émigré, et de chef du conseil des Chouans. (Arch. mpales et notes de l'auteur).
(2) Brunel parvint à s'enfuir.
(3) Le curé constitutionnel Joly était venu demander au district (26 ventôse) s'il
pouvait, comme ministre du culte catholique, recommander le pape dans ses prières,
BU prône, y annoncer les fêtes chômées dans le culte catholique et, sans blesser les lois
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— 311 —
commune, s'étaient ligués pour fanatiser le peuple, et chantaient le
Te Deum pendant que les patriotes chantaient des hymnes patrioti-
ques. Le curé a même dans un prône invité à prier pour le « ci-devant
père le pape ». Or, le maire a l'impudence de se présenter à la
séance de la Société de Rouen avec son écharpe, qu'on lui fait ôter.
Comme il semble vouloir dénoncer le district et le département pour
n'avoir pas fourni des effets d'équipement, un membre le dénonce à
son tour comme aristocrate et fanatique. Un citoyen Courtois, qui
raccompagne, est d'abord arrêté avec lui puis seul relâché. Le maire
est conduit par un groupe de patriotes rouennais au comité de
surveillance.
Si la Société populaire de Sotteville a conquis immédiatement
les sympathies de celle de Rouen, il n'en est pas de même pour la
société d'Elbeuf. Les rouennais, pénétrés du « peu de patriotisme ou
pour mieux dire de l'aristocratie et du fanatisme existant dans la
Commune d'Elbeuf », en font un rapport au district qui avisera.
— La Société de Rouen étend sa sollicitude jusqu'aux communes
de TEure. Pont-de-l'Arche, qu'un de ses habitants vient dénoncer,
a des administrateurs pour la plupart aristocrates et fanatiques.
Yvernès est délégué pour aider ce bon citoyen dans la rédaction par
écrit de sa dénonciation (15 ventôse). La Société d'Harcourt, elle,
s'avise d'î demander à être affiliée, s'appuyant d'un certificat de celle
de Bernay attestant qu'elle en est digne. Cela fournit l'occasion de
s'occuper du département de l'Eure : « De tous les départements de
républicaines, faire le catéchisme aux enfants. Vu que le curé ne pouvait ignorer que
le pape est un des ennemis les plus cruels de la République, qu'il a fait assassiner ou
laissé impuni Tassassinat de l'ambassadeur de la République, qu'il recèle dans ses Etats,
que ses devanciers ont usurpés par fourberie et conservés par le fanatisme du peuple
romain, les parents et amis du dernier monstre qui a régné sur la France abusée,
— le district décide que cette demande du curé est une insulte à la majorité
du peuple français et un attentat contre la Constitution. Il renvoie l'abbé .Toly devant
l'accusateur public du tribunal criminel. Un tableau le concernant porte qu'il fut détenu
à Saint-Lô, depuis le 16 pluviôse an II, par ordre du Comité de Sotteville, puis à Saint-
Yon par ordre du comité de sûreté générale : a Caractère indéfinissable, ennemi des
autorités constituées, se cachant toujours sous le masque du patriotisme. 54 ans.
Ayant un enfant d'adoption âgé de douze ans, que nous croyons le sien.» (Note du tableau.)
On incrimine ses relations avec Gady de la Vigne, Tiphaigne et Hébert fils, de Rouen.
Le 3 pluviôse, le district avait invité Poret, agent national, à dénoncer le curé de
Sotteville au comité de sûreté générale. (Arch. mpales et du dép«. Reg. des séances et
de corresp. du district.)
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— 312 —
la République, il n'en est pas un qui se soit montré plus fédéraliste
et plus difficile à ramener aux principes sacrés de notre sainte
libertti »). Un rouennais remarque « avec raison, qu'il est étonnant
que 1.1 Société populaire d'Harcourt n'ait pas engagé sa commune à
changer de nom et qu'elle porte toujours celui d'excécrables scélérats
qui. dans ce moment- ci, sont armés du fer et du feu pour détruire
leur patrie » (1). On écrit aux frères de Bernay pour avoir des ren-
seignements positifs. Ces renseignements furent satisfaisants. Ils
vinrent un peu tard, cependant ; ce fut seulement le 13 thermidor
que Ton apprit de Bernay que la Société populaire du Champ Social
— ci-devant Harcourt — était dans les bons principes. En consé-
quence, on l'affilia.
D'autres épisodes émaillent les séances de la Société populaire
en nivôse, pluviôse et ventôse: Choin prend à partie Blanche qui
préside, sous le prétexte qu'il n'eût pas dû répondre à des réclama-
tions contre le procès-verbal. Blanche, piqué, riposte. La séance
devient tumultueuse. On adopte l'ordre du jour contre Choin, qui
sentira bientôt ce qu'il en coûte de s'attaquer à une sommité
jacobine (30 nivôse). On ne peut pas être plus utopiste que la Société:
n'admet-elle pas comme une mesure réunissant le mérite de la
promptitude et de l'efficacité, pour faire disparaître « les lambeaux
fit Cela ne vise pas le dernier seigneur féodal d'Harcourt, qui était un Noailles,
pî-imi' île Poix» mais bien le duc d'Harcourt, ex -gouverneur de Normandie, passé en
A ii^li iiiiTr, ou le marquis d'Harcourt-Beuvron. Celui-ci avait été outrageusement attaqué
\aiT h' |>sviido Jouimal de la Cour et du Palais où l'on trouve cet avis injurieux: t Départ
ih^ imvires; Le navire le Marquis d'Harcourt^ capitaine d'Osmont, chargé de mépris et
lir rot] Illusion, partira instamment pour Harcourt. > (V. Bibl. mpale, coll. Leber). — Les
liK'uivi' rations successives de la famille de Chaumontel, dont j'ai parlé au chap. IV*,
vleiiiu'Ul ^principalement de ce que Julien de Chaumontel lils avait • transporté sur sa
rr< 4^àti' trn Angleterre les ci-devant ducs d'Harcourt et Caylus, ex-évéque de Bayeux >.
{,Vivh. diiclépt.) a llarcourt-Beuvron (Anne-François) et Marie- Cath. Rouillé, son épouse,
dmiruruiH à Amiens, rue dos Sergents », furent arrêtés et emprisonnés à la Providence
fï Aniline, le 2 novembre 1793, puis transférés en leur demeure le 16 avril 1794.
M'i^^ a lluri'ourt, née d'Harcourt, entrée en même temps à la Providence, fut conduite à
l'IiMiiiLil l(j! 23 avril 179i. Ses deux filles, l'une âgée de onze ans. arrêtées avec elle,
fuii'iil tuiles l'une à l'hôpital et l'autre en liberté le 23 avril. M""» de Boisgelin, née
irU'ii rouit, arrêtée aussi à Amiens le 2 novembre, fut transférée à. son domicile Je
lt5 x\\ 1^1 ► [Liarsy. Souvenirs de la Hévotulion en Picardie, p. 215). Le conventionnel .4ndré
h Jtit invoqua notamment ces arrestations pour obtenir une mention honorable de
l(i Guijvtji^tion le 14 brumaire an II (Moniteur du 15 brum. p. 184.)
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-313 -
de la mendicité », une proposition de porter à l'instant à la Commune
un extrait de son procès-verbal du 6 pluviôse ! — Le 7, elle rem-
place sa bannière par une, autre sur laquelle il y aura d'un côté :
Société populaire et républicaine de Rouen, et de l'autre : Nous
sommes V effroi des tyrans (1). Peut-être voulut-elle par cette
manifestation célébrer l'anniversaire de la mort du tyran, fête pour
laquelle elle avait, le 5 pluviôse, décidé de se joindre à la Com-
mune.
Peu après, elle adopte un nouveau modèle de diplôme en tête
duc|uel seront les mots : Société populaire, républicaine et régénérée.
Lamine et Dèlamare, en désaccord, se réconcilient et s'embrassent
fraternellement en pleine séance. Descroizilles, envoyé dans l'arron-
de Dieppe avec une mission pour lequel il lui faut un citoyen instruit
dans le calcul et sachant Tortographe, s'adresse à la Société. On lui
donne d'abord Blanche et Hébert pour coopérateurs, puis Duhamel
est choisi pour remplir le poste du (( citoyen instruit » ; mais on a
un mémoire de Descroizilles dans lequel on dit qu'il se trouve des
idées de fanatisme et Legendre et Lefebvre devront l'examiner.
La Société, s'intéressant au sort du frère de Verton, qui vient d'ôtre*
écroué à Saint- Yon, écrit en sa faveur à Siblot. Après avoir chargé
Lamine d'une adresse à la Convention sur labolition de l'esclavage
(6 ventôse), la Société s'entend proposer de réunir tous les hommes
de couleur qui seraient à Rouen, pour être conduits au temple de la
Raison, où, en face de cette divinité, ils puissent être embrassés par
les vrais amis de la liberté. La Commune, informée, les réunira le
décadi prochain. Lefebvre-Signol indique quelles ont été les
dépouilles du fanatisme. « Les affublements de ces fanatiques
idolâtre sont produit jusqu'à présent, en lingots, 1,860 marcs 4 onces
d'argent qui serviront à donner la danse à ces vils tirans coalisés. »
Ce qu'on a vendu a produit 40,171 1. 9 s. D'autres effets ont été
remis à Lamine pour embellir le temple de la Raison. Tout le linge
est réservé pour les hôpitaux, et des morceaux d'étoffe et doublure
sortis des ornements livrés aux tailleurs pour les convertir en habits,
(i) Cette inscription existait déjà sur la bannière le 10 frimaire. — V. procès- verbal
de la fête de ce Jour. (Reg. des délibérations de la municipalité)s
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— 314 -
guêtres et autres équipements. Une dénonciation, celle-là utile, si
elle avait eu chance d'être écoutée et d'aboutir, est apportée le 7 plu-
viôse : Elle a pour objet un abus consistant en ce qu'il a été vendu
à la République cent chevaux venant de Bus, par le prix de mille
livres et au-dessous. Quatorze chevaux seulement ont été reçus. Les
autres ont été rejetés et revendus 30, 35 et 40 livres ! Sur le champ,
une voix s'élève pour réfuter cette dénonciation et pour établir que
c'est à la perte du fournisseur et non de la Nation que les chevaux
ont été revendus. Cela ne suffit pas à convaincre la Société qui
renvoie les faits à l'exàmen de trois de ses membres.
La Société est sous le coup d une très vive émotion, le 19 plu-
viôse (7 février 1794). Le député Lecomte et le département ont
essayé d'obtenir de la commission des subsistances la rectification
d une erreur funeste qui s'est glissée dans le tableau de la population
de la Seine-Inférieure qui est en réalité de six cent et quelques
millier? d'habitants, tandis que le travail d approvisionnement est
basé sûr 400,000 âmes. Or, quoique le département ait envoyé un
nouveau tableau, et que Real et Poret aient éclairé la commission, il
faut que les députés volent à Paris pour y faire entendre à la
Convention le cri de 600,000 individus victimes d'une erreur. Licquet
est le premier nommé des vingt-cinq membres de cette dépu-
tation.
Ensuite, on reprend la série interminable des scrutins épura-
toiresen regardant comme républicains une quarantaine des membres
de la Société parmi lesquels Blanche, Berry, Denise, Delihu, Frey,
Poret, Pillon, Lamine, Guillet, Havard, Pouchet-Maugendre,
Grandin, etc. Grouard est expulsé, puis bientôt rappelé,
Haraneder est encore très vivement discuté . Le règlement
de la Société, si souvent abordé, est enfin terminé par une
une commission composée de Lepiller, Debonne, Angerville,
Lezurier, Roumy, Athanase Taillet, Vieillot l'alné, Thillaye,
Desbordes, Tamelier et Desmalis. Le 15 pluviôse, à propos du dis-
cours de Barrère sur la trêve proposée par les tyrans coalisés, la
société et les tribunes jurent de ne jamais parler de paix tant que
les ennemis n'auront pas mis bas les armes, et que les tyrans n'auront
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— 315 —
pas délivré la terre de leur présence (1). tJn des poètes de la Société
improvise un quatrain qui sera joint au serment :
Destructeurs des humains, cruels anthropophages,
Vous restez sur le trône et demandez la paix.
Vous nous tendez un piège ; il nous faut d'autres gages,
Rois et républicains ne s'accordent jamais.
Le 18, on décide d'adjoindre le drapeau Suisse au drapeau
tricolore de la salle des séances. Un membre ayant exprimé le vœu
que la Société s'intéressât au sort du généreux Margarot, président
de la Convention d'Ecosse, qui vient d'être condamné en quatorze
ans de déportation, crime dont s'est souillé le gouvernement anglais,
son nom sera inscrit an pied des drapeaux. On ne voit pas bien en
quoi cela peut améliorer le sort de Margarot. Cette manifestation
peut bien autant être dirigée contre Pitt, qu'être faite en souvenir
des liens qui rattachaient les loges franc-maçonniques rouennaises
aux Ecossais (2).
Le procès-verbal de la séance de la Société, du 22 pluviôse,
mentionne l'arrivée d'un conventionnel : « Le citoyen et républicain
Guimberteau (3) est son nom ; il monte à la place où le président
(Lefebvre-Signol), occupe le fauteuil. Arrivé à ses côtés, il dit :
« Patriotes républicains, je suis un bon et bon b. .., un bon répu-
blicain. La Convention m envoie dans vos murs. C'est pour la
troisième fois qu'elle m'envoie en commission. Disposez de moi.
Sévère, je mettrai la sévérité et la justice à l'ordre du jour ». Il
donne au président l'accolade fraternelle, les cris de : Vive
la République \ retentissent. Guimberteau et son compagnon
(1) Licquet a remanié cette partie du procés-verbal, destinée à la Convention.
(2) Le Moniteur du 7 pluviôse, p. 510, col. l^», contient des détails sur le procès de
Maurice Margarot, et une lettre de celui-ci, au lord grand justicier d'Ecosse. Margarot
était accusé de pratiques séditieuses.
(3) Jean Guimberteau, ex-juge au tribunal d'Angoulême, député de la Charente
(et non de la Charente-Inférieure, comme le dit une note des Mémoires de M"»* de
Chastenay, 1. 1, p. 107). « Il est encore de ceux dont la bienveillance parfaite mérite de
notre part un étemel souvenir. Il avait débuté à la Société populaire par un gros juron
bien sonore, en protestant qu'il était bon enfant >. (M»« de Chastenay, t. I, p. 197).
< Il alla à Rouen, fit sa société de Godebin, Poret, Lamine, la terreur du pays, s'occupa
de la remonte des chevaux, d'arrestation de suspects, et fit consacrer à la Raison les
églises, renversa, les croix et tout ce qu'il appelait hocheto de superstition ». (Robert,
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- 316 -
Roulhière, commissaire- ordonnateur des guerres. Ce dernier est
tellement touché de reconnaissance, qu'il prononce ces simples pa-
roles : « Citoyens, quand on sent bien, on ne peut rien dire. »
Guimberteau fait hommage h la Société du procès-verbal des séan-
ces tenues dans la ci-devant cathédrale de Blois pour l'épuration des
autorités constituées et sort en promettant de revenir tous les soirs.
Il semble n'être pas revenu les jours suivants ; mais le 26
pluviôse « le montagnard Guimberteau arrive : Vive la République î
vivo la Montagne ! Voilà son bonjour. » Il prononce un discours :
Frères et amis, — je me présente comme un frère; je n'ai pas le costame
d*uD représentant, et comme frère, je resterai parmi vous. Les tyrans coalisés
ne pourront rien contre nous si l'union existe. Je n*ai pu venir ces jours
derniers, j*ai trouvé beaucoup d'ouvrage et j'ai travaillé jour et nuit. Néan-
moins, je suis à voire service Je comptais n'être que six décades ; je sais,
frères et amis, au comble de mes désirs, la Convention m'a envoyé ce jour,
un décret et je resterai trois mois. — Je n'ai pas les pouvoirs peur le ciTil ;
JQ suis pour Tencadrement des troupes. Siblot, mon collègue, est chargé de
l'épuration. Je n'ai pas de pouvoir ad hoc. Néanmoins, soyez sûr que voilà
un républicain, et je vous rendrai service.
II
dépendant certains gros projets germaient depuis longtemps
déjà, pour Taccomplissement desquels la Commune et la Société
populaire avaient besoin au moins de la complicité silencieuse des
administrations supérieures de Rouen, et surtout de Tassentimeot
Vie politique de» Députés), Guimberteau venait de Tours, d'où il avait été rappelé
malgré ses efforts pour s'y maintenir, à la suite de la destitution, par lui prononcée,
des membres du Comité de surveillance de cette ville, tous hoinmes des plus Yévolu-
tioiinaires. {Moniteur du 27 brumaire, an II, p. 232, col. 2). Il y était encore le 14 nivôse.
Taine, t. IV, p. 279, n. 2, mentionne des mandats acquittant des dépenses de galanterie
(le Guimberteau, a Blois. Guimberteau remplaçait à l'armée des côtes de Cherbourg,
non pas Alquier, mais Guillemardet, député de Saône-et-Loire, envoyé à Versailles.
L'arrêté qui l'envoie à Rouen est du 16 frimaire, d'après M. Âulard, {La Révolution
Française), et du 6 frimaire, d'après le procés-verbal de la séance du 22 pluviôse, du
département où Guimberteau avec Rouhiére, Desmalis et Godebin se présenta et
donna le baiser fraternel à tous les membres du bureau. Il visita les Sociétés popu-
laires des environs de Rouen, notamment le 20 floréal, celle de Mont-aux-Maliides).
Peut-être y renoontra-t-il Taschereau ou la femme de celui-ci. (V. ci-aprés chap. xiv*).
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tacite des repré'îentants du peuple. Ils no lui firent pas défaut. Le
district et le département n'étaient guère redoutés, et le départe-
ment, s'il désapprouva, ne réprima nullement. La bonhomie affectée
de Guimberttîau et le passé de Siblot avaient donné de Tassurance
aux jacobins rouennais.
La destruction de la Bourse découverte, dont il ne fut jamais
ouvertement question à la Société populaire, eut lieu le 8 ventôse.
Elle a été racontée (1). Il resterait peut-être à préciser quelles furent
les vraies causes de cet acte de vandalisme. L'arrêté de la Commune,
du 7 ventôse, que la municipalité d'alors avait falsifié ne pouvant
le supprimer, décide que la Bourse découverte, parce qu'elle rappelle
le souvenir des anciens privilèges, et que le local de la Bourse^fut
longtemps souillé par les accapareurs et les vils agioteurs, sera
rasée. Le fait était donc imputable à la Commune, entraînée, dit-on
plus tard, par Pillon et Poret, auxquels s'était adjoint Guyet, et ne
pouvait être attribué à un élan spontané et général, comme s'étaient
empressés de le dire les montagnards rouennais.
Ceux-ci nourrissaient contre les gens qui fréquentaient cet
établissement consacré au commerce et à la finance une haino
invétérée qui avait fini par englober l'établissement lui-même.
L'année précédente, la municipalité s'était montrée peu empressée à
rembourser au tribunal de commerce les frais d'entretien de la
bourse découverte, dont ce tribunal venait de demander vainement le
paiement au ministre de la marine. (2) Il s'y tenait des conciliabules
contrerévolutionnaires. C'était là que Laugeux, installé avec une
table, avait recueilli les signatures des pétitions qui, lors de la
scission de la Société populaire de Rouen avec les Jacobins, après
les orages fédéralistes, avaient provoqué la désorganisation des
AmÎH de V égalité, (3) Le 13 nivôse, à propos du civisme d'un employé
des douanes, un membre de la Société dit qu'il est d'une société de
républicains à la Bourse. (4)
(1) M. "Wallon, ouvr. cité.
(2) Procès-verbal de la séance de la Conm)une du 16 mai 1793.
(3) Arch. municipales.
(4) Reg. de la Société populaire.
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- 318 -
Dans sa séance du soir du 8 ventôse, après la destruction, la
Société entend un de ses membres lui parler avec énergie des
intrigants, malveillants, égoïstes et accapareurs. Elle décide de péti-
tionner à la Convention pour demander la suppression des courtiers
de marchandises dans toutes les communes. Six commissaires sont
chargés de rédiger la requête : trois pris dans la Commun^*, trois
daiis la Société populaire : Yvernès, Payenncvillc, Dcsmaret père,
Lefebvre, Blanche et Thierry.
Le Journal de Rouen voulut bien contribuer à mettre hors de
cause la commune do Rouen en mentionnant la plantation d'un
arbre de la liberté, lo 13 ventes^, « sur la place qu'on appelait
» Bourse, et qui avait été détruite et rendue à l'égalité par le zèle
» des citoyens du 9* bataillon. » Noél publiait on même temps trois
couplets pleins d'entrain, célébrant la disparition de la Bourse. (1)
Coïncidence singulière. C'est au moment même où s'exécute
ranéantissoment de la Bourse que la Société populaire médite la
réalisation d'un autre dessein non moins révolutionnaire, non moins
illégal.
Le soir même du jour « où les arbres altiers de la finance » sont
tombés sous la hache républicaine et où disparaissent les grilles de
la Bourse, la Société est tout à la joie.
Des flambeaux et des ho^^mes dt?s garde anno cent un collège. Toale
l'assemblée voit eniror, avf c surprise et .snlisfaclion, une figure voilée sur
an brancard que portent plusieurs citoyens. An milieu de la Société, on )a
découvre. A ces traits divins, on reconnaît la Liberté et, mille fois répété?,
de longs applaudissements s« font entendra. — Un citoyen des tribunes
nommé Lefebvre prononce un discours servant de programma (?) et frappé
au coin du plus pur comme du plus véhément républicanisme. Il anoooco
que cette statue est le modèle que le citoyen Calamard (2) propose à )a
(i) Numéro du 14 ventôse an II, p. 2H.
(2) Callamar était alors âgé de dix-huit ans et demeurait à Rouen, rue de la Tuile.
Sur sa dénonciation, le 24 prairial, le Comité de surveillance fit arrêter Donati,
quarante-cinq ans, figuriste, né à Luc-en-Toscane, résidant en France depuis 1768, à
Rouen depuis 1789, pour avoir dit, à propos de la statue, qu'il était allé chez un sculpteur,
qu'il se f.., du décret défendant aux mouleurs de surmouler les modèles des sculpteurs.
Donati soutenait avoir dit qu'il se f... des sculpteurs et non du décret. Le 13 pluvio^
il faisait don à la Société populaire de deux médailles d'argent, prix par lui
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- 349 —
Société et sar leqnel \\ ^oil faire l'exécution en pierre dans les proportions
et sar la place qui seront déterminées.
A ce sujet, la Société prend le même jour diverses résolutions
dont Tune nomme Laumonier (Lemonnier?) Lefebvre-Signol,
Rupalley, Fontaine, Blachcr et Yvernès pour, avec Calamard,
choisir un local où la statue sera transportée pour la soumettre à la
aw censure publique. Dès le lendemin, la statue est déposée ci-devant
archevêché, où elle sera visible de dix heures du matin à deux
heures après m-idi. Le citoyen Lenormand fut autorisé, sur sa
demande, le 21 ventôse, à faire effacer les peintures fastueuses
existant sur les vitrages du local où la statue devait être exposée
aux regards des artistes.
Assurément, ce choix n'est point inspiré par le seul souci' de
faciliter aux patriotes la vue du modèle de la statue de la Liberté.
'C'est essentiellement l'une des dispositions prises pour l'appré-
hension imminente de l'archevêché, et surtout de la salle des Etats,
si commode pour y tenir les séances publiques d'une administration
qui désire des auditeurs. Depuis les assemblés provinciales, il y a eu
là bien des réunions ou le clergé n'était pour rien. C'est là, notam-
ment, que le mercredi 10 octobre 1791, les Amis de la Constitution
ont donné, en l'honneur de la pren^ière législature, c est-à-dire de
MM. Thouret, « l'un des plus illustres fondateurs de la liberté
française » Fontenay, Lefort et un député d'Evreux, un banquet de
deux cents couvert/? C'est alors que (( ce lieu où Ion discutait jadis,
comment on riverait les fers du peuple », fut purifié par de nom-
breuses libations en l'honneur de la Nation, delà Constitution et des
progrès de Tespri t public chez tous les peuples de la terre. Des cou plets
de Lenormand et (Je Lefebvre, puis d'autres du jeune Bignon a dignes
reçus de la ci-devant académie de Paris. Une commission spéciale de la Société
populaire avait trouvé (5 germinal), dans l'œuvre de Callamar, de véritables beautés,
quoiqu'elle n'eût pas su réunir la perfection de dessin et le caractère con-
venable, surtout si elle eut été élevée à la haute position indiquée au
programme. Le rapporteur du Comité d'instruction publique de la Commune,
Thiesnié, confirmait cette appréciation le 9 floréal. On avait décidé d'ouvrir
un concours pour la statue, puis on accorda une indemnité à Callamard. lu
peu plus lard on jugeait son modèle inexécutable.
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1
^ 320 -
de la gai té française » y ont été chantés (1). C'est là aussi que le jour
de la fédération, le 14 juillet 1792, en présence de M. de Liancourt,
ont vie dits d'autres couplets parmi lesquels ceux-ci :
Que cet anniversaire
A de charmes pour nos cœurs.
Liberté qui m'est chère,
Tu promets mille douceurs.
Il faudrait être de marbre
Et n'avoir point de paitc
Pour ne point danser à l'arbre (bis)
A l'arbre de la Liberté (2).
Là encore, le 23 du mémo mois de juillet, eut lieu le banquet
toujours avec couplets et toasts, des Amis de la Constitution (3),
quï, bientôt, devaient changer de nom. . .
C'est de la Société populaire, c'est du Comité d'instruction
publique, c'est-à-dire des Lamine, des Bérard, des Blanche, qu'est
parti << Télnn » qui a entraîné la Commune h l'évôchô.
Le choix suggestif du local où est exposée la statue est bientôt
suivi (fun rapport fait au conseil général de la Commune par le
Comité d'instruction publique, le 11 ventôse, rapport dont Bérard,
meml>re de ce comité, parle à la séance de la Société, du 13, et qui
a pour objet « la nécessité absolue, pour la Commune, de changer
son local actuel, et l'avantage public qui résultera d'aller occuper le
ci-d(?vant évêché ». La Société n'est pas moins que Bérard pénétrée
tf des idées infiniment justes du plan fortement conçu et bien
exprimé, adopté par la Commune ». Aussi arrête-t-elle de faire « tout
son possible tant auprès du département que de la Convention pour
Texécution de ce plan ».
Les choses, néanmoins, n'avançaient guère, et paraissaient
rentres au même point, la réalisation du projet étant suspendue par
des liésiitations compréhensibles ou par la distribution des rôles dans
la pièce nouvelle qu'on se sent réduit à jouer, lorsque le 23 ventôse,
il i Jiiumal de Rouen du 20 octobre 1791.
ril Id. du 21 juillet 1792.
[3^ Id. du 28 juillet 1792.
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— 321 —
Blanche, impatient et agité, depuis près d'une semaine très fréquem-
ment à la tribune de la Société, y proposa une pétition au conseil
général de la Commune pour l'engager à aller s'installer et tenir ses
séances dès le lendemain au ci-devant évêché : a Des magistrats
nommés par le peuple, à la hauteur de la Révolution, travaillant
sans cesse pour le bonheur du peuple et le maintien de la République
ne pouvaient pas rester plus longtemps dans le local actuel ». Blanche
explique que « la vaste étendue des* appartements procurera au
peuple le moyen d'être témoin des opérations du conseil, de ses
travaux, et de ce qu'il fait pour la chose publique ».
Là où est présentement la Commane, à peine cent cinquante personnes
. peuvent tenir, ces cent cinquante personnes peuvent être toujours les mêmes
qui y viennent, et être des aristocrates qui s'empareraient des places, cher-
cheraient à influeucer les délibôratioos et à priver les bons sans-culoltes
d'assister aux séances. Cet inco'ivétiient n'existera point dans le local en vue,
puisqu'il peut contenir au moins deux mille spectateurs (1), et, par consé-
qaent procurer aux bons sans-culottes l'avantage d'entendre et de voir tout.
Ces paroles de Blanche sont « généralement » (2) appuyées et la
Société délibère qu'elle va se transporter en masse, ayant son prési-
dent (Denise) à sa tête. On part en chantant l'hymne : Guerre aux
tyrans ! et « celle » des Marseillais, et aux cris de Vioe la Répu-
blique et la Montagne! A la Commune, le maire reçoit fraternelle-
ment la Société qui lui fait part de l'objet de sa visite. Il répond que
le Conseil s'en était déjà occupé et cherchait un local assez spacieux
pour que le peuple puisse être témoin de ses travaux et qu'il allait
aviser de suite aux moyens de satisfaire à la démarche do la Société
populaire. Un membre de la Société s'écrie : « Partons à l'instant,
allons occuper un local qui fut trop longtemps souillé parles suppôts
du fanatisme. Qu'il contienne dorénavant le peuple et ses magistrats
qui sont les ministres de la Raison ! Que ce lieu, d où ne sortaient
que des actes marqués du sceau de la bêtise sacerdotale et de la
(i) L'arrêté du dép» du 25 messidor dit que, « déjà la salle du ci-devant évéché
semble avoir été faite d'avance pour les séances publiques de la commune. »
(2) Ce mot a ici un sens restrictif, et indique que l'assentiment ne fut point unanime.
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— 322 —
tyrannie, devienne le sanctuaire des lois, la maison du peuple et le
refuge de l'humanité 1 ))
Le Conseil ne peut résister et part avec la Société en chantant.
On arrive à Tévêché, mais les chambres étant occupées par des
subsistances (1), on n y peut prendre séance. Le maire, assis au
milieu de la cour, ayant devant lui une table et l'inscription : Mort
aux tyrans ! Paix aux chaumières ! Vicre libre ou mourir! Vice
la République une et indivisible et impérissable ! placée en face du
peuple, invite le conseil à se former en cercle, puis reprend la suite
de TafiFaire (arrestation de deux volontaires) qui 1 occupait lors de
l'arrivée de la Société. Le conseil ayant délibéré sur cet objet, le
maire reprend la parole, et accepte de fixer au lendemain, à quatre
heures, la plantation d'un arbre de la liberté sur ce terrain ci-devant
souillé par le fanatisme. Le conseil se rend au local de la Société, où
Pillon prononce un discours enthousiaste qui contraste avec l'appa-
rente hésitation qu'il avait témoigné à larrivée de la Société :
. . .Vous ne pouvez pas inscrire dans les annales de la liberté une fête
plus solennelle que celle-ci. . . Le temps est venu où le génie révolutionnaire
va foire triompher la Républiq^fje ; c'est de celle époque que nos ennemis se
désoleront du concert qui règne parmi nous. Continuons, frères et amis, à
marcher d*un pas égal dans la carrière révolutionnaire. Un traître est par-
venu à tromper le Comité de sûreté générale de la Convention; mais celui-ci,
miiïux éclairé, s'occupera de réparer celte erreur. Ne reconnaissons d'autre
divinité que la vertu. Continuons toujours à foire le bien ; aimons-nous tou-
jours ; soyons de bons frères et amis, et vive lu République!
On avait donc absolument tenu à inaugurer la nouvelle mairie
le 24 ventôse (vendredi 14 mars). La Société et la Commune n'étaient
pas superstitieuses. La fête du lendemain fut pleine d'entrain, sinon
brillante. Avec des danses, des chants patriotiques, le conseil tint
sa séance dans la salle des Etats.
Après le fait accompli, la réflexion vint, et, dès le 27 ventôse,
la Commune voulut que Siblot fut officiellement informé de l'ins-
tallation du Conseil et que toutes les pièces y relatives lui fussent
(1) C'est un détail qui no rêsuUç point du procès-verbal de la Commune.
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- 323 -
adressées. Poret dit même qu'il cram^ qu'il n'ait pas été suffisam-
ment instruit des circonstances de cette affaire. Siblot, par sa
présence à des fêtes au local nouveau, sembla donner a son assenti-
ment » Mais cela ne suffisait point. Les administrations du district et
du département donnèrent en vain des avis favorables, jamais la
Convention, elle, ne ratifia, et un mois à peine s'était écoulé que la
commune était avisée que l'administration provisoire des domaines
nationaux ne pouvait confirmer la prise de possession du ci-devant
évéché et qu'il fallait attendre la décision de la Convention. Cette
première déception ne découragea point la Commune ; elle en
éprouva d'autres qui la contraignirent, après la Terreur, à changer
de local.
Les premiers insuccès de ces essais de régularisation n'avaient
point, au surplus, éveillé de très vifs scrupules chez les Jacobins
rouennais, car le Comité d*^ Surveillance, comme s'il ne doutait pas
du maintien de la Commune à l'évêché, fait publier, le 23 floréal,
qu'il cesse de tenir ses séances rue de la municipalité, pour* les tenir
dans le ci-devant évéché (1). Le bureau municipal avait d'ailleurs
fait exécuter divers travaux d'appropriation, peu coûteux, dont on
retrouve la trace dans les comptes décadaires, notamment la pein-
ture du plafond de la salle des séances du Comité (2).
Entre temps, le 12 ventôse, la Commune, pour accélérer
« l'exploitation » des bruyères Saint -Julien (3), décidée au départe-
(1) Journal de Rouen du 26 floréal. Cet avis est signé Pinel Tainé, ex-président, et
Romy, secrétaire. — Le Comité est Fobjet de toutes sortes de prévenances. Le 6 floréal,
le département invite la Commune à avancer au Comité 10,000 1. pour ses frais de
bureau.
(2) Arch. mpales. Ces travaux paraissent avoir été commencés dès le 25 ventôse.
Le 26 floréal, ordre était donné à l'architecte Bouet, de disposer un local dans la nou-
velle maison commune, rue des Bonnetiers, pour y établir un poste de vingt-cinq
hommes, avec un lit de camp.
(3) Le district n'ayant pas trouvé à louer ces bruyères se disposait, en floréal an III,
à les vendre comme bien national, lorsque la commune de Rouen s'y opposa. Le
7 prairial an V, sur des difficultés qui s'étaient élevées entre le directeur des domaines
nationaux et l'administration municipale de Bouen, le département décida que les
loyers des bruyères Saint-Julien, jusque-là versés dans la caisse communale, con-
tinueraient à y être payés. Il se basait sur ce que la propriété de ces bruyères, reven-
diquée par la commune, ne reposait pas, comme le prétendait le domaine, sur un
arrêt de 1578. Elle remontait plus haut. La concession de 559 acres des bruyères dépen-
dant de la forêt de Rouvray, faite par cet arrêt, avait pour objet le remplacement de
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- 324 ^
ment le 2 frimaire, a arrêté et est venue dire à la Société populaire
que tous les citoyens administrateurs iraient y travailler et que les
membres du conseil général donneraient Texeraple. La Société,
« par ses applaudissements », a prouvé qu'elle ne serait pas la der-
nière à mettre la main à l'œuvre. Le 14, Lamine annonce que l'ou-
verture de la fête des travaux des bruyères aura lieu le 16, par dt»
piques, que de respectables vieillards dirigeront la besogne, dont
seront seuls dispensés les sans-culottes vivant de leur travail.
La fête a lieu le jour fixé. On en a raconté les détails (1).
Jamais, dit un orateur de la Société populaire, jamais l'histoire n'a
tracé un tableau aussi grand, aussi beau, que celui qui s'est présenté
aujourd'hui à tous les yeux ». Le même orateur tint à faire remarquer
la marche rapide de l'esprit public depuis la régénération des
autorités constituées, et que la Société, calomniée « jusque dans le
» sein de sa mère, les Jacobins [de Paris] ( I ) ne méritait pas de tels
» outrages, puisque les Sociétés populaires des environs, qu'elle a
» formées, et qu'elle vivifie autant qu'il est en elle, sont venues en
» masse, leur bannière en tête, se confondre avec les républicains
» de Rouen (2).
Les marchands forains et les habitants du Mont-Blanc vont à la
Commune, le 22 ventôse, ofifrir au conseil un bouquet, et à Pillon,
maire, un fouchet d'honneur, orné de rubans tricolores. Pillon, en
recevant cet ustensile de mauvais présage, proteste que ce n'est pas
à lui, mais au conseil qu'il faut l'offrir. Les citoyennes foraines
apportent le résultat de la collecte (208 livres), pour la cérémonie de
la plantation d'un arbre de la Liberté sur le Champ-de-Foirc. L'une
droits d'usage, pâturage et pacage dont jouissaient les habitants en vertu d'une charte
de Philippe-Auguste de l'an 1207. La concession se trouvait ainsi antérieure à 1566, et
la commune de Rouen n'en pouvait être dépouillée en vertu de la loi du 10 frimaire
an II, dont l'exécution avait été défendue par celle du 22 frimaire an III (Reg. du dép.).
(1) V. M. Gosselin, ouvr. cité. Revue de Noj^iandie, 1867, p. 112.
(2) Ce bel entrain ne fut pas si durable ni si complet qu'on pourrait le croire. Le.s
gens de Belbeuf furent condamnés en police correctionnelle pour avoir troublé les
travaux de Saint-.lulien. On avait mis en réquisition les charrues des habitants de
Saint-Etienne-du-Rouvray qui les refusèrent « par l'effet de l'égoïsme le plus odieux,
préférant défricher leurs propres bruyères »,
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-â2Ô -
d'elles, une jeune citoyenne, prononce « avec cet air touchant que
donne l'innocence », un discours très patriotique au nom des mar-
chands forains.
III
Le nom de TofiBcier de santé. Blanche (1), chirurgien de l'hô-
pital militaire et administrateur du département, reviendra fréquem-
ment dans les procès-verbaux de la Société populaire de cette période,
et il serait injuste de ne pas faire ressortir l'influence qu'il exerça
principalement sur des questions de sa compétence.
Les rapports de la commission de l'an III mettent un remarquable
acharnement à l'accuser ; ils donnent comme un « léger échantillon »
du style épistolaire de ce « caméléon », des extraits d'une lettre par
lui écrite à la Société, et datée du 17 brumaire, de Paris, où il était
allé en mission durant une quinzaine de jours, avec Vernon, Carré et
Denys, oflBciellement pour demander des secours en subsistances (2) ;
ou plutôt, d'après les rapports « et la médisance », obtenir l'envoi
de l'armée révolutionnaire (3), et sans nul doute pour voir « ce qui
se passait à Paris », à la Convention, à la Commune, chez les Jaco-
bins et au tribunal révolutionnaire :
(4) Antoine-Louis Blanche, né à Courgeron (petite pwoisse annexée en 1816 à la
conunune de Pin du Hwas, arr. d'Argentan (Orne), le 23 (et non le 25) décembre 1753,
avait pris le surnom de Duparc. Membre de la Société des Amis de la Constitution dès
juillet 1790, il est mort à Rouen, rue des Bons-Enfants, n» 7, le 3 mars 1816.
(2) Les députés extraordinaires de Rouen obtenaient, le 16 brumaire, un arrêté de
la Commission des subsistances de la République, levant des difficultés survenues au
sujet de réquisitions dans les districts.
(3) A ce moment, il est encore question de cette armée à la Société populaire où,
sur une lettre du Havre, demandant que l'armée soit levée, la Société répond qu'elle est
dans les mêmes sentiments (19 brumaire).
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- 326 -
Hier, écrit Blanche, cinq tètes (1) sont tombées sur l'écbafaud ; il y awt
beaucoup de saDS-culolU*s à cette fêle de la liberté. . .Je puis vous assurer que
les prôires sont à l'agonie. Dieu (2) soit loué I La Bépubliquii sera plutôt
sauvée. L'armée révolutionnaire est partie de ce «natin pour Commune-
Affranchie (3), afin d'y rétablir sur une base immuable les droits de l'homme ..
La Montagne est belle, suivons son exemple.
S. et F. Signé : Blanche.
P,'S. ^ On savonne Houcbard (4) ce matin en attendant le rasoir
national (5).
En ventôse, Blanche rendit plus rigoureuses les règles de
réparation de la Société et des corps constitués. La Société, dit-il,
est l'œil surveillant les administrations et ne doit avoir aucun noble
dans son sein. En conséquence, Rome (6), maire du Mesnil-Raoult,
cesse à l'instant d'être membre de la Société. L'adjudant général la
Morlière se crut obligé de justifier à la Société, dont il était membre,
qu'il n'appartenait pas à la classe nobiliaire, au moyen d'une décla-
ration du « vieux soldat et général » son père, qui faisait connaître
(1) Celles du duc d'Orléans, Coustard, Goudier, Brousse et Laroque. Cet extrait
de la lettre de Blanche ne cite pas de noms, même celui du duc d'Orléans. Mais le
procès-verbal de la Société populaire dit qu'elle annonce que « 5 têtes coupables...
entre autres celle du ci-devant duc d'Orléans ». Dans une liste des biens appartenant
à la famille Capet dressée le 15 thermidor an II, par Pillon, maire. Moulin fils. Carré
et Poret, figure comme étant à Capet, dit Egalité, ci-devant prince, demeurant au ci-
devant Palais-Royal, un grand bâtiment, deux pavillons, cour et jardin, d'un revenu de
200 1., situés à Rouen, rue des Arts, n« 40. Le duc d'Orléans possédait aussi le Mont-
Fortin (Bois-Guillaume), comprenant 21 acres de terre, et qui fut adjugé le 14 vend,
an III, à M. N. Sautelet, par 105,100 l. En floréal an II, l'hospice général de Rouen
achetait pour 1,385 1. de cidres repostés au Mont-Fortin, inventoriés par Denise, le
21 ventôse. (Arch. du départ, et arch. mpales).
(2) Le mot Dieu est souligné.
(3) Lyon.
(4) Le général en chef Houchard, accusé de n'avoir pas dénoncé la trahison de
Custine, avait subi un premier interrogatoire le 15 brumaire ; il fut condamné à mort
le 26.
(5) Huitième section du 3* des rapports contre les terroristes, p. 42.
(6) Arch. mpales* Reg. des délibérationa.
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- 327 -
son origine. « La Société se montre satisfaite de conserver pour
frère un si brave homme ».
Plusieurs orateurs parlent ensuite de l'expulsion des prêtres.
Blanche en montre l'importance et la fait renvoyer au jeudi sui-
vant (1). Cette grande question revient le 30 pluviôse. D'abord on
demande que les prêtres et les déprêtrisés ne soient point admis
dans la Société ; il devait leur suffire d'assister aux séances dans les
tribunes. Dix-sept membres prennent la parole. Les uns veulent
conserver les prêtres qui ont abjuré ; le quatrième dit : a Ne crois
pas que celui qui a été fripon toute sa vie devienne honnête homme I »
Il exige l'expulsion de tous les prêtres en général. Le huitième est
d'avis que ceux de trente à quarante ans se marient et que ceux de
cinquante ans soient exclus. . . La Société délibère que les hommes
qui ont abjuré le cagotage et le. fanatisme soient conservés dans la
Société, et que tous ceux qui ne sont pas déprêtrisés soient exclus et
sur-le-champ tenus de déposer leurs cartes d'entrée ».
Le 19 ventôse, Blanche prononce un discours « plein de vérité
et de raison », signalant les dangers imminents de laisser librement
agir les charlatans et ceux non moins grands de ne pas prêter une
scrupuleuse attention sur les filles — « race également empoison-
neuse ». Blanche a donc conclu : 1® que la commune devait être
invitée à former dans son sein un comité de santé, chargé d'examiner
tous ceux qui exercent Tart de guérir et que ceux qui seraient
reconnus posséder cet art au degré nécessaire à l'humanité fussent
interdits d'en taire usage (2) ; 2<* inviter aussi la commune à surveiller
de très près les femmes publiques. « Des vues aussi humaines ont
reçu l'assentiment de la Société ». La première partie de cette
motion est exprimée par le procès-verbal dans des termes vraisem-
(1) L*intervention de Blanche dans cette question spéciale relative aux prêtres pour-
rait avoir pour cause la situation de François-Jean Blanche , ex-prêtre, habitué à
Notre-Dame, ex-vicaire épiscopal (rue Saint-Gervais, 31) qui, le -16 frimaire avait renoncé
à ses fonctions ecclésiastiques. Jean Blanche se soumet aux lois le 25 fructidor an III.
(Arch. du dép. Reg. du district). Le chirurgien Ant.-Louis Blanche demeure en 1793,
rue Saint-Gervais, 29.
(2) Textuel.
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1
- 328 -
blablement tout à fait opposés à ceux dont se servit son auteur,
quoique Ton connaisse au moins un médecin qui ait fait vers ce
temps-là abjuration publique du charlatanisme professionnel (1).
Peu de jours après, le 26 ventôse, un des confrères de Blanche et
son aîné, Lemaire de Ternantes, comme lui chirurgien-major de la
garde nationale, qu'on épure, est ajourné jusqu'à ce que Blanche
« qui a de grands reproches à lui faire » soit entendu. Un instant
après, Blanche, à la tribune, fait part de ces reproches, dont l'objet
est resté inconnu. Mais Lemaire n'est plus là. Il revient le 28, et, en
pleine séance, Siblot présent, Blanche fait de « grands reproches » à
Lemaire. Celui-ci se disculpe aussi à la tribune. Lambert et Lamine
lui succèdent et font ajourner indéfiniment son épuration.
Lemaire fut emprisonné, et Blanche accusé d avoir fait délibérer
son arrestation, et d'avoir mis a sa sottise chirurgicale à la place des
talents de Lemaire » (2).
L'histoire des médecins et môme de la médecine à Rouen pen-
dant la Révolution fournirait quelques chapitres intéressants, com-
prenant le récit des démarches infructueuses de Lamauve et de
Laumonier pour obtenir les cadavres des « morts des hôpitaux et des
cimetières » (3), et où figureraient avec Blanche et Lemaire, de Ter-
nantes et les autres médecins qui, comme Dieu, Laumonier, Gamare,
Demay, de Plasne, Guyet et autres abrités par des fonctions, échap-
pèrent à de sérieux dangers, ceux qui, non moins connus pour la
plupart, ont été persécutés sous la Terreur. Au nombre de ces der-
niers sont notamment Lepecq de la Clôture (4), Pinard de Bois-
(1) \. la. Révolution française. Un véritable charlatan, Thomas Paumier, né à Rouen,
qui se disait chirurgien-dentiste, privilégié du roi et du comte de Périgord, fut arrêté
le 7 germinal an II, sur le port» s'expliquant et débitant sa marchandise au milieu de la
foule, où l'avaient remarqué Dumazert, administrateur du dépaitement, et les commis-
saires du Comité de Sûreté générale Graine et Malot-Duvergé. Guyet et Poidevin firent
un rapport, qui se retrouve, sur ses drogues. Son arrestation ne parait pas avoir été
maintenue. (Arch. mpales.) On sait que Dumazert était pharmacien.
(2) Antoine Lemaire de Ternantes, chirurgien, âgé alors de 53 ans, demeurant rue
de la Régénération (de la Vicomte), n» 46. Il avait fait partie de la loge les Bons Amis,
dont le vénérable était le fr. • . Anquetin de Beaulieu. Il fut emprisonné le 6 messidor
an II, à Saint- Yon, d'où il sortit le 2 fructidor, après 55 jours d3 détention. Une liste de
détenus porte qu'il ne possédait rien.
(3) Reg. du distr. 12 janv. et 46 avril 1793. Reg. du dépS 27 mars 1793.
(4) V. note, chapitre précédent. Plusieurs lettres de lui se retrouvent dans les
archives du Comité de surveillance.
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— 329 —
Hébert (1), Barentin (2), Bouchard (3), Rouvray d'Aubigny (4),
Balland (5), Rousset (6), Boussy (7), Rouelle (8), Courant (9),
Pelou (10), Joly (11), etLhonoré (12).
(i) A.-G.-B. Pinard, 82 ans et demi, « médecin botaniste », rue de l'Ecole, 23 ; consi-
gné chez lui sous la garde de deux sans-culottes, le 7 prairial an II. Un de ses fils est
marié à une d«"« Boumisien ; un autre (dom Benoit) était religieux trappiste et mourut
dans le Valais le 21 janvier 4794. Deux de ses filles, religieuses insermentées, sont
arrêtées le 7 nivôse an II. M. Pinard avait été Tun de ceux qui, à la séance de l'Acadé-
mie de Rouen du 40 août 4794, refusèrent de prêter le serment civique dont le journa-
liste Milcent donnait l'exemple. Le 27 décembre suivant, M. Pinard était invité à se
rendre au directoire du département pour donner des éclaircissements sur Rudemare,
domestique de M. de Bailleul, arrêté àNeufchâtel. (Arch. mpales et du dép«.)
(2) Joseph-Réné Regniard-Barentin, 39 ans, né à Jacmel (Saint-Domingue), demeu-
rant à Rouen, rue de la Femme-Blanche, maison de la citoyenne Desjardins. Agé de
40 ans, il avait quitté Saint-Domingue où était restée sa mère qui faisait passer à un
commissionnaire du Havre les denrées coloniales de Barentin père. Reçu médecin à
Montpellier en 4788, et agrégé à la faculté de Caen en 1780, il avait exercé à Caen de
4780 à 4790, et s'y était marié à une d«"« Letanneur de laquelle il avait trois enfants. Puis
il s'était fixé à Paris jusqu'en février 4793, et enfin à Rouen où il avait 7 ou 8 malades
à traiter. Le 28 pluviôse an II on le mit à Saint- Lô ; il' en sortit le 4 germinal suivant.
On trouva chez lui un exemplaire du livre incriminé, ofTert par Grenier à la Société
populaire : De la naissance el de la chute des anciennes Républiques, Expulsé de Rouen
le 24 germinal, il y est arrêté lors de la battue du 24 floréal. Après justification de son
civisme, il fut relâché.
(3) Chirurgien, rue Ganterie, 48. Incarcéré le 23 prairial an II pour avoir donné,
malgré les observations à lui faites, le nom du dernier tyran (qu'il fit écrire Capais) à
un enfant né le 43 prairial. Sorti de Saint- Yon le 4 fructidor. C'était le père de Nicolas
Bouchard, ex-curé de Baillolet, déporté.
(4) Inscrit sur la liste des émigrés. Obtint sa radiation le 28 pluviôse an YI. Sa
femme et sa fille furent détenues.
(5) Chirurgien, dentiste, bandagiste, rue de Voltaire, suspect d'incivisme et d'aristo-
cratie, fut mis à Saint- Yon le 42 prairial an II. Sur un certificat de Blanche, du 20 ther-
midor, Balland obtint sa liberté.
(6) Médecin, rue de Gènes, 5. Mis à Saint-Yon le 48 germinal, il en sort le 44 fructidor.
Prévenu d'être fanatique et signataire de la pétition au t}Tan pour la conservation des
couvents et d'être l'ennemi des sociétés populaires et des patriotes. Il niait avoir signé.
(7) Chirurgien, rue des Belles-Femmes, 44, depuis dix mois, venant de Ronfleur.
Arrêté le 30 floréal ; en liberté le 4 fructidor. Lié avec Roussel. Il était en rapport avec
la famille d'Estampes. En germinal, la commune de Ronfleur s'intéressait à lui.
(8) Officier de santé à l'hospice d'humanité depuis 4774. Arrêté le 42 prairial pour
incivisme et aristocratie et laissé à l'hospice sous la garde de deux fusiliers. En liberté
le 4 fructidor.
(9) Officier de santé,- rue de la Fondation, 3. Entré à Saint-Yon dès le 4«r septem-
bre 4793, sorti le 2 fructidor an IL
(40) Chirurgien-dentiste et bandagiste, vis-à-vis le temple de la Raison. Mis à
Saint-Yon le 46 floréal an II, sorti le 4 fructidor.
(44) Chirurgien. Détenu à la Tour aux Normands. Mis en liberté le 28 brumaire an III.
(42) Docteur-médecin, rue des Peupliers, 26. Entré à Saint-Yon le 27 frimaire, sorti
le 4 fructidor.
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— ,880 —
Les menées de Blanche, dont il n'est pas toujours facile de
découvrir le but, créent des difficultés dont il reste plus d'une trace.
Ainsi, le 11 floréal, les officiers de santé employés à visiter les jeunes
citoyens de la première réquisition se plaignent au district des
désagréments que leur procure la nouvelle visite des officiers de
santé désignés par Siblot. Le district se défend d'y être pour quoique
ce soit, et assure les réclamants qu'ils ont toujours sa confiance.
D'après Laumonier (1), Blanche, investi de tant de mandats, en
négligeait forcément plus d'un. Quoique chargés tous les deux de
l'examen des prêtres infirmes détenus à Saint- Vivien, et qui
demandaient à être dispensés de la déportation, Laumonier se serait
acquitté seul de cette mission (2).
Des causes multiples paraissent avoir déterminé la conduite
subitement plus active et plus violente de Blanche. Son zèle exagéré,
son exaltation, lui avaient attiré de nombreuses inimitiés, et il lui
importait de se mettre sur ses gardes en prévision de la prochaine
arrivée à Rouen du conventionnel Siblot (3).
Ce représentant du peuple, en eflfet, est, aux yeux du chirurgien
Blanche, non pas seulement un commissaire de la Convention, c'est-
à-dire, en réalité, le maître absolu du sort de tous les fonctionnaires
en particulier et des citoyens en général. Il voit en lui surtout le
confrère, le médecin, sur les actes duquel il compte — avec
raison, — exercer quelque influence...
L'impartialité — que, notamment à cet égard, n'observent
nullement les rapports des comités de l'an III — oblige à dire que
(1) Mémoire justificatif, déjà cité.
(2) Ce fut, néanmoins, sur un rapport de Blanche et Laumonier que le dépar-
tement décida que les prêtres Harel, Motet, Leturger, Mottey, Uaudiquier, Paris,
Frémont, Béquet et Lesueur ne seraient pas déportés (Reg. du départ. 18 vent, an II).
(3) Siblot, député de la Haute-Saône, médecin à Lure, était alors âgé de quarante-
et-un ans, et célibataire. En 1791, il était membre de l'administration de son départe-
ment; il fut élu à la Législative, puis à la Convention. Une biographie locale dit qu'il
montra dans l'accomplissement de ses devoirs une modération et un désintéressement
qui lui firent honneur. Il reprit après la session, l'exercice de la médecine à Lure, où
il est mort le 21 oct. 1801 (L. Luchaux, Galetne biographique du dép. de la Haute-
Saône, 1864. Communication de M. StoufT, conservateur delà biblioth. mpale de Vesoul).
Le zélé thermidorien de Siblot lui permit d'échapper à la réaction qui suivit la
chute de Robespierre (Dict, de$ Parlementaire»),
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- 331 -
cependant, à cette époque môme. Blanche — non sans risques, mais
peut-ôtre aussi parce que son propre intérêt Ty portait, — s opposa
énergiquement au renvoi direct au tribunal révolutionnaire — .
comme le voulait un rapport de Thierry — de Ruffault, ingéliieur de
la marine, dénoncé pour des manœuvres tendant à soustraire des
jeunes gens à la première réquisition (1).
Blanche, au surplus, n'est pas le seul que la visite du nouveau
proconsul porte au moins à des intempérances de langage. Un citoyen
qui a aussi des motiis^ de se croire menacé, et que compromettra
bientôt son incivisme, Clavier (2), officier municipal, communiquée
la Société populaire de Rouen, le 25 ventôse, une lettre de l'agent
national du Havre-Marat , faisant part de l'embarras où il se trouve
de ce que « aucune des imbéciles ci-devant sœurs de l'hospice
d'humanité n'a voulu prêter le serment exigé par la loi, ce qui le
met dans la nécessité de les chasser. Mais comme il n'a point de
femmes en état de les remplacer, il demande qu'on lui procure de
bonnes citoyennes ». Un autre citoyen, Crosnier, directeur de
Thospice de Rouen, tient à dire que la môme chose s'est produite à
Rouen (3), et qu'il a remplacé « ces brutes » par des femmes en
(1) Reg. de la Société populaire.— Les rapports contre les terroristes lui reprochent
d'avoir employé dans son hôpital beaucoup de chirurgiens de dix-neuf ans..., et ajoutent
une accusation qui n'est pas sans analogie avec ce qui fit Tobjet d'eccplications qui se
retrouvent dans le procès-verbal d'une séance du directoire, entre filanche et Delaistre,
alors commissaire du gouvernement (4 vent, an VII).
(2) Le 3 prairial suivcmt, à la suite d'imputations élevées contre lui à la Société
populaire. Clavier fut renvoyé au comité de surveillance qui décida de le dénoncer aux
autorités constituées. Le 6 prairial, affecté de sa radiation de la Société, il déclare
s'abstenir de siéger à la commune jusqu'à ce qu'il ait terrassé la calomnie dirigée
• contre lui. On lui' objecte la loi défendant à tout fonctionnaire d'abandonner son poste.
Un rapport contre lui fut adressé à la Société par la commune le 11 prairial. Les pièces
le concernant furent adressées au comité de salut public de la Convention, auquel la
Société populaire les réolaooait le 4 fructidor. Clavier était resté en fonctions. (Arch.
mpales et nationales).
(3) Reg. de la Société populaire. — Un décret du 3 oct. 1793 déclarait déchues de
leurs fonctions les filles des congrégations, employées au ser\ice des pauvres, au soin
des malades, à l'éducation ou à l'instruction, qui n'avaient pas prêté serment dans le
délai légal. Un arrêté du bureau d'administration de l'hospice général du 15 pluviôse
an II ordonne que les filles ci-devant hospitalières se retirent de cette maison le len-
demain, avant quatre heures de relevée. Pour les remplacer, Crosnier présentait, dès
le 15, 5 bonne$ citoyennes^ dont deux enfants de la maison, de bonnes mœurs et rem-
plies de talent.
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— 332 —
sous-ordre et qu'il serait possible d'en faire autant au Havre. « Ses
bons offices, son intelligence et sa bonne volonté » permettront à son
collègue du Hrvre de s'en tirer (1).
Sôus la direction du citoyen Crosnier, il y eut à l'hospice
général (2) d'assez nombreuses innovations et réformes révolution-
naires. Les décrets y furent publiés, la Déclaration des Droits de
l'Homme fut affichée dans tous les locaux de l'établissement et le
Bulletin des Lois lu dans les réfectoires des deux sexes. L'acte
constitutionnel et le récit des faits héroïques remplacèrent les
anciens livres d'éducation de la jeunesse. Quatre-vingts enfants
de l'âge de huit à quinze ans et vingt vieillards des mieux portants
y furent choisis pour accompagner tous les jours de décade les corps
constitués au temple de la Raison, « afin de profiter de tout ce qui y
serait lu et dit ». Ces enfants avaient un conducteur et une conduc-
trice précédés d'une bannière sur un côté de laquelle : Liberté,
Egalité, et de l'autre : Orphelins adoptés par la Patrie (3).
Ce fut Chalon, administrateur-trésorier, qui donna 1,200
cocardes pour les pauvres.
L'hospice prit l'initiative de la cérémonie du mariage de Jean-
Baptiste-Guillaume Pasdeloup et de Marguerite Delaislre, qui fut,
dit M. Gosselin (4), l'acte principal de la fête du premier décadi de
ventôse (vendredi 28 février 1794) et souscrivit pour la mariée une
dot de 2,000 livres (28 pluviôse) et un trousseau où figurent deux
fichus de mousseline. C'est son bureau d'administration qui invita
à leur union le représentant du peuple, les autorités constituées,
judiciaire et militaire, en môme temps qu'à l'inévitable plantation
d'un arbre de la liberté. Un banquet fraternel eut lieu, à l'occasion
de cette alliance, sans doute aux frais de l'hospice, et[Bérard et Real
y furent invités. Ce fut le notaire de l'hospice qui reçut le contrat de
(1) Crosnier avait été nommé directeur provisoire de Thospice les 15-26 nivôse. Le
25 pluviôse, le bureau le proposait comme directeur définitif en mém«; temps que
Lequesne comme secrétaire-trésorier et Maur>', officier de santé ; tous les deux furent
nommés par le département le 27 pluviôse.
(2) La maison prit cette dénomination d'hospice généi*al le 15 nivôse. (Délil). du
bureau d'administration, de cette date).
(3) Délibération du bureau de Thospice.
(4) Ouvr. cité, Bévue de la Normandie, 4867, p, lli.
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— 333 -
mariage des heureux époux dont l'un devint immédiatement commis
dépensier et Tautro première ouvrière couturière de la maison, où
à cette époque, sont admises près de 2,000 personnes.
Les tableaux de la salle d'audience furent remplacés par des
statues de la liberté et de l'égalité. Les salles ou offices reçurent les
nouveaux noms de la Reconnaissance, la Fraternité, la Révolution,
la Régénération, la Patrie, V Espérance et les Sans-Culoitides
(18 ventôse).
Le 1*' ventôse, on décido que les enfants de l'hospice auront
pour costume un gilet et un pantalon de diverses couleurs. Les
enfants naturels reçoivent des noms pris dans le calendrier républi-
cain, qu'on écartera un peu plus tard, longtemps encore avant sa
suppression, pour en choisir de moins désagréables, tels que Titien,
Véronèse, Tintoret, etc.
Pillon, comme maire, présida quelquefois les délibérations du
bureau d'administration où Poret siégea aussi, notamment dans les
séances importantes tenues les 23 messidor et 2 thermidor, au sujet
de rinsubordination continuelle des filles d'office et des propos
outrageants par elles tenus sur les agents secondaires et sur le
directeur. Poret requit alors qu'à l'avenir toutes les séances publi-
ques de l'administration hospitalière fussent tenues dans l'édifice de
la ci-devant église, d'où le directeur devrait faire disparaître l'autel
du fanatisme. Il discourut longtemps sur le sort des citoyennes, qu'il
divisa en trois classes, etc. , etc. Puis, après un discours du président,
le bureau, paternellement, arrêta que l'éponge du silence serait
passée sur les fautes commises. . . (1)
Siblot, envoyé par décision du Comité de Salut public, du 4
pluviôse, pour épurer la Seine-Inférieure et l'Eure, avait commencé
par s'occuper du Havre, dont la situation lui avait, sans doute, été
signalée par ses prédécesseurs. Il s'y était occupé des subsistances et
de l'épuration de la Commune. Craignant des intelligences entre les
prisonniers détenus au Havre et les anglais, il avait expédié à Vernon
(i) Délibération du bureau.
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- 334 -
et Bolbec ces prisonniers parmi lesquels Duval d'Epremesnil, que,
peu après, il faisait transférer à Paris. Il avait dû s'occuper déjà
aussi de Dieppe, car sa lettre au Comité de Salut public sur l'envoi
en cette ville du tribunal criminel à Dieppe, est datée du 28 ventôse,
jour où pour la première fois il apparaît à la Société populaire de
Rouen (1).
L'accueil qu'il y reçoit ne diffère guère de celui fait à Guimber-
teau. Il prend place aussi à la droite du président (Denise). Hem-
brassade fraternelle a lieu aux mêmes cris de : Vive la République 1
Vive la Montagne ! Bientôt on s'aperçoit que ses projets vont agiter
la Société populaire. Après un discours « fort [rempli] de choses et
brûlant de patriotisme » et vivement senti, très applaudi, il demande
douze membres de la Société, étrangers aux administrations, d'un
patriotisme à toute épreuve, qui le renseigneront dans ses « grands
et indispensables travaux. » (2)
Siblot s'était présenté la veille au district et à la commune.
Devant les officiers municipaux et notables, parlant de sa missioa
consistant à épurer les corps administratifs, il vit « avec plaisir qu'il
avait été devancé dans cette tâche.» C'est là qu'on paraît l'avoir reçu
avec le plus d'acclamations. Tout cela n'empêche point que le 4 ger-
minal, sur la demande de Siblot, le district invite la Commune à
fournir les noms des citoyens composant le Conseil général, leur état
actuel et passé.
Hébert, qui s'était naguère montré si hostile aux rouennais
dans les séances des Jacobins de Paris, venait d'être arrêté ainsi que
Ronsin, Vincent et Monmoro, attaqué par Phillippeaux (3) nor-
mand comme lui et député de la Sarthe. Lamine, devant Siblot,
parle de ces scélérats' dont le masque vient de tomber et qui avaient
(1) Siblot s'était présenté la veille devant le district, à la demande duquel il s'était
occupé des « scènes scandaleuses que l'un de ses membres, Dumesnil, avait offertes à
la cité par son ivrognerie ». Siblot avait conseillé de lui pardonner pour cette foisetavait
promis de revenir souvent voir l'administration.
(2) Ces membres, désignés par Blanche le lendemain, étaient : Fontaine, entrepre-
neur ; Angrand, commandant ; Blanche, Blondel, Rupalley, Lizé l'aîné, Bucaille, Dela-
lande, Delaporte, Crespin et Barbier. Ils jurèrent de ne recevoir aucune sollicitation ni
chez eux, ni ailleurs, et de garder un secret inviolable sur ce qui leur serait proposé.
(3) Philippeaux était né à Ferriéres, prés Gournay-en-Bray, comme le dit M. A.
Kuscinski (la Révolution Française 1891, p. 298).
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— 33fe —
ourdî une trame exécrable pour perdre la République. Il rappelle
que rempêchement apporté à l'arrivage des denrées à Rouen était
une des « émanations » de ce complot, et il propose de jurer de
souffrir plutôt mille morts qu'il soit porté atteinte à la Convention,
à cette sainte Montagne — le bonheur des Français. Ce serment est
prêté ; Thierry et Blanche rédigeront une adresse à la Convention.
La commune de Rouen, de son côté, ne laissait point passer le procès
des Hébertistes sans se réjouir, et lorsque, le 3 germinal, la Société
populaire lui apporta un exemplaire imprimé de l'acte d'accusation
dressé contre eux par Fouquier-Tinville, la lecture en fut couverte
d'applaudissements. Cette scène se renouvelle, le 6 germinal, à la
Société populaire où un bulletin du frère Lecomte confirme le bruit
de Texécution, à Paris, des accusés de l'affaire Hébert, Ronsin, etc.
Ces (( scélérats ont subi la peine due à leurs crimes. . . L'allégresse
est en son comble. » Il en est de même à la commune et au district
aussi le 3 germinal (1). Le 18 germinal, le district applaudit à la
justice nationale lorsqu'il apprend que Danton, Lg.croix, Chabot
et autres conspirateurs sont tombés sous le glaive de la loi (2).
Après les réflexions de Lamine, on lit une lettre de Carré,
officier municipal, alors à Paris, donnant les détails du complot
abominable découvert dans la capitale. « Des flots de sang viennent
de couler ; les montagnards de la Convention devaient être égorgés ».
A ce récit, tout le monde frémit d'horreur. Siblot se lève, ne dit
qu'un mot sur la nécessité de se serrer autour de la Convention ;
mais il est tellement énergique qu'on fait un nouveau serment en
présence du député montagnard : Mort aux tyrans! Mort aux
traîtres ! et vive la République !
Siblot apporte immédiatement à la Société une idée venue de •
sa préoccupation d'engager une lutte énergique contre le catholi-
cisme : Chaque membre de la Société fera un discours par décade
« pour être prononcé par son auteur dans le Temple de la Raison ».
On décide que ces discours ne passeront pas à la censure. Si ce plan
(1) Reg. de ces administrations.
(2) Le district ne nomme pas Philippeaux, ni les deux Frey, exécutés en même
temps. Le Lacroix que Ton citait est celui-là même dont la mission avec Legendre et
Louchet, dans la Seme-Inférieure et l'Eure, a pris fin il y a deux mois environ.
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— 336 -
a été exécuté, s'imagine-t-on ce qui a pu être ainsi déclamé dans la
ci-devant cathédrale !
Un travail considérable se trouva centralisé à la Société popu-
laire. C'est elle qui, dans les premiers jours de germinal, désigne
52 citoyens « bien purs » pour assister aux appositions et levées de
scellés, inventaires, estimations et ventes ayant pour objet des biens
d'émigrés ; mais il est facile de voir que Siblot ne suit pas exclusive-
ment les inspirations de la Société populaire, et Ton en acquiert la
preuve par des instructions qui sont adressées du district à la
Société, en germinal (1).
Siblot paraît avoir été curieux de connaître les antécédents des
hommes en vue à Rouen. Il charge le district de rassembler à la
Société populaire le plus de monde possible, et il fait procéder
devant lui, en germinal, à une épuration de la Société et des fonc-
tionnaires, invitant chacun des assistants à parler librement et à
déclarer franchement et avec loyauté tout ce qu'il trouverait de
blâmable dans la conduite de ceux qui seront interrogés, et menaçant
de faire arrêter C3ux qu'il saurait n'avoir point parlé avec énergie.
« En bon père, » il les avertit aussi de dépouiller toute haine et
jalousie et de n'avoir pour but que le bien public.
Les premiers citoyens épurés sont Bouvet, président; Grandin,
Belhoste, Allais et Aubert, du département, lesquels sont conservés
dans leurs fonctions. Thierry, interpellé de dire pourquoi il n'a pas
accepté la Constitution, répond qu'il était à la campagne. Choin
passe un mauvais quart d'heure : On lui reproche d'être venu ivre à
une séance où étaient Lacroix , Legendre et Louchet ; puis , on
l'invite à dire à Siblot quelle était son intention en placardant une
adresse où il s'engageait à partir pour la Vendée et en disant : « Je
pars ». .; qu'effectivement il était parti. . . pour le Havre ))(2). Un
autre lui impute d'avoir tenu au fédéralisme, et d'être un intrigant.
« Infernal coquin ! » s'écrie Choin. Indignée de cette sortie diffama-
(1) Arch. du dép. District de Rouen. Reg. de police générale, v. not» les lettres des
6, 45 germinal et 8 floréal.
(2) C'est à cela que fait allusion le passage du libelle cité par M. Gosselin : t Vart
de partir en restant, ou exhortation aux défenseurs de la Patrie, production burlesque,
par CHOlINy au capucin défroqué , rue des Scélérats (Revue citée, 1867, p. 362).
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— 337 —
toire, la Sooiété décide que son président, Houel, rappelle et censure
Choin, ce qui a lieu. Et cela continue. Choin nie. On lui parle de sa
correspondance avec Bailleul, détenu au tribunal révolutionnaire. Il
répond avoir été en pension au Havre avec lui et qu'il n'a reçu qu'une
lettre de Bailleul ; que si elle était trouvée dans ses papiers, elle
serait à sa gloire ; qu'on lui reprochait d'avoir fait scission avec les
Jacobins, qu'il était au contraire leur ami intime et qu'il l'avait juré
et signé. Siblot lui demande quel parti il a tenu lors de l'arrêté
libertîcide du département. Il répond en tergiversant. On lui dit
qu'il eut dû protester, qu'il avait usé de lâcheté, que si tous les
membres du département avaient agi de même, le fédéralisme aurait
triomphé, et qu'aujourd'hui il n'a d'énergie que parce que les
patriotes triomphent. Choin dit qu'il est difficile de répoudre à tant
d'inculpations vagues, et que les représentants en commission dans
ce temps-là ont su distinguer les coupables et les innocents. A l'una-
nimité, la Société décide qu'il ne mérite pas la confiance du peuple
et qu'il est rejeté (1).
Cependant Thierry n'était pas quitte. Delihu lui reproche
qu'étant avec Haraneder, il l'a pris à part pour lui dire qu'il crai-
gnait que Robespierre et Danton s'éclipsent comme les autres, et
qu'il ne voudrait pas être le plus vertueux de Rouen. Thierry jure
n'avoir jamais émis d'opinion contre Robespierre et Danton et que
Haraneder et Denise sont deux intrigants. Cela se poursuit longtemps
ainsi. On rappelle que Thierry, comme Choin, s'était vanté de partir
pour la frontière et était resté, ne se montrant que pour avoir des
places. Des amis interviennent enfin qui le sauvent en rappelant que
Thierry a été le seul qui ait empêché que la Commune en masse
prêtât l'infernal serment à' infidélité que Liancourt et son état-major
avait voulu faire prêter à la troupe deligne. A l'époquedu fédéralisme,
(1) Edme Choin du Lys, 37 ans, administrateur du département à Rouen, rue
Haranguerie, maison du citoyen Lemarchand, aubergiste. A la suite de cette épuration,
il fut destitué, écroué d'abord à Saint-Lô le 11 germinal, puis à Saint- Yon le même
jour. Le 7 fructidor an II, il demandait au Comité révolutionnaire de Rouen sa mise en
liberté, se disant sans-culotte, invoquant sa qualité d'artiste et un précédent, résultant
de ce qu'un décret, publié dans la Gazette Hévolutionnaire du l»"" fructidor, mettait en
liberté Crou, administrateur du Cantal, comme sans-culotte et vivant du travail de ses
mains. Il sortit de Saint- Yon le surlendemain. (Arch. mpales.)
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Thierry a été l'un des plus chauds pour soutenir les Jacobins et s'est
réuni avec d'autres dans un cabaret pour en concerter l'appui et
Thierry est vrai révolutionnaire. Thierry est maintenu administra-
teur.
Tout le district est conservé.
Le 7, Siblot, toujours là, invite la Société et les tribunes à
montrer la plus grande énergie pour lui donner des renseignements
sur l'arrêté liberticide pris au département le 14 juin 1793. On ne
doit pas croire, signifie-t-il, que les administrations resteront ce
qu'elles sont sans qu'il soit instruit ; il veut reporter à la Convention
des preuves dignes d'elle, de la Société populaire et de lui sur
diverses discussions qui semblaient s'ouvrir.
Lamine, qui ne fut jamais un de ceux auxquels il répugnait de
dénoncer, renseigne sur l'administration du département, sur la
vertu et la faiblesse de chacun de ses membres ; il prouve que Bouvet
est très respectable ; il fait voir que Choin, de Fontenay. Basirc,
Anquetin et autres, qui sont détenus, ont été des intrigants ; que
Blanche est un excellent patriote, mais qu'il manque de caractère en
ce moment, ainsi que les autres qui sont restés purs depuis. Les
détenus, affirme Lamine, ne sortiront pas comme on le dit sans cesse.
« Le département et le district ne valaient rien en ce temps ; il n'y
avait qu'une partie do la commune qui était bonne, et qui, à laide
des puisnés de la Société, a sauvé la patrie. »
Le langage de Lamine avait inspiré à Blanche de sérieuses
inquiétudes. Aussi crut-il devoir se défendre d'avoir une part
quelconque dans des arrêtés du département, pris pendant son
voyage à Paris, « d'où il avait rapporté toutes choses justes et où il
avait été tout-à-fait libre w. A son retour, il avait tenu la parole vingt
minutes au département, et il jure avoir protesté contre tout arrêté,
ajoutant que la majorité du département pouvait être trompée (I)
par des représentants perfides. Il fait appel aux .souvenirs de Bouvet
et autres, et parb même d'une députation de la Commune qui était
survenue alors pour exciter V administration à tomber sur M**^
caisses publiques. Blanche remporta un demi succès, puisque la
(1) U y avait d'abord : était trompée.
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— 339 -
Société passa à l'ordre du jour, motioé sur son civisme reconnu (1).
A cet instant, on insiste pour que tous ceux qui ne se sont pas
opposés à Vîidresse fédéraliste — c'est ainsi qu'on la juge, — soient
révoqués de leurs fonctions et remplacés par de vrais sans-culottes.
Un membre prétend pouvoir donner les plus sûres indications sur
ce fait, et dit que l'arrêté du 23 juin avait été précédé d'adresses de
Marseille et au très villes fédéralistes, reçues par le département. Les
patriotes Lambert, Albitte et autres avaient déclaré ne l'avoir pas
signé, et qu'il avait été imprimé sans leur aveu. Lambert rapporte
« qu'à l'aide de Corbeiller (sic), de Dieppe, et autres, ils ont protesté
contre tout, que le procureur général avait présenté son projet, qui
avait paru être adopté, et que [ eux ? ] s'étant emportés et opposés à
son arrivée, on décida qu'il ne serait imprimé qu'après une révision ;
qu'il ne sait par quelle fatalité il s'est trouvé imprimé, et qu'on s'est
bien gardé de nommer ceux qui s'étaient opposés, puisqu'il n'a été
signé d'aucun des membres. Lambert s'étant ainsi justifié, on passe
à l'ordre du jour sur le tout. Grandin et Bouvet se justifient à leur
tour, le premier sans réclamation, et le dernier, en expliquant qu'il
était à vingt pas de celui qui lutle perfide arrêté. Dans le tumulte et
le désordre, à peine entendit-il la lecture de cet « ouvrage ».
Réclamant (rassemblant?) ses idées, il s'efforça de s'opposer à ce
« tissu perfide ». Il espérait (il ne dit pas, lui, que cela fut décidé),
suivant l'arrêté pris par l'administration, qu'il serait fait une
révision avant l'impression, ce qui n'a pas eu lieu. Il s'attendait à
s'opposer à tout. Quelle fut sa surprise de le voir imprimé sans son
aveu et celui de ses collègues « puisqu'il n'était pas signé d'eux».
Et Bouvet, jure, avec la vertu et la fermeté annonçant un caractère,
que, depuis plus de quarante ans avant la Révolution, il ne s'est
jamais écarté des principes de l'humanité, et que, dans ces instants,
la liberté était gravée dans son cœur.
(1) Les passages ici soulignés sont des additions marginales du temps. Ce qui est
relatif à ce que vient de dire Blanche a été remanié. Marteau lils aîné est alors secré-
taire. Les révélations qui se produisent ainsi devant Siblot, font voir combien doivent
^trp inexacts les propos et l'attitude qu'on attribue à M. de Fontenay, et les procès-
verlwiux dos administrations à ces dates mémorables, et la gravité de certains faits,
ignorés complètement, tels que la démarche de la commune touchant les caisses
publiques. On me pardonnera l'extension donnée au compte rendu de ces séances d'un
'nlérêt exceptionnel.
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n
- 340 -
Sans doute, le vieil avocat fut plus persuasif que ne Test
aujourd'hui son récit, tel qu'il est au procès-verbal de la Société
populaire, car il satisfit Siblot. Celui-ci, pénétré de la vertu et de
l'énergie de Bouvet à développer sa justification, l'invite à venir
près de lui recevoir l'accolade fraternelle.
L'épuration dePillon, Bérée, Tamelier, V. Lefebvre, et quinze
autres, et celles de Poret et de douze notables s'effectue sans nul
incident.
Arrive Grandcourt. Quelqu'un (1), sous les armes avec lui
quand Liancourt fit jurer la troupe, avait juré seulement : Vive la
nation! Grandcourt, lui, eut la lâcheté de dire à Liancourt :
« Soyez persuadé que je n'ai pas partagé les sentiments de ce jeune
homme! » Il fit même insérer le fait dans un journal. D'autres
reprochent à Grandcourt d'avoir toujours flatté les grands et flotté
entre deux eaux, et d'être l'ami de l'intrigant Harel, coiffeur, et de
Portier. Grandcourt nie et veut établir qu'il existait un marais à la
commune. On le rejette à l'unanimité.
Trente notables, le secrétaire Havard et onze membres du
Comité de surveillance sont épurés et conservés.
Le 8, Siblot présent, le tribunal du district subit l'épuration.
Thieullen lépond que les affaires publiques et sa santé l'ont empêché
d'accepter la constitution, On lui reproche de n'être pas membre de
la Société : Il attendait après son épuration, allèguc-t-il. Il fait une
« analyse » de sa vie. Longtemps avant la Révolution, il était
républicain. Il en donne pour preuve singulière qu'ayant dans sa
famille des parents riches et pauvres, il s'est toujours fait un devoir
d'aider et soutenir ces derniers. Il invoque le témoignage qu'il s est
opposé au fédéralisme. Il jure de verser jusqu'à la dernière goutte
de son sang pour la chose publique.
Il est conservé (2). Sacquépée (3), discuté, appuyé, et conservé.
(1) Ce doit être Lcfebvre-Signol.
(2) 'riiinilli-ii fut bientôt admis eotnnie membre de la Société populaire qui l'en-
voyait, «Ml prairial, on mission auprès du département, au sujet de la vente en détail
«les biens d'émigrés.
(3) André-Nicolas-Victorieu de Sacquépée, 48 ans, <.\\-avocat du ci-devant roy, a"
ci-devant bailliage de Rouen, rue de TEcole, 36, fut écroué à S»-Yon, pour incivisme et
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^341 -
Perrin (1) est accusé d'avoir favorisé le fédéralisme et les feuillants,
d'avoir « à tort et sans droit » fait incarcérer le patriote Lamine,
toujours couru les places et murmuré contre les électeurs. Lamine — le
bon apôtre — croit que c'est par un défaut de connaissance que
Perrin et autres l'ont envoyé en prison et que le plus grand malheur
est d'avoir placé comme juges des hommes de loi; qu'ils se conduisent
comme des ci-devant lieutenants de police et non comme des juges
de paix qui devraient tenir leurs séances chez eux fraternellement
et même au milieu des places publiques et non pas dans un « palais
ci-devant justice )). Il faut les remplacer par de purs sans-culottes
qui le feront. — On s acharne après ce pauvre Perrin qui avait eu
des rabatteurs dans les sections, pour se faire élire ; un assistant dit
avoir été sollicité dans ce but par l'épouse dudit Perrin. Perrin
se défend en vain. On fait observer que pour être juge il faut
être pur et vertueux, et que Perrin est dénué de ces qualités
« requises par la loi ». La Société déclare qu'il n'a pas la confiance
du peuple.
C'est le tour de Guisier (2), que la goutte retient chez lui et qui
écrit qu'il accepte la Constitution. Cela n'apaise point ses adversaires
dont les attaques provoquent des révélations vivement intéressantes
pour Siblot. En effet, elles mettent au grand jour, entreautres choses,
aristocratie, le 5 germinal (Tordre d'arrestation est daté du 3 frimaire). On ne trouva
rien de suspect dans ses papiers. Est libéré le 26 vend, an III. Sacquepée est un de ceux
qui ont été attaqués dès la fin de 1788, dans le Jowmal de la Cour et du Palais.
(1) Marin-Louis-César Perrin, 39 ans, juge de paix, rue des Parisiens, 54, mis le
M germinal à Saint-Yon, en sortit le 6 fructidor. Dans les papiers de l'avocat Jarry,
Labbé, du Comité de surveillance, avait trouvé, le 28 nivôse an II, une note sans date
ni signature, dont il est étrange qu'il ne soit pas question devant Siblot. Cette note,
Mirée avec d'autres papiers, en septembre ou octobre 1792 (d'après Jarry), des appar-
tements prêtés par Jarry à Héron d'Agirone, est ainsi conçue : « Hier jeudi, dans la
séance particulière tenue après la séance publique et qui s'est prolongée bien avant
dans la nuit, il a été arrêté, sur la motion de Perrin, juge de district, que d'ici à quinze
jours, ^-u les circonstances où l'on se trouvait et la force que les puissances étrangères
étaient sur le point de développer, il fallait exciter une terrible commotion pour
abattre les départements, districts et municipalités et autres corps constitués, afin
d*étahlir une république fédérative par département ; que ce plan était celui de toutes
les sociétés des Amis de la Constitution et que tous les moyens étaient préparés pour
obtenir le plus grands succès. » (Arch. mpales).
(2) Guisier fut mis en arrestation et resta chez lui car on ne trouve nulle trace de
sa détention.
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un point jusqu'ici ignoré. On en vient à parler de l'Adresse du
département à l'Assemblée législative du 8 août 1792, à la suite de
laquelle Thieullen, alors procureur général syndic, fut appelé à la
barre de cette Assemblée, où l'accompagna M. Rondeaux, à cette
époque membre du département. Quelqu'un veut que Godebin et
Thierry citent celui qui a présenté cette adresse au département.
« Godebin répond : Elle est de Rondeaux et elle a été sou teue par
Guisier. » Ainsi voilà un fait historique éclairci, et lorsque, dans le
procès-verbal de la séance de l'administration du départenaent du
15 août 1792, on prend la peine d'expliquer que M. Rondeaux offre
d'aller à Paris avec Thieullen, h cause de l'état de santé de celui-ci,
c'est pour ne pas avoir à fournir le véritable motif du voyage
de M. Rondeaux, l'auteur, le rédacteur de l'adresse qui fit alors tant
de bruit, à l'Assemblée législative et ailleurs. Guisier, absent, est
rejeté comme n'ayant plus la confiance du peuple.
Ce verdict ne fut point accepté par Guisier, qui vint en personne
à la séance du 10 germinal, où Siblot lui dit que Thierry, Godebin
et autres l'accusaient d'avoir, à une époque mémorable, soutenu
l'adresse du département, protestation contre la suspension du tyran.
Godebin reproduit sa dénonciation, disant que Guisier appuya
l'adresse, combattue par Thierry. Guisier, malade, répond de sa
place et non de la tribune. Il s'explique longuement ; Siblot exige
qu'il soit laconique. Guisier cherche à montrer qu'il a critiqué
l'adresse. Thierry intervient pour dire qu'il s'opposa à ladresse et
que Guisier l'appuya. Thieullen, lui aussi, confirme. Alors, Siblot
dit à Guisier, confondu : « Vous étiez réunis pour faire succomber
la Convention ! » (1)
Daupeley, violemment attaqué, traité d'accusé, de singe des
patriotes, qui, lors de la scélératesse de Liancourt, s'est présenté à la
croisée du département et a crié : Vive le roi ! Daupeley a un
souffleur au bas de la tribune, son frère, qui le défend et qui obtient
dans la salle des applaudissements dont s'irritent ses adversaires.
Les deux frères Daupeley en sont pour leur peine : L'inculpé a perdu
(1) La Convention n'existait pas encore au moment de Tadresse qui est du 8 août.
Mais le décret de suspension du roi ( 10 août 1792 ), invitait le peuple français à former
une ConvenUon nationale.
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la confiance du peuple, et cela est proclamé à Tunanîmité, quoiqu'ils
aient eu des partisans dans la Société.
D autres, parmi lesquels Eudel, Le Boucher, Chérucl peMo,
Barabé greflSer, Malatiré, Homo, sont conservés.
Le tribunal de commerce vient aussi se faire épurer. Lefebvre,
Le VasseuretRabassesont conservés, ce dernier après s'être entendu
reprocher son amitié pour Portier. Langlois, Lecaron et Demarest
fils ont le même sort. Quant à Leborgne, il souffre de rinconvénieut
d'avoir deux fils muscadins, dont l'un p contre les affiches des
lois. Il les a réprimandés il est vrai, mais, malheureusement pour lai,
il a donné sa démission lors de la scission avec les Jacobins et il est
rejeté. Ribard est conservé quoique n'ayant pas accepté la Consti-
tution.
Un greffier de justice de paix, Mérel, avoue d'abord qu'il n
conservé des amendes et négligé ses minutes, qu'il a reçu certaines
sommes qu'il a gardées, puis il reconnaît qu'il doit sa place à Blutel.
On le rejette à l'unanimité.
Les commissaires de police subissent un examen non moins
minutieux. Cottais, Lemonnier, Gontier, Beaufils sont conservés.
Lemoine et Dubos sont rejetés. Cottais l'a échappé belle. On lui ii
imputé d'avoir pris dans la maiion de sûreté le 13 ventôse Raoul
Duval de Beaumets pour assister au séquestre de ses biens et de oo
lavoir retradé que le deux germinal, — d'être très zélé pour arrêter
les coquins et les malveillants, mais de ne l'ôtre pas autant pour
arrêter les aristocrates et de s'être même refusé à arrêter des prêtres
insermentés.
Ces épurations ont eu pour conséquence directe, le 30 germinal,
un arrêté de Siblot, visant les procès-verbaux des séances de ia
Société populaire, du 6 au 11, d'où sont tirés les détails ci-dessus (1).
Cet arrêté ordonne provisoirement le remplacement de : Choin, par
Hébert, de Canteleu; Roumy Groult et Haraneder par AngerviJ le
et Arnault, Grandcourt par Barthélémy ; Thomas Groult et Aulney,
notables, par Delafosse et Gaillard ; Guisier par Jacques-Pierre
(1) M. Gosselin, qui n'a pas connu les procès-verbaux, a cru que la Société popu-
laire avait envoyé à Siblot une « liste de dénonciations ». (Revue de la Normandie i8iu\
p. 233.
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Lambert ; Turgis, par Desjardins ; Morel, par Houmare ; Perrin,
par Piquenot ; Babois et Duprey sont nommés suppléants au tribunal ;
Lambert, du comité de surveillance, devenant commissaire national
du tribunal du district, est remplacé par Romy Groult ; Dubos,
Lemonnier, Legentil, commissaires de police, destitués, ^'ont rem-
placés par Garreau, Rupalley et Blot ; Vasse et Aroux, par Villard
et Chesneau ; Hamel par Lebas Talné ; Leborgne, par Signol le
jeune ; Desmarest fils, par Prévost ; Cabissol est chargé provisoire-
ment des fonctions d'agent national du district jusqu'au retour
de Canu. Puis le district, sur une liste de sujets présentés par une
commission de la Société populaire, remplace les juges de paix:
Perrin, par Bourdon ; Daupeley, par Couturier, et les greffiers Merel
et Moulin, par Legois et Gourdain; Dupuis et Buziquet, par
Gaillard et Levasseur.
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CHAPITRE QUATORZIÈME
Les gens comme il faut. — EcriTains publics. — Médailles. — La pendule de lord
Canning. — La domestique de Tagent militaire Lebel. — Jupes, jupons et corsets
en réquisition. — Lœillet et la rose. — La journée du !«>' pluviôse tt les prêtres.—
Foret et les 1,000 cercueils. — Actes de la Commune et du Comité. — La magis-
trature populaire est peu respectée. — Arrestations. — Les négociants. — L'ex-
conseiller Gresseni dénoncé. — M. de Combray. — M»» de Glieu. — Un parent de
Le Pelletier-Saint-Fargeau, un ami de Gambacérès et une cliente du docteur
Guillotin. — Chouquet, buvetier du Palais. — Souricière cbex M"« de Ghoiseul- —
De Bourdeilles et de La Garde, conduits à la guillotine. — Une amie de Robes-
pierre au Mont-aux-Malades. — Battue patriotique ; Pillon et Guimberteau. ~
Les demoiselles de Green : deux petites-filles de M. de Montmorin. — Aventurières.
— Un notaire... du midi. — Maussion, Thouret et de Crosne. — M»* de Qolbert. —
Episode inédit de l'histoire de Thétel d'Aligre : la famille de Machault — M. dt
Laborde.
I
L'animation apportée par Siblot dans les séances de la Société
populaire surexcitait vivement les Montagnards rouennais, et
rendait fort inquiets les gens dont les antécédents, les variations ou
la tiédeur permettaient de suspecter la sincérité. On juge si, dès ce
moment, les administrations s'attachèrent à suivre la route révo-
lutionnaire, si les patriotes s'aflBrmèrent, et si les hésitants, les
nobles, les prêtres s'épuisèrent en combinaisons pour échapper aux
dangers qui les environnaient.
Le directoire du district de Rouen, qui comprenait des membres
si ardents, après thermidor, contre les terroristes, ne fut pas le
moins empressé à agir selon le programme de frimaire. Même avant
l'arrivée de Siblot, le 6 nivôse, sur des dénonciations faites contre
Roussel, employé au secrétariat du district, et d'après « sa dureté et
son insolence envers les citoyens mal vêtus, sa politesse envers ceux
qu'on appelait autrefois les gens comme il faut, son obstination à se
servir des mots monsieur et madame, qui ne devaient plus sortir de
la bouche d'un républicain », le citoyen Roussel est invité à quitter
sa place. Le lendemain, le district écrit à l'accusateur public près le
tribunal révolutionnaire de Paris et à la municipalité d' Auteuil, que
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-346 -
la citoyenne Pucliot, femme Boufflers, émigrée, s'est retirée à Auteuîl,
afin que des poursuites soient faites contre elle (1).
Le 2 pluviôse, il devient le district révolutionnaire. Le 6, sur
la motion d'Epoigny, préposé au dégalonnement des ornenients
d'église, — lequel Epoigny prononça devant lui un des plus violents
discours qui aient été entendus à Rouen, — il arrête que les osse-
ments des ci-devant saints, trouvés dans les églises, seront
brûlés et que les cendres en seront jetées à la rivière pour ôter au
fanatisme les moyens de se propager, et qu'il sera envoyé des com-
missaires à Blosseville-la-Montagne et autres communes ayant ea
le courage de fermer leurs églises, pour extirper les restes du fana-
tisme, tels que béquilles et autres hochets superstitieux. Il interroge
Fliot, ci-devant garde des bois du ci-devant archevêque, qui mé-
connait avoir dit que « la Convention était les racines, les départe-
ments les souches, les districts les branches et les municipalités les
feuilles avec lesquelles on se » (2)
Le district dénonce à la commune (25 pluviôse) les écrivains
qui sont au Palais et dans le parvis du temple de la Raison, comme
pillant et volant les citoyens ou leur prenant depuis vingt sols jusqu'à
trois livres pour des pétitions souvent assez mal faites, et en outre
comme gaspillant du papier de compte ou autre papier précieux (3).
Ces mômes écrivains publics sont dénoncés dans la Société populaire,
le 11 messidor, comme des sangsues d'une nouvelle espèce qui dévo-
rent le peuple. La Société forme un bureau composé de ses membres
chargé de rédiger les pétitions des citoyens peu fortunés, et les écri-
vains devront indiquer au bas de celles qu'il rédigeront la taxe qu'ils
auront perçue.
(1) Elle fut acquittée le 2 vendémiaire an IIÏ, mais néanmoins retenue comme
suspecte. (Wallon, ouv. cité, t. VI, p. 169). Elle se prévalut de son divorce, qui avait eu
lieu à Paris, le 13 février 1793. — Arch. du dép., Reg. du district.)
(2) Le reste est écrit en toutes lettres au registre du district. Fliot, destitué sous le
prétexte qu'il n'avait pas accepté la Constitution, justifia l'avoir acceptée au Mont-aux-
Malades et demanda l'autorisation d'assigner comme calomniateurs les officiers muni-
cipaux de Déville. Un prêtre de son nom a été déporté ; ses biens, confisqués, ont été
vendus à Rouen.
(3) Lhomme, écrivain public, fut arrêté le 22 frimaire et resta détenu jusqu'en
fructidor. Le 8 prairial an II, le district interroge Legendre, écrivain, cour du Palais,
qui s'excuse de ce que son commis a perçu pour une pétition 40 sols au lieu de 20 ou
25 sols qu'il reçoit habituellement. Il restitue 20 sols.
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- 347 -
Il mentionne le dépôt (25 pluviôse) par Dumois, chef du bureau
des subsistances, d'un écu de six livresque celui-ci rougit d'avoir
parce qu'il porte l'effigie du traître Capet, le dernier des tyrans
français. On lui apporte aussi quatre médailles de cuivre, dont rime
représente le buste de Henri IV et celui de sa femme. Letellier, de
Saint-Etienne-du-Rouvray, en remet aussi une, empreinted'un cuté
de la face du tyran, et de l'autre du pont de Neuilly-sur-Seiue,
médaille remise à son père qui l'avait reçue avec une pension de
3001. comme appareilleur. Letellier ajoute qu'en retrouvant cette
médaille sous sa main, il. a ressenti l'exécration que les âmes révolu-
tionnaires ont pour les rois. On l'enverra à la fonderie des canons.
Ces sortes de dons n'allaient pas toujours à destination : Laumonier
avait remis à la Société populaire une médaille à figure de traître,
qui devait être détruite (1) ; or, un des membres de la Société — et
non pas un des moins en vue — qui en est dépositaire, la trouvo à
son goût, et, accusé de se l'être appropriée, est, malgré ses dénéga-
tions, chassé de la. Société.
Sur une lettre des représentants du peuple, datée du Havre,
23 pluviôse, le district envoie Bernays dans les chefs-lieux de canton
et certaines communes qui ne sont pas encore au pas pour les épurer,
y établir des Sociétés populaires et y détruire jusqu'au germe du
fanatisme.
Le président du district, Lefebvre-Signol, un lettré, amateur
d'art et de bibelots, saisit une occasion de pourvoir la salle des
séances d'un meuble à la fois très utile et très décoratif. Le 36
pluviôse, il quitte la séance, se rend aux Gravelines, puis revient et
reprend le fauteuil*. Il a fait apporter par un homme, accoippagnc do
Vincent, commissaire de police, une pendule en forme de cartel.
avec son pied en bois noir et son globe en verre. Lefebvre annonce
que cette pendule était dans la maison des Gravelines avec d» ux
caisses de meubles et effets d'un anglais nommé Canning, et quil a
cru pouvoir la faire apporter à l'administration dans la crainte que,
n'étant pas montée, elle perdît de sa valeur. Ses collègues applau-
(1) Laumonier la donnait pour le défenseur de la Patrie qui apporterait le premiei*
drapeau pris sur l'ennemi. La Société délibère qu'elle sera brisée (20 brumaire.)
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à
- 348 -
dissent et invitent Thorloger Paillard à remettre la pendule en état
et à substituer un balancier à celui où pend une fleur de lys, ancien
attribut des tyrans de France (1).
Une affaire qui, à un siècle de distance, paraît bien singulière,
occupe le district le 3 ventôse. Lebel, agent supérieur militaire dans
le département, sollicite pour sa domestique, récemment arrivée à
Rouen, la permission d'y rester, permission que lui a refusée la
commune, — parce qu'il peut prendre une autre domestique dans
Rouen. Lebel fait observer que sa domestique lui est d'autant plus
utile qu'il a le malheur d'être attaqué d'une infirmité qu'elle est
accoutumée à panser. Le district jugeant que la décision de la com-
mune est contraire à tous les principes de justice et de raison, Lebel
ne demandant pas de subgistances pour cette fille avec laquelle il
(1) Francis Canning, vraisemblablement de la famille des hommes d'état anglais
de ce nom, était venu résider aux Gravelines de Rouen sans doute avec ses enfants,
précédemment au collège des Grands Anglais, ou collège du Pape, à Douai, ville qu j1
avait dû laisser à la suite de l'arrêté des corps administratifs de Douai, obligeant les
individus des congrégations anglaises à sortir de la place. (V. Souvenirs des habitants
de Douai, p. 293). — Les objets laissés par lord Canning furent inventoriés seulement
le 19 frimaire an III. C'étaient deux médaillons de bracelets en or grenat, renfermant
des portraits d'hommes, estimés iOO 1., une chaîne de montre en or, à usage de femme,
et de forme ancienne, ornée de petites peintures sur émail et son étui en galuchet vert,
estimés à 500 1. ; une pendule {celle du district) de la façon de Tourtay, horloger à
Rouen, soutenue par deux colonnes en marbre blanc, surmontée d'une Pallas en or
moulu, ornée de chaîne et autres agréments de même nature, estimée à 800 1. Un
autre objet auquel on ne donne qu'une valeur de 30 1., est « un petit rouet à filer le
lin, travaillé avec beaucoup d'art; il est monté sur du bois débéne, le rouage et la tête
ne font qu'un. La roue est enfermée dans une enveloppe d'argent à peu près ronde, du
haut de laquelle sortent la broche et le dentier qui sont inhérents l'un à l'autre, et
aussi d'argent. L'enveloppe du rouage est surmontée d'un petit péristyle d'argent dans
lequel glisse un bâton servant de quenouille en bois d'ébène et terminée par trois
branches recourbées formant le triangle et servant de tête à la quenouille. » On l'envoya
au comité temporaire des arts, à Paris, en l'invitant à expédier les 30 1. d'estimation.
Les livres de lord Canning — peu nombreux, parmi lesquels : Mémoirs of ihe countess
de Valois de laMotte, — furent remis à dom Gourdin, bibliothécaire national du district,
le 9 frimaire an III. Les papiers consistaient principalement en une liasse de la corres-
pondance de lord Canning avec divers, tant pour la recette de ses revenus que pour le
paiement de la pension de ses enfants au collège de Douai, et une autre liasse conte-
nant différentes pétitions des catholiques anglais afin d'obtenir du roi une décharge des
assujettissements pour fait de leur religion, et bill de diplôme de S. M. Britannique
accueillant cette demande. Après la loi du il nivôse an III, lord Canning chargea un
de ses compatriotes, M. Ackermann qui, moins heureux que lui, avait été détenu à
Rouen, d'obtenir du comité spécial la remise de ses titres, tableaux, gravures et
volumes. (Arch. mpales).
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— 349 —
partagera son contiogent, invite fraternellement la commune à avoir
égard à la demande de Lebel.
Un bruit stupéfiant — dont on s'est pourtant inquiété, signe
des temps ! — s'est répandu dans les campagnes : des ordres
auraient été donnés d'appréhender les jupes, jupons, et corselets !
Déjà des femmes de la campagne cachaient leurs vêtements ou
portaient sur elle le double, le triple de ce qu elles avaient usage de
porter et faisaient souvent quatre à cinq lieues pour déposer leurs
effets chez des amies en ville. Le district écrit « circulairement »
aux sociétés populaires, des campagnes pour leur ouvrir les yeux sur
cette « manœuvre aussi absurde qu'invraisemblable ».
Le district accueille une dénonciation contre Hébert, laboureur
à Saint-Léger-du-Bourg-Denis, arrêté et trouvé en possession d'un
manifeste des armées catholiques et royales en 1793, et .ordonne
une enquête [19 ventôse]. (1)
C'est au district et non à la Société populaire que s'adresse
Siblot pour avoir un sans-culotte sur lequel il puisse compter.
Bernays le lui procurera. Le district donne ordre aux domestiques
de Baillard (2), dans la maison duquel on loge Siblot, de vider les
lieux (28 ventôse). Il signale à Siblot les actes des curés de Montigny
et de Roumare, parce que le fanatisme relèverait sa tête impure si
Ton ne prenait de promptes mesures (3). Siblot, sur une lettre du
comité de surveillance, sépare « promptement de la société des
hommes aussi pervers » en ordonnant leur mise en arrestation (4)
(1) iJébertet ses deux flis, âgés l'un de vingt-quatre anâ et l'autre de vingt ans»
avaient été mis à Saint- Yon, le 8 ventôse. Le père en sortit le 14 floréal an II, et les fils
le 2 thermidor. Hébert père se plaignait ensuite de ce qu'on réclamait à ses fils 650 1.
pour le loyer de leur chambre commune à Saint- Yon, mesurant cinq pieds et demi de
large. (Arch. m pales.)
(2) M. Baillard de Guichainville, ex-conseiller au parlement de Normandie, détenu
à Saint- Yon, depuis le 19 frimaire ; sa femme, née Marie-Marthe Landry, était aux
Gravelines depuis le 27 ventôse.
(3) L'abbé Laisné, quarante-six ans, ex-curé de Roumare, fut emprisonné à Saint-
Y'on, par ordre de Siblot, le 29 pluviôse, pour cause de fanatisme. Il en sortit le 9 fri-
• maire an 111. L'abbé lîongennl, ùf^é de quatre-vingt-cinq ans, ex-curé de Honville et
de Montigny, détenu à Sainl-Vivicn, le 26 avril 1793, en sortit le 10 germinal an III.
C'était donc un autre prêtre (|ui avait rouvert l'église en pluviôse an IL La municipalité
de Montigny apporta à la bibliothèque du district de Rouen, le 3 germinal an II,
plein un banneau de livres provenant de l'abbé Bougeard. (Arch. mpales.)
(4) Arrêté daté du Havre-Marat, 26 pluviôse an IL
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— 350 -
et le 30 ventôse, le district se fait raconter par Leroux et Mulot,
cultivateurs, que l'église de Montigny a été rouverte le dimanche
précédent, que le curé y a dit la messe, fait le catéchisme, dit les
vêpres et fait un baptême après avoir béni les fonts. Le maire avait
fait circuler une invitation de se rendre à Téglise. Le premier germinal
il suspend ce maire et l'agent national. Le maire reçoit une leçon fra-
ternelle le surlendemain devant Siblot qui, tout en applaudissant au
zèle du district, pense que la mercuriale suffît et que la suspension
est excessive.
Lefebvre-Signol, après avoir lu un projet d'adresse sur la culture
des pommes de terre et des légumes en général, fait prendre par le
district, le 25 ventôse, un arrêté qui le ferait supposer grandement
ému du rapport du comité d'agriculture de la Société populaire sur
la question de savoir s'il est nécessaire de faire disparaître les fleurs
des jardins et de n'y cultiver que les légumes. Un tel sujet ne
saurait être traité en raisonnant avec simplicité :
« S*il est juste, dit le district, de restituer à la nourriture du peuple
la terre que le riche a couverte de fleurs pour satisfaire un luxe asiatiqae
et sa vanité, il serait trop rigoureux de priver rbomme pur et sensible de
Tœillet et de la rose qu'il a soignés et cette jouissance doit être réservée aux
âmes brûlantes de patriotisme^ qu'elle repose et rafraichit. Considérant que
l'ordre dans nos fêtes civiques commence à s'organiser et que les fleurs,
cet ornement de la nature, peuvent être utiles sous ce point de vue.... De
district conformément au décret du 23 nivôse, prescrit aux propriétaires de
jardins de planter leurs terrains en légumes et de restreindre le plus qu'ils
pourront la culture des fleurs de pure curiosité. . . > (1).
Le sort des prêtres était devenu effroyable. La journée du
l®"^ pluviôse (lundi 20 janvier 1794), avait été pour eux l'une des
plus néfastes. Unelettre du notable J.-B. Pinel, le vrny sa/is-culoUc,
comme il signe, fait un trista tableau de la situation des prêtres
reclus à Saint -Vivien. Elle apprend au district que Franconville,
économe, et Grave, portier (2), sont à la maison d'arrêt de Saint-Lô,
(1) Reg. (lu district.
(2) L'écrou à Saint-Lô de François Franconville, trente-cinq ans, économe, et
d'Antoine Grav(\ quarante-six ans, eoneieivo, eut lieu sur mandat décerné par l'accu-
sateur public Leclerc. Tous les deux furent transférés le 24 pluviôse à la maison de
justice où Grave mourut le 12 ventôse suivant. Franconville demandait le 19 brumaire
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— 351 -
depuis la veille, 1^' pluviôse, à huit heures. Dès qu'il l'a su.
Pinel s'est rendu à Saint- Vivien, où il a pris le poste de portier et
celui d'économe. Tout cela n'est rien, écrit-il. Ce qui l'afflige, c'est
qu'il va manquer en même temps de cidre, de viande, de beurre, de
chandelle. Le marchand de cidre est venu à deux heures dire qu'il
n'en fournirait plus, parce qu'il lui est dû 2,000 et quelques cen-
taines de livres. Il est bien dû au boucher 12,000 livres (1) ; le chef
de cuisine est embarrassé pour servir les prêtres le vendredi
suivant (2).
Cette lettre ne dit pas tout. L'arrestation de l'économe et du
portier avait pour cause l'évasion l'avant-veille, dans la nuit du
29 au 30 nivôse, de l'abbé Plaine (3), ex-curé de Pont, près Eu. Et,
an III à rester détenu à Saint-Vivien, où il était depuis son jugement, parce que les
occupations à lui procurées par Boisset, directeur de l'atelier d'espadrilles, lui donnaient
le moyen de faire subsister sa famille. En Tan XI, il était entrepreneur de fêtes cham-
pêtres à Rouen. Guérard, concierge de Saint-Yon, détenu à Saint-Lô depuis le
5 pluviôse, fut transféré à la maison de justice en même temps que Franconville et
Grave, pour l'évasion de trois détenus dont l'un était Gillet, de Neufchàtel, proche
parent du conseiller G ressent, sorte d'aventurier dont la vie fut assez agitée pour être
contée par quelque Ponson du Terrail de l'avenir.
(1) Poret, père de l'agent national, est le fournisseur de la maison de réclusion des
prêtres. Le 5 pluviôse an III, le district lui délivre mandat de 15,126 1. pour viande à la
maison de réclusion des prêtres insermentés (Arch. du départ.).
(2) Arch. du départ.
(3) François Plaine, âgé de quarante-neuf ans, néàDol-de-Bretagnedlle-ct-Vilaine),
le il nov. i794, ci-devant prêtre séculier, depuis le 25 sept. 1702 desser\ant de Pont,
avait un certificat de civisme de cette commune du 7 avril 1793, un certificat de la
municipalité d'Eu (Du Caurroy, maire), du 22 mars précédent, attestant qu'il avait
prêté le serment civique, un autre du 12 frimaire an II, ceilifiant qu'il avait prêté le
serment « voulu », plus un passeport. Averti de son imminente déportation, il s'était
enfui de Saint-Vivien par la porte d'un jardin, laissée ouverte, et en escaladant un mur.
Arrêté à Paris le 3 pluviôse, conduit au comité révolutionnaire du Panthéon, puis au
département de la police, il avoua son évasion, fut ramené à Rouen, mis en accusation
dés le 5 pluviôse et transféré de Samt- Vivien à la maison de justice le 11 fioréal, pour
lin délit consistant à avoir annoncé à la grand'messe et aux vêpres, à Pont, qu'il ferait
le lendemain, décadi,. un service pour le repos de l'àme de Louis Capet, « pour le bien
qu'il avait fait pendant son régne, etc., » délit pour lequel l'avait relâché ïhihault, juge
de paix du canton d'Eu, que, pour cela, Siblot destitua le 27 nivôse ^an II. (Arch. du
départ. — Arch. nationales). Thibault fut aiTêté, conduit de Dieppe à la maison de
justice de Rouen le 11 pluviô.«;e, et condamné par le tribunal criminel, le 28 ventôse, à
garder prison pendant trois mois à la ville d'Eu, où il fut transféré le lendemain. Deux
autres prêtres : Doré, vicaire d'Imblevdle, et Goumet, vicaire de Boisguillaume,
s'évadèrent aussi de Saint-Vivien le 2 ventôse an V.
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— 352 —
le même jour, 1"' pluviôse, Pinel écrit au comité de surveillance et
vient informer la commune que l'un des prêtres reclus s'est acci-
dentellement noyé dans la cave d'aisances de Saint- Vivien (1). En
lisant un arrêté du district de Rouen, du 11 thermidor an III, on
découvre, non sans indignation, qu'il était de notoriété publique et
établi par un certificat de la commune de Bracquemont du 13 octobre
1794, que ce prêtre, un vieillard de soixante-dix-huit ans, « en
démence et en enfance », incapable d'exercer des fonctions ecclésias-
tiques et publiques » s'était retiré il y avait plus de vingt-deux ans,
au séminaire des Vieux-Prêtres, à Rouen (2).
Notons ici que vingt-six prêtres moururent à Saint- Vivien
pendant la Terreur. On devine quelles devaient être leurs funérailles
lorsqu'on voit, le 4 thermidor an II, les « porteurs de corps, morts »
exposer au district que depuis la suppression de leurs pensions,
n'ayant aucun gage, il se trouve qu'ils n'ont pas été payés du trans-
port de plusieurs prisonniers, dépense qui est à la charge des domai-
nes nationaux (3).
Un arrêté de Siblot, du 18 germinal (4), qui a fait grand bruit,
ordonne aux prêtres de la Seine-Inférieure et de l'Eure, n'ayant
point abdiqué et remis leurs lettres de prêtrises, de s'exécuter dans
les vingt-quatre heures, et de se rendre au chef-lieu de leur district
pour déclarer leurs nom, âge et résidence et ensuite entrer dans la
maison de sûreté. Les termes impérieux de cet arrêté eussent dû en
impliquer la clarté. Cependant dès le 24, le district fut obligé de
signaler à Siblot certaines diflBcultés qu'il soulevait, parmi lesquelles
celle de savoir s'il avait un effet rétroactif. Le 13 prairial Siblot en
prenait un autre autorisant à faire sortir do la maison de sûreté les
(1) Le nom de ce prêtre n'est pas indiqué par Pinel. C'était Nicolas Gilles, ex-vicaire
de Braquemont, près Dieppe, entré à Saint-Vivien le 7 vendémiaire. Son mobilier,
comprenant une montre à l'antique, fut vendu 94 1. Son frère obtint, le 11 tbermidor,
main levée du séquestre de ses biens.
(2) Arch. du dép^ Reg. du district.
(3) Arch. du dcp*.
(4) En messidor, Siblot fut dénoncé au comité de Salut public pour la proclama-
tion accompagnant cet arrêté, dans laquelle il disait que les prêtres avaient allumé la
guerre dans la Vendée, visant ainsi le prêtre Rioust, dont j'ai parlé. I^ seule pièce à
l'appui était une lettre imitiuit les caractères d'imprimerie, non signée, reproduisant
une lettre de Robert-Thomas Lindet. Le 25 messidor, le comité accueillait c^tte dénon-
ciation par un simple : Non. (Arch. nat. Dlil 357.)
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- 353 -
prêtres qui avaient abdiqué leurs fonctions à l'époque du 18 germinal,
quoiqu'ils n'eussent pas remis leurs lettres de prêtrise, et tous ceux
qui les auraient remis après cette date. Bien entendu, expliquait-il,
l'on sera certain de leurs principes ; il n'y aura rien à redouter de
leur influence et ils n'habiteront pas la commune où ils résidaient
avant le 18 germinal (1).
Tant que dura l'incertitude sur l'interprétation du premier
arrêté, le district ne crut pas pouvoir dispenser de la réclusion les
citoyens Flavigny, d'Elbeuf, ex-prêtre, âgé de quatre-vingt quatre
ans, infirme au point de ne pouvoir s'habiller, et Dupuis, ex-curé
d'Hautot. Le premier bénéficie d'un sursis de dix jours, puis, le
3 floréal, on l'autorise à rester chez lui. Mais quand Siblot eut fait
cesser les obscurités, le district mit en liberté au moins quinze
ecclésiastiques parmi lesquels l'abbé Collet, ex-supérieur de l'Ora-
toire, et Gourdain, bibliothécaire du département (9 et 15 floréal).
Dans ces entrefaites, Pillon était allé en témoignage à Dieppe (2),
et en rapportait le 28 germinal une vive surexcitation contre les
prêtres, à l'égard desquels, dans une séance particulière de la com-
mune, il provoque des mesures rigoureuses. Ces mesures sont
prétextées parce que a plusieurs de ces scélérats » qui ont été pris
au tribunal du district de Dieppe pour avoir fomenté des rassem-
blements de femmes crédules, se sont réfugiés à Rouen. Une com-
mission, formée des citoyens Carré, Le Boucher, Bellencontre et
Desaubris, est autorisée à lancer des mandats d'amener et à f«iire des
visites domiciliaires pour la sécurité publique. C'est aussi le 28 ger-
minal que Lecomte. député, envoie à son bon ami Pillon un exem-
plaire du fameux rapport de Saint-Just, « un purgatif pour les
grandes communes, et un moyen bien sûr, mais bien politique de
connaître le nombre des ennemis intérieurs. (3) »
(1) Reg. de corr. du district.
(2) Vraisemblablement dans le procès de l'abbé Briche et autres, jugé les 29 et
30 germinal, i«r et 2 floréal, et dont l'un des premiers incidents s'était passé à Rouen.
(3) Il s'agit vraisemblablement du discours prononcé dans la séance de la
Convention du 26 germinal, à 'l'occasion du projet de la loi du lendemain, en
exécution de laquelle aura lieu la battue du 24 floréal. (V. Moniteur, n" 207, p. 838 et s.,
et Arch. mpales, lettre originale de Lecomte.)
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— 354 —
Il n'y avait pas besoin de tant de préliminaires pour s'emparer
de gens tels que le chanoine Hellouin dit Ménibus qui, lui, au sur-
plus, n'avait pu quitter Rouen. Son arrestation, une des plus révol-
tantes aux yeux les moins hostiles à la révolution, a lieu sur un
mandat du district, du 7 prairial, signé Delarue neveu et Delihu.
Ce vieillard, qui demeure rue des Quatre- Vents, est conduit par
Cottais à Saint-Vivien le jour même, parce qu'il n'a pas prêté ser-
ment. Or, il est âgé de quatre-vingt-deux ans, aveugle et sourd; il
est impotent, car il faut que Pierre Canu, son commensal, ait recours
à un brouettier pour le transporter à Saint- Vivien. Il y restera jus-
qu'au jour où Saint- Vivien étant désaffecté, il sera tranféré à Saint-
François, où il mourra après vingt mois de détention, le 18 jan-
vier 1795. Douze jours après, on se hâte de vendre ses vieux habits,
et son vieux violon, adjugé par dix francs au citoyen Castillon (1).
Le 13 floréal, le district avait signalé au citoyen Gamare,
officier de santé, les chanoines Rondel et Gommé d'Angerval
(quatre-vingt-deux ans), et le prêtre N.-J. de Montfort,
insermentés aussi, laissés en leur domicile comme infirmes au
point de ne pouvoir souffrir le transport. Leur séjour à leur
domicile préjudicîe l'intérêt de la république (2), et d'ailleurs la
maison de Vivien a une infirmerie 'commode. . . Visités, les deux
premiers sont déclarés n'être pas transportables. Montfort, dont les
infirmités ne résultent que de sa déclaration, est amenéà Saint-Vivien
le 28 messidor et n'a sa liberté que le 2 nivôse an III. Quant aux
deux autres, ils avaient dû aussi, malgré l'avis de Gamare, entrera
Saint-Vivien l'un le 8 et l'autre le 15 prairial. En ce qui concerne
l'abbé Rondel, déjà en arrestation chez lui, le département avait
écrit au district, le 22 germinal, qu'il devait être reclus, quels que
fussent les motifs qui avaient empêché de le faire jusqu'alors (3).
(1) Arch. nipalos. M. de Glanville {Hist. du prieuré de Sainl-Lô), dit à tort que
M. de Ménihus entra dans la prison de Saint-Lô le 9 prairial an II et y expira le
25 nivôse suivant. M. l'abbé Mtilais semble croire que sa détention con)men^*a seulement
le 9 prairial. [Le Chapitre de Roueii dc^iiiis la grande Révolu fiouj.
(2) Leur mobilier lut vendu. M. d'Angerval avait la jouissance viagère d'une maison
canoniale à lui accordée par arrêté du département du 3 juillet 1791 en compensation
de travaux qu'il y avait faits.
(3) Reg. de corr, du district.
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— 355 -
Le chanoine Delarue, qui avait aussi pétitionné, fut, par ordre du
district, du 11 floréal, transféré de la maison de François en celle de
Vivien, a pour y demeurer jusqu'à la fin de ses jours » (1).
Encore un mot du district dont les actes sont peu connus : Le
8 floréal, il maintient dans son emploi Caqueray, employé dans ses
bureaux des domaines nationaux, « qui est né malheureusement de
parents nobles, mais qui a un certificat de civisme et qui est très
utile dans son bureau ». Il le met en réquisition, lui défend acquitter
son poste, et invite le Comité de salut public à confirmer cette
roesure(2).Et c'est la môme administration qui, à trois jours de là, écrit
au même Comité de salut public pour lui signaler les abus résultant
de ce qu'un « grand nombre de jeunes gons de la première réquisition
qui n'ont pas le courage de voler sur les frontières à la défense de la
Patrie se sont trouvés subitement et comme par inspiration propres
à tous les arts et se sont réfugiés dans les ateliers dont les ouvriers
sont exemptés de la première réquisition par la loi I » (3)
On le voit, commune, district et département rivalisaient
d'ardeur.
Les arrestations s'étant multipliées, le public se demande —
déjà en ventôse — quel sera le sort final de tous ces détenus dont on
peuple les prisons, et les malveillants interprètent au plus mal des
actes d'ailleurs fort singuliers. Ils s'inquiètent de cequ'o/i a commandé
1,000 bières destinées, croit-il, aux détenus qiïon se propose défaire
périr incessamment d'une manière illégale. Poret juge qu'il faut
détruire cette calomnie odieuse et -déjouer de telles manœuvres.
Dans une lettre datée du 15 ventôse, il explique que « cette commande
de 1,000 bières est l'exécuti^m d'un décret de la Convention nationale
concernant les hôpitaux militaires. Les frères d'armes étaient jadis
inhumés sans bière. La loi de l'égalité ne permet plus cette distinc-
(1) Id. — L'abbé Delarue fut mis en liberté par Sautereau sur un avis du district,
du 15 frim. an III, et un certificat de la commune de Fourmetot attestant qu'il avait
assisté à l'installation du curé constitutionnel de la commune, (|ue sa bourse avait été
ouverte toutes les fois qu'il avait été question de la patrie et des indigents ; que dans
Rouen, le citoyen Delarue avait toujours été regai'dé comme un patriote, un homme
bienfaisant, d'une excellente moralité.
(2) Reg. du district. La réquisition de Caqueray a lieu pour le faire jouir des dispo-
sitions de l'art. 10 de la loi du 27 germinal.
(3) Reg. de corr. du district.
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- 356 -
tion révoltante. Il a donc fallu donner des ordres pour la faire cesser.
Nos frères indigents doivent aussi recevoir les honneurs de la sépul-
ture. » (1).
Ce démenti de l'agent national paraît avoirété purement officieux.
L'ensevelissement des militaires, tout ce qui concernait leur inhu-
mation et par suite les bières, ne regardaient point Tadministration
municipale, mais bien les agents spécialement institués pour les
hôpitaux militaires fixes ou ambulants (2). Tout au plus Poret qui,
alors, prenait une part très active aux délibérations des bureaux
d'administration des hospices, avait-il eu à s'occuper des inhuma-
tions des indigents.
L'accusation si grave qu'il repoussait ainsi, n'eût probablement
pas été relevée plus tard sans la publicité donnée à sa protestation.
Cependant cette accusation, malgré son invraisemblance et l'absence
absolue de preuves a été jugée fondée par des écrivains (3) à l'avis
desquels je ne puis me ranger, malgré toute mon antipathie pour
l'agent national de l'an IL
Les bières avaient pu être commandées (4) surtout pour imiter
la corr.mune de Paris où, dans la séance du 30 vendémiaire, Chau-
mette avait demandé que les honneurs de la sépulture fussent
rendus aux riches comme aux pauvres et que les commissaires de
police fussent chargés de faire fournir des bières aux infortunés,
dépense à prendre sur les sous additionnels que payeront les riches (5).
(1) Jontmal de Rouen du 15 ventôse.
(2) Le règlement concernant les liôpilaux militaires, annexé au décret du 3 ventôse
an II (21 février 1794), relatif au service des armées et des hôpitaux militaires com-
prend sous le titre xix, treize articles concernant les inhumations. Aucun de ces articles
ne parle de bières ; il y est seulement question de Tensevelissemont des corps (art. \"h
et des fosses individuelles ou communes (art. 6 et 7).
(3) A. Pa.squier a consacré une assez lonpiie notice à Poret, pour lequel il est loin d'être
favorable autant que pour Pillon, et dont il approuve seulement la lettre sur la Sainte-
Ampoule. Pasquier croit (pie les bières étaient réellement destinées à renfernrier lo5
cadavres des détenus qu'on projetait de massacrer et il frémit de VhorribliMstratagéme.
M. de la Quérière est du même avis. 11 n'en est pas question dans les rapports des com-
missions de l'an 111.
(i) On n'en voit aucune trace dans les comptes décadaires de ventôse.
(.')) Moniteur du IW vjndémiaire, an 11. p. 217. col. 1. On s'occuf>ait à ce moment do
modifier notablement les inhumations, au moins à Paris. V. aussi les comptes rendus
d(îs séances de la commune de Paris des 1'"^ frimaire et 2i nivôse an II, Moniteur des
3 frim, et 24 nivôse.
1
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- 357 -
Cela suflSt, à mon avis,* pour imprimer un caractère de vraisem-
blance à l'explication incomplète de Poret, et qui, venant de lui, ne pou-
vait faire disparaître l'émotion produite par une si énorme imputation.
dans un- tel moment. Il faut voir dans la lettre de Poret moins le
désir de repousser une calomnie que l'intention de vexer les aristo-
crates en leur confirmant une application posi mortem et à leurs frais
des grands principes de Tégalité.
Les fôtes civiques et nationales, l'appareil solennel dont s'en-
tourent les administrateurs, les mesures rigoureuses qu'ils exécutent,
les malheurs qui pénètrent au milieu de tant de familles, n'attirent
ni le respect, ni la considération aux montagnards, aux administra-
teurs. La Commune se croit obligée de faire arrêter Deschamps,
tondeur de chiens, pour insultes à la Société populaire, et Soudèt,
cabaretier depuis vingt ans au coin de la rue de Fontenelle, dont la
maison est fréquentée par les domestiques des ci-devant, qui font
des gestes indécents en voyant les magistrats du peuple, et qui a
pris difficilement la cocarde.
Dans la séance de la Commune du 15 floréal, présidée par Dieu,
la veuve Lefebvre, commissionnaire pour l'expédition des marchan-
dises, dont une pétition vient d'être ajournée, se permet, en sortant,
des propos insultants à la magistrature populaire, qui sont dénoncés
par Guyet et Gamare. A l'instant, l'agent national Poret la fait
rentrer. Gamare prétend qu'en passant à côté de lui, elle a dit d'un
ton ironique et méprisant : Voilà donc la belle justice I Elle nie ce
propos, et fait remarquer qu'elle est bien malheureuse de perdre
18,000 1. Guyet réplique qu'il a bien vu son air ironique et méprisant ;
il a cru entendre : la belle espèce ! Poret reprend la parole et la veuve
Lefebvre se retire après une réprimande fraternelle.
Pillon lui-môme n'est pas bien sûr du respect du peuple pour
ceux qui s'occupent des affaires communales. Précisément à la séance
du lendemain, 16 floréal, on remarque dans les tribunes des bâille-
ments indécents, répétés avec affectation, et paraissant être l'effet
delà malveillance et de la dérision. Aussitôt, on fait fermer les
portes et l'on s'assure du particulier qui témoigne ainsi peut-être sa
lassitude et son dégoût. Le maire l'interroge ; il s'appelle Beaufour,
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— 358- .
et demeure quartier de TEgalité. Les bâillements sont l'effet d'une
maladie, il est bon citoyen et incapable d'insulter aux magistrats
du peuple. Pillon lui dit de se retirer (1).
La susceptibilité des patriotes est parfois poussée à l'extrême.
Ne va-t-elle pas, le 27 ventôse, jusqu'à faire arrêter et mettre à
Saint-Lô, non pas un ci-devant mais un pauvre diable de journalier,
Jean Clavier, âgé de quarante-sept ans, père de quatre enfants, qui,
faisant le lundi, a chanté dans l'auberge ci-devant VEcu d'Alencon,
une chanson dans laquelle il est question « de trois dragons qui
revenaient de la guerre ; la fille du roi devint amoureuse du premier
de ces dragons, qui rapportait une rose. » Clavier ne tarda pas être
relâché.
D'après les adversaires des terroristes, ce fut aussi vers le pre-
mier pluviôse (veille de l'anniversaire de la mort du tyran) que le
Conseil général de la commune redoubla d'ardeur contre lesjsuspects.
Entre autres gens emprisonnés à cette date, on cite d'abord Faucon (1)
négociant, suspect d'incivisme et d'aristocatie, puis Gosselin fih
aîné (2) chargé de la manutention des subsistances de la Commune,
lequel, ayant réclamé le paiement de 34,766 livres, est l'objet, le
15 pluviôse, d'un mandat d'arrêt mis à exécution le 10 ventôse.
De brumaire à la fin de messidor, les mandats d'arrêt du Comité
de surveillance atteignirent un assez grand nombre de gros négociants
(1) Reg. de rHôtel-de-Ville.
(2) ATch. mpales.
(1) N.-G. Faucon, rue llerbière, fut anêté le 2 pluviôse, et, parce qu'U n'y avait pas
de place à Saint-Lô, fut d'abord mis à Saint-Yon. Le 3 pluviôse on l'emmena à Saint-Lô,
d*où il sortit le 13 ventôse pour être écroué à la maison de justice, sous la prévention
de n'avoir pas affiché sur la porte de son nm^asin 22 pièces d'eau-de-v^e qui y étaient
repostées. Il semble être revenu en germinal à Saint-Yon. En thermidor an V, il habitait
rue de la Vicomte et justifiait que son fils Benjamin, âgé de treize ans, n'avait été envoyé
à l'académie de Liège que pour son instruction.
(2) J.-N.-H. Gosselin, place de l'Abondance, 53, fut arrêté sur l'ordre du Comité de
surveillance de la Convention. Poret prétendit démontrer l'exagération de la demande
de Gosselin qu'il assimilait à ces vils égoïstes, vrais fléaux de l'ordre social, qui ne
calculent que sur la misère publique. Gosselin objectait qu'il était non pas un employé
à gages fixes, mais bien un commissionnaire à deux pour cent de bénéfices, n semble
en résulter que toute la somme réclamée était formée de remises. A la même date, le
Comité de Rouen décernait mandat d'arrêt contre l'abbé Gosselin, ex-supérieur du
séminaire de Rouen.
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~ 359 -
et fabricants de la place de Rouen, dont il n'est guère possible de
rappeler ici tous les noms avec les particularités s'y rattachant.
Citons seulement Lézurier fils aîné, le futur maire de Rouen,
arrêté le 17 brumaire comme suspect et destitué, et dont le père
s'adressait vainement à Grenier, commissaire des comités de la
Convention, pour le faire élargir, parce qu'il avait été entrainé.
Bizet frères, rue des Carme», « gros capitalistes », détenus le 21 ven-
tôse, et le 14 floréal amenés chez eux, pour assister à une levée de
scellés pour les contraindre à payer 1,000 livres de mandats à
Vaussy, cuisinier de Saint- Yon, et qui, menacés de rigueur, ont à
Tinstant tiré de leur poche la somme en assignats. Carpentier,
ex-capitaine de navire, marié à une Hollandaise, agent à Rouen du
vice-consul américain du Havre-Marat, arrêté le 25 ventôse ; sur des
plaintes adressées par le ministre des Etats-Unis, le ministre invita
la commune de Rouen à l'élargir, ce qu'ordonna Siblot le 7 prairial.
CarruyejP, manufacturier, écroué le 5 floréal, « ennemi juré des
Jacobins, ridiculisant les martyrs de la liberté en adoptant leur
costume ; fameux partisan de la Bourse dans le temps du fédéra-
lisme ». Ses ouvriers insistaient le 11 floréal pour la continuation
des travaux de son usine. Marion, marchand, rue du Tambour, père
en deux lits de douze enfants, encore vivants ; sa femme, née Leloup,
et l'un de ses fils arrêtés en même temps, pour incivisme et aristo-
cratie et pour cause d'émigration d'un fils Marion, ex-chanoine. En
thermidor, on décida qu'il n'y avait pas émigration, mais déportation.
Fleury d'Harescourt , mentionné par HorchoUe (1) comme
ayant épousé une Delaquerrière ; avait été dénoncé comme ayant
une chapelle en son domicile à Rouen, ce qui se vérifiait inexact ;
il déclara en avoir eu une à sa maison de Montigny, près Canteleu,
et l'avoir fait détruire. On trouva chez lui pour 211,000 livres
d'effets à échéance, une attestation du duc de Liancourt (25 janv.1787)
que Fleury aîné était pelletier foureur de la garde du roi, couché et
employé sur l'état des officiers de la garde-robe et qu'en cette qualité
il avait servi S. M. dans le quartier d'avril ; un brevet du roi, de
(1) Manuscrit cité.
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p." .J^
l'y^^^^
- 360 —
sadite Charge ; un procès-verbal de prise de possession par Fleury
(9oct. 1786) de sa seigneurie d'Harescourt, à Revercourt. (1)
L'une des arrestations qui eurent pour conséquences des forma-
lités et des écritures considérables fut celle de M. de Guillebon,
négociant, rue aux Ours, 18, prévenu d'incivisme et d'aristocratie
âgé de 78 ans, et malade, dans son lit, lors que Ton se présenta pour
exécuter le mandat décerné par le comité de surveillance, le 20
floréal. Il resta consigné chez lui, où il mourut le 12 thermidor
an II (2). Son commensal Bunel fut vainement, au début, questionné
pour savoir si en 1790 il n'avait pas caché des valeurs. Après son
décès se trouvèrent 22,000 livres en or. (3) Au sujet des armes de luxe
saisies chez lui, on constate en l'an III quo des gardes nationaux en
avaient emprunté quelques-unes à la place desquelles ils avaient
laissé les leurs. Le district s'en émeut et, le 11 brumaire, écrit à la
municipalité qu'on s'apercevra ainsi du peu d'ordre de cette partie
de l'administration communale.
Parmi les nombreuses personnes arrêtées à Rouen et dans la
banlieue, de nivôse à thermidor, par ordre du département, du district,
de la commune, du comité de surveillance de Rouen, du comité de
sûreté générale, de l'accusateur public, de Siblot et môme du
conventionnel Letourneur, on rencontre beaucoup de gens qui y
sont fixés depuis longtemps, et quantité d'autres qui s'y sont réfugiés
(1) Ait. de Dreux (Eure-et-Loir). Cette prise de possession présentait la particu-
larité qu'elle avait lieu conformément aux coutumes de Châteauneuf en Thimerais... •
c ce faisant a remué de la terre, jeté des pierres çà et là, arraché des jonquilles, cassé
et rompu des branches, tiré des coups de fusil, etc.. » M. Fleury sortit dl'on, le
30 vend, an UI.
(2) Il était veuf, sans enfants, de Marie Midy, depuis 1786.
(3) La nation venait à sa succession au droit de M«« de Chailloué, née de
Guillebon, émigrée ; le surplus était recueilli par M. de Suzanne et M»» Grenier, sa
sœur, et par M»« de Boisguilbert et M"« de Guillebon. La vente du mobilier dura
vingt-huit jours et produisit 136,266 1. 18 s. L'inventaire est d'un assez grand intéi^t à
divers, points de vue. Entre autres détails, il révèle un des procédés dont furent parfois
victimes les acquéreurs de biens nationaux. M. de Guillebon avait acheté l'emplace-
ment des Carmes déchaussés, à Bouvreuil; six semaines après, le commissaire-
ordonnateur des guerres se présenta au district, le mit en réquisition, s'en fit remettre
les clefs, obligea le citoyen Guillebon de l'évacuer dans les vingt-quatre heures ; puis
il fît culbuter les refends, les cheminées de cette « maison considérable i et autres
dégradations ; les matériaux de ces démolitions furent enlevés, et la maison réduite à
ne pouvoir servir que d'hôpital. « En cet état, on dit aux héritiers qu'ils pouvaient la
reprendre et que le gouvernement n'en avait plus besoin. » (Arch. mpales et du dép».).
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- 361 -
depuis la Révolution. Voici — réunis dans ce seul chapitre — quel-
ques détails inédits sur une partie des noms les moins connus et sur
d'autres qui, au contraire, attirent davantage l'attention.
La citoyenne Le Bègue de Germiny, née Aimable-Julie Groult,
fut écrouée aux Gra vélines le 15 nivôse. Ce fut en vain qu'elle
demanda au Comité révolutionnaire de la faire conduire de préférence
à Saint' Lô, où était détenu son mari, depuis vingt ans soumis à des
accès de goutte et dont l'état exigeait les plus grands soins. Sa fille
Sylvie, chez laquelle on avait trouvé 325 livres de savon, échappa à
la détention (1).
Une cinquantaine de membres du ci-devant Parlement et de la
Chambre des comptes sont emprisonnés pendant la Terreur. L'un
d'eux, Gressent, ex-conseiller au Parlement, est arrêté et conduit à
Saint-Yon seulement le 19 nivôse, quoique dès le 10 septembre 1793
il eût été dénoncé en même temps que son ami et collègue De Moy
par Denise, du faubourg Bouvreuil, « comme portant beaucoup
d'ombrage aux amis de la République et comme n'étant pas vraisem-
blablement dans les principes)). Il s'était pourtant conformé aux lois,
avait payé les impôts et donné sa charge, qui lui avait coûté
20,000 livres ; il désirait la République une et indivisible et le
bonheur commun ; il ne se consolait pas d'être désigné comme
suspect, et demandait sa liberté huit jours après son arrestation. Il
ne sortit que le 4 frimaire an lïlpour éprouver, comme tant d'autres,
la déception de se voir sur la liste des émigrés (2).
(1) M. et M"»* de Germiny avaient quatre enfants, dont deux absents. Leur patrimoine,
comme ascendants d'émigré, fut liquidé le 7 ventôse, an V, et par suite, une valeur
de 451,637 1. revint à la nation. Des biens provenant à la nation de leurs fils émigrés,
furent vendus notamment le 27 frimaire an VIII.
(2) Jean-Louis-Aimé Gressent, dont on a conservé le signalement, fut rayé de la
liste des émigrés par arrêté du 14 ventôse, an III, qu'il fit signifier le 19 germinal, à
ragent nationat du district. Il est mort à Rouen, rue Beauvoisine, 163, le 24 août 1815,
chez son domestique Lecauchois, à qui il avait vendu son bien à rente viagère, sous
réserve des droits seigneuriaux, le 15 septembre 1790. Il existe sur les écrits et docu-
ments par lui laissés, un très intéressant travail de M. le comte d'Estaintot : Notes d*un
Conseiller au Parlement de No)*niandie. Rouen, E. Ccigniard, 1889. — La première femme
du père du conseiller Gressent, dont parlent les iVo/es, était protestante lorsqu'elle épousa
Gabriel de La Louel, écuyer, sieur de Bruncosté, protestant aussi, mort en 1724. Elle
abjura entre les mains de Flament, curé de Neuville-Ferrières et Serqueux et, peu de
temps après, fut marraine d'un enfant dont M. Baudon, sgf. de Neuville et président de
la Société de S^-Vincent-de-Paul, fut le parrain.
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— 362 -
Quelques suspects, entre autres M. des Retours et M"' de
Vieux, échappent à l'exécution des mandats d'arrôt.
Le 4 pluviôse, Guesdon, agent national du district de Mortain,
signalait au comité de Rouen un ennemi de la Révolution, qui
n'ayant pu vivre avec les sans-culottes de sa commune, s'était retiré
à Rouen. Il se nommait Jean-Auguste des Retours; sa présence à
Saint-Martin-de-Chaulieu avait occasionné quantité d'attroupe-
ments à sa maison. Des prêtres réfractaires et des gens comme lui
amenaient à sa chapelle une multitude d'endoctrin«*5S, malgré les
défenses, et il allait jusqu'à tirer, ou faire tirer, les pattes- fiches
mises sur les portes du temple au temps où il était maire de la com-
mune. Le comité de Rouen fit mettre les scellés chez lui, rue des
Parisiens (Saint-Patrice), 49, où se trouvait la citoyenne des
Retours, qui déclarait ignorer où était son père (1). M. des Retours
ne paraît pas avoir été découvert.
(( La veuve Torcy, femme des Vieux » suspecte d'incivisme et
d^aristocratie, et dont le mari est émigré, est, le 15 pluviôse an II,
sous le coup d'un mandat du Comité do Rouen. Mais elle s'est retirée
à Quevillon et, sur la justification de son divorce, l'effet du mandat
est annulé (2).
Un nom qui eut sous l'Empire et en Normandie un grand
retentissement apparaît aussi en pluviôse.] «Le nommé Combray»
rue des Bons-Enfants , 118 ( rue de Fontenelle ) , sera arrêté
en vertu d'un ordre du 8, conformément à une délibération de
la commune, aussi du 8, qui le déclare suspect pour refus de payer
dans le délai sa part de l'emprunt des dix millions. Lors de l'apposi-
(1) Archives mpales.
(2) La situation que s'était faite M"» la comtesse de Vieux, née Desmaret de Saint-
Aubin, veuve en premières noces de M. du Moncel de Torcy, ou plutôt que lui avaient faite
les décrets et les événements était des plus singulières qu'on imagine : Remariée au
comte de Vieux, le 12 octobre 1790, elle en eut, le 3 octobre 1791, une fille, dont la
naissance, — constatée d'abord seulement par acte devant Delabarre et Fossard,
notaires à Rouen, le 11 du même mois, acte qui ne lui donnait aucun prénom, — ne
fut déclarée à la mairie que plus d'un an après, le 20 décembre 1792 ; elle la nomma
alors PharaîJde. La dissolution de son mariage par divorce (3 nivôse an II, ^ dé-
cembre 1794), rendait illégitime un fils dont elle accoucha le 29 messidor an IX, et
M.' et M^e de Vieux, qui habitaient ensemble rue Beauvoisine, 120, la maison de
M. de Marguerit, durent, pour régulariser sa naissance, s'épouser en secondes noces,
à Rouen, le 26 brumaire an IX*
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— 363 —
tion des scellés, il est absent, et c'est à la citoyenne Leseigneur
d'Héricy que parle le commissaire (1).
M™® de Clieu, née Bellaistre, âgée de soixante ans, est arrêtée
chez elle à Rouen, rue d'Ecosse, n° 17, le 15 germinal, pour incivisme,
aristocratie et parenté avec un émigré (2). Elle a la fièvre et on la
laisse chez elle sous là garde de deux sans-culottes dont elle espère
se débarrasser en exposant au comité qu'elle est originaire d'Amérique
et roturière, qu'elle a fait des dons patriotiques et qu'on la dénonce
faussement comme ayant cinq cochons. Si sa propre situation n'ins-
pire pas de pitié, elle compte au moins que le souvenir du service
signalé rendu par son beau-père, Gabriel de Clieu, à l'île de la
Martinique, et par suite à toutes les îles du Vent, intéresseront la
générosité du comité de surveillance : « C'est lui qui, vers 1710, y
planta l'arbre qui produit le café (3) ». Peut-être ne sentait-on pas
(1) Il s'agit d'Alexandre-Louis-César Hély de Combray fils, âgé de trente ans, dont
la mère et la sœur, M™« Acquêt de Férolles, furent au nombre des principaux accusés de
ce qu'on appelle plus ou moins exactement le procès d'Aché-de Combray (1807-1809) .
M"»« de Combray, dont le nom est partout défiguré, était née Marie-Geneviève Gouyn
de Brunelles, à Rouen, le 12 juin 1742 ; son père était président à la Chambre des
Comptes. M"« de Combray fut rayée définitivement de la liste des émigrés le 2« jour
complémentaire an IV. Si l'on en croit son gendre Acquêt de Férolles, celui-ci qui, sous
la Restam-ation, prétendait le contraire, avait constamment résidé à Rouen pendant la
Terreur, sous divers déguisements. Il disait avoir sauvé la vie à M"»» de Combray avant
d'épouser sa fiile. Les demoiselles de Montfiquet qui figurent dans le procès de 1807
furent arrêtées à Rouen lors de la battue du 24 floréal. Flierlhé, l'un des condamnés de
1807, était aussi à Rouen sous la Terreur, y fut arrêté le 8 floréal an II et renvoyé devant
le directeur du jury. C'était un ancien soldat du régiment suisse de Salis-Samade. Le
frère du vicomte d'Aché fut emprisonné et mis au secret à Rouen, le 17 août 1807, et ne
fut mis en liberté que le 15 novembre 1810. De Combray fils fut, après la condamnation
de sa sœur, détenu par mesure de haute police depuis le 17 mars 1809 jusqu'au 25 jan-
vier 1811 (Arch. mpales et notes de l'auteur).
(2) M. de Caumont, marié à M"« de Clieu, réfugié à Londres. Sa biographie est
bien connue. M«"« de Caumont avait quitté Rouen pour se rendre à Derchigny (district de
Dieppe) ; dénoncée, parce que « les communes murmuraient contre son incivisme »,
elle fut mise en arrestation par le Comité révolutionnaire de Dieppe, le 24 ventôse.
(Arch. mpales. — Lettre de la mpalité de Derchigny, du 21 germinal). M»« de Caumont
avait fait partie de l'une des loges de femmes dites d'adoption de Dieppe ; elle de\int
grande maîtresse, et on la surnommait Jeanne Hachette (F.*, de Loucelles, ffistoi/t»
générale de la Franc-Maçonnei ie de Normandie, p. 175.)
(3) M»« de Qieu prend la peine d'ajouter que « pendant une très longue traversée,
il se pnva de son eau pour conserver un arbuste qui a été depuis une source de richesse
pour les isles et par suite pour la Fi*ance entière. Les colons voulurent se montrer
reconnaissants et lui assurer la jouissance de 30,000.1. de rente qu'il refusa constamment
quoiqu'il n'en possédât point 3,000 1. »
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— 364 —
assez à ce moment toute rimportance de la découverte de Clieu, le
café n'étant pas taxé à Rouen (1), et y atteignant vraisemblablement
un prix élevé.
Il fallait, du reste, avoir conservé une dose excessive d'illusions
pour croire au crédit de tels noms chez les Montagnards de Rouen.
On avait plus de succès lorsque, comme Le Compasseur de Courti-
vron (2), — pourtant noble d'extraction, — arrivé depuis peu à
Rouen de Bourbonne-les -Bains, lieu de son domicile, on pouvait
déclarer être le mari et le gendre d'une Le Peletier, et ajouter que sa
belle-mère était la tante de Le Peletier de Saint -Fargeau. Là-dessus,
le comité s'inclinait. Le Compasseur ajoutait que « le nom de son
amie qui est en arrestation à Paris, est Brulart ». Cela importe
peu. Le comité arrête, le 23 nivôse, qu'il n'a rien à délibérer et que
François Le Compasseur est libre en se conformant aux règlements
de la ville de Rouen.
Un soi-disant négociant de Rodez, nommé Suffenck (3), venant
du Havre et de Bolbec, depuis trois ans dans le commerce, achetant
des soieries et plaçant sur sociétés maritimes, avouant qu'il avait
été ecclésiastique deux ou trois ans et fait prêtre à Chartres, est
arrêté le 1®' nivôse. Il déclare, outre ce qui précède, qu'il connaît à
Paris Fabre et Cambacérès, députés de l'Hérault, et qu'il a dîné avec
Cambacérès quatre ou cinq jours avant son départ. On l'envoie
provisoirement à Saint- Lô (4) ; le 9, il demande sa liberté qu'on lui
accorde le 17 avec un passeport pour Passy.
On s'étonnerait de ne pas rencontrer parmi les victimes de la
révolution Chouquet, le buvetier du Palais, qui doit aux incidents
de l'exil du Parlement une notoriété perpétuée par le plus connu
des historiens rouennais. (5) Chouquet, en l'an II, est âgé de
(1) Arch. du dép^ Reg. du district. Séance du 14 vent, an II.
(2) F. -G. Le Compasseur de Courtivron, marié à une Migieu.
(3) Suffenck était un sobriquet reçu au collège ; d'où vient que son vrai nom reste
inconnu.
(4) Le registre d'écrou de Saint-Lô, dont M. de Lérue a donné des extraits, ne
contient pas d'écrou concernant Suffenck.
(5) M. Floquet, Hist, du Parlement de Not^iandie, t. VII p. 208. — HorchoUe
raconte, à la date de septembre 1798, une scène qui se passa au tribunal correctionnel,
scène dont le principal pA^onnage est Lecœur, vicaire intrus de Saint-Jean « habitué
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-365 —
quarante-huit ans, marchand de vin, rue aux Juifs, cour des loges.
C'est là que par ordre du comité de sûreté générale, le 11 nivôse, on
se saisit de lui, pour le conduire à Saint-Yon, où il reste jusqu'au
8 fructidor. (1) Il est vraisemblable que Chouquet, naguère un per-
sonnage, puisqu'il avait osé tenir tête à M. d'Harcourt, affirma trop
nettement son incivisme à la suite de ses démêlés avec les adminis-
trations révolutionnaires. ^i
En pluviôse, le Comité révolutionnaire s'inquiéta de visites
fréquentes reçues par la nommée Choiseul d'Aillecourt (2), demeu-
rant dans le passage de l'ancien Hôtel-de-Ville, maison du ci-devant
curé de la ci-devant église Notre-Dame de la Ronde, à elle louée par
le district. Il commença par interroger, le 13 pluviôse, cette citoyenne
qu'il venait de faire arrêter chez elle, et qui résidait à Rouen depuis
dix-huit mois. Elle avait logé d'abord chez Lemoine, secrétaire à
THôtel-Dieu, rue de la Madeleine, puis chez Pigny, rue du Bac, en
garni. Elle justifiait de sa résidence antérieure à Paris, rue Choiseul,
du Tribunal. » Lecôeur, à l'entrée duquel s'opposait un gardon de chez Chouqu**t,
soufflette ce garçon, qui le frappe à son tour. Le vicaire, arrivé dans la buvette, a vomit
contre la femme du buvetier les horreurs les plus grossières, la traite d'aristocrate....
Chouquet arrive, se plaint au juge... Lecœur, grâce au teeau-pèrede Chouquet, transige
ignominieusement, à des conditions restées secrètes. — Dans une décision du 19 jan-
vier 1783, le district a considérant que le citoyen Chouquet ne peut être regardé comme
un simple concierge à qui on donne le logement pour veiller à la conser\'ation des
lieux qui lui sont confiés ; qu'il a au contraire exercé les fonctions de buvetier donnant
à boire et à manger au public dans presque tous les aîtres dépendant de la buvette et
qui sont considérables ; qu^il jouit en outre d'un très grand magasin prés la maison
de justice; qu'il occupe trois garçons pour le service de sa buvette, et que, pour le
service qu'il leur fait faire auprès du tribunal et du juré d*acc«sation, il a porté yne
somme de 840 l. pour les gages et la nourriture d'un garçon et demi, qui lui a été
allouée. . . décide qu'il y a lieu de faire vérifier et estimer la valeur locative des aîtrjs
dont il jouit et qui sont à la nation, aux fins de connaître la somme dont il est en
conséquence redevable à partir du jour de la suppression du parlement juscpi a ce
jour. » (Reg. du district.)
(1) Arch. mpales. — Kn sortant de Saint-Yon, il alla s'établir rue de la Poterne.
(2) Marie-Eugénie* de Rouillé du Coudray, 31 ans, femme séparée, il y a deux ans,
de Michel-Félix, comte de Choiseul d'Aillecouii. Elle fut détenue avec son enfant (pro-
bablement celle née en 1787), aux (ira vélines d'où tl'es sorlireiit « provisoirement » le
2 brumaire an III. Le 23 ventôse an II, le district lui consentait la résiliation de son
bail à la condition de payer son loyer jusqu'à Pâques. L'un de ses tils épousa M"^ de
Machault. — L'un des rapports des comités thermidoriens parle d'une citoyenne Choi-
seul résidant maintenant à Amiens, qui avait résidé à Rouen, rue du Bac, en face du
Gaillarbois, à laquelle il a coûté 600 1. pour apprendre à supporter une fausse
entorse dont le docteur Camare l'a guérie et qui ne lui faisait pas beaucoup de mal.
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- 366 —
près la Comédie italienne. L'attention était appelée sur elle à Rouen
par une visite par elle faite à une femme Bouquet de la Chaussée,
qui avait été contrainte de donner des renseignements. Son mari
est de la caste nobiliaire, sans qualification particulière, elle ignore où
il est, et le croit mort et non pas émigré. Elle en a reçu des nouvelles
il y a dix-huit mois, des eaux d'Aix-la-Chapelle, où il était avec sa
mère, laquelle est revenue Tan passé à Paris, où elle est morte.
Une souricière fut immédiatement organisée à l'ancien cloître
des ci-devant chanoines de la Ronde, et tous ceux qui s'y présentè-
rent (26 personnes) y furent consignés. Parmi eux, M. de Machault
fils, mestre de camp, demeurant avec son père, rue Damiette, 41,
relâché après un interrogatoire que lui firent subir Gaillon, Gode-
bin et Troussey ; puis Bernard Bacon et Turmel domestique et por-
tier de chez Machault père, venus pour chercher Machault fils ; un
certain Nicolas Mirbel (1), peintre de portraits, rue Beauvoisine, à
Rouen et rue d'Enfer, à Paris, néàNeuvillersen Lorraine, qui faisait
le portrait de la fille de la citoyenne Choiseul; à laquelle l'avait
indiqué la citoyenne Baudon (2), celle-ci déjà détenue aux Gravelines.
Mirbel était veuf depuis vingt- deux ans et on le soupçonnait d'être
chanoine ou prêtre ; Armand Kersabiec (3), secrétaire de la maréchale
d'Aubeterre, chez laquelle il demeurait depuis quatre ans à Paris et
(1) Ou Mirbeck, 56 ans ; à Rouen depuis 15 mois, par permission du Comité de
Salut public. Sa première femme morte après dix mois de mariage, était Marie Hervet,
fille d'un chirurgien. Il semble signer Mirbac. Une note jointe aux pièces le concernant,
annonce qu'il s'était remarié peu après cet incident (arch. mpales). Ses prénoms ne
s'accordent pas avec ceux d'un Mirbeck figurant dans le dict. biogr. de Larousse.
(2) Anne-Marguerite-Charlotte de Ligniville, comtesse du Saint-Empire, veuvede
J.-F.-Gh. Haudon, dont le père avait été seigneur de Neuville-Ferriéres. Elle demeurait
chez Garet, rue des Carmélites, 2, où elle fut arrêtée le 26 frimaire an II, pour être
conduite aux Gravelines ; son mari avait été président de la société de Saint-Vincent-
de-Paul.
(3) Ou Arnaud de Siochan de Kersabiec, 40 an.«, originaire de Pol-de-Léon, distr. de
Morlaix ; vivait du revenu d'un canonicat, n'avait «jamais été prêtre, mais bien dans les
ordres? » (Mémoires, t. i, p. 173 et s.). 11 justifiait avoir prêté serment à. sa section du
Luxembourg. C'était vraisemblablement le frère du capitaine de vaisseau de Kersabiec,
émigré, présent à la descente et prise de Quiberon, et celui de Jean-Marie-Angèlique,
chevalier de Kersabiec, officier, émigré, marié à M"« de Biré. Ce dernier hal)ilait à
Rouen, rue de Grammont, n» 3, en germinal an V; il avait habité rue Quillebeuf pendant
pendant deux ans, du 8 mai 1791 au 31 dèc. 1793, puis avait résidé dans les pay^
insurgés jusqu'à la pacification (Arch. mpales).
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ra^n
— 367 >-
à Rouen et qui l'avait envoyé chez M°^® de Choiseul; le domestique
du citoyen Jumilhac ; deux garçons boulangers, et une dame
Dubourg (1).
La maréchale d'Aubeterre (2), comme M. de Jumilhac, demeu-
rait rue deGrammont, 18 ; elle fut, le 13 pluviôse, l'objet d'un mandat
d'amener et d'un interrogatoire. Son logement lui avait été procuré
par son neveu Bourdeilles, qui habitait alors le n® 19 de la rue de
Grammont, et depuis au Bois-Guillaume. Kersabiec est un élève de
son mari. Elle connaît M"*® de Clioiseul, dont elle n'a jamais vu le
mari. M™® d'Aubeterre fut mise en arrestation le 15 prairial, en la
maison de sûreté des Gravelines, où elle était détenue provisoirement.
On se présenta pour arrêter M. de Jumilhac (3) le 19 ventôse.
Mais on admit qu'il était bien rigoureux de l'obliger à quitter son
second fils, malade au lit d'une fièvre maligne, et il resta en arresta-
tion chez lui avec deux gendarmes. Vers le 12 messidor on le con-
duisit de brigade en brigade de Rouen à Paris, section du Bonnet-
Rouge. Le 23 vendémiaire an III, *^. de Jumilhac et sa femme,
(1) Est-ce laM™e Du Bourg dont parle M™« de Chastenay « ... très jolie, gaie, spiri-
tuelle, légère dans ses mouvements et devenue très dévote... » U paraît y avoir eu à
Rouen aussi vers ce temps-là, B.-S.-J. de Barrai, femme séparée à l'amiable depuis
sept ans, de M. ï'.-J. Cromot. baron du Bourg, qui avait émigré, et duquel elle avait au
moins trois filles; cette dernière habitait rue Beauvoisine, 126, et vivait d'une pension
à elle servie par sa belle-mère. Le 30 janv. 1793, J.-B. Thiessè, homme de loi, rUe de la
Poterne, se déclarait créancier de Dubourg, réputé émigré, ayant eu son dernier domi-
cile au Sap André, distr. d'Argentan, pour le montant d'un exécutoire (Arch. du dép».).
(2) Françoise-Marie-Rosalie de Scepeaux, cinquante-deux ans, veuve de Joseph-
Henri Bouchard, comte de Lussan, marquis d'Aubeterre, baron de Saint-Quentin,
maréchal de France, mort le 28 avril 1788, à soixante-quatorae ans, sans enfants. Elle
habitait auparavant à Paris, rue Cassette, 30.
(3) Pierre-Marie Chapelle, comte de Jumilhac, marié à C. de Pourcheresse
d'Extrabonne. Le 17 floréal, le comité de surveillance d'Exideuil (Dordogne), prévenait
celui de Rouen que Chapelle-Jumilhac, ci-devant lieutenant-général des armées du
tyran, s'était réfugié à Rouen pour se soustraire à la vengeance et aux recliorches des
autorités. On avait retrouvé au château d© Jumilhac une correspondance et intercepté
à la poste une lettre où Jumilhac recommandait à ses agents de brûler sa corres-
pondance. Jumilhac, fils aîné '.né en 17C4, marié à M"« du Plcssis de Bichelieu)
avait été président du district d'Exideuil : « 11 était étroitement lié à une femme
rongée par l'aristocratie, qui a dans ce moment-ci expié ses forfaits sous le
glaive de la loi. » Jos. -Léon-Marie Chapelle de Jumilhac, qui se trouvait à Rouen avec
son père et sa mère, transférés à Paris, dans laprison de la rue de Sèvres, furent mis en
liberté par le comité de sûreté générale, le 23 du même mois de vendémiaire. (Arch.
mpales). Un des parents de M. de Jumilhac avait épousé une Rouillé.
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détenus à Paris, rue de Sèvres, furent mis en liberté par ordre du
comité de sûreté générale.
LecomtedeBourdeilles (1) sur lequel le comité de Rouen s'était
renseigné auprès de M°^« d'Aubeterre, était le beau-père du comte
de La Garde (2), arrêté sur l'ordre du comité de sûreté générale,
à Rouen, rue de Grammont, par Sirejean, agent du Comité de
sûreté générale, accompagné de Poisson et Troussey, du Comité de
Rouen. A la suite de Fenvoi, par le Comité de Rouen à celui de la
section du Bonnet-Rouge de Paris, d'une lettre à l'adresse de Bour-
deilles, datée du 20 mars, sans pays, les agents Vemay et Poincelot
furent envoyés à Rouen, et, accompagnés des mêmes Poisson et
Troussey, et d'André Meignen et François Bellamy, du comité de
Bois-Guillaume, se rendirent au domicile, en cette commune, de
M. de Bourdeilles. Celui-ci fut amené à Rouen. Sa femme, malade,
et allaitant son enfant, fut laissée à la garde de deux citoyens. Le
15 germinal, les deux agents conduisaient à Sainte-Pélagie M. de
Bourdeilles, M"® de Lagarde, sa fille, et M™« de Beaùmont, sa belle-
sœur. M. de Bourdeilles n'en devait partir que pour aller à l'échafaud,
comme son gendre.
Le même sort attendait une rouennaise, M™« veuve de Colbert
de Maulévrier, née de Manneville, qui fréquentait comme eux la
citoyenne d'Aubeterre et le nommé Jumilhac, qu'elle avait le tort
d'appeler Monsieur. Elle fut arrêtée à Rouen le 19 ventôse an II sur
(1) Henri- Joseph, comte de Bourdeilles, quarante-six ans, ex- noble, maître de
camp à la suite de la cavalerie, condamné à mort par le tribtmal révolutionnaire de
Paris, le 7 thermidor an II, était veuf en première noces d'une Dexmier d'Archiac de
Saint-Simon, et s'était remarié le 20 avril 1773, à une fille du marquis d'Estampes; sa
mère était la sœur du maréchal d'Aubeterre (C'« de Chastellux, ouvr. cité.)
(2) F.-C. Thibault, comte de La Garde, trente-et-un ans, ci-devant officier aux gardes
françaises, né à Saint-Angennes, marié le 4 janvier 1791, à une fille âgée de vingt-deux
ans, du premier mariage de M. de Bourdeilles. Ils habitaient à Rouen, rue de Gram-
mont, 19, une maison meublée, louée par M. de Campion-Montpoignant à M. de Bou^
deilles. Le 9 frimaire, M. de Lagarde, déclare à Rouen la naissance de sa fille Yolande,
née de son mariage contracté à Saint-Sulpice de Paris, le 9 janvier 1791. M. de Lagarde
fut condamné à mort par le tribunal révol. de Paris et exécuté le 6 thermidor. Sa berline,
remisée chez Massau, qui la déclara lell thermidor, fut adjugée pour 2,515 1. à Iloussey,
marchand, rue des Charrettes. Elle était» peinte sur fond brun, avec un alatour*de
roses sur fond d'argent, le train en vermillon et réchampi, ayant un chiffre sur la
coquille. » (Arch. mpales.)
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Tordre du comité de sûreté générale du 15, par les agents Joly et
Poincelot, assistés de Bourdon, commissaire de police, dans sa
maison de la rue de TU ni té, ci-devant Eloi, n® 26. Amenée le 19 ven-
tôse devant Gaillon, membre du Comité révolutionnaire, elle subit
un interrogatoire auquel elle répond qu'elle a deux fils, dont lalné a
été ministre de France auprès de l'électeur de Cologne, de 1784 à la
fin d'avril 1792, et l'autre est chevalier de Malte et oflBcier de marine.
Ce dernier est parti en juin 1791, avec un congé pour aller faire ses
caravanes. Il a écrit dans les premiers temps, puis on n'a plus entendu
parler de lui. L'aîné est revenu d'Allemagne en France sur un arrêté
du département de Paris qui l'avait déclaré non émigré, puis un
ordre du pouvoir exécutif l'a obligé on avril 1793 de sortir de la
république. Elle a été avec son fils en Allemagne mais elle est rentrée
le 22 mai 1792. Elle connaît très peu Jumilhac et a vu deux fois
M™* d'Aubeterre. Elle n'a jamais entendu parler de Cooltz, de
Bruxelles, qui vient d'être arrêté pour émission de faux assignats.
Conduite à Rouen par le gendarme RichoUe, de Rouen, elle fut
écrouée à Paris, dans l'ancien couvent des Oiseaux, le 25 ventôse.
Le 8 thermidor, elle était condamnée à mort et exécutée avec vingt-
neuf autres, parmi lesquels MM. Postel des Minières, ex-conseiller
aa parlement de Rouen, et de Crussol d'Amboise, ancien comman-
dant de la ci-devant province de Normandie.
(1) Charlotte- Jacqueline-Françoise de Manneville, âgée de soixante-deux ans, veuve
de René-Edouard Colbert, marquis de Maulévrier, qu'elle avait épousé le 4 mars 1754
et qui était âgé de vingt-six ans plus qu'elle. Ses flls, nés à Paris, l'un en 1754 et l'autre
en 1758. Le premier avait épousé M"« de Quengo, morte à Bruxelles en 1793 et de
laquelle il avait au moins un flls, né à Arnheim, le 11 février 1793, et une fllle née en
1783. D'autres Colbert (de Chabanais), étaient alliés aux d'Amphernet de Pont-Bellanger.
Le 29 thermidor an II, Laurent l'aîné, mandataire de Thibault, entrepreneur de travaux
publics à Rouen, déclarait au nom de celui-ci qu'il était débiteur de M"»« de Maulévrier
de 202,650 1. exigibles en 1797, productifs d'intérêts à 4 «/o. Son mobilier et ses inuneubles
situés dans les cantons de Duclair, Cany et Sassetot, furent vendus (V. reg. du dép», au
27 thermidor an VII). Cependant, le 18 messidor an III, le bureau d'émigration du
département signalait que la loi du 21 prairial précédent ordonnait la restitution des
biens de divers condamnés, entre autres M"»* de Maulévrier ; mais son émigration ayant
sans doute été établie, la confiscation fut maintenue. En lan VIII, Blard, de Rouen, se
rendait acquéreur des biens de l'émigré de Maulévrier, sis à Theuville, comprenant le
château, par des prix s'élevant à prés de deux millions de livres. En 1790, M«"«de Mau-
lévrier avait vendu son hôtel de Rouen à un certain Quibel, qui était venu l'habiter.
(Arch. mpales et du dép», et notes de l'auteur).
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— 310 —
M. de Lévis (1), était à Rouen depuis le 11 août 1793, avec un
passeport délivré à Boulogne-sur-Mer. Il fut arrêté chez M"'* de
Caroncy, amené devant le comité de surveillance où il déclara ne
point se connaître de parents émigrés et ignorer le décret ordonnant
aux ci-devant nobles de se retirer dans leurs municipalités. Il désirait
retourner à Paris ; son père était dans une de ses terres près de
Mâcon. Le comité, provisoirement, décida qu'il serait détenu à
Saint-Lô, et ensuite transféré à Paris de brigade en brigade. On le
garda néanmoins à Saint Yon jusqu'au 18 fructidor an II, date de sa
mise en liberté.
M™® do Carency (2), aussi arrêtée, fut mise aux Gravelines avec
la citoyenne Morga, sa femme de chambre, et Longa, dit Edouard,
domestique do M. Lévis et d'elle-mAme. François Legendre, maire,
et Louis-Robert Foulon, officier municipal de Mont-aux-Malades,
étaient tout exprès venus le 2 brumaire au comité de surveillance de
Rouen la dénoncer comme la soupçonnant femme d'émigré. Chez elle,
rien de suspect. Elle déclarait ignorer où était son mari, etn'avoirpas
vu le commencement de la révolution, étant alors avec le sieur
Quélen, ci-devant la Vauguyon, son beau-père, en Espagne, où il
était ambassadeur de France.
A propos de cette dénonciation, notons que la Société populaire
(1) Antoine- Louis de Lévis, né à Paris en 1767, (ils du comte Marc- Antoine et dune
Griinod de la Reyniére, vivait de son revenu à Rouen, rue du Citoyen, à l'auberge du
citoyen Dasseville. Le 8 vendémiaire an III, le comité de Rouen envoyait le commis-
saire Beaufils s'assurer rue Bourg-l'Abbé, 10, si le citoyen Lévis et la citoyenne Carency
avaient obtenu des permis de résider. M"»® de Carency était coucbée, malade, et, depuis
sa sortie des Gravelines, gardée par deux sans-culottes. M. de Lévis déclara demeurer
rue de Pri.son, au Lion d'Argent; on le conduisit à Saint-Lô dont le registre ne men-
tionne pas sa sortie, certainement antérieure au 12 vendémiaire (Arcb. mpales.)
(5) F.-C. de Rochechouart, fille du marquis de Faudoas et d'une Barl>erie de
Courteilles, mariée le 14 septembre 1789, à P.-A.-M.-C. de Quélen, prince de Carency,
fils du duc de la Vauguyon. M. Forneron (Hist. gén. des émigrés, t. H, pp. 254255-
316-348) donne d'intéressants détails sur le prince de Carency. Un arrêté de Sautereau,
du premier des sans-culollides an II, ordonne le transfert de M"* de Qirency, des Gra-
velines dans la maison de la veuve Rourdon. rue de la Révolution, n® 10, pendant un
mois, sous la garde de deux sans-culottes, pour être ensuite réintégrée aux Gravelines.
Un autre arrêté du même, daté d'Amiens, le 6 brumaire, la mit en liberté (Arcli. du
département.)
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— 371 -
du Monl-aux-Malades (Mont-Libre) (1) qui avait pour président
Pierre Crosnier, eut pendant la Terreur l'avantage d'être fréquentée
par la citoyenne Taschereau, qui, pendant quatre décades, séjourna
dans la commune, chez son oncle, le riche citoyen Druys. Cette
société, que Guimberteau était venu visiter le 20 floréal, admet le 30
« la citoyenne Taschereau, épouse du citoyen Taschereau, représen-
tant du peuple, (2) qui remercie la société de l'avoir reçue et obtient
l'accolade du président. » Le 20 prairial, elle y vient inviter les
citoyens du Mont-Libre à être plus exacts aux séances, et promet le
Moniteur' pour être lu avec d'autres nouvelles qu'elle reçoit de Paris,
Le 19 thermidor, l'agent national du Mont-Libre fut mandé au
au district pour renseigner sur cette femme, dénoncée comme un
des principaux agents de Robespierre; il déclara qu'elle avait des
(( rapports intimes et fréquents avec le Catilina moderne, qu'or-
gueilleuse de cette intimité, elle donnait espoir de la protection du
tyran, qu'elle appelait vulgairement son petit papa, à ceux qui
s'attachait à son parti, tandis qu'elle menaçait les autres de son res-
sentiment. Elle avait des liaisons intimes avec la femme de Sacquépée,
juge au tribunal du district, et surtout avec la femme do LegendEe
maire » (3). Son mari était venu à la Société populaire de Rouen le
25 septembre 1793, et y avait démandé la preuve que tous les
membres avaient accepté la Constitution (4).
(i) L'administration locale informait le district de Rouen, le 18 floréal an III, qifDllt:
avait arrêté de reprendre le nom de Mont-aux-Malades (Arch. du département.)
(2) Taschereau n'était pas député à la Convention ; cette mention du registre <ii^ la
Société populaire, fut bétonnée après thermidor. On sait que P.-A. Taschereau de
Fargues fut accusé après le 9 thermidor, par Vadier, de s'être attaché à ses pas ^H^ur
raconter tous ses faits et gestes à Robespierre, lequel avait exécuté le juèijn;
Taschereau le 9 frimaire aux Jacobins où sa radiation fut prononcée (Afonjieï^r du
14 frimaire an II, p. 305). Il fut mêlé en 1808 à une retentissante affaire entre ra\ uoal
Magloire Robert et Hermel, marchand, à l'occasion de laquelle fut publié un fauluiii :
Guen'e ouverte, chez Ferrand l'aîné, rue Neuve-Saint-Lô, signé : Taschereau-Fargues
(A. Pasquier, Biographies).
(3) Reg. de la Société populaire du Mont-aux-Malades.
(4) Taschereau était de retour à Paris et réadmis aux Jacobins le 8 floréal (Aulnrd^
la Société des Jacobins, t. VI, p. 99). Vadier, du Comité de sûreté générale, à qui k fin
de Robespierre avait ôté la peur, dit, dans la séance de la Convention du 9 thermidor,
que Robespierre lui avait attaché, pour l'espionner, un nommé Taschereau qui était pour
lui d'une attention et d'une complaisance rares ; il le suivait pai'tout, même justiu aux
tables où il était invité . . {Moniteur du 11 thermidor, pp. 1272-1273, 3« col).
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-r 372 -
Le 14 germinal an II. Godebin (1) amenait au Comité, dont il
était membre, deux particuliers qu'il avait vu causant avec trois
autres, rue de la Seille, à la porte de la femme Lieuray, femme
divorcée du nommé Modène, (2), rue Coupe-Gorge. L'un d'eux,
M. de Beaussct (3), était déjà une notabilité littéraire. L'autre était
Raphaèl Ferry, (4) maître de langues et de violon. Tous les deux
furent écroués, le 17 germinal, à Saint- Yon, d'où ils sortirent le
19 fructidor.
III
La battue du 24 floréal an II ( mardi 13 mai 1794), — l'un des
principaux griefs élevés contre les montagnards rouennais en
Tan III, — fut la continuation, voulue à tout prix efficace, des visites
domiciliaires si souvent rejiouvelées depuis septembre 1792 (5) et
toujours incomplètes. Le décret terrifiant du 27 germinal (16 avril),
fut un prétexte, une occasion, sinon une obligation pour la com-
mune de Rouen de se débarrasser des nobles, des étrangers, bouches
(1) M»"» de Chastenny raconte rarrestation de Beaiissel et Ferry, dans la nie, sur
leur mine, par un membre du Comité, qui rétablit sa réputation par cette (capture impro-
visée. Elle ne nomme pas alors Godebin, qui lui a rendu des services (Mémoires, 1. 1,
pp. 193 et suiv.)
(2) M»» de Modéne, née de Lieuray, mariée à Tape de quatorze ans, séparée de kmi
mari en 1782 par sentence du Chàtelet, était venue de Paris à Rouen le 10 septembre 1792
et avait lojîé d'abord chez Taillefer, tailleur, rue Saint-Lô, 9, puis me de la Seille, mai-
son du ci-devant dMIouquetot. Elle fut détenue aux (iravelines le 4 pluviôse suivant.
(3) L.-F.-J. de IJeausset- Roquefort, vingt-trois ans et demi, né à Béziers, fils d'une
demoiselle de Jarente, et parent — ce qu'il ne dit pas — d'une dame Baudot de Senne-
ville, née de Jarente, détenue aux Gravelines puis à Sainte-Marie, comme lui proche
parente de Tex-évéque d'Orléans. Il déclare être homme de lettres, demeurer habituelle-
ment à Paris, rue des Champs-Elysées, 8, et loger depuis le l*»" nivôse maison (hôtel) de
la République, à Rouen, où il est venu en veilu d'un billet d'hôpital du commissaire
des guerres. Sa mère reste à Béziers ; son père a servi et est enfermé à Toulouse, à ce
qu'on lui a dit, « car il n'a jamais eu de relations avec lui depuis qu'il est de ce monde.
Il vit de l'argent maternel et de l'espoir de ce que lui rapporteront quelques pièces de
théâtre faites et en cours. 11 est noble, mais bon citoyen et bon républicain ». En 1805,
M. de Beausset était préfet du palais et chambellan de l'cMnpereur ; en 1810, baron de
l'Empire et grand-maître de la maison de Marie-Louise. Mort en '1835, il a laissé des
mémoires.
(4) Né à Monaco, en Italie, résidant à la même auberge que Bausset. Il vil de ses
talents et a « deux ccoliéres, la veuve (ironte (de Grécourt) et la Eresnaye, sa sœur. » Il
est fort gêné. Sorti de Sainl-Yon le 9 fructidor. •
(5) V. Reg. Séances de la Commune des 30 septembre et 9 oct. 1792,22 février 1793,
et 19 vend, an II.
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• ^ 373 -
inutiles. Vainement, jusque-là, de très-brefs délais leur avaient été
impartis pour quitter la ville.
Ce décret attribuait au tribunal révolutionnaire de Paris le
jugement de tous les conspirateurs, et ordonnait la création de com-
missions populaires pour le 15 floréal. Son article 6 était ainsi
conçu :
Aucun noble, aucun étranger des pays avec lesquels la république est
en guerre, ne peut habiter Paris, ni les places fortes^ ni les villes maritimes
pendant la guerre, lout noble ou étranger dans le cas ci*dessus qui y serait
trouvé dans dix jours, est mis hors la loi.
De nombreuses exceptions étaient inscrites dans les articles
suivants. Les ordres de passe, à délivrer par les comités de surveil-
lance, devaient indiquer le lieu où se rendaient les expulsés. Un
nouveau crime était prévu par cette loi, celui de s'être plaint de la
révolution. Si le coupable, jugé par les commissions populaires,
« vivait sans rien faire, et n'était ni sexagénaire, ni infirme », il
était déporté à la Guyane.
Pillon, revenu de Dieppe, où il avait été .en témoignage (1), en
rapportait une grande surexcitation contre les prêtres dont quelques-
uns avaient pu, croyait-il, se réfugier à Rouen, et faisait nommer, le
28 germinal, une commission de membres de la commune (2) pour
décerner tous mandats d'amener.
Le district, probablement impressionné par les termes impérieux
du décret, choisit ce moment (!«' floréal) pour écrire au Comité de
surveillance que plusieurs mauvais citoyens, sous le coup de man-
dats d arrêt depuis longtemps, « ont probablement été chercher sur
le sol de la tyrannie un asile à leur turpitude » et lui rappelle que la
république devait trouver dans les possessions de ces traîtres l'indem-
nité de leurs crimes. Le comité est invité à donner chaque mois l'état
des particuliers absents lors de la tentative d'arrestation (3),
Le môme jour, le maire annonce que le bureau municipal a
consulté le Comité de salut public sur la question de savoir si Rouen
doit être considérée comme ville maritime, et comme on est sans
(1) Peut-être pour TalTaire Briche, dont les préliminaires s'étaient passés à Rouen.
(2) Carré, Le Boucher, Bellencontre et Desaubris.
(3) Arch. mpales.
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n
— 374 —
réponse, il propose de prendre des mesures pour Texécutiondu décret
du 27 germinal. Le 8 floréal, le même Pillon proteste contre une
inexactitude commise par la Galette qui s'est permis d'insérer que
le Conseil général a consulté le Comité de sûreté générale. La Gcuette
ajoute que la promulgation a eu lieu le 29 et que le délai d'exécution
est de dix jours, ce que Pillon rectifie parce que le décret déclare que
r insertion au bulletin tiendra lieu de publication.
Les 4 et 11 floréal, le comité des étrangers est chargé de présen-
ter une liste des étrangers et des nobles. Le 13, le Comité de salut
public répondait enfin à la commune par une lettre qui ne fut lue au
t'onseil que le 18 (1) : Rouen est ville maritime (2) ; par suite, les
nobles et les étrangers ne peuvent l'habiter. Cette lettre fut envoyée j
H la Société populaire, imprimée et affichée à cent exemplaires. j
Et pendant ce temps, les visites domiciliaires et les arrestations 1
cnntinuent. Elles ont lieu parfois la nuit (3). Il y en a eu plusieurs !
dans la journée du 23, et c'est le soir de ce jour-là, à la commune,
dans une séance particulière, où se sont trouvés les commissaires de
pnlice, le Comité de surveillance et soixante membres de la Société
populaire, que Pillon, dans un discours connu (4), annonce la j
réalisation, quelques heures après, c'est-à-dire à deux heures du
lîiatin, d'un projet de battue patriotique, qui complétera les résultats
des perquisitions partielles. 500 hommes pris indistinctement dans
les 4*, 5® et 7® bataillons de la garde nationale, domiciliés ea^lra
rtfuros, étaient rassemblés. Les factionnaires préposés à la garde des
postes ont pour consigne de ne laisser sortir qui que ce soit de la
commune, si ce ne sont les officiers municipaux, notables, membres du
comité, maire, agents nationaux de district et de commune, membres
(1) Cette lettre est donnée en note de l'un des rapports des comités thermidoriens.
{^) Ce n'était pas la première fois, sous la Révolution, que Rouen était considérée
un mine ville maritime. La loi du 10 août 1791 ayant créé des écoles gratuites et publi-
ques d'hydrographie dans les villes niarUimeSy le conseil exécutif provisoire désignait
If 30 sep. 1792, Réné-Louis Prudhomme pour professer à celle de ces écoles qui était
rtulilie à Rouen (Reg. de l'Hôtel-de-Ville, séance du 1" oct. 1792.)
l3) C'était implicitement permis depuis que dans sa séance du 5 sept. 1793 (Kont-
tfin- du 8 sept., p. 1066, 3« col.) la Convention avait rapporté le décret de 1792 qui ne
b's permettait que dans le jour.
(4) V. M. Gosselin, Revue de la iVoj'wiandie, 1867, p. 234, et le procès- verbal de la
T^cunce de la Commune du 23 floréal.
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- 375-
de département, district, tribunaux, juges de paix, commissaires de
police, accusateur public , décorés, chef de légion , adjudants
généraux, Porlier, secrétaire de Tétat-major, rouliers passant
debout, voyageurs et voitures de poste ; — de laisser librement
entrer ceux qui se présenteront, mais de les empêcher de sortir une
une fois entrés. . .
On devait battre la générale à deux heures, le rappel à trois
heures, commencer les visites à quatre heures et les groupes de
perquisitionnaires opérer simultanément pendant que la ville serait
cernée, encore bien que les opérations dussent s'effectuer non seule-
ment à l'intérieur de la ville, mais en dehors des murs. Pillon fait
observer que c'est en se pénétrant bien de l'esprit des lois et en
scrutant sévèrement les papiers des gens qu'on s'en tirera. Il laisse
bien peu de temps à ses aides pour étudier les lois nombreuses sur
les suspects.
Les mesures dont le maire révélait ainsi les préparatifs au
dernier moment avaient été précédées au moins d'un incident grave
qui pourrait expliquer sinon justifier que ces mesures et l'exécution
impitoyable de la loi du 27 germinal étaient imposées à la commune
ou rendues nécessaires par les projets et les menaces des violents.
M™« de Chastenay raconte que 1' « obligeant Cabissol », avec M™« de
la Borde, vint — peut-être le 22 floréal — à la nuit, « avertir qu'à
minuit le complot était de massacrer tous les nobles, comme de fait
hors la loi ». A minuit, eflEectivement, le tocsin retentit au beflEroi
de Saint-Ouen, d'où un vif émoi. On parut s'en prendre à un incendie
imaginaire qu'on fit semblant d'éteindre et le silence revint. « Quel-
ques méchants esprits » avaient voulu soulever le peuple contre les
nobles à ce signal, et M™* de Chastenay écarte tout soupçon de
connivence contre le comité de surveillance, dont les membres « à
un ou deux près » étaient comme le peuple de Rouen tout à fait
incapables de desseins sanguinaires (1). Elle ne parle pas de la
commune, qui comptait des membres tels que Le Boucher, Tamelier
et autres, incapables d'entrer dans un plan où il put être question
de massacre. Cette imputation n'a pas plus d'autorité que celle des
(1) Mémoires et t. cités, t. I«s pp. 204-205.
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- 376 —
rapports des commissaires des sections de Tan III, où Ton veut voir
dans la battue du 24 floréal, une boucherie départementale.
8iblot n'est pas là, en ces heures auxquelles le maire s'(3fforce
de donner de la solennité. C'est dans Guimberteau, ce « bon enfant »
comme l'appelle M™* de Chastenay, que Pillon et ses amis trouvent
« Thoramede la révolution, qui les approuve et les seconde (1).» Et le
véritable inventeur, l'instigateur de la battue pourrait bien avoir
été le bonhomme montagnard Guimberteau. N'avait-il pas, trois
mois auparavant, en une miraculeuse /)^cAe révolutionnaire, recueiUi
199 suspects à Tours, ville qui, alors, ne comptait guère que le cin-
quième de la population de Rouen ! (2).
Les dispositions si minutieusement arrêtées n'évitèrent pas des
inconvénients, sans doute prévus. Ainsi, le 24 floréal, divers citoyens
des communes rurales arrêtés aux portes de la ville « par la mesure
de sa! ul public -prise par la commune révolutionnaire de Rouen, »
étaient entendus au district, dans une séance non publique, où ils
étaient veims demander des permis pour retourner chez eux. Le
district leur donne des permis pour passer, mais bientôt on vient
lui dire que nonobstant les permis, ces citoyens sont encore retenus.
Il faut que le district aille conférer avec la commune « sur les moyens
de concilier les besoins de nos frères des campagnes avec l' exécution
de la loi. » (3)
Cependant, les choses s'étaient passées au gré du maire, si l'on
en croit son compte-rendu de la séance du 25 au soir. Le Boucher, un
membre du comité de surveillance, Barbarey, et le substitut Arvers,
s'étaient tenus en permanence dès le début de l'expédition, pour
dresser procès-verbal et prendre les noms de tous les suspects
envoyé? devant eux. Dans cette séance du 25, on désigna pour
iïj neg. de IHôtel-de-Ville.
{"Il Suivant une lettre d'un commissaire envoyé de Paris à Tours, la mesure avait
etê nmi'^rtée avec lui et Guimberteau (Moniteur du 16 nivôse an II, p. 427, col. 4™,
st'iitii r de la Convention du 14 nivôse). Une adresse de la Société populaire de Tours,
ïju II) pluviôse explique que ces 199 prétendus contre-révolutionnaires étaient, en
pn^^iîuu totalité, des soldats de la 1'« réquisition, des femmes et des enfants qui sui-
Mù^^wi J armée, et qu'à peine il s'y trouvait un ou deux hommes suspects (Communica-
liun dt- M. Dazallier, procureur de la République, à Tours, qui publie un travail sur la
ré vu lui ton en Touraine).
\^) Reg. du district.
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— 877 —
former trois commissions chargées d'interroger les détenus aux
Gravelines, neuf membres du conseil (1), lesquels s'adjoignirent trois
membres du comité.
Ces commissions, puis le conseil général de la commune, devant
lequel toutes les personnes arrêtées furent interrogées en séances
particulières, activèrent leurs travaux dont les résultats paraissent
peu concorder avec l'allocution satisfaite du maire après la battue.
Pillon, en effet, y annonçait que quatre cents personnes, et plus,
avaient été arrêtées et conduites aux Gravelines. Sans y comprendre
des religieuses et des personnes laissées chez elles en arrestation, il
était entré aux Gravelines deux cent soi xante-et-onze personnes (2),
chiffre que les interrogatoires suivis de mises en liberté des com-
missions et du conseil réduisaient à cent soixante-quatorze.
Le 26 floréal, on décide que les interrogatoires de ceux qui res-
t'^ront détenus seront envoyés à l'accusateur public du tribunal de la
Seine-Inférieure, à l'exception de ceux qui constateront des délits
contre-révolutionnaires, qui seront envoyés à Paris.
La chronique locale du Journal de Rouen mentionna ces visites
domiciliaires, dont se glorifiait la commune, et rendit hommage au
zèle et à l'activité avec lesquelles elles s'étaient faites, et qui avaient
mérité à la garde nationale et aux gendarmes de justes éloges (3).
Plus tard, après thermidor, à la fin de germinal an III, la
10* section accusait les terroristes d'avoir voulu pousser les choses
plus loin. L accusateur public n'ayant pas obéi à leurs inspirations,
(1) Le Boucher, Le Bas, Barthélémy, Camus, Long, Delafosse, Legras, Thibault et
Nos.
(2) Il semble résulter des procès -verbaux des commissions que pour vingt per-
sonnes on s'en rapporte au conseil de la commune, une vingtaine d'autres sont ren-
voyées au tribunal de police ou au comité de surveillance, 75 sont mises en liberté, et 155
restant arrêtées. Aucun renvoi au tribunal révolutionnaire de Paris. Une seule étrangère
fut arrêtée ; quoique ou\Tière et exceptée, elle resta détenue et fut renvoyée à l'accusa-
teur public. Il y avait à peu près autant de roturiers que de nobles parmi les gens
arrêtés. Ratiéville, dont la commune maintint l'arrestation, et qu'elle déféra à l'accu-
sateur public, fut traduit au tribunal révolutionnaire de Paris, condamné et guillotiné
le !«»■ thermidor. L'ex-conseiller Masseron, relâché le 29 floréal, par la commune,
réincarcéré depuis, fut traduit aussi devant le tribunal révolutionnaire, mais non
condamné. L'un et l'autre étaient poursuivis pour des causes auxquelles la battue était
étrangère.
(8) Numéro du 26 floréal» pp. 506-507é
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— 378 —
îk auraient dépêché à Paris Poret (1) pour y solliciter une commis-
sion populaire qu'il y aurait obtenue difficilement. « Lamine était
Doimné président de ce tribunal du sang ». Un citoyen de Rouen
qui se trouvait à Paris aurait été instruit du succès de Poret
et aurait obtenu de Robert Lindet qu'il fit rapporter l'arrêté
établissant cette commission.
Raconte-t-on, dans des mémoires inédits du temps, les cruelles
envurs, les scènes déchirantes, dramatiques, de cette horrible nuit,
trop justement maudite et célèbre ! Oui, sans nul doute. En atten-
dant les éclaircissements des contemporains, recueillons-en un
indice, — ^bien authentique celui-Jà et d'une suggestive éloquence,
— dans les documents si discrets qui ont échappé à l'œuvre du
temps, et à celle parfois si sagace, si prévoyante de certains
ailleurs de ces tragédies.
Une femme Farin, rue Granger, raconte dans un interrogatoire
aî^srz court que d'abord elle avait été admise chez les citoyennes de
Gt cen (2), aux Gravelines, avec une jeune fille, nommée Bavard,
depuis retournée chez son tuteur, en ventôse ; ensuite, deux autres
petites filles, âgées l'une de sept ans et l'autre de cinq ans, lui étaient
confiées par ces citoyennes, qui continuaient à les nourrir ; elles
couchaient dans la chambre de la femme Farin. Les réponses de
< elle-ci ne furent pas jugées sincères ; on crut qu'elle prêtait son
nom aux institutrices, dont l'établissement avait été fermé, et on
il) Poret, qui s'était marié le 24 genninal, se rendit effectivement à Paris le
% |]M|éal et en revint le 15 prairial. Pendant ce long séjour, il vit fréquemment le
jtiitntfiliste Gonjon, les députés Legendre, Lecomte, Yger et Victor Lefebvre, officier
mihin ipal. (V. une curieuse lettre de Poret, du 6 thermidor, publiée dans un /owrnaiwte
fim hHtnd sous la Révolution, la Normandie, 1895, p. 868.
ri) .I^es « six sœurs et citoyennes de Grcen » étaient filles de Abdenago Mathéus,
rlMnalier de Green. autrefois capitaine des gardes du roi d'Angleterre, mort au château
(lits .\ Meurs, le 18 sept. 1784 et d'Elisabeth Meydon. Elles avaient abjuré Thérésie angli-
vmii â Rouen. L'une d'elles était née en Angleterre et avait été baptisée à dix-sept ans,
^u us condition, à Saint-Patrice, par l'abbé Heude, le 20 oct. 1787 ; les autres étaient
nkits en France (une à Isneauville). Elles avaient quarante-six pensionnaires au 12 octo-
lifr 1793. Leur mère, depuis vingt-quatre ans en France, fut détenue aux Gravelines
jitî^itn'en frimaire an III. L'une d'elles épousa J.-R. Ménard, colon réfugié à Rouen.
î;ii ^lé était leur débiteur de 10,257 l. qu'il dut verser au receveur des domaines natio-
UiKikX (Arcb. mpales).
^
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— 379 —
soupçonna que les parents de ces deux enfants étaient émigrés. On
la retint en prison, d'où elle ne sortit qu'après Thermidor. Or, les
deux petites filles se nommaient de la Luzerne (1), et la commission
avait deviné une partie de l'effroyable réalité. C'étaient les enfants
du comte de la Luzerne, émigré, et d'une Montmorin, et les petits
enfants de M. de Montmorin, l'ancien ministre des affaires étran-
gères, l'ancien seigneur de Gaillefontaine, le proche parent des
Legendre de'Collandres, et du marquis du Hallay. M. de Montmorin
avait été massacré à Paris, à l'Abbaye, dans les premiers jours de
septembre 1792. A la suite des événements de cette date, M""« de
Montmorin, leur aïeule, leur jeune oncle Hugues-Calixte de
Montmorin (2) et M™«^ de Beaumont, née Pauline de Montmorin,
leur tante, étaient venus avec elles à Rouen, où tous furent recueillis
par M. de Liancourt. Quand leur hôte dut s'enfuir de Rouen (3), la
famille de Montmorin, y laissant les deux petites de la Luzerne,
avait accepté l'hospitalité de M. et M™* Sérilly, leurs
parents, au château de Passy-sur- Yonne, où, sauf M°*« de Beaumont,
les Montmorin furent arrêtés avec les châtelains, et transférés à
Paris. M""® de Montmorin et son fils, condamnés à mort en môme
(1) L'aînée des filles du comte César-Guillaume de la Luzerne et de Victoire-Marie-
Françoise de Monlmorin de Saint-Hérem, était née à Paris (Saint-Séverin), le 6 avril
1786. (C»* de Chastellux, notes citées.)
(2) Et non Antoine.
(3) On rencontre dans les archives révolutionnaires rouennaises nombre de docu-
ments relatifs à M. de Liancourt et à sa fuite. Le 19 août 1792 (époque de crise : la veille
M. de Larneth avait été transféré de Barenlin à Rouen), deux hommes et une femme
sollicitaient des passeports, sur des attestations de « M. Lacretelle, instituteur de
M. Liancourt fils, qu'ils étaient attachés au service de M. Liancourt, commandant
général ». La commune ne consentit à les déli\Ter que sur l'attestation de M. de Liancourt.
Celui-ci et M. d'Estampes fils restèrent au château de Mauny jusqu'au 3 germinal, jour
où ils s'enfuirent à la nouvelle que des commissaires de la Convention allaient venir
les arrêter. (Arch. du dép*. Reg. du distr. du 21 messidor. Interrogatoires de Renoult,
garde, et de Chatin, professeur des enfants d'Estampes). Le 6 germinal, Siblot ordonnait
l'arrestation de Germain Rosier, de la commune de Mauny (Eure), qui avait facilité
cette fuite en achetant de M. de Liancourt pour 2,000 1. de meubles, qu'il avait payés
avant livraison. Le 25 floréal, le comité de surveillance de Boos envoyait au district le
procès-verbal des perquisitions relatives au nommé Larochefoucault-Li€mcoui*t, et
rapport d'une voiture de poste qui avait traversé les champs au milieu des blés. M. de
Liancourt fut aussi recherché vainement à Caen et à Falaise (21 prairial. Reg. de corr.
du distr. de Rouen). Le 18 floréal an II, le comité de sûreté générale envoyait au district
charge de faire exécuter le mandat lancé centre Larochefoucault fils (Arch. nat. A F
275 ^ 60).
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- 380 -
temps que M*"® Elisabeth et autres, avaient été exécutés le 21 floréal,
trois jours avant Tarrestation de la femme Farin. M™* de la Luzerne,
était morte le 20, dans un accès de fièvre chaude, à l'hôpital delà
prison Saint-Lazare. M""® de Sérilly avait obtenu un sursis. Les
deux jeunes pensionnaires des demoiselles de Green retrouvèrent
leur père après la Terreur (1). Une belle-sœur de M°>«de Montmorin,
M"^* de Tanne (2) était restée à Rouen, où elle ne fut arrêtée qu'en
thermidor. Restaient d'autres amis de la famille de Montmorin,
notamment les d'Aubusson.
D'autres personnages, moins intéressants, moins connus,
évoquant des souvenirs qui peuvent paraître moins dignes d'atten-
tion, comparaissent devant les commissions des Gravelines. La
citoyenne Jeanne Alba, américaine, native de l'Ile de France, veuve
depuis plusieurs années de Louis Vauvray, un parisien qui est mort
en allant à Pondichéry, est âgée de trente-six ans, vient du
Havre, où elle a été enfermée le 23 octobre 1792, et se rendait à
Paris, mais était retenue à Rouen par un certain Blin, son débiteur.
On avait saisi sa correspondance — non suspecte — , assez suivie,
ayant pour objet « des intimités de cœur et des secours » à elle
frmrnis par l'allemand Waldeck (3). Si elle ne trouve pas de secours
elle retournera à Vannes, où elle a des parents. L'interprète Savary
croyait que c'était une aventurière ou qu'elle cachait son nom.
Pauline de Saint-^Etienne, vingt-sept ans, née à Versailles,
s'est appelée aussi Pauline de Montbrissey parce qu'elle a vécu
plusieurs années à Paris avec M. de Montbrissey, lequel l'avait
autorisée à prendre son nom « attendu que c'était l'usage à Paris ».
En dernier lieu, elle était la mai tresse du ci-devant baron et comte
de FI ... , riche de deux millions et ce, du consentement de sa femme.
Il l'avait amenée à Rouen et ne l'aurait pas quittée sans les avis du
P. Lucas, ex-moine, du Mans, près la Flèche. M. de FI. . • qui peut
(l> A, Bardpux, Pauline de Montmoi*in^ comtesse de Beaumont. llevue des Deux
Uifuti's, 15 août 1883, p. 857 et suiv. — Wallon, Histoire du Tribunal Révolutionnaire^
U ill, \i, 407 et suiv, (21 floréal : Af»»» Elisabeth et ses compagnons et compagnes).
\i^\ La fils de M"»" de Tanne, ancien militaire, avait émigré. M»* de Tanne, âgée de
iiikiXHniû-et-onze ans, transférée des Gravelines, fut emprisonnée à Saint-Lô, d'où elle
sdctil h.^ 38 brumaire an III (Arch. mpales).
i3) II a été question plus haut de ce Waldeck à propos de M. de Maldérée.
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— 381 —
être caché à Rouen, dit-elle, avait des émissaires qui l'avertissaient
des visites domiciliaires. Pauline fut mise en liberté dès le 3 messidor.
Une histoire lamentable, plaisante, instructive sinon édifiante,
est celle de Jacques Chalat, notaire à Castries, résidant à Montpellier,
et depuis le 25 août 1793, à Rouen, où il est venu après avoir passé
et séjourné à Paris, pour des biens de religionnaires fugitifs, sis à
Rouen. Il fait en cette dernière ville son service dans la garde
nationale et fréquente la Société populaire. Il a été fermier des
droits seigneuriaux de Castries et géomètre. Il a deux sœurs cou-
turières-modeuses qu'il ne voit pas, et un frère. Actuellement ses
minutes de notaire sont sous la garde (I) de la citoyenne Verdière,
couturière en robes, envers laquelle il s'est bien mal conduit, d'après
sa confession singulièrement détaillée. On parle à Chalat de papiers
cachés chez lui dans un matelas, — à son insu, dit-il, — et des
raisons pour lesquelles il recherchait un nommé Polignac. Il
explique qu'un nommé Algier l'a chargé de recouvrer trois lettres
de change sur Polignac. Chalat a eu plusieurs missions dans
l'Hérault et il a un certificat de civisme de la commune de Castries.
Il voit souvent à Rouen Grignon, cafetier au coin de la rue du
Peuple, qui a tenu à Montpellier le Café des Patriotes, Il se garde
bien de dire un mot de son compatriote SufEenck. La commune de
Rouen le mit en liberté le 9 prairial, ce qui ne prouve point abso-
lument que Chalat n'était pas un conspirateur.
La battue avait fait découvrir la retraite de Jacques Ferrand,
imprimeur, arrêté pour émission de bons de confiance depuis
1» loi du 8 octobre 1892, affaire qui occupa les rouennais durant
de longs mois. Le 11 ventôse, au moment où Périaux et Jeannemey
allaient clore l'inventaire, rue Ganterie, au domicile de Ferrand,
celui-ci, rentré à son imprimerie « pour un moment », échappait à la
surveillance des deux sans-culottes qui le gardaient et disparaissait
sans qu'on pût lo retrouver, laissant ses vêtements et une lettre
d'adieux à sa femme, dans lequel il semblait annoncer sa mort : « Tu
n'as plus d'époux, ton fils n'a plus de père, disait-il. » (1)
(1) Cet écrit existe dans les archives du comité de surveillance. Les deux sans-
culottes (Dubois et Legi*ain) furent emprisonnés, puis, le 25 messidor, mis en liberté.
Ferrand, repris, raconta que le 11 ventôse, il était sorti de chez lui dans la campagne
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— 382 -
Vers le temps où s'accomplissent les visites domiciliaires et les
incarcérations qui causent de mortelles stupeurs de véritables
paniques dans la ville et dans les environs, d'autres événements se
produisent qui se rattachent par des souvenirs encore peu éloignés à
l'histoire de Rouen et de la Normandie, ou qui appartiennent à This-
toire générale de la Révolution.
M. de Fontette, ancien intendant à Caen, arrêté à Rouen, le 8
frimaire, conduit h Saint-Yon, y mourait le 15 germinal (6 avril
1794), par suite, affirmait-on, du peu de ménagements qu'on avait eu
pour son grand âge, sa faiblesse et ses infirmités (1).
Un autre personnage, plus connu à Rouen, où il avait succédé à
M. de Villedeuil, en 1787, comme intendant de la généralité (8),
du Bel-et-Vent, près le Mont-R*nani, où il avait passé la nuit et s'était endormi ; qu'il
était revenu chez lui lo lendemain, était resté dans sa chambre jusqu'au 5 floréal, sans
être vu des gardes entourant son domicile. Depuis, il allait d'une auborjfe à l'autre,
vingt-quatre heures dans chaque ; sept jours après, il partait pour Paris, logeait à
l'hôtel de Lyon, rue de Grenelle-Saint-Honoré, chez un membre du comité de salut
public de la Convention, louait un cabinet garni me du Foin, où il se déclarait impri-
meur, couchait ensuite trois nuits chez un de ses amis nommé Grenet, employé au
bureau de la guerre, et consultait pour son affaire Loyseau, rue Guénépaud, 13, et
Lafeutrie, rue de la Verrerie. Ferrand fut transféré de la maison de justice de Saint-
Yon le 4 fructidor an H, en veilu d'un jugement du 27 thermidor. Prévenu d'avoir
imprimé des écrits tendant à la dissolution de la représentation nationale et au réta-
blis.sement de la royauté, il fut écroué a Samt-Lô le 22 février 18C0. Sur une déclaration
négative du jury du 4 mars suivant, on le mit en liberté le même jour. Il fut de nou-
veau détenu par mesure de haute police le 21 juin 1806 à la maison de justice, d'où il
fut transféré à Saint-Lô le 20 juin.
(1) V. rapports des commissions contre les terroristes, à propos de Regnault. — Du
18 germinal, hier décès, en la maison d'arrêt rue de Thionville, quartier de rEgalitéde
Fran(;ois-.lean Orceau ( le nommé Fontette ),* ci-devant intendant à Cacn, détenu, àg('*de
77 ans. (Etat-civil de Rouen). — M. llippeau (Gouveniemenl île la Not^niaudie, 2* partie,
t. I, p. 414, note), reporte à M. de Fontette tout l'honneur de la mesure de suppression
des corvées dont il avait émis l'idée avant que Turgot l'eut appliquée à son intendance
de Limoges. — M. de Fontette, comme MM. de Villedeuil, de Maussion, d'Agay, Belbeuf.
d'Espréménil et autres, figure dans une publication extrêmement violente : La chasse
aux bêtes puantes et féroces, p. 23 : « Le sieur d'Orceau de Fontette : le condamne à
balayer la salle du grand conseil pendant le temps et espace de dix années ; il n'est bon
qu'à cela ». — La commune de Rouen lui avait accordé un certificat de civisme, le 6
sept. 1793. Il résidait chez la citoyenne d'Hermanville, au sujet de laquelle on consulta
le département pour savoir si les femmes pouvaient être témoins.
(2) M. de Beaurepaire, invent. somm. des Arch. de la S.-Inf., t. I, introd. p. 11 —
Etienne-Thomas de Maussion, né à Paris en 1751, avait épousé J.-A.-R. Orléans de
Cypierre, morte en 1790. De nombreux actes d'hostilitt'\ pillage, dénonciations, etc.. etc.
se produisirent à Jambeville, dont il fut victime. Hamot. agent national deChatou. s'a-
charna contre lui.
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- 383 —
M. de Maussion, avait été arrêté à Ingouville, au moment où il allait
s'expatrier (1) ; puis le 6 ventôse (24 février 1794), était traduit
devant le tribunal révolutionnaire, et guillotiné, sans que son
procès et sa mort eussent paru émouvoir personne et sans qu'on en
fit mention nulle part à Rouen. Cependant l'acte d'accusation contre
lui relevait, notamment, qu'il avait accaparé les blés à Rouen, fait
condamner à l'infâme supplice du gibet, Bordier et Jourdain (( ces
premiers martyrs de la liberté et de l'égalité, en prenant des faux
témoins parmi l'ancien Parlement de Roued » ; qu'il avait émigré en
allant, en 1790, attendre à Rome les filles du tyran (2). Dans les
vingt-et-un témoins qui sont entendus contre lui, aucun n'est df3
Rouen (2). Le 7 ventôse, Fouquier-Tinville informait l'agent national
du district de la condamnation de Maussion, afin qu'on put séques-
trer ses biens (3) et le 19 ventôse, l'agent national (Cabissol ) envoifî
copie de la lettre de Fouquier à la commune, annnonçant, dit-il,
l'exécution d/un nommé Maussion, ci-devant intendant (4), comme
si Cabissol n'avait pas connu naguère M. de Maussion.
Thouret, le constituant, l'ex-député de Rouen, le président du
tribunal de Cassation, à qui la plupart de ceux de ses confrères — et
d'autres — entrés dans les administrations, dans la magistrature,
devaient leurs fonctions, n'eut pas sur M. de Maussion Tavaatttire
d'une mention témoignant le moindre regret, la moindre émotinn
de sa fin tragique et imméritée. On sait que le contre-révolutionnaire
Laflotte, ci-devant^ aroca/, devenu ministre de la République à
Florence, détenu à la maison d'arrêt du Luxembourg, avait détioncé
le 15 germinal, son ci-devant confrère Thouret comme agent de la
conspiration des prisons pour délivrer Danton et ses co-accusés (5)^
dénonciation renouvelée par Couthon dans la séance de la Conven-
tion du lendemain (6). Thouret fut détenu au Luxembourg. Son
(I) Borély, Hisl. de la ville du Havre, t. I, p. 4.076. Il existe un pmirti-vei ï«il
(l'aiTcstation de M. de Maussion, à la date du 29 nivôse, an 11, à Paris, fbg S^-îliMutiVj
place Beauveau, maison de la Tour (arch. nat. ).
1.2) Arch. nat. W. 332, dossier 550 (volumineux).
(3) Arch. mpales. M. de Maus.sion n'avait plus aucun bien, même meubles, à Hniien..
(4) Arch. mpales.
(5) Moniteur du 16 germinal, p. 795, col. 2 ^t 3.
(6) id. du 20 germinal, p. 810, col. 1.
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à
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interrogatoire, le 2 floréal, par Maire, Tun des juges du tribunal
révolutionnaire, en présence de Fouquier-Tin ville, comprenait
seulement deux questions et deux réponses, outre celles concernant
ses noms, âge et profession :
D. — S*il n'a point conspiré contre la souveraineté du peuple en entre-
tenant des correspondances avec les ennemis intérieurs et extérieurs de la
république et particulièrement contre TuDilé et Findivisibilité de la
République.
R. — Qu'il n'a jamais conspiré contre la République et que son premier
désir est que la révolution démocratique s'achève.
D. — S'il a un défenseur.
R. — Que non. En conséquence, nous lui avons nommé d'office le
citoyen Chanveau (1).
L'acte d'accusation, aussi du 2 floréal, dit qu'il n'avait été
continué comme président de l'Assemblée constituante jusqu'à sa
clôture que pour récompenser les services rendus au despote lors du
travail de la révision^ qu'il ne s'était montré que comme l'esclave de
la tyrannie et du despotisme, et qu'il « paraissait » avoir encore
conspiré jusque dans sa prison et être devenu le complice des
conventionnels Dillon etSimond (2), déj^ frappés du glaive de la loi.
C'était plus que vague, et cela justifie pleinement l'indignation delà
postérité et les paroles éloquentes de Beugnot, adressées dix ans après
à l'ancien collègue, à l'ami de Thouret, à M. de Fontenay, lequel,
en l'an II, n'avait pu, disait-il, « que verser des larmes sur sa
tombe. » (3)
(1) Arch. nat. W. 351, doss. 713, pièce, 73. — La pièce 65 est une lettre du comité de
sûreté générale à Fouquier-Tinville, signalant la page 14i du 4« recueil Laporte (pièces
de l'armoire de fer), où il est dit- que Chapelier avait eu avec ïliouret et de Mcinuer
une conversation au sujet de la constitution monarchique.
(2) Dillon et Simond condamnés et exécutés le 24 germinal. fSVallon, llist. du trib.
révol. t. III, p. 198.) Arthur Dillon était général de brigade et n'était pas conventionnel.
C'est une erreur de Fouquier-Tinville.
(3) « Et cet homme, dont la patrie de Corneille et de Fontenelle attendait encore de
la gloire et la liberté des services, cet homme dont les écrits étaient toujours des
modèles et les paroles d'utiles leçons, a été immolé par des furieux qui ne le connais-
saient seulement pas ; ils l'ont envoyé à la mort sans motif, sans discernement, et
comme des sauvages abrutis détruiraient l'œuvre de Xeuxis et de Praxitèle... »
(Discours du préfet Beugnot lors de l'installation du maire, M. de Fonlenay, et des
adjoints. — Heg. de l'Hotel-de-Ville, séance du iO prairial an VIII (30 avril 1800). On
trouve des mentions du nom et des actes de Thouret un peu partout au début de la
Révolution. Dans les Artes rf^ Apôtres, il existe sur lui quelques articles, notanimei.t
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— 385 —
Le même acte d'accusation s'occupait de d'Esprémesnil (1) et
Le Chapelier (2), l'un et l'autre arrêtés dans la Seine-Inférieure, et
qui, avec Thouret, furent condamnés à mort et exécutés le 3 floréal.
Un rouennais, M. Houel, désireux peut être d'éloigner de ses
concitoyens de 1794, les soupçons d'ingratitude et d'indifférence que
pouvait faire peser sur eux leur attitude silencieuse, à la veille, au
jour et au lendemain de ces exécutions, a écrit que la tristesse de tous
les partis était évidente lorsqu'on apprit la mort de l'ex-constituan*
Thouret. Que cet événement et tant d'autres aient attristé de nom-
breux rouennais, cela n'est pas douteux. Mais que les douleurs et les
regrets se soient à ce moment montrés jusque dans les procès-ver-
baux des administrations, c'est une inexactitude (3).
un, assez fantaisiste, dont il devrait être intéi*essant d'avoir la clef. C'est un prétendu
rapprochement historique où il est question du petit démon Touret, qui représente la
Seine-Inférieure ; on y cite VHistoirc de Guillaume-le-Conquérant^ de l'abbé Prévost,
p. 91, d'après laquelle Mauger, archevêque de Rouen, avait un diable, qui s'appelait
Touret, par le moyen duquel il disait tout ce qu'on lui demandait, etc., etc. La diablesse
Thouret et un revenant nommé Fitz-James ont aussi une mention (n« 201, p. 9). —
Il paraît que le diable Touret n'est pas mentionné dans l'ouvrage de l'abbé Prévost.
(Voir Jntei'médiaire des Chercheurs et Curieux, 1899). — Rivarol et Champcenetz, dans
le Petit Dictionnaire des Grands Hommes de la Révolution consacrent à Thouret
une notice courte et peu bienveillante. Une publication de 1791 lui donne le surnom
d'aristocrate gris. — Le 38 fructidor an II, sur la pétition de la citoyenne Quillebeuf,
veuve de Thouret, exposant que les places de son maii et la mauvaise santé de son fils
l'obligeaient à avoir un domicile à Rouen et l'autre à Paris, et demandant que la liqui-
dation des créances de son mari fût faite à Paris, en réalité lieu de son dernier
domicile, le district de Rouen estima qu'il n'y avait lieu à délibérer. -7 Le reg. du direct,
du dép. mentionne à la date du 6 messidor an IV, la vente au citoyen de Madières,
négociant à Rouen, rue des Carmes, 102, d'une maison sise à Rouen, cour de l'an-
cienne maison commune, par 21,000 livres. Ce devait être là qu'avait habité Thouret.
(1) C'est Siblotqui fit transférer d'Esprémesnil à Paris, le 20 pluviôse. La maison
occupée par l'anglais Wild, qui fit tant de démonstrations à la Société populaire, lui
appartenait ; elle était située rue Gasparin, n« 9.
(2) Le Chapelier parait avoir été arrêté à Serqueux, près Forges-les-Eaux. Il avait
séjourné aussi à Hambures (Clais), chez l'ex-constituant Simon. Siblot fit arrêter Potel,
maire de Serqueux, le 11 floréal an II, pour avoir donné asile à Le Chapelier, en le
faisant passer pour son pai-ent (Arch. nat.A F 11 141) — Voie aussi sur l'arrestation de Le
Chapelier, un intéressant ouvrage de M. P. -M. Simon : Temps passé, Journal sans date,
Dijon, imp. Darantiére, in-12, p. 325, note F. — La famille Le Chapelier parait être
d'origine normande.
(3| V. Annales des Cauchois, t. III, p. 397, où l'on renvoie au procès-verbal de la
commune de Rouen du 6 floréal, lequel ne s'occupe pas de Thouret. C'est le 7 floréal
que, présidé par Tamelie^r, le conseil entend lecture d'une lettre du district tendant à
faire des recherches pour découvrir les propriétés de l'ox-constituant « qui vient d'être
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— 386 —
Quant à M. de Crosne, prédécesseur de M. de Maussion à
Rouen (1767-1785), et qui fut exécuté le 9 floréal (28 avril 1794), la
nouvelle de sa mort eut à Rouen, où il avait laissé tant de souvenirs
de son administration, cette unique conséquence apparente : la
Société populaire vint, le 5 prairial, dénoncer au conseil général de
la commune de Rouen le nom de Crosne, « qui se trouvait dans
pluî leurs places.» Le conseil applaudit à sa démarche, et, partageant
les sentiments de la Société, fait disparaître « ce nom odieux, » qui
ne peut rappeler que le souvenir de Tesclavage et do la ser-
vitude (1).
V
La battue du 24 floréal n'avait pas pris tous les nobles et tous
les prêtres restés à Rouen. En prairial, en messidor et dans les
premiers jours de thermidor eurent lieu encore de nombreuses
arrestations de suspects du dehors.
L'une des plus émouvantes, opérée par des agents du comité de
sûreté générale, et qui fut suivie bientôt de la mort de deux des per-
sonnes qui en avaient été Tobjet, s'effectuait le 2 prairial, dans une
maison jouissant à Rouen d'une notoriété justifiée de nos jours par
frappé du glaive de la loi ». Ces dernières expressions n'expriment ni le regret, ni la
pitié. On s'en sert pour le premier venu des guillotinés, et Fouquier-Tinville lui-même,
les emploie à propos de DiUon et de Simond. — Le 21 prairial, le district avise le
comité de surveillance de ce que Lemonnier, chargé de l'mventaire des meubles • du
nommé Thouret, tombé sous le glaive de la loi, vient d'être informé que le nommé
Quillebeuf, beau-père du condamné, a déclaré avoir en son domicile différents objets
appartenant audit Thouret... » (Arch. du dép»). La foret de Toucques, provenant du
duc d'Orléans, et dont j'ai parlé à propos de l'inventaire après la mort de Thouret, avait
été acquise le 31 juillet 1793 de J.-B. La kanal, pour 52/60" et moyennant 5,085,060 I.
par 20 personnes parmi lesquelles une douzaine de rouennais : Les deux De Fonle-
nay (9/60"), Ribard, Chaumont, Ri ouït, Grandin ; Quillebeuf, de Verton, Gueudry, les
deux Havas et Thouret, ce dernier pour 3/60«». Le contrat fut passé à Paris, chez A. de
Fontenay, y résidant momentanément à l'Hôtel des Trois-Evêchés, rue des Filles-
S»-Thomas (Arch. nat. F 7 4.570).
(1) Reg. de l'Hôtel-de-Ville. Une délibération du conseil municipal "de Rouen du
l«f novembre 1801 ordonne que le nom de Crosne soit restitué à la rue qui le portait
précédemment. Thiroux de Crosne s'était démis de .ses fonctions de lieutenant général
de police le 16 juillet 1789, le surlendemain de la prise de la Bastille, jour où le peuple
se mit à sa poursuite et saccagea son hôtel. On trouve de curieux détails biographiques
sur M. de Crosne dans Saint- Elme : Biographie générale des Lieutenants de Police.p.J^-
et suiv. — M. Brette a découvert et publié avec des détails sur la vie de M. de Crosne,
dix-neuf lettres fort intéressantes de celui-ci à Louis XVI, du 20 au 30 avril 1789. {La
Révolution Française^ 1898).
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- 387 —
uneétude que lui a consacrée M. de Beaurepaire (1). Je veux parler
de l'hôtel de Senneville ou d'Aligre, rue Damiette, n*> 30 (n^ 41
en 1794).
Le 3 prairial, Casimir Biot et Alexis-François Gandelot,
membres du comité révolutionnaire de la section de V Homme armé,
à Paris, chargés d'un ordre du comité de sûreté générale et assistés
de Roumy et de Louis Garaut, ce dernier commissaire de police,
se présentaient à cette maison, habitée alors par le citoyen Machault
et lui déclaraient qu'il était en élat d'arrestation. Avant même de
l'interroger, ils visitaient ses papiers et ses meubles, s'emparaient
de dix-huit lettres, d'un grand portefeuille en maroquin bleu, brodé
en or armorié, d'un autre en maroquin rouge à serrure jaune fleur-
delysée, d'une couverture de livre armoriée et fleurdelysée avec
couronne, d'un registre entouré de fleurs, portant couronne dans un
étui de peau, une sonnette de bureau en argent armorié, et un
cachet de constat en or. Après cela, il^eut à dire qu'il se nommait
Jean-Baptiste Machault, ci-devant garde des sceaux et comte
d'Arnouville, âgé de 'quatre-vingt-douze ans (2), ayant environ
60,000 1. de rente, trois enfants mâles dont l'un était il ne savait où,
M. de Machault avait versé 45,000 1. pour sa part de l'emprunt des
dix millions à Rouen. Pendant qu'on le gardait à vue, ils se rendirent
au premier étage où M™« de Machault leur fut représentée par
un « citoyen de confiance ». Elle aussi fut mise en d'arrestation,
avec perquisition-saisie de six lettres et d'objets revêtus de signes
proscrits. Ensuite ils pénétrèrent dans l'appartoment de sa petite
fille (3), qu'ils arrêtèrent pareillement, en lui annonçant qu'ils allaient
(i) Nouveau recueil de noies historiques. — Rouen, E. Cagniard, 1888, p. 316. Noie
sur le logis de lord Clarendon en 4674.
(2) Né à Paris, le 13 décembre 1701. U habitait rue des Bonnetiers, 26, lorsque le
19 septembre 1792, il exposait à la municipalité de Rouen qu'il désirait prêter le ser-
ment prescrit par la loi, et qu'il était âgé de quatre-vingt-onze ans et d'ailleurs parai ysè
ainsi qu'en justifiait un certificat de Lemaire, chirurgien-major de la garde natioimle.
Il avait plusieurs enfants dont l'un se trouvait chez M«»« de Choiseul, en pluviôse (v. plus
haut), et l'autre, ci-devant évoque d'Amiens, avait émigré en Angleterre. A son arrivée
à Rouen, en août ou septembre 1792, M. de Machault demeura d'abord rue des Bonne-
tiers, n» 26. (Arch. mpales.)
(3) Jeanne-Marie de Machault, vingt'ans, née à Paris, femme de son cousin genjiain,
L.-J.-B.-F. de Machault, ci-devant vicomte, officier de dragons, dont la résidence oi^t
inconnue.
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-388-
la conduire à Paris. Chez elle, ils ne trouvèrent à saisir qu'un paquet
de galon de livrée.
Le lendemain, 4 prairial, les sans-culottes conduisirent ces trois
personnes à Paris (1). M. de Macliault père y mourut dans la prison
des Madelonnettes, le 24 messidor suivant (12 juillet) ; sa femme le
suivit de près. Elle ne s'était pas fait d'illusion sur son sort, et le
jour même de son arrestation, elle avait fait son testament, de
Texécution duquel on trouve des traces dans les archives adminis-
tratives rouennaises.
Beaucoup d'autres célébrités de l'ancien régime étaient aussi
venues chercher à Rouen sinon la tranquilité, du moins une sécurité
relative. M, et M™« de Laborde-Méréville (2) habitaient Rouen,
en dernier lieu rue des Préjugés- Vaincus, n^ 16 (rue et maison des
Carmélites^. Dès le 7 frimaire an II (27 nov. 1793), le mari avait été
arrêté sur l'ordre de Leclerc, accusateur public, et en vertu d'un
décret du 4 du môme mois, et écroué à Saint-Lô. Le 4 nivôse (24 dé-
cembre), il était mis en liberté par ordre du même Leclerc et de
Grenier, commissaire du Comité de sûreté générale (3).
M. de Laborde, à Rouen, s'occupait de mécaniques ; il en avait
acheté neuf, sur le prix desquelles il redevait 400 livres à Nicolas
(1) Arch. mpales. On leur adjoignit Charles-Henri-Louis Machault, car tous les
ipiatre figurent dans une liste de détenus envoyés en jugement par le comité de Salut
1 public le 3 thermidor, insérée à la suite du rapport de Saladin, au nom de la commis-
îsion des ^1 (12 ventôse an Ifl) p. 150. Aucun d'eux ne fut condamné. Le 29 fructidor
an II, les officiers municipaux d'Arnouville demandent des renseignements sur la
r-onduite des citoyens et citoyeimes Machault pendant le temps de leur résidence rue
Domiette, 41 (Arch. mpales.)
(2) Jean-Benjamin de Laborde-Méréville, ex-premier valet de chambre de Louis XV,
gouverneur du Louvre, fermier-général-adjoint, député d'Etampes aux Etats-généraux,
chansonnier fameux, était né à Paris en 1734 ; ses chansons ont été réimprimées à
Rouen en 1887. Il avait épousé, en 1774, Adélaïde-Suzanne de Visme, née à Paris en
!753, lectrice de la reine Marie- Antoinette, appartenant à une famille originaire d'Au-
niale, et qui épousa en secondes noces le 19 mars 1798, M. de Rohan-Chabot, lA. de
Visme, Registre de V église protestante d'Oisemont en Picardie^ Paris, A. Lévy, 1888). Le
Irère de M"«» de Laborde (A.-P.-J. Devismes du Valgay, ex-directeur de l'Académie
ruyale de musique, mort à Caudebec en 18i9). résidait pendant la Terreur à Caudebec,
d'où il envoya, au Jouimal de Rouen qui l'inséra seulement le 59 Iructidor an II, une
Prière à VEternel^ en prose. Devismes était venu au moins une fois à la Société popu-
laire de Rouen. Pendant la détention de Midy-Dandé, il réclamait un tableau qu'il avait
tir-posé chez celui-ci.
(3) Arch. mpales.
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Delalande, mécanicien, rue aux Chiens, 19, faubourg de l'Egalité ;
il les avait placées chez la citoyenne Dufour, femme Sansterre,
fabricante, enclos de Bellefonds (1).
Le 16 floréal, à la séance de la Convention, Dupin, député de
TAisne, au nom du Comité de finances et de l'examen des comptes,
avait fait rendre un décret renvoyant les .fermiers-généraux devant
les tribunaux révolutionnaires (2). M. de Laborde était encore en
arrestation chez lui lorsqu'un nouvel arrêté du Comité de sûreté
générale, du 18 messidor, ordonna qu'il fut amené dans une maison
d'arrêt à Paris. Le môme arrêté s'appliquait à Lambert, ex-agent
national du district de Rouen, ce qui ferait présumer que la mesure à
l'égard des deux avait des causes connexes. Elle s'exécuta le 27 mes-
sidor, au moins en ce qui concerne M. de Laborde, qui fut écroué à
Paris, rue de la Loi, maison Egalité (3). Accusé de s'être « engraissé
de la substance du peuple, d'avoir entretenu des intelligences avec les
ennemis de la France, de manœuvres à Londres, consistant dans l'ac-
quisition en Francq des plus beaux tableaux, etc., etc., » M. de
Laborde fût exécuté le 4 thermidor (4).
Ses meubles, estimés 4,427 livres, non compris sa bibliothèque
et un herbier qui furent déposés au muséum national de Rouen,
semblent avoir été attribués à sa veuve le 23 prairial an III (5).
(1) Arch. mpales.
(2) Moniteitv de floréal, n» 227, p. 920 et suiv. Dupin avait été employé dans les
fermes.
(3) Arch. nationales, F 7, 4570.
(4) Wallon, ouvr. cité, t. V. 74 et suiv.
(5) Arch. mpales.
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CHAPITRE QUINZIÈME
Lêi oitoyeniiM à la Société populaire ; diicouri do la citoyonno Mabon. — Poroi
oonoiliatenr. — Lot notairot. — Lo tambour do la § ardo nationaio. * Le cob-
mandant Dachomin, lo torgont Aobé, lo capitaino Oimont ot Tadjadant incol. —
Féto do l'Etro Suprémo — Adienz do Siblot. - Arrivéo du conyontionnol Pomma.
•> L'ox-cbaptlain do Madamo Adélaido, tocrétairo du tbéâtro do la Républiqao —
La citoyonno Delillo, dugaion.— Bibié emprisonné. — Lamine attaqué.— Tbitnllon,
président do la Société populaire. — Pillon et Vemon arrêtés à Paris. - Conflit
entre la municipalité ot les agents du Comité do sûreté générale.
Le concours de la Société populaire aux visites domiciliaires
n'avait guère interrompu ses travaux d'épuration. Elle s'était enfin
dotée d'un règlement, jusque-là inachevé, quoi qu'elle eût dit à
plusieurs reprises antérieurement ; on ne peut juger de l'importance
de ce règlement que par les quinze pages laissées en blanc pour le
transcrire dans son procès-verbal du 9 prairial, jour où la séance fut
levée à 9 heures 58 décimales du soir (1). Il devait être imprimé,
distribué à chaque membre et payé cinq décimes.
A la séance du 10 prairial (29 mai) (2). une députation des
citoyennes des tribunes fut admise, précédée d'un drapeau tricolore
et du tableau des Droits de l'Homme. L'une d'elles parla du drapeau.
Deux autres couronnèrent de lierre Marat et Peletier. Une troisième
offrit un bonnet de la Liberté au président (Leroy), qui donna
l'accolade à toutes : « Ce moment présente le tableau le plus atten-
drissant. Les tribunes semblent se marier avec la Société ; tout est
(1) Soit onze heures. C'est la seule fois qu'on fasse usage dans les registres delà
Société de la division de l'heure selon les dispositions de l'article 11 des décrets du
5 octobre 1793 et 4 frimaire an II. On sait que ces décrets réduisaient à dix heures, ou
parties, le jour de minuit à mmuit, l'heure en cent parties ou minutes décimales, et
que la centième partie de minute était une seconde décimale. Cette réforme n'était de
rigueur, pour les actes publics, que le i*>^ vendémiaire an III. Le 22 frimaire an UI, 1«
séance de la commune de Rouen fut levée à 8 heures 75 minutes.
(2) Jeudi et fête de VAscenHon,
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un ; les sentiments se confondent et présentent, sous des groupes de
républicains et républicaines, une confusion attendrissante de frères
et d'amis. » Discours du président, autre de Poret qui veut que
l'extrait du procès-verbal qui peindra cette scène et les discours
soient insérés dans NoeL Le discours de la députation est un peu
long ; le président y répondit. Mais tout le succès, on le comprendra,
fut pour la citoyenne Mabon, infiniment plus énergique :
Citoyen président, — nous venons ici, au nom de toates les bonnes
citoyennes^ vous offrir une faible reconnaissance de notre amitié en mémoire
des 31 mai et 2 juin. — Noas vous dirons aussi que nous voyons avec peine
rentrer en fouie dans cette société tous ceux qui avaient le poignard levé
contre les patriotes ; il leur suffit de dire qu'ils ont été trompés ; il semble
que, quand ils ont fait cette déclaration, ils ont tout dit. — L'homme de
bien, quand il adopte un principe, il est ferme ; on ne le trompe pas. N'im-
porte, nous leur pardonnons ; le patriote pardonne aisément. — Mais qu'ils
se donnent de garde, on ne trompe pas si aisément les femmes. <2uoiqu*on
nous traite d*espionnes, de mouchardes et de clubistes, ils dormiront que
nous veillerons et nous verserons la dernière goutte de notre sang, comme
nous l'aurions versé le 31 mai et le 2 juin, si l'un de vous eut reçu la
moindre égratignure. . . .
Les idées exprimées par « cette intéressante citoyenne » provo-
quent une discussion dans laquelle sont développées « des mesures
plus révolutionnaires les unes que les autres » pour rejeter encore
une fois delà Société tous les membres fédéralisés et démissionnaires
qui s'y sont introduits en la séduisant.
Une nouvelle proposition de chasser tous les démissionnaires,
scissiomiaires, fédéralistes et signataires de pétitions anticiviques
est mise aux voix et applaudie à l'unanimité. Quelqu'un voudrait
excepter les démissionnaires effrayés par les fédéralistes infestant la
Société au 31 mai ; mais l'ordre du jour et la motion de chasser sur
le champ même ceux qui voudraient excuser et défendre ces fédéra-
listes est adopté. Les instigateurs de ces résolutions, comme toujours,
sont nommés commissaires pour dresser un travail conforme. Ce sont
Pillon, Poret, Blanche et Lefebvre-Signol. Poret, rapporteur,
expose le 12 prairial qu'outre les 51 membres coalisés, il y a eu
158 démissionnaires particuliers. Il distingue los démissionnaires
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seulement pour composer une société disposée à terrasser les fédé-
ralistes, puis les scissionnaires qui voulaient rompre avec les
Jacobins. Pour établir la liste des signataires de pétitions anticivi-
ques, Eudeline, Mabon, Gaillon et Barbarey sont adjoints à la
commission. On décide de suspendre les démissionnaires.
Ce retour en arrière, dont l'anniversaire du 31 mai (12 prairial)
a été l'occasion, « met la mort dans le cœur d'une grande quantité
» de bons citoyens qui ne vivent que d'angoisse » et Poret, qui ne
vient pas aux séances, est invité à se presser (24 prairial.) Le 26,
Poret veut ajourner jusqu'à leur retour de l'armée Joly dit de la Tour,
Haraneder et Lelièvre fils (Adolphe), ajourner à neuf décades
Anqiietin le jeune (rue Grand-Pont), Seyer et Dupas (rue aux Ours)
inactifs et absents en temps de crise, et Lelièvre père, signataire de
l'Adresse des 4,000 ; à quatre décades : Maze (rue de la Raison)
souvent absent ; à six mois Adeline le jeune, pour son indifférence.
(Adopté). Sont aussi ajournés : Fournot, Lemercier, Lebourgeois,
Fournier, directeur des poids et mesures, démissionnaire au 31 mai
et soupçonné d'intrigues ; Bigot, Asselin. Caudron fils est déclaré
indigne de rentrer. Malatiré, alors assesseur de juge de paix, est
réadmis parce qu'on ne croit pas que c'est lui qui a signé l'adresse
des 4,000 et qu'on pense qu'on lui a extorqué sa signature pour celle
des 51.
Colonge, notaire, est d'abord ajournéà six mois, pour son indiffé-
rence et son absence en temps de crise, et pour n'avoir rendu aucun
service à la Société. Il lit un mémoire ; on le renvoie à la commission;
quoiqu'il se fut disculpé du reproche d'avoir discrédité les assignats,
la Société l'ajourna jusqu'à la paix. A propos de ce notaire, signa-
lons que deux de ses confrères, moins heureux, furent détenus
à Saint- Yon : Delabarre (1), du 31 août 1793 au 12 fructidor an II,
(1) Philippe Delabarre, 37 ans, rue de la Cigogne, notaire depuis quatre ans à Rouen.
Un arrêté du département du 3 février 1793, l'avait destitué par suite de refus de
certificat de civisme par la Commune, en janvier précédent. Le département le réintégra
dans ses fonctions le 7 germinal an II!. Dans une note de police de la fin de l'an Vil,
on le dit « notoirement connu pour être l'ennemi du gouvernement, chargé des
» affaires des émigrés et de tous ceux qui ont une opinion analogue. 11 est réputé faire
» dire la messe chez lui ; et il avait des registres clandestins où des mariages, nais-
» sances et décès sont enregistrés. » (Arch. du département.)
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- 393 --
et Marc (1), du 29 prairial an II au 3 vendémiaire an III, l'un et
l'autre pour incivisme et aristocratie (2).
La Société reprend l'épuration de rétat-Daajor de la garde
nationale, opération si longue qu'il est impossible d'en donner un
aperçu et de mentionner rien de plus que les observations de la
Société à la commune sur l'uniforme du tambour-major, qu'elle
considère comme inconvenant dans le système de l'égalité ; elle en
demande la suppression, parce qu'il ne fait que rappeler le souvenir
de l'orgueil et de l'ostentation des tyrans, et propose de le remplacer
par un autre d'un goût simple et analogue au régime républicain (3).
Cette épuration des a militaires » était si mal conduite par
Poret, qu'elle maintenait dans leurs grades des démissionnaires de
la Société. Inspiré par quelque calcul politique, Poret indique alors
« énergiquemont les moyens de ramener tous les citoyens qui n'ont
été que trompés et égarés et de leur donner l'espoir de fraterniser
avec la Société par leur zèle et leurs sacrifices. Il s'ensuit une réso-
lution ajournant à six mois tous les anciens membres de la Société
démissionnaires ou scissionnaires ou rayés pour absence et autres
causes. Les officiers de la garde nationale sont simplement ajournés
jusqu'au rapport les concernant, mais conservés dans leurs grades.
Une telle variabilité dans la jurisprudence de la Société soulève
de vives critiques le 28 prairial. Vainement, Poret revient à la
(!) Pierre Marc, 49 ans, nie de l'Ecole, 32. Il était marié à M.-M.-F. Maillard, et
avait trois enfants. Les scellés furent apposés chez lui où Ton trouva 25 jetons d'argent
« aux armes de la ville et à face de tyran ». Dans une pétition du 18 vend, an III, il dit
que la tyrannie l'avait mis en détention et que la justice l'en a fait sortir. (Aroh.
(2) Un arrêté du département, de 1791, avait fixé à dix le nombre des notaires
à Rouen. D'après un autre arrêté de la même administration (21 prairial an V) la loi sur
l'organisation du notariat du 6 oct. 1791, n'avait pas encore, en l'an V, reçu aucune exécu-
tion ; les concours qu'elle ordonnait n'avaient point eu lieu. Le 16 thermidor suivant,
Rcculard, successeur de Legingois, nommé le 9 messidor par le département qui, la
veille, avait pourtant déjà nommé à cette place Malandain, est avisé qu'il n'a aucun
caractère public et qu'il ne peut instrumenter à peine de fav.x, le département ayant
outrepassé ses pouvoirs, d'après le ministre. Les registres du département renferment
quelques décisions curieuses louchant le choix des notaires. V. not. celle du 3 floré€d
an II, au sujet du choix du successeur de Varengue, notaire à Saint-Saens, entre
Varangue fils et Semichon, alors juge à Neufchâtel.
(3) Le tambour-major se nommait Delaroche. Le 5 vendémiaire an III, la commune
élève son traitement de 1 ,000 à 1,500 1.
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- 394 —
tribune.Une discussion « lumineuse » aboutit à décider qu'une fois de
plus, les épurations auront lieu devant le représentant du peuple.
On conserva J.-F. Duchemin, commandant du 11® bataillon, encore
bien qu'il eût dit que tous ceux de son bataillon étaient des lâches,
mais on fit remplacer Laurent Aube, sergent du même bataillon,
qui ne pouvait commander à des républicains parce qu'on lui
reprochait d'être un fanatique, de fermer sa maison les ci-devant
dimanches, de faire fêter à ses enfants ces jours-là et aussi le
ci-devant jour de Pâques. Osman (1), capitaine du 12« bataillon, dut
être destitué de son grade pour avoir blâmé les décrets, fréquenté
assidûment le café Louis XIII, qui n'était composé que d'aris-
tocrates, et d'y avoir fait des repas. A noter aussi le procédé excep-
tionnel à l'égard des officiers du 9^ bataillon, capitaine Lamelle,
qui s'étaient distingués lors de la destruction de la Bourse, et
qui sont tous conservés..., sauf Le Couteulx, commandant, et
(1) Ou Ossemann père, marchand drapier, rue de la Grosse-Horloge, vis-à-vis
Saint-llerbland, fut avec Guérard de la Quesnerie, Jouanne, mercier, rue Martalnville ;
Venard, ex-procureur, place de la Hougemare, Dallet de Roncherolles, Lechevallier,
mathématicien, Hurépère, Delafontaine, Ânsoult mercier, rue de la Grosse-Horloge, 99,
Villeneuve, rue des Bons-Enfants, Busingant, secrétaire de la municipalité de Bacque-
ville, et Thiriot, d'Offranville, l'objet d'un ordre d'arrestation signé de Duval, alors
conunissaire du directoire près le département, le 28 ventôse an VI (18 mars 1798),
avec des prescriptions rigoureuses, en exécution d'une lettre du ministre de la police
générale du 26. Six d'entre eux furent arrêtés et, le 5 floréal an VI, mis en liberté par le
directeur du jury. Les quatre autres, parmi lesquels Osman, prirent la fuite. Une
note de police de la fin de Tan VI porte ce qui suit le concernant : t Colportait dans
son quartier les écrits révolutionnaires ; était, avant le 18 fructidor, officier royaliste de
garde nationale et se comportait en homme qui veut la destruction de la République.
La notoriété a fait connaître que l'uniforme (dit de Louis XVIII), a été déterminé chei
lui. Il a passé pour avoir été payeur d'une compagnie de jeunes gens et enrôler fncj
pour l'armée royale de Normandie. Il y a euchez lui avant le 18 fructidor un exercice
de bâtonnistes ; son fils aîné, déserteur du 2« corps, a été adjudcmt de l'armée royale de
Normandie ». (Arch. du départ» et notes de l'auteur). Le 18 pluviôse an IV, le ministre
de la police informait Casenave de l'arrestation, à Paris, d'Osman fils, en lui recom-
mandant d'en laisser ignorer le motif à son père (arch. nationales, F. 736,892). Les nonis
de Guérard de la Quesnerie, Osman, Porel, Plocq et autres sont de ceux dont l'ab-
sence dans le travail de la Société atteste quMl a négligé la Haute-Normandie dans son
travail sur Louis de Frotte et les insurrections Normandes.
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- 395 —
Ancel (1), adjudant, à remplacer : le premier comme ex-noble
et le second parce qu'il est à Saint- Yon.
Dans la séance de la Convention du 6 frimaire, Danton avait
annoncé que le peuple aurait des fêtes dans lesquelles il offrirait de
lencens à TEtre Suprême; cela n'avait point empêché, le 10 du
même mois, Pillon de prononcer le discours où il mettait de cô(é
Dieu pour lui substituer la Raison, et le 24 ventôse (2), de ne recon-
naître d'autre divinité que la vertu. Cependant, lorsque Couthon eut
annoncé un projet de fête à l'Eternel (16 germinal), les rouennais
préparèrent leur évolution vers le déisme. Dès le 30 germinal, à
Notre-Dame, Ribié récitait une Prière républicaine (3). Aux pro-
grammes du premier et du deuxième décadi de floréal. figure une
Prière à l'Eternel, par Pillon, maire, peut-être la même que celle
prononcée le l^'^ prairial à la fête de l'inauguration du drapeau
national par le capitaine Bien, du navire le Joseph (4).
Le 18 floréal (7 mai 1794), en instituant les fêtes décadaires, les
conventionnels croient pouvoir proclamer que le peuple français, — au
nom duquel ils avaient si aisément pris l'habitude de trancher les
questions les moins prévues dans des pouvoirs même illimités, —
reconnaît l'existence de l'Etre Suprême et l'immortalité de
l'âme, etc., que le culte digne de l'Être Suprême est la pratique des
(i) Jean-Pierre-Simoti Ancel, quarante ans, ci-devant procureur à la Cour des
Comptes, puis « vivant d'une petite place au département ». Ecroué à Saint- Yon, pour
incivisme et aristocratie, le 6 ventôse an II, selon une liste, et le 9 germinal selon une
pétition; sorti en fructidor suivant. Le 28 prairial an II, lors de la levée des scellés sur
ses papiers, on trouva : une lettre de tonsure à lui accordée le 20 septembre 1776,
signée : Videcoq^ plus un diplôme de franc-maçon « de réception » dudit Ancel ; onze
vieilles épées, dont une « uniforme » les autres ayant servi pour une loge de maçons,
ainsi qu'il le déclara ; un fusil, trois pistolets, des cartouches, de la poudre et des
balles. Le 15 pluviôse précédent, il avait été dénoncé à Desmalis et Godebin, préposés
d'Alquier, pour mauvais traitements à des palfreniers du poste Bonne-Nouvelle. (Arch.
mpales et reg. de la Société Populaire).
(2) Discours à la Société Populaire en revenant de TEvôché.
(3) Jowmal de Rouen du 4 floréal an II, p. 414.
(4) Cette prière est dans le*procès*verbal de la Commune de cette date.
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— 396 -
devoirs de Thomme, résumés en un article. Ils maintiennent, disent-
ils, la liberté des cultes conformément au décret du 18 frimaire qui,
on le sait, invitait tous les bons citoyens à s'abstenir de toutes dis-
putes théologiques.
La Convention ayant ainsi « écrasé l'athéisme, monstre sub-
versif de tout gouvernement, et publié à la face du ciel les grand(îs
vérités de la nature », reçut le 29 floréal de la Commune et de la
Société Populaire de Rouen, des adresses de félicitations (1).
Le 20 prairial, au son des cloches du temple de la Raison et de
celle de la ville, avec le concours de toutes les autorités constituées et
du général de Beaufort, la Commune célébrait au Champ-de-Mars
la fête en l'honneur de l'Eternel, dont les préparatifs avaient été
confiés, par un arrêté rendu public, au David de la commune de
Rouen (2), à Lamine.
Le maire prononce un discours de circonstance ; Guimberteau
débite un morceau de son style familier, et Siblot (3) lui succède et
dit la prière à l'Etre Suprême.
Un hymne sur lair des Marseillais, du citoyen Renault, chef
de bureau de Poret, donne une idée bien vague du Dieu restauré
par les révolutionnaires :
Défiguré par l'imposture
Nous avons rétabli tes traits
Nous t'adorons dans tes bienfaits,
Nous t'adorons dans la nature (bis)
Qui peut nier ton existence ?
Qui doit craindre ton bras vengeur ?
Êourrelé par la consience,
C'est le lâche oppresseur lbi$).
Pillon tient à ce qu'on ne s'y trompe pas :
L'autel que nos bras ont élevé dans cette enceinte, dit-il, n'a rieD de
common avec ces monuments de la superstition et de rignorance que le sol
de la liberté s'est tiop longtemps indigné de porter.
(1) Reg. de l'Hôtel-de- Ville et de la Société Populaire. — Journal de Rouen du
i»»" messidor an II. '
(2) Le décret du 18 floréal chargeait David, conventionnel et peintre, du plan de
la fête de l'Être suprême. L'arrêté de la Commune invitant Lamine à élever l'autel à
l'Etemel est dans le Journal de Rouen du 5 prairial an IL
(3) Par erreur, M. Gosselin met ici le nom de Duport. (Revue citée, 1867, p. 236).
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— 397 —
Ce B'est point une de ces cérômoDies puériles» fruit d'une imagination
délirante, où l'esprit des ténèbres s'enveloppait des nuages du mystère,
célébrait un Dieu vindicatif, jaloux et implacable, par des chants de pros-
cription contre la moitié de l'espèce humaine. Le règne des charlatans est
passé. (1) Quel commerce peut-il y avoir en effet entre eux et une nation
éclairée dont la foudre éclate sur tous les trônes de l'Europe, et qui, après
avoir brisé le sceptre de tous les préjugés, proclame, par l'organe de ses
représentants, sa reconnaissance envers l'Etre suprême en consacrant la
fête à l'Eternel. Le flambeau de la raison a brillé, l'ombre a cédé à la réalité,
les fictions et le mensonge ont disparu ....
Comme Robespierre, qui cependant ne parlera que le surlen-
demain, mais qui a déjà exposé son système le 18, Pillon s'éclaire du
« flambeau incertain » de Rousseau, et pille Bossuet (2). Mais s'il
possède « ses auteurs » il semble n'avoir pas même entrevu leurs
contradictions et il oublie — ou ne veut pas se rappeler — Tune des
conclusions de Jean-Jacques dans la Profession de foi d*un vicaire
Savoyard : « Dans l'incertitude où nous sommes, c'est une inexcu-
sable présomption que de professer une autre religion que celle où
l'on est né. » (3)
Quelle fut la véritable impression des rouennais pendant et après
ce spectacle ? Sans doute, l'enthousiasme parut grand chez les
patriotes, mais le scandale fut-il moindre chez les autres, et si
Robespierre trouva à ses côtés des adversaires et des railleurs dans
la journée du 20 prairial, « en quelque sorte, la consécration officielle
de sa papauté » (4), que purent bien gagner en prestige et en autorité
le jeune et présomptueux Pillon et ses amis politiques ?
Le programme de la fête pour Paris, dont on se fit « un devoir
de suivre les traces» (5), était parvenu à la Société populaire
(1) Adrien Pasquier rapporte ce discours et, écrivant sous TEmpire, ou sous la
Restauration, s'empresse de mettre ici cette parantiiêse : « Il est revenu ». —
(V, Biographie.)
(2) V. Edgar Quinet, la Révolution, 1" édition, in-I8, t. ii, p. 185.
(3) id. id. id. t. i", p. 131 et s.
(4) Maurice Gralerolle, Robespienc, Paris, A. Bellin et C-*^, 1894, p. 357.
(5) Reg. de la Société populaire.
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le 14 prairial avec Y Hymne à V Eternel de Chénier (1). Dès le 19, les
les Hymnes à V Eternel se succèdent dans ses séances. Il en est un
dont le succès s'affirme d'avantage. La « charmante voix » de la
citoyenne L:mfi;lois le fait écouter avec une émotion générale, et
le 20, elle le chante deux fois. C'est au surplus en ces deux jours une
profusion de chants servant d'intermèdes à une séance entremêlée
d'épuration, de discussions sur le choix d'un concierge pour la prison
des Gravelines (2). Le 22 a lieu un long débat sur les drapeaux dont
étaient ornés les maisons le jour de la fête à l'Eternel. De bons
patriotes les avaient ôtés ; les aritocrates, qui les avaient mis les
premiers, en avaient fait autant ; on eût voulu obliger ces derniers
à suivre désormais l'exemple des patriotes. Les Jacobins" de Rouen
n'omirent point d'envoyer une adresse à la Convention qui, en
proclamant l'existence de l'Etre suprême, avait été « l'organe de
l'univers » (3).
Malgré les magnificences et l'entrain de cette manifestation
à Rouen, on voulut faire mieux encore à la fête du 26 messidor,
anniversaire delà prise de la Bastille, de cet événement qui a pro-
voqué ceux à jamais mémorables «qui ont assuré le bonheur et la
gloire du peuple français, en affermissant sur les bases de la sagesse
et de la raison, la République une et indivisible. » . . . (4) Le plan du
monument qu'elle comportait, dû à Lamine, fut accueilli le 23 prai-
rial (11 juin) avec une grande faveur à la Commune, puis à la Société
populaire où le. frère Lamine « de plus en plus élcctrisé par le Dieu
de la liberté », donne des détails succincts de la superbe fête qui sera
(1) Le député Lecomte envoyait le 22, à la Société, l'Hymne de Désorgiies, musique
de Gossec, chanté à Paris, le 20, et l'invitait à le faire exécuter « pour jouir de la
lienuté des paroles et de la musique qui avaient fait la plus grande sensation ». On ne
voit pas (jue la Société ait suivi ce conseil.
(2) Les citoyennes Pilastre, veuve Desvé, ci-devaiU chaisière, Terrier, habituée
des tribunes, Mauduit, avaient demandé à être nommées concierges. La dernière fut
dénoncée comme fanatique, et cependant maintenue sur la liste de présentation, d'où
la Sociétr^ populaire écarta la citoyenne Joyt, « anciennement négociante, aubergiste,
marchftndt' brocanteuse, etc., etc., parce qu'elle n'inspirait pas de confiance ayant fait
tant de nifHiers en si peu de temps ». La Société proposa la citoyenne Desvé, remplacée
peu nprès par la citoyenne Sercieux.
(3) Jmnmal de Rouen du i»"" messidor an IL
(4) id. du 24 messidor, p. 105.
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« beaucoup plus belle et plus industrieuse que toutes celles qui ont
eu lieu jusqu'aujourd'hui ». En effet, d'après les relations officielles
de cette journée, le peuple se montra fort enthousiaste (1).
Siblot n'était pas revenu à Rouen dans la dernière décade de
prairial seulement pour assister à la fête de l'Etre Suprême, s'oc-
cuper des subsistances et activer l'épuration de la garde nationale.
Il y aida le Comité de surveillance à prouver combien étaient vaines
les illusions des nombreux français qui avaient accueilli le décret
relatif à l'Etre Suprême « comme un rayon d'espérance et le gage
d'une pacification prochaine à l'intérieur » (2). Aux arrestations
ordonnées par le Comité, il fournit l'appoint d'arrestations collec-
tives telles que celles du maire, des officiers municipaux et de l'ex-
curô d'Epreville, écroués à Saint-Lô le 24 prairial, de Ricard, de
Servaville (10 messidor), Chevrier, maire de Monville (15 messidor),
femme Chauffer, de Quatre-Mares (13 messidor) (3), le maire
(Tou tain), l'agent national Morel, et Vaillant, greffier de la muni-
cipalité de Grugny (15 messidor).
Son séjour à Rouen coïncidait avec la mise à exécution de la loi
du 22 prairial (10 juin) réorganisant le Tribunal révolutionnaire de
Paris, parmi les jurés duquel étaient introduits quelques agents
venus naguère effectuer des arrestations en Seine-Inférieure. Le
Tribunal recevait la mission de punir les ennemis du peuple,
énumérés en des termes permettant d'en imaginer à discrétion, et
contre lesquels était édicté la mort pour peine unique. Preuves, pro-
cédures, défense, tout était livré à l'arbitraire, et par la plus étrange
restriction aucun prévenu ne pouvait être mis hors de jugement sans
qu'il en eût été référé aux Comités de Salut public et de Sûreté
générale I Cette loi, étrangère aux tribunaux criminels des départe-
ments, leur inspira cependant de rigoureuses décisions.
Siblot était encore-là lorsque les poursuites contre certains
suspects et surtout contre des prêtres, reçurent l'impulsion com-
mandée à peine de destitution des juges par l'article 4 de la loi du
(1) V. Reg. de l'Hôlel-de-Ville, procès- verbal du 26 messidor, et Gosselin, I^evne
citée, 1867, pp. 241-242, et Journal de Rouen du 27, p. 113, col. 2.
(2) E. Hamel, Thei-viidor, 2* édition, p. 26.
(3) Il la fit mettre en liberté le 16.
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— 400 —
27 germinal. Il put, avant de quitter Rouen, hâter les jugements de
deux des trois émigrés entrés en France, MM. de Herte (1), Dela-
mare (2), et de Ramfreville (3), envers lesquels les jurés et les juges
rouennais furent impitoyables en les envoyant sur-le-champ à
Téchafaud, non pas pourtant comme on Ta écrit, « sur la simple
constatation de leur identité » , mais sur de féroces dénonciations
(1) Cli.-Germain de Herte, seigneur de Ferriéres, ancien offlcier au régiment
d'Auxerre, né et demeurant à Amiens, rue du Soleil, dénoncé par la Commune de
Rouen à l'accusateur public le 7 floréal an II, en même temps que sept complices : sa
femme, née Pingre, Blin de Bourdon, son beau-frère, Cath. Labbé, femme de chaml re,
Ch. Foloppe et sa femme, aubergistes à la maison Pottier, Jq. Legagneur, aubergiste
à la maison Vatel, Dubus, cafetier, gendre de ce dernier. De Herte fut condamné, le
19 messidor, et exécuté le même jour à trois heures après-midi. L'acte de décès porte
qu'il est marié et père de trois enfants. Le nom de sa femme est « inconnu » encore
bien qu'elle soit détenue, à Rouen depuis six semaines. Foloppe mourut en prison le
43 prairial. Les six autres furent acquittés le 28 fructidor. La correspondance de
M""* de Herte, adressée au citoyen Germain, « d'un langage mystérieux ». avait fait
découvrir la retraite de son mari ; elle lui avait procuré de faux passeports et certificats
de civisme ; elle achetait des biens nationaux pour se donner une réputation de bonne
patriote » . De Herte avait pris un passeport sous le nom de Blin et un autre .sous celui
de Germain, négociant à Saint- Saulieu. M«»« de Herte fut transférée à Amiens le 30 fruc-
tidor. Le mobilier confisqué de de Herte, vendu à Rouen le 27 vendémiaire an IIL
comprenait une montre à répétition adjugée 844 L, à Lesueur, fripier.
(2) Victor-Alexandre Delamare, gendarme de la petite gendarmerie », fils d*nn
ex-garde du corps du « tyran Louis XY », né à Morsan, arrondissement de Bernay, et
d'une Lemachois, s'était marié à Rouen, le 29 octobre 1770, à M.-A.-L. Lechandelier.
Arrêté à La Bouille, le 26 messidor, porteur d'un faux passeport, il tenta de s'ouvrir les
veines. Quatre jours après, il était condamné à mort et exécuté. Son décès fut déclaré
par Louis Delamare, officier municipal, secrétaire de Guimberteau, et par Lizé, coiffeur.
Il ne laissait aucun bien : « J'ignore en quoi consiste ma fortune, parce que j'ai tout
mangé », avait-il dit dans son interrogatoire. Sa femme, arrêtée avant lui dès le
4 floréal, fut détenue aux Gravelines. Elle avait un fils de dix-huit ans, dont elle disait
ignorer la résidence.
(3) Ch. de Ramfreville (autrefois Moinet), seigneur des Noyci*s, près Gaillefontaine,
né le 18 avril 1778, marié à une Caqueray en 1791. Son arrestation, sa détention et son
procès mériteraient une notice à part. H fut arrêté à Chaumont (Oise), le surlendemain
du jour où son frère Claude-André fut acquitté par le tribunal criminel. En même
temps que lui se trouvait dans la prison de Chaumont M. de Bongars. Trahi, dénoncé,
Ch. de Ramfreville paraissait pendant plusieurs mois oublié dans sa prison de Rouen,
lorsque sa femme qui venait assidûment le voir, fut aussi perfidement dénoncée et
mise à la Tour-aux-Normands d'où on la soupçonna d'avoir voulu s'évader. M. de
Ramfreville reconnut avoir quitté le terri loii*e français et fut condamné et exécuté le
11 thermidor, à trois heures après-midi. Ses deux frères avaient émigrè comme lui. Sa
femme fut plus tard encore une fois détenue « pour prétendus faits d'émigration », par
ordre du bureau central de Paris. Elle s'était rendue en Hollande après le 18 brumaire
an V. Le père de M. de Ramfreville représentait M. de Montmorin et M. de Réfuveille à
l'Assemblée de la noblesse du baillage de Caux en 1789.
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- 4ai -
et des aveux imprudents, et après des procédures trop sommaires.
Siblot laissait pleines toutes les maison de détention, jusqu'à
celle des femmes, les Gravelines, devenue trop petite pour contenir
les détenues le 19 germinal, date à laquelle le département avait dû
mettre à la disposition du district la maison de (( Marie » rue
d'Arras (1). Et le 28 prairial, le Comité de surveillance rappelait
à la commune qu'à peine la maison de Marie pouvait contenir dix
détenus et insistait pour qu'on en plaçât aux Gravelines (2).
Le représentant du peuple pouvait donc avoir le « sentiment du
devoir accompli » lorsqu'il termina sa mission, lo 17 messidor, en
prévenant le district qu'il ne pouvait plus correspondre oflScielle-
iiient(3).
Ce fut Guimberteau qui, le 18, eut le plaisir de présenter à la
Société) populaire son collègue Pomme (4) « ce républicain
montagnard et révolutionnaire » dont elle connaissait (( déjà la
réputation et les vertus ». Pomme prononça un discours « respirant
le plus brûlant patriotisme et le plus énergique ». Il habita la maison
du citoyen Midy-Dandé, détenu à Saint-Yon ; sur la demande de la
Commune on fit monter cinq lits complets — les draps exceptés
pour servir aux officiers attachés à Pomme. Celui ci, peu après,
parait s'être rendu au Havre.
En fait, Guimberteau, dès le départ de Sautereau, se trouva
investi des attributions de cehii-ci. Quelques jours avant le 22 prai-
rial, un « décret de la Convention ».(5) dont se réjouit la Société
populaire, avait prolongé le séjour de Guimberteau.
Une diminution sensible des arrestations se produit en messi-
dor, (6) peut-être parce que Siblot est parti, peut-être aussi parce
que les inconvénients de ces agglomérations, dans des locaux
(1) Reg. de ces administrations, arch. du dép^ Ârch. mpales.
{% Lettre signée de Gaillon et Pinel.
(3) Reg. de corresp. du district.
(4) André Pomme, député de la Guyane, alors âgé de 39 ans, célibataire.
(5) On ne trouve mention de ce décret nulle part ailleurs que dans les registres
de la Société populaire.
(6) En ce qui concerne la maison des suspects de Saint-Yon, il y eut en messidor
seulement 31 écrous. Il y en avait eu 36 en vendémiaire, 88 en frimaire, 33 en nivôse
37 en pluviôse, 51 en ventôse, 70 en germinal, 47 en floréal et 54 en prairial.
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— 402 -
malsains et improvisés, d'individus souvent prédisposés aux maladies,
s'étaient accentués, sans qu'on découvrît les moyens de les éviter.
La prison du Palais était encombrée de prêtres et de suspects qu'on se
disposait à traduire devant le tribunal criminel, parmi l^quels
Tefifroi, le désespoir et « la putridilé » firent une douzaine de
victimes (1). Celte prison était d'une insalubrité attestée par une
épidémie qui obligea bientôt à Tévacuer en partie sur l'église Saint-
Sever, devenue, le 24 prairial, maison de justice supplémentaire, et
si mal appropriée qu'elle même inspirait immédiatement des inquié-
tudes. Les travaux d assainissement subissaient des retards tels que
la Société populaire s'en émut, étonnée qu'un seul entrepreneur fut
chargé de tous les travaux et que ces travaux n'eussent pas été mis
en adjudication (2).
Il semble que cet état de choses ramena l'attention sur les
détenus du 24 floréal, dont le grand nombre contribuait aussi à
restreindre celui des arrestations postérieures. Le 2 messidor,
Le Boucher, officier municipal, fait un rapporj sur les détenus des
Gravelines, et propose de rendre la liberté à ceux que la commission
jugera dans le cas de l'obtenir. Mais, sur les observations de l'agent
national Poret, le conseil décide que ce projet doit d'abord être
soumis aux Comités de sûreté générale et de Salut public de la Con-
vention. La commission ayant accordé «au nommé Duquesne et à sa
femme (3), la facilité de sortir pendant quelques jours afin de leur
éviter la douleur de voir enlever le corps de leur fille morte dans cette
maison, Le Boucher parlait de confirmer cette mesure, ou de les
réintégrer. Ils durent revenir aux Gravelines le lendemain. Le
conseil alla plus loin encore : le 15 messidor, ouï Baudry, faisant
(1) Parmi lesquelles l'abbé Roussel, mort fou, l'aljbê Micbel Rondeau, ex-curé de
Gonneville (i«f thermidor), l'abbé Beaucbnmp du Charmois, Tévôque de Montauban etc.
(2) Rcg. 26 thermidor.
(3) Pierre-Jean-Aritoine Duquesne, 61 ans, ex-garde du corps, et M. A.-T.G.
de Brèvedent, et leur (ille, Marie, âgée de 16 ans, ex-noble, demeurant ordinairement
à Toutainville, distr. de Pont-Audemer, et à Rouen, rue des Patriotes, 57, depuis
février 1792. Au 24 floréal, leurs meubles étaient emballés pour se rendre à Dieppedalle.
(Arch. mpales.) Duquesne fut transféré le 10 vent, an III, de la Tour aux Normands
à Saint-Lô, d'où il sortit le 12 brumaire. Sa femme était entrée aussi à Saint-Lô, le
17 vendémiaire.
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- 403 -
pour l'absence de Poret, il ordonna l'incarcération aux Gravelines
de 37 individus, mis en arrestation chez eux le 24 floréal (1).
A compter de ce moment, on rencontre des épisodes multiples,
dont le dénoûment se rattache par un point quelconque aux préli-
minaires du 9 thermidor. L'un des plus remarquables, entièrement
inédit, est celui dont les héros sont Beauchamp, secrétaire du théâtre
de la République, la citoyenne Ducreux-Delille (2), dugazan-corset
au môme théâtre, et Ribié, qui en est le directeur. . .
Sur un mandat décerné par le comité de surveillance, le 4 ger-
minal (24 mars 1794), Rupalley arrête chez la citoyenne Ducreux-
Delille, rue Peletier-Fargeau, n® 8, « Jean-François Beauchamp dit
Charmois, âgé de 36 ans, vivant de son revenu avant la Révolution
et maintenant secrétaire du théâtre à Ribié », comme prévenu
d'incivisme et d'aristocratie. Ce môme jour, Pinel, membre du
comité, interroge Victoire Ducreux-Delille, âgée de 19 ans, actrice
au spectacle de la République à Rouen, depuis fin septembre 1792.
Avant de venir à Rouen, il y a deux ans et demi, à Pans, au spectacle
d'Audinot, elle a fait la connaissance de Beauchamp, par des
personnes venant chez elle. Elle n'a pas demeuré à Versailles, ce
qu'on lui demande. Elle ne connaît pas à Beauchamp d'autre moyen
d'existence que d'être secrétaire chez Ribié, et il n'est pas à sa
connaissance qu'il ait desservi une chapelle à Versailles ; elle ignore
ce qu'il était avant d'être secrétaire ; il a été malade dix mois ; c'est
elle qui a pourvu à ses besoins pendant sa maladie ; elle ne sait s'il
est noble d'extraction et ne connaît pas sa famille ; il a un parent
dans l'administration des domaines nationaux à Paris. Son véritable
nom est Beauchamp, et elle ne sait pour quelles raisons il a pris le
surnom de Charmois.
(1) Reg. de THôtel-de-Ville.
(2) M. Bouteiller la cite dans son Histoire du Théâtre à Houen. \\ parait y avoir
simultanément deux actrices de ce nom à Rouen. L'une, Eulalie Delille, au théâtre de
de la Montagne (Cabousse, directeur), donne le 5 frimaire an II, 2 chemises, etc.
(Reg. de la Soc. pop.) Elle était chargée du rôle du jeune Rousseau dans VEnfance de
J.'J. Rousseau, jouée au théâtre de la Montagne, le \*>^ jour des sans culottides an II,
et elle y fut applaudie (Journal de Rouen du lendemain). On trouve une a Delisle,
Palais-Royal » avec les Pauline, Dugazon, Saint-Huberty, Sainte-Amaranthe, etc., dans
le Tarif des filles du Palais-Royal, suite, p. 7. (Bibl. mpale. coll. Lel>er,)
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■ ■ ■ ^K
-4Ô4-
La citoyenne Delille fut provisoirement mise en liberté, mais
resta en surveillance.
Le 17 floréal (6 mai), Taccusateur public avisait le Comité de
Tordre qu'il avait donné de transférer de Saint- Yon à la maison de
justice. « Beaucamp, dit du Charmois, ci-devant chapelain d'Adélaïde
Capet, tante du dernier tyran, comme prévenu d'être resté sur le
territoire de la République, sans avoir prêté le serment exigé (1).
Beauchamp du Charmois mourait le 27 messidor, en la maison
de justice, où l'accusateur public l'avait immédiatement fait trans-
férer, et où, à deux reprises, le 23 et le 28, des agents du Comité de
sûreté générale étaient venus pour lé prendre et le conduire à
Paris (2).
L'acte de son décès rend plus mystérieux encore un côté de cette
affaire, en le faisant naître le 16 septembre 1759, à Saens (Saint-
Saêns), district de Neufchâtel, où n'existe nul baptême qui lui soit
applicable (3).
La citoyenne Delille que ce dénoûment irritait contre Ribié,
dénonciateur de Beauchamp, voulut venger celui-ci, en dénonçant à
son tour Ribié, et se rendit à Paris. A son retour, le 25 thermidor,
un jugement du tribunal de la police municipale la mettait en arres-
tation, ainsi que les citoyennes Bazin et Malherbe, ses commensales,
dont Tune avait la charge de l'enfant de la citoyenne Delille, âgés
de quatre ans et demi I
Elle excusa son absence en disant qu'elle avait obtenu du régis-
seur un congé de cinq jours pour rétablir sa santé, et qu'elle avait
retenu sa place pour revenir à Rouen. La Commune mit les trois
femmes en liberté, mais la jeune actrice dut aller à la séance du len-
demain entendre une remontrance parce que son absence avait
empêché une représentation. Ribié, l'ayant assignée en 8,100 livrer
(1) Arch. nipales. — VAlmanach royal deilSO, dans le personnel delà maison de
M°»« Adélaïde, ne comprend aucun prêtre de ce nom.
(2) Arch. nat., F 7 4570.
(3) Arch. de l'état civil de Rouen et de Saint-^aëns. — Suzanne Foucault, couturière,
naguère au service de la citoyenne Delille du Théâtre de la Montagne {^) déclare qu'elle
connaît sous le nom de Baptiste, l'individu vivant avec celle-ci, et employé dans les
vivres militaires, et ayant un frère nommé Villiot, dans l'administration à Pans.
(Arch. mpales). S'agit-il d'une autre Delille, dont il est question dans la note ci-dessus.
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- 405-
d'indemnité pour abandon de ses devoirs, elle sollicita Tintervention
de la Commune qui so déclara incompétente (1).
Le ressentiment de Ribié venait d'ailleurs de ce que, détenu
d'abord en la maison d'arrêt du district de Rouen (2), par ordre du
Comité de sûreté générale de la Convention, il avait été, le 17 ther-
midor, traduit devant ce Comité pour y être entendu. Dès le 3 ther-
midor, il obtenait un certificat très aflSrmatif de son civisme (3).
Le 2, sa femme avait demandé à la Société populaire de suspendre
son opinion sur le compte de son mari jusqu'à ce que les motifs de
son arrestation fussent connus ; elle en eut immédiatement un
certificat favorable (4). Ribié resta peu de jours en arrestation à la
maison Talaru, rue de la Loi, à Paris, où il avait été conduit. Le
comité, exceptionnellement facile pour un insigne patriote, le mit
en liberté sur sa promesse de lui apporter la preuve de la
dénonciation par lui faite au substitut de l'agent national
( CaflBn-Vernon ) de la commune de Rouen contre le nommé
Ducharmois (5).
A Rouen, comme à Paris, il y avait au lendemain des grandes
fêtes patriotiques des surprises étranges. Le rôle de Lamine dans
la solennité du 26 messidor (14 juillet) lui avait -il suscité des
envieux, ou réveillait-il de vieilles haines ? Peut être tout à
la fois. Ce qui est certain, c'est que Lamine était attaqué,
car le 27, à la Commune, après s'être félicité de trouver une
récompense bien flatteuse de son temps et de ses soins dans
l'approbation des magistrats du peuple, il passe aux traits enveni-
més de la malveillance et de l'intrigue sur sa conduite et la pun^té
de ses sentiments. De vils calomniateurs l'ont dénoncé au comité
de sûreté générale comme un spéculateur avide, mettant tout en
(i) Reg. de l'Hôtel-de-Ville.
(2) Arch. mpales. Son écrou n'est pas sur le registre de Saint-LÔ.
(3) Reg. de THôtel-de-Ville.
(4) Reg. de la Société populaire.
l5) Arch. nat. A F. ii 255. f»» 814 et 949. Peut être trouve-t-on des allusions aux dif-
ficultés créées à Ribié par l'absence de Tactrice Delille dans une pièce représentée
au théâtre de la Montagne (Cabousse, directeur), notamment le 29 thermidor : Le
Directeur dam VembarrcUj opéra-&ou/fon. {Joutmal de Rouen de ce jour 29.)
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- 406 -
usage pour s'enrichir, annonçant qu'il avait faitfortune à la décoration
du Temple à l'Eternel. De pareilles abominations, propagées, font
courir des dangers à la chose publique et aux patriotes. Ces manœu-
vres liberticides ne tendent qu'à la subversion de Tordre social et à la
division des patriotes. Malgré ses dégoûts, il ne cessera de pour-
suivre les agitateurs dans leurs repaires ténébreux.
Poret vint à son aide en rappelant des services bien connus,
les 10,000 livres avancées par Lamine sans intérêt . . . et le conseil
rendit témoignage au civisme, au généreux dévoûment et aux
sacrifices de Lamine.
Cependant, la République, mise en danger par des attaques
contre un seul patriote tel que Lamine, n'était pas sauvée par le
satisfecit accordé à celui-ci par le conseil.
D'autres graves déboires attendaient les montagnards rouen-
nais, même av^nt le 9 thermidor.
Dans la soirée de ce même jour 27 messidor, Pillon (1) et Vemoa
se rendaient à Paris, officiellement à cause des pressants besoins de
subsistances, besoins réels, puisque le 30, le bureau municipal leur
écrit à Paris, au sujet de 1,000 quintaux de blé qu'ils ont obtenus,
et qui sont un secours trop faible (2). Pillon répondit par une lettre
communiquée au conseil le 1®' thermidor au matin. A cette date, la
crise des subsistances était redevenue menaçante, et le bureau
d'administration de l'hospice général avait été obligé d'envoyer
Milcent en mission pour cet objet, dans le district de Louviers,
mission infructueuse (3). La commune de Rouen était exposée aux
horreurs de la famine (4).
Cependant, il est vraisemblable que le voyage du maire était
(1) Les rapports des comités thermidoriens qualifient de faux la signature de Pillon
à la suite des procés-verbaux des séances des 30 et l«f thermidor. Il suffit à cet égard
de rappeler que celles de MM. Rondeaux et de Fontenay sont apposées par mégarde à
des procès-verbaux d'une date postérieure à leur incarcération.
(2) Reg. de l'Hôtel-de-Ville.
(3) Reg. du bureau de l'Hospice.
(4) Délibération du département, en séance particulière, du 12 thermidor, où Ton
envoie un courrier extraordinaire à la commission des approvisionnements de la
republique. — Les embarras résultent de ce que le district d'Yvetot — toigours —
résistait d'obéir aux réquisitions à lui faites en vertu d'un arrêté de Siblot. (RegUtre
du départemerU,)
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— 407 -
motivé par plusieurs autres raisons. Le bruit de la lutte engagée
entre Robespierre et les Comités était nécessairement venu
jusqu'à Rouen ; les arrestations de Conjon, de Ribié, de Lambert,
la dénonciation de Lamine, avaient ému les montagnards. Néan-
moins, leur principale préoccupation n'était pas là. Ils prévoyaient
que Siblot ne tarderait pas à avoir un successeur autre que Guim-
berteau, et ils inlriguaient sûrement pour que le choix de ce succes-
seur répondît à leurs vœux. L'un des rapports des commissaires de
sections de l'an III prétend même, — sans être bien affirmatif, —
qu'ils étaient allés « solliciter Carrier d'honorer Rouen de sa
présence. » Enfin, pour ne négliger aucune conjecture, on peut
supposer qu'ils étaient allés au Comité de sûreté générale pour s'y
renseigner, sachant qu'on y élaborait les arrêtés (1) organisant les
commissions populaires créées par un décret du 4 ventôse et qui,
sédentaires à Paris, devaient juger tous les détenus des départe-
ments. On verra plus tard qu'accusés d'avoir demandé une de ces
commissions pour Rouen, ils soutinrent s'être opposés à ce qu'on
en dota cette ville.
Le 2 thermidor, la Société populaire, après un ballottage entre
entre ThieuUen et Houel, venait de nommer l'un son président, et
l'autre son vice-président, et accordait àl'unanimité à Lambert, alors
encore détenu à Saint-LA, une attestation de ses principes contre les
fédéralistes et les scissionnaires. Discrètement, un membre, frappé
de ce que, depuis quelques jours, plusieurs patriotes connus se
trouvent en état d'arrestation, exprime la crainte que la religion du
Comité de sûreté générale ait été surprise, et propose de faire à ce
comité une adresse pour la rédaction de laquelle sont nommés
Eudeline, Houel, Licquet et Leroy, et que porteront Michaux et
Houel.
Le lendemain, pour la première fois, ThieuUen préside. Se
conformant au règlement, il se fait remplacer au bureau pour
interpeller les secrétaires (Legrand, Catteville et Cusson) de déclarer
si l'adresse délibérée la veille a été rédigée. La réponse étant négative.
(4) V. ces deux arrêtés du 4 thermidor, pp. 202-203 du rapport de Saladin au nom
de la commission des 21, du 12 vent, an III.
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— 408 -
Thieullen fait observer qu'il considère cette adresse comme
contraire aux principes révolutionnaires, comme opposée aux intérêts
même des détenus, dont les noms ne sont pas mentionnés encore ce
jour-là, et aux maximes qu'eux-mêmes ont professées à cette tribune.
Il demande donc le rapport ou la modification de cette délibération
et, par amendement, qu'à l'avenir, dans toutes les discussions impor-
tantes, il soit différé au lendemain à prendre un parti définitif,
lorsqu'il n'y aura pas péril immédiat.
Ce début fut un succès pour Thieullen dont la motion, discutée,
fut admise.
Les arrestations qui avaient tant ému la Société n'étaient pas
celles de Lambert et de Ribié, du 2 thermidor. Une lettre adre<*sée de
Paris, le 1®', par le député Lecomte à l'officier municipal Carré, était
parvenue à celui-ci, qui avait dû la communiquer à la Société, à Poret,
Thieullen et autres, ainsi qu'au bureau permanent de la commune,
où cette lettre n'est censée apparaître que le lendemain (1). Et, au
surplus, la Société devait être renseignée antérieurement, mais sa
stupéfaction, et sans doute aussi son effroi, sont tels qu'elle n'ose
pas encore écrire dans son procès -verbal les noms des patriotes qui
viennent d'être frappés, Pillon et CaflBn-Vernon, le maire et le
substitut de l'agent national.
Lecomte avait espéré qu'on les élargirait sur une démarche a de
la députation de la Seine-Inférieure, » laquelle, on le sait, était alors
réduite à des personnalités probablement bien peu influentes ; aussi
s'étaient-ils adjoints « plusieurs autres représentants. » Les pre-
mières réclamations restèrent infructueuses, et, à l'heure où il écri-
vait, on ne connaissait pas les motifs de cette arrestation « sin-
gulièrement surprenante ». Il avait fallu se borner à insister pour
que les deux détenus fussent interrogés et que leurs papiers fussent
examinés. Néanmoins, résumait Lecomte, le comité s'était montré
disposée (( rendre justice à un compatriote, calomnié sans doute » (2).
Perdait-on de vue Vernon pour ne s'occuper que de la précieuse
personne de Pillon?
(i) Reg. de la Société populaire et de l'Hôtel-de- Ville
(â) Arch. mpales. Lettre de Lecomte ; pièce originale.
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- 409-.
L'ordre d'arrestation, daté du 29 messidor, sûrement inconnu
alors — et peut-être aussi depuis — des rouennais, n'était pas de
sature à les éclairer. Le voici ;
... Sur les renseigoements prodaits, le Comité de sûreté générale
arrêté qoe Pillon, maire de la commaoe deRooeo, et Veroon, substitut de la
Commune, seront saisis et conduits dans la maison d'arrêt dite Grande-
Force, et que les scellés seront apposés sur leurs papiers, après examen et
distraction de ceux qui seront trouvés suspects. Charge radmioistration de
police de Paris, où se trouvent actuellement ces deux prévenus, de l'exécu-
tion du présent arrêté. Signé : Amar, Vadier, Louis (d. B.-R.). M. Bayle,
Dubarran, Elie Lacoste et VouUand (1).
Encore bien qu'il ne paraisse pas que ce soit la véritable cause
de la mesure prise contre Pillon, notonn ici que le 30 messidor, le
même Comité enregistrait « une lettre anonyme de Rouen, du
28 messidor : le pain n'est pas mangeable. » Cette lettre est renvoyée
à Lacombe » (2). Signalons aussi, à cette date du 30 messidor, la
convocation, devant ledit comité, de Louchet, qui avait été en mis-
sion à Rouen (3).
Lorsqu'il eut à se défendre de l'accusation de terrorisme,
Vernon prétendit que son emprisonnement avait été provoqué par
une dénonciation des agents de Robespierre.
La solution de cet émouvant incident ne se fit pas trop long-
temps attendre, et le 4 thermidor, les deux patriotes sortaient de la
Grande-Force, en vertu d'un arrêté de ce jour signé des mêmes
membres du Comité de sûreté générale, moins Lacoste, ordonnant
leur mise en liberté, avec restitution de leurs papiers, sans retard (4).
Le 5, Lecomte, triomphant, transmet cette heureuse nouvelle
que Pillon et Vernon eux-mêmes confirmaient à leurs frères du
conseil général de la commune. « Nous nous vengerons de nos dénon-
ciateurs, écrivent-ils, en redoublant, s'il est possible, d'activité et
d'énergie pour l'affermissement de la République. )> Ils se glorifiaient
(i) Arch. nationales, A F u 225, 8° 779.
(2) Arch. nationales, A F n 275. — On verra tout-à-l'heiire que Lacombe venait
d'être envoyé à Rouen.
(3) Arch. nationales, même carton, et reg. P 262.
(4) Arch. nationales, . id. ^ 814.
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d'avoir été cmtionués pac Carrier, Legendre, Pocholle, Lecomte,
Develle, Albitte, Loucbet et Couthon (1). Ils oubliaient,— peut-être
l'ignoraient-ils à ce moment, — que Pomme Yaméricain, lui aussi,
avait répondu d'eux (2). '
La Société populaire sortit un peu tard de sa stupeur. Son
registre ne révèle les nopas des deux victimes que le 5 thermidor, dans
sa séance présidée par ThieuUen :
La Société déclare à l'aBanimité qae Pillon, maire, n'a cassé de bien
mériter de ses concitoyens, ayant touioars donné, tant comme magistrat du
peuple que comme administrateur des preuves de ces vertus civiques
Ne connaissant Vernon que depuis environ un an, époque où il en a été
membre, déclare qu*il s'y est toujours comporté en bon citoyen.
Le 6, l'annonce de leur mise en liberté provoque dans la Société
les cris de : vive la République ! et les acclamations du peuple expri-
mant (( la joie pure ressentie par les amis de la liberté. » Leroy et
Denise rédigent une adresse de félicitations aux deux vertueux
magistrats du peuple, et une lettre de remerclments aux conven-
tionnels qui avaient répondu d'eux, et la Société se rend aussi
garante de Pillon et de Vernon.
La proposition d'éclairer le Comité de sûreté générale sur le
système qui h failli faire incarcérer les patriotes les plus connus de
Rouen, amène une discussion au cours de laquelle ThieuUen cède le
fauteuil à Thierry. Il est délibéré que les frères Thierry, Leroy,
Denise et ThieuUen présenteront un projet d'adresse à faire par-
venir à Lecomte.
Le 8 thermidor, un accueil enthousiaste est fait à Pillon et
à Vernon dans la séance de la Société. Sur la demande d'un membre,
le président ThieuUen leur donne laccolade. Les citoyens des tri-
buneTs l'imitent successivement. Puis les deux patriotes rendent
compte de leur arrestation et déclarent « que le calme de leur
conscience leur ayant toujours rappelé la jifôtice de la Convention,
qui sait lever le voile dont l'intrigue s'enveloppe, leur a fait
supporter constamment une détention momentanée qui ne servira
(4) Arch. mpales. Lettre de Pillon et Vernon; pièce originale.
(2) Reg. de la Société populaire. Séance du 14 thermidor»
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— 4tl -
qu'à confoDdre Timposture et à assurer de plus eiiplue le triomphe
de l'égalité et de la liberté. ^) Le président Thieullen leur répond par
un discours énergique vivement applaudi et, à la fin de la séance, on
chante un hymne sur la mise en liberté de Pillon, composé par une
citoyenne des tribunes.
La réapparition du maire et de Vemon au conseil général de la
commune avait eu lieu dès le 6, et Poret avait instruit Tauditoire de
leur courage républicain et de ce que « pendant leur détention ils
n'avaient cessé de faire entendre les cris de : « Vive la République 1
et les accents du patriotisme. »
Certain autre incident grave, imparfaitement connu, diflScile &
éclaircir et manifestement dénaturé dans les rapports de Tan III
contre les terroristes rouennais, pourrait bien se rattacher à ee
voyage ou plutôt à l'arrestation de Pillon et de Vemon. Le lende-
main de cette arrestation, le 30 messidor, le comité de Sûreté
générale, s'occupant plus que jamais des rouennais à l'instant où il
tient leur maire sous les verroux, prend cet arrêté :
Le citoyen Lacombe (1) edt envoyée Ronen, fera riospection particolière
des maisons de détention de la ville de Rooeo, prendra tous les ronseigne-
ments qu^il pourra se procarer sar le compte des individus qui sont arrêtés,
même les interrogera. Les autorités civiles lui prêteront aide et assistance
et lui procureront les éclaircissements dont il aurait besoin sur sa réquisi-
tion et dressera procês-verbal de ses questions qu'il rapportera au Comité.
— Signé : Louis du Bas-Rhin, Amar, Elle Lacoste, M. Bayle et Voulland (2).
(1) Probablement le même que celui qui le 19 fructidor an II, aux Jacobins de
Paris, dénonce « quatre intrigants qui demandent la liberté indéfinie de la presse : le
premier Dufoumy, qu'il avait cru d'abord patriote.... le quatrième Real, qvi a
traité lui, Lacombe, de mauvais citoyen. Lacombe fut incarcéré peu après. (Moniteur,
an II, n» 207, p. 838 et s.)
(2) Arch. nationales, A F IF, 275, f» 262. — Cet arrêté fut transcrit dans le procès-
verbal dé la séance du district de Rouen, du 8 thermidor. Sa date du 90 messidor rQ^id
incompréhensible le passage de la 3« section du 3« rapport contre les terroristes d'après
lequel la venue à Rouen des commissaires du comité de Sûreté générale aurait déter-
miné le voyage de Pillon et VemOn à Paris. Peut-être Lacombe, Toutain et Baudoin étaient-
ils déjà auparavant à Rouen. On trouve au 18 messidor un ordre du Comité de Sûreté
générale de fournir une voiture nationale à Toutin et Baudoin, allant à Rouen et
environ, et au 30 messidor, un mandat de 2,000 1. à Lacombe pour sa mission dans
la Seine-Inférieure. Quant à Toutain, il était venu à Rouen et au Havre en floréal— peut
être avec Lormier. Ce fut en exécution de l'ordre du 18 messidor que Toutain, Baudoin,
Lacombe et Boismarat vinrent à Rouen le 23 messidor pour conduire à Paris Beau-
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— 412 -
Lacombe, accompagné de son collègue Beaadoin donne le 3 ther-
midor une réquisition écrite à la citoyenne Sarcieux, concierge de la
maison de sûreté des Gravelines, de leur indiquer, sous vingt-quatre
heures, qualités, demeures, dates et motifs d'arrestation de tous les
détenus de cette maison.
Le Comité de Surveillance de Rouen a eu vent de cette dé-
marche et, voulant se tenir en dehors d'un conflit sans doute pres-
senti et préparé, il écrit le 6 thermidor au district que ses nom-
breuses occupations ne lui permettent pas de surveiller les maisons
nationales de sûreté, et que, d'ailleurs, leur surveillance ne lui
appartient pas plus qu'aux autres comités révolutionnaires du dis-
trict. Immédiatement, le district invite la commune de Rouen,
dans les attributions de laquelle rentre cette surveillance, à faire
surveiller les prisons.
Or, le lendemain, 7, le conseil de la commune, saisi par un avis,
soit de son délégué aux Gravelines, soit de la concierge, entend à ce
sujet le rapport d'un de ses membres et est manitestement très
heureux d'infliger sur-le-chàmp aux agents du Comité de sûreté
générale, qui a fait emprisonner quelques jours auparavant Pillon et
Vernon, la leçon renfermée dans l'arrêté suivant ;
Considérant qae ces agents n'ont donné aucune commanication officielld
de leurs pouvoirs aux autorités constituées, seules chargées de la police des
prisons, et qu'ils peuvent impunément excéder les bornes de leur mandat;
considérant que la surveillance la plus active doit être exercée sur tous les
individus qui voudraient usurper le nom d'agents d'une autorité respectable,
aux ordres de laquelle le conseil se fera toujours un devoir de donner
aide et assistance... ; que le délit contre-révolutionnaire tenté dernière-
ment sur la maison de sûreté, à Paris, par de prétendus agents du Comité
de Salut public et dénoncé à la Convention par Barrère comme un de ces
complots horribles, derniers et impuissants efforts de la malveillance
expirante, doit exciter l'attention des magistrats du peuple ;
Arrête :
Défense à tous concierges de maisons d'arrêt et prisons sous la sur-
veillance immédiate du conseil de donner à qui que ce soit l'état des pri-
sonniers à leur garde. . .
champ du Charmois, et qu'ils prirent M. de Laborde, le 27, Masseron, ex-conseiller,
Toutain, ex-noble, neveu de l'ex-évêque d'Avranches, et la ci-devant duchesse de
BouiUoQ. (Arch. nat.). F 7 4570
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-413 -
Lorsque Lacombe et ses compagnons retournèrent aux Grave-'
lines, la citoyenne Sarcieux, concierge, leur présenta l'arrêté de la
Commune. Irrités, ils font part le lendemain au district des entraves
apportées à leur mission par la Commune et justifient de leurs pou-
voirs, que le district vise en même temps qu'il écrit au conseil
général de la commune pour Tin former de la production de ces pou-
voirs et l'inviter, non-seulement à lever les obstacles mis à leurs
opérations, mais encore à leur procurer tout secours et assistance
sur la réquisition du citoyen Lacombe (1).
La municipalité ne veut pas céder. Si les motifs de son arrêté
sont suffisamment sérieux pour motiver sa résistance, elle éprouve
en outre une mauvaise humeur dont Tune des causes apparaît dans
la séance de la Société populaire du 8 thermidor, à laquelle insistent
Pillon et Vernon : Un membre annonce que les intrigants tout jouer
tous les ressorts imaginables pour détruire le patriotisme dans
Rouen, et demande que Ton apprenne au Comité de sûreté générale
que les commissaires qu'il a envoyés, — du patriotisme desquels
l'opinant ne doute nullement, — se sont entourés de Leclerc et de
Cottais, qui ne méritent aucune confiance (2). Aucune décision n'est
prise ; mais, ce même jour la municipalité écrit au comité de
Sûreté générale, à propos des individus qui se disent ses agents et
parcourent les prisons en sommant les concierges de donner dans les
vingt-quatre heures les noms et les motifs des arrestations (3) .
En même temps, elle répond au district :
Nous n'avons jamais entravé d'agentls du Comité de sûreté générale dans
lears opérations, lous ceux qui ont eu des missions à remplir dans notre
commane et qai ont requis de notre administration aide et assistance ont
' toujours trouvé en nous les vrais amis de la république, rigides observateurs
de "la loi. Que ceux qui paraissent se plaindre d'entraves qu'on leur fait
éprouver, avant de calomnier une administration révolutionnaire et des
magistrats respectables, se présentent fraternellement devant nous; qu'ils se
fassent connaître et alors ils verront si nous sommes dignes de leur
(1) Arch. du dép». Reg. du district.
(2) L'une des opérations de Toutain, compagnon de Lacombe, fut l'apposition des
scellés (3 thermidor), avec Cottais, chez Esprit-Marie çie la Bourdonnaye, rue de Lille.
(3) Arch. m pales.
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— 444 —
cûDfiaDce. Tant qu'ils affecteront de mépriser notre autorité et de ne pas la
reconnaître, nous ne pouvons aider l'exécution des pouvoirs de ceax qae
nous ignorons. * Signô : Pillon, maire, J. Moulin fils, Guyet et Quesnel.
Le district réitère à la municipalité son invitation fraternelle
et lui enjoint même de lever les obstacles apportés à la mission de
Lacombe ; il voit avec douleur son attitude et leur fait observer que
Lacombe n'ayant pas de réquisition à lui faire, n'avait pas à lui
communiquer ses pouvoirs. Il la prévient qu'une plus longue résis-
tance compromettrait sa responsabilité (1).
Le conseil général de la commune comprend enfin qu'il est allé
trop loin, et, le 9 thormidor, il capitule : Pour qu'il ne reste plus de
doute sur le respect qu'il porte aux ordres du comité de Sûreté
générale, dont l'agent a fait viser son mandat par le district, 1^
concierges donneront à Lacombe, agent, tous les renseignements
sur les détenus (2).
L'épisode ne se termine cependant pas ainsi : Au 17 thermidor,
un nouvel arrêté du Comité de sûreté générale, peut-être confirmât! f
d'un autre antérieur, charge encore Lacombe et Toutain de distinguer
à Rouen les sans-culottes détenus, et de lui rapporter leurs notes
dans le plus court délai (3).
D'autre part, instruit que des poursuites sont faites contre
Coltais, commissaire de police, contre lequel les Jacobins rouennais
veulent se venger du concours qu'il a donné aux envoyés du Comité
de sûreté générale, ce dernier Comité ordonne, le 30 thermidor, que
ces poursuites ne soient pas m>ses à exécution sans lui en avoir
au préalable référé (4).
Il s'était d'ailleurs passé d'autre chose entre Cottais et le Comité ^
de Rouen : ce comité « avait croisé les scellés apposés par le citoy.en
Cottais sur une armoire de la maison Laborde, rue Nationale, à
Rouen, pour la conservation des effets appartenant aux agents que
le Comité de sûreté générale avait envoyés à Rouen. Le Comité de
(!) Arch. du dép^ Reg. de corr. du district.
(2) Arch. mpales. Reg. des délibérations.
(3) Arch. nat, A F ii 276 f« 329.
(4) id. id. f"276.
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— 415 —
Rouen dut donc lever « purement et simplement ses scellés. »
Cottaisleva ensuite les siens, remit à Lacombe et Toutain leurs effets
et en même temps adressa directement à Paris les papiers concer-
nant (( le nommé Gratien, ci-devant évêque, et les nommés Auber,
père et fils » (1).
Ce conflit n'était pas le premier qu'eût fait naître la résistance
des Rouennais à des ordres venus de Paris. Déjà, le 13 floréal an II,
des membres du Comité de Rouen (Gaillon, Pinel, Barbarey,
Poisson et Angran) s'étaient permis de faire arrêter et conduire à
Saint-Lô, où il resta détenu trois jours, le citoyen Lormier, envoyé
à Rouen « pour quelque mission secrète » (2). Il fallut un arrêté du
Comité de sûreté générale pour l'élargir. En procédant ainsi, les
Rouennais couraient des risques sérieux. Le Comité de sûreté géné-
rale dépêcha, le 17 floréal, un exprès pour assurer l'exécution d'un
arrêté du 27 germinal (3), dont était chargé Lormier, et pour faire
arrêter ceux qui seraient désignés coupables de son arrestation. Il
ordonna la confrontation de Lormier avec le Comité de Rouen, dans
les papiers duquel l'exprès se livra à des investigations dont on
ignore les résultats (4).
On chercherait en vain à se renseigner dans les archives rouen-
naises sur le véritable objet de la mission de Lormier, que l'on
découvre ailleurs : Les amis de Robert de Saint- Victor veulent
atteindre Leclerc, parfumeur, qui a provoqué son arrestation, et
Lormier, un policier passionné, est chargé d'une enquête sur l'accu-
sation portée contre Leclerc, d'avoir détourné les deniers d'une
collecte, et en particulier ce que lui avait remis Robert, lequel est
interrogé à ce sujet (5).
Quoi qu'en aient dit les rapports des commissaires des sections
de l'an III — que leurs investigations n'avaient point éclairés — les
actes de la commune, à l'égard de Lormier et des agents Lacombe
(1) Arch. nat., A F ii 276 f« 276.
(2) Rapports de l'an III contre les terroristes.
v3) S*agirait-il du décret du 27 germinal, dont la battue du 24 floréal fut la consé-
quence ? C'est peu probable.
(4) Arch. nat., A F ii 254 f« 174.
(5> Arch. nationales, F 7 4570.
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— 416 -
et Toutain , semblent bien avoir été inspirés parla volonté d'empêcher
rimmixtion d'un pouvoir, même supérieur, dans les prisons des
suspects, où les officiers municipaux et leurs amis du comité de
surveillance entendaient rester maîtres absolus.
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— 417 —
CHAPITRE SEIZIEME
Le 9 thermidor à la Commune et à la Société populaire. — Manœuvres contre Pillon :
Encore un projet de massacre des détenus. — Suicide du chirurgien Guyet -^
Adresses à la Convention. — Lettre du député Lecomte. — Fôte du 10 août. —
Le district contre la municipalité et le comité de surveillance : Incidents Caheull
et Rioust. — Sortie indécente de Godebin à la Société ; sa suspension. — Exclusion
de Poret, Lamine, Gaillon et Pinel l'ainé. — Real dénonce aux Jacobins la Société
de Rouen. — Le Contour en liberté. — Legendre, président de la Société. —
La Société est-elle en insurrection ? — Real se rétracte. — Poret dénoncé.
Cependant les montagnards rouennais observaient avec une
attention et un intérêt d'autant plus vifs les événements qui agitaient
la Convention, la Commune et les Jacobins de Paris, que Pillon et
Vemon avaient dû rapporter de leur séjour dans la capitale des
impressions de nature à les tenir tous en éveil. Sans nul doute, leurs
ennemis, les modérés et les contre-révolutionnaires, ne suivaient
pas moins fiévreusement les péripéties de la lutte engagée contre
Robespierre.
Avec une impassibilité qui, aujourd'hui, parait affectée, les
autorités constituées poursuivaient le cours de leurs délibérations.
Le 8 thermidor, la Commune désignait Jeannemey, notable, pour
surveiller Saint-Yon et Desaubris Sainte-Marie. Elle se renseignait
sur le journaliste Montigny , détenu aux Gravelines et sur la conduite
morale et politique du citoyen de Combray, décernait un mandat
d'arrêt contre l'ex-conseiller Masseron, donnait la liberté à M. de
Sannois-Beaulieu, etc.
Le 9, la séance ne dénote aucune émotion ; le 10, — jour de
décadi, — il n'y eut point de procès-verbal du Conseil général de la
Commune ; mais le bureau permanent ayant été informé dans la
soirée du dénoûment complexe de la tragédie révolutionnnaire et,
considérant que la sûreté et la tranquilité publiques reposaient à ce
moment sur sa tête, avait jugé de son devoir de mettre sa responsa-
bilité à l'abri de tout reproche en prenant cet arrêté :
(i) Arch. mpales. Heg. des délibérations.
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- 418-
Artîcle premier. — Tons coarriers destinés pour aatorités oa parlicaliers
résidant en cette commune, seront arrêtés par les postes et conduits de
suite au bureau permanent de la commune, qui leur facilitera la passe-
outre ou les retiendra s'il y a lieu. — Art. 2. — Aucun courrier ne pourra
sortir de cette commune sans être muni d'un laissez-passer du bureau
permanent. - Art. 3. — Les concierges des maisons d'arrêt de justice et de
sûreté nationale sont requis de. ne laisser sortir qui «que ce soit des individus
cûDJiés à leur garde. — Art. 4. — Le citoyen Lacombe, agent du Comité de
Sûreté générale pourra seul se présenter auxdites prïsons et maisons de
sûreté pour en obtenir des concierges les noms des détenus et motifs de
délenlioo... La présente délibération sera à l'instant envoyée à tous les
postes et concierges par des ordonnances (1).
Ici se placent des faits sur lesquels on a voulu asseoir la plus
terrible de toutes les accusations groupées contre les terroristes
rouennaîs, et en particulier contre Pillon et Poret.
Il parait que dans la nuit du 10 au 11 thermidor, c'est-à-dire
dans la nuit qui suivit l'arrêté du bureau permanent, Pillon, Porct
et autres, escortés d'une force armée et précédés d une patrouille
d'environ soixante hommes à pied, s'étaient portés à la maison
dYon.
Les rapports ultérieurs des comités des sections ajoutent
qu'avec la lettre anonyme qui suit, remise à la Société populaire, on
aura une idée non équivoque dos intentions de Pillon :
Tu redoubleras les arrestations de la commune et feras incarcérer les
plus fous patriotes; le 11, tu feras massacrer ceux que je t'ai ordonné dans
ma dernière. Assure-toi bien de Giguet et Grout pour cette expédition.
Atjcuns membres du département et du district ne doivent échapper.
Fiobespierre le jeune, doit se rendre près de toi le 12 pour la gouverner.
Salut et fraternité 51-8-7. 9. v. d. Au dos est écrit pour Pillon P. R.
avec des points (2).
Les rapports contre les terroristes racontent que Pillon, de
Paris, demandait à Poret la liste des détenus, et qu'il y eut chez
Lamine un dîner d'où les femmes furent exclues. Cela suffirait pour
(Ji montrer le véritable but du voyage de Pillon et Vernonà Paris : (3)
(I) Registre des délibérations de la commune.
|2) Troisième rapport des comités thermidoriens, I" section.
^3) id. id. Le texte de la lettre
s V troirve p. 37.
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- 419 —
On voulait massacrer les prisonniers de Saint- Yon et les adminis-
trateurs du département et du district !
Complétons immédiatement ces dires en recourant aux procès-
verbaux de la Société populaire et en anticipant sur les événements,
afin d'essayer de déblayer de cette accusation les annales révolution-
naires rouennaises :
Le 23 thermidor, la lecture de la lettre anonyme qu'on annonce
avoir été trouvée portant pour adresse : « à Pillon, maire, » excite des
sentiments d'indignation à cause de son style atroce. Après diverses
propositions, la Société passe à Tordre du jour sur son contenu et
charge son comité de surveillance de découvrir — si faire se peut —
l'auteur de la lettre, pour en faire un rapport, s'il y a lieu. On passe
aussi à l'ordre du jour sur la motion de rappeler à Tordre le membre
qui a lu la lettre. (1)
Le 24, Pillon écrit à la Société qu'ayant appris la lecture de
cette lettre, il en demande copie, collationnée par les secrétaires. La
discussion est renvoyée au lendemain 25, séance où les uns veulent
passer à Tordre du jour, « motivé sur le mépris que doit inspirer un
semblable ouvrage », d'autres proposent de l'envoyer à Pillon par
deux commissaires, et de la lui remettre, parce qu'elle est sa pro-
priété. D'autres enfin sont d'avis d'inviter Pillon à se joindre au
comité de surveillance de la société pour, de concert, rechercher
l'auteur de la lettre. Ce dernier avis est adopté.
Pillon accepta-t-il cette résolution ? L'enquête eut-elle lieu ?
Rien n'en a transpiré. Le comité de surveillance de Rouen intervint
le 26 thermidor réclamant la remise de la lettre. Sa prétention fut
discutée. Cependant, la lettre lui fut effectivement remise sur
récépissé (2). Pillon en obtint copie le 29.
Et maintenant qu'y a-t-il de fondé dans cette accusation ou
plutôt insinuation que des historiens locaux (3) ont reproduite et
et jugée fondée, ce qui motive les détails qu'on vient de lire ?
Absolument rien 1 Les patrouilles organisées et dirigées par
(1) Reg. de la Société populaire.
(2) D'après les. rapports, cette lettre était en dernier lieu aux mains de Sautereau.
(3) Notamment M. de La Quériére, manuscrit cité.
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- 420 —
Pillon, dans la nuit du 10 au 11 thermidor et auxquelles prenaient
part le général Beauvoisin et Delalonde, adjudant-major de la garde
nationale, se justifient d'elles-mêmes et ont un but absolument
différent de celui qu'on leur attribue. Elles sont la conséquence
directe, immédiate et naturelle de l'arrêté pris par la Commune
dans la soirée du 10, qu'il sufBt de relire pour s'en convaincre. . .
Il y a eu tout simplement une de ces imputations odieuses que
Ton ne doit guère être surpris de rencontrer en un temps où les
partis se faisaient une guerre acharnée d'injures, de flétrissures et
de perfides allégations. L'une des plus sûres démonstrations de la
réelle inanité de ces manœuvres se voit dans une liste de terroristes
dressée par la 10* sction, si violente contre Pillon : a les 10 et
11 thermidor, il a voulu se porter avec une force, pendant la nuit,
dans les maisons de détention... Dieu sait pourquoi ? ))(1) La section,
elle, ne le sait pas, ou. du moins, n'a pas la plus petite preuve
a administrer et n'invoque pas même la lettre anonyme. Faut-il
insister sur les certificats élogieux délivrés à Pillon par le conseil
général de la commune, à un homme qu'il eut dû regarder comme
un assassin et avec lequel il se solidarisait catégoriquement à la date
du 28 fructidor an II (2).
Dans sa séance de neuf heures du matin, le 11 thermidor, le
conseil général de la commune de Rouen entend la lecture faite par
Poret, de l'arrêté dont on connaît le texte, pris la veille au soir, par
le bureau permanent, « instruit non oflSciellement, par la voix
publique et par la Gaj^ette 'Rénolutionnaire, que la Convention, en
sa séance du 9, s'est déclarée permanente pour déjouer tous les
complots, trames et conjurations ourdis contre la liberté par les
ennemis intérieurs delà République. » Poret explique que le courrier
extraordinaire annoncé par la Gii^ette n'étant pas arrivé, le bureau
avait craint de jeter l'alarme en convoquant à l'instant le conseil
général.
(1) Arch. mpales.
[2) V. ci-aprés, chapitre XVII.
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à
- 421 -
Des nouvelles et pièces officielles étant parvenues, le conseil lève
la séance et, précédé des tambours et de la musique, se transporte
sur les places publiques de Rouen et y publie les décrets de la Con-
vention sur la « nouvelle conspiration qu'on vient de déjouer en
mettant en arrestation et hors la loi les Robespierre, les Couthon,
Saint-Just et leurs complices. » Le décret qui déclare que les sections
de Paris ont bien mérité de la Patrie, est publié. Partout, dit le
procès-verbal, le peuple a manifesté son attachement à la Conven-
tion et sa haine pour les usurpateurs de la souveraineté.
. De retour à la maison commune, le conseil adopte un projet
d'adresse à la Convention, présenté par Pi lion, maire :
Représentants dn peaple,
Nous venons de publier solennellement vos décrets sur Tinfemale cons-
piration qui menaçait la représentation nationale. La lecture en a été
entendue par nos concitoyens avec reconnaissance.
La République est sauvée. Vive la Convention ! Et périssent les traîtres.
Voilà leur vœu. Cest aussi le nôtre.
Fermes à notre poste et forts de votre courage, nous déclarons haine
éternelle aux intrigants, respect et attachement imperturbable à la repré-
sentation nationale, et la mort aux usurpateurs de la souveraineté du
peaple. Ni dictateur, ni triumvirs! La Convention, toute la Convention, rien
que la Convention (1).
Mieux que tous les récits plus exacts qui ont été donnés depuis,
les nouvelles publiées par le Journal de Rouen le même jour,
11 thermidor, à Theure d'inexprimable malaise où Ton attend des
détails sur les tragédies de la nuit du 9 au 10 et de la journée du 10,
permettent de voir comment la population rouennaise envisageait
les événements et de se rendre compte de ses angoisses :
Un grand procès a commencé et tous les amis de la liberté y assiste-
ront ; la Convention le jugera. D'un côté, c'est un homme accompagné
(1) Reg. de l'Hôtel-de-Ville. — Le procès verbal de cette séance, où nécessairement
Pillon assistait, est signé seulement de J.-E. 'Carré et de Caignard. — Sont mentionnés
présents : Tamelier, Guyet, Desmalis, Hamel, Moulin, Foret fils, Desaubris, Legras,
Demay, Mabon, Thiesmé, Levasseur, 0. Lemoine, Buisson, Dumesnil, Jeannemey,
Camus, Barthélémy, Delalande, Delafosse, Fossart, Cuvier. Lagnistre, V. Groult. Roger,
Clavier, Ârnault, Bellencontre, Baudry, Le Piller, Vernon, J.-B. Pinel, Payenneville,
Gamare, Iluault, Bérat. Lambert, Legendre Thébault, Enault, A. Lebas,Masson, Lemor,
Gaillard, Bellanger et Baudry. — Ainsi Pillon, un moment présent, ne signe pas, et
Carré, dont la présence n'est pas mentionpée, signe I
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— 422 —
d'une grande réputation, repoussant le reproche de tendre à la dictature, au
pouvoir suprême: De l'autre côté le gouvernement, que cet homme accuse
de conspiration, le gouvernement qui, jusqu'ici, a îustfié la confiance du
peuple. — Le résultat a été un décret qui prononce : 1* la permanence de
l'assemblée ; 2* l'arrestation de Dumas, président du tribunal révolution-
naire, Hanriot, Boullanger, Dufraisse, de La Valette, et de tout l'état-major
de la force armée de Paris. Vadier cite enfin des faits desquels il semble
résulter que Robespierre était partisan du royalisme... La discussion se
termine par le décret d'accusation contre les deux Robespierre, Couthon,
Saint-Just, Lebas et Nicolas, juré du tribunal révolutionnaire... (1)
Le 12, Noël cite les quatre adresses envoyées à la Convention
par la commune, le district, le département et la Société populaire,
conçues dans un même esprit de soumission aux décrets de la
Convention. Il raconte Texécution des deux Robespierre : Maximilien
a le visage ensanglanté par les blessures, offrait un double sujet
ï) d'horreur ; le moderne Cromwell voulait sans cesse se dérober au
» peuple et penchait sa tète sur ses genoux, mais Texécuteur le
1» forçait de la lever et de fixer les regards indignés du peuple. » Noël
faisait suivre ce tableau de réflexions bien senties « sur la fin terri-
ble » qui attend tous les ambitieux.
Le 13, en tête de sa feuille, il annonce que soixante-et-onze
membres de la Commune de Paris ont été exécutés pour cause de
rébellion (2). On va, dit-il, réorganiser le conseil général de cette
commune et le tribunal révolutionnaire... « Tout va changer et
prendre une attitude imposante et forte. »
Ce que publiait ainsi le Journal de Rouen était tiré de corres-
pondances particulières. Comme toujours. Lecomte s'était appliqué
à mettre sur leurs gardes ses amis de Rouen. Par une première lettre
(i) Numéro cité, p. 172. Les derniers détails d'une note de l'article sont, pour la
plupart, inexacts. — V. sur le pi\)cès de Robespierre et ses complices, notamment
Wallon, Hiiit. du trib. révol., t. V, p. 245 £t s.; E. Hamel, Thermidor, 2« éd., p. 278 ;
E. Bîré, Journal d'un Bourgeois de Paris, p. 372 et s. — Parmi les 21 complices de Robes-
pierre, guillotinés comme lui le 9tbermidor, l'un, Payan, avait fait au moins une excur-
sion dans la Seine-Inférieure et avait même prononcé un discoui*s à Neufchàtel-en-Bray,
à la fête décadaire du 30 floréal an II, lors de laquelle avaient chanté les citoyennes
Caqueray et Gallye, cette dernière un hymne en l'honneur de la Raison (Reg. des
(lélib. de la commune de Neufchâtel).
(2) L'un de ces soixante-et-onze était né à Rouen, en 1745, et se nommait Jean-
Nicolas Langlois, serrurier, rue Saint-Georges, n» 38.
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-423-
lue le 11 thermidor, après la fête de Barra et Viala, à Téclat de
laquelle a nui celui des catastrophes du 9 thermidor, il annonçait
à la Société populaire la conspiration tramée contre la liberté par
les Robespierre, Couthon, Lebas et autres et Tétat-major de la
garde nationale de Paris. Une autre lettre, d'origine difiEérente,
dévoilait .aussi V « affreux complot. » A Thorreur profonde pour
les traîtres succèdent des vœux pour la prospérité de la patrie, des
acclamations mille fois répétées de : Vivent les- défenseurs de
l'égalité ! Vive la Convention nationale I Vivent nos fidèles repré-
sentants ! Vivent les défenseurs de l'égalité I Vivent les parisiens !
Ils ont sauvé la République ! Le conseil général de la commune fait
parvenir à la Société « son vœu de rester toujours uni au faisceau
d'où seul dépend le salut de la patrie. »
Quatre-vingt membres de la société ont rédigé dans la journée
l'adresse adoptée par la société, les tribunes et les adolescents. Une
autre adresse sera envoyée aux braves frères de Paris^(l). A la séance
du 12, le citoyen Loiselet, un bon gendarme, héros de plusieurs
aventures révolutionnaires dignes d'être racontées (2), vient
demander à la société l'autorisation de changer le nom de Robes-
pierre, qu'il avait donné à son fils. On le renvoie à la Commune.
Les nouvelles se répandaient dans Rouen avec des commentaires
et des pronostics fort inquiétants pour ceux des administrateurs et
des patriotes qui s'étaient montrés actifs partisans de la Terreur.
Un des membres de la commune de Rouen mit fin à ses inquié-
tudes par un suicide que le manuscrit de HorchoUe raconte en ces
termes :
31 Juillet (13 thermidor). Ce matiD(3), Guyet, chirurgien, officier municipal
(1) L'adresse de la Société populaire aux 48 sections de Paris est insérée au numéro
du Journal de Rouen du 14 thermidor.
(2) Ce gendarme est l'un des deux qui, plus tard, arrêteront Pillon. C'est aussi lui
qui avec Fresneau conduisit de Rouen M. et M»»» Puget de Barbentane et M. de Bras,
celui-ci peu après guillotiné. Loiselet et son compagnon Fresneau furent les dupes
d'un stratagème de M. et M™» de Barbentane. — Le gendarme Fresneau fut tué par un
émigré dans la rue Malpalu, le 20 septembre 1800.
(3) Ce n'est pas le matin du 31 juillet qu'eut lieu le suicide de Guyet, mais bien la
veille (12 thermidor), à dix heures du soir, en son domicile, rue du Bac, 32, vraisem-
blablement après la réception de la nouvelle de l'exécution des 71 membres de la
commune de Paris. Son décès fut constaté par Garaut, commissaire de police, le iS, et
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- 424 -
en exercice, fftmeaxdubiste jacobin, et an des tecUeax de Robespierre à Roaen,
s'est coapé le coa avec an rasoir (1), ayant appris la défaite de son chef, dont
il avait la mission de faire égorger tous les suspects détenus à SaintYon,
ce qu'il aurait exécuté sons peu de jours, si la conspiration de Paris n'eût
pas été découverte et punie. Car, ayant obtenu l'inspection de cette maison
d'arrêt, il avait déjà fait retirer à tous les prisonniers leurs canifs, couteaux,
ciseaux, etc. (2), et démonter les serrures, verrouils, crochets des portes de
leurs chambres, pour que les assassins n'y trouvassent aucune résistance.
Il avait fait faire une fausse clef de la porte d'entrée de cette maison, qne l'on
a trouvée dans sa chambre, lors de la rédaction du procès-verbal qui a con-
staté le suicide. On s'attendait que son cadavre serait au moins traîné sur la
claie et jeté à la voirie ; cependant, il n'a été fait aucune poursuite (3).
Pareil massacre que celui projeté devait s'exécuter la même nuit- dans les
autres départements de la république. La Providence a protégé bien des
innocents !
Ces passages, naïvement féroces, de Tex-procureur HorchoUe
n'ont pas peu contribué à donner créance au prétendu projet de
massacre des détenus qui, je le répète, ne mériterait pas d'être
discuté s'il n'avait pas été accueilli, sans examen, par des écrivains
méritant crédit. Aucun des détails relevés à propos de la mort de
Guyet ne peut être une base sérieuse à de telles accusations.
déclaré seulement le 16 thermidor, à Chouquet, officier public, par Morizet, marchand
papetier, rue du Bac, 23, et Clavier, officier municipal. Guyet, ûgé de 37 ans, était né à
Paris. En juin 1792, il habitait rue Grand- Pont. Depuis le 5 thermidor, c'est-à-dire
depuis le retour de Paris de Pillon et Vernon, Guyet, jusqu'alors assidu au bureau per-
manent de la commune, avait cessé d'y venir. Il était présent à la séance du 12, au
matin. Dans la séance du 13, soir, le conseil de la commune remplaça Guyet comme
officier de âanté chargé de Saint- Yon, par Gamare, et à Thospice d'humanité par Demay
(1) M«>« de Chastenay dit qu'il se brûla la cervelle (Mémoires, t. 1, p. 107) et les
rapports contre les terroristes, qu'il se coupa le col deux jow^ après le neuf Ihertnidor,
« parce qu'il avait été trompé. »
(2) La perquisition sur les détenus avait lieu, sans doute, bien longtemps aupara-
vant. Mais un arrêté du trois thermidor l'avait prescrite et, en même temps, avait
ordonné de tenir un registre pour constater les effets et sommes trouvés sur les préve-
nus. En ce qui concerne la maison de justice de Rouen, l'exécution de cette mesure ne
commença que le 16 thermidor. L'abbé d'Amphemet y fut soumis le 20 fructidor.
(3) HorchoUe affirme ici, une fois de plus, cette doctrine de nombre de contre-
révolutionnaires d'après laquelle les décrets des assemblées révolutionnaires n'avaient
pu supprimer l'ancienne législation. La claie, le jet à la voirie étaient au moins impli-
citement abolis (V. Chéruel, Dict. hist. des institutions, mœurs et coutumes de la France^
4* édition, 1874, au mot Suicide). On semble disposé après la révolution à punir le
suicide : Le 14 pluviôse, an IX, J.-G. Letellier, garçon toilier, t prévenu de s'être jeté
dans l'eau dans l'intention de se noyer, » fut écroué à Saint-LÔ de Rouen. On le relâcha
le lendemain.
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— 485-
Cependant, il se produisit i l'occasion de Guy et des incidents
de nature à émouvoir les rouennais. Le bruit ayant couru qu'une
liste de détenus avait été trouvée chez lui, et remise par Garraut à
Chouquet, la 15® section exigea des éclaircissements et un procès-
verbal des déclarations de Garraut dressé par le bureau permanent
de la Commune (Tamelier, président) le 5 floréal an III, établit que
lors de l'iiiventaire, fait en présence de Chouquet, Bérat, Dieu et
autres, il ne fut trouvé aucune liste chez Guyet, mais seulement
« un carré de papier contenant les dernières pensées du citoyen
Guyet » et des expressions mystérieuses et suspectes, avec une
lettre où il était question d'achat d'argent. » Garraut, de son propre
mouvement, avait remis à l'accusateur public une copie de son
procès-verbal et du carré de papier (1). Que contenait le carré de
papier, quelles étaient les expressions ? Il ne serait probablement
pas impossible de le savoir. . .
Les administrateurs considèrent le 9 thermidor comme ne
pouvant et ne devant point arrêter la marche de la Révolution. Le
tribunal criminel, peut-être pour affirmer son impassibilité, tient à
juger un de ceux des suspects qui étaient depuis plus longtemps
détenus. Le 11 thermidojr, sur deux lettres du président Legendre,
la Commune nommait des commissaires pour assister le jour même
au jugement du nommé Ramfreville, prévenu d'émigration, et à la
formation d'un tableau du jury spécial de jugement. Le 12, elle
ordonnait l'arrestation de Denneville et son renvoi devant le tribunal
révolutionnaire de Paris « pour les propos les plus contre-révolution-
naires. )) Le 13, elle renouvelle ou complète les conseils d'adminis-
tration et de surveillance de maisons de détention. Elle mentionne,
le 15, l'exécution, par Lacombe et Beaudouin, d'un arrêté du comité de
sûreté générale, du 18 messidor, portant que Masseron, ex-conseiller
au parlement, Néel dit Tontuit, ex -noble, neveu du ci-devant évêque
(1) Arch. mpales. — Dans l'une des dernières séances de la Société, le 18 nivôse
an III, Chouquet « dénoncé comme s'étant trouvé le premietr chez Guyet et s^étant
emparé d'une liste », déclare que cette liste avait été remise entre les mains de Garraut*
Celui-ci contredit Chouquet qui, probablement, veut parler du carré de papier.
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- 426-
d'Avranches, et la ci-devant ducKesse de Bouillon (1), détenus dans
les maisons de Rouen, seront transférés dans une maison d'arrêt de
Paris p ^ur y rester jusqu'à nouvel ordre. Elle vise le 16 les pouvoirs
de Jacotin, Prieur de la Marne, et Jean-Bon Saint-André (2) venus
remplir une mission importante. Elle repousse, comme tardive, la
demande de Marie-Madeleine- Victoire de Caqueray , femme d'émigré
et détenue, tendant à jouir de l'effet de l'article !•' du décret sur le
divorce. Elle mentionne que Le Boucher, officier municipal, est
nommé au tribunal de police à la placé de Vernon et cesse d'être du
bureau municipal. Sur la demande de Robert de Saint- Victor, elle
ordonne la rectification au bulletin de ses séances d'une pétition
disant inexactement qu'il aurait inculpé en masse ou individuellement
la conduite à son égard des autres détenus. Elle parle, le 9 thermidor,
de Saint-Ouen proposé comme local pour le collège ; puis Pillon
ayant annoncé que le bureau municipal avait cru devoir rendre à la
liberté Lecerf, curé insermenté de Nicaise, mis au violon la nuit
précédente, on proteste contre cette mesure, Lecerf étant un homme
dangereux, infiniment suspect, et un membre ajoutant qu'il croit se
rappeler avoir vu un mandat d'arrêt du tribunal criminel de Paris
contre lui, Lecerf est de nouveau arrêté, et ses papiers so3t envoyés
à l'accusateur public.
L'anniversaire du 10 août devait être, à Rouen, l'occasion d'une
fête « simple et majestueuse », selon un programme arrêté le 21 ther-
midor. Le procès-verbal ne témoigne pas d'un grand enthousiasme
même chez son rédacteur. A la solennité (( en mémoire de ce jour
qui éclaira la chute de la perfidie despotique, où la liberté triompha
de la tyrannie et vengea le peuple français des outrages de la royauté,
tous les citoyens, confondus et n'offrant l'aspect que d'une seule
famille, partagèrent les douceurs de ce jour qu'on peut appeler celui
(1) Puisque ce nom, déjà cité, m'en fournit l'occasion, je mentionne ici le convoi
de la duchesse dont parlent certaines publications sans jamais nommer son second
mari : Richard-Désiré Hay (dit de Slade) vivant de son revenu à Sahurs, canton de
Canteleu, né à Nantes, en 1765, et qu'elle épousa à Rouen, le 19 juin 1797, en présence
de M. Suzanne de Bréauté, son beau-pére, de deux hommes d'aflaires et d'un autre
rouennais.
(2) Reg. de l'Hôtel-de- Ville. On voit au procès- verbal de la séance du département
du 6 vendémiaire, an m, que cette mission s'appliquait à la marine.
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- 427 -
de la fraternité. » Les attributs dé la royauté et du fédéralisme furent
placés sur un bûcher et livrés aux flaûimes, sur le Champ-de-Mars.
Pillon prononça un discours (1) retraçant rapidement la fin terrible
des traîtres et des ennemis de la République et appelant le même
arrêt du peuple sur la tête de ceux qui oseraient les imiter (2). Le
lendemain, le Théâtre de la République joue le 10 Août ou rinau"
guration de la République française, pièce sans-culottide drama-
tique en cinq actes et en vers, mêlée de chants et déclamations, et
l'on annonce la prochaine représentation de la Journée du 9 au
10 Thermidor (3).
Les actes oflBciels ne parviennent pas, même encore aujourd'hui,
à dissimuler la sourde mésintelligence qui, à ce moment, régnait
entre le district et la municipalité. Celle-ci semble garder une
rancune profonde de quelque échec amené par l'intervention du
district, lequel acquiert alors au sein de la Société populaire une
influence qui s'exerce au détriment des Poret, Lamine et autres.
11 y a d'ailleurs un point capital préoccupant les rouennais de tous
les partis et sur lequel ils n'ont pu se mettre d'accord : c'est le choii
du représentant du peuple qui doit succéder à Siblot.
Des indices sérieux de cette lutte s'aperçoivent en nombre de
circonstances, où se révèlent aussi des signes de l'imminente rupture
publique entre les montagnards et les modérés.
Le 18 thermidor, à Cabissol,^ du district, qui lui demande des
(1) Ce discours est resté en blanc dans le compte rendu de cette, fête inséré au
procès- verbal de la séance de la Commune du 23 thermidor. On le trouve dans un Recueil
de Discours prononcés dans le Temple de la Raison à la célébration des décades et des
fêtes civiques dans le dép^ de la Seine-InfétHeure, Rouen, Labbé, an ii de la Républ.,
in-13 de 43 p. p. 12. — V. i4. Pasquier, Biographies.
(2) Joutmal de Rouen du 24 thermidor. Ce numéro publie dans son compte rendu
de la fête une pièce dont voici les premiers vers :
Gloire au Dix-Août qui vient après deux ans
Luire sur nos canons et le fer de nos piques,
Sois le premier des jours de nos fêtes civiques
Jour fameux, dont le nom fait frémir les tyrans.
(3) JoumcU de Rouen,
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- 428 —
renseignements sur le patriotisme de Cabeuil (1), ci--devant chef de
la garde nationale de Rouen, Poret, agent national de la Commune,
répond :
...Nons te rôpondrons qu'administratear toi-mémedepaisla rôvolatiop,
et trois ans sa moins avant nous, et par oonséqaent ayant en avec Cabeuil
plus de relations qu'aucun de nous, tu dois l'avoir connu plus directement et
tu dois savoir toutes les manières possibles pour t'exprimer avec la franchise
d'un républicain sur le compte de Cabeuil. Au surplus, consulte le Journal
de Paris (2), cette feuille stipendiée par le royalisme et l'aristocratie la plus
effrontée ; consulte le journal dépositaire de toutes les adresses contre-révo-
lutionnaires au tiran Capet par l'ancien état-major de la légion de Rouen (3).
Consulte surtout la société populaire. C'est là que le conseil général puise
tous les renseignements dont il a besoin, et l'expérience que nous avons de
son civisme nous fait t'indiquer cette source pure de l'opinion publique... (4)
Dans ces entrefaites, la municipalité et le Comité de surveillance
croient avoir découvert les moyens d'atteindre Cabissol et quel-
ques-uns de ceux qui pl'enaient Toflensive contre les montagnards
à la société populaire.
L'ex-prôtre marié Mathieu-Noél Rioust et sa femme, dont j'ai
déjà mentionné les noms, étaient compromis gravement par leurs
relations avec Tex-évêque de Montauban, le Tonnçlier de Breteuil,
(1) Ces renseignements étaient destinés à Tagent national d'Yvetot, qui s'était
adressé à son collègue de Rouen, dont Cabissol remplissait les fonctions. Le môme
jour, Cabissol s'adressait aussi au comité de surveillance qui transmettait sa lettre à la
Société populaire, tabeuil du Vauroûy avait été chef de légion en 1792 sous M. de
Liancourt. Il ne faut pas confondre ce Cabeuil avec Romain-Louis Cabeuil, établi
depuis 1787 à Rotterdam, où il était maître de danse, et qui fut porté sur les listes
d'émigration d'où il obtint sa radiation provisoire le 2 floréal an VL La maison du
citoyen Cabeuil, place de la Rougemare, ayant été dénoncée comme renfermant plu-
sieurs individus suspects, Debonne, offlcier municipal, et Cottais, commissaire de
police, le. 12 janvier 1793, se la firent ouvrir, après instances réitérées et menaces de
mettre la porte en dedans ; ils n'y trouvèrent que M™» Cabeuil et sa ser\'ante. (Arch.
mpales et dn dépO.
(2^ Cette feuille avait publié, le 28 juin 1792 une adresse au roi signée des citoyens
actifs de Rouen au nombre de 20,000, adresse dont il est question dans l'article d'André
Chénier : de la nécessité de l'uniony inséré dans le 104« supplément du même Journal de
Paris j le 5 juillet 1792. André Chénier rappelle, dans son article, ces paroles des admi-
nistrateurs de la Seine-Inférieure dans leur adresse au roi, publiée par le Logographe
du 30 juin ; nous n'avons pas brisé nos chaînes pour en porter de nouvelles { V. Œuvres
en prose d'André Chénier, Charpentier, Paris, pp, 241-242.)
(3) La Chronique Nationale, de Leclerc. -^ Le Jouf*nal de Rouen avait aussi publié
des adresses royalistes. (V. not. n«'du 13 août 1792 contre la déchéance du roi).
(4) Arch. mpales.
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— 429 —
qu'ils avaient rencontré chez Guersent, curé constitutionnel de Caude-
bec-lès-Elbeuf (1). La citoyenne Rioust, interrogée par Roumy
Grout, du comité, le 25 thermidor, et dont les réponses jettent de sug-
gestives clartés sur les liaisons des notabilités qu'elle cite, avait parlé
avec une complaisance marquée, de « leurs principaux amis o à elle
et à son mari : Legendre, président du tribunal criminel, Eudeline
le jeune, Bernays et Cabissol. Ils avaient pu rencontrer Legendre
et Cabissol, dit-elle, chez Grenier (2) ou ailleurs. « Elle a fait
au spectacle la connaissance de la citoyenne Horteloup, chez
laquelle elle a mangé plusieurs fois et où mange Legendre, et
cette citoyenne est venue plusieurs fois manger chez elle. Cottais,
commissaire; Selot, employé au district; Bouvier, employé à la
commune, et Leclerc, parfumeur, ont aussi mangé plusieurs fois chez
elle, femme Rioust. . . Le comité mit beaucoup d'ardeur à s'emparer
de la personne de Rioust qui, en toute hâte, se rendit A Paris où il
obtint le 7 fructidor l'annulation des deux mandats, l'un d'arrêt
contre lui (3), l'autre d'amener, contre sa femme (4). Malatiré,
dépéché vers Real, à Paris, n'était point parvenu à devancer Rioust.
Cabissol, en personne, vint quarante-huit heures après chez celui-ci,
à Rouen, rue Richebourg, n*» 34, faire exécuter les ordres du comité
de sûreté générale, non sans résistance, car les deux fusiliers installés
gardiens refusaient de le laisser entrer et il dut leur montrer sa
décoration d agent national et les menacer d'envoyer chercher la
garde (5).
(i) Quand fera-l-on l'histoire de tous les ecclésiastiques qui, comme Guersent,
ont joué en province un rôle si important et si peu défini? Une fois, Guersent fut dénoncé
par le comité revol"» d'Elbeuf le 9 floréal an ii comme n'ayant pas remis ses lettres de
prêtrise et n'ayant pas cessé ses fonctions. Ce comité décerna contre lui un mandat
auquel il déclara n'être pas disposé à obéir. Le comité le déclara « fuyard ». Devenu
marchand à Elbeuf, « rétabli? » par arrêté du comité de sûreté générale, mais réputé
émigré, il demandait, le 22 nivôse an m, mainlevée provisoire du séquestre mis sur ses
biens. — Arch. -m pales de Rouen et du dép*.
(2) Le commissaire du comité de sûreté générale.
(3) Ce mandat, du 29 germinal an ii, est signé : Laiiiine, F.-rM. Pinel l'aîné, Bénicouii,
Poisson père, G. Angian, Regnault, (iodebin-Jouvenet et Gaillon. Malgré les ordres fin
comité de sûreté générale du 7 fructidor, le comité de Rouen décernait contre Riuu>t
un autre mandat le 15 fructidor.
(4) Le mandat d'amener contre M. Rioust, du 25 thermidor, est signé de Gaillon senl.
(5) Arch. mpales. — Il y eut, plus tard, entre Rioust et Malatiré, à ce sujet, une
très violente et très peu édifiante polémique dans le Journal de Rouen et la Verhitc
NofTnancle,
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mm
m'--'
1^-
— 439 —
Ce qui explique mieux le style aigre de Poret et les hostilités
contre le district, c'est ce qui se passe depuis le 10 thermidor à la
Société populaire, d'où sont parties les premières attaques contre
les terroristes.
On s'y applique pourtant à maintenir la concorde : le 12, un
débat s'étant élevé sur une inculpation faite par le frère Lamine au
frère Delaporte, la société passe à l'ordre du jour, ces deux membres
ayant déclaré ne s'en vouloir nullement et se considérer l'un et
l'autre comme de bons patriotes. Cette solution pacifique et une
lettre du conventionnel Lecomte, du 13, disant que a tout est
tranquille à Paris, » fournissent l'occasion d'inviter les patriotes à se
mettre en garde contre les propos calomnieux vomis à Rouen contre
les autorités constituées.
Le 18 thermidor, Godebin demande qu'on accorde aucune place
à des ouvriers ayant un état quelconque pour exister. Il fait une
sortie calomnieuse contre la Société qu'il dit partagée en quatre
classes d'hommes : la première et la moins nombreuse, composée
de vrais républicains ; la seconde des républicains de circonstance;
la troisième, la plus nombreuse, de gens qui cherchent des places,
et la quatrième de paresseux. Sans doute, il y a des subdivisions,
dont Godebin ne s'occupe pas.
Aujourd'hui, on est porté à admettre qu'il n'a jamais été
proclamé de plus grande vérité dans la Société populaire. Naturelle-
ment, en thermidor an ii, « de divers côtés on s'exclame. » On
démontre combien ce langage de Godebin est indécent et combien
il peut être préjudiciable à la chose publique en divisant la Société,
qu'on vient de régénérer, et en lui faisant perdre la confiance « qu'elle
n'a cessé de mériter. »
Les votants sont comptés: 104 contre 39 admettent la priorité
pour le rappel à l'ordre qui, ensuite, est voté. Cette décision sera
notifiée à Godebin.
L'affaire revient le lendemain, et la décision de la veille est
rapportée à l'unanimité ! Puis, on dénonce Godebin parce qu'il court
très vite dans les rues et qu'il a failli blesser plusieurs personnes. Il
s'excuse. On lui reproche d'étaler un luxe insultant à la pénurie des
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— 431 —
sans-culottes, d'avoir, dans quelques occaBions, préféré rester dans
les tribunes, d'avoir violé les règlements de police pour son plaisir,
d^avoir maltraité des sans -culottes; enfin, de s'être vanté, dans la
Société, en présence du représentant Pomme, de ne se rendre aux
séances que pour faire rapporter des délibérations qui ne lui conve-
naient pas.
Après l'audition de plusieurs orateurs, Godebin est suspendu
jusqu'à ce qu'il ait déposé une liste, signée de lui, des membres de la
société rangés en quatre classes. Il lui est défendu d'entrer, aupara-
vant, dans le local destiné aux sociétaires, et il déposera sa carte
séance tenante. Ni lui-même; ni nul autre ne pourra parler en sa
faveur. Godebin dépose sa carte et se retire.
Le 21 thermidor a"*lieu une des séances les plus longues ;
Thieullen préside; Poret et Lamine ne se sont pas présentés quoique
convoqués pour assister à la lecture d'une lettre dont Delaporte a
parlé le 12, lors de la discussion avec Lamine. Comme on parle
d'envoyer des commissaires aux deux défaillants, la séance devient
orageuse. Le président se couvre et le calme se rétablit aux acclama-
tions de : « Vive la République ! » Pendant que Roger, Godefroy,
Cusson et Lizé le jeune vont inviter Poret et Lamine à venir aux
débats les concernant, Licquet rédige une adresse de félicitations
aux Jacobin de Paris.
Le procès- verbal de celte séance témoigne, par son seul
aspect (1), de Timportance extrême donnée par la Société à ces
préliminaires contre deux de ses membres les plus en vue depuis
plus de dix-huit mois. La suite apprend que Lamine opposait une
fin de non-recevoir, basée sur ce que lès dénonciations n'étaient pas
signées ; on s'écria que lui-même n'avait jamais voulu signer celles
qu'il avait faites à la tribune.
Les accusations et récriminations se multiplient contre Poret
et Lamine. On rappelle que Siblot, trompé par eux, n'a rien voulu
entendre lorsque la Société lui a rappelé l'affaire contre Clavier.
Poret, dit-on, a, dans tous les temps, défendu les bouchers, parce que
(1) Ce procès-verbal fut à peu près complètement bàtonné et remanié. Hénault en
est le rédacteur.
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- 432 —
son père est boucher. Semblables au nouveau tyran Robespierre,
Poret et Lamine commençaient toujours leurs discours en inspirant
la terreur, etc., etc.
Lamine est particulièrement maltraité : Le 8 thermidor,
en séance, il a dénoncé Leclerc, parfumeur, comme un intrigant,
tandis qu'il parait qu'ils étaient en relations d'affaires, et il a
déclaré que des scélérats avaient trompé le Comité de Sûreté
générale sur son compte, à lui. Lamine, ; qu'ils avaient été^a cause
d'un interrogatoire de quatre heure? que lui avaient fait subir les
agents du comité (1), qu'il regardait comme trompés, mais que les
intrigants, parmi lesquels il désignait Leclerc et Cottais, paieraient
de leur tête sur Téchafaud l'affront fait à son honneur ; il a même
dit alors : « Le vertueux Couthon et l'incorruptible Robespierre, qui
ont répondu de Pillon, sauront démasquer tous ces vils intrigants ».
Comme Poret, il annonçait souvent à la tribune qu'il démasquerait
les traîtres, sans en démasquer aucun, que des membres de la Société,
qu'il ne nommait pas, augmenteraient le nombre des détenus, dont
la majeure partie seraient bientôt traduits au tribunal révolutionnaire
et condamnés à mort ou déportés.
Il fait observer que Poret fut toujours patriote, mais despote ;
il demande son expulsion et celle de Lamine. Et le président
Thieullen, méthodique et solennel, ^'adressant aux citoyens de la
Société et des tribunes, invite, k trois reprises, celui qui veut parler
en faveur de Poret et de Lamine à se rendre dans le sein de la Société
et à monter à la tribune. Cela se passait dans fc plus grand calme,
et personne n'a demandé la parole, quoique la séance fût des plus
complètes et que les tribunes fussent remplies de plusieurs milliers
de citoyens, qui avaient été présents à la discussion qui durait
depuis près de cinq heures, nonobstant la discussion de la veille qui
avait duré le même temps ( Textuel ).
La clôture du débat fut votée. Alors le président : « Que ceux
qui sont d'avis que Poret a perdu la confiance de la Société se lèvent ! »
La Société entière se lève simultanément et les cris de : « Vive la
République ! Vive la Convention ! se font entendre. » Ensuite, la
(1) L'interrogatoire dont parle Lamine semble bien être un des incidents du conflit
entre la Commune et les agents du comité de Sûreté générale, vers Iç G thermidor.
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- 433 —
contre-épreuve : « Que ceux qui sont d'avis que Poret n'a pas perdu
la confiance de la Société se lèvent I » Toute la Société reste assise
dans le plus profond silence.
Le président prononce : « La Société délibère à l'unanimité que
Poret a perdu sa confiance. »
Mêmes questions et verdict pour Lamine.
L'un et l'autre seront rayés du tableau des membres de la Société
et tenus de déposer leurs cartes ; extraits de ces délibérations seront
envoyés — par un courrier extraordinaire — aux comités de Salut
public et de Sûreté générale, ainsi qu'au conseil général et au Comité
de surveillance de la commune de Rouen.
Dans la même séance du 22, une dénonciation est faite contre
Gaillon, mais ajournée; puis contre Bérard qui a fait nommer
Lamine illégalement à deux places : au comité d'instruction publique
et au comité de surveillance. Bérard et Lamine ont ôté aux citoyens
la faculté de parler au temple de la Raison, se sont substitués aux
anciens censeurs royaux pour inspecter les ouvrages et ont fait
retirer à Callamar l'exécution du projet de statue de la Liberté.
Bérard était l'ami intime de Saint-Amand et doit avoir son sort. Il
sera invité à venir à la séance de demain.
C'est à ce moment qu'on s'efforce, mais sans y réussir, de faire
éclore contre Pillon une dénonciation dont le prétexte se fût trouvé
aisément dans la lettre « atroce » qu'on dit avoir été trouvée et qui
est apportée à la Société.
A la séance du 23 thermidor a lieu la comparution de Bérard que
Guingret et Lizé ont trouvé au spectacle dans un costume théâtral,
et qui, après avoir changé d'habillement, les a accompagnés,
« Bérard se justifie et divers membres citent des faits à son
éloge. )) Il est encore trop tôt pour qu'on incrimine des actes tels
que le témoignage au moins malveillant de Bérard contre l'évêque
Gratien. Pleinement satisfaite de ses réponses, la Société passe à
l'ordre du jour ; il reçoit d'abord l'accolade fraternelle du président
ThieuUen et les embrassements des frères qui lavaient dénoncé.
L'affaire de Gaillon et Pinel l'aîné vint le 26 thermidor. Tous
les deux répondaient par lettres que l'intérêt général l'emportant
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— 434 —
sur l'intérêt particulier, ils restaient à leurs postes, — au comité dd
surveillance. Itérativement rappelés, à dix heures du soir, Pinel pré-
texta qu'il allait remplir une mission, et Gaillon qu'il allait se cou-
cher parce qu'il était depuis six heures du matin au comité.
Ce fut donc en leur absence que s'ouvrit le débat les concer-
nant. Pinel et Gaillon sont des vexateurs qui ont abusé de leurs
pouvoirs en incarcérant des hommes pr(»bes et vertueux. Ils ont
mis leurs passions à la place de la loi révolutionnaire. Ils ont fait
incarcérer Turgis, père de dix enfants, au moment où sa femme était
prête d'accoucher et quoiqu'ils n'eussent aucun droit de sa per-
sonne. Gaillon a tenu au secret pendant seize à dix-sept heures, dans
une chambre qui servait de cachot, à Saint-Lô, un malheureux
domestique ou commis d'un nommé Lhuillier (1), quoique la loi s'y
opposât. Ils ont vexé dans le comité Troussey qui n'avait point la
lâche complaisance de voter pour l'arrestatiou lorsqu'il voyait des
innocents, et l'ont tourmenté afin qu'il donnât sa démission, lui
reprochant d'être humain. Gaillon s'est comporté comme n'aurait
pas osé le faire un despote oriental. Si Lamine et Godebin avaient pu
assister plus souvent aux séances, leur caractère aurait empêché
nombre d'arrestations . . .
La société parait cependant d'abord moins hostile à Gaillon et
Pinel, qu'il est question de renvoyer devant lun des comités. Mais
on insiste, des mandats d'arrêt qu'ils avaient régulièren:ent signés
sont représentés, et la société, procédant comme à l'égard de Lamine
et Poret, les exclut séance tenante.
Dans cette même soirée, Labbey, à son tour, fut dénoncé; la
société écrivit au député Lecomte pour le prier de s'intéresser au
frère Le Contour « détenu depuis fort longtemps. » Elle s'occupe
(1) Ce domestique, que la Société ne désigne pas autrement, se nommait Philippe
Morin, âgé de trente-cinq ans, né à Thierville, distr. de Pont-Audemer, demeurant au
Mesnil-Esnard, en la maison de campagne de Lhuillier. C'était à lui qu'était adressée
n rtaine correspondance secrète de ce dernier. François Lhuillier, aussi détenu à Saint-
Ln, était un marchand originaire d'Orléans, demeurant à Rouen, rue Saint-Romain, 42,
»t faisant les négociations d'effets commerciaux. Cinq haiils de gros sous appartenant
à François Fayolle, ouvrier en soie, et apportés par Lhuillier chez le messager Cothe-
rrnu, boulevart Cauchoise, y furent saisis le 26 brumaire et donnèrent lieu à des
mosures de rigueur de la part du comité. (Arch. mpales et rapports des comités ther-
midoriens de l'an m}. Fayolle fut aussi détenu à Rouen.
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- 435 -
aussi du citoyen Daupeley, prépare la mise en liberté de Bidault, (1)
négociant, rue des Charrettes « détenu pour fédéralisme et démission-
naire, » en déclarant qu'il n'est point à sa connaissance qu'il ait
« déployé l'étendard du fédéralisme dans son sein ni à la tribune. »
Ce qui venait de se passer à la Société populaire avait enfin
ému le Comité de surveillance et, le 29 thermidor, il la requiert, au
nom de la loi, de lui remettre les récentes dénonciations qu'elle a
reçues, avec les renseignements y relatifs.
Cette démarche inopinée, la perspective d'un conflit voulu par
le comité, mirent d'abord la Société dans un assez grand embarras.
Après bien des hésitations, une motion est enfin adoptée ; c'est
un biais à tous égards digne des a hommes de loi )) qui dirigent alors
la Société : « La Société délibère. . . qu'il n'y a lieu à délibérer
attendu que le Comité n'a pas désigné les dénonciations qu'il
désire I »
Les agissements du Comité — ou plutôt de Poret et de Lamine
qui l'inspiraient, — ne se bornaient pas là. Inquiets au fond de la
tournure des événements, ils faisaient appel à d'anciennes relations
pour indisposer contre la Société populaire les Jacobins de Paris.
A leur instigation, Real, qui n'avait pas oublié les bonnes journées
passées à Rouen en nivôse et pluviôse (2) avec les Montagnards de
cette ville, n'avait point hésité à intervenir pour arrêter l'œuvre de
représailles de la Société de Rouen contre les terroristes. Dans la
séance des Jacobins do Paris du 26 thermidor, après Massieu (3)
peut-être son compère, Real soutient qu'il est urgent de rédiger une
adresse à la Convention, attendu que, dans plusieurs communes,
l'aristocratie cherche à profiter de la révolution qui vient de s'opérer.
(i) E.-J.-T Bidault, trente-huit ans, marchand, rue des Charettes, 54, avait été arrêté
le U pluviôse an ii, pour incivisme et aristocratie et, en réalité, parce qu'on avait saisi
a la poste une lettre assez mystérieuse à lui adressée, par un anonyme qui lui disait :
c Brûlez cette lettre. » Bidault fut mis en lil)erté le 30 thermidor an ii.
(2) Voir chapitre XIII*. On a prétendu que Real fut emprisonné vers le 25 fructidor
parce qu'on savait qu'il devait défendre les Nantais — dont deux furent effectivement
défendus par lui en frimaire an m — ; n'est-il pas plus vraisemblable qu'il fut arrêté
i la suite de la dénonciation de Lacombe, mêlé à ce qui passait à Rouen ?
(3) L'un des trois évêques constitutionnels venus pour sacrer Gratien. et qui assista
à une séance de la Société populaire do Rcmen.
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— 436 —
A Rouen, poursuit-il, les patriotes les plus purs ont été incarcérés
sur une accusation de robespierrisme, et chassés de la Société
populaire. // donne lecture (Tune lettre de Rouen contenant tous
les faits par lui présentés (3).
Real — ou son correspondant — exagérait. A cette date, les
patriotes dont il parlait n'étaient pas encore incarcérés. Il est présu-
mable qu'ils s'attendaient à l'être, sachant qu'au moins en ce qui
concernait Poret et Lamine, les résolutions de la Société avaient été
transmises au comité de Sûreté générale, et la Société paraissant
peu disposée à suivre 1 avis que lui donnait le conventionnel Lecomte^
do suspendre l'exclusion prononcée jusqu'après l'arrivée à Rouen
d'un représentant du peuple.
La Société écrivit à Réal et lui demanda, ainsi qu'au président
des Jacobins, copie de la lettre servant de base à sa dénonciation
du 26, contre Rouen. Puis, elle fit imprimer le précis de ses séances
depuis le 21 pour l'adresser à chacun des députés à la Convention
nationale, à chaque section de Paris et à chaque Société affliée.
La lutte s'envenimait. Tout le monde s'y intéressait et la foule
des curieux en venait suivre avidement les phases émouvantes à la
Société populaire.
A la séance du !•' fructidor reparut le frère Le Contour, dont
Lecomte avait obtenu la mise en liberté. Il remercia la Société qui
l'avait appuyé et dont il appela l'attention sur les malheureuses
victimes restées détenues à Saint- Yon, parmi lesquelles quantité de
pères de famille, d'hommes utiles sous tous les rapports. Il résulte
de son allocution qu'on s'attendait à voir arriver sous peu de jours
une commission pour juger les détenus.
Ce fut ce jour là qu'un ballottage ayant eu lieu entre Legendre
et Houel, le premier, à la majorité de 97 voix contre 22, fut proclamé
président et le second vice-président. Presque toutes les séances de
thermidor avaient été présidées par ThieuUen.
En prenant après Houel le fauteuil dans la séance du 2 fructidor,
Legendre parle des faux bruits que les méchants se plaisent à
(3) Moniteur du 't30 thermidor^ p. 1254. — Aulard, la Société des Jacobin»,
t. VI, pp. 336 et 420. note.
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— 437 —
répandre, en disant que la cité (société ?) de Rouen est en insurrec-
tion. « Ses réflexions applaudies prouvent que les citoyens de cette
commune, loin d'être en insurrection, sont au contraire dans la plus
grande sécurité. »
Le comité de surveillance, atteint dans ses membres les plus
considérables par la Société, taxait colle-ci de rébellion, et, se
sentant pris, s'efforçait de ressaisir son rôle habituel d'accusateur,
pour quitter la posture d'accusé que la Société lui imposait avec
autant d'habileté que de vigueur.
La Société s'applique à déjouer les manœuvres dirigées contre
elle. Elle imagine le 2 fructidor une sorte de plébiscite en demandant
à toutes les autorités constituées de Rouen si elles la considèrent
comme étant en insurrection contre ses magistrats.
Le 3, un membre de la Société lit un paragraphe d'une lettre à
lui adressée de Paris la veille, cinq heures du matin, annonçant
qu'un orage électrique se dirige contre Rouen :
Les expressions météorologiqaes dans lesquelles ce paragraphe est
conçu n'ayant point été entendues par divers membres, ils demandent que
le frère qui a fait lecture du paragraphe donne également lecture de la
lettre entière. — Il dit que le reste de la lettre le concerne seul. — Divers
orateurs demandent une explication de ce qu'il a lu. Il répond que le
comité de sûreté générale a mandé le citoyen (1) qui avait, dans une
séance des Jacobins, parlé contre la Société, et qu'il en est résulté un arrêt
dudit comité qui sera incessamment connu.
Le 4 fructidor, la Société reçoit du département et du district
des réponses regardant comme une calomnie le reproche d'insurrec-
tion à elle fait. Celles du comité et de la commune n'ont pas été
facilement obtenues. Lamine avait objecté que le comité étant occupé
à procurer la liberté à un grand nombre de détenus, ne pouvait
répondre pour l'instant, mais qu'il serait répondu... (2). Son
collègue Troussey voulait qu'on fixât le jour de cette réponse.
Lamine dit qu'il n'était pas étonnant que Troussey proposât cela,
parce qu'il ignorait les opérations du comité, où il n'est pas venu
depuis six semaines.
(1) Réal.
(2) Ces points suspensifs sont dans le texte du procès-verbal de la Société. Le
comité s'occupait alors vraisemblablement de régulariser ses registres.
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- 438 —
Ces explications ne fournissaient point à la Société une satis-
faction essentielle : Un membre voulut qu'on invitât Lecomte à
«ommer Real d'insérer sa rétractation dans les journaux ; un frère
fit observer « qu'il avait vu et embrassé Real et que sa rétractation
serait publiée. » On insista pour que Real dont la rétractation était
« idéale plutôt que sincère, » remit et publiât en même temps copie
de la lettre basant sa dénonciation. De plus conciliants excusaient
Real qui avait jugé la Société tout entière d'après ceux de ses mem-
bres par lui fréquentés lors de son séjour à Rouen. On tenait absolu-
ment à la punition des calomniateurs qui avaient voulu perdre la
Société.
La Société se sentit assez sûre d'elle-même pour inviter Lecomte
à sommer Real. Il semble qu'on l'arrêta dans cette voie, car rien
n'apprend qu'elle ait persisté à la suivre. Mais elle ne cessait pas
pour cela d'épier tous les mouvements de Poret et autres. Dans sa
séance du 13 fructidor, Poret est dénoncé pour avoir quitté son
poste d'agent national et s'être rendu à Paris, sans doute pour
intriguer et peut-être pour calomnier la Société qui l'a chassé ; on
l'y a vu se promener en la compagnie de Real. Pillon, ajoutait-on,
avait aussi quitté son poste pour aller à Paris (1). On décide de
dénoncer Poret au district et d'écrire au comité de Sûreté générale.
Cabissol transmet, le 15 fructidor, cette dénonciation à la
commime. Poret s'explique : Il ne connaît pas de loi lui défendant de
vaquer à ses affaires lorsqu'il y a quelqu'un pour le remplacer. Son
absence était légitime parcequ'exposé à perdre sa fortune et celle de
sa femme, il a obéi à la loi de nature qui lui recommande d'assurer
l'existence de son épouse et de l'enfant qu'elle porte, en faisant des
démarches pour recouvrer des créances sur la nation, dont le délai
allait expirer. Il a été à Paris comme simple particulier. Cest à tort
que la malveillance lui impute d!y être allé pour faire changer le
représentant du peuple désigné pour venir épurer les autorités de ce
département. Cette imputation, consignée au n** 4, page 5 de la
Gasette Nationale est, d'après Poret, injurieuse tout à la fois pour le
(i) U 8*agit apparemment de son voyage de la fin de messidor, car il ne paraît
point 8*ôtre absenté depuis.
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— 439 —
comité de Salut public et pour la Convention. Jamais il n'a eu la
pensée de peser sur eux.
Cet incident amena un échange de lettres aigredouces entre le
bureau municipal et Cabissol qui voulut, en une fort longue disser-
tation, établir que Poret était dans son tort. La solution parut
difficile car, le 17 fructidor, le district la soumettait au comité de
Salut public (1).
L'opinion publique s'était affirmée et ne permettait plus aux
montagnards attaqués de se faire d'illusions. Le 13 fructidor, au
Conseil général de la commune, a lieu un rapport sur ce que Letellier
s'est permis de dire au Théâtre de la Montagne : et une bonne
municipalité que nous nommerons. Le conseil discute sur l'intention
de Letellier et vote l'ordre du jour, attendu que ses paroles ne sont n
injurieuses, ni contre-révolutionnaires. Il est manifeste que la Com-
mune réfléchit, suppute et s'observe plus que jamais et s'attend à un
renouvellement prochain.
A la Commune, Michaux et Lizé ayant exposé l'objet de leur
mission, Delalande, officier municipal, s empressa de dire que, comme
le but de la Société était de connaître l'auteur de la lettre à Real,
cela ne regardait pas le conseil ; néanmoins, il était d'avis de répon-
dre que la Société n'était pas en insurrection. Dieu so joignit à lui,
mais leur avis ne fut point appuyé et Carré « après avoir parlé dans
le sens de Delalande, conclut à Tordre du jour. » Ensuite, Pillon
attribua à quelques membres de la Société, qu'il ne nomma point,
l'expulsion de « patriotes constants depuis 1789. »
La Société s'étonna de lopinion émise à la Commune, qu'elle
attribua à la liaison des membres de celle-ci avec Lamine, Foret et
Godebin. Mais, persuadée que la masse du conseil est bonne, la
Société attendra sa réponse. Cette réponse, discutée par la Commune
plus de trois heures durant, parvint le 5 fructidor ; elle se bornait
à exprimer des sentiments de fraternité et ne satisfaisait point la
Société où elle ne fut trouvée par quelques-uns, ni claire, ni éner-
gique, ni franche. La Commune, disait-on, s'est servi d'un langage
(1) Arch. mpales et du dép^ — Le 27 fructidor, la dénonciation contre Poret est
envoyée par le district à Sautereau.
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-410 —
évasif , entortillé, amphibologique ; « sa manière d'écrire n'appartient
qu'à la Convention » (?) Les autres l'acceptaient comme suflSsante.
Le commissaire délégué pour l'apporter insistait sur divers points,
notamment sur ce que le mot insurrection ne figurait point dans
l'article du Journal de la Montagne, Le 10 fructidor, toujours à
propos de la réponse de la Commune, la Société prenant un ton plus
agressif :
Sont-cd là des hommes attachés à leurs devoirs, ces hommes qui ont
perda, poar une partie, la confiance da peuple; le voile est déchiré et l'on y
découvre des tigres ennemis de Thamanité. Celui qui met ses passions à la
place de la jastice mérite, non pas le nom de magistrat, mais bien celai de
scélérat.
Parmi les autres réponses parvenues à la société, toutes satis-
faisantes, et publiées par le Journal de Rouen, Perlet et le Journal
de la Montagne,. {1) il faut rappeler celle du Comité de Surveillance,
du 8 fructidor, signée : Barbarey, président, et Bénicourt fils,
ex-secrétaire, où se trouve ce passage : — « Vos magistrats, frères
et amis, sont trop attachés à leurs devoirs pour croire que la Société
se soit mise en insurrection contre eux. »
Il apparaît, d'ailleurs, que le conventionnel Lecomte, qui avait
involontairement aggravé ces décisions en cherchant à les prévenir,
s'était ensuite attaché à y mettre fin par une lettre du 7 fructidor,
éclairant en môme temps les origines quelque peu obscures de ces
incidents : La Société, écrit Lecomte, parait avoir mal entendu
une lettre qu'il lui a adressée le mois dernier et dans laquelle il n'a
pas entendu dire que la Société fut en insurrection contre ses ma-
gistrats; il a assisté à trois séances du Comité de sûreté générale, et
il sait que Real, mieux informé, s'est rétracté aux Jacobins de ce
qu'il avait avancé contre la Société de Rouen
(1) La Société s'étant fait adresser des réponses par les tribunaux, les juges de paix,
etc., Rousseau, rédacteur du Journal de la Montagne, se plaignit, le 16 fructidor, de la
quantité de lettres qu'on l'invitait à insérer ; il observait qu'il n*était pas le propriétaire
du journal, qui appartenait à la Société des Jacobins. La Société de Rouen protesta,
s'adressa aux Jacobins, et craignant que ses lettres fussent interceptées, en chargea
le frère Crespin, qui se rendait à Paris.
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— 441 —
CHAPITRE DIX-SEPTIÈME
Départ de Guimberteau. — Pillon s'occupe de rélargissement des détenus. — ArriTée
du conventionnel Sautereau. — Inquiétudes de la Société populaire. — Robert de
Saint-Victor. — Pillon et Foret démissionnaires. — Poret tient tête aux attaques. --
Brémontier réintégré. — La complainte de Garât à la Société populaire. — Les
élargis cause d'agitation. — M°>« d'Estampes ; Dieu et Mabon ; le sans-culottisme
insulté en plein conseil. — Lamine et le comité préparent leur retraite. — Solidari-
sation du Conseil de la Commune. — Le nouveau Comité de sunreillance. — Fête
en l'honneur de Marat. — Manifestation de Pillon et Carré et placard séditieux
contre Sautereau. — Lamine arrêté.— Incident à la Société populaire :Legendre.—
Compte moral de la Commune. - Suppression et remplacement de la municipalité. —
Discours et arrêtés de Sautereau. — Le dernier cri de Pillon, maire.
Guimberteau annonçait, le 11 fructidor (28 août 1793 ), son pro-
chain départ en offrant ses bons offices à la Société populaire, laquelle
publiait sa lettre comme témoignant qu'elle n'était pas en insurrec-
tion. A peine avait-il quitté la Seine-Inférieure qu'un blâme impli-
cite s'élevait contre lui dans la Société. Le 12, on demande si les
chevaux de la République, réunis en grand nombre à Rouen, — et
dont il avait à s'occuper spécialement — ne vont pas dépérir, n'étant
pas soignés comme ils seraient dans différents dépôts du département.
Occupés chez des cultivateurs, ils éviteraient les maladies auxquelles
les expose le défaut d'exercice.
On ne se gênait plus, d'ailleurs, pour exprimer dans la Société
son opinion sur les actes les moins répréhensibles des patriotes.
N'allait-on pas, le 11 fructidor, jusqu'à voir un emprunt forcé dans
la souscription pour la construction d'une frégate ! (1). Sans se soucier
désormais des protestations des montagnards, la Société rapporte
une délibération antérieure privant les journalistes de leur place à
ses séances.
Un grave débat s'y ouvre le 15 fructidor ( 15 septembre ) : « Le
vaisseau de la République est agité par l'aristocratie. » Comme aux
(i) Je n'ai pas cru devoir rapporter ici la longue controverse entre la Société qui
avait adopté de souscrire pour une frégate et le département qui préférait un vaisseau
de ligne. Je suppose que la Société agit selon l'opinion surtout de Forfait.
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— 442 -
Jacobins de Paris, on s'émeut do ce que le décret des 21 et 22
messidor et 29 thermidor (1) qui a rendu la liberté à plusieurs
patriotes, l'a rendue aussi à une grande quantité d'aristocrates et l'on
veut que la Convention fa-se publier la liste des libérés. L'attt-ntion
est, par suite, appelée sur les aristocrates sortis, qui ont trompé le
Comité de sûreté générale en se disant ruldcateurs, artistes ou sans-
culoites,
Pillon, se conformant aux décrets, fait décider par le Conseil
général de la Commune, le 16 fructidor, que, sous trois jours, la
commission des maisons de sûreté présentera un tableau de tous les
détenus, avec les motifs d'arrestation, pour être à portée de prononcer
l'élargissement.
La Commune se prépare ainsi à renseigner le conventionnel,
dont l'arrivée est imminente. Pillon et ses amis savent, à cette date,
que leurs vœux ne sont pas exaucés. Par un décret du 13 fructidor,
la Convention nationale a envoyé en mission dans la Seine-Inférieure
et la Somme, Sautereau (2), député de TYonne, dcînt le passé n'est
pas de nature à rassurer les Jacobins de Rouen. . .
L'envoyé de la Convention se présente le 18 devant les direc-
toires du département et du district avec lesquels il échange des
compliments officiels remplis d'aménité. Sa visite au département
a lieu « autant par devoir qu'avec plaisir et pour fraterniser avec
l'administration dont on lui a donné une opinion distinguée. » Au
district, il fait observer que, logé dans une auberge, il ne lui est
guère possible de s'occuper, avec la méditation qu'elles exigent, des
(1) Mise en liberté provisoire des lal)Oiireurs, moissonneurs, etc., des communes
au-dessous de 1,200 habitants détenus conïnie susi)e(ts.
(2) Jean Sautereau de IJelIevaud, né à Epiry (Bas-Nivernais). Avocat à Clermont,
en Auverpje, il revint, après la suppression des tribunaux à Saint-Pierre-le-Moulior
(Nièvre*), ville qui i)rit sous la Ternnu* le nom de Jirulus le Mofjnaninie. Elu député du
baillia^te de Saiiit-Piern'-Ie-.Mnutit>r «'t de la Constituante, il n'y sièp'a pas plus que son
collègue Roliot du même baillia.ûe. Il d«*vint prueur<Mu* jrènèral syndic d(! la Nièvre,
département ipii lenvoya, en 1791, à la Lè;^islutive puis à la Convention, où il vota la
mort du roi. Il passa en suite au conseil ihts Cinq-Cents, et fut en 1798 juge à la Ca)UT
d'appel du Cher, Atteint par la loi du 12 janvier 1816 contre les régicides, il se relira
après le second retour du roi en Allemagne, dit-on. {Biogr. des hommes vivants:
A Bretle, Recueil de documents relatifs à la convocation des Etats-Génévaux, i896;
Moniteur du 13 brumaire, an II, p. 173.
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- 443 -
affaires qui ramènent ; aussi lui fait-on préparer sur le champ « la
» maison d'Oissel, père d'émigré, rue de Lille, u (1)
11 ne fit point de semblable visite officielle à la Commune, en
séance ; mais le 20 fructidor, il se rendit à la mairie et s'y joignit au
cortège formé des administrations régénérées, de la Société popu-
laire, des instituteurs et des élèves des écoles primaires et des
enfants naturels de la patrie, pour assister à la fête décadaire, au
temple de l'Eternel, célébrée selon un programme de Bérard. Pas de
disc(>>urs à cette cérémonie, ce qui décèle une réserve reflétée
d'ailleurs par un procès-verbal sans enthousiasme. (2)
Malgré une lettre de Sautereau annonçant sa visite à la Société
pour la consulter sur l'esprit public, certains membres restent
soucieux. L'un d'eux craint de le voir circonvenir par les intrigants :
« Il en connaît qui ont des chevaux de poste pour aller à Paris faire
valoir leur cause ; il serait bon de prévenir Sautereau. » Un autre,
plus calme, le rassure : le représentant du peuple rendra justice à la
Société.
Il vint à la séance du 20 fructidor. Legendre s'empara du fauteuil
qu'occupait Eudeline. Sautereau, acclamé, « paraît éprouver une
émotion diflBcile à dépeindre. » Sûrement les assistants ne sont pas
moins impressionnés, car il y eut rarement pour tous des instants
aussi graves, aussi décisifs.
Assis auprès de Legendre, dont il reçoit l'accolade fraternelle,
le conventionnel assiste à un incident, insignifiant en apparence,
et qui néanmoins sert à expérimenter les dispositions de la Société.
On lit une lettre de son collègue Mariette, lequel s'étend sur ses
opinions politiques dans la Convention et invite la Société à « éclairer
la marche ténébreuse des intrigants, des diviseurs et des calomnia-
teurs. )) A cette lettre a sentimentale » on répondra que la Société
s'unira toujours à lui et aux autres députés de la Seine-Inférieure.
Sautereau met fin à l'anxiété des uns et aux illusions des autres
par un discours remarquable exprimant d'abord en termes flatteurs
(i) Reg. du district.
(2) Reg. de THôtel-de-VlUe.
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-444-
la confiance entière dans la Société, et recommandant a l'accord le
plus parfait, Tmiion la plus étroite. »
Dans une courte improvisation, Legendre, un des plus tour-
mentés parmi les Jacobins, exprime les mômes sentiments de
fraternité, puis il serre Sautereau dans ses bras « en répétant avec
la Société : Serrons-nous pour terrasser nos ennemis, ceux-là
surtout qui voudraient diviser pour régner. La Société sera consé-
quente dans ses démarches, secondera le député, et la passion ne
dictera point ses dénonciations. » Sur sa proposition, on jure une
haine éternelle à tous les ennemis du bien public.
Cependant, il faut avoir encore des ménagements et c'est dans
cette même séance que Legendre — selon le procès-verbal de la
Société — annonce que le lendemain, on appliquera la loi à un prêtre
réfractaire, et — d'après la 11® section — dit « acecjoie, qu'un prêtre
pris à Maromme sera guillotiné le lendemain, » ce qui est infiniment
plus caractéristique (1).
Devant Sautereau se poursuit une longue discussion sur la liste
des élargis. On y marque une animosité peu conforme aux promesses
de Legendre. Il s'agit de réviser les mises en liberté et d'assujettir
les citoyens libérés depuis le 9 thermidor à résider dans leur com-
mune et ceux qui en sont sortis à y rentrer. Par faveur spéciale, on
eut dispensé de passeport tout patriote injustement détenu ! « S'il
y a eu des hommes mis en liberté sans le mériter, dit quelqu'un, il
faut qu'ils rentrent dans l'endroit d'où ils n'auraient pas dû sortir. . .
on ne doit pas proscrire la dénonciation ... les hommes mis en
liberté affectent de s'isoler, d'être des patriotes, ils sont insolents. . .
Le 21, une lettre de Robert (de Saint- Victor) annonce « sa
liberté » et se plaint de ce que le hasard malheureux de sa naissance
le prive de se réunir à ses frères. On fait observer que Robert, étant
père d'émigré, n'eût pas dû être relaxé.
Sautereau établit (( dans un discours étendu » que demander le
gouvernement révolutionnaire est inutile puisqu'il existe. Il objecte
que la liste générale (des détenus ou émigrés?), «composée d'au
(i) Il a déjà été question au chapitre IX« de ce propos sur lequel je reviens ici, afin
de préciser les circonstances dans lesquelles il fut tenu.
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-.445 -
moins cent volumes in-folio, nécessiterait un travail de plusieurs
années et une dépense de quarante-quatre millions ! » Consigner à
leur domicile les relaxés serait une mesure vexatoire assimilant les
patriotes aux nobles. Des cartes de sûreté seraient outrageantes et
infamantes. La liste publique serait bientôt une arme pour la calom-
nie.
Quelques passages de ce discours furent attaqués.
Cependant la Société résolut de demander une liste des détenus
et des élargis émargée des motifs d'arrestation, et d'insi^er pour la
résidence obligatoire.
Durant ces débats, des polémiques s'engagent dans les journaux.
Alarmés ou courroucés par les attaques violentes et répétées dont ils
sont l'objet dans la Société, les plus malmenés, les plus arrogants.
Lamine et Poret, essaient d'en appeler à l'opinion publique. Lamine
proteste contre l'intrigue et la passion qui ont dicté les dénonciations
faites contre lui à la Société populaire, « qu'il aime toujours (1). »
Poret s'était permis de recourir à des placards en papier blanc (2)
pour une « prétendue justification. » Le 20 fructidor, il invite Noël
à insérer les réponses qu'il fera à des imputations et à des sorties
indécentes! Noël s'y refuse : son journal n'est pas destiné à servir
de «carrière litigieuse à des divisions particulières. C'est dans
l'enceinte de la Société qu'ont retenti des inculpations graves contre
Poret, c'est là qu'il doit faire entendre, sous les regards de Sautereau,
ses moyens de défense et d'exemption. »
Poret voit dans le refus de Noël un déni de justice et exige les
moyens de répondre à ses détracteurs dans le Bulletin qui résume
les séances de la Société. Noël n'en fit rien.
Le 24 fructidor, Sautereau demande à la Société une liste de
citoyens pour les fonctions de membres du Comité de surveillance
et des autorités constituées et en même temps Tinforme que Pillon
et Poret lui ont offert leur démission.
(1) Jowfial de Rouen du 17 fructidor.
(2) Aux termes du décret du 22-28 juillet 1791, les affiches des actes émanés de
Tautorité publique devaient être sur papier blanc et celles des particuliers sur papier
de couleur.
(3) Journal de Rouen- du 21 fructidor.
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— 446 -
Redoutant des conséquences autres que la perte de ses fonctions,
Poret fait parade de sentiments généreux, en se louant d'avoir fait
la ((délicieuse démarclie» tendant à faire rendre à Le Coutour,
ses fonctions d'af;ent national, démarche conforme au vœu de la loi
et que (( sa fortune le met à portée de devancer. » La Société peu
disposée à lui reconnaître des mérites, déclare que Poret n'est pa^
plus délicat dans ses fonctions que dans ses actions particulières.
Chaque jour, on voit fléchir Tintransigeance de la Société.
Parmi les noms entrés dans la liste demandée par Sautereau (1),
figure celui de Brémontier ; l'ex-législateur est un modéré qui. à la
législative, s'est bien comporté. Mais il a été expulsé de la Société
et il faudrait le réint(*grer, ce qui a eu lieu aux voix. Dès le lende-
main, Brémontier remercie la Société (( d'où il n'était jamais sorti
de cœur. »
Le 26 fructidor est chantée en séance (( la chanson qui était
insérée dans le Journal de NocL » Le procès-verbal ne dit pas quelle
est cette chanson. Or, c est la « Complainte élégiaque d'un trouba-
dour rappelant le style et Texpression romancière des productions
de nos anciens troubadours de la Durance et de l'Isère, •> et résumant
l'histoire de Garât (2) qui la chantait la veille à la salle des Consuls,
dans un concert, avec Boyeldieu et Sallentin. Cet intermède distrait
la Société dont la correspondance (( n'offre à ce moment que des
déchirements affligeants. » Plusieurs lettres se plaignent de ce
qu'il y a des continuateurs de Robespierre, d'autres de ce que des
patriotes sont incarcérés et les aristocrates relâchés.
Il y avait eu, en effet, d'assez nombreuses mises en liberté,
ordonnées par le comité de sûreté générale avant l'arrivée de Saute-
reau. Et ceux qui en avaient été l'objet no restaient pas longtemps
tout à la joie d'être rentrés chez eux. Le souvenir de leur incarcéra-
tion, le spectacle de leurs domiciles bouleversés, dévalisés souvent
de la literie, par exemple comme chez Vimar où, sur réquisitions
(!) Etaient membres de la conmiission cl}arvîêe de former cette liste : Iloiiel, i*revel
l'aîné, Le Barbier, Houdeville, Lizé i'ainé, Le Drun, Lettré, Hébert, Dodart, Paiilarl,
Portrait, Tbéodore Lachenez-Ueude lils. L'un d'eux voulut se faire remplacer; on
s'y refusa.
(2) Peut-être Garât vnit-il lul-mêuïe la cbanter à la Société»
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'wwm'^i
- 447 -
d'une régularité douteuse, on avait enlevé pour plus de quinze cents
livres de mobilier, l'état de désordre, d'abandon et de ruine dans
lequel ils retrouvaient leurs affaires ou leurs établissements, ne pou-
vaient les rallier à un régime d'oppression et d'injustice.
Leur rentrée dans le monSe. devait donc, malgré la surveillance
qui s'exerçait autour d'eux, y apporter des éléments de résistance,
de réaction, d'autant plus redoutables que les libérés, pour la plupart,
comptaient parmi les plus actifs et les plus influents des contre-
révolutionnaires.
A ces motifs de voir une quarantaine d'hommes de loi. surex-
cités et remuants, se mêler aux mouvements inspirés par les récrimi-
nations de toute sorte, venaient s'en ajouter d'autres non moins
puissants : Beaucoup d'anciens avocats et de procureurs dont les
réformes et la Terreur avaient notablement diminué, rendu plus
aléatoires et même tari les resisources, quittaient la prison des
suspects pour être immédiatement aux prises avec la gêne, la
misère et la famine. Vimar, sorti de Saint- Yon sur une déclaration
fournie au Comité de sûreté générale par Blutel, Mariette et Bour-
gois, avait eu lui-même à subir l'arrêt de ses rentes, inquiétant pour
sa tranquillité, et peut-être cela entra-t-il pour une bonne part dans
son empressement à contracter, moins d'un mois après son élargis-
sement, un mariage politique de quinquagénaire avec une femme
divorcée (1).
D'autres, comme Niel (2), secrétaire général du département
avant son arrestation, se voyaient évincés sans retour de leurs
(1) Vimar, dont h's revenus sont évalués à 5,000 1. par une liste de détonus, allait
avoir 50 ans. Le l*^ vend. (22 st^pt. 1794), il épousait devant Chouquet, officier public à
Rouen, L.-H.-G. Guesdon, vivant de son revenu, rue de Lille, 48, âgée de 38 ans, née
à Caen, épouse divorcée à Rouen le 19 messidor précédent et séparée de lait depuis
plus de 18 mois, de P.-N.-Kt. Lan^lois ; les témoins du maria;4tî étaient : Etienne et
J.-R. Lucet, courtiers de navire, cousins de Vimar, Jean Lanier, veuve Tichan (Tiquehan ?),
DÔti Duciistel, et J.-IL-P.-A. Lelioué, cousin et amis de Tépousiï (Etat-civil de Rouen),
Robert, dans sa Vie politique des députés, dit (pie Casenave épousa la fille de Ducastel,
avocat et ancien député, et était ainsi neveu de Vimar. LWernorial du premier Empire
de M. le V»« Révérend, fait do Vimar inoxactement un député aux Etats-(»énéraux.
(2) Adrien-.!. -R. Niel, 50 ans, demeurant d'abord à Rouon, ruo de la Société, 83, avait
été écroué à S'-Yon, le 19 bnmiaire an ii, pour incivisme et aristocndie. A sa sortie, le
5 fnictidor, il paraît s'être d'abord fixé à Paris. Une liste de détenus lui attribue un
revenu de 1,200 1. Castel mourut peu après et eut pour successeur Galli.
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- 448 —
emplois. La demande en réintégration de Niel est repoussée pajroe
que Castel, son successeur, s'acquitte intelligemment de ses deTOÛn
et a été épuré et pressente par la Société populaire à Sautereau.
Cependant chacun se démenait pour sortir des maisons de
détention. Un incident qui montre que plus de deux mois après la
mort de Robespierre les portes ne s'en ouvraient pas encore aisément,
est celui, d'ailleurs curieux à divers autres points de vue, concernant
une citoyenne dont la famille avait été plus particulièrement en
butte aux persécutions.
Presque tous les d'Estampes (1) étaient restés détenus malgré
des efforts réitérés surtout pour obtenir l'amélioration du sort de
M°*« d'Estampes, la mère, et de l'un de ses fils, malades. En fructidor,
jugeant le moment propice. M"* d'Estampes, s'appuyant sur un
certificat médical, renouvelait sa demande d'être soignée et gardée
en ville. Là-dessus, un vif débat s'élève à la Commune le 26 et Ton
oppose à la pétitionnaire une décision précédente d'après laquelle
les détenus malades seront soignés dans les hospices. « Dans la
chaleur de la discussion », Mabon dit que la proposition relative à
la citoyenne d'Estampes — dont la pétition était renvoyée à
(1) Louis d'Estampes, baron de Mauny» 60 ans, ex-maréchal de camp, François-
Bonne-Greneviève Joly de Fleury, sa femme, 50 ans, dont la mère était une De Vieux ;
Claudine et Marie, leurs filles, Armand-Marie d'Estampes, leur fils ; Christine Rouillé
du Coudray, seconde femme de Louis- Félicité-Omer d'Estampes, fils aîné du baroR.
émigré. D'Estampes père avait été mis à Saint-Lô par ordre du Comité de Rouen, mais
sept jours après, Alquier ordonnait son élargissement. Le Comité, nonobstant, fit
transférer d'Estampes à Saint- Yon, le 2 frimaire, et ses filles aux Gravelines, laissant
seule à Saint-Lô sa femme gravement malade. D'après les rapports des commissaiiBS
de sections de l'an III, le comité aurait provoqué, le 23 frimaire, l'arrestatiou des
individus qui se trouveraient au château de Mauny et la saisie des papiers. On voit
ailleurs, le 3 floréal. Graine et Malo Duvergé, commissaires du comité de Sûreté
générale, requérir mystérieurement le département de leur fournir deux chevaux et
douze cavaliers montés et armés pour se rendre à .six lieues de Rouen. 11 résulte d'un
rapport qu'ils se rendaient à Mauny (aujourd'hui canton de Duclair), où ils arrêtèrent
le jeune d'Estampes fils et sa belle-sœur. Peu après, on fait subir au district un inter-
rogatoire intéressant à Châtain, instituteur national à Canteleu, né à Maçon, précepteur
en 1792 de d'Estampes fils, qu'il a connu « par l'entremise de Désormeaux, l'historien
de la maison de Condé, mort à Paris d'une attaque d'apoplexie. » D'Estampes père et
fils furent mis en liberté le 4 brumaire an III, et sa femme et ses filles le 37 fructidor
an IL (Arch. mpales et du dép^)
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— 440 —
Sauterean — n'avait pu être présentée que par des chirurgiens. {1)
Dieu s écrie : Un chirurgien de mon espèce est fait pour faire
rentrer un homme comme toi dans la fange dont tu n aurais
jamais dû sortir ! ! (2)
Plusieurs s'élèvent avec force contre T indécence de cette
sortie, « qui blesse à la fois la fraternité et les principes de
Tégalité. » L'on passe à l'ordre du jour, les malades devant être
transférés à l'hospice, et Dieu ayant reconnu ses torts.
Hamel voulut qu'en raison des excuses de Dieu, cette scène
scandaleuse ne figurât point au procès- verbal. Mais Carré insista
pour le maintien de l'incident : Dieu a insulté le sans-culottisme, le
plus ferme soutien de la liberté et de l'égalité! Il faut, conclut-il, que
le conseil donne un exemple de la sévérité de ses principes 1 Et ces
récriminations continuent le 28 et le 29. A deux reprises. Dieu
réclame contre la rédaction du procès-verbal, se plaint d'additions,
de ratures, de renvois, avouant qu'il lui semblait qu'une étrange
fatalité s' éiàxi attachée sur lui en cette occasion.
Ces scènes, ces machinations contre Dieu — lequel sera membre
de l'autre municipalité — nclairent sur l'état d'esprit des monta-
gnards à la fin de fructidor. Ils s'acharnent après ceux de leurs
collègues qui veulent se détacher d'eux et qui, au surplus, hésitent,
perplexes, en se ressouvenant qu'ils ont pris part à de nombreux
actes qui sont on vont être attaqués.
Aussi, tout le conseil s'associe-t-il, le 29 fructidor, à l'émotion
d'un de ses membres, Giguet, qui vient se déclarer scandalisé d'avoir
lu dans la Gaj^ette révolutionnaire que Michaud, de la Société popu-
laire, a dit : « Vous savez qu'il y a deux partis dans le conseil: celui
des despotes et celui des hommes probes et justes. Il est temps de faire
cesser une lutte dangereuse pour la chose publique. » La réponse du
conseil ne se fait pas attendre : A l'unanimité des membres présents,
il déclare :
(1) Peut-être est-ce Dieu qui reprenait alors l'initiative de la mise en liberté. Quant
au certificat médical, resté annexé à la pétition de M"»» d'Estampes, où elle se dit
affligée d'un cancer au sein, il est signé de Dieu.
'2) Il y avait une variante : « un chinirgien comme moi est fait etc..
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- 450 -
. . .qu'il n'a jamais reconnu dans son sein aucun despote, aucune division
que celle résultant des débats, si toutefois un choc d'opinion, nécessaire pour
arriver à la vérité, peut être qualifié de division ; déclare, en outre, que non
seulement il désire sa rénovation partielle, mais encore en totalité si, comme
il n'en doute pas, elle est nécessaire au bien de la république et au bonheur
de ses concitoyens, et arrête que Carré, V.Groult, Le Boucher, Payenne-
ville (1), Mabon, Lambert, Yvelin et Delalande,se rolireront, séance tenante,
avec le maire vers le représentant Sautereau pour lui remettre un extrait de
présente délibération (2). . .
Cette solidarisation du conseil, à la veille d'être dissous, rejail-
lira sur tous l3s faits ultérieurs de la réaction thermidorienne.
D'autres incidents marquaient, vers le même temps, le début
de la ruine du parti Jacobin.
Dans la séance de la Commune du26 thermidor, Lamine deman-
dait la restitution des 10,000 livres par lui prêtés pour les travaux
effectués au Temple de la Raison (3). Pour adoucir l'amertume des
déceptions de Lamine, la Commune, en ordonnant délivrance d'un
mandat de 10,000 livres, charge le bureau municipal de lui écrire que
l'on n'a jamais pensé qu'il se soitenrichi aux travaux du Temple et
qu elle rend hommage à son désintéressement.
Le même jour, le district fait passer à Sautereau les « observa-
tions de Siré (4) sur le compte rendu par la Commune de Rouen
relativement aux emprunts d'un million et de dix millions pour
raison des subsistances. »
Les membres du Comité de surveillance s'apprêtent à quitter
leurs fonctions. Ils dressent, le 28 fructidor, un état des sommés
dues à douze d'entre eux, montant à 10,080 livres, et où Lamine
figure pour 372 jours (du 30 août 1793 au 28 fructidor) à 3 livres l'un,
soit 1,116 livres, déduction faite de huit jours d absence. Les sommes,
(1) Payenneville ne voulut pas se rendre avec ses collègues devant Sauterea*\
(2) Reg- de l'Hôtel-de-YtUe. Panni les 55 membres présents à cette séance, sOnt :
Pilion, Tamelier, Carré, Roger, Clavier, Dieu, Le Roucher. Angenille,J]audr>', Le Piller,
Legras, Payenneville, Gamare, Pouchet, Lefebvre père, Lîmibert, Lehas, Barthélémy;
Cuyier.
(1) La dépense pour la décoration du Temple à l'Eternel, l'élévation de la Monta^ie
et de la statue de la Liberté au cours de l'Egalité, montait à prés de 120.000 l. (Reg, de
l'Hôtel-de-Ville, 6 pluv. an m),
(2) J.-R. Sirey, le jurisconsulte bien connu. Il s'ajxissait d'asseoir le pn»jet cîe
demander à la Convention le remboursement des 10 millions de Tempiimt de 17113.
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— 451 -
dues à Eudeline, Pillon, Carre et Poret forment des comptes à part.
Ils espéraient sans doute être payés jusqu'à due concurrence avec
les 10,000 livres remises au début a la Commune de Rouen pour les
dépenses du Comité et qui étaient encore intactes; mais le 29 fructi-
dor, le district ordonne que « provisoirement, ces 10,000 livres
seront réintégrées dans sa caisse, d'où elles n'avaient été tirées que
sauf remplacement » (1).
Sautereau nomma, le 1^^ jour des sans-culottides, les douze
membres du nouveau Comité de surveillance (2), qui furent installés
le lendemain par Bournisi<?n et Delisle, membres du district, après
s'être assemblés une heure auparavant chez Sauttîreau, conformé-
ment aux instructions de celui-ci (3).
La Commune exerçait toujours une surveillance très active sur
les correspondances. Parmi les lettres prises à la poste le 3® jour des
sans culottidçs, on en avait arrêté deux datées de Paris du 28,
signées Gosselin le jeune, adressées à la veuve Bonnaire, marchande,
place de l'Abondance, pour la citoyenne Gosselin, sa mère, et qui
contenaient des « expressions avilissantes et injurieuses à la magis-
trature dans les personnes do Pillon , Poret et Lamine. » Sans
s'arrêter, ainsi que le voulaient Pillon et Poret, aux calomnies et
épitbètes outrageantes, et ne s'occupant que de ce qui pouvait porter
atteinte à la chose publique, le conseil, considérant que Gosselin
annonçait des sentiments de révolte contre le gouvernement révolu-
tionnaire, ordonna l'arrestation de Gosselin et la visite de ses papiers.
Sautereau fut avisé do cette mesure. Après l'interrogatoire de
Gosselin, Leboucher fît, le 4 vendémiaire, un rapport en conformité
(1) Arch. du dép*. En marge d'une amplialion de l'arrêté du district, on lit ces
mots : « Demander si la vérification est faite. » Puis : « La demande est faite, on
attend la réponse. »
(2) C'étaient : Deschamps, commerçant, rue de la Liberté ; Michault, négociant, rue
de Fontenelle ; Bornainville, cé?mmerçant, rue de TEpicerie ; Angerville, officier muni-
cipal, rue aux Ours ; Portrait, défenseur officieux, rue de l'Humanité ; Thélinge,
menuisier, rue de la Régénération ; Dodard, commerçant, rue Grand-Pont ; Bucaille,
courtier, rue du Peuple; Delarue fils, fabricant à Elbeuf; Levillain, agent national à
Maromme ; Gaillard père, fabricant k la Bouille ; Thinel, fabricant à Damétal. (Arch. du
dép*.— Arrêté de Sautereau, pièce originale. — ) Cet arrêté est dans le Join^al de Rouen
du 3 des sans-culottides.
(3) Arch, du dép». Lettre originale de Sautereau.
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— 492 -
duquel la liberté lui fut rendue, sous la caution du citoyen
Pouchet.
Une loi des 19-26 fructidor voulait qu'une fête fût célébrée dans
toute l'étendue de la république le 5* jour des sans-culottides,
dernier jour de l'an II. Le 2« jour des sans-culottides, sur un rapport
de Bérard, la Commune de Rouen décida que cette fête serait la
translation du buste de Marat de Tàutel de la Patrie, élevé sur le
Champ-de-Mars au temple de l'Etre suprême, — à Notre-Dame,
figurant le Panthéon ! — Le décret de la Convention, on le sait,
ordonnait spécialement pour Paris la translation des cendres de
Marat au Panthéon, et Rouen tenait, — d'après Bérard — à suivre
« un si bel exemple. » Le Panthéon de Marat, ajoutait-il, est dans
les cœurs des vrais républicains.
A cette date, la Société populaire de Rouen n'avait pas encore
renié le maratisme, — on va le voir d'ailleurs,- ~ et elle faisait passer
à celle de Paris copie d'une lettre d'un soi-disant jacobin, écrite
« pour flétrir la mémoire de l'immortel Jacobin. » (1) Quant au
Conseil général do la Commune, il comprenait encore des gens
affectant de vénérer VAmi du peuple ; mais les honneurs qu'il
allait lui rendre étaient inspirés infiniment moins par le désir de le
glorifier que par l'intention de vexer Sautereau et les réactionnaires.
Au jour fixé (2), « le Conseil général de la Commune, les corps
administratifs, la Société populaire et le Comité de surveillance
s'assemblaient à la nouvelle maison commune (3), à neuf heures du
(1) Aulard, la Société des Jacobins , t. VI, p. 423. — C'est vraisemblablement cette
lettre « qui, avec l'apparence d'une signature peut être regardée comme anonyme »
est mentionnée dans le procés-verbal de la Société de Rouen, du 18 fructidor. Elle ne
fut pas lue. — A Fécamp, où Sautereau se rendit en vendémiaire, le culte de Maral
n'était pas encore tombé en discrédit, car le 4 fructidor, la citoyenne Cherfils, au nom
de sa fille Isabelle, faisait bommage à la Société populaire d'un dessin fait à la pierre
d'Italie, t imitant parfaitement la gravure, sans en avoir la sécheresse » et représentant
l'arrivée de Marat aux Champs-Elysées ; la Société témoigne sa satisfaction d'avoir un
tableau si cher à tous les vrais républicains. {Reg. de la Srriété de Fécamp.)
(2) Reg. de l'Hôtel-de-Ville. — J'ai cherché en vain où M. Gosi^eWn { Revue <le la
Not^rnandiCy 1867, p. 356) a pu trouver que cette fête fut renvoyée au 2 pluviôse an iU
(21 janvier 1795, anniversaire de la mort du roi). M. Gossolin l'explique même en disant
que ni la Commune ni la Société populaire n'avaient l'esprit porté aux fêtes publiques ?
(3) C'était encore la salle des Etats de l'Evéché.
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453 —
matin. » Sur l;i place de la Montagne, Carré prononça un discours
d'abondance retraçant les vertus, les travaux, Ténergie révolution-
naire, le civisme et le patriotisme qui caractérisaient VAmi du
peuple :
Le baste de Marat est ensuite mis sar ua palanqain. Carré et Pillon
s'apercevant qu'il y était attaché par des rubans qui n'étaient pas aux couleurs
nationales, se dépouillent de leurs écharpes et en ornent le buste et lepalan^
quin. Du Champ-de-Mars, on se rend au temple de TEtre suprême. Le buste
y est posé sur un des côtés de la tribune. . . Puis séance publique à )a maison
commune. . . Carré reprend la parole et annonce au conseil et à ses conci-
toyens des tribunes que Pillon et lui ont orné de leurs écharpes le simulacre
de Marat, VAmi du Peuple, au sommet de la Montagne. . . qu'ayant, l'un et
et l'autre, été invités à reprendre leurs écharpes, ils n'ont pas cru devoir les
retirer du buste d'en représentant du peuple, parce qu'ils en avaient d'autres
pour se décorer, que d'ailleurs, celle du maire, qui est à frange jaune (1)
représenterait mieux celle dont se servent les représentants du peuple. Carré
et Pillon en demandent acte, qui leur est accordé unanimement.
Presque toute la longue séance du soir du môme jour, à la Société
populaire, est consacrée à cet incident et en fait ressortir l'impor-
tance : On y dénonce un abus d'autorité de deux membres de la
Commune, qui se sont emparés des bras de devant du brancard por-
tant le buste de Marat, que devaient porter quatre membres de la
Société (1). L'un des membres blâmés (2) se disculpe : C'est par
amour pour la patrie, pour rendre les honneurs au glorieux martyr
de la liberté qu'il a agi ainsi.
Houel, qui préside, insiste pour avoir une autre explication et
n'obtient que la même. Alors un membre dit que a l'opinant veut
égratigner la Société d'une main en la cajolant de l'autre ». N'a-t-on
pas voulu insulter les quatre membres de la Société qui avaient
à prendre les bras du palanquin ?
La discussion qu'on cherchait à étouffer se raviva. Aucun
fonctionnaire ne veut se dépouiller de sa décoration. Pillon et Carré
(1) Les marques des fonctions des maires et officiers municipaux étaient une
écharpe aux couleurs nationales avec une frange d'or pour le maire, blanche pour les
officiers municipaux, et violette pour le procureur de la Commune. (L. du 19-^ août
1790.)
(i) Le Barbier, Foreau, Lebrun l'aîné et Lefebvre fils, orfèvre.
(2) Carré.
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— 454 -
ont voulu « faire le dôpôt de leurs fonctions dans la main du monta-
gnard Mara t. Dans leurs réponses, il n y a point de franchise )).
Après avoir obtenu acte du dépôt de leurs écharpes, ils ont
ajouté : « Nous l'avons reçue pure des mains des représentants du
peuple, nous la déposons dans les mains pures d'un montagnard.» La
Société se livre à une enquête minutieuse sur les détails de cette
affaire du buste, et trouve «beaucoup de louche» dans la conduite
de Pillon et Carré, a S'ils veulent remettre leurs écharpes à ceux de
qui ils les tiennent, le chemin sera un peu dur, fait-on remarquer,
car c'est des mains de Delacroix. » (1)
Cette manifestation contre Sautereau ne fut pa.s la seule : le
lendemain, 1" vendémiaire, le substitut de l'agent national (CaflBn-
Vernon), annonce en séance à la Commune qu'il a été commis, la nuit
dernière « un attentat abominable contre la représentation nationale,
consistant en un placard affiché au quartier de l'égalité, conçu dans
des expressions séditieuses et provoquant à la révolte contre le repré-
sentant du peuple Sautereau, maintenant dans nos murs. » L'agent
national demande que cela soit dénoncé à la Sociét'i populaire et
qu'une adresse soit faite à la population. Cette adresse, lue dans la
séance du 2, invite à dénoncer l'auteur et les fauteurs de ce crime
infâme.
On précise davantage à la Société populaire où D'^smalis et
Dieu viennent annoncer la découverte du placard : « J'ai vu le placard
dit un membre ; je l'ai remis au Comité de surveillance ; il est à peu
près ainsi conçu : Sautereau est enooyé pour faire la contre-rénolu-
tion ; il est aidé dans V exécution de ce projet par tels et tels nomi-
nativement... on y dit aussi que le département et le district
concourent à cette contre-révolution. L'attention est appelée sur la
similitude entre cette diatribe et une autre déjà collée sur les portes
des locaux des séances de la Commune et de la Société : c'est
l'ouvrage des hommes qui professaient la Terreur. »
Il semble que les soupçons se portèrent sur Lamine qui fut, en
effet, incarcéré le lendemain 2 vendémiaire à Saint- Yon, où il reçut
(1) On se rappelle que Delacroix était guillotiné.
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— 455 —
un mauvais accueil. Le 14, son ami Poret communiquait au conseil
de la Commune une pétition où Lamine exposait les mauvais traite-
ments qu'il venait d'éprouver de la part des autres détenus qui,
après avoir essayé vainement de forcer la porte de sa chambre pour
le rudoyer, avaient fini par casser les vitres. Poret obtint qu'on
informât poui* découvrir les coupables et que Barthélémy avisât
Sautereau de ces faits.
Le sort de Lamine ne s'en trouva guère amélioré. Le délégué de
la Commune à la surveillance de Saint- Yon fut soupçonné de lui
être favorable et remplacé, ainsi que Godet, beau-frère de Lamine,
porte-clefs à Saint- Yon, dont il s'était servi pour « colporter des
lettres clandestines dans plusieurs maisons. » Sautereau n'avait pas
dédaigné de signaler lui-même ces circonstances au district (1).
Pressé par le district, la Commune, vu la sortie d'un grand
nombre de détenus et la possibilité de restreindre les frais de déten-
tion, diminuait le personnel de Saint-Yon, désormais composé du
portier Morière et de six gardiens; une infirmière et quatre gardiens,
parmi lesquels Jean-Pierre Godet, devaient cesser leurs fonctions.
Une scène suggestive ramène quelque agitation le 3 vendémiaire
dans la Société populaire, toujours fréquentée surtout par ceux de
ses membres qui, se sentant menacés, espèrent y trouver le salut.
Legendre, président du tribunal criminel, y étale à la tribune 200 1.
d'assignats que, préalablement, il a fait voir à Sautereau. C'est une
citoyenne Dupont qui, de la part des dames Courtois, mère et fiille (2)
les lui a remis pour qu'il soit favorable à leur mise en liberté. Deux
assignats de 50 livres lui ont été aussi apportés de la part de la
(1) Lettres de Sautereau à l'agent national du district et de celui-ci à la nouvelle
municipalité, du 7 vend, an UI (Arch. du dépt'.)
(2) Julie-Adélaïd3 Lhemiitte, veuve de Michel-Jean Le Courtois, rue des Champs-
Maillets, 2. Ses deux filles, Adélaïde-Louise et Suz.-Annande, avaient été comme elle
détenues aux Gravelines, don elles sortirent le 29 brumaire an HT, moins de deux mois
après rincident Legendre. Son fils, Michel Le Courtois, ancien conseiller au bureau
des finances, avait émi^o^é. Son patrimoine, liquidé en frimaire an VIII, attribuait
17,763 1. à la Nation. M"»'' Leeourtois, portée elle-même sur une liste d'émigrés, en fut
rayée seulement en Tan IX. Elle avait été autorisée à résider à Rouen, le 4 vend, an VI.
(Reg. du dép'.) Lecourtois fils fut maintenu définitivement sur la liste des émigrés
le 13 brumaire an VII, avec injonction de sortir du territoire de la République.
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- 456-
femme Le Carpentier ci-devant Combon (1). Sautereau aété indigné.
La Société ne Test pas moins. Voilàv effectivement, des citoyennes
bien mal inspirées ou conseillées, — et encore pkis mal renseignées —
pour commettre un tel impair précisément à une date où elles vont
sans effort bénéficier des mesures générales qui vident les prisons.
Avant de prendre, ou plutôt de recevoir congé, le conseil
général de la commune de Rouen tient à lendre un compte mora/
de son administration, dans lequel il insiste sur ce qu'on pourra
trouver plus de talent, mais non plus de zèle et plus de dévouement ;
il parle aussi de sa philanthropie ! Ce compte, inséré dans le procès-
verbal du 4 vendémiaire, est divisé en cinq parties. Il y est
question de la viande, du pain, du bois, du suif, du commerce, du
coton et autres matières nécessaires aux manufactures. En ce qui
concernait la viande, quoique l'abondance eut depuis trois mois
succédé à la disette, il conseillait d'en jouir avec la tempérance et la
frugalité républicaines. Le chapitre des impositions et finances y est
traité avec une sobriété d'explications et de chiffres peut-être
obligatoire. Le conseil n'est pas heureux dans ses calculs à propos
des subsistances : une erreur asse:: considérable (522,938 livres au
lieu de 1,139,248 livres 10 sols) s'y glisse, dont Foliot, secrétaire du
comité de subsistances, se reconnaîtra le seul auteur (2)^ ce qui
n'empêchera pas, sans doute, les malveillants de s'en prévaloir.
Il y aurait bien des réflexions à faire sur un tel exposé, où,
malgré ce qu'on annonce, il n'est pas question de commerce et où l'on
fait ressortir comme l'une des principales innovations avantageuses
l'augmentation du personnel chargé de la perception des impôts»
parce qu'elle fait vivre un plus grand nombre de familles !
Pour l'agriculture, il y avait peu de choses à relever, en dehors
de la mise en culture des bruyères « sous la bêche de 40,000 bras ».
Bien entendu, le conseil ne se préoccupe pas un seul instant de
(1) Marie-Elisabeth Cotton, femme de Pierre-Jean Le Carpentier de Combon, ci-
devant conseiller au parlement de Normandie. Détenue aux Gravelines depuis le
24 floréal, elle fut élargie le 22 vendémiaire an IIL Son mari détenu depuis le 25 fri-
maire à Saint-Yon, en sortit le 15 vendémiaire an III. Son fils, Pierre-Michel Le
Carpentier, était porté sur la liste des émigrés.
(2) Jouii*nal de Rouen du 27 vendémiaire an III, p. 100.
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- 467 -
l'illégalité d'une mesure ainsi imposée à des propriétaires indivis.
A l'égard de la voirie, un plan d'embellissement de la ville avait été
dressé : « On va s'en occuper » disent allègrement les édiles en par-
tance, « et désormais belle des riches conceptions de l'art, elle
n'aura plus ces formes hideuses qui attestent encore le mauvais
goût de nos pères. » Enfin, 65 écoles (?^ ont été organisées d'après
le vœu de la loi, dans lesquelles 5,164 élèves, de l'un et l'autre sexe,
sont instruits dans les principes de l'égalité. Sans dire mot des
devoirs du mari, l'on affirme que dans les écoles républicaines on
apprend — de bonne heure! « à n'estimer sa moitié qu'autant qu'elle
remplit fidèlement ses devoirs. . . »
Signe des temps : le compte moral omet de signaler les services
rendus à la cause révolutionnaire par le concours si actif du conseil
à la persécution religieuse, à l'incarcération et môme à la punition
des suspects. Cependant, comme preuve de son activité, il parle de
800 inventaires d'émigrés et de prêtres déportés.
L'assurance des auteurs du Compte moral, puisée, du moins
à les entendre, dans la conviction du devoir accompli, leur fait tenir
un langage que démentiront bientôt des accusations nombreuses et
graves. Ils ne craignent pas la censure, ils l'appellent môme sur
leur conduite. . .
Le 5 vendémiaire, Sautereau avisait le district de l'achèvement
de son travail de réorganisation de la Commune. « Il est difficile,
écrit-il, que des magistrats qui ont perdu la confiance de leurs
concitoyens fassent tout le bien qu'on a le droit d'attendre d'eux.
Sur le champ, le district convoquait le conseil de la Commune à se
réunir le lendemain, à midi (vieux style) au lieu ordinaire de ses
séances « pour délibérer sur des objets dont il serait donné commu-
nication séance tenante. » (1)
S'il y a eu, le 6, à midi, une délibération du conseil, il n'en reste
pas de trace. Mais le soir, à cinq heures et demie, Sautereau, accom-
pagné de Bournisien et Bernays, administrateur du district, et de
Cabissol, faisant fonctions d'agent national, entrait dans la salle des
Etats, où il trouvait l'ancien conseil.
(1) Arch. du dép*.
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— 458 —
« Par respect pour la représentation nationale », PiUon, maire,
invite Sautereau à se placer près de lui, sur un fauteuil. La séance
publique ayant été ouverte, Sautereau prend la parole :
Citoyens. — La permanence des poavoirs dans les mêmes matos a été
dans tous les temps an des flôaax des états libres. En contractant Ftiabitode
de la puissance, on en contracte aussi le besoin, et ce besoin amène bientôt
la tyrannie quand l'ambition est secondée par l'adresse ou par la force.
— Le plus sûr moyen de prévenir cette maladie politique est d'abréger la
durée des fonctions publiques et de rejeter sans cesse dans la foule les
bommes qui ont plané pendant quelque temps sur elle, afin qa*ils ne révent
pas l'Empire lorsqu'ils ne doivent s'occuper que du bonheur du peuple.
—Cette précaution, si nécessaire en elle-même» devient surtout indispensable
quand quelques têtes ardentes, qui prennent leurs idées pour des oracles et
leurs volontés pour des lois, se sont enorguillies de l'autorité qu'on leur
a confiée et quand la voix publique a demandé qu'on les repousse sons le
niveau salutaire de l'égalité, car c'est abuser du pouvoir que de le faire
sentir, et le magistrat qui a perdu la confiance de ses concitoyens n'est
déjà plus digne d'eux
Puis, en un arrêté précédé de deux considérants (1) tirés en
partie de son discours, il supprime le conseil général de la commune,
ragent national et son substitut.
L'arrêté chargeait le district de nommer deux de ses membres
pour installer le nouveau conseil avec Tassistance de Cabissol. Ses
dispositions attestent peu de confiance dans la résignation des
administrateurs écartés et d'assez sérieuses inquiétudes. Il interdit
aux anciens membres de désemparer jusqu'après avoir assisté à l'ap-
position par le citoyen Dubost (2) des scellés sur le bureau municipal,
le secrétariat de l'agent national, le bureau d'instruction publique
et celui des subsistances. Il oblige les précédents membres du burean
municipal, l'agent national et son substitut, les officiers municipaux
(i) L'un des considérants rappelle « que le dépôt du pouvoir trop longtemps dans
les mêmes mams devient un objet d'inquiétude publique, que la liberté s'en alarme,
que c'est un fardeau qui écrase celui qui s'obstine à le garder. » Une note de l'original
de cet arrêté (arch. du dép» ) non reproduite dans le procès-verbal de la compfiune
ni dans le Jouttial de Bouen, indique que ce considérant est extrait du rapport Caitpar
les Comités de salut public, de sûreté générale et de législation dans la séance de la
Convention de la 4« sans-culottide, p. 10.
(2) Dubos ou Dubost, destitué par Siblot, ne devait être à ce moment qu'un simple
particulier, puisqu'il fut réintégré par Sautereau dans ses fonctions de secrétaire de
police seulement le 19 frimaire.
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- 459 —
et notables forrrant ci-devant bureaux d'instruction publique et des
subsistances à garder leur domicile (1) en la commune jusqu'à ce
qu'il en eût été autrement ordonné ; défense expresse leur est faite
de co«nmuniquer avec les municipaux et notables tenus de garder
leur domicile, ainsi que de se réunir même partiellement entre eux.
Ces rigueurs ne s'appliquaient point aux anciens membres rentrant
dans le nouveau conseil. Le district était chargé spécialement de
faire conduire les contrevenants à Saint- Yon. (2)
Après la lecture de ces arrêtés et en quittant le fauteuil, Pillon
s'exprime en ces termes : « Le dernier acte de notre administration
sera le cri de : Vive la République ! "Vive la Convention Nationale I »
Ce cri de ralliement de tous les républicains, dit le procès-verbal,
(1) Le Comité de Suneillance fit interpréter le mot domicile par Sautereau lequel
répondit qu'il signifiait la maison.
(2) Arch. du dép». Voici la composition du nouveau conseil : Le Boucher, défenseur
officieux, rue Bouvreuil, maire ; Brémontier, rue du Canton ; Bademer, rue aux Ours ;
Lachesnaye-Heude, rue Herbière ; Tamelier, rue Ancrière ; Victor Lereb\Te, rue des
Charrettes ; Lagnistre, rue de Dunkerque ; Lachausse, médecin ; Dieu, chirurgien ; Hellot
fils, commerçant, rue Pelletier-Fargeau ; Payenneville le jeune, rue aux Ours ;
Le Breton, rue Damiette ; Moulin MVAméncain, rue de la Régénération : Buisson, rue
du Change; Prevei aîné, rue aux Ours; Després, rue de la Régénération; Lesguiller,
rue Grand-Pont ; Félix, artiste ; Rivière jeune, place de la République ; Huault, rue de
l'Opinion ; Lambert, rue de l'Unité, officiers municipaux ; Le Contour, agent national ;
Potier, substitut. Il est à remarquer que celte fois. 2i (et non 20) officiers municipaux
sont nommés conformément à la loi.
PoUet, ancien militaire, rue du Mont-Blanc ; Haulte, commerçant, rue du Citoyen ;
Ponts, rue de Fontenelle ; Lhermitte, commerçant ; Thérillon, fabricant de bas, rue de
Fontenelle ; Bigot-Maille, commerçant, rue des Démocrates ; Pernuit, vivant de son bien,
rue Encriére ; Barvaux, vivant de son bien, me de laValasse ; La Mettrie, commerçant,
rue Franciade ; Thiesmé, artiste, rue de la Fondation ; Demay, épicier, rue de la Révolte;
Jérôme Lefebvre, commerçant, rue Grand-Pont ; Bissonnais, commerçant, rue Herbière ,
Lignel, commerçant, rue du District ; Ilénault, commerçant, rue aux Ours ; Goslier,
commerçant, rue de la Liberté ; Blanchemain le jeune, vivant de son bien, rueE^u-de-
Robec ; Béry, vivant de son bien, cour Voltaire ; De Melun, vivant de son bien, rue des
Préjugés- Vaincus ; Racine, libraire, rue Ganterie ; Lefebvre, orfèvre, place de la
Raison ; Du Sommerard, horloger, rue Grand-Pont ; Cordonnier, artiste, rue du Citoyen;
Bordelle, courtier de navire, rue de la Savonnerie ; Benoit, fabricant, rue du Lieu-de-
Santé ; Gilles Monnier, commerçant, Grande-Rue ; Masselin ( Juvel) , commerçant, rue
aux Ours ; Dupas, commerçant, rue aux Ours ; Fouquet, épicier, rue de l'Epicerie ;
Dumesnii, menuisier, rue Beffroy ; Lebret, charpentier, boulevart de la Convention ;
Thésard l'aîné, agent de change, rue Ancrière ; Grenet, fabricant de bas, rue des Prés ;
Valois, cordonnier, rue du Ruissel ; Thibour l'aîné, fabicant, à Eauplet ; Carpentier,
tonnelier, rue des Piques, James, chandelier, rue du Citoyen ; Leborgne, fabricant,
quartier de la Convention ; Poisson Faîne, quincaillier, Grande-Rue ; Vaussy, ancien
fondeur en caractères, rue Mamuchet.
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— 460 -
est répété simultanément par tous les membres, anciens et nouveaux,
et par les citoyens des tribunes.
Les mesures de Sautereau furent complétées en ce qui concerne
le département par la nomination de Bernays en remplacement de
Belhoste, et par la réorganisation du district (5 frimaire), déso^
mais composé de Boumisien, rue d'Elbeuf, président ; Cabissol,
Selot, Delarue et Houdeville, membres du directoire; Reverdim
(remplaçant Ribard, non acceptant), Courtin, Carrier, Isambert,
Lignel, Delihu et Dumesnil, administrateurs; Tbiessé^ agent
national, avec Thierry pour substitut.
Dés le 18 vendémiaire, par arrêté daté de Fécamp, Sautereau
avait destitué Vincent, administrateur du district, quoiqu'il fut
malade, en lui faisant défense de s'immiscer dans les fonctions
d'administrateur. Le même jour il nomme Esnard, des Andelys,
agent national du district, à la place de Le Canu.
Enfin, le 19 frimaire, « sur les pétitions de Dubost (2), Le-
gentil (3) et Lemoine (4), tous trois ex-commissaires de police,
considérant qu'ils ont été destitués (par Siblot), sans motifs légi-
times » Sautereau les réintègre dans leurs fonctions, et arrête que
Garraut, Blot et Rupalley (6) nommés provisoirement commissaires
de police, cesseront leurs fonctions.
(1) Arch. du dép».
(2) François-Jacques Dubost, 39 ans, marié à Adélaïde Concédieu, demeurait rue
de l'Union, 11. Ecroué à Saint-Yon, le 9 prairial an ii ; sorti le 5 vendémiaire an ui.
(3) V. Chap. X«, à propos d'un incident concernant Leclerc.
(4) Louis-Roger Lemoine, 51 aus, rue de Fontenelle, 10 ; entré à Saint-Yon le 17
prairial ; sorti le 12 brumaire an lu.
(6) Gabriel Rupalley, précédemment peintre, le plus connu — avec Collais — des
commissaires de police de Rouen sous la Terreur, marié à Saint-Pierre de Roncherolles
à Suzanne Beaudoin, accouchée le 7 fructidor an n d'un fils nommé Brutus-F}'Uctidor,
se distingua notamment lors des troubles de la Rougemai'e, où il fut lobjet de mauvais
traitements delà part de Bottais, meunier à la Boissière, guillotiné le 5 septembre 1798.
Avec l'appui de la commune, du district et du département, Rupalley obtint de la Con-
vention, par décret du 24 fructidor, un secours de 000 livres.
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— 461 -
CHAPITRE DIX-HUITIÈME
Lt noQTelle Commune et la Société populaire. — La Commune quitte la salle des
Etats. — Fête en l'honneur de J.- J. Rousseau ; le maire Le Boucher, maratiste. —
La citoyenne GheYalier, Poret et Vadier. — Les prisons se vident. — Vandalisme
rérolntionnaire. — Le Journal de Rouen et le JouiTial des Hommes libres. —
Première mise en liberté des terroristei. — Effets à Rouen de la fermeture des
Jacobins de Paris. — Apologie des rouennais. — Menées des terroristes ; inquié-
tudes des autorités. — Placard séditieux. ~ Troubles et dernières séances de la
Société populaire ; de Fontenay, ion président , lapidé. — Arrivée de Duport. —
Manifestatiors aux spectacles contre les Jacobins : le buste de Marat et le bonnet
rouge. — Destruction du monument de la Montagne. — Billet antl-montagn^rd. —
Tergiversations de la Commune. ~ Ribié chassé de Rouen.
Malgré la frappante unanimité des anciens et des nouveaux
membres de la Commune à répéter le cri de Pillon, la municipalité
Le Boucher crut devoir immédiatement s'assurer Tappui de la
Société populaire en lui exprimant la volonté do fraterniser avec
elle:
Elle prévoyait la nécessité de tous les concours pour triompher
des nombreuses difficultés à redouter autant des montagnards que
des contrerévolutionnaires.
Le 15 vendémiaire, vu l'incommodité de tenir les séances dans
la ialle des Etats de l'Evêché, éloignée des bureaux, un membre
demande le transfert des séances dans l'ancien local. Un rapport de
quatre commissaires, basé notamment sur la rigueur de la saison,
détermine le conseil à retourner effectivement le 5 brumaire
(26 octobre 1794), à cinq heures du soir* dans la grande salle de la
maison commune, rue de la Municipalité.
Le 17, la commune supprimait sept postes, et le 23, l'adminis-
tration de THospice-Général signale la répugnance des citoyens de
service au poste établi à cet hospice à garder les détenus qui y sont
en traitement, h cause de l'air infect des salles. N'étant plus généo
parla présence de Pillon et de Poret, elle s'élève contre l'incon-
venîince qu'il y a d'envoyer aux spectacles les citoyens de l'Hospice.
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— 462 —
On renouvelait pourtant le répertoire du théâtre de Ribié avec,
des actualités. Le 24 thermidor, entre autres pièces, on y avait joué
lY//^^/7earrf'w/imc*//r/7r7'é/)w6//ca//î,enattendant,disaientlesaffiches,
la première représentation de la Journée du 9 au 10 t/iermidor, (1)
donnée seulement le 12 vendémiaire an III sous ce titre : Les Crimes
de Robespierre. (2)
Le 20 vendémiaire a lieu une fête en Thonneur de J.-J. Rousseau
(( citoyen de Genève ». Entouré de groupes et de bannières ne
différant point de ceux au milieu desquels Pillon pontifiait naguère,
et accompagné des présidents du département, du district et de la
Société populaire, juges de paix, tribunaux criminel, de commerce
et du district, comité révolutionnaire, etc., le maire Le Boucher
portant l'Evangile des hommes libres (le Contrat social) se rend au
pied de l'autel élevé au Champ-de-Mars, et sur lequel est un buste
de Rousseau. Là, il «'exprime en des termes que n'eût certainement
pas désavoués son prédécesseur :
Rousseau est un philosophe profond, un écrivain sublime, c*68t
aussi rami des hommes, le précurseur de Marat et^ comme lui, il oe s'est
occupé que du bonheur du peuple Oui, citoyens, l'iuteur inimitablada
Contrat social a été le premier fondateur de la liberlô frarçiise. Marat,
Le Peletieret tant d'autres victimes illustres qui ont péri pour la liberté
N'est ce pas le génie de Rousseau qui vous inspirait ! Vous parlag-z sa
gloire et la vénération des français (3)
Une annonce à laquelle la municipalité est forcée do recourir
le 26 brumaire atteste le desordre qui avait présidé aux arrestations.
Par les journaux et au son du tambour, elle invite les citoyens qui
ont été consignés dans leurs domiciles lors de la battue du 24 floréal
et jours suivants à envoyer à la commission centrale des maisons
d'arrêt, qui siège à l'ancienne abbaye de Saint- Amand, leurs noms,
prénoms et demeure, en indiquant s'ils sont nobles et les causes de
(1) Jow^nal de Rouen du 24, p. 225.
(2) Joutmal de Rouen du 2 vend, an m. CeUe dernièn» pièce |>nniit<^lre la même que
le drame en deux actes en vers représenté à Paris pour la première fois, le 18fructi4or
au théâtre de la Ci té- Variétés, sous le titre de la Joutmée du 9 thci-nùdor ou ia Chute
du dernier tytxin. On disait au parterre que le premier acte était do Pigault- Lebrun et le
second de Dumaniant (Àulard, Paris pendant la réaction tltcrmidoricnne, t. I«% p. 83),
(3) Reg. de riïùtel-de-Ville.
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— 463 —
leur arrestation. (1) On ne disait pas dans quel but, et à ce moment
la municipalité ignorait que le jour même le comité de sûreté géné-
rale ordonnait la mise en liberté de toutes les personnes arrêtées dans
la nuit du 24 floréal. (2)
Les élargissements s'opéraient avec aussi peu de soins. Ainsi,
en marge de l'arrêté du même Comité de sûreté générale du
28 brumaire, applicable à Quesnay Dumoulin, en arrestation chez
luil à Rose Solot (16 ans), servante, et Eudon Duteurtre, vivant de
son revenu, détenus aux Gravelines; René Hervieu garde des forêts,
détenu à Yon, Joly, chirurgien, détenu à la Tour-aux-Normands,
Pierre Petit et Hubert Chemin, fileurs, détenus à la Conciergerie,
on lit qu'ils no se sont pas trouvés dans les prisons. Et cette men-
tion : « Quesnay a terminé sa carrière il y a déjà près de trois
semaines. . . » (3).
D'autres questions ayant pour objet des dommages surtout
matériels, d origine révolutionnaire, viennent préoccuper les admi-
nistrateurs. Après avoir rappelé, le 19 brumaire, que la démolition
dô la Bourse avait eu lieu par la provocation et les ordres des
citoyens Pillon, maire, et Poret, agent national, la Commune arrêta,
le 19 frimaire, que l'ancien emplacement de la Bourse sera rétabli.
Thibault et Fontaine, entrepreneurs, ont eu à s'expliquer (16 bru-
maire), sur les dégâts commis à l'église Saint-Ouen, où est établi
l'atelier d'armes. Une dévastation « criminelle et considérable » y a
fait détruire et enlever 185 pieds superficiels de vitraux avec leurs
plombs. Cela vient, dit Fontaine, de ce que Levieux, vitrier, a
enlevé des panneaux pour passer les tuyaux de forges, et de ce que
les ouvriers, incommodés par la fumée, ont cassé les vitraux avec
des leviers ou perches pour se donner de l'air. On accuse Fontaine ,
c'est par ses ordres que tout aurait été fait ; il proteste ; on insiste,
et le vitrier sera entendu contradictoirement avec lui (4).
Le Journal de Rouen essaie de reconquérir un peu d'indépen-
(i| Jowtial de Bouen du 26 brumaire an UI, p. 228.
(2) Arch. du dépS pièce originale.
(3) Arch. du départ. Ilervieux et les Duteurtre, tous acquittés par jugement du tri*
bunal criminel, du 25 vendémiaire an ÏU, avaient été mis en liberté le jour même.
(1^ Heg. de l'Hùtel-de-Ville.
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- 464 -
dance et de sortir de sa réserve. Le Journal des Hommes Libres (1)
l'attaque violemment, à propos (( du plus bel article de modéran-
tisme qui ait paru dans la République depuis que, pour le malheur
de l'Europe, il existe des modérés en France. » Noél avait rendu
compte de la tragédie de Caïus Gracchus, de Chénier, qu'il était
presque tenté de trouver mauvaise, malgré deux ans de succès. Un
hémistiche de cette tragédie le réconciliait cependant avec elle :
Des lois et point de sang.
Rien n'approche, avait-il écrit, de l'enthousiasme qu'ilaprodnit
sur les spectateurs, et qu'il partage sincèrement, a Tant pis pour lui
» et les spectateurs, riposte \e Journal des Hommes libres. Lorsqu'à
» l'époque où nous sommes on applaudit avec ivresse une semblable
» pensée, c'est une preuve que l'on veut toujours du sang et non des
» lois il y a deux ans que si l'on avait dit : du sang et puis des
» lois, nous aurions des lois et plus de sang »
Noël — ou son collaborateur — s'élève vigoureusement contre
les réflexions de cet « énergumène » anonyme, que l'on est fondé à
croire de Rouen Il défend les rouennais, rappelle leurs sacrifices,
leur patriotisme, et comme s'il savait d'où part l'attaque, apostrophe
son adversaire : « Où étais-tu, hier, homme cruel, dont les vœux
farouches ont fait un appel de mort .ï nos jours... où étais-tu,
hier, quand les applaudissements unanimes ont encore accueilli ces
vers de Timoléon :
Les lois, les mœurs ....
Sont l'appui des états dans les crises publiques.
Cela n'empêchait pas Noél, le 2 frimaire an III, d'insérer
l'adiesse de la Société populaire invitant la Convention à frapper
vigoureusement les émissaires de la ligue « expirante » des rois
conjurés. Il fallait bien satisfaire les divers partis. Le même senti-
ment avait probablement inspiré un projet de supprimer le coq et la
croix du temple à l'Eternel, projet qui semble bien en retard à la date
où il apparaît. La commission d'instruction publique, à laquelle il
(i) N" 359, p. 1514. C'était l'organe principal du parti des Jacobins. La jeunesse
parisienne le brûla dans la journée du \" jîerniinolan m (H. .Schniidt, Paris jHmdatU la
Révolution, t. i. p. 262.)
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- 465 -
est soumis, répond le 3 frimaire an III qu'il n'existe aucune loi
ordonnant précisément la suppression des signes du fanatisme. Elle
s'en rapporte à la sagesse du département et semble lui dire de ne
pas faire de déplacement et de dépense inutiles. (1) C'est à cette
occasion qu'on s'est aperçu, au district, le 18 vendémiaire, que la
loi, datant d'un an, sur la suppression des signes da royauté et de
féodalité, n'a pas été régulièrement publiée. (2) Et c'est une de celles
en conséquence desquelles s'est exercé le vandalisme le plus odieux. (3)
Cependant les membres destitués de la Commune restaient
toujours consignés chez eux. Pillon, ne pouvant sortir, était réduit
à écrire à la mimicipalité, le 6 brumaire, pour en obtenir un certificat
de civisme. D'autres, à raison de situations particulières, obtenaient
pour se déplacer des permissions spéciales. Lefebvre-Signol avait
été arrêté l'un des derniers, le 5 brumaire, et misa Saint- Yon, accusé
de s'être rendu au Havre pour entraver les opérations de Sautereau.
Sa femme invoquait et obtenait le témoignage du district pour
justifier qu'il projetait son voyage bien avant l'arrivée de Sautereau.
Un second certificat, du 6, le fit mettre en liberté le 7 frimaire, par
le comité de Sûreté générale. (4)
Ce comité « après avoir entendu Albitte aîné, Yger, Revelle et
Albitte le jeune, députés de la Seine*-Inférieure, (5) Legendre,
Louchet, Guimberteau, Siblot et Alquier, qui s'accordèrent tous à
faire les plus grands éloges et à demander la liberté des citoyens
Pillon, Carré, etc., membres de l'ancien conseil général de la com-
mune de Rouen » consignés chez eux, mettait aussi ces derniers en
liberté. (6)
' ^— _—__—— ^__^___ — ___^_______^___________
(1) Arch. du dép».
(2) Arch. du dép». Reg. du district.
(3) D'après l'une des annexes du Rapport du dép^ de Tan rv, les dépenses pour la
suppression des signes de royauté et de féodalité avaient été: poiur la Cathédrale, Saint-
Ouen, Bellefonds, Saint-François, Saint-Paul et Sainte-Claire, de 481 1., pour différents
édifices nationaux de la commune de Rouen, de 1,926 1., pour la cour des aides, de
245 1. Pour la seule église de Caudebec-en-Caux, la dépense avait été de 1,564 1.
(4) Arch. du dép».
(5) Lecomte s'était donc abstenu — ou avait tenu à paraître s'abstenir. . .
(6) L'arrêté leur fut notifié le 10, ainsi qu'ils le reconnaissent et le signent au dos
(Arch. du dép» ). Cet arrêté est signé : Laignelot, Reverdun, Collombel (de la Meurthe),
Levasseur ^de la Meurthe), Méaulle, Reubell, Clauzel, Bourdon (de l'Oise) et Barras. Il
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— 466 —
Le même jour, un arrêté distinct du comité « vu la réclamation
des membres du comité révolutionnaire de Rouen, et du citoyen
Guimberteau, représentant du peuple, o ordonnait l'élargissement
de Godebin, Pinel aîné, Regnault, Troussey, Labbé, Barbarey,
Angran, Bénicourt fils, Gaillon, Poisson, Roumy et Lamine. (1)
Leur « détention » à domicile n'avait duré guère plus de deux mois.
Le procès de Carrier (2) dut réveiller à Rouen des impressions
bien différentes chez les montagnards et chez les contre-révolution-
naires. A la Société populaire rouennaise il ne se produisit rien qui
eût trait aux souvenirs qu'on devait avoir de ce nom, si abhorré.
On sait qu'à la Société des Jacobins de Paris, il y eut alors des
motions contre les conventionnels, et d'autres tendant à soustraire
Carrier à la justice nationale. Elles entraînèrent la suspension des
séances des Jacobins, prononcée par les quatre comités réunis,
militaire, de salut public, de sûreté générale et de législation, le
21 brumaire. Cet arrêté, lu en séance de la Convention le 22, est
accueilli par des applaudissements. Laignelot, l'un des membres,
ose dire alors qu'ils n'ont pas vu dans la société des Jacobins uue
société vraiment populaire ! (3) Déjà, la loi du 25 vendémiaire avait
diminué l'influence des sociétés en défendant toutes affiliations,
agrégations, fédérations, ainsi que toutes correspondances en nom
collectif. (4)
s'applique à Pillon, Carré, V* Groult, Desmalis, L. llamel, Quesnel-Roger, Bérard,
Moulin, Clavier, Chouquet, Arnaud, Bellencontre, Baudry, Lepillier, Porel, agent
national ; Vemon, substitut ; J.-B. Pinel, Desaubris, Gamare, Mabon, Long, Etenneraare»
Bérat, Nos, Levasseur, Marie, Olivier Lemoyne, Giguet, Pouchet-Maugondre, Bonne-
terre, Lambert, Legendre, Thibault, Alexandre, Le Bas le jeune, Duraesnil, Masson
Lemort, Yvelin, Jeannemey, Barthélémy, Delalande, Camus, Delafosse, Gaillard,
Fossard, Bellenger, Cuvier, Havard, Lebastier, tous détenus à Rouen,
(i) Arch. dudép^
(2) Carrier fut exécuté le 26 frimaire an m. Au nombre de ses co-accusés Ggtire
Jean-Baptiste Joly, 50 ans, né à Angerville-la-Martel (auj. canton de Valmont (Seine-lnf«),
fondeur en cuivre, demeurant à Nantes, commissaire du comité révolutionnaire de
cette ville, acquitté le 26 frimaire an m. < Joly faisait les exécutions et s'emparait de
tout ce qu'il trouvait ; bijoux, argenterie, effets précieux, tout convenait à sa rapacité;
il était le grand exécuteur ; c'était lui qui liait les malheureux condamnés à mort et qui
se trouvait à toutes les cérémonies journalières du comité. (Acte d'accusation contre
les membres du comité révolutionnaire de Nantes, p. 2.)
(3) Moniteur^ pp. 489-490. — Aulard, Société des Jacobins, t. VI, p. 674.
(4) Coll. Rondonneau, t. V, 1" partie, p. 135. Il y eut, peu après, un décret laissant
subsister seulement les Sociétés populaires des communes ayant plus de 8,000 habi-
tants. Je n'ai pas trouvé ce décret en exécution duquel la société de Fécamp se déclare
dissoute le 4 nivôse an IIL (Reg. de la Société pop. de Fécarpp).
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— 467 —
La suspension de la Société de Paris, que ne faisait point pres-
sentir Tordre du jour du 10 brumaire sur la proposition d'interdire
aux députés d'être membres des sociétés politiques, reçut à Rouen
et dans la région un accueil inquiétant pour les Sociétés populaires.
D'après le Journal de Rouen, la fermeture des Jacobins excite
partout la plus vive émotion : a Le Comité révolutionnaire de
» Neufchâtel, s'expliquant sur le compte des Jacobins, les compare à
» un chancre politique qui dévorait le corps social. » (1)
Deux mois et demi à peine s'étaient écoulés depuis l'installation
du Conseil général nommé par Sautereau lorsque, sur la réquisition
de Le Coutour, ce Conseil faisait publier que dans une séance
extraordinaire tenue dans la salle du jury serait lu un mémoire
apologétique de la conduite civique des citoyens de Rouen depuis
1789, destiné à être envoyé à la Convention nationale (2).
Cette lecture eut lieu en effet le 23 frimaire. Le mémoire est
reloge des rouennais et de leurs administrateurs, avant septembre
1792. Il sert surtout à exhaler la rancune de Le Coutoiu^ et de ses
amis, justifiée, il faut le reconnaître, contre « les assassins subal-
ternes, sans autre patriotisme qu'une ambition effrénée, sans autre
talent qu'une audacieuse ignorance, qui en imposaient parleur masse
et dont les vociférations, qu'ils appelaient la voix du peuple, étaient
Bdëlement répétées par d'imbéciles échos qui projetaient leur excé-
rable doctrine en étouffant la voix des hommes courageux et probes. )>
D'après le successeur de Poret, Rouen, cette ville « réputée sage »
ne peut plus se vanter d'avoir été exempte des malheurs qui ont
désolé la France...
... La cité fat calomniée, les commissaires da poovoir exécatif et les
conventionnels forent circonvenas. Les magistrats da peaple forent jetés
dans les fers^ les propriétés violées, les maisons de détention ensevelissaient
les réclamations iodiscrétes des foornissears. Pondant qoe des agents
indolents de la faction se livraient à des orgies^ le peaple était rédoit à one
livre de pain d'avoine, on attelé à des tombereaox comme des bétes' de
somme, poor voitorer des pierres destinées à célébrer des farces ridicoles,
nommées fêtes civiqoes. La battoe patriotique fot on atroce attentat contre
la foi pobliqoe, où Tastoce et la croaoté remplacèrent Texécotion de la loi...
(1) Numéro du 19 frimaire an III.
(2) Moniteur, pp. 489-490. Aulard, Société des Jacohim, t. VI, p. 674,
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Le Coutour venge ainsi les administrateurs qui ont précédé la
municipalité Pillon des a déblatérations mensongères » de leurs
successeurs. Il proteste, d'ailleurs, contre l'accusation de fédé-
ralisme, dépourvue de preuves.
Ce mémoire, d'une opportunité au moins discutable, n'était
pas fait pour calmer les rancunes. Les terroristes nés en montrèrent
nullement émus et affectèrent publiquement une assurance
inquiétante.
Vimar, Lézurier, Deschamps, Bucaille, Thinel, Michaux,
Levillain et Yvernès, du comité de surveillance, font une minutieuse
enquête, et entendent le 9 nivôse et jours suivants, Féray, tapissier,
Laugeux, les deux Mercier-Dupaty (1) et autres témoins. Ils
apprennent que Lefebvre-Signol, Gaillon, Bérard, Lamine et
Poret ont été très fréquemment au Vieux-Palais, chez Fontaine,
par des routes différentes ; chez V. Groult, rempart Martainville ;
chez Thiberville ; chez Mabon, rue de Fontenelle. On en a compté
jusqu'à dix-huit au Vieux-Palais. Lamine et Gaillon y plaisantent
sur le bonnet rouge et sur ce qu'on les appelle buveurs de sang. Ils
vont aussi rue de l'Aumône, à la chambre de lecture, et il parait y
avoir eu des rassemblements à Cauchoise (2), le soir. Les voisins de
Mabon, mécontents de voir les terroristes se réunir chez lui, vont
jusqu'à dire qu'il faut mettre le feu à la maison pour brûler ces
coquins et les belles coiffures de Madame Mabon, provenant de la
dépouille des églises. On parle de les exterminer tant leur conte-
nance « hardie, effrontée, » excite l'indignation. (3)
Les troubles à la Société populaire recommençaient avec plus
de force le 12 nivôse. Ses tableaux, bustes, drapeaux, statue de la
Liberté, lampes et autres ustensiles étaient enlevés pendant le
désordre et portés à la maison commune. Le maire, Le Coutour et
(4) Louis-Michel- Auguste Mercier Du Paty, dix-huit ans, employé dans les bureaux
du' génie militaire, demeurant rue du Peuple, et Louis-Emmanuel-Félicité-Charles
Mercier Du Paty, dix-neuf ans, préposé aux vivres de la marine, rue Dinanderie, n" 17.
le premier fut massacré à Saint-Domingue ; le second devint membre de l'Acadéinie
française. Us figurent dans la généalogie des Du Paty de Clam, publiée par la Bev\^€
de France, 1898, p. 196.
(2) Il y avait eu là une loge de maçons où Garât, avant sa détention, donna au
moins un concert. ( Journal de Rouen des 30 avril et 4 mai 1793 ).
(3) Arch. nat. D ^ i, carton 17, 5* liasse.
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- 469 —
d'autres membres du Conseil général interviennent et voient des
citoyens brisant les tribunes et le siège du président, renversés au
milieu de la salle. Les portes furent fermées et les clefs remises au
bureau permanent. Plusieurs perturbateurs furent mis à Saint-Lô et
d'autres renvoyés jusqu'à plus ample information. (1) Un courrier
extraordinaire avisa le Comité de sûreté générale de ces graves
incidents. Le Comité révolutionnaire fit apposer un placard, véhément
appel à la dénonciation, dans l'espoir, de découvrir dans les instiga-
teurs de ces désordres quelques infâmes amis des rois (2).
Pour « réparer ces outrages », la Société populaire fut solennel-
lement réinstallée le 13, à six heures du soir, par la Commune, en
présence de toutes les autres autorités constituées, avec le concours
de la musique militaire et d'un détachement de la garde nationale.
Le maire Le Boucher était à côté du citoyen Fontenay, président de
la Société (3),
Désormais, les séances de la Société sont agitées. A celle du 18
nivôse, où l'on veut épurer Chouquet malgré une défense de Saute-
reau, et au moment où l'on applaudit une invitation au silence, le
président (M. de Fontenay) se plaint de ce quon lui jette des
pierres. En vain invite-t-il le public au calme, on entend les cris •
A bas ! A bas I et des huées et des sifflets. Des citoyens placés « aux
deux côtés »> du président jettent des pierres. Le trouble augmente
et le président lève la séance (4).
Môme tapage le 19, malgré la présence de huit commissaires
de police, toujours à propos d'épuration. Il s'agit encore de Chouquet
et aussi de Masson et Troussey . Aucun des trois, par hasard, n'est à
la séance. Nonobstant, Harel, accusateur de Troussey, est entendu
(1) Ârch. du dép^ Lettre de Le Coutour à Tagent national et du district. Sont
arrêtés et mis de suite en liberté : Brière, Jacques Grandin, J.-B. Badier, Ant. Thirion,
Simon Galopin, J.-Barth. Blard, Pierre Blanchet, Aimable Vilain, J.-B. Aimable Duflos,
Pierre Renéville, Phil. Villain, Jacques Blain, Michel Frémont, Jean Frait (?), Jacques
Guillaume, N. Lejeune, P. Gantel, N. Berté, Louis Rivel, Bastien Rufy, François Mitton,
J.-M. Brûlot, Et. Lebrasseur et Jq. Vasseur.
(2) Ce placard, daté du 13 nivôse, est signé de Dodard, ex-président ; et Portrait,
ex-sec (Arch. du dép^)
(3) Reg. de l'Hôtel-de-ViUe.
(4) Procés-verbal de la séance de la Société, signé Berthelot, et registre de THÔtel-
de-Ville, au 19 nivôse.
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- 470 -
dans « tout son narré. » Le débat reprend le 20. La Société, fatiguée,
suspend l'épuration et informe la Commune de ces troubles scanda-
leux. Il ne parait pas avoir été rédigé de procès-verbal de cette
séance ; un « compte-rendu de Crespin tils, qui a rempli les fonctions
de secrétaire » en tient lieu et est adressé le 21 par le citoyen de
Fontenay, président, au Conseil général de la Commune (1).
La Commune avait conseillé la suspension des séances en cas de
troubles et en attendant l'arrivéedu représentant du peuple Lacroix(2).
Les antécédents de Lacroix devaient le rendre sympathique aux
contre-révolutionnaires et redoutable aux montagnards, aux terro-
ristes, qui avaient fait agir leurs amis ; le 20 nivôse, c'est-à-dire la
veille du jour où la commune de Rouen attendait encore Lacroix, ils
étaient parvenus à faire décréter par la Convention que Duport
(du Mont-Blanc) (3), se rendrait à l'instant dKus la Seine-Inférieure.
Albitte aîné, qui avait été en mission dans le Mont-Blanc, avait dû
appuyer le choix de Duport (4).
Celui-ci reçut des administrations un accueil dont il est difficile
de se rendre compte (5). Le district jugeV le domicile de Caillot de
Coqueréaumont propre à le recevoir, » et Vincent, cet ex-commis-
saire de police naguère destitué par Sautereau, est précisément celui
que le district presse d'inventorier le mobilier de ce domicile (6).
A peine arrivé, le 29 nivôse, Duport invite le Comité de sur-
veillance à lui faire passer tous les jours, à midi, la situation de
l'esprit public dans son arrondissement. L'étude de cette situation
lui suggère, à la date du 7 pluviôse, le choix de Houel, huissier ;
Yvemès, marchand de vins ; Lézurier l'aîné, négociant ; Vimar,
(1) Arch. mpales ; pièce originale.
(2) Procès-verbal de la séance du 21 nivôse. J.-M. Lacroix, âgé de quarante-quatre
ans, député de la Ilaute-Vieiine, ex-procureur-syndic du district de Bellac, l'un des
73 exclus, après le 31 mai, venait d'être rappelé à la Convention le !•'• frimaire.
(3) Coll. Rondonneau, table III, p. 333, 1" col.
(4) Duport, trente-trois ans, avocat à Chambéry, célibataire, né à Faverges (Haute-
Savoie), en 1762. La Société populaire de Chambéry l'avait dénoncé comme étant des-
cendu de la Montagne dans la Plaine. Il s'était déclaré pour la mise hors la loi de
Robespierre et la mise en accusation de Carrier.
(5) Le département, dans son Rapport imprimé de Tan IV, p. 52, constate que
Sautereau, en arrivant à Rouen, avait fait enregistrer ses pouvoirs, et que Duport et
Casenave n'ont pas rempli ce devoir.
(6) Arch. du'dépt. Lettre du 26 nivôse au citoyen Vincent.
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— 471 -
ci-devant homme de loi ; J.-B. Grandin, d'Elbeuf, et Leféo, de
Monville, pour remplacer Bornainville , Angerville , Portrait,
Delarue fils, et Gaillard, membres sortant du Comité (1).
Des réclamations s'élèvent contre la Société populaire. Duport
demande le tableau de ses membres, pour prévenir les inconvénients
résultant de Torganisation de la Société, qu'il veut ramener à sa
véritable institution dans l'intérêt de l'instruction publique (2).
La Société eut encore quelques séances, dont les procès-
verbaux — s'il y en a eu — ne se retrouvent pas. Nonobstant, on
découvre, çà et là, quelques détails alléchants des convulsions qui
signalèrent sa fin, et c'est ainsi que l'on sait que Thieullenet
Legendre, pour avoir parlé en faveur de la réaction thermidorienne,
y furent « accusés hautement » par Marye « d'être payés pour tenir
ce langage. A la séance du 17 ventôse, Mabon fut expulsé pour avoir
« avili le Mémoire apologétique des citoyens de la ville de Rouen et
dit, après l'exclusion des « meilleurs patriotes » tels que Lamine,
Poret et Pillon, que Carrier était mort martyr de la liberté (3).
Plusieurs de ses membres, « expulsés publiquement » conti-
nuent à se réunir au local de la rue de TAumône a ce qui ne permet
pas de supposer que ceux qui s'y rassemblent avec eux en soient
véritablement membres » (?) Le 6 germinal (26 mars 1795 ) Le Cou-
tour, agent national, ayant dit à la Commune que la veille, à dix
heures du soir, Balland, Selot et Gambet, membres véritables, eux,
de la Société, lui avaient remis des clefs fermant la maison de la
rue de l'Aumône, la Commune défendit provisoirement tout rassem-
blement dans le local et fit aviser le. concierge Legendre de cette
interdiction (4).
Il apparaît d'ailleurs que, même avant cette mesure, la Société
populaire s'était réfugiée rue des Champs, n« 56, où elle s'était mo-
difiée sensiblement, puisque son rôle aurait été restreint à celui d'une
société de secours mutuels (5).
(1) Arch. du dép*.
(2) Arch. nat.AFui41.
(3) Rapports des commissaires des sections.
(4) Reg. de l'Hôtel-de- Ville.
(5) Cela résulte de la minute, non signée, d'une réponse au Comité des secours
publics de la Convention nationale, du 12 ventôse (an HI ?) réponse d'un fonctionnaire.
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1
— 472 —
Le 19 thermidor an III, Legendre, concierge de la ci-devant
Société populaire, avise la Commune que l'on a forcé deux panneaux
des vitres d'une chapelle de Saint-Laurent, où étaient encore dépo-
sés les ejïets de cette Société. Enfin, le 16 fructidor, deux conwnis-
saires sont nomme 's pour transporter au secrétariat de la Commun6
les registres et papiers de la Société, et les 18 et 23 vendémiaire an
IV (10 et 15 octobre 1795) a lieu l'inventaire des effets de la Société
déposés à la Commune, et des objets restés dans une armoire de la
maison de la ci-devant Société. (1)
La fin des Jacobins de Paris avait privé ceux de Rouen de leurs
inspirateurs et de leurs modèles. Les chefs des Jacobins rouennais
étaient détenus. Lors même que des discussions violentes n'eussent
point hâté la dispersion de la Société populaire, elle n'eut pu sur-
vivre plus longtemps à la société mère.
C'est maintenant au théâtre, quand ce n'est pas dans la rue,
ou. . . en envahissant les diverses administrations, que se produisent
les manifestations de l'esprit public.
Le 7 pluviôse an III, des billets et la chanson de Gaveau, le
Réoeil du Peuple tombent sur la scène, au Théâtre-des-Arts (ci-
devant de la Montagne), dont Cabousse est le directeur. Verteuil
lit les couplets du Réveil dont l'air n'est pas encore connu à Rouen,
mais qu'on chantera le lendemain (2).
Le 12, à ce théâtre, le parterre veut qu'on enlève le bonnet
attaché devant les secondes ; placé par Amand, il est teint de sang !
Un citoyen le fait tomber à l'aide d'un bâton. D'autres spectateurs,
montrant le bonnet surmontant le drapeau tricolore de l'avant-scène,
s'écrient : « Nous le défendrons] (3). Le lendemain, la commune
ordonne que le bonnet sera replacé (4).
nouveau connaissant fort peu Rouen, vraisemblablement Esnard des Andelys, nommé
tout récemment agent national du district de Rouen (Arch. du dép».) W est présumable
que cette « Société de secours mutuels » qualifiée encore alors de Société populaire,
était formée des débris de cette société. Peut-être fut-elle l'embrj'on de Tune des loges
de franc-maçons ressuscitées sous le Dii*ectoire ou sous TEmpire.
(1) Reg. de T Hôtel- de-Ville.
(2) Rapport de Dubos, commissaire, et de Lefebvre, officier municipal. (Ârch. du
départ.)
(3) Rapport de Cottais et de Carpentier. (Arch. du départ.)
(4) Reg. de l'Hôtel-de-VlUe.
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— 473 —
Le 13| Prio, artiste du môme théâtre, est sifflé dans les
Portefeuilles (1), et contraint de se retirer sans que la pièce put
être achevée. On appelle Cabousse, que Verteuil,vainement, prétend
être absent. Un jeune homme de grande taille, en redingote grise,
insiste ! « Le public vient bien chez Cabousse, il doit s'y tenir ».
Cabousse apparut enfin pour entendre cet ultimatum du jeune
homme : <c Je vous parle au nom du public. Nous ne voulons plus de
pièces de l'infâme CoUot-d'Herbois (2) comme les Portefeuilles, ni
autres pièces provenant des sanguinaires. Variez votre spectacle.
Nous ne voulons pas non plus d'acteurs ne sachant point leurs rôles;
qu'ils ne soient point insolents. Nous ne voulons point de Prin.
Donnez-nous des pièces de Racine, Molière et autres bons auteurs.
Voilà l'intention du public. Tâchez devons y conformer. » Le direc-
teur se retire sans dire mot (3).
Le lendemain, il ûi jouer Prin qui voulut se justifier ; le public
exigea que Bérard disparût des coulisses et que le buste de Marat et
sa couronne fussent enlevés.
A la commune, à propos du buste et pour en justifier le maintien.
Le Contour, emploie ce suprême argument : D'ailleurs, nous sommes
en révolution (4). Il ne tarda pas à le regretter lorsque, par suite
du décret du 20 pluviôse (5), la commime fit supprimer les bustes
de Marat, Charlier et autres.
Le décret du 2 ventôse, ordonnant la démolition des monuments
en forme de montagne, varia le sujet des incidents qui troublaient
les spectacles. Le 5 ventôse, au théâtre de Cabousse, le parterre et
les premières loges demandent la destruction de la montagne du
(i) Comédie en trois actes de Collot d'Herbois, 17^. Elle ne parait pas avoir été
jouée à Paris depuis le 9 thermidor.
(2) ColIot-d'Herbois avait fait à Rouen, en 1781, un séjour dont M. Noury et M. Félix
ont raconté les incidents. Accusé avec les autres membres des anciens Comités de la
Convention, il avait été Tobjet, comme ses collègues, d'un rapport renvoyé le 7 nivôse
an III, à la conmiission des vingt-un. Il fut déporté par décret du i) germinal suivant.
(3) Rapport de Cottais et de Hellot. (Arch. du dép^)
(4) Reg. de THôtel-de-Ville ; séances des 15 et 18 frimaire. Ceux des bustes de
Marat qui décoraient les théâtres de Paris, avaient été jetés le 13 pluviôse dans les
égoûts.
(5) D'après ce décret, les honneurs du Panthéon ne pouvaient être décernés à
aucun citoyen et son buste placé dans les lieux publics que dix ans après sa mort.
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- «4 -
Champ-de-Mars ; on décide d'en instruire la commune et de faire de
cette destruction unefôte civique. Le parterre, qui est en train, crie:
(( A bas la tailleuse de la rue Saint-Lô (1) qui est aux secondes. C'est
une tricoteuse des Jacobins. » Quelqu'un ayant, demandé ce qu'elle
avait fait, on répond qu'elle est bien connue pour une jacobinière,
que toutes les fois que l'on conduisait quelqu'un à la maison de Lô,
elle disait hautement : « En voilà encore un pour la guillotine. Je
voudrais les voir tous guillotinés, » et autres propos.
Le lendemain 6, à la commune, le maire rappelle le décret du
2 ventôse, relatif à la Montagne. Des citoyens sont venus lui expri-
mer le plus vif désir que la destruction s'opère dès le 6. Le pro-
gramme du cérémonial est dressé sur le champ.
Un incident imprévu anime la fête : Godebin, ex-membre du
Comité révolutionnaire, qui s'est vanté de passer dans la rue de la
Municipalité au moment du départ du cortège (2), est arrêté dans
la rue des Carmes par des citoyens qui veulent le contraindre à
travailler à la destruction de la Montagne. Il leur échappe et se
réfugie chez Moulin, devant la maison duquel se forme un rassem-
blement. La Commune envoie un détachement qui escorte Godebin
jusqu'à son domicile.
Le discours du maire Le Boucher comprend, notamment, ces
phrases : « Renversons ce monument consacré aux hommes de sang,
qu'il disparaisse avec eux, qu'il n'en reste aucun vestige. . . jurons
que nous abattrons de même tous les scélérats qui voudraient nous
opprimer encore et ramener parmi nous le règne de la terreur. Je le
jure. » — Tous les citoyens s'écrient comme lui ; « Je le jure. » —
Aussitôt, le maire se saisit d'une pioche et porte les premiers coups
au monument. Chacun l'imite, hommes, femmes et enfants. On
chante. Cela dure jusqu'à six heures et demie. En revenant, on rend
aux quais leurs anciens noms par la suppression de ceux de Bordier
et de Jourdain (3).
(i) Le rapport de Cottais (Arch. du dép».) dit que cette femme, que l'on a nommée
Poyer^ autant qu'il a pu l'entendre^ a été obligée de sortir. MiUer, tailleury l'un des
terroristes, demeurait rue Saint-Lô.
(2) Ârch. nat. Carton cité. Déclaration de Mercier-Dupaty l'alné, du 12 ventôse, devant
Vimar et autres.
(3) Reg. de rHôtel-de-ViUe«
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- 475 —
Le surlendemain 8, au théâtre, on jette sur la scène une note
qui n'est pas lue aux spectateurs, et dans laquelle on se félicite de la
chute de la montagne et des montagnards et Ton demande qu'il soit
fait justice des jacobins (1).
Les thermidoriens s'attendaient à quelque échauffourée après
la démolition de la Montagne. Dans la soirée du 8, Bademer et
Masselin, de la commune, et Pottier, substitut, accompagnés de
Vimar, membre du comité, se rendaient avec la force armée devant
la porte du Vieux-Palais, pour dissiper un rassemblement de soixante
à quatre-vingts personnes. Celles-ci leur déclarèrent que chez
Fontaine étaient réunis des Jacobins, ayant à leur tète Lamine et
Grodebin; les magistrats et quatre hommes de la garde ne purent
entrer qu'après avoir menacé de faire venir un serrurier. Quand ils
furent entrés, la domestique leur dit que ses maîtres étaient chez
un ami de Saint-Galilée (?). Une perquisition de deux heures resta
infructueuse (2). Vimar et autres sont inquiets surtout parce que les
terroristes paraissent compter sur un prompt changement en leur
faveur (3).
Les pouvoirs publics voudraient bien tout concilier ; mais com-
ment y parvenir en restant dans la légalité ? Dans la journée du
dimanche 18 ventôse, des fanatiques ou malveillants parcourent les
rues en disant qu'il y a ordre de fermer les boutiques et que fêtes et
dimanches sont rétablis. Plusieurs marchands sont injuriés, mena-
cés et contraints de fermer. La commune de Rouen imagine une
solution qui doit contenter tout le monde : elle admet pour chaque
citoyen le droit de fermer tous les jours indistinctement « puisque
la République ne reconnaît plus ni fêtes ni dimanches, ni aucun autre
jour consacré au culte religieux ». Telle est la base de son arrêté,
qu'elle termine en faisant observer que celui qui travaille le plus et
fait de son temps l'emploi le plus utile est aussi celui qui mérite le
plus de la chose publique. Est-ce donc pour ne pas avoir l'air d'être
d'un culte quelconque que la commune décide provisoirement que la
(i) Ârch. du dép^ Copie de la note, sans date, certifiée par Le Coutour, jointe au
rapport du 8 ventôse an III.
(3) Arch. nat. D § I, carton 17, 5* liasse, i«r dossier.
(3) Déclaration de Dupaty déjà citée.
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I'-
^'
I
- 476 -
réunion de citoyens qui se faisait dans la ci-devant cathédrale pour
les fêtes civiques et la lecture des lois, aura lieu à compter du
lendemain décadi dans la salle de ses séances? Duport demande
le 28 ventôse les motifs de ces changements (1).
A la suite de violences commises aa théâtre de Ribié, où se sont
rendus les spectateurs du théâtre de Cabousse pour empêcher Ribié
de paraître sur sa propre scène, ces théâtres sont fermés le 26 oc-
tobre. On pétitionne contre Ribié « qui a provoqué à l'assassinat
d'une partie des rouennais, et qui s'obstine, néanmoins^ à se faire
demander tous les jours par une troupe de gens stipendiés ou mal
intentionnés. « On veut la fermeture du repaire où se rassemblent
les contre-révolutionnaires amis et partisans des égorgeurs et
buveurs de sang (2). La pétition est renvoyée à Duport par le comité
révolutionnaire qui, en même temps, lui fait observer que plusieurs
de ses signataires sont eux-mômes dénoncés comme principaux
acteurs de la scène sanglante du même jour au théâtre de la Répu-
blique.
Le 28 intervient un arrêté rouvrant les deux théâtres, où sont
appelées la troupe soldée et la garde nationale et où il est interdit
d'entrer muni de cannes, bâtons, sabres et épées. Un arrêté spécial
défend à Ribié de paraître sur son théâtre sous quelque prétexte que
ce soit jusqu'à décision contraire. L'ordre du jour accueille l'objec-
tion du juge militaire que la commime, sans s'être concertée avec
lui, ne peut étendre aux militaires la défense d'entrer au théâtre
avec des armes. L'affaire des troubles au théâtre de la République
fut renvoyée à la police correctionnelle, Ribié prit un passeport et
partit pour Paris.
. Rien de tout cela n'était une solution. Le jour même, un
grand nombre d'ouvriers toiliers se disposaient k aller manifester
aux deux spectacles.
(i) Reg. de THôtel-de- Ville.
(2) Reg. de l'HôteUde-ViUe.
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CHAPITRE DIX-NEUVIEME
Débuts de la réaction. - Premières attaques contre le président Legendre et
l'accusateur public. — Un thermidorien : Tavocat Le Bouvier. — Harel contre
Troussey. — Causes et conséquences peu connues des journées d9 germinal. —
La Jeunesse rouennaise et les Terroristes. — Dupoit rappelé par la Convention.
— Arrivée de Gasenave, de Danican et de l'avocat-journaliste Robert. — Le code
thermidorien — Rôle des sections et de la commune. — Les fonctionnaires destitués
rappelés à Rouen. — Démission d^ Le Boucher, maire, acceptée ; celle du conseil
retardée. — Danican et les manifestations de floréal.
Le nouveau comité de surveillance ne modifiait guère les pro-
cédés des terroristes auxquels il succédait. Il ne perd pas de vue les
« pratiques superstitieuses » c'est-à-dire les efforts du clergé inser-
menté pour la restauration du culte, mais son attention se porte aussi
vers les terroristes, dont les conciliabules, impossibles à surprendre,
l'inquiètent. Il est surpris de n'obtenir aucun résultat de l'ouverture
de leurs lettres. « On ne peut douter, écrit-il, que ces gens-là
n'aient une correspondance très active avec Paris, mais elle échappe
à nos recherches. » (1)
La violation journalière du secret des correspondances n'était
pas sans danger : Il arrive au Comité d'ouvrir une lettre timbrée du
Comité de législation et venant, non pas de ce Comité, mais de
l'agent Grenier. Celui-ci et Cretel, le destinataire, dénoncent le
comité de Rouen, qui s'excuse en expliquant qu'un arrêté du Comité
de sûreté générale, du 19 thermidor, l'oblige à ouvrir les lettres
adressées aux gens suspects, et qu'ils ont été avertis que des
hommes vraiment suspects entretenaient, sous le timbre de la
Convention nationale, une correspondance qu'il importait de sur-
veiller ; et, d'abord, ils en avaient en effet trouvé plusieurs qui ren-
fermaient des lettres adressées à des hommes notoirement connus
pour être les chefs des terroristes de la commune de Rouen. (2)
(1) Lettre du Comité de liouen au Comité de siïrelù générale, du '27 ventôse an 11,
signée Vimar, ex-président, et Yvernés, secrétaire (Arch. nat. D m 273).
(2) Arch. nat. D m 2f73.
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J
- 478 -
Dans la lutte engagée entre les révolutionnaires et leurs vic-
times, on se dénonce, on se défend maintenant avec hardiesse et
vigueur. Souvent l'habileté et l'énergie des jacobins triomphent.
Parmi les premiers auxquels on s'en est pris sont Legendre et
Leclerc, du tribunal criminel. Ils ont à se justifier devant le Comité
de législation, saisi d'une pétition de la veuve Duboc, née Bocquet,
contre un jugement du 21 frimaire an II. qui a condamné son fils,
âgé de dix-huit ans, plâtrier à Sotteville, à la déportation à vie, et
il leur faut expliquer pourquoi il a été jugé sans jurés ni recours. (1)
Sans doute les faits n'ont pas paru au comité de nature à entraîner
la mise hors la loi de Duboc qui, seule, eut autorisé une procédure
sommaire.
Les deux magistrats jacobins sont heureux de rappeler que
Duboc avait été arrêté par un homme depuis devenu une notabilité
de la réaction, et qui, caporal, homme de loi (2) « accoutumé pour-
tant à défendre assez indistinctement tous les accusés, » fut telle-
ment indigné qu'il le prit au collet I Ils invoquent la « nécessité
d'une punition prompte et frappante. » (3) Ils sont rassurés, sachant
bien qu'on ne s'appesantira pas longtemps sur la question soulevée
par la pauvre veuve Duboc.
Il faut renoncer à citer môme les principaux incidents de la
réaction et enlever à ce récit par exemple l'attrait du compte-rendu
d'un procès tel que celui deTroussey, du comité, contre Harel, (4)
(i) Arch. nat. D m 272. — 11 est donc certain, quoi qu'on ail écrit à ce sujet, que
le tribunal criminel jugea au moins cette fois sans jurés et sans recours.
(2) Ils ne le nomment pas ; c'est leur ancien confrère, Ch.-Max.-Phil. Le Bouvier,
né à Caen ; thermidorien militant, il deviendra le collaborateur du journaliste Robert et
s'acharnera après Thiessé et Hardy. En frimaire an VIII, il a une polémique avec
Grandcour qui lui rappelle « sa sortie peu honorable de Caen, » lui reproche d'avoir
dirigé les mouvements de germinal, et le traite de bravache royal. Du 7 au 8 ventôse,
an XII, il est détenu pendant vingt-quatre heures. Le 24 août 1812, la Cour de Rouen le
condamne à deux ans de détention pour délit prétorial. Au miheu de sa peine,
le 24 août 1814, des lettres de grâces de Louis XVII l le mettent en liberté, etc. (Arch.
mpales et du dépar». Vedette Normande du 18 frimaire an VIII et notes de l'auteur).
(3) Il fut jugé plus de deux mois après le fait, datant du 4 oct. 1793. On le con-
duisit à Lorient le 27 flor. an IL
(4) Par ordrt' du connté d«^ sûreté générale, Pierre Harel avait été détenu d'abord
à Saint-L6, puis à Saint- Yon, du 6 brumaire au 13 fructidor an II. Lors de TinventiUre
chez cet ex-notable, Poret mentionne, entre autres papiers, un manuscrit de
vingt-deux pages intitulé : Plan de rêfonnr et supprexsio7i concetyiant les moines pos-
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— 479 —
coiffeur, rue de Fontenelle. Celui-ci l'a accusé, à la Société popu-
laire, d'avoir abusé de sa fonction pour comprimer ses concitoyens
par la Terreur, et d'avoir obtenu, « sur des promesses frivoles, du
sucre » pour arranger l'affaire du citoyen Sautelet, (1) que, nonob-
stant, il faisait arrêter quelques heures après 1 Après échange de
moyens — et d'injures — le juge de paix Bourdon adjugeait à
Troussey ses conclusions, en réduisant les dommages-intérêts à
cent livres.
Duport se faisait rendre compte de ces affaires par les juges :
dans une lettre du 18 pluviôse. Bourdon lui envoie son jugement
contre Harel, dont il espère qu'il sera satisfait (2). Le même
Bourdon eut \ connaître de beaucoup d'autres procès semblables ;
son audience s'en trouvait, écrit-il, changée « en une arène de com-
battants » et, aux abois, il faisait part au Comité de législation de
son a embarras inconcevable. » (3)
La pénurie de subsistances, redevenue aigûe à la fin de ventôse,
an III, avait été accompagnée d'appel à la révolte et d'incidents
divers qui devaient y aboutir. La police laissait tant à désirer que
Dupont, le 15 ventôse, fait rappeler à leurs devoirs les commissaires
de police. (4) Le 20, sur la maison du citoyen Varenguo, notaire,
au coin des rues du Bailliage et de Bouvreuil, on voit un placard
liberticide accusant « un tas de municipaux qui ne jeûnent pas, de
faire jeûner le peuple. (5) »
Voici venir les journées de germinal dont les préliminaires
locaux et les conséquences à Rouen sont restées bien mal connues,
même après les quatre récits officiels donnés par la Commune, le
sédant fonds et de la manière de les assujétiv à rester dans leurs couvents, (Arch.
mpales). En l'an IV, un Pierre Harel, défenseur officieux, à Rouen, rue des Champs-
Maillets, est détenu provisoirement, puis relâché avec Casimir Beliest, garçon fripier,
apparemment sous prévention de délit politique.
(1) Michel-Nicolas Sautelet, quarante-six ans, raffineur de sucre, rue de la
Constitution, mis par la commune à Saint-Yon, pour incivisme et aristocratie, le
29 prairial, sorti le 1"^ fructidor an II.
(2) Arch. nat. I) § I, carton 17, 5» liasse, 2« dossier.
(3) Arch. nat. D m 272.
(4) Reg. de rHôtel-de-Ville.
(5) Arch. nat. D |^ I, carton 17, carton, liasse et dossier cités.
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— 480 -
maire, le district et le département, et les résumés qu'en ont publiés
MM. Gosselin et de la Quérière (1).
Le 10 germinal, une députation de la commune de Rouen pré-
sentait à la Convention une adresse énergique demandant la punition
des désorganisatcurs qui ont jeté le trouble dans son sein et citant
les membres du Comité révolutionnaire, l'agent national et son
substitut (2) et quelques membres de la municipalité destituée par
Sautereau. Sautereau Tappuie : il rend justice au patriotisme de la
ville de Rouen, calomniée, et qui, cependant, a aux armées un
huitième de sa population. On dit, répond un autre conventionnel,
que le terrorisme est protégé à Rouen et qu'il y relève la tête (3).
Le même jour, les assemblées des sections de Paris avaient été
orageuses. Donnez-nous du pain ! tel était le cri général. Le riz,
qu'on devait faire cuire, ne satisfaisait point, vu le prix excessif du
bois et du charbon. On remarquait — comme à Rouen — que si les
malheureux manquaient de pain, les riches n'en manquaient point.
Les traiteurs, les pâtissiers en étaient fournis mieux que jamais (4).
Singulière coïncidence! Le 12 germinal, au moment où éclate
l'émeute — combinée avec celle de Paris (5) — la commune de Rouen
lève la consigne, prohibant notamment les bâtons, armes des
muscadins, des jeunes gens.
Tout en refusant — sous prétexte d'incompétence — d'homolo-
guer un arrêté de la Commune abaissant de 5 à 3 livres le prix du
riz, le département, ému des dispositions menaçantes du peuple,
avait envoyé Bouvet vers Duport, qui était à Dieppe. Cette homolo-
gation, il allait être contraint de l'accorder le lendemain.
Le 14, des groupes de jeunes gens, armés de bâtons, arrêtent
(1) V. les reg. de la commune, du district et du dépS et les tra\*aux de MM. Gosselin
et de la Quérière. Je ne fais pas ici l'histoire de ces journées : je mentionne les circon-
stances essentielles omises par mes devanciers, entre autres la démarche des Rouennais
vers la Convention contre les terroristes, les noms et le sort des personnes arrêtées, le
désarroi du tribunal criminel, etc.
(2) Poret et Caffin-Vernon.
(3) Jotumal de. Rouen du 11 germinal an ii, p. 48, 2« col.
(4) Âulard, Pa}ns pendant la réaction thet^iidotnenne^ t. i, pp. 619 et 623.
(5) V. not. Journal de Rouen du 19 germinal, p. 80, lettre du comité de surveillance
de Rouen, lue le 19, par Anguis, député des Deux-Sèvres, à la séance de la Convention.
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- .481 -
Duport à son arrivée de Dieppe et le contraignent à rendre compte
«ur-le-champ, publiquement, dans la cathédrale, de ses mesures
pour assurer les subsistances. Un épisode qui le concerne, au cours
duquel une citoyenne De Bon aurait concouru à le préserver des
insultes contre-révolutionnaires, reste obscur. (1). Duport reconnut
peu après qu'il devait la vie aux jeunes gens. (2) On prétend que le
peuple qui le conduisit à Notre-Dame le força de crier : Vive le roi!
et qu'il ne se fit pas prier longtemps. (3).
Au plus fort de l'émeute, le 15, le premier magistrat judiciaire'
du département, Legendre, dont le nom n'apparaît point dans les
récits officiels et autres de cette mémorable sédition, Legendre perd
tout son sang-froid, et retrouve tout juste assez de force pour envoyer
au comité de législation cette lettre qui révèle par son seul aspect
son eflfroi, son désespoir :
Je voas envoie on arrêté que le tribanal vient de prendre. (4) 11 a été com-
mando par les circonstaûces critiques dans lesquelles notre commane se
trouve. L'anarchie la plus complète y règne. Le représentant du peuple est,
dit- on, en arrêt chez lui. Ou s'est porté hier en foule au domicile de raccu-
satear public Tous les pouvoirs publics sont méconnus. Le désordre est à
son comble. (5)
L'effarement de Legendre dura jusqu'au 17 floréal, date où le
comité de législation l'invitait à lui rendre compte de ce qui s'était
passé. (6)
D'après M. Gosselin, l'accusateur public Leclerc, recherché toute
la journée du 15, se serait ^auvé de la Commune en tirant deux
coups de pistolet sur la foule, et se serait réfugié sous des planchess
dans le presbytère Saint-Godard. Découvert, il aurait manqué d'être
(1) V. les procès-verbaux des trois administrations et le manuscrit de M. de la
Quérière, 9« période.
(2) f Si vous n'avez à venger aucun attentat sur la personne de l'un des membres
de la Convention, le mérite en est à quelques citoyens dont l'énergique dévouement
a d'autant plus lieu d étonner qu'ordinairement on ne doit pas l'attendre de leur âge.
Etix seuh l'ont préservé au milieu d'une multitude égarée en lui servant d'égide. »
(V. Moniteur, n« 200, p. 816, 2« col. et n» 201, p. 820, i^ col. Séances de la Convention
des 18 et 19 germinal.) MM. Gosselin et de la Quérière ne font aucune allusion à cette
lettre de Duport.
(3) Robert, Vie politique des Députés, p. 124.
(4) Cet arrêté renvoie les séances du jur^ jusqu'à une nouvelle convocation.
(5 ot 6) Arch. nat. D m 272, pièces originales.
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assassiné et aurait été conduit à Saint-Lô. Deux Leclerc furent alors
arrêtés et mis à Saint-Lô, mais ni l'un ni l'autre n'était l'accusateur
public. Cependant, les transes de celui-ci n avaient pas été moindres
que celles de Logendre. Mis, le 26 germinal, en possession de l'in-
struction commencée par la municipalité sur la sédition, il demande
au tribunal s'il doit la compléter ou la renvoyer au juge de paix du
bureau central. Le tribunal refuse de se prononcer, et Leclerc en
réfère au Comité de législation qui lui répond de se conformer à
la loi. (1)
Pourquoi a-t-on raconté les scènes de germinal en omettant les
paroles qui expriment l'opinion du peuple sur les administrateurs?
A Thiessé qui dit que l'on va prendre des mesures, U^tin et les
autres attroupés crient : « Tu nous endors ! Tu nous promets des
subsistances \ tu en as donc ! Il faut dire où e^les sont; il est temps I
il est temps /he môme Ustin veut qu'on se saisisse des membres du
district et du département et dit à Bouvet : « Tuas du pain, toi? »
et Bouvet de répondre : « Non, mon frèr^ , je nen ai pas ! » Peu
touché de cette mansuétude, Ustin s'emporte : « // ny a pas de
frère, /.. . . » et, s adressant à ceux qui entouraient Bouvet :
« Arrêtes-le,/. . . ! Ne le laisse:: pas sortir, surtout ! Vous aile:
l'emmener, avec les autres ! » C'est aussi Ustin qui, entre autres (?),
tenait le citoyen Cartier (2), du district, au collet, l'eût jeté par-
dessus la terrasse si le citoyen Castel, secrétaire du département, ne
fût venu à son secours (3).
D'une part, vingt-et-une personnes (4) avaient été mises au
(1) Arch. nat. D m 273.
(2) Acte d*accusation contre Ustin. Une note de police porte que Grésil, dont les
procès-verbaux ne parlent pas et qui ne fut pas arrêté, avait pris au colbt Cartier pour
le faire jeter par les fenêtres. Ce Grésil, âgé de 38 ans. ex-huissier de Tamirauté de
Paris, depuis 1789 à Rouen, rue de la Cigogne, 8, était le frère de Tabbé Grésil, chapelain
des Annonciades, déporté, et le neveu du chanoine Grésil, m. le 17 juillet 1789. Son
père, avocat, était mort en 1772. et sa mère, née Le Caplain, fut arrêtée le 27 floréal an u-
Lui-même fut détenu quatre décades à Samt-Lô, puis un mois à Saint- Yon, d'où il sortit
le 6 fructidor. A cette date, il se dit artiste musicien. Le 29 germinal an v, U est installé
comme administrateur temporaire du département, emprisonné en ventôse an vi, avec
Guérard de la Quesncrie et, en l'an vu, Leclerc, parfumeur, le dénonce comme fi*é-
quentant Timprimerie de Limoges larch. mpales et du dép» et notes de l'auteur).
(3) Même acte d'accusation.
(4) Bahois, employé au dépt» ; Gonfreville, cordonnier; F. Jeanne, tourneur en
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violon par la garde nationale, du 13 au 15 germinal. A la suite de
dénonciations à l'accusateur public par la commune, la plupart de
ces arrestations furent maintenues et régularisées par des mandats
d'arrêt décernés par des juges de paix, notamment par Berrubé.
Six autres individus (1) avaient été conduits le 16 en prison, d'où le
concierge, sans ordre régulier pour les recevoir, avisait la commune,
devant laquelle on les amenait ensuite et qui les mettait en liberté (2).
Le li, par ordre du peuple (3), avaient été arrêtés et conduits
directement à la maison de justice, et mis sous la responsabilité du
concierge Lequesne, vingt-cinq (4) autres citoyens. Sur la liste de
leurs vingt-cinq noms, signée de Lequesne, Duport approuvait leur
arrestation le jour-môme, faisait remettre cette liste au concierge
par Le Bouvier, défenseur officieux, et Vergne, marchand. A aucun
moment elle ne comprit le nom de l'ex-maire Pillon, arrêté seule-
ment en floréal (5).
Le 17 germinal, par ordre de la commune du 16, et sur réquisi-
tion de l'agent national, vingt-deux (6) de ces vingt-cinq prisonniers
furent transférés en la maison d'arrêt. Cette mesure n'était nulle-
ment « une satisfaction donnée au parti royaliste, » (7) c'était comme
le transfert de Babois et autres yea/îes (jens, du violon en la même
métaux; Cl. Henry, peintre; Champie, badestamier ; Piron, coiffeur de femmes;
Bourard, commis au dép* ; Houdet, chez son père, rue de l'Aumône ; J.-M.-A. Wilson,
garçon sellier ; Et. Henry, erieur public ; L. Basire, marchand de journaux ; L. Leclerc*
taiUeur ; Guillaume, lieutenant au 17» bat. des fédérés ; Fortin, m» de forte-piano ;
Cuvier, charretier ; femme Gueudeville, lileuse ; Eug. Debonne, marchand ; veuve Gobai,
née Boucher; Osman ; L. Brière, 15 ans, de l'île de la Martinique, Victor Seminel et
F.-S. Périer.
(1) Jq. Moulin, J.-B. Massif, T. Barthélémy, R. Delafosse, R. Breton et G. Langlois.
(2) Séances des 22 et 23 germinal.
(3) Arch. nat. D § I carton 17, 5« liasse, l»"" dossier.
(4) Et non 24 comme le dit M. delà Quériére. Ces 25 sont :Godebin, J.-B. Pinel
Porct, Troussey, Delalonde, Thien^y, Regnault, Nos, Gaillon, Marye, Mabon, Lefebvre-
Signol, Lesage, Denise, femme Leclerc, Delaporte» Leclerc, Digard, Fontaine, L. Groult,
François Masson, Elie Groult, Paillard, Simon Daillière et femme Lizé. — Pasquier
(Biographies) rapporte que Poret s'était caché dans une cheminée d'où on ne put le
faire descendre qu'en le menaçant d'un coup de fusil.
(5) M. de la Quériére fait à tort figurer l'ex-maire Pillon parmi les personnes
emprisonnées en germinal.
(6) Notes de l'auteur.
(1) V. manuscrit de M. de la Quériére, cité.
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maison d'arrôt, la conséquence légale de la régularisation des
arrestations.
Thierry avait été mis en liberté, non pas dans la séance do la
commune du 16, (1), mais dès le 15, par arrêté de Duport, sur pétition
de Thierry lui-môme, annotée d'avis favorables de la commune et du
comité, (2) sur les instances de Thiessé, son beau-frère, qui vint en
personne le faire élargir. A son tour Thierry, comme substitut do
Thiessé, agent national du district, et sur ordre de Duport, rend la
liberté à J.-B. Pinel le 17. (3) Duport fît aussi relâcher Daillièrele 18,
Louis Groult le 20, Elie Groult et Denise (4) le 21, sur avis con-
formes des sections, du comité de la commune. Le 21, la femme Lizé
et Wilson sont libérés définitivement, etDcbonne, Piron, Champic,
Bourard et Hourdet provisoirement. (5)
Lefebvre-Signol est réclamé à Duport par la citoyenne
Lefebvre-Lavandier, sa sœur, éplorée, mais en vain, le comité
trouvant que Lcfebvre était un terroriste et que sa mise en libertt^
serait un scandale, (6), et la commune objectant que Vopinion
publique est bien prononcée contre lui et qu'on ne doit point
l'élargir (7). Il en est de môme à l'égard de Fontaine, en faveur
duquel intercèdent ses ouvriers et Le Vavasseur (8).
Dès maintenant, il est à mentionner que le tribunal criminel
acquitta Basirc et la veuve Cobal |e 21, Gonfreville et Ustin le 22,
Fortin et Duthuit le 24, la femme Letellier. d'Aumale, le 25 mes-
sidor, et Babois le 23 termidor an III (9).
(1) V. manuscrit de M. de la Quériére, cité.
(2) Arch. nat., carton cité, pièce originale. Dans sa pétition, Thierry affirme ..qu'il
n'a jamais dénoncé personne à la Société populaire. . .
(3) Sur pétition de son frère René Pinel, teinturier, et divers certificats favorables,
notamment du comité, qui présumait « qu'il avait été incarcéré par erreur » 'arch. nat
carton cité). •
t (4) Denise justiflait, entre autres choses, d'une attestation de M"« d'Houdetot qu'il
avait eu pour elle et ses deux filles, en les arrêtant le 2 floréal, tous les égards permis
par les circonstances (Arch. nat., carton cité).
(5) Ueg. de l'IIôtel-de- Ville.
(6, 7 et 8) Arch. nat. D 4^ i 20.
(9) C'est de ces huit aciuittements que parle Ilorcholle lorsqu'il dit: a Lea jeunet
gens furent acquittés \q 11 août (24 thermidor) ». — Babois, originaire de Sainte-ManniP-
rite-sur-Duclair, devenu défenseur officieux à Versailles, revint à Rouen, et M. de Fon-
tenay, alors redevenu maire pour la troisième fois (19 sept. 1802), le fit incarcérer pour
n'avoir pas ses papiers en régie.
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— 485 -
Selon quelques-uns, la sédition de germinal aurait été une
sédition royaliste. (1) C'est, plus exactement, un épisode de la lutte
entre jacobins et réactionnaires et le début du « procès dès terro-
ristes. » Dès les premiers moraeilts, la Commune et le Comité de
surveillance imputaient les troubles aux seuls royalistes. Le Journal
de Rouen du 15 germinal les attribue à l'extrême disette, à la grande
réduction de la ration de pain, et à la radiation d'un très grand
nombre de citoyens de la liste des distributions. (2) Le placard de
Le Coutour, publié dans ce journal le 17 met sur le même rang,
comme causes de l'émeute, les terroristes et les royalistes :
Guerre à mort aux buveurs de sang, aux infâmes aristoct'ates et roya-
listes^ ces monstres qui, assimilés par des forfaits, sont devenus
germains, ... et veulent tous les trois la contre-rôvolution.... (3)
Un rapport de police de Grenier, revenu à Rouen, contient ces
passages curieux :
.... Notre jeunesse voyant que parmi ce peuple, qui demandait du pain,
il se glissait des gens qui lui insinuaient qu'il y en aurait s'il y avait un roi :
.... Vous n'aurez pas de pain que vous n'ayiez un Boulanger... Notre
jeunesse s'est levée ; elle a parcouru les rues pour détromper le peuple et^ ne
f cuvant pas douter que ce ne fut un coup des Jacobins^ elle a pris le parti
d'arrêter les plus scélérats d'entre eux, 25 d'entre eux sont en prison, el
quelques-uns, très bais, ont été bien maltraités en s'y rendant ; buitou dix
antres ont éebappé aux recbercbes... On vient de me dire qu'un nommé
Gérard qui a été détenu à l'Abbayé à Paris (4j et qui est un grand bel
bomme, était à la tète des rassemblements. Cet bomme est étranger. Par qui
est-il mis en mouvement. (5)
(1) V. not. MM. Gosselin et de la Quérière, cités.
(3) Le 20, ce journal insère une lettre de Paris attribuant la disette aux vices de
Tancien gouvernement etc., et le conventionnel Frémanger, en l'imputant au défaut
d'énergie des administrateurs, parait avoir frappé juste (V. le rapport du direct, du
dép« de Van IV, cité p. 59.)
(3) Ce placard s'accorde avec ce que dit, une lettre de Hardy à la commune de
Rouen, reçue le !•'' floréal et envoyée aux vingt-six sections (Reg. de l'Hôtel-de- Ville).
(4) Ce nom ne flgure pas dans la liste des détenus de l'Abbaye donnée par M. de
Cassagnac {Histoire des Girondins et des Massacres de septembre^ t. I, p. 302 et s.) Dans
celle des prisonniers tués au Chatelet {même ouvrage) est un Pierre Girard, mentionné
sans indication de sa mort ; un Pierre Gérard, accusé de l'assassinat de Poucbin,
adjudant du général Bonneville, et d'émigration, est détenu à Rouen, en prairial.
(5) Ce rapport, du 15 germinal, est adressé de Rouen au citoyen Chevalier, négo-
ciant, rue du Chantre, 70, à Paris, qui l'a remis au Comité de Sûreté générale (Arch.
nat. F 7 36902 7« doss.) Grenier, détenu aux Madelonnettes de Paris, avait été mis en
liberté le 26 fructidor an II.
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Après avoir essayé de résister aux réclamations populaires,
après s'être innocentée dans de longs procès-verbaux, la Commune
finit par avouer au moins implicitement que tout n'était pas pour le
mieux dans le mode de répartition des subsistances. Elle prit le
16 germinal un arrêté appelant au conseil doux membres de chacune
des vingt-six sections pour y avoir voix consultative touchant les
subsistances, et chargeant les sections de reviser les listes des com-
missaires d'arrondissement, d'en rayer les citoyens qui y avaient
été indûment conservés et d'y remettre ceux qui, par la modicité de
leurs salaires ou de leurs revenus, ont droit à la distribution du pain
fourni par la commune (1).
Cet arrêté est bien le principal résultat pratique obtenu par les
thermidoriens victorieux. Il va leur permettre de résoudre à leur
profit la question des subsistances en introduisant des contre-
révolutionnaires en plus grand nombre dans les listes des bénéficiaires
des distributions de pain, et en éliminant des patriotes jusque-là
favorisés.
L'une des autres conséquences de la commotion de germinal fut
le départ de Duport, rappelé à Paris par décret de la Convention du
17 germinal (6 avril 1795) (2). La popularité qu'il avait acquise à
Rouen en tenant la balance égale entre les divers partis (3) ne pou-
vait faire que son autorité et son prestige n'eussent été sensiblement .
atteints par les scènes auxquelles il avait été mêlé. Néanmoins, la
Convention lui vota une mention honorable pour la façon dont il
avait rempli sa mission et ordonna même l'impression du journal
de ses dépenses quotidiennes pendant son voyage (4).
Quinze des terroristes (5) détenus à Saint-Lô croyaient pouvoir
compter sur l'appui de Duport, rentré à Paris. Ils lui demandent le
21 germinal d'éclairer le comité de sûreté générale et de le con-
(1) Reg. de l'Hôtel-de- Ville
(2) Collection Rondonneau, Table.
(3) t II s'est bien conduit dans sa mission » dit de Duport Robert dans sa Vie poli-
tique des députés, p. 124, ce qui ferait supposer qu il avait été plutôt favorable aux
contre-révolutionnaires.
(4) Dict, des parlementaires.
(5) Regnault, Godebin, Nos, Gaillon, Mabon, Pierre Marye, Masson, Poret fils.
Lefebvre, Signol, Delalande, Lesage, Elie Groult, f« Lizé, Lefebvre et Troussey.
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- 487 ^
vaincre qu'ils sont <( de francs et loyaux républicains assassinés par
les ennemis de leur patrie et non des terroristes et des hommes de
sang))(l).
Duport était encore à Rouen le 21 germinal, quoique le 19, la
Commune eut appris que Casenave (2) envoyé à sa place dans la
Seine-Inférieure par décret du 15, venait de quitter Paris, se rendant
à Rouen.
En même temps que Casenave, entrent en scène deux person-
nages dont lun, le général Danican, (3) commandant la cavalerie de
Tarmée des côtes de Cherbourg, se rend, le 18 germinal, à la com-
mune de Rouen, envoyé par le général Huet, et y affirme son
dévouement en même temps qu'il annonce lo rétablissement de
l'ordre. Danican qui, dans la suite, en toute occasion, discourra
devant les administrations rouennaises, prend, dès le 28, une
attitude suspecte qui eût dû attirer l'attention. A cette date, il
convoque la garde nationale pour une revue, et quoiqu'il annonce
qu'il fera respecter le gouvernement, les autorités, son appel a tout
l'air d'une provocation. (4)
(1) Arch. nat. D § I carton 17, 5» liasse, 2« dossier.
(2) Ant. Casenave, né à Semboye (Basses-Pyrénées), âgé alors de trente-et-un ans,
avocat. Député des Basses-Pyrénées à la Convention, il avait, au procès du roi, voté
pour rappel au peuple, la réclusion ou le bannissement et le sursis. Il épousa la sœur
de la femme de Ducastel, avocat et ancien député et se trouva ainsi être Toncle de Vimar.
, (3) Aug. Danican, ou plutôt d'Anican, âgé ainsi de trente-et-un ans, fils d'un
vigneron de Verzy, en Champagne, était au début de la Révolution, simple soldat, et
avait lait, en i79î^94, comme général de brigade, les campagnes entre les Vendéens ;
sa famille parait ne pas être étrangère à la Normandie. En 1773, a lieu au Château
d'AnnebauU ( Appeville-Annebault, Eure ) un inventaire par suite du décès à Versailles,
en février de cette année, d'Etienne Uichel- Auguste L'Epine d'Anican d'Annebault,
chevalier de Saint-Louis, ancien capitaine de dragons fils et héritier avec une sœur,
de B. -Julie d'Anican, engagiste des domaines et vicomtes de Pont-Audemer et Pont-
Authou ( Arch. du dép^).
(4) Placard imprimé en tête duquel deux faisceaux de drapeaux entourant ces
mots : Labor improbus omnia vincU, au milieu de la devise modifiée : Liberté —
Egalité — Comtance. Il se termine ainsi : Haine implacable aux terroristes, iU ont
causé tous nos maux. Mort aux ennemis de la Patrie! Vive la République It ( Arch«
du dép*). V. aussi lettre de Danican au Comité de sûreté générale, dans laquelle il dit
que Casenave est adoré des rouennais. Moniteur du 29^ p. 851. L'ordre du jour de
Huet donnant à Danican le commandement de la fprce armée à Rouen et environs est
daté du 23 germinal et à la suite de copie d'un arrêté du conseil exécutif provisoire du
i«r octobre 1793, plaçant Danican comme général de brigade à l'armée de l'ouest
( Arch. du dép*).
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— 488 —
L'autre personnage tiendra beaucoup plus de place dans les
péripéties delà réactionet même jusque sous le Directoire, le Consulat
et TEinpiTe. C'est l'avocat Robert, dont tous les biographes et autres
écrivains paraissent s'être efforcés do dissimuler le rôle si actif,
et dont tant de documents attestent l'influence et rappellent les
mésaventures. On ignore même où ce normand est né et son auto-
biographie, dans un ouvrage absent de la Bibliothèque municipale de
Rouen, mais qu'on découvre — non sans peine — dans un rayon
peu fréquenté de la Bibliothèque nationale, a toute la saveur de
l'inédit, car les volumes — quatre-vingts ans après leur apparition—
n'en étaient pas encore coupés I (1)
Robert avait été procureur de la Commune de Fécamp où il
avait fondé l'Impartial, (2) qui n'avait pas tardé à lui créer des
adversaires, des ennuis. Membre de la Société populaire de cette
ville, dont il fut le secrétaire en août 1791, il y eut d'abord quelque
influence puis des démêlés avec Tabbé Letellier, curé de la Trinité,
qui la présidait et qui, ayant un jour rappelé Robert à l'ordre sans
consulter l'assemblée, fut blâmé. (3) Dans la séance du 20 novem-
(1) Robert, que l'on fait naître à Fécamp, à Cany ou à Paris, est, comme il le dit
lui-même, né à Cany, où est cet acte : « Ce jourd'hui 29 octobre 1766, Jean-Baptisle-
Magloire, né ce jour, du légitime mariage de Jean-Baptiste-Robart, praticien, et de
Marie- Anne-Françoise Rousseau, .sa femme, de cette paroisse, a été baptisé par nous,
vicaire de ce lieu, soussigné, et nommé par Ch. Robert, praticien, de la paroisse de
TondevîUe, et Marie Rousseau, de cette paroisse, soussignés. Signé : Ch. Robert^
Marie Rousseau et Saunier, prêtre ». Il commença ses études chez l'abbé Papillon,
curé de Canville-les-Deux-Eglises, et prit ses inscriptions de droit à Caen, en même
temps qu'il pratiquait chez le notaire Buquet de Fécamp, quoiqu'il eût un oncle notaire
à Gueudeville. De Caen, reçu licencié, il revint à Rouen, où, en juillet 1786, il prêta
serment comme avocat. Rentré à Fécamp, il y fonda son cabmet, ayant peu d'argent,
aidé par son oncle. . . {Ma Vie et Causes inconnues des pnncipaux événements qui ont
eu lieu en France depuis trente-deux ans^ « rédigées par J.-B.-M. Robert, ancien avocat
au parlement de Normandie, détenu pendant six mois et vingt-cinq jours en vertu des
lois des 29 octobre 1815 et 12 février 1817 », 3 vol. in-18, à Paris, chez Fauteur, rue
Traversière, n» 15, août 1817). Le 3« vol., dont il y avait déjà 15 feuillets imprimés ne
paraît pas avoir été publié. Cet ouvrage, en dehors des détails biographiques, relative-
ment courts, n'est pas d'un grand intérêt. 11 ne se trouve pas à la bibliothèque de Fécamp
si largement dotée de publications révolutionnaires, provenues du do;iateur mystérieux
dont j'ai parlé, et qui, m'a-t-on écrit spontanément depuis, n'est autre que M. Selle, un
moment avocat à Caen. . . — Un détail montre l'intérêt que devrait oflrirle récit sincère
des aventures de Robert : R fut l'objet de plus de 120 ordres d'arrestation II
(2) Ce journal n'est pas mentionné dans le Manuel du Bibliogr. narm, de Frère*
(3) Reg. de la Société populaire de Fécamp.
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bre 1791, Robert lut les Droits de V Homme, en paraphrasant chaque
article. En juillet 1792, il rédigeait une adresse à Louis XVI,
désnpprouvant la journée du 20 juin. (1) Peu de temps après l'époque
où sa femme, divorcée d'avec lui, (2) créait à Rouen la Gœsette
révolutionnaire et çlébats des Jacobins (3) et à un moment où il
rédigeait déjà l'Observateur de l'Europe (4) il sollicitait un certificat
de civisme de la Société de Fécamp, où il était abhorré et où se
forma un comité chargé d'exposer f^a conduite politique. Un rapport
dç Rousselet (5) à son sujet était soumis à la commune de Fécamp
le 6 vendémiaire an III (6) et Massé, de la Société de Fécamp, était
accusé le 14 brumaire suivant d'avoir dit qu'il mangerait le cœur
de Robert I
Tel était l'homme qui allait diriger les premiers actes de la
réaction, aux côtés de Vimar et d'autres notabilités rouennaisès,
et concourir comme journaliste et soit comme président d'une section
soit comme président des commissaires de sections, aux prélimi-
naires des mesures répressives contre les terroristes.
Ces mesures étaient l'application d'une sorte de code de circons-
tance formé de trois décrets fort peu connus (7) dont le premier,
du 14 germinal, appelait l'indulgence sur tout citoyen de bonne foi,
V
(1) Reg. de la Société Populaire de Fécamp.
(2) Maglolre Robert et Angélique Lefebvre s'étaient mariés à Sainte-Croix -de-
Fécamp le 22 juin 1790. La citoyenne Robert, domiciliée à Bonneville, et logée rue
Cauchoise, maison de VAigle rf'Or, à Rouen, obtenait en cette dernière ville, d*un
tribunal de famille, en pluviôse an II, un certiflcat favorable à sa demande en divorce,
divorce que François Legendre, officier public, prononça le 3 ventôse (9 février 1794)
par défaut contre Robert, alors domicilié rue de la Liberté, 85, et en présence de quatre
témoins : Cuvier, balancier, rue Cauchoise, 81, Robert Philippe, homme de loi, rue de
TEoole, 4, Desrosiers, tailleur, rue de la Croix-de-Fer, et Jamet, secrétaire du tribunal
du district, rue de la Révolution.
(3-4) La GazeUe, qui s'imprimait chez la citoyenne Lefebvre, rue de l'Ecole, 20,
aurait existé depuis le 47 janv. 1794 jusqu'au 19 janvier 1795, et VOhsei^'ateur en 1795-
1798. Le n° 30 de YObservaieur est antérieur à prairial Quin 1795,) V. Journal de Rouen
du 15 prairial an III.
(5) François Rousselet, avocat à Thibermesnil, l'un des députés suppléants à la
Législative.
(6) Reg. de la Société de Fécamp.
(7) Dans son étude : Entre deux Terreurs, publiée dans la Revue des questions his'
toriques (janvier 1897), M. Victor Pierre ne s'occupe pas de cette législation, ne la men-
tionne même pas. Il en est de même dans l'ouvrage de M. E. Meillié, les Sections de
Pctris pendant la Révolution française (1886). V. sur le désarmement des patriotes»
Tbiers, ouvrage cité, t. VI., p. 183.
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qui se serait « trompé sur les moyens de servir son paysetd'assurerla
liberté, et dont Terreur serait dévoilée et avouée. » Un second décret,
du 21 germinal, chargeait le comité de sûreté générale de faire désar-
mer sans délai les hommes connus dans leurs sections comme ayant
participé aux horreurs commises sous la tyrannie qui a précédé It
9 thermidor. Dans les départements, ces dispositions incombaient aux
représentants qui y étaient en mission. Enfin, Tunique article de la loi
du 12 floréal an III, prescrivit aux autorités constituées chargées
de Texécution de celledu 21 germinal, de rédiger par écrit les motifc
de désarmement, et de les transmettre à Tindividu désarmé et aux
administrations départementales, le comité ou les administrations
devant statuer définitivement sur les réclamations qui pourraient
survenir. (1)
La Convention tenait, disait-elle, à assurer l'empire de la
justice et des lois et à faire taire toutes les haines et toutes les
vengeances personnelles.
A Rouen, où sévissent comme à Paris les calamités alimen-
taires et financières, ni le vœu formel de la Convention, ni les re-
commandations intéressées de la Commune, n'apaiseront les pas-
sions, ne feront taire les ressentiments ravivés chez les Jacobins par
leur chute et leur désir de prendre une urgente revanche, et chez
les contre-révolutionnaires par la nécessité de garder la position
conquise, et parce qu'ils veulent venger les vexations, les détentions,
les confiscations endurées pendant quinze mois.
Le 25 germinal, pendant qu'une députation de la commune de
Rouen rappelle à la Convention les souffrances de la population et les
dangers de famine, Casenave inaugure sa mission en lançant une pro-
clamation pour ramener le calme et la confiance, (2) et écrit à la
commune qu'il importe à Tordre public que la loi du 21 germinal
reçoive la plus prompte exécution et qu'il soit suivi une marche
conciliant avec la prudence les moyens d'atteindre les malveillants :
« Vous vous hâterez, précise-t-il, de communiquer aux sections
(1) Des copies manuscrites de ces décrets se retrouvent au milieu des pièces d'un
dossier des Arch. mpales, relatif au « procès des terroristes » mais très incoroplel'
Un courrier extraordinaire avait apporté au département dès le 23 germinal la loi doîi-
(2) Arch. nat. A F ii 1107 f» 9.
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- 491 —
D assemblées les dispositions de cette loi, afin qu'elles s'expliquent
» sur le compte de ces hommes qui peuvent être dans l'enceinte dé
» la commune, qu'elles vous fournissent une liste, que vous voudrez
» bien me faire parvenir avec vos observations. » (1)
Les sections s'étaient émues de la modération de la Commune
à l'égard de certains terroristes. Dans la séance même où parvenait
la lettre de Casenave, une vive discussion s'engage entre membres
du conseil et commissaires de sections, sur une délibération peu fra-
ternelle de la 11® section.
Le lendemain, on apprend que la 20® section exclut de son sein
tous les membres de la Société populaire, et provoque leur exclusion
des fonctions publiques. Le conseil rejette la demande de Le Contour
d'annuler cette résolution. La 20* section « prévoyant » que son vœu
est impolitique, décide de n'exclure personne sans preuve.
La Commune donnait son avis sur quelques terroristes qui
s'agitaient pour être disculpés avant les avis des sections ; mais, dès
le 29 germinal, celles-ci avaient déposé des listes d'invidus à désar-
mer et la commune nommait Lachausse (2) et Bissonnais, deux de
ses membres, pour en former une liste générale.
Plusieurs sections rappellent à Le Contour, le 3 floréal, qu'il
doit, comme le veut la loi du 5 ventôse, faire revenir à Rouen les
terroristes qui s'en sont éloignés. Cela vise surtout Pillon. Plus
qu'aucun autre. Le Contour est à l'aise pour exécuter cette loi.
Le maire Le Boucher qui, d'ailleurs, dans ces derniers jours, n'a pas
eu à se louer de ses administrés, ne peut, sans embarras, voir approcher
l'instant de participer aux votes qu'il va falloir émettre contre ses
anciens collègues de la Commune. Il est parvenu à faire accepter par
(1) Reg. de l'Hôtel-de-Ville. — M. de la Quériére, manuscrit cité, s^étonne « du droit
plus ou moins légal que s'étaient arrogé les sections dirigées à ce moment par quelques
meneurs, en nommant des commissaires pour la recherche des terroristes. » La loi du
21 germinal, qui les investissait de ce droit, est appliquée très expressément par
Casenave.
(2) Au cours de la publication de ce travail, j*ai vu une notice biographique sur ce
personnage, qui a été l'un des thermidoriens les plus actifs. Elle est écrite par lui-
même : Meinrade-Augustin Lachausse, médecin pensionné, docteur gradué en 1754 à
rUniversité de Strasbourg, était né le 8 septembre 1729 à Porrentruy. U avait été
nommé par Choiseul médecin de Thôpital de Strasbourg, et était arrivé à Rouen « dans
la l^» année de la République » (Arch. du dép»).
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- 402 -
Casenave, sa démission des fonctions de maire. Par doux arrêtés des
2 et 4 floréal, cette démission et celle du notable Delamétairie sont
acceptées, et Brémontier, premier officier municipal, est chargé de
remplir provisoirement les fonctions de maire.
Le conseil général de la commune, dès le 4, se plaint d'être
épuisé par ses travaux ; plusieurs de ses membres ont été injuriés,
couverts d'opprobre, insultés au milieu de leurs concitoyens qui
ne les ont pas secourus, le peuple lui impute la disette. Le conseil
veut qu'on le renouvelle, et son secrétaire, Havard, démissionne
purement et simplement. Les sections, sur l'ordre de Casenave,
forment une liste de citoyens propres à faire des ofSciers municipaux
et notables. Ces préparatifs n'aboutiront que plus tard ; soit à cause
des objections soulevées par la permanence des séances, soit par ce
qu'au fond, cela s'accordait mieux avec les desseins de Casenave,
celui-ci maintient en fonctions le conseil dont les origines et les
éléments variés promettent des solutions moins radicales.
Cependant les sections, impitoyables, accablent la commune de
réclamations. L'une exige la liste saisie sur Guyet, la 10^ demande
la liste des membres de la Société populaire ; une autre voudrait un
compte de l'emprunt de dix millions, plusieurs déposent un paquet
de gravier extrait d'une livre et demi de riz ; la 12* insiste pour les
anciens jours de marchés, d après le calendrier grégorien, parce que
les communes voisines n'ont point changé leurs usages ou les ont
rétablis ; elle veut aussi qu'on raye des registres de la commune
le procès- verbal de la réhabilitation de Bordier et Jourdain.
Des attroupements se forment aux abords de la Commune le
12 floréal. Les sections veulent des fèves ou du riz au lieu de lentilles
où l'on trouve des mouches. Danican intervient et se multiplie. Le
22 floréal, après que la 18® section a demandé du pain ou la mort,
des commissaires de section signalent que les citoyens riches ont du
pain tandis que l'indigence en manque. Les riches ont dans le
conseil de maladroits défenseurs d'après lesquels ils n'auraient eu
aucune part dans la distribution alors qu'ils ont, deux fois déjà, fait
des versements dans les magasins de la Commune.
Le Conseil ne parviendra point à ressaisir la confiance du
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- 493 -
peuple. Danican lui-même, qui vient d'être nommé commandant de
la 15* division et qui loge à rEvêché, doit se défendre contre de
singulières attaques : Une femme ameute contre lui le peuple le
26 floréal, en disant faussdment que le général a fait inviter par
affiches les citoyens à déposer leurs croûtes pour ses chevaux !
Néanmoins, Danican est si attaché à la commune de Rouen qu'il
restera, dit-il, encore quelque temps. On lui vote des remerclments
et, nonobstant il est si préoccupé do dissiper les bruits malveillants
que dès le lendemain arrive — opportunément — à la Commune une
lettre du citoyen Harel, très élogieuse par le général. .
Ces incidents, sans conséquences immédiates, montrent que les
partisans, les défenseurs des terroristes, ne négligent rien de ce qui
peut discréditer leurs adversaires et surexciter contre eux l'opinion
publique.
Tout est, d'ailleurs, mis en mouvement d'une part pour perdre
les révolutionnaires et d'autre part pour les sauver. L'instant est
venu de voir aux prises les accusateurs et les accusés.
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- 494 -
CHAPITRE VINGTIÈME
Gasenare enroyé à Ami ns puis nudatenn à Rouen. — Pillon obligé de rentrer à
Rouen. — Sa condamnation, son arrestation, maurais traitements qu*il subit. —
Les huissiers Fabulet et Lacail'e. — Annulation d i jugement do PiUon. —
Procédures contre Rupalley et Lamine. — l'obert de Saint- Victor xrrété à Paris. —
Terroristes et royalistes à Saint-Lé. — Nouvelles •justifications» de Legendre,
O.Leclerc, Moulin, GaUin-Vemon, etc. — Placard contre les Jacobins. — Second
rappel de Gasenave , réToqué , et remplacé par Couppé • des Gétes-du-Nord. —
Troubles de prairial ; Gusenave reste à Rouen. — Rapports des commissaires des
sections sur les crimes des terroristes. — Accusations contre ceux-ci et avis de
la Gommune.
La justice en soy, naturelle et umvenelle, est
aultvenxent réglée et plus noblement, que n'est cette
aultre justice nationale^ contraincte au bcsoing de
nos polices., . . .( Montaignb, Essais ).
Le 1®' florénl an III, c'est-à-dire le jour où Casenave renouvelait
la moitié des membres du Comité de surveillance (1), les Jacobins,
dont ses relations contrariaient les espérances, voyaient couronner
leurs efforts, qui tendaient à se débarrasser de lui ; un décret
renvoyait du Havre, où il se trouvait, à Amiens. Pressée de sollicita-
tions, la Convention, dès le 4 floréal, rapportait ce décret, en conti-
nuant à Casenave sa mission dans la Seine-Inférieure. (2)
Pillon devait être et fut effectivement celui qu'atteignirent les
premiers coups des thermidoriens. Succombant peut-être aux émo-
tions des dures journées subies depuis la fin de Tan II, son beau-
père, Barbarey, meurt le 9 pluviôse an III (7 février 1795). (3)
L'ancien maire, ne se sentant plus en sûreté à Rouen, où sa
(1) Deschamps, Thélinge, Michaux, Rucaille, Tinel et Levillain dont les six mois
d'exercice sont expirés, ont pour ^iccesseurs Fpoiguy, négociant; Hédouin, homme de
lui ; Quillebeuf, vivant de son revenu ; Gossehn, marchand ; I^comte, ancien secrétaire
de rhospice-général et Lequesne fils. Au refus de ce dernier, Duvergier l'aîné le rem-
place (Arch. du dép').
(2) Arch. du dép».
(3) Barbarey, né à Rouen, était Agé de 55 ans. Il avait été du comité de surveillance.
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- 495 -
présence était au moins une cause d'inquiétude et où les Jacobins
étaient poursuivis comme des bêtes fauves et traînés dans la boue, (2)
résidait le plus souvent dans dans sa propriété de Coqueréaumont,
Bois d'Ennebourg. Le 12 ventôse, sept jours après le décret ordonnant
aux fonctionnaires destitués de rentrer dans leur commune, et
l'astreignant par suite à revenir habiter Rouen, Duport, sur la
demande de Pillon, « prenant en considération le^* motifs allégués
par le pétitionnaire et plus encore les circonstances actuelles »
l'avait autorisé à co/2^//2we/' sa résidence dans la commune de Bois-
d'Ennebourg, d'où il lui était interdit de s'absenter. Il était obligé de
justifier de sa présence tous les deux jours par un certificat delà
municipalité, et il ne devait recevoir chez lui aucun des fonction-
naires de Rouen destitué, suspendu ou remplacé, ni se trouver avec
lui (3).
Le district n'oublia point Pillon : Après avoir rappelé à
Le Contour, agent national de la Commune, que la loi l'oblige à
dénoncer ceux des prisonniers destitués qui ne restent pas à Rouen,
Thiessé demande, le 27 germinal, copie de l'arrêté de Duport, per-
mettant à Pillon de résider à Bois-d'Ennebourg, arrêté qu'il ne
connaît pas, et au sujet duquel il veut en référer au Comité de
sûreté générale. (4) Puis, il traduit Pillon devant le tribunal correc-
tionnel qui, à la date du 12 floréal, le condamne à six mois d'em-
prisonnement pouravoircnfreint l'obligation de résidences Rouen (5).
Peut être cette condamnation n'est-elle pas étrangère aux mani-
festations du même jour, dont s'émeut la Commune (6).
Pillon est arrêté le 16, lors de la signification de son jugement,
à lui faite, avant cinq heures du matin, par l'huissier Lacaille,
accompagné d'un détachement de la garde nationale, commandé par
(2) Ilorcholle, manuscrit cité.
(3) Arch. nat. Le 23 ventôse, Pillon représentait à la municipalité de Bois-d'Enne-
bourg cet arrêté dont elle relatait les dispositions sur son registre ( Reg. des délibéra-
tions de Bois d'Ennebourg). 11 ne résulte pas de ces rpgi.stres que la municipalité lui
ait ensuite délivré tous les deux jours un certificat de présence.
(4) Reg. de corr. du district. On ne voit pas, dans ce registre, que Thiessé en ait
réfère au Comité.
(5) Notes de l'auteur et registre de rHôlel-de-Ville.
(6) Registre de l'Hôtel-de- Ville.
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- 496 -
le citoyen Hauchedin, et sur un ordre de Daupeley, juge de paix,
puis, écroué et rçmis à Duboc, concierge de la maison de Bicôtre. (1)
Le même jour, dans une séance « non publique » de la Com-
mune, présidée par Bademer, un membre, chargé de Tinspection de
la prison (2) expose que Pillon y a été amené dans la matinée, les
mains liées et la figure couverte de crachats, et que ses jours ne
seront pas en sûreté si on le laisse avec les autres détenus, vu la
prévention funeste qu'ils paraissent avoir contre lui, et demande si,
sous tous les rapports, il n'est pas convenable de le placer dans une
chambre particulière. Cette mesure est ordonnée. (3)
Les ennemis de l'ex-maire avaient, en effet, organisé contre lui
de cruelles représailles. En chargeant l'huissier Fabulet de son
arrestation, Thiessé n'avait pas prévu qu'il n'instrumenterait pas en
personne. Or, Fabulet (4), qui pouvait avoir lui-môme des intentions
peu bienveillantes à l'égard de Pillon, se substitue son confrère
Lacaille (5) lequel « profite de cette occasion pour faire de l'arresta-
tion un spectacle d'éclat et livre Pillon à la dérision publique. » Il le
conduit à Bicôtre dans un état humiliant; il semblait que c était
moins le jour de la justice que celui de la vengeance. Aussi l'huissier
Lacaille fut-il « improuvé » et recommandation fut-elle faite à
Fabulet de ne jamais confier semblables opérations à des gens dont
les intentions étaient co/î/^wes. En même temps, Thiessé témoignait
à Ruste, officier de gendarmerie, son mécontentement sur les formes
outrageantes et scandaleuses employées par ses gendarmes pour
(i) Notes de Tauteur et registre de l'Hôtel-de- Ville.
(2) Ce devait être Leborgne, notable. V. reg. de l'Hôtel -de-Ville, formation des
commissions, 6 vend, an ii.
(3) Reg. de THôtel-de- Ville.
(4) Les registres de la Société populaire, au 23 sept. i793, mentionne les récla-
mations des nommés Gilles et Fabulet, détenus à S»-Lô, sur lesquelles il est passé à
Tordre du jour. Leur lettre est renvoyée sans réponse. Cela se passe à une date com-
prise dans les 36 feuillets du registre d'écrou dont M. De Lérue signale la suppression.
On ne peut donc affirmer que le détenu et l'huissier soient le môme individu.
(5) François-César Lacaille, 30 ans, huissier à Rouen, rue Philadelphie, 19, détenu
«sans cause » à Yon, pendant 4 mois, en était sorti « ruiné », comme tant d'autres, le
23 fructidor an ii. La vérité est que sur un ordre du comité d'Isneauville, du 2 floréal
an II, Lacaille avait été arrêté pour s'être Sen'i dans une affiche de vente de meuWes de
papier portant l'effigie du ci-devant roi (arch. municipales et du dép').
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— 497 -
conduire Pillon en prison, en leur faisant infliger une peine disci-
plinaire.
"Le Journal du Soir (1), du citoyen Limoges, annonçait le 26
que les gendarmes Loiselet et Flament étaient incarcérés pour
avoir lié Pillon, et, peu attendri sur le sort de celui-ci, ajoutait,
entre autres choses, qu'ils n'avaient fait que se conformer à la loi.
Thiessé écrit à Limoges que jamais il n'approuvera ou n'encouragera
ces excès (2)
L'attention ne se portait pas seulement sur Pillon. Lamine
informait le Comité do surveillance le 12 floréal qu'il avait bien
quitté Rouen, mais qu'il s'y était tenu depuis que la Commune
défendait d'en sortir. Le Contour, procureur syndic de la Com-
mune (3) faisait dresser des constatations sur la présence de Lamine,
Pinel, Clavier, Bérard, Blot, Lambert et Rupalley ; puis Thiessé
faisait assigner ce dernier par Fabulet pour le 18, afin d'être
condamné comme Pillon « & six mois d'emprisonnement par forme
de police correctionnelle. » (4)
La procédure contre Lamine fut expéditive : le 7 prairial, quel-
ques jeunes gens demandent à la Commune son agrément pour arrêter
Lamine, dont ils connaissent la retraite ; il en est référé à Casenave
qui approuve et donne des instructions au district. Et le 9 prairial,
« sur les environs midi et demi » l'huissier Régnier, /)oar V exécution
d'un jugement du tribunal du district qui vient d'être rendu à
l'instant, va conduire Lamine à la maison de correction (Bicêtre), où
est déjà le condamné Pillon.
Pillon, en ce qui le concerne, ne s'inclina point devant le
jugement, fort discutable, qui l'avait frappé. Le 19 fructidor, un
arrêté du Comité de législation décidait que la loi du 5 ventôse ne
(i) Cette feuille et le chevalier de Limoges ne figurent pas dans le Manuel du
Bibliographe Normand^ de Frère.
(2) Re^. de corresp. du district
(3) La loi du 28 germinal an m venait de rétablir les procureurs-syndics. Ceux-ci
furent supprimés et remplacés par des commissaires le 21 fructidor suivant.
(4) Arch. mpales et reg. de corr. du district. D'après Horcholle, Rupalley a été
condamné le 18 floréal. Il ne paraît pas avoir été détenu.
(5) Arch. du dép< et notes de Fauteur.
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— 498 -
lui était point applicable, par suite de l'arrêté do Duport l'autorisanit
à restera Bois d'Ennebourg. (1)
Robert de Saint-Victor, jusque là peu préoccupé d'être traité
comme terroriste, s'était rendu à Paris, pour faire lever le séquestre
de ses biens. Le 26 germinal, au Palais-Egalité, sa mauvaise étoile
le met en présence d'un rouennais (2), qui lui reproche violemment
sa conduite à l'égard de son fils et de s'ôtre retiré à Paris. Leur
altercation ayant donné lieu à un rassemblement, la garde les
conduit tous les deux devant le comité de sûreté générale où, par
écrit, Renault (Jénonce Robert et celui-ci répond avec une véhémente
indigation (3)
Les terroristes détenus à Saint-Lô (Godebin et autres) sont
toujours surveillés de très près. Yvernès et Grandin, du comité de
surveillance, se font minutieusement renseigner le 5 floréal par le
guichetier Villery, dont les réponses révèlent la situation assez
singulière des prisonniers do Saint-Lô : les jeunes gens détenus
à l'étage supérieur chantent des chansons qui ne sont pas celles des
détenus du dessous, lesquels sont d'anciens membres des corps
administratifs (les terroristes). Ceux-ci crient : A bas les royalistes!
et les autres : A bas les jacobins ! Rien, dans l'attitude et la conver-
sation des terroristes ne montre qu'ils soient instruits des événe-
ments arrivés depuis trois ou quatre jours à Paris, et cependant ils
sont plus gais qu'à l'ordinaire et chantent maintenant la Carmagnole
et la Montagne ;^wQ,nt, ils étaient abattus et tristes, (4)
A cette date, le président Legendre envoyait à la Commune
son « adresse aux sections », c'est-à-diro sa justification, publiée,
on le remarquera, dans le supplément n" 93 de VObscrcateur de
VEurope, journal de Magloire Robert. Après cette adresse et sa
publication, le 2 floréal, la 11« section « d'après l'exposé du citoyen
Thoumine, par un mouvement spontané d'indignation, délibère,
à l'unanimité, que Legendre et Leclerc, du tribunal criminel, seront
portés sur la liste des terroristes. (5) Or, cette section a pour
(1) Journal de Rouen du 4 vend, an iv, et A. Pasquier, Biographies,
(2) Probablement Renault, chef de bureau au district.
(3) Arch. liât. F ^ 4,750.
(4-5) Arch.mpales.
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président Quillebeuf et pour secrétaire précisément le • journaliste
Robert 1
Leclerc, accusateur public, répondait le 13 floréal, aux imputa-
tions -diverses », d'après lesquelles il avait été mis sur la liste des
terroristes par la 10* section, et, les reprenant une à une, expliquait
qu'il avait autant que possible modéré les rigueurs des lois
révolutionnaires. (1)
Moulin se défend contre des inculpations notamment de la
même section, insérées dans le n<» 98 de V Observateur de l'Europe.
L ex-officier municipal Carré se plaint au conseil de la Commune
d'une calomnie l'accusant d'être parti de Rouen avec 600,000 livres
appartenant à une maison de commerce dont il est lassocié. (2)
Caffin-Vernon publiait, sur sa conduite pendant la Révolution :
La vérité, toute la vérité, rien que la vérité, défense d une modé-
ration habile, rappelant surtout son rôle de défenseur officieux et
gratuit de Matbéus et Clavel, de Gontier, de Linant, de huit cul-
tivateurs d'Epreville-sur-Ry, de Vimeux, de la veuve FoUope, du
fils de Belloy , âgé de 13 ans, accusé d'avoir tué son ami à la chasse.
Vernon jouait alors à Rochefort d'où l'on informait le comité de
Rouen qu'il y avait été reconnu, dès le premier jour, sur la scène, par
des négociants rouennais qui le peignirent comme un terroriste et
lui attribuèrent la désolation de plusieurs familles. On hésitait à le
croire tant ses papiers étaient en règle. . . (3)
Maintenant que Ribié est parti, le Théâtre-des-Arts a le mono-
pole des manifestations. Le 21 floréal, Desprez, officier municipal, y
est arraché de son poste, dépouillé de son écharpo, puis poursuivi
dans les rues. Le lendemain, le conseil général de la commune cons-
tatant que l'ordre public exige son renouvellement, insiste vaine-
ment auprès de Casenave, lequel répond que le moment n'est pas
arrivé. (4).
Le 23, on jette sur la scène un billet signé, rédigé en termes
(1) Imprimé, in-8», 18 p.
(2) Reg. de rïIôtel-de-Ville.
(3) Arch. mpales. Le conventionnel Blutel était alors en mission à Rochefort.
(4) Reg. de THôtel-de-Ville.
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- 500 —
violents, réclamant le coup do grâce pour les Jacobins, qui relèvent
une tête audacieuse, et la liberté pour les huit jeunes rouennais
emprisonnés. (1).
La nouvelle de l'insurrection des faubourgs parisiens contre la
Convention, dans les premiers jours de prairial, impressionna les
rouennais. Le 4, toujours aux Arts, des jeunes gens exigent & grands
cris la liberté de leurs camarades détenus. Danican les harangue et
les calme. Le général, à un moment .environné d'une foule consi-
dérable, remercie Le Contour de lui avoir éventuellement envoyé des
dragons. Trente jeunes gens ont essayé de pénétrer dans la maison
d'arrêt. D autres attroupements armés se forment depuis Saint-
Hilaire jusqu'au centre de la commune. On remarque que des pri-
sonniers de guerre et des jeunes gens sont souvent crochetés par le
brasi
U Observateur de VEuropevzmhnQ l'attention sur les terroristes.
Il publie une adresse à la Convention des citoyens de Rouen, réunis
en section, adoptée les 4, 5, 6 et 7 prairial, contenant ces passages
sur l'insurrection parisienne :
. . .N'en doutez pa% ciioyeDS représentants, ce complot qui a éclaté dans
votre enceîQte, étoit attendu dans les départements. Depuis plasienra jours,
les oppresseurs de notre commune, qui sont incarcérés, faisaient des orgies
scandaleuses. On les entendait répéter h haute voix leur refrain chéri : Vive
la Montagne 1 Vivent les Jacobins 1 Dans les rues, leurs partisans relevaient
déjà leurs tétas audacieuses. Dans huit jours, disaient-ils, nous verrons...
On apercevait déjà sur leurs lèvres le rire cruel du tigre qui voit de loin
venir sa proie. Déjà, ils faisaient des listes de proscriptions et désignaient
leurs victimes. . . Que votre digne collègue, en mission dans notre départe-
ment, reçoive les ordres les plus précis de renouveler ceux des membres de&
autorités et des tribunaux qui n'ont plus notre confiance. . .
Les pétitionnaires ne denaandent pas la mort de ces « scélérats »;
il leur suffit qu'ils ne souillent pas plus longtemps la terre de la
liberté, qu'ils ont inondée de sang innocent, ou qu'ils aillent ailleurs
(1) Ce placard, reproduit dans le registre des délibérations de la Commune, est
signé : Ducherry, le jeune, rue Saint-Denis.
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— 501 —
« sur le sol brûlant des déserts arides de l'Afrique, lutter de cruauté
(( avec les bêtes féroces (1). »
De la maison d'arrêt (Saint-Lô) où ils sont soumis à un secret
qui n'est pas rigoureux, les terroristes, qui se disent «étrangers à
tout parti, » protestaient dès le 4 contre les calomnies atroces
entassées par Robert dans son journal, particulièrement contre celles
do cette adresse, publiée dans le n^ 21. C'est faux, aflSrment-ils ;
lorsque Lignel, commissaire délégué à^ Saint-Lô, leur a appris les
^trîstcs événements de prairial, ils jouaient à des jeux innocent»,
qu'ils ont cessé ; et la méchanceté du journaliste qui rend Pillon
témoin et acteur de ces scènes ne saurait échapper, puisque Pillon
est détenu dans une autre maison et que toute communication leur
est interdite (2).
Vers cette date, Casenave activait les opérations tendant au
désarmement des terroristes, et provoquait (5 prairial) une confé-
rence pour le renouvellement des autorités. Pour la seconde fois, on
parvient le 8 prairial à obtenir de la Convention son rappel, suivi,
le 10, de l'envoi dans la Seine-Inférieure, de Couppé, des Côtes-du-
Nord (3).
Informée de la « révocation des pouvoirs de Casenave et
vivement affectée de cette nouvelle », la Commune députe plusieurs
(1) Arch. nat. Dm 274. Cette adresse, dont la 12* section parait avoir pris Tinitiative,
est signée des présidents et secrétaires de vingt-et-une sections seulement : 1« Dumon-
tier, pr. ; Pelletier, sec. ; 2« Bérard, pr. ; V. Canu, sec. ; 4» Méry, pr. ; Thélinge, sec. ;
0* Bellandf pr.; Gosse, sec. ; 7* Dubosc, pr.; Ràsselle, sec; 8« Duboc, pr. ; Monin, sec. ;
9* Beauvais, pr. ; Langlois, sec. ; lO Robert, pr. ; Thiboutot, sec. ; 12* Vasse, pr. ; Saint,
3ec. ; 13» Portret, pr. ; Caudron, sec. ; 14» Lenouvel, pr. ; Lamotte, sec. ; 17* Formage,
pr. ; 18* Bacheley, pr. ; 19« Cornu, pr. ; Aube, sec. ; 20« Gaillard, pr. ; Grisel, sec. ;
21* Méguignon, pr. ; Gaillard, sec. ; 22* Lallemand, pr. ; Cousté, sec. ; 25« Porel, pr. ;
Renard, sec. ; 26» Doré, pr. ; Pin, sec. ;
(2) Arch. mpales. Lettre aux citoyens maire et officiers municipaux de Rouen, signée
de Godebin-Jouvenet, RegnauU, GaiUon, et c pour Poret fils, comme ayant mal à la
main >.
(3) Coll. Rondonneau, t. V, i'* partie, p. Ixxvj. Là, on ne peut savoir de quel Coupé
il s*agit. Mais d'après le post-scriptum d'une lettre de Hardy, écrite de Paris à Victor
• Lefebvre, l'un des membres du jury pour l'Ecole centrale de Rouen, le 12 prairial, le
représentant nouveau qu'on envoie à Rouen, Coupé, des Côtes-du-Nord, doit partir le
lendemain pour sa destination. (Arch. du dépO. Couppé (Gabriel-Hyacinthe), président
du tribunal de Lannion, était âgé de trente-huit ans, l'un des soixante-et-onze arrêtés
en juillet 1783, et rentré à la Convention le 18 frimaire an III. U existe aux Arch. nat,
A F n 141, une seule pièce concernant la mission de Couppé.
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1
de ses membres et des commissaires de sections pour lui exprimer
hs regrets du conseil et des sections de le voir quitter Rouen.
Cependant sa mission dans le département ne se trouve guère inter-
rompue ; le nom de Couppé n'apparaît point dans les affaires rouen-
naises, et, dès le 18 prairial, la Commune, avisée du retour prochain
deCasenave, lui témoignait sa satisfaction... et son désir d'être
renouvelée. (1)
Dans leur empressement à établir les listes des terroristes, les
commissaires nommés par la commission des députés des sections
déposèrent à la commune au moins deux rapports avant même
d'avoir examiné les registres et pièces de la municipalité, qu'ils
furent autorisés à compulser seulement les 11 et 15 prairial. Le
premier de ces rapports était celui « rédigé par le citoyen Robert,
homme de loi, rédacteur du journal « l'Observateur de V Europe »,
au nom du comité des rapports de la 10^ section, dans sa séance du
27 germinal an III. (2)
Ces listes, d abord, étaient faciles à dresser, puisque, par une
sorte d'imitation des mandats d'arrêt de l'ancien comité de surveil-
lance, où les suspects étaient simplement taxés d'incivisme ou
d'aristocratie. Ton n'y indiquait que les noms de ceux qu'on accusait
de terrorisme. Mais quand la loi du 12 floréal eut obligé à rédiger
par écrit les motifs de désarmement, il fallut recourir aux archives
de la commune, du comité de surveillance et même des maisons de
détention. Le temps manqua, et pressés, les commissaires de sections
ne purent fournir que des rapports hâtifs dans lesquels des
méchancetés, qu'on s'est efforcé de rendre spirituelles, tiennent lieu
le plus souvent des faits précis, des accusations sérieuses qu'il eût
été aisé de formuler.
Les séances de plusieurs sections furent troublées surtout par
les femmes, qui en furent exclues le 15 prairial. Au début, certaines
(1) Le 13 prairial, Casenave nomme Pierre-Charles Duval secrétaire-greffier de là
Commune ; à partir du 28 on trouve des actes de Casenave relatifs à Rouen. — Le 5 ther-
midor suivant, un décret investit Casenave, « en mission dans la Seine-Inférieure, des
pouvoirs des représentants du peuple près les armées pour ce département et pour la
Somme. » (Arch. du dép«.)
(2) Reg. de rHôtel-de-Ville. Un exemplaire de ce rapport se trouve aux archives
mpales de Rouen.
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— 503 —
sectrons, comprenant des gens tenus à étro circonspects, aCEectent
un grand calme, ou plutôt une grande réserve, sûrement calculée.
Il en est ainsi à la 25®, où bientôt Daupeley, dont les ressentiments
n'étaient point étouffés par sa réintégration comme juge de paix,
parle d'arrestations illégales et de dispositions prises (déjà ! ) pour
éluder la loi du 21 germinal. Cependant la section constate
qu'elle n'a aucune dénonciation à faire ; mais plus tard, elle est
une de celles qui dénoncent Troussey, Bénicourt, Pinel l'aîné,
Poisson père. Lamine, Godebin et Gaillon. (1) Il fut aussi des
sections. qui, d'abord, jugèrent prudent de ne rien dire. . ., telle la
2p, présidée par Bérard avec Le Canu pour secrétaire I II semble au
surplus que 22 sections seulement sur 26 déposèrent des listes de
terroristes (2).
Bien petite est la quantité d'officiers, de notables, qui ont
trouvé grâce devant les sections. Même Arvers, signalé comme une
exception, et auquel sa section, la 9®, déclara conserver sa confiance,
est porté sur les listes par les 5® et 11® sections (3). ThieuUen, prési-
dent du tribunal du district, Noël le journaliste, sont eux-mômes
désignés comme terroristes par la 11® section, — vaguement, il est
vrai, mais il ne serait pas impossible de préciser par quels motifs. (4)
Les rapports imprimés des commissaires des sections sont une
reproduction souvent littérale principalement des délibérations des
(1) Malatiré était vice-président, Bonnet, président et Renard, secrétaire de cette
section.
(2) Reg. de THôtel-de-Ville, séance du 2 fructidor an m, discours de Le Coutour.
(3) Arch. mpales. Ch.-François Arvers, né à Chàtellerault (Vienfîe) en 4760, avait, en
l'an ui, seize ans d'étude et d'exercice comme pharmacien. Ceux qui glorifient son
refus d'adhésion au Coup d'état de brumaire paraissent ne pas avoir consulté le reg. du
dép» (13 frim. an vu) où l'on voit Arvers protester contre l'arrêté des Consuls du 4, et
regretter t d'être livré, par cette mesure de destitution, à une sorte de proscription et
confondu avec les ennemis du gouvernement. » Une lettre du procureur-syndic du
29 brumaire dit cependant qu'Arvers, « connu par l'exagération de ses principes révolu-
tionnaires; avait donné des marques non équivoques d'improbation au « mouvement
généreux» qui venait de sauver la République...» Si Swarow fut venu à Rouerij vous
auriez donc enregistré et obéit à touty avait-il dit. Il voulait attendre la tournure des
événements... Cet homme n'a point les formes conciliatrices des collègues entre eux...,
dans la société, il a des connaissances, mais il n'a point d'amis. » ( Arch. du dép^ ).
(4) Pour ThieuUen, ce devait être surtout son rôle lors de l'épuration de Guisier,
Quant à Noël, il n'était que trop facile de trouver à certaines dates, dans son journal,
une adhésion à des actes réprouvés.
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1
— 504 -
lO», !!• et 12« sections et un résumé de celles d'autres sections.
Vainement on tenterait de discerner le vrai et le juste dans ces
écrits, suspects par leur style de libelles. De rares et importants
documents y sont présentés de telle façon qu'on hésite à en tenir
compte.
Ce qui domine dans ces énumérations sans nulle méthode des
« crimes, délits et tyrannies » c'est surtout l'intention de montrer
a l'infâme Comité de surveillance, digne émule de celui de Nantes »
attendant le moment où les grands meneurs des comités de gouver-
nement, Barrëre, Collot, Billaud et autres, auraient décidé que la
commune de Rouen fournirait son contingent à la boucherie de
Fouquier-Tinville. La plupart des imputations capitales contre lea
chefs terroristes ne vont pas plus loin que cela : soit qu'il s'agisse du
massacre des détenus et d'en mettre les cadavres dans les bières
commandées par Poret, soit d'une hécatombe des magistrats
qui avaient condamné Bordier et Jourdain, soit de la boucherie de
floréal, méditée froidement ( par plus de cent individus ! ) soit de
l'ordre sinistre qu'on aurait adressé à Pillon pour le 10 thermidor,
ou de la création d'une commission populaire et de la liste Guyet, —
ce sont toujours des projets . . .
Ils rappellent les intrigues de Pillon pour être nommé maire à
la fin de 1792 ; tout les porte à croire qu'il a coopéré aux délibérations
arbitraires touchant les emprunts sur les riches ; ils parlent de l'ac-
croissement de sa fortune, médiocre au début de la Révolution, (1)
(1) Naturellement, Pillon, en 1789, ne possédait guère que son oflQce de garde-
livre de la Chambre des Comptes, puisque ses père et mère vivaient encore. Il est à
propos de dire qu*à Toccasion de son mariage avec M"* Barbarey, son père lui constitue
une rente annuelle de 2,100 livres, au capital de 42,000 livres, garantie par deux
fermes sises à Foulbec , près la rivière de Risle, et à Conteville, district de Pont-
Âudemer ; M»* Barbarey eut en dot 7,000 livres en meubles, un capital de 20,000 livres
et une rente annuelle de 1,000 livres. Le maire de Rouen avait donc une situation de
fortune qui lui permettait de faire une acquisition de 60,000 1., surtout avec Bénicourt,
Havart et autres amis. Son contrat de mariage, du 24 septembre 1792, devant
M* Colonge, notaire à Rouen, est d'une forme assez curieuse, jusque-là peu usitée;
il y est question de douaire coutumier, de don mobil, ce qui contraste avec la qualiO-
cation nouvelle de citoyen prise par les pères des futurs conjoints, qui comparaissent
les premiers et président aux conventions matrimoniales. Ce contrat porte cinquante
signatures parmi lesquelles celles de Tabbé Langlois, curé de Saint-Nicaise» Balland,
Lesuire, Lefebvre, Romain Darré, etc. — J'adresse ici les plus vifs remerciments à
M. G. Josse, généalogiste à Rouen, rue Thiers, à la complaisance empressée
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- 605 -
de Tachât du ch&teau de Coqueréaumoht, de la battue de floréal, du
voyage et de remprisonnement de messidor, etc., etc., rien n'est
omis... sauf les détails sur sa participation à l'instruction des
affaires de la Rougemare, de Ratiéville et des Lentaigne.
Poret est l'objet de sanglantes injures; malmené avec une
brutalité qui contraste avec l'espèce de déférence d'hommage au
« génie révolutionnaire » de Pillon, nonobstant insulté si grossière-
ment lors de son incarcération.
Les reproches les moins mal justifiés sont ceux s'appliquant à
des arrestations sans mandat d'arrêt et sur des ordres en blanc non
motivés ou signés d'un nombre insuflSsant de membres du comité,
ou déterminés par des haines privées. Le 29 ventôse an II, soixante-
six mandats d'arrêt avaient été délivrés sans autres motifs que l'in-
civisme, et un tiers de ces mandats se retrouvaient datés du
28 ventôse. Pour suppléer à ces motifs, un registre « d'histoires
méditées à loisir » fabriqué depuis le 9 thermidor, se retrouvait et
était invoqué contre les membres du Comité.
Les accusateurs insistent avec raison sur les vexations criantes
exercées à l'égard de certains détenus, mais ils ne font pas allusion
aux faveurs insignes dont jouissait, par exemple, Robert de Saint-
Victor à Saint- Yon.
Le temps ne leur a pas permis « de scruter les dilapidations
énormes des ex-magistrats. » Comment alors expliquer qu'ils en
aient tant perdu à élucider une affaire presque fastidieuse de gros
sols, au lieu de préciser comment on avait « organisé la famine par
l'inquiétude et l'effroi chez les spéculateurs. » En revanche, on
constate l'absence de registre au bureau des accaparements, la sous-
traction de beaucoup de pièces et des comptes de la Société popu-
laire, dont la correspondance manque absolument. Ce sont les actes
vexatoires, arbitraires et tyranniques du bureau des accaparements
qui closent les travaux des commissaires des sections ; Legras y
est plus particulièrement attaqué, ainsi que Louis Hamel,Chouquet,
duquel je dois l'indication de ce contrat et diverses autres relatives notamment au lieu
et à la date du décès de Tex -maire Pillon, que j'avais vainement cherchés, et que j*ai
obtenus avec une promptitude merveilleuse, gr&ce à ses répertoires d'une richesse et
d'une exactitude peu communes*
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— 506 -
Dumesnil-Artus, Lambert, Bérat le jeune, Yvelin et Baudry. On
leur rappelle une lettre de la commission des subsistances et appro-
visionnements de la république, leur disant qu'ils n'avaient pas le
droit do réquisition, et que cependant ils ont dispo* é à leur gré des
marchandises des négociants de Rouen, les ont distribuées et en ont
empêché la sortie.
Nombre de notabilités révolutionnaires ont là leurs portraits
très peu flattés, sans nul doute excessivement c/iargés, tels ceux de
Gramare, Blanche, Legendre, Thierry, Gaillon... Des documents
indiscutables laissent pourtant apparaître qu'aussi bien pour Thierry
que pour le plus grand nombre des autres jacobins, même Leclerc,
accusateur public, le plus facile à attaquer et à défendre, il reste
presque toujours, dans les exagérations de l'an III, un fond de
vrai (1)
La révision des listes dressées sur ces rapports, effectuée par la
commune en treize séances particulières, c'est-à-dire non publiques,
du 8 au 18 prairial, s'opéra par des tableaux formant trois catégories
des gens indistinctement accusés par les sections : l'une des citoyens
à désarmer selon la loi du 21 germinal, la seconde de ceux regardés
comme égarés d'après la loi du 14 du même mois, et la troisième de
ceux éliminés comme irréprochables. (2)
Si, en général, le conseil apprécie leur conduite avec plus de
sang-froid et de sagacité que les sections, ses procédés et ses ob-
servations sont loin d'être exempts de calcul et de partialité.
Les sections ont proposé le désarmement de 213 individus. Ce
chiffre est réduit à 43. Cet écart considérable résulte de la suppres-
sion pure et simple des noms portés snr les listes sans indication
de motifs ou avec des motifs vagues. Les raisons du conseil
pour certaines absolutions sont parfois bien intéressantes : l'exalta-
tion est une excuse pour Blanche ; Troussey a contrarié les opéra-
tions du comité, dont il était membre ; Darcel est extrêmement
entêté, s'il a omis quelques formalités, c'est un délit de la compé-
tence des tribunaux. Thierry était même lennemi de la Terreur;
(1) V. Rapports des commissaires de sections et ce que j'ai extrait des registres de
la Société populaire.
(2) Reg. de FHôtel-de-ViUe.
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— 507 -
son ton dur à la Société a pu déplaire, son opinion ^ compromis la
liberté de Guisier, c'est simplement une indiscrétion blâmable ;
il n'est pas méchant. Robert de Saint-Victor ayant été détenu n'a
pu être terroriste. Legendre a dû se faire beaucoup d'ennemis, il a
r^ondu victorieusement à Thoumire. . . . Mêmes atténuations pour
Leclerc. A Lenormand, auteur de saillies, chansons ou dénonciations
prétendues civiques, on n'a à reprocher que l'eflfervescence momen-
tanée de ses idées. Chouquet doit son immunité à ses attaques contre
Pore t et Lamine. . . après le 9 thermidor, et Lecanu à sa mission
à Lyon.
D'autres remarques sérieuses sont suggérées par les apprécia-
tions des sections et de la Commune. Comme par l'effet d'une
consigne, un silence absolu est partout gardé sur la démarche tout
à la fois audacieuse et l&che de Poret et Lecanu pour demander à la
Convention les têtes de leur confrère Aumont et de l'imprimeur
Leclerc. La même discrétion est observée à l'égard de Descroisilles
pour son « Journal des événements de la Rougemare » pour l'adresse
contre Aumont, et la proclamation diffamatoire et prématurée des
membres du département — y compris M. de Fontenay — qui y
adhèrent et la font letir, et aussi pour le réquisitoire violent de
Lecomte, du 12 janvier 1793. L'odieuse et sanguinaire pétition à la
Convention pour en obtenir un tribunal révolutionnaire, du
!•' avril 1793, signée non seulement de Pillon, Mabon, Lamine, naais
aussi de Bignon, Caudron, Lenormand, Blanche, L.-J. Lefebvre,
etc., bénéficie de la même indulgence. Nulle allusion n'est faite aux
manœuvres réitérées, d'un danger si réel, qui faillirent, dans les
plus terribles crises, accentuer à Rouen le règne effectif de la
Terreur, par les dénonciations acharnées de Lenud, Hébert et de
Massieu ; pas une question, ni la trace de la plus petite investigation
pour découvrir les auteurs — vraisemblablement connus ou au moins
soupçonnés — des lettres qui dénonçaient les rouennais et amenaient
Thuriot, Coupé, Duhem et autres à la tribune de la Convention ou
des Jacobins pour les faire punir.
On met tant de soin à taire les nom^ de ceux que, de parti pris,
on veut garder parmi les accusateurs, que l'on ne cite pas celui du
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— 508 —
procureur de la Commune qui. en 1792, est prévenu d'avoir proposé un
emprunt forcé de deux millions ! Et dans Ténumération des quatorze
membres qui, d/onV/r/îe, composèrent le comité départemental de
salut public. Le Contour est artificieusement omis. Il suflSt d'avoir
été membre de ce comité pour figurer parmi les terroristes et, par
une exception unique. Bouvet, qui a failli être arrêté comme jacobin,
n'est jamais sur les listes.
Une simple mention du conseil : « Inconnu » mise en regard
des noms de Duval, Dumest, Delamare, Debeau, Engran, Hue,
Legendre et Quillebeuf, paraît être d'une douteuse sincérité,
lorsqu'on sait, par exemple, que le secrétaire du directoire du district
avait nom Dumest.
Quoi qu'il en ait été, la Commune pouvait se croire ainsi
déchargée de sa tâche réellement difficilo et délicate et insister
désormais pour être remplacée.
Casenave semble avoir voulu opérer d'un seul coup le désarme-
ment d'un assez grand nombre de sans-culottes, en leur retirant,
par son arrêté du 28 prairial (16 juin 1795), les fameuses piques dont
un spécimen avait été placé à la commune, au-dessus de la tête du
maire, et dont « l'invention et l'usage ne rappellent que des assas-
sinats et des dilapidations énormes qui ont déchiré la patrie et
menacé la fortune publique d'un anéantissement total. » (1)
Uune des dernières séances du conseil général de la commune,
celle du 29 prairial, montre dans quel discrédit étaient tombés les
anciens et aussi les nouveaux administrateurs, et le peu de confiance
dans les explications avec lesquelles on voulait écarter les plaintes et
les soupçons. Pendant une délibération relative à trois classes de
citoyens pour le prix du pain, le citoyen Sauvage, de la rue de la
Prison, commissaire de section, ex-employé aux aides, et vivant de
son revenu, proférait publiquement ces propos :
... On parle toujours de pertes, et où sont donc Us pertes qu'on a
faites? Est-ce en nous donnant des subsistances empoisonnées ? Est ce ea
nous donnant un quart de pain et des grains qui auraient dû être enfouis
dans terre plutôt que d*ètre distribués aux citoyens, qu'on a pu fa«re des
(1) Arch. nat. A F u 141, doss. 1,107, P> 13.
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— 509 —
partes? Où sont les millions qui ont été dépensés? Qa'en avez-Toas fait?
Quelles sont donc les pertes?
Ces propos ayant été tenns avec des gestes menaçants, les tribanes font
entendre des clameurs et des cris parmi lesquels on distingae ceux ci : Ce
sont des voleurs !
Le procorenr de la Commune réclame avec énergie contre les citoyens
qui ont insulté les magistrats en fonctions ; il déclare que le conseil ne
délibérera pas, tant que les citoyens des tribunes n'auront désigné les malveil-
lants ; il les somme de les arrêter. Ne croyez pas, dit-il, que nous sommes
vos esclaves ; nous sommes les magistrats du peuple, placés pour faire le
bien. . . Des murmures s'élèvent et quelques voix s'écrient : Pas de soltises,
p€is de sottises! Malgré les excitations du président, on ne désigne pas les
malveillants et quelqu'un dit qu'ils sont partis. . . (1).
Un incident ne tardait pas à faire voir comment l'argent de la
commune pouvait se perdre et avec quelle légèreté les commissaires
du conseil s'acquittaient parfois de leur mission. Poisson et Auger,
envoyés dans les départements avoisinant Paris, au lieu d'effectuer
eux-mêmes des achats de grains, remettaient vers la mi-floréal à
Goguetfils, dePenancourt? ( Somme) et à son beau-frère Hennuyer,
alors à Paris, 61,000 livres. En passant le 22 floréal dans le bois de
Pont-Sainte-Maxence, Goguet, d'après son récit, fut dépouillé de
cette somme par cinq ou six assassins qui lui tirèrent un coup de
pistolet. Les circonstances du vol parurent finalement suspectes aux
administrateurs rouennais qui décidèrent, le 13 fructidor, de pour-
suivre Goguet devant les tribunaux (2).
Il était temps de faire disparaître le Conseil général de la
commune du 6 vendémiaire an m.
(1) Registre de THôtel-de-VlUe ; extrait littéral.
(2) Reg. de THôtel-de-Ville, du district et du dép», 13 fructidor an m, 15 et 22
vendémiaire an iv.
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CHAPITRE VINGT-UNIÈME
Réorganisation dilHcile du conseil communal. — L'ordre menacé & Ronen par les
Chouans et autres conspirateurs. — Rupture définitive entre Casenave et le
journaliste Robert.— Le Contour veut diminuer le nombre des terroristes fixé par
Casenave. — Mise en liberté des trente-sept terroristes désarmés. — Pillon et
autres poursuivis devant le tribunal criminel. — Lambert et Gaillon condamnés ;
Darcel acquitté, mais condamné à des dommages-intérêts. — Défense énergique
des terroristes ; Foreau-Trisay, de Chartres, les assiste. — Mise en liberté sous
caution obtenue par Pillon et Lamine, et entravée. — Les sections de Rouen et la
Constitution de l'an IIL— Danican, déplacé, est protégé par la Commune, le district
et le département. — Bignon le jeune, Robert, Hardy, Danican et les journées de
vendémiaire. — Décrets libérateurs des terroriitei.
I
Le 5 messidor an III (23 juin 1795), Casenave réorganisait enfin
la Commune, à la tête de laquelle il plaçait Lequesne fils, adminis-
trateur de THospice-Général. Le Contour, procureur delà Commune,
Pottier, son substitut, et Duval, sccrétaire-greflRer, étaient main-
tenus. Un remaniement important est opéré parmi les officiers
municipaux et les notables au nombre desquels*apparaissent Goube,
commerçant, Jouenne, Le Boucher, ancien libraire, Adam, Lcsage,
Bignon l'alné, Chapais le jeune, Le Couteulx fils, Ribard, Garvey,
Lézurier, d'Aubigny, Malandain, Lemire, c'est-à-dire la fine fleur
des thermidoriens. Ne doutant pas de leur acceptation, le conven-
tionnel avait fait imprimer l'arrêté contenant leurs noms, et dont il
envoyait le 6 thermidor 400 exemplaires à la municipalité.
Des refus se produisent, et le 14. Casenave est réduit à repousser
les excuses de Cavey, Delamarc, Bidault, Chapais, Pavic, Garvey,
Lanelle et Lemire, et à les condamner, faute d'être à leur poste dans
les trois jours, à la privation des droits de citoyen pendant deux ans,
et à une amende. Il admet celles de Lequesne, maire, qu'il remplace
par Goube, et celles de Brisset, Pouchet, Béville, Blanchemain et
GoUain. (1)
(1) Reg. de THôlel-de-Ville.
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- 511 -
La permanence des conseils généraux des communes assu-
jettissait inutilement les quarante-deux notables à une suite d^oc-
cupations leur imposant des sacrifices que tous ne pouvaient
supporter. (1) La Convention, rendant la vie à V administration
municipale, selon le vœu de Casenave, supprima bientôt cette per-
manence. (2)
Le nouveau conseil éprouva bientôt des difficultés. En même
temps que VObsercateur de V Europe, de Robert, la Vedette
normande, de Guilbert, surveillait de près les actes des adminis-
trateurs et les dénaturait parfois si gravement qu'il fallait la
contraindre à se rectifier (3). Des malintentionnés informent le
Comité de sûreté générale (15 messidor) que terroristes et royalistes
s'agitent dans Rouen, où le crime « veille autour des prisons et
médite des égorgements. » Lo Comité invite à surveiller les individus
venant de Suisse ou munis de passeports de Lyon. A la Commune
on dit que plusieurs chouans se cachent et intriguent à Rouen. L'un
d'eux est chez un particulier qu'on désigne. Les ennemis de l'ordre
discréditent les assignats en jouant des sommes énormes sur les
quais, en plein jour et d'un seul coup de dés. Le respect des monu-
ments élevés à la révolution achevait de se perdre. Journellement,
on enlevait des pierres du modèle de la Bastille du Grand-Cours, et
le Conseil dut faire démolir cette bâtisse, vendre les matériaux et
enlever ce qui restait de la Montagne (4).
Des dissentiments graves avaient amené une rupture entre
Casenave et le journaliste Robert. Le 11 thermidor, la députation
de la Seine-Inférieure sollicitait à Vunanimité et obtenait du comité
de sûreté générale un ordre d'arrestation contre Robert, ordre
qu'elle transmettait à Casenave. Le n° 88 de VObservateur de
l'Europe hccnsdiit ce dernier d'avoir provoqué cet ordre, et moins
parcequ'une telle calomnie l'offensait que pour écraser plus sûre-
ment Robert, Casenave la faisait démentir par une déclaration
(1) Lettre de Casenave au comité de législation, du 7 messidor an IH. (Arch. nat.).
(2) Lettre du comité de législation à Casenave du 29 thermidor an III et décret du
l»"" ventôse an IV. (Arch. nat. d m 272 ).
(3) Reg. de l'Hôtel-de-Ville.
(4) Reg. de l'Hôtel-de-Ville.
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— M2 —
collective des députés, aflScbée le 21 thermidor. Cette fois, Robert
trouve moyen de se soustraire à l'arrestation et parvient même à
faire rapporter l'ordre, en rejetant « lâchement tous ses torts sur un
de ses coopérateurs, Pedro Graillard, qui l'égale en perversité et en
malveillance » (1).
Les embarras que lui suscitait Robert ne l'avaient point distrait
de sa tâche principale, et les éléments de ses décisions contre les
terroristes étaient rassemblés. Quoique le Conseil pénéral de la
Commune eut été effrayé d'avoir trouvé quarante-quatre indi-
vidus (2) à désarmer et qu'il eut intercédé pour nombre d'entre eux,
Casenave s'inspirant à une autre source — probablement au
district — élevait à soixante-six le nombre des citoyens devant
subir la peine si humiliante du désarmement.
Le Contour avait peine à croire que la religion de Caseoave
n'eut pas été surprise à l'égard de beaucoup de ces soixante-six.
Avec une surprenante indulgence, Le Contour s'érige en défenseur
de certains accusés, et formule la règle « que, pour être regardé
comme terroriste, il faut avoir eu une volonté constante et bien
prononcée de persécuter ses concitoyens et de les conduire dans les
bastilles et à l'échafaud. . . » (3).
En frappant ainsi soixante-six rouennais, Casenave rendait un
arrêt révisable ; aussi Le Contour propose-til de lui soumettre les
résultats d'un nouvel examen des listes, mais en cherchant à embar-
rasser la situation. Selon lui, le désarmement présente des difficultés
pratiques ; de plus, il constate que le délai accordé aux sections
pour établir leurs listes étant expiré, elles n'ont plus le droit d'y rien
ajouter, et il propose un arrêté que le conseil rejette en nommant
une commission chargée de fixer le mode d'exécution de l'arrêté de
de Casenave.
(1) Lettre de Casenave au directoire exécutif, du 8 frimaire an rv (arch. nat. Ff 3688^ )•
(2) Je n'en vois que 43: Angran, Blondel, Bérard, Carré, Camus, Delalande, Eude-
line, Gaillon, Godebin, Carreau, Romy-Groult, Giguet, V. Groult, Lamine. Lefebvre-
Signol, Leclerc, perruquier; Moulin, Nos, François Pinel l'aîné, Poret, Pillon, Regnault,
Ruppaley, Vernon, Delaplane, Monnier, Mabon, Ribié, Thébaut, Hubert, Leroy, Lambert,
Lemort, Lecanu fils, Guingret, les deux Lizé ou Lizet, Bemays, Delamare, Miller, Nés',
ex-avocat, Denis et Bénicourt.
(3) Reg. de l'Hôtel-de- Ville, 2 fructidor.
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- 513 —
Des pourparlers réduisirent d'abord «à quarante et en dernier
lieu à trente-sept le nombre des terroristes à désarmer(l), «sans pré-
judice des réclamations et justifications qu'on pouvait adresser. >»
Casenave avait sursis à Tégard de Havard, Godet et Nourry, et les
pétitions de sept autres (2) étaient renvoyées, pour rapport, à Remy
Taillefesse, Mattard, Jouanne, Grenet, Bouvier, Lesage et Adam.
Quelques jours après, le conseil émettait des avis favorables pour
pour Havard et Godet, rejetait les pétitions de Lefebvrc-Signol r:st
Lizé, et délivrait à Ribié un certificat attestant qu'il n'était pas porté
sur les listes. (3)
Les événements allaient rendre inutile une solution pour les
autres, et faire échouer toute cette longue agitation à propos des
terroristes.
II
Pendant que les sections, la commune et Casenave s'occupaient
ainsi de ce désarmement, ou plutôt de ses préliminaires, le tribunal
criminel était saisi de dénonciations privées contre un groupe de
terroristes ayant fait partie du Comité de surveillance. Une loi du
21 floréal an III avait chargé le Comité de législation de provoquer
et de surveiller l'action des tribunaux criminels de département
contre tous individus prévenus d'abus d'autorité, d'usurpation de
pouvoir, de vols, de dilapidations, assassinats, concussion et autres
crimes et actes d'oppression. La Convention espérait-elle vraiment
être obéie lorsqu'elle ordonnait aux municipalités et corps adminis-
tratifs de dénoncer ces crimes et délits aux accusateurs publics ?
On s'imagine difficilement le maire, Le Boucher, dénonçant Pillon,
son ex -collègue et son prédécesseur ...
(1) Ces trente-sept sont : Angran, Bénicourt, Blot, Blondel, Bérard, Carré, Camus,
Delalande , Eudeline , Gaillon , Lamine, Godebin, Romy-Groult, Carreau , Gi gin l .
Nos, V. Groult, Lefebvrc-Signol, Leclerc, Poret, Poisson père, Pinel l'aîné, RegnauK,
Mabon, Lambert, Pillon, Uupaley, Vernon, Darcel, Leroy, Lecanu, les deux Liz;<'j
Choin du Lys, Robert dit Saint-Victor, Moulin et Grancourt.
(2) Lefébvre-Signol, Blondel, Moulin, les deux Lizé (ou Lizet), Godet et Bavard.
(3) Reg. et Arch. de rHôtel-de-Ville.
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Aussi le tribunal cri5iinel n'eut-il à s'occuper que de jwursuites
engagées sur l'initiative de parties civiles. C'était pour donner à ces
poursuites plus de chances de succès que les réactionnaires s'étaient
efforcés d'atteindre Legendre et Leclerc. Ce dernier avait donné,
le 30 floréal, sa démission (1), que Casenave accepta par un arrêté
du 8 prairial, nommant accusateur public Thiessé, installé dès
le 13 (2).
Les deux terroristes contre lesquels s'affirma avec plus de
violence l'animosité thermidorienne furent Lambert et Gaillon,
compris dans un procès spécial, conduit avec une ardeur extrême,
et qui, depuis le 6 prairial, étaient « courbés sous l'opprobre d'une
captivité rigoureuse provoquée par la machination perfide de
l'ex-procureur Malandain » (3). *
Malandain avait été arrêté en vertu de cet ordre du Comité de
Rouen :
Séance da 27 nivôse Tan 2* de la répabHqae française. Lambert, prési-
dent ; Gtiilon, secrétaire. — Un membre propose de décerner an maodat
d'arrêt contre Malandain, ex-procureor, devant être dans un des batailloos
de la Montagne et de plos suspect d'incivisme et d'aristocratie ; arrête que ce
mandat aura lieu. - Signé : Lambert, Gaillon, secrétaire. (4)
Le 19 floréal an III, il se plaint devant Delacroix, juge de paix,
de ce que ce mandat n'était point délibéré par sept membres nommés
et ayant signé à la majorité. De plus on n'avait pas constaté qu'il
était en état de repartir, et les motifs de suspicion n'étaient pas
énoncés.
(1) Le n« 30 de VObsei'vatetir de V Europe ayant publié que Casenave avait destitué
Leclerc, celui-ci fait insérer dans le Joutmal de Rouen du 15, sa lettre de démission et
l'arrêté de Casenave nommant Thiessé en conséquence. La démission était fondée sur
ce que sa santé de sexagénaire faiblissait.
(2) « Du 13 prairial 3« année, s'est présenté, revêtu du costume d'accusateur public,
le citoyen Thiessé. ...» A cette audience même Thiessé siège dans une affaire de faux
passeport contre Jean Lesueur, marchand forain, et François Bance, qui furent
acquittés (Reg. du Trib. criminel.)
(3) Ch.-Ph. Malandain, 32, détenu à Saint- Yon, du 29 nivôse au 13 fructidor an IL
Lors de la levée de scellés chez lui, le 23 pluviôse, on décrit un fusil et un sabre de
chasseur garni en cuivre doré. — Notable de la commune, le 5 messidor an III.
(4) Extrait du registre B du Comité de surveillance.
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Le 5 prairial, le jury (1) déclare qu'il y a lieu à accusation et,
le jour même, Lambert et Gaillon sont écroués à la maison de justice
par l'huissier Gommé.
Se fondant sur ce que le mandat était l'œuvre du comité et non
la leur, les deux accusés demandent le 11 prairial leur mise en
liberté : ils sont déboutés et le 2 messidor le tribunal leur refuse un
sursis. Le 6, sur leur demande, il ordonne l'apport et le compulsoire
des registres du comité (2). On les devine doutant du succès de leur
cause en les voyant recourir le 26 messidor à un moyen extrême :
Pinel, Trousscy, Godebin, Regnault, Poisson et Lamine, qui sont
sous le coup d'accusations analogues, signent en leur faveur une
longue attestation affirmant — ce qui est sans portée venant d'eux —
qu'il n'y a jamais eu au comité d'infraction à la loi !
Pendant plusieurs jours, notamment les 16 et 17 messidor, ils
subissent des interrogatoires où la ténacité de Daupeley, juge de
paix de la 8® division, faisant les fonctions d'officier de police, n'a
jamais raison de leur arrogance. Lambert doit compte à justice des
actions de sa vie privée, mais prétend que sa conduite administrative
n'est soumise à aucun tribunal. Daupeley a beau lui dire que s'il
s'obstine dans son refus de répondre, il n'en procédera pas moins à
son interrogatoire, Lambert persiste. . .
Enfin, le 19 messidor, sans avoir entendu de témoins à charge,
mais après l'audition de Bouvet et Grandin; ex-membres du comité,
à décharge, et la lecture d'un mémoire de Lambert pour lui-môme
(1) Ce jury était composé de Jean-Laurent Cœur, balancier, rue Philadelphie, Louis
Mauroy, négociant, rue de la Régénération ; Mindorge, limonadier, rue Malpalu ;
Lepelletier, rue Carmagnole; Nicolas Lepellier, greffier, rue de la Liberté ; Jean
Jocquelin, épicier, rue du Pont-d'Aubelle ; Nicolas Montier, rue Socrate , et Jean-Denis
Thomas, ex-avocat, aussi rue Socrate. Ils prêtent serment le 5 prairial. Mauroy est le
chef des jurés. L'un d'eux, Thomas, est l'ex-commissaire du roi prés le tribunal crimi-
nel, ex-procureur syndic du district de Rouen, détenu à Saint-Lô, puis à Saint-Yon,
par ordre du Comité de Rouen, du 49-28 brumaire au 19 thermidor an II, c'est-à-dire
pendant huit mois. Né à la Grâce, Saint-Thomas-la-Gogne (Eure), le 9 avril 1750,
m. à R. le 23 avril 1812, Thomas, devint juge au tribunal du district, puis proc. général
à la Cour de justice criminelle, député de la Seine-Inférieure et conseiller à la Cour
impériale. Chevalier de l'Empire, il avait ces armoiries singulières : de sable aux tables
de la loi d*or, traversées en face d'un badelaire d'argent et surmontées d'un œil out^ert
rayonnant d'or, à la Champagne de gueules chargée du signe des chevaliers. (Vicomte
A. Révérend, Ai*morial du premier empire.)
(2> Ces registres, qui furent restitués au comité le 9 brumaire an iv, existent. •
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et pour GailloQ, le tribunal criminel (1) a vu que le jury n'était pas
compétent pour prononcer sur les incidents relatifs à la forme et à
la suspension des débats r>, et conformément aux réquisitions précises
de Thiessé, condamnait Lambert et Gaillon à six ans de gène, avec
exposition aux termes de la loi et l'affiche du jugement, et solidai*
rement en 20,000 livres de dommages intérêts envers Malandain,
qui en demandait 100,000 par Torgane de Héron.
Il ne semble pas que, comme on Ta supposé (2), ce jugement ait
été réformé sur pourvoi de Lambert et Gaillon. Ceux-ci, par Guim-
berteau, qui essaya de faire désigner un rapporteur de son choix,
Bézard, sollicitèrent un sursis qui parait avoir été d'abord repoussé
par l'ordre du jour, puis accordé par un décret du 15 thermidor. Ils
avaient présenté à la Convention le 6 thermidor une pétition dans
laquelle, entre autres arguments, ils invoquent que l'un des jurés,
Thomas, et l'accusateur public Thiessé, avaient été détenus par
ordte du comité. Cette pétition est suivie d'un projet de rapport et
de décret dont le dernier considérant porte que « le tribunal criminel
de la Seine-Inférieure parait s'être trop abandonné à l'influence
excessive des passions. » Le décret eut reconnu qu'il n'y avait point
délit d'attentat h la liberté individuelle et cassé et annulé le juge-
ment et rendu Lambert et Gaillon à la liberté, en les réservant à se
faire restituer les 20,000 livres qu'ils avaient payés à Malandain (3).
Des poursuites semblables étaient dirigées contre d'autres
anciens membres du Comité, et même aussi contre Gaillon. Le
16 messidor, trois jours avant le jugement Malandain, Daupeley
ordonnait que Gaillon fût retenu en la maison de justice comme
prévenu d'attentat contre la liberté individuelle des citoyens
Doury (4) et Laugeux. Pareilles mesures, pour autres causes, étaient
(1) Legendre, président; Rolland, Dufay et Levarlet, juges; Thiessé, ace. public. et
Paynel, greffier.
(2) M. de la Quérière présume qu'ils appelèrent de ce jugement et qu'il fut réformé.
(3) Arch. nat. D m, 273.
(4) Ch. -Louis Doury, 52 ans, ex-procureur au parlement, rue du Pré, arrêté le
2 pluviôse an II, sur mandat signé de Darcel seul, sorti de Saint- Yon pour rester
consigné chez lui et mis en liberté par Sautereau, le 17 frimaire an III. Le il prairial
an III, il redemandait, furieux, une culotte de peau de mouton, portée au comité lors
de la perquisition chez lui. Son frère, à l'armée de l'Ouest, et son beau-frére, Simare,
de C len, demandaient en l'an II des pièces relatives à des biens que leur mère avait à
réclamer sur le prince de Monaco à Varengeville. (Arch. mpales.)
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prises encore contre le môme les 6 fructidor an III, 4 et 23 vendé-
miaire an IV; contre Poisson (1), les 16 messidor, 5 thermidor et
23 vendémiaire ; contre Pillon, Lamine et Darcel, les 16 messidor et
6 fructidor ; contre Regnault, le 16 messidor ; contre Godebin, les
5 messidor et 6 fructidor, et contre Foret, Lefebvre-Signol, Troussey
et Blot, commissaire de police, le 6 fructidor.
Elles étaient motivées par des actes arbitraires contre des
citoyens (2), des illégalités, absence de certams registres, condam-
nation de soldats ; par l'annulation de certificats de civisme délivrés
par la commune de Rouen ; la destruction, sous prétexte d'épuration,
d'une partie de la cavalerie destinée à combattre les rebelles ; la
disposition de fusils provenant du désarmement des citoyens, et de
barils de gros sols à Fayolle ; la violation des propriétés particu-
rières en saisissant les effets les plus précieux chez les détenus ; la
contravention à des décrets en s'appropriant la surveillance des
maisons de détention et en interceptant des lettres. Regnault était
spécialement accusé d'avoir détourné 300 livres provenant de la
vente de Therbe du clos d'Yon, et Godebin « d'abus de pouvoir
» dans ses fonctions d'agent de représentant du peuple, pour avoir
D fait saisir et vendre une cavale appartenant au sieur Duval
» (de Beaumets) ». (3)
Une des victimes les plus bruyantes et les plus acharnées du
Comité, Laugeux, délégué par les commissaires de sections pour
(1) Poisson, resté malade à Saint-Lô, fut transféré à la maison de justice, le 23
thermidor.
(2) Not*. Renard, Petit, Saillard, Bonjour, Le Blond, Papillon, Lemercier frères,
f> Bouville, Gueudry, de Lessart, f« Vasse, Belliard, Cavelier, veuve Banastre, Martin
frères, Froudière, Perrin, Guisier, Dubosc, Vasse, Démarest, Hucher, Goube, citoyenne
Malortie, Pierre Dufour, Carré, Lozier, Février, Melfort, etc., etc.
(3) Vincent-Raoul-Louis Duval de Beaumets, ancien conseiller au parlement,
64 ans, rue Ganterie, 17, détenu à Saint-Yon du 2 frimaire an II au 4 brumaire an III
( onze mois ) . Lors de Tarrestation de sa femme, née Guyot, le 27 germinal an II,
Rupalley, en présence de Poisson, saisit « une jument alezane, queue à l'anglaise,
» marquée en tête de trois bazannes [sic), hors d'âge, 4 pieds 7 pouces, remise aux armées
3 nationales comme bête de luxe et estimée à 100 livres, poussive et courbatue^ le tout
> d'après les ordres du citoyen Godebin-Jouvenet, agent du représentant du peuple
> Guimberteau, chargé de l'encadrement de l'armée des côtes de Cherbourg. » (Ârch.
mpales.) — D'après le manuscrit de Horcholle, Godebin fut renvoyé au jury « pour
avoir volé le cheval du citoyen Duval de Beaumest. »
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accumuler le plus grand nombre possible de preuves d'actes réprè-
hensibles contre les membres de ce Comité, les recherchait avec
Tautorisation du district à la Conciercerie et à la prison de Saint-
Lô. Duclos et Debonne fils, au nom des vingt-six sections, obtenaient
du district de se renseign'^r dans les registres de la Société
populaire. (1)
Pendant que Hardy raconte à la Convention que les royalistes
oppriment tous ceux qui avaient été patriotes en 1789, et contribue à
faire instituer une commission de douze membres, chargée de mettre
en liberté ceux qui ne seraient inculpés d'aucun délit, (2) les ter-
roristes rouennais encombrent de leurs pétitions les comités do la
Convention et ne négligent aucune des ressources de la loi.
Les actes d'accusation contre les plus attaqués d entre eux
les considéraient comme prévenus d'attentats à la liberté individuelle,
d'avoir, méchamment, et h dessein, OU par l'effet d une négligence
coupable. . . (3) Qu«)ique le jugement do Lambert et Gaillon eût pro-
noncé pour des faits analogues une peine exclusive — plus tard —
de la mise en liberté provisoire sous caution, Pillon et Lamine
réclamèrent et obtinrent de bénéficier de cette faculté, à la faveur
sans doute de l'incertitude de la législation transitoire. (4) Thiessé,
accusateur pubic. après avoir fait remarquer notamment que, a dans
le fait particulier, l'importance du cautionnement doit se mesurer
non seulement sur la nécessité de faire représenter l'accusé, mais
encore sur les dommages-intérêts qui peuvent être la suite du
jugement, » apposa deux « n'empêche, » sur le vu desquels le tri-
bunal, le 13 thermidor, accordait à Pillon et à Lamine liberté de
leurs personnes, en donnant préalablement caution légale jusqu'à
concurrence de 60,000 livres chacun. (5).
Ces cautions furent-elles fournies ? je ne sais ; mais il est cer-
(1) L'autorisation à Laugeux, signée Cartier et Delarue, est du 14 prairial;
l'autre est du 15. (Arch. mpales).
(2) Moniteiir du 12 thermidor an III, p. 1257, col. 2.
(3) Mandat d'arrestation (15 thermidor), et actes d'accusation signés (ces actes),
d'Esnard, directeur du jury et not. de Laugeux contre Gaillon, Darcel, Regnault,
Poisson, Pillon et Lamine (4 thermidor).
(4) V. sur la liberté sous caution, art. 30 titre I" de la loi du 16 sept. 1791.
(5) Reg. du Tribunal criminel.
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tain qu'elles ne purent procurer la liberté à Pillon et à Lamine, trop
ardemment veillés pour échapper alors, môme momentanément, à
leurs ennemis. Les nouveaux écrous ordonnés par Daupeley (voir ci-
dessus) les 16 messidor et 6 fructidor, rendirent illusoire le jugement
du 13 thermidor.
Les divers procès contre les anciens membres du comité étaient
conduits avec une désinvolture qui ne surprend pas trop à cette
époque. Ainsi, le 4 fructidor, sur une pétition de Regnault, malade,
ne pouvant subir Tépreuve d'une procédure criminelle, et « compris
dans l'accusation où il a pour accusés Pillon, Lamine, Gaillon,
Poisson et Darcel, et considérant qu'il importait que tous les
accusés/ussent mis conjointement en Jugement et leur procès soumis
au même Jury » le tribunal accordait à l'accusateur public une proro-
gation de délai jusqu'à la session de vendémiaire (1).
Or, le 20 fructidor, sur la plainte de Doury, Darcel comparaît
devant le tribunal criminel, y fait entendre à sa décharge Le Contour,
Bouvet, Lamine, Pillon, Pinel, Poret, Godebin, Lefebvre-Signol et
Gaillon. Les réponses du jury ayant été négatives, Darcel fut
acquitté. Néanmoins, audience tenante» Doury prit des conclusions
sur lesquelles le tribunal condamna Darcel à lui payer 10,000 livres
comme cause occasionnelle de son emprisonnement.
Encore bien qu'il échappât aux « six années de géhenne et quatre
heures de poteau, et aux cinq sixièmes de? 60,000 livres de dom-
mages-intérêts auxquels « l'avide procureur » voulait le faire
condamner, Darcel n'en ressent pas moins un très vif émoi : d'abord,
le pourvoi en cassation contre un « prononcé si bizarre » (2) n'arrêtant
pas l'exécution, Doury se promet de le a ruiner provisoirement en
(1) Reg. du tribunal criminel. Pendant cette période, Levarlet préside. Legendre est
malade et ne reparait que le 7 vendémiaire an IV.
(2) La question de Tinconciliabilité de l'acquittement avec l'allocation des dommages
intérêts a depuis donné lieu à de nombreux arrêts à la suite de l'application de
l'art. 358 du code actuel d'instruction criminelle. Les art. 2 et 3, titre viu de la loi du
16 septembre 1791 étaient trop vagues pour servir de base à une demande en dom-
mages-intérêts. Le Jury déclare qu'il est constant que sur le registre du Comité, coté A,
pages 273, 274 et 27d, à la date du 3 frimaire an II, il existe un ordre d'arrêter Doury,
que cet ordre est signé de J. Darcel seul, que Doury a été arrêté le 2 pluviôse, que
Tordre est un acte arbitraire, que J. Darcel n'en est peu convaincu...
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paperasse». La vérité est que 10,000 livres à verser ne pouvaient
amener un tel désastre, mais ce qui est réellement inquiétant
c'est que s'il n'obtient pas l'annulation de ce jugement, tous ceux
dont il a signé les mandats d'arrêt vont, alléchés, « fondre sur lui par
essaim ». (1)
Les alarmes des terroristes grandissent en voyant que le décret
bienfaisant du 6 thermidor ne leur donnait pas la liberté. L'approche
de la session de vendémiaire, dans laquelle vont comparaître ceux
qui restent à juger et qui sont ensemble « sous le coup de conclusions
effrayantes de plus do qumze cent mille livres de dommages-
intérêts, » fait surtout craindre à ces « bons pères de famille, des
teinturiers, des marchands, » de se voir dépouiller de la « petite
fortune qu'ils ont reçue de leurs parents ou qu'ils doivent à leurs
travaux ». Un nommé Renard, commissaire de police, « que toute
la commune connaît pour avoir été le vil esclave du ci-devant parle-
ment, de la maison d'Harcourt et de tous les principaux agents du
despotisme royal, conclut contre nous en 60,000 livres pour soixante-
dix jours de détention ! » Ils demandaient qu'il fut mis un terme
à l'oubli des principes et au mépris des lois résultant des procédés
de leur juge, Daupeley a cet ancien détenu, réintégré par Sau-
tereau. » (2).
Foreau (3) chargé de leur défense devant le Comité de législa-
tion, rédigeait le 20 thermidor un mémoire s'attachant visiblement
aussi à dissimuler que plusieurs d'entre eux étaient des hommes de
loi:,.. «Tous, époux et pères de famille, négociants et fabricants
(1) Ârch. nat. Pétition de J. Darcel, du 23 fructidor, présentée par la V* Sarrazin
sa sœur, demeurant à Pans» rue Meslé, 31. Celle-ci pétitionne de nouveau le 27. Nicolas
Darcel avait, aussi pour J. Darcel, présenté un mémoire à la Convention. En outre,
J. Darcel se joint à la plupart des requêtes collectives des autres terroristes détenus.
(2) Arch. nat. D m 273. Pétitions des 11 et 15 thermidor et 23 fructidor.
(3) Vraisemblablement le même que Foreau, Tun des metnbres de la Société popu-
laire qui dépose à la suite des incidents provoqués par les procédés de Pillon et Carré,
lors de la translation du buste de Marat (v. chap. xvii«). Le 3 juillet 1806, Jacques-
Julien-Nicolas Foreau, né à Chartres, fils de Jacques Foreau de Trizay, ancien
magistrat, dem» à Chartres, et de M.-Th. Conbré, épouse, à Rouen, Marie-de-Chantal
Lhërmitte, fille d'un négociant de la rue Saint- Vincent. Foreau de Trizay avait chargé
de sa procuration J.-B. Blondel, marchand, rue des Bons-Enfants, pour le représenter
à ce mariage, auquel assistait une d« Foreau-Simonneau, M. Baumis, m* de pension, et
Laurent-Adrien Vasse.
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— 521 —
ont abandonné leurs affaires domestiques, leurs intérêts commer-
ciaux... a
. • . Oot-ils trempé leurs mains dans le sang ? Non, et jamais les murs de
Itoaen n'ont été placardés de jugements à mort 1(1). Rouen a-t-il yu son
territoire souillé par l'établissement de commissions militaires (2), révolu»
iiormaires f Non, les administrateurs, diffamés maintenant, s'y seraient
opposés, et plusieurs l'ont fait lorsqu'il s'est agi d'établir à Rouen une com-
mission joopaZatre; ils prévoyaient les suites qui pourraient en résulter.
C'est ce que leurs ennemis ne savaient pas et ce qu'il est bon de leur
apprendre...
Leur crime, à les entendre, ne peut être que d'avoir « exécuté
les lois de la Convention, lois séoères à la vérité, mais dont le
mépris les eut conduit à Téchafaud. )) Toutes les lois, y compris celle
du 16 fructidor, écrivent-ils, défendent aux tribunaux, sous peine
de forfaiture, de-connaitre des actes d'administration. Et ils invo-
quent le témoignage de leurs a anciens frères d'armes dans la
carrière révolutionnaire, » Mariette, Blutel, Lecomte, Duval, Hardy,
Albitte le jeune, Revellè, Legendre, Louchet, Siblot, Alquier,
Guimberteau, Saladin et Pocholle (3).
En môme temps qu'une loi sur les moyens de terminer la révo-
lution, la Convention votait une Constitution de la République
a substituant la République bourgeoise à la République démo-
cratique )) (4) et une nouvelle déclaration des Droits de l'Homme
(5 fructidor an III). La lecture du tout et celle d'une adresse au
peuple français et d'un décret du 13 sur le mode de réélection des
deux tiers de la Convention, eut lieu à la commune de Rouen le 19
et fut suivie d un discours dithyrambique dans lequel le maire Goube
faisait partager son enthousiasme à ses collègues de la commune.
Les terroristes emprisonnés ne restaient pas indifférents à ces
(1) Cette affirmation de Foreau est inexacte : Les jugements de Herte, de Ramfre-
ville et de Delamare, notamment, ont été placardés à Rouen.
(2) La loi du 9 oct. 1792 avait institué des commissions militaires composées de
•cinq personnes nommées par l'état-major de l'armée, pour juger les émigrés pris les
armes à la main ou ayant servi contre la France (v. aussi art. 74 L. du 28 mars 1793) .
Peut-être y eut-il à Rouen l'équivalent dans le Tribunal militaire pour lequel la
commun 0 designs des jurés ^ les 11 et 15 floréal an ii ( Reg. de l'Hôtel-de-YiUe).
(3) Arch. nat. D m, 273.
(4) F. Aulard, La Constitution de Van III et la République bourgeoisCf la
Révolution Française, févner 1900. )
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transformation» politiques. L'un d eux, Lefebvre-Signol, adressait
à Casenave, qui la transmettait à la commune, une pétition demandant
sa liberté sous caution pendant la tenue des assemblées primaires
pour y manifester son acceptation de la Constitution, Après avoir
hésité, semble-t-il, le conseil jugea qu'il serait peut-être dangereux
pour la sécurité personnelle du pétitionnaire et la tranquillité
publique qu'il parut dans une assemblée, mais qu'il pourrait envoyer
son acceptation écrite au président de sa section. (1) Rien n'indique
que ses compagnons furent autorisés à agir de même.
La grande majorité des sections, sinon des électeurs (2), se
prononça en faveur de l'œuvre nouvelle des conventionnels. Des
mesures avaient empêché des troubles lors du vote, mais les jours
suivants des désordres eurent lieu au Théâtre-des-Arts. « Des factieux
y avaient pendant longtemps bravé l'autorité et menacé la tranquillité
des citoyens. Des pièces de théâtre y étaient réclamées avec affecta-
tions ». Cinq mauvais sujets, contrariés dans leurs desseins, retour-
nèrent à Paris où la municipalité de Rouen transmit leur signale-
ment. Deux des factieux furent punis sur le champ par la police et
d'autres poursuivis.
Cette répression ne sufl5t point à rassurer Casenave, alarmé des
ravages extraordinaires causés par le journal de Robert, Y Obser-
vateur de V Europe, distribué avec profusion. « L'esprit de parti,
de sédition, de calomnie, le fanatisme et le royalisme sont prêches
par Robert avec une révoltante insolence. » Il imprime que la
généralité des sections de Rouen a rejeté le décret du 5 fructidor
relatif à la réélection, et que dans la représentation nationale il
ne voit presque d'irréprochable que la sonnette. (3)
(1) Reg. de rHôtel-de-Ville.
(2) D'après le procès-verbal de la séance de la commune de Rouen, du 25 fructidor,
les 10«, 11* et 12* sections avaient rejeté le décret du 5 fructidor et les 23 autres sections
l'avaient accepté ainsi que la Constitution. — On apprend ailleurs que, sur les 23,505
électeurs inscrits à Rouen, seulement 5,410 avaient accepté la Constitution et 3,014 le
Décret. Les sections avaient alors désigné les électeurs pour nommer ,1e tiers des
députés (Arch. nat.). Casenave écrit que les troupes de Rouen ont aussi accepté la
Constitution .
(3) Arch. nat. F7 36892 — Le mot de Robert sur la sonnette paraît être une réminis-
cence de celui attribué, je crois, à Carrier traduit devant la Convention : « Tout le
monde est coupable ici, jusqu'à la sonnette du président.
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— 523 —
Robert avait plusieurs aides dans son œuvre obstructive : Le
4« jour complémentaire, Guilbert, rédacteur de la Vedette normande,
envoie au procureur de la Commune le Courrier républicain de
l'avant-veille, qui donne un récit anonyme, calomnieux, des troubles
du Théâtre-des-Arts et injurie Casenave et divers citoyens et fonc-
tionnaires. L'ex-abbé Bignon, en mission à Paris, en désigne l'auteur
à la Commune : c'est Pedro Gaillard, de la Gœsette Unicerselle (1),
la doublure de Robert.
Casenave avait fermé le théâtre le 26 thermidor jusqu'à nouvel
ordre et mis en arrestation quiconque en provoquerait la réouver-
ture et chanterait dans les rues des chansons ou hymnes. Il défendait
aux citoyens aucune des qualifications irritantes de jacobins, terro-
ristes, buveurs de sang, royalistes, chouans ou autres (2).
Les journées de vendémiaire, auxquelles se trouvèrent môles
Robert et Danican, ramenèrent fâcheusement l'attention sur les
rouennais.
Le 2 vendémiaire, Robert, « électeur et homme de loi, ex-prési-
dent de la 10® section de Rouen » adressait aux citoyens de la section
Le Peletier de Paris, qui s'érigeait en section centrale, une lettre
immédiatement placardée dans toute la Commune de Paris, lettre
outrageant la représentation nationale et montrant quelles étaient
les relations entre Robert et ceux qui allaient se révolter contre la
Convention (3).
Le Messager du Soir (4) dont Robert était le correspondant,
représentait, les 4 et 8 vendémiaire, le conventionnel Hardy comme
ayant soufflé la guerre civile, comme s'étant mis à la tête des
(1) Heg. de rHotel-de-Ville, 4« j. compl. an III et 9 vend, an IV. — « Pedro Gaillard,
sans état, a été le collaborateur de Robert ; a été trouvé digne en l'an V, de présider
une des sections de TAss. primaire de S'-Patrice dont son ami Robert était le président
général ; il a été en même temps commandant de bataillon portant l'uniforme dit de
Louis XVI II. C'est lui qui. à la tête de 80 hommes, fut arbitrairement chercher le
patriote Pascal et lui fit supporter, tant chez lui que dans les rues de Rouen, les avanies
les plus désagréables ». (Note de police de l'an Vil, Arch. du dép»).
(2) Arch. du dép». — Cet arrêté est applicable aussi à la Somme.
(3) Motifs de l'ordre d'arrestation du Comité de sûreté générale contre Robert. —
Arch. nat. F? 36892
(4) Ce journal cesse de paraître quelques jours après et prend, le 29 du même mois,
le titre de Courrier de VEurope, ( M. Toumeux, Bibliographie de VHistoire de Paris.
t. u, no 10,908).
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assassins. Vivement impressionné par ces violentes attaques, Hardy
prie Casenave de faire afficher à 50 exemplaires, dans Rouen, sa
défense prononcée dans la séance de la Convention du 8. Il parle
d'un ennemi qu'il a dans Paris et qui ne le perd jamais de vue :
Langlois (1), rédacteur du Messager du Soir et correspondant de
l'Observateur de l'Europe (2).
Le général Danican prenait l'attitude la plus incorrecte en
publiant dans le n® 43 de Y Observateur de l'Europe une lettre incul-
pant gravement le général Huet, son supérieur, et Bignon le jeune,
alors secrétaire de ce dernier, mis personnellement en cause, deman-
dait à Noôl d'insérer une réponse par lui adressée en son propre nom
à Danican. Noël s'y refuse en invoquant la règle qu'il s'est faite, et en
renvoyant Bignon à l'Observateur qui, ayant publié l'attaque, ne
peut refuser la réponse (3).
A la suite de cet éclat, le général est l'objet d'une disgr&ce à
laquelle la Commune de Rouen essaye de le soustraire en engageant
le Comité de Salut Public à révoquer l'ordre donné à Danican de
passer à un autre commandement (4). Cette démarche est appuyée
par le département et le district qui ne craignent pas plus que la
Commune de se compromettre en montrant le désir de conserver un
chef qui, « par son intelligence, son zèle et sa fermeté, avait très
habilement concouru au maintien de l'ordre à Rouen et ailleurs. » (5)
Elle ne réussit point, puisque les 13 et 14 vendémiaire, Danican
« que sa jactance avait fait distinguer par les conspirateurs » (6) se
(1) Mdore Langlois, mentionné par M. Toumeux, ouvr. cité n« 11452.
(2) Arch. du dép». — Exemplaire du placard de Hardy. Pendant cette période le
Moniteur désigne inexactement le député de la Seine-Inférieure sous le nom de Lehardi,
qui était celui d*un député girondin du Morbihan, médecin aussi, guillotiné le 7 frimaire
an II (30 oct. 1793).
(3) Journal de Rouen du 29 fructidor an III, n<» 177, p. 157.
(4) Il s'ensuit que Danican n'avait pas été révoqué comme on l'a dit, mais seulement
déplacé. Il est absent de Rouen dés le 22 thermidor. Le 2 vend, an IV, l'adjudant-géné-
ral Bonneviile prend le commandement de la place de Rouen par ordre du général
Huet. J'ignore si l'arrestation par ordre de Bonneviile de son propre secrétaire, Nicolas
Faucon, pendant quarante-huit heures, les 11 et 12 brumaire, se rattache aux incidents
de vendémiaire. (Reg. de l'Hôtel-de-Ville et notes de l'auteur).
(5) Reg. du dépar^, 5 thermidor an III.
(6) Dubois-Crancé, Analyse de la Révolution française^ ouvrage posthume publié
par Th. lung, 1885, p. 161.
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— 525 -
trouvait à la tête des sections parisiennes assiégeant la Convention
et subissait la défaite qui fut si favorable à la carrière de Bonaparte.
La crise de vendémiaire, sanglante à Paris, eut son contre-
coup à Rouen où Ton ressentit la frayeur qui s'était manifestée au
plus haut degré dans la capitale. (1) Vers ce temps-là, Vimar fut
couvert d'outrages « par les ennemis de la République. » (2) Il
fallut un soir faire fermer le Théâtre-des-Arts. Mais, dès le 17, on
constate un apaisement marqué par l'abandon, que font un très
grand nombre de jeunes gens, de la tresse et des parements noirs et
verts. (3)
Aussitôt l'échec des sections parisiennes, Danican parvint à
s'enfuir et se cacha d'abord à Rouen même, chez un de ses amis,
Laumonier de la Motte, négociant. (4) Les scellés furent apposés
sur ses papiers et effets au ci-devant évèché, en même temps que
chez le journaliste Robert.
A défaut de ce dernier que, dans la séance de la Convention du
17 vendémiaire, Hardy se félicitait de voir de nouveau mife en état
d'arrestation et qui s'était empressé de disparaître, Casenave avait
fait arrêter le 15 «. comme prévenus d'intelligence avec ce folliculaire »
Angélique Lefebvre, sa femme, qu'il mit en liberté le 8 brumaire
suivant, et son premier commis, Masse, libre dès le 1®' brumaire. (5)
Pour éloigner les soupçons réveillés contre les rouennais par le
concours actif de Robert et de Danican aux événements de ven-
(1) Lettre de Hardy k la commune de Rouen, du 14 vendémiaire, racontant la
journée du 13, et dont les dernières phrases ne furent pas lues en séance parce
qu'elles exigeaient des mesures de sûreté qu'on ne voulait pas divulguer {Journal de
Rouen du 16 vend. pp. 64-65 et note.)
(2) Post-scriptum d'une lettre de Casenave au ministre de la police, du 25 plu-
viôse an III (Arch. nat. carton cité).
(3) Journal de Rouen du 17, p. 68.
(4) Note de police de Tan VII, (Arch. du départ.)
5) La citoyenne Baron, née Berment ou Bavoust, belle-mère du général, un enfant
de huit ans, fils adoptif de la citoyenne Danican, Martin Liber, domestique du général,
Christophe Robert, dix-huit ans, chasseur au 14« régiment, demeurant chez Danican,
Nicolas-Ch. Brignon, son adjudant, lurent emprisonnés à Saint-Lô et transférés dés le
17 vendémiaire à Paris, sauf Liber et Robert, relâchés presque immédiatement. Le
25 frimaire an IV, par ordre du département du 23, Laugeux, commissaire de police,
délivre aux citoyennes Bavoust et femme Danican les objets leur appartenant, qui se
trouvaient sous scellés. (Notes de l'auteur).
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démiaire, il fallut que le député Lccomte vint répondre devant
l'ombrageuse Convention du zèle et des vertus civiques de la grande
majorité des citoyens de Rouen, et se plaindre de ce que les contre-
révolutionnaires eussent été protégés dans cette commune. (1)
Cependant les terroristes détenus et leurs défenseurs cherchaient
encore la voie et la formule dans lesquelles devait être leur salut,
préparé bien sciemmedt, on n en peut douter, par larticle 203 de la
Constitution défendant aux juges de citer devant eux les adminis-
trateurs pour raison de leurs fonctions, défense déjà dan<î la
Constitution de 1791. Mais cet article avait-il un effet rétroactif et
les membres des comités étaient-ils des administrateurs ?
Quand l'acceptation de la Constitution fut certaine, les conven-
tionnels, désormais confiant» dans leur propre sécurité, n'hésitèrent
plus. Le 21 vendémiaire, un décret interdisait à tous juges do
prononcer aucune condamnation contre les anciens membres des
comités révolutionnaires, municipalités et administrations à raison
des arrestations décernées par eux, lorsqu'elles ont été ordonnées
par la loi du 17 septembre 1793 (2). Les jugements qui les avaient
condamnés sont annulés ; les amendes et dommages-intérêts seront
restitués et les détenus élargis sur la simple ordonnance du tribunal
cicil (3). Puis, le lendemain 22, autre décret défendant aux juges de
paix de traduire devant le directeur* du jury, aucun citoyen non
prévenu de meurtre, d'assassinat, de vol, d* attentat contre la liberté,
et leur prescrivant de relâcher dans les vingt- quatre heures ceux qui
ne seront pas dans ces conditions (4).
S'il était possible de prétendre que le second décret ne s'appli-
quait point à Pillon et autres, accusés d'attentats à la liberté indivi-
duelle, il ne Tétait guère de ne pas voir que le premier visait leur cas.
Il fallut donc s'exécuter : le 25 vendémiaire an IV (17 octobre 1795),
Daupeley eut la douleur d'ordonner la mise en liberté de Pillon,
(1) Monitenr du 31 vend, an IV, p. 84, col. 2.
(2) Loi qui détermine les gens suspects, ordonne leur arrestation et prescrit aux
Comités de surveillance de dresser une licte des suspects. (Rondonneau, t. 4, S^p-*,
p. 637.)
(3) Moniteur du 25 vend, an IV, p. 110 ot coll. Rondonneau, t. v, 2« p., p. 599.
(4) Moniteur û\i 20. V. les deux décrets avec des variantes singulières dans le
Jouirai de Rouen du 22 vendémiaire.
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Poret, RegDault, Godebin, Poisson, Lambert, Lamine, Darceli
Pinel, Troussey, Lefebvre- Signol et Blet (1), que Gommé, le jour
même, fit sortir tous de la maison de justice (2).
Pillon dut accueillir cette solution définitivement libératrice
avec une joie d'autant plus grande qu'elle arrivait plus tôt qu'il ne
l'attendait. L'avant- veille, 23, il s'adressait encore au Comité de
législation pour lui demander justice (3).
La mise en liberté des terroristes ne parait avoir donné lieu, ni
d'un côté ni de l'autre, à des démonstrations ou à des protestations
bruyantes. Peut-êtr 5 chacun subissait-il, au moins momentanément,
la nécessité de se consacrer à ses affaires personnelles . . .
I
I
(1) Nicolas-Abraham Blot, marchand, ex-commissaire de police, marié, iv» ans,
demeurant à Rouen, rue du Tambour, parait avoir été détenu beaucoup plus tard ljup'
les autres terroristes. Par ordre de Herrubé, le 27 thermidor an m, il est amené prfivi-
soirement à Saint-Lô, prison des militaires, « pour ne pas être au violon ».
(2) Notes de l'auteur.
(3) Arch. nat. D m, 273.
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i
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CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME ET DERNIER
Compte moral de la municipalité Goube, et Rapport du directoire da département -
Franc-maçonnerie royaliste. — Un haat fonctionnaire policier ; les complote soni
le directoire ; la Théophilanthropie. — Les conseils des Cinq-Cents et des Anciens ;
ce que deriennent nos conrentionnels. — La fin de Pillon. — Poret, Hubert et le
Télégraphe. — Encore Robert de Saint-Victor et Rlanche — Le lans-calotU
Mabon. — Hardy et Thiessé insultés et menacés à Rouen. — Les joumaaz de
Magloire Robert. — Lecoq dit Vidame, Villeneuye et Le Bouvier. — Les réTolu-
tionnaires et la postérité. — Résumé-conclusion.
I
Moins d'un mois après, l'administration municipale était encore
renouvelée, cette fois « en l'assemblée communale ». Pour ses
85,000 habitants, chiffre officiel de sa population, Rouen avait droit
à neuf officiers municipaux (1) qui élirent pour président Lézurier (2),
détenu comme suspect en l'an ii.
Au moment d'installer leurs successeurs, le 25 brumaire
(16 novembre 1795), Goube et les officiers municipaux et notables en
fonctions depuis messidor (juillet 1795) rendent un Compte moral
qui se fait remarquer par un accent de sincérité contrastant avec le
tableau inexact des travaux de la municipalité Pillon. Leur rapport
est loin d'être complet, sans doute, mais ils osent mettre à nu
quelques-uns des maux enfantés par la désorganisation gouverne-
mentale. Ils appellent l'attention sur les désordres à corriger dans
une police à la nomination du peuple et qui dédaigne la censure de
la municipalité, rend vaines ses réquisitions et inutiles ses efforts,
(1) Constitution de l'an m, art. 182. Les neuf officiers municipaux sont Lézurier,
Lelièvre fils, Pinel père, Quillebeuf, Beauvais, F.Rilmrd, Adam, F.Monnier. Jouanne fut
nommé pour remplir provisoirement les fonctions de commissaire exécutif.
(2) Louis-Geneviève Lézurier de la Martel, né à Rouen, le 27 mçd 1765, mort au
Val-de-la-Haye, le 22 janvier 1852, fils de Pierre-Louis Lésurier et d'Anne-Françoise
Le Bouvier ( et non Le Boursier ), devenu, en 1808, chevalier, et en 1810, baron de
TEmpire. Son frère Jacques-Catherine Lézurier, avait épousé, le 24 novembre 1794, une
fille de M. de Fontenay.
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— 529 -
désordres qui vont cesser, la loi ayant rendu aux administrateurs la
nomination des commissaires (1). Ils parlent aussi des nombreux
abus de Thospice d'humanité, où les règlements sont insuffisants et
faciles à éluder : beaucoup d'agents, point d'ensemble, des talents
sans récompense, l'économie oubliée, la prodigalité sans censure, un
déficit important à cet hospice et à Thospice^général, avec des
secours de près de trois millions de livres, obligatoires de la part de
l'Etat, depuis qu'il s'est emparé des biens des hôpitaux (2).
Il est intéressant de rapprocher aussi ce compte moral du
rapport de l'administration départementale, depuis le mois de
novembre 1792 jusqu'au renouvellement du !•' brumaire an iv;
malheureusement, on ne peut ici passer en revue les 327 pages
jn-4** de ce rapport (3) où domine la préoccupation de glorifier les
membres du département, où l'on remarque des supercheries fré-
quentes telles que celles qui consistent à tronquer l'adresse du
département lors des troubles de la Rougemare, à omettre, dans
l'énumération détaillée des changements dans le personnel admi-
nistratif, le passage de M. de Fontenay de la présidence du direc-
toire à la mairie en brumaire an ii, et même à dire qu'il fut incarcéré
étant président de l'administration départementale (4). Avec une
sorte de cynisme, les rédacteurs de ce rapport se félicitent d'avoir
été réduits à l'inaction, à l'impuissance, par l'arbitraire des repré-
sentants Legendre, Lacroix, Louchet, Siblot, etc., dont ils compa-
rent les actes à ceux des magistrats romains (5). Tandis que la
municipalité Goube insiste sur les abu^ qui s'étaient multipliés dans
(1) Cette loi datait du 19 vend, an iv. Au nombre de ceux qui Tavaient provoquée,
sont le conseil général de la commune de Rouen et le nouveau comité de surveillance
I Reg. de THôtel-de-Ville, 14 thermidor an m).
{%) La reconstitution du patrimoine des hôpitaux s'effectua le 18 brumaire an vi.
Dés les 5-18 frimaire an m, la municipalité Le Boucher constatait la désorganisation et
rimpuissance des établissements hospitaliers et de bienfaisance (Voir les registres de
l'Hôtel-de-Ville, à ces dates).
(3) A ce rapport, signé de P. Grandin, Bouvet, Thomas, Portrait, Turgis, Pain,
Auber, B^Ihoste, sont annexés des tableaux destatistiquenonsansintérét. Ony voit, par
exemple, qu'en l'an m, l'étendue des terres ensemencées a diminué dans le district de
Rouen de près de 7,000 acres ; dans celui d'Yvetot, de [10,000 acres, et dans celui de
Dieppe de 11,000 acres.
(4) \^ partie, p. 47.
(5) id. p. 37.
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-580 —
les hôpitaux, le directoire du département, à la même époque, veut
que ces hôpitaux soient dans une situation aussi satisfaisante que les
circonstances peuvent le permettre : « Tadministration actuelle du
département n'y a pas peu contribué. (1) wlls-fournissent nonobstant
des renseignements curieux, entre autres ceux-ci : les livres élémen-
taires ou classiques des ci-devant collèges, bien loin d'être contraires,
étaient favorables aux nouvelles maximes, et les instituteurs
patriotes restés dans les maisons d'éducation continuaient à les
expliquer à leurs élèves (2).
L'époque du retour au fonctionnement normal des administra-
lions est encore éloignée. Les administrateurs resteront aux prises
avec les diflScultés, les récriminations, les intrigues et les conspira-
tions bien longtemps après le moment (prairial an rv) où se terminera
la mission de Casenave.
Les réactionnaires s'efforcent, cependant, d'étendre partout leur
ascendant et, pour atteindre ce but, n'hésitent pas à imiter les
procédés employés par leurs adversaires au début de la révolution.
En l'an v, ceux qui dirigeaient à Rouen le parti royaliste, convaincus
que les Jacobins n'étaient arrivés et ne s étaient maintenus au
pouvoir qu'après s'être organisés pour occuper toutes les fonctions
publiques, imaginèrent de former une association des origines de
laquelle il existe dans les archives des traces peu connues et même
ignorées. L'existence de cette association, succédané de la franc-
maçonnerie, si ce n'était pas la franc-maçonnerie elle-même, éta-
blirait que les loges de Tan v n'étaient pas toutes républicaines et
confirmerait l'exactitude des rapports de police qui en signalent
alors comme étant des foyers d'opposition royaliste (3).
Il faut laisser à d'autres la tâche de publier les discours des
fêtes rouennaises, sous le Directoire et le Consulat, où le style des
Lézurier, des Grandin et autres (4), approprié aux événements,
s'inspire de celui de leurs prédécesseurs beaucoup plus qu'on ne
(i) id. pp. 33-34.
(2) 2« partie, p. 120.
(3) V. la dernière pièce de V Appendice.
(4) v. notamment les discours de Lézurier, au 2 frimaire an IV, et de Grandin au
^ thermidor an IV (10 août) et 1«r vend, an V (Reg. de rHôtel-de-Ville).
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- 531 —
s'y attend. A d'autres aussi l'œuvre plus facile de raconter le nou-
veau proj )t d'installation de la municipalité dans la salle des Etats
de l'Evêché, en ventôse an IV (1), do compléter, par la révélation
de nombreux incidents, le récit de la persécution religieuse (2) et
des essais d'établissement do la Théophilantropie (3). Signalons
les rapports, si hostiles aux rouennais, de Leolerc-Saint- Aubin, (4)
cet étrange receveur général des impositions du département, agent
du ministre de la police générale ; les efforts de Marinier et de l'ex-
conventionnel Du val, commissaires des directoires du district et du
département poui* déjouer les complots de Plocq (du Vaudreuil), de
Girard, de l'ex-avocat de la Quesnerie et du mathématicien Leche-
vallicr, et pour éclaircir Imvraisemblable affaire des poignards
(David), à laquelle Anquetin de Beaulieu, redevenu commissaire
du directoire exécutif, veut donner les apparences d'une gravité
exceptionnelle (5).
(1) Lettre de Marinier, commissaire pour l'administration cantonale, au commis-
saire près le département.
\2) Les arrestations à la suite de cérémonies du culte catholique sont parfois
nombreuses. Le 8 prairial an VII, dix-huit personnes, parmi lesquelles les citoyennes
Taiiiet, mère et fille, et le 15 messidor suivant, cinquante-neuf autres, comprenant la
citoyenne Boullenger. née Saint-Evron, et les citoyens Malandrin père et Boumisien le
jeupe, sont détenues à Saint-Lô.
\3) « Outre que cette espèce de culte fut on ne peut plus mal conçu, l'autorité n'y
parut prendre aucune part. » (Bailleul, ex-législateur, De VEspHt de la Révolution,
p. 66, Paris, s. d.) Il semble qu'à Rouen, daqs les sphères administratives, on ne vit pas
ces (expériences d'un mauvais œil. Le 27 vendémiaire an VII , le département
homologua une autorisation donnée aux théophilantropes, le 23, de s'installer à
Saint-Patrice, simultanément avec les catholiques. Le 7 germinal suivant, au conseil
municipal, ordre du jour sur pétition demandant l'église Saint-Eloi pour les théo-
philantropes, parce que le Ministre de la guerre s'en est emparé. En nivôse an IV, ils
s'étaient établis en l'église du Mon t-aux- Malades où l'ex-prêtre-joumaliste Guilbert,
débita des discours exécrables (HorchoUe). Gambu fut emprisonné deux fois pendant
cinq décades en germinal-floréal an VII pour tapage aux « filles en troupe. » (Reg. du
dépar* et de l'Hôtel-de- Ville et notes de l'auteur.)
(4) Ces rapports s'expriment sur le compte de Grandin, Selot, Âuber et autres, avec
une liberté qui de\int funeste à leur auteur. Leclerc-Saint-Aubin avait été chef de la
police de Paris. Il occupait, à Rouen, tme partie de l'Evêché qu'il dut évacuer
en prairial an IV, sur une lettre du général Huet, afTectant ces locaux à l'état-major.
Révoqué par le directoire exécutif, il fut remplacé comme receveur général des
impositions le 25 germinal an IV (14 avril 1795), par Soulès, autre notabilité révolution-
naire... qui resta plus longtemps à Rouen. Une curieuse lettre où il est question de
Soûlés et d'un vol de 49,000 francs dans sa caisse, fut publiée le 18 oct. 1799 (Areh. nat.
et du département, et Bibliot. mpale de Rouen, coll. Montbret).
(5) Arch. du dépar» et notes de l'auteur.
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— 532 —
II
Un mot maintenant sur le sort de quelques-uns des principaux
personnages en évidence à Rouen, de 1792 à 1795.
Le 23 vendémaire, an IV (15 octobre 1795), rassemblée élec-
torale du département avait élu membres du conseil des Cinq-Cents,
les conventionnels Bailleul, Blutel, Duval, Hardy et Lefebvre, et
du Conseil des Anciens Bourgois et Vincent. Le 28, elle en choisis-
sait cinq nouveaux formant le tiers à renouveler en dehors des
membres de la Convention : Bomainville et Guttinguer, n^o-
ciants (1), à Rouen; Lemoine, de Dieppe; Rialle, ex-maire du
Hftvre ; et Lucas, d'Yvetot. Yger avait décliné toute candidature (2).
La Convention fit entrer Mariette et Ruault au Conseil des Anciens,
etHecquet à celui des Cinq-Cents. — Plus tard, lorsque ceux
d'entre eux qui avaient fait partie de la Convention obtiennent du
tyran des sinécures plus ou moins bien rétribuées, on en voit
jusqu'à six : Bailleul, Blutel, Delahaye, Hardy, Mariette et même
Tex-abbé Ruault, pourvus d'emploi dans les droits réunis.
Les biographies des d'Herbouville, Fontenay, ThieuUen et
plusieurs autres, modifiées parfois au cours de ce travail, sont trop
connues pour qu'il ne sufBse pas de rappeler ici leur adhésion à la
dictature du général Bonaparte, adhésion aussi prompte que celle de
la plupart des jacobins rouennais ... (3)
Le Contour, devenu avocat-général à la cour de Cassation,
mourut à Paris le 14 août 1820 (4).
(1) Les électeurs ont suivi le conseil du Journal de Rouen : «... la France entière
s'est plaint avec raison de ce que dans les assemblées représentatives qui ont eu lieu
jusqu'à présent, il s'est trouvé trop d'hommes de loi, et, sans doute, sous une multitude
de rapports, il y a de grands inconvénients à ce qu'il en soit ainsi » (n» du 33 vend. p.9i,
2« col. ).
(S) Arch. nat. et Jow^al de Rouen du 29 vend. p. iO.
(3) En frimaire an viii, on dément le bruit que, < dans des assemUées nocturnes
les frères et amis vouent à l'exécration le consul Bonaparte. Les registres pour l'accep-
tation de la nouvelle « Charte constitutionnelle » étaient ouverts et tous signaient pour
l'acceptation. » En dépit de la calomnie, les républicains prouvent qu'ils sont sans
cesse disposés à faire le sacrifice de leurs opinions pour le bonheur et la prospérité du
pays f Vedette not^mande des 2S et 30 frimaire viii).
. (4) Le Contour, chevalier de l'Empire le 29 avril 1808, officier de la Légion d'Hon-
neur, avait des armoiries décrites dansVAi^nional du p»'eniier Empire de M. le ¥«•
Révérend, t. m, p. 79.
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- 533 -
L'ez-accusateur public Leclerc, alors « agent d'affaires » fut
détenu provisoirement par mesure de haute police à Saint-Lô de
Rouen, du 9 au 22 janvier 1801 (1).
Après avoir vainement essayé de se maintenir à Rouen, vers
l'an X, dans des fonctions d'avoué et, on 1807, comme « avocat et
défenseur » à la Cour impériale de Rouen, Pillon se rend à Paris où
il semble, comme tant d'autres vaincus de la Révolution, avoir été
a réduit à s'enfouir sous la terre (2). » Il est domicilié à Paris, en
1822, rue de Beaurepaire, n^ 24, tout en paraissant avoir conservé
une résidence à Rouen, rue du Champ-des-Oiseaux. A la suite d'une
maladie grave, il était venu, convalescent, passer la belle saison à
Charenton-le-Pont (Seine), rue des Carrières, n** 55, où il mourut,
&g4 de cinquante-neuf ans, le 19 juin 1822 (3). Les journaux de
Rouen ne font nulle mention de sa fin.
. Si, depuis la Terreur et la réaction thermidorienne, le nom de
Pillon n'apparaît jamais dans aucune des crises politiques, il n'en est .
pas ainsi quant à son ami et confrère Poret, dont l'existence a dû
être beaucoup plus agitée. Poret était, en prairial an iv, « un des
chefs des anarchistes du département, dont on ne croyait pas
l'action bien puissante » ; versé dans le journalisme de troisième
ordre, associé à Hubert, rédacteur du Télégraphe, « un jeune réqui-
(i) Notes de l'auteur.
(2) Edgard Quinet, ouvr. cité, t. ii, p. 144.
(3) L*acte de son décès le dit avocat et âgé de 55 ans, et indique le nom de sa
femme, mais non ceux de ses père et mère, à défaut de renseignements. Voici l'extrait
littéral du registre de la fabrique de Charenton concernant son inhumation : c L'an 1822,
le 20 juin, a été inhumé le corps de M. Jean-Pierre-Barthélemy Pillon, natif de Partie
décédé hier, en la maison de M. Lecaup, aux carrières de Charenton ; en présence de
Benoist Gautier et de M. Lecaup, lesquels ont signé : Gautier, Lecaup et Charpentier,
curé. (Communication de M. l'abbé Picon, curé de Charenton). U n'existe à Charenton
aucune trace de la sépulture de Tex-maire de Rouen : le cimetière de 1822, dans lequel
on ne donnait nulle concession de terrain, ayant été supprimé en 1830 et tous les osse-
ments ayant été transportés et réunis dans un nouveau cimetière, lui-même supprimé
et remplacé par un autre en 1848 (Détails dus à l'obligeance de M. le directeur des
pompes funèbres de Charenton). H»' Pillon, née Barberey, est morte à Paris, rue Saint-
Florentin, n«> 14, le 3 janvier 1858, âgée de 83 ans. Sa fille unique habitait en 1822, à
Paris, quai de la Mégisserie, et est morte à Versailles, le 23 avril 1863. De son mariage
avec un ingénieur civil était né un fils. M, Sainte-Claire Mevil, devenu archiviste du
dép< de Seine-et-Oise, mort sans postérité (Reinseignements dus à M. Josse, généalo-
giste à Rouen).
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- 534 -
sitionnaire qui avait trouvé le moyen d'éluder les lois sur la
réquisition (1) », il fut compris dans les poursuites contre celui-ci,
sur la dénonciation faite par le département du numéro du Télé-
graphe du 4 prairial, provoquant Tanéantissement de la Constitution
de 1795 et lui imputant la disette factice des subsistances. A cette
date, le prix du pain montait de 50 à 80 et même 100 livres en
assignats, et les boulangers, comme les bouchers et les aubergistes
ne voulaient plus vendre que contre numéraire (2). D'où l'article :
Ventre creux, citoyen passif , écrit par Hubert qui alléguait avoir
voulu seulement exciter là vigilence des autorités constituées sur les
besoins urgents du peuple. Le jury de Rouen, que dirigeait, par
hasard, Pascal Bouvet, l'ex-avocat et vice-président du déparlement,
déclara d'abord qu'il y avait lieu à accusation contre Hubert et non
contre Poret, et annula l'acte d'accusation. Le jury d' Yvetot, devant
lequel ils furent renvoyés, mit en accusation Hubert et le contumace
Poret. Tous les deux furent acquittés parle jury spécial (3) delà
Seine-Inférieure, le 6 fructidor (23 août 1796). L'imprimerie du
Télégraphe, avait pour directeur Eudeline, qui fut alors l'objet d'un
mandat d'amener (4). Le 2 mars 1805, un policier parisien dénonce
Poret comme fréquentant la tabagie du citoyen Férey, rue de
Viarmes, et y tenant les propos les plus injurieux contre l'Em-
pereur. (5)
(1) Romain Hubert, 26 ans, instituteur, fut, le 5 prairial, comme insoumis, conduit
au dépôt des Ursulines ; le 17 prairial, écroué à Saint-Lô pour avoir voulu le rétablisse-
ment de la constitution de 1793, et le 14 messidor, transféré à la maison de justice
(Notes de Tauteur). Ce terroriste désm^ié avait été, le 14 janvier 1793 à la Société popu-
laire, avec Prud*homme et Néel, chargé d'un rapport sur des paragraphes d'une
aristocratie insolente du Jowmal du Commerce^ de Guilbert. Celui-ci se vengeait en
l'an IV, en provoquant des poursuites contre Hubert.
(2) Arch. du dép». Lettre d'Anquelin et procès-verbal de la séance du dép», du
5 prairial, an tv.
(3) Lettre du commissaire du dép< au ministre de la police générale.
(4) Arch. du dépar«. D'après Frère, Manvel du Biogr. noi^i., rimprimeur du
journal, Berthelot, aurait été aussi mis en prison. Eudeline ne fut pas détenu. L'un et
et l'autre paraissent avoir été relâchés après mandat d'amener et interrogatoire.
(5) Poret se donnait alors les noms de Saint-Paul-Nicolas Poret ; « d'assea forte
corpulence, » il était vôtu en redingote grise, bas et culotte noirs, chapeau rond sur les
yeux. Détenu à la Conciergerie comme prévenu de faux (passeport ? ) à Lyon, il disait
avoir vu : 1» une caricature représentant un paysan qui crie : au voleur ! derrière
Bonaparte au moment où celui-ci met la couronne sur sa tête ; 2« une affiche de
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— 535 —
Robert de Saint- Victor persista au moins dans ses idées de
réformes, car en 1805, il publiait ses Regrets sur V abrogation du
nouveau calendrier et le rétablissement de V ancien. (1) Outre sa
scène pénible à Paris avec Renault, il en eut une autre à Rouen dans
la soirée du 7 juillet 1800, à l'entrée de la salle du spectacle des Arts ;
il reçut sur la tôte un coup de bâton qui produisit effusion de sang.
L'auteur de cet acte de violence, Ch.-Ferd. Lecomte, dit du Taillis,
demeurant au Trait, hameau de Saint-Paul, canton de Duclair,
était accompagné de Louis Morin fils, négociant à Rouen, rue aux
Ours, n« 27, et de trois autres personnes. Du Taillis et Morin, pour-
suivis pour avoir insulté Robert sous le portique et au parterre,
furent mis en liberté provisoire les 16 et 24 du même mois. (2)
L'année précédente, Antoine-Louis Blanche, oflBcier de santé,
avait été plus malheureux encore : il avait été un instant détenu à
Saint-Lô, le 10 juillet 1799. A cause de lui, semble-t-il,' son neveu,
le (( vicaire épiscopal supprimé, » devenu médecin, fut, le 30 du
même mois, frappé de deux coups de bâton par Aimable Leclerc,
commis chez Bapaume et Cocatrix, qui lui ôta son chapeau. Leclerc,
emprisonné, fut mis en liberté provisoire par le jury, le 4 ven-
démiaire an VII. Il y eut, à ce sujet, des articles de journaux assez
vifs. (3)
François Mabon, redevenu fabricant de rots, rue des Bons-
Enfants, et sa femme, née AUaigre, traqués par ceux qu'ils avaient
vexés devant la Terreur, eurent à subir des traitements rigoureux.
Le 1*' août 1797, avec Lemaure (alias Lemort), père et fils, cor-
donniers, ils sont l'objet d'un ordre d'arrestation signé de Quillebeuf,
comme ayant eu Vintention de troubler la commune de Rouen par
une guerre civile en amenant les citoyens les uns contre les autres
spectacle : L* Empereur malgré tout le monde, pièce à grand fracas, en trois actes,
suivie de la première représentation des Princestes ridicules, et terminée par le Ballet
de Vincennes. Il prétendait connaître l'auteur de ces caricature et affiche, dont
l'existence était mise en doute (Ârch. nat. F.G457. )
(i) Frère, Manuel cité, t. II, col. 1. Le décret du 9 septembre 1805 venait de rétablir
le calendrier grégorien à compter du !•' janvier 1806. Antérieurement, la division par
semaine était en fait déjà substituée à la division par décade.
(2) Notes de l'auteur.
(3) V. not. Vedette Normande des 13, 14 et 20 thermidor an VII.
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— 536 —
Le jury les fit mettre en liberté le 20 fructidor an vn (1).
Hardy, l'ancien conventionnel, est fréquemment injurié par
l'Observateur, VEclipse, le Réoeil Matin, journaux de Magloire
Robert, qui parviennent presque toujours à émouvoir les adminis-
trateurs et à troubler la ville surtout depuis prairial jusqu'à messidor
an V (mai-juillet 1797). A son arrivée à Rouen, en congé, dans les
premiers jours de prairial, Hardy, se promenant à pied sur le bou-
levard « de Cauchoise », est assailli par un homme à cheval, reconnu
depuis pour être Le Coq (2), de Bois-Guillaume. Sur le boulevard
Saint*-Hilaire, après une fête, Hardy est suivi par plusieurs hommes
armés et menaçants, parmi lesquels Villeneuve (3), qui vont
s'embusquer sur la place Saint-Ouen jusqu'à la nuit. Le Coq ren-
contre encore Hardy sur le port, entre la porte du Crucifix et la porte
Grand-Poqt et, à plusieurs reprises, a l'audace de cracher outrageu-
sement de son côté. Les clameurs de Le Coq causent un attroupe-
ment dont le député redoute les conséquences.
Le Coq et Villeneuve suivaient l'impulsion de Robert, comme
Le Bouvier et Vasselin (4) , ce dernier déjà poursuivi pour des
troubles à l'assemblée primaire de l'église Saint-Maclou. Le Bouvier
insultait dans la rue Thiessé, accusateur public, et le poursuivait
jusque dans l'enceinte du Palais de ses avanies et de ses a menaces
homicides, » auxquelles s'associaient plusieurs citoyens, notamment
Vasselin. Et celui-ci de dire à Le Bouvier, en lui parlant de Thiessé :
Que ne lui passais-tu ton sabre dans le ventre (5).
(1) Les Lemort avaient — prétendaient- on — invité Gringret à se rendre au « café
des rassemblements » où ils s'étaient efforcés de l'enrôler, et ils étaient accusés d'avoir
reçu chez eux des individus qui, par leurs cris séditieux, paraissaient être des ennemis
de l'ordre et de la tranquillité publiques (Notes de l'auteur ). V. aussi démenti signé
Mabon (femme Mabon), dans la Vedette du 17 fructidor an vu.
(2) Il s'agit, je crois, de Jean-Armand Le Coq, dit Vidame, se disant cultivateur,
demeurant au Bois-Guillaume, arrêté comme prévenu d'émigration le 23 septembre 1793,
à Uaucourt, puis emprisonné à Gournay. Le département Tavait fait mettre en liberté,
mais en ordonnant que les trois frères Lecoq dit Vidame seraient portés sur la liste des
émigrés. Son frère, Michel-Louis-Laurent Le Coq, demande sa radiation et est débouté
le 2 vend, an v. Un Laurent Le Coq, 29 ans, est détenu pour trois mois à Rouen eo
prairial an ii ( Reg. du dép* et notes de l'auteur.)
( 3, 4 et 5 ) Le 24 prairial an v, Villeneuve aîné, 20 ans ; Brédevent, « jeune homme >,
rue de la Truie ; Morel, autre r jeune homme », et J.-B.-F. Vasselin, 19 an8,employéau
dépS rue Beauvoisine, 55, prévenus de s'être trouvés (Villeneuve et Vasselin ) armés de
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— 537 -
La persistance de ces récriminations, de ces haines, de ces
violences, préoccupait' singulièrement les révolutionnaires restés
pourvus de fonctions dans lesquelles ils avaient compté vivre en
paix, tout en ramenant le calme pour leurs amis et pour le pays
entier. S'ils ne redoutaient pas précisément les appréciations indi-
gnées des victimes et des témoins de la Terreur, et les malédictions
des générations futures, ils craignaient de voir leurs intérêts et ceux
de leurs descendants gravement troublés par les ressentiments,
longtemps perpétués, des familles qu'avaient atteintes les dénoncia-
tions, les lois et les décisions des tribunaux, des administrations et
des comités, depuis 1791.
En prairial an VII, à propos d'un certificat énonçant des faits
révolutionnaires, déposé dans l'étude d'un notaire, les membres du
directoire du département de la Seine-Inférieure font, à deux reprises,
au ministre de la police générale, des représentations sur les dangers
d'introduire dans les dépôts publics des actes de la nature de celui
dont il s'agissait, et de laisser à la postérité des moyens de vengeance
que la loi du 4 brumaire an IV (1) avait voulu étouffer, et sur les
suites f&cheuses que pouvait produire dans des temps plus éloignés
le dépôt de ces actes : « Si les porteurs de ces actes n'ont pas le
» droit de poursuivre, dans ce moment, les signataires devant les
» tribunaux, ils ne peuvent pas avoir le cruel avantage de conserver,
» soit pour eux, soit pour leurs enfants, des moyens de persécution
» quo la loi réprouve » (2).
bâtons noirs et sans cocarde, au nombre des jeunes gens qui, le 4 germinal précédent,
occasionnèrent une scène dans la salle pinmaire de l'église Saint-Sever, et tous les
quatre, de !l'être trouvés le 5 avec les jeunes gens partis dans un café do la rue des
Carmes, en suivant les rues Saint -Ni colas, des Savetiers, Saint-Romain, et venus
investir le principal portail de l'église Saint-Maclou, lieu d'assemblée primaire, où ils
avaient frappé plusieurs citoyens et écarté violemment les électeurs de lad. assemblée.
VasseUn fut relâché le même jour et les autres le 6 messidor an v.
(1) Ce décret, non publié au Bulletin des Lois, abolissait la peine de mort à partir
du jour de la publication de la paix générale, — et toutes poursuites et jugements*
portant sur des faits purement révolutionnaires autres que ceux relatifs à la conspira-
tion du i3 vendémiaire. Les prêtres déportés ou déportables, les fauT monnayeurs, les
émigrés, rentrés ou non, étaient exceptés de l'amnistie.
(2) lleg. dudépS séance du 16 prairial an VII (4 juin 1799); présents: Belhoste,
président; Viallet-Desgranges, Cabissol, Delahaia, Angerville, administrateurs; Delaistre,
commissaire du gouvernement, et Galli, secrétaire.
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- 538 -
On comprend que les révolutionnaires aient eu l'oubli facile. . .
On s'étonne qu'ils aient cru pouvoir l'imposer aux gens éprouvés par
des mesures ruineuses ou mortelles.
Avec un peu de sang-froid et de réflexion, ces esprits justement
inquiets auraient dû se convaincre de l'inutilité de tant d'émotion et
d'efforts pour un fait isolé, môme concernant une notabilité parle-
mentaire. . . Avaient-ils donc rôvé que, si leurs autodafés de titres
féodaux n'avaient rien fait oublier des abus monarchiques, l'obliga-
tion du silence absolu, éternel, et la destruction générale des
archives supprimeraient jusqu'aux souvenirs, jusqu'aux traditions,
encore si proches, de 1789 à 1796?
Ce beau rêve d'égoïstes, s'ils l'ont eu, était irréalisable.
Pour la plus grande efficacité des grandioses et terribles leçons
du passé, et nullement pour satisfaire des vengeances, devenues
absolument vaines, d'homme à homme, les siècles apporteront leur
contingent de salutaires révélations, et, malgré tout, Thistoire,
sagace et inflexible dans sa sérénité, n'aura souvent que lembarras
de choisir ses documents.
III
Cette ébauche d'une histoire locale de la Terreur, si elle avait
visé à être complète, entière, comporterait à la rigueur une con-
clusion qui ne s'impose pas réellement ici, et qui est dans les faits
postérieurs.
Je devrais donc me borner à dire que, dans les grands mouve-
ments de 1793 k 1795, qui bouleversèrent si profondément la nation,
l'attitude des rouennais n'a pas été effacée et sans conséquence.
Non pas qu'en 1795 on puisse apercevoir déjà si la démocratie,
au profit de laquelle s'est engagée la Révolution, en a retiré quelque
avantage.
On peut douter même qu'elle en ait eu à espérer de ceux qui, à
l'origine, formulaient des programmes, oubliés du reste avant et
pendant la Terreur, tels que le Cahier des doléances de l'Assemblée
du Tiers-Etat de Rouen, rédigé le 29 mars 1789, apparemment par
six avocats et autant de négociants, et, en réalité, par Thouret, puis
souscrit de l'adhésion d'une centaine d'autres bourgeois. Cette
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- 53d —
œuvre étudiée, tant vantée, consacrait son 80' article à la suppression
de la mendicité, qui aurait pu être un vœu humanitaire — V unique!
s'il n'avait été trop visiblement dicté par l'intérêt exclusif de la
sécurité « des campagnes » et vraisemblablement des villes.
Mais en était-il ainsi en Tan II ? Le fonctionnement du gouver-
nement révolutionnaire, au nom du peuple, et pour le triomphe des
droits du peuple, a-t-il profité au peuple ?
Des autorités respectées répondent que la Terreur n'a serai à
rien! (1)
La Terreur stérile I Non, ses résultats n'ont pu être à ce point
négatifs.
Elle a servi à prouver qu'il ne suffit pas d'avoir tout prêts des
réformateurs et des plans .de réformes, qu'il faut amener les inté-
ressés c^ se laisser réformer, et que les novateurs doivent être tou-
jours d'accord entre eux. Elle a permis d'évaluer le coût démesuré
des essais précipités de transformation sociale ; elle a montré que
le bien général sert facilement de prétexte aux spoliations parti-
culières et aux vengeances privées. Elle a désabusé pour longtemps
la plupart des a assembleurs des nuées philosophiques » et de leurs
auditeurs des clubs ; elle a éclairé sur les dangers des entraînements
patriotiques, et fait connaître rinconséquence de nombre de nota-
bilités des divers camps . . . Enfin, si elle a révélé aux démagogues
les points faibles de leurs expériences, par contre elle a dû — c'est
moins probable — corriger leurs adversaires des erreurs dans
lesquelles ceux-ci étaient eux-mêmes tombés. . .
Aujourd'hui, dans une atmosphère de calme, de raison, .d'im-
partialité, est-il besoin, pour juger les terroristes rouennais, de
s'élever bien haut, et doit-on les traiter comme des apôtres enflam-
més, des adeptes convaincus jusqu'à l'aveuglement, de la doctrine
(i) Eiigard Quinet, La Révolution, t. I, p. 51 ; M. Wallon, La Terreur, t. II, p. 347.
— V. aussi Ed. Biré, Jouimal d'un Bourgeois de PaHs, t. V, p. 324 et suiv., où sont
cités divers autres auteurs. — V. Tétude de M. Aulard sur Le Gouvernement liévolu'
tionnaire, dans la Révolution Française de décembre 1899.
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- 540 —
de la souveraineté du peuple, de la liberté, de V égalité, de V amour
de la Patrie ? (1)
Les deux « magistrats » principaux de la commune terroriste,
Pillon et Poret, l'un sensiblement supérieur à l'autre, « tètes ardente
qui prennent leurs idées pour des oracles et leurs volontés pour des
lois (2) », résument en eux assez exactement ce que fut Vesprit de la
Révolution à Rouen.
Ils ont été portés, le premier à la mairie, et le second à l'agence
nationale, moins par leur popularité et par les événements que par
l'appui, invraisemblable et jusqu'ici insoupçonné, de personnage
faciles à démasquer, dont ils étaient au moins les partisans, sinon
les créatures dociles... Leur influence personnelle était factice,
mais ils agissaient au nom du pouvoir tyrannique de la Convention,
secondé d'un tout-puissant auxiliaire, la peur ! Leur autorité est si
artificielle qu'en pleine Terreur ils ne peuvent sauver de la détention
leurs alliés, entre autres Robert de Saint- Victor et Lambert, et que,
fréquemment, im pouvoir occulte déjoue leurs combinaisons essen-
tielles.
Pratiquaient-ils l'humanité douce qu'ils vantent volontiers ?
Etaient-ils obsédés par la vision des eflEets irréparables des dénon-
ciations, des emprisonnements, des confiscations et des exécutions
qui s'accomplissaient avec leur coopération plus ou moins directe et
immédiate, pour le plus grand succès de V expédient provisoire que
fut le gouvernement révolutionnaire dans la pensée de ses auteurs (3).
Leur enthousiasme pour les systèmes et les décrets de la Con-
vention est servile, affecté ; leur fanatisme anti-monarchique et
anti-religieux, qui se manifeste par tant de tracasseries, ne vient pas
d'une confiance absolue dans la victoire : il dissimule mal des rira-
lités^de classes ou des rancunes particulières, et le néant des maximes
politiques et philosophiques.
Le contre révolutionnaire militant, autant que le suspect repen-
ti) Bailleul, ouvr. cité, p. 19. La force du gouvernement fut Teffet de cette doctrine,
dit BaiUeul, dont récrit prouverait que la révolution tendit surtout à la suppression
des institutions morales et religieuses.
(2) Discours de Sautereau, cité.
(3) F.-A.. Âulard, la Révolution Française, décembre 1899.
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— 541 —
tant, apaisé, rallié, demeure toujours pour eux un suspect. Même à
regard de ceux d'entre les patriotes que lasse l'incessante et impi-
toyable guerre sociale, et qui ont un instant défailli, ils n'ont qu'une
soupçonneuse indulgence.
Leur choix des gens qu'ils entendent punir d'incivisme ou con-
traindre à l'exécution des lois, s'inspire ordinairement ailleurs que
dans l'intérêt social ou national. On pourrait aujourd'hui dresser,
presque sûrement deux listes édifiantes à ce sujet ; l'une, de suspects
inquiétés, détenus ou condamnés, et l'autre, de suspects épargné', tou-
tes les deux éclairées par l'indication desvéritables motifs extra légaux,
extra-révolutionnaires, des rigueurs et des immunités dont chacun
a été l'objet. S'agissait-il donc uniquement de mesquines représailles:
coterie d'avocats et procureurs contre d'autres avocats et procureurs
et des membres du Parlement, coterie de médecins contre d'autres
médecins, coterie d'artistes contre d'autres artistes, coterie de
négociants contre d'autres négociants, et toutes ces coteries ensemble
contre les ecclésiastiques et les nobles?
Des hommes si passionnés pouvaient-ils sérieusement songer à
fonder l'égalité et une a fraternité d'hommes libres. » Entrevoyaient-
ils parfois le terme de la lutte et le « majestueux embrassement du
genre humain sous le regard de Dieu satisfait »? (1) Il est permis d'en
douter.
C'est en vain qu'on essaie de les disculper parce que, béné-
volement, ils ont fermé les yeux sur tel prêtre qu'ils savaient recelé
par un de leurs amis, ou sur tel royaliste qu'ils eussept pu livrer.
Il n'est pas douteux que, si Lamine, entre autres, agit ainsi, sa
mémoire n'a rien à y gagner. Pour ne pas se laisser soupçonner de
tolérance et do connivence, et comme la plupart des jacobins dont
l'un des proches est prêtre ou aristocrate, il se fait plus rigoureux
ailleurs, et, pour un prêtre ou un noble sauvé, plusieurs autres
éprouvent les effets de son incorruptible civisme. . .
Ces patriotes de 89, « ces « vieils soldats de la Révolution, » (2)
ces collaborateurs zélés, dévoués, de la Convention, sont des terro-
ristes honteux ; ils n'ont pas osé faire opérer à Rouen la guillotine
(1) Victor Hugo à ses concitoyens en 1848 {Actes et Paroles, t. I, p. 181 etsuiv. et 617.
(2) Mémoire de Foreau. cité suprà.
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— 542 -
sur les victimes de l'affaire de la Rougemare et d'autres, expédiées .
au bourreau de Paris sous un prétexte quelconque, et ils croient que
ce stratagème les autorise à se prévaloir, dans leurs pétitions lar-
moyantes de Tan III, de ce que le sang n'a pas coulé à Rouen.
Lorsqu'ils s'efforcent, avec une ténacité remarquable, d'échapper,
à une répression, quel contraste entre le déluge de leurs suppliques
parsemées d'arguties, de discussions de droit, et le laconisme terri-
fiant, atrocement expéditif, de leurs ordres d'arrestations, ou le
silence despotique dans lequel ils ensevelissaient les pétitions des
détenus I — Eux qui ont imperturbablement appliqué les confisca-
tions enlevant à d'innocents enfants les héritages de leurs pères
frappés « par le glaive de la loi», redoutent maintenant de se voir
privés des « petites fortunes qu'ils ont reçues de leurs parents » et
que plusieurs ne disent point avoir arrondies par des achats de biens
nationaux. — S'ils croient opportun de répéter : « Vivo la Conven-
tion ! Vive la République ! » à aucun moment ils ne déplorent l'échec
de la colossale entreprise réformatrice à laquelle ils ont plus ou moins
efficacement concouru. Ils font plus ; ils reconnaissent la nécessité
de la réaction thermidorienne (1) implicitement à la condition
qu'elle épargne leurs personnes et leurs biens.
A ces mômes terroristes, assoiffés des jouissances du pouvoir et
de la renommée, devenus les instruments de la Terreur, pour la
plupart afin de no pas en être les victimes, et qui eurent, leur
punition les uns dans l'obscurité du restant de leur vie, et les autres
dans leurs remords, il n'en faut pas moins cependant rendre cette
justice qu'ils n'avaient point h attendre d'adversaires persécutés:
l'entrainement de l'exemple, le vertige contagieux des idées et çlôs
faits diminuent leur culpabilité et excusent une partie de leurs actes.. .
Aux plus compromis, il faut tenir compte de scrupules — inté-
ressés pourtant — qui ont singulièrement contribué à limiter
l'action révolutionnaire à Rouen.
De septembre 1793 à thermidor an II inclusivement, ils ont
su détourner à temps les réels et très grands dangers, que firent
courir à la ville les dénonciations et les attaques dont elle était
(1) Mémoire de Foreau, cité.
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- 543 —
l'objet dans les journaux ultra-révolutionnaires, aux Jacobins et à la
Commune de Paris et même h la Convention. Les mystères qui
continueront à planer sur un grand nombre de particularités sont
assez transparents pour qu'on admette que Pillon et ses coopéra-
teurs aient voulu l'expulsion d'agents provocateurs, tels que Galbois-
Saint-Amand, qu'ils aient empêché le transfert à Paris de plusieurs
détenus, et qu'ils se soient opposés à l'établissement d'une commis-
sion populaire à la fin de messidor. * ^
Admettre ces tempéraments, c'est avouer l'impossibilité de
savoir quand et dans quelle mesure les exagérations de la démocratie
étaient destinées à porter et maintenir à la tête des administrations
des intrigants et des ambitieux, ou à faire tomber les colères des
anarchistes parisiens ; c'est reconnaître qu'on ne peut discerner
toujours sûrement l'origine véritable et les effets spéciaux des
impulsions modératrices et salutaires, ou des influences surexcitantes
et sinistres.
Comment, après cela, formuler contre les terroristes des réqui-
sitoires sans miséricorde ou des absolutions sans réserve ?
Est-il nécessaire d'ajouter que, dans l'immense majorité des
citoyens rouennais, honnêtes et droits, les francs républicains
n'étaient pas rares. Hélas I il y en avait beaucoup plus de prudents
c|ue de braves, et c'est l'explication la plus plausible de la conduite
de certains modérés de la Société populaire, de la Commune, du
district et du département, conduite d une habileté politique
eïcessivô et qui, tout compte fait, demeure répréhensible autant que
celle des terroristes avérés, puisqu'elle s'aggrave aussi de duplicité;
Cette justice distributive ne saurait perdre de vue les ecclésias-
tiques et les royalistes.
Les premiers ont été, d'une part, affligés de défections dont la
liste est plus longue, mais dont la portée est moins grande qu'on no
se l'imagine. Il n'y a pas eu à Rouen, de prêtres dont l'apostasie ait
été précédée ou accompagnée de scandales et de discours comme en
firent, par exemple, les curés Lerat, de Forges, Wicart, d'Haussez,
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— 544 —
et Jullien d'Ernemont, dans le district de Gournay . . . D'autre part,
traqué avec une persistance inouïe, le clergé compte une grande
quantité de victimes qui ont donné d'admirables exemples de fermeté
et de vaillance dans les plus cruelles épreuves.
Les royalistes coupables né portent pas tous des noms obscurs...
Il en est qui ont assumé devant l'histoire de terribles responsabilités:
ce sont ceux qui, au début de la révolution, comptant raffermir
leur popularité menacée, encouragèrent discrètement les notorfétés
naissantes des patriotes Pillon, Lecanu, Porct, Lamine et autres, et,
ensuite, môme de longs mois après que la royauté fut tombée, sous
la Terreur, se recommandaient efHcacement de ces relations...
ce sont ceux qui, au lieu de d«'îfendre les gens, royalistes aussi, qui
leur servaient d'avant-garde et qui avaient hautement soutenu la
monarchie, allèrent jusqu'à se joindre publiquement à leurs
ennemis.
Et dans quelle lamentable et décevante confusion ont erré ces
mômes royalistes ou contre- révolutionnaires ])endant la réaction
thermidoricHne ! Que de fautes impardonnables dans les prélimi-
naires inhabiles, hésitants, collusoires et sans dignité de leurs
poursuite» contre les terroristes 1
S'il est un adoucissement possible au déchirant souvenir des
horreurs, délibérées ou non, et des folies raisonnantes et agissantes
de ces temps héroïques et infernaux, c'est de retrouver encore, chez
des contemporains, une philanthropie de bon aloi, le sentiment du
droit, l'amour de la justice, le vrai patriotisme et une sage résigna-
tion, si rares chez les hommes en vue ; c'est de voir l'énergie des
laborieux rouennais à se ressaisir, à rentrer en possession d'eux-
mêmes, au sortir du mortel cauchemar.
Après la dissolution de l'ancien régime, après les conflits outrés
des classes sociales, malgré le contact démoralisateur des nouveautés
écloses sous l'anarchie et le spectacle do l'impudent épanouissement
des splendeurs flétrissantes de certains parvenus de la Révolution, le
peuple d'antan renaît, vivace, plutôt amélioré, grandi. . . Je p«irle,
non du peuple naguère assidu et motionnant aux clubs, mais de celui
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— 545 —
que n'ont pas touché les théories des politiciens et qui se soumet
avec bonheur à la loi éternelle du travail. Promptement oublieux de
ses souffrances imméritées, ayant eu — pour cause — peu de désil-
lusions, il est à sa tâche, s'instruit ou défend la Patrie, et, resté
prolétaire ou devenu savant ou héros, contribue plus que pour sa
part à une sorte de réhabilitation nationale qui ne lui donne pas
la liberté et Tégalité promises, mais qui fait revivre ses légitimes
espérances de sécurité et de bien-être.
Rouen, mars Î900,
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APPENDICE
I. Page 96. — Bail de la maison de la rue de V Aumône à la
Société des Amis de la Constitution.
.A . Par devant les conseillers du roy, notaires garde-notes à Rouen, soussignés,
fut présent M"" André Rousselin, négociant à Rouen, demeurant Grande-Rue, paroisse
Notre-Dame de la Ronde, administrateur des pauvTCS de l'Hôtel-Dieu de la Madeleine
de Rouen, autorisé à l'effet (fui suit par délibération de MM. les administrateurs des
dits pauvres, en date du premier octobre dernier, contrôlé à Rouen le 20 duditmois.
Lequel audit nom et en vertu de ladite délibération a, par ces présentes, donné
à loyer et prix d'argent, pour le temps et espace de trois, six ou neuf années, au
choix respectif des parties, en s'avertissant respectivement avant l'expiration desdites
troix ou six premières années qui ont commencé à courir du jour de Saint-Michel
dernier, en finissant à pareil jour desdites trois, six ou neuf années,
A Messieurs de la Société des Amis de la Constitution en cette ville de Rouen,
stipulés et représentés par MM. Jean-Louis Thibault, architecte, demeurant à Rouen,
nie du Vieux-Palais, paroisse Saint-Sauveur, Guillf^ume-Louis-Pomponne Barbarey,
aussi architecte à Rouen, y demeurant, rue de l'Ecole, paroisse Saint-Laurent, et
Flavien-Marie Scanegatty, professeur de physique à Rouen, y demeurant sur le port,
proche la porte Guillaume-Lion, paroisse Saint-Maclou, tous trois à ce présent**,
acceptant et preneurs pour ledit temps et audit titre de bail, pour et au nom de ladite
Société et en leur qualité de commissaires ad hoc, nommés par délibération en date
du 28 septembre dernier, signée de la très granile majorité de ladite compagnie, aussi
demeurée ci-jointe, après avoir été signée et parafée des parties, et, à leur réquisition,
desdits notaires.
C'est à savoir : une maison de fond en comble, appartenant aux pauvres de
riIôtel-Dieu, assise en cette ville de Rouen, rue de l'Aumône, paroisse de Saint-Martin-
sur-Renelle, plus amplement bornée et désignée en un état et description d'icelle fait
double entre les parties et en date du 29 octobre dernier, pareillement demeuré cy-
joint...
A la charge par lesdits sieurs preneurs d'accomplir et exécuter toutes les clauses,
charges et soumissions qui leur sont imposées par la délibération prise au bureau de
l'Hôtel-Dieu, ce à quoi les d. s" commissaires se sont obligés pour leur société, iceux
reconnaissant avoir parfaite connaissance des clauses qu'elle renferme et dont lecture
d'abondance leur a été précédemment faite par Castel, l'un des notaires soussignés.
Ce bail fait en outre moyennant 700 livres de loyer par an qui ne commenceront
h courir d'accord entre les parties que du jour de Noël prochain, et qui seront
payables par ladite société des Amis de la Constitution, en quatre paiements égaux
et aux quatre termes de l'année accoutumés dont le premier quartier de paiement
écherra et sera exigible au jour de Pâques prochain, le second, à Saint-Jean-Baptiste,
en suivant pour ainsi continuer tous les ans, jusqu'à la fm et expiration du présent
bail, à quoy faire lesdits sieurs commissaires obligent leurs biens et ceux de leurs
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- 548 -
associés, ensemble et un d'eux pour le tout solidairement, sans division, ordre de
discussion ny appellation de garantie.
Et pour le vin du présont, lesd. sieurs commissaires obligent leur compagnie à
payer les sols pour livres d'usage du prix des loyers cy-dessous, ce qui deviendra
subordonné à la durée du présent, de sorte que pour sa durée entière les 6 sols pour
livres seront dus pour six années; il sera du 4 sols pour livres, de manière qu'il est
dû actuellement les 2 sols pour livres pour les trois premières années, ce qui
forme une somme de 70 livres qui est payable és-mains de MM. les administrateurs
trésoriers des pauvres. S'en rcpportant, M. Rousselin, à la générosité de lad. société
relativement à l'indemnité qu'attend de sa part l'administration à cause de la perte
qu'éprouvent les pauvTcs du non loyer de cette maison du terme de Saint-Michel à
Noël, et dont la société a dû jouir. Seront les frais du présent payés par la sociélè
dont en sera, pareillement à ses frais, délivré grosse exécutoire à Tadministration. .
Fait et passé à Rouen, en la demeure des pallies ci-après désignées, l'an mil
sept cent quatre-vingt-dix, le vingt-sept novembre avant midi. — Lecture faite et ont
signé : Scanegatty, Thibault, L. Barbarey, Rousselin, Castel, Delamare. — En marge :
contrôlé le 4 décembre 1790, reçu 12 livres ; signé : Foucher.
ANNEXES :
t. Délibération du l«f octobre 1790, du bureau d'administration de l'ilôtel-Dieu,
tenu par MM. Rousselin et Vulgis-Dujardin, négociant, et Decaen, notaire honoraire,
tous gouverneurs et administrateurs d'icelui. Devant ce bureau s'est présenté
M. Thibault, entrepreneur de bâtiments et membre d'une société de bons patriotes
connue sous le titre distinctif des Amis de la Constitutiony lequel a proposé de prendre
à loyer pour son compte une maison appartenant à cet hôpital, sise rue de l'Aumône,
et ci -devant occupée par M, de Cerqueux.
« Sur quoi délibéré le bureau, les. avis pris, jaloux de concilier les intérêts qui lui
sont confiés avec son amour pour les établissements qui peuvent devenir utiles et
précieux, est demeuré d'accord de donner à loyer à la société des Amis de la Cons-
titution, etc. »
a. Du 28 septembre 1796. La Société des Amis de la Constitution délibérant sur
la proposition faite par MM. les commissaires nommés pour lui procurer un logement
suffisant, a arrêté que MM. les commissaires négocieraient auprès des administrateurs
de l'Hôtel-Dieu pour obtenir d'eux à loyer une maison située rue de l'Aumône, et que
MM. les associés souscriraient la présente délibération pour servir d'engagement et
d'obligation de leur part en faveur de l'Hôtel-Dieu pour le paiement du loyer qui sera
arrêté par MM. les commissaires qui sont MM. Thibault, architecte, Barbarey et
Scanegatty.
La présente certifiée par nous, secrétaire de la société, ce deux octobre.
Signé : Thiessé, secrétaire.
Puis, ces 196 signatures : J.-N. Lebas, Lebas le jeune, Fourneaux, Hubert, Pierre
Baron Tainé, Piquprel, Delafosso, Lefebvre, 4.-E. Carré, Lenormand ci-devant de
Losier, Thillaye, M.-A. Bournisien, Platel, Remy, Mariette, Chesneau, Anquetin le
jeune, Eudeline, Gueroult, Pillon, Delacroix, C. Rondeaux (de Montbray), Etienne-
Jacques Fépf^t, Fouque, Le Bourgoois-Bonnel, Scanegatty, Ënault, Dumas, Bigot,
Et. Morin, J.-L." Thibault, Barbarey, lorcy, Alexandre Prcvel, Barbarey, R. Allais.
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— 540 -
Marie, Verdière, lleslouin, Vimar, Porrin, Lesuire, p""*, Seyer, S>eyer, Le Noir, BouUey
fils. Vieillot l'aîné, F. Thibault, Pagny, Clerc, Lambert, Guyet, A. Defontenay, Ad.
Ricard fils, J.-S. Lachenez-Heude neveu, Mattard, Colonge, Adeline flls aîné, X. Clou
(ou Clerc? ), A. Lesguiller, Angerville, Goeslin fils, Thiessé, Poidevin, ^Dubuc, J.-F.
Mabire, Favre, de Cormeilles, Vincent, Petit, Pierre Levillain, Martin, P.-J. Allais, A.-M.
Chassant, Lefebvre le jeune, Durosoy, Ph. Lasne, Cresson, Etard, LUubert, Desmalis,
Le Mercier neveu, Morel, Lecharpentier, Vauquelin, Portret, Riaux, Balland, Louis
Pouchet, Bertran fils. Buisson, Pellerin, Martin, Nos, Duval, Dieu, J.-B. Lemire, N. Re-
nard, G. Le Mercier, P. Néel, R.-V.-M. Sturgeon, Forfait, Delamare, Rouelle, A. -F.
Bérée, Passi, Delcunare, Dumas le jeune, Lecointe, Hardy D.-M., Théodore Levillain,
Arnaud, Lepiller, L. Mauger, Ferdinand Monnier, Leliévre fils, Descroizilles, P. Mala-
tiré, Lefebvre, orfèvre, Gosset, Thierry, Tronel, Leloup, Guttinguer, L.-J. Lefebvre,
N.-F. Lettré, de Trézy, Lechevallier, Tarbé, G. Asselin, Ces. Pigny, E. Durand, Eléo-
nore Rabasse, Ch. Mac-Cartan, Sueur, Fréd. Asselin, Mouard, Lecœur, prêtre, H. Asse-
lin, Bécard, M. Lignel, Adam Dupuy, L. Marest (ou Mare), Desl-ty (?), Viel, Thomas,
Mcunolle, Lemoine, Lagnistre, L. Hamel, Du Pas, Dupuis-Sagot, F.-A. Anquetin,
Blanche, M., Louis-Jean Jaquet, Louis Long, Lemaire-Ternantes, Morin fils, Tamelier,
Bucaille, Descamps le jeune, Delacour, Lefebvre, Louis Lézurier fils aîné. De Bonne
fils, Regnault l'aîné. Le Brun, Ar\'ers, A. Taillet, F.-N. Dury, L. Lhemault, A. Vieillot,
Leliévre, Vibert, F. Isambert, M. Lebon jeune. Du Sommerard, E.-M.-R. Selot, Potier,
av., Blutel, J.-E. Gorlier, Jolly de la Tour, Bordelle, Fortin, Houdeville, Taillet, Le Bec,
P. Viou fils aîné, Langlois, L. Boigne, Ch. Bérat le jeune. Lamelle fils, Lelouard,
C. Turgis le jeune, Allix, Hays, Ch. Pongny.
:t Etat de la maison rue de TAumône, appartenant à l'Ilôtel-Dieu de Rouen louée
par MM. les administrateurs dud. Hôtel-Dieu de la Madeleine de Rouen à MM. de la
Société des Amis de la Constitution .. . Savoir : rez-de-chaussée, une salle lambrissée
de haut en bas ; à côté de la cheminée, vers la rue, un buffet. . . ; la cuisine, un po-
tager ayant six fourneaux...; une écurie avec une auge et le râtelier... Premier
étage sur la rue, au-dessus de la salle, une cl^ambre lambrissée du haut en bas. . . ;
dans le petit cabinet à côté de la chambre, un refend en feuillet ; la chambre au-des-
sus de la cuisine...; dans le fond de la chambre, une alcôve. — Premier étage sur le
derrière, une antichambre... ; au second par derrière, une antichambre. — Dans la
chambre à coucher...; devant cette chambre une terrasse en plomb avec un balcon
en fer. .. Autre chambre sur la rue au-dessus de[\& salle... Au troisième sur le
derrière... — Le présent fait double le 29 octobre 1790.
(Minutier de M« Carré, notaire fi Rouen. Communication due à la bienveillante
intervention de M. Gaston Lebreton, membre correspondant de l'Institut, que je ne
saurais trop remercier de son amabilité réconfortante ).
IB. Extraits des registres cerisiers de VHôleUDieu de Rouen»
Rue Ganterie. — Cn tènement de deux maisons dont une est rue de l'Aumône,
acquise de M. de Blosseville, par contrat devant M" Liol, notaire, le 3 juillet 1783, par
le prix de 30,500 1. — Du 8 avril 1755, la première et grande maison dudit tènement,
cédée à M"»« la présidente Bnmel pour en jouir sa vie durante à commencer de Saint-
Jean 17^. — Aujourd'hui (?) M. d'Esteville... — Bail au sieur Jorre, devant Castel,
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notaire, 28 juin 1793. — Cette maison a été vendue par la nation au citoyen Bonrgeoi^s
Bouvpt, le 17 floréal an Kl.
Rue de l'Aumône. — La seconde maison dud. lènement est de la même acquisi-
tion. •— Le 3 décembre 1762 bail à la demoiselle Barbe, par 450 1. — Le 27 mars ITTi,
bail à M. de Cerqueux par 450 1. à commencer de Saint-Michel 1772, pour 9 ans. — Le
12 janvier 1781, bail à M. de Cerqueux par 650 1. à commencer de Saint-Michel ITW
pour 9 ans. — Le 1*^ octobre 1790, bail à MM. composant la société des Amis de la
Constitution. -- Le 24 ventôse an V, la commission de Thospice a accordé un
nouveau bail de trois ans au Cn Sevin, moyennant le prix de 800 1. à la charge de
dépenser 1,5001. en réparations et réédifications urgentes; bail devant Castel, notaire,
le 8 messidor an V.
( Arch. du départ. E. 385, p. 86-87. — N» 96. Communication de M. de Beaurepaire).
II. Page 28. — Sur Leclerc et Aumont.
Extraits de la pétition de Leclerc, imprimeur, adressée à la Convention, datée de
la Conciergerie du Palais, à Rouen, du 26 janvier l'an 2» de la République.
PAGE 9.... Le citoyen Le Comte, notable, prenant alors le titre de suppléant le
procureur de la commune, quoiqu'il ne manquât pas d'officiers municipaux qxii
devaient, suivant la loi, remplir ces fonctions avant lui, rédigea, pendant que j'étais
dans un lieu paisible, sousja protection des magistrats du peuple, un réquisitoire
dans lequel il me présenta comme ïagenl slipendié d'une faction opposée au régime
de la liberté et, sinon le moteu)', au moins le complice volontaire des troubles des
11 et 12 janvier.
Il faut obserN'er que le suppléant le procureur de la commune tire toutes ces
conjectures tant de l'article : Aux Français^ inséré le 10, que du projet d'adresse du
sieur Aumont,
Après cet exposé, il s'étaya de l'art. III de la loi du 10 août dernier, confiant aux
municipalités les grandes mesures de police générale, pour demander la prohibition
de mon journal, et conclure à ce que les scellés fussent mis sur mon imprimerie,
quoique la loi qu'il a invoquée ne dise pas un mot de cette mesure.
Le réquisitoire, de suite soumis au conseil général, alors assemblé au nombre de
vingt-trois membres, et le réquisitoire fut adopté à la majorité de 12 voix contre 41.
PAGE 10 Il se rencontra deux hommes qui, entraînés sans doute par un faux
zèle, et se disant députés par la commune, quoiqu'ils n'aient jamais eu de pouvoirs
d'elle pour cette démarche, trouvèrent moyen de se munir d'\me expédition de la
délibération du conseil général qui venait d'être prise contre moi et partirent sur le
champ pour Paris.
Pendant que ces deux individus voyageaient ainsi extraordinairement pour me
faire porter le dernier coup
(Arch. du dép». Imprimé chez la veuve L. Dumesnil et Montier, rue Neuve-
Saint-Lô, n^ 6, 1793.)
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III. Page 42. — Suppression du Journal du Commerce de Guilbert.
-A. Rouen, le 14 janvier 1798, l'an II de la République.
Le procureur général syndic du département de la Seine-Inférieure aux adminis-
trateurs du district de Rouen :
Je vous fais passer le n« 13 du Journal du Commerce^ de politique elde UttéreUure
ftxmçaise et anglaise qui se distribue dans cette ville. Le folliculaire se suppose faire
Textrait d'un ouvrage intitulé : Avis à la Convention fiationale sur le jugement de
Louis XVL
En s adressant à la Convention, cet ouvrage doit dire, suivant le folliculaire :
» Je crois voir les ombres de vos ancêtres sortir de leurs tombeaux, se répandre
» parmi vous et s'étonner de voir Mais, grand Dieu! j'aperçois des furies qui tien-
• nent dans la main un poignard tout dégouttant de sang. Ce sont les ombres de
» Clément, de Châtel, de Ravaillac, de Bradshaw, de Cromwel, de Damiens. Elles
» soufflent au milieu de vous le poison du régicide ; elles frémissent d'impatience ;
B elles vous accusent de lenteur. Hàtés-vous ! jugés et frappés la victime, et elles
» s'envoleront au séjour des enfers en poussant un cri d'cdlégresse. »
La liberté doit être protégée, mais la licence doit être réprimée ; on ne peut accu-
muler plus d'horreurs contre la Convention nationale ; c'est un attentat à la majesté
du peuple qu'elle représente.
J'ignore si le livre dont on prétend avoir tiré ce passage existe, si le passage s'y
trouve, s'il s'y trouve tel qu'il est copié; mais que le fait soit ou non, le folliculaire
qui, par choix, dissémine de pareils traits, qui les approprie à son journal, est, à coup
sûr, un prédicateur de l'incivisme.
La loi du 9 au 10 août, art. 3, autorise les municipalités à empêcher la distribu-
tion des journaux ou feuilles publiques connus pour prêcher Tincivisme et la contre-
révolution.
Le Conseil général du département m'a, en conséquence, chargé de vous faire
passer le n« 13 de ce journal, afin que vous le transmettiez à la municipalité de Rouen
en l'engageant de se faire remettre sous les yeux les feuilles précédentes de ce jour-
naliste, afin que, convaincue des principes contre-révolutionnaires et inciviques qu'il
répand, elle se sen^e de l'autorité que la loi lui a remise pour assurer le repos public
que ce journaliste cherche à troubler par ses diatribes contre la première autorité
constituée.
Que ne pouvez-vous, citoyens, recommander à la municipalité et au Conseil
général de la commune de Rouen la plus ferme et la plus active surveillance, dans
ce moment où les malveillants que leur ville renferme encore viennent de montrer
des vues hostiles dont les bons citoyens auraient pu devennr les victimes sans la
fermeté qui les a reprimées.
Signé: F.-N. ANQUETIN.
(Arch. du départ.)
U. Rouen, le 25 janvier 1793. l'an premier de la République.
Citoyens administrateurs,
Informé que vous avez cru, dans votre sagesse, devoir dénoncer le n» 13 de mon
journal à la municipalité, j'ai l'honneur de vous prévenir que je viens de lui adresser
la Révolution de i79^, journal qui circule à Paris, ainsi que la brochure dont le
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— 552 —
rédacteur de ce journal, où j'ai puisé» a tiré son extrait. Je joins à la présente le
pamphlet qui a fourni l'extrait ; j'y joindrais le journal, mais n'en ayant qu'un exem-
plaire ceci m'est impossible.
Je suis, avec un profond respect, citoyen, votre très humble ser\iteur
GUILBERT, rédacteur du Journal du ConimeiH^e, e\c.
Au citoyen président du Directoire du district de Rouen.
(Arch. du départ.)
IV. Page 258. — Lettre de Lecanu, ex-avocat.
Paris, 8 juin 1793, an n de la République.
Citoyen ministre,
Si c'était pour moi que je vous sollicitasse, je serais moins tenace et je m'en
tiendrais aux démarches que j'ai faites près de vous; mais c'est pour la chose
publique que je réclame, c'est son intérêt qui m'inspire.
Rouen vous est connu, sans doute, et est comme Lyon le rendez-vous de tous
les aristocrates du dehors qui se joignent à ceux du dedans, complotent, conjurent,
conspirent sourdement et dans les ténèbres. Il serait à propos qu*on pût les dissiper
et y porter le plus grand jour.
On ne • le peut que par une surveillance très exacte, et toute, surveillance n'est
que superficielle et nulle si elle n'a pas d'agents qui l'avertissent de ce qui se trame
de plus caché. Afin de pouvoir le prévenir, il va\it mieux avoir un malheur à
empêcher qu'à réparer, et c'est toujours faute de précaution que tous nos maux sont
arrivés.
Croyez-vous que les rebelles qui désolent la Vendée et tourmentent la Répu-
blique auraient pu, je ne dis pas seulement avoir des succès, mais même se former
si leurs premiers rassemblements, qui se sont concertés dans des maisons à la faveur
de la nuit et de l'impuissance des surveillants d'y être présents par des agents, avaient
été éclairés et dissipés.
Il y a à Rouen des maisons où il se tient de nuit des conventuelles. Qu'est-ce
qui s'y médite? Qu'est-ce qui s'y arrange? Qu'est-ce qui s'y combine? Je n'en sais
rien d'abord. Une intelligence et une correspondance exacte et suivie s'y entretient
avec les émigrés et les conspirateurs de l'intérieur. La chose est probable ensuite.
L'examen, la critique et la satire des décrets s'y font et finalement la résistance à
leur exécution s'y organise.
Il faut contreminer pour détruire l'effet d'une mine.
Je redoute la mise à exécution du décret du milliard. Ce ne sera pas un riche qui
prêtera le secours de ses armes pour faire payer un riche, son voisin, parce qu'il
travaillerait contre lui-même. Chez moi, le sans-culotte est .sans armes, parce qu'il
n'y a que ceux qui ont 60 1. dans leurs poches qui puissent avoir un fusil sur
l'épaule. Des piques ont été faites, mais je n'ai jamais pu parvenir à les faire dis-
tribuer. Elles sont d'une longueur telle qu'on a réussi à dégoûter le peuple de s'en
servir et on ne veut pas permettre qu'elles soient raccourcies. J'en ai en vain fait la
motion plusieurs fois.
Enfin, on donnait à Paris 30,000 1. par mois pour tenir sa police. Rouen contient
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plus de 100,000 âmes. Voyez ce que vous devez faire. Ilàtez-vous, le moment est
favorable.
Signé : J.-V. Lecanu, officier municipal de la commune de Rouen et président
du comité de surveillance, hôtel de Languedoc, rue de Grenelle Saint-Honoré.
(Arch. du dépar*. Copie).
V. Page 239. —Sur Robert de Saint- Victor.
A.. — Saint-Yon, 1«^ décade de frimaire, l'an deux delà République Française, une
et indivisible.
Frère et ami, ci-devant mon collègue.
Le malheureux est crédule et se nourrit facilement d'espoir, surtout lorsque sa
conscience est pure et qu'il ne demande que justice.
Mon arrestation a confondu le patriotisme et confondu jusqu'à Vari8tot:ratie,
Ma détention prolongée depuis cinq semaines devient le triomphe et la risée de
cette dernière.
Elle devient pour moi-même une sorte de problème que je ne puis résoudre.
Justice nationale, où es-tu ? Vertu ne serais-tu qu'un songe ? Ne sait-on que punir le
coupable ?. . .
Tu as été témoin de toute ma conduite ; j'en appelle à toi-même, a-t-elle iléchi et
varié un seul instant?
Je l'ai écrit au comité. Qu'on interroge la ville et les campagnes, et que'l'on me
juge sur leur réponse. L'autocratie ( j'entends celle qui est juste et de bonne foi )
m'absout de mes chaînes et voterait pour ma liberté.
J'ai relu la lettre fraternelle que tu m'as rédigée au nom du comité. Elle me
donne des consolations, mais aucune espérance. Lorsque j'ai paru dernièrement au
comité, j'ai été reçu, caressé en frère ; mais personne ne m'a dit : Tu dois sortir et
tu vas sortir. On m'exhorte à souffrir avec courage ; mais puisque c'est injustement,
pourquoi dois-je souffrir ? La liberté est le bien commun, la propriété la plus chère,
le besoin, l'élément des Français, je ne dois pas en être privé un seul moment si je ne
l'ai pas mérité ; et elle m'est ravie depuis cinq semaines ! et je suis privé des em-
brassemens de ma femme et des caresses de mes enfants ; et mes affaires soufîregt et
languissent au. moment où j'ai le plus pressant besoin de les suivre !...
Tu me dis, citoyen, que ma liberté ne dépend pas du comité dont tu es membre ;
mais ce comité n'a qu'à dire un mot à celui de Paris et mes fers tombent à l'instant...
Tu le sais comme moi ... *
Ah ! frère et ami, tu es juste, mais terrible, et je ne crois pas que l'administration
endurcisse ton cœur. Les mesures sévères et de rigueur sont à l'ordre du jour, mais
celles d'humanité et de justice y sont aussi et y seront toujours. J'ai dû, sans doute,
être arrêté, mais je ne dois pas être détenu. C'est une injustice cette oppression que
j'éprouve, qui me décourage et navre mon cœur d'amertume.
Je suis dans une exception singulière, j'ose le dire , et cependant me voilà
confondu dans le sort général ! Regarde avec quels individus pour la plupart je suis
détenu et vois si de pareilles chaînes ne m'avilissent pas à mes propres yeux !
Enfin, daigne me parler clairement. N'y a-t-il plus d'espoir ? et la Révolution, la
Patrie exigent-elles que l'innocence reconnue soit enveloppée avec le coupable et
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l'individu suspect ? Ne duit-il exister iK)ur l'un et |>our l'autiv que le même poids. la
même mesure ? Il faudra bien y souscrire et faire ce defnier sacrifice, le plus dur, le
plus amer de tous. . .
Au moins, tire-moi de cette perplexité plus cruelle encore que la plus afligeantp
certitude. J'y prépare ma femme dont ton âme peut mesurer la douleur et qui crie
vengt»ance et justice pan'e qu'elle connaît mes sentiments et toute l'injustice de ma
situation...
Ah ! PUlon, si tu étais à ma place, et si j'étais à la tienne, je n'aurais pas un
moment de repos jusqu'à ce que je t'eusse vu rendre à la liberté, à ta femme, ton
enfant et tes affaires.
Si tu ne crois pas pouvoir me répondre, au moins lis-moi. Tu ne peux pas le
refuser, je te le demande au nom de l'infortune.
. Eh! que me ferait de plus le parti contraire, s'il pouvait triompher? Est-ce à la
Patrie de me punir de l'avoir courageusement et fidèlement servie î
Salut, fraternité, justice. L. Robert.
Les rues sont pavées, les campagnes sont peuplées d'ex-nobles et parents d'émi-
grés qui n'ont pensé ni agi comme moi, il s'en faut... Ils vivent chez eux et moi je
suis en prison ! . . .
Au citoyen Pillon, officier municipal et membre du comité de Sur\'eillance, Rouen.
(Arch. mpales).
U. — Inventaire, le 2i floréal an II (10 mai 17^) en la maiMon d'Yon, de tous les
objets qui y étaient déposés dans les pièces occupées par Louis Robert (de Saint-Victor)
... Où étant parvenus, dans le premier corridor entre la chambre portant n«« 16
et 17, j'ai trouvé les objets qui suivent : — un manteau de drap vert gamy d'un petit
galon d'or et de ses agrafi'es en argent ; — deux petits bougeoirs de cuivre argenté; —
un Horace latin, Suétone en latin ; — treize volumes anglais : — une petite commode
en bois de placage à trois tiroirs contenant une cuillère, une fourchette, et une petite
cuillère à café en argent; — une paire de bas de fil, deux paires de bas de coton ;-
une dito de soie grise ; — un mouchoir de soie, une chemise ; — une écuelle ei ses
deux oreilles en argent; — une écritoire en chagrin, garni de ses plaques, encrier et
poudrière d'argent ; — une tabatière en écaille à portrait et paysage garnie de deux
cercles etgorge en or ; — une tabatière dito, garnie d'une lampresse (?) et paysage à deux
cercles d'or; — une bombonnière en yvoire à deux médaillons fleurs et fruits cercles
et gorge en or ; — une boette en écaille, portrait de femme et médaillon garnie en
or; ~ une tabatière en écaille à deux petits dessins et deux cercles d'or; —une
cuvette on faïence, un flacon et un gobelet de verre blanc. — une glace de 21 pouces
de longueur sur 12 de largeur ; — une boîte à poudre, deux petites casseroles et une
veilleuse en fer blanc ; — petit marchepied en bois de chêne; — une petite table en
bois de noyer, table de marbre gris ; — un soufflet à tuyau de cuivre; — une table
ronde en bois d'acajou sur son pied ; — deux chaises à fond de paille, une à fond
d'osier; — une chemise, deux mouchoirs de soye; — un bandeau de toile; — Die.
tionnatre de Boyer en 2 volumes; — 3 volumes anglais, voyage en Nubie, ^
Abyssinie; — 4 volumes brochés; — un fauteuil en panne vert et blanc ; — une grande
redingote beige; — un gilet à devant de CAsimir écarlate brodé ; — un habit de drap
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- 555 —
à iietHs (?), vert et noir; — une redingote de drap à rayes rouges, vert et bleu (sic);
— une petite hache à main ; — un baudet fond coutil ; — 2 matelas couverts de toile
veile ; un oreiller rempli de coutil de plumes; un traversin de toile verte rempli de
plumes; deux draps de lé et demi et une taie d'oreiller entoile ; — une couverture de
molleton de coton blanc; un manteau de lit en indienne, un autre dito doublé de
fùtaine blanche; — une vieille nappe; — une redingote et un gilet de coton blanc; —
une serviette de double œuvre ; — Deux paysages sur bois par Mayère ; — Cinq paysages
par Robert ; — un paysage et deux temples par un maître flamand ; — une petite
femme inscrustée en marbre ; — deux testes d'homme par un maître français ; — un
paysage avec ruine, figures et animaux sur cuivre ; — des buveurs sur bois, par un
maître flamand, en deux tableaux ; — trois marines, par idem, sur bois ; — une
sainte famille, sur hois, par un maître flamand; — une Descente de Croix, sur bois,
par item ; — deux paysages, sur bois, par Pagniez ; — une mangeuse de confitures,
sur bois, par un maître français ; — deux églises, sur cuivre, par un maître hollan-
dais; — une tète de vierge et sainte famille, sur bois, par un maître italien; — Six
tant figures que paysages, sur bois par un maître français ; — un avare, une école et
un portrait d'homme, sur bois, par un maître flamand ; — un charlatan, sur bois, par
un maître français ; — un intérieur de cuisine, deux bouquets et deux corbeilles de
fruits, sur toile, par Perpète ; — un hiver, sur toile et bois, par un maître flamand ; —
un paysage avec fabriques et figures, par Boucher; — deux tètes d'enfant par le
même ; — un ange gardien et un buste d'homme, par un maître flamand ; — deux
bouquets de fleurs, sur agathe. par Brughels ; — une cafetière du Levant, en cuivre; —
un marteau en fer...
(Arch. municip.)
C. Page 498. — Egalité. — République Française. —Liberté.
•Convention Nationale. — Comité de sûreté générale, section de la police de Paris.
Du 26 germinal l'an trois de la République Française, une et indivisible. M'étant
trouvé ce jourd'hui au Palais-Egalité, j'aurais rencontré le C™ Robert, dit Saint-Victor,
ci-devant président au ci-devant Parlement de Rouen, que l'ayant abordé, je lui
aurais dit qu'il était étonnant qu'après avoir prêché le terrorisme à la tribune des
Jacobins de Rouen et y avoir annoncé avec une espèce de joie et satisfaction que
son fils avait été guillotiné, il affiche de se retirer à Paris; que plusieurs personnes
se seraient assemblées, que sur ce la garde serait survenue et aurait de suite
conduit le soussigné et le citoyen Robert au comité de sûreté générale.
Signé ; Renault, rue Grenelle-Honoré, n» 78.
La dénonciation ci-dessus est une calomnie atroce dont je lais.se la punition à la
vindicte publiqtie lorsqu'elle sei'a prouvée. J'étais ex-noble, non président, mais
conseiller au Parlement de Rouen. J'ai aimé et embrassé la Révolution dès la pre-
mière époque. J'ai prêché la liberté, l'égalité, la fraternité, l'union, rien de plus. Ma
conduite civique a eu pour témoin toute la commune de Rouen, le district et le
département auquel je demande qu'on fasse des informations.
J'ai été officier municipal et j'ai pour témoin de ma conduite dans la municipalité
le citoyen Lecomte, alors substitut de la commune, aujourd'hui représentant du
peuple, avec lequel je loge, hôtel Laurent, rue du Four-Honoré.
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— 556 —
(Test une atrocité abominable et révoltante de dire que j'ai prêché le terrorisme à
Uï tribune des Jacobins; je n'ai parlé que d'union, de paix, de concorde, d'amour
fMfur In République, et je n'ai pas dénoncé une àme dans le monde.
Lr 16 octobre, l'an II de la République, au matin, on vint me saisir par ordre du
coin i If ^ lie sûreté générale comme ex-noble et père d'émigré, et comme tel je fus
curiîhiil à la maison de détention (Yon), à Rouen. J'y ai resté onze mois ; enfin j'en
ni ^orti, mais avec le séquestre sur tous mes biens depuis dix-huit mois ; je viens ici
jM^ur le faire lever, et les membres du comité de législation attesteront de mes
frèqiif^iites visites audit comité.
C'est une horreur de dire que j'ai dénoncé mon fils et que je me suis réjoui de
»n [Murt* Je défie que cette calomnie puisse être prouvée et j'en appelle à toutes les
pn?nves que Ion voudra invoquer.
J'ai été une victime moi-même du terrorisme; comment aurais-je pu en être le
prôint^ur et l'organe.
Sans le 9 thermidor, je n'existerais plus aujourd'hui.
Pîvris, le 26 germinal Tan ÏII de la République.
(Arch. nat. F. 4670) • L. Robert.
VL Page 422. — Lettre du conventionnel Lecomte à la commune
de Rouen.
Paris, 12 thermidor an II.
Ày conseil général de la commune.
Citoyens,
j'ai reçu votre courrier à minuit et demi et il n'y avait pas longtemps que j'étais
^>îit de la séance qui a duré jusqu'à plus d'une heure ; mes yeux extrêmement
falii^ués depuis deux à trois mois ne me permirent pas d'y rester plus longtemps.
Toutes les adresses que vous m'avez envoyées ont ouvert la séance de ce jour et
ont Init la plus vive sensation tant à la Convention qu'aux tribunes qui sont très
1 11)11 ihreuses : Tout le monde a été enchanté de la célérité et des expressions, car
lune et l'autre prouvent le sentiment. Toutes seront insérées honorablement au
biiUetiii.
Tout est Icy fort tranquille et parfaitement d'accord avec la pureté des sentiments
mu animent la Convention : s'il reste quelqu'inquiétude parmi nous, c'est un effet
juslo et naturel de la conspiration.
Nous sçavons bien que les scélérats qui tenaient le Dez n'existent plus, mais
nou8 sçavons aussi qu'ils avaient une cour et cpi'ils ont laissé des légataires que les
ytmx de la prudence et du zèle découvriront.
Vieilles, mes bons amis, ou plutôt continués votre surveillance. Nous vaincrons
li.^s ri ii>chants ; et prenez garde aux jeux de figure, ce sont des traits qui marquent le
tmraflére. Contribués à démasquer les Hébertistes, les Robespierristes, tous ces
fortît'nès enfin qui doivent maintenant saigner du nez.
Hier, soixante-et-onze membres de la commune de Paris ont péri sur l'échafaud
J4UX i'vhs de l'allégresse publique : on va réorganiser cette commune et le tribunal
révolutionnaire. Tout va changer et prendre une autre attitude.
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- 557 -
Faites part de la présente à toutes les autorités constituées qui se sont réunies à
vous et daignés les assurer de ma reconnaissance particulière.
Salut et fraternité. Lecomte.
Liège, le fort Siblot sont à nous; nous sommes donc maîtres de l'Escaut. Vive la
République ! mes embrassements à tous les vrais patriotes.
(Arch. m pales).
VII. Le Reoeil des Rouennais, — Sur Tair de La Marseillaise.
Français, lorsque vous êtes libres
Ne souffrez plus de Jacobins.
Exterminez-donc les perfides,
Fléau du genre humain {bis) (sic).
Que le signal partout se donne !
Il faut punir tous les pervers
Amis renvoyons aux Enfers
Des brigands partout abhorrés (sic).
Levez-vous, citoyens !
Ecrasez ces mutins,
Marchez, marchons î
Rendons la paix à tout le genre humain.
Assez longtemps ces monstres infâmes (sic)
Ont fait génir l'humanité,
Ne nous rendons pas trop méprisables (sic)
Par une trop longue impunité. (sic) ,
Le temps n'est plus où ces barbares
Nous tenaient partout enchaînés.
La Terreur est ressuscitée,
Mais c'est pour ces êtres infâmes.
Armez- vous, citoyens !
Ecrasez ces mutins.
Marchez, marchons !
Rendons la paix à tout le geni'e humain.
Que la Terreur soit pour les traîtres
Et pour tous les hommes de sang !
11 €»st facile à les connaître :
lie sang ils sont encore fumant. (sic)
Pourquoi donc dedans cette ville
Ont-ils encore lair menaçant ? (sic)
Faites les tomber dans le néant
Si vous voulez être tranquille.
Frappez donc, citoyens î
Point de grâce pour ces muthis !
Frapî>oz, frap|)ons !
Rendons la paix à Icmt le \nn\VM humain.
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— 568 -
Ueprrsentaiils duii peuple libre,
Contintiez vos sages travaux î
Ne souffrez plus que des perlides
De la France fasse un tombeau. (sic)
Nous jurons partout de poursuivre
Et d'anéantir ces bourreaux.
Nous ne voulons point de repos
Que la France ne .soit puve et libre, (sic)
Sage représentant.
Frappez tous les tyrans,
Frappez, frappons !
Donnez la mort à ces bommes de sang.
Collationnê conforme à l'original resté en dépôt au parquet de l'agenc» nationale.
— A Rouen, ce 2^1 pluviôse an 111. .signé Le Coutour.
(Arcb. du dép'). Cette pièce m*a été signalée pai* M. Duchcmin, directeur de
La Normandie historique, ,
VIII. Page 501 n. 3. — Hardy, représentant du peuple à son ami
Victor Lefebvre, Vun des membres du jury institué pour
i établissement des Ecoles centrales.
Paris, le 12 prairial an 111 (31 mai 1795).
Le citoyen Barcq ma conunuuiqué ce matin im fragment d'une lettre que tu lui
as écrite ces jours derniers, dans lequel tu peins, avec l'abandon e^ la sensibilité qui
caractérisent ton cœur, les sentiments de la tendre et sincère amitié qui nous unit
depuis longtemps, et dans lequel tu montres, avec le désir de me choisir pour un des
professeurs de l'Ecole centrale, quelque sollicitude sur l'incompatibilité de la misf^iim
dont le peuple m'a chargé avec cette nouvelle fonction publique. Mon ami, tes craintes
à cet égard ne sont pas fondées. Le jury de Paris a nommé plusieurs de mes collègues,
sans s'occuper ni de l'instant où ils pourraient enseigner, ni de savoir s'ils auraient
besoin d'un suppléant.
Ne t'imagines pas, mon cher Lefebvre. que l'enseignement des sciences physiques
puisse être aussi prompt que tu semblés le vouloir. . . 11 faut du temps pour former
un laboratoire de chimie, pour former les cabinets d'histoire naturelle, de physique,elc.
L'essentiel, dans ce moment, est de faire de bons choix, des choix, s'il se peut, à
demeure.
Si toi, mon ami, et tes deux collègues dont tu connais les sentiments de bienveil-
lance pour moi, vous me croyez digne d'enseigner l'histoire naturelle et la chimie, je
ne vois rien qui puisse s'opposer à ce que je remplisse vos vœux à cet égard. Tu te
rappelles sans doute mes nombreux sacrilices pour l'établissement de la chaire do
chimie et d'histsire naturelle , et tu sais peut-être qu'à l'époque de la Révolution le
gouvernement m'avait accordé une pension de 2,400 1. que j'ai sacrifiée à la chose publi-
que. Malgré mes vieilles prétentions sur cette place dont les détails t'ennuieraient et
ne me plairaient guère, si lu tiYiiives un sujel plus fort pour remplir les \-ues du gou-
vernement que ton ancien ami. choisis-le, ïie balance point. La Patrie a des rh-oits
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— 559 —
siipcirieiii-s à ceux de l'aniitié. Sois vèritablenieiit riinpai'tial juré du jury d'iuslructioii
publique, et prononce en ton àme et conscience, bien certain de conser>'er mon estime
et mon amitié.
Dans l'hypothèse de Thonneur de ton choix et de celui de tes deux collègues, le
temps qui me séparera de ceux que je serai chargé d'instituer ne sera pas perdu ni
f>our eux, ni pour moi. Je ne m'occuperai ici non seulement de me mettre au niveau
ties connaissances acquises, mais encore de ce qui .sera nécessaire pour la formation
ou la disposition du cabinet de chimie et d'histoire naturelle." Si j'étais à Rouen,
il nie serait impossible de remplir cette nouvelle fonction comme je le désirerais,
sans venir pa.sser ici quatre à cinq mois au moins.
La Convention ne tardera pas à doimer une constitution au peuple français. Klle
.sei'a, je l'espère, débarrassée des maximes démagogiques qui déparent celle de 179H
et qui y ont été glissées à dessein. Les représentants du peuple ont reçu depuis deux
Hiis d'utiles leçons et j'aime à croire qu'elles ne seront pas perdues pour le bonheur
de nos concitoyens. Nous aiu'ons un gouvernement constitutionnel bien plus tôt qu'on
ne le pense... Aussitôt que ce grand travail sera fini, rien ne s'opposera, mon ami, à
ce que j'aille occuper la place de professeur à laquelle j'aurais été appelé soit avant,
soit après la cessation de la session de la Convention nationale. Mais la Convention
.sera remplacée par un corps ccmstitué avant que les préparatifs des cabinets soient
terminés, sois-en bien assuré.
Je te fais cette lettre dans un comité au milieu dune vingtaine de députés qui
parlent et m'interrompent sans ces.se. Il m'est impossible de mettre l'ordre dans ce que
j'écris. Excuse-moi, mon ami, et reçois, avec ta bonté accoutumée, Tas-surance de mon
inviolable attachement.
Signé : IIahdv.
I*.-S. — Tout va bien ici. Les nouvelles de Toulon sont consolantes. Le repré.sen-
taiit nouveau qu'on vous envoie, Coupéj des Côtes-du-iVor<i, doit partir après demain
p<ïur .sa destination. — Je compte me rendre à Rouen dans huk à dix jours. J'aurai
satisfaction de t'embrasser autrement que par désir.
IX. Page 531. — Rapport sur l'esprit public à Rouen,
AFFAiRKs sk4:rktks Rouou, le ÎK) nivôse, l'an 4*" (20 janvier i79H).
Le Receveur des impositions du dépaiiement de la Seine-Inférieure au ministre de la
police générale de la République française.
Citoyen niini.^^tre.
N'ayant aujourd'hui rien de pailiculier à vous -mander sur l'objet principal dont
vous m'avez chargé, je vais avoir l'honneur de vous entretenir de celui qui, depuis
mon arrivée dans cette comnmne, a fixé mon attention. Je vous dois, je dois à ma
Patrie le tribut des lumières que j'ay acquises. Je paye ma dette.
Il s'en faut de beaucoup qu'en général l'esprit public soit passé, parmi leshaljitiuis
de cette connnune, au degré de perfectibilité néces.saire pour raiïermis.sement de la
République. Mais il n'en faut accuser que régoisme, et surtout les propos qu'une
foule d'ennemis de la Patrie répandent dans la société.
Les conuneivants (pii fornu'nl la «'lasse Ih pins iniportnnie de celle cité maritime.
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— 560 —
aiment beaucoup l'argent, les aisances; ils n'aspirent qu'à jouir d'une grande fortune
qui puisse leur donner de la considération. Ils veulent paraître honnêtes gens et
cependant ils n'ont de probité qu'autant qu'elle |>eut leur étrt» utile, et, tromper son
concitoyen, lui enlever quelques airaires, leur semble un acte méritoire, s'ils panien-
nent à lui arracher quelques plumes tle son aile. Sans liaisons intimes, sans aniilié
les uns pour les autres, ils vivraient isolés, si l'inténH ne les réunissait quelquefois.
Dans le commencement de la Révolution, le commerce a été écrasé par les
vandales qui gouvernaient la France; il s'est élevé sur les ruines des anciennes maisons
de commerce une foule d'intrigants qui ont porté partout le désespoir et le découra-
gement, et ont tiré un grand parti de la terreur qu'ils avaient su rt^pandre. Ces hommes
sont devenus aujourd'hui les plus grands ennenns du gouvernement; ils proclament
hautement leurs opinions inciviques, travaillent à saper les fondements de la Constitu-
tion ; s'appliquent à lui faire de nouveaux ennemis, à fermenter l'anarchie, à exciter la
haine contre le gouvernement. Ces hommes dangereux se réunissent à la plupart des
agents du gouvernement, chargés de quelques parties de l'administration qui ne sem-
blent régies que pour leur compte particulier, et qui, enrichis aux dépens delà fortune
publique, étalent un luxe insolent, osent dans leurs orgies préparer les coups qu'ils
voudraient faire porter à la cho.se publique et ne négligent aucun des moyens qui
semblent être en leur pouvoir. J'y ajouterai encore que ce.s gens sont admirablement
bien secondés par les membres des autorités constituées, dont bien peu m'ont paru
d'excellents patriotes.
Heureusement pour la chose publique, il existe parmi eux une crainte salutain\
Ils craignent de devenir de nouveau les victimes de la Terreur, et comme, dans leur
cœur, ils sont éloignés de coopérer aux mesures qu'ils indiquent comme étant
propres à renverser l'édifice d'un bon gouvernement, ils voudraient profiter de la
trahison sans être soupçonnés d'en être les auteurs; c'est pour cela que leur sur-
veillance est moins à craindre, et n'ayant réellement aucun chef de parti, les moyens
qu'ils emploient viendront toujours échouer contre une mesure rigoureuse du Gou-
vernement.
La chei-té des comestibles, la difficulté de s'en precurer, la scélératesse des
cultivateurs, l'emprunt forcé, et jusqu'à une malheureuse maladie épidéniique.
arrivée à une petite connnune voisine, mais qui n'a heureusement auctm caractère
alarmant, ont été les prétextes dont ils se sont sen'is pour allécher l'espoir des
nombreux ouvriers des nianufactures et provoquer leur mécontentement. Le Gou-
vernement, selon eux, veut proposer la guerre, affamer le peuple, s'emparer des
trésors de la Nation, il a accumulé sur nos têtes les trois grands fléaux de l'huma-
nité : la guerre, la peste et la famine.
Mais ces honnêtes citoyens ont vu le pain et la viande diminuer de prix, se k
procurer abondamment, l'épidémie ne point les atteindre, et les vœux du Directoire
portés constamment vers la paix, au moyen de quoi ils sont retournés tranquiHemenl
dans leurs ateliers. Tout cela n'a pas été le fruit d'une grande éloquence, ni de
l'emploi de grands moyens; une persuasion douce, l'instruction donnée à ceux qui
parmi eux jouis.sent de quelque considération, ont opéré le cahne et la tranquillit'*
qui régne dans ce moment-cy dans cette immense conmmne.
Mais, citoyen ministre, je dois vous dire que cette tranquillité ne sera qu'éplu'-
mére tant (puî fies jeunes gens, lâches <lésertem*s des drapeaux de la |»nlri»\
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-5M -
emploieront tous leurs moyens pour propager les principes les plus scandaleux.
Les promenades, les spectacles, les cafés, les billards sont pleins de ces jeunes
incendiaires, on les voit partout, excepté aux champs de la gloire. La nuit, ils se
retirent à la campagne.
Il existe aux environs de Rouen une très grande quantité de petites maisons de
récréation, où, autrefois, le négociant tranquille allait passer le dimanche avec sa
famille. Ces asiles étaient consacrés à l'amitié, aux plaisirs domestiques. Aujourd'hui,
ils sont le repaire des contre-révolutionnaires ; ils sont tellement multipliés que tout le
monde veut en avoir un. Le voisinage, la facilité de se réunir sans être aperçu, tout
concourt à les faire rechercher, et c'est là que les fils des marchands passent la nuit
pour se soustraire à la réquisition.
Ceux employés dans les charrois, dans les vivres, aux subsistances et dans les
administrations qui se sont multipliées dans cette commune au-delà de toute néces-
sité, sont encore ceux qui propagent avec plus d'ardeur la désobéissance aux lois, et
leurs places, qui les mettent à l'abri de toute recherche, payant très souvent le chef
qui les protège, semble leur donner une hardiesse, une insolence que les autres,
timides par caractère, n'osent point développer encore, et qui, n'étant braves qu'avec
leurs camarades, ou les femmes avec lesquelles ils vivent, leur jactance s'évanouit
devant un habit bleu.
De pareils hommes ne sont guère dangereux ; mais je pense qu'il serait utile de
leur ôter les moyens de huire et d'enlever à la malveillance cet appui, tout faible
qu'il est.
C'est pourquoi il me paraîtrait convenable de faire ordonner de nouveau, par le
Directoire exécutif, à tous chefs d'administration, de donner la liste des jeunes gens de
la première réquisition, de les présenter à l'agent militaire du gouvernement (qui aurait '
des ordres secrets de les faire partir) sous une responsabilité terrible contre chaque chef,
telle, par exemple, de la perte de leur employ et d'être punis comme fauteurs de la
désertion ; de faire proclamer la loi contre ceux qui recèlent un défenseur de la
Patrie ; charger spécialement les autorités constituées de rechercher les déserteurs, et
faute par eux de les faire rejoindre, ou d'avoir éludé l'exécution de la loi, les faire juger
comme réfractaires ; ordonner que tous ceux qui auraient obtenu des congés à quelque
titre que ce.soit, même pour cause de blessures ou d'infirmités, soient tenus d'en faire
valider le motif par une nouvelle vérification ; enfin, donner par des affiches multipliées
la plus grande publicité à cette mesure, et annoncer la volonté déterminée de la faire
exécuter.
Il en est une autre qui doit coïncider avec celle-là, c'est de faire connaître que tous
les jeunes gens qui ne sont pas dans l'âge de la réquisition, et qui auront atteint 21 ans,
se feront inscrire dans les 24 heures sur le registre civique de leur canton, que tous ceux
qui, soit dans les promenades, les spectacles, les cafés, soit dans tous les lieux publics
et particuliers qui auront manifesté par des propos ou des écrits, des sentiments
contraires à l'aflermissement de la République ou contre les mesures du gouvernement,
seront punis suivant la rigueur des lois.
D'une part, on criera à la désorganisation, de l'autre, qu'on veut ramener le règne
de la Terreur. Il faut laisser clabauder ; les charrois se feront aussi bien, les subsis-
tances parviendront de même et la Terreur ne sera que pour les malveillants. Il faut
que le gouvernement marche d'un pas ferme et il serait à chaque instant exposé à des
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-m-
entraves s'il n'écartait des grandes communes des hommes qui ne vivent qu'aux dépens
de la République et qui, par ton ou par incivisme, sont ses plus grands détracteurs.
Je vous promets, citoyen Ministre, qu'après cela Rouen ne présentera plus le
spectacle odieux d'une commune qui semble être à chaque instant le théâtre et le foyer
de la contre-révolution. L'esprit de la malveillance sera exécuté pour jamais, et s'il
arrivait quelque crise malheureuse, les fils de l'intrigue étant rompus, les instrumente
brisés, on aurait bien de la peine à remonter la machine.
En attendant, je croirais nécessaire de faire surveiller les petites maisons, où,
malgré l'hyver, on se rend tous les jours, ainsi que les maisons de campagne dans le
rayon de deux lieues. Un homme intelligent qui aurait deux chevaux de selle à sa
disposition, avec un cabriolet propre, parcequ'il est difficile d'en trouver à louer dans
cette commune, pourrait, en se promenant, trouver les moyens de s'introduire dans ces
maisons sans être soupçonné et y faire même des connaissances utiles.
A l'exception du Moniteur et de Perlet, on ne voit aucun journal patriote; ceux-ci
même sont insignifiants, le dernier quelquefois dangereux ; le gouvernement en paye
quelques-uns qu'il serait bon de faire connaître et je ne serais pas fâché qu'il m'en fit
parvenir, soit en m'abonnant, soit en me les envoyant directement avec d'autres
ouvrages propres à inspirer des sentiments républicains ; cela servirait, en les faisant
connaître, à contrebalancer les horreurs que les mauvais journaux débitent tous les
jours.
[ Au dos : ] Pour le niinistre seul.
(Lettre autographe de Leclerc-Saint-Aubin, non signée ; 7 pages petit in-4^. — At-ch.
na/. F. 7, 3689 2.)
X. — Autre rapport de Leclcrc-Saint" Aubin.
Rouen, le 5 ventôse l'an 4« (24 février 1796).
Citoyen ministre (de la police générale) ,
L'administration départementale vient heureusement de se débarrasser d'un de ses
membres, le C» Aubet\ ex-prêtre, qui a donné sa démission, ayant été nommé à la place
de professeur et de le remplacer par un homme tel que j'en voudrais encore voir deux
autres dans cette administration importante, le C" Quillebeuf, membre de l'administra-
tion municipale du canton de Rouen.
Mon zèle ne doit point vous dissimuler que le département a besoin d'être reccrm-
posé, si vous voulez voir marcher la révolution et maintenir le cahne dans le déparlô-
ment de la Seine-Inférieure.
Le C" Grandin, président, n'est point du tout apte pour ses fonctions ; sans aucunes
connaissances administratives, il a la morgue d'un ancien premier président des parle-
ments, quoique son ancien état fut fabricant de drap. Il a pris le parti des émigrés qu'il
favorise de toute l'influence que lui donne sa place ; il protège ouvertement les prêtres
réfractaires et comprime le zèle de l'administration municipale pour leur expulsion.
Selol est un membre du département plus dangereux encore, parce que, jouant
parfois le patriote, il parvient à tromper ceux qui ne le connaissent que faiblement, il a
été et il est encore l'homme d'affaires des émigrés et des prêtres réfractaires. Sa femme
et ses domestiques ne dissimulent pas leur haine contre la Révolution, ce qui prouve
mieux qu*^ jamais le proverbe tel maître^ tel valet. Dans sa place à l'ancien district, il
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- 5G3 -
s'était réservé, comme au département, la partie des domaines, afin de favoriser les
émigrés et les accapareurs de biens nationaux. Dans les opérations de l'emprunt forcé»
il s'est on ne peut plus mal conduit. Il s'était réservé de statuer sur la 16*» classe, et c'est
c-el le de tous les riches qui ne sont point imposés, à beaucoup prés, au taux où ils
auraient dû l'être. Enfin, pour achever do vous faire connaître cet homme, je vais vous
citer un fait qui a eu plus de 3 mille témoins, c'est qu'à l'occasion de la déclaration à
faire par les fonctionnaires publics le 21 janvier,. Selot l'a retournée ainsi : « Je déclare
gM^yest/w sincèrement attaché à la Royauté et que je voue une haine étemelle à la
République », et sur la clameur publique qui lui fit répéter la déclaration, il la fit
suivant la formule en substituant au mot Royauté celui de Tyratmie, et vuus savez,
citoyen ministre, le sens que les chouans cherchent à donner à ce m jt.
Si vous pensiez devoir débarrasser l'administration départemenale de ces deux
hommes, il faudrait prendre quelque précaution pour leur remplacement.
Il serait, je crois, nécessaire que vous m'adressiez les arrêtés qui ordonneraient
leur destitution afin que je puisse concerter avec Cabiss-ol, Guttinger (sic) et Quillebeuf,
qui vient d'être adjoint à la place d'Aubert et qui tous trois sont solides, les moyens do
faire un choix utile à la chose publique. Il serait bon que le citoyen Anquetin, nommé
commissaire du pouvoir exécutif, passât à la présidence, ce qui serait bien sa place, et
si je par\icns à réunir les suffrages des trois restants en faveur de trois autres patriotes
prononcés et instruits, alors je vous ferai connaître la personne qui pourrait remplacer
le commissaire, qui est à la nomination du Directoire.
Salut et fraternité. * Le Clerc-Saint- Aubin.
(Arch. nat. F^ 36892).
XI. Page 530. — Franc- Maçonnerie royaliste. — Affiche.
CABALE CONTRE LA LIBERTÉ DES ÉLECTIONS.
Mes Concitoyens,
Vous avez pu entendre dire qu'il existe une association pour porter aux fonctions
publiques des citoyens de son choix. Cette association, dont le but apparent est infini-
ment louable, puisqu'il tend à éloigner des places ces hommes de sang qui ont désolé
la France, a pour but réel de nous ramener à un autre régime ; ce qui nécessite une
nouvelle révolution.
Les deux plans me sont tombés dans les mains : la première partie seule est
connue, et ceux qui sont sociétaires ne pourront se dissimuler que je suis bien instruit;
la seconde partie dont je vous donne également copie, est aussi vraie. Je ne vous fais
qu'une observation : Pourquoi cette affiliation, si elle ne veut que de bons choix,
assujettit-elle ses affîdés au secret? Pourquoi ce mystère ténébreux, ces signes de
reconnaissance ? pourquoi ce serment qui enchaîne le suffrage de l'affilié à la volonté
de l'affiliation ?
Lisez et jugez:
Statuts et règlements de deux sociétés, dont l'une est celle des dlpes et
l'autre celle des renards.
Les Dupes ^ ou société des Amis de l'ordre et Ennemis des anarchistes.
CHAPITRE PHKMÏEH. - serment de non révélation.
(Le serpient qui suit doit se prêter en tenant la main levée). « Je jure de ne rien
révéler de ce qui va m'étre lu et de ce que je vois. »
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— 564 —
CHAPITRE 11. ~ TEXTE DE L'ÉTABUSSEMENT.
La Révolution a donné lieu à la formation d'un club dit des Jacobins qui a été, pour
ainsi dire, le berceau de tous ses partisans.
Ils ont successivement formé les différentes branches qui, voulant allier dans cer-
taines proportions les lois sociales avec le droit naturel, ont réduit, par leur défection,
la société mère aux esprits les plus exagérés, ne voulant que renversement et destruc-
tion sans bornes.
Cette question de l'esprit de faction peut être divisée en deux classes.
L'une est la tourbe passive des sans-culottes, sans morale comme sans propriété,
purement anarchistes, se ralliant au cri de la Constitution de 1793.
Elle est l'instrument de l'autre classe active qui, tantôt par ambition, tantôt par
nécessité, cherche à rétablir une autorité qu'elle conservait pour nager dans le sang de
ses ennemis, ou qu'elle remettrait, si elle ne pouvait les conserver, dans des mains qui
marchanderaient des amis.
Cette société atroce est peu nombreuse ; mais elle est unie, organisée par un travail
continuel et déterminée à suivre ses projets. Cet état lui donne des forces ; elle en tire
même de son désespoir. La terreur affreuse qu'elle inspire l'encourage ; elle est fort
souvent attaquée, mais elle sort toujours impunie de combat, quand elle n'en sort pas
victorieuse. En sorte que l'on forme sa tactique en annulant momentanément ses
tentatives ; sans cesse elle les renouvelera, tant qu'une chasse à outrance n*ira pas ter-
rasser ce monstre dans son antre.
Mais jusqu'à ce que le gouvernement prenne ce parti, dans la crainte qu'il ne le
epmne trop tard, pour suppléer à l'insuffisance des moyens qu'il emploierait, l'intérêt
du propriétaire, celui du citoyen vivant avec probité du fruit de ses travaux, celui de
l'humanité, de la France, de l'Europe entière, commande le ralliement de tous ceux qui
iraient combler les cachots des Jacobins , si on souffrait qu'ils en ressaissisent les
clefs; de tous ceux qui ser\iraient d'aliments à leurs échafauds, s'ils pouvaient les redres-
ser... afin d'opposer une digue épaisse au torrent dévastateur. Pour y jmrvenir, cet
intérêt majeur et général a inspiré la pensée de l'établissement d'une société qui,
mettant de côté les distinctions de royalistes, républicains, monarchistes, modérés,
constitutionnels, etc., confonde dans son sein tous les partis, pour les réunir au point
du ccntact, l'amour de l'ordre et la haine de l'aristocratie, pour lutter contre les anar-
chistes qui les attaquent tous.
C'est donc indépendamment de toute opinion publique, qui demeure libre, une
ligue défensive des honnêtes gens contre les Jacobins. Elle est imitée de ceux-ci et sert
de contrebalterie. Elle s'intitule société des Amis de l'ordre et Ennemis de l'anarchie.
Elle s'appuie du gouvernement et a pour but de la fortifier contre la faction Jacobitc.
CHAPITRE III. — SERMENT A LA SOCIÉTÉ
CHAPITRE IV. — SIGNAUX et mots de reconnaissance
CHAPITRE V, — RÈGLEMENT. — PREMIÈRE SECTION! Dispositions générales —
DEUXIÈME SECTION : De la propagation — troisième section : De la réception.—
QUATRIÈME SECTION : Des Asseniblées primaires.
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La société, suivant le but qu'elle se propose d'arracher à sa rivale les branches
d'autorité qu'elle cherche à reprendre, ou celles qu'elle aurait conservées, porte essen-
tiellement son attention vers les assemblées primaires, qui sont un moyen constitu-
tionnel bien important dont les Jacobins ne manquent point de se servir pour mettre
leurs créatures dans les places qui sont à la nomination du peuple et que la société
cherche de son côté à mettre dans des mains pures. . . Elle a dû trouver un mode qui,
en conservant à chaque citoyen son droit de suffrage, ne laissât cependant pas à
l'ennemi l'avantage de l'unanimité qu'il ne manque jamais de préparer et d'apporter
aux assemblées. La société a transporté ce devoir dans son propre sein pour ne plus
porter à l'assemblée primaire qu'un seul vœu. Néanmoins, comme elle he peut former
d'assemblée particulière, elle procède de la manière suivante :
1« Avant les assemblées primaires, et lorsqu'il en sera requis par son nffidé, chaque
sociétaire donnera son suffrage pour les nominations à faire dans les assemblées
primaires, sur un billet cacheté, pour être remis au bureau central ;
2» Le résultat du recensement sera communiqué à chaque sociétaire.
3» L'affidé fera transcrire devant lui ces noms par le sociétaire et mettra au bas la
lettre intiale de son nom de société ;
4o Chaque sociétaire, en donnant ses billets aux assemblées primaires, mettra au
bas de chacun les lettres initiales et finales de son nom de société ;
5» Chaque sociétaire est obligé d'accepter l'emploi auquel il est nommé.
CINQUIÈME SECTION. — De la Convocation.
Enfin, si les Jacobins, rompant tous les liens avec lesquels on cherche à les lier par
la prudence et la longueur du temps, tentaient des voies de fait qui menaçassent du
retour exécrable du temps de Robespierre, la société, fidèle à son système de ligne
défensive, mesurerait les moyens d'opposition suivant la nature et l'exigence des cas,
et de la manière suivante :
i« Si les jacobins n'en étaient qu'aux préparatifs et qu'une simple adresse ou
pétition aux autorités constituées dut arrêter leurs mouvements, les affidés recueille-
raient les signatures véritables des sociétaires ; aucun ne pourrait la refuser au moment
où elle lui serait demandée, sous quelque prétexte que ce fut ;
2o Si le danger était imminent ou pressant, la société entière se réunirait ;
3» La société, ainsi réunie, dévoilerait et prendrait les moyens nécessaires pour
combattre l'ennemi avec une vigueur qui assurerait le secret ;
4<» Le lieu et l'heure d'assemblée seraient indiqués par les affidés, et même (dans ce
cas seulement) par le parrain, afin que la communication en fut plus prompte ;
5» Tout sociétaire qui ne se rendrait pas au lieu de réunion serait regardé comme un
lâche, un faussaire, l'ennemi personnel de chaque sociétaire, et serait traité comme tel.
SIXIÈME SECTION. — Des avertissements ,, ,
LES RENARDS ou coterie des fils LÉoniMES
Même serment préalable que pour la société des Amis de l'ordre.
texte
La nécessité d'opposer un bouclier formidable aux jacobins n'est pas le seul but
qu'on ait eu en formant une société des Amis de Tordre et Ennemis des anarchistes
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qui, éloignant toutes les distinctions des partis, réunisse contre l'ennemi commun les
efforts de tous ceux qui désirent un gouvernt'nient stable.
La majorité, parmi ceux-ci, pense que le gouvernement stable, le seul qui puisse
amener la paix, le seul qui convienne à la France, celui qui est aujourd'hui le voeu de la
masse de ses habitants, c'est la monarchie ayant pour chef le roi légitime Louis XYlIl.
Par l'établissement de la société des Amis de l'ordre, les pirates sont écartés, le
port est préparé, l'entrée du vaisseau s'effectue ensuite par le secours des royalistes qui
rament d'accord pour assurer sa marche.
Pour le rétablissement de l'ordre, ceux qui seront réunis comme ses amis feront
de leurs opinions politiques un sacrifice nécessaire afin de combattre en force les
anarchistes. Les royalistes font de leur coté pour assurer la restauration du trône, le
sacrifice nécessaire des nuances qui les différencient. Ils forment, à cet effet, une
association tirée du sein de la société-mère des Amis de l'ordre et qui efface toutes les
dénonciations d'impartiaux, monarchiens, constitutionnels, etc. ; car elle a besoin pour
édifier d'autant d'accord que la soiété-mére pour empêcher de détruire. Aussi repose-
t-elleetscs règlements sont-ils faits sur la même base : elle s'intitule coterie des
Fils Légilimes. — Aflrès cette lecture, même marche que dans la société pour savoir si
le postulant persiste.
Serment : — Je jure d'être fidèle à mon roi légitime Louis XVIII, de me conformer
en tous points au règlement de la coterie et de n'en jamais révéler aucun des articles.
Signal de reconnaissance : — Après s'être reconnus comme Amis de Tordre,
l'un des deux prend de la main droite le bout de son oreille du même côté; il lui est
répondu en prenant le bout de l'oreille gauche de la main gauche; il prend ensuite de la
main droite la main droite de celui qu'il veut reconnaître en demandant : Quelle est votre
naissance! Il lui est répondu : Fils Lêgilirne.
Dispositions générales Dans le cas d'un mouvement général ou de présence
d'un prince du sang, les fils légitimes seront convoqués...
De la propagation
De la réception
Des assemblées primaires...
Avertissements... — Affidés... — Secrétaires...
Note de l'éditeur.
Citoyens, vous êtes maintenant initiés dans le secret des ennemis de la Répu-
blique; vous voyés avec quelle adresse ils profitent de l'horreur des vrais patriotes
pour l'anarchie dans le dessein de les rendre les instruments de leurs espérances contre-
révolutionnaires. Soyez donc en garde et croyez que bien des gens qui portent au fond
du cœur la haine des anarchistes, n'y portent pas également la haine de la royauté.
Ah ! si vous pouviez voir le masque !... la chose publique serait sauvée.
A Rouen, de l'imprimerie V» Guilbert et Herment, i-ue des Champs-Maillets, 23.
(Arch. de la Seine-Inf").
annexe
Jean-V"" Manchon, huissier du juge de paix de la 4« division de Rouen, demeurant
rue Beauvoisine, n*» 61, pourvu de patente, soussigné, — cejourd'hui 30 ventôse an V« de
la* République franvaise» une et indivisible» bur les viron 10 heures du matin, en consé-
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quence de la lettre à moi adressée par le C«n Quillebeuf, juge de paix de la 4« division de
Rouen, et en fonction d3 police judiciaire, en date de ce jour, par laquelle il me requiert
de dresser procès verbal d'une affiche qui annonce de la part de l'imprimeur Guilbert
et Herment une conspiration de royalistes qui doivent troubler les assemblées primaires,
— me suis transporté à différents carrefours situes dans l'étendue de la 4» division de
Rouen, et passant rues Douvreuil et Laurent, j'aurais remarqué une affiche exposée en
papier rouge, contenant deux feuilles imprimées, affichée à l'encoignure des rues de
Bouvreuil et Laurent, commençant par ces mots : Cabale contre la liberté des élections,
et finissant par ces mots : De l'imprimerie Guilbert et Het*ment, i*ue des Champs-
Maillets, n» 23y laquelle affiche j'ai levée, ensuite paraphée par moi 1" et 2« feuilles,
laquelle j'ai jointe au présent, pour être le tout à l'instant remis au C«" Quillebeûl, juge
de paix. Dont, du tout, j'ai dressé le présent procès verbal pour valoir ce qu'il appar-
tiendra. Dont acte. — Signé : Manchon,
( Arch. de la Seine-Inf" ).
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TABLE DES MATIÈRES
PBÉFAGE.
CHAPITRE PREMIER. — Pour tenir lieu d'avant-propos. — Journaux du temps
et « Pièces curieuses. » — Sources manuscrites de l'histoire rouennaise de la Teneur.
— Archives publiques et autres. — Manuscrits de Horcholle et de M. E. de la
Quérière. — Un peu de bibliographie : Le Jowmal de M. Gosselin. — Mémoires de
M«« de Chastenay. — M. et M"« d'Herbouvilie. — Ecrits divers récents. Page 1«»
CHAPITJiE DEUXIÈME. - Point§ de départ et d'arrêt de la Terreur à Rouen. —
Elections de novembre et décembre 1792 et janvier 1793..— Une injustice de l'histoire:
Asselin, chef de la municipalité sans maire de novembre à janvier. — Nouvelle
bataille entre patriotes et contre-révolutionnaires : L'affaire de la Rougemare. —
Petits problèmes historiques. — D'officiers municipaux à ministre. p. 15
CHAPITRE TROISIÈME — Installation et débuts de la municipalité Rondeaux. —
La liberté de la presse. — Les journalistes Deschamps, Limoges et Guilbert. — Ecrivains
royalistes réfugiés à Rouen : Dalmas, Corèntiu Royou, Montigny, Rioust et Pourrat.
~ Vendalisme d'un ami des arts.— Adresse à la Convention. — Application d'un aveu
de Laumonier.
CHAPITRE QUATRIÈME. — Les administrations du département et du district. —
Adresse de M. de Fontenay et de ses collègues sur le jugement du roi. — Déporta-
tion et réclusion des ecclésiastiques. — Emigrés, étrangers et suspects. — Les
dénonciations. — Le mobilier et les immeubles des émigrés. — Spéculations et
sA'ndicats. — Les premières ventes mobilières. — Les huissiers. — Les imprimeurs. —
Deux émigrés de marque : l'ex-présidont de Bailleul et l'ex-constituant Lambert de
Frondeville. — Essais d'organisation révolutionnaire à la commune de Rouen. —
Commissions et visites domiciliaires. — L'affaire capitale des frères Lentaigne. — On
demande un tribunal révolutionnaire. — Le premier comité de surveillance. — Prêtres
libellistes : les abbés Bourdon et Heudier, Papillaud et Perchel ; un ecclésiastique
qui n'est pas résigné : l'abbé Pitre. — Incident grave. — Rôle de Pillon ; sa démis-
sion refusée. p. 59
CHAPITRE CINQUIÈME. — La Société populaire. — Le café Mariolle et la maison
de la rue de l'Aumône. — Organisation de la société. — Réception et serment des
membres. — Cachet et devises de la société. — Président, secrétaires et censeurs. —
Caisse sociale. — Comités. — Le bout de l'oreille de Noël. — Epuration des journaux
reçus par la société. —Sociétés affiliées et correspondantes. — Les femmes patriotes.
— Les bourreaux Féray, membres de la société. — Discours-programme du président
Forfait. — Ecole de gouvernants.... et de révolutionnaires. — Les francs-maçons et
la révolution. — Les loges de Rouen. — Jean Mathèus, grand-maître du chapitre pro-
vincial de Rouen. p. 93
CHAPITRE SIXIÈME. — La Société populaire (suite). — Evèques constitutionnels.
Visite et discours du normand Massieu, évêque de Beauvais. — Mort de Mirabeau, —
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Fête des Pavillons : discours de Hignon et de Robert. — Déchéance du roi. — Fête
funèlire des victimes du 10 août. — Discours de Blutel : le droit à la ré^'olte. —
Elections. — Gralien, candidat? — Députer et suppléants. — Lettre inédite de Faure.
— Agents du pouvoir exécutif et de la Commune de Paris dans la Société populaire.
— Les députés à la Lé^slative exclus de la société. — Le buste de Lafayette. —
Une rectification à propos du divorce. — Louis Capet le dernier doit-il être jugé et
exécuté? — Mise en accusation de Maral. — Pocholle et Saladin. — A bas Mirabeau
le traître ! — Le patriotisme jacobin au pied du mur. — Une société rivale : les Sans-
culottes de Rouen. p. 416
CHAPITRE SEPTIÈ3IC.— La Société populaire (suite). — Les troubles de la Con-
vention. — La question des suppléants. — La citoyenne Bouillon. — Profession de
foi sur les portes. — Lamine soustrait une lettre de Blutel. — Blutel dénoncé. — Un
discours de Saladin. — L'Adresse du 25 mai. — Poret censuré. — Bignon et Haraneder
devant la Convention. — Compte-rendu de leur mission. — Le Fédéralisme. — Roland,
Buzot et Pétion à Rouen. — Le discours de Anquetin et l'arrêté du département
(14 juin). — Scission avec les Jacobins de Paris. — Les suites du Fédéralisme. —
Pocholle et Carrier. — Descroisilles et Bignon détenus et Haraneder récompensé. —
Vraies causes des hésitations fédéralistes des rouennais, d'après Hébert ( le père
Duchéne ). — Députés exclus et an-étés. — Les suppléants. p. 145
CHAPITRE HOITIËME. — Manifestation révolutionnaire à la commune. —Discours
conciliant de M. Rondeaux. — Exigences des sans-culottes. — Pocholle et Carrier
quittent la Seine-Inférieure. — La mission Legendre et Louchet. — La levée en masse.
— L'affaire Bourguemont-Tou tain : Un gilet contre-révolutionnaire.— Roger fils, Yvemés
et Turgis, juges du tribunal de police. — Fermeté de la municipalité. — Subsistances.
— Un agent secret. — La Société populaire. — Un journaliste et la censure. — Fable
ou complot? — Création du comité départemental de salut public. — Excès de pou-
voirs. — Les députés trompent la Convention. — Réquisitions dans l'Eure, illégales
d'abord. — Legendre, Louchet et Delacroix dans la maison Bigot. — Le vin des
émigrés. p. 1^.
CHAPITRE NEUVIÈME. — Le tribunal criminel jusqu'à la fin de 1793. — Ses
membres. — Le département veut retarder le remplacement de Frémont. — Pétition
des rouennais. — Le Boucher du Tronche élu président. — Le président Legendre et
l'accusateur public Leclerc. — Les premiers jurés. — LTn incident. — Thieullen,
Anquetin et Duval. — Cruauté du législateur. — L'échelle de la question. — Causes
curieuses et peu ou mal connues. — M. de Verlon et M. de Maldérée. — Bourreaux
en disponibilité. — Deux vieilles familles normandes : Les Jouenne et les Férav ;
leurs illustres alliances. — Grandeur et décadence. — Comment Louis XVI et Turgot
voulaient qu'on traitât le bourreau.— La presse et le bourreau de Rouen. — La guillo-
tine et ses débuts. — Ses victimes eh 1793. — Les prisons. p. 2K.
CHAPITRE DIXIÈME. — Jugement de l'affaire de la Rougemare. — M. de Fontenay
a-t-il tenté de sauver Aumont ? — Le véritable propriétaire des presses de Leclerc. —
La robe de l'avocat Aumont. — L'impôt sur les riches. — Nouvelle iniquité de
Legendre et de ses collègues. — Encore les subsistances. — La Société d'Yvetot. —
Intermèdes à la Société populaire. — Une poire phénoménale. — Le calendrier et les
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prénoms républicains. — Un nouvel adversaire des rouennais : Coupé, de l'Oise. —
Arrestation de M. Rondeaux. — Autres arrestations sensationnelles. — Le patriote
Robert, d'IIerbouville, Hély-d'Oissel, etc. — Une »iiowc/te rouennaise. — Ce qui se passe
aj département et à la Société populaire. — M. de Fontenay défendu par le conven-
tionnel Delacroix. p. 225.
CHAPITRE ONZIÈME. — Comédie épuratoire. — Pillon et Carré installent les
administrations. — M. de Fontenay, maire provisoire. — La statue de la Pucelle. —
Propagande révolutionnaire. - Encore les subsistances, l'armée révolutionnaire, la
guillotine et les Jacobins de Paris, de Rouen et d'Yvetot.— Lamine et Poret arrêtés ? —
M. de Fontenay attaqué. Le comité de surveillance. — Il favorise un ecclésiastique.
— Delacroix propose de se passer de l'évéque Gratien. Episode relatif au vol du
garde meuble. ^ Suicide de Roland. — Bernard Cabanon; Une proclamation de
Cabissol. — Arrivée de Grenier et de Galbois-Saint-Amand. — Réhabilitation de Bordier
et Jourdain. — La Société populaire se réjouit de l'arrestation de Garât et Laugeux. —
Il faut que Rouen change sa vieille peau. — Démission et emprisonnement de M. de
Fontenay. — Mandat d'arrêt contre une morte. — Poret intervient en faveur de M. de
Fontenay. p. 245.
CHAPITRE DOUZIÈME. — Pillon, premier officier municipal. — Ses antécédents.
— Pillon, garde-livres de la Chambre des Comptes. — Pillon pamphlétaire et juris-
consulte. — Un mot sur son ami Poret. — Mariage de Pillon. — Pillon châtelain. —
Son portrait... ^ La fête de la Raison. — Pillon révolutionnaire, anti-catholique. ^ Il
veut comme Saint-Amand la régénération de Rouen. — Saint-Amand et les muscadins.
— Le règne de l'Egalité, -^ Pillon, maire au refus de Lamine. — Grenier contre Saint-
Amand et contre Legendre, Louchet et Delacroix. — Saint-Amand dénoncé et arrêté. —
Départ de Grenier, son arrestation. — Epuration à la Société populaire des autorités
constituées. — Les administrateurs du 9 nivôse. p. 274.
CHAPITRE TREIZIÈME. — Real succède à Saint-Amand à Rouen. — Fin de la
mission Legendre, Louchet et Delacroix. — Prise de Toulon ; la blanchisseuse de Léon
Le Yavasseur. — Saint-Ouen réservé au culte; le curé Selot. — Cloches et clochiîrs.—
Protestants. — Instituteurs et institutrices. - Bailly, de Forges. — L'huissier Juglet
et le président Legendre. — Employés de la douane. — Les sociétés populaires de
Sotteville, Elbeuf et Harcourt. — Incidents divers à la Société populaire de Rouen. —
Arrivée de Guimberteau. — Destruction de la Bourse découverte et envahissement de
lévéché. — La statue de la Liberté. — Les bruyères de Saint-Julien. — Blanche et les
prêtres, les nobles, les charlatans et les filles publiques. — Blanche contre Lemaire
de Temantes; autres médecins de Rouen. - L'hospice général. — Les Rouennais et le
procès des hébertistes.— Siblot à la Société populaire; ses excitations et ses menaces.
— Il y fait une émouvante enquête. — Révélations. — Chouin, Thierry, Bouvet,
Thieullen, Perrin, Daupeley, etc., épurés.- Les destitutions du 20 germinal, p. 302
CHAPITRE QUATORZIÈME. — Les gens comme il faut. — Ecrivains publics. —
Médailles. - La pendule de lord Canning. — La domestique de l'agent militaire
Lebel. — Jupes, jupons et corsets en réquisition. — L'œillet et la rose. — La journée
du i" pluviôse et les prêtres. — Poret et les 1,000 cercueils. — Actes de la commune
et du comité. - La magistrature populaire est peu respectée. - Arrestations. — Les
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négociants. — L'ex-conseiller Gressent dénoncé. ^ M. de Combray.— M»* de Clieu.— l'ii
parent de Le Peletier de Saint- Fargeau. — Un ami de Cambacérès et une cliente du
docteur Guillotin. — Chouquet, buvetier du Palais. — Souricière chez M"» de Choiseul.
— De Bourdeilles et de la Garde, conduits à la guillotine. — Une amie de Robespierre
au Mont-aux-Malades. - Battue patriotique; Pillon et Grimberteau. — Les demoiselles
de Green ; deux petites filles de M. de Montmorin. — Aventurières. — Un notaire... du
midi. — Maussion, Thouret et de Crosne. — M"« de Colbert. — Episode inédit de l'histo're
de l'hôtel d'Aligre : la famille de Machault. — M. de Laborde. p. 340.
CHAPITRE QUINZIÈME. — Les citoyennes à la Société populaire; discours de la
citoyenne Mabon. ^ Poret, conciliateur. — Les notaires. — Le tambour de la ganle
nationale. — Le commandant Duchemin, le sergent Aube, le capitaine Osmont et
Tadjudant Ancel. — Fête de l'Etre suprême. — Adieux de Siblot. — Arrivée du
conventionnel Pomme. — L ex-chapelain de M"»*» Adélaïde, secrétaire du théâtre de la
République. — La citoyenne Delille, dugazon. — Ribié emprisonné. — Lamine, attaqué.
— Thieullen, président de la société populaire. — Pillon et Vemon aiTétés à Paris. -
Conflit entre la municipalité et les agents du comité de sûreté générale. p. 390.
CHAPITRE SEIZIÈME. - Le 9 thermidor à la Commune et à la Société populaire.
— Manœuvres contre Pillon : Encore un projet de massacre contre les détenus. —
Suicide du chirurgien Guyet. — Adresse à la Convention. — Lettre du député Lecomte.
— Fête du 10 août. — Le district contre la municipalité et le Comité de suneillance :
Incidents Cabeuïl et Rioust. ~ Sortie indécente de Godebin à la société ; sa sus-
pension. — Exclusion de Poret, Lamine, Gaillon et Pinel Tainé. — Real dénonce aux
Jacobins la Société de Rouen. — Le Contour en liberté. — Legendre, président de
la Société. — La Société est-elle en insurrection? — Real se rétracte. — Poret
dénoncé. p. 447.
CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. — Départ de Guimberteau. - Pillon s'occupe de
rélargissement des détenus. — Arrivée du conventionnel Sautereau. — Inquiétudes de
la Société populaire. — Robert de Saint-Victor. - Pillon et Poret, démissionnaires. —
Poret tient tête aux attaques. - Brémontier réintégré. — La complainte de Garât à la
Société populaire. — Les élargis, cause d'agitation. — M"* d'Estampes; Dieu et
Mabon; le sans-culottisme insulté en plein conseil. — Lamine et le Comité préparent
leur retraite. — Solidari.sation du conseil général de la Commune. — Le nouveau
Comité de surveillance. - Fête en l'honneur de Marat. — Manifestation de Pillon et
Carré, et placard séditieux contre Sautereau. — Lamine arrêté. — Incident à la Société
populaire : Legendre. — Compte moral de la commune. — Suppression et remplace-
ment de la municipalité. — Discours et arrêtés de Sautereau.— Le dernier cri de Pillon,
maire. p. 441.
CHAPITRE DIX-HUITIÈME. - La nouvelle commune et la Société populaire. -
La Commune quitte la salle des Etats. — Fête en l'honneur de J.-J. Rousseau; le
maire Le Boucher, maratisle. — La citoyenne Chevalier, Poret et Vadier. Les prisons
se vident. — Vandalisme révolutionnaire. — Le Journal de Rouen et le Journal da
Hommes Libres. — Première mise en liberté des terroristes. — EfTets à Rouen delà
fermeture des Jacobins de Paris. — Apologie des Rouennais. — Menées des Terroristes;
inquiétudes des autorités. — Placard séditieux. — Troubles et dernières séances de
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la Socîété populaire : de Fontenay, son président, lapidé. — Arrivée de Duport. —
Manifestations aux spectacles contre les. Jacobins : le buste de Marat et le bonnet
rouge. — Destruction du monument de la Montagne. — Billet anti-montagnard. —
Tergiversations de la commune. — Ribié chassé de Rouen. p. 461.
CHAPITRE DIX-NEUVIÈME. — Débuts de la réaction. — Premières attaques
contre le président Legendre et l'accusateur public. — Un thermidorien : l'avocat
Le Bouvier. — Ilarel contre Troussey. — Causes et conséquences peu connues des
journées de germinal. — La Jeunesse rouennaise et les Terroristes. — Duport rappelé
par la Convention. — Arrivée de .Casenave, de Danican et de l'avocat-joumaliste
Robert. — Le code thermidorien. — Rôle des sections et de la Commune. — Les fonc-
tionnaires destitués rappelés à Rouen. — Démission de Le Boucher, maire, acceptée ;
celle du conseil relardée. — Danican et les manifestations de floréal. p. 477.
CHAPITRE VINGTIÈME. — Casenave envoyé à Amiens, puis maintenu à Rouen. —
Pillon obligé de rentrer à Rouen. - Sa condamnation, son arrestation, mauvais
traitements qu'il subit. — Les huissiers Fabulet et Lacaille. — Annulation du jugement
de Pillon. — Procédures contre Rupalley et Lamine. — Robert de Saint-Victor arrêté
à Paris. — Terroristes et royalistes à Saint-Lô. — Nouvelles < justifications » de
Legendre, 0. Leclerc, Moulin, Caffln-Venion, etc. — Placard contre les Jacobins. — Second
rappel de Casenave, révoqué, et remplacé par Couppé, desCôtes-du-Nord. — Troubles
de prairial ;'C{isenave reste à Rouen. — Rapports des commissaires des sections sur les
crimes des Terroristes. - Accusations contre ceux-ci, et avis de la commune, p. 494.
CHAPITRE VINGT-UNIÈME — Réorganisation difficile du conseil communal. —
L'ordre menacé à Rouen par les chouans et autres conspirateurs. — Rupture défini-
tive entre Casenave et le journaliste Robert. — Lecoutour veut diniiniuer le nombre
des terroristes fixé par Casenave. — Mise en liberté de trente-sept terroristes désarmé^.--
Pillon et autres poursuivis devant le Tribunal criminel. — Lambert et Gaillon con-
damnés ; Darcel acquitté, mais condamné n des dommages-intéivts. — Défense éner-
gique des terroristes; Koreau-Trizay, de Chartres, les assiste. — Mise en liberté sous
caution obtenue par Pillon et Lamine et entravée. — Les sections de Rouen et la
Constitution de l'an III. — Danican, déplacé, est protégé par la Commune, le district
et le département. — Bignon le jeune, Robert, Hardy, Danican et les journées de
vendémiaire. — Décrets libérateurs des terroristes. p. 510.
CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME ET DERNIER. — Compte moral de la municipalité
(ioube, et rapport du directoire du département. — Franc-maçonnerie royaliste. —
Tn haut fonctionnaire policier ; les complots sous le Directoire ; la Théophilantropie. —
Le conseil des Cinq-cents et les Anciens ; ce que deviennent nos conventionnels. —
La fin de Pillon. — Poret, Hubert et le Télégraphe. — Encore Robert de Saint- Victor et
Blanche. — Le sans-culotte Mabon. — Hardy et Thiessé insultés et menacés à Rouen.—
Les journaux de Magloire Robert. — Le Coq dit Vidamo, Villeneuve et Bouvier. — Les
révolutionnaires et la postérité. — Résumé. — Conclusion. p. 528.
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TABLE DE L'APPENDICE
I. — Bail de la maison de la me de T Aumône, par les Administrateurs
de l'Hôtel-Dieu à la Société des Amis de la Constitution .... P. 547
lï. — Sur Leclerc et Aumont 550
III. — Suppression du /0MJ*na/ (/c Cowimercç, de GuiJbert 551
IV. — Lettre de Le Canu, avocat 552
V. — Sur Robert de Saint- Victor : une lettre àPillon; inventaire à sa cellule;
son arrestation à Paris 553
VI. — Lettre du conventionnel Lecomte à la commune de Rouen 55(5
Vil. — Le Réveil des Rouennais 557
VIII. — Lettre du conventionnel Hardy à Victor Lefebvre 558
IX. — Rapport de Leclerc-Saint- Aubin sur l'esprit public à Rouen .... 559
X. — Autre rapport du même 562
XI. — Franc-Maçonnerie royaliste. - Affiche. ^ Cabale contre les élections.
^ Les Dupes et les Renards, ou coterie des Fils légitimes .... 563
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TABLE ALPHABÉTIQUE
IBRÉVIATIONS : — Adm.y administrateur ; 6a/., bataillon ; le cit. y citoyen ; la cit.,
la citoyenne ; co"«, commune ; co^*, commissaire ; c. de s. g., comité de sûreté générale ;
cons. au pari., conseiller au parlement; convent., conventionnel; déf. off., défensour
officieux; n., note ; off. mpal, officier municipal ; proc, procureur ; s., suivantes ; secr.,
secrétaire; $. p., société populaire. *
Abeille (Y) journal, 42, 128. •
Accaparements, 179, 243 n. 3,251, 295, 317
et s. 505.
Aché (vicomte d'), 363.
Ackerman, 348.
Acquêt de FéroUes, vu, 3«3 n. 1.
Acte constitutionnel, 185.
Adam, 518, 528.
Adélaïde (M™*), 404 n. I.
Adeline, ofT. mpal, 23, 158.
Affichage des ventes mobilières, 75.
— des noms d'habitants, 150 et s.
Affiliation aux Jacobins de Paris, 95.
Agents du comité de sûreté générale, 236,
263 et s. 328, 368, 409 et s.
Agriculture, 457.
Aix, 103, 150, 152.
Aix-la-Chapelle, 74, 366.
Alba (Jeanne), américaine, 380.
Albitte aîné, convent., 123, 127 n. 2: 129,
131, 136 et s. 143 n. I, ia3, 277 et n. 3,
410,465,470.
Albitte le jeune, liVl, 13;^ et s. 184, 245,
11.339, 521.
Albitte, de Quiévrecuurt, 63 n. 1,155, 161
n. 1.
Alençon (autorités d '), 160.
Aligre (Hôtel d'), 387.
Allais (R.), 23, 245 n. 267, 301 n. :m.
Allard, 182 n. 3.
Alquier, convent. 110, 286 et s. 395 n. 465,
521.
Amabert, 232 n.
Amand (V. Galbois).
Américains, 120.
Ami du Roi {V) 45, 46.
Amiot-Guenet, 85, 255.
Amis de la Constitution, 31.
Amis de la Constitution et de la Paix, 194.
Amis de la Constitution républ%r.a%ney\^.
Amis de la Liberté et de l'Egalité, 31, M.
Amis de la PalHe, à Paris, 124.
Amis de la Révolution, à Londres, 103.
i4mi5 de la Révolution et de la Paix, 94.
Amis du Peuple, de la Liberté et de l'Ega-
lité ituiépendants de Londres, 103.
Amphernet (abbé d), 6, n. 1-2, 207, 424
n. 2, 444.
Ancel (J.-P.-S.), 395.
Andrieu, 197.
Anet (Eure-et- Loire), 301 n. 2.
Angerville, 158, 261, 301 n. 3, 343, 450 n.
451 u. 5:J7 n. 2.
Anglais, 120, 121, 234.
Angran (G.), 33, 66, 71 n. 3, 301 n. 466,
M3 n. 514 n.
Angué, de Mauquenchy, 62.
Annales patriotiques, journal, 101-102.
Anquetin de Beaulieu, 42, 63n. 1, 111, 129 n.
1, 154 n. 160 n. 1, 165, 166 n. 1, 171,
176,203, 208 n. 2,210 et s. 229, 242, 255,
338,531.
Anquetin le jeune, 24, 40, 76, 141, 246 n. 2,
301,392.
Antifédéralisme {V) journal, 263.
Anti'Marat {V) journal), 85.
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Appel au Peuple, ii2.
Août (10), 19 et s. 1*2:$, m, 4->t3.
Argenterie des églises, 289, 290 et ii.
Argus du Nord (1), 101, 102.
Armée révolutionnaire. 230, 2:il. 242, 2ôO.
et s. 253, 363, 325 et s.
Arrestations, 238 et s. 358 et s. 399, 358
et s. 407 et s. 482 et s.
Amault,80,180,246 n.2, 273, îiOl n. 3, im.
A roux, 344.
Artistes, 442.
Arts et Sciences, 75.
Arvers, 24, 32, 40, 81, 184, 229, 300, :^0I n.
3, 376, 503 et n. 3.
Asselin (Jean), 2:^, 28 n. 2, 38, 227, 248.
Asselin (T.-L.), 25, 34 n. 3.
Asseline, ex-curé de Préaux, 134, n. 3.
Assignats, 71, 113, 213. 214.
Aube (Laurent), 394.
Aubert (l'ablié). 155, :î01 n., 3^i6, 529.
Aubeterre (la maréchale d), 367 et n. 2.
Aubrée (Pierre), maître d'hôtel, 45.
Aubusson (les d), 3^U
Audiger (famille), 120 n. 3.
Aulage, commune de Saint-Martin- l'IIor-
tier, 61.
Aulard (F.-A.). cité, ÎH, 100, 1;U, VM, KW,
140, 149, 187, 1S9, 199, 252, :m. 316,
371, 436, 452, 4r,2, m\ iiHK 521, 5:W,
540.
Aumône (maison de la rue de 1), 96, 170,
471.
Aumont, avocat, v, 26 et n. 2. 27 vi s., 28
et n. 1, 29 et s.. Ta). 76, 1W n. 1, 225
ri s., 285, 507.
Auney, 301, 343.
Auxerre (citoyens d'), \i'A) et n. 2.
Avenel, direeteiir du .Jury, 113, 203.
Avignon, 1(K3.
Avocats. 27 n. 2, 29 et s., 32, 110, \m n. 1,
277, 2Si. 447.
Bahois, :i4V, VS2 et n. 4, i8i.
Hacon de la Chevahrie, 111, 114, 120 n. 3.
Bademer, 1^^. 155 n. 2. 459 n.. 47V, 4îHi.
Bailleul, couvent., 183, 337, art. n. 3, 53i.
540 n. 1.
Bailleul (de), ex-président. 66, 69, 76.
Bailleul (J.-L. de), déporté, 214.
Bailliage (adjudication dm. 70.
Bailly, de Forges, 308 et n.
Balland, médecin, 329, 471.
Balleroy (les), 295 et n.
Ballons à pendules, 151.
Banastre (veuve), 517.
Bance, détenu, 30 n. 4.
Baraljé, greffier, 343.
Barbarey, 96, 108, 231, 246. 280 n. 3,2W.
301 n., 376, 466, 494 et n.
tfapst (G.), cité, 258 n. 1.
Barbaroux, 182.
Barbier, prêtre, détenu, 61.
Barbier, 24, 265.
Bardoux (A.), cité, 380 n. 1.
Barentin (Regniard), médecin, 329 et n.
BaiTois, vicomte de l'Eau, 29 et s.
Barthélémy, 343, 377, 458.
Basire, du département, 25, 63 n. 1. 67.
161 n., 256, 338.
Basii-e, marchand de journaux, 483 u.
Bastille du Orand-Cours (la), 511.
Bastille (vainqueur de la), 511.
Baslctn. chanoine, dénoncé, 119 et ii.
Bateaux à soupapes, 298.
Bàt(Mis (les), 476, 482.
Battue de floréal. 353 n. 3. 372 et s., 467.
Baudouin, agent du C. de s. g.. 411.
Baudon (comtesse), 240 n., Î166 n.
Baudry-Uarrois (la cit.), 296.
Baudry, notable. 301 n. 3., 4U1 4.V>,o06.
Baudry (M""^). dOrléans, 106.
Hayard, dit Broglie, condamné. 212.
Baveux, avocat, 30 et n. 1, 20»).
Beauchamp, dit Charmois, prêtre. 40-2 ii. 1.
403 et s., 412 n.
licaufils, (vmimissaire de police, 2.'». 34^^
lieaufour. 'XtH.
Heaumonl (M»"^ de), née Montiuorin, 379.
Beaumont (AH' de), :W.
Beaunay (M. et M-^ de), 120 n. 3. 278 n.
Benuivpaire. héros de Verdun, K*^. '^^-
I
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- 579 -
Beaurepaire (M. Ch. de), cité, 11 et n. 4,
40 n. 2, 185 n. 1, 224 n., 277 n. 1, 387
n. 1.
Beaurepaire (M. Eug. de), cité, 30 n.
Beausset-Roquefort (de), 372 n.
Beauvais, présumé massiicré à Toulon,
240.
Beauvais, adm., 109, 287, 528.
Beauvoir-en-Lyons, 213.
Beauvoir (Hébert de), 63.
Beauvoisin, général, 420.
Bec (V" Rome du), 73.
Belbeuf (municipalité de), 255, 324 n.
Belbeuf (de), 255 et n.
Belhoste, adm., 63 n. 1, 160 n. 1, 245 n. 3,
336, 460,529,537,301 n.3.
Bell (John), 103.
Bellencontre, 24, 301 n. 3, 353.
Bellest (Casimir), 479 n.
Belmesnil (mobilier du château de), 71 n.
Bénicourt, 24, 71, 193 n. 1, 246 n. 2, 282,
301 n. 503, 512 n. 513 n.
Bérard, comédien, VI, 24, 100, 110,159,207,
256, 294, 301 n. 3, 303, 320, 332, 433,
452, 473, 501 n. 1, 503, 512 n. &13 n.
Bérat, notable, 301 n. 3, 425, 506.
Bérée (F.-A.), 18, 340.
Bermonville (de Rouen de), 73.
Bemaudat, du Havre, 181.
Bemay, adm., 236. 347, 429, 457, 460. 512 n.
5i3n.
Bemier (abbé), 104.
Berrubé, juge de paix, 270, 271 , 443.
Berry, notable, 314, 459 n.
Berthelot, s. p. 267.
Besche, imprimeur, 26 n. 1.
Beugnot, préfet, 38i.
Bicêtre, 223, 496 et s.
Bidault, md., 435, 510.
Biencourt-Poutraincourt (de), 68, 182 n.3,
238 n. 1.
Bières destinées aux détenus, 355 et s. 504.
Bignon (abbé), 33, 73, 79, 80, 104, 109, 114,
121, 141, 148, 149, 153, 156 et n. 1, 159
et n. 1, 161, 170, 175 et s. 196, ,507,
510, 523.
Bignon le jeune, 32 et n. 2, 33, 109, 149,
159, 175 et s, 319, 524.
Bigot, 75, 392, 459 n.
Bigot (maison), 201 et n.
Billards interdits, 304.
Biot. agent du C. de s. g., 384.
Biré (E.) cité, 181 n. 1, 422 n. 1, 539 n.
Bizet frères, négociants, 359.
Bizet (la cit.), 44.
Blacher, 299 et n. 5.
Blanc iLouis) cité, i.
Blanche, chirurgien et adm., vi, 63 n. 1, 80,
109, 110, 137, 160 n. 1, 263, 265, 267,
269, 294, 297, 300, 305, 310 n. 1, 312
et s. 314, 321, 325 et n. 326 et s. 329 n.
5, 331 et n. 335, 338, 391, 506, 507,535.
Blanche, ex-prêtre, 327, 339, 506, 535.
Blard, 71, 369 n. 1, 469 n. 1.
Blin de Bourdon, 400.
Blosseville-la-Montagne, 346.
Blot, commissaire de police, 270, 344, 460,
497, 513 n., 527 et n. 1.
Blutel, conv.. 109, 123, 126, 128,129 n., 131,
140, 151, 156 et n. 183, 251, 447, 499.
521,532.
Boïeldieu. compos. de mus., 261 et n.262,
265 n, 2, 446.
Boïeldieu, avocat, 206.
Boïeldieu (Thérèse), 239 n. 1.
Boisard. 158.
Boisard tla cit.), 106 n. 2.
Bois d'EnneboUrg, 281 et s. 495 et n.
Boisguillaume (Comité de\ 368.
Boismarat, agent du C. de s. g., 411 n. 2.
Bonaparte (général), 532 et n. 3,
Bongars (M. de), 400 n. 3.
Bonnet, évèque, 118.
Bonnet de la Liberté, 234, 266, 472 et s.
Bonneterre, 301 n. 3.
Bonneville (Nicolas), co« du pouvoir exéc,
135 et s.
Bonneville rgénéral), 524 n. 4.
Bonneuil (Hélie de\ 62 n. 2.
Bord (G.), cité, 219.
Bordeaux (ville de), 152, 161.
Bordier, comédien, 5, 30 n. 4, 239 n. 1,
253, 265 et s. 383, 474, 492.
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Borély, cité, 383 ii. I.
Bornainville, 451 ii. 53i.
Bottais, meunier à la Boissière, 4fiO ii.
Bouchard, médecin, 329.
Boufflers (la cit.), 346.
Bougeard, curé de Montiguy, 349.
Bougeard , maire de Bois-d'Ennebourg .
282, n. 2.
Bouille (la), 400 n. 2.
Bouillon (duchesse de), 150 n. 2, 412 n.,
426 n. 1.
BouUenc, émigré, 73.
Boullenger, notable, 24, 56.
Boullenger, présid. du trib. civil, 127 n. 2.
Bouquet (M.), cité, 308 n. 1.
Bouquet de la Chaussée (d"), 366.
Bourbel de Montpinçon, 62 n. 2.
Bourdeilles (de), 3(»7, 368 n. 1.
Bourdon (Jean), ex-capucin, 85.
Bourdon, juge-de-paix, 344, 479 et n.
Bourdon, commissaire de police, 237.
Bourdonnaye (général de la), 142 et n.
Bourgois, convent., 130 et n. 3. 13^^ et s.,
140, 183, 532.
Bourguemont, dit Fribourg, 189 et s.
Bournisien, 106, 119, 298, 4ol, 453, 460.
Bourreaux de Rouen, 105, 207, ^15 et s.
Bourse découverte (la), 317 et s., 394, 463.
Bourse de Rouen, 1^)3.
Boussy, médecin, 329 tt n.
Bouteiller, cité, 403 u. 3. .
Bouttemont (Gueroult de), 66 et n. 3, 73.
Bouvet (P.), avocat, adni., 17 et n. 3, 155,
159, 160 n., 161. 197, 2iô, 287, 301 n. 3,
336, 338 et s., 480, tô2, 508, 515, 519,
529, 534.
Bouvier, employé, 429.
Bovary (M""-\ citée, 71 n. 1.
Brasseur (Pierre), 190.
Brémontier, vi, 23, 44, 56, 109, 127 n. 2,4i6,
459, 492.
Brette (A.), cité, 249 n. 2, ,386 n., 441 n. 2.
Briche (abbé), 353.
Bricole, patriote et sacristain à Sotte-
villo. 88.
Bridel. c\ivô d'Ecti»t, ♦vl.
Briffe (de la), 255 n. 2.
Brignon, adjudant-major, 143 u. i.
Briquet, agent du C. de s. g., 181 n. S.
Brt»glie, 145, 212 n.
Brulart, 364.
Bnisley, dit Marigny, 256.
Brunel, maire de Sotteville, 310 et s.
Brutus (buste de), 98.
Brutus (section de), 116 n. 1.
Bruxelles (comité de surv. de), 113 n. 3,
114.
Bruyéres-Saint-Julien, 323.
Bunodière iM. de la), cité, 21 n. 3.
Bunel, médecin à Neufchâtel, 26 n. 2, 905.
Burcke (lord), 108.
Burdelot, 80.
Burette, agent d'émigré, 61 n. 1.
Buveurs de sang, 468, 476, 485, 523.
Buzut, convent., 162, 182.
Cabanon (Bernard), 259 et n.
Cabeuil du Vaurouy, 428 et n.
Cabeuil, maître de danse, 428 n.
Cabissol, avocat, 17 et n., 47, 156 n,, 241
261, 301 n., 341, 375, 383, 427, 429.
438 et s., 457, 460, 537 n. 2.
Cabousse (le cit.), 281, 472 et s.
Caffin-Vemon, comédien, 110, 114. 236,
263, 268, 292, 294, 300, 301 n. 3, 4(6
et s., 418, 426, 454, 480 n., 490, M2 n.,
513.
Cahier des doléances du Tiers-Etat, SftJ-
Caillot de Coq ueréau mont, 73, 240 et n.,
281 et n., 471.
Ça ira, 121, 126.
Caiûs GracchnSy 464.
Calendriers, 235 et n., 492.
Callamar, sculpteur, 318 n. et s., 433.
Calomnies contre Rouen, 19, 34, 67. 89.
• 180, 253, 507.
Calonne, ministre, 103.
Cambacérès, 364.
Cambon de Villemont, 266 n. 8.
Campement (objt'ts de), 74.
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Campion-Montpoignant (de). 3H8 n.
Campuley (M. de), 9.
Camus, 312 n., 313 n., 377.
Cany, 29 n., 221.
Canning (lord Francis), *MS et n.
Caqueray, employé, 356.
Caqueray de Montmesnil, 212.
Caqueray de Valmesnier, 62 n. 2.
Cardon, bénédictin, déporté, 61.
Carency (M"» de), 370 et n. 1-2.
Carmagnole (la), 300, 498.
Carmes (couvent des), 118, 155, 307 et n. 1.
Carmes déchaussés (couvent des), 360.
Carpentier, agent >ies Etats-Unis, 359.
Carré, off. mpal, 24, 33, 76, 83, 107, 141,
169, 197, 245 et s., 301, 325, 335. 353,
408, 421 n., 439, 449 et s., 450 et s.,
453, 465, 499, 512 n., 513 n.
Carrier, convent., 110, 172 et s., 187, 188,
193, 407, 410, 466 n., 471, 522. ii. 3.
Carruyer, manufacturier, 359,
Cartier, adm.,80,149, 158,301 n.,460, 482.
Casenave, convent., 143 n. 1, 281. n. 1, 470
n., 486 et s., 494 et 8., .t02 H s., orlOets.,
522 et s., 530.
Castel, notaire, 26 n. 2.
Castel, secr. du dépt., 301, 448, 4«2.
Cathédrale, 249 et s., 465 n., 481.
Caton (buste de), 98.
Caudebec-en-Caux (église de), 465 n.
Caudebec-en-Caux (s. p. de), 128, 152,
215 n., 247 n.
Caudron, adm., 18, 79, 80, 155 et n.2,158,
169, 170, 392.
Caimiont (M. de), 363 et n.
Caumont (comtesse de), 130 n. 1, 240 n.,
363 n. 2.
. Cavelier (J.-A.), prêtre, 86.
Cayeu, co"» de la Convention, 263.
Célestins (maison des), 84.
Célibataires, 142 et s.
Cercueils en plomb, 242.
Certificats de civisme, 307 et n. 3.
Chailloué (de), émigré, 73.
Chaire épiscopale, 50 et s.
Chalat, notaire, 381.
Chalembert, prêtre assermenté, 120 et n, 1 .
Chalier, 264 et n. 2, 296 et s.
Chambre de lecture, 277.
Chambosse, négS239n. 1.
Chambray (v^ de), 310 n. 1.
Champ-Social (Harcourt), 312.
Chandelle (rareté de la), 304.
Chanson sur les habitants des villes, 87.
Chapais le jeune, 510.
Chapela^n, de St-Saens, condamné, 2^15.
Charlatans, 261, 328 et n. 1.
Charrier de la Roche, ôvéque, 86, 88, 118, 1 27 .
Chastellux (de), cité, 379 n. 1.
Chastenay (M"" de), citée, iv, 7 et s., 8 n. 1 ,
10 n. 2, 272, 275, 280, 303, 315 n. 3,
372 n. 1, 375, 424 n. 1.
Chatin, professeur, 379 n. 3, 448 n.
Chauffer, 399.
Chaumont, négS 386 n.
Chaumontel (famille de), 62 et n. 1, 312 n.
Chauveau, avocat, 384.
Charavay (Et.), cité, 118 n. 1.
Chénier (André), cité, 109 n. 1, 428 n. 2.
Cherfils (C'c). 452 n.
Chéruel père, 343.
Chesneau le jeune, 80.
Chevrier, maire de Monville, 399.
Choin du Lys, adm., Kiô, 161, 301 n., 312.
336 n., 337 n., 338, 3i3, 512 n.
Choiseul d'Ailleoourt (M™<^ de), 365 n., 366.
Chouan (oreille de), 104.
Chouans, 312 n., 523.
Choulant (Pierre), déporté, 214.
Chouquet, 24, 83, 273, 296,301 n. 3, 424 et
s., 469, 505, 507.
Chouquet, buvetier, 364 et n., 365.
Christinat, député, 127 n. 1.
Chronique de Paris, 101, 102.
Chronique de Rouen, 101, 102, 128, 136.
Chronique du Mois, 101, 102.
Chronique nationale et étrangère,, 3, 26 et
n. 1, 31 et s., 123 n. 2.
Cizos dit de Sèze, 203.
Clavel (F.-T.-B.), cité, 112.
Clavel (Louis), négociant, 112 et s., 303,
490.
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- 582 -
Clavier (J.), journalier, 358.
Clavier, oflT. mpal, 23, 1»), 24«, 301, 331,
432, 450, n., 497.
Clergé (biens du), 69.
Clieu (Gabriel de), 363.
Cloches et clochers, 306.
Club, mot banni du langage. 118.
Clubs, 277.
Clubs de femmes, 96.
Cocarde au chapeau, 96.
Cochet (abbé), cité, 150.
Code contre les tercoristes, 489 et s.
Colbert-Maulévrier (M""*» de), 368, 369 n. 1.
Collège de Rouen, 177 n. 2, 426.
Collet, 33, 353.
Collombel fils (J.), 34.
Collot d'Herbois, 264 n., 473 et n. 2-3.
Golonge, notaire, 392.
Combray (Hélie de), 62 n. 2, 363 et n.,417.
Combray (marquise de), vi, 62 n. 2.
Comédiens francs-maçons, 110.
Commissaires de police, 24, 343.
Commission militaire, 61 n. 1, 521 et n. 2.
Commission populaire, 371, 378 et n.
Comité de Salut public puis de surveil-
lance de Rouen, 2, 83, 197 et s., 203,
232 et n., 236, 254, 284, 301 n. 3, 304
n. 2, 323, 340, 450 et s., 466, 470, 477,
494, 498, 5(fô, M4ets., 543.
Comité de sûreté générale, 413 et s.
Comité de surveillance de la commune
(premier), 81 et s.
Comité de surveillance de la Société
populaire, 81.
Complainte élegiaque^ 446 et n.
Complots contre-révolution n« ires. 195. 199,
231, 335, 531.
Compte moral de la municipalité Pillon,
457 et s.
Compte moral de la municipalilé Goube,
528 et s.
Compte-rendu au peuple français, 136.
Concierge de la Société populaire, 96.
Conciergerie (la), 223, 402.
Condamnés à mort, 6 n. 2, 192.
Confédération universelle, 121.
Conjon, journaliste, 378 n. 1, 407.
Conseil des Cinq-Cents, 532.
Contre-révolution, 454.
Constitution civile du clergé, 119.
Constitution de l'an III, 521 et s.
Conventionnels (élection des), 126 et s.
Cools (Adrien), condamné, 113n.3,250et
n., 369.
Coqueréaumont (château de), 281 et s..
495 et n., 5(tô.
Coquet, maire de Neufchâtel, 214.
Corday (Charlotte), 185.
Cordier (M.-L.), femme Limoges, cou-
turière, puis imprinjeur, 43 n.
Cordonnier, artiste, 459 n.
Corneille de Beauregard (veuve), 73.
Costume national féminin, 105 et s.
Cotelle, 160 n.
Cottais, commissaire de police, 71 129
n. 1,343,413,415,429,432.
Coulonghon, agent du C. de s. g., 236.
Coupé, de l'Oise, couvent., 236, 251 et s.,
507.
Couppéjdes Côtes-du-Nord,convent.,50t,
et n. 3.
Coufant, médecin, 329 n.
Chambre des Comptes, 121.
Counner de V Europe, journal, 101, lOi
Courrier des départements, journal, IW
n. 3.
Courteilles (de), avocat, 206.
Courtin, adm., 230, 3(M et n., 466.
Couthon, 383, 410, 421, 422, 432.
Coutume de Normandie, 106.
Grény (chev. de), 206.
Crespin fils, s. p., 470.
Croissant (hôtel du), 135.
Crosne (Thiroux de), 216, 386 et n.
Crosnier. à^ de l'hospice, 331 et n. 3, 332
et n. 1.
Crosnier (Pierre), du M^ux-Malades. 371.
Crussol d'Amboise (de), 369.
Cultivateur (le), 101, 102.
Cultivateurs, 442.
Cusson, 294, 407, 431.
Cuvier, 450 n.
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583
Daillière, 483 n. 4, 484.
Daliet de Roncherolles, 240 n., 3d4 n. 1.
Dalmas (J.-A.), ex-député de l'Ardèche,
44,48.
Dames de Rouen (les), 105.
Danican (général), 143 n. 1, 487 et n.,
492 et s., 500, 523 et s.
Danton, 136, 335, 337, 383.
Darcel (Jacques), 30 n. 1, 33, 71, 194, 506,
513 n. 1, 518 n. 3, 519 et n., 520 et n.,
527.
Damétal, 97.
Darré (Romain), religieux, 276, 286.
Datty-Fontaine, 120 n. 3.
Daudet (E.), cité, 14 n.
Daupeley, juge de paix, 435, 496, 503, 515,
519 et s., 526.
Dauvet (G.-M.), déporté, 214 et n.
David, peintre, 396.
Dazallier (M.), cité, 376.
Débats et décrets de la Com'en/ion, journal,
101, 102.
Debonne fils, off. mpal, 23, 25 et n. 3,
28, n. 2, 119, 255, 272, 314, 428 n. 1,
483, 484, 518.
Décadi, 288.
Déchéance du roi, 122 et s.
Déclaration des Droits de l'Homme, 98,
185.
Déclaration du régent de France, 44.
Decorde (M.), cité, 206.
Defontenay (A.), 243, 386 n.
De Fontenay (P.-N.j, maire, 10, 16 et s.,
17 et n. 2, 25, 42, 53, 55, 59, 63, 67, 109,
136, 155 n. 1, 160 n., 161, 164 et s.,
171, 183, 187 et s., 210, 227 n. 2, 229,
243 et s., 253, 261, 268 et s., 290, 338,
339, 336 n., 406 n. 1, 469, 470, 507,
529, 532.
Defresne, 34, 139, n. 2.
Delacour (R.-P.), 128.
Delacroix, convenl., 110, 199, 201, 243 et e.,
248, 251 et s., 271 et s., 298, 301 n.,
303, 454, .529.
Delacroix, notable, 56, 76, 278, 252, 335, 514.
Delabarre, notaire, 392.
Delafontaine-Ansoult, 394.
Delafosse (Michel), 70. 343, 377.
Delafoy. avocat, 206.
Delahaye, convent., 130, 134, 140, 152, 162,
182 et s.
Delaislre, co»^ du gouvem', 331 n. 1, 537.
Delalande, 33, 71, 158, 265, 439, 486, 512
n., 513 n.
Delalonde, rdj. général, 420.
Delamare, notaire, 61.
Delamare, ofT. mpal, 23, 158, 300, 313,
400 n. 2, 512 n.
Delamare (V.-A.), condamné, 6 n. 2 , 400,
n.521n. 1.
Delaporte, 80, 430, 431, 483 n. 4.
Delaporte, vainqueur de la Bastille, 141
et s.
De la Quériére, cité, 5 n. 1, 109, 356 n. 3,
419 n. 3, 480etn., 483n. 1.
De la Quériére fils, 158.
Delanoy (J.-B.), 80.
Delarue, chanoine, 355.
Delaunay, prêtre, détenu, 61.
De Lérue, cité, 4 et n. 1.
Delesques, de Vascœuil, 213.
Dolihu, 300, 314, :i37, 460.
Delille (Eulalie), actrice, 403 n. 3.
Delille (Victoire Ducreux), artiste, 403 et s.
Delmas (J.), cité, 172 n. 1.
Demarest fils, 343.
Demay, notable, 301 n. 3, 328, 459 n.
De Melun, 459 n.
Denise, 265, 287, 314, 321, 337, 483.
Dénonciations, 60, 62, 67 et s., 76, 148,
171, 173 et s., 190, 194, 231 et s., 235,
237 n. 1, 238 et n. 239 et s., 242, 251
et n., 269, 304, 310, 314, 337 et s., 342,
343 n., 346, 362, 383, 401, 405, 409, 431,
438, 483, 498, 503, 507, 513.
Denneville, arrêté, 425.
Denys de Vitré, 158, 180, 234 et n., 263.
300, 312, 325.
Département de la Seine-Inférieure (ad m.
du), 164 et s., 171, 301 n. 3, 529.
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Déportation, 60, 62.
Dérubé, maire de Lillebonne, 138.
Désarmement, 513.
Désaubris, 24, 301 n. 3, 417.
Desbrugnières (M.), 217.
Deschamps (J.), journaliste, 42 et n. 3, 43.
Deschamps père, 18, 451 n.
Deschamps, tondeur de chiens , 357.
Descroisilles (F.-A.-H.), 28, 32, 34, 96, 109,
150, 158, 160, 168 et s., 174 et s., 260 n.,
270 n. 4, 313, 507.
Desjardins, 344.
Desmalis, notable, 24, 229, 301 n. 3, 308,
314.
Desmarest, de Sainville, 130.
Desormeaux, historien, 448 n.
Des Perrières (Poissonnier), 68.
Desportes fils, de Fécamp, 127 n. 2.
Després, ofif. mpal, 459 n., 499.
Desvé (V«), concierge, 898.
Dévastations, 463.
De Trézy, 276.
Devise de la soc. pop., 94.
Devisme, cité, 388.
De Visme du Valgay, 388.
De Vivefoy, ex-conseiller, 68.
Dieppe (distr. de), 71 et n. 2, 207, 221, 245 n.
Dieu, chirurgien, 24, 83, 301, 328, 425, 448,
430 n., 459 n.
Digard, curé), 24, 246 n. 2, 483.
Dimanches et fêtes, 475.
Discours paternel d'un pcuteur^ 85.
District (adm. du), 301 n. 3, 354.
Divorce à Rouen (le premier), 139 et n. 2.
Dodart,446, 451,469.
Donati, figuriste, 318.
Dons patriotiques, 105, 268.
Dordogne (bat. de la), 171.
Doré, vicaire d'Imbleville, 351 .
Domay, 18.
Douane (employés de la), 309 et s.
Doublet, conv., 130 n.1, 133, 140,182, 183
n. 1, 184.
Doury, procureur, 30 n. 1, 62 n. 2, 206.
516 et s., 519.
Drapeaux, 120 et s.
Duboc, de Sotteville, 478.
Dubois, député suppléant, 127 n. 2.
Dubosc (Georges) cité, 11, 265 n. 1.
Dubost, co" de pol., 25, 343, 458 et n., 460
etn.
Du Bourg (M««), 367 et n. 1.
Ducastel, avocat, député, 19, 20, 127 n. 2,
U7n.
Duchemin (J.-F.), 394.
Duchemin (M. P.) cité, 71, n. 2, 231 n. 1
Duclos (la cit.), 105, 234, 269.
Duclos, homme de loi, 210, 240 n., 518.
Dufay, juge, 213.
Dufoumy, co" du c. de s. g. 110, 135 et s.,
145, 150, 253, 296.
Duhem, 507.
Dumazert, dit le Père Duchêne^ 63, n. 1,
245 n., 268, 301 n., 328.
Dumesnil, s. p. 158,300,301 n.3,334, n.l.
Dumesnil, Artus., 506.
Dumesnil, adm. 301 n., 460.
Dumest, secr. du distr. 508.
Dumontier, 501 n. 1.
Dumo'uchel, 104.
Dumouchel, boucher, 304.
Dupas, 459.
Duplessis, 24 et n. 2.
Dupont, détenu, 32 n. 2.
Dupont, convent., 110, 470, 476 et s., 483
et .s., 486 n. 3.
Dupuis, ex-curé de Hautot, 353.
Duquesne (famille), 402 et n. 3.
Durand, curé de Saint-Jean, 137, 177, 257
et n., 287.
Duruflé, député suppl. 127 n. 2.
Du Sommerard, 459 n.
Duthuit, 484.
Duval, secrétaire greffier, 500 n. 1, 510.
Duval, prêtre, 66.
Duval, s. p. 158.
Duval, convent., 109, 129 n. 1; 140, 147 n.l
149, 162, 182 et s., 521, 532.
Duval de Beaumets, 343, 517 n. 3.
Duval-Sanadon, 120 n. 3, 201.
Duvergier, 109, 494 n. 1.
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— 585 -
S
Ecalles-AIIix (co«»n dO, 63, 64 n. 1.
Echelle de la question, 210 et n. 1.
Eclipse (V), 536.
Ecoles à Rouen, 457, 530.
Ecosse, 315 et n.
Ecrivains publics, 346.
Ecu de six livres, 347.
Eglises abtmdonnées, 290 n. 1.
Elbeuf-sur-Seine, 295.
Elbeuf (société pop. d'), 311.
Electeurs exclus, 128, 247.
Election de la commune, 22 et s., 528.
Election des conventionnels, 126 et s.
Embellissement de Rouen, 457.
Emétique, 245 et n.
Emigrés, 61, 63 et s., 69, 76 et s., 186.
Emprunts, 450,
Enrôlements dans la soc. pop., 411 et s.
Epée nationale (!'), hôtel, 45.
Epoigny, nég», 346, 494.
Epurations, 234 et n., 245 et s., 290 et n.,
314, 336, 392, 433 et s., 469 et s.
Esnard, 232 n. 1, 460, 472 n., 518 n. 3.
Esnault, 301.
Esnûe-la- Vallée, couvent., 171, 186.
Esprémesnil (Duval d'), 834.
Elisabeth (Madame), 380.
Esprit public, 91, 250, 263, 296, 559 et .s.
Estaintot (C^ d'), cité, 361 n. 2.
Estampes (Famille d'), 329, 368 n. 1, 379,
n. 3, 448 et s.
Etats-Unis, 121, 359.
Etennemaro, notable, 301 n. 3.
Etrangers, 114, 186, 194, 197, 198, 241 et s.,
374.
Estoutteville (d'), maire, 17.
Etemel (hymne à T), 398.
Etre suprême (Fête de 1'), 395 et s.
Eudel, 343.
Eudeline le jeune, 24, 47, 81, 83, 119, 141,
192 n. 2, 197, 207, 252, 300, 301 n., 429,
443, 312 n., 313 n.
Eure (dép» de T), 83, 165 n. 1, 199 et s.,
229, 254, 311 et s.
Evangile des hommes libres (1), 462.
Evasions, 128 n. 4, 351 et n., 383.
Evêques constitutionnels, 116 et s.
Evreux, 164, 171.
Expulsion de la société pop., 234, 314.
Fabre, député, 364.
Fabulet, huissier, 496 et n., 497.
Fanatisme (signes du), 465 et n.
Farin (f«), 378.
Fauchet, évêque et conv., 137 n. 1.
Faucon, nég», 358.
Faure, du Havre, conv., 129, 132 et s., 140,
180 et s., 203.
Faure fils, 132 n. 3.
Favre (Ant.), 228 et n.
Fécamp, 4 n. 4, 162 n. 2, 452 n. 1, 466 n. 4,
488.
Fédéralisme, 47, 161 et s., 171 et s., 188,
253, 254, 312, 317, 336 et s., 359, 391,
427, 468.
Fédération (fête de la), 105, 320.
Femmes patriotes, 104, 293 n. 3, 502.
Femmes publiques, 327.
Féray (les), bourreaux, 105, 205, 215.
Féray (le capitaine), 171.
Féray (la citoyenne), 105, 234 n. 1,
Féré, oflf. mpai, 23, 88, 246 n. 2.
Féret, banqueroutier, 213.
Féron, agent de Roland, 35.
Ferrand, (Jq.) imprimeiu*, 140, 381,
Ferrière, émigré, 69.
Ferry, avocat, 85, 205.
Ferry, (Raphaël), artiste, 372, n. 4.
Fête civique et funèbre, 124.
Feuillants (les), 341.
Feuille villageoise (la), 101, 102.
Fils légitimes^ 565 et s.
Findel (F.), cité, 111.
FI... (C-de), 380.
Flambart, off. de maréchaussée, 218, et
n. 1, 266, 269.
Flavigny, d'Elbeuf, prêtre, 353.
Fleurs, 350.
Fleury, maire de Forges, 116, 210.
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Fleury d'Harescourt, 359.
Fleury-la-Forêt, 146.
Flierlhé, 363.
Fliot, garde forestier, 316 n. 1.
Floquet, cité, 416, n.i, 278 et n., 364 n. 5.
FoUoppe, aubergiste, 400 n. 1, 499.
Foloppe, prêtre déporté, 61.
Fontaine, 33, 319, 463, 483, 484.
FontPtte (d'Orceau de), 382 n. 1.
Foreau de Trizay, 453, 520 et n. 3, 521
n.i.
Forfait, ingénieur, 96, 97, 108 et s., 119,
122, 127 n. 2.
Forges-les-Eaux, 116 n. 1, 284.
Fomeron, cité, 370.
Fortier (C.-F.), entrepr., 70.
Fortin, maître de forté-piano, 483 et n., 484.
Fortuné (le), navire, 19 n. 3.
Fortunes présumées, 112 n., 229 et s.
Fossé (château du), 106.
Fouché (mémoires de), cités, 129, n. 1.
Foulon, off. mpal à Bois-Guillaume, 370.
Fouquier-TinviUe, 26 n. 2-3, 27 et n. 1,
50, 132 p. 3, 177, 225 n. 2, 383, 384.
Fourneaux, 80.
Foumel, conventionnel, 304 n. 1.
Foumier de Sivrac, 42, 80, 392.
Foy (pseudo comte de), 29.
Français devenus protestants sans le savoir
(les), 85.
Franc-maçon, 213, 395.
Franc-maçonnerie, 108, 110 et s., 530.
Franc-maçonnerie royaliste, 563 et s.
François, vicaire épiscopal, 234 n. 1.
Franconville, économe, 350 et n., 351.
Franklin, 98, 121.
Franquelin, prêtre, détenu, 61.
Frégate (souscription pour une) 441 n.
Frémanger, conventionnel, 485.
Frémont (J.-L.-P.), 203 et n. 1, 204.
Frère, cité, 94 n. 2, 166 n. 407 n. 1.
Fréron, représ, du peuple, 45, 48.
Fresnaye (m'» de la), 9 n. 3.
Fresneau, gendarme tué, 423.
Fresquiennes (Rome de) 66 et n. 4, 73.
Frey, 314.
Fromage, professeur, 243.
Frondeville (Lambert de), ex-constituant,
63 et n. 2, 73, 74.
Froudière, homme de loi, 127 n. 2.
Gady-Lavigne, 311 n.
Gaillard, s. p. 343.
Gaillard père, de la Bouille, 451.
Gaillard (Pedro), journaliste, 90, 91, 512,
523 et n. 1.
Gaillefontaine, 379.
Gaillon, 24, 71, 83, 85, 192, 197, 231, n. 1,
291, 301 n., 369, 433, 403 et s., 486 n.
5, 501 n. 2, 503, 506, 513, 515 et s., 519.
Galbois-Saint-Âmand, 110, 264, et n., 265
et s., 284 et s., 290, 293 et s., 301
472,543.
GaUi, U7.
Gallier, imprimeur, 206.
GaUiots (les), 223.
Gamare, médecin, 149, 158, 236, 246 n.. 2,
252. 276, 301 n. 3, 328, 357, 424, 450,
506.
Gambart, notable, 24, 237, 246 n. 2, 360.
Gandelot, agent du c. de s. g., 387.
Ganges (Hérault), 153.
Garât, chanteur, 265 et n., 446 n., 468 n.
Garât, ministre, 274 n. 1.
Garde-meuble (vol du), 258.
Garde nationale, 194, 483.
Garet, cité, 215 n. 3.
Garrault (de), de la Chaussée, 296, 460.
Garraut, co« de pol., 31, 230, 249, 300, 3U,
425, 512 n., 513 n.
Garvey, 510.
Gastinel, 211.
Gazette de Leyde, 101, 102,
GazetU française, 101, 102.
Gazette nationale et étnutgère, 101, 102.
Gazette universelle^ 523.
Gazette révolutionnaire et débats des Jaco-
bins, 449, 489 et n. ^4.
Gens comme il faut (les), 345.
Gensonné, convent., 67.
Gérard, chef d'émeutiers, 485, 581.
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- 587
Germinal (journées de), 479 et s.
Germiny (famille Le Bègue de), 69, 361 et n.
Géry, curé d'Auberbosc, 213,
Giguet, notable, 252, 3(M n. 3, 418, U9,
M2 n., 513 n.
Gilets fleurdelysés, 190 et n.
Gilles, homme de loi, journaliste, 44.
Gilles, vicaire de Bracqueraont,312etn.l.
Gillet, de Neufchàtel, 351 n.
Godebin-Jouvenet, 33, 144, 149, 169, 252,
300, 301 n., 316 n., 342, 372 et n., 430
et s., 434, 439, 466, 474, 480, 486 n. 5,
5(M n. 2, 503, 512, 515, 517 et n., 519,
527.
Godefroy, prêtre assermenté, 120.
Godefroy, 60 n. 1, 155 n. 1, 160 n. 1.
Godefroy, Magloire, 77.
€k>det, gardien à Saint-Yon, 455, 513.
Godet, nég» associé, 270 n. 4.
Goguet fils, 509.
Gommé d'Ângerval, chanoine, 354 et n.
Gontier, co« de pol., 25, 343, 499.
Gorsas (jouimal de), 101 n. 3, et 102.
Gosselin, abbé, 358,
Gosselin (J.-N.-H.) arrêté, 358, 451 , 494 n. 1 .
Gosselin, cité, 7 n. 3, 32, n. 4, 35 n. 2, 57,
139 n. 2, 172 n. 8, 186 n. 1, 192 n. 3,
217 n. 6, 225et s., 452 n. 2, 480 et n.
Gosselin, prêtre patriote, 240 n.
Gosselin (Roland), 70.
Goube, vicaire épiscopal, 127, 128, 210,
292 et n., 293.
Goube, maire, 52!, 528.
Goumet, vie. de Boisguillaume, 351.
Gourdin (dom), 185 n. 1, 353.
Goumay, 71 et n. 2, 146.
Graine, agent du c. de s. g., 329, 448.
Grandcourt, notable, 24, 83„ 301 n., 343,
513 n.
Grandin, 63 n. 2, 131, 161, 183, 192, 197.
245, 301 n., 314, 336, 339, 386 n., 471,
529, n., 531, 562.
Granier, musicien, 207 et n. 2.
Granier de Cassagnac, cité, 485 b. 4.
Gratien, évêque constitutionnel, 65, 118,
127, 128 et s., 256 et n., 415, 433.
Grave, concierge, 350.
Gravelines (couvent et prison des), 61,
223, 347 et s., 370 et n. 2, 377, 401
et s., 412 et s.
Gravilliers (bat. des), 241.
Grécourt (M»» de), 9 n. 3, 372 n. 4,
Green (d"« de), 378 et n.
Grégoire aîné, député, 127 n. 2,
Grégoire, évéque de Blois, cité, 47 n. 1,
Grenier, co^» du c. de s. g., 189, 265 n. 2,
267, 271, 296 et s., 329, 359, 429, 477
et s., 485.
Grenier fils, émigré, 73.
Grésil, chanoine, 482 n. 2.
Grésil, ex-huissier, artiste, 482 n. 2.
Gressent (J.-A.), ex-cons. au pari», n 351.,
361 n.
Gressent (Vincent), substitut, 256 n.
Grouard, expulsé, 314.
Groult (P.), 158.
Groult (Elie), 483 n., 484, 486 n.
Groult (Thomas), 71, 246 n. 2, 301 n. 3,
343.
Groult (V.), 33, 83, 141, 301 n. 3, 512 n.,
513 n.
Guérard, concierge, 351 n.
Guérard de la Quesnerie, 62, 394, n. 1.,
482, n. 2, 531.
Guesdon, de Mortain, 362.
Guesdon, f« Langlois, 447 n. 1.
Gueudry, 386 n.
Gueroult de S» Paer, 240 n.
Guerre aux intrigants , hymne rouennais,
288.
Guersent, curé de Caudebec-lès-Elbeuf,
429 et n.
Gueutteville, émigré, 73.
Guichainville (Baillard de), 63, 349 et
n.2.
Guignard (M.), cité, 219 n.
Guilbert (abbé) , journaliste, 42, 43, 60,
193 n. 4, 511, 523, 534 n. 551.
Guillaume Tell, 234 n. 1.
Guillebon (de), 360 et s.
Guillotine (la),, 215 et s., 219 et s., 230,
242, 253, 266, 270, 540.
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- 588 -
Guimberteau, convent., 25 n. 3, 48, 110,
315 et s., 334, 376 et n., 396, 4(M, 441.
465 et 8., &16 et s., 521.
(iuingret, 512 n.
Guisier, avocat, 30, 210, 341 et n., 342 et s.,
507, 517 n.
Guttinguer, 24, 101, 522.
Guyet, médecin, 6, 24, 33,83, 210,246n. 2,
292 n., 296 n., 301 n. 3, 317, 328, 357,
421 n., 422 et s., 492, 504.
Guyet père, 33.
Guyot d'EtalleviUe, émigré, 69.
HaUay (M" du), 379.
Hamel, cité, 422 n. 1.
Hamel (L.), off, mpal, 301 n., 449, 5(fô.
Hansler (J.-J.)> niédecin à Aix-la-Chapelle,
74.
Haraneder (J.-L.), 80, 140, 156, 158 et s.,
161, 167 et s., 178 et s., 233, 243, 265,
293, 295, 301 n. 3, 314, 337, 343, 392.
Harcourt (conc d'), 311 et s., 320.
llarcourt (les d'), 312 et n., 365, 520.
Hardy, conventionel, 96, 109, 122, 126, 128
et s., 130 n., 131, 140, 146, 162, 182 n.
et s., 504, 518, 521, 523 et s., 525 n.,
532, 536, 558.
Harel (Pierre), défenseur officieux, 499 n.,
495.
Harel (Pierre), notable, 23, 76, 248, 255,
340, 469, 478 et s.
Harivel de Gonneville (V«), 44, 45, 48.
Havard, secr.-greffier, 33, 40, 71, 187, 281,
314, 340, 492, 513 et n. 2.
Havas (les), 386 n.
Havre (le), 171, 181 n. 3, 188, 232 et s.,
243 n., 333.
Hay dit de Slade, 426 n. 1.
Hayet, député suppl., 127 n. 2.
Hébert dit le Père Duchesne, 188, 253, 334,
507.
Hébert, s. p., 236, 313, 343, 346.
Hébert de Beauvoir, 63.
Hécamp de CoUetot, 67, 73.
Hecquet, convent., 128 et s., 182, 532.
Hédouin, homme de loi, 494 n. 1.
Heine et fils, de Hambourg, 292 n. 2.
Hellouin de Ménibus, chanoine, 354 etn.
Hélot fils, commerçant, 459.
Hély-d'Oissel, 239 n. 5, 443.
Hénin (C.-N.), secr. de M. de FrondeviUe'
74.
Henri IV, 347.
Henry (Thomas), premier guillotiné, 221.
HerbouviUe (d'), 8, 16, 18, 19 n. 3, 21, 56,
67, 83, 229, 239 et n. 3, 248, 532.
HerbouviUe (M-e d), 9 n. 1.
Hermier (Chr.), 1U.
Héron d'Agiron, 341 n., 519.
Héron (Louis), 181 et n., 340 n.
Héron de la Thuillerie, d« Brisson, puis
d« Rioust, 427 et s.
Herte (de), condamné, 6 n. 2., 400 n., 5^.
Heude, curé de S<-Patrice, 212 et n.
Heudier (Michel et Jean), prêtres, 84, 85.
Heure (division de T), 390 n. 1.
Heuzé, réhabilité, 208.
Ileuzé, prêtre, détenu, 61.
Hippeau, cité, 50.
Hoche (Lazare), 142 n. 2, 146.
Hochet, député, 127 n. 2.
Hochet, s. p., 300.
Hochets du fanatisme, 289.
Hocquart, née Pourrai (M"»«), 49.
Homme brisant ses fers (V), tableau, 21 etn.
Hommes de loi, 341, 532 n. 1.
Horcholle (mémoires de), cités, 4 n. 5, 173
n. 1, 189, 208, 252, 364 n., 423, M7 n.
Horcholle, manufacturier, 409.
Horteloup (la cnne), 429.
Hospices, 331 et s., 461, 529.
Houchard (général), 326 et n.
Houde^t (M»* d'), 484 n. 4.
Houdeville, 446, 450.
Houel, oflP. mpal, 23, 24 et s., 73, 407. 446 n.,
453, 470.
Houel, cité, 385, 407.
|- Hourdou, abbé puis avocat, 278 n.
Huault, notable, 24, 83.
Hubert (L.), 23, 137, 158, 512, 533 et s.
Huet, 487 n. 4, 524, 531 n. 4.
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Huissiers, 72.
Hurard (L.), notable, 24, 248.
Z
Imprimeurs, 73.
Indicateur politique, mercantile et litté-
raire, 3, 43, 89, 236.
Instituteurs de Rouen, 307 et s,, 530.
Isambert, notable, 24, 248, 460.
Jacobins de Paris (les), 89, 95, 124, 138, 159,
163 et s., 236, 251, 252 et s., 263, 269,
290, 295, 296 et n., 303, 324, 334 et s.*
446.
Jacotin, convent., 426.
Jaillot, de Goumay, 213.
Janin (Clément), cité, 219.
Jean-Bon-Saint-André, 426.
Jeannemey, cordelier, 261, 262 n. 2, 300 n.,
381, 417.
Jarry, 256, 341 n.
Jeunes gens, 480 et s., 500, 537.
Jolivet de Colomby, 62 n. 2.
Joly, d'Angeville-la-Martel , 466 n. 2.
Joly, chirurgien, 329 n., 463.
Joly dit la Tour, 188, 392.
Joly, curé de Sotteville, 310 et s.
Jonquière, (de la), émigré, 73.
Jorre (Simon-Pierre), 77.
Joseph expliquant les songes, tableau, 74.
Jouenne (les), bourreaux, 215 et n. et s.
Jouenne, de la commune, MO,
Jouenne, mercier, 394.
Jourdain, 5, 253, 265 et n., 386, 474.
Journal de commerce, politique et lit ter.,
43, 123,551.
Journal de la Noblesse, 47.
Journal de la Cour et du Palais, cité, 217.
Journal de la Montagne, 296, 440 et n.
Journal de Paris, 101, 102, 109 n.
Journal de Permet, 101 n. 2, 102.
Journal de Rouen, 3, 90, 91, 100, 102, 153
et s., 157 n., 158, 461, 187, 245 n.,
261 n., 262, 268 et s., 273, 277, 291,
319, 377, 421 et s., 440, 445, 463 et s.,
498 n.1, 514 n. 1, 532.
Journal des Jacobins, 101, 102.
Jowmal des Hommes Libres, 464 et n.
Jow^nal des principaux épisodes de la
Révolution, 7.
Joutmal du soir, 181, 497 n. 1.
Journalistes réfugiés à Rouen, 44 et s.
Journalistes rouennais, 42 et s.
Journaux reçus par la société populaire,
100 et s.
Jowmée du 9 Thet^midor (la), pièce, 462.
Juetz d'Inglemare, 247.
JuUien, de Toulouse, cité, 182.
Jullien fils, 232.
Jumilhac (c^ de), 367 et n. 3.
Jupes et corsets, 349.
Juglet, huissier, 309 et n.
Jurés, 210, 515 n. 2.
Kersabiec (Siochan de), 356 et n. 3, 367.
Kersaint, député, 46.
Kuscinski (A.), cité, 299, 334 n. 3.
Laborde-Méréville (M. et M«« de), 375, 388
n. 2, 389, 412 n.
Labarbe (le ccn), 116 n. 1.
Labbé, du c. de surv., 301 n., 434, 466.
Labbé, de Belmesnil, 71 n. 2, 341.
Laboureurs, 230.
Labre (famille du bienheureux), 87.
Lacaille, huissier, 495 et s.
Lachausse, médecin de Strasbourg, 45,48,
459, n„ 491 et n.
Lachenez-Heude, 158, 459, 446.
Lacorne, député supp., 127 n. 2.
Lacombe, agent du c. de s. g., 409, 4M
n. 1, 412 et s.
Lacretelle (de), instituteur, 379 n. 2.
Lacroix, député de la Haute-Vienne, 470.
Lafayette, 121, 125, 138.
Lafiotte, 383.
La Garde (M. et M"'« Thibaut de), 3Gt5.
Lagnistre, 34, 459.
Laisné, curé de Roumare, 349 n. 3.
Lakanal, 386 n.
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Lamauve, chirurgien, 328.
Lambert, adm., 3, 10, 33, 77. 110, 125, 155,
160, 192, 237, 245, n. 2, 301 n., 328, 339,
344, 407, 450 n., 459, 497, 512 n., 513 n.,
514 et 8., 527, 540.
Lamelle, capitaine, 394.
Lameth (M. de), 379 n. 3.
Lamine (N.-L.), 23, 71, 77, 80, 98, 104, 110,
123, 137 et s., 152, 159, 162 et s., 192
et s., 197, 211, 236 et s., 243, 246 n.,
251 et s., 258, 287, 290 et n., 294, 300
et s., 306, 313 et s., 324, 328, 334 et s.,
338, 341, 396, 405 et s., 418, 427, 430
et s., 439, 445, 450 et s., 454 et s., 471,
497, 503, 507, 512 n., 513, M5 et n.,
M9, 529.
La Mouque d'Inquerville, 71 n. 2, 298.
Lanjuinais, 159.
Langlois (Isidore), journaliste, 524.
Langlois (la cne), l(fô, 398.
Langlois (L.-J.), nég», 70, 343.
Langlois (E.-H.), cité, 50 n. 3, 51 n. 1.
Langrenay, curé de S^-Victor, 242.
Lapierre (la cnne), 298.
Larcher, ex-curé de Ménerval, 61.
La Rocque (de), émigré, 69.
Laudasse de Francamp, 225 et n.
Laugeux, 30 n., 42, 158, 161 et s., 170, 2fô,
317, 516 et s., 518 n.
Laumonier, chirurgien, 11, 58 n., 109, 213,
268, 330, 328, 348.
Laumonier de la Motte, 525.
Laveaux (Ch.), journaliste, 90 n. 3.
Laverdy (de), 255 n. 2.
Le Baillif-Mesnagèr, capitaine, 62,
Le Baillif-Mesnager, chanoine, 60.
Le Barbier (P.-S.), 77, 446, 453.
Lebas, 301, 344, 377, 450.
Lebel, agent militaire, 348.
Leber (collection), citée, 255 n. 2, 403
n.2.
Leblanc, curé de Saint-Maclou, 290 n. 3.
Leblond, off. mpal, 23.
Leblond (la en"), 305.
Leblond, adm., 63 n. 1, 160 n. 1.
Leborgne, 343, 459 n., 496.
Le Boucher du Tronche, 24, 56, 76, 206,
246, n., 301 n., 343, ^3, 375, 376 et s.,
402, 426, 450, 459, 461 et s., 469, 474.
491 et s.
Le Boucher, ancien libraire, 510.
Le BouUenger, imprimeur, 73.
Le Bouvier, avocat, 478 et n. 2, 536.
Le Bret, 142 n. 2.
Le Breton, off. mpal, 459 n.
Lecanu (J.-V.), avocat, 23, 31 et s., 40 et n.,
76, 84, 110, 136, 138, 140 et s., 158, 193,
197, 2U, 258 et n., 296, 300, 301 d.,
344, 460, 501 n. 1, 503, 512 n., 513 n.
Lecarpentier, 33, 206 cité, 243.
Lecarpentier de Combon (d*), 456 et n.
Lecerf, curé de S^Nicaise, 426.
Le Chcmoine, juge, 203.
Le Chapelier, émigré, 384, 385 n. 2.
Le Chevalier, mathémat", 394 n. 1,531.
Leclerc (0.), accus, public, 14 n., 45, 48,
205, 208 et n. 3, 240 n., 388, 478 et s.,
481 et s., 499 et s., 506, 507, 514 et s.,
533.
Leclerc, imprimeur, 26 et s., 30 et s., 137,
225 et s., 507, 550.
Leclerc (Elie), négociant, 289.
Leclerc jeune, 119.
Leclerc, tailleur, 483 n.
Leclerc, parfumeur, 40 n. 1, 240 et n. 1,
413, 415, 429,432,482 n., 483 n., 512 n.,
513 n.
Leclerc (femme), 483.
Leclerc, secr. des Sans-Culottes, 144, 266.
Leclerc, vie. épiscopal de Beauvais, 119.
Leclerc Saint-Aubin, 531 n. 4, 569 et s.
Lecœur, adm. de N.-D., 50.
Lecœur, vie, à Saint-Jean, 365 n. 5.
Lecointre (Laurent), conv., 136 et s., 171,
186.
Le Compasseur de Courtivron, 364 et n.
Lecomte, ex-sec. de l'hospice, 494.
Le Comte (Pierre), couvent., 23, 24 n. 3,
131 n., 183, n., 184, 193 n., 210, 235,
273, 314, 335, 335, 353, 378 n., 408 et s.,
430, 434, 436, 438, 440, 465 n., 507,
521. 526, 550, 556.
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Le Coq dit Vidame (les), 536.
Le Corbeiller, 267, 339.
Le Cordier de la Londe,*66, 73.
Le Courtois (famille), 463 et n.
Le Couteulx, 394, MO.
Le Couteulx (d«), née Pourrat, 49.
Le Coutour, avocat, proc. de la cône, 23, 25
et n., 56, 122, 126, 144, 198, 206, 246,
248, 261, 295, 298, 434, 436, 446, 459,
467, 471, 485, 491, 497, 500, 508, Ml,
M2, M9, 532 et n. 3.
Lecoutre, artiste, 100.
Ledran, maire de S»-Léger-Bourg-Denis,
138.
Lefebvre, de Goumay, député, 129, 133,
182,532.
Lefebvre (Elie), 188, n. 3.
Lefebvre (Julien), convent., 139 et n.
Lefebvre-Lavandier (cnne), 484.
Lefebvre (Angélique), ^ Robert, 489 et n. 2,
525 n. 5.
Lefebvre (L.-J.), 80, 256, 507.
Lefebvre, orfèvre, 80, 97, 453, 459.
Lefebvre-Signol, adm., 18, 33, 63 et s.,
110, 123, 192 n. 1, 197, 239 n., 246 n.,
261 n., 2T3, 301 n., 313, 315, 319, 340 n.,
347, 350, 391, 465, 484, 486 n., 512 n.,
M3 n., M9, 527.
Lefebvre (Jérôme), 459.
Lefebvre, s. p., 108, 139, 149, 169, 268, 343,
486 n.
Lefebvre (Victor), off. mpal, 23, 83, 301,
340, 378 n., 459, 549.
Lefebvre (veuve), 357.
Legagneur, m« de l'hôtel Vatel, 45.
Legendre, concierge, 471 et s.
Legendre, écrivain, 346.
Legendre, avocat, président du trib. crim.,
109, 158, 205 et s., 295 n., 309, 249,
436,, 443 et s., 455 et s., 471, 478 et s.,
481, 499,506,507, 514 et s., 519 n., 55M.
Legendre, convent., 110, 188 et s., 197 et
s., 206, 229. 243 et s., 251 et s., 271,
292, 298, 303, 304, 378^ 410, 465, 529.
Legendre, maire du Mont-aux-Malades,
370, 371.
Legendre, notable, 301 n.
Legentil, co" de pol., 24 et s,, 88, 240 n.,
460 n.
Léger, de Rouen, 57 n.
Legrand, agent du c. de s. g., 193 n.
Legras, notable, 246 n., 301 n., 377, 450,
505.
Le Halley, 194.
Lehardi, député du Morbilhan, 524.
Leliêvre fils (Ad.), 104, 392, 528 n.
Lemaire de Ternantes, 329, 549.
Lemaitre (Julie), femme de chambre, 60.
Lemarchand, émigré, 73.
Lemery, 81, 14?.
Lemire, 510.
Lemire (?<>••), domest. d'émigré, 60.
Lemoine (0.), notable, 301 n.
Lemoine, co^» de police, 25, 343, 460.
Lemoine, de Dieppe, 532.
Lemonnier, peintre, 21, 319.
Lemonnier, s. p., 80, 144, 230, 242, 265,
309,343.
Lemort,' notable, 301 n., M2n., 535.
Lenglier, de Feuquières, 130 n.
Lenormand de l'Osier (Germain), 80, 140,
169, 268, 289 n., 297, 310, 319, 507,548.
Lenôtre (G.), cité, 217, 219 n. 4.
Lentafgne (les frères), 62 n. 2, 77 et s.,
506.
Lenud, d'Yvetot (les), 69, 180, 231 n., 234
n.. 2M, 253ets., 294, 507.
Le Parquier (M.), cité, 11, 161, n. 2, 172
n. 3.
Le Pecq de la Clôture, 60, 266 n., 328.
Le Peletier de S»-Fargeau, 38 n. 2, 249,
288, 368, 390, 463.
Le Pigny, émigré, 73.
Lepiller, 24, 301 n. 3, 450 n.
Le Portier, (H.-J.), 310 n., 340, 343.
Lequesne, concierge, 483.
Lequesne, (G.-A.), maire, 210, 494 n. 510.
Lerat, curé de Forges, n., 116, 293 n.
Le Roux de Cretot, émigré, Zi
Le Roy, 33, M2 n, M3 n.
Lesage, 486 n. 5, MO.
Lesguiller, cité, 4 n. 5, 42.
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— 592 -
LesguiUer, 70, 45».
Lesueur, prêtre, détenu, 61.
Letellier, curé de la Trinité de Pécamp,
117 n.
Letellier (Denis), prêtre assermenté, 63.
Letellier, détenu, 32 n. 2, 33, 439.
Letelier, (f«), d'Aumale, 484.
Le Tonnelier de Breteuii, évêque, 402 n.
Letoumeur, convent., 360.
Lettres ouvertes, 477 et s. 517.
LeUres'patenles du régent de France, 44.
Lettré, 446.
Leudet, prêtre, déporté, 214.
Levaillant, (Bonne), 45, 48.
Levallois, prêtre, détenu, 61.
Levarlet, juge, 517 n., 519 n.
Levasseur, notable, 301, n., 343.
Levavasseur, nég», 61, 205.
Levavasseur, M« des Omptes, 276.
Levavasseur (Léon), officier, député, 104,
127 n., 138, 305 n.
Levavasseur (mémoires de), cités, 4 n. 5.
Le Veneur (général). 142 n. 2, 146.
Levée en masse, 188 et s.
Le Verdier, curé de Choisy-le-Roy, 116 et s.
Le Verdier (N.-V.), homme de loi, 116 n. 2.
Leviderel, 210, 266 et n., 277 n. 2.
Levieux, off. mpal, 23, 211.
Levieux, vitrier, 466.
Levillain, de Maromme, 451.
Lévis (A.-L. de), 370 n.
Lézurier, 24, 56, 109, 248, 314, 359, 470,
519, 529 n.
Lhermitte, 459 n., 520 n.
Lhonoré, médecin, 329 ii.
Lhoste, 80.
Lhuillier, 33, 434.
Liancourt (de la Rochefoucaud-), 73, 123,
320, 337, 340, 3^i2, 353, 379 et n. 3.
Liberté (sUtue de la), 318 et s., 4^3:^.
Licquet, (P.-A.), homme de loi, 109, 210,
310,314,315, 407,431.
Lidon (B.-F.), convent., 139 n. 1.
Liège (académie de) 358.
Liégeard, 104.
Lignel, noUble, 269, 301 n. 3, 460, 501.
Limbourg (de), médecin à Spa, 74.
Limoges (L.-C. de), journaliste, 42 n., 62
n., 19i et s., 482 n., 497.
Lindan, imprimeur, 290, 499.
Lindet, évêque d'Evreux, 11^, 170, 250,
352,378.
Lizet (les frères). 400, 431, 439, 446, 483 n.
4,486,512, n.,ÔM ii.
Locquet (la cit.,), institutrice, 308.
Loges de maçons à Rouen, 110 et s., 468 n.
Loiseau, co« dupouv. exéc, 110,135 et s.
Loiselet, gendarme, 423, 497.
Londres, 103, 180 n. 3.
Lormier, agent du c. de s. g., 411, 415.
Loth (M. l'abbé J.), cité, 10 n., 51 n., 118
n., 119 n.
Loucelles (de), cité, 110, 363 n. 2.
Louchet, convent. 110, 188 et s. 197, 199
et s., 243, 251, 271, 299 et s., 308, 409,
565, 521, 529.
Louchet d'honneur, 324.
Louis XVI, 19 n. 3, 27 n. 2, 32 et s., 4<i,
63, 85 et s. 198, 121, 123 et s., 140, 204,
208, 228 n. 2, 249, 305 n.l.
Louis XVllI (uniforme dit de\ 394 n. 1,
523 u.
Lucas, d'Y veto l, 127 n. 2, 532.
Luzerne-Montmorin (famille de la), 37ï>
et n. 1.
Lyon, 296, Ml,
M
Mabire, 119, 151, 153 et s., 158, 170.
Mabon, 23, 80, 158, 246 n. 2, 301 n. 3, 421
n., 448, 450, 471, 486, 507, 512 n., ôUl ii.,
535.
Mabon (la cit»»*), 104, 391, 535.
Machault (famille de), 365 n., 366 et s.,
387 et n., 388 n.
Machuel, libraire, 133 n., 182 n. 4.
Madières (de), 385 n.
Maillard, de Gournay, 146 et n.
Maillard (P.-A), receveur' de leiiregisliv-
menl, 77 et n .
Malandain, 510, 514.
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— 593 -
Malatiré, 210, 343, 392, 429.
Maldérée (de), 242 n. 3.
Malherbe (de), émigré, 73.
Malhœuvre (G.), bourreau, 217 n. 4.
Malortie (Aimée), 260 et n., 517 n. 2.
Malot-Duvergé, ag^du c. d. s. g., 328,448.
Manneville (de), off. de garde nat., 259.
Manneville (de), v. Colbert.
Manoury (Jq.-A.), 70.
Manufacture de plomb, 46.
Manufacture d'huiles et savons, 49.
Marat, 35, 140 et n., 146, 153, 161, 173,185
et n., 249 et s., 262, 272, 287, 390, 452
et s., 462, 473.
Marc, chirurgien, 60.
Marc, notaire, 393 n. 1.
Marcel {Etienne), prévôt de Paris, por-
trait, 74.
Marchands de Rouen, 253.
Marchands forains, 324.
Margarot, d'Ecosse, 315.
Marguerit (famille de), 266 et n. 1.
Marie, notable, 301 n., 471, 486 n.
Marie-Antoinette (la reine), 44, 235, 388.
Marie-Antoinette, enfant de l'hospice, 83.
Mariette, avocat, couvent., 96, 109, 119,
123, 128, 129, n., 132 n., 134 et s., 140,
. 148, 151, 162 n.,183, 251, 443, 447, 521,
532.
Mariolle (le café), 96, 158, 175.
Marion, ex-chanoine, 359.
Marion, marchand. 359.
Marseillaise (la), 32, 100, 269.
Martainvillle, émigré, 69.
Marteau fils aîné, 339 n.
Marteville (A.), cité, 172, n. 2.
Marye de Mer\'ai, 266 et n. ,
Massacres (projets de), 355 et s., 375, 418
et s., 504, 511.
Massacres de septembre, 36 n. 3.
Massé, de Fécamp, 489.
Massé, proc. gén. syndic, 205.
Massé, prêtre, détenu, 61.
Masselin, 475.
Masseron, ex-cons. au pari», 377, 412 n.,
417, 427.
Massieu, évéque de Beauvais, 118, 119,
129 n., 435, 507.
Mas.son, notable, 301 n., 469, 4«3 n.
Mathéus (Jean), nég», 111 et s., 499.
Mathurins (église des), 307 n.
Mauchrétien, juge de paix, 268.
Mauduit (lacnne), 105, 234 n. 1.
Mauduit (M. de), 310 n. 1, 398 n.
Mauny (château de), 379 n. 3, 448 n.
Maussion (de), 29, 30 n.,265 n., 382n., 383 n.
Médecins, 328 et s.
Mémoire apologétique, 467 et s., 471.
Mendicité (extinction de la), 312, 539.
Médailles, 249, 347.
Meillié (E.), cité, 489 n. 7.
Melfort (Drummond de), 517 n.
Mellemont (Duhamel de), 62 n.
Mercier du Paly (les), 468.
Mercure universel (le) dénoncé, 148.
Merle-Beaulieu (général), 232 n.
Mérel, greffier, 343.
Merlin de Thionville, 58.
Meslin (P.-F.) 77, 158.
Mesnard, émigré, 73. '
Mesniéres (château de), 238 n. 1.
Messager du soir (le) 523 n., 524.
Michaux, 407, 439, 449, 451 n.
Michel, prêtre déporté, 61.
Michel dit Duval, condamné, 6, n. 2.
Midy d'Andé, 292 n., 4ai.
Milcent, secr. du dist., 18, 155 n. 2.
Miller, tailleur, 472, 512 n.
Mirabeau, 119, 121, 141.
Miranda {O de), 178.
Mirbel ou Mirbeck, peintre, 366.
Miromesnil (0« de) 62, n. 2.
Mission secrète, 267.
Mises en liberté, 442 et s., 463.
Modène (M"« de) 372 et n. 2.
Molard, des Grandes Ventes, 130.
Molière (pièces de) 473.
Monceaux (H.) cité, 160 n. 2.
Moniteur Universel (le) iOl, 102, 562.
Monnier Tainé, 80, 512 n.
Montagne à Rouen (une) 208, 287, 335,
474 et s., 511.
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— 594 —
Montagne (la) chanson, 498.
Montagne, au lieu de Leroy, 307.
Montaut ][M«ne veuve de) 74.
Mont-aux-Malades, 370, 371 n., 531 n. 3.
Montbrissey (de) 380.
Monlfiquet (d"« de) 363.
Montforl (de) prêtre, 354.
Mont-Fortin (le) 326 n. 1.
Monligny (cône de), 349 n., 350, a^O.
Montigny (Ch.CI.), nég< et journaliste,
46, 48 et n. 2, 417.
Montmorin (de) ministre, 379.
Monval (Georges) cité, 145 n. 2.
Morainville, n^g«, 136.
Mordant, notable, 24, 248, 307.
Morel, avocat, ^, 344,
Morière, portier, 455.
Morin, auditeur à la Ch. des C", 68.
Morlière (général la) W^ n. 1, 326.
Mouchard (P.-L.) 234.
Mouches, 24.
Moulin, off. mpal, 246 n., 266, n,, 269,
301 n., 4.59, 49i>, 512 n., 513 n.
Moy (de) ex-cons. au Pari», 361 .
Muscadins et muscadines, 180 n., 289-
343, 480.
Musquinct de la Pagne, 19, 188, 143.
Nantes, 103, 126.
Narbonne, mini.stre, 121.
Néel, notable, 24, 31, 91, 151, 227,2^18, 512.
Néel dit Tontuit, 425.
Neufchâtel-en-Bray, 129, 284, 467.
Neuilly (marquise de) 26 n. 1.
Neuilly-sur-Seine (Pont do) 347.
Niel, 447 et n.
Noblesse de robe, 9.
Noël, jounmliste, 10, 158, 187, 227, 262,
308, 318, 445, 503 n., 524.
Noms affichés aux portes, 150.
Normandie (la) reîvuo, citée, 378 n. 1.
Nos, notable, 301 n. 3, 377, 486 n., 512, n..
513.
Notaires de Rouen, 362 n. 2, 392 n. 1*
\m. n. a.
Noury (M.) cité. 11, 265 n. 1, 473 n. 2.
Nouveaux logements , pièce satirique,
9n. 3.
Nouvelles politiques, nationales et étra^-
gh*es, 102.
Observateur de V Europe (V) 3, 489 n. 3-4.
499, 500, 511, 514, 522, 524, 536.
Oratoire (maison des Prêtres de 1) 292.
Orléans (duc d'), 145, 180 n. 3, 326 et n.,
386.
Orphelins, 332 n., 333.
Osman, md, 394 et n., 483 n.
Otages du roi, 62 n. 2. "
Ouf, prêtre, détenu, 61.
Oursel, imprimeur, 73.
Ouvriers de la campagne, 234.
Pache, maire de Paris, 303.
Paillart, 446, 483 et n.
Pain, 493, 529.
Pallu (M»« de la), 9 n. 3.
PapiJlaut (l'abbé), gd pénitencier, 86.
Paris (de), assassin de Saint-Fargeau, 38
n. 2.
Parlement de Paris, 87.
Parlement de Rouen, 87, 331.
Pasdeloup-Delaistre (mariage), 332.
Pasquier (Adrien), cité, 47 n. 1, 275 n. 1.
279, a56 n. 3, 371 n. 2, 397 n., 427 n .
438 n.
Passeporte, 67, 76, 236, 444, 511.
Patriote Français (le), 101, 102.
Patriotes cliassés de la s. p., 431 et s.
Patriotes de 89, 300, 439.
Paumier, dentiste, 528 n. 1.
Pavie (B.),300, 510.
Payan, 422.
Payoïinovillo, 1,\s, :x)I n. 3, 450 et n.,
450 n.
Payncl, greffier, 33, 182, 204 n. 1, 205, 309.
Pennetier(r,.), cité, 11, 58 n. X
Perche!, ox-conseiiler clerc, 1^6 et n.
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— 595 —
Père Duchesne (Hébert, dit le). V. Hébert,
180, 253, 334, 507.
Père Duchesne (Dumazert, dit le), 268.
Périaux (N.), cité, »4 n. 3, 381.
I^ermanence des conseils, supprimée, 5H.
Pernuit, s. p., 158, 459.
Perquisition, 76, 84 et s.
Perrin, 341, 344.
Perroud (M.), cité, 259 n.
Persécution religieuse, 5, 64 et s.
Pesnelle, 24, 248.
Pétion, maire de Paris, 123, 162 et n., 187.
Petit, prêtre, détenu, 61.
Philippe, ancien capitaine, 45, 80.
Philippcaux, convent., 334 n., 335 n.
Pierre (Victor), cité, 489 n. 7.
Pillon père, 276, et n. 6.
PUlon, maire, 4 n. 5, 22, 23, 34, 41, 68, 71,
76, 78 et n., 83, 85, 91, 92, 95, 110, 119,
126, 138. 141, 163 n. 2, 192 n. 1, 198,
210, 226 n., 234, 245 et s., 275 et s,,
291 et s., 299 et s., 306, 314, 317 et s.,
322, 324, 333, 340, 353 et s., 357, 374 et
s., 391, 395 et s., 406 et s., 411 et s.,
418 et s., 427, 439, 442 et s., 445, 450et
s., 463, 465,471,483n.,491ets.,494et8.
501, 504 et n., 507, 512 n., 518 n., 519
et s., 526 et s., 528, 531 n., 533, 540,
554.
Pinart de Boishébert, 329.
Pinel père, 528 n. 1.
Pinel (Fr. et J.-B.), 23, 24, 56, 190, 192,
197, 246 n., 301 n., 350, 433 n., 446,
484, 512 n., 513 n., 515, 527.
Piperey de Marolles (de), ex-cons. au
Parlem», 68.
Piques (les), 187, 199, 253, 508.
Pitre (Gabriel), prêtre, arrêté, 88 et n.
Placard provocateur, 30 n. 4.
Plaine (abbé), 351 n., 352.
Plasne, 186, 512 n.
Plocq, du Vaudreiiil, 394, 531.
Pocholle, convent., 62, 78, 118, 129, 140
et s., 171 et s., 182, 187, 193, 410, 521.
Poire phénoménale, 234.
Poisson, membre duc. des., 33, 158, 301
n.,368, 469, 503, 513 n., 515, 518 et n.,
519. 527.
Police de Rouen, 552, 569 et s.
Polignac (un nommé), 381.
Pomme (A.), convent., 401, 410, 430.
Pommeraye, ex-maitre des c»«», 66.
Pontcarré (le président), 206 n. 4.
Pont-de-r Arche, 311.
Porel, conspirateur, 391 n. 1.
Porct fils, avocat, 24, 32 et s., 40 et n.,85,
103, 110, 119, 135, 138, 155, 159, 169,
170, 186, 193 n., 197, 207, 230, 246n.2,
252, 271, 279 et n., 294 n. 1, 301 n.,
311 n., 314, 317, 333, 340, 355 et s.,
378 n., 391 et s., 402, 418, 427 et s.,
431 et s., 438 et s., 445 et n., 451, 456.
463, 471, 480, 483 n., 486, 501 n., 506,
507, 512 n., 513 n., 527, 535, 534 et n.
Poret flls jeune, 33.
Poret père, 246 n. 2, 304, 350.
Poret (Jean), condamné, 6 n. 2.
Porlier, secr, de l'état-major, 158, 375.
Portefeuilles (les), pièce de Collot-d'Her-
bois, 473.
Portrait, 446, 4^x1 n., 469, 529.
Portrait d*un J tireur, chanson, 85.
Postel des Minières, 369.
Potel, maire de Serqueux, 116, 385^ n. 2.
Pottier (J.-B.), avocat, 80, 248, 459, 475, 510.
Pouchet (G.), cité, 240 n.
Pouchet-Maugendre, 24, 56, 141, 246 n.i
301 n., 314, 450, 452, 510.
Praselia (G. de), 178.
Prénoms républicains, 235 n., 333.
Prêtres (arrestation de), 84.
Prêtres assementés, 284.
Prêtres exercés par les Suisses, 19.
Prêtres exclus de la s. p., 327 et s.
Prêtres (mariage des), 73, 257, 327.
Prêtres déportés, 61.
Prêtres reclus, 350 et s.
Prêtres réfugiés à Rouen, 353.
Prevel aîné, off. mpcd, 459 n.
Price (docteur), 103.
Prière à VElet^iiel. 288, 395.
Prière r/^publicainey 288, 395.
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— 596
Phcur, de la Marne, convent., 171, 193. 426.
IVin, artiste, 47.^.
i'riaons de Houen, 4n., 222 et s., 401 et s.,
411 ets.,417n. 5, 511.
î*rt>dhomme (J.-G.), prêtre déporté, 61.
professions de foi aflichées aux portes,
150 et s.
Protestants, 28^), i^l et n.
PriKlhomme (H.), prof. d'Iiydroj^r., 80, 81,
152, 158, 307, 37i n.
Pntdhomme (Journal de), 101, 102.
PsaJmon, prêtre, dépoilê, 61.
Pucelle (statue de la), 249 et s.
iHigutde lîarbentane (M. et.\l'"e), 423 n.
l'u^ct de Bras, condamné. 423 n. 2.
OiJt'iiné-Dunioulin, détenu, 463.
Oiiesnel, curé de S«-.lactiues-de-r)icf)pe,
fiO, 175.
Uucsnel-Hoger, 301 n. 3.
rjniHebcuf, 386, 494, 4î)9, 528 n. 1,563.
Hiuîlebcuf, inconnu, 50S.
guinet (Edg.), cité, .'3Î)7, 532. 51» n. 1.
liabasse, lOi), ;i43.
Ilacme, libraire, 4^9.
H f ici ne (pièces de), 473.
naison (fêle d(ï la), 262, 285 et s., :335.
HHiwon (Temple de la), 286, 288 et s., 2ÎM,
450 et s.
jiîimfreville (André de), 213.
lUmifreville ((Cli. de), condamné, 400 et n.,
425, 521 n.
lijirnfreville (M-"^ do, 400 n. 3.
Rapports des commissaires de sections, 1 et
s., 502 et n., 503 et s.
JUtpport du dép' en l'an IV. 4(m n. 3, 470
n. 5, 4.^'» n. '2,. .">2«.ï it s.
I;ruî'tiini tlicnnidtirii'iiiii'^ 477 cl s.
\\im\, 2^, 301, 3(^2 el s., 314, 429, 4:C) el s.
T-crling (de), chancelier suisse, 292 n. 2.
ii<*ncxinns sur le |)n)cès d«» Louis XVI. 44.
Réfugiés à Kouen, 361 et s.
Règlement de la s. p., 96, 314.
Renault, 498.
Regnault, notable, 33, 246 n., 301 n., 466,
483, n., 486, 501 n.,M2 n., 513 n., 515.
M9, 527.
Religieuses, 331 et n. 3.
Renard, ex-co« de pol., 227, 520.
Renards (les), 563 et s.
hépublimin (le), 101, 102, 158,
Républicain universel (le).
République fédérative, 341.
Requer, prt'tre assermenté, 235.
Réveil des Rouennais (le) 557.
Réveil du Peuple (le), chant, 472.
Réveil-Malin (le), journal, 536.
Revelle, adm. et convent., 63 n. 1, 131,
184, 410, 521.
Révérend (v'«), cité, 446, 515 n.
Révolution Française (la), revue citée,
274 n. 1.
Révolutions de Pains (les), 101, 102.
Révolution de il02 (la), 90, 551.
Rewbell, membre du Directoire, 129.
Rialle, maire du Havre, 532.
Riaux, greffier, 130 et n. 2.
Ribard, 17 n., 2-4, 61, 248, 343, 386, 460,
510, 528.
Ribié, comédien, 268, 4a3 et s., 462, 476.
499, 513.
Ricard, de Sei-vaville, 399.
Richard (Jean), prêtre, déporté, 60.
Riches et aisés, 229, n., 230, 262, 480, 4^2,
504.
Ricquier (H.-A.), 26 p. 2, 206.
Rioult, de Rouen, 386.
Rioust (M.-N.), ex-vic.-gȕ de Nevers, 47,
49, 352 n., 428 el s.
Rioust (M'»"), lîée Héron. 47, 428 et s.
Rivarol, cité, 385 n.
Robert de Saint-Victor, olf. mpal, 2:^. :^3,
r»l et s., 98, 118. 121, i:VS, 150 et s..
167 cl s.. 210 cl s., 239 n., 242, 247 et
s., 271, 279, 283 n. , 4-U, 498, 505,
507, 513 n., 5,'^, 540, 553 et s.
Robert de Saint-Viclor fils. 5,3 n. 1, 7i i98.
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m
— 597-—
Robert (Magloire), avocat, journaliste, 1H0
n. 3, 371 n. 2, 489 et s., 498 et s.,
500 et s., 501 n. 1,' 502 et s., 511 et s.,
522 et s., 525 et s., 536.
Robespierre, 146, 181, 306, 337, 361, 371^
et n. 2, 397, 407,409, 471, 421 et s., 432.
Robespierre (le jeune), 418.
Rocbambeau, 121 n. 3.
Rocheforl, ville, 490.
Rochefoucauld (cardinal de la), 86, 119.
Rocquemont (château de), 234.
Roederer, 116 n. 2.
Roger fils, off. mpal, 2â, 50 et s., 56, 190
ets., 192 n. 1,196, 450.
Roland, ministre, 2t, 35 et s., 36 et s., 50,
56, 102, 135, 147,162 et n., 259 n., 260.
Rolland, juge, 516.
Rome, maire, 326.
Roumy-Groult, 301 n., 343, 344, 512 n., 513
n.
RoncheroUes (Charlotte de), 60.
Rondeau (abbé), 402 n. 1.
Rondeaux, maire, 10, 16, 18 n. 1, 21 n. 2,
23. 32 n. 4, 40, 54 n., 59, n., 83, 91,
141, 171, 186, 187, 190 et s., 194, 196
et 8., 200, 233, 236 et s., 273, 342, 406
n. 4.
Rondel, chanoine, 354 et n.
Rosier (Romain), 379.
Rossignol (d*), née Cardinal, 212.
Rotours (des), 362.
Rouelle, médecin, 329 n.
Rouen-Marat, 181 n. 1.
Rouen sous la Révolution, manusc. cité,
5n. 1.
Bouen, vUIq maritime, 374 et n. 2.
Rouennais (marchands), 180, 253, 559.
Rouet à filer, 348.
Rougemare (aiTahre de la), 4, 26 et s., 40
et s., 50, 70, 76, 177, 225 et s., 285,
460 n., 505, 507, 529, 542, 550.
Rouland (G.), émigré, 69.
Rouilhère, com"^ des guerres, 316.
Rousseau (J.-J.), 87, 98, 397, 462.
Rousseau, journaliste, 440 n.
Roussel, 345.
Roussel, pitHi-e, détenu, 402.
Rousselet, de Thiborrtvesnil, 131, 18:i, m^^^
et n. 5.
Rousset, médecin, 329. * ■ a". ■ ■
Rouvray d'Aubigny, médecin, 329 et s.,
510.
Royaliste (parti), 50 et n. 1. ' •'
Royou (l'abbé), 45.
Royou (la cne), née Fréron, 45. • " .
Royou-Pennauren (Iq.-Cor.), ex-avocat, ^
journaliste, 45, 48, 49. ' J^v
Rozel, 80.
Ruault, convent., 127 n, 2, 129 et s., 140;-
182 et s., 532. ^^'
Rupalley, 33, 158, 185 n. 1, 319, 344, 402,^
460, 497, âl2 n., 512 n. ' \' <
Sacquépée (de), 340.
Saint-Amand (V. Galbois).
Saint-Amand de Rouen ( couvent de )
2213, 462.
Saint-Domingue, 120 et u. 3.
Sainte-Croix-Saint-Ouen (église) 249.
Saint-Edme, cité, 129 n. 1, 302 n.
Saint-Etienne (Pauline de) 380.
Saint-Etienne-du-Rouvray, 324 n.
Sainte-Marie (couvent de) prison, 224, 401,
Saintex, co™ du com. de s. de Paris,
135 et s.
Saint-François, prison des prêtres, 224.
Saint-Just (rapport de) 353.
Saint-Germain (M™* de) 85, 87.
Saint-Léger-du-Bourg-Denis, 349 et n.
Saint-Laurent de Rouen, 288, 472.
Saint-Léonard d'Harlleur (vicaire de) 86.
Saint-Lô de Rouen, maison d'arrêt, 86, 223.
Saint-Lô (reg. d'écrou de la prison de) 3.
Saint-Louis couronné ( un ) 249.
Saint-Malo (adresse de) 164.
Saint-Ouen (abb, et église de) 26 n. 2,
306, 426, 465 n, 3.
Saint-Ouen-prend-en-Bourse, 213.
Saint-Paul (église) 308.
Saint-Paul (fabrique de) 227 n. 2.
Saints (ossements' des) 346.
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— 598 —
Saint-Sever (êglisi? et prisuii de) 224.
Saint-Valen'-«»n-Caux, 25t ot s.
Sainl-Vigor de Rouen, 307.
Saint-Vincent (vicaire de), 257.
Saint-Vivien (séminaire de) prison, 84 et
s., 224, 350 et s.
Saint-Wandrille (Hôtel) 133 n. 2.
Saint- Yen, prison des suspects. 223, 401
n., 6, 417, 424, 436.
Saladin, couvent., 62, 78, 140, 141. 152,
171 et s., 521.
Salle des Etats, 319 et s., 452, 457,461,501.
San.son, bourreau, 217.
Samson avocat, 24 et n., 83.
Samson, prêtre, dénoncé, 60.
Sannois-Beaulieu (de) détenu, 417.
Sans-Culottes de Rouen, 227, 252, 256,
266, 289, 339, 349, 442.
Sans-Culottes de Rouen (société des) 140.
Sans-Culottes (section des) 186 et s.
Sans-Culottisnie insulté (le) 449.
Sarcieux (cnne) concierge, 412 et s.
Sautelet, 479 et s.
Sautereau, couvent., 62 n. 1, 419 n. 2,
442 et s., 457 et s., 469, 470 n. 480.
Savary, 126, 508.
Scanegatty, 96, 186 n. 1.
Sections, 22, 490 et s., 501 n. 1, 522 n. 2.
Seigneurs (nouveaux) 229 n.
Selot, (A.) curé, 210, 306.
Selot, employé, 429.
Selot (E.-M.-P.) 158, 280 n. 3, 460, 562.
Senar (mémoires de) cités, 181 n. 2.
Sensée et 0«, 106 n. 1.
Sérilly (M™« de) 379.
Serment à la Nation, 123, 337.
Serment à la Montagne, 335.
Serment d'égalité et de liberté, 126.
Serment des affiliés de la s. p., 97.
Sermentot (de) émigré. 69.
Ses Maisons (cnne) 255 n. 2.
Seyer le jeune, 169.
Siblot, couvent., 110, 113, 180, 207. 313,
316, 323, 328 et s., 330 et n., 345 et s.,
•359, 375, 379 n. 3., 385 n. 2-3, 399 et
s., 406 n. 4, 427, 431, 465, 521, 529.
Sicotiére (M. de la) cité, 50 n. 2, 391 n. 1.
Signol le jeune, 344.
Simon, constituant, 3fô.
Simon (P.-M.) cité 385 n. 2.
Sirejean, agent du c. de s. g., 368.
Sirey, jurisconsulte, 450, n. 2.
Smidt (H.) cité, 464 n.
Société de secours mutuels, 471.
Société littéraire, 182 n. 4.
Sociétés populaires d'Angleterre (lettre
aux), 104.
Société populaire de Rouen, 41 , 60, 79, 81 , 93
et s., 116 ei s., 145 et s., 162 et s., 194 et
s., 227, 236, 242 et s., 249 et s., 268 et s.,
287, 296 et s., 307 et s., 311 et s., 330
et s., 334 et s., 407 et s., 430 et s.. 437
et s., 443 et s., 452 et s., 460 et s., 469
et s., 471 et s., 505, 547 et s.
Société populaire (registres de la), 173.
Solot (R,), détenue, 463,
Sombrct, religieux feuillant, 120.
Sonnette du président de la Convention,
522 et n. 3.
Sotteville (capucin de), 85.
Sotteville (soc. pop. de), 310.
Soudet, cabaretier, 357.
Soulès, receveur des impositions, 531 n. 1.
Spa (eaux de), 73.
Steen (G.), 211 et n.
Strasbourg, 103.
Subsistances, 188, 192 et s., 197, 229 n. 3,
251 et s., 263, 314, 335, 406, 4fô et s.
Sufifenck, nég», ex-prêtre, 364 et n.
Suicides, 424 n. 3.
Suppléants des conventionnels, 148 et s
Suppression de la cône terroriste, 458 et s.
Suspects, 358, 477 et s.
Susanne de Bréauté, 150 n. 2, 360 n, 3.
Syndicats pour l'achat des biens nat 71.
Taillefesse (Remy). 513.
Talmont (prince de), 104.
Taillet (A.), 314, 513.
Tambour-major. 393 n. 3.
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- 509 —
Tamelier, oir. mpal, 23, 56, 301, 314, 340,
375, 385 n., 4^ n., 450, 459.
Tanne (M"*' de), 380 et n.
Tanneurs de Rouen, 304.
Tarbé, 24, 41, 44, 56, 67, 76, 109, 127 n.,
130 n., 133 n., 239 n., 248.
Taschereau de Fargues, 371 et n. 2-4.
Taylor, prêtre, détenu, 61 .
Télégraphe (le), 532 et s.
Tellier (A.-C), convent., i;ft) et n. 1.
Temple à l'Eternel, 406.
Temple de la Raison, 335.
Terreur (la), 2, 15 et s.
Terroristes, 13, 468 et s., 477 et s.
Théâtres, 462, 47.
Théâtre de la Montagne, 432, 472.
Théàtre-des-Arts, 499, 522, 523, 525.
Théâtre de la République, 403, 476.
Thébault, notable, 301 n. 3, 512.
Thélinge, 451.
Théophilantropiey 531 et n. 3.
Thermidor (neuf). 417 et s., 556.
Thésard l'aîné, 459 n.
Thibault, juge de Paix d'Eu, :i51.
Thibault (J.-L.), 70, 377, 4611
Thibault (F.-N.), archit., 70.
Thiberville, 71.
Thiesmé, comédien, notable, 301 n. 3,
319 n., 459 n.
Thierry, avocat, 6, 30 et n., 42, 124, 179,
245, 300,301 n., 335 et s., 342, 410, 460,
483 et s., 506.
Thiessé (N.), avocat. 23, 26 n. 2, 37, 95,
109, 116, 119, 122, 151, 159, 206, ÏIO,
248, 284, 460, 482, 484, 495. 514 ot n.,
515, 536, 548.
ThieuUen, proc. gén. s., 18 et s., 109, 205,
340, 342, 407 et s., 431 et s., 471, ott^
n. 4, 532.
Thillaye, s. p., 314.
Thinel, de Darnétol, 45.
Thirion (Ant.), 469 n. 1.
Thoma<», journaliste, 90 n. 3.
Thomas du Fossé, 107, 116.
Thomas père, notable, 24.
Thomas (J.-D.), avocat, proc. s. du dis-
trict, 18, 155 n. 2, 515 n., 529.
Thoumire, de Dieppe, 49«, 507.
Thorel, 24.
Thouret, avocat, 138, 14,%, lus, ^i, ^isi» n.
1,319, 383 n. 1, 538.
Thubeuf, 169.
Tiers-état de Rouen, 538.
Thuriot, député, 19, a4. :i''), 5tï7.
Tiphaigne, (Louis) avocat, *'*% n. % *^î,
311 n.
Toucques (forêt de) 38(ï u.
Toulon (reprise de) 30i et s.
Tourneux (M.) cité, 4(i n. î, m j». H, USO
n. 2, 101 n. 3, 101 n. 3^i, 'm n. t.
Tour-aux-Normands (la) 22^1.
Tours (soc. pop. de) 37H n,
Toutain , homme d'ainiinrs 4 te M. lU^
Frondeville, 66, 73.
Toutain, agent du c. de s. \i,., 411 n.
Toutain (L.-F.) 190 et s.
Traîtres proscrits de la h, f»., 125*
Trémauville (Estiévre tie) <î8,
Tresperel (Hélie de) 62 n. 2.
Tribunal criminel, 20ït el k,, riJ3 vi r*
Tribunal militaire, 52^3 il 2.
Tribunal révol"* à Rouen tdde d'un), 7P,
507.
Triquerville (Costé de) é*iûpr*\ 73,
Trohé, détenu, 266.
Troterel, ex-cons. au parL. t]8, 7X
Troubles à la s. p., 469 ^^t ii. rt b.
Troussey, 158, 301 n., :m, iJU. 4:17, Mm,
469, 478, 483, 486 ik îm, 506. 515,527.
Trutié (famille) 120 n. ;i.
Turgis, otr. mpal, %l f^Tî, m\. VM\ vi h.
300,341, 434, 529,
Tiirgot, ministre, 216,
Ubeleski, 210.
Unigenitus (bulle) 87.
Ustin, émeutier, 482, iS^V
Valdeck (C.-F.) 212, 3H() iM u, y.
Valenlin, curé, 256 et u.
Valognes, 103.
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— 600 -
V^Jifi^t citnluiujîer.
Vttutftïnyor |l*:s) condamnés, 259 n. 3.
ViitiUT m^) VM n. 2.
Vntx*u|rm*, t«>tajre, 479.
Yar»»*, JantïiiiL^r en chef, 234.
Viyj^fdiiij r*3tî,
VftUïl {mïiÎKiujI 4rj.
VMimitï^ijîI (ik'ï278 n. 2.
VftuqucJiu, 9*ï.
Viiussy, ancien fondeur, 459 n.
VauHsy (Luuitf)i cuisinier, 9 n. 3.
Vautii.^r de la Granderie, 185 n. 1.
\au vmy ( L< h li s} , 380.
Vedaii^ twnnande (la), 3, 429 n., 511, 523.
Vènard, ex-]jmc., 394.
Vfiidée, 287, :i52.
Voiid^miaire (journées de) 523 et s.
VLT^niaud, préiiident de la Convention, 34.
VénUique ou i Antidote des journaux ^ (le)
46.
Vemon» v. Caffin-Vernon.
YertïiHil trh'.sjirêss de), régisseur, 472, 473.
Verttin (L, <li:i, 212 et n., 238, 313, 386 n.
Vieillard, ancien capitaine de navire, 85.
VieiUoI, a, }i.. 121 n. 2, 314.
Vieux-Palais. 70, 22:i 475. -
Vi^îiiufiMix [la cnne) 105, 107.
Vilk^ULMivr, [jatt n. 3, 4, 5.
VUliers, lU' Simjmery, 62.
Viiiiar, ttvurat, 44, 109, 127 n. 2, 2:16, 276,
àtit, 2iKk i^W et s., 470, 475, 477, 489,
ViiicLnil, co"^ dt* pol., 25, 470.
Vincent, de Neufchùtel, convent.,129els-,
156 et n., 182 et s.
Vincent, du distr., 301 n., 460.
Vins d'émigrés, 201 n. 4.
Vintimille (de), émigré, 73.
Violon (le) 223.
Visites domicilaires, 67, 242, 262, 295, 373
et s.
Vol de lettres à la s. p., 1M.
Vol de fonds communaux en Picardie, 509.
Voltaire, 98, 293.
Vulgis-Dujardin, 23, 239 et n., 548.
Wallon (M. H.) cité, 11 n. 1, 15, 172 n. 3.
181 n, 2, 192 n. 3, 228 n. 3, 386 n. 1,
422 n.1, 539 n.
Wallon fils (M. H.) cité, 11, 78 n. 1, 165 n.
2, 177 n. 3, 317 «.
Washington, 121.
Wighs constitutionnels, 103 et s.
Wiid, anglais, 234, 269, 298.
Williams (H. -M.), anglaise, 107.
Yger, convent., 129 et s., 183, 378 n. 1,
532.
Yvelin de Béville, 62 n. 2, 137, 300, 301 n.,
506.
Yvernès, "76,80,159, 169, 190, 263, 290 n.%
300, 470.
Yvetot, 231 et s., 294 et s., 299, 406.
Yvry-la-BataiUe, 190.
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CORRECTIONS
Abréviations: 1. Ligne; n. Note
Pages % dernière ligne, pes, lire : des-
9, note 3, ligne 4, lire : fable, par M»» de Grécourt.
13, 1. 8, \irgule après membres.
17, n. 3, il présidait, lire : son collègue Belhoste présidait.
18, 1. 16, avant, lire : après.
20, 1. 19, Hre : y objecte-t-on.
30. n. 1, lire : de son fUs et de sa fille.
— n. 3, lire : Maussion.
37, 1. 29, seront, lire : serons.
40, n. 1, a revenir, lire : à revenir.
42, 1. 3, lire : rédaction.
— 1.12, trouvés, lire : trouver.
— dernière ligne, lire : du Journal,
48, 1. 3, n. 2, lire : révolution.
50, 1. 4, lire : le conseil.
50, 1. 25, formé, lire : informé.
51, 1. 9, ceste, lire : cette.
— n. 1, do, lire : dus.
52, 1. 7, lire : les trônes, les dais.
— 1. 13, lire : imbéciles.
— 1. 29, elUe, lire : elle.
— 1. 31, sièles, lire : siècles.
— n. 2, lire : Journal,
53, 1. 28, s'extuplé, lire : sextuplé.
— n. 5, s. lire : à, et nn, lire : un.
55, n. 2, 1. 6, lire : préalablement.
56, 1. 4, lire : dernière.
57, 1. 19, lire : cependant. ^
62, n. 2, le liste, lire : la liste.
72, 1. 18, virgule après ci-devant.
74, 1. 6, guillemet après prétextes.
80, n. 2, lire : Arch. nat. ûiii 274.
96, l. 27, lire : chapeau sous le bras.
103, 1. 26, lire : John.
110, 1. 13, lire : n'avait pas.
115, n. 1, lire : un Bacon fut détenu.
118, 1. 16, ses collègues à la, lire : lEmciens membres de la.
120, 1. 24, guillemet avant : ces scènes.
127, n. 2, 1. 10, Lacome du Reslay, lire : Lacorne, Duruflé.
132, n. 1, Boisney, lire : Bouffay.
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— 6^« -
Pages 132, note 3, lire : Histoire du trib. révol.
142, seconde noie 1, lire : (2).
152, 1.31, lire: GatUinas.
15d, 1. 25, guillemet après l'honneur.
— n. 5, ait, lire : n*ait
181, n. 8, Senard, lire Senar.-
183, n. 4, 1. 5. vente, lire : rente.
183, n. 3, étan, lire : étant.
188, n. 2, lire : Arch. nat.,
IM, 1. 23, lire : imprimées et affichées.
196, 1. 14, et les personnes, lire: et contre les personnes.
904, n. 2, lire : arch. nat.
216, 1. 16, sollicite, lire : sollicitude.
218, 1. 11, lui, lire : leur.
220, 1. 17, la note (1) est omise : L'envoi de la machine par ce minis-
tre s'explique par ce que le département avait à en payer le prix.
— L 19, souffle, lire : soufflent.
229, 1. 12, est, lire : et.
231, n. 1, 1. 9 supprimer: l'ancien conventionnel.
202, la note 2 sur Jeannemey est une note de la page 261.
264, 1. 10, lire : Paris et qui.
267, 1. 4, après (7), U faut: et Le Viderel (8),
272, 1. 21, lire : la femme de Debonne.
276, 1. 8, lire : courtiers-gourmets.
280, n. 1, lire : Mémoires de M™* de Chastenay.
286, n. 1,12, lire: 10.
300, 1. 23, (6) lire (5).
301, n. 3, lire: Payenneville.
313, 1. 13, lequel, lire : laquelle.
328, 1. 20, lire : Lemaire de Temantes,
342, 1 7, soutene, lire : soutenue.
344, 1. 5, Lemonnier, lire: Lemoine.
358, 1. 12, après relâché, U faut : (2)
r — 1. 16, au lieu de (1) lire (3)
— 1. 17, lire: d'aristocratie.
— les deux dernières notes doivent être numérotées (3) et (4).
366, n., 1. 6, 1783, Hre : 1793.
380, 1. 17, débiteur, lire : créancier.
— n., lire : de la maison de justice à Saint-Yon.
382, 1. 12, (8), lire : (3).
384, n. 1, Meinuer, lire: Mounier.
337, 1. 23, lire : en état d'arrestation.
388, 1. 15. supprimer : et.
394, n., avant-dernière ligne, de la société, lire : de la Sicolière.
398, 1. 10, lire: aristocrates.
401, 1. 22, Sautereau, liro: 8iblot.
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^ 608 ^
Pages 407, l. 18, dota, lire: dotât.
410, 1. 2, Develle, lit*: Revelle,
412, n., au lieu de Toutain, lire : Néel dit Tontuit.
430, 1. 14, accorde, lire: n'accorde.
. 434, 1.10, de, lire: sur.
436, 1.4, (3) lire: (1).
439, 1. 13, n., lire : ni.
450, 2» n. 1, lire: (3) et 2« n. 2, lire : (4).
400, 1. 8. Carrier, lire: Cartier.
463, n. 4, au lieu de : (1) lire (i).
466, 1. 5, lire: Romy-Groult.
471, dernière ligne, supprimer le point après fonctionnaire*
473, 1. 21, Charlier, lire Chalier.
479, 1. 19, Dupont, lire : Duport.
481, 1. 26, lire : plancher.
483, n. 4, lire : Delalande.
Sotteville-lès-Rouen. — Imp. E. Lecourt, Rue Pierre-Corneille, 48.
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