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Full text of "La terreur à Rouen, 1793, 1794, 1795; d'après des documents inédits"

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IT9S      17&4  '  t795 


DAPRÈS    DES    DOCUMENTS    INÉDITS 


Par  FELIX    CLEREMBRAY 


Avec  Pré&ca  de  O^ùrgûB  DtîBOSO 


ROUEN 

UHRAIRË 

Rue  lâanuê'dÂre,  ii 


PARIS 

LîBUAmES 

Rm  Bonaparte.  S2 


1901 


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LA  TERREUR  A  ROUEN 


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LA  TERMUR  A  Rfllli 


1793  -  1794  -  1795 


D'APRÈS     DES     DOCUMENTS     INÉDITS 


Par  FÉLIX  CLÈREMBHAY 


Avec  Préface  de  Georges  DUBOSO 


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A  Monsieur  Poivre, 
Conservateur  des  Eaux  &  Forêts 
en  retraite,  Chevalier  de  la 
Légion  d'Honneur  &  du  Mérite 
Agricole»  à  Compiègne, 

Et  à  Madame  Poivre, 
née  de  Savoye. 

Hommage  respectueux  de 
ma  vive  reconnaissance. 

Félix  Clérembray. 


17878G 

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PRÉFACE 


Dans  la  première  préface  de  son  Histoire  de  la  Révolution, 
Michelet,  répondant  aux  critiques  si  acerbes  que  Louis  Blanc  avait 
dirigées  contre  son  œuvre,  s'écriait  :  «  Peut-on  écrire  à  Londres, 
riiistoire  du  Paris  révolutionnaire?  »  En  cela,  il  avait  raison,  car  il 
voulait  dire  que  Thistoire  d'une  époque  déterminée  se  déroulant 
dans  une  ville,  ne  peut  être  écrite  que  par  un  historien  vraiment 
local,  possédant  l'esprit,  le  tempérament,  le  caractère  du  pays, 
connaissant  à  fond  les  mœurs,  la  vie,  les  habitudes  du  terroir,  et 
pouvant  ainsi  pénétrer  les  causes,  les  raisons  intimes  des  événements 
qui  s'y  sont  déroulés.  Seul,  l'écrivain  qui  rentre  dans  ces  conditions 
est  en  mesure  non-seùlement  de  recueillir  les  documents  les  plus 
cachés  et  les  plus  secrets,  mais  de  les  contrôler,  de  les  vérifier,  d'en 
connaître  et  d  en  apprécier  la  valeur  avec  une  justesse  impartiale,  et 
une  sagacité  absolue. 

Quand  on  a  affaire  à  une  période  aussi  troublante,  aussi  agitée 
que  la  Terreur  révolutionnaire  où  les  ressorts  des  passions  mises  en 
jeu  sont  parfois  si  mystérieux,  ces  conditions  historiques  s'im- 
posent encore  plus  vivement.  Heureusement,  l'auteur  qui  a  signé  ce 
livre  sur  la  Révolution  à  Rouen.  M.  F.  Clérembray,  répondait  à  ces 
nécessités  de  l'érudition  historique.  Normand,  ayant  approfondi,  en 
des  travaux  précédemment  remarqués,  certains  coins  intéressants  de 
notre  histoire  locale,  il  était  en  mesure  de  mener  avec  impartialité 


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II 

la  grande  enquête  qu'il  avait  entreprise  sur  les  hommes  et  les  événe- 
ments de  la  Terreur  rouennaise.  Dans  cette  t&che  difiScile,  il  n'a 
épargné  ni  son  temps*,  ni  ses  recherches,  ni  ses  démarche^,  et  le 
lecteur  s'en  apercevra  certainement  à  la  solidité  de  son  œuvre.  Par 
de  longues  heures  passées  à  feuilleter  les  archives  révolutionnaires 
dans  nos  grands  dépôts  publics,  en  revivant,  pour  ainsi  dire,  dans  la 
poussière  des  liasses  maintes  fois  manipulées,  les  faits  douloureux 
et  tristes  de  ces  jours  enfiévrés  de  passions  populaires,  M.  Clérembray 
s'est,  en  quelque  sorte,  identifié  avec  les  hommes  et  les  choses 
révolutionnaires.  Des  milliers  de  notes,  prises  au  courant  de  longues 
lectures,  lui  ont  rendu  familiers  les  origines,  les  antécédents, 
l'existence,  le  rôle  joué  par  les  Terroristes  rouennais,  et  il  a  pu, 
ainsi  renseigné  minutieusement,  ainsi  éclairé  par  les  documents  et 
les  pièces,  porter  sur  eux  un  jugement  raisonné  et  approfondi. 

C'était  la  vraie  méthode,  celle  qui  s'imposait  dans  un  travail  de 
ce  genre,  entrepris  sans  parti-pris  d'école  historique  avec  le  seul 
souci  delà  vérité.  A  deux  points  de  vue,  M.  Clérembray  se  devait 
de  la  suivre.  Tout  d'abord,  parce  que  la  Terreur  en  province  reste 
toujours  mal  connue.  Ensuite,  parce  que  les  documents  contem- 
porains, souvent  fort  restreints,  portent,  la  plupart  du  temps, 
la  marque  et  le  reflet  des  passions  et  des  haines. 

Pour  la  Révolution  parisienne,  pour  Paris,  centre  de  l'action 
révolutionnaire,  les  documents  surabondent,  surtout  en  ce  qui 
concerne  la  Presse,  qui  a  pris  un  développement  si  prompt  et 
si  irrésistible,  débordant  alors  avec  tant  d'impétuosité  et  de  fracas, 
qu'il  semble  qu'elle  ne  date  que  de  celte  époque.  Journaux,  pam- 
phlets, publications,  affiches,  caricatures,  petites  feuilles,  nés  au 
gré  des  événements,  sont  une  mine  inépuisable  de  renseignements 
qui  nous  restituent  non-seulement  les  faits,  mais  l'esprit,  la  tour- 
nure, l'air  ambiant.  En  province,  quelle  que  fût  la  violence  de  la 
transformation  apportée  par  la  Révolution,  il  n'en  est  pas  ainsi,  et 
c'est  là  une  difficulté  de  plus  pour  les  historiens.  A  Rouen,  sous  la 
Terreur,  les  feuilles  publiques,  —  c'est  un  fait  qu'ont  pu  constater 
tous  ceux  qui  les  ont  feuilletées,  —  sont  muettes,  ou,  pour  une  grande 
partie,  ont  été  très  habilement  expurgées.  Peu  ou  point  de  brochures 


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III 

n  n  plus  pendant  cette  période;  on  est  loin  de  Téclosion  des 
Dombreuscs  petites  feuilles  parues  aux  commencements  de  la  Révo- 
lution, des  Avis  aux  Normands  et  pamphlets  similaires. 

Les  mémoires  personnels  n'existent  point  non  plus.  Les  hommes 
publics  qui  prirent  part  au  mouvement  révolutionnaire  en  province 
n'ont  pas  eu  le  temps  et  les  loisirs  d'écrire,  au  jour  le  jour,  leurs 
impressions  personnelles.  Suivant  le  mot  célèbre. . .  «  Ils  ont  vécu,  » 
et  c'était  certes  à  cçtts  époque  un  problème  à  résoudre  suffisant.  Les 
uns  étant  venus  à  résipiscence  quand  la  tourmente  fut  passée, 
nommés  sénateurs  ou  préfets,  sous  TEmpire  ou  la  Restauration, 
n'ont  guère  eu  à  coeur  d'attirer  postérieurement  l'attention  sur 
leurs  faits  et  gestes.  Les  autres,  s'ils  n'abandonnèrent  en  rien 
leurs  opinions,  n'osèrent  plus  les  proclamer  sous  les  gouvernements 
d'autorité  qui  succédèrent  au  régime  républicain.  Aussi  bien,  sur- 
tout sous  la  Terreur,  les  hommes  qui  menèrent  en  province  le  mou- 
vement jacobin,  ne  furent  que  des  exécuteurs  médiocres  des  pensées 
transmises  par  les  comités  parisiens  et  par  la  Convention.  C'est  ce 
que  Taine  a  si  rigoureusement  démontré. 

Restent  les  mémoires  écrits,  non  par  les  auteurs  du  drame 
terroriste,  mais  par  ceux  qui  y  ont  assisté.  Avec  justesse,  M.  Clé- 
rembray  ne  leur  attribue  pas  une  valeur  historique  et  documentaire 
absolue.  La  plupart  du  temps,  ces  mémoires,  d'une  impartialité 
relative,  gardent,  p:ur  certains  personnages,  des  ménagements  qui 
seraient  incompréhensibles,  si  on  ne  les  savait  plutôt  dictés  par  la 
reconnaissance  que  par  le  souci  de  la  vérité.  C'est  le  cas  des 
mémoires  bien  connus  d'Horcholle,  simples  notes  écrites  au  jour  le 
jour,  par  l'ancien  procureur  à  la  Chambre  des  Comptes,  sur  des 
événements  auxquels  il  semble  ne  pas  avoir  toujours  assisté  et  dont 
il  parle  d  après  les  feuilles  publiques.  M.  Clérembray  trouve  qu'en 
son  temps  Horcholle  dut  être  regardé  comme  révolutionnaire.  Tel 
n'est  point  tout-à-fait  notre  avis.  En  ses  notes  fort  sèches,  Horcholle 
nous  apparaît  plutôt  comme  un  esprit  étroit  et  sans  largeur  d'idées, 
imbu  des  préjugés  anciens,  ayant  pu  accepter  certaines  théories 
réformatrices  dans  la  grande  querelle  des  Parlements,  mais  n'ayant 
rien  compris  au  mouvement  si  large,  si  beau,  si  fraternel  de  la  Révo- 


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IV 

lutioQ  à  ses  débuts.  Comme  mémoires  personnels,  àcôté  de  ces  notes 
rouennaises,  on  ne  peut  guère  citer  que  les  mémoires,  tout  récemment 
publiés,  de  M™*  de  Chastenay,  car  le  manuscrit,  trop  vanté,  de  M.  de 
la  Querière  ne  contient  que  des  fragments  bien  courts  où  l'on 
puisse  trouver  des  appréciations  ou  des  observations  réellement 
«  vécues.  » 

Mêlée  par  hasard  aux  hommes  et  aux  choses  de  la  Révolution  h 
Rouen,  M*"^  de  Chastenay,  quelle  que  fût  la  délicatesse  affinée  de  soa 
esprit,  n'a  pu  juger  bien  profondément  les  grands  faits  qui  se  sont 
déroulés  sous  ses  yeux.  Jeune,  frivole,  entichée  de  certains  préjugés 
de  noblesse,  poussée  parfois  par  une  jalousie  féminine  qui  ne  par- 
vient pas  à  se  dissimuler,  elle  n'a  guère  les  qualités  rigoureuses  de 
rhistorien.  La  Révolution  semble  n'avoir  été  pour  elle  qu'un  mau- 
vais moment  à  passer  :  elle  Ta  aperçue  de  loin,  par  une  fenêtre  de 
cette  vieille  abbaye  de  Sain t-Ouen,  où  elle  avait  trouvé  un  abri,  et 
h  cette  distance,  les  Terroristes  les  plus  farouches  lui  sont  apparus 
conime  de  braves  gens  fort  serviables,  dont,  somme  toute,  elle  n'a 
pas  eu  trop  à  se  plaindre. 

En  cette  absence  de  mémoires  personnels,  apportant  leurs 
témoignages,  M.  Clérembray  a  dû  surtout  faire  surgir,  pour  ainsi 
dire,  ses  appréciations  sur  cette  période  historique,  des  faits  eux- 
mêmes.  Ce  sont  les  documents,  les  actes,  les  pièces  officielles, 
contrôlés  et  rapprochés  les  uns  des  autres,  qui  ont  pu  lui  livrer  les 
secrets  et  les  motifs  des  acteurs  révolutionnaires.  Les  procès- 
verbaux  de  leurs  délibérations,  les  dossiers  de  leurs  commissions,  de 
leurs  comités  si  nombreux,  les  rapports  de  police,  les  correspondances 
ont  seuls  pu  lui  permettre  d'éclairer  ce  qu'on  peut  appeler  les 
«  points  obscurs  »  et,  parfois  volontairement  obscurcis,  de  la  Révo- 
lution rouennaise.  C'est  là,  certainement,  Toriginalilé  profonde,  la 
marque  de  ce  volume. 

Pour  arriver  à  ce  but,  M.  Clérembray  a  utilisé  deux  sources  de 
renseignements  qu'on  peut  considérer  comme  presque  inédits. 
Tout  d'abord,  il  a  su  se  servir  des  innombrables  documents  conservés 
aux  Archives  municipales  de  Rouen,  fonds  à  peine  effleuré  par 
M.  Gosselin  dans  son  excellenteétwdeûes  Episodes  révolutionnaires. 


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Il  y  a  là  une  infinité  de  documents  peu  connus,  demeurés  pour  la 
plupart  inédits,  et  dont  la  publication,  si  jamais  on  osait  la  tenter, 
constituerait  une  véritable  histoire  de  la  Révolution  à  Rouen. 

En  second  lieu,  il  a  été  donné  à  lauteur  de  la  Terreur  à  Rouen 
de  pouvoir  consulter  les  registres,  jusqu'alors  absolument  inconnus, 
de  la  Société  populaire  de  Rouen.  Tout  au  plus,  de  nos  jours,  avait- 
on  pu  parcourir  un  de  ces  registres,  sur  une  copie  faite  au  début  du 
siècle.  Ils  sont  pourtant  au  nombre  de  treize,  renfermant  plus  de 
quatorze  cents  pages,  et,  à  eux  seuls,  ces  procès- verbaux  forment  la 
plus  mouvementée,  la  plus  documentaire  des  révélations  sur  le 
Rouen  révolutionnaire.  Là,  en  ces  grandes  feuilles  de  fort  papier,  à 
peine  jaunies  par  le  temps,  couvertes  d'une  large  écriture  paisible, 
revivent  toutes  les  discussions,  tous  les  actes,  toutes  les  passions 
d'une  époque,  qui,  malgré  tout,  fut  grande,  tous  les  espoirs  et  tous 
les  rêves  de  ces  hommes  de  la  Révolution.  Mieux  que  partout 
ailleurs,  sous  la  phraséologie  pompeuse  dont  ils  aimaient  à  parer 
leurs  idées,  on  y  sent  leur  esprit ,  on  y  retrouve  un  peu  de  leur 
àme,  on  y  entrevoit  leur  caractère  et  le  mobile  de  leurs  actions.  Et, 
malgré  tout,  en  feuilletant  ces  pages,  on  ne  peut  oublier  que  c'est  de 
leurs  efforts,  de  leurs  luttes  fratricides,  de  leurs  conceptions,  môme 
les  plus  sanglantes,  qu'est  sorti  un  monde  nouveau  !  Quoique  incom- 
plets, ces  procès- verbaux,  que  personna  n'avait  jamais  consultés  avant 
M.  Clérembray,  ont  puissament  aidé  l'historien  dans  son  travail  et 
lui  ont  fourni  les  meilleures  pages  de  son  œuvre. 

C'est  grâce  à  cette  recherche  de  documents  inédits  que 
M.  Clérembray  a  pu  apporter  des  contributions  nouvelles  à  l'histoire 
révolutionnaire  dans  notre  région  et  redonner  aux  hommes  qui  ont 
été  mêlés  aux  événements  de  cette  période  une  physionomie  plus 
exacte  et  plus  véridique  que  celle  sous  laquelle  on  les  a  dépeints.  Il 
y  a  là  un  travail  de  remise  au  point  très  curieux  et  qui  saisira  cer- 
tainement l'esprit  du  lecteur.  Il  a  pu  ainsi  replacer  sous  leur  vrai 
jour  plusieurs  personnalités  rouennaises  :  M.  d'Herbouville , 
M.  Rondeaux,  M.  de  Fontenay,  dont  la  légende  de  modération  perd 
un  peu  à  être  examinée  et  serrée  de  près  ;  il  a  pu  également  dépeindre 
les  mouvements  royalistes  à  Rouen  et  rendre  au  procès  d'Aumont 


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VI 

et  à  Téchaufifourée  de  la  place  de  la  Rougemareleur  véritable  carac- 
tère. Au  fur  et  à  mesure  que  les  événements  se  pressent,  M.  Clé- 
rembray  nous  y  fait  assister,  en  fournissant  de  nouveaux  détails 
inédits  et  très  complets  sur  les  premiers  émigrés,  sur  leurs  biens  et 
aussi  sur  le  mouvement,  très  peu  connu,  auquel  donna  lieu  la  vente  de 
leurs  propriétés,  acquises  par  de  louches  syndicats  dans  lesquels  les 
futurs  Terroristes  ont  trop  souvent  pris  part.  Les  chapitres  que 
l'écrivain  consacre  à  la  Société  populaire  ti  à  ses  différentes  trans- 
formations ne  sont  pas  moins  fortement  documentés.  On  y  voit 
apparaître  les  principaux  acteurs  de  la  période  terroriste  :  Vimar, 
Forfait,  Brémontier,  Thiessé,  Pillon,  Poret,  Guttinguer,  Lézurier, 
Blanche,  Lamine,  Bérard,  Vernon,  Descroizilles,  Laumônier, 
Lefebvre-Signol,  et  on  y  note  d'un  trait  l'influence  générale  que  la 
jeune  Société  exerce,  dans  toutes  les  manifestationsde  la  vie  politique, 
sur  l'élection  des  évêques    et  sur   les  élections  à  la  Convention. 

Le  développement  du  Fédéralisme,  le  rôle  de  médiateurs  que  les 
révolutionnaires  rouennais  semblent  avoir  voulu  prendre  entre  Paris 
et  les  départements  dissidents,  la  suspicion  qui  en  résulte  pour  la  ville 
de  Rouen,  ne  sont  pas  expliqués  avec  un  moindre  intérêt.  Tout  cela 
est  très  neuf  et  presque  inédit,  ainsi  que  les  pages  où  se  précise  le 
rôle  des  conventionnels  en  mission,  Pocholle,  Carrier,  Alquier, 
Legendre,  Louchet  et  Delacroix,  Guimberteau,  Siblot,  Sautereau, 
personnages  de  peu  d'envergure,  mais  dont  la  présence  exerça 
souvent  une  redoutable  influence,  tant  était  grande  sur  le  personnel 
rouennais  le  pouvoir  de  la  Convention.  En  même  temps  qu'il  fournit 
les  notes  les  plus  précises  sur  les  arrestations,  sur  les  grandes  battues 
patriotiques,  sur  les  incarcérations  à  Saint-Lô  ou  à  Saint- Yon,  dont 
il  signale  la  plupart  du  temps  l'injustice,  M.  Clérembray  ne  se  fait 
pas  faute  cependant  de  rectifier  certaines  erreurs  historiques,  comme 
la  préméditation  d'un  massacre  des  détenus,  qui  aurait  renouvelé  à 
Rouen  les  scènes  de  l'Abbaye.    * 

Aucun  des  événements,  si  précipités,  si  tumultueux,  si  nombreux, 
qui  se  succèdent  rapidement  en  cette  période  tragique,  n'a  échappé 
à  l'historien,  ni  l'arrestation  del'évêqueGratien,  ni  la  transformation 
des  églises,  ni  les  menées  de  la  franc-maçonnerie,  ni  la  création  du 


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VII 

culte  de  la  Raison,  ni  les  innombrables  fêtes  civiques  qui  déroulent 
alors  leur  cortège  par  les  rues.  En  passant  môme,  il  s'occupe  de  cette 
si  mystérieuse  affaire  de  Combray  el  Acquêt  de  Férolles,  qui  a  déjà 
préoccupé  M.  Homberg,  M.  Ernest  Daudet  et  M.  G.  Lenôtre. 
toute  cette  série  de  faits  met  surtout  en  avant  deux  figures  révolu- 
tionnaires, celles  du  maire  Pillon  et  de  Poret.  Aussi  Técrivain  s'est-il 
appliqué  à  restituer  leur  vie  en  les  moindres  détails,  recherchant 
leurs  origines,  leur  conduite  antérieure,  sondant  le  mobile  de  leurs 
actions  et  de  leurs  ambitions.  Il  en  résulte  deux  portraits  très 
pénétrants  et  très  curieux. 

Vienne  la  réaction  thermidorienne,  qui  ne  fit  pas  cesser  immé- 
diatement le  régime  terroriste,  M.  Clérembray  en  suit  les  effets  et 
les  épisodes  principaux,  commo  le  suicide  de  Guyet.  Sous  la  pres- 
sion des  événements,  on  y  voit,  dans  les  chapitres  qui  terminent  son 
ouvrage,  s'exaspérer  la  lutte  entre  le  District,  la  Municipalité  et  la 
Société  populaire.  On  assiste  aux  déchirements  intérieurs  de  tous 
CCS  comités,  .travaillés  par  mille  passions  haineuses  et  où  se  déchaîne 
un  vent  de  délations  et  de  dénonciations,  qui  aboutissent  à  la  rupture 
entre  la  Société  populaire  et  les  Jacobins,  et,  par  suite,  à  la  mise  en 
suspicion  et  à  l'arrestation  de  Pilon,  de  Poret  et  de  bien  d'autres, 
auxquels  la  lâcheté  de  leurs  accusateurs  ferait  trouver  des  excuses. 

C'est  la  fin  de  cette  période  de  la  Terreur  qui,  pendant  trois 
années,  de  1793  à  1795,  a  pesé  sur  la  population  rouennaise,  et  que 
M.  Cléremb-ay  a  tenu  à  étudier,  circonscrivant  son  travail  à  l'avène- 
ment, à  la  chute  et  à  la  punition  des  hommes  qui  ont  participé  à  co 
mouvement  politique.  Arrivé  à  co  point  de  son  œuvre,  l'historien 
relisant  le  petit  opuscule  fielleux  où  fermente  une  haine  recuite, 
vrai  libelle  où  sont  contenus  les  rapports  des  sections  contre  les 
Terroristes  rouennais,  se  demande  si  c'est-là  un  jugement  définitif, 
et  il  examine  à  nouveau  leur  conduite. 

A  proprement  parler,  la  Terreur  à  Rouen  ne  mit  en  évidence 
que  des  hommes  de  second  plan,  que  des  médiocrités  sans  autorité 
et  sans  valeur,  et  il  en  fut  à  peu  près  de  même  partout  en 
province,  sauf  peut-être  en  Vendée,  où  la  lutte,  plus  ardente  et 
plus  tragique,  trempa  plus  énergiquement  les  caractères.  Les  Terro- 


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vni 

ristes  rouennais  furent  surtout  les  porte-paroles  de  la  Convention, 
dont  ils  avaient  embrassé,  avec  un  enthousiasme  factice,  les  idées 
autoritaires  et  sanglantes.  Si  rigoureuses,  si  violentes,  si  arbitraires 
que  fussent  leurs  conceptions  du  pouvoir  dictatorial,  on  voudrait 
croire  qu'elles  leur  avaient  été  dictées  par  des  convictions  solides  et 
par  un  fanatisme  réel.  Les  faits  semblent  prouver  le  contraire. 
A  Paris,  la  Terreur  garde  une  certaine  grandeur  farouche  et  tragique 
parce  que,  malgré  tout,  on  sent  palpiter  chez  ceux  qui  restaurèrent 
un  mode  aussi  effrayant  de  gouvernement,  une  croyance  véritable, 
quasi  mystique  et  religieuse,  dans  son  eflScacité.  En  province,  le 
même  système,  entre  les  mains  des  procéduriers  et  des  hommes  de 
loi,  dont  Taine  a  montré  le  rôle  dans  toute  la  Révolution,  se  borne 
souvent  à  une  âpre  conquête  du  pouvoir,  permettant  de  liquider  de 
vieilles  querelles,  tout  cela,  le  plus  souvent,  avec  une  petitesse 
hypocrite,  basse  et  rebutante.  Maintes  fois,  au  cours  des  procès- 
verbaux  de  la  Société  populaire,  on  est  étonné,  en  effet,  par  la 
futilité  des  sujets  de  discussion. 

Somme  toute,  il  est  fort  difficile  de  porter  un  jugement  d'en- 
semblo  sur  la  Terreur  à  Rouen,  parce  que  la  responsabilité  des 
hommes  qui  y  prirent  part,  parait  atténuée  par  des  influences  exté- 
rieures. Sur  eux  plane  presque  constamment  l'ombre  de  la  Conven- 
tion. Si  même  on  devait  trouver  à  leurs  acte^  des  atténuations,  on  les 
chercherait  dans  l'indépendance  dont  ils  ont  parfois  fait  preuve,  et 
qui  leur  a  permis  de  poser  certaines  limites  à  l'action  révolutionnaire 
moins  souillée  de  sang,  à  Rouen,  qu'en  bien  d'autres  villes. 
Il  semble,  en  effet,  qu'en  maintes  circonstances,  ils  se  sont  repris  et 
ont  su  fermer  l'oreille  à  des  excitations  qui  les  auraient  entraînés 
dans  une  voie  criminelle. 

De  cela,  M.  Clérembray  leur  tient  compte,  et,  certes,  quand  on 
songe  aux  risques  que  ce  modérantisme  relatif  pouvait  faire  courir  à 
ceux  qui  osèrent  leprofesser,  en  messidor  notamment,  on  peut  trouver 
qu'il  y  avait  quelque  mérite  à  le  proclamer.  A  tout  prendre,  ils 
eurent  une  conduite  moins  équivoque  et  moins  douteuse  qu'une 
partie  des  royalistes  rouennais,  qui,  ralliés  au  régime  républicain, 
hurlèrent  avec  les  loups,  et  qui,   par  pusillanimité,  encouragèrent 


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IX 

les  pires  excès,  comptant  ainsi  détourner  de  leurs   têtes  Torago 
révolutionnaire. 

En  terminant  son  ouvrage,  M.  Clérembray  nous  montre  le 
peuple  en  qui  toutes  les  énergies  du  travail^  toutes  les  qualités 
morales  se  sont  conservées.  C'est  le  mot  de  Michelet  qui  a  écrit  : 
«  Dans  tous  les  partis,^pendant  la  Révolution,  le  peuple  a  valu  beau- 
coup mieux  que  ses  meneurs.  Plus  j'ai  creusé,  plus  j'ai  trouvé  que  le 
meilleur  était  dessous,  dans  les  profondeurs  obscures.  »  Trempé  par 
l'adversité  au  sortir  de  cette  tourmente  furieuse,  où  il  a  pris 
conscience  do  lui-même,  le  peuple  se  retrouve  prêt  pour  les 
grandes  tâches  du  siècle  qui  s'ouvre.  C'est  la  leçon  et  lexemple  qu'il 
convient  de  tirer  de  ce  livre,  écrit  avec  le  souci  et  le  respect  de  la 
justice  rigoureuse  et  de  l'impartiale  vérité. 


Georges  DUBOSC. 


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LA  TERREUR  A  ROUEN 


jlL^^ne^ittient,  CKute  et  Pimnition  des  17e]?]?o]?ii»toi» 

(1793-   1794  -   1795). 


CHAPITRE  PREMIER. 

Pour  tenir  lieu  d'avant-propos.  —  Journaux  du  temps  «t  «  Pièces  curieuses  ».  — 
Sources  manuscrites  de  l'histoire  rouennaise  de  la  Terreur.  —  Archives  publi- 
ques et  autres.  —  Manuscrits  de  Horcholle  et  de  M.  E.  de  la  Quériére  —  Un 
peu  de  bibliographie  :  Le  Journal  de  M  Gosselin.  —  Mémoires  de  M*"*  de 
Chaslenay.  —  M.  et  M»*»  d'Herbouvillo  —  Ecrits  divers  récents. 

C'est  une  question  jusqu'ici  très  diversement  envisagée  et 
résolue  que  celle  de  savoir  si  la  Terreur  s'est  durement  fait  sentir 
à  Rouen. 

Les  contemporains  de  la  Révolution  ont  eu  à  l'étudier  à  fond  et 
à  la  juger  dans  un  moment  tout  à  fait  opportun. . .  à  certains  points 
de  vue.  Alors  vivaient  presque  tous  les  personnages  ayant  rempli 
des  fonctions,  joué  un  rôle  et  pu  encourir  des  responsabilités.  De 
leurs  actes,  la  plupart  publics,  le  souvenir  était  encore  dans  toute 
son  acuité  et  les  preuves  subsistaient  assez  pour  qu'il  n'y  eût  guère 
d'incertitude. 

n  semble  donc  qu'aujourd'hui  il  devait  suffire,  pour  être  éclairé, 
de  se  reporter  aux  pièces  de  la  longue  et  laborieuse  enquête  de 
l'an  III,  dont  les  principales  sont  les  avis  des  sections  et  du  Conseil 
général  de  la  commune  de  Rouen,  les  témoignages  recueillis  par  le 
Comité  révolutionnaire,  les  rapports  des  commissaires  des  sections 
—  moins  dignes  de  foi  que  remarquables  par  leur  ironie  souvent 


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—  2  — 

triviale  et  fatigante,  leurs  erreurs  et  leurs  réticences  singulières  (1) — 
et  enfin  les  procédures  suivies  devant  les  tribunaux  correctionnel  et 
criminel,  les  jugements  de  ces  tribunaux  et  les  décisions  du  repré- 
sentant du  peuple  Casenave. 

Malheureusement,  Texamen  de  ces  <(  documents  de  la  cause  x> 
s'il  réveille  les  esprits  les  plus  blasés,  ne  permet  guère  d'asseoir  une 
opinion  définitive  et  sûr'^,  aussi  bien  quant  à  l'ensemble  qu'à  l'égard 
de  chaque  fait  ou  de  chaque  individu. 

L'impression  qu'il  laisse,  c'est  que  les  enquêtes,  les  décisions  et 
même  les  jugements  furent  surtout  des  occasions  de  récriminations 
et  de  représailles  privées,  et  essentiellement  des  mesures  politiques, 
dictées  à  des  juges  ou  plutôt  à  des  adversaires,  et  inspirées  beaucoup 
moins  par  la  volonté  d'accomplir  des  actes  de  justice  nationale  que 
par  la  nécessité  d'apaiser  le  parti  des  persécutés,  dont  on  pouvait  déjà 
entrevoir  les  chances  de  retour  au  pouvoir  et  de  ménager  celui  des 
persécuteurs,  qui  ne  s'avouait  pas  encore  vaincu. 

La  postérité  s'est-elle  plus  aisément  débarrassée  des  entraves 
qui ,  en  1795,  gênaient  la  vérité  et  la  justice  ?  S'est-elle  montrée 
moins  hésitante,  moins  <(  engagée  i>  et  partant  plus  équitable  que 
ceux  qui  concouraient  aux  arrêts  de  l'an  III,  et  dont  plusieurs 
figuraient  parmi  les  accusés? 

Il  est  permis  d'en  douter. 

Au  surplus,  ce  serait  une  entreprise  considérable  et  fort  diflBcile 
que  la  «  révision  »  complète  du  «  procès  des  terroristes  ».  Des  docu- 
ments essentiels,  par  exemple  les  registres  du  Comité  de  surveil- 
lance ont  été  falsifiés.  En  revanche,  ceux  de  la  Société  populaire, 
qui  se  sont  trouvés  en  dernier  lieu,  c'est-à-dire  à  l'époque  de  sa  dis- 
solution, dans  des  mains  intéressées  à  les  conserver,  n'ont  pas  eu  le 


1.  Un  exemplaire  complet  de  ces  rapports  et  annexes  est  à  la  Bibliothèque  muni- 
cipale de  Rouen  (imprimés,  U.  2973  f. )  Il  porte  cette  mention  :  «Plusieurs  feuillets  ont 
été  enlevés  à  la  fin  de  ce  volume  ;  il  se  compose  de  122  feuillets  y  compris  un  feuillet 
blanc.  Un  exemplaire  d'ancienne  brochure,  qui  a  été  comparé  à  celui-ci,  lui  était 
entièrement  conforme,  d'où  l'on  peut  induire  que  la  pièce  retranchée  à  la  fin  de  cet 
exemplaire  lui  était  étrangère».  Les  rapports  ne  sont  pas  anonymes.  Leur  rédacteur, 
qui  a  signé  les  deux  premiers,  et  les  a  imprimés  tous,  est  le  journaliste  Robert,  avec 
pes  collaborateurs  dont  on  trouvera  les  noms  plus  loin. 


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-  3  — 

sort  des  procès-verbaux  des  Jacobins  de  Paris  (1)  :  ils  existent,  et 
l'on  sait  où  les  trouver  (2).  Les  procès-verbaux  des  séances  des 
différentes  administrations  rouennaises,  surtout  dans  les  circons- 
tances graves,  ne  sont  pas  toujours  des  modèles  de  sincérité.  Il  serait 
indispensable  de  consulter  Ténorme  quantité  de  dossiers  de  ce  temps, 
abondant  encore ,  malgré  tout ,  en  paperasseries  inexplorées 
qui  restent  aux  archives  municipales  (3),  départementales  (4), 
nationales  (5)  et. . .  ailleurs,  et  dont  le  classement  n'est  pas  encore 
partout  achevé. 

Lés  feuilles  publiques  de  toute  nuance  devraient  largement 
venir  en  aide.  Or,  la  principale  d'entre  elles,  le  Journal  de  Rouen, 
par  une  prudence  qui  n'a  rien  d'excessif,  est  presque  muette  pendant 
la  Terreur.  On  pourrait  dire  qu'au  point  de  vue  local  ce  journal  est 
intéressant  à  étudier,  seulement  pour  rechercher  les  raisons,  souvent 
instructives,  qui  le  contraignent  à  sortir  de  sa  réserve  habituelle. 

U Indicateur  politique,  dont  une  liasse  appauvrie  est  à  la 
Bibliothèque  municipale,  ne  fournit  pas  davantage  une  suite  non 
interrompue  de  renseignements  utiles.  La  Chronique  nationale  et 
étrangère  y  est  représentée  pour  l'époque  intéressante  par  quelques 
numéros,  et  V Observateur  de  V Europe  n'y  figure  point.  Pour  com- 
penser, l'ardente  et  vindicative  Vedette  Normande  s'y  trouvé,  trop 
soigneusement  expurgée.  On  s'imaginerait  volontiers  que  les  numéros 
sensationnels  de  ces  feuilles  —  dont  il  aurait  été  d'ailleurs  imprudent 

(1)  La  destruction  des  procès- verbaux  des  séances  de  la  Société  des  Jacobins  de 
Paris  semble  certaine,  disent  M.  Âulard  (la  Société  de^  Jacobinny  t.  P^»  c*  M-  Toumeux 
(Bibliogr,  des  sout'ces  de  VHist.  de  Paris,  t.  II,  n"  9,049/. 

(i)  Tout  récemment,  il  a  été  imprimé  à  tort  que  ces  registres  ont  disparu. 

(3)  Les  arcbives  révolutionnaires  de  la  municipalité  sont  nombreuses  et  très  inté- 
ressantes. MM.  Langlois  et  Stein  (Arch,  de  l'Hist,  de  France],  n'en  font  nulle  mention. 
Je  me  lais  un  devoir  et  un  plaisir  de  réitérer  ici  au  laborieux  et  bienveillant  archiviste 
de  rUôtel-de-Ville,  M.  PouUain,  tous  mes  remerciements  pour  ses  obligeantes  commu- 
nications. Son  empressement  à  renseigner  les  travailleurs  n'a  d'égal  que  celui  de 
M.  Beaurain,  Térudit  conservateur-adjoint  de  la  Bibliothèque  municipale. 

(4)  Le  fonds  révolutionnaire  est  fort  important.  (Langlois  et  Stein,  ouvr.  cité,  p.  247). 

(5)  De  très  nombreux  cartons  renferment  des  pièces  capitales  pour  l'histoire  révo- 
lutionnaire rouennaise.  11  m'a  été  donné  d'en  découvrir  un  certain  nombre  que  j'ai 
utilisées. 


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—  4  — 

d'accepter  tout  sans  contrôle  —  ont  eu  le  sort  des  feuillets  du 
registre  d'écrou  de  la  prison  de  Sain t-Lô,  découvert  par  M.  De  Lérue, 
feuillets  enlevés  par  des  mains  qui  s'imaginèrent  protéger  ainsi  de 
chères  mémoires  ou  abriter  des  susceptibilités  au  moins  discutables 
contre  les  indiscrétions  et  les  indignations  de  l'avenir  (1). 

De  patientes  recherches  font  découvrir  dans  les  nombreux 
cartons  de  la  collection  Leber  (2)  de  rares  brochures  où  il  est  question 
de  la  Révolution  à  Rouen.  Les  imprimés  de  la  même  époque 
recueillis  par  M.  de  Montbret  (3)  ne  sont  guère  utilisables  (4). 

A  défaut  de  journaux,  les  mémoires  sont  une  précieuse 
ressource,  dont  on  ne  peut  user  sans  prendre  garde.  En  première 
ligne  des  souvenirs  de  contemporains  de  la  Révolution,  se  présentent 
pour  Rouen  ceux  de  HorcholIe(5).  restés  manuscrits  peut-être  parce 
que  leur  impression  eût  entraîné  un  remaniement  total  nécessité  par 
leur  ordonnance  défectueuse.  C'est,  dans  tous  les  cas,  le  plus  inté- 
ressant de  tous  les  documents  connus  du  public.  Horcholle,  l'ancien 


(1)  Nouvelliste  de  Bouen,  5,  6,  H,  18  ot  20  février,  10,  17,  18  et  24  mars  1884.  La 
plupart  dos  noms  dont  los  êcrous  ont  été  ainsi  supprinïés  sont  ceux  d'individus  arrêtés 
en  janvier,  février  et  mars  179IÎ  à  la  suite  des  troubles  de  la  place  de  la  Rouj?emare.  et 
ceux  concernant  toutes  les  arrestations  auxquelles  fit  procéder  jusqu'au  29  août 
suivant  le  conseil  général  de  la  conunune,  sur  les  indications  du  premier  comité  de 
suiTeillance,  et  dans  les  premi(»rs  jours  de  septembre,  le  comité  institué  le  29  août.  On 
retrouvera  ces  noms  dans  une  liste  d'environ  2,.')00  détenus  ou  consij?nés  se  trouvant  à 
la  suite  d'un  travail  sur  les  prisons  de  Rouen  pendant  la  Révolution,  travail  qui  complé- 
tera celui-ci. 

(2)  Hibl.  mun.  de  Rouen. 

(3)  Bibl.  mun.  de  Rouen.  M.  11,183  à  11,205  etc. 

(4)  Une  bibliothèque  de  simple  chef-lieu  de  canton,  celle  de  Kécamp,  possède  dans 
ses  rayons  si  richement  garnis  par  un  mystérieux  donateur,  notamment  une  cinquan- 
taine de  volumes  formés  de  pièces  curieuses  et  rares  sur  la  Révolution  de  France^  dont 
quelques  unes  concernent  Rouen.  Celui  qui  a  si  généreusement  pourvu  Fécamp  a 
pensé  sans  nul  doute  lui  fournir  un  utile  complément  à  ses  archives  et  à  ses  registres 
de  la  période  révolutionnaire,  archives  et  registres  négligés  par  les  historiens  de  cette 
ville,  et  dont  le  classement  se  fait  en  ce  moment  même. 

(5)  Anecdotes  de  ce  qui  8*est  passé  à  Rouen  depuis  l'établiss&nietU  des  Etats  Généraux 
jusqu'en  iSOi.  Bibliothèque  municipale  de  Rouen,  mns.  Y.  128*.  —  Des  archives 
privées  renferment  d'autres  manuscrits  sur  la  Révolution  à  Rouen,  notamment  celui 
des  mémoires  de  M.  Le  Vavasseur,  où  il  est  question  fréquemment  de  Pillon,  son  voisin, 
n  existe  une  copie  manuscrite  de  ces  mémoires  aux  mains  de  M.  P.  L...,  de  Rouen. 
—  M.  de  la  Quérière  en  cite  d'autres  parmi  lesquels  ceux  de  M.  Léguillier. 


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-  5  - 

procureur  à  la  Chambre  des  Comptes  qui,  pour  avoir  accepté  les 
idées  réformatrices  du  chancelier  Maupeou  et  admis  le  grand 
Bailliage  substitué  au  Parlement,  dut  être,  en  son  temps,  regardé 
comme  un  tant  soit  peu  révolutionnaire,  n'en  est  pas  pour  cela  moins 
systématique,  partial  et  fréquemment  inexact. 

Toutefois,  son  œuvre,  si  incomplète  qu'elle  soit  malgré  son 
étendue,  est  fort  utile  aux  travailleurs  avertis  qu'elle  ménage  les 
amis  auxquels  il  a  dû  de  vivre  relativement  tranquille  et  qu'elle 
s'acharne  volontiers  après  les  autres  révolutionnaires.  Ecrite  après 
coup,  au  moins  en  partie,  avec  des  articles  de  journaux  inévitable- 
ment discrets  ou  malveillants,  elle  commande,  naturellement,  la 
circonspection. 

Le  manuscrit  de  Horcholle  en  a  fait  naître  —  sans  l'inspirer 
toujours  —  un  autre,  depuis  peu  déposé  à  la  Bibliothèque  munici- 
pale et  dû  à  feu  M.  delaQuérière  (1).  De  beaucoup  moins  d'étendue, 
celui-ci  embrasse  pourtant  toute  la  période  révolutionnaire,  puis- 
qu'il va  de  1789  à  1800.  L'auteur  s'est  appesanti  sur  divers  événe- 
ments qui  lui  tiennent  davantage  à  cœur.  S'il  n'ose  pas  réhabiliter 
absolument  Bordier  et  Jourdain,  il  fait  le  procès  à  leurs  juges  qu'une 
note  marginale,  crayonnée  apparemment  par  une  main  autre  que  la 
sienne,  traite  de  «  scélérats,  comme  ceux  de  Calas,  Labarre  et 
Sirven.  » 

Comme  Horcholle,  il  se  complait  dans  la  description  minutieuse 
des  fêtes  et  cortèges,  organisés  moins  par  l'enthousiasme  populaire 
que  pour  occuper  et  entraîner  les  sans-culottes,  braver  les  contre- 
révolutionnaires  et  vexer  les  fanatiques.  Il  n'est  pas  inutile  de  cons- 
tater que  tout  en  insistant  sur  ce  qu'il  n'y  aurait  eu,  à  Rouen,  a  que 
des  suspects  incarcérés,  des  abus  de  pouvoir,  et  de  mauvais  procédés 
de  la  part  de  quelques  hommes  »,  M.  de  la  Quérière  rappelle  les 
traitements  inhumains  dont  les  prêtres  déportables  furent  l'objet  à 
Rouen. 

Le  véritable  intérêt  de  ce  manuscrit,  divisé  méthodiquement 

(1)  M.  delà  Quérière  :  Rouen  sous  la  Rét'olution,  avec  introduction,  mns.  de  446 pp., 
Bibli<»th.  municipale  do  Rouen.  Cet  ouvrage,  qui  paraît  dater  d'une  trentaine  d'années, 
a  été  donné  à  la  ville  par  la  famille  de  l'auteur  il  y  a  environ  un  an. 


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—  6  — 

en  dix  «  périodes  »  et  qui  a  dû,  lui,  être  destiné  à  l'impression, 
réside  dans  les  passages,  malheureusement  trop  courts,  consacrés  à 
la  période  de  Thermidor,  au  projet  de  massacre  des  prisonniers  de 
Saint-Yon,  au  suicide  du  terroriste  Guyet  —  médecin  de  la  famille 
de  l'auteur,  lequel  n'en  accepte  pas  moins  trop  facilement  là-dessus 
les  racontars  des  commissaires  des  sections  et  de  Horcholle,  —  et  enfin 
à  l'appréciation  de  l'ensemble  des  faits  et  seulement  de  certains 
hommes  dé  la  Terreur 

Tout  en  s'inscrivant  avec  raison  contre  les  rapports  des  com- 
missaires de  sections,  M.  de  la  Quérière  ne  leur  substitue  que  des 
explications  atténuantes  trop  généralisées,  sauf  en  ce  qui  concerne 
spécialement  l'avocat  Thierry  et  Robert  de  Saint- Victor,  portés  par 
les  sections  sur  les  listes  de  terroristes  et  écartés  par  le  Conseil 
général  de  la  commune.  Le  savant  et  respecté  archéologue,  pris  de 
pitié  pour  Robert,  à  propos  de  la  destruction  du  trône  épiscopal,  le 
plaint  d'avoir  été  «  étranger  aux  arts  du  moyen  âge  ))  ;  de  plus, 
gémit-il  plaisamment,  il  partageait  l'erreur  de  tout  son  siècle,  il 
avait  le  malheur  de  les  déprécier. . . 

D'après  le  même  écrivain  (1),  s'appuyant  sur  l'autorité  donnée 
à  ses  souvenirs  par  son  grand  âge  qui  lui  avait  permis  d'être,  bien 
jeune  encore,  témoin  de  la  révolution  et  de  connaître  des  hommes 
qui  y  avaient  été  mêlés  activement,  il  y  aurait  eu  à  Rouen  fort  peu 
de  maux.  «  La  ville  de  Rouen,  dit-il,  sut  rester  pure  de  tout  excès  ; 
une  seule  fors,  Téchafaud  politique  se  dressa  dans  ses  murs  »  et  ce 
fut  pour  l'exécution  de  l'abbé  d'Amphernet,  le  21  fructidor  an  II 
(7  septembre  1794)  (2).  Or,  ce  jour-la,  l'échafaud  politique  opérait 
pour  la  treizième  fois  à  Rouen  depuis  le  premier  mars  1793.  Et  ce 


(1  )  Examen  de  Vapofogie  <h'  Vabhé  d'Amphernt*t  etc.  Rouen,  H.  Boissel,  in-8"  de  29  p.  — 
M.  de  la  Qu6nèi*c  a  aussi  puhlié  dans  la  Ret'ue  de  la  Nonnandie  en  décembre  1857  : 
Sédition  ivyaliste  à  l'occasion  de  la  Disette  (troubles  de  genninal  an  UDqui  est  un 
extrait  de  son  manuscrit  déposé  à  la  Bibliothèque  municipale. 

(2)  Les  condamnés  à  mort  pour  crimes  contre-révolutionnaires  ou  politiques  qui 
ont  été  exécutés  à  Rouen  pendant  cette  période,  avant  l'abbé  d'Amphernet ,  sont  : 
4°  François  Lebrun;  2"  femme  Barré;  3"  femme  Durand;  4"  Jérôme  Billiard;  5"  Jean 
Poret;  G»  Pierre  Lemoine:  7"  l*'ran<;ois  Labouglise;  8"  Jean  Michel  dit  Duval;  9"  Nicolas 
Vallet  dit  I^mbcrt  ;  K)"  Cbarlcs-riemmin  de  llerle  et  non  du  Tertre;  M"  Victor-Alexandre 
Delamai-e  ;  h>  Charles  de  Ram fi-c ville,  et  non  d'Amfiwille. 


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n'était  pas  la  dernière.  L'erreur  de  M.  de  la  Quérière  est  d'autant 
plus  excusable  qu'elle  est  partagée  par  l'auteur  de  la  notice  sur 
Rouen  insérée  dans  V Histoire  des  Villes  de  France  (1)  d'après  des 
notes  fournies  par  M.  Richard ,  archiviste  du  département ,  et 
autres. 

Somme  toute,  un  amour  profond  de  sa  ville  natale,  attesté  par 
les  travaux  de  sa  vie  entière,  une  admiration  enthousiaste,  presque 
sans  réserve,  pour  les  réformes  de  la  Révolution ,  lui  font  accorder 
aux  entraînements  et  aux  méfaits  des  patriotes  rouennais  plus 
d'indulgence  qu'on  en  attendait  de  l'auteur  des  Aperçus  sur  l'état 
ancien  et  Pétat  nouveau  de  la  société  (2). 

M.  Gosselin  —  beaucoup  mieux  renseigné  qu'un  témoin  —  a 
publié  (3)  sur  les  principaux  épisodes  de  la  Révolution ,  un  très 
important  ouvrage  qui  ne  mérite  que  des  éloges,  et  qui  contredit 
M.  de  la  Quérière  au  moment  où  celui-ci  fait  imprimer  la  brochure 
qui  vient  d'être  citée.  En  indiquant  les  motifs  de  la  discrétion  qui 
lui  était  imposée,  lesquels,  suivant  lui,  doivent  cesser  à  la  fin  de  ce 
siècle,  M.  Gosselin  ne  permet  guère  de  s'étonner  qu'il  n'ait  men- 
tionné aucune  des  exécutions  qui  ont  eu  lieu  à  Rouen,  et  qu'il  n'ait 
pas  voulu  divulguer  des.excès  auxquels,  dit-il,  on  croira  difficilement, 
ni  s'expliquer  sur  le  sort  de  ceux  que  l'opinion  publique,  après 
thermidor,  désignait  et  voulait  faire  châtier  comme  ayant  été  les 

agents  de  Robespierre Il  donne  à  entendre  qu'il  eût  eu  en  môme 

temps  à  révéler  la  conduite  de  certains  royalistes,  ce  qui  fait  regret- 
ter davantage  encore  sa  résolution  d'arrêter  ses  récits  à  la  date  du 
neuf  thermidor. 

Cependant  la  récente  publication  des  Mémoires  de  Madame  de 
Chastenay  (4)  est  venue  corroborer  en  partie  les  impressions  de 
M.  de  la  Quérière.  Plusieurs  des  chapitres  du  premier  volume  sont 
consacrés  au  séjour  que  cette  dame  fit  à  Rouen  et  aux  environs .  et 
leur  rapide  résumé  apportera  un  utile  appoint  à  ce  préambule. 

cl)  T.  v,  p.  496. 

(2)  Rouen,  1850. 

(3)  hewie  (lo  Nonmanflio,  18a5-1 866-1 867. 

(4)  Paris,  1896,  t.  I,  cliap.  viii,  ix  vi  x. 


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Réfugiée  chez  son  oncle  maternel,  le  marquis  dllerbouville  (1), 
naguère  colonel  de  la  garde  nationale  rouennaise ,  «  commissaire  du 
roi  au  département  de  la  Seine-Inférieure,  procureur  syndic  de 
l'Assemblée  provinciale  de  la  Haute-Normandie  (2)  »,  et  à  ce 
moment  président  de  l'administration  départementale,  madame  de 
.Chastenay  resta  à  Saint-Jean-du-Cardonnay  (3)  et  à  Rouen  depuis 
le  4  juillet  1792  (4)  jusqu'en  mai  ou  juin  1794. 

Comme  la  plupart  des  autobiographes,  elle  se  laisse  parfois 
entraîner  par  une  assez  grande  facilité  d'imagination  qui  a  fait  d'elle 
une  professionnelle  de  la  littérature  (5).  Aussi  donne-t-elle,  pour  ime 


(1)  Le  père  do  M"'«  (k?  Chastenay  s'était  marié  en  1770  à  la  sœur  de  M.  d'Herboiiville. 
Est-il  bien  sûr  que,  comme  le  dit  une  note  des  mémoires,  ce  mariage  ait  eu  lieu  à  Saint- 
Su  Ipice  de  Paris?  Les  notes  si  soigneusement  relevées  par  M.  de  Ghastellux  sur  les 
registres  de  cette  paroisse,  à  riIôtel-de-Ville,  n'en  font  pas  mention. 

M.  d'Herbouville  avait  épousé  à  Saint-Sulpice  de  Paris,  le  15  avril  1788,  Marie- 
Louise-Victorinc  Le  Bascle  d'Argenteuil,  née  à  Villemareschal,  diocèse  de  Sens,  le 
7  janvier  1751,  plus  âgée  que  lui  de  pn^s  de  six  ans,  fille  du  marquis  d'Argente^iil  et 
d'une  Le  Veneur,  et  abbesse  du  Chapitre  noble  d'Epinal.  —  M.  d'IIerbouville  était  ainsi 
l'oncle  et  le  cor.sin  de  M™*"  de  Clmstenay  dont  l'aïeule  paternelle  était  une  Le  Bascle.  — 
L*auteur  des  Mémoires,  après  avoir  raconté  le  projet  de  la  marier  à  son  oncle  d'Her- 
bouville,  évite  de  parler  du  mariage  de  celui-ci  et  de  laisser  deviner  que  sa  fenmie  fut 
précisément  celte  abbesse  à  laquelle,  ensuite,  on  tenta,  vainement,  de  la  faire  succéder 
t^u  chapitre  d'Epinal.  —  M.  et  M""  d'Herbouville  sont  morts  à  Paris  tous  les  deux  en  1829. 
Leurs  deux  filles,  nées  l'une  le  23  avril  1789,  et  l'autre  le  22  octobre  179^1,  sont  devenues, 
la  première,  marquise  de  Crillon,  la  seconde,  comtesse  de  Choiseul-Praslin.  L'une  des 
filles  de  la  marquise  de  Crillon  épousa  en  18i2  le  lils  aîné  du  prince  de  Polignac.  — 
Il  n'est  pas  inutile  de  rectifier  ici  les  biographies  normandes  qui  tiennent  à  faire  naître 
à  Rouen  M.  d'IIerbouville,  né  à  Paris,  paroisse  Saint-Paul,  le  14  avril  1766.  (Comte  de 
Ghastellux,  Notes  pnses  sur  les  registres  de  Vétat-cixùl  de  Paris). 

(2)  Ces  derniers  titres  lui  sont  donnés  dans  cet  ordre  à  l'acte  de  baptême  à  Sainte- 
Croix-des-P^letiers  de  Rouen,  de  la  seconde  de  ses  filles.  M.  d'Herbouville  avait  été 
élu  député  suppléant  de  la  noblesse  du  bailliage  de  Caudebec  en  1789  et  n'avait  pas  eu 
à  siéger. 

(3)  Domaine  seigneurial  des  d'Herbouville,  à  12  kilomètres  de  Rouen,  canton  de 
Maromme. 

(4)  Et  non  17a3. 

(5)  Elle  figure  déjà  dans  la  Biographie  des  hommes  vivants  (1818).  Ses  ouvrages  sont 
anonymes.  L'un  des  premiers  :  Le  Village  abandonné,  est  la  traduction  d'un  poëme 
anglais,  publiée»  en  1797  par  la  «  C.  V...  de  C...  »  la  citoyenne  Victorine  de  Chastenay  » 
Quérard,  Supercheries  littéraires,  t.  I,  p.  823  a.)  Quérard  ii'a-t-il  pas  eu  tort  de  lire  la 
citoyenne  au  lieu  th»  la  chanoinesse  ? 


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première  moitié  de  la  période  révolutionnaire,  un  tableau  passable- 
ment romanesque,  presque  rassurant,  delà  vie  que  menaient  alors  les 
nobles  réfugiés  à  Rouen.  Elle  y  compare  le  chef-lieu  de  la  Seine- 
Inférieure  à  une  oasis,  et  à  Venise  pendant  le  carnaval  ! 

L'ex-chanoinesse  a  toujours  l'esprit  si  plein  du  souvenir  de  ses 
soirées  concertantes,  de  ses  promenades  en  Seine,  de  ses  flirts  et  de 
ses  déceptions  matrimoniales,  qu'elle  ne  fait  point  allusion  aux  agis- 
sements graves  du  Directoire  du  département,  présidé  par  son 
oncle,  vers  le  10  août  1792,  et  mentionne  assez  sèchement  l'arres- 
tation de  M.  d'Herbouville,  sans  souffler  mot  de  celle  de  sa  femme  (1) 
sous  la  municipalité  Pillon. 

Fière  d'appartenir,  comme  M.  d'Herbouville,  «  à  la  noblesse 
d'épée  »  (2)  elle  semble  dédaigner  la  noblesse  de  robe,  en  grande  ma- 
jorité à  Rouen,  et  dont  «  la  morgue  et  le  mécontentement  »  l'ont 
frappée.  Aussi,  peu  de  noms  de  l'aristocratie  rouennaise  apparaissent- 
ils  dans  son  récit.  C'est  à  peine  si  l'on  en  rencontre  deux  :  M.  de 
Campuley,  ce  vieillard  dont  la  riche  succession  dévolue  en  partie, 
croyait-on  d'abord,  à  des  émigrés,  allait  bientôt  tant  émouvoir  les 
ayants-droit  et  les  administrateurs  ;  puis,  madame  de  Grécourt  qui, 
d'après  un  pamphlet  manuscrit  du  temps  (3),  avait  la  manie  de  pas- 

d)  Le  prétexte  de  l'emprisonnement  de  M.  d'Herbouville  fut  Témigration  des  deux 
fK'res  de  sa  femnie,  laquelle  déclarait  aloi-s  être  brouillée  avec  eux  «  pour  différence 
d'opinion  ».  On  trouvera  plus  loin  des  détails  sur  les  arrestations  de  M.  et  M"»*  d'Her- 
bouville. 

(2)  Elle  a  publié  :  Les  Chevaliet^  Not^niands  en  Italie  et  en  Sicile,  sans  doute  parce 
que  les  d'Herbouville  prétendaient  descendre  de  la  famille  normande  de  Mortemer, 
vivant  au  commencement  du  xïif  siècle. 

(3)  Nouveaux  Logements,  pièce  satirique,  datant  de  1791,  difficile  à  publier  in 
extenso,  où  sont  lardées  d'épigi'ammes  salées  une  vingtaine  d'honnestes  dames  de  la 
haute  société  de  Rouen,  parmi  lesquelles  celle-ci,   la  moins  maltraitée  :  «  Titon  et 

•  VAurorCy  fable,  pour  M'"'"  de  Grécourt.  Aux  Trois  Somrs,  rue  Princesse.  Cette  fable 

•  s'est  réalisée  pour  M"*  de  Grécourt  ;  mais  le  rajeunissement  du  vieux  Titon  a  été  bien 
»  court.  Cette  dame  a  deux  sœurs,  charmantes  comme  elle.  Mais  elles  ont  toutes  la 
»  nianie  de  passer  pour  femmes  de  qualité.  »  —  Louis-Anne  Grente  de  Grécourt,  avocat 
général  au  ci-devant  parlement  de  Normandie,  âgé  de  64  ans,  est  mort  à  Rouen,  le  25 
octobre  1791.  L'une  des  scetu*s  de  M««  de  Gréctmrt,  était  M™*»  de  la  Pallu,  dont  il  est 
question  dans  les  Mémoires,  Elles  étaient  nées  de  la  Fresnaye,  et  filles  du  marquis  de 
la  Fresnaye,  seigneur  d'Kscajeul  et  autres  lieux,  qui  habitait,  en  1788,  Guibray,  fau- 
bourg de  Falaise  (Calvados).  Ix)uis  Vaussy,  qui  d«'vint  cuisinier  de  la  maison  des 
susp<»cts  (Saint- Yon)  était  Tancien  «  officier  de  maison  >»  du  maniuis  de  la  Fresnaye. 


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ser pour  femme  de  qualité.  Quoiqu'elle  parle  de  la  lutte  entre  les 
gens  de  loi,  d'une  part,  et  les  chefs  dé  maisons  de  commerce  et  de 
fabrique,  d'autre  part,  elle  n'en  cite  aucun  incident,  et  parvient 
môme  à  ne  pas  mentionner  les  noms  de  M.  Rondeaux,  concurrent 
heureux  de  M.  d'Herbouvillo  à  l'élection  du  maire,  en  décembre  1792, 
ni  de  M.  de  Fontenay,  qui  a  remplacé  le  môme  M.  d'Herbouville  à 
la  présidence  du  département 

Tout  heureuse  d'avoir  été  quitte  là  pour  quelques  transes,  tandis 
qu'à  peine  retournée  dans  son  pays  elle  y  fut  arrêtée,  madame  de 
Chastenay  n'a  vu  dans  les  jacobins,  pour  la  plupart  desquels  Hor- 
choUe  et  M.  Gosselin  sont  impitoyables,  que  des  énergumènes  pr^- 
que  inoffensifs  dont  «  les  services  rendus  à  une  infinité  de  personnes 
»  ont  influé  puissamment  sur  l'ensemble  I  » 

Cette  appréciation  s'explique  d'elle-môme  sans  se  justifier  : 
outre  que  madame  de  Chastenay  a  quitté  Rouen  en  prairial  an  II 
(mai  ou  juin  1794),  au  milieu  de  la  Terreur  (1),  elle  n'y  a  connu  que 
ceux  des  révolutionnaires  dont  elle  rappelle  les  bons  offices  d'après 
lesquels,  cela  va  de  soi,  elle  les  juge  ;  elle  a  entrevu,  de  trop  loin  pour 
avoir  à  en  gémir  sérieusement,  les  malheurs  et  les  ruines  qui  ont 
affligé  Rouen.  (2) 

Parmi  les  principaux  écrivains  qui  se  sont  occupés  de  l'histoire 
révolutionnaire  de  Rouen,  on  doit  surtout  citer  M.  l'abbé  Loth  (3) 


(i)  Elle  parle  cependant  de  faits  bien  postêrieui*s  à  son  départ,  principalement  de 
ceux  concernant  Lambert,  l'un  des  plus  sévèrement  traités  par  les  thermidoriens. 

(^)  Il  existe  peu  de  traces  du  séjour  à  Rouen  de  la  famille  de  Chastenay.  On  trouve 
au  7  avril  4796  la  mention  d'une  lettre  reçue  par  la  municipalité  du  directeur  de  la 
liquidation  des  biens  d'émigrés  relative  à  la  citoyenne  d'Herbouville,  épouse  de  Chas- 
tenai-Lanti,  lettre  qui  fut  renvoyée  au  bureau  d'émigration.  Barthélémy,  dont  M"»«  de 
Chas*enay  ne  parle  pas,  est  attaqué  en  pluviôse  an  vi  par  Regnard,  à  propos  de  la  radiation 
de  M.  de  Chastenay  de  la  liste  des  émigrés  et  de  la  restitution  de  ses  biens.  [Révolution  de 
France,  Pièces  curieuses  et  rares,  bibliothèque  municipale  de  Fécamp].  Il  est  question 
de  M.  de  Chastenay  dans  des  vers  recueillis  par  un  Conseiller  au  parlement  do  Rouen, 
reproduits  dans  une  notice  sur  le  marquis  de  Réfuveillo  \La  Normandie,  1894  p.  403] 
et  qui  mettent....  «  Ce  pauvre  Chastenay,  né  pour  être  bonhomme  »  au  rang  de  «  ces 
petits  conjurés,  ces  demi -scélérats,  qui  avaient  choisi  pour  maître  l'abbé  Sieyès.  » 

(3)  La  Cathédrale  de  Rouen,  chap.  xxiv  et  xxv,  1879.  Les  Conventionnels  de  la 
Seinc-Inféi*ieurc,  1883  ;  Histoire  du  Cardinal  de  la  Rocfiefoucauld  et  du  diocèse  de 
Rouen  pendant  la  Révolution.  1893. 


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qui  a  su  rendre  si  attachants  ses  tableaux  de  la  persécution  contre  le 
clergé  de  la  Haute-Normandie  et  en  particulier  celui  de  Rouen. 

A  diverses  reprises,  le  savant  et  infatigable  M.  Wallon,  de 
rinstitut,  a  parlé  des  Rouennais.  (1)  M.  Wallon  est  avec  M.  Gosselin 
un  de  ceux  qui  ont  joui  du  privilège,  plus  rare  qu'on  ne  le  croit, 
d'avoir  librement  accès  à  certains  dépôts  d'archives  non  catalogués. 
Son  témoignage  a  donc  un  grand  poids.  Il  le  résume  lorsqu'il  dit 
qu'à  Rouen  il  y  avait  «  des  démagogues  qui  ne  le  cédaient  en  rien  à 
ceux  de  Paris. . .  »  (2) 

D'heureuses  circonstances  ont  amené  son  fils,  un  des  plus  sym- 
pathiques membres  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Rouen,  à  entre- 
prendre V Histoire  de  la  Bourse  découverte  de  Rouen  (3),  au  cours 
de  laquelle  il  a  raconté,  avec  pièces  à  l'appui,  l'im  des  actes  de  ven- 
dalisme  reprochés  aux  chefs  de  la  municipalité  terroriste. 

En  mentionnant  les  travaux  remarqués  de  M.  de  Beaurepaire 
sur  les  Prisons  de  Rouen  pendant  la  Révolution  (4)  de  MM.  Noury 
et  Dubosc  sur  Bordier  et  Jourdain,  de  M.  d'Estaintot  sur  la  Fédéra- 
tion, de  M.  Le  Parquier  notamment  sur  les  subsistances,  le  Jomr- 
nalisme  et  le  Fédéralisme,  (5)  et  la  notice  de  M.  Georges  Pennetier 
sur  le  chirurgien  Laumonier  (6),  j'aurai,  je  crois,  énuméréàpeu  près 
complètement  ce  qui  a  été  imprimé  concernant  particulièrement 
l'histoire  révolutionnaire  rouennaise. 

Nulle  part,  le  sujet  du  présent  essai  n'a  été  raconté.  HorchoUe 
et  M.  de  la  Quérière  l'ont  seulement  effleuré. . .  Traité  largement,  il 
fournirait  la  matière  de  plus  d'un  gros  volume,  puisqu'il  devrait 


(1)  Les  repvéstmlanls  du  peuple  en  mission  et  la  justice  révolutionnaire  dans  les 
départeniefits^  1889,  t.  n,  pp,  71  et  s.  ;  Le  Fédéi'alvtnie  et  la  Révolution  du  Si  wmi,  t.  i, 
pp.  409  et  s.  —  V.  aussi  son  Histoire  du  Tribunal  révolutionnaire  de  Paris^  notamment 
t.  I,  p.  252  et  s. 

(2)  Représentants  en  mission, 

(3)  Rouen,  Lestringant  1897,  in-8. 

(4)  Précis  analytique  des  travaux  de  l'Académie  imp.  de  Rouen,  1860-18&I,  pp.  333 
et  s.  et  aussi  sa  Notice  sur  U*s  maisons  de  force  de  la  généralité  de  Rouen  avant  1790, 
même  Précis,  1858-1859,  pp.  279  et  s.  et  spécialement  p.  314. 

(.5)  ]j\  Normandie,  1894,  1895,  1896  et  1897. 

{6)  Rouen,  imp.  Lccerf,  1887. 


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comprendre  le  rappel  de  la  plupart  des  faits  accomplis  sous  les  cinq 
municipalités  Rondeaux,  de  Fontenay  (provisoire),  Pillon  (première 
et  deuxième)  et  Leboucher.  Je  me  suis  forcément  tenu  à  ce  qui  m'a 
semblé  indispensable  pour  saisir  les  causes,  le  caractère  et  les  consé- 
quences des  manœuvres  et  des  compromissions  de  Tenquête  de 
l'an  III. 

Chemin  faisant,  j  examine  quelques  légendes  dignes  d'attention, 
transmises  par  les  mémorialistes  et  autres  avec  une  fidélité  infini- 
ment moins  louable  que  de  sérieux  efforts  pour  découvrir  la  réalité, 
la  réalité  moins  mystérieuse  ou  moins  dramatique,  et  partant  moins 
attrayante.  J'en  signalerai  dès  à  présent  une,  la  principale,  peut-être, 
celle  du  prétendu  projet  de  massacre  des  prisonniers,  en  thermidor. . . 

On  doit  s'attendre,  naturellement,  à  beaucoup  de  noms  propres. 
Qu'on  se  rassure,  je  les  citerai  toujours  lorsque  je  les  aurai  lus  dans 
un  document  public  ou  authentique,  appartenant  à  l'histoire,  si  cela 
est  nécessaire  pour  édifier  sur  la  portée  d'un  fait  ou  d'un  écrit. 

Le  peu  de  stabilité  des  institutions  et  l'originalité  du  système 
qui  met  tout  citoyen  et  surtout  le  fonctionnaire  à  la  merci  d'une 
dénonciation,  dont  l'effet  s'arrête  rarement  à  la  simple  épuration  et  à 
la  destitution,  ont  multiplié  les  victimes  et,  aussi,  les  persécuteurs. 

Eussent-ils  été  choisis  à  l'élection,  les  administrateurs  ne  pou- 
vaient jouir  longtemps  de  la  confiance  du  peuple.  Il  suffit  de  con- 
naître les  procès  verbaux  de  leurs  délibérations  secrètes  et  publiques, 
sans  avoir  recours  aux  dossiers  des  nombreuses  commissions ,  des 
bureaux  de  police,  d'émigration,  des  biens  nationaux,  des  finances, 
des  subsistances,  pour  apprécier  l'affluence  et  les  complications, 
souvent  imprévues ,  des  travaux  auxquels  avaient  à  se  livrer 
surtout  les  membres  du  conseil  général  d'une  commune  telle  que 
Rouen  «  ville  immense  »  disaient-ils  eux-mêmes ,  et  pour  voir 
qu'il  leur  restait  bien  peu  de  temps  —  s'il  leur  en  restait  —  à  con- 
sacrer à  des  affaires  personnelles. 

Les  malheureux  citoyens  que  le  sentiment  exagéré  du  devoir, 
l'ambition,  la  manie  de  l'intrigue  —  une  maladie  qui  sévit  à  cette 
époque  beaucoup  plus  qu'on  ne  peut  l'imaginer  —  le  souci  d'intérêts 
menacés  de  toutes  parts,  et  l'espoir  d'assurer  la  tranquillité  de  leurs 
familles,  avaient  jetés  dans  les  assemblées  municipales  ou  dans  les 


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-  13  - 

comités,  en  contact  immédiat  avec  la  population,  y  perdaient  promp- 
tement  leurs  plus  chères  illusions.  En  revanche,  ils  étaient  bientôt 
vilipendés,  destitués,  privés  de  la  liberté,  couraient  les  plus  grands, 
dangers  et  parfois  s'exposaient  à  la  ruine  et  à  la  mort. 

Il  en  est  pourtant  bon  nombre  qui,  sans  avoir  pu  résoudre 
l'irrésoluble  problème  de  contenter  tout  le  monde  et  d'être  eux- 
mêmes  satisfaits,  parvinrent,  non  sans  peine,  il  faut  le  croire,  à 
rendre  service  à  la  société  et  à  des  particuliers,  el  à  sortir  sains  et 
saufs  de  la  terrible  crise  historique.  Ceux-là  sont  les  véritables 
vainqueurs  et  sont  parfaitement  heureux.  La  postérité  trouve 
presque  toujours  leur  apologie  toute  faite,  quelquefois .  par  leurs 
propres  soins  dans  des  procès-verbaux,  ou  par  de  bons  amis,  dans 
des  biographies  qui  —  est-il  besoin  de  le  dire  ?  —  ont  tu  soigneu- 
sement les  défaillances  accidentelles  et  les  habiletés  trop  grandes, 
et  mis  en  relief  les  qualités  et  les  dévouements. 

A  la  commune,  au  comité  de  surveillance  et  à  la  société  popu- 
laire surtout,  au  district,  au  département  et  même  au  tribunal 
criminel,  des  personnages,  en  évidence  moins  par  leur  valeur  et 
par  leurs  fonctions  que  par  des  manifestations  d'un  retentissement 
obligatoire  ou  cherché,  ont  vécu  de  la  vie  révolutionnaire  si  sur- 
menée, si  féconde  en  haines.  Après  s'être  grisés  des  enthousiasmes 
populaires  et  s'être  tenus  en  haleine  par  les  émotions  et  périls 
incessants  de  la  désorganisation  —  ou,  pour  ne  froisser  personne  — 
(fe  la  rénovation  sociale,  ils  auront,  eux,  à  compter  d'abord  avec  la 
justice  de  leurs  adversaires,  neutralisée  à  demi  par  les  ménagements 
et  la  clémence  d'amis  et  d'anciens  collègues,  et  ensuite  avec  les 
représailles  de  celles  des  victimes  de  la  Révolution  qui  se  retrouveront 
assez  de  vigueur  pour  reprendre  ToflEensive. 

Ces  révolutionnaires,  ces  terroristes  qui,  pour  le  plus  grand 
nombre,  firent  momentanément  tête  à  la  bourrasque  réactionnaire, 
on  les  réprouve  et  on  les  maudit  en  bloc  ou  en  détail,  sans  savoir 
comment  ils  se  défendaient  et  comment  et  par  qui  ils  furent  jugés. 
A  leur  égard,  c'est-à-dire  quant  à  leur  sort  après  la  tourmente,  tout 
est  resté  obscur.  Vouloir  faire  un  peu  de  lumière  dans  ces  ténèbres 
est  une  entreprise  bien  téméraire  pour  qui  ne  dispose  pas,  comme 


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—  14  — 

M.  Ernest  Daudet  (1),  d'un  ministre  pour  avoir  communication 
de  dossiers  de  certaines  archives  et,  dépourvu  de  tels  appuis ,  le 
chercheur,  si  consciencieux  et  si  persévérant  qu'il  soit,  reste  exposé  à 
des  lacunes  et  à  des  inexactitudes  plus  graves  sûrement  que  celles 
qu'il  lui  arrive  parfois  de  signaler  chez  autrui. 

Il  s'en  aflflige  d'abord,  puis  s'en  console  par  l'espoir  qu'il  aura 
provoqué  ainsi  des  rectifications  et  peut-être  un  ouvrage  complet 
et  définitif  exauçant  ses  vœux  et  ceux  des  sincères  amis  de  la  vérité 
historique. 


{ij  L'auteur  de  La  Police  et  les  Chouans  sous  le  Consulat  de  V Empire,  (  Pion, 
Nourrit  et  O»,  1895).  On  sait  comment  il  est  parvenu  à  obtenir  les  pièces  de  l'affaire  . 
d*Aché-de  Combray,  déposées  aux  archives  du  Palais  de  Justice  de  Rouen.  Cette 
affaire  avait  été  déjà  nombre  de  fois  racontée,  d'une  façon  moins  romanesque  et  moins 
complète,  mais  plus  historique,  notamment,  avec  documents  à  Tappui,  par  M.  Eug.  de 
Beaurepaire,  de  Caen,  dans  la  Revue  de  la  Révolution  (  G.  Bord.  ).  M.  E.  Daudet  a  mis 
en  lumière  les  aptitudes  policières  de  Licquet,  le  secrétaire-général  de  la  mairie  de 
Rouen,  «  homme  de  lettres  »  dont  il  est  regrettable  que  les  souvenirs  n'aient  pas 
encore  été  publiés.... 


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-  15  - 


CHAPITRE  DEUXIÈME 

Points  de  départ  et  d'arrêt  de  la  Terreur  à  Rouen.  ^  Election!  de  norevbre  et 
décembre  1792  et  janvier  1793.  —  Une  injustice  de  l'histoire  :  Asselin,  chef  de  la 
municipalité  sans  maire  de  novembre  à  janvier.  —  Nouvelle  bataille  entre 
patriotes  tt  contre-révolutionnaires  :  L'affaire  de  la  Rougemare.  —  Petits 
problèmes  historiques.  —  D'ofOciers  municipaux  à  ministre. 

La  Convention,  intéressée,  pour  la  sauvegarde  de  beaucoup  de 
ses  membres  à  restreindre  la  période  dans  laquelle  s'étaient  accom- 
plies les  «  horreurs  »  dont  elle  se  prit  à  s'indigner  si  haut  et  si  tard, 
en  fixe  la  fin  au  9  thermidor,  négligeant  d'en  déterminer  le  com- 
mencement (1).  Il  est  vrai  que,  dans  sa  séance  du  5  septembre  1793, 
par  décret,  sur  pétition  des  Jacobins,  des  Sections  et  de  la  Commime 
de  Paris,  elle  avait  mis  la  terreur  à  l'ordre  du  jour,  mais  sans  que 
cela  puisse  impliquer  qu'elle  n'existait  point  antérieurement. 

Fort  justement,  on  s'est  peu  préoccupé  de  cette  limitation  dont 
les  termes,  d'ailleurs,  ne  pouvaient  affecter  rien  d'impératif.  Aussi 
n'en  parlè-je  ici  que  pour  répondre  d'avance  à  la  fin  de  non-recevoir 
qu'en  tirait  en  l'an  III  un  terroriste  rouennais  récalcitrant,  juris- 
consulte avisé.  (2) 

Les  uns,  parmi  lesquels  M.  Wallon  (3),  placent  la  Terreur  entre 
la  date  de  la  chute  des  Girondins  et  celle  de  Robespierre 
(31  mai  1793  -  27  juillet  1794).  D'autres,  la  font  remonter  aux 
journées  des  2  et  3  septembre  1792,  (4)  ou  au  20  septembre  1792, 
date  de  la  première  séance  de  la  Convention.  (5) 

On  s'accorde  mieux  sur  la  fin,  sur  l'apaisement,  qui  coïnciderait 
avec  la  suppression  du  tribunal  révolutionnaire,  laquelle  eut  lieu  le 
28  frimaire  an  III  (18  décembre  1794)  ^  c'est-à-dire  près  de  quatre 
mois  après  l'exécution  de  Robespierre. 


(i)  Décrets  des  14  et  21  germinal  an  III. 

(2)  Leclerc,  accusateur  public. 

(3)  La  Terreuh,  études  critiques,  t.  W,  p.  4. 

(4)  Notamment  Ch.  de  Mazade,  Dict,  de  la  Politique,  de  M.  Bloch,  v.  Terreur. 

(5)  E.  Biré,  Journal  d'un  bourgeois  de  Pans  pendant  la  Tet'i^eur,  1. 1, 


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—  16  — 

La  diversité  des  dates  sur  les  débuts  de  la  Terreur,  résultée  de 
systèmes  préconçus,  envisageant  seulement  la  capitale,  s'explique 
de  soi  lorsqu'il  s'agit  de  départements  différents. 

Cependant,  un  désaccord  analogue  pourrait  s'élever  en  ce  qui 
concerne  Rouen  :  Il  y  aurait  quelque  fondement  à  prétendre  que  la 
Terreur  y  prit  naissance,  soit  dès  septembre  1792  pendant  le  séjour 
de  ces  commissaires  du  pouvoir  exécutif  qui  tentèrent  d'en  appliquer 
le  régime,  soit  pendant  le  procès  du  Roi,  à  l'occasion  de  ce  procès, 
c'est-à-dire  par  les  troubles  de  la  Rougemare,  les  11,  12  et  13  jan- 
vier 1793,  ou  vers  le  premier  avril,  en  môme  temps  qu'étaient 
institués,  au  sein  de  la  Commune,  un  comité  de  surveillance  et  des 
commissions  pour  les  visites  domiciliaires  et  la  recherche  des 
suspects. 

Il  parait  toutefois  plus  rationnel  d'admettre  que,  jusqu'à  la  fin 
d'août  1793,  il  ne  s'agit  que  de  «  préliminaires  »,  de  tentatives  de 
terrorisme,  presque  toujours  réfrénées  par  les  administrateurs 
rouennais. 

C'est  effectivement  avec  certitude  qu'à  partir  de  l'entrée  en 
fonctions  du  véritable  comité  de  salut  public  ou  de  surveillance, 
organisé  —  illégalement  —  par  les  représentants  du  peuple,  le  29 
août,  l'on  peut  reconnaître  les  procédés  caractéristiques  de  la 
Terreur  dans  les  événements  locaux  si  nombreux,  si  complexes  et  si 
confus,  qui  se  succèdent  sans  interruption  et  se  pressent,  en  sollicitant 
l'attention  troublée  par  une  affolante  multitude  d'incidents,  de  noms, 
de  dates,  de  causes,  d'effets et  de  doutes. 

L'abolition  de  la  royauté  et  la  proclamation  de  la  République 
par  la  Convention,  les  21  et  22  septembre  1792,  entraînaient  la  né- 
cessité d'un  renouvellement  des  corps  administratifs  et  municipaux, 
qui  fut  décrété  le  10  octobre. 

Les  événements  les  plus  graves,  l'emprisonnement  du  roi,  les 
massacres,  les  troubles,  même  ceux  de  Rouen,  loin  d'inspirer  le 
dégoût  des  affaires  publiques  à  des  hommes  tels  que  MM.  d'Herbou- 
ville,  de  Fontenay  et  Rondeaux  et  à  leurs  amis,  les  leur  faisaient 
rechercher,  moins  par  ambition  que  pour  écarter  des  révolution- 
naires. Comme  trente-cinq  ans  plus  tard  Berryer,  ils  pensaient,  sans 


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-17- 

doute,  que  quand  la  force  domine  dans  un  Etat,  les  particulier^  ne 
peuvent  que  se  soumettre,  et  les  gens  de  bien  doivent  encore  à  la 
société  le  tribut  de  leurs  efforts  pour  détourner  de  plus  grands 
maux  (1). 

Aussi,  M.  de  Fontenay  (2)  qui  avait  succédé  dans  les  premiers 
jours  de  décembre  1791,  à  M.  d'Estoutteville,  second  maire  de  Rouen 
depuis  1789,  ne  donnait-il  sa  démission,  le  29  septembre  1792,  que 
parce  qu'il  venait  d'être  élu  membre  du  Conseil  général  du  départe- 
ment, à  la  présidence  duquel  il  était  appelé  le  3  décembre  suivant. 

Le  directoire  du  département,  installé  le  29  novembre,  présidé 
d'abord  par  Bouvet  (3),  de  Rouen,  au  bénéfice  de  l'âge,  et  ensuite 
par  M.  de  Fontenay,  élu  président  le  3  décembre,  à  la  majorité  abso- 
lue des  suflErages,  est,  en  outre,  composé  de  Bouvet,  doyen  d'âge  ; 
Revelle,  juge  de  paix  à  Veules  ;  Dubois,  serrurier  à  Saint-Saens  ; 
Belhoste,  de  Rouen  ;  Grandin,  d'Elbeuf  ;  Bazire  ;  Choin  du  Lys,  du 
Havre  ;  Dumazert,  apothicaire  et  maire  de  Fauville  ;  Anquetin  de 
Beaulieu,  procureur  général  syndic,  dont  Bazire  est  le  suppléant,  et 
Niel,  élu  à  l'unanimité  secrétaire  général.  Bouvet  est  désigné,  au 
troisième  tour  de  scrutin,  comme  devant  avoir  la  voix  prépondérante. 

Du  directoire  du  district  font  partie  Cabissol  (4),  ancien  adminis- 

(i)  Séance  de  la  Chambre  des  Députés,  du  il  août  1890.  Moniteur  du  12  août  1890, 
p.  890,  col.  3. 

2)  Pierre-Nicolas  de  Fontenay,  négociant,  ancien  administrateur  de  TUôtel-Dieu 
et  ancien  juge  consul,  fils  de  Nicolas-Eustache  de  Fontenay  et  de  Marie-Thérèse 
Grandin,  né  à  Rouen,  le  27  septembre  1743,  veuf  en  premières  noces  de  M"«  Hurard, 
s'était  remarié  à  Saint- Vincent  de  Rouen,  le  3  juin  1776,  à  Marie-Elisabeth  Ribard,  fille 
de  Jean-Pbilippe-Nicolas  Ribard,  officier  de  la  panneterie  du  roi,  ancien  conseiller 
échevin,  ancien  juge  consul,  et  de  M.-G.  Guillemard.  Lui  seul  signait  son  nom  avec  un 
F  affectant  la  forme  majuscule.  Ses  frères  ne  recouraient  point  à  cet  innocent  artifice. 
M.  Gosselin  Ta  remarqué  et  il  imprime  toujours  Defontenay,  comme  le  faisaient  les 
contemporains  de  celui-ci.  V.  not.  art.  nécrologique  dans  TAnnuaire  statistique  du  dép< 
de  la  Seine-Inf.  de  1807. 

(3)  Pascal  Bouvet,  avocat,  inscrit  à  Rouen  dès  1753,  syndic  en  1789,  date  à 
laquelle  il  demeurait  comme  Thouret,  cour  de  ville.  Il  présidait  le  département,  lorsqu'en 
4800,  Beugnot  fut  nommé  préfet  de  la  Seine-Inférieure. 

(  4)  Cabissol  a  joué  un  rôle  politique  important  pendant  et  après  la  Terreur.  Ancien 
procureur  du  roi  de  la  Vicomte  de  TEau.  Dans  Tétat  des  non  valeurs  de  la  capitation 
de  la  Chambre  des  comptes,  des  officiers  de  justice,  des  nobles  et  des  privilégiés  de 


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trateur  ;  Deschamps  père,  ex-officier  municipal  ;  François-Aimable 
Berée,  Bellamy,  Thomas,  ex-commissaire  du  roi  au  Tribunal,  procu- 
reur-syndic, Milcent,  secrétaire.  —  Sont  administrateurs  du  district  : 
Andrieu,  juge  de  paix  à  Rouen,  Delespine  père,  négociant,  ex-offi- 
cier municipal  ;  Lefebvre-Signol,  prud'homme  ;  Caudron,  marchand 
chapelier,  ex-officier  municipal  ;  Dornay,  juge  de  paix  à  Saint- 
Martin-de-Boscherville,  Bademer,  négociant;  Gorlier  et  Thomas 
Vincent,  propriétaire  à  Saint-Thomas-la-Chaussée. 

Les  élections  du  conseil  général  de  la  commune  s'accomplirent 
avec  moins  de  calme. 

Les  deux  principaux  aspirants  aux  fonctions  de  maire  étaient 
MM.  d'Herbouville  et  Rondeaux  (  1),  tous  les  deux  non  réélus  au 
département,  que  présidait  le  premier. 

M.  d'Herbouville  avait  des  antécédents  politiques  et  adminis- 
tratifs qui  le  mettaient  plus  en  vue  que  M;  Rondeaux.  Cependant, 
celui-ci,  quelques  jours  avant  le  10  août,  s'était  placé  en  évidence, 
par  un  acte  qui  dénote  un  homme  dévoué  et  énergique,  et  que  ses 
biographes  ont  oublié  de  mentionner.  Un  décret  du  13  août  avait 
mandé  ThieuUen,  procureur  général  syndic,  à  la  barre  de  l'Assem- 
blée nationale.  Le  conseil  général  du  département,  «  témoin  des 
travaux  considérables  du  procureur  général  syndic,  qui  ont  affecté 
sa  santé,  craignant  qu'il  ne  pût  obéir  au  décret  s'il  succombait  à  sa 
faiblesse  »,  accepta  l'offre  spontanée  de  M.  Rondeaux,  d'accompagner 
ThieuUen,  tant  à  cause  de  sa  santé  que  pour  le  suppléer.  (2). 


Rouen,  en  1783,  il  figure  pour  une  taxe  de  54  1.,  avec  cette  indication  marginale  :  «  Im- 
payable; demeure  chez  M.  de  Belbeuf.  »  Il  devint  conseiller  de  préfecture  sous  l'Empire 
et  mourut  en  1820. 

(1)  Messire  François  Rondeaux,  chevalier,  sieur  de  Montbray,  seigneur  de  Brilly, 
conseiller  du  roi,  maître  ordinaire  de  la  Cour  des  Comptes,  Aides  et  Finances  de  la 
Normandie  (  acte  de  naissance  de  son  fils,  S»-Nicaise  de  Rouen,  5  juillet  1782  ).  Veuf 
en  premières  noces  d'une  Chapais,  M.  Rondeaux  avait  épousé,  en  1781,  M"«  Marie- 
Anne  Dufou.  —  Il  était  né  à  Rouen  en  1753  ;  mort  à  Louviers  en  1820.  Il  avait  fait  partie 
de  la  loge  maçonnique  rouennaise  la  Ce/es^e  ^t9it7iV^  disparue  au  début  de  la  Révolution. 

(  2)  Le  hasard  réunit  les  noms  de  Rondeaux  et  de  ThieuUen  dans  une  toute  autre 
circonstance.  Leurs  fils  faisaient  partie,  le  11  août  1830,  de  la  commission  municipale  de 
Rouen  qui  se  rendit  à  Paris  pour  complimenter  Louis-Philippe  de  son  avènement  au 
trône. 


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-19  - 

C'était  un  voyage  dangereux,  ainsi  que  le  fait  voir  le  compte- 
rendu  de  la  séance  du  13  août  (1).  Thuriot  qui,  déjà,  est  le  porte- 
parole  des  révolutionnaires  de  Rouen,  et  saisit  avec  empressement 
les  occasions  de  s'occuper  de  cette  ville,  n'est  pas  satisfait  des  décla- 
rations et  des  assurances  de  Thieullen.  Il  rappelle  que  le  5  août,  un 
courrier  extraordinaire  du  directoire  du  département  de  la  Seine- 
Inférieure  est  arrivé  directement  chez  le  ministre  de  la  justice  et  de 
là  s'est  rendu  au  département  de  Paris  et  chez  M.  Ducastel,  le 
député.  «  Le  procureur-général  syndic,  ajoute-t-il  à  brûle-pourpoint, 
doit  être  en  état  de  nous  dire  s'il  est  vrai  que  Ton  ait  eu  le  projet 
d'emmener  le  roi  à  Rouen,  et  s'il  est  vrai  que  les  prêtres  aient  pris 
les  armes  dans  cette  ville?  » 

Thieullen  s'explique,  affirmant  sur  son  honneur  et  celui  du 
département  qu'il  n'a  été  envoyé  de  courrier  qu'à  Ducastel.  On 
craignait,  dit-il,  l'invasion  des  Autrichiens  et  la  descente  des 
Anglais  (2).  Il  ignore  si  le  courrier  avait  des  dépêches  particulières; 
il  n'a  jamais  été  question  au  département  que  l'on  dût  emmener  le 
roi  à  Rouen  (3).  Il  n'a  jamais  été  question  de  cela  au  conseil  général 
et  c'est  un  projet  que  lui,  Thieullen,  n'aurait  jamais  pu  entendre 
sans  horreur,  auquel  il  se  serait  constamment  opposé.  Sur  les 
prêtres,  il  ne  sait  si  les  Suisses  leur  ont  fait  faire  l'exercice 

Thuriot  persiste,  parle  de  combinaisons  adroites,  reproche  au 
procureur-général  de  ne  pas  répondre  avec  franchise  (  on  applaudit) 
et  fait  décréter  que  les  membres  du  département  de  Paris  et  le 
ministre  de  la  justice  seront  mandés  à  la  barre. 

(1)  Moniteur  du  iS  août  1792,  p.  970. 

(^  Le  procès-verbal  de  la  séance  du  4  août,  du  département,  ne  parle  ni  des 
Autrichiens  ni  des  Anglais.  «  Considérant  qu'il  ne  doit  rien  négliger  dans  les  circon- 
stances actuelles  pour  bien  connaître  et  suivre  le  fil  des  événements  qui  commencent  à 
se  développer,  »  il  arrête  qu'il  sera  expédié  aux  députés  du  département  à  l'Assemblée 
nation^e  un  courrier  qui  restera  auprès  d'eux,  et  par  lequel  ils  seront  in\ités  de  faire 
part  de  tout  ce  qui  pourra  intéresser  le  département,  même  de  faire  succéder  un  autre 
courrier  au  premier  dans  le  cas  où  les  événements  se  suivraient  assez  rapidement  pour 
l'exiger.  » 

(3)  On  connaît  ce  projet.  D'après  des  allégations  de  Musquinet  de  la  Pagne,  le 
maire  d'Ingouville,  un  navire  attendait  le  roi  au  Havre,  et  ce  navire  se  nommait  le 
Fwtuné,  ~  prénom  de  M.  d'Herbouville. 


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-  20  - 

Mis  en  cause,  Ducastel  intervient  et  renseigne  sur  ce  qui  le 
concerne,  avec  moins  de  clarté  peut-être  encore  que  Thieullen.  Il 
révèle  que,  malade,  il  chargea  Vimar  de  concerter  avec  la  députa  tien 
la  réponse  qui  fut  rédigée  chez  Tarbé  et  que  le  soir,  à  neuf  heures, 
en  se  retirant,  il  fut  arrêté,  conduit  à  la  mimicipalité  et  au  comité  de 
surveillance.  Le  courrier  aussi  avait  été  appréhendé,  ses  lettres  lues, 
mais  non  incriminées. 

Tout  concourait  à  donner  à  ces  éclaircissements  une  teinte 
embarrassée,  mystérieuse  et  inquiétante  :  Tarbé  vint  à  son  tour 
déclarer  qu'il  ne  retrouvait  pas  la  lettre  du  Directoire  du  départe- 
ment, restée  probablement  chez  lui,  d'après  Vimar. 

Et  il  semble  bien,  quand  on  voit  le  même  Tarbé,  quelques  jours 
auparavant,  dans  la  séance  du  10  août,  insister  vainement  pour  lire 
une  adresse  du  conseil  général  du  département  de  la  Seine-Infé- 
rieure (1),  qu'il  y  avait  eu  autre  chose  que  les  craintes  «  imaginaires  » 
d'invasion  dont  parlent  Thieullen  et  Ducastel.  Cette  adresse,  du  8 
août  (et  non  du  9),  proteste  contre  les  velléités  de  violation  de  la 
Constitution  par  l'Assemblée,  qui  se  laisse  présenter  des  pétitions 
tendant  h  la  déchéance  du  roi.  L'assemblée,  objecte-t-on,  ne  peut 
rien  proposer  ni  consentir  qui  porte  atteinte  à  la  Constitution. 
«  Louis  XVI  est  roi  par  la  Constitution,  comme  vous  êtes  législateurs 
par  la  Constitution.  Il  tient  son  droit  du  peuple  comme  vous  tenez 
le  vôtre,  et  vous  ne  pouvez  pas  plus  le  déclarer  déchu  que  lui  ne 
pourrait  vous  déclarer  dissous.  La  Nation  est  seule  souveraine.  » 

L'adresse  et  l'arrêté  du  lendemain  (2)  donnaient  créance  à 
tous  les  bruits  de  complots  ourdis  à  Rouen  et  avaient  déterminé  les 
investigations  à  la  suite  desquelles  Thieullen  avait  dû  se  rendre  à 
Paris  avec  M.  Rondeaux,  qui,  comme  lui,  avait  pris  part  aux 
délibérations  des  4,  8  et  9  août. 

Après  des  émotions  qui  n'étaient  pas  de  nature  à  raffermir  la 
santé  de  VOrateur  du  sentiment  (3),  MM.  Thieullen  et  Rondeaux 

(i)  Moniteur  du  28  juin  1792,  p.  761. 

(2)  Le  texte  de  l'adresse  et  de  l'arrêté  sont  dans  les  registres  du  département  et 
dans  le  numéro  du  Journal  de  Bouen  du  12  août. 

(3)  Surnom  donné  à  Thieullen  (  Lebreton,  Biographie). 


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-  21  - 

rentrèrent  à  Rouen,  et,  dans  la  séance  du  17  août,  le  premier  rendit 
verbalement  compte  du  voyage.  On  ratifia  le  serment  qu'il  avait 
prêté  devant  l'Assemblée  au  nom  du  département,  et  les  membres 
du  district  s'y  associèrent.  (1)  Le  Journal  de  Rouen,  en  publiant  le 
compte  rendu  de  la  séance  de  la  Convention  du  13,  passe  sous  silence 
les  apostrophes  de  Thuriot  et  les  dires  de  Ducastel.  A  l'en  croire 
«  les  explications  de  ThieuUen  ont  paru  à  la  Convention  sufiSsantes  à 
quelques  égards,  et,  après  débats,  il  a  été  admis  aux  honneurs  de  la 
séance...  (2) 

Cette  digression  me  sera  pardonnée,  je  pense  :  Elle  présente 
M.  Rondeaux  sous  un  jour  favorable  ;  elle  fait  voir  quel  renom  de 
royalisme  Rouen  s'était  acquis  au  sein  de  l'Assemblée  législative,  et 
quelle  surveillance  passionnée  s'exerçait  déjà  autour  des  adminis- 
trateurs du  département  à  Rouen  et  des  députés  à  Paris. 

Le  directoire  du  département,  surtout,  se  trouvait  irrémédia- 
blement atteint  d'un  discrédit  contre  lequel,  à  la  veille  des  élections, 
il  s'était  efforcé  de  réagir  par  des  manifestations  fréquentes.  Il  en 
est  une  surtout  qu'il  tint  à  faire  connaître  au  ministre  de  l'intérieur 
Roland,  lequel  l'approuva.  Je  veux  parler  de  sa  commande  vraiment 
opportuniste  au  peintre  Lemonnier,  le  21  septembre  1792,  d'un 
tableau  dont  il  agréa,  le  3  novembre,  l'esquisse  représentant  l'homme 
brisant  ses  fers  et  reconquérant  la  liberté  et  l'égalité  que  des  tyrans 
lui  avaient  ravie.  (3) 

M.  d'Herbouville  semble  avoir  été  le  candidat  préféré  du  conseil 
communal  sortant  qui,  le  17  décembre,  le  désigne  comme  délégué 
devant  présider  l'ouverture  de  la  sixième  section,  celle  de  son  domi- 

(1)  Arch.  dép.  Procès-verbaux  des  séances  du  dép». 

(2)  Journal  de  Rouen,  des  17  et  18  août  1793. 

(3)  Ce  tableau  devait  avoir  au  moins  9  pieds  de  hauteur  sur  6  à  7  de  largeur,  être 
encadré  d'une  bordure  dorée  d'une  valeur  de  5  à  600  1.  et  être  livré  dans  le  délai  de  6 
mois  contre  le  paiement  de  3,000  1.  M.  Rondeaux  était  chargé  d'en  surveiller  Texécution 
qui  eut  lieu.  —  N'est-ce  pas  celui  décrit  par  le  journal  de  HorchoUe  et  signalé  par  M.  de 
la  Bunodiére  (Notice  arch,  et  hist,  sur  l'église  Saint^Ouen  de  Rouen^  p.  66)  tableau  qui 
représentait  «  un  tyran  renversé  tenant  en  sa  main  un  poignard  et  enchaîné  par  le  cou 
d*ime  grosse  chidne  attachée  dans  une  muraille  »  ? 


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—  22  — 

cile,  laquelle  s  assemblait  dans  une  des  salles  de  la  ci-devant  com- 
munauté de  Saint-Patrice.  (1) 

S'il  se  présenta  sous  ce  patronage,  il  eut  tort,  carie  Conseil, 
tout  récemment,  s'était  aliéné  un  grand  nombre  d'électeurs.  Il  venait 
de  repousser,  à  deux  reprises,  les  tentatives  de  quatorze  des  vingt- 
six  sections  de  Rouen,  tendant  à  l'organisation  d'un  «  prétendu 
bureau  de  la  majorité  des  sections,  sorte  de  comité  central,  corps 
intermédiaire  délibérant  »  qualifié  d'illégal,  et  de  faire  poursuivre  le 
président  et  les  deux  secrétaires  de  ce  bureau,  comme  fauteurs  d'as- 
semblées illicites.  (2) 

Peut-être,  au  surplus,  les  deux  candidatures  Rondeaux  et  d'Her- 
bouville  n'étaient-elles  qu'une  tactique  dirigée  contre  les  révolution- 
naires. C'est  peu  vraisemblable,  toutefois.  Il  paraît  qu'à  ce  moment 
déjà  on  voulait  porter  Pillon  (3)  à  la  mairie,  et  que  dans  les  sections 
les  plus  populeuses  ses  adeptes  sollicitaient  les  ouvriers  dans  leurs 
ateliers,  offrant  de  l'argent  aux  uns,  faisant  boire  les  autres  pour 
obtenir  leurs  suffrages  (4). 

Quoi  qu'il  en  ait  été,  MM.  Rondeaux  et  d'Herbouville  obtinrent 
au  premier  tour  Je  scrutin  le  plus  grand  nombre  de  voix,  sans 
rétinir  la  pluralité  absolue  des  suffrages. 

Le  25  décembre,  le  second  tour  de  scrutin,  lors  duquel  les 
électeurs  n'avaient  pu  voter  que  pour  ces  deux  candidats  (5),  donna, 
sur  1747  votants,  1349  voix  à  M.  Rondeaux  qui  fut  élu.  Le  conseil 
général  de  la  commune,  en  proclamant  ce  résultat,  charge  les  citoyens 
Turgis,  officier  municipal,  Mauger,  notable.  Renard  et  Lemachoix, 
commissaires  de  sections,  d'aller  lui  faire  part  de  son  élection.  Ils 

(1)  Arch.  mpales.  Le  citoyen  Blanche  présidait  la  première  section,  réunie  en  la 
salle  d'administration  de  Tllôtel-Dieu  ;  Ribard  la  4«,  réunie  en  la  Chambre  dite  de 
Commerce  ;  Thésard  fils,  la  7«,  au  Palais  de  justice  ;  Bouvet,  la  8«,  en  la  salle  d'audience 
de  la  Maison  conunune  ;  Vimar,  la  12«,  en  la  salle  ci-devant  maison  de  Saint-Ouen  ; 
Gratien,  évêque,  la  14«,  en  la  salle  des  Etats  de  l'Archevêché  ;  Bignon,  l'alné,  la  !?•,  au 
Collège  ;  Legentil,  commissaire,  la  '18«,  aux  Capucins. 

(2)  Arch.  mpales.  Procès-verbaux  des  séances. 

(3)  Pillon  avait  alors  26  ans  et  3  mois.  —  L'âge  exigé  était  25  ans. 

(4)  Rapports  des  commissaires  des  sections  de  l'an  IIL 

(5)  Procès- verbaux  des  séances.  —  Décret  du  14  décembre  1789,  art.  16.  —  L*art.  8 
de  ce  décret  avait  supprimé  le  3«  tour  de  scrutin. 


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—  23- 

reviennent  avec  lui,  et  son  acceptation  a  lieu  dans  la  séance  de  ce 
jour  même  où  il  prononce  un  discours  qui,  pour  être  bref,  n'en  est 
pas  moins  remarquable.  «  Le  républicain,  dit  M.  Rondeaux,  déteste 
les  honteux  calculs  de  l'intérêt  personnel  :  il  tire  un  voile  sur  les 

idoles  de  son  cœur »  Le  citoyen  Asselin,  qui  préside,  lui 

répond  (1). 

Les  péripéties  de  ces  mémorables  élections,  faites  dans  des  jours 
si  critiques,  méritent  d'être  résumées. 

Deux  tours  de  scrutin  furent  aussi  nécessaires  pour  l'élection  de 
tous  les  officiers  municipaux.  Le  second  eut  lieu  les  30  et  31  dé- 
cembre. 2393  votants  donnèrent  à  :  Pillon,  1115  voix  ;  Pinel,  699  ; 
Jean  Asselin,  688;  Vulgis-Dujardin,  648;  Brémontier,  696;  Houel, 
588  ;  Lamine,  581  ;  Loui^  Robert,  550  ;  Levieux,  499  ;  Clavier,  488  ; 
Ddlamare,  486;  Leblond,  401;  Debonne  fils,  394;  Guillaume 
Adeline,  393  ;  Tamelier,  370,  et  Le  Canu  fils,  352. 

Après  eux  avaient  obtenu  le  plus  grand  nombre  de  suffrages  : 
Féré,  349;  Thiessé,  337  ;  Adam,  335  ;  Roger  fils,  Delalande,  Turgis, 
Hubert,  Houel,  Victor  Lefebvre  et  Harel. 

Quatre  des  élus,  G.  Adeline,  Levieux,  Debonne  fils  et  Houel, 
ayant  déclaré  ne  pouvoir  accepter,  il  fut  décidé  qu'ils  seraient  rem- 
placés non  par  des  notables,  mais  par  les  citoyens  ayant  réuni  le  plus 
de  voix  après  les  élus.  Thiessé  qui,  on  vient  de  le  voir,  est  le  second, 
refuse.  Par  suite,  ce  sont  les  citoyens  Féré,  Roger  fils,  Delalande  et 
Hubert  qui  se  trouvent  être  nommés.  A  leur  tour,  Vulgis  Dujardin, 
Delalande,  Hubert  et  Brémontier  n'acceptent  point  et  sont  remplacés 
par  Victor  Lefebvre,  Harel  et  Turgis.  Une  dernière  modification 
survient,  Brémontier  s'étant  décidé  à  accepter. 

Il  faut  pareillement  deux  tours  pour  le  procureur  de  la  commune. 
Les  candidats  sont  Lecoutour  et  Harel.  Le  premier  triomphe  le 
3  janvier  avec  1,034  voix  contre  729. 

Le  substitut  est  élu  le  6  janvier,  toujours  au  deuxième  tour. 
C'est  Pierre  Lecomte,  grefiSer  des  consuls,  premier  des  députés 
suppléants  à  la  Convention  (2)  qui  remporte  la  victoire  par  872  voix. 

(i)  Id.  —  Le  discours  de  M.  Rondeaux  est  dans  le  Journal  de  Rouen^  du  98  décembre. 
(3)  Pierre  Lecomte  est  vraisemblablement  le  même  que  Lecomte,  bourgeois,  rue 


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-  24- 

Elle    lui    a  été  très  vivement  disputée  par  Samson  (1)  qui   en 
obtient  742. 

Pour  ne  pas  scinder  ce  tableau  succinct  des  élections,  il  est 
nécessaire  d'anticiper  sur  les  événements  et  d'aller  jusqu'au 
11  janvier.  Le  dépouillement  du  scrutin  pour  la  nomination  des 
quarantenleux  notables  avait  été  fixé  à  cette  date  à  six  heures  du 
soir.  Mais  les  manifestations  de  la  place  de  la  Rougemare  sur- 
viennent et  obligent  aie  remettre  au  lendemain  matin.  Les  mêmes 
causes  font  qu'il  a  lieu  seulement  le  12,  à  deux  heures  et  demie  et  à 
cinq  heures  du  soir. 

Voici  ces  notables  :  Arvers,  Guyet,  R.  Allais,  Eudeline  le  jeune, 
Poret  fils  aîné,  Thiessé,  Vulgis-Dujardin,  J.-B.  Pinel,  Desaubris, 
Samson  ,  Villard ,  Carré ,  Pouchet  -  Maugendre ,  Harel ,  Tarbé, 
Lebertois,  Houel,  Dieu,  Bellencontre,  Guill.  Lefebvre,  Anque- 
tin  le  jeune,  Herbouville,  Lagnistre,  Mordant,  Le  Boucher, 
L.  Hurard ,  Isambert ,  Bérard ,  Bénicourt ,  Gambard ,  Desmalis, 
Gaillon,  Lepiller,  Néel,  BouUenger,  Prosper  Ribard,  Chouquet, 
Lézurier  fils  aîné,  Grandcourt,  Thorel,  Delacroix  et  Pemelle. 

Neuf  n'acceptent  pas  :  Villard,  Houel,  G.  Lefebvre,  Mordant, 
Hurard,  Isambert,  Lepiller,  Ribard  et  Pemelle.  On  leur  substitue 
Guttinguer,  Huault,  Long,  Dumare,  Thomas  père,  Legendre, 
Digard,  curé.  Barbier  et  Duplessis  (2)  premiers  suppléants. 

En  somme,  seize  des  oflBciers  municipaux  sur  vingt,  plus 
M.  Rondeaux,  et  vingt-sept  des  quarante- deux  notables  sont  de 
nouveaux  venus  dans  l'assemblée  communale. 

L'élection  de  huit  commissaires  de  police  n'est  intéressante  à 
mentionner  que  parce  que  le  24  janvier  il  se  produisit  de  la  part  de 
la  23*  section  des  protestations  contre  la  nomination  du  citoyen 
Legentil.  En  oulre,  celui-ci  fut  mêlé,  dans  les  premiers  mois  de  1794, 
à  une  ((  ténébreuse  affaire  »  dont  les  détails  jettent  un  jour  singulier 
sur  les  dessous  de  la  police  révolutionnaire  à  Rouen.  Au  surplus, 
la  plupart  de  ces  «  fonctionnaires  »  ayant  au  moins  momentanément 

de  l'Estrade,  notable  sous  la  première  municipalité  de  Fontenay.  —  11  était  célibataire 
et  âgé  en  1794  de  quarante-neuf  ans. 

(1)  Louis-Michel  Sanson,  avocat  depuis  4781,  demeurait  rue  du  Sacre,  18. 

(2)  Le  31  janvier,  Duplessis,  notable,  donne  sa  démission,  vu  ses  infirmités. 


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-  25  - 

figuré  sur  les  listes  de  terroristes,  leurs  noms  sont  utiles  à  connaître. 
Les  voici,  avec  l'indication  des  divisions  dont  ils  furent  chargés  : 
Vincent  (le  Champ-de-Mars)  ;  Legentil  (Robec)  ;  Cottais  (Saint- 
Sever^  ;  Lemonnier  (la  Crosse)  ;  Lemoine  (la  Bourse)  ;  Gontier 
(Cauchoise)  ;  Dubost  (Notre-Dame),  et  Beaufils  (Saint-Hilaire). 

Le  Conseil  général  sortant  resta  sans  maire  depuis  la  démission 
de  M.  de  Fontenay  jusqu'au  18  janvier  1793.  En  même  temps  que  ce 
dernier,  le  procureur  de  la  commune,  Bazire,  sort  lui-môme  du 
conseil  par  suite  de  sa  nomination  comme  membre  du  directoire  du 
département.  Lecoutour,  son  substitut,  qui,  ne  prévoyant  pas  être 
élu  le  3  janvier,  pour  succéder  à  Bazire,  a  accepté  les  fonctions  de 
juge  au  tribunal  du  district,  prive  ainsi  momentanément  le  conseil 
de  son  concours. 

Pendant  cette  période  de  près  de  trois  mois,  d'une  agitation 
extrême,  la  présidence  du  conseil  se  trouva  dévolue  au  troisième  (1) 
officier  municipal  inscrit,  T.-L.  Asselin  (2)  ;  Debonne  fils  et  Houel 
auraient  rempli  les  fonctions  de  procureur  et  de  substitut  (3). 

Ce  furent  ces  hommes,  moins  expérimentés  et  moins  doués  que 
les  titulaires  prématurément  sortis  du  conseil,  qui,  en  janvier, 
eurent  à  faire  face  aux  embarras  sérieux  créés  par  une  tumultueuse 
manifestation  en  faveur  du  roi.  Il  me  faut  parler  de  cette  affaire 
en  évitant  les  redites  et  en  apportant  un  utile  contingent  de  détails 
absolument  inédits. 

(i)  Les  deux  premiers  étaient  Deschamps,  négociant,  rue  Martainville,  et  Le  Boucher, 
homme  de  loi,  entrés  au  directoire  du  district.  Le  Boucher  revint  à  la  commune  en 
qualité  de  notable. 

(2)  Thomas-Lôuis  Asselin,  négociant,  rue  de  la  Pie,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec 
Jean  Asselin,  aussi  négociant  et  officier  municipal  lequel  demeure  place  du  Marché 
aux  Veaux. 

(3)  D'après  M.  Gosselin.  On  verra  plus  loin  que  Lecoutour  et  Lecomte  étaient 
entrés  en  fonctions  à  la  municipalité  au  moins  dès  le  12  janvier,  six  jours  |avant  l'instal- 
lation officielle.  —  Houel  et  Debonne  furent  témoins  dans  le  procès  Aumont-Leclerc 
devant  le  tribunal  révolutionnaire  de  Paris.  —  Debonne  essaya  de  se  faire  récuser  à 
raison  de  sa  qualité  d'officier  municipal,  et  comme  ayant  signé  les  procès-verbaux. 
Son  audition  fut  ordonnée  «  sauf  aux  citoyens  jurés  à  avoir  tel  égard  que  de  raison  à 
sa  déposition  >.  Houel  fut  entendu  sur  assignations  de  l'accusateur  public  et  d'Aumont. 
Jacques  Debonne  fils  aîné  «  ex-marchand  en  détail,  »  fut  arrêté  le  19  brumaire  an  II, 
comme  suspect  d'incivisme  et  d'aristocratie  et  mis  en  liberté  par  le  représentant 
Guimberteau  sur  un  «  tableau  de  sa  conduite  politique  ». 


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Ainsi  que  l'imprimeur  Leclerc  l'avait  annoncé  dans  son  journal 
la  Chronique  Nationale  et  Etrangère  (1),  le  9  janvier,  et,  comme 
l'avocat  Aumont  était  venu  en  prévenir  Houel,  faisant  fonctions  de 
substitut,  dans  la  matinée  du  vendredi  11  janvier,  cette  adresse  se 
signait  devant  la  maison  d' Aumont  lui-même,  place  de  la  Rougemare, 
n<>  7  (2).  Le  peu  de  délai  ne  permettant  pas  de  remplir  des  formalités 
pour  obtenir  un  autre  local,  un  Avis  aux  Citoyens,  imprimé  sur 
papier  rouge,  affiché  et  distribué  avec  profusion,  l'avait  annoncé  au 
public  (3). 

La  municipalité  n'avait  point  mis  obstacle,  d'abord,  à  l'accom- 
plissement de  ces  desseins,  à  la  signature  de  l'adresse;  mais  le  nombre 
considérable  de  personnes  qui  la  souscrivaient  de  leurs  noms  (4)  et 
que,  dans  une  période  électorale  surtout,  on  ne  pouvait  manquer 
d'observer,  d'épier,  attira  promptement  l'attention  des  partisans  de 
la  révolution.  Dans  cette  foule  on  retrouva  môme  Henry  La  Chambre, 

(i)  Ce  jovrnal  avait  pour  directeur-gérant  Leclerc.  Son  imprimerie  était  dirigée  par 
un  sieur  Besche,  rue  Saint- Lô,  il.  Ce  Besche  (Nicolas-Gemiain)  fut  emprisonné  par 
mesure  de  haute  police  et  mis  au  secret  pendant  un  mois  en  juin-juillet  1806.  \\  avait 
une  maîtresse,  «  femme  romanesque,  fanatisée  avec  les  romans  »  qui  avait  «  la  manie 
de  toujours  vouloir  être  riche  quoique  brouillée  avec  la  fortune,  jusqu'au  point  de 
s'être  donnée  à  connaître  pour  la  marquise  de  Neuilly.  » 

(2)  Cette  maison  avait  été  acquise  par  Aumont  de  Gaspard-Charles  Bunel,  médecin 
à  Neufchâtel,  à  la  charge  d'une  rente  viagère  due  à  M.  Du  val.  Elle  se  composait  d'un 
grand  corps  de  logis,  au  bas  de  la  rue  des  Carmélites,  faisant  face  sur  la  place  du 
marché  de  la  Rougemare.  Aumont  en  avait  une  autre  sur  la  même  place,  louée  au  sieur 
Noël,  et  une  troisième  rue  Saint-Patrice.  U  possédait  trois  fermes  à  Pissy,  à  Saint- 
Jean-du-Cardonnay  et  à  Barentin,  et  d'autres  biens  à  Quincampoix  et  en  Basse- 
Normandie,  plus  des  rentes.  Il  empruntait  le  \*^  septembre  1792,  10,000  1.  de  Louis 
Bobée,  de  Rouen,  et  le  6  juin  1793  (veille  de  son  transfert  à  Paris),  s^ns  doute  pour  les 
besoins  de  son  procès,  3,000  1.  de  H.-A.  Ricquier,  de  Rouen,  dont  le  billet  était  déposé  à 
Castel,  notaire.  Le  premier  emprunt  pouvait  bien  avoir  servi  à  la  campagne  royaliste,  à 
la  proj)agande  dont  Fouquier-Tinville  l'accuse  lorsqu'il  dit  que  trois  semaines  avant  le 
il  janvier,  Aumont  faisait  changer  des  écus  de  six  francs  en  petite  monnaie  de  24  sols 
et  de  12  sols  et  qu'un  seul  citoyen  lui  en  a  changé  pour  60  1.  —  Dix-sept  maisons  de  la 
place  de  la  Rougemare  appartenaient  à  l'abbaye  de  Saint-Ouen,  et  avaient  été  vendues 
les  25  juin  et  26  octobre  1791,  comme  biens  nationaux. 

(3)  Réquisitoire  de  Fouquier-Tinville.  Arch.  nat.  W  285,  dossier  131,  1^  partie, 
pièce  4. 

(4)  30,000  personnes,  dit-on  notamment  dans  VHistoire  des  Villes  de  France,  de 
Guilbert,  et  dans  le  Dict.  de  la  Révolution^  de  E.  Boussin  et  Challamel,  défilèrent  chez 
Aimiont, 


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-  27  - 
qui  avait  été  le  premier  à  signer,  et  Ton  sut  qu'il  avait  acheté  de 
l'encre,  du  papier  et  des  plumes,  recevant  ensuite  les  signatiures,  et 
signant  pour  les  illettrés  (1). 

La  forte  logique  de  l'écrit  d'Aumont  avait  provoqué  l'explosion 
du  sentiment  public  déjà  surexcité  par  d'énergiques  efforts  pour 
sauver  Louis  XVI.  Jusque-là,  nul  n'avait  osé  recourir  ouvertement 
aune  telle  manifestation  (2).  Aussi  Fouquier-Tinville  put-il  soutenir 
que  l'Adresse  n'était  qu'un  prétexte  pour  exciter  une  sédition. 

L'enthousiasme  bruyant  des  signataires,  leurs  cris  de  Vive  le 
Roi!  durent  confirmer  les  révolutionnaires  dans  la  pensée  que 
l'émotion  causée  par  le  procès  du  roi,  ravivée  par  l'Adresse,  avait 
contribué  pour  beaucoup  à  diminuer  leurs  succès  électoraux,  surtout 
pour  les  notables. 

Les  membres  du  nouveau  conseil  appartenaient  effectivement 
à  peu  près  pour  moitié  au  parti  modéré  et  pour  moitié  à  celui  des 
Montagnards.  Ceux-ci,  pour  dominer,  devaient  recourir  à  l'intimi- 
dation, à  la  violence.  Ils  n'allaient  pas  y  manquer,  soutenus  qu'ils 
étaient  par  les  excitations  et  les  exemples  de  Paris  et  surtout  par 
l'ardent  désir  de  ne  pas  voir  renaître  les  soupçons  qui  avaient  mis 
Rouen  en  si  grande  défaveur  auprès  de  la  Convention. 

D'où  le  tumulte  survenu  tout  à  coup,  le  11,  à  l'instant  où  étaient 
au  moins  pressentis,  sinon  connus,  les  résultats  de  l'élection  des 
notables,  faciles  à  supputer  pour  les  initiés,  pour  ceux  qui  savaient 
les  votes  des  sections,  avant  même  le  dépouillement  général. 

A  partir  de  ce  même  jour,  11  janvier,  une  cinquantaine  d'arres- 
tions  sont  opérées  dont  quinze  à  cette  date  même.  Les  personnes 

(1)  Réquisitoire  de  Fouquier-Tinville. 

(2)  Outre  Y  Adresse  des  450  communes  de  Normandie  (anonyme),  à  la  Conventiou 
sur  le  jugement  de  Louis  XVI,  datée  de  1793,  il  y  a  aux  Arch.  nat.  différents  écrits  ayant 
rapport  au  procès  du  roi,  et  venant  de  Rouen.  Entre  autres,  une  lettre  d'un  t  citoyen  lio 
Rouen  qui  veut  le  bien  »  —  vraisemblablement  un  avocat,  —  datée  du  8  décembre  179;^, 
résxunant  les  principes  que  la  Convention  va  violer  dans  Taffaire  du  ci-devant  roi  : 
Le  !•',  qui  veut  qu'on  ne  juge  personne  sans  l'entendre  ou  sans  l'appeler;  le  2«,.  qu*oîi 
ne  peut  juger  sur  des  pièces  non  représentées  ou  des  faits  non  communiqués;  le 
3»,  qu'on  ne  peut  juger  deux  fois  ni  infliger  deux  peines  à  une  même  personne  pour  urj 
même  fait;  le  4«,  qu'on  ne  peut  juger  quelqu'un  contre  le  vœu  de  la  loi;  le  5«,  qu'il 
but  un  tribunal  spécial;  le  6*,  que  la  Convention  ne  peut,  puisqu'elle  accuse,  jugei' 
raccusé,  etc... 


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-  28  - 

arrêtées  sont  conduites  les  unes  au  violon,  les  autres  à  la  maison 
d'arrêt  de  Saint-Lô.  La  quatrième  et  la  cinquième  de  celles-ci, 
amenées  le  12  par  des  gendarmes,  sont  Georges-Michel  Aumont  (1) 
avocat,  et  Jacques  Leclerc,  imprimeur,  prévenus  :  l'un  d'être  l'auteur 
«  d'un  rassemblement  de  citoyens  des  deux  sexes  à  l'occasion  d'un 
»  projet  d'adresse  »  et  l'autre  a  d'avoir  distribué  le  même  projet 
»  d'adresse  in-12.  contenant  huit  pages,  tendant  à  soulever  les  cito- 
»  yens  et  à  troubler  la  sûreté  générale,  qui  a  été  troublée  par  un 
»  attroupement  considérable  (2).  » 

Leclerc,  arrêté  et  mis  en  liberté  le  11  ou  le  12,  est,  cette  fois, 
repris  sur  un  violent  réquisitoire  de  Descroisilles,  a-t-on  dit.  Ne 
serait-ce  pas  plutôt  après  un  réquisitoire  prononcé  dans  une  séance 
de  ce  jour  par  le  suppléant  du  procureur  de  la  commune,  dont  le  nom 
est  un  problème  :  Le  procureur  Basire  est  démissionnaire  et  passé  au 
département;  son  substitut,  Lecoutour,  devenu  juge,  lui  succède 
ensuite  comme  procureur  le  3  janvier,  mais  n'est  pas  encore  installé. 
D'après  la  version  de  M.  Gosselin,  ce  devait  être  Houel  ou  Debonne 
qui  aurait  eu  le  12  à  requérir  contre  Leclerc.  Il  semble  pourtant  que 
ce  fut  le  substitut  du  procureur  de  la  Commune,  Lecomte,  qui  prit 
la  parole.  Il  est  aux  séances  dès  avant  le  10,  et  se  présente,  en  cette 
qualité,  devant  le  district,  le  11  ;  il  assiste  sans  mention  de  qualité 
à  la  délibération  du  12,  et  il  signe  pour  V absence  du  procureur  de  la 
Commune  l'expédition  de  cette  délibération  envoyée  à  la  Convention 
et  la  proclamation  de  la  Commune,  du  12  janvier.  Cependant,  il 
apparaît,  on  le  verra  tout  à  l'heure,  que  Descroisilles  a  pris  part  aux 
agissements  de  la  Société  populaire  contre  les  auteurs  de  la  manifes- 
tation de  la  place  de  la  Rougemare. 

(1)  Aumont,  inscrit  depuis  1775,  était  né  à  Rouen,  paroisse  Saint-Godard,  le  juillet 
1750,  du  second  mariage  de  Georges  Aumont,  bourgeois  de  Rouen,  avec  une  fille  de 
Vincent  Gautier,  avocat  au  parlement  de  Normandie.  Il  avait  épousé  Marie-Françoise 
Cossart,  fille  du  doyen  des  huissiers  du  parlement  et  de  l'amirauté.  Sa  sœur  était  mariée 
à  Lesage,  avocat,  conseiller  du  roi,  juge-garde  en  la  monnaie  de  Rouen  (1778).  En 
Fan  VII,  M™«  veuve  Aumont,  née  Cossart,  fut  soupçonnée  d'avoir  donné  asile  à  un 
émigré  du  département  de  Loir-et-Cher,  et  signalée  comme  étant  très  connue  pour  être 
très  attachée  au  parti  royaliste  et  «  pour  avoir  été  l'amie  et  la  grande  protectrice  du 
trop  fameux  Gérard-Saint-Elme.  »  —  Arch.  mpales. 

(2)  Mandats  d'arrêt  datés  du  12,  signés  de  Debonne  fUs,  pour  Aumont,  et  d'Asselin 
pour  Leclerc. 


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-  29  — 

Les  noms  d'Aumont  et  de  Leclerc  prédominent  dans  toute  la 
suite  de  Tafifaire  de  la  Rougemare.  C'étaient,  au  surplus,  ceux  de 
deux  hommes  que  leurs  antécédents,  leur  situation  et  par  dessus 
tout  vraisemblement  leurs  relations  mettaient  en  évidence.  Certaines 
particularités  fort  peu  connues  peuvent  en  partie  expliquer, 
avec  les  circonstances  où  se  produisit  la  manifestation  des  11, 
12  et  13  janvier,  leur  rôle  et  Tacharnement  mis  à  s'occuper  d'eux, 
d'une  part  pour  les  perdre,  d'autre  part  pour  les  sauver. 

Avant  la  révolution,  Aumont  ajoutait  à  sa  profession  d'avocat 
au  Parlement  et  près  la  cour  des  Comptes  les  fonctions  de  procureur 
du  roi  à  l'hôtel  des  Monnaies  dé  Rouen  et  d'avocat  fiscal  de  la  haute 
justice  du  chapitre  Notre-Dame. 

Il  avait  déjà  des  ennemis.  Le  24  mai  1788,  M.  de  Breteuil,  mi- 
nistre du  département  de  la  maison  du  Roi  et  de  Paris,  adresse  à 
M.  de  Maussion,  intendant  de  Rouen,  une  lettre  d'un  pseudo  comte 
de  Foy ,  a  un  malintentionné  qui  a  contrefait  son  écriture  et  employé 
un  nom  supposé  »  imputant  k  plusieurs  aoocats  de  Rouen  des  pro- 
pos séditieux  et  de  chercher  à  soulever  le  peuple  ! 

Des  informations  prises,  il  résulta  que  «  ces  avocats  n'étaient 
»  rien  moins  que  capables  de  mauvais  propos.  Ils  jouissent  d'une 
»  bonne  réputation.  Il  en  est  trois  surtout  qui,  réunissant  à  la  pro- 
»  fession  d'avocat  d'autres  fonctions  honorables,  ne  se  hasarde- 
»  raient  pas  à  faire  la  moindre  chose  qui  pût  les  compromettre.  — 
»  Le  S"^  Barrois  (1)  qui  a  toujours  passé  pour  un  homme  sage  et  pru- 
»  dent  est  le  chef  de  la  juridiction  de  la  vicomte  de  l'Eau  ;  il  a  cepen- 
))  dant  la  profession  d'avocat,  ainsi  qu'un  de  ses  frères  ;  il  ne  m'a 
»  pas  été  possible  de  savoir  lequel  des  deux  on  a  prétendu  inculper. 
))  Le  sieur  Aumont  est  procureur  du  roi  de  la  Monnaye  et  le  S' 

[1]  Le  25  avril  1789,  M.  Barrois,  vicomte  de  TEau,  accepte  les  fonctions  de  secré- 
taire de  la  députation  aux  Etats-généraux.  (Invent,  sommaire  des  Archives  comm.  de 
Rouen,  A.  55,  p.  453).  Le  20  septembre  1790,  le  directoire  du  département  certifie  que 
M.  Barrois,  vicomte  de  l'Eau  et  membre  du  district  de  Rouen,  est  digne  de  remplir 
toutes  les  fonctions  de  judicature  qu'il  plaira  à  S.  M.  de  lui  confier.  (Reg.  du  dép^).  A  la 
fin  de  décembre  suivant,  commissaire  national  du  district  de  Cany,  il  fut  destitué 
dans  les  derniers  jours  d'octobre  1793  et  arrêté  pour  incivisme.  (Arch.  municipales  de 
Rouen).  Il  a  dû  occuper  auparavant  le  même  poste  à  Gournay. 


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—  30  — 

»  Bayeux  (1)  est  secrétaire  provincial.  Quant  au  S""  Thierry,  on  sait 
»  qu'il  est  à  Paris  depuis  quelque  temps  (2).  On  prétend  même  qu'il 
»  y  sollicite  une  place  dans  l'un  des  nouveaux  tribunaux.  »  (3) 

Ce  dénonciateur,  on  peut  le  supposer,  se  retrouve  parmi  les 
plus  déchaînés  contre  Aumont  ei  janvier  1793. 

Leclerc,  lui,  avait  été  une  première  fois  arrêté  le  40  sep- 
tembre 1792  par  un  des  agents  (4)  des  commissaires  du  conseil 
exécutif,  et  incarcéré  à  Saint-Lô  d  où  il  était  sorti  le  15  du  même 
mois.  Cela  s'était  produit  à  la  suite  d'un  procès-verbal  dressé  par 
Mariette,  juge  de  paix,  membre  du  bureau  de  sûreté,  à  ce  moment- 
là  candidat  à  la  députation.  Dans  ce  procès-verbal,  les  sieurs 
Guisier  et  Laugeux,  (5)  —  deux  noms  à  retenir,  le  dernier  surtout,  — 
dénonçaient,  en  leur  qualité  de  commissaires  et  au  nom  des  13*  et 
14*  sections  réunies,  (6)  un  paragraphe  de  la  lettre  d'un  soldat  du 


(1)  Georges-Mathieii-Nicolas-Denis  Bayeux  «  avocat  au  Parlement,  secrétaire  pro- 
vincial de  l'administration  de  la  Haute-Normandie,  membre  de  l'Académie  royale  des 
sciences,  arts  et  belles-lettres  de  Rouen,  correspondant  de  l'Académie  des  Inscriptions 
et  belles-lettres  de  Paris  »,  marié  a  Louise-Anne-Julie  Guillot  de  Colleville,  laquelle  était 
originaire  de  Carcagny,  près  Bayeux.  Ces  prénoms  et  ces  qualités  sont  donnés  à  Bayeux 
et  dans  les  actes  de  naissance  de  son  fils  de  sa  fille  à  Rouen  (Saint-Patrice,  2  mars  1784 
et  7  mars  1788).  Le  fils,  Georges-Félix  (et  non  Georges- Louis),  était  né  en  1784,  et  non  en 
1796,  et  avait  eu  pour  pîirrain  Doury,  procureur  au  Parlement  de  Normandie,  empri- 
sonné sous  la  Terreur,  et  qui,  après  Tbermidor,  voulut  faire  condamner  4.  Darcel,  pour 
arrestation  arbitraire.  On  sait  que  Bayeux,  devenu  procureur  général  syndic  du  Calvados, 
fut  massacré  à  Caen,  le  6  septembre  1792.  (Eug.  de  Beaure paire,  La  Not^rtiandie  en  i79S^ 
Assassinat  de  Georges  Bayettjc,  procureur  général  syndic  du  Calvados^  Revue  de  la  Révo- 
lution, 1887,  1. 1,  pp.  441  et  suiv.,  et  t.  II,  pp.  3  et  suiv.). 

12)  Beau- frère  de  Thiessé. 

3)  Lettre  de  M.  de  Maussi5n,  intendant,  au  ministre,  du  15  juin  1788  (Arch.  dép. 
C.  318.) 

(4)  Cet  agent,  clubiste  parisien,  qui  se  vantait  de  cette  arrestation,  avait  été,  lés 
4  et  6  août  1789,  comme  Bordier,  Jourdain  et  Bance,  incarcéré  deux  fois  de  suite.  Plus 
habile  que  ceux-ci,  qu'il  avait  peut  être  entraînés  et  dirigés,  il  sut  se  tirer  d'affaire  et 
passer  inaperçu.  A  en  juger  par  ceiiains  indices,  ce  dut  être  lui  qui  rédigea  le  placard 
provocateur  de  la  nuit  du  24-25  juillet  :  «  Nation,  vous  avez  ici  quatre  têtes  à  abattre...  » 
Ce  personnage  vint  et  séjourna  plusieurs  fois  à  Rouen  à  des  époques  mémorables  et  y 
écrivit  un  de  ses  plus  fameux  pamphlets.  J'ai  recueilli  sur  lui  nombre  de  notes  que  je 
compte  faire  connaître  dans  une  publication  ultérieure. 

(5)  Laugeux,  dont  il  sera  plus  d'une  fois  question,  était  alors  secrétaire  des  commis- 
saires du  pouvoir  exécutif. 

(6)  Ces  deux  sections  comprenaient  notamment  Saint- Vivien  et  Saint-Hilaire. 


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-  34  - 

camp  de  Mouzon,  du  28  août,  insérée  dans  la  Chronique  Nationale 
du  2  septembre,  faisant  pressentir  que  les  ennemis  pourraient  bien 
gagner  jusqu'à  Paris. 

La  société  des  Amis  de  la  liberté  et  de  l'égalité  a  un  compte  à 
régler  avec  Leclerc,  dont  le  journal  Ta  attaqué  naguère ,  lorsqu'elle 
s'appelait  la  société  des  Amis  de  la  Constitution.  Dans  sa  «juste  indi- 
gnation »  elle  a  arrêté,  le  7  décembre  1790,  de  cesser  de  suite  son 
abonnement  à  ce  journal  de  laristocratie,  et  d'inviter  tous  les 
membres  à  ne  plus  recevoir  chez  eux  cette  feuille  proscrite  (1). 

Ce  qui  s'est  passé  depuis  n'a  pas  amélior  S  les  rapports  entre  la 
Chronique  nationale  et  étrangère  et  la  Société.  Toujours  aux  aguets, 
celle-ci,  la  première,  a  été  renseignée  sur  les  projets  d'Aumont  et  de 
Leclerc  et  sur  le  texte  même  de  la  «  fameuse  »  adresse,  que  le 
citoyen  Garraut,  —  un  futur  comniissaire  de  police  qu'elle  récom- 
pensera par  une  mention  honorable,  —  est  venu  lui  dénoncer  avec 
un  «  courage  républicain.  »  (2) 

Deux  de  ses  membres,  Néel,  notable,  et  Lamine,  architecte, 
officier  municipal,  tous  les  deux  récemment  élus,  viennent  signaler 
à  la  commune  et  au  directoire  du  département  les  faits  dont  la  place 
de  la  Rougemare  est  le  théâtre.  (3) 

Mais  la  Société  ne  s'en  est  pas  tenue  là  :  le  10  janvier  (et  non  le  12), 
elle  charge  Lecanu  de  la  rédaction  d'une  adresse  tendant  à  faire 
repousser  par  la  Convention  l'appel  au  peuple ,  et  répondant 
en  quelque  sorte  à  celle  qu'allait  publier  et  faire  signer  Aumont. 
Lecanu  en  donne  lecture  dans  la  séance  du  lendemain,  et  elle  reste 
déposée  sur  le  bureau  «  pour  que  chaque  individu  à  qui  elle  convient 
puisse  la  signer».  Les  déductions  insinuantes  et  l'âpre  concision  de  ce 
document  montrent  combien  étaient  grandes  l'irritation  et  l'ardeur 
dans  le  camp  des  révolutionnaires,  et  quelle  activité  ils  durent 
mettre  à  le  faire  couvrir  de  signatures  durant  la  partie  de  la  journée 
du  12  qui  leur  restait. 

Dans  la  séance  du  samedi  12 ,  la  société  décide  que  deux  com- 


(1)  Procès-verbaux  des  séances  de  la  Société  des  Amis  de  la  Liberté  et  de  l'Egalité. 

(2)  id.  id. 

(3)  M.  Gosseliii,  ouvr.  cité. 


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missaires,  Poret  et  Lecanu  (1),  seront  envoyés  à  la  Convention 
pour  porter  cette  adresse  et  Thistorique  de  ce  qui  s'est  passé. 
Descroisilles  lit  «  les  événements  arrivés  hier,  rédigées  par  lui-même, 
ainsi  que  les  députés  les  présenteront  à  la  Convention.»  Approuvant 
le  travail  du  frère  Descroisilles,  elle  l'invite  à  continuer  le  a  journal 
des  événements  »  de  ce  jour  et  du  13  jusqu'à  l'heure  delà  poste,  et 
à  les  envoyer  à  Poretet  Lecanu.  Ceux-ci  en  feront  part  à  la  Con- 
vention ((  qui  sera  satisfaite  de  voir  encore  une  fois  de  plus 
l'hideuse  (sic)  aristocratie  terrassée  par  le  plus  courageux  patrio- 
tisme. »  Et  la  séance,  que  la  Marseillaise  ouvrit,  s'achève  au  chant 
de  «  la  même  hymne,  par  Bignon,  le  jeune,  (2)  qui  y  a  ajouté  un 
couplet  de  sa  façon.  )) 

Le  dimanche  13,  la  Convention  admettait  à  sa  barre  a  un 
ofUcier  municipal  et  un  officier  de  la  garde  nationale  de  Rouen  (3)  qui 
avaient  fait  le  voyage  exprès,  »  dit  M.  Gosselin  en  exprimant  le 
regret  de  ne  pas  savoir  leurs  noms.  Ces  noms,  on  vient  de  le  voir, 
sont  ceux  de  Poret  et  Lecanu,  tous  les  deux  avocats,  acharnés  à  la 
perte  d'un  de  leurs  confrères. 

Cette  «  députation  »  présente  la  pétition  que  ses  mandants 
opposent  à  l'adresse  d'Aumont,  pétition  qui  mérite  d'être  connue  :  (4) 

«  Représentants  du  peuple, 

»  Vous  avez  décrété  que  vous  jugeriez  Louis  XVI  :  plus  de 


(i)  La  biographie  de  Tavocat  révolutionnaire  Lecanu  serait  i*une  des  plus  curieuses 
et  des  plus  chargées.  On  retrouvera  plusieurs  fois  son  nom  a^i  cours  de  ce  travail. 

(2)  Bignon,  le  jeune,  avait  alors  22  ans.  11  devint  secrétaire  de  la  Société  populaire, 
y  prit  parti  dans  une  des  questions  qui  passionnèrent  le  plus  les  patriotes,  et  raoatra 
qu'il  s'occupait  plus  encore  de  politique  que  de  chansons. 

(3)  Moniteur  du  16  janvier  1793,  p.  70,  col.  2.  L'extrait  imprimé  du  procès- verbal  de  la 
Convention  dit  :  c  Une  députation  des  citoyens  de  la  ville  de  Rouen  est  admise  à  la 
barre.  »  L'officier  municipal  est  Lecanu,  l'officier  de  la  garde  nationale  est  PoreU 

(4)  M.  Gosselin,  Revue  de  la  NomiatidiCj  1866,  p.  648,  dit  inexactement  que  cette 
pétition  demandait  la  mort  de  Louis  XVL— Il  y  en  eut  une  autre,  des  «  prétendus  sans- 
culottes  »  de  Rouen,  adressée  au  ministre  de  l'intérieur,  dont  je  ne  connais  pas  le  texte 
et  qui  donna  lieu  à  des  poursuites  contre  les  citoyens  Dupont  et  Letellier,  un  moment 
détenus  en  janvier  1793.  Ayant  établi  qu'ils  n'en  n'étaient  pas  les  auteurs,  ils  obtinrent 
d'être  relâchés  le  30  janvier,  sur  un  ordre  signé  Rondeaux  et  Havard.  (Procès- verbaux 
des  délibérations  de  la  commune,  27  et  30  janvier.) 


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—  33  — 

délai,  et  faites  que  lundi  ne  se  passe  pas  sans-  que^ous  prononciez  ce 
jugement.  Quel  qu'il  soit,  le  peuple  le  sanctionne  d'avance. 

»  L'assemblée  législative  a  suspendu  Louis  et  Ta  renvoyé  à  une 
Convention  pour  être  jugé.  Elle  nous  a  invités  de  nous  réunir  en 
Assemblées  primaires  pour  nommer  nos  députés  à  cotte  Convention. 
Nous  vous  avons  nommés  ;  vous  êtes  donc  délégués  par  nous  pour 
juger  ce  grand  coupable. 

»  Que  signifie  cet  appel  au  peuple,  que  l'on  vous  propose  ? 
Nous  vous  le  déclarons  formellement,  il  n'en  faut  pas  :  C'est  l'appel 
à  la  guerre  civile.  Louis  est-il  donc  pins  qu'un  homme,  pour  le 
donner  à  juger  au  souverain  lui-même  ?  Nous  avons  exercé  notre 
souveraineté  en  vous  déléguant  pour  ce  jugement.  Vous  êtes  revêtus 
de  nos  pouvoirs  illimités.  Jugez  donc,  et  jugez  sans  appel.  En 
appeler  de  vous  à  nous  dans  cette  circonstance,  ce  serait  en  appeler 
de  nous  à  nous-mêmes,  ce  qui  est  absurde. 

»  L'impunité  du  coupable  augmente  chaque  jour  le  nombre  de 
ses  complices,  en  augmentant  celui  de  ses  partisans.  On  a  crié  dans 
Paris  :  Vice  le  Roi  !  On  a  poussé  le  même  cri  dans  cette  ville  ;  notre 
républicanisme  s'en  indigne  ;  la  liberté  chancelle.  Vos  seuls  délais, 
votre  seule  faiblesse  en  sont  cause.  Déployez  l'énergie  propre  à  des 
vrais  républicains  et  montrez  que  vous  en  avez  le  sublime  courage. 

»  Tel  est  le  vœu  des  citoyens  de  la  ville  de  Rouen,  soussignés, 
souscrit  d'un  très-grand  nombre  de  signatures.  »  (1) 

Les  signatures  ne  sont  pas  à  la  suite  du  texte  imprimé  de  cette 
pétition  ;  on  les  trouve,  au  nombre  de  trois  cents  environ,  sur  l'ori- 
ginal, écrit  certainement  par  J.-V.  Lecanu,  qui  cependant  ne 
signa  qu'après  Godebin-Jouvenet,  premier  signataire.  On  remarque 
parmi  les  autres  noms,  ceux  de  Dieu,  Hubert,  Yvernès,  Guyet, 
Mabon,  le  Roy,  Eudeline  le  jeune,  Poret  fils,  Gaillon,  Delalande, 
Guyet  père,  Lefebvre-Signol,  Rupalley,  Fontaine,  Lambert,  C.-F. 
Arvers,  Bignon  l'aîné,  Angrand,  Regnault,  Lhuillier,  Bignon, 
L.  Robert,  V.  Grout,  Poisson,  Letellier,  Le  Carpentier,  Collet, 
Lecanu,  Jean  Lefebvre,  Becquet,  J.-C.  Carré,  J.  Poret  fils  le  jeune, 
Poret  l'aîné,  Paynel,  Laborde,  Fouquet,  Bourdin,  Bourdin,  Darcel, 

(!)  Imp.  nat.  7  pp. 


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—  34- 

Jacques  Boudet,  J.  Delarue,  Defresne,  Pierre  Lafontaine,  J.  CoUom- 
bel  fils,  Martin,  L.  Buhot,  etc.,  etc.  La  signature  de  Pillon  n'y  est 
pas.  (1) 

L'un  des  deux  Rouennais  fait  ensuite  le  récit  de  divers  attentats 
commis  à  Rouen  contre  la  liberté,  du  courage  des  gardes  nationales 
et  de  Tarrestation  d*une  partie  des  rebelles.  Il  désigne  Aumont,  dans 
là  maison  duquel  on  a  signé  une  adresse  séditieuse  pour  la  délivrance 
et  rimpunité  de  Louis  Capet,  et  crié  Vive  le  Roi  et  au  diable  la 
République.  Il  donne  connaissance  de  la  proclamation  de  la  com- 
mune de  Rouen,  ordonnant  aux  citoyens  d'arrêter  tous  les  perturba- 
teurs et  dénonce  la  Chronique  Nationale, en  lisant  la  «déclamation» 
qu'elle  contient  en  faveur  du  ci-devant  roi. 

Le  récit,  la  lecture,  excitent  la  plus  vive  indignation.  On  sait 
que  ce  récit  n'est  autre  que  l'historique  de  Descroisilles,  qui  «  fait 
violence  à  la  vérité.  » 

Une  lettre  de  la  municipalité  (2)  confirme  tous  les  faits  annoncés 
par  ces  citoyens  et  la  Convention  ordonne  l'impression  et  l'envoi  de 
la  pétition  aux  84  départements.  Puis,  le  président  (Vergniaud) 
répond  et  admet  la  députation  aux  honneurs  de  la  séance  et  l'on 
décrète  la  mention  honorable  de  la  conduite  du  corps  municipal  et 
de  la  garde  nationale  (3).  La  Cohvention  daignait  faire  bon  accueil  à 
la  mercuriale  que  la  pétition  lui  administrait  incidemment. 

C'est  dans  la  môme  séance  que  Thuriot,  oubliant  que  la  contre- 
révolution  naissait  non  delà  signature  de  l'adresse  d'Aumont,  mais 
bien  de  la  mise  en  jugement  du  roi,  triomphe  avec  cet  argument 
déconcertant  :  «  Citoyens,  si  Louis  était  mort,  y  aurait-il  une  contre- 
révolution  à  Rouen  ?  » 

Par  quelles  raisons,  dans  cette  môme  séance  du  13  janvier,  «  sur 
la  pétition  du  citoyen  de  la  ville  de  Rouen,  »  et  sur  la  proposition 

(1)  L'original  de  la  pétition  est  aux  Arch.  nat.  C  245. 

(2)  II  y  avait  aussi  une  lettre  confirmative  écrite  par  le  directoire  du  département. 

(3)  Moniteur  du  16  janvier  1793.  L'impression  qui  eut  lieu  en  conséquence  de  Tordre 
de  la  Convention  comprend  :  l»  Extrait  de  la  séance  du  13  janvier  ;  2«  Pétition  contre 
rappel  au  peuple  ;  3»  Aux  Français^  par  Du  Moulinet  le  jeune ,  d'Âlençon  [extrait]  : 
4»  Délibération  de  la  commune  de  Rouen,  du  12  janvier,  signée  :  T.-L.  Asselin,  président  ; 
pour  Tabsence  du  proc.  de  la  commune,  Lecomte  et  Havard,  secr.  greffier,  et  5»  Pro- 
clamation du  même  jour,  signée  des  mêmes. 


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-  35  - 

d'un  de  ses  membres  (Thuriot),  la  Convention  trop  expéditive 
décrétc-t-elle  qu'il  y  a  lieu  à  accusation  (1)  contre  l'imprimeur 
Leclerc,  sans  nommer  Aumont,  en  arrestation  avec  lui?  Celui-ci  ne 
s'était-il  pas  surabondamment  déclaré,  dans  la  matinée  du  11, 
Tauteur  du  projet  d'adresse,  l'instigateur,  l'organisateur  de  la  sous- 
cription publique  de  l'adresse?  Cela  se  passait,  disaient  les  deux 
Rouennais  à  la  barre,  dans  sa  propre  maison. 

Mystère  et  révolution  I 

Le  ministre  de  l'Intérieur,  Roland,  lui,  n'eût  pas,  comme  la 
Convention,  récompensé  la  municipalité  de  sa  conduite  par  une 
mention  honorable.  Avisé  aussi  des  manifestations  des  11  et  12  jan- 
vier, il  s'en  montre  vivement  contrarié.  Ces  nouvelles  lui  parviennent 
dans  un  moment  où  sa  situation  est  fort  ébranlée,  et  il  épanche  sa 
mauvaise  humeur  sur  les  administrateurs  de  li  ville,  qu'il  blâme 
d'avoir  manqué  de  vigilance.  «  Il  eut  bien  mieux  valu,  dit-il  avec 
trop  de  raison,  ne  pas  laisser  faire  l'injure  à  l'arbre  et  au  bonnet  de 
la  liberté,  que  d'avoir  à  les  relever  et  remplacer.  »  Avant  même 
d'avoir  pu  fixer  son  opinion,  il  se  révolte  à  l'idée  que  dans  une  ville, 
siège  de  trois  corps  constitués,  on  a  laissé  assaillir  et  maltraiter  les 
patriotes,  et  constate  que,  depuis  la  Révolution,  Rouen  n'a  causé 
qu'alarmes  et  inquiétudes  au  gouvernement  (2). 

Il  en  devait  être  d'autant  plus  désolé  que  le  31  août  précédent, 
UQ  de  ses  émissaires,  V.  Féron,  était  venu  à  Rouen  pour  y  répandre 
de  bons  écrits,  et  particulièrement  ceux  dont  l'Assemblée  législative 
avait  voté  l'impression.  Ces  écrits  et  même  le  «  discours  invitatif  » 
de  Féron  étaient  restés  stériles. 

Le  ministre  était,  en  janvier,  sous  le  coup  d'accusations  d'autant 
plus  graves  qu'elles  partaient  d'ennemis  redoutables.  Peut-être, 
lorsqu'il  écrivait  si  durement  aux  Rouennais,  entendait-il  encore 
résonner  les  paroles  menaçantes  de  Marat  à  la  séance  du  9  janvier, 
aussitôt   après    la  lecture  de    la  liste   des   nouveaux    membres 


(1)  Le  décret  d'accusation,  du  13,  parvint  dès  le  14  à  la  municipalité  (Arch.  mpales. 
Reg,  de  corresp.,  lettre  du  14,.  au  ministre  de  la  justice). 

(2)  M.  Tiosselin  a  reproduit  le  texte  entier  de  la  lettre  de  Roland. 


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-  36  — 

du  comité  de  sûreté  générale,  qu'on  Taccusait  de  transformer  en 
comité  contre-révolutionnaire  \1). 

J'ignore  quelles  réponses  Roland  reçut  des  directoires  du  district 
et  du  département,  mais  je  sais  que  le  conseil  général  de  la  commune 
de  Rouen  ne  laissa  point  passer  l'admonestation  sans  y  répliquer 
avec  une  grande  fermeté. 

L'équité  exige  que  cette  réplique  soit  publiée  comme  l'a  été  la 
la  lettre  ministérielle  (2). 

»  18  janvier  1793. 

»  Au  Ministre  de  Tlntérieur. 

»  La  lecture  de  votre  lettre  du  14  de  ce  mois  a  vivement  affecté 
le  Conseil  général  de  la  commune  de  Rouen.  Vous  nous  dites  qu'il 
eût  mieux  valu  ne  pas  laisser  insulter  l'arbre  de  la  liberté  que  de 
réparer  l'injure  qui  lui  a  été  faite  ;  nous  le  savons  tous.  Nous  savons 
de  plus  que  quand  le  mal  s'exécute,  il  faut  l'arrêter,  qu'il  faut  en 
punir  les  auteurs  quand  il  y  a  lieu.  C'est  dans  ces  trois  points  que  sont 
renfermés  tous  les  devoirs  de  l'Administration.  Nous  sommes  cou- 
pables si  nous  y  avons  manqué.  Mais  s'il  suffisait  qu'une  mauvaise 
action,  qu'un  crime,  qu'un  mouvement  contre-révolutionnaire  eussent 
eu  lieu  dans  une  ville,  siège  de  plusieurs  corps  constitués,  pour  re- 
procher aux  magistrats  de  ne  l'avoir  point  prévenu  quand  ils  n'ont 
fait  que  l'arrêter  et  le  punir,  toutes  les  autorités  légales  de  Paris, 
par  exemple,  seraient  donc  coupables  des  attentats  que  quelques 
scélérats  ont  osé  concevoir  et  exécuter  au  milieu  d'eux  ?  (3) 

»  Non,  citoyen  ministre,  vous  n'avez  pas  pu  le  penser^  si  la 
calomnie  avait  tenté  de  vous  le  faire  croire  dans  un  moment  où 
l'audace  de  la  valetaille  contre-révolutionnaire  devait  vous  indigner. 

»  Maintenant  que  les  procès-verbaux  de  la  journée  du  samedi 


(1)  Moniteur  du  jeudi  10  janvier  1793,  p.  46,  3*  col. 

(2)  Cette  lettre  parvint  à  Rouen  le  15.  Le  même  jour,  Thiessé  et  Petit  sont  nommés 
commissaires  pour  l'examiner  et  en  faire  le  rapport.  Le  projet  de  réponse  fut  lu  et 
approuvé  dans  la  séance  du  16.  Cependant,  cette  réponse  est  datée  du  18.  Peut-é're 
attendit-on  d'autres  nouvelles  de  Paris  ou  voulut-on  se  concerter  avec  le  nouveau 
conseil  général  ou  avec  le  district  et  le  département. 

(3)  Il  y  a  là,  ce  semble,  une  allusion  à  la  faiblesse  dont  Roland  fit  preuve  lors 
des  massacres  de  Septembn». 


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12  de  ce  mois  vous  sont  parvenus,  vous  nous  rendrés,  nous  en  som- 
mes sûrs  (vous  qui  plus  que  qui  ce  soit  avez  éprouvé  que  la  calomnie 
défigure  la  plus  franche  conduite,  les  actions  les  plus  louables),  vous 
nous  rendrés  la  justice  que  nous  n'avons  jamais  cessé  de  mériter, 
mais  c'est  un  besoin  pour  le  conseil  général  d'en  recevoir  l'assurance 
de  la  bouche  d'un  homme  de  bien,  qu'elle  estime  dans  le  moment 
même  qu'il  juge  mal  ses  véritables  intentions. 

»  Que  le  gouvernement  cesse  d'avoir  des  inquiétudes  sur  l'esprit 
public  de  la  ville  de  Rouen.  Nous  vous  attestons  qu'on  y  veut  la 
liberté  dans  toute  son  énergie,  le  règne  des  lois  dans  toute  sa  pureté, 
et  que  jamais  la  contre-révolution  ni  l'anarchie  ne  partiront  du  sein 
de  nos  murs,  car  vous  n'appelés  contre-révolution  le  délire 
de  quelques  douzaines  de  fanatiques  et  d'imbéciles  qui  ne  paraissaient 
nombreux  d'abord  que  parcequ'ils  enveloppaient  au  milieu  d'eux  un 
bien  plus  grand  nombre  de  citoyens  paisibles  et  timorés  qui,  rendus 
à  la  liberté  par  la  force  publique,  se  sont  mis  les  premiers  à  la  pour- 
suite des  perturbateurs. 

...  (1)  personnes  ont  été  arrêtées.  Pour  rectifier  à  leur  égard 
les  erreurs  qu'on  a  dites  ou  distribuées,  nous  vous  envoyons  la  liste 
avec  leurs  qualités.  Six  bureaux  sont  établis  pour  accélérer  Tins- 
traction.  Nos  successeurs  vont  être  installés  au  milieu  de  ce  travail. 
Unis  de  cœur  et  d'intention,  ils  vont  suivre  avec  nous  les  connais- 
sances que  nous  avons  acquises,  et  s'ils  ont  besoin  de  nos  soins,  nous 
ne  les  quitterons  pas  un  instant  jusqu'à  ce  que  l'instruction  com- 
plétée, mette  la  justice  à  portée  de  venger  par  une  punition  écla- 
tante les  outrages  faits  aux  patriotes  et  aux  emblèmes  sacrés  de 
notre  liberté. 

«  Citoyen  ministre,  daignés  croire  que  nous  sommes  des  hommes 
libres  et  que  nous  ne  seront  jamais  d'indignes  magistrats.  C'est  à  ce 
caractère  qu'il  faut  nous  reconnaître,  si  l'on  ne  veut  point,  en  nous 
écrivant,  se  méprendre  sur  le  style  qui  nous  convient.  »  (2) 

Cette  lettre,  où  se  reconnaissent  les  phrases  acérées  de  Thiessé, 
parvînt-elle  au  pauvre  Roland,  et,  dans  tous  les  cas,  eut-il  le  temps 
de  la  lire? 

(1)  Blanc  dans  la  copie  de  la  minute  de  la  lettre,  transcrite  sur  le  registre. 

(2)  Arcb.  municipales.  Reg.  de  corresp. 


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—  38  - 

Le  Moniteur  du  21  janvier  contient  une  Note  du  ministre  de 
Tintérieur,  au  peuple,  qui  en  révèle  et  en  suggère  beaucoup  plus 
que  ce  qu'on  pourrait  apprendre  ailleurs  :  «  Il  est  faux  et  atroce  de 
répandre  que  je  cherche  à  fuir;  je  n'ai  rien  à  cacher,  je  sais  mourir. 
Il  est  atroce  de  publier  que  je  ne  rends  pas  mes  comptes. . .  »  Signé  : 
Roland.  (1) 

Pour  épuiser  ce  qui  est  essentiel  à  dire  quant  à  présent  de  cette 
phase  de  l'affaire  de  la  Rougemare,  il  reste  à  mentionner  qu'à  la 
veille  de  remettre  ladministration  à  ses  successeurs,  le  conseil 
général  de  la  commune  de  Rouen  prend  deux  résolutions  importantes  : 

Jean  Asselin,  chargé  de  la  visite  des  prisons,  fait  remarquer,  le 
15  janvier,  que  Leclerc,  contre  lequel  il  y  a  décret  d'accusation  est 
encore  à  la  maison  d'arrêt,  et  propose  de  le  faire  transférer  en  la 
maison  de  justice,  ce  qui  a  lieu  le  lendemain.  Puis,  affirmant  bien 
résolument  la  volonté  de  le  soustraire  à  la  juridiction  criminelle,  et 
paraissant  peu  confiant  dans  les  dispositions  du  nouveau  conseil,  le 
conseil  général  veut  —  le  16  —  mettre  ses  successeurs  en  présence 
d'une  décision  exécutée.  Après  avoir  entendu  lecture  des  dénon- 
ciations et  déclarations  et  de  l'interrogatoire  de  Leclerc,  et  vu  que 
l'accusé  n'est  prévenu  que  du  délit  énoncé  en  l'article  20  de  la  loi  du 
22  juillet  1791,  il  renvoie  Leclerc  au  tribunal  de  police  correction- 
nelle, et  fait  remettre  les  pièces  à  ce  tribunal.  (2) 

Toujours  le  15  janvier,  le  conseil  envoie  au  district  un  paquet 
scellé,  contenant  différentes  lettres  et  des  journaux  trouvés  au 
bureau  de  la  Chronique.  Mais  le  district  ne  croit  pas  devoir  prendre 
sur  lui  d'ouvrir  ce  paquet  et  le  fait  parvenir  au  département  «  qui 
avisera.  »  Le  directoire  du  département  a  les  mêmes  scrupules  et 
adresse  au  ministre  le  paquet  scellé,  en  décidant  de  procéder  tou- 
jours ainsi.  (3) 

(1)  Roland  est  encore  le  21  janvier  à  la  tête  de  son  ministère,  où  il  s'occupe  notam- 
ment de  faire  rochercher  Paris,  l'assassin  de  Le  Peletkîr  de  Saint-Fargeau.  (M.  Tour- 
^  ^'^'  r  •"  •'.  •  •'  «Mnine  de  Paris,  p.  188.)  Le  13  février,  Charlier 
'    *    '         ,  ^  .  »  .1  .X  v*.vu.raiivju  Cv^.ii..-  iv  RolaiiJ  ol  sa  clique».  (Moniteur  du  15  février, 

p.  214.; 

(2)  Reg.  des  délib.  —  Peut-être  s'agit-il  ici  de  la  poursuite  des  faits  de  septembre. 
—  L'article  visé  est  au  titre  II  de  la  loi  et  s'applique  aux  outrages  envers  la  force  armée. 

(3)  Reg.  du  département. 


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L'administration  départementale  est  sur  ses  gardes.  Elle  a  reçu 
des  ministres  de  l'intérieur  et  de  la  justice.  Tordre  de  dénoncer  à 
l'accusateur  public  les  signataires  de  l'adresse,  et  désormais  elle 
affecte  de  se  renfermer  dans  une  attitude  passive. 

Pendant  ce  temps,  Aumont  et  Leclerc,  probablement  confiants 
dans  la  sollicitude  des  gens  dont  ils  ont  mis  les  idées  en  pratique, 
attendent  sous  les  verrous  une  solution  que  l'on  s'efforce  de  retarder 
dans  l'espoir  que  de  longs  mois  et  les  événements  la  rendront 
meilleure. 


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—  40  - 


CHAPITRE  TROISIÈME 

IntUllation  et  débuts  de  U  miiDicipalitô  Rondeaux  —  La  liberté  de  la  preste.  — 
Les  joamalistes  Deschamps,  de  Limoges  et  Guiibert.  —  FcriTains  royalistes  réfngiét 
à  Roiieii  :  Dalmas,  Gorentin  Royon,  Montigny,  Rioust  et  Pourra  —  Vandalisme 
d'nn  ami  des  arts.  —  Adresse  à  la  Convention.  ~  Application  d*nn  aTen  de 
Laumonier. 

Les  tracas  suscités  par  les  manifestations  ont  retardé  de  quelques 
jours  l'installation  du  corps  municipal,  qui  a  lieu  seulement  le  ven- 
dredi 18  janvier. 

Maire,  oflBciers  municipaux,  notables,  procureur  de  la  commune 
et  son  substitut  sont  présents,  à  l'exception  de  Lecanu,  Poret, 
Arvers  et  Anquetin,  que  ceux  qui  aiment  les  conjectures  peuvent 
soupçonner  d'être  à  Paris,  occupés  à  suivre  les  séances  de  la  Con- 
vention, où  ils  parviennent  peut-être  à  voir  juger  Louis  XVI  (1). 

Par  57  voix  sur  58,  Havard  est  nommé  secrétaire-greffier  du 
Conseil  (2). 

On  échange  d'inévitables  discours.  Le  maire  promet  en  son  nom 
et  en  celui  de  ses  collaborateurs,  qu'on  retrouvera  en  eux  des  amis, 
des  frères,  et,  s'il  le  faut,  «  des  Régulus  prêts  à  s'immoler  pour  le 
salut  de  la  patrie.  » 

Nonobstant,  en  cette  séance  même,  leur  première  besogne  con- 
siste à  préparer  l'immolation  d'un  certain  nombre  de  leurs  conci- 
toyens. Ils  entrent  effectivement  en  fonctions  par  la  nomination  de 
commissaires  «  pour  s'occuper  de  Tinstruction  concernant  les  détenus 

(1)  Délibération  de  la  Commune  de  Rouen.  —  La  municipalité  invita  Poret  et 
Lecanu  a  revenir  à  leur  poste.  (Arch.  mpales,  reg.  de  corresp.)  Mais  la  Société  popu- 
laire, quMls  tenaient  au  courant  par  des  lettres  qu'apportait  Leclerc,  parfumeur,  les  enga- 
geait plutôt  à  attendre  à  Paris  l'issue  du  procès  du  roi.  —  Reg.  de  la  Société. 

(2)  L'art.  !••■  du  décret  du  49  octobre  4792,  ordonnait  le  renouvellement  de  tous  les 
corps  administratifs  et  municipaux,  ainsi  que  de  leurs  secrétaireâ-greffiers.  Jean- 
Pierre  Havard  avait  été  nommé  le  20  juin  4787  agent  des  affaires  de  i'Hôtel-de- Ville,  en 
remplacement  d'Evrevin,  malade.  (M.  de  Beaurepaire,  inventaire  sommaire  des 
Archives  communales  antérieures  à  4790,  Rouen,  imp.  Lecerf,  4887,  p.  453.) 


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-  41  — 

dans  l'insurrection  dernière  »  et  la  formation,  à  cet  effet,  de  cinq 
bureaux  :  premier,  Pillon  et  Tarbé;  deuxième,  Robert  (de  Saint- 
Victor)  et  Carré;  troisième,  Roger  et  Delacroix;  quatrième,  Bérée 
et  Leboucher,  et  cinquième,  Amiot-Guenet  et  Gueroult,  soit,  dans 
chaque  bureau,  un  officier  et  un  notable. 

Ces  cinq  bureaux  poursuivront  les  enquêtes  contre  Leclerc, 
Aumont  et  autres,  enquêtes  dont,  entre  temps,  le  27  janvier,  il  est 
décidé  qu'ils  se  communiqueront  les  charges  et  renseignements. 
Pendant  plusieurs  mois,  il  s'ensuivra  de  nouvelles  arrestations. 

Au  surplus,  le  nouveau  conseil  ne  se  pique  pas  de  logique.  Tout 
en  continuant  l'enquête  sur  l'affaire  de  la  place  de  la  Rougemare,  il 
passe  à  Tordre  du  jour,  le  24  janvier,  sur  une  pétition  de  Leclerc 
demandant  la  levée  des  scellés  apposés  chez  lui  pour  avoir  \m  docu- 
ment justificatif.  Le  Conseil  prétexte  que  le  décret  d'accusation  du 
13  lui  a  retiré  la  compétence  de  cette  affaire. 

Dès  le  13  février,  le  département  renvoie  le  procès  Leclerc  au 
district  qui  devra  les  faire  parvenir  au  Tribunal  Criminel.  Il  s'agit, 
ici,  évidemment,  de  l'affaire  de  la  Rougemare,  et  ces  formalités 
seront  suivies  d'un  nouvel  acte  d'accusation  du  28  février,  résultant 
d'un  décret  de  la  Convention . 

A  diverses  reprises ,  la  Société  populaire ,  impatiente ,  avait 
pressé  la  solution  du  procès 

Le  13  janvier,  au  moment  où  ses  deux  députés  sont  devant  la 
Convention,  un  de  ses  membres  propose  une  autre  adresse  à  cette 
Assemblée,  tendant  à  former  un  tribunal  pour  le  prompt  jugement 
des  coupables  de  la  veille  et  de  l'avant-veille,  et  «  prononce  là- 
dessus  un  discours  plein  d'énergie.  »  A  la  suite  de  ces  instances  il 
est  décidé  a  una  voce  »,  qu'une  pétition  engagera  la  Convention  à 
nommer  on  juge  spécial. 

En  même  temps,  la  Société  envoie  à  la  commune  des  députés 
pour  l'avertir  que  les  prisonniers  font  bombance  et  que  ce  n'est  pas 
ainsi  que  doivent  être  traités  des  contre-révolutionnaires.  La  com- 
mune répond  qu'ils  vont  être  «  serrés.  » 

Le  19  mars,  elle  arrête  que  deux  commissaires,  dont  l'un  est 
est  Thierry,  lui  feront  un  rapport  sur  cette  affaire  qu'on  voudrait, 


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—  42  — 

si  la  Convention  l'estime  utile,  voir  renvoyée  devant  le  tribunal 
révolutionnaire.  Le  30  avril,  elle  décide  qu'une  adresse  et  une  lettre 
seront  envoyées  à  la  Convention  et  au  Ministre  de  la  justice  pour 
demander  la  punition  des  coupables  d  1 12  janvier.  La  rédaction  en 
est  confiée  aux  citoyens  Laugeux  et  Foumier.  (1) 

L'enquête  se  complétait  lentement.  Mais  le  Tribunal  criminel 
de  la  Seine-Inférieure  fut  dessaisi  par  un  autre  décret,  du  26  mai, 
renvoyant  spécialement  Âumont  et  autres  devant  le  tribunal  révo- 
lutionnaire de  Paris,  auquel  la  connaissance  de  laffaire  n'était  point 
attribuée  par  la  loi  du  10  mars.  Le  véritable  motif  de  ce  renvoi  fut 
la  crainte  de  voir  renaître  des  troubles  pendant  les  débats  où 
devaient  se  trouvés  mêlés  plusieurs  centaines  de  rouennais,  tant 
accusés  que  témoins. 

En  exécution  de  ce  dernier  décret,  douze  cavaliers  de  la  garde 
nationale  conduisent,  le  7  juin,  les  vingt-trois  accusés,  de  Rouen  à 
Paris,  et  les  mettent  à  la  disposition  du  tribunal  révolutionnaire.  (2) 

Leclerc,  ai-je  dit,  était  sous  le  coup  de  deux  poursuites.  On 
avait  repris  celle  à  laquelle  avaient  donné  lieu  les  troubles  de 
septembre.  Le  directoire  du  district  reçoit  de  la  municipalité  le« 
procédures  relatives  à  ces  troubles  et  y  reconnait  un  projet  manifeste 
d'amener  des  désordres  et  de  corrompre  l'esprit  public. 

Ces  procédures  comprenaient  originairement,  avec  Leclerc, 
Deschamps  (3),  directeur  du  journal  VAbeille,  incriminé  le 
10  septembre,  pour  s'être  efforcé  de  soustraire  le  sieur  de 
Limoges  (4)  à  des  perquisitions,  et  Guilbert  (5)  directeur  de  Journal 

(1)  Procès-verbaux  des  séances  de  la  Société  populaire. 

(2)  Arch.  municipales,  Reg.  des  délibérations.  Â  titre  d'exemple  des  inexactitudes 
commises,  môme  par  des  contemporains,  c'est  ici  le  cas  de  mentionner  que  d'après  les 
Lettres  de  Lesguillier,  sur  la  ville  de  Rouen,  p.  599,  Aumont,  Leclerc  et  leurs  co-accusés 
furent,  le  lendemain  de  leur  arrestation,  envoyés  à  Paris  et  constitués  prisonniers  à  la 
Conciergerie. 

(3)  Joseph  Deschamps  fut  arrêté  une  seconde  fois  par  ordre  du  Conseil  général  de 
la  commune  de  Rouen,  le  4  floréal  an  II,  et  écroué  à  Saint-Lô;  atteint  de  folie,  et  trans- 
féré à  Bicétre  le  7  messidor  (25  juin  1794),  il  y  mourut  le  lendemain. 

(4)  Le  chevalier  Louis-Charles  de  Limoges  du  Thuit  (et  non  de  Saint-Saens)  avait 
été  lieutenant  des  maréchaux  de  France  au  Havre  ùv  1772  à  4792.  Un  comte  de  Limoges 
rétait  à  Rouen  en  1772,  un  Limoges  du  Thuit  en  1779,  d  après  M.  de  Belleval  qui  met 
conune  lieutenant  des  maréchaux  de  France  à  Rouen,  M.  Cavelier  d'Esclavelles,  de 


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de  Commerce,  de  Politique  et  de  Littérature,  détenus  au  22  sep- 
tembre. Tous  les  trois  ont  cependant  été  mis  en  liberté,  Leclerc, 
le  15,  Deschamps,  le  26  septembre,  et  Guilbert,  le  1«'  octobre. 

La  presse  p&tit  des  inquiétudes  causées  aux  administrateurs. 
Guilbert  que  son  emprisonnement  de  septembre  n'a  point  apaisé 
«  distille  dans  son  numéro  vingt- trois  le  poison  de  l'incivisme  et  delà 
contre-révolution  et  cherche  à  troubler  par  ses  diatribles  contre  la 
première  des  autorités  constituées  »,  lisez  :  le  directoire  du  départe- 
ment, présidé  par  M.  de  Fontenay,  Aussitôt,  le  14  janvier,  le  pro- 
cureur général  syndic,  Anquetin,  s'empresse  de  requérir  le  district 
et  la  municipalité  de  sévir.  La  municipalité,  occupée  ailleurs,  ne  se 
h&te  point,  attend  plusieurs  lettres  de  rappel  et  finit  par  obéir  en 
s'excusant. 

C'est  pour  le  substitut  du  procureur  de  la  commune,  Lecomte, 
une  occasion  de  faire  ses  premières  armes  (1)  et  de  se  distinguer. 
Il  prononce,  le  24,  contre  les  a  folliculaires  »  du  Journal  de  Com- 
merce, un  discours  énergique  qui,  le  lendemain,  entraîne  la  suppres- 
sion de  cette  feuille. 

Bientôt,  V  Indicateur  politique,  mercantile  et  littéraire,  qui  suc- 
cède au  Journal  de  Commerce,  sera  l'objet  de  dénonciations 
réitérées.  U Indicateur  a  pour  imprimeur  le  même  Guilbert  et  pour 
propriétaire  Petit,  qui  demeure  à  Paris,  rue  de  Verneuil,  et  qui 
envoie  tous  les  a  matériaux  ».  Guilbert  ne  tarde  pas  à  être  de  nou- 
veau arrêté.  Le  13  avril  1793,  jour  où  un  ordre  du  département  lui 
prescrit  de  se  retirer  à  Lauzanne,  lieu  pour  lequel  un  passeport  lui 
est  délivré  sur  le  champ,  Guilbert  subit  un  interrogatoire  qui  fournit 

\7n  à  1792.  (Revue  hist.  et  nob.  1877,  p.  197  et  241).  Le  Jautmal  de  Normandie  et  le 
Journal  de  Rcmen  ont  publié  un  grand  nombre  de  poésies  du  chevalier  de  Limoges.  H 
est  né,  non  pas  à  Rouen  ni  à  Saint-Saens,  le  2  août  1705,  mais  au  Tronquay  (Eure),  le  12 
janvier  1750,  de  Jean-Alexis  de  Limoges  et  de  Louise-Charlotte-Elisabeth  de  Godard. 
Après  8*étre  vu  divorcer  le  7  nivôse  an  III  (27  déc.  1795)  de  A.-F.-V.  Brocque,  qu'il  avait 
épousée  à  Ingouville,  le  14  juin  1774,  il  se  remaria  le  16  du  môme  mois  de  nivôse  à 
M.-L.  Gordier,  naguère  couturière,  devenue  imprimeur  en  caractères,  rue  du  Loup,  en 
UgitinumU  une  fille  et  un  fils  nés  pendant  son  précédent  mariage.  Son  frère  était  mort 
tragiquement  à  Rouen,  le  l*''  mai  1777,  chez  son  ami  Frémont. 

(5)  S'U  ne  les  a  pas  faites  le  12.  Y.  suprà. 

(1)  F.-J.-E.-V.  Guilbert,  ci-devant  clerc  de  la  paroisse  de  Saint- Vigor  de  Rouen, 
iiQprimeur,  littérateur,  journaliste. 


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sur  son  compte  d'utiles  indications  :  Il  prend  toujours  la  qualité  de 
prêtre,  dit  sa  messe  régulièment  les  dimanches  et  fêtes  et  rarement 
les  jours  ouvrables  en  l'église  Saint-Patrice.  Il  n'a  pas  prêté  le 
premier  serment  exigé  des  ecclésiastiques  et  Ton  n'a  pas  voulu  le 
recevoir  lorsqu'il  a  voulu  prêter  celui  prescrit  le  14  août.  Ses 
moyens  de  subsistances  consistent  dans  son  imprimerie  en  carac- 
tères ;  il  demeure  rue  des  Champs-Maillets,  n®  23.  Il  a  composé  comme 
auteur  le  Journal  du  Commerce  et  depuis  il  n'imprime  que  V Indi- 
cateur. C'est  en  avril  qu'il  a  commencé  avec  Gilles,  homme  de  loi, 
demeurant  en  ce  temps-là  rue  Haranguerie,  hôtel  de  la  Romaine,  à 
imprimer  le  Journal  du  Commerce  dans  lequel  il  était  chargé  de  la 
partie  politique  et  Gilles  de  celle  du  commerce.  On  lui  demande  si, 
à  raison  de  sa  correspondance,  il  connait  deux  imprimés  in-folio 
arrivés  récemment  à  Rouen,  portant  pour  titre  l'un  :  Déclaration  du 
régent  de  France  et  l'autre  Lettres-patentes  du  régent  de  France 
pour  nommer  un  lieutenant  général  du  royaume.  H  répond 
négativement.  (1) 

Au  cours  de  ces  incidents,  pendant  l'instruction  contre  Leclerc 
et  les  poursuites  contre  Deschamps  et  Guilbert,  ce  qui  parait  vrai- 
ment étrange,  c'est  de  voir  résider  à  Rouen,  sans  y  être  inquiétés, 
un  certain  nombre  d'écrivains,  de  journalistes  même,  défenseurs 
notoires  de  la  royauté. 

L'un  d'eux  est  Joseph-Benoit  Dalmas,  ex-avocat,  ex-député  du 
district  d'Aubenas  (Ardèche)  à  l'Assemblée  législative,  qui  donnait 
le  bras  à  la  reine  Marie-Antoinette,  le  10  août,  lorsque  celle-ci  se 
rendit  à  l'Assemblée  au  milieu  du  peuple  insurgé.  Dalmas  est  à 
Rouen  depuis  le  25  septembre  1792,  et  c'est  depuis  son  arrivée  qu'il 
a  en  le  courage  d'y  faire  imprimer  et  de  distribuer  à  la  Convention 
ses  Réflexions  sur  le  procès  de  Louis  XVI.  (2)  Il  loge  chez  la 
citoyenne  Bizet,  rue  de  la  Perle,  n*^  7,  et  il  est  lié  plus  particulière- 
ment avec  les  citoyens  Vimar,  Tarbé  et  Brémontier,  ses  anciens 
collègues  à  l'Assemblée.  Ce  dernier  est  celui  qu'il  voit  le  plus 
souvent.  Il  fréquente  aussi  la  citoyenne  veuve  Harivel  (ci-devant 

fi)  Arch.  mpales. 

(2)  S.  1.  n.  d.  1  f.  et  18  p.  Arch.  nat.  R.  AD.  1. 106. 


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= —  45  — 


Gonne ville  (1)  et  la  citoyenne  Le  Vaillant  (2),  demeurant  à  Canteleu  ; 
quelquefois,  mais  plus  rarement,  le  citoyen  Leclerc,  accusateur 
public,  et  sa  famille,  qui  ont  leur  domicile  rue  de  la  Perle,  dans  la 
même  maison  que  la  citoyenne  Bizet. 

A  la  table  d'hôte  de  VEpée  Nationale,  chez  Pierre  Aubrée,  rue 
de  la  Constitution  (rue  des  Carmes),  n^  30,  et  à  la  maison  Vatel, 
tenue  par  Legagneur,  il  rencontre  diverses  personnes  parmi  lesquelles 
Lachausse,  ex-maire  (3)  et  premier  médecin  de  Strasbourg,  Véron 
ancien  négociant  rouennais,  demeurant  rue  Porte-aux-Rats,  l'ex- 
capitaine  Philippe,  qui  demeure  rue  des  Charettes,  le  directeur  de 
la  poste-aux-lettres  et  Blard,  commis  chez  Darcel,  place  de  la 
Régénération.  Il  est  marié  à  la  citoyenne  Dardalhou,  originaire  de 
Nimes,  restée  â  Aubenas,  et  de  laquelle  il  a  quatre  enfants. 

Jacques-Corentin  Roy  ou  Pennaurem,  âgé  de  quarante-cinq  ans, 
ci-devant  avocat  et  assesseur  à  la  maréchaussée  de  Quimper,  arrivé 
à  Rouen  pareillement  depuis  septembre  1792,  y  demeure 
rue  Etoupée,  n**  17,  avec  sa  femme,  Louise-Philippine  Frércn,  fille 
d'une  sœur  des  Roy  ou,  et  du  rédacteur  de  V  Année  littéraire.  La 
citoyenne  Royou,  âgée  de  trente-six  ans,  étant  malade  a  obtenu  ré- 
gulièrement permission  de  résider  à  Rouen.  Elle  est  la  sœur  du 
représentant  du  peuple  Fréron  et  de  la  générale  Lapoype,  résidant 
à  Toulon. 

Royou-Penaurem  était  le  frère  du  célèbre  abl.é  Thomas-Marie 
Royou,  ci-devant  professeur  émérite  au  collège  Louis-le-Grand, 
rédacteur  de  V Ami  du  Roi,  mort' le  21  juin  1792.  Il  niait  avoir 

(1)  Marie-Juliette  Le  Pailleur  (Le  Pilleur  ?)  veuve  Harivel  de  Gonneville,  âgée  de 
32  ans,  native  d'Âulnay,  district  de  Caen. 

(2)  Bonne  Vaillant,  28  ans,  vivant  de  son  revenu,  née  à  Ragay,  district  de  Caen, 
flUe  du  maître  de  la  verrerie  de  Maucomble.  Emprisonnée  aux  Gravelines,  en  floréal 
an  II,  elle  fut  transférée  à  Saint-Lô,  d'où  elle  sortit  le  24  brumaire  an  III. 

(3)  Je  ne  vois  pas  à  quelle  époque  Lachausse  a  pu  être  maire  de  Strasbourg  où 
Monet  semble  avoir  précédé  immédiatement  Diétrich,  guillotiné  comme  on  sait.  11  n'était 
probablement  qu'officier  municipal.  C'est  la  qualité  qu'il  prend,  avec  celle  de  membre 
de  la  Société  populaire  de  Strasbourg,  lorsque  le  21  brumaire  an  II,  il  présente  à  la 
Société  populaire  de  Rouen  un  diplôme  de  celle  de  Strasbourg,  du  19  février  1793,  qu'il 
dut  remplacer  par  un  autre  d'une  date  plus  récente,  accepté  dans  la  séance  du  12  fri- 
maire. iReg.  de  la  Soi'iété  populaire).  Lachausse  prit  part  à  l'œuvre  de  la  réaction  ther- 
midorienne à  Rouen. 


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collaboré  à  ce  journal  et  prétendait  que  s'il  avait  eu  la  vocation  d'un 
journaliste,  il  aurait  pu  continuer  le  journal  de  son  frère  ou  travail- 
ler à  d'autres  journaux  soit  à  Paris,  soit  à  Rouen,  comme  on  insi- 
nuait qu'il  l'avait  fait.  UAmi  du  Roi,  au  surplus,  disait-il,  n'avait 
pu  offenser  la  République,  puisqu'elle  n'existait  pas  pendant  sa 
durée,  qui  prit  fin  dans  les  premiers  jours  de  mai  1792.  Roy  ou  pré- 
tendait même  ne  pas  connaître  les  journalistes  de  Rouen  et  n'avoir 
aucune  relation  directe  ou  indirecte  avec  eux.  Sur  sa  prétendue  col- 
laboration à  VAmi  du  Roi,  il  variait  et  finissait  par  admettre  qu'il 
avait  fourni  quelques  «  brochures  de  gazettes  ou  bulletins  de  l'As- 
semblée, mais  que  son  frère  disposait  de  tout  en  maître  respon- 
sable »  (1).  Royou  était  inscrit  snr  le  registre  de  la  garde  nationale 
de  Rouen  en  l'an  ni.  Il  se  garde  bien  de  parler  du  Véridique  ou 
Antidote  des  journaux  qu'il  publia  d'octobre  1792  à  mars  1793, 
c'est-à-dire  pendant  son  séjour  à  Rouen,  sans  indication  de  lieu  ni 
de  nom  d'imprimeur.  Dix  des  treize  numéros  de  ce  journal  sont 
décrits  sous  le  n®  4920  du  catalogue  Leber,  d'après  lequel  Royou 
brûla  lui-même  presque  tous  les  numéros.  (2). 

Charles-Claude  Montîgny,  «  négociant  »,  ci-devant  homme  de 
loi  à  Paris,  rue  des  Fontaines,  n<*  11,  né  à  Caen,  &gé  de  50  ans, 
demeurait  rue  de  la  République  (rue  du  Vieux-Palais),  n^  2,  à  Rouen, 
où  il  était,  comme  les  précédents,  depuis  septembre  1792,  s'occupant 
aflRrmait-il,  de  la  succession  de  son  frère,  mort  le  5  avril  1793,  suc- 
cession qui  avait  donné  lieu  à  procès  et  arbitrages. 

Il  s'était  cru  dispensé  de  l'obligation  de  déclarer  à  la  municipa- 
lité son  changement  de  domicile,  parcequ'il  possédait  à  Rouen,  quar- 
tier de  l'Egalité  (Saint-Sever),  une  manufacture  de  plomb  laminé  (3). 
Marié,  il  avait  trois  filles  et  un  fils  habitant  avec  lui.  Ses  occupa- 

(1)  Ses  dires  sont  en  désaccord  avec  le  long  «  Avertissement  b  signé  :  Royou, 
avocat,  publié  dans  le  n®  du  7  août  1791  de  VAmi  du  Boy,  cité  par  M.  Maurice  Tour- 
neux.  Bibliog,  de  l'hist.  de  Patis  pendant  la  Révolution  (T.  ii,  p.  580)  et  dans  lequel 
Royou  annonce  qu'il  snpplée  son  frère  l'abbé  Royou. 

(2)  Toumeux,  Bibliog.  de  Thist.  de  Paris  pendant  la  révolut.,  t,  n,  n«  4087.  L'auteur, 
Royou,  ne  veut  point  être  guillotiné  ni  exposer  personne  à  l'être. 

(3)  L'un  des  intéressés  de  cette  manufacture  était  le  député  Kersaint.  L'acte  de 
société  pour  l'établissement  de  l'usine,  datait  du  1«f  août  1781.  Un  inventaire  de  l'actif 
et  du  passif  avait  eu  lieu  le  31  décembre  1791. 


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^  47  - 

tions,  soit  comme  homme  de  lettres,  soit  comme  homme  de  loi,  le 
rendaient  étranger  à  toute  espèce  d* intrigue.  Il  déolarait /rancAe- 
ment  avoir  contribué  à  la  réduction  du  Journal  de  la  Noblesse,  qui 
n'avait  jamais  existé  sous  la  Convention,  ni,  par  conséquent,  sous  la 
République.  Il  n'avait  fréquenté  aucun  noble,  ni  formé  la  liaison 
même  la  plus  éloignée  avec  qui  que  ce  fut  de  cette  caste,  qui  lui 
avait  toujours  été  étrangère.  Enfin,  il  avait  quitté  toute  occupation 
littéraire  depuis  vingt  mois,  ce  qui  résultait,  à  l'en  croire,  de  son 
séjour,  tant  à  Rouen  qu'à  Bayeux  et  à  Caen. 

Une  autre  personnalité  non  moins  marquante,  mais  aux  visées 
plus  incertaines,  Mathieu-Noel  Rioust,  cet  ancien  prédicateur  du 
roi,  dont  on  a  fait  partout  inexactement  un  ex-chanoine  de  Rouen  et 
un  normand,  tandis  qu'il  était  ex-vicaire-général  de  Nevers  et  mé- 
ridional, se  trouvait  aussi  à  Rouen,  depuis  août  1792.  Prêtre  inser- 
menté, devenu  homme  de  lettres,  peut-être  déjà  journaliste,  il  vivait 
à  Rouen  sans  être  inquiété  quoique  en  évidence,  recevant  chez  lui 
les  Cabissol,  les  Leclerc,  les  Eudeline. 

Rioust  avait  une  situation  des  plus  irrégulières  (1)  qui  fit 
oublier  durant  plus  d'une  année  son  ardeur  «  à  prêcher  le  fédéra- 
lisme jusque  dans  la  Vendée.  »  Ses  aventures  épiques  dans  la  Nièvre 
et  à  Rouen,  comprennent  des  incidents  qui  se  rattachent  étroite- 
ment à  l'histoire  de  la  phase  aiguë  de  la  Terreur  à  Rouen. 

Ces  ardents  contre-révolutionnaires,  dont  la  vie  est  assez  bien 
connue,  —  sauf  pourtant  en  ce  qui  concerne  leur  séjour  à  Rouen,  — 
ne  se  tenaient  point,  aussi  rigoureusement  qu'ils  voulaient  le  faire 
croire,  à  l'écart  des  mouvements  politiques  ;  par  exemple,  Royou  se 

(1)  Il  est  question  de  lui  dans  V Histoire  du  Mariage  des  Prêtres^  de  l'ancien  évêque 
de  Blois,  Grégoire,  p.  08.  C'est  apparemment  Adrien  Pasquier  qui,  avec  sa  biographie 
fantaisiste  de  Rioust,  est -la  cause  de  l'erreur  qui  fait  de  celui-ci  un  normand.  Il  lui 
attribue  quantité  de  poésies  signées  «  un  Cauchois  prés  d'Honfleur  »,  lesquelles  ne  sont 
très  certainement  pas  de  lui.  Mais  Pasquier,  qui  fait  de  son  contemporain  M.  d'Uerbou- 
Tille  un  maire  de  Rouen,  n'y  regarde  pas  de  prés.  —  Mathieu-Noël  Rioust  est  né  à 
Nimes,  le  25  mai  1756,  du  mariage  de  Charles-Franrois  Rioust  et  de  Madeleine  Ventujol. 
(Reg.  de  l'état-civil  de  la  pai-oisse  de  Saint-Castor  de  Nîmes).  Rioust  qui  figure  dans  la 
Biographie  des  Hommes  vivants,  et  est  cité  par  M.  de  Vaulabelle  dans  son  Histoire  des 
deux  Restaurations,  t.  iv.  p.  411,  e>st  absolument  inconnu  des  Nîmois.  (Lettre  de  M,  le 
conser\ateur  i\o  la  hiblioth.  de  .Nîmes  du  25  juillet  1805). 


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trouvait  à  Vernon  lors  des  troubles  fédéralistes,  et  des  membres  du 
Comité  de  surveillance  de  Rouen,  chargés  peut-être  spécialement 
par  les  représentants  du  peuple,  —  car  Vernon  était  en  dehors  de 
leur  action,  —  eurent  Tordre  de  l'arrêter,  sans  pouvoir  y  parvenir. 

Ils  jouirent  pendant  longtemps  d'une  sécurité  à  peu  près  com- 
plète à  Rouen.  Mais  tous  les  quatre  eurent  successivement  affaire  à 
la  police  révolutionnaire. 

En  vertu  d'un  ordre  du  Comité  de  Sûreté  générale,  du 
25  prairial  an  II  (13  juin  1794),  Dalmas,  à  son  retour  d'une  courte 
absence,  le  5  Thermidor  (23  juillet),  fut  saisi  chez  la  citoyenne  Bizet, 
et  conduit  de  brigade  en  brigade  à  Sainte-Pélagie  de  Paris.  On 
avait  eu  recours,  pour  le  découvrir,  à  des  perquisitions  à  VEpée 
Nationale,  et  chez  les  veuve?  Bizet  et  Harivel  et  la  fille  Vaillant. 
Guimberteau,  député,  en  mission  à  Louviers,  par  l'entremise  duquel 
le  mandat  d'arrêt  avait  été  envoyé  à  Rouen,  avait  fourni  des  indi- 
cations permettant  de  le  reconnaître  sûrement  :  «  Dalmas  va  souvent 
chés  une  femme  Bizet  et,  à  Canteleu,  chez  une  ex-noble,  nommée 
Du  Bosc.  Il  a  une  fistule  lacrymale,  et  Lachausse,  officier  de  santé, 
la  panse.  Vous  pourrez,  par  ce  moyen,  le  découvrir.  »  (1) 

Montigny  fut  arrêté  le  24  floréal  an  II  (13  mai  1794),  détenu  aux 
Gravelines,  puis  à  Saint-Lô  de  Rouen,  par  ordre  de  la  Commune  de 
Rouen.  —  Il  fut  libéré  seulement  le  29  brumaire  an  III  (19  no- 
vembre 1793)  (2). 

Royou,  sous  le  coup  d'un  mandat  d'amener  seulement,  décerné 
contre  lui,  en  vendémiaire  an  III,  parle  Comité  de  Surveillance  de 
Rouen,  en  fut  déchargé  par  deux  membres  de  ce  Comité  le  19  du 
même  mois.  Il  semble  pourtant  qu'il  avait  été  arrêté  antérieurement, 
car  le  11  fructidor  an  II  (28  août  1794),  le  représentant  du  peuple 
Guimberteau  écrit  au  Comité  de  Surveillance  de  Rouen  que  son 
collègue  Fréron,  beau-frère  de  Royou,  lui  demande  les  motifs  de 
l'arrestation  de  celui-ci.  (3) 

(1)  Lettre  de  Guimberteau  au  Comité  de  Surveillance  de  Rouen.  (Arch.  mpales). 

(2)  Un  détail  montrera  combien  les  réponses  de  Montigny  en  floréal  étaient  peu 
conformes  à  la  vérité.  Après  la  chute  de  Robespierre,  étant  à  Rouen,  il  demande  «  à 
prendre  part  à  la  glorieuse  révolution  thermidorienne  »  et  à  être  accusateur  public  ! 
(Arch.  nat.) 

(3)  Arch.  mpales. 


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-  49  — 

Rioust,  objet  d'un  mandat  d  arrêt  de  thermidor  an  II,  parvint  à 
le  faire  rapporter  par  le  Comité  de  Sûreté  générale  (1) . . . 

Certains  documents  (3)  autoriseraient  à  comprendre  dans  cette 
courte  liste  de  défenseurs  actifs  de  la  monarchie  qui  s'étaient  réfugiés 
à  Rouen,  Louis  Pourrat,  ex-négociant  et  journaliste,  âgé  de  soixante 
ans,  qui  paraît  s'être,  à  un  certain  moment  de  la  Terreur,  retiré  à 
Rouen,  où  l'on  rencontre  plusieurs  fois  son  nom  (3)  dans  les  procès- 
verbaux  de  la  Société  Populaire. 

Pourrat  ou  Pourra,  qui  avait  son  domicile  à  Paris,  rue  des 
Piques,  était  le  père  de  Françoise-Charlotte  Pourrat,  veuve  de 
Laurent- Vincent  Le  Couteulx,  et  de  Jeanne-Jacqueline-Henriette 
Pourrat,  femme  de  Gilles-Toussaint  Hocquart.  Il  était  intéressé 
pour  12,000  livres  dans  l'ancienne  et  la  nouvelle  société  pour  l'ex- 
ploitation à  Rouen,  rue  de  l'Egalité,  d'une  manufacture  d'huiles  et 
de  savons,  dont  Michel  Horcholle,  demeurant  à  Rouen,  rue  aux 
Ours,  n®  80,  était  l'administrateur.  (4) 

Impliqué  par  l'un  des  Comités  de  la  Convention  dans  l'afiEaire 
des  prisons,  Pourrat,  détenu  au  Luxembourg,  en  fut  extrait  pour  être 
conduit  à  la  Conciergerie,  et  fit  partie  de  la  première  fournée  de 
soixante  accusés  traduits  devant  le  Tribunal  révolutionnaire  de 
Paris(5).  Le  jugement  collectif  du  19messidor  (19  juin)  le  condamna 
à  mort  ((  comme  ennemi  du  peuple  et  conspirateur  dans  les 
prisons.  »  (6) 

Comment  supposer  que  ces  hommes,  ces  militants,  dévoués  au 
régime  monarchique,  soient  restés  tous  absolumeat  étrangers  au 
projet  d'adresse  d'Aumont  et  à  ses  suites,  et  comment  expliquer 
que  leur  présence  à  Rouen  n'ait  attiré  l'attention  des  Jacobins  que 
beaucoup  plus  tard,  sous  la  mairie  Pillon  ? 

(1)  Ârch.  mpales. 

(2)  Arch.  mpales. 

(3)  Son  prénom  n'y  est  pas  indiqué. 

(4)  Arch.  mpales. 

(5)  Rapport  de  Saladin,  au  nom  de  la  Commission  des  vingt-un,  12  vent,  an  III,  p.  186. 
-  Wallon,  Hist.  du  Trib.  révoL,  t.  rv,  pp.  424  &  s. 

(6)  Extrait  des  minutes  du  greffe  du  Tribunal  révolutionnaire  cité  dans  une  liasse 
des  Arch.  mpales.  —  Les  biens  de  Pourrat,  qui  s'étaient  trouvés  confisqués,  furent  res- 
titués en  exécution  de  la  loi  du  18  prairial  an  III. 


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—  50  — 

Un  jour,  on  doit  l'espérer,  quelque  véritable  historien  racontera 
la  genèse  de  la  tentative  hardie  d'Aumont,  et  saura  dire  quelles 
étaient  les  liaisons  do  celui-ci  et  peut-être  découvrir  qu'il  eut  avec  lui, 
derrière  lui,  d'énergiques  complices  (1),  stimulés  et  dirigés  par  de 
hautes  personnalités  du  parti  royaliste.  L'histoire  de  l'organisation 
et  des  efforts  de  ce  parti  à  Rouen  et  dans  la  Haute-Normandie  reste 
à  faire  (2). 

Le  procès  d'Aumont,  Leclei*c  et  autres  n'est  pas  la  seule  diffi- 
culté léguée  par  l'ancienne  mutiicipalité  à  M.  Rondeaux  et  à  ses 
collègues.  Sa  succession  en  comprenait  plusieurs  autres,  parmi 
lesquelles  il  en  est  une,  moins  grave  sans  doute,  mais  qui  a  eu 
quelque  retentissement,  et  qui  montre  les  membres  du  nouveau 
conseil  général  de  la  Commune  sous  un  jour  plus  défavorable  qu'on 
n'y  attend  à  ce  moment.  En  s'empressant  d'accomplir  un  acte  de 
vandalisme,  le  consei  marque  déjà  d'une  façon  significative  son 
dédain  pour  l'opinion  de  la  minorité,  et  saisit  l'occasion  de  se 
montrer  l'adversaire  du  clergé. 

Il  s'agit  de  la  destruction  de  la  chaire  épiscopale,  racontée 
déjà  (3)  avec  des  restrictions  et  des  ménagements  qu'elle  ne  parait 
en  aucune  façon  comporter  tout  au  moins  pour  ceux  qui  tiennent  à 
l'exactitude  dans  l'histoire.  En  voici  quelques  détails  peu  connus, 
dont  l'un  montre  que  l'évoque  constitutionnel  aurait  sa  petit  part 
de  responsabilité,  et  un  autre  qiii  prouve  que  les  violences  révolu- 
tionnaires ne  doivent  pas  toujours  être  imputées  au  peuple. . . 

Les  administrateurs  de  la  ci-devant  fabrique  Notre-Dame,  Roger 
fils,  Vattier,  C.  Fréret,  Mamilliot  et  Lecœur  avaient  formé  la 
municipalité,  le  25  octobre  1792,  de  leur  résolution  de  conserver  la 

(1)  Les  lettres  de  la  municipalité  de  Houen,  du  12  janvier,  au  ministre  Roland  et  à 
la  Convention,  disent  que  l'adresse  est  V œuvre  d*un  pc^'ti.  Le  réquisitoire  de  Fouquier- 
Tinville  ne  semble  pas  avoir  reproduit  cette  allégation. 

[2]  Je  ne  crois  pas  être  le  premier  à  fait^  la  remarque  qu'à  Texemple  de  M.  llippeau, 
qui  a  recueilli  des  cahiers  des  doléances  des  bailliages  et  paroisses  et  donné  des  détails 
sur  la  convocation  des  Etats-Généranx,  beaucoup  plus  sur  la  Basse-Normandie  que  sur 
la  Haute-Normandie,  M.  de  la  Sicotière  a  négligé  singulièrement  la  Haute-Normandie 
dans  son  travail,  nonobstant  si  curieux  :  Frotté  et  les  Insun^ections  Not^mndes, 
(3)  E.-H.  Langlois,  Staltes  de  la  cathédrale  de  Bouerif  N.  PériauXi  1838,  p.  93. 


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-  51  -• 

Chaire  épiscopale  «  chef-d'œuvre  d'architecture  en  son  genre,  (1)  sur 
lequel  il  n'existe  aucune  marque  de  féodalité  et  de  royauté.  » 

Cela  no  devait  point  passer  inaperçu.  Dès  le  28,  dans  une  séance 
de  la  Société  des  Amis  de  l'égalité,  présidée  par  Hubert,  le  frère 
Robert  prit  la  parole  pour  se  justifier  d'une  inculpation  dont  il  avait 
été  l'objet,  et  offrit  cent  louis  à  celui  qui  prouverait  les  faits  qu'on 
lui  imputait.  Puis,  sans  transition,  il  fit  lîi  motion  que  le  trône  épis- 
copal  étant  dans  le  chœur  de  la  cathédrale  fut  abattu. 

La  discussion  s'ouvre  sur  cesto  proposition  et  la  Société,  dit  le 
procès- verbal,  s'est  convaincue  combien  il  est  ridicule  de  voir  l'éga- 
lité blessée  jusqu'au  pied  des  autels.  Elle  décide  d'inviter  le  substitut 
du  procureur  de  la  commune  (Le  Coutou)  à  écrire  aux  fabriciens 
de  la  Cathédrale  de  faire  tomber  le  trône  épiscopal. 

Sans  doute.  Le  Contour  sut  démontrer  que  la  chose  ne  pouvait 
pas  se  passer  aussi  simplement  et  aussi  brutalement,  car  la  Société 
chargea  (2)  un  de  ses  membres  d'en  écrire  au  Journal  de  Rouen, 
lequel,  dans  le  supplément  de  son  numéro  du  2  novembre  1792  (3) 
insère  une  lettre  signée  L.  R. . .  (Louis  Robert).  L'auteur,  qui  avait 
traversé  la  Cathédrale  les  jours  derniers,  raconte  qu'en  considérant 
dans  l'intérieur  du  chœur  les  changements  qui  s'y  faisaient,  ses  re- 
gards avaient  «  rencontré  encore  ce  lourd  et  maussade  couvercle  en 
ogive  dont  était  affublé  ce  qui  s'appellait  jadis  le  trône  archiépis- 

(1)  H.  Langlois  a  essayé  d'établir  Timportance  artistique  de  ce  trône  épiscopal.  — 
M.  de  Beaurepaire  (Inv.  somm.  des  Ârch.  dép.  série  G,  56,  64,  2138,  2403,  2495, 
Î497, 2499,  2501  à  2505),  cite  des  documents  desquels  il  résulte  qu'on  y  travaillait  de 
1458  à  1469.  Le  maître  de  l'œuvre,  Laurent  Adam  était  de  Nèvers,  où  il  n'a  laissé  nul 
souTenir  (Renseignements  dô  à  M.  Monceaux,  archiv,  à  Auxerre).  Le  19  mars  1569,  lors 
d'un  Te  Deuni  d'action  de  grùces  de  la  victoire  du  roi  sur  Côndé«  cette  chaire  fut  occu- 
pôe  par  le  maréchhal  de  Brissac  et  par  Carrouges  (G.  2168).  î\  semble  qu*en  1711  elle 
avait  des  roulettes  (G.  2746).  Elle  n'a  point  paru  remarquable  à  l'auteur  des  Notes  et 
remarques  sur  toutes  viUes  de  Normandie  (Bibl.  mpale  de  Rouen.  Coll.  Montbret, 
Y.  \%  dont  la  compétence  est  discutable.  M.  Tabbé  Loth  (Histoire  de  la  cathédrale)  cite 
diverses  autorités  attestant  l'importance  du  trône  archiépiscopal. 

(2)  Cela  résulte  non  pas  des  procès- verbaux  delà  Société  mais  seulement  de  la  lettre 
de  Robert. 

(3)  Ce  numéro  et  ce  supplément  manquent  à  la  collection  du  journal,  à  la  Biblioth. 
mpale.  Je  dois  h  l'obligeance  de  M.  le  rédacteur  en  chef  Lafond  d'avoir  pu  consulter 
la  collection  conscr>ée  au  Jotittial  de  liouen  qui,  elle,  possède  ce  numéro. 


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—  52  — 

copal  ».  En  même  temps,  il  avait  appris  le  projet  de  conserver  «  ce 
«  ridicule  chef  d'œuvre  »  et  l'avis  du  citoyen  Roger,  Tâme,  disait-on, 
du  Conseil  de  Fabrique. 

Selon  L.  R. . .,  cet  avis  était  loin  de  faire  honneur  aux  principes 
des  citoyens  qui  l'avaient  émis,  en  matière  de  convenance  et  de  goût 
dans  l'architecture  et  les  arts,  et  mettait  en  doute  même  leur  civisme, 
puisque  dans  la  France  républicaine  les  trônes,  les  dais  et  tous  les 
vestiges  de  la  féodalité  étaient  irrévocablement  bannis  et  supprimés, 
nies  sommait  donc,  «  au  nom  du  bon  goût,  de  l'égalité,  et  de  la  très- 
grande  majorité  des  artistes  et  des  citoyens,  de  laisser  au  plus  tôt 
rouler  dans  une  nuée  de  poussière  cette  épouvantable  machine.  .  .  » 
Selon  lui,  elle  n'était  pas  exceptée  de  la  classe  des  monuments  a  qui 
pouvaient  bien  réjouir  autrefois  un  tas  d'imbécile  marguilliers 
dans  les  siècles  d'ignorance  et  de  barbarie,  mais  qui  souillent  et 
offensent  aujourd'hui  les  regards  d'un  peuple  souverain,  libre  et 
éclairé.  » 

Cette  lettre  révèle  une  particularité  ignorée  :  «  Le  digne  et  vé- 
»  nérable  pasteur  (1)  qui,  seul,  aurait  le  droit  de  réclamer,  dédaigne 
»  les  distinctions  de  ce  genre,  parce  qu'il  connaît  et  mérite  les  véri- 
»  tables  :  //  désire  et  sollicite  le  premier  la  destruction  prochaine  de 
»  celle  que  je  dénonce.  » 

L'épître  del'ex-président  à  la  Chambre  des  Comptes  se  termine 
par  une  sorte  d'appel  éventuel  à  la  violence,  où  perce  laffilié  à  la 
Société  des  Amis  de  la  liberté,  sûr  du  concours  actif  de  ses  frères. 
Il  vaut  mieux,  sans  doute,  dit-il,  que  la  destrucvon  de  la  chaire 
soit  paisible  et  légale,  que  si  trop  d'obstination  V exposait  à  tomber 
par  des  voies  défait  sous  les  coups  de  Vindignation publique, . . 

Sa  prose  vient  dans  le  Journal  de  Rouen,  après  des  remarques 
de  la  rédaction,  dont  ellle  démontre  opportunément  la  justesse.  La 
Révolution  a  donné  des  aîles  au  temps,  constate  Noël  :  le  lendemain 
est  toujours  à  deux  sièles  de  la  veille  ! 

Cependant  Roger,  piqué  au  vif,  s'empresse  de  répliquer  (2).  Il  est 
des  mots  qui  l'ont  exaspéré  :  «  Le  libelle  du  soi-disant  ami  de  la 


(i)  L'évoque  constitutionnel  Grctien. 

(2)  Joatmatde  Rouen  du  4  novembre  1792,  p.  750. 


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-  53  — 

liberté,  de  légalité  et  des  arts,  écrit-il,  est  une  de  ces  productions 
quu  dans  des  siècles  d'ignorance  n'eussent  osé  proclamé  d'imbéciles 
auteurs  sans  encourir  le  mépuis  général  des  plus  honnêtes  gens  du 
monde,  des  marguillicrs  de  ce  temps-là,  et  qui,  aujourd'hui,  dans  un 
siècle  de  lumières,  impriment  une  souillure  sur  les  feuilles  qui  les 
contiennent.  ». 

Le  ton  agressif,  injurieux,  de  cette  polémique,  obligea  le 
prudent  Noël  à  a  fermer  sa  feuille  »  à  des  discussions  ultérieures,  qui 
ne  pouvaient  servir  à  éclairer  l'opinion  publique. 

Les  adversaires  de  la  cliaire  épiscopale  et  Roger  ne  se  tinrent 
pas  pour  battus.  Le  2  novembre,  une  «  pétition  individuelle,  » 
revêtue  des  signatures  de  plusieurs  citoyens  demandait  au  conseil 
général  de  la  Commune,  alors  présidé  par  M.  de  Fontenay,  la  démo- 
lition de  la  chaire.  Hardiment,  le  conseil  s'en  tire  par  une  échappa- 
toire imaginée  trop  aisément  dans  un  moment  où  la  législation 
transitoire  facilite  de  telles  solutions  :  il  approuve  sa  décision 
jusquau  moment  oà  le  conseil  municipal  aura  l* administration  des 
Fabriques,  —  Or,  les  officiers  municipaux  avaient  été  chargés  de 
cette  administration  par  un  décret  du  19  août  1792  ! 

Au  surplus,  la  question  ne  devait  pas  pour  cela  être  oubliée.  Le 
11  février  1793,  elle  reparaissait  devant  le  conseil  général  renouvelé, 
dans  lequel  étaient  entrés  les  deux  champions,  Robert  et  Roger. 

Le  citoyen  Robert  sembla  vouloir  profiter  d  une  sorte  d'actualité 
imprimée  à  la  question  du  trône  épiscopal  par  la  chute  récente  du 
trône  royal.  Sa  motion,  d'une  habileté  que  l'on  peut  ne  pas  admirer 
mais  que  l'on  est  forcé  de  reconnaître  savamment  appropriée  aux 
goût5  du  jour,  est  bien  Tœuvre  d'un  «  patriote  authentique,  offi- 
ciellement reconnu  »  comme  il  se  qualifia  plus  tard,  s'extuplé  d'un 
ancien  magistrat,  ci-devant  noble,  philosophe,  économiste,  litté- 
rateur, académicien  (1). 

(1)  t  Messire  Louis-Robert  de  Saint- Victor,  chevalier,  conseiller  du  roi  en  ses 
conseils,  président  de  la  Cour  des  Comptes,  Aides  et  Finances  de  Normandie,  et 
conseiller  de  grande  cJiambre  honoraire  au  Parlement  de  Rouen,  seigneur  et  patron  de 
Saint-Victor-la-Campagne  et  autres  lieux,  »  veuf  de  M™«  M. -F.  Le  Camus,  s'était  remarié 
s  Saint-Godard  çle  Rouen,  le  23  janvier  1787.  U  avait  nn  fils,  Louis-Auguste-Robert  de 
Saint- Victor,  émigré,  et  trois  autres,  Marcelin,  Hippolyte  et  Paul,  restés  en  France.  Sa 
fortune  était  évaluée  à  290,000  l.  environ  en  immeubles,  et  à  40,000  1.  en  mobilier  et 


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-  54  - 

C'est  d'abord  lo  patriote  indigné  qui  parle  i  a  II  n  existe  plus 
de  thrône  en  France,  sous  quelque  dénonciation  que  co  puisse  être, 
et  tout  ce  qui  peut  en  rehausser  l'image  doit  être  proscrit  irrévoca- 
blement, sans  retour  et  sans  exception.  »  L'ex-magistrat  ne  se  retrouve 
que  pénétré  d'infiniment  peu  de  respect  pour  la  loi,  du  congé  de 
laquelle  on  n'a  nul  besoin  «  pour  balayer  le  reste  des  ordures  féo- 
dales qui  souillent  et  blessent  encore  dans  les  édifices  publics  les 
regards  du  patriotisnie,  et  l'ami  des  arts  estime  que  le  bout  du  doigt 
suffit  pour  précipiter  à  jamais  dans  la  ooussière  de  l'oubli  cette  cons- 
truction barbare  et  ridicule,  quand  même  elle  no  serait  pas  antici- 
vique, Elle  est  bien  digne,  s'écrie- t-il  en  terminant,  défigurer  avec 
le  SaintrRomain  et  sa  gargouille,  avec  Charlemagne  foulant  aux 
pieds  de  son  cheval  un  champion  terrassé  et  tous  les  ornements  de 
ce  genre  d'invention  et  de  travail  qui  couronnent  à  pure  perte  les 
grilles  (1)  dont  le  chœur  est  entouré.  Il  n'e«t  besoin  que  d'un  simple 
assentiment  de  la  volonté  du  Conseil  pour  faire  disparaître  enfin  «  ce 
monument  du  défaut  do  génie  et  de  l'excès  de  patience  de  nos  pères, 
cette  masse  lourde  dans  sa  forme  quoique  légère  en  apparence  dans 
son  exécution,  dont  tout  le  mérite  consiste  dans  l'abus  du  temps  et 
la  difficulté  vaincue,  mais  dont  l'existence  déshonore  le  plus  auguste 
édifice  de  notre  ville,  centriste  les  amateurs  des  arts  et  du  bon  goût, 
fait  la  risée  des  étrangers,  excite  les  justes  murmures  et  soulève  l'in- 
dignation de  tous  les  vrais  patriotes.  ».  (2) 

L'effet  de  cette  diatribe  ne  se  fit  point  attendre.  Adoptant  les 
motifs  invoqués  et  la  motion  elle-même,  le  Conseil,  après  avoir  en- 
tendu le  procureur  de  la  commune,  arrêta  que  le  trône  et  son  couron- 

rentes.  (An  VIII).  II  reparaîtra  sur  la  scène  politique  plus  d*une  fois,  notamment  après 
la  révolution  du  31  mai.  Il  avait  été  secrétaire  puis  président  de  la  Société  des  AmU  de 
la  Constitution. 

Robert  n'était  pas  le  seul  membre  du  conseil  qui  fut  compétent  en  matière  d^art. 
M.  Rondeaux  lui-môme  avait  été,  au  département,  nommé  «  pour  la  partie  des  travaux 
publics,  des  arts  et  de  Tinstrucsion.  »  Il  eut  à  ce  titre  à  s'occuper,  en  octobre  1792,  d*un 
singulier  incident  né  de  la  rivalité  des  peintres  Lecarpentier  et  Lemonnier..  (Arch.  dép., 
procès-verbaux  des  "séances  du  directoire  du  dép.,  22  octobre.) 

(1)  Il  y  eut  aussi  une  polémique  entre  iîobert  de  Saint- Victor  et  Roger  pour  ces 
grilles. 

(2)  Arch.  mpales.  Copie  certifiée  conforme  à  Toriginal  déposé  au  secrétariat  par  C. 
Havard. 


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—  55  — 

nement  seraient  incessamment  démolis  sous  les  ordres  et  Tinspec- 
tion  du  bureau  municipal,  invité  —  on  tenait  encore  à  paraître  poli 
—  à  prendre  à  l'égard  du  citoyen  évoque  métropolitain  toutes  les 
mesures  de  bienséance  dues  à  sou  caractère. 

Un  membre  qui,  sans  doute,  tenait  plus  particulièrement  à  ce 
que  la  résolution  n'affectât  rien  de  personnel,  proposa  qu'on  en  fit 
autant  pour  le  couronnement  de  la  chaire  de  l'église  Saint-Jean  (1) 

Rien,  dans  le  procès-verbal  de  cette  séance  du  11  février,  n'in- 
dique le  moindr  dissentiment,  la  plus  légère  résistance.  Pourtant  on 
s'était  efforcé  de  faire  repousser  la  motion.  Roger  fils  avait  pris  la 
parole  pour  établir  l'incompétence  du  Conseil  et  demander  Tordre 
du  jour  ou  l'ajournement  au  samedi  suivant.  Subsidiairement,  il 
était  prêt  à  discuter  le  fond.  Déclipatoire,  ordre  du  jour,  ajournement 
et  discussion  avaient  été  écartées.  Le  procureur  de  la  commune  était 
d'avis  qu'on  discutât.  Et,  sur  tout  cela,  le  procès-verbal  garde  le 
silence  I 

Aussi,  le  lendemain,  Roger  adressait-il  au  district  et  au  dépar- 
tement une  pétition  faisant  appel  au  public  et  demandant  que  la 
délibération  fût  rapportée. 

Il  eut  un  instant  d'espoir  :  le  département  suspendit  provisoire- 
ment l'exécution  de  la  délibération  et  demanda  l'avis  du  Conseil 
et  du  district.  Celui  du  Conseil  consista  dans  l'envoi  de  la  motion. 

Finalement,  Roger  fils  s'était  dépensé  en  pure  perte.  Le  14 
février,  le  district,  présidé  par  Deschamps  a  considérant  qu'en  vertu 
de  la  loi  du  17  août  1792  (2)  qui  existait  plus  de  deux  mois  avant  la 
fin  de  non-recevoir  inventée  en  octobre  par  la  municipalité  De  Fon- 
tenay)  les  municipalités  ont  le  droit  de  régir  et  administrer  les 
fabriques  et  qu'en  conséquence  elles  ont  le  droit  de  faire  &  cet  égard 
telles  dispositions  qu'elles  croient  convenables  et  estime  qu'il  y  a 

(1)  Le  curé  constitutionnel  de  Saint- Jean,  Durand,  fut  arrêté  et  se  maria. 

(2)  Cette  loi  (art.  3)  transmettait  aux  officiers  municipaux  la  régie  et  administration 
des  «  revenus  »  des  fabriques.  Mais  la  question  n'était  pas  là.  Le  trône  épiscopal  était-il 
\m  des  monuments,  restes  de  la  féodalité,  dont  la  «  destruction  »  était  confiée  aux  com- 
munes par  Fart.  3  d*un  autre  loi,  celle  du  14  août  1792,  devait-il  être  enlevé  et  conservé 
provisoirement  (art.  i^^"  de  la  même  loi),  ne  fallait-il  pas  préalablemeet  consulter  la 
commission  des  monuments  (art.  4)  ? 


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—  56  — 

lieu  de  faire  droit  à  la  pétition  Robert,  «  donnait  un  avis  favorable  à 
la  démolition. 

Le  département,  dont  le  président  dût  être  un  peu  gêné  par  cet 
avis  motivé  du  district,  fut  heureux  de  pouvoir  y  ajouter  une  raison 
déterminante,  et  «  vu  la  pétition,  l'arrêté  du  district  et  une  lettre 
du  ministre  de  l'intérieur  (Roland)  du  11  janvier,  laquelle  rappor- 
tait toutes  les  lois  relatives  à  l'abolition  des  signes  de  la  royauté  et 
de  ta  féodalité,  il  arrêta  à  V unanimité  que  la  délibération  prise  par 
le  conseil  général  de  la  commune,  serait  exécutée  selon  sa  forme  de 
teneur.  (1) 

Le  20  février  —  vingt-quatre  heures  après  —  le  commissaire 
chargé  de  cette  exécution  faisait  son  rapport  attestant  qu'elle  avait 
eu  lieu,  aussi  bien  pour  la  chaire  de  Notre-Dame  que  pour  celle  d3 
Saint-Jean.  (2) 

Société  populaire,  municipalité,  district  et  département  avaient 
adopté  des  résolutions  conformes  qui  les  rendent  solidaires  delà  des- 
truction de  la  chaire  et  des  procédés  révolu lionnaires  supprimant  le 
débat  sur  la  proposition  Robert. 

C'était  une  victoire  encourageante  pour  les  Jacobins  de  la  com- 
mune. L'élite  intellectuelle  et  artistique  de  la  cité  leur  avait  donné 
son  appui. 

Ils  n'attendirent  pas  longtemps  pour  un  nouvel  essai  de  leur 
puissance. 

Le  soir  même  de  la  destruction  des  chaires,  une  seconde  séance 
s'ouvrit  au  conseil  général  de  la  commune.  Etaient  présents  :  le 
maire,  les  officiers  municipaux,  entre  autres  Bréraonticr,  Tamelier, 
Roger  fils,  Turgis,  le  procureur  de  la  commune  Le  Contour  et  son 
substitut,  et  les  notables  au  nombre  desquels  les  citoyens  d'Herbou- 
ville,  (3)  Pouchet-Maugendre,  Lézurier,  BouUenger,  Seuls,  J.-B. 
Pinel,  Tarbé,  Le  Boucher  et  Delacroix  sont  absents  «  sans  motifs 
légitimes.  » 

Après  l'appel  nominal,  un  membre,  qu'inspirent  peut-être  les 


(1)  Reg.  du  dépôt. 

(2)  Arch.  mpales.  Reg.  du  bureau  permanent. 

(3)  M.  d'Herbouville  n'était  pas  à  la  séance  du  matin. 


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manifestations  isolées  et  en  sens  contraire  parties  de  Rouen,  (1)  et  le 
rapport  fait  à  la  Convention  le  17  par  le  député  Ysabeau,  au  nom  du 
Comité  des  pétitions  et  de  correspondance,  sur  les  adhésions  au 
décret  ((  qui  a  arraché  à  la  tyrannie  sa  dernirre  espérance,  »  (2) 
soumet  à  la  délibération  un  projet  d'adresse  à  la  Convention  natio- 
nale. La  rédaction  en  ayant  été  approuvée,  il  est  arrêté,  le  procureur 
de  la  Commune  entendu,  que  cette  adresse  sera  signée  au  nom  du 
Conseil  par  le  maire  et  le  secrétaire  greffier  seulement  et  qu'une 
copie  en  sera  envoyée  au  rédacteur  du  Journal  de  Rouen  pour  l'in- 
sérer dans  sa  feuille. 

L'adresse  commence  ainsi  :  «  Le  trône  est  abattu  pour  ne  plus 
se  relever  jamais  ;  le  sang  du  dernier  des  tyrans,  du  traître  et  par- 
jure Louis  eu  a  scellé  la  chute  et  cimenté  la  ruine »  (3) 

Ne  semble-t-il  pas  que  les  membres  du  Conseil  qui  autorisent  à 
parler  ainsi  en  leur  nom  eussent,  comme  tant  de  conventionnels  et 
avec  autant  de  conviction,  voté  un  mois  plus  tôt  la  mort  du  roi  ? 

Un  écrivain  pourtant  consciencieux,  M.  Gosselin,  que  j'ai  sou- 
vent l'occasion  de  citer,  croit  pouvoir  dire  (4)  que  cette  adresse  fut 
plutôt  surprise  au  Conseil  que  votée  par  lui!  Ceqendant,  rien  n'ap- 
paraît qui  autorise  une  telle  supposition.  Aucun  des  membres  ne 
protesta  soit  lors  de  la  délibération,  soit  après  la  publication  de 
l'adresse  dans  le  Journal  de  Rouen,  Pourquoi  ne  s'y  seraient-ils  pas 
tous  associés?  Pour  venir  un  mois  plus  tard,  elle  n'en  était  pas  moins 
l'écho,  l'imitation  légèrement  plus  accentuée  de  celle  du  département, 
du  22  janvier,  plus  étonnante,  elle,  par  sa  date  hâtive  1 

L'adresse  renferme  donc  bien  «  l'expression  des  sentiments  du 
Conseil  général  »  ainsi  que  la  municipalité  l'écrit  au  président  de  la 


(1)  Le  7  février,  Léger,  de  Rouen,  écrit  à  la  Convention  qu*eUe  a  fait  mourir  le  Roi 
injustement.  Preuve  qu'il  dit  la  vérité,  c'est  que  malgré  la  chaux  et  la  drogue  mises 
pour  le  consumer,  son  corps  est  aussi  vermeil  que  lorsqu'il  a  été  enterré.  Il  ne  reste 
plus  aux  conventionnels  qu'à  fuir,  tant  ce  prodige  devra  les  épouvanter.  La  sainte  am- 
poule est  pleine  d'huile  pour  le  sacre  d'un  roi.  «  Ecrivez  à  Reims  et  vous  verrez  que  je 
ne  vous  ments  point.  «  —  Arch.  nat. 

(2)  Moniteur  du  mardi  19  février. 

(3)  Arch.  mpales.  —  M.  Gosselin  a  publié  entièrement  le  texte  de  cete  adresse.  Revue 
de  la  Normandie. 

(4)  M.  Gosselin.  —  Revue  citée. 


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Convention  le  21  février.  (1)  Elle  reçut  d'ailleurs,  outre  la  publicité 
du  Journal  de  Rouen,  celle  de  la  séance  de  la  Convention  du  23  fé- 
vrier, où  elle  fut  lue  en  entier,  à  la  suite  de  quoi  rAssemblée  en 
ordonna  Tinsertion  dans  son  bulletin,  avec  mention  honorable.  (2) 
Il  serait  assez  difficile  de  justifier  de  leur  concours  sans  réserve 
à  une  pareille  manifestation  les  membres  du  Conseil  qui  étaient 
connus  pour  désapprouver  la  mise  en  jugement  et  la  condamnation 
de  Louis  XVI.  Ceux-là  ne  sauraient  découvrir  d'excuse  ailleurs  que 
dans  cette  phrase  de  leur  concitoyen  Laumonier,  beaucoup  plus  fondé 
qu'eux  â  invoquer  les  circonstances  atténuantes  :  «  Qui,  dans  la  ville, 
n'a  pas  tremblé  sous  l'exécrable  tyrannie  qui  l'opprimait  alors.  »  (3) 
Aveu  moins  pénible  en  la  forme  que  celui  de  Merlin  de  Thionville, 
mettant  ses  collègues  de  la  Convention  au  défi  de  lui  reprocher 
d'avoir  manqué  de  courage  et  s'écriant  dans  un  accès  de  franchise  : 
a  Quel  est  celui  qui  ose  m'accuser  ?  Quel  est  celui  qui  n'a  pas  été 
aussi  lâche  que  moi  ?  »  (4) 


(i)  Arch.  mpales.  Reg.  de  corresp. 

(2)  Pénaux,  Histoire  de  la  Ville  de  Rouen,  p.  628. 

(3)  Pétition  justtficative  de  Laumonier  du  6  prairial  an  m  (25  mai  1795)  que  M.  Gos- 
selin  n'a  pas  connue.  M.  G.  Pennetier  dans  sa  notice  sur  le  chirurgien  Laumonnier. 
(Rouen,  imp.  Lecerf,  18S7)  en  a  donné  le  texte,  p.  54. 

(4)  Séance  du  19  novembre  anui  (9  mars  1795).  Moniteur  du  22  ventôse,  p.  708,  col.  2. 


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-59  — 


CHAPITRE  QUATRIÈME 


Les  administrations  dn  département  et  dn  district.  —  Adresse  de  M.  de  Fontenay  et 
de  ses  collôgnes  snr  le  jugement  dn  roi.  —  Déportation  et  réclusion  des  ecclésias- 
tiques. —  Emigrés,  étrangers  et  suspects.  —  Les  dénonciations.  ~  Le  mobilier  et 
les  immeubles  des  émigrés.  ~  Spéculations  et  syndicats  —  Les  premières  Tentes 
mobilières.  —  Les  huissiers.  —  Les  imprimeurs.  —  Deux  émigrés  de  marque  : 
Vez-président  de  Bailleul  et  l'ez-constituant  Lambert  d^  Frondeville  —  Essais 
d'organisation  révolutionnaire  à  la  commune  de  Rouen.  —  Commissions  et  visites 
demieiMaires  -  L'affaire  capita'e  des  frères  Leotaigne.  —  On  demande  un  tribunal 
réTolntionnaire.  —  Le  premier  Comité  d^  Surveillance  —  Prêtres  libellistes  :  les 
abbés  Bourdon  et  Heudier,  Papillaut  et  Perchel  ;  un  ecclésiastique  qui  n'est  pas 
résigné  :  l'abbé  Pifre  —  Incidant  grave.  —  Rôle  di  Pillon;  sa  démission  refusée. 


La  présence  de  M.  de  Fontenay  à  la  tête  du  directoire  du  dé- 
partement, autorise  à  croire  qu'il  a  dû  partir  de  là  seulement  des 
actes  d'une  modération  telle  qu'elle  pouvait  servir  d'exemple  aux 
districts  et  aux  municipalités.  A  cet  égard,  il  s'est  établi  une  sorte 
de  légende  qui  tentera  quelque  jour  un  écrivain  soucieux  avant  tout 
de  rétablir  la  vérité. 

L'administration  du  département,  l'administration  centrale, 
comme  on  l'appelle  parfois,  s'est  presque  constamment  montrée 
soumise,  autant,  sinon  plus,  que  la  municipalité,  aux  décrets  de  la 
Convention.  Son  attitude  fournit  vraisemblablement,  avec  la  révé- 
lation du  royalisme  de  M.  Rondeaux(l),  l'explication  la  meilleure,  la 
plus  plausible  sur  la  différence  si  singulière  entre  le  sort  de  ce  dernier 
et  celai  de  M.  de  Fontenay  pendant  la  Terreur. 

Il  semble  résulter,  effectivement,  de  faits  assez  nombreux,  que 
le  département  a  égalé,  —  s'il  ne  les  a  pas  dépassées,  —  les  rigueurs 
auxquelles  la  municipalité  Rondeaux  a  été  parfois  entraînée,  et, 

(i)  On  trouvera  dans  Tun  des  chapitres  suivants  des  détails  inédits  sur  le  rôle  de 
M.  Rondeaux  et  autres,  à  l'époque  de  la  suspension  du  roi,  détails  qui  ne  furent  connus 
qne  par  une  sorte  d'enquête  faite  en  germinal  an  U,  par  Siblot,  avec  le  concours  de  la 
Société  populaire. 


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—  60  — 

surtout,  que  loin  d'être,  ainsi  qu'on  Ta  écrit  (1) ,  hostile  en  tout  temps  à 
Tapplication  des  mesures  excessives  telles  que  la  déportation,  il  ne 
se  fit  pas  faute  de  l'ordonner  quand  Toccasion  s'en  présenta. 

Dès  le  lendemain  de  son  installation,  le  30  novembre  1792,  il 
prescrit  à  Jean  Richard,  prêtre,  resté  en  France,  d'en  sortir  sous  les 
peines  légales.  Le  30  décembre,  il  fait  dénoncer  à  l'accusateur  public, 
François  Lemire,  domestique  d'émigré  rentré.  Le  14  janvier,  il 
remercie  la  Société  populaire  d'avoir  dénoncé  la  Galette  Nationale, 
et  l'engage  à  continuer.  Les  13  et  19  janvier  1793,  il  fait  dénoncer  à 
l'accusateur  public  le  prêtre  Samson,  habitué  à  Saint^Etienne-des- 
Tonneliers,  et  Quesnel,  curé  de  Saint-Jacques  de  Dieppe;  le 
19  janvier  il  destitue  Lepecq  de  la  Clôture,  médecin  du  dépôt  de 
mendicité,  parce  qu'il  s'est  absenté,  et  Marc,  chirurgien  du  même 
établissement,  faute  de  serment. 

Par  des  arrêtés  des  21  et  23  janvier,  il  ordonne  que  Le  Bailli f- 
Mesnager  (2)  émigré,  et  Charlotte  de  Roncherollcs  (3),  arrêtée  à 
Dieppe  avec  Julie  Lemaître,  sa  femme  de  chambre,  tous  les  trois 
rentrés  en  France,  et  détenus  à  la  maison  d'arrêt  de  Saint-Lô  de 
Rouen,  seront  transportés  à  Dieppe  et  delà  en  Angleterre  «  aux 
termes  de  la  loi  du  9  novembre  1792.  »  Ces  ordres  recevront  leur 
exécution  les  24  et  27  janvier.  (4) 

C'est  par  suite  de  la  notification  d'un  arrêté  du  département  du 
5  avril  que  le  prêtre-journaliste  Guilbert  est  obligé  de  se  retirer  en 
Suisse,  et,  en  cette  occasion,  le  directoire  se  fait  l'exécuteur  des 
volontés  depuis  longtemps  manifestées  par  la  Société  populaire, 
dont  la  plupart  de  ses  membres  font  partie,  et  qui  veut  la  suppres- 
sion des  journaux  aristocratiques  (5). 

Le  23  janvier,  le  même  directoire  fait  renvoyer  aux  frontières 

(1)  H.  Wallon,  les  Représentants  en  missionj  t.  III.  p.  74. 

(2)  Il  s'agit  d'Alexandre-.Armand  Le  Baillif-Mesnager,  chanoine  déjà  Cathédrale  de 
Rouen. 

(3)  De  Lérue,  d'après  un  reg.  d'écrou  de  Sainl-LÔ. 

(4)  Le  procès-verbal  relatif  au  transport  de  Charlotte  de  Roncherolles  hors  des 
frontières  fut  déposé  sur  le  bureau  du  district  le  26  janvier.  La  femme  Lemaitre,  grosse, 
entra  le  même  jour  à  la  gésine  de  rilôtol-Dieu.  Le  27  décembre  précédent,  elle  avait 
demandé  sa  mise  en  liberté  provisoire  et  il  en  avait  été  référé  au  Ministre  de  rintérieur. 

i5)  Reg.  de  la  Société  populaire. 


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cinq  prêtres  et  quatre  émigrés  rentrés,  et  dénoncer  à  Taccusateur 
public  deux  prêtres  déportés.  Le  1^"^  février,  sur  un  avis  du 
district  de  Dieppe,  il  fait  poursuivre  Burette  (1),  agent  des  affaires 
du  marquis  de  Sommery,  le  dénonce  au  comité  de  surveillance  de 
la  Convention,  et  demande  la  destitution  de  Bellon,  capitaine  du 
port  de  Dieppe,  suspecté  de  favoriser  les  émigrés,  puis  le  10  avril 
suivant  il  informe  la  municipalité  do  Rouen  de  Fa  présence  de 
Burette  en  cette  ville,  où  il  a  un  domicile. 

Le  3  février,  il  enjoint  au  notaire  Delamare  de  cesser  ses  fonc- 
tions parce  qu'il  n  a  pas  de  certificat  de  civisme.  Le  7,  il  fait  déporter 
Tabbé  Bridel,  curé  d'Etot  ;  le  18,  il  provoque  des  mesures  contre  les 
religieuses  des  Gravelines.  Le  29,  il  rend  une  décision  à  Tégard  des 
femmes  et  des  biens  d'émigrés,  laquelle  pour  être  en  harmonie  avec 
la  législation  spéciale  n'en  est  pas  moins  révolutionnaire  :  les  femmes 
d'émigrés  doivent  être  réputées  civilement  veuves.  (Alors  pourquoi 
les  divorcer,  le  mariage  n'étant  qu'un  contrat  civil  ?;  La  confisca- 
tion des  biens  d'émigrés,  dit  le  département,  n'a  pas  lieu  à  titre  de 
profit,  mais  pour  indemniser  Ja  nation  des  dépenses  que  les  émigrés 
lui  occasionnent  pas  les  guerres  qu'ils  lui  attirent. 

Le  20  mars,  il  enjoint  aux  nommés  Psalmon,  Duhamel,  Fastrel, 
Prévost,  Michel  et  Foloppe,  prêtres.  Cardon,  religieux  bénédictin, 
Larcher,  ci-devant  curé  de  Ménerval,  de  se  conformera  l'article  pre- 
mier de  la  loi  du  20  août  1792  sur  la  déportation.  Le  27,  il  ordonne 
que  dix  autres  prêtres  :  Petit,  Barbier,  Taylor,  Levallois,  Guérard, 
Lesueur,  Delaunay,  Franquelin,  Ouf,  Massé  et  Hcuzé,  seront  pro- 
visoirement rétradés  à  Saint- Vivien  jusqu'à  leur  déportation.  Confor- 
mément à  l'avis  du  district,  il  décide  la  déportation  à  la  Guyane 
française  de  Jean-Gervais  Prod'homme,  lequel  pétitionne  inutile- 
ment en  se  fondant  sur  ce  qu'il  n'était  pas  fonctionnaire  public. 

Sous  la  caution  des  citoyens  Le  Vavasseur,  négociant,  et 
Ribard,  rue  Morand,  le  département  avait,  le  7  avril,  élargi  provi- 

(l)  Les  armes  de  Burette,  saisies  parla  municipalité  de  Neufchàtel,  lui  avaientété  res- 
tituées le  -15  oct.  17»1.  —  Burttte,  arrêté  à  Aulage,  livré  à  la  Commission  militaire,  fut, 
de  Neufchâtel,  en  vertu  d'ordonnance  du  directeur  du  jury  de  cette  \ille,  transféré  à 
Saint-Lô  de  Roueu,  le  29  août  1799,  comme  prévenu  d'émigration.  Rayé  provisoirement 
puis  définitivement,  il  fut  mis  en  liberté,  sur  la  réquisition  de  Delaistre,  commissaire  du 
gouvernement,  le  18  janvier  1800. 


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—  02  — 
soircmentia  famille  deChaumontel,  composée  des  père  ot  mère  e) 
de  trois  filles.  Sous  un  prétexte  fourni  par  la  loi  du  28  mars  sur  les 
émigrés,  et,  en  réalité,  pour  obéir  à  une  nouvelle  dénonciation, 
il  ordonne  le  25  avril  qu'ils  seront  réintégrés  en  prison.  Le  député 
Saladin  obtient,  le  6  mai,  qu'ils  soient  de  nouveau  mis  en  liberté  et 
consignés  chez  eux  ainsi  que  leur  domestique,  sous  la  responsabilité 
des  citoyens  Asselin  et  Donnay.  Puis,  le  22  mai,  ordre  est  donné  de 
les  conduire  aux  frontières  du  département.  Cette  décision  sera 
aussi  rapportée  et  ces  personnes  seront  réincarcérées  jusqu'à  la  fin  de 
la  Terreur.  (1)  M.  de  Chaumontel  est  l'un  des  Rouennais  qui  se  sont 
offerts  comme  otages  de  la  famille  royale.  (2) 

Si  le  département  n'ordonne  plus  la  déportation  à  partir  du 
4  mars  1793,  il  a  soin  d'en  expliquer  les  raisons,  qui  se  trouvent  dans 
un  arrêté  de  Saladin  et  de  Pocholle,  représentants  du  peuple  ; 
«  Dans  le  moment  actuel ,  la  déportation  des  ecclésiastiques  est 
une  mesure  non  seulement  insuffisante,  mais  dangereuse.  C'est  un 
plus  nouveau  mode,  adopté  par  la  Convention  (  décret  du  23  avril  ) , 
qu'il  faut  employer  :  l'embarquement  et  la  translation  à  la  Guyane 
française.  » 

C'est  enfin  le  département  qui  accueille  la  dénonciation  faite  à 
l'instigation  de  la  Société  populaire,  par  Villiers,  de  Sommery, 
contre  Angué,  de Manquenchy,  et  décide  le  20  avril,  de  lenvoyer  à 
l'accusateur  public,  ce  qui  aboutira  à  la  condamnation  à  mort  de  ce 
malheureux,  frère  d'un  prêtre. 

Cependant,  aux  yeux  de  quelques-uns,  ce  qui  pèse  le  plus  lour- 
dement peut-être  sur  les  membres  du  département,  c'est  leur  adresse 

(1)  M.  et  M«»«  de  Chaumontel  furent  mis  en  liberté  le  11  octobre  1794,  et  leurs  filles 
le  14  novembre  suivant  par  ordre  du  représentant  du  peuple  Sautereau. 

(2)  E.  Biré,  Le$  défenseurs  de  Louis  XVI ^  p.  286.  —  Lî  liste  des  otages  comprend 
des  noms  d'habitants  de  Rouen  et  des  environs  parmi  lesquels  :  Le  Baitlif-Mesnager, 
capitaine  d'infanterie,  gentilhomme  ordinaire  du  roi  ;  Bourbel  de  Montpinçon  (adminis- 
trateur du  département)  ;  Doury,  procureur  au  Parlement  de  Normandie  ;  Guérard  de  la 
Quesnerie,  ex-substitut  en  la  Cour  des  Comptes;  Hélie  de  Combray,  Hélie  de  Bonneuil 
et  Hélie  de  Tresperel  ;  Yvelin  de  Bcville,  ex.procureur  du  Roi  au  siège  de  la  vicomte  de 
TEau  à  Rouen  ;  Jolivet  de  Colomby,  ex-conseiller  à  la  Cour  des  Comptes  de  Normandie; 
Benjamin  Lentaigne;  le  chevalier  de  Limoges;  MM.  de  Mellemont  (Duhamel);  le  comte 
de  Miromesnil  ;  Louis  Tiphaigne,  avocat  ;  deux  Caqueray  de  Valmenier,  la  marquise  de 
Combray,  etc. 


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1 


-  63  — 

du  22  janvier  1793,  qu'on  n'a  pas  eu  à  mettre  sur  le  compte  d'une 
surprise,  puisqu'on  n'en  a  point  parlé.  Cest  leur  approbation  du 
«  jugement  solennel  »  que  vient  de  rendre  la  Convention,  donnée  à 
une  telle  date,  avec  une  précipitation  qu'on  serait  tenlé  d'attribuer 
à  une  sorte  d'affolement,  si  les  expressions,  pour  ainsi  dire  calculées, 
de  l'adresse,  n'attestaient  pas  le  plus  grand  sang-froid  :  «  Nous  nous 
rallierons  sans  cesse  autour  de  vous,  nous  ferons  exécuter  vos 
loix.  »  (î)  Voilà  ce  que  M.  do  Fontenay  et  ses  collègues  trouvent 
opportun  de  faire  savoir  aux  juges  de  Louis  XVI,  le  lendemain  de 
l'exécution  de  la  sentence,  un  mois  avant  que  les  révolutionnaires  du 
conseil  de  la  commune  de  Rouen  entraînent  ce  conseil  à  envoyer  à 
leur  tour  à  la  Convention  des  félicitations. . .  moins  effrayées. 

Aussi,  n'est-on  pas  surpris  lorsqu'on  les  voit,  le  26  avril  rédi- 
ger une  nouvelle  adresse  à  la  Convention,  qui  les  a  enthousiasmés  — 
eux  qui  comptent  un  ci-devant  noble  (2)  dans  leurs  rangs  —  en 
mettant  les  aristocrates  et  les  ennemis  de  la  révolution  hors  la  loi. 

Le  district,  presque  toujours  associé  par  ses  avis  conformes 
aux  résolutions  de  la  municipalité  et  du  département,  laisse  acci- 
dentellement s'introduire  dans  ses  séances  les  procédés  de  la  Société 
populaire  et  de  l'Hôtel-de-Ville. 

Par  exemple,  le  26  mars  1793,  une  scène  s'y  produit,  début  d'une 
autre  qui  se  dénoue  au  Conseil  général  de  la  Commune.  Germain- 
Denis  Letellier,  prêtre,  qualifié  d'insermenté,  vient  demander  si 
ayant  prêté  le  serment  civique  à  Saint-Martin-du- Vivier,  il  sera 
dans  le  cas  du  nouveau  décret,  c'est-à-dire  dispensé  de  la  dépor- 
tation. Il  n'est  pas  fonctionnaire  public  ;  «  instituteur  »  do  deux 
enfants  du  citoyen  Hébert,  qui  demeure  à  Ecalles,  district  de  Cau- 
debec,  il  habite  provisoirement  chez  la  dame  Hébert,  leur  tante,  rue 
de  l'Ecureuil. 

Dès  que  l'abbé  Letellier  s'est  expliqué,  Lefebvre-Signol,  mem- 

(1)  A  cette  séance  publique  du  22  janvier  sont  présents  :  De  Fontenay,  président, 
Revelle,  Belhoste,  Dumazert,  Grandin,  Deshais,  Choin,  membres  du  Directoire; 
Lwnbert,  Leblond,  Caron,  Lestiboudois,  Blanche,  Albitte,  Godefroy  et  Guéret,  adminis- 
trateurs; Basire,  suppléant  le  procureur  général  syndic  Anquetin,  occupé  dans  son 
bureau. 

(2)  Grandin. 


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-  61  - 

bredu  conseil  du  district,  fait  observer  qu'il  le  reconnaît  parfaite- 
ment pour  être  un  des  agitateurs  du  peuple  dans  rémeutedul2 
janvier,  et,  sur  le  champ,  le  district  ordonne  que  recclésiastique  va 
être,  sous  bonne  et  sûre  garde,  conduit  à  la  municipalité,  accom- 
pagné de  son  dénonciateur.  Arrivé  là,  Lefebvre-Signol  précise  : 
La  veille  du  jour  où  l'arbre  de  la  lil)erté  a  été  scié  et  brûlé  sur  la 
place  de  la  Rougemare,  il  a  vu  Letellier  au  pied  de  la  table  où  Ton 
signait  Tadresse,  criant  :  Vice  le  Roi  !^  et  disant  :  Si  on  eût  mis 
Vive  le  Roi  !  en  tête  de  l'adresse,  tout  le  monde  aurait  signé.  — 
C'était  grave,  et  Ton  en  condamna  à  mort  pour  de  moindres 
choses.  —  Mais  si  Tabbé  reconnaissait  avoir  signé,  il  n'avait  pas 
entendu  crier  et  n'avait  pas  même  eu  Tidéc  de  crier  :  Vive  le  Roi  ! 
L'accusateur,  un  insigne  patriote,  n'en  persistait  pas  moins. 
Cependant,  le  prêtre  put  justifier,  séance  tenante,  avoir  prêté 
serment,  et  le  Conseil  général  de  la  Commune  fit  ce  que  le  district 
lui-même  pouvait  faire,  il  lui  permit  de  se  retirer  sous  sa  caution 
juratoire  de  se  présenter.  (1) 

C'est  le  même  jour  que  le  directoire  du  district,  en  exécution 
d'un  arrêté  du  département  du  16  mars,  fait  donner  ordre  au  con- 
cierge delà  maison  commune  des  prêtres  non  déportés  (Saint- Vivien) 
pour  qu'aucun  d'eux  ne  sorte  et  que  personne  du  dehors  ne  puisse 
leur  parler  sans  une  permission  des  commissaires  chargés  de  l'ins- 
pection et  de  la  police  (Lamine  et  Georges  Langlois). 

Il  semble  que  malgré  d'assez  nombreuses  publications  sur  ce 
sujet,  il  reste  encore  beaucoup  de  détails  intéressants  à  révéler  sur 
la  persécution  religieuse  à  Rouen,  pendant  cette  période.  Je  me 
bornerai  à  dire  qu'il  semble  que  si  la  municipalité  Rondeaux  est 
moins  défavorable  aux  nobles,  aux  f  uspects  réfugiés  à  Rouen,  qu'aux 
prêtres,  ses  procédés  à  l'égard  de  ces  derniers  affectent  généralement 
une  correction  relative,  qui  disparaîtra  à  la  fin  d'août  en  même  temps 
que  s'installera  le  vrai  Comité  de  Salut  public.  Ainsi,  lorsqu'elle  se 
voit  forcé  de  sévir  contre  deux  des  chapelains  de  l'hôpital  gônéfal, 

(1)  Le  5  brumaire  an  FV  Tadministration  du  canton  de  Frcville,  informait  le  départe- 
ment qu'elle  avait  décerné  mandat  d'arrêt  contre  cet  ahbè  Letellier,  demeurant  h 
Ecalles-Alix,  et  fortement  soupçonné  d'avoir  conlrtvcnu  à  la  loi  du  7  vendémiaire  an  IV 
sur  la  police  des  cultes. 


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elle  écrit,  le  20  avril,  au  citoyen  Gratieû,  évêque,  que  leur  incivisme 
très  marqué  a  donné  lieu  à  des  dénonciations  qui  ont  obligé  à  les 
mettre  en  arrestation,  et  lui  signale  le  troisième  «  dont  le  fanatisme 
ne  le  cède  en  rien  à  celui  des  deux  autres  ».  Gratien  était,  par  suite, 
vite  à  les  remplacer  tous  les  trois.  (1) 

Au  commencement  de  1793,  il  existait  déjà  une  cinquantaine  de 
lois  et  décrets  concernant  les  émigrés  et  leurs  biens.  Forcément, 
les  administrations  antérieures  s'étaient  occupées  des  biens,  mais 
évidemment,  comme  on  le  leur  reprochait  peu  de  temps  avant 
«  têlagage  »  de  brumaire  an  II  (  octobre  1793),  elles  avaient  plutôt, 
pour  les  personnes  des  émigrés  que  pour  les  prêtres,  négligé  l'exécu- 
tion des  ordres  de  l'Assemblée  législative  et  de  la  Cîonvention. 

Les  dispositions  des  lois  et  décrets  du  25  septembre  1791, 
établissant  la  peine  de  la  déportation  contre  les  émigrés  rentrés  ;  de 
février,  mars  et  avril  1791,  mettant  les  biens  des  émigrés  sous  la 
main  do  la  nation  ;  du  15  août  1792,  qui  consignaient  dans 
leurs  municipalités  respectives  les  pères,  mères,  femmes  et 
enfants  d'émigrés  ;  des  1«'  et  8  septembre  suivant,  sur  les  ventes 
de  biens  d'émigrés,  et  du.  12  septembre,  sur  la  justification  de 
l'existence  en  France  de  leurs  fils  disparus,  ne  furent  que  très  tardi- 
vement et  très  incomplètement  appliqués.  On  ne  voit  pas  qu'il  ait 
été  agi  autrement  à  l'égard  de  certain  arrêté  fort  peu  connu,  pris  par 
le  Comité  de  Salut  public  de  la  Convention,  le  19  septembre  1792, 
et  portant  que  le  Ministre  de  l'Intérieur  donnera  les  ordres  néces- 
saires pour  faire  arrêter  tous  les  gens  suspects  à  Rouen,  Toulouse  et 
autres  villes  y  dénommées,  et  pour  les  faire  transporter  dans  le  nord, 
à  cinquante  lieues  de  leur  pays  (2). 

Le  département,  le  district,  la  municipalité  ou  font  réimprimer 
ou  rééditent  dans  leurs  propres  arrêtés,  eux-mêmes  renouvelés 
parfois  à  différentes  reprises,  les  prescriptions,  délais  et  peines  de  la 
plupart  des  lois  et  décrets.  Mais  souvent  cela  n'est  guère  qu'un 
simulacre,  et  il  n'est  pas  rare,  au  Conseil  général  de  la  Commune, 
qu'un  membre  signale  qu'une  loi  est  restée  à  l'état  de  lettre  morte, 
et  fasse  motion  qu'elle  soit  mise  à  exécution. 

(i)  Ârcb.  municipales. 

(2)  Archires  nationales,  A  F  ii  22,  dossier  170,  pièce  n«  25. 


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A  la  maison  commune,  où  le  bureau  municipal  a  été  autorisé  à 
prendre  quinze  commis  supplémentaires  pour  s'occuper  des  biens 
nationaux  (1)  sont  installés,  comme  aux  directoires  Ju  district  et  du 
département,  des  bureaux  où  s'élaborent  et  se  centralisent  les  listes 
d'émigrés,  les  préparatifs  des  confiscations,  séquestres,  expertises, 
inventaires,  cahiers  de  charges  et  ventes  de  leurs  biens.  Tout  cela 
si  lentement  qu'un  énorme  arriéré  ne  tardera  pas  à  s  y  accumuler, 
encore  bien  qu'en  ce  qui  concerne  les  immeubles  de  cette  origine,  les 
réalisations  ne  commencent  qu'en  octobre  1793,  un  peu  moins  d'un 
mois  avant  le  renouvellement  des  administrations. 

Les  listes  d'émigrés  y  sont  établies  ou  rassemblées  avec  une 
légèreté  et  des  inexactitudes  étranges,  des  indications  vagues, 
équivoques,  qui  en  rendent  l'application  incertaine,  de  telle  façon 
que,  plus  tard,  les  radiations  s'en  trouveront  facilitées. 

Dès  le  21  mars  1792,  le  district  retourne  à  la  municipalité  une 
liste  de  plusieurs  individus,  domestiques  ou  agents  d'émigrés,  restés 
logés  dans  les  maisons  que  leurs  maîtres  occupaient  en  ville,  avec 
autorisation  de  congédier  ces  individus  dans  le  plus  bref  délai. 
Ce  sont  :  Dumesnil  et  Pierre  Asselin,  maison  de  l'ex-président 
Armand  de  Bailleul,  rue  du  Moulinet  ;  Toutain,  homme  d'affaires, 
maison  Lambert  (deFrondeville)  (2)  rue  deBeffroy  ;  Jacques  Lozier 
et  veuve  Laurent,  maison  Gueroult  do  Bouttcmont  (3),  rue  Saint- 
Patrice  ;  Jacques  Leprevost,  domestique,  maison  Rome  (de  Fres- 
quiennes)  (4)  père  et  fils,  rue  de  l'Hôpital  ;  Pommeraye,  ex-maître 
des  Comptes  ;  la  veuve  Duval  et  Duval  prêtre,  habitant  le  côté 
gauche  de  la  maison  Le  Cordier   de  la  Londe.  Seule,   la   maison 


(1)  Séance  du  29  mars  1793. 

(2)  Louis-César  Lambert  de  Frondeville,  ex-président  à  mortier  au  Parlement 
de  Rouen,  t*un  des  quatre  députés  de  la  noblesse  du  bailliage  de  Rouen  aux  Etats- 
Généraux.  Son  hôtel  de  la  rue  Beffroy,  fut  adjugé  au  sieur  Lafosse,  le  4  frimaire  an  III, 
108,500  livre». 

(3)  Sa  maison  de  la  rue  Saint-Patrice  fut  adjugée  le  4  prairial  an  II,  à  M.  G.  Angran, 
par  00,000  1.  La  plus  grande  partie  de  ses  domaines,  qui  étaient  à  la  Rùe-Saint-Pierre, 
furent  vendus  247,000  livres,  et  les  autres  environ  100,000  livres. 

(4î  Sa  maison  de  la  rue  de  l'Hôpital  fut  vendue  comme  bien  national  au  marquis  du 
Hallay,  100,000  1.  —  La  plupart  de  ses  domaines  n*ont  pas  été  vendus. 


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-  67  — 
de  Hécamp   de   Colletot,    rue    Sainte-Croix-des-Pelletiers    est 
vacante. 

L'activité  des  Rouennais  affecte  de  redoubler  après  que  la  loi  du 
15  août  1792  a  étendu  à  leur  ville  les  dispositions  du  décret  du  20 
mai  relatif  à  la  police  do  Paris  et  au  moyen  de  constater  les  noms, 
qualités  et  demeures  des  individus  qui  y  arrivent  journellement. 

La  dénonciation  faite  par  le  député  Gensonné  dans  l'Assemblée 
Législative,  où  il  a  représenté  la  ville  de  Rouen  comme  étant  le 
foyer  d'une  contre-révolution,  le  décret  du  15  août  qui  met  en  accu- 
sation le  député  Tarbé  et  autres,  celui  du  lendemain  relatif  à  la 
répression  des  troubles  de  Rouen  activent  les  mesures  révolution- 
naires. 

Le  22  août,  la  municipalité  s'appliquant  à  rendre  efficace  les 
décrets  relatifs  aux  parents  émigrés  qui  doivent  rester  en  otage, 
décide  de  ne  délivrer  de  passe-port  qu'à  ceux  qui  n'ont  pas  d'émigrés 
parmi  les  leurs.  Le  département  lui-même,  encore  alors  présidé  par 
M.  d'Herbouville  (24  sept.  92)  prend  le  25  un  arrêté  consignant  chez 
eux  les  parents  d'émigrés,  mais  obligeant  ceux  qui  n'ont  pas  leur 
domicile  habituel  à  Rouen  ou  dans  les  autres  localités  du  départe- 
ment où  ils  sont  actuellement  en  résidence  momentanée,  à  se  retirer 
dans  leurs  municipalités  respectives  dans  les  huit  jours  sous  peine 
d'arrestation.  Il  autorise  les  commissaires  des  sections  à  se  transporter 
chez  tous  les  citoyens,  particulièrement  chez  les  administrateurs  du 
département,  du  district  et  les  officiers  municipaux,  sans  les  prévenir 
du  jour  ni  de  l'heure  de  cette  visite,  mais  seulement  en  ayant  soin 
de  se  faire  accompagner  par  un  officier  municipal. 

MM.  de  Fontenay,  maire,  et  Bazire,  procureur  de  la  Commune, 
font  aflScher  un  arrêté  du  Conseil  général  de  la  Commune,  pris  en 
présence  des  sections,  le  19  septembre,  qui  est  un  appel  aux 
dénonciations,  invitant  à  déclarer  sur  le  champ  quelles  sont  toutes 
les  personnes  habitant  Ronen  connues  pour  avoir  des  enfants 
émigrés  :  «  Des  ingrats,  des  traitres,  que  la  France  a  trop  longtemps 
nourris  dans  son  sein,  ont  été  chez  toutes  les  nations  vous  susciter 
des  ennemis.  Réunis  aux  hordes  des  despotes,  leui'S  bras  parricides 
sont  levés  pour  immoler  patrie,  liberté,  pour  égorger  tout  ce  qui 


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—  68  — 

n'a  pas  l'âme  d'un  esclave. . .  »  —  Ce  qu'on  s'est  plu  à  appeler  le 
style  de  Pillon  s'était,  on  le  voit,  introduit  dans  les  actes  de  la 
municipalité  avant  l'entrée  de  Pillon  au  conseil  général. 

Les  incitations  des  aflBches  ne  donnant  pas  de  résultat,  on  cher- 
che à  faciliter  des  délations  dont  bien  souvent,  sans  doute,  on  n'aurait 
nul  besoin,  car  il  est  des  émigrations  dont  plus  d'un  officier  munici- 
pal a  personnellement  connaissance.  «  Beaucoup  de  personnes, 
croit-on,  ne  viennent  pas  faire  de  dénonciations  contre  les  émigrés 
parce  qu'on  les  obligerait  à  signer.  ))  Cette  considération  détermine 
la  Commune  à  adopter,  dans  sa  séance  du  24  septembre,  la  propo- 
sition de  dispenser  de  signature...  Un  an  plus  tard,  le  Comité 
départemental  de  Salut  public  ne  sera  pas  plus  accessible  aux  déla- 
teurs. 

Peut-être  est-ce  cela  qui,  le  6  octobre  1792,  procura  aux  admi- 
nistrateurs du  district  la  satisfaction  de  faire  passer  à  la  municipalité 
«  un  petit  état  d'enfants  d'émigrés  »  qu'on  vient  de  lui  envoyer,  non 
signé,  et  qui  comprend  : 

«  Un  ou  deux  fils  du  sieur  de  Guichainville,  conseiller  au  ci- 
devant  parlement  ; 

((  Le  fils  du  sieur  Biencourt,  rue  de  la  Seille  ; 

«  Le  fils  du  sieur  Morin,  auditeur  à  la  Chambre  des  Comptes, 
rue  des  Maltresses  ; 

«  Le  fils  du  sieur  de  Trémauville  ; 

«  Le  fils  aîné  du  sieur  Quesnel,  en  son  vivant  procureur  du  roi 
de  la  maîtrise  de  Caudcbec  »  (1). 

D'autres,  soupçonnés  d'émigration,  sont,  en  novembre  1792, 
l'objet  d'une  sorte  d'enquête.  Parmi  ceux-ci  :  les  sieurs  Troterel^ 
ci-devant  conseiller  au  ci-devant  parlement,  ayant  son  dernier  domi- 
cile chez  David  Gueroult,  émigré  ;  De  Vivefoy,  ci-devant  conseiller 
au  parlement,  qui  habitait  une  partie  de  maison  appartenant  au 
citoyen  Robert  de  Saint- Victor  ;  De  Piperey  de  MaroUes,  ci-devant 
conseiller  au  parlement,  ayant  demeuré  rue  de  la  Chaîne,  chez  le 
citoyen  de  Thibouville,  son  beau-père  ;  Desperrières,  ayant  eu  son 
dernier  domicile  rue  Faucon,  n<>  65;  Martain ville,  ayant  demeuré  rue 

(1)  Archives  municipales,  pièce  originale.  —  Il  n'existe  plus  de  registre  des  séances 
du  district  de  Rouen  antérieur  au  i"  janvier  1793. 


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Beauvoisine,  n®  88,  maison  du  ci-devant  chanoine  Carrey  de  Saint- 
Gervais  ;  Perrière,  rue  Bourg-l'Abbé;  La  Rocque,  militaire,  chez 
Heutte,  rue  de  TEpée  ;  le  sieur  de  Sermentot,  demeurant  au  collège 
du  Pape,  rue  Saint-Nicolas  ;  Laurent  Guyot  d'Etalleville,  capitaine 
de  cavalerie,  rue  des  Arsins,  n®  12;  Guillaume  Rouland,  ancien 
gendarme,  rue  Pincedos,  et  Delamare,  ancien  gendarme,  près  le  petit 
Porche  (1). 

Les  inconvénients  du  système  adopté  pour  la  confection  dea 
listes  étaient  manifestes.  Il  en  est  de  nombreux  exemples,  entre 
autres  ceux  résultant  de  ce  que  des  nobles,  restés  ou  réfugiés  à 
Rouen,  n'y  étaient  point  regardés  comme  émigrés,  tandis  que  soit 
au  lieu  de  la  situation  de  leurs  biens,  guettés  par  des  voisins,  soit  au 
lieu  de  leur  dernier  domicile,  on  les  considérait  comme  tels.  Par 
suite  d'un  certificat  de  résidence  délivré,  on  ne  sait  comment,  par  la 
municipalité  de  Rouen,  la  municipalité  de  Vattetot,  district  de 
JMontivilliers,  avait  négligé  de  séquestrer  les  biens  de  M.  de  Bailleul, 
notoirement  émigré,  et  le  citoyen  Lenud,  d' Yvetot,  s'acharnant  déjà 
contre  les  Rouennais,  envoyaient  à  la  Convention  une  dénonciation 
inculpant  ces  derniers.  La  municipalité  de  Rouen,  fortement  émue, 
se  préoccupe,  le  28  novembre  1792,  d'écrire  aux  frères  Lenud,  et  de 
se  disculper.  D'Ochey,  district  de  Toul,  dont  il  était,  le  ce  ci-devant 
seigneur,  ))  on  s'informait  du  sort  du  ((  nommé  Antoine-Gabriel 
Le  Bègue  de  Germiny,  »  à  propos  duquel  on  répondait  de  Rouen,  le 
14  mars  1793,  qu'il  demeurait  en  cette  ville,  rue  de  l'Hôpital,  n^  5.  (2) 

Les  adjudications  des  biens  domaniaux  et  ecclésiastiques,  qui 
ont  eu  lieu  à  partir  du  8  octobre  1790,  ont  suivi  leur  cours  (1) 
D'après  certain  (c  tableau  général  des  produits  et  charges  des  biens 
des  religieux  établis  à  Rouen,  dressé  par  la  municipalité  dans  son 
département  des  domaines  »,  il  y  aurait  beaucoup  à  rabattre  du 
produit  total  de  ces  biens  :  sur  les  361,810  1:  6  s.  7  d.  que  produi- 
saient ces  biens  (115,110 1.  1  s.  3  pour  Rouen,  et  139,824 1.  8  s.  6  d. 
pour  la  campagne)  il  y  avait  à  prélever  chaque  année  109,783 1.  6  s. 
5  d.  ce  qui  laissait  un  excédent  de  72,000 1.  environ.  La  balance  des 

(i)  Delamare  fut  guillotiné  à  Rouen,  en  1794. 
(3)  Arch.  municipales. 


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—  70  - 

revenus  éventuels  et  des  charges  de  même  nature  donnait  un  autre 
excédant  de  70,000 1.  (1) 

Particularité  à  noter.  C'est  le  12  janvier  1793,  au  moment  où 
les  troubles  de  la  Rougemare  prennent  un  caractère  inquiétant, 
qu'il  est  procédé  à  la  vente  du  Vieux-Palais,  provenant  du  domaine 
du  roi,  et  qui  est  considéré  par  les  révolutionnaires  rouennais  comme 
une  petite  Bastille.  Ce  château  «  situé  dans  le  plus  beau  quartier  de 
la  ville,   auprès  de  la  rivière,  à  la  portée  d'une  belle  promenade, 
contient  5664  toises  superficielles  d'un  terrain  précieux.  »  Il  est  mis 
en  vente  avec  ses  fossés,  en  laissant  suLsister  pendant  deux  ans  les 
tours  où  sont  enfermés  les  condamnés  au  fer  ou  à  la  gène,  et  sur 
l'estimation  de  450,000  livres,  prix  par  lequel  il  a  été  adjugé  par  la 
Nation  à  la  Ville  de  Rouen.  Le  seul  soumissionnaire  apparent 
d'abord  est  Nicolas  Louis,  architecte  à  Paris,  rue  de  Choiseul,  14, 
logé,  le  jour  de  l'adjudication,   à   l'hôtel    d'Angleterre,   rue.  des 
Carmes.  Mais  l'adjudication  est  prononcée  par  834,800  livres  au 
profit  tant  de  Louis  que  Jean-Louis  Thibault  et  François-Nicolas 
Thibaut  frères,  l'un  entrepreneur  à  Rouen,  rue  du  Vieux-Palais,  41, 
et  l'autre  architecte  à  Paris,  rue  du  Faubourg-Saint-Denis  ;  Michel 
Delafosse,  négociant  à  Rouen,  rue  et  paroisse  Saint-Eloi  ;  Louis- 
Jacques  Langlois,  négociant  à  Rouen,  place  de  la  Cathédrale,  et 
Jacques-Angélique  Manoury. 

Le  Bailliage,  autre  établissement  qui  ne  jouissait  pas  d'une 
grande  considération  parmi  les  révolutionnaires,  adjugé,  avec  la 
maison  du  buvetier,  par  12,000 1.  à  la  municipalité  de  Rouen,  ne  fut 
revendu  que  le  20  juillet  1793,  à  Charles-François  Fortier,  entre- 
preneur de  bâtiments,  à  Rouen,  rue  Saint-Hilaire,  par  65,000  livres 
«  francs  deniers  venants  et  montre.  »  La  salle  des  ci-devant  pro- 
cureurs et  celle  où  s'étaient  tenues  les  audiences  du  ci-devant 
bailliage  étaient  alors  louées  encore  pour  deux  mois  aux  citoyens 
Roland  Gosselin  et  Lesguillier.  N'étaient  pas  compris  dans  la  vente 
notamment  l'autel  des  décorations  et  la  grille  en  fer  de  la  chapelle  de 
Tune  des  salles  d'audiences,  des  grilles,  guichets,  verroux  et  serrures. 

(1)  Arch.  mpales.  —  Les  menses  abbatiales  et  prieurales  ni  les  lieux  claustraux 
ne  sont  pas  compris  dans  les  revenus. 


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-  71— 

Ces  ventes  ne  semblent  pas  avoir  causé  grand  émoi  parmi  le 
peuple.  Les  spéculateurs  s'y  intéressaient  davantage,  naturellement, 
et  il  serait  assez  intéressant  de  les  suivre  dans  leurs  opérations,  afin 
de  reconnaître  parmi  eux  quelques-uns  des  patriotes  dont  les  noms 
se  retrouvent  parmi  ceux  des  diverses  administrations  et  de  la  Société 
populaire. 

En  effet,  si  quelques-uns,  comme  les  Darcel,  Thiberville, 
Delalande,  semblent  agir  isolément,  il  apparaît  assez  clairement  que 
les  Bénicourt,  Lamine,  Gaillon,  Thomas  Grout,  Angrand,  Du  jardin, 
Blard  et  autres  parmi  lesquels  Pillon  lui-même,  et  le  secrétaire 
Havard,  font  partie  d'un  ou  de  plusieurs  syndicats  dont  les  entre- 
prises, les  comptes  et  la  liquidation  ont  peut  être  laissé  quelque  part 
des  traces  qui  ne  verront  sûrement  pas  le  jour  maintenant. 

Aucun  rouénnais  n'ayant  été,  comme  certains  administrateurs 
des  districts  de  Gournay  (1),  et  de  Dieppe  (2),  l'objet  d'accusations 
nettement  formulées  touchant  les  biens  nationaux,  on  doit  croire 
que  c'est  par  ce  qu'ils  n'avaient,  de  ce  chef,  encouru  nul  reproche... 

Cependant,  surtout  lorsqu'on  en  vint  aux  ventes  de  biens 
d'émigrés,  il  y  eut  certainement  plus  de  prévoyantes  spéculations, 
dans  les  combinaisons  savantes  desquelles  entraient  les  assignats,  et 
l'on  en  trouve  d'assez  remarquables  exemples,  non  pas  toujours 
parmi  les  gens  notoirement  connus  pour  être  partisans  de  la  Révo- 
lution, mais  aussi  quelquefois  chez  des  ex-nobles  ou  anoblis.  On 


(1)  Parmi  ces  imptiidents,  traduits  devant  le  tribunal  criminel  en  fructidor  an  II, 
se  trouve  cité  —  mais  épargné,  —  un  juge  de  paix  de  canton  rural,  père  d'une  dame 
qui,  cinquante  ans  plus  tard,  passait  pour  avoir  servi  de  modèle  à  G.  Flaubert,  pour 
t  M"«  Bovary.  ^ 

(2)  Notamment  TafTaire  du  mobilier  de  Belmesnil,  raccontée  par  M.  Duchemin* 
Le  District  de  Dieppe  (voir  La  Noi^iandie  de  mars  1895,  p.  96.)  Un  jugement 
du  tribunal  criminel  de  la  Seine-Inférieure,  du  5  floréal  an  II,  acquitta  deux  des 
accusés,  Vandé  et  Âubé.  Quant  à  Labbé  et  à  Marcasin,  comme  ils  n'échappment 
à  la  condamnation  que  par  insufflsance  de  preuves,  le  jugement  les  déclara 
suspects,  et  ordonna  levr  détention  jusqu'à  la  paix.  En  conséquence,  on  les  transféra 
de  Rouen  en  la  maison  de  détention  de  Dieppe,  le  14  germinal.  Un  autre  inculpé  dans 
la  même  affaire,  le  patriote  La  Mouque,  —  et  quel  patriote  !  —  fut  poursuivi  aussi  pour 
nudversation.  Mais  un  jugement  du  tribunal  criminel,  du  5  floréal  an  II,  déclara  qu'il 
n'y  avait  pas  lieu  à  accusation  contre  lui,  et  il  fut  mis  en  liberté  le  jour  même.  Il  était 
devenu  substitut  de  l'accu^atenr  public  près  le  même  tribunal,  en  ventôse  an  ini 


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-  72- 

pourrait  citer  telle  famille  (1)  d'anciens  sergents,  aux  descendants 
parfaitement  honorables  de  laquelle  une  brillante  situation  de  fortune 
territoriale,  acquise  ou  plutôt  considérablement  agrandie  alors 
aussi,  procure  de  nos  jours  les  alliances  les  plus  recherchées  de  la 
haute  noblesse  française. 

La  mise  à  exécution  des  conâscations  sur  les  émigrés,  dès  avant 
môme  que  les  décrets  des  30  octobre  et  3  novembre  1792  en  eussent 
déterminé  les  formalités,  s  effectue  d'abord  en  s'attaquant  à  leur 
mobilier.  La  vente  de  Timmobilier,  suspendue  par  un  décret  du 
du  11  novembre,  ne  commencera  qu'en  vendémiaire  an  II,  au  bureau 
des  finances. 

La  Révolution  eût  été  tout  de  suite  une  vraie  Californie  pour  les 
huissiers,  dont  le  ministère  était  requis  pour  les  inventaires, 
prisées  et  ventes  des  meubles  confisqués.  Mais  ils  vendaient  à  la 
vacation  !  Leurs  procès-verbaux  sont  parfois  d'une  éloquence  à 
laquelle  atteignent  rarement  les  «  écritures  »  de  ce  genre.  (2)  Des 
huissiers,  ou  peu  patriotes,  ou  qui  avaient  eu  et  pouvaient  avoir 
continué  des  relations  avec  les  familles  des  ci-devant  propriétaires 
des  mobiliers  faisant  l'objet  de  ces  ventes  «  forcées  »,  retardaient 
parfois  les  opérations  dont  ils  étaient  chargés,  sans  doute  pour  per- 
mettre à  quelque  intéressé  d'être  présent,  ou  d'agir  et  de  faire 
surseoir.  Cottais,  commissaire  de  police,  l'un  de  ceux  dont  l#s  agis- 
sements durant  la  Terreur  et  l'immunité  restent  inexpliqués,  fut 
dénoncé  et  traduit  devant  le  conseil  général  de  la  commune  pour 
avoir  manqué  à  plusieurs  rendez-vous  relatifs  à  des  séquestres. 

Nonobstant;  le  nom  d'huissier  ne  recouvra  point  la  faveur 
populaire,  et,  à  Rouen,  on  semble  alors  l'avoir  abhorré  autant  que 
celui  de  procureur.  On  trouve  même,  dans  un  procès-verbal  de  la 
société  populaire,  une  motion  de  changer  ce  nom  <(  exécré  »  et,  c'est 
peut-être  pour  jouer  un  de  ces  bons  tours  dont  on  parait  avoir  été 

(1)  Son  nom  fait  l'objet  d'une  note  d'un  des  libelles  les  plus  connus  qu'aient  fait 
publier  la  suppression  du  Parlement  et  la  création  du  grand  bailliage,  note  singulière- 
ment suggestive  au  point  de  vue  de  la  justesse  des  théories  sur  l'atavisme.  Ici  ne 
se  trouve  point  confirmée  la  croyance  populaire  d'après  laquelle  les  acquisitions  de 
biens  nationaux,  plutôt  funestes  que  profitables,  échappaient  d'une  façon  quelconque, 
à  la  suite  de  revers,  aux  descendants  des  acquéreurs,  à  la  troisième  génération. 

(2)  La  vente  des  mobiliers  d'Aumont  et  de  Thouret  me  fourniront  roccasioQ  d'en 
citer  des  exemples. 


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-  73  — 

coufumier  chez  les  Jacobins  de  Rouen,  que  Ton  nomme  Houel  pour 
faire  un  rapport  sur  la  question,  comme  plus  tard  on  chargea  Tex- 
abbé  Bignon  de  faire  un  rapport  sur  le  mariage  des  prêtres. 

Houel  recueillit  un  jour  pour  la  nation  une  riche  aubaine  dont 
il  vint  faire  part  au  directoire  du  district  le  27  février  1793.  Pendant 
l'inventaire  des  meubles  et  effets  de  l'émigré  Le  Cordier  delaLonde, 
il  avait  trouvé  dans  un  secrétaire  47,000  livres  en  vieux  louis.  Cela 
fut  transporté  à  Elbeuf .  Le  lendemain,  les  oflSciers  municipaux  de 
cette  ville,  accompagnés  de  deux  gendarmes,  remettaient  cette  somme 
au  district,  qui  la  faisait  déposer  provisoirement  chez  le  trésorier. 
Aussi,  malgré  les  préventions  contre  les  huissiers,  Houel  deviendra- 
t'û  secrétaire,  puis  président  de  la  Société  populaire. 

Les  imprimeurs  doivent  faire  fortune  ;  tout  au  moins  ceux  des 
administrations.  Dans  le  chiffre  énorme  de  219,1191.  q.  s.  8d.  def 
frais  d'impression  pour  le  compte  du  département,  s'appliquant  à 
la  période  de  cinq  mois  et  demi,  du  12  octobre  1792  au  24  mars  1793, 
dû  pour  91,655 1.  au  citoyen  Oursel,  et  pour  128,264  1.  au  citoyen 
Le  BouUenger,  (1)  imprimeurs,  les  aflBches  des  ventes  de  mobiliers 
d'émigrés  entrent  dans  le  mémoire  de  ce  dernier  pour  819  livres. 
Elles  concernent  vingt-cinq  émigrés  :  Rome  de  Fresquiennes,  Gueut- 
teville,  Caillot  de  Coqueréaumont,  Vintimille,  Lemarchand,  Chail- 
loué.  Le  Pigny,  veuve  Corneille  de  Beauregard,  Costé  de  Triquer-- 
ville;  Malherbe,  Dubosc  de  Radepont,  Lambert,  de  la  Jonquière, 
Le  Cordier  de  la  Londe,  Le  Roux  de  Crétot,  Guerout  de  Boutte- 
mont,  Boullenc,  Hécamp  de  Colletot,  de  Rouen  de  Bermonville, 
Grenier  fils,  veuve  Rome  du  Bec,  Troterel,  Liancourt,  Mesnard  et 
Robert  de  Saint- Victor  fils. 

Les  premières  formalités  aboutissant  à  ces  ventes  en  concer- 
nent une  qui  parait  avoir  été  la  plus  importante  :  Celle  du  mobilier 
de  Vex-président  de  Bailleul,  sur  lequel  les  scellés  avaient  été  appo- 
sés dès  le  12  juillet  1792.  Par  son  secrétaire  Jacques  Toutain,  M.  de 
Bailleul,  comme  tant  d'autres,  s'était  efforcé,  le  7  octobre  1792, 
d'établir  qu'il  n'avait  pas  émigré,  que  sa  mauvaise  santé  et  celle  de 
sa  femme  les  avaient  obligés  à  se  rendre  aux  eaux  de  Spa,  en  mars 
1791,  avec  des  passeports  en  forme  mentionnant  la  cause  de  leur 

(1)  On  trouvera  plus  loin  quelques  détails  sur  Le  Boullenger. 


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-74- 

voyage.  Il  justifiait  d'un  certificat  du  sieur  de  Limbourg,  docteur 
^n  médecine  de  la  faculté  de  Paris,  résidant  à  Spa,  du  30  août  1792, 
visé,  scellé,  et,  de  plus,  affirmait  être  venu  depuis  plusieurs  fois  à 
Paris.  (1) 

Dans  sa  séance  du  13  octobre,  le  directoire  du  district  trouva 
ces  «  prétextes  abusifs,  et  la  réalisation  de  ses  biens  fut  ordonnée.  La 
vente  du  mobilier  dura  vingt-sept  jours  des  mois  d'octobre  et 
décembre  1793,  et  produisit  27,765  1.  10  s.  3  d.,  non  compris 
plusieurs  milliers  de  livres  d'objets  de  campement  (matelas, 
paillasses,  sommiers,  lits  et  traversins),  mis  à  la  disposition  du 
Ministre  de  l'intérieur,  par  la  loi  des  3  août  et  16  octobre  1793. 

La  vente  mobilière  Lambert  de  Frondeville,  du  26  octobre  et 
jours  suivants,  devant  la  porte  de  son  domicile,  rue  Beffroy,  n*  39, 
donna  15,796  1.  8  d.,  plus  les  objets  de  campement.  Ce  mobilier 
comprenait  deux  tableaux  <c  un  grand  tableau  sur  toile,  représentant 
Joseph  qui  explique  les  songes,  un  portrait  de  Mîircel,  prévôt  de 
Paris,  peint  en  pied,  sur  toile,  1570,  l'un  et  Tautre  «  d'un  très  grand 
prix  )>  lesquels  furent  distraits  et  remis  au  ce  muséum  national  du 
district.  » 

M.  de  Frondeville  parait  avoir  espéré  soustraire  ses  biens  aux 
çffets  de  la  confiscation,  en  donnant  le  29  août  1791,  son  hôtel  et  ses 
meubles  à  bail,  pour  trois,  six  ou  neuf  années,moyennant  3,0001-  Tan, 
à  M°**  veuve  Armand  de  Montant,  née  Le  Prévost.  On  passa  outre 
les  protestations  de  Cl.-N.  Hénin,  son  secrétaire,  qui  présentait  un 
certificat  de  J.-J.  Hanszler,  docteur  en  médecine  de  la  ville  d'Aix- 
la-Chapelle,  visé  des  bourgmestre,  échevin  et  conseil  du  siège  royal 
et  de  la  ville  libre  et  impériale  d'Aix-la-Chapelle,  etc.,  attestant  que 
<i  led.  s' Lambert  s'est  confié  à  ses  soins  pour  le  rétablissement  de 
sa  santé  et  qu'il  lui  a  ordonné  de  continuer  les  eaux  de  lad.  ville 
comme  absolument  nécessaires  pour  compléter  la  cure  par  lui  com- 
mencée. »  Hénin  eut  beau,  selon  une  formule  qu'on  retrouve  dans 
la  plupart  de  ces  sortes  d'inventaires,  faire  toutes  oppositions,  pro- 
testations et  réserves,  objecter  «  que  la  liberté  d'aller,  de  rester,  de 
partir  où  bon  semble,  est  une  des  dispositions  fondamentales  ga- 

"(i>  Archives  municipales. 


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-r   75  ^ 

rantîespar  les  lois;  que  M.  Lambert  prouvait  qu'il  n'était  point 
dans  un  lieu  de  rassemblement  armé,  etc.  »  Rien  n'y  fit.  M.  Lambert 
de  Frondeville,  ancien  Constituant,  notoirement  compromis  dans  des 
manifestations  royalistes,  ne  pouvait  avoir  aucun  titre  à  l'indul- 
gence. . .  ni  môme  à  un  sursis.  (1) 

Ces  opérations  ne  donnent  pas  les  résultats  attendus.  Plusieurs 
abus  ont  été  dénoncés  au  département,  avec  lequel  des  commissaires 
du  district  viennent  en  conférer  le  26  octobre  1792.  Ces  abus  con- 
cernent plus  particulièrement  «  les  objets  utiles  aux  arts  et  au  pro- 
grès des  sciences.  »  Immédiatement,  le  département  prescrit  la 
nomination,  par  chaque  district,  d'un  «  homme  de  goût  ami  de? 
arts,  »  pour  marquer  ces  objets  et  les  faire  transporter  au  dépôt 
général.  Si  l'on  en  juge  parce  qui  s'est  passé  dans  les  châteaux  de 
MM,  de  Belmesnil  et  Bigot,  ces  précautions  n'ont  pas  été  eflScaces. 

On  s'inquiète,  d'ailleurs,  de  ce  que  le  mobilier  n'est  pas  porté 
dans  les  ventes  à  la  valeur  à  laquelle  il  pourrait  monter.  La  Société 
Populaire,  où  Ton  a  parfois  de  bonnes  inspirations,  cherche  les 
moyens  d'attirer  la  concurrence  et  croit,  le  30  novembre  1^92,  en 
avoir  trouvé  un  excellent,  en  réclamant  du  district  l'affichage  des 
inventaires  et  d'une  note  des  objets  exposés  en  vente,  ce  qui  laisse 
supposer  que  les  afSches  donnaient  des  indications  très  insuffisantes. 
Elle  compte  parmi  ses  membres  quelqu'un  qui,  «  par  état  a  des 
connaissances  particulières  des  habitudes  et  de  l'espèce  d'agiotage  de 
ceux  qui  suivent  d'ordinaire  les  ventes,  »  et  elle  le  charge,  avec  deux 
commissaires  ad  hoc,  de  faire  un  rapport  qui  permettra  d'éclairer  le 
district. 

A  ce  rapport,  fait  dans  la  séance  du  2  décembre.  fiu*ent  jointes 
des  observations  adoptées  par  la  S|Ociété,  d'après  lesquelles  les 
mobiliers  d'émigrés,  au  lieud'ôtre  vendus  dans  les  domiciles  où  ils  se 
trouvaient,  devaient  être  réunis  dans  un  local  à  ce  uniquement 
consacré,  où  la  surveillance  serait  plus  facile,  et  où  la  concentration 
augmenterait  la  concurrence.  Ce  projet  de  «  salle  des  ventes  »  ne 
panait  pas  avoir  été  réalisé. 

(1)  Ârch.  municipales. 


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-  7e- 

Ce  n'est  pas  seulement  de  l'application  des  lois  contre  les  véri- 
tables émigrés  que  s'occupent  les  administrateurs.  Les  émigrés  de 
l'intérieur,  qu'ils  désignent  souvent  comme  étant  des  étrangers 
spécialement  visés  par  la  loi,  et  qui  sont  tout  simplement  des 
français  venus  récemment  établir  leur  résidence  provisoire  à  Rouen, 
leur  causent  beaucoup  plus  d'inquiétudes. 

La  soudaineté  et  la  gravité  de  la  manifestation  de  la  Rougemare 
a  fait  supposer  que  ces  «  étrangers,  »  ainsi  que  des  émigrés  et  prêtres 
déportés  rentrés,  y  ont  pris  part.  Il  est  certain  que  nombre  d'habi- 
tants de  la  banlieue  s'y  étaient  mêlés,  et  que  même  des  gens  de 
Lille  avaient  signé  l'adresse  d'Aumont. 

Dès  le  12  janvier  1793,  la  municipalité  invite  les  citoyens  à 
dénoncer  ces  étrangers. 

«  Voulant  prévenir  les  malheurs  qui  peuvent  résulter  de  l'en- 
vahissement de  la  ville  par  des  étrangers  plus  que  suspects  qui,  par 
leurs  propos  et  leurs  menaces,  tendent  à  troubler  l'ordre  public,  »  le 
conseil  général  de  la  commune  charge,  le  27  février,  Lecanu,  Harel 
et  Le  Boucher,  de  préparer  un  projet  de  délibération,  qui  est  voté  le 
lendemain.  Les  commissaires  de  police,  chacun  dans  sa  division, 
devront  faire  toutes  les  perquisitions  nécessaires  pour  s'assurer  qu'il 
n'y  a  pas  à  Rouen  d'autres  étrangers  que  ceux  qui  ont  passé  leur 
déclaration  et  dénoncer  ceux  qui  ne  sont  pas  en  règle. 

Le  bureau  des  passeports  est  rétabli  le  4  mars;  il  ne  fonction- 
nera, en  réalité,  que  le  17  juin. 

Le  12  mars,  Yvemès,  Lecanu,  Carré,  Tarbé,  Anquetîn,  Dela- 
croix, délégués  de  la  municipalité,  confèrent  avec  le  district  et  le 
département,  relativement  aux  étrangers  «  qui  arrivent  en  foule  à 
Rouen.  »  Il  en  résulte,  le  21  mars,  une  délibération  prise  «  avant 
l'ouverture  des  portes  »  enjoignant  de  nouveau  à  ces  étrangers  de 
sortir  de  la  ville  dans  le  délai  de  trois  jours  :  —  «  Toutes  les  fois  que 
des  événements  fâcheux  ou  des  manifestations  sinistres  ont  menacé 
la  liberté  publique,  des  essaims  d'étrangers  sont  venus  fondre  sur 
notre  ville  et  y  établir  leur  domicile  passager,  sous  le  prétexte  spé- 
cieux d'y  chercher  un  asile  et  d'y  jouir  de  la  protection  des  lois  et  de 
tranquillité.  Cependant  l'affluence  de  ces  inconnus  a  presque  tôu- 


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—  77  - 

jours  été  suivie  d'explosions  funestes  à  cette  même  tranquillité  qu'ils 
avaient  Tair  de  rechercher.  Après  la  journée  du  10  août,  des 
inconnus  affectant  un  zèle  hypocrite  pour  les  intérêts  du  peuple, 
régarèrent  sur  l'objet  des  subsistances. ..  » 

Cest  le  même  jour,  21  mars,  que  le  Conseil  nomme  vingt-six 
commissaires,  en  tête  desquels  Pillon  et  Lamine,  pour  des  visites 
domiciliaires,  afin  d'exécution  de  la  loi  du  25  février  contre  les 
émigrés  et  prêtres  déportés. 

Une  des  plus  déplorables  affaires  qui  assombrissent  cette  époque 
naît  dans  les  premiers  jours  de  mars.  Elle  semble  être  la  conséquence 
plus  ou  moins  directe  de  graves  questions  débattues  au  directoire 
du  district  d'abord  le  2,  entre  l'un  des  frères  Lentaigne,  et 
Maillard,  directeur  de  la  ré^ie  de  l'enregistrement  à  Rouen  (1).  Le 
26  mars,  le  bureau  permanent  du  Conseil  général  de  la  Commune, 
présidé  par  Pillon,  ordonne  l'arrestation  des  deux  frères  Lentaigne 
comme  prévenus  de  correspondance  et  «de  propos  anticiviques  et 
contre-révolutionnaires. 

Pillon  est  le  juge  d'instruction  du  procès  de  ces  doux  hommes, 
et  reçoit  immédiatement  contre  eux  les  dénonciations  et  dépositions 
de  Nicolas- Antoine  Auger,  Magloire  Godefroy,  Simon-Pierre  Jorre, 
Pierre-François  Meslin,  Jean-Dominique  Lambert,  et  Pierre-Simon 
Lebarbier. 

Une  perquisition  a  lieu  le  26,  chez  Jean-François  Lentaigne 
aîné,  et  chez  son  frère  Joseph,  qui  sont  arrivés  en  1792  à  Rouen,  où 
l'un  d'eux  a  même  prêté  le  serment  civique  le  13  septembre.  Des 
indications  susp^tes  sur  une  carte  à  jouer,  des  lettres  écrites  de 
Caen,  notamment  le  11  mars,  et  les  noms  même  des  amis  de  Len- 
taigne créent  et  aggravent  les  charges  contre  les  deux  frères,  dont 
le  second,  Joseph,  s'est  enrôlé  naguère  au  7°*®  régiment  de  cavalerie, 
ci-devant  Royal-étranger,  et  a  pris,  le  22  mars,  un  passe-port  pour 
aller  au  Havre. 


(1)  Ce  Maillard  parait  être  le  môme  que  Pierre-Antoine  Maillard,  âgé  de  trente-trois 
ans,  receveur  d'enregistrement,  demeurant  à  Rouen,  rue  Saint-Patrice,  49,  lequel, 
détenu  à  la  maison  d'arrôt  de  Saint-Lô  de  Rouen,  depuis  le  13  frimaire  an  VI  s  évada 
le  lendemain  des  mains  du  commissaire  de  police  et  du  juge  de  paix  qui  perquisition- 
naient chez  lui. 


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-  78  — 

Pendant  leur  longue  détention  à  Rouen,  ces  malheureux  se 
plaignent  de  leur  sort.  Le  28  août  1793,  ils  réclament  leur  mise  en 
liberté,  leur  jugement,  et  la  Commune  passe  à  l'ordre  du  jour.  Pour- 
tant, on  ne  les  envoie  pas  au  tribunal  révolutionnaire  :  M.  Rondeaux 
et  ses  amis  sont  encore  là.  Mais  lorsque  Pillon  sera  maire,  Lentaigne 
l'alné  commettra,  le  23  nivôse  (12  mars  1794),  l'imprudence  de  lui 
envoyer  de  la  maison  d'arrêt  de  Saint-Lô  de  Rouen,  une  lettre  qui  se 
termine  ainsi  :  «  C'est  toi,  citoyen,  qui  as  signé  mon  arrestation  ;  c'est  à 
toi  que  je  m'adresse  avec  confiance  pour  la  faire  cesser,  et  j'aime  àme 
persuader  que  si  je  suis  encore  à  la  maison  d  arrêt,  c'est  que  tu  as 
oublié  que  j'y  étais  encore.  »  Une  lettre  de  son  frère  parvenait  à  la 
municipalité  le  môme  jour  et  bientôt  on  leur  prouva  qu'ils  n'étaient 
point  oubliés.  Transférés  à  Paris,  ils  furent  traduits  le  23  messidor 
(11  juillet)  devant  le  tribunal  révolutionnaire  qui  les  condamna  à 
mort,  et  leur  exécution  eut  lieu  sur  le  champ.  (1) 

La  fin  du  mois  de  mars  et  les  premiers  jours  d'avril  montrent 
aux  prises  les  modérés  et  les  révolutionnaires  rouennais,  ceux-ci 
empressés  à  faire  appliquer  les  récentes  mesures  adoptées  par  la 
Convention,  et  à  saisir  les  occasions  de  faire  prévaloir  leurs  plans. 
Les  circonstances  paraissent  favorables  à  Pillon  et  à  ses  amis  qui 
prennent  goût  aux  visites  domiciliaires,  it  la  chasse  aux  suspects,  et 
chez  la  plupart  desquels  les  procès- verbaux  d'interrogatoires  attes- 
tent de  véritables  aptitudes  pour  la  besogne  d'un  commissaire  de 
police  ou  d'un  juge  d'instruction.  Depuis  quelques  mois  ils  font  de 
très  fréquents  voyages  à  Paris,  et  les  patriotes  parisiens  viennent 
volontiers  à  Rouen.  PochoUe  et  Saladin,  représentants  du  peuple, 
sont  souvent  en  cette  dernière  ville  depuis  le  15  mars,  et  le  premier 
amène  la  Société  populaire  à  des  manifestations  significatives. 

Les  rouennais  jalousent  les  parisiens.  La  Convention  a  établi  à 
Paris,  les  10  et  14  mars,  un  tribunal  criminel  extraordinaire,  dont 
elle  a  fixé  les  attributions,  et  qui,  sans  que  cela  soit  dit  expressément, 
étend  sa  compétence  à  tout  le  territoire  de  la  République. 

(1)  Arch.  départementales.  Reg.  du  district.  —  Arch.  m  pales.  —  Arch.  Jiat.  W  414, 
doss.  949.  Les  mandats  d'arrêt  signés  de  Pillon  et  ceux  de  la  Municipalité  qui  les  confir- 
ment sont  aux  arch.  nat.  doss.  cité,  2»  partie,  2»  et  27»  pièces.  V.  d'ailleurs  M.  Wallon, 
Hisi.  du  tnb.  révol.  de  Pavis^  t.  V,  p.  25  et  26,  où  sont  publiés  deux  des  intéressants 
documents  saisis  chez  les  Lentaigne. 


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-  70- 

Le  29  mars,  au  conseil  général  de  la  commune  de  Rouen,  un 
membre  fait  la  motion  qu'une  pétition  ait  lieu  pour  obtenir  l'éta- 
blissement à  Rouen  d'un  tribunal  révolutionnaire  «  qui  serait  autorisé 
à  prononcer  sur  les  délits  d  une  infinité  (1)  de  contre-révolutionnaires 
actuellement  en  état  d'arrestation  ».  Le  conseil  passe  à  l'ordre  du  jour, 
en  se  basant  sur  la  loi  du  10  mars,  instituant  le  tribunal  criminel 
extraordinaire. 

Cette  fin  de  non  recevoir  n'a  ni  con^vaincu  ni  découragé  celui  qui 
se  l'est  fait  infliger.  Peut-être  est-il  aussi  membre  de  la  Société 
populaire  où,  dans  la  séance  du  lendemain  30  mars,  un  citoyen  (2) 
reproduit  sa  motion.  Après  discussion,  la  société  décide  d'envoyer  la 
pétition  et  charge  de  la  rédaction  les  frères  Caudron  et  Bignon, 
qu'on  ne  s'attendrait  pas  à  rencontrer  en  cotte  occasion,  si  déjà  Ton 
n'avait  vu  leurs  noms  au  pied  de  l'adresse  du  12  janvier  contre 
l'appel  au  peuple. 

Le  dimanche  31,  l'un  des  deux  commissaires  lit  l'adresse,  qui 
est  adoptée  à  l'unanimité.  Le  texte  et  les  signatures,  inédits,  ne  sont 
pas  dans  le  procès- verbal  de  la  Société  populaire. 

Les  voici  néanmoins  : 

«  Les  citoyens  de  Rouen  à  la  Convention  Nationale  : 

»  Ce  \"  Atril  1793,  l'an  deuxième  de  la  République  Française. 

»  Citoyens  LÉGISLATEURS, 

»  Vous  avez  décrété  l'organisation  d'un  tribunal  révolutionnaire 
dans  la  ville  de  Paris. 

»  Cette  mesure  rigoureuse  est  peut-être  la  meilleure  sauvegarde 
de  la  liberté,  poiirvu  que  de  semblables  institutions  se  multiplient 
selon  l'étendue  de  nos  besoins.  En  effet,  comment  penser  qu'un  tri- 
bunal unique  puisse  juger  avec  la  célérité  convenable  la  tourbe 
innombrable  des  scélérats  que  leurs  forfaits  y  conduiront. 

»  Il  faut  placer  le  remède  à  côté  du  mal  pour  que  les  guérisona 
soient  promptes  et  assurées.  Tous  les  départements  ont  leurs  aristo- 
crates, tous  les  départements  doivent  avoir  leurs  juges.  D'ailleurs, 

(1)  Infinité  ne  s'applique  p€is  seulement  à  la  ville  de  Rouen  où  les  suspects  arrêtés 
n'étaient  pas  encore  nombreux,  mais  bien  aux  détenus  de  tout  le  département. 

(2)  Ce  mot  semblerait  indiquer  qu'il  ne  s'agit  pas  d'un  membre  de  la  société,  mais 
plutôt  d'un  citoyen  des  tribunes  de  la  société. 


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-80- 

il  n'est  pas  juste,  sans  doute,  de  ruiner  les  finances  de  l'Etat  pour  le 
transport  de  ces  misérables  qui  font  la  guerre  à  leur  Patrie.  Eh  !  ne 
pouvons-nous  donc  en  être  délivrés  sans  acheter  ce  bonheur  à  grands 
frais  et  par  des  délais  toujours  dangereux.  Songez  que  les  mesures 
dilatoires  et  partielles  n'ont  que  trop  affaibli  les  ressorts  du  gouver- 
nement et  prenez  garde  qu'elles  ne  viennent  enfin  à  bout  d'en  causer 
la  ruine  totale. 

»  Des  tribunaux  donc,  Législateurs,  des  tribunaux  révolution- 
naires pour  les  départements  et  surtout  pour  le  nôtre. 

»  Que  les  forfaits  soient  immédiatement  suivis  d'un  supplice 
rigoureux,  que  l'exemple  terrible  de  l'exécution  des  lois  effraye  les 
aveugles  suppôts  de  laristocratie  dans  tous  les  points  de  la  Républi- 
que à  la  fois,  et  la  République  est  sauvée. 


BiGNON. 

Lemonnier. 

PiLLON. 

J.-B.  Del  ANC  Y. 
L.-S.  Sandrez. 

J.-B^«POLTIER.  (?)  ROZEL. 

B.  Landrin.  Yvernès 

Lefebvre,  Orf®. 
Blondel. 
MoNNiER,  l'Aîné 


L.  Delaporte. 
Caudron. 

Chesneau  le  Jeime. 
Mabon. 
Thébeauz. 


J.-J.  Burin.  (?)  (1) 
Burdelot. 
Arnaud.  (2) 


Philippe. 

Lhoste. 

J.-L.  Haraneder. 

Blanche. 

L.-J.  Lefebvre. 

B.  Prud'homme. 

Cartier. 

Fourneaux. 

Germain  Lenormand. 

fournier. 

Lamine. 

Comme  toujours,  cela  émane  des  «  citoyens  de  Rouen  »,  afin 
d'imprimer  à  la  supplique  le  caractère  d'une  pétition  individuelle  et 
de  dissimuler  l'origine,  qui  en  eut  fait  une  pétition  collective,  inter- 
dite par  la  loi  des  10-18  mai  1791. 

Il  ne  parait  pas  qu'on  se  soit  occupé  dans  les  séances  de  la 
Convention  de  cette  démarche  des  rouennais.  On  voit  seulement  par 
les  annotations  de  l'original  de  la  pétition,  qu'il  parvint  à  destina- 
tion le  6  avril,  et  qu'il  fut  renvoyé  le  J4  au  Comité  de  législation  et 
correspondance  de  la  Convention. 

(1)  Ce  doit  être  Buron. 

(2)  Archive»  nationales,  pièce  originale. 


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-81  - 

Ce  n'est  évidemment  point  par  Tefifet  d'un  pur  hasard  que  le 
jour  même  où  les  membres  de  la  Société  populaire  demandent  ainsi 
un  tribunal  révolutionnaire,  on  s'occupe,  au  Conseil  général  de  la 
commune/ de  compléter  l'organisation  révolutionnaire. 

Jusque  là,  le  véritable  comité  de  surveillance,  c'était  la  Société 
populaire,  fortement  pénétrée  de  l'importance  de  sa  mission,  surtout 
depuis  le  12  novembre  1792,  date  à  laquelle  le  Comité  de  sûreté 
générale  et  de  surveillance  de  la  Convention  lui  faisait  parvenir, 
ainsi  qu'à  toutes  les  sociétés  patriotiques,  une  circulaire  qu'elle  avait 
transcrite  sur  ses  registres  :  «...  Du  milieu  des  décombres  du  trône, 
»  du  fond  de  cette  corruption  sur  laquelle  ils  étaient  assis,  —  disait 
»  la  circulaire,  —  des  insectes  venimeux  et  de  plus  d'une  espèce 
»  osMt  mouvoir  leurs  têtes  hideuses...  Scrutateurs  infatigables 
»  de  tous  les  mouvements  qui  vous  environnent,  faites-nous  con- 
9  naître  les  dépositions  des  hommes  et  la  marche  des  choses. . . . 
»  Mettez-nous  à  portée  de  présenter  bientôt  aux  mandataires  de  la 
»  République  un  tableau  fidèle  de  la  situation  politique  delà  France, 
»  et  si,  comme  nous,  vous  vous  défiez  d'un  patriotisme  qui  ne  date 
»  que  du  10  août,  n'oubliez  pas  aussi  que  plus  l'aristocratie  emprunte 
»  les  formes  et  le  langage  du  civisme,  plus  votre  surveillance  doit 
»  être  austère  et  inexorable. . .  » 

Mais  cette  surveillance  de  la  société  ne  donnait  pas  les  résultats 

désirés  par  les  patriotes.  Le  15  janvier  1793,  un  de  ses  membres. 

Prud'homme,  professeur  d'hydographie,  si  prodigue  de  discours  en 

général  peu  pratiques  et  fort  ennuyeux,  en  avait  prononcé  un  qui 

invitait  la  société  à  former  dans  son  sein  un  Comité  de  surveillance. 

Quatre    membres.    Prud'homme  lui-même,  Arvers,  Eudeline  et 

Lémery  étaient  chargés  de  faire  à  ce  sujet  un  rapport  qui  n'a  pas  eu 

lieu, 

Deux  mois  après,  le  21  mars,  survint  un  décret  ordonnant  la 

création  dans  chaque  commune  et  dans  chaque  section  des 
communes  divisées  en  sections,  à  l'heure  qui  serait  indiqué  par  le 
Conseil  général,  d'un  Comité  de  doujse  citoyens  dont  la  mission  se 
réduisait  à  recevoir  des  étrangers  résidant  dans  la  ville  ou  qui  pour- 
raient y  arriver,  la  déclaration  de  leurs  noms,  âge,  profession,  lieu 
de  naissance. 


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-  82  - 

Il  n'est  ici  question  de  ce  décret  que  parce  qu'on  s'est  habitué  à 
le  représenter  comme  ayant  été  la  source  ou  le  prétexte  des  véritables 
comités  de  surveillance  qui  naissent  vers  cette  époque.  (1)  Il  est 
facile  de  montrer  qu'à  Rouen,  tout  au  moins,  le  décret  du  21  mars 
ne  fut  pour  rien  dans  la  naissance  du  Comité  de  surveillance  du 
!•'  avril. 

Les  légistes  que  comptaient  dans  leurs  rangs  les  patriotes  de  la 
Société  populaire  et  du  conseil  général  de  la  commune  s'inspirèrent 
seulement  de  l'institution  du  Comité  de  surveillance  existant  à  la 
Commune  de  Paris  dès  avant  le  10  août  1792,  (2)  du  Comité  de  sur- 
veillance de  la  Convention,  auquel  était  dévolu  la  police  de  sûreté 
g-^nérale,  et  du  plus  récent  Comité  de  Salut  public  (26  mars). 

A  ce  moment,  leur  attention  était  portée  sur  l'extension  que 
l'article  8  d'un  décret  du  8  mars,  organisant  le  tribunal  criminel 
extraordinaire,  venait  de  donner  aux  fonctions  de  police  et  de  sûreté 
générale,  dont  le  décret  du  11  août  1792  avait  spécialement  chargé 
les  municipalités  pour  la  recherche  des  crimes  compromettant  la 
sûreté  extérieure  et  intérieure  de  l'Etat.  Les  décrets  du  18  mars, 
prescrivant  la  dénonciation  des  émigrés  et  prêtres  déportables  contre 
lesquels  il  édictait  la  peine  de  mort  ;  du  19,  contre  ceux  qui  avaient 
pris  part  aux  émeutes  lors  du  recensement  ;  du  26,  sur  le  désarme- 
ment des  ci-devant  nobles,  autres  que  les  fonctionnaires,  et  des 
prêtres  autres  que  les  évoques,  curés  et  vicaires,  et  de  tous  autres 
suspects,  et  du  29  qui,  pour  faciliter  les  arrestations,  obligeait  à 
l'affichage  sur  la  porte  des  maisons,  des  noms  de  tous  les  habitants, 
ces  mesures  accumulaient  sur  les  membres  des  municipalités  des 
grandes  villes  une  besogne  et  des  responsabilités  de  nature  à  effrayer 
les  plus  résolus. 

Ce  sont  bien  certainement  les  attributions  de  police  et  de  sûreté 
générale,  dont  l'importance  s'était  ainsi  promptement  accrue  que 


(1)  V.  notamment  E.  Rin'%  Pans  en  il03,  p.  158;  H.  ^Vallon,  HisL  du  Tribunal 
révohUionnaire,  t.  I,  p.  68. 

(2)  Maurice  Toumeux,  Procts-vci-baux  de  la  Commune  de  Paris,  publication  de  la 
Société  de  V Histoire  de  la  Révolution,  1894,  p.  12-22  et  61.  Le  Comité  permanent  institué 
par  la  Commune  de  Paris  le  12  août  1792,  remplit  provisoirement  les  fonctions  attri- 
buées aux  juges  de  paix,  aux  commissaires  de  police  et  aux  Comités  du  section.  — 
M.  Tourncux,  ouvrage  cité,  p.  14. 


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—  83  - 

l'on  imagine  de  centraliser  et  de  faire  passer  au  Comité  créé  le 
1«^  avril  1793. 

Cela  se  passe  le  lendemain  d'un  jour  pu  M.  Rondeaux  n'avait 
pas  siégé,  et  où  Pillon,  premier  oflBcier  municipal,  avait  présidé.  A 
la  séance  particulière,  après  que  le  public  s'est  retiré,  le  maire  est 
présent,  les  notables  ont  repris  séance  avec  les  oflBciers  municipaux. 
V.  Lofebvre,  Samson,  Herbouville,  Grandcourt  et  Huault  sont 
absents  sans  motifs  légitimes.  Brémontier  fait  fonctions  de  suppléant 
de  procureur  de  la  Commune. 

Le  procès-verbal  s'exprime  brièvement  :  «  Sur  la  proposition 
d'un  membre,  il  sera  créé  un  Comité  d^  Surveillance,  composé  de 
/lett/* membres.  »  Et,  de  suite,  il  est  composé  de  :  Lecanu,  Pillon, 
Lamine,  oflBciers  municipaux;  Chouquet,  Carré,  Gaillon,  Guyet, 
Eudeline,  notables,  et  Vincent  Groult,  —  la  fine  fleur  des  révolu- 
tionnaires du  conseil  et  de  la  Société  Populaire.  Ces  neuf  membres 
nommeront  trois  d'entre  eux,  lesquels  se  concerteront  avec  le  corps 
administratif  sur  tous  les  objets  de  sûreté  générale. 

Des  délibérations  ultérieures  désignent  ce  comité  tantôt  sous  la 
dénomination  de  Comité  de  Police  intérieure,  tantôt  sous  celles  de 
Comité  de  Police  de  Sûreté  Générale  ou  de  Comité  de  Surveillance 
du  Conseil  Général  de  la  Commune.  (  Séances  des  4,  11  et  16  avril 
1793). 

Ce  comité,  on  le  voit,  n'était  nullement  celui  faisant  l'objet  des 
décrets  des  21  et  30  mars.  Il  n'était  d'ailleurs  ni  élu,  ni  composé  de 
douze  citoyens. 

n  comble  les  vœux  de  la  Société  Populaire  car  tous  les  membres 
sont  les  siens.  Dans  sa  séance  du  14  avril  1793,  lecture  ayant  été 
donnée  d'une  lettre  du  ConseiLGénéral  du  département  de  l'Eure, 
annonçant  qu'il  venait  de  nommer  un  Comité  de  Salut  Public,  un 
membre  de  la  Société  de  Rouen  dit  qu'un  pareil  comité  a  été  établi 
à  la  Commune,  et  ajoute  avec  un  présomptueux  orgueil  qu'il  ne  le 
cédera  à  aucun  de  ceu^  existant  en  France! 

Cependant,  son  fonctionnement  est  étroitement  limité  dès  le 
début.  Il  devra. rendre  compte  au  Conseil  Général  de  la  Commune, 
dans  les  vingt-quatre  heures,  s'il  est  possible,  et  dans  les  trois  jours 


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-Be- 
au plus  tard,  de  l'arrestation  des  personnes  prévenues  de  manœuvres 
contre-révolutionnaires  et  attentats  à  la  sûreté  générale,  afin  de 
mettre  le  conseil  en  mesure  de  prononcer  l'élargissement  ou  de 
décerner  mandat  d'arrêt  (1).  Quelques  jours  après,  le  contrôle  devient 
plus  rigoureux  encore,  car  le  comité  se  voit  prescrire  de  rendre 
compte  jour  par  jour  et  par  écrit  de  toutes  ses  opérations.  Le  district 
lui-même  exige  qu'on  le  tienne  très  exactement  au  courant  des 
arrestations.  (2) 

Le  Conseil  Général  approuvait  le  11  les  mesures  prises  par  les 
membres  du  comité  contre  les  prêtres  non  fonctionnaires  publics  et 
l'autorisait  à  mettre  en  arrestation  ceux  dénoncés  par  la  notoriété 
publique  et  à  les  détenir  provisoirement  à  Saint- Vivien,  où,  dans  le 
seul  mois  d'avril,  entrent  55  ecclésiastiques. 

Le  Comité  semble  s'être  d'abord  préoccupé  de  priver  de  leur 
liberté  surtout  les  prêtres  connus  pour  recueillir  et  propager  des 
«  écrits  fanatiques  et  contre-ré volutionnairgs  »,  et  parleur  influence 
sur  les  autres  ecclésiastiques. 

Parmi  eux  sont  deux  frères,  Jean  Heudier,  septuagénaire,  et 
gardien  des  Pénitents  de  Rouen,  et  son  frère  Michel,  âgé  de  soixante- 
neuf  ans,  eudiste.  Leur  arrestation  montre  comment  procède  le 
Comité.  L'un  des  ofl5ciers  municipaux  entrés  au  Comité  de  surveil- 
lance, Lecanu,  «  appelé  par  la  voix  publique,  depuis  longtemps, 
dans  la  maison  des  ci-devant  Célestins,  rue  et  place  Eau-de- 
Robec,  comme  suspectée  de  renfermer  des  émigrés  et  des  prêtres 
déportés  et  de  donner  facilité  à  de  grands  rassemblements  qui  s'y 
opéraient  »,  s'y  rendit  le  6  avril,  avec  le  citoyen  Gaillon,  autre 
membre  du  Comité.  Ils  étaient  assistés  des  citoyens  Beaufils  et 
Dubosc,  commissaires,  et  d'un  détachement  du  poste  de  fa  Commune. 

Au  cours  d'une  «scrupuleuse»  perquisition,  entrés  dans  deux 
chambres  au  premier,  ils  y  trouvent  couchés  les  deux  frères  Heudier, 
qu'ils  interrogent  et  qui  déclarent  n'avoir  pas  prêté  serment  et 
n'être  jamais  sortis  de  Rouen.  Ces  deux  prêtres,  âgés,  l'un  de  soixante- 
dix  ans,  l'autre  de  soixante-neuf  ans,  sont  trouvés  nantis  de  pièces 

(1)  Délibération  du  5  avril  4793. 

{%)  Arch.  du  départ.  Reg.  du  district. 


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-  85  — 

que  Lecanu  et  ûaillon  saisissent  et  qui  se  retrouvent  encore  aujour- 
d'hui avec  les  pièces  relatives  à  leur  arrestation.  Ce  sont  :  un  Mani- 
feste de  la  raison,  de  la  justice  et  de  la  vérité,  présenté  par 
un  Français  à  ses  compatriotes,  en  seize  pages,  imprimé  à  Bruxelles  ; 
une  Epitaphe  manuscrite  de  Louis  XVI  —  peut-être  une  copie  : 

Ci-gît  qui  malgré  ses  bienfaits 

Fut  immolé  par  ses  sujets. 

Et  qui,  par  un  courage  inconnu  dans  Thistoire, 

Fit  de  son  échafaud  le  trône  de  sa  gloire. 

D'autres  vers  ;  Discours  paternel  d'un  pasteur  à  ses  paroissiens, 
imprimé  de  vingt-quatre  pages  ;  traduction  d'un  bref  du  pape 
Pie  VI,  du  16  février  1789  ;  la  chanson  :  Portrait  d'un  Jureur  fait 
par  lui-même,  en  double,  Tun  manuscrit,  l'autre  imprimé;  chanson 
d'un  paroissien  à  son  curé  jureur  ;  lettre  de  Ferry  (?)  la  veille  de  la 
Saint-Sébastien  ;  recueil  de  chansons  dont  la  première  est  :  Aussitôt 
que  la  lumière;  deux  numéros  de  VAnti-Marat;  un  extrait  du 
Testament  de  Louis  XVI,  et  un  billet  ainsi  conçu  :  «  Mademoiselle 
de  Saint-Germain  (1),  supérieure  de  l'hôpital  général,  donnera,  s'il 
lui  plaît,  un  habit  à  l'enfant  nommée  Reine- Antoinette,  âgée  de 
seize  mois,  collier  n®  868,  donnée  à  nourrir  à  Geneviève  Cave,  femme 
de  Robert  Lami,  de  la  paroisse  de  Cléon,  près  Elbeuf.  Rouen, 
10  septembre  1791.  »  signé  :  Amiot-Guenet  (2). 

C'était  plus  que  suffisamment  répréhensible.  On  renferma  les 
frères  Heudier  à  Saint-Vivien  (3). 

De  leur  côté,  Pillon  et  Poret  faisaient  avec  ardeur  la  chasse  aux 
prêtres  :  on  les  voit,  le  10  avril,  arrêter  chez  le  citoyen  Vieillard, 
ancien  capitaine  de  marine,  pavé  de  Déville,  où  il  se  croyait  en  sûreté, 
Jean  Bourdon,  ci-devant  religieux  capucin  du  monastère  de  Rouen, 
ex-gardien  delà  maison  deSotteville,  originaire  de  Séez.  Ils  trouvent 
sur  lui  treize  exemplaires  imprimés  du  Discours  paternel  d'uu  pasteur 
à  ses  paroissiens,  déjà  cité;  un  autre  imprimé  de  trente-deux  pages  : 
Les  Français  devenus  protestants  sans  le  savoir,  ou  parallèle  de  la 

ci)  Elisabeth  Bordel  de  Saint-Germain,  âgé  de  71  ans,  suspecte  d'incivisme  et  d'a- 
ristocratie, fut  arrêté  le  27  pluviôse  an  II,  et  conduite  aux  Gravelines,  puis  à  Sainte- 
Marie,  prison  des  femmes.  Le  Ck)mité  de  sûreté  générale  la  mit  en  liberté  le  15  nivôse. 

(2)  Amiot-Guenet,  négociant,  administrateur  de  l'hospice  général,  ancien  officier 
municipal,  Grande-Rue  Saint-Jean,  fut  arrêté  le  19  brumaire  an  II  et  mis  en  liberté  le 
24  thermidor,  après  9  mois  et  3  jours  de  détention. 

(3)  Leur  élargissement  eu  lieu  seulement  le  5  ventôse  an  IIL 


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religion  protestante  et  de  la  nouvelle  religion  de  France  (l'abbé 
Bourdon  ne  connaissait  pas  l'auteur  de  cet  écrit  qu'il  proclamait 
conforme  aux  principes  de  la  foi)  ;  l'ordonnance  du  cardinal  de  la 
Rochefoucauld  au  sujet  de  l'élection  de  M.  Charrier  de  la  Roche  ;  un 
imprimé  de  trois  pages,  signé  J.-A.  Cavelier,  prêtre,  et  intitulé 
Rétractation  de  M.  le  vicaire  de  Saint-Léonard  d'Harfleur;  Vœux 
de  Louis  X  VI  {on  lui  demanda  qui  en  était  l'auteur)  une  lettre  signée 
Hyacinthe,  capucin,  et  une  pièce  de  vers  de  la  main  du  «  prévenu  ». 

L'abbé  Bourdon  alla  rejoindre  les  frères  Heudier  à  Saint- 
Vivien.  (1) 

Cependant  Saint-Vivien  ne  recevait  pas  les  ecclésiastiques  les 
plus  compromis.,  Par  exemple,  les  abbés  Papillaut  et  Perchel,  qui 
jouissaient,  à  des  titres  bien  différents  (2)  d'une  grande  notoriété  à 
Rouen  et  dans  le  département,  furent  l'objet  de  mesures  immédia- 
tement plus  sévères. 

L'un  et  l'autre,  poursuivis  comme  accusés  d'émigration,  furent 
incarcérés  dans  la  maison  d'arrêt  de  Saint-Lô,  le  6  mai  1793,  puis 
dès  le  lendemain  transférés  à  la  maison  de  justice,  en  vertu  d'une 
ordonnance  de  Thierry,  directeur  du  jury  du  district  de  Rouen. 

Quoique  ces  ecclésiastiques  ne  pussent  être  considérés  comce 
émigrés,  le  tribunal  les  condamna  ;  mais  comme  la  révision  d'un 
procès  s'effectuait  alors  avec  aussi  peu  de  souci  des  formes  que 
lorsqu'il  s'agissait  du  procès  lui-même,  ce  fut  un  arrêté  du  départe- 

(1)  Il  fut  déporté  le  19  ventôse  an  II  et  mourut  le  22  août  1794.  —  M.  l'abbé  Loth*, 
HUL  du  clergé  de  la  Seine-Inférieure  pendant  la  Révolution,  p.  5^. 

v2)  L'abbé  Isaac  Papillaut,  grand  pénitencier  de  l'église  de  Rouen,  était  très  popu- 
laire. On  sait  que  l'abbé  Perciiel,  ex-promoteur  du  chapitre,  conseiller  clerc  au  parle- 
ment de  Rouen,  avait  adhéré  à  la  réforme  entreprise  parle  chancelier  Maupeou,  et  que, 
membre  du  grand  bailliage,il  fut  l'un  des  plus  maltraités  par  les  pamphlets  de  l'époque. 

L'abbé  Perchel  mourut  à  la  conciergerie  du  Palais,  le  4  messidor  an  II  (22  juin 
1794).  L'abbé  Papillaut,  le  8  thermidor  (27  juillet  1894)  fut  transféré  à  Saint-Vivien, 
d'où  il  sortit  le  lendemain.  Néanmoins,  sa  mise  en  liberté  n'eut  lieu  que  le  5  ventôse 
an  III,  et  il  restait,  nonobstant,  sous  le  coup  d'un  mandat  d'arrêt  que  l'administration 
départementale  faisait  revivre  cinq  ans  après,  le  28  vendémiaire  an  VIII,  parceque, 
disait-elle,  les  prêtres  reclus,  tels  que  l'abbé  Papillaut,  n'étaient  rentrés  dans  la  société 
que  faute  de  pouvoir  les  nourrir  en  prison.  —  Le  8  germinal  an  III,  se  conformant  à  la 
loi,  il  déclarait  qu'il  exerçait  le  culte  ;  il  demandait  toute  la  literie  enlevée  de  son  do- 
micile, qui  ne  se  retrouvait  point.  Peu  après,  il  était  contraint  de  se  cacher,  car  on 
faisait  pour  l'ari'êter  des  recherches  dont  une  délibération  du  département  du  6  messi- 
dor an  III  mentionne  l'insuccès. 


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-  87  — 

ment  qui,  le  24  juin  1793,  reconnut  qu'ils  ne  pouvaient  être  consi- 
dérés comme  émigrés  et  les  déchargea  des  peines  prononcées  contre 
eux.  Ils  n'en  restèrent  pas  moins  emprisonnés  pendant  plus  d'une 
année.  Le  24  juillet,  le  même  département  conformément  à  une  lettre 
du  10  du  même  mois,  adressée  par  le  ministre  de  la  police  générale, 
auquel  il  en  avait  référé,  dénonçait,  comme  déportés  rentrés,  ces 
deux  prêtres  à  l'accusateur  public,  qui  vint  le  6  août  en  conférer 
avec  le  directoire. 

Les  papiers  de  l'abbé  Papillaut,  joints  à  son  dossier,  ont  été 
jugés  dignes  d'être  conservés  :  Ils  consistent  en  une  liasse  de  lettres 
par  lui  reçues  de  membres  de  la  famille  du  bienheureux  Benoit- 
Joseph  Labre,  qui  habitaient,  en  1784,  le  village  d'Amettes,  lettres  qui 
ont  dû  attirer  l'attention  des  patriotes  Pillon  et  Poret  ;  une  copie  du 
décret  de  béatification  et  canonisation  de  ce  «  vénérable  serviteur  de 
Dieu,  »  du  31  mars  1792;  un  dialogue  manuscrit  en  vers,  de  deux 
habitants  des  environs  d'Amettes  ;  des  extraits  de  V Emile,  de 
J.-J.  Rousseau,  où  le  philosophe  de  Genève  dit  que  la  majesté  des 
Ecritures  l'étonné. . .;  d'autres  de  Voltaire,  sur  la  religion  : 

La  nature  muette  on  Finterroge  en  vain, 

On  a  besoin  d'un  Dieu  qui  parle  au  genre  humain. 

des  couplets  sur  le  Parlement  de  Paris,  à  propos  de  la  bulle 
Unigeniius  ;  d'autres  imprimés,  adressés  par  M.  F.  P.  C.  à  M"®  de 
Saint-Germain,  le  jour  de  Sainte-Elisabeth,  sa  patronne  ;  un  can- 
tique sur  les  faux  biens  de  ce  monde  ;  extraits  d'une  lettre  de 
M.  Marconi  à  M.  P.  Salmon,  supérieur  de  la  communauté  de  Laon 
à  Paris,  datée  de  Rouen,  du  10  août  1792;  deux  recueils  manus- 
crits de  cantiques  ;  une  liste  de  bons  livres  ;  une  chanson  drôle  sur 
les  habitants  des  villes;  une  énumération  de  marques  de  prédestination, 
en  dix  articles  ;  deux  lettres  adressées  à  l'abbé  Papillaut,  l'une  par  le 
frère  Gervais,  prieur  de  la  Trappe,  à  propos  d'une  lettre  insérée  dans 
la  Gcusette  de  Paris  ;  et  l'autre  par  son  cousin  Dobit  père,  d'Orléans, 
dul2février  1792,  etc.  (1). 

Un  autre  prêtre,  d'une  nature  infiniment  moins  calme  que  les 
précédents,  fut  arrêté  peu  de  jours  après  les  abbés  Papillaut  et 

(1)  Arch.  mpales. 


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Perchel.  Son  identité  n'était  pas  certaine,  et  ce  fut  par  surprise  que 
le  9  mai,  Féré,  oflBcier  municipal,  et  Legentil,  commissaire  de  police, 
parvinrent  à  se  faire  ouvrir  par  lui  la  porte  de  la  maison  n^  1®'  de  la 
rue  du  Sac,  au  troisième  étage  de  laquelle  il  occupait  une  chambre. 
L'abbé  Gabriel  Pitre,  c'était  son  nom,  montra  une  vivacité  et  une 
énergie  qui  feraient  supposer  qu'il  a  pu  être  du  nombre  des  prêtres 
dont  les  Suisses  commencèrent  l'instruction  militaire  à  Rouen  en 
août  1792.  —  Si  vous  n'étiez  que  deux,  dit-il  à  ses  visiteurs,  qui 
venaient  pour  l'arrêter  sans  ordre  écrit,  je  vous  roulerais.  Il  les 
rudoya  si  bien,  d'ailleurs,  qu'ils  durent  envoyer  chercher  du  renfort, 
ce  qui  ne  pouvait  le  calmer.  La  saisie  de  ses  papiers  l'irrita  au  dernier 
point.  Ils  ne  comprenaient  pas  moins  de  quarante-cinq  manuscrits  et 
brochures,  de  la  description  desquels  je  crois  devoir  me  dispenser, 
lien  est  pourtant  qui  font  regretter  de  n'en  avoir  que  les  titres  :  — 
L'un  est  un  carnet  manuscrit  intitulé  :  Premières  prières  du  matin, 
finissant  par  ces  mots  :  voilà,  voilà  le  courrier;  un  autre  :  lettre  de 
condoléance  de  Guillaume-Nicolas  Bricole,  patriote  et  sacristain  de 
Sotteville,  au  docteur  Trépoy  ;  copie  fidèle  de  la  lettre  pastorale  du 
«  faux  et  hypocrite  »  Charrier,  soi-disant  évêque  du  département  de 
la  Seine-Inférieure. 

Après  avoir  soulevé  des  incidents  sur  des  questions  de  forme  au 
cours  de  l'inventaire  de  ses  papiers,  l'abbé  Pitre  qui  s'était  d'abord 
refusé  de  dire  s'il  était  prêtre  et  s'il  avait  appartenu  à  quelque  cor- 
poration religieuse,  se  bornant  à  répondre  qu'il  était  citoyen  libre  et 
indépendant  de  la  République  française,  finit,  le  10  mai,  par  re- 
connaître qu'il  était  prêtre,  non  fonctionnaire  public.  Il  n'avait  pas 
célébré  la  messe  depuis  le  samedi  d'avant  la  Semaine  sainte 
(23  mars  1793),  et  auparavant  il  la  disait  à  Saint-Patrice,  à  Notre- 
Dame,  depuis  la  suppression  des  églises  de  Sainte-Croix-des-Pelle- 
tiers  et  des  Nouvelles-Catholiques.  Il  n'avait  prêté  aucun  serment, 
n'avait  ni  liaisons  ni  ressources,et  n'avait  pas  cessé  de  résider  à  Rouen. 

Il  fut  conduit  à  la  maison  d'arrêt  de  Saint-Lô,  parce  qu'il  avait 
manqué  de  respect  aux  fonctionnaires  qui  l'arrêtaient.  Il  fut  interrogé 
par  Mouard,  juge  de  paix,  seulement  le  18  frimaire  an  II  (8  dé- 
cembre 1793),  quoique  dès  le  7  mai  le  conseil  général  de  la  commune 


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-  89  — 
Tout  renvoyé  devant  le   tribunal  correctionnel.  Son  mobilier  fut 
vendu  le  21  germinal  suivant,  et  produisit  1451. 17  s.  (1) 

Toutes  les  arrestations  auxquelles  procèdent  les  membres  du 
Comité  de  surveillance  ont  lieu  sous  le  contrôle  du  Conseil  général 
de  la  commune.  Ce  contrôle  s'exerce  trop  assidûment  au  gré  des 
membres  de  ce  comité  que  les  hésitations  de  l'assemblée  municipale 
ont  parfois  encouragés,  et  qui  sont  impatients  d'agir  avec  indépen- 
dance et  vigueur.  Les  discussions  qui,  en  avril,  animent  fréquem- 
ment les  séances  de  la  Société  populaire,  écho  affaibli  des  débats 
violents  dont  la  Convention  est  si  troublée,  ne  sont  probablement 
pas  étrangères  aux  menées  inquiètes  des  Jacobins  de  la  commune  de 
Rouen. 

Ceux  de  ces  Jacobins  qui  composent  le  Comité  de  surveillance 
s'ingénient  à  surexciter  la  société-mère  et  la  commune  de  Paris 
contre  les  administrateurs  modérés  de  Rouen,  qui  entravent  leurs 
opérations.  Ils  se  démènent  tant  qu'en  quelques  jours,  ils  attirent 
sur  l'entreprenant  comité  les  foudres  des  trois  corps  administratifs. 

Le  16  avril,  un  membre  de  la  commune  dénonce  en  séance  une 
lettre  parue  dans  le  n^  66  de  V Indicateur  Politique  (2),  écrite  par  le 
Comité  de  surveillance  de  Rouen  à  celui  de  Paris,  comme  contenant 
des  calomnies  contre  le  Conseil  Général  et  les  citoyens  de  Rouen. 
La  lecture  de  la  lettre  émeut  assez  le  conseil  pour  qu'immédiatement 
il  interpelle  deux  des  membres  du  comité,  présents,  de  déclarer  qui 
Ta  écrite.  Deux  ofiSciers  municipaux  ou  notables  sont  à  l'instant 
môme  députés  vers  le  Comité  pour  en  avoir  la  minute,  qu'ils  rap- 
portent et  que  l'on  paraphe.  Une  vive  discussion  s'élève  au  cours  de 
laquelle  on  se  montre  effrayé  des  effets  produits  par  la  publicité 
donnée  à  ime  telle  lettre.  Le  comité,  mis  en  demeure  de  s'expliquer, 
cherche  à  excuser  sa  conduite,  en  déclarant  n'avoir  jamais  eu  l'inten- 
tion d'élever  aucun  soupçon  défavorable  sur  l'esprit  public  de  la 
ville  de  Rouen,  ni  sur  le  patriotisme  d'aucun  membre  du  conseil  et 

(i)  U  sortit  de  Saint^Lô  à  une  époque  que  je  ne  puis  indiquer.  l\  s'était  retiré  à 
Gruchet  où  il  fut  de  nouveau  arrêté  le  19  floréal  an  XI  (9  mai  1803)  et  conduit  encore  à 
la  prison  de  Saint-Lô,  «  comme  prêtre  insoumis  »  par  ordre  du  préfet  de  la  Seine 
Inférieure.  Le  18  messidor  de  la  même  année,  la  gendarmerie  le  transférait  à  Turin. 

(3)  Ce  numéro  manque  à  la  collection  de  la  Bibliothèque  Municipale. 


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-90- 

Tassemblée  m  satisfaite  i»  —  ou  voulant  paraître  satisfaite  —  de  cette 
affirmation,  passe  à  Tordre  du  jour. 

Cependant  cette  solution . . .  parlementaire  ne  suffisait  point,  et 
le  «  Journal  de  Noël  »  dut  insérer  la  délibération  la  constatant.  Au 
surplus,  «  à  l'avenir  le  comité  ne  pourra  entretenir  aucime  corres- 
pondance sous  sa  dénomination  particulière  »  (1).  Voilà  son  action 
bien  restreinte. 

Le  district,  lui  aussi,  tient  à  montrer  que  cet  incident  ne  lui  est 
point  indifférent. 

Dans  sa  séance  du  lendemain,  son  procureur  syndic,  Thomas, 
l'entretient  de  la  lettre  insérée  dans  l'Indicateur  et  fait  remarquer 
qu'après  qu'elle  a  été  lue  au  Conseil  général  de  la  commune  de  Paris, 
ce  conseil  a  entendu  une  motion  tendant  à  envoyer  à  Rouen  deux 
compagnies  de  sans-culottes.  Le  district  demande  à  la  municipalité 
si  la  lettre  est  authentique  et  une  copie  en  règle  (2). 

D'autres,  intéressés  à  mettre  la  discorde  parmi  les  administra- 
teurs, croient  avoir  trouvé  dans  ce  «  malentendu  »  une  excellente 
occasion.  Gaillard,  plus  tard  doublure, du  journaliste  Robert,  avait 
adressé  de  Rouen,  le  12  avril,  à  la  Révolution  de  1792  ou  Journal 
de  la  Convention  Nationale  (3)  une  lettre  insérée  au  n®  212,  du 
19  avril,  dans  laquelle  il  était  dit  que  Rouen  était  le  refuge  des 
modérés,  des  Brissotins,  des  aristocrates.  «  Ces  troisespècesd'hommes, 
disait  cette  lettre  à  la  Société  des  Jacobins  de  Paris,  se  réunissent 
ensemble  pour  comploter  la  perte  de  la  France.  Les  patriotes 
Jacobins  ont  la  bouche  close  dans  ce  pays.  Braves  patriotes,  quand 
les  Marseillais,  ces  enfants  d'Hercule,  auront  nettoyé  dans  Paris  les 
étables  d'Augias,  envoyez-les  vers  nous,  pour  qu'ils  en  fassent 
autant.  »  A  la  lecture  de  cette  invitation,  les  Jacobins  de  Paris 
s'étaient  écriés  :  «  Oui,  oui,  nous  vous  les  enverrons  »,  en  applaudis- 
très  longtemps  la  prose  de  Gaillard,  traduction  plus  ou  moins 

(1)  Reg.  de  THôtel-de- Ville. 

(i)  Arch.  dép.,  Reg.  du  district. 

(3)  Il  s'agit  du  premier  Journal  de  la  Convention  NaHoncUe  ou  le  Point  du  Jour  qui 
a  paru  du  ^  septembre  1792  au  30  juin  1703,  et  que  rédigeaient  Ch.  Laveaux,  Thomas, 
etautres.n  contenait  les  délMits  et  la  correspondance  des  Jacobins  de  Paris.  (Maurice 
Toumeux,  Bibliogf\  de  VHist,  de  Paris,  t.  H,  p.  642). 


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sincère  du  mécontentement  des  patriotes  rouennais,  entravés  par  le 
frein  que  mettaient  aux  projets  de  leur  Comité  de  surveillance  les 
restrictions  du  Conseil  général  de  la  Commune. 

Le  département  fut  le  premier  à  s'émouvoir  de  la  lettre  de 
Gaillard  et,  le  20  avril,  il  ordonnait  l'arrestation  de  celui-ci. 

Cette  lettre  intempestive  rouvrait  un  débat  qui  gênait  la  société 
populaire  où,  le  même  jour,  on  s'occupe  d'écrire  aux  Jacobins  de 
Paris  pour  avoir  des  détails  sur  Gaillard,  et  les  assurer  de  la  fausseté 
de  ce  qu'il  a  écrit.  Le  lendemain,  son  président,  qui  est  Néel,  donne 
connaissance  de  la  lettre  qu'il  adresse  au  nom  de  la  Société  de  Rouen 
à  celle  de  Paris  pour  l'avertir  que  l'esprit  public  n'est  pas  aussi 
dépravé  à  Rouen  qu'on  s'efforce  de  le  représenter.  Et  ce  qui  montre 
qu'au  fond,  les  patriotes  rouennais  redoutent  l'arrivée  à  Rouen  de 
sans-culottes  parisiens  ou  marseillais,  c'est  ceci  :  La  journée  du  12 
janvier,  dit  l'épitre  de  Néel  (lequel  y  a  joué  un  rôle)  prouve  mieux 
que  tout  que  nous  n'avons  pas  besoin  de  secours  étrangers  pour 
contenir  les  malveillants.  Au  reste,  s'il  nous  vient  des  forces  des 
départements,  nous  les  embrasserons  avec  cordialité  »  (1). 

Cet  esclandre,  dont  les  péripéties  ne  sont  vraisemblablement 
pas  tout-à-fait  étrangères  aux  débats -qui,  vers  ce  temps-là,  agitent 
la  Société  populaire,  a  failli  briser  la  carrière  administrative  de 
Pillon,  tout  à  la  fois  officier  municipal,  membre  du  Comité  de  sur- 
veillance et  de  la  Société.  Le  jour  même  où  le  département  fait 
emprisonner  Gaillard,  Pillon  donne  sa  démission,  comme  oflScier 
municipal.  Mais  le  conseil  passe  à  l'ordre  du  jour,  et  M.  Rondeaux 
écrit  au  démissionnaire  pour  l'inviter,  et  au  besoin  lui  enjoindre,  au 
nom  de  la  loi,  de  se  rendre  à  son  poste.  (2) 

La  majorité  des  modérés  qui  s'était  formée  dans  cette  occasion 
à  la  Commune  ne  se  contenta  point,  en  réalité,  de  la  satisfaction 
(Ju'elle  disait  avoir  dans  le  seul  procès-verbal  du  16  avril,  les  expli- 
cations du  comité  et  Tinsertion  au  Journal  de  Rouen.  Le  procès- 
verbal  fut  envoyé  à  Paris,  aux  députés  de  la  Seine-Inférieure  à  la 
Convention,  en  même  temps  qu'au  Comité  de  Salut  public  de  la 
Convention  et  à  la  Commune  de  Paris,  avec  des  lettres  protestant 

(î)  Reg.  de  la  Société  populaire. 

(i)  Ârch.  mpales.  Reg.  des  délibérations. 


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m. 


—  92  — 

contre  la  lettre  qui  prétait  «  à  des  interprétations  défavorables  au 
civisme  et  à  la  fermeté  dont  le  conseil  g'Snéral  de  la  Commune  de 
Rouen  n'avait  cessé  de  donner  des  preuves  en  toute  circonstance.  » 

La  municipalité  do  Rouen  semble  avoir  voulu  blâmer  la  Com- 
mune de  Paris  pour  son  accueil  trop  empressé  aux  imputations 
insérés  ^^vV Indicateur  et  le  Journal  de  la  Convention  :  «.. .  Citoyens, 
nos  frères,  lui  écrit-elle,  comme  vous,  nous  sommes  républicains  ; 
comme  vous,  nous  nous  occupons  sans  cesse  de  poursuivre  les  contre- 
révolutionnaires,  et  nous  désirons  le  triomphe  de  la  liberté  et  de 
Tégalité,  et  quoique  nous  n'ayions  pas  un  aussi  grand  nombre  de 
malveillants  et  d'agitateurs  à  contenir,  nous  n'en  avons  pas  moins 
une  pureté  de  civisme  et  une  fermeté  de  courage  qui  ne  le  cèdent  à 
aucune  autre  commune  de  la  République.  Tels  sont  les  sentiments 
de  vos  frères  les  membres  du  conseil  général  de  la  commune  de 
Rouen.  (1) 

La  leçon  administrée  aux  membres  du  Comité  de  surveillance 
était  complète,  sévère  et  publique  ;  ils  en  conservèrent,  Pillon  plus 
particulièrement,  un  mauvais  souvenir.  Elle  accentua  la  scission 
entre  la  majorité  qu'elle  dut  renforcer  au  moins  momentanément, 
et  le  groupe  de  Montagnards  dont  Pillon  était  le  chef. 

Cette  sorte  de  victoire  inspire  à  la  majorité  accidentelle  du 
Conseil  une  trop  grande  confiance  en  elle  mémo,  et  aux  Montagnards 
un  trop  vif  ressentiment  pour  que  l'offensive  ne  soit  pas  reprise 
à  la  première  occasion  fournie  par  les  événements. 

L'action  du  Comité  s'en  trouve  ralentie,  si  non  suspendue,  et 
désormais,  jusqu'à  la  fin  d'août  1793,  il  ne  fera  plus  guère  parler  de 
lui.  Les  modérés  s'arrangent  pour  ne  pas  obéir  à  l'ordre  de  la  Con- 
vention, du  26  mars  1793  (2),  de  renouveler  les  Comités  de  surveil- 
lance des  sections  de  Paris  pour  la  formation  desquels  la  loi  avait 
été  violée  comme  pour  celui  de  Rouen,  et  vraisemblablement  ils  ne 
le  tolèrent  ensuite  que  parce  que  le  4  juin  (3),  les  Comités  de  sur- 
veillance établis  par  les  autorités  constituées  dans  les  départements 
sont  maintenus  provisoirement. 

<i)  Arch.  mpales.  Reg.  de  correspondance. 

(2  et  3)  CollecUon  du  Louvre,  t.  XVIV,  p.  471.  et  p,  575. 


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CHAPITRE  CINQUIÈME 

La  Société  populaire.  -«  Set  origines.  —  Le  calé  Marièlle  et  la  maifon  de  la  me'  de 
l'inmdne.  —  Organiaatton  de  la  Société.  —  Réception  et  ferment  dei  membrea.  — 
Cachet  et  detisea  de  la  Société.  —  Président,  secrétaires  et  censeurs  —  Caisse 
iociale.  —  Comités.  —  Le  bout  de  l'orelUe  de  Noël.  —  Epuration  des  Journaux 
reçus  par  la  Société.  ~  Sociétés  af allées  et  correspondants.  —  Les  iMnmes 
patriotes.  —  Les  bourreaux  Féray,  membres  de  la  Société.  —  Olfeoouars- 
programme  du  président  Forfait.  —  Ecole  de  gouYornanls...  et  de  révolution- 
maires.  —  Les  francs-maçons  et  la  Rérolution.  —  Les  loges  de  Rouen.  —  Jean 
Matliénf»  grand-maltre  du  Chapitre  proTincial  de  Rouen. 

Jusqu'ici  la  Société  populaire  est  connue  seulement  d'après  les 
r^istres  des  administrations,  les  journaux  locaux ^  les  rapports  des 
Comités  thermidoriens  et  le  manuscrit  de  HorchoUe.  Ces  sources 
sont  loin  de  suflSre  pour  juger  son  attitude,  les  mobiles  de  ses  actes 
et  leurs  efiets  considérables  lors  de  la  plupart  des  faits  particuliers  à 
la  ville  de  Rouen,  et  lors  des  événements  qui  y  ont  eu  leur  cooftre- 
eoup,  d'octobre  1790  à  janvier  1795. 

C'est,  naturellement,  avec  les  nombreux  procès-verbaux  de  ses 
séances  portés  sur  ceux  de  ses  r^istres  qui  ont  été  conservés  que, 
malgré  des  lacunes  regrettables,  il  devient  plus  facilede  suivre  et 
d'apprécier  son  œuvre  et  les  hommes  qui  l'ont  soutenue  et  menée. 

Les  quatorze  cents  pages  des  treize  registres  in-folio  que  rem- 
plissent ses  délibérations  fourniraient  amplement  la  matière  de 
plusieurs  volumes  intéressants.  Certes,  on  a  publié  intégralement 
des  documents  de  moindre  importance.  Aussi,  est-ce  avec  un  très 
vif  regret  que  je  me  vois  contraint  d'en  extraire  simplement  un  trop 
court  résumé  do  détails  relatifs  au  fonctionnement  de  la  Sodété,  et 
à  quelques-unes  de  ses  discussions,  attrayantes  même  quand  elles  ne 
doivent  rien  changer  à  la  solution  des  graves  questions  politiques 
ou  sociales  qui  en  font  l'objet. 

Il  no  serait  vraisemblablement  pas  difficile  de  découvrir  dans 
certaines  archives  «  administratives  »  des  indications  ^suffisamment 


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précises  sur  la  réunion  plus  ou  moins  clandestine  d'où  sont  sortis 
les  Amis  de  la  Constitution  de  Rouen.  Leur  association  primitive 
naquit  peu  de  temps  après  que  le  Club  breton,  à  Paris,  eût  été 
transformé  en  société  des  Amis  de  la  Constitution,  séant  aux 
Jacobins,  transformation  qui  n'est  probablement  pas  antérieure  à 
décembre  1789,  ni  postérieure  à  janvier  1790,  (1) 

L'incertitude  qui  subsiste  sur  la  date  de  la  création  de  la  Société 
rouennaise  résulte  non  seulement  de  Tabsence  de  procès-verbaux  et 
d'archives  pour  cette  période  initiale,  mais  aussi  du  silence  complet 
des  feuilles  publiques  sur  son  apparition. 

On  a  signalé  l'établissement  à  Rouen,  d'une  part,  le  4  juillet  1790, 
d'une  société  des  A  mrs  de  la  Constitution  (2)  et,  d'autre  part,  le 
surlendemain,  d'une  société  AesAmis  de  la  Révolution  et  de  la  Paix, 
puis,  dans  le  courant  de  la  même  année,  d'une  autre  qui  prit  le  titre 
AeHocïéiéàesAmis  de  la  Constitution,  ÙQyeïiXXQ  en  1793  la  Société 
populaire.  (3) 

Il  était  possible  de  se  rapprocher  davantage  de  l'exactitude. 

Le  Journal  ou  les  Annales  de  Normandie  du  dimanche  9  mai 
1790,  contient  effectivement  sous  ce  titre  :  Variété,  une  adresse  des 
Amis  de  la  Paix  et  de  la  Constitution  à  la  garde  citoyenne  de  Rouen, 
avec  cette  épigraphe  :  Si  vous  aim^'^s  la  paix  soyejs  toujours  armés, 
variante,  à  la  façon  du  maître  de  philosophie  de  M.  Jourdain,  de  la 
devise  du  cachet  de  cette  même  société  :  Soyejs  toujours  armé  si 
vous  aimes  la  paix,  dont  l'empreinte  est  sur  un  document  mêlé  à  ce 
qui  reste  apparemment  des  archives  si  volumineuses  de  la  Société 
populaire.  (4) 

Elle  est  remarquable,  cette  bénigne  adresse,  en  ce  qu'elle  fait 


(1)  F.-A.  Aulard,  Le  Club  des  Jacobins  sous  la  Monarchie  (la  Révolution  Française, 
4892,  p.  107.) 

(2)  Frère.  Manuel  du  bibliographe  normand,  p.  535,  2»  col.  Cette  indication  est  con- 
tredite par  4e  Manuel  lui-même,  en  mentionnant  des  adresses  de  cette  société  et  des 
extraits  des  registres  dés  Amis  de  la  Paix  et  de  la  Constitution  de  juin  précédent. 
V.  aussi  ce  que  dit  M.  Gosselin,  ouvr.  cité.  Revue  de  la  Normandie,  1866,  p.  324, 

(3)  N.  Périaux,  Hist.  de  la  ville  de  Rouen,  p.  614. 

(4)  Arch.  municipales. 


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présager  les  procédés  ultérieurs  de  la  Société  populaire.  Destinée  à 
la  garde  nationale  et  citoyenne  de  Rouen,  son  dernier  alinéa  atteste 
que  ses  signataires  sont  tous  officiers  et  soldats  de  cette  môme 
garde  nationale  et  citoyenne  !  Témoignage  bien  naïf  de  la  vanité  et 
de  la  puérilité  de  ces  manifestations  patriotiques  ! 

Le  même  journal,  à  la  date  du  6  juillet  suivant  (1),  publie 
l'adhésion  empressée  de  la  société  des  Amis  de  la  Révolution  et  de 
/ajoa/o^àunarrété  de  la  Société  des  Jacobins  de  Paris,  à  laquelle 
elle  a  «  l'honneur  d'être  affiliée.  »  Cet  arrêté  décide  de  n'user  que 
de  marchandises  manufacturées  dans  les  pays  faisant  partie  de 
l'Empire. 

Ces  dénominations  diverses  s'appliquent-elles  à  des  sociétés 
différentes  ou  à  une  seule  ?  L'hypothèse  la  plus  admissible  est  la 
première  et  celle  d'une  fusion  dans  le  courant  d'août. 

L'existence  des  Amis  de  la  Constitution,  qui  avaient  survécu 
aux  autres  ou  plutôt  les  avaient  ralliés  à  leurs  idées  sans  doute  aussi 
variables  alors  qu'elles  le  furent  par  la  suite,  est  affirmée,  en  sep- 
tembre 1790,  par  un  discours  de  Morel,  leur  président,  à  la  tète 
d'une  députation,  devant  la  municipalité.  Les  secrétaires  de  la  société 
étaient  à  ce  moment  Thiessé  et  Pillon. 

Le  titre  social  subsista  jusqu'après  l'époque  où  la  Constitution 
eut  été  atteinte  dans  ses  parties  essentielles  par  la  suspension  et  la 
déchéance  du  roi.  Ce  fut  ensuite  la  société  des  Amis  de  la  Liberté  et 
de  V Egalité,  puis,  en  juillet  1793,  des  Amis  de  la  Constitution 
républicaine;  plus  souvent,  à  partir  de  cette  année,  la  Société 
populaire  et,  enfin,  la  Société  populaire  et  républicaine. 

En  réalité,  l'organisation  définitive  de  la  Société  remonte  au 
19  octobre  1790.  Le  procès  verbal  de  la  séance  de  ce  jour  et  ceux  qui 
suivent  immédiatement  indiquent  qu'elle  en  est  encore  à  la  période 
d'installation.  Son  président  reçoit  le  serment  d'un  nombre  anormal 
de  membres  et  les  nouveaux  récipiendaires  s'y  succèdent  en  telle 
quantité  qu'on  voit  bien  qu'il  s'agit  d'une  nouveauté  à  la  mode,  que 
les  simples  curieux,  même  les  gens  prudents  et  sages,  tiennent  à  voir 
de  près. 

(i)  P.  380, 2»  col. 


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Scanegatti  fait  un  rapport  dont  l'objet  est  la  disposition  de  la 
salle  d'assemblée.  MM.  Barbarey,  Vauquelin  et  Thibault  lui  sont 
adjoints  pour  la  direction  des  travaux.  Leur  plan,  agréé,  évalue  à 
996  livres  la  dépense  pour  retirer  un  refend  séparant  deux  salles  du 
café  MarioUe,  dans  la  rue  Ganterie,  où  se  réunit  la  société,  et  établir 
un  poêle  dans  la  chambre  de  lecture.  Un  concierge  est  choisi  :  c'est 
Mariolle,  lequel  offre  «  un  de  ses  garçons  pour  le  service  journalier 
de  la  Société,  mettre  les  papiers  en  ordre,  faire  les  commissions  et 
distribuer  les  rafraîchissements  dont  les  membres  auront  besoin,  et 
ce  moyennant  120  livres  l'an.  »  M.  Mariolle  s'oblige  de  plus  à  fournir 
un  «  portier  »  qui  sera  logé  gratis  et  dont  le  traitement  est  fixé  le 
SÎ9  décembre  à  600  livres.  Le  café  Mariolle  n'était  pas  éloigné  du 
local  de  la  rue  de  T  Aumône  (1)  loué  pour  la  société  en  ce  temps-là,  par 
bail  devant  un  notaire  de  Rouen,  qui  devait  durer  trois,  six  ou  neuf 
années.  C^est  là  qu'était  logé  le  portier  et  qu'eurent  lieu,  dfi  1790  à 
1795,  des  réunions  particulières,  secrètes,  û'administration,  idont  il 
n'était  pas  dressé  de  procès  verbal. 

La  Société  avait  déjà  «  beaucoup  d'objets  essentiels  »  en  retard, 
ce  qui  l'obligeait  à  tenir  trois  séances  par  semaine,  les  mardi,  jeudi  et 
samedi. 

Un  projet  de  règlement,  rédigé  par  Mariette,  Hardy,  Forfait 
et  Descroizilles,  est  lu  le  20  octobre  1790  ;  il  sera  plus  d'une  fois 
remanié,  renouvelé  et  orné  d'articles  additionnels  dont  l'un  (15  dé- 
cembre 1790),  porte  que  les  membres  «  qui  ne  font  pas  usage  du 
chapeau  sur  la  tète,  sont  tenus  de  porter  à  la  boutonnière  de  l'habit 
un  ruban  aux  couleurs  nationales,  et  que  ceux  qui  font  usage  du 
chapeau  sous  bras  sont  également  tenus  de  le  décorer  d'une  cocarde, 
sous  peine  d'une  amende  de  six  sols  pour  les  pauvres.  »  Le  règlement 
n'a  jamais  été  imprimé. 

Il  est  question,  au  21  décembre,  du  mode  de  réception  des 
membres,  auquel  des  changements  successifs  furent  apportés  en 
1793  et  en  1794.  Pour  être  présenté  au  scrutin  d'admission,  il  faut 
un  présentateur  et  dou^e  approbateurs.  Pour  être  reçu  membre,  on 
doit  réunir  les  deux  tiers  des  suffrages  des  votants.  Le  nom  du  can- 

(i)  Actuellement  rue  des  Fossés-Louis- VIII. 


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-.07  — 

didat  reste  préalablement  exposé  pendant  huit  jours  sur  un  tableau 
ou  ostensoir.  Les  réceptions  ont  lieu  le  mardi  ;  le  scrutin  est 
dépouillé  par  six  commissaires  que  désigne  le  président.  Il  y  a  deux 
catégories  de  membres  :  les  membres  résidants,  pris  parmi  les  habi- 
tants de  Rouen  et  de  Darnétal,  et  les  membres  non  résidants  ou 
adjoints,  domiciliés  ailleurs  que  dans  ces  localités. 

Les  récipiendaires  jurent  «  de  surveiller  les  ennemis  de  la 
»  Constitution,  de  les  dénoncer  à  tous  les  bons  patriotes  et  de  pro- 
»  téger  de  leur  fortune  et  de  leur  sang  tout  citoyen  qui  aurait  le 
»  courage  de  se  dévouer  à  la  dénonciation  des  traîtres  à  la  patrie 
(26  janvier  1791),  »  Lors  de  la  discussion  des  articles  d'un  nouveau 
règlement,  en  février  suivant,  cette  formule  fut  modifiée  ainsi  : 
«  Je  jure  d'être  fidèle  à  la  Constitution,  à  la  nation,  à  la  loi  et  au  roi, 
de  maintenir  de  tout  mon  pouvoir  la  Constitution  décrétée  par 
l'Assemblée  nationale,  sanctionnée  et  acceptée  par  le  roi,  et  de  me 
conformer  aux  règlements  arrêtés  pour  cette  société.  »  Il  va  de  soi 
que  la  chute  de  la  royauté  amena  la  suppression  du  nom  du  roi. 
Plus  tard,  on  ajouta  le  serment  de  ne  se  servir,  soi  et  les  personnes  dé 
sa  maison,  que  de  marchandises  fabriquées  en  France. 

Le  21  octobre  1790,  Lefebvre,  orfèvre,  offre  d'exécuter  gratuite- 
ment le  sceau  de  la  Société  dont  le  métal  (cuivre)  et  la  forme  sont 
adoptés  seulement  le  29  novembre.  Le  choix  est  plus  difficile  qu'on 
ne  se  l'imagine  :  A  la  séance  du 27  octobre,  Forfait  (1),  président,  qui 
avec  (c  du  génie  et  de  la  philosophie  »,  a  de  la  méthode,  propose 
et  fait  admettre  un  a  mode  spécial  de  discussion  »  sur  ce  cachet. 
Il  partage  les  dessins  en  trois  classes  et  met  en  délibération  ces  trois 
points  :  Adoptera-t-on  les  figures  humaines  ?  Adoptera-t-on  les 
emblèmes  —  ou  les  simples  devises  ?  —  Uinscription,  qui  ne 
semble  pas  avoir  été  discutée,  fut  :  La  nation,  la  loi,  le  roi,  (2)  avec 
cette  légende  :  Société  des  Amis  de  la  Constitution  de  Rouen.  Le 

(1)  Né  à  Rouen  en  1758.  Ingénieur.  Une  humoristique  «  Liste  des  députés  à  la 
Législative,  contenant  leurs  noms  et  qualités,  leurs  caractères  et  leurs  principes,  avec 
des  notes  relatives,  »  lui  accorde  «  du  génie  et  de  la  philosopliie.  »  (Biblioth.  mpale  de 
Rouen,  collection  de  Montbret,  pièces  curieuses  sur  la  Révolution.) 

Ci)  A  cette  mscription  fut  ajoutée,  le  18  février  1792,  la  devise  :  Vivre  libre  ou 
mourir.  —  Aucun  de  ces  cachets  ou  sceaux  ne  parait  figui-er  dans  la  vitrine  du  musée 
d'antiquités  de  Rouen  consacrée  aux  médailles  datant  de  la  Révolution. 


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-  98  - 

sceau  sera  orné  de  deux  guirlandes  de  laurier  et  du  bonnet  de  la 
liberté. 

Il  y  avait  eu  une  sorte  de  concours,  car  plusieurs  membres 
avaient  présenté  des  modèles  qui  furent  conservés  «  sous  un  seul 
verre  ».  Le  modèle  réunissant  le  plus  de  suffrages  dut  ôtre  fourni  par 
Lamine,  qu'on  chargea  de  l'exécution. 

La  société  fait  acheter  le  28  octobre  un  exemplaire  sur  vélin  de 
la  Déclaration  de^^  Droits  de  VHomme,  pour  en  faire  le  principal 
ornement  de  la  salle  d'assemblée.  Chaque  président  lit  cette  déclara- 
tion lors  de  son  installation. 

Elle  s'occupe  de  faire  installer  dans  le  local  de  ses  séances  les 
bustes  du  Roi  (1),  de  J.-J.  Rousseau,  Voltaire,  Caton,  Brutus,  ainsi 
que  celui  de  Franklin,  si  Ton  peut  se  le  procurer.  Le  trésorier  déli- 
vrera à  Scanegatty,  pour  l'achat  de  ces  bustes,  200  livres,  lesquelles 
furent  loin  de  suffire. 

Les  fonctions  du  président  durent  un  mois  ;  il  n'est  rééligible 
qu'après  trois  mois.  Il  porte  au  col  une  médaille,  retenue  par  un  ruban 
qui  fut  aux  trois  couleurs  lorsqu'une  aimable  patriote  eut  l'attention 
de  lui  offrir  ce  ruban  en  séance,  aux  applaudissements  de  l'Assemblée. 
A  des  dates  variables,  quoique  son  élection  ait  lieu  vers  la  fin  du 
mois,  il  prend  possession  de  son  siège  qui  est  «  un  fauteuil  »,  et  l'an- 
cien président  à  la  Cour  des  Comptes,  Robert,  s'y  assied  lui-même 
sans  se  scandaliser,  lui  qui  ne  veut  pas  que  l'évoque  constitutionnel, 
«  curé  de  la  cathédrale  »  ait  une  chaire  le  distinguant  des  autres 
membres  du  clergé,  par  une  sorte  de  prééminence  qui  blesse 
l'égalité  I 

Le  président  empêché  est  fréquemment  remplacé  par  un  ex- 
président, ou  un  simple  membre.  Il  n'y  eut  de  vice-président  qu'en 
1794. 

Les  secrétaires  furent  à  certaines  époques  au  nombre  de  deux, 
trois  et  même  quatre.  Leurs  fonctions,  importantes,  ne  sont  pas 
recherchées.  Ils  rédigent  le  procès-verbal  sur  des  notes,  et  quoi  que 
les  procès-verbaux  disent  à  ce  sujet,  il  est  évident  que  ce  n'est  pas 
toujours  le  lendemain ,  mais  bien  plusieurs  jours  après  qu'ils  sou- 
ci) Un  buste  de  Louis  XVI,  envoyé  de  Paris  à  l'une  des  administrations  de  Rouen 
RU  début  de  la  Révolution,  fut  trouvé,  lors  du  déballage,  brisé  vers  les  épaules. 


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mettent  leur  rédaction  ;  aussi,  a-t-on  parfois  quelque  peine  à  se 
mettre  d'accord  sur  ce  qui  s'est  passé  et  arrive-t-il  qu'il  faille  attendre 
la  présence  d'un  membre  ayant  la  mémoire  sûre  des  faits  et  des 
paroles  pour  les  rectifications  réclamées. 

Il  y  a  aussi  des  censeurs,  le  plus  souvent  un  pour  le  contrôle  des 
cartes,  et  deux  pour  l'ordre  dans  l'intérieur. 

Les  secrétaires  sont  élus  pour  un  mois  et  les  censeurs  renou- 
velés chaque  jour. 

Dès  sa  fondation,  la  Société  a  un  trésorier  et  peu  après  un 
co-trésorier.  Le  7  janvier  1793,  elle  décide  d'acheter  une  caisse  en 
bois  de  chêne  ou  de  fer  qui  sera  déposée  chez  celui  des  deux  trésoriers 
le  plus  voisin  du  local  social.  Cette  caisse  sera  fermée  à  trois  serrures 
et  à  trois  clefs  dont  une  sera  aux  mains  du  président,  les  deux  autres 
en  celles  du  trésorier.  Sur  la  caisse  seront  gravés  ces  mots  :  Caisse  de 
la  Société  des  Amis  de  la  Liberté  et  de  l'Egalité,  à  Rouen,  afin  de 
prévenir  les  inconvénients  résultant  du  décès  du  trésorier.  Il  y  a, 
cela  le  décèle,  des  hommes  de  loi  dans  la  société. 

La  caisse  est  alimentée  par  la  cotisation  que  verse  chaque 
membre  ;  jusqu'au  1®' janvier  1791,  cette  cotisation  est  de  24  livres 
Tan.  Ensuite,  on  l'élève  de  12  livres,  mais  le  8  octobre  1792,  on  la 
réduit  à  12  livres,  ce  qui  paraîtra  aussi  trop  élevé,  car  il  sera  ques- 
rion  de  la  diminuer  encore.  La  société  reçoit,  d'ailleurs,  des  dons 
importants  pour  l'armée,  pour  les  pauvres. . .  et,  parfois,  pour  elle- 
même. 

Il  y  a  dans  la  société,  outre  un  comité  permanent,  des  comités 
de  correspondance,  do  rapports,  de  l'instruction  publique,  de  la 
marine,  du  commerce  et  de  l'agriculture,  de  constitution,  de  censure, 
de  travail  et,  plus  tard,  des  comités  de  surveillance,  de  bienfaisance, 
de  défenseurs  officieux,  etc.  Il  y  aura,  à  certaine  époque,  un  comité 
pour  l'épuration  de  la  société  entière,  et  la  fièvre  épunitoire  attei- 
gnant alors  son  plus  haut  degré,  ce  comité  lui-même  devra  être 
préalablement  épuré  par  toute  la  société,  c'est  à  dire  par  ceux-là 
auxquels  il  fera  subir  ensuite  la  même  opération. 

Le  choix  des  journaux  lus  dans  les  séances  ou  déposés  à  la 
chambre  de  lecture  varie  comme  l'opinion  qui  domine  à  la  société. 


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-  100  — 

Ce  que  Ton  a  dit  des  Jacobins  de  Paris,  à  ralliance  fraternelle 
desquels  ils  tenaient  tant,  peut,  à  plus  forte  raison,  s'appliquer  aux 
Jacobins  rouennais  :  a  Monarchistes  tant  que  la  France  fut  monar- 
chiste, républicains  quand  les  circonstances  entraînèrent  la  nation  à 
se  constituer  en  république,  robespierriste  tant  que  Robespierre 
régna. . .  »(1).  Ils  firent  plus  :  à  Texemple  de  la  municipalité  Pillon, 
ils  s'affichèrent  maratistes  après  thermidor  !  Reste  à  voir  si  l'étiquette 
n'était  pas  trompeuse,  et  c'est  précisément  à  la  Société  populaire 
qu'est  révélé  le  motif  réel  de  l'espèce  de  défi  jeté  par  Pillon  et  Carré 
au  sentiment  public,  en  exagérant  follement  leur  vénération  pour 
V Ami  du  Peuple  pend2Lnt\dk  fête  donnée  en  son  honneur  quelque» 
jours  avant  leur  destitution. 

Le  Journal  de  Rouen  est  le  seul  qui  soit  demeuré  comme  ina- 
movible pour  les  Jacobins  rouennais.  Sa  faveur  est  beaucoup  plus 
durable  que  celle  de  la  Marseillaise,  apparue  aux  séances  de  la 
Société,  pour  la  première  fois,  je  crois,  le  11  octobre  1792,  et  débitée 
par  le  frère  Lecoutre  «  avec  toute  l'énergie  et  le  goût  possibles.  » 
Ses  couplets  civiques  furent  chantés  chaque  soir  depuis  mi-octobre 
jusqu'en  novembre  suivant.  En  pleine  Terreur,  il  n'est  presque  pas 
de  séance  qui  ne  s'ouvre  par  la  «  lecture  du  journal  de  Noél.  »  «  On 
lit  Noél  »  disent  les  procès-verbaux.  Cependant,  l'habileté  du  jour- 
naliste-équilibrîste  ne  parvient  pas  toujours  à  lui  éviter  les  attaques, 
et  le  bas-normand  Bérard,  ce  cbmédien  qui  aime  à  casser  les  vitres, 
constate  un  jour  (12  janvier  1793),  que  Noél,  depuis  quelque  temps, 
montre  le  bout  de  ses  oreilles.  Mais  le  frère  Noél  est  invulnérable,  si 
bien  que  le  lendemain,  une  motion  est  adoptée  qui  supprime  les  mots 
qui  viennent  d'être  soulignés  :  La  Société  a  besoin  du  Journal  de 
Rouen  pour  y  publier  des  avis  ou  informations. . .,  et  les  poésies 
patriotiques  qui  sont  débitées  ou  chantées  dans  ses  séances. 

En  décembre  1792,  la  Société  était  abonnée  à  vingt-quatre 
journaux  dont  voici  la  nomenclature  et  le  prix  d  abonnement  ; 
1.  Journal  de  Perlet  (2).  36  livres. 

(1)  F.- A.  Aulard,  la  Société  des  Jacobins  sous  la  Monarchie  (la  Révolution  Française, 
4892,  p.  107.) 

(2)  n  a  pour  titre,  à  ce  moment  :  Convention  nationale^  corps  administratifs  et 
nout^elles  politiques  et  littéraires  de  VEurope  (M.  Tourneux),  BiOliog,  de  l'Hist,  de  Paris 
pendant  la  Révolution,  t  II,  n»»  10288, 


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•     _  101  -- 

2.  Journal  de  Parts,  33  livres. 

3.  Annales  Patriotiques,  36\iyres. 

4.  Nouvelles  Politiques  Nationales  et  Etrangères,  36  livres. 

5.  Gœsette  Nationale  de  France,  26  \iy Tes. 

6.  V Argus  du  Département  du  Nord,  36  livres. 

7.  Le  Mercure  Universel,  72  livres. 

8.  Le  Patriote  Français^  36  livres. 

9.  La  Gojsette  Française,  36  livres. 

10.  Le  Courrier  de  V Europe,  84  livres. 

11 .  Le  Républicain,  petit  format,  36  livres. 

12.  PrwûfAomme  (1),  36  livres. 

13.  La  Chronique  de  Paris,  33  livres. 

14 .  La  Chronique  de  Rouen  (2),  30  livres. 

15.  Le  Républicain  Universel,  72  liyres. 

16.  Le  Moniteur  Universel,  84  livres. 

17.  La  Chronique  du  Mois,  27  livres. 

18.  Journal  des  Débats  et  Décrets  de  la  Convention,  48  livres» 

19 .  Journal  des  Jacobins,  24  livres . 

20.  Gorsas  (3),  72  livres. 

21.  Le  Cultivateur,  15  livres. 

22.  La  Feuille  Villageoise,  9  liwes. 

23.  Journal  de  Noël  y  60  livres. 

24.  Gasette  de  Leyde.  (i) 

Cela  formait  une  dépense  annuelle  de  mille  livres  environ,  trop 
lourde  pour  le  budget  de  la  société  :  a  Plusieurs  de  ces  feuilles  pério- 
diques se  répètent  et  n'en  absorbent  pas  moins  des  sommes  considé- 
rables dont  la  société,  en  les  supprimant,  pourrait  faire  un  meilleur 
usage  ». 

En  conséquence,  le  Comité  chargé  du  choix  des  journaux  à 
conserver,  s'inspirant  de  motifs  d'économie  et  d'utilité  publique, 

(1)  Les  Révolutions  de  Patois. 

(2)  Même  après  le  désabonnement  mentionné  plus  haut. 

(3)  C'est  alors  le  Courrier  des  Départements  (M*  Toumeux,  ouvr.  cité,  t.  II, 
nM0,233). 

(4)  Le  prix  de  Tabonnement  est  omis.  Le  vrai  titre  de  la  Gazette  de  Leyde  fut, 
jusqu'en  1796  :  «  Nouvelles  extraordinaires  de  divers  endroits,  (M.  Toumeux,  ouvr. 
cité,  notice  préliminaire,  xxxij). 


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-  loi-     • 

croit  devoir  les  restreindre  à  neuf  :  1.  Journal  de  Perlet  ;  2.  Annales 
patriotiques  ;  3.  Chronique  de  Paris  ;  4.  Moniteur  Universel  ; 
5.  Journal  des  Jacobins  ;  6.  Gorsas  :  7.  La  Feuille  Villageoise  ; 
8.  Noël,  deux  exemplaires  ;  9.  Chronique  de  Rouen. 

Il  est  partagé  sur  la  conservation  ou  la  suppression  de  Prud- 
homme  et  du  Moniteur  Universel,  et  il  s'en  rapporte  à  la  sagesse  de 
la  Société  sur  ces  deux  feuilles  «  dont  le  mérite  et  le  patriotisme  lui 
sont  connus.  » 

Mais,  à  une  très  grande  majorité,  il  prononce  la  suppression  : 
l.du  Journal  de  Paris,  parce  qu'il  répète  les  nouvelles  lues  dans 
tous  les  autres  journaux;  2.  des  Nouvelles  politiques  nationales  et 
étrangères  ;  de  la  Galette  Nationale  et  étrangère,  —  parce  que  ces 
deux  journaux  n'ont  d'autre  mérite  que  d'être  l'écho  de  l'aristocratie. 
«  La  Chronique  de  Rouen  ne  leur  cède  en  rien  sur  cet  article.  »  4.  de 
V Argus  du  Nord,  parce  que  toutes  les  nouvelles  y  consignées  sont 
fausses  pour  la  plupart;  5.  du  Républicain  Universel,  parce  que  c'est 
la  répétition  du  Moniteur  Universel,  qui  est  conservé  ;  6 .  du  Patriote 
Français,  parce  qu'il  est  rédigé  dans  le  môme  sens  que  la  Chronique 
de  Paris,  que  le  Comité  a  cru  devoir  préférer  ;  7.  de  la  Galette 
Française,  parce  que,  comme  \^Ga:;ette  de  Rouen, eW^  n'est  qu'aristo- 
cratique ;  8.  du  Courrier  de  i Europe,  parce  que  c'est  la  reproduction 
tardive  des  nouvelles  politiques  du  Moniteur  ;  9.  du  Républicain^ 
petit  format,  parce  qu'il  est  sans  intérêt  ;  10.  de  la  Chronique  du 
moiSy  parce  qu'elle  n'est  point  lue,  et  que  Roland  envoie  des  exem- 
plaires et  imprimés  détachés  des  objets  y  contenus  ;  11.  des  Débats 
et  Décrets  de  la  Convention,  parce  qu'il  n'a  d'autre  mérite  que  le 
retard  dans  le  rapport  des  débats  et  décrets  et  qu'il  est  la  répétition 
du  Moniteur  ;  12.  du  Cultivateur  ;  et,  13,  de  la  Galette  de  Leyde. 

Les  suppressions  proposées  furent  acceptées,  y  compris  celle  du 
Journal  de  Prudhomme,  le  frère  Lamine  ayant  offert  de  communi- 
quer à  la  société  l'exemplaire  qu'il  recevait  chaque  semaine  «  lors- 
qu'il contiendrait  quelques  morceaux  ou  nouvelles  intéressants  ».  Le 
Alercure  Universel  subit  le  même  sort,  parce  qu'il  est  la  répétition 
du  Moniteur. 

Ensuite,  Lamine  et  Yvernès  proposèrent  et  la  société  arrêta  : 


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-403- 

qu'elle  ne  pourrait  à  l'avenir  convertir  aucun  abonnement  sans  liH 
rapport  préalable  de  son  comité  de  travail,  et  qu'elle  s'interdisait  de 
revenir  sur  les  journaux  supprimés  quel  que  fût  le  nombre  de  mem- 
bres qui  en  feraient  la  motion.  Cet  absolutisme  imprévoyant  n'a  pas 
empêché  la  société  d'apporter  d'importants  changements  à  ces  dis- 
positions. 

Les  nouvelles  données  par  les  journaux  se  précisent  et  se  com- 
plètent par  des  communications  venues  d'un  assez  grand  nombre  de 
sociétés,  aflSliées  ou  non,  parmi  lesquelles  celles  de  villes  troublées 
telles  que  Lyon,  Aix,  Nîmes,  Strasbourg,  Brest,  Nantes, 
Caen,  etc. 

La  Société  fait  «  bon  accueil  à  la  demande  d'afifiliation  des 
Amis  de  la  constitution  française  d'Avignon,  mais  elle  ne  lui  répon- 
dra qu'après  examen  de  la  situation  politique  de  cette  ville  vis-à-vis 
de  la  France,  ce  qui  exige  la  plus  grande  circonspection  (  13  novem- 
bre 1790.  )  Elle  regarde  comme  important  le  parti  à  prendre  sur  la 
proposition  de  la  société  de  Valognes,  de  se  coaliser  avec  les  Amis 
de  la  révolution  à  Londres,  à  la  tête  de  laquelle  est  lord  Stanhope. 
Elle  félicite  ce  dernier  (  9  novembre  1790)  pour  avoir  dénoncé  dans 
la  Chambre  haute  le  ministre  Galonné,  réfugié  à  Londres  ;  elle  félicite 
le  docteur  Price  pour  sa  réfutation  de  l'ouvrage  de  lord  Burcke 
contre  la  Révolution  française.  Joh  Bell,  membre  de  la  société  des 
Wighs  constitutionnels,  séant  à  Londres,  vient  lui  remettre  deux 
exemplaires  en  anglais  d'un  écrit  «  sorti  de  la  pliime  savante  de 
Thomas  Paine,  «  une  lettre  de  cette  société  et  une  chanson  patriotique. 
Joh  Bell,  à  la  tribune  de  la  société  de  Rouen,  prononce  un  discours 
«  sublime  »  dans  lequel,  au  nom  de  la  «  société  constituée  des  Amis 
du  peuple,  de  la  liberté  et  de  légalité  indépendants  de  Londres,  il 
témoigne  combien  elle  a  été  touchée  lorsque  l'Assemblée  législative 
a  déclaré  la  nation  en  danger.  Lui,  Bell,  a  ami  des  deux  sexes,  se 
joint  aux  frères  en  Angleterre  pour  invoquer  le  suprême  architecte 
de  Vunivers  pour  le  succès  des  armes  françaises  et  l'extermination 
des  despotes.  »  Les  Rouennais  —  dit  le  procès-verbal  rédigé  par 
Poret  —  «  consacrèrent  quelques  moments  à  l'eflEusion  délicieuse  des 
sentiments  qu'inspire  la  présence  de  ce  digne  frère  anglais,  qui  a  tra- 


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-  104  — 

versé  les  mers  pour  venir  nous  donner  l'assurance  de  rattachement 
inaltérable  de  sa  nation  généreuse  aux  Français  libres.  » 

C'est  sans  doute  pour  répondre  à  ces  Wighs  que  le  13  novembre 
suivant,  Bignon  rédige  une  «  lettre  aux  sociétés  populaires  d'Angle- 
terre, pleine  d'idées  hardies  et  d'un  style  séduisant.  » 

A  la  correspondance  des  sociétés,  s'ajoutent  des  lettres  parti- 
culières adressées  soit  à  la  Société  directement,  soit  à  des  membres 
qui  en  lisent  des  extraits  à  la  tribune.  C'est  ainsi  que  des  renseigne- 
ments sur  les  opérations  militaires  dans  le  Nord,  dans  l'Est,  dans  la 
Vendée  et  même  sur  le  siège  de  Toulon,  viennent  abondamment  par 
des  lettres  deDumouchel,  fils  de  la  femme  de  Lamine,  du  frère  de 
Poret,  de  Lelièvre  fils,  et  de  Le  Vavasseur.  Des  volontaires  rouennais, 
qui  font  la  guerre  aux  Bretons,  joignent  à  leurs  missives  parfois 
de  curieux  et  d'étranges  envois  :  un  jour,  la  société  reçoit  de 
l'un  d'eux  un  chapelet,  dépouille  d'un  brigani,  une  autre  fois, 
un  bon  royal  de  cinq  livres,  signé  du  prince  de  Talmont,  de  Beau- 
villiers,  et  du  fameux  abbé  Bernier,  curé  de  Saint-Laud  d'Angers, 
portant  ces  mots  :  Armée  catholique  et  royale,  et  Vive  le  roi 
Louis  XVII,  (1)  et,  enfin,  insérée  dans  un  pli  adressé  par  le  citoyen 
Liégeard,  une  oreille  de  chouan  1 

Lorsque  les  séances  sont  devenues  publiques,  les  citoyens  et 
citoyennes  des  tribunes  usent  assez  souvent  de  l'autorisation  de 
prendre  part  aux  discussions.  Les  rangs  de  ces  spectateurs-acteurs 
sont  très  môles,  et  malgré  tout  la -société  —  on  s'en  aperçoit  —  met 
dans  ses  sentiments  de  fraternité  à  leur  égard,  une  affectation  nuan- 
cée qui  ne  témoigne  pas  qu'elle  admette  sans  restriction  le  grand 
principe  de  l'égalité. 

Les  femmes  des  patriotes  sont  là  en  majorité.  La  citoyenne 
Mabon,  la  plus  qualifiée  et  la  plus  remuante,  qui  fera  parler  d'elle, 
même  lors  des  mouven:ents  politiques,  longtemps  après  thermidor, 
prend  volontiers  la  parole  et  contribue  à  attirer  l'attention  sur  son 
mari,  lequel  personnifiera  le  sans-culottisme  au  Conseil  général  de 
la  Commune,  sous  la  mairie  Pillon.  D'autres  femmes,  qui  ne  sont  pas 


(i)  Ce  bon,  offert  par  Frey,  et  qu'on  avait  décidé  d'envoyer  à  la  Convention,  est  resté 
attaché  dans  Tun  des  registres  de  la  Société  populaire. 


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-  105  — 
moins  en  vue,  sont  d'assidues  liabituées  des  séances  :  les  citoyennes 
Duclo?  —  laquelle  est  une  marseillaise  —  Leblond,  Mauduit,  Vigou- 
reux, et  surtout  la  citoyenne  Féray ,  qui  a  d'autant  plus  le  droit  de 
s'y  faire  remarquer  que  ses  enfants  Thomas  Féray  et  Charles- 
André-Louis  Féray,  bourreaux  et  fils  de  bourreaux,  sont  membres 
résidants  de  la  société.  Il  est  vrai  de  dire  que  ceux-ci  ont  été  admis 
longtemps  après  plusieurs  comédiens,  et  avec  infiniment  moins 
d'éclat  que  ces  derniers,  devenus  citoyens  en  même  temps  qu'eux.  — 
Rien  n'autorise  à  supposer  que  les  femmes  des  sommités  de  la  Société 
populaire  soient  jamais  venues  assister  aux  séances.  Au  contraire,  on 
en  rencontre  une  au  moins,  celle  du  trésorier,  qui,  en  1794,  laisse 
échapper  sur  le  compte  de  la  Société  des  réflexions  hostiles. 

Les  femmes  patriotes  qui  fréquentaient  les  séances  des  Jacobins 
et  qui  amenaient  même  leurs  enfants  pour  entendre  la  lecture  des 
papiers  publics,  s'y  sont  quelquefois  distinguées  par  leur  acharne- 
ment à  dénoncer.  Elles  viennent  aussi  pour  solliciter  des  secours,  le 
plus  souvent  nécessités  par  l'absence  du  chef  de  la  famille,  parti  aux 
frontières  ;  d'autres  sont  en  quête  d'emplois  tels  que  celui  de  concierge 
aux  prisons  de  femmes.  Un  assez  grand  nombre  s'y  font  remarquer 
par  leur  empressement  à  coudre  des  chemises  pour  les  volontaires, 
qu'elles  furent  nonobstant  accusées  plus  tard  d'empêcher  de  partir. 
D'autres  semblent  ne  venir  aux  séances  que  pour  y  faire  entendre 
des  chants  patriotiques.  La  citoyenne  Langlois  est  celle  qui  obtient 
le  plus  persistant  succès. 

Elles  paraissent  beaucoup  plus  dignes  d'attention,  les  femmes 
désespérées  dont  les  maris,  les  fils,  les  pères  ou  les  frères,  arrêtés  ou 
menacés  de  l'être  ou  d'être  envoyés  au  tribunal  révolutionnaire,  et 
qui  viennent  certain  jour  où  sans  doute  elles  savent  être  vues  par 
des  notabilités  jacobines,  apporter  un  don  patriotique  et  s'assurer 
ainsi  une  mention  civique  pour  l'invoquer  à  l'instant  opportun  ! 

Les  rouennaises  paraissent  avoir  eu  le  désir  de  revendiquer  une 
place  dans  les  manifestations  révolutionnaires.  En  juin  1790,  on 
voit  les  «  dames  de  Rouen  »  préoccupées  autant  que  cela  le  comporte, 
ce  qui  n'est  pas  peu  dire,  de  se  choisir  un  costume  national  pour  le 
jour  de  la  Fédération.  «  Nous  autres  femmes,  disent-elles,  nous 


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-  ioé- 

Vôyoùs  avec  «  plaisir  une  Constitution  qui,  sani  doute,  fera  dispa- 
»  raître  les  bizarreries  de  notre  Coutume  de  Normandie,  dont  nous 
»  sommes  depuis  longtemps  les  victimes,  en  dépit  de  la  galanterie 
»  française  ;  mais  il  nous  peinait  de  voir  que  les  hommes  de  ce  pays 
»  se  réservaient  encore  tout.  Pas  la  moindre  chose  pour  notre  sexe 
))  qui  avait  joué  un  si  grand  rôle  du  temps  delà  fameuse  chevalerie. 
»  Enfin,  au  grand  contentement  de  ma  société,  il  est  question  de 
»  nous  et  soit  dit  entre  nous  pour  un  objet  qui  ne  nous  est  rien 
»  moins  qu'indifférent.  »  (1) 

Il  est  douteux  que  ce  soient  les  mêmes  «  dames  »  qui,  à  une  date 
diflBcile  à  préciser,  tentèrent  d'orgniser  un  club  de  femmes,  projet 
qui  ne  semble  pas  s'être  réalisé  et  à  l'exécution  duquel  se  fût  bientôt 
opposé  le  décret  du  30  octobre  1793,  interdisant  les  clubs  ou  sociétés 
populaires  de  femmes  sous  une  dénomination  quelconque  (2). 

Si  Rouen  fut  privé  d'un  club  de  femmes,  les  femmes,  même 
étrangères,  purent  s'en  croire  amplement  dédommagées  par  le  cha- 
leureux accueil  qu'elles  reçurent  toujours  à  la  société  des  Amis  de  la 
Co/2s<ïïtt^fo/i,  à  la  Société  populaire.  Celle-ci,  le  12  mai  1791.  admet 
à  la  séance,  présidée  par  Brémontier,  «  M™®  Baudry,  citoyenne, 
»  membre  de  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution  d'Orléans, 
»  revêtue  de  son  diplôme,  »  et,  le  lendemain,  introduite  au  milieu 
d'acclamations  redoublées,  cette  dame  prononce  un  discours  «  dicté 
»  par  le  patriotisme  le  plus  épuré,  dans  lequel  elle  a  combattu  avec 
»  succès  l'injuste  préjugé  qui  restreint  l'éducation  dés  femmes,  et  a 
»  prouvé  qu'elles  pouvaient  et  devaient  être  admises  parmi  les  véri- 
»  tables  Amis  de  la  Constitution.  Ces  vérités,  qui  ont  emprunté  une 
»  nouvelle  force  dans  la  bouche  de  l'orateur,  ont  excité  les  applau- 
»  dissements  de  la  Société,  qui  a  senti,  dans  cette  circonstance,  de 
»  combien  d'énergie  est  capable  ce  sexe,  que  les  hommes  semblent 
))  jusqu'alors  n'avoir  cru  susceptible  d'attachement  que  pour  les 
»  seules  frivolités.  » 


(1)  Journal  de  Rouen  des  20  et  25  juin  1790.  Le  second  article,  signé  «  Sensée  et  O*  » 
semblerait  indiquer  qu'il  émane  d'une  société  de  dames,  —  ou  d'un  facétieux. 

(2)  Copie  do  ce  décret  est  restée  jointe  à  une  requête  des  citoyennes  Boisard, 
Vaudoye,  Dorothée  Aignel  et  Hue,  antérieure  à  ce  décret,  mais  peut-être  renouvelée 
depuis.  —  Arch.  mpales. 


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-  1Ô7  - 

C'était  la  première  fois  que  la  voix  d'une  femme  était  entendue 
daûs  la  Société. 

Le  15  juillet  suivant,  la  mère  et  la  sœur  de  l'anglaise  Hélène- 
Marie  Williams,  laquelle  se  trouvait  au  château  du  Fossé,  chez 
Thomas  du  Fossé,  vinrent  faire  hommage  à  la  Société  de  ses  Lettres 
écrites  de  France  à  une  amie  d'Angleterre,  pendant  l'année  1790. 

Pendant  les  élections  de  la  fin  de  1792,  la  Société  prêta  son 
local  aux  citoyennes  qui  se  réunissaient  pour  entendre  la  lecture  des 
papiers  publics.  L'une  d'elles,  la  citoyenne  Vigoureux,  vient  l'en 
remercier  le  28  décembre,  par  un  discours  qu'elle  lit  à  la  tribune  et 
dans  lequel,  au  nom  de  ses  sœurs,  elle  exprime  la  douce  satisfaction 
que  doivent  éprouver  tous  les  bons  citoyens  en  ne  formant  qu'une 
même  famille,  pour  s'instruire  mutuellement  «  et  se  mettre  à  portée 
d'éviter  tous  les  pièges  que  des  tigres  voraces  de  sang  humain  ne 
cessent  de  nous  tendre  pour  nous  surprendre  dans  leurs  filets.  » 
0  Soyez  persuadés,  ajoutait-elle,  que  des  républicaines,  telles  que  nous 
sommes,  savent  se  préserver  de  la  contagion  aristocratique;  nous 
avons  pour  bouclier  à  leur  opposer  la  raison,  la  probité  et  l'amour  de 
notre  patrie.  »  —  Le  président  (Carré),  dans  sa  réponse,  parle  de 
quelques  individus  qui  s'étaient  oubliés  d'une  manière  tellement 
scandaleuse  que  les  séances  des  citoyennes  en  avaient  été  troublées. 

Plus  tard,  ce  fut  bien  autre  chose,  et  les  Rouennais  n'eurent  qu'à 
s'applaudir  de  n'avoir  jamais  affilié  de  femmes  à  leur  Société. 

De  bonne  heure,  les  Amis  de  la  Constitution  de  Rouen  sont 
fermement  convaincus  de  l'importance  de  leur  mission  sociale  et 
politique,  et  s'ils  n'osent  pas  ambitionner,  comme  cela  arrive  trop 
souvent  à  leurs  grands  frères  de  Paris,  d'avoir  une  part  décisive  dans 
les  affaires  gouvernementales,  ils  se  mêlent  activement  à  celles  des 
administrations.  Ils  se  persuadent  aisément  qu'ils  dirigeront  l'esprit 
public,  non  seulement  à  Rouen,  mais  aussi  dans  quelques  autres 
districts  du  département.  Leur  raison  d'être,  au  surplus,  c'est  de 
peser  sur  l'opinion,  sur  le  choix  des  élus  du  peuple,  et  aussi  des 
fonctionnaires.  Ce  sera  seulement  à  la  fin  de  1793,  à  l'apogée  de 
la  puissance  des  sociétés  populaires,  que  celles-ci  seront  érigées  par 
les  représentants  du  peuple,  en  dispensatrices  réelles  des  fonctions^ 


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-  108  — 

môme  de  celles  précédemment  électives,  et  des  grades,  où  Ton  ne 
sera  admis  et  maintenu  qu'avec  leur  assentiment.  Les  généraux  eux- 
mêmes  rechercheront  leur  aflRliation,  solliciteront  leur  protection. 

A  peine  le  droit  d'association  a-t-il  été  proclamé  par  le  décret 
du  13  novembre  1790  que  les  Amis  de  la  Constitution  saisissent 
l'occasion  d'entrer  en  scène  et  d'exposer  leur  programme.  Le  25  de 
ce  mois,  ime  députation  de  ses  membres,  composée  de  Forfait,  pré- 
sident, Joly,  Lesuire,  Lefebvre,  Barbarey  et  Bournisîen,  va  féliciter 
la  municipalité,  qui  vient  d'être  renouvelée.  (1)  Devant  le  Conseil, 
Forfait  prononce  im  discours  d'après  le  registre  de  la  Commune, 
un  compliment,  selon  le  registre  de  la  Société. 

Les  paroles  de  l'ingénieur  Forfait  méritent  plus  d'attention 
qu'on  ne  le  croit.  Elles  fournissent,  sur  le  but  de  la  société  «  philan- 
thropique ))  au  nom  de  laquelle  il  parle  et  sur  d'autres  points  dignes 
d'intérêt,  des  indications  se  rattachant  trop  étroitement  à  l'histoire 
de  la  Révolution  pour  être  passées  sous  silence. 

((  Les  grandes  révolutions,  dans  tous  les  empires  du  monde,  ont 
))  donné  lieu,  af&rme  l'orateur,  à  des  associations.  Quand  Rome  eut 
»  brisé  le  sceptre  des  tyrans,  c'est  par  l'initiation  aux  mystères  que 
»  les  hommes  destinés  aux  places  importantes  apprirent  l'art  de 
»  gouverner.  Cette  institution,  qui  leur  était  venue  des  Grecs,  se 
»  retrouve  chez  beaucoup  de  peuples  asiatiques.  C'est  ainsi  que  se 
»  formèrent  les  sociétés  maçonniques,  dans  lesquelles  on  mêle  les 
»  principes  et  les  finesses  de  la  politique  à  des  rêveries  mystiques. 
»  Ces  divers  établissements  sont  tombés  dans  l'oubli,  ou  se  sont 
»  totalement  dénaturés,  parce  qu'ils  n'avaient  de  source  que  dans 
»  l'intérêt  personnel,  de  véhicule  que  dans  les  passions  individuelle , 
}i  de  moyens  que  dans  les  erreurs  religieuses. 

»  n  était  réservé  au  siècle  de  la  philosophie  de  faire  naître  d'elles- 
))  mêmes  et  sans  les  ressources  de  l'intrigue,  démultiplier  avec  l'aurore 
»  de  la  liberté,  des  sociétés  philanthropiques  où,  sans  fasciner  par  un 
»  appareil  imposant  les  yeux  du  vulgaire,  on  eût  le  courage  de  lui 
»  expliquer  dans  son  idiome  les  vérités  capables  de  le  faire  monter 
»  enfin  où  la  nature  a  voulu  le  placer »  (2) 

(1)  Àrch  mpales.  —  Reg.  des  délibémtions. 

(2)  Arch.  mpales.  Reg.  des  délibérations. 


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—  1D9  — 

Des  débutants  ne  pouvaient  pas  être  plus  modestes 

En  réalité.  Forfait  n'exagérait  guère.  La  Société,  à  Rouen 
comme  ailleurs,  fut  sinon  une  école  tout  au  moins  une  pépinière 
d'administrateurs,  de  législateurs,  et  même  de  fonctionnaires.  De 
son  propre  aveu,  elle  n'était  pour  ainsi  dire  fréquentée,  en  dehors  do 
ceux  qui  croyaient  y  être  abrités  contre  des  accusations  d'incivisme, 
que  par  des  gens  espérant  des  places. 

C'est  effectivement  avec  son  aide  que  sont  mis  en  évidence,  c'est 
chez  elle  que  se  sont  en  partie  initiés  et  formés  à  la  vie  politique, 
aux  intrigues  et  aux  luttes  parlementaires,  à  peu  près  toutes  les 
notabilités  régionales  apparues  sous  la  Révolution  après  1790  jusque 
sous  l'Empire  et  sous  la  Restauration.  Forfait,  Léon  Le  Vavasseur, 
Vimar.  Tarbé,  Hardy,  Duval,  Mariette,  Blutel,  Brémontier,  Beau- 
vais,  Guttinguer,  Rabasse,  Le  Gendre,  Thiessé,  et  môme  M.  de 
Fontenay  et  les  Duvergier  ont  pris  part  à  ses  délibérations.  Plu- 
sieurs autres  n'ont  pas  eu  de  mandat  législatif,  mais  pour  cela  n'en 
ont  pas  moins  joui  d'une  notoriété  au  moins  égale,  tels  Lézurier, 
Blanche,  Laumonier,  Descroisilles  et  les  deux  Bignon.  De  la  main  de 
Bignon  le  jeune,  le  futur  ambassadeur,  ministre,  député,  pair  de 
France,  sont  écrits  des  procès-verbaux  entiers  de  débats  sérieux  qui 
passionnèrent  la  société  en  1793,  et  son  style,  qui  tranche  sensible- 
ment sur  celui  de  la  plupart  des  autres  secrétaires,  annonce  l'homme 
distingué  qui  se  révélera  vingt  ans  après.  Licquet,  le  père  des  deux 
i'cquet  qui,  seuls,  bien  injustement,  figurent  dans  les  biographies, 
est  à  citer  également  parmi  les  meilleurs  rédacteurs  des  procès- 
^erbaux.  Thieullen,  qui  devint  le  plus  haut  magistrat  de  la  Cour 
impériale  de  Rouen,  présida  la  société  aux  heures  les  plus  émou- 
^^tes  de  Thermidor.  Un  personnage  moins  sympathique,  quoi  qu'en 
'Se  ;\|;  ^Q  la  Quérière,  Le  Gendre,  du  tribunal  criminel,  la  présida 
^^*  le  même  temps. 

Malheureusement,  cette  «  corporation  tyrannique  »  (1)  fut  diri- 
^  ^  ^Vix  pires  moments  de  1793  et  1794  par  des  hommes  chez  les- 
?^^^  les  instincts  de  la  combativité,  de  l'intrigue  et  de  la  domina- 

j       ^^  t!xpression  d'André  Chénier,  dans  un  article  sur  les  sociétés  patriotiques  publié 
y         *^  60  supplément  du  Journal  de  Paris.  La  société  de  Rouen  reçut  d'André  Chénier 
'^^  ses  écrits. 


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-  no  - 

tion  s'y  étaient  aisément  développés.  Les  révolutionnaires  Lecanu, 
Lamine,  Pillon,  Poret,  Blanche,  Lambert,  Lefebvre-Signol,  Vernon, 
Bérard,  et  tant  d'autres  ambitieux  déçus,  sur  le  véritable  but 
desquels  il  serait  aujourd'hui  plus  que  jamais  difficile  de  s'éclairer, 
y  représentèrent  parfois  trop  fidèlement  les  partis  les  plus  avancés 
de  la  Convention,  tout  au  moins  par  leur  langage,  leur  impitoyable 
dureté  envers  les  prêtres,  les  ci-devant  nobles  et  en  général  à  Tégard 
de  tous  les  contre-révolutionnaires.  Ils  n^avaient  pas  même  eu  besoin 
d'être  entraînés  par  des  députés  tels  que  Pocholle,  Carrier,  Alquier, 
Guimberteau,  Legendre,  Louchet,  Delacroix,  Siblot,  Duport,  et  des 
Jacobins  outrés  comme  Loiseau,  Dufourny  et  Galbois-Saint-Amand, 
venus  apporter  à  la  société  «  la  bonne  parole  »,  sinon  le  beau  langage. 

Si  la  société  populaire  n'avait  compté  ces  violents  parmi  ses 
membres,  elle  n'aurait  pas  d'histoire. 

Le  compliment  —  car  c'en  était  un. . .  pour  la  société,  adressé 
par  son  président  Forfait  à  la  commune  de  Rouen,  entraîne  à  dire 
quelques  mots  d'une  thèse  d'après  laquelle  la  franc-maçonnerie 
aurait  produit  la  Révolution.  Sans  chercher  nullement  à  résoudre  ce 
problème,  il  est  à  remarquer  que  si  l'on  s'en  tient  à  ce  que  dit  For- 
fait, la  franc-maçonnerie,  en  novembre  1790,  ne  jouissait  pas,  tout 
au  moins  à  Rouen,  d'un  grand  crédit,  et  ne  pouvait  guère  exercer  de 
prépondérance,  même  à  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution, 

Et  pourtant,  il  y  avait  encore  dans  la  ville,  en  1789,  treize  loges  : 
1®  la  grande  Loge  Ecossaise,  chapitre  métropolitain  et  loge  provin- 
ciale ;  2«  la  Fidélité  ;  3*  la  Félicité  ;  i^  V Ardente  Amitié  ;  5^  V  Unité  ; 
6* la  Parfaite  Harmonie  ;  7**  la  Céleste  Amitié  ;  8®  la  Parfaite  Union  ; 
9*  les  Bons  Amis  ;  10^  la  Paix  Ecossaise  ;  11^  la  Parfaite  Egalité  ; 
12<»  les  Arts  réunis  (maçons  exerçant  la  profession  de  comédiens)  ; 
et  13^  VA  ccord  parfait. 

Les  travaux  de  presque  toutes  ces  loges  furent  suspendus  vers 
1789  ou  1790.(1) 

Au  nombre  de  ceux  qui  en  faisaient  partie,  cités  dans  l'ouvrage 
duquel  cette  nomenclature  de  loges  est  extraite,  figurent  quantité 
de  magistrats,  d'avocats,  de  fonctionnaires,  de  militaires,  de  négo- 

(1)  Hist,  géîierale  de  lu  Franc-Maçonnerie  en  Normandie  de  1739  à  1875.  par  le  fr. 
de  Loucelles.  Dieppe,  imp.  du  fr.  E.  Delevoye,  1875. 


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-  m  - 

ciants,  de  médecins  et  même  quelques  ecclésiastiques,  lesquels,  pour 
la  plupart,  ont  eu  à  souffrir  de  la  Terreur.  Dans  la  liste  de  ceux  qui 
eurent  à  subir  les  excès  de  la  révolution  à  Rouen,  on  rencontre  M.  de 
la  Chevalerie,  vénérable  de  la  Loge  la  Félicité  ;  Anquetin  de  Beau- 
lieu,  vénérable  des  Bons  Amis,  le  grand  maître  Mathéus,  dont  il 
va  être  plus  spécialement  question  ci-après,  et  MM.  Rondeaux  et 
de  Fontenay,  qui  appartenaient  à  des  loges  rouennaises.  —  En 
revanche,  on  retrouverait  probablement  beaucoup  de  francs-maçons 
anciens  ou  en  activité,  dans  les  rangs  des  élus  du  peuple  et  des  fonc- 
tionnaires institués  par  les  représentants  du  peuple  en  1793  et  1794, 
et  qui  ont  été  épargnés  par  les  terroristes.  Peut-être  n'en  retrouve- 
rait-on pas  moins  dans  le  tableau  des  terroristes  eux-mêmes. 

On  comprend  qu'à  Rouen,  où  il  existait  un  chapitre  dissident,  il 
soit  resté  chez  les  francs-maçons  des  loges  «  en  sommeil  »  ou  en 
activité  durant  la  Révolution,  des  souvenirs  de  rivalités  et  de  dis- 
cussions encore  trop  récentes  pour  qu'on  ne  relève  aucun  incident  s'y 
rattachant  dans  le  cours  de  l'an  IL 

Il  semble  donc  utile  d'appeler  l'attention  sur  des  noms  et  des 
faits  restés  dans  l'obscurité  et  qui  ont  évidemment  rapport  à  cette 
question. 

On  sait  que  plusieurs  Rose-Croix  se  réunirent  à  Rouen  après 
1769,  pour  former  un  chapitre  indépendant  du  Grand-Orient 
et  que  la  loge  V Ardente  Amitié,  s'étant  adressée  à  l'Ecosse,  reçut,  le 
1"  mai  1786.  de  la  grande  loge  de  Heredom  de  Kilwinning,  pour  son 
maître  et  vénérable  Jean  Mathéus,  une  patente  de  grand-maître  pro- 
vincial pour  toute  la  France,  le  1^'  mai  1786.  (1) 

Mathéus,  haut  dignitaire  du  rite  écossais,  conquit  par  là  une 
situation  pouvant  avoir  des  avantages,  mais  ayant  au  moins  l'in- 
convénient de  lui  créer  des  adversaires  dans  les  loges  restées  fidèles 
au  Grand-Orient.  Il  fut  sans  doute  énergiquement  soutenu  dans  sa 
résistance  aux  tentatives  de  celui-ci  pour  opérer  une  fusion  ;  sa  cor- 
respondance avec  la  grande  loge  d'Edimbourg  fournit  à  Findel  des 
renseignements  pour  ses  travaux  sur  les  associations  maçonnique». 

(1)  HisL  de  la  Franc-Mai  omierin  jusqu'à  nos  jours,  par  J.-F.  Findel,  1861,  traduite  de 
l'allemand  par  T.  Tandel.  Paris,  1866.  t.  ii,  p.  52, 


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-  412  — 

On  ne  le  voit  figurer  dans  nul  incident  rôvolutionnaire,  jusqu'à 
l'approche  de  la  fin  du  régime  de  la  Terreur. 

Cependant,  il  existe,  dans  des  liasses  d'archives  révolutionnaires, 
un  mandat  d'arrêt  décerné  contre  lui  pour  cause  d'incivisme  et 
d'aristocratie  par  le  Comité  de  Surveillance  de  Rouen,  à  la  date  du 
21  germinal  an  II  (10  avril  1794).  Ainsi  que  cela  se  produisit  maintes 
fois,  ce  mandat  fut  mis  à  exécution  plus  do  deux  mois  et  demi  après, 
c'est-à-dire  seulement  le  8  messidor  (26  juin),  ce  qui  signifie  qu'on 
guettait  l'occasion  sûre  de  l'atteindre.  Quoique  arrêté,  Mathéus  ne 
fut  point  incarcéré,  parce  qu'il  était  commissaire  pour  la  distribution 
du  pain,  et  investi,  en  outre,  d'une  commission  du  Comité  de  Salut 
Public,  qui  paraît  être  celle  d'agent  de  la  commission  de  commerce. 
Jusqu'à  ce  qu'il  eut  été  pourvu  à  son  remplacement,  on  le  laissa  chez 
lui,  rue  de  l'Unité  (  rue  Saint-Eloi  ),  57,  sous  la  garde  de  deux  sans- 
culottes. 

Interrogé  le  jour  même,  il  déclare  ê^re  âgé  de  quarante  ans, 
natif  de  Welzheim  (?),  palatinat  du  Rhin,  à  une  lieue  de  Lindau, 
être  citoyen  de  la  ville  de  Spire,  réunie  à  la  République  Française.  (1) 
Il  réside  en  France  depuis  vingt  ans  et  a  dans  son  commerce  avec 
son  associé  Louis  Clavel,  (2)  environ  4.000  1.  de  rente,  y  compris  le 
bien  de  sa  femme  et  de  sa  femme  et  de  ses  enfants.  (3)  Interpellé  de 
dire  ses  opinions  politiques  en  diverses  circonstances  précises, 
notamment  lors  de  la  rébellion  de  Rouen,  du  départ  du  tyran,  etc., 

(1)  La  ville  de  Spire  fut  prise  par  les  Français  le  30  septembre  1792  et  le  29  décem- 
bre 4793.  —  Jean  Mathéus  s'y  était  marié  en  la  communauté  réformée  le  19  septembre 
1784.  L'acte  constatant  son  décès  à  Rouen,  place  de  la  Pucelle,  n»  1"%  le  23  novembre 
1823,  le  fait  naître  à  Weltzin  (Bavière),  27  juillet  1754.  Il  était,  dés  1808,  membre  du 
consistoire  de  Rouen  et  consul  de  Danemark.  —  Son  nom  reparait  dans  deux  circon- 
stances, ainsi  qu'on  le  verra  dans  des  chapitres  subséquents.  "^ 

(2)  Louis  Clavel,  âgé  de  trente-neuf  ans,  était  né  à  Cully,  dans  le  canton  de  Berne 
(Suisse).  Peut-être  était-il  de  la  famille  du  F.-T.  B.-Clavel,  avteur  d'une  Histoire  pitto- 
resque de  la  Franc-Maçonnerie  H  des  Sociétés  secrîtes  anciennes  et  modeimes.  (Paris, 
Pagnerre  1843).  L'ouvrage  de  Clavel  mentionne,  sans  en  nommer  le  grand-maître,  la 
formation  de  la  Grande-Loge  provinciale  (p.  204). 

(3)  Le  tableau  des  fortunes  présumées,  dressé  pour  la  répartition  de  l'emprunt  de 
deux  millions,  le  21  septembre  1793,  attribue  à  Clavel  et  Mathéus  un  avoir  de  500,000  livres. 
Leur  contribution  à  l'emprunt  de  dix  millions  fut  fixée  le  21  brumaire  (11  novembre  1798) 
à  80,000  1.  ce  qui  impliquait  une  fortune  de  deux  millions  de  livres.  On  verra  plus  loin 
rarbitraire  qui  avait  fixé  ces  répartitions  et  à  qui  il  était  imputable.  Le  véritable  motif 
des  mesures  prises  contre  Clavel  et  Mathéus  pouvait  bien  être  leur  refus  de  s'exécuter. 


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-  113  - 

«  il  répond  qu'il  a  satisfait  à  tout  ce  que  le  devoir  d'un  républicain 
exigeait  de  lui,  et  qu'il  ne  s'est  jamais  trouvé  dans  aucun  groupe 
pour  propager  une  opinion  quelconque  ;  il  était  en  route  pour  affaire 
de  commerce  lorsqu'il  eût  eu  à  accepter  la  Constitution;  il  n'a  de 
liaison  avec  qui  que  ce  soit  ;  il  a  une  correspondance  de  commerce 
avec  les  sujets  des  puissances  liguées  contre  la  France.  » 

Une  perquisition  sans  résultat  et  des  scellés  s'ensuivirent  immé- 
diatement. 

De  fort  nombreux  exemples  attestent  que  les  réponses  du  citoyen 
Mathéus,  mêmes  vérifiées  exactes,  ne  devaient  point  suffire  à  le 
disculper.  Mais,  apparemment,  il  jouissait  d'immunités  que  .  ses 
ennemis  n'étaient  parvenus  à  suspendre  que  pour  peu  de  jours,  car 
Tinflexible  comité,  par  une  exception  qui  pourrait  bien  être  unique, 
consentit,  dans  une  lettre  mise  sous  les  yeux  du  représentant  Siblot, 
à  reconnaître  qu'il  avait  été  induit  en  erreur  sur  le  compte  de  ce 
citoyen,  et  qu'il  n'était  coupable  d'aucun  fait  d'incivisme.  Sur  le 
vu  de  cette  lettre,  un  arrêté  de  Siblot,  du  17  messidor,  ordonna  qu'il 
serait  mis  provisoirement  en  liberté.  (1) 

Qu'on  ne  croie  pas  qu'en  messidor  une  pareille  affaire  puisse 
s'être  ternâinée  ainsi  :  le  28,  c'est-à-dire  le  lendemain  du  jour  où  une 
copie  de  l'ordre  de  mise  en  liberté  avait  été  remise  au  citoyen 
Mathéus,  celui-ci  et  son  associé  Clavel,  en  vertu  d  ordonnance 
d'Avenel,  directeur  du  jury,  faisant  fonctions  d'ofHcier  de  police  de 
sûreté,  étaient  écroués  à  la  maison  d'arrêt  de  Saint-Lô,  (2)  comme 
accusés  d'avoir  introduit  en  France  dos  assignats  faux,  dont  la 
présence  dans  la  caisse  de  la  maison  Mathéus,  Clavel  et  C*  venait 
d'être  constatée  en  levant  les  scellés  apposés  le  26  juin,  lors  de 
l'arrestation  de  Mathéus.  (3) 

Le  directeur  du  jury,  devant  lequel  ils  furent  traduits,  eut, 
sur  le  point  de  savoir  si  la  possession  des  assignats  pouvait  donner 
lieu  à  poursuivre,  un  doute  qu'il  soumit  à  la  décision  du  tribunal  du 

(1)  Arch.  mpales. 

(2)  Reg.  d'écrou  analysé  par  M.  de  Lérue,  Nouvelliste  de  Rouen,  numéros  cités. 

(3)  Le  belge  Àdiien  Cools,  qu'un  mois  après  le  même  tribunal  condamnait  à  mort 
pour  introduction  de  162,  320  1.  d'assignats  faux,  était  alors  détenu  à  Rouen  depuis 
longtemps  par  ordre  du  comité  de  surveillance  de  Bruxelles. 


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m 


—  «4  - 

district,  lequel  rendit  le  28  messidor  (16  juillet)  ce  jugement: 
(i  Considérant  :  l^que  les  dits  Clavel  et  Mathéus  sont  étrangers; 
2«  qu'ils  correspondent  avec  les  étrangers  ;  3^  que  tous  les  assignats 
(435 1.)  à  eux  envoyés  par  une  maison  étrangère,  suivant  lettre  datée 
de  Brème,  le  6  avril  1794,  sont  faux  ;  4«  enfin  que  sur  la  somme 
d'environ  250,000  1.  d'assignats  dans  la  caisse,  il  s'en  est  trouvé 
545  1.  qui  sont  faux,  »  les  renvoya  devant  le  tribunal  criminel. 
Le  27  fructidor  (13  septembre)  ce  dernier  tribunal  déclara  que  le 
fait  de  Tintroduction  était  constant,  mais  ne  leur  était  pas  imputable. 
L'accusation,  à  leur  égard,  était,  ce  semble,  fort  peu  sérieuse,  et  la 
seule  possession  de  ces  assignats  les  mettait  simplement  dans  le  cas 
de  tant  d'autres  dupes.  Ils  furent  donc  justement  acqufttés.  (1) 

Leur  défenseur  devant  le  tribunal  avait  été  le  comédien  CafBn- 
Vernon,  membre  du  comité  des  défenseurs  officieux  de  la  Société 
populaire  de  Rouen,  ex-président  de  cette  société,  et  sans  nul  doute 
franc-macon,  si  l'on  en  juge  par  les  trois  points  accompagnant,  h 
trois  reprises,  le  paraphe  de  sa  signature,  d'ailleurs  fort  originale.  (2) 

Un  autre  nom,  peut-être  plus  marquant  alors,  et  plus  oublié 
aujourd'hui,  est  à  mentionner  aussi  à  ce  sujet.  François-Désiré 
Bacon  de  la  Chevalerie,  âgé  do  cinquante-huit  ans,  négociant  à 
Rouen,  rue  des  Charrettes,  —  vénérable  de  l'une  des  loges  rouennaises 
—  avait  été,  pendant  la  Constituante,  président  de  l'assemblée  de  la 
partie  française  de  Saint-Domingue.  A  son  installation  en  cette  qua- 
lité le  15  avril  1790,  il  prononçait  un  discours  rapporté  dans  les  Actes 
des  Apôtres  (3)  comme  étant  un  avant-goût  de  la  Constitution  future 
des  colonies.  En  février  1793,  Bacon  était,  on  ne  sait  pour  quelle 
cause,  politique  sans  doute,  en  arrestation  à  Liège,  d'où  il  en  avisait 
la  municipalité  de  Rouen,  qui  passa  à  l'ordre  du  jour.  Rentré  à 
Rouen,  il  était,  dès  le  31  août  suivant,  l'objet  d'un  mandat  d'arrêt 
décerné  par  le  nouveau  Comité  do  Surveillance  et  mis  à  exécution  le 
7  septembre,  sous  un  prétexte  qui  semble  dissimuler  son  refus  ou  son 

(1)  Reg.  du  tribunal  criminel. 

(2)  Reg.  de  la  société  populaire.  Dans  le  Prévis  Analytit/ue  des  travaux  de  VAcadt'- 
mie  de  Rouen  (1824,  p.  143),  Bignon  a  publié  sur  Mathéus  une  notice  ne  rappelant 
aucun  des  faits  mentionnés  ici. 

(3)  N«  121,  p.  12. 


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-  lis  - 

retard  à  verser  sa  contribution  de  plus  de  6,0001.  à  l'impôt  sur  les 
riches.  Il  sortit  de  la  maison  des  suspects  de  Saint- Yon,  le  8  novem- 
bre 1794. (1) 

Tels  sont,  avec  quelques  pièces  concernant  la  détention  d'un 
autre  haut-gradé  des  loges,  peu  connu,  étranger  à  Rouen,  et  nanti  de 
ses  insignes  (2),  les  indices  assez  vagues  de  la  persistance  du  désac- 
cord entre  les  francs-maçons  eux-mêmes. 

.  Quant  à  des  preuves  de  l'action  franc-maçonnique  provoquant  la 
réforme  sociale  et  la  persécution  religieuse  à  la  veille  de  1789,  ou 
les  poursuivant  depuis,  il  serait  difficile  d'en  saisir  de  directes  et 
d'indiscutables. 


(1)  n  fut  encore  détenu  par  mesure  de  haute  police  en  juin  4806. 

(2)  Archives  mpales. 


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^  11<}-- 


CHAPITRE  SIXIEME 

La  Société  populaire  (suite).  —  Eyéques  consUtutionnoU.  —  Viiite  et  discours  da 
normand  Massien,  éyéqne  de  Beauyais.  —  Mort  de  Mirabeau.  —  Fête  des 
Pavillons  :  discours  de  Bignon  et  de  Robert.  —  Déchéance  du  roi.  —  F6ta 
funèbre  des  yictimes  du  10  août  —  Discours  de  Blutel  :  le  droit  à  la  réTolte  — 
Elections.  —  Gratien,  candidat  ?  —  Députés  et  suppléants.  —  Lettre  inédite  de 
Fanre  —  Agents  du  pouToir  exécutif  et  de  la  Commune  de  Paris  dans  la  Société 
populaire.  —  Les  députés  à  la  Législatiye  exclus  de  la  Société.  —  Le  buste  de 
Lafayette.  —  Une  rectification  à  propos  du  diforce.  —  Louis  Gapet  le  dernier 
doit-il  être  Jugé  et  exécuté  ?  —  Mise  en  accusation  de  Marat.  —  Pocholle  et 
Saladin.  —  A  bas  Mirabeau  le  traître  !  —  Le  patriotisme  jacobin  au  pied  du  mur. 
_  Une  Société  riyale  :  les  Sans-Culottes  de  Rouen. 

Il  est  temps  de  revenir  aux  Amis  de  la  Constitution  pour  en 
dévoiler  les  actes  si  peu  connus. 

Paraissant  écarter  la  candidature  du  curé  Lerat,  (1)  de  Forges- 
les-Eaux,  appuyé  au  directoire  du  département  peut-être  par 
Thomas  du  Fossé  ou  par  Thiessé,  ils  préparent  celle  de  l'abbé  Le 
Verdier,   (2)  curé  de  Choisy-le-Roi,   h  Tévêché  des  côtes   de  la 


(i)  Le  directoire  du  département  avait  fait  publier  seulement  le  discours  de  Lerat. 
Celui-ci  vint  avec  Fleur>',  de  Forges,  et  Polel,  maire  de  Serqueux,  à  la  séance  de  la 
société  du  3i  janvier.  Lerat,  dont  les  discours  et  les  actes  ajritiTent  tant  la  petite  ville 
de  Forges-les-Eaux,  y  était  juge  de  paix  lorsqu'il  mourut,  âgé  de  cinquante  ans,  le 
30  juin  1803. 

(2)  Et  non  Verdier,  comme  l'écrit  Horcholle,  d'après  lequel  le  curé  de  Choisy-le- 
Roi,  était  «  natif  de  Rouen,  fils  d'un  marchand  de  bas,  rue  du  Change.  »  11  avait  prc*c 
le  serment  constitutionnel  le  16  janvier  1701.  Ce  serment  et  son  discours  avaient  été 
remis  le  10  du  même  mois  à  l'Assemblée  électorale  de  Paris  par  une  députatîon  de  la 
municipalité  de  Choisy.  Il  mourut,  Hge  de  quatre-vingt-deux  ans,  le  20  novembre  1805, 
à  Choisy  «  desser\*ant  »  de  cette  paroisse  depuis  quarante-quatre  ans.  Il  s'y  trouvait 
donc  lors  des  fréquents  voyages  qu'y  fit  Louis  XV  en  1703,  et  <|ui  font  l'objet  d'un 
curieux  manuscrit  de  la  collection  Leber  (lîibl.  de  Rouen).  A  l'acte  du  décès  de  l'ahbé 
Le  Verdier  figure  Nicolas- Vincent  Le  Venlier,  son  neveu,  demeurant  alors  à  Paris,  rue 
du  Champfleury.  Ce  dernier,  homme  de  loi,  né  aussi  à  Rouen,  fut  arrêté  chez  le  citoyen 
Labarbe,  me  de  l'Ecole,  2,  et  détenu  à  Saint- Von,  le  6  messidor  an  II.  I^  section  de 
Drutus,  de  Paris,  où  il  avait  été  juge  de  paix,  le  dénon^'ait,  dé?  prairial  précédent,  au 
comité  de  Rouen,  comme  un  acharné  constitutionnel  de  1700,  ennemi  juré  des  intérêts 
du  peuple,  ami  des  Buob  et  des  Bocquillon,  etc.,  La  Rivière,  juge  de  paix,  et  Rœderer. 
et  comme  clubi.ste  de  la  Sainte-Chapelle  et  signataire  de  la  pétition  des  vingt  mille. 


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-  117- 

Manche,  de  la  Somme  et  de  l'Oise.  Après  avoir  fait  réimprimer  et 
distribuer  dans  tout  le  département  de  la  Seine-Inférieure  la  bro- 
chure de  ce  prêtre  sur  le  serment  ecclésiastique  (24  janvier  1791),  ils 
entretiennent  avec  les  Amis  de  la  Constitution  de  Choisy-le-Roi, 
dont  l'abbé  Le  Verdier  est  le  président,  (1)  et  l'abbé  Gault,  son 
vicaire,  le  vice-président,  une  correspondance  qui  comprend  notam- 
ment une  adresse  à  l'évêque,  dont  l'acceptation  datait  du  9  février,  (2) 
une  lettre  de  l'abbé  Le  Verdier  et  des  félicitations  des  «  frères  »  de 
Choisy-le-Roy  à  leurs  frères  de  Rouen.  Ces  derniers  vont  «  pos- 
séder au  milieu  d'eux  un  homme  de  paix,  l'ami  de  la  Nation  et  du 
Roi,  l'un  des  plus  fermes  soutiens  de  la  Constitution,  qui  a  été 
jusqu'à  ce  jour  (10  février),  l'âme  et  l'agrément  de  la  société  de 
Choisy,  qui  sera  la  gloire  et  l'ornement  de  celle  de  Rouen.  » 

Le  nouvel  évoque  les  ayant  informés  le  15  février  qu'il  était 
pris  d'une  «  fièvre  lente  »,  les  Rouennais  se  firent  envoyer  de  ses 
nouvelles  le  21,  et  apprirent  son  rétablissement  le  28.  Avisés  le 
l*'  mars  de  ce  que  les  citoyens  de  Choisy-le-Roi,  particulièrement 
ceux  de  la  société  des  Amis  de  la  Constitution,  se  proposaient  d'ac- 
compagner l'évêque  à  Rouen,  des  membres  de  la  société  de  Rouen 
se  firent  inscrire  pour  loger  «  leurs  dignes  frères  ».  Le  7  mars,  un  des 
rouennais  communiquait  une  lettre  informant  de  la  santé  de  M.  l'é- 
voque qui,  par  suite,  n'avait  pas  encore  à  cette  date  donné  sa  démis- 
sion, parvenue  au  département  le  9. 

La  déception  éprouvée  par  la  société  fait  tomber  son  enthou- 
siasme ;  elle  ne  paraît  pas  s'être  occupée  de  l'élection  de  Charrier  de 


(1)  Le  Verdier  n'est  pas  le  seul  président  à" Anus  de  la  Constitution  qui  ait  été  can- 
didat à  levêché  de  Rouen.  Le  curé  de  la  Trinité-de-Fécamp,  Letellier,  qui  fut  l'un  des 
ooncurrents  de  Leblanc-BeauUeu  en  i799  (les  sociétés  n'existaient  plus  depuis  quatre 
ans)^  avait  été  à  la  tète  des  Amis  de  la  Constitution  de  Fécamp,  d'octobre  à  dé- 
cembre 47W. 

(2)  L'original  de  cette  acceptation  est  aux  Ârch.  mpales.  Le  directoire  du  départe- 
ment, dans  sa  séance  du  22  février,  présidée  par  Le  Vavasseur,  relate  les  démarches 
laites  pour  mettre  l'abbé  Le  Verdier  en  état  de  recevoir  l'institution  canonique.  N'ayant 
pas  découvert  d'évéque  qui  eût  prêté  serment  dans  le  Calvados,  la  Manche,  l'Orne, 
rOise)  la  Somme  et  le  Pas-de-Calais,  il  lui  indiquait  un  nom  dont  le  choix  l'embar- 
rassait encore,  car  il  est  resté  en  blanc  dans  son  lïr^té. 


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-148- 

la  Roche  (1).  Cependant,  elle  le  félicite  le  23  mars  et  saisit  Toccasion 
de  sa  visite,  qu'elle  va  recevoir,  pour  obtenir  le  réfectoire  du  cou- 
vent des  Carmes,  vaste  pièce,  décorée  par  le  tapissier  Duchesne  lors 
de  la  séance  du  2  mai,  à  laquelle  assis  le  Tévéque.  Ce  soir-là,  Hardy, 
qui  préside,  et  l'évoque,  déjà  reçu  solennellement  par  lei  autorités 
constituées  le  15  avril,  échangent  des  discours  à  la  suite  desquels  le 
visiteur  accepte  un  diplôme  qu'on  avait  arrêté  de  ne  lui  offrir  que 
s'il  témoignait  lenvie  d'être  membre  de  la  société.  Celle-ci,  proba- 
blement pour  ménager  la  susceptibilité  de  Charrier  de  la  Roche 
délibérait  la  veille  que  le  mot  club  était  banni  du  langage  de  ses 
membres,  en  même  temps  qu  elle  prenait  des  mesures  exception- 
nelles pour  que  les  sociétaires  seuls  fussent  admis  le  2,  et  nommait 
quatre  censeurs  pour  faire  observer  le  silence  le  plus  «  scrupuleux  ». 
Ses  procès-verbaux  ne  mentionnent  même  pas  l'élection  de 
Gratien,  lequel  ne  vint  pas  la  voir.  Lindet  (2),  Massieu  (3)  et 
Bonnet  (4),  tous  les  trois  ses  collègues  à  la  Constituante,  évêques 
constitutionnels  d'Evreux,  de  Beauvais  et  de  Chartres  sacrèrent,  à 
Rouen,  le  nouvel  du  le  18  mars  1792.  Seul,  Massieu  se  rendit  aux 
séances  publiques  de  la  société  des  15  et  18  mars,  présidées  par 
«  Monsieur  »  Robert.  A  la  première,  il  fit  un  discours  civique  et 
jura  de  maintenir  la  Constitution  et  la  liberté  jusqu'à  la  mort  ;  à  la 


{\)  Louis  Charrier  de  la  Roche,  prévôt  du  chapitre  noble  et  curé  d'Ainay,  député  du 
clergé  de  la  sénéchaussée  de  Lyon  aux  Etats-Généraux.  Elu  curé  de  Saint-Victor  de 
Paris  le  20  mars  (Et.  Charavay,  Assemblée  électorale  de  Pans),  c'est-à-dire  le  jour 
même  de  son  élection  à  l'évéché  de  Rouen.  11  y  eut,  en  même  temps,  à  la  Constituante, 
un  archevêque  de  Rouen  et  un  évêque  «  intrus  »  occupant  ce  siège.  M.  Tabbé  Loth  a 
reproduit  la  curieuse  réponse  du  second  à  une  ordonnance  du  premier.  {Hist.  de  Mgr» 
de  la  Rochefoucauld,  etc.,  p.  295  et  s.).  Eymery  a  consacré  à  Charrier  de  la  Roche  un 
article  de  son  Dictionnaire  des  Girouettes. 

(^)  Lindet  avait  été  installé  le  6  mars  comme  évêque  d'Evreux.  On  sait  qull  était 
aussi  constituant. 

(3)  J.-B.  Massieu,  né  à  Vemon  (Eure)  en  1742,  prêtre  du  diocèse  de  Rouen,  était 
curé  de  Sergy,  lors  de  son  élection  comme  seul  député  du  clergé  aux  Etats-Généraux 
pour  le  bailliage  de  Senlis.  Il  avait  été  sacré  à  Paris  le  6  mars  et  installé  à  Beauvais  le 
20  mars.  Durant  sa  courte  occupation  du  siège  de  Beauvais,  il  ne  dédaigna  point  de 
s'associer  aux  commissaires  chargés  des  visites  domiciliaires  chez  les  suspects  (  v.  Trem- 
blay, Notice  sur  Beauvais,  p.  56.)  Député  à  la  Convention,  il  vota  la  mort  du  roi.  II  se 
maria  et  divorça. 

(4)  Nicolas-Joseph  Bonnet,  curé  de  Villefort,  député  de  Nîmes  à  la  Constituante» 
installé  évêque  de  Chartres  le  27  mars  17914 


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seconde,  il  présenta  son  vicaire  épiscopal  Leclerc,  et  un  citoyen  de 
Beauvais,  dont  il  attesta  le  patriotisme.  Massieu  et  son  vicaire 
reçurent  un  diplôme  d'afiBliation.  Le  premier  prit  part  à  la  discus- 
sion dans  la  Société  d'un  projet  de  pétition  demandant  une  loi 
répressive  contre  les  calomniateurs  libellistes,  et  donna  a  comme 
membre  de  l'Assemblée  Constituante,  des  développements  très 
lumineux.  » 

On  devine  qu'en  prodiguant  des  ovations  au  clergé  constitu- 
tionnel, la  Société  ne  perd  pas  de  vue  les  prêtres  réfractaires  et  sur- 
veille assidûment  les  actes  du  «  ci-devant  archevêque  de  Rouen.  » 
Elle  fait  dénoncer  au  département  par  Forfait,  Thiessé,  Mariette, 
Debonne,  Baron  et  Bournisien,  le  mandement  de  Mgr  de  Laroche- 
foucauld,  déclarant  intrus  l'évêque  qui  lui  succédera,  et  schisma- 
tiques  tous  les  prêtres  ayant  prêté  le  serment.  Elle  s'émeut  des 
moindres  manifestations  des  ecclésiastiques  hostiles  à  la  Constitution 
civile  du  clergé,  au  courant  desquelles  elle  est  plus  exactement 
tenue  que  les  administrations,  ayant  sur  elles  lavantage  de  compter 
au  rang  de  ses  membres  plusieurs  prêtres  assermentés.  Les  délations 
ne  viennent  pourtant  pas  toujours  de  ceux-ci  :  le  9  mai  1791, 
Eudeline  dénonce  M.  Baston,  (1)  ecclésiastique,  qui  confesse  dans 
l'église  des  religieuses  Gravelines.  Leclerc  jeune  et  Pillon  sont  adjoints 
au  dénonciateur  pour  se  renseigner,  et,  deux  jours  après,  ils  font  part 
qu'ils  n'ont  rien  remarqué  de  contraire  à  Tordre  public.  Bignonlit 
un  projet  de  pétition  à  l'Assemblée  nationale  sur  le  fanatisme  per- 
pétué par  les  prêtres  réfractaires.  Son  projet  est  adopté  avee 
quelques  changements  (11  février  1792).  Le  18  octobre  1792,  les 
frères  Mabire  et  Poret  sont  envoyés  prévenir  le  procureur  de  la 
Commune  du  danger  couru  par  la  ville  au  sujet  du  rassemblement 
dans  la  cathédrale  des  prêtres  insermentés ...  Il  faut  renoncer  à  la 
suivre  dans  ses  fréquentes  hostilités  contre  le  clergé. 

La  mort  de  Mirabeau,  cette  a  calamité  publique,  »  n'a  point 
donné  lieu  seulement  au  service  funèbre  célébré  le  7  avril  1791  dans 
la  cathédrale  où,  dit  le  procès-verbal  de  la  Société,  «  tous  les  cœurs 

(i)  Le  chanoine  Baston,  dont  M.  Tabbé  Loth  et  M*  Verger,  publient  en  ce  moment 
les  Ménioiret, 


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—  120  — 
se  sont  élevés  vers  TEternel,  rémunérateur  des  vertus,  pour  le  prier 
de  récompenser  celles  du  grand  homme  que  la  France  a  perdu.  »  La 
Société,  comme  le  directoire  du  département,  décide,  le  4  avril,  de 
prendre  le  deuil  pour  huit  jours.  Les  murs  extérieurs  delà  «  maison  » 
de  la  Société  sont  tendus  de  noir.  Les  Amis  de  la  Constitution  se 
procurent  la  a  collection  complète  des  œuvres  de  Riquetti,  »  et  font 
distribuer  2,400  livres  de  pain  aux  pauvres.  Un  modèle  du  cénotaphe 
dressé  à  Notre-Dame,  est  exposé  dans  le  local  des  séances,  avec  cette 
inscription  :  A  Mirabeau,  les  Amis  de  la  Constitution ,  Rouen, 
7  avril,  2«  année  de  la  Liberté,  avec  une  garde  d'honneur  formée  de 
quinze  membres  de  la  Société,  renouvelés  matin  et  soir.  La  messe 
fut  célébrée  pendant  une  huitaine  par  MM.  Chalembert  et  Som- 
bret  (1)  à  l'autel  élevé  au  pied  du  cénotaphe  de  Notre-Dame.  L'éloge 
funèbre  de  Mirabeau  «  où  Tauteur  a  répandu  la  chaleur  du  plus  pur 
patriotisme,  a  tellement  frappé  l'assemblée  »  que  cet  auteur,  l'abbé 
Godefroy  «2),  est  dispensé  exceptionnellement  du  stage  pour  êtrd 
admis  dans  la  société  et  proclamé  membre  par  le  président  Hardy. 

Le  17  janvier,  fête  de  l'inauguration  des  drapeaux  français, 
anglais  et  américains  «  ap pendus  à  la  voûte  de  la  salle  de  la 
société  ».  Avalanche  de  discours  célébrant  les  souvenirs  de  la  «  lutte 
sanglante  excitée  dans  la  colonie  de  Saint-Domingue»  (3) par  l'or- 
gueil aux  prises  avec  les  droits  naturels  de  l'homme,  et  qui  a  rendu 
cette  malheureuse  contrée  victime  de  tous  les  fléaux  des  discordes 
civiles.  Ces  scènes  désastreuses  ont  donné  aux  anglais  et  aux  améri- 
cains l'occasion   de  déployer  envers  nous  ce  caractère  de  magna- 


(1)  J.-P.-L.  Chalembert,  ex-aumônier  du  régiment  de  Navarre;  né  à  Rouen,  le 
27  juin  1746,  marié  le  13  prairial  an  II  ;  —  Pierre-Edme  Sombret,  ci-devant  religieux 
feuillant,  détenu,  puis  relâché  par  ordre  du  représentant  Siblot,  en  germinal  an  IL 

(2)  Louis-Casimir-Barnabé  Godefroy,  né  à  Neufchâtel-en-Bray,  le  41  juin  1749, 
vicaire  à  Saint-Âmand  de  Rouen,  vicaire  épiscopal  constitutionnel  ;  dépose  ses  lettres 
de  prêtrise  le  3  germinal  an  II.  S'est  suicidé  en  septembre  1795. 

(3)  U  y  avait  à  Rouen  en  l'an  II,  une  quarantaine  de  réfugiés  de  Saint-Domingue,  parmi 
lesquels  les  familles  Audiger,  Datty-Fontaine,  Ménard,  Lamy,  Lagormal,  Trutié,  M»»  Vre 
Beaunay  née  Bacon,  M.  et  M»»  Duval-Sanadon.  Ce  Duval,  naguère  l'un  des  plus  riches 
colons  dominicains,  et  dont  les  longues  tribulations  mériteraient  d'être  racontées,  fut 
détenu  plusieurs  fois  à  Rouen,  même  après  la  Révolution,  notamment  à  la  suite  d'une 
arrestation  à  Dieppe  et  conmie  prévenu,  à  tort,  d'émigration. 


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nimité  et  de  grandeur  d'&me  qui  n'appartient  qu'aux  peuples 
libres.  »  (1)  Des  dames  citoyennes  font  «  la  plus  vive  sensation  »  en 
offrant  h  la  société  une  cocarde  pour  orner  et  unir  les  trois  pavillons. 
Après  des  airs  patriotiques  et  surtout  l'immortel  Ça  ira,  M.  Bignon 
lit  un  discours  analogue  à  la  fête,  dont  voici  quelques  passages  : 

«  Braves  anglais,  généreux  américains,  citoyens  français Ils 

sont  donc  détruits  ces  préjugés  absurdes  qui,  en  attachant  un 
homme  au  sol  qui  Ta  vu  naître,  lui  défendent  d'aimer  ses  semblables 
nés  sous  un  ciel  différent. . .  Diviser  pour  régner,  tel  a  été  de  tout 
temps  le  système  des  princes  ;  s'unir  pour  être  libre,  tel  doit  être  le 
système  des  peuples. . .  Oui,  ce  sont  les  rois  et  les  gouvernements  qui 
ont  nourri  et  peut-être  naturalisé  avec  le  temps. .  •  ces  rivalités  qu'ils 

consacraient  comme  nationales  et  indestructibles Aussi,  que 

n'ont-ils  pas  fait  pour  anéantir  la  philanthropie  naissante,  pour  tenir 
au  fond  du  puits  la  vérité  toujours  prisonnière  et  captive. . . 
Louis  XVI  qui  ne  prévoyait  pas  sans  doute  les  prodiges  qui 
devaient  signaler  son  règne,  se  déclare  pour  vous  dans  cette  grande 

querelle et  annonçait  dès  lors  qu'il  n'était  peut-être  pas  indigne 

d'être  un  jour  roi  d'un  peuple  libre...  Et  qu'enfin  cette  alliance 
amicale  d'un  petit  nombre  de  citoyens  se  change  en  une  confédéra- 
tion universelle  de. tous  les  peuples  du  monde.  » 

M.  Robert  (2)  lui-même  a  ce  citoyen  pacifique,  »  dans  une 
liarangue  aux  volontaires  présents,  fait  un  tableau  imposant  de  leurs 
devoirs  sur  la  discipline  et  la  subordination  ;  il  vante  Mirabeau,  le 
Franklin  de  la  France,  où  les  Washington  ne  manquent  pas,  et 
Rochambeau  et  Lafayette.  «  Rochambeau  qui  vécut  familièrement 
»  avec  moi  à  Calais  en  1787,  lorsque  j'y  fus  relégué  par  le  plus  vil  et 
»  le  plus  lâche  despotisme,  (3)  Lafayette,  auquel  on  reconnaît  dès  le 
>  premier  abord  tous  les  traits  des  héros  de  la  liberté;  Narbonne, 

(1)  Discoiirs  d'un  iQembre  de  la  Société. 

(2)  Elu  membre  de  la  Société  le  10  janvier  1792,  il  avait  prêté  serment  le  lendemain. 
Le  6  mars  suivant,  il  était  nommé  président  à  la  majorité  des  voix  et  entrait  inmié- 
diatement  en  fonctions,  succédant  à  Vieillot  et  précédant  Pillon. 

(3)  Episode  inconnu  de  Texil  des  Parlements.  Ce  n'est  pas  en  1787,  mais  en  1788 
Que  Robert  dut  se  retirer  à  Calais.  La  défense  de  s'assembler  parvint  à  la  Cour  des 
Comptes  le  18  mai  1788.  Elle  ne  reprit  séance,  Robert  présent,  que  le  jeudi  9  octobre 
de  la  môme  année.  (Keg.  de  la  G.  des  Comptes  K 


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-  422- 

»)  «DÛn,  qui,  le  premier,  a  fait  entendre  en  France,  dans  une  bouche 
»  ministérielle,  le  langage  franc  et  loyal  du  citoyen.  »  Et  l'acadé- 
micien collectionneur  termine  par  cette  phrase  caractéristique  : 
«-Citoyens  soldats,  soyez  disciplinés  et  vous  serez  invincibles.  Gêné- 
»  raux  de  lantiquité  et  des  siècles  modernes,  ce  fut  là  votre  secret. 
»  Ce  fut  la  leçon  que  le  successeur  de  Trajan,  si  célèbre  par  ses  vic- 
»  toires  et  ses  expéditions  militaires,  se  plaisait  à  répéter  sur  Tor  de 
))  de  ses  médailles.  Le  burin  a  rassemblé  dans  ce  court  espace  des 
»  soldats  et  des  cavaliers  marchant  en  bon  ordre,  précédés  de  leurs 
»  chefs,  avec  cette  légende  précieuse,  selon  l'orthographe  antique  : 
»  DISCIPLINA.  »  (1) 

La  santé  du  roi  ayant  inspiré  des  inquiétudes,  Hardy  est  chargé, 
avec  Forfait,  Thiessé  et  Le  Contour,  de  la  rédaction  d'une  adresse 
tendant  à  ce  que  les  médecins  de  Louis  XVI  se  présentent  devant 
l'Assemblée  législative  pour  y  rendre  compte  de  sa  santé.  Jusqu'au 
15  mars  inclus,  les  séances  de  la  Société  s  ouvrent  par  la  lecture  du 
bulletin  de  la  santé  du  roi. 

Juin,  juillet  et  août  1792  virent  se  modifier  complètement  selon 
les  faits  les  sentiments  des  Amis  de  la  Constitution,  qui  se  fami- 
liarisèrent bientôt  avec  Tidée  de  la  déchéance  du  roi.  Hardy  admet 
le  5  août  que  la  déchéance  du  roi  peut  être  fondée.  Il  rappelle  tous 
les  bienfaits  immenses  dont  le  peuple  a  comblé  son  a  représentant 
héréditaire  ;  »  il  réfute  victorieusement  les  sophismes  et  les  mauvais 
arguments  de  tous  les  faux  amis  du  roi,  et  il  invite  ses  concitoyens 
présents  à  investir  plus  que  jamais  de  leur  confiance  le  corps  légis- 
latif prêt  à  entamer  la  grande  question  de  la  déchéance.  Le  Coutour 
revient  sur  cette  question  le  9,  résumant  et  précisant  ce  qui  a  été  dit 
le  5.  Il  en  résulte  plus  clairement  que,  comme  lui,  Hardy  avait  fait 
des  vœux  pour  que  cette  déchéance  ne  fût  pas  le  résultat  de  la  dis- 
cussion, et  que  ces  vœux  s'étaient  trouvés  conformes  à  ceux  des 
assistants. 

Le  11  août,  la  Société  s'émeut  du  serment  réitéré  devant  le 


(1)  Cette  harangue  de  Robert,  fort  longue  (trois  pages  in-folio)  eut  du  succès.  Lue 
pour  la  deuxième  fois  le  19  janvier,  elle  fut  Vobjet  d'applaudissements  encore  plus  vifs 
qu'à  la  première  lecture» 


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-  193- 

directoire  du  département  par  les  officiers,  sergeats  et  caporaux,  à 
rinstigation  de  M.  de  Liancourt,  commandant  la  division.  Un  inci- 
dent la  préoccupe  :  M.  de  Liancourt  a  adressé  la  parole  à  M.  Le- 
febvre,  qui  était  de  planton  au  département  et  criait  ;  Vive  la 
NaJLion  !  l'invitant  à  crier  :  Vice  le  Roi  !  Lefebvre  a  répété,  ainsi 
que  son  peloton  :  Vice  la  Nation  t  Sur  quoi  M.  de  Liancourt  lui  a 
dit  :  Je  suis  votre  supérieur,  je  vous  mets  aux  arrêts.  »  Lefebvre 
vers  lequel  la  Société  envoie  des  commissaires,  n'est  nullement 
inquiet  des  suites  de  l'incident^  et  il  a  raison,  car  un  caporal  envoyé 
par  M.  de  Liancourt,  vient  à  neuf  heures  lever  les  arrêts.  Le  souvenir 
de  ce  serment  provoqué  ainsi  au  lendemain  de  la  chute  de  la  royauté 
n'en  restera  pas  moins  un  des  plus  vivaces  chez  les  jacobins  rouen- 
nais. 

Les  détails  sur  la  journée  du  10  août  fureint  plus. d'une  fois  eur 
tendus,  on  s'imagine  avec  quel  intérêt,  dans  les  séances  suivantes. 
Lamine,  témoin  oculaire,  les  raconte  d'abord  par  écrit,  puis  ver- 
balement, et  d'autres  viennent  compléter  son  récit.  Une  adresse, 
rédigée  par  Robert  et  Blutel,  ât  connaître  à  l'Assemblée  législative 
l'adhésion  de  la  Société  à  la  conduite  qu'elle  avait  tenue,  et  promit 
obéissance  à  ses  décrets  (15  août).  Nulle  part  on  ne  fait  allusion  à 
l'attitude  des  députés  de  la  Seine-Inférieure  dans  la  séance,  où  fut 
prononcée  la  déchéance.  Il  est  probable  que  tous,  sauf  Albitte, 
étaient  au  nombre  des  460  absents,  révélés  par  l'appel  nominal.  (1) 

"L^  Amis  de  la  Constitution  ]\xgkTent  à  propos  de  féliciter  les 
Marseillais,  alors  à  Paris,  dont  on  connaît  les  manifestations  dès 
ayant  la  déchéance.  Mariette  rédigea  l'adresse  qui  leur  fut  envoyée 
(15  août).  On  écrivit  aussi  au  «  vertueux  »  Pétion,  si  méchamment 
calomnié  dans  cette  cjité,  »  (2)  pour  le  féliciter  sur  son  patriotismOt 
Ces  dén^onstrations  s'accordaient  assez  bien  ayec  l'adrçssie  qu^  1^ 
comniiune  de  Rouen  faisait  pasrvenir  à  rAssemblé^  n^tiom^e  la 
18  août,  et  dans  laquelle  était  proclamée  la  nécessité  d  un^  révo^- 
lution  amenée  par  trois  ans  de  trahison. 

Le  16  août,  à  propos  du  procès- verbal  de  la  veille,  où  il  est 

(1)  Peltier,  Bist,  de  la  Bévoluiion  du  iO  août  i793f  p.  217-250| 
3)  AUunon  aux  atUques  de  la  Chronique^ 


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—  124  - 

question  des  Jacobins  de  Paris,  un  membre  de  la  Société  de  Rouen 
réclame  qu'on  les  nomme  désormais  les  ^m/5  de  la  Patrie,  à  Paris  ; 
mais  la  Société  passe  à  Tordre  du  jour,  étant  persuadée  que  le  nom 
de  Jacobins  ne  peut  qu'honorer  ses  principes  de  liberté  et  d'égalité. 
Le  18  août,  un  opportuniste,  —  il  y  en  avait  déjà  beaucoup,  —  pro- 
pose de  «  délibérer  s'il  ne  serait  pas  bon  de  changer  le  titre  diAmis  de 
la  Constitution  en  celui  à! Amis  de  la  liberté  et  de  légalité.  Cette 
motion  est  combattue  par  plusieurs  orateurs.  Les  uns  prétendent  que 
tant  que  la  Convention  nationale  n'aura  rien  prononcé,  la  Société 
doit  conserver  son  ancien  titre.  Un  autre  ayant  prétendu  que  ce 
changement  serait  un  parjure,  on  réfute  «  avec  succès  »  ce  dernier 
soutien.  La  motion  fut  ajournée  le  20  août  jusqu'à  la  formation  de  la 
Convention.  En  fait,  et  sans  délibération,  la  nouvelle  dénomination 
fut  donnée  à  la  Société  dès  le  29  août. 

Sur  une  autre  motion  de  Thierry,  on  décida  de  célébrer  le 
jeudi  23  août  «  une  fête  civique  et  funèbre  en  l'honneur  des  citoyens 
morts  victimes  des  complots  perfides  qui  ont  éclaté  dans  la  journée 
du  10,  »  et  de  prêter,  lors  de  cette  cérémonie,  le  serment  civique  sur 
la  tombe  de  ces  généreux  défenseurs  de  l'égalité  et  de  la  liberté. 
Pillon  et  Blutel  sont  invités  à  s'entendre  pour  donner  en  cette  cir- 
constance «  quelques  discours  analogues  à  la  fête,  »  et  M.  Sombret, 
prêtre,  vient  proposer  de  célébrer  le  même  jour,  pour  le  même 
«  objet  )),  un  service  solennel  en  l'église  Saint-Eloi,  au  cours  duquel 
il  y  aurait  une  oraison  funèbre . 

Le  programme  de  cette  fête,  dont  le  but  parait  avoir  été  non- 
seulement  de  rendre  hommage  «  aux  cendres  des  martyrs  de  notre 
liberté  »  mais  aussi  —  et  plus  peut-être  —  de  procurer  à  des  candi- 
datures l'occasion  de  se  produire,  se  réalisa  dans  le  local  de  la 
société,  avec  une  mise  en  scène  exceptionnelle  et  un  concours  nom- 
breux de  citoyens. 

Au  milieu  de  la  scène  s'élevait  une  colonne  surmontée  de  feuilles 
de  chêne  et  de  cyprès,  entourée  de  faisceaux  d'armes  auxquels  étaient 
suspendus  des  couronnes  civiques  et  des  rubans  aux  couleurs  natio- 
nales. On  y  voyait  aussi  des  piques  sur  Tune  desquelles  brillait  le 


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-  125  — 

bonnet  de  la  liberté.  Sur  les  quatre  coins  des  bases  de  la  colonne,  on 
lisait  ces  inscriptions  «  allégoriques  »  choisies  par  Pillon  : 

Si  Vhonmie  eftl  créé  libre,  il  doit  se  gouverner. 

Si  Vhomnie  a  des  tyrans,  il  doit  les  détrôner. 

Liberté^  égalité,  résistance  à  Voppression. 

J^  salut  du  peuple  est  la  suprême  loi. 

Ils  sont  morts  pour  la  Patrie  :  Nous  les  vengerons,  ou  nous  périrons  comme  eux. 

Une  tenture  funèbre,  artistement  posée,  augmentait  encore  le 
deuil  et  le  recueillement.  Douze  vétérans  et  douze  jeunes  néophytes 
en  grand  uniforme  et  le  crêpe  au  bras  étaient  placés  des  deux  côtés 
du  cénotaphe. 

Une  citoyenne  «  aussi  modeste  que  bonne  patriote  »  fit  préf ent 
d'un  bouquet,  exprima  des  sentiments  du  civisme  le  plus  parfait,  et 
demanda  que  le  nom  de  Lafayette  et  celui  de  tous  les  traîtres  fussent 
à  jamais  proscrits  de  la  Société.  L'assentiment  de  l'auditoire  se  tra- 
duisit par  des  applaudissements. 

Le  président  (Lambert)  commence  la  série  des  discours.  Le  sien 
est  reproduit  seulement  en  partie.  En  voici  quelques  extraits  per- 
mettant de  l'apprécier  : . . .  «  La  patrie  est  sauvée,  mais  le  triomphe 
fut  sanglant  et  les  trophées  de  la  victoire  sont  arrosés  des  larmes  de 
la  Franco.  —  Une  conjuration  fut  tramée  dans  le  palais  des  Rois.  Un 
nouveau  Charles  IX,  égaré  par  des  conspirateurs  perfides,  instruit 
à  feindre  et  à  combiner  le  crime  avec  l'art  et  le  sang-froid  des  indécis, 
eut  recours  au  parjure  pour  endormir  sur  le  bord  de  l'abîme  la  Nation 

dont  il  méditait  l'assassinat La  bonne  cause  triomphe  et  le 

Tarquin  de  la  France  ne  trouve  plus  d'asile  qu'au  milieu  de  ce  Sénat 
auguste  dont  il  vouait  la  veille  la  plus  saine  partie  à  la  rage  des 
conjurés.  C'est  là  que  la  magnanimité  du  peuple  se  déployé  toute 
entière  par  des  représentants  :  la  famille  conspiratrice  est  mise  sous 
la  sauvegarde  de  la  loi  et  la  nation  prononce  sur  le  crime  et  les 
conspirateurs » 

«  Monsieur  »  Pillon  monte  ensuite  à  la  tribune  et  en  lit  un 
autre,  non  transcrit,  sans  doute  à  cause  de  sa  longueur,  car  trois  pages 
entières  sont  laissées  pour  le  copier.  Après  avoir  entendu  «  les  sons 
lugubres  et  entrecoupés  de  la  musique  exprimant  des  airs  déchi- 
rants »,  Lambert  fournit  un  second  discours,  «  imprégné  de  l'énergie 


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—  126  — 

qui  convient  à  un  homme  libre  »,  pendant  que  des  députatîons  cou- 
vrent de  fleurs  le  cénotaphe.  Le  procès-verbal  n'en  donne  que  les 
deux  premières  lignes,  suivies  de  trois  pages  destinées  à  recevoir  le 
reste  et  peut-être  d'autres  discours. 

Le  serment  de  maintenir  Togalité  et  la  liberté  est  prêté  par  les 
frères  présents  ;  les  chasseurs  volontaires  nationaux  de  Nantes,  le 
frère  Louis-Amable  Savary,  de  la  Société  de  Nantes,  jurent  après 
eux  et  sont  imités  par  tous  les  citoyens  présents  dont  «  un  élan 
»  simultané  guide  les  bras  vers  le  cénotaphe.  La  musique  entraînée 
»  elle-même  par  cette  secousse  de  patriotisme,  oubliant  le  ton  lugu- 
»  bre  de  la  fête,  joue  l'air  fameux  :  Ça  ira,  qui  est  reçu  avec  des 
»  transports  généreux.  )) 

Cependant,  le  secrétaire,  Blutel,  bon  juge,  on  doit  le  croire,  du 
moment  où  il  doit  prendre  la  parole,  se  décide,  après  que  ses  frères 
ont  été  entendus,  à  cet  instant  «  où  le  calme  et  le  recueillement  ont 
ôuccédé  à  l'ivresse  du  patriotisme  ».  Il  parle,  et,  cette  fois,  il  insère 
consciencieusement  au  registre  son  discours,  un  vrai  programme  de 
futui"  conventionnel,  que  je  regrette  de  ne  pouvoir  donner  ici  inté- 
gralement. Les  invocations  à  la  liberté,  à  la  philosophie,  les  impré- 
cations contre  la  tyrannie,  un  résumé  historique  de  la  naissance  du 
despotisme  .des  rois,  de  la  régénération  de  la  liberté,  méditée  en 
silence  sous  le  règne  de  Louis  XV,  la  fuite  des  oppresseurs,  l'iavi- 
tation  de  repousser  surtout  le  fanatisme,  chemin  de  l'esclavage,  pré- 
cèdent cette  phrase  sur  laquelle  le  juge  de  paix  Blutel  insiste  à 
l'appui  de  son  serment  :  «  Dans  Tordre  de  la  nature,  l'homme  est 
»  égal  à  l'homme.  Dans  l'ordre  politique,  tout  homme  conserve  un 
»  droit  égal  de  faire  ou  de  changer  .ses  lois  suivant  la  volonté  géoé- 
»  raie,  et  celui  de  se  soulever  contre  la  loi  à  laquelle  il  na  point 
»  coopéré  /  »  —  Doctrines  bien  difficiles  à  concilier,  et  où  n'est  que 
trop  nettement  visible  le  germe  de  l'anarchie  perpétuelle. 

On  pressent  que  la  campagne  électorale,  inopinément  ouverte 
par  le  décret  de  suspension  du  roi  et  de  convocation  d'une  Convention 
nationale,  sera  trop  courte,  et  Hardy,  Mariette,  Blutel,  Lambert, 
Pillon,  Le  Contour  et  Thierry  se  sont  efforcés  de  mettre  le  temps 
à  profit. 


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^ 


-  127  — 

L'évêque  Gratien  semble  avoir  immédiatement  posé  sa  candi- 
dature à  la  Convention  (1) .  Dès  le  18  août,  il  fait  publier,  sous  sa  signa- 
ture comme  président  et  celle  de  Goube,  son  vicaire,  comme  secré- 
taire de  la  14®  section,  un  avis  informant  ses  concitoyens  que  cette 
section  s'est  déclarée  «  permanente  et  délibérante  ))^  et  invitant  les 
autres  sections  à  suivre  cet  exemple.  Peut-être  fut-ce  \h  le  point  de 
départ  du  concert  entre  quatorze  des  sections  rouennaiseis  pour  la 
formation  d'un  comité  central  que  le  conseil  général  de  la  commune 
empêchait  en  septembre. 

Le  clergé  constitutionnel  du  département  avait  dû  être  au  moins 
froissé  do  n'avoir  pas  eu  un  seul  de  ses  membres  parmi  les  députés  à 
la  Législative  (2).  L'évêque  d'alors.  Charrier  de  la  Roche,  parce  qu'il 
avait  été  constituant,  s'était  trouvé  inéligible,  mais  son  clergé  comp- 
tait des  notabilités  parmi  lesquelles  il  dut  se  produire  des  candida- 
tures. 

Le  26  août  1792,  les  assemblées  primaires  de  Rouen  désignaient 
pour  prendre  part  à  l'élection  des  députés  quatre-vingt-trois  élec- 
teurs dont  le  Journal  de  Rouen  du  premier  septembre  contient  la 
liste. 

En  sortant  de  leurs  séances,  les  membres  de  la  société  des  Amis 
de  la  Constitution  se  rendent  dans  leurs  sections  pour  continuer  à  y 
discuter  «  sur  l'importante  question  de  savoir  quels  sont  les  meilleurs 
moyens  à  employer  pour  faire  le  meilleur  choix  dans  les  prochaines 
él^[^tions  »  (  28  août  ).  La  plus  grande  animation  régnait  partout.  Dès 


(1)  Trois  départements  voisins,  TEure,  TOise  et  le  Calvados  envoyèrent  à  la  Conven- 
tion leurs  évêques  :  Lindet,  Massieu  et  Fauchet. 

(2)  Voici  les  noms  de  ces  seize  députés  :  Âlbitte  aîné  ;  Brémontier,  négociant  à 
Rouen  ;  Desportes  fils,  administrateur  de  la  marine  à  Fécamp  ;  Ducastel,  homme  de  loi 
et  officier  municipal  à  Rouen  ;  Forfait,  ingénieur-constructeur  de  la  marine  à  Rouen  ; 
Froudiére,  homme  de  loi  à  Rouen  ;  Grégoire  aîné,  négociant  à  Rouen  ;  Langlois,  de 
I^intot,  administrateur  du  district  de  Dieppe;  Letailleur,  cultivateur  à  Elbeuf,  prés  Gour- 
nay  ;  Levavasseur,  capitaine  d'artillerie  des  colonies  à  Rouen  ;  Lucas,  homme  de  loi  à 
Bretleviïle  ;  Vimar,  homme  de  loi,  procureur  de  la  commune  dé  Rouen  ;  Boullenger, 
président  du  tribunal  du  district  de  Rouen  ;  Christinat,  négociant,  maire  du  Havre  ; 
Tarbé,  négociant,  officier  municipal  de  Rouen  ;  Hochet,  juge  de  paix  à  Mainneville-ës- 
Plains.  —  Les  suppléants  sont  :  Lacome  du  Reslay,  Hayet  (d'Elbeuf?),  Ruault, 
PochoUe  et  Dubois,  et  sans  doute  un  sixième,  dont  je  ne  retrouve  pas  le  nom. 


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te.'-;- 


—  128  — 

le  15  août,  on  s'était  préoccupé,  à  la  Société,  d'éliminer  des  catégories 
d'électeurs.  Mariette  rédigeait  une  pétition  pour  faire  priver  sans 
retour  des  droits  de  citoyen  et  empêcher  de  voter  et  d'être  élus  «  les 
hommes  qui,  ennemis  du  bien  public,  ou  guidés  par  un  égoïsmo 
destructeur  de  tout  principe,  réunissant  d'ailleurs  les  qualités  requi- 
ses pour  être  citoyen?  actifs,  avaient  négligé  de  se  faire  inscrire  sur 
les  registres  de  la  garde  nationale  et  du  jury  avant  le  10  août.  »  Des 
commissaires  sent  même  dépêchés  vers  la  municipalité  et  le  district 
pour  que  ces  registres  soient  arrêtés  dans  le  jour.  Nonobstant,  il 
reste  des  électeurs  gênants  :  Le  l^'  septembre  un  membre 
annonce  que  Rouen  est  à  la  veille  d'être  délivré  pour  jamais  des  viles 
productions  connues  sous  lenqm  de  Chronique  de  Rouen,  V Abeille 
et  le  Journal  de  Commerce,  et  que  le  rédacteur  de  l'une  de  ces 
feuilles  pestiférées  a  fait,  dans  sa  section,  la  proposition  de  suspen- 
dre et  casser  toutes  les  autorités  constituées. . . 

L'Assemblée  électorale  de  la  Seine-Inférieure,  qui  devait  se 
réunir  à  Neufchâtel,  se  trouva  convoquée  à  Caudebec  par  suite  du 
décret  rectificatif  des  17  et  19  août.  Elle  s'y  réunit  en  Téglise  prin- 
cipale le  dimanche  2  septembre,  à  dix  heures  du  matin.  Romain- 
Paul  Delacour  la  présida  comme  doyen  d'âge  ;  au  nombre  des  scru- 
tateurs était  un  prêtre.  Le  secrétaire  provisoire  fut  Jean-Pierre 
Du  val,  de  Rouen. 

Le  bureau  définitif,  élu  au  scrutin  de  liste,  eut  pour  président 
l'évêque  Gratien,  qui  avait  obtenu  272  voix.  Goube,  123  voix, 
Hardy,  76,  Hecquet,  66,  sont  scrutateurs.  Hecquet  a  eu  le  même 
nombre  de  suffrages  que  Pocholle,  mais  l'emporte  sur  celui-ci  qui 
est  plus  jeune. 

La  marche  des  opérations  subséquentes  ne  témoigne  pas  qu'une 
entente  préalable  ait  eu  lieu.  Mariette  et  Blutel  sont  restés  à  Rouen  ; 
Hardy  et  Du  val  sont  à  Caudebec.  Les  rouennais  ont  été  les  premiers 
à  déposer  leurs  bulletins,  dit  le  procès-verbal.  Il  apparaît  des  résul- 
tats que  l'on  s'est  efforcé  d'attribuer  à  chaque  district  un  nombre 
de  députés  selon  son  importance.  On  n'y  est  point  parvenu  à  cause 
du  refus  de  quelques-uns  des  élus. 


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-  429  - 

Le4septembre,  Albitte,  député  à  la  Législative,  réunit  la  presque 
totalité  des  suffrages.  Un  courrier,  qu*on  lui  expédie,  rapportera  son 
acceptation  le  8.  Ensuite,  trois  tours  de  scrutin  sont  nécessaires  pour 
élire  PochoUe,  maire  de  Dieppe,  à  la  pluralité  des  voix.  Le  5,  trois 
tours  do  scrutin  pour  le  troisième  député  :  Hardy  triomphe  contre 
Hecquet,  maire  de  Caudebec,  Trois  autres  scrutins,  entre  le  même 
Hecquet  et  Yger,  juge  au  tribunal  du  district  do  Cany,  ce  dernier 
est  élu.  Le  6,  avec  deux  tours  de  scrutin,  Hecquet  est  enfin  nommé. 
Jean-Pierre  Duval,  (1)  (le  secrétaire  du  bureau  provisoire),  plus  heu- 
reux, est  élu  au  premier  tour.  Au  troisième  des  scrutins  qui  suivent, 
entre  Faure,  juge  au  tribunal  civil  du  Havre,  et  Vincent  (2),  avocat 
et  administrateur  du  district  de  Neufchâtel,  ce  dernier  est  élu.  Le  7, 
Faure  est  nommé  au  premier  tour.  Lefebvre,  receveur  du  district  de 
Gournay,  aussi  au  premier  tour.  Trois  scrutins  sont  nécessaires  pour 
décider  entre  Blutel  et  Bailleul,  juges  de  paix,  l'un  à  Rouen,  l'autre 
au  Havre.  C'est  Blutel  qui  a  la  majorité  finale.  Le  8,  Bailleul  (3)  est 
élu  au  troisième  tour  contre  Ruault,  curé  d' Yvetot.  Le  9,  Mariette  (4), 
qui  n'est  plus  juge  de  paix,  comme  le  dit  le  procès-verbal,  mais  bien, 

(1)  Duval,  avocat  ad  honores,  à  Rouen,  dit  Robert,  dans  sa  Vie  des  Hommes  politiques, 
mort  à  Paris  (et  non  près  de  Poitiers),  le  25  août  1817.  Lors  de  son  élection,  il  était  âgé 
de  trente-huit  ans,  célibataire  et  greffier  du  bureau  des  juges  de  paix,  à  Rouen,  où  il 
put  prendre  goût  à  la  police.  Ses  biographes  passent  sous  silence  que  depuis  le 
idmai  1796  jusqu'au  22  octobre  1798,  date  de  sa  nomination  au  ministère  de  la  police 
générale,  il  fut,  en  remplacement  d'Anquetin,  démissionnaire,  commissaire  du  direc- 
toire exécutif  près  le  département  de  la  Seine-Inférieure.  Cette  période  de  sa  carrière 
estd^un  intérêt  plus  grand  peut-être,  au  point  de  vue  local,  que  celui  de  son  passage  à 
la  Convention.  Dans  tous  les  cas,  elle  a  laissé  plus  de  traces...  Il  faillit,  le  16  mai  1798, 
succéder  à  Rewbell,  comme  membre  du  Directoire,  et,  à  ce  sujet,  les  Mémoires  de 
Fouché,  qui  fut  le  successeur  médiat  de  Duval  à  la  police,  en  juillet  1799,  donnentsur  ce 
dernier  des  appréciations  peu  bienveillantes,  au  milieu  desquelles  son  «  peu  chari- 
table et  mauvais  confrère,  »  dit  que  Duval  était  un  brave  homme,  mais  médiocre  et  nul. 
(Saint-ïihne,  Biographie  des  Ministres  de  fa  Police  en  France,  iS^.)  Lors  de  son  départ 
pour  la  Convention,  Duval  se  fit  remplacer  dans  ses  fonctions  de  greffier  par  Cottais, 
commissaire  de  policé» 

(2)  Parent  de  Pocholle. 

(3)  En  Ta^jsence  du  secrétaire  de  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution  de  Rouen, 
Bailleul  rédige  et  signe  sa  délibération  du  16  décembre  1791. 

(4)  Mariette  était  né  non  pas  à  Caen,  mais  à  Saint-Martin-de-Creully,  arrondissement 
de  Caen.  Il  est,  avec  Thouret,  Hardy,  Blutel  et  tant  d'autres,  à  citer  à  l'appui  de  la 
thèse  favorite  d'un  aimable  et  savant  docteur  rouennais,  d'après  laquelle  les  bas- 
normands  n'ont  pas  cessé  d'envahir  la  Haute-Normandie,  même  durant  la  Révolution. 


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-  130- 

depuis  Tavant-veille,  commissaire  du  Pouvoir  exécutif  près  le  direc- 
toire du  département,  est  élu  au  premier  tour.  La  lutte  entre  le 
curé  d'Yvetot  et  Doublet,  (1)  laboureur  à  Londinières,  donne  lieu  à 
trois  tours  de  scrutin  dont  le  dernier  élit  Doublet.  Celle  entre  le 
môme  Ruault  et  Riaux,  greflRer  du  tribunal  de  commerce  de  Rouen, 
aboutit,  au  troisième  tour,  à  l'élection  de  Ruault.  Le  10,  Prévost 
d'Octeville,  par  un  troisième  scrutin  entre  lui  et  Riaux,  est  élu; 
mais  on  apprend  qu'il  refuse.  Deux  tours  de  scrutin  s'ensuivent, 
dont  le  second  nomme  Riaux.  Thuillier,  officier  municipal  au  Havre, 
sur  lequel  une  grande  majorité  parait  devoir  se  réunir  lors  du 
troisième  des  nouveaux  scrutins,  refuse,  et  ce  troisième  scrutin  n'a 
pas  lieu.  Le  12  septembre,  Riaux  fait  connaître  qu'il  n'accepte 
pas.  (2)  Pour  le  remplacer,  on  va  deux  fois,  infructueusement,  au 
scrutin.  Au  troisième,  est  nommé  Bourgois,  (3)  juge  au  tribunal  du 
district  de  Neufchâtel,  contre  Desmarest,  maire  de  Sainville.  Enfin, 
Delahaye,  avoué,  à  Caudebec,  est  élu  au  troisième  tour  contre 
Molard,  laboureur  aux  Grandes- Ventes. 


(1)  Pierre-Philippe  Doublet,  né  à  Bois-d'Ennebourg,  le  13  avril  1745,  avait  eu  pour 
jmrrain  iPhilippe  Doublet,  de  Saiiit-Vivien-de-Rouen.  C'était  un  citoyen  Doublet,  sans 
doute  son  parent,  que  le  district  de  Rou<»n  avait  nounné  pour  veiller  à  la  vente  des 
meubles  de  rémij^rê  Caillot  fils,  de  Bois-d*Ennebourg.  Doublet,  fermier,  à  Londinières,  du 
Chapitre-Dame-de-Rouen,  était  le  parent  de  la  vieille  comtesse  de  C*auniont,  née  Lemes- 
sier  du  Mesnillet,  dont  le  fils  était  député  à  l'assemblée  provinciale  de  la  Haute-Nor. 
mandie. 

(2)  Le  choix  persistant  de  Riaux,  comme  candidat,  semble  être  dû  à  rinfluence  de 
Hardy,  son  ami.  C'était  à  Uii  que  Hardy  avait  confié  la  clef  de  sa  maison  de  Rouen 
pendant  qu'il  se  tenait  caché  après  la  révolution  du  31  mai.  «  Riaux  n  a  point  accepté  sa 
nomination  à  la  Convention,  et  j'en  suis  très  fâché,  parce  qu'il  a  un  caractère  prononcé 
et  un  excellent  jugement.  II  vint  hier  me  demander  à  souper  et  me  dire  que  son  frère, 
qui  demeurait  dans  son  grelTe,  était  parti  pour  les  frontièrt^s  ;  il  lui  était  impossible 
d'abandonner  son  état,  sa  fennne  enceinte  et  ses  enfants.  «(Lettre  du  16  septembre  1793, 
signée  E.  R.,  adrtîssée  à  Tarl)é,  (Arch.  mpales). 

(3)  La  Vie  des  Hommes  Politiques,  de  Robert,  fait  de  Bourgois  un  ancien  lazariste. 
Il  avait  été  avocat,  maire  d'Aumale  le  14  mars  1789,  l'un  des  délégués  de  cette  ville  pour 
l'élection  des  députés  aux  Etat.s-Généraux  et  administrateur  de  la  Seine-Inférieure  le 
1"  juillet  1790.  Par  .sa  femme,  il  était  l'allié  de  l'ex-constituant  Charles  Lenglier,  de 
Feuquières,  qui  devint  juge  au  tribunal  du  10  août  1793.  Après  la  mort  de  Frémont. 
président  du  tribunal  criminel  de  la  Seini^-Inférieure,  Rourgois  avait  été  appelé  à  prési- 
der ce  tribunal  pen<lant  le  trimestre  d'avril,  mai,  juin  1792,  à  son  toin%  comme  d'autivs 
juges  des  tribunaux  des  districts.  C'est  là  ce  qui  a  fait  dire»  inexactement  dans  son  arto 
de  décès  qu'il  avait  été  •'  pivsiderd  »  du  tribunal  criminel.  Il  ne  l'était  pas  plus  qu'un 
conseiller  qui  préside  les  assises  n'est  présid(»nl  de  cour  d'appel. 


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-434  - 

Ce  même  jour,  12  septembre,  sont  élus  cinq  des  suppléants  : 
Lecomte,  secrétaire  des  consuls  à  Rouen  (1);  Revelle,  juge  à  Veules  ; 
Albitte  le  jeune,  de  Dieppe  ;  Grandin,  d'Elbeuf,  et  François  Rousse- 
let,  avocat  à  Thibermesnil  ;  le  sixième,  Arvers,  pharmacien,  électeur 
de  Rouen,  est  élu  le  13. 

Les  seize  députés  titulaires,  à  part  Albitte  Talné,  n'ont  pas 
d'antécédents,  de  situation  politique,  ne  jouissent  d'aucune  notoriété 
au-delà  do  leurs  districts.  Cela  explique  que  Vincent,  de  Neufchâtel, 
avocat  obscur,  mais  proche  parent  do  Pocholle,  n'ait  pu  être  élu  que 
sur  la  présentation  et  l'appui  do  celui-ci  et  d' Albitte  ;  Hecquet  ne 
doit  d'avoir  été  choisi  qu'à  cette  circonstance  qu'il  est  maire  de 
Caudebec  où  se  font  les  élections.  C'est  vraisemblablement  à  l'initia- 
tive de  Hardy  que  sont  dues  les  nominations  de  Blutel,  Mariette  et 
Duval. 

La  députation  de  septembre  1791  comprenait  six  hommes  de 
loi  ;  celle  de  septembre  1792,  vraiment  normande  à  ce  point  de  vue, 
en  a  douze.  Le  district  de  Rouen  n'est  point  parvenu,  comme  en  1791, 
à  s'attribuer  neuf  des  députés,  c'est-à-dire  presque  les  deux  tiers. 
Il  en  a  seulement  quatre,  dont  un  seul  rouennais  d'origine.  Tous 
sont  membres  de  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution,  comme 
leurs  douze  collègues  et  les  suppléants  le  sont  certainement  de 
sociétés  des  autres  districts  du  département.  Albitte,  Pocholle, 
Doublet,  Bailleul  et  Faure  —  celui-ci  lorsqu'il  est  venu  siéger  comme 
juge  au  tribunal  criminel  de  la  Seine-Inférieure  —  ont  fréquenté  les 
séances  de  la  Société. 

Les  Amis  de  la  Constitution  de  Rouen  s'enorgueillissent  surtout 
du  succès  de  Hardy  qui>  de  Caudebec,  les  avise  de  son  élection  à 
«  Taugusto  fonction  de  représentant  du  peuple  souverain.  » 

A  part  leurs  discours  dans  les  sociétés  patriotiques,  dont  les 


(1)  Pierre  Lecomte,  qui  a  siégé  plus  de  quinze  mois  à  la  Convention,  et  dont  le  rôle 
politique  a  certainement  plus  d'importance  que  celui  de  la  plupart  des  conventionnels, 
députés  titulaires  du  département,  n'est  mentionné  dans  aucune  des  biographies  nor- 
mandes. Le  Dictionnaire  des  Parlementaires  ignore  où  il  est  né,  où  et  quand  il  est  mort. 
Il  est  né  à  Boisney,  arrondissement  de  Bernay  (Eure),  le  29  septembre  1745  ;  il  est  mort 
célibataire,  conseiller  à  la  cour  royale  depuis  plus  de  trente  ans,  à  Rouen,  rue  des 
Bons-Enfants,  n*78,  le  8  février  1831.  Son  décès  fut  déclaré  par  Elie  Vanier,  proprié- 
taire, mêmes  me  et  Huméi*<>,  et  par  Louis  Delarue,  banquier,  rue  des  Iroquois.  14. 


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1..-' 


-  132  — 

déclamations  servent  parfois  à  dissimuler  la  véritable  pensée  des 
orateurs,  on  ne  sait  rien  des  sentiments  intimes  de  ces  seize  citoyens 
aux  jours  où  l'un  des  départements  les  moins  révolutionnaires  leur 
confiait  presque  à  l'improvisto  la  mission  de  le  représenter  dans  une 
assemblée  où  allaient  se  poursuivre  et  se  dénouer  tant  d'événements 
tragiques.  Cependant  les  électeurs  ont  connu  les  opinions  et  les 
tendances  qu'ils  avaient  annoncées  dans  les  Sociétés  patriotiques  et 
dans  des  réunions  particulières  tenues  à  Caudebec.  Les  journaux  du 
temps  ne  se  livrent  à  aucune  conjecture  à  ce  sujet. 

Il  serait  pourtant  intéressant  de  savoir  quelles  réflexions  leur 
suggéraient  la  perspective  d'un  tel  mandat,  et  surtout  s'ils  en  appré- 
ciaient bien  à  l'avance  l'étendue  et  la  responsabilité.  Aussi ,  dussè-je 
une  fois  de  plus  encourir  le  reproche  de  sortir  de  mon  programme,  je 
ne  puis  résister  à  la  tentation  de  renseigner  sur  l'état  d'esprit  de  l'un 
des  élus  à  la  veille  de  se  rendre  à  la  Convention,  à  l'aide  d'un  docu- 
ment, inédit  semble-t-il,  émanant  du  plus  remarquable  des  députés 
de  la  Seine-Inférieure. 

Ce  document  est  une  lettre  de  Faure,  du  Havre,  répondant  h 
l'offre  que  venait  de  lui  faire  de  son  appartement  à  Paris,  Tarbé, 
dont  la  tâche  allait  finir  à  l'instant  où  commencerait  la  sienne. 

«  Monsieur,  lui  écrit-il,  je  compte  arriver  à  Paris  jeudi 
matin.  (1)  J'aurai  l'honneur  de  vous  saluer  avant  votre  départ.  Je 
ne  crois  pas  pouvoir  profiter  de  votre  logement;  je  suis  très  sensible 
à  la  bonté  que  vous  avés  de  me  l'offrir.  (2)  J'ai  un  fils  à  Paris,  subs- 
titut de  l'accusateur  public  au  tribunal  criminel,  (3)  chés  lequel  je 
compte  rester,  quoique  éloigné  des  Tuilleries. 

(1)  Faure  fut  le  dernier  des  seize  élus  de  Caudebec  à  se  faire  inscrire  à  Paris. 
Cette  lettre  n'est  pas  datée. 

(2)  Tarbé  s'occupait  activement  de  rétrocéder  son  appartement.  Vn  de  ses  amis 
lui  écrit  de  Rouen,  le  15  septeni])re  :  «...  Mariette  doit  avoir  son  logement  chez 
M.  Loiseau,  député  ici  du  pouvoir  exécutif.  Je  n'ai  point  encore  vu  Haitly,  et  je  ne 
le  crois  pas  reverm  de  Caudebec.  J'ai  chargé  Mariette  de  dire  à  Blutel  et  à  Du  val  que 
vous  aviez  un  logement  agréable  à  céder,  et  je  leur  fais  donner  votre  adresse.  (Arch. 
mpales.) 

(3)  Faure  lils  ne  ligure  pas  dans  la  composition  du  tribunal  du  17  août  1792 
(Wallon,  Hialoue  de  la  RévolutionyiA,  p.  452.)  Elu  par  la  Convention  du  13  mars  1793, 
aux  fonctions  d'accusateur  public  au  tribunal  in.stitué  le  10  de  ce  mois,  il  y  aurait 
renoncé,  (Wallon,  ouvt.  cité,  t.I,  p.  66),  ce  qui  les  fit  échoir  à  Fouquier-Tinville,  l'un  de 
ses  adjoints.  Le  décret  du  6  juin  suivant  ne  lui  eut  pas  permis  de  les  conser\-er  à 
cause  de  sa  parenté  avec  un  mend)n*  dr  la  C«nivention, 


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—  133  - 

»  Je  pourrais  vous  rétorquer  les  choses  obligeantes  que  vous  me 
dites  sur  ma  nomination.  La  patrie  perdra  certainement  au  change. 
Du  moins.  Monsieur,  vous  avez  pu  dire  librement  votre  façon  de 
voir,  (1)  la  mienne  est  à  peu  près  la  même,  et,  cependant,  je  serai 
obligé  de  me  taire. 

»  Lorsque  j'ai  eu  Thonneur  de  dîner  avec  vous  chez  M.  Ma- 
chuel  (2),  vous  paraissiez  déplorer  le  sort  de  la  France.  Que  sera-ce 
aujourd'hui  ?  Où  sont  ces  âmes  sensibles,  dans  la  nouvelle  assemblée, 
capables  de  proposer  des  décrets  modérés  et  qu'on  pourra  écouter 
encore  ?  Non,  l'esprit  républicain  dominera.  La  famille  royale  est 
perdue.  Quelle  alternative  !  Ou  périr  par  le  fer  du  despotisme,  ou 
voir  s'établir  une  république  de  25  millions  d'hommes  égaux  de 
droits  ;  enfin,  plus  de  monarchie  chez  nous  que  par  les  armes  des 
Germains.  Que  de  pillages  I  Que  de  sang  !  Que  de  carnage  I 

»  Adieu,  monsieur,  je  vous  félicite  de  tout  mon  cœur  d'être 
remis  dans  l'état  de  simple  spectateur.  C'était,  à  mon  âge  (3),  le  seul 
rôle  qui  me  convenait. 

»  Daignez  agréer  les  sentiments  les  f  lus  vrais  de  mon  estime  et 
de.  ma  considération . 

»  A  monsieur  Tarbé,  député  de  l'Assemblée  Nationale,  rue 
Basse-de-la-Madeleine,  n®  20,  près  la  rue  Caumartin,  à  Parig  (4).  » 

Les  seize  députés  de  la  Seine-Inférieure  s'inscrivirent  sur  le 
registre  spécial  de  l'Assemblée  :  Bourgois  et  Vincent,  le  20  septem- 
bre ;  Bailleul,  Duval ,  Hardy ,  Hecquet,  Ruault  et  Yger,  le  21 
Doublet,  le  22,  Pocholle,  le  24,  Blutel  et  Lefebvre,  le  25,  Albitte, 

(1)  Tarbé  n'avait  pu  dire  sa  pensée  qu'au  prix  de  sa  liberté.  Dans  la  séance 
du  28  juin,  à  propos  de  l'adresse  de  Rouen  contre  la  journée  du  20  jiûn,  il  s'écriait 
que  ses  collègues  entendraient,  malgré  eux,  la  vérité  qui  les  gênait.  Le  26  juillet,  il  sur- 
vint un  autre  incident  plus  grave  à  la  suite  duquel,  —  encore  bien  que  Beugnot  sortit 
de  sa  réserve  pour  prendre  très  courageusement  et  très  habilement  sa  défense  — 
r.^ssemblée  infligea  huit  jours  d'arrêt  à  Tarbé. 

(2)  Pierre  Machuel,  libraire,  rue  Ganterie,  reçu  membre  delà  Société  des  Amis  de 
la  ConsUlution  le  24  novembre  1790  ;  notable  sous  la  première  municipalité  De  Fontenay; 
l'un  des  83  électeurs  rouennais  à  Caudebec  en  septembre  1792.  Il  habitait  une  maison 
dite  Hôtel  Saint- Wandrille,  grevée  d'une  rente,  vendue  comme  bien  national  et  dont  il 
se  rendit  acquéreur  le  18  décembre  1790  par  66,100  1. 

(3)  Faure  était  alors  âgé  de  soixante-six  ans. 

(4)  Àrch.  mpales. 


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-  134  - 

le  26,  Mariette,  le  28,  Faure  et  Delahaye,  le  30.  Les  huit  premiers 
ont  pu  être  au  nombre  des  371  députés  présents  le  21,  lorsque  la 
loyauté  a  été  abolie.  Seuls,  Bourgois  et  Vincent  étaient  à  la  séance 
de  la  veille,  20  septembre,  laquelle  avait  été  réellement  la  première 
séance  de  la  Convention,  ainsi  que  l'a  fait  ressortir  M.  Biré  (1). 

Un  écrivain  peudigne  de  foi,  Robert,  (2)  dit  que  Mariette  hésita  à 
se  rendre  à  Paris  quand  il  apprit  que  la  Convention  avait  proclamé 
la  République  La  chose  n'est  pas  impossible,  mais  l'hésitation  pro- 
viendrait plutôt  de  ce  que,  d'une  part,  Mariette  venait  d'être  nommé 
commissaire  du  pouvoir  exécutif  près  le  département,  et  que, 
d'autre  part,  il  se  mariait  le  24  septembre  (3).  En  ce  qui  concerne 
Faure  et  Delahaye,  il  est  admissible  qu'ils  aient  pu  se  demander 
pendant  quelques  jours  s'ils  devaient  se  réunir  à  une  assemblée  dont 
moins  de  la  moitié  des  membres  s'était  arrogé  le  droit  de  prendre  une 
résolution  préjudicielle,  emportant  des  conséquences  si  graves. 

Plusieurs  députés  de  la  Seine-Inférieure  n'eurent  rien  de  plus 
pressé,  à  leur  arrivée  à  Paris,  que  de  se  faire  recevoir  membres  de  la 
Société  des  Jacobins.  Ruault,  Yger  et  Hecquet  y  sont  admis  avant 
le  28  septembre,  et  PochoUe  à  une  date  inconnue.  (4)  Mariette, 
Blutel  et  Lecomte  paraissent  y  avoir  été  aussi  affiliés  ;  Albitte  l'était 
sous  la  Législative. 

Les  seuls  qui  aient  fait  quelque  bruit  à  l'Assemblée  sont  Albitte, 
Faure,  Bailleul,  Hardy  et  Pocholle.  De  tous,  il  ne  sera  ici  question 
que  pour  révéler  diverses  particularités  ignorées  de  leur  carrière 
politique,  principalement  celles  ayant  influé  sur  ce  qui  s'est  passé  à 
Rouen. 

Il  est  indispensable  de  faire  quelques  pas  en  arrière.  Une  sérieuse 
et  sanglante  émeute,  provenant  du  manque  de  subsistances,  à  la  fin 

(i|  Journal  d*un  Bourgeois  de  Paris  pendant  la  Terreur  y  p.  5. 

(2)  Vie  des  Hommes  politiques, 

(3)  Après  publication  d'un  ban  et  dispense  des  deux  autres  par  levéque  Gratien  et 
permission  de  labbé  Périer,  curé  constitutionnel  de  Saint-Patrice,  Mariette  épousait  le 
lundi  24  septembre,  à  Notre-Dame-de-Préaux,  près  Rouen,  M"«  Carel  qui,  comme  lui, 
était  de  Saint-Patrice  de  Rouen.  M»«  Carel  avait  à  Préaux  un  oncle,  M.  Osmont,  et  à 
Rouen,  une  sœur,  femme  de  M.  Bouteiller,  négociant.  Asseline  «  ex-curé  »  de  Préaux, 
qui  l'avait  marié,  dépose  ses  lettres  de  prêtrise  le  29  ventôse  an  II. 

(4)  F.- A.  Aulard,  La  Société  des  Jacobins,  t.  IV,  p.  338;  t.  V,  p.  169, 


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—  435  — 

d'août,  s'était  trouvée  promptement  réprimée  et  apaisée,  grâce  à 

Ténergie  de  la  municipalité.  La  Société  des  Amis  de  la  Constitution 

s'était  émue,  le  27,  en  apprenant  qu'on  était  à  la  veille  de  manquer 

de  pain,  mais  bientôt  elle  adoptait  «  l'opinion  très  sage  de  cesser 

toute  discussion  sur  cet  objet,  »  après  qu'on  lui  eût  assuré  que  la 

commune  avait  toutprévu^  ce  qui  n'était  pas  absolument  exact.  (1). 

La  fin  de  ces  troubles  ne  ramena  point  le  calme  dans  la  Société, 

où  se  passaient  des  scènes  peu  rassurantes,  pendant  que  les  élections 

se  faisaient  à  Caudebec  avec  une  solennelle  lenteur.  Le  7  septembre, 

au  moment  où  le  ministre  Roland  annonçait  leur  arrivée,  deux 

«  députés   du   pouvoir  exécutif  national  provisoire  »,  Loiseau  et 

Bonneville,  paraissent  à  la  séance  de  la  Société.  Le  môme  jour,  deux 

«  commissaires  du  comité  de  surveillance  de  la  commune  de  Paris  », 

Saintex  et  Dufourny  (2)  s'y  présentent  aussi.  Les  premiers  viennent 

en  mission  pour  les  subsistances  et  entendre  «  les  justes  plaintes  des 

citoyens  ;  »  ils  ont  sous  leurs  ordres  deux  des  plus  périlleux  agents 

de  la  police  parisienne,  dont  Tun  a  déjà  séjourné  à  Rouen  en  1789; 

mais  ceux-ci  ne  pénètrent  pas  à  la  Société  populaire.  Les  deux 

autres,  des  patriotes  éprouvés,  engagent  «  tous  les  citoyens  à  faire 

au  Comité  de  surveillance  de  Paris,  dans  leurs  sections  respectives 

ou  chez  eux-mêmes,  commissaires,  à  l'hôtel  du  Croissant,  toutes  les 

dénonciations  propres  à  découvrir  les  complots  des  malveillants.  Ils 

montent  à  la  tribune  et  y  «  développent,  avec  élocution,  les  vrais 

principes  de  la  liberté  et  de  l'égalité,  »  et  confirment  la  Société  dans 

la  bonne  opinion  qu'elb  a  d'eux.  Le  président  (Robert),  paie  à  ces 

deux  généreux  citoyens  le  tribut  d'éloges  qu'ils  méritent.  (3) 

Ce  quatuor  de  Jacobins  enthousiasme  la  Société  ;  Foret  qui,  à 
ces  dates,  rédige  les  procès-verbaux,  est  visiblement  heureux.  Le  8, 
la  séance  allait  être  levée,  lorsqu'on  aperçoit  l'un  des  envoyés  de 
de  Paris.  Des  applaudissements  réitérés  l'appellent  à  la  tribune  ;  il  y 
monte  au  milieu  des  bravos.  «  Chaque  auditeur  reprend  sa  place  et 

(1)  V.  Gosselin,  ouvr.  cité,  Revue  de  la  Normandie,  1866,  p.  333,  et  la  délibération 
dn  Conseil  général  de  la  Commune,  du  29  août. 

(2)  Le  premier  était  médecin,  le  second  ingénieur. 

(3)  Phrase  afTe^ctionnée  par  Poret  qui  Ta  employée  très  fréquemment. 


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—  136  — 

prête  son  attention.  M.*  Dufourny  parle.  Les  principes  qu'il  déve- 
loppe, la  momie  qu'il  professe,  sont  recueillis  avec  avidité.  » 

Le  11,  Eudeline,  président,  félicite  et  remercie  ces  «  dign^t 
missionnaires  d'un  ministre  patriote,  venus  ici  propager  Tesprit 
public  et  les  lumières  philanthropiques.  »  L'un  d'eux,  Loiseau,   «  ré- 
pond à  cet  hommage  flatteur  avec  l'aisance  et  l'élocution  qui  lui  sont 
particulières;  il  parcourt  successivement  tous  les  avantages  que  les 
sociétés  populaires  ont  produits  dans  tous  les  lieux  ,où  elles   sont 
établies.  Il  démontre  jusqu'à  l'évidence  combien  leur  existence  est 
attachée  au  bonheur  public. . .  »  Loiseau,  après  avoir  assisté  à  une 
partie  de  cette  séance,  se  lève  et  dit  qu'il  est  impossible  de  se  trouver 
au  milieu  d'une  société  distinguée  par  ses  lumières  et  son  amour 
inébranlable  de  la  liberté  et  de  l'égalité,  sans  éprouver  aussitôt  le 
désir  d'être  admis  au  nombre  de  ses  membres.  Par  un  mouvement 
spontané,  lui  et  Bonneville  sont  successivement  reçus.  C'est  ce  jour- 
là  que  l'opportuniste,  «  notre  frère  Fontenay  l'alné,  »  que  son  poste 
à  la  commune  a  empêché  jusqu'ici  de  se  rendre  au  milieu  de  ses 
frères,  vient  prêter  le  serment  de  maintenir  la  liberté  et  Tégalité.  Ces 
«  précautions  »  n'empêchent  pas  —  au  contraire  —  que  «  le  maire 
Fontenay  »  commette  «  l'injustice  et  l'abus  »  d'obliger  l'un  des 
agents  de  Bonneville  et  Loiseau  à  cesser  de  s'acharner  après  le  né- 
gociant Morainville,  et  à  rendre  à  celui-ci  un  cheval. 

Danton  a  envoyé  à  la  Société  quantité  d'exemplaires  d'un  pla- 
card :  «  Compte  rendu  au  peuple  français  »  qu'aucun  des  afficheurs  ne 
veut  apposer  parce  qu'ils  sont  menacés  de  coups  de  bâton.  Le  pré- 
sident, Lecanu,  en  avise  MM.  les  commissaires  du  pouvoir  exécutif, 
et  les  engage  à  user  de  tout  le  pouvoir  «  dont  la  nation  les  a  investis  » 
pour  faire  cesser  ces  menaces  et  ces  abus.  Peu  après,  un  incident  naît 
de  ce  qu'un  placard  porte  :  «  compte  rendu  au  souverain  et  non  au 
peuple  souverain.  Les  commissaires  interviennent  et  éclairent  le 
peuple  :  «  La  souveraineté  est  dans  le  peuple,  vérité  que  personne  ne 
peut  méconnaître.  )) 

Albitte,  le  premier  élu  de  Caudebec,  vient  à  la  séance  de  la 
Société  du  14  septembre,  ainsi  que  le  frère  Lecointre,  (1)  député, 

(1)  Laurent  Lecointre,  négociant  et  commandant  de  la  garde  nationale  à  Versailles, 
administratevir  de  Seine-et-Oise,  premier  élu  des  quinze  députés  de  ce  département,  en 
septembre  1792,  âgé  alors  de  quarante- trois  ans. 


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-  fST- 
réélu  comme  lui.  Depuis  le  17  août,  tous  les  deux  sont  en  mission 
dans  le  département  pour  la  levée  des  trente  mille  hommes.  Ils  ont 
invî  (é  les  citoyens  à  s'armer  et  à  se  rendre  au  camp  de  Meaux.  C'est 
Yvelin  qui  préside  et  qui  félicite  Albitte,  «  cet  homme  courageux 
qu'a  su  résister  à  une  cour  perfide. . .  »  Le  frère  Albitte  proteste  que 
sa  conduite  fut  celle  d'un  homme  qui  aime  son  pays  ;  que,  sous  le 
joug  des  despotes,  ses  actions  eussent  été  regardées  comme  des 
vertus,  mais  que  chez  un  peuple  libre,  ce  n'est  qu'un  devoir.  Il  fait 
une  «  courte  analyse  des  crimes  et  conspirations  de  la  Cour,  des 
horreurs  qu'elle  avait  machinées  pour  courber  de  nouveau  la  tête  des 
Français  sous  le  joug  du  despotisme,  puis  un  tableau  consolant  du 
patriotisme  et  des  efforts  des  liabitants  des  contrées  qu'il  a  par- 
courues. Lecointre,  à  son  tour,  énumère  rapidement  les  devoirs  des 
sociétés  patriotiques  et  recommande  l'observation  religieuse  et 
scrupuleuse  de  la  loi. 

Hardy  vient  le  lendemain.  Il  répond  à  l'accueil  flatteur  qu'on 
lui  fait  en  promettant  de  se  montrer  toujours  le  même  au  poste 
d'honneur  qui  lui  est  confié.  Et  pour  prouver  qu'il  n'a  pas  varié, 
après  la  lecture  de  quelques  articles  de  la  Chronique  de  Rouen,  il 
s'indigne  bruyamment  avec  Blanche,  Durand,  Lamine  et  Hubert  de 
voir  encore  subsister  ce  journal.  Ils  parlent  d  un  arrêté  pris  par  les 
électeurs  (?)  pour  sa  suppression,  et  Hubert  fait  observer  que  le 
procès- verbal  (?)  ne  mentionne  pas  cet  arrêté  (1).  On  envoie  incon- 
tinent quatre  délégués  vers  les  commissaires  du  pouvoir  exécutif 
pour  obtenir  l'anéantissement  de  cette  feuille  aristocratique.  Les 
délégués  reçoivent  cette  réponse  :  Les  commissaires  n'ont  pas  le 
pouvoir  (ie  supprimer  la  Chronique,  mais  ils  s'occuperont  de  l'em- 
pêcher de  répandre  le  poison. 

Bonneville  et  Loiseau  ne  tardent  pas  à  découvrir  un  moyeii  : 
c'est  de  supprimer  lé  journaliste.  Ils  l'appliquent  en  emprisonnant 
Leclerc  le  jour-même  1  Mais  les  divers  administrateurs  de  Rouen 
n'étaient  pas  encore  suflBsamment  familiarisés  avec  ces  procédés 
expéditifs  et  bientôt  ils  trouvèrent  que  MM.  les  comiùissaires  dépas* 

(1)  Il  s'agit  là  vraisemblablement  d'une  mesure  du  Comité  central  des  sections 
qu'on  s'efforçait  d'organiseri 


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—  138  — 

saient  la  mesure  6t<lemandèrent  qu'ils  fussent  rappelés.  Dans  leur 
ardeur,  les  agents  de  ces  messieurs  ne  s'en  prenaient  pas  seulement 
à  des  journalistes,  ils  allèrent  jusqu'à  incarcérer  MM.  Dérubé, 
maire  de  Lillebonne,  et  Ledran  (1),  maire  de  Saint-Léger-du-Bourg- 
Denis,  qui  ne  se  prêtaient  pas  à  leurs  réquisitions  1  Après  cela,  les 
autorités  constituées  ne  pouvaient  plus  rester  indifférentes. 

Dufoumy  rendit  compte  aux  Jacobins  de  Paris,  le  9  octobre, 
de  sa  mission  à  Rouen,  «  où  il  avait  trouvé,  après  les  troubles  -de 
septembre,  le  drapeau  rouge  flottant  sur  la  maison  commune,  et  où 
il  avait  exterminé  trois  journaux  qui  égaraient  le  patriotisme  »  I  (2) 

Le  séjour  de  ces  envoyés  noua  ou  resserra  les  liens  entre 
les  Jacobins  de  Paris  et  les  principaux  révolutionnaires 
rouennais  :  Lecanu,  Lamine,  Pillon,  Poret  et  autres.  Les  effets  de 
rimpulsion  qu'ils  avaient  donnée  aux  patriotes  se  j&rent  sentir 
longtemps  dans  la  Société. 

Lorsqu'ils  eurent  quitté  Rouen,  on  crut  pouvoir  essayer  de  faire 
revenir  la  Société  sur  une  résolution  à  laquelle  ils  n'avaient  pas  été 
étrangers.  Après  une  discussion  soutenue  pendant  trois  jours,  la 
Société  avait  décidé,  le  25  septembre,  de  rayer  du  tableau  de  ses  mem- 
bres ceux  qui  avaient  été  députés  à  la  Législative.  Le  18  novembre, 
on  osa  demander  que  cette  délibération  fût  rapportée.  La  discussion 
fut  reprise  le  lendemain,  mais  «  après  un  débat  très  long  et  très 
animé  »,  la  Société  passa  à  l'ordre  du  jour. 

La  séance  du  16  octobre  fut  consacrée  à  la  mémoire  du  citoyen 
Beaurepaire,  le  héros  de  Verdun. 

Le  17,  un  membre  dénonça  le  département  qui  conservait  encore 
le  buste  de  l'infâme  Lafayette.  Plusieurs  frères  se  joignent  à  lui 
et  s'acheminent  vers  le  département  pour  lui  demander  la  destruction 
de  cette  image  scandaleuse.  Bientôt,  ils  reviennent  de  la  mission  dont 
ils  s'étaient  «  spontanément  »  chargés  et  annoncent  que  le  buste 
dénoncé  est  celui  du  citoyen  Thouret  et  non  celui  du  traître  La- 
fayette. Ils  disent  qu'un  vil  espion,  les  ayant  devancés  au  départe- 
ment, n'a  pas  rougi  de  désigner  au  citoyen  Le  Vavasseur,  qui  présidait, 


(1)  Ledran  fut  mis  en  liberté  le  27  septembre. 

(2)  F.-A.  Aulard,  la  Sociéié  des  Jacobins,  t.  IV,  pp.  368, 870  et  373. 


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-  139  — 

le  citoyen  Lefebvre  comme  étant  le  dénonciateur.  «  Ils  ont  dédaigné 
de  répondre  à  ce  mouchard,  qu'ils  vouent  au  mépris.  »> 

Les  citoyens  Lefebvre,  Tellier  et  Lidon  (1),  commissaires  en- 
voyés par  la  Convention  pour  s'occuper  des  subsistances,  assistent  à 
la  séance  de  la  Société  du  11  novembre. 

Cette  question  des  subsistances  ne  passionne  pas  encore  les  Rouen- 
nais.  Ils  s'en  préoccupent  forcément,  mais  sans  y  mettre  beaucoup 
plus  d'entrain  que  pour  celle  du  partage  des  communaux,  qui  donne 
lieu  a  des  discours  de  Descroisilles,  Néel  et  Thiessé. 

L'introduction  du  divorce  dans  les  lois  nouvelles  n'occupe  à  au- 
cun moment  la  Société.  Les  ménages  désunis  de  Rouen  ne  se  hâtent 
point  de  profiter  de  cette  innovation  due  à  la  Législative  qui,  le  18 
août,  avait  proclamé  la  dissolubilité  du  mariage.  Le  premier  divorce 
à  Rouen  n'eut  pas  lieu  le  12  septembre  1792,  comme  on  l'a 
dit  par  suite  d'une  confusion,  mais  seulement  le  9  décembre  suivant, 
devant  Henry  Adam,  oflScier  public.  Le  nouveau  régime  matrimo- 
nial y  fut  inauguré  par  Marie-Catherine  Piedeleu,  matelassière,  âgée 
de  soixante-cinq  ans,  originaire  de  Saint-Aubin-jouxte-BouUeng, 
et  qui  s'était,  deux  ans  auparavant,  mariée  à  Jean  Bénard,  â  Saint- 
Jean-d'Elbeuf.  Bénard  était  absent  depuis  longtemps  et,  parti 
pour  aller  au  service,  n'avait  donné  aucune  nouvelle,  ce  qui  était 
attesté  par  un  acte  de  notoriété  devant  Legingois,  notaire  à  Rouen, 
du  4  décembre.  (2) 

(1)  Leur  mission  s'étendait  aussi  aux  départements  de  Seine-et-Oise,  Eure,  Aisne 
et  Somme.  D'après  M.  Aulard  (la  Révolution  Française  de  juillet  1892)  elle  résultait  d'un 
décret  du  30  novembre»  c'est-à-dire  postérieur  à  leur  arrivée  à  Rouen.  Julien  Lefebvre, 
de  Nantes,  fut  Tun  des  73  proscrits,  Âmand-Constant  Tellier,  de  Seine-et-Marne,  et 
Bernard-François  Lidon,  de  la  Corrèzè,  se  sont  tués  Tun  à  Chartres,  à  la  fin  de  Fan  m, 
Taulre  à  Bayeux,  le  24  brumaire  an  ii. 

(2)  Elle  se  remaria  quinze  jours  après  à  Antoine  Massue,  vinaigrier,  demeurant  — 
comme  elle  —  rue  des  Champs.  Le  second  divorce  de  Rouen  fut  celui  des  époux 
Defresne-Maille,  du  18  décembre,  en  conséquence  d'une  séparation  de  corps  du  6  du 
môme  mois,  résultant  d'une  sentence  du  tribunal  du  district,  le  13.  A  partir  de  janvier, 
les  divorces  deviennent  plus  nombreux.  Il  en  est  plusieurs  qui  eurent  des  suites  fort 
étranges....  A  Paris,  le  premier  divorce  fut  prononcé  —  avant  la  loi  du  20  septembre  — 
mais  bien  entendu  après  la  déclaration  du  18  août,  par  le  Juge  de  paix  de  la  section 
de  92,  le  12  septembre  entre  les  époux  Boucher-Caux,  pour  incompatibilité  d'humeur, 
{Journal  de  Rouen,  du  dimanche  30  septembre,  p.  468,  d'après  le  Moniteur).  Horcholle  a 
reproduit  ce  fait  divers  et  M.  Gosselin  (Revue  de  la  Normandiey  1866,  p.  509)  a  cru  que 
cela  s'appliquait  à  Rouen. 


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—  140  — 

Il  est,  au  surplus,  une  question  qui  prime  toutes  les  autres  et  qui 
est  mise  à  l'ordre  du  jour  quand  arrivent  les  trois  conventionnels  : 
Louis  Capet  le  dernier  peut-il  ou  doit-il  être  Jugé  ?  par  quel  tribu- 
nal ?  et,  s  il  est  jugé,  sera-t-il  exécuté  f  L'affirmative  et  la  néga- 
tive (?)  sont  soutenues.  Le  23,  Lecanu  et  Ferrand  parlent  pour  l'affi- 
mative.  Thierry  —  le  futur  conseiller  à  la  Cour  royale  —  combat  les 
partisans  de  l'inviolabilité.  Le  25,  «  un  membre  »  conclut  que  le 
ci-devant  roi  doit  être  jugé,  que  la  Convention  faisant  les  fonctions 
de  Jury  peut  le  décréter  d'accusation  et  l'envoyer  en  jugement  devant 
la  Haute-Cour  nationale  ou  tout  autre  tribunal.  La  société  sentit 
enfin  la  stérilité  de  ces  débats  sans  influence  sur  ceux  de  la  Conven- 
tion. Lecanu  se  rend  à  Paris  et  la  tient  assidûment  au  courant,  sans 
doute  avec  plus  de  détails  que  Blutel,  Hardy  et  Mariette,  dont  la 
correspondance  était  momentanément  devenue  rare. 

Dans  les  circonstances  graves,  les  seize  députés  de  la  Seine- 
Inférieure  n'ont  guère  modifié  la  ligne  de  conduite  indiquée  par 
leurs  votes  lors  du  procès  du  roi  où  tous  —  môme  Faure  —  décla- 
raient le  roi  coupable,  où  Albitte  et  PochoUe,  seuls,  opinaient  pour 
la  mort,  et  les  quatorze  autres  pour  la  détention  et  le  bannissement. 
Ils  votèrent  les  mesures  contre  les  émigrés  et  les  prêtres  et  nombre 
de  rigueurs  affirmant  la  marche  en  avant  de  la  révolution. 

Lee  13  et  14  avril,  Albitte  fut  seul  à  déclarer  qu'il  n'y  avait  pas 
lieu  de  mettre  Marat  en  accusation  et  encore  ajouta-t-il,  «  quant  à 
présent  »,  tandis  que  Bailleul,  Bourgoîs,  Delahaye,  Doublet,  Hec- 
quet,  Lefebvre,  Ruault  et  Vincent  furent  pour  laffirmative.  Blutel, 
Duval,  Faure,  Hardy,  Mariette,  PochoUe  étaient  absents  (1). 

Les  séances  de  la  Société  populaire  permettent  alors  de  suivre 
la  révolution,  pour  ainsi  dire  pas  à  pas. 

En  mars,  la  Société  voit  apparaître  chez  elle  les  représentants 
du  peuple  PochoUe  et  Saladin  chargés,  disent-ils,  par  un  décret 
du  9  (2),  d'activer  les  opérations  du  recensement,  et,  ce  qu'ils  se 

(1)  Aulard,  la  Révolution  Française,  juillet  1897.  Réimpression  de  l'appel  nominal 
sur  Marat  qui  n'est  ni  au  Moniteur^  ni  dans  aucun  autre  journal  du  temps  et  est  devenu 
rare;  il  figure  cependant  dans  le  catalogue  de  la  bibliothèque  de  M.  Renard,  de  Caen. 

(2)  A  cette  date,  la  Convention  envoyait  8Î  représentants  en  mission  dans  les  dépar- 
tements. Le  décret  était  signé  :  GenBonné,  président  ;  Huard,  Mallarmé  et  Jullien. 


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—  141  — 

dispensent  de  dire,  de  faire  arrêter  «  tout  homme  soupçonné  d'être 
coupable  d'un  délit  contre  la  sûreté  générale  »  (1).  Ils  ont  été  d'abord 
témoigner  à  la  municipalité  le  désir  de  se  réunir  au  milieu  des  sec- 
tions dans  les  églises  de  Saint- Vivien,  Saint-Ouen,  Saint-Godard, 
Saint-Eloi  et  dans  la  Bourse  couverte,  afin  de  les  entretenir  des 
dangers  de  la  patrie  et  de  leur  rappeler  qu'elle  a  besoin  de  défenseurs. 
Ils  seront  accompagnés  aux  sections  des  citoyens  Rondeaux,  maire, 
Pillon,  Lecanu,  Carré,  Pouchet,  Anquetin,  Eudeline  et  V.  Groult  (2). 

Pocholle  monte  à  la  tribune  de  la  Société  et  prononce  un  discours 
«  sur  les  circonstances  actuelles,  invita toire  pour  le  recrutement  ». 
Il  est  souvent  interrompu  et  applaudi  et  cependant  il  constate  que 
ceux  qui  lui  font  cet  accueil  retardent  sensiblement  sur  la  Conven- 
tion. Il  est  étonné  «  de  voir  encore  à  la  tribune  le  buste  d'un  homme 
qui  a  trahi  sa  patrie  !  Il  n'a  pas  eu  le  temps  d'achever  son  observa- 
tion que  plusieurs  membres  de  la  Société  se  sont  portés  à  cette 
tribune  et  ont  jeté  à  terre  le  buste  indigne  de  rester  plus  longtemps 
dans  cette  enceinte  ».  —  Ce  buste  est  celui  de  Mirabeau.  Le  11  mars, 
peut-être  en  prévision  de  la  visite  prochaine  des  deux  conventionnels, 
on  avait  demandé  qu'il  fût  retiré.  «  Mirabeau  restera,  »  dit  triom- 
phalement le  procès-verbal,  rédigé  par  Bignon  l'aîné.  Mais  le  procès 
du  roi  avait  trop  déprécié  le  grand  orateur  pour  qu'il  conservât 
plus  longtemps  la  faveur  des  patriotes. 

Le  peu  d'empressement  des  Rouennais  à  s'enrôler  attirait  l'atten- 
tion de  la  Société  et  des  autorités  constituées  longtemps  avant 
l'arrivée  de  Pocholle  et  de  Saladin.  Chez  les  Jacobins,  qui  font  pro- 
fession de  patriotisme  à  tout  propos,  les  choses  se  passent  moins  dis- 
crètement et  pourtant  sans  plus  d'entrain  qu'ailleurs.  Il  s'y  produit 
des  incitations  que  leur  singularité  autoriserait  à  attribuer  à  des  gens 
désireux  de  faire  ressortir  le  peu  d'empressement  des  Jacobins  «  à 
voler  à  la  défense  de  la  patrie.  » 

Le  frère  Delaporte,  un  vainqueur  do  la  Bastille,  le  seul  que 
Rouen  puisse  se  vanter  de  posséder,  vient  le  15  mars,  Pocholle  et 
Saladin  étant-là,  s'indigner  de  ce  qu'il  est  question  dans  sa  section 

(1)  Moniteur  du  11  mars.  • 

(2)  Archives  municipales.  Registre  des  déliljérations. 


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—  142  - 

d'ouvrir  une  souscription  pour  avoir  les  trois  hommes  de  son  con- 
tingent. Lui,  du  moins,  prêche  d'exemple  :  «  Je  m'enrôle  volon- 
tairement, dit-il;  que  tous  les  républicains  fassent  comme  moi  et  la 
patrie  ne  pourra  qu'en  profiter.  »  Il  est  «  généralement  applaudi.  » 
On  l'honore  d'une  mention  civique- et  d'un  diplôme.  Delaporte  n'en 
est  pas  ébloui.  Avec  plusieurs  sociétaires,  il  excite  les  tribunes  à 
s'enrôler  volontairement.  Lémery  déclare  que  s'il  se  présentait  seule- 
ment quatre  hommes,  il  marcherait  à  leur  tête  comme  volontaire  et 
donnerait  sa  démission  de  commissaire  des  guerres.  La  seule  réponse 
qu'ils  reçoivent,  c'est  une  «  lettre  de  Prudhomme  à  ses  amis  sur  les 
circonstances  actuelles.  » 

Le  lendemain,  16,  la  scène,  plus  pénible,  se  renouvelle,  sous  les 
yeux  des  représentants  du  peuple.  Lémery  monte  à  la  tribune  et 
invite  tous  les  citoyens  célibataires  de  la  Société  à  s'enrôler  comme 
lui  vient  de  le  faire.  Il  est  «  beaucoup  applaudi,  mais,  dit  littérale- 
ment le  procès- verbal,  personne  na  sut  ci  son  exemple.  » 

Néel  propose  et  décide  par  acclamation  que  tous  les  célibataires, 
membres  de  la  Société,  qui  sont  dans  la  classe  des  citoyens  appelés  à 
la  défense  de  la  patrie,  soient  soumis  à  un  scrutin  épuratoire,  pour 
savoir  quels  sont  ceux  qui,  dispensés  pardes  considérations  majeures, 
ne  déméritent  point  de  la  patrie  pour  ne  pas  s'étro  enrôlés. . . 

Le  18,  le  général  la  Bourdon naye  arrive  à  Rouen.  Un  brevet  du 
pouvoir  exécutif  provisoire,  du  9,  signé  Garât,  président,  et  Ber- 
nonville,  l'a  nommé  commandant  des  troupes  de  l'armée  des  cô(es, 
réparties  dans  les  12®,  13*,  14*  et  15®  divisions  militaires.  Il  est 
accompagné  à  Rouen  par  le  souvenir  de  ses  succès  devant  Lille  et 
Tournay,  glorifiés  en  leur  temps  par  le  Journal  de  Rouen.  (1)  C'est 
le  premier  général   qui    vient  à   la   Société   populaire  (2).  Il  y 

(1)  Numéro  du  14  novembre  1792.  Vers  présentés  au  général  par  un  grenadier  de 
son  armée. 

(1)  Anne-François-Auguste  de  la  Bourdonnaye  était  à  ce  moment  âgé  de  quarante- 
six  ans.  Je  crois  qu'il  n'était  plus  à  Rouen  lorsque  le  général  Le  Veneur  et  son  aide  de 
camp  Hoche,  qu'il  avait  dû  connaître  à  l'Armée  du  Nord,  y  vinrent.  Le  Veneur  awiit 
été  arrêté  à  Neufchàtel-en-Bray  comme  complice  de  DunKnu-iez.  La  Bourdonnaye 
mourut  huit  mois  après  à  Dax.  Je  n'ai  pu  vérifier  s'il  était  de  la  même  famille  que 
Charles-Esprit-Marie  de  la  Bourdonnaye  de  Blossac,  des  quatra  jeunes  enfants  (l'aîné 
avait  dix  ans)  duquel  le  citoyen  Lebret  (qui  avait  épouse  ime  demoiselle  lïue  deMiroraé- 
nil,  ayant  droit  comme  le  général  Le  Veneur  à  la  succession  d'une  Languedor  de  Rec- 


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y^m' 


—  148  — 

prend  la  parole  le  18,  assurant  qu'il  s'est  toujours  fait  un  plaisir  de 
fréquenter  les  sociétés  patriotiques,  racontant  qu'il  haranguait  tout 
à  l'heure  une  compagnie  de  canonniers  qu'il  a  trouvée  à  la  Commune 
et  qu'il  leur  a  dit  qu'ils  devaient  savoir  qu'ils  étaient  faits  pour  sou- 
tenir l'arbre  de  la  liberté  et  la  dignité  de  la  nation.  Visiblement, 
La  Bourdonnaye  aime  à  discourir  et  c'est  à  ce  point  de  vue  le  digne 
prédécesseur  de  plusieurs  officiers  généraux  venus  à  Rouen  (1). 

Quelqu'un  profite  de  sa  présence  pour  engager  encore  les 
citoyens  à  le  suivre  à  la  défense  de  la  patrie  ;  un  autre  invite  le  géné- 
ral à  envoyer  les  gardes  nationales  sur  les  frontières  maritimes. 
Le  général  reprend  la  parole  pour  improuver  le  mode  de  payer  les 
volontaires.  L'importun  Delaporte  revient  offrir  aux  citoyens  des 
tribunes  qui  voudraient  prendre  parti  pour  la  défense  de  la  patrie  le 
résultat  de  la  bourse  faite  dans  sa  section.  La  Société  le  gratifie  d'un 
sabre  et  le  général  le  présentera  pour  un  brevet  de  sous-lieutenant. 
Le  lendemain,  ce  sabre  lui  est  remis  «  avec  un  baiser  de  paix  »  ! 

Delaporte  a  jeté  le  malaise  dans  les  esprits  et  contribué  à  réveil- 
ler le  patriotisme  de  la  Société  où  par  la  suite  les  offrandes  affluent 
pour  les  volontaires  dont  la  première  division  part  le  24  mars. . .  On 
n'en  continue  pas  moins  à  discuter  une  pétition  afin  que  les  céliba- 
taires de  dix-huit  à  quarante  ans  soient  obligés,  par  la  voie  du  sort, 
daller  aux  frontières  sans  pouvoir  se  faire  remplacer. 

Thomas,  morte  à  Neufcliàtel),  présentait  à  la  municipalité  de  Rouen,  le  6  mars,  c'est-à- 
dire  douze  jours  avant  l'arrivée  à  Rouen,  du  général  La  Bourdonnaye,  une  pétition  qui 
fut  suivie  d'une  délibération  confiant  au  même  Lebret  la  garde  de  ces  enfants,  qu'il 
de\Ta  élever  dans  l'amour  de  la  révolution  et  des  lois  et  représenter  toutes  les  fois  que 
la  municipalité  Texigera.  L'aïeul  de  ses  pupilles,  Paul-Esprit  Marie,  marquis  de  la  Bour- 
donnaye, comte  deBlossac,  marquis  de  Tymeur,  ex-intendant  de  Poitiers,  s'était  réfugié 
à  Rouen,  rue  Beauvoisine,  140,  depuis  le  13  juillet  1792.  Emprisonné,  il  fut  mis  en 
liberté  par  ordre  du  Comité  de  sûreté  générale,  le  10  vend,  an  Ji.  Il  se  trouvait  encore  à 
Rouen,  en  messidor  an  ni. 

(1)  Parmi  ces  généraux  sont  à  citer  la  Morlière,  qui  vint  quelquefois  à  la  Société 
populaire,  et  Danican  qui  ne  put  y  venir  parce  qu'elle  n'exi.stait  plus,  mais  qui  alla 
pérorer  devant  les  administrateurs.  Arrivé  en  mars  1794,  peu  de  jours  avant  Casenave, 
il  se  trouva  mêlé  à  divers  incidents.  Le  surlendemain  de  son  équipée  à  la  tète  des 
sections  révoltées  contre  la  Convention,  en  septembre  suivant,  sa  maîtresse,  son  flls, 
son  domestique,  son  ordonnance  et  Brignon,  son  adjudant-major,  furent- an*êtés  àRoueu 
et  de  là  conduits  à  Paris.  Casenave  ayant  trouvé  dans  les  papiers  de  Danican  un  billet 
de  50  louis  d'or  soascrit  au  profit  de  celui-ci  pai*  Jean-Louis  Albitte,  fit  poursuivre  ce 
dernier,  t-omnie  lui  député  à  la  Convention. 


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-  144  .- 

Enfin,  le  7  avril,  un  citoyen  des  tribunes,  Christophe  Hermier, 
offre  de  marcher  à  la  défense  de  la  patrie  «  avec  les  membres  de  la 
Société  et  seulement  avec  eux. . .  »  La  Société  lui  accorde  unanime- 
ment les  honneurs  de  la  séance.  Très  judicieusement  — et  non  moins 
prudemment  —  le  citoyen  Poret  fait  observer  que  tous  les  citoyens 
inscrits  sur  le  registre  delà  garde  nationale,  étant  à  la  disposition  de 
la  guerre,  il  ne  leur  est  pas  permis  de  s'inscrire  pour  partir  sans 
ordre  !  Le  citoyen  Le  Contour  parle  dans  le  même  sens.  Hermier 
finit  par  s'apercevoir  que  sa  manifestation  n'a  pas  été  du  goût  de  tout 
le  monde,  il  «  cherche  à  expliquer  ses  intentions  »  et  la  Société  se 
débarrasse  de  cet  autre  fâcheux  en  arrêtant  que  son  nom  sera  ins- 
crit au  procès- verbal  «  en  très  grosses  lettres,  »  ce  qui  a  lieu  !  Après 
cela,  les  ennemis  de  la  France  n'ont  qu'à  bien  se  tenir. 

En  ces  jours-là,  Lemonnier,  membre  de  la  Société,  est  frappé 
d'une  peine  disciplinaire,  consistant  dans  l'interdiction  pendant  deux 
mois  de  prendre  la  parole,  pour  avoir  écrit  au  ministre  sans  autori- 
sation. Lemonnier,  mécontent,  s'insurge  et  rédige,  en  vue  de  l'éta- 
blissement d'une  autre  Société,  sous  le  titre  d'Amis  de  la  liberté  et 
de  V égalité,  un  projet  que  Godebin  lit  dans  la  séance  du  10  avril.  La 
Société,  dédaigneusement,  passe  à  l'ordre  du  jour,  et  après  avoir 
interpellé  Lemonnier,  qui  refuse  de  répondre,  elle  le  raye  du  tableau 
de  ses  membres.  Quelques  jours  après,  la  Société  reçoit  et  son  pré- 
sident lit  une  lettre  signée  :  Leclerc,  secrétaire  de  cette  soi-disant 
Société  des  Sans-Culottes  de  Rouen.  C'est  le  titre  qu'en  réalité  elle 
a  choisi.  La  lecture  de  cette  lettre  est  «  suspendue  par  l'impossibilité 
de  l'entendre  jusqu'au  bout  »(?) 


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-145^^ 


CHAPITRE  SEPTIEME 

La  Société  Populaire  (suite),  —  Les  troubles  de  la  GonTention.  —  La  question  des 
suppléants  —  La  citoyenne  Bouillon.  —  Profession  de  foi  sur  les  portes.  —  Lamine 
soustrait  une  lettre  de  Blutel  —  Blntel  dénoncé.  —  Un  discours  de  Saladin  — 
L'Adresse  du  25  Mai  —  Poret  censuré  —  Bignon  et  Haraneder  devant  la  Conven- 
tion. —  Compte-rendu  de  leur  mission.  —  Le  Fédéralisme  —  Roland,  Buiot  et 
PétiOB  à  Rouen.  —  Le  discours  d'Anquetin  et  Tarrété  du  département  (14  juin).  — 
ScissioB  avec  les  Jacobins  de  Paris.  —  Les  suites  du  Fédéralisme.  —  PochoUe  et 
Carrier.  —  Descroisilles  et  Bignon  détenus  et  Haraneder  récompensé.  —  Vraies 
causes  des  hésitations  f  édérdlistes  des  rouenoais,  d'après  Hébert  (lepère  Duchéne). 
—  Députés  eielns  et  arrêtés.  —  Les  suppléants. 

I 

L'Assemblée  conventionnelle  —  on  la  nomme  ainsi  parfois  — 
donne  au  monde  le  pitoyable  spectacle  de  débats  personnels,  irritants, 
et  oublie,  pour  de  misérables  récriminations  et  dans  le  déchaînement 
de  haines  mortelles,  les  grands  intérêts  de  la  France.  Si  Thouret  a 
des  loisirs,  il  songe  sûrement  à  modifier  celui  de  ses  rapprochements 
historiques  avec  la  révolution  actuelle  où  il  explique  que,  sous  la 
royauté,  le  gouvornement  des  français  fut  agité  sans  cesse  par  tant 
d'entreprises  et  de  disputes  au  sujet  de  Tautorité  publique,  pour 
n'iivoir  pas  été  établi  et  réglé  par  une  constitution  (1). 

La  Convention  précipite  les  résolutions  violentes  ;  ses  séances 
sont  remplies  par  les  ordres  d'arrestations  sensationnelles,  telles  que 
celles  des  Broglie,  du  duc  d'Orléans  et  de  ses  fils.  L'agitation  est 
entretenue  et  mise  à  son  comble  par  les  débats  du  tribunal  criminel 
extraordinaire,  la  défection  et  la  mise  hors  la  loi  do  Dumourier  (2)  le 

(1)  A  bhfgé  des  Révolutions  de  Vancien  Gouvei-nemeni  français,  par  Thouret,  pour 
l'instruction  de  de  son  fils,  p.  297. 

(2)  Séances  du  25  avril  1793.  —  Des  meml)ros  de  la  famille  Dumourier,  dont  le 
souvenir  étôH 4)rol)ablempnt  perdu  pour  les  rouennais  de  1793,  avaient  habité  Rouen, 
Neufchàtel-en-Bi*ay  et  Pont-Audemer.  François  Etienne  de  Fontenay  était  directeur  des 
aides,  à  Neufchâtel-en-Bray,  lorsquen  deuxièmes  noces,  en  mars  1738,  il  épousa  à 
Saint-Sulpice,  de  Paris,  Marie-Anne  du  Périer  du  Mourier,  tante  du  général  (Reg.  de 
VElal-Civil).  L'une  de^  filles  de  M.  de  Fontenay  épousa  le  général,  son  cousin  geimain, 
en  -1774.  Une  autre  tahto  du  général,  sœur  de  M"'  de  Fontenay,  devint,  en  premières 
noces,  inarfpiise  de  Saint-Auvent,  puis  épousa,  en  deuxièmes  noces,  Legris  de  la 
Poterie,  lieutenant-général  au  bailliage  de  Pont-Audenif  r,  ville  qu'elle  habita  de  1762  à 
1774  (Georges  Monval,  le  Laquais  de  Molière,  1887|,  Le  nom  de  famille  de  M.  de 
Fontenay  était  Etienne, 


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-  146  - 

discours  de  Robespierre  aux  Jacobins  proposant  de  lever  une  année 
révolutionnaire,  l'adresse  de  la  section  de  la  Halle-aux-Blés  deman- 
dant l'échafaud  pour  Roland,  le  colloque  exaspéré  de  Robespierre  et 
de  Pétion,  l'arrestation,  la  mise  en  accusation  et  Tacquittement 
triomphal  de  Marat,  la  courte  détention,  à  Rouen,  du  général 
Le  Veneur,  soupçonné  de  complicité  avec  Dumourier,  sa  comparution 
avec  son  aide  de  camp  Hoche,  devant  les  administrations  départe- 
mentale et  municipale,  la  réapparition  à  Paris,  parmi  les  meneurs 
de  cette  période,  de  Dufourny,  cette  vieille  connaissance  des  jacobins 
rouennais,  et  de  Maillard,  connu  non-seulement  à  Gournay  et  à 
Fleury-la-Forêt,  pays  de  ses  familles  paternelle  et  maternelle,  mais 
aussi  à  Rouen,  où  il  a  des  parents  parmi  les  révolutionnaires  et  les 
royalistes  (1),  contribuent  sans  doute  à  grandir  l'émotion  des 
gens  qui  suivent  de  près  les  événements.  La  pétition  des  sections 
parisiennes  (15  avril),  réclamant  l'exclusion  des  vingt-deux  députés, 
parmi  lesquels  Hardy  qui  fut  le  président,  le  préféré  de  la  Société 
populaire  de  Rouen,  dut  impressionner  au  plus  haut  point  les 
membres  de  cette  société. 

Nonobstant,  les  deux  partis  qui  existent  dans  la  Société  s'obser- 
vent et  gardent  longtemps  une  attitude  qui  ne  fait  guère  pressentir 
les  déchirements  furieux  et  les  scissions  irrémédiables  dont  les 
orages  politiques  des  31  mai  et  2  juin  seront  les  principales  causes . 

Dans  les  premiers  jours  d'avril,  les  procès-verbaux,  par  leur 
irrégularité,  témoignent  d'une  sorte  de  désarroi.  La  Société  a  sûre- 
ment été  avisée  et,  dans  tous  les  cas,  le  Journal  de  Rouen  lui  a 
appris,  le  4  avril,  que  le  Convention  n  a  été  qu'incomplètement 
rassurée  par  la  démarche  de  la  municipalité  de  Paris,  venue  lui 
annoncer  la  dissolution  d'un  Comité  de  salut  public  des  sections 
correspondant  avec  tous  les  départements,  création  dont  la  perâdie 
était  immédiatement  apparue.  En  effet,  l'Assemblée,  le  l^^nvril,  va, 
séance  tenante,  s  occuper  de  grandes  mesures  pour  assurer  la  tran- 
quilité  et  sauver,  si  c/le  le  peut,  la  chose  publique  (2). 

Le  4  avril,  surviennent  un  incident  et  une  résolution  d'une 

(1)  Les  parents  auxquels  il  (»st  fait  illusion  ici  ne  portaient  pag  le  nonn  d«»  Maillard. 
12)  Jownal  de  Rouen  du  4  avril. 


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gravité  exceptionnelle.  La  lecture  de  la  correspondance  de  la  Société 
est  interrompue  par  la  motion  de  proposer  aux  corps  administratifs 
de  former  à  Rouen  un  bataillon  pour  voler  au  secours  de  Paris  et 
partir  le  lendemain.  Ce  projet  est  suivi  d'un  aulre  plus  étendu  dans 
le  môme  sens.  Tous  les  deux  pourraient  bien  n'être  pas  spontanés 
autant  qu'ils  le  paraissent,  car  le  président  annonce  la  présence,  dans 
la  salle,  d'un  des  Amis  de  la  Liberté  et  de  r Egalité,  de  Paris,  lequel 
a  demandé  d'envoyer  deux  députés  h  la  Convention  pour  le  même 
sujet.  La  Société  envoie,  vers  la  commune  de  Rouen,  quatorze  com- 
missaireS;  dont  huit  des  tribunes,  lesquels  exposent  au  conseil  général 
les  dangers  immédiats  de  la  République,  et  l'invitent  à  s'environner 
à*un  corps  de  réserve  de  deux  cents  hommes  et  à  requérir  deux  batail- 
lons de  la  garde  nationale  pour  se  rendre  auprès  de  la  Convention  et 
la  garantir  des  ennemis  de  la  chose  publique.  A  son  tour,  la  Commune 
envoie  au  département  son  comité  de  la  police  intérieure  avec  les 
commissaires  de  la  Société  qui  expliquent  qu'il  s'agit  de  secourir  la 
Convention  menacée  par  un  général  rebelle  (1).  Les  deux  bataillons, 
à  offrir  par  une  adresse,  devront  être  prêts  à  partir  au  premier  ordre. 
La  Commune,  dans  son  adresse»  reçue  avec  applaudissements,  fait 
l'offre  non  pas  pour  secourir  la  Convention  et  Paris,  mais  «  pour 
repousser  du  territoire  français  l'invasion  de  nos  ennemis  »  (2). 

L'ordre  d'envoyer  les  bataillons  no  vint  pas  et  les  conventionnels 
se  disputaient  toujours  bruyamment. 

Le  13  avril,  un  membre  de  la  Société  de  Rouen  s'exclame  sur 
ce  que  Roland  demande  des  commissaires  pour  réviser  ses  comptes 
et  calomnie  encore  les  patriotes,  ainsi  que  le  font  les  Vergniaud  et 

(1  )  Reg.  di|  dépai**. 

(2)  C'est  évidemment  à  ces  démarches,  qui  ne  furent  pas  tenues  secrètes  (v.  Jour- 
nal de  Rouen  du  5  avril,  p.  472),  que  se  rapporte  une  enveloppe  avec  cette  suscription  : 
«  Aux  citoyens  députés  do  la  Soine-Inférieure  à  la  Convention  Nationale,  chez  le 
citoyen  Duval,  Fun  d'eux,  rue  Saint-Honoré,  cul-de-sac  Dauphine,  à  Paris  » ,  revenue  à 
Uouen  avec  ces  mentions  prises  pour  sa  décharge  par  le  courrier  extraordinaire  :  «  Le 
courrier  est  parti  (de  Rouen  à  \\  heures  du  soir.  —  Hocu  à  8  h.  du  matin.  Signé  :  Duval. 
-  J'ai  reçu  auj(  U'^d'hui  Jeux  lettres  adressées  au  président  de  la  Convention  nationale, 
qiii  m'onl  été  remises  par  le  citoyen  Paul  î^npruille,  courrier,  venant  de  Rouen.  Paris, 
lo  5  avril.  Signé  :  BcrUiolk\t,  hui.^sier  de  la  Conv.?ntion  Nationale  »  (Arch.  nipales). 
Vadressc,  précédée  d'une  lettre  du  département  fut  lue  dans  la  séance  de  la  Convention 
du  5,  à  10  h.  du  matin,  {Journal  iio  Rouen  du  10  avril), 


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autres.  Ce  membre  dénonce  le  Mercure  universel.  Un  autre  veut 
l'ordre  du  jour  sui*  cette  dénonciation,  parce  que,  dit-il,  on  doit 
«  désirer  que  les  journaux  nous  donnent  les  plus  grands  détails  sur 
Roland  ;  nous  ne  pouvons  fixer  notre  opinion  sur  son  compte  jusqu'à 
ce  qu'il  ait  été  jugé,  et  sur  Vergniaud  et  autres  parce  que,  dans  les 
discussions  qui  occupent  la  Convention,  il  est  impossible  que  des 
agitations  n'aient  lieu,  vu  la  grandeur  des  intérêts  qui  lui  sontconfiés.  » 

Sur  ce  point  précisément,  les  membres  de  la  Société  populaire 
sont  partagés.  Tandis  que  les  uns  s'affligent  des  débats  scandaleux  de 
la  Convention  et  souhaitent  qu'elle  cesse  les  dénonciations  indivi- 
duelles pour  s'occuper  de  la  chose  publique,  les  autres,  les  Monta- 
gnards, croient  qu'il  est  nécessaire  qu'elle  entende  les  accusations 
réciproques  afin  de  connaître  les  vrais  coupables  «  puisque,  dans  ce 
moment  de  crise,  nos  ennemis  peuvent  payer  des  traîtres  jusque 
parmi  nos  représentants.  »  On  émet  même  le  projet  d'un  scrutin 
épuratoire  des  députés,  écho  d'un  semblable  émis  à  Paris  pour 
purger  la  Convention.  Des  formalistes  voudraient  que  les  dénoncia- 
tions échangées  par  les  députés  fussent  signées.  Et  alors  quelqu'un 
demande  l'ordre  du  jour  motivé  «  sur  les  passions  des  hommes,  sur 
les  intérêts  qui  les  inspirent,  et  sur  ce  que  probablement  la  fin  de 
cette  grande  agitation  aura  lieu  avec  la  reconnaissance  des  coupables 
de  la  trahison  qui  a  manqué  de  nous  perdre.  »  Il  est  voté,  malgré  de 
nouvelles  observations  de  Bignon  à  lappui  de  l'Adresse  projetée. 

Vers  ce  temps-là,  une  idée  juste,  peut-être  déjà  mise  en  avant 
ailleurs,  mais  qui  ne  parait  avoir  guère  préoccupé  la  Convention,  est 
discutée  dans  la  Société  populaire. 

Rouen  avait  reçu  en  premier  lieu  la  visite  d'Albitte  l'aîné, 
chargé  d'une  mission  par  la  Législative,  et  qui  en  profita  pour 
préparer  sa  réélection;  puis  celle  de  Lidon,  Tellier  et  Lefebvre, 
envoyés  par  la  Convention,  le  11  novembre,  dans  cinq  départements. 
PochoUe  et  Saladin,  arrivés  le  15  mars,  faisaient  partie  des  quatre- 
vingt-deux  représentants  nomrhés  le  9  mars  commissaires  p#ur  le 
recrutement,  et  qui  s'occuperont  d'une  foule  d'autres  choses.  Faure, 
Blutel,  Hardy  et  Yger,  dont  l'appel  nominal  sur  Marat  constate 
l'absence  aux  13  et  14  avril,  faisaient  peut-être  partie  aussi  de  ces 


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quatre-vingt-deux.  (1)  Mariette  et  Duval  étaient  partis  en  mission 
dans  rOrne. 

Emue  à  la  vue  des  couples  et  des  trios  de  représentants  qui 
voyagaient  et  séjournaient  loin  de  l'Assemblée  où  ils  devaient  siéger 
et  où,  sans  eux,  on  délibérait  sur  les  intérêts  nationaux;  privés  ainsi 
de  ceux  de  ses  députés  auxquels  elle  tenait  le  plus,  la  Société 
populaire  s'en  alarma  et  voulut  protester. 

Le  14  avril,  un  de  ses  membres  propose  que  dans  l'adresse  qu'on  * 
a  décidé  d'envoyer  à  la  Convention,  pour  l'inviter  à  se  calmer,  il  soit 
dit  que  les  suppléants  remplaceront  les  députés  partis  en  mission  ; 
mais  le  débat  se  trouva  déplacé  et  Tordre  du  jour  voté  I 

Le  lendemain,  Lefebvre,  appuyé  par  Lenormand,  fit  rouvrir  la 
discussion.  Haraneder,  un  nouveau  venu  dans  la  Société,  fit  observer 
que  la  mesure  de  l'appel  des  suppléants  était  indispensable  au  salut 
public.  Gamare,  accidentellement  pris  de  scrupule,  prétendit  que 
les  Sociétés  populaires  n'avaient  pas  le  droit  de  faire  une  pareille 
adresse,  qui  attenterait  à  la  souveraineté  du  peuple.  Bignon,  le 
jeune,  répliqua  qu'elles  avaient  le  droit  de  faire  des  adresses  ayant 
pour  but  le  salut  public. 

Bignon,  l'alné,  diffère  des  préopinants  sur  le  fond  :  L'équilibre 
de  la  représentation  nationale  se  trouvait  rompu,  les  députés  en 
mission  se  trouvant  dès  lors  considérés  comme  n'étant  plus  députés, 
et,  néanmoins,  correspondant  avec  la  Convention,  et  prenant  des 
mesures  en  son  nom,  d'où  la  représentation  se  trouvait  augmentée  I 
Lefebvre  et  Bignon  le  jeune  détruisent  cette  objection,  on  ne  dit  pas 
comment.  Gamare  reparaît  pour  exprimer  l'opinion,  peu  flatteuse 
pour  les  suppléants,  que  ceux-ci  seraient  incapables  de  suivre  les 
opérations  de  la  Convention.  Godebin  s'élève  à  son  tour  contre  l'en- 
voi des  suppléants  et  produit  un  argument  nouveau  :  plus  on  enverra 
de  députés,  plus  on  aura  de  frais  I 

Le  président  (Cartier)  met  aux  voix  et  il  est  décidé  qu'on  de- 
mandera le  remplacement  des  députés  en  moins  par  les  suppléants. 
Le  16  avril,  un  membre  de  la  Société,  peut-être  de  bonne  foi,  avance 

(1)  Aucun  d'eux  ne  figure  dans  la  liste  de  quarante-un  de  ces  députés  que  M.  Au- 
l4ud  est  parvenu  à  reconstituer  [La  grande  mission  du  9  mars  ilQS)^  La  Révolution 
frcmçaise,  1889,  p.  139  et  suivftntes). 


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que  la  Convention  a  rappelé  les  députés  en  mission  et  que  l'adresse 
est  devenue  inutile.  La  Société  arrête  qu'elle  n'aura  pas  lieu.  Cepen- 
dant, il  lui  parvient  le  25  avril  un  exemplaire  de  l'Adresse  de  la 
Société  d'Aix,  tendant  à  l'appel  des  suppléants,  un  membre  s'en 
prévaut  pour  faire  remarquer  que  le  grand  nombre  des  députés 
commissaires  aux  arjnées  et  dans  les  départements  affaiblit  la  Con- 
vention. Les  objections  antérieures  se  reproduisent  et  l'ordre  du 
jour  clôt  le  débat. 

Parce  qu'elles  aident  à  se  rendre  compte  de  l'état  des  esprits,  il 
faut  en  passant  mentionner  les  suites  inattendues  données  par  la 
Société  à  l'un  des  décrets  relatifs  aux  visites  domiciliaires,  à  la 
recherche  des  suspects.  A  la  suite  d'une  motion  originalement 
motivée,  faite  aux  Jacobins  de  Paris  par  le  citoyen  Dufourny  qui, 
on  s'en  souvient,  a  séjourné  à  Rouen  en  septembre  1792,  la  Conven- 
tion a  ordonné,  le  29  mars,  qua  l'extérieur  des  habitations,  seront 
aflSchés  les  noms,  prénoms,  surnoms,  âge  et  profession  des  individus 
y  résidant  actuellement  et  habituellcmemt. 

La  Commune  de  Rouen,  le  l*"^  avril,  pour  l'exécution  de  ce  décret, 
prend  un  arrêté  dont  elle  envoie  un  exemplaire  à  la  Société.  (1) 
L'une  des  personnes  signalées  pour  leur  empressement  à  se  mettre 
en  règle  dans  cette  circonstance  est  «  la  veuvedu  citoyen  Bouillon  »{2) 
au  sujet  de  laquelle  le  Comité  de  surveillance  écrit  à  la  Société,  le 
14  avril,  que  cette  citoyenne  qui  s'est  toujours  comportée  patrioti- 
quement,  s'est  conformée  à  la  loi  en  mettant  sur  l'aflBche  apposée  à 
sa  porte  les  noms  de  dix  domestiques  mâles,  six  femelles,  et  cinq 
enfants  de  ces  domestiques  à  son  service  I 

Aux  yeux  de  certains  révolutionnaires,  cela  ne  suffit  pas.  Le 
19  mai,  Robert  propose  une  adresse  au  peuple  pour  l'engager  à 
afficher  sur  ses  portes  sa  profession  de  foi,  dont  il  offre  le  modèle. 
Par  amendement,  Descroisilles  veut  que  l'inscription  soit  précéd^^e 
de  ces  mots  :  Haine  aux  vois  !  Godebin  et  Robert  sont  chargés 


.(1)  Le  Joutmal  de  Rouen  publie  cet  arrêté  le  4  avril. 

(2)  Née  de  Banastre.  L'histoire  de  la  duchesse  de  Bouillon  et  de  la  famille  de 
Banastre  pendant  la  Révolution  est  des  nioins  connues.  Elle  est  des  plus  curieuses.  On 
sait  que  Madame  de  Bouillon  était  la  sœur. .  •  utérine  de  M.  de  Bréauté,  lequel  figure 
dans  la  Galerie  Dieppoise  de  M«  l'abbé  Cochet. 


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d'obtenir  du  département  et  de  la  municipalité  leur  agrément  et  un 
arrêté  conforme.  Robert  semble  s'être  ravisé,  car  le  lendemain  il 
exprime  la  crainte  que  cette  proposition  n'éprouve  un  «  frais 
accueil  >)  de  la  Commune.  Le  Contour,  procureur  de  la  Commune,  ne 
comprend  pas  que  le  frère  Robert  ait  une  telle  méfiance  sur  le 
compte  du  Conseil  général.  Bref,  le  26,  on  invite  tous  les  membres 
de  la  Société  à  apposer  ostensiblement  sur  leurs  habitations  l'ins- 
cription dont  voici  le  texte  définitif  :  «  Haine  aux  rois  et  aux 
tyrans,  —  République  française,  une  et  indivisible,  —  Convention 
nationale.  Liberté,  égalité  ou  la  mort ...»  Il  est  peu  probable  que 
les  autorités  constituées  aient  pris  au  sérieux  un  tel  projet,  digne 
pendant  de  la  motion  facétieuse  sortie  naguère  du  cerveau  trop 
fertile  en  saillies  de  Thiessé,  et  qui  tendait  à  propager  les  principes 
de  1%  Constitution  chez  les  peuples  étrangers,  au  moyen  d'imprimés 
renfermés  dans  des  ballons  à  pendules  ! 

Ces  intermèdes  ne  parviennent  pas  à  dissimuler  complètement 
l'anxiété  qui  s'est  emparée  de  la  Société  et  que  justifient  et  aggravent 
chaque  jour  les  entreprises  anarchiques  des  sections  et  de  la  Com- 
mune de  Paris.  Et  pourtant  la  circonspection  des  procès-verbaux, 
image  fidèle  sans  doute  de  celle  des  membres  de  la  Société,  est  telle 
que  durant  près  d'un  mois  c'est  à  peine  si  l'on  remarque  un  incident 
.  précurseur  des  dissensions  dont  l'éclat  est  si  proche.  En  voici  un 
pourtant. 

Le  18  avril,  Néel  préside  depuis  le  10  :  un  membre  demande 
qu'xme  lettre  écrite  par  le  citoyen  Blutel,  soustraite  ou  perdue,  soit 
remise  à  la  Société  pour  être  lue  en  séance  publique.  Il  veut  que 
celui  qui  l'a  reçue  soit  interpellé  de  révéler  ce  qu'il  en  a  fait  et  qu'à 
l'avenir  les  lettres  écrites  à  la  Société  ne  soient  délivrées  qu'au 
président,  en  séance.  Un  ami  de  Blutel,  Mabire,  dit  que  si  la  lettre 
ne  se  retrouve  pas,  il  lira  une  lettre  particulière  par  lui  reçue  du 
même.  On  décide  que  le  président  écrira  à  Lamine  —  auteur  du  lar- 
cin —  pour  savoir  ce  qu'il  a  fait  de  cette  lettre,  qu'il  avait  en  ses 
mains. 

Le  20,  «  lecture  de  la  lettre  de  Blutel  en  séance  publique,  »  et 
le  21,  d'une  autre  lettre  des  représentants  Blutel  et  Mariette.  Après 


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discussion,  rassemblée  ne  statue  rien  sur  le  contenu  de  ces  missives  ; 
elle  ajourne  même  la  lecture  d'une  autre  lettre  de  ces  deux  députés, 
qu'un   membre  voulait  lire.  Enfin  le  22,   Mabire   lit  une  lettre 
justificatwe  de  Blutel,  qui  exhorte  la  Société  à  ne  pas  se  donner  des 
maîtres  dans  plusieurs  d^  ses  membres.  Il  demande  à  la  déposer  sur 
le  bureau  pour  que  la  discussion  soit  ouverte.  Un  membre  voudmit 
qu'on  répondit  à  Blutel  que  sa  lettre  a  été  lue,  que  la  Société  a 
toujours  confiance  en  lui  et  que  la  plus  grande  union  existe  dans  lu 
Société.  —  Mabire  annonce  ensuite  que  Blutel  a  été  —  dit-on  — 
dénoncé  au  comité  de  surveillance  par  un  membre  de  la  Société. 
L'ordre  du  jour  est  voté  sur  la  soustraction  de  la  lettre  de  Blutel, 
cette  lettre  ayant  été  restituée,  et  le  président  féru  à  c^ui-ci  une 
réponse,  approuvée  le  23.  —  Se  croyant  quitte,  Blutel,  dans  una 
autre  lettre  du  3  mai,  écrit  qu'il  sera  toujours  un  défeaseur  du 
peuple  et  de  la  liberté. 

Du  contenu  de  sa  lettre,  évidemment  incriminé,  il  n'est  à  ce 
moment  rien  révélé.  C'est  seulement  dans  les  derniers  procès- verbaux, 
vers  la  fin  de  l'existence  de  la  Société  populaire,  qu'on  en  apprend 
quelque  chose.  De  quoi  s'agissait-il  donc  ?  D'une  démaroke  réelle- 
ment fort  grave,  surtout  au  jugement  de  Lamine  et  des  amis  de  ce 
dernier  :  Blutel,  et  Mariette  comme  lui,  demandaient  qu'on  envoyât 
des  bataillons  au  secours  de  Paris  !  C'est  pour  cela  qu'un  peu  plus 
tard,  en  juillet,  ils  furent  expulsés  de  la  Société. 

Cependant,  une  notable  partie  de  la  Société  populaire  était 
portée  à  suivre  l'exemple  d'autres  Sociétés  qui  invitaient  publique- 
ment la  Convention  à  mettre  fin  à  ses  dissensions.  On  avait  lu  l'adresse 
véhémente  de  la  Société  de  Caudebec,  du  22  avril  (1),  vraisembla- 
blement inspirée  par  Delahaye,  représentant  du  peuple,  et  celles 
d'Aix  et  de  Bordeaux. 

Les  Bordelais,  qui  s'attaquaient  aux  anarchistes  et  aux  agitateurs, 
aux  nouveaux  Catilina,  avaient  été  fort  applaudis,  et  leur  adresse 
rappelait  le  civisme  de  leur  ville  «  si  célèbre  dans  la  Révolution,  » 
dit  le  procès-verbal,  rédigé  par  Prudhomme,"  le  professeur  d'hydro- 
graphie, venu  de  Bordeaux  s'établir  à  Rouen. 

(4)  Jowmal  de  Rouen  du  25  avril. 


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Le  3  mai,  à  l'occasioa  d'une  lettre  de  la  Société  de  Ganges 
^HéraoU),  invitant  les  Sociétés  à  demander  ime  constitution,  un 
roueimais  demande  qu'on  y  adhère;  la  division  qui  existe  dans  la 
CooT^ition,  dît-il,  est  imitée  dans  tous  les  corps  administratifs  et 
émas  les  Sociétés  populaii^es.  A  l'instant  même,  et  comme  si  Ton 
voQlatt  prouver  Texaotitude  de  cette  aflRrmation,  des  bruits  se  pro- 
duisent dans  la  salle,  le  président  (Néel),  fait  remarquer  qa'àia  porte 
et  dans  les  tribunes  il  se  trouve  des  agitateurs  qui  veulent  refeter 
sur  la  Société  tous  les  malheurs  qui  ont  lieu  dans  le  département. 

Il  a  dû. être  alors  question  de  porter  une  adresse  à  la  Convention. 
Bîgnon  l'alné  a  obtenu,  le  6  mai,  un  diplôme  pour  trois  mois, 
symptôme  d^un  départ  prochain  qu'un  apaisement  relatif  a  dû  faire 

Le  député  Saladin,  revenu  à  Rouen,  prononce  à  la  Société 
populaire,  le  9  mai,  un  «  très  long  et  très  éloquent  discours,  »  vive- 
ment applaudi,  et  auquel  répond  le  président  (Caudron).  Si  Saladin 
a  parlé  du  recrutement,  il  n'a  pu  s'abstenir  de  plaindre  ses  collègues 
ddJa  Convention  de  no  pouvoir  plus  longtemps  faire  trêve  à  leurs 
dissentionents,  lui  qui  réprouve  le  maratisme  assez  pour  être  empri- 
sonné après  le  3  octobre. 

La  séance  si  tumultueuse  delà  Convention,  du  16  mai, à  propos 
delà  mise  en  liberté  du  juge  de  paix  Roux,  a  impressionné  les 
ronenns^.  Chacun,  à  l'Assemblée  nationale,  fait  ce  qu'il  peut  pour 
amener  le  trouble.  On  y  propose  d'envoyer  les  turbulents  à  l'Abbaye. 
Nous  irons  tous,  s'écrie  la  Montagne,  mais  vous  ne  nous  empêcherez 
pa»âe  penser  que  vous  favorisez  les  contre-révolutionnaires.  L'agi- 
tmtion  reprend  de  plus  belle,  et  aussitôt  un  représentant  propose 
d'envoyer  le  procès- verbal  de  la  séance  aux  départements,  sans  doute 
pour  les  édifier.  Le  tapage  redouble.  Tout  le  monde  crie,  personne 
n'e&tmtend«i.  «  Ils  veulent  un  roi,  dit  Marat,  voilà  ce  qui  les  tour- 
mente et  leur  fait  violer  tous  les  principes,  »  les  principes  de  Marat  t 
Le  Journal  de  Rouen  se  lamente  en  rapportant  ces  incidents  : 
«  Rien  de  plus  orageux,  de  plus  déchirant  que  cette  séance,  où  le 
trouble  règne  encore  en  ce  moment.  »  (1) 

(i)  Numéro  4u  samedi  18  mai,  pp.  673  et  674. 


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—  f54  — 

C'est  quelques  jours  après  que  le  parti  modéré  de  la  Société  a 
pris  la  résolution  définitive  d'une  adresse  à  la  Convention.  Il  s'est  cru 
suffisamment  autorisé  par  les  événements  pour  n'avoir  pas  à  consulter 
tous  les  membres  de  la  Société  et  il  a  mis  son  projet  à  exécution 
avec  tant  de  discrétion  que  non  seulement  les  procès-verbaux  n'en 
disent  rien,  mais  des  membres  —  ceux  dont  on  s'est  méfié  —  ont 
connàîséU^eide  l'adresse  seulement  à  l'heure  où  elle  est  communiquée 
J^TMiti}^  bt  aux  autorités  constituées. 

X  Le  Journal  de  Noël,  comrre  la  majorité,  modérée  à  cette  date, 
de  la  Société  populaire,  tournait  franchement  à  la  Gironde.  Le  samedi 
25  mai,  il  annonce  un  Projet  d'adresse  à  la  Convention  nationale 
que  les  citoyens  de  Rouen  sont  invités  d'aller  signer  dans  la  salle 
d'assemblée  des  Amis  de  la  liberté  et  de  V  égalité,  enclos  des  ci-devant 
Carmes,  jusqu'au  lendemain  dimanche  au  soir.  Ce  prgjet,  dont  le 
journal  ne  présente  que  des  fragments,  est,  dit-il,  le  fruit  d'un  patrio- 
tisme pur,  pénétré  d'une  juste  indignation  contre  l'ii^fluence  tribu- 
nitienne  qui  opprimas  la  Convention.  Il  s'attaque  «  à  ces  individus 
d'un  jour,  publicistes  par  famine,  anarchistes  par  besoin,  assassins 
par  tempérament,  et  veut  refouler  dans  le  néant  ces  enfants  de  la 
médiocrité,  et  combattre  le  despotime  sous  quelque  forme 
qu'il  se  produise,  se  parât-il  des  couleurs  tricolores.  »  On  y  lit 
ces  paroles  remarquables  :  «  Il  faut  enfin  que  la  dignité  nationale  soit 
réhabilitée  ;  il  faut  que  les  lois  régnent  en  souveraines  ;  que  le  bri- 
gandage descende  dans  les  cavernes  ou  monte  sur  les  échafauds  ;  il 
est  temps  que  le  glaive  des  lois  apprenne  aux  prédicants  du  meurtre 
et  du  carnage  que  ce  n'est  point  par  le  crime  que  les  républicains 
préparent  le  règne  de  la  vertu  ».  L'adresse  se  termine  par  ces  mots 
non  moins  dignes  d'éloges  :  «  Nous  jurons  de  faire  respecter  la  liberté 
de  la  Convention  nationale  dans  son  intégrité  sans  souflErir  que  nulle 
atteinte  soit  portée  à  la  sûreté  des  personnes  et  des  opinions  de  tous 
et  de  chacun  de  nos  députés  ;  il  n'est  point  pour  nous  de  partis,  de 
fractions,  de  côtés,  l'Assemblée  doit  être  une  indivisible  comme  la 
république.  (1) 

(1)  Journal  de  Rouen  du  26  mai,  p.  714,  2»  col.   Une  variante  de  cette  phrase 
soulignée  se  retrouvera  vingt  jours  après  dans  le  discours  d'Ànquetin,  procureur-géné- 


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—  155  — 

Cotte  adresse  fut  déposée,  pour  être  signée,  au  local  de  lasociété, 
aux  Carmes,  les  dimanche  26  et  lundi  27  mai,  jusqu'à  une  heure  de 
l'après-midi,  et  ensuite  dans  Tun  des  bureaux  de  la  Bourse,  ce  der- 
nier jour  jusqu'à  trois  heures. 

La  Société  populaire  en  avait  fait  remettre  dès  le  25  mai,  au 
département,  des  exemplaires  par  deux  de  ses  membres.  L'un  de 
ceux-ci  l'avait  lue. . .  Le  département,  dans  sa  séance  du  lundi  27,  à 
six  heures  du  soir  (1),  entend  une  nouvelle  lecture  de  l'Adresse, 
puis,  ((  joignant  son  vœu  comme  citoyen  (s/c)  àcelui  des  signataires,  » 
il  arrête  que  l'Assemblée  conventionnelle  qui  peut  seule  juger  et 
mesurer  ses  périls,  est  invitée  à  requérir  du  département  ce  qu'il 
peut  faire  pour  l'en  préserver,  qu'elle  est  en  droit  de  tout  attendre  de 
lui  contre  des  gens  qui  paraissent  tout  oser  contre  elle. . .  et  qu'à 
peine  elle  lui  aura  désigné  les  coupables,  il  lui  en  aura  été  fait  la 
plus  prompte  et  la  plus  éclatante  justice.  Le  district  parait  n'avoir 
connu  que  le  28,  l'adresse  à  laquelle  il  donna  aussi  adhésion  ((  comme 
citoyen,  »  déclarant  partager  les  vœux  des  pétitionnaires,  et  que  la 
Convention  trouvera  dans  tous  les  membres  du  conseil  des  défen- 
seurs prêts  à  verser  leur  sang  pour  la  défense  et  le  maintien  de  la 
représentation  nationale.  (2) 

L'adresse,  dont  le  Journal  de  Rouen  avait  publié  des  extraits  le 
25,  déplut  aux  Montagnards  de  la  Société  populaire.  Dans  la  séance 
du  26,  Poret  prend  à  brûle-pourpoint  la  parole  et  en  combat  les  prin- 
cipes. Il  ajoute  qu'elle  «  a  été  fabriquée  au  sein  des  ténèbres.  » 
Plusieurs  membres  réclament  que  Poret  soit  rappelé  à  l'ordre.  En 
vain,  le  président  (Caudron),  l'invite  à  parler  de  la  Société  avec  plus 
de  respect;  il  persiste  dans  ses  déclamations.  Le  président  déclare 
qu'il  le  censure  et  que  son  nom  sera  inscrit  au  procès- verbal. 

rai  syndic,  dont  elle  sera  pour  ainsi  dire  la  base  :  je  n'adopte  point  de  parti  ;  je  ne 
sui^  ni  Plaine^  ni  Montagne,  ni  Vergfiiaud,  ni  Danton,  ni  Guadet,  ni  BobespietTe,  ni 
Brisiot,  ni  Marat,  je  suis  citoyen  et  n'aime  que  le  bien  de  ma  patrie. 

(4).  Présents  :  de  Fontenay,  président  ;  Bouvet,  Belhoste,  Grandin,  Basire, 
Choin,  membres  du  directoire  ;  Godefroy,  Auber,  Rigoult,  Blanche,  Albitte  de  Quiè\Te- 
court,  Leblond  et  Lambert,  membreip  du  Conseil  général  ;  et  Anquetin,  procureur- 
général-3yndic. 

(2)  Présents  :  Bademer,  président;  Cabissol,  Deschamps,  Dumesnil,  Bellamy, 
Caudron,  Vincent»  Thomas,  proc.  s.,  et  Milcent,  secrétaire. 


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-  156  - 

Immédiatement  après,  Haraneder  lit  l'adresse,  puis  la  Société 
décide  que  toute  discussion  est  fermée.  Elle  ne  semble  accorder 
qu'une  bien  faible  attention  à  la  demande  insidieuse  de  Thierry, 
qui  veut  proposer  une  adresse  additionnelle  le  jeudi  suivant  —  jour 
où  il  n'en  sera  point  question. 

Dans  des  conciliabules  dont  l'existence  est  révélée  par  leurs 
résultats,  il  a  été  arrêté  que  l'adresse  serait  portée  à  la  Convention 
par  Bignon  et  Haraneder,  commissaires  désignés  par  la  Société 
populaire  (1).  Ceux-ci  n'ont  pas  dû  partir  le  lundi  27.  Leur  voyago 
fut  vraisemblablement  retardé  par  celui  des  représentants  du  peuple, 
Ruault  et  Blutel,  venus  le  29  conférer  avec  le  département,  dans  sa 
séance  du  matin  (2),  sur  les  dangers  de  la  patrie  à  raison  des  troubles 
qui  agitent  la  Convention,  ensuite  de  quoi  le  Conseil  général  arrête 
qu'il  sera  fait  une  réquisition  générale  aux  gardes  nationales  de  la 
Seine-Inférieure,  pour  les  inviter  à  se  tenir  prêtes  à  partir  au  pre- 
mier ordre  pour  aller  au  secours  de  la  garde  nationale  do  Paris  et 
de  la  Convention,  s'il  en  est  besoin.  (3) 

Nos  députés,  on  le  voit,  s'engagent  dans  la  lutte  ;  ils  ont  môme 
Tespoir  de  faire  jouer  à  l'un  de  leurs  collègues  un  rôle  infiniment 
plus  actif.  «  On  procède  en  ce  moment  à  l'élection  d'un  commandant 
de  la  garde  nationale  de  Paris.  Beaucoup  de  citoyens  veulent  que  cet 
homme  public  soit  pris  dans  le  sein  de  la  Convention,  et  la  section  du 
Panthéon  a  déjà  donné  ses  voix  au  citoyen  Vincent,  député  de  la 
Seine-Inférieure,  ancien  chasseur  et  ancien  gendarme,  dont  la  bra- 
voure égale  l'humanité  et  dont  les  principes  attestent  l'honneur.  (4) 

Ruault  et  Blutel  restèrent  fort  peu  de  temps  à  Rouen  et  purent 
regagner  Paris  en  môme  temps  que  Bignon  et  Haraneder  (5). 

(1)  Dans  sa  notice  biographique  sur  Nicolcu  Bigtwn^  M.  de  la  Quérière  dit  que 
celui-ci  fut  député  à  Paris  par  la  commune  de  Rouen  pour  éclairer  la  Convention  sur 
les  sentiments  de  la  population  de  Rouen.  Bignon  tenait  sa  mission  de  la  Société 
populaire. 

(2)  Présents  :  les  mêmes  que  le  28. 

(3)  Reg.  du  dépt. 

(4)  Journal  de  Rouen  du  28  mai,  p.  722.  —  Dans  la  séance  de  la  commune  de 
Paris  du  30  mai, le  vice-président  proclame,  au  nom  des  48  sections,  Henriot,  comman- 
dant de  la  section  des  Sans-Culottes,  en  qualité  de  commandant  général  provisoire  de 
la  force  armée  de  Paris. 

(5)  A  moins  que  le  déplacement  de  Ruault  et  Blutel  ait  été  amené  par  l'arrivée  à 
Paris  de  Bignon  et  Haraneder. 


] 


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—  157  — 

C'est  dans  la  séance,  si  mouvementée  déjà,  du  jeudi  30  que  les 
députés  extraordinaires  de  Rouen  paraissent  à  la  barre  de  la  Conven- 
tion, présentant  l'adresse,  approuvée  par  le  département  et  le  dis- 
trict. En  les  voyant,  Marat,  perspicace,  leur  fait  Thonneur  de  s'écrier 
que  ce  sont  deux  aristocrates.  L'un  des  deux  commissaires,  vraisem- 
blablement Bignon,  commence  la  lecture  de  ladrcsse.  «  La  première 
phrase  est  accueillie  par  des  murmures  de  plusieurs  membres,  mais 
le  style  énergique  dans  lequel  elle  est  conçue,  les  vérités  sévères 
qu'elle  contient,  rallient  autour  de  ses  motifs  la  majorité  de  l'Assem- 
blée. Quand  l'orateur  est  venu  à  cette  phrase  :  Il  faut  que  la  dignité 
nationale  soit  réhabilitée,  que  les  lois  etc.,  etc.,  les  plus  vifs  applau- 
dissements se  sont  fait  entendre.  Une  partie  de  l'Assemblée  demande 
l'insertion  au  bulletin  ;  mais  l'appel  nominal  ayant  été  obtenu,  l'im- 
pression de  l'adresse  passe  à  la  pluralité.  » 

On  ne  retrouve  pas,  dans  ce  que  Bignon  lut  à  la  Convention, 
l'apostrophe  virulente  du  projet,  dirigée  contre  «  les  publicistes  par 
famine  d  supprimée  peut-être  d'après  les  conseils  des  administra- 
teurs ;  mais  on  y  voit  ces  expressions  indignées  et  hardies  de 
«  républicains  qui  ont  juré  haine  aux  Rois,  à  tous  les  tyrans,  à  tous 
»  les  genres  de  despolisme  :  «Quoi  donc,  la  représentation  natio- 
»  nale,  la  plus  sacrée  que  le  peuple  puisse  former,  délibère  des 
»  destinées  du  genre  humain,  au  milieu  des  vociférations  cannibales 
»  des  sanguinaires  agents  de  Pitt  et  de  Cobourg  !  Elle  délibère  au 
»  nom  de  vingt-cinq  millions  d'hommes  et  n'a  pas  le  pouvoir  de 
»  comprimer  les  mouvements  séditieux  d'un  vil  ramas  de  contre- 
»  révolutionnaires  qui  osent  l'insulter,  jusque  dans  son  enceinte  ! 
»  0  honte  d'une  grande  nation  !  La  plus  petite  fraction  d'une 
»  commune  sait  se  faire  respecter  et  obéir,  et  la  plus  auguste,  la  plus 
»  imposante  de  toutes  les  autorités  légitimes  n'a  pas  de  force  sufïi- 
»  santé  pour  maintenir  la  police  de  ses  assemblées  ! . . .  ))(1) 

Grâce,  sans  cloute,  h  ces  modifications  du  texte  primitif, 
l'adresse  avait  réuni  555  noms,  appartenant  un  pou  à  tous  les  partis. 

(1)  Moniteur  du  samedi  1"  juin,  p.  659,  3^  col.  —  Journal  de  Roueti  du. 2  juin,  p.  739. 
Ce  n»  du  2  juin  manque  à  la  collection  de  l«  hibliotb.  mfHile. 


y 


V      X 

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—  158  — 

C'est  ainsi  que  figurent  parmi  les  signataires  :  Caudron,  Laugeux. 
F.-A.-H.  Descroizilles,  Dnval,  O.  Leclerc,  J.-B.  Logendre,  Adeline 
fils  aîné,  Mabire,  Bérard,  Pernuit,  Rosticelly,  E.-M.-R.  Selot, 
Delamare,  Meslin,  Prud'homme,  Porlier,  Gamaro,  Poisson,  Payen- 
neville,  Mariolle,  Boisard,  Haraneder.  L.  Hubert,  A.  Denys, 
LacUenez-Heude,  Cartier,  Delalande,  Angerville,  Dumesnil,  Dcla- 
quérière  fils,  Pierre  Grout,  Troussey,  Le  Canu,  Mabon,  Adeline, 
Rupalley,  etc.  (1). 

Les  deux  envoyés  de  la  Société  populaire  séjournèrent  à  Paris 
jusqu'au  3  juin,  c'est-à-dire  pendant  les  événements  décisifs  qui 
précédèrent  les  31  mai  et  2  juin,  et  aussi  lors  de  ce  qui  se  passa  dans 
dans  la  Convention  à  ces  dates  :  la  fermeture  des  barrières  de  la 
capitale,  la  saisie  des  lettres,  l'arrestation  des  courriers,  l'adhésion 
des  Jacobins  aux  actes  des  sections,  la  «  cassation  »  du  Comité  des 
douze,  le  tocsin,  le  canon  d'alarme,  les  séances  improvisées  et 
dramatiques  de  la  Convention  convoquée  à  des  heures  insolites  par 
la  générale  battue  on  ne  savait  par  quel  ordre,  enfin  l'envahisse- 
ment de  la  Convention,  sa  capitulation  devant  les  sections,  le 
décret  d'arrestation  contre  vingt-neuf  conventionnels,  et  tant 
d'autres  faits  qui  durent  impressionner  au  plus  haut  point  Bignon 
et  Haraneder. 

Dans  la  séance  de  la  Société  du  2  juin,  la  lecture  de  leur  lettre, 
apportant  un  récit  peut-être  plus  circonstancié  que  celui  des  feuilles 
publiques,  allait  être  suivie  de  celle  du  ./oa/'/ia/  de  Noël  \ovsqu  un 
membre  s'y  opposa  en  demandant  qu'elle  ne  commençât  qu'à  partir 
de  l'époque  où  avait  fini  le  Républicain.  D'autres  voulaient  la  lecture 
entière.  Thiessé  les  appuya,  malgré  que  Noël  fût  accusé  de  partia- 
lité (2).  La  Société  arrêta  d'entendre  la  lecture  toute  entière. 

Ensuite,  Descroisilles  développe  les  raisons  qui  ont  provoqué 
les  derniers  troubles  de  la  Convention  et  invite  tous  les  bons  français 
à  se  réunir  pour  repousser  l'anarchie  et  faire  respecter  les  lois. 
L'impression  de  son  discours  est  demandée. 

(i)  Arch.  nationales  G.  255.  —  Pièce  originale,  format  couronne,  3  p.  de  texte,  9  do 
signatures.  En  haut,  cette  note  :  «  L'impression  de  cette  adresse  a  été  décidée  à 
l'appel  nominal,  ce  30  may,  Fan  2.  » 

(2)  U  y  a  impartialité  dans  le  procès-verbal. 


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-  159  - 

Lamine  aussi  prononce  un  discours  et  propose  une  Adresse  aux 
bons  citoyens  de  Paris.  Bignon  le  jeune  est  un  de  ceux  qui  appuient 
Lamine,  mais  ironiquement,  car  il  demande  que  les  bons  citoyens 
soient  invités  à  respecter  la  Convention  et  à  la  faire  respecter  par  la 
troupe  des  factieux  qui  existent  dans  Paris.  Poret  et  Yvernès  parlent 
en  faveur  de  Lamine,  mais  eux,  sérieusement. 

Thiessé  leur  succède  et  après  un  discours  énergique  et  générale- 
ment applaudi,  propose  de  députer  deux  commissaires  vers  les  corps 
administrati^'s  afin  de  les  inviter  aux  mesures  demandées  par  la 
Société  populaire  pour  la  garde  de  la  Convention. 

Toutes  ces  questions  prématurément  soulevées,  non  résolues, 
reviennent  à  la  séance  du  6  juin.  Haraneder,  de  retour,  préside,  avec 
Bignon  le  jeune  pour  secrétaire.  D  abord  sont  lues  deux  adresses  des 
sociétés  de  Bayeux  et  de  Nîmes  à  la  Convention.  Los  Nîmois  se 
plaignent  des  divisions  des  Conventionnels  et  du  despotisme  de  la 
Commune  de  Paris  ;  ils  rompent  toute  correspondance  avec  les 
Jacobins  de  Paris. 

Bignon  l'aîné  arrive  enfin  et  rend  compte  de  sa  mission.  Son 
rapport  est  souvent  interrompu.  Après  lui,  Haraneder  est  entendu  et 
immédiatement  un  membre  demande  que  la  discussion  sur  la  question 
de  savoir  si  la  Société  rompra  sa  correspondance  avec  les  Jacobins 
soit  ouverte  dès  le  lendemain  dans  une  séance  spéciale.  Sous  le  pré- 
texte qu'une  délibération  antérieure  s'y  oppose,  l'ordre  du  jour  est 
voté. 

Ce  que  ne  font  pas  connaître  les  procès -verbaux  de  la  Société, 
.  non  plus,  d'ailleurs,  que  ceux  du  département ,  où  les  deux  commis- 
saires sont  allés  le  4  juin  rendre  compte  aussi  de  leur  mission, 
ce  sont  les  impressions  qu'ils  ont  rapportées  do  leur  voyage  h  Paris. 
L'auteur  de  la  notice  biographique  sur  Bignon,  qui  tenait  de  la 
bouche  de  celui-ci  des  détails  sur  sa  ^lission  mémorable,  ne  supplée 
pointa  ce  silence  en  racontant  simplen^ent  que,  reçu  dans  la  Con- 
vention, Bignon  s'a.ssit  à  côté  de  Lanjuiûâis,  de  cet  homme  à  jamais 
illustre. . . 

Le  seul  témoignage  connu  sur  ce  point  est  celui  de  Bouvet,  qui, 
le  12  pluviôse  an  II,  (31  janvier  1794),  devenu  président  de  Tadmi- 


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—  «0  — 

nistration  départementale,  est  interpellé  par  la  Société,  au  couis 
d'un  scrutin  épuratoire,  de  déclarer  ce  qu'il  sait  sur  ce  qui  s'est  passé 
le  4  juin  au  département,  afin  de  voir  si  Haraneder  peut-être  dis- 
culpé. «  Bouvet  atteste  que  Bignon  seul  a  parlé.  (1)  Il  cite  même  les 
expressions  suivantes  dont  il  s'est  servi  :  Vous  connaisses,  a  dit 
Bignon,  la  peinture  du  Paradis  de  Millon,  Eh  bien  !  ce  que  Miïion 
a  dit  de  V enfer  n* approche  pas  de  ce  que  nous  avons  vu  à  la  Con- 
vention, »  Bouvet,  qui  est  sur  ses  gardes,  a  peur  qu'on  lui  demande 
ce  que  les  membres  du  département  et  lui-même  ont  répondu,  et  il 
s'empresse  d'ajouter  :  «  Tels  ont  été  les  termes  du  scélérat  Bignon,  » 

Le  9  juin,  à  la  Société,  lecture  d'une  adresse  du  club  de 
Marseille,  annonçant  que  cette  ville  a  secoué  le  joug  des  désorga- 
nisateurs,  et  d'une  lettre  de  la  Société  d'Alençon,  prononçant  forte- 
ment sa  haine  contre  les  anarchistes  et  annonçant  que  les  autorités 
d'Alençon  ont  envoyé  des  courriers  à  tous  les  départements  delà 
ci-devant  Normandie,  pour  aviser  au  Salut  public.  Une  lettre  des 
citoyens  d'Auxcrre,  en  assemblée  de  commune,  demande  que  la 
Convention  expulse  de  son  sein  Brissot,  Gensonné  et  à  peu  près  une 
vingtaine  d'autres.  (2)  A  l'occasion  de  cette  lettre  s'élève  une  dis- 
cussion qui  se  prolonge  très  longtemps,  avec  chaleur  et  au  milieu  de 
fréquentes  interruptions.  Descroisilles  annonce  qu'un  membre  a  dit 
qu'il  serait  arrêté  (lui,  Descroisilles?)  sous  vingt-quatre  heures.  Ce 
membre  s'explique  et  Ton  passe  à  l'ordre  du  jour  sur  ces  «  person- 
nalités I  » 

Le  jacobin  Lamine  demande  qu'il  ne  soit  fait  aucune  adresse 
qu'elle  n'ait  été  auparavant  lue  en  séance  publique.  Lamine  triomphe 

(4)  Sur  ce  point,  Bouvet  était  contredit  par  un  ex-administraleur  du  département 
qui  soutenait  que  Haraneder  avait  parlé.  A  cette  séance  du  4  juin,  étaient  présents  : 
Dcfontenay,  Bouvet;  Grandin,  Basirc,  Choin,  Belhoste,  membres  du  directoire;  Cotelle, 
Âlbitte  de  Quiévrecouit,  Leblond,  Blanche,  Lambert,  Godefi'oy,  membres  du  Conseil 
général  et  Anquetin,  procureur  général  syndic. 

(2)  Il  s'agit  apparemment  d'une  adresse  du  20  mai,  ayant  pour  but  de  provoquer  un 
mouvement  contre  la  partie  modérée  de  la  Convention.  Les  Sans-Culottes  d'Auxerre 
demandent  que  les  Girondins  soient  retirés  de  la  Convention  nationale  et  in\itent  dans 
une  circulaire  toutes  les  c<)mmunes  de  France  à  envoyer  un  vœu  semblable.  (H.  Mon- 
ceaux, la  Révolution  dans  Ip  département  de  l'Yonna;  essai  bibliog.  Paris,  Lechevalier, 
4890,  p.  26i,  n"  1427). 


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-  161  - 

maintenant  qu'il  peut  aisément  montrer  à  Bignon  et  Haraneder,  et  à 
leurs  commettants,  que  leur  démarche  n'a  pas  empêché  le  31  mai  et 
le  2  juin. 

Le  12  juin  recommencent  des  menées  dont  il  faut  chercher  les 
traces  un  peu  partout  ailleurs  que  dans  les  procès-verbaux  de  la 
Société  et  dans  ceux  des  corps  administratifs.  A  cette  date,  sans  en 
rien  dire  à  leurs  frères  —  oflSciellement  du  moins  —  des  commis- 
saires de  la  Société,  ou  plus  exactement,  apparalt-il,  d'une  fraction 
de  la  Société,  se  rendent  au  département,  qu'ils  invitent  à  prendre 
dans  les  circonstances  actuelles  «  un  parti  qui  puisse  seconder  le  zèle 
des  citoyens  de  la  ville  de  Rouen  ».  Le  président,  M.  de  Fontenay, 
leur  répond  que  tous  les  membres  de  l'administration  sont,  depuis 
le  8,  convoqués  pour  délibérer  à  cet  égard.  Le  département  a  attendu 
le  retour  de  Bouvet,  en  mission  à  Dieppe,  et  des  réponses  de  Gran- 
din,  envoyé  le  8  juin  à  Evreux,  et  d'Auber,  qui  se  trcuve  à  Bayeux, 
auprès  des  représentants  du  peuple^  l'armée  des  côtes  de  Cherbourg. 
Il  n'est  pas  douteux  qu'il  a  eu  du  8  au  12  des  données  plus  exactes 
sur  la  portée  de  la  révolution  des  31  mai  et  2  juin. 

Le  13  juin,  le  Journal  de  Rouen  met  dans  une  violente  fureur 
les  montagnards  rouennais.  «  Les  yeux  s'ouvrent,  imprime-t-il  ;  le 
silence  le  plus  complet  équivalant  dans  nos  principes  au  plus  souve- 
rain mépris  ;  il  ne  nous  est  guère  arrivé  de  parler  de  Marat,  idole 
d'un  peuple  trop  longtemps  abusé,  de  Marat  que  nous  sommes  loin 
de  confondre  avec  cette  foule  de  citoyens  dévoués  à  la  révolution, 
qui  furent  les  premiers  fondateurs  du  club  de  Paris.  »  Et  il  publie 
une  lettre  adressée  dès  avant  le  31  mai,  à  Marat,  par  le  club  de 
Bordeaux,  revêtue  de  deux  mille  signatures,  lettre  qui  déverse  sur 
son  destinataire  des  torrents  d'injures. 

Ici  doivent  se  placer  chonologiquement  des  faits  essentiels  qui 
sont  aussi  des  préliminaires  des  séances  mémorables  du  département 
des  13  et  14  juin.  Il  serait  difficile  de  prouver  que  ces  faits  ont  influé 
sur  les  résolutions  de  M.  de  Fontenay  et  de  ses  collègues,  et  néan- 
moins il  importe  de  les  signaler  à  l'attention  des  futurs  historiens  de 
cette  période  encore  insuffisamment  étudiée. 

D'après  Laugeux,  secrétaire  de  la  Société  populaire  à  la  fin  de 


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-  162  - 

mai  et  dans  les  premiers  jours  de  juin,  et  que  Lamine  et  autres  firent 
plus  tard  incarcérer  comme  suspect  et  comme  fédéraliste,  Buzot  et 
Pétion,  ces  traîtres  et  ces  forcenés,  qui  se  rendaient  à  Caen,  séjour- 
nèrent alors  à  Rouen.  A  un  moment  où  ils  y  étaient  peut-être  encore, 
Laugeux  l'écrivit  à  Pillon,  membre  du  comité  de  surveillance,  et  à 
Danton,  représentant  du  peuple,  pour  que  celui-ci  informât  le 
le  comité  de  salut  public  du  déguisement  de  Pétion  et  du  surnom 
sous  lequel  Buzot  pouvait  voyager.  (1) 

A  la  môme  époque,  Roland  arrivait  à  Rouen,  (2)  où  il  devait 
rester  durant  près  de  cinq  mois,  caché. 

L'ancien  ministre,  le  «  roi  du  Calvados  »,  Tex-maire  de  Paris, 
Duval,  Delahaye,  et  même  Mariette  (3)  ont  donc  pu  se  trouver  en 
même  temps  à  Rouen,  et  il  est  infiniment  peu  vraisemblable  que 
l'un  d'eux,  tous  même,  n'aient  pas  eu  la  possibilité  de  causer 
durant  quelques  instants  en  secret  avec  un  ou  plusieurs  des  adminis- 
trateurs rouennais. 

Précisément  le  13  juin,  Hardy  donnait  signe  de  vie  à  la  Société 
populaire  en  lui  adressant  le  projet  de  constitution.  Ce  soir-là,  il  est 
question  dans  la  Société  des  ouvertures  faites  de  divers  côtés  au 
département  pour  qu'il  se  réunisse  aux  départements  de  Bretagne  et 
de  Normandie.  Un  membre,  qui  répond,  est  plusieurs  fois  interrompu 
et  obligé  de  descendre  de  la  tribune  sur  l'invitation  de  la  Société 
entière.  Il  continue  pourtant  d'exposer  son  opinion.  Celui  qui  vient 
après  lui  et  qui  veut  lappuyer  ne  peut  parler  bien  longtemps  au 
milieu  d'interruptions  violentes  et  continuelles.  Il  s'attache  à  prou- 
Ci)  Compte-rendu  de  la  conduite  tenue  par  Laugeux  depuis  juillet  1789  jusqu'au 
1"  frimaire  an  ii  (Arch.  mpales.)  fîuzot  et  IVtion  arrivent  à  Caen  l'un  le  12  juin  et  l'autre 
le  28.  Pétion  se  rendit  peut-être  de  Rouen  à  l'Y'camp.  Dans  la  séance  de  la  société 
populaire  de  Fécamp,  du  28  juillet  17913. (  Luneau,  président,  et  Holley,  secrétaire  ),  un 
membre  dit  que  la  citoyenne  Pétion  hahile  Fécamp,  et  fait  la  motion  d'envoyer  deux 
commissaires  à  la  municipalité  puur  vénlier  s(*s  papiers,  la  mettre  en  état  d'arrestation 
et  en  instmire  le  comité  de  Salut  public  de  la  Convention,  ce  qui  est  fait  de  suite. 
(Reg.  du  comité  de  surveillance  de  Fécamp.) 

(2j  Suivant  une  induction  tirée  de  la  durée  de  son  séjour  à  Rouen.  11  est  à  noter 
que  le  procureur  de  la  commune  iUi  Lyon,   détenu  à  l'abbaye,  écrit  le  21  juin  que 
Roland  est  à  Lyon,  où  Bnssot  allait  le  rejoindre  lorsqu'il   fut  arrêté.  {Moniteiw  du 
23  juin,  p.  731,  3«  col.)  Rrissot  avait  été  arrêté  à  Moulins  le  10  juin. 
(3)  On  verra  plus  loin  que  Mariette  se  rendit  aussi  à  Caen. 


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—  103  - 

ver  la  non  liberté  de  la  Convention  et  la  nécessité  de  marcher  vers 
Paris  pour  rétablir  Tordre.  Vers  la  fin  de  son  discours,  il  est  inter- 
rompu plus  violemment.  L'agitation  se  prolonge  ;  elle  cesse  enfin  et 
il  peut  continuer  et  conclure,  puis  céder  sa  place  à  un  autre  qui,  lui, 
tout  en  montrant  la  nécessité  de  l'union,  présente  comme  révolution- 
tionnaire  la  conduite  des  départements  qui  pensent  à  envoyer  des 
troupes  vers  Paris. 

C'est  au  13  juin  que  remonte  l'origine  d'un  très  gros  incident 
qui  se  dénouera  le  16.  Le  procès  verbal  du  13  porte  sept  lignes  qui 
on  t  été  rayées,  dans  lesquelles  on  relate  laconiquement  une  discussion 
sur  la  publicité  des  débats  relatifs  aux  Jacobins  et  l'adoption  d'un 
renvoi  de  cette  discussion  au  dimanche  16.  Or,  dans  l'intervalle,  le 
14,  une  réunion /)ar//a///é/*e  avait  eu  lieu  —  dont  le  procès-verbal 
n'existe  pas  sur  le  registre  —  et  décidait  de  biffer  les  sept  lignes. . . 
et  de  rompre  avec  la  Société  des  Jacobins  de  Paris. 

Les  adversaires  dos  Jacobins  paraissent  s'être  livrés  à  une  pro- 
pagande extrêmement  active  et  acharnée  pour  rassembler  de  nom- 
breuses adhésions  à  la  rupture.  Le  rancuneux  Lamine,  en  décembre 
suivant,  raconte  qu'il  a  vu  Laugeux,  après  le  31  mai,  s'installer  à  la 
Bourse  de  Rouen,  avec  une  table,  comme  un  charlatan  qui  voulait 
débiter  sa  marchandise,  et  ce,  pour  faire  signer  par  tous  les  membres 
de  la  Société  populaire  une  démission  qui  avait  pour  but  d'ôter 
l'affiliation  des  Jacobins,  et,  par  conséquent  de  désorganiser  celle  de 
Rouen.  (1)  D'après  une  autre  source,  la  résolution  de  rupture  avec 
les  Jacobins  de  Paris  aurait  été  prise  par  huit  cents  membres  de  la 
Société  populaire  (2),  chiffre  exagéré. 

Grand  émoi  le  16  juin.  Un  membre  se  plaint  de  la  radiation  des 
sept  lignes,  la  séance  particulière  étant  sans  droit  pour  annuler  une 
délibération  prise  en  séance  publique.  En  même  temps,  il  fait  sentir 
son  mécontentement  d'une  rupture.  Un  autre  fait  observer  que  ceux 
qui  étaient  censés  avoir  pris  la  délibération  attaquée,  n'étaient  pas 
présents.   Un  troisième  combat  ces  deux  préopinants,  ce  qui  est 

(1|  Arch.  mpales.  Ce  que  dit  Lamine  peut  tout  aussi  bien  s'appliqu  îr  à 
des  signatures  reeueillies  vers  le  13,  qu'à  des  démissions  datant  du  25  juin.  V.  ci-aprés. 

(2)  Areh.  mpales.  Avis  de  la  1(>"  s«'etion  sur  le  maintien  dcPillon  dans  la  liste  des 
t<»rr4>ristes. 


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—  164  - 

accueilli  par  les  huées  des  tribunes.  Il  formule  une  imputation  géné- 
rale qui  excite  le  tumulte.  L'ordre  du  jour  est  adopté.  Quelle  con- 
clusion en  tirer?  Il  semble  que  cela  signifie  que  la  rupture  est  main- 
tenue. 

On  lit  des  adresses  de  Carcassonne  et  de  Saint-Malo,  Tune 
faisant  à  la  Convention,  en  style  impératif,  des  reproches  sur  sa 
conduite,  et  contenant,  néanmoins,  des  principes  sages;  l'autre,  à 
peu  près  dans  le  même  sens,  mais  avec  des  idées  non  conformes  à 
celles  de  la  Société  et  paraissant  propres  à  troubler. 

A  cet  instant,  il  est  parlé  de  la  résolution  prise  le  14  par  l'admi- 
nistration que  préside  M.  de  Fontenay,  «  improuvant  la  conduite  d^ 
départements  qui  avaient  délibéré  de  marcher  sur  Paris.  »  Malgré 
rintérét  croissant  des  débats  qui  se  poursuivent  à  la  Société  popu- 
laire, il  faut,  brièvement,  s'occuper  de  ce  qui  se  passe  à  cette  admi- 
nistration. 

Les  13  et  14  juin,  le  conseil  général  du  département  se  livre  à 
une  discussion  qui,  par  le  seul  fait  qu'elle  a  lieu,  à  un  tel  moment, 
prouve  assez  qne  ses  membres  étaient  en  majorité  favorables 
au  fédéralisme.  Mais  cette  discussion  et  les  résolutions  qui  s'ensuivent 
se  produisaient  à  des  dates  où,  déjà,  les  membres  du  conseil  général 
avaient  pu  juger  de  l'inanité  des  représentations  faites  à  la  Conven- 
tion. Ils  étaient  édifiés  sur  la  confiance  qu'on  pouvait  avoir  dans  une 
résistance  organisée  et  soutenue  à  Evreux,  à  Caen  ou  ailleurs  par  des 
hommes  qui,  maîtres  du  pouvoir  avaient  laissé  les  Montagnards 
s'en  emparer,  et  étaient  loin  d'avoir  fait  preuve,  avant  et  pendant  les 
journées  du  31  mai  et  du  2  juin,  d'une  prévoyance  et  d'une  fermeté 
rassurantes. 

Le  parti  le  plus  sage  eût  été  de  se  tenir  coi. 

Mais  de  nombreuses  et  puissantes  raisons  qui,  aujourd'hui 
n'apparaissent  plus  avec  autant  d'évidence,  ne  permettaient  guère 
une  inaction  absolue,  contraire  d'ailleurs  aux  idées  bien  connues  et 
plus  ou  moins  affirmées  de  la  majorité  du  Conseil  général  du  dépar- 
tement. 

Trois  des  députés  de  la  Seine-Inférieure  étaient  du  Calvados. 
Thouret.  en  juin  1793,  n'avait  vraisemblablement  pas  perdu  toute 


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-  465  — 

son  influence  à  Rouen,  et  cessé  ses  constants  rapports  d'amitié  avec 
M.  de  Fontenay.  Les  relations  de  toute  sorte  avec  le  Calvados  et 
l'Eure,  la  solidarité  existant  de  tout  temps  entre  la  Seine-Inférieure 
et  l'Eure,  (1)  l'affectation  de  ce  dernier  département  à  la  subsistance 
de  Rouen  et  des  environs,  constituaient  des  liens  trop  sérieux  pour 
être  rompus  sans  scrupule.  On  ne  pouvait  à  Rouen  rester  indifférent 
et  sourd  aux  appels  réitérés  des  normands  engagés  imprudemment 
par  leurs  députés  dans  une  résistance  dangereuse  pour  eux  et  aussi 
pour  leurs  voisins. 

Il  eut  été  d'ailleurs  surprenant  que  des  esprits  aussi  subtils, 
ayant  contracté  l'habitude  de  tout  résoudre  par  des  arrêtés,  restassent 
embarrassés  parce  qu'il  ne  pouvaient  pas  agir.  Les  débats  de  la  Société 
populaire  de  Rouen  et  l'attitude  discordante  de  la  commune  de 
Rouen,  depuis  la  mission  de  Bignon  et  d'Haraneder,  à  laquelle  elle 
n'avait  pas  voulu  ou  osé  s'associer,  imposaient  la  circonspection  à 
M.  de  Fontenay  et  à  ses  collègues.  Pourtant  il  leur  faut  satisfaire 
l'opinion  publique  anxieuse.  Ils  comptent  pouvoir  se  tirer  d'affaire 
avec  des  discours,  des  récriminations,  des  conseils  et  des  vœux. 

Ce  fut  bien  une  manœuvre  habile  en  môme  temps  qu'une  dé- 
marche vraiment  fraternelle  et  patriotique  que  de  s'interposer  entre 
les  départements  dissidents  et  la  Convention.  Mais  à  cette  tentative 
spontanée  de  médiation,  le  conseil  général  du  département  mêla  un 
jugement  officieux  des  actes  et  procédés  des  partis.  Le  rôle  d'arbitre 
put  paraître  excessif.  Dicter  à  la  Convention  sa  conduite  ne  l'était 
pas  moins  et  il  y  avait  quelque  contradiction  à  réclamer  la  punition 
des  révoltés  de  Paris  et  le  pardon  des  fédéralistes. 

Le  discours  (2)  du  procureur  général  syndic   Anquetin   et 

(1)  Des  troubles  de  l'Eure  ayant  agité  quelques  parties  de  la  Seine-Inférieure,  ce 
dernier  département,  à  la  date  du  3  avril  1792,  accepte  la  réquisition  à  lui  faite  par 
celui  de  l'Eure  de  poursuivre  sur  son  territoire  les  perturbateurs  de  l'ordre  public,  et 
requiert  lui-même  l'administration  de  l'Eure  de  les  poursuivre  sur  son  territoire. 
(Reg.  du  dép'.) 

{%  Dans  son  exposé  du  rôle  de  Rouen  et  du  département  en  juin  et  juillet  1793 
(La  Noftnandie^  1895,  p.  321  et  s.,  353  et  s.),  M.  Le  Parquier  a  fait  ressortir  les  points 
principaux  de  cet  important  discours,  et  rectifié  l'erreur  qui  l'avait  inexactement  attribué 
à  M.  de  Fontenay.  L'erreur,  qui  provient  de  ce  que  le  procés-verbal  du  14  juin  dit  que 
C'est  v.n  «  membre  »  qui  parle,  avait  été  reproduite  par  M.  Wallon  lequel,  se  basant  sur 


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-  4C6  — 

Tarrêté  auquel  il  tient  lieu  d'exposé  de  motifs  sont  bien  l'œuvre 
éminemment  caractéristique  de  l'un  des  plus  avisés  bas-normands 
qui  fussent  alors  demeurés  à  Rouen  (1).  Cependant,  le  talent  et  les 

une  simple  conjecture  de  M.  Gosselin,  dit  :  «  l'n  membre  (le  président,  M.  de  Fontenay, 
son  langage  le  désigne...  {Le  Fédéraiisme^  t.  ^«'^  p.  411). 

(i)  Franvois-Noël  Anquetin  de  Beaulieu,  né  à  Beaulieu,  arr.  de  Vire  (l^lvados),  en 
17il,  mort  à  Paris  le  15  février  1800,  avait  été  inscrit  au  barreau  de  Rouen  en  1774  et 
demeurait  rue  Ganterie,  n»  H6,  puis  rue  du  Chien-qui-Rit  et  rue  Flahaut.  Daiis  son 
travail  sur  les  Avocates,  au  Parlement  de  Normandie  (Rouen,  imp.  Oursel,  1872)» 
M.  A.  Decorde  n'accorde  aucune  mention  spéciale  à  Anquetin,  dont  le  nom  ne  figure  ni 
dans  V Histoire  du  Parlemetd,  de  M.  Fiotpiet,  qui  donne  cependant  les  plus  intéressants 
détails  sur  les  avocats  en  1789,  ni  dans  le  Manuel  du  Bibliographe  normand  de  Frère, 
et  à  plus  forte  raison  dans  les  biographies.  A.  l*asquier  Ini  consacre  une  notice  fort 
incomplète.  —  Vénérable  de  la  loge  les  Bons  Amis  de  Rouen  (1779),  capitaine  de  la 
garde  nationale  (1790),  procureur  syndic  du  districKl7îK)),  accusateur  public  au  tribunal 
criminel  (1791),  procureur  général  syndic  (1792),  commissaire  du  pouvoir  exécutif 
(déc.  1795-21  mai  1797),  député  au  Conseil  des  Anciens  (14  avril  1797)  et  auCoqis  Légis- 
latif (25  déc.  1799).  Une  députation  de  .soixante-quatre»  dépuU'îs  assista  à  ses  funérailles 
où  Thiessé,  membre  du  tribunal,  prononça  son  éloge.  Telle  est  sa  biographie  officielle, 
dont  le  complément  se  trouve  dans  un  fort  curieux  compte-rendu  de  sa  conduite  pen- 
dant la  révolution,  dans  lequel  il  évite  de  rappeler  son  discours  du  14  juin  1793.  Ce  dis- 
cours, en  somme,  tendait,  autant  que  l'adres-se  d'Aumont,  à  avilir  la  Convention, 
et  Anquetin  qui  avait  dénoncé  cette  adresse  avec  un  grand  empressement  comme 
procureur-syndic,  devait  les  rapprocher  mentalement  et  faire  de  pénibles  réflexions.  — 
(Arcn.  départementales). 

Anquetin  est  l'auteur  ignoré  de  : 

1"  Lettre  d'un  Négociant  de  Rouen  à  MM.  les  Avocats,  sous  la  signature  :  Caffé^ 
Indigo  ^  C«,  pamphlet  contre  l'avidité  des  avocats,  lors  des  scènes  qui  agitèrent  leur 
corporation  (1789).  D'après  .\nquetin,  il  y  eut  des  rolKîS  déchirées:  Quidnon  ynortalia 
cogisf  2»  Ecrit  tendant  à  l'établissement  d'une  garde  nationale  avec  des  officiers  élus 
par  elle  tl789r;  3*^  Réflexions  d'un  citoyen  de  Rouen,  qu'il  communique  à  ses  conci- 
toyens et  qui  peuvent  l'être  à  beaucoup  d'autres  (éloge  de  l'Assemblée  Constituante 
(1790);  4«'  Un  citoyen  à  ses  concitoyens,  en  faveur  du  sennent  ecclésiastique  (1791); 
5®  Lettre  de  MM.  les  électeurs  du  département  de  la  Seine-Inférieure  au  ci-devant 
archevêque  de  Rouen  (février  1791);  6»  Adresse  de  remerciement  à  V Assemblée  Cons- 
tituante, sur  les  réformes  dans  le  clergé  (1792);  7»  Adresse  à  l'Assemblée  vationale  par 
les  religieuses,  béguines,  femmes  de  toutes  les  congrégations  séculières  et  régulières, 
dévotes,  bigotes,  cagotes  et  autres  femmes  pieuses  de...  qui  désirent  conseï^'er  les  pHU" 
cipaux  véhicules  de  la  propagation  de  la  foi.  «  Ce  n'est  qu'une  polissonnerie,  dit 
Anquetin,  qui  est  persuadé  que  le  ridicule,  w  surtout  en  matière  de  rt4igion,  prépare 
plutôt  les  esprits  à  la  lumière  que  la  discussion;  »  8»  Mémoire  sur  les  obligations  et  le 
but  des  iSociétés  populaires,  lu  par  lui  à  la  Société  de  Rouen,  le  4  novembre  1792,  et 
imprimé  à  1,000  exemplaires;  9"  Lettre  au  Journal  de  Rouen,  tournant  en  ridicule  le 
respect  qu'on  a  pour  le  pape,  1793;  10«  Les  gens  de  cour,  le  clergé  et  la  fwblesse  ont  fait 
la  Révolution,  48  p.  in-4o,  brochure  qui  fit  sensation. 


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-  167  — 

louables  efforts  de  bon  sens  qu'on  y  dépensait  n'obtinrent  que  les 
effets  ordinaires  des  artifices  politiques  :  La  Convention  affecta  de 
ne  pas  s'en  préoccuper,  les  fédéralistes  du  Calvados  et  de  l'Eure  n'en 
tinrent  nul  compte,  les  Jacobins  et  la  Commune  de  Paris  s'en  irri- 
tèrent, les  Montagnards  de  Rouen  qualifièrent  bientôt  l'arrêté  de 
liberticide  après  en  avoir  paru  satisfaits,  sans  doute  parce  qu'il  était 
une  déception  pour  les  fédéralistes  rouennais. 

Cependant  les  résolutions  du  département  n'avaient  point  apaisé 
les  vifs  dissentiments  qui  s'étaient  manifestés  dans  la  Société 
populaire.  La  décision  de  rupture  avec  les  Jacobins  de  Paris  y  est 
toujours  considérée  comme  dangereuse  et  impolitique  par  un  parti 
lequel  s'oppose  à  ce  qu'elle  soit  envoyée.  Les  Montagnards  veulent 
écrire  aux  Jacobins  que  les  membres  de  la  Société  de  Rouen  les 
regardent  comme  leurs  frères  ;  ils  voudraient  aussi  que  des  remer- 
ciments  fussent  envoyés  au  département  sur  sa  conduite  sage  et 
prudente; 

Robert,  opposé  à  la  décision,  montre,  le  16  juin,  tous  les  avan- 
tages de  l'union  et  de  la  confiance  dans  la  Convention,  et  aussi  les 
dangers  du  fédéralisme  et  les  méfiances  que  l'on  doit  concevoir  sur 
les  députés  qui  ont  abandonné  leur  poste  pour  parcourir  les  départe- 
ments. On  demande  l'impression  de  son  discours  et  son  envoi  aux 
Jacobins.  Cela  excite  un  trouble  si  grand  qu'on  ne  peut  se  faire 
entendre  pour  combattre  Robert.  Le  tumulte  dure  longtemps,  et  de 
nombreux  membres  se  retirent.  Les  débats  persistent  néanmoins, 
puis  le  tapage  reprend,  et  la  discussion  est  remise.  Elle  recommence 
le  lendemain,  toujours  sous  la  présidence  de  Haraneder.  On  lit  un 
long  discours,  «  fort  bien  fait  dans  Thypothèse  où  la  Société  aurait 
entendu  calomnier  le  peuple  de  Paris.»  Le  président  croit  devoir 
protester.  On  Ht,  en  outre,  une  lettre  aux  Jacobins,  accusant  la 
majorité  de  la  Société  de  Rouen  d'avoir  cherché  à  faire  une  nouvelle 
Saint-Barthélémy,  et  d'avoir  des  intentions  aristocratiques  et  contre- 
révolutionnaires.  (Applaudissements  en  divers  sens.)  Motion  est  faite 
d'une  troisième  séance  générale,  mais  publique,  rouvrant  la  question 
de  la  rupture.  —  Bruit,  réclamations  tumultueuses.  —  On  demande 
que  la  séance  soit  levée.  Robert,  qui  est  à  la  tribune,  y  reste  en 


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—  168  — 

attendant  le  silence.  Trois  propositions  sont  à  résoudre  :  la  première, 
de  Descroisilles,  d'une  nouvelle  séance  publique;  la  deuxième,  d'en- 
tendre Robert,  et  la  troisième,  de  lever  la  séance.  De  part  et  d'autre, 
la  priorité  est  réclamée.  On  décide  d'entendre  Robert. . .  (1)  Il  parle, 
et,  cependant,  un  autre  demande  au  président  la  parole  par  signe. 
Un  citoyen  de  la  tribune  droite  l'apostrophe  (?).  Robert  continue  et 
dénonce  la  majorité  de  la  Société  comme  tramant  des  œuvres  de 
ténèbres  dans  le  mystère  et  dans  Vombre.  «  Réclamations,  applau- 
dissements, murmures,  bruit  indicible  et  longtemps  prolongé.  »  Dès 
que  le  calme  est  rétabli,  Robert  manifeste  tout  son  zèle  pour  lunion 
et  contre  la  rupture  avec  les  Jacobins.  Il  est  applaudi.  Ensuite  Bignon 
a  la  parole,  mais  l'abandonne.  Lamine  exigeant  la  priorité  et 
appuyant  la  motion  de  Descroisilles  pour  le  renvoi  àdimanche,  motion 
qui  est  adoptée. 

La  séance  du  dimanche  23  juin  est  bien  remplie.  Elle  débute 
par  des  escarmouches  significatives  :  ordre  du  jour  sur  la  motion 
réitérée  de  féliciter  par  députation  le  département  sur  son  arrêté, 
ordre  du  jour  sur  une  discussion  à  propos  d'une  réponse  de  Forfait 
à  la  lettre  lui  annonçant  sa  réintégration  dans  la  Société.  D'inter- 
minables motions  —  évidemment  obstructives  —  se  succèdent  sur 
le  rang  d'audition  des  orateurs.  Il  s'ensuit  une  telle  confusion  de 
bruit  et  de  réclamations  que  le  président  lève  la  séance.  On  proteste, 
et  Godebin,  s'emparant  du  fauteuil,  déclare  la  séance  ouverte. 
Robert  qui,  déjà,  avait  essayé  infructueusement  de  se  faire  enteûdre, 
occupe  la  tribune.  Une  vingtaine  de  membres,  debout,  continuent 
le  bruit,  tandis  que  plus  de  quarante,  restés  assis,  demandent  per- 
sévéramment  la  discussion,  ce  que  voyant,  Haraneder  s'excuse 
d'avoir  levé  la  séance  «  par  la  fatigue  d'une  présidence  si  orageuse.  » 
Est-elle  levée,  la  séance?  La  question,  mise  aux  voix,  est  résolue 
négativement.  «  Robert  monte  à  la  tribune.  Les  opposants  se  retirent, 
quelques  autres,  ennuyés  (2)  les  suivent.  »  On  propose  d'ouvrir  deux 
registres  sur  l'un  desquels  s'inscriront  les  partisans  de  l'affiliation 
aux  Jacobins,  et  sur  l'autre  ceux  de  la  rupture.  Enfin,  Robert  par- 


(1)  Les  points  suspensifs  sont  dans  le  procès- verbal. 

(2)  Ce  mot  est  souligné  au  procès-verbal  rédigé  par  Gamare. 


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—  169  - 

vient  à  se  faire  entendre.  Il  se  répète  :  il  veut  l'union  et  pas  la 
rupture.  Un  autre  appuie  le  système  des  deux  registres,  qui  est 
adopté.  Yvernès  prend  la  défense  des  Jacobins  et  remontre  qu'ils 
sont  toujours  l'objet  de  la  haine  des  ennemis  de  la  chose  publique. 
Finalement,  renvoi  encore  au  lendemain  I 

Déjà,  s'effraient  des  gens  qui  étaient  allés  trop  loin.  Trois 
démissions  arrivent  :  celles  de  Descroisilles,  Thubeuf  et  Seyer  le 
jeune,.  Le  24,  la  lecture  du  procès-verbal  de  la  veille  fait  réclamer  et 
délibérer  que  les  noms  des  orateurs  ne  seront  pas  annoncés.  On 
évite,  en  effet,  de  les  indiquer  dans  le  texte.  Mais  une  main 
malicieuse  —  ou  plutôt  vindicative  —  a  rendu  la  précaution 
illusoire  en  las  inscrivant  en  marge  ! 

Lenormand  s'oppose  à  la  rupture,  énumère  les  services  rendus 
à  la  Révolution  par  les  Jacobins  et  les  persécutions  en  sens  contraire, 
soutenant  que  les  Jacobins  actuels  ne  sont  pas  les  Jacobins  de  la 
liberté  I  On  doit  cesser  de  tenir  à  eux.  Lefebvre  est  d'avis  de 
continuer  laflBliation.  Yvernès  vante  leurs  services.  Poret  l'imite  et, 
documenté,  donne  lecture  de  la  «  prétendue  »  rupture  avec  les 
Jacobins  et  de  leur  réponse,  tendant  à  prouver  qu'ils  ne  la  croient 
pas  réelle,  ni  revêtue  des  formes  nécessaires  pour  opérer  une  scission. 
Il  prononce  un  a  discours  historique  démontrant  la  fausseté  des 
imputations  faites  aux  vrais  républicains,  aux  corps  constitués  et  à 
la  municipalité  de  Paris,  rappelant  les  trahisons  de  quelques 
ministres  et  de  quelques  généraux,  prouvant  que  ces  traîtres  étaient 
les  plus  grands  ennemis  des  sociétés  populaires.  »  Il  veut  une  adresse 
de  félicitations  à  la  Convention,  et,  conciliant,  admet  que  les  frères 
démissionnaires  soient  invités  à  se  réunira  la  Société,  pour  travailler 
au  maintien  de  la  paix,  à  l'affermissement  de  la  liberté  et  de  l'égalité. 
—  Carré,  adhérant  aux  conclusions  de  Poret,  fait  remarquer  que 
les  habitants  de  Rouen  ne  passent  pas  pour  être  animés  de  tout 
le  zèle  nécessaire  et  qu'une  rupture  précipitée  pourrait  attirer  de 
nouveaux  soupçons.  —  Caudron  se  plaint  du  ridicule  dont  on  cherche 
à  couvrir  les  auteurs  de  la  délibération  de  rupture  dont  il  veut  le 
maintien.  Godebin  attaque  cette  délibération. 

La  discussion  est  fermée.  Le  rapport  des  deux  délibérations 


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^ 


-  170  - 

rompant  avec  les  Jacobins  est  adopté  à  la  grande  majorité  et 
délibéré  définitivement.  Le  président  (Haraneder),  et  le  secrétaire 
(Gamare),  en  aviseront  les  Jacobins  et  leur  exprimeront  le  désir  de 
la  Société  de  resserrer  de  plus  en  plus  les  nœuds  qui  l'attachent  à  la 
Société  de  Paris,  ce  qui  eut  lieu  par  une  lettre  lue  et  applaudie  le  25. 
Les  sociétés  affiliées  en  furent  avisées  ;  les  frères  Robert  et  Poret 
rédigèrent  des  adresses  aux  frères  de  Paris  et  à  la  Convention.  Pour 
Tune,  Poret  dut  supprimer  Jes  mots  choquants  :  personnes  sacrées 
et  sainte  Montagne,  et  pour  Tautre  on  le  pria  d'essayer  de  résumer 
ses  idées  en  un  style  plus  laconique. 

Dans  ces  entrefaites,  Curmer  cessait  d'être  membre;  en  re- 
vanche, Pinel  qui  affirmait  avoir  démissionné  parce  que  l'on  avait 
rompu  avec  les  Jacobins,  se  rétractait.  Un  nppel  à  l'union  et  à  Toubli 
fut  délibéré.  On  refusa  de  l'entendre.  Le  30  juin  arriva  une  déclara- 
tion de  cinquante-un  membres  renonçant  au  titre  de  membres  de  la 
Société  et  demandant  une  assemblée  four  mettre  ordre  aux  comptes 
des  finances  sociales. 

C'était  la  dislocation  redoutée.  Il  y  eut  ensuite  au  moin.s  un  essai 
d'association  de  la  part  des  démissionnaires.  Jusqu'ici,  on  n'en  con- 
naît pas  d'autre  indice  qu'une  assez  vague  allégation  postérieure  à 
thermidor. 

Le  27  juin,  Caudron  remit  à  Laugeux,  en  assignats  et  bons  dq 
Rouen,  4351.  5  sols,  reliquat  du  compte  de  Mabire,  trésorier,  démis- 
sionnaire de  la  Société.  Le  même  jour,  Laugeux  paya  au  citoyen 
Bignon,  103  1.  6  d.,  pour  ses  frais  de  route  et  son  séjour  à  Paris, 
lors  de  l'adresse  de  la  fin  de  mai,  et  le  5  juillet,  à  Lemoiue,  receveur 
de  l'hôpital,  332  1.  5  s.  pour  un  terme  de  loyer  de  la  maison  de  la 
rue  de  l'Aumône  (1).  Cela  dut  simplifier  la  liquidation  des  finances 
sociales. 

Mais,  ainsi  qu'on  pourra  en  juger,  la  Société  survécut  à  cette 
apparente  liquidation,  et  donna  bientôt,  et  encore  pendant  près  de 
dix-huit  mois,  des  preuves  de  sa  vitalité  et  de  son  influence. 


(1)  Arch.  déparicinontales.  Cette  indication  n'est  pas  fournie  par  les  registres  de  là 
Société  populaire. 


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-  171  - 


IL 


Pendant  que  les  divisions  éclataient  et  grandissaient  ainsi  a  la 
Société  populaire,  les  administrations  du  département  et  du  district 
et  la  municipalité  s'ingéniaient  à  ne  pas  se  compromettre  davantage. 
Le  fédéralisme  s'éteignait  dans  les  villes  de  TEure  et  du  Calvados 
où  il  avait  eu  le  plus  de  consistance,  et,  vers  la  fin  de  juillet,  grâce 
surtout,  croit-on,  aux  efforts  de  Lindet,  les  principaux  acteurs 
locaux  de  la  coalition  abjuraient  leurs  entraînements.  Les  Mon- 
tagnards, eux,  n'abjuraient  rien. 

Au  département,  où  l'on  s'est  montré  antipathique  aux  Jacobins 
et  favorable  aux  fédéralistes,  les  soucis,  devenus  naturellement  plus 
graves  à  mesure  que  s'accroit  l'intensité  de  la  crise,  se  sont  ravivés 
par  des  accusations  parties  de  la  commune  de  Paris  et  portées  jusque 
devant  la  Convention.  Un  prétendu  volontaire  du  bataillon  de  la 
Dordogne,  dans  lequel  on  croit  reconnaître  un  individu  qui  accom- 
pagnait le  capitaine  Féret  (Féray?)  chargé  par  le  département 
d'une  mission  à  Paris,  a  dénoncé  les  administrateurs  des  districts  du 
Havre  et  de  Rouen  et  ceux  du  département  comme  étant  des  contre- 
révolutionnaires.  Le  département,  quoiqu'il  dise,  se  sent  atteint  par 
l'imputation  et  y  répond  avec  éclat  le  26  juin  dans  une  adresse  à  la 
Convention,  signalant  l'attentat  commis  par  l'entreprenante  et 
orgueilleuse  Commune  de  Paris,  protectrice  de  toutes  les  ordures, 
champion  de  tous  les  infâmes  qui  répandent  le  poison  des  dénon- 
ciations, et  qui  a  osé  demander  la destituti-^n  des  administrateurs  de 
la  Seine-Inférieure. 

Cette  prose  énergique  ne  pouvait  concilier  les  faveurs  des  révo- 
lutionnaires au  déparlement  qui,  jusque-là,  avait  pu,  sans  suites 
fâcheuses,  parler  haut  et  ferme,  se  sentant  appuyé,  défendu.  Avec 
Pocholle  et  Saladin,  on  parvenait  aisément  à  s'entendre.  Lecointre, 
Prieur  et  Lavallée  avaient  peu  agi  dans  la  Seine-Inférieure,  et,  par 
suite,  n'avaient  guère  inquiété  de  Fontenay,  Anquetin,  Rondeaux 
et  leurs  amis. 


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—  172  - 

Mais  à  Saladin,  compromis  avec  les  Girondins,  un  arrêté  a  sub- 
stitué Carrier  ;  celui-ci  et  PochoUe  arrivent  à  Rouen  le  17  juillet, 
visitent  les  autorités  constituées  et  la  Société  populaire.  Aucun 
document  ne  fait  connaître  l'impression  produite  par  le  député 
auvergnat.  Il  semble  pourtant,  contre  toute  vraisemblance,  qu'elle 
ne  lui  fut  point  défavorable.  Peut-être  pour  ne  point  desservir  sou 
collègue  qui,  lui,  se  trouvait  au  milieu  de  compatriotes  et  d'amis,  se 
fit-il  plus  aimable  qu'il  ne  l'était  en  réalité  et  s'appliqua-t-il  effec- 
tivement à  se  faire  connaître  «  par  le  bien  qu'il  pourrait  faire.  »  (1) 
Pocholle  (2)  et  Carrier  ont  été  présentés  par  Lecointre  qui,  devant 
eux,  remercie  M.  de  Fontenay  et  ses  collègues  des  égards  personnels 
dont  il  a  été  l'objet  comme  particulier  et  témoigne  sa  satisfaction 
sur  ceux  qu'on  lui  a  rendus  comme  représentant  du  peuple.  Pocholle 
exprime  aussi  des  sentiments  fraternels,  et  Lecointre  promet  de  tout 
faire  à  Paris  pour  le  département,  qu'il  dit  avoir  bien  mérité  de  la 
patrie.  (3)  Carrier  ne  pouvait  donc  se  croire  en  présence  d'adminis- 
trateurs contre-révolutionnaire!^. 

Surprenant  effet  des  préventions  :  Cest  contre  Pocholle,  un 
normand  avenant,  que  s'élève  l'opinion. 

Dans  les  derniers  jours  de  juillet,  ne  répand-on  pas  le  bruit 
qu'il  a  prêché  dans  la  Société  populaire  la  désorganisation,  le  pillage, 
le  meurtre  I  Aussi  s'empresse-t-il,  le  30,  de  publier  que,  depuis 
qu'il  est  dans  la  ville  de  Rouen  en  qualité  de  représentant  à  l'armée 


(1)  Carrier,  député  du  Cantal,  âge  alors  de  trente-sept  ans,  devait  peu  différer  du 
portrait  qu'on  donne  de  lui  à  trente  ans.  C'était  un  homme  de  taille  haute,  un  peu 
courbée  ;  son  visage  était  celui  d'un  rêveur  aux  yeux  petits  et  semblant  toujours  errer 
dans  le  vide,  son  teint  était  basané,  sa  voix  dure;  sa  mise  peu  recherchée  correspondait 
à  l'extérieur  peu  avantageux  de  sa  personne  ;  sa  chevelure  noire  était  sans  i^prét  ;  il 
était  sombre,  taciturne,  distrait,  intempérant...  (La  jeunesse  et  les  débuts  de  Cairier, 
par  J.  Dehnas,  la  Révolution  Française^  1895,  p.  424  et  s.) 

(2)  Jeune  et  élégant,  ce  représentant  (Pocholle)  à  la  figure  douce  et  aux  cheveux  blonds, 
formait  un  singulier  contraste  avec  son  ami.  (  Récit  de  la  visite  de  Carrier  et  Po- 
cholle à  Rennes  (Rennes  moderne,  par  A.  Marteville,  p.  251.)  Pocholle,  âgé  de  trente-un 
ans  en  1793,  était  le  sosie  de  l'acteur  Talma.  Pocholle  et  Carrier,  ce  dernier  dans  sa 
prime  jeunesse,  avaient  été  destinés  à  la  carrière  ecclésiastique. 

(3)  Reg.  du  département.  Séance  du  17  juillet.  —  V.  pour  le  récit  des  incidents  de 
cette  période  à  Rouen,  not.  Gosselin,  ouvr.  cité.  Revue  de  la  Normandie,  i9d6^  p.  806  et  s. 
Wallon,  Représ,  en  mission  et  Fédéralisme,  Le  Parquier,  la  Nomiandiê,  art.  cité. 


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-  173  — 

des  côtes  de  la  Manche,  il  n'a  point  encore  pv*lé  dans  la  Société 
populaire,  (1) 

Les  procès-verbaux  de  la  Société  font  défaut  depuis  le  premier 
juillet  jusqu'au  20  septembre  1793,  c'est-dire  pendant  les  jours  où 
Carrier  et  Pocholle  vinrent  surveiller,  inspirer  ses  délibérations. 
On  y  supplée  en  partie,  d'une  façon  peu  satisfaisante,  avec  des 
données  puisées  à  d'autres  sources,  et  c'est  ainsi,  par  exemple,  qu'on 
découvre  les  poursuites  engagées,  puis  suspendues  et  enfin,  plus  tard, 
reprises  contre  quelques-uns,  ou  définitivement  abandonnées  contre 
de  moins  nombreux  rouennais  qui  avaient  pris  part  aux  manifesta- 
tions royalistes.  L'absence  de  deux  registres,  applicables  à  ces  deux 
mois  et  demi,  peut  s'expliquer  par  la  désorganisation  momentanée 
de  la  Société.  Elle  n'est  point  le  résultat  du  pur  hasard,  pas  plus  que 
la  disparition  de  documents  et  de  journaux  de  cette  période.  On  a 
voulu  ainsi  dissimuler  les  manifestations  diverses  qui,  sûrement, 
eurent  lieu  lors  du  meurtre  de  Marat,  les  dénonciations  contre  les 
fédéralistes  et  les  ennemis  des  Jacobins,  les  incidents  au  cours  des- 
quels les  uns  venaient  expliquer  leur  conduite,  renier  leurs  erreurs, 
implorer  le  pardon,  s'assurer  l'appui  des  représentants  du  peuple 
et  reconquérir  pour  quelques  semaines  la  confiance  du  peuple. . . 

D'après  les  procès-verbaux  du  département,  les  membres  du 
conseil  général  de  la  Seine-Inférieure  seraient  parvenus  à  se  laver 
devant  Pocholle  et  Carrier  des  soupçons  de  fédéralisme  qui,  malgré 
les  précautions  prises  en  dernier  lieu,  continuèrent  à  peser  sur  eux. 
L'ensemble  des  faits  et  ce  qui  advint  peu  après  le  départ  de  Pocholle 
porte  moins  à  admettre  leur  entière  justification  qu'à  croire  à  une 
entente  pour  donner  à  l'affaire  une  Conclusion  qui,  momentanément, 
tranquillisait  tout  le  monde  et  d'ailleurs  entrait  dans  la  voie  do 
conciliation  où  la  Convention  elle  même  affectait  de  s'engager. 

A  défaut  du  témoignage  de  Pocholle  (2)  qui  serait  préférable, 

(i)  Journal  de  Boucn  du  i«f  août  1793.  Cette  protestation  de  Pocholle  présente  de 
Tambigiiité.  Les  bruits  dont  il  s'inquiète  alors  pourraient  bien  remonter  au  mois  de 
mars,  époque  où,  d'après  Horcholle,  qui  ne  parle  pas  de  la  protestation,  Pocholle  et 
Saladin  «  préconisèrent  la  loi  agraire  pour  exciter  le  peuple  au  pillage.». 

(2)  Pocholle  a  laissé  des  Souvenirs  et  des  papiers  qu'on  se  proposait  de  publier 
vers  1832,  et  qui  étaient  alors  en  la  possession  de  l'aïeul  d'un  magistrat  actuellement 
conseiller  à  la  cour  d'appel  de  Rouen. 


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—  174  - 

on  est  réduit  à  citer  une  lettre  de  Carrier,  écrite  des  Andelys,  le 
27  juillet,  exposant  à  la  Convention,  avec  une  modération  qui  con- 
traste avec  le  langage  à  lui  prêté  par  Guilbert,  que,  pour  exaspérer 
les  patriotes  et  leur  persuader  qu'il  n'y  avait  de  remède  qu'en  se 
coalisant  à  la  révolte  du  Calvados,  la  classe  indigente  et  la  mal- 
veillance exagéraient  le  mal  causé  par  la  menace  d'une  disette  réelle 
qui  pesait  sur  Rouen.  (1)  Plus  tard,  dans  un  rapport  général  du 
même  Carrier,  celui-ci  comprend  la  Seine-Inférieure  parmi  les  dépar- 
tements qu'embrasait  le  fédéralisme  :  «  Là  (à  Rouen),  dit-il,  nous 
vîmes  le  fédéralisme  prêt  à  lever  sa  tête  hideuse,  et  radministration 
du  département  penchant  pour  ce  système  désastreux.  Notre 
présence,  et  surtout  notre  conduite  à  la  Société  populaire,  où  nous 
développâmes  les  vrais  principes,  éteignirent  tous  les  brandons  de  la 
guerre  civile,  sans  employer  aucune  mesure  coércitive.  »  (2)  Carrier 
seul  prit  la  parole  dans  la  Société,  car,  on  Ta  vu,  Pocholle  se  défend 
d'y  avoir  dit  un  mot. 

L'apaisement  décrété  par  la  Convention  (3)  n'arrêta  pas  plus  les 
Montagnards  dans  leurs  représailles  contre  les  fédéralistes  et  les 
ennemis  des  Jacobins  de  Paris,  qu'il  n'empêcha  la  Convention  elle- 
même  de  s'acharner  après  les  Girondins. 

Le  13  juillet,  Descroisilles  est  dénoncé  pour  avoir  dit,  Tavant- 
veille,  dans  la  rue  Saint-Lô,  près  la  maison  commune,  que  son  frère, 
quoique  inscrit  pour  partir  où  besoin  serait,  ne  partirait  pas.  Déjà,  il 
s'était  fait  rayer  sur  le  registre  de  la  garde  nationale  de  Rouen,  afin 
de  ne  pas  concourir  à  la  formation  du  bataillon  mis  en  réquisition 
par  les  représentants  du  peuple  ;  il  avait  même  conseillé  et  détourné 
le  citoyen  Jacques  Delanos  de  marcher  contre  le  Calvados,  ajoutant 
avec  d'autres  explications,  que  la  Convention  n'était  pas  libre  et 
que  c'était  la  minorité  qui  opprimait  la  majorité. 

(i)  La  Révolution  française,  1890,  p.  80. 

(2)  Rappoi't  de  CatTier,  représentant  du  peuple,  sur  les  différentes  missions  qui  lui 
ont  été  déléguées,  imprimé  par  ordre  de  la  Convention,  p.  2. 

(3)  Les  véritables  sentiments  de  la  Convention  sont  révélés  notamment  par  l'art.  7 
du  décret  du  16  août  1793,  qui  exclut  des  administrations  ceux  qui  ont  coopéré  ou 
adhéré  à  de%  arrêtés  liberticides  tendant  au  fédéralisme  et  subversifs  de  l'unité  et 
de  rindestructibilité  de  la  République,  ou  qui  auraient  donné  des  marques  particulières 
dincivisme,  môme  s'ils  s'étaient  rétractés. 


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-  175  - 

Le  jour  même,  une  enquête  est  commencée  contre  Descroisilles; 
mais,  à  ce  moment,  prévaut  encore  la  modération,  et,  pour  atteindre 
Descroisilles,  les  Jacobins  rouennais  sont  obligés  de  surseoir  jusqu'à 
l'heure  où  ils  devfendront  les  maîtres.  C'est  seulement  le  4  septembre, 
après  l'établissement  du  comité  de  salut  public,  dont  il  sera  plus  loin 
question,,  que  le  mandat  décerné  contre  Descroisilles  put  recevoir 
son  exécution.  Arrêté  chez  Mariolle,  cafetier,  et  conduit  à  maison 
d'arrêt,  dite  Saint-Lô,  il  s'y  trouva  pendant  quelques  jours  avec 
son  ami  Bîgnon,  dans  une  chambre  qu'il  trouvait  trop  petite  le 
12  du  même  mois. 

C'est  en  vain  d'abord  que  Descroisilles,  «  cet  ardent  républicain, 
qui  s'est  déclaré  l'ennemi  des  rois,  qui  préfère  la  mort  à  la  perte  de 
la  liberté  »,  joint  ses  eflEorts  à  ceux  de  ses  amis  pour  sortir  prompte- 
ment  de  sa  prison.  Sa  sœur,  accompagnée  d  un  mari  (1)  dont  le 
nom  et  l'état  auraient  dû  donner  un  grand  poids  à  sa  démarche, 
vient  inutilement,  le  24  septembre,  solliciter  en  sa  faveur  la  justice 
du  comité,  auquel  elle  laisse  un  écrit  où  le  couple  patriote  dit  avoir 
«  bien  mérité  de  la  patrie  en  écrasant  l'aristocratie  épiscopale  »  et 
regarde  comme  sa  récompense  la  plus  précieuse  la  liberté  de 
Descroisilles. 

Visites  et  phrases  ne  surent  point  fléchir  les  anciens  amis  de 
l'imprudent,  coupable  d'avoir  dit  tout  haut  ce  que  tant  de  gens 
pensaient  impunément,  et  de  ne  pas  s'en  être  assez  vite  repenti.  Il 
fallait  bien,  au  début,  établir  l'inflexibilité  du  comité.  Cependant, 
Descroisilles  qui,  peut-être,  avait  eu  raison  de  craindre  de  se  soli- 
dariser avec  Bignon,  par  une  cohabitation  involontaire  à  Saînt-Lô, 
Descroisilles  fut  mis  en  liberté  beaucoup  plus  tôt  que  son  ami,  et  en 
pleine  Terreur. . . 

Le  prétexte  à  des  poursuites  contre  Bignon  ne  se  présentant 
point,  une  députation  de  quatre  citoyens  —  il  est  superflu  de  dire 

(i)  Victor-Amédée  Quesnel,  âgé  de  trente-neuf  ans,  curé  de  Saint- Jacques  de 
Dieppe,  dont  le  Joutmal  de  Rouen  avait  annoncé  le  mariage  sans  révéler  le  nom  de  sa 
femme.  Bientôt,  malgré  son  apostasie,  il  fut  lui-même  victime  de  la  Révolution.  Dénoncé 
au  département  en  janvier  1793,  on  le  laissa  tranquille  ;  mais  le  même  fait  le  fit  em- 
prisonner et  transférer  à  Rouen,  le  14  janvier  1794,  et  mettre  en  accusation,  le  16  mars 
suivant,  sur  une  seconde  dénonciation  du  district  de  Dieppe.  (Reg.  du  dépar^  et  notes 
de  Tauteiur.)    * 


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d  où  ils  viennent  —  dépose,  le  26  juillet,  une  pétition  individuelle 
souscrite  de  trente-cinq  signatures,  dénonçant  les  citoyens  Bignon, 
dont  l'un  est  principal  du  collège  et  l'autre  professeur  de  sixième. 
Les  Bignon  se  sont  mis  dans  un  fort  mauvais  cas  ;  ils  sont  repré- 
sentés comme  étant  les  ennemis  les  plus  déchaînés  de  «  notre  révo- 
lution »  ;  leur  aristocratie  est  si  dégoûtante  qu  elle  répugne  à  tout 
homme  libre  ;  ils  ont  proféré  les  propos  les  plus  inciviques  contre 
«  l'heureuse  et  immortelle  insurrection  des  31  mai,  1*^  et  2  juin.  » 
A  la  tribune  des  Jacobins  de  Rouen  ils  ont  prêché  ouvertement  la 
guerre  civile  ;  ils  ont  excité  au  fédéralisme  pour  se  coaliser  avec  les 
départements  insurgés  ;  ils  ont  soutenu  qu'il  fallait  une  sainte  ligue 
pour  nous  sauver  !  Ces  «  deux  féroces  ennemis  de  leur  pays  »  ne 
doivent  pas  rester  dans  leurs  places  pour  gangrener  l'esprit  des 
enfants,  et  sont  à  remplacer  par  des  hommes  vertueux  aimant  la 
liberté,  l'égalité  et  la  république.  ))  (1) 

Les  Bignon  répondirent,  peut-être  un  peu  trop  fièrement  pour 
la  situation,  par  un  écrit  collectif,  dédaigneux  et  irrité,  excipant 
d'abord  d'un  défaut  de  forme  de  la  dénonciation,  puis  se  faisant 
blancs  comme  neige,  taxant  eux-mêmes  de  férocité  leurs  délateurs, 
choisis  parmi  les  moins  marquants  de  leurs  adversaires  :  «l'opinion 
où  nous  étions,  disent-ils  pour  se  justifier,  qu'une  fraction  de  la 
république  attentait  à  la  liberté  des  autres,  nous  porta  à  penser  et  à 
dire  que  l'union  de  tous  les  départements  était  indispensable  pour 
garantir  la  représentation  nationale.  Est-ce  là  le  fédéralisme  et  la 
guerre  civile?  Nous  avons  parlé  contre  l'arrestation  des  députés 
parce  que  nous  ignorions  leur  délits. . .  » 

Sur  le  vu  des  pièces,  la  commune  estima,  le  9  août,  que  «  no- 
nobstant leur  rétractation  et  l'aveu  de  leur  erreur,  lesdits  Bignon 
devaient  être  mandés  par  le  procureur  général  syndic  du  départe- 
ment pour  recevoir  l'injonction  d'être  plus  circonspects  à  lavenir.  » 
Le  district  donnait  le  29  août  un  avis  conforme  I   (2) 

Il  n'est  pas  probable  que  Anquetin  ait  eu  à  admonester  son 
frère  Bignon.  L'un  des  premiers  mandats  d'arrêt  lancés  par  le  comité 


(1)  .\rch.  mpales;  pièce  originale. 

(2)  Reg.  du  district  et  de  la  mpalitê. 


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-  177  - 

de  salut  public  du  29  août  fut  décerné  contre  Biguon  Talué  comme 
notoirement  suspect  d'incivisme  et  d'aristocratie.  Le  commissaire  de 
police  Vincent  l'arrêta  au  bureau  permanent  de  la  commune,  après 
en  avoir  demandé  la  permission  aux  membres  de  ce  bureau.  Conduit 
le  30  à  la  maison  d'arrêt  de  Saint-Lô,  Bignon  <(  ami  de  la  liberté, 
républicain  vertueux  »  adressait,  le  4  septembre,  «  de  l'odieux  repaire 
destiné  aux  esclaves,  de  l'asile  du  crime,  »  ses  plaintes  au  comité  : 
«  Je  pourrais,  dit-il,  me  réclamer  de  nos  anciennes  liaisons,  dont  la 
rupture  m'est  devenue  si  funeste.  C'est  l'équité  seule  que 'j'invoque. 
Si  je  suis  malheureux,  je  saurai  souflErir  et  être  libre  dans  les  fers.  » 
Il  resta  un  an  et  douze  jours  à  Saint- Yon,  où  il  avait  été  transféré 
le  18  octobre  (1),  recourant  à  tous  les  moyens  pour  en  sortir,  abdi- 
quant même  son  état  de  prêtre  (2),  mais  reculant  toutefois  devant 
l'expédient  extrême  qui,  peu  de  temps  après,  faisait  promptement 
mettre  en  liberté  Durand,  l'ex-curé  de  Saint-Jean. 

Pendant  sa  détention,  Bignon  courut  un  très  sérieux  danger 
dont  il  ne  s'est  peut-être  jamais  douté.  On  allait  juger  devant  le 
tribunal  révolutionnaire  de  Paris  les  vingt-trois  rouennais  de 
l'affaire  la  Rougemare.  Au  cours  de  la  longue  audition  des  témoins, 
Fouquîer-Tinville  se  trouva  amené  —  (l'idée  ne  lui  en  fut-elle  pas 
suggérée  par  les  nombreux  Jacobins  rouennais  présents  h  Paris  ?)  — 
à  produire  le  témoignage  de  labbé  Bignon.  Le  comité  de  Rouen 
en  dissuada  l'accusateur  public  qui,  le  5  septembre,  le  remercia 
d  de  ne  pas  lui  avoir  envoyé  ce  témoin  qui,  d  après  les  causes  de 
son  arrestation,  est  peu  propre  h  figurer  dans  une  affaire  où  il  s'agit 
de  juger  des  contre-révolutionnaires  »  (3). 

Bignon  échappa  ainsi  aux  redoutables  éventualités  qui  mena- 
cèrent  parfois  les  témoins  d'être  transformés  en  accusés  (4). 

(1)  L'abbé  Bignon,  alors  professeur  de  seconde  au  collège,  avait  prêté  le  serment 
à  la  cathédrale  le  23  janvier  1791.  Le  2  frimaire  an  II  (22  novembre  1793)  il  écrivait  au 
Conseil  général  de  la  commune  qu'il  renonçait  à  exercer  aucune  fonction  ecclésiastique 
et  que  ses  lettres  de  prêtrise  étaient  brûlées  depuis  deux  ans. 

(2)  M.  de  la  Quériére,  dans  sa  notice  sur  Bignon,  dit  que  celui-ci  entra  le  premier 
à  Saint- Yon.  Une  vingtaine  de  détenus  y  étaient  déjà  depuis  quelques  jours  lorsqu'il  y 
arriva.  L'arrestation  de  Bignon  entraîna  l'apposition  de  scellés  sur  la  sacristie  du  collège, 
scellés  qui  se  trouvèrent  brisés  accidentellement.  Le  portier  du  collège,  Garon,  qui 
en  était  le  gardien,  n'en  fut  pas  moins  arrêté  le  15  thermidor. 

(3)  Arch.  mpales.  Lettre  autographe  de  Fouquier-Tinville. 

(4)  V.  Wallon,  Hist.  du  Tr\b.  Rêvol,,  t.  III,  p.  397,un  exemple  des  risques  courus  par 
If^  témoins. 


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—  178  - 

Quant  à  Bignon  le  jeune,  moins  compromis  et  moins  attaqué,  il 
bénéficia  de  ce  qu'il  était  laïque  et  de  la  faveur  de  ses  vingt-deux 
ans  et  de  ses  chansons  d  an  tan.  Il  s'en  tira  en  démissionnant  le 
10  novembre  1793  de  ses  fonctions  de  professeur,  en  s'enrôlant  dans 
le  bataillon  envoyé  vers  ce  temps-là  au  Havre-Marat  (1),  et 
en  s'appliquant  désormais  uniquement  h  prouver  que 

Le  mérite  vengé  n'a  plus  besoin  d'aïeux  : 

Tout  grand  homme,  aujourd'hui,  sera  son  propre  ouvrage. 

Et  la  célébrité  n'est  plus  un  héritage  (3>. 

Un  autre  personnage  dont  le  souvenir  parait  être  entièrement 
perdu  h  Rouen  et  dont  on  a  pu  suivre  les  évolutions  durant  les 
débats  sur  la  scission  jacobine  et  le  fédéralisme,  Jean -Louis 
Haraneder  (3),  qui  avait  accompagné  Bignon  Talné  devant  la  Con- 
vention le  30  mai,  sut  manœuvrer  avec  plus  d'adresse  et  avec  assez 
d'opportunité,  non  seulement  pour  éviter  la  détention,  mais  aussi 
pour  retrouver  la  confiance  des  Jacobins. 

L'extension  extrêmement  rapide  de  ses  affaires  commerciales, 
ses  relations  avec  des  étrangers,  servirent  de  prétexte  à  une  dénon- 
ciation à  la  suite  de  laquelle,  le  6  août  1793,  on  l'interroge  et  on 
vérifie  ses  registres  et  sa  correspondance  :  Il  a  pour  protecteur  le 
marquis  do  Miranda,  qui  habite  Madrid  depuis  vingt  ans,  qu'il  croit 
être  de  Hendaye,  et  qui  n'est  pas  un  émigré.  M.  de  Miranda. 
principalement,  et  le  comte  de  Prasca  (ou  Praselia),  de  Cadix,  sont 
les  bailleurs   de   fonds  considérables  qu'il  lui    a   fallu    pour    ses 

H)  Les  biographies  de  Pierre-Eilouard-Henri  Bignon  sont  d'une  obscurité  peut-être 
intentionnelle  pour  cette  période  de  sa  vie.  On  le  retrouve  au  Havi-c-Marat,  chansoimaut 
encore  Coijourg  dans  des  couplets  dits  au  théàti-e  du  Havre,  le  6  juillet  1794,  et  publiés 
dans  le  Journal  de  Rouen  du  1*2  messidor  (12  juillet),  p.  i>9. 

(2)  E pitre  d*un  professeur  aux  écoliers  à  la  rentrée  de%  classes,  lue  à  la  Société  des: 
Amis  de  la  Constitution  de  Rouen,  et  imprimée  par  son  ordre,  par  M.  Bignon,  professeur 
de  sixième  au  collège  de  cette  ville,  brochure  de  16  p.  in-8",  à  Rouen,  à  l'imprimene  de 
P.  Seyer  et  Behours,  imp.  de  la  Société,  1791,  avec  cette  épigraphe  :  On  façonne  les 
plantes  par  la  culture  et  les  hommes  par  Véducation  (Enéide,  liv.  I.) 

(3)  Son  père  avait  été  maire  de  Ciboure,  près  de  Saint-Jean-de-Luz  (arr.  de 
Bayoïme,  Basses-Pyrénées.)  Un  de  ses  frères  périt  dans  les  troubles  dAmérique  à  la 
fin  de  1793.  4.-L.  Haraneder  avait  été  dans  la  maison  Elie  Lefebvre  depuis  1788  jusiju  en 
décembre  1792,  époque  à  laquelle  il  la  quitta  pour  fonder  une  riiaison  de  commerce  rue 
du  Bac,  n*»  48. 


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-  179  - 

achats  (1).  Il  a  tiré  «  sur  d'autres  banquiers,  »  notamment  sur 
Legrand  et  C»«,  les  citoyens  Greflulhe  et  C^«,  de  Paris,  et  Zéerleder 
etO«,  deBergues  (2). 

Or,  malgré  la  part  qu'il  a  prise  aux  manifestations  contre  les 

Jacobins  de  Paris,  Hanmeder  n'est  pas  même  arrêté,  et,  le  27  août, 

le  conseil  général  de  la  commune  déclare  qu'il  n'y  a  pas  lieu  à 

accusation  contre  lui.  Mieux  encore,  le  surlendemain  29,  on  en  fait 

un  membre  du  comité  de  Salut  public  tout   comme   le   citoyen 

Grandin,  que  sa  mission  de  juin,  à  Evreux,  eut  dû,  ce  semble,  faire 

suspecter.  L'audace  qui  l'a  fa't  triompher  l'autorise  à  dire  à  la  fin 

d'octobre,  dans  la  Société  populaire,  qu'il  devait  partir  avec  un  de 

ses    frères  pour  l'armée,  ^  mais   que   les  représentants  du   peuple 

la  valent  nommé  du  comité  de  subsistances  et  qu'il  avait  accepté 

pour  faire  la  guerre  aux  royalistes  et  aux  fédéralistes.  Cependant, 

Haraneder  n'était  pas  perdu  de  vue,  et  à  la  Société  populaire,  le 

30  janvier  1794,  lors  de  son  épuration,  une  expression  déplacée 

l'ayant  fait  rappeler  à  l'ordre  par  Thierry,  président,  on  lui  reprocha 

diflférents  faits  de  fédéralisme,  d'avoir  traité  les  Jacobins  de  scélérats, 

d'avoir  injurié  la  Montagne,  puis  d'avoir  chanté  leurs  louanges  selon 

que  les  circonstances  l'exigeaient,  d'avoir  été  l'agent  d  un  comte 

d'Espagne  pour  former  à  Rouen  des   accaparements   immenses. 

Comme  on  lui  reproche  plus  particulièrement  de  s'être  replié  sous 

toutes  les  formes  pour  en  imposer  au  peuple  et  aux  tribunes,  un 

membre  vient  le  défendre  et  affirme  qu'il  le  tient  pour  un  bon 

patriote  —  en  se  fondant  sur  les  bons  propos  qu'il  lui  a  tenus  I  —  Et 

Haraneder,  qui  ne  manque   pas  d'aplomb,  soutient  qu'il  n'a  fait 

qu'accompagner  Bignon  au  département,  qu'il  n'a  parlé  ni  contre 

la  Convention  ni  contre  la  Montagne,  et  que  c'est  une  preuve  qu'il 

ne  partageait  pas  l'opinion  de  Bignon  !  Après  une  chaude  discussion 

et  un  résumé  des  principaux  faits  par  le  président  qui  en  «  offre  la 

balance  à  la  justice  de  la  société,  »  l'assemblée  se  prononce  une  fois 


(1)  En  i79t,  il  versait  aux  mains  du  receveur  séquestre  du  district  de  Rouen, 
comme  dues  à  des  étrangers,  habitant  les  pays  en  guerre  avec  la  République,  des 
î^ommes  montant  à  plus  de  210,000  l.  (Arch.  du  dép.  —  Reg.  des  pétitions  du  distr.) 

(2)  AiTh.  nipales. 


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-  180- 

de  plus  en  faveur  de  Haraneder  (1).  Il  est  vrai  que  Siblot,  sans  le 
destituer,  le  remplaça  par  Arnault,  comme  oflScier  municipal,  le 
3  germinal. 

Lefebvre,  capitaine  des  canonnière  du  5®  bataillon  de  la  garde 
nationale,  fut  moins  heureux.  Un  arrêté  des  représentants  du  peuple 
le  destitua  comme  l'ennemi  de  la  constitution  républicaine,  le 
partisan  du  fédéralisme,  le  provocateur  de  la  guerre  civile  (2). 

Leblond,  membre  du  département,  un  des  auteurs  de  l'Adresse 
fédéraliste  du  département,  du  14  juin,  sur  les  journées  des  31  mai 
et  2  Juin,  destitué  et  non  réintégré,  fut  arrêté  à  la  tîn  de  germinal 

an  IL 

Les  dénonciations  et  les  poursuites  dureront  longtemps  encore 
contre  les  fédéralistes  rouennais,  qui  seront  relancés  jusque  dans  la 
capitale.  Dans  la  séance  des  Jacobins  de  Paris,  du  16  décembre  1793, 
Denys  de  Vitré  (3),  qui  habite  Rouen,  hôtel  de  France,  rue  des 
Carmes,  est  dénoncé  par  Lenud,  d'Yvetot,  et  conduit  au  comité  de 
sûreté  générale.  Là,  Hébert  dit  au  sujet  de  cette  arrestation  que 
a  dans  beaucoup  de  villes,  et  notamment  à  Rouen,  il  s'est  glissé, 
dans  les  sociétés  populaires,  un  nombre  infini  d'agents  de  Pitt.  On 
s'y  moque,  clame  Hébert,  des  décrets  de  la  Convention.  On  se  rap- 
pelle, ajoute-il,  que  cette  ville,  qui  penchait  pour  le  parti  fédéraliste, 
n'a  balancé  à  le  suivre  que  parce  qu'elle  a  eu  tout  le  commerce  passer 
dans  le  midi  (4).  A  Rouen,  comme  dans  toutes  les  grandes  villes 
commerçantes,  l'esprit  public  est  très  mauvais  ;  d'après  le  même 
Hébert,  les  marchands  sont  essentiellement  contre-révolutionnaires 
et  vendraient  leur  patrie  pour  quelques  sous  de  bénéfice (5). 

(1)  Reg.  de  la  Société  populaire. 

(2)  Reg.  des  délibérations  de  la  commune  dç  Rouen. 

(3)  Ce  pseudo-anglais,  diffîcile  à  définir,  avait  souscrit  le  29  octobre  1792.  pour 
300  I.  à  l'emprunt  de  deux  millions.  11  avait  rt'sidé  à  Montargis  en  1790-1791  et  les 
patriotes  de  cette  ville  lui  reprochaient  seulement  d'à voirconser\'é  une  niuscadincne 
ejrténeiire.U  avait  un  commerce  littéraii-e  avec  quelques  habitants  de  Londres,  qu'il  avait 
habité.  On  lui  reprochait  d'avoir  été  mis  à  la  tète  d'une  manufacture  appartenant  à 
Philippe  d'Orléans.  Détenu  à  Sainte-Pélagie,  puis  à  la  maison  du  Luxembourg,  Denys 
fut  réclamé  par  la  société  populaire  de  Rouen  en  prairial  an  U.  Le  comité  de  sur\eil- 
lance  de  Rouen,  en  mars  1793,  avait  fait  sur  ses  antécédents  une  enquête  peu  favorable, 
quoiqu'il  eut  été  envoyé  en  mission  officielle  à  Paris  pour  les  subsistances. 

(4)  Moniteur  du  1«f  nivôse  an  IL 

(5)  Monitexir  du  22  brumaire  an  II,  p.  238. 1»^  col. 


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-  181  - 

m 

Après  avoir  ainsi  noté  quelques-unes  des  suites  du  fédéralisme, 
il  ne  sera  pas  inutile  de  donner  des  détails  oubliés  ou  nouveaux  sur 
le  sort  des  députés  de  la  Seine-Inférieure,  dont  les  opinions  et  les 
actes  n'avaient  pas  été  sans  influence  sur  l'attitude  des  sociétés 
populaires  et  des  administrations. 

Faure  fut  le  premier  atteint  :  une  loi  du  21  août  1793  avait 
ordonné  l'arrestation  de  tous  les  députés  ayant  écrit  contre  les 
journées  des  31  mai,  l*"^  et  2  juin  (1).  L'homme  à  tout  faire  de 
Robespierre,  l'ami  intime  de  feu  Marat,  l'agent  principal  et  l'as- 
sassin privilégié  aux  ordres  du  Comité  de  Salut  public  (2),  Louis 
Héron,  qui  disait  avoir  son  domicile  rue  Saint-Florentin,  n®  674,  ré- 
clame le  23  août,  c'est-à-dire  le  surlendemain  de  cette  loi,  son  exé- 
cution «  à  l'égard  du  nommé  Faure,  qui  se  trouve  coupable  de  ce  fait.  » 

A  sa  dénonciation.  Héron  joignait  deux  imprimés  que  le  député 
avait  fait  circuler  dans  la  ville  du  Havre,  et  qui  avaient  été  envoyés 
de  cette  ville  au  citoyen  Bernaudot  (1),  rue  Saint-Florentin,  n«  674, 
Il  y  joignit  aussi  le  Journal  du  Soir,  d'Etienne  Feuillant,  contenant 
le  résumé  de  la  séance  de  la  Convention  du  28  décembre  1792,  où  se 
lisait  ce  passage,  souligné  :  «  Faure,  député  du  Havre,  a  pensé  que 
la  Convention  se  déshonorerait,  se  couvrirait  d'opprobre,  si  elle 
prononçait  la  peine  de  mort  contre  le  ci-devant  roi,  » 

Le  31  août,  les  membres  du  Comité  de  Salut  public,  «  considé- 
rant que  l'auteur  de  ces  écrits  ne  pouvait  avoir  eu  d'autres  intentions 
que  d'avilir  la  représentation  nationale,  calomnier  le  peuple  de  Paris 
et  faire  marcher  les  départements  contre  la  capitale,  prescrivit  que 

(1)  La  dénonciation  de  Héron  cite  cette  loi,  qui  n'est  pas  dans  la  collection  Ron- 
donneau,  et  que  M.  Biré  ne  mentionne  pas  dans  son  récit,  quelque  peu  confus,  des 
mesures  édictées  contre  les  Gii*ondins,  pas  plus  qu'il  ne  dit  les  conséquences  qu'elle 
eut  en  ce  qui  concerne  Faure.  11  en  est  de  même  dans  l'ouvrage  de  M.  Wallon,  sur  le 
Fédéi'alitnie, 

(2)  Senard,  Révélations  puisées  dans  les  cartons  des  Comités  de  l^lut  public  et 
de  Sûreté  générale, 

(3)  Ce  Bernaudot  ou  Bemaudat  était  vraisemblablement  le  même  que  Bemaudat 
AUt  l'un  des  membres  du  Comité  de  surveillance  du  Havre,  qui  accompagnèrent' l'au- 
dacieux Briquet,  délégué  du  Comité  de  sûreté  générale,  dont  l'odyssée,au  Havre  et  «aix 
environs,  fut  interrompue  en  l'an  III  par  des  poursuites  et  un  renvoi  devant  le  tribumU 
révolutionnaire  de  Paris  où  il  fut  transféré  le  ffî  vendémiaire  an  IV* 


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-  182  - 

Faure  serait  mis  en  arrestation  et  conduit  au  Luxembourg.  (1)  L'exé- 
cution de  cet  ordre  s'ensuivit  bientôt  (2). 

Le  décret  du  3  octobre  n'aggrava  point  la  situation  de  Faure, 
mais  étendit  à  neuf  de  ses  collègues  de  la  Seine-Inférieure  les 
mesures  de  rigueur  contre  les  vaincus  des  31  mai  et  2  juin.  Les  plus 
sévèrement  traités,  Duval  (3),  Delahayeet  Hardy  (4),  heureusement 
cachés,  étaient  déférés  au  tribunal  révolutionnaire  avec  quarante- 
et-un  autres.  Bailleul,  Doublet,  Hecquet,  Faure,  Lefebvre,  Ruault 
et  Vincent  étaient  envoyés  en  détention. 

Il  semble  que  Mariette  faillit  subir  la  môme  peine,  car  le 
rapport  de  JuUien  (5)  le  cite  avec  Buzot,  Barbaroux,  Delahaye, 
Duval  et  autres  arrivant  à  Evreux  et  y  prêchant  l'insubordination, 
la  rébellion  à  tous  les  pouvoirs. 

(1)  Arch.  nationales  D  m  343. 

(2)  Son  fils  demande,  le  6  octobre,  la  permission  d'aller  le  voir  et  produit  le  8  un 
certificat  à  lui  délivré  par  le  président  et  les  juges  du  tribunal  du  premier  arrondisse- 
ment de  Paris.  Faure  fut  ensuite  transféré  à  la  maison  d'arrêt  des  Ecossais.  C'est  de 
cette  maison  qu'est  daté  du  13  vendémiaire  an  III,  l'écrit  publié  a  la  suite  de  VOpiniofi 
de  CamboUy  plaidant  la  cause  de  ses  soixante-treize  collègues,  ou  la  vérité  sur  les 
événements  du  31  mai^  signé  notamment  de  Faure  et  de  Saladin. 

(3)  Duval,  comme  Hardy,  figure  dans  un  «  Etat  de  la  consistance  des  biens  confis- 
qués »,  dressé  en  floréal  an  II  par  la  municipalité  de  Rouen.  On  ne  lui  commit  aucuns 
biens  fonds  ni  meubles  dans  la  commune  ;  a  il  est  présumable  qu'il  a  fait  transporter 
ses  meubles  à  Paris,  lorsqu'il  a  été  nommé  député,  ou  que  peut-être  ils  ont  été  cachés, 
ce  dont  on  n'a  pu  se  convaincre.  »  (Arch.  du  dépt.) 

(4)  Le  mobilier  de  Hardy,  inventorié  le  8  octobre  1794,  dans  sa  maison  de  la  rue 
des  Charrettes,  vis-à-vis  le  Pont-Aritaine,  fut  vendu  les  12, 16  et  18  novembre  1794,  plus 
d'un  an  après  sa  mise  hors  la  loi.  Le  produit  s'en  éleva  à  5,425 1.  65  d.  Ses  livres  (IKi 
ouvrages  en  243  volumes)  avaient  été  envoyés  à  la  bibliothèque  du  district  de  Rouen, 
le  9  octobre.  Ses  papiers  comprenaient  entre  autres  les  titres  d'une  vente  due  par  le  ci- 
devant  collège  de  médecine  à  Maillard  d'Houppeville,  et  le  registre  des  délibérations 
de  ce  collège.  Ses  tableaux,  estimés  par  Lecarpentier,  comprenaient  notamment  : 
Canards  chassés  par  un  chien  et  Chien  gardant  du  gibier  (300  1.)  Silène  barbouillé  de 
mûres  par  une  nymphe  et  enchaîné  par  des  satyres  (inachevé)  ;  Soldats  espagnols 
jouant  au  dés  (200  1.)  Outre  la  restitution  du  montant  de  la  vente  mobilière,  le  comité 
de  sûreté  générale,  lorsque  Hardy  rentra  à  la  Convention,  lui  accorda  6,000  1.  pour 
pertes  faites  sur  sa  maison  de  Rouen  et  celle  qu'il  occupait  à  Paris.  Son  mobilier  de 
Paris  avait  été  vendu  aussi.  La  maison  de  la  rue  des  Chcurrettes,  «  occupée  en  partie 
par  une  société  littéraire  et  partie  par  Hardy,  ayant  appartenue  à  l'émigré  Poutraincourt* 
fut  soumissionnée  le  18  prairial  /m  II  par  Paynel,  greffier  du  tribunal  criminel  (arch.  du 
dépt.)  Paynel  était  peut-être  un  prète-nom.  La  société  littéraire  avait,  en  1792,  pour 
syndic  Allard  ;  Machuel  en  était  membre. 

{h)  Rapport  fait  au  nom  du  comité  de  sûreté  générale  par  Jullien  (de  Toulouse), 
député  de  la  Haute-Garonne,  sur  les  administrations  rebelles. 


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-  183  — 

Doublet,  incarcéré  à  la  Force,  y  mourut  à  rinfirmeriei  le  25 
novembre  1793  (1). 

Vincent,  Hccquet  et  Ruault  furent  mis  en  arrestation  d'abord 
chez  eux,  puis  aux  Carmes.  Pocholle  se  crut  obligé,  le  !•'  février  1794, 
de  déclarer  au  comité  de  sûreté  générale  que  la  nuit  précédente  il  avait 
reçu  la  visite  du  citoyen  Vincent,  député  :  «  Vincent,  dit-il,  s'est 
présenté  chez  moi  avec  un  empressement  qui  n'a  pas  permis  à  celui 
qui  a  ouvert  la  porte  de  s'assurer  s'il  devait  le  recevoir.  II  s'est 
annoncé  comme  mon  parent  et  il  l'est  effectivement.  Il  était  accom- 
pagné d'un  garde  que  j'ai  mal  entrevu,  étant  alors  couché.  Il  m'a 
dit  qu'il  était  sorti  pour  assister  à  la  levée  des  scellés  sur  ses  papiers. 
Il  a  passé  un  quart  d'heure  auprès  de  mon  lit »  (2). 

La  députation  de  la  Seine-Inférieure  se  trouva  donc,  dès  avant 
le  décret  du  3  octobre,  réduite  aux  six  députés  épargnés.  Mariette  et 
Blutel  furent  suspectés  au  moins  pendant  un  certain  temps;  Albitte 
et  Pocholle  étaient  en  mission.  Le  département  n'était  plus  repré- 
senté, pour  ainsi  dire,  que  par  deux  députés,  Bourgois  et  Yger,  les 
plus  insignifiants  peut-être  des  seize  élus. 

Il  y  avait  lieu  de  remplacer  tout  au  moins  les  dix  députés  exclus, 
et  six  suppléants  seulement  avaient  été  nommés. 

Depuis  leur  élection,  et  avec  les  événements,  la  situation  et  les 
idées  de  la  plupart  d'entre  ces  suppléants  s'étaient  modifiées* 
Grandin,  proche  parent  de  M.  de  Fontenay,  était  encore  adminis- 
trateur du  département  et  bien  vu  des  patriotes,  puisque  le 
29  août  1793,  il  entre  au  comité  de  Salut  public,  et  y  est  maintenu 
le  3  janvier  1794  (3).  Rousselet  devenait  greflBer  du  tribunal  du 
district  de  Neufchâtel.  Ces  situations  n'avaient  point  créé  d'in- 
compatibilité absolue.  Cependant  ils  ne  siégèrent  pas  plus  que 

(i)  n  semble  qu'il  n'avait  pas  été  dressé  d'acte  de  son  décès,  car  on  y  supplée 
lors  du  mariage  de  l'un  de  ses  fils  par  un  acte  de  notoriété  dressé  par  Cuisinier, 
notaire  à  Grandcourt  (minutier  de  M«  Lecompte,  notaire  à  Londiniéres).  Dès  le  lende- 
main du  décès  de  Doublet,  le  comité  des  décrets  de  la  Convention  écrivit  à  Rouen  pour 
faire  remplacer  l'un  des  suppléants  ;  sa  lettre  laisse  en  blanc  le  nom  du  district 
auquel  elle  est  destinée.  (Ârcn.  du  dépt.) 

(2)  Arch.  nationales,  dui  357. 

(3)  Grandin  donna  sa  démission  d'administrateur  le  21  avril  1794,  comme  étan 
assimilé  aux  nobles  par  décret  du  17  de  ce  mois.  Lecomte  le  fit  réintégrer  le  1»' juillet 
suivant,  (Reg.  du  départ.) 


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^  -  184  — 

Arvers,  lequel  s'était  fait  inscrire  dès  le  6  mars  1793  (1),  au  moment 
où,  par  suite  de  Tabsence  de  députés  titulaires  envoyés  en  mission, 
on  pouvait  croire  qu'il  aurait  à  suppléer  l'un  d'eux. 

Lecomte  remplaça,  dès  le  25  juillet,  Delahaye,  déclaré  démis- 
sionnaire comme  s'étant  absenté  sans  congé.  Il  s'était  fait  inscrire  la 
veille,  mais  il  était  déjà  depuis  quelques  jours  à  Paris,  car,  dès  le 
21,  la  municipalité  de  Rouen,  privée  de  ses  députés  et  corres- 
pondants, et  n'ayant  guère  h  compter,  alors,  que  sur  l'appui  de 
Lecomte  auprès  de  l'Assemblée  et  des  Comités  dans  les  circonstances 
diflSciles,  lui  écrit  une  lettre  flatteuse,  lui  envoyant  ses  vœux,  espé- 
rant que  ses  anciens  collègues  continueront  de  lui  être  cbers,  lui 
rappelant  que  le  peuple  de  Rouen  compte  sur  son  courage  et  sa 
loyauté  (2).  Il  parait,  pourtant,  qu'à  cette  date,  Lecomte  n'était  pas 
encore  définitivement  agréé  par  la  Convention  ;  c'est  en  effet  seule- 
ment le  5  novembre  que  le  district  de  Rouen  envoyait  au  comité  des 
décrets  dés  renseignements  sur  Lecomte  (3). 

Revelle  remplace  Duval  à  partir  du  3  août,  et  Albitte  le  jeune 
vient  succéder  à  Doublet  le  15  décembre.  Ils  ne  furent  admis,  sans 
doute,  qu'après  avoir  été  aussi  l'objet  d'enquêtes. 


(i)  G.  Bord,  ouyt.  cité.  Arvers  avait  été  exclu  de  la  Société  populaire  de  Rouen, 
encore  bien  que,  selon  Lamine,  il  fut  bon  patriote  (séance  du  16  brumaire  an  II). 
(2)  Arch.  mpalee.  Reg.  de  corresp. 
9)  Arch.  du  départ.  Reg.  du  district. 


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-.M5  - 


CHAPITRE  HUITIÈME 

Maailtttations  réTolutionnairef  à  U  Gommane.  —  Discourt  cenciliant  da  M.  Rondeaux. 

—  Ezigancei  des  Sans-Culottes.  —  PochoUe  et  Carrier  quittent  la  Seine-Inférieure 

—  La  mission  Legandre  et  Louchât.  —  La  levée  en  masse.  —  L'affaire  Bourgue- 
BMBi-Tontain  :  Un  gflet  contre-révolutionnaire.  —  Roger  fils,  TTemés  et  Turgis, 
juges  du  Tribunal  de  polict.  —  Fermeté  de  la  municipalité.  —  Subsistances.  ~ 
Un  Agent  secret  —  La  Société  populaire.  —  Un  jouràaliste  et  la  censure.  — 
Fable  on  complot?  —  Création  du  Comité  départemental  de  Salut  public.  — 
Excès  de  pouvoirs.  —  Les  Députés  trompent  la  Convention.  —  Réquisitions  dans 
l'Eure,  illégales  d*abord.  —  Legeodre,  Louchât  et  Delacroix  dans  la  maison  Bigot. 
— '  Le  vin  des  émigrés. 

L'enthousiasme  des  patriotes  rouennais  n'a  point  de  bornes. 
Aux  victoires  de  la  commune  de  Paris  et  de  la  Convention  sur  les 
Girondins  et  le  fédéralisme  succèdent,  avec  la  participation  de 
PochoUe  et  de  Carrier,  les  solennités  de  l'acceptation  de  l'acte  cons- 
titutionnel du  24  juin.  Cet  acte  est  précédé  d'une  nouvelle  déclaration 
des  Droits  de  l'homme  et  du  citoyen,  qui  proclame  et  explique  pom- 
peusement beaucoup  de  banalités  parmi  lesquelles  môme  cette 
«  limite  morale  »  de  la  liberté  :  ne  fais  pas  à  un  autre  ce  que  tu  ne 
veux  pas  qui  te  soit  fait,  si  peu  observée  par  les  révolutionnaires... 
et  leurs  adversaires.  L'assassinat  de  Marat  (1),  au  lieu  de  plonger  les 

(1)  Marat  fut  tué  le  13  juiUet  par  Charlotte  Corday,  laquelle,  condamnée  à  mort,  le 
17,  subit  sa  peine  le  même  jour.  Or,  le  18,  meurt  à  Rouen,  peut-être  d'émotion  et 
d'effroi,  un  vieillard,  père  d'une  dame  de  Corday,  née  Duhamel,  habitant  alors  cette 
ville,  rue  de  Maubeuge.  L'enthousiasme  des  montagnards  rouennais  pour  Marat  pouvait 
avoir  eu  pour  origine  le  souvenir  des  succès  remportés  par  celui-ci  à  TAcadémie  de 
Rouen,  notamment  en  1786,  et  ses  liaisons  jusque  au  début  de  la  Révolution  avec  dom 
Gourdin,  Scanegatti  et  autres  savants,  refroidies  surtout  par  la  publication  des  LeUres 
de  «  FAmi  du  Peuple  »,  sur  le  Charlatanisme  académique  (1791)  où  sont  maltraitées  les 
les  académies  de  province.  |V.  la  très  curieuse  étude  de  M.  de  Beaurepaire 
sur  un  manuscrit  de  dom  Goiurdin,  lue  à  la  séance  de  l'Académie  de  Rouen  du 
5  avril  1867).  Ces  savants  et  lettrés,  occupés  autant  de  problèmes  sociaux  et  politiques 
que  de  questions  scientifiques,  après  s'être  connus  dans  les  loges  maçonniques  et  les 
sociétés  littéraires  se  retrouvaient  dans  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution^  qu'ils 
fréquentaient  surtout  en  1790, 1791  et  1792.  —  Un  ancien  conseiller  au  Parlement  de 
Normandie,  Vaultier  de  la  Granderie,  —  dont  la  mère,  une  de  Civille,  s'était  remariée 
au  citoyen  Briscard,  de  Louviers,  —  fut  dénoncé  et  arrêté  en  décembre  1793,  par 
Rupalley,  qui  l'avait  entendu  dire  dans  le  bateau  de  la  Bouille  que  Rouen  aurait  pu 
s'appeler  Rouen-Marat,  aussi  bien  que  le  Havre>  Havre-Marat.  Par  cette  phrase,  écrivait 
ensuite  rex-consélller  au  comité  de  surveillance,  fai  cru  et  je  crois  encore  honorer 
Rouen  et  non  Voffemer.  U  n*en  resta  pas  moins  détenu  jusqu'après  thermidor.  (Arch. 
mpales.) 


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—  486  — 

montagnards  dans  un  deuil  silencieui^,  transforme  leur  admiration 
pour  ses  principes  en  un  culte  bruyant  pour  sa  mémoire,  et  fait 
prendre  un  nouvel  essor  à  leurs  manifestations. 

Vingt-quatre  sections  de  Rouen,  sur  vingt-six,  ont  adopté  des 
noms  imités  de  ceux  des  sections  de  Paris  et  en  harmonie  avec  Tac- 
centuation  récente  des  idées.  Dans  la  séance  du  conseil  général  de  la 
Commune  du  15  juillet,  Tune  d'elles,  la  vingt-deuxième,  vient 
soumettre  à  de  bien  rudes  épreuves  la  longanimité  des  conven- 
tionnels Lecointre  et  Lavallée. 

Au  discours  des  citoyens  de  cette  section,  qui  venaient  d'adopter 
le  titre  de  Sans-Culottes,  M.  Rondeaux  répond  par  un  discours  où 
l'on  retrouve  la  preuve  qu'il  entend  mettre  un  prix  aux  concessions 
par  lui  faites  pour  le  cnlme  et  la  concorde  :  « . . .  Vous  réclamez, 
dit-il,  le  titre  de  section  des  Sans-Culottes  :  Chacun  de  nous  s  honore 
de  le  partager  (sic).  L'homme  sage  abjure  les  distinctions  de  la 
fortune  ;  elles  s'anéantissent  devant  la  loi.  Citoyens,  soyons  toujours 
hospitaliers,  et  Rouen  continuera  d'être  l'asile  du  commerce  et 
des  arts  qui  jusqu'à  présent  ont  fait  sa  gloire.  »  Dans  cette 
phrase,  M.  Rondeaux  affirme  clairement  sa  résistance  à  l'expulsion 
des  étrangers,  des  émigrés  de  l'mtérieur  réfugiés  à  Rouen  (1).  Sa 
réponse  semble  avoir  tout  concilié,  on  s'embrasse  avec  une  touchante 
effusion. 

A  cet  instant,  surviennent  Lecointe  et  Lavallée,  impressionnés 
devant  ce»  fraternelles  étreintes,  auxquelles  on  fait  trêve  pour  une 
motion  d'un  contraste  frappant  :  Un  membre  du  conseil  veut  que  les 
emblèmes  de  la  liberté  —  qui  furent  aussi  Qeux  de  la  Terreur  —  la 
pique  et  ses  accessoires,  soient  déposés  derrière  la  place  du  maire  ! 
Un  autre  propose  qu'auparavant  la  pique  soit  promenée  dans  la 
ville,  un  troisième  demande  qu'une  partie  du  conseil  accompagne 
les  Sans-Culottes  pour  cette  promenade.  C'est  adopté  :  Plasne, 
Turgis,  Foret  et  Chouquet  seront  du  cortège.  Cependant  cela  ne 
suffit  pas  à  un  indiscret  et  importun  citoyen  de  la  section  :  II  ose 
prier  les  représentants  du  peuple  d'accorder  la  faveur  de  se  joindre 


(1)  En  racontant  sommairement  cette  scène,  M.  Gosselin  (Revue  de  Isl  Nomiatidie), 
4866,  p.  806,  ne  rapporte  rien  du  discours  du  maire. 


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—  187  — 

aux  commissaires.  C'était  vraiment  dépasser  les  bornes.  L'un  des 
deux  conventionnels  fit  observer  que,  si  c'était  une  faveur,  les  autres 
sections  y  prétendraient  également.  Au  surplus,  «  les  affaires  im- 
portantes dont  ils  sont  chargés  ne  leur  permettent  pas  de  disposer 
d'un  seul  de  leurs  moments.  »  Dans  cette  manifestation  terroriste, 
c'est  à  peine  s'ils  voulaient  jouer  lerôle  de  spectateurs. 

Néanmoins,  les  sans-culottes  voulurent  bien  se  décider  satis- 
faits. Leur  amour-propre  se  trouva  grandement  déçu  lorsque,  lisant 
dans  le  Journal  de  Rouen  le  compte  rendu  de  cette  mémorable 
séance,  ils  virent  le  mauvais  tour  du  sournois  et  malicieux  Noél,  qui 
supprimait  leur  discours  et  la  réponse  de  M.  Rondeaux.  Il  s'en  plai- 
gnirent amèrement  au  Conseil  général,  et  le  secrétaire  Havard  affirma 
avoir  envoyé  au  journaliste  le  procès-verbal  in  extenso,  comprenant 
les  deux  discours.  Noél  dut  s'exécuter  en  insérant  le  tout,  et  comme 
s'il  eut  tenu  à  prouver  qu'il  n'avait  pas  voulu  être  désagréable  aux 
plaignants,  il  publiait  quinze  jours  après  la  chanson  des  Sans- 
Culottes  (1). 

La  mission  de  PochoUe  et  de  Carrier  dans  la  Seine-Inférieure, 
la  Manche,  l'Eure,  l'Orne  et  le  Calvados  est  étendue  le  14  août  aux 
départements  formés  de  la  ci-devant  Bretagne  (2).  Resté  néanmoins 
en  Normandie,  même  après  l'arrivée  d'autres  députés  à  Rouen, 
Carrier  va  notamment  dans  le  Calvados  et,  de  Caen,  où  il  est  entré 
le  2  août,  il  écrit  à  la  Convention  que  le  trône  de  Buzot  est  enfin 
renversé,  qu'il  vient  de  voir  ses  collègues  Prieur  et  Romme  rendus 
à  la  liberté  après  cinquante-et-un  jours  de  captivité,  et  qu'avant  de 
partir  de  Rouen,  où  il  a  laissé  PochoUe,  il  a  donné  avec  celui-ci 
l'ordre  d'emmener  à  Paris  la  femme  de  Pétion,  leur  fils,  et  la  femme 
d'un  autre  fugitif,  qui  ont  été  arrêtés  à  Honfleur  (3). 

PochoUe,  lui,  se  dirige  vers  le  Havre.  Se  souciantpeude faciliter 
dans  la  Seine-Inférieure  l'exécution  des  ordres  de  la  Convention, 
PochoUe  écrit  le  22  août  à  l'administration  présidée  encore  par 
M.  de  Fontenay  que  le  décret  mettant  en  réquisition  les  compagnies 

(1)  Journal  de  Rouen  des  26  juillet  et  10  août  1793. 

(2)  Àulard,  la  Révolution,  septembre  1893,  p.  267. 

(3)  Séance  de  la  Convention  du  5  août.  Moniteur  du  9,  n«  218,  p.  929,  3«  colonne.  La 
beUe-mèrç  de  Pétion,  née  à  Fécamp,  fut  condamnée  et  exécutée  le  6  août  1793» 


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-188- 

de  cavalerie  du  district  de  Rouen  lui  parait  devoir  exciter  de  pres- 
santes réclamations  et  qu'il  pense  —  il  insinue  —  que  les  piieui 
fondées  doivent  être  celles  qui  feront  valoir  en  leur  faveur  la  néces- 
sité de  leur  service  dans  le  pays  qu'elles  habitent. . .  M.  deFontenay 
envoie  immédiatement  copie  de  sa  lettre  au  district  (1).  Le  5  sep- 
tembre, Pocholle  crée  et  installe  un  comité  de  surveillance  au 
Havre,  d'où  il  va  rejoindre  Carrier  à  Rennes,  où  celui-ci  est  arrivé 
dès  le  1*'  de  ce  mois. 

On  a  prétendu  que  Carrier  avait  été  éloigné  du  département  par 
une  révocation  sollicitée  au  nom  des  habitants  de  la  Seine-Inférieure. 
Du  décret  du  14  août  il  semble  résulter  plutôt  que  les  succès  qu'il 
se  vantait  d'avoir  remportés  en  Normandie  contre  les  fédéralistes  le 
firent  envoyer  d'abord  à  Rennes,  où  il  s'attacha,  avec  Pocholle,  à 
étoufiEer  entièrement  tout  esprit  de  fédéralisme  et  de  contre-révolu- 
tion (2).  De  son  côté,  Pocholle  ne  devait  pas  ambitionner  de  réaliser 
dans  son  pays  d'origine  le  programme  jacobin. 

Legendre  et  Louchet  «  le  premier  de  Paris  et  le  deuxième  de 
TAveyron  »,  présentent  le  17  août  au  département  le  décret  du 
15  août  qui  les  envoie  «  pour  rechercher  les  causes  de  la  disette  des 
subsistances  dans  la  Seine-Inférieure  et  examiner  les  comptes  de 
l'administration  des  diverses  autorités  constituées,  relativement  à 
cet  objet  »  (3),  Ils  vont  prendre  des  mesures  franchement  révolution- 
naires et  leur  séjour  de  plusieurs  mois  dans  le  département  sera 
marqué  par  une  suite  non  interrompue  d'actes  violents  ;  leur  rivalité 
constante  avec  certains  patriotes  tels  que  Musquinet  de  la  Pagne, 
ce  maire  d'Ingouville  trop  peu  connu,  et  Grenier,  commissaire  du 
comité  de  sûreté  générale,  presque  ignoré  et  dont  l'action  à  Rouen 
se  fit  sentir  simultanément,  eut  des  conséquences  déplorables. 

L'arrivée  de  Legendre  et  de  Louchet  avait  été  précédée  d'évé- 
nements et  de  résolutions  qui  expliquent  ou  annoncent  pour  ainsi 
dire  leurs  actes. 

Par  ce  qui  s'est  passé  à  la  Société  populaire  pour  les  enrôle- 
ments volontaires,  on  peut  mesurer  l'émotion  que  causa  la  publîca- 

(i)  Arch.  départementales.  Guerre. 

(2)  Arch.  nationales. 

9)  Arch.  départementales.  -  Prooès-Terbaux du  oonseil  géDénd dui 


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-189- 

tîon  de  Karrêté  pris  par  le  conseil  général  de  la  Seine-Inférieure  le 
11  août  1793,  pour  l'exécution  de  celui  des  représentants  du  peuple 
Elie  Lacoste  et  Peyssard  (1)  daté  de  Douai  du  4  août.  Aux  termes 
de  cet  arrêté,  tous  les  citoyens  du  département  de  la  Seine-Inférieure 
devront  se  réunir  au  chef-lieu  de  leur  district  le  dimanche  18,  à 
sept  heures  du  matin.  Ainsi  réunis,  ils  se  mettront  par  canton.  Les 
pères  de  famille  et  tous  autres  au-dessus  de  cinquante  ans  et  au-dessous 
de  seize  sortiront  des  rangs  et  ij  ne  restera  que  ceux  qui,  n'étant 
pas  pères  de  famille  et  au-dessous  do  ces  âges,  seront  en  état  de 
porter  les  armes.  Ils  ne  pourront  sortir  des  rangs  et  ils  se  formeront 
en  compagnies  de  cent  hommes  (2). 

Ces  dispositions  se  confondent  avec  celles  du  décret  des  14  et 
16  août  qui  déclare  que  le  peuple  français  va  se  lever  tout  entier 
pour  la  défense  de  sa  liberté  et  de  sa  Constitution  et  pour  délivrer 
enfin  son  territoire  de  ses  ennemis.  C  est  la  levée  en  masse,  dont 
l'organisation  ne  s'effectua  point  avec  un  entrain  remarquable. . . 

Legendre  et  Louchet,  investis  ou  non  de  la  direction  des  opéra- 
tions du  rassemblement  des  forces  nationales,  ont  eu  à  s'en  occuper, 
ainsi  que  des  suites  du  recrutement. 

Le  manuscrit  de  HorchoUe,  à  la  date  du  18  août,  mentionne  une 
assemblée  générale  de  toutes  les  communes  du  district  et  des  sections 
«  pour  former  des  compagnies,  »  et  dit  quil  ne  fut  rien  décidé,  La 
vérité  est  que  vers  la  mi-septembre,  300  dragons,  levés  dans  la 
Seine-Inférieure,  partaient  pour  l'armée  du  Nord,  et  qu'on  s'efforça 
avec  plus  ou  moins  d'enthousiasme  de  répondre  aux  excitations  des 
commissaires  spéciaux  (3). 

Un  incident  relatif  au  recrutement  eut  des  suites  graves  et 
d'une  invraisemblable  complication.  Le  11  août,  lors  du  dernier 
rassemblement  sur  la  place  du  Champ-dc-Mars  par  les  représentants 
du  peuple  près  l'armée  des  côtes  de  Cherbourg  (Pochollc  et  Carrier), 
les  nommés  François  Bourguemont  (4),  dit  Fribourg,    clerc    de 

ji)  Elie  Lacoslo  et  JVyssard  avaient  été  envoyés  en  mission  à  l'Année  du  Nord  les 
95  et  27  juillet  (Aulard,  la  Révolution  Française,  1893,  p.  266). 

(2)  Joutmal  de  Roneti  du  14  août  1793. 

(3)  Arch.  départementales. 

(4)  Peut-être  fils  de  Pierre-François  Bouriniemond,  en  1764.  suisse  de  Mprr  l'arche- 
vêque de  Rouen  (Mpr  de  La  Rochefoiicauld). 


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-  190  - 

notaire,  et  Louis-François  Toutain,  commis  au  secrétariat  de  la 
commune  de  Rouen,  furent  arrêtés  :  l'un  pour  être  vêtu  d'un  gilet 
avec  bordure  et  fleurs  de  lys,  surmontées  d'une  couronne  (1),  et  tous 
les  deux  pour  avoir  dit  que,  si  3,000  hommes  marchaient,  il  y  en 
aurait  4,000  qui  s'y  opposeraient.  Leur  interrogatoire  et  les  déposi- 
tions des  témoins  au  bureau  permanent  de  l'Hôtel-de- Ville  fut 
transmis  au  conseil  général  de  la  commune,  où  l'affaire  donna  lieu 
d  examiner  s'il  y  avait  un  mandat  d'arrêt  contre  les  prévenus  —  qui 
étaient  emprisonnés  —  pour  les  renvoyer  au  tribunal  révolution- 
naire de  Paris.  A  la  majorité,  le  conseil  décide  que  non.  Puis,  on 
discute  les  questions  de  savoir  s'ils  doivent  ou  être  traduits  au  tri- 
bunal criminel  du  département  ou  subir  les  peines  de  police  correc- 
tionnelle ou  celles  de  police  municipale.  La  majorité  (modérée)  du 
conseil,  écartant  les  solutions  extrêmes  et  se  basant  sur  des  circons- 
tances atténuantes,  attribua  l'affaire  à  la  police  municipale.  Le  débat 
fut  extrêmement  passionné,  et  le  28  août,  le  citoyen  Bucaille  ayant 
dénoncé  Clavier  et  Roger  fils,  officiers  municipaux,  à  raison  de 
lopinion  par  eux  émise,  il  en  surgit  une. discussion  au  cours  de 
laquelle  M.  Rondeaux  rappelait  à  l'ordre  J.-B.  Pinel,  pour  s'être 
permis  d'injurier  une  partie  des  membres  du  conseil  général  (2). 

Le  tribunal  de  police,  saisi  du  renvoi,  et  dont  la  compétence 
avait  été  étudiée  et  préjugée  avec  une  remarquable  sollicitude,  était 
formé  de  Roger  fils,  officier  municipal,  et  d'Yvernès  et  Turgis, 
notables,  tous  les  trois  commcr^*ants,  c'est-à-dire  peu  familiarisés 
avec  les  lois  de  cette  époque  transitoire,  non  moins  confuses  et  non 
moins  élastiques  que  celles  d'aujourd'hui.  Ils  n'en  infligèrent  pas 
moins  aux  deux  délinquants  la  plus  forte  peine,  c'est-à-dire  huit 
jours  de  prison,  une  amende  et  l'affiche  de  leur  jugement,  plus  la 
destruction  du  gilet  (3). 

(1)  Ce  n'est  pas  le  seul  pilet  contre-irvolulionnaire  qui,  à  Rouen,  ait  fait  arrêter 
son  propriétaire.  Pierre  Brasseur,  cortloniiier,  d'Ivn-la-Iîataille,  pour  un  pareil  gilet, 
fond  rose,  parsemé  de  fleurs  de  lys,  imprimées  en  faux  or,  fut,  le  18  frimaire  an  II,  arrêta, 
un  instant  détenu  à  Rouen,  et  conduit,  le  18  pluviôse,  au  tribunal  révolutionnaire  de 
Paris,  par  ordre  du  Comité  de  SurveiHan<e  de  Rouen,  maljjré  l'intenentlun  de  la 
Commune  et  du  comité  d'ivry. 

(2)  Reg.  des  délibérations. 

(3)  Arch.  m  pales. 


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-  191  - 

A  peine  cet  arr^^  était-il  rendu  que,  le  29  août,  Legendre  et 
Louchet,  donnant  satisfaction  aux  rancunes  des  Montagnards,  «  et 
considérant  que  dans  un  moment  où  il  se  trame  dans  la  commune 
de  Rouen  un  complot  contre-révolutionnaire  et  dont  nous  acons  des 
preuves  matérielles,  il  est  souverainement  dangereux  pour  la  liberté 
de  laisser  dans  les  fonctions  publiques  des  hommes  qui  ne  sont  pas 
connus  pour  la  pureté  de  leur  civisme,  et  que  d'après  les  renseigne- 
ments donnés  par  des  citoyens  dignes  do  confiance,  les  principes 
politiques  du  citoyen  Roger  sont  notoirement  suspects  —  en  vertu 
de  nos  pouvoirs, —  le  destituons  de  ses  fonctions  municipales...  (1).  » 
Roger,  présent  à  la  séance  du  29  août,  entendit  la  lecture  de 
l'arrêté  et  se  retira. 

Un  décret  de  la  Convention,  du  31,  ayant  cassé  le  jugement  rendu 
contre  Bourguemont  et  Toutain,  et  ordonné  la  mise  en  arrestation 
de  Roger-^  Yvernès  et  Turgis,  la  municipalité,  avec  une  fermeté  qui 
lui  fait  grand  honneur,  protesta  dans  une  lettre  par  elle  adressée  à 
Legendre  et  Louchet.  Expliquant  fort  bien  que  le  conseil  général 
avait  le  droit  de  décider  la  question  de  compétence,  elle  ajoutait  que 
si  les  trois  officiers  municipaux,  en  jugeant,  avaient  fait  une  faute, 
elle  leur  était  commune  avec  ceux  de  leurs  collègues  constituant  la 
majorité  ayant  voté  le  renvoi  à  la  police  municipale.  Les  uns  et  les 
autres  ont  pu  faire  une  mauvaise  application  de  la  loi,  mais  leurs 
intentions  ont  été  pures.  La  municipalité  sollicitait  donc  la  mise  en 
liberté  provisoire  des  trois  officiers  municipaux  avec  lesquels  elle  se 
solidarisait  (2).  Mais,  pas  plus  que  leurs  collègues  de  la  Convention, 
Legendre  et  Louchet  ne  connaissaient  le  respect  de  la  chose  jugée. 
Bourguemont  et  Toutain  (3)  furent  déférés  au  tribunal  révolution- 


(1)  Id.  L'arrêté  (les  représentants  du  peuple  a  été  transcrit  sur  le  registre  des 
délibérations. 

(2)  Id.  Reg.  de  correspondance. 

(3)  Les  termes  de  la  prévention,  quant  à  Toutain,  s'aggravèrent  devant  le  tribunal 
révolutionnaire.  Tous  les  deux  sont  condamnés  à  la  déportation  à  la  Guyane  par  un 
jugement  du  tribunal  révolutionnaire  du  27  septembre  1793,  dont  un  extrait  est  aux 
arch.  mpales.  Toutain  fut  ramené  de  Lisieux  à  Rouen  le  22  avril  1798  et,  sur  la  demande 
en  révision  de  son  procès,  mis  en  liberté  le  8  juin  suivant,  en  vertu  d'une  déclaration 
du  jury  de  ce  jour.  Ni  Toutain  ni  Bourguemont  ne  figurent  dans  les  listes  de  victimes 
normandes  de  la  Révolution.  Toutain  était  né  à  Lisieux  vers  1745. 


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-  192- 

naire  et  Roger  fils,  Yvernès  et  Turgis,  emprisonnés  à  Rouen  (1). 

Depuis  plusieurs  mois,  Tobsédanto  question  des  subsistances, 
prétexte  aux  missions  des  Conventionnels,  ne  laisse  que  de  rares 
répits  aux  administrateurs.  Pourtant,  l'insurrection  du  premier 
mai,  le  seul  trouble  local  sérieux  de  cette  période,  concorde  trop  avec 
celle  de  Paris  pour  avoir  été  réellement  et  exclusivement  causée 
par  la  cherté  des  blés.  Surprise  de  sa  spontanéité,  très  hésitante 
sur  ses  véritables  motifs,  la  municipalité  attribue  d'abord  la  muti- 
nerie des  trois  cents  volontaires  casernes,  point  de  départ  des 
violences,  à  des  instigations  étranc/èrcs,  puis  «  aux  circonstances 
où  l'état  des  fabriques  et  la  pénurie  des  denrées  ont  réduit  une 
population  immense  qui  ne  vit  que  des  produits  de  son  industrie  »  (2). 
La  condamnation  à  mort  par  le  tribunal  criminel  de  la  Seine- 
Inférieure,  le  21  septembre  1793,  pour  conspiration  et  émeute  à  main 
armée  de  cinq  des  révoltés  (3),  dont  quatre  sont  des  volontaires, 
permettrait  de  laisser  à  Tafifaire  le  caractère  contre-révolutionnaire 
que  la  municipalité  lui  donnait  à  l'origine. 

A  la  fin  de  juin  et  dans  les  premiers  jours  de  juillet,  la  commune 
et  le  département  multipliaient  leurs  envois  de  délégués  vers  la 
Convention,  pour  en  obtenir  des  secours.  Un  commissaire  de  la 
Seine-Inférieure  exprimait  à  l'Assemblée,  à  la  fin  de  juin, 
l'effrayante  situation  résultée  de  ce  que  le  Calvados,  l'Eure  et  la 
Somme,  qui  aidaient  aux  besoins  de  la  Seine-Inférieure,  s'étaient 
indignement  et  lâchement  coalisés  et  lui  coupaient  les  vivres  par 
ambition  et  pour  une  faction  impie  (4). 

(1)  Yvernès  et  Turgis  s'adressèrent  au  Comité  de  salut  public;  appuyés,  ils  furent 
momentanéinent  rais  en  Uberté  sous  la  caution  de  Lambert,  Pillon,  Eudeline,  Poret, 
Lefebvre-Signol,  Lamine,  Bouvet,  Grandin,  Gaillon  et  Pinel  (arch.  mpalesS  mais 
obligés  le  19  mars  1794  de  se  constituer  prisonniers  à  Saint-Lô.  Un  arrêté  les  libéra  le 
19  avril,  et  ce  fut  Poret  qui  leva  leur  éorou.  Hoger  était  encore  détenu  en  août  1794.  8a 
femme,  née  Brin^eon,  an*étée  le  29  mai  1791,  ijuoique  chérissant  la  Révolution,  ne  dut 
sortir  qu'après  lui,  car  il  demandait,  le  2i  août,  qu'elle  fût  mise  en  liberté.  Ruiné,  il 
eut  recours  aux  tribunaux  puis  à  la  Convention  pour  obtenir  raison  d'injustices  et  de 
spoliations.  Le  mémoire  (imprimé)  qu'il  adressa  à  l'Assemblée  dans  ce  but  figuix»  dans 
la  collection  de  pièces  curieiises  sur  la  Révolution  de  la  biblioth..  mpale  de  Fécamp. 

(2)  Arch.  mpales.  Reg.  de  corresp.  Lettres  des  1*^  et  2  mai,  à  la  Convention  et  au 
ministre  de  l'intérieur. 

(3)  Gos.seIin,  ouvr.  et  revue  cit.,  1866,  [>.  798  et  s.  —  Wallon,  Représenl.  en  mission, 
t.  H,  p.  76,  n.  3. 

(4)  Jommal  de  Rouen  du  l-"^  juillet  1793. 


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-  193  - 

Dans  le  moment  où  Lamine  et  Lecanu  étaient  à  Paris,  deman- 
dant avec  l'appui  de  Pocholle  et  Prieur  des  secours  pour  continuer 
l'achat  des  subsistances  pour  la  ville  (1),  à  la  veille  des  jours  où  la 
foule  anxieuse  se  portait  aux  boulangeries,  il  y  avait  à  Rouen  un  de 
ces  agents  secrets,  ou  observateurs,  —  lisez  espions  —  comme  il  s'en 
trouve  presque  constamment  sous  la  révolution,  envoyés  par  le 
Comité  de  sûreté  générale  ou  le  ministre  de  l'intérieur  (2). 

Legrand,  c'est  le  nom  de  l'agent,  écrit  au  ministre,  le  14  juillet, 
qu'à  Rouen  on  ne  manifeste  point  de  craintes  sur  les  subsistances. 
«  Le  pain,  d'assez  bonne  qualité,  coûte  3  sols  la  livre,  la  viande  de 
18  à  20  sols  et  les  autres  comestibles  en  proportion  !  Tous  les  bras 
sont  occupés  et  le  salaire  des  ouvriers  et  des  manoeuvres  de  toute 
espèce  étant  proportionné  aux  dépenses  actuelles  on  supporte  sans 
montrer  beaucoup  d'impatience  le  renchérissement  excessif  Açi  toutes 
les  denrées.  Le  commerce  de  la  ville  de  Rouen  ne  parait  éprouver  de 
stagnation  dans  aucune  de  ses  parties. . .  »  (3). 

On  s'explique  que  ce  singulier  optimisme,  rapproché  des  lamen- 
tations de  la  correspondance  et  des  envoyés  des  administrateurs,  ait 
pu  inspirer  aux  comités  de  la  Convention  et  aux  représentants  en 
mission,  des  soupçons  défavorables,  et  que  Carrier  ait  dit  le  17  juillet 
aux  membres  du  département,  que  Pocholle  et  lui  venaient  s'assurer 
si  leurs  besoins  de  subsistances  étaient  aussi  grands  qu'ils  l'an- 
nonçaient (4). 

A  leur  tour,  un  mois  plus  tard,  dès  le  lendemain  de  leur  arrivée, 
le  18  août,  Legendre  et  Louchet  recherchaient  les  causes  de  la 
disette,  devant  les  trois  administrations  réunies  du  département. 
Les  deux  conventionnels,  à  qui  vingt-quatre  heures  ont  suffi  pour 

(1)  Procès-verbal  de  Ja  séance  de  la  comirume  du  14  juillet.  —  Lamine  et  Lecanu 
avaient  été  députés  par  le  bureau  de  la  commune,  le  8  juillet,  vers  le  comité  de  salut 
public,  le  ministre  de  Tintérieur  et  la  Convention  (Reg.  du  bureau  permanent).  Lecomte 
substitut  et  Auger,  tœsorier  des  subsistances,  puis  Poret  et  Bénicourt  furent  aussi 
députés  pour  le  même  objet.  Ces  voyages  étaient  coûteux.  La  mission  de  Lecomte  coûte 
4S5 1.  et  celle  de  Poret  au  moins  600  1.  (  v.  reg.  du  bureau  permanent  )► 

(%  V.  M.  Wallon,  Représ,  en  mission, 

(3)  Arch.  nationales  Fa  551.  —  M.  Wallon  (le  Fédéralisme,  1. 1,  p.  517),  ne  reproduit 
pas  ces  passages  du  rapport  de  Legrand. 
'  -    (4)  Guiibert.  Biographie  de  M.  de  Fontenay. 


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v;^V^- 


!V>  - 


-  194- 

ôtre  édifiés,  s'inspirant,  cela  n'est  pas  douteux,  de  l'opinion  qui 
prévaut  à  la  Société  populaire,  imputent  la  pénurie  extrême  de 
subsistances  ressentie  par  Rouen  «  à  un  nombre  infini  d'étrangers 
que  l'on  dit  habiter  dans  son  sein,  et  observent  qu'il  convient  que 
les  administrations  prennent  les  mesures  nécessaires  pour  les  en 
faire  sortir  ».  On  rappelle  ce  qui  a  été  fait,  et  l'on  est  amené  à 
conclure  que  les  dispositions  prises  resteront  sans  effet  tant  que  la 
Convention  n'aura  pas  obligé  les  citoyens  à  rester  dans  leurs  muni- 
cipalités respectives  (1).  Il  faut  un  internement  général  1 

La  municipalité  Rondeaux,  plus  rassurée  que  les  deux  autres 
corps  constitués  parce  qu'elle  no  s'était  pas  compromise  ouvertement 
dans  les  luttes  contre  les  jacobins  et  pour  le  fédéralisme,  tenait 
ferme  contre  les  assauts  parfois  furieux  que  lui  livraient  les  mon- 
tagnards de  la  Société  populaire. 

Le  8  août,  quarante  membres  de  la  Société  étaient  venus  à  la 
commune  en  séance  dénoncer  en  bloc  l'état-major  de  la  garde 
nationale  qui,  aussitôt,  se  présente  et  fait  une  réponse  lue  publique- 
ment par  son  adjudant  général.  Cela  se  résout  sur  le  champ  par  un 
échec  infamant  pour  la  Société  populaire  qui  ne  le  pardonnera  point 
à  la  municipalité.  Le  conseil  proclame  que  l'état-major  n'a  cessé  de 
bien  mériter  de  la  commune,  et  déclare  la  dénonciation  calomnieuse. 
La  réponse  et  la  délibération  flétrissant  les  délateurs  seront 
imprimés  et  affichés  (2). 

Mais  les  montagnards  pressentent  que  la  revanche  est  proche, 
et  ne  laissent  point  échapper  l'occasion  de  montrer  leur  hostilité.  L'un 
d'eux,  Jacques  Darcel.  employé  de  la  commune,  alîecte  une  into- 
lé!*able  insubordination  aux  ordres  du  bureau  permanent  qui  lui 
prescrivent  de  délivrer  des  passeports  à  deux  commissaires  de  la 
municipalité,  chargés  d'une  commission  pour  la  commune.  Le  bureau 
le  destitue  le  14  août  de  ses  fonctions  de  chef  de  bureau  des  passe- 
ports et  le  remplace  par  Le  Halley,  secrétaire  du  tiilunal  de 
police  (3). 

Le  16  août,  la  Société  menace  De  Limoges  de  la  suppression  de 

(\)  Procès-verbaux  des  séances  du  département. 

(2)  Reg.  des  délibérations  de  la  commune. 

(3)  id. 


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-  195  — 

sa  feuiUe,  V  Echo  politique  ou  Journal  du  Soir.  Ce  pauvre  diable  de 
poète-journaliste  s'adresse  le  lendemain  à  la  Commune,  se  plaignant 
d'être  persécuté,  car  «  n'ayant  pas  d'autre  ressource  pour  faire 
exister  les  siens,  il  lui  importe  de  conserver  son  état  de  paix  ».  Et, 
pour  prouver  son  insigne  bonne  volonté,  il  se  soumet  de  lui-môme 
à  la  censure,  sollicitant  la  désignation  d'un  commissaire  pour 
examiner  son  journal  avant  qu'il  paraisse  et  en  retrancher  ce 
qu'il  lui  plaira.  Le  conseil,  peu  soucieux  de  plaire  à  la  Société 
populaire,  passe  à  Tordre  du  jour  (1). 

Cependant,  Legendre  et  Louchet  s'occupent  de  la  réalisation 
des  vœux  les  plus  chers  des  montagnards.  Le  27  août,  ils  écrivent 
au  Comité  de  Salut  public  de  la  Convention  que,  depuis  leur  arrivée 
à  Rouen,  il  ne  doutaient  pas  qu'il  ne  s'y  tramât  des  complots  contre- 
révolutionnaires.  Ils  viennent  d'en  acquérir  la  certitude  par  la 
remise  à  eux  faite  d'un  signe  de  ralliement  consistant  dans  un  écusson 
royal  avec  cette  légende  :  Chancellerie  militaire,  gravé  sur  un  carton 
gris  et  blanc  ^2),  envoyé  dans  une  lettre  à  un  «  bon  citoyen  »  qui 
s'était  empressé  de  déposer  l'un  et  l'autre  dans  leurs  mains.  La  lettre 
disait  au  «  bon  citoyen  »  :  «  Connaissant,  monsieur,  votre  attache- 
ment aux  principes  de  l'honneur  que  tout  français  conserve  dans 
son  coeur  en  dépit  de  la  faction  qui  tyranise  leur  (sic)  malheureuse 
patrie,  et,  bien  persuadé  que  nous  pouvons  compter  sur  vous  à  l'oc- 
casion, nous  vous  envoyons  le  signe  de  ralliement  au  moyen  duquel 
vous  pourrez  vous  joindre  à  nous  quand  il  sera  temps.  » 

Les  grandes  mesures  qu'il  était  instant  de  prendre  pour  déjouer 
ce  complot,  —  mesures  sur  lesquelles  ils  ne  s'expliquaient  pas  autre- 
ment —  exigeaient,  d'après  Legendre  et  Louchet,  que  le  Comité  leur 
adjoignît  sur  le  champ  un  collègue  connu  par  son  énergie  ;  ils  en 
avaient  un  besoin  d'autant  plus  pressant  que  les  subsistances  absor- 
baient tous  leurs  moments.  Il  n'y  avait  pas  un  moment  à  perdre  pour 
éviter  à  Rouen  le  sort  de  Lyon.  Déjà,  par  un  courrier  extraordinaire, 
ils  avaient  avisé  de  cette  situation  le  Comité,  qui  ne  paraissait  pas 

(1)  Reg.  des  délibérations  de  la  commune. 

(2)  Ne  serait-ce  pas  la  même  chose  que  le  petit  ruban  et  le  morceau  de  papier 
envoyés  par  le  directoire  du  département  au  premier  comité  de  surveillance  le  26 
avril  1793,  ranime  pouvant  être  un  signe  de  ralliement'}  (Reg.  du  département.) 


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-196- 

s'^n  être  ému,  et  dont  le  silence  les  jetait  dans  un  grand  embarras  (1). 

Cette  insistance  semble  motivée  infiniment  moins  par  les  dan- 
gers immédiats  d'un  prétendu  complot  révélé  par  un  indice  aussi 
vague,  aussi  peu  alarmant,  que  par  les  efforts  désespérés  des  violents 
de  la  commune,  de  la  Société  populaire  et  des  sections  afin  d'avoir 
raison  de  l'attitude  résolue  et  brave  de  la  majorité  qui  s'est  établie  à 
la  commune  et  qui  s'oppose  aux  arrestations,  aux  actes  arbitraires 
et  révolutionnaires.  Le  7  août,  pour  avoir  la  paix,  le  conseil  général 
de  la  Commune  a  décidé  que  toutes  les  mesures  de  sûreté  et  de  sur- 
veillance ne  seront  exercées  que  par  les  membres  composant  le 
comité  de  ce  nom,  conformément  à  la  délibération  qui  le  constitue. 
Mais  cela  n'a  pu  suffire  à  satisfaire  le  comité. 

La  suspension  des  poursuites  contre  Bignon,  Descroisilles  et 
autres,  la  décision  sur  la  dénonciation  contre  l'état-major  de  la 
garde  nationale,  la  solution  de  la  commune  dans  l'affaire  Bourgue- 
mont-Toutain,  ont  mis  la  Société  populaire  hors  d'elle-même  et  le 
^9  août,  aussitôt  après  la  destitution  de  Roger,  deux  de  ses  membres 
viennent  déposer  une  pétition  interpellant  le  conseil  général  et  le 
critiquant  sur  sa  négligence  à  l'exécution  de  plusieurs  lois.  Dédai- 
gneusement, le  conseil  passe  à  l'ordre  du  jour,  et  un  instant  après, 
lorsque  Roger,  destitué,  se  présente  devant  lui,  il  arrête  qu'il  lui 
sera  délivré  un  certificat  attestant  son  zèle,  son  courage  et  ses  soins 
dans  l'exercice  de  ses  fonctions  (2). 

Le  même  jour  29,  dans  la  grande  salle  du  conseil  général  du 
département,  la  résistance  de  M.  Rondeaux  et  de  ses  amis,  seul 
complot  qui  existât,  en  réalité,  allait  être  vaincue.  L'assemblée, 
formée  des  trois  corps  administratifs,  s'entend  annoncer  par  les 
deux  conventionnels  qu'ils  viennent  conférer  sur  différentes  mesures 
de  salut  public  et  que  les  citoyens  étrangers  aux  administrations 
doivent  se  retirer. 

L'un  des  représentants  expose  que  d'après  les  renseignements 
qui  lui  sont  parvenus,  il  ne  peut  pas  douter  qx)!\\  existe  dans  la  ville 
un  foyer  de  contre-révolution.  Il  en  représente  un  signe  de  rallie- 
ment qu'un  citoyen  connu  lui  a  remis.  Il  observe  qu'il  convient  que 

(1)  Archives  nationales.  —  AFii  149,  doss.  1204,  20  p. 

(2)  Reg.  des  délib.  de  la  commune. 


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la  loi  sur  la  réclusion  des  étrangers  et  gens  suspects  soit  prompte 
ment  exécutée  si  on  ne  veut  pas  voir  éclore  à  Rouen  les  événements 
de  Lyon,  Marseille,  Caen.  Puis  il  parle  de  mesures  pour  que  la  ville 
ne  puisse  manquer  de  subsistances.  On  adjoint  à  Legendre  M.  de 
Fontenay  qui  l'accompagnera  à  Paris, . , 

Ayant  ainsi  préparé  leur  auditoire,  les  citoyens  représentants 
annoncent  l'intention  d'établir  un  Comité  de  Salut  public  dans  la 
ville  de  Rouen.  Ils  auraient  pu,  disent-ils,  prendre  cet  arrêté  sans 
le  communiquer  préalablement  aux  corps  administratifs,  mais  ils 
veulent  agir  fraternellement,  et  Louchet  lit  l'arrêté. 

Comme  s'ils  savaient  en  quoi  consiste  le  complot  dont  ils 
parlent,  ils  basent  cet  arrêté  d'abord  sur  l'existence  d'une  «  vaste 
conspiration  pour  anéantir  la  liberté  publique  et  rétablir  la  royauté. 
Les  ennemis  de  l'intérieur  et  les  tyrans  de  l'Europe,  toujours  d'ac- 
cords dans  leurs  affreux  projets,  suivent  constamment  leur  système 
d'agir  et  de  soulever  les  grandes  cités,  en  y  répandant  l'or  avec 
profusion,  en  y  semant  des  terreurs  paniques,  en  y  ff^isant  éprouver 
les  horreurs  de  la  famine  au  sein  de  l'abondance.  Des  faits  nom  - 
breux  et  des  pièces  de  conviction  que  le  génie  de  la  liberté  a  fait  tout 
récemment  tomber  entre  leurs  mains,  prouvent  invinciblement  que 
les  ennemis  de  l'égalité  profitent  du  sommeil  léthargique  de  la 
commune  de  Rouen,  pour  renouer  les  fils  de  la  trame  parricide  qu'ils 
y  ont  vainement  ourdie  pendant  que  la  justice  nationale  préparait 
le  glaive  qui  devait  frapper  la  tête  du  tyran.  La  loi  contre  les 
étrangers  et  les  suspects  est  demeurée  sans  exécution^  la  sûreté  de 
l'Etat  et  de  la  ville  de  Rouen  commandent  Tes  mesures  les  plus  sages, 
les  plus  sévères  et  les  plus  promptes  ». 

Ces  mesurés  se  trouvent  résumées  en  neuf  articles  dont  le 
premier  supprime  le  Comité  de  surveillance,  remplace  ce  comité  pÉx 
par  un  comité  de  salut  public,  composé  de  quatorze  membres  qui 
sont  (art.  8)  les  citoyens  Lambert,  Grandin,  Bouvet,  administrateurs 
du  département,  Lefebvre,  Andrieu,  administrateurs  du  district  (1)  ; 
Poret,  Eudeline,   Pinel  l'aîné,  Carré,  Lamine,  Gaillon,  Lecanu, 

(1)  On  ne  6*est  pas  préoccupé  de  donner  à  un  seul  des  six  autres  districts  le 
moindre  représentant  dans  ce  comité  départemental. 


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Lecoutour  et  Pillon^  membres  du  conseil  général  de  la  commune. 
Ces  neufs  derniers  comprennent  six  membres  du  comité  supprimé, 
et  trois  nouveaux  :  Poret,  Pinel  Tainé  et  Lecoutour,  qui  remplacent 
Chouquet,  Guyet  et  V.  Grout.  Le  secrétaire  sera  précisément  Jacques 
Darcel,  l'employé  destitué  par  la  commune  le  14  août. 

Ce  comité  est  investi  de  tout  pouvoir  pour  rechercher  dans 
toute  l'étendue  du  département  les  preuves  de  toute  entreprise 
révolutionnaire  et  notamment  du  complot  qui  se  trame  dans  la  ville 
de  Rouen,  requérir  la  force  armée,  mettre  en  arrestation  les  per- 
sonnes prévenues  des  délits  énoncés  dans  les  lois  des  11  août  1792, 
10  mars  1793  et  autres  lois  de  sûreté  générale,  faire  apposer  les 
scellés  sur  leurs  papiers,  et,  s'il  y  a  lieu,  les  renvoyer  directement 
.devant  les  tribunaux  compétents,  assurer  la  pleine  et  entière  exécu- 
tion de  la  loi  du  2  juin  1793  et  les  personnes  notoirement  suspectes 
d'aristocratie  et  d'incivisme  et  celle  des  étrangers  non  domiciliés  en 
France  avant  le  14  juillet  1789.  Il  doit  renvoyer  dans  leurs  com- 
munes respectives  les  ci-devant  nobles,  les  prélres  non  employés, 
4si'il  juge  leur  séjour  dangereux  et  les  faire  arrêter  faute  d'obéissance. 
Les  membres  du  comité  ne  peuvent  ordonner  d'arrestation  sans  être 
au  nombre  de  huit  et  autrement  qu'à  la  majorité  des  voix.  Enfin, 
((  pour  déjouer  plus  sûrement  les  projets  de  la  malveillance,  le 
comité  fera  distribuer  aux  citoyens  connus  par  leur  patriotisme  les 
piques  qui  sont  à  la  disposition  de  la  commune  de  Rouen  »  (1). 

Le  conseil  général  du  département,  sur  le  registre  duquel  cet 
arrêté  est  tout  au  long  dans  le  procès-verbal  de  sa  séance  du  29, 
ordonne  le  30  qu'il  sera  imprimé  et  envoyé  aux  districts  et  à  toutes 
les  municipalités. 

La  destitution  de  Roger,  la  création  du  Comité  de  salut  public, 
étaient  tout  simplement  des  actes  arbitraires  et  illégaux.  Legendre 
et  Louchet  excédaient  leurs  pouvoirs  et  les  avaient  déjà  excédés,  le 
19  août,  en  mettant  en  réquisition  les  cultivateurs  du  département 
:de  l'Eure. 

La  ratification  de  la  Convention  donnée,  quant  à  rétablissement 

(1)  In-4  de  6  pp.,  à  Rouen,  de  Timprimerie  Oursel.  L'original  est  aux  arch.  dépar- 
tementales. Deux  exempl.  imp.  sont  aux  arch.  nationales.  L*arrété  est  publié  'iftpa  le 
Journal  de  Rouen  du  6  septenibre. 


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du  Comité,  par  décret  du  3  septembre  imprimé  et  publié  à  part  (1), 
vint  couvrir  l'irrégularité,  mais  non  pas  avant  que  les  membres  du 
Comité  eussent  osé  entrer  en  fonctions. 

Legendre  et  Louchet  se  savaient  si  bien  dépourvus  d'instructions 
et  de  pouvoirs  que,  le  3  septembre,  avant  d'avoir  reçu  le  décret  de 
cette  date,  leur  collègue  Delacroix  (2),  qui  leur  a  été  adjoint  le  29 
août,  et  est  venu  depuis  se  réunir  à  eux,  écrit  avec  Legendre  au 
Comité  de  salut  public  pour  lui  faire  remarquer  que  leur  mission 
se  borne  aux  subsistances  et  aux  comptes  y  relatifs  et  a  pour  limites 
le  département  de  la  Seine-Inférieure.  Nous  ne  pouvons  donc  pas, 
disent-ils,  suspendre  ou  destituer  les  agents  infidèles  de  la  Repu- 
blique,  les  fonctionnaires  publics  fédéralistes  et  les  remplacer  par 
des  patriotes,  ni  nous  occuper  de  la  classe  des  citoyens,  ni  nous 
transporter  dans  l'Eure,  oie  cela  peut  devenir  nécessaire.  Ils 
prient  en  conséquence  le  Comité  de  consulter  l'Assemblée  pour 
savoir  s'ils  doivent  remplir  simplement  la  mission  résultant  du 
15  août  ou  s'ils  ont  les  pouvoirs  de  ceux  de  leurs  collègues  envoyés 
dans  les  départements.  Mieux  encore,  ils  déclarent  qu'ils  se  renfer- 
ment strictement  dans  les  limites  de  leurs  pouvoirs  jusqu'à  ce  que  la 
Convention  se  soit  expliquée  (3). 

A  l'égard  du  complot,  il  paraît  qu'on  l'empêcha  sans  savoir 
au  juste  en  quoi  il  consistait.  Louchet  n'en  donne  aucun  détail  dans 
sa  lettre  du  1^'  septembre  à  la  Convention  : 

«  Les  complots  liberticides  qui  se  tramaiônt  dans  cette  ville  sont 
déjoués  ;  rétablissement  d'an  Ck>mit6  de  Salât  Poblic  composé  des  patriotes 
les  plas  sages,  les  plas  énergiques  et  les  plus  pars  a  ranimé  le  coarage  de 
toas  les  répablicains  et  confondu  les  coupables  espérances  des  royalistes. 
Les  aristocrates  sont  arrêtés,  les  bons  citoyens  vont  être  armés  de  piques, 
les  lois  s'exécutent,  tout  rentre  dans  l'ordre  ;  il  prie  la  Ck>nvention  de  confir- 
mer l'établissement  du  Ck>mité. . .  (4).  » 

(i)  Ampliation  signée  Robespierre,  président,  Merlin  (de  Douai),  Duhen  et 
Lakanal.  Imp.  chez  Ferrand  Taîné,  à  Rouen. 

(2)  Le  décret  nommant  Delacroix  porte  la  date  du  29  août. 

(3)  Arch.  nationales,  AFii  119,  doss.  1205,  ^  26.  Lettre  autogr.  de  Delacroix.  Elle 
n'est  pas  non  plus  dans  le  Recueil  publié  par  M.  Aulard,  déjà  cité. 

(4)  Arch.  nationales.  Notes  et  minutes  pour  la  rédaction  du  procés-verbal  de  la 
Convention  du  !•'  au  6  septembre  179B.  Cahier  du  2  septembre. 


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—  200  — 

La  Convention  fit  cesser  les  inquiétudes  des  trois  représentants 
du  peuple  en  les  investissant,  le  6  septembre,  des  mômes  pouvoirs 
que  ses  autres  commissaires  dans  les  départements  et  près  les  armées. 
En  même  temps ,  elle  étendit  leur  mission  «  aux  départements 
voisins  (1).  »  Ces  députés  sans  scrupules  n'en  avaient  pas  moins, 
sciemment,  exercé  et  même  conféré  des  pouvoirs  qu'ils  n'avaient 
pas  et  trompé  la  Convention  et  le  Comité  de  Salut  public. 

Ainsi  que  Legendre  et  Louchet  s'y  attendaient,  la  commune  de 
Rouen  s'était  d'abord  refusée  à  faire  dans  le  département  de  l'Eure 
les  réquisitions  de  grains  qu'ils  avaient  ordonnées  le  19  août.  Elle 
redoutait  sans  doute  encore  les  accusations  de  la  commune  de  Paris, 
qui,  elle  aussi,  faisait  réquisitionner  dans  l'Eure,  mesure  dont 
Legendre  et  Louchet  témoignent  leur  surprise  au  Comité  de  Salut 
public  le  23  août,  le  département  de  l'Eure  étant  réservé  à  l'appro- 
visionnement de  Rouen.  Il  y  a  d'ailleurs  à  cette  date  des  intrigues 
telles  que  Faure  écrit  du  Havre  au  Comité  de  Salut  public  pour  se 
plaindre  des  manœuvres  qui  font  monter  le  prix  des  denrées  dans  la 
Seine-Inférieure  (2). 

Mais  les  nécessités  devinrent  si  calamiteuses  qu'avant  même 
d'avoir  vu  ratifier  par  la  Convention  l'ordre  du  19  août,  la  commune 
de  Rouen  fut  contrainte  de  recourir  à  l'exécution  de  cet  ordre.  Le 
27  août,  un  procès-verbal  de  son  bureau  permanent,  impressionnant 
et  suggestif,  reflétant  l'anxiété  de  M.  Rondeaux  et  de  ses  collègues 
acculés  à  des  illégalités,  donne  des  instructions  à  des  commissaires 
entre  lesquels  il  répartit  les  réquisitions  dans  les  districts  de  l'Eure. 
«  Ceux  des  cultivateurs  qui.  conjurés  (sic)  au  nom  de  l'huma- 
nité, au  nom  de  la  fraternité,  de  l'amitié  qui  unissent  les  Français, 
d'aider  de  tout  leur  pouvoir  à  l'exécution  de  ces  réquisitions,  se 
montreront  récalcitrants,  seront  dénoncés  à  leurs  districts  et  signalés 
aux  représentants  du  peuple. . .  (3)  »  Dans  la  nuit  30  août  au  1^' sep- 
tembre, le  département  autorisait  la  commune  à  envoyer  six  cents 

(i)  Arch.  nationales,  AF 149  doss.  120B,  f«  25. 

(2)  Arch.  nationales. 

(3)  Arch.  mpales.  Reg.  du  bureau  permanent.  Les  instructions  de  ce  procès-verbal 
furent  imprimées  à  300  exemplaires,  non  pas  à  Rouen,  mais  à  Evreux,  par  Ancel,  impri- 
meur du  département  de  l'Eure* 


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—  201  — 

commissaires  dans  les  campagnes  pour  exécuter  Tordre  du  19.  Or, 
ce  n'est  que  le  3  septembre  que  le  citoyen  Fontenay,  revenant  de 
Paris,  fait  part  au  district  du  succès  de  son  voyage  auprès  de  la 
Convention  qui  a  bien  voulu  accorder  au  département  des  réquisi- 
tions sur  le  département  de  TEure  (1). 

Il  faut  croire  que  cela  fut  efficace  puisque  le  Comité  de  Salut 
public  félicite  Louchet  le  3  septembre  d'avoir  «  sauvé  une  grande 
ville  du  plus  pressant  besoin  »,  félicitations  qu'elle  réitère  quelques 
jours  après.  «  Notre  mission  est  diabolique,  répondent  Legendre  et 
Louchet,  mais  nous  la  rempliront.  Ce  sont  les  contre-révolutionnaires 
qui  affament  la  Seine-Inférieure. . .  (2)  » 

De  nouveaux  incidents  ne  tarderont  pas  à  modifier  très  sensi- 
blement ces  impressions. 

Le  jour  même,  M.  de  Fontenay,  en  personne,  faisait  part  au 
distriot  du  désir  de  Legendre,  Louchet  et  Delacroix  d'avoir  un 
logement  dans  la  maison  de  quelque  émigré.  N'en  voyant  pas  d'autre 
que  celle  de  Bigot,  rue  du  Moulinet,  le  district  s'empressa  d'aller  à 
leur  hôtel  la  leur  offrir  (3).  Modestement,  les  trois  conventionnels 
acceptèrent  cette  demeure,  l'une  des  plus  belles  habitations  particu- 
lières de  Rouen,  et  s'y  installèrent  aussitôt.  Ils  s'y  mirent  d'autant 
plus  à  leur  aise,  que  la  cave,  bien  garnie  et  jusque-là  restée  intacte, 
se  trouvait  à  leur  disposition  (4).  S'il  faut  en  croire  Grenier,  commis- 

(i)  Arch.  du  département.  Reg.  du  district. 

(2)  Arch.  nationales. 

(3)  Arch.  du  dépt.  Reg.  du  district.  Une  partie  de  la  maison  Bigot  était  occupée  par 
Duval-Sanadon  en  vertu  d'un  bail  authentique. 

(4)  On  y  puisa  sans  compter.Partis  de  Rouen  et  se  ressouvenant  à  Neufchâtel  ou 
plutôt  s'y  étant  entendu  rappeler  probablement  par  le  gardien  responsable  du  séquestre 
(F.-J.  Bitiaux,  pour  la  garde  de  la  bibliothèque  et  des  vins,  recevait  30  s.  par  jour)  qu'il 
manquait  nombre  de  bouteilles  à  Tappel,  ils  écrivent  au  district  de  Rouen,  offrant  de 
payer.  Pour  calculer  combien  et  pour  quelle  valeur  il  en  avait  été  bu,  il  fallut,  après 
coup,  dresser  un  état  estimatif  qu'on  leur  envoya  à  Vernon  :  «  Nous  espérons,  écrit  le 
district,  que  cette  opération  ne  laissera  rien  à  désirer  pour  remplir  vos  intentions.  » 
Les  vins  de  Bigot  étaient  du  goût  des  patriotes,  car  le  commissaire  du  district  de  Cany 
en  but  et  en  fit  boire  une  si  grande  quantité  aux  huissiers,  gardiens  et  autres  personnes 
venues  au  château  de  Sassetot,  qu'on  le  traduisit  notamment  pour  cela  devant  le 
tribunal  criminel  le  18  germinal  an  III.  Il  fut  acquitté.  —  L'hôtel  Bigot,  occupé  par  la 
cavalerie,  fut  ensuite  affecté  au  tribunal  militaire  qui  en  prit  possession  le  6  floréal  an  II, 
jour  où  Cottais,  commissaire  de  police,  y  dressait  par  ordre  du  district  encore  un  état 
des  vins...  La  commission  des  subsistances  de  la  Convention,  le  3  du  môme  mois, 


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-  202  — 

saire  du  comité  de  sûreté  générale,  leur  adversaire  impitoyable,  les 
abus  dont  les  trois  conventionnels  purent  se  rendre  coupables  à 
Rouen  ne  furent  pas  les  plus  graves  qu'on  ait  eu  à  leur  reprocher. 
L'occasion  se  présentera  bientôt  de  mentionner  les  accusations  qu'il 
porta  contre  eux  avec  une  persistance  singulière. 


avait  prescrit  de  réserver  du  mobilier  des  émigrés,  les  vins,  liqueurs  et  eau-de-vîe. 
a  L'expérience  a  prouvé  que  ces  choses  se  vendent  à  vil  prix  dans  un  pays  libre 
où  le  faste  et  la  somptuosité  sont  proscrits,  où  la  frugalité  est  mise  au  rang  des  pre- 
mières vertus,  la  Convention,  dit  le  district,  a  donc  pensé  qu'il  serait  plu8  avantageux 
de  changer  ces  misères  contre  des  objets  vraiment  utiles...  »  —  On  «ut  au  moins  l'in- 
tention d'échanger  ceux  provenant  de  la  Chambre  de  Commerce  contre  des  bœufs  de 
la  Sv.isse  (floréal  an  II).  Il  parait  certain  que  les  vins  d'émigrés  ne  profitaient  pas  tou- 
jours à  la  République.  On  le  constate  à  propos  de  ceux  de  la  succession  de  Guillebon, 
le  6  vent,  au  VII.  (Arch.  départementales  et  mpales  et  notes  de  l'auteur). 


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-  203 


CHAPITRE  NEUVIEME 

Le  Tribunal  criminel  jusqu'à  la  fin  de  1793.  —  Ses  Membres.  —  Le  département  yeut 
retarder  le  remplacement  de  Frémont.  —  Pétition  des  rouennais.  »  Leboucher 
du  Tronche  élu  président.  —  Le  président  Legendre  et  l'accusateur  public 
Leclerc.  —  Les  premiers  jurés.  —  Un  incident.  —  Thieulleu,  Anquetin  et 
Duyal.  —  Cruauté  du  législateur.  —  L'échelle  de  la  question.  »  Causes 
curieuses  et  peu  ou  mal  connues.  —  M.  de  Ver  ton  et  M.  de  Maldérée.  — 
Bourreaux  en  disponibilité.  —  Deux  yieilles  familles  normandes  :  Les  Jouenne 
et  les  Féray;  leurs  illu  très  alliances.  —  Grandeur  et  décadence.  —  Comment 
Louis  XVI  et  Turgot  youlaient  qu'on  traitât  le  bourreau.  —  La  presse  et  le 
bourreau  de  Rouen.  —  La  guillotine  et  ses  débuts.  —  Ses  victimes  en  1793.  — 
Les  prisons. 

Selon  les  conceptions  jacobines,  le  comité  de  Salut  public, 
désormais  indépendant  de  la  commune  qui  lui  était  même  assujettie 
à  divers  points  de  vue,  devait  être  le  principal  agent,  le  moteur  de 
la  révolution  à  Rouen  et  dans  le  département.  Mais  il  n'était  vrai- 
ment puissant  et  redouté  que  pourvu  de  ses  indispensables 
auxiliaires  :  le  tribunal  criminel,  le  bourreau,  la  guillotine  et  les 
prisons,  qui  ne  furent  pas  toujours  de  simples  épouvantails. 

I. 

Lors  de  son  installation  et  de  son  serment  de  fidélité  à  la  nation, 
à  la  loi  et  au  roi,  le  17  janvier  1792,  le  tribunal  criminel  de  la  Seine- 
Inférieure  avait  pour  président  J.-L.-P.  Frémont,  (1)  et  pour  juges 
nommés  par  le  directoire  du  département,  Faure,  le  futur  conven- 
tionnel, Grégoire  Lechanoine  et  A.-L.  Avenel,  des  tribunaux  des 
districts  de  Montivilliers,  Caudébec  et  Rouen,  appelés,  ces  trois 
derniers,  à  siéger  seulement  pendant  un  trimestre.  (2)  F.-N.  Anque- 
tin (de  Beaulieu)  était  l'accusateur  public,  J.-D.  Thomas,  le  com- 


(i)  Aux  détails  donnés  par  les  biographes  sur  Frémont,  avocat  à  Rouen  depuis 
1756,  il  faut  ajouter  qu'en  i789  il  était  titulaire  d'un  office  de  banquier  expéditionnaire 
eu  cour  de  Rome.  (Arch.  du  départ.) 

(2)  Le  président  était  nommé  pour  six  ans,  l'acciisateur  public  d'abord  pour  quatre 
ans,  puis  pour  six  ans.  (Décret  du  20  janv.  1791. > 


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—  204  - 

missaire  du  roi,  et  Paynel,  le  greffier  (1).  Seul,  celui-ci  était  ina- 
movible. 

Le  président  et  le  commissaire  du  roi  étaient  porteurs  de  pro- 
visions de  «  Louis,  par  la  grâce  de  Dieu  et  par  la  loi  constitutionnelle 
de  l'Etat,  roi  des  Français,  »  datées  du  29*  jour  du  mois  de  no- 
vembre 1791  et  de  son  règne  le  15*,  signées  M.-L.-F.  Duport,  et 
adressées  à  ses  «  amis  et  féaux  les  membres  du  conseil  général  de  la 
commune  de  Rouen,  »  auxquels  il  mandait  d'installer  ces  magistrats. 

Quand  il  s'agit  de  remplacer  le  président  Frémont,  mort  le 
4  avril  1792,  des  difficultés  s'élevèrent.  Le  directoire  du  départe- 
ment, requis  par  le  tribunal  de  lui  faire  donner  un  successeur,  au 
lieu  d'inviter  le  procureur  général  syndic  à  convoquer  les  électeure, 
consulta  le  ministre  de  la  justice,  et,  selon  l'avis  de  celui-ci,  sus- 
pendit la  convocation,  ne  voyant  pas  d'inconvénient  à  ce  que  le  pré- 
sident fût  élu  seulement  en  mars  1793  (2). 

Au  sein  du  tribunal  même,  des  dissidencessurgissent  et  trouvent 
des  partisans  dans  le  public  et  à  la  Société  populaire  qui  organise 
une  de  ses  pétitions  des  «  citoyens  de  Rouen  »  où  Ion  rappelle  les 
administrateurs  au  respect  de  la  loi...  et  des  électeurs.  «C'est  au 
commencement  de  l'institution,  disaient  les  promoteurs  du  remplace- 
ment immédiat,  qu'on  ne  peut  l'exposer  aux  chances  désavanta- 
geuses de  présidents  de  hasard  et  intérimaires  dont  aucun  ne  s'est 
suffisammentpréparéàcet  important  service.»  Selon  euxlesprévisions 
légales  pour  le  mode  et  la  suppléance  provisoire  ne  s'appliquaient 
pas  à  la  place  du  président,  restée  sous  le  principe  général  du  rem- 
placement sans  délai.  Les  pétitionnaires  accusaient  le  directoire  et  le 
procureur-syndic  d'avoir  manqué  aux  principes  constitutionnels,  et 
même  d'avoir  attenté  au  droit  de  nomination  du  peuple.  Ils  étaient 
cinquante,  parmi  lesquels  Jacques  Adam,  Aroux,  Anquetin,  Bignon, 
Seyer,  Henri  Adam,  O.  Leclerc,  L.  Robert,  Durand,  curé  de  Saint- 
Jean,  Blanche,    Eudeline  le  jeune,  Quillebeuf,  Guyet,  Lecomte; 

(1)  Paynel,  devenu  greffier  en  chef  de  la  cour  criminelle,  fut  dénoncé  le  2  mai  1806 
par  la  Cour  qui,  sur  sa  promesse  d'être  plus  circonspect  à  l'avenir,  décida,  le  5,  de  ne 
donner  aucune  suite  au  réquisitoire  du  procureur  général.  Il  donna  sa  démission  le 
29  août  suivant  et  fut  remplacé  par  Simonin. 

(2)  Arch.  nationales,  pièce  originale. 


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-  205  - 

Mabire,  Lamine,  Mariette,  Lettré,  Le  Coutour,  Lachesnez-Heude 
et  Potier. 

Le  décès  de  M.  Massé,  procureur  général  syndic,  fut  sans  doute 
une  des  causes  qui  décidèrent  la  convocation  des  électeurs,  et,  le 
12  juillet,  Le  Boucher  (du  Tronche),  homme  de  loi  et  officier  muni- 
cipal à  Rouen,  fut  élu  président  du  tribunal  criminel,  et  Thieullen, 
administrateur  du  département,  en  remplacement  de  M.  Massé. 
M.LeVavasseur,  qui  avait  présidé  l'assemblée  électorale,  avisa  ras- 
semblée nationale  de  ces  élections.  On  ne  voit  pas  que  le  président 
ait  accepté.  Bunel,  juge,  élu  le  1®'  juillet  président  provisoire  par 
ses  collègues  Legendre,  Ferry  et  Dufay,  siégea  jusqu'au  6  octobre, 
date  à  laquelle  Lecointe  lui  succéda.  Les  fonctions  de  celui-ci  ces- 
sèrent le  26  novembre,  jour  de  l'installation  de  Legendre  comme 
président,  et  de  Leclerc  comme  accusateur  public.  Ceux-ci  avaient 
été  aussi  élus  «  hauts-jurés  »  (1)  le  dernier  jour  des  opérations  de 
l'Assemblée  primaire  réunie  à  Caudebcc  pour  nommer  les  députés  à 
la  Convention. 

Les  noms  de  Legendre  et  de  Leclerc  sont  ceux  des  magistrats  de 
Rouen  les  plus  connus  de  la  période  révolutionnaire.  Les  notes  qu'ils 
ont  eux-mêmes  fournies  sur  leurs  antécédents,  pas  plus  que  ce  qui  a 
été  publié  depuis  sur  leur  vie,  ne  sont  de  nature  à  fournir  des 
éclaircissements  utiles.  Ils  déclarent,  en  effet,  très  discrètement  : 
Legendre  qu'avant  la  révolution  il  était  avocat ,  et  depuis 
juge  au  tribunal  du  district;  Leclerc,  aussi  avocat,  était  devenu 
commissaire  du  roi  près  le  tribunal  du  district  ;  Paynel,  de  commis 
au  greffe  criminel  du  bailliage  de  Rouen,  était  passé  commis-greffier 
au  tribunal  du  district  (2j. 

Legendre  a  été  gratifié  d'une  biographie. . .  ;  Leclerc,  —  en  tout 
moins  heureux,  —  est  resté  à  l'écart,  quoique  ni  plus  ni  moins  digne 
d'attention. 

Legendre  était  âgé  de  quarante-huit  ans.  Ancien  élève  du  col- 
lège des  Jésuites,  où  il  avait  achevé  ses  études,  il  fut  ensuite  guidé 


(1)  Membres  de  la  Haute-Cour  nationale  instituée  en  1790. 

(2)  Archives  nationales. 


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-  20G  — 

par  les  «  leçons  d'un  homme  célèbre  »  (1).  S'il  fallait  en  croire  son 
«  Eloge  »  écrit  peu  de  temps  après  sa  mort,  par  Lecarpentier,  son 
collègue  de  la  Société  libre  d'Emulation,  dont  il  avait  été  le  prési- 
dent, il  s'était  fait  connaître  pnr  des  plaidoyers  et  des  mémoires 
réunissant  un  jugement  droit  et  solide.  (2)  Plus  réservé,  un  auteur 
récent  (3)  se  borne  à  dire  que  c'était  un  avocat  renommé.  Au  sur- 
plus, on  ne  cite  de  lui  aucune  publication.  On  le  voit,  jusqu'à  la 
nouvelle  organisation  judiciaire,  chargé  plutôt  des  intérêts  des 
nobles  que  de  ceux  de  la  bourgeoisie  (4)  et  ayant  recours,  pour 
donner  plus  de  poids  à  ses  consultations,  aux  adhésions  de  quelques 
uns  de  ses  confrères.  En  1790,  il  est  secrétaire  do  l'Ordre  et  taxé  à 
36  livres  qu'il  paie  le  18  mars,  sans  modération  (5)  comme  c^la 
arrive  pour  nombre  de  ses  confrères,  moins  occupés  ou  moins  aisés, 
entre  autres  Le  Contour,  Boïeldieu,  Delafoy ,  de  Cour  teilles  et  Doury, 
Quoi  qu'on  en  ait  dit,  il  ne  paraît  avoir  été  qu'un  avocat  de  second 
ordre,  qu'on  ne  saurait  mettre  au  rang  des  Bayeux,  des  Thouret, 
des  Thieullen,  des  Thiessé,  dont  il  était  l'aîné. 

Membre  assidu  de  la  société  populaire,  il  n'y  prend  volontiers  la 
parole  que  pour  quelque  brève  motion  ou  pour  en treten  ir  ses  frères  des 
affaires  criminelles.  C'est  ainsi  qu'il  leur  annonce  avec  une  évidente 
satisfaction,  résultant  assez  de  cela  même  qu'il  aborde  un  tel  sujet, 
et  témoignant  aussi  de  son  jacobinisme  persistant  après  thermidor, 
c'est  ainsi  qu'il  leur  annonce,  sur  son  siège  de  président  de  la 
Société,  que  le  tribunal  criminel,  dont  il  est  en  mémo  temps  le 

(1)  François-César  Lej^endre  est  né  à  Rouen  (Saint-Patrice),  le  24  octoln'c  1743,  de 
François  Legendre  et  de  M.  M.  Dubiùsson.  Son  parrain  fut  César  Levenard.  Legendre 
est  mort  célibataire  à  Rouen,  le  31  janvier  1815.  Sa  fdleadoptive,  M"*  Roussel-Legendre. 
épousa  M.  Mimerel,  négociant  à  Amiens.  Toutes  les  publications  rouennaises  qui  se 
sont  occupées  de  lui  en  font  inexactement  un  député  à  la  Législative.  Elu  le  25  ger- 
minal an  VI  au  Conseil  des  Cinq-Cents,  il  ne  s'y  tit  en  aucune  façon  remarquer.  La 
Restauration  lui  enleva  ses  fonctions  de  juge. 

(2)  BuUct'm  de  la  Société  d Emulation,  181.3,  p.  50  et  s.  et  Jountal  de  Rouen. 
3  février  1815. 

(3)  M.  Decorde,  Les  Avocats  au  Parlement  de  Normandie. 

(4)  Il  est,  en  1788,  l'avocat  du  cbevalicr  de  Crény  et  de  Morin  de  la  Boi.<5saye,  ancien 
garde  de  la  porte  du  roi,  qui  jiortait  de  si  hardies  accusations  contre  le  président  de 
Pontcarré,  et  qui  plaidait  contre  Riccpiier,  négociant  à  U(»uen.  maltraité  pendant  la 
Terreur  (.Vrch.  du  lépt.  C.  92:5.) 

(5)  Arch.  dudépt.  C.  401. 


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—  207  ^ 

président,  va  appliquer  la  loi  contre  un  prêtre  réfraclaire  (1).  Et  le 
lendemain,  effectivement,  Legendre  prononce  contre  l'abbé  d'Am- 
phernet  la  peine  de  mort.... 

Encore  bien  qu'il  approchât  la  cinquantaine,  ses  habitudes  de 
célibataire  le  portaient  à  se  mêler  aux  jeunes  gens,  surtout  à  ceux  qui 
marchaient  à  la  tête  de  la  Société  populaire,  dont  il  fut  d'ailleurs 
plus  tard  accusé  lui-même  d'avoir  été  l'un  des  meneurs.  Fréquentant 
les  théâtres,  il  y  exposait  son  prestige  de  magistrat  à  de  fâcheuses 
atteintes.  On  le  rencontre,  dans  la  compagnie  de  Poret  et  autres, 
occupés  à  morigéner  les  musiciens  de  l'orchestre  du  grand  spectacle 
pour  avoir  montré  de  la  répugnance  à  donner  plus  souvent  des  airs 
patriotiques.  Poret,  dont  la  modération  n'est  pas  la  vertu  dominante, 
s'entend  apostropher  devant  le  premier  magistrat  du  tribunal,  par 
Granier,  qui  fait  sur  son  compte  de  désagréables  réflexions  dont 
l'effet  pouvait  rejaillir  sur  le  président  son  compagnon  (2). 

D'autres  traits  pourraient  aider  à  le  peindre.  De  nos  jours,  on 
serait  fort  scandalisé  si  un  conseiller  à  la  cour  de  Rouen,  se  rendant 
à  Evreux  pour  y  présider  les  assises,  s'y  rendait  accompagné  du 
bourreau.  Sous  la  Terreur,  il  ne  faut  pas  s'étonner  de  voir  les  citoyens 
Legendre  et  Lcclerc,  et  leur  frère  Féray,  l'exécuteur  des  sentences 
criminelles,  prendre  en  même  temps  leurs  diplômes  de  membres  de 
la  Société  populaire  de  Rouen.  Le  27  ventôse  an  II,  le  jour  même 
où,  après  une  conférence  du  président  avec  Siblot,  celui-ci  a  requis 
le  tribunal  de  se  rendre  à  Dieppe  pour  y  juger  les  brigands  qui 
infestent  les  environs,  Legendre  demande  un  diplôme  tant  pour  lui 
que  pour  l'accusateur  public.  «  Ils  sont  accordés,  ainsi  qu'à  Féré  (sic) 
autre  membre  do  la  Société  »  (3).  Et  Legendre  tint  à  justifier  sa 
prévoyance  :  Le  bourreau  était  indispensable  puisque ,  dans  sa 
première  audience,  le  4  germinal,  il  y  eut  une  condamnation  à  mort, 


(1)  Reg.    (le  In  Sndêté  populaire. 

(2)  Arch.  mpales.  —  Outre  Legendre,  Eudeline  et  Hérard  se  trouvaient  là  lorsque 
le  musicien  Granier,  «  entraîné  par  sa  chaleur  naturelle  wprit  la  défense  de  son  cama- 
rade Giot,  lequel  avait  dit  au  citoyen  Poret  qu'il  était  saoul  !  Granier,  inculpé  de  s'être 
associé  a  l'insulte,  fut  renvoyé  après  une  mercuriale  des  membres  du  Comité  de  sur- 
veillance. 

<3|  Reg.  de  la  Société  populaire. 


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i 

i  -  203  - 

I 

'  la  plus  criante  peut-être  de  toutes  celles  qui  furent  prononcées  à 

Dieppe. 

Horcholle  cite  un  fait  qui  montre  que  les  actes  les  plus  solennels 
et  les  plus  graves  de  ces  magistrats  jac»)bins  étaient  inspirés  moins 
par  des  sentiments  de  justice  que  par  des  ressentiments  ou  par  le 
dessein  de  faire  une  manifestation  révolutionnaire  (1). 

La  fin  de  la  Terreur  n'avait  pas  ôté  entièrement  au  président  du 
Tribunal  criminel  ses  ardeurs  de  patriote.  En  1797,  le  10  avril,  il 
envoie  au  commissaire  du  directoire  exécutif  (Anquetin)  un  imprimé 
sortant,  disait-on,  des  presses  de  Gallier  et  qu'on  criait  dans  les 
places  et  marchés  de  Rouen,  et  encore  bien  qu'en  réalité  il  fasse  acte 
de  jacobin  policier,  il  lui  signale,  en  clairvoyant  bibliophile  qu'il  est, 
une  autre  édition  plus  belle  et  sous  le  tifre  de  Bref  éloge  de 
Louis  XVI  adressé  à  M,  de  la  Harpe,  qui  se  vend  à  un  étal  de  la 
rue  Grand- Pont. . .  (2). 

Leclerc  est  moins  connu  que  Legendre.  Inscrit  au  barreau  de 
Rouen  il  était  taxé  comme  Legendre  à  36  livres.  Il  fut, 
peut-être  momentanément,  l'avocat  des  chanoines  du  chapitre  de 
Notre-Dame  de  Rouen  (3).  On  ne  rencontre  pas  d'autre  écrit  de  lui 
que  sa  propre  défense  après  thermidor.  On  a  vu  que  l'un  des  écri- 
vains royalistes  les  plus  en  vue  sous  la  Révolution  logea  pendant  plus 
d'une  année  dans  la  même  maison  que  lui. 

L'impression  que  laissent  les  actes  de  ces  personnages,  dont  là 
conduite  sera  jugée  plus  aisément  lors  de  la  réaction  thermidorienne, 
c'est  que  la  fièvre  égalitaire  des  réformateurs  de  l'organisation  judi- 


(1)  Lors  de  la  réhabilitation  d'un  certain  Hoiizô,  accueilli  bruyamment  à  la  Société 
populaire,  Legendi-e  la  célébra  par  un  {.«rand  dîner. 

(2)  Arch.  du  dép».  Anquetin  est,  comme  lui,  indigné  de  cette  audace,  mais  ne  voit 
pas  que  la  provocation  au  rétablissement  de  la  royauté  soit  positivement  le  délit  résul- 
tant d'une  «  lamentable  jérémiade  sur  le  sort  du  roi  »  sans  indication  d'auteur  et  avec 
fausse  indication  de  nom  d'imprimeur. 

(.S)  Arch.  du  départ.  —  Pierre-Alexandre-Olivier  Leclerc,  fils  de  Jean  Leclerc, 
employé  aux  fermes,  et  de  M. -F.  Cardon,  est  né  à  Saint-Pierre-de-Manneville,  canton 
de  Grand-Couronne,  le  26  février  1752 ;  parrain  :  Pierre  Quesney,  de  Vieux  ;  marraine: 
M.  Carpentier,  de  N.-D.  de  Varengeville.  Il  était  marié  àM.-C.  Boissel  et  avait  au  moins 
un  fils..  Il  est  mort  à  l'Ilospice-Général  de  Rouen,  le  27  juin  1804.  —  Le  nom  de  sa  mère 
le  fait  supposer  parent  de  l'historien  normand  Guilmeth. 


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-^  209  — 

Claire  n'avait  guère  permis  de  donner  du  prestige  à  la  nouvelle 
magistrature. 

La  simplicité  et  l'uniformité  voulues  des  costumes  et  la  trop 
grande  modération  des  appointements  n'avaient  pas  dû  contribuer 
beaucoup  à  donner  la  considération  aux  magistrats  (1). 

Ce  serait  une  étude  extrêmement  attachante  que  celle  de  suivre 
de  près  l'application  des  règles  résumées  dans  le  décret  du  29  sep- 
tembre 1791  {Instruction pour  la  procédure  criminelle),  et  d'observer 
les  progrès  du  président  dans  la  rédaction  et  V arrangement,  laissés 
à  sa  discrétion,  des  questions  sur  lesquelles  délibéraient  les  jurés.  On 
l'y  verrait  exceller  bientôt  dans  la  science,  si  perfectionnée  depuis, 
de  rendre,  à  son  gré  et  àl'insudesjurés,  inévitable  une  condamnation 
ou  un  acquittement.  On  sentirait  aussi  à  quel  degré  extrême 
l'Assemblée  constituante  avait  poussé  la  minutie  de  se?  précautions, 
et  la  cynique  cruauté  de  certaines  prescriptions  telles  que  celle  qui 
impose  au  président  du  tribunal  criminel  de  retracer  à  celui-là 
même  qu'à  l'instant  il  vient  de  condamner  à  la  peine  de  mort,  qu'il 
doit  subir  quelques  moments  après ,  «  la  manière  généreuse  et 
impartiale  avec  laquelle  il  a  été  jugé.  »  (2).  Il  pouvait  en  outre 
l'exhorter  à  la  fermeté,  à  la  résignation,  résignation  obligatoire 
d'ailleurs,  depuis  que  le  tribunal,  interprétant  abusivement  les 
décrets  des  19  mars  et  et  7  avril  1793,  faisait  exécuter  ses  arrêts 
dans  les  vingt-quatre  heures  et  sans  recours  en  cassation.  (3). 

(\)  Aux  termes  d'un  décret  du  18  février  1791,  tous  les  juges  de  districts,  de  tribu- 
naux criminels  et  du  tribunal  de  cassation  portaient,  seulement  lorsqu'ils  étaient  en 
"fonctions,  l'habit  noir,  le  manteau  de  drap  et  de  soie  noire,  les  parements  du  manteau 
de  laToéme  couleur,  et  un  ruban  en  sautoir  aux  trois  couleurs  de  la  nation,  au  bout 
duquel  une  médaille  dorée  avec  ces  mots  :  la  loi.  Ils  avaient  la  tête  couverte  d'un  cha- 
peau rond,  relevé  sur  le  devant,  et  surmonté  d'un  panache  de  plumes  noires.  Les 
greffiers  avaient  le  ctiapeau  rond,  relevé  sur  le  devant  et  sans  panache  et  un  manteau 
pareil  à  celui  des  juges.  —  A  Rouen,  le  traitement  des  juges  et  commissaire  du  roi  était 
de  3,000  1.  et  celui  du  greffier  de  1,000  1.  (Décret  du  30  août  1790).  Le  4  septembre  sui- 
vant sont  fixées  des  distractions  sur  les  divers  traitements  pour  être  distribuées  en 
droits  d'assistance.  (Coll.  Reaudouin). 

(2)  Plusieurs  jugements,  sous  la  présidence  de  Legendre,  mentionnent  que  cette 
prescription  est  observée. 

(3)  Ces  deux  décrets  n'ordonnent  l'exécution  dans  les  vingt-quatre  heures  et  sans 
recours  que  lorsqu'il  s'agit  de  révoltes  ou  d'émeutes  contre-révolutionnaires.  Il  s'ensuit 
que  la  plupart  des  condamnations  exécutées  ainsi  dans  la  Seine-Inférieure,  l'ont  été 
illégalement. 


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-  210  - 

A  la  maison  de  justice,  on  avait  exposé,  bien  en  vue,  Téchelle 
(le  la  question,  instrument  de  torture  devenu  inutile  depuis  que,  sous 
Louis  XVI,  les  deux  questions  avaient  été  abolies.  (1)  Par  quel  ordre 
et  dans  quel  but?  Etait-ce  pour  justifier  la  «  générosité  »  des  nou- 
velles lois  pénales? 

Sur  le  registre  des  juré^  prescrit  par  le  décret  du  29  sep- 
tembre 1791,  avait  été  des  premiers  à  s'inscrire  le  26  novembre, 
F.-N.  Anquetin,  lequel  jugea  prudent  d'ajouter  :  «  Pour  la  conser- 
vation de  mes  droits,  le  cas  échéant.  »  Quelques  autres  l'imitent, 
parmi  lesquels  Harel  et  Guisier.  Il  en  est  qui  affectent  de  se  qualifier 
de  citoyens,  notamment  G. -A.  Lequesne,  Guyet,  Turgis  le  jeune,  de 
Fontcnay,  Malatiré,  Pillon,  Pierre  Lecomte,  Leviderel. 

La  plupart  des  douze  jurés  dont  les  noms  sortirent  au  premier 
tirage  au  sort  effectué  le  1*'  février  1792  ont  tenu  une  place  plus 
ou  moins  grande  dans  les  faits  ultérieurs.  Leurs  noms  ont  mémo 
gardé  quelque  notoriété;  ce  sont  ceux  do  J.-B.  Curmer  fils,  négo- 
ciant, rue  Ilerbière  ;  J.-A.  Martin,  membre  du  bureau  de  conciliation 
à  Gournay  ;  P. -A.  Licquet,  homme  de  loi  à  Caudebec;  J.-C.  Goube, 
administrateur  du  département  ;  Charles  Fleury,  maire  de  Forges  ; 
Antoine  Selot,  curé  de  Saint-Oucn  ;  et  parmi  les  jurés  suppléants  ; 
Ant. -Alexis  Varengue,  notaire  à  Saint-Saens,  François  Duclos, 
procureur  de  la  commune  à  Caudebec  (2)  et  Etienne  Baron,  négociant 
à  Dieppe. 

Les  trois  premiers  accusés,  Boschard,  Hébert  et  Prévost  n'en 
récusèrent  aucun.  Le  quatrième  en  écarta  trois,  dont  Curmer  et 
Goube . 

Peu  après  apparaissent  parmi  les  jurés,  Ubeleski,  de  Dieppe  (3), 
Nicolas  Thiessé,  homme  de  loi,  Louis  Robert  (de  Saint- Vie  ton), 

(Il  L'échelle  était  encore  là  m  Tan  VIII.  Voiri  dans  quels  termes  cela  est  décrit 
dans  le.  document  des  archives  municipales  qui  révèle  cette  particularité  :  «c  savoir  : 
dans  la  chambre  de  la  question,  un  vieux  tableau  peint,  estimé  un  franc  ;  dans  le  civile 
Vàchellc  de  la  question,  estimée  à  un  franc.  »  —  Un  concierge  avait  compris  ces  objets 
dans  une  cession  mobilière  à  son  successeur  ;  ils  en  furent  distraits  comme  apparte- 
nant à  la  nation. 

(2)  Duclos,  qui  avait  succédé  dans  ces  fonctions  à  Lic<iuel,  est  un, des  avocats  de 
ce  temps  dont  la  vie  offre  lo  plus  d'étranges  particularités. 

(3)  Condamné  à  mort  par  le  tribunal  révolutionnaire  de  Paris  et  guillotiné  le 
*2i  floréal  an  lî. 


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^  211  - 

Nicolas-Louis  Lamine  ;  Levieux,  administrateur  du  département  ; 
Jouenne,  négociant,  lequel,  non  comparant,  est,  le  premier,  con- 
damné à  50  livres  d'amende,  et  Bérard,  cUoyen,  rue  des  Charettes, 
qui  fut  récusé. 

L'institution  des  jurés  n'inspirait  aux  accusés  qu'une  confiance 
limitée,  si  l'on  en  juge  par  un  incident  qui  se  produit  le  14  décem- 
bre 1792  et  qui  mérite  d'être  noté.  On  procède  devant  le  président 
et  l'accusateur  public  aux  récusations  à  exercer  aii  nom  des  accusés. 
Ceux-ci  élèvent  des  plaintes  sur  ce  que  la  liste  du  jury  spécial  est 
formée  comme  en  haine  d'aux  par  le  procureur  général  syndic  du 
département  (Thieullen)  ((  attendu  qu'elle  est  composée  de  citoyens 
tous  attachés  à  la  police  correctionnelle.  »  Cependant,  il  résulte 
bientôt  des  explications  fournies  que  Ton  croit  non  pas  «  que 
Thieullen  ait  des  motifs  de  haine  contre  les  plaignants,  mais  qu'il 
avait  pu  s'entendre  pour  la  formation  de  cette  liste  avec  le  citoyen 
Anquetin,  ci-devant  accusateur  public  ,  le  citoyen  Duval,  greffier 
de  la  police  correctionnelle  et  tous  leurs  complices,  qui  veulent  perdre 
les  accusés. .  »  En  résumé ,  ceux-ci  prétendaient  que  le  citoyen 
Anquetin  s'était  concerté  avec  les  citoyens  chargés  de  composer  la 
liste  et  non  avec  le  citoyen  Thieullen,  qu'ils  ne  connaissaient  et  ne 
visaient  pas. 

Ces  protestations  ne  semblent  pas  s'être  renouvelées.  La  place 
qu'elles  tiennent  et  l'attention  qu'on  leur  accorde  témoignent  assez 
que  le  règne  de  la  Terreur  ne  se  fait  pas  encore  sentir  au  Palais. 
Elles  viennent  de  Gysbert  Steen  et  de  Marie-Antoine  Gastinel, 
lesquels  sont  déboutés.  Le  premier,  Steen,  est  ce  réfugié  hollandais, 
ancien  ministre  et  trésorier  des  guerres  de  la  république  batave 
pendant  la  révolution  de  1788,  qui,  donnant  un  exemple  resté  sans 
imitateurs,  fait  publier  dans  le  Journal  de  Rouen  du  26  décembre 
1792  un  étrange  Avis  aux  Citoyens  les  priant  d'assister  à  son  juge- 
ment le  27  du  présent  mois,  au  juré  spécial,  dans  l'auditoire  du 
palais  de  cette  ville,  à  huit  heures  du  matin  »,  et  le  4  janvier  suivant 
remercie  de  même  les  patriotes  venus  pour  le  voir  juger  —  et  qui 
s'étaient  dérangés  inutilement  car  il  y  avait  eu  sursis  (1). 

(1)  Jean-Gooppes-Oyshert  Steen,  né  dans  la  principauté  des  Deux-Ponts,  âgé  de 


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^  212  - 

L'une  des  premières  affaires  jugées  devant  le  tribunal  criminel 
fut  celle,  née  dans  les  districts  de  Neufchâtel  et  de  Dieppe,  de  ce 
«  quidam  »  se  disant  d'abord  Victor-Aimé-Xavier  Broglio,  comte 
de  Lyon,  etc.,  de  son  vrai  nom  Victor-Charles-Antoine  Bayard, 
qui  eut,  en  outre,  affaire  ?iu  tribunal  révolutionnaire  de  Paris  (1). 
D'autres ,  plus  intéressantes ,  surviennent ,  au  nombre  desquelles 
celles  de  Caqueray  de  Montmesnil,  parmi  les  jurés  de  laquelle 
un  Le  Vaillant,  et  de  l'abbé  Heude,  curé  de  Saint-Patrice,  dont 
Tacte  d'accusation  fut  annulé  (2)  le  11  juillet  1792  et  qui,  le  31  août, 
fut  acquitté. 

Une  affaire  vraiment  sensationnelle  fut  celle  de  Laurent  de 
Verton  dit  Després,  dont  les  récits  officiels  sont  trop  connus  pour 
être  rappelés  (3). 

Le  tribunal  en  juge  d  autres  bien  curieuses  qui,  tout  en  n'ayant 
pas  pour  origine  des  émissions  de  faux  assignats  et  autres  crimes 

trcntcî-cinq  ans,  avait  obtenu,  le  4  septembre  1792,  de  la  municipalité  de  Rouen,  un 
passeport  pour  se  rendre  dans  son  pays  par  l'Angleterre.  Lui  et  Gastinel,  son  co-aceusé, 
étaient  entres  à  la  maison  de  justice  le  27  octobre.  L'acte  d'accu.sation  contre  eux  fut 
annulé  le  31  décembre;  ils  furent  condamnés  seulementle25avril  1793.  Gastinel  s*évada. 

(1)  Wallo.n.  ///>,  du  Trib.  HévoL,  t.  I,  p.  436.  L'ancien  constituant  Victor  de  Broglie 
ayant  lu  dans  plusieurs  journaux  que  ce  prétendu  Broglie  était  entré  à  la  Conciergerie 
le  17  juin  1793,  crut  devoir  faire  publier  une  note  annonçant  que  ce  n'était  pas  de  lui 
qu'il  s'agissait  [Momtciir  du  18  juin  1793,  p.  726,  2»  col.).  Le  vrai  Broglie,  plus  maltraité 
que  l'imposteur,  fut  guillotiné  l'année  suivante. 

(2)  Ces  annulations  sont  alors  très  fréquentes. 

(3)  On  sait  que  M.  L.  de  Verton,  arrêté  «  à  la  clameur  publique  »,  à  Forges-les-Eaux 
le  10  octobre  1792,  fut  acquitté  le  20  décembre  1792.  Il  fit  partie  de  la  Société  Populaire 
de  Rouen.  De  nouveau,  cette  fois  pt>ur  incivisme,  il  fut  arrêté  le  10  août  1793;  il  préten- 
dait alors  ne  pas  être  noble  ;  il  resta  de' tenu  jusqu'au  9  pluviôse  an  FÏL  M.  de  Maldérêe, 
propriétnire  du  château  de  Tounille-la-GliapelIe,  où  s'étaient  passés  les  faits  ayant 
donné  lieu  au  procès  criminel  de  Verton,  revint  en  France  et  résidait  à  Rouen,  rue  des 
Carmes,  38,  bôtel  de  l'Egalité,  loi'squ'il  fut  lui-même,  comme  suspect  d'incivisme  et 
d'aristocratie,  incarcén'*  à  "Saint- Yon,  le  8  frimaire  an  II.  Il  n'avait,  disait-il,  «  ni  père, 
ni  mère,  ni  frère,  ni^oeur,  ni  femme  »,  mais  .seulement  un  fils  unique  de  vingt-trois  ans, 
embarqué  pour  les  colonies  françaises  de  l'Amérique  où  il  possédait  des  propriétés.  La 
vie  de  M.  de  Maldérêe,  le  détenu  de  Saint-Ton,  paraît  être  une  longue  série  d'aventures. 
Il  était  à  Rouen  en  relations  suivies  avec  une  citoyenne  Ro.ssignol,  née  Cardinal,  dont  le 
mari  avait  été  consul  ou  chargé  d'affaires  en  Russie'  et  en  Suéde.  M.  de  Maldérêe 
veillait,  comme  elle,  sur  le  sort  d'un  jeune  enfant  d'origine  mystérieuse,  et  cette 
citoyenne  était  en  rapport  avec  Charles-Frédéric  Valdeck,  âgé  de  trente-six  ans,  né  à 
Pemberg  en  Franconie,  qui  parait  être  de  la  maison  princiére  d'Anhalt-Bernbourg- 
Schaunbourg.  Elle  fut  arrêtée  à  Rouen  en  même  temps  que  Valdeck  qui,  intt«rrogé  le 
6  frimaire  an  II,  di.sait  résider  à  Paris,  et  être  franc-maçon. 


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—  213  —  . 

contre-révolutionnaires,  sont  néanmoins  à  peu  près  toutes  nées  de 
faits  symptômatiqucs  essentiels  à  l'étude  de  la  grande  crise  sociale 
et  politique.  Devant  les  jurés,  défilent  successivement  Féret,  garçon 
d'écurie  de  V Hôtel  de  France  à  Rouen,  poursuivi  pour  banqueroute 
frauduleuse  ;  Jaillot,  apothicaire,  à  Gournay,  la  fille  Letailleur,  sa 
servante,  et  J.-L.  Tison,  de  Marines,  accusés  d'émission  de  faux 
assignats,  jugés  après  une  procédure  dont  ils  avaient,  pendant  leur 
transfert  de  Gournay  à  Rouen,  détourné  les  pièces,  jetées  par  Tun 
d'eux  dans  des  latrines  et  retrouvées  bientôt  par  Délesques,  «  gou- 
verneur des  moulins  à  papier  de  Vascueil  » ,  après  des  péripéties 
extraordinaires.  On  remarque  en  passant  le  procès  de  ce  singulier 
mailre  do  pension  de  Beauvoir-en-Lyons,  accusé  du  vol  d'une  vache 
qu'il  prétendait  s'être  dirigée  seule  devant  lui,  pendant  un  parcours 
d'environ  huit  lieues,  depuis  Saint-Saire  jusqu'à  son  domicile,  où  il 
l'avait  recueillie  ;  celui  de  Géry,  curé  d'Auberbosc,  qai  avait  proféré 
en  chaire  des  termes  révoltants  contre  l'Assemblée  Nationale  qu'il 
accusait  d'avoir  autorisé  l'assassinat,  le  feu,  le  meurtre,  la  sédition 
jusqu'au  pied  des  autels  (1). 

Parmi  les  acquittements,  assez  fréquents,  prononcés  par  le 
tribunal  criminel,  on  trouve,  le  13  avril,  celui  d'André  de  Ram- 
freville  (2),  accusé  d'émigration,  mis  en  liberté  presque  en  même 
temps  qu'était  emprisonné  son  frère  Charles;  le  15  juin,  celui  de 
Siou,  venant  du  Havre,  accusé  d'avoir  dit  à  ceux  qui  se  plaignaient 
d'avoir  difficilement  du  pain  qu'il  n'y  avait  pas  d'autre  moyen  de 
faire  renaître  l'abondance  que  celui  qui  avait  réussi  dans  le  Maine, 
c'est-à-dire  de  couper  la  tête  à  dix  ou  douze  personnes  ;  et  le  16  juin, 
celui  de  Victor  Dufay,  procureur  de  la  commune  de  Saint-Ouen- 
prend-en-Bourse,  lequel,  pour  contraindre  Félix  Jourdain  à  partir 
contre  les  Anglais  qu'on  disait  débarqués  à  Veules,  l'avait  tué  d'un 
coup  de  sabre. . . 

Le   même    tribunal   a   condamné,   le    11   mai,    Jean-Louis 

(i  )  Géry  ne  parait  pas  avoir  été  condamné.  Cependant,  il  resta  détenu  et  ne  sortit 
que  le  i^  pluviôse  an  V,  sous  la  caution  de  Laumonier. 

(S)  André  de  Ramfreville  avait  été  arrêté  à  la  Boissiére-Saint-Martin-Osmonville. 


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-  214  — 

Bailleul  (1),  et  le  15  juillet,  Gabriel-Nicolas  Dauvet,  (2)  à  la  dépor- 
tation comme  émigrés  rentrés  en  France  ;  le  15  juin,  Pierre-Martial 
Lamondière,  prêtre,  mis  en  mer,  à  la  déportation  pour  émigration  (3)  ; 
le  1®'  août,  J.-B.  Leudet,  à  la  déportation  à  la  Guyane  pour  exercice 
des  fonctions  curiales  sans  serment  préalable;  le  3  septembre,  Pierre 
Choulant,  entrepreneur  de  coupes  de  bois,  à  la  déportation  pour 
propos  séditieux;  le  14  octobre,  Lenormand,  commis  chez  Asselin, 
à  la  détention  jusqu'à  la  paix,  pour  avoir  porté  à  droite  et  non  & 
gauche  la  cocarde  tricolore,  et  pour  divers  propos  ;  le  1®'  novembre. 
Coquet,  maire  de  Neufchâtel,  à  la  déportation  à  vie,  pour  provoca- 
tion au  rétablissement  de  la  royauté  (4)  ;  le  10,  Gastinel  (5)  aussi  à 
la  déportation  à  vie  pour  propos  séditieux  à  Taudience;  le  14,  la 
veuve  Fleury,  née  Canu,  (6)  à  trois  ans  de  déportation,  et  Guillaume 
Homo,  à  la  détention  jusqu'à  la  paix  pour  propos  séditieux,  et  le  15, 
J.-L.  Rendu,  fabricant,  à  la  déportation  à  vie  aussi  pour  propos 
séditieux. 

Outre  les  peines  qui  serviront  de  débuts  à  la  guillotine,  le  tri- 
bunal criminel  prononce  cette  même  année  1793,  pour  crimes  de 
contre-révolution,  dix  condamnations  à  mort  :  le  1"  mars,  François 
Lebrun,  marchand  forain,  femme  Barré  et  femme  Durand,  tra- 
meuses,  pour  fabrication  et  émission  de  faux  assignats  ;  le  30  mai, 
J.-B.  Duboc,  sans  profession,  pour  mômes  causes  ;  le  21  septembre, 
Jérôme  Richard,  Pierre  Lemoine  et  François  Labouglise,  volon- 
taires, et  Jean  Poret,  cordonnier,  pour  conspiration  et  émeute  à 
main  armée;  le  3  octobre,  J.-R.  Chapelain,  receveur  d'enregistre- 

(1)  Conduit  hors  du  territoire  de  la  République  le  14  mai. 

(2)  Conduit  aussi  hors  du  territoire  le  jour  même  de  sa  condamnation.  Son  identité 
est  aujourd'hui  assez  difficile  à  établir  à  cause  d'un  parent  ayant  les  mêmes  prénoms. 
l\  s'agit  ici  de  «  Gabriel-Nicolas  Dauvet,  trente-cinq  ans,  vicomte,  majeur  du  3*  régi- 
ment de  cavalerie,  ci-devant  commissaire  général,  né  à  Manneville  (Etire),  demeurant 
au  Havre.  » 

(3)  Transféré  au  Havre  pour  y  être  embarqué  le  28  juin. 

(4)  Grâce  à  Lacroix,  représentant  du  peuple,  qu'il  avait  reçu  à  Neufchâtel,  Coquet 
ne  tarda  pas  à  être  réintégré  dans  ses  fonctions  de  maire. 

(5)  Ce  Gastinel  n'est  pas  le  complice  de  Steen  dont  il  a  été  question  plus  haut. 

(6)  Elle  ne  subit  pas  sa  peine.  Siblot  annula  le  jugement. 


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-  215  - 

ment  à  Saint-Saëns,  pour  propos  séditieux  (1);  le  14  décembre, 
François  Angué,  cultivateur  à  Mauquenchy,  pour  propos  séditieux 
et  excitant  au  renvers3ment  du  gouvernement  (2),  et  le  18  décembre 
Michel. 

II 

Si  la  police,  les  prisons  et  les  geôliers  constituaient  avec  les 
législateurs,  les  administrateurs,  le  comité  de  surveillance,  la  société 
populaire,  les  juges  et  les  jurés,  les  moyens,  les  appuis,  les  stimu- 
lants et  les  auxiliaires  principaux  de  la  Révolution,  il  ne  faut  pas, 
néanmoins,  perdre  de  vue  un  personnel  ancien  et  un  accessoire 
nouveau  qui  jouissent  durant  la  Terreur  d'une  influence  incoutesta- 
blement  funeste,  mais  que  Teffroi  fit  peut-être  à  un  degré  égal, 
salutaire  et  préservatrice...  Je  veux  parler  des  bourreaux  et  des 
guillotines. 

En  Normandie,  comme  ailleurs,  la  Révolution  avait  achevé  la 
ruine  des  familles  des  exécuteurs  des  sentences  criminelles.  Les  plus 
connues,  celle  des  Jouenne,  dont  lorigine  remonterait  à  plusieurs 
siècles  (3)  et  celle  des  Féray,  leurs  alliés,  les  uns  de  Caudebec,  les 
autres  venus  de  Basse-Normandie,  avaient  été  durement  éprouvées 
par  les  réformes  de  1775  et  des  années  suivantes,  qui  avaient  substitué 
une  rétribution  fixe  à  la  plus  grande  partie  des  perceptions  en  nature 
formant  leurs  émoluments.  De  toutes  ces  perceptions,  celles  qui 
consistaient  en  prélèvements  sur  les  denrées  exposées  en  vente  dans 
les  marchés,  répugnaient  si  fortement  aux  gens  qui  y  étaient  assu- 
jettis que  tous  les  moyens  leur  étaient  bons  pour  s'y  soustraire  (4). 

(1)  Guillotiné  à  Neufchàtel-en-Bray  le  4  octobre,  entre  sept  et  huit  heures  du  soir. 
Il  avait  été  porté  sur  une  liste  d'émigrés,  mais  l'émigration  ne  motiva  point  sa  condam- 
nation. 

(2)  Guillotiné  à  Gournay,  le  26  frimau'e  an  II,  entre  minuit  et  une  heure  du  matin. 

(3)  P.-P.-H.  Garet.  Les  Bourreaux  Normands  et  leurs  valets,  Caudebec,  1856,  p.  47. 
Jouhanne  dit  Justice  parait  avoir  été  bourreau  de  Caudebec  dés  1380,  dit  cet  auteur, 
qui  cite  même  un  passage  du  terrier  de  la  vicomte  de  Caux  où  est  rappelé  un  contrat 
de  1202,  mentionnant  Nicolas  Jouhanne  dit  la  Justice.  Il  prétend  même  que  les  Jouanne 
avaient  arme  et  devise  :  Au  champ  de  gueules  à  deux  hacfies  en  sautoir  d'or  en  chef  y 
toutenues  en  pointe  des  trois  initiales  1. 1.  E.  (Johannis  Justicia  fecit)  aussi  d'or  ! 

(4)  Arch.  du  dépt.  —  Jugement  du  bailliage  d'Evreux  du  19  décembre  1665,  sur  la 
requête  de  Jean  Frigot,  commis  à  l'exercice  des  sentences  criminelles  dud.  bailliage 
pour  la  minorité  de  Nicolas  Levavasseur,  pourvu  audit  office.  Affiohe  imprimée. 


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-  216  - 

Après  les  suppressions  de  leurs  droits  opérées  en  1775,  François- 
Thomas  Féray  et  Charles  Féray  avaient  demandé  à  être  indemnisés 
par  15,000  livres  do  pension  (1).  Turgot  s'occupa  des  négociations 
qui  aboutirent  à  des  résultats  désastreux,  il  leur  faisait  des  objec- 
tions assez  faciles  à  réfuter  et  qui  donneraient  une  piètre  idée  de  la 
valeur  de  ses  doctrines  d'économiste.  Il  leur  oppose  que  si  leurs 
familles  sont  si  nombreuses,  ils  sont  dans  le  cas  d'en  tirer  des  services 
et  de  diminuer  le  nombre  de  leurs  domestiques,  et  il  s'imagine  que 
«  si  l'on  prenait  des  exécuteurs  parmi  les  criminels  à  qui  on  ferait 
grâce,  le  service  ne  coûterait  pas  tant,  3,0G0  livres  lui  paiaissent 
suffisantes  pour  chacun  des  exécuteurs  de  Rouen.  Aussi,  le  premier 
président  du  Parlement  de  Rouen,  M.  de  Montholon,  exprime-t-il 
la  crainte  que  les  Féray  ne  veuillent  plus  continuer  leur  service. 
M.  de  Montholon,  comme  M.  de  Crosne,  soutenait  au  moins  en 
partie  les  prétentions  des  exécuteurs  (2).  Louis  XVI,  lui,  montra 
quelque  sollicite  pour  le  bourreau,  en  essayant  de  proscrire  ce  nom 
et  de  faire  prévaloir  celui  d'exécuteur  (3).  Le  nom  de  bourreau  était 
une  obsession  pour  les  Féray  qui,  k  plusieurs  reprises,  avant  et 
depuis  la  Révolution,  obtinrent  des  décisions  interdisant  cette  appel- 
lation (4). 

(1)  Ils  exposent  qu'ils  ont  à  leur  charge  des  parents  indigents  qu'on  ne  recevrait  peut- 
être  pas  à  rhôpital...  «  Par  une  suite  du  préjugé  attaché  à  leur  office,  leurs  misérables  en- 
fants seraient  privés  de  toute  éducation  s'ils  ne  faisaient  venir  chez  eux  des  maîtres  pour 
la  leur  donner.  On  ne  veut  point  souffrir  ces  enfants  daus  les  écoles  quoique  les  Féray 

s'obligeassent  de  payer  annuellement  pour  les  pau\Tes Ils  sont  obligés  de   se 

séquestrer  journellement  chez  eux  avec  leurs  familles  sans  pouvoir  espérer  jamais  se 
débarrasser  de  leurs  enfants  à  l'âge  où  ils  pourraient  travailler  et  cesser  de  leur  être  à 
charge  parce  que  toute  espèce  d'état  ou  de  profession  leur  est  interdite  par  l'infamie 
que  le  privilège  a  attaché  à  leurs  fonctions  et  à  leur  naissance.  »  Vers  1780»  la  maison 
de  Charles  Féray  comprend  sa  femme,  quatre  enfants,  deux  domestiques,  une  servante, 
deux  chevaux.  (Arch.  dépt.)  La  plupart  des  Féray  paraissent  mourir  jeunes.  Depuis  la 
Révolution,  à  une  époque  où  certains  officiers  de  l'état-civil  méticuleux,  d'une  localité 
que  je  ne  veux  pas  désigner,  avaient  la  rare  précaution  d'indiquer  la  maladie  cause  du 
décès,  on  voit  deux  de  ces  Féray,  le  père  et  le  fils,  mourir  à  peu  d'années  l'un  de 
l'autre  d'une  horrible  maladie,  qui  aurait  été  héréditaire. 

(2)  A  partir  de  1775,  les  exécuteurs  de  la  haute  justice  de  Rouen  ont  un  sort  de 
9,450  1.  année  commune,  savoir  :  menus  droits  perçus,  2,250  sol,  frais  d'exécution  1,200 
liv.  et  traitement  provisoire  (Arch.  du  départ.) 

(3)  Arch.  du  départ. 

(4)  Hippeau,  le  Gouvetmenienl  de  Normcmdiet  t.  II,  p.  166  et  s.,  Houard,  Dicl,  de 
Droit  Normand,  t.  IV,  Supplice$* 


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^  217  - 

Ces  malheureux  parias  s'efforçaient  de  se  dissimuler  jusque 
dans  les  actes  do  l'état-civil  où,  surtout  vers  le  temps  des  réductions 
imposées  par  Turgot,  on  les  dit  «  marchands  de  grains»,  commerce 
qui  ne  les  enrichissait  pas,  car  en  1783,  dans  les  non-valeurs  de  la 
capitation  figure  :  «  Thomas  Féray,  marchand  de  grains,  pauvre, 
21. 12  s.  (1). 

Les  Feray,  venus  en  1725  de  Vire  à  Rouen  (2),  se  trouvaient 
depuis,  par  les  Jeanne  et  par  eux-mêmes,  alliés  aux  familles  d'exécu- 
teurs les  plus  connues.  Ils  étaient  parents  des  Samson,  de  Paris,  (3) 
Carlier,  de  Pontoise  ;  des  Malhœuvre,  (4)  Demorets,  d'Estampes  ; 
Rivière  et  Olivier,  de  Gisors;  Marin  Boscher,  de  Caen  ;  Etienne,  de 
Verdun  ;  Lacaille,  de  Pont-rEvéque  et  de  Harfleur,  etc.,  (5) 

L'abolition  des  deux  questions  par  les  décrets  des  8  mai  1788  et 
9  octobre  1789,  ne  fut  peut-être  pas  plus  regrettée  par  le  bourreau  que 
par  les  médecins  qui  y  assistaient,  que  flétrit  M.  Gosselin  avec  autant 
d'autorité  que  d'indignation  (6),  et  que  les  fils  de  la  Révolution  ont 
honorés  en  donnant  leurs  noms  à  des  rues  de  Rouen.  Mais  il  vit  avec 
douleur  supprimer  en  conséquence  les  émoluments  spéciaux  qu'elles 
lui  valaient. 

Quoique  la  décapitation  n'ait  été  substituée  à  la  pendaison,  au 
feu,  à  la  roue  et  à  l'écartèlement  que  le  3  mai  1791,  les  journalistes, 
sans  pitié,  considéraient  depuis  longtemps  déjà  comme  fini  le  rôle 
des  Féray  et  Jouenne.  Le  second  numéro  (21  octobre  1788)  du  pseudo 
Journal  de  la  Cour  et  du  Palais,  sous  le  titre  à: Affiches,  Annonces 
et  A  ois  divers,  annonce  :  «  A  vendre,  une  charetto  et  deux  mauvais 
chevaux.  S'adresser  au  sieur  Féray,  bourreau  privilégié,  rue  de  la 
Truie.  »  Et,  plus  loin,  il  invente  une  lettre  du  sieur  Féray  à 
M.  Desbrugnières,  où  le  bourreau  rappelle  combien  ses  confrères  et  lui 

(1)  Arch.  du  départ. 

(2)  Etat-civil  de  Rouen.  Lubin  Jouanne  était  mort  en  fonctions  à  vingt-cinq  ans,  eut 
pour  successeur  Charles  Jouanne,  auquel  parait  avoir  succédé  Nicolas  Féray,  mari  de 
Gabrielle  Levavasseur,  fille  de  feu  Nicolas  et  de  Marguerite  Jouanne. 

(3)  G.  Lenôtre,  La  Guillotine. 

(4)  En  1781,  c*est  Guillaume  Malhœuvre  qui  est  «  exécuteur  des  décrets»  de  la  cour 
du  Parlement  de  Rouen  et  sentences  criminelles  du  bailliage  et  siège  présidial  de  Rouen 
et  autres  juridictions  dépendant  de  lad.  Cour  (arch.  du  départ.,  G.  935). 

(5)  Etat-Civil  de  Rouen. 

(6)  Revue  de  la  Normandie,  Le9  petits  Sorciers^  p.  486.  • 


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f  ^î-îîv:-' 


-   218  - 

sont  à  plaindre  dans  leur  commerce,  et  se  recommande  à  sa  sollici- 
tude. «  Si  j'élève  la  voix  (fait  dire  le  pamphlétaire  à  Féray)  c'est 
parce  que  je  suis  dans  le  besoin  :  six  mois  sans  ouvrages,  point  de 
de  ressources.  Tout  cela,  mon  cher  ami,  devrait  vous  faire  ouvrir 
les  yeux  sur  nous.  Je  me  trouve  réduit  à  vendre  ma  charrette,  mes 
chevaux,  mes  chiens,  et  d'ailleurs  il  faut  que  nous  vivions  nous 
mêmes . . .  Vous  pouvez  vous  adresser  en  notre  nom,  rue  de  la  Truie, 
ou  au  sieur  Flambard  (1),  notre  associé  et  ami  (2).  » 

Les  compensations  advenues  aux  exécuteurs  des  hautes-œuvres 
par  suite  des  réformes  de  1789,  consistaient  dans  la  qualité  de  citoyen 
électeur  et  éligible  que  lui  conféra  implicitement  l'Assemblée  cons- 
tituante, et  dans  un  secours  de  1,000 1.  jusqu'au  moment  où  ils  pour- 
raient être  employés.  Ceux  qui,  dans  le  département,  jouissaient  de 
cette  situation  étaient  Nicolas  Féray  (3),  et  Charles-Louis  Féray, 
ci-devant  exécuteurs  à  Rouen  ;  André-Charles  Féray,  ci-devant 
exécuteur  à  Provins  et  résidant  à  Rouen,  et  Jouanne,  ci-devant 
exécuteur  à  Caudebec  (4).  Le  13  juin  1793,  un  décret  attribue  à  chaque 
département  un  seul  exécuteur  aux  appointements  annuels  de  4,000 
livres,  et  le  22  novembre  suivant,  un  autre  décret  lui  alloue  1,600 
livres  pour  deux  aides  et  12  livres  par  jour  en  cas  déplacement. 

Le  21  décembre  1793,  Charles-Louis  Féray  père  est  nommé  par 
le  directoire  seul  exécuteur  en  titre.  Il  démissionna  et  fut  remplacé 
par  Charles- André-Louis  Féray,  le  1«'  février  1794  (5). 

(i)  Officier  de  la  maréchaussée,  objet  de  la  plus  violente  auimadversion  de  la  part 
des  révolutionnaires  rouennais. 

(2)  Bibl.  mpale,  coll.  Le  Ber. 

(3)  Nicolas  Féray,  ftls  de  François-Thomas,  momentanément  employé  dans  les 
armées  de  la  République,  touchait  le  traitement  attaché  au  grade  de  capitaine  d'une 
compagnie  de  volontaires.  (Reg.  du  dépt.  2  pluv.  an  II,) 

(4)  Un  Jouanne,  vraisemblablement  Tex-bourreau,  était  en  1792 concierge  du  dépôt 
de  mendicité  (Bicêtre).  Il  y  eut  alors  un  nombre  invraisemblable  d'évasions  qui  le  firent 
suspecter.  On  en  compte  jusqu'à  83  depuis  le  16  janvier  1792  jusqu'en  janvier  179*. 
Richard  Jouanne  est  encore  exécuteur  à  Caudebec,  en  mars  1793,  date  à  laquelle  il  se 
plaint  de  la  médiocrité  du  traitement  (Reg.  du  dépt.  15  mars  1793). 

(5)  Les  prénoms  sont  donnés  ici  tels  qu'ils  figurent  sur  les  documents  d'où  ces 
détails  sont  extraits.  Il  est  à  noter  que  l'on  trouve  écrit  et  même  signé  tantôt  Féray  ou 
Férey.  Nicolas  Féray  fut  commissionné  le  8  décembre  1794  pour  remplir  les  fonctions 
d'exécuteur  à  Dijon,  et  destitué  le  23  juin  1797.  «  Il  aimait  les  plaisirs  :  le  19  février  1796 
grand  bal  paré  à  la  salle  des  spectacles,  que  le  boureau  a  honoré  de  sa  présence,  sans 
que  sa  vue  ait  excité  aucune  sensation  parmi  notre  discrète  jeunesse  »  {VOtnginal  ou 


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—  219  — 

Outre  son  traitement  et  le  «  casuel  »  (1).  Féray  avait  la 
jouissance  d  une  maison  située  rue  de  la  Truie  (2),  dépendant  du 
domaine  du  roi,  comprenant  un  étage  en  mansarde  sur  cette  rue  et 
des  écuries.  Mais  cette  jouissance,  tout  au  moins  après  la  mise  en 
vente  des  biens  nationaux,  n'était  pa»  gratuite  (3).  Elle  était 
d'ailleurs  trop  petite  pour  contenir  toute  la  famille. 


III 


L'un  des  graves  soucis  de  la  fin  de  1792  et  du  commencement  de 
1793,  transmis  aux  nouveaux  administrateurs  du  département  par 
leurs  prédécesseurs,  était  la  question  de  la  guillotine. 

On  n'oublie  jamais  de  dire  quel  fut  à  Paris  le  premier  guillotiné. 
Il  eût  été  également  désirable  de  connaître  les  noms  de  ceux  qui,  les 
derniers,  furent  pendus,  brûlés  ou  roués  (4).  Si  la  loi  a  été  respectée, 
aucune  peine  capitale  n'a  été  subie  depuis  le  3  mai  1791,  date  aux 
termes  duquel  tout  condamné  à  mort  devait  avoir  la  tôte  tranchée. 


Joui^nal  du  département  de  là  Côte^'Ch'.  n®  4,  p.  33  et  34  ;  M.  Clément  Jaiiin,  le 
Movimont  de  Dijon j  boun'eaux  et  suppliciés j  i889,  p.  147  ;  communicatiijn  de  M.  Gui- 
gnard,  bibliothécaire  de  la  ville  de  Dijon,  du  l»""  février  1896.)  <  A  Dijon,  pendant  l'exer- 
cice de  Féray,  les  amis  de  Robespierre  se  plaignent  de  ce  que  le  bourreau  ne  jouit  pas 
de  la  considération  que  lui  nïéritent  ses  importantes  fonctions  de  ministre  de  la  mort 
et  de  grand  prêtre  de  la  guillotine.  Comme  naguère  à  Rouen,  Féray  se  plaignit  à  Dijon 
de  ce  qu'on  le  nommait  bourreau.  Le  tribunal  de  police  réconduisit  et  le  condamna 
aux  dépens.»  (G.  Bord,  Revue  de  la  Révolution,  Un  bourreau  danseur,  1887,  2«  partie, 
p.  170). 

(4)  Malgré  la  suppression  formelle  de  tout  casuel  en  1793,  Féray  trouva  le  moyen 
de  s'en  créer  un,  beaucoup  moins  important  il  est  vrai. 

(2)  La  rue  de  la  Truie  a  été  supprimée  en  1862.  La  maison  dont  il  s'agit  était 
affectée  au  logement  du  bourreau  dés  gavant  1567.  (Périaux,  Dict.  des  Rues  de  Rouen, 
p.  636.)  Elle  fut  vendue  comme  bien  national  au  citoyen  Deswignes,  moyennant 
43)  1.,  le  26  thermidor  an  IV. 

(3)  Avant  la  révolution,  le  bourreau  parait  être  logé  «  aux  frais  du  Roi.  »  V.  no  t. 
pour  celui  de  Gisors  (Arch.  du  départ.,  G.  935. 

(4)  Dans  son  gros  volume  sur  la  Guillotine,  M.  Lenôtre,  qui  s'est  occupé  de  bien 
d'autres  choses,  a  négligé  de  renseigner  là-dessus  ses  lecteurs.  —  Garet,  l'historien 
de  Caudebec,  donne  à  cet  égard  quelques  détails  intéressants,  s'appliquant  à  Caude- 
bec  ;  mais  il  est  sujet  à  se  tromper.  U  semble  résulter  d'un  passage  assez  ambigu  de  son 
livre  que  le  premier  guillotiné  à  Caudebec,  par  arrêt  du  bailliage,  était  un  berger, 
^^ssassin  de  sa  maîtresse. 


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—  220  — 

jusqu'au  25  avril  1792,  date  de  l'inauguration  de  la  guillotine  à  Paris. 
Je  laisse  à  d'autres  le  soin  de  fixer  ce  point  historique. 

Sous  le  bras  du  progivs,  bûcheron  d'échafauds  ! 

la  potence,  élevée  à  l'entrée  du  pont,  avait  été  retirée  le  9  oc- 
tobre 1789,  et  le  gibet  avait  été  démoli  le  22  juin  1790. 

Le  27  avril  1792,  c'est-à-dire  le  surlendemain  du  jour  où  l'ins- 
trument de  mort  importé  d'Angleterre,  grâce  à  Guillotin  et  à 
l'académicien  Antoine  Louis,  venait  d'être  mis  en  usage  à  Paris 
pour  la  première  fois,  l'administration  du  département  de  la  Seine- 
Inférieure  écrivit  au  ministre  de  la  justice  (Duranton)  pour  lui 
demander  l'envoi  de  la  «  machine  qu'on  doit  employer  pour  la  peine 
de  mort  »,  le  17  mai,  au  même,  une  lettre  de  rappel,  et  le  30  aux 
ministres  de  la  justice  et  de  l'intérieur  pour  les  inviter  à  se  concerter 
pour  l'envoi  de  la  machine. 

Elle  arriva  enfin,  expédiée  non  par  les  ministres  auxquels  on 
s'était  adressé,  mais  par  le  ministre  des  contributions  (Beaulieu) 
(1)  à  qui,  le  22  juin,  il  en  fut  accusé  réception,  et  on  la  plaça  sous 
les  voûtes  du  département.  A  ce  moment,  les  journaux  de  Rouen  ne 
souffle  mot  de  l'introduction  de  cette  nouveauté  dans  la  ville. 

Il  y  avait  bien  certainement  des  gens  pressés  de  voir  manœuvrer 
le  sinistre  appareil.  Nul  ne  l'était  autant  que  l'exécuteur  Féray, 
réduit  à  l'inaction  pendant  la  période  transitoire,  et  réduit  surtout  à 
un  minimum  de  ressources-  qui  avait  promptement  laissé  pénétrer 
chez  lui  une  gêne  que  la  dispersion  de  sa  famille  n'avait  pas  fait  cesser. 
Le  25  juin,  trois  jours  après  la  réception  de  la  guillotine,  le  direc- 
toire du  département,  afin  de  rendre  à  l'exécuteur  toute  la  liberté... 
d'esprit  nécessaire  pour  l'accomplissement  de  ses  terribles  fonctions, 
prenait  un  arrêté  portant  sursis  provisoire  à  toutes  poursuites  contre 
Féray  pour  les  loyers  de  la  maison  qu'il  occupait,  jusqu'à  ce  qu'il  en 
eût  ét'i  autrement  ordonné.  Ainsi  débarrassé  de  soucis  d'argent 
parce  qu'il  était  redevenu  indispensable,  Féray  put  se  préparer  à 
l'exercice  de  sa  «  charge  ».  Se  fit-il  initier  par  son  confrère  et  parent 
Samson,  de  Paris,  au  fonctionnement  de  l'appareil  et  Texpérimenta-t-il 
lui-môme  à  Rouen  sur  des  moutons  vivants,  comme  le  fit  Samson  ? 
On  rignore. 


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~  221  - 

Le  premier  condamné  qui,  en  Seine-Inférieure,  paya  d'après  ce 
mode  si  expéditif  sa  sanglante  «  dette  envers  la  Société  »  fut  Thomas 
Henry,  matelot,  convaincu  avec  Germain  Barge,  aussi  matelot, 
d'avoir  assassiné  leur  capitaine,  nommé  Louisneau.  Conformément 
à  la  loi,  son  exécution  devait  se  faire  sur  la  place  publique  de  la 
ville  où  le  jury  d'accusation  avait  été  convoqué,  c'est-à-dire  à  Dieppe, 
ville  à  laquelle  se  trouva  ainsi  dévolu  le  triste  avantage  d'avoir  vu, 
pour  la  première  fois  dans  le  département,  fonctionner  la  «  machine 
destinée  à  accélérer  les  exécutions  ». 

Cette  machine,  telle  que  l'avait  construite  Schmidt,  l'entrepre- 
neur de  toutes  celles  qui  étaient  destinées  aux  départements  (1),  ne 
suffisait  pas  ;  il  fallait,  pour  la  surélever,  un  échafaud  que,  le  25  juin, 
le  département  autorisa  le  district  de  Dieppe  à  faire  construire. 

L*exécution  eut  lieu  le  samedi  30  juin,  à  quatre  heures  et  demie, 
sur  la  place  du  marché  de  Dieppe.  «  L'effet  qu'elle  produisit  fut 
tel  qu'on  devait  l'attendre.  Un  recueillement  silencieux,  mêlé  d'un 
effroi  muet,  produit  par  la  nouveauté  de  l'appareil  et  du  spectacle, 
régnait  parmi  le  peuple  nombreux  que  cette  expérience  (?)  avait 
attiré.  »  (2) 

Ce  début  encourageant  ne  décida  point  à  continuer  par  Rouen. 
Au  surplus,  l'occasion  ne  s'en  présenta  peut-être  point.  Pour  les 
exécutions  de  Tinel,  à  Cany,  le  samedi  31  décembre,  de  Torchy  et 
autres  à  Gournay,  le  samedi  9  février  1794,  la  machine  fut  trans- 
portée dans  chacune  de  ces  localités  par  les  soins  du  bourreau.  Afin 

(1)  (i.  Lenôtrp,  ouv.  cité. 

r2)  Journal  de  Rouen  ilu  3  juillet  1792.  p.  16,  2«  col.  —  L»»  ealnio  qui  régnait  dans  la 
ville  était  d'autant  plus  remarquable  que  quelques  heures  auparavant,  il  y  avait  un 
Krand  tumulte.  Vers  midi,  le  hournîau  venait  de  détaclier  un  nommé  Guillaume 
Simon,  de  dessus  l'échafaud,  où  il  avait  été  expiW'  toute  la  matinée  dans  la  plare 
publique  de  Dieppe,  et  le  ivcondui.sait  dans  la  prison,  eseorté  de  gendarmes  et  de 
gaitles  nationaux,  lorsqu'un  attroupement  considérable  de  lenmies,  ayant  à  leur  tète 
Thomas- Vincent  Lesueur,  charpentier  et  marinier,  ayant  une  perruque  blonde  et  dabord 
un  chapeau  rond  puis  une  coilVure  de  femnïc,  dansant  et  agitant  son  chapeau  pour 
narguer  la  cavalerie,  se  précipita  à  travei*s  les  chevaux  du  cortège,  arracha  Simon  des 
mains  de  Keray  et  le  jeta  dans  la  maison  de  la  dame  Poyer,  non  loin  de  celle  du  sieur 
Agassc  et  dt^  la  fontaine  faisant  le  coin  de  la  place  publique.  Là,  Simon  fut  déguisé 
Uun  jupon  noir  et  d*un  mantelet  bleu  ;  puis,  les  femmes  sortirent  en  foule,  ayant  au 
milieu  d'elles  Simon,  délilérent  le  long  de  la  grande  me  vers  le  port,  en  dansant  et  en 
chantant  :  Ça  ira (Notes  de  l'auteur.) 


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—  222  — 

d'éviter  et  de  réparer  les  accidents,  le  menuisier  Trostin,  qui  la 
montait  habituellement,  était  obligé  de  l'accompagner.  On  finit  par 
s'apercevoir  que  les  frais  de  transport  absorbaient  bientôt  ceux  d  une 
charpente  pour  chaque  district,  et,  le  7  février,  on  décide  qu'il  sera 
fait  sept  charpentes.  (1) 

Le  28  février,  il  fallait  réparer  le  couteau  :  il  y  manquait  deux 
pièces  en  fer  pour  tenir  celle  faisant  l'arrêt  sur  la  bascule,  et  les  vis 
qui  tenaient  une  autre  pièce  ;  de  plus,  il  était  nécessaire  de  mettre 
en  fer  les  chevilles  de  bois  et  de  raccommoder  aussi  les  cadenas. 

Quand  tout  fut  bien  en  état,  on  se  trouva,  le  7  mars,  en  mesure 
de  décapiter  trois  matelots,  William  Thompson  (aliàs  Oby  Ter- 
geron)  anglais,  Richard  Hassis  ou  Geresse,  danois,  et  Lequecque, 
français,  qui  avaient  attenté  aux  jours  du  capitaine  Bosquet,  com- 
mant  le  brick  le  Monan/iie,  parti  de  Marseille,  le  16  aotXt  précédent, 
et  d'un  mousse,  et  qui  étaient  en  la  maison  de  justice  de  Rouen 
depuis  le  20  octobre  1792. 

Malgré  les  précautions,  cette  nouvelle  exécution  fut  manquée. 
Le  bon  public  qui,  venu  sans  que  sa  sensibilité  en  eût  été  alarmée, 
avait  recherché  l'horreur  de  la  décollation,  vit  «  avec  indignation  le 
»  pavé  de  Téglise  Saint-Eloi  et  les  bras  des  hommes  portant  la  bière 
»  teints  et  rougis  du  sang  qui  s'en  échappait,  faute  d'avoir  enduit 
»  de  goudron  les  jointures  et  les  parois  intérieures  des  coffres  !  » 
Après  cette  explosion  de  sentimentalisme,  pouvait-on  croire  les 
foules  sanguinaires  ? 

D'autres  incidents  nécessitèrent  non-seulement  des  réparations 
mais  des  perfectionnements  successifs  :  Le  20  août  1793,  sur  l'ini- 
tiative prise  parle  commissaire  national  près  le  district,  le  départe- 
ment, afin  d'éviter  au  coupable  une  peine  plus  forte  que  celle 
infligée  par  la  loi,  par  la  longueur  de  son  supplice  ou  par  les  douleurs 
résultant  d'un  défaut  de  précaution,  et  pour  ne  point  laisser  aux 
yeux  des  spectateurs  des  traces  du  sang  nécessairement  répandu, 
prescrivit,  dans  sa  sollicitude,  l'achat  d'un  second  couteau  pour 
suppléer  au  premier  en  cas  de  besoin,  et  la  peinture  en  couleur 
rouge  ou  approchant  celle  du  sang. . . 

(i)  Hpfi.  ïlii  <l(''part'. 


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—  223  - 

Cela  ne  suffit  point,  et  Ch.  Féray,  deuxième  du  nom,  le  3  no- 
vembre 1794,  signalait  que  la  guillotine  était  présentement  hors 
d'état  de  servir,  exposait  qu'il  y  fallait  mettre  des  coulisses  en 
cuivre,  vu  que  journellement  on  s'estropiait  les  mains  en  graissant, 
et  que,  quelque  peine  que  Ton  prit,  le  mouton  ne  tombait  pas 
d'aplomb. 


IV 


Passons  de  ces  sinistres  détails  à  d'autres  qui  ne  sont  guère  plus 
attrayants  : 

Les  prisons  anciennes  de  Rouen  ont  été  toutes  plus  ou  moins 
utilisées  pendant  la  Révolution.  Il  y  en  avait  sept  :  1®  celles  du 
bailliage;  2<*  Bicêtre  ou  dépôt  do  mendicité;  3«  la  Tour-aux- 
Normands  ou  Tour-aux-Libertins  ;  4°  les  Galiofs  ;  5^  les  tours 
jumelles  du  Vieux-Palais  ;  6®  la  Conciergerie  ou  prison  du  Palais- 
de-Justice  ;  T"  le  violon,  qui  se  trouvait  dans  la  cour  du  Palais-de- 
Justice. 

Leur  état  et  leur  organisation  étaient  tels  qu'on  ne  pouvait  y 
maintenir  ceux  qui  y  étaient  détenus.  Par  exemple,  au  bailliage, 
vers  1791-1792,  près  de  quatre-vingts  évasions  se  produisent  en 
moins  de  deux  ans.  La  Tour-aux-Normands  n'était  guère  plus  sûre. 
Saint- Yon,  qui  servait  antérieurement  d'asile  d'aliénés,  n  ofïrait 
pas  beaucoup  plus  de  garanties. 

La  Révolution  compléta  provisoirement  les  établissements 
pénitentiaires  en  transformant  d'anciens  couvents  et  une  église  en 
maisons  de  détention.  Ce  serait  s'engager  dans  un  travail  d'une  trop 
grande  étendue  que  de  donner  ici  autre  chose  qu'une  nomenclature 
des  prisons  nouvelles  créées  depuis  1792,  et  toutes  désaffectées  ou 
supprimées  depuis. 

Ce  sont  :  1°  Saint-Lô,  depuis  1792  (maison  d'arrêt)  ;  2«  Saint- 
Yon,  maison  des  suspects  ou  de  sûreté  générale  depuis  le  21  sep- 
tembre 1793  :  3°  les  Gravelines,  maison  des  suspects,  plus  spéciale- 
ment des  femmes,  et  où  il  y  eut  aussi  des  hommes,  surtout  à  la  suite 
de  la  battue  de  floréal  an  II  ;  4"*  KSaint-Amand,  femmes  et  hommefi 


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-  224  — 

siiypects,  momentanément,  en  floréal  an  II;  5"*  Saint-Vivien,  réclu- 
sion des  prêtres  insermentés  et  septuagénaires  ;  6®  Saint-François 
(ecclésiastiques);  7*»  Sainte-Marie,  religieuses  et  quelques  laïques; 
8*  «église  Saint-Sever,  condamnés  aux  fers  (1). 

Les  archives  communales  et  municipales  renferment  de  nom- 
Ijifuix  et  intéressants  documents  sur  les  prisons  pendant  la  période 
révolutionnaire.  On  trouvera  plus  loin,  sous  divers  chapitres,  des 
renseignements  inédits  qui  en  sont  extraits. 


I  î  I  M.  de  lîeaurepaire.  —  Xotirc  sur  li^s  maisons  de  force  de  ta  GénéraUlc  de  Rouen, 
t  f  flf'/tr'rehes  sur  les  anciennes  prisons  de  Uonen,  Précis  de  r Académie  dt»  Rov.en, 
IttVH-:.*»,  pp.  29(5  à  :M(>.  et  1860-61,  p|i^^7i  à  \W\.  -  Arch.  dêpartom(^nlfiles  el  muni- 
i^ijinh'S  et  notes  de  railleur. 


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-225- 


CHAPITRE  DIXIEME 

Jugement  do  ralfaire  de  la  Rougemare.  —  M.  de  Fonteuay  a-t-il  tenf6  de  sauver 
Aamont.  —  Le  v4r  table  p  opriétaire  des  presses  de  Leclerc  —  La  robe  de 
r&TOcat  Aumont  —  L'impdt  sur  le?  riches.  —  Nouvelle  iniquité  de  Legendre  et  de 
868  c^l  ègues.  —  Encore  les  subsistances.  —  La  Société  d'Tvetot.  —  Intermèdes  à 
la  Soeiété  populaire.  —  Une  poire  phénoménale  —  Le  cnbndrier  et  les  prénoms 
républicains.  —  Un  nouvel  adversaire  des  rouetmais  :  Coupô,  de  l'Oise  —  Arresta- 
tion de  M.  Rondeaux.  —  Antres  a'restatipns  sensati'^nnelles  :  Le  patricte  Robert, 
d'HerbouviUe ,  Hély,  d'Oifsel,  etc.  —  Une  mouche  rouennaue.  —  Ce  qui  se  passe 
an  Département  et  à  la  Société  populaire.  —  M.  d)  Fon'en  y  défendu  par  l3 
conventionnel  Delacroix 

La  solution  tragique  de  lafifaire  de  la  Rougemare  coïncide  avec 
Touverture  officielle,  par  la  Convention,  dans  sa  séance  du  4  septem- 
bre, du  règne  de  la  Terreur.  L'émotion  produite  par  réclat  donné  au 
procès  d' Aumont,  Leclerc  et  autres,  dut  détourner  momentanément 
Tattontion  des  premiers  actes  du  comité  départemental  du  fSalut 
public. 

L'affaire  avait  commencé  le  20  août,  devant  le  tribunal  révolu- 
tionnaire de  Paris.  Deux  cents  témoins  (1)  arrivaient  à  Paris  vers 
cette  date.  Mais  le  nombre  des  jurés  était  incomplet  ;  vingt-trois 
étaient  occupés  à  l'affaire  Custine,  et  il  en  fallait  au  moins  dix  «  pour 
épargner  des  frais  »  qu'eût  entraînés  un  retard.  Fouquier-Tinville 
obtint  de  la  Convention  l'autorisation  de  les  prendre,  par  la  voie  du 
sort,  dans  les  jurés  du  département  de  Paris  (2).  Ainsi,  les  accusés, 
traduits  devant  un  tribunal  exceptionnel,  furent  privés  exception- 
nellement de  tout  juré  de  province. 

Au  moins  deux  des  prévenus  les  plus  compromis  n'avaient  pu 
être  découverts  :   une  citoyenne  Laudasse,  de   Francamp  (3),  et 

(1)  Cent  trente-six  à  charge  et  .soixante-;in  à  décharge.  (Arch.  nationales).  M.  Gosse- 
selin  insiste  sur  C3  que  son  récit  de  l'alFaire  de  la  Rougemare  est  fait  d'après  les  los- 
siersdu  Palais  de  Justice.  l\  est  indispensable  de  consulter  aussi  non  seulement  les 
archives  municipales  et  du  département,  mais  encore  et  surtout  les  archives  nationales. 

(2)  Joutmal  de  Rouen  du  lundi  22  août.  Le  conventionnel  Guillemard  discuta  la 
proposition  de  Fouquier-Tinville,  que  Merlin  de  Douai  lit  voter. 

(3)  M.  Gosselin  est  étonné  dece(|uVllp  n'ait  pfis  été  p(>!n*suivie  :  Elh'  était  en  fuite 
•'t  fut  portée  sur  la  liî^le  des  émign'^s. 


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—  226  — 

Dumoulinet  le  jeune,  d'Alençon,  lequel,  on  s'en  souvient,  était  l'au- 
teur de  Tua  des  écrits  publiés  par  la  Chronique  (1). 

Pendant  la  longue  audition  des  témoins,  au  moment  où  le  procès 
a  pris  un  aspect  inquiétant,  le  30  août,  lorsqu'on  voit  M.  deFontcnay 
partir  pour  Paris  avec  le  conventionnel  Legendre,  on  souhaite,  pour 
la  mémoire  du  président  du  département,  que  les  subsistances  n'aient 
pas  été  le  seul  but  de  ce  voyage,  et  involontairement,  oa  cherche  la 
preuve  qu'il  a  voulu  tenter  un  suprême  effort  pour  sauver  Aumont 
et  Leclerc.  Il  est  impossible,  en'effet,  qu'il  n'ait  pas  été  assailli  alors 
par  le  souven  .r  d'un  émouvant  mémoire  adressé  le  31  janvier  1793, 
au  ((  citoyen  président  d  du  département.  Dans  ce  mémoire,  l'avocat 
Aumont,  après  avoir  montré  le  grossissement  et  l'inexactitude  des 
faits,  terminait  ainsi  :  «  J'ai  quelque  droit  de  me  plaindre  que  cette 
»  exagération,  formée  de  la  méchanceté  et  de  Veffermscence,  ait  été 
»  le  prétexte  d'une  diffamation  prématurée  tant  dans  certains 
»  papiers  publics  qu3  dans  une  proclamation  émanée  de  cous, 
»  citoyens  administrateurs,  mais  je  me  console  par  l'espoir  que 
»  vous  le  regretterés  à  la  vue  d'une  procédure  insignifiante,  d'une 
»  information  peu  propre  à  me  charger. . .  »  (2). 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  cinq  septembre,  impressionnés  par  les 
témoignages,  par  l'éloquence  de  Fouquier-Tinville  et  par  quelque 
«  consciencieux  »  résumé  du  président,  les  jurés  de  la  Seine,  à 
l'unanimité,  condamnèrent  à  la  peine  de  mort  Aumont,  Leclerc  et 
cinq  autres  des  accusés.  Un  huitième,  Seyer,  fut  aussi  condamné  à 
mort,  à  raison  de  la  même  affaire,  le  24  septembre  (3). 

(i)  I^  ChriinUiui'  avait  drjà  inséré  deux  un  trois  opinions  de  Dumoulinet  relatives 
au  procès  du  roi.  11  logeait  à  Uouen,  rue  Heauvoisine,  ii"  149,  Sur  une  lettre  qu'il  écrivit 
d'Arras,  le  3  février,  pour  décharger  Leclerc,  la  municipalité  de  Houen  le  fit  rechercher 
à  Arras  où  il  était  allé  habiter  un  instant  rue  d'Amiens,  au  petit  Saint-Christophe.  irSyi». 
et  avait  même  décerné  contre  lui.  le  7  février,  un  mandat  d'arrêt  signé  :  Pillon,  Guyet 
et  IMnel,  mais  infructueusement.  Le  hasard  m'a  fait  découvrir  Du  Moulinet  (Oervais- 
Protais-Kené),  âgé  de  vingt-huit  ans,  né  à  Alenvon,  disant  dememvrà  Amiens,  en  qua- 
ité  de  percepteur  (précepteur  '.')  depuis  décembre  1792,  détenu  successivement  dans 
Idiverses  prisons  d'Amiens,  du  18  octobre  1793  au  31  août  1794  (Dai-sy,  les  Doléances  du 
peuple,  les  vicChtœs,  .\miens,  1887,  p.  197).  C'est  évidemment  celui  de  Rouen. 

("1}  Arch.  du  dép».  Lettre  manuscrite  et  mémoire  imprimé,  que  M.  Go.sselin  «e 
parait  pas  avoir  connus  non  plus  qu'un  mémoire  assez  vif  de  Leclerc,  dont  un  exemplaire 
est  aussi  aux  .Vrch.  du  dép'. 

(3)  Wallon,  Hist.  du  trih.  révol.  t.  i.  p.  2.V2  à  258. 


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Les  débats  avaient  rais  en  évidence  l'attitude  antérieure,  appa- 
remment favorable  aux  accusés,  de  Tofficier  municipal  Assclin,  du 
notable  Néel  et  du  chef  de  bureau  de  la  police  Renard,  qui  ne 
tardèrent  pas  à  être  ii  leur  tour  traduits  devant  le  tribunal  révolu- 
tionnaire (1). 

L'exécution  d'Aumont  et  de  Leclerc  eut  des  suites  qu'on  a 
négligé  de  faire  connaître. 

Les  Sans-Culot  tes,  ouvriers  de  la  fabrique  Saint-Paul  (2), 
demandent  à  la  Socit?lô  populaire  que  tous  ceux  qui  ont  signe 
l'infâme  pétition  do  la  Rougemare  n'aient  point  d'armes  chez  eux, 
et  soient  destitués  do  leurs  fonctions  publiques  La  Société  rend 
grâce  à  la  liberté  «  fille  du  ciel  »  et  transmet  cette  demande  au  Comité 
de  Salut  public  en  demandant  qu'il  y  soit  fait  droit  (3),  et  désor- 
mais, on  s'enquerra  presque  toujours  de  l'attitude  à  la  Rougemare 
des  personnes  qui  auront  affaire  au  Comité  et  à  la  Société  (4). 

Par  arrêté  du  district  de  Rouen,  du  21  février  1794,  les  presses 
de  Leclerc,  comprises  dans  la  confiscation  de  ses  biens  et  séquestrées, 
sont  mises  avec  tous  leurs  agrès  entre  les  mains  de  Noël,  imprimeur 
du  district  et  rédacteur  du  journal,  «  attendu  qu'il  en  a  besoin  pour 


"   -      ■■■> 


(I)  Arch.  imt.  et  munie.  Walluii,  ouvr.  eité,  t.  H,  p.  542.  —  Asseiiii  et  Henani 
étaient  iiicul|)ês  de  n'avDir  pas  enipêehé  le  rassemblement;  ils  encoururent  la  détention 
jusqu'à  la  paix,  mais  furent  lilsérés  le  13  novembre  1794.  Asselin  s'était  rendu  volon- 
tairement à  la  Conciergerie,  par  suite  d'im  mandat  d'arrêt  lancé  contre  lui  par  le  tri- 
bunal ri'volutionnaire  de  Paris.  Nrel,  détenu  à  la  Conciergerie  du  Palais  à  Paris,  fut 
l'ohjet  d'une  ordonnance  de  non-lieu  le  7  octobre  1793.  Rayé  de  la  Société  populaii-e,  il 
fut  détenu  à  Saint- Yon  de  Rouen,  le  10  mai*s.1793,  par  ordre  du  comité  de  surveillance 
(ri.«neauville,  «  comme  fédéraliste  et  opposé  au  système  républicain  ».  Réclamé  par  la 
municipalité  d'IsneauvilU?,  comme  laboureur  et  pin-e  de  famille,  cet  ex-procureur, 
ex-avocat,  obtint  sa  liberté  le  2()  août  1794.  M.  (iosselin,  à  qui  ce  pei'soimage  est  juste- 
ment antipathique,  fait  remarquer  (pi'il  ne  fut  pas  réhabilité  {Uevue  de  la  Normandie). 
1866,  p.  (554).  Il  sendïle  qu'il  n'a  ccnnu  ni  le  non-lieu,  ni  les  motifs  de  l'arrestation.  La 
comnmne  inten'int  en  faveur  d'Asselin,  Renard  et  Néel.  Le  département  écrivit  à 
Fouquier-Tinville  en  faveur  de  Néel.  Le  29  septembre  179*3,  la  Société  populaire  de 
Houen  passait  à  l'ordr*»  (tu  jour  sur  une  pétition  de  la  citoyenne  Néel,  sollicitant  un 
certificat  de  civisme  et  de  patriotisme  pour  son  mari. 

cil  Cette  fabrique  appartenait  à  MM.  de  Fontenay. 

(3)  Jotumal  de  Homm,  24  septendut*  1793. 

»i)  Re|_'.  de  la  StH'iété  populaire  et  arch.  municipales. 


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—  22S  — 

rimpression  des  tableaux  du  maximum  »,  à  la  charge  de  les  remettre 
d'après  l'inventaire  notarié  (1). 

Cette  imprimerie  n'appartenait  pas  à  Leclerc.  Le  2  décembre 
1794,  quand  cela  pouvait  être  révélé  sans  danger,  Antoine  Favre, 
négociant  à  Rouen,  justifiait  que  Leclerc  la  lui  avait  vendue  à  réméré 
moyennant  6,556  livres,  le  10  avril  1792,  par  acte  sous  seing  privé 
((  devenu  authentique  »  par  un  bail  notarié  du  21  mai  suivant. 
L  estimation  faisant  espérer  un  bénéfice,  le  district  fut  d'avis 
d'exercer  le  réméré  (2). 

En  ce  qui  concerne  Aumont,  son  mobilier  fut  vendu  en  partie 
le  26  floréal  an  II  (25  avril  1794)  (3).  La  nation  ne  se  montrait  pas 
«  généreuse  »  envers  ceux  qui  avaient  été  les  fournisseurs  des 
condamnés  à  mort.  Encore  bien  que  la  valeur  des  biens  confisqués 
d'Aumont  approchât  150,000  livres,  le  district  de  Rouen,  s'appuyant 
sur  une  disposition  datant  d'un  régime  exécré,  et  «  considérant  que 
la  république,  aux  termes  de  l'article  433  de  \2Lci'deoant  coutume  àe 
Normandie,  ne  peut  se  charger  du  paiement  du  mémoire  (de  Thomas 
Desmarest,  boucher)  qu'à  compter  de  six  mois  avant  la  condamna- 
tion à  mort,  et  que  tout  ce  qui  est  fourni  antérieurement  à  ces  six 


(1)  Re'g.  du  dislrit^t. 

(2)  Arcli.  du  département;  Ueg.  du  district.  Peut-être  y  avait-il  quelque  lien  de 
parenté  entre  cet  Antoine  Kavre,  et  Favre  ex-ciipitaine  de  la  marine  marchande  cor- 
saire, qui  s'était  acquis  une  certaine  réputation  de  bravoure,  et  était  devenu  capitaine 
de  port  au  Havre,  en  janvier  1793,  époque  à  laquelle  le  département  le  dénonce  à 
l'accusateur  public  pour  avoir  dit  publiquement  que  si  on  tuait  Louis  XM  il  empêche- 
rait les  matelots  dont  il  avait  la  confiance  de  servir  sur  les  bâtiments  de  la  République. 
(Heg.  du  départ.,  28  janvier  1793).  Leclerc  avait  aussi  vendu  à  réméré  à  J.-F.  Gréaume, 
le  22  novembre  1791,  .sa  maison  de  la  rue  Dinanderie. 

(3)  On  remarque  dans  le  procès-verbal,  dres.sé  par  l'huissier  Hautement,  ces 
articles  :  «...  idem,,  un  très-grand  portefeuille,  en  cuir  noir,  fermant  à  serrure  et  à  clef, 
vendu  et  adjugé  à  la  somme  de  40  sols  à  un  ptuisanf  ;  idcnt,  une  vieille  robe  d'étamine 
noiro,  une  chausse  bordée  de  peau  blanche,  une  vieille  ceinture  de  coutil,  deux  vieii.x 
fourreaux  de  drap  rouge  pour  étui  de  pistolets,  trois  houppes  de  soie  noire,  le  tout 
vendu  et  adjugé  h.  la  somme  de  17  livres  5  .sols  à  un  passant...  une  robe  de  chambre  de 
soie  fond  brun,  un  surtout,  une  vieille  bourse  de  soie  noire,  adjugés  à  33  1.  au  citoyen 
Hébert,  rue  des  Patriotes.  »>  Il  était  probablement  d'usage  alors  de  mettre  au  nom  d'un 
passant  les  objets  adjugés  à  la  veuve  ou  pour  un  héritier,  comme  de  nos  jours,  parfois, 
on  in.scrit  an  nom  du  crieur  certains  objets  dont  l'acquéreur  désire  ne  pas  être 
connu. 


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mois  ne  peut  être  rempli  »,  réduisit  de  plus  de  moitié,  soit  400  1.,  le 
prix  des  fournitures  de  viande  faites  pour  la  maison  d'Aumont  (1), 
lequel,  on  le  sait,  avait  été  détenu  plus  de  sept  mois.  —  La  fortune 
immobilière  d'Aumont  fut  restituée  à  sa  veuve  et  à  ses  enfants  par 
suite  de  la  loi  du  21  prairial  an  IL 


Cependant,  malgré  le  succès  du  voyage  de  M.  de  Fontenay  et 
de  Legcndre  A  Paris  pour  les  subsistances,  la  Commune  de  Rouen 
voyait  les  difficultés  plutôt  s'accroître.  Le  conseil  général,  privé 
d'un  très  grand  nombre  de  ses  membres  à  causo  des  réquisitions  dans 
TEure  et  de  l'établissement  du  comité  de  Salut  public  «  dont  tous  les 
moments  sont  entièrement  consacrés  à  la  sûreté  publique  »  rappelle 
les  citoyens  Arvers,  Herbouville,  Desmalis  et  Anquetin,  absents,  est 
dont  les  congés  sont  expirés  (2).  La  halle  aux  grains  de  Rouen  pré- 
sente cette  particularité  d'une  pénurie  de  grains  et  d'une  affluence 
des  habitants  de  la  campagne.  Le  11  septembre,  la  Commune  établit 
un  comité  des  subsistances,  sans  doute  pour  vaincre  les  calculs 
signalés  par  Chaumette  à  la  Convention  dans  sa  séance  du  4  sep- 
tembre, en  des  termes  où  un  district,  au  moins,  de  la  Seine-Infé- 
rieure, put  se  croire  visé. . .  (3) 

La  Commune,  s'inspirant  des  principes  appliqués  par  la 
Convention  (4),  s'occupe  le  21  septembre  de  répartir,  sur  les  habitants 
riches  et  aisés,  un  emprunt  de  deux  millions  pour  l'achat  de  subsis- 
tances. Pour  l'assiette  de  cet  emprunt,  elle  dresse  un  tableau  des  for- 
tunes présumées  des  rouennais,  tçibleau  qui,  s'il  pouvait  être  exact. 


(1)  Arch.  dudép». 

(2)  Reg.  de  rHôtel-de-Ville. 

.(3)  Chaumette  veut  des  rigueurs  «  contre  les  départements,  où  do  nouveaux 
soigneurs,  non  moins  cruels,  non  moins  avides,  non  moins  insolents  que  les  anciens, 
se  sont  élevés  sur  les  ruines  de  la  féodalité  ;  ils  ont  acheté  les  propriétés  de  leurs 
anciens  maîtres  et  continuent  à  spéculer  sur  la  misère  publique,  à  tarir  les  sources  de 
labondance,  et  à  tyranniser  les  destriicteurs  de  la  tyrannie...;  ils  feraient  les  greniers, 
calculent  atrocement  combien  leur  rapportera  une  disette,  une  émeute,  un  massacre...» 
{Moniteur,  n®  250,  séance  du  4  sept.  1793). 

(4)  Un  décret  du  30  mai  1793  ordonne  im  emprunt  d'un  milliard  sur  les  citoyens  riches. 


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—  230  — 

attesterait  une  rassurante  prospérité  (1).  Il  y  aurait  eu  alors  à  Rouen 
sept  bi-millionnaires,  quarante  millionnaires  et  quantité  de  demi- 
millionnaires.  Le  tout  formait  environ  450  contribuables,  improvisés 
avec  une  légèreté  qui  motiva  de  très  nombreuses  protestations  et  des 
refus  catégoriques  de  verser  les  contributions  établies  sur  ces  bases. 

Nonobstant,  les  trois  représentants  du  peuple  jugèrent  que  la 
Commune  avait  exagéré  le  respect  de  l'équité.  Poret,  qui  leur  avait 
porté  ce  tableau,  écrit  le  23  septembre  à  ses  collègues  du  Comité  de 
Salut  Public  : 

. .  .11  faut  enfin  que  nous  nous  mêlions  par  nons-mèmesdes  subsistances, 
autrement  nous  périrons  d'inanition  ;  la  torpeur  de  notre  infernale  munici- 
palité contre-révolutionnaire  est  la  cause  de  nos  maux  ;  le  comité  de  aubsis- 
taoceSy  justement  suspect,  nous  perdra  si  nous  n'y  prenons  garde.  Sa  réparti- 
tion du  million  est  une  infamie  ;  elle  porte  sur  448  individus  ;  ils  (  les  repré- 
sentants du  p3uple)  désirent  que  le  nombre  des  capitalistes  n'excède  pas 
vingt,  si  toutefois  il  est  possible. . .  (2). 

De  son  côté,  la  Société  populaire  va  seconder  les  vues  du  Comité 
départemental  de  Salut  public  :  Garrault,  qui  revient  de  Paris,  en 
rapporte  des  motions,  fruit  de  ses  études  révolutionnaires  chez  les 
Jacobins  de  la  capitale,  et  qui  n'auront  pas  à  Rouen  tout  le  succès 
qu'il  espérait.  La  Société  est  pourtant  séduite  par  l'idée  de  Léonard 
Bourdon  émise  à  la  Convention  le  4  septembre,  pour  faire  sortir  les 
subsistances  des  magasins  où  elles  sont  accumulées,  idée  consistant 
à  organiser  une  armée  révolutionnaire  soldée  aux  dépens  des  riches, 
avec  un  tribunal  à  sa  suite  pour  juger  les  malveillants.  Elle  demande 
donc,  le  2  octobre,  que  des  citoyens  se  rendent  dans  le  département 
pour  les  subsistances  et  soient  payés  et  nourris  par  les  laboureurs  et 
que,  si  cela  ne  suffit  pas,  le  département  forme  une  armée  révolution- 
naire pour  marcher  avec  la  guillotine  et  mettre  les  laboureurs  à  la 
raison.  La  rédaction  d'une  pétition  à  cette  fin  est  confiée  à  Courtin 
et  Lemonnier.  L'armée  révolutionnaire  est  un  épouvantail  sur  l'effet 
duquel  la  Société  compte  beaucoup. 

Pendant  que  le  département,  le  district,  la  commune,  la  Société 

(1  )  Ce  tableau  est  au  procès- verbal  du  21  septembre.  —  Le  même  i-egistre  comprend 
un  autre  tableau  pour  un  emprunt  de  10  millions  aussi  sur  les  riches,  qui  eut  lieu  peu 
après. 

(2)  Arcli.  mpales.  —  Lettre  originaU*. 


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populaire  et  le  Comité  départemental  de  Salut  public,  par  des  pro- 
cédés divers,  s'ingénient  à  ramener  Tabondance  à  Rouen  et  dans  la 
Seine-Inférieure,  des  accusations  de  la  plus  haute  gravité  sont 
portées  contre  les  rouennais. 

Les  gens  d'Yvevot  semblent  avoir  été  animés,  à  partir  de  1792, 
de  sentiments  peu  fraternels  pour  le  chef-lieu  de  la  Seine-Inférieure. 
Leur  «comité  de  sûreté  générale»  a. pour  président  le  citoyen 
Lenud,  en  même  temps  membre  de  la  société  des  Jacobins  de  Paris  (1) 
et  que  Ton  voit  en  octobre  1793  suivre  de  très  près  les  dispositions 
des  rouennais  pour  réquisitionner  des  grains  dans  le  département. 
Sans  doute,  les  y  vetotais  intriguaient  à  cette  date  pour  obtenir  le 
transfert  en  leur  ville  du  chef-lieu  de  district  établi  à  Caudebec  (2), 
mais  on  est  en  droit  de  les  soupçonner  d'avoir  agi  autant  pour 
empêcher  chez  eux  les  réquisitions  de  subsistances  pour  Rouen. 

Le  comité  dTvetot  écrit  le  4  octobre  au  comité  de  Salut  public 
de  la  Convention  qu'il  lui  était  révélé  un  complot  afifreux  existant 
dans  la  ville  de  Rouen,  où  les  fanatiques  et  les  aristocrates  d'Yvetot 
avaient  ordre  de  se  rendre  le  dimanche  suivant. 


(1)  Il  est  difQcile  aujourd'hui  de  préciser  quel  était  celui  des  Lenud  d'Yvetot  ou  de 
Fongueusemare  qui  fréquentait  ainsi  les  séances  des  Jacobins  de  Paris.  Je  crois  que 
c'est  le  même  que  le  neveu  de  Lenud,  administrateur  du  département,  qui  avait  été 
dénoncé  en  juin  1792,  par  la  mimicipalité  d'Yvetot,  pour  irrévérence  envers  celle-ci. 
{Reg.  du  dépt.  16  juin  1792).  Il  doit  aussi  y  avoir  identité  entre  Lenud  neveu  et 
i«  le  jeune  Lenud  chargé  par  Siblot  d'une  mission  dans  la  Seine-Inférieure,  en  1794  ; 
2»  N.-Augustin  (et  non  Pierre,  comme  l'imprime  à  tort  la  Biogi*aphie  de  M™»  Oursel) 
Lenud,  citoyen  d'Yvetot,  auteur  de  la  Pierre  de  touche  de  la  Révolutiony  Paris,  l"  vent, 
an  VI  delà  République,  de  l'imprimerie  de  l'ancien  conventionnel  Antoine  Bailleul,  rue 
Grange-Batelière,  n»  3,  in-32,  124  p.  Il  y  avait  au  moins  deux  frères  Lenud,  nés  à  Fon- 
gueusemare, fils  de  Nicolas  et  de  Françoise  Noël  :  1«  Pierre- Augustni  Lenud,  négo- 
ciant au  Havre,  marié  à  Rouen  (1777)  à  Marguerite  Baudry,  nièce  du  chirurgien  Pillore, 
fille  de  François  Baudry  et  de  M.  M.-T.  Bachelè  ;  2o  Etienne  Lenud,  né  en  1748,  admi- 
nistrateur du  département?  (1792)  commissaire  du  directoire  exécutif  près  le  tribu- 
nal du  district,  juge,  puis,  en  1806,  préaident  du  tribunal  du  district  de  NeufchàteU 
dômissioimaire  en  1823  ;  mort  en  cette  ville,  place  Notre-Dame,  32  (maison  des  Grouchy),  le 
13  février  1828,  veuf  de  Marie-Anne  Barbarey,  et  époux  en  deuxièmes  noces  de  M"»«  veuve 
Desmares,  née  Foloppe.  La  femme  du  premier  était  la  sœur  de  la  femme  de  Louis- 
Charles  Gaillon,  marchand  et  officier  de  la  troupe  bourgeoise  à  Rouen  (1780)  et  de  M"»» 
du  Caurroy  de  la  Croix.  La  première  femme  du  second  n'était-elle  pas  de  la  famille  de 
M««  Pillon  ?  H  y  avait  d'autres  Lenud,  l'un  notaire  à  Foucarmont,  depuis  la  Révolution, 
l'autre  chirurgien,  à  YVetot.  Etienne  Lenud  était  bailli  d'Esneval  dei)uis  1788. 

(2)  P.  Duchemin,  le  canton  de  Motteville  et  les  districts  de  Caudebec-Y'vetot  -Cany,  1897, 
p.67.  Le  transfert  provisoire  du  district  à  Yvetot  eut  lieu  par  décret  du  19  novembre  1973. 


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—  232  — 

Il  est  de  fait  que  tous  nos  adversaires  et  eu  général  tous  dos 

ennemis  sont  encore  à  Rouen.  Le  projet  de  cdlte  \ille  est  de  faire  partir,  la 
semaine  prochaine,  vingt  mille  personnes  qui  doivent  forcer  les  campagoas 
à  marcher  avec  elles,  passer  dans  Yvctot,  Boibec  et  autres,  tenter  les  moyens 
pacifiques  de  nous  faire  marcher  avec  eux  et  user  de  sévérité  contre  les 
citoyens  qui  s'y  refuseraient.  Ils  doivent  se  rendre  au  Havre,  où  ils  comptent 
sur  des  secours  qui  ne  peuvent  leur  être  fournis  que  par  les  puissances 
ennemies. 

En  môme  temps,  les  membres  du  comité  d'Yvetot  (1)  députent 
un  de  leurs  collègues  et  un  «  bon  républicain  »,  pris  dans  la  Société 
populaire,  vers  les  représentants  du  peuple  alors  au  Havre,  afin  qu'ils 
leur  subviennent  et  déjouent  le  projet  «  affreux  »  de  Rouen.  Ils 
dénoncent  les  mômes  faits  au  comité  havrais.  (2) 

Leur  lettre  aux  représentants  est  plus  explicite.  Ils  y  parlent  de 
pouvoirs  que  ceux-ci  leur  ont  conférés  pour  surveiller  les  faiseurs 
de  complots  du  département.  Il  ont  donné  déjà,  disent-ils,  aux  com- 
missaires de  la  Convention  et  du  Comité  de  Salut  public  des  reai- 
seignements  sur  Rouen  et  sur  Le  Havre  : 

Le  citoyen  JuUien,  cet  intéressant  jeune  homme  qui  s'est  rendu  au 
Havre,  et  qui  a  fait  destituer  le  général  Beaulieu  (3)  et  Tadjudant  général 
Âmabert  (4),  a  beaucoup  contribué  à  remettre  Tesprit  public  au  niveau  qu*il 
aurait  toujours  dû  être.  Le  bataillon  de  Rouen,  qui  avait  acquis  le  privilège 
de  faire  le  service  du  Havre,  est  remplacé  par  les  sans-culottes  de  la  D6r- 
dogne,  qui  en  avaient  été  renvoyés.  Notre  département,  qui  n'est  pas  le  plus 
patriote  de  la  Rc^publique,  commence  à  rouvrir  les  yeux.  Les  représenlanls 
du  peuple  ont  pris  de  grandes  mesures  pour  Rouen  (5),  qui  aurait  pu  devenir 

(1)  Lenud,  llarriois,  Yvoy,  Jourdain,  Dubronielle,  Joignant  et  Esnard. 

(2)  Arch.  nationales.  A  F  ii  149.  dossier  1.206,  pièce  37. 

(3)  Pierre-Nicolas  Merle-Beaulieii,  général  de  brigade.  Nommé  le  15  mai  précédent 
à  l'armée  des  côtes  de  Cherbourg,  il  se  présente  le  6  iuillet  devant  la  commune  de 
Rouen,  fait  un  discours,  et  peu  après  prend  part  aux  mesures  contre  les  fédéralistes. 
Après  sa  destitution  de  juillet,  il  obtint  de  la  commune  de  Rouen,  le  17  octobre,  un 
certificat  dont  il  la  remerciait  le  31  par  une  intéressante  lettre  dont  voici  le  post-scriptum  : 
«  J'ai  payé  le  tribut  du  péché  originel  et  n'ai  nM;u  que  de.'^  louanges  verbalement  et  par 
écrit  du  comité  do  Salut  public  et  du  ministère  (Arch.  mpales,)  »  M.  Ad\ieUe  a  publié  en 
1896,  sur  Merle-Heaulieu,  une  notice  où  Ton  trouve  peu  de  détails  sur  son  rôle  dans  la 
Seine-Inférieure  et  l'Eure. 

(4)  Les  conséquences  de  sa  destitution  ne  furent  pas  plus  gmves.  Il  semble  être  à 
Rouen  encore  à  la  fin  de  l'an  IV,  épociue  à  laquelle  Charles  Amabert  achète  le  janlin 
et  les  bâtiments  dits  buanderie  du  ci-devant  couvent  de  Saint-Amand. 

(5)  Allusion  à  la  création  du  comité  départemental  de  Salut  public. 


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—  233  — 

1a  théâtre  de  la  conlre-révolutico.  11  parait  que  les  saleilites  des  tyrans 
devaient  desct^ndre  en  cette  ville  où  étaient  réfugiés  nombre  de  mécontents 
et  d'étrangers  désirant  ardemment  In  conlre-révoJulion.  Notre  département 
fut  devenu  une  nouvelle  Vendée.  Le  Havre  eut  été  livré  aux  anglais.  Et  c'est 
alors  que  les  projets  eussent  éclaté 

Quelle  était  la  source  des  bruits  ainsi  exploités  par  les  cauchois? 
Il  s'abstenaient  de  le  dire  et  se  préoccupaient  moins  encore  de  savoir 
jusqu'à  quel  point  ces  bruits  étaient  fondés. 

Chose  certaine,  c'est  que  les  Yvetotais,  en  communauté  d'idées 
avec  des  jacobins  de  Rouen,  poursuivaient  le  môme  but  que  ceux-ci, 
peut-être  au  début  leurs  complices  et  leurs  inspirateurs.  Leur 
conclusion  le  montre  assez  : 

Il  serait  important,  disent-ils,  que  les  administrateurs  de  ce  département 
soient  renouvelés.  Les  administrateurs  ne  sont  pas  tous  i)atriotes  ;  il  en  est 
de  même  de  la  municipalité  de  Rouen,  qui  aurait  dû  subir  le  sort  de  celle  du 
Havre  (1).  Sans  doute  que  les  représentants  du  peuple  prendront  un  grand 
parti  à  cet  égard  (2). 

Ces  dénonciations  intéressées  ont  pesé  lourdement  sur  les 
rouennais  et  n'ont  pas  peu  contribué  à  la  destitution  de  M.  Ron- 
deaux. 

La  Société  populaire  de  Rouen  éprouve  et  manifeste  pour  la 
municipalité  la  môme  antipathie  que  le  Comité  d'Yvetot.  D'abord, 
Haraneder,  en  prévision  du  sort  qui  menace  M.  Rondeaux  et  ses  amis, 
a  proposé  le  26  septembre  de  discuter  s'il  ne  serait  pas  bon  de  salarier 
les  membres  des  communes.  Le  8  octobre,  est  signée  une  pétition 
aux  représentants  du  peuple  qui  sont  à  Rouen,  à  l'effet  d'obtenir 
d'eux  «  l'expulsion  des  membres  des  corps  administratifs  qui  ne  sont 
pas  à  la  hauteur  des  principes.  » 

Entre  temps,  la  Société  demande  h  la  Convention  de  déclarer  à 
tous  les  habitants  de  la  terre  (3)  que  le  peuple  français  fera  une 
guerre  éternelle  à  l'Angleterre  tant  que  Pitt  et  Granville  seront 
dans  le  ministère  anglais,  et  pendant  qu'elle  songe  à  faire  empri- 

(1)  La  municipalité  du  Havre  avait  été  destituée  par  décret  de  la  Convention  du 
21  septembre. 

(2)  Arch.  nationales.  A  F  ii  149,  dossier  12U6,  pièce  38. 

\3)  Le  procès-verbal  portait  d'abord  les  habitants  de  VEurope, 


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—  234  — 

sonner  les  étrangers  et  surtout  les  Anglais,  elle  accueille  Wild, 
«  citoyen  anglais  par  naissance  et  français  par  choix  »,  et  «  con- 
vaincue de  son  patriotisme  »  lui  accorde  une  attestation  civique  (1). 
Elle  procède  de  môme  à  l'égard  de  Denys  de  Vitré  (2). 

Elle  s'émeut  de  la  préférence  marquée  par  les  manufacturiers 
pour  les  ouvriers  de  la  campagne  et  s'occupe  avec  persistance  de 
procurer  de  l'ouvrage  à  ceux  des  villes  (15-25  octobre).  Elle  s'épure; 
son  comité  d'épuration,  que  préside  Pillon,  est  lui-même  épuré  ; 
nul  n'aura  la  parole  pour  disculper  les  membres  exclus,  dont  la  liste, 
à  la  demande  de  la  citoyenne  Duclos,  sera  affichée  (19-21  octobre.) 
(3)  Ella  projette  d'élever  à  la  Liberté  une  statue  sur  la  place  de  la 
Barbacane,  et  elle  accorde  à  un  phénomène  végétal  —  une  poire  de 
rousselet  de  Reims,  cueillie  dans  un  jardin  du  château  de  Rocque- 
mont,  et  apportée  par  un  gendarme  —  une  attention  excessive  parce 
que  cette  poire,  moins  connue  que  celle  qui  symbolisa  la  monarchie 
de  1830,  représente  le  bonnet  de  la  Liberté  (4). 

(1)  Cent  quatre  patriotes,  des  deux  sexes,  parmi  lesquels  Duclos,  femme  Mauduil, 
Desniarest  veuve  Fêrey,  Rivière  fenime  Féi'ey  (ces  deux  dernières  de  la  famille  du 
bourreau),  François,  vicaire  épiscopai,  P.-L.  Mouchard,  etc.,  etc.,  tous  citoyens  et 
citoyennes  des  tribunes  de  la  Société  populaire,  réclamèrent  auprès  du  comité  de  sur- 
veillance en  faveur  de  Wild  dont  le  père,  disait-on,  ne  signait  jamais  autrement  que 
Wild,  surnommé  Guillaume  Tell...,  (Arch.  mpales.) 

(2)  J.-B.-Aug.  Denys,  né  à  Londres  en  1765,  d'un  père  canadien  et  d'une  mère  fran- 
çaise, était  recommandé  par  les  mêmes  104  patriotes  que  Wild  au  comité  de  surveil- 
lance. Présent  à  la  séance  des  Jacobins  de  Paris  du  16  décembre  1793,  il  y  fut  dénoncé 
par  Benaudln,  puis  attaqué  par  Fabre  d'Eglantine,  comme  agent  de  Pitt.  Il  résidait 
en  Fjance  depuis  quinze  ans,  venant  de  Montargis  où  il  avait  été  à  la  tète  d'une  manu- 
facture appartenant  au  duc  d'Orléans.  Lenud,  d'Yvetot,  qui  était  aussi  à  cette  séance, 
l'accusa  de  calomnies  contre  les  Jacobins.  {Moniteur  du  l*""  Nivôse  an  II.)  Il  fut  arrêté, 
détenu  à  Pans,  et  mis  en  liberté  seulement  après  Thermidor,  et  revint  à  Rouen. 

(3)  llorcholle  rapporte  que  par  suite  d'un  scrutin  épuratoire,  la  Société  républicaine 
fit  afficher  dans  les  premiers  jours  de  novembre  1793  deux  listes,  Tune  blette,  de  qua- 
tre-vingt-deux de  ses  membres  ayant  donné  leur  démission  depuis  le  1»^  janvier  pré- 
cédent, et  l'autre  rouge,  de  cent  vingt-quatre  autres  membres  exclus. 

(4)  La  Société  délibérait  le  15  octobre  que  le  gendarme  portemit  à  la  Convention  la 
poire,  préalablement  dessinée.  Le  16,  est  lu  un  rapport  de  Varin,  jardinier  en  chef  du 
jardin  botanique,  à  propos  de  la  même  poire;  I^bbey  et  Barl)arey  sont  chargés  de  vérifier 
l'exactitude  du  dessin,  au  bas  duquel  seront  mis  ces  vers  du  frère  Beuzelin  : 

Ce  fruit,  par  un  heureux  augure. 
L'an  fécond  de  l'Egalité, 
Fut  façonné  par  la  nature 
Qui  l'olTrit  à  la  Liberté. 


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-  235  — 

Bientôt  il  lui  faut  s'intéresser  à  de  plus  graves  sujets.  Le  frère 
Lecomte,  député,  lui  annonce  le  17  octobre,  quew  la  veuve  de  Capet 
a  subi  la  peine  de  mort  »  et  qu^un  général  autrichien,  précédé  d  un 
trompette,  est  arrivé  à  cinq  heures  du  soir  pour  parler  au  Comité  de 
Salut  public,  mais  qu'il  s'est  présenté  trop  tard. . .   (1) 

Lecomte  veille  assidûment  à  ce  que  les  Rouennais  commettent 
le  moins  possible  d'anachronismes  révolutionnaires.  C'est  lui  qui 
invite  la  Société  à  se  conformer  au  calendrier  républicain  et  à  se 
servir  de  la  date  par  décade  et  par  année  de  l'ère  républicaine.  La 
Société  l'adopte  «  le  cinquième  jour  de  la  deuxième  décade  du  pre- 
mier mois  de  la  deuxième  année  de  l'ère  française,  une  et  indivisible  » 
(26  septembre)  ;  la  municipalité  ne  s'y  prend  que  le  huitième  jour  du 
premier  mois  (29  septembre),  le  district  le  3  octobre  et  le  départe- 
ment le  8  octobre  (2). 

Deux  incidents,  qui  ont  dû  influer  sur  le  sort  do  la  municipalité 
Rondeaux,  se  produisent  à  la  Société  populaire  le  30  vendémiaire 
(21  octobre).  Un  membre  dit  que  Ion  continue  de  dénoncer  à  Paris  la 
ville  de  Rouen,  relativement  aux  subsistances,  et  cite  à  ce  sujet  un 

—  Le  17,  il  est  décidé  qu'au  lieu  de  l'envoyer  par  le  gendarme,  on  invitera  le 
citoyen  Le  Barbier,  directeur  de  la  poste  aux  lettres,  à  la  faire  parvenir  à  la  Convention 
en  l'adressant  au  citoyen  Lecomte.  —  Requer,  ministre  du  culte,  qui  devint  plus  tard 
secrétaire  de  la  sous-préfecture  de  Neufchàtel,  adresse  au  Journal  de  Roueriy  qui  la 
publie  le  13  octobre,  une  lettre  sur  ce  «  jeu  de  la  nature  aussi  surprenant  que 
singulier  »  et  donne  une  minutieuse  description  de  la  poire. 

(1)  Arch.  mpales. 

(2)  Le  calendrier  rural,  complément  du  nouveau  calendrier  et  qui  remplace  les 
noms  de  saints  par  des  noms  de  plantes  ou  d'instruments  aratoires,  ne  jouit  pas  d'une 
très  grande  faveur  à  Rouen.  Des  prénoms  d'une  fantaisie  outrée  furent  pourtant  donnés 
à  des  enfants  nés  à  partir  de  la  fin  d'octobre.  En  voici  quelques  uns  :  Romain-i?^pi<- 
blicain  Bradefer  ;  I7nite'- Virginie  Dormery  ;  Républicain  Foucœur  ;  Eloi-Pierre-Decorfi 
Renault  :  Louis-République  Godebin  ;  Pierre- La^Montag ne  Quemont  ;  Octodi-La-Mon' 
lagne  Lemarçhand  ;  Unité  Vallée  ;  KugèMqixe-EgalUé  Hébert  ;  Brutm  Desgenétais  ; 
Duodi  Damberville  ;  Fratetmité  Poupinel  ;  Colonne  de  la  République  Quertier  ;  Quintidi 
Pm  ;  GeifiiinaUAsperge  Levavasseur  ;  Gei^minoX-Egalité  Pouchet  ;  Déesse  de  la  Liba^té 
Daché  ;  Charme-Liberté  Née  ;  Marat  Renouvin  ;  Scasvola^Floréal  Alexandre  ;  Pyrame 
Guire  ;  Floréal-Pourquoi  Lebel  ;  ieanne- Déesse-Théolis  Bruneau;  Angélique  la,  Déesse 
Godement;  Pavot-Prairial  Boulard  ;  Marie-Anne  Absinthe;  Virginie-3fe*«dor  Saint- 
Evron  ;  Yidoire- Bastille  Marcband  ;  Barra-Therniidor  Duveâ;  Balsamine  Legras  ;  Viala 
Baudoin  ;  Bt^utus-Ftnictidor  Rupalley  (fils  du  commissaire)  ;  Tubéreuse  Duboc  ;  Vergedor- 
Décadi  Taupin  ;  Madeleine  -  Sans  -  Culottide  Sergent  ;  Montagnard  -  Sam  -  Culotte 
Cannesson;  Céiesie-Ui'Raison  Simonnet;  La^Vcrtu^e-la-Nature  Letellier;  Tiicolore 
Broche  (fils  d'un  teinturier)  ;  Brutus-Ennenn-de-la-Royauté  Durenne,  etc.,  etc. 


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-  236  — 

passage  de  V Indicateur.  Coupé,  député  de  l'Oise,  a  fait  des  revélar 
tiens  qui  affligent  les  rouennaia  à  un  tel  point  que  la  Société  fait 
publier  la  lettre  qu'elle  lui  écrit  pour  l'inviter  à  dire  en  franc  répu- 
blicain de  qui  il  tient  ces  détails  et  lui  signaler  que  la  garde  natio- 
nale de  Rouen  escorte  les  blés  pour  ses  frères  de  Paris  et  qu'il  e»t 
incroyable  que  les  Rouennais  passent  pour  accapareurs.  Le  surlen- 
demain, elle  reçoit  des  Jacobins  de  Paris  lassurance  que  Coupé  est 
un  homme  pur  et  que  ce  n'est  pas  sans  raison  que  ces  dénonciations 
ont  été  faites.  Cela  ne  suffit  pas  et  les  frères  Gamare  et  Bernays  leur 
écriront  de  répondre  catégoriquement. 

A  ce  moment,  se  présentent  trois  commissaires  de  la  Conven- 
tion :  Coulonghon,  Fénéaux  et  Guiard,  dont  l'arrivée  à  Rouen  fait 
pressentir  d'importants  événements.  Ils  sont  amenés  vraisembla- 
blement par  les  rapports  de  leur  correspondant  spécial  en  cette  ville. 
Contrairement  à  ce  qui  se  passe  d'ordinaire,  ils  ne  vont  pas  exhiber 
leurs  pouvoirs  aux  aurorités  constituées. 

Le  5  brumaire  (26  octobre)  les  difficultés  inextricables  des  sub- 
sistances font  décider  par  la  Société  populaire  qu'une  nouvelle  péti- 
tition,  rédigée  par  Hébert  et  Vernon,  invitera  la  Convention  à 
envoyer  l'armée  révolutionnaire  pour  purger  la  ville.  De  plus,  le 
Comité  départemental  de  Salut  public  est  invité  à  ne  pas  délivrer  de 
passeports  aux  citoyens  jusqu'à  ce  que  l'armée  révolutionnaire  ait 
fait  sa  revue  ici,  à  moins  que  ces  citoyens  ne  soient  connus  pour 
bons  patriotes. 

Nul  indice,  dans  les  délibérations  de  la  commune,  ne  permet  de 
deviher  que  des  modifications  du  personnel  administratif  sont  immi- 
nentes. M.  Rondeaux  est  toujours  à  son  poste.  Il  préside,  le  5  bru- 
maire, le  bureau  permanent  et  la  séance  du  conseil  général,  et  ne 
donne  pas  sa  démission  comme  le  dit  inexactement  HorchoUe. 

Néanmoins,  il  est  certain  qu'il  aperçoit  les  dangers  dont  il  est 
entouré.  Un  espionnage  incessant  s'exerce  autour  de  lui  et  de  ceux 
que  l'on  soupçonne  d'éclairer  et  de  soutenir  son  courage.  Il  fut,  en 
effet,  accusé  de  s'être,  à  ces  instants  suprêmes,  inspiré  des  conseils 
des  adversaires  des  Montagnards.  Vimar,  disait-on,  avait  plusieurs 
fois  causé  en  cachette  avec  lui,  et  se  vit  reprocher  par  Lamine,  son 


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-  237  — 

ennemi  intime,  ces  conversations  secrètes  «  où  il  tramait  avec  le 
maire  des  complots  liberticides  »  (1). 

Cependant,  dès  le  3  brumaire  (19  octobre),  le  Comité  de 
sûreté  générale  de  la  Convention  avait  ordonné  la  détention  du  maire 
de  Rouen  dans  la  maison  d'arrêt  par  mesure  de  sûreté  générale, 
comme  ex-noble  suspect  y  et  le  6  brumaire,  à  sept  heures  du  matin, 
cet  ordre  est  notifié  à  M.  Rondeaux,  à  son  domicile,  rue  Herbière, 
par  le  commissaire  de  police  Bourdon,  en  présence  de  Lambert, 
vice-président  du  comité  de  surveillance  de  Rouen,  lequel  comité 
est  chargé  de  lexécution  de  Tordre. 

Bourdon  et  Lambert,  accompagnés  d'un  détachement  de  la 
garde  nationale,  perquisionnent,  mettent  les  scellés,  puis  écrouent 
M.  j^ondeaux  à  la  maison  de  Saint-Lô.  Le  même  jour,le  prisonnier  est 
conduit  à  sa  maison  de  campagne  de  Louviers  (2)  où  se  trouve 
M™®  Rondeaux.  Là,  quand  on  eut  reconnu  qu'il  n'y  avait  que  des 
«  papiers  domestiques  »,  on  dut  rappeler  au  «  citoyen  Rondeaux  », 
heureux  sans  doute  d'être  réuni  à  sa  compagne,  et  qui  ne  manifestait 
pas  d'empressement  à  revenir  avec  le  commissaire,  «  qu'il  était  en  état 
d'arrestation  et  que,  comme  tel,  il  fallait  qu'il  fut  transféré  dans  la 
maison  d'arrêt,  à  Rouen  ».  Il  a  observé,  mentionne  Bourdon  dans 
son  procès- verbal,  que  son  respect  pour  la  loi  lui  faisait  un  devoir 
de  me  suivre,  mais  qu'il  était  étonné  qu'on  le  réputât  noble,  ne 
l'ayant  jamais  été. 

Le  8  brumaire,  Lambert  et  Bourdon  le  prennent  encore  à  Saint- 
Lô,  pour  se  rendre  rue  Herbière,  où  il  n'y  a  que  des  recueils  de  lois, 
notes  de  famille,  des  papiers  concernant  des  projets  d'utilité  publi- 
que, et  des  «  aveux  et  autres  titres  du  genre  féodal  »,  concernant  la 
terre  de  Foucreville  (?)  titres  que  l'on  met  à  part  sous  enveloppe 
cachetée.  M.  Rondeaux  dit  que  ces  vieux  titres  ne  sont  pas  à  lui, 
qu'ils  lui  ont  été  apportés  par  le  feudiste,  pour  être  remis  à  la 

(1)  Arch.  mpales.  —  Le  même  Lamine  dénonçait  à  la  Société  populaire,  le  13  bru- 
niaire,  Ganibard,  notable,  pour  être  un  des  amis  du  maire  Rondeaux,  chez  lequel  il 
avait  mangé  plusieurs  fois.  —  L'ordre  du  jour  fut  adopté. 

i2)  M.  Rondeaux  possédait  à  Louviers  un  quart  de  fief  avec  un  manoir  dans  une 
île  au-dessous  de  la  ville,  nommé  la  Salle  du  Bois  (Charpillon,  DicL  hist  de  l'Eure, 
t'  n,  p.  475)»  sur  remplacement  duquel  il  fit  construire  la  filature  de  Saint-Germain, 


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—  238  — 

citoyenne  Dufou,  sa  belle-sœur,  propriétaire  de  la  ferme  de  Fou- 
creville. 

Après  cela,  M.  Rondeaux  est  ramené  à  Saint-Lô,  d'où  il  sera 
extrait  le  17  brumaire,  pour  être  mis  à  Saint- Yon,  où  il  restera 
détenu  pendant  près  de  dix  mois,  jusqu'au  7  fructidor. 

Puis  le  silence  se  fait,  absolu,  sur  l'administrateur  sacrifié.  Pas 
un  mot  des. procès-verbaux  de  la  commune,  du  district,  du  départe- 
ment, ne  fait  allusion  à  son  sort.  Une  année  auparavant,  quand 
M.  de  Fontenay  quitte  la  municipalité,  on  se  répand  en  regrets, 
en  félicitations  sur  les  services  qu'il  a  rendus.  Ses  vertus  civiques, 
sa  prudence  alliée  à  sa  fermeté,  lui  valent  des  témoignages  publics 
de  satisfaction  et  de  reconnaissance,  perpétués  par  le  registoe 
de  l'Hôtel-de-Ville. 

Mais  en  brumaire  an  II  !  C'est  tout  autre  chose  :  un  mandat 

d'arrêt  est  décerné  en  guise  de  remerclments  et  de  congratulations. 

A  tout  prendre,  aux  yeux  de  la  postérité,  l'ordre  d'arrestation 

pourrait  avoir  autant,  sinon   plus  de  prix  que  l'attestation    de 

civisme. . . 

Cette  incarcération  emprunte  une  partie  de  son  éclat  à  ce  qu'elle 
eut  lieu  le  jour  où  s'en  effectuaient  six  autres  dont  une  au  moins 
était  inattendue  et  surprit  grandement  le  comité  de  surveillance 
lui-même. 

Jusque-là,  depuis  le  29  août,  toutes  les  arrestations  ont  eu  lieu 
par  ordre  de  ce  comité,  sauf  deux,  celles  de  Verton  et  de  Drague- 
ville,  ordonnées  par  la  Commune.  Or,  les  sept  arrestations  du  6  bru- 
maire en  comprennent  six  qui  ont  eu  lieu  en  vertu  de  mandats  du 
Comité  de  sûreté  générale  de  la  Convention,  tous  du  3  brumaire, 
MM.  Rondeaux,  de  Biencourt-Poutraincourt  (1),  l'ancien  député 

(1)  Pendant  sa  détention  à  Saint-Yon,  M.  de  fiiencourt  fut  conduit  par  Tofficier 
municipal  Pinel,  Lemoine,  commissaire  de  police  et  deux  gendarmes  à  son  château  de 
Mesnières-en-Bray,  alors  transfonné  en  maison  d'arrêt  par  le  district  de  Neufchâtel,  et 
où  l'on  ne  trouva  que  les  petits  meubles  des  prisonniers,  puis  au  château  de  Martol 
(Eure).  M.  de  Biencourt  fut  mis  en  liberté  le  28  brumaire  an  III.  L'émigration  de  son 
fils  et  de  sa  fille  avait  fait  séquestrer  ses  biens.  Sa  femme  fu*.  Tobjet,  le  30  gemiin»! 
an  III,  d*une  dénonciation  de  Pierre  Fortin,  l'accusant  d'émigration  (Arch.  mpalec). 


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Charles  Tarbé  (I).  l'ex-ofiBcier  municipal  Vulgis  Dujardin  (2), 
d'Herbouville  (3)  et  Robert  de  Saint- Victor  (4),  et  une  seule  par 
ordre  du  Comité  de  Rouen,  celle  de  Hély  père,  d'Oissel  (5). 

(1)  Lefebvre-Signol  présida  a  l'arrestation  de  Tarbé  et,  le  15  brumaire,  levant  les 
scellés,  saisit  deux  lettres  dont  l'une  était  celle  de  Faure,  reproduite  plus  haut,  chap.  8*. 
La  sœur  de  Tarbé,  femme  de  Germain-Louis  Chambosse,  marchand  à  Rouen,  rue  des 
Charcttes,  30  (  chez  Tarbé  ),  ex-contrôleur  principal  des  20^  à  Clermont-Ferrand,  fut 
arrêtée  par  ordre  du  Comité  de  Rouen,  le  24  prairial  an  lî,  mise  à  Saint-Lô,  puis,  le  8 
messidor,  aux  Gravelines  comme  prévenue  «  d'avoir  un  frère  ex-ministre  émigré  (?)  et 
d'incivisme  et  d'aristocratie.»  La  gouvernante  des  enfants  Chambosse  est  Thérèse  Boyel- 
dîeu.  U  y  a  dans  les  pièces  relatives  à  M"»«  Chambosse  une  lettre  de  Tarbé  où  il  semble 
se  recommander  d'une  grande  dame.  Le  Joutmal  de  Rouen  en  publie  une  autre  où  il  se 
défend  d'avoir  fait  condamner  Bordier,  aux  enfants  duquel,  nonobstant,  on  voulait  le 
contraindre  à  servir  une  pension.  Malgré  de  grands  elforts  pour  sortir  plustôt,  il  n'eut 
SA  itberté  que  le  4  fructidor  an  II. 

(2)  Dujardin  avait  été  dénoncé  comme  prétendu  noble  (Rapports  de  l'an  III  contre 
les  terroristes).  L'ordre  d'arrestation  n'indique  pas  les  motifs,  mais  on  dit  plus  tard  que 
c'est  un  mauvais  citoyen  qui  a  fait  manquer  de  pain  dans,  la  ville  de  Rouen.  En  liberté 
le  17  thermidor  an  II. 

-  (3)  M.  d'Herbouville  fut  arrêté  par  Gontier,  commissaire  de  police.  Le  Comité  de 
Rouen  donna  l'ordre  d'arrêter  sa  femme.  Ils  sortirent  :  l'un  de  Saint- Yon,  et  l'autre  des 
Gravelines,  le  4  ventôse  (22  février  1794),  pour  assister  à  l'inventaire  à  leurs  résidences 
de  la  rue  Sainte-Croix-des-Pelletiers  et  de  Saint^ean-du-Cardonnay.  La  municipalité 
du  Cardonnay  ne  trouva  rien  de  suspect,  •  rien,  au  contraire,  qui  ne  caractérise  le 
civisme  dont  ils  avaient  toujours  donné  des  preuves.  *  Le  3  plu\iôse,  le  bureau  perma- 
nent de  la  commune  de  Rouen  fait  dresser  procès-verbal  à  un  pavillon  appartenant  à 
Langlois,  chirurgien,  à  Rouen,  où  M«"«  d'Herbouville  venait  de  faire  apporter  du  Car- 
donnay quelques  paniers  de  gros  vins  et  un  de  vin  fin  ;  on  mentionne  dans  la  cave  de 
ce  pavillon  800  bouteilles  de  vin.  M.  d'Herbouville  fut  mis  en  liberté  le  25  fructidor. 

(4)  Robert  fut  mis  en  liberté  le  14  fructidor.  Le  mobilier  de  son  fils,  émigré,  qu'il 
revendiquait,  avait  été,  nonobstant,  vendu  le  12  août  1793.  Il  eut  à  subir  les  consé- 
quences de  rémigration  de  ce  fils,  séquestres,  inventaires,  liquidation  de  patrimoine, 
dans  l'estimation  duquel  entrait  pour  une  valeur  relativement  insignifiante  ses  collec- 
tions qui  vont  être  vendues  sous  l'Empire  plus  de  500,000  francs.  Vainement  il  péti^ 
tioDna,  importunant  ses  amis  les  Jacobins,  qui  lui  firent  toujours  espérer  son  élargis- 
sement ;  lise  recommandaità  un  moment  de  lettres  favorables  de  Pocholle.  M"»« Robert 
ayant  prié  la  Société  Populaire  de  s'intéresser  à  son  mari,  un  membre  s'opposa  à  toute 
démarche  en  produisant  une  lettre  de  Robert  aux  habitants  de  Saint-Victor-la-Cam- 
pagne,  dans  laquelle  il  professait  des  principes  contraires  à  l'opinion  qu'on  avait  de  lui 
(29  janvier  1794).  Robert  a  été  pendant  sa  détention  l'objet  de  faveurs  exceptionnelles 
qui  ont  dû  la  lui  rendre  supportable  et  qui  ont  dû  contribuer  à  le  rendre  odieux  à  ses 
co-détenus. 

(5)  M.  Ilély-d'Oissel  avait  été  immédiatement  l'objet  de  dénonciations  réitérées  au 
Comité  de  Salut  public  de  Rouen  :  «  Citoyens,  l'intrigant  que  je  vous  ai  dénoncé  ces 
jours  derniers  est  sûrement  bien  dans  le  ca^  d'être  mis  en  état  d'arrestation...  N'y 
aurait-il  que  la  manière  dont  il  s'est  conduit  dans  le  commencement  de  la  Révolution 
et  à  la  tête  de  la  cavalerie  nationale  de  cette  ville.  Comment  n'a-t-il  pas  maltraité  les 
malheureux  journaliers  occupés  aux  travaux  publics  et  aux  ateliers  de  charité....  Il  est 
temps,  citoyens,  de  lever  le  masque  injurieux  qui  nuit  à  tous  les  patriotes;  mettez-le 
provisoirement  en  état  d'arrestation,  j 


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-  240  - 

Le  cas  du  premier  était  unique.  Quatre  autres  et  le  dernier 
étaient  du  nombre  de  ceux  qui  pouvaient  s'attendre  à  être  incarcérés - 

Mais  le  jacobin  Robert  !  Comment  expliquer  son  emprisonne- 
ment, sinon  par  une  erreur  ?  Sans  doute,  il  était  ex-noble  et  père 
d'émigré,  et  c'est  là  ce  qui  motive  officiellement  sa  détention. 
En  réalité,  c'est  à  d'autres  causes  qu'elle  est  due.  On  pourrait  se 
livrer  à  des  conjectures  et  supposer  que  Robert,  montagnard  à  la 
Société  populaire,  réactionnaire  autoritaire  à  sa  ci-devant  sei- 
gneurie do  Saint- Victor-la-Campagne,  jouant  double  jeu,  était 
devenu  suspect  même  à  son  ami  Pillon,  et  il  est  certain  qu'un  peu 
plus  tard,  la  Société,  après  avoir  essayé  de  le  tirer  d'affaire,  édifiée 
sur  la  solidité  des  convictions  de  l'ex-président  à  la  Cour  des 
Comptes,  l'abandonna,  ne  tenant  plus  compte  de  ses  pétitions. 
Pourtant  ces  conjectures  n'aboutissent  guère,  et  l'on  se  demande  si 
Robert  n'était  pas  le  successeur  désigné  de  M.  Rondeaux  à  la  Mairie, 
ou  de  M.  de  Fontenay  au  département,  et  si  l'on  a  pas  eu  recours  à 
et  stratagème  violent  pour  l'écarter  plus  sûrement. , . 

Reste  à  savoir  d'où  partit  le  coup.  Des  indices  assez  sûrs  mon- 
trent bien  qui  l'a  porté.  Dans  l'histoire  très  compliquée  de 
cette  arrestation  et  de  ses  suites,  on  aperçoit  vaguement  que, 
provoquée  par  Leclerc,  parfumeur  (1),  elle  a  des  liens  indirects 
avec  celle  de  M.  Caillot  de  Coquéreaumont,  ci-devant  président  à 


(1)  Jacques-François  Leclerc,  i4  ans,  parfumeur  et  mouleur  en  bois,  à  Rouen,  rue 
de  Lille,  137,  et  son  flls,  âgé  de  seize  ans,  clerc  de  Legentil,  commissaire,  furent 
arrêtés  le  17  pluviôse  an  II  (5  février  1794).  Le  prétexte  fut  des  malversations  aux 
chantiers  de  bois.  On  lui  reprochait  des  liaisons  avec  des  aristocrates  (comtesse  de 
Caumont,  Duval-Langrune,  M""  de  Saint-Paer,Bau(lon,  comtesse  de  Saint-Empire,  Duvfd 
de  Brunville,  Dallet  de  Ronchei-oles,  Poutraincouii,  de  Paul,  d'avoir  obtenu  des  repré- 
sentants du  peuple  la  mise  en  liberté  de  Duclos,  ex-avocat,  traqué  par  les  Montagnards. 
Ch.-V.  Denis  Legentil,  commissaire  de  police,  qui  avait  des  liaisons  particulières  avec 
Leclerc  depuis  la  création  du  comité  de  suneillancc,  fut  impliqué  dans  ce  commence- 
ment de  poursuites,  reconnut  avoir  composé  une  liste  de  33  individus  arrêtés,  envoyée 
à  Héron,  secrétaire  du  Comité  de  sûreté  g<*»nérale,  comprenant  notamment  un  patriote, 
Gosselin,  ex-prétre  attaché  à  l'hospice.  Leclerc  ne  savait  pas  écrire  et  Legentil  lui  faisait 
ses  lettres  à  Héron  et  Coulonghon.  L'un  dps  témoins,  après  avoir  raconté  un  fait  qui  lui 
paraissait  compromettant  pour  Leclerc,  dit  qu'à  cause  de  sa  femme  et  de  ses  enfants 
plusieurs  bons  citoyens  s'empressèrent  d'étouffer  l'affaire,  ce  qui  fut  fait  à  la  prière  de 
0.  Leclerc,  accusateur  public  et  président  de  section.  L'affaire  des  chantiei*s,  instruite 
par  Pi nel  se  termina  le  jour  même,  de  l'arrestation  de  Leclerc,  17  pluviôse,  faute  dç 
preuves  suffisantes  (  Arch.  mpales). 


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-  241  ^ 

la  Ctour  des  Comptes,  et  père  d'émigré,  comme  Robert  de  Saint- 
Yictor,  et  que  le  Comité  de  Rouen  fait  arrêter  le  7  brumaire.  C'est 
une  des  affaires  bizarres  et  obscures  où  Ton  voit  les  manœuvres 
policières  et  la  vénalité  des  mouches  (1)  ou  indicateurs  mettre  la  dé- 
ception, l'irritation,  le  soupçon  et  même  le  désarroi  parmi  les  scïdes 
rouennais  de  la  révolution.  Parfois  les  membres  du  Comité,  lorsqu'ils 
ont  quelque  raison  pour  ne  pas  décerner  eux-mêmes  un  mandat 
d'arrêt,  obtiennent  du  Comité  de  sûreté  générale,  soit  par  une 
dénonciation,  soit  autrement,  qu'il  en  prenne  l'initiative  ;  mais 
pour  Robert,  la  chose  s'est  passée  à  leur  insu,  en  dehors  leurs  pré- 
visions et  contre  leur  volonté. 

La  municipalité  ne  devait  pas  rester  longtemps  privée  de  chef. 
Pendant  les  quelques  jours  qui  s'écoulèrent  entre  l'arrestation  de 
M.  Rondeaux  et  le  choix  et  l'installation  de  son  successeur,  ses  fonc- 
tions eussent  dû  passer  au  premier  officier  municipal,  Pillon  ;  mais 
celui-ci  est  occupé  ailleurs,  et,  sans  doute,  élabore  avec  ses  amis  la 
liste  des  nouveaux  administrateurs. 

Les  faits  caractéristiques  abondent  en  ces  jours  d'émotion.  L'em- 
prisonnement du  maire  n'apporte  pas  la  solution  des  embarras 
toujours  renaissants  au  milieu  desquels  se  meuvent  les  administra- 
teurs. Le  Conseil  général  de  la  Commune  est  aux  abois.  Terrifié  par 
la  famine,  il  ordonne  le  7  brumaire,  la  fermeture  des  spectacles  et  les 
fait  rouvrir  le  lendemain  sur  une  pétition  d'officiers  du  bataillon  de 
la  section  des  Gravilliers  de  Paris,  qui  sont  à  Rouen.  Ses  membres 
passent  les  nuits  à  rHôtel-de- Ville  ;  ils  envoient  au  district  une 
délibération  datée  du  9,  trois  heures  du  matin,  relative  aux  bouches 
inutiles  de  Rouen  et  à  la  nécessité  d'expulser  tous  ceux  qui  ne  sont 
pas  dans  l'indispensable  nécessité  d'y  résider.  Elle  expose  que  la 
gravité  des  circonstances  exige  que  les  administrations  soient  ras- 
semblées sur  le  champ.  Aussitôt,  le  district  se  rend  au  département 
où  il  trouve  la  municipalité. 

Au  cours  de  l'assemblée,  tenue  a  en  comité  secret  »  dans  le 
cabinet  du  procureur  syndic,  arrive  une  députation  de  la  Société 

(1)  On  désignait  alors  officiellement  ainsi  les  agents  de  la  police  secrt'te  ou  correc- 
tionnelle. V.  not.  reg.  de  la  municipalité  de  Rouen,  délibération  du  30  janvier  1793. 


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—  242  — 

populaire,  —  qui  surveille  fiévreusement  ce  qui  se  passe  —  et  que 
Anquetin  va  recevoir.  L'un  des  députés,  Lemonnier,  exprime  le 
désir  qu'a  la  Société  de  connaître  la  position  et  les  ressources  en 
subsistances  du  district.  Des  discours,  notamment  un  dusageCabisf^ol, 
s'ensuivent  qui  ne  parviennent  pas  h  faire  disparaître  les  difficultés. 

Néanmoins,  cela  se  résout parlemeniairement,  en  décidant  de 

rédiger  un  mémoire  «  de  tout  ce  qui  a  été  fait  »,  mémoire  que  le 
procureur-syndic  fera  parvenir  à  la  Société  populaire. 

Ce  jour-là  même,  peut-être  pour  expérimenter  sur  les  membres 
du  département  la  pierre  de  touche  révolutionnaire,  la  Société  leur 
apporte  une  pétition  tendant  à  ce  qu'il  soit  organisé  une  force 
armée  à  la  suite  de  laquelle  marchera  la  guillotine  pour  en  imposer 
aux  malveillants  et  aux  accapareurs  de  grains  et  autres  denrées  et 
faire  par  ce  moyen  renaître  l'ahondance.  Le  Conseil  général  ne 
s'indigne  pas,  du  moins  à  en  juger  d'après  le  procès-verbal  de  sa 
séance  ;  il  sait  qu'il  faut  tenir  pour  sérieuses  les  requêtes  de  la 
puissante  et  susceptible  société.  Aussi  attend-il  que  la  députation 
soit  partie  pour  délibérer,  puis,  «  considérant  que  la  demande  n'est 
pas  de  sa  compétence  »,  il  arrête  qu'il  sera  écrit  en  conséquence 
à  la  Société  populaire. 

Le  10  brumaire,  la  Commune  en  vient  à  prescrire  les  visites 
domiciliaires  avec  autorisation  de  faire  ouvrir  les  portes  par  des 
serruriers. 

L'administration  départementale  a  dû  voir  une  menace  dans  la 
création  du  Comité  de  Salut  public.  Depuis,  plus  que  jamais,  elle 
alterne  les  décisions  modérées  et  révolutionnaires.  Elle  fait  placer  le 
drapeau  tricolore  sur  le  lieu  de  ses  séances  et  sur  tous  1rs  domaines 
nationaux,  elle  ordonne  l'arrestation  de  Tabbé  Langrcnay,  curé  de 
Saint-Victor-la-Campagne,  dénoncé  par  Robert  ;  elle  écrit  au  district 
de  faire  rechercher  les  cercueils  en  plomb  dans  les  caveaux  des 
églises  supprimées  ou  non  de  Rouen,  la  translation  des  cadavres 
dans  les  cimetières  publics  et  la  conversion  des  cercueils  en  balles 
de  calibre.  Celte  dernière  décision  est  prise  après  que  le  procureur 
général  syndic  Anquetin  a  représenté  «  qu'il  n'est  plus  temps  de 
conserver  les  monuments  de  l'orgueil  qui  tendaient  à  distinguer 


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'   —  243  - 

encore  les  hommes  lorsque  la  nature  les  rappelait  à  la  terre  qui  les  a 
produits  ))  (9  septembre).  Le  département  fait  imprimer  un  poème 
du  citoyen  Fromage,  professeur,  sur  la  Co/i.stiiution  française 
acccpiàepar  les  dieux,  et  un  discours  du  conventionnel  Louchet 
à  la  rentrée  du  collège  (l^"^  occobre).  A  un  projet  trop  coûteux  de 
tableau  civique  de  Lecarpentier,  il  substitue,  pour  indiquer  d'une 
manière  ostensible  la  profession  de  foi  des  administrateurs^  cette 
inscription  en  gros  caractères  sur  la  plinthe  du  bâtiment  principal  de 
l'administration  départementale,  en  face  de  la  rue  des  Jacobins  :  — 
République  Française,  utie  et  indivisible^  —  Liberté,  Egalité, 
Fraternité  ou  la  mort  (19  vendémiaire).  Il  décide  que  les  adminis- 
trateurs et  employés  du  département  et  des  districts  ne  pourront 
prendre  de  vacances  que  le  10,  20  et  30  de  chaque  mois  ou  les  der- 
niers jours  de  chaque  décade. 

Ces  pratiques  de  M.  de  Fontenay  et  de  ses  collègues  les  ont  fait 
épargner  jusqu'ici  sans  les  mettre  à  Tabridu  soupçon.  M.  de.Fontenay, 
quant  à  lui,  ne  s'en  tient  pas  là.  Il  continue  d'entretenir  avec  Legendre, 
Louchet  et  Delacroix  des  relations  qui  le  protégeront  et  le  maintien- 
dront en  place  durant  plusieurs  semaines  après  les  autres.  Il  est 
d'ailleurs  fort  activement  secondé  par  son  frère  Alexandre,  lequel 
fréquente  aussi  les  représentants  du  peuple  et  les  patriotes  et  s'est 
trouvé  avec  eux  tous  (1)  au  Havre,  dans  un  repas  (2)  où,  d'après 
l'étonnant  maire  d'Ingouville,  Musquinet  de  la  Pagne,  —  contre  les 
exagérations  duquel  il  importe  d'être  en  garde,  —  il  y  avait  des 
modérés,  des  feuillants.  «  On  proposa  des  toasts  ;  chacun  fit  sa 
motion  ;  je  proposai  de  boire  aux  Jacobins,  à  la  Commune  et  aux 
sections  do  Paris  qui  ont  sauvé  la  France,  le  31  mai . . .  Fontenay, 
frère  du  contre-révolutionnaire  Fontenay,  président  du  département, 
élova  la  voix  contre  moi.  On  lui  ôta  la  parole  par  des  huées.  Le  len- 
demain ma  tête  fut  mise  à  prix.  Legendre  et  Lacroix  ont  donné  les 
mains  h  cette  intrigue  abominable. . .  »  (3) 

(1)  Laiiiine,  Poret,  Ilaranodor  rtait'iit  alors  au  Havre.  " 

(2)  Ce  ropas  seiTil>le  avoir  pu  lieu  vers  le  17  septembre.  I^  nnuiicipalité  du  Havre 
fut  (Irstiluée  pav  décret  du  %). 

(3)  Arcli.  nat.  I)  m  37)2.  Lettre  de  Musquinet  de  la  Paj^iie  à  Partie,  niairtî  de 
Paris,  liu  5  friiuaiix»  au  H  ('2.">  uov.  93).  Dans  une  autre,  au  uiènie.  du  i  ventôse,  i^ 
accuse  Lo^^eudre  et  Lacroix  d'avoir  proté^'é  tous  les  accapareurs  et  de  n'eu  avoir  pas 


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-244  - 

Une  autre  preuve  plus  sérieuse  de  l'appui  obtenu  par  M.  de 
Fontenay  auprès  des  trois  conventionnels,  est  dans  le  procès-verbal 
de  la  Société  populaire  du  10  brumaire  (1®^  novembre).  Delacroix 
dit  qu'il  a  conjointement  avec  ses  collègues  destitué  les  corps  admi- 
nistratifs de  Rouen  ;  que,  provisoirement,  ils  ont  formé  des  direc- 
toires du  département  et  du  district,  et  qu'il  invite  la  Société  à  lui 
désigner  soixante-quatre  membres  pour  former  les  conseils  généraux. 
Les  commissaires  nommés  à  cet  effet  se  réuniront  rue  de  rAumônc 
après  la  séance.  Dans  cette  même  séance,  il  semble  qu'on  chercho  à 
diminuer  le  mérite  attribué  à  M.  de  Fontenay  d'avoir  obtenu  des 
secours  de  la  Convention,  car  un  membre  développe  à  la  tribune 
combien  le  frère  Canu,  étant  à  Paris,  a  servi  les  commissaires  auprès 
du  ministre  et  de  l'Assemblée  pour  les  subsistances. 

Peu  d'instants  après,  un  débat  s'engage  entre  une  députatîon 
du  conseil  général  de  la  commune  et  Delacroix.  Ce  dernier  combat 
une  proposition  dont  l'objet  n'est  pas  indiqué,  et  qui  paraît  être  plus 
radicale  que  les  résolutions  des  trois  représentants  du  peuple.  La 
discussion  continue  sur  le  citoyen  de  Fontenay,  nommé  maire.  Les 
tribunes  crient  :  Point  de  Fontenay  !  Un  de  ceux  qui  s'expriment 
ainsi,  Foisnard,  marin,  rue  Tirhuit,  n*»  24,  reproche  à  ce  magistrat 
d'avoir  fait  afficher  une  délibération  mettant  le  prix  du  pam  à 
volonté  (1).  Delacroix  répond  «qu'il  a  signé  comme  maire  et  non  comme 
de  Fontenay  ce  que  la  majorité  du  conseil  avait  arrêté  ».  Cette 
faible  objection  et  d'autres  en  faveur  de  M.  de  Fontenay  suffisent 
pour  faire  changer  de  sentiments  ses  adversaires  qui  le  manifestent 
par  des  applaudissements. 


puni  un  seul  :  «  Il  existe  dans  co  diparlenicnt  un  affreux  projet  d'alîanier  Paris  :  Voyez 
Taffiche  du  Havre  contre  Paris,  intitulée  Vengeance!  Lej^endre  a  trompé  la  Convention 
quand  il  a  dit  (pie  ce  département  mancpiait  de  subsistances.  »  Legendre,  qu'il  avait 
dénoncé  au  Comité  de  Salut  Public  de  la  Convention  et  au  comité  des  défenseurs  offi- 
cieux des  .lacoliins  de  Paris,  vint  s'expliquer,  le  9  octobre  devant  les  Jacobins,  et  révéla 
que  La  Pagne  avait  passé  vingt-deux  ans  dans  les  prisons,  qu'il  avait  failli  subir  le 
supplice  de  la  roue  sous  l'ancien  régime  et  n'avait  dû  son  salut  (pi'aux  altercations  entre 
deux  tribunaux  qui  devaient  connaître  de  son  affaire.  (Tncficalem-  poUliqHC  du  13  oct. 
1793,  pp.  4  et  ')).  Musquinct  de  la  Pagne,  qui  figure  dans  les  listes  des  victimes  de  la  Ri^ 
volulion.  a  été  condamné  à  moii  et  exécuté  à  Paris,  le  16  mars  1794. 

(I;  La  délibération  dont  il  s'agit  date  de  1792. 


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—  245  — 


CHAPITRE  ONZIÈME 


Comédie  éparatoire.  —  Pillon  et  Carré  installent  les  administrations  —  M.  de  Fontenay 
maire  provisoire.  —  La  statue  de  la  Pucelle.  —  Propagande  révolutionnaire  — 
Encore  les  subsistances,  1  armée  révoluUonnaire  et  la  guillotioe,  et  les  Jacobins  de 
Paris  de  Rouen  et  d  Tvetot.—  Lamina  et  Poret  arrêtés ?~  M.  de  Fontenay  attaqué.  — 
Le  Comité  de  surveillance.  —  Il  favorise  un  ecclésiastique...  —  Deiacroit  propose 
de  se  passer  de  Tévéque  Graiien.  ~  Episode  relatif  au  vol  du  garde-meuble.  — 
Suicide  de  Roland.  —  Bernard  Cabanon.  —  Une  proclcmation  de  Cabissol.  —  Arrivée 
de  Grenier  et  de  Galbois-Saint-Amand  —  Réhabilitation  de  Bordier  et  Jourdain.  — 
La  Société  populaire  se  réjouit  de  l'arrestation  de  Garât  et  Laugeuz.  —  Il  faut 
que  Rouen  change  sa  vieille  peau.  —  Démission  et  empisonnement  de  M  de 
Font'  nay.  -^  Mandat  d*arrét  contre  une  morte.  —  Poret  intervient  en  faveur  de 
M.  de  Fontenay. 


C'est  de  Dieppe  que  sont  datés  les  arrêtés  de  Legendre, 
Louchet  et  Delacroix,  qui  font  prendre  Vémélique  (1)  aux  adminis- 
teurs.  Ils  n  ont  dû,  cependant,  être  complétés  et  devenir  définitifs 
qu'après  que  Delacroix,  venu  à  Rouen  le  11  brumaire,  eût  levé  des 
diflBcultés  suscitées  parle  choix  de  certains  noms,  vraisemblablement 
surtout  par  celui  de  M.  do  Fontenay. 

Celui-ci  présidait  la  séance  du  département,  lorsque  le  lundi  11 
(1«' novembre),  il  vit  entrer  les  citoyens  Pillon  et  Carré,  membres 
du  Comité  de  surveillance,  chargés  d'installer  les  administrations 
provisoires.  Pillon  lit  l'un  des  arrêtés  qui  destitue  l'administration 
départementale,  ajourne  le  remplacement  du  Conseil  général, 
interdit  aux  membres  du  directoire  et  au  procureur  général  syndic 
de  s'absenter  et  compose  le  directoire,  qui  entre  incontinent  en  fonc- 
tions (2). 


(i)  Cette  expression  est  dans  un  procès-verbal  de  la  Société  populaire  ;  on  la 
retrouve  le  29  brumaire  dans  le  Journal  de  Rouen  à  propos  de  Dieppe  :  «  Legendre, 
Louchet  et  Delacroix  viennent  d'administrer  un  remède  violent  aux  autorités  constituées 
de  cette  ville  :  il  parait  quil  faut  un  tempérament  vraiment  républicain  pour  y  résister» 
Un  petit  nombre  de  membres  seulement  a  pu  tenir  à  cet  émêllque.  » 

(2)  Membres  du  nouveau  directoire  :  Bouvet,  vice-président;  J.-B.  Grandin, 
Belhoste,  Dumazert,  Allais,  Choin  etJ.-L.  Albitte;  Thierry,  proc.  gén.  s.  avec  Lambert 
pour  suppléant. 


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-  246  - 

Au  district,  le  même  jour,  Pillon  et  Carré  exécutent  de  même 
un  semblable  arrêté  de  destitution  et  de  reconstitution  (1), 

A  la  maison  commune,  toujours  le  11,  s'accomplit  une  opération 
analogue,  mais  plus  complète.  C'est  Pillon,  premier  officier  muni- 
cidal,  qui  préside.  L'absence  du  maire  n'est  pas  signalée.  L'appel 
nominal  constate  la  présence,  outre  Pillon  et  Carré,  de  huit  officiers 
municipaux,  de  Le  Contour,  procureur  de  la  commune,  de  Pottier, 
substitut,  et  de  vingt-cinq  notables. 

Pillon  expose  la  mission  reçue  par  lui  et  Carré,  et  lit  l'arrêté 
destituant  le  corps  municipal  et  le  conseil  général  de  la  commune  de 
Rouen,  et  remplaçant  provisoirement  les  maire,  officiers  municipaux 
procureur  et  notables  (2). 

La  situation  créée  par  ces  trois  arrêtés  est  originale  :  des  admi- 
nistrateurs destitués  sont  simultanément  réintégrés  dans  leurs 
fonctions  ou  appelés  à  d'autres  postes.  Pillon  et  Carré  étaient  eux- 
mêmes  destitués  et  renommés,  mais  non  réinstallés  au  moment  où 
ils  installaient  les  directoires  du  département  et  du  district;  ils 
agissaient,  il  est  vrai,  comme  membres  du  comité  de  surveillance. 

Ces  singularités  étaient  simplement  choquantes.  Ce  qui  avait  de 
la  gravité,  c'était  que  les  trois  arrêtés  violaient  ouvertement  la  cons- 
titution proclamée  et  acceptée  si  solennellement  en  juin  et  juillet, 
et  dont  l'inaceptation  devait,  pendant  toute  une  année,  être  un  des 
plus  sérieux  motifs  de  méfiance  relevés  dans  la  plupart  des  interro- 
gatoires de  suspects  (3). 

Mais  la  Convention,  au  nom  de  laquelle  on  agissait  ainsi,  n'en 

(1)  Nouveau  (lirectuire  du  district  :  LL'fcl)Viv-Si;.'nol,  vice-])ivsi(ïent,  Cabissol,  sup- 
pléant le  prucureur-syudic,  I.ecanu  ;  Duniesnil  et  I-ecamus. 

(2)  Nouvelle  administration  municipale  :  De  Fontenay,  maire;  Pillon  fils,  Fi-an^ois 
Pinel,  Lamine,  Clavier,  Delamare,  LeMond-Lemire,  AmaMe  liêrée,  Plasne,  Tamelier, 
Fëré,  Victor  LelVlnre,  Guyet,  Dieu,  Lagnistre,  Poret  lils,  Duré,  Kudcliue,  Godebin, 
Vincent  Groult,  s-o'd  en  tout  vin-^t  oflieiers  municipaux.  Le  C(»utour,  procureur;  Pottier, 
substitut;  J.-B.  Pinel,  Desaubris.  Samson,  Poucbet-Maug(Midre,  Bellencontrc,  Anquetin, 
Leboucber,  Dérard,  Henieouii,  Gambaii,  Desmalis,  Gaillon,  Ikmllengor,  Chouquet, 
Grandeourt,  Huault,  Long,  Dij^ard,  Leudet,  Gruult.  Ktennemare,  Leroy,  Dernays, 
Heroult,  Romy  Groult,  Pegnault,  Denis(\  Angrand,  J.-R.  Lej^^ras,  Payenncville  jeune, 
Levasseur,  Gamare,  Louis  Uîunel,  Poisson,  Marye,  (Jutîsnel-Roj^'er,  Barl)arey,  Mabun, 
Arnaud,  Moulin,  Tbomas  Grout,  et  Poret  père,  nutables. 

(3j  Ou  a  néanmoins  souvent  écrit  que  celte  constitution  n'avait  pas  été  appliquée. 


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—  247  - 

était  plus  à  trangresser  outrageusement  ce  qu'elle  avait  si  pom- 
peusement et  si  prestement  voté.  N'avait-elle  pas,  le  16  août  1793, 
chargé  dix-huit  représentants  du  peuple  de  renouveler  en  tout  ou 
en  partie  les  autorités  constituées  et  les  fonctionnaires  publics  et  de 
les  remplacer  par  des  citoyens  d'un  patriotisme  reconnu  ! 

Au  surplus,  il  y  avait  déjà  près  d'un  an  qu'à  Rouen  on  voulait 
exclure  des  listes  d'électeurs  les  contre-révolutionnaires.  On  se 
rappelle  les  sorties  violentes  dans  ce  but  à  la  Société  populaire,  à 
la  veille  de  septembre  1792.  Avec  le  temps,  ces  projets  avaient  pris 
consistance,  et  c'est  évidemment  en  se  faisant  l'écho  des  desseins 
et  des  vœux  des  montagnards  qu'un  agent  secret,  envoyé  dans 
la  Seine-Inférieure,  écrit,  au  cours  d'un  de  ses  rapports,  en 
date  du  10  juillet  1793,  que  «  les  administrations  sont  composées, 
»  dans  quelques  districts,  de  gens  sans  zèle  et  sans  moyens... 
»  le  recrutement  par  voie  de  scrutin  a  fait  ici  beaucoup  de 
))  mécontents,  »  (1)  Il  y  avait  de  ces  mécontents  à  la  Société 
populaire  de  Rouen,  qui  pétitionne  le  1®'  octobre  à  la  Convention 
pour  élaguer  des  corps  administratifs  les  membres  qui  n'ont  pas  la 
confiance  du  peuple,  et  le  8  à  Legendre  et  à  ses  deux  collègues  pour 
l'expulsion  des  membres  des  autorités  constituées  qui  ne  sont  pas  à 
la  hauteur  des  principes. 

L'opération  du  9  brumaire  était,  non  seulement  provisoire,  mais 
très-incomplète.  Pour  ne  parler  que  du  conseil  général  de  la 
commune,  dix  de  ses  vingt  officiers  municipaux  (2)  figuraient  en  cette 

(1)  Arch.  nat.  FA5riO.—  Jiietz  d'Inglemare,  homme  de  loi,  envoyé  parle  ministre 
Garât  en  qualité  de  commissaire  du  pouvoir  exé(;utif  provisoire  dans  la  Seine-Inférieure 
et  l'Eure  pour  prendre  des  renseignements  sur  Tagriculture,  le  commerce,  les  manu- 
factures, les  arts  et  l'instruction  publi(|ue  et 'les  moyens  de  les  faire  fleurir  dans  ces 
départements,  fut  très  mal  accueilli.  Les  administrations,  principalement  celles  du 
Havre  et  de  Caudebec,  convaincues,  non  sans  raison,  que  sa  mission  comprenait 
l'espionnage  du  personnel  administratif,  s'opposèrent  à  l'exercice  de  ses  pouvoirs.  Le 
20  août  17U3.  Garât  s'efforçait  vainement  de  persuader  le  district  de  Caudebec  que  cet 
agent,  qu'il  révoquait  néanmoins,  n'avait  pas  d'autre  mission  que  celle  énoncée  dans 
ses  pouvoirs.  (Reg.  du  dép'.  21  juin  1793.  Journal  de  Bouen  du  30  août  suivant.)  Juestz 
parait  être  originaire  de  l'Eure,  où  il  existe  un  hameau  d'Inglemare,  commune  d'Am- 
freville-la-Cam  pagne. 

(2)  Il  en  fallait  21.  La  mésaventure  de  Robert  et  l'espoir  qu'on  pouvait  avoir  encore 
le  9  brumaire  de  le  voir  bientôt  élargi,  expliquent  cette  absence  d'un  officier  municipal 
sur  rarrôté,  qui  persiste  encore  dans  la  municipalité  de  nivôse. 


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—  248  — 

qualité  dans  Tancien  conseil,  d'autres  étaient  des  notables  destitués, 
peu  étaient  nouveaux.  Jean  Asselin,  Robert,  Roger  fils  se  trouvaient 
exclus  ;  d'autres,  tel  que  Brémontier,  passaient  soit  au  district,  soit 
au  département.  Des  quarante-deux  notables,  quatorze  Tétaient  dans 
le  précédent  conseil,  vingt-huit  étaient  nouveaux  qui  furent  la 
pépinière  du  conseil  de  nivôse.  Parmi  les  exclus,  on  remarque  Harel, 
Tarbé,  Lebcrtois,  Herbouville,  Mordant,  Hurard,  Isambert,  Néel. 
Ribard,  Lézurier  fils,  Delacroix,  Pesnelle  et  Thiessé. . .  Le  Coutour 
reste  procureur  de  la  commune  avec  Pottier,  son  substitut. 

Quoique  les  difficultés  du  moment  ne  soient  pas  moindres  qu'en 
janvier  1793,  aucun  refus  ne  se  produit  au  département,  :iu  district. 
à  la  municipalité,  soit  parce  que  les  titulaires  ont  préalablement 
consenti,  soit  parce  que  tous  prévoient  que  leurs  fonctions  provisoires 
seront  courtes.  A  la  tête  de  chaque  directoire  est  placé  seulement 
un  vice-président.  M.  de  Fontenay  compte- t-il  retourner  au  dépar- 
tement ?  Il  faut  se  résoudre  à  ne  savoir  jamais  de  quels  singuliers 
compromis  étaient  sorties  ces  combinaisons. 

On  a  écrit  qu'à  partir  de  ce  moment,  les  administrations  ne 
laissèrent  rien  à  désirer  en  fait  de  soumission  et  de  platitude  (1). 
Cela  n'est  pas  absolument  exact  en  ce  qui  concerne  la  Commune  de 
Rouen.  Si,  à  l'exemple  de  M.  Rondeaux,  M.  de  Fontenay,  redevenu 
maire,  se  laisse  aller,  comme  lorsqu'il  était  encore  à  ladministration 
départementale,  à  des  concessions  répréhensibles,  explicables  sinon 
justifiables,  impossibles  à  condamner  aujourd'hui,  sa  longanimité  a 
des  limites.  Au  surplus,  il  fait  preuve  aussi,  non- seulement  d'habi- 
leté, mais  de  vrai  courage.  Il  doit  s'attendre  au  même  sort  que 
M.  Rondeaux,  son  prédécesseur  à  la  mairie,  sort  auquel,  en  quittant 
le  département,  l'a  soustrait  momentanément  la  protection  des 
représentants  du  peuple. 

A  son  nouveau  poste,  si  aléatoire  et  si  dangereux,  le  maire 
provisoire  essaie  pourtant  de  se  consolider.  Il  propose  d'ouvrir  !a 
séance  d'installation  du  11  brumaire  par  la  prestation  du  serment 
civique,  ce  qui  s'exécute  sur-le-champ  et  est  suivi  d'un  discours  du 
représentant  du  peuple  Delacroix  qui,  entre  les  trois  administrations, 

(1)  H.  WaUon,  Repi'ésentanis  en  mission,  t.  ii,  p.  73. 


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a  choisi  la  Comraune  pour  la  favoriser  de  sa  présence  (1).  Le  16  bru- 
maire (6  novembre),  M.  de  Fontenay  répare  un  long  oubli  en  dépo- 
sant sa  médaille  de  bronze  à  refTigie  de  Louis  XVI,  qui  lui  a  été 
délivrée  comme  membre  de  l'Assemblée  Constituante  (2). 

Il  ne  tarde  pas  à  avoir  affaire  à  la  Société  populaire.  Celle-ci  est 
toujours  fière  d'avoir  vu  consacrer  son  droit  d'exister  par  la  Consti- 
tution même  et  par  un  décret  du  13  juin  1793,  et  d'avoir  été  chargée 
de  surveiller  l'exécution  des  mesures  prises  pour  la  sûreté  de  l'Etat 
par  d'autres  décrets  de  18  septembre,  18  et  24  venddmiaire.  Cepen- 
dant, elle  a  éprouvé  dans  ces  derniers  temps  bien  des  tracas,  nés  de 
l'obligation  de  changer  bientôt  de  local,  à  la  suite  de  résolutions 
prises  au  déparlement.  Elle  a  jeté  son  dévolu  sur  diverses  églises  et, 
en  dernier  lieu,  sur  celle  de  Sainte-Çroix-Saint-Ouen,  qu'elle  a 
décidé  d'acheter  (3). 

Le  4  brumaire  (25  octobre),  un  mémoire,  fort  applaudi  à  la 
Société  populaire,  a  demandé  que  la  statue  de  la  Pucelle  soit  démolie 
et  qu'en  place  on  mette  ce  que  des  commissaires  détermineront  et 
en  même  temps  qu'on  détruise  un  Saint-Louis  couronné  de  fleurs  de 
lys  «  demeurant  à  Saint-Ouen  »  et  quelqu  autre  de  la  même  espèce 
au-dessus  de  la  principale  porte  de  Notre-Dame.  Mansel  et  Garrault, 
probablement  les  auteurs  de  la  proposition,  iront  porter  à  la  Com- 
mune la  pétition  à  ces  fins.  La  question  revient  le  18  brumaire,  et 
Guesdon  et  Delalande  sont  nommés  commis.saires  et  vont  solliciter 
la  chute  de  la  Pucelle  et  son  remplacement  par  les  bustes  de 
Le  Peletier,  Marat  et  Beauvais  (4). 

(1)  Par  modification  au  programme  d'après  lequel  il  eût  dû  se  rendre  au  départe- 
ment où  doux  députés,  Carré  et  Bérard,  vinrent  l'annoncer  à  la  séance  du  soir  (Reg.  du 
dép.) 

(2)  C'est  la  médaille  du  4  août  1789,  à  l'effigie  de  Louis  XVI,  rettaurateur  de  la 
libei'lé  ftxinçaisey  par  Duvivier,  et  au  revers  (abandon  de  tous  les  privilèges,  autel  à  la 
Patrie  et  serment  des  députés),  par  Gatteaux.  M.  de  Fontenay  figure  dans  l'état  de  dis- 
tribution de  la  médaille,  dont  M.  A.  Brette  a  donné  le  fac-similé  dans  son  Recueil  de 
documents  relatifs  à  la  convocation  des  Etats-Généraux,  t.  ii.  M.  de  Fontenay  en  per- 
sonne avait  reçu  sa  médaille  (Ouvr.  cité,  pi.  XIII,  -IT*  bureau).  Une  de  ces  médailles,  si 
je  ne  me  trompe,  est  au  musée  des  Antiquités  de  Rouen. 

(3)  Le  16  septembre  1893,  le  maire  de  Rouen  (Rondeaux)  invite  le  président  de  la 
Société  populaire  à  venir  conférer  avec  lui,  parce  que  le  département  vient  d'arrêter  que 
l6  local  des  ci-devant  Carmes  et  celui  de  Sainte-Croix-Saint-Ouen  serviraient  de  maga- 
sins d'abondance. 

(4)  Reg.  de  la  Société  populaire. 


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M.  de  Fontenay  et  ses  collègues  de  la  Commune  espèrent  tourner 
la  dilTîculté  en  prenant  —  toujours  après  le  départ  dos  envoyés  de  la 
Société  —  un  arrêté  ordonnant  la  suppression  des  fleurs  de  lys  de  la 
statue  de  la  Pucelle,  et  le  renvoi  préalable,  au  comité  des  arts  de  la 
Convention,  d(î  la  demande  tendant  à  substituer  à  cette  statue  du 
despotisme  celle  de  Marat.  (1)  Cet  arrêté  resta  sans  doute  pendant 
quelques  jours  ignoré  de  la  société  qui.  le  23,  se  plaint  de  n'avoir  pas 
de  réponse  et  nomme  de  nouveaux  commissaires  pour  hâter  la 
solution. 

L'activité  des  Jacobins  rouennais  redouble  :  la  Société  invite 
son  comité  de  surveillance  à  choisir  une  quantité  suffisante  de 
patriotes  révolutionnaires  «  pour  surveiller  l'esprit  public  dans  les 
cafés,  cabarets  et  tous  autres  lieux,  dans  les  développements 
des  conversations  tendant  à  atténuer  l'esprit  révolutionnaire,  qui 
doit  amener  le  succès  de  la  cause  du  peuple.  » 

L'avant-veille  du  jour  où  il  a  quitté  la  présidence  du  départe- 
ment pour  la  mairie,  le  9  brumaire,  M.  de  Fontenay  avait  eu  l'occa- 
sion de  décliner  la  compétence  du  directoire  sur  une  nouvelle 
demande  de  la  Société  tendant  à  obtenir  une  force  armée  précédée 
de  la  guillotine.  Pareille  requête,  amendée,  est  présentée  le 
17  brumaire,  à  la  Commune  qui,  le  jour  même,  prescrit  l'organisation 
à  Rouen,  d'une  armée  révolutionnaire  pour  faire  exécuter  prompte- 
ment  les  réquisitions.  Les  partisans  déclarés  du  projet,  Mabon, 
Grandcourt  et  Godebin,  conféreront  avec  les  représentants  du  peuple, 
revenus  à  Rouen,  sur  la  manière  de  former  cette  armée.  A  la  Société 
populaire,  le  20,  ce  projet  est  repris,  évidemment  pour  en  empêcher 

(1)  L'art,  nécrolot^ique  sur  M.  de  Fjnlenay,  cité  suprà^  raconte  l'incident  autrement: 
«  On  voulait  renverser  la  statue  de  Jeanne  d'Arc.  M.  Defontenay  ne  dit  qu'un  mot,  mais 
judicieux,  pour  manifester  son  étonnement  de  ce  que  sous  le  régime  de  l'égalité,  on 
pensait  à  détruire  le  seul  monument  érigé  sous  le  régime  féodal  à  une  héroïne  du  tiers 
état.  »  —  Sans  contt^sler  l'exactitude  du  mot,  il  est  à  remarquer  que  le  renvoi 
préalable  attesté  par  le  procés-verbal  était  un  moyen  plus  sérieux  d'arrêter  les  Jacobins, 
puisqu'il  s'appuyait  sur  un  décret  du  18  vendémiaire.  En  note  delà  réimpression  d'mi 
article  de  G.  Pouchet  sur  les  Sciences  pendant  la  Terreur  (la  Révolution  Française^ 
mars  1796,  page  256),  on  trouve  cette  mention,  extraite  du  registre  de  la  commission 
des  arts  de  la  Convention,  et  (|ui  se  rapporte  vraisemblablement  au  même  incident  : 
«  Le  président  fait  part  d'une  lettre  du  cunuté  de  Salut  public,  datée  du  13  frimaire, 
concernant  les  objets  relatifs  aux  arts  existant  à  Rouen,  pour  lesquels  il  n'y  a  personne 
qui  veille  à  leur  conservation.  » 


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la  réalisation.  En  effet,  quelques-uns  des  membres  s'y  opposent, 
parce  qne  «  c'est  à  la  Convention  de  créer  Tarmée  qui,  si  elle  était 
mal  choisie,  ferait  le  plus  grand  mal  possible.  »  (l)Les  représentants 
du  peuple  eux-mêmes  interviennent  et  rassurent  les  rouennais,  en 
promettant  de  les  défendre  à  la  Convention  contre  les  calomnies. 

Cette  motion  inquiétante  avait,  bien  entendu,  pour  prétexte  la 
crise  des  subsistances,  à  sa  période  la  plus  aiguë,  et  que  les  séances 
des  sociétés  de  Rouen  et  de  Paris  montrent  tournant  au  tragique  et 
laissant  toujours  exister  une  énigme,  comme  le  dit  un  contemporain  (2) 
qui  affectait  de  n'en  pas  trouver  la  clef,  perdue  pour  la  postérité. 

Pendant  la  durée  si  restreinte  de  la  municipalité  de  Fontenay, 
il  y  a  surabondance  extraordinaire  d'incidents  d'un  intérêt  de  pre- 
mier ordre,  dont  le  dénoûment  se  produit  après  la  chute  de  cette 
municipalité,  qu'ils  auront  néanmoins  en  partie  amenée. 

Choisissons  d'abord  ceux  qui  se  rattachent  aux  subsistances  et 
reprenons  la  suite,  féconde  en  surprises,  des  dénonciations  portées 
contre  les  rouennais,  par  Coupé,  de  l'Oise. 

Lamine  raconte,  le  14  brumaire,  à  la  Société  populaire,  son 
récent  voyage  à  Paris,  et,  indigné  des  délations  contre  Rouen,  fait 
ressortir  qu'au  moment  où  chaque  rouennais  était  réduit  à  une  demi 
livre  de  pain  chaque  jour,  les  Sans-Culottes  respectaient  et  escor- 
taient les  blés  venant  du  Havre  pour  Paris.  Ce  soir-là,  on  signale 
trois  individus,  dont  un  fermier,  descendus  à  sept  lieues  de  Rouen  sur 
la  route  de  Paris,  qui  venaient  de  dénoncer  la  ville  de  Rouen.  Le 
16  brumaire,  la  Société  dénonce  Mariette  et  Blutel  à  la  Convention. 

Six  de  ses  membres  s'étaient  rendus  à  Saint- Valéry  près  de 
Legendre,  Louchet  et  Delacroix.  L'entrevue  avait  dû  être  d'une  cor- 
dialité douteuse.  A  la  séance  do  la  Société,  du  17  brumaire,  Dela- 
croix vient  protester  contre  la  réponse  qu'on  accusait  ses  collègues  et 
lui  d'avoir  faite  à  ces  commissaires  :  que  le  peuple  de  Rouen  meure 
de  faim,  nous  nous  en  f, . .  tons.  Legendre  fournit  des  explications 

(1)  Le  décret  sur  le  mode  do  gouvernement  révolutioimaire,  du  14  frimaire  an  II, 
section  3.  art.  18,  licencie  toute  armée  révolutionnaire  autre  que  celle  créée  par  la 
Convention. 

(2)  Moniteur  du  22  frimaire  an  II  (12  doc.  93),  p.  330,  séance  des  Jacobins  de  Paris. 
Lonud,  d'Yvetot,  s'y  défend  d'avoir  dénoncé  la  Société  de  Rouen  connue  composée 
il  accapareurs  et  d'ennemis  de  la  Révolution  ;  il  le  fait  en  des  temies  qui  ne  mettent 
pas  absolument  hors  de  cause  la  Société  de  Rouen,  et  qui  maintiennent  l'accusation, 
au  moins  contre  une  partie  de  la  ville  de  Rouen. 


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sur  ses  démarches  et  sur  les  secours  par  lui  obtenus,  et  annonce  que 
le  décret  (1)  qui  vient  d'accorder  des  secours  en  grains  à  la  com- 
mune de  Rouen  envoie  en  cette  ville  Coupé,  de  l'Oise,  pour  cons- 
tater par  lui-même  les  faits  de  sa  dénonciation.  On  écrit  à  Coupé  le 
18,  jour  où  l'on  apprend  que  le  substitut  de  la  commune  de  Paris 
fRéal)  a  témoigné  du  respect  des  sans-culottes  de  Rouen  pour  les 
subsistances  de  la  capitale.  Coupé  est  engagé  à  revenir  de  son  opinion 
sur  le  compte  de  la  société  de  Rouen. 

D'après  HorchoUe,  qui  ne  fournit  pas  le  moindre  éclaircisse- 
ment à  ce  sujet,  un  extraordinaire  incident  se  serait  passé  le  19 
brumaire;  Lamine  et  Poret auraient  été  arrêtés!  Vraisemblablement 
ce  serait  pour  avoir  répété  les  propos  attribués  à  Legendre  et  à  ses 
collègues.  Les  commissaires  envoyés  à  Saint- Valéry  ont  fait  leur 
rapport,  dont  Giguet  dit  que  Legendre  et  Delacroix  veulent  bien 
ne  pas  se  prévaloir  contre  Poret  et  Lamine  ;  toutefois  ils  exigent 
qu'on  le  leur  donne  pour  mettre  à  couvert  leur  responsabilité.  Des 
négociations  s'engagent  qui  paraissent  avoir  pour  but  de  tirer 
d'affaire  non  seulement  Poret  et  Lamine,  mais  aussi  les  représen- 
tants du  peuple.  Godebin  avance  qu'Eudeline  sait  qui  a  tenu  le 
propos  imputé  à  ces  derniers  et  Eudeline  dit  publiquement  que  c'est 
Lacroix  (Delacroix),  ci  devant  notable. 

D'autres  éclaircissements  arrivent  :  Gamarre,  Giguet  et  Lecat, 
trois  des  commissaires  envoyés  à  Saint-Valery,  rapportent  que 
Lacroix  et  Legendre  se  refusèrent  aoec  fermeté  à  toutes  les  proposi- 
tions qui  leur  furent  faites  pour  subvenir  aux  besoins  pressants  de 
Rouen,  mais  déclarent  qu'ils  n'ont  point  tenu  le  propos  de  mépris  et 
d'insouciance  qu'on  leur  prête  ;  au  contraire,  Legendre  a  dit  qu'il 
désirerait  que  ses  entrailles  fussent  un  magasin  de  blé  et  qu'il  les 
ouvrirait  avec  le  plus  grand  plaisir, . .  (g) 

C'est  dans  la  séance  de  la  société  des  Amis  de  la  Liberté  et 
r Egalité  de  Paris  du  26  brumaire,  que  se  discute  et  se  décide  le  sort 
des  administrateurs  rouennais,  auxquels  elle  est  presque  entièrement 
consacrée. 

(1)  Un  décret  du  14  brumaire  avait  eneotivemeiit  envoyé  Coupé  en  mission  dans  la 
Seine-Inférieure  et  dépailements  environnants.  {\vLAimj\a  Révolution FrançaisCfi^j 
p.  60).  Une  seule  pièce  existe  dans  le  dossier  de  la  mission  Coupé  (arch.  nat.  A  Fil  UlV 

(2)  Reg.  de  la  Société  populaire  de  Rouen. 


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—  253  — 

Une  députation  de  la  commune  de  Rouen  y  est  venue  se  plaindre 
des  reproches  qu'on  lui  fait.  Dufourny,  préparé,  répond  passion- 
nément :  Le  département  de  la  Seine-Inférieure,  en  quelque  année 
que  ce  soit,  recueille  de  quoi  nourrir  pendant  six  mois  ses  propres 
habitants  ;  cependant  il  s'est  toujours  plaint  de  la  disette,  môme  en 
septembre  1792,  quand  Dufourny  y  est  venu.  Cela  prouve  (c  non  de 
la  part  du  peuple,  mais  des  autorités  constituées,  une  inertie  crimi- 
nelle »,  à  en  croire  Defourny  qui  demande  «  pourquoi  Fontenay  est 
maire  de  cette  ville,  Fontenay  qui  dêprisait  les  piques,  qui  regardait 
ceux  qui  les  portent  comme  une  fort  vilaine  race,  qui  devait  détruire 
la  sienne  propre,  Fontenay  qui  avait  signé  un  arrêté  contre-révolu- 
tionnaire. » 

Et  l'enragé  Lenud  de  parler  ensuite  de  l'énigme  sur  les  subsis- 
tances dans  la  Seine-Inférieure,  de  rappeler  que  Bordier  et  Jourdain 
surent  bien  découvrir  les  magasins  de  grains  en  1789  (1),  et  d'insis- 
ter pour  avoir  des  commissaires  aussi  habiles  que  ces  citoyens, 
capables  de  faire  goûter  les  fruits  de  la  liberté  au  peuple  de  Rouen. 
L^ndre  est  l'ami  de  Lenud  qui,  pourtant,  ne  lui  reconnait  plus 
son  énergie  d'autrefois-;  Louchet  est  un  bon  patriote;  Lacroix,  s'il 
n'avait  pas  autour  de  lui  des  hommes  riches  et  contre  lui  les  souve- 
nirs de  la  Belgique,  pourrait  passer  pour  un  demi-patriote.  Lenud 
ajoute  qu'il  est  étonnant  que  Fontenay  soit  maire  de  Rouen,  et  qu'il 
était  facile  de  faire  un  meilleur  choix  puisqu'il  existe  quelques 
patriotes  dans  la  ville.  Il  conclut  que  pour  rendre  cette  grande  cité 
aux  vrais  principes  et  la  replacer  au  niveau  révolutionnaire,  il  faut  : 
1*  de  nouveaux  commissaires  ;  2^  une  armée  révolutionnaire  ;  3**  une 
guillotine  ;  4<*  destituer  tous  les  partisans  du  fédéralisme  qui  infec- 
tent {sic)  les  administrations  ;  5**  rendre  hommage  i\  la  mémoire  de 
Bordier  et  Jourdain,  martyrs  de  la  liberté. 

Coupé  de  rOise  dit  quelques  mots  désapprouvant  le  projet 
d'envoyer  l'armée  révolutionnaire  à  Rouen,  et  Hébert  flétrit  le  très 
mauvais  esprit  dos  grandes  villes  commerçantes  où  les  marchands 
sont  essentiellement  contre-révolutionnaires.  Il  demande  le  rappel 
de  Legendre  et  surtout  de  Lacroix,  ainsi  que  de  tous  les  représentants 

(1)  ns  n'avaient  rien  découvert. 


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qui  sont  dans  les  départements  voisins,  où  Lindet  lui-même  a  sou- 
tenu le  fédéralisme.  Il  faut  y  envoyer  des  forces  imposantes,  car 
c'est  là  qu'est  maintenant  la  Vendée.  Et  les  propositions  d'ÎIébert 
sont  arrêtées  et  Ferrières,  Dufo'irny,  Mouchet,  Lenud  d'Yvetot, 
désignés  pour  les  porter  au  Comité  de  Salut  public  !  (1). 

Un  autre  voile  se  déchire  le  27  brumaire  :  un  membre  de  la 
Société  de  Rouen  déclare  que  la  calomnie  lancée  par  Coupé  vient  de 
la  Société  d'Yvetol,  que  Coupé  a  été  interpellé  aux  Jacobins  de 
Paris  de  dénoncer  les  individus  qui  lavaient  mis  dans  Terreur 
contre  la  Commune  de  Rouen  et  qu'il  n'a  voulu  rien  dire.  Cependant, 
Coupé  est  convenu  que  la  Convention  avait  rendu  un  décret  l'en- 
voyant à  Rouen,  et  il  a  dit  qu'il  n'irait  que  lorsque  la  Convention 
rendrait  un  second  décret  et  qu'il  aurait  les  deux  pieds  et  les  mains 
liées  (2). 

Alors,  les  jacobins  rouennais,  outrés  d'apprendre  que  la  com- 
mune de  Paris  ne  voit  pas  favorablement  celle  de  Rouen  (29  brumaire) 
s'acharnent  après  Lenud,  le  roitelet  Lenud,  lequel  vient  protester 
le  19  frimaire  au  milieu  de  ses  frères  de  Paris. 

Chose  singulière,  dans  ces  discussions  entre  les  parisiens  et  les 
rouennais  pour  les  subsistances,  jamais  il  n'est  fait  allusion  à  un 
arrêté  des  représentants  du  peuple  Legendre,  Louchet  et  Delacroix, 
du  24  septembre  1793,  qui  pouvait  bien  avoir  été  l'une  des  vraies 
causes  de  leurs  querelles  ;  cette  arrêté  mettait  à  la  disposition  de 
la  commune  de  Rouen  2,616  quintaux  de  blé  déposés  dans  les 
magasins  d'Evreux  et  d'Andolys  et  provenant  des  réquisitions  faites 
pour  Paris  dans  le  département  de  l'Eure  !  (3) 

Pendant  que  se  déroulent  ces  incidents,  source  de  tant  d'in- 
quiétudes surtout  pour  la  municipalité,  on  voit  se  poursuivre  les 
opérations  du  comité  départemental  de  Salut  public,  devenu  comité 
de  surveillance  de  la  commune  et  du  district  de  Rouen  depuis  que 
le  décret'  du  25  septembre  a  réservé  la  dénomination  de  comité  de 
Salut  public  à  celui  de  la  Convention  et  que  les  autres  districts  de  la 
Seine-Inférieure  ont  été  pourvus  de  comités.  Il  n'est  pas  diflîcilc  de 

(1)  Moniteur  du  29  bnimairo  an  H.  ]).  ^'\H,  :V  col. 

(2)  l{«*jr,  de  la  So('l«'lr  [lopnlairv. 
(3j  Arch.  (lépaiieiiu.'utaU's. 


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découvrir  que  ses  décisions  n'ont  pas  d'autres  règles  que  celles  de  son 
bon  plaisir  et  que  les  suspects  arrêtés  en  se  basant  sur  les  décrets, 
le  sont  plulùl  parce  qu'ils  portent  des  noms  qui  ont  figuré  dans  des 
épisodes  soit  de  l'ancien  régime,  soit  des  débuts  de  la  révolution, 
rappelant  aux  patriotes  de  mauvais  souvenirs,  politiques  ou  per- 
sonnels. 

Vincent  Gressent  (1),  de  Limoges,  Godart  de  Belbeuf  (2),  Harel, 
coiffeur,  Lézurier,  fils  aîné,  Tévêque  Gratien,  Niel,  ex-secrétaire 
général  du  département,  F.-N.  Anquetin,  Amiot-Guenet,  Debonne 


(1)  Ecuyer,  conseiller  du  roi,  son  avocat  aux  requct  is  du  Palais,  substitut  de  MM. 
les  avocats  et  procureurs  généraux  au  parlement  de  Normandie,  demeurant  rue  du 
Havre,  44,  né  à  Neufchàtel-en-Hray,  où  son  père  avait  été  procureur  du  roi  au  bail- 
liage; marié  à  M.  C.-F.  Caron.  Kntré  à  Saint-Yon  le  27  vendémiaire,  il  en  sortit  le 
17  fructidor. 

(2)  Dans  une  pétitiqn  du  25  frimaire  an  HI,  les  citoyens  Godail  père  et  fds  disent 
avoir  été  détenus  à  Saint-Yon  depuis  le  20  septembre.  Les  mandats  d'arrêt  sont  du  17, 
leur  arrestation  à  Belbeuf  et  leur  écrou  à  Saint-Lô,  sont  du  20.  Ils  ne  sont  entrés  à 
Saint-Yon  que  le  17  vendémiaire  (8  octobre).  Lors  de  la  fameuse  expédition  des  trois 
cents  gardes  nationaux,  commandés  par  Lelièvre,  pour  découvrir,  au  cbàteau  de 
Belbeuf,  trois  cents  canons  qu'on  ne  trouva  point,  on  arrêta,  en  même  temps  que  le 
châtelain,  ci-devant  procureur-général  au  ci-devant  parlement,  et  avec  des  mandats 
portant  ordre  d'arrêter  «  les  citoyens  qui  se  trouveront  chez  le  citoyen  Godart  »,  le 
citoyen  Godart  fils  (transféré  à  l'hôpital  le  28  vendt  miaire),  la  citoyenne  Godart  bru,  la 
citoyenne  de  Ses  Maisons,  le  citoyen  La  Hrinb„  le  citoyen  Barre  et  six  domestiques. 
MM""  de  Belbeuf  et  de  Ses  Maisons  furent  conduites  aux  Gravelines  le  28  brumaire- 
Les  domestiques  furent  détenus  aux  Galiots,  puis  peti  après  reh\chés.  Les  membres  de  la 
municipalité  de  Belbeuf  ayant  pétitionné  pour  l'élargissement  de  la  famille  Godart,  le 
comité  de  Rouen  invita  les  représentants  du  peuple  à  les  destituer  comme  indignes. 
Poret  futàcette  occasion  chargé  de  rédiger  une  proclamation  contrôles  insinuations  des 
ej-devant  nobles.  (Arch.  mpales).  M.  de  Belbeuf  était  visé  depuis  le  début  de  la  Révo- 
lution et  Mesd.  de  Belbeuf  3t  de  Ses  Maisons  étaient  filles  de  M.  de  Laverdy,  guillotiné 
en  1794.  Lors  de  l'inventaire  fait  au  château  de  Belbeuf  le  23  septembre,  M.  de  Belbeuf 
fit  ob.server  que  la  majeure  partie  de  ses  titres  de  toute  espèce  avaient  été  pillés,  traînés 
dans  les  rues,  et  déchirés  à  Rouen,  en  la  maison  vis-à-vis  do  la  place  Saint-Ouen  de 
Rouen,  en  juillet  1789.  Les  petits  journaux  de  1789  le  comi)r(Muient  avec  d'Aligre  et 
aatres  parlementfiires  dans  un  Jugement  général,  rentlu  en  dernier  ressort,  le  25  août 
1789),  par  le  comit^  général  des  diettines  du  Valais-Royal,  à  faire  amende  honorable 
d<'\aut  la  porte  de  l'église  Notre-Dame,  la  tête  nue,  en  chemiî^e,  la  torche  au  poing  et  la 
corde  au  col,  ayant  chacun  un  écriteau  devant  et  derriér(\  portant  ces  mots  :  Arca- 
pmeurs  de  bled,,  fanleurs  de  la  misère  piiblique  et  de  la  cherté  du.  pain^  crimhiels  de 
lèse-patrie  et  trailres,  ce  fait  (H)nduits,  sur  la  place  de  (îrève  pour  y  avoir  les  bras,  jambes 
et  cuisses  seuleiniMit  rompus,  et  leurs  corps  élevés  sur  des  petites  roues,  à  vingt-quatre 
pied.s  d(*  hauteur,  avec  un  pain  d(;  quatre  livres  devant  eux,  à  la  hauteur  de  deux  pieds, 
*;t  y  ["ester  la  face  tournée  vers  le  ciel,  tant  qu'il  plaira  à  Dieu  de  leur  conserver  la  vie; 
cl,  api-és  qu'ils  seront  expirés,  leurs  corps  être  jetés  au  feu.  (Bibl.  mpale,  coll.    Leber). 


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fils,  Tiphaigne,  Jarry,  Basîre,  L.-J.  Lefebvre,  Bruley  dit  Marigny, 
sont  dans  ce  cas. 

La  principale  de  ces  arrestations,  celle  de  Gratien  (1),  eut  lieu 
le  18  brumaire  (8  novembre),  par  ordre  du  Comité  de  surveillance 
de  Rouen.  Non-seulement  Tévêque  constitutionnel  s'était  déclaré 
publiquement  contre  le  mariage  des  prêtres,  mais  il  était  intervenu 
en  faveur  de  ceux  qui,  comme  le  curé  Valentin  (2),  de  Saint-Sever, 
arrêté  seulement  le  2  frimaire,  avaient  tenu  registre  des  baptêmes. 
A  la  séance  de  la  Société  populaire  du  20  brumaire  (10  novembre) 
entre  une  motion  de  Michaux,  citoyen  des  tribunes,  demandant  que 
les  signes  de  la  superstition  fassent  abattus  le  jour  de  la  prochaine 
décade,  et  une  autre  de  Bournisien,  accueillie  par  Tordre  du  jour, 
pour  supprimer  les  cérémonies  extérieures  lors  des  décès,  le  conven- 
tionnel Delacroix  fait  nommer  une  commission,  composée  de 
Lenormand,  Yvernès,  Frillard  (?),  Quesnel,  Denîze  et  Bournisien, 
et  chargée  d'un  rapport,  à  la  prochaine  décade,  dans  l'église  métro- 
politaine, sur  la  question  de  savoir  s'il  serait  avantageux  pour  les 
rouennais  de  se  passer  du  curé-évêque  Gratien,  aujourd'hui  desti- 
tué. On  ne  trouve  nulle  trace  de  ce  rapport,  mais,  en  fait,  on  se 
passa  de  Gratien,  qui  resta  détenu  plus  d'une  année. 

Il  est  cependant  des  accommodements  avec  le  comité  comme  il 
en  est  avec  certaines  consciences.  Le  citoyen  curé  de  Saint-Jean, 


(1)  V.  détails  sur  l'arrestation  de  Gratien  et  la  dénonciation  portée  contre  lui  par  le 
comédien  Bérard,  la  Not^iandie,  1896,  p.  177. 

(2)  Le  nmndat  d'arrêt  contre  Valentin  est  du  1""^  frimaire.  Dans  les  pièces  le  concer- 
nant, et  remises  aux  commissaires  du  Comité  de  Sûreté  générale,  figure  un  inventaire 
de  nombreux  documents  relatifs  autant  à  Gratien  qu'à  lui-même.  Le  curé  de  Saint-Sever 
avait  été  l'objet,  le  2  septembre  1793,  de  la  part  de  Bellant,  son  1"  vicaire,  d'une  dénon- 
ciation d'après  laquelle,  i  non  content  de  supprimer  les  lois  émanées  de  l'Assemblt'e 
nationale  en  tenant  un  registre  de  baptêmes  au  point  d'avoir  forcé  Bellant  d"y  inscrire 
un  acte  et  tenté  de  le  forcer  d'en  inscrire  d'autres,  Valentin  avait  dit  que  l'Assemblée 
nationale  était  composée  d'hommes  cherchant  à  perdre  la  religion  ;  »  il  ajoutait  que  le 
curé  s'opposait  à  ce  que  lui,  Bellant,  remplit  aucune  fonction  sacerdotale,  excepté  de 
dire  la  messe,  et  lui  avait  arraché  l'étole  en  pleine  rue  le  jour  de  l'Assomption.  L'autr-e 
vicaire,  Tharel,  vint  confirmer  le  tout.  —  Uniî  pétition  des  «  Sans-Culottes  républicains 
de  Saint-Sever»  au  Comité  révolutionnaire  de  Rouen,  .souscrite  de  120  noms,  demandait 
que  Valentin,  leur  consolateur,  leur  fût  rendu  ;  ils  répondaient  de  sa  personne  :  <«  Nous 
le  garderons  et  nous  le  surveillerons  si  cela  est  nécessaire  ».  Le  8  nivôse,  Pierre  Michaux 
écrit  à  la  Société  populaire  pour  se  plaindre  du  curé  de  Saint-Sever  et  de  ses  dévules 
aristocrates. 


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qui  s'est  mêlé  aux  discussions  de  juin  sur  la  section  des  Jacobins  et 
le  fédéralisme,  s'est  vu  saisir  au  lit  le  19  brumaire  (9  novembre),  à 
sept  heures  du  matin,  par  ordre  du  comité,  du  16,  auquel  il  a 
témoigné  «  une  très  grande  déférence  ».  Bourdon  la  conduit  à 
Saint-Yon,  où  il  a  pu  rencontrer  son  évoque,  Gratien.  (1)  Il  y  re^io. 
seulement  quelques  jours.  Le  comité  a  des  trésors  d'indulgenco 
pour  les  prêtres  qui  non  seulement  veulent  bien  abjurer  comme  l'a 
vainement  fait  Bignon,  mais  vont  jusqu'au  mariage  inclusivement. 
Une  décision  rend  provisoirement  la  liberté  au  citoyen  Durand  à  la 
condition  qu'il  se  mariera  le  lendemain,  et  s'efforce  d'établir  à  Taide 
d'audacieux  subterfuges  qu'il  est  dans  le  cas  du  décret  du  25  bru- 
maire, aux  termes  duquel  les  prêtres  mariés  ou  dont  les  bans  ont 
été  publiés  ne  sont  pas  sujets  à  la  déportation  ni  à  la  réclusion,  (2) 
Le  mariage  du  citoyen  Durand  permet  au  Journal  de  Rouen  de  dire 
à  ses  lecteurs  que  «  plus  d'un  laurier  croit  et  s'élève  aux  rayons 
d'une  philosophie  aimable,  et  qu'un  nouvel  avantage  a  été  remporté 
sur  l'erreur.  »  (3). 

Cette  décision  peut  aller  de  pair  avec  une  autre  qui  sera  rendue 
à  la  fin  de  brumaire  concernant  le  deuxième  vicaire  de  Saint- 
Vincent^  qui,  d'après  divers  témoignages,  a  dit  «  en  pleine 
chaire,  le  23  brumaire,  sur  les  six  heures  du  soir,  pendant  la  prière  : 
Prions  Dieu  pour  notre  Saint-Père  le  Pape,  Cardinaux  et  Evêques 
et  en  général  pour  tous  ecclésiastiques  présents.  »  Cela  parut  bien 
extraordinaire,  ce  vicaire  étant  sur  le  point  d'épouser  la  veuve 
Crevel.  «  Il  n'y  a  pas  eu  de  suite  à  cette  affaire,  ayant  reconnu  son 
erreur.  » 

Le  27  septembre,  le  comité  a  fait  une  capture  qu'il  a  dû  consi- 
dérer comme  un  de  ses  titres  les  plus  sérieux  à  la  reconnaissance  de 

(i)  Le  mandat  d'arrêt  contre  Gratien  porte  la  même  date  que  celui  de  Durand. 

(2)  Pierre-François  Durand,  ancien  curé  de  Saint-Jean-de-Rouen  et  marchand  de 
fil,  demeurant  rue  du  Tambour,  n«  14,  né  à  Notre-Dame-de-Caudebec,  le  5  mai  1760,  se 
nuuie  le  12  frimaire  an  11,  avant  midi,  devant  Guyet,  officier  municipal,  à  M.-A.-F. 
veuve  Maubant,  née  en  1762  ;  en  présence  notamment  de  Michel  Durand,  de  Caudebec, 
ancien  notaire,  père  du  marié,  et  de  A.-N.-R.  Le  Bas,  négociant,  rue  de  la  Régénération, 
ami  du  même.  (Etat-civil  de  Rouen).  Le  mariage  avait  subi  un  retard,  sans  doute  pour 
la  publication,  dont  la  mairie  ne  crut  pas  pouvoir  se  dispenser.  Elle  n'en  vit  pas  l'équi- 
valcot  dans  les  circonstances  relevées  par  le  comité  de  surveillance. 

(3)  Numéro  du  13  frimaire  an  II,  p.  656,  col.  2. 


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la  nation.  Les  journaux  du  temps  n'en  ont  rien  dit,  ce  qui  s'explique; 
il  n'en  a  jamais  été  question  depuis,  ce  qui  est  plus  surprenant.  Un 
individu,  que  ses  papiers  bien  en  règle  nommaient  Fleury  Dumon- 
tier, âgé  de  vingt-quatre  ans,  demeurant  chez  Marescal,  sur  le  port, 
et  pouvaient  faire  passer  pour  un  patriote  des  plus  purs,  est  lobjet, 
le  26,  d'un  mandat  d'arrêt  du  comité.  Le  gendarme  Lasnier  Tarrète 
le  27  et  le  conduit  à  la  prison  du  Palais  de  Justice.  Il  s'y  donne 
bientôt  le  nom  de  Buisson.  De  nombreux  incidents  s'ensuivent, 
où  l'on  voit  l'investissement  de  la  maison  dite  du  Mont-Gargaa 
par  la  police,  des  tentatives  d'évasion  et  révélation  des  complices, 
parmi  lesquels  un  certain  Melin,  qu'on  disait  de  Châlons-sur-Saôae 
et  qui  se  trouva  être  à  Fontainebleau.  Jean  Buisson  n'était  autre  que 
François  Ariol  dit  Francisque,  l'un  des  condamnés  à  mort  de  1792, 
pour  vol  du  garde-meuble,  qui  s'étaient  évadés.  Cela  fut  signalé  à 
Legendre,  Louchet  et  Delacroix  qui  donnèrent  à  Lamine  et  Lecanu 
mission  de  rechercher  les  complices.  Nos  deux  rouennais,  heureux  de 
cette  occasion  de  se  signaler,  découvrent  le  29  brumaire,  à  Fontaine- 
bleau, Horace  Melin,  ci-devant  à  Paris,  rue  Thévenet,  21,  soi-disant 
négociant  en  mousseline,  vins,  contrats  de  rente  et  greffes,  divorcé, 
remarié,  ex-chapelier  à  Lyon,  jusqu'en  1779,  ex-bijoutier,  ayant  tenu 
une  académie  de  billard  à  Marseille.  Il  est  nanti  de  80,000  livres 
de  diamants  et  de  bijoux.  (1)  Melin  et  sa  femme  sont  conduits  à 
Paris  par  Lamine  et  Lecanu.  Là,  ce  dernier,  sans  avoir  eu  le  temps 
de  revoir  ni  même  d'aviser  son  collègue  et  de  prendre  congé  de  lui, 
part  pour  Lyon,  où  le  comité  de  Salut  public  l'envoie  en  mission  et 
le  laisse  jusqu'en  Tan  III.  (2)  Lecanu  n'en  est  pas  moins  nommé  et 
maintenu  pendant  ce  temps  agent  national  du  district  de  Rouen. 

(1)  Cet  épisode,  dont  la  mention,  nécessairement  très  écourtée,  ne  montre  pas  toute 
l'importance  qu'y  attachèrent  les  patriotes  de  Rouen,  en  raison  de  ce  que  Ton  a>'ait 
voulu  attribuer  un  caractère  politique  au  vol  du  garde-meuble,  paraît  avoir  été  ignoré 
de  M.  Germain  Bapst,  qui  a  consacré  au  récit  de  ce  vol  plusieurs  chapitres  de  son  li>Te 
sur  les  Diamants  de  la  Couronne, 

(2)  Lecanu  fit  partie  de  la  commission  temporaire  de  surveillance  républicaine  de 
Lyon  ;  il  tint  à  le  faire  savoir  au  district  de  Rouen,  au  moins  en  lui  envoyant  le  28  ven- 
tôse an  II,  une  feuille  contenant  le  seing  des  membres  de  cette  commmission.  Il  ne  fut 
remplacé  au  district  de  Rouen  que  par  arrêté  du  conventionnel  Sautereau,  daté  de 
Fécamp,  du  18  vendémiaire  an  III,  nommant  Ch.-A.  Esnard,  des  Ândelys  (Arch.  du 
départ).  Lambert,  qui  avait  un  instant  succédé  à  Lecanu,  fut  bientôt  incarcéré. 


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•  Presque  au  même  moment,  le  15  octobre  1793,  naissait  l'affaire 
du  belge  Coolz,  arrêté  et  trouvé  porteur  de  162,382  1.  d'assignats,  la 
plupart  faux,  et  de  120  lettres  à  des  émigrés.  Vingt-cinq  rouennais 
parurent  d'abord  compromis  et  furent  emprisonnés  comme  com- 
plices de  Coolz,  mais  relâchés  après  une  longue  détention.  (1). 

Le  22  brumaire  (12  novembre),  plusieurs  soldats  d'un  détache- 
ment de  la  garde  nationale  sont  introduits  par  le  frère  Manneville, 
dans  la  séance  de  la  Société  populaire.  L'un  d'eux  annonce  qu'un 
détachement  dont  il  faisait  partie  avait  été  au  Mesnil-Raoult,  à  la 
chasse  des  brigands  qui  désolent  ces  contrées,  que  les  expéditions 
avaient  été  heureuses,  et  qu'un  individu,  qu'ils  avaient  trouvé 
mort  (2)  était  le  traître  Roland,  ex-ministre;  que  ses  papiers  et  tout 
ce  qu'on  avait  trouvé  sur  lui  ne  permettaient  pas  d'en  douter.  De 
vifs  applaudissements  accueillent  ce  récit  et  le  président  (Lenor- 
mand),  remercie  le  narrateur  au  nom  de  la  Société.  C'est  évidem- 
ment à  la  suite  de  cette  démarche  des  gardes  nationaux  que 
Legendre  représentant  du  peuple,  et  Pillon,  du  Comité  de  Sur- 
veillance, se  sont  rendus,  dans  la  nuit  du  12  au  13,  à  Radepont,  dans 
la  maison  de  Bernard  Cabanon,  un  rouennais,  (3)  où  a  été  trans- 
it) Coolz  fut  condamné  à  mort  et  exécuté  à  Rouen  le  9  brumaire  an  III.  Il  reste  aux 
archives  municipales  un  certain  nombre  de  pièces  originales  relatives  à  ce  procès, 
notamment  un  curieux  mémoire  justificatif  de  M.  de  Germiny. 

(2)  Dans  aucun  des  procès-verbaux  ou  récits  de  la  mort  de  Roland  il  n'est  dit  que 
son  cadave  ait  été  trouvé  d'abord  par  des  gardes  nationaux.  V.  not.  l'article  de  M.  Per- 
roud  sur  V Execution  de  Af™*  Roland^  et  le  suicide  de  Roland^  dans  la  Révolution 
française  de  1895,  p.  21. 

(3)  Bernard  Cabanon,  négociant,  rue  du  Fardeau,  n*  30,  né  à  Cadix,  de  parents 
français  (son  père,  Pierre-Bernard  Cabanon,  y  était  encore  agent  de  change  en  1792), 
s'y  était  marié,  en  l'église  Notre-Dame  du  Rosaire,  le  21  mai  1791,  à  M»»  Lenormand. 
La  maison  Cabanon  et  C«  de  Rouen,  avait  au  nombre  de  ses  commanditaires,  pour 
50,000 1.  les  citoyens  Vandenyer  père  et  ses  deux  fds,  banquiers  à  Paris,  condamnés  à 
mort  avec  la  comtesse  du  Barry,  le  18  frimaire  an  II  (8  décembre).  Les  Vandenyer 
étaient  accusés  notamment  d'avoir  favorisé  les  ennemis  de  l'intérieur  en  donnant 
200,0001.,  à  Rohan-Chabot  et  200,0001.  à  La  Rochefoucault,  ci-devant  évêque  de  Rouen. 
Le  17  nivôse  (27  décembre  1793),  le  district  de  Rouen  donne  acte  à  Cabanon  et  C«de  leur 
déclaration  touchant  la  commandite  des  Vandenyer.  Arrêté  à  Rouen,  en  messidor,  par 
des  commissaires  du  comité  de  sûreté  générale  (Arch.  mpales).  Cabanon  fut  accusé  de 
correspondance  et  d'envoi  d'argent  au  dehors,  traduit  devant  le  tribunal  révolution- 
naire de  Paris,  le  3  fructidor  an  II  et  acquitté  faute  de  preuves.  (Wallon,  Histoire  dti 
Trib.  RévoL,  t.  VI,  p.  194).  Dury  «  inspecteur  des  récoltes  dans  le  département  de  la 
Seine- Inférieure,  »  s'était  emparé  pendant  la  détention  de  Cabanon,  du  cheval  de 
cehii-ci  «  qui  était  devenu  inutile  à  son  propriétaire.  »  Bernard  Cabanon,  à  qui  le 


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porté  le  corps  de  Roland,  après  les  constatations  faites  ce 
même  jour  par  Mauchrétien,  juge  de  paix  du  canton  de  Pont- 
Saint-Pierre.  De  Rouen,  Legendre  informe  la  Convention  de  cet 
événement,  qui  est  suivi,  le  lendemain  23  brumaire,  de  l'arrestation, 
par  ordre  du  comité  de  surveillance,  signé  Regnault,  de  la  citoyenne 
Aimée  Malortie  (1),  dont  l'adresse  avait  été  trouvée  sur  Roland. 
Cette  citoyenne,  «  chez  laquelle  la  révolution  n'avait  point  altéré  les 
sentiments  et  les  mœurs  austères  et  fraternelles  d'une  républicaine  » 
fut  d'abord  mise  pondant  trente-six  heures  dans  un  cachot  de  la 
maison  de  justice,  puis,  le  26  brumaire,  transférée  aux  Gravelines. 
Elle  affirmait  n'avoir  connu  que  deux  heures  avant  son  arrestation, 
par  le  Journal  de  Rouen  (2),  le  suicide  de  Roland. 

Cependant  M.  de  Fontenay  multiplie  ses  démonstrations 
civiques.  A  la  séance  du  24  brumaire,  il  invite  tous  ses  collègues  du 
conseil  à  se  couvrir  dorénavant  du  bonnet  de  la  liberté. 

Dict.det  Parlementaires  consacre  une  intéressante  notice,  où  ne  sont  relatées  aucune 
des  particularités  ci-dessus,  devint  député  de  la  Seine-Inférieure  en  1819  et  en  1827,  et 
mourut  à  Rouen  en  1839.  Son  fils  Pierre,  né  à  Rouen,  devenu  aussi  député  en  1842,  n*a, 
dans  les  biographies  rouennaises,  que  quelques  lignes,  qui  ne  permettent  point  de  le 
reconnaître. 

(1)  Les  demoiselles  Malortie  et  non  de  Malortye  demeuraient  rue  Malpalu.  Le 
12  août  1791,  était  intervenu  un  arrêté  du  département,  en  leur  faveur,  sur  leur  requête 
sollicitant  une  gratification  pour  avoir  administré  pendant  cinquante  ans  les  revenus  du 
chapitre  de  la  Cathédrale,  lequel  arrêté  les  renvoie  à  se  pourvoir  devant  l'Assemblée 
nationale.  —  On  trouve  aux  arch.  du  dép'.  G.  2,420,  2,452  et  2,455,  des  comptes  rendus 
par  MM.  Malortie  et  Lefebvre,  M"«  et  M*"»»  Malortie,  comme  chargés  de  la  recette 
générale  du  chapitre.  —  Aimée  Malortie  était  arrêtée  lorsque  Legendre  écrivit  la  lettre 
où  il  dit  que  sans  doute  Roland  se  proposait  de  descendre  chez  elle  à  Rouen,  ce  qui 
indiquait  qu'on  ne  pensait  pas  alors  que  Roland  venait  de  Rouen.  —  En  haut  de  Tune 
des  pétitions  par  elle  adressées  en  frimaire  an  II,  pour  obtenir  sa  mise  en  liberté  du 
Comité  de  Rouen,  est  restée  épinplée  cette  note  :  r  Becommandé  par  le  citoyen  Des- 
croisilles.  »  On  y  a  joint  l'extrait,  d'après  le  Jouamal  de  Paris  du  29  frimaire,  de  la 
séance  de  la  Convention  du  28,  dans  laquelle  eut  lieu  le  rapport  de  David  sur  la  réor- 
ganisation du  Muséum  t  dont  les  membres  actuels,  dit  David,  ou  peintres  qui  n'en  ont 
»  que  le  nom,  ou  artistes  sans  patriotisme,  sont  amis  de  Roland,  nominateur  de  ces 
»  commissions.  Un  d'ettx  est  le  frère  de  celui  qui  avait  retiré  dans  son  domicile  cet  ftr- 
»  ministre^  et  de  chez  lequel  il  sortit  pour  prendre  la  route  de  Paris^  sur  laquelle  il  se 
»  poignarda  lui-même,  »  (Moniteur  du  26  brumaire,  séance  de  la  Convention  du 
25  brumaire.)  11  semble  que  l'une  des  Malortie  avait  épousé  un  Lefebvre,  nom  qui  se 
rencontre  dans  la  commi.ssion  réprouvée  par  David.  (Arch.  mpales.)  Descroisilleà  était 
lié  avec  les  Roland  qu'il  allait  voir  à  Amiens.  (Communication  de  M.  Perroud.) 

(2)  Le  bruit  court  que  l'ex-ministre  Roland  s'est  tué  lui-même  aux  environs  du 
Bourg-Beaudouin,  sur  la  route  de  Rouen  à  Paris.  {Journal  de  Rouen  du  23  biiimaire. 
p.  573,  2«  col.) 


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-  261  - 

Le  25,  il  souscrit  à  la  proposition  de  Lecoutour,  sur  laquelle  le 
conseil  adopte  un  arrêté  réglant  la  police  extérieure  du  culte,  en 
exécution  d'un  décret  déjà  ancien  de  la  Convention  :  Suppression  des 
statues  ayant  le  culte  religieux  pour  objet,  et  placées  en  dehors  des 
maisons,  sur  les  rues  et  places  publiques,  interdiction  pour  les 
ministres  du  culte  catholique  de  paraître  désormais  dans  le^  rues  en 
habit  d'église,  défense  aux  curés  et  vicaires  de  tenir  aucun  registre 
de  baptême  ou  mariage,  même  de  noter  ces  baptêmes  ou  mariages 
sur  des  feuilles  volantes  ou  agendas,  défense  à  tous  marchands  col- 
porteurs, histrions,  bohémiens,  diseurs  de  bonne  aventure  et  autres 
de  vendre  dans  les  rues  ou  places  publiques  aucunes  images  ou 
coquilles  bénites,  relations,  etc.  Cet  arrêté  est  une  satisfaction 
donnée  à  la  Société  populaire  qui,  la  veille,  a  fait  rédiger  par 
Anger ville  une  pétition  au  département  et  à  la  municipalité  deman- 
dant la  suppression  de  tout  individu  qui  se  présente  tant  sur  le  port 
qu'ailleurs  dans  le  département,  qui  trompe  le  peuple  et  corrompt 
l'esprit  par  son  charlatanisme  en  vendant  les  uns  (sic)  des  chapelets 
en  l'honneur  des  saints,  d'autres  par  des  objets  non  moins  frappants. 

Non  contente  d'avoir  obtenu  cet  arrêté,  la  Société  populaire 
va,  le  29  brumaire,  requérir  le  district  d'expulser  aussi  de  son 
territoire  les  empiriques  et  les  charlatans.  Le  directoire  du  district, 
présidé  par  le  facétieux  Lefebvre-Signol,  applaudit  à  cette  démarche 
civique  ^t  fait  rédiger  sur  le  champ,  par  le  citoyen  Cabissol,  une 
proclamation  affichée  d'urgence,  et  dont  le  style  a  dû  être  jalousé  par 
les  montagnards  de  la  commune. 

Le  même  jour,  M.  de  Fontenay  reçoit  le  serment  civique  du 
jeune  Boîeldieu  (1)  et  l'abjuration  du  cordelier  Jeannemey  (2).  C'est 
à  ce  dernier  seul  qu'il  donne  le  baiser  fraternel  I 

(1)  Boiêldieu  est  à  ce  moment  âgé  de  dix-huit  ans,  et  déjà  l'un  des  soutiens  d*une 
famille  nombreuse.  Il  est  sans  doute  moins  préoccupé  d*art  que  soucieux  de  garder  sa 
liberté,  qu'il  a  pu  croire  menacée  comme  celle  de  Garât,  arrêté  le  2  frimaire.  Il  fait 
imprimer  des  Réflexions  patHotiques  sur  l'utilité  de  la  musique^  t  application  heu- 
reuse d'un  récent  article  du  Jouimal  de  Rouen  sur  la  nécessité  d'avoir  des  écoles  dans 
les  grandes  communes.»  Son  père  s'était  occupé,  avec  peu  de  succès,  de  fabriquer  de  la 
fécule  ou  farine  de  pommes  de  terre,  et  le  département  s'était  borné,  le  13  mars  1790, 
à  applaudir  à  son  zèle,  mais  ne  lUi  avait  point  accordé  le  brevet  qu'il  demandait  pour 
8a  sauvegarde  contre  les  entreprises  et  les  vexations  des  privilégiés  (Reg.  du  départ.). 
Le  18  vendémiaire  an  III,  c  vu  les  malheurs  et  pertes  qu'il  a  éprouvés  dans  ua  éM)li88e- 


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Le  Journal  de  Rouen  a  repris  des  allures  frisant  le  jacobinisme. 
Noël  publie  des  Réflexions  sur  Torigine  du  bonnet  rouge  comme 
emblème  de  la  liberté,  des  poésies  telles  que  celle  du  citoyen  Cadet 
de  Gassicourt,  sur  la  Montagne,  et  un  compte  rendu  de  la  représen- 
tation de  VA  mi  du  Peuple,  donnée  le  26  brumaire  à  Rouen.  Des 
appréciations  de  ce  compte  rendu  contrastent  grandement  avec 
celles  du  même  journal  touchant  Marat,  à  la  fin  de  mai  : 

....  Marat>  sous  le  nom  de  Démophyle,  est  mis  en  scène  par  Tauleur 
et  peint  avec  les  traits  de  vérité  qui  éternisent  et  fortifient  la  mémoire  d'on 
homme  travaillé  du  di^sir  du  bit-n,  trop  longtemps  méconnu,  d'un  homme 
digne  d*èlre  apprécié  plus   (6t  mais  que   des  perfidus  peignirent  avec  des 

couleurs  odieuses en  dénonçant  le  véritable  ami  du  peuple  à  la  vindicte 

publique....  (1) 

Bientôt,  Noël  sentit  même  la  nécessité  de  ne  point  se  borner  à 
publier  les  vers  patriotiques  des  autres  :  Il  compose,  pour  la  fête  de 
la  Raison  à  Rouen,  un  chant  populaire  que  Boleldieu  met  en  musique. 

Le  30  brumaire,  Legendre,  Louchet  et  Lacroix  confirment 
l'arrêté  de  la  commune  de  Rouen  du  12,  visé  par  le  district,  homo- 
logué par  le  département  et  approuvé  par  la  Convention  le  28, 
décidant  un  emprunt  de  dix  millions  sur  les  citoyens  riches  ou  aisés, 
pour  l'achat  de  200,000  quintaux  tant  que  froment  que  seigle,  et 
autorisant  le  conseil  général  provisoire  à  faire  faire,  chez  les  citoyens 
qui  auront  refusé  le  paiement  de  leur  contribution,  des  visites 
domiciliaires,  des  perquisitions  et  même  des  fouilles  dans  les 
appartements,  caves,  jardins  et  autres  endroits  où  ils  pourront 
soupçonner  de  l'argent,  des  effets,  ou  autres  objets  cachés  ou 
enfouis,  lesquels  sont  dès  à  présent  acquis  et  confisqués  au  profit  de 
la  République  : 

Cette  mesure,  salutaire  aux  Sans-Culottes,  leur  deviendrait  funeste  ou 
du  moins  inutile  si  elle  n'était  accompagnée  de  quelques  prescriptions 

ment  utile  au  public,  il  lui  est  impossible  de  payer  à  Tagent  de  Tenregistrement 
l,iOO  1.  montant  d'un  billet  au  profit  de  Martin  de  Boisville,  détenu  à  Saint-Ton.  > 
(Arch.  mpales). 

(2)  Jeannemey,  né  à  Echenoz-la-Méline  (Haute-Saône),  en  1742,  se  mariait  à  Rouen, 
lei"  thermidor  an  II.  Le  procés-verbal  de  la  séance  de  la  conmiune  de  Rouen  du 
17  thermidor  an  II,  contient  Téloge,  par  Poret,  des  sentiments,  du  zèle  et  de  l'activité 
de  Jeannemey,  lequel,  démissionnaire,  est  invité  à  rester  à  son  poste  de  notable. 

(i)  Journal  de  Rouen  du  27  brumaire  an  II. 


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—  263  — 

révolutionnaires.  Le  temps  qu'exigerait  la  répartition  et  la  perception  de 
cette  somme  sur  tous  ceux  qui  doivent  y  contribuer,  demanderait  beaucoup 
de  temps.  Les  besoins  du  peuple  sont  à  leur  comble;  il  a  faim,  il  ne  peut 
plQS  attendre;  les  villes  leur  doivent  des  secours,  et  c'est  sur  eux  que  nous 
lirons  à  vue  pour  l'avance  de  10  millions  ;  s'ils  se  refusent  à  remplir  leur 
contribution,  ils  éprouveront  le  sort  des  mauvais  citoyens;  nos  mesures 
sont  rigoureuses  ;  elles  sont  révolutionnaires. . . 


Frimaire  arrive  et  avec  lui  Tune  des  périodes  les  plus  difficiles 
pour  les  administrations,  les  plus  mauvaises  pour  tous  les  citoyens . 

Les  Montagnards  rouennais  s'ingénient  à  peser  sur  l'esprit 
public,  en  semant  Teffroi  par  rannonce  de  procédés  imités  de 
ceux  des  parisiens,  dont  on  espère  ainsi  mériter  enfin  la  confiance. 
A  la  Société  populaire,  c'est  l'idée  fixe  :  on  apprend  par  la  bouche 
de  Blanche  que  les  Jacobins  de  Paris  désirent  correspondre  plus 
activement  avec  la  Société,  et  vite,  sans  doute  pour  être  agréable 
aux  Jacobins,  Lamine  va  redemander  aux  représentants  du  peuple 
l'armée  révolutionnaire,  cauchemar  des  modérés.  On  ne  fait  plus 
rien  sans  consulter  les  amis  de  Paris  :  on  leur  demande  si  le  journal 
V Antifédéralisme  est  dans  les  bons  principes. 

Vernon  et  Denys,  revenus  de  Paris,  les  28  et  30  brumaire, 
racontent  à  la  Société  que  leurs  cris  ont  ému  la  Convention, 
laquelle  ne  voyait  point,  par  la  correspondance  des  corps  adminis- 
tratifs de  Rouen,  que  cette  commune  fût  dans  une  disette  extrême! 
La  Convention  va  envoyer  un  commissaire,  Cayeu,  avec  de  pleins 
pouvoirs  pour  des  réquisitions  en  grains  dans  le  département.  A 
Cayeu  en  succédera  un  autre  qui  prendra  des  mesures  pour  l'appro- 
visionnement de  Rouen,  c'est-à-dire  un  vérificateur  pour  mettre  les 
campagnes  à  la  raison.  La  commune  de  Rouen  n'est  pas  vuefaoo- 
rcd)lement  des  Jacobins  de  Paris.  Tous  les  orateurs  entendus  dans 
la  séance  à  laquelle  ont  assisté  Denys  et  Vernon,  et  où  ce  dernier  a 
pris  la  parole,  ont  peint  Rouen  comme  rempli  d*  accapa'^eurs  et  de 
fédéralistes,  Vernon  demande  qu'un  comité  de  quatre  membres 
avise  à  mettre  Rouen  au  niveau  de  la  Révolution.  Ainsi,  ce  sont 
Vernon  et  Denys,  deux  révolutionnaires  étrangers  à  Rouen  et  même 
à  la  Normandie,  qui  sont  allés  chercher  à  Paris  l'agent  le  plus  actif, 


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—  264  — 

lo  plus  dépourvu  de  scrupules,  pour  activer  les  mesures  caractéris- 
tiques de  la  Terreur. 

Presque  immédiatement  apparaissent  deux  hommes  dont  l'un 
surtout  vient  entreprendre  une  œuvre  de  provocation  et  de  violence 
devant  la  réalisation  et  les  effets  de  laquelle  reculeront,  au  dernier 
moment,  les  plus  acharnés  des  Montagnards,  et  que  neutralisent  en 
partie  l'autre  envoyé  et  des  rivalités  dans  le  secret  desquelles  il  serait 
bien  présomptueux  de  vouloir  pénétrer. 

Le  citoyen  Galbois  Saint-Amand  (1)  envoyé  par  la  commission 
des  subsistances  de  Paris,  qui  semble  avoir  été  substitué  à  Cayeu,  se 
présente  le  !•'  frimaire  à  la  Société  populaire.  Dans  un  discours 
«  énergique  et  républicain,  »  ce  patriote  éprouvé,  «  qui  a  accompagné 
Chalier  (2)  à  sa  dernière  heure  ï>,  expose  sa  mission,  qui  est  d'em- 
ployer tous  les  moyens  pour  secourir  Rouen  ;  il  promet  de  faire 
punir  les  accapareurs  et  les  sangsues  du  peuple.  Le  président  (3)  lui 
donne  l'accolade  fraternelle  et  Tinvite  à  venir  fraterniser  avec  la 
Socidté,  «  où  il  se  trouvera  des  Jacobins  dignes  de  lui.  »  Ribié  et 
Lemonnier  sont  nommés  commissaires  pour  proposer  les  moyens  de 


(i)  Galbois  Saint-Amand,  —  parfois  de  Saint-Amand  —  d'origine  bretonne,  n'a  pas 
de  biographie  imprimée,  mais  figure  dans  divers  documents  sur  la  Révolution. 
Quelques  jours  auparavant,  le  23  brumaire,  dans  la  séance  des  Jacobins  de  Paris,  il  dit  : 
«  \ous  voyez  dans  votre  seui  le  dernier  président  des  infortunés  Jacobins  de  Lyon.  Je 
me  nomme  Saint-Amant  ;  je  fus  le  compagnon  du  malheureux  Chalier,  comme 
lui  voué  à  la  mort;  il  eut  dix  lx)ules  pour  être  guillotiné;  je  n'en  eus  que  neuf; 
j'échappais,  mais  je  voudrais  avoir  donné  ma  vie  pour  ma  patrie  et  qu'elle  fut  utile 
à  quelque  chose  ».  Après  des  phrases  emphatiques  d'Anacharsis  Clootz,  Saint- 
Amant  obtint  l'accolade  fraternelle.  —  Il  avait  été,  à  Lyon,  commissaire  des  guerres 
avec  Ponteuil  et  Dumanoir,  comédiens  comme  lui.  Il  avait  été  directeur  du  théâtre  de 
la  rue  du  Bac.  Il  avouait  que  si  le  Directoire  avait  voulu  se  défaire  de  Camot,  il  s'en 
serait  chargé.  Etant  prisonnier  aux  Bénédictins  anglais,  il  dénonça  la  nièce  de 
Cassini.  En  1799,  il  était  espion.  C'est  lui  qui  écrivait  à  Collot  d'Herbois  :  «  Tu  peux 
venir  jouer  la  comédie  à  Lyon  avec  agrément  ;  j'ai  fait  couper  tous  les  sifflets.  »  fDUt. 
des  Jaœbins  vivants.)  Il  s'évada  de  la  maison  d'an'ét  des  Bénédictins,  le  17  vend, 
an  III.  L'arrêté  des  Consuls  du  14  nivôse  an  IX  le  mit  en  surveillance  spéciale,  hors 
du  territoire  européen.  {Les  crimes  des  Jacobins  à  Lyon.) 

(2)  Chalier,  surnommé  le  Marat  lyonnais,  président  du  tribunal  du  Rhône,  guillo- 
tiné par  les  lyonnais  révoltés  contre  la  Convention,  le  17  juillet  1793. 

(3)  A  ce  moment  les  procès-verbaux  de  la  Société  n'indiquent  pas  les  noms  du 
président  et  du  secrétaire.  Blanche  préside  le  29  frimaire  et  Vemon  le  8  fnmaire. 


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-  865  — 

rétablir  la  mémoire  des  citoyens  Bordier  et  Jourdain  (1),  morts 
martyrs  de  la  liberté,  correspondre  avec  leur  famille  et  avec  le 
tribunal  du  district  de  Rouen,  pour  obtenir  toutes  les  pièces  du 
procès.  Les  bustes  de  Bordier  et  Jourdain  seront  placés  dans  le  local 
de  la  Société.  Une  autre  commission  de  six  membres  est  instituée 
pour  présenter  des  mesures  révolutionnaires  ;  elle  est  formée  des 
citoyens  Delalande,  Barbier,  Denise  père,  Carré,  Lemonnier  et 
Blanche. 

A  la  môme  séance,  un  membre  du  Comité  de  surveillance  inter- 
rompt une  discussion  de  la  Société  pour  y  publier  deux  arrestations 
attendues,  désirées,  celles  de  Laugeux  et  de  Garât  (2).  La  nouvelle 
est  reçue  avec  applaudissements. 

Le  2  frimaire,  Haraneder,  au  nom  du  Comité  des  subsistances  (?) 


(1)  Uépisode  du  sac  de  l'Intendance,  résultat  des  excitations  de  la  presse  violente 
de  i789  contre  les  accapareurs,  la  part  qu'y  eurent  Bordier  et  Jourdain,  les  tentatives 
faites  pour  s'emparer  de  l'intendant,  M.  de  Maussion,  l'exécution  des  principaux  cou- 
pables, ont  été  souvent  racontées,  mais  avec  moins  de  détails  et  d'intérêt  que  dans  le 
travail,  malheureusement  resté  inachevé,  de  MM.  G.  Dubosc  et  Noury.  {Normandie 
hUtor.  1894  et  1895). 

(2)  Un  article  des  plus  intéressants  de  M.  Noury  {Patriote  de  Normandie  desâOoct., 
4,  il  et  18  nov.  1891),  donne  sur  le  séjour  à  Rouen  du  musicien-chanteur  Pierre-Jean 
Garât,  des  détails  d'autant  plus  opportuns  que  de  nos  jours  on  omet  volontiers  l'artiste 
Garât  dans  les  généalogies  des  Garât,  barons  et  comtes  de  l'Empire.  (V.  Armoriai  de 
l'Empire  Français,  par  le  V»«  A.  Le  Révérend,  1896,  t.  ii,  p.  208  )  Au  récit  de  M.  Noury 
peuvent  être  utilement  ajoutées  les  indications  suivantes  :  En  1788,  résidait  à  Rouen, 
un  Bernard  Garât,  que  sa  profession  (maître  en  fait  d'armes)  autoriserait  jusqu'à  un 
certain  point  à  croire  gascon  et  dont  la  femme,  née  M.-C.  Fouquet,  meurt  le  4  octobre, 
âgée  de  trente-trois  ans  (Saint- Vincent  de  Rouen).  Outre  ce  Garât,  que  rien  n'empêche 
de  supposer  être  un  frère  négligé  du  ministre  et  un  oncle  du  chanteur,  il  y  avait  à 
Rouen  un  Antoine  Garât,  employé  à  l'administration  du  district,  et  qui  obtint  le  15  fé. 
vrier  1794  un  certificat  de  civisme.  L'une  des  conjectures  de  M.  Noury  sur  le  nom  de 
celui  qui,  cédant  aux  suggestions  des  comédiens  de  Rouen,  fît  arrêter  Garât,  semble 
être  exacte.  Grenier,  commissaire  du  comité  de  Sûreté  générale,  dont  il  va  être  ques- 
tion tout  à  l'heure,  put  effectivement,  le  l»»"  frimaire,  date  de  son  arrivée  à  Rouen, 
décider  l'arrestation  de  Garât,  comme  étranger  et  suspect,  laquelle  fut  ordonnée  le  2, 
par  le  Comité  de  Rouen.  Peut-être  le  forte-piano  que  Grenier  loua  13  1.  par  mois  chez 
Brière,  luthier,  rue  des  Carmes,  dans  la  maison  duquel  habitait  Boiëldieu,  était-il  celui 
dont  s'était  servi  celui-ci.  Il  est  à  signaler  que  pendant  la  Restauration,  Garât  dissimu- 
lait son  séjour  à  Rouen  et  tenait  à  faire  croire  qu'il  avait  émigré.  (V.  notamtoent  le 
Uictionnaire  de  Jal  et  U  Biographie  de$  Mu^iei^mi  (le  Fétis). 


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—  266  - 

annonce  à  la  séance  que  la  famille  Marguerit  (1)  les  citoyens  Lepecq 
de  la  Clôture  (2),  Trohay  (3),  Valentin,  curé  de  Saint-Sever  (4), 
Marye  de  Merval  (5),  Flambard  (6),  Moulin,  ci-devant  lieutenant 
criminel  (7)  sont  en  arrestation.  Il  ajoute  qu'à  leur  tour  vont  être 
jugés  tous  les  juges  (8)  qui  ont  jugé  Bordier  et  Jourdain  et  se  sont 
permis  de  les  faire  exécuter  malgré  un  ordre  du  ministre  qui  sus- 
pendait leur  jugement. 

Saint-Amand  propose  des  mesures  révolutionnaires  :  //  faut 
que  la  ville  change  sa  vieille  peau,  quelle  prenne  celle  des  sans- 
culottes  ;  il  ne  partira  pas  de  Rouen  sans  V avoir  purgé  des  aristo- 
crates et  des  fédéralistes.  La  sainte  guillotine  marchera  pour  la 
santé  des  patriotes.  Il  demande  que  le  peuple  soit  en  masse  demain 
à  la  fête  préparée  pour  le  rétablissement  de  la  mémoire  des  deux 
martys  de  la  liberté. 

Leclerc  (9)  propose  d'inviter  tous  les  bons  sans-culottes  à 
dénoncer  tous  les  mauvais  citoyens  qui  souilleraient  le  bonnet  rouge 
et  même  à  le  leur  arracher  révolutionnairement. 


(1)  Antoine  MargueHt  père  et  Marie-Angélique  Le  Vicomte,  sa  femme,  rue  de 
Lille,  120  ;  Marie-A.-T.  Marguerit,  femme  d'Ouësy,  Marie-Victoire  et  Appoline-Antoinette 
Marguerit,  et  Ant.-L.  Marguerit  (Ils,  âgé  de  dix-sept  ans,  plus  six^  domestiques,  en  tout 
douze  personnes,  arrêtées  le  12  brumaire  et  mises  à  Saint-Yon.  Les  domestiques  furent 
élargis  les  22  frimaire,  1»^  et  3  pluviôse  an  ii,  MM.  et  M««  de  Marguerit  le 5  brumaire  an  ni. 
Le  marquis  n'avait  pas  payé  sa  part  (70.000 1.)  dans  l'emprunt  des  dix  millions  (Arch. 
mpales).  Louis-Antoine  de  Marguerit,  son  deuxième  fils,  d'abord  comte,  puis  marquis 
à  la  mort  de  son  frère  Armand,  est  mort  en  1870,  après  avoir  longtemps  habité  le 
manoir  de  Saint-Hilaire-de-Bouquetot  (Eure). 

(2)  Arrêté  le  2  brumaire  ;  sorti  de  Saint-Yon  le  18  fructidor. 

(3)  François  Trohé,  marchand,  boulevard  Cauchoise,  arrêté  le  2  brumaire  ;  élargi 
le  4  fructidor. 

(4)  Jean-Jacques  Valentin,  ex-curé  de  Saint-Sever,  rue  d'Elbeuf,  90,  arrêté  le  2  fri- 
maire an  II,  sorti  le  16  brumaire  an  m. 

(5)  Georges  Marye  de  Merval,  cinquante-cinq  ans,  receveur  des  décimes,  me  de 
l'Ecureuil,  entré  à  Saint-Yon  le  2  frimaire  an  ii,  sorti  le  16  brumaire  an  m. 

(6)  Louis  Flambart,  soixante-deux  ans,  ex-lieutenant-colonel  de  gendarmerie,  rue 
Herbière,  92,  entré  le  2  frimaire  an  ii,  sorti  le  26  vendémiaire  an  lu. 

(7)  Jacques-François  Moulin,  47  ans,  ex-lieutenant  général  au  bailliage,  rue  de 
TEcureuil,  7,  entré  le  2  frimaire  an  ii,  sorti  le  11  brumaire  an  m. 

(8)  Michel- André  Le  Viderel,  ex-conseiller  au  bailliage,  quarante-sept  ans,  petite 
rue  de  Lille,  5,  et  Cambon  de  Villemont,  70  ans,  prévost  général,  rue  Pincedos,  23, 
furent  arrêtés  le  4  frimaire  an  ii  et  élargis  le  26  vendémiaire  an  lu. 

(9)  U  y  avait  au  moins  quatre  Leclerc,  membres  de  la  Société  populaire  de  Rouen. 


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Rinquart,  citoyen  des  tribunes,  parle  de  la  douloureuse  affaire 
Bordier  et  Jourdain,  et  demande  que  les  malheureux  que  ce  procès  a 
faits  soient  secourus  par  la  Société,  que  ceux  qui  sont  morts  soient 
assimilés  à  Jourdain  et  Bordier,  et  leur  mémoire  également  rétablie, 
que  ceux  qui  sont  vivants  soient  invités  à  la  fête.  Il  désigne  parmi 
les  morts  le  citoyen  Dauphin,  et  parmi  les  vivants  Soublin,  Loyer 
et  Delène.  La  commune  sera  invitée  par  Lemonnier,  Blanche  et 
Berthelot,  à  prendre  en  considération  les  résolutions  prises  selon  le 
vœu  de  Rinquart. 

Pendant  que  Saint-Amand  précipite  ainsi  les  mouvements  de  la 
Société,  un  autre  émissaire.  Grenier,  d'abord  moins  bruyant, 
quoique  méridional,  (1)  arrive  aussi  le  !•'  frimaire  au  directoire  du 
département,  qu'il  trouve  réuni  pour  le  recevoir  en  comité  et  en 
séance,  non  publique.  Grenier  remet  sur  le  bureau  une  commission 
à  lui  délivrée  le  20  brumaire  par  le  comité  de  sûreté  générale  et  de 
surveillance  de  la  Convention,  qui  le  charge  d'une  mission  secrète 
dans  le  département. 

Saint  Amand,  lui,  ne  se  présente  que  le  lendemain  matin  au 
département  et  justifie  de  pouvoirs  de  la  commission  des  subsistances 
et  approvisionnements  de  la  République,  du  29  brumaire.  Il  vient 
prendre  dans  la  Seine-Inférieure  les  renseignements  les  plus  positifs 
sur  la  situation  actuelle  des  subsistances  du  district  et  de  la  com- 
mune de  Rouen,  et  suivre,  s'il  est  nécessaire,  l'effet  des  réquisitions 
qui  ont  été  faites  au  profit  de  ce  district  dans  ceux  de  Caudebec, 
Cany,  Montivilliers  et  Dieppe.  Ces  districts  et  celui  de  Rouen  en 
sont  avisés  avec  recommandation  de  seconder  Galbois.  Celui-ci,  ne 
pouvant  remplir  sa  mission  qu'avec  les  lumières  des  administrateurs, 
forme  bientôt  un  comité  dont  les  citoyens  Allais  et  Lecorbeiller 
font  partie.  Mais  les  lumières  administratives  ne  suffiront  pas  à 
éclairer  Galbois,  qui  se  fait  délivrer  le  6  frimaire  un  mandat  de 
3,000  livres,  remboursable  par  le  comité  des  subsistances. 

La  réhabilitation  solennelle  de  Bordier  et  de  Jourdain  eut  lieu 
en  la  salle  des  séances  de  la  commune,  le  3  frimaire  (23  novembre); 

(1)  U  était  originaire  de  Toulouse.  l\  le  dit  dans  Tun  de  ses  écrits  d'ailleurs  parse- 
més d'6  muets  presque  toujours  transformés  par  une  ponctuation  caractéristique  en  é 
ouverts.  U  est  resté  inconnu  à  Toulouse. 


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-968- 

sur  invitation  du  maire,  le  district  s'y  fit  représenter  par  les  citoyens 
Lefebvre  et  Delanoë  et  le  département  y  assistait  en  corps. 

M.  de  Fontenay  prononce  en  l'honneur  des  deux  martyrs  de  la 
liberté  un  discours  que  des  habiletés  de  style  laissent  bien  pâle  auprès 
des  phrases  brutales  de  I^ibié  (1)^  accusant  les  prêtres  d'avoir  fait 
poursuivre  Bordier  et  Jourdain,  et  des  objurgations  violentes  de 
Galbois.  Le  discours  de  M.  de  Fontenay,  au  surplus,  est  le  seul  que 
le  Journal  de  Rouen  ose  reproduire  dans  im  compte-rendu  qui 
devait  paraître  le  4  frimaire  et  qu'il  se  décide  à  publier  seulement 
le  6. . .  Les  discours  de  Ribié  et  Laumonier  (2)  sont  au  procès- 
verbal  de  la  commune  ;  celui  de  Galbois  n'a  qu'une  simple  mention, 
sûrement  parce  qu'il  dépasse  toute  mesure. 

Outre  cette  fête  à  la  commune,  la  seule  qui  soit  bien  connue  (3), 
il  y  en  a  une  autre,  à  six  heures  du  soir,  en  la  séance  tenue  par  la 
Société  Populaire,  <(  dans  le  temple  de  toutes  les  vertus,  »  d'après 
la  motion  qu'en  avait  faite  le  citoyen  Saint-Amand,  sur  l'autel  élevé 
à  la  mémoire  de  Bordier  et  Jourdain,  sacrifiés  à  Rouen  par  Taris- 
tocratie.  Vemon  préside.  Un  procès-verbal  de  cette  journée  sera 
rédigé  par  Lenormand  et  Yvemès,  et  les  noms  des  victimes  en- 
fermées pendant  dix-huit  mois  pour  la  même  cause  que  Bordier  et 
Jourdain,  seront  placés  dans  la  salle.  Un  membre  lit  une  lettre  de 
Jourdain  à  sa  femme  à  sa  dernière  heure. 

Un  enthousiasme  —  sincère  ou  affecté  —  règne  dans  les  procès- 
verbaux  de  la  Société.  Un  bataillon  qui  vient  d'être  levé,  doit  partir 
le  lendemain.  Les  dons  patriotiques  affluent.  Dumazert,  «dit  le  Père 
Duchesne  »,  administrateur  du  département,  fait  don  de  24  livres  en 

■  '         L 

(1)  Louis-François  Ribié,  comédien  et  directeur  du  noureau  Théâtre-Français, 
membre  de  la  Société  Populaire,  n*y  avait  été  admis  qu'avec  une  grande  méfiance.  Les 
histoires  assez  nombreuses  dont  il  fut  le  héros  à  Rouen,  sont  dignes  d'attention. 
Ribié  né  à  Saint-Sulpice  de  Paris,  le  15  mars  i75S,  était  fils  de  François  Ribié, 
sculpteur,  qui  mourut  à  Rouen,  âgé  de  73  ans,  le  22  nivôse  an  II,  et  de  Catherine  Lebé. 
Il  s'était  marié  à  Rouen  le  9  mai  1793,  à  Marie-Denise  Forest,  née  aussi  à  Paris,  en  1772. 
Les  témoins  de  ce  mariage  avaient  été  les  trois  avocats  Ledanois,  Héron  et  Pottier,  et 
Champigny,  marchand,  rue  Saint-Lô. 

(2)  Laumonier  signe  comme  secrétaire  le  procès- verbal  de  la  séance  de  la  Société 
FapuUU?e  du  4  frimaire. 

(3)  V.  M.  Gosselin,  Rwue  d4  la  Normandie,  4860,  pp.  578  et  a. 


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-  269  — 

écus,  Seyer  offre  12  matelas,  Boullant,  Dumouchel,  Milcent,  Michel 
Lignel,  Oxford,  Berthelîn,  chacun  un  fusil,  «  notre  frère  Wild  »  une 
médaille  d'or  do  24  livres.  Ce  dernier  apporte  lui-même  ses  matelas 
le  lendemain.  Le  5,  Blanche  annonce  qu'il  remet  avec  tous  ses 
élèves  de  l'hôpital  militaire,  12  chemises,  8  paires  de  bas  et  300 1. 
pour  les  défenseurs  de  la  patrie. 

D'autre  part,  la  citoyenne  Duclos  dénonce  Bretteville  comme 
aristocrate,  et  un  membre  donne  lecture  de  la  liste  des  arrestations 
faites  au  nom  du  comité  de  surveillance  ;  on  chante  La  Marseillaise 
et  les  couplets  patriotiques  insérés  dans  le  Journal  de  Rouen. 

Cependant  la  fête  de  la  réhabilitation,  que  l'on  s'était  efforcé  de 
présenter  comme  ime  satisfaction  donnée  à  l'opinion  publique,  avait 
été,  en  réalité,  un  brandon  de  discorde. 

Le  jour  même  de  cette  fête,  le  comité  de  surveillance,  expri- 
mant les  sentiments  des  patriotes,  écrit  aux  Jacobins  de  Paris  qu'un 
peuple  immense  a  crié  vengeance,  et  qu'organe  de  sa  volonté  il  a  fait 
incarcérer  ceux  qui  ont  signé  la  mise  en  arrestation  des  deux  victi- 
mes :  «  Flambart Moulin,  sont  arrêtés »  (1) 

La  participation  de  M.  de  Fontenay  à  cette  parade-bravade 
révolutionnaire  a  dû  lui  inspirer  des  regrets  :  il  a  mécontenté  ses 
vrais  amis,  il  n'est  point  parvenu  à  satisfaire  les  patriotes.  De  plus, 
le  programme  jacobin  s'est  assez  dessiné  pour  l'avertir  qu'il  est 
temps  de  se  retirer.  Aussi,  le  6  frimaire,  jour  où  le  Journal  de  Rouen 
publie  —  peut-être  contre  son  gré  —  son  discours  du  3,  donne-t-il 
sa  démission  motivée,  qui  est  transmise  aux  représentants  du 
peuple.  (2) 

Cette  résolution  n'a  surpris  personne.  A  la  Société  populaire, 
la  lettre  du  citoyen  Fontenay  faisant  part  de  sa  démission  et  celle 
par  lui  écrite  au  Conseil  général  de  la  commune  sont  lues  sans 
aucun  commentaire  le  jour  même.  Lo  comité  de  surveillance,  en 
envoyant  le  7  aux  Jacobins  de  Paris  la  copie  du  procès-verbal  de  la 
«  trop  tardive  réhabilitation  »  s'exprime  ainsi  : 

(1)  Rapport  de  la  commission  de  l'an  in  sur  les  actes  des  terroristes. 

(2)  Reg.  de  rHôtel-de-Ville.  Les  procès-verbaux  offrent  celte  particularité  que  ceux 
des  7,  8,  9, 13  et  même  du  16  frimaire,  portent  la  signature  biffée  de  M.  de  Fontenay. 


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—  270  - 

«t  La  cérémonie  a  été  d*Kne  de  son  motif.  Pour  la  vcngesDce  natioDala, 
nous  aurons  probablement  à  revenir  sur  ce  chapitre  un  de  ces  jours... 
Pour  le  présent,  il  ne  reste  qu'à  vous  annoncer  que  Fontenay  a  donné  sa 
démission.  Jacobins,  soyez  sûrs  qu*il  ne  nous  manquera  pli:s  que  que'qaes 
bonnes  opérations  de  la  «am^6  ^ue7/o^/ne  à  Rouen,  et  les  louon nais  devien- 
dront dignes  à  tous  égards  de  leu's  frères  de  Paris.  Ça  oa,  mais  vous  verrez 
alors  comme  ça  ira,  » 

Les  effets  directs  de  la  désertion  de  M.  de  Fontenay  ne  se  font 
pas  longtemps  attendre.  Le  11  frimaire  (1*' décembre  1793)  par  un 
arrêté  que  le  ministre  de  la  justice  adresse  à  Taccusatear  public  près 
le  tribunal  criminel  de  Rouen,  le  comité  de  Sûreté  générale  delà 
Convention  donne  l'ordre  de  mettre  «  la  veuve  de  Fontenay  et  ses 
»  fils  en  arrestation  dans  la  maison  d  arrêt  du  lieu  où  ils  seront 
»  saisis  ;  les  scellés  seront  mis  sur  les  papiers,  extraction  faite  de 
»  ceux  trouvés  suspects,  qui  seront  apportés  au  comité.  (1) 

On  semble  avoir  hésité  et  s'être  consulté  avant  d'exécuter  ce 
singulier  mandat.  C'est  seulement  le  15  qu'Abraham  Blot,  commis- 
saire du  comité  de  surveillance  établi  à  Rouen,  accompagné  du  juge 
de  paix  Berrubé,  appose  les  scellés  et  conduit  M.  de  Fontenay  à  la 
maison  d'arrêt  de  Saint-Lô  (2). 

Quant  à  M"®  veuve  de  Fontenay,  impossible  de  l'arrêter, 
attendu  qu'elle  était  morte  depuis  plus  de  cinq  ans  (3).  Cependant, 
la  raison  commerciale,  l'association  entre  elle  et  ses  trois  fils  lui 
avait  survécu  (4).  C'était  donc  la  maison  de  commerce  qu'on  avait 
voulu  atteindre,  vraisemblablement  parce  que  sa  caisse  n'avait  pas 

(1)  Arch.  mpales.  Copie.  Cet  ordre  est  signé  :  Elic  Lacoste,  Louis  Vadier  (du  Bas- 
Rhin),  Dubarran  et  Vouland.  —  La  transcription  de  cet  ordre,  loi-s  de  l'écrou  de  M.  de 
Fontenay,  à  Saint-Lô,  en  modifie  la  teneur  en  ce  sens  que  le  comité...  ordonne  que 
Fontenay,  maire  de  Rouen,  etc.,  sei*a  mis  en  état  d'arrestation. 

(2)  Ârch.  mpales. 

(3)  Du  27  août  1788,  inhumation  dans  le  cimetière  Cauchoise,  de  Marie-Marguerite 
Grandin,  veuve  de  Nicolas-Eustache  de  Fontenay,  négociant,  décédée  la  veille,  âgée  de 
68  ans.  (Etat-civil  de  Saint- Vincent  de  Rouen). 

(4)  Le  procès-verbal  de  la  séance  municipale  du  26  juillet  1791,  porte  que  «  Madame 
veuve  de  Fontenay  et  ses  fils  n'acceptent  pas  certaines  conditions  pour  l'établissement 
d'une  conduite  d'eau.  Lorsque,  vers  la  même  époque,  le  frère  du  maire  achète  le  ter- 
rain des  eaux  minérales  de  Saint-Paul,  à  Rouen,  vendu  comme  bien  national,  il  sous- 
crit le  procès-verbal  de  la  signature  sociale  :  t  veuve  de  Fontenay  et  fils  ».  MM.  de 
Fontenay  eurent  plusieurs  a.ssociés,  notamment  Descroisilles  et  Godet. 


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—  271  — 

effectué  le  versement  à  Tun  des  emprunts  sur  les  «  riches  et  aisés  de 
Rouen  ». 

Ce  qui  confirme  cette  conjecture,  c'est  que  le  28  frimaire 
(18  décembre),  l'ex-maire  de  Fontenay  adresse,  de  sa  prison,  au 
citoyen  Grenier,  commissaire  du  pouvoir  exécutif,  une  pétition  afin 
d'extraire  de  la  caisse  sociale,  pour  les  verser  dans  celle  du  district, 
les  sommes  destinées  par  ses  frères  Jacques-Eustache  et  Alexandre 
de  Fontenay,  à  l'emprunt  volontaire  ouvert  par  la  loi  du  24  août  et 
qu'il  se  disposait  à  verser  lors  de  son  arrestation  et  de  la  mise  sous 
scellés  de  ses  papiers  et  de  son  comptoir.  Il  voulait  même,  quand  on 
vint  l'arrêter,  prendre  pour  cela  des  assignats  dans  sa  caisse,  mais  le 
juge  de  paix,  Berrubé,  n'avait  pas  en  son  pouvoir  de  l'y  autoriser. 
Une  pétition  au  département  n'avait  pas  eu  plus  de  succès  :  on 
l'avait  renvoyée  devant  «  l'autorité  compétente  ». 

Cette  autorité  était  apparemment  celle  du  citoyen  Grenier,  ce 
qui  ferait  présumer  que  celui-ci  n'était  pas  étranger  aux  prélimi- 
naires de  l'ordre  d'arrestation.  Poret,  devenu  agent  national  à  cette 
date,  en  s'en  rapportant  à  la  sagesse  de  Grenier,  lui  transmet  la 
pétition  avec  cette  observation  favorable  que  le  comité  ne  prescrit 
pas  d'apposer  les  scellés  sur  la  caisse,  mais  sur  les  papiers. 
L'accusateur  public,  ajoute-t-il,  était  donc  suflBsamment  auto- 
risé à  lui  délivrer  les  fonds  réclamés  «  et  il  ne  l'a  pas  fait  ». 
Sur  le  placet  même.  Grenier  répondit  simplement  :  «  Le  citoyen 
Fontenay  ZHSZL  non  ~~^~^  » 

Mais  Grenier  ne  restera  plus  longtemps  à  Rouen,  d'où  l'issue  de 
sa  lutte  et  de  ses  dénonciations  contre  Legendre,  Louchet  et  Dela- 
croix le  contraindra  de  s'enfuir  à  l'improviste,  et  M.  de  Fontenay 
pourra  jouir  de  la  rare  fayeur  d'être  relâché,  moins  de  quatre 
mois  après,  à  la  fin  de  mars. 

Les  registres  de  la  Société  populaire  et  de  la  municipalité 
révèlent  des  détails  intéressants  sur  la  mise  en  liberté  de  M.  de 
Fontenay  et  ses  préliminaires,  qui  eurent  lieu  à  un  moment  qui 
paraissait  plus  particulièrement  opportun,  sans  doute,  car  d'autres 
détenus  marquants  de  Saint- Yon  s'efforcèrent  aussi  alors  d'être 
élargis.  Aucun  d'eux  ne  réussit,  même  le  patriote  Robert  dont  la 


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-  272  - 

femme,  après  avoir  fait  une  démarche  à  la  Société  populaire,  qui 
s'était  montrée  favorable  à  cette  «  victime  malheureuse  »,  crut  devoir, 
le  27  pluviôse,  aller  jusqu'à  donner  des  décorations  «  pour  ceiadrc 
les  têtes  des  vrais  amis  du  peuple  Marat  et  Pelletier.  »  MM.  Ron- 
deaux et  d'Herbouville  ne  furent  pas  plus  heureux  dans  leurs 
tentatives,  quoique  l'un  d'eux  eut  envoyé  à  la  société  100  livres  et 
l'autre  des  linges  pour  les  soldats. 

Les  Fontenay,  plus  habiles  et  plus  recommandés,  commencèrent 
par  renouer  des  relations  avec  la  Société,  qui  voulut  bien,  le 9  février, 
intervenir  pour  eux  auprès  du  comité  des  approvisionnements  de  la 
République  afin  d'obtenir  le  coton  nécessaire  it  leurs  fabriques.  Le 
13  ventôse  (3  mars)  on  était  parvenu  à  rendre  la  Société  populaire 
assez  favorable  à  M.  de  Fontenay  pour  qu'il  put  s'y  adresser  et 
demander  à  être  jugé.  Sur  le  champ,  en  effet,  le  comité  de  corres- 
pondance de  la  Société  priait  les  conventionnels  Legendre,  Louchet 
et  Delacroix  (1)  de  s'intéresser  à  lui.  Puis,  le  17  (17  mars)  Poret, 
qu'on  a  déjà  vu  essayer  de  disculper  l'ex-maire  devant  Grenier,  ose, 
avec  une  diplomatie  dont  on  le  croirait  incapable,  s'il  fallait  le  juger 
d'après  ce  que  disent  de  lui  les  mémoires  de  M"»*  de  Chastenay, 
intervenir  et  reprendre  sa  défense  en  pleine  séance  de  la  Société. 
Après  avoir  dit  que  la  femme  Debonne,  aussi  détenu  à  Saint- Yon, 
essaie  de  prouver  l'innocence  de  son  mari,  il  parle  de  »  Fontenay 
»  l'ancien  maire,  homme  dont  l'opinion  publique  se  prononce 
»  infiniment  bien  pour  lui  et  réclame  contre  son  arrestation  f  sic)  »  (2). 

Le  même  jour,  le  7  mars,  le  Conseil  général  de  la  Com- 
mune de  Rouen,  présidé  par  Pillon,  certifie,  sur  la  demande  de 

(i)  Le  procès  des  Dantonistes,  dans  lequel  était  compris  Delacroix  allait  commencer 
pour  se  terminer  par  la  condamnation  à  mort  de  Delacroix  et  ses  co-accusés,  le  16  ger- 
minal (6  avril).  Il  est  peu  probable  qu'il  se  soit  occupé  alors  de  M.  de  Fontenay,  qu'il 
avait  protégé  dans  la  Société  populaire. 

(2)  Reg.  de  la  Société  populaire.  Cette  phrase  incoiTecte  est  suivie  de  celle-ci  qui 
ne  Test  pas  moins  :  ...  et  plusieurs  membres  parlent  ensemble,  de  manière  à  justifier 
»  la  bonne  opinion  qu'on  a  de  Fontenay  ;  il  est  donc  d'après  l'opinion  même  de  Poret. 
resté  dans  l'esprit  de  bons  patriotes  qui  depuis  1789  ont  toujours  marché  dans  la  même 
ligne,  doivent  se  réunir  pour  protéger  les  patriotes  arrêtés  et  foudroyer  les  aristocrates 
qui  ont  pris  le  masque  patriotique  pour  mieux  arriver  à  leurs  desseins  contre  révolu- 
tionnaires. » 


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—  273  — 

Fontenay,  que  celui-ci  a  donné,  en  diverses  circonstances,  des 
preuves  non  équivoques  de  civisme  et  de  Tamour  du  bien  public. 

Enfin,  le  29,  ce  conseil,  présidé  par  Lefebvre-Signol,  entend 
lecture  d'une  lettre  de  Lecomte  relative  aux  événements  récents  et 
annonçant  que  Fontenay  vient  d  obtenir  sa  liberté.  Cette  nouvelle 
est  accueillie  aux  cris  de  :  «  Vive  la  République  !  »  et  Chouquet  et 
Arnault  vont  la  communiquer  à  la  Société  populaire  (1). 

Le  Journal  de  Rouen,  qui  n'a  fait  aucune  allusion  à  Temprison- 
nement  de  M.  Rondeaux,  ne  parle  pas  davantage  de  celui  de 
M.  de  Fontenay,  ni  de  sa  mise  en  liberté. 

Rentré  dans  la  vie  privée,  et  tout  en  paraissant  absorbé  par  ses 
opérations  commerciales,  M.  de  Fontenay  guette  anxieusement  la 
minute  propice  de  la  revanche  et  reprendra,  beaucoup  plus  tôt  que 
l'époque  indiquée  par  ses  biographes  (2),  une  part  très  active  aux 
affaires  politiques.  Nous  le  retrouverons  presque  au  début  de  la  réac- 
tion thermidorienne  en  possession  d'un  rôle  officiel  et  des  plus  mili- 
tants, prenant  une  attitude  qui  ne^  jure  pas  trop  avec  l'idée  qu'on  a 
de  lui  d'après  ses  actes  antérieurs. 


(i)  Arch.  m[>ale8.  —  Reg.  di;s  délibérations. 

(2)  Us  ne  l<?  font  rentrer  en  scène  que  dix-huit  mois  après 


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CHAPITRE  DOUZIÈME 

PiUoD,  premier  officier  miinicipal.  -  Ses  antécédents.  —  Pillon,  garde-liTres  de  la 
Chambre  des  Comptes.  —  Pillon  pamphlétaire  et  jurisconsnlte.  —  Un  mot  sur 
son  ami  Foret.  —  Hariage  de  PiUon.  —  Pillon  châtelain  —  Son  portrait —  —  La 
fête  de  la  Raison.  —  Pillon  révolutionnaire,  anti-catholique.  —  Il  veut  comme 
Saint-Amand  la  régénération  de  Rouen.  —  Saint-Amand  et  les  muscadines.  —  Le 
règne  de  l'Egalité.  —  Pillon  maire  au  refos  de  Lamine.  —  Grenier  contre  Saint- 
Amand  et  contre  Legendre,  Louchet  et  Delacroix  —  Saint-Amand  dénoncé  et 
arrêté.  -  Dépari  de  Grenier  ;  son  arrestation.  —  Epuration  à  la  Société  populaire 
des  autorités  constituées.  —  Les  administrateurs  du  9  nivôse. 

Le  jour  même  de  la  démission  de  M.  de  Fontenay,  la  Convention 
incitait  son  comité  de  Salut  public  à  s'occuper  du  mode  de  gouver- 
ment  provisoire  et  révolutionnaire  et,  moins  d'une  décade  après,  un 
projet,  déposé  en  conséquence  par  le  Comité,  était  discuté  et  voté 
(14  frimaire). 

Suivant  la  nouvelle  organisation  décrétée  par  la  Convention  nationale, 
toutes  les  autorités  deviennent  en  quelque  sorte  des  armées  révolutionnaires 
dont  la  position  est  différente,  mais  qui,  agissant  chacun  dans  une  direction 
donnée,  pressent  avec  énergie  sur  tous  les  conspirateurs^  et  leur  offrent  de 
toutes  parts  un  front  inexpugnable.  (1) 

Aux  municipalités  et  aux  comités  de  surveillance  est  confiée  Texécution 
des  lois,  exécution  dont  la  surveillaocô  immédiate  est  attribuée  aux  districts. 

Les  Sociétés  populaires  deviennent  les  plus  puissants  auxiliaires  de  la 
Convention  ;  elles  sont  la  pépinière  cù  la  République  ira  chercher  pour  les 
appeler  aux  emplois  les  hommes  puis,  éclairés,  impatients  de  la  tyrannie  ; 
elles  sont  le  f!«)mbeau  des  représentants  en  mission  ;  elles  poseront  le  faite 
de  la  Révolution  dentelles  cnt  jeté  les  hardis  et  indestructibles  fondements (2). 

Pour  accomplir  ce  programme  sinon  absolument  nouveau,  du 
moins  plus  précis,  et  qui  tend  «  à  reporter  et  à  rasseoir  entier  sur  sa 
base  l'édifice  ébranlé  et  chancelant  »,  il  faut  des  hommes  déterminés. 
Le  hasard  des  votes  de  janvier  1793  appelait  à  la  tête  de  la 
municipalité,  en  frimaire  an  ii,  lorsque  M.  de  Fontenay  l'eût  quittée, 
un  citoyen  brûlant  du  désir    de  se   signaler  et  qui,  devinant  et 

(1)  Circulaire  du  Comité  de  Salut  public  aux  Comités  de  surveillance  ou  révolu- 
tionnaire, la  Révolution,  1898. 

(2)  Circulaire  du  môme  comité  aux  conmiunes.  id. 


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-  275  — 

devançant  les  desseins  de  la  Convention,  en  commence  la  réalisation 
dès  avant  le  décret  de  frimaire. 

Ce  citoyen,  c'est  Pillon,  premier  officier  municipal,  plusieurs 
fois  déjà  apparu  investi  d'importantes  missions  et  dont,  maintenant 
qu'il  est  devenu  —  provisoirement  —  chef  de  l'administration  com- 
munale, il  convient  d'esquisser  la  biographie,  à  peu  près  inédite  (1). 

Pillon  doit  toute  sa  notoriété  à  la  Révolution. 

Son  nom,  assez  répandu  dans  la  région  du  nord-ouest  de  la 
France,  surgit  dans  les  faits  historiques  de  1789  à  1795,  presque  en 
même  temps  qu'à  Rouen,  à  Amiens  (2),  à  Vernon  (3)  et  môme 
à  Paris  (4). 

Madame  de  Chastenay  croit  Pillon  bien  né  (5).  Par  cela,  évi- 
demment, elle  veut  dire  qu'il  était  noble,  et  elle  pense  qu'il  appar- 
tient à  l'une  de  ces  cinq  ou  six  familles  Pillon,  toutes  anoblies,  qui 
ont  résidé  en  Normandie  (6). 

Les  Pillon,  dont  était  le  maire,  vinrent,  croit-on,  de  Basse- 

(i)  Adrien  Pasquier,  seul,  parle  de  Pillon  qu'il  semble  avoir  peu  connu. 

(2)  Le  citoyen  Pillon  est  charg<^  des  fonctions  de  procureur  général -syndic  du 
département  de  la  Somme  (  Moniteur  du  16  juin  1893). 

(3)  Le  maire  de  Vernon,  en  1793.  se  nommait  Pillon.  (  Heg.  des  délibéi-at.  de  la 
municipalité  de  Vernon  ). 

(4)  Les  citoyens  Pillon  et  autres,  membres  du  Comité  Révolutionnaire  delà  section 
Marat  (Paris)  sont  destitués  le  15  prairial  an  11  { Taine  :  Origines  de  la  France  contem^ 
poraine,  t.  iv,  p.  297,  n.  2). 

(5)  Mémoires  cités,  t.  i,  p.  191. 

(6)  De  la  plus  marquante  de  ces  familles  étaient  sortis  les  Giverville  —  qui  ne  sont 
autres,  par  suite  de  mutation  de  nom,  que  des  Pillon  de  la  Tiilais.  Un  Pillon  de  la 
Tillais  était  sorti  le  premier  des  58  élèves  de  l'Ecole  militaire  de  Paris,  promu  lieutenant 
en  second  le  1"  septembre  1789,  quand  son  condisciple  Bonaparte  n'en  était  que  le  qua- 
rante-deuxième. (Jung.  Bonaparte  et  son  temps,  t.  i,  p,  336).  Ces  Pillon  de  la  Tillais, 
parle  mariage  de  l'un  d'eux  à  une  Scott  de  la  Mésangère  ]Saint-Nicaise  de  Rouen  1765), 
étaient  alliés  au  président  de  Hailleul.  Ils  l'étaient,  depuis  1685,  à  la  famille  de  Jeanne 
d'Arc,  ce  que  MM.  de  Bouteiller  et  de  Braux  ont  omis  dans  leur  ouvrage  sur  les  colla- 
téraux de  la  Pucelle..  (Pour  les  autres  Pillon,  V.  les  Recherches  de  la  (îalissonniére  et 
mansc.  Y  129  du  même  fonds,  Bibl.  mpale  de  Rouen).  Le  prénom  de  Barthélémy  et  celui 
de  Laurent  donnés  à  deux  Pillon  de  la  famille  du  maire,  appartenaient  aussi  à  des  Pil- 
lon de  la  Tillais.  D'autres  Pillon  vivaient  à  Rouen  sous  la  Révolution,  noUimment 
Laurent  Pillon,  garçon  cabar entier,  né  en  Hongrie.  Un  Ch.  Pillon,  habitant  près  le  Pont- 
Xudemer,  est  reçu  membre  adjoint  de  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution  de  Rouen 
le  30  décembre  1790. 


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Normandie  (1)  s'établir  vers  le  milieu  du  xvii*  siècle  à  Rouen.  Peut- 
être  se  rattachaient-ils  à  l'un  des  anoblis  et  étaient-ils  tombés  en  roture. 

Pillon  père,  bourgeois,  naguère  marchand,  habitait  en  1789, 
une  maison  de  la  rue  Beauvoisine,  non  loin  de  celle  de  M.  Leva- 
vasseur  (2),  maître  des  comptes,  et  avait  été,  en  1771,  trésorier  delà 
fabrique  de  Téglise  Saint-Laurent  (3).  Outre  son  office  d'  «  auneur 
de  poiles  »,  il  était  pourvu,  encore  en  1789,  de  Tun  des  offices  de  la 
communauté  des  courtiers,  gourmets  de  vins,  cidres,  poirés  et  autres 
liquides,  de  la  commune  de  Rouen.  Il  était  imposé  au  rôle  de  la 
capitation  bourgeoise  pour  1788,  à  13  livres,  et  pour  1789,  à 
26  livres.  Romain  Darré,  religieux  bénédictin,  était  son  beau-frère. 
Pillon  père  entretient  jusqu'à  la  Révolution  de  cordiales  relations 
avec  les  clergés  régulier  et  séculier.  En  mai  et  juin  1792,  il  s'occupe 
de  rentes  à  lui  dues  parles  Carmes  de  Rouen  et  l'abbaye  de  Bello- 
zanne,  et  un  peu  plus  tard,  d'une  créance  sur  un  abbé  Giriol,  victime 
.de  la  Révolution  (4),  et  il  cautionne  un  acquéreur  de  biens  na- 
tionaux (5).  Nous  l'avons  vu  en  octobre  1790,  s'associer  à  une  mani- 
festation royaliste  de  la  section  de  l'Oratoire  de  Rouen,  avec  M.  de 
Trézy,  avec  le  chirurgien  Gamare,  comme  lui  autrefois  trésorier  de 
la  fabrique  de  sa  paroisse,  et  aussi  avec  Vimar,  le  député  à  la  Légis- 
lative, lequel  s'affichait,  dès  1792,  ennemi  des  prêtres,  à  peu  près 
autant  que  le  sera  Pillon  fils  en  1793  et  1794. 

Ce  dernier  est  né  sur  la  paroisse  de  Saint-Laurent  de  Rouen  en 
1766  (6).  Il  avait  à  peine  terminé  ses  études  lorsqu'à  la  fin  de  1787, 

(1)  Louis-Marin  Pillon,  marié  à  Saint-Laurent  de  Rouen  en  1770,  vient  de  Boisset, 
diocèse  de  Séez.  Deinoisc^lle  J*illon,  Agée  de  82  ans,  née  à  .^éez,  meurt  à  Rouen  (Saint- 
Laurent,  17Hi). 

(2)  Arch.  du  départ. 

(3)  Arch.  du  départ.,  série  (i.  6811. 

(4)  Arch.  du  départ. 

(5)  Arch.  du  départ. 

(6)  Cejourd'hui  23«  jour  du  mois  d'août  1766,  a  été  baptisé  par  M.  le  vicaire  sous- 
signé, .lean-Pierre-Rartliélmy  /'s/V',  né  de  ce  matin  du  légitime  mainage  de  M.  Jean 
Pilon  Isu'l^  officier  auneur  de  poiles  (»/>)  de  la  ville  et  banlieue  de  Rouen,  et  de  dame 
Marie-Anne  Daré  (sic)^  ses  père  et  mère,  de  cette  paroisse,  qui  a  été  nommé  par 
M.  Pierre  Simon,  marchand,  de  la  paroisse  Saint-Vincent,  et  par  Marie- Anne-Christine 
Bellanger.  de  la  paroisse  Saint-Vivi<»n,  qui  ont  signé  avec  nous  et  le  père,  signé:  «  Jean 
Pillon,  Anne-Christine  Bellanger,  Pierre  Simon  et  Duval,  vicaire.  (Reg.  de  Saint-Laurent 
de  Rouen).  Jean  Pillon.  père,  fils  de  Clément  et  do  Marie  Gilles,  habitait  la  paroisse 


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—  277  — 

à  une  date  où  il  n'avait  pas  encore  atteint  le  nombre  d'ans  requis,  et 
après  dispense  d'tge  obtenue  de  Louis  XVI,  il  fut  pourvu  de 
Toffice  de  garde-livres  (1)  en  la  Cour  des  Comptes  de  Rouen,  et  reçu 
peu  de  jours  après  la  création,  à  cette  cour,  de  certain  cabinet  secret 
qu'on  pourrait  croire  avoir  été  une  précaution  prise  centre  Tindis- 
crétion  du  nouveau  venu  (2). 

n  serait  sans  nul  doute  fort  intéressant  de  suivre  Pillon  et  ses 
amis  dans  les  clubs  ou  chambres  de  lecture  dont  l'extension,  l'attrait 
et  la  fréquentation  trop  assidue  par  leurs  maris  et  leurs  fils,  alar- 
maient tant  les  épouses  et  les  mères  dès  1787  (3),  et  de  savoir  s'ils  se 
mêlaient  aux  avocats  bruyants,  tels  qu'Albitte  Talné,  pour  mener  à 
Rouen  une  existence  turbulente  au  point  d'être  parfois  traduits 
comme  celui-ci  devant  le  juge  de  police  (4). 

Impatient  de  se  produire,  Pillon  prit  part  de  bonne  heure  aux 

Saint-Jean  de  Rouen,  lorsque  le  25  mars  1761,  à  Saint- Vincent  de  Rouen,  il  épousa 
M"«  Darré,  dont  la  mère  était  une  Lemire.  Pillon  père  est  mort  en  sa  maison  de  la  rue 
Beauvoisine,  n«  124,  âgé  de  87  ans,  le  7  janvier  ISOO.  Son  fils  habitait  alors  le  n«  122  de 
la  même  rue.  Du  mariage  Pillon-Darré,  étaient  nés,  en  outre,  deux  filles,  et  Laurent- 
Clément  (1767),  et  Simon-Firmin  1771).  Ce  dernier  est  mort  célibataire,  rentier  à  Rouen, 
rue  Coignebert,  36,  le  25  septembre  1856. 

(1)  On  donnait  le  même  nom  au  dépôt  des  archives  et  à  ceux  qui  en  avaient  la 
garde,  d'abord  simples  commis,  ensuite  (1708)  officiers  nommés  par  le  roi.  [Notice  sur 
VHôtel  de  la  Cour  des  Comptes,  imprimée,  communiquée  par  M.  de  lîeaurepaire).  Je 
réitère  ici,  au  savant  éminent,  au  vénéré  archiviste  du  département  la  respectueuse 
expression  de  ma  très-vive  gratitude  pour  les  renseignements  que  je  dois  à  son  extrême 
bienveillance. 

(2)  Pillon  succédait  J.-Gaspard  Le  Viderel.  Les  lettres  de  dispense  d'âge  et  de  provi- 
sion, des  5  et  6  décembre  1786,  furent  enregistrées  les  24  et  26  janvier,  en  même  temps 
qu'avait  lieu  une  information  sur  les  âge,  vie,  mœurs,  religion,  expérience  et  facultés 
du  suppliant,  reçu  à  la  charge  notamment  de  porter  honneur  et  respects  à  MM.  les 
présidents,  conseillers  maîtres,  conseillers  correcteurs,  conseillers  auditeurs  et  gens  du 
roi,  de  garder  le  secret  sur  le  dépôt  des  comptes  et  liasses  étant  au  garde-livres, 
«  Pillon  fait  entrer  et  parvenu  en  robe  de  Palais  et  collet,  derrière  le  banc  de  MM.  les 
rapporteurs  a  fait  et  preste  debout  le  serment  requis  et  accoutumé  > .  (Reg.  de  la  C.  des 
Comptes). 

(3)  Journal  de  Rouen  des  31  mars  et  4  avril  1787,  pp.  110  et  115.  Lettre  sur  les  Clubs 
ou  Chambres  de  lecture,  signée  Mercator,  et  Lettre  à  des  clubistes  sur  ce^'tains  clubs  qui 
s*él<ngnent  de  leur  institution,  par  madame"'.  Cette  dernière  soutient  que  les  clubs 
éloignent  les  jeunes  gens  de  la  société  des  femmes,  et  entretiennent  le  goût  du  jeu  et 
celui  de  la  liberté,  et  qu'en  revenant  dans  leurs  familles,  il  y  gagneraient  du  côté  des 
mœurs  et  de  la  politesse. 

(4)  Le  31  août  1787,  Albitte  qui  se  nomme  Albitte  d'Orival,  comme  son  père,  est  âgé 
de  vingt-cinq  ans,  avocat  au  Parlement  et  demeure  à  Rouen,  rue  de  la  Cigogne.  Il 


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luttes  politiques.  Il  est  l'auteur  de  nombreuses  et  importantes 
motions  à  la  Société  populaire,  mais  dont  il  est  difficile  de  recon- 
naître toujours  sûrement  la  paternité.  Il  arrive  pourtant  qu'on  le 
voit  avec  quelque  certitude  poser  dans  la  Société  sa  candidature 
comme  député  à  la  Convention,  à  la  fin  d'Août  1792. 

Devenu  avocat  puis  défenseur  officieux  quand  la  Cour  des 
Comptes  eut  cessé  d'exister  (1)  et  môme  auparavant,  on  le  trouve, 
comme  Poret,  qualifié  d'avocat  dans  les  procès-verbaux  des  assem- 
blées primaires,  lors  desquelles  il  obtint  fort  peu  de  voix.  Peu  de 
ses  premiers  écrits  sont  connus.  M.  Floquet  en  cite  un  qui  pourrait 
être  celui  de  ses  débuts  et  d'après  lequel  il  le  considère,  déjà  au 
commencement  de  1792,  comme  un  «  furieux  démagogue  ».  M.  de 
Vatimesnil,  conseiller  de  l'ex- première  chambre  de  vacations  du 
parlement  de  Normandie  (2),  à  propos  d'un  projet  d'adresse  de 
félicitations  à  T Assemblée  nationale,  qu'on  voulait  voter  dans  une 
réunion  de  notables  à  l'Hôtel-de-Ville,  s'étonnait  qu'on  crût  avoir  i 
se  louer  des  députés,  et,  applaudi,  faisait  rejeter  le  projet.  «  Pillon 
suffoqué  de  la  vive  sortie  de  M.  de  Vatimesnil,  n'osa  cependant 
parler,  crainte  des  huées  ;  mais,  bientôt,  il  se  rattrapait  dans  un 
pamphlet  accusant  le  conseiller  d  avoir  d'avoir  tenu  un  langage 
presque  incendiaire,  d'exciter  les  méfiances  contre  l'Assemblée 
nationale,  et  lui  faisant  un  grief  d'avoir  été  membre  de  l'ancienne 
chambre  des  vacations.  »  (3) 

Le  jeune  polémiste  suivait  avec  une  apparente  attention  les 
innovations  législatives  et  n'était  pas  encore  exclusivement  préoccupé 
dans  les  premiers  mois  de  1792  de  détruire  la  féodalité  et  le  catholi- 


comparaît  devant  M.  de  Beaunay,  lieutenant  particulier  du  bailliage  et  siège  présidialde 
Rouen,  à  la  suite  d'une  scène  nocturne  et  de  chansons  indécentes  contre  Thonneur  des 
époux  Postel,  parfumeurs,  rue  des  Cannes,  scène  à  laquelle  avaient  pris  part  Lefeb\Te 
et  François  Hourdou.  Ce  dernier  a  été  abbé  et  est  avocat  au  Parlement  et  secrétaire  du 
président  de  Bourville.  Albitte  nie  les  faits  ;  il  connaît  Hourdou  pour  lui  avoir  parlé  soit 
à  la  comédie,  soit  en  loge  de  maçoiis,  (Arch.  du  dép.). 

(1)  Décret  de  suppression  des  Chambres  des  Comptes,  47-29  Septembre  1791. 

(2)  M.  de  Vatimesnil  demeurait  rue  de  l'Ecole,  non  loin  de  Pillon  et  de  son  futur 
beau-père  Barbarey. 

(3)  Hist,  du  Parlement  de  Noitnandie,  t.  VII,  pp.  650  et  654.  Lettre  à  M.  de  Vatime*' 
nil  (46  février  4790)  par  Pillon,  citoyen  de  la  garde  nationale  de  Rouen. 


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cisme.  Pasquier  signale  et  reproduit  incomplètement  de  courtes 
observations  publiées  par  Pillon,  en  mars,  sur  les  vices  de  l'exécution 
de  la  loi  sur  les  hypothèques.  On  s  attend  à  trouver  dans  ces  lignes 
d'un  homme  qui  a  travaillé  si  ardemment  à  la  réforme  sociale  des 
vues  un  tant  soit  peu  neuves  sur  un  sujet  s'y  prêtant  d'autant  plus 
qu'il  a  été  traité  fort  sommairement  par  les  législateurs.  Et  l'on  est 
grandement  déçu  en  constatant  que  ces  observations,  «  signées 
de  lui  »,  se  bornent  à  appeler  l'attention  du  commissaire  du  roi  sur 
ce  que  le  tableau  des  hypothèques  «  sur  lequel  reposent  la  fortune 
et  le  bonheur  des  familles  »,  ne  doit  pas  être  un  grimoire  indéchif- 
frable et  inutile,  qu'il  est  à  désirer  qu'il  soit  écrit  en  gros  carac- 
tères. »  (1)  Le  premier  venu  eût  été  apte  à  exprimer  de  tels  vœux, 
et  le  futur  chef  des  Montagnards  rouennais  n'améliore  guère  cet 
essai,  dont  les  capitalistes  sont  appelés  à  profiter  plutôt  que  les 
classes  laborieuses. 

Pillon  cherche  tout  simplement  à  se  mettre  en  évidence,  et  ce 
qui  le  prouve,  c'est  qu'immédiatement  à  la  suite  de  ces  observations, 
le  même  numéro  du  journal  imprime  une  lettre  de  son  camarade  et 
confrère  Poret,  prétextée  par  une  réponse  de  la  Chronique  de 
Rouen,  à  ce  que,  dans  un  numéro  précédent,  le  Journal  de  Rouen 
avait  dit  d'un  prétendu  projet  d'envoyer  la  Sainte-Ampoule  au  pape, 
à  titre  d'indemnité  pour  Avignon.  Poret  en  profite  pour  parler 
d'autres  choses,  de  la  faillite  de  Laborde,  etc.,  et  sa  prose  annonce 
mieux  ce  qu'il  sera  à  la  fin  de  1793  et  en  1794,  étant  devenu 
agent  national  à  la  commune  ;  par  la  forme,  elle  annonce  même,  le 
dirai-je?  un  futur  candidat  à  l'Académie.  Aussi,  n'est-on  pas  surpris 
lorsqu'on  le  voit,  le  21  mai  1793,  commissaire  député  au  départe- 
ment par  la  commune  avec  Robert,  pour  y  transmettre  et  appuyer 
une  pétition  de  l'Académie  des  sciences  et  arts  de  Rouen  (2).  Quelle 

(1)  Joutmal  de  Rouen  du  3  a\Tili792,  pp.  476  et  477.  Il  s'agit  de  Texécution  de  la 
loi  des  6 et  7  nov.  1790.  Au  moment  même  où  PiUon  écrit,  on  s'occupe  d'une  autre  loi, 
qui  sera  votée  le  8  avril  et  qui  déclarera  que  la  vente  des  biens  d'émigrés  purge  toutes 
les  hj-pothèques  autres  que  l'hypothèque  nationale,  sauf  les  droits  des  créanciers,  ce  qui 
est  bien  autrement  grave  que  ce  dont  il  se  plaint. 

(2)  Reg.  du  départ.  Paul-Robert-Nicolas  Poret,  né  à  Saint-Eloi  de  Rouen,  le 
27  juillet  1766,  âgé  alors  comme  Pillon,  de  27  ans,  se  maria  à  Rouen,  le  13  avril  1704,  à 
W^  Buisson. 


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que  soit  l'ardeur  des  convictions  et  la  violence  de  certains  actes  de 
Poret,  c'est  à  coup  sûr  bien  à  tort  qu'on  a  dit  de  lui  que  «  sastupidité 
était  aussi  complète  que  grossière  »  (1). 

Si  Ton  considère  Pillon  sous  l'aspect  éminemment  sérieux  et 
positif  qu'il  prend  par  sa  lettre  du  31  mars  1792,  admettra-t-on  que 
six  mois  après,  au  moment  même  où  lui  et  ses  amis  s'efforçaient  de 
s'emparer  de  la  direction  des  affaires  municipales,  il  ait  pu  commettre 
iin  méfait  dont  madame  de  Chastenay  a  le  vague  souvenir  :  «  J'ai  la 
pensée  confuse,  dit-elle,  de  quelque  histoire  d'enlèvement  et  de 
quelque  aventure  tragique  mêlées  avec  son  nom  ;  je  ne  puis  m'en 
souvenir  »  (2).  Il  est  peu  vraisemblable  que  cela  se  rapporte  à  son 
mariage,  célébré  pourtant  avec  une  certaine  précipitation,  qui  ne 
surprend  pas  trop  lorsqu'il  s'agit  d'un  homme  toujours  pressé, 
recourant  à  des  dispenses  d'âge  pour  être  pourvu  d'un  office,  et  à 
d'autres  dispenses  pour  se  marier  plus  vite.  Pillon  épousait,  en 
l'église  Saint-Godard,  le  2  octobre  1792  (3),  presque  une  voisine,  la 
fîlle  de  l'architecte  Barbarey,  lequel  avait  été,  comme  lui-même,  l'un 
des  premiers  membres  de  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution. 
Peu  de  temps  après,  Pillon  venait  habiter  rue  de  l'Ecole,  chez  son 
beau-père. 

L'un  des  actes  de  Pillon  qui  suggèrent  le  plus  de  réflexions  est 
l'acquisition,,  par  lui  et  deux  au  moins  de  ses  amis,  de  la  partie  prin- 
cipale d'un  domaine  provenant  d'une  famille  qu'il  connaissait  très 

(i)  Mémoires  cités,  t.  I»"",  p.  196. 

(2)  Mémoires,  t.  i,  p.  196. 

(3)  Le  mariage  du  citoyen  PiUon,  mineur^  et  de  la  citoyenne  Madeleine-Denise 
Barbarey,  née  à  Saint-Laurent  de  Rouen,  le  7  avril  1774,  a  lieu  après  publication  d'un 
seul  ban  au  prône  de  Saint-Godard,  l'avant-veille  dimanche  30  septembre,  dispense  de 
la  veille  I*"""  octobre,  signée  François,  vicaire  épiscopal,  portant  permission  de  marier 
le  même  jour,  et  fiançailles  (célébrées  immédiatement  avant  le  mariage.  C'est  monsieur 
Romain  Darré,  prêtre  (oncle  maternel  du  marié)  qui,  du  consentement  de  monsieur 
Dum'esnil,  reçoit  leur  consentement  mutuel  et  leur  donne  la  bénédiction  nuptiale  avec 
les  cérémonies  prescrites  par  la  Sainte  Eglise,  en  présence  de  leurs  pères,  et  de  J.-Et. 
Selot,  marchand,  et  F.  Martin,  oncles  maternels  de  la  mariée.  La  présence  des  mères 
n'est  pas  mentionnée.  (Etat-civil  de  Saint-Godard  de  Rouen).  Le  dernier  acte  dressé  par 
le  clergé  constitutionnel  de  cette  paroisse  porte  la  signature  du  «  citoyen  Cabousse  ». 
Dumesnil,  curé,  Bouteiller,  premier  vicaire,  et  Vregeon,  habitué  de  Saint-Godard, 
avaient  prêté  serment  devant  le  conseil  général  de  la  commune  de  Rouen,  le 
27  août  1792.  HorchoUe  mentionne  un  autre  serment  du  curé  Dumesnil^  à  Saint- 
Laurent,  le  6  février  1793. 


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bien  et  au  chef  de  laquelle  il  avait  eu  souvent  affaire  jusqu'en  1790, 
famille  qui  fut  persécutée  de  toutes  les  façons  pendant  la  Révolution. 
Cette  acquisition,  vraisemblablement  projetée  dès  le  17  frimaire,  eut 
lieu  à  une  date  où  Pillon  était  naturellement  indiqué  pour  être 
maire,  puisqu'il  était  déjà  maire  provisoire. 

Caillot  de  Coqueréanmont  fils,  émigré,  possédait  par  suite  d^'une 
donation  paternelle,  à  titre  d'avancement  d'hoirie,  des  biens  importants 
mis  sous  un  séquestre  dont  le  donateur  Caillot  de  Coqueréaumont 
père  (1),  ci-devant  président  à  la  Cour  des  Comptes,  avait  demandé 
vainement  la  main-levée,  en  se  fondant  sur  une  clause  stipulant  le 
droit  de  retour  au  cas  où  son  fils  décéderait  avant  lui  sans  enfants  (2). 

Parmi  ces  biens  était  le  domaine  de  Coqueréaumont,  sis  en  la 
commune  de  Bois-d'Ennebourg  (3),  et  par  extension  sur  deux  com- 
munes voisines  (4),  et  qui  a  joué  un  petit  bout  de  rôle  officiel  pendant 
la  réaction  thermidorienne. 

Le  17  frimaire,  surlendemain  du  jour  de  l'arrestation  de  M.  de 
Fontenay ,  Havard,  secrétaire  de  la  commune  de  Rouen,  s'était  rendu 
adjudicataire  d'une  première  ferme  du  domaine,  par  100,400  1.,  tant 


(i)  Mort  à  Trouville  (hameau  de  Bois-d'Ennebourg),  le  17  nivôse  an  III,  Agé  de 
soixante-onze  ans,  laissant  pour  recueillir  sa  succession,  sa  veuve,  née  Lesdos,  et  trois 
enfants  :  M™*  d'Houdemare,  un  fils,  et  une  autre  fille,  M™«  de  Bermonville,  ces  deux 
derniers  émigrés.  Le  district  affectait  le  26  nivôse  suivant  sa  maison  de  Rouen,  me 
BeflTroy,  au  logement  du  l'eprésentant  du  peuple  Casenave.  M.  de  Coqueréaumont  père, 
incarcéré  le  7  brumaire  an  II,  à  Saint-Yon,  en  sortit  le  6  germinal  an  III.  On  lui  attri- 
buait une  fortune  de  600,000  1.  et  un  revenu  de  41,0001.  Les  minutes  de  ses  discours  lors 
de  la  réception  du  roi,  du  duc  d'IIarcourt,  etc.  sont  aux  arch.  mpales.  En  floréal  an  VII 
(mai  1799),  M"'«  de  Coqueréaumont  et  M.  d'Houdemare,  .son  gendre,  lequel  habitait  à 
Rouen,  rue  Ganterie,  et  près  Pont-Saint-Pieri'e,  furent  impliqués  dans  une  aflaire 
politique  et  des  poursuites  contre  un  nommé  Pailleux,  agent  général  des  émigrés, 
retenu  à  Paris,  et  Coquart,  huissier  au  Pont-Saint-Pierre  (Arch.  mpales). 

(2)  Arch.  du  dé()art.  —  Arrêté  du  Directoire  du  23  février  1793,  basé  sur  ce  que 
Caillot  fils,  émigré,  était  mort  civilement  et  laissait  des  enfants  vivant  et  résidant  en 
France.  Ce  qui  était  moins  juridique,  c'est  que,  pour  détruire  l'objection  tirée  de  ce 
qu'aux  tennes  du  contrat  le  droit  de  retour  ne  pouvait  s'exercer  qu'au  préjudice  des 
héritiers,  mais  non  à  celui  des  créanciers,  on  jugeait,  le  29  du  même  mois,  que  la  con- 
fiwation  au  profit  de  la  nation  avait  lieu  pour  remplir  celle-ci  des  dépenses  occai- 
sionnées  par  les  guerres  que  lui  attiraient  les  émigrés. 

(3)  Canton  de  Damétal,  à  15  kil.  de  Rouen. 

(4)  Coq^iei*éaumont,  naguère  demi-fief  noble,  «  tenu  du  fief  et  baronnie,  haute  jus- 
tice et  sirerie  de  Préaux  ».  Le  château  comprenait  cuisine,  salle  à  manger,  salle  de 
compagnie,  cinq  chambres  de  maître  et  plusieurs  autres,  plus  des  bâtiments  accessoires, 
cour  dans  laquelle  petite  chapelle,  jardin,  parc  au  milieu  duquel  bosquet  et  avenue» 


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pour  lui  que  pour  le  citoyen  Nicolas  Bénicourt,  fabricant  à  Rouen. 
Le  24,  comme  si  Ton  eût  attendu  que  Pillon  fût  certain  d'être 
nommé  maire  définitivement,  était  mis  en  vente  un  bien  voisin 
«  nommé  ci-devant  le  château  de  Coquéreaumont  »  avec  une  autre 
ferme,  le  tout  d'un  revenu  de  1.500  1.  Aucune  offre  ne  fut  faite  ce 
jour-là  et  le  8  nivôse  (29  décembre  1793),  c'est-à-dire  la  veille  de 
l'arrêté  des  représentants  du  peuple,  Havard  reste  adjudicataire  de 
ces  château  et  ferme,  par  70,200 1.  tant  pour  lui  que  pour  les  citoyens 
Bénicourt,  notable,  Pillon,  maire,  et  autres  amis  qu'il  se  réserve 
de  désigner  dans  le  délai  de  six  mois.  (1)  Au  surplus,  Bénicourt  et 
Pillon  sont  présents  et  signent. 

Comme  pour  la  plupart  des  spéculations  de  ce  genre,  à  cette 
époque,  c'est  en  grande  partie  avec  le  prix  de  la  réalisation  de  la 
superficie  que  les  acquéreurs  se  libèrent.  (2)  Dans  les  combinaisons 
originaires,  le  château  a  dû  être  destiné  à  Pillon,  qui  en  est  resté 
seul  attributaire.  (3)  On  se  perd  en  conjectures  sur  les  raisons  qui 

plus  quatre  rangées  de  chênes  le  long  du  mur  du  château  au  couchant  et  vers  le  chemin 
longeant  les  biens  du  citoyen  des  Essarts  (Le  Danois).  Son  emplacement  est  figuré  sur 
le  plan  cadastral  (1825?)  ce  qui  semble  indiquer  qu'il  existait  ^noore  alors;  il  a  été 
démoli.  Une  tradition  locale  veut  qu'on  l'ait  détruit  en  mettant  aux  quatre  coins  des 
barils  de  poudre.  W  occupait  le  centre  de  ce  qui  a  gardé  l'aspect  d'un  parc.  La  chapelle 
qui,-  d'après  un  plan  du  xviii«  siècle,  était  à  l'entrée  du  parc  à  gauche,  n'existe  plus. 
Les  communs  subsistent,  ainsi  que  la  grille,  ses  deux  hauts  piliers  de  briques  et  le 
saut  de  loup.  La  propriété  appartient  depuis  soixante-dix  ans  à  la  famille  Mathéus- 
Bouctot.  Il  est  à  noter  que  le  49  floréal  an  II,  la  Société  populaire  de  Préaux  demandait 
au  district  autorisation  de  démolir  un  château  existant  dans  cette  commune.  On  l'in- 
vita à  dire  d'abord  si  ce  domaine  avait  l'aspect  d'une  forteresse,  s'il  avait  des  palissades. 

(1)  Le  délai  pour  faire  et  accepter  des  déclarations  de  command  ou  élection 
d'ami,  qui  est  aujourd'hui  de  vingt-quatre  heures  ou  de  trois  jours,  (L.  22  frim.  an  VII 
et  art.  707  G.  proc.  civ.)  était  alors  de  six  mois.  (Décret  du  43  sept.  4794.) 

(2)  Les  49  et  29  janv.  4794,  les  trois  adjudicataires  versaient  par  anticipation 
23,4(X)  1.  Un  procès-verbal  de  Bougeard,  maire  du  Bois-d'Ennebourg,  constate  Tenlève- 
ment  des  bois  nonobstant  une  opposition  à  l'abattis.  Un  autre  incident  eut  lieu  à  pro- 
pos d'une  barque  enlevée  par  la  municipalité  et  qui  servait  au  curage  de  l'étang. 
Bougeard  était  l'ancien  agent  de  la  famille  Caillot  et  lui  était  resté  dévoué,  ce  qui 
explique  que,  pendant  un  an,  la  municipalité  de  ce  village  ait  fait  attendre  au  district 
les  renseignements  touchant  les  biens  de  M.  de  Coquéreaumont  fils,  et  ne  se  soit  décidée 
à  les  envoyer  qu'après  des  menaces.  (Arch.  du  dèp*.)  Bois-d'Ennebourg,  commune  des 
moins  importantes,  fut  cependant  agitée  pendant  la  Terreur.  Les  procès-verbaux  de  la 
municipalité  offrent  quelque  intérêt.  Un  ancien  et  beau  registre  de  confrérie  se  trouve 
aux  archives  de  la  Mairie. 

(3)  Son  nom  est  le  seul  qu'on  retrouve  après  4795  comme  étant  celui  du  proprié- 
taire du  château.  (Arch.  du  dépM 


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inspirèrent  aux  montagnards  cette  acquisition  peu  démocratique. 
Sans  doute,  la  destruction  des  futaies,  la  démolition  de  la  chapelle 
et  peut-être  d'autres  transformations,  donnaient  immédiatement  à 
la  résidence  seigneuriale  l'aspect  d  une  maison  de  campagne  ;  mais 
si  l'on  ne  voit  pas  dans  cet  achat  Tune  des  nombreuses  opérations  du 
syndicat  Bénicourt,  on  est  amené  à  y  voir  une  satisfaction  d'amour 
propre  ou  de  rancune  peut-être  de  la  part  de  l'ex-garde  des  livres 
de  la  Cour  des  Comptes.  Etait-ce  l'application  de  l'une  des  maximes 
favorites  de  Pillon  :  Guerre  aux  richesses,  respect  au  nivellement 
des  fortunes  !  Ou  bien  jugeait-il  que  comme  premier  magistrat 
municipal,  à  l'exemple  des  Herbouville,  des  Fontenay,  des  Ron- 
deaux, il  convenait  qu'il  eût  maison  à  la  ville  (1)  et  résidence  à  la 
campagne.   On  croira  plutôt  qu'imitant  son  ami  Robert  de  Saint- 
Victor  (2),  il  se  fit  un  devoir  d'être  un  des  premiers  à  se  rendre 
acquéreur  de  biens  d'émigrés,  alors  que  beaucoup  hésitaient  encore. 
Pour  terminer  cet  exposé  très  imparfait  de  l'origine  et  des 
antécédents  de  Pillon,  il  n'est  pas  superflu  de  donner  son  portrait, 
non  d'après  un  des  peintres  rouennais  qui  florissaient  en  pleine 
Terreur,  mais  suivant  un  Bertillon  quelconque  de  l'an  III  :  «  Taille 
de  5  pieds  7  pouces  (1™87).  cheveux  et  sourcils  noirs  et  châtains,  les 
yeux  gris  et  enfoncés,  nez  petit  et  relevé,  bouche  ordinaire,  menton 
rond,  figure  maigre  !  »  Nonobstant  le  silence  du  document  où  ces  indi- 
cations sont  puisées  pour  les  curieux,  les  deux  dernières  indications 
semblent  indiquer  que  Pillon  ne  portait  point  de  barbe. 
Revenons  à  l'administrateur. 

Si  Pillon  paraît  s'être  tenu  un  peu  à  l'écart  des  affaires  munici- 
pales après  l'arrestation  de  M.  Rondeaux,  il  n  a  pas  cessé  alors  de 
s'occuper  des  affaires  qui  affluent  au  Comité  de  surveillance,  dont  il 
est  le  vice-président. 

C'est  lui  qui,  au  nom  du  comité,  le  22  brumaire,  invite  le  bureau 
municipal  à  munir  la  maison  de  sûreté  d'Yon  d'une  pompe  et  de 

(1)  H  semble  qu'à  Rouen,  lors -de  sa  nomination  comme  maire,  Pillon  n'avait  pas 
de  domicile  particulier,  et  qu'il  logeait  chez  son  beau-père. 

(2)  Le  patriote  Robert  se  faisait  un  titre  d'avoir  acquis  la  maison  de  Le  Roux 
d'Esneval,  rue  Maladrerie,  pour  donner  l'exemple.  Or,  il  fallait  qu'il  fût  bien  pressé 
de  le  donner,  car,  dès  le  10  septembre  4793,  il  se  plaignait  au  district  du  retard  dans 
la  vente  de  cette  maison.  (Arch.  du  dép^  Reg.  de  corresp.  du  district.) 


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seaux  pour  arrêter  les  progrès  des  incendies.  Cette  précaution  est 
justifiée  par  la  rapide  augmentation  du  nombre  des  détenus  qui, 
pour  la  plupart,  apportent  avec  eux  de  la  literie,  du  linge,  des  vête- 
ments, des  livres,  —  voire  même  des  instruments  de  musique,  des 
tableaux  de  maîtres  et  autres  objets  d'art  (1). 

Le  Comité  de  surveillance  ne  chôme  pas  davantage  et  ne  se 
borne  pas  à  préparer  des  arrestations.  Il  prend  des  arrêtés,  par 
exemple  le  29  brumaire,  pour  la  suppression  des  boutons  fleurdelysés 
qui  subsistent  encore  aux  uniformes  et  sa  sollicitude  s'étend  jusqu'aux 
fleurs  de  lys  des  marmites  de  potin  (2). 

Parmi  les  nombreuses  arrestations  décidées  ou  faites  pendant 
cette  période,  il  en  est  qui  s'effectuent  daos  des  conditions  singu- 
lières. Ce  sont  celles  de  Thiessé  et  de  Vimar,  ci-devant  avocat», 
ordonnées  pour  Thiessé  le  16  brumaire  et  pour  Vimar  le  l*""  frimaire. 
Au  lieu  de  se  saisir  à  Rouen  de  leurs  personnes  depuis  longtemps 
prévenues,  le  Comité  de  surveillance  paraît  avoir  été  heureux  de 
leur  infliger  l'avanie  d'une  arrestation  dans  leur  pays  natal,  à  moins 
que  tous  les  deux,  pressentant  leur  sort,  n'eussent  quitté  Rouen 
dans  l'espoir  de  s'y  soustraire.  Arrêtés,  le  premier,  à  Neufchàtel,  le 
4  frimaire,  et  le  second,  à  Forges  seulement  le  18  pluviôse,  c'est-à- 
dire  plus  de  trois  mois  après  l'ordre,  ils  essayèrent  vainement  de 
retarder  leur  transfert  à  Rouen,  Vimar  aidé  de  la  Société  populaire 
de  Neufchâtel,  et  Thiessé  plutôt  desservi  par  Lehalleur,  le  cauteleiuL* 
juge  de  paix  de  Forges  (3). 

Après  la  démission  de  M.  de  Fontenay,  Pillon  prend  au  sérieux 
ses  prérogatives  de  premier  oflScier  municipal.  Alors  il  se-  multiplie. 
Il  est  vrai  que  la  situation  n'est  plus  la  même  qu'à  la  date  de  la-chute 
de  M.  Rondeaux,  et  que  le  conseil  général  de  la  commune  agit  sou» 
les  yeux  de  Saint-Amand  et  de  Grenier. 

Les  envois  de  lettres  de  prêtrises  et  d'abdication  de  l'état 
ecclésiastique  se  produisent  tout  à  coup  en  plus  grand  nombre.  L'ex- 
bénédictin  Darré,  oncle  de  la  citoyenne  Pillon,  figure  parmi  les 

(1)  Arch.  rapales. 

(2)  Id. 

(3)  Arch.  mpales  et  du  dépt. 


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trente  et  quelques  prêtres  qui,  du  7  au  12  frimaire,  envoient  ou 
apportent  leurs  démissions. 

Entre  temps,  Pillon  va  donner  à  l'audacieux  Saint-Amand  une 
première  satisfaction  que  celui-ci  n'eût  certainement  pas  obtenue  de 
M.  deFontenay.  Le  10  frimaire,  jour  où,  pour  la  première  fois,  est 
célébrée  à  Rouen  In  fête  de  la  Raison  (1),  il  procède  à  une  série  de 
consécrations  de  places  publiques  et  d'édifices  rouennais,  à  une 
sorte  de  transformation  idéale  et  officielle  de  la  vieille  cité.  Il  se  fait 
le  porte-parole  des  violents  de  la  Société  populaire,  où,  le  même 
jour,  on  demande  que  «  le  Christ  soit  descendu  et  les  grilles  enlevées, 
ce  qui  est  arrêté.  »  On  n'oublie  rien,  à  la  Société,  et  lorsqu'on  vise 
les  grilles  de  la  cathédrale,  à  coup  sûr  on  ne  suit  pas  un  conseil  de 
Saint-Amand,  on  se  rappelle  lune  des  polémiques  de  Roger  et  de 
Robert,  polémiques  qui  ont  eu  leur  source  aux  séances  de  la  Société. 
dans  les  derniers  mois  de  1792. 

La  journée  du  10  frimaire  est  une  sorte  de  prélude  à  toutes  les 
démonstrations  analogues,  aux  fêtes  patriotiques  ou  civiques. 
Racontée  amplement  déjà  dans  des  publications  antérieures,  elle 
obtient  ici  plus  qu'une  simple  mention,  à  cause  do  sa  relation  immé  • 
diate  avec  ce  qui  s'est  passé  peu  de  jours  auparavant  à  la  Société 
populaire.  Le  représentant  du  peuple  Alquier,  Galbois  Saint- 
Amand  qui  prend  le  titre  de  «  commissaire  du  Conseil  exécutif 
provisoire,  »  l'Etat-Major  de  la  garde  nationale,  la  Société  populaire, 
les  corps  administratifs  et  judiciaires,  les  juges  de  paix  et  assesseurs, 
les  professeurs  et  instituteurs  de  la  jeunesse,  —  et  la  jeunesse  elle- 
même,  car  il  y  avait  dans  le  cortège  des  groupes  de  jeunes  garçons 
et  de  jeunes  filles,  —  étaient  de  la  fête,  suivis,  dit  le  procès-verbal, 
d'un  peuple  innombrable.  Il  eût  été  difficile,  sans  doute,  de  distin- 
guer dans  cette  foule,  les  vrais  patriotes  des  simples  curieux. 

En  chantant  des  hymnes  on  a  brûlé  des  tapisseries  fleurdelysées 
de  l'Hôtel  des  Monnaies,  des  tableaux  des  rois,  titres  féodaux  et  cléri- 
caux, brevets  de  croix  de  Saint-Louis.  Après  ce  .sacrifice  expiatoire, 
^a  place  de  la  Rougemare,  souillée  par  l'attentat  des  11  et  12  janvier, 
est  purifiée  par  la  plantation  d'un   arbre  de  la  Liberté.  Pillon  y 

(1)  La  première  fête  de  la  Raison  avait  eu  lieu  à  Paris,  le  20  l)rumaire  (10  novembre 


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-.  286  - 

proDonce  un  premier  discours  qui  n'est  pas  le  moins  cynique  de  la 
série  de  ce  jour. 

«  C'est  ici,  dit-il  en  face  de  la  maison  de  feu  son  confrère 
Aumont,  à  l'instruction  de  l'affaire  duquel  il  a  pris  une  part  très 
active,  c'est  ici  que  de  vils  esclaves  osèrent  élever  leurs  voix  sédi- 
tieuses en  faveur  du  dernier  des  tyrans...  Nos  places  publiques, 
voilà  les  livres  où  le  peuple  doit  étudier  la  Révolution,  ses  droits  et 
sesdevoirs  envers  la  Patrie...»  A  la  fin  de  ce  discours,  Pillon,  se  ména- 
geant un  effet  oratoire,  s'arrête  pour  épargner  à  ses  auditeurs  des 
souvenirs  qui  devaient  être  «  déchirants  »  au  moins  autant  pour 
lui-même  que  pour  eux,  et  il  proclame  que  désormais  cette  place  se 
nommera  place  de  la  Révolution.  On  y  danse  en  rond. 

De  là,  le  cortège  se  rend  au  Champ-de-Mars  où  est  élevée  une 
Montagne  sur  la  cîme  de  laquelle  Alquier,  les  présidents  des  corps 
constitués,  et  Saint-Amand  prêtent  un  de  ces  serments  qui  leur 
coûtaient  si  peu.  ?aint-Amand  dit  un  bref  discours  qu'il  s'efforce  de 
rendre  violent,  et  qui  est  bien  loin  d'être  au  niveau  de  celui  qu'il  a 
prononcé  dans  la  chaire,  lors  de  la  réhabilitation  de  Bordier  et 
Jourdain  (1).  Les  canons  de  la  Montagne  de  la  Liberté  (Sainte- 
Catherine)  font  plusieurs  salves  et  les  administrateurs  et  citoyens 
lèvent  en  l'air  leurs  bonnets. 

Puis,  on  se  dirige  vers  la  cathédrale  et  Pillon,  à  la  tribune, 
débite  une  diatribe  où  il  vocifère  contre  les  rois  et  les  prêtres,  niant 
et  injuriant  Dieu,  condensant  tout  ce  que  les  Jacobins  ont  de  ran- 
cunes, exaltant  et  inaugurant  le  régne  de  la  philosophie  et  de  la 
liberté.  Après  cela,  il  croit  pouvoir  logiquement  proclamer  la 
ci-devant  cathédrale  temple  de  la  Raison  (2). 

Alquier  (3)  lui  succède,  et,  plus  politique,  plus  prévoyant, 
n'étant  pas  soumis  comme  Pillon  aux  exigences  et  aux  collaborations 
d'un  entourage  dangereux,  et  d'un  énergumène  tel  que  Saint-Amand, 

(1)  Le  manuscrit  d'Horcholle  résume  ce  premier  discours  de  Saint-Amand,  qui 
semblei'ait  avoir  servi  de  canevas  à  celui  de  Pillon  du  12  frimaire. 

(2)  N.-D.  de  Paris  avait  été  proclamée  temple  de  la  Raison  le  20  brumaire  (10  noA'.) 

(3)  «  Homme  de  beaucoup  d'esprit,  peu  austère  dans  ses  mœurs,  il  était  cependant 
rempli  de  sentiments  honnêtes  ;...  régicide  par  peur,  mais  ayant  voté  Pappel...  nous 
avons  eu  à  M.  Alquier  les  plus  réelles  obligations.  »  (  Mémoires  de  M"*-  de  Chastenay, 


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Alquier,  lui,  croit  en  Dieu,  «  mais  au  dieu  des  patriotes,  et  non  au 
dieu  du  pape  et  de  la  Vendée  ». 

L'ex-curé  de  Saint-Jean,  qui  se  mariera  le  surlendemain,  ter- 
mine la  série  des  discours  à  la  cathédrale  par  une  improvisation  dont 
le  succès  dit  assez  l'objet  tout  d'actualité. 

Sur  la  tribune  aux  harangues  de  la  place  du  Marché-Neuf, 
rinépuisable  Pjllon  fournit  un  troisième  discours,  hommage  à  Marat, 
Beaurepaire,  Le  Peletier  et  Beau  vais  ;  Bouvet,  vice-président  du 
département,  prend  la  parole  aussi  pour  rendre  hommage  à  la 
Montagne,  et  former  des  vœux  pour  la  régénération  et  l'indépen- 
dance de  la  Vendée,  la  punition  des  traîtres  et  l'extirpation  du 
royalisme.  «  Voilà,  s'écrie  Bouvet,  nos  plus  pressants  besoins  I  » 

Aucun  de  ces  réformateurs  verbeux  ne  dit  un  mot  sérieux  sur 
des  projets  d'amélioration  du  sort  du  peuple  qu'il  amuse. 

L'effQt  du  discours  de  Pillon  au  Temple  de  la  Raison  a-t-il  été 
vraiment  celui  attendu  par  les  Jacobins  ?  N'ont-ils  pas  trouvé  qu'il 
avait  dépassé  le  but  ?  Il  n'en  est  pas  question  à  la  Société  populaire 
où  le  même  jour  Denise  parle  aussi  sur  la  fête  de  la  Raison  et  sur  le 
fanatisme.  On  décide  bien  de  lire  son  discours  à  trois  séances,  ce 
qui  n'est  pas  exécuté,  et  la  motion  de  l'imprimer  est  accueillie  par 
l'ordre  du  jour.  Le  langage  de  Pillon  avait  dû  impressionner  beau- 
coup plus  péniblement  ses  amis,  ses  concitoyens,  que  les  excitations 
de  l'agent  provocateur  Saint-Amand.  C'est,  semble- t-il,  au  souvenir 
de  ce  discours  tout  récent,  qu'il  faut  attribuer  les  hésitations  de  la 
Société  populaire  lorsque,  dans  ce  même  mois  de  frimaire,  elle 
s'occupe  du  choix  d'un  maire  et  préfère  d'abord  Lamine  à  Pillon. 

Cependant  il  faut  obéir  à  l'impulsion  et  à  l'exemple  venus  de 
Paris  (1),  et  poursuivre  l'abolition  du  catholicisme,  On  a  senti  que  la 
publicité  des  séances  des  corps  administratifs  et  de  la  Société  popu- 
laire ne  suflBt  point  faire  oublier  les  dimanches,  les  offices  et  les 

1. 1,  p.  194).  «  On  lui  a  reproché  d'avoir  assez  bien  arrondi  son  colTre-fort  lorsqu'il  fut 
chargé  des  réquisitions  dans  les  départements  de  l'ouest»  (Robert.  Vie  politique  de  tous 
les  Députés,  etc.)  Alquier  était  avocat  du  roi  à  la  Rochelle  on  1789,  et  président  du 
tribunal  criminel  de  Seine-et-Oise  au  moment  des  massacres  de  Versailles  (sept  92). 
Né  en  1755,  devenu  chevalier,  puis  baron  et  ambassadeur  de  l'Empire,  mort  en  1826. 

(1)  La  suppression  du  culte  catholique  avait  été  décrétée  en  brumaire  par  la  Com- 
mune de  Paris. 


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autres  cérémonies  du  culte.  Le  15  frimaire,  après  avoir  annoncé  que 
les  prêtres  «  s'agitent  ou  sont  agités  sur  l'état  de  leur  religion  «  un 
membre  demande  à  la  Société  de  nommer  un  orateur  pour  faire  un 
discours  de  morale  (1)  au  Temple  de  la  Raison  le  décadi  prochain, 
qu'il  y  ait  une  fête  civique  les  jours  de  décadi,  et  qu'on  invite  les 
directeurs  des  spectacles  à  y  envoyer  leurs  musiciens.  A  la  ci-devant 
église  Saint-Laurent,  où  la  Société  s'est  installée  le  9  frimaire,  en 
attendant  l'appropriation  de  l'église  des  Carmes  que  le  département 
lui  a  enfin  accordée  la  veille,  on  a  chanté  la  Marseillaise  Sivec  accom- 
pagnement de  l'orgue  (2)  tenu  par  frère  Delaporte,  qui  joue  différents 
autres  airs  patriotiques.  Sans  parler  des  fêtes  où  les  cortèges  visent 
à  frapper  les  imaginations  et  à  surpasser  en  magnificence  les  solen- 
nités du  catholicisme  (3)  et  sur  les  beautés  desquelles  on  n'a  guère 
que  des  appréciations  purement  officielles,  on  s'applique  à  faire  neuf, 
et  c'est  ainsi  que  l'on  entend  dans  le  Temple  de  la  Raison  tantôt 
Ribié  déclamer  «  une  prière  républicaine  au  Père  de  l'Univers, 
»  éternelle  puissance  qui  fait  marcher  le  soleil  devant  la  liberté 
»  pour  éclairer  ses  augustes  travaux,  et  qui  donne  aux  uns  des 
I)  chaînes  et  des  vertus  et  aux  autres  des  trésors  et  des  vices  »,  — 
ou  encore,  à  une  autre  décade,  le  capitaine  du  navire  le  Joseph, 
réciter  une  Prière  à  l'Eternel  par  Pillon,  maire  (4).  On  cite  sur- 
tout, comme  ayant  beaucoup  do  succès,  l'hymne^  de  Real,  sur  la 
mort  du  tyran,  et  l'hymne  des  Rouennais  :  Guerre  aux  intrigants. 
Les  adeptes  ou  plutôt  les  propagateurs  à  Rouen  de  la  religion 
philosophique  se  vantent  d'avoir  presque  devancé  tous  les  chefs- 
lieux  des  départements  dans  la  célébration  des  fêtes  instituées  en 
l'honneur  de  la  Raison,  et  dans  l'observance  des  jours  de  décadi.  Il 
faut  rabattre  considérablement  de  ce  qu'ils  disent  sur  ce  dernier 
point.  Ce  sont  eux  aussi,  disent-ils,  qui,  après  Paris,  ont  mis  dans 
les  fêtes  la  pompe,  l'ordre  et  l'ensemble  qui  les  ont  particulièrement 
distinguées  (5). 

(1)  Elle  devançait  ainsi  mènie  la  section  de  (TuiUaume  Tell  (Paris)  qui,  seule- 
ment le  20  février,  décide  d'élire  des  orateurs  de  morale. 

(2)  Reg.  de  la  Société  populaire. 

(3)  V.  notamment  Gosselin,  llevur  de  Normandie,  ouvr.  cité,  1867. 

(4)  On  attribuait  à  tort  cette  prière  à  Ribié.  V.  Journal  de  Rouen  des  4,  9  llorOvd  et 
3  prairial  an  11. 

(5)  Journal  de  Rouen  du  3  pluviôse  an  II,  p.  410. 


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—  289  — 

Les  rouennaises  se  sont  probablement  montrées  scandalisées  des 
violentes  objurgations  de  Saint-Amand  à  la  cathédrale  le  3  frimaire. 
Dans  la  séance  du  soir  de  la  Société  populaire,  il  veut  qu'on  pour- 
suivre les  muscadines  pour  les  forcer  d'aller  comme  les  Sans-Culottes, 
et  s'indigne  qu'elles  ne  soient  pas  encore  pénétrées  de  la  nécessite 
de  l'égalité,  et  qu'on  ne  les  mène  pas  révolutionnairement.  Il  s'ex- 
prime ainsi  le  surlendemain  du  jour  où  Elie  Leclerc,  un  fabricant 
rouennais  —  dont  la  Société  a  improuvé  les  termes  injurieux  — 
est  venu  reprocher  aux  citoyennes  de  Rouen  «  d'être  trop  délicates 
pour  coudre  des  guêtres  » ,  et  dire  «  qu'ayant  des  amants  dans 
cette  ville,  elles  voulaient  les  empêcher  de  partir  en  arrêtant  les 
travaux  ». 

L'application  des  principes  de  l'égalité  est  aussi  l'objet  des 
préoccupations  de  certains  patriotes.  La  municipalité  s'était  em- 
pressée de  faire  enlever  des  églises  et  maisons  particulières  tous  les 
hochets  du  fanatisme,  et,  le  6  frimaire,  avait  arrêté  d'envoyer  les 
argenteries  à  la  Convention.  Elle  fit  demander  à  la  Société  populaire 
de  désigner  trente  bons  Sans-Culottes  pour  accompagner  cet  envoi, 
efiectué  par  une  voiture  et  des  chevaux  qu'ojBrit  Thiberville,  voiture 
sur  laquelle  on  écrivit  en  gros  caractères  :    «  les  hochets   du 

FANATISME    DE     LA     COMMUNE     DE     ROUEN     A     LA     CONVENTION    ». 

D'aucuns  jugèrent  qu'il  était  convenable  qu'aux  trente  Sans- 
Culottes  se  joignissent  des  officiers  municipaux  et  des  notables.  Or, 
la  commune  n'est  pas  immédiatement  de  cet  avis,  et  le  12  frimaire, 
elle  examine  une  proposition  de  «  cette  bête  orgueilleuse  de  Lenor- 
mand  (1)  »  déposée  par  la  Société  populaire,  commençant  par  ce 
blâme  :  «  Les  représentants  du  conseil  général  de  la  commune 
cramdraient-ils  de  se  trouver  avec  leurs  frères,  les  Sans-Culottes, 
pour  se  rendre  à  Paris,  pour  les  hochets  du  fanatisme  altéré  (?)  et 
finissant  par  ceux-ci  :  «  Oh  I  règne  de  l'égalité  tu  n'existes  donc  pas 
encore  1  »  Et  ce  qui  prouve  bien  l'urgence  de  l'épuration  du  conseil. 


(1)  Expressions  extraites  d'une  lettre  non  datée  du  sans-culotte  Duclos  an  président 
de  la  Société  populaire.  Lonomiand  de  Losier  marié,  à  Rouen,  à  une  d'*"*'  Cahiére 
paraît  être  un  parent  de  M^^e  Thouret.  La  bioj?raphie  de  M"'«  Oursel  fait  à  tort  deux 
personnajîcs  dilTérents  de  Germain  Lenormand  et  de  Lenormand  de  Losier. 


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—  290  - 

c'est  qu'il  osa  improuver  les  expressions  imméritées  dont Lenormand 
s'était  servi  (1)  ». 

L'épuration  des  corps  constitués  est,  en  effet,  toujours  la  question 
la  plus  importante  à  cette  date.  Saint-Amand  demande  encore  à  la 
Société,  le  10  frimaire,  une  liste  des  magistrats  qui  ne  sont  pas 
reconnus  patriotes  afin  de  la  présenter  aux  Jacobins  de  Paris,  et 
propose  de  faire  une  liste  par  appel  nominal  des  corps  administratifs, 
comprenant  Tétat-major  de  la  garde-nationale,  les  commis  des 
bureaux  et  les  tribunaux.  A  cette  occasion,  on  se  récrie  sur  la  nomi- 
nation des  membres  de  la  Commune  présidée  par  Fontenay,  faite  en 
galopant,  peut-être  parce  qu'au  fond  on  désapprouvait  le  projet 
excessif  de  Saint-Amand  de  soumettre  une  telle  liste  aux  parisiens, 
peut-être  aussi  parce  qu'on  attendait  la  législation  nouvelle  et  immi- 
nente, législation  réorganisant  ou  plutôt  donnant  les  moyens  de 
réorganiser  les  municipalités  (2). 

Par  un  arrêté,  daté  à  Pont-Audemer  du  13  frimaire,  les  trois 
représentants  du  peuple  nomment  maire  de  Rouen  Lamine  (3)  qui; 


(1)  Arch.  mpales.  Reg.  des  délibérations.  Le  conseil  capitula.  Le  20  frimaire  se 
présentait  devant  la  Convention  une  doputation  composée  des  {sic)  membres  de  la 
commune,  du  comité  de  surveillance,  du  département  de  la  Société  populaire  de 
Rouen,  venue  faire  hommage  de  l,r>00  marcs  d'argent  provenant  des  dépouilles  des 
églises,  et  rappeler  que  les  citoyens  de  Rouen  avaient  déjà  offert  à  la  Patrie  en  1789, 
4,000  marcs  d'argent.  On  en  profita  pour  demander  à  l'Assemblée  l'autorisation  de  se 
réunir  en  sections  dans  les  églises  abandonnées,  au  moins  deux  fois  par  semaine 
{Jouimal  de  Rouen  du  22  frimaire). 

(2)  Le  4  frimaire,  un  décret  était  intervenu  concernant  la  formation  provisoire  du 
conseil  général  et  du  corps  municipal  de  Paris.  Le  décret  du  12  frimaire  (2  décembre  1793) 
autorisait  le  comité  de  salut  publie  à  prendre  les  mesures  nécessaires  pour  le  change- 
ment d'organisation  des  autorités  constituées  et  chargeait  les  repré.sentants  en  mis- 
sion d'achever  sans  délai  l'épuration  complète  de  ces  autorités  et  d'en  rendre  un 
compte  particulier  avant  la  fin  du  mois  suivant. 

(3)  Nicolas-Louis  Lamine,  sculpteur,  arrivé  à  Rouen  vers  juin  1771,  était  né  à 
N.-I).-aux-Fonts  de  la  ville  de  Liège,  le  27  février  17ô(),  et  avait  été  marié  à  Saint-Vivien 
de  Rouen,  par  Leblanc,  alors  sous-vicain^  de  cette  paroisse,  le  18  février  1772,  à  Cath.- 
llélène  Godet,  lingère,  vcuvt*  de  Louis  DumouclK'l.  Un  cousin  de  Lamine,  S.-F.  Lan- 
celin  était,  en  1772,  curé  de  Saint<^-Callierine  de  Liège.  Linaut,  imprimeur,  assistait  à 
son  mariage  que  célébra  l'abbé  A. -H.  Le  Blanc,  sous-vicaire  de  Saint-Vivien,  futur  curé 
constitutionnel  de  Saiut-Maclou.  l'un  dv^  deux  prêtres  qui  assistaient  Rordicr  et  Jour- 
dam  à  leurs  derniers  moments  et  ([ui  ont  laissé  une  relation  manuscrite  de  lexécution 
de  ces  derniers. 


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-  291  - 

le  14,  informe  la  Société  populaire  qu'il  ne  peut  accepter  cette 
place  et  proposé  qu'on  Toffre  à  «  notre  frère  Pillon,  premier  officier 
municipal.  »  Le  procès- verbal  de  la  Société  n'en  dit  pas  plus,  mais 
le  Journal  de  Rouen  raconte  que  Lamine  s'était  efforcé  d'établir 
qu'il  ne  possédait  aucun  des  talents  nécessaires  et  qu'il  indiquai  t 
Pillon  comme  le  plus  digne  d'être  promu.  Tous  ceux  qui  s'expliquent 
à  cette  occasion  applaudissent  à  la  modestie  du  patriote  Lamine, 
mais  tous  ne  croient  pas  que  l'on  doive  céder  «  à  l'exception  »  qu'il 
invoque.  Indécise  néanmoins  dans  le  choix  de  deux  citoyens  qui  ont 
également  mérité  de  la  patrie,  la  Société  s'ajourne  à  une  séance  du 
soir  du  même  jour,  où  les  assistants  viendront  «  enrichir  de  leurs 
lumières  le  cours  de  la  discussion  ». 

Le  15,  Lamine,  pressé  par  le  conseil  de  la  commune  de  faire 
connaître  sa  réponse  revient  faire  à  la  Société  «  l'historique  abrégé 
de  sa  propre  conduite,  très  patriotique  depuis  ses  jeunes  ans.  Il  fait 
aussi  l'apologie  de  Pillon  :  il  en  parle  en  homme  qui  connaît  et  qui 
sent  ce  que  vaut  la  vertu  simple  et  modeste  ;  il  déclare  que  quant  à 
lui  il  ne  se  sent  pas  la  mérite  nécessaire,  et  il  montre  Pillon  comme 
méritant  à  tous  égards  (1)  la  place  de  maire.  »  Bref,  la  Société  se 
joindra  à  Lamine  pour  demander  aux  représentants  du  peuple  de 
nommer  Pillon.  On  ne  voit  pas  pourquoi  Lamine,  décidé  à  refuser, 
demande  l'envoi  officiel  de  l'arrêté  qui  le  nomme.  Au  surplus, 
Lamineaplus  d'un  motif  pour  ne  pas  accepter.  Architecte,  sculpteur, 
officier  municipal,  membre  du  comité  de  l'instruction  publique  et 
du  comité  de  surveillance,  il  s'occupe  du  projet  d'appropriation  du 
Temple  de  la  Raison,  l'une  des  grosses  affaires  du  moment,  pour 
laquelle,  quinze  jours  après,  il  se  fera  adjoindre  Barbarey,  le  beau- 
père  de  son  ami  Pillon.  Il  engagera  même  dans  ces  travaux  un  capital 
de  10,0001.  par  lui  avancé  à  la  ville  (2).  En  outre,  il  s'est  rendu 
acquéreur  par  115,000  1.  avec  son  ami  le  négociant  Gaillon,  le  13  no- 
vembre 1792;  d'immeubles  importants  au  coin  des  rues  des  Arsins  et 
de  l'Hôpital,  comprenant  l'église,  la  maison  claustrale  et  le  jardin 


(1)  Le  procès- verbal,  dont  je  m'applique  à  reproduire  les  expressions,  poHail  d'aboitl 
ces  mots  :  .. .  comme  le  seul  citoyen  qui...  lesquels  ont  été  rayés. 

(2)  Arch.  mpales.  Procès-verbal  de  la  séance  de  la  commune  du  23  nivôse. 


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1 


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des  prêtres  de  l'Oratoire  (1),  et  peut-être  tient-il  à. pouvoir  réserver 
une  partie  de  son  temps  à  sa  clientèle,  recrutée  surtout  parmi  les 
riches  rouennais  et  qui  paraît  lui  être  restée  fidèle  malgré  tout  (2). 

Nonobstant  la  présentation  de  Pillon  par  Lamine  à  la  Société 
'populaire,  ce  fut  seulement  le  21  frimaire  qu'aboutirent  les  repré- 
sentants du  peuple  Legendre  et  Delacroix,  dont  un  arrêté,  daté  du 
Havre,  nomme  Pillon.  Celui-ci  n'est  pas  à  la  séance  de  la  commune 
quand  y  parvient  cet  arrêté,  très  bref,  en  trois  articles,  pris  «  sur  la 
lettre  écrite  le  8  frimaire  par  le  conseil  général  de  la  commune 
annonçant  la  démission  de  Fontenay  »  ; 

A.rticle  pr»^mier.  —  Le  citoyen  Pillon,  officier  municipal,  est  nomirié 
ïïiaire  de  la  commune  de  Rouen.  —  Article  deuxième.  —  Le  premitT 
notpble  (3)  passera  officier  municipal  à  la  place  du  citoyen  Pillon.  — 
Article  troisième.  ~  Le  remplacement  du  premier  notable  est  ajourné. 

Des  commissaires  sont  députés  vers  Pillon,  il  leur  répond  qu'il 
fera  part  de  sa  résolution  au  conseil  général.  Le  lendemain,  il  vient 
déclarer  son  acceptation,  prononce  un  discours  dont  le  texte  n'a  pas 
été  conservé  et  prête  le  serment  civique. 

Lamine  tint  à  informer  lui-même  la  Société  populaire  de  l'ac- 
ceptation et  du  serment  de  Pillon  dans  sa  séance  du  24,  et,  le  25,  le 
président  de  la  Société,  le  comédien  Vernon,  «  lit  les  quatre  vers 
suivants,  qui  sont  applaudis  : 

En  nous  donnant  pour  maire  le  vertueux  Pillon, 
Lamine  s'est  couvert  dune  gloire  immortelle. 
Un  caractère  franc  consulte  la  raison, 
L'ami  de  la  vertii  fait  toujours  tout  pour  elle. 

Goube  (4)  demande  et  fait  décider  que  ces  vers  soient  envoyés 
aujc  journalistes  patriotes  pour  être  insérés  (5). 

(1)  Arch.  du  dé|;^  Procès-verl  aux  d'adjudication  de  biens  nationaux. 

(2)  Vers  la  fin  de  nivôse  an  II,  environ  un  mois  après  son  refus  de  la  mairie, 
Lanrine  livrait  à  M.  Midy-d'Andè,  huit  chapiteaux  corinthiens,  d'un  prix  de  friO  liv.  Son 
client  n'en  fut  pas  moins  arrêté  comme  jjère  d'émigré  le  I(>  ventôse.  M'"*  Midy  avait 
guitlé  Rouen  avant  la  Terreur,  dès  août  1791,  voyageant  avec  ses  enfants  en  Suisse,  en 
AMeinagne  et  en  Hollande.  Par  hasard  elle  rencontra  aloi-s  M.  Reding,  chancelier  des 
tiuiiii  cantons,  lecjuel  épousa  M"-  Midy.  A  Hambourg,  elle  confia  .ses  fils  aux  soins  de 
M"*"  Heine  et  fils,  négociants  en  cette  ville. 

^         i3)  C'était  Guyet. 

{%)  Il  s«Mnl)le  qu'il  ne  peut  ici  s'agir  de  GouIk»  (Ignace-Casimir),  âgé  de  quarante- 
t|iialre  ans,  ex-administrateur  et  futur  maire  de  Rouen,  que  le  comité  de  suiTeillana' 
avail  fait  mettre  à  Saint-Yon,  dés  le  6  frimaire,  pour  incivisme  et  aristocrafie,  et  qu'un 


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-  293  — 

Devenu  maire  provisoire,  Pillon  inaugure  ou  plutôt  continue  la 
longue  série  de  ses  démonstrations  vexatoires  contre  les  «  fanatiques  ». 

Le  bureau  permanent,  où  siègent  avec  lui  Clavier,  Leblond, 
Béréeet  V.  Groult,  arrête,  les  26  et  27  frimaire  :  1^  qu'il  sera  placé 
sur  le  portail  du  Temple  de  la  Raison,  une  table  de  marbre  sur 
laquelle  sera  gravée  l'inscription  suivante  : 

Si  l'homme  est  créé  libre,  il  doit  se  gouverner, 
Si  l'homme  a  des  tirans,  il  doit  les  détrôner  (1). 
Liberté  —  Egalité 
TEMPLE  DE  LA  RAISON 

2^  qu'il  sera  substitué  au  Christ  existant  sur  le  pont  de  bateaux,  une 
flamme  tricolore  surmontée  du  bonnet  de  la  liberté  ;  3®  que  la  croix 
de  pierre  existant  dans  le  carrefour  ci-devant  de  Bonne-Nouvelle 
sera  démolie  et  les  matériaux  en  provenant  seroiît  déposés  dans  le 
magasin  de  la  commune.  (2). 

Le  25  frimaire,  à  la  Société  populaire,  Goube  apostrophe 
«  Amand  »  et  lui  dit  qu'il  est  prêt  à  le  suivre  dans  ses  opérations 
afin  qu'il  ait  pour  secrétaire  un  vrai  sans-culotte.  C'est  une  attaque 
directe  contre  Haraneder,  que  Saint-Amand  voulait  se  faire  associer 
à  titre  de  secrétaire.  Après  qu'Eudeline  oflfre  Leleu  pour  ce  poste, 
Bérard  lui-même  propose  un  citoyen  Ciseau  (3)  «  qui  a  de  l'honneur, 

état  des  détenus,  dressé  après  thennidor,  qualifie,  pour  préparer  son  élargissement  de 
«  cultivateur  théorique  et  pratique  ».  Ce  serait  plutôt  son  frère,  le  vicaire-général  de 
Gratien.  et  qui  s'efforça  d'éviter  le  sort  de  celui-ci  par  ses  actes  inconscients  et  scan- 
daleux. Devenu  curé  de  Gournay,  président  du  district,  entreposeur  de  tabacs,  chef 
ordonnateur  d'une  filature,  et  président  de  la  Société  populaire  de  la  même  ville,  il 
avait  abdiqué  ses  fonctions  de  curé  et  de  prêtre,  le  6  frimaire  an  II.  En  messidor 
suivant,  il  épousait  la  sœur  de  la  femme  de  Tex-curé  de  Forges,  l'abbé  Lerat.  Au 
21  frimaire,  un  Goube  prononce  un  discours  sur  la  pomme  de  terre  ;  il  est  douteux  que 
ce  soit  l'ex-prêtre.  Un  Goube,  huissier,  parî\ît  en  ce  temps-là  dans  la  Société. 

(5)  Le  Jouirai  de  Rouen  ne  les  a  pas  publiés,  peut-être  parce  que  les  deux 
premiers  ont  treize  pieds. 

(1)  Pillon  a  déjà  fait  mettre  ces  deux  Ters  de  Voltaire,  le  23  août  1792,  sur  la  colonne 
qui  figure  à  la  fête  organisée  à  la  Société  populaire  pour  les  victimes  du  10  août 
(v.  chap.  VI*) 

(2)  Arch.  mpales.  Reg.  du  bureau  permanent. 

(3)  Ou  plutôt  Cizos,  dit  de  Sèze.  Ce  citoyen  «  vertueux  »  venait  d'envoyer,  par  sa 
femme  et  son  enfant,  à  la  Société  populaire,  en  don  civique,  deux  chemises  accompa- 
gnées d'une  lettre  f  très  patriotique  et  philosophique»,  dont  le  post-scriptum  semble 
révéler  que  les  femmes  patriotes  faisaient  parfois  le  signe  de  la  croix  en  entrant  à 
l'église  Saint- Laurent,  pendant  les  séances  de  la  Société  :  c  Si,  par  une  vieille  habitude,' 
ma  républicaine  était  tentée  de  faire  le  signe  de  la  folie  en  entrant  dcms  le  Temple  de  la 


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—  294  - 

de  la  probité  et  le  civisme  le  plus  pur.  »  L'ordre  du  jour  clôt  cet 
incident  qui  nous  montre  les  patriotes  rouennais  empressés  à  satis- 
faire le  jacobin  Saint-Amand. 

Celui-ci  e-;t  en  vedette,  et  conduit  les  administrateurs  terrorisés. 
Il  impose  partout  ses  volontés  ;  aux  théâtres,  il  fait  mettre  en  vue  le 
bonnet  de  la  liberté  ;  il  part  en  mission  avec  Bérard  dans  les  districts 
de  Cany  et  de  Dieppe  et  est  chargé,  le  5  frimaire,  par  la  Société  de 
Rouen,  d'une  visite  conciliante   à  la  société  d'Yvetot.  Les  deux 
envoyés  rendent  compte,  dès  le  9,  et  obtiennent  une  mention  civique 
et  l'accolade  fraternelle  du  président.  On  est  donc  satisfait  d'eux. 
Amand  repart,  le  11  frimaire,  toujours  pour  les  subsistances,  et  le 
lendemain,  il  écrit  qu'il  apprend  que  lui  et  Bérard  ont  été  menacés  à 
Yvetot.  La  Société  entière  dénonce  Lenud  au  comité  de  surveillance 
du  département,  et  s'appuie  sur  la  lettre  d' Amand,  nonobstant  une 
demande  de  Lamine  tendant  à  ce  que  cette  dénonciation  soit  suspen- 
dues On  s'agite  pour  arrêter  Tcffet  de  ces  résolutions  et  un  membre 
—  qui  paraît  être  Bérard  —  raconte  que  lui  et  son  collègue  ont  reçu 
l'accolade  fraternelle  de  la  Société  d'Yvetot.  (1)  Un  autre  voudrait  que 
l'on  vécut  en  bonne  intelligence  avec  elle.  On  diffère  jusqu'au  retour 
d' Amand.  Le  17  frimaire,  Amand  revient  et  fait  un  rapport  sur  ses 
fonctions  dans  divers  districts  du  département,  et  le  président 
(Vernon)  lui  dit  ce  que  le  Comité  de  surveillance  avait /ait  pour 
connaître  les  causes  qui  avaient  détourné  Amand  et  ses  collègues  de 
la  route  d' Yvetot. 

Cela  n'atteint  pas  l'envoyé  du  Comité  des  subsistances,  carie  18, 
il  obtient  de  la  Société  la  nomination,  pour  se  concerter  avec  lui  et 
les  autorités  constituées  sur  des  mesures  de  salut  public,  de  huit 
commissaires  qui  seront  huit  notabilités  jacobines  :  Blanche,  Labbé, 
François,  Vernon,  Blondel,  Cusson,  Lemonnier  et  Garreau. 

Le  20,  Amand  parle  sur  les  mesures  de  sûreté  générale  et 

Raison,  je  lui  ai  bien  rcoumniandé  de  dire  :  Au  nuin  de  ma  patrie,  de  la  libei-té  et  de 
légalité  (Journal  de  Rouen,  7  frini.  an  11,  et  rtig.  de  la  Société  popul.  du  4frim.) 

(1)  On  trouve,  dans  les  archives  du  comité  de  Rouen,  un  extrait  du  procès-verbal 
du  comité  d'Yvetot  du  13  frimaire,  d'après  le(iuel  Lamine  et  Poret.  venus  sur  le  rapport 
inquiétant  de  Saint-Amand,  concilient  tout,  reçoivent  l'accolade  fraternelle  du  président 
du  comité  d'Yvetot  et  l'assurance  que  ce  comité  marchera  d'accord  avec  la  commune 
de  Rouen. 


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-  295  — 

Haraneder  sur  les  visites  domiciliaires  chez  tous  les  accapareurs. 
Le  premier  voudrait  voir  le  Comité  de  surveillance  requérir  du 
commandant  de  la  garde  nationale  des  patrouilles  toute  la  nuit  pour 
que  rien  ne  sorte  de  la  Commune.  Le  procureur  de  la  Commune 
(Le  Contour)  lui  donne  incontinent  satisfaction,  et,  sur-le-champ, 
a  lieu  rappel  des  150  membres  de  la  Société  devant  concourir  le 
lendemain  matin  aux  visites  domiciliaires.  Amand  se  multiplie  :  le 
23  frimaire,  il  veut  qu'on  mette  à  Tordre  du  jour  l'afiFaire  d'Elbeuf  (1). 
Puis,  tout-à-coup,  le  26,  il  écrit  qu'il  est  parti  pour  Paris  et  que  si 
Ton  a  calomnié  les  vouennais,  il  va  mettre  au  feu  le  fer  qui  doit  mar- 
quer du  sceau  de  Tinfamie  tous  leurs  calomniateurs.  Il  reparaît  lo 
1"  nivôse  (21  décembre)  et,  à  la  tribune  de  la  Société,  fait  part  de  la 
calomnie  qui  le  poursuit  lui.  Saint- Amand,  jusque  dans  la  Société  ; 
il  demande  acte  de  sa  conduite  dans  la  Société,  et  l'assemblée, 
consultée,  passe  à  Tordre  du  jour,  motivé  sur  ce  que  les  vertus 
civiques  d'Amand  n'ont  pas  été  attaquées  et  que  son  patriotisme  ne 
s'est  jamais  démenti  dans  cette  Société  (2).  Le  vindicatif  Jacobin 
retourne  à  Paris,  non  pas  pour  y  réhabiliter  les  rouennais  comme  il 
l'a  écrit,  mais  bien  pour  les  accuser  et  pour  s'y  défendre  lui-même. 
A  la  Société  populaire  de  Rouen,  on  est  sur  ses  gardes,  car  on  a 
appris  à  connaître  Saint-Amand.  Celui-ci,  le  6  nivôse  (26  décembre) 
à  la  séance  des  Jacobins  de  Paris,  rend  compte  de  sa  mission  à 
Rouen,  disant  avoir  des  choses  de  la  dernière  importance  à  commu- 
niquer, toutes  tendant  au  bien  général  et  donnant  quelques  détails 
sur  la  position  de  la  Commune  de  Rouen.  Mais  il  ne  s'attendait  pro- 

(1)  Il  s'agit  de  François-Pierre  Balleroy,  juge  de  paix  d'Elbeuf,  prévenu  de  propos 
tendant  à  avilir  les  autorités  constituées  et  la  souveraineté  du  peuple.  Incarcéré  à  Saint- 
Lô,  le  2  pluviôse,  en  vertu  d'ordre  du  Comité  de  surveillance  d'Elbeuf  de  la  veille,  il  fut 
traduit  avec  l'un  de  ses  frères  devant  le  Tribunal  révolutionnaire  de  Paris,  et  acquitté 
le  13  messidor  an  II.  Belleroy  et  ses  deux  frères  avaient  adressé  au  Comité  de  sûreté 
générale,  le  19  frimaire,  en  faveur  de  leur  père,  sellier  à  Pont-l'Evéque,  arrêté  par 
ordre  du  Comité  de  cette  ville,  une  pétition  dont  il  faisait  parvenir  copie  à  Rouen,  et 
dans  laqnelle  ils  dévoilaient  les  motifs  secrets  de  cette  arrestation  :  Balleroy  père  avait 
plaisanté  les  prétentions  épiscopales  d'un  jeune  curé  constitutionnel...  Balleroy  d'Elbeuf 
jugea  convenable  de  venir  le  23  frimaire  se  disculper  à  la  tribune  de  la  Société  popu- 
laire de  Rouen  où  Legendre  intervint  et  l'en  empêcha.  (Arch.  mpales  et  du  dép'). 

(2)  Le  procès-verbal  portait  d'abord  le  mot  Commune  surchargé  par  Société  qu'on 
y  substitua  sur  une  motion  du  lendemain,  en  décidant  d'inviter  Amand  à  rapporter 
l'extrait  du  i'»"  nivôse. 


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—  296  — 

bablement  à  la  présence  d'un  citoyen  de  Commune-Affranchie  — 
peut-être  Lecanu  —  lequel  déclare  qu'il  regarde  Saint- Amand  comme 
im  intrigant.  «  Cet  homme  qui  s'est  dit  Tami  et  le  compagnon  de 
rinfortuné  Chalier,  devenait  très  souple  quand  à  Lyon  il  arrivait 
des  mauvaises  nouvelles  de  la  Vendée  ;  quand,  au  contraire,  on 
annonçait  des  succès,  il  redevenait  sublime  et  maltraitait  les  mus- 
cadins»... Dufourny  voulut  qu'on  entendît  Saint-Amand  sur  la 
Commune  de  Rouen.  Saint-Amand  ne  donna  auoun  détail  ;  mais  il 
prétendit  que  l'esprit  public  était  détestable  à  Rouen  et  que  cela 
tournerait  mal  si  on  n'y  envoyait  des  missionnaires  Jacobins.  Un 
officier  municipal  de  Rouen  (Chouquet)  est  présent  aussi,  et  vient 
détruire  les  fausses  inculpations  de  Saint-Amand  contre  le  peuple 
de  Rouen  (1). 

Uexécution  de  Galbois  Saint-Amand  aux  Jacobins  enlevait  aux 
rouennais  de  grandes  inquiétudes.  A  la  Société  populaire,  on  témoi- 
gne le  désir  que,  dorénavant,  «  on  soit  plus  avare  de  confiance  envers 
les  étrangers  qu'on  ne  l'a  été  jusqu'à  ce  jour  ;  on  va  saisir  l'occasion 
pour  convaincre  enfin  les  parisiens  du  vrai  patriotisme  de  Rouen. 
Un  tableau  va  être  dressé  de  ce  que  Saint-Amand  a  fait  dans  cette 
commune,  des  personnes  qu'il  a  fréquentées,  des  liaisons  qu'il  a  eues 
avec  elles,  et  des  sentiments  plus  ou  moins  civiques  et  inciviques  de 
ces  personnes.  »  (8  nivôse). 

Les  violences  de  Saint-Amand  et  la  défaveur  dans  laquelle  il 
était  si  vite  tombé,  avaient  profité  à  Grenier,  envoyé  du  comité  de 
sûreté  générale,  auquel  sa  mystérieuse  mission  donnait  plus  de  pres- 
tige et  qui  était  exposé  à  un  moins  rapide  discrédit.  Les  plus 
éclairés  parmi  les  gens  incarcérés  comme  suspects,  Vimar  et 
beaucoup  d'autres,  s'adressaient  à  lui  pour  obtenir  leur  liberté  (2), 

(1)  Journal  de  la  Montagne,  sept.  4793  à  nivôse  an  II,  2^  partie  dn  volume,  pp.  365- 
366.  Arch.  nat.  Al)  xx  a  \\<\:^y.  —  Chuuquel  envoyait  à  la  Société  p jpulaire.  qui  le  reçut  le  8 
nivôse,  un  extrait  du  i)roccs-verbal  de  la  séance  des,laeohins,lH»aueoupnionis  précis  que 
celui  publié  par  lnJouttial  df  la  Moidaipie.  A  ce  journal  il  joignait  par  une  lettre,  lue  par 
Guyet,  et  d'a]>rés  le  i)ost-scnptuni  (lcla«|nclle  Galhois  Saint-Amand  avait  été  conduit  des 
Jacobins  d(»  Paris  en  incarciM-ation.  Dans  la  même  séance,  Yvernês  lit  une  lettre  delà 
citoyenne  Haudry-liarrois,  annonçant  à  Dodai'd  (jue  (Jalbois  est  arrêté  et  conduit  à  la 
Force.  (Arch,  mpales  et  arch.  du  dép'.  Reg.  de  la  Société  populaire). 

(2)  De  nombreuses  pétitions,  à  lui  adressées,  sont  aux  Archives  mpales.  Quelques 
unes  le  qualifient  de  représentant  du  peuple.  V.  notamment  celle  du  citoyen  de  Gar- 
rault  de  la  commune  de  la  Chaussée,  datée  de  la  Tour  aux  Normands,  du  1"  décem- 
bre an  II. 


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—  297  — 


r 

f        et  le  malin  méridional  ne  cherchait  point  à  les  désabuser.  Les  repré- 
f        sentants  du  peuple,  des  actes  desquels  il  était  ou  se  fit  le  contrôleur 
l        et  le  dénonciateur  acharné,  le  jalousaient  et  cherchaient  vraisem- 
blablement le  moyen  de  s'en  débarasser. 

La  Société  populaire,  où  jusqu'alors  il  ne  paraît  pas  être  venu, 

•        reçoit  le  3  nivôse  la  visite  du  «  citoyen  Grenier,  qui  a  écrit  et 

dénoncé  Saint-Amand  (sic)  au  comité  de  Sûreté  générale  ;  il  monte 

:        à  la  tribune  et  fait  part  de  son  opinion,  qui  tend  à  l'humanité  (?)  Le 

président  (Blanche)  lui  donne  l'accolade  fraternelle.  »   La  société 

;        délibère  que  Grenier  et  Amand  seront  entendus  conjointement  et  en 

I        séance  publique.  On  demandera  alors  à  Amand,  en  présence   de 

I         Grenier  :  «  Pourquoi  il  n'a  rien  dit  aux  Jacobins  lors  de  son  dernier 

voyage  (celui  du  26  frimaire)  ainsi  qu'il  l'avait  promis  à  la  Société  ; 

pourquoi  il  n'a  pas  assisté  à  la  fête  de  Chalier  qui  a  eu  lieu  à  Paris 

où  Amand  était  alors  ;  combien  il  est  resté  de  temps  à  Yvetot  et 

s'il  est  vrai  qu'il  y  ait  dit  qu'il  n'y  avait  que  des  patriotes  à  Rouen.  » 

Et  en6n  on  lui  fera  cette  dernière  question  plu^  suggestive  encore 

que  les  autres  :  «  Combien  de  temps  il  est  resté  avec  Lenud  à  Paris, 

et  qu'ayant  dit  avant  de  partir  qu'il  voulait  le  ^aire  arrêter,  par  quel 

bonheur  il  est  devenu  son  apologiste  en  si  peu  de  temps.  » 

Mais  Saint-Amand  était  parti  pour  ne  plus  revenir  et  la  Société 
populaire,  naguère  si  soumise  aux  volontés  du  redouté  jacobin, 
envoie  le  8  nivôse  Labbé  et  Lenormand  remercier  Grenier  des 
moyens  par  lui  employés  pour  repousser  la  calomnie  déversée  sur 
Rouen,  et  d'avoir  eu  le  courage  de  dénoncer  Saint-Amand,  «  dont 
la  conduite  contre-révolutionnaire  s'était  montrée  à  découvert  dans 
le  Temple  de  la  Raison,  ainsi  que  dans  d'autres  endroits  publics.  » 
Elle  fait  remettre  à  Grenier  un  extrait  de  sa  délibération. 

Grenier,  triomphant,  fait  publier  aussitôt  dans  le  Journal  de 
Rouen  (1),  une  lettre  annonçant  son  voyage  à  Paris,  le  11,  assurant 
les  rouennais  de  son  dévouement,  et  invitant  ses  «  frères  et  sœurs  » 
de  Rouen,  d'oublier  à  jamais  qu'un  énergumène  ait  eu  l'audace  de 
blesser  leurs  oreilles  de  propos  sanguinaires. 

Le  lendemain,  10  nivôse  (30  décembre),  il  revient  à  la  tribune 

(1)  Numéro  du  9  nivôse. 


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à*:  la  Société  annoncer  qu'il  est  obligé  d'aller  à  Paris  pour  le  bien 
public,  et  répondre  à  beaucoup  de  réclamations.  «  H  nous  a  dénoncé 
un  intrigant,  il  compte  en  démasquer  un  autre  qui  s'appelle  La- 
mriuque,  qui  est  à  Dieppe  ».  Le  président  (Bournisien)  le  remercie  et 
lui  témoigne  de  l'obligation  pour  le  don  d'un  livre  intitulé  :  De  la 
nnissance  et  de  la  chute  des  anciennes  j^épubliques  et  de  la  véritable 
rt-fff.^e  de  la  décadence  de  la  république  romoine^^l)  ».  Un  membre 
voudrait  qu'à  Paris,  Grenier  s'occupe  de  Lecoutour,  détenu  à 
Ko  lien  (2)  ;  un  autre  s'y  oppose  ;  mais  plusieurs  insistent,  et  le  pré- 
sident fait  observer  que  Grenier  s'étant  chargé  des  réclamations  de 
tous  les  détenus  opprimés,  n'oublira  point  Lecoutour. 

Dans  la  soirée  du  11,  Grenier  partit,  assez  précipitamment, 
oubliant  quatre  bécasses  et  une  perdrix  (  3  ),  crochetées  à  l'exté- 
rieur d'une  fenêtre  de  la  chambre  qu'il  occupait  rue  des  Carmes, 
hôtel  ci-devant  d'Angleterre,  et  dont  il  avait  remis  la  clef  au  citoyen 
\\nid,  croyant  revenir  bientôt.  Bien  lui  avait  pris  de  déguerpir,  car 
lo  18  nivôse  (7  janvier),  le  comité  révolutionnaire  de  Rouen,  d'après 
l'(  >rdre  des  représentants  du  peuple,  Legendre,  Louchet  et  Delacroix, 
décernait  contre  lui,  comme  suspect,  un  mandat  d'arrêt  que  le  com- 
missaire de  police  Blot  essaya  vainement  de  mettre  à  exécution  (4). 
On  se  rend  compte  des  sentiments  des  trois  conventionnels  à 
l'é^^ard  de  Grenier,  en  lisant  ses  tableaux  «  adoucis  »  quoique 
ît  fidèles  »  des  «prévarications  du  traître  Lacroix  et  de  ses  adhérents 
Legendre  et  Louchet.  Le  premier  instigateur  des  bateaux  à  soupapes, 
le   boucher  Legendre  (5),  lui  qui  disait  aux  bourgeois  de  Dieppe  sur 

1 1  )  Un  exemplaire  de  cette  brochure  est  à  la  bibliothèque  municipale  de  Rouen, 
foHn-rion  Leber.  Louchet  s'est  plus  particulièrement  occupé  du  livre  oHert  par  Grenier. 
(Hi-.  lie  la  Société,  procès-verbal  du  M  nivôse).  Ce  livre  que  les  trois  conventionnels 
■srfjiblent  avoir  attribué  à  ce  dernier,  paraît  être  le  même  que  la  traduction  de  l'anglais 
(d  ÏMi'uard-Worthley  de  Montagne),  par  Cantwel,  Paris,  Maradan,  1793,  in-8.  (V.  Dicl. 
ih*A  nuvrages  Anonymes  de  Barbier,  t.  VI,  p.  392  b.). 

ri)  Lecoutour  avait  été  emprisonné  à  Saint-Yon  le  25  frimaire,  sur  mandat  du 
l'iHMilé  de  Rouen  et  pm*  ordre  du  comité  de  sûreté  de  la  Convention.  La  Société  popu- 
Ifiirr  ititercédait  pour  lui  à  diverses  reprises. 

\'.\}  Ce  gibier  fut  vendu  par  ordre  du  comité,  et  produisit  8  livres,  destinées  à 
SifMjiier  (Arch.  m  pales). 

[U  Ce  mandat  se  retrouve  en  double  aux  Arch.  mpales.  Grenier  fut  aiTété  à  Paris, 
d;iiM  les  premiers  jours  de  pluviôse,  et  resta  détenu  jusqu'à  la  fin  de  thermidor.  U  était 
(■((smte  sans  emploi  et  avait  vainement  sollicité  une  place  d'enregistreur  dans  les 
lithriiux  des  comités  de  gouvernement.  (Arch.  nat.  Din3.V2).  Il  écrivit  le  30  frimaire  à  la 
^1  U\  Société  populaire  de  Rouen,  qui,  sur  sa  lettre,  passa  à  l'ordre  du  jour.  Il  adressait 
(Il  iSiiréal  an  II,  à  la  citoyenne  Lapierre,  de  Rouen,  une  lettre  qu'intercepta  le  comité 
(Il    M- juen  (Rapports  de  l'an  III  contre  les  terroristes).  Il  revint  à  Rouen  en  germinal  an  III. 

^5)  Legendre  avait  été  aussi  matelot.  (Robert,  ouvr.  cité,) 


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leurs  réclamations  pour  les  subsistances  :  Egorgez  les  aristocrates, 
buvez  leur  sang,  mangez  leur  chair  !  Moi,  j'en  mangerais  une  entre- 
côte sur  le  gril  !...  !...  I...  Eh  !  bien,  ce  cannibale,  je  le  défie  de  me 
répondre,  non  plus  que  le  jésuitique  magister,  ce  très  louche 
Louchet  (1).  Est-il  possible  que  ces  hommes-là,  non  moins  ignares 
que  dénués,  siègent  encore  dans  le  Sénat  français  (2)...  » 

Ainsi,  pendant  sa  mairie  provisoire  de  vingt  jours,  Pillon  voyait 
disparaître  deux  individus  de  l'ardeur  et  de  la  rivalité  desquels  pou- 
vaient naître  les  incidents  les  plus  graves.  Les  représentants  en 
mission  contribuaient  à  aplanir  les  difficultés  en  destituant  le  9  nivôse 
plusieurs  administrateurs  d' Yvetot.  Enfin,  le  9  nivôse,  ils  réalisaient 
les  projets  de  réorganisation  définitive  des  corps  administratifs,  dont 
la  Société  populaire  n'avait  pas  cessé  de  s'occuper. 

La  Société,  en  effet,  n'est  pas  complètement  absorbée  par 
l'amélioration  de  tous  les  arts  et  de  tous  les  moyens  de  bonheur  des 
rouennais  (3)  ;  elle  ne  s'occupe  pas  seulement  de  désigner  l'artiste 
qui  élèvera  sur  une  des  places  de  la  ville,  un  monument  à  la  Liberté 
que  nous  adorons  (4),  et  d'entendre  des  mémoires  sur  le  défriche- 
ment des  bruyères  Saint -Julien,  et  des  discours  originaux  tels  que 
celui  dont  Blacher  la  gratifie  le  19  brumaire,  et  qui  a  pour  but  de 
terrasser  le  fanatisme  (5). 

(1)  Louchet  avait  été  professeur  au  coUège  de  Rodez,  cela  expliquerait  qu'en  sep- 
tembre 4792,  à  la  rentrée  des  classes,  il  ait  prononcé  un  discours  mentionné  dans  les 
registres  de  la  Société  populaire  de  Rouen.  Devenu,  en  frimaire  an  IV,  receveur  général 
de  la  Somme,  poste  qu'il  conserva  sous  TEmpire,  il  disparut  de  son  domicile  après  une 
réception  qu'il  avait  donnée,  en  décembre  4813.  On  n'a  jamais  su  ce  qu'il  était  devenu. 
(A.  Kuscinski,  la  Révolution  Française,  1896,  pp.  478-479.) 

(2)  Arch.  nationales  D  m  352. 

(3)  Reg.  de  la  Société  populaire. 
l4)  Id. 

(5)  Voici  un  des  plus  curieux  passages  de  ce  discours  :  «....  Citoyens,  je  pense  ici 
que  personne  ne  peut  nier  que  de  grandes  nations  qui  ont  établi  leur  culte  et  leur  mo- 
rale ne  puissent  les  changer  jusqu'au  moment  où  elles  auront  Tassiette  invariable  et 
bien  déterminée  de  l'esprit  de  tous  les  habitants  du  globe.  —  Pour  conclure  donc,  je 
je  te  somme,  de  par  l'amour  de  l'ordre,  de  par  la  révolution,  toi,  Laumonier,  de  nous 
faire  un  travail  de  quatre  pages  sur  la  probité  ;  toi,  Contour,  un  travail  sur  la  loyauté  ; 
toi  Monnier,  un  travail  sur  l'égalité  ;  toi,  Legendre,  un  travail  sur  la  justice  ;  toi,  Hara- 
neder,  un  travail  sur  l'ingratitude  ;  toi,  Lenormand,  un  travail  sur  la  pudeur;  toi, 
Vernon,  un  travail  sur  la  sensibilité,  et  vous,  mes  autres  concitoyens,  vous  n'êtes  pas 
hors  de  ma  sommation,  car  il  vous  est  réservé  de  traiter  de  l'amitié,  de  la  révolution, 
des  droits  du  peuple  et  du  poste  du  bon  citoyen...  (Reg.  de  la  Société  pop.) 


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■--73.^ 


^  300  - 

A  peine  Pillon  est-il  maire  provisoire   qu'elle  entreprend  de 
composer  la  liste  du  futur  conseil  général  de  la  Commune.  C'est 
d'abord  Lamine  qui  dirige  l'opération  et  donne,  les  25  et  26  février, 
lecture  des  listes  des  maire,  officiers  municipaux,  procureurs  et 
notables,  des  membres  du  district,  du  comité  de  surveillance,  et  du 
département.  Cette  liste  parait  avoir  amené  des  observations  de  la 
part  des  représentants  du  peuple,  et  Ton  y  répondait  le  4  nivôse, 
jour  d'une  nouvelle  lecture  des    listes.   Une    réclamation   contre 
Gambard  est  rejetée  ;  mais  celle  contre  Dumesnil  (1),  du  district, 
accusé  de  s'enivrer,  est  d'abord  admise.  Un  autre  examen  a  lieu  le 
6  nivôse  (Blanche,  président)  sur  une  liste  lue  par  Godebin.  L'un  des 
suppléants  figurant  sur  la  liste  des  membres  du  département  est 
Doublet,   du    district  de    Neufchâtel   (2),    l'autre    est    Benjamin 
Pavie,  faubourg  Sain t-Hilaire  (3).  Deux  noms  sont  proposés  pour 
l'agence  nationale  du  district  :  Thierry   et  Lecanu.  Dumesnil  est 
esl  maintenant  au  district,  «avec  cette  apostille  qu'il  a  l'habitude 
de  s'enivrer.  »  Pour  la  commune,  la  liste  y  compris  le  maire  ne  com- 
prend qne.  vingt  noms,  plus  trois  suppléants  :  Arvers,  Yvernès  et 
Turgis,  ces  deux  derniers  suspendus.  Delamare  sera  maintenu  avec 
la  même  apostille  que  Dumesnil.  Les  notables  comprenaient  quarante- 
et-un  noms,  plus  dix  suppléants.  Le  nom  de  Denis,  détenu  à  Paris, 
fut  rayé.  Les  citoyens  devant  composer  la  liste  du  comité  de   sur- 
veillance étaient  «  tous  patriotes  de  89  (6)."))  Enfin  toutes  les  listes 
furent  arrêtées  et  confirmées  d'une  voix  unanime. 

Puis,  pour  les  porter  aux  trois  conventionnels  (5),  au  Havre, 
Eudeline,  Delihu  et  Vernon  furent  désignés.  On  chanta  des  «couplets 
et  chansons  »  notamment  un  dialogue  sur  l'air  de  la  Carmagnole, 

(1)  Sa  conduite  ne  tarda  pas  à  être  incrinunée  ;  V.  séance  du  district  du  23  ventôse 
an  II.  (Arch.  du  dép«.) 

(2)  Parent,  sans  doute,  du  conventionnel. 

(3)  Ex-avocat,  détenu  depuis  le  2  frimaire. 

(4)  Cette  étiquette  est  d'une  exactitude  contestable.  Yvelin  et  Jeannemey  étaient  deux 
de  ces  membres.  Leurs  noms  sont  rayés  le  4  nivôse  parce  qu'ils  ont  été  prêtres,  «  qua- 
lité qu'ils  ont  cependant  abdiquée  .  Leurs  noms  furent  remplacés  par  ceux  de  GaiTault 
et  Hochet,  qui  ne  furent  pas  nommés. 

(5)  Legendre  et  ses  collègues  étaient  alors  à  Anet  (Eure),  où  les  trois  commissaires 
de  la  Société  populaire  leur  remirent  les  listes.  De  là,  les  conventionnels  se  rendirent 
au  Havre,  d'où  ils  envoyèrent  leurs  «uTétés  à  Rouen  par  un  courrier  extraordinaire 
(Reg.  de  la  Société  populaire.) 


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—  301  — 

auteur  Real  ;  «  les  commissaires  pour  les  listes,  dit  le  procès-verbal, 
le  porteront  »  pour  le^chanter  aux  représentants  du  peuple.  » 

Avant  de  clore  le  paquet^  on  ajoute  le  nom  d'Anquetin  le  jeune, 
notable,  oublié,  et  le  paquet  cacheté  est  remis  à  Vernon. 

Les  trois  commissaires  firent  un  long  et  beau  voyage  (1),  d'où 
ils  revinrent  seulement  le  9  nivôse.  Ils  avaient  été  jusqu'à  Anet 
(Eure-et-Loir)  où,  le  7,  ils  avaient  été  reçus  par  les  trois  députés 
qui  s'y  reposaient  chez  Delacroix,  Tun  d'eux,  de  leurs  tracas  du 
séjour  des  grandes  villes  (2). 

La  réorganisation  et  l'installation  des  autorités  constituées,  par 
suite  des  arrâtés  de  Legendre,  Louchet  et  Delacroix,  datés  à  Tillières 
du  9  nivôse,  s'effectua  sans  bruit.  Les  journaux  publièrent  les  noms 
des  divers  administrateurs  (3)  et  la  Société  populaire,  satisfaite  une 
fois  de  plus  de  les  avoir  choisis,  cessa  de  s'en  occuper  dès  qu'elle 
sut  que  les  représentants  les  avait  acceptés. 

(1)  Ce  voyage  coûta  300  1.  qui  furent  remboursés  à  Lamine,  le  22  nivôse  (Reg.  de  la 
Société  populaire). 

(2)  Lorsque  Lacroix  fut  dénoncé  à  la  Convention,  on  lui  reprocha  notamment 
d'avoir  épousé  une  ci-devant  comtesse  qui  avait  un  tabouret  chez  Madame,  et  l'on 
rappela  que  chez  lui,  à  Anet^  on  avait  trouvé  des  linges  marqués  au  chiffre  de  l'archi- 
duchesse d'Autriche,  gouvernante  des  Pays-Bas.  (Moniteur  du  20  germinal,  an  II, 
p.  809,  3«  col). 

(3)  Conseil  général  de  la  commune  :  Pillon,  rue  de  l'Ecole,  maire  ;  Aimable  Bérée, 
Tamjlier,  Victor  Lefebvre,  Guyet,  Lagnistre,  Carré,  Vincent  Groult,  Roumy,  Desmalis» 
L.  Ilamel,  Quesnel-Roger,  Bérard,  Moulin,  Haraneder,  Clavier,  Dieu,  Chouquet, 
Le  Boucher,  Caffîn-Vemon,  officiers  mpaux  (les  conventionnels  ont  supprimé  le  nom 
de  Delamare,  d'où  seulement  vingt  officiers  municipaux).  Foret,  agent  national  ; 
Ar\*ers,  substitut  ;  J.-B.  Pinel,  Baudry,  Long,  Gignet,  Lambert,  Lebas,  Desaubris, 
Demay,  Etennemare,  Thomas  Groult,  Regnault,  Lignel,  Bellencontre,  Arnault,  Bérat, 
Pouchet-Maugendre,  Legendre,  Dumesnil,  Legras,  Mabon,  Nos,  Bourdon,  Thébault, 
Masson,  Paquenneville,  Thiémé,  Levasseur,  Lepiller,  Esnault.  Yvelin,  Gamare,  Grand- 
court,  Marie,  Lefebvre  père,  Alexandre,  Jeannemey,  Angerville,  IlénauJt,  Olivier  Lenioinc, 
Bonneterre,  Auney  et  Lemort,  notables.  —  Bureau  municipal  :  Pillon,  maire;  Bérat, 
Guyet,   Moulin,  V.  Grout,  Carré,  Le  Boucher,  Poret,  agent  national  ;   Arvers,  substitut  ; 

Administrateurs  du  dép»  :  Bouvet,  Grandin,  Belhosle,  Allais,  Ghoin,  Aubert, 
Dumazort,  ThieiTy  et  Castel  ; 

Directoire  du, district  :  Lefebvre-Signol,  président,  rue  de  la  Halle;  Cabissol,  rue 
du  Petit-Enfer  ;  Vincent,  rue  du  déi)S  n"  20  ;  Delarue,  rue  Potard  ;  Eudeline,  rue  des 
Iroquois  ;  Lecanu,  agent  national,  rue  Belï'roi.  Conseil  général  :  Dumesnil,  rue  Saint- 
Patrice  ;  Courtin,  rue  des  Charrettes  ;  Cartier,  rue  du  Vieux-Palais. 

Comité  de  surveillance  :  Lambert,  rue  des  Jacobins,  président  ;  Lamine,  rue  des 
Faulx  ;  Gaillon,  rue  du  Citoyen,  secrétaire  ;  Regnault.  rue  du  Cai)oral  ;  François  Pinel, 
rue  Kau-de-Robec  ;  Barbarey,  rue  de  l'Ecole  ;  Poisson,  fonrlcur,  rue  Ganterie  !  Godebin- 
Jouvenet,  rue  de  Robec  ;  Bt^iicourt,  sur  les  Petites-Eaux  ;  Labbé,  fabricant  à  Etampes; 
Troussey,  peintre,  fbg  Cauchoise  ;  G™»  Angrand,  rue  Cauchoise. 


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-302  - 


CHAPITRE   TREIZIÈME 

Real  succède  à  ^aint-Amand  à  Rouen.—  Fin  de  la  mission  Legendre,  Lonchet  et  Lacroix. 
—  Prise  de  Toulon  ;  la  blanchisseuse  de  Léon  Le  Yavassenr.  —  Saint-Ouen  réservé 
au  culte  ;  le  curé  Selot.  —  Cloches  et  clochers  ~  Protestants.  —  Instituteurs  et 
institutrices.  —  Baillv,  de  Forges.—  L huissier  Jugletetle  président  Legendre  — 
Employés  de  la  Douane.  —  Les  Sociétés  populaires  de  Sottevill %  Elbeuf  et 
Harcourt.  -  Incidents  divers  à  la  Société  prpulaire  de  Rouen  —  Arrivée  de 
Guimberteau.  —  Destruction  de  la  Bourse  découverte  et  envahissement  de 
rSvéché.  —  La  statue  de  la  Liberté.  —  Les  bruyères  de  Saint-Julien.  —  Blanci:e 
et  les  prêtres,  les  nobles,  les  charlatans  et  les  filles  publiques.  —  Blanche  contre 
Lemaire-Ternantes  ;  autres  médecins  de  Rouen.  —  L'hospice  général.  —  Les 
Rouennais  et  le  procès  des  hébertistes.  —  Siblot  à  la  Société  populaire;  ses 
excitations  et  ses  menaces.  —  Il  y  fait  une  émouvante  enquête.  —  Révélations  — 
Chouio,  Thierry,  Bouvet,  Thieullen,  Perrin,  Daupeley,  etc.,  épurés.  —  Les 
destitutions  du  30  germinal. 

I 

Le  départ  do  Galbois  Saint-Amand  et  sans  doute  celui  de 
Grenier  ramenaient  momentanément  une  tranquillité  relative  chez 
les  patriotes  aussi  bien  qu'il  diminuait  les  inquiétudes  des  contre-' 
révolutionnaires. 

La  commission  des  subsistances  et  approvisionnements  de  la 
République  donna  promptement  à  son  agent  un  successeur  beaucoup 
plus  calme  mais  non  moins  intrigant  que  lui,  et  qui  devait,  quelques 
mois  après,  se  retourner  comme  lui  contre  les  Rouennais.  Ce  nouvel 
agent,  Real  (1),  premier  substitut  de  Tagent  national  de  la  commune 
de  Paris,  vint  à  Rouen  vers  le  17  nivôse  (6  janvier  1794)  et  rendit 
compte  aux  parisiens,  le  18,  de  sa  mission  qui  avait  eu,  dit-il,  beau- 

(!)  Pierre-François  Real,  â{,'é  alors  de  trente-six  ans,  ex-procureur  au  Ghâtelet  de 
Paris,  ex-accusateur  public  au  tribunal  de  la  Seine.  Le  l»""  genninal  an  II,  la  commune 
de  Paris  invitait  son  maire  à  écrire  à  Real,  encore  en  mission  dans  les  départements, 
d'opter  entre  cette  mission  et  ses  fonctions  de  substitut.  C'était,  dit  la  Biographie  des 
hommes  vivants,  de  Michaud,  un  révolutionnaire  de  beaucoup  d'esprit,  même  d'un 
esprit  agréable,  et  qui  ne  semblait  pas  appartenir  à  sa  barbare  faction,  «t  II  parait  qu'il 
se  fit  envoyer  en  mission  à  Rouen,  parce  quc^sa  position  à  Paria  allait  devenir  embarras- 
sante ».  (Saint-Edme,  ouvr.  cité,  p.  402.) 


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r 


—  303  — 

coup  de  succès,  les  autorités  ayant  seconde  ses  opérations.  Le  surplus 
de  ses  instants  avait  été  employé  à  éclairer  Tesprit  public  (1)  ;  il 
obtint  a  mention  patriotique  »  du  zèle  des  citoyens  Emmanuel  et 
Louis  Osmont,  Ez.  Desmarest,  Clavel,  etc.  (2) 

Real  revint  à  Rouen  le  l^*"  pluviôse  (19  février)  ;  une  délibération 

du  conseil  de  Paris  du  18  nivôse  et  une  lcttre.de  Pache  exprimaient 

l'enthousiasme  fraternel  des  parisiens  touchés  du  soin,  de  l'activité 

et  du  dévouement  avec  lesquels  les  rouennais  expédiaient  les  grains 

pour  l'approvisionnement  de  Paris.  Enchanté,  Pillon,  «  interprète  de 

rattachement  inviolable  voué  par  les  bons  citoyens  de  Rouen  pour 

leurs  bons  frères  de  Paris,  donnait  à  la  commune  de  Paris  le  baiser 

fraternel  de  Rouen  ».  (3)  Bérard  et  Desmalis  accompagnaient  le  soir 

même  Real  à  la  Société  populaire  où  il  recevait  du  président  Blanche 

une  accolade,  après  avoir  indiqué  les  moyens  à  l'aide  desquels  il  avait 

anéanti  l'esprit  de  division  entre  deux  communes  qui  concouraient 

si  efficacement  au  bonheur  public.  La  Société  populaire  s'empressait 

de  faire  publier  la  lettre  de  Pache  et  d'envoyer  aux  Jacobins  de  Paris 

un  extrait  du  procès-verbal  de  la  séance.  A  partir  de  ce  moment, 

ceux  de  Rouen  durent  se  croire  réconciliés  avec  les  Parisiens  et  h 

l'abri  d'injustes  soupçons.  (4)  A  en  juger  par  les  chants  qu'il  composa 

pendant  son  séjour  à  Rouen  et  qu'on  y  entendait  encore  après  son 

retour  à  Paris  dans  la  Société  populaire  et  dans  les  fêtes  civiques, 

les  subsistances    seules  n'avaient    pas    dû   l'occuper.    Peut-être 

est-ce  de  cette  époque  que  datent  ses  relations  avec  la  famille  de 

Chastenay.  (5) 

La  mission  de  Legendre,  Loruchet  et  Delacroix,  commencée  il  y 
avait  plus  de  six  mois,  allait  bientôt  finir..  Avant  de  rentrer  ix  Paris, 
les  trois  conventionnels  vinrent  passer  quelques  jours  au  milieu  de 

(1)  Réal  ne  paraît  pas  être  venu  alors  dans  la  Société  populaire.  Il  n'y  vint  qua  son 
second  voyage. 

(2)  Moniteur  des  20  et  23  niv.  an  II,  pp,  441  et  45:5. 

(3)  Arch.  mpales.  Reg.  des  délibérations. 

(4)  Arch.  du  dép».  Reg.  du  district. 

(5)  Mémoires  cités,  t.  i,  pp.  309  et  s. 


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'     ^-  304  — 

leurs  bons  amis  de  Rouen.  (1)  On  les  vit  le  15  nivôse  à  la  Société 
populaire,  où  les  deux  premiers  prirent  part  à  une  assez  vive 
discussion  concernant  les  bouchers,  dénoncés  par  un  certain 
Dumouchel,  «  boucher  de  profession  et  républicain  ».  Lacroix 
proposa  de  solliciter  un  décret  taxant  les  bestiaux,  vanta  la  loi  du 
maximum,  bonheur  du  peuple,  et  blâma  les  bouchers  qui  faisaient 
des  ventes  clandestines.  Quanta  Legendre,  il  appuya  les  propositions 
de  son  collègue  par  des  motifs  tirés  de  ses  connaissances  particu- 
lières sur  la  boucherie,  (2) 

A  cette  question  s'en  mêlaient  d'autres,  notamment  colle  du 
suif,  de  la  chandelle  et  de  la  tannerie.  La  chandelle  était  devenue 
si  rare  qu'on  désignait  des  commissaires  pour  la  distribuer,  et  que  pour 
l'épargner  on  interdisait  les  billards  ainsi  que  le  travail  du  soir  dans 
les  administrations.  Un  peu  plus  tard,  en  germinal,  les  tanneurs  de 
Rouen  dénoncent  Poret,  père  de  l'agent  national,  qui  continue* 
livrer  toutes  ses  peaux  à  leur  confrère  Delahaye. 

La  reprise  de  Toulon  enthousiasme  les  rouennais  qui  l'ont  fêtée 
non  seulement  le  20  nivôse  à  la  commune  (3),  mais  aussi  dès  le  6  de 
ce  môme  moi  ^  à  la  Société  populaire,  où  ces  sortes  de  manifestations 
sont  moins  coûteuses.  La  commune,  plus  prévoyante  qu'on  ne  se 
l'imagine,  s'était  préoccupée,  le  14  nivôse,  de  savoir  dans  quelle  caisse 
elle  prendrait  les  20,000  livres  à  dépenser  pour  célébrer  cette  victoire. 


(1)  Legendre  et  Delacroix  ont  été  investis  le  9  nivôse  —  c'est-à-dire  le  jour  même 
où  ils  renouvelaient  les  administrations  rouennaises  —  d'une  mission  spéciale  pour 
l'établissement  du  gouvernement  révolutionnaire  dans  la  Seine-Inférieure  et  l'Eure. 
(Aulard,  Révolution  Fmncahe,  1897,  p.  64.)  Ils  n'en  parlent  nullement  le  15  à  la  Société 
populaire.  —  Louchet  était  encore  avec  eux  à  Rouen,  le  17  nivôse.  —  Les  arch.  du  dép'. 
mentionnent  l'envoi  dans  la  Seinè-Inférieure,  au  temps  où  y  étaient  déjà  Legendre  et 
autres,  de  Foumel,  député  de  Lot-et-Garonne,  dont  le  nom  ne  se  rencontre  nulle  pari 
dans  les  procès- verbaux  des  diverses  administrations. 

(2)  Le  comité  do  surveillance  de  Rouen  fit  incïircérer  le  15  floréal,  non  seulement 
Anquetin,  boucher,  qui  avait  vendu  de  la  viande  au-dessus  du  maximum,  mais'méme 
Castel,  qui  lui  avait  procuré  un  appartement  pour  déposer  sa  viande.  Sur  les  poursuites 
de  l'agent  national  (Poref,  le  tribunal  de  police,  le  5  floréal,  tout  en  condamnant 
Anquetin  à  50  1.  d'amende,  et  en  déclarant  surseoir  pour  Castel,  ordonnait  qu'on  se 
saisirait  de  leurs  personnes. 

(3)  V.  Reg.  de  l'Hôtel-de-Ville,  et  Gosselin,  revue  citée,  1867,  p.  107. 


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^  305  - 

Le  district  ne  voit  pas  d'autre  moyen  que  celui  de  les  emprunter 
aux  bons  citoyens.  (1) 

Pour  la  Société  populaire,  l'intérêt  de  révcncment  semble 
résider  surtout  dans  ce  qu'un  rouennais,  de  quelque  notoriété  déji'). 
Le  Vavasseur  (2),  recouvre  la  liberté  par  l'entrée  des  français  ;i 
Toulon.  C'est  elle-même  qui  apprend  à  Le  Vavasseur  père  que  son 
fils  est  vivant  et  sorti  «  de  son  cachot,  après  quatre  mois  de 
captivité.  » 

La  fête  célébrée  à  cette  occasion  fut  moins  solennelle  mais  plus 
bruyante  qu'à  la  commune.  Celle-ci  vint  à  la  Société  populaire, 
précédée  d'une  musique  guerrière  et  «  environnée  et  suivie  de  sans- 
culottes  »  lesquels  mêlaient  leurs  voix  aux  clairons  pour  chanter  des 
hymnes  à  la  liberté  et  publier  la  gloire  conquise  dans  les  environs  et 
sous  les  murs  même  de  Toulon,  cette  ville  coupable,  infâme,  qui  ca 
disparaître  pour  faire  pince  à  la  ville  et  au  port  de  la  Montagne,  (3) 
On  entend  un  discours  du  président  (Blanche)  et  la  citoyenne 
Leblond,  «  qui  demeure  rue  du  Mans,  n®  22  »,  chante  un  hymne  de 
victoire  (4). 

La  municipalité,  le  district,  le  département  et  le  comité  de 
surveillance  s'occupent  do  déterminer  le  nombre  des  temples  qui 
resteront  consacrés  au  culte  catholique.  Chacune  de  ces  administra- 
tions a  ses  visées  et  il  en  résulte  parfois  de  singuliers  malentendus. 

(1)  M.  Gosselin  attribue  à  tort  cette  réponse  au  département  et  la  cause  de  l'em- 
prunt à  la  fôte  anniversaire  de  la  mort  de  Louis  XVI. 

(2)  Léon  Le  Vavasseur,  fils  d'un  ex-juge  consul  et  échevin  de  Rouen  et  d'une 
Debonne,  était  alors  âgé  de  trente-un  ans.  Membre  de  la  Société,  il  lui  écrivait  de  Paris 
lorsqu'il  était  membre  de  la  Législative.  —  En  pluviôse,  il  donne  à  son  père,  qui  les 
communique  à  la  Société,  des  détails  sur  les  atrocités  commises  par  les  Anglais  avant 
leur  fniie  de  Toulon  et  mentionnant  les  traits  patriotiques  d'une  citoyenne,  sa  blan- 
chisseuse, que  la  Société  félicita  ainsi  que  Le  Vavasseur  lui-même.  —  Son  frère,  Ben- 
jamin, dont  parlent  assez  longuement  les  Mémoires  de  M™«  de  Chastenay  (t.  I'r,pp.169et  s.) 
écrivait  aussi,  le  1"  pluviôse,  à  la  Société,  rendant  compte  des  succès  français  en  Corse, 
et  faisant  espérer  la  destruction  prochaine  des  partisans  de  Paoli.  L'un  des  deux 
1-e  Vavasseur  envoyait  par  la  poste  les  lettres  de  noblesse  de  son  père  à  la  commune 
de  Rouen,  le  18  floréal.  Le  26  du  même  mois,  il  adresse  à  la  Société  une  brochure  : 
Mutius  Scevola  an  camp  de  Péronne,  et  prend  dans  la  lettre  le  titre  de  chef  des 
constructions  de  l'artillerie  de  la  marine. 

CS)  V.  dahs  le  Moniteur  du  13  nivôse,  notamment  le  discours  de  Barrère  au  nom  du 
Comité  de  Salut  public,  reprochant  à  Toulon  d'avoir  été  vénale,  anglo-espagnole,  etc. 
(4)  Reg.  de  la  Société  populaire. 


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-  306  — 

Sur  Tinitiativc  prise  par  le  comité,  la  commune,  invitée  par  le  district 
à  donner  son  avis,  dit  qu'un  temple  suffira  et  que  Tédiâce  le  plus 
convenable  est  Saint-Ouen.Le  département  homolo.îrue publiquement 
cet  avis  le  surlendemain,  et  son  empressement  alarme  la  commune 
qui,  dans  une  séance  particulière,  provoquée  par  le  maire,  exprime 
le   désir  qu  il  soit  différé  à  Tarrété  d'homologation.  Toutefois,  la 
difficulté  ne  tarde  pas  à  s'aplanir  ;  le  choix  de   Saint-Ouen  est 
maintenu  et.  à  la  suite  d'une  pétition  de  gens  qui  voudraient  voir 
attribuer  cette  église   seulement  au  curé  de  Saint-Ouen  et  à  son 
clergé,  la  commune,  le  13  nivôse,  proclame  —  sauf  à  ne  point  l'appli- 
quer —  que  «  tout  citoyen  a  le  droit  d  exercer  le  culte  qui  lui 
convient  »,  et,  peu  après,  sur  la  demande  que  font  vingt  personnes 
de  la  clef  do  la  sacristie  et  de  la  faculté  de  sonner  la  cloche,  passe  à 
l'ordre  du  jour.  Parmi  ces  pétitionnaires  est  le  curé  constitutionnel  de 
Saint-Ouen,  Antoine  Selot,  lequel  est,  à  la  suite  de  ses  démarches, 
le  29  nivôse,  écroué  à  Saint- Yon,  tout  surpris  d'être  privé  de  sa 
liberté  après  avoir  embrassé  et  soutenu  avec  tant  de  persévérance 
la  cause  de  la  Révolution,  et  pris  pour  «  guide  infaillible  Robeî- 
pierre  ».  (1) 

Tout  cela  s'est  produit  après  que  le  bureau  permanent  de  la 
Commune,  présidé  par  Pillon,  a  nommé  Jacques  Malandrin  pour 
ouvrir  et  fermer  tous  les  jours  au  lever  et  au  coucher  du  soleil  l'église 
Saint-Ouen,  et  pour  la  garde  de  tous  les  effets  nationaux  existant 
dans  l'église  et  le  clocher,  avec  recommandation  notamment  do 
n'obéir  qu'aux  ordres  de  la  municipalité  (2). 

La  question  des  cloches,  des  clochers  et  des  églises  sera  souvent 
l'objet  de  l'attention  des  Jacobins.  Ainsi,  le  2  pluviôse,  à  la  Société 
populaire,  Lnmine  demandera  qu'on  fasse  disparaître  tous  les  clochers 
et  que  les  bois  et  charpentes  en  sortant  soient  employés  h  des  tra- 
vaux nécessaires  au  local  de  la  Société  (3).  L'utilité  des  cloches  — 
et,  partant,  des  clochers,  —  pour  avertir  di'S  incendies,  fait  remettre 


(1)  Arch.  mpalos.  Selot  oLtient  un  certificat  de  civisme  le  13  avril  1793,  et  prête 
serment  devant  la  commune,  le  15  brumaire. 

(2)  Arch.  mpales.  Reg.  du  hureau  permanent. 

(3)  Reg.  de  la  Société  populaire. 


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—  307  — 

la  décision.  Quant  aux  charpentes,  Lamine  et  Fontaine,  au  nom  de  la 
Société,  en  avaient  déjà  obtenu  une  partie  du  département,  le  8  fri- 
maire, en  même  temps  que  Téglise  des  Carmes  était  mise  h  la  dispo- 
sition de  la  Société  (1).  Malgré  l'émotion  produite  dans  le  public  pnr 
les  bruits  de  suppression  des  cloches,  bruits  contre  lesquels  la  muni- 
cipalité avait  été  obligée  de  protester,  la  Commune  ordonne  le 
23  germinal  que  les  cordes  des  cloches  soient  rassemblées  et  mises 
à  la  disposition  du  ministre  de  la  marine. 

Détail  à  mentionner  :  Les  citoyens  professant  le  culte  réformé 
peuvent  impunément  déclarer  à  la  municipalité,  le  17  pluviôse,  qu'ils 
célébreront  leur  culte  dans  la  ci-devant  église  de  Saint- Vigor  (2),  à 
partir  du  dimanche  suivant.  La  Commune  ne  s'émeut  point  de  ce 
que  les  protestants  fassent  revivre  le  dimanche.  Comme  les  autres 
administrations,  elle  réserve  son  indignation  pour  les  catholiques 
qui  ne  substituent  pas  le  décadi  au  dimanche.  Au  surplus,  les  mi- 
nistres protestants  ne  sont  pas  même  astreints  à  se  pourvoir  de 
certificats  de  civisme  (3). 

Les  29  nivôse  et  !•'  pluviôse ,  la  Société  populaire  reçoit 
les  instituteurs  des  écoles  -  publiques  du  quartier  Martainville, 
accompagnés  d'élèves  des  deux  sexes.  Un  de  ces  jeunes 
républicains  prononce  un  discours  remerciant  la  Société  d'avoir 
assisté  à  la  plantation  d'un  arbre  de  la  liberté  devant  les  écoles 
du  u  cimetière  Saint-Maclou  ».  Un  instituteur  annonce  qu'il  a  pris 
le  nom  de  Montagne  au  lieu  de  celui  de  Leroy,  et  dénonce  les 
citoyennes  préposées  aux  écoles  gratuites  de  Martainville  comme 
aristocrates  et  articule  des  faits  :  La  Société  qui,  déjà,  le  7  nivôse, 
a    nommé    Prudhomme,    Carpentier    et    Letellier,    professeurs, 

(1)  Arch.  du  dép».  Procès- verbaux  des  séances. 

(2)  Sur  leur  demande,  le  département  leur  accordait,  le  8  juillet  1791,  l'église  des 
Mathurins.  En  octobre  1793,  ils  avaient  l'église  Saint-Lô.  Le  22  ventôse  an  IH,  les 
citoyens  Mordant,  Malhérée,  Leseigneuret  autres  déclarèrent  à  la  Commune  leur  inten- 
tion de  s'assembler  dans  la  ci-devant  église  Saint-Vigor,  les  jours  appelés  dimanches. 
Le  14  vendémiaire  an  V,  les  protestants,  en  grand  nombre,  demandaient  un  local  con- 
venable pour  la  célébration  de  leur  culte. 

(3)  La  Commune  enregistre,  le  15  juin  1793,  une  lettre  du  district  avec  copie  d'une 
autre  du  ministre  de  Tintérieur  d'après  laquelle  les  ministres  prolestants  ne  doivent 
pas  être  astreints  à  des  certificats  de  civisme» 


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-  308  — 

Chouin  et  Noél,  du  Journal  de  Rouen,  membres  d'un  comité  pour 
examiner  les  candidats  instituteurs,  «  prendra  en  outre  des  mesures 
générales  pour  réprimer  raristocratie  et  le  modérantisme  de  tous  les 
individus  préposés  à  l'enseignement  dans  cette  commune.  »  Aussi, 
les  institutrices  seront-elles  reçues  froidement  lorsqu'elles  deman- 
deront des  certificats  de  civisme  (27  pluviôse).  Après  «  plusieurs 
débats  »  et  sur  la  motion  de  Lefebvre-Signol,  la  Société  délibère  que 
Xepcu  de  civib-me  de  ces  institutrices  sera  épuré  p«ar  un  commissariat 
ad  hoc  :  Delaporte,  Yvernès,  Crespin,  Fouteier,  Quesnel  et  Lesage. 
Yvernès  demande  qu'on  regarde  comme  suspects  les  instituteurs 
fanatisés,  et  Lefebvre  veut  que  le  jour  du  décadi  les  enfants  soient 
tenus  d'accompagner  leurs  instituteurs  et  institutrices  pour  recevoir, 
dans  le  Temple  de  la  Raison,  les  premières  empreintes  du  répu- 
blicanisme. La  citoyenne  Locquet,  maltresse  d'école,  n'a  pas  peu 
contribué  à  attirer  cette  défaveur  sur  les  instituteurs.  Ne  s'est-elle 
pas  avisée,  avec  d  autres  femmes  de  la  ci-devant  paroisse  S^int-Paul 
de  présenter  une  pétition  pour  la  réouverture  de  l'église  Saint-Paul, 
afin  qu'on  y  célèbre  le  culte  catholique!  Le  district,  dit  que  déjà  une 
église  est  ouverte,  dont  on  peut  jouir  à  son  aise,  et  passe  à  Tordre  du 
du  jour  ;  mais  comme  la  pétition  a  été  inspirée  par  le  fanatisme,  et 
qu'il  paraît  dangereux  de  laisser  à  la  femme  Locquet  l'éducation  des 
enfants  auxquels  il  est  facile  de  faire  prendre  de  bonnes  ou  de  mau- 
vaises impressions,  il  la  signale  à  la  commune. 

Bailly  (1),  de  la  société  de  Forges,  vi^nt  chanter  à  la  tribune  Je 

(I)  Harthélcmy-Joseph  Hailly,  nv  en  1746,  mort  avant  octobre  1812.  U  avait  épousé 
vers  la  fin  degorminnl  an  V,M.-A.-G.  Prieur»  morte  à  Forges  le  3 octobre  1&I2,  Ce  singulier 
personnage  est  mentionné  par  M.  Ruuquet  dabs  VHistoire  des  Eaux  de  Forges,  p.  447448. 
Il  semble  s'être  établi  libraire-colporteur  surtout  au  moyen  des  acbats  de  Vivres 
qu'il  fit  à  la  vente  des  bibliothèques  d'abbaye  et  de  couvents  des  environs,  notamment 
à  celle  des  capucins  de  Forges  qui  eut  lieu  le  25  mai  1791  (Arcb.  du  départ.).  Il  fut 
arrêté  à  Xeufcbàtel-en-Bray  le  13  août  1798,  pour  avoir  vendu  le  jour  du  marché  des 
écrits  tenJant  à  rétablir  la  royauté  et  exciter  à  la  guerre  civile,  et  avoir  composé  une 
pirtie  de  ces  écrits.  !)•»  Hallieu  et  Lhommedieu,  associés  à  Gournny,  qui  avaient  impnmé 
ces  écrits,  furent  traduits  avec  lui  devant  le  tribunal  criminel  de  la  Seine-Inférieure 
(Carel,  président),  le  27  août  1799.  L'écrit  colporté  était  le  manifeste  du  prince  de  Condé 
aux  Français.  On  trouva  chezimiliy  une  Confession  générale  delà  République,  dont  le  \Tai 
titre  était  :  Confession  dune  Grande  Dame,  une  chanson  sur  l'air  du  Uéreildupettplf, 
plusieurs  exemplaires  d'une  Prédiction  pour  la  fin  du  XVIII*  siècle,  tirée  du  Mirabilis 
libery  une  pièce  de  vers  :  La  République  aux  abois,  un  couplet  sur  l'air  La  Bonne 


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-300- 

la  Société,  le 29  pluviôse,  une  chanson  patriotique  qu'on  applaudît. 
Les  fastidieux  examens  du  civisme  des  membres  de  la  Société 
et  dtes  fonctionnaires  occupent  presque  tous  les  inst  mts  des  patriotes, 
qui  ne  se  lassent  pourtant  que  de  ce  qui  les  en  distrait.  Ils  ont  par- 
fois des  conséquences  imprévues.  Ainsi,  l'huissier  Juglet  (1)  qui,  le 
26  septembre  1793,  s'est  vu  refuser  l'affiliation  après  «  des  incul- 
pations fortes  »  de  Legendre,  président  du  tribunal  criminel,  appuyé 
par  le  greffier  Paynel  et  Lemonnier,  envoie  au  bout  de  trois  mois,  à 
Legendre,  une  citation  devant  le  juge  de  paix,  en  10,0vX)  livres  de 
donamages-intérêts.  Legendre  s'en  émeut  assez  pour  venir  demander 
le  21  nivôse  (12  janvier  1794),  un  extrait  du  refus  de  la  Société. 

Les  employés  de  la  douane  furent  toujours  traités  plus  rigou- 


Avcnturey  le  Bref  de  Pie  VI,  une  Satire  nouvelle,  commençant  par  ces  mots  :  Quelle 
honrible  cahos  («iV),  une  pièce  en  prose  :  Malheureux  FrançalSj  qu'allez-vous  faire  f 
L'acte  d'accusation  contre  Bailly  reproduit  deux  couplets  particulièrement  incriminés 
de  la  Confession  : 


J*ai  confessé  mon  arrogance 
Et  mon  opiniâtreté 
A  vouloir  asservir  la  France 
Sous  ma  dure  captivité, 
J'ai  confessé  ma  turpitude. 
Mon  esprit  d'irréligion 
Et  ma  criminelle  habitude 
D'égorger  en  toute  saison. 


Je  lègue  à  Siéyès  mon  génie, 
Mon  Grand-Livre  à  mes  créanciers. 
Aux  bourreaux  ma  philantropie, 
Mes  exploits  aux  aventuriers, 
Aux  Français,  l'horrsur  de  mes  crimes, 
Mon  exemple  à  tous  les  tyrans, 
La  France  à  ses  rois  légitimes 
Et  les  remords  à  mes  parents. 


Bailly  fut  condamné  à  la  peine  de  mort,  commuée  en  celle  de  la  déportation  par 
suite  de  l'admission  de  circonstances  atténuantes.  Le  Bouvier  était  son  avocat.  La  dé- 
cision du  tribunal  criminel  de  Rouen  fut  cassée^  et  le  tribunal  de  Beauvais,  devant 
lequel  il  fut  renvoyé,  l'acquitta  le  15  mai  1800.  Bailly  est  l'auteur  de  la  Passion  de 
Bailly  ou  le  Déporté  rendu  libre  (Beauvais,  imp*  Desjardins),  Vei*s  sur  les  mémorables 
Joutmées  des  i8  et  iO  bnimaire  an  VIII,  au  consul  Bonaparte,  —  Babioles  du  père 
Havé,  par  son  successeur  Palastre  (fantaisie  abracadabrante.  Palastre  est  le  nom  d'un 
ex-curé  de  Boscgeffroy),  à  Neufchâtel,  imprimerie  J.  Féray,4  p.  in-8o,  s.  n.  n.  d.(anlV). 
Ce  dernier  écrit  est  une  sorte  de  prospectus  annonçant  l'histoire  de  la  sorcellerie  dans 
le  pays  de  Bi*ay.  (Notes  de  l'auteur), 

(l)  Juglet,  avant  la  révolution  premier  huissier  à  la  vicomte  de  l'Eau,  avait  été 
nommé  huissier  du  tribunal  criminel  le  20  février  1792,  en  remplacement  d'Avenel.  Il 
parait  avoir  été  détenu  à  Paris  en  floréal  an  II  (Arch.  du  départ.  Reg.  du  distrj 


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-  310  — 

rcuseraent  parce  que  leur  chef,  Portier  (1)  s'était  montré  favorable 
aux  démonstrations  royalistes  de  M.  dcLiancourt.  Huit  d'entre  eux, 
interrogés  le  13  nivôse,  déclarent  que  dans  les  bureaux  on  a  lu  le 
Journal  de  Peviet  et  VIndicateur,  qu'on  y  était  abonné  à  la 
Chronique,  mais  ils  ont  soin  d'ajouter  que  lorsqu'on  disait  du  mal 

des  Sociétés  populaires  on  ne  voulait  pas  l'entendre L'un  d'eux 

est  vivement  pressé  par  le  président  (Lenormand)  de  dénoncer  ceux 
qui  ont  t;înu  des  propos  anti- républicains  :  «  Auras-tu  le  courage 
de  les  nommer  dans  un  comité  ?  Je  t'observe  que  la  dénonciation 
est  une  vertu  lorsqu'il  s'agit  de  contre-révolutionnaires.  » 

A  propos  de  l'affiliation  de  la  Société  —  naissante,  mais 
patriote  —  de  Sotteville,  à  la  Société  populaire  de  Rouen,  Lemon- 
nier  et  Licquet,  qui  ont  la  vertu  vantée  par  leur  frère  Lenormand, 
rapportent  que  le  maire  (Brunel)  (2)  et  le  curé  (Joly)  (3)  de  cette 


(1)  Henri-Jean  L3  Portier,  cinquante  ans,  ex-directeur  des  fermes,  à  Rouen,  rue 
des  Charettes,  106.  La  Commune  lui  refusa  un  certificat  de  civisme  le  26  février  1793. 
On  voulut  l'arrêter  dés  le  31  août  1793,  en  vertu  d'un  ordre  du  comité  de  Salut  public, 
mais  sa  sœur,  la  citoyenne  Lemaître,  le  dit  absent  quoiqu'il  fut  chez  lui.  Le  15  frimaire, 
une  fille  Motte,  couturière,  dénonçait  Osmont,  neveu  de  Le  Portier,  résidant  chez  celui- 
ci,  comme  un  aristocrate  enragé,  et  Le  Portier  lui-même.  Ce  Osmont  était  en  bru- 
maire an  m  inspecteur  des  vivres  et  fourrages  à  larmée  du  midi.  Le  23 germinal  an  II, 
Le  Portier  fut  arrêté,  conduit  à  Saint- Yon,  après  que  Blanche  lui  eut  fait  subir  un 
mterrogatoire  dont  de  piquants  exraits  sont  dans  l'un  des  rapports  de  la  commission 
thermidorienne  contre  les  terroristes.  Le  Portier  fut  mis  en  liberté  par  arrêté  du 
Comité  de  Sûreté  générale  du  14  brumaire  an  III.  Des  notes  de  police  le  mentionnent 
comme  ayant  passé  pour  être  le  caissier  de  l'armée  royale  en  Normandie,  et  comme 
ayant  logé  le  vicomte  de  Chamhray,  général  démissionnaire  de  cette  armée.  Il  avait 
déclaré  que  son  cœur  et  son  âme  étaient  au  roi  et  à  la  Camille  royale.  On  le  dit  domi- 
cilié à  Paris  en  l'an  VII.  —  M.  de  Chambray  était  détenu  à  Rouen,  par  ordre  d'AUan, 
juge  de  paix,  le  7  sept.  4796,  et  mis  en  liberté  le  15  nov.  suivant  par  ordre  d'Aroux, 
directeur  du  jury.  —  Arrêté  de  nouveau  et  conduit  à  Caen  pour  y  être  jugé,  il  fut  délivTé 
en  chemin  par  M.  de  Mauduit,  à  la  tête  d'une  troupe  de  trente  à  quarcmte  hommes,  dont 
quelques  uns  étaient  masqués,  le  31  décembre  1796.  Un  de  ceux  qui  avalent  facilité 
cette  évasion,  Jean  Duflos,  âgé  de  dijç-neuf  ans,  fut  détenu  à  Rouen,  (28  août  1798)  et 
traduit  devant  le  tribunal  criminel.  Une  lettre  de  Delaistre,  commissaire  du  directoire 
exécutif  au  clép',  du  17  nov.  1798,  donne  le  signalement  de  M.  de  Chambray,  qu'il  qua- 
lifie d  émigré,  et  de  chef  du  conseil  des  Chouans.  (Arch.  mpales  et  notes  de  l'auteur). 

(2)  Brunel  parvint  à  s'enfuir. 

(3)  Le  curé  constitutionnel  Joly  était  venu  demander  au  district  (26  ventôse)  s'il 
pouvait,  comme  ministre  du  culte  catholique,  recommander  le  pape  dans  ses  prières, 
BU  prône,  y  annoncer  les  fêtes  chômées  dans  le  culte  catholique  et,  sans  blesser  les  lois 


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—  311  — 

commune,  s'étaient  ligués  pour  fanatiser  le  peuple,  et  chantaient  le 
Te  Deum  pendant  que  les  patriotes  chantaient  des  hymnes  patrioti- 
ques. Le  curé  a  même  dans  un  prône  invité  à  prier  pour  le  «  ci-devant 
père   le  pape  ».  Or,  le  maire  a  l'impudence  de  se  présenter  à  la 
séance  de  la  Société  de  Rouen  avec  son  écharpe,  qu'on  lui  fait  ôter. 
Comme  il  semble  vouloir  dénoncer  le  district  et  le  département  pour 
n'avoir  pas  fourni  des  effets  d'équipement,  un  membre  le  dénonce  à 
son  tour  comme  aristocrate  et  fanatique.  Un  citoyen  Courtois,  qui 
raccompagne,  est  d'abord  arrêté  avec  lui  puis  seul  relâché.  Le  maire 
est  conduit  par  un  groupe  de  patriotes  rouennais  au  comité    de 
surveillance. 

Si  la  Société  populaire  de  Sotteville  a  conquis  immédiatement 

les  sympathies  de  celle  de  Rouen,  il  n'en  est  pas  de  même  pour  la 

société  d'Elbeuf.  Les  rouennais,  pénétrés  du  «  peu  de  patriotisme  ou 

pour  mieux  dire  de  l'aristocratie  et  du  fanatisme  existant  dans  la 

Commune  d'Elbeuf  »,  en  font  un  rapport  au  district  qui  avisera. 

—  La  Société  de  Rouen  étend  sa  sollicitude  jusqu'aux  communes 

de  TEure.  Pont-de-l'Arche,  qu'un  de  ses  habitants  vient  dénoncer, 

a  des  administrateurs  pour  la  plupart  aristocrates  et  fanatiques. 

Yvernès  est  délégué  pour  aider  ce  bon  citoyen  dans  la  rédaction  par 

écrit  de  sa  dénonciation  (15  ventôse).  La  Société  d'Harcourt,  elle, 

s'avise  d'î  demander  à  être  affiliée,  s'appuyant  d'un  certificat  de  celle 

de  Bernay  attestant  qu'elle  en  est  digne.  Cela  fournit  l'occasion  de 

s'occuper  du  département  de  l'Eure  :  «  De  tous  les  départements  de 

républicaines,  faire  le  catéchisme  aux  enfants.  Vu  que  le  curé  ne  pouvait  ignorer  que 
le  pape  est  un  des  ennemis  les  plus  cruels  de  la  République,  qu'il  a  fait  assassiner  ou 
laissé  impuni  Tassassinat  de  l'ambassadeur  de  la  République,  qu'il  recèle  dans  ses  Etats, 
que  ses  devanciers  ont  usurpés  par  fourberie  et  conservés  par  le  fanatisme  du  peuple 
romain,  les  parents  et  amis  du  dernier  monstre  qui  a  régné  sur  la  France  abusée, 
—  le  district  décide  que  cette  demande  du  curé  est  une  insulte  à  la  majorité 
du  peuple  français  et  un  attentat  contre  la  Constitution.  Il  renvoie  l'abbé  .Toly  devant 
l'accusateur  public  du  tribunal  criminel.  Un  tableau  le  concernant  porte  qu'il  fut  détenu 
à  Saint-Lô,  depuis  le  16  pluviôse  an  II,  par  ordre  du  Comité  de  Sotteville,  puis  à  Saint- 
Yon  par  ordre  du  comité  de  sûreté  générale  :  a  Caractère  indéfinissable,  ennemi  des 
autorités  constituées,  se  cachant  toujours  sous  le  masque  du  patriotisme.  54  ans. 
Ayant  un  enfant  d'adoption  âgé  de  douze  ans,  que  nous  croyons  le  sien.»  (Note  du  tableau.) 
On  incrimine  ses  relations  avec  Gady  de  la  Vigne,  Tiphaigne  et  Hébert  fils,  de  Rouen. 
Le  3  pluviôse,  le  district  avait  invité  Poret,  agent  national,  à  dénoncer  le  curé  de 
Sotteville  au  comité  de  sûreté  générale.  (Arch.  mpales  et  du  dép«.  Reg.  des  séances  et 
de  corresp.  du  district.) 


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—  312  — 

la  République,  il  n'en  est  pas  un  qui  se  soit  montré  plus  fédéraliste 
et  plus  difficile  à  ramener  aux  principes  sacrés  de  notre  sainte 
libertti  »).  Un  rouennais  remarque  «  avec  raison,  qu'il  est  étonnant 
que  1.1  Société  populaire  d'Harcourt  n'ait  pas  engagé  sa  commune  à 
changer  de  nom  et  qu'elle  porte  toujours  celui  d'excécrables  scélérats 
qui.  dans  ce  moment- ci,  sont  armés  du  fer  et  du  feu  pour  détruire 
leur  patrie  »  (1).  On  écrit  aux  frères  de  Bernay  pour  avoir  des  ren- 
seignements positifs.  Ces  renseignements  furent  satisfaisants.  Ils 
vinrent  un  peu  tard,  cependant  ;  ce  fut  seulement  le  13  thermidor 
que  Ton  apprit  de  Bernay  que  la  Société  populaire  du  Champ  Social 
—  ci-devant  Harcourt  —  était  dans  les  bons  principes.  En  consé- 
quence, on  l'affilia. 

D'autres  épisodes  émaillent  les  séances  de  la  Société  populaire 
en  nivôse,  pluviôse  et  ventôse:  Choin  prend  à  partie  Blanche  qui 
préside,  sous  le  prétexte  qu'il  n'eût  pas  dû  répondre  à  des  réclama- 
tions contre  le  procès-verbal.  Blanche,  piqué,  riposte.  La  séance 
devient  tumultueuse.  On  adopte  l'ordre  du  jour  contre  Choin,  qui 
sentira  bientôt  ce  qu'il  en  coûte  de  s'attaquer  à  une  sommité 
jacobine  (30  nivôse).  On  ne  peut  pas  être  plus  utopiste  que  la  Société: 
n'admet-elle  pas  comme  une  mesure  réunissant  le  mérite  de  la 
promptitude  et  de  l'efficacité,  pour  faire  disparaître  «  les  lambeaux 


fit  Cela  ne  vise  pas  le  dernier  seigneur  féodal  d'Harcourt,  qui  était  un  Noailles, 
pî-imi'  île  Poix»  mais  bien  le  duc  d'Harcourt,  ex -gouverneur  de  Normandie,  passé  en 
A  ii^li  iiiiTr,  ou  le  marquis  d'Harcourt-Beuvron.  Celui-ci  avait  été  outrageusement  attaqué 
\aiT  h'  |>sviido  Jouimal  de  la  Cour  et  du  Palais  où  l'on  trouve  cet  avis  injurieux:  t  Départ 
ih^  imvires;  Le  navire  le  Marquis  d'Harcourt^  capitaine  d'Osmont,  chargé  de  mépris  et 
lir  rot] Illusion,  partira  instamment  pour  Harcourt.  >  (V.  Bibl.  mpale,  coll.  Leber).  —  Les 
liK'uivi' rations  successives  de  la  famille  de  Chaumontel,  dont  j'ai  parlé  au  chap.  IV*, 
vleiiiu'Ul  ^principalement  de  ce  que  Julien  de  Chaumontel  lils  avait  •  transporté  sur  sa 
rr<  4^àti'  trn  Angleterre  les  ci-devant  ducs  d'Harcourt  et  Caylus,  ex-évéque  de  Bayeux  >. 
{,Vivh.  diiclépt.)  a  llarcourt-Beuvron  (Anne-François)  et  Marie- Cath.  Rouillé,  son  épouse, 
dmiruruiH  à  Amiens,  rue  dos  Sergents  »,  furent  arrêtés  et  emprisonnés  à  la  Providence 
fï  Aniline,  le  2  novembre  1793,  puis  transférés  en  leur  demeure  le  16  avril  1794. 
M'i^^  a  lluri'ourt,  née  d'Harcourt,  entrée  en  même  temps  à  la  Providence,  fut  conduite  à 
l'IiMiiiLil  l(j!  23  avril  179i.  Ses  deux  filles,  l'une  âgée  de  onze  ans.  arrêtées  avec  elle, 
fuii'iil  tuiles  l'une  à  l'hôpital  et  l'autre  en  liberté  le  23  avril.  M""»  de  Boisgelin,  née 
irU'ii rouit,  arrêtée  aussi  à  Amiens  le  2  novembre,  fut  transférée  à. son  domicile  Je 
lt5  x\\  1^1  ►  [Liarsy.  Souvenirs  de  la  Hévotulion  en  Picardie,  p.  215).  Le  conventionnel  .4ndré 

h Jtit  invoqua  notamment  ces  arrestations  pour  obtenir  une  mention  honorable  de 

l(i  Guijvtji^tion  le  14  brumaire  an  II  (Moniteur  du  15  brum.  p.  184.) 


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-313  - 

de  la  mendicité  »,  une  proposition  de  porter  à  l'instant  à  la  Commune 
un  extrait  de  son  procès-verbal  du  6  pluviôse  !  —  Le  7,  elle  rem- 
place sa  bannière  par  une,  autre  sur  laquelle  il  y  aura  d'un  côté  : 
Société  populaire  et  républicaine  de  Rouen,  et  de  l'autre  :  Nous 
sommes  V effroi  des  tyrans  (1).  Peut-être  voulut-elle  par  cette 
manifestation  célébrer  l'anniversaire  de  la  mort  du  tyran,  fête  pour 
laquelle  elle  avait,  le  5  pluviôse,  décidé  de  se  joindre  à  la  Com- 
mune. 

Peu  après,  elle  adopte  un  nouveau  modèle  de  diplôme  en  tête 
duc|uel  seront  les  mots  :  Société  populaire,  républicaine  et  régénérée. 
Lamine  et  Dèlamare,  en  désaccord,  se  réconcilient  et  s'embrassent 
fraternellement  en  pleine  séance.  Descroizilles,  envoyé  dans  l'arron- 
de  Dieppe  avec  une  mission  pour  lequel  il  lui  faut  un  citoyen  instruit 
dans  le  calcul  et  sachant  Tortographe,  s'adresse  à  la  Société.  On  lui 
donne  d'abord  Blanche  et  Hébert  pour  coopérateurs,  puis  Duhamel 
est  choisi  pour  remplir  le  poste  du  ((  citoyen  instruit  »  ;  mais  on  a 
un  mémoire  de  Descroizilles  dans  lequel  on  dit  qu'il  se  trouve  des 
idées  de  fanatisme  et  Legendre  et  Lefebvre  devront  l'examiner. 
La  Société,  s'intéressant  au  sort  du  frère  de  Verton,  qui  vient  d'ôtre* 
écroué  à  Saint- Yon,  écrit  en  sa  faveur  à  Siblot.  Après  avoir  chargé 
Lamine  d'une  adresse  à  la  Convention  sur labolition  de  l'esclavage 
(6  ventôse),  la  Société  s'entend  proposer  de  réunir  tous  les  hommes 
de  couleur  qui  seraient  à  Rouen,  pour  être  conduits  au  temple  de  la 
Raison,  où,  en  face  de  cette  divinité,  ils  puissent  être  embrassés  par 
les  vrais  amis  de  la  liberté.  La  Commune,  informée,  les  réunira  le 
décadi  prochain.  Lefebvre-Signol  indique  quelles  ont  été  les 
dépouilles  du  fanatisme.  «  Les  affublements  de  ces  fanatiques 
idolâtre  sont  produit  jusqu'à  présent,  en  lingots,  1,860  marcs  4  onces 
d'argent  qui  serviront  à  donner  la  danse  à  ces  vils  tirans  coalisés.  » 
Ce  qu'on  a  vendu  a  produit  40,171  1.  9  s.  D'autres  effets  ont  été 
remis  à  Lamine  pour  embellir  le  temple  de  la  Raison.  Tout  le  linge 
est  réservé  pour  les  hôpitaux,  et  des  morceaux  d'étoffe  et  doublure 
sortis  des  ornements  livrés  aux  tailleurs  pour  les  convertir  en  habits, 

(i)  Cette  inscription  existait  déjà  sur  la  bannière  le  10  frimaire.  —  V.  procès- verbal 
de  la  fête  de  ce  Jour.  (Reg.  des  délibérations  de  la  municipalité)s 


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—  314  - 

guêtres  et  autres  équipements.  Une  dénonciation,  celle-là  utile,  si 
elle  avait  eu  chance  d'être  écoutée  et  d'aboutir,  est  apportée  le  7  plu- 
viôse :  Elle  a  pour  objet  un  abus  consistant  en  ce  qu'il  a  été  vendu 
à  la  République  cent  chevaux  venant  de  Bus,  par  le  prix  de  mille 
livres  et  au-dessous.  Quatorze  chevaux  seulement  ont  été  reçus.  Les 
autres  ont  été  rejetés  et  revendus  30,  35  et  40  livres  !  Sur  le  champ, 
une  voix  s'élève  pour  réfuter  cette  dénonciation  et  pour  établir  que 
c'est  à  la  perte  du  fournisseur  et  non  de  la  Nation  que  les  chevaux 
ont  été  revendus.  Cela  ne  suffit  pas  à  convaincre  la  Société  qui 
renvoie  les  faits  à  l'exàmen  de  trois  de  ses  membres. 

La  Société  est  sous  le  coup  d  une  très  vive  émotion,  le  19  plu- 
viôse (7  février  1794).  Le  député  Lecomte  et  le  département  ont 
essayé  d'obtenir  de  la  commission  des  subsistances  la  rectification 
d  une  erreur  funeste  qui  s'est  glissée  dans  le  tableau  de  la  population 
de  la  Seine-Inférieure  qui  est  en  réalité  de  six  cent  et  quelques 
millier?  d'habitants,  tandis  que  le  travail  d  approvisionnement  est 
basé  sûr  400,000  âmes.  Or,  quoique  le  département  ait  envoyé  un 
nouveau  tableau,  et  que  Real  et  Poret  aient  éclairé  la  commission,  il 
faut  que  les  députés  volent  à  Paris  pour  y  faire  entendre  à  la 
Convention  le  cri  de  600,000  individus  victimes  d'une  erreur.  Licquet 
est  le  premier  nommé  des  vingt-cinq  membres  de  cette  dépu- 
tation. 

Ensuite,  on  reprend  la  série  interminable  des  scrutins  épura- 
toiresen  regardant  comme  républicains  une  quarantaine  des  membres 
de  la  Société  parmi  lesquels  Blanche,  Berry,  Denise,  Delihu,  Frey, 
Poret,  Pillon,  Lamine,  Guillet,  Havard,  Pouchet-Maugendre, 
Grandin,  etc.  Grouard  est  expulsé,  puis  bientôt  rappelé, 
Haraneder  est  encore  très  vivement  discuté .  Le  règlement 
de  la  Société,  si  souvent  abordé,  est  enfin  terminé  par  une 
une  commission  composée  de  Lepiller,  Debonne,  Angerville, 
Lezurier,  Roumy,  Athanase  Taillet,  Vieillot  l'alné,  Thillaye, 
Desbordes,  Tamelier  et  Desmalis.  Le  15  pluviôse,  à  propos  du  dis- 
cours de  Barrère  sur  la  trêve  proposée  par  les  tyrans  coalisés,  la 
société  et  les  tribunes  jurent  de  ne  jamais  parler  de  paix  tant  que 
les  ennemis  n'auront  pas  mis  bas  les  armes,  et  que  les  tyrans  n'auront 


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—  315  — 

pas  délivré  la  terre  de  leur  présence  (1).  tJn  des  poètes  de  la  Société 
improvise  un  quatrain  qui  sera  joint  au  serment  : 

Destructeurs  des  humains,  cruels  anthropophages, 
Vous  restez  sur  le  trône  et  demandez  la  paix. 
Vous  nous  tendez  un  piège  ;  il  nous  faut  d'autres  gages, 
Rois  et  républicains  ne  s'accordent  jamais. 

Le  18,  on  décide  d'adjoindre  le  drapeau  Suisse  au  drapeau 
tricolore  de  la  salle  des  séances.  Un  membre  ayant  exprimé  le  vœu 
que  la  Société  s'intéressât  au  sort  du  généreux  Margarot,  président 
de  la  Convention  d'Ecosse,  qui  vient  d'être  condamné  en  quatorze 
ans  de  déportation,  crime  dont  s'est  souillé  le  gouvernement  anglais, 
son  nom  sera  inscrit  an  pied  des  drapeaux.  On  ne  voit  pas  bien  en 
quoi  cela  peut  améliorer  le  sort  de  Margarot.  Cette  manifestation 
peut  bien  autant  être  dirigée  contre  Pitt,  qu'être  faite  en  souvenir 
des  liens  qui  rattachaient  les  loges  franc-maçonniques  rouennaises 
aux  Ecossais  (2). 

Le  procès-verbal  de  la  séance  de  la  Société,  du  22  pluviôse, 
mentionne  l'arrivée  d'un  conventionnel  :  «  Le  citoyen  et  républicain 
Guimberteau  (3)  est  son  nom  ;  il  monte  à  la  place  où  le  président 
(Lefebvre-Signol),  occupe  le  fauteuil.  Arrivé  à  ses  côtés,  il  dit  : 
«  Patriotes  républicains,  je  suis  un  bon  et  bon  b. ..,  un  bon  répu- 
blicain. La  Convention  m  envoie  dans  vos  murs.  C'est  pour  la 
troisième  fois  qu'elle  m'envoie  en  commission.  Disposez  de  moi. 
Sévère,  je  mettrai  la  sévérité  et  la  justice  à  l'ordre  du  jour  ».  Il 
donne  au  président  l'accolade  fraternelle,  les  cris  de  :  Vive 
la   République  \    retentissent.    Guimberteau    et  son   compagnon 


(1)  Licquet  a  remanié  cette  partie  du  procés-verbal,  destinée  à  la  Convention. 

(2)  Le  Moniteur  du  7  pluviôse,  p.  510,  col.  l^»,  contient  des  détails  sur  le  procès  de 
Maurice  Margarot,  et  une  lettre  de  celui-ci,  au  lord  grand  justicier  d'Ecosse.  Margarot 
était  accusé  de  pratiques  séditieuses. 

(3)  Jean  Guimberteau,  ex-juge  au  tribunal  d'Angoulême,  député  de  la  Charente 
(et  non  de  la  Charente-Inférieure,  comme  le  dit  une  note  des  Mémoires  de  M"»*  de 
Chastenay,  1. 1,  p.  107).  «  Il  est  encore  de  ceux  dont  la  bienveillance  parfaite  mérite  de 
notre  part  un  étemel  souvenir.  Il  avait  débuté  à  la  Société  populaire  par  un  gros  juron 
bien  sonore,  en  protestant  qu'il  était  bon  enfant  >.  (M»«  de  Chastenay,  t.  I,  p.  197). 
<  Il  alla  à  Rouen,  fit  sa  société  de  Godebin,  Poret,  Lamine,  la  terreur  du  pays,  s'occupa 
de  la  remonte  des  chevaux,  d'arrestation  de  suspects,  et  fit  consacrer  à  la  Raison  les 
églises,  renversa,  les  croix  et  tout  ce  qu'il  appelait  hocheto  de  superstition  ».  (Robert, 


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-  316  - 

Roulhière,  commissaire- ordonnateur  des  guerres.  Ce  dernier  est 
tellement  touché  de  reconnaissance,  qu'il  prononce  ces  simples  pa- 
roles :  «  Citoyens,  quand  on  sent  bien,  on  ne  peut  rien  dire.  » 
Guimberteau  fait  hommage  h  la  Société  du  procès-verbal  des  séan- 
ces tenues  dans  la  ci-devant  cathédrale  de  Blois  pour  l'épuration  des 
autorités  constituées  et  sort  en  promettant  de  revenir  tous  les  soirs. 
Il  semble  n'être  pas  revenu  les  jours  suivants  ;  mais  le  26 
pluviôse  «  le  montagnard  Guimberteau  arrive  :  Vive  la  République  î 
vivo  la  Montagne  !  Voilà  son  bonjour.  »  Il  prononce  un  discours  : 

Frères  et  amis,  —  je  me  présente  comme  un  frère;  je  n'ai  pas  le  costame 
d*uD  représentant,  et  comme  frère,  je  resterai  parmi  vous.  Les  tyrans  coalisés 
ne  pourront  rien  contre  nous  si  l'union  existe.  Je  n*ai  pu  venir  ces  jours 
derniers,  j*ai  trouvé  beaucoup  d'ouvrage  et  j'ai  travaillé  jour  et  nuit.  Néan- 
moins, je  suis  à  voire  service  Je  comptais  n'être  que  six  décades  ;  je  sais, 
frères  et  amis,  au  comble  de  mes  désirs,  la  Convention  m'a  envoyé  ce  jour, 
un  décret  et  je  resterai  trois  mois.  —  Je  n'ai  pas  les  pouvoirs  peur  le  ciTil  ; 
JQ  suis  pour  Tencadrement  des  troupes.  Siblot,  mon  collègue,  est  chargé  de 
l'épuration.  Je  n'ai  pas  de  pouvoir  ad  hoc.  Néanmoins,  soyez  sûr  que  voilà 
un  républicain,  et  je  vous  rendrai  service. 


II 

dépendant  certains  gros  projets  germaient  depuis  longtemps 
déjà,  pour  Taccomplissement  desquels  la  Commune  et  la  Société 
populaire  avaient  besoin  au  moins  de  la  complicité  silencieuse  des 
administrations  supérieures  de  Rouen,  et  surtout  de  Tassentimeot 

Vie  politique  de»  Députés),  Guimberteau  venait  de  Tours,  d'où  il  avait  été  rappelé 
malgré  ses  efforts  pour  s'y  maintenir,  à  la  suite  de  la  destitution,  par  lui  prononcée, 
des  membres  du  Comité  de  surveillance  de  cette  ville,  tous  hoinmes  des  plus  Yévolu- 
tioiinaires.  {Moniteur  du  27  brumaire,  an  II,  p.  232,  col.  2).  Il  y  était  encore  le  14  nivôse. 
Taine,  t.  IV,  p.  279,  n.  2,  mentionne  des  mandats  acquittant  des  dépenses  de  galanterie 
(le  Guimberteau,  a  Blois.  Guimberteau  remplaçait  à  l'armée  des  côtes  de  Cherbourg, 
non  pas  Alquier,  mais  Guillemardet,  député  de  Saône-et-Loire,  envoyé  à  Versailles. 
L'arrêté  qui  l'envoie  à  Rouen  est  du  16  frimaire,  d'après  M.  Âulard,  {La  Révolution 
Française),  et  du  6  frimaire,  d'après  le  procés-verbal  de  la  séance  du  22  pluviôse,  du 
département  où  Guimberteau  avec  Rouhiére,  Desmalis  et  Godebin  se  présenta  et 
donna  le  baiser  fraternel  à  tous  les  membres  du  bureau.  Il  visita  les  Sociétés  popu- 
laires des  environs  de  Rouen,  notamment  le  20  floréal,  celle  de  Mont-aux-Maliides). 
Peut-être  y  renoontra-t-il  Taschereau  ou  la  femme  de  celui-ci.  (V.  ci-aprés  chap.  xiv*). 


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tacite  des  repré'îentants  du  peuple.  Ils  no  lui  firent  pas  défaut.  Le 
district  et  le  département  n'étaient  guère  redoutés,  et  le  départe- 
ment, s'il  désapprouva,  ne  réprima  nullement.  La  bonhomie  affectée 
de  Guimberttîau  et  le  passé  de  Siblot  avaient  donné  de  Tassurance 
aux  jacobins  rouennais. 

La  destruction  de  la  Bourse  découverte,  dont  il  ne  fut  jamais 
ouvertement  question  à  la  Société  populaire,  eut  lieu  le  8  ventôse. 
Elle  a  été  racontée  (1).  Il  resterait  peut-être  à  préciser  quelles  furent 
les  vraies  causes  de  cet  acte  de  vandalisme.  L'arrêté  de  la  Commune, 
du  7  ventôse,  que  la  municipalité  d'alors  avait  falsifié  ne  pouvant 
le  supprimer,  décide  que  la  Bourse  découverte,  parce  qu'elle  rappelle 
le  souvenir  des  anciens  privilèges,  et  que  le  local  de  la  Bourse^fut 
longtemps  souillé  par  les  accapareurs  et  les  vils  agioteurs,  sera 
rasée.  Le  fait  était  donc  imputable  à  la  Commune,  entraînée,  dit-on 
plus  tard,  par  Pillon  et  Poret,  auxquels  s'était  adjoint  Guyet,  et  ne 
pouvait  être  attribué  à  un  élan  spontané  et  général,  comme  s'étaient 
empressés  de  le  dire  les  montagnards  rouennais. 

Ceux-ci  nourrissaient  contre  les  gens  qui  fréquentaient  cet 
établissement  consacré  au  commerce  et  à  la  finance  une  haino 
invétérée  qui  avait  fini  par  englober  l'établissement  lui-même. 
L'année  précédente,  la  municipalité  s'était  montrée  peu  empressée  à 
rembourser  au  tribunal  de  commerce  les  frais  d'entretien  de  la 
bourse  découverte,  dont  ce  tribunal  venait  de  demander  vainement  le 
paiement  au  ministre  de  la  marine.  (2)  Il  s'y  tenait  des  conciliabules 
contrerévolutionnaires.  C'était  là  que  Laugeux,  installé  avec  une 
table,  avait  recueilli  les  signatures  des  pétitions  qui,  lors  de  la 
scission  de  la  Société  populaire  de  Rouen  avec  les  Jacobins,  après 
les  orages  fédéralistes,  avaient  provoqué  la  désorganisation  des 
AmÎH  de  V égalité,  (3)  Le  13  nivôse,  à  propos  du  civisme  d'un  employé 
des  douanes,  un  membre  de  la  Société  dit  qu'il  est  d'une  société  de 
républicains  à  la  Bourse.  (4) 

(1)  M.  "Wallon,  ouvr.  cité. 

(2)  Procès-verbal  de  la  séance  de  la  Conm)une  du  16  mai  1793. 

(3)  Arch.  municipales. 

(4)  Reg.  de  la  Société  populaire. 


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-  318  - 

Dans  sa  séance  du  soir  du  8  ventôse,  après  la  destruction,  la 
Société  entend  un  de  ses  membres  lui  parler  avec  énergie  des 
intrigants,  malveillants,  égoïstes  et  accapareurs.  Elle  décide  de  péti- 
tionner à  la  Convention  pour  demander  la  suppression  des  courtiers 
de  marchandises  dans  toutes  les  communes.  Six  commissaires  sont 
chargés  de  rédiger  la  requête  :  trois  pris  dans  la  Commun^*,  trois 
daiis  la  Société  populaire  :  Yvernès,  Payenncvillc,  Dcsmaret  père, 
Lefebvre,  Blanche  et  Thierry. 

Le  Journal  de  Rouen  voulut  bien  contribuer  à  mettre  hors  de 
cause  la  commune  do  Rouen  en  mentionnant  la  plantation  d'un 
arbre  de  la  liberté,  lo  13  ventes^,  «  sur  la  place  qu'on  appelait 
»  Bourse,  et  qui  avait  été  détruite  et  rendue  à  l'égalité  par  le  zèle 
»  des  citoyens  du  9*  bataillon.  »  Noél  publiait  on  même  temps  trois 
couplets  pleins  d'entrain,  célébrant  la  disparition  de  la  Bourse.  (1) 

Coïncidence  singulière.  C'est  au  moment  même  où  s'exécute 
ranéantissoment  de  la  Bourse  que  la  Société  populaire  médite  la 
réalisation  d'un  autre  dessein  non  moins  révolutionnaire,  non  moins 
illégal. 

Le  soir  même  du  jour  «  où  les  arbres  altiers  de  la  finance  »  sont 
tombés  sous  la  hache  républicaine  et  où  disparaissent  les  grilles  de 
la  Bourse,  la  Société  est  tout  à  la  joie. 

Des  flambeaux  et  des  ho^^mes  dt?s  garde  anno  cent  un  collège.  Toale 
l'assemblée  voit  eniror,  avf  c  surprise  et  .snlisfaclion,  une  figure  voilée  sur 
an  brancard  que  portent  plusieurs  citoyens.  An  milieu  de  la  Société,  on  )a 
découvre.  A  ces  traits  divins,  on  reconnaît  la  Liberté  et,  mille  fois  répété?, 
de  longs  applaudissements  s«  font  entendra.  —  Un  citoyen  des  tribunes 
nommé  Lefebvre  prononce  un  discours  servant  de  programma  (?)  et  frappé 
au  coin  du  plus  pur  comme  du  plus  véhément  républicanisme.  Il  anoooco 
que  cette  statue  est  le  modèle  que  le  citoyen  Calamard  (2)  propose  à  )a 

(i)  Numéro  du  14  ventôse  an  II,  p.  2H. 

(2)  Callamar  était  alors  âgé  de  dix-huit  ans  et  demeurait  à  Rouen,  rue  de  la  Tuile. 
Sur  sa  dénonciation,  le  24  prairial,  le  Comité  de  surveillance  fit  arrêter  Donati, 
quarante-cinq  ans,  figuriste,  né  à  Luc-en-Toscane,  résidant  en  France  depuis  1768,  à 
Rouen  depuis  1789,  pour  avoir  dit,  à  propos  de  la  statue,  qu'il  était  allé  chez  un  sculpteur, 
qu'il  se  f..,  du  décret  défendant  aux  mouleurs  de  surmouler  les  modèles  des  sculpteurs. 
Donati  soutenait  avoir  dit  qu'il  se  f...  des  sculpteurs  et  non  du  décret.  Le  13  pluvio^ 
il   faisait  don  à  la    Société    populaire  de   deux    médailles    d'argent,  prix  par  lui 


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-  349  — 

Société  et  sar  leqnel  \\  ^oil  faire  l'exécution  en  pierre  dans  les  proportions 
et  sar  la  place  qui  seront  déterminées. 

A  ce  sujet,  la  Société  prend  le  même  jour  diverses  résolutions 
dont  Tune  nomme  Laumonier  (Lemonnier?)  Lefebvre-Signol, 
Rupalley,  Fontaine,  Blachcr  et  Yvernès  pour,  avec  Calamard, 
choisir  un  local  où  la  statue  sera  transportée  pour  la  soumettre  à  la 
aw  censure  publique.  Dès  le  lendemin,  la  statue  est  déposée  ci-devant 
archevêché,  où  elle  sera  visible  de  dix  heures  du  matin  à  deux 
heures  après  m-idi.  Le  citoyen  Lenormand  fut  autorisé,  sur  sa 
demande,  le  21  ventôse,  à  faire  effacer  les  peintures  fastueuses 
existant  sur  les  vitrages  du  local  où  la  statue  devait  être  exposée 
aux  regards  des  artistes. 

Assurément,  ce  choix  n'est  point  inspiré  par  le  seul  souci'  de 
faciliter  aux  patriotes  la  vue  du  modèle  de  la  statue  de  la  Liberté. 
'C'est  essentiellement  l'une  des  dispositions  prises  pour  l'appré- 
hension imminente  de  l'archevêché,  et  surtout  de  la  salle  des  Etats, 
si  commode  pour  y  tenir  les  séances  publiques  d'une  administration 
qui  désire  des  auditeurs.  Depuis  les  assemblés  provinciales,  il  y  a  eu 
là  bien  des  réunions  ou  le  clergé  n'était  pour  rien.  C'est  là,  notam- 
ment, que  le  mercredi  10  octobre  1791,  les  Amis  de  la  Constitution 
ont  donné,  en  l'honneur  de  la  pren^ière  législature,  c  est-à-dire  de 
MM.  Thouret,  «  l'un  des  plus  illustres  fondateurs  de  la  liberté 
française  »  Fontenay,  Lefort  et  un  député  d'Evreux,  un  banquet  de 
deux  cents  couvert/?  C'est  alors  que  ((  ce  lieu  où  Ion  discutait  jadis, 
comment  on  riverait  les  fers  du  peuple  »,  fut  purifié  par  de  nom- 
breuses libations  en  l'honneur  de  la  Nation,  delà  Constitution  et  des 
progrès  de  Tespri  t  public  chez  tous  les  peuples  de  la  terre.  Des  cou  plets 
de  Lenormand  et  (Je  Lefebvre,  puis  d'autres  du  jeune  Bignon  a  dignes 

reçus  de  la  ci-devant  académie  de  Paris.  Une  commission  spéciale  de  la  Société 
populaire  avait  trouvé  (5  germinal),  dans  l'œuvre  de  Callamar,  de  véritables  beautés, 
quoiqu'elle  n'eût  pas  su  réunir  la  perfection  de  dessin  et  le  caractère  con- 
venable, surtout  si  elle  eut  été  élevée  à  la  haute  position  indiquée  au 
programme.  Le  rapporteur  du  Comité  d'instruction  publique  de  la  Commune, 
Thiesnié,  confirmait  cette  appréciation  le  9  floréal.  On  avait  décidé  d'ouvrir 
un  concours  pour  la  statue,  puis  on  accorda  une  indemnité  à  Callamard.  lu 
peu   plus    lard  on    jugeait    son  modèle   inexécutable. 


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1 


^  320  - 

de  la  gai  té  française  »  y  ont  été  chantés  (1).  C'est  là  aussi  que  le  jour 
de  la  fédération,  le  14  juillet  1792,  en  présence  de  M.  de  Liancourt, 
ont  vie  dits  d'autres  couplets  parmi  lesquels  ceux-ci  : 

Que  cet  anniversaire 

A  de  charmes  pour  nos  cœurs. 

Liberté  qui  m'est  chère, 

Tu  promets  mille  douceurs. 

Il  faudrait  être  de  marbre 

Et  n'avoir  point  de  paitc 

Pour  ne  point  danser  à  l'arbre  (bis) 

A  l'arbre  de  la  Liberté  (2). 

Là  encore,  le  23  du  mémo  mois  de  juillet,  eut  lieu  le  banquet 
toujours  avec  couplets  et  toasts,  des  Amis  de  la  Constitution  (3), 
quï,  bientôt,  devaient  changer  de  nom. . . 

C'est  de  la  Société  populaire,  c'est  du  Comité  d'instruction 
publique,  c'est-à-dire  des  Lamine,  des  Bérard,  des  Blanche,  qu'est 
parti  <<  Télnn  »  qui  a  entraîné  la  Commune  h  l'évôchô. 

Le  choix  suggestif  du  local  où  est  exposée  la  statue  est  bientôt 
suivi  (fun  rapport  fait  au  conseil  général  de  la  Commune  par  le 
Comité  d'instruction  publique,  le  11  ventôse,  rapport  dont  Bérard, 
meml>re  de  ce  comité,  parle  à  la  séance  de  la  Société,  du  13,  et  qui 
a  pour  objet  «  la  nécessité  absolue,  pour  la  Commune,  de  changer 
son  local  actuel,  et  l'avantage  public  qui  résultera  d'aller  occuper  le 
ci-d(?vant  évêché  ».  La  Société  n'est  pas  moins  que  Bérard  pénétrée 
tf  des  idées  infiniment  justes  du  plan  fortement  conçu  et  bien 
exprimé,  adopté  par  la  Commune  ».  Aussi  arrête-t-elle  de  faire  «  tout 
son  possible  tant  auprès  du  département  que  de  la  Convention  pour 
Texécution  de  ce  plan  ». 

Les  choses,  néanmoins,  n'avançaient  guère,  et  paraissaient 
rentres  au  même  point,  la  réalisation  du  projet  étant  suspendue  par 
des  liésiitations  compréhensibles  ou  par  la  distribution  des  rôles  dans 
la  pièce  nouvelle  qu'on  se  sent  réduit  à  jouer,  lorsque  le  23  ventôse, 


il  i  Jiiumal  de  Rouen  du  20  octobre  1791. 
ril  Id.  du  21  juillet  1792. 

[3^  Id.  du  28  juillet  1792. 


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—  321  — 

Blanche,  impatient  et  agité,  depuis  près  d'une  semaine  très  fréquem- 
ment à  la  tribune  de  la  Société,  y  proposa  une  pétition  au  conseil 
général  de  la  Commune  pour  l'engager  à  aller  s'installer  et  tenir  ses 
séances  dès  le  lendemain  au  ci-devant  évêché  :  a  Des  magistrats 
nommés  par  le  peuple,  à  la  hauteur  de  la  Révolution,  travaillant 
sans  cesse  pour  le  bonheur  du  peuple  et  le  maintien  de  la  République 
ne  pouvaient  pas  rester  plus  longtemps  dans  le  local  actuel  ».  Blanche 
explique  que  «  la  vaste  étendue  des*  appartements  procurera  au 
peuple  le  moyen  d'être  témoin  des  opérations  du  conseil,  de  ses 
travaux,  et  de  ce  qu'il  fait  pour  la  chose  publique  ». 

Là  où  est  présentement  la  Commane,  à  peine  cent  cinquante  personnes 
.  peuvent  tenir,  ces  cent  cinquante  personnes  peuvent  être  toujours  les  mêmes 
qui  y  viennent,  et  être  des  aristocrates  qui  s'empareraient  des  places,  cher- 
cheraient à  influeucer  les  délibôratioos  et  à  priver  les  bons  sans-culoltes 
d'assister  aux  séances.  Cet  inco'ivétiient  n'existera  point  dans  le  local  en  vue, 
puisqu'il  peut  contenir  au  moins  deux  mille  spectateurs  (1),  et,  par  consé- 
qaent  procurer  aux  bons  sans-culottes  l'avantage  d'entendre  et  de  voir  tout. 

Ces  paroles  de  Blanche  sont  «  généralement  »  (2)  appuyées  et  la 
Société  délibère  qu'elle  va  se  transporter  en  masse,  ayant  son  prési- 
dent (Denise)  à  sa  tête.  On  part  en  chantant  l'hymne  :  Guerre  aux 
tyrans  !  et  «  celle  »  des  Marseillais,  et  aux  cris  de  Vioe  la  Répu- 
blique et  la  Montagne!  A  la  Commune,  le  maire  reçoit  fraternelle- 
ment la  Société  qui  lui  fait  part  de  l'objet  de  sa  visite.  Il  répond  que 
le  Conseil  s'en  était  déjà  occupé  et  cherchait  un  local  assez  spacieux 
pour  que  le  peuple  puisse  être  témoin  de  ses  travaux  et  qu'il  allait 
aviser  de  suite  aux  moyens  de  satisfaire  à  la  démarche  do  la  Société 
populaire.  Un  membre  de  la  Société  s'écrie  :  «  Partons  à  l'instant, 
allons  occuper  un  local  qui  fut  trop  longtemps  souillé  parles  suppôts 
du  fanatisme.  Qu'il  contienne  dorénavant  le  peuple  et  ses  magistrats 
qui  sont  les  ministres  de  la  Raison  !  Que  ce  lieu,  d  où  ne  sortaient 
que  des  actes  marqués  du  sceau  de  la  bêtise  sacerdotale  et  de  la 

(i)  L'arrêté  du  dép»  du  25  messidor  dit  que,  «  déjà  la  salle  du  ci-devant  évéché 
semble  avoir  été  faite  d'avance  pour  les  séances  publiques  de  la  commune.  » 

(2)  Ce  mot  a  ici  un  sens  restrictif,  et  indique  que  l'assentiment  ne  fut  point  unanime. 


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—  322  — 

tyrannie,  devienne  le  sanctuaire  des  lois,  la  maison  du  peuple  et  le 
refuge  de  l'humanité  1  )) 

Le  Conseil  ne  peut  résister  et  part  avec  la  Société  en  chantant. 
On  arrive  à  Tévêché,  mais  les  chambres  étant  occupées  par  des 
subsistances  (1),  on  n  y  peut  prendre  séance.  Le  maire,  assis  au 
milieu  de  la  cour,  ayant  devant  lui  une  table  et  l'inscription  :  Mort 
aux  tyrans  !  Paix  aux  chaumières  !  Vicre  libre  ou  mourir!  Vice 
la  République  une  et  indivisible  et  impérissable  !  placée  en  face  du 
peuple,  invite  le  conseil  à  se  former  en  cercle,  puis  reprend  la  suite 
de  TafiFaire  (arrestation  de  deux  volontaires)  qui  1  occupait  lors  de 
l'arrivée  de  la  Société.  Le  conseil  ayant  délibéré  sur  cet  objet,  le 
maire  reprend  la  parole,  et  accepte  de  fixer  au  lendemain,  à  quatre 
heures,  la  plantation  d'un  arbre  de  la  liberté  sur  ce  terrain  ci-devant 
souillé  par  le  fanatisme.  Le  conseil  se  rend  au  local  de  la  Société,  où 
Pillon  prononce  un  discours  enthousiaste  qui  contraste  avec  l'appa- 
rente hésitation  qu'il  avait  témoigné  à  larrivée  de  la  Société  : 

. .  .Vous  ne  pouvez  pas  inscrire  dans  les  annales  de  la  liberté  une  fête 
plus  solennelle  que  celle-ci. . .  Le  temps  est  venu  où  le  génie  révolutionnaire 
va  foire  triompher  la  Républiq^fje  ;  c'est  de  celle  époque  que  nos  ennemis  se 
désoleront  du  concert  qui  règne  parmi  nous.  Continuons,  frères  et  amis,  à 
marcher  d*un  pas  égal  dans  la  carrière  révolutionnaire.  Un  traître  est  par- 
venu à  tromper  le  Comité  de  sûreté  générale  de  la  Convention;  mais  celui-ci, 
miiïux  éclairé,  s'occupera  de  réparer  celte  erreur.  Ne  reconnaissons  d'autre 
divinité  que  la  vertu.  Continuons  toujours  à  foire  le  bien  ;  aimons-nous  tou- 
jours ;  soyons  de  bons  frères  et  amis,  et  vive  lu  République! 

On  avait  donc  absolument  tenu  à  inaugurer  la  nouvelle  mairie 
le  24  ventôse  (vendredi  14  mars).  La  Société  et  la  Commune  n'étaient 
pas  superstitieuses.  La  fête  du  lendemain  fut  pleine  d'entrain,  sinon 
brillante.  Avec  des  danses,  des  chants  patriotiques,  le  conseil  tint 
sa  séance  dans  la  salle  des  Etats. 

Après  le  fait  accompli,  la  réflexion  vint,  et,  dès  le  27  ventôse, 
la  Commune  voulut  que  Siblot  fut  officiellement  informé  de  l'ins- 
tallation du  Conseil  et  que  toutes  les  pièces  y  relatives  lui  fussent 

(1)  C'est  un  détail  qui  no  rêsuUç  point  du  procès-verbal  de  la  Commune. 


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-  323  - 

adressées.  Poret  dit  même  qu'il  cram^  qu'il  n'ait  pas  été  suffisam- 
ment instruit  des  circonstances  de  cette  affaire.  Siblot,  par  sa 
présence  à  des  fêtes  au  local  nouveau,  sembla  donner  a  son  assenti- 
ment »  Mais  cela  ne  suffisait  point.  Les  administrations  du  district  et 
du  département  donnèrent  en  vain  des  avis  favorables,  jamais  la 
Convention,  elle,  ne  ratifia,  et  un  mois  à  peine  s'était  écoulé  que  la 
commune  était  avisée  que  l'administration  provisoire  des  domaines 
nationaux  ne  pouvait  confirmer  la  prise  de  possession  du  ci-devant 
évéché  et  qu'il  fallait  attendre  la  décision  de  la  Convention.  Cette 
première  déception  ne  découragea  point  la  Commune  ;  elle  en 
éprouva  d'autres  qui  la  contraignirent,  après  la  Terreur,  à  changer 
de  local. 

Les  premiers  insuccès  de  ces  essais  de  régularisation  n'avaient 
point,  au  surplus,  éveillé  de  très  vifs  scrupules  chez  les  Jacobins 
rouennais,  car  le  Comité  d*^  Surveillance,  comme  s'il  ne  doutait  pas 
du  maintien  de  la  Commune  à  l'évêché,  fait  publier,  le  23  floréal, 
qu'il  cesse  de  tenir  ses  séances  rue  de  la  municipalité,  pour*  les  tenir 
dans  le  ci-devant  évéché  (1).  Le  bureau  municipal  avait  d'ailleurs 
fait  exécuter  divers  travaux  d'appropriation,  peu  coûteux,  dont  on 
retrouve  la  trace  dans  les  comptes  décadaires,  notamment  la  pein- 
ture du  plafond  de  la  salle  des  séances  du  Comité  (2). 

Entre  temps,  le  12  ventôse,  la  Commune,  pour  accélérer 
«  l'exploitation  »  des  bruyères  Saint -Julien  (3),  décidée  au  départe- 

(1)  Journal  de  Rouen  du  26  floréal.  Cet  avis  est  signé  Pinel  Tainé,  ex-président,  et 
Romy,  secrétaire.  —  Le  Comité  est  Fobjet  de  toutes  sortes  de  prévenances.  Le  6  floréal, 
le  département  invite  la  Commune  à  avancer  au  Comité  10,000  1.  pour  ses  frais  de 
bureau. 

(2)  Arch.  mpales.  Ces  travaux  paraissent  avoir  été  commencés  dès  le  25  ventôse. 
Le  26  floréal,  ordre  était  donné  à  l'architecte  Bouet,  de  disposer  un  local  dans  la  nou- 
velle maison  commune,  rue  des  Bonnetiers,  pour  y  établir  un  poste  de  vingt-cinq 
hommes,  avec  un  lit  de  camp. 

(3)  Le  district  n'ayant  pas  trouvé  à  louer  ces  bruyères  se  disposait,  en  floréal  an  III, 
à  les  vendre  comme  bien  national,  lorsque  la  commune  de  Rouen  s'y  opposa.  Le 
7  prairial  an  V,  sur  des  difficultés  qui  s'étaient  élevées  entre  le  directeur  des  domaines 
nationaux  et  l'administration  municipale  de  Bouen,  le  département  décida  que  les 
loyers  des  bruyères  Saint-Julien,  jusque-là  versés  dans  la  caisse  communale,  con- 
tinueraient à  y  être  payés.  Il  se  basait  sur  ce  que  la  propriété  de  ces  bruyères,  reven- 
diquée par  la  commune,  ne  reposait  pas,  comme  le  prétendait  le  domaine,  sur  un 
arrêt  de  1578.  Elle  remontait  plus  haut.  La  concession  de  559  acres  des  bruyères  dépen- 
dant de  la  forêt  de  Rouvray,  faite  par  cet  arrêt,  avait  pour  objet  le  remplacement  de 


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-  324  ^ 

ment  le  2  frimaire,  a  arrêté  et  est  venue  dire  à  la  Société  populaire 
que  tous  les  citoyens  administrateurs  iraient  y  travailler  et  que  les 
membres  du  conseil  général  donneraient  Texeraple.  La  Société, 
«  par  ses  applaudissements  »,  a  prouvé  qu'elle  ne  serait  pas  la  der- 
nière à  mettre  la  main  à  l'œuvre.  Le  14,  Lamine  annonce  que  l'ou- 
verture de  la  fête  des  travaux  des  bruyères  aura  lieu  le  16,  par  dt» 
piques,  que  de  respectables  vieillards  dirigeront  la  besogne,  dont 
seront  seuls  dispensés  les  sans-culottes  vivant  de  leur  travail. 

La  fête  a  lieu  le  jour  fixé.  On  en  a  raconté  les  détails  (1). 
Jamais,  dit  un  orateur  de  la  Société  populaire,  jamais  l'histoire  n'a 
tracé  un  tableau  aussi  grand,  aussi  beau,  que  celui  qui  s'est  présenté 
aujourd'hui  à  tous  les  yeux  ».  Le  même  orateur  tint  à  faire  remarquer 
la  marche  rapide  de  l'esprit  public  depuis  la  régénération  des 
autorités  constituées,  et  que  la  Société,  calomniée  «  jusque  dans  le 
»  sein  de  sa  mère,  les  Jacobins  [de  Paris]  (  I  )  ne  méritait  pas  de  tels 
»  outrages,  puisque  les  Sociétés  populaires  des  environs,  qu'elle  a 
»  formées,  et  qu'elle  vivifie  autant  qu'il  est  en  elle,  sont  venues  en 
»  masse,  leur  bannière  en  tête,  se  confondre  avec  les  républicains 
»  de  Rouen  (2). 

Les  marchands  forains  et  les  habitants  du  Mont-Blanc  vont  à  la 
Commune,  le  22  ventôse,  ofifrir  au  conseil  un  bouquet,  et  à  Pillon, 
maire,  un  fouchet  d'honneur,  orné  de  rubans  tricolores.  Pillon,  en 
recevant  cet  ustensile  de  mauvais  présage,  proteste  que  ce  n'est  pas 
à  lui,  mais  au  conseil  qu'il  faut  l'offrir.  Les  citoyennes  foraines 
apportent  le  résultat  de  la  collecte  (208  livres),  pour  la  cérémonie  de 
la  plantation  d'un  arbre  de  la  Liberté  sur  le  Champ-de-Foirc.  L'une 


droits  d'usage,  pâturage  et  pacage  dont  jouissaient  les  habitants  en  vertu  d'une  charte 
de  Philippe-Auguste  de  l'an  1207.  La  concession  se  trouvait  ainsi  antérieure  à  1566,  et 
la  commune  de  Rouen  n'en  pouvait  être  dépouillée  en  vertu  de  la  loi  du  10  frimaire 
an  II,  dont  l'exécution  avait  été  défendue  par  celle  du  22  frimaire  an  III  (Reg.  du  dép.). 

(1)  V.  M.  Gosselin,  ouvr.  cité.  Revue  de  Noj^iandie,  1867,  p.  112. 

(2)  Ce  bel  entrain  ne  fut  pas  si  durable  ni  si  complet  qu'on  pourrait  le  croire.  Le.s 
gens  de  Belbeuf  furent  condamnés  en  police  correctionnelle  pour  avoir  troublé  les 
travaux  de  Saint-.lulien.  On  avait  mis  en  réquisition  les  charrues  des  habitants  de 
Saint-Etienne-du-Rouvray  qui  les  refusèrent  «  par  l'effet  de  l'égoïsme  le  plus  odieux, 
préférant  défricher  leurs  propres  bruyères  », 


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-â2Ô  - 

d'elles,  une  jeune  citoyenne,  prononce  «  avec  cet  air  touchant  que 
donne  l'innocence  »,  un  discours  très  patriotique  au  nom  des  mar- 
chands forains. 


III 


Le  nom  de  TofiBcier  de  santé.  Blanche  (1),  chirurgien  de  l'hô- 
pital militaire  et  administrateur  du  département,  reviendra  fréquem- 
ment dans  les  procès-verbaux  de  la  Société  populaire  de  cette  période, 
et  il  serait  injuste  de  ne  pas  faire  ressortir  l'influence  qu'il  exerça 
principalement  sur  des  questions  de  sa  compétence. 

Les  rapports  de  la  commission  de  l'an  III  mettent  un  remarquable 
acharnement  à  l'accuser  ;  ils  donnent  comme  un  «  léger  échantillon  » 
du  style  épistolaire  de  ce  «  caméléon  »,  des  extraits  d'une  lettre  par 
lui  écrite  à  la  Société,  et  datée  du  17  brumaire,  de  Paris,  où  il  était 
allé  en  mission  durant  une  quinzaine  de  jours,  avec  Vernon,  Carré  et 
Denys,  oflBciellement  pour  demander  des  secours  en  subsistances  (2)  ; 
ou  plutôt,  d'après  les  rapports  «  et  la  médisance  »,  obtenir  l'envoi 
de  l'armée  révolutionnaire  (3),  et  sans  nul  doute  pour  voir  «  ce  qui 
se  passait  à  Paris  »,  à  la  Convention,  à  la  Commune,  chez  les  Jaco- 
bins et  au  tribunal  révolutionnaire  : 


(4)  Antoine-Louis  Blanche,  né  à  Courgeron  (petite  pwoisse  annexée  en  1816  à  la 
conunune  de  Pin  du  Hwas,  arr.  d'Argentan  (Orne),  le  23  (et  non  le  25)  décembre  1753, 
avait  pris  le  surnom  de  Duparc.  Membre  de  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution  dès 
juillet  1790,  il  est  mort  à  Rouen,  rue  des  Bons-Enfants,  n»  7,  le  3  mars  1816. 

(2)  Les  députés  extraordinaires  de  Rouen  obtenaient,  le  16  brumaire,  un  arrêté  de 
la  Commission  des  subsistances  de  la  République,  levant  des  difficultés  survenues  au 
sujet  de  réquisitions  dans  les  districts. 

(3)  A  ce  moment,  il  est  encore  question  de  cette  armée  à  la  Société  populaire  où, 
sur  une  lettre  du  Havre,  demandant  que  l'armée  soit  levée,  la  Société  répond  qu'elle  est 
dans  les  mêmes  sentiments  (19  brumaire). 


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-  326  - 

Hier,  écrit  Blanche,  cinq  tètes  (1)  sont  tombées  sur  l'écbafaud  ;  il  y  awt 
beaucoup  de  saDS-culolU*s  à  cette  fêle  de  la  liberté. .  .Je  puis  vous  assurer  que 
les  prôires  sont  à  l'agonie.  Dieu  (2)  soit  loué  I  La  Bépubliquii  sera  plutôt 
sauvée.  L'armée  révolutionnaire  est  partie  de  ce  «natin  pour  Commune- 
Affranchie  (3),  afin  d'y  rétablir  sur  une  base  immuable  les  droits  de  l'homme .. 
La  Montagne  est  belle,  suivons  son  exemple. 

S.  et  F.  Signé  :  Blanche. 

P,'S.  ^  On  savonne  Houcbard  (4)  ce  matin  en  attendant  le  rasoir 
national  (5). 

En  ventôse,  Blanche  rendit  plus  rigoureuses  les  règles  de 
réparation  de  la  Société  et  des  corps  constitués.  La  Société,  dit-il, 
est  l'œil  surveillant  les  administrations  et  ne  doit  avoir  aucun  noble 
dans  son  sein.  En  conséquence,  Rome  (6),  maire  du  Mesnil-Raoult, 
cesse  à  l'instant  d'être  membre  de  la  Société.  L'adjudant  général  la 
Morlière  se  crut  obligé  de  justifier  à  la  Société,  dont  il  était  membre, 
qu'il  n'appartenait  pas  à  la  classe  nobiliaire,  au  moyen  d'une  décla- 
ration du  «  vieux  soldat  et  général  »  son  père,  qui  faisait  connaître 

(1)  Celles  du  duc  d'Orléans,  Coustard,  Goudier,  Brousse  et  Laroque.  Cet  extrait 
de  la  lettre  de  Blanche  ne  cite  pas  de  noms,  même  celui  du  duc  d'Orléans.  Mais  le 
procès-verbal  de  la  Société  populaire  dit  qu'elle  annonce  que  «  5  têtes  coupables... 
entre  autres  celle  du  ci-devant  duc  d'Orléans  ».  Dans  une  liste  des  biens  appartenant 
à  la  famille  Capet  dressée  le  15  thermidor  an  II,  par  Pillon,  maire.  Moulin  fils.  Carré 
et  Poret,  figure  comme  étant  à  Capet,  dit  Egalité,  ci-devant  prince,  demeurant  au  ci- 
devant  Palais-Royal,  un  grand  bâtiment,  deux  pavillons,  cour  et  jardin,  d'un  revenu  de 
200  1.,  situés  à  Rouen,  rue  des  Arts,  n«  40.  Le  duc  d'Orléans  possédait  aussi  le  Mont- 
Fortin  (Bois-Guillaume),  comprenant  21  acres  de  terre,  et  qui  fut  adjugé  le  14  vend, 
an  III,  à  M.  N.  Sautelet,  par  105,100  l.  En  floréal  an  II,  l'hospice  général  de  Rouen 
achetait  pour  1,385  1.  de  cidres  repostés  au  Mont-Fortin,  inventoriés  par  Denise,  le 
21  ventôse.  (Arch.  du  départ,  et  arch.  mpales). 

(2)  Le  mot  Dieu  est  souligné. 

(3)  Lyon. 

(4)  Le  général  en  chef  Houchard,  accusé  de  n'avoir  pas  dénoncé  la  trahison  de 
Custine,  avait  subi  un  premier  interrogatoire  le  15  brumaire  ;  il  fut  condamné  à  mort 
le  26. 

(5)  Huitième  section  du  3*  des  rapports  contre  les  terroristes,  p.  42. 

(6)  Arch.  mpales*  Reg.  des  délibérationa. 


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son  origine.  «  La  Société  se  montre  satisfaite  de  conserver  pour 
frère  un  si  brave  homme  ». 

Plusieurs  orateurs  parlent  ensuite  de  l'expulsion  des  prêtres. 
Blanche  en  montre  l'importance  et  la  fait  renvoyer  au  jeudi  sui- 
vant (1).  Cette  grande  question  revient  le  30  pluviôse.  D'abord  on 
demande  que  les  prêtres  et  les  déprêtrisés  ne  soient  point  admis 
dans  la  Société  ;  il  devait  leur  suffire  d'assister  aux  séances  dans  les 
tribunes.  Dix-sept  membres  prennent  la  parole.  Les  uns  veulent 
conserver  les  prêtres  qui  ont  abjuré  ;  le  quatrième  dit  :  a  Ne  crois 
pas  que  celui  qui  a  été  fripon  toute  sa  vie  devienne  honnête  homme  I  » 
Il  exige  l'expulsion  de  tous  les  prêtres  en  général.  Le  huitième  est 
d'avis  que  ceux  de  trente  à  quarante  ans  se  marient  et  que  ceux  de 
cinquante  ans  soient  exclus. . .  La  Société  délibère  que  les  hommes 
qui  ont  abjuré  le  cagotage  et  le.  fanatisme  soient  conservés  dans  la 
Société,  et  que  tous  ceux  qui  ne  sont  pas  déprêtrisés  soient  exclus  et 
sur-le-champ  tenus  de  déposer  leurs  cartes  d'entrée  ». 

Le  19  ventôse,  Blanche  prononce  un  discours  «  plein  de  vérité 
et  de  raison  »,  signalant  les  dangers  imminents  de  laisser  librement 
agir  les  charlatans  et  ceux  non  moins  grands  de  ne  pas  prêter  une 
scrupuleuse  attention  sur  les  filles  —  «  race  également  empoison- 
neuse ».  Blanche  a  donc  conclu  :  1®  que  la  commune  devait  être 
invitée  à  former  dans  son  sein  un  comité  de  santé,  chargé  d'examiner 
tous  ceux  qui  exercent  Tart  de  guérir  et  que  ceux  qui  seraient 
reconnus  posséder  cet  art  au  degré  nécessaire  à  l'humanité  fussent 
interdits  d'en  taire  usage  (2)  ;  2<*  inviter  aussi  la  commune  à  surveiller 
de  très  près  les  femmes  publiques.  «  Des  vues  aussi  humaines  ont 
reçu  l'assentiment  de  la  Société  ».  La  première  partie  de  cette 
motion  est  exprimée  par  le  procès-verbal  dans  des  termes  vraisem- 

(1)  L*intervention  de  Blanche  dans  cette  question  spéciale  relative  aux  prêtres  pour- 
rait avoir  pour  cause  la  situation  de  François-Jean  Blanche  ,  ex-prêtre,  habitué  à 
Notre-Dame,  ex-vicaire  épiscopal  (rue  Saint-Gervais,  31)  qui,  le  -16  frimaire  avait  renoncé 
à  ses  fonctions  ecclésiastiques.  Jean  Blanche  se  soumet  aux  lois  le  25  fructidor  an  III. 
(Arch.  du  dép.  Reg.  du  district).  Le  chirurgien  Ant.-Louis  Blanche  demeure  en  1793, 
rue  Saint-Gervais,  29. 

(2)  Textuel. 


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1 


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blablement  tout  à  fait  opposés  à  ceux  dont  se  servit  son  auteur, 
quoique  Ton  connaisse  au  moins  un  médecin  qui  ait  fait  vers  ce 
temps-là  abjuration  publique  du  charlatanisme  professionnel  (1). 

Peu  de  jours  après,  le  26  ventôse,  un  des  confrères  de  Blanche  et 
son  aîné,  Lemaire  de  Ternantes,  comme  lui  chirurgien-major  de  la 
garde  nationale,  qu'on  épure,  est  ajourné  jusqu'à  ce  que  Blanche 
«  qui  a  de  grands  reproches  à  lui  faire  »  soit  entendu.  Un  instant 
après,  Blanche,  à  la  tribune,  fait  part  de  ces  reproches,  dont  l'objet 
est  resté  inconnu.  Mais  Lemaire  n'est  plus  là.  Il  revient  le  28,  et,  en 
pleine  séance,  Siblot  présent,  Blanche  fait  de  «  grands  reproches  »  à 
Lemaire.  Celui-ci  se  disculpe  aussi  à  la  tribune.  Lambert  et  Lamine 
lui  succèdent  et  font  ajourner  indéfiniment  son  épuration. 

Lemaire  fut  emprisonné,  et  Blanche  accusé  d  avoir  fait  délibérer 
son  arrestation,  et  d'avoir  mis  a  sa  sottise  chirurgicale  à  la  place  des 
talents  de  Lemaire  »  (2). 

L'histoire  des  médecins  et  môme  de  la  médecine  à  Rouen  pen- 
dant la  Révolution  fournirait  quelques  chapitres  intéressants,  com- 
prenant le  récit  des  démarches  infructueuses  de  Lamauve  et  de 
Laumonier  pour  obtenir  les  cadavres  des  «  morts  des  hôpitaux  et  des 
cimetières  »  (3),  et  où  figureraient  avec  Blanche  et  Lemaire,  de  Ter- 
nantes et  les  autres  médecins  qui,  comme  Dieu,  Laumonier,  Gamare, 
Demay,  de  Plasne,  Guyet  et  autres  abrités  par  des  fonctions,  échap- 
pèrent à  de  sérieux  dangers,  ceux  qui,  non  moins  connus  pour  la 
plupart,  ont  été  persécutés  sous  la  Terreur.  Au  nombre  de  ces  der- 
niers sont  notamment  Lepecq  de  la  Clôture  (4),  Pinard  de  Bois- 

(1)  \.  la.  Révolution  française.  Un  véritable  charlatan,  Thomas  Paumier,  né  à  Rouen, 
qui  se  disait  chirurgien-dentiste,  privilégié  du  roi  et  du  comte  de  Périgord,  fut  arrêté 
le  7  germinal  an  II,  sur  le  port»  s'expliquant  et  débitant  sa  marchandise  au  milieu  de  la 
foule,  où  l'avaient  remarqué  Dumazert,  administrateur  du  dépaitement,  et  les  commis- 
saires du  Comité  de  Sûreté  générale  Graine  et  Malot-Duvergé.  Guyet  et  Poidevin  firent 
un  rapport,  qui  se  retrouve,  sur  ses  drogues.  Son  arrestation  ne  parait  pas  avoir  été 
maintenue.  (Arch.  mpales.)  On  sait  que  Dumazert  était  pharmacien. 

(2)  Antoine  Lemaire  de  Ternantes,  chirurgien,  âgé  alors  de  53  ans,  demeurant  rue 
de  la  Régénération  (de  la  Vicomte),  n»  46.  Il  avait  fait  partie  de  la  loge  les  Bons  Amis, 
dont  le  vénérable  était  le  fr.  • .  Anquetin  de  Beaulieu.  Il  fut  emprisonné  le  6  messidor 
an  II,  à  Saint- Yon,  d'où  il  sortit  le  2  fructidor,  après  55  jours  d3  détention.  Une  liste  de 
détenus  porte  qu'il  ne  possédait  rien. 

(3)  Reg.  du  distr.  12  janv.  et  46  avril  1793.  Reg.  du  dépS  27  mars  1793. 

(4)  V.  note,  chapitre  précédent.  Plusieurs  lettres  de  lui  se  retrouvent  dans  les 
archives  du  Comité  de  surveillance. 


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Hébert  (1),  Barentin  (2),  Bouchard  (3),  Rouvray  d'Aubigny  (4), 
Balland  (5),  Rousset  (6),  Boussy  (7),  Rouelle  (8),  Courant  (9), 
Pelou  (10),  Joly  (11),  etLhonoré  (12). 

(i)  A.-G.-B.  Pinard,  82  ans  et  demi,  «  médecin  botaniste  »,  rue  de  l'Ecole,  23  ;  consi- 
gné chez  lui  sous  la  garde  de  deux  sans-culottes,  le  7  prairial  an  II.  Un  de  ses  fils  est 
marié  à  une  d«"«  Boumisien  ;  un  autre  (dom  Benoit)  était  religieux  trappiste  et  mourut 
dans  le  Valais  le  21  janvier  4794.  Deux  de  ses  filles,  religieuses  insermentées,  sont 
arrêtées  le  7  nivôse  an  II.  M.  Pinard  avait  été  Tun  de  ceux  qui,  à  la  séance  de  l'Acadé- 
mie de  Rouen  du  40  août  4794,  refusèrent  de  prêter  le  serment  civique  dont  le  journa- 
liste Milcent  donnait  l'exemple.  Le  27  décembre  suivant,  M.  Pinard  était  invité  à  se 
rendre  au  directoire  du  département  pour  donner  des  éclaircissements  sur  Rudemare, 
domestique  de  M.  de  Bailleul,  arrêté  àNeufchâtel.  (Arch.  mpales  et  du  dép«.) 

(2)  Joseph-Réné  Regniard-Barentin,  39  ans,  né  à  Jacmel  (Saint-Domingue),  demeu- 
rant à  Rouen,  rue  de  la  Femme-Blanche,  maison  de  la  citoyenne  Desjardins.  Agé  de 
40  ans,  il  avait  quitté  Saint-Domingue  où  était  restée  sa  mère  qui  faisait  passer  à  un 
commissionnaire  du  Havre  les  denrées  coloniales  de  Barentin  père.  Reçu  médecin  à 
Montpellier  en  4788,  et  agrégé  à  la  faculté  de  Caen  en  1780,  il  avait  exercé  à  Caen  de 
4780  à  4790,  et  s'y  était  marié  à  une  d«"«  Letanneur  de  laquelle  il  avait  trois  enfants.  Puis 
il  s'était  fixé  à  Paris  jusqu'en  février  4793,  et  enfin  à  Rouen  où  il  avait  7  ou  8  malades 
à  traiter.  Le  28  pluviôse  an  II  on  le  mit  à  Saint- Lô  ;  il' en  sortit  le  4  germinal  suivant. 
On  trouva  chez  lui  un  exemplaire  du  livre  incriminé,  ofTert  par  Grenier  à  la  Société 
populaire  :  De  la  naissance  el  de  la  chute  des  anciennes  Républiques,  Expulsé  de  Rouen 
le  24  germinal,  il  y  est  arrêté  lors  de  la  battue  du  24  floréal.  Après  justification  de  son 
civisme,  il  fut  relâché. 

(3)  Chirurgien,  rue  Ganterie,  48.  Incarcéré  le  23  prairial  an  II  pour  avoir  donné, 
malgré  les  observations  à  lui  faites,  le  nom  du  dernier  tyran  (qu'il  fit  écrire  Capais)  à 
un  enfant  né  le  43  prairial.  Sorti  de  Saint- Yon  le  4  fructidor.  C'était  le  père  de  Nicolas 
Bouchard,  ex-curé  de  Baillolet,  déporté. 

(4)  Inscrit  sur  la  liste  des  émigrés.  Obtint  sa  radiation  le  28  pluviôse  an  YI.  Sa 
femme  et  sa  fille  furent  détenues. 

(5)  Chirurgien,  dentiste,  bandagiste,  rue  de  Voltaire,  suspect  d'incivisme  et  d'aristo- 
cratie, fut  mis  à  Saint- Yon  le  42  prairial  an  II.  Sur  un  certificat  de  Blanche,  du  20  ther- 
midor, Balland  obtint  sa  liberté. 

(6)  Médecin,  rue  de  Gènes,  5.  Mis  à  Saint-Yon  le  48  germinal,  il  en  sort  le  44  fructidor. 
Prévenu  d'être  fanatique  et  signataire  de  la  pétition  au  t}Tan  pour  la  conservation  des 
couvents  et  d'être  l'ennemi  des  sociétés  populaires  et  des  patriotes.  Il  niait  avoir  signé. 

(7)  Chirurgien,  rue  des  Belles-Femmes,  44,  depuis  dix  mois,  venant  de  Ronfleur. 
Arrêté  le  30  floréal  ;  en  liberté  le  4  fructidor.  Lié  avec  Roussel.  Il  était  en  rapport  avec 
la  famille  d'Estampes.  En  germinal,  la  commune  de  Ronfleur  s'intéressait  à  lui. 

(8)  Officier  de  santé  à  l'hospice  d'humanité  depuis  4774.  Arrêté  le  42  prairial  pour 
incivisme  et  aristocratie  et  laissé  à  l'hospice  sous  la  garde  de  deux  fusiliers.  En  liberté 
le  4  fructidor. 

(9)  Officier  de  santé,- rue  de  la  Fondation,  3.  Entré  à  Saint-Yon  dès  le  4«r  septem- 
bre 4793,  sorti  le  2  fructidor  an  IL 

(40)  Chirurgien-dentiste  et  bandagiste,  vis-à-vis  le  temple  de  la  Raison.  Mis  à 
Saint-Yon  le  46  floréal  an  II,  sorti  le  4  fructidor. 

(44)  Chirurgien.  Détenu  à  la  Tour  aux  Normands.  Mis  en  liberté  le  28  brumaire  an  III. 

(42)  Docteur-médecin,  rue  des  Peupliers,  26.  Entré  à  Saint-Yon  le  27  frimaire,  sorti 
le  4  fructidor. 


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—  ,880  — 

Les  menées  de  Blanche,  dont  il  n'est  pas  toujours  facile  de 
découvrir  le  but,  créent  des  difficultés  dont  il  reste  plus  d'une  trace. 
Ainsi,  le  11  floréal,  les  officiers  de  santé  employés  à  visiter  les  jeunes 
citoyens  de  la  première  réquisition  se  plaignent  au  district  des 
désagréments  que  leur  procure  la  nouvelle  visite  des  officiers  de 
santé  désignés  par  Siblot.  Le  district  se  défend  d'y  être  pour  quoique 
ce  soit,  et  assure  les  réclamants  qu'ils  ont  toujours  sa  confiance. 

D'après  Laumonier  (1),  Blanche,  investi  de  tant  de  mandats,  en 
négligeait  forcément  plus  d'un.  Quoique  chargés  tous  les  deux  de 
l'examen  des  prêtres  infirmes  détenus  à  Saint- Vivien,  et  qui 
demandaient  à  être  dispensés  de  la  déportation,  Laumonier  se  serait 
acquitté  seul  de  cette  mission  (2). 

Des  causes  multiples  paraissent  avoir  déterminé  la  conduite 
subitement  plus  active  et  plus  violente  de  Blanche.  Son  zèle  exagéré, 
son  exaltation,  lui  avaient  attiré  de  nombreuses  inimitiés,  et  il  lui 
importait  de  se  mettre  sur  ses  gardes  en  prévision  de  la  prochaine 
arrivée  à  Rouen  du  conventionnel  Siblot  (3). 

Ce  représentant  du  peuple,  en  eflfet,  est,  aux  yeux  du  chirurgien 
Blanche,  non  pas  seulement  un  commissaire  de  la  Convention,  c'est- 
à-dire,  en  réalité,  le  maître  absolu  du  sort  de  tous  les  fonctionnaires 
en  particulier  et  des  citoyens  en  général.  Il  voit  en  lui  surtout  le 
confrère,  le  médecin,  sur  les  actes  duquel  il  compte  —  avec 
raison,  —  exercer  quelque  influence... 

L'impartialité  —  que,  notamment  à  cet  égard,  n'observent 
nullement  les  rapports  des  comités  de  l'an  III  —  oblige  à  dire  que 

(1)  Mémoire  justificatif,  déjà  cité. 

(2)  Ce  fut,  néanmoins,  sur  un  rapport  de  Blanche  et  Laumonier  que  le  dépar- 
tement décida  que  les  prêtres  Harel,  Motet,  Leturger,  Mottey,  Uaudiquier,  Paris, 
Frémont,  Béquet  et  Lesueur  ne  seraient  pas  déportés  (Reg.  du  départ.  18  vent,  an  II). 

(3)  Siblot,  député  de  la  Haute-Saône,  médecin  à  Lure,  était  alors  âgé  de  quarante- 
et-un  ans,  et  célibataire.  En  1791,  il  était  membre  de  l'administration  de  son  départe- 
ment; il  fut  élu  à  la  Législative,  puis  à  la  Convention.  Une  biographie  locale  dit  qu'il 
montra  dans  l'accomplissement  de  ses  devoirs  une  modération  et  un  désintéressement 
qui  lui  firent  honneur.  Il  reprit  après  la  session,  l'exercice  de  la  médecine  à  Lure,  où 
il  est  mort  le  21  oct.  1801  (L.  Luchaux,  Galetne  biographique  du  dép.  de  la  Haute- 
Saône,  1864.  Communication  de  M.  StoufT,  conservateur  delà  biblioth.  mpale  de  Vesoul). 
Le  zélé  thermidorien  de  Siblot  lui  permit  d'échapper  à  la  réaction  qui  suivit  la 
chute  de  Robespierre  (Dict,  de$  Parlementaire»), 


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cependant,  à  cette  époque  môme.  Blanche  —  non  sans  risques,  mais 
peut-ôtre  aussi  parce  que  son  propre  intérêt  Ty  portait,  —  s  opposa 
énergiquement  au  renvoi  direct  au  tribunal  révolutionnaire  — . 
comme  le  voulait  un  rapport  de  Thierry  —  de  Ruffault,  ingéliieur  de 
la  marine,  dénoncé  pour  des  manœuvres  tendant  à  soustraire  des 
jeunes  gens  à  la  première  réquisition  (1). 

Blanche,  au  surplus,  n'est  pas  le  seul  que  la  visite  du  nouveau 
proconsul  porte  au  moins  à  des  intempérances  de  langage.  Un  citoyen 
qui  a  aussi  des  motiis^  de  se  croire  menacé,  et  que  compromettra 
bientôt  son  incivisme,  Clavier  (2),  officier  municipal,  communiquée 
la  Société  populaire  de  Rouen,  le  25  ventôse,  une  lettre  de  l'agent 
national  du  Havre-Marat ,  faisant  part  de  l'embarras  où  il  se  trouve 
de  ce  que  «  aucune  des  imbéciles  ci-devant  sœurs  de  l'hospice 
d'humanité  n'a  voulu  prêter  le  serment  exigé  par  la  loi,  ce  qui  le 
met  dans  la  nécessité  de  les  chasser.  Mais  comme  il  n'a  point  de 
femmes  en  état  de  les  remplacer,  il  demande  qu'on  lui  procure  de 
bonnes  citoyennes  ».  Un  autre  citoyen,  Crosnier,  directeur  de 
Thospice  de  Rouen,  tient  à  dire  que  la  môme  chose  s'est  produite  à 
Rouen  (3),  et  qu'il  a  remplacé  «  ces  brutes  »  par  des  femmes  en 

(1)  Reg.  de  la  Société  populaire.—  Les  rapports  contre  les  terroristes  lui  reprochent 
d'avoir  employé  dans  son  hôpital  beaucoup  de  chirurgiens  de  dix-neuf  ans...,  et  ajoutent 
une  accusation  qui  n'est  pas  sans  analogie  avec  ce  qui  fit  Tobjet  d'eccplications  qui  se 
retrouvent  dans  le  procès-verbal  d'une  séance  du  directoire,  entre  filanche  et  Delaistre, 
alors  commissaire  du  gouvernement  (4  vent,  an  VII). 

(2)  Le  3  prairial  suivcmt,  à  la  suite  d'imputations  élevées  contre  lui  à  la  Société 
populaire.  Clavier  fut  renvoyé  au  comité  de  surveillance  qui  décida  de  le  dénoncer  aux 
autorités  constituées.  Le  6  prairial,  affecté  de  sa  radiation  de  la  Société,  il  déclare 
s'abstenir  de  siéger  à  la  commune  jusqu'à  ce  qu'il  ait  terrassé  la  calomnie  dirigée 

•  contre  lui.  On  lui'  objecte  la  loi  défendant  à  tout  fonctionnaire  d'abandonner  son  poste. 
Un  rapport  contre  lui  fut  adressé  à  la  Société  par  la  commune  le  11  prairial.  Les  pièces 
le  concernant  furent  adressées  au  comité  de  salut  public  de  la  Convention,  auquel  la 
Société  populaire  les  réolaooait  le  4  fructidor.  Clavier  était  resté  en  fonctions.  (Arch. 
mpales  et  nationales). 

(3)  Reg.  de  la  Société  populaire.  —  Un  décret  du  3  oct.  1793  déclarait  déchues  de 
leurs  fonctions  les  filles  des  congrégations,  employées  au  ser\ice  des  pauvres,  au  soin 
des  malades,  à  l'éducation  ou  à  l'instruction,  qui  n'avaient  pas  prêté  serment  dans  le 
délai  légal.  Un  arrêté  du  bureau  d'administration  de  l'hospice  général  du  15  pluviôse 
an  II  ordonne  que  les  filles  ci-devant  hospitalières  se  retirent  de  cette  maison  le  len- 
demain, avant  quatre  heures  de  relevée.  Pour  les  remplacer,  Crosnier  présentait,  dès 
le  15,  5  bonne$  citoyennes^  dont  deux  enfants  de  la  maison,  de  bonnes  mœurs  et  rem- 
plies de  talent. 


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sous-ordre  et  qu'il  serait  possible  d'en  faire  autant  au  Havre.  «  Ses 
bons  offices,  son  intelligence  et  sa  bonne  volonté  »  permettront  à  son 
collègue  du  Hrvre  de  s'en  tirer  (1). 

Sôus  la  direction  du  citoyen  Crosnier,  il  y  eut  à  l'hospice 
général  (2)  d'assez  nombreuses  innovations  et  réformes  révolution- 
naires. Les  décrets  y  furent  publiés,  la  Déclaration  des  Droits  de 
l'Homme  fut  affichée  dans  tous  les  locaux  de  l'établissement  et  le 
Bulletin  des  Lois  lu  dans  les  réfectoires  des  deux  sexes.  L'acte 
constitutionnel  et  le  récit  des  faits  héroïques  remplacèrent  les 
anciens  livres  d'éducation  de  la  jeunesse.  Quatre-vingts  enfants 
de  l'âge  de  huit  à  quinze  ans  et  vingt  vieillards  des  mieux  portants 
y  furent  choisis  pour  accompagner  tous  les  jours  de  décade  les  corps 
constitués  au  temple  de  la  Raison,  «  afin  de  profiter  de  tout  ce  qui  y 
serait  lu  et  dit  ».  Ces  enfants  avaient  un  conducteur  et  une  conduc- 
trice précédés  d'une  bannière  sur  un  côté  de  laquelle  :  Liberté, 
Egalité,  et  de  l'autre  :  Orphelins  adoptés  par  la  Patrie  (3). 

Ce  fut  Chalon,  administrateur-trésorier,  qui  donna  1,200 
cocardes  pour  les  pauvres. 

L'hospice  prit  l'initiative  de  la  cérémonie  du  mariage  de  Jean- 
Baptiste-Guillaume  Pasdeloup  et  de  Marguerite  Delaislre,  qui  fut, 
dit  M.  Gosselin  (4),  l'acte  principal  de  la  fête  du  premier  décadi  de 
ventôse  (vendredi  28  février  1794)  et  souscrivit  pour  la  mariée  une 
dot  de  2,000  livres  (28  pluviôse)  et  un  trousseau  où  figurent  deux 
fichus  de  mousseline.  C'est  son  bureau  d'administration  qui  invita 
à  leur  union  le  représentant  du  peuple,  les  autorités  constituées, 
judiciaire  et  militaire,  en  môme  temps  qu'à  l'inévitable  plantation 
d'un  arbre  de  la  liberté.  Un  banquet  fraternel  eut  lieu,  à  l'occasion 
de  cette  alliance,  sans  doute  aux  frais  de  l'hospice,  et[Bérard  et  Real 
y  furent  invités.  Ce  fut  le  notaire  de  l'hospice  qui  reçut  le  contrat  de 

(1)  Crosnier  avait  été  nommé  directeur  provisoire  de  Thospice  les  15-26  nivôse.  Le 
25  pluviôse,  le  bureau  le  proposait  comme  directeur  définitif  en  mém«;  temps  que 
Lequesne  comme  secrétaire-trésorier  et  Maur>',  officier  de  santé  ;  tous  les  deux  furent 
nommés  par  le  département  le  27  pluviôse. 

(2)  La  maison  prit  cette  dénomination  d'hospice  généi*al  le  15  nivôse.  (Délil).  du 
bureau  d'administration,  de  cette  date). 

(3)  Délibération  du  bureau  de  Thospice. 

(4)  Ouvr.  cité,  Bévue  de  la  Normandie,  4867,  p,  lli. 


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—  333  - 

mariage  des  heureux  époux  dont  l'un  devint  immédiatement  commis 
dépensier  et  Tautro  première  ouvrière  couturière  de  la  maison,  où 
à  cette  époque,  sont  admises  près  de  2,000  personnes. 

Les  tableaux  de  la  salle  d'audience  furent  remplacés  par  des 
statues  de  la  liberté  et  de  l'égalité.  Les  salles  ou  offices  reçurent  les 
nouveaux  noms  de  la  Reconnaissance,  la  Fraternité,  la  Révolution, 
la  Régénération,  la  Patrie,  V Espérance  et  les  Sans-Culoitides 
(18  ventôse). 

Le  1*'  ventôse,  on  décido  que  les  enfants  de  l'hospice  auront 
pour  costume  un  gilet  et  un  pantalon  de  diverses  couleurs.  Les 
enfants  naturels  reçoivent  des  noms  pris  dans  le  calendrier  républi- 
cain, qu'on  écartera  un  peu  plus  tard,  longtemps  encore  avant  sa 
suppression,  pour  en  choisir  de  moins  désagréables,  tels  que  Titien, 
Véronèse,  Tintoret,  etc. 

Pillon,  comme  maire,  présida  quelquefois  les  délibérations  du 
bureau  d'administration  où  Poret  siégea  aussi,  notamment  dans  les 
séances  importantes  tenues  les  23  messidor  et  2  thermidor,  au  sujet 
de  rinsubordination  continuelle  des  filles  d'office  et  des  propos 
outrageants  par  elles  tenus  sur  les  agents  secondaires  et  sur  le 
directeur.  Poret  requit  alors  qu'à  l'avenir  toutes  les  séances  publi- 
ques de  l'administration  hospitalière  fussent  tenues  dans  l'édifice  de 
la  ci-devant  église,  d'où  le  directeur  devrait  faire  disparaître  l'autel 
du  fanatisme.  Il  discourut  longtemps  sur  le  sort  des  citoyennes,  qu'il 
divisa  en  trois  classes,  etc. ,  etc.  Puis,  après  un  discours  du  président, 
le  bureau,  paternellement,  arrêta  que  l'éponge  du  silence  serait 
passée  sur  les  fautes  commises. . .  (1) 


Siblot,  envoyé  par  décision  du  Comité  de  Salut  public,  du  4 
pluviôse,  pour  épurer  la  Seine-Inférieure  et  l'Eure,  avait  commencé 
par  s'occuper  du  Havre,  dont  la  situation  lui  avait,  sans  doute,  été 
signalée  par  ses  prédécesseurs.  Il  s'y  était  occupé  des  subsistances  et 
de  l'épuration  de  la  Commune.  Craignant  des  intelligences  entre  les 
prisonniers  détenus  au  Havre  et  les  anglais,  il  avait  expédié  à  Vernon 

(i)  Délibération  du  bureau. 


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-  334  - 

et  Bolbec  ces  prisonniers  parmi  lesquels  Duval  d'Epremesnil,  que, 
peu  après,  il  faisait  transférer  à  Paris.  Il  avait  dû  s'occuper  déjà 
aussi  de  Dieppe,  car  sa  lettre  au  Comité  de  Salut  public  sur  l'envoi 
en  cette  ville  du  tribunal  criminel  à  Dieppe,  est  datée  du  28  ventôse, 
jour  où  pour  la  première  fois  il  apparaît  à  la  Société  populaire  de 
Rouen  (1). 

L'accueil  qu'il  y  reçoit  ne  diffère  guère  de  celui  fait  à  Guimber- 
teau.  Il  prend  place  aussi  à  la  droite  du  président  (Denise).  Hem- 
brassade  fraternelle  a  lieu  aux  mêmes  cris  de  :  Vive  la  République  1 
Vive  la  Montagne  !  Bientôt  on  s'aperçoit  que  ses  projets  vont  agiter 
la  Société  populaire.  Après  un  discours  «  fort  [rempli]  de  choses  et 
brûlant  de  patriotisme  »  et  vivement  senti,  très  applaudi,  il  demande 
douze  membres  de  la  Société,  étrangers  aux  administrations,  d'un 
patriotisme  à  toute  épreuve,  qui  le  renseigneront  dans  ses  «  grands 
et  indispensables  travaux.  »  (2) 

Siblot  s'était  présenté  la  veille  au  district  et  à  la  commune. 
Devant  les  officiers  municipaux  et  notables,  parlant  de  sa  missioa 
consistant  à  épurer  les  corps  administratifs,  il  vit  «  avec  plaisir  qu'il 
avait  été  devancé  dans  cette  tâche.»  C'est  là  qu'on  paraît  l'avoir  reçu 
avec  le  plus  d'acclamations.  Tout  cela  n'empêche  point  que  le  4  ger- 
minal, sur  la  demande  de  Siblot,  le  district  invite  la  Commune  à 
fournir  les  noms  des  citoyens  composant  le  Conseil  général,  leur  état 
actuel  et  passé. 

Hébert,  qui  s'était  naguère  montré  si  hostile  aux  rouennais 
dans  les  séances  des  Jacobins  de  Paris,  venait  d'être  arrêté  ainsi  que 
Ronsin,  Vincent  et  Monmoro,  attaqué  par  Phillippeaux  (3)  nor- 
mand comme  lui  et  député  de  la  Sarthe.  Lamine,  devant  Siblot, 
parle  de  ces  scélérats' dont  le  masque  vient  de  tomber  et  qui  avaient 

(1)  Siblot  s'était  présenté  la  veille  devant  le  district,  à  la  demande  duquel  il  s'était 
occupé  des  «  scènes  scandaleuses  que  l'un  de  ses  membres,  Dumesnil,  avait  offertes  à 
la  cité  par  son  ivrognerie  ».  Siblot  avait  conseillé  de  lui  pardonner  pour  cette  foisetavait 
promis  de  revenir  souvent  voir  l'administration. 

(2)  Ces  membres,  désignés  par  Blanche  le  lendemain,  étaient  :  Fontaine,  entrepre- 
neur ;  Angrand,  commandant  ;  Blanche,  Blondel,  Rupalley,  Lizé  l'aîné,  Bucaille,  Dela- 
lande,  Delaporte,  Crespin  et  Barbier.  Ils  jurèrent  de  ne  recevoir  aucune  sollicitation  ni 
chez  eux,  ni  ailleurs,  et  de  garder  un  secret  inviolable  sur  ce  qui  leur  serait  proposé. 

(3)  Philippeaux  était  né  à  Ferriéres,  prés  Gournay-en-Bray,  comme  le  dit  M.  A. 
Kuscinski  (la  Révolution  Française  1891,  p.  298). 


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—  33fe  — 

ourdî  une  trame  exécrable  pour  perdre  la  République.  Il  rappelle 

que  rempêchement  apporté  à  l'arrivage  des  denrées  à  Rouen  était 

une  des   «  émanations  »  de  ce  complot,  et  il  propose  de  jurer  de 

souffrir  plutôt  mille  morts  qu'il  soit  porté  atteinte  à  la  Convention, 

à  cette  sainte  Montagne  —  le  bonheur  des  Français.  Ce  serment  est 

prêté  ;  Thierry  et  Blanche  rédigeront  une  adresse  à  la  Convention. 

La  commune  de  Rouen,  de  son  côté,  ne  laissait  point  passer  le  procès 

des  Hébertistes  sans  se  réjouir,  et  lorsque,  le  3  germinal,  la  Société 

populaire  lui  apporta  un  exemplaire  imprimé  de  l'acte  d'accusation 

dressé  contre  eux  par  Fouquier-Tinville,  la  lecture  en  fut  couverte 

d'applaudissements.  Cette  scène  se  renouvelle,  le  6  germinal,  à  la 

Société  populaire  où  un  bulletin  du  frère  Lecomte  confirme  le  bruit 

de  Texécution,  à  Paris,  des  accusés  de  l'affaire  Hébert,  Ronsin,  etc. 

Ces  ((  scélérats  ont  subi  la  peine  due  à  leurs  crimes. . .  L'allégresse 

est  en  son  comble.  »  Il  en  est  de  même  à  la  commune  et  au  district 

aussi  le  3  germinal  (1).  Le  18  germinal,  le  district  applaudit  à  la 

justice  nationale  lorsqu'il  apprend  que  Danton,  Lg.croix,   Chabot 

et  autres  conspirateurs  sont  tombés  sous  le  glaive  de  la  loi  (2). 

Après  les  réflexions  de  Lamine,  on  lit  une  lettre  de  Carré, 
officier  municipal,  alors  à  Paris,  donnant  les  détails  du  complot 
abominable  découvert  dans  la  capitale.  «  Des  flots  de  sang  viennent 
de  couler  ;  les  montagnards  de  la  Convention  devaient  être  égorgés  ». 
A  ce  récit,  tout  le  monde  frémit  d'horreur.  Siblot  se  lève,  ne  dit 
qu'un  mot  sur  la  nécessité  de  se  serrer  autour  de  la  Convention  ; 
mais  il  est  tellement  énergique  qu'on  fait  un  nouveau  serment  en 
présence  du  député  montagnard  :  Mort  aux  tyrans!  Mort  aux 
traîtres  !  et  vive  la  République  ! 

Siblot  apporte  immédiatement  à  la  Société  une  idée  venue  de  • 
sa  préoccupation  d'engager  une  lutte  énergique  contre  le  catholi- 
cisme :  Chaque  membre  de  la  Société  fera  un  discours  par  décade 
«  pour  être  prononcé  par  son  auteur  dans  le  Temple  de  la  Raison  ». 
On  décide  que  ces  discours  ne  passeront  pas  à  la  censure.  Si  ce  plan 

(1)  Reg.  de  ces  administrations. 

(2)  Le  district  ne  nomme  pas  Philippeaux,  ni  les  deux  Frey,  exécutés  en  même 
temps.  Le  Lacroix  que  Ton  citait  est  celui-là  même  dont  la  mission  avec  Legendre  et 
Louchet,  dans  la  Seme-Inférieure  et  l'Eure,  a  pris  fin  il  y  a  deux  mois  environ. 


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a  été  exécuté,  s'imagine-t-on  ce  qui  a  pu  être  ainsi  déclamé  dans  la 
ci-devant  cathédrale  ! 

Un  travail  considérable  se  trouva  centralisé  à  la  Société  popu- 
laire. C'est  elle  qui,  dans  les  premiers  jours  de  germinal,  désigne 
52  citoyens  «  bien  purs  »  pour  assister  aux  appositions  et  levées  de 
scellés,  inventaires,  estimations  et  ventes  ayant  pour  objet  des  biens 
d'émigrés  ;  mais  il  est  facile  de  voir  que  Siblot  ne  suit  pas  exclusive- 
ment les  inspirations  de  la  Société  populaire,  et  Ton  en  acquiert  la 
preuve  par  des  instructions  qui  sont  adressées  du  district  à  la 
Société,  en  germinal  (1). 

Siblot  paraît  avoir  été  curieux  de  connaître  les  antécédents  des 
hommes  en  vue  à  Rouen.  Il  charge  le  district  de  rassembler  à  la 
Société  populaire  le  plus  de  monde  possible,  et  il  fait  procéder 
devant  lui,  en  germinal,  à  une  épuration  de  la  Société  et  des  fonc- 
tionnaires, invitant  chacun  des  assistants  à  parler  librement  et  à 
déclarer  franchement  et  avec  loyauté  tout  ce  qu'il  trouverait  de 
blâmable  dans  la  conduite  de  ceux  qui  seront  interrogés,  et  menaçant 
de  faire  arrêter  C3ux  qu'il  saurait  n'avoir  point  parlé  avec  énergie. 
«  En  bon  père,  »  il  les  avertit  aussi  de  dépouiller  toute  haine  et 
jalousie  et  de  n'avoir  pour  but  que  le  bien  public. 

Les  premiers  citoyens  épurés  sont  Bouvet,  président;  Grandin, 
Belhoste,  Allais  et  Aubert,  du  département,  lesquels  sont  conservés 
dans  leurs  fonctions.  Thierry,  interpellé  de  dire  pourquoi  il  n'a  pas 
accepté  la  Constitution,  répond  qu'il  était  à  la  campagne.  Choin 
passe  un  mauvais  quart  d'heure  :  On  lui  reproche  d'être  venu  ivre  à 
une  séance  où  étaient  Lacroix ,  Legendre  et  Louchet  ;  puis ,  on 
l'invite  à  dire  à  Siblot  quelle  était  son  intention  en  placardant  une 
adresse  où  il  s'engageait  à  partir  pour  la  Vendée  et  en  disant  :  «  Je 
pars  ». .;  qu'effectivement  il  était  parti. . .  pour  le  Havre  ))(2).  Un 
autre  lui  impute  d'avoir  tenu  au  fédéralisme,  et  d'être  un  intrigant. 
«  Infernal  coquin  !  »  s'écrie  Choin.  Indignée  de  cette  sortie  diffama- 

(1)  Arch.  du  dép.  District  de  Rouen.  Reg.  de  police  générale,  v.  not»  les  lettres  des 
6,  45  germinal  et  8  floréal. 

(2)  C'est  à  cela  que  fait  allusion  le  passage  du  libelle  cité  par  M.  Gosselin  :  t  Vart 
de  partir  en  restant,  ou  exhortation  aux  défenseurs  de  la  Patrie,  production  burlesque, 
par  CHOlINy  au  capucin  défroqué ,  rue  des  Scélérats  (Revue  citée,  1867,  p.  362). 


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toire,  la  Sooiété  décide  que  son  président,  Houel,  rappelle  et  censure 
Choin,  ce  qui  a  lieu.  Et  cela  continue.  Choin  nie.  On  lui  parle  de  sa 
correspondance  avec  Bailleul,  détenu  au  tribunal  révolutionnaire.  Il 
répond  avoir  été  en  pension  au  Havre  avec  lui  et  qu'il  n'a  reçu  qu'une 
lettre  de  Bailleul  ;  que  si  elle  était  trouvée  dans  ses  papiers,  elle 
serait  à  sa  gloire  ;  qu'on  lui  reprochait  d'avoir  fait  scission  avec  les 
Jacobins,  qu'il  était  au  contraire  leur  ami  intime  et  qu'il  l'avait  juré 
et  signé.  Siblot  lui  demande  quel  parti  il  a  tenu  lors  de  l'arrêté 
libertîcide  du  département.  Il  répond  en  tergiversant.  On  lui  dit 
qu'il  eut  dû  protester,  qu'il  avait  usé  de  lâcheté,  que  si  tous  les 
membres  du  département  avaient  agi  de  même,  le  fédéralisme  aurait 
triomphé,  et  qu'aujourd'hui  il  n'a  d'énergie  que  parce  que  les 
patriotes  triomphent.  Choin  dit  qu'il  est  difficile  de  répoudre  à  tant 
d'inculpations  vagues,  et  que  les  représentants  en  commission  dans 
ce  temps-là  ont  su  distinguer  les  coupables  et  les  innocents.  A  l'una- 
nimité, la  Société  décide  qu'il  ne  mérite  pas  la  confiance  du  peuple 
et  qu'il  est  rejeté  (1). 

Cependant  Thierry  n'était  pas  quitte.  Delihu  lui  reproche 
qu'étant  avec  Haraneder,  il  l'a  pris  à  part  pour  lui  dire  qu'il  crai- 
gnait que  Robespierre  et  Danton  s'éclipsent  comme  les  autres,  et 
qu'il  ne  voudrait  pas  être  le  plus  vertueux  de  Rouen.  Thierry  jure 
n'avoir  jamais  émis  d'opinion  contre  Robespierre  et  Danton  et  que 
Haraneder  et  Denise  sont  deux  intrigants.  Cela  se  poursuit  longtemps 
ainsi.  On  rappelle  que  Thierry,  comme  Choin,  s'était  vanté  de  partir 
pour  la  frontière  et  était  resté,  ne  se  montrant  que  pour  avoir  des 
places.  Des  amis  interviennent  enfin  qui  le  sauvent  en  rappelant  que 
Thierry  a  été  le  seul  qui  ait  empêché  que  la  Commune  en  masse 
prêtât  l'infernal  serment  à' infidélité  que  Liancourt  et  son  état-major 
avait  voulu  faire  prêter  à  la  troupe  deligne.  A  l'époquedu  fédéralisme, 

(1)  Edme  Choin  du  Lys,  37  ans,  administrateur  du  département  à  Rouen,  rue 
Haranguerie,  maison  du  citoyen  Lemarchand,  aubergiste.  A  la  suite  de  cette  épuration, 
il  fut  destitué,  écroué  d'abord  à  Saint-Lô  le  11  germinal,  puis  à  Saint- Yon  le  même 
jour.  Le  7  fructidor  an  II,  il  demandait  au  Comité  révolutionnaire  de  Rouen  sa  mise  en 
liberté,  se  disant  sans-culotte,  invoquant  sa  qualité  d'artiste  et  un  précédent,  résultant 
de  ce  qu'un  décret,  publié  dans  la  Gazette  Hévolutionnaire  du  l»""  fructidor,  mettait  en 
liberté  Crou,  administrateur  du  Cantal,  comme  sans-culotte  et  vivant  du  travail  de  ses 
mains.  Il  sortit  de  Saint- Yon  le  surlendemain.  (Arch.  mpales.) 


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Thierry  a  été  l'un  des  plus  chauds  pour  soutenir  les  Jacobins  et  s'est 
réuni  avec  d'autres  dans  un  cabaret  pour  en  concerter  l'appui  et 
Thierry  est  vrai  révolutionnaire.  Thierry  est  maintenu  administra- 
teur. 

Tout  le  district  est  conservé. 

Le  7,  Siblot,  toujours  là,  invite  la  Société  et  les  tribunes  à 
montrer  la  plus  grande  énergie  pour  lui  donner  des  renseignements 
sur  l'arrêté  liberticide  pris  au  département  le  14  juin  1793.  On  ne 
doit  pas  croire,  signifie-t-il,  que  les  administrations  resteront  ce 
qu'elles  sont  sans  qu'il  soit  instruit  ;  il  veut  reporter  à  la  Convention 
des  preuves  dignes  d'elle,  de  la  Société  populaire  et  de  lui  sur 
diverses  discussions  qui  semblaient  s'ouvrir. 

Lamine,  qui  ne  fut  jamais  un  de  ceux  auxquels  il  répugnait  de 
dénoncer,  renseigne  sur  l'administration  du  département,  sur  la 
vertu  et  la  faiblesse  de  chacun  de  ses  membres  ;  il  prouve  que  Bouvet 
est  très  respectable  ;  il  fait  voir  que  Choin,  de  Fontenay.  Basirc, 
Anquetin  et  autres,  qui  sont  détenus,  ont  été  des  intrigants  ;  que 
Blanche  est  un  excellent  patriote,  mais  qu'il  manque  de  caractère  en 
ce  moment,  ainsi  que  les  autres  qui  sont  restés  purs  depuis.  Les 
détenus,  affirme  Lamine,  ne  sortiront  pas  comme  on  le  dit  sans  cesse. 
«  Le  département  et  le  district  ne  valaient  rien  en  ce  temps  ;  il  n'y 
avait  qu'une  partie  do  la  commune  qui  était  bonne,  et  qui,  à  laide 
des  puisnés  de  la  Société,  a  sauvé  la  patrie.  » 

Le  langage  de  Lamine  avait  inspiré  à  Blanche  de  sérieuses 
inquiétudes.  Aussi  crut-il  devoir  se  défendre  d'avoir  une  part 
quelconque  dans  des  arrêtés  du  département,  pris  pendant  son 
voyage  à  Paris,  «  d'où  il  avait  rapporté  toutes  choses  justes  et  où  il 
avait  été  tout-à-fait  libre  w.  A  son  retour,  il  avait  tenu  la  parole  vingt 
minutes  au  département,  et  il  jure  avoir  protesté  contre  tout  arrêté, 
ajoutant  que  la  majorité  du  département  pouvait  être  trompée  (I) 
par  des  représentants  perfides.  Il  fait  appel  aux  .souvenirs  de  Bouvet 
et  autres,  et  parb  même  d'une  députation  de  la  Commune  qui  était 
survenue  alors  pour  exciter  V administration  à  tomber  sur  M**^ 
caisses  publiques.  Blanche  remporta  un  demi  succès,  puisque  la 

(1)  U  y  avait  d'abord  :  était  trompée. 


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Société  passa  à  l'ordre  du  jour,  motioé  sur  son  civisme  reconnu  (1). 

A  cet  instant,  on  insiste  pour  que  tous  ceux  qui  ne  se  sont  pas 

opposés  à  Vîidresse  fédéraliste  —  c'est  ainsi  qu'on  la  juge,  —  soient 

révoqués  de  leurs  fonctions  et  remplacés  par  de  vrais  sans-culottes. 

Un  membre  prétend  pouvoir  donner  les  plus  sûres  indications  sur 

ce  fait,  et  dit  que  l'arrêté  du  23  juin  avait  été  précédé  d'adresses  de 

Marseille  et  au  très  villes  fédéralistes,  reçues  par  le  département.  Les 

patriotes  Lambert,  Albitte  et  autres  avaient  déclaré  ne  l'avoir  pas 

signé,  et  qu'il  avait  été  imprimé  sans  leur  aveu.  Lambert  rapporte 

«  qu'à  l'aide  de  Corbeiller  (sic),  de  Dieppe,  et  autres,  ils  ont  protesté 

contre  tout,  que  le  procureur  général  avait  présenté  son  projet,  qui 

avait  paru  être  adopté,  et  que  [  eux  ?  ]  s'étant  emportés  et  opposés  à 

son  arrivée,  on  décida  qu'il  ne  serait  imprimé  qu'après  une  révision  ; 

qu'il  ne  sait  par  quelle  fatalité  il  s'est  trouvé  imprimé,  et  qu'on  s'est 

bien  gardé  de  nommer  ceux  qui  s'étaient  opposés,  puisqu'il  n'a  été 

signé  d'aucun  des  membres.  Lambert  s'étant  ainsi  justifié,  on  passe 

à  l'ordre  du  jour  sur  le  tout.  Grandin  et  Bouvet  se  justifient  à  leur 

tour,  le  premier  sans  réclamation,  et  le  dernier,  en  expliquant  qu'il 

était  à  vingt  pas  de  celui  qui  lutle  perfide  arrêté.  Dans  le  tumulte  et 

le    désordre,    à   peine    entendit-il  la  lecture  de  cet  «  ouvrage  ». 

Réclamant  (rassemblant?)  ses  idées,  il  s'efforça  de  s'opposer  à  ce 

«  tissu  perfide  ».  Il  espérait  (il  ne  dit  pas,  lui,  que  cela  fut  décidé), 

suivant  l'arrêté  pris   par  l'administration,    qu'il   serait    fait    une 

révision  avant  l'impression,  ce  qui  n'a  pas  eu  lieu.  Il  s'attendait  à 

s'opposer  à  tout.  Quelle  fut  sa  surprise  de  le  voir  imprimé  sans  son 

aveu  et  celui  de  ses  collègues  «  puisqu'il  n'était  pas  signé  d'eux». 

Et  Bouvet,  jure,  avec  la  vertu  et  la  fermeté  annonçant  un  caractère, 

que,  depuis  plus  de  quarante  ans  avant  la  Révolution,  il  ne  s'est 

jamais  écarté  des  principes  de  l'humanité,  et  que,  dans  ces  instants, 

la  liberté  était  gravée  dans  son  cœur. 

(1)  Les  passages  ici  soulignés  sont  des  additions  marginales  du  temps.  Ce  qui  est 
relatif  à  ce  que  vient  de  dire  Blanche  a  été  remanié.  Marteau  lils  aîné  est  alors  secré- 
taire. Les  révélations  qui  se  produisent  ainsi  devant  Siblot,  font  voir  combien  doivent 
^trp  inexacts  les  propos  et  l'attitude  qu'on  attribue  à  M.  de  Fontenay,  et  les  procès- 
verlwiux  dos  administrations  à  ces  dates  mémorables,  et  la  gravité  de  certains  faits, 
ignorés  complètement,  tels  que  la  démarche  de  la  commune  touchant  les  caisses 
publiques.  On  me  pardonnera  l'extension  donnée  au  compte  rendu  de  ces  séances  d'un 
'nlérêt  exceptionnel. 


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-  340  - 


Sans  doute,  le  vieil  avocat  fut  plus  persuasif  que  ne  Test 
aujourd'hui  son  récit,  tel  qu'il  est  au  procès-verbal  de  la  Société 
populaire,  car  il  satisfit  Siblot.  Celui-ci,  pénétré  de  la  vertu  et  de 
l'énergie  de  Bouvet  à  développer  sa  justification,  l'invite  à  venir 
près  de  lui  recevoir  l'accolade  fraternelle. 

L'épuration  dePillon,  Bérée,  Tamelier,  V.  Lefebvre,  et  quinze 
autres,  et  celles  de  Poret  et  de  douze  notables  s'effectue  sans  nul 
incident. 

Arrive  Grandcourt.  Quelqu'un  (1),  sous  les  armes  avec  lui 
quand  Liancourt  fit  jurer  la  troupe,  avait  juré  seulement  :  Vive  la 
nation!  Grandcourt,  lui,  eut  la  lâcheté  de  dire  à  Liancourt  : 
«  Soyez  persuadé  que  je  n'ai  pas  partagé  les  sentiments  de  ce  jeune 
homme!  »  Il  fit  même  insérer  le  fait  dans  un  journal.  D'autres 
reprochent  à  Grandcourt  d'avoir  toujours  flatté  les  grands  et  flotté 
entre  deux  eaux,  et  d'être  l'ami  de  l'intrigant  Harel,  coiffeur,  et  de 
Portier.  Grandcourt  nie  et  veut  établir  qu'il  existait  un  marais  à  la 
commune.  On  le  rejette  à  l'unanimité. 

Trente  notables,  le  secrétaire  Havard  et  onze  membres  du 
Comité  de  surveillance  sont  épurés  et  conservés. 

Le  8,  Siblot  présent,  le  tribunal  du  district  subit  l'épuration. 
Thieullen  lépond  que  les  affaires  publiques  et  sa  santé  l'ont  empêché 
d'accepter  la  constitution,  On  lui  reproche  de  n'être  pas  membre  de 
la  Société  :  Il  attendait  après  son  épuration,  allèguc-t-il.  Il  fait  une 
«  analyse  »  de  sa  vie.  Longtemps  avant  la  Révolution,  il  était 
républicain.  Il  en  donne  pour  preuve  singulière  qu'ayant  dans  sa 
famille  des  parents  riches  et  pauvres,  il  s'est  toujours  fait  un  devoir 
d'aider  et  soutenir  ces  derniers.  Il  invoque  le  témoignage  qu'il  s  est 
opposé  au  fédéralisme.  Il  jure  de  verser  jusqu'à  la  dernière  goutte 
de  son  sang  pour  la  chose  publique. 

Il  est  conservé  (2).  Sacquépée  (3),  discuté,  appuyé,  et  conservé. 

(1)  Ce  doit  être  Lcfebvre-Signol. 

(2)  'riiinilli-ii  fut  bientôt  admis  eotnnie  membre  de  la  Société  populaire  qui  l'en- 
voyait, «Ml  prairial,  on  mission  auprès  du  département,  au  sujet  de  la  vente  en  détail 
«les  biens  d'émigrés. 

(3)  André-Nicolas-Victorieu  de  Sacquépée,  48  ans,  <.\\-avocat  du  ci-devant  roy,  a" 
ci-devant  bailliage  de  Rouen,  rue  de  TEcole,  36,  fut  écroué  à  S»-Yon,  pour  incivisme  et 


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^341  - 

Perrin  (1)  est  accusé  d'avoir  favorisé  le  fédéralisme  et  les  feuillants, 
d'avoir  «  à  tort  et  sans  droit  »  fait  incarcérer  le  patriote  Lamine, 
toujours  couru  les  places  et  murmuré  contre  les  électeurs.  Lamine —  le 
bon  apôtre  —  croit  que  c'est  par  un  défaut  de  connaissance  que 
Perrin  et  autres  l'ont  envoyé  en  prison  et  que  le  plus  grand  malheur 
est  d'avoir  placé  comme  juges  des  hommes  de  loi;  qu'ils  se  conduisent 
comme  des  ci-devant  lieutenants  de  police  et  non  comme  des  juges 
de  paix  qui  devraient  tenir  leurs  séances  chez  eux  fraternellement 
et  même  au  milieu  des  places  publiques  et  non  pas  dans  un  «  palais 
ci-devant  justice  )).  Il  faut  les  remplacer  par  de  purs  sans-culottes 
qui  le  feront.  —  On  s  acharne  après  ce  pauvre  Perrin  qui  avait  eu 
des  rabatteurs  dans  les  sections,  pour  se  faire  élire  ;  un  assistant  dit 
avoir  été  sollicité  dans  ce  but  par  l'épouse  dudit  Perrin.  Perrin 
se  défend  en  vain.  On  fait  observer  que  pour  être  juge  il  faut 
être  pur  et  vertueux,  et  que  Perrin  est  dénué  de  ces  qualités 
«  requises  par  la  loi  ».  La  Société  déclare  qu'il  n'a  pas  la  confiance 
du  peuple. 

C'est  le  tour  de  Guisier  (2),  que  la  goutte  retient  chez  lui  et  qui 
écrit  qu'il  accepte  la  Constitution.  Cela  n'apaise  point  ses  adversaires 
dont  les  attaques  provoquent  des  révélations  vivement  intéressantes 
pour  Siblot.  En  effet,  elles  mettent  au  grand  jour,  entreautres  choses, 

aristocratie,  le  5  germinal  (Tordre  d'arrestation  est  daté  du  3  frimaire).  On  ne  trouva 
rien  de  suspect  dans  ses  papiers.  Est  libéré  le  26  vend,  an  III.  Sacquepée  est  un  de  ceux 
qui  ont  été  attaqués  dès  la  fin  de  1788,  dans  le  Jowmal  de  la  Cour  et  du  Palais. 

(1)  Marin-Louis-César  Perrin,  39  ans,  juge  de  paix,  rue  des  Parisiens,  54,  mis  le 
M  germinal  à  Saint-Yon,  en  sortit  le  6  fructidor.  Dans  les  papiers  de  l'avocat  Jarry, 
Labbé,  du  Comité  de  surveillance,  avait  trouvé,  le  28  nivôse  an  II,  une  note  sans  date 
ni  signature,  dont  il  est  étrange  qu'il  ne  soit  pas  question  devant  Siblot.  Cette  note, 
Mirée  avec  d'autres  papiers,  en  septembre  ou  octobre  1792  (d'après  Jarry),  des  appar- 
tements prêtés  par  Jarry  à  Héron  d'Agirone,  est  ainsi  conçue  :  «  Hier  jeudi,  dans  la 
séance  particulière  tenue  après  la  séance  publique  et  qui  s'est  prolongée  bien  avant 
dans  la  nuit,  il  a  été  arrêté,  sur  la  motion  de  Perrin,  juge  de  district,  que  d'ici  à  quinze 
jours,  ^-u  les  circonstances  où  l'on  se  trouvait  et  la  force  que  les  puissances  étrangères 
étaient  sur  le  point  de  développer,  il  fallait  exciter  une  terrible  commotion  pour 
abattre  les  départements,  districts  et  municipalités  et  autres  corps  constitués,  afin 
d*étahlir  une  république  fédérative  par  département  ;  que  ce  plan  était  celui  de  toutes 
les  sociétés  des  Amis  de  la  Constitution  et  que  tous  les  moyens  étaient  préparés  pour 
obtenir  le  plus  grands  succès.  »  (Arch.  mpales). 

(2)  Guisier  fut  mis  en  arrestation  et  resta  chez  lui  car  on  ne  trouve  nulle  trace  de 
sa  détention. 


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un  point  jusqu'ici  ignoré.  On  en  vient  à  parler  de  l'Adresse  du 
département  à  l'Assemblée  législative  du  8  août  1792,  à  la  suite  de 
laquelle  Thieullen,  alors  procureur  général  syndic,  fut  appelé  à  la 
barre  de  cette  Assemblée,  où  l'accompagna  M.  Rondeaux,  à  cette 
époque  membre  du  département.  Quelqu'un  veut  que  Godebin  et 
Thierry  citent  celui  qui  a  présenté  cette  adresse  au  département. 
«  Godebin  répond  :  Elle  est  de  Rondeaux  et  elle  a  été  sou teue  par 
Guisier.  »  Ainsi  voilà  un  fait  historique  éclairci,  et  lorsque,  dans  le 
procès-verbal  de  la  séance  de  l'administration  du  départenaent  du 
15  août  1792,  on  prend  la  peine  d'expliquer  que  M.  Rondeaux  offre 
d'aller  à  Paris  avec  Thieullen,  h  cause  de  l'état  de  santé  de  celui-ci, 
c'est  pour  ne  pas  avoir  à  fournir  le  véritable  motif  du  voyage 
de  M.  Rondeaux,  l'auteur,  le  rédacteur  de  l'adresse  qui  fit  alors  tant 
de  bruit,  à  l'Assemblée  législative  et  ailleurs.  Guisier,  absent,  est 
rejeté  comme  n'ayant  plus  la  confiance  du  peuple. 

Ce  verdict  ne  fut  point  accepté  par  Guisier,  qui  vint  en  personne 
à  la  séance  du  10  germinal,  où  Siblot  lui  dit  que  Thierry,  Godebin 
et  autres  l'accusaient  d'avoir,  à  une  époque  mémorable,  soutenu 
l'adresse  du  département,  protestation  contre  la  suspension  du  tyran. 
Godebin  reproduit  sa  dénonciation,  disant  que  Guisier  appuya 
l'adresse,  combattue  par  Thierry.  Guisier,  malade,  répond  de  sa 
place  et  non  de  la  tribune.  Il  s'explique  longuement  ;  Siblot  exige 
qu'il  soit  laconique.  Guisier  cherche  à  montrer  qu'il  a  critiqué 
l'adresse.  Thierry  intervient  pour  dire  qu'il  s'opposa  à  ladresse  et 
que  Guisier  l'appuya.  Thieullen,  lui  aussi,  confirme.  Alors,  Siblot 
dit  à  Guisier,  confondu  :  «  Vous  étiez  réunis  pour  faire  succomber 
la  Convention  !  »  (1) 

Daupeley,  violemment  attaqué,  traité  d'accusé,  de  singe  des 
patriotes,  qui,  lors  de  la  scélératesse  de  Liancourt,  s'est  présenté  à  la 
croisée  du  département  et  a  crié  :  Vive  le  roi  !  Daupeley  a  un 
souffleur  au  bas  de  la  tribune,  son  frère,  qui  le  défend  et  qui  obtient 
dans  la  salle  des  applaudissements  dont  s'irritent  ses  adversaires. 
Les  deux  frères  Daupeley  en  sont  pour  leur  peine  :  L'inculpé  a  perdu 

(1)  La  Convention  n'existait  pas  encore  au  moment  de  Tadresse  qui  est  du  8  août. 
Mais  le  décret  de  suspension  du  roi  (  10  août  1792  ),  invitait  le  peuple  français  à  former 
une  ConvenUon  nationale. 


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—  343  — 

la  confiance  du  peuple,  et  cela  est  proclamé  à  Tunanîmité,  quoiqu'ils 
aient  eu  des  partisans  dans  la  Société. 

D  autres,  parmi  lesquels  Eudel,  Le  Boucher,  Chérucl  peMo, 
Barabé  greflSer,  Malatiré,  Homo,  sont  conservés. 

Le  tribunal  de  commerce  vient  aussi  se  faire  épurer.  Lefebvre, 
Le  VasseuretRabassesont  conservés,  ce  dernier  après  s'être  entendu 
reprocher  son  amitié  pour  Portier.  Langlois,  Lecaron  et  Demarest 
fils  ont  le  même  sort.  Quant  à  Leborgne,  il  souffre  de  rinconvénieut 

d'avoir  deux  fils  muscadins,  dont  l'un  p contre  les  affiches  des 

lois.  Il  les  a  réprimandés  il  est  vrai,  mais,  malheureusement  pour  lai, 
il  a  donné  sa  démission  lors  de  la  scission  avec  les  Jacobins  et  il  est 
rejeté.  Ribard  est  conservé  quoique  n'ayant  pas  accepté  la  Consti- 
tution. 

Un  greffier  de  justice  de  paix,  Mérel,  avoue  d'abord  qu'il  n 
conservé  des  amendes  et  négligé  ses  minutes,  qu'il  a  reçu  certaines 
sommes  qu'il  a  gardées,  puis  il  reconnaît  qu'il  doit  sa  place  à  Blutel. 
On  le  rejette  à  l'unanimité. 

Les  commissaires  de  police  subissent  un  examen  non  moins 
minutieux.  Cottais,  Lemonnier,  Gontier,  Beaufils  sont  conservés. 
Lemoine  et  Dubos  sont  rejetés.  Cottais  l'a  échappé  belle.  On  lui  ii 
imputé  d'avoir  pris  dans  la  maiion  de  sûreté  le  13  ventôse  Raoul 
Duval  de  Beaumets  pour  assister  au  séquestre  de  ses  biens  et  de  oo 
lavoir  retradé  que  le  deux  germinal,  —  d'être  très  zélé  pour  arrêter 
les  coquins  et  les  malveillants,  mais  de  ne  l'ôtre  pas  autant  pour 
arrêter  les  aristocrates  et  de  s'être  même  refusé  à  arrêter  des  prêtres 
insermentés. 

Ces  épurations  ont  eu  pour  conséquence  directe,  le 30  germinal, 
un  arrêté  de  Siblot,  visant  les  procès-verbaux  des  séances  de  ia 
Société  populaire,  du  6  au  11,  d'où  sont  tirés  les  détails  ci-dessus  (1). 
Cet  arrêté  ordonne  provisoirement  le  remplacement  de  :  Choin,  par 
Hébert,  de  Canteleu;  Roumy  Groult  et  Haraneder  par  AngerviJ le 
et  Arnault,  Grandcourt  par  Barthélémy  ;  Thomas  Groult  et  Aulney, 
notables,  par  Delafosse  et  Gaillard  ;  Guisier  par  Jacques-Pierre 

(1)  M.  Gosselin,  qui  n'a  pas  connu  les  procès-verbaux,  a  cru  que  la  Société  popu- 
laire  avait  envoyé  à  Siblot  une  «  liste  de  dénonciations  ».  (Revue  de  la  Normandie  i8iu\ 
p.  233. 


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-  344  - 

Lambert  ;  Turgis,  par  Desjardins  ;  Morel,  par  Houmare  ;  Perrin, 
par  Piquenot  ;  Babois  et  Duprey  sont  nommés  suppléants  au  tribunal  ; 
Lambert,  du  comité  de  surveillance,  devenant  commissaire  national 
du  tribunal  du  district,  est  remplacé  par  Romy  Groult  ;  Dubos, 
Lemonnier,  Legentil,  commissaires  de  police,  destitués,  ^'ont  rem- 
placés par  Garreau,  Rupalley  et  Blot  ;  Vasse  et  Aroux,  par  Villard 
et  Chesneau  ;  Hamel  par  Lebas  Talné  ;  Leborgne,  par  Signol  le 
jeune  ;  Desmarest  fils,  par  Prévost  ;  Cabissol  est  chargé  provisoire- 
ment des  fonctions  d'agent  national  du  district  jusqu'au  retour 
de  Canu.  Puis  le  district,  sur  une  liste  de  sujets  présentés  par  une 
commission  de  la  Société  populaire,  remplace  les  juges  de  paix: 
Perrin,  par  Bourdon  ;  Daupeley,  par  Couturier,  et  les  greffiers  Merel 
et  Moulin,  par  Legois  et  Gourdain;  Dupuis  et  Buziquet,  par 
Gaillard  et  Levasseur. 


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-345- 


CHAPITRE  QUATORZIÈME 

Les  gens  comme  il  faut.  —  EcriTains  publics.  —  Médailles.  —  La  pendule  de  lord 
Canning.  —  La  domestique  de  Tagent  militaire  Lebel.  —  Jupes,  jupons  et  corsets 
en  réquisition.  —  Lœillet  et  la  rose.  —  La  journée  du  !«>' pluviôse  tt  les  prêtres.— 
Foret  et  les  1,000  cercueils.  —  Actes  de  la  Commune  et  du  Comité.  —  La  magis- 
trature populaire  est  peu  respectée.  —  Arrestations.  —  Les  négociants.  —  L'ex- 
conseiller  Gresseni  dénoncé.  —  M.  de  Combray.  —  M»»  de  Glieu.  —  Un  parent  de 
Le  Pelletier-Saint-Fargeau,  un  ami  de  Gambacérès  et  une  cliente  du  docteur 
Guillotin.  —  Chouquet,  buvetier  du  Palais.  —  Souricière  cbex  M"«  de  Ghoiseul-  — 
De  Bourdeilles  et  de  La  Garde,  conduits  à  la  guillotine.  —  Une  amie  de  Robes- 
pierre au  Mont-aux-Malades.  —  Battue  patriotique  ;  Pillon  et  Guimberteau.  ~ 
Les  demoiselles  de  Green  :  deux  petites-filles  de  M.  de  Montmorin.  —  Aventurières. 
—  Un  notaire...  du  midi.  —  Maussion,  Thouret  et  de  Crosne.  —  M»*  de  Qolbert.  — 
Episode  inédit  de  l'histoire  de  Thétel  d'Aligre  :  la  famille  de  Machault  —  M.  dt 
Laborde. 

I 

L'animation  apportée  par  Siblot  dans  les  séances  de  la  Société 
populaire  surexcitait  vivement  les  Montagnards  rouennais,  et 
rendait  fort  inquiets  les  gens  dont  les  antécédents,  les  variations  ou 
la  tiédeur  permettaient  de  suspecter  la  sincérité.  On  juge  si,  dès  ce 
moment,  les  administrations  s'attachèrent  à  suivre  la  route  révo- 
lutionnaire, si  les  patriotes  s'aflBrmèrent,  et  si  les  hésitants,  les 
nobles,  les  prêtres  s'épuisèrent  en  combinaisons  pour  échapper  aux 
dangers  qui  les  environnaient. 

Le  directoire  du  district  de  Rouen,  qui  comprenait  des  membres 
si  ardents,  après  thermidor,  contre  les  terroristes,  ne  fut  pas  le 
moins  empressé  à  agir  selon  le  programme  de  frimaire.  Même  avant 
l'arrivée  de  Siblot,  le  6  nivôse,  sur  des  dénonciations  faites  contre 
Roussel,  employé  au  secrétariat  du  district,  et  d'après  «  sa  dureté  et 
son  insolence  envers  les  citoyens  mal  vêtus,  sa  politesse  envers  ceux 
qu'on  appelait  autrefois  les  gens  comme  il  faut,  son  obstination  à  se 
servir  des  mots  monsieur  et  madame,  qui  ne  devaient  plus  sortir  de 
la  bouche  d'un  républicain  »,  le  citoyen  Roussel  est  invité  à  quitter 
sa  place.  Le  lendemain,  le  district  écrit  à  l'accusateur  public  près  le 
tribunal  révolutionnaire  de  Paris  et  à  la  municipalité  d' Auteuil,  que 


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-346  - 

la  citoyenne  Pucliot,  femme  Boufflers,  émigrée,  s'est  retirée  à  Auteuîl, 
afin  que  des  poursuites  soient  faites  contre  elle  (1). 

Le  2  pluviôse,  il  devient  le  district  révolutionnaire.  Le  6,  sur 
la  motion  d'Epoigny,  préposé  au  dégalonnement  des  ornenients 
d'église,  —  lequel  Epoigny  prononça  devant  lui  un  des  plus  violents 
discours  qui  aient  été  entendus  à  Rouen,  —  il  arrête  que  les  osse- 
ments des  ci-devant  saints,  trouvés  dans  les  églises,  seront 
brûlés  et  que  les  cendres  en  seront  jetées  à  la  rivière  pour  ôter  au 
fanatisme  les  moyens  de  se  propager,  et  qu'il  sera  envoyé  des  com- 
missaires à  Blosseville-la-Montagne  et  autres  communes  ayant  ea 
le  courage  de  fermer  leurs  églises,  pour  extirper  les  restes  du  fana- 
tisme, tels  que  béquilles  et  autres  hochets  superstitieux.  Il  interroge 
Fliot,  ci-devant  garde  des  bois  du  ci-devant  archevêque,  qui  mé- 
connait  avoir  dit  que  «  la  Convention  était  les  racines,  les  départe- 
ments les  souches,  les  districts  les  branches  et  les  municipalités  les 
feuilles  avec  lesquelles  on  se »  (2) 

Le  district  dénonce  à  la  commune  (25  pluviôse)  les  écrivains 
qui  sont  au  Palais  et  dans  le  parvis  du  temple  de  la  Raison,  comme 
pillant  et  volant  les  citoyens  ou  leur  prenant  depuis  vingt  sols  jusqu'à 
trois  livres  pour  des  pétitions  souvent  assez  mal  faites,  et  en  outre 
comme  gaspillant  du  papier  de  compte  ou  autre  papier  précieux  (3). 
Ces  mômes  écrivains  publics  sont  dénoncés  dans  la  Société  populaire, 
le  11  messidor,  comme  des  sangsues  d'une  nouvelle  espèce  qui  dévo- 
rent le  peuple.  La  Société  forme  un  bureau  composé  de  ses  membres 
chargé  de  rédiger  les  pétitions  des  citoyens  peu  fortunés,  et  les  écri- 
vains devront  indiquer  au  bas  de  celles  qu'il  rédigeront  la  taxe  qu'ils 
auront  perçue. 

(1)  Elle  fut  acquittée  le  2  vendémiaire  an  IIÏ,  mais  néanmoins  retenue  comme 
suspecte.  (Wallon,  ouv.  cité,  t.  VI,  p.  169).  Elle  se  prévalut  de  son  divorce,  qui  avait  eu 
lieu  à  Paris,  le  13  février  1793.  —  Arch.  du  dép.,  Reg.  du  district.) 

(2)  Le  reste  est  écrit  en  toutes  lettres  au  registre  du  district.  Fliot,  destitué  sous  le 
prétexte  qu'il  n'avait  pas  accepté  la  Constitution,  justifia  l'avoir  acceptée  au  Mont-aux- 
Malades  et  demanda  l'autorisation  d'assigner  comme  calomniateurs  les  officiers  muni- 
cipaux de  Déville.  Un  prêtre  de  son  nom  a  été  déporté  ;  ses  biens,  confisqués,  ont  été 
vendus  à  Rouen. 

(3)  Lhomme,  écrivain  public,  fut  arrêté  le  22  frimaire  et  resta  détenu  jusqu'en 
fructidor.  Le  8  prairial  an  II,  le  district  interroge  Legendre,  écrivain,  cour  du  Palais, 
qui  s'excuse  de  ce  que  son  commis  a  perçu  pour  une  pétition  40  sols  au  lieu  de  20  ou 
25  sols  qu'il  reçoit  habituellement.  Il  restitue  20  sols. 


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-  347  - 

Il  mentionne  le  dépôt  (25  pluviôse)  par  Dumois,  chef  du  bureau 
des  subsistances,  d'un  écu  de  six  livresque  celui-ci  rougit  d'avoir 
parce  qu'il  porte  l'effigie  du  traître  Capet,  le  dernier  des  tyrans 
français.  On  lui  apporte  aussi  quatre  médailles  de  cuivre,  dont  rime 
représente  le  buste  de  Henri  IV  et  celui  de  sa  femme.  Letellier,  de 
Saint-Etienne-du-Rouvray,  en  remet  aussi  une,  empreinted'un  cuté 
de  la  face  du  tyran,  et  de  l'autre  du  pont  de  Neuilly-sur-Seiue, 
médaille  remise  à  son  père  qui  l'avait  reçue  avec  une  pension  de 
3001.  comme  appareilleur.  Letellier  ajoute  qu'en  retrouvant  cette 
médaille  sous  sa  main,  il. a  ressenti  l'exécration  que  les  âmes  révolu- 
tionnaires ont  pour  les  rois.  On  l'enverra  à  la  fonderie  des  canons. 
Ces  sortes  de  dons  n'allaient  pas  toujours  à  destination  :  Laumonier 
avait  remis  à  la  Société  populaire  une  médaille  à  figure  de  traître, 
qui  devait  être  détruite  (1)  ;  or,  un  des  membres  de  la  Société  —  et 
non  pas  un  des  moins  en  vue  —  qui  en  est  dépositaire,  la  trouvo  à 
son  goût,  et,  accusé  de  se  l'être  appropriée,  est,  malgré  ses  dénéga- 
tions, chassé  de  la.  Société. 

Sur  une  lettre  des  représentants  du  peuple,  datée  du  Havre, 
23  pluviôse,  le  district  envoie  Bernays  dans  les  chefs-lieux  de  canton 
et  certaines  communes  qui  ne  sont  pas  encore  au  pas  pour  les  épurer, 
y  établir  des  Sociétés  populaires  et  y  détruire  jusqu'au  germe  du 
fanatisme. 

Le  président  du  district,  Lefebvre-Signol,  un  lettré,  amateur 
d'art  et  de  bibelots,  saisit  une  occasion  de  pourvoir  la  salle  des 
séances  d'un  meuble  à  la  fois  très  utile  et  très  décoratif.  Le  36 
pluviôse,  il  quitte  la  séance,  se  rend  aux  Gravelines,  puis  revient  et 
reprend  le  fauteuil*.  Il  a  fait  apporter  par  un  homme,  accoippagnc  do 
Vincent,  commissaire  de  police,  une  pendule  en  forme  de  cartel. 
avec  son  pied  en  bois  noir  et  son  globe  en  verre.  Lefebvre  annonce 
que  cette  pendule  était  dans  la  maison  des  Gravelines  avec  d»  ux 
caisses  de  meubles  et  effets  d'un  anglais  nommé  Canning,  et  quil  a 
cru  pouvoir  la  faire  apporter  à  l'administration  dans  la  crainte  que, 
n'étant  pas  montée,  elle  perdît  de  sa  valeur.  Ses  collègues  applau- 


(1)  Laumonier  la  donnait  pour  le  défenseur  de  la  Patrie  qui  apporterait  le  premiei* 
drapeau  pris  sur  l'ennemi.  La  Société  délibère  qu'elle  sera  brisée  (20  brumaire.) 


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à 


-  348  - 

dissent  et  invitent  Thorloger  Paillard  à  remettre  la  pendule  en  état 
et  à  substituer  un  balancier  à  celui  où  pend  une  fleur  de  lys,  ancien 
attribut  des  tyrans  de  France  (1). 

Une  affaire  qui,  à  un  siècle  de  distance,  paraît  bien  singulière, 
occupe  le  district  le  3  ventôse.  Lebel,  agent  supérieur  militaire  dans 
le  département,  sollicite  pour  sa  domestique,  récemment  arrivée  à 
Rouen,  la  permission  d'y  rester,  permission  que  lui  a  refusée  la 
commune,  —  parce  qu'il  peut  prendre  une  autre  domestique  dans 
Rouen.  Lebel  fait  observer  que  sa  domestique  lui  est  d'autant  plus 
utile  qu'il  a  le  malheur  d'être  attaqué  d'une  infirmité  qu'elle  est 
accoutumée  à  panser.  Le  district  jugeant  que  la  décision  de  la  com- 
mune est  contraire  à  tous  les  principes  de  justice  et  de  raison,  Lebel 
ne  demandant  pas  de  subgistances  pour  cette  fille  avec  laquelle  il 

(1)  Francis  Canning,  vraisemblablement  de  la  famille  des  hommes  d'état  anglais 
de  ce  nom,  était  venu  résider  aux  Gravelines  de  Rouen  sans  doute  avec  ses  enfants, 
précédemment  au  collège  des  Grands  Anglais,  ou  collège  du  Pape,  à  Douai,  ville  qu  j1 
avait  dû  laisser  à  la  suite  de  l'arrêté  des  corps  administratifs  de  Douai,  obligeant  les 
individus  des  congrégations  anglaises  à  sortir  de  la  place.  (V.  Souvenirs  des  habitants 
de  Douai,  p.  293).  —  Les  objets  laissés  par  lord  Canning  furent  inventoriés  seulement 
le  19  frimaire  an  III.  C'étaient  deux  médaillons  de  bracelets  en  or  grenat,  renfermant 
des  portraits  d'hommes,  estimés  iOO  1.,  une  chaîne  de  montre  en  or,  à  usage  de  femme, 
et  de  forme  ancienne,  ornée  de  petites  peintures  sur  émail  et  son  étui  en  galuchet  vert, 
estimés  à  500  1.  ;  une  pendule  {celle  du  district)  de  la  façon  de  Tourtay,  horloger  à 
Rouen,  soutenue  par  deux  colonnes  en  marbre  blanc,  surmontée  d'une  Pallas  en  or 
moulu,  ornée  de  chaîne  et  autres  agréments  de  même  nature,  estimée  à  800  1.  Un 
autre  objet  auquel  on  ne  donne  qu'une  valeur  de  30  1.,  est  «  un  petit  rouet  à  filer  le 
lin,  travaillé  avec  beaucoup  d'art;  il  est  monté  sur  du  bois  débéne,  le  rouage  et  la  tête 
ne  font  qu'un.  La  roue  est  enfermée  dans  une  enveloppe  d'argent  à  peu  près  ronde,  du 
haut  de  laquelle  sortent  la  broche  et  le  dentier  qui  sont  inhérents  l'un  à  l'autre,  et 
aussi  d'argent.  L'enveloppe  du  rouage  est  surmontée  d'un  petit  péristyle  d'argent  dans 
lequel  glisse  un  bâton  servant  de  quenouille  en  bois  d'ébène  et  terminée  par  trois 
branches  recourbées  formant  le  triangle  et  servant  de  tête  à  la  quenouille.  »  On  l'envoya 
au  comité  temporaire  des  arts,  à  Paris,  en  l'invitant  à  expédier  les  30  1.  d'estimation. 
Les  livres  de  lord  Canning  —  peu  nombreux,  parmi  lesquels  :  Mémoirs  of  ihe  countess 
de  Valois  de  laMotte,  —  furent  remis  à  dom  Gourdin,  bibliothécaire  national  du  district, 
le  9  frimaire  an  III.  Les  papiers  consistaient  principalement  en  une  liasse  de  la  corres- 
pondance de  lord  Canning  avec  divers,  tant  pour  la  recette  de  ses  revenus  que  pour  le 
paiement  de  la  pension  de  ses  enfants  au  collège  de  Douai,  et  une  autre  liasse  conte- 
nant différentes  pétitions  des  catholiques  anglais  afin  d'obtenir  du  roi  une  décharge  des 
assujettissements  pour  fait  de  leur  religion,  et  bill  de  diplôme  de  S.  M.  Britannique 
accueillant  cette  demande.  Après  la  loi  du  il  nivôse  an  III,  lord  Canning  chargea  un 
de  ses  compatriotes,  M.  Ackermann  qui,  moins  heureux  que  lui,  avait  été  détenu  à 
Rouen,  d'obtenir  du  comité  spécial  la  remise  de  ses  titres,  tableaux,   gravures  et 
volumes.  (Arch.  mpales). 


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partagera  son  contiogent,  invite  fraternellement  la  commune  à  avoir 
égard  à  la  demande  de  Lebel. 

Un  bruit  stupéfiant  —  dont  on  s'est  pourtant  inquiété,  signe 
des  temps  !  —  s'est  répandu  dans  les  campagnes  :  des  ordres 
auraient  été  donnés  d'appréhender  les  jupes,  jupons,  et  corselets  ! 
Déjà  des  femmes  de  la  campagne  cachaient  leurs  vêtements  ou 
portaient  sur  elle  le  double,  le  triple  de  ce  qu  elles  avaient  usage  de 
porter  et  faisaient  souvent  quatre  à  cinq  lieues  pour  déposer  leurs 
effets  chez  des  amies  en  ville.  Le  district  écrit  «  circulairement  » 
aux  sociétés  populaires,  des  campagnes  pour  leur  ouvrir  les  yeux  sur 
cette  «  manœuvre  aussi  absurde  qu'invraisemblable  ». 

Le  district  accueille  une  dénonciation  contre  Hébert,  laboureur 
à  Saint-Léger-du-Bourg-Denis,  arrêté  et  trouvé  en  possession  d'un 
manifeste  des  armées  catholiques  et  royales  en  1793,  et  .ordonne 
une  enquête  [19  ventôse].  (1) 

C'est  au  district  et  non  à  la  Société  populaire  que  s'adresse 
Siblot  pour  avoir  un  sans-culotte  sur  lequel  il  puisse  compter. 
Bernays  le  lui  procurera.  Le  district  donne  ordre  aux  domestiques 
de  Baillard  (2),  dans  la  maison  duquel  on  loge  Siblot,  de  vider  les 
lieux  (28  ventôse).  Il  signale  à  Siblot  les  actes  des  curés  de  Montigny 
et  de  Roumare,  parce  que  le  fanatisme  relèverait  sa  tête  impure  si 
Ton  ne  prenait  de  promptes  mesures  (3).  Siblot,  sur  une  lettre  du 
comité  de  surveillance,  sépare  «  promptement  de  la  société  des 
hommes  aussi  pervers  »  en  ordonnant  leur  mise  en  arrestation  (4) 

(1)  iJébertet  ses  deux  flis,  âgés  l'un  de  vingt-quatre  anâ  et  l'autre  de  vingt  ans» 
avaient  été  mis  à  Saint- Yon,  le  8  ventôse.  Le  père  en  sortit  le  14  floréal  an  II,  et  les  fils 
le  2  thermidor.  Hébert  père  se  plaignait  ensuite  de  ce  qu'on  réclamait  à  ses  fils  650  1. 
pour  le  loyer  de  leur  chambre  commune  à  Saint- Yon,  mesurant  cinq  pieds  et  demi  de 
large.  (Arch.  m  pales.) 

(2)  M.  Baillard  de  Guichainville,  ex-conseiller  au  parlement  de  Normandie,  détenu 
à  Saint- Yon,  depuis  le  19  frimaire  ;  sa  femme,  née  Marie-Marthe  Landry,  était  aux 
Gravelines  depuis  le  27  ventôse. 

(3)  L'abbé  Laisné,  quarante-six  ans,  ex-curé  de  Roumare,  fut  emprisonné  à  Saint- 
Y'on,  par  ordre  de  Siblot,  le  29  pluviôse,  pour  cause  de  fanatisme.  Il  en  sortit  le  9  fri- 

•  maire  an  111.  L'abbé  lîongennl,  ùf^é  de  quatre-vingt-cinq  ans,  ex-curé  de  Honville  et 
de  Montigny,  détenu  à  Sainl-Vivicn,  le  26  avril  1793,  en  sortit  le  10  germinal  an  III. 
C'était  donc  un  autre  prêtre  (|ui  avait  rouvert  l'église  en  pluviôse  an  IL  La  municipalité 
de  Montigny  apporta  à  la  bibliothèque  du  district  de  Rouen,  le  3  germinal  an  II, 
plein  un  banneau  de  livres  provenant  de  l'abbé  Bougeard.  (Arch.  mpales.) 

(4)  Arrêté  daté  du  Havre-Marat,  26  pluviôse  an  IL 


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et  le  30  ventôse,  le  district  se  fait  raconter  par  Leroux  et  Mulot, 
cultivateurs,  que  l'église  de  Montigny  a  été  rouverte  le  dimanche 
précédent,  que  le  curé  y  a  dit  la  messe,  fait  le  catéchisme,  dit  les 
vêpres  et  fait  un  baptême  après  avoir  béni  les  fonts.  Le  maire  avait 
fait  circuler  une  invitation  de  se  rendre  à  Téglise.  Le  premier  germinal 
il  suspend  ce  maire  et  l'agent  national.  Le  maire  reçoit  une  leçon  fra- 
ternelle le  surlendemain  devant  Siblot  qui,  tout  en  applaudissant  au 
zèle  du  district,  pense  que  la  mercuriale  suffît  et  que  la  suspension 
est  excessive. 

Lefebvre-Signol,  après  avoir  lu  un  projet  d'adresse  sur  la  culture 
des  pommes  de  terre  et  des  légumes  en  général,  fait  prendre  par  le 
district,  le  25  ventôse,  un  arrêté  qui  le  ferait  supposer  grandement 
ému  du  rapport  du  comité  d'agriculture  de  la  Société  populaire  sur 
la  question  de  savoir  s'il  est  nécessaire  de  faire  disparaître  les  fleurs 
des  jardins  et  de  n'y  cultiver  que  les  légumes.  Un  tel  sujet  ne 
saurait  être  traité  en  raisonnant  avec  simplicité  : 

«  S*il  est  juste,  dit  le  district,  de  restituer  à  la  nourriture  du  peuple 
la  terre  que  le  riche  a  couverte  de  fleurs  pour  satisfaire  un  luxe  asiatiqae 
et  sa  vanité,  il  serait  trop  rigoureux  de  priver  rbomme  pur  et  sensible  de 
Tœillet  et  de  la  rose  qu'il  a  soignés  et  cette  jouissance  doit  être  réservée  aux 
âmes  brûlantes  de  patriotisme^  qu'elle  repose  et  rafraichit.  Considérant  que 
l'ordre  dans  nos  fêtes  civiques  commence  à  s'organiser  et  que  les  fleurs, 
cet  ornement  de  la  nature,  peuvent  être  utiles  sous  ce  point  de  vue....  De 
district  conformément  au  décret  du  23  nivôse,  prescrit  aux  propriétaires  de 
jardins  de  planter  leurs  terrains  en  légumes  et  de  restreindre  le  plus  qu'ils 
pourront  la  culture  des  fleurs  de  pure  curiosité. . .  >  (1). 

Le  sort  des  prêtres  était  devenu  effroyable.  La  journée  du 
l®"^  pluviôse  (lundi  20  janvier  1794),  avait  été  pour  eux  l'une  des 
plus  néfastes.  Unelettre  du  notable  J.-B.  Pinel,  le  vrny  sa/is-culoUc, 
comme  il  signe,  fait  un  trista  tableau  de  la  situation  des  prêtres 
reclus  à  Saint -Vivien.  Elle  apprend  au  district  que  Franconville, 
économe,  et  Grave,  portier  (2),  sont  à  la  maison  d'arrêt  de  Saint-Lô, 

(1)  Reg.  (lu  district. 

(2)  L'écrou  à  Saint-Lô  de  François  Franconville,  trente-cinq  ans,  économe,  et 
d'Antoine  Grav(\  quarante-six  ans,  eoneieivo,  eut  lieu  sur  mandat  décerné  par  l'accu- 
sateur public  Leclerc.  Tous  les  deux  furent  transférés  le  24  pluviôse  à  la  maison  de 
justice  où  Grave  mourut  le  12  ventôse  suivant.  Franconville  demandait  le  19  brumaire 


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depuis  la  veille,  1^'  pluviôse,  à  huit  heures.  Dès  qu'il  l'a  su. 
Pinel  s'est  rendu  à  Saint- Vivien,  où  il  a  pris  le  poste  de  portier  et 
celui  d'économe.  Tout  cela  n'est  rien,  écrit-il.  Ce  qui  l'afflige,  c'est 
qu'il  va  manquer  en  même  temps  de  cidre,  de  viande,  de  beurre,  de 
chandelle.  Le  marchand  de  cidre  est  venu  à  deux  heures  dire  qu'il 
n'en  fournirait  plus,  parce  qu'il  lui  est  dû  2,000  et  quelques  cen- 
taines de  livres.  Il  est  bien  dû  au  boucher  12,000  livres  (1)  ;  le  chef 
de  cuisine  est  embarrassé  pour  servir  les  prêtres  le  vendredi 
suivant  (2). 

Cette  lettre  ne  dit  pas  tout.  L'arrestation  de  l'économe  et  du 
portier  avait  pour  cause  l'évasion  l'avant-veille,  dans  la  nuit  du 
29  au  30  nivôse,  de  l'abbé  Plaine  (3),  ex-curé  de  Pont,  près  Eu.  Et, 

an  III  à  rester  détenu  à  Saint-Vivien,  où  il  était  depuis  son  jugement,  parce  que  les 
occupations  à  lui  procurées  par  Boisset,  directeur  de  l'atelier  d'espadrilles,  lui  donnaient 
le  moyen  de  faire  subsister  sa  famille.  En  Tan  XI,  il  était  entrepreneur  de  fêtes  cham- 
pêtres à  Rouen.  Guérard,  concierge  de  Saint-Yon,  détenu  à  Saint-Lô  depuis  le 
5  pluviôse,  fut  transféré  à  la  maison  de  justice  en  même  temps  que  Franconville  et 
Grave,  pour  l'évasion  de  trois  détenus  dont  l'un  était  Gillet,  de  Neufchàtel,  proche 
parent  du  conseiller  G  ressent,  sorte  d'aventurier  dont  la  vie  fut  assez  agitée  pour  être 
contée  par  quelque  Ponson  du  Terrail  de  l'avenir. 

(1)  Poret,  père  de  l'agent  national,  est  le  fournisseur  de  la  maison  de  réclusion  des 
prêtres.  Le  5  pluviôse  an  III,  le  district  lui  délivre  mandat  de  15,126  1.  pour  viande  à  la 
maison  de  réclusion  des  prêtres  insermentés  (Arch.  du  départ.). 

(2)  Arch.  du  départ. 

(3)  François  Plaine,  âgé  de  quarante-neuf  ans,  néàDol-de-Bretagnedlle-ct-Vilaine), 
le  il  nov.  i794,  ci-devant  prêtre  séculier,  depuis  le  25  sept.  1702  desser\ant  de  Pont, 
avait  un  certificat  de  civisme  de  cette  commune  du  7  avril  1793,  un  certificat  de  la 
municipalité  d'Eu  (Du  Caurroy,  maire),  du  22  mars  précédent,  attestant  qu'il  avait 
prêté  le  serment  civique,  un  autre  du  12  frimaire  an  II,  ceilifiant  qu'il  avait  prêté  le 
serment  «  voulu  »,  plus  un  passeport.  Averti  de  son  imminente  déportation,  il  s'était 
enfui  de  Saint-Vivien  par  la  porte  d'un  jardin,  laissée  ouverte,  et  en  escaladant  un  mur. 
Arrêté  à  Paris  le  3  pluviôse,  conduit  au  comité  révolutionnaire  du  Panthéon,  puis  au 
département  de  la  police,  il  avoua  son  évasion,  fut  ramené  à  Rouen,  mis  en  accusation 
dés  le  5  pluviôse  et  transféré  de  Samt- Vivien  à  la  maison  de  justice  le  11  fioréal,  pour 
lin  délit  consistant  à  avoir  annoncé  à  la  grand'messe  et  aux  vêpres,  à  Pont,  qu'il  ferait 
le  lendemain,  décadi,. un  service  pour  le  repos  de  l'àme  de  Louis  Capet,  «  pour  le  bien 
qu'il  avait  fait  pendant  son  régne,  etc.,  »  délit  pour  lequel  l'avait  relâché  ïhihault,  juge 
de  paix  du  canton  d'Eu,  que,  pour  cela,  Siblot  destitua  le  27  nivôse  ^an  II.  (Arch.  du 
départ.  —  Arch.  nationales).  Thibault  fut  aiTêté,  conduit  de  Dieppe  à  la  maison  de 
justice  de  Rouen  le  11  pluviô.«;e,  et  condamné  par  le  tribunal  criminel,  le  28  ventôse,  à 
garder  prison  pendant  trois  mois  à  la  ville  d'Eu,  où  il  fut  transféré  le  lendemain.  Deux 
autres  prêtres  :  Doré,  vicaire  d'Imblevdle,  et  Goumet,  vicaire  de  Boisguillaume, 
s'évadèrent  aussi  de  Saint-Vivien  le  2  ventôse  an  V. 


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le  même  jour,  1"'  pluviôse,  Pinel  écrit  au  comité  de  surveillance  et 
vient  informer  la  commune  que  l'un  des  prêtres  reclus  s'est  acci- 
dentellement noyé  dans  la  cave  d'aisances  de  Saint- Vivien  (1).  En 
lisant  un  arrêté  du  district  de  Rouen,  du  11  thermidor  an  III,  on 
découvre,  non  sans  indignation,  qu'il  était  de  notoriété  publique  et 
établi  par  un  certificat  de  la  commune  de  Bracquemont  du  13  octobre 
1794,  que  ce  prêtre,  un  vieillard  de  soixante-dix-huit  ans,  «  en 
démence  et  en  enfance  »,  incapable  d'exercer  des  fonctions  ecclésias- 
tiques et  publiques  »  s'était  retiré  il  y  avait  plus  de  vingt-deux  ans, 
au  séminaire  des  Vieux-Prêtres,  à  Rouen  (2). 

Notons  ici  que  vingt-six  prêtres  moururent  à  Saint- Vivien 
pendant  la  Terreur.  On  devine  quelles  devaient  être  leurs  funérailles 
lorsqu'on  voit,  le  4  thermidor  an  II,  les  «  porteurs  de  corps,  morts  » 
exposer  au  district  que  depuis  la  suppression  de  leurs  pensions, 
n'ayant  aucun  gage,  il  se  trouve  qu'ils  n'ont  pas  été  payés  du  trans- 
port de  plusieurs  prisonniers,  dépense  qui  est  à  la  charge  des  domai- 
nes nationaux  (3). 

Un  arrêté  de  Siblot,  du  18  germinal  (4),  qui  a  fait  grand  bruit, 
ordonne  aux  prêtres  de  la  Seine-Inférieure  et  de  l'Eure,  n'ayant 
point  abdiqué  et  remis  leurs  lettres  de  prêtrises,  de  s'exécuter  dans 
les  vingt-quatre  heures,  et  de  se  rendre  au  chef-lieu  de  leur  district 
pour  déclarer  leurs  nom,  âge  et  résidence  et  ensuite  entrer  dans  la 
maison  de  sûreté.  Les  termes  impérieux  de  cet  arrêté  eussent  dû  en 
impliquer  la  clarté.  Cependant  dès  le  24,  le  district  fut  obligé  de 
signaler  à  Siblot  certaines  diflBcultés  qu'il  soulevait,  parmi  lesquelles 
celle  de  savoir  s'il  avait  un  effet  rétroactif.  Le  13  prairial  Siblot  en 
prenait  un  autre  autorisant  à  faire  sortir  do  la  maison  de  sûreté  les 

(1)  Le  nom  de  ce  prêtre  n'est  pas  indiqué  par  Pinel.  C'était  Nicolas  Gilles,  ex-vicaire 
de  Braquemont,  près  Dieppe,  entré  à  Saint-Vivien  le  7  vendémiaire.  Son  mobilier, 
comprenant  une  montre  à  l'antique,  fut  vendu  94  1.  Son  frère  obtint,  le  11  tbermidor, 
main  levée  du  séquestre  de  ses  biens. 

(2)  Arch.  du  dép^  Reg.  du  district. 

(3)  Arch.  du  dcp*. 

(4)  En  messidor,  Siblot  fut  dénoncé  au  comité  de  Salut  public  pour  la  proclama- 
tion accompagnant  cet  arrêté,  dans  laquelle  il  disait  que  les  prêtres  avaient  allumé  la 
guerre  dans  la  Vendée,  visant  ainsi  le  prêtre  Rioust,  dont  j'ai  parlé.  I^  seule  pièce  à 
l'appui  était  une  lettre  imitiuit  les  caractères  d'imprimerie,  non  signée,  reproduisant 
une  lettre  de  Robert-Thomas  Lindet.  Le  25  messidor,  le  comité  accueillait  c^tte  dénon- 
ciation par  un  simple  :  Non.  (Arch.  nat.  Dlil  357.) 


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prêtres  qui  avaient  abdiqué  leurs  fonctions  à  l'époque  du  18  germinal, 
quoiqu'ils  n'eussent  pas  remis  leurs  lettres  de  prêtrise,  et  tous  ceux 
qui  les  auraient  remis  après  cette  date.  Bien  entendu,  expliquait-il, 
l'on  sera  certain  de  leurs  principes  ;  il  n'y  aura  rien  à  redouter  de 
leur  influence  et  ils  n'habiteront  pas  la  commune  où  ils  résidaient 
avant  le  18  germinal  (1). 

Tant  que  dura  l'incertitude  sur  l'interprétation  du  premier 
arrêté,  le  district  ne  crut  pas  pouvoir  dispenser  de  la  réclusion  les 
citoyens  Flavigny,  d'Elbeuf,  ex-prêtre,  âgé  de  quatre-vingt  quatre 
ans,  infirme  au  point  de  ne  pouvoir  s'habiller,  et  Dupuis,  ex-curé 
d'Hautot.  Le  premier  bénéficie  d'un  sursis  de  dix  jours,  puis,  le 
3  floréal,  on  l'autorise  à  rester  chez  lui.  Mais  quand  Siblot  eut  fait 
cesser  les  obscurités,  le  district  mit  en  liberté  au  moins  quinze 
ecclésiastiques  parmi  lesquels  l'abbé  Collet,  ex-supérieur  de  l'Ora- 
toire, et  Gourdain,  bibliothécaire  du  département  (9  et  15  floréal). 

Dans  ces  entrefaites,  Pillon  était  allé  en  témoignage  à  Dieppe  (2), 
et  en  rapportait  le  28  germinal  une  vive  surexcitation  contre  les 
prêtres,  à  l'égard  desquels,  dans  une  séance  particulière  de  la  com- 
mune, il  provoque  des  mesures  rigoureuses.  Ces  mesures  sont 
prétextées  parce  que  a  plusieurs  de  ces  scélérats  »  qui  ont  été  pris 
au  tribunal  du  district  de  Dieppe  pour  avoir  fomenté  des  rassem- 
blements de  femmes  crédules,  se  sont  réfugiés  à  Rouen.  Une  com- 
mission, formée  des  citoyens  Carré,  Le  Boucher,  Bellencontre  et 
Desaubris,  est  autorisée  à  lancer  des  mandats  d'amener  et  à  f«iire  des 
visites  domiciliaires  pour  la  sécurité  publique.  C'est  aussi  le  28  ger- 
minal que  Lecomte.  député,  envoie  à  son  bon  ami  Pillon  un  exem- 
plaire du  fameux  rapport  de  Saint-Just,  «  un  purgatif  pour  les 
grandes  communes,  et  un  moyen  bien  sûr,  mais  bien  politique  de 
connaître  le  nombre  des  ennemis  intérieurs.  (3)  » 

(1)  Reg.  de  corr.  du  district. 

(2)  Vraisemblablement  dans  le  procès  de  l'abbé  Briche  et  autres,  jugé  les  29  et 
30  germinal,  i«r  et  2  floréal,  et  dont  l'un  des  premiers  incidents  s'était  passé  à  Rouen. 

(3)  Il  s'agit  vraisemblablement  du  discours  prononcé  dans  la  séance  de  la 
Convention  du  26  germinal,  à 'l'occasion  du  projet  de  la  loi  du  lendemain,  en 
exécution  de  laquelle  aura  lieu  la  battue  du  24  floréal.  (V.  Moniteur,  n"  207,  p.  838  et  s., 
et  Arch.  mpales,  lettre  originale  de  Lecomte.) 


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—  354  — 

Il  n'y  avait  pas  besoin  de  tant  de  préliminaires  pour  s'emparer 
de  gens  tels  que  le  chanoine  Hellouin  dit  Ménibus  qui,  lui,  au  sur- 
plus, n'avait  pu  quitter  Rouen.  Son  arrestation,  une  des  plus  révol- 
tantes aux  yeux  les  moins  hostiles  à  la  révolution,  a  lieu  sur  un 
mandat  du  district,  du  7  prairial,  signé  Delarue  neveu  et  Delihu. 
Ce  vieillard,  qui  demeure  rue  des  Quatre- Vents,  est  conduit  par 
Cottais  à  Saint-Vivien  le  jour  même,  parce  qu'il  n'a  pas  prêté  ser- 
ment. Or,  il  est  âgé  de  quatre-vingt-deux  ans,  aveugle  et  sourd;  il 
est  impotent,  car  il  faut  que  Pierre  Canu,  son  commensal,  ait  recours 
à  un  brouettier  pour  le  transporter  à  Saint- Vivien.  Il  y  restera  jus- 
qu'au jour  où  Saint- Vivien  étant  désaffecté,  il  sera  tranféré  à  Saint- 
François,  où  il  mourra  après  vingt  mois  de  détention,  le  18  jan- 
vier 1795.  Douze  jours  après,  on  se  hâte  de  vendre  ses  vieux  habits, 
et  son  vieux  violon,  adjugé  par  dix  francs  au  citoyen  Castillon  (1). 

Le  13  floréal,  le  district  avait  signalé  au  citoyen  Gamare, 
officier  de  santé,  les  chanoines  Rondel  et  Gommé  d'Angerval 
(quatre-vingt-deux  ans),  et  le  prêtre  N.-J.  de  Montfort, 
insermentés  aussi,  laissés  en  leur  domicile  comme  infirmes  au 
point  de  ne  pouvoir  souffrir  le  transport.  Leur  séjour  à  leur 
domicile  préjudicîe  l'intérêt  de  la  république  (2),  et  d'ailleurs  la 
maison  de  Vivien  a  une  infirmerie 'commode. . .  Visités,  les  deux 
premiers  sont  déclarés  n'être  pas  transportables.  Montfort,  dont  les 
infirmités  ne  résultent  que  de  sa  déclaration,  est  amenéà  Saint-Vivien 
le  28  messidor  et  n'a  sa  liberté  que  le  2  nivôse  an  III.  Quant  aux 
deux  autres,  ils  avaient  dû  aussi,  malgré  l'avis  de  Gamare,  entrera 
Saint-Vivien  l'un  le  8  et  l'autre  le  15  prairial.  En  ce  qui  concerne 
l'abbé  Rondel,  déjà  en  arrestation  chez  lui,  le  département  avait 
écrit  au  district,  le  22  germinal,  qu'il  devait  être  reclus,  quels  que 
fussent  les  motifs  qui  avaient  empêché  de  le  faire  jusqu'alors  (3). 

(1)  Arch.  nipalos.  M.  de  Glanville  {Hist.  du  prieuré  de  Sainl-Lô),  dit  à  tort  que 
M.  de  Ménihus  entra  dans  la  prison  de  Saint-Lô  le  9  prairial  an  II  et  y  expira  le 
25  nivôse  suivant.  M.  l'abbé  Mtilais  semble  croire  que  sa  détention  con)men^*a  seulement 
le  9  prairial.  [Le  Chapitre  de  Roueii  dc^iiiis  la  grande  Révolu fiouj. 

(2)  Leur  mobilier  lut  vendu.  M.  d'Angerval  avait  la  jouissance  viagère  d'une  maison 
canoniale  à  lui  accordée  par  arrêté  du  département  du  3  juillet  1791  en  compensation 
de  travaux  qu'il  y  avait  faits. 

(3)  Reg.  de  corr,  du  district. 


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—  355  - 

Le  chanoine  Delarue,  qui  avait  aussi  pétitionné,  fut,  par  ordre  du 
district,  du  11  floréal,  transféré  de  la  maison  de  François  en  celle  de 
Vivien,  a  pour  y  demeurer  jusqu'à  la  fin  de  ses  jours  »  (1). 

Encore  un  mot  du  district  dont  les  actes  sont  peu  connus  :  Le 
8  floréal,  il  maintient  dans  son  emploi  Caqueray,  employé  dans  ses 
bureaux  des  domaines  nationaux,  «  qui  est  né  malheureusement  de 
parents  nobles,  mais  qui  a  un  certificat  de  civisme  et  qui  est  très 
utile  dans  son  bureau  ».  Il  le  met  en  réquisition,  lui  défend  acquitter 
son  poste,  et  invite  le  Comité  de  salut  public  à  confirmer  cette 
roesure(2).Et  c'est  la  môme  administration  qui,  à  trois  jours  de  là,  écrit 
au  même  Comité  de  salut  public  pour  lui  signaler  les  abus  résultant 
de  ce  qu'un  «  grand  nombre  de  jeunes  gons  de  la  première  réquisition 
qui  n'ont  pas  le  courage  de  voler  sur  les  frontières  à  la  défense  de  la 
Patrie  se  sont  trouvés  subitement  et  comme  par  inspiration  propres 
à  tous  les  arts  et  se  sont  réfugiés  dans  les  ateliers  dont  les  ouvriers 
sont  exemptés  de  la  première  réquisition  par  la  loi  I  »  (3) 

On  le  voit,  commune,  district  et  département  rivalisaient 
d'ardeur. 

Les  arrestations  s'étant  multipliées,  le  public  se  demande  — 
déjà  en  ventôse  —  quel  sera  le  sort  final  de  tous  ces  détenus  dont  on 
peuple  les  prisons,  et  les  malveillants  interprètent  au  plus  mal  des 
actes  d'ailleurs  fort  singuliers.  Ils  s'inquiètent  de  cequ'o/i  a  commandé 
1,000  bières  destinées,  croit-il,  aux  détenus  qiïon  se  propose  défaire 
périr  incessamment  d'une  manière  illégale.  Poret  juge  qu'il  faut 
détruire  cette  calomnie  odieuse  et -déjouer  de  telles  manœuvres. 
Dans  une  lettre  datée  du  15  ventôse,  il  explique  que  «  cette  commande 
de  1,000  bières  est  l'exécuti^m  d'un  décret  de  la  Convention  nationale 
concernant  les  hôpitaux  militaires.  Les  frères  d'armes  étaient  jadis 
inhumés  sans  bière.  La  loi  de  l'égalité  ne  permet  plus  cette  distinc- 

(1)  Id.  —  L'abbé  Delarue  fut  mis  en  liberté  par  Sautereau  sur  un  avis  du  district, 
du  15  frim.  an  III,  et  un  certificat  de  la  commune  de  Fourmetot  attestant  qu'il  avait 
assisté  à  l'installation  du  curé  constitutionnel  de  la  commune,  (|ue  sa  bourse  avait  été 
ouverte  toutes  les  fois  qu'il  avait  été  question  de  la  patrie  et  des  indigents  ;  que  dans 
Rouen,  le  citoyen  Delarue  avait  toujours  été  regai'dé  comme  un  patriote,  un  homme 
bienfaisant,  d'une  excellente  moralité. 

(2)  Reg.  du  district.  La  réquisition  de  Caqueray  a  lieu  pour  le  faire  jouir  des  dispo- 
sitions de  l'art.  10  de  la  loi  du  27  germinal. 

(3)  Reg.  de  corr.  du  district. 


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tion  révoltante.  Il  a  donc  fallu  donner  des  ordres  pour  la  faire  cesser. 
Nos  frères  indigents  doivent  aussi  recevoir  les  honneurs  de  la  sépul- 
ture. »  (1). 

Ce  démenti  de  l'agent  national  paraît  avoirété  purement  officieux. 
L'ensevelissement  des  militaires,  tout  ce  qui  concernait  leur  inhu- 
mation et  par  suite  les  bières,  ne  regardaient  point  Tadministration 
municipale,  mais  bien  les  agents  spécialement  institués  pour  les 
hôpitaux  militaires  fixes  ou  ambulants  (2).  Tout  au  plus  Poret  qui, 
alors,  prenait  une  part  très  active  aux  délibérations  des  bureaux 
d'administration  des  hospices,  avait-il  eu  à  s'occuper  des  inhuma- 
tions des  indigents. 

L'accusation  si  grave  qu'il  repoussait  ainsi,  n'eût  probablement 
pas  été  relevée  plus  tard  sans  la  publicité  donnée  à  sa  protestation. 
Cependant  cette  accusation,  malgré  son  invraisemblance  et  l'absence 
absolue  de  preuves  a  été  jugée  fondée  par  des  écrivains  (3)  à  l'avis 
desquels  je  ne  puis  me  ranger,  malgré  toute  mon  antipathie  pour 
l'agent  national  de  l'an  IL 

Les  bières  avaient  pu  être  commandées  (4)  surtout  pour  imiter 
la  corr.mune  de  Paris  où,  dans  la  séance  du  30  vendémiaire,  Chau- 
mette  avait  demandé  que  les  honneurs  de  la  sépulture  fussent 
rendus  aux  riches  comme  aux  pauvres  et  que  les  commissaires  de 
police  fussent  chargés  de  faire  fournir  des  bières  aux  infortunés, 
dépense  à  prendre  sur  les  sous  additionnels  que  payeront  les  riches  (5). 

(1)  Jontmal  de  Rouen  du  15  ventôse. 

(2)  Le  règlement  concernant  les  liôpilaux  militaires,  annexé  au  décret  du  3  ventôse 
an  II  (21  février  1794),  relatif  au  service  des  armées  et  des  hôpitaux  militaires  com- 
prend sous  le  titre  xix,  treize  articles  concernant  les  inhumations.  Aucun  de  ces  articles 
ne  parle  de  bières  ;  il  y  est  seulement  question  de  Tensevelissemont  des  corps  (art.  \"h 
et  des  fosses  individuelles  ou  communes  (art.  6  et  7). 

(3)  A.  Pa.squier  a  consacré  une  assez  lonpiie  notice  à  Poret,  pour  lequel  il  est  loin  d'être 
favorable  autant  que  pour  Pillon,  et  dont  il  approuve  seulement  la  lettre  sur  la  Sainte- 
Ampoule.  Pasquier  croit  (pie  les  bières  étaient  réellement  destinées  à  renfernrier  lo5 
cadavres  des  détenus  qu'on  projetait  de  massacrer  et  il  frémit  de  VhorribliMstratagéme. 
M.  de  la  Quérière  est  du  même  avis.  11  n'en  est  pas  question  dans  les  rapports  des  com- 
missions de  l'an  111. 

(i)  On  n'en  voit  aucune  trace  dans  les  comptes  décadaires  de  ventôse. 

(.'))  Moniteur  du  IW  vjndémiaire,  an  11.  p.  217.  col.  1.  On  s'occuf>ait  à  ce  moment  do 
modifier  notablement  les  inhumations,  au  moins  à  Paris.  V.  aussi  les  comptes  rendus 
d(îs  séances  de  la  commune  de  Paris  des  1'"^  frimaire  et  2i  nivôse  an  II,  Moniteur  des 
3  frim,  et  24  nivôse. 


1 


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-  357  - 

Cela  suflSt,  à  mon  avis,*  pour  imprimer  un  caractère  de  vraisem- 
blance à  l'explication  incomplète  de  Poret,  et  qui,  venant  de  lui,  ne  pou- 
vait faire  disparaître  l'émotion  produite  par  une  si  énorme  imputation. 
dans  un-  tel  moment.  Il  faut  voir  dans  la  lettre  de  Poret  moins  le 
désir  de  repousser  une  calomnie  que  l'intention  de  vexer  les  aristo- 
crates en  leur  confirmant  une  application  posi  mortem  et  à  leurs  frais 
des  grands  principes  de  Tégalité. 

Les  fôtes  civiques  et  nationales,  l'appareil  solennel  dont  s'en- 
tourent les  administrateurs,  les  mesures  rigoureuses  qu'ils  exécutent, 
les  malheurs  qui  pénètrent  au  milieu  de  tant  de  familles,  n'attirent 
ni  le  respect,  ni  la  considération  aux  montagnards,  aux  administra- 
teurs. La  Commune  se  croit  obligée  de  faire  arrêter  Deschamps, 
tondeur  de  chiens,  pour  insultes  à  la  Société  populaire,  et  Soudèt, 
cabaretier  depuis  vingt  ans  au  coin  de  la  rue  de  Fontenelle,  dont  la 
maison  est  fréquentée  par  les  domestiques  des  ci-devant,  qui  font 
des  gestes  indécents  en  voyant  les  magistrats  du  peuple,  et  qui  a 
pris  difficilement  la  cocarde. 

Dans  la  séance  de  la  Commune  du  15  floréal,  présidée  par  Dieu, 
la  veuve  Lefebvre,  commissionnaire  pour  l'expédition  des  marchan- 
dises, dont  une  pétition  vient  d'être  ajournée,  se  permet,  en  sortant, 
des  propos  insultants  à  la  magistrature  populaire,  qui  sont  dénoncés 
par  Guyet  et  Gamare.  A  l'instant,  l'agent  national  Poret  la  fait 
rentrer.  Gamare  prétend  qu'en  passant  à  côté  de  lui,  elle  a  dit  d'un 
ton  ironique  et  méprisant  :  Voilà  donc  la  belle  justice  I  Elle  nie  ce 
propos,  et  fait  remarquer  qu'elle  est  bien  malheureuse  de  perdre 
18,000 1.  Guyet  réplique  qu'il  a  bien  vu  son  air  ironique  et  méprisant  ; 
il  a  cru  entendre  :  la  belle  espèce  !  Poret  reprend  la  parole  et  la  veuve 
Lefebvre  se  retire  après  une  réprimande  fraternelle. 

Pillon  lui-môme  n'est  pas  bien  sûr  du  respect  du  peuple  pour 
ceux  qui  s'occupent  des  affaires  communales.  Précisément  à  la  séance 
du  lendemain,  16  floréal,  on  remarque  dans  les  tribunes  des  bâille- 
ments indécents,  répétés  avec  affectation,  et  paraissant  être  l'effet 
delà  malveillance  et  de  la  dérision.  Aussitôt,  on  fait  fermer  les 
portes  et  l'on  s'assure  du  particulier  qui  témoigne  ainsi  peut-être  sa 
lassitude  et  son  dégoût.  Le  maire  l'interroge  ;  il  s'appelle  Beaufour, 


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—  358-     . 

et  demeure  quartier  de  TEgalité.  Les  bâillements  sont  l'effet  d'une 
maladie,  il  est  bon  citoyen  et  incapable  d'insulter  aux  magistrats 
du  peuple.  Pillon  lui  dit  de  se  retirer  (1). 

La  susceptibilité  des  patriotes  est  parfois  poussée  à  l'extrême. 
Ne  va-t-elle  pas,  le  27  ventôse,  jusqu'à  faire  arrêter  et  mettre  à 
Saint-Lô,  non  pas  un  ci-devant  mais  un  pauvre  diable  de  journalier, 
Jean  Clavier,  âgé  de  quarante-sept  ans,  père  de  quatre  enfants,  qui, 
faisant  le  lundi,  a  chanté  dans  l'auberge  ci-devant  VEcu  d'Alencon, 
une  chanson  dans  laquelle  il  est  question  «  de  trois  dragons  qui 
revenaient  de  la  guerre  ;  la  fille  du  roi  devint  amoureuse  du  premier 
de  ces  dragons,  qui  rapportait  une  rose.  »  Clavier  ne  tarda  pas  être 
relâché. 

D'après  les  adversaires  des  terroristes,  ce  fut  aussi  vers  le  pre- 
mier pluviôse  (veille  de  l'anniversaire  de  la  mort  du  tyran)  que  le 
Conseil  général  de  la  commune  redoubla  d'ardeur  contre  lesjsuspects. 
Entre  autres  gens  emprisonnés  à  cette  date,  on  cite  d'abord  Faucon  (1) 
négociant,  suspect  d'incivisme  et  d'aristocatie,  puis  Gosselin  fih 
aîné  (2)  chargé  de  la  manutention  des  subsistances  de  la  Commune, 
lequel,  ayant  réclamé  le  paiement  de  34,766  livres,  est  l'objet,  le 
15  pluviôse,  d'un  mandat  d'arrêt  mis  à  exécution  le  10  ventôse. 

De  brumaire  à  la  fin  de  messidor,  les  mandats  d'arrêt  du  Comité 
de  surveillance  atteignirent  un  assez  grand  nombre  de  gros  négociants 


(1)  Reg.  de  rHôtel-de-Ville. 

(2)  ATch.  mpales. 

(1)  N.-G.  Faucon,  rue  llerbière,  fut  anêté  le 2 pluviôse,  et,  parce  qu'U  n'y  avait  pas 
de  place  à  Saint-Lô,  fut  d'abord  mis  à  Saint-Yon.  Le  3  pluviôse  on  l'emmena  à  Saint-Lô, 
d*où  il  sortit  le  13  ventôse  pour  être  écroué  à  la  maison  de  justice,  sous  la  prévention 
de  n'avoir  pas  affiché  sur  la  porte  de  son  nm^asin  22  pièces  d'eau-de-v^e  qui  y  étaient 
repostées.  Il  semble  être  revenu  en  germinal  à  Saint-Yon.  En  thermidor  an  V,  il  habitait 
rue  de  la  Vicomte  et  justifiait  que  son  fils  Benjamin,  âgé  de  treize  ans,  n'avait  été  envoyé 
à  l'académie  de  Liège  que  pour  son  instruction. 

(2)  J.-N.-H.  Gosselin,  place  de  l'Abondance,  53,  fut  arrêté  sur  l'ordre  du  Comité  de 
surveillance  de  la  Convention.  Poret  prétendit  démontrer  l'exagération  de  la  demande 
de  Gosselin  qu'il  assimilait  à  ces  vils  égoïstes,  vrais  fléaux  de  l'ordre  social,  qui  ne 
calculent  que  sur  la  misère  publique.  Gosselin  objectait  qu'il  était  non  pas  un  employé 
à  gages  fixes,  mais  bien  un  commissionnaire  à  deux  pour  cent  de  bénéfices,  n  semble 
en  résulter  que  toute  la  somme  réclamée  était  formée  de  remises.  A  la  même  date,  le 
Comité  de  Rouen  décernait  mandat  d'arrêt  contre  l'abbé  Gosselin,  ex-supérieur  du 
séminaire  de  Rouen. 


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~  359  - 

et  fabricants  de  la  place  de  Rouen,  dont  il  n'est  guère  possible  de 
rappeler  ici  tous  les  noms  avec  les  particularités  s'y  rattachant. 

Citons  seulement  Lézurier  fils  aîné,  le  futur  maire  de  Rouen, 
arrêté  le  17  brumaire  comme  suspect  et  destitué,  et  dont  le  père 
s'adressait  vainement  à  Grenier,  commissaire  des  comités  de  la 
Convention,  pour  le  faire  élargir,  parce  qu'il  avait  été  entrainé. 
Bizet  frères,  rue  des  Carme»,  «  gros  capitalistes  »,  détenus  le  21  ven- 
tôse, et  le  14  floréal  amenés  chez  eux,  pour  assister  à  une  levée  de 
scellés  pour  les  contraindre  à  payer  1,000  livres  de  mandats  à 
Vaussy,  cuisinier  de  Saint- Yon,  et  qui,  menacés  de  rigueur,  ont  à 
Tinstant  tiré  de  leur  poche  la  somme  en  assignats.  Carpentier, 
ex-capitaine  de  navire,  marié  à  une  Hollandaise,  agent  à  Rouen  du 
vice-consul  américain  du  Havre-Marat,  arrêté  le  25  ventôse  ;  sur  des 
plaintes  adressées  par  le  ministre  des  Etats-Unis,  le  ministre  invita 
la  commune  de  Rouen  à  l'élargir,  ce  qu'ordonna  Siblot  le  7  prairial. 
CarruyejP,  manufacturier,  écroué  le  5  floréal,  «  ennemi  juré  des 
Jacobins,  ridiculisant  les  martyrs  de  la  liberté  en  adoptant  leur 
costume  ;  fameux  partisan  de  la  Bourse  dans  le  temps  du  fédéra- 
lisme ».  Ses  ouvriers  insistaient  le  11  floréal  pour  la  continuation 
des  travaux  de  son  usine.  Marion,  marchand,  rue  du  Tambour,  père 
en  deux  lits  de  douze  enfants,  encore  vivants  ;  sa  femme,  née  Leloup, 
et  l'un  de  ses  fils  arrêtés  en  même  temps,  pour  incivisme  et  aristo- 
cratie et  pour  cause  d'émigration  d'un  fils  Marion,  ex-chanoine.  En 
thermidor,  on  décida  qu'il  n'y  avait  pas  émigration,  mais  déportation. 

Fleury  d'Harescourt ,  mentionné  par  HorchoUe  (1)  comme 
ayant  épousé  une  Delaquerrière  ;  avait  été  dénoncé  comme  ayant 
une  chapelle  en  son  domicile  à  Rouen,  ce  qui  se  vérifiait  inexact  ; 
il  déclara  en  avoir  eu  une  à  sa  maison  de  Montigny,  près  Canteleu, 
et  l'avoir  fait  détruire.  On  trouva  chez  lui  pour  211,000  livres 
d'effets  à  échéance,  une  attestation  du  duc  de  Liancourt  (25  janv.1787) 
que  Fleury  aîné  était  pelletier  foureur  de  la  garde  du  roi,  couché  et 
employé  sur  l'état  des  officiers  de  la  garde-robe  et  qu'en  cette  qualité 
il  avait  servi  S.  M.  dans  le  quartier  d'avril  ;  un  brevet  du  roi,  de 

(1)  Manuscrit  cité. 


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p."  .J^ 


l'y^^^^ 


-  360  — 

sadite  Charge  ;  un  procès-verbal  de  prise  de  possession  par  Fleury 
(9oct.  1786)  de  sa  seigneurie  d'Harescourt,  à  Revercourt.  (1) 

L'une  des  arrestations  qui  eurent  pour  conséquences  des  forma- 
lités et  des  écritures  considérables  fut  celle  de  M.  de  Guillebon, 
négociant,  rue  aux  Ours,  18,  prévenu  d'incivisme  et  d'aristocratie 
âgé  de  78  ans,  et  malade,  dans  son  lit,  lors  que  Ton  se  présenta  pour 
exécuter  le  mandat  décerné  par  le  comité  de  surveillance,  le  20 
floréal.  Il  resta  consigné  chez  lui,  où  il  mourut  le  12  thermidor 
an  II  (2).  Son  commensal  Bunel  fut  vainement,  au  début,  questionné 
pour  savoir  si  en  1790  il  n'avait  pas  caché  des  valeurs.  Après  son 
décès  se  trouvèrent  22,000  livres  en  or.  (3)  Au  sujet  des  armes  de  luxe 
saisies  chez  lui,  on  constate  en  l'an  III  quo  des  gardes  nationaux  en 
avaient  emprunté  quelques-unes  à  la  place  desquelles  ils  avaient 
laissé  les  leurs.  Le  district  s'en  émeut  et,  le  11  brumaire,  écrit  à  la 
municipalité  qu'on  s'apercevra  ainsi  du  peu  d'ordre  de  cette  partie 
de  l'administration  communale. 

Parmi  les  nombreuses  personnes  arrêtées  à  Rouen  et  dans  la 
banlieue,  de  nivôse  à  thermidor,  par  ordre  du  département,  du  district, 
de  la  commune,  du  comité  de  surveillance  de  Rouen,  du  comité  de 
sûreté  générale,  de  l'accusateur  public,  de  Siblot  et  môme  du 
conventionnel  Letourneur,  on  rencontre  beaucoup  de  gens  qui  y 
sont  fixés  depuis  longtemps,  et  quantité  d'autres  qui  s'y  sont  réfugiés 

(1)  Ait.  de  Dreux  (Eure-et-Loir).  Cette  prise  de  possession  présentait  la  particu- 
larité qu'elle  avait  lieu  conformément  aux  coutumes  de  Châteauneuf  en  Thimerais...  • 
c  ce  faisant  a  remué  de  la  terre,  jeté  des  pierres  çà  et  là,  arraché  des  jonquilles,  cassé 
et  rompu  des  branches,  tiré  des  coups  de  fusil,  etc..  »  M.  Fleury  sortit  dl'on,  le 
30  vend,  an  UI. 

(2)  Il  était  veuf,  sans  enfants,  de  Marie  Midy,  depuis  1786. 

(3)  La  nation  venait  à  sa  succession  au  droit  de  M««  de  Chailloué,  née  de 
Guillebon,  émigrée  ;  le  surplus  était  recueilli  par  M.  de  Suzanne  et  M»»  Grenier,  sa 
sœur,  et  par  M»«  de  Boisguilbert  et  M"«  de  Guillebon.  La  vente  du  mobilier  dura 
vingt-huit  jours  et  produisit  136,266  1. 18  s.  L'inventaire  est  d'un  assez  grand  intéi^t  à 
divers,  points  de  vue.  Entre  autres  détails,  il  révèle  un  des  procédés  dont  furent  parfois 
victimes  les  acquéreurs  de  biens  nationaux.  M.  de  Guillebon  avait  acheté  l'emplace- 
ment des  Carmes  déchaussés,  à  Bouvreuil;  six  semaines  après,  le  commissaire- 
ordonnateur  des  guerres  se  présenta  au  district,  le  mit  en  réquisition,  s'en  fit  remettre 
les  clefs,  obligea  le  citoyen  Guillebon  de  l'évacuer  dans  les  vingt-quatre  heures  ;  puis 
il  fît  culbuter  les  refends,  les  cheminées  de  cette  «  maison  considérable  i  et  autres 
dégradations  ;  les  matériaux  de  ces  démolitions  furent  enlevés,  et  la  maison  réduite  à 
ne  pouvoir  servir  que  d'hôpital.  «  En  cet  état,  on  dit  aux  héritiers  qu'ils  pouvaient  la 
reprendre  et  que  le  gouvernement  n'en  avait  plus  besoin.  »  (Arch.  mpales  et  du  dép».). 


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-  361  - 

depuis  la  Révolution.  Voici  —  réunis  dans  ce  seul  chapitre  —  quel- 
ques détails  inédits  sur  une  partie  des  noms  les  moins  connus  et  sur 
d'autres  qui,  au  contraire,  attirent  davantage  l'attention. 

La  citoyenne  Le  Bègue  de  Germiny,  née  Aimable-Julie  Groult, 
fut  écrouée  aux  Gra vélines  le  15  nivôse.  Ce  fut  en  vain  qu'elle 
demanda  au  Comité  révolutionnaire  de  la  faire  conduire  de  préférence 
à  Saint' Lô,  où  était  détenu  son  mari,  depuis  vingt  ans  soumis  à  des 
accès  de  goutte  et  dont  l'état  exigeait  les  plus  grands  soins.  Sa  fille 
Sylvie,  chez  laquelle  on  avait  trouvé  325  livres  de  savon,  échappa  à 
la  détention  (1). 

Une  cinquantaine  de  membres  du  ci-devant  Parlement  et  de  la 
Chambre  des  comptes  sont  emprisonnés  pendant  la  Terreur.  L'un 
d'eux,  Gressent,  ex-conseiller  au  Parlement,  est  arrêté  et  conduit  à 
Saint-Yon  seulement  le  19  nivôse,  quoique  dès  le  10  septembre  1793 
il  eût  été  dénoncé  en  même  temps  que  son  ami  et  collègue  De  Moy 
par  Denise,  du  faubourg  Bouvreuil,  «  comme  portant  beaucoup 
d'ombrage  aux  amis  de  la  République  et  comme  n'étant  pas  vraisem- 
blablement dans  les  principes)).  Il  s'était  pourtant  conformé  aux  lois, 
avait  payé  les  impôts  et  donné  sa  charge,  qui  lui  avait  coûté 
20,000  livres  ;  il  désirait  la  République  une  et  indivisible  et  le 
bonheur  commun  ;  il  ne  se  consolait  pas  d'être  désigné  comme 
suspect,  et  demandait  sa  liberté  huit  jours  après  son  arrestation.  Il 
ne  sortit  que  le  4  frimaire  an  lïlpour  éprouver,  comme  tant  d'autres, 
la  déception  de  se  voir  sur  la  liste  des  émigrés  (2). 

(1)  M.  et  M"»*  de  Germiny  avaient  quatre  enfants,  dont  deux  absents.  Leur  patrimoine, 
comme  ascendants  d'émigré,  fut  liquidé  le  7  ventôse,  an  V,  et  par  suite,  une  valeur 
de  451,637  1.  revint  à  la  nation.  Des  biens  provenant  à  la  nation  de  leurs  fils  émigrés, 
furent  vendus  notamment  le  27  frimaire  an  VIII. 

(2)  Jean-Louis-Aimé  Gressent,  dont  on  a  conservé  le  signalement,  fut  rayé  de  la 
liste  des  émigrés  par  arrêté  du  14  ventôse,  an  III,  qu'il  fit  signifier  le  19  germinal,  à 
ragent  nationat  du  district.  Il  est  mort  à  Rouen,  rue  Beauvoisine,  163,  le  24  août  1815, 
chez  son  domestique  Lecauchois,  à  qui  il  avait  vendu  son  bien  à  rente  viagère,  sous 
réserve  des  droits  seigneuriaux,  le  15  septembre  1790.  Il  existe  sur  les  écrits  et  docu- 
ments par  lui  laissés,  un  très  intéressant  travail  de  M.  le  comte  d'Estaintot  :  Notes  d*un 
Conseiller  au  Parlement  de  No)*niandie.  Rouen,  E.  Ccigniard,  1889.  —  La  première  femme 
du  père  du  conseiller  Gressent,  dont  parlent  les  iVo/es,  était  protestante  lorsqu'elle  épousa 
Gabriel  de  La  Louel,  écuyer,  sieur  de  Bruncosté,  protestant  aussi,  mort  en  1724.  Elle 
abjura  entre  les  mains  de  Flament,  curé  de  Neuville-Ferrières  et  Serqueux  et,  peu  de 
temps  après,  fut  marraine  d'un  enfant  dont  M.  Baudon,  sgf.  de  Neuville  et  président  de 
la  Société  de  S^-Vincent-de-Paul,  fut  le  parrain. 


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—  362  - 

Quelques  suspects,  entre  autres  M.  des  Retours  et  M"'  de 
Vieux,  échappent  à  l'exécution  des  mandats  d'arrôt. 

Le  4  pluviôse,  Guesdon,  agent  national  du  district  de  Mortain, 
signalait  au  comité  de  Rouen  un  ennemi  de  la  Révolution,  qui 
n'ayant  pu  vivre  avec  les  sans-culottes  de  sa  commune,  s'était  retiré 
à  Rouen.  Il  se  nommait  Jean-Auguste  des  Retours;  sa  présence  à 
Saint-Martin-de-Chaulieu  avait  occasionné  quantité  d'attroupe- 
ments à  sa  maison.  Des  prêtres  réfractaires  et  des  gens  comme  lui 
amenaient  à  sa  chapelle  une  multitude  d'endoctrin«*5S,  malgré  les 
défenses,  et  il  allait  jusqu'à  tirer,  ou  faire  tirer,  les  pattes- fiches 
mises  sur  les  portes  du  temple  au  temps  où  il  était  maire  de  la  com- 
mune. Le  comité  de  Rouen  fit  mettre  les  scellés  chez  lui,  rue  des 
Parisiens  (Saint-Patrice),  49,  où  se  trouvait  la  citoyenne  des 
Retours,  qui  déclarait  ignorer  où  était  son  père  (1).  M.  des  Retours 
ne  paraît  pas  avoir  été  découvert. 

((  La  veuve  Torcy,  femme  des  Vieux  »  suspecte  d'incivisme  et 
d^aristocratie,  et  dont  le  mari  est  émigré,  est,  le  15  pluviôse  an  II, 
sous  le  coup  d'un  mandat  du  Comité  do  Rouen.  Mais  elle  s'est  retirée 
à  Quevillon  et,  sur  la  justification  de  son  divorce,  l'effet  du  mandat 
est  annulé  (2). 

Un  nom  qui  eut  sous  l'Empire  et  en  Normandie  un  grand 
retentissement  apparaît  aussi  en  pluviôse.] «Le  nommé  Combray» 
rue  des  Bons-Enfants  ,  118  (  rue  de  Fontenelle  ) ,  sera  arrêté 
en  vertu  d'un  ordre  du  8,  conformément  à  une  délibération  de 
la  commune,  aussi  du  8,  qui  le  déclare  suspect  pour  refus  de  payer 
dans  le  délai  sa  part  de  l'emprunt  des  dix  millions.  Lors  de  l'apposi- 

(1)  Archives  mpales. 

(2)  La  situation  que  s'était  faite  M"»  la  comtesse  de  Vieux,  née  Desmaret  de  Saint- 
Aubin,  veuve  en  premières  noces  de  M.  du  Moncel  de  Torcy,  ou  plutôt  que  lui  avaient  faite 
les  décrets  et  les  événements  était  des  plus  singulières  qu'on  imagine  :  Remariée  au 
comte  de  Vieux,  le  12  octobre  1790,  elle  en  eut,  le  3  octobre  1791,  une  fille,  dont  la 
naissance,  —  constatée  d'abord  seulement  par  acte  devant  Delabarre  et  Fossard, 
notaires  à  Rouen,  le  11  du  même  mois,  acte  qui  ne  lui  donnait  aucun  prénom,  —  ne 
fut  déclarée  à  la  mairie  que  plus  d'un  an  après,  le  20  décembre  1792  ;  elle  la  nomma 
alors  PharaîJde.  La  dissolution  de  son  mariage  par  divorce  (3  nivôse  an  II,  ^  dé- 
cembre 1794),  rendait  illégitime  un  fils  dont  elle  accoucha  le  29  messidor  an  IX,  et 
M.'  et  M^e  de  Vieux,  qui  habitaient  ensemble  rue  Beauvoisine,  120,  la  maison  de 
M.  de  Marguerit,  durent,  pour  régulariser  sa  naissance,  s'épouser  en  secondes  noces, 
à  Rouen,  le  26  brumaire  an  IX* 


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—  363  — 

tion  des  scellés,  il  est  absent,  et  c'est  à  la  citoyenne  Leseigneur 
d'Héricy  que  parle  le  commissaire  (1). 

M™®  de  Clieu,  née  Bellaistre,  âgée  de  soixante  ans,  est  arrêtée 
chez  elle  à  Rouen,  rue  d'Ecosse,  n°  17,  le  15  germinal,  pour  incivisme, 
aristocratie  et  parenté  avec  un  émigré  (2).  Elle  a  la  fièvre  et  on  la 
laisse  chez  elle  sous  là  garde  de  deux  sans-culottes  dont  elle  espère 
se  débarrasser  en  exposant  au  comité  qu'elle  est  originaire  d'Amérique 
et  roturière,  qu'elle  a  fait  des  dons  patriotiques  et  qu'on  la  dénonce 
faussement  comme  ayant  cinq  cochons.  Si  sa  propre  situation  n'ins- 
pire pas  de  pitié,  elle  compte  au  moins  que  le  souvenir  du  service 
signalé  rendu  par  son  beau-père,  Gabriel  de  Clieu,  à  l'île  de  la 
Martinique,  et  par  suite  à  toutes  les  îles  du  Vent,  intéresseront  la 
générosité  du  comité  de  surveillance  :  «  C'est  lui  qui,  vers  1710,  y 
planta  l'arbre  qui  produit  le  café  (3)  ».  Peut-être  ne  sentait-on  pas 

(1)  Il  s'agit  d'Alexandre-Louis-César  Hély  de  Combray  fils,  âgé  de  trente  ans,  dont 
la  mère  et  la  sœur,  M™«  Acquêt  de  Férolles,  furent  au  nombre  des  principaux  accusés  de 
ce  qu'on  appelle  plus  ou  moins  exactement  le  procès  d'Aché-de  Combray  (1807-1809) . 
M"»«  de  Combray,  dont  le  nom  est  partout  défiguré,  était  née  Marie-Geneviève  Gouyn 
de  Brunelles,  à  Rouen,  le  12  juin  1742  ;  son  père  était  président  à  la  Chambre  des 
Comptes.  M"«  de  Combray  fut  rayée  définitivement  de  la  liste  des  émigrés  le  2«  jour 
complémentaire  an  IV.  Si  l'on  en  croit  son  gendre  Acquêt  de  Férolles,  celui-ci  qui,  sous 
la  Restam-ation,  prétendait  le  contraire,  avait  constamment  résidé  à  Rouen  pendant  la 
Terreur,  sous  divers  déguisements.  Il  disait  avoir  sauvé  la  vie  à  M"»»  de  Combray  avant 
d'épouser  sa  fiile.  Les  demoiselles  de  Montfiquet  qui  figurent  dans  le  procès  de  1807 
furent  arrêtées  à  Rouen  lors  de  la  battue  du  24  floréal.  Flierlhé,  l'un  des  condamnés  de 
1807,  était  aussi  à  Rouen  sous  la  Terreur,  y  fut  arrêté  le  8  floréal  an  II  et  renvoyé  devant 
le  directeur  du  jury.  C'était  un  ancien  soldat  du  régiment  suisse  de  Salis-Samade.  Le 
frère  du  vicomte  d'Aché  fut  emprisonné  et  mis  au  secret  à  Rouen,  le  17  août  1807,  et  ne 
fut  mis  en  liberté  que  le  15  novembre  1810.  De  Combray  fils  fut,  après  la  condamnation 
de  sa  sœur,  détenu  par  mesure  de  haute  police  depuis  le  17  mars  1809  jusqu'au  25  jan- 
vier 1811  (Arch.  mpales  et  notes  de  l'auteur). 

(2)  M.  de  Caumont,  marié  à  M"«  de  Clieu,  réfugié  à  Londres.  Sa  biographie  est 
bien  connue.  M«"«  de  Caumont  avait  quitté  Rouen  pour  se  rendre  à  Derchigny  (district  de 
Dieppe)  ;  dénoncée,  parce  que  «  les  communes  murmuraient  contre  son  incivisme  », 
elle  fut  mise  en  arrestation  par  le  Comité  révolutionnaire  de  Dieppe,  le  24  ventôse. 
(Arch.  mpales.  —  Lettre  de  la  mpalité  de  Derchigny,  du  21  germinal).  M»«  de  Caumont 
avait  fait  partie  de  l'une  des  loges  de  femmes  dites  d'adoption  de  Dieppe  ;  elle  de\int 
grande  maîtresse,  et  on  la  surnommait  Jeanne  Hachette  (F.*,  de  Loucelles, ffistoi/t» 
générale  de  la  Franc-Maçonnei  ie  de  Normandie,  p.  175.) 

(3)  M»«  de  Qieu  prend  la  peine  d'ajouter  que  «  pendant  une  très  longue  traversée, 
il  se  pnva  de  son  eau  pour  conserver  un  arbuste  qui  a  été  depuis  une  source  de  richesse 
pour  les  isles  et  par  suite  pour  la  Fi*ance  entière.  Les  colons  voulurent  se  montrer 
reconnaissants  et  lui  assurer  la  jouissance  de  30,000.1.  de  rente  qu'il  refusa  constamment 
quoiqu'il  n'en  possédât  point  3,000 1.  » 


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assez  à  ce  moment  toute  rimportance  de  la  découverte  de  Clieu,  le 
café  n'étant  pas  taxé  à  Rouen  (1),  et  y  atteignant  vraisemblablement 
un  prix  élevé. 

Il  fallait,  du  reste,  avoir  conservé  une  dose  excessive  d'illusions 
pour  croire  au  crédit  de  tels  noms  chez  les  Montagnards  de  Rouen. 
On  avait  plus  de  succès  lorsque,  comme  Le  Compasseur  de  Courti- 
vron  (2),  —  pourtant  noble  d'extraction,  —  arrivé  depuis  peu  à 
Rouen  de  Bourbonne-les -Bains,  lieu  de  son  domicile,  on  pouvait 
déclarer  être  le  mari  et  le  gendre  d'une  Le  Peletier,  et  ajouter  que  sa 
belle-mère  était  la  tante  de  Le  Peletier  de  Saint -Fargeau.  Là-dessus, 
le  comité  s'inclinait.  Le  Compasseur  ajoutait  que  «  le  nom  de  son 
amie  qui  est  en  arrestation  à  Paris,  est  Brulart  ».  Cela  importe 
peu.  Le  comité  arrête,  le  23  nivôse,  qu'il  n'a  rien  à  délibérer  et  que 
François  Le  Compasseur  est  libre  en  se  conformant  aux  règlements 
de  la  ville  de  Rouen. 

Un  soi-disant  négociant  de  Rodez,  nommé  Suffenck  (3),  venant 
du  Havre  et  de  Bolbec,  depuis  trois  ans  dans  le  commerce,  achetant 
des  soieries  et  plaçant  sur  sociétés  maritimes,  avouant  qu'il  avait 
été  ecclésiastique  deux  ou  trois  ans  et  fait  prêtre  à  Chartres,  est 
arrêté  le  1®'  nivôse.  Il  déclare,  outre  ce  qui  précède,  qu'il  connaît  à 
Paris  Fabre  et  Cambacérès,  députés  de  l'Hérault,  et  qu'il  a  dîné  avec 
Cambacérès  quatre  ou  cinq  jours  avant  son  départ.  On  l'envoie 
provisoirement  à  Saint- Lô  (4)  ;  le  9,  il  demande  sa  liberté  qu'on  lui 
accorde  le  17  avec  un  passeport  pour  Passy. 

On  s'étonnerait  de  ne  pas  rencontrer  parmi  les  victimes  de  la 
révolution  Chouquet,  le  buvetier  du  Palais,  qui  doit  aux  incidents 
de  l'exil  du  Parlement  une  notoriété  perpétuée  par  le  plus  connu 
des  historiens    rouennais.  (5)  Chouquet,  en  l'an  II,   est   âgé  de 

(1)  Arch.  du  dép^  Reg.  du  district.  Séance  du  14  vent,  an  II. 

(2)  F. -G.  Le  Compasseur  de  Courtivron,  marié  à  une  Migieu. 

(3)  Suffenck  était  un  sobriquet  reçu  au  collège  ;  d'où  vient  que  son  vrai  nom  reste 
inconnu. 

(4)  Le  registre  d'écrou  de  Saint-Lô,  dont  M.  de  Lérue  a  donné  des  extraits,  ne 
contient  pas  d'écrou  concernant  Suffenck. 

(5)  M.  Floquet,  Hist,  du  Parlement  de  Not^iandie,  t.  VII  p.  208.  —  HorchoUe 
raconte,  à  la  date  de  septembre  1798,  une  scène  qui  se  passa  au  tribunal  correctionnel, 
scène  dont  le  principal  pA^onnage  est  Lecœur,  vicaire  intrus  de  Saint-Jean  «  habitué 


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-365  — 

quarante-huit  ans,  marchand  de  vin,  rue  aux  Juifs,  cour  des  loges. 
C'est  là  que  par  ordre  du  comité  de  sûreté  générale,  le  11  nivôse,  on 
se  saisit  de  lui,  pour  le  conduire  à  Saint-Yon,  où  il  reste  jusqu'au 
8  fructidor.  (1)  Il  est  vraisemblable  que  Chouquet,  naguère  un  per- 
sonnage, puisqu'il  avait  osé  tenir  tête  à  M.  d'Harcourt,  affirma  trop 
nettement  son  incivisme  à  la  suite  de  ses  démêlés  avec  les  adminis- 
trations révolutionnaires.  ^i 

En  pluviôse,  le  Comité  révolutionnaire  s'inquiéta  de  visites 
fréquentes  reçues  par  la  nommée  Choiseul  d'Aillecourt  (2),  demeu- 
rant dans  le  passage  de  l'ancien  Hôtel-de-Ville,  maison  du  ci-devant 
curé  de  la  ci-devant  église  Notre-Dame  de  la  Ronde,  à  elle  louée  par 
le  district.  Il  commença  par  interroger,  le  13  pluviôse,  cette  citoyenne 
qu'il  venait  de  faire  arrêter  chez  elle,  et  qui  résidait  à  Rouen  depuis 
dix-huit  mois.  Elle  avait  logé  d'abord  chez  Lemoine,  secrétaire  à 
THôtel-Dieu,  rue  de  la  Madeleine,  puis  chez  Pigny,  rue  du  Bac,  en 
garni.  Elle  justifiait  de  sa  résidence  antérieure  à  Paris,  rue  Choiseul, 

du  Tribunal.  »  Lecôeur,  à  l'entrée  duquel  s'opposait  un  gardon  de  chez  Chouqu**t, 
soufflette  ce  garçon,  qui  le  frappe  à  son  tour.  Le  vicaire,  arrivé  dans  la  buvette,  a  vomit 
contre  la  femme  du  buvetier  les  horreurs  les  plus  grossières,  la  traite  d'aristocrate.... 
Chouquet  arrive,  se  plaint  au  juge...  Lecœur,  grâce  au  teeau-pèrede  Chouquet,  transige 
ignominieusement,  à  des  conditions  restées  secrètes.  —  Dans  une  décision  du  19  jan- 
vier 1783,  le  district  a  considérant  que  le  citoyen  Chouquet  ne  peut  être  regardé  comme 
un  simple  concierge  à  qui  on  donne  le  logement  pour  veiller  à  la  conser\'ation  des 
lieux  qui  lui  sont  confiés  ;  qu'il  a  au  contraire  exercé  les  fonctions  de  buvetier  donnant 
à  boire  et  à  manger  au  public  dans  presque  tous  les  aîtres  dépendant  de  la  buvette  et 
qui  sont  considérables  ;  qu^il  jouit  en  outre  d'un  très  grand  magasin  prés  la  maison 
de  justice;  qu'il  occupe  trois  garçons  pour  le  service  de  sa  buvette,  et  que,  pour  le 
service  qu'il  leur  fait  faire  auprès  du  tribunal  et  du  juré  d*acc«sation,  il  a  porté  yne 
somme  de  840  l.  pour  les  gages  et  la  nourriture  d'un  garçon  et  demi,  qui  lui  a  été 
allouée. . .  décide  qu'il  y  a  lieu  de  faire  vérifier  et  estimer  la  valeur  locative  des  aîtrjs 
dont  il  jouit  et  qui  sont  à  la  nation,  aux  fins  de  connaître  la  somme  dont  il  est  en 
conséquence  redevable  à  partir  du  jour  de  la  suppression  du  parlement  juscpi  a  ce 
jour.  »  (Reg.  du  district.) 

(1)  Arch.  mpales.  —  Kn  sortant  de  Saint-Yon,  il  alla  s'établir  rue  de  la  Poterne. 

(2)  Marie-Eugénie* de  Rouillé  du  Coudray,  31  ans,  femme  séparée,  il  y  a  deux  ans, 
de  Michel-Félix,  comte  de  Choiseul  d'Aillecouii.  Elle  fut  détenue  avec  son  enfant  (pro- 
bablement celle  née  en  1787),  aux  (ira vélines  d'où  tl'es  sorlireiit  «  provisoirement  »  le 
2  brumaire  an  III.  Le  23  ventôse  an  II,  le  district  lui  consentait  la  résiliation  de  son 
bail  à  la  condition  de  payer  son  loyer  jusqu'à  Pâques.  L'un  de  ses  tils  épousa  M"^  de 
Machault.  —  L'un  des  rapports  des  comités  thermidoriens  parle  d'une  citoyenne  Choi- 
seul résidant  maintenant  à  Amiens,  qui  avait  résidé  à  Rouen,  rue  du  Bac,  en  face  du 
Gaillarbois,  à  laquelle  il  a  coûté  600  1.  pour  apprendre  à  supporter  une  fausse 
entorse  dont  le  docteur  Camare  l'a  guérie  et  qui  ne  lui  faisait  pas  beaucoup  de  mal. 


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près  la  Comédie  italienne.  L'attention  était  appelée  sur  elle  à  Rouen 
par  une  visite  par  elle  faite  à  une  femme  Bouquet  de  la  Chaussée, 
qui  avait  été  contrainte  de  donner  des  renseignements.  Son  mari 
est  de  la  caste  nobiliaire,  sans  qualification  particulière,  elle  ignore  où 
il  est,  et  le  croit  mort  et  non  pas  émigré.  Elle  en  a  reçu  des  nouvelles 
il  y  a  dix-huit  mois,  des  eaux  d'Aix-la-Chapelle,  où  il  était  avec  sa 
mère,  laquelle  est  revenue  Tan  passé  à  Paris,  où  elle  est  morte. 

Une  souricière  fut  immédiatement  organisée  à  l'ancien  cloître 
des  ci-devant  chanoines  de  la  Ronde,  et  tous  ceux  qui  s'y  présentè- 
rent (26  personnes)  y  furent  consignés.  Parmi  eux,  M.  de  Machault 
fils,  mestre  de  camp,  demeurant  avec  son  père,  rue  Damiette,  41, 
relâché  après  un  interrogatoire  que  lui  firent  subir  Gaillon,  Gode- 
bin  et  Troussey  ;  puis  Bernard  Bacon  et  Turmel  domestique  et  por- 
tier de  chez  Machault  père,  venus  pour  chercher  Machault  fils  ;  un 
certain  Nicolas  Mirbel  (1),  peintre  de  portraits,  rue  Beauvoisine,  à 
Rouen  et  rue  d'Enfer,  à  Paris,  néàNeuvillersen  Lorraine,  qui  faisait 
le  portrait  de  la  fille  de  la  citoyenne  Choiseul;  à  laquelle  l'avait 
indiqué  la  citoyenne  Baudon  (2),  celle-ci  déjà  détenue  aux  Gravelines. 
Mirbel  était  veuf  depuis  vingt- deux  ans  et  on  le  soupçonnait  d'être 
chanoine  ou  prêtre  ;  Armand  Kersabiec  (3),  secrétaire  de  la  maréchale 
d'Aubeterre,  chez  laquelle  il  demeurait  depuis  quatre  ans  à  Paris  et 

(1)  Ou  Mirbeck,  56  ans  ;  à  Rouen  depuis  15  mois,  par  permission  du  Comité  de 
Salut  public.  Sa  première  femme  morte  après  dix  mois  de  mariage,  était  Marie  Hervet, 
fille  d'un  chirurgien.  Il  semble  signer  Mirbac.  Une  note  jointe  aux  pièces  le  concernant, 
annonce  qu'il  s'était  remarié  peu  après  cet  incident  (arch.  mpales).  Ses  prénoms  ne 
s'accordent  pas  avec  ceux  d'un  Mirbeck  figurant  dans  le  dict.  biogr.  de  Larousse. 

(2)  Anne-Marguerite-Charlotte  de  Ligniville,  comtesse  du  Saint-Empire,  veuvede 
J.-F.-Gh.  Haudon,  dont  le  père  avait  été  seigneur  de  Neuville-Ferriéres.  Elle  demeurait 
chez  Garet,  rue  des  Carmélites,  2,  où  elle  fut  arrêtée  le  26  frimaire  an  II,  pour  être 
conduite  aux  Gravelines  ;  son  mari  avait  été  président  de  la  société  de  Saint-Vincent- 
de-Paul. 

(3)  Ou  Arnaud  de  Siochan  de  Kersabiec,  40  an.«,  originaire  de  Pol-de-Léon,  distr.  de 
Morlaix  ;  vivait  du  revenu  d'un  canonicat,  n'avait  «jamais  été  prêtre,  mais  bien  dans  les 
ordres?  »  (Mémoires,  t.  i,  p.  173  et  s.).  11  justifiait  avoir  prêté  serment  à.  sa  section  du 
Luxembourg.  C'était  vraisemblablement  le  frère  du  capitaine  de  vaisseau  de  Kersabiec, 
émigré,  présent  à  la  descente  et  prise  de  Quiberon,  et  celui  de  Jean-Marie-Angèlique, 
chevalier  de  Kersabiec,  officier,  émigré,  marié  à  M"«  de  Biré.  Ce  dernier  hal)ilait  à 
Rouen,  rue  de  Grammont,  n»  3,  en  germinal  an  V;  il  avait  habité  rue  Quillebeuf  pendant 
pendant  deux  ans,  du  8  mai  1791  au  31  dèc.  1793,  puis  avait  résidé  dans  les  pay^ 
insurgés  jusqu'à  la  pacification  (Arch.  mpales). 


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—  367  >- 

à  Rouen  et  qui  l'avait  envoyé  chez  M°^®  de  Choiseul;  le  domestique 
du  citoyen  Jumilhac  ;  deux  garçons  boulangers,  et  une  dame 
Dubourg  (1). 

La  maréchale  d'Aubeterre  (2),  comme  M.  de  Jumilhac,  demeu- 
rait rue  deGrammont,  18  ;  elle  fut,  le  13  pluviôse,  l'objet  d'un  mandat 
d'amener  et  d'un  interrogatoire.  Son  logement  lui  avait  été  procuré 
par  son  neveu  Bourdeilles,  qui  habitait  alors  le  n®  19  de  la  rue  de 
Grammont,  et  depuis  au  Bois-Guillaume.  Kersabiec  est  un  élève  de 
son  mari.  Elle  connaît  M"*®  de  Clioiseul,  dont  elle  n'a  jamais  vu  le 
mari.  M™®  d'Aubeterre  fut  mise  en  arrestation  le  15  prairial,  en  la 
maison  de  sûreté  des  Gravelines,  où  elle  était  détenue  provisoirement. 

On  se  présenta  pour  arrêter  M.  de  Jumilhac  (3)  le  19  ventôse. 
Mais  on  admit  qu'il  était  bien  rigoureux  de  l'obliger  à  quitter  son 
second  fils,  malade  au  lit  d'une  fièvre  maligne,  et  il  resta  en  arresta- 
tion chez  lui  avec  deux  gendarmes.  Vers  le  12  messidor  on  le  con- 
duisit de  brigade  en  brigade  de  Rouen  à  Paris,  section  du  Bonnet- 
Rouge.  Le  23  vendémiaire  an  III,  *^.  de  Jumilhac  et  sa  femme, 

(1)  Est-ce  laM™e  Du  Bourg  dont  parle  M™«  de  Chastenay  «  ...  très  jolie,  gaie,  spiri- 
tuelle, légère  dans  ses  mouvements  et  devenue  très  dévote...  »  U  paraît  y  avoir  eu  à 
Rouen  aussi  vers  ce  temps-là,  B.-S.-J.  de  Barrai,  femme  séparée  à  l'amiable  depuis 
sept  ans,  de  M.  ï'.-J.  Cromot.  baron  du  Bourg,  qui  avait  émigré,  et  duquel  elle  avait  au 
moins  trois  filles;  cette  dernière  habitait  rue  Beauvoisine,  126,  et  vivait  d'une  pension 
à  elle  servie  par  sa  belle-mère.  Le  30  janv.  1793,  J.-B.  Thiessè,  homme  de  loi,  rUe  de  la 
Poterne,  se  déclarait  créancier  de  Dubourg,  réputé  émigré,  ayant  eu  son  dernier  domi- 
cile au  Sap  André,  distr.  d'Argentan,  pour  le  montant  d'un  exécutoire  (Arch.  du  dép».). 

(2)  Françoise-Marie-Rosalie  de  Scepeaux,  cinquante-deux  ans,  veuve  de  Joseph- 
Henri  Bouchard,  comte  de  Lussan,  marquis  d'Aubeterre,  baron  de  Saint-Quentin, 
maréchal  de  France,  mort  le  28  avril  1788,  à  soixante-quatorae  ans,  sans  enfants.  Elle 
habitait  auparavant  à  Paris,  rue  Cassette,  30. 

(3)  Pierre-Marie  Chapelle,  comte  de  Jumilhac,  marié  à  C.  de  Pourcheresse 
d'Extrabonne.  Le  17  floréal,  le  comité  de  surveillance  d'Exideuil  (Dordogne),  prévenait 
celui  de  Rouen  que  Chapelle-Jumilhac,  ci-devant  lieutenant-général  des  armées  du 
tyran,  s'était  réfugié  à  Rouen  pour  se  soustraire  à  la  vengeance  et  aux  recliorches  des 
autorités.  On  avait  retrouvé  au  château  d©  Jumilhac  une  correspondance  et  intercepté 
à  la  poste  une  lettre  où  Jumilhac  recommandait  à  ses  agents  de  brûler  sa  corres- 
pondance. Jumilhac,  fils  aîné  '.né  en  17C4,  marié  à  M"«  du  Plcssis  de  Bichelieu) 
avait  été  président  du  district  d'Exideuil  :  «  11  était  étroitement  lié  à  une  femme 
rongée  par  l'aristocratie,  qui  a  dans  ce  moment-ci  expié  ses  forfaits  sous  le 
glaive  de  la  loi.  »  Jos. -Léon-Marie  Chapelle  de  Jumilhac,  qui  se  trouvait  à  Rouen  avec 
son  père  et  sa  mère,  transférés  à  Paris,  dans  laprison  de  la  rue  de  Sèvres,  furent  mis  en 
liberté  par  le  comité  de  sûreté  générale,  le  23  du  même  mois  de  vendémiaire.  (Arch. 
mpales).  Un  des  parents  de  M.  de  Jumilhac  avait  épousé  une  Rouillé. 


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-  368  -- 

détenus  à  Paris,  rue  de  Sèvres,  furent  mis  en  liberté  par  ordre  du 
comité  de  sûreté  générale. 

LecomtedeBourdeilles  (1)  sur  lequel  le  comité  de  Rouen  s'était 
renseigné  auprès  de  M°^«  d'Aubeterre,  était  le  beau-père  du  comte 
de  La  Garde  (2),  arrêté  sur  l'ordre  du  comité  de  sûreté  générale, 
à  Rouen,  rue  de  Grammont,  par  Sirejean,  agent  du  Comité  de 
sûreté  générale,  accompagné  de  Poisson  et  Troussey,  du  Comité  de 
Rouen.  A  la  suite  de  Fenvoi,  par  le  Comité  de  Rouen  à  celui  de  la 
section  du  Bonnet-Rouge  de  Paris,  d'une  lettre  à  l'adresse  de  Bour- 
deilles,  datée  du  20  mars,  sans  pays,  les  agents  Vemay  et  Poincelot 
furent  envoyés  à  Rouen,  et,  accompagnés  des  mêmes  Poisson  et 
Troussey,  et  d'André  Meignen  et  François  Bellamy,  du  comité  de 
Bois-Guillaume,  se  rendirent  au  domicile,  en  cette  commune,  de 
M.  de  Bourdeilles.  Celui-ci  fut  amené  à  Rouen.  Sa  femme,  malade, 
et  allaitant  son  enfant,  fut  laissée  à  la  garde  de  deux  citoyens.  Le 
15  germinal,  les  deux  agents  conduisaient  à  Sainte-Pélagie  M.  de 
Bourdeilles,  M"®  de  Lagarde,  sa  fille,  et  M™«  de  Beaùmont,  sa  belle- 
sœur.  M.  de  Bourdeilles  n'en  devait  partir  que  pour  aller  à  l'échafaud, 
comme  son  gendre. 

Le  même  sort  attendait  une  rouennaise,  M™«  veuve  de  Colbert 
de  Maulévrier,  née  de  Manneville,  qui  fréquentait  comme  eux  la 
citoyenne  d'Aubeterre  et  le  nommé  Jumilhac,  qu'elle  avait  le  tort 
d'appeler  Monsieur.  Elle  fut  arrêtée  à  Rouen  le  19  ventôse  an  II  sur 

(1)  Henri- Joseph,  comte  de  Bourdeilles,  quarante-six  ans,  ex- noble,  maître  de 
camp  à  la  suite  de  la  cavalerie,  condamné  à  mort  par  le  tribtmal  révolutionnaire  de 
Paris,  le  7  thermidor  an  II,  était  veuf  en  première  noces  d'une  Dexmier  d'Archiac  de 
Saint-Simon,  et  s'était  remarié  le  20  avril  1773,  à  une  fille  du  marquis  d'Estampes;  sa 
mère  était  la  sœur  du  maréchal  d'Aubeterre  (C'«  de  Chastellux,  ouvr.  cité.) 

(2)  F.-C.  Thibault,  comte  de  La  Garde,  trente-et-un  ans,  ci-devant  officier  aux  gardes 
françaises,  né  à  Saint-Angennes,  marié  le  4  janvier  1791,  à  une  fille  âgée  de  vingt-deux 
ans,  du  premier  mariage  de  M.  de  Bourdeilles.  Ils  habitaient  à  Rouen,  rue  de  Gram- 
mont, 19,  une  maison  meublée,  louée  par  M.  de  Campion-Montpoignant  à  M.  de  Bou^ 
deilles.  Le  9  frimaire,  M.  de  Lagarde,  déclare  à  Rouen  la  naissance  de  sa  fille  Yolande, 
née  de  son  mariage  contracté  à  Saint-Sulpice  de  Paris,  le  9  janvier  1791.  M.  de  Lagarde 
fut  condamné  à  mort  par  le  tribunal  révol.  de  Paris  et  exécuté  le  6  thermidor.  Sa  berline, 
remisée  chez  Massau,  qui  la  déclara  lell  thermidor,  fut  adjugée  pour  2,515  1.  à  Iloussey, 
marchand,  rue  des  Charrettes.  Elle  était»  peinte  sur  fond  brun,  avec  un  alatour*de 
roses  sur  fond  d'argent,  le  train  en  vermillon  et  réchampi,  ayant  un  chiffre  sur  la 
coquille.  »  (Arch.  mpales.) 


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Tordre  du  comité  de  sûreté  générale  du  15,  par  les  agents  Joly  et 
Poincelot,  assistés  de  Bourdon,  commissaire  de  police,  dans  sa 
maison  de  la  rue  de  TU  ni  té,  ci-devant  Eloi,  n®  26.  Amenée  le  19  ven- 
tôse devant  Gaillon,  membre  du  Comité  révolutionnaire,  elle  subit 
un  interrogatoire  auquel  elle  répond  qu'elle  a  deux  fils,  dont  lalné  a 
été  ministre  de  France  auprès  de  l'électeur  de  Cologne,  de  1784  à  la 
fin  d'avril  1792,  et  l'autre  est  chevalier  de  Malte  et  oflBcier  de  marine. 
Ce  dernier  est  parti  en  juin  1791,  avec  un  congé  pour  aller  faire  ses 
caravanes.  Il  a  écrit  dans  les  premiers  temps,  puis  on  n'a  plus  entendu 
parler  de  lui.  L'aîné  est  revenu  d'Allemagne  en  France  sur  un  arrêté 
du  département  de  Paris  qui  l'avait  déclaré  non  émigré,  puis  un 
ordre  du  pouvoir  exécutif  l'a  obligé  on  avril  1793  de  sortir  de  la 
république.  Elle  a  été  avec  son  fils  en  Allemagne  mais  elle  est  rentrée 
le  22  mai  1792.  Elle  connaît  très  peu  Jumilhac  et  a  vu  deux  fois 
M™*  d'Aubeterre.  Elle  n'a  jamais  entendu  parler  de  Cooltz,  de 
Bruxelles,  qui  vient  d'être  arrêté  pour  émission  de  faux  assignats. 
Conduite  à  Rouen  par  le  gendarme  RichoUe,  de  Rouen,  elle  fut 
écrouée  à  Paris,  dans  l'ancien  couvent  des  Oiseaux,  le  25  ventôse. 
Le  8  thermidor,  elle  était  condamnée  à  mort  et  exécutée  avec  vingt- 
neuf  autres,  parmi  lesquels  MM.  Postel  des  Minières,  ex-conseiller 
aa  parlement  de  Rouen,  et  de  Crussol  d'Amboise,  ancien  comman- 
dant de  la  ci-devant  province  de  Normandie. 

(1)  Charlotte- Jacqueline-Françoise  de  Manneville,  âgée  de  soixante-deux  ans,  veuve 
de  René-Edouard  Colbert,  marquis  de  Maulévrier,  qu'elle  avait  épousé  le  4  mars  1754 
et  qui  était  âgé  de  vingt-six  ans  plus  qu'elle.  Ses  flls,  nés  à  Paris,  l'un  en  1754  et  l'autre 
en  1758.  Le  premier  avait  épousé  M"«  de  Quengo,  morte  à  Bruxelles  en  1793  et  de 
laquelle  il  avait  au  moins  un  flls,  né  à  Arnheim,  le  11  février  1793,  et  une  fllle  née  en 
1783.  D'autres  Colbert  (de  Chabanais),  étaient  alliés  aux  d'Amphernet  de  Pont-Bellanger. 
Le  29  thermidor  an  II,  Laurent  l'aîné,  mandataire  de  Thibault,  entrepreneur  de  travaux 
publics  à  Rouen,  déclarait  au  nom  de  celui-ci  qu'il  était  débiteur  de  M"»«  de  Maulévrier 
de  202,650  1.  exigibles  en  1797,  productifs  d'intérêts  à  4  «/o.  Son  mobilier  et  ses  inuneubles 
situés  dans  les  cantons  de  Duclair,  Cany  et  Sassetot,  furent  vendus  (V.  reg.  du  dép»,  au 
27  thermidor  an  VII).  Cependant,  le  18  messidor  an  III,  le  bureau  d'émigration  du 
département  signalait  que  la  loi  du  21  prairial  précédent  ordonnait  la  restitution  des 
biens  de  divers  condamnés,  entre  autres  M"»*  de  Maulévrier  ;  mais  son  émigration  ayant 
sans  doute  été  établie,  la  confiscation  fut  maintenue.  En  lan  VIII,  Blard,  de  Rouen,  se 
rendait  acquéreur  des  biens  de  l'émigré  de  Maulévrier,  sis  à  Theuville,  comprenant  le 
château,  par  des  prix  s'élevant  à  prés  de  deux  millions  de  livres.  En  1790,  M«"«de  Mau- 
lévrier avait  vendu  son  hôtel  de  Rouen  à  un  certain  Quibel,  qui  était  venu  l'habiter. 
(Arch.  mpales  et  du  dép»,  et  notes  de  l'auteur). 


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—  310  — 

M.  de  Lévis  (1),  était  à  Rouen  depuis  le  11  août  1793,  avec  un 
passeport  délivré  à  Boulogne-sur-Mer.  Il  fut  arrêté  chez  M"'*  de 
Caroncy,  amené  devant  le  comité  de  surveillance  où  il  déclara  ne 
point  se  connaître  de  parents  émigrés  et  ignorer  le  décret  ordonnant 
aux  ci-devant  nobles  de  se  retirer  dans  leurs  municipalités.  Il  désirait 
retourner  à  Paris  ;  son  père  était  dans  une  de  ses  terres  près  de 
Mâcon.  Le  comité,  provisoirement,  décida  qu'il  serait  détenu  à 
Saint-Lô,  et  ensuite  transféré  à  Paris  de  brigade  en  brigade.  On  le 
garda  néanmoins  à  Saint  Yon  jusqu'au  18  fructidor  an  II,  date  de  sa 
mise  en  liberté. 

M™®  do  Carency  (2),  aussi  arrêtée,  fut  mise  aux  Gravelines  avec 
la  citoyenne  Morga,  sa  femme  de  chambre,  et  Longa,  dit  Edouard, 
domestique  do  M.  Lévis  et  d'elle-mAme.  François  Legendre,  maire, 
et  Louis-Robert  Foulon,  officier  municipal  de  Mont-aux-Malades, 
étaient  tout  exprès  venus  le  2  brumaire  au  comité  de  surveillance  de 
Rouen  la  dénoncer  comme  la  soupçonnant  femme  d'émigré.  Chez  elle, 
rien  de  suspect.  Elle  déclarait  ignorer  où  était  son  mari,  etn'avoirpas 
vu  le  commencement  de  la  révolution,  étant  alors  avec  le  sieur 
Quélen,  ci-devant  la  Vauguyon,  son  beau-père,  en  Espagne,  où  il 
était  ambassadeur  de  France. 

A  propos  de  cette  dénonciation,  notons  que  la  Société  populaire 


(1)  Antoine- Louis  de  Lévis,  né  à  Paris  en  1767,  (ils  du  comte  Marc- Antoine  et  dune 
Griinod  de  la  Reyniére,  vivait  de  son  revenu  à  Rouen,  rue  du  Citoyen,  à  l'auberge  du 
citoyen  Dasseville.  Le  8  vendémiaire  an  III,  le  comité  de  Rouen  envoyait  le  commis- 
saire Beaufils  s'assurer  rue  Bourg-l'Abbé,  10,  si  le  citoyen  Lévis  et  la  citoyenne  Carency 
avaient  obtenu  des  permis  de  résider.  M"»®  de  Carency  était  coucbée,  malade,  et,  depuis 
sa  sortie  des  Gravelines,  gardée  par  deux  sans-culottes.  M.  de  Lévis  déclara  demeurer 
rue  de  Pri.son,  au  Lion  d'Argent;  on  le  conduisit  à  Saint-Lô  dont  le  registre  ne  men- 
tionne pas  sa  sortie,  certainement  antérieure  au  12  vendémiaire  (Arcb.  mpales.) 

(5)  F.-C.  de  Rochechouart,  fille  du  marquis  de  Faudoas  et  d'une  Barl>erie  de 
Courteilles,  mariée  le  14  septembre  1789,  à  P.-A.-M.-C.  de  Quélen,  prince  de  Carency, 
fils  du  duc  de  la  Vauguyon.  M.  Forneron  (Hist.  gén.  des  émigrés,  t.  H,  pp.  254255- 
316-348)  donne  d'intéressants  détails  sur  le  prince  de  Carency.  Un  arrêté  de  Sautereau, 
du  premier  des  sans-culollides  an  II,  ordonne  le  transfert  de  M"*  de  Qirency,  des  Gra- 
velines dans  la  maison  de  la  veuve  Rourdon.  rue  de  la  Révolution,  n®  10,  pendant  un 
mois,  sous  la  garde  de  deux  sans-culottes,  pour  être  ensuite  réintégrée  aux  Gravelines. 
Un  autre  arrêté  du  même,  daté  d'Amiens,  le  6  brumaire,  la  mit  en  liberté  (Arcli.  du 
département.) 


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du  Monl-aux-Malades  (Mont-Libre)  (1)  qui  avait  pour  président 
Pierre  Crosnier,  eut  pendant  la  Terreur  l'avantage  d'être  fréquentée 
par  la  citoyenne  Taschereau,  qui,  pendant  quatre  décades,  séjourna 
dans  la  commune,  chez  son  oncle,  le  riche  citoyen  Druys.  Cette 
société,  que  Guimberteau  était  venu  visiter  le  20  floréal,  admet  le  30 
«  la  citoyenne  Taschereau,  épouse  du  citoyen  Taschereau,  représen- 
tant du  peuple,  (2)  qui  remercie  la  société  de  l'avoir  reçue  et  obtient 
l'accolade  du  président.  »  Le  20  prairial,  elle  y  vient  inviter  les 
citoyens  du  Mont-Libre  à  être  plus  exacts  aux  séances,  et  promet  le 
Moniteur'  pour  être  lu  avec  d'autres  nouvelles  qu'elle  reçoit  de  Paris, 
Le  19  thermidor,  l'agent  national  du  Mont-Libre  fut  mandé  au 
au  district  pour  renseigner  sur  cette  femme,  dénoncée  comme  un 
des  principaux  agents  de  Robespierre;  il  déclara  qu'elle  avait  des 
((  rapports  intimes  et  fréquents  avec  le  Catilina  moderne,  qu'or- 
gueilleuse de  cette  intimité,  elle  donnait  espoir  de  la  protection  du 
tyran,  qu'elle  appelait  vulgairement  son  petit  papa,  à  ceux  qui 
s'attachait  à  son  parti,  tandis  qu'elle  menaçait  les  autres  de  son  res- 
sentiment. Elle  avait  des  liaisons  intimes  avec  la  femme  de  Sacquépée, 
juge  au  tribunal  du  district,  et  surtout  avec  la  femme  do  LegendEe 
maire  »  (3).  Son  mari  était  venu  à  la  Société  populaire  de  Rouen  le 
25   septembre  1793,  et  y  avait  démandé  la  preuve  que  tous  les 
membres  avaient  accepté  la  Constitution  (4). 

(i)  L'administration  locale  informait  le  district  de  Rouen,  le  18  floréal  an  III,  qifDllt: 
avait  arrêté  de  reprendre  le  nom  de  Mont-aux-Malades  (Arch.  du  département.) 

(2)  Taschereau  n'était  pas  député  à  la  Convention  ;  cette  mention  du  registre  <ii^  la 
Société  populaire,  fut  bétonnée  après  thermidor.  On  sait  que  P.-A.  Taschereau  de 
Fargues  fut  accusé  après  le  9  thermidor,  par  Vadier,  de  s'être  attaché  à  ses  pas  ^H^ur 
raconter  tous  ses  faits  et  gestes  à  Robespierre,  lequel  avait  exécuté  le  juèijn; 
Taschereau  le  9  frimaire  aux  Jacobins  où  sa  radiation  fut  prononcée  (Afonjieï^r  du 
14  frimaire  an  II,  p.  305).  Il  fut  mêlé  en  1808  à  une  retentissante  affaire  entre  ra\  uoal 
Magloire  Robert  et  Hermel,  marchand,  à  l'occasion  de  laquelle  fut  publié  un  fauluiii  : 
Guen'e  ouverte,  chez  Ferrand  l'aîné,  rue  Neuve-Saint-Lô,  signé  :  Taschereau-Fargues 
(A.  Pasquier,  Biographies). 

(3)  Reg.  de  la  Société  populaire  du  Mont-aux-Malades. 

(4)  Taschereau  était  de  retour  à  Paris  et  réadmis  aux  Jacobins  le  8  floréal  (Aulnrd^ 
la  Société  des  Jacobins,  t.  VI,  p.  99).  Vadier,  du  Comité  de  sûreté  générale,  à  qui  k  fin 
de  Robespierre  avait  ôté  la  peur,  dit,  dans  la  séance  de  la  Convention  du  9  thermidor, 
que  Robespierre  lui  avait  attaché,  pour  l'espionner,  un  nommé  Taschereau  qui  était  pour 
lui  d'une  attention  et  d'une  complaisance  rares  ;  il  le  suivait  pai'tout,  même  justiu  aux 
tables  où  il  était  invité  . .  {Moniteur  du  11  thermidor,  pp.  1272-1273,  3«  col). 


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-r  372  - 

Le  14  germinal  an  II.  Godebin  (1)  amenait  au  Comité,  dont  il 
était  membre,  deux  particuliers  qu'il  avait  vu  causant  avec  trois 
autres,  rue  de  la  Seille,  à  la  porte  de  la  femme  Lieuray,  femme 
divorcée  du  nommé  Modène,  (2),  rue  Coupe-Gorge.  L'un  d'eux, 
M.  de  Beaussct  (3),  était  déjà  une  notabilité  littéraire.  L'autre  était 
Raphaèl  Ferry,  (4)  maître  de  langues  et  de  violon.  Tous  les  deux 
furent  écroués,  le  17  germinal,  à  Saint- Yon,  d'où  ils  sortirent  le 
19  fructidor. 

III 

La  battue  du  24  floréal  an  II  (  mardi  13  mai  1794),  —  l'un  des 
principaux  griefs  élevés  contre  les  montagnards  rouennais  en 
Tan  III, —  fut  la  continuation,  voulue  à  tout  prix  efficace,  des  visites 
domiciliaires  si  souvent  rejiouvelées  depuis  septembre  1792  (5)  et 
toujours  incomplètes.  Le  décret  terrifiant  du  27  germinal  (16  avril), 
fut  un  prétexte,  une  occasion,  sinon  une  obligation  pour  la  com- 
mune de  Rouen  de  se  débarrasser  des  nobles,  des  étrangers,  bouches 

(1)  M»"»  de  Chastenny  raconte  rarrestation  de  Beaiissel  et  Ferry,  dans  la  nie,  sur 
leur  mine,  par  un  membre  du  Comité,  qui  rétablit  sa  réputation  par  cette  (capture  impro- 
visée. Elle  ne  nomme  pas  alors  Godebin,  qui  lui  a  rendu  des  services  (Mémoires,  1. 1, 
pp.  193  et  suiv.) 

(2)  M»»  de  Modéne,  née  de  Lieuray,  mariée  à  Tape  de  quatorze  ans,  séparée  de  kmi 
mari  en  1782  par  sentence  du  Chàtelet,  était  venue  de  Paris  à  Rouen  le  10  septembre  1792 
et  avait  lojîé  d'abord  chez  Taillefer,  tailleur,  rue  Saint-Lô,  9,  puis  me  de  la  Seille,  mai- 
son du  ci-devant  dMIouquetot.  Elle  fut  détenue  aux  (iravelines  le  4  pluviôse  suivant. 

(3)  L.-F.-J.  de  IJeausset- Roquefort,  vingt-trois  ans  et  demi,  né  à  Béziers,  fils  d'une 
demoiselle  de  Jarente,  et  parent  —  ce  qu'il  ne  dit  pas  —  d'une  dame  Baudot  de  Senne- 
ville,  née  de  Jarente,  détenue  aux  Gravelines  puis  à  Sainte-Marie,  comme  lui  proche 
parente  de  Tex-évéque  d'Orléans.  Il  déclare  être  homme  de  lettres,  demeurer  habituelle- 
ment à  Paris,  rue  des  Champs-Elysées,  8,  et  loger  depuis  le  l*»"  nivôse  maison  (hôtel)  de 
la  République,  à  Rouen,  où  il  est  venu  en  veilu  d'un  billet  d'hôpital  du  commissaire 
des  guerres.  Sa  mère  reste  à  Béziers  ;  son  père  a  servi  et  est  enfermé  à  Toulouse,  à  ce 
qu'on  lui  a  dit,  «  car  il  n'a  jamais  eu  de  relations  avec  lui  depuis  qu'il  est  de  ce  monde. 
Il  vit  de  l'argent  maternel  et  de  l'espoir  de  ce  que  lui  rapporteront  quelques  pièces  de 
théâtre  faites  et  en  cours.  11  est  noble,  mais  bon  citoyen  et  bon  républicain  ».  En  1805, 
M.  de  Beausset  était  préfet  du  palais  et  chambellan  de  l'cMnpereur  ;  en  1810,  baron  de 
l'Empire  et  grand-maître  de  la  maison  de  Marie-Louise.  Mort  en  '1835,  il  a  laissé  des 
mémoires. 

(4)  Né  à  Monaco,  en  Italie,  résidant  à  la  même  auberge  que  Bausset.  Il  vil  de  ses 
talents  et  a  «  deux  ccoliéres,  la  veuve  (ironte  (de  Grécourt)  et  la  Eresnaye,  sa  sœur.  »  Il 
est  fort  gêné.  Sorti  de  Sainl-Yon  le  9  fructidor.   • 

(5)  V.  Reg.  Séances  de  la  Commune  des  30  septembre  et  9  oct.  1792,22  février  1793, 
et  19  vend,  an  II. 


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•      ^  373  - 

inutiles.  Vainement,  jusque-là,  de  très-brefs  délais  leur  avaient  été 
impartis  pour  quitter  la  ville. 

Ce  décret  attribuait  au  tribunal  révolutionnaire  de  Paris  le 
jugement  de  tous  les  conspirateurs,  et  ordonnait  la  création  de  com- 
missions populaires  pour  le  15  floréal.  Son  article  6  était  ainsi 
conçu  : 

Aucun  noble,  aucun  étranger  des  pays  avec  lesquels  la  république  est 
en  guerre,  ne  peut  habiter  Paris,  ni  les  places  fortes^  ni  les  villes  maritimes 
pendant  la  guerre,  lout  noble  ou  étranger  dans  le  cas  ci*dessus  qui  y  serait 
trouvé  dans  dix  jours,  est  mis  hors  la  loi. 

De  nombreuses  exceptions  étaient  inscrites  dans  les  articles 
suivants.  Les  ordres  de  passe,  à  délivrer  par  les  comités  de  surveil- 
lance, devaient  indiquer  le  lieu  où  se  rendaient  les  expulsés.  Un 
nouveau  crime  était  prévu  par  cette  loi,  celui  de  s'être  plaint  de  la 
révolution.  Si  le  coupable,  jugé  par  les  commissions  populaires, 
«  vivait  sans  rien  faire,  et  n'était  ni  sexagénaire,  ni  infirme  »,  il 
était  déporté  à  la  Guyane. 

Pillon,  revenu  de  Dieppe,  où  il  avait  été  .en  témoignage  (1),  en 
rapportait  une  grande  surexcitation  contre  les  prêtres  dont  quelques- 
uns  avaient  pu,  croyait-il,  se  réfugier  à  Rouen,  et  faisait  nommer,  le 
28  germinal,  une  commission  de  membres  de  la  commune  (2)  pour 
décerner  tous  mandats  d'amener. 

Le  district,  probablement  impressionné  par  les  termes  impérieux 
du  décret,  choisit  ce  moment  (!«'  floréal)  pour  écrire  au  Comité  de 
surveillance  que  plusieurs  mauvais  citoyens,  sous  le  coup  de  man- 
dats d  arrêt  depuis  longtemps,  «  ont  probablement  été  chercher  sur 
le  sol  de  la  tyrannie  un  asile  à  leur  turpitude  »  et  lui  rappelle  que  la 
république  devait  trouver  dans  les  possessions  de  ces  traîtres  l'indem- 
nité de  leurs  crimes.  Le  comité  est  invité  à  donner  chaque  mois  l'état 
des  particuliers  absents  lors  de  la  tentative  d'arrestation  (3), 

Le  môme  jour,  le  maire  annonce  que  le  bureau  municipal  a 
consulté  le  Comité  de  salut  public  sur  la  question  de  savoir  si  Rouen 
doit  être  considérée  comme  ville  maritime,  et  comme  on  est  sans 

(1)  Peut-être  pour  TalTaire  Briche,  dont  les  préliminaires  s'étaient  passés  à  Rouen. 

(2)  Carré,  Le  Boucher,  Bellencontre  et  Desaubris. 

(3)  Arch.  mpales. 


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n 


—  374  — 


réponse,  il  propose  de  prendre  des  mesures  pour  Texécutiondu  décret 
du  27  germinal.  Le  8  floréal,  le  même  Pillon  proteste  contre  une 
inexactitude  commise  par  la  Galette  qui  s'est  permis  d'insérer  que 
le  Conseil  général  a  consulté  le  Comité  de  sûreté  générale.  La  Gcuette 
ajoute  que  la  promulgation  a  eu  lieu  le  29  et  que  le  délai  d'exécution 
est  de  dix  jours,  ce  que  Pillon  rectifie  parce  que  le  décret  déclare  que 
r insertion  au  bulletin  tiendra  lieu  de  publication. 

Les  4  et  11  floréal,  le  comité  des  étrangers  est  chargé  de  présen- 
ter une  liste  des  étrangers  et  des  nobles.  Le  13,  le  Comité  de  salut 
public  répondait  enfin  à  la  commune  par  une  lettre  qui  ne  fut  lue  au 
t'onseil  que  le  18  (1)  :  Rouen  est  ville  maritime  (2)  ;  par  suite,  les 
nobles  et  les  étrangers  ne  peuvent  l'habiter.  Cette  lettre  fut  envoyée  j 
H  la  Société  populaire,  imprimée  et  affichée  à  cent  exemplaires.  j 

Et  pendant  ce  temps,  les  visites  domiciliaires  et  les  arrestations         1 
cnntinuent.  Elles  ont  lieu  parfois  la  nuit  (3).  Il  y  en  a  eu  plusieurs         ! 
dans  la  journée  du  23,  et  c'est  le  soir  de  ce  jour-là,  à  la  commune, 
dans  une  séance  particulière,  où  se  sont  trouvés  les  commissaires  de 
pnlice,  le  Comité  de  surveillance  et  soixante  membres  de  la  Société 
populaire,  que  Pillon,  dans  un  discours  connu  (4),    annonce  la         j 
réalisation,  quelques  heures  après,  c'est-à-dire  à  deux  heures  du 
lîiatin,  d'un  projet  de  battue  patriotique,  qui  complétera  les  résultats 
des  perquisitions  partielles.  500  hommes  pris  indistinctement  dans 
les  4*,  5®  et  7®  bataillons  de  la  garde  nationale,  domiciliés  ea^lra 
rtfuros,  étaient  rassemblés.  Les  factionnaires  préposés  à  la  garde  des 
postes  ont  pour  consigne  de  ne  laisser  sortir  qui  que  ce  soit  de  la 
commune,  si  ce  ne  sont  les  officiers  municipaux,  notables,  membres  du 
comité,  maire,  agents  nationaux  de  district  et  de  commune,  membres 

(1)  Cette  lettre  est  donnée  en  note  de  l'un  des  rapports  des  comités  thermidoriens. 

{^)  Ce  n'était  pas  la  première  fois,  sous  la  Révolution,  que  Rouen  était  considérée 
un  mine  ville  maritime.  La  loi  du  10  août  1791  ayant  créé  des  écoles  gratuites  et  publi- 
ques d'hydrographie  dans  les  villes  niarUimeSy  le  conseil  exécutif  provisoire  désignait 
If  30  sep.  1792,  Réné-Louis  Prudhomme  pour  professer  à  celle  de  ces  écoles  qui  était 
rtulilie  à  Rouen  (Reg.  de  l'Hôtel-de-Ville,  séance  du  1"  oct.  1792.) 

l3)  C'était  implicitement  permis  depuis  que  dans  sa  séance  du  5  sept.  1793  (Kont- 
tfin-  du  8  sept.,  p.  1066,  3«  col.)  la  Convention  avait  rapporté  le  décret  de  1792  qui  ne 
b's  permettait  que  dans  le  jour. 

(4)  V.  M.  Gosselin,  Revue  de  la  iVoj'wiandie,  1867,  p.  234,  et  le  procès- verbal  de  la 
T^cunce  de  la  Commune  du  23  floréal. 


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-  375- 

de  département,  district,  tribunaux,  juges  de  paix,  commissaires  de 
police,  accusateur  public  ,  décorés,  chef  de  légion  ,  adjudants 
généraux,  Porlier,  secrétaire  de  Tétat-major,  rouliers  passant 
debout,  voyageurs  et  voitures  de  poste  ;  —  de  laisser  librement 
entrer  ceux  qui  se  présenteront,  mais  de  les  empêcher  de  sortir  une 
une  fois  entrés. . . 

On  devait  battre  la  générale  à  deux  heures,  le  rappel  à  trois 
heures,  commencer  les  visites  à  quatre  heures  et  les  groupes  de 
perquisitionnaires  opérer  simultanément  pendant  que  la  ville  serait 
cernée,  encore  bien  que  les  opérations  dussent  s'effectuer  non  seule- 
ment à  l'intérieur  de  la  ville,  mais  en  dehors  des  murs.  Pillon  fait 
observer  que  c'est  en  se  pénétrant  bien  de  l'esprit  des  lois  et  en 
scrutant  sévèrement  les  papiers  des  gens  qu'on  s'en  tirera.  Il  laisse 
bien  peu  de  temps  à  ses  aides  pour  étudier  les  lois  nombreuses  sur 
les  suspects. 

Les  mesures  dont  le  maire  révélait  ainsi  les  préparatifs  au 
dernier  moment  avaient  été  précédées  au  moins  d'un  incident  grave 
qui  pourrait  expliquer  sinon  justifier  que  ces  mesures  et  l'exécution 
impitoyable  de  la  loi  du  27  germinal  étaient  imposées  à  la  commune 
ou  rendues  nécessaires  par  les  projets  et  les  menaces  des  violents. 
M™«  de  Chastenay  raconte  que  1'  «  obligeant  Cabissol  »,  avec  M™«  de 
la  Borde,  vint  —  peut-être  le  22  floréal  —  à  la  nuit,  «  avertir  qu'à 
minuit  le  complot  était  de  massacrer  tous  les  nobles,  comme  de  fait 
hors  la  loi  ».  A  minuit,  eflEectivement,  le  tocsin  retentit  au  beflEroi 
de  Saint-Ouen,  d'où  un  vif  émoi.  On  parut  s'en  prendre  à  un  incendie 
imaginaire  qu'on  fit  semblant  d'éteindre  et  le  silence  revint.  «  Quel- 
ques méchants  esprits  »  avaient  voulu  soulever  le  peuple  contre  les 
nobles  à  ce  signal,  et  M™*  de  Chastenay  écarte  tout  soupçon  de 
connivence  contre  le  comité  de  surveillance,  dont  les  membres  «  à 
un  ou  deux  près  »  étaient  comme  le  peuple  de  Rouen  tout  à  fait 
incapables  de  desseins  sanguinaires  (1).  Elle  ne  parle  pas  de  la 
commune,  qui  comptait  des  membres  tels  que  Le  Boucher,  Tamelier 
et  autres,  incapables  d'entrer  dans  un  plan  où  il  put  être  question 
de  massacre.  Cette  imputation  n'a  pas  plus  d'autorité  que  celle  des 

(1)  Mémoires  et  t.  cités,  t.  I«s  pp.  204-205. 


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-  376  — 

rapports  des  commissaires  des  sections  de  Tan  III,  où  Ton  veut  voir 
dans  la  battue  du  24  floréal,  une  boucherie  départementale. 

8iblot  n'est  pas  là,  en  ces  heures  auxquelles  le  maire  s'(3fforce 
de  donner  de  la  solennité.  C'est  dans  Guimberteau,  ce  «  bon  enfant  » 
comme  l'appelle  M™*  de  Chastenay,  que  Pillon  et  ses  amis  trouvent 
«  Thoramede  la  révolution,  qui  les  approuve  et  les  seconde  (1).»  Et  le 
véritable  inventeur,  l'instigateur  de  la  battue  pourrait  bien  avoir 
été  le  bonhomme  montagnard  Guimberteau.  N'avait-il  pas,  trois 
mois  auparavant,  en  une  miraculeuse /)^cAe  révolutionnaire,  recueiUi 
199  suspects  à  Tours,  ville  qui,  alors,  ne  comptait  guère  que  le  cin- 
quième de  la  population  de  Rouen  !  (2). 

Les  dispositions  si  minutieusement  arrêtées  n'évitèrent  pas  des 
inconvénients,  sans  doute  prévus.  Ainsi,  le  24  floréal,  divers  citoyens 
des  communes  rurales  arrêtés  aux  portes  de  la  ville  «  par  la  mesure 
de  sa! ul public  -prise  par  la  commune  révolutionnaire  de  Rouen,  » 
étaient  entendus  au  district,  dans  une  séance  non  publique,  où  ils 
étaient  veims  demander  des  permis  pour  retourner  chez  eux.  Le 
district  leur  donne  des  permis  pour  passer,  mais  bientôt  on  vient 
lui  dire  que  nonobstant  les  permis,  ces  citoyens  sont  encore  retenus. 
Il  faut  que  le  district  aille  conférer  avec  la  commune  «  sur  les  moyens 
de  concilier  les  besoins  de  nos  frères  des  campagnes  avec  l' exécution 
de  la  loi.  »  (3) 

Cependant,  les  choses  s'étaient  passées  au  gré  du  maire,  si  l'on 
en  croit  son  compte-rendu  de  la  séance  du  25  au  soir.  Le  Boucher,  un 
membre  du  comité  de  surveillance,  Barbarey,  et  le  substitut  Arvers, 
s'étaient  tenus  en  permanence  dès  le  début  de  l'expédition,  pour 
dresser  procès-verbal  et  prendre  les  noms  de  tous  les  suspects 
envoyé?  devant  eux.   Dans  cette  séance  du  25,  on  désigna  pour 

iïj  neg.  de  IHôtel-de-Ville. 

{"Il  Suivant  une  lettre  d'un  commissaire  envoyé  de  Paris  à  Tours,  la  mesure  avait 
etê  nmi'^rtée  avec  lui  et  Guimberteau  (Moniteur  du  16  nivôse  an  II,  p.  427,  col.  4™, 
st'iitii  r  de  la  Convention  du  14  nivôse).  Une  adresse  de  la  Société  populaire  de  Tours, 
ïju  II)  pluviôse  explique  que  ces  199  prétendus  contre-révolutionnaires  étaient,  en 
pn^^iîuu  totalité,  des  soldats  de  la  1'«  réquisition,  des  femmes  et  des  enfants  qui  sui- 
Mù^^wi  J  armée,  et  qu'à  peine  il  s'y  trouvait  un  ou  deux  hommes  suspects  (Communica- 
liun  dt-  M.  Dazallier,  procureur  de  la  République,  à  Tours,  qui  publie  un  travail  sur  la 
ré  vu  lui  ton  en  Touraine). 

\^)  Reg.  du  district. 


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—  877  — 

former  trois  commissions  chargées  d'interroger  les  détenus  aux 
Gravelines,  neuf  membres  du  conseil  (1),  lesquels  s'adjoignirent  trois 
membres  du  comité. 

Ces  commissions,  puis  le  conseil  général  de  la  commune,  devant 
lequel  toutes  les  personnes  arrêtées  furent  interrogées  en  séances 
particulières,  activèrent  leurs  travaux  dont  les  résultats  paraissent 
peu  concorder  avec  l'allocution  satisfaite  du  maire  après  la  battue. 
Pillon,  en  effet,  y  annonçait  que  quatre  cents  personnes,  et  plus, 
avaient  été  arrêtées  et  conduites  aux  Gravelines.  Sans  y  comprendre 
des  religieuses  et  des  personnes  laissées  chez  elles  en  arrestation,  il 
était  entré  aux  Gravelines  deux  cent  soi xante-et-onze  personnes  (2), 
chiffre  que  les  interrogatoires  suivis  de  mises  en  liberté  des  com- 
missions et  du  conseil  réduisaient  à  cent  soixante-quatorze. 

Le  26  floréal,  on  décide  que  les  interrogatoires  de  ceux  qui  res- 
t'^ront  détenus  seront  envoyés  à  l'accusateur  public  du  tribunal  de  la 
Seine-Inférieure,  à  l'exception  de  ceux  qui  constateront  des  délits 
contre-révolutionnaires,  qui  seront  envoyés  à  Paris. 

La  chronique  locale  du  Journal  de  Rouen  mentionna  ces  visites 
domiciliaires,  dont  se  glorifiait  la  commune,  et  rendit  hommage  au 
zèle  et  à  l'activité  avec  lesquelles  elles  s'étaient  faites,  et  qui  avaient 
mérité  à  la  garde  nationale  et  aux  gendarmes  de  justes  éloges  (3). 

Plus  tard,  après  thermidor,  à  la  fin  de  germinal  an  III,  la 
10*  section  accusait  les  terroristes  d'avoir  voulu  pousser  les  choses 
plus  loin.  L  accusateur  public  n'ayant  pas  obéi  à  leurs  inspirations, 

(1)  Le  Boucher,  Le  Bas,  Barthélémy,  Camus,  Long,  Delafosse,  Legras,  Thibault  et 
Nos. 

(2)  Il  semble  résulter  des  procès -verbaux  des  commissions  que  pour  vingt  per- 
sonnes on  s'en  rapporte  au  conseil  de  la  commune,  une  vingtaine  d'autres  sont  ren- 
voyées au  tribunal  de  police  ou  au  comité  de  surveillance,  75  sont  mises  en  liberté,  et  155 
restant  arrêtées.  Aucun  renvoi  au  tribunal  révolutionnaire  de  Paris.  Une  seule  étrangère 
fut  arrêtée  ;  quoique  ou\Tière  et  exceptée,  elle  resta  détenue  et  fut  renvoyée  à  l'accusa- 
teur public.  Il  y  avait  à  peu  près  autant  de  roturiers  que  de  nobles  parmi  les  gens 
arrêtés.  Ratiéville,  dont  la  commune  maintint  l'arrestation,  et  qu'elle  déféra  à  l'accu- 
sateur public,  fut  traduit  au  tribunal  révolutionnaire  de  Paris,  condamné  et  guillotiné 
le  !«»■  thermidor.  L'ex-conseiller  Masseron,  relâché  le  29  floréal,  par  la  commune, 
réincarcéré  depuis,  fut  traduit  aussi  devant  le  tribunal  révolutionnaire,  mais  non 
condamné.  L'un  et  l'autre  étaient  poursuivis  pour  des  causes  auxquelles  la  battue  était 
étrangère. 

(8)  Numéro  du  26  floréal»  pp.  506-507é 


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—  378  — 

îk  auraient  dépêché  à  Paris  Poret  (1)  pour  y  solliciter  une  commis- 
sion populaire  qu'il  y  aurait  obtenue  difficilement.  «  Lamine  était 
Doimné  président  de  ce  tribunal  du  sang  ».  Un  citoyen  de  Rouen 
qui  se  trouvait  à  Paris  aurait  été  instruit  du  succès  de  Poret 
et  aurait  obtenu  de  Robert  Lindet  qu'il  fit  rapporter  l'arrêté 
établissant  cette  commission. 

Raconte-t-on,  dans  des  mémoires  inédits  du  temps,  les  cruelles 
envurs,  les  scènes  déchirantes,  dramatiques,  de  cette  horrible  nuit, 
trop  justement  maudite  et  célèbre  !  Oui,  sans  nul  doute.  En  atten- 
dant les  éclaircissements  des  contemporains,  recueillons-en  un 
indice,  — ^bien  authentique  celui-Jà  et  d'une  suggestive  éloquence, 
—  dans  les  documents  si  discrets  qui  ont  échappé  à  l'œuvre  du 
temps,  et  à  celle  parfois  si  sagace,  si  prévoyante  de  certains 
ailleurs  de  ces  tragédies. 

Une  femme  Farin,  rue  Granger,  raconte  dans  un  interrogatoire 
aî^srz  court  que  d'abord  elle  avait  été  admise  chez  les  citoyennes  de 
Gt  cen  (2),  aux  Gravelines,  avec  une  jeune  fille,  nommée  Bavard, 
depuis  retournée  chez  son  tuteur,  en  ventôse  ;  ensuite,  deux  autres 
petites  filles,  âgées  l'une  de  sept  ans  et  l'autre  de  cinq  ans,  lui  étaient 
confiées  par  ces  citoyennes,  qui  continuaient  à  les  nourrir  ;  elles 
couchaient  dans  la  chambre  de  la  femme  Farin.  Les  réponses  de 
<  elle-ci  ne  furent  pas  jugées  sincères  ;  on  crut  qu'elle  prêtait  son 
nom  aux  institutrices,  dont  l'établissement  avait  été  fermé,  et  on 

il)  Poret,  qui  s'était  marié  le  24  genninal,  se  rendit  effectivement  à  Paris  le 
%  |]M|éal  et  en  revint  le  15  prairial.  Pendant  ce  long  séjour,  il  vit  fréquemment  le 
jtiitntfiliste  Gonjon,  les  députés  Legendre,  Lecomte,  Yger  et  Victor  Lefebvre,  officier 
mihin  ipal.  (V.  une  curieuse  lettre  de  Poret,  du  6  thermidor,  publiée  dans  un /owrnaiwte 
fim  hHtnd  sous  la  Révolution,  la  Normandie,  1895,  p.  868. 

ri)  .I^es  «  six  sœurs  et  citoyennes  de  Grcen  »  étaient  filles  de  Abdenago  Mathéus, 
rlMnalier  de  Green.  autrefois  capitaine  des  gardes  du  roi  d'Angleterre,  mort  au  château 
(lits  .\ Meurs,  le  18  sept.  1784  et  d'Elisabeth  Meydon.  Elles  avaient  abjuré  Thérésie  angli- 
vmii  â  Rouen.  L'une  d'elles  était  née  en  Angleterre  et  avait  été  baptisée  à  dix-sept  ans, 
^u us  condition,  à  Saint-Patrice,  par  l'abbé  Heude,  le  20  oct.  1787  ;  les  autres  étaient 
nkits  en  France  (une  à  Isneauville).  Elles  avaient  quarante-six  pensionnaires  au  12  octo- 
lifr  1793.  Leur  mère,  depuis  vingt-quatre  ans  en  France,  fut  détenue  aux  Gravelines 
jitî^itn'en  frimaire  an  III.  L'une  d'elles  épousa  J.-R.  Ménard,  colon  réfugié  à  Rouen. 
î;ii  ^lé  était  leur  débiteur  de  10,257  l.  qu'il  dut  verser  au  receveur  des  domaines  natio- 
UiKikX  (Arcb.  mpales). 


^ 


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—  379  — 

soupçonna  que  les  parents  de  ces  deux  enfants  étaient  émigrés.  On 
la  retint  en  prison,  d'où  elle  ne  sortit  qu'après  Thermidor.  Or,  les 
deux  petites  filles  se  nommaient  de  la  Luzerne  (1),  et  la  commission 
avait  deviné  une  partie  de  l'effroyable  réalité.  C'étaient  les  enfants 
du  comte  de  la  Luzerne,  émigré,  et  d'une  Montmorin,  et  les  petits 
enfants  de  M.  de  Montmorin,  l'ancien  ministre  des  affaires  étran- 
gères, l'ancien  seigneur  de  Gaillefontaine,  le  proche  parent  des 
Legendre  de'Collandres,  et  du  marquis  du  Hallay.  M.  de  Montmorin 
avait  été  massacré  à  Paris,  à  l'Abbaye,  dans  les  premiers  jours  de 
septembre  1792.  A  la  suite  des  événements  de  cette  date,  M""«  de 
Montmorin,  leur  aïeule,  leur  jeune  oncle  Hugues-Calixte  de 
Montmorin  (2)  et  M™«^  de  Beaumont,  née  Pauline  de  Montmorin, 
leur  tante,  étaient  venus  avec  elles  à  Rouen,  où  tous  furent  recueillis 
par  M.  de  Liancourt.  Quand  leur  hôte  dut  s'enfuir  de  Rouen  (3),  la 
famille  de  Montmorin,  y  laissant  les  deux  petites  de  la  Luzerne, 
avait  accepté  l'hospitalité  de  M.  et  M™*  Sérilly,  leurs 
parents,  au  château  de  Passy-sur- Yonne,  où,  sauf  M°*«  de  Beaumont, 
les  Montmorin  furent  arrêtés  avec  les  châtelains,  et  transférés  à 
Paris.  M""®  de  Montmorin  et  son  fils,  condamnés  à  mort  en  môme 


(1)  L'aînée  des  filles  du  comte  César-Guillaume  de  la  Luzerne  et  de  Victoire-Marie- 
Françoise  de  Monlmorin  de  Saint-Hérem,  était  née  à  Paris  (Saint-Séverin),  le  6  avril 
1786.  (C»*  de  Chastellux,  notes  citées.) 

(2)  Et  non  Antoine. 

(3)  On  rencontre  dans  les  archives  révolutionnaires  rouennaises  nombre  de  docu- 
ments relatifs  à  M.  de  Liancourt  et  à  sa  fuite.  Le  19  août  1792  (époque  de  crise  :  la  veille 
M.  de  Larneth  avait  été  transféré  de  Barenlin  à  Rouen),  deux  hommes  et  une  femme 
sollicitaient  des  passeports,  sur  des  attestations  de  «  M.  Lacretelle,  instituteur  de 
M.  Liancourt  fils,  qu'ils  étaient  attachés  au  service  de  M.  Liancourt,  commandant 
général  ».  La  commune  ne  consentit  à  les  déli\Ter  que  sur  l'attestation  de  M.  de  Liancourt. 
Celui-ci  et  M.  d'Estampes  fils  restèrent  au  château  de  Mauny  jusqu'au  3  germinal,  jour 
où  ils  s'enfuirent  à  la  nouvelle  que  des  commissaires  de  la  Convention  allaient  venir 
les  arrêter.  (Arch.  du  dép*.  Reg.  du  distr.  du  21  messidor.  Interrogatoires  de  Renoult, 
garde,  et  de  Chatin,  professeur  des  enfants  d'Estampes).  Le  6  germinal,  Siblot  ordonnait 
l'arrestation  de  Germain  Rosier,  de  la  commune  de  Mauny  (Eure),  qui  avait  facilité 
cette  fuite  en  achetant  de  M.  de  Liancourt  pour  2,000  1.  de  meubles,  qu'il  avait  payés 
avant  livraison.  Le  25  floréal,  le  comité  de  surveillance  de  Boos  envoyait  au  district  le 
procès-verbal  des  perquisitions  relatives  au  nommé  Larochefoucault-Li€mcoui*t,  et 
rapport  d'une  voiture  de  poste  qui  avait  traversé  les  champs  au  milieu  des  blés.  M.  de 
Liancourt  fut  aussi  recherché  vainement  à  Caen  et  à  Falaise  (21  prairial.  Reg.  de  corr. 
du  distr.  de  Rouen).  Le  18  floréal  an  II,  le  comité  de  sûreté  générale  envoyait  au  district 
charge  de  faire  exécuter  le  mandat  lancé  centre  Larochefoucault  fils  (Arch.  nat.  A  F 
275  ^  60). 


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-  380  - 

temps  que  M*"®  Elisabeth  et  autres,  avaient  été  exécutés  le  21  floréal, 
trois  jours  avant  Tarrestation  de  la  femme  Farin.  M™*  de  la  Luzerne, 
était  morte  le  20,  dans  un  accès  de  fièvre  chaude,  à  l'hôpital  delà 
prison  Saint-Lazare.  M""®  de  Sérilly  avait  obtenu  un  sursis.  Les 
deux  jeunes  pensionnaires  des  demoiselles  de  Green  retrouvèrent 
leur  père  après  la  Terreur  (1).  Une  belle-sœur  de  M°>«de  Montmorin, 
M"^*  de  Tanne  (2)  était  restée  à  Rouen,  où  elle  ne  fut  arrêtée  qu'en 
thermidor.  Restaient  d'autres  amis  de  la  famille  de  Montmorin, 
notamment  les  d'Aubusson. 

D'autres  personnages,  moins  intéressants,  moins  connus, 
évoquant  des  souvenirs  qui  peuvent  paraître  moins  dignes  d'atten- 
tion, comparaissent  devant  les  commissions  des  Gravelines.  La 
citoyenne  Jeanne  Alba,  américaine,  native  de  l'Ile  de  France,  veuve 
depuis  plusieurs  années  de  Louis  Vauvray,  un  parisien  qui  est  mort 
en  allant  à  Pondichéry,  est  âgée  de  trente-six  ans,  vient  du 
Havre,  où  elle  a  été  enfermée  le  23  octobre  1792,  et  se  rendait  à 
Paris,  mais  était  retenue  à  Rouen  par  un  certain  Blin,  son  débiteur. 
On  avait  saisi  sa  correspondance  —  non  suspecte  — ,  assez  suivie, 
ayant  pour  objet  «  des  intimités  de  cœur  et  des  secours  »  à  elle 
frmrnis  par  l'allemand  Waldeck  (3).  Si  elle  ne  trouve  pas  de  secours 
elle  retournera  à  Vannes,  où  elle  a  des  parents.  L'interprète  Savary 
croyait  que  c'était  une  aventurière  ou  qu'elle  cachait  son  nom. 

Pauline  de  Saint-^Etienne,  vingt-sept  ans,  née  à  Versailles, 
s'est  appelée  aussi  Pauline  de  Montbrissey  parce  qu'elle  a  vécu 
plusieurs  années  à  Paris  avec  M.  de  Montbrissey,  lequel  l'avait 
autorisée  à  prendre  son  nom  «  attendu  que  c'était  l'usage  à  Paris  ». 
En  dernier  lieu,  elle  était  la  mai  tresse  du  ci-devant  baron  et  comte 
de  FI ... ,  riche  de  deux  millions  et  ce,  du  consentement  de  sa  femme. 
Il  l'avait  amenée  à  Rouen  et  ne  l'aurait  pas  quittée  sans  les  avis  du 
P.  Lucas,  ex-moine,  du  Mans,  près  la  Flèche.  M.  de  FI. .  •  qui  peut 

(l>  A,  Bardpux,  Pauline  de  Montmoi*in^  comtesse  de  Beaumont.  llevue  des  Deux 
Uifuti's,  15  août  1883,  p.  857  et  suiv.  —  Wallon,  Histoire  du  Tribunal  Révolutionnaire^ 
U  ill,  \i,  407  et  suiv,  (21  floréal  :  Af»»»  Elisabeth  et  ses  compagnons  et  compagnes). 

\i^\  La  fils  de  M"»"  de  Tanne,  ancien  militaire,  avait  émigré.  M»*  de  Tanne,  âgée  de 
iiikiXHniû-et-onze  ans,  transférée  des  Gravelines,  fut  emprisonnée  à  Saint-Lô,  d'où  elle 
sdctil  h.^  38  brumaire  an  III  (Arch.  mpales). 

i3)  II  a  été  question  plus  haut  de  ce  Waldeck  à  propos  de  M.  de  Maldérée. 


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—  381  — 

être  caché  à  Rouen,  dit-elle,  avait  des  émissaires  qui  l'avertissaient 
des  visites  domiciliaires.  Pauline  fut  mise  en  liberté  dès  le  3  messidor. 

Une  histoire  lamentable,  plaisante,  instructive  sinon  édifiante, 
est  celle  de  Jacques  Chalat,  notaire  à  Castries,  résidant  à  Montpellier, 
et  depuis  le  25  août  1793,  à  Rouen,  où  il  est  venu  après  avoir  passé 
et  séjourné  à  Paris,  pour  des  biens  de  religionnaires  fugitifs,  sis  à 
Rouen.  Il  fait  en  cette  dernière  ville  son  service  dans  la  garde 
nationale  et  fréquente  la  Société  populaire.  Il  a  été  fermier  des 
droits  seigneuriaux  de  Castries  et  géomètre.  Il  a  deux  sœurs  cou- 
turières-modeuses  qu'il  ne  voit  pas,  et  un  frère.  Actuellement  ses 
minutes  de  notaire  sont  sous  la  garde  (I)  de  la  citoyenne  Verdière, 
couturière  en  robes,  envers  laquelle  il  s'est  bien  mal  conduit,  d'après 
sa  confession  singulièrement  détaillée.  On  parle  à  Chalat  de  papiers 
cachés  chez  lui  dans  un  matelas,  —  à  son  insu,  dit-il,  —  et  des 
raisons  pour  lesquelles  il  recherchait  un  nommé  Polignac.  Il 
explique  qu'un  nommé  Algier  l'a  chargé  de  recouvrer  trois  lettres 
de  change  sur  Polignac.  Chalat  a  eu  plusieurs  missions  dans 
l'Hérault  et  il  a  un  certificat  de  civisme  de  la  commune  de  Castries. 
Il  voit  souvent  à  Rouen  Grignon,  cafetier  au  coin  de  la  rue  du 
Peuple,  qui  a  tenu  à  Montpellier  le  Café  des  Patriotes,  Il  se  garde 
bien  de  dire  un  mot  de  son  compatriote  SufEenck.  La  commune  de 
Rouen  le  mit  en  liberté  le  9  prairial,  ce  qui  ne  prouve  point  abso- 
lument que  Chalat  n'était  pas  un  conspirateur. 

La  battue  avait  fait  découvrir  la  retraite  de  Jacques  Ferrand, 
imprimeur,  arrêté  pour  émission  de  bons  de  confiance  depuis 
1»  loi  du  8  octobre  1892,  affaire  qui  occupa  les  rouennais  durant 
de  longs  mois.  Le  11  ventôse,  au  moment  où  Périaux  et  Jeannemey 
allaient  clore  l'inventaire,  rue  Ganterie,  au  domicile  de  Ferrand, 
celui-ci,  rentré  à  son  imprimerie  «  pour  un  moment  »,  échappait  à  la 
surveillance  des  deux  sans-culottes  qui  le  gardaient  et  disparaissait 
sans  qu'on  pût  lo  retrouver,  laissant  ses  vêtements  et  une  lettre 
d'adieux  à  sa  femme,  dans  lequel  il  semblait  annoncer  sa  mort  :  «  Tu 
n'as  plus  d'époux,  ton  fils  n'a  plus  de  père,  disait-il.  »  (1) 

(1)  Cet  écrit  existe  dans  les  archives  du  comité  de  surveillance.  Les  deux  sans- 
culottes  (Dubois  et  Legi*ain)  furent  emprisonnés,  puis,  le  25  messidor,  mis  en  liberté. 
Ferrand,  repris,  raconta  que  le  11  ventôse,  il  était  sorti  de  chez  lui  dans  la  campagne 


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—  382  - 

Vers  le  temps  où  s'accomplissent  les  visites  domiciliaires  et  les 
incarcérations  qui  causent  de  mortelles  stupeurs  de  véritables 
paniques  dans  la  ville  et  dans  les  environs,  d'autres  événements  se 
produisent  qui  se  rattachent  par  des  souvenirs  encore  peu  éloignés  à 
l'histoire  de  Rouen  et  de  la  Normandie,  ou  qui  appartiennent  à  This- 
toire  générale  de  la  Révolution. 

M.  de  Fontette,  ancien  intendant  à  Caen,  arrêté  à  Rouen,  le  8 
frimaire,  conduit  h  Saint-Yon,  y  mourait  le  15  germinal  (6  avril 
1794),  par  suite,  affirmait-on,  du  peu  de  ménagements  qu'on  avait  eu 
pour  son  grand  âge,  sa  faiblesse  et  ses  infirmités  (1). 

Un  autre  personnage,  plus  connu  à  Rouen,  où  il  avait  succédé  à 
M.  de  Villedeuil,  en  1787,  comme  intendant  de  la  généralité  (8), 

du  Bel-et-Vent,  près  le  Mont-R*nani,  où  il  avait  passé  la  nuit  et  s'était  endormi  ;  qu'il 
était  revenu  chez  lui  lo  lendemain,  était  resté  dans  sa  chambre  jusqu'au  5  floréal,  sans 
être  vu  des  gardes  entourant  son  domicile.  Depuis,  il  allait  d'une  auborjfe  à  l'autre, 
vingt-quatre  heures  dans  chaque  ;  sept  jours  après,  il  partait  pour  Paris,  logeait  à 
l'hôtel  de  Lyon,  rue  de  Grenelle-Saint-Honoré,  chez  un  membre  du  comité  de  salut 
public  de  la  Convention,  louait  un  cabinet  garni  me  du  Foin,  où  il  se  déclarait  impri- 
meur, couchait  ensuite  trois  nuits  chez  un  de  ses  amis  nommé  Grenet,  employé  au 
bureau  de  la  guerre,  et  consultait  pour  son  affaire  Loyseau,  rue  Guénépaud,  13,  et 
Lafeutrie,  rue  de  la  Verrerie.  Ferrand  fut  transféré  de  la  maison  de  justice  de  Saint- 
Yon  le  4  fructidor  an  H,  en  veilu  d'un  jugement  du  27  thermidor.  Prévenu  d'avoir 
imprimé  des  écrits  tendant  à  la  dissolution  de  la  représentation  nationale  et  au  réta- 
blis.sement  de  la  royauté,  il  fut  écroué  a  Samt-Lô  le  22  février  18C0.  Sur  une  déclaration 
négative  du  jury  du  4  mars  suivant,  on  le  mit  en  liberté  le  même  jour.  Il  fut  de  nou- 
veau détenu  par  mesure  de  haute  police  le  21  juin  1806  à  la  maison  de  justice,  d'où  il 
fut  transféré  à  Saint-Lô  le  20  juin. 

(1)  V.  rapports  des  commissions  contre  les  terroristes,  à  propos  de  Regnault.  —  Du 
18  germinal,  hier  décès,  en  la  maison  d'arrêt  rue  de  Thionville,  quartier  de  rEgalitéde 
Fran(;ois-.lean  Orceau  (  le  nommé  Fontette  ),*  ci-devant  intendant  à  Cacn,  détenu,  àg('*de 
77  ans.  (Etat-civil  de  Rouen).  —  M.  llippeau  (Gouveniemenl  île  la  Not^niaudie,  2*  partie, 
t.  I,  p.  414,  note),  reporte  à  M.  de  Fontette  tout  l'honneur  de  la  mesure  de  suppression 
des  corvées  dont  il  avait  émis  l'idée  avant  que  Turgot  l'eut  appliquée  à  son  intendance 
de  Limoges.  —  M.  de  Fontette,  comme  MM.  de  Villedeuil,  de  Maussion,  d'Agay,  Belbeuf. 
d'Espréménil  et  autres,  figure  dans  une  publication  extrêmement  violente  :  La  chasse 
aux  bêtes  puantes  et  féroces,  p.  23  :  «  Le  sieur  d'Orceau  de  Fontette  :  le  condamne  à 
balayer  la  salle  du  grand  conseil  pendant  le  temps  et  espace  de  dix  années  ;  il  n'est  bon 
qu'à  cela  ».  —  La  commune  de  Rouen  lui  avait  accordé  un  certificat  de  civisme,  le  6 
sept.  1793.  Il  résidait  chez  la  citoyenne  d'Hermanville,  au  sujet  de  laquelle  on  consulta 
le  département  pour  savoir  si  les  femmes  pouvaient  être  témoins. 

(2)  M.  de  Beaurepaire,  invent.  somm.  des  Arch.  de  la  S.-Inf.,  t.  I,  introd.  p.  11  — 
Etienne-Thomas  de  Maussion,  né  à  Paris  en  1751,  avait  épousé  J.-A.-R.  Orléans  de 
Cypierre,  morte  en  1790.  De  nombreux  actes  d'hostilitt'\  pillage,  dénonciations,  etc.. etc. 
se  produisirent  à  Jambeville,  dont  il  fut  victime.  Hamot.  agent  national  deChatou.  s'a- 
charna contre  lui. 


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-  383  — 

M.  de  Maussion,  avait  été  arrêté  à  Ingouville,  au  moment  où  il  allait 
s'expatrier  (1)  ;  puis  le  6  ventôse  (24  février  1794),  était  traduit 
devant  le  tribunal  révolutionnaire,  et  guillotiné,  sans  que  son 
procès  et  sa  mort  eussent  paru  émouvoir  personne  et  sans  qu'on  en 
fit  mention  nulle  part  à  Rouen.  Cependant  l'acte  d'accusation  contre 
lui  relevait,  notamment,  qu'il  avait  accaparé  les  blés  à  Rouen,  fait 
condamner  à  l'infâme  supplice  du  gibet,  Bordier  et  Jourdain  ((  ces 
premiers  martyrs  de  la  liberté  et  de  l'égalité,  en  prenant  des  faux 
témoins  parmi  l'ancien  Parlement  de  Roued  »  ;  qu'il  avait  émigré  en 
allant,  en  1790,  attendre  à  Rome  les  filles  du  tyran  (2).  Dans  les 
vingt-et-un  témoins  qui  sont  entendus  contre  lui,  aucun  n'est  df3 
Rouen  (2).  Le  7  ventôse,  Fouquier-Tinville  informait  l'agent  national 
du  district  de  la  condamnation  de  Maussion,  afin  qu'on  put  séques- 
trer ses  biens  (3)  et  le  19  ventôse,  l'agent  national  (Cabissol  )  envoifî 
copie  de  la  lettre  de  Fouquier  à  la  commune,  annnonçant,  dit-il, 
l'exécution  d/un  nommé  Maussion,  ci-devant  intendant  (4),  comme 
si  Cabissol  n'avait  pas  connu  naguère  M.  de  Maussion. 

Thouret,  le  constituant,  l'ex-député  de  Rouen,  le  président  du 
tribunal  de  Cassation,  à  qui  la  plupart  de  ceux  de  ses  confrères  —  et 
d'autres  —  entrés  dans  les  administrations,  dans  la  magistrature, 
devaient  leurs  fonctions,  n'eut  pas  sur  M.  de  Maussion  Tavaatttire 
d'une  mention  témoignant  le  moindre  regret,  la  moindre  émotinn 
de  sa  fin  tragique  et  imméritée.  On  sait  que  le  contre-révolutionnaire 
Laflotte,  ci-devant^  aroca/,  devenu  ministre  de  la  République  à 
Florence,  détenu  à  la  maison  d'arrêt  du  Luxembourg,  avait  détioncé 
le  15  germinal,  son  ci-devant  confrère  Thouret  comme  agent  de  la 
conspiration  des  prisons  pour  délivrer  Danton  et  ses  co-accusés  (5)^ 
dénonciation  renouvelée  par  Couthon  dans  la  séance  de  la  Conven- 
tion du  lendemain  (6).  Thouret  fut  détenu  au  Luxembourg.  Son 

(I)  Borély,  Hisl.  de  la  ville  du  Havre,  t.  I,  p.  4.076.  Il  existe  un  pmirti-vei  ï«il 
(l'aiTcstation  de  M.  de  Maussion,  à  la  date  du  29  nivôse,  an  11,  à  Paris,  fbg  S^-îliMutiVj 
place  Beauveau,  maison  de  la  Tour  (arch.  nat.  ). 

1.2)  Arch.  nat.  W.  332,  dossier  550  (volumineux). 

(3)  Arch.  mpales.  M.  de  Maus.sion  n'avait  plus  aucun  bien,  même  meubles,  à  Hniien.. 

(4)  Arch.  mpales. 

(5)  Moniteur  du  16  germinal,  p.  795,  col.  2  ^t  3. 

(6)  id.      du  20  germinal,  p.  810,  col.  1. 


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à 


-  384  - 

interrogatoire,  le  2  floréal,  par  Maire,  Tun  des  juges  du  tribunal 
révolutionnaire,  en  présence  de  Fouquier-Tin ville,  comprenait 
seulement  deux  questions  et  deux  réponses,  outre  celles  concernant 
ses  noms,  âge  et  profession  : 

D.  —  S*il  n'a  point  conspiré  contre  la  souveraineté  du  peuple  en  entre- 
tenant des  correspondances  avec  les  ennemis  intérieurs  et  extérieurs  de  la 
république  et  particulièrement  contre  TuDilé  et  Findivisibilité  de  la 
République. 

R.  —  Qu'il  n'a  jamais  conspiré  contre  la  République  et  que  son  premier 
désir  est  que  la  révolution  démocratique  s'achève. 

D.  —  S'il  a  un  défenseur. 

R.  —  Que  non.  En  conséquence,  nous  lui  avons  nommé  d'office  le 
citoyen  Chanveau  (1). 

L'acte  d'accusation,  aussi  du  2  floréal,  dit  qu'il  n'avait  été 
continué  comme  président  de  l'Assemblée  constituante  jusqu'à  sa 
clôture  que  pour  récompenser  les  services  rendus  au  despote  lors  du 
travail  de  la  révision^  qu'il  ne  s'était  montré  que  comme  l'esclave  de 
la  tyrannie  et  du  despotisme,  et  qu'il  «  paraissait  »  avoir  encore 
conspiré  jusque  dans  sa  prison  et  être  devenu  le  complice  des 
conventionnels  Dillon  etSimond  (2),  déj^  frappés  du  glaive  de  la  loi. 
C'était  plus  que  vague,  et  cela  justifie  pleinement  l'indignation  delà 
postérité  et  les  paroles  éloquentes  de  Beugnot,  adressées  dix  ans  après 
à  l'ancien  collègue,  à  l'ami  de  Thouret,  à  M.  de  Fontenay,  lequel, 
en  l'an  II,  n'avait  pu,  disait-il,  «  que  verser  des  larmes  sur  sa 
tombe.  »  (3) 

(1)  Arch.  nat.  W.  351,  doss.  713,  pièce,  73.  —  La  pièce  65  est  une  lettre  du  comité  de 
sûreté  générale  à  Fouquier-Tinville,  signalant  la  page  14i  du  4«  recueil  Laporte  (pièces 
de  l'armoire  de  fer),  où  il  est  dit- que  Chapelier  avait  eu  avec  ïliouret  et  de  Mcinuer 
une  conversation  au  sujet  de  la  constitution  monarchique. 

(2)  Dillon  et  Simond  condamnés  et  exécutés  le  24  germinal.  fSVallon,  llist.  du  trib. 
révol.  t.  III,  p.  198.)  Arthur  Dillon  était  général  de  brigade  et  n'était  pas  conventionnel. 
C'est  une  erreur  de  Fouquier-Tinville. 

(3)  «  Et  cet  homme,  dont  la  patrie  de  Corneille  et  de  Fontenelle  attendait  encore  de 
la  gloire  et  la  liberté  des  services,  cet  homme  dont  les  écrits  étaient  toujours  des 
modèles  et  les  paroles  d'utiles  leçons,  a  été  immolé  par  des  furieux  qui  ne  le  connais- 
saient seulement  pas  ;  ils  l'ont  envoyé  à  la  mort  sans  motif,  sans  discernement,  et 
comme  des  sauvages  abrutis  détruiraient  l'œuvre  de  Xeuxis  et  de  Praxitèle...  » 
(Discours  du  préfet  Beugnot  lors  de  l'installation  du  maire,  M.  de  Fonlenay,  et  des 
adjoints.  —  Heg.  de  l'Hotel-de-Ville,  séance  du  iO  prairial  an  VIII  (30  avril  1800).  On 
trouve  des  mentions  du  nom  et  des  actes  de  Thouret  un  peu  partout  au  début  de  la 
Révolution.  Dans  les  Artes  rf^  Apôtres,  il  existe  sur  lui  quelques  articles,  notanimei.t 


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—  385  — 

Le  même  acte  d'accusation  s'occupait  de  d'Esprémesnil  (1)  et 
Le  Chapelier  (2),  l'un  et  l'autre  arrêtés  dans  la  Seine-Inférieure,  et 
qui,  avec  Thouret,  furent  condamnés  à  mort  et  exécutés  le  3  floréal. 

Un  rouennais,  M.  Houel,  désireux  peut  être  d'éloigner  de  ses 
concitoyens  de  1794,  les  soupçons  d'ingratitude  et  d'indifférence  que 
pouvait  faire  peser  sur  eux  leur  attitude  silencieuse,  à  la  veille,  au 
jour  et  au  lendemain  de  ces  exécutions,  a  écrit  que  la  tristesse  de  tous 
les  partis  était  évidente  lorsqu'on  apprit  la  mort  de  l'ex-constituan* 
Thouret.  Que  cet  événement  et  tant  d'autres  aient  attristé  de  nom- 
breux rouennais,  cela  n'est  pas  douteux.  Mais  que  les  douleurs  et  les 
regrets  se  soient  à  ce  moment  montrés  jusque  dans  les  procès-ver- 
baux des  administrations,  c'est  une  inexactitude  (3). 

un,  assez  fantaisiste,  dont  il  devrait  être  intéi*essant  d'avoir  la  clef.  C'est  un  prétendu 
rapprochement  historique  où  il  est  question  du  petit  démon  Touret,  qui  représente  la 
Seine-Inférieure  ;  on  y  cite  VHistoirc  de  Guillaume-le-Conquérant^  de  l'abbé  Prévost, 
p.  91,  d'après  laquelle  Mauger,  archevêque  de  Rouen,  avait  un  diable,  qui  s'appelait 
Touret,  par  le  moyen  duquel  il  disait  tout  ce  qu'on  lui  demandait,  etc.,  etc.  La  diablesse 
Thouret  et  un  revenant  nommé  Fitz-James  ont  aussi  une  mention  (n«  201,  p.  9).  — 
Il  paraît  que  le  diable  Touret  n'est  pas  mentionné  dans  l'ouvrage  de  l'abbé  Prévost. 
(Voir  Jntei'médiaire  des  Chercheurs  et  Curieux,  1899).  —  Rivarol  et  Champcenetz,  dans 
le  Petit  Dictionnaire  des  Grands  Hommes  de  la  Révolution  consacrent  à  Thouret 
une  notice  courte  et  peu  bienveillante.  Une  publication  de  1791  lui  donne  le  surnom 
d'aristocrate  gris.  —  Le  38  fructidor  an  II,  sur  la  pétition  de  la  citoyenne  Quillebeuf, 
veuve  de  Thouret,  exposant  que  les  places  de  son  maii  et  la  mauvaise  santé  de  son  fils 
l'obligeaient  à  avoir  un  domicile  à  Rouen  et  l'autre  à  Paris,  et  demandant  que  la  liqui- 
dation des  créances  de  son  mari  fût  faite  à  Paris,  en  réalité  lieu  de  son  dernier 
domicile,  le  district  de  Rouen  estima  qu'il  n'y  avait  lieu  à  délibérer.  -7  Le  reg.  du  direct, 
du  dép.  mentionne  à  la  date  du  6  messidor  an  IV,  la  vente  au  citoyen  de  Madières, 
négociant  à  Rouen,  rue  des  Carmes,  102,  d'une  maison  sise  à  Rouen,  cour  de  l'an- 
cienne maison  commune,  par  21,000  livres.  Ce  devait  être  là  qu'avait  habité  Thouret. 

(1)  C'est  Siblotqui  fit  transférer  d'Esprémesnil  à  Paris,  le  20  pluviôse.  La  maison 
occupée  par  l'anglais  Wild,  qui  fit  tant  de  démonstrations  à  la  Société  populaire,  lui 
appartenait  ;  elle  était  située  rue  Gasparin,  n«  9. 

(2)  Le  Chapelier  parait  avoir  été  arrêté  à  Serqueux,  près  Forges-les-Eaux.  Il  avait 
séjourné  aussi  à  Hambures  (Clais),  chez  l'ex-constituant  Simon.  Siblot  fit  arrêter  Potel, 
maire  de  Serqueux,  le  11  floréal  an  II,  pour  avoir  donné  asile  à  Le  Chapelier,  en  le 
faisant  passer  pour  son  pai-ent  (Arch.  nat.A  F  11 141)  —  Voie  aussi  sur  l'arrestation  de  Le 
Chapelier,  un  intéressant  ouvrage  de  M.  P. -M.  Simon  :  Temps  passé,  Journal  sans  date, 
Dijon,  imp.  Darantiére,  in-12,  p.  325,  note  F.  —  La  famille  Le  Chapelier  parait  être 
d'origine  normande. 

(3|  V.  Annales  des  Cauchois,  t.  III,  p.  397,  où  l'on  renvoie  au  procès-verbal  de  la 
commune  de  Rouen  du  6  floréal,  lequel  ne  s'occupe  pas  de  Thouret.  C'est  le  7  floréal 
que,  présidé  par  Tamelie^r,  le  conseil  entend  lecture  d'une  lettre  du  district  tendant  à 
faire  des  recherches  pour  découvrir  les  propriétés  de  l'ox-constituant  «  qui  vient  d'être 


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—  386  — 

Quant  à  M.  de  Crosne,  prédécesseur  de  M.  de  Maussion  à 
Rouen  (1767-1785),  et  qui  fut  exécuté  le  9  floréal  (28  avril  1794),  la 
nouvelle  de  sa  mort  eut  à  Rouen,  où  il  avait  laissé  tant  de  souvenirs 
de  son  administration,  cette  unique  conséquence  apparente  :  la 
Société  populaire  vint,  le  5  prairial,  dénoncer  au  conseil  général  de 
la  commune  de  Rouen  le  nom  de  Crosne,  «  qui  se  trouvait  dans 
pluî  leurs  places.»  Le  conseil  applaudit  à  sa  démarche,  et,  partageant 
les  sentiments  de  la  Société,  fait  disparaître  «  ce  nom  odieux,  »  qui 
ne  peut  rappeler  que  le  souvenir  de  Tesclavage  et  do  la  ser- 
vitude (1). 

V 

La  battue  du  24  floréal  n'avait  pas  pris  tous  les  nobles  et  tous 
les  prêtres  restés  à  Rouen.  En  prairial,  en  messidor  et  dans  les 
premiers  jours  de  thermidor  eurent  lieu  encore  de  nombreuses 
arrestations  de  suspects  du  dehors. 

L'une  des  plus  émouvantes,  opérée  par  des  agents  du  comité  de 
sûreté  générale,  et  qui  fut  suivie  bientôt  de  la  mort  de  deux  des  per- 
sonnes qui  en  avaient  été  Tobjet,  s'effectuait  le  2  prairial,  dans  une 
maison  jouissant  à  Rouen  d'une  notoriété  justifiée  de  nos  jours  par 

frappé  du  glaive  de  la  loi  ».  Ces  dernières  expressions  n'expriment  ni  le  regret,  ni  la 
pitié.  On  s'en  sert  pour  le  premier  venu  des  guillotinés,  et  Fouquier-Tinville  lui-même, 
les  emploie  à  propos  de  DiUon  et  de  Simond.  —  Le  21  prairial,  le  district  avise  le 
comité  de  surveillance  de  ce  que  Lemonnier,  chargé  de  l'mventaire  des  meubles  •  du 
nommé  Thouret,  tombé  sous  le  glaive  de  la  loi,  vient  d'être  informé  que  le  nommé 
Quillebeuf,  beau-père  du  condamné,  a  déclaré  avoir  en  son  domicile  différents  objets 
appartenant  audit  Thouret...  »  (Arch.  du  dép»).  La  foret  de  Toucques,  provenant  du 
duc  d'Orléans,  et  dont  j'ai  parlé  à  propos  de  l'inventaire  après  la  mort  de  Thouret,  avait 
été  acquise  le  31  juillet  1793  de  J.-B.  La  kanal,  pour  52/60"  et  moyennant  5,085,060  I. 
par  20  personnes  parmi  lesquelles  une  douzaine  de  rouennais  :  Les  deux  De  Fonle- 
nay  (9/60"),  Ribard,  Chaumont,  Ri  ouït,  Grandin  ;  Quillebeuf,  de  Verton,  Gueudry,  les 
deux  Havas  et  Thouret,  ce  dernier  pour  3/60«».  Le  contrat  fut  passé  à  Paris,  chez  A.  de 
Fontenay,  y  résidant  momentanément  à  l'Hôtel  des  Trois-Evêchés,  rue  des  Filles- 
S»-Thomas  (Arch.  nat.  F  7  4.570). 

(1)  Reg.  de  l'Hôtel-de-Ville.  Une  délibération  du  conseil  municipal  "de  Rouen  du 
l«f  novembre  1801  ordonne  que  le  nom  de  Crosne  soit  restitué  à  la  rue  qui  le  portait 
précédemment.  Thiroux  de  Crosne  s'était  démis  de  .ses  fonctions  de  lieutenant  général 
de  police  le  16  juillet  1789,  le  surlendemain  de  la  prise  de  la  Bastille,  jour  où  le  peuple 
se  mit  à  sa  poursuite  et  saccagea  son  hôtel.  On  trouve  de  curieux  détails  biographiques 
sur  M.  de  Crosne  dans  Saint- Elme  :  Biographie  générale  des  Lieutenants  de  Police.p.J^- 
et  suiv.  —  M.  Brette  a  découvert  et  publié  avec  des  détails  sur  la  vie  de  M.  de  Crosne, 
dix-neuf  lettres  fort  intéressantes  de  celui-ci  à  Louis  XVI,  du  20  au  30  avril  1789.  {La 
Révolution  Française^  1898). 


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-  387  — 

uneétude  que  lui  a  consacrée  M.  de  Beaurepaire  (1).  Je  veux  parler 
de  l'hôtel  de  Senneville  ou  d'Aligre,  rue  Damiette,  n*>  30  (n^  41 
en  1794). 

Le  3  prairial,  Casimir  Biot  et  Alexis-François  Gandelot, 
membres  du  comité  révolutionnaire  de  la  section  de  V Homme  armé, 
à  Paris,  chargés  d'un  ordre  du  comité  de  sûreté  générale  et  assistés 
de  Roumy  et  de  Louis  Garaut,  ce  dernier  commissaire  de  police, 
se  présentaient  à  cette  maison,  habitée  alors  par  le  citoyen  Machault 
et  lui  déclaraient  qu'il  était  en  élat  d'arrestation.  Avant  même  de 
l'interroger,  ils  visitaient  ses  papiers  et  ses  meubles,  s'emparaient 
de  dix-huit  lettres,  d'un  grand  portefeuille  en  maroquin  bleu,  brodé 
en  or  armorié,  d'un  autre  en  maroquin  rouge  à  serrure  jaune  fleur- 
delysée,  d'une  couverture  de  livre  armoriée  et  fleurdelysée  avec 
couronne,  d'un  registre  entouré  de  fleurs,  portant  couronne  dans  un 
étui  de  peau,  une  sonnette  de  bureau  en  argent  armorié,  et  un 
cachet  de  constat  en  or.  Après  cela,  il^eut  à  dire  qu'il  se  nommait 
Jean-Baptiste  Machault,  ci-devant  garde  des  sceaux  et  comte 
d'Arnouville,  âgé  de  'quatre-vingt-douze  ans  (2),  ayant  environ 
60,000  1.  de  rente,  trois  enfants  mâles  dont  l'un  était  il  ne  savait  où, 
M.  de  Machault  avait  versé  45,000  1.  pour  sa  part  de  l'emprunt  des 
dix  millions  à  Rouen.  Pendant  qu'on  le  gardait  à  vue,  ils  se  rendirent 
au  premier  étage  où  M™«  de  Machault  leur  fut  représentée  par 
un  «  citoyen  de  confiance  ».  Elle  aussi  fut  mise  en  d'arrestation, 
avec  perquisition-saisie  de  six  lettres  et  d'objets  revêtus  de  signes 
proscrits.  Ensuite  ils  pénétrèrent  dans  l'appartoment  de  sa  petite 
fille  (3),  qu'ils  arrêtèrent  pareillement,  en  lui  annonçant  qu'ils  allaient 

(i)  Nouveau  recueil  de  noies  historiques.  —  Rouen,  E.  Cagniard,  1888,  p.  316.  Noie 
sur  le  logis  de  lord  Clarendon  en  4674. 

(2)  Né  à  Paris,  le  13  décembre  1701.  U  habitait  rue  des  Bonnetiers,  26,  lorsque  le 
19  septembre  1792,  il  exposait  à  la  municipalité  de  Rouen  qu'il  désirait  prêter  le  ser- 
ment prescrit  par  la  loi,  et  qu'il  était  âgé  de  quatre-vingt-onze  ans  et  d'ailleurs  parai  ysè 
ainsi  qu'en  justifiait  un  certificat  de  Lemaire,  chirurgien-major  de  la  garde  natioimle. 
Il  avait  plusieurs  enfants  dont  l'un  se  trouvait  chez  M«»«  de  Choiseul,  en  pluviôse  (v.  plus 
haut),  et  l'autre,  ci-devant  évoque  d'Amiens,  avait  émigré  en  Angleterre.  A  son  arrivée 
à  Rouen,  en  août  ou  septembre  1792,  M.  de  Machault  demeura  d'abord  rue  des  Bonne- 
tiers, n»  26.  (Arch.  mpales.) 

(3)  Jeanne-Marie  de  Machault,  vingt'ans,  née  à  Paris,  femme  de  son  cousin  genjiain, 
L.-J.-B.-F.  de  Machault,  ci-devant  vicomte,  officier  de  dragons,  dont  la  résidence  oi^t 
inconnue. 


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-388- 

la  conduire  à  Paris.  Chez  elle,  ils  ne  trouvèrent  à  saisir  qu'un  paquet 
de  galon  de  livrée. 

Le  lendemain,  4  prairial,  les  sans-culottes  conduisirent  ces  trois 
personnes  à  Paris  (1).  M.  de  Macliault  père  y  mourut  dans  la  prison 
des  Madelonnettes,  le  24  messidor  suivant  (12  juillet)  ;  sa  femme  le 
suivit  de  près.  Elle  ne  s'était  pas  fait  d'illusion  sur  son  sort,  et  le 
jour  même  de  son  arrestation,  elle  avait  fait  son  testament,  de 
Texécution  duquel  on  trouve  des  traces  dans  les  archives  adminis- 
tratives rouennaises. 

Beaucoup  d'autres  célébrités  de  l'ancien  régime  étaient  aussi 
venues  chercher  à  Rouen  sinon  la  tranquilité,  du  moins  une  sécurité 
relative.  M,  et  M™«  de  Laborde-Méréville  (2)  habitaient  Rouen, 
en  dernier  lieu  rue  des  Préjugés- Vaincus,  n^  16  (rue  et  maison  des 
Carmélites^.  Dès  le  7  frimaire  an  II  (27  nov.  1793),  le  mari  avait  été 
arrêté  sur  l'ordre  de  Leclerc,  accusateur  public,  et  en  vertu  d'un 
décret  du  4  du  môme  mois,  et  écroué  à  Saint-Lô.  Le  4  nivôse  (24  dé- 
cembre), il  était  mis  en  liberté  par  ordre  du  même  Leclerc  et  de 
Grenier,  commissaire  du  Comité  de  sûreté  générale  (3). 

M.  de  Laborde,  à  Rouen,  s'occupait  de  mécaniques  ;  il  en  avait 
acheté  neuf,  sur  le  prix  desquelles  il  redevait  400  livres  à  Nicolas 

(1)  Arch.  mpales.  On  leur  adjoignit  Charles-Henri-Louis  Machault,  car  tous  les 
ipiatre  figurent  dans  une  liste  de  détenus  envoyés  en  jugement  par  le  comité  de  Salut 
1  public  le  3  thermidor,  insérée  à  la  suite  du  rapport  de  Saladin,  au  nom  de  la  commis- 
îsion  des  ^1  (12  ventôse  an  Ifl)  p.  150.  Aucun  d'eux  ne  fut  condamné.  Le  29  fructidor 
an  II,  les  officiers  municipaux  d'Arnouville  demandent  des  renseignements  sur  la 
r-onduite  des  citoyens  et  citoyeimes  Machault  pendant  le  temps  de  leur  résidence  rue 
Domiette,  41  (Arch.  mpales.) 

(2)  Jean-Benjamin  de  Laborde-Méréville,  ex-premier  valet  de  chambre  de  Louis  XV, 
gouverneur  du  Louvre,  fermier-général-adjoint,  député  d'Etampes  aux  Etats-généraux, 
chansonnier  fameux,  était  né  à  Paris  en  1734  ;  ses  chansons  ont  été  réimprimées  à 
Rouen  en  1887.  Il  avait  épousé,  en  1774,  Adélaïde-Suzanne  de  Visme,  née  à  Paris  en 
!753,  lectrice  de  la  reine  Marie- Antoinette,  appartenant  à  une  famille  originaire  d'Au- 
niale,  et  qui  épousa  en  secondes  noces  le  19  mars  1798,  M.  de  Rohan-Chabot,  lA.  de 
Visme,  Registre  de  V église  protestante  d'Oisemont  en  Picardie^  Paris,  A.  Lévy,  1888).  Le 
Irère  de  M"«»  de  Laborde  (A.-P.-J.  Devismes  du  Valgay,  ex-directeur  de  l'Académie 
ruyale  de  musique,  mort  à  Caudebec  en  18i9).  résidait  pendant  la  Terreur  à  Caudebec, 
d'où  il  envoya,  au  Jouimal  de  Rouen  qui  l'inséra  seulement  le  59  Iructidor  an  II,  une 
Prière  à  VEternel^  en  prose.  Devismes  était  venu  au  moins  une  fois  à  la  Société  popu- 
laire de  Rouen.  Pendant  la  détention  de  Midy-Dandé,  il  réclamait  un  tableau  qu'il  avait 
tir-posé  chez  celui-ci. 

(3)  Arch.  mpales. 


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Delalande,  mécanicien,  rue  aux  Chiens,  19,  faubourg  de  l'Egalité  ; 
il  les  avait  placées  chez  la  citoyenne  Dufour,  femme  Sansterre, 
fabricante,  enclos  de  Bellefonds  (1). 

Le  16  floréal,  à  la  séance  de  la  Convention,  Dupin,  député  de 
TAisne,  au  nom  du  Comité  de  finances  et  de  l'examen  des  comptes, 
avait  fait  rendre  un  décret  renvoyant  les  .fermiers-généraux  devant 
les  tribunaux  révolutionnaires  (2).  M.  de  Laborde  était  encore  en 
arrestation  chez  lui  lorsqu'un  nouvel  arrêté  du  Comité  de  sûreté 
générale,  du  18  messidor,  ordonna  qu'il  fut  amené  dans  une  maison 
d'arrêt  à  Paris.  Le  môme  arrêté  s'appliquait  à  Lambert,  ex-agent 
national  du  district  de  Rouen,  ce  qui  ferait  présumer  que  la  mesure  à 
l'égard  des  deux  avait  des  causes  connexes.  Elle  s'exécuta  le  27  mes- 
sidor, au  moins  en  ce  qui  concerne  M.  de  Laborde,  qui  fut  écroué  à 
Paris,  rue  de  la  Loi,  maison  Egalité  (3).  Accusé  de  s'être  «  engraissé 
de  la  substance  du  peuple,  d'avoir  entretenu  des  intelligences  avec  les 
ennemis  de  la  France,  de  manœuvres  à  Londres,  consistant  dans  l'ac- 
quisition en  Francq  des  plus  beaux  tableaux,  etc.,  etc.,  »  M.  de 
Laborde  fût  exécuté  le  4  thermidor  (4). 

Ses  meubles,  estimés  4,427  livres,  non  compris  sa  bibliothèque 
et  un  herbier  qui  furent  déposés  au  muséum  national  de  Rouen, 
semblent  avoir  été  attribués  à  sa  veuve  le  23  prairial  an  III  (5). 


(1)  Arch.  mpales. 

(2)  Moniteitv  de  floréal,  n»  227,  p.  920  et  suiv.  Dupin  avait  été  employé  dans  les 
fermes. 

(3)  Arch.  nationales,  F  7,  4570. 

(4)  Wallon,  ouvr.  cité,  t.  V.  74  et  suiv. 

(5)  Arch.  mpales. 


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—  390  - 


CHAPITRE  QUINZIÈME 


Lêi  oitoyeniiM  à  la  Société  populaire  ;  diicouri  do  la  citoyonno  Mabon.  —  Poroi 
oonoiliatenr.  —  Lot  notairot.  —  Lo  tambour  do  la  § ardo  nationaio.  *  Le  cob- 
mandant  Dachomin,  lo  torgont  Aobé,  lo  capitaino  Oimont  ot  Tadjadant  incol.  — 
Féto  do  l'Etro  Suprémo  —  Adienz  do  Siblot.  -  Arrivéo  du  conyontionnol  Pomma. 
•>  L'ox-cbaptlain  do  Madamo  Adélaido,  tocrétairo  du  tbéâtro  do  la  Républiqao  — 
La  citoyonno  Delillo,  dugaion.—  Bibié  emprisonné.  —  Lamine  attaqué.—  Tbitnllon, 
président  do  la  Société  populaire.  —  Pillon  et  Vemon  arrêtés  à  Paris.  -  Conflit 
entre  la  municipalité  ot  les  agents  du  Comité  do  sûreté  générale. 


Le  concours  de  la  Société  populaire  aux  visites  domiciliaires 
n'avait  guère  interrompu  ses  travaux  d'épuration.  Elle  s'était  enfin 
dotée  d'un  règlement,  jusque-là  inachevé,  quoi  qu'elle  eût  dit  à 
plusieurs  reprises  antérieurement  ;  on  ne  peut  juger  de  l'importance 
de  ce  règlement  que  par  les  quinze  pages  laissées  en  blanc  pour  le 
transcrire  dans  son  procès-verbal  du  9  prairial,  jour  où  la  séance  fut 
levée  à  9  heures  58  décimales  du  soir  (1).  Il  devait  être  imprimé, 
distribué  à  chaque  membre  et  payé  cinq  décimes. 

A  la  séance  du  10  prairial  (29  mai)  (2).  une  députation  des 
citoyennes  des  tribunes  fut  admise,  précédée  d'un  drapeau  tricolore 
et  du  tableau  des  Droits  de  l'Homme.  L'une  d'elles  parla  du  drapeau. 
Deux  autres  couronnèrent  de  lierre  Marat  et  Peletier.  Une  troisième 
offrit  un  bonnet  de  la  Liberté  au  président  (Leroy),  qui  donna 
l'accolade  à  toutes  :  «  Ce  moment  présente  le  tableau  le  plus  atten- 
drissant. Les  tribunes  semblent  se  marier  avec  la  Société  ;  tout  est 


(1)  Soit  onze  heures.  C'est  la  seule  fois  qu'on  fasse  usage  dans  les  registres  delà 
Société  de  la  division  de  l'heure  selon  les  dispositions  de  l'article  11  des  décrets  du 
5  octobre  1793  et  4  frimaire  an  II.  On  sait  que  ces  décrets  réduisaient  à  dix  heures,  ou 
parties,  le  jour  de  minuit  à  mmuit,  l'heure  en  cent  parties  ou  minutes  décimales,  et 
que  la  centième  partie  de  minute  était  une  seconde  décimale.  Cette  réforme  n'était  de 
rigueur,  pour  les  actes  publics,  que  le  i*>^  vendémiaire  an  III.  Le  22  frimaire  an  UI,  1« 
séance  de  la  commune  de  Rouen  fut  levée  à  8  heures  75  minutes. 

(2)  Jeudi  et  fête  de  VAscenHon, 


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un  ;  les  sentiments  se  confondent  et  présentent,  sous  des  groupes  de 
républicains  et  républicaines,  une  confusion  attendrissante  de  frères 
et  d'amis.  »  Discours  du  président,  autre  de  Poret  qui  veut  que 
l'extrait  du  procès-verbal  qui  peindra  cette  scène  et  les  discours 
soient  insérés  dans  NoeL  Le  discours  de  la  députation  est  un  peu 
long  ;  le  président  y  répondit.  Mais  tout  le  succès,  on  le  comprendra, 
fut  pour  la  citoyenne  Mabon,  infiniment  plus  énergique  : 

Citoyen  président,  —  nous  venons  ici,  au  nom  de  toates  les  bonnes 
citoyennes^  vous  offrir  une  faible  reconnaissance  de  notre  amitié  en  mémoire 
des  31  mai  et  2  juin.  —  Noas  vous  dirons  aussi  que  nous  voyons  avec  peine 
rentrer  en  fouie  dans  cette  société  tous  ceux  qui  avaient  le  poignard  levé 
contre  les  patriotes  ;  il  leur  suffit  de  dire  qu'ils  ont  été  trompés  ;  il  semble 
que,  quand  ils  ont  fait  cette  déclaration,  ils  ont  tout  dit.  —  L'homme  de 
bien,  quand  il  adopte  un  principe,  il  est  ferme  ;  on  ne  le  trompe  pas.  N'im- 
porte, nous  leur  pardonnons  ;  le  patriote  pardonne  aisément.  —  Mais  qu'ils 
se  donnent  de  garde,  on  ne  trompe  pas  si  aisément  les  femmes.  <2uoiqu*on 
nous  traite  d*espionnes,  de  mouchardes  et  de  clubistes,  ils  dormiront  que 
nous  veillerons  et  nous  verserons  la  dernière  goutte  de  notre  sang,  comme 
nous  l'aurions  versé  le  31  mai  et  le  2  juin,  si  l'un  de  vous  eut  reçu  la 
moindre  égratignure. . . . 

Les  idées  exprimées  par  «  cette  intéressante  citoyenne  »  provo- 
quent une  discussion  dans  laquelle  sont  développées  «  des  mesures 
plus  révolutionnaires  les  unes  que  les  autres  »  pour  rejeter  encore 
une  fois  delà  Société  tous  les  membres  fédéralisés  et  démissionnaires 
qui  s'y  sont  introduits  en  la  séduisant. 

Une  nouvelle  proposition  de  chasser  tous  les  démissionnaires, 
scissiomiaires,  fédéralistes  et  signataires  de  pétitions  anticiviques 
est  mise  aux  voix  et  applaudie  à  l'unanimité.  Quelqu'un  voudrait 
excepter  les  démissionnaires  effrayés  par  les  fédéralistes  infestant  la 
Société  au  31  mai  ;  mais  l'ordre  du  jour  et  la  motion  de  chasser  sur 
le  champ  même  ceux  qui  voudraient  excuser  et  défendre  ces  fédéra- 
listes est  adopté.  Les  instigateurs  de  ces  résolutions,  comme  toujours, 
sont  nommés  commissaires  pour  dresser  un  travail  conforme.  Ce  sont 
Pillon,  Poret,  Blanche  et  Lefebvre-Signol.  Poret,  rapporteur, 
expose  le  12  prairial  qu'outre  les  51  membres  coalisés,  il  y  a  eu 
158  démissionnaires  particuliers.  Il  distingue  los  démissionnaires 


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seulement  pour  composer  une  société  disposée  à  terrasser  les  fédé- 
ralistes, puis  les  scissionnaires  qui  voulaient  rompre  avec  les 
Jacobins.  Pour  établir  la  liste  des  signataires  de  pétitions  anticivi- 
ques, Eudeline,  Mabon,  Gaillon  et  Barbarey  sont  adjoints  à  la 
commission.  On  décide  de  suspendre  les  démissionnaires. 

Ce  retour  en  arrière,  dont  l'anniversaire  du  31  mai  (12  prairial) 
a  été  l'occasion,  «  met  la  mort  dans  le  cœur  d'une  grande  quantité 
»  de  bons  citoyens  qui  ne  vivent  que  d'angoisse  »  et  Poret,  qui  ne 
vient  pas  aux  séances,  est  invité  à  se  presser  (24  prairial.)  Le  26, 
Poret  veut  ajourner  jusqu'à  leur  retour  de  l'armée  Joly  dit  de  la  Tour, 
Haraneder  et  Lelièvre  fils  (Adolphe),  ajourner  à  neuf  décades 
Anqiietin  le  jeune  (rue  Grand-Pont),  Seyer  et  Dupas  (rue  aux  Ours) 
inactifs  et  absents  en  temps  de  crise,  et  Lelièvre  père,  signataire  de 
l'Adresse  des  4,000  ;  à  quatre  décades  :  Maze  (rue  de  la  Raison) 
souvent  absent  ;  à  six  mois  Adeline  le  jeune,  pour  son  indifférence. 
(Adopté).  Sont  aussi  ajournés  :  Fournot,  Lemercier,  Lebourgeois, 
Fournier,  directeur  des  poids  et  mesures,  démissionnaire  au  31  mai 
et  soupçonné  d'intrigues  ;  Bigot,  Asselin.  Caudron  fils  est  déclaré 
indigne  de  rentrer.  Malatiré,  alors  assesseur  de  juge  de  paix,  est 
réadmis  parce  qu'on  ne  croit  pas  que  c'est  lui  qui  a  signé  l'adresse 
des  4,000  et  qu'on  pense  qu'on  lui  a  extorqué  sa  signature  pour  celle 
des  51. 

Colonge,  notaire,  est  d'abord  ajournéà  six  mois,  pour  son  indiffé- 
rence et  son  absence  en  temps  de  crise,  et  pour  n'avoir  rendu  aucun 
service  à  la  Société.  Il  lit  un  mémoire  ;  on  le  renvoie  à  la  commission; 
quoiqu'il  se  fut  disculpé  du  reproche  d'avoir  discrédité  les  assignats, 
la  Société  l'ajourna  jusqu'à  la  paix.  A  propos  de  ce  notaire,  signa- 
lons que  deux  de  ses  confrères,  moins  heureux,  furent  détenus 
à  Saint- Yon  :  Delabarre  (1),  du  31  août  1793  au  12  fructidor  an  II, 

(1)  Philippe  Delabarre,  37  ans,  rue  de  la  Cigogne,  notaire  depuis  quatre  ans  à  Rouen. 
Un  arrêté  du  département  du  3  février  1793,  l'avait  destitué  par  suite  de  refus  de 
certificat  de  civisme  par  la  Commune,  en  janvier  précédent.  Le  département  le  réintégra 
dans  ses  fonctions  le  7  germinal  an  II!.  Dans  une  note  de  police  de  la  fin  de  l'an  Vil, 
on  le  dit  «  notoirement  connu  pour  être  l'ennemi  du  gouvernement,  chargé  des 
»  affaires  des  émigrés  et  de  tous  ceux  qui  ont  une  opinion  analogue.  11  est  réputé  faire 
»  dire  la  messe  chez  lui  ;  et  il  avait  des  registres  clandestins  où  des  mariages,  nais- 
»  sances  et  décès  sont  enregistrés.  »  (Arch.  du  département.) 


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-  393  -- 

et  Marc  (1),  du  29  prairial  an  II  au  3  vendémiaire  an  III,  l'un  et 
l'autre  pour  incivisme  et  aristocratie  (2). 

La  Société  reprend  l'épuration  de  rétat-Daajor  de  la  garde 
nationale,  opération  si  longue  qu'il  est  impossible  d'en  donner  un 
aperçu  et  de  mentionner  rien  de  plus  que  les  observations  de  la 
Société  à  la  commune  sur  l'uniforme  du  tambour-major,  qu'elle 
considère  comme  inconvenant  dans  le  système  de  l'égalité  ;  elle  en 
demande  la  suppression,  parce  qu'il  ne  fait  que  rappeler  le  souvenir 
de  l'orgueil  et  de  l'ostentation  des  tyrans,  et  propose  de  le  remplacer 
par  un  autre  d'un  goût  simple  et  analogue  au  régime  républicain  (3). 

Cette  épuration  des  a  militaires  »  était  si  mal  conduite  par 
Poret,  qu'elle  maintenait  dans  leurs  grades  des  démissionnaires  de 
la  Société.  Inspiré  par  quelque  calcul  politique,  Poret  indique  alors 
«  énergiquemont  les  moyens  de  ramener  tous  les  citoyens  qui  n'ont 
été  que  trompés  et  égarés  et  de  leur  donner  l'espoir  de  fraterniser 
avec  la  Société  par  leur  zèle  et  leurs  sacrifices.  Il  s'ensuit  une  réso- 
lution ajournant  à  six  mois  tous  les  anciens  membres  de  la  Société 
démissionnaires  ou  scissionnaires  ou  rayés  pour  absence  et  autres 
causes.  Les  officiers  de  la  garde  nationale  sont  simplement  ajournés 
jusqu'au  rapport  les  concernant,  mais  conservés  dans  leurs  grades. 

Une  telle  variabilité  dans  la  jurisprudence  de  la  Société  soulève 
de  vives  critiques  le  28  prairial.  Vainement,   Poret  revient  à  la 

(!)  Pierre  Marc,  49  ans,  nie  de  l'Ecole,  32.  Il  était  marié  à  M.-M.-F.  Maillard,  et 
avait  trois  enfants.  Les  scellés  furent  apposés  chez  lui  où  Ton  trouva  25  jetons  d'argent 
«  aux  armes  de  la  ville  et  à  face  de  tyran  ».  Dans  une  pétition  du  18  vend,  an  III,  il  dit 
que  la  tyrannie  l'avait  mis  en  détention  et  que  la  justice  l'en  a  fait  sortir.  (Aroh. 

(2)  Un  arrêté  du  département,  de  1791,  avait  fixé  à  dix  le  nombre  des  notaires 
à  Rouen.  D'après  un  autre  arrêté  de  la  même  administration  (21  prairial  an  V)  la  loi  sur 
l'organisation  du  notariat  du  6  oct.  1791,  n'avait  pas  encore,  en  l'an  V,  reçu  aucune  exécu- 
tion ;  les  concours  qu'elle  ordonnait  n'avaient  point  eu  lieu.  Le  16  thermidor  suivant, 
Rcculard,  successeur  de  Legingois,  nommé  le  9  messidor  par  le  département  qui,  la 
veille,  avait  pourtant  déjà  nommé  à  cette  place  Malandain,  est  avisé  qu'il  n'a  aucun 
caractère  public  et  qu'il  ne  peut  instrumenter  à  peine  de  fav.x,  le  département  ayant 
outrepassé  ses  pouvoirs,  d'après  le  ministre.  Les  registres  du  département  renferment 
quelques  décisions  curieuses  louchant  le  choix  des  notaires.  V.  not.  celle  du  3  floré€d 
an  II,  au  sujet  du  choix  du  successeur  de  Varengue,  notaire  à  Saint-Saens,  entre 
Varangue  fils  et  Semichon,  alors  juge  à  Neufchâtel. 

(3)  Le  tambour-major  se  nommait  Delaroche.  Le  5  vendémiaire  an  III,  la  commune 
élève  son  traitement  de  1 ,000  à  1,500 1. 


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tribune.Une  discussion  «  lumineuse  »  aboutit  à  décider  qu'une  fois  de 
plus,  les  épurations  auront  lieu  devant  le  représentant  du  peuple. 
On  conserva  J.-F.  Duchemin,  commandant  du  11®  bataillon,  encore 
bien  qu'il  eût  dit  que  tous  ceux  de  son  bataillon  étaient  des  lâches, 
mais  on  fit  remplacer  Laurent  Aube,  sergent  du  même  bataillon, 
qui  ne  pouvait  commander  à  des  républicains  parce  qu'on  lui 
reprochait  d'être  un  fanatique,  de  fermer  sa  maison  les  ci-devant 
dimanches,  de  faire  fêter  à  ses  enfants  ces  jours-là  et  aussi  le 
ci-devant  jour  de  Pâques.  Osman  (1),  capitaine  du  12«  bataillon,  dut 
être  destitué  de  son  grade  pour  avoir  blâmé  les  décrets,  fréquenté 
assidûment  le  café  Louis  XIII,  qui  n'était  composé  que   d'aris- 
tocrates, et  d'y  avoir  fait  des  repas.  A  noter  aussi  le  procédé  excep- 
tionnel à  l'égard  des  officiers  du  9^  bataillon,  capitaine  Lamelle, 
qui   s'étaient  distingués  lors  de  la  destruction  de  la  Bourse,   et 
qui  sont  tous   conservés...,  sauf  Le  Couteulx,  commandant,  et 


(1)  Ou  Ossemann  père,  marchand  drapier,  rue  de  la  Grosse-Horloge,  vis-à-vis 
Saint-llerbland,  fut  avec  Guérard  de  la  Quesnerie,  Jouanne,  mercier,  rue  Martalnville  ; 
Venard,  ex-procureur,  place  de  la  Hougemare,  Dallet  de  Roncherolles,  Lechevallier, 
mathématicien,  Hurépère,  Delafontaine,  Ânsoult  mercier,  rue  de  la  Grosse-Horloge,  99, 
Villeneuve,  rue  des  Bons-Enfants,  Busingant,  secrétaire  de  la  municipalité  de  Bacque- 
ville,  et  Thiriot,  d'Offranville,  l'objet  d'un  ordre  d'arrestation  signé  de  Duval,  alors 
conunissaire  du  directoire  près  le  département,  le  28  ventôse  an  VI  (18  mars  1798), 
avec  des  prescriptions  rigoureuses,  en  exécution  d'une  lettre  du  ministre  de  la  police 
générale  du  26.  Six  d'entre  eux  furent  arrêtés  et,  le  5  floréal  an  VI,  mis  en  liberté  par  le 
directeur  du  jury.  Les  quatre  autres,  parmi  lesquels  Osman,  prirent  la  fuite.  Une 
note  de  police  de  la  fin  de  Tan  VI  porte  ce  qui  suit  le  concernant  :  t  Colportait  dans 
son  quartier  les  écrits  révolutionnaires  ;  était,  avant  le  18  fructidor,  officier  royaliste  de 
garde  nationale  et  se  comportait  en  homme  qui  veut  la  destruction  de  la  République. 
La  notoriété  a  fait  connaître  que  l'uniforme  (dit  de  Louis  XVIII),  a  été  déterminé  chei 
lui.  Il  a  passé  pour  avoir  été  payeur  d'une  compagnie  de  jeunes  gens  et  enrôler  fncj 
pour  l'armée  royale  de  Normandie.  Il  y  a  euchez  lui  avant  le  18  fructidor  un  exercice 
de  bâtonnistes  ;  son  fils  aîné,  déserteur  du  2«  corps,  a  été  adjudcmt  de  l'armée  royale  de 
Normandie  ».  (Arch.  du  départ»  et  notes  de  l'auteur).  Le  18  pluviôse  an  IV,  le  ministre 
de  la  police  informait  Casenave  de  l'arrestation,  à  Paris,  d'Osman  fils,  en  lui  recom- 
mandant d'en  laisser  ignorer  le  motif  à  son  père  (arch.  nationales,  F.  736,892).  Les  nonis 
de  Guérard  de  la  Quesnerie,  Osman,  Porel,  Plocq  et  autres  sont  de  ceux  dont  l'ab- 
sence dans  le  travail  de  la  Société  atteste  quMl  a  négligé  la  Haute-Normandie  dans  son 
travail  sur  Louis  de  Frotte  et  les  insurrections  Normandes. 


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-  395  — 

Ancel  (1),   adjudant,   à  remplacer  :  le  premier  comme  ex-noble 
et  le  second  parce  qu'il  est  à  Saint- Yon. 


Dans  la  séance  de  la  Convention  du  6  frimaire,  Danton  avait 
annoncé  que  le  peuple  aurait  des  fêtes  dans  lesquelles  il  offrirait  de 
lencens  à  TEtre  Suprême;  cela  n'avait  point  empêché,  le  10  du 
même  mois,  Pillon  de  prononcer  le  discours  où  il  mettait  de  cô(é 
Dieu  pour  lui  substituer  la  Raison,  et  le  24  ventôse  (2),  de  ne  recon- 
naître d'autre  divinité  que  la  vertu.  Cependant,  lorsque  Couthon  eut 
annoncé  un  projet  de  fête  à  l'Eternel  (16  germinal),  les  rouennais 
préparèrent  leur  évolution  vers  le  déisme.  Dès  le  30  germinal,  à 
Notre-Dame,  Ribié  récitait  une  Prière  républicaine  (3).  Aux  pro- 
grammes du  premier  et  du  deuxième  décadi  de  floréal. figure  une 
Prière  à  l'Eternel,  par  Pillon,  maire,  peut-être  la  même  que  celle 
prononcée  le  l^'^  prairial  à  la  fête  de  l'inauguration  du  drapeau 
national  par  le  capitaine  Bien,  du  navire  le  Joseph  (4). 

Le  18  floréal  (7  mai  1794),  en  instituant  les  fêtes  décadaires,  les 
conventionnels  croient  pouvoir  proclamer  que  le  peuple  français, — au 
nom  duquel  ils  avaient  si  aisément  pris  l'habitude  de  trancher  les 
questions  les  moins  prévues  dans  des  pouvoirs  même  illimités,  — 
reconnaît  l'existence  de  l'Etre  Suprême  et  l'immortalité  de 
l'âme,  etc.,  que  le  culte  digne  de  l'Être  Suprême  est  la  pratique  des 

(i)  Jean-Pierre-Simoti  Ancel,  quarante  ans,  ci-devant  procureur  à  la  Cour  des 
Comptes,  puis  «  vivant  d'une  petite  place  au  département  ».  Ecroué  à  Saint- Yon,  pour 
incivisme  et  aristocratie,  le  6  ventôse  an  II,  selon  une  liste,  et  le  9  germinal  selon  une 
pétition;  sorti  en  fructidor  suivant.  Le  28  prairial  an  II,  lors  de  la  levée  des  scellés  sur 
ses  papiers,  on  trouva  :  une  lettre  de  tonsure  à  lui  accordée  le  20  septembre  1776, 
signée  :  Videcoq^  plus  un  diplôme  de  franc-maçon  «  de  réception  »  dudit  Ancel  ;  onze 
vieilles  épées,  dont  une  «  uniforme  »  les  autres  ayant  servi  pour  une  loge  de  maçons, 
ainsi  qu'il  le  déclara  ;  un  fusil,  trois  pistolets,  des  cartouches,  de  la  poudre  et  des 
balles.  Le  15  pluviôse  précédent,  il  avait  été  dénoncé  à  Desmalis  et  Godebin,  préposés 
d'Alquier,  pour  mauvais  traitements  à  des  palfreniers  du  poste  Bonne-Nouvelle.  (Arch. 
mpales  et  reg.  de  la  Société  Populaire). 

(2)  Discours  à  la  Société  Populaire  en  revenant  de  TEvôché. 

(3)  Jowmal  de  Rouen  du  4  floréal  an  II,  p.  414. 

(4)  Cette  prière  est  dans  le*procès*verbal  de  la  Commune  de  cette  date. 


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devoirs  de  Thomme,  résumés  en  un  article.  Ils  maintiennent,  disent- 
ils,  la  liberté  des  cultes  conformément  au  décret  du  18  frimaire  qui, 
on  le  sait,  invitait  tous  les  bons  citoyens  à  s'abstenir  de  toutes  dis- 
putes théologiques. 

La  Convention  ayant  ainsi  «  écrasé  l'athéisme,  monstre  sub- 
versif de  tout  gouvernement,  et  publié  à  la  face  du  ciel  les  grand(îs 
vérités  de  la  nature  »,  reçut  le  29  floréal  de  la  Commune  et  de  la 
Société  Populaire  de  Rouen,  des  adresses  de  félicitations  (1). 

Le  20  prairial,  au  son  des  cloches  du  temple  de  la  Raison  et  de 
celle  de  la  ville,  avec  le  concours  de  toutes  les  autorités  constituées  et 
du  général  de  Beaufort,  la  Commune  célébrait  au  Champ-de-Mars 
la  fête  en  l'honneur  de  l'Eternel,  dont  les  préparatifs  avaient  été 
confiés,  par  un  arrêté  rendu  public,  au  David  de  la  commune  de 
Rouen  (2),  à  Lamine. 

Le  maire  prononce  un  discours  de  circonstance  ;  Guimberteau 
débite  un  morceau  de  son  style  familier,  et  Siblot  (3)  lui  succède  et 
dit  la  prière  à  l'Etre  Suprême. 

Un  hymne  sur  lair  des  Marseillais,  du  citoyen  Renault,  chef 
de  bureau  de  Poret,  donne  une  idée  bien  vague  du  Dieu  restauré 
par  les  révolutionnaires  : 


Défiguré  par  l'imposture 
Nous  avons  rétabli  tes  traits 
Nous  t'adorons  dans  tes  bienfaits, 
Nous  t'adorons  dans  la  nature  (bis) 

Qui  peut  nier  ton  existence  ? 
Qui  doit  craindre  ton  bras  vengeur  ? 
Êourrelé  par  la  consience, 
C'est  le  lâche  oppresseur  lbi$). 

Pillon  tient  à  ce  qu'on  ne  s'y  trompe  pas  : 
L'autel  que  nos  bras  ont  élevé  dans  cette  enceinte,  dit-il,  n'a  rieD  de 
common  avec  ces  monuments  de  la  superstition  et  de  rignorance  que  le  sol 
de  la  liberté  s'est  tiop  longtemps  indigné  de  porter. 

(1)  Reg.  de  l'Hôtel-de- Ville  et  de  la  Société  Populaire.  —  Journal  de  Rouen  du 
i»»"  messidor  an  II.  ' 

(2)  Le  décret  du  18  floréal  chargeait  David,  conventionnel  et  peintre,  du  plan  de 
la  fête  de  l'Être  suprême.  L'arrêté  de  la  Commune  invitant  Lamine  à  élever  l'autel  à 
l'Etemel  est  dans  le  Journal  de  Rouen  du  5  prairial  an  IL 

(3)  Par  erreur,  M.  Gosselin  met  ici  le  nom  de  Duport.  (Revue  citée,  1867,  p.  236). 


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—  397  — 

Ce  B'est  point  une  de  ces  cérômoDies  puériles»  fruit  d'une  imagination 
délirante,  où  l'esprit  des  ténèbres  s'enveloppait  des  nuages  du  mystère, 
célébrait  un  Dieu  vindicatif,  jaloux  et  implacable,  par  des  chants  de  pros- 
cription contre  la  moitié  de  l'espèce  humaine.  Le  règne  des  charlatans  est 
passé.  (1)  Quel  commerce  peut-il  y  avoir  en  effet  entre  eux  et  une  nation 
éclairée  dont  la  foudre  éclate  sur  tous  les  trônes  de  l'Europe,  et  qui,  après 
avoir  brisé  le  sceptre  de  tous  les  préjugés,  proclame,  par  l'organe  de  ses 
représentants,  sa  reconnaissance  envers  l'Etre  suprême  en  consacrant  la 
fête  à  l'Eternel.  Le  flambeau  de  la  raison  a  brillé,  l'ombre  a  cédé  à  la  réalité, 
les  fictions  et  le  mensonge  ont  disparu .... 

Comme  Robespierre,  qui  cependant  ne  parlera  que  le  surlen- 
demain, mais  qui  a  déjà  exposé  son  système  le  18,  Pillon  s'éclaire  du 
«  flambeau  incertain  »  de  Rousseau,  et  pille  Bossuet  (2).  Mais  s'il 
possède  «  ses  auteurs  »  il  semble  n'avoir  pas  même  entrevu  leurs 
contradictions  et  il  oublie  —  ou  ne  veut  pas  se  rappeler  —  Tune  des 
conclusions  de  Jean-Jacques  dans  la  Profession  de  foi  d*un  vicaire 
Savoyard  :  «  Dans  l'incertitude  où  nous  sommes,  c'est  une  inexcu- 
sable présomption  que  de  professer  une  autre  religion  que  celle  où 
l'on  est  né.  »  (3) 

Quelle  fut  la  véritable  impression  des  rouennais  pendant  et  après 
ce  spectacle  ?  Sans  doute,  l'enthousiasme  parut  grand  chez  les 
patriotes,  mais  le  scandale  fut-il  moindre  chez  les  autres,  et  si 
Robespierre  trouva  à  ses  côtés  des  adversaires  et  des  railleurs  dans 
la  journée  du  20  prairial,  «  en  quelque  sorte,  la  consécration  officielle 
de  sa  papauté  »  (4),  que  purent  bien  gagner  en  prestige  et  en  autorité 
le  jeune  et  présomptueux  Pillon  et  ses  amis  politiques  ? 

Le  programme  de  la  fête  pour  Paris,  dont  on  se  fit  «  un  devoir 
de  suivre  les  traces»   (5),  était  parvenu  à  la  Société  populaire 


(1)  Adrien  Pasquier  rapporte  ce  discours  et,  écrivant  sous  TEmpire,  ou  sous  la 
Restauration,  s'empresse  de  mettre  ici  cette  parantiiêse  :  «  Il  est  revenu  ».  — 
(V,  Biographie.) 

(2)  V.  Edgar  Quinet,  la  Révolution,  1"  édition,  in-I8,  t.  ii,  p.  185. 

(3)  id.  id.  id.  t.  i",  p.  131  et  s. 

(4)  Maurice  Gralerolle,  Robespienc,  Paris,  A.  Bellin  et  C-*^,  1894,  p.  357. 

(5)  Reg.  de  la  Société  populaire. 


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le  14  prairial  avec  Y  Hymne  à  V  Eternel  de  Chénier  (1).  Dès  le  19,  les 
les  Hymnes  à  V Eternel  se  succèdent  dans  ses  séances.  Il  en  est  un 
dont  le  succès  s'affirme  d'avantage.  La  «  charmante  voix  »  de  la 
citoyenne  L:mfi;lois  le  fait  écouter  avec  une  émotion  générale,  et 
le  20,  elle  le  chante  deux  fois.  C'est  au  surplus  en  ces  deux  jours  une 
profusion  de  chants  servant  d'intermèdes  à  une  séance  entremêlée 
d'épuration,  de  discussions  sur  le  choix  d'un  concierge  pour  la  prison 
des  Gravelines  (2).  Le  22  a  lieu  un  long  débat  sur  les  drapeaux  dont 
étaient  ornés  les  maisons  le  jour  de  la  fête  à  l'Eternel.  De  bons 
patriotes  les  avaient  ôtés  ;  les  aritocrates,  qui  les  avaient  mis  les 
premiers,  en  avaient  fait  autant  ;  on  eût  voulu  obliger  ces  derniers 
à  suivre  désormais  l'exemple  des  patriotes.  Les  Jacobins" de  Rouen 
n'omirent  point  d'envoyer  une  adresse  à  la  Convention  qui,  en 
proclamant  l'existence  de  l'Etre  suprême,  avait  été  «  l'organe  de 
l'univers  »  (3). 

Malgré  les  magnificences  et  l'entrain  de  cette  manifestation 
à  Rouen,  on  voulut  faire  mieux  encore  à  la  fête  du  26  messidor, 
anniversaire  delà  prise  de  la  Bastille,  de  cet  événement  qui  a  pro- 
voqué ceux  à  jamais  mémorables  «qui  ont  assuré  le  bonheur  et  la 
gloire  du  peuple  français,  en  affermissant  sur  les  bases  de  la  sagesse 
et  de  la  raison,  la  République  une  et  indivisible.  » . . .  (4)  Le  plan  du 
monument  qu'elle  comportait,  dû  à  Lamine,  fut  accueilli  le  23  prai- 
rial (11  juin)  avec  une  grande  faveur  à  la  Commune,  puis  à  la  Société 
populaire  où  le. frère  Lamine  «  de  plus  en  plus  élcctrisé  par  le  Dieu 
de  la  liberté  »,  donne  des  détails  succincts  de  la  superbe  fête  qui  sera 


(1)  Le  député  Lecomte  envoyait  le  22,  à  la  Société,  l'Hymne  de  Désorgiies,  musique 
de  Gossec,  chanté  à  Paris,  le  20,  et  l'invitait  à  le  faire  exécuter  «  pour  jouir  de  la 
lienuté  des  paroles  et  de  la  musique  qui  avaient  fait  la  plus  grande  sensation  ».  On  ne 
voit  pas  (jue  la  Société  ait  suivi  ce  conseil. 

(2)  Les  citoyennes  Pilastre,  veuve  Desvé,  ci-devaiU  chaisière,  Terrier,  habituée 
des  tribunes,  Mauduit,  avaient  demandé  à  être  nommées  concierges.  La  dernière  fut 
dénoncée  comme  fanatique,  et  cependant  maintenue  sur  la  liste  de  présentation,  d'où 
la  Sociétr^  populaire  écarta  la  citoyenne  Joyt,  «  anciennement  négociante,  aubergiste, 
marchftndt'  brocanteuse,  etc.,  etc.,  parce  qu'elle  n'inspirait  pas  de  confiance  ayant  fait 
tant  de  nifHiers  en  si  peu  de  temps  ».  La  Société  proposa  la  citoyenne  Desvé,  remplacée 
peu  nprès  par  la  citoyenne  Sercieux. 

(3)  Jmnmal  de  Rouen  du  i»""  messidor  an  IL 

(4)  id.  du  24  messidor,  p.  105. 


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«  beaucoup  plus  belle  et  plus  industrieuse  que  toutes  celles  qui  ont 
eu  lieu  jusqu'aujourd'hui  ».  En  effet,  d'après  les  relations  officielles 
de  cette  journée,  le  peuple  se  montra  fort  enthousiaste  (1). 

Siblot  n'était  pas  revenu  à  Rouen  dans  la  dernière  décade  de 
prairial  seulement  pour  assister  à  la  fête  de  l'Etre  Suprême,  s'oc- 
cuper des  subsistances  et  activer  l'épuration  de  la  garde  nationale. 
Il  y  aida  le  Comité  de  surveillance  à  prouver  combien  étaient  vaines 
les  illusions  des  nombreux  français  qui  avaient  accueilli  le  décret 
relatif  à  l'Etre  Suprême  «  comme  un  rayon  d'espérance  et  le  gage 
d'une  pacification  prochaine  à  l'intérieur  »  (2).  Aux  arrestations 
ordonnées  par  le  Comité,  il  fournit  l'appoint  d'arrestations  collec- 
tives telles  que  celles  du  maire,  des  officiers  municipaux  et  de  l'ex- 
curô  d'Epreville,  écroués  à  Saint-Lô  le  24  prairial,  de  Ricard,  de 
Servaville  (10  messidor),  Chevrier,  maire  de  Monville  (15  messidor), 
femme  Chauffer,  de  Quatre-Mares  (13  messidor)  (3),  le  maire 
(Tou tain),  l'agent  national  Morel,  et  Vaillant,  greffier  de  la  muni- 
cipalité de  Grugny  (15  messidor). 

Son  séjour  à  Rouen  coïncidait  avec  la  mise  à  exécution  de  la  loi 
du  22  prairial  (10  juin)  réorganisant  le  Tribunal  révolutionnaire  de 
Paris,  parmi  les  jurés  duquel  étaient  introduits  quelques  agents 
venus  naguère  effectuer  des  arrestations  en  Seine-Inférieure.  Le 
Tribunal  recevait  la  mission  de  punir  les  ennemis  du  peuple, 
énumérés  en  des  termes  permettant  d'en  imaginer  à  discrétion,  et 
contre  lesquels  était  édicté  la  mort  pour  peine  unique.  Preuves,  pro- 
cédures, défense,  tout  était  livré  à  l'arbitraire,  et  par  la  plus  étrange 
restriction  aucun  prévenu  ne  pouvait  être  mis  hors  de  jugement  sans 
qu'il  en  eût  été  référé  aux  Comités  de  Salut  public  et  de  Sûreté 
générale  I  Cette  loi,  étrangère  aux  tribunaux  criminels  des  départe- 
ments, leur  inspira  cependant  de  rigoureuses  décisions. 

Siblot  était  encore-là  lorsque  les  poursuites  contre  certains 
suspects  et  surtout  contre  des  prêtres,  reçurent  l'impulsion  com- 
mandée à  peine  de  destitution  des  juges  par  l'article  4  de  la  loi  du 

(1)  V.  Reg.  de  l'Hôlel-de-Ville,  procès- verbal  du  26  messidor,  et  Gosselin,  I^evne 
citée,  1867,  pp.  241-242,  et  Journal  de  Rouen  du  27,  p.  113,  col.  2. 

(2)  E.  Hamel,  Thei-viidor,  2*  édition,  p.  26. 

(3)  Il  la  fit  mettre  en  liberté  le  16. 


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—  400  — 

27  germinal.  Il  put,  avant  de  quitter  Rouen,  hâter  les  jugements  de 
deux  des  trois  émigrés  entrés  en  France,  MM.  de  Herte  (1),  Dela- 
mare  (2),  et  de  Ramfreville  (3),  envers  lesquels  les  jurés  et  les  juges 
rouennais  furent  impitoyables  en  les  envoyant  sur-le-champ  à 
Téchafaud,  non  pas  pourtant  comme  on  Ta  écrit,  «  sur  la  simple 
constatation  de  leur  identité  »  ,  mais  sur  de  féroces  dénonciations 

(1)  Cli.-Germain  de  Herte,  seigneur  de  Ferriéres,  ancien  offlcier  au  régiment 
d'Auxerre,  né  et  demeurant  à  Amiens,  rue  du  Soleil,  dénoncé  par  la  Commune  de 
Rouen  à  l'accusateur  public  le  7  floréal  an  II,  en  même  temps  que  sept  complices  :  sa 
femme,  née  Pingre,  Blin  de  Bourdon,  son  beau-frère,  Cath.  Labbé,  femme  de  chaml  re, 
Ch.  Foloppe  et  sa  femme,  aubergistes  à  la  maison  Pottier,  Jq.  Legagneur,  aubergiste 
à  la  maison  Vatel,  Dubus,  cafetier,  gendre  de  ce  dernier.  De  Herte  fut  condamné,  le 
19  messidor,  et  exécuté  le  même  jour  à  trois  heures  après-midi.  L'acte  de  décès  porte 
qu'il  est  marié  et  père  de  trois  enfants.  Le  nom  de  sa  femme  est  «  inconnu  »  encore 
bien  qu'elle  soit  détenue,  à  Rouen  depuis  six  semaines.  Foloppe  mourut  en  prison  le 
43  prairial.  Les  six  autres  furent  acquittés  le  28  fructidor.  La  correspondance  de 
M""*  de  Herte,  adressée  au  citoyen  Germain,  «  d'un  langage  mystérieux  ».  avait  fait 
découvrir  la  retraite  de  son  mari  ;  elle  lui  avait  procuré  de  faux  passeports  et  certificats 
de  civisme  ;  elle  achetait  des  biens  nationaux  pour  se  donner  une  réputation  de  bonne 
patriote  » .  De  Herte  avait  pris  un  passeport  sous  le  nom  de  Blin  et  un  autre  .sous  celui 
de  Germain,  négociant  à  Saint- Saulieu.  M«»«  de  Herte  fut  transférée  à  Amiens  le  30  fruc- 
tidor. Le  mobilier  confisqué  de  de  Herte,  vendu  à  Rouen  le  27  vendémiaire  an  IIL 
comprenait  une  montre  à  répétition  adjugée  844  L,  à  Lesueur,  fripier. 

(2)  Victor-Alexandre  Delamare,  gendarme  de  la  petite  gendarmerie  »,  fils  d*nn 
ex-garde  du  corps  du  «  tyran  Louis  XY  »,  né  à  Morsan,  arrondissement  de  Bernay,  et 
d'une  Lemachois,  s'était  marié  à  Rouen,  le  29  octobre  1770,  à  M.-A.-L.  Lechandelier. 
Arrêté  à  La  Bouille,  le  26  messidor,  porteur  d'un  faux  passeport,  il  tenta  de  s'ouvrir  les 
veines.  Quatre  jours  après,  il  était  condamné  à  mort  et  exécuté.  Son  décès  fut  déclaré 
par  Louis  Delamare,  officier  municipal,  secrétaire  de  Guimberteau,  et  par  Lizé,  coiffeur. 
Il  ne  laissait  aucun  bien  :  «  J'ignore  en  quoi  consiste  ma  fortune,  parce  que  j'ai  tout 
mangé  »,  avait-il  dit  dans  son  interrogatoire.  Sa  femme,  arrêtée  avant  lui  dès  le 
4  floréal,  fut  détenue  aux  Gravelines.  Elle  avait  un  fils  de  dix-huit  ans,  dont  elle  disait 
ignorer  la  résidence. 

(3)  Ch.  de  Ramfreville  (autrefois  Moinet),  seigneur  des  Noyci*s,  près  Gaillefontaine, 
né  le  18  avril  1778,  marié  à  une  Caqueray  en  1791.  Son  arrestation,  sa  détention  et  son 
procès  mériteraient  une  notice  à  part.  H  fut  arrêté  à  Chaumont  (Oise),  le  surlendemain 
du  jour  où  son  frère  Claude-André  fut  acquitté  par  le  tribunal  criminel.  En  même 
temps  que  lui  se  trouvait  dans  la  prison  de  Chaumont  M.  de  Bongars.  Trahi,  dénoncé, 
Ch.  de  Ramfreville  paraissait  pendant  plusieurs  mois  oublié  dans  sa  prison  de  Rouen, 
lorsque  sa  femme  qui  venait  assidûment  le  voir,  fut  aussi  perfidement  dénoncée  et 
mise  à  la  Tour-aux-Normands  d'où  on  la  soupçonna  d'avoir  voulu  s'évader.  M.  de 
Ramfreville  reconnut  avoir  quitté  le  terri loii*e  français  et  fut  condamné  et  exécuté  le 
11  thermidor,  à  trois  heures  après-midi.  Ses  deux  frères  avaient  émigrè  comme  lui.  Sa 
femme  fut  plus  tard  encore  une  fois  détenue  «  pour  prétendus  faits  d'émigration  »,  par 
ordre  du  bureau  central  de  Paris.  Elle  s'était  rendue  en  Hollande  après  le  18  brumaire 
an  V.  Le  père  de  M.  de  Ramfreville  représentait  M.  de  Montmorin  et  M.  de  Réfuveille  à 
l'Assemblée  de  la  noblesse  du  baillage  de  Caux  en  1789. 


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-  4ai  - 

et  des  aveux  imprudents,  et  après  des  procédures  trop  sommaires. 

Siblot  laissait  pleines  toutes  les  maison  de  détention,  jusqu'à 
celle  des  femmes,  les  Gravelines,  devenue  trop  petite  pour  contenir 
les  détenues  le  19  germinal,  date  à  laquelle  le  département  avait  dû 
mettre  à  la  disposition  du  district  la  maison  de  ((  Marie  »  rue 
d'Arras  (1).  Et  le  28  prairial,  le  Comité  de  surveillance  rappelait 
à  la  commune  qu'à  peine  la  maison  de  Marie  pouvait  contenir  dix 
détenus  et  insistait  pour  qu'on  en  plaçât  aux  Gravelines  (2). 

Le  représentant  du  peuple  pouvait  donc  avoir  le  «  sentiment  du 
devoir  accompli  »  lorsqu'il  termina  sa  mission,  lo  17  messidor,  en 
prévenant  le  district  qu'il  ne  pouvait  plus  correspondre  oflScielle- 
iiient(3). 

Ce  fut  Guimberteau  qui,  le  18,  eut  le  plaisir  de  présenter  à  la 
Société)  populaire  son  collègue  Pomme  (4)  «  ce  républicain 
montagnard  et  révolutionnaire  »  dont  elle  connaissait  ((  déjà  la 
réputation  et  les  vertus  ».  Pomme  prononça  un  discours  «  respirant 
le  plus  brûlant  patriotisme  et  le  plus  énergique  ».  Il  habita  la  maison 
du  citoyen  Midy-Dandé,  détenu  à  Saint-Yon  ;  sur  la  demande  de  la 

Commune  on  fit  monter  cinq  lits  complets  —  les  draps  exceptés 

pour  servir  aux  officiers  attachés  à  Pomme.  Celui  ci,  peu  après, 
parait  s'être  rendu  au  Havre. 

En  fait,  Guimberteau,  dès  le  départ  de  Sautereau,  se  trouva 
investi  des  attributions  de  cehii-ci.  Quelques  jours  avant  le  22  prai- 
rial, un  «  décret  de  la  Convention  ».(5)  dont  se  réjouit  la  Société 
populaire,  avait  prolongé  le  séjour  de  Guimberteau. 

Une  diminution  sensible  des  arrestations  se  produit  en  messi- 
dor, (6)  peut-être  parce  que  Siblot  est  parti,  peut-être  aussi  parce 
que  les  inconvénients  de  ces   agglomérations,   dans    des   locaux 


(1)  Reg.  de  ces  administrations,  arch.  du  dép^  Ârch.  mpales. 
{%  Lettre  signée  de  Gaillon  et  Pinel. 

(3)  Reg.  de  corresp.  du  district. 

(4)  André  Pomme,  député  de  la  Guyane,  alors  âgé  de  39  ans,  célibataire. 

(5)  On  ne  trouve  mention  de  ce  décret  nulle  part  ailleurs  que  dans  les  registres 
de  la  Société  populaire. 

(6)  En  ce  qui  concerne  la  maison  des  suspects  de  Saint-Yon,  il  y  eut  en  messidor 
seulement  31  écrous.  Il  y  en  avait  eu  36  en  vendémiaire,  88  en  frimaire,  33  en  nivôse 
37  en  pluviôse,  51  en  ventôse,  70  en  germinal,  47  en  floréal  et  54  en  prairial. 


-m- 


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—  402  - 

malsains  et  improvisés,  d'individus  souvent  prédisposés  aux  maladies, 
s'étaient  accentués,  sans  qu'on  découvrît  les  moyens  de  les  éviter. 
La  prison  du  Palais  était  encombrée  de  prêtres  et  de  suspects  qu'on  se 
disposait  à  traduire  devant  le  tribunal  criminel,  parmi  l^quels 
Tefifroi,  le  désespoir  et  «  la  putridilé  »  firent  une  douzaine  de 
victimes  (1).  Celte  prison  était  d'une  insalubrité  attestée  par  une 
épidémie  qui  obligea  bientôt  à  Tévacuer  en  partie  sur  l'église  Saint- 
Sever,  devenue,  le  24  prairial,  maison  de  justice  supplémentaire,  et 
si  mal  appropriée  qu'elle  même  inspirait  immédiatement  des  inquié- 
tudes. Les  travaux  d  assainissement  subissaient  des  retards  tels  que 
la  Société  populaire  s'en  émut,  étonnée  qu'un  seul  entrepreneur  fut 
chargé  de  tous  les  travaux  et  que  ces  travaux  n'eussent  pas  été  mis 
en  adjudication  (2). 

Il  semble  que  cet  état  de  choses  ramena  l'attention  sur  les 
détenus  du  24  floréal,  dont  le  grand  nombre  contribuait  aussi  à 
restreindre  celui  des  arrestations  postérieures.  Le  2  messidor, 
Le  Boucher,  officier  municipal,  fait  un  rapporj  sur  les  détenus  des 
Gravelines,  et  propose  de  rendre  la  liberté  à  ceux  que  la  commission 
jugera  dans  le  cas  de  l'obtenir.  Mais,  sur  les  observations  de  l'agent 
national  Poret,  le  conseil  décide  que  ce  projet  doit  d'abord  être 
soumis  aux  Comités  de  sûreté  générale  et  de  Salut  public  de  la  Con- 
vention. La  commission  ayant  accordé  «au  nommé  Duquesne  et  à  sa 
femme  (3),  la  facilité  de  sortir  pendant  quelques  jours  afin  de  leur 
éviter  la  douleur  de  voir  enlever  le  corps  de  leur  fille  morte  dans  cette 
maison,  Le  Boucher  parlait  de  confirmer  cette  mesure,  ou  de  les 
réintégrer.  Ils  durent  revenir  aux  Gravelines  le  lendemain.  Le 
conseil  alla  plus  loin  encore  :  le  15  messidor,  ouï  Baudry,  faisant 

(1)  Parmi  lesquelles  l'abbé  Roussel,  mort  fou,  l'aljbê  Micbel  Rondeau,  ex-curé  de 
Gonneville  (i«f  thermidor),  l'abbé  Beaucbnmp  du  Charmois,  Tévôque  de  Montauban  etc. 

(2)  Rcg.  26  thermidor. 

(3)  Pierre-Jean-Aritoine  Duquesne,  61  ans,  ex-garde  du  corps,  et  M.  A.-T.G. 
de  Brèvedent,  et  leur  (ille,  Marie,  âgée  de  16  ans,  ex-noble,  demeurant  ordinairement 
à  Toutainville,  distr.  de  Pont-Audemer,  et  à  Rouen,  rue  des  Patriotes,  57,  depuis 
février  1792.  Au  24  floréal,  leurs  meubles  étaient  emballés  pour  se  rendre  à  Dieppedalle. 
(Arch.  mpales.)  Duquesne  fut  transféré  le  10  vent,  an  III,  de  la  Tour  aux  Normands 
à  Saint-Lô,  d'où  il  sortit  le  12  brumaire.  Sa  femme  était  entrée  aussi  à  Saint-Lô,  le 
17  vendémiaire. 


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pour  l'absence  de  Poret,  il  ordonna  l'incarcération  aux  Gravelines 
de  37  individus,  mis  en  arrestation  chez  eux  le  24  floréal  (1). 

A  compter  de  ce  moment,  on  rencontre  des  épisodes  multiples, 
dont  le  dénoûment  se  rattache  par  un  point  quelconque  aux  préli- 
minaires du  9  thermidor.  L'un  des  plus  remarquables,  entièrement 
inédit,  est  celui  dont  les  héros  sont  Beauchamp,  secrétaire  du  théâtre 
de  la  République,  la  citoyenne  Ducreux-Delille  (2),  dugazan-corset 
au  môme  théâtre,  et  Ribié,  qui  en  est  le  directeur. . . 

Sur  un  mandat  décerné  par  le  comité  de  surveillance,  le  4  ger- 
minal (24  mars  1794),  Rupalley  arrête  chez  la  citoyenne  Ducreux- 
Delille,  rue  Peletier-Fargeau,  n®  8,  «  Jean-François  Beauchamp  dit 
Charmois,  âgé  de  36  ans,  vivant  de  son  revenu  avant  la  Révolution 
et  maintenant  secrétaire  du  théâtre  à  Ribié  »,  comme  prévenu 
d'incivisme  et  d'aristocratie.  Ce  môme  jour,  Pinel,  membre  du 
comité,  interroge  Victoire  Ducreux-Delille,  âgée  de  19  ans,  actrice 
au  spectacle  de  la  République  à  Rouen,  depuis  fin  septembre  1792. 
Avant  de  venir  à  Rouen,  il  y  a  deux  ans  et  demi,  à  Pans,  au  spectacle 
d'Audinot,  elle  a  fait  la  connaissance  de  Beauchamp,  par  des 
personnes  venant  chez  elle.  Elle  n'a  pas  demeuré  à  Versailles,  ce 
qu'on  lui  demande.  Elle  ne  connaît  pas  à  Beauchamp  d'autre  moyen 
d'existence  que  d'être  secrétaire  chez  Ribié,  et  il  n'est  pas  à  sa 
connaissance  qu'il  ait  desservi  une  chapelle  à  Versailles  ;  elle  ignore 
ce  qu'il  était  avant  d'être  secrétaire  ;  il  a  été  malade  dix  mois  ;  c'est 
elle  qui  a  pourvu  à  ses  besoins  pendant  sa  maladie  ;  elle  ne  sait  s'il 
est  noble  d'extraction  et  ne  connaît  pas  sa  famille  ;  il  a  un  parent 
dans  l'administration  des  domaines  nationaux  à  Paris.  Son  véritable 
nom  est  Beauchamp,  et  elle  ne  sait  pour  quelles  raisons  il  a  pris  le 
surnom  de  Charmois. 

(1)  Reg.  de  THôtel-de-Ville. 

(2)  M.  Bouteiller  la  cite  dans  son  Histoire  du  Théâtre  à  Houen.  \\  parait  y  avoir 
simultanément  deux  actrices  de  ce  nom  à  Rouen.  L'une,  Eulalie  Delille,  au  théâtre  de 
de  la  Montagne  (Cabousse,  directeur),  donne  le  5  frimaire  an  II,  2  chemises,  etc. 
(Reg.  de  la  Soc.  pop.)  Elle  était  chargée  du  rôle  du  jeune  Rousseau  dans  VEnfance  de 
J.'J.  Rousseau,  jouée  au  théâtre  de  la  Montagne,  le  \*>^  jour  des  sans  culottides  an  II, 
et  elle  y  fut  applaudie  (Journal  de  Rouen  du  lendemain).  On  trouve  une  a  Delisle, 
Palais-Royal  »  avec  les  Pauline,  Dugazon,  Saint-Huberty,  Sainte-Amaranthe,  etc.,  dans 
le  Tarif  des  filles  du  Palais-Royal,  suite,  p.  7.  (Bibl.  mpale.  coll.  Lel>er,) 


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-4Ô4- 

La  citoyenne  Delille  fut  provisoirement  mise  en  liberté,  mais 
resta  en  surveillance. 

Le  17  floréal  (6  mai),  Taccusateur  public  avisait  le  Comité  de 
Tordre  qu'il  avait  donné  de  transférer  de  Saint- Yon  à  la  maison  de 
justice.  «  Beaucamp,  dit  du  Charmois,  ci-devant  chapelain  d'Adélaïde 
Capet,  tante  du  dernier  tyran,  comme  prévenu  d'être  resté  sur  le 
territoire  de  la  République,  sans  avoir  prêté  le  serment  exigé  (1). 

Beauchamp  du  Charmois  mourait  le  27  messidor,  en  la  maison 
de  justice,  où  l'accusateur  public  l'avait  immédiatement  fait  trans- 
férer, et  où,  à  deux  reprises,  le  23  et  le  28,  des  agents  du  Comité  de 
sûreté  générale  étaient  venus  pour  lé  prendre  et  le  conduire  à 
Paris  (2). 

L'acte  de  son  décès  rend  plus  mystérieux  encore  un  côté  de  cette 
affaire,  en  le  faisant  naître  le  16  septembre  1759,  à  Saens  (Saint- 
Saêns),  district  de  Neufchâtel,  où  n'existe  nul  baptême  qui  lui  soit 
applicable  (3). 

La  citoyenne  Delille  que  ce  dénoûment  irritait  contre  Ribié, 
dénonciateur  de  Beauchamp,  voulut  venger  celui-ci,  en  dénonçant  à 
son  tour  Ribié,  et  se  rendit  à  Paris.  A  son  retour,  le  25  thermidor, 
un  jugement  du  tribunal  de  la  police  municipale  la  mettait  en  arres- 
tation, ainsi  que  les  citoyennes  Bazin  et  Malherbe,  ses  commensales, 
dont  Tune  avait  la  charge  de  l'enfant  de  la  citoyenne  Delille,  âgés 
de  quatre  ans  et  demi  I 

Elle  excusa  son  absence  en  disant  qu'elle  avait  obtenu  du  régis- 
seur un  congé  de  cinq  jours  pour  rétablir  sa  santé,  et  qu'elle  avait 
retenu  sa  place  pour  revenir  à  Rouen.  La  Commune  mit  les  trois 
femmes  en  liberté,  mais  la  jeune  actrice  dut  aller  à  la  séance  du  len- 
demain entendre  une  remontrance  parce  que  son  absence  avait 
empêché  une  représentation.  Ribié,  l'ayant  assignée  en  8,100  livrer 

(1)  Arch.  nipales.  —  VAlmanach  royal  deilSO,  dans  le  personnel  delà  maison  de 
M°»«  Adélaïde,  ne  comprend  aucun  prêtre  de  ce  nom. 

(2)  Arch.  nat.,  F  7  4570. 

(3)  Arch.  de  l'état  civil  de  Rouen  et  de  Saint-^aëns.  —  Suzanne  Foucault,  couturière, 
naguère  au  service  de  la  citoyenne  Delille  du  Théâtre  de  la  Montagne  {^)  déclare  qu'elle 
connaît  sous  le  nom  de  Baptiste,  l'individu  vivant  avec  celle-ci,  et  employé  dans  les 
vivres  militaires,  et  ayant  un  frère  nommé  Villiot,  dans  l'administration  à  Pans. 
(Arch.  mpales).  S'agit-il  d'une  autre  Delille,  dont  il  est  question  dans  la  note  ci-dessus. 


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-  405- 

d'indemnité  pour  abandon  de  ses  devoirs,  elle  sollicita  Tintervention 
de  la  Commune  qui  so  déclara  incompétente  (1). 

Le  ressentiment  de  Ribié  venait  d'ailleurs  de  ce  que,  détenu 
d'abord  en  la  maison  d'arrêt  du  district  de  Rouen  (2),  par  ordre  du 
Comité  de  sûreté  générale  de  la  Convention,  il  avait  été,  le  17  ther- 
midor, traduit  devant  ce  Comité  pour  y  être  entendu.  Dès  le  3  ther- 
midor, il  obtenait  un  certificat  très  aflSrmatif  de  son  civisme  (3). 
Le  2,  sa  femme  avait  demandé  à  la  Société  populaire  de  suspendre 
son  opinion  sur  le  compte  de  son  mari  jusqu'à  ce  que  les  motifs  de 
son  arrestation  fussent  connus  ;  elle  en  eut  immédiatement  un 
certificat  favorable  (4).  Ribié  resta  peu  de  jours  en  arrestation  à  la 
maison  Talaru,  rue  de  la  Loi,  à  Paris,  où  il  avait  été  conduit.  Le 
comité,  exceptionnellement  facile  pour  un  insigne  patriote,  le  mit 
en  liberté  sur  sa  promesse  de  lui  apporter  la  preuve  de  la 
dénonciation  par  lui  faite  au  substitut  de  l'agent  national 
(  CaflBn-Vernon  )  de  la  commune  de  Rouen  contre  le  nommé 
Ducharmois  (5). 

A  Rouen,  comme  à  Paris,  il  y  avait  au  lendemain  des  grandes 
fêtes  patriotiques  des  surprises  étranges.  Le  rôle  de  Lamine  dans 
la  solennité  du  26  messidor  (14  juillet)  lui  avait -il  suscité  des 
envieux,  ou  réveillait-il  de  vieilles  haines  ?  Peut  être  tout  à 
la  fois.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  Lamine  était  attaqué, 
car  le  27,  à  la  Commune,  après  s'être  félicité  de  trouver  une 
récompense  bien  flatteuse  de  son  temps  et  de  ses  soins  dans 
l'approbation  des  magistrats  du  peuple,  il  passe  aux  traits  enveni- 
més de  la  malveillance  et  de  l'intrigue  sur  sa  conduite  et  la  pun^té 
de  ses  sentiments.  De  vils  calomniateurs  l'ont  dénoncé  au  comité 
de  sûreté  générale  comme  un  spéculateur  avide,  mettant  tout  en 

(i)  Reg.  de  l'Hôtel-de-Ville. 

(2)  Arch.  mpales.  Son  écrou  n'est  pas  sur  le  registre  de  Saint-LÔ. 

(3)  Reg.  de  THôtel-de-Ville. 

(4)  Reg.  de  la  Société  populaire. 

l5)  Arch.  nat.  A  F.  ii  255.  f»»  814  et  949.  Peut  être  trouve-t-on  des  allusions  aux  dif- 
ficultés créées  à  Ribié  par  l'absence  de  Tactrice  Delille  dans  une  pièce  représentée 
au  théâtre  de  la  Montagne  (Cabousse,  directeur),  notamment  le  29  thermidor  :  Le 
Directeur  dam  VembarrcUj  opéra-&ou/fon.  {Joutmal  de  Rouen  de  ce  jour  29.) 


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-  406  - 

usage  pour  s'enrichir,  annonçant  qu'il  avait  faitfortune  à  la  décoration 
du  Temple  à  l'Eternel.  De  pareilles  abominations,  propagées,  font 
courir  des  dangers  à  la  chose  publique  et  aux  patriotes.  Ces  manœu- 
vres liberticides  ne  tendent  qu'à  la  subversion  de  Tordre  social  et  à  la 
division  des  patriotes.  Malgré  ses  dégoûts,  il  ne  cessera  de  pour- 
suivre les  agitateurs  dans  leurs  repaires  ténébreux. 

Poret  vint  à  son  aide  en  rappelant  des  services  bien  connus, 
les  10,000  livres  avancées  par  Lamine  sans  intérêt . . .  et  le  conseil 
rendit  témoignage  au  civisme,  au  généreux  dévoûment  et  aux 
sacrifices  de  Lamine. 

Cependant,  la  République,  mise  en  danger  par  des  attaques 
contre  un  seul  patriote  tel  que  Lamine,  n'était  pas  sauvée  par  le 
satisfecit  accordé  à  celui-ci  par  le  conseil. 

D'autres  graves  déboires  attendaient  les  montagnards  rouen- 
nais,  même  av^nt  le  9  thermidor. 

Dans  la  soirée  de  ce  même  jour  27  messidor,  Pillon  (1)  et  Vemoa 
se  rendaient  à  Paris,  officiellement  à  cause  des  pressants  besoins  de 
subsistances,  besoins  réels,  puisque  le  30,  le  bureau  municipal  leur 
écrit  à  Paris,  au  sujet  de  1,000  quintaux  de  blé  qu'ils  ont  obtenus, 
et  qui  sont  un  secours  trop  faible  (2).  Pillon  répondit  par  une  lettre 
communiquée  au  conseil  le  1®'  thermidor  au  matin.  A  cette  date,  la 
crise  des  subsistances  était  redevenue  menaçante,  et  le  bureau 
d'administration  de  l'hospice  général  avait  été  obligé  d'envoyer 
Milcent  en  mission  pour  cet  objet,  dans  le  district  de  Louviers, 
mission  infructueuse  (3).  La  commune  de  Rouen  était  exposée  aux 
horreurs  de  la  famine  (4). 

Cependant,  il  est  vraisemblable  que  le  voyage  du  maire  était 

(1)  Les  rapports  des  comités  thermidoriens  qualifient  de  faux  la  signature  de  Pillon 
à  la  suite  des  procés-verbaux  des  séances  des  30  et  l«f  thermidor.  Il  suffit  à  cet  égard 
de  rappeler  que  celles  de  MM.  Rondeaux  et  de  Fontenay  sont  apposées  par  mégarde  à 
des  procès-verbaux  d'une  date  postérieure  à  leur  incarcération. 

(2)  Reg.  de  l'Hôtel-de-Ville. 

(3)  Reg.  du  bureau  de  l'Hospice. 

(4)  Délibération  du  département,  en  séance  particulière,  du  12  thermidor,  où  Ton 
envoie  un  courrier  extraordinaire  à  la  commission  des  approvisionnements  de  la 
republique.  —  Les  embarras  résultent  de  ce  que  le  district  d'Yvetot  —  toigours  — 
résistait  d'obéir  aux  réquisitions  à  lui  faites  en  vertu  d'un  arrêté  de  Siblot.  (RegUtre 
du  départemerU,) 


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—  407  - 

motivé  par  plusieurs  autres  raisons.  Le  bruit  de  la  lutte  engagée 
entre  Robespierre  et  les  Comités  était  nécessairement  venu 
jusqu'à  Rouen  ;  les  arrestations  de  Conjon,  de  Ribié,  de  Lambert, 
la  dénonciation  de  Lamine,  avaient  ému  les  montagnards.  Néan- 
moins, leur  principale  préoccupation  n'était  pas  là.  Ils  prévoyaient 
que  Siblot  ne  tarderait  pas  à  avoir  un  successeur  autre  que  Guim- 
berteau,  et  ils  inlriguaient  sûrement  pour  que  le  choix  de  ce  succes- 
seur répondît  à  leurs  vœux.  L'un  des  rapports  des  commissaires  de 
sections  de  l'an  III  prétend  même,  —  sans  être  bien  affirmatif,  — 
qu'ils  étaient  allés  «  solliciter  Carrier  d'honorer  Rouen  de  sa 
présence.  »  Enfin,  pour  ne  négliger  aucune  conjecture,  on  peut 
supposer  qu'ils  étaient  allés  au  Comité  de  sûreté  générale  pour  s'y 
renseigner,  sachant  qu'on  y  élaborait  les  arrêtés  (1)  organisant  les 
commissions  populaires  créées  par  un  décret  du  4  ventôse  et  qui, 
sédentaires  à  Paris,  devaient  juger  tous  les  détenus  des  départe- 
ments. On  verra  plus  tard  qu'accusés  d'avoir  demandé  une  de  ces 
commissions  pour  Rouen,  ils  soutinrent  s'être  opposés  à  ce  qu'on 
en  dota  cette  ville. 

Le  2  thermidor,  la  Société  populaire,  après  un  ballottage  entre 
entre  ThieuUen  et  Houel,  venait  de  nommer  l'un  son  président,  et 
l'autre  son  vice-président,  et  accordait  àl'unanimité  à  Lambert,  alors 
encore  détenu  à  Saint-LA,  une  attestation  de  ses  principes  contre  les 
fédéralistes  et  les  scissionnaires.  Discrètement,  un  membre,  frappé 
de  ce  que,  depuis  quelques  jours,  plusieurs  patriotes  connus  se 
trouvent  en  état  d'arrestation,  exprime  la  crainte  que  la  religion  du 
Comité  de  sûreté  générale  ait  été  surprise,  et  propose  de  faire  à  ce 
comité  une  adresse  pour  la  rédaction  de  laquelle  sont  nommés 
Eudeline,  Houel,  Licquet  et  Leroy,  et  que  porteront  Michaux  et 
Houel. 

Le  lendemain,  pour  la  première  fois,  ThieuUen  préside.  Se 
conformant  au  règlement,  il  se  fait  remplacer  au  bureau  pour 
interpeller  les  secrétaires  (Legrand,  Catteville  et  Cusson)  de  déclarer 
si  l'adresse  délibérée  la  veille  a  été  rédigée.  La  réponse  étant  négative. 


(4)  V.  ces  deux  arrêtés  du  4  thermidor,  pp.  202-203  du  rapport  de  Saladin  au  nom 
de  la  commission  des  21,  du  12  vent,  an  III. 


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—  408  - 

Thieullen  fait  observer  qu'il  considère  cette  adresse  comme 
contraire  aux  principes  révolutionnaires,  comme  opposée  aux  intérêts 
même  des  détenus,  dont  les  noms  ne  sont  pas  mentionnés  encore  ce 
jour-là,  et  aux  maximes  qu'eux-mêmes  ont  professées  à  cette  tribune. 
Il  demande  donc  le  rapport  ou  la  modification  de  cette  délibération 
et,  par  amendement,  qu'à  l'avenir,  dans  toutes  les  discussions  impor- 
tantes, il  soit  différé  au  lendemain  à  prendre  un  parti  définitif, 
lorsqu'il  n'y  aura  pas  péril  immédiat. 

Ce  début  fut  un  succès  pour  Thieullen  dont  la  motion,  discutée, 
fut  admise. 

Les  arrestations  qui  avaient  tant  ému  la  Société  n'étaient  pas 
celles  de  Lambert  et  de  Ribié,  du  2  thermidor.  Une  lettre  adre<*sée  de 
Paris,  le  1®',  par  le  député  Lecomte  à  l'officier  municipal  Carré,  était 
parvenue  à  celui-ci,  qui  avait  dû  la  communiquer  à  la  Société,  à  Poret, 
Thieullen  et  autres,  ainsi  qu'au  bureau  permanent  de  la  commune, 
où  cette  lettre  n'est  censée  apparaître  que  le  lendemain  (1).  Et,  au 
surplus,  la  Société  devait  être  renseignée  antérieurement,  mais  sa 
stupéfaction,  et  sans  doute  aussi  son  effroi,  sont  tels  qu'elle  n'ose 
pas  encore  écrire  dans  son  procès -verbal  les  noms  des  patriotes  qui 
viennent  d'être  frappés,  Pillon  et  CaflBn-Vernon,  le  maire  et  le 
substitut  de  l'agent  national. 

Lecomte  avait  espéré  qu'on  les  élargirait  sur  une  démarche  a  de 
la  députation  de  la  Seine-Inférieure,  »  laquelle,  on  le  sait,  était  alors 
réduite  à  des  personnalités  probablement  bien  peu  influentes  ;  aussi 
s'étaient-ils  adjoints  «  plusieurs  autres  représentants.  »  Les  pre- 
mières réclamations  restèrent  infructueuses,  et,  à  l'heure  où  il  écri- 
vait, on  ne  connaissait  pas  les  motifs  de  cette  arrestation  «  sin- 
gulièrement surprenante  ».  Il  avait  fallu  se  borner  à  insister  pour 
que  les  deux  détenus  fussent  interrogés  et  que  leurs  papiers  fussent 
examinés.  Néanmoins,  résumait  Lecomte,  le  comité  s'était  montré 
disposée  ((  rendre  justice  à  un  compatriote,  calomnié  sans  doute  »  (2). 
Perdait-on  de  vue  Vernon  pour  ne  s'occuper  que  de  la  précieuse 
personne  de  Pillon? 

(i)  Reg.  de  la  Société  populaire  et  de  l'Hôtel-de- Ville 
(â)  Arch.  mpales.  Lettre  de  Lecomte  ;  pièce  originale. 


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-  409-. 

L'ordre  d'arrestation,  daté  du  29  messidor,  sûrement  inconnu 
alors  —  et  peut-être  aussi  depuis  —  des  rouennais,  n'était  pas  de 
sature  à  les  éclairer.  Le  voici  ; 

...  Sur  les  renseigoements  prodaits,  le  Comité  de  sûreté  générale 
arrêté  qoe  Pillon,  maire  de  la  commaoe  deRooeo,  et  Veroon,  substitut  de  la 
Commune,  seront  saisis  et  conduits  dans  la  maison  d'arrêt  dite  Grande- 
Force,  et  que  les  scellés  seront  apposés  sur  leurs  papiers,  après  examen  et 
distraction  de  ceux  qui  seront  trouvés  suspects.  Charge  radmioistration  de 
police  de  Paris,  où  se  trouvent  actuellement  ces  deux  prévenus,  de  l'exécu- 
tion du  présent  arrêté.  Signé  :  Amar,  Vadier,  Louis  (d.  B.-R.).  M.  Bayle, 
Dubarran,  Elie  Lacoste  et  VouUand  (1). 

Encore  bien  qu'il  ne  paraisse  pas  que  ce  soit  la  véritable  cause 
de  la  mesure  prise  contre  Pillon,  notonn  ici  que  le  30  messidor,  le 
même  Comité  enregistrait  «  une  lettre  anonyme  de  Rouen,  du 
28  messidor  :  le  pain  n'est  pas  mangeable.  »  Cette  lettre  est  renvoyée 
à  Lacombe  »  (2).  Signalons  aussi,  à  cette  date  du  30  messidor,  la 
convocation,  devant  ledit  comité,  de  Louchet,  qui  avait  été  en  mis- 
sion à  Rouen  (3). 

Lorsqu'il  eut  à  se  défendre  de  l'accusation  de  terrorisme, 
Vernon  prétendit  que  son  emprisonnement  avait  été  provoqué  par 
une  dénonciation  des  agents  de  Robespierre. 

La  solution  de  cet  émouvant  incident  ne  se  fit  pas  trop  long- 
temps attendre,  et  le  4  thermidor,  les  deux  patriotes  sortaient  de  la 
Grande-Force,  en  vertu  d'un  arrêté  de  ce  jour  signé  des  mêmes 
membres  du  Comité  de  sûreté  générale,  moins  Lacoste,  ordonnant 
leur  mise  en  liberté,  avec  restitution  de  leurs  papiers,  sans  retard  (4). 

Le  5,  Lecomte,  triomphant,  transmet  cette  heureuse  nouvelle 
que  Pillon  et  Vernon  eux-mêmes  confirmaient  à  leurs  frères  du 
conseil  général  de  la  commune.  «  Nous  nous  vengerons  de  nos  dénon- 
ciateurs, écrivent-ils,  en  redoublant,  s'il  est  possible,  d'activité  et 
d'énergie  pour  l'affermissement  de  la  République.  )>  Ils  se  glorifiaient 

(i)  Arch.  nationales,  A  F  u  225,  8°  779. 

(2)  Arch.  nationales,  A  F  n  275.  —  On  verra  tout-à-l'heiire  que  Lacombe  venait 
d'être  envoyé  à  Rouen. 

(3)  Arch.  nationales,  même  carton,  et  reg.  P  262. 

(4)  Arch.  nationales,  .       id.  ^  814. 


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d'avoir  été  cmtionués  pac  Carrier,  Legendre,  Pocholle,  Lecomte, 
Develle,  Albitte,  Loucbet  et  Couthon  (1).  Ils  oubliaient,— peut-être 
l'ignoraient-ils  à  ce  moment,  —  que  Pomme  Yaméricain,  lui  aussi, 
avait  répondu  d'eux  (2).  ' 

La  Société  populaire  sortit  un  peu  tard  de  sa  stupeur.  Son 
registre  ne  révèle  les  nopas  des  deux  victimes  que  le  5  thermidor,  dans 
sa  séance  présidée  par  ThieuUen  : 

La  Société  déclare  à  l'aBanimité  qae  Pillon,  maire,  n'a  cassé  de  bien 
mériter  de  ses  concitoyens,  ayant  touioars  donné,  tant  comme  magistrat  du 

peuple  que  comme  administrateur  des  preuves  de  ces  vertus  civiques 

Ne  connaissant  Vernon  que  depuis  environ  un  an,  époque  où  il  en  a  été 
membre,  déclare  qu*il  s'y  est  toujours  comporté  en  bon  citoyen. 

Le  6,  l'annonce  de  leur  mise  en  liberté  provoque  dans  la  Société 
les  cris  de  :  vive  la  République  !  et  les  acclamations  du  peuple  expri- 
mant ((  la  joie  pure  ressentie  par  les  amis  de  la  liberté.  »  Leroy  et 
Denise  rédigent  une  adresse  de  félicitations  aux  deux  vertueux 
magistrats  du  peuple,  et  une  lettre  de  remerclments  aux  conven- 
tionnels qui  avaient  répondu  d'eux,  et  la  Société  se  rend  aussi 
garante  de  Pillon  et  de  Vernon. 

La  proposition  d'éclairer  le  Comité  de  sûreté  générale  sur  le 
système  qui  h  failli  faire  incarcérer  les  patriotes  les  plus  connus  de 
Rouen,  amène  une  discussion  au  cours  de  laquelle  ThieuUen  cède  le 
fauteuil  à  Thierry.  Il  est  délibéré  que  les  frères  Thierry,  Leroy, 
Denise  et  ThieuUen  présenteront  un  projet  d'adresse  à  faire  par- 
venir à  Lecomte. 

Le  8  thermidor,  un  accueil  enthousiaste  est  fait  à  Pillon  et 
à  Vernon  dans  la  séance  de  la  Société.  Sur  la  demande  d'un  membre, 
le  président  ThieuUen  leur  donne  laccolade.  Les  citoyens  des  tri- 
buneTs  l'imitent  successivement.  Puis  les  deux  patriotes  rendent 
compte  de  leur  arrestation  et  déclarent  «  que  le  calme  de  leur 
conscience  leur  ayant  toujours  rappelé  la  jifôtice  de  la  Convention, 
qui  sait  lever  le  voile  dont  l'intrigue  s'enveloppe,  leur  a  fait 
supporter  constamment  une  détention  momentanée  qui  ne  servira 

(4)  Arch.  mpales.  Lettre  de  Pillon  et  Vernon;  pièce  originale. 
(2)  Reg.  de  la  Société  populaire.  Séance  du  14  thermidor» 


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—  4tl  - 

qu'à  confoDdre  Timposture  et  à  assurer  de  plus  eiiplue  le  triomphe 
de  l'égalité  et  de  la  liberté.  ^)  Le  président  Thieullen  leur  répond  par 
un  discours  énergique  vivement  applaudi  et,  à  la  fin  de  la  séance,  on 
chante  un  hymne  sur  la  mise  en  liberté  de  Pillon,  composé  par  une 
citoyenne  des  tribunes. 

La  réapparition  du  maire  et  de  Vemon  au  conseil  général  de  la 
commune  avait  eu  lieu  dès  le  6,  et  Poret  avait  instruit  Tauditoire  de 
leur  courage  républicain  et  de  ce  que  «  pendant  leur  détention  ils 
n'avaient  cessé  de  faire  entendre  les  cris  de  :  «  Vive  la  République  1 
et  les  accents  du  patriotisme.  » 

Certain  autre  incident  grave,  imparfaitement  connu,  diflScile  & 
éclaircir  et  manifestement  dénaturé  dans  les  rapports  de  Tan  III 
contre  les  terroristes  rouennais,  pourrait  bien  se  rattacher  à  ee 
voyage  ou  plutôt  à  l'arrestation  de  Pillon  et  de  Vemon.  Le  lende- 
main de  cette  arrestation,  le  30  messidor,  le  comité  de  Sûreté 
générale,  s'occupant  plus  que  jamais  des  rouennais  à  l'instant  où  il 
tient  leur  maire  sous  les  verroux,  prend  cet  arrêté  : 

Le  citoyen  Lacombe  (1)  edt  envoyée  Ronen,  fera  riospection  particolière 
des  maisons  de  détention  de  la  ville  de  Rooeo,  prendra  tous  les  ronseigne- 
ments  qu^il  pourra  se  procarer  sar  le  compte  des  individus  qui  sont  arrêtés, 
même  les  interrogera.  Les  autorités  civiles  lui  prêteront  aide  et  assistance 
et  lui  procureront  les  éclaircissements  dont  il  aurait  besoin  sur  sa  réquisi- 
tion et  dressera  procês-verbal  de  ses  questions  qu'il  rapportera  au  Comité. 
—  Signé  :  Louis  du  Bas-Rhin,  Amar,  Elle  Lacoste,  M.  Bayle  et  Voulland  (2). 


(1)  Probablement  le  même  que  celui  qui  le  19  fructidor  an  II,  aux  Jacobins  de 
Paris,  dénonce  «  quatre  intrigants  qui  demandent  la  liberté  indéfinie  de  la  presse  :  le 
premier  Dufoumy,  qu'il  avait  cru  d'abord  patriote....  le  quatrième  Real,  qvi  a 
traité  lui,  Lacombe,  de  mauvais  citoyen.  Lacombe  fut  incarcéré  peu  après.  (Moniteur, 
an  II,  n»  207,  p.  838  et  s.) 

(2)  Arch.  nationales,  A  F  IF,  275,  f»  262.  —  Cet  arrêté  fut  transcrit  dans  le  procès- 
verbal  dé  la  séance  du  district  de  Rouen,  du  8  thermidor.  Sa  date  du  90  messidor  rQ^id 
incompréhensible  le  passage  de  la  3«  section  du  3«  rapport  contre  les  terroristes  d'après 
lequel  la  venue  à  Rouen  des  commissaires  du  comité  de  Sûreté  générale  aurait  déter- 
miné le  voyage  de  Pillon  et  VemOn  à  Paris.  Peut-être  Lacombe,  Toutain  et  Baudoin  étaient- 
ils  déjà  auparavant  à  Rouen.  On  trouve  au  18  messidor  un  ordre  du  Comité  de  Sûreté 
générale  de  fournir  une  voiture  nationale  à  Toutin  et  Baudoin,  allant  à  Rouen  et 
environ,  et  au  30  messidor,  un  mandat  de  2,000  1.  à  Lacombe  pour  sa  mission  dans 
la  Seine-Inférieure.  Quant  à  Toutain,  il  était  venu  à  Rouen  et  au  Havre  en  floréal—  peut 
être  avec  Lormier.  Ce  fut  en  exécution  de  l'ordre  du  18  messidor  que  Toutain,  Baudoin, 
Lacombe  et  Boismarat  vinrent  à  Rouen  le  23  messidor  pour  conduire  à  Paris  Beau- 


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—  412  - 

Lacombe,  accompagné  de  son  collègue  Beaadoin  donne  le  3  ther- 
midor une  réquisition  écrite  à  la  citoyenne  Sarcieux,  concierge  de  la 
maison  de  sûreté  des  Gravelines,  de  leur  indiquer,  sous  vingt-quatre 
heures,  qualités,  demeures,  dates  et  motifs  d'arrestation  de  tous  les 
détenus  de  cette  maison. 

Le  Comité  de  Surveillance  de  Rouen  a  eu  vent  de  cette  dé- 
marche et,  voulant  se  tenir  en  dehors  d'un  conflit  sans  doute  pres- 
senti et  préparé,  il  écrit  le  6  thermidor  au  district  que  ses  nom- 
breuses occupations  ne  lui  permettent  pas  de  surveiller  les  maisons 
nationales  de  sûreté,  et  que,  d'ailleurs,  leur  surveillance  ne  lui 
appartient  pas  plus  qu'aux  autres  comités  révolutionnaires  du  dis- 
trict. Immédiatement,  le  district  invite  la  commune  de  Rouen, 
dans  les  attributions  de  laquelle  rentre  cette  surveillance,  à  faire 
surveiller  les  prisons. 

Or,  le  lendemain,  7,  le  conseil  de  la  commune,  saisi  par  un  avis, 
soit  de  son  délégué  aux  Gravelines,  soit  de  la  concierge,  entend  à  ce 
sujet  le  rapport  d'un  de  ses  membres  et  est  manitestement  très 
heureux  d'infliger  sur-le-chàmp  aux  agents  du  Comité  de  sûreté 
générale,  qui  a  fait  emprisonner  quelques  jours  auparavant  Pillon  et 
Vernon,  la  leçon  renfermée  dans  l'arrêté  suivant  ; 

Considérant  qae  ces  agents  n'ont  donné  aucune  commanication  officielld 
de  leurs  pouvoirs  aux  autorités  constituées,  seules  chargées  de  la  police  des 
prisons,  et  qu'ils  peuvent  impunément  excéder  les  bornes  de  leur  mandat; 
considérant  que  la  surveillance  la  plus  active  doit  être  exercée  sur  tous  les 
individus  qui  voudraient  usurper  le  nom  d'agents  d'une  autorité  respectable, 
aux  ordres  de  laquelle  le  conseil  se  fera  toujours  un  devoir  de  donner 
aide  et  assistance...  ;  que  le  délit  contre-révolutionnaire  tenté  dernière- 
ment sur  la  maison  de  sûreté,  à  Paris,  par  de  prétendus  agents  du  Comité 
de  Salut  public  et  dénoncé  à  la  Convention  par  Barrère  comme  un  de  ces 
complots  horribles,  derniers  et  impuissants  efforts  de  la  malveillance 
expirante,  doit  exciter  l'attention  des  magistrats  du  peuple  ; 
Arrête  : 
Défense  à  tous  concierges  de  maisons  d'arrêt  et  prisons  sous  la  sur- 
veillance immédiate  du  conseil  de  donner  à  qui  que  ce  soit  l'état  des  pri- 
sonniers à  leur  garde. . . 

champ  du  Charmois,  et  qu'ils  prirent  M.  de  Laborde,  le  27,  Masseron,  ex-conseiller, 
Toutain,  ex-noble,  neveu  de  l'ex-évêque  d'Avranches,  et  la  ci-devant  duchesse  de 
BouiUoQ.  (Arch.  nat.).  F  7  4570 


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-413  - 

Lorsque  Lacombe  et  ses  compagnons  retournèrent  aux  Grave-' 
lines,  la  citoyenne  Sarcieux,  concierge,  leur  présenta  l'arrêté  de  la 
Commune.  Irrités,  ils  font  part  le  lendemain  au  district  des  entraves 
apportées  à  leur  mission  par  la  Commune  et  justifient  de  leurs  pou- 
voirs, que  le  district  vise  en  même  temps  qu'il  écrit  au  conseil 
général  de  la  commune  pour  Tin  former  de  la  production  de  ces  pou- 
voirs et  l'inviter,  non-seulement  à  lever  les  obstacles  mis  à  leurs 
opérations,  mais  encore  à  leur  procurer  tout  secours  et  assistance 
sur  la  réquisition  du  citoyen  Lacombe  (1). 

La  municipalité  ne  veut  pas  céder.  Si  les  motifs  de  son  arrêté 
sont  suffisamment  sérieux  pour  motiver  sa  résistance,  elle  éprouve 
en  outre  une  mauvaise  humeur  dont  Tune  des  causes  apparaît  dans 
la  séance  de  la  Société  populaire  du  8  thermidor,  à  laquelle  insistent 
Pillon  et  Vernon  :  Un  membre  annonce  que  les  intrigants  tout  jouer 
tous  les  ressorts  imaginables  pour  détruire  le  patriotisme  dans 
Rouen,  et  demande  que  Ton  apprenne  au  Comité  de  sûreté  générale 
que  les  commissaires  qu'il  a  envoyés,  —  du  patriotisme  desquels 
l'opinant  ne  doute  nullement,  —  se  sont  entourés  de  Leclerc  et  de 
Cottais,  qui  ne  méritent  aucune  confiance  (2).  Aucune  décision  n'est 
prise  ;  mais,  ce  même  jour  la  municipalité  écrit  au  comité  de 
Sûreté  générale,  à  propos  des  individus  qui  se  disent  ses  agents  et 
parcourent  les  prisons  en  sommant  les  concierges  de  donner  dans  les 
vingt-quatre  heures  les  noms  et  les  motifs  des  arrestations  (3) . 

En  même  temps,  elle  répond  au  district  : 

Nous  n'avons  jamais  entravé  d'agentls  du  Comité  de  sûreté  générale  dans 
lears  opérations,  lous  ceux  qui  ont  eu  des  missions  à  remplir  dans  notre 
commane  et  qai  ont  requis  de  notre  administration  aide  et  assistance  ont 
'  toujours  trouvé  en  nous  les  vrais  amis  de  la  république,  rigides  observateurs 
de  "la  loi.  Que  ceux  qui  paraissent  se  plaindre  d'entraves  qu'on  leur  fait 
éprouver,  avant  de  calomnier  une  administration  révolutionnaire  et  des 
magistrats  respectables,  se  présentent  fraternellement  devant  nous;  qu'ils  se 
fassent  connaître  et  alors  ils  verront  si  nous  sommes  dignes  de  leur 

(1)  Arch.  du  dép».  Reg.  du  district. 

(2)  L'une  des  opérations  de  Toutain,  compagnon  de  Lacombe,  fut  l'apposition  des 
scellés  (3  thermidor),  avec  Cottais,  chez  Esprit-Marie  çie  la  Bourdonnaye,  rue  de  Lille. 

(3)  Arch.  m  pales. 


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—  444  — 

cûDfiaDce.  Tant  qu'ils  affecteront  de  mépriser  notre  autorité  et  de  ne  pas  la 
reconnaître,  nous  ne  pouvons  aider  l'exécution  des  pouvoirs  de  ceax  qae 
nous  ignorons.  *  Signô  :  Pillon,  maire,  J.  Moulin  fils,  Guyet  et  Quesnel. 

Le  district  réitère  à  la  municipalité  son  invitation  fraternelle 
et  lui  enjoint  même  de  lever  les  obstacles  apportés  à  la  mission  de 
Lacombe  ;  il  voit  avec  douleur  son  attitude  et  leur  fait  observer  que 
Lacombe  n'ayant  pas  de  réquisition  à  lui  faire,  n'avait  pas  à  lui 
communiquer  ses  pouvoirs.  Il  la  prévient  qu'une  plus  longue  résis- 
tance compromettrait  sa  responsabilité  (1). 

Le  conseil  général  de  la  commune  comprend  enfin  qu'il  est  allé 
trop  loin,  et,  le  9  thormidor,  il  capitule  :  Pour  qu'il  ne  reste  plus  de 
doute  sur  le  respect  qu'il  porte  aux  ordres  du  comité  de  Sûreté 
générale,  dont  l'agent  a  fait  viser  son  mandat  par  le  district,  1^ 
concierges  donneront  à  Lacombe,  agent,  tous  les  renseignements 
sur  les  détenus  (2). 

L'épisode  ne  se  termine  cependant  pas  ainsi  :  Au  17  thermidor, 
un  nouvel  arrêté  du  Comité  de  sûreté  générale,  peut-être  confirmât! f 
d'un  autre  antérieur,  charge  encore  Lacombe  et  Toutain  de  distinguer 
à  Rouen  les  sans-culottes  détenus,  et  de  lui  rapporter  leurs  notes 
dans  le  plus  court  délai  (3). 

D'autre  part,  instruit  que  des  poursuites  sont  faites  contre 
Coltais,  commissaire  de  police,  contre  lequel  les  Jacobins  rouennais 
veulent  se  venger  du  concours  qu'il  a  donné  aux  envoyés  du  Comité 
de  sûreté  générale,  ce  dernier  Comité  ordonne,  le  30  thermidor,  que 
ces  poursuites  ne  soient  pas  m>ses  à  exécution  sans  lui  en  avoir 
au  préalable  référé  (4). 

Il  s'était  d'ailleurs  passé  d'autre  chose  entre  Cottais  et  le  Comité  ^ 
de  Rouen  :  ce  comité  «  avait  croisé  les  scellés  apposés  par  le  citoy.en 
Cottais   sur  une  armoire  de  la  maison  Laborde,  rue  Nationale,  à 
Rouen,  pour  la  conservation  des  effets  appartenant  aux  agents  que 
le  Comité  de  sûreté  générale  avait  envoyés  à  Rouen.  Le  Comité  de 

(!)  Arch.  du  dép^  Reg.  de  corr.  du  district. 

(2)  Arch.  mpales.  Reg.  des  délibérations. 

(3)  Arch.  nat,  A  F  ii  276  f«  329. 

(4)  id.  id.         f"276. 


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—  415  — 

Rouen  dut  donc  lever  «  purement  et  simplement  ses  scellés.  » 
Cottaisleva  ensuite  les  siens,  remit  à  Lacombe  et  Toutain  leurs  effets 
et  en  même  temps  adressa  directement  à  Paris  les  papiers  concer- 
nant ((  le  nommé  Gratien,  ci-devant  évêque,  et  les  nommés  Auber, 
père  et  fils  »  (1). 

Ce  conflit  n'était  pas  le  premier  qu'eût  fait  naître  la  résistance 
des  Rouennais  à  des  ordres  venus  de  Paris.  Déjà,  le  13  floréal  an  II, 
des  membres  du  Comité  de  Rouen  (Gaillon,  Pinel,  Barbarey, 
Poisson  et  Angran)  s'étaient  permis  de  faire  arrêter  et  conduire  à 
Saint-Lô,  où  il  resta  détenu  trois  jours,  le  citoyen  Lormier,  envoyé 
à  Rouen  «  pour  quelque  mission  secrète  »  (2).  Il  fallut  un  arrêté  du 
Comité  de  sûreté  générale  pour  l'élargir.  En  procédant  ainsi,  les 
Rouennais  couraient  des  risques  sérieux.  Le  Comité  de  sûreté  géné- 
rale dépêcha,  le  17  floréal,  un  exprès  pour  assurer  l'exécution  d'un 
arrêté  du  27  germinal  (3),  dont  était  chargé  Lormier,  et  pour  faire 
arrêter  ceux  qui  seraient  désignés  coupables  de  son  arrestation.  Il 
ordonna  la  confrontation  de  Lormier  avec  le  Comité  de  Rouen,  dans 
les  papiers  duquel  l'exprès  se  livra  à  des  investigations  dont  on 
ignore  les  résultats  (4). 

On  chercherait  en  vain  à  se  renseigner  dans  les  archives  rouen- 
naises  sur  le  véritable  objet  de  la  mission  de  Lormier,  que  l'on 
découvre  ailleurs  :  Les  amis  de  Robert  de  Saint- Victor  veulent 
atteindre  Leclerc,  parfumeur,  qui  a  provoqué  son  arrestation,  et 
Lormier,  un  policier  passionné,  est  chargé  d'une  enquête  sur  l'accu- 
sation portée  contre  Leclerc,  d'avoir  détourné  les  deniers  d'une 
collecte,  et  en  particulier  ce  que  lui  avait  remis  Robert,  lequel  est 
interrogé  à  ce  sujet  (5). 

Quoi  qu'en  aient  dit  les  rapports  des  commissaires  des  sections 
de  l'an  III  —  que  leurs  investigations  n'avaient  point  éclairés  —  les 
actes  de  la  commune,  à  l'égard  de  Lormier  et  des  agents  Lacombe 

(1)  Arch.  nat.,  A  F  ii  276  f«  276. 

(2)  Rapports  de  l'an  III  contre  les  terroristes. 

v3)  S*agirait-il  du  décret  du  27  germinal,  dont  la  battue  du  24  floréal  fut  la  consé- 
quence ?  C'est  peu  probable. 

(4)  Arch.  nat.,  A  F  ii  254  f«  174. 
(5>  Arch.  nationales,  F  7  4570. 


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—  416  - 

et  Toutain ,  semblent  bien  avoir  été  inspirés  parla  volonté  d'empêcher 
rimmixtion  d'un  pouvoir,  même  supérieur,  dans  les  prisons  des 
suspects,  où  les  officiers  municipaux  et  leurs  amis  du  comité  de 
surveillance  entendaient  rester  maîtres  absolus. 


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—  417  — 


CHAPITRE  SEIZIEME 

Le  9  thermidor  à  la  Commune  et  à  la  Société  populaire.  —  Manœuvres  contre  Pillon  : 
Encore  un  projet  de  massacre  des  détenus.  —  Suicide  du  chirurgien  Guyet  -^ 
Adresses  à  la  Convention.  —  Lettre  du  député  Lecomte.  —  Fôte  du  10  août.  — 
Le  district  contre  la  municipalité  et  le  comité  de  surveillance  :  Incidents  Caheull 
et  Rioust.  —  Sortie  indécente  de  Godebin  à  la  Société  ;  sa  suspension.  —  Exclusion 
de  Poret,  Lamine,  Gaillon  et  Pinel  l'ainé.  —  Real  dénonce  aux  Jacobins  la  Société 
de  Rouen.  —  Le  Contour  en  liberté.  —  Legendre,  président  de  la  Société.  — 
La  Société  est-elle  en  insurrection  ?  —  Real  se  rétracte.  —  Poret  dénoncé. 

Cependant  les  montagnards  rouennais  observaient  avec  une 
attention  et  un  intérêt  d'autant  plus  vifs  les  événements  qui  agitaient 
la  Convention,  la  Commune  et  les  Jacobins  de  Paris,  que  Pillon  et 
Vemon  avaient  dû  rapporter  de  leur  séjour  dans  la  capitale  des 
impressions  de  nature  à  les  tenir  tous  en  éveil.  Sans  nul  doute,  leurs 
ennemis,  les  modérés  et  les  contre-révolutionnaires,  ne  suivaient 
pas  moins  fiévreusement  les  péripéties  de  la  lutte  engagée  contre 
Robespierre. 

Avec  une  impassibilité  qui,  aujourd'hui,  parait  affectée,  les 
autorités  constituées  poursuivaient  le  cours  de  leurs  délibérations. 
Le  8  thermidor,  la  Commune  désignait  Jeannemey,  notable,  pour 
surveiller  Saint-Yon  et  Desaubris  Sainte-Marie.  Elle  se  renseignait 
sur  le  journaliste  Montigny ,  détenu  aux  Gravelines  et  sur  la  conduite 
morale  et  politique  du  citoyen  de  Combray,  décernait  un  mandat 
d'arrêt  contre  l'ex-conseiller  Masseron,  donnait  la  liberté  à  M.  de 
Sannois-Beaulieu,  etc. 

Le  9,  la  séance  ne  dénote  aucune  émotion  ;  le  10,  —  jour  de 
décadi,  —  il  n'y  eut  point  de  procès-verbal  du  Conseil  général  de  la 
Commune  ;  mais  le  bureau  permanent  ayant  été  informé  dans  la 
soirée  du  dénoûment  complexe  de  la  tragédie  révolutionnnaire  et, 
considérant  que  la  sûreté  et  la  tranquilité  publiques  reposaient  à  ce 
moment  sur  sa  tête,  avait  jugé  de  son  devoir  de  mettre  sa  responsa- 
bilité à  l'abri  de  tout  reproche  en  prenant  cet  arrêté  : 


(i)  Arch.  mpales.  Heg.  des  délibérations. 


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-  418- 

Artîcle  premier.  —  Tons  coarriers  destinés  pour  aatorités  oa  parlicaliers 
résidant  en  cette  commune,  seront  arrêtés  par  les  postes  et  conduits  de 
suite  au  bureau  permanent  de  la  commune,  qui  leur  facilitera  la  passe- 
outre  ou  les  retiendra  s'il  y  a  lieu.  —  Art.  2.  —  Aucun  courrier  ne  pourra 
sortir  de  cette  commune  sans  être  muni  d'un  laissez-passer  du  bureau 
permanent.  -  Art.  3.  —  Les  concierges  des  maisons  d'arrêt  de  justice  et  de 
sûreté  nationale  sont  requis  de.  ne  laisser  sortir  qui  «que  ce  soit  des  individus 
cûDJiés  à  leur  garde.  —  Art.  4.  —  Le  citoyen  Lacombe,  agent  du  Comité  de 
Sûreté  générale  pourra  seul  se  présenter  auxdites  prïsons  et  maisons  de 
sûreté  pour  en  obtenir  des  concierges  les  noms  des  détenus  et  motifs  de 
délenlioo...  La  présente  délibération  sera  à  l'instant  envoyée  à  tous  les 
postes  et  concierges  par  des  ordonnances  (1). 

Ici  se  placent  des  faits  sur  lesquels  on  a  voulu  asseoir  la  plus 
terrible  de  toutes  les  accusations  groupées  contre  les  terroristes 
rouennaîs,  et  en  particulier  contre  Pillon  et  Poret. 

Il  parait  que  dans  la  nuit  du  10  au  11  thermidor,  c'est-à-dire 
dans  la  nuit  qui  suivit  l'arrêté  du  bureau  permanent,  Pillon,  Porct 
et  autres,  escortés  d'une  force  armée  et  précédés  d  une  patrouille 
d'environ  soixante  hommes  à  pied,  s'étaient  portés  à  la  maison 
dYon. 

Les  rapports  ultérieurs  des  comités  des  sections  ajoutent 
qu'avec  la  lettre  anonyme  qui  suit,  remise  à  la  Société  populaire,  on 
aura  une  idée  non  équivoque  dos  intentions  de  Pillon  : 

Tu  redoubleras  les  arrestations  de  la  commune  et  feras  incarcérer  les 
plus  fous  patriotes;  le  11,  tu  feras  massacrer  ceux  que  je  t'ai  ordonné  dans 
ma  dernière.  Assure-toi  bien  de  Giguet  et  Grout  pour  cette  expédition. 
Atjcuns  membres  du  département  et  du  district  ne  doivent  échapper. 
Fiobespierre  le  jeune,  doit  se  rendre  près  de  toi  le  12  pour  la  gouverner. 

Salut  et  fraternité  51-8-7.  9.  v.  d.  Au  dos  est  écrit  pour  Pillon  P.  R. 
avec  des  points  (2). 

Les  rapports  contre  les  terroristes  racontent  que  Pillon,  de 
Paris,  demandait  à  Poret  la  liste  des  détenus,  et  qu'il  y  eut  chez 
Lamine  un  dîner  d'où  les  femmes  furent  exclues.  Cela  suffirait  pour 
(Ji  montrer  le  véritable  but  du  voyage  de  Pillon  et  Vernonà  Paris  :  (3) 

(I)  Registre  des  délibérations  de  la  commune. 
|2)  Troisième  rapport  des  comités  thermidoriens,  I"  section. 
^3)  id.  id.        Le  texte  de  la  lettre 

s  V  troirve  p.  37. 


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-  419  — 

On  voulait  massacrer  les  prisonniers  de  Saint- Yon  et  les  adminis- 
trateurs du  département  et  du  district  ! 

Complétons  immédiatement  ces  dires  en  recourant  aux  procès- 
verbaux  de  la  Société  populaire  et  en  anticipant  sur  les  événements, 
afin  d'essayer  de  déblayer  de  cette  accusation  les  annales  révolution- 
naires rouennaises  : 

Le  23  thermidor,  la  lecture  de  la  lettre  anonyme  qu'on  annonce 
avoir  été  trouvée  portant  pour  adresse  :  «  à  Pillon,  maire,  »  excite  des 
sentiments  d'indignation  à  cause  de  son  style  atroce.  Après  diverses 
propositions,  la  Société  passe  à  Tordre  du  jour  sur  son  contenu  et 
charge  son  comité  de  surveillance  de  découvrir  —  si  faire  se  peut  — 
l'auteur  de  la  lettre,  pour  en  faire  un  rapport,  s'il  y  a  lieu.  On  passe 
aussi  à  l'ordre  du  jour  sur  la  motion  de  rappeler  à  Tordre  le  membre 
qui  a  lu  la  lettre.  (1) 

Le  24,  Pillon  écrit  à  la  Société  qu'ayant  appris  la  lecture  de 
cette  lettre,  il  en  demande  copie,  collationnée  par  les  secrétaires.  La 
discussion  est  renvoyée  au  lendemain  25,  séance  où  les  uns  veulent 
passer  à  Tordre  du  jour,  «  motivé  sur  le  mépris  que  doit  inspirer  un 
semblable  ouvrage  »,  d'autres  proposent  de  l'envoyer  à  Pillon  par 
deux  commissaires,  et  de  la  lui  remettre,  parce  qu'elle  est  sa  pro- 
priété. D'autres  enfin  sont  d'avis  d'inviter  Pillon  à  se  joindre  au 
comité  de  surveillance  de  la  société  pour,  de  concert,  rechercher 
l'auteur  de  la  lettre.  Ce  dernier  avis  est  adopté. 

Pillon  accepta-t-il  cette  résolution  ?  L'enquête  eut-elle  lieu  ? 
Rien  n'en  a  transpiré.  Le  comité  de  surveillance  de  Rouen  intervint 
le  26  thermidor  réclamant  la  remise  de  la  lettre.  Sa  prétention  fut 
discutée.  Cependant,  la  lettre  lui  fut  effectivement  remise  sur 
récépissé  (2).  Pillon  en  obtint  copie  le  29. 

Et  maintenant  qu'y  a-t-il  de  fondé  dans  cette  accusation  ou 
plutôt  insinuation  que  des  historiens  locaux  (3)  ont  reproduite  et 
et  jugée  fondée,  ce  qui  motive  les  détails  qu'on  vient  de  lire  ? 

Absolument  rien  1  Les  patrouilles  organisées  et  dirigées  par 

(1)  Reg.  de  la  Société  populaire. 

(2)  D'après  les.  rapports,  cette  lettre  était  en  dernier  lieu  aux  mains  de  Sautereau. 

(3)  Notamment  M.  de  La  Quériére,  manuscrit  cité. 


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-  420  — 

Pillon,  dans  la  nuit  du  10  au  11  thermidor  et  auxquelles  prenaient 
part  le  général  Beauvoisin  et  Delalonde,  adjudant-major  de  la  garde 
nationale,  se  justifient  d'elles-mêmes  et  ont  un  but  absolument 
différent  de  celui  qu'on  leur  attribue.  Elles  sont  la  conséquence 
directe,  immédiate  et  naturelle  de  l'arrêté  pris  par  la  Commune 
dans  la  soirée  du  10,  qu'il  sufBt  de  relire  pour  s'en  convaincre. . . 

Il  y  a  eu  tout  simplement  une  de  ces  imputations  odieuses  que 
Ton  ne  doit  guère  être  surpris  de  rencontrer  en  un  temps  où  les 
partis  se  faisaient  une  guerre  acharnée  d'injures,  de  flétrissures  et 
de  perfides  allégations.  L'une  des  plus  sûres  démonstrations  de  la 
réelle  inanité  de  ces  manœuvres  se  voit  dans  une  liste  de  terroristes 

dressée  par  la  10*  sction,  si  violente  contre  Pillon  :  a les  10  et 

11  thermidor,  il  a  voulu  se  porter  avec  une  force,  pendant  la  nuit, 
dans  les  maisons  de  détention...  Dieu  sait  pourquoi  ?  ))(1)  La  section, 
elle,  ne  le  sait  pas,  ou.  du  moins,  n'a  pas  la  plus  petite  preuve 
a  administrer  et  n'invoque  pas  même  la  lettre  anonyme.  Faut-il 
insister  sur  les  certificats  élogieux  délivrés  à  Pillon  par  le  conseil 
général  de  la  commune,  à  un  homme  qu'il  eut  dû  regarder  comme 
un  assassin  et  avec  lequel  il  se  solidarisait  catégoriquement  à  la  date 
du  28  fructidor  an  II  (2). 

Dans  sa  séance  de  neuf  heures  du  matin,  le  11  thermidor,  le 
conseil  général  de  la  commune  de  Rouen  entend  la  lecture  faite  par 
Poret,  de  l'arrêté  dont  on  connaît  le  texte,  pris  la  veille  au  soir,  par 
le  bureau  permanent,  «  instruit  non  oflSciellement,  par  la  voix 
publique  et  par  la  Gaj^ette  'Rénolutionnaire,  que  la  Convention,  en 
sa  séance  du  9,  s'est  déclarée  permanente  pour  déjouer  tous  les 
complots,  trames  et  conjurations  ourdis  contre  la  liberté  par  les 
ennemis  intérieurs  delà  République.  »  Poret  explique  que  le  courrier 
extraordinaire  annoncé  par  la  Gii^ette  n'étant  pas  arrivé,  le  bureau 
avait  craint  de  jeter  l'alarme  en  convoquant  à  l'instant  le  conseil 
général. 


(1)  Arch.  mpales. 

[2)  V.  ci-aprés,  chapitre  XVII. 


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à 


-  421  - 

Des  nouvelles  et  pièces  officielles  étant  parvenues,  le  conseil  lève 
la  séance  et,  précédé  des  tambours  et  de  la  musique,  se  transporte 
sur  les  places  publiques  de  Rouen  et  y  publie  les  décrets  de  la  Con- 
vention sur  la  «  nouvelle  conspiration  qu'on  vient  de  déjouer  en 
mettant  en  arrestation  et  hors  la  loi  les  Robespierre,  les  Couthon, 
Saint-Just  et  leurs  complices.  »  Le  décret  qui  déclare  que  les  sections 
de  Paris  ont  bien  mérité  de  la  Patrie,  est  publié.  Partout,  dit  le 
procès-verbal,  le  peuple  a  manifesté  son  attachement  à  la  Conven- 
tion et  sa  haine  pour  les  usurpateurs  de  la  souveraineté. 

.  De  retour  à  la  maison  commune,  le  conseil  adopte  un  projet 
d'adresse  à  la  Convention,  présenté  par  Pi  lion,  maire  : 

Représentants  dn  peaple, 

Nous  venons  de  publier  solennellement  vos  décrets  sur  Tinfemale  cons- 
piration qui  menaçait  la  représentation  nationale.  La  lecture  en  a  été 
entendue  par  nos  concitoyens  avec  reconnaissance. 

La  République  est  sauvée.  Vive  la  Convention  !  Et  périssent  les  traîtres. 
Voilà  leur  vœu.  Cest  aussi  le  nôtre. 

Fermes  à  notre  poste  et  forts  de  votre  courage,  nous  déclarons  haine 
éternelle  aux  intrigants,  respect  et  attachement  imperturbable  à  la  repré- 
sentation nationale,  et  la  mort  aux  usurpateurs  de  la  souveraineté  du 
peaple.  Ni  dictateur,  ni  triumvirs!  La  Convention,  toute  la  Convention,  rien 
que  la  Convention  (1). 

Mieux  que  tous  les  récits  plus  exacts  qui  ont  été  donnés  depuis, 
les  nouvelles  publiées  par  le  Journal  de  Rouen  le  même  jour, 
11  thermidor,  à  Theure  d'inexprimable  malaise  où  Ton  attend  des 
détails  sur  les  tragédies  de  la  nuit  du  9  au  10  et  de  la  journée  du  10, 
permettent  de  voir  comment  la  population  rouennaise  envisageait 
les  événements  et  de  se  rendre  compte  de  ses  angoisses  : 

Un  grand  procès  a  commencé  et  tous  les  amis  de  la  liberté  y  assiste- 
ront ;  la  Convention  le  jugera.  D'un  côté,  c'est  un  homme  accompagné 

(1)  Reg.  de  l'Hôtel-de-Ville.  —  Le  procès  verbal  de  cette  séance,  où  nécessairement 
Pillon  assistait,  est  signé  seulement  de  J.-E. 'Carré  et  de  Caignard.  —  Sont  mentionnés 
présents  :  Tamelier,  Guyet,  Desmalis,  Hamel,  Moulin,  Foret  fils,  Desaubris,  Legras, 
Demay,  Mabon,  Thiesmé,  Levasseur,  0.  Lemoine,  Buisson,  Dumesnil,  Jeannemey, 
Camus,  Barthélémy,  Delalande,  Delafosse,  Fossart,  Cuvier.  Lagnistre,  V.  Groult.  Roger, 
Clavier,  Ârnault,  Bellencontre,  Baudry,  Le  Piller,  Vernon,  J.-B.  Pinel,  Payenneville, 
Gamare,  Iluault,  Bérat.  Lambert,  Legendre  Thébault,  Enault,  A.  Lebas,Masson,  Lemor, 
Gaillard,  Bellanger  et  Baudry.  —  Ainsi  Pillon,  un  moment  présent,  ne  signe  pas,  et 
Carré,  dont  la  présence  n'est  pas  mentionpée,  signe  I 


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—  422  — 

d'une  grande  réputation,  repoussant  le  reproche  de  tendre  à  la  dictature,  au 
pouvoir  suprême:  De  l'autre  côté  le  gouvernement,  que  cet  homme  accuse 
de  conspiration,  le  gouvernement  qui,  jusqu'ici,  a  îustfié  la  confiance  du 
peuple.  —  Le  résultat  a  été  un  décret  qui  prononce  :  1*  la  permanence  de 
l'assemblée  ;  2*  l'arrestation  de  Dumas,  président  du  tribunal  révolution- 
naire, Hanriot,  Boullanger,  Dufraisse,  de  La  Valette,  et  de  tout  l'état-major 
de  la  force  armée  de  Paris.  Vadier  cite  enfin  des  faits  desquels  il  semble 
résulter  que  Robespierre  était  partisan  du  royalisme...  La  discussion  se 
termine  par  le  décret  d'accusation  contre  les  deux  Robespierre,  Couthon, 
Saint-Just,  Lebas  et  Nicolas,  juré  du  tribunal  révolutionnaire...  (1) 

Le  12,  Noël  cite  les  quatre  adresses  envoyées  à  la  Convention 
par  la  commune,  le  district,  le  département  et  la  Société  populaire, 
conçues  dans  un  même  esprit  de  soumission  aux  décrets  de  la 
Convention.  Il  raconte  Texécution  des  deux  Robespierre  :  Maximilien 
a  le  visage  ensanglanté  par  les  blessures,  offrait  un  double  sujet 
ï)  d'horreur  ;  le  moderne  Cromwell  voulait  sans  cesse  se  dérober  au 
»  peuple  et  penchait  sa  tète  sur  ses  genoux,  mais  Texécuteur  le 
1»  forçait  de  la  lever  et  de  fixer  les  regards  indignés  du  peuple.  »  Noël 
faisait  suivre  ce  tableau  de  réflexions  bien  senties  «  sur  la  fin  terri- 
ble »  qui  attend  tous  les  ambitieux. 

Le  13,  en  tête  de  sa  feuille,  il  annonce  que  soixante-et-onze 
membres  de  la  Commune  de  Paris  ont  été  exécutés  pour  cause  de 
rébellion  (2).  On  va,  dit-il,  réorganiser  le  conseil  général  de  cette 
commune  et  le  tribunal  révolutionnaire...  «  Tout  va  changer  et 
prendre  une  attitude  imposante  et  forte.  » 

Ce  que  publiait  ainsi  le  Journal  de  Rouen  était  tiré  de  corres- 
pondances particulières.  Comme  toujours.  Lecomte  s'était  appliqué 
à  mettre  sur  leurs  gardes  ses  amis  de  Rouen.  Par  une  première  lettre 

(i)  Numéro  cité,  p.  172.  Les  derniers  détails  d'une  note  de  l'article  sont,  pour  la 
plupart,  inexacts.  —  V.  sur  le  pi\)cès  de  Robespierre  et  ses  complices,  notamment 
Wallon,  Hiiit.  du  trib.  révol.,  t.  V,  p.  245  £t  s.;  E.  Hamel,  Thermidor,  2«  éd.,  p.  278  ; 
E.  Bîré,  Journal  d'un  Bourgeois  de  Paris,  p.  372  et  s.  —  Parmi  les  21  complices  de  Robes- 
pierre, guillotinés  comme  lui  le  9tbermidor,  l'un,  Payan,  avait  fait  au  moins  une  excur- 
sion dans  la  Seine-Inférieure  et  avait  même  prononcé  un  discoui*s  à  Neufchàtel-en-Bray, 
à  la  fête  décadaire  du  30  floréal  an  II,  lors  de  laquelle  avaient  chanté  les  citoyennes 
Caqueray  et  Gallye,  cette  dernière  un  hymne  en  l'honneur  de  la  Raison  (Reg.  des 
(lélib.  de  la  commune  de  Neufchâtel). 

(2)  L'un  de  ces  soixante-et-onze  était  né  à  Rouen,  en  1745,  et  se  nommait  Jean- 
Nicolas  Langlois,  serrurier,  rue  Saint-Georges,  n»  38. 


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-423- 

lue  le  11  thermidor,  après  la  fête  de  Barra  et  Viala,  à  Téclat  de 
laquelle  a  nui  celui  des  catastrophes  du  9  thermidor,  il  annonçait 
à  la  Société  populaire  la  conspiration  tramée  contre  la  liberté  par 
les  Robespierre,  Couthon,  Lebas  et  autres  et  Tétat-major  de  la 
garde  nationale  de  Paris.  Une  autre  lettre,  d'origine  difiEérente, 
dévoilait  .aussi  V  «  affreux  complot.  »  A  Thorreur  profonde  pour 
les  traîtres  succèdent  des  vœux  pour  la  prospérité  de  la  patrie,  des 
acclamations  mille  fois  répétées  de  :  Vivent  les-  défenseurs  de 
l'égalité  !  Vive  la  Convention  nationale  I  Vivent  nos  fidèles  repré- 
sentants !  Vivent  les  défenseurs  de  l'égalité  I  Vivent  les  parisiens  ! 
Ils  ont  sauvé  la  République  !  Le  conseil  général  de  la  commune  fait 
parvenir  à  la  Société  «  son  vœu  de  rester  toujours  uni  au  faisceau 
d'où  seul  dépend  le  salut  de  la  patrie.  » 

Quatre-vingt  membres  de  la  société  ont  rédigé  dans  la  journée 
l'adresse  adoptée  par  la  société,  les  tribunes  et  les  adolescents.  Une 
autre  adresse  sera  envoyée  aux  braves  frères  de  Paris^(l).  A  la  séance 
du  12,  le  citoyen  Loiselet,  un  bon  gendarme,  héros  de  plusieurs 
aventures  révolutionnaires  dignes  d'être  racontées  (2),  vient 
demander  à  la  société  l'autorisation  de  changer  le  nom  de  Robes- 
pierre, qu'il  avait  donné  à  son  fils.  On  le  renvoie  à  la  Commune. 

Les  nouvelles  se  répandaient  dans  Rouen  avec  des  commentaires 
et  des  pronostics  fort  inquiétants  pour  ceux  des  administrateurs  et 
des  patriotes  qui  s'étaient  montrés  actifs  partisans  de  la  Terreur. 

Un  des  membres  de  la  commune  de  Rouen  mit  fin  à  ses  inquié- 
tudes par  un  suicide  que  le  manuscrit  de  HorchoUe  raconte  en  ces 
termes  : 

31  Juillet  (13  thermidor).  Ce  matiD(3),  Guyet, chirurgien, officier  municipal 


(1)  L'adresse  de  la  Société  populaire  aux  48  sections  de  Paris  est  insérée  au  numéro 
du  Journal  de  Rouen  du  14  thermidor. 

(2)  Ce  gendarme  est  l'un  des  deux  qui,  plus  tard,  arrêteront  Pillon.  C'est  aussi  lui 
qui  avec  Fresneau  conduisit  de  Rouen  M.  et  M»»»  Puget  de  Barbentane  et  M.  de  Bras, 
celui-ci  peu  après  guillotiné.  Loiselet  et  son  compagnon  Fresneau  furent  les  dupes 
d'un  stratagème  de  M.  et  M™»  de  Barbentane.  —  Le  gendarme  Fresneau  fut  tué  par  un 
émigré  dans  la  rue  Malpalu,  le  20  septembre  1800. 

(3)  Ce  n'est  pas  le  matin  du  31  juillet  qu'eut  lieu  le  suicide  de  Guyet,  mais  bien  la 
veille  (12  thermidor),  à  dix  heures  du  soir,  en  son  domicile,  rue  du  Bac,  32,  vraisem- 
blablement après  la  réception  de  la  nouvelle  de  l'exécution  des  71  membres  de  la 
commune  de  Paris.  Son  décès  fut  constaté  par  Garaut,  commissaire  de  police,  le  iS,  et 


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-  424  - 

en  exercice,  fftmeaxdubiste  jacobin,  et  an  des  tecUeax  de  Robespierre  à  Roaen, 
s'est  coapé  le  coa  avec  an  rasoir  (1),  ayant  appris  la  défaite  de  son  chef,  dont 
il  avait  la  mission  de  faire  égorger  tous  les  suspects  détenus  à  SaintYon, 
ce  qu'il  aurait  exécuté  sons  peu  de  jours,  si  la  conspiration  de  Paris  n'eût 
pas  été  découverte  et  punie.  Car,  ayant  obtenu  l'inspection  de  cette  maison 
d'arrêt,  il  avait  déjà  fait  retirer  à  tous  les  prisonniers  leurs  canifs,  couteaux, 
ciseaux,  etc.  (2),  et  démonter  les  serrures,  verrouils,  crochets  des  portes  de 
leurs  chambres,  pour  que  les  assassins  n'y  trouvassent  aucune  résistance. 
Il  avait  fait  faire  une  fausse  clef  de  la  porte  d'entrée  de  cette  maison,  qne  l'on 
a  trouvée  dans  sa  chambre,  lors  de  la  rédaction  du  procès-verbal  qui  a  con- 
staté le  suicide.  On  s'attendait  que  son  cadavre  serait  au  moins  traîné  sur  la 
claie  et  jeté  à  la  voirie  ;  cependant,  il  n'a  été  fait  aucune  poursuite  (3). 
Pareil  massacre  que  celui  projeté  devait  s'exécuter  la  même  nuit-  dans  les 
autres  départements  de  la  république.  La  Providence  a  protégé  bien  des 
innocents  ! 

Ces  passages,  naïvement  féroces,  de  Tex-procureur  HorchoUe 
n'ont  pas  peu  contribué  à  donner  créance  au  prétendu  projet  de 
massacre  des  détenus  qui,  je  le  répète,  ne  mériterait  pas  d'être 
discuté  s'il  n'avait  pas  été  accueilli,  sans  examen,  par  des  écrivains 
méritant  crédit.  Aucun  des  détails  relevés  à  propos  de  la  mort  de 
Guyet  ne  peut  être  une  base  sérieuse  à  de  telles  accusations. 

déclaré  seulement  le  16  thermidor,  à  Chouquet,  officier  public,  par  Morizet,  marchand 
papetier,  rue  du  Bac,  23,  et  Clavier,  officier  municipal.  Guyet,  ûgé  de  37  ans,  était  né  à 
Paris.  En  juin  1792,  il  habitait  rue  Grand- Pont.  Depuis  le  5  thermidor,  c'est-à-dire 
depuis  le  retour  de  Paris  de  Pillon  et  Vernon,  Guyet,  jusqu'alors  assidu  au  bureau  per- 
manent de  la  commune,  avait  cessé  d'y  venir.  Il  était  présent  à  la  séance  du  12,  au 
matin.  Dans  la  séance  du  13,  soir,  le  conseil  de  la  commune  remplaça  Guyet  comme 
officier  de  âanté  chargé  de  Saint- Yon,  par  Gamare,  et  à  Thospice  d'humanité  par  Demay 

(1)  M«>«  de  Chastenay  dit  qu'il  se  brûla  la  cervelle  (Mémoires,  t.  1,  p.  107)  et  les 
rapports  contre  les  terroristes,  qu'il  se  coupa  le  col  deux  jow^  après  le  neuf  Ihertnidor, 
«  parce  qu'il  avait  été  trompé.  » 

(2)  La  perquisition  sur  les  détenus  avait  lieu,  sans  doute,  bien  longtemps  aupara- 
vant. Mais  un  arrêté  du  trois  thermidor  l'avait  prescrite  et,  en  même  temps,  avait 
ordonné  de  tenir  un  registre  pour  constater  les  effets  et  sommes  trouvés  sur  les  préve- 
nus. En  ce  qui  concerne  la  maison  de  justice  de  Rouen,  l'exécution  de  cette  mesure  ne 
commença  que  le  16  thermidor.  L'abbé  d'Amphemet  y  fut  soumis  le  20  fructidor. 

(3)  HorchoUe  affirme  ici,  une  fois  de  plus,  cette  doctrine  de  nombre  de  contre- 
révolutionnaires  d'après  laquelle  les  décrets  des  assemblées  révolutionnaires  n'avaient 
pu  supprimer  l'ancienne  législation.  La  claie,  le  jet  à  la  voirie  étaient  au  moins  impli- 
citement abolis  (V.  Chéruel,  Dict.  hist.  des  institutions,  mœurs  et  coutumes  de  la  France^ 
4*  édition,  1874,  au  mot  Suicide).  On  semble  disposé  après  la  révolution  à  punir  le 
suicide  :  Le  14  pluviôse,  an  IX,  J.-G.  Letellier,  garçon  toilier,  t  prévenu  de  s'être  jeté 
dans  l'eau  dans  l'intention  de  se  noyer,  »  fut  écroué  à  Saint-LÔ  de  Rouen.  On  le  relâcha 
le  lendemain. 


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—  485- 

Cependant,  il  se  produisit  i  l'occasion  de  Guy  et  des  incidents 
de  nature  à  émouvoir  les  rouennais.  Le  bruit  ayant  couru  qu'une 
liste  de  détenus  avait  été  trouvée  chez  lui,  et  remise  par  Garraut  à 
Chouquet,  la  15®  section  exigea  des  éclaircissements  et  un  procès- 
verbal  des  déclarations  de  Garraut  dressé  par  le  bureau  permanent 
de  la  Commune  (Tamelier,  président)  le  5  floréal  an  III,  établit  que 
lors  de  l'iiiventaire,  fait  en  présence  de  Chouquet,  Bérat,  Dieu  et 
autres,  il  ne  fut  trouvé  aucune  liste  chez  Guyet,  mais  seulement 
«  un  carré  de  papier  contenant  les  dernières  pensées  du  citoyen 
Guyet  »  et  des  expressions  mystérieuses  et  suspectes,  avec  une 
lettre  où  il  était  question  d'achat  d'argent.  »  Garraut,  de  son  propre 
mouvement,  avait  remis  à  l'accusateur  public  une  copie  de  son 
procès-verbal  et  du  carré  de  papier  (1).  Que  contenait  le  carré  de 
papier,  quelles  étaient  les  expressions  ?  Il  ne  serait  probablement 
pas  impossible  de  le  savoir. . . 

Les  administrateurs  considèrent  le  9  thermidor  comme  ne 
pouvant  et  ne  devant  point  arrêter  la  marche  de  la  Révolution.  Le 
tribunal  criminel,  peut-être  pour  affirmer  son  impassibilité,  tient  à 
juger  un  de  ceux  des  suspects  qui  étaient  depuis  plus  longtemps 
détenus.  Le  11  thermidojr,  sur  deux  lettres  du  président  Legendre, 
la  Commune  nommait  des  commissaires  pour  assister  le  jour  même 
au  jugement  du  nommé  Ramfreville,  prévenu  d'émigration,  et  à  la 
formation  d'un  tableau  du  jury  spécial  de  jugement.  Le  12,  elle 
ordonnait  l'arrestation  de  Denneville  et  son  renvoi  devant  le  tribunal 
révolutionnaire  de  Paris  «  pour  les  propos  les  plus  contre-révolution- 
naires. ))  Le  13,  elle  renouvelle  ou  complète  les  conseils  d'adminis- 
tration et  de  surveillance  de  maisons  de  détention.  Elle  mentionne, 
le  15,  l'exécution,  par  Lacombe  et  Beaudouin,  d'un  arrêté  du  comité  de 
sûreté  générale,  du  18  messidor,  portant  que  Masseron,  ex-conseiller 
au  parlement,  Néel  dit  Tontuit,  ex -noble,  neveu  du  ci-devant  évêque 

(1)  Arch.  mpales.  —  Dans  l'une  des  dernières  séances  de  la  Société,  le  18  nivôse 
an  III,  Chouquet  «  dénoncé  comme  s'étant  trouvé  le  premietr  chez  Guyet  et  s^étant 
emparé  d'une  liste  »,  déclare  que  cette  liste  avait  été  remise  entre  les  mains  de  Garraut* 
Celui-ci  contredit  Chouquet  qui,  probablement,  veut  parler  du  carré  de  papier. 


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-  426- 

d'Avranches,  et  la  ci-devant  ducKesse  de  Bouillon  (1),  détenus  dans 
les  maisons  de  Rouen,  seront  transférés  dans  une  maison  d'arrêt  de 
Paris  p  ^ur  y  rester  jusqu'à  nouvel  ordre.  Elle  vise  le  16  les  pouvoirs 
de  Jacotin,  Prieur  de  la  Marne,  et  Jean-Bon  Saint-André  (2)  venus 
remplir  une  mission  importante.  Elle  repousse,  comme  tardive,  la 
demande  de  Marie-Madeleine- Victoire  de  Caqueray ,  femme  d'émigré 
et  détenue,  tendant  à  jouir  de  l'effet  de  l'article  !•'  du  décret  sur  le 
divorce.  Elle  mentionne  que  Le  Boucher,  officier  municipal,  est 
nommé  au  tribunal  de  police  à  la  placé  de  Vernon  et  cesse  d'être  du 
bureau  municipal.  Sur  la  demande  de  Robert  de  Saint- Victor,  elle 
ordonne  la  rectification  au  bulletin  de  ses  séances  d'une  pétition 
disant  inexactement  qu'il  aurait  inculpé  en  masse  ou  individuellement 
la  conduite  à  son  égard  des  autres  détenus.  Elle  parle,  le  9  thermidor, 
de  Saint-Ouen  proposé  comme  local  pour  le  collège  ;  puis  Pillon 
ayant  annoncé  que  le  bureau  municipal  avait  cru  devoir  rendre  à  la 
liberté  Lecerf,  curé  insermenté  de  Nicaise,  mis  au  violon  la  nuit 
précédente,  on  proteste  contre  cette  mesure,  Lecerf  étant  un  homme 
dangereux,  infiniment  suspect,  et  un  membre  ajoutant  qu'il  croit  se 
rappeler  avoir  vu  un  mandat  d'arrêt  du  tribunal  criminel  de  Paris 
contre  lui,  Lecerf  est  de  nouveau  arrêté,  et  ses  papiers  so3t  envoyés 
à  l'accusateur  public. 

L'anniversaire  du  10  août  devait  être,  à  Rouen,  l'occasion  d'une 
fête  «  simple  et  majestueuse  »,  selon  un  programme  arrêté  le  21  ther- 
midor. Le  procès-verbal  ne  témoigne  pas  d'un  grand  enthousiasme 
même  chez  son  rédacteur.  A  la  solennité  ((  en  mémoire  de  ce  jour 
qui  éclaira  la  chute  de  la  perfidie  despotique,  où  la  liberté  triompha 
de  la  tyrannie  et  vengea  le  peuple  français  des  outrages  de  la  royauté, 
tous  les  citoyens,  confondus  et  n'offrant  l'aspect  que  d'une  seule 
famille,  partagèrent  les  douceurs  de  ce  jour  qu'on  peut  appeler  celui 

(1)  Puisque  ce  nom,  déjà  cité,  m'en  fournit  l'occasion,  je  mentionne  ici  le  convoi 
de  la  duchesse  dont  parlent  certaines  publications  sans  jamais  nommer  son  second 
mari  :  Richard-Désiré  Hay  (dit  de  Slade)  vivant  de  son  revenu  à  Sahurs,  canton  de 
Canteleu,  né  à  Nantes,  en  1765,  et  qu'elle  épousa  à  Rouen,  le  19  juin  1797,  en  présence 
de  M.  Suzanne  de  Bréauté,  son  beau-pére,  de  deux  hommes  d'aflaires  et  d'un  autre 
rouennais. 

(2)  Reg.  de  l'Hôtel-de- Ville.  On  voit  au  procès- verbal  de  la  séance  du  département 
du  6  vendémiaire,  an  m,  que  cette  mission  s'appliquait  à  la  marine. 


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de  la  fraternité.  »  Les  attributs  dé  la  royauté  et  du  fédéralisme  furent 
placés  sur  un  bûcher  et  livrés  aux  flaûimes,  sur  le  Champ-de-Mars. 
Pillon  prononça  un  discours  (1)  retraçant  rapidement  la  fin  terrible 
des  traîtres  et  des  ennemis  de  la  République  et  appelant  le  même 
arrêt  du  peuple  sur  la  tête  de  ceux  qui  oseraient  les  imiter  (2).  Le 
lendemain,  le  Théâtre  de  la  République  joue  le  10  Août  ou  rinau" 
guration  de  la  République  française,  pièce  sans-culottide  drama- 
tique en  cinq  actes  et  en  vers,  mêlée  de  chants  et  déclamations,  et 
l'on  annonce  la  prochaine  représentation  de  la  Journée  du  9  au 

10  Thermidor  (3). 

Les  actes  oflBciels  ne  parviennent  pas,  même  encore  aujourd'hui, 
à  dissimuler  la  sourde  mésintelligence  qui,  à  ce  moment,  régnait 
entre  le  district  et  la  municipalité.  Celle-ci  semble  garder  une 
rancune  profonde  de  quelque  échec  amené  par  l'intervention  du 
district,  lequel  acquiert  alors  au  sein  de  la  Société  populaire  une 
influence  qui  s'exerce  au  détriment  des  Poret,  Lamine  et  autres. 

11  y  a  d'ailleurs  un  point  capital  préoccupant  les  rouennais  de  tous 
les  partis  et  sur  lequel  ils  n'ont  pu  se  mettre  d'accord  :  c'est  le  choii 
du  représentant  du  peuple  qui  doit  succéder  à  Siblot. 

Des  indices  sérieux  de  cette  lutte  s'aperçoivent  en  nombre  de 
circonstances,  où  se  révèlent  aussi  des  signes  de  l'imminente  rupture 
publique  entre  les  montagnards  et  les  modérés. 

Le  18  thermidor,  à  Cabissol,^  du  district,  qui  lui  demande  des 


(1)  Ce  discours  est  resté  en  blanc  dans  le  compte  rendu  de  cette,  fête  inséré  au 
procès- verbal  de  la  séance  de  la  Commune  du  23  thermidor.  On  le  trouve  dans  un  Recueil 
de  Discours  prononcés  dans  le  Temple  de  la  Raison  à  la  célébration  des  décades  et  des 
fêtes  civiques  dans  le  dép^  de  la  Seine-InfétHeure,  Rouen,  Labbé,  an  ii  de  la  Républ., 
in-13  de  43  p.  p.  12.  —  V.  i4.  Pasquier,  Biographies. 

(2)  Joutmal  de  Rouen  du  24  thermidor.  Ce  numéro  publie  dans  son  compte  rendu 
de  la  fête  une  pièce  dont  voici  les  premiers  vers  : 

Gloire  au  Dix-Août  qui  vient  après  deux  ans 
Luire  sur  nos  canons  et  le  fer  de  nos  piques, 
Sois  le  premier  des  jours  de  nos  fêtes  civiques 
Jour  fameux,  dont  le  nom  fait  frémir  les  tyrans. 


(3)  JoumcU  de  Rouen, 


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-  428  — 

renseignements  sur  le  patriotisme  de  Cabeuil  (1),  ci--devant  chef  de 
la  garde  nationale  de  Rouen,  Poret,  agent  national  de  la  Commune, 
répond  : 

...Nons  te  rôpondrons  qu'administratear  toi-mémedepaisla  rôvolatiop, 
et  trois  ans  sa  moins  avant  nous,  et  par  oonséqaent  ayant  en  avec  Cabeuil 
plus  de  relations  qu'aucun  de  nous,  tu  dois  l'avoir  connu  plus  directement  et 
tu  dois  savoir  toutes  les  manières  possibles  pour  t'exprimer  avec  la  franchise 
d'un  républicain  sur  le  compte  de  Cabeuil.  Au  surplus,  consulte  le  Journal 
de  Paris  (2),  cette  feuille  stipendiée  par  le  royalisme  et  l'aristocratie  la  plus 
effrontée  ;  consulte  le  journal  dépositaire  de  toutes  les  adresses  contre-révo- 
lutionnaires  au  tiran  Capet  par  l'ancien  état-major  de  la  légion  de  Rouen  (3). 
Consulte  surtout  la  société  populaire.  C'est  là  que  le  conseil  général  puise 
tous  les  renseignements  dont  il  a  besoin,  et  l'expérience  que  nous  avons  de 
son  civisme  nous  fait  t'indiquer  cette  source  pure  de  l'opinion  publique...  (4) 

Dans  ces  entrefaites,  la  municipalité  et  le  Comité  de  surveillance 
croient  avoir  découvert  les  moyens  d'atteindre  Cabissol  et  quel- 
ques-uns de  ceux  qui  pl'enaient  Toflensive  contre  les  montagnards 
à  la  société  populaire. 

L'ex-prôtre  marié  Mathieu-Noél  Rioust  et  sa  femme,  dont  j'ai 
déjà  mentionné  les  noms,  étaient  compromis  gravement  par  leurs 
relations  avec  Tex-évêque  de  Montauban,  le  Tonnçlier  de  Breteuil, 

(1)  Ces  renseignements  étaient  destinés  à  Tagent  national  d'Yvetot,  qui  s'était 
adressé  à  son  collègue  de  Rouen,  dont  Cabissol  remplissait  les  fonctions.  Le  môme 
jour,  Cabissol  s'adressait  aussi  au  comité  de  surveillance  qui  transmettait  sa  lettre  à  la 
Société  populaire,  tabeuil  du  Vauroûy  avait  été  chef  de  légion  en  1792  sous  M.  de 
Liancourt.  Il  ne  faut  pas  confondre  ce  Cabeuil  avec  Romain-Louis  Cabeuil,  établi 
depuis  1787  à  Rotterdam,  où  il  était  maître  de  danse,  et  qui  fut  porté  sur  les  listes 
d'émigration  d'où  il  obtint  sa  radiation  provisoire  le  2  floréal  an  VL  La  maison  du 
citoyen  Cabeuil,  place  de  la  Rougemare,  ayant  été  dénoncée  comme  renfermant  plu- 
sieurs individus  suspects,  Debonne,  offlcier  municipal,  et  Cottais,  commissaire  de 
police,  le.  12  janvier  1793,  se  la  firent  ouvrir,  après  instances  réitérées  et  menaces  de 
mettre  la  porte  en  dedans  ;  ils  n'y  trouvèrent  que  M™»  Cabeuil  et  sa  ser\'ante.  (Arch. 
mpales  et  dn  dépO. 

(2^  Cette  feuille  avait  publié,  le  28  juin  1792  une  adresse  au  roi  signée  des  citoyens 
actifs  de  Rouen  au  nombre  de  20,000,  adresse  dont  il  est  question  dans  l'article  d'André 
Chénier  :  de  la  nécessité  de  l'uniony  inséré  dans  le  104«  supplément  du  même  Journal  de 
Paris j  le  5  juillet  1792.  André  Chénier  rappelle,  dans  son  article,  ces  paroles  des  admi- 
nistrateurs de  la  Seine-Inférieure  dans  leur  adresse  au  roi,  publiée  par  le  Logographe 
du  30  juin  ;  nous  n'avons  pas  brisé  nos  chaînes  pour  en  porter  de  nouvelles  { V.  Œuvres 
en  prose  d'André  Chénier,  Charpentier,  Paris,  pp,  241-242.) 

(3)  La  Chronique  Nationale,  de  Leclerc.  -^  Le  Jouf*nal  de  Rouen  avait  aussi  publié 
des  adresses  royalistes.  (V.  not.  n«'du  13  août  1792  contre  la  déchéance  du  roi). 

(4)  Arch.  mpales. 


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—  429  — 

qu'ils  avaient  rencontré  chez  Guersent,  curé  constitutionnel  de  Caude- 
bec-lès-Elbeuf  (1).  La  citoyenne  Rioust,  interrogée  par  Roumy 
Grout,  du  comité,  le  25  thermidor,  et  dont  les  réponses  jettent  de  sug- 
gestives clartés  sur  les  liaisons  des  notabilités  qu'elle  cite,  avait  parlé 
avec  une  complaisance  marquée,  de  «  leurs  principaux  amis  o  à  elle 
et  à  son  mari  :  Legendre,  président  du  tribunal  criminel,  Eudeline 
le  jeune,  Bernays  et  Cabissol.  Ils  avaient  pu  rencontrer  Legendre 
et  Cabissol,  dit-elle,  chez  Grenier  (2)  ou  ailleurs.  «  Elle  a  fait 
au  spectacle  la  connaissance  de  la  citoyenne  Horteloup,  chez 
laquelle  elle  a  mangé  plusieurs  fois  et  où  mange  Legendre,  et 
cette  citoyenne  est  venue  plusieurs  fois  manger  chez  elle.  Cottais, 
commissaire;  Selot,  employé  au  district;  Bouvier,  employé  à  la 
commune,  et  Leclerc,  parfumeur,  ont  aussi  mangé  plusieurs  fois  chez 
elle,  femme  Rioust. . .  Le  comité  mit  beaucoup  d'ardeur  à  s'emparer 
de  la  personne  de  Rioust  qui,  en  toute  hâte,  se  rendit  A  Paris  où  il 
obtint  le  7  fructidor  l'annulation  des  deux  mandats,  l'un  d'arrêt 
contre  lui  (3),  l'autre  d'amener,  contre  sa  femme  (4).  Malatiré, 
dépéché  vers  Real,  à  Paris,  n'était  point  parvenu  à  devancer  Rioust. 
Cabissol,  en  personne,  vint  quarante-huit  heures  après  chez  celui-ci, 
à  Rouen,  rue  Richebourg,  n*»  34,  faire  exécuter  les  ordres  du  comité 
de  sûreté  générale,  non  sans  résistance,  car  les  deux  fusiliers  installés 
gardiens  refusaient  de  le  laisser  entrer  et  il  dut  leur  montrer  sa 
décoration  d  agent  national  et  les  menacer  d'envoyer  chercher  la 
garde  (5). 

(i)  Quand  fera-l-on  l'histoire  de  tous  les  ecclésiastiques  qui,  comme  Guersent, 
ont  joué  en  province  un  rôle  si  important  et  si  peu  défini?  Une  fois,  Guersent  fut  dénoncé 
par  le  comité  revol"»  d'Elbeuf  le  9  floréal  an  ii  comme  n'ayant  pas  remis  ses  lettres  de 
prêtrise  et  n'ayant  pas  cessé  ses  fonctions.  Ce  comité  décerna  contre  lui  un  mandat 
auquel  il  déclara  n'être  pas  disposé  à  obéir.  Le  comité  le  déclara  «  fuyard  ».  Devenu 
marchand  à  Elbeuf,  «  rétabli?  »  par  arrêté  du  comité  de  sûreté  générale,  mais  réputé 
émigré,  il  demandait,  le  22  nivôse  an  m,  mainlevée  provisoire  du  séquestre  mis  sur  ses 
biens.  —  Arch.  -m pales  de  Rouen  et  du  dép*. 

(2)  Le  commissaire  du  comité  de  sûreté  générale. 

(3)  Ce  mandat, du  29 germinal  an  ii,  est  signé  :  Laiiiine,  F.-rM.  Pinel  l'aîné,  Bénicouii, 
Poisson  père,  G.  Angian,  Regnault,  (iodebin-Jouvenet  et  Gaillon.  Malgré  les  ordres  fin 
comité  de  sûreté  générale  du  7  fructidor,  le  comité  de  Rouen  décernait  contre  Riuu>t 
un  autre  mandat  le  15  fructidor. 

(4)  Le  mandat  d'amener  contre  M.  Rioust,  du  25  thermidor,  est  signé  de  Gaillon  senl. 

(5)  Arch.  mpales.  —  Il  y  eut,  plus  tard,  entre  Rioust  et  Malatiré,  à  ce  sujet,  une 
très  violente  et  très  peu  édifiante  polémique  dans  le  Journal  de  Rouen  et  la  Verhitc 
NofTnancle, 


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—  439  — 

Ce  qui  explique  mieux  le  style  aigre  de  Poret  et  les  hostilités 
contre  le  district,  c'est  ce  qui  se  passe  depuis  le  10  thermidor  à  la 
Société  populaire,  d'où  sont  parties  les  premières  attaques  contre 
les  terroristes. 

On  s'y  applique  pourtant  à  maintenir  la  concorde  :  le  12,  un 
débat  s'étant  élevé  sur  une  inculpation  faite  par  le  frère  Lamine  au 
frère  Delaporte,  la  société  passe  à  l'ordre  du  jour,  ces  deux  membres 
ayant  déclaré  ne  s'en  vouloir  nullement  et  se  considérer  l'un  et 
l'autre  comme  de  bons  patriotes.  Cette  solution  pacifique  et  une 
lettre  du  conventionnel  Lecomte,  du  13,  disant  que  a  tout  est 
tranquille  à  Paris,  »  fournissent  l'occasion  d'inviter  les  patriotes  à  se 
mettre  en  garde  contre  les  propos  calomnieux  vomis  à  Rouen  contre 
les  autorités  constituées. 

Le  18  thermidor,  Godebin  demande  qu'on  accorde  aucune  place 
à  des  ouvriers  ayant  un  état  quelconque  pour  exister.  Il  fait  une 
sortie  calomnieuse  contre  la  Société  qu'il  dit  partagée  en  quatre 
classes  d'hommes  :  la  première  et  la  moins  nombreuse,  composée 
de  vrais  républicains  ;  la  seconde  des  républicains  de  circonstance; 
la  troisième,  la  plus  nombreuse,  de  gens  qui  cherchent  des  places, 
et  la  quatrième  de  paresseux.  Sans  doute,  il  y  a  des  subdivisions, 
dont  Godebin  ne  s'occupe  pas. 

Aujourd'hui,  on  est  porté  à  admettre  qu'il  n'a  jamais  été 
proclamé  de  plus  grande  vérité  dans  la  Société  populaire.  Naturelle- 
ment, en  thermidor  an  ii,  «  de  divers  côtés  on  s'exclame.  »  On 
démontre  combien  ce  langage  de  Godebin  est  indécent  et  combien 
il  peut  être  préjudiciable  à  la  chose  publique  en  divisant  la  Société, 
qu'on  vient  de  régénérer,  et  en  lui  faisant  perdre  la  confiance  «  qu'elle 
n'a  cessé  de  mériter.  » 

Les  votants  sont  comptés:  104  contre  39  admettent  la  priorité 
pour  le  rappel  à  l'ordre  qui,  ensuite,  est  voté.  Cette  décision  sera 
notifiée  à  Godebin. 

L'affaire  revient  le  lendemain,  et  la  décision  de  la  veille  est 
rapportée  à  l'unanimité  !  Puis,  on  dénonce  Godebin  parce  qu'il  court 
très  vite  dans  les  rues  et  qu'il  a  failli  blesser  plusieurs  personnes.  Il 
s'excuse.  On  lui  reproche  d'étaler  un  luxe  insultant  à  la  pénurie  des 


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—  431  — 

sans-culottes,  d'avoir,  dans  quelques  occaBions,  préféré  rester  dans 
les  tribunes,  d'avoir  violé  les  règlements  de  police  pour  son  plaisir, 
d^avoir  maltraité  des  sans -culottes;  enfin,  de  s'être  vanté,  dans  la 
Société,  en  présence  du  représentant  Pomme,  de  ne  se  rendre  aux 
séances  que  pour  faire  rapporter  des  délibérations  qui  ne  lui  conve- 
naient pas. 

Après  l'audition  de  plusieurs  orateurs,  Godebin  est  suspendu 
jusqu'à  ce  qu'il  ait  déposé  une  liste,  signée  de  lui,  des  membres  de  la 
société  rangés  en  quatre  classes.  Il  lui  est  défendu  d'entrer,  aupara- 
vant, dans  le  local  destiné  aux  sociétaires,  et  il  déposera  sa  carte 
séance  tenante.  Ni  lui-même;  ni  nul  autre  ne  pourra  parler  en  sa 
faveur.  Godebin  dépose  sa  carte  et  se  retire. 

Le  21  thermidor  a"*lieu  une  des  séances  les  plus  longues  ; 
Thieullen  préside;  Poret  et  Lamine  ne  se  sont  pas  présentés  quoique 
convoqués  pour  assister  à  la  lecture  d'une  lettre  dont  Delaporte  a 
parlé  le  12,  lors  de  la  discussion  avec  Lamine.  Comme  on  parle 
d'envoyer  des  commissaires  aux  deux  défaillants,  la  séance  devient 
orageuse.  Le  président  se  couvre  et  le  calme  se  rétablit  aux  acclama- 
tions de  :  «  Vive  la  République  !  »  Pendant  que  Roger,  Godefroy, 
Cusson  et  Lizé  le  jeune  vont  inviter  Poret  et  Lamine  à  venir  aux 
débats  les  concernant,  Licquet  rédige  une  adresse  de  félicitations 
aux  Jacobin  de  Paris. 

Le  procès- verbal  de  celte  séance  témoigne,  par  son  seul 
aspect  (1),  de  Timportance  extrême  donnée  par  la  Société  à  ces 
préliminaires  contre  deux  de  ses  membres  les  plus  en  vue  depuis 
plus  de  dix-huit  mois.  La  suite  apprend  que  Lamine  opposait  une 
fin  de  non-recevoir,  basée  sur  ce  que  lès  dénonciations  n'étaient  pas 
signées  ;  on  s'écria  que  lui-même  n'avait  jamais  voulu  signer  celles 
qu'il  avait  faites  à  la  tribune. 

Les  accusations  et  récriminations  se  multiplient  contre  Poret 
et  Lamine.  On  rappelle  que  Siblot,  trompé  par  eux,  n'a  rien  voulu 
entendre  lorsque  la  Société  lui  a  rappelé  l'affaire  contre  Clavier. 
Poret,  dit-on,  a,  dans  tous  les  temps,  défendu  les  bouchers,  parce  que 

(1)  Ce  procès-verbal  fut  à  peu  près  complètement  bàtonné  et  remanié.  Hénault  en 
est  le  rédacteur. 


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son  père  est  boucher.  Semblables  au  nouveau  tyran  Robespierre, 
Poret  et  Lamine  commençaient  toujours  leurs  discours  en  inspirant 
la  terreur,  etc.,  etc. 

Lamine  est  particulièrement  maltraité  : Le  8  thermidor, 

en  séance,  il  a  dénoncé  Leclerc,  parfumeur,  comme  un  intrigant, 
tandis  qu'il  parait  qu'ils  étaient  en  relations  d'affaires,  et  il  a 
déclaré  que  des  scélérats  avaient  trompé  le  Comité  de  Sûreté 
générale  sur  son  compte,  à  lui.  Lamine,  ;  qu'ils  avaient  été^a  cause 
d'un  interrogatoire  de  quatre  heure?  que  lui  avaient  fait  subir  les 
agents  du  comité  (1),  qu'il  regardait  comme  trompés,  mais  que  les 
intrigants,  parmi  lesquels  il  désignait  Leclerc  et  Cottais,  paieraient 
de  leur  tête  sur  Téchafaud  l'affront  fait  à  son  honneur  ;  il  a  même 
dit  alors  :  «  Le  vertueux  Couthon  et  l'incorruptible  Robespierre,  qui 
ont  répondu  de  Pillon,  sauront  démasquer  tous  ces  vils  intrigants  ». 
Comme  Poret,  il  annonçait  souvent  à  la  tribune  qu'il  démasquerait 
les  traîtres,  sans  en  démasquer  aucun,  que  des  membres  de  la  Société, 
qu'il  ne  nommait  pas,  augmenteraient  le  nombre  des  détenus,  dont 
la  majeure  partie  seraient  bientôt  traduits  au  tribunal  révolutionnaire 
et  condamnés  à  mort  ou  déportés. 

Il  fait  observer  que  Poret  fut  toujours  patriote,  mais  despote  ; 
il  demande  son  expulsion  et  celle  de  Lamine.  Et  le  président 
Thieullen,  méthodique  et  solennel,  ^'adressant  aux  citoyens  de  la 
Société  et  des  tribunes,  invite,  k  trois  reprises,  celui  qui  veut  parler 
en  faveur  de  Poret  et  de  Lamine  à  se  rendre  dans  le  sein  de  la  Société 
et  à  monter  à  la  tribune.  Cela  se  passait  dans  fc  plus  grand  calme, 
et  personne  n'a  demandé  la  parole,  quoique  la  séance  fût  des  plus 
complètes  et  que  les  tribunes  fussent  remplies  de  plusieurs  milliers 
de  citoyens,  qui  avaient  été  présents  à  la  discussion  qui  durait 
depuis  près  de  cinq  heures,  nonobstant  la  discussion  de  la  veille  qui 
avait  duré  le  même  temps  (  Textuel  ). 

La  clôture  du  débat  fut  votée.  Alors  le  président  :  «  Que  ceux 
qui  sont  d'avis  que  Poret  a  perdu  la  confiance  de  la  Société  se  lèvent  !  » 
La  Société  entière  se  lève  simultanément  et  les  cris  de  :  «  Vive  la 
République  !  Vive  la  Convention  !  se  font  entendre.  »  Ensuite,  la 

(1)  L'interrogatoire  dont  parle  Lamine  semble  bien  être  un  des  incidents  du  conflit 
entre  la  Commune  et  les  agents  du  comité  de  Sûreté  générale,  vers  Iç  G  thermidor. 


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-  433  — 

contre-épreuve  :  «  Que  ceux  qui  sont  d'avis  que  Poret  n'a  pas  perdu 
la  confiance  de  la  Société  se  lèvent  I  »  Toute  la  Société  reste  assise 
dans  le  plus  profond  silence. 

Le  président  prononce  :  «  La  Société  délibère  à  l'unanimité  que 
Poret  a  perdu  sa  confiance.  » 

Mêmes  questions  et  verdict  pour  Lamine. 

L'un  et  l'autre  seront  rayés  du  tableau  des  membres  de  la  Société 
et  tenus  de  déposer  leurs  cartes  ;  extraits  de  ces  délibérations  seront 
envoyés  —  par  un  courrier  extraordinaire  —  aux  comités  de  Salut 
public  et  de  Sûreté  générale,  ainsi  qu'au  conseil  général  et  au  Comité 
de  surveillance  de  la  commune  de  Rouen. 

Dans  la  même  séance  du  22,  une  dénonciation  est  faite  contre 
Gaillon,  mais  ajournée;  puis  contre  Bérard  qui  a  fait  nommer 
Lamine  illégalement  à  deux  places  :  au  comité  d'instruction  publique 
et  au  comité  de  surveillance.  Bérard  et  Lamine  ont  ôté  aux  citoyens 
la  faculté  de  parler  au  temple  de  la  Raison,  se  sont  substitués  aux 
anciens  censeurs  royaux  pour  inspecter  les  ouvrages  et  ont  fait 
retirer  à  Callamar  l'exécution  du  projet  de  statue  de  la  Liberté. 
Bérard  était  l'ami  intime  de  Saint-Amand  et  doit  avoir  son  sort.  Il 
sera  invité  à  venir  à  la  séance  de  demain. 

C'est  à  ce  moment  qu'on  s'efforce,  mais  sans  y  réussir,  de  faire 
éclore  contre  Pillon  une  dénonciation  dont  le  prétexte  se  fût  trouvé 
aisément  dans  la  lettre  «  atroce  »  qu'on  dit  avoir  été  trouvée  et  qui 
est  apportée  à  la  Société. 

A  la  séance  du  23  thermidor  a  lieu  la  comparution  de  Bérard  que 
Guingret  et  Lizé  ont  trouvé  au  spectacle  dans  un  costume  théâtral, 
et  qui,  après  avoir  changé  d'habillement,  les  a  accompagnés, 

«  Bérard  se  justifie  et  divers  membres  citent  des  faits  à  son 
éloge.  ))  Il  est  encore  trop  tôt  pour  qu'on  incrimine  des  actes  tels 
que  le  témoignage  au  moins  malveillant  de  Bérard  contre  l'évêque 
Gratien.  Pleinement  satisfaite  de  ses  réponses,  la  Société  passe  à 
l'ordre  du  jour  ;  il  reçoit  d'abord  l'accolade  fraternelle  du  président 
ThieuUen  et  les  embrassements  des  frères  qui  lavaient  dénoncé. 

L'affaire  de  Gaillon  et  Pinel  l'aîné  vint  le  26  thermidor.  Tous 
les  deux  répondaient  par  lettres  que  l'intérêt  général  l'emportant 


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—  434  — 

sur  l'intérêt  particulier,  ils  restaient  à  leurs  postes,  —  au  comité  dd 
surveillance.  Itérativement  rappelés,  à  dix  heures  du  soir,  Pinel  pré- 
texta qu'il  allait  remplir  une  mission,  et  Gaillon  qu'il  allait  se  cou- 
cher parce  qu'il  était  depuis  six  heures  du  matin  au  comité. 

Ce  fut  donc  en  leur  absence  que  s'ouvrit  le  débat  les  concer- 
nant. Pinel  et  Gaillon  sont  des  vexateurs  qui  ont  abusé  de  leurs 
pouvoirs  en  incarcérant  des  hommes  pr(»bes  et  vertueux.  Ils  ont 
mis  leurs  passions  à  la  place  de  la  loi  révolutionnaire.  Ils  ont  fait 
incarcérer  Turgis,  père  de  dix  enfants,  au  moment  où  sa  femme  était 
prête  d'accoucher  et  quoiqu'ils  n'eussent  aucun  droit  de  sa  per- 
sonne. Gaillon  a  tenu  au  secret  pendant  seize  à  dix-sept  heures,  dans 
une  chambre  qui  servait  de  cachot,  à  Saint-Lô,  un  malheureux 
domestique  ou  commis  d'un  nommé  Lhuillier  (1),  quoique  la  loi  s'y 
opposât.  Ils  ont  vexé  dans  le  comité  Troussey  qui  n'avait  point  la 
lâche  complaisance  de  voter  pour  l'arrestatiou  lorsqu'il  voyait  des 
innocents,  et  l'ont  tourmenté  afin  qu'il  donnât  sa  démission,  lui 
reprochant  d'être  humain.  Gaillon  s'est  comporté  comme  n'aurait 
pas  osé  le  faire  un  despote  oriental.  Si  Lamine  et  Godebin  avaient  pu 
assister  plus  souvent  aux  séances,  leur  caractère  aurait  empêché 
nombre  d'arrestations . . . 

La  société  parait  cependant  d'abord  moins  hostile  à  Gaillon  et 
Pinel,  qu'il  est  question  de  renvoyer  devant  lun  des  comités.  Mais 
on  insiste,  des  mandats  d'arrêt  qu'ils  avaient  régulièren:ent  signés 
sont  représentés,  et  la  société,  procédant  comme  à  l'égard  de  Lamine 
et  Poret,  les  exclut  séance  tenante. 

Dans  cette  même  soirée,  Labbey,  à  son  tour,  fut  dénoncé;  la 
société  écrivit  au  député  Lecomte  pour  le  prier  de  s'intéresser  au 
frère  Le  Contour  «  détenu  depuis  fort  longtemps.  »  Elle  s'occupe 

(1)  Ce  domestique,  que  la  Société  ne  désigne  pas  autrement,  se  nommait  Philippe 
Morin,  âgé  de  trente-cinq  ans,  né  à  Thierville,  distr.  de  Pont-Audemer,  demeurant  au 
Mesnil-Esnard,  en  la  maison  de  campagne  de  Lhuillier.  C'était  à  lui  qu'était  adressée 
n  rtaine  correspondance  secrète  de  ce  dernier.  François  Lhuillier,  aussi  détenu  à  Saint- 
Ln,  était  un  marchand  originaire  d'Orléans,  demeurant  à  Rouen,  rue  Saint-Romain,  42, 
»t  faisant  les  négociations  d'effets  commerciaux.  Cinq  haiils  de  gros  sous  appartenant 
à  François  Fayolle,  ouvrier  en  soie,  et  apportés  par  Lhuillier  chez  le  messager  Cothe- 
rrnu,  boulevart  Cauchoise,  y  furent  saisis  le  26  brumaire  et  donnèrent  lieu  à  des 
mosures  de  rigueur  de  la  part  du  comité.  (Arch.  mpales  et  rapports  des  comités  ther- 
midoriens de  l'an  m}.  Fayolle  fut  aussi  détenu  à  Rouen. 


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-  435  - 

aussi  du  citoyen  Daupeley,  prépare  la  mise  en  liberté  de  Bidault,  (1) 
négociant,  rue  des  Charrettes  «  détenu  pour  fédéralisme  et  démission- 
naire, »  en  déclarant  qu'il  n'est  point  à  sa  connaissance  qu'il  ait 
«  déployé  l'étendard  du  fédéralisme  dans  son  sein  ni  à  la  tribune.  » 
Ce  qui  venait  de  se  passer  à  la  Société  populaire  avait  enfin 
ému  le  Comité  de  surveillance  et,  le  29  thermidor,  il  la  requiert,  au 
nom  de  la  loi,  de  lui  remettre  les  récentes  dénonciations  qu'elle  a 
reçues,  avec  les  renseignements  y  relatifs. 

Cette  démarche  inopinée,  la  perspective  d'un  conflit  voulu  par 
le  comité,  mirent  d'abord  la  Société  dans  un  assez  grand  embarras. 

Après  bien  des  hésitations,  une  motion  est  enfin  adoptée  ;  c'est 
un  biais  à  tous  égards  digne  des  a  hommes  de  loi  ))  qui  dirigent  alors 
la  Société  :  «  La  Société  délibère. . .  qu'il  n'y  a  lieu  à  délibérer 
attendu  que  le  Comité  n'a  pas  désigné  les  dénonciations  qu'il 
désire  I  » 

Les  agissements  du  Comité  —  ou  plutôt  de  Poret  et  de  Lamine 
qui  l'inspiraient,  —  ne  se  bornaient  pas  là.  Inquiets  au  fond  de  la 
tournure  des  événements,  ils  faisaient  appel  à  d'anciennes  relations 
pour  indisposer  contre  la  Société  populaire  les  Jacobins  de  Paris. 
A  leur  instigation,  Real,  qui  n'avait  pas  oublié  les  bonnes  journées 
passées  à  Rouen  en  nivôse  et  pluviôse  (2)  avec  les  Montagnards  de 
cette  ville,  n'avait  point  hésité  à  intervenir  pour  arrêter  l'œuvre  de 
représailles  de  la  Société  de  Rouen  contre  les  terroristes.  Dans  la 
séance  des  Jacobins  do  Paris  du  26  thermidor,  après  Massieu  (3) 
peut-être  son  compère,  Real  soutient  qu'il  est  urgent  de  rédiger  une 
adresse  à  la  Convention,  attendu  que,  dans  plusieurs  communes, 
l'aristocratie  cherche  à  profiter  de  la  révolution  qui  vient  de  s'opérer. 

(i)  E.-J.-T  Bidault,  trente-huit  ans,  marchand,  rue  des  Charettes,  54,  avait  été  arrêté 
le  U  pluviôse  an  ii,  pour  incivisme  et  aristocratie  et,  en  réalité,  parce  qu'on  avait  saisi 
a  la  poste  une  lettre  assez  mystérieuse  à  lui  adressée,  par  un  anonyme  qui  lui  disait  : 
c  Brûlez  cette  lettre.  »  Bidault  fut  mis  en  lil)erté  le  30  thermidor  an  ii. 

(2)  Voir  chapitre  XIII*.  On  a  prétendu  que  Real  fut  emprisonné  vers  le  25  fructidor 
parce  qu'on  savait  qu'il  devait  défendre  les  Nantais  —  dont  deux  furent  effectivement 
défendus  par  lui  en  frimaire  an  m  —  ;  n'est-il  pas  plus  vraisemblable  qu'il  fut  arrêté 
i  la  suite  de  la  dénonciation  de  Lacombe,  mêlé  à  ce  qui  passait  à  Rouen  ? 

(3)  L'un  des  trois  évêques  constitutionnels  venus  pour  sacrer  Gratien.  et  qui  assista 
à  une  séance  de  la  Société  populaire  do  Rcmen. 


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—  436  — 

A  Rouen,  poursuit-il,  les  patriotes  les  plus  purs  ont  été  incarcérés 
sur  une  accusation  de  robespierrisme,  et  chassés  de  la  Société 
populaire.  //  donne  lecture  (Tune  lettre  de  Rouen  contenant  tous 
les  faits  par  lui  présentés  (3). 

Real  —  ou  son  correspondant  —  exagérait.  A  cette  date,  les 
patriotes  dont  il  parlait  n'étaient  pas  encore  incarcérés.  Il  est  présu- 
mable  qu'ils  s'attendaient  à  l'être,  sachant  qu'au  moins  en  ce  qui 
concernait  Poret  et  Lamine,  les  résolutions  de  la  Société  avaient  été 
transmises  au  comité  de  Sûreté  générale,  et  la  Société  paraissant 
peu  disposée  à  suivre  1  avis  que  lui  donnait  le  conventionnel  Lecomte^ 
do  suspendre  l'exclusion  prononcée  jusqu'après  l'arrivée  à  Rouen 
d'un  représentant  du  peuple. 

La  Société  écrivit  à  Réal  et  lui  demanda,  ainsi  qu'au  président 
des  Jacobins,  copie  de  la  lettre  servant  de  base  à  sa  dénonciation 
du  26,  contre  Rouen.  Puis,  elle  fit  imprimer  le  précis  de  ses  séances 
depuis  le  21  pour  l'adresser  à  chacun  des  députés  à  la  Convention 
nationale,  à  chaque  section  de  Paris  et  à  chaque  Société  affliée. 

La  lutte  s'envenimait.  Tout  le  monde  s'y  intéressait  et  la  foule 
des  curieux  en  venait  suivre  avidement  les  phases  émouvantes  à  la 
Société  populaire. 

A  la  séance  du  !•'  fructidor  reparut  le  frère  Le  Contour,  dont 
Lecomte  avait  obtenu  la  mise  en  liberté.  Il  remercia  la  Société  qui 
l'avait  appuyé  et  dont  il  appela  l'attention  sur  les  malheureuses 
victimes  restées  détenues  à  Saint- Yon,  parmi  lesquelles  quantité  de 
pères  de  famille,  d'hommes  utiles  sous  tous  les  rapports.  Il  résulte 
de  son  allocution  qu'on  s'attendait  à  voir  arriver  sous  peu  de  jours 
une  commission  pour  juger  les  détenus. 

Ce  fut  ce  jour  là  qu'un  ballottage  ayant  eu  lieu  entre  Legendre 
et  Houel,  le  premier,  à  la  majorité  de  97  voix  contre  22,  fut  proclamé 
président  et  le  second  vice-président.  Presque  toutes  les  séances  de 
thermidor  avaient  été  présidées  par  ThieuUen. 

En  prenant  après  Houel  le  fauteuil  dans  la  séance  du  2  fructidor, 
Legendre  parle  des  faux  bruits  que  les  méchants  se  plaisent  à 

(3)  Moniteur  du  't30  thermidor^  p.    1254.    —    Aulard,    la    Société    des  Jacobin», 
t.  VI,  pp.  336  et  420.  note. 


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—  437  — 

répandre,  en  disant  que  la  cité  (société  ?)  de  Rouen  est  en  insurrec- 
tion. «  Ses  réflexions  applaudies  prouvent  que  les  citoyens  de  cette 
commune,  loin  d'être  en  insurrection,  sont  au  contraire  dans  la  plus 
grande  sécurité.  » 

Le  comité  de  surveillance,  atteint  dans  ses  membres  les  plus 
considérables  par  la  Société,  taxait  colle-ci  de  rébellion,  et,  se 
sentant  pris,  s'efforçait  de  ressaisir  son  rôle  habituel  d'accusateur, 
pour  quitter  la  posture  d'accusé  que  la  Société  lui  imposait  avec 
autant  d'habileté  que  de  vigueur. 

La  Société  s'applique  à  déjouer  les  manœuvres  dirigées  contre 
elle.  Elle  imagine  le  2  fructidor  une  sorte  de  plébiscite  en  demandant 
à  toutes  les  autorités  constituées  de  Rouen  si  elles  la  considèrent 
comme  étant  en  insurrection  contre  ses  magistrats. 

Le  3,  un  membre  de  la  Société  lit  un  paragraphe  d'une  lettre  à 
lui  adressée  de  Paris  la  veille,  cinq  heures  du  matin,  annonçant 
qu'un  orage  électrique  se  dirige  contre  Rouen  : 

Les  expressions  météorologiqaes  dans  lesquelles  ce  paragraphe  est 
conçu  n'ayant  point  été  entendues  par  divers  membres,  ils  demandent  que 
le  frère  qui  a  fait  lecture  du  paragraphe  donne  également  lecture  de  la 
lettre  entière.  —  Il  dit  que  le  reste  de  la  lettre  le  concerne  seul.  —  Divers 
orateurs  demandent  une  explication  de  ce  qu'il  a  lu.  Il  répond  que  le 
comité  de  sûreté  générale  a  mandé  le  citoyen  (1)  qui  avait,  dans  une 
séance  des  Jacobins,  parlé  contre  la  Société,  et  qu'il  en  est  résulté  un  arrêt 
dudit  comité  qui  sera  incessamment  connu. 

Le  4  fructidor,  la  Société  reçoit  du  département  et  du  district 
des  réponses  regardant  comme  une  calomnie  le  reproche  d'insurrec- 
tion à  elle  fait.  Celles  du  comité  et  de  la  commune  n'ont  pas  été 
facilement  obtenues.  Lamine  avait  objecté  que  le  comité  étant  occupé 
à  procurer  la  liberté  à  un  grand  nombre  de  détenus,  ne  pouvait 
répondre  pour  l'instant,  mais  qu'il  serait  répondu...  (2).  Son 
collègue  Troussey  voulait  qu'on  fixât  le  jour  de  cette  réponse. 
Lamine  dit  qu'il  n'était  pas  étonnant  que  Troussey  proposât  cela, 
parce  qu'il  ignorait  les  opérations  du  comité,  où  il  n'est  pas  venu 
depuis  six  semaines. 

(1)  Réal. 

(2)  Ces  points  suspensifs  sont  dans  le  texte  du  procès-verbal  de  la  Société.  Le 
comité  s'occupait  alors  vraisemblablement  de  régulariser  ses  registres. 


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-  438  — 

Ces  explications  ne  fournissaient  point  à  la  Société  une  satis- 
faction essentielle  :  Un  membre  voulut  qu'on  invitât  Lecomte  à 
«ommer  Real  d'insérer  sa  rétractation  dans  les  journaux  ;  un  frère 
fit  observer  «  qu'il  avait  vu  et  embrassé  Real  et  que  sa  rétractation 
serait  publiée.  »  On  insista  pour  que  Real  dont  la  rétractation  était 
«  idéale  plutôt  que  sincère,  »  remit  et  publiât  en  même  temps  copie 
de  la  lettre  basant  sa  dénonciation.  De  plus  conciliants  excusaient 
Real  qui  avait  jugé  la  Société  tout  entière  d'après  ceux  de  ses  mem- 
bres par  lui  fréquentés  lors  de  son  séjour  à  Rouen.  On  tenait  absolu- 
ment à  la  punition  des  calomniateurs  qui  avaient  voulu  perdre  la 
Société. 

La  Société  se  sentit  assez  sûre  d'elle-même  pour  inviter  Lecomte 
à  sommer  Real.  Il  semble  qu'on  l'arrêta  dans  cette  voie,  car  rien 
n'apprend  qu'elle  ait  persisté  à  la  suivre.  Mais  elle  ne  cessait  pas 
pour  cela  d'épier  tous  les  mouvements  de  Poret  et  autres.  Dans  sa 
séance  du  13  fructidor,  Poret  est  dénoncé  pour  avoir  quitté  son 
poste  d'agent  national  et  s'être  rendu  à  Paris,  sans  doute  pour 
intriguer  et  peut-être  pour  calomnier  la  Société  qui  l'a  chassé  ;  on 
l'y  a  vu  se  promener  en  la  compagnie  de  Real.  Pillon,  ajoutait-on, 
avait  aussi  quitté  son  poste  pour  aller  à  Paris  (1).  On  décide  de 
dénoncer  Poret  au  district  et  d'écrire  au  comité  de  Sûreté  générale. 

Cabissol  transmet,  le  15  fructidor,  cette  dénonciation  à  la 
commime.  Poret  s'explique  :  Il  ne  connaît  pas  de  loi  lui  défendant  de 
vaquer  à  ses  affaires  lorsqu'il  y  a  quelqu'un  pour  le  remplacer.  Son 
absence  était  légitime  parcequ'exposé  à  perdre  sa  fortune  et  celle  de 
sa  femme,  il  a  obéi  à  la  loi  de  nature  qui  lui  recommande  d'assurer 
l'existence  de  son  épouse  et  de  l'enfant  qu'elle  porte,  en  faisant  des 
démarches  pour  recouvrer  des  créances  sur  la  nation,  dont  le  délai 
allait  expirer.  Il  a  été  à  Paris  comme  simple  particulier.  Cest  à  tort 
que  la  malveillance  lui  impute  d!y  être  allé  pour  faire  changer  le 
représentant  du  peuple  désigné  pour  venir  épurer  les  autorités  de  ce 
département. Cette  imputation,  consignée  au  n**  4,  page  5  de  la 
Gasette  Nationale  est,  d'après  Poret,  injurieuse  tout  à  la  fois  pour  le 

(i)  U  8*agit  apparemment  de  son  voyage  de  la  fin  de  messidor,  car  il  ne  paraît 
point  8*ôtre  absenté  depuis. 


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—  439  — 

comité  de  Salut  public  et  pour  la  Convention.  Jamais  il  n'a  eu  la 
pensée  de  peser  sur  eux. 

Cet  incident  amena  un  échange  de  lettres  aigredouces  entre  le 
bureau  municipal  et  Cabissol  qui  voulut,  en  une  fort  longue  disser- 
tation, établir  que  Poret  était  dans  son  tort.  La  solution  parut 
difficile  car,  le  17  fructidor,  le  district  la  soumettait  au  comité  de 
Salut  public  (1). 

L'opinion  publique  s'était  affirmée  et  ne  permettait  plus  aux 
montagnards  attaqués  de  se  faire  d'illusions.  Le  13  fructidor,  au 
Conseil  général  de  la  commune,  a  lieu  un  rapport  sur  ce  que  Letellier 

s'est  permis  de  dire  au  Théâtre  de  la  Montagne  : et  une  bonne 

municipalité  que  nous  nommerons.  Le  conseil  discute  sur  l'intention 
de  Letellier  et  vote  l'ordre  du  jour,  attendu  que  ses  paroles  ne  sont  n 
injurieuses,  ni  contre-révolutionnaires.  Il  est  manifeste  que  la  Com- 
mune réfléchit,  suppute  et  s'observe  plus  que  jamais  et  s'attend  à  un 
renouvellement  prochain. 

A  la  Commune,  Michaux  et  Lizé  ayant  exposé  l'objet  de  leur 
mission,  Delalande,  officier  municipal,  s  empressa  de  dire  que,  comme 
le  but  de  la  Société  était  de  connaître  l'auteur  de  la  lettre  à  Real, 
cela  ne  regardait  pas  le  conseil  ;  néanmoins,  il  était  d'avis  de  répon- 
dre que  la  Société  n'était  pas  en  insurrection.  Dieu  so  joignit  à  lui, 
mais  leur  avis  ne  fut  point  appuyé  et  Carré  «  après  avoir  parlé  dans 
le  sens  de  Delalande,  conclut  à  Tordre  du  jour.  »  Ensuite,  Pillon 
attribua  à  quelques  membres  de  la  Société,  qu'il  ne  nomma  point, 
l'expulsion  de  «  patriotes  constants  depuis  1789.  » 

La  Société  s'étonna  de  lopinion  émise  à  la  Commune,  qu'elle 
attribua  à  la  liaison  des  membres  de  celle-ci  avec  Lamine,  Foret  et 
Godebin.  Mais,  persuadée  que  la  masse  du  conseil  est  bonne,  la 
Société  attendra  sa  réponse.  Cette  réponse,  discutée  par  la  Commune 
plus  de  trois  heures  durant,  parvint  le  5  fructidor  ;  elle  se  bornait 
à  exprimer  des  sentiments  de  fraternité  et  ne  satisfaisait  point  la 
Société  où  elle  ne  fut  trouvée  par  quelques-uns,  ni  claire,  ni  éner- 
gique, ni  franche.  La  Commune,  disait-on,  s'est  servi  d'un  langage 

(1)  Arch.  mpales  et  du  dép^  —  Le  27  fructidor,  la  dénonciation  contre  Poret  est 
envoyée  par  le  district  à  Sautereau. 


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-410  — 

évasif ,  entortillé,  amphibologique  ;  «  sa  manière  d'écrire  n'appartient 
qu'à  la  Convention  »  (?)  Les  autres  l'acceptaient  comme  suflSsante. 
Le  commissaire  délégué  pour  l'apporter  insistait  sur  divers  points, 
notamment  sur  ce  que  le  mot  insurrection  ne  figurait  point  dans 
l'article  du  Journal  de  la  Montagne,  Le  10  fructidor,  toujours  à 
propos  de  la  réponse  de  la  Commune,  la  Société  prenant  un  ton  plus 
agressif  : 

Sont-cd  là  des  hommes  attachés  à  leurs  devoirs,  ces  hommes  qui  ont 
perda,  poar  une  partie,  la  confiance  da  peuple;  le  voile  est  déchiré  et  l'on  y 
découvre  des  tigres  ennemis  de  Thamanité.  Celui  qui  met  ses  passions  à  la 
place  de  la  jastice  mérite,  non  pas  le  nom  de  magistrat,  mais  bien  celai  de 
scélérat. 

Parmi  les  autres  réponses  parvenues  à  la  société,  toutes  satis- 
faisantes, et  publiées  par  le  Journal  de  Rouen,  Perlet  et  le  Journal 
de  la  Montagne,. {1)  il  faut  rappeler  celle  du  Comité  de  Surveillance, 
du  8  fructidor,  signée  :  Barbarey,  président,  et  Bénicourt  fils, 
ex-secrétaire,  où  se  trouve  ce  passage  :  —  «  Vos  magistrats,  frères 
et  amis,  sont  trop  attachés  à  leurs  devoirs  pour  croire  que  la  Société 
se  soit  mise  en  insurrection  contre  eux.  » 

Il  apparaît,  d'ailleurs,  que  le  conventionnel  Lecomte,  qui  avait 
involontairement  aggravé  ces  décisions  en  cherchant  à  les  prévenir, 
s'était  ensuite  attaché  à  y  mettre  fin  par  une  lettre  du  7  fructidor, 
éclairant  en  môme  temps  les  origines  quelque  peu  obscures  de  ces 
incidents  :  La  Société,  écrit  Lecomte,  parait  avoir  mal  entendu 
une  lettre  qu'il  lui  a  adressée  le  mois  dernier  et  dans  laquelle  il  n'a 
pas  entendu  dire  que  la  Société  fut  en  insurrection  contre  ses  ma- 
gistrats; il  a  assisté  à  trois  séances  du  Comité  de  sûreté  générale,  et 
il  sait  que  Real,  mieux  informé,  s'est  rétracté  aux  Jacobins  de  ce 
qu'il  avait  avancé  contre  la  Société  de  Rouen 


(1)  La  Société  s'étant  fait  adresser  des  réponses  par  les  tribunaux,  les  juges  de  paix, 
etc.,  Rousseau,  rédacteur  du  Journal  de  la  Montagne,  se  plaignit,  le  16  fructidor,  de  la 
quantité  de  lettres  qu'on  l'invitait  à  insérer  ;  il  observait  qu'il  n*était  pas  le  propriétaire 
du  journal,  qui  appartenait  à  la  Société  des  Jacobins.  La  Société  de  Rouen  protesta, 
s'adressa  aux  Jacobins,  et  craignant  que  ses  lettres  fussent  interceptées,  en  chargea 
le  frère  Crespin,  qui  se  rendait  à  Paris. 


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—  441  — 


CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME 

Départ  de  Guimberteau.  —  Pillon  s'occupe  de  rélargissement  des  détenus.  —  ArriTée 
du  conventionnel  Sautereau.  —  Inquiétudes  de  la  Société  populaire.  —  Robert  de 
Saint-Victor.  —  Pillon  et  Foret  démissionnaires.  —  Poret  tient  tête  aux  attaques.  -- 
Brémontier  réintégré.  —  La  complainte  de  Garât  à  la  Société  populaire.  —  Les 
élargis  cause  d'agitation.  —  M°>«  d'Estampes  ;  Dieu  et  Mabon  ;  le  sans-culottisme 
insulté  en  plein  conseil.  —  Lamine  et  le  comité  préparent  leur  retraite.  —  Solidari- 
sation  du  Conseil  de  la  Commune.  —  Le  nouveau  Comité  de  sunreillance.  —  Fête 
en  l'honneur  de  Marat.  —  Manifestation  de  Pillon  et  Carré  et  placard  séditieux 
contre  Sautereau.  —  Lamine  arrêté.—  Incident  à  la  Société  populaire  :Legendre.— 
Compte  moral  de  la  Commune.  -  Suppression  et  remplacement  de  la  municipalité.  — 
Discours  et  arrêtés  de  Sautereau.  —  Le  dernier  cri  de  Pillon,  maire. 

Guimberteau  annonçait,  le  11  fructidor  (28  août  1793  ),  son  pro- 
chain départ  en  offrant  ses  bons  offices  à  la  Société  populaire,  laquelle 
publiait  sa  lettre  comme  témoignant  qu'elle  n'était  pas  en  insurrec- 
tion. A  peine  avait-il  quitté  la  Seine-Inférieure  qu'un  blâme  impli- 
cite s'élevait  contre  lui  dans  la  Société.  Le  12,  on  demande  si  les 
chevaux  de  la  République,  réunis  en  grand  nombre  à  Rouen,  —  et 
dont  il  avait  à  s'occuper  spécialement  —  ne  vont  pas  dépérir,  n'étant 
pas  soignés  comme  ils  seraient  dans  différents  dépôts  du  département. 
Occupés  chez  des  cultivateurs,  ils  éviteraient  les  maladies  auxquelles 
les  expose  le  défaut  d'exercice. 

On  ne  se  gênait  plus,  d'ailleurs,  pour  exprimer  dans  la  Société 
son  opinion  sur  les  actes  les  moins  répréhensibles  des  patriotes. 
N'allait-on  pas,  le  11  fructidor,  jusqu'à  voir  un  emprunt  forcé  dans 
la  souscription  pour  la  construction  d'une  frégate  !  (1).  Sans  se  soucier 
désormais  des  protestations  des  montagnards,  la  Société  rapporte 
une  délibération  antérieure  privant  les  journalistes  de  leur  place  à 
ses  séances. 

Un  grave  débat  s'y  ouvre  le  15  fructidor  (  15  septembre  )  :  «  Le 
vaisseau  de  la  République  est  agité  par  l'aristocratie.  »  Comme  aux 

(i)  Je  n'ai  pas  cru  devoir  rapporter  ici  la  longue  controverse  entre  la  Société  qui 
avait  adopté  de  souscrire  pour  une  frégate  et  le  département  qui  préférait  un  vaisseau 
de  ligne.  Je  suppose  que  la  Société  agit  selon  l'opinion  surtout  de  Forfait. 


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—  442  - 

Jacobins  de  Paris,  on  s'émeut  do  ce  que  le  décret  des  21  et  22 
messidor  et  29  thermidor  (1)  qui  a  rendu  la  liberté  à  plusieurs 
patriotes,  l'a  rendue  aussi  à  une  grande  quantité  d'aristocrates  et  l'on 
veut  que  la  Convention  fa-se  publier  la  liste  des  libérés.  L'attt-ntion 
est,  par  suite,  appelée  sur  les  aristocrates  sortis,  qui  ont  trompé  le 
Comité  de  sûreté  générale  en  se  disant  ruldcateurs,  artistes  ou  sans- 
culoites, 

Pillon,  se  conformant  aux  décrets,  fait  décider  par  le  Conseil 
général  de  la  Commune,  le  16  fructidor,  que,  sous  trois  jours,  la 
commission  des  maisons  de  sûreté  présentera  un  tableau  de  tous  les 
détenus,  avec  les  motifs  d'arrestation,  pour  être  à  portée  de  prononcer 
l'élargissement. 

La  Commune  se  prépare  ainsi  à  renseigner  le  conventionnel, 
dont  l'arrivée  est  imminente.  Pillon  et  ses  amis  savent,  à  cette  date, 
que  leurs  vœux  ne  sont  pas  exaucés.  Par  un  décret  du  13  fructidor, 
la  Convention  nationale  a  envoyé  en  mission  dans  la  Seine-Inférieure 
et  la  Somme,  Sautereau  (2),  député  de  TYonne,  dcînt  le  passé  n'est 
pas  de  nature  à  rassurer  les  Jacobins  de  Rouen. . . 

L'envoyé  de  la  Convention  se  présente  le  18  devant  les  direc- 
toires du  département  et  du  district  avec  lesquels  il  échange  des 
compliments  officiels  remplis  d'aménité.  Sa  visite  au  département 
a  lieu  «  autant  par  devoir  qu'avec  plaisir  et  pour  fraterniser  avec 
l'administration  dont  on  lui  a  donné  une  opinion  distinguée.  »  Au 
district,  il  fait  observer  que,  logé  dans  une  auberge,  il  ne  lui  est 
guère  possible  de  s'occuper,  avec  la  méditation  qu'elles  exigent,  des 

(1)  Mise  en  liberté  provisoire  des  lal)Oiireurs,  moissonneurs,  etc.,  des  communes 
au-dessous  de  1,200  habitants  détenus  conïnie  susi)e(ts. 

(2)  Jean  Sautereau  de  IJelIevaud,  né  à  Epiry  (Bas-Nivernais).  Avocat  à  Clermont, 
en  Auverpje,  il  revint,  après  la  suppression  des  tribunaux  à  Saint-Pierre-le-Moulior 
(Nièvre*),  ville  qui  i)rit  sous  la  Ternnu*  le  nom  de  Jirulus  le  Mofjnaninie.  Elu  député  du 
baillia^te  de  Saiiit-Piern'-Ie-.Mnutit>r  «'t  de  la  Constituante,  il  n'y  sièp'a  pas  plus  que  son 
collègue  Roliot  du  même  baillia.ûe.  Il  d«*vint  prueur<Mu*  jrènèral  syndic  d(!  la  Nièvre, 
département  ipii  lenvoya,  en  1791,  à  la  Lè;^islutive  puis  à  la  Convention,  où  il  vota  la 
mort  du  roi.  Il  passa  en  suite  au  conseil  ihts  Cinq-Cents,  et  fut  en  1798  juge  à  la  Ca)UT 
d'appel  du  Cher,  Atteint  par  la  loi  du  12  janvier  1816  contre  les  régicides,  il  se  relira 
après  le  second  retour  du  roi  en  Allemagne,  dit-on.  {Biogr.  des  hommes  vivants: 
A  Bretle,  Recueil  de  documents  relatifs  à  la  convocation  des  Etats-Génévaux,  i896; 
Moniteur  du  13  brumaire,  an  II,  p.  173. 


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-  443  - 

affaires  qui  ramènent  ;  aussi  lui  fait-on  préparer  sur  le  champ  «  la 
»  maison  d'Oissel,  père  d'émigré,  rue  de  Lille,  u  (1) 

11  ne  fit  point  de  semblable  visite  officielle  à  la  Commune,  en 
séance  ;  mais  le  20  fructidor,  il  se  rendit  à  la  mairie  et  s'y  joignit  au 
cortège  formé  des  administrations  régénérées,  de  la  Société  popu- 
laire, des  instituteurs  et  des  élèves  des  écoles  primaires  et  des 
enfants  naturels  de  la  patrie,  pour  assister  à  la  fête  décadaire,  au 
temple  de  l'Eternel,  célébrée  selon  un  programme  de  Bérard.  Pas  de 
disc(>>urs  à  cette  cérémonie,  ce  qui  décèle  une  réserve  reflétée 
d'ailleurs  par  un  procès-verbal  sans  enthousiasme.  (2) 

Malgré  une  lettre  de  Sautereau  annonçant  sa  visite  à  la  Société 
pour  la  consulter  sur  l'esprit  public,  certains  membres  restent 
soucieux.  L'un  d'eux  craint  de  le  voir  circonvenir  par  les  intrigants  : 
«  Il  en  connaît  qui  ont  des  chevaux  de  poste  pour  aller  à  Paris  faire 
valoir  leur  cause  ;  il  serait  bon  de  prévenir  Sautereau.  »  Un  autre, 
plus  calme,  le  rassure  :  le  représentant  du  peuple  rendra  justice  à  la 
Société. 

Il  vint  à  la  séance  du  20  fructidor.  Legendre  s'empara  du  fauteuil 
qu'occupait  Eudeline.  Sautereau,  acclamé,  «  paraît  éprouver  une 
émotion  diflBcile  à  dépeindre.  »  Sûrement  les  assistants  ne  sont  pas 
moins  impressionnés,  car  il  y  eut  rarement  pour  tous  des  instants 
aussi  graves,  aussi  décisifs. 

Assis  auprès  de  Legendre,  dont  il  reçoit  l'accolade  fraternelle, 
le  conventionnel  assiste  à  un  incident,  insignifiant  en  apparence, 
et  qui  néanmoins  sert  à  expérimenter  les  dispositions  de  la  Société. 
On  lit  une  lettre  de  son  collègue  Mariette,  lequel  s'étend  sur  ses 
opinions  politiques  dans  la  Convention  et  invite  la  Société  à  «  éclairer 
la  marche  ténébreuse  des  intrigants,  des  diviseurs  et  des  calomnia- 
teurs. ))  A  cette  lettre  a  sentimentale  »  on  répondra  que  la  Société 
s'unira  toujours  à  lui  et  aux  autres  députés  de  la  Seine-Inférieure. 

Sautereau  met  fin  à  l'anxiété  des  uns  et  aux  illusions  des  autres 
par  un  discours  remarquable  exprimant  d'abord  en  termes  flatteurs 


(i)  Reg.  du  district. 

(2)  Reg.  de  THôtel-de-VlUe. 


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-444- 

la  confiance  entière  dans  la  Société,  et  recommandant  a  l'accord  le 
plus  parfait,  Tmiion  la  plus  étroite.  » 

Dans  une  courte  improvisation,  Legendre,  un  des  plus  tour- 
mentés parmi  les  Jacobins,  exprime  les  mômes  sentiments  de 
fraternité,  puis  il  serre  Sautereau  dans  ses  bras  «  en  répétant  avec 
la  Société  :  Serrons-nous  pour  terrasser  nos  ennemis,  ceux-là 
surtout  qui  voudraient  diviser  pour  régner.  La  Société  sera  consé- 
quente dans  ses  démarches,  secondera  le  député,  et  la  passion  ne 
dictera  point  ses  dénonciations.  »  Sur  sa  proposition,  on  jure  une 
haine  éternelle  à  tous  les  ennemis  du  bien  public. 

Cependant,  il  faut  avoir  encore  des  ménagements  et  c'est  dans 
cette  même  séance  que  Legendre  —  selon  le  procès-verbal  de  la 
Société  —  annonce  que  le  lendemain,  on  appliquera  la  loi  à  un  prêtre 
réfractaire,  et  —  d'après  la  11®  section  —  dit  «  acecjoie,  qu'un  prêtre 
pris  à  Maromme  sera  guillotiné  le  lendemain,  »  ce  qui  est  infiniment 
plus  caractéristique  (1). 

Devant  Sautereau  se  poursuit  une  longue  discussion  sur  la  liste 
des  élargis.  On  y  marque  une  animosité  peu  conforme  aux  promesses 
de  Legendre.  Il  s'agit  de  réviser  les  mises  en  liberté  et  d'assujettir 
les  citoyens  libérés  depuis  le  9  thermidor  à  résider  dans  leur  com- 
mune et  ceux  qui  en  sont  sortis  à  y  rentrer.  Par  faveur  spéciale,  on 
eut  dispensé  de  passeport  tout  patriote  injustement  détenu  !  «  S'il 
y  a  eu  des  hommes  mis  en  liberté  sans  le  mériter,  dit  quelqu'un,  il 
faut  qu'ils  rentrent  dans  l'endroit  d'où  ils  n'auraient  pas  dû  sortir.  . . 
on  ne  doit  pas  proscrire  la  dénonciation ...  les  hommes  mis  en 
liberté  affectent  de  s'isoler,  d'être  des  patriotes,  ils  sont  insolents. . . 

Le  21,  une  lettre  de  Robert  (de  Saint- Victor)  annonce  «  sa 
liberté  »  et  se  plaint  de  ce  que  le  hasard  malheureux  de  sa  naissance 
le  prive  de  se  réunir  à  ses  frères.  On  fait  observer  que  Robert,  étant 
père  d'émigré,  n'eût  pas  dû  être  relaxé. 

Sautereau  établit  ((  dans  un  discours  étendu  »  que  demander  le 
gouvernement  révolutionnaire  est  inutile  puisqu'il  existe.  Il  objecte 
que  la  liste  générale  (des  détenus  ou  émigrés?),  «composée  d'au 

(i)  Il  a  déjà  été  question  au  chapitre  IX«  de  ce  propos  sur  lequel  je  reviens  ici,  afin 
de  préciser  les  circonstances  dans  lesquelles  il  fut  tenu. 


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-.445  - 

moins  cent  volumes  in-folio,  nécessiterait  un  travail  de  plusieurs 
années  et  une  dépense  de  quarante-quatre  millions  !  »  Consigner  à 
leur  domicile  les  relaxés  serait  une  mesure  vexatoire  assimilant  les 
patriotes  aux  nobles.  Des  cartes  de  sûreté  seraient  outrageantes  et 
infamantes.  La  liste  publique  serait  bientôt  une  arme  pour  la  calom- 
nie. 

Quelques  passages  de  ce  discours  furent  attaqués. 

Cependant  la  Société  résolut  de  demander  une  liste  des  détenus 
et  des  élargis  émargée  des  motifs  d'arrestation,  et  d'insi^er  pour  la 
résidence  obligatoire. 

Durant  ces  débats,  des  polémiques  s'engagent  dans  les  journaux. 
Alarmés  ou  courroucés  par  les  attaques  violentes  et  répétées  dont  ils 
sont  l'objet  dans  la  Société,  les  plus  malmenés,  les  plus  arrogants. 
Lamine  et  Poret,  essaient  d'en  appeler  à  l'opinion  publique.  Lamine 
proteste  contre  l'intrigue  et  la  passion  qui  ont  dicté  les  dénonciations 
faites  contre  lui  à  la  Société  populaire,  «  qu'il  aime  toujours  (1).  » 
Poret  s'était  permis  de  recourir  à  des  placards  en  papier  blanc  (2) 
pour  une  «  prétendue  justification.  »  Le  20  fructidor,  il  invite  Noël 
à  insérer  les  réponses  qu'il  fera  à  des  imputations  et  à  des  sorties 
indécentes!  Noël  s'y  refuse  :  son  journal  n'est  pas  destiné  à  servir 
de  «carrière  litigieuse  à  des  divisions  particulières.  C'est  dans 
l'enceinte  de  la  Société  qu'ont  retenti  des  inculpations  graves  contre 
Poret,  c'est  là  qu'il  doit  faire  entendre,  sous  les  regards  de  Sautereau, 
ses  moyens  de  défense  et  d'exemption.  » 

Poret  voit  dans  le  refus  de  Noël  un  déni  de  justice  et  exige  les 
moyens  de  répondre  à  ses  détracteurs  dans  le  Bulletin  qui  résume 
les  séances  de  la  Société.  Noël  n'en  fit  rien. 

Le  24  fructidor,  Sautereau  demande  à  la  Société  une  liste  de 
citoyens  pour  les  fonctions  de  membres  du  Comité  de  surveillance 
et  des  autorités  constituées  et  en  même  temps  Tinforme  que  Pillon 
et  Poret  lui  ont  offert  leur  démission. 

(1)  Jowfial  de  Rouen  du  17  fructidor. 

(2)  Aux  termes  du  décret  du  22-28  juillet  1791,  les  affiches  des  actes  émanés  de 
Tautorité  publique  devaient  être  sur  papier  blanc  et  celles  des  particuliers  sur  papier 
de  couleur. 

(3)  Journal  de  Rouen-  du  21  fructidor. 


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—  446  - 

Redoutant  des  conséquences  autres  que  la  perte  de  ses  fonctions, 
Poret  fait  parade  de  sentiments  généreux,  en  se  louant  d'avoir  fait 
la  ((délicieuse  démarclie»  tendant  à  faire  rendre  à  Le  Coutour, 
ses  fonctions  d'af;ent  national,  démarche  conforme  au  vœu  de  la  loi 
et  que  ((  sa  fortune  le  met  à  portée  de  devancer.  »  La  Société  peu 
disposée  à  lui  reconnaître  des  mérites,  déclare  que  Poret  n'est  pa^ 
plus  délicat  dans  ses  fonctions  que  dans  ses  actions  particulières. 

Chaque  jour,  on  voit  fléchir  Tintransigeance  de  la  Société. 
Parmi  les  noms  entrés  dans  la  liste  demandée  par  Sautereau  (1), 
figure  celui  de  Brémontier  ;  l'ex-législateur  est  un  modéré  qui.  à  la 
législative,  s'est  bien  comporté.  Mais  il  a  été  expulsé  de  la  Société 
et  il  faudrait  le  réint(*grer,  ce  qui  a  eu  lieu  aux  voix.  Dès  le  lende- 
main, Brémontier  remercie  la  Société  ((  d'où  il  n'était  jamais  sorti 
de  cœur.  » 

Le  26  fructidor  est  chantée  en  séance  ((  la  chanson  qui  était 
insérée  dans  le  Journal  de  NocL  »  Le  procès-verbal  ne  dit  pas  quelle 
est  cette  chanson.  Or,  c  est  la  «  Complainte  élégiaque  d'un  trouba- 
dour rappelant  le  style  et  Texpression  romancière  des  productions 
de  nos  anciens  troubadours  de  la  Durance  et  de  l'Isère,  •>  et  résumant 
l'histoire  de  Garât  (2)  qui  la  chantait  la  veille  à  la  salle  des  Consuls, 
dans  un  concert,  avec  Boyeldieu  et  Sallentin.  Cet  intermède  distrait 
la  Société  dont  la  correspondance  ((  n'offre  à  ce  moment  que  des 
déchirements  affligeants.  »  Plusieurs  lettres  se  plaignent  de  ce 
qu'il  y  a  des  continuateurs  de  Robespierre,  d'autres  de  ce  que  des 
patriotes  sont  incarcérés  et  les  aristocrates  relâchés. 

Il  y  avait  eu,  en  effet,  d'assez  nombreuses  mises  en  liberté, 
ordonnées  par  le  comité  de  sûreté  générale  avant  l'arrivée  de  Saute- 
reau. Et  ceux  qui  en  avaient  été  l'objet  no  restaient  pas  longtemps 
tout  à  la  joie  d'être  rentrés  chez  eux.  Le  souvenir  de  leur  incarcéra- 
tion, le  spectacle  de  leurs  domiciles  bouleversés,  dévalisés  souvent 
de  la  literie,  par  exemple  comme  chez  Vimar  où,  sur  réquisitions 


(!)  Etaient  membres  de  la  conmiission  cl}arvîêe  de  former  cette  liste  :  Iloiiel,  i*revel 
l'aîné,  Le  Barbier,  Houdeville,  Lizé  i'ainé,  Le  Drun,  Lettré,  Hébert,  Dodart,  Paiilarl, 
Portrait,  Tbéodore  Lachenez-Ueude  lils.  L'un  d'eux  voulut  se  faire  remplacer;  on 
s'y  refusa. 

(2)  Peut-être  Garât  vnit-il  lul-mêuïe  la  cbanter  à  la  Société» 


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-  447  - 

d'une  régularité  douteuse,  on  avait  enlevé  pour  plus  de  quinze  cents 
livres  de  mobilier,  l'état  de  désordre,  d'abandon  et  de  ruine  dans 
lequel  ils  retrouvaient  leurs  affaires  ou  leurs  établissements,  ne  pou- 
vaient les  rallier  à  un  régime  d'oppression  et  d'injustice. 

Leur  rentrée  dans  le  monSe. devait  donc,  malgré  la  surveillance 
qui  s'exerçait  autour  d'eux,  y  apporter  des  éléments  de  résistance, 
de  réaction,  d'autant  plus  redoutables  que  les  libérés,  pour  la  plupart, 
comptaient  parmi  les  plus  actifs  et  les  plus  influents  des  contre- 
révolutionnaires. 

A  ces  motifs  de  voir  une  quarantaine  d'hommes  de  loi.  surex- 
cités et  remuants,  se  mêler  aux  mouvements  inspirés  par  les  récrimi- 
nations de  toute  sorte,  venaient  s'en  ajouter  d'autres  non  moins 
puissants  :  Beaucoup  d'anciens  avocats  et  de  procureurs  dont  les 
réformes  et  la  Terreur  avaient  notablement  diminué,  rendu  plus 
aléatoires  et  même  tari  les  resisources,  quittaient  la  prison  des 
suspects  pour  être  immédiatement  aux  prises  avec  la  gêne,  la 
misère  et  la  famine.  Vimar,  sorti  de  Saint- Yon  sur  une  déclaration 
fournie  au  Comité  de  sûreté  générale  par  Blutel,  Mariette  et  Bour- 
gois,  avait  eu  lui-même  à  subir  l'arrêt  de  ses  rentes,  inquiétant  pour 
sa  tranquillité,  et  peut-être  cela  entra-t-il  pour  une  bonne  part  dans 
son  empressement  à  contracter,  moins  d'un  mois  après  son  élargis- 
sement, un  mariage  politique  de  quinquagénaire  avec  une  femme 
divorcée  (1). 

D'autres,  comme  Niel  (2),  secrétaire  général  du  département 
avant  son  arrestation,  se  voyaient  évincés  sans   retour  de   leurs 

(1)  Vimar,  dont  h's  revenus  sont  évalués  à  5,000  1.  par  une  liste  de  détonus,  allait 
avoir  50  ans.  Le  l*^  vend.  (22  st^pt.  1794),  il  épousait  devant  Chouquet,  officier  public  à 
Rouen,  L.-H.-G.  Guesdon,  vivant  de  son  revenu,  rue  de  Lille,  48,  âgée  de  38  ans,  née 
à  Caen,  épouse  divorcée  à  Rouen  le  19  messidor  précédent  et  séparée  de  lait  depuis 
plus  de  18  mois,  de  P.-N.-Kt.  Lan^lois  ;  les  témoins  du  maria;4tî  étaient  :  Etienne  et 
J.-R.  Lucet,  courtiers  de  navire,  cousins  de  Vimar,  Jean  Lanier,  veuve  Tichan  (Tiquehan  ?), 
DÔti  Duciistel,  et  J.-IL-P.-A.  Lelioué,  cousin  et  amis  de  Tépousiï  (Etat-civil  de  Rouen), 
Robert,  dans  sa  Vie  politique  des  députés,  dit  (pie  Casenave  épousa  la  fille  de  Ducastel, 
avocat  et  ancien  député,  et  était  ainsi  neveu  de  Vimar.  LWernorial  du  premier  Empire 
de  M.  le  V»«  Révérend,  fait  do  Vimar  inoxactement  un  député  aux  Etats-(»énéraux. 

(2)  Adrien-.!. -R.  Niel,  50  ans,  demeurant  d'abord  à  Rouon,  ruo  de  la  Société,  83,  avait 
été  écroué  à  S'-Yon,  le  19  bnmiaire  an  ii,  pour  incivisme  et  aristocndie.  A  sa  sortie,  le 
5  fnictidor,  il  paraît  s'être  d'abord  fixé  à  Paris.  Une  liste  de  détenus  lui  attribue  un 
revenu   de  1,200  1.   Castel   mourut   peu  après   et  eut  pour   successeur   Galli. 


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-  448  — 

emplois.  La  demande  en  réintégration  de  Niel  est  repoussée  pajroe 
que  Castel,  son  successeur,  s'acquitte  intelligemment  de  ses  deTOÛn 
et  a  été  épuré  et  pressente  par  la  Société  populaire  à  Sautereau. 

Cependant  chacun  se  démenait  pour  sortir  des  maisons  de 
détention.  Un  incident  qui  montre  que  plus  de  deux  mois  après  la 
mort  de  Robespierre  les  portes  ne  s'en  ouvraient  pas  encore  aisément, 
est  celui,  d'ailleurs  curieux  à  divers  autres  points  de  vue,  concernant 
une  citoyenne  dont  la  famille  avait  été  plus  particulièrement  en 
butte  aux  persécutions. 

Presque  tous  les  d'Estampes  (1)  étaient  restés  détenus  malgré 
des  efforts  réitérés  surtout  pour  obtenir  l'amélioration  du  sort  de 
M°*«  d'Estampes,  la  mère,  et  de  l'un  de  ses  fils,  malades.  En  fructidor, 
jugeant  le  moment  propice.  M"*  d'Estampes,  s'appuyant  sur  un 
certificat  médical,  renouvelait  sa  demande  d'être  soignée  et  gardée 
en  ville.  Là-dessus,  un  vif  débat  s'élève  à  la  Commune  le  26  et  Ton 
oppose  à  la  pétitionnaire  une  décision  précédente  d'après  laquelle 
les  détenus  malades  seront  soignés  dans  les  hospices.  «  Dans  la 
chaleur  de  la  discussion  »,  Mabon  dit  que  la  proposition  relative  à 
la  citoyenne  d'Estampes  —  dont  la   pétition  était    renvoyée  à 

(1)  Louis  d'Estampes,  baron  de  Mauny»  60  ans,  ex-maréchal  de  camp,  François- 
Bonne-Greneviève  Joly  de  Fleury,  sa  femme,  50  ans,  dont  la  mère  était  une  De  Vieux  ; 
Claudine  et  Marie,  leurs  filles,  Armand-Marie  d'Estampes,  leur  fils  ;  Christine  Rouillé 
du  Coudray,  seconde  femme  de  Louis- Félicité-Omer  d'Estampes,  fils  aîné  du  baroR. 
émigré.  D'Estampes  père  avait  été  mis  à  Saint-Lô  par  ordre  du  Comité  de  Rouen,  mais 
sept  jours  après,  Alquier  ordonnait  son  élargissement.  Le  Comité,  nonobstant,  fit 
transférer  d'Estampes  à  Saint- Yon,  le  2  frimaire,  et  ses  filles  aux  Gravelines,  laissant 
seule  à  Saint-Lô  sa  femme  gravement  malade.  D'après  les  rapports  des  commissaiiBS 
de  sections  de  l'an  III,  le  comité  aurait  provoqué,  le  23  frimaire,  l'arrestatiou  des 
individus  qui  se  trouveraient  au  château  de  Mauny  et  la  saisie  des  papiers.  On  voit 
ailleurs,  le  3  floréal.  Graine  et  Malo  Duvergé,  commissaires  du  comité  de  Sûreté 
générale,  requérir  mystérieurement  le  département  de  leur  fournir  deux  chevaux  et 
douze  cavaliers  montés  et  armés  pour  se  rendre  à  .six  lieues  de  Rouen.  11  résulte  d'un 
rapport  qu'ils  se  rendaient  à  Mauny  (aujourd'hui  canton  de  Duclair),  où  ils  arrêtèrent 
le  jeune  d'Estampes  fils  et  sa  belle-sœur.  Peu  après,  on  fait  subir  au  district  un  inter- 
rogatoire intéressant  à  Châtain,  instituteur  national  à  Canteleu,  né  à  Maçon,  précepteur 
en  1792  de  d'Estampes  fils,  qu'il  a  connu  «  par  l'entremise  de  Désormeaux,  l'historien 
de  la  maison  de  Condé,  mort  à  Paris  d'une  attaque  d'apoplexie.  »  D'Estampes  père  et 
fils  furent  mis  en  liberté  le  4  brumaire  an  III,  et  sa  femme  et  ses  filles  le  37  fructidor 
an  IL  (Arch.  mpales  et  du  dép^) 


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—  440  — 

Sauterean  —  n'avait  pu  être  présentée  que  par  des  chirurgiens.  {1) 
Dieu  s  écrie  :  Un  chirurgien  de  mon  espèce  est  fait  pour  faire 
rentrer  un  homme  comme  toi  dans  la  fange  dont  tu  n  aurais 
jamais  dû  sortir  !  !  (2) 

Plusieurs  s'élèvent  avec  force  contre  T indécence  de  cette 
sortie,  «  qui  blesse  à  la  fois  la  fraternité  et  les  principes  de 
Tégalité.  »  L'on  passe  à  l'ordre  du  jour,  les  malades  devant  être 
transférés  à  l'hospice,  et  Dieu  ayant  reconnu  ses  torts. 

Hamel  voulut  qu'en  raison  des  excuses  de  Dieu,  cette  scène 
scandaleuse  ne  figurât  point  au  procès- verbal.  Mais  Carré  insista 
pour  le  maintien  de  l'incident  :  Dieu  a  insulté  le  sans-culottisme,  le 
plus  ferme  soutien  de  la  liberté  et  de  l'égalité!  Il  faut,  conclut-il,  que 
le  conseil  donne  un  exemple  de  la  sévérité  de  ses  principes  1  Et  ces 
récriminations  continuent  le  28  et  le  29.  A  deux  reprises.  Dieu 
réclame  contre  la  rédaction  du  procès-verbal,  se  plaint  d'additions, 
de  ratures,  de  renvois,  avouant  qu'il  lui  semblait  qu'une  étrange 
fatalité  s' éiàxi  attachée  sur  lui  en  cette  occasion. 

Ces  scènes,  ces  machinations  contre  Dieu  —  lequel  sera  membre 
de  l'autre  municipalité  —  nclairent  sur  l'état  d'esprit  des  monta- 
gnards à  la  fin  de  fructidor.  Ils  s'acharnent  après  ceux  de  leurs 
collègues  qui  veulent  se  détacher  d'eux  et  qui,  au  surplus,  hésitent, 
perplexes,  en  se  ressouvenant  qu'ils  ont  pris  part  à  de  nombreux 
actes  qui  sont  on  vont  être  attaqués. 

Aussi,  tout  le  conseil  s'associe-t-il,  le  29  fructidor,  à  l'émotion 
d'un  de  ses  membres,  Giguet,  qui  vient  se  déclarer  scandalisé  d'avoir 
lu  dans  la  Gaj^ette  révolutionnaire  que  Michaud,  de  la  Société  popu- 
laire, a  dit  :  «  Vous  savez  qu'il  y  a  deux  partis  dans  le  conseil:  celui 
des  despotes  et  celui  des  hommes  probes  et  justes.  Il  est  temps  de  faire 
cesser  une  lutte  dangereuse  pour  la  chose  publique.  »  La  réponse  du 
conseil  ne  se  fait  pas  attendre  :  A  l'unanimité  des  membres  présents, 
il  déclare  : 


(1)  Peut-être  est-ce  Dieu  qui  reprenait  alors  l'initiative  de  la  mise  en  liberté.  Quant 
au  certificat  médical,  resté  annexé  à  la  pétition  de  M"»»  d'Estampes,  où  elle  se  dit 
affligée  d'un  cancer  au  sein,  il  est  signé  de  Dieu. 

'2)  Il  y  avait  une  variante  :  «  un  chinirgien  comme  moi  est  fait  etc.. 


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-  450  - 

. .  .qu'il  n'a  jamais  reconnu  dans  son  sein  aucun  despote,  aucune  division 
que  celle  résultant  des  débats,  si  toutefois  un  choc  d'opinion,  nécessaire  pour 
arriver  à  la  vérité,  peut  être  qualifié  de  division  ;  déclare,  en  outre,  que  non 
seulement  il  désire  sa  rénovation  partielle,  mais  encore  en  totalité  si,  comme 
il  n'en  doute  pas,  elle  est  nécessaire  au  bien  de  la  république  et  au  bonheur 
de  ses  concitoyens,  et  arrête  que  Carré,  V.Groult,  Le  Boucher,  Payenne- 
ville  (1),  Mabon,  Lambert,  Yvelin  et  Delalande,se  rolireront,  séance  tenante, 
avec  le  maire  vers  le  représentant  Sautereau  pour  lui  remettre  un  extrait  de 
présente  délibération  (2). . . 

Cette  solidarisation  du  conseil,  à  la  veille  d'être  dissous,  rejail- 
lira sur  tous  l3s  faits  ultérieurs  de  la  réaction  thermidorienne. 

D'autres  incidents  marquaient,  vers  le  même  temps,  le  début 
de  la  ruine  du  parti  Jacobin. 

Dans  la  séance  de  la  Commune  du26  thermidor,  Lamine  deman- 
dait la  restitution  des  10,000  livres  par  lui  prêtés  pour  les  travaux 
effectués  au  Temple  de  la  Raison  (3).  Pour  adoucir  l'amertume  des 
déceptions  de  Lamine,  la  Commune,  en  ordonnant  délivrance  d'un 
mandat  de  10,000  livres,  charge  le  bureau  municipal  de  lui  écrire  que 
l'on  n'a  jamais  pensé  qu'il  se  soitenrichi  aux  travaux  du  Temple  et 
qu  elle  rend  hommage  à  son  désintéressement. 

Le  même  jour,  le  district  fait  passer  à  Sautereau  les  «  observa- 
tions de  Siré  (4)  sur  le  compte  rendu  par  la  Commune  de  Rouen 
relativement  aux  emprunts  d'un  million  et  de  dix  millions  pour 
raison  des  subsistances.  » 

Les  membres  du  Comité  de  surveillance  s'apprêtent  à  quitter 
leurs  fonctions.  Ils  dressent,  le  28  fructidor,  un  état  des  sommés 
dues  à  douze  d'entre  eux,  montant  à  10,080  livres,  et  où  Lamine 
figure  pour  372  jours  (du  30  août  1793  au  28  fructidor)  à  3  livres  l'un, 
soit  1,116  livres,  déduction  faite  de  huit  jours  d  absence.  Les  sommes, 

(1)  Payenneville  ne  voulut  pas  se  rendre  avec  ses  collègues  devant  Sauterea*\ 

(2)  Reg-  de  l'Hôtel-de-YtUe.  Panni  les  55  membres  présents  à  cette  séance,  sOnt  : 
Pilion,  Tamelier,  Carré,  Roger,  Clavier,  Dieu,  Le  Roucher.  Angenille,J]audr>',  Le  Piller, 
Legras,  Payenneville,  Gamare,  Pouchet,  Lefebvre  père,  Lîmibert,  Lehas,  Barthélémy; 
Cuyier. 

(1)  La  dépense  pour  la  décoration  du  Temple  à  l'Eternel,  l'élévation  de  la  Monta^ie 
et  de  la  statue  de  la  Liberté  au  cours  de  l'Egalité,  montait  à  prés  de  120.000  l.  (Reg,  de 
l'Hôtel-de-Ville,  6  pluv.  an  m), 

(2)  J.-R.  Sirey,  le  jurisconsulte  bien  connu.  Il  s'ajxissait  d'asseoir  le  pn»jet  cîe 
demander  à  la  Convention  le  remboursement  des  10  millions  de  Tempiimt  de  17113. 


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—  451  - 

dues  à  Eudeline,  Pillon,  Carre  et  Poret  forment  des  comptes  à  part. 
Ils  espéraient  sans  doute  être  payés  jusqu'à  due  concurrence  avec 
les  10,000  livres  remises  au  début  a  la  Commune  de  Rouen  pour  les 
dépenses  du  Comité  et  qui  étaient  encore  intactes;  mais  le  29  fructi- 
dor, le  district  ordonne  que  «  provisoirement,  ces  10,000  livres 
seront  réintégrées  dans  sa  caisse,  d'où  elles  n'avaient  été  tirées  que 
sauf  remplacement  »  (1). 

Sautereau  nomma,  le  1^^  jour  des  sans-culottides,  les  douze 
membres  du  nouveau  Comité  de  surveillance  (2),  qui  furent  installés 
le  lendemain  par  Bournisi<?n  et  Delisle,  membres  du  district,  après 
s'être  assemblés  une  heure  auparavant  chez  Sauttîreau,  conformé- 
ment aux  instructions  de  celui-ci  (3). 

La  Commune  exerçait  toujours  une  surveillance  très  active  sur 
les  correspondances.  Parmi  les  lettres  prises  à  la  poste  le  3®  jour  des 
sans  culottidçs,  on  en  avait  arrêté  deux  datées  de  Paris  du  28, 
signées  Gosselin  le  jeune,  adressées  à  la  veuve  Bonnaire,  marchande, 
place  de  l'Abondance,  pour  la  citoyenne  Gosselin,  sa  mère,  et  qui 
contenaient  des  «  expressions  avilissantes  et  injurieuses  à  la  magis- 
trature dans  les  personnes  do  Pillon ,  Poret  et  Lamine.  »  Sans 
s'arrêter,  ainsi  que  le  voulaient  Pillon  et  Poret,  aux  calomnies  et 
épitbètes  outrageantes,  et  ne  s'occupant  que  de  ce  qui  pouvait  porter 
atteinte  à  la  chose  publique,  le  conseil,  considérant  que  Gosselin 
annonçait  des  sentiments  de  révolte  contre  le  gouvernement  révolu- 
tionnaire, ordonna  l'arrestation  de  Gosselin  et  la  visite  de  ses  papiers. 
Sautereau  fut  avisé  do  cette  mesure.  Après  l'interrogatoire  de 
Gosselin,  Leboucher  fît,  le  4  vendémiaire,  un  rapport  en  conformité 

(1)  Arch.  du  dép*.  En  marge  d'une  amplialion  de  l'arrêté  du  district,  on  lit  ces 
mots  :  «  Demander  si  la  vérification  est  faite.  »  Puis  :  «  La  demande  est  faite,  on 
attend  la  réponse.  » 

(2)  C'étaient  :  Deschamps,  commerçant,  rue  de  la  Liberté  ;  Michault,  négociant,  rue 
de  Fontenelle  ;  Bornainville,  cé?mmerçant,  rue  de  TEpicerie  ;  Angerville,  officier  muni- 
cipal, rue  aux  Ours  ;  Portrait,  défenseur  officieux,  rue  de  l'Humanité  ;  Thélinge, 
menuisier,  rue  de  la  Régénération  ;  Dodard,  commerçant,  rue  Grand-Pont  ;  Bucaille, 
courtier,  rue  du  Peuple;  Delarue  fils,  fabricant  à  Elbeuf;  Levillain,  agent  national  à 
Maromme  ;  Gaillard  père,  fabricant  k  la  Bouille  ;  Thinel,  fabricant  à  Damétal.  (Arch.  du 
dép*.—  Arrêté  de  Sautereau,  pièce  originale.  — )  Cet  arrêté  est  dans  le  Join^al  de  Rouen 
du  3  des  sans-culottides. 

(3)  Arch,  du  dép».  Lettre  originale  de  Sautereau. 


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—  492  - 

duquel  la  liberté  lui  fut  rendue,  sous  la  caution  du  citoyen 
Pouchet. 

Une  loi  des  19-26  fructidor  voulait  qu'une  fête  fût  célébrée  dans 
toute  l'étendue  de  la  république  le  5*  jour  des  sans-culottides, 
dernier  jour  de  l'an  II.  Le  2«  jour  des  sans-culottides,  sur  un  rapport 
de  Bérard,  la  Commune  de  Rouen  décida  que  cette  fête  serait  la 
translation  du  buste  de  Marat  de  Tàutel  de  la  Patrie,  élevé  sur  le 
Champ-de-Mars  au  temple  de  l'Etre  suprême,  —  à  Notre-Dame, 
figurant  le  Panthéon  !  —  Le  décret  de  la  Convention,  on  le  sait, 
ordonnait  spécialement  pour  Paris  la  translation  des  cendres  de 
Marat  au  Panthéon,  et  Rouen  tenait,  —  d'après  Bérard  —  à  suivre 
«  un  si  bel  exemple.  »  Le  Panthéon  de  Marat,  ajoutait-il,  est  dans 
les  cœurs  des  vrais  républicains. 

A  cette  date,  la  Société  populaire  de  Rouen  n'avait  pas  encore 
renié  le  maratisme,  —  on  va  le  voir  d'ailleurs,- ~  et  elle  faisait  passer 
à  celle  de  Paris  copie  d'une  lettre  d'un  soi-disant  jacobin,  écrite 
«  pour  flétrir  la  mémoire  de  l'immortel  Jacobin.  »  (1)  Quant  au 
Conseil  général  do  la  Commune,  il  comprenait  encore  des  gens 
affectant  de  vénérer  VAmi  du  peuple  ;  mais  les  honneurs  qu'il 
allait  lui  rendre  étaient  inspirés  infiniment  moins  par  le  désir  de  le 
glorifier  que  par  l'intention  de  vexer  Sautereau  et  les  réactionnaires. 

Au  jour  fixé  (2),  «  le  Conseil  général  de  la  Commune,  les  corps 
administratifs,  la  Société  populaire  et  le  Comité  de  surveillance 
s'assemblaient  à  la  nouvelle  maison  commune  (3),  à  neuf  heures  du 

(1)  Aulard,  la  Société  des  Jacobins ,  t.  VI,  p.  423.  —  C'est  vraisemblablement  cette 
lettre  «  qui,  avec  l'apparence  d'une  signature  peut  être  regardée  comme  anonyme  » 
est  mentionnée  dans  le  procés-verbal  de  la  Société  de  Rouen,  du  18  fructidor.  Elle  ne 
fut  pas  lue.  —  A  Fécamp,  où  Sautereau  se  rendit  en  vendémiaire,  le  culte  de  Maral 
n'était  pas  encore  tombé  en  discrédit,  car  le  4  fructidor,  la  citoyenne  Cherfils,  au  nom 
de  sa  fille  Isabelle,  faisait  bommage  à  la  Société  populaire  d'un  dessin  fait  à  la  pierre 
d'Italie,  t  imitant  parfaitement  la  gravure,  sans  en  avoir  la  sécheresse  »  et  représentant 
l'arrivée  de  Marat  aux  Champs-Elysées  ;  la  Société  témoigne  sa  satisfaction  d'avoir  un 
tableau  si  cher  à  tous  les  vrais  républicains.  {Reg.  de  la  Srriété  de  Fécamp.) 

(2)  Reg.  de  l'Hôtel-de-Ville.  —  J'ai  cherché  en  vain  où  M.  Gosi^eWn  { Revue  <le  la 
Not^rnandiCy  1867,  p.  356)  a  pu  trouver  que  cette  fête  fut  renvoyée  au  2  pluviôse  an  iU 
(21  janvier  1795,  anniversaire  de  la  mort  du  roi).  M.  Gossolin  l'explique  même  en  disant 
que  ni  la  Commune  ni  la  Société  populaire  n'avaient  l'esprit  porté  aux  fêtes  publiques  ? 

(3)  C'était  encore  la  salle  des  Etats  de  l'Evéché. 


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453  — 

matin.  »  Sur  l;i  place  de  la  Montagne,  Carré  prononça  un  discours 
d'abondance  retraçant  les  vertus,  les  travaux,  Ténergie  révolution- 
naire, le  civisme  et  le  patriotisme  qui  caractérisaient  VAmi  du 
peuple  : 

Le  baste  de  Marat  est  ensuite  mis  sar  ua  palanqain.  Carré  et  Pillon 
s'apercevant  qu'il  y  était  attaché  par  des  rubans  qui  n'étaient  pas  aux  couleurs 
nationales,  se  dépouillent  de  leurs  écharpes  et  en  ornent  le  buste  et  lepalan^ 
quin.  Du  Champ-de-Mars,  on  se  rend  au  temple  de  TEtre  suprême.  Le  buste 
y  est  posé  sur  un  des  côtés  de  la  tribune. . .  Puis  séance  publique  à  )a  maison 
commune. . .  Carré  reprend  la  parole  et  annonce  au  conseil  et  à  ses  conci- 
toyens des  tribunes  que  Pillon  et  lui  ont  orné  de  leurs  écharpes  le  simulacre 
de  Marat,  VAmi  du  Peuple,  au  sommet  de  la  Montagne. . .  qu'ayant,  l'un  et 
et  l'autre,  été  invités  à  reprendre  leurs  écharpes,  ils  n'ont  pas  cru  devoir  les 
retirer  du  buste  d'en  représentant  du  peuple,  parce  qu'ils  en  avaient  d'autres 
pour  se  décorer,  que  d'ailleurs,  celle  du  maire,  qui  est  à  frange  jaune  (1) 
représenterait  mieux  celle  dont  se  servent  les  représentants  du  peuple.  Carré 
et  Pillon  en  demandent  acte,  qui  leur  est  accordé  unanimement. 

Presque  toute  la  longue  séance  du  soir  du  môme  jour,  à  la  Société 
populaire,  est  consacrée  à  cet  incident  et  en  fait  ressortir  l'impor- 
tance :  On  y  dénonce  un  abus  d'autorité  de  deux  membres  de  la 
Commune,  qui  se  sont  emparés  des  bras  de  devant  du  brancard  por- 
tant le  buste  de  Marat,  que  devaient  porter  quatre  membres  de  la 
Société  (1).  L'un  des  membres  blâmés  (2)  se  disculpe  :  C'est  par 
amour  pour  la  patrie,  pour  rendre  les  honneurs  au  glorieux  martyr 
de  la  liberté  qu'il  a  agi  ainsi. 

Houel,  qui  préside,  insiste  pour  avoir  une  autre  explication  et 
n'obtient  que  la  même.  Alors  un  membre  dit  que  a  l'opinant  veut 
égratigner  la  Société  d'une  main  en  la  cajolant  de  l'autre  ».  N'a-t-on 
pas  voulu  insulter  les  quatre  membres  de  la  Société  qui  avaient 
à  prendre  les  bras  du  palanquin  ? 

La  discussion  qu'on  cherchait  à  étouffer  se  raviva.  Aucun 
fonctionnaire  ne  veut  se  dépouiller  de  sa  décoration.  Pillon  et  Carré 

(1)  Les  marques  des  fonctions  des  maires  et  officiers  municipaux  étaient  une 
écharpe  aux  couleurs  nationales  avec  une  frange  d'or  pour  le  maire,  blanche  pour  les 
officiers  municipaux,  et  violette  pour  le  procureur  de  la  Commune.  (L.  du  19-^  août 
1790.) 

(i)  Le  Barbier,  Foreau,  Lebrun  l'aîné  et  Lefebvre  fils,  orfèvre. 

(2)  Carré. 


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—  454  - 

ont  voulu  «  faire  le  dôpôt  de  leurs  fonctions  dans  la  main  du  monta- 
gnard Mara  t.  Dans  leurs  réponses,  il  n  y  a  point  de  franchise  )). 

Après  avoir  obtenu  acte  du  dépôt  de  leurs  écharpes,  ils  ont 
ajouté  :  «  Nous  l'avons  reçue  pure  des  mains  des  représentants  du 
peuple,  nous  la  déposons  dans  les  mains  pures  d'un  montagnard.»  La 
Société  se  livre  à  une  enquête  minutieuse  sur  les  détails  de  cette 
affaire  du  buste,  et  trouve  «beaucoup  de  louche»  dans  la  conduite 
de  Pillon  et  Carré,  a  S'ils  veulent  remettre  leurs  écharpes  à  ceux  de 
qui  ils  les  tiennent,  le  chemin  sera  un  peu  dur,  fait-on  remarquer, 
car  c'est  des  mains  de  Delacroix.  »  (1) 

Cette  manifestation  contre  Sautereau  ne  fut  pa.s  la  seule  :  le 
lendemain,  1"  vendémiaire,  le  substitut  de  l'agent  national  (CaflBn- 
Vernon),  annonce  en  séance  à  la  Commune  qu'il  a  été  commis,  la  nuit 
dernière  «  un  attentat  abominable  contre  la  représentation  nationale, 
consistant  en  un  placard  affiché  au  quartier  de  l'égalité,  conçu  dans 
des  expressions  séditieuses  et  provoquant  à  la  révolte  contre  le  repré- 
sentant du  peuple  Sautereau,  maintenant  dans  nos  murs.  »  L'agent 
national  demande  que  cela  soit  dénoncé  à  la  Sociét'i  populaire  et 
qu'une  adresse  soit  faite  à  la  population.  Cette  adresse,  lue  dans  la 
séance  du  2,  invite  à  dénoncer  l'auteur  et  les  fauteurs  de  ce  crime 
infâme. 

On  précise  davantage  à  la  Société  populaire  où  D'^smalis  et 
Dieu  viennent  annoncer  la  découverte  du  placard  :  «  J'ai  vu  le  placard 
dit  un  membre  ;  je  l'ai  remis  au  Comité  de  surveillance  ;  il  est  à  peu 
près  ainsi  conçu  :  Sautereau  est  enooyé pour  faire  la  contre-rénolu- 
tion  ;  il  est  aidé  dans  V exécution  de  ce  projet  par  tels  et  tels  nomi- 
nativement... on  y  dit  aussi  que  le  département  et  le  district 
concourent  à  cette  contre-révolution.  L'attention  est  appelée  sur  la 
similitude  entre  cette  diatribe  et  une  autre  déjà  collée  sur  les  portes 
des  locaux  des  séances  de  la  Commune  et  de  la  Société  :  c'est 
l'ouvrage  des  hommes  qui  professaient  la  Terreur.  » 

Il  semble  que  les  soupçons  se  portèrent  sur  Lamine  qui  fut,  en 
effet,  incarcéré  le  lendemain  2  vendémiaire  à  Saint- Yon,  où  il  reçut 

(1)  On  se  rappelle  que  Delacroix  était  guillotiné. 


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—  455  — 

un  mauvais  accueil.  Le  14,  son  ami  Poret  communiquait  au  conseil 
de  la  Commune  une  pétition  où  Lamine  exposait  les  mauvais  traite- 
ments qu'il  venait  d'éprouver  de  la  part  des  autres  détenus  qui, 
après  avoir  essayé  vainement  de  forcer  la  porte  de  sa  chambre  pour 
le  rudoyer,  avaient  fini  par  casser  les  vitres.  Poret  obtint  qu'on 
informât  poui*  découvrir  les  coupables  et  que  Barthélémy  avisât 
Sautereau  de  ces  faits. 

Le  sort  de  Lamine  ne  s'en  trouva  guère  amélioré.  Le  délégué  de 
la  Commune  à  la  surveillance  de  Saint- Yon  fut  soupçonné  de  lui 
être  favorable  et  remplacé,  ainsi  que  Godet,  beau-frère  de  Lamine, 
porte-clefs  à  Saint- Yon,  dont  il  s'était  servi  pour  «  colporter  des 
lettres  clandestines  dans  plusieurs  maisons.  »  Sautereau  n'avait  pas 
dédaigné  de  signaler  lui-même  ces  circonstances  au  district  (1). 

Pressé  par  le  district,  la  Commune,  vu  la  sortie  d'un  grand 
nombre  de  détenus  et  la  possibilité  de  restreindre  les  frais  de  déten- 
tion, diminuait  le  personnel  de  Saint-Yon,  désormais  composé  du 
portier  Morière  et  de  six  gardiens;  une  infirmière  et  quatre  gardiens, 
parmi  lesquels  Jean-Pierre  Godet,  devaient  cesser  leurs  fonctions. 

Une  scène  suggestive  ramène  quelque  agitation  le  3  vendémiaire 
dans  la  Société  populaire,  toujours  fréquentée  surtout  par  ceux  de 
ses  membres  qui,  se  sentant  menacés,  espèrent  y  trouver  le  salut. 
Legendre,  président  du  tribunal  criminel,  y  étale  à  la  tribune  200  1. 
d'assignats  que,  préalablement,  il  a  fait  voir  à  Sautereau.  C'est  une 
citoyenne  Dupont  qui,  de  la  part  des  dames  Courtois,  mère  et  fiille  (2) 
les  lui  a  remis  pour  qu'il  soit  favorable  à  leur  mise  en  liberté.  Deux 
assignats  de  50  livres  lui  ont  été  aussi  apportés  de  la  part  de  la 

(1)  Lettres  de  Sautereau  à  l'agent  national  du  district  et  de  celui-ci  à  la  nouvelle 
municipalité,  du  7  vend,  an  UI  (Arch.  du  dépt'.) 

(2)  Julie-Adélaïd3  Lhemiitte,  veuve  de  Michel-Jean  Le  Courtois,  rue  des  Champs- 
Maillets,  2.  Ses  deux  filles,  Adélaïde-Louise  et  Suz.-Annande,  avaient  été  comme  elle 
détenues  aux  Gravelines,  don  elles  sortirent  le  29  brumaire  an  HT,  moins  de  deux  mois 
après  rincident  Legendre.  Son  fils,  Michel  Le  Courtois,  ancien  conseiller  au  bureau 
des  finances,  avait  émi^o^é.  Son  patrimoine,  liquidé  en  frimaire  an  VIII,  attribuait 
17,763  1.  à  la  Nation.  M"»''  Leeourtois,  portée  elle-même  sur  une  liste  d'émigrés,  en  fut 
rayée  seulement  en  Tan  IX.  Elle  avait  été  autorisée  à  résider  à  Rouen,  le  4  vend,  an  VI. 
(Reg.  du  dép'.)  Lecourtois  fils  fut  maintenu  définitivement  sur  la  liste  des  émigrés 
le  13  brumaire  an  VII,  avec  injonction  de  sortir  du  territoire  de  la  République. 


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-  456- 

femme  Le  Carpentier  ci-devant  Combon  (1).  Sautereau  aété indigné. 
La  Société  ne  Test  pas  moins.  Voilàv  effectivement,  des  citoyennes 
bien  mal  inspirées  ou  conseillées,  —  et  encore  pkis  mal  renseignées — 
pour  commettre  un  tel  impair  précisément  à  une  date  où  elles  vont 
sans  effort  bénéficier  des  mesures  générales  qui  vident  les  prisons. 

Avant  de  prendre,  ou  plutôt  de  recevoir  congé,  le  conseil 
général  de  la  commune  de  Rouen  tient  à  lendre  un  compte  mora/ 
de  son  administration,  dans  lequel  il  insiste  sur  ce  qu'on  pourra 
trouver  plus  de  talent,  mais  non  plus  de  zèle  et  plus  de  dévouement  ; 
il  parle  aussi  de  sa  philanthropie  !  Ce  compte,  inséré  dans  le  procès- 
verbal  du  4  vendémiaire,  est  divisé  en  cinq  parties.  Il  y  est 
question  de  la  viande,  du  pain,  du  bois,  du  suif,  du  commerce,  du 
coton  et  autres  matières  nécessaires  aux  manufactures.  En  ce  qui 
concernait  la  viande,  quoique  l'abondance  eut  depuis  trois  mois 
succédé  à  la  disette,  il  conseillait  d'en  jouir  avec  la  tempérance  et  la 
frugalité  républicaines.  Le  chapitre  des  impositions  et  finances  y  est 
traité  avec  une  sobriété  d'explications  et  de  chiffres  peut-être 
obligatoire.  Le  conseil  n'est  pas  heureux  dans  ses  calculs  à  propos 
des  subsistances  :  une  erreur  asse::  considérable  (522,938  livres  au 
lieu  de  1,139,248  livres  10  sols)  s'y  glisse,  dont  Foliot,  secrétaire  du 
comité  de  subsistances,  se  reconnaîtra  le  seul  auteur  (2)^  ce  qui 
n'empêchera  pas,  sans  doute,  les  malveillants  de  s'en  prévaloir. 

Il  y  aurait  bien  des  réflexions  à  faire  sur  un  tel  exposé,  où, 
malgré  ce  qu'on  annonce,  il  n'est  pas  question  de  commerce  et  où  l'on 
fait  ressortir  comme  l'une  des  principales  innovations  avantageuses 
l'augmentation  du  personnel  chargé  de  la  perception  des  impôts» 
parce  qu'elle  fait  vivre  un  plus  grand  nombre  de  familles  ! 

Pour  l'agriculture,  il  y  avait  peu  de  choses  à  relever,  en  dehors 
de  la  mise  en  culture  des  bruyères  «  sous  la  bêche  de  40,000  bras  ». 
Bien  entendu,  le  conseil  ne  se  préoccupe  pas  un  seul  instant  de 

(1)  Marie-Elisabeth  Cotton,  femme  de  Pierre-Jean  Le  Carpentier  de  Combon,  ci- 
devant  conseiller  au  parlement  de  Normandie.  Détenue  aux  Gravelines  depuis  le 
24  floréal,  elle  fut  élargie  le  22  vendémiaire  an  IIL  Son  mari  détenu  depuis  le  25  fri- 
maire à  Saint-Yon,  en  sortit  le  15  vendémiaire  an  III.  Son  fils,  Pierre-Michel  Le 
Carpentier,  était  porté  sur  la  liste  des  émigrés. 

(2)  Jouii*nal  de  Rouen  du  27  vendémiaire  an  III,  p.  100. 


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-  467  - 

l'illégalité  d'une  mesure  ainsi  imposée  à  des  propriétaires  indivis. 
A  l'égard  de  la  voirie,  un  plan  d'embellissement  de  la  ville  avait  été 
dressé  :  «  On  va  s'en  occuper  »  disent  allègrement  les  édiles  en  par- 
tance, «  et  désormais  belle  des  riches  conceptions  de  l'art,  elle 
n'aura  plus  ces  formes  hideuses  qui  attestent  encore  le  mauvais 
goût  de  nos  pères.  »  Enfin,  65  écoles  (?^  ont  été  organisées  d'après 
le  vœu  de  la  loi,  dans  lesquelles  5,164  élèves,  de  l'un  et  l'autre  sexe, 
sont  instruits  dans  les  principes  de  l'égalité.  Sans  dire  mot  des 
devoirs  du  mari,  l'on  affirme  que  dans  les  écoles  républicaines  on 
apprend  —  de  bonne  heure!  «  à  n'estimer  sa  moitié  qu'autant  qu'elle 
remplit  fidèlement  ses  devoirs. . .  » 

Signe  des  temps  :  le  compte  moral  omet  de  signaler  les  services 
rendus  à  la  cause  révolutionnaire  par  le  concours  si  actif  du  conseil 
à  la  persécution  religieuse,  à  l'incarcération  et  môme  à  la  punition 
des  suspects.  Cependant,  comme  preuve  de  son  activité,  il  parle  de 
800  inventaires  d'émigrés  et  de  prêtres  déportés. 

L'assurance  des  auteurs  du  Compte  moral,  puisée,  du  moins 
à  les  entendre,  dans  la  conviction  du  devoir  accompli,  leur  fait  tenir 
un  langage  que  démentiront  bientôt  des  accusations  nombreuses  et 
graves.  Ils  ne  craignent  pas  la  censure,  ils  l'appellent  môme  sur 
leur  conduite. . . 

Le  5  vendémiaire,  Sautereau  avisait  le  district  de  l'achèvement 
de  son  travail  de  réorganisation  de  la  Commune.  «  Il  est  difficile, 
écrit-il,  que  des  magistrats  qui  ont  perdu  la  confiance  de  leurs 
concitoyens  fassent  tout  le  bien  qu'on  a  le  droit  d'attendre  d'eux. 
Sur  le  champ,  le  district  convoquait  le  conseil  de  la  Commune  à  se 
réunir  le  lendemain,  à  midi  (vieux  style)  au  lieu  ordinaire  de  ses 
séances  «  pour  délibérer  sur  des  objets  dont  il  serait  donné  commu- 
nication séance  tenante.  »  (1) 

S'il  y  a  eu,  le  6,  à  midi,  une  délibération  du  conseil,  il  n'en  reste 
pas  de  trace.  Mais  le  soir,  à  cinq  heures  et  demie,  Sautereau,  accom- 
pagné de  Bournisien  et  Bernays,  administrateur  du  district,  et  de 
Cabissol,  faisant  fonctions  d'agent  national,  entrait  dans  la  salle  des 
Etats,  où  il  trouvait  l'ancien  conseil. 

(1)  Arch.  du  dép*. 


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—  458  — 

«  Par  respect  pour  la  représentation  nationale  »,  PiUon,  maire, 
invite  Sautereau  à  se  placer  près  de  lui,  sur  un  fauteuil.  La  séance 
publique  ayant  été  ouverte,  Sautereau  prend  la  parole  : 

Citoyens.  —  La  permanence  des  poavoirs  dans  les  mêmes  matos  a  été 
dans  tous  les  temps  an  des  flôaax  des  états  libres.  En  contractant  Ftiabitode 
de  la  puissance,  on  en  contracte  aussi  le  besoin,  et  ce  besoin  amène  bientôt 
la  tyrannie  quand  l'ambition  est  secondée  par  l'adresse  ou  par  la  force. 
—  Le  plus  sûr  moyen  de  prévenir  cette  maladie  politique  est  d'abréger  la 
durée  des  fonctions  publiques  et  de  rejeter  sans  cesse  dans  la  foule  les 
bommes  qui  ont  plané  pendant  quelque  temps  sur  elle,  afin  qa*ils  ne  révent 
pas  l'Empire  lorsqu'ils  ne  doivent  s'occuper  que  du  bonheur  du  peuple. 
—Cette  précaution,  si  nécessaire  en  elle-même»  devient  surtout  indispensable 
quand  quelques  têtes  ardentes,  qui  prennent  leurs  idées  pour  des  oracles  et 
leurs  volontés  pour  des  lois,  se  sont  enorguillies  de  l'autorité  qu'on  leur 
a  confiée  et  quand  la  voix  publique  a  demandé  qu'on  les  repousse  sons  le 
niveau  salutaire  de  l'égalité,  car  c'est  abuser  du  pouvoir  que  de  le  faire 
sentir,  et  le  magistrat  qui  a  perdu  la  confiance  de  ses  concitoyens  n'est 
déjà  plus  digne  d'eux 

Puis,  en  un  arrêté  précédé  de  deux  considérants  (1)  tirés  en 
partie  de  son  discours,  il  supprime  le  conseil  général  de  la  commune, 
ragent  national  et  son  substitut. 

L'arrêté  chargeait  le  district  de  nommer  deux  de  ses  membres 
pour  installer  le  nouveau  conseil  avec  Tassistance  de  Cabissol.  Ses 
dispositions  attestent  peu  de  confiance  dans  la  résignation  des 
administrateurs  écartés  et  d'assez  sérieuses  inquiétudes.  Il  interdit 
aux  anciens  membres  de  désemparer  jusqu'après  avoir  assisté  à  l'ap- 
position par  le  citoyen  Dubost  (2)  des  scellés  sur  le  bureau  municipal, 
le  secrétariat  de  l'agent  national,  le  bureau  d'instruction  publique 
et  celui  des  subsistances.  Il  oblige  les  précédents  membres  du  burean 
municipal,  l'agent  national  et  son  substitut,  les  officiers  municipaux 

(i)  L'un  des  considérants  rappelle  «  que  le  dépôt  du  pouvoir  trop  longtemps  dans 
les  mêmes  mams  devient  un  objet  d'inquiétude  publique,  que  la  liberté  s'en  alarme, 
que  c'est  un  fardeau  qui  écrase  celui  qui  s'obstine  à  le  garder.  »  Une  note  de  l'original 
de  cet  arrêté  (arch.  du  dép»  )  non  reproduite  dans  le  procès-verbal  de  la  compfiune 
ni  dans  le  Jouttial  de  Bouen,  indique  que  ce  considérant  est  extrait  du  rapport  Caitpar 
les  Comités  de  salut  public,  de  sûreté  générale  et  de  législation  dans  la  séance  de  la 
Convention  de  la  4«  sans-culottide,  p.  10. 

(2)  Dubos  ou  Dubost,  destitué  par  Siblot,  ne  devait  être  à  ce  moment  qu'un  simple 
particulier,  puisqu'il  fut  réintégré  par  Sautereau  dans  ses  fonctions  de  secrétaire  de 
police  seulement  le  19  frimaire. 


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-  459  — 

et  notables  forrrant  ci-devant  bureaux  d'instruction  publique  et  des 
subsistances  à  garder  leur  domicile  (1)  en  la  commune  jusqu'à  ce 
qu'il  en  eût  été  autrement  ordonné  ;  défense  expresse  leur  est  faite 
de  co«nmuniquer  avec  les  municipaux  et  notables  tenus  de  garder 
leur  domicile,  ainsi  que  de  se  réunir  même  partiellement  entre  eux. 
Ces  rigueurs  ne  s'appliquaient  point  aux  anciens  membres  rentrant 
dans  le  nouveau  conseil.  Le  district  était  chargé  spécialement  de 
faire  conduire  les  contrevenants  à  Saint- Yon.  (2) 

Après  la  lecture  de  ces  arrêtés  et  en  quittant  le  fauteuil,  Pillon 
s'exprime  en  ces  termes  :  «  Le  dernier  acte  de  notre  administration 
sera  le  cri  de  :  Vive  la  République  !  "Vive  la  Convention  Nationale  I  » 
Ce  cri  de  ralliement  de  tous  les  républicains,  dit  le  procès-verbal, 

(1)  Le  Comité  de  Suneillance  fit  interpréter  le  mot  domicile  par  Sautereau  lequel 
répondit  qu'il  signifiait  la  maison. 

(2)  Arch.  du  dép».  Voici  la  composition  du  nouveau  conseil  :  Le  Boucher,  défenseur 
officieux,  rue  Bouvreuil,  maire  ;  Brémontier,  rue  du  Canton  ;  Bademer,  rue  aux  Ours  ; 
Lachesnaye-Heude,  rue  Herbière  ;  Tamelier,  rue  Ancrière  ;  Victor  Lereb\Te,  rue  des 
Charrettes  ;  Lagnistre,  rue  de  Dunkerque  ;  Lachausse,  médecin  ;  Dieu,  chirurgien  ;  Hellot 
fils,  commerçant,  rue  Pelletier-Fargeau  ;  Payenneville  le  jeune,  rue  aux  Ours  ; 
Le  Breton,  rue  Damiette  ;  Moulin  MVAméncain,  rue  de  la  Régénération  :  Buisson,  rue 
du  Change;  Prevei  aîné,  rue  aux  Ours;  Després,  rue  de  la  Régénération;  Lesguiller, 
rue  Grand-Pont  ;  Félix,  artiste  ;  Rivière  jeune,  place  de  la  République  ;  Huault,  rue  de 
l'Opinion  ;  Lambert,  rue  de  l'Unité,  officiers  municipaux  ;  Le  Contour,  agent  national  ; 
Potier,  substitut.  Il  est  à  remarquer  que  celte  fois.  2i  (et  non  20)  officiers  municipaux 
sont  nommés  conformément  à  la  loi. 

PoUet,  ancien  militaire,  rue  du  Mont-Blanc  ;  Haulte,  commerçant,  rue  du  Citoyen  ; 
Ponts,  rue  de  Fontenelle  ;  Lhermitte,  commerçant  ;  Thérillon,  fabricant  de  bas,  rue  de 
Fontenelle  ;  Bigot-Maille,  commerçant,  rue  des  Démocrates  ;  Pernuit,  vivant  de  son  bien, 
rue  Encriére  ;  Barvaux,  vivant  de  son  bien,  me  de  laValasse  ;  La  Mettrie,  commerçant, 
rue  Franciade  ;  Thiesmé,  artiste,  rue  de  la  Fondation  ;  Demay,  épicier,  rue  de  la  Révolte; 
Jérôme  Lefebvre,  commerçant,  rue  Grand-Pont  ;  Bissonnais,  commerçant,  rue  Herbière , 
Lignel,  commerçant,  rue  du  District  ;  Ilénault,  commerçant,  rue  aux  Ours  ;  Goslier, 
commerçant,  rue  de  la  Liberté  ;  Blanchemain  le  jeune,  vivant  de  son  bien,  rueE^u-de- 
Robec  ;  Béry,  vivant  de  son  bien,  cour  Voltaire  ;  De  Melun,  vivant  de  son  bien,  rue  des 
Préjugés- Vaincus  ;  Racine,  libraire,  rue  Ganterie  ;  Lefebvre,  orfèvre,  place  de  la 
Raison  ;  Du  Sommerard,  horloger,  rue  Grand-Pont  ;  Cordonnier,  artiste,  rue  du  Citoyen; 
Bordelle,  courtier  de  navire,  rue  de  la  Savonnerie  ;  Benoit,  fabricant,  rue  du  Lieu-de- 
Santé  ;  Gilles  Monnier,  commerçant,  Grande-Rue  ;  Masselin  (  Juvel) ,  commerçant,  rue 
aux  Ours  ;  Dupas,  commerçant,  rue  aux  Ours  ;  Fouquet,  épicier,  rue  de  l'Epicerie  ; 
Dumesnii,  menuisier,  rue  Beffroy  ;  Lebret,  charpentier,  boulevart  de  la  Convention  ; 
Thésard  l'aîné,  agent  de  change,  rue  Ancrière  ;  Grenet,  fabricant  de  bas,  rue  des  Prés  ; 
Valois,  cordonnier,  rue  du  Ruissel  ;  Thibour  l'aîné,  fabicant,  à  Eauplet  ;  Carpentier, 
tonnelier,  rue  des  Piques,  James,  chandelier,  rue  du  Citoyen  ;  Leborgne,  fabricant, 
quartier  de  la  Convention  ;  Poisson  Faîne,  quincaillier,  Grande-Rue  ;  Vaussy,  ancien 
fondeur  en  caractères,  rue  Mamuchet. 


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—  460  - 

est  répété  simultanément  par  tous  les  membres,  anciens  et  nouveaux, 
et  par  les  citoyens  des  tribunes. 

Les  mesures  de  Sautereau  furent  complétées  en  ce  qui  concerne 
le  département  par  la  nomination  de  Bernays  en  remplacement  de 
Belhoste,  et  par  la  réorganisation  du  district  (5  frimaire),  déso^ 
mais  composé  de  Boumisien,  rue  d'Elbeuf,  président  ;  Cabissol, 
Selot,  Delarue  et  Houdeville,  membres  du  directoire;  Reverdim 
(remplaçant  Ribard,  non  acceptant),  Courtin,  Carrier,  Isambert, 
Lignel,  Delihu  et  Dumesnil,  administrateurs;  Tbiessé^  agent 
national,  avec  Thierry  pour  substitut. 

Dés  le  18  vendémiaire,  par  arrêté  daté  de  Fécamp,  Sautereau 
avait  destitué  Vincent,  administrateur  du  district,  quoiqu'il  fut 
malade,  en  lui  faisant  défense  de  s'immiscer  dans  les  fonctions 
d'administrateur.  Le  même  jour  il  nomme  Esnard,  des  Andelys, 
agent  national  du  district,  à  la  place  de  Le  Canu. 

Enfin,  le  19  frimaire,  «  sur  les  pétitions  de  Dubost  (2),  Le- 
gentil  (3)  et  Lemoine  (4),  tous  trois  ex-commissaires  de  police, 
considérant  qu'ils  ont  été  destitués  (par  Siblot),  sans  motifs  légi- 
times »  Sautereau  les  réintègre  dans  leurs  fonctions,  et  arrête  que 
Garraut,  Blot  et  Rupalley  (6)  nommés  provisoirement  commissaires 
de  police,  cesseront  leurs  fonctions. 


(1)  Arch.  du  dép». 

(2)  François-Jacques  Dubost,  39  ans,  marié  à  Adélaïde  Concédieu,  demeurait  rue 
de  l'Union,  11.  Ecroué  à  Saint-Yon,  le  9  prairial  an  ii  ;  sorti  le  5  vendémiaire  an  ui. 

(3)  V.  Chap.  X«,  à  propos  d'un  incident  concernant  Leclerc. 

(4)  Louis-Roger  Lemoine,  51  aus,  rue  de  Fontenelle,  10  ;  entré  à  Saint-Yon  le  17 
prairial  ;  sorti  le  12  brumaire  an  lu. 

(6)  Gabriel  Rupalley,  précédemment  peintre,  le  plus  connu  —  avec  Collais  —  des 
commissaires  de  police  de  Rouen  sous  la  Terreur,  marié  à  Saint-Pierre  de  Roncherolles 
à  Suzanne  Beaudoin,  accouchée  le  7  fructidor  an  n  d'un  fils  nommé  Brutus-F}'Uctidor, 
se  distingua  notamment  lors  des  troubles  de  la  Rougemai'e,  où  il  fut  lobjet  de  mauvais 
traitements  delà  part  de  Bottais,  meunier  à  la  Boissière,  guillotiné  le  5  septembre  1798. 
Avec  l'appui  de  la  commune,  du  district  et  du  département,  Rupalley  obtint  de  la  Con- 
vention, par  décret  du  24  fructidor,  un  secours  de  000  livres. 


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—  461   - 


CHAPITRE  DIX-HUITIÈME 

Lt  noQTelle  Commune  et  la  Société  populaire.  —  La  Commune  quitte  la  salle  des 
Etats.  —  Fête  en  l'honneur  de  J.- J.  Rousseau  ;  le  maire  Le  Boucher,  maratiste.  — 
La  citoyenne  GheYalier,  Poret  et  Vadier.  —  Les  prisons  se  vident.  —  Vandalisme 
rérolntionnaire.  —  Le  Journal  de  Rouen  et  le  JouiTial  des  Hommes  libres.  — 
Première  mise  en  liberté  des  terroristei.  —  Effets  à  Rouen  de  la  fermeture  des 
Jacobins  de  Paris.  —  Apologie  des  rouennais.  —  Menées  des  terroristes  ;  inquié- 
tudes des  autorités.  —  Placard  séditieux.  ~  Troubles  et  dernières  séances  de  la 
Société  populaire  ;  de  Fontenay,  ion  président ,  lapidé.  —  Arrivée  de  Duport.  — 
Manifestatiors  aux  spectacles  contre  les  Jacobins  :  le  buste  de  Marat  et  le  bonnet 
rouge.  —  Destruction  du  monument  de  la  Montagne.  —  Billet  antl-montagn^rd.  — 
Tergiversations  de  la  Commune.  ~  Ribié  chassé  de  Rouen. 

Malgré  la  frappante  unanimité  des  anciens  et  des  nouveaux 
membres  de  la  Commune  à  répéter  le  cri  de  Pillon,  la  municipalité 
Le  Boucher  crut  devoir  immédiatement  s'assurer  Tappui  de  la 
Société  populaire  en  lui  exprimant  la  volonté  do  fraterniser  avec 
elle: 

Elle  prévoyait  la  nécessité  de  tous  les  concours  pour  triompher 
des  nombreuses  difficultés  à  redouter  autant  des  montagnards  que 
des  contrerévolutionnaires. 

Le  15  vendémiaire,  vu  l'incommodité  de  tenir  les  séances  dans 
la  ialle  des  Etats  de  l'Evêché,  éloignée  des  bureaux,  un  membre 
demande  le  transfert  des  séances  dans  l'ancien  local.  Un  rapport  de 
quatre  commissaires,  basé  notamment  sur  la  rigueur  de  la  saison, 
détermine  le  conseil  à  retourner  effectivement  le  5  brumaire 
(26  octobre  1794),  à  cinq  heures  du  soir*  dans  la  grande  salle  de  la 
maison  commune,  rue  de  la  Municipalité. 

Le  17,  la  commune  supprimait  sept  postes,  et  le  23,  l'adminis- 
tration de  THospice-Général  signale  la  répugnance  des  citoyens  de 
service  au  poste  établi  à  cet  hospice  à  garder  les  détenus  qui  y  sont 
en  traitement,  h  cause  de  l'air  infect  des  salles.  N'étant  plus  généo 
parla  présence  de  Pillon  et  de  Poret,  elle  s'élève  contre  l'incon- 
venîince  qu'il  y  a  d'envoyer  aux  spectacles  les  citoyens  de  l'Hospice. 


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—  462  — 

On  renouvelait  pourtant  le  répertoire  du  théâtre  de  Ribié  avec, 
des  actualités.  Le  24  thermidor,  entre  autres  pièces,  on  y  avait  joué 
lY//^^/7earrf'w/imc*//r/7r7'é/)w6//ca//î,enattendant,disaientlesaffiches, 
la  première  représentation  de  la  Journée  du  9  au  10  t/iermidor,  (1) 
donnée  seulement  le  12  vendémiaire  an  III  sous  ce  titre  :  Les  Crimes 
de  Robespierre.  (2) 

Le  20  vendémiaire  a  lieu  une  fête  en  Thonneur  de  J.-J.  Rousseau 
((  citoyen  de  Genève  ».  Entouré  de  groupes  et  de  bannières  ne 
différant  point  de  ceux  au  milieu  desquels  Pillon  pontifiait  naguère, 
et  accompagné  des  présidents  du  département,  du  district  et  de  la 
Société  populaire,  juges  de  paix,  tribunaux  criminel,  de  commerce 
et  du  district,  comité  révolutionnaire,  etc.,  le  maire  Le  Boucher 
portant  l'Evangile  des  hommes  libres  (le  Contrat  social)  se  rend  au 
pied  de  l'autel  élevé  au  Champ-de-Mars,  et  sur  lequel  est  un  buste 
de  Rousseau.  Là,  il  «'exprime  en  des  termes  que  n'eût  certainement 
pas  désavoués  son  prédécesseur  : 

Rousseau  est  un  philosophe  profond,  un  écrivain  sublime,  c*68t 

aussi  rami  des  hommes,  le  précurseur  de  Marat  et^  comme  lui,  il  oe  s'est 

occupé  que  du  bonheur  du  peuple Oui,  citoyens,  l'iuteur  inimitablada 

Contrat  social  a  été  le  premier  fondateur  de  la  liberlô  frarçiise.  Marat, 

Le  Peletieret  tant  d'autres  victimes  illustres  qui  ont  péri  pour  la  liberté 

N'est  ce  pas  le  génie  de  Rousseau  qui  vous  inspirait  !   Vous  parlag-z  sa 
gloire  et  la  vénération  des  français (3) 

Une  annonce  à  laquelle  la  municipalité  est  forcée  do  recourir 
le  26  brumaire  atteste  le  desordre  qui  avait  présidé  aux  arrestations. 
Par  les  journaux  et  au  son  du  tambour,  elle  invite  les  citoyens  qui 
ont  été  consignés  dans  leurs  domiciles  lors  de  la  battue  du  24  floréal 
et  jours  suivants  à  envoyer  à  la  commission  centrale  des  maisons 
d'arrêt,  qui  siège  à  l'ancienne  abbaye  de  Saint- Amand,  leurs  noms, 
prénoms  et  demeure,  en  indiquant  s'ils  sont  nobles  et  les  causes  de 


(1)  Jow^nal  de  Rouen  du  24,  p.  225. 

(2)  Joutmal  de  Rouen  du  2  vend,  an  m.  CeUe  dernièn»  pièce  |>nniit<^lre  la  même  que 
le  drame  en  deux  actes  en  vers  représenté  à  Paris  pour  la  première  fois,  le  18fructi4or 
au  théâtre  de  la  Ci  té- Variétés,  sous  le  titre  de  la  Joutmée  du  9  thci-nùdor  ou  ia  Chute 
du  dernier  tytxin.  On  disait  au  parterre  que  le  premier  acte  était  do  Pigault- Lebrun  et  le 
second  de  Dumaniant  (Àulard,  Paris  pendant  la  réaction  tltcrmidoricnne,  t.  I«%  p.  83), 

(3)  Reg.  de  riïùtel-de-Ville. 


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—  463  — 

leur  arrestation.  (1)  On  ne  disait  pas  dans  quel  but,  et  à  ce  moment 
la  municipalité  ignorait  que  le  jour  même  le  comité  de  sûreté  géné- 
rale ordonnait  la  mise  en  liberté  de  toutes  les  personnes  arrêtées  dans 
la  nuit  du  24  floréal.  (2) 

Les  élargissements  s'opéraient  avec  aussi  peu  de  soins.  Ainsi, 
en  marge  de  l'arrêté  du  même  Comité  de  sûreté  générale  du 
28  brumaire,  applicable  à  Quesnay  Dumoulin,  en  arrestation  chez 
luil  à  Rose  Solot  (16  ans),  servante,  et  Eudon  Duteurtre,  vivant  de 
son  revenu,  détenus  aux  Gravelines;  René  Hervieu  garde  des  forêts, 
détenu  à  Yon,  Joly,  chirurgien,  détenu  à  la  Tour-aux-Normands, 
Pierre  Petit  et  Hubert  Chemin,  fileurs,  détenus  à  la  Conciergerie, 
on  lit  qu'ils  no  se  sont  pas  trouvés  dans  les  prisons.  Et  cette  men- 
tion :  «  Quesnay  a  terminé  sa  carrière  il  y  a  déjà  près  de  trois 
semaines. . .  »  (3). 

D'autres  questions  ayant  pour  objet  des  dommages  surtout 
matériels,  d  origine  révolutionnaire,  viennent  préoccuper  les  admi- 
nistrateurs. Après  avoir  rappelé,  le  19  brumaire,  que  la  démolition 
dô  la  Bourse  avait  eu  lieu  par  la  provocation  et  les  ordres  des 
citoyens  Pillon,  maire,  et  Poret,  agent  national,  la  Commune  arrêta, 
le  19  frimaire,  que  l'ancien  emplacement  de  la  Bourse  sera  rétabli. 
Thibault  et  Fontaine,  entrepreneurs,  ont  eu  à  s'expliquer  (16  bru- 
maire), sur  les  dégâts  commis  à  l'église  Saint-Ouen,  où  est  établi 
l'atelier  d'armes.  Une  dévastation  «  criminelle  et  considérable  »  y  a 
fait  détruire  et  enlever  185  pieds  superficiels  de  vitraux  avec  leurs 
plombs.  Cela  vient,  dit  Fontaine,  de  ce  que  Levieux,  vitrier,  a 
enlevé  des  panneaux  pour  passer  les  tuyaux  de  forges,  et  de  ce  que 
les  ouvriers,  incommodés  par  la  fumée,  ont  cassé  les  vitraux  avec 
des  leviers  ou  perches  pour  se  donner  de  l'air.  On  accuse  Fontaine , 
c'est  par  ses  ordres  que  tout  aurait  été  fait  ;  il  proteste  ;  on  insiste, 
et  le  vitrier  sera  entendu  contradictoirement  avec  lui  (4). 

Le  Journal  de  Rouen  essaie  de  reconquérir  un  peu  d'indépen- 


(i|  Jowtial  de  Bouen  du  26  brumaire  an  UI,  p.  228. 

(2)  Arch.  du  dépS  pièce  originale. 

(3)  Arch.  du  départ.  Ilervieux  et  les  Duteurtre,  tous  acquittés  par  jugement  du  tri* 
bunal  criminel,  du  25  vendémiaire  an  ÏU,  avaient  été  mis  en  liberté  le  jour  même. 

(1^  Heg.  de  l'Hùtel-de-Ville. 


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-  464  - 

dance  et  de  sortir  de  sa  réserve.  Le  Journal  des  Hommes  Libres  (1) 
l'attaque  violemment,  à  propos  ((  du  plus  bel  article  de  modéran- 
tisme  qui  ait  paru  dans  la  République  depuis  que,  pour  le  malheur 
de  l'Europe,  il  existe  des  modérés  en  France.  »  Noél  avait  rendu 
compte  de  la  tragédie  de  Caïus  Gracchus,  de  Chénier,  qu'il  était 
presque  tenté  de  trouver  mauvaise,  malgré  deux  ans  de  succès.  Un 
hémistiche  de  cette  tragédie  le  réconciliait  cependant  avec  elle  : 

Des  lois  et  point  de  sang. 

Rien  n'approche,  avait-il  écrit,  de  l'enthousiasme  qu'ilaprodnit 
sur  les  spectateurs,  et  qu'il  partage  sincèrement,  a  Tant  pis  pour  lui 
»  et  les  spectateurs,  riposte  \e  Journal  des  Hommes  libres.  Lorsqu'à 
»  l'époque  où  nous  sommes  on  applaudit  avec  ivresse  une  semblable 
»  pensée,  c'est  une  preuve  que  l'on  veut  toujours  du  sang  et  non  des 

»  lois il  y  a  deux  ans  que  si  l'on  avait  dit  :  du  sang  et  puis  des 

»  lois,  nous  aurions  des  lois  et  plus  de  sang » 

Noël  —  ou  son  collaborateur  —  s'élève  vigoureusement  contre 
les  réflexions  de  cet  «  énergumène  »  anonyme,  que  l'on  est  fondé  à 

croire  de  Rouen Il  défend  les  rouennais,  rappelle  leurs  sacrifices, 

leur  patriotisme,  et  comme  s'il  savait  d'où  part  l'attaque,  apostrophe 
son  adversaire  :  «  Où  étais-tu,  hier,  homme  cruel,  dont  les  vœux 
farouches  ont  fait  un  appel  de  mort  .ï  nos  jours...  où  étais-tu, 
hier,  quand  les  applaudissements  unanimes  ont  encore  accueilli  ces 
vers  de  Timoléon  : 

Les  lois,  les  mœurs  .... 
Sont  l'appui  des  états  dans  les  crises  publiques. 

Cela  n'empêchait  pas  Noél,  le  2  frimaire  an  III,  d'insérer 
l'adiesse  de  la  Société  populaire  invitant  la  Convention  à  frapper 
vigoureusement  les  émissaires  de  la  ligue  «  expirante  »  des  rois 
conjurés.  Il  fallait  bien  satisfaire  les  divers  partis.  Le  même  senti- 
ment avait  probablement  inspiré  un  projet  de  supprimer  le  coq  et  la 
croix  du  temple  à  l'Eternel,  projet  qui  semble  bien  en  retard  à  la  date 
où  il  apparaît.  La  commission  d'instruction  publique,  à  laquelle  il 


(i)  N"  359,  p.  1514.  C'était  l'organe  principal  du  parti  des  Jacobins.  La  jeunesse 
parisienne  le  brûla  dans  la  journée  du  \"  jîerniinolan  m  (H.  .Schniidt,  Paris  jHmdatU  la 
Révolution,  t.  i.  p.  262.) 


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-  465  - 

est  soumis,  répond  le  3  frimaire  an  III  qu'il  n'existe  aucune  loi 
ordonnant  précisément  la  suppression  des  signes  du  fanatisme.  Elle 
s'en  rapporte  à  la  sagesse  du  département  et  semble  lui  dire  de  ne 
pas  faire  de  déplacement  et  de  dépense  inutiles.  (1)  C'est  à  cette 
occasion  qu'on  s'est  aperçu,  au  district,  le  18  vendémiaire,  que  la 
loi,  datant  d'un  an,  sur  la  suppression  des  signes  da  royauté  et  de 
féodalité,  n'a  pas  été  régulièrement  publiée.  (2)  Et  c'est  une  de  celles 
en  conséquence  desquelles  s'est  exercé  le  vandalisme  le  plus  odieux.  (3) 

Cependant  les  membres  destitués  de  la  Commune  restaient 
toujours  consignés  chez  eux.  Pillon,  ne  pouvant  sortir,  était  réduit 
à  écrire  à  la  mimicipalité,  le  6  brumaire,  pour  en  obtenir  un  certificat 
de  civisme.  D'autres,  à  raison  de  situations  particulières,  obtenaient 
pour  se  déplacer  des  permissions  spéciales.  Lefebvre-Signol  avait 
été  arrêté  l'un  des  derniers,  le  5  brumaire,  et  misa  Saint- Yon,  accusé 
de  s'être  rendu  au  Havre  pour  entraver  les  opérations  de  Sautereau. 
Sa  femme  invoquait  et  obtenait  le  témoignage  du  district  pour 
justifier  qu'il  projetait  son  voyage  bien  avant  l'arrivée  de  Sautereau. 
Un  second  certificat,  du  6,  le  fit  mettre  en  liberté  le  7  frimaire,  par 
le  comité  de  Sûreté  générale.  (4) 

Ce  comité  «  après  avoir  entendu  Albitte  aîné,  Yger,  Revelle  et 
Albitte  le  jeune,  députés  de  la  Seine*-Inférieure,  (5)  Legendre, 
Louchet,  Guimberteau,  Siblot  et  Alquier,  qui  s'accordèrent  tous  à 
faire  les  plus  grands  éloges  et  à  demander  la  liberté  des  citoyens 
Pillon,  Carré,  etc.,  membres  de  l'ancien  conseil  général  de  la  com- 
mune de  Rouen  »  consignés  chez  eux,  mettait  aussi  ces  derniers  en 

liberté.  (6) 

'  ^— _—__—— ^__^___ — ___^_______^___________ 

(1)  Arch.  du  dép». 

(2)  Arch.  du  dép».  Reg.  du  district. 

(3)  D'après  l'une  des  annexes  du  Rapport  du  dép^  de  Tan  rv,  les  dépenses  pour  la 
suppression  des  signes  de  royauté  et  de  féodalité  avaient  été:  poiur  la  Cathédrale,  Saint- 
Ouen,  Bellefonds,  Saint-François,  Saint-Paul  et  Sainte-Claire,  de  481  1.,  pour  différents 
édifices  nationaux  de  la  commune  de  Rouen,  de  1,926  1.,  pour  la  cour  des  aides,  de 
245  1.  Pour  la  seule  église  de  Caudebec-en-Caux,  la  dépense  avait  été  de  1,564  1. 

(4)  Arch.  du  dép». 

(5)  Lecomte  s'était  donc  abstenu  —  ou  avait  tenu  à  paraître  s'abstenir. . . 

(6)  L'arrêté  leur  fut  notifié  le  10,  ainsi  qu'ils  le  reconnaissent  et  le  signent  au  dos 
(Arch.  du  dép»  ).  Cet  arrêté  est  signé  :  Laignelot,  Reverdun,  Collombel  (de  la  Meurthe), 
Levasseur  ^de  la  Meurthe),  Méaulle,  Reubell,  Clauzel,  Bourdon  (de  l'Oise)  et  Barras.  Il 


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—  466  — 

Le  même  jour,  un  arrêté  distinct  du  comité  «  vu  la  réclamation 
des  membres  du  comité  révolutionnaire  de  Rouen,  et  du  citoyen 
Guimberteau,  représentant  du  peuple,  o  ordonnait  l'élargissement 
de  Godebin,  Pinel  aîné,  Regnault,  Troussey,  Labbé,  Barbarey, 
Angran,  Bénicourt  fils,  Gaillon,  Poisson,  Roumy  et  Lamine.  (1) 
Leur  «  détention  »  à  domicile  n'avait  duré  guère  plus  de  deux  mois. 

Le  procès  de  Carrier  (2)  dut  réveiller  à  Rouen  des  impressions 
bien  différentes  chez  les  montagnards  et  chez  les  contre-révolution- 
naires. A  la  Société  populaire  rouennaise  il  ne  se  produisit  rien  qui 
eût  trait  aux  souvenirs  qu'on  devait  avoir  de  ce  nom,  si  abhorré. 

On  sait  qu'à  la  Société  des  Jacobins  de  Paris,  il  y  eut  alors  des 
motions  contre  les  conventionnels,  et  d'autres  tendant  à  soustraire 
Carrier  à  la  justice  nationale.  Elles  entraînèrent  la  suspension  des 
séances  des  Jacobins,  prononcée  par  les  quatre  comités  réunis, 
militaire,  de  salut  public,  de  sûreté  générale  et  de  législation,  le 
21  brumaire.  Cet  arrêté,  lu  en  séance  de  la  Convention  le  22,  est 
accueilli  par  des  applaudissements.  Laignelot,  l'un  des  membres, 
ose  dire  alors  qu'ils  n'ont  pas  vu  dans  la  société  des  Jacobins  uue 
société  vraiment  populaire  !  (3)  Déjà,  la  loi  du  25  vendémiaire  avait 
diminué  l'influence  des  sociétés  en  défendant  toutes  affiliations, 
agrégations,  fédérations,  ainsi  que  toutes  correspondances  en  nom 
collectif.  (4) 

s'applique  à  Pillon,  Carré,  V*  Groult,  Desmalis,  L.  llamel,  Quesnel-Roger,  Bérard, 
Moulin,  Clavier,  Chouquet,  Arnaud,  Bellencontre,  Baudry,  Lepillier,  Porel,  agent 
national  ;  Vemon,  substitut  ;  J.-B.  Pinel,  Desaubris,  Gamare,  Mabon,  Long,  Etenneraare» 
Bérat,  Nos,  Levasseur,  Marie,  Olivier  Lemoyne,  Giguet,  Pouchet-Maugondre,  Bonne- 
terre,  Lambert,  Legendre,  Thibault,  Alexandre,  Le  Bas  le  jeune,  Duraesnil,  Masson 
Lemort,  Yvelin,  Jeannemey,  Barthélémy,  Delalande,  Camus,  Delafosse,  Gaillard, 
Fossard,  Bellenger,  Cuvier,  Havard,  Lebastier,  tous  détenus  à  Rouen, 
(i)  Arch.  dudép^ 

(2)  Carrier  fut  exécuté  le  26  frimaire  an  m.  Au  nombre  de  ses  co-accusés  Ggtire 
Jean-Baptiste  Joly,  50  ans,  né  à  Angerville-la-Martel  (auj.  canton  de  Valmont  (Seine-lnf«), 
fondeur  en  cuivre,  demeurant  à  Nantes,  commissaire  du  comité  révolutionnaire  de 
cette  ville,  acquitté  le  26  frimaire  an  m.  <  Joly  faisait  les  exécutions  et  s'emparait  de 
tout  ce  qu'il  trouvait  ;  bijoux,  argenterie,  effets  précieux,  tout  convenait  à  sa  rapacité; 
il  était  le  grand  exécuteur  ;  c'était  lui  qui  liait  les  malheureux  condamnés  à  mort  et  qui 
se  trouvait  à  toutes  les  cérémonies  journalières  du  comité.  (Acte  d'accusation  contre 
les  membres  du  comité  révolutionnaire  de  Nantes,  p.  2.) 

(3)  Moniteur^  pp.  489-490.  —  Aulard,  Société  des  Jacobins,  t.  VI,  p.  674. 

(4)  Coll.  Rondonneau,  t.  V,  1"  partie,  p.  135.  Il  y  eut,  peu  après,  un  décret  laissant 
subsister  seulement  les  Sociétés  populaires  des  communes  ayant  plus  de  8,000  habi- 
tants. Je  n'ai  pas  trouvé  ce  décret  en  exécution  duquel  la  société  de  Fécamp  se  déclare 
dissoute  le  4  nivôse  an  IIL  (Reg.  de  la  Société  pop.  de  Fécarpp). 


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—  467  — 

La  suspension  de  la  Société  de  Paris,  que  ne  faisait  point  pres- 
sentir Tordre  du  jour  du  10  brumaire  sur  la  proposition  d'interdire 
aux  députés  d'être  membres  des  sociétés  politiques,  reçut  à  Rouen 
et  dans  la  région  un  accueil  inquiétant  pour  les  Sociétés  populaires. 
D'après  le  Journal  de  Rouen,  la  fermeture  des  Jacobins  excite 
partout  la  plus  vive  émotion  :  a  Le  Comité  révolutionnaire  de 
»  Neufchâtel,  s'expliquant  sur  le  compte  des  Jacobins,  les  compare  à 
»  un  chancre  politique  qui  dévorait  le  corps  social.  »  (1) 

Deux  mois  et  demi  à  peine  s'étaient  écoulés  depuis  l'installation 
du  Conseil  général  nommé  par  Sautereau  lorsque,  sur  la  réquisition 
de  Le  Coutour,  ce  Conseil  faisait  publier  que  dans  une  séance 
extraordinaire  tenue  dans  la  salle  du  jury  serait  lu  un  mémoire 
apologétique  de  la  conduite  civique  des  citoyens  de  Rouen  depuis 
1789,  destiné  à  être  envoyé  à  la  Convention  nationale  (2). 

Cette  lecture  eut  lieu  en  effet  le  23  frimaire.  Le  mémoire  est 
reloge  des  rouennais  et  de  leurs  administrateurs,  avant  septembre 
1792.  Il  sert  surtout  à  exhaler  la  rancune  de  Le  Coutoiu^  et  de  ses 
amis,  justifiée,  il  faut  le  reconnaître,  contre  «  les  assassins  subal- 
ternes, sans  autre  patriotisme  qu'une  ambition  effrénée,  sans  autre 
talent  qu'une  audacieuse  ignorance,  qui  en  imposaient  parleur  masse 
et  dont  les  vociférations,  qu'ils  appelaient  la  voix  du  peuple,  étaient 
Bdëlement  répétées  par  d'imbéciles  échos  qui  projetaient  leur  excé- 
rable  doctrine  en  étouffant  la  voix  des  hommes  courageux  et  probes.  )> 
D'après  le  successeur  de  Poret,  Rouen,  cette  ville  «  réputée  sage  » 
ne  peut  plus  se  vanter  d'avoir  été  exempte  des  malheurs  qui  ont 
désolé  la  France... 

...  La  cité  fat  calomniée,  les  commissaires  da  poovoir  exécatif  et  les 
conventionnels  forent  circonvenas.  Les  magistrats  da  peaple  forent  jetés 
dans  les  fers^  les  propriétés  violées,  les  maisons  de  détention  ensevelissaient 
les  réclamations  iodiscrétes  des  foornissears.  Pondant  qoe  des  agents 
indolents  de  la  faction  se  livraient  à  des  orgies^  le  peaple  était  rédoit  à  one 
livre  de  pain  d'avoine,  on  attelé  à  des  tombereaox  comme  des  bétes' de 
somme,  poor  voitorer  des  pierres  destinées  à  célébrer  des  farces  ridicoles, 
nommées  fêtes  civiqoes.  La  battoe  patriotique  fot  on  atroce  attentat  contre 
la  foi  pobliqoe,  où  Tastoce  et  la  croaoté  remplacèrent  Texécotion  de  la  loi... 

(1)  Numéro  du  19  frimaire  an  III. 

(2)  Moniteur,  pp.  489-490.  Aulard,  Société  des  Jacohim,  t.  VI,  p.  674, 


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—  468  — 

Le  Coutour  venge  ainsi  les  administrateurs  qui  ont  précédé  la 
municipalité  Pillon  des  a  déblatérations  mensongères  »  de  leurs 
successeurs.  Il  proteste,  d'ailleurs,  contre  l'accusation  de  fédé- 
ralisme, dépourvue  de  preuves. 

Ce  mémoire,  d'une  opportunité  au  moins  discutable,  n'était 
pas  fait  pour  calmer  les  rancunes.  Les  terroristes  nés  en  montrèrent 
nullement  émus  et  affectèrent  publiquement  une  assurance 
inquiétante. 

Vimar,  Lézurier,  Deschamps,  Bucaille,  Thinel,  Michaux, 
Levillain  et  Yvernès,  du  comité  de  surveillance,  font  une  minutieuse 
enquête,  et  entendent  le  9  nivôse  et  jours  suivants,  Féray,  tapissier, 
Laugeux,  les  deux  Mercier-Dupaty  (1)  et  autres  témoins.  Ils 
apprennent  que  Lefebvre-Signol,  Gaillon,  Bérard,  Lamine  et 
Poret  ont  été  très  fréquemment  au  Vieux-Palais,  chez  Fontaine, 
par  des  routes  différentes  ;  chez  V.  Groult,  rempart  Martainville  ; 
chez  Thiberville  ;  chez  Mabon,  rue  de  Fontenelle.  On  en  a  compté 
jusqu'à  dix-huit  au  Vieux-Palais.  Lamine  et  Gaillon  y  plaisantent 
sur  le  bonnet  rouge  et  sur  ce  qu'on  les  appelle  buveurs  de  sang.  Ils 
vont  aussi  rue  de  l'Aumône,  à  la  chambre  de  lecture,  et  il  parait  y 
avoir  eu  des  rassemblements  à  Cauchoise  (2),  le  soir.  Les  voisins  de 
Mabon,  mécontents  de  voir  les  terroristes  se  réunir  chez  lui,  vont 
jusqu'à  dire  qu'il  faut  mettre  le  feu  à  la  maison  pour  brûler  ces 
coquins  et  les  belles  coiffures  de  Madame  Mabon,  provenant  de  la 
dépouille  des  églises.  On  parle  de  les  exterminer  tant  leur  conte- 
nance «  hardie,  effrontée,  »  excite  l'indignation.  (3) 

Les  troubles  à  la  Société  populaire  recommençaient  avec  plus 
de  force  le  12  nivôse.  Ses  tableaux,  bustes,  drapeaux,  statue  de  la 
Liberté,  lampes  et  autres  ustensiles  étaient  enlevés  pendant  le 
désordre  et  portés  à  la  maison  commune.    Le  maire,  Le  Coutour  et 

(4)  Louis-Michel- Auguste  Mercier  Du  Paty,  dix-huit  ans,  employé  dans  les  bureaux 
du'  génie  militaire,  demeurant  rue  du  Peuple,  et  Louis-Emmanuel-Félicité-Charles 
Mercier  Du  Paty,  dix-neuf  ans,  préposé  aux  vivres  de  la  marine,  rue  Dinanderie,  n"  17. 
le  premier  fut  massacré  à  Saint-Domingue  ;  le  second  devint  membre  de  l'Acadéinie 
française.  Us  figurent  dans  la  généalogie  des  Du  Paty  de  Clam,  publiée  par  la  Bev\^€ 
de  France,  1898,  p.  196. 

(2)  Il  y  avait  eu  là  une  loge  de  maçons  où  Garât,  avant  sa  détention,  donna  au 
moins  un  concert.  (  Journal  de  Rouen  des  30  avril  et  4  mai  1793  ). 

(3)  Arch.  nat.  D  ^  i,  carton  17,  5*  liasse. 


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-  469  — 

d'autres  membres  du  Conseil  général  interviennent  et  voient  des 
citoyens  brisant  les  tribunes  et  le  siège  du  président,  renversés  au 
milieu  de  la  salle.  Les  portes  furent  fermées  et  les  clefs  remises  au 
bureau  permanent.  Plusieurs  perturbateurs  furent  mis  à  Saint-Lô  et 
d'autres  renvoyés  jusqu'à  plus  ample  information.  (1)  Un  courrier 
extraordinaire  avisa  le  Comité  de  sûreté  générale  de  ces  graves 
incidents.  Le  Comité  révolutionnaire  fit  apposer  un  placard,  véhément 
appel  à  la  dénonciation,  dans  l'espoir,  de  découvrir  dans  les  instiga- 
teurs de  ces  désordres  quelques  infâmes  amis  des  rois  (2). 

Pour  «  réparer  ces  outrages  »,  la  Société  populaire  fut  solennel- 
lement réinstallée  le  13,  à  six  heures  du  soir,  par  la  Commune,  en 
présence  de  toutes  les  autres  autorités  constituées,  avec  le  concours 
de  la  musique  militaire  et  d'un  détachement  de  la  garde  nationale. 
Le  maire  Le  Boucher  était  à  côté  du  citoyen  Fontenay,  président  de 
la  Société  (3), 

Désormais,  les  séances  de  la  Société  sont  agitées.  A  celle  du  18 
nivôse,  où  l'on  veut  épurer  Chouquet  malgré  une  défense  de  Saute- 
reau,  et  au  moment  où  l'on  applaudit  une  invitation  au  silence,  le 
président  (M.  de  Fontenay)  se  plaint  de  ce  quon  lui  jette  des 
pierres.  En  vain  invite-t-il  le  public  au  calme,  on  entend  les  cris  • 
A  bas  !  A  bas  I  et  des  huées  et  des  sifflets.  Des  citoyens  placés  «  aux 
deux  côtés  »>  du  président  jettent  des  pierres.  Le  trouble  augmente 
et  le  président  lève  la  séance  (4). 

Môme  tapage  le  19,  malgré  la  présence  de  huit  commissaires 
de  police,  toujours  à  propos  d'épuration.  Il  s'agit  encore  de  Chouquet 
et  aussi  de  Masson  et  Troussey .  Aucun  des  trois,  par  hasard,  n'est  à 
la  séance.  Nonobstant,  Harel,  accusateur  de  Troussey,  est  entendu 

(1)  Ârch.  du  dép^  Lettre  de  Le  Coutour  à  Tagent  national  et  du  district.  Sont 
arrêtés  et  mis  de  suite  en  liberté  :  Brière,  Jacques  Grandin,  J.-B.  Badier,  Ant.  Thirion, 
Simon  Galopin,  J.-Barth.  Blard,  Pierre  Blanchet,  Aimable  Vilain,  J.-B.  Aimable  Duflos, 
Pierre  Renéville,  Phil.  Villain,  Jacques  Blain,  Michel  Frémont,  Jean  Frait  (?),  Jacques 
Guillaume,  N.  Lejeune,  P.  Gantel,  N.  Berté,  Louis  Rivel,  Bastien  Rufy,  François  Mitton, 
J.-M.  Brûlot,  Et.  Lebrasseur  et  Jq.  Vasseur. 

(2)  Ce  placard,  daté  du  13  nivôse,  est  signé  de  Dodard,  ex-président  ;  et  Portrait, 
ex-sec  (Arch.  du  dép^) 

(3)  Reg.  de  l'Hôtel-de-ViUe. 

(4)  Procés-verbal  de  la  séance  de  la  Société,  signé  Berthelot,  et  registre  de  THÔtel- 
de-Ville,  au  19  nivôse. 


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-  470  - 

dans  «  tout  son  narré.  »  Le  débat  reprend  le  20.  La  Société,  fatiguée, 
suspend  l'épuration  et  informe  la  Commune  de  ces  troubles  scanda- 
leux. Il  ne  parait  pas  avoir  été  rédigé  de  procès-verbal  de  cette 
séance  ;  un  «  compte-rendu  de  Crespin  tils,  qui  a  rempli  les  fonctions 
de  secrétaire  »  en  tient  lieu  et  est  adressé  le  21  par  le  citoyen  de 
Fontenay,  président,  au  Conseil  général  de  la  Commune  (1). 

La  Commune  avait  conseillé  la  suspension  des  séances  en  cas  de 
troubles  et  en  attendant  l'arrivéedu  représentant  du  peuple  Lacroix(2). 
Les  antécédents  de  Lacroix  devaient  le  rendre  sympathique  aux 
contre-révolutionnaires  et  redoutable  aux  montagnards,  aux  terro- 
ristes, qui  avaient  fait  agir  leurs  amis  ;  le  20  nivôse,  c'est-à-dire  la 
veille  du  jour  où  la  commune  de  Rouen  attendait  encore  Lacroix,  ils 
étaient  parvenus  à  faire  décréter  par  la  Convention  que  Duport 
(du  Mont-Blanc)  (3),  se  rendrait  à  l'instant  dKus  la  Seine-Inférieure. 
Albitte  aîné,  qui  avait  été  en  mission  dans  le  Mont-Blanc,  avait  dû 
appuyer  le  choix  de  Duport  (4). 

Celui-ci  reçut  des  administrations  un  accueil  dont  il  est  difficile 
de  se  rendre  compte  (5).  Le  district  jugeV  le  domicile  de  Caillot  de 
Coqueréaumont  propre  à  le  recevoir,  »  et  Vincent,  cet  ex-commis- 
saire de  police  naguère  destitué  par  Sautereau,  est  précisément  celui 
que  le  district  presse  d'inventorier  le  mobilier  de  ce  domicile  (6). 

A  peine  arrivé,  le  29  nivôse,  Duport  invite  le  Comité  de  sur- 
veillance à  lui  faire  passer  tous  les  jours,  à  midi,  la  situation  de 
l'esprit  public  dans  son  arrondissement.  L'étude  de  cette  situation 
lui  suggère,  à  la  date  du  7  pluviôse,  le  choix  de  Houel,  huissier  ; 
Yvemès,  marchand  de  vins  ;  Lézurier  l'aîné,  négociant  ;    Vimar, 

(1)  Arch.  mpales  ;  pièce  originale. 

(2)  Procès-verbal  de  la  séance  du  21  nivôse.  J.-M.  Lacroix,  âgé  de  quarante-quatre 
ans,  député  de  la  Ilaute-Vieiine,  ex-procureur-syndic  du  district  de  Bellac,  l'un  des 
73  exclus,  après  le  31  mai,  venait  d'être  rappelé  à  la  Convention  le  !•'•  frimaire. 

(3)  Coll.  Rondonneau,  table  III,  p.  333, 1"  col. 

(4)  Duport,  trente-trois  ans,  avocat  à  Chambéry,  célibataire,  né  à  Faverges  (Haute- 
Savoie),  en  1762.  La  Société  populaire  de  Chambéry  l'avait  dénoncé  comme  étant  des- 
cendu de  la  Montagne  dans  la  Plaine.  Il  s'était  déclaré  pour  la  mise  hors  la  loi  de 
Robespierre  et  la  mise  en  accusation  de  Carrier. 

(5)  Le  département,  dans  son  Rapport  imprimé  de  Tan  IV,  p.  52,  constate  que 
Sautereau,  en  arrivant  à  Rouen,  avait  fait  enregistrer  ses  pouvoirs,  et  que  Duport  et 
Casenave  n'ont  pas  rempli  ce  devoir. 

(6)  Arch.  du'dépt.  Lettre  du  26  nivôse  au  citoyen  Vincent. 


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—  471  - 

ci-devant  homme  de  loi  ;  J.-B.  Grandin,  d'Elbeuf,  et  Leféo,  de 
Monville,  pour  remplacer  Bornainville ,  Angerville ,  Portrait, 
Delarue  fils,  et  Gaillard,  membres  sortant  du  Comité  (1). 

Des  réclamations  s'élèvent  contre  la  Société  populaire.  Duport 
demande  le  tableau  de  ses  membres,  pour  prévenir  les  inconvénients 
résultant  de  Torganisation  de  la  Société,  qu'il  veut  ramener  à  sa 
véritable  institution  dans  l'intérêt  de  l'instruction  publique  (2). 

La  Société  eut  encore  quelques  séances,  dont  les  procès- 
verbaux  —  s'il  y  en  a  eu  —  ne  se  retrouvent  pas.  Nonobstant,  on 
découvre,  çà  et  là,  quelques  détails  alléchants  des  convulsions  qui 
signalèrent  sa  fin,  et  c'est  ainsi  que  l'on  sait  que  Thieullenet 
Legendre,  pour  avoir  parlé  en  faveur  de  la  réaction  thermidorienne, 
y  furent  «  accusés  hautement  »  par  Marye  «  d'être  payés  pour  tenir 
ce  langage.  A  la  séance  du  17  ventôse,  Mabon  fut  expulsé  pour  avoir 
«  avili  le  Mémoire  apologétique  des  citoyens  de  la  ville  de  Rouen  et 
dit,  après  l'exclusion  des  «  meilleurs  patriotes  »  tels  que  Lamine, 
Poret  et  Pillon,  que  Carrier  était  mort  martyr  de  la  liberté  (3). 

Plusieurs  de  ses  membres,  «  expulsés  publiquement  »  conti- 
nuent à  se  réunir  au  local  de  la  rue  de  TAumône  a  ce  qui  ne  permet 
pas  de  supposer  que  ceux  qui  s'y  rassemblent  avec  eux  en  soient 
véritablement  membres  »  (?)  Le  6  germinal  (26  mars  1795  )  Le  Cou- 
tour,  agent  national,  ayant  dit  à  la  Commune  que  la  veille,  à  dix 
heures  du  soir,  Balland,  Selot  et  Gambet,  membres  véritables,  eux, 
de  la  Société,  lui  avaient  remis  des  clefs  fermant  la  maison  de  la 
rue  de  l'Aumône,  la  Commune  défendit  provisoirement  tout  rassem- 
blement dans  le  local  et  fit  aviser  le.  concierge  Legendre  de  cette 
interdiction  (4). 

Il  apparaît  d'ailleurs  que,  même  avant  cette  mesure,  la  Société 
populaire  s'était  réfugiée  rue  des  Champs,  n«  56,  où  elle  s'était  mo- 
difiée sensiblement,  puisque  son  rôle  aurait  été  restreint  à  celui  d'une 
société  de  secours  mutuels  (5). 

(1)  Arch.  du  dép*. 

(2)  Arch.  nat.AFui41. 

(3)  Rapports  des  commissaires  des  sections. 

(4)  Reg.  de  l'Hôtel-de- Ville. 

(5)  Cela  résulte  de  la  minute,  non  signée,  d'une  réponse  au  Comité  des  secours 
publics  de  la  Convention  nationale,  du  12  ventôse  (an  HI  ?)  réponse  d'un  fonctionnaire. 


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—  472  — 

Le  19  thermidor  an  III,  Legendre,  concierge  de  la  ci-devant 
Société  populaire,  avise  la  Commune  que  l'on  a  forcé  deux  panneaux 
des  vitres  d'une  chapelle  de  Saint-Laurent,  où  étaient  encore  dépo- 
sés les  ejïets  de  cette  Société.  Enfin,  le  16  fructidor,  deux  conwnis- 
saires  sont  nomme 's  pour  transporter  au  secrétariat  de  la  Commun6 
les  registres  et  papiers  de  la  Société,  et  les  18  et  23  vendémiaire  an 
IV  (10  et  15  octobre  1795)  a  lieu  l'inventaire  des  effets  de  la  Société 
déposés  à  la  Commune,  et  des  objets  restés  dans  une  armoire  de  la 
maison  de  la  ci-devant  Société.  (1) 

La  fin  des  Jacobins  de  Paris  avait  privé  ceux  de  Rouen  de  leurs 
inspirateurs  et  de  leurs  modèles.  Les  chefs  des  Jacobins  rouennais 
étaient  détenus.  Lors  même  que  des  discussions  violentes  n'eussent 
point  hâté  la  dispersion  de  la  Société  populaire,  elle  n'eut  pu  sur- 
vivre plus  longtemps  à  la  société  mère. 

C'est  maintenant  au  théâtre,  quand  ce  n'est  pas  dans  la  rue, 
ou. . .  en  envahissant  les  diverses  administrations,  que  se  produisent 
les  manifestations  de  l'esprit  public. 

Le  7  pluviôse  an  III,  des  billets  et  la  chanson  de  Gaveau,  le 
Réoeil  du  Peuple  tombent  sur  la  scène,  au  Théâtre-des-Arts  (ci- 
devant  de  la  Montagne),  dont  Cabousse  est  le  directeur.  Verteuil 
lit  les  couplets  du  Réveil  dont  l'air  n'est  pas  encore  connu  à  Rouen, 
mais  qu'on  chantera  le  lendemain  (2). 

Le  12,  à  ce  théâtre,  le  parterre  veut  qu'on  enlève  le  bonnet 
attaché  devant  les  secondes  ;  placé  par  Amand,  il  est  teint  de  sang  ! 
Un  citoyen  le  fait  tomber  à  l'aide  d'un  bâton.  D'autres  spectateurs, 
montrant  le  bonnet  surmontant  le  drapeau  tricolore  de  l'avant-scène, 
s'écrient  :  «  Nous  le  défendrons]  (3).  Le  lendemain,  la  commune 
ordonne  que  le  bonnet  sera  replacé  (4). 

nouveau  connaissant  fort  peu  Rouen,  vraisemblablement  Esnard  des  Andelys,  nommé 
tout  récemment  agent  national  du  district  de  Rouen  (Arch.  du  dép».)  W  est  présumable 
que  cette  «  Société  de  secours  mutuels  »  qualifiée  encore  alors  de  Société  populaire, 
était  formée  des  débris  de  cette  société.  Peut-être  fut-elle  l'embrj'on  de  Tune  des  loges 
de  franc-maçons  ressuscitées  sous  le  Dii*ectoire  ou  sous  TEmpire. 

(1)  Reg.  de  T Hôtel- de-Ville. 

(2)  Rapport  de  Dubos,  commissaire,  et  de  Lefebvre,  officier  municipal.  (Ârch.  du 
départ.) 

(3)  Rapport  de  Cottais  et  de  Carpentier.  (Arch.  du  départ.) 

(4)  Reg.  de  l'Hôtel-de-VlUe. 


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—  473  — 

Le  13|  Prio,  artiste  du  môme  théâtre,  est  sifflé  dans  les 
Portefeuilles  (1),  et  contraint  de  se  retirer  sans  que  la  pièce  put 
être  achevée.  On  appelle  Cabousse,  que  Verteuil,vainement,  prétend 
être  absent.  Un  jeune  homme  de  grande  taille,  en  redingote  grise, 
insiste  !  «  Le  public  vient  bien  chez  Cabousse,  il  doit  s'y  tenir  ». 
Cabousse  apparut  enfin  pour  entendre  cet  ultimatum  du  jeune 
homme  :  <c  Je  vous  parle  au  nom  du  public.  Nous  ne  voulons  plus  de 
pièces  de  l'infâme  CoUot-d'Herbois  (2)  comme  les  Portefeuilles,  ni 
autres  pièces  provenant  des  sanguinaires.  Variez  votre  spectacle. 
Nous  ne  voulons  pas  non  plus  d'acteurs  ne  sachant  point  leurs  rôles; 
qu'ils  ne  soient  point  insolents.  Nous  ne  voulons  point  de  Prin. 
Donnez-nous  des  pièces  de  Racine,  Molière  et  autres  bons  auteurs. 
Voilà  l'intention  du  public.  Tâchez  devons  y  conformer.  »  Le  direc- 
teur se  retire  sans  dire  mot  (3). 

Le  lendemain,  il  ûi  jouer  Prin  qui  voulut  se  justifier  ;  le  public 
exigea  que  Bérard  disparût  des  coulisses  et  que  le  buste  de  Marat  et 
sa  couronne  fussent  enlevés. 

A  la  commune,  à  propos  du  buste  et  pour  en  justifier  le  maintien. 
Le  Contour,  emploie  ce  suprême  argument  :  D'ailleurs,  nous  sommes 
en  révolution  (4).  Il  ne  tarda  pas  à  le  regretter  lorsque,  par  suite 
du  décret  du  20  pluviôse  (5),  la  commime  fit  supprimer  les  bustes 
de  Marat,  Charlier  et  autres. 

Le  décret  du  2  ventôse,  ordonnant  la  démolition  des  monuments 
en  forme  de  montagne,  varia  le  sujet  des  incidents  qui  troublaient 
les  spectacles.  Le  5  ventôse,  au  théâtre  de  Cabousse,  le  parterre  et 
les  premières  loges  demandent  la  destruction  de  la  montagne  du 

(i)  Comédie  en  trois  actes  de  Collot  d'Herbois,  17^.  Elle  ne  parait  pas  avoir  été 
jouée  à  Paris  depuis  le  9  thermidor. 

(2)  ColIot-d'Herbois  avait  fait  à  Rouen,  en  1781,  un  séjour  dont  M.  Noury  et  M.  Félix 
ont  raconté  les  incidents.  Accusé  avec  les  autres  membres  des  anciens  Comités  de  la 
Convention,  il  avait  été  Tobjet,  comme  ses  collègues,  d'un  rapport  renvoyé  le  7  nivôse 
an  III,  à  la  conmiission  des  vingt-un.  Il  fut  déporté  par  décret  du  i)  germinal  suivant. 

(3)  Rapport  de  Cottais  et  de  Hellot.  (Arch.  du  dép^) 

(4)  Reg.  de  THôtel-de-Ville  ;  séances  des  15  et  18  frimaire.  Ceux  des  bustes  de 
Marat  qui  décoraient  les  théâtres  de  Paris,  avaient  été  jetés  le  13  pluviôse  dans  les 
égoûts. 

(5)  D'après  ce  décret,  les  honneurs  du  Panthéon  ne  pouvaient  être  décernés  à 
aucun  citoyen  et  son  buste  placé  dans  les  lieux  publics  que  dix  ans  après  sa  mort. 


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-  «4  - 

Champ-de-Mars  ;  on  décide  d'en  instruire  la  commune  et  de  faire  de 
cette  destruction  unefôte  civique.  Le  parterre,  qui  est  en  train,  crie: 
((  A  bas  la  tailleuse  de  la  rue  Saint-Lô  (1)  qui  est  aux  secondes.  C'est 
une  tricoteuse  des  Jacobins.  »  Quelqu'un  ayant,  demandé  ce  qu'elle 
avait  fait,  on  répond  qu'elle  est  bien  connue  pour  une  jacobinière, 
que  toutes  les  fois  que  l'on  conduisait  quelqu'un  à  la  maison  de  Lô, 
elle  disait  hautement  :  «  En  voilà  encore  un  pour  la  guillotine.  Je 
voudrais  les  voir  tous  guillotinés,  »  et  autres  propos. 

Le  lendemain  6,  à  la  commune,  le  maire  rappelle  le  décret  du 
2  ventôse,  relatif  à  la  Montagne.  Des  citoyens  sont  venus  lui  expri- 
mer le  plus  vif  désir  que  la  destruction  s'opère  dès  le  6.  Le  pro- 
gramme du  cérémonial  est  dressé  sur  le  champ. 

Un  incident  imprévu  anime  la  fête  :  Godebin,  ex-membre  du 
Comité  révolutionnaire,  qui  s'est  vanté  de  passer  dans  la  rue  de  la 
Municipalité  au  moment  du  départ  du  cortège  (2),  est  arrêté  dans 
la  rue  des  Carmes  par  des  citoyens  qui  veulent  le  contraindre  à 
travailler  à  la  destruction  de  la  Montagne.  Il  leur  échappe  et  se 
réfugie  chez  Moulin,  devant  la  maison  duquel  se  forme  un  rassem- 
blement. La  Commune  envoie  un  détachement  qui  escorte  Godebin 
jusqu'à  son  domicile. 

Le  discours  du  maire  Le  Boucher  comprend,  notamment,  ces 
phrases  :  «  Renversons  ce  monument  consacré  aux  hommes  de  sang, 
qu'il  disparaisse  avec  eux,  qu'il  n'en  reste  aucun  vestige. . .  jurons 
que  nous  abattrons  de  même  tous  les  scélérats  qui  voudraient  nous 
opprimer  encore  et  ramener  parmi  nous  le  règne  de  la  terreur.  Je  le 
jure.  »  —  Tous  les  citoyens  s'écrient  comme  lui  ;  «  Je  le  jure.  »  — 
Aussitôt,  le  maire  se  saisit  d'une  pioche  et  porte  les  premiers  coups 
au  monument.  Chacun  l'imite,  hommes,  femmes  et  enfants.  On 
chante.  Cela  dure  jusqu'à  six  heures  et  demie.  En  revenant,  on  rend 
aux  quais  leurs  anciens  noms  par  la  suppression  de  ceux  de  Bordier 
et  de  Jourdain  (3). 

(i)  Le  rapport  de  Cottais  (Arch.  du  dép».)  dit  que  cette  femme,  que  l'on  a  nommée 
Poyer^  autant  qu'il  a  pu  l'entendre^  a  été  obligée  de  sortir.  MiUer,  tailleury  l'un  des 
terroristes,  demeurait  rue  Saint-Lô. 

(2)  Ârch.  nat.  Carton  cité.  Déclaration  de  Mercier-Dupaty  l'alné,  du  12  ventôse,  devant 
Vimar  et  autres. 

(3)  Reg.  de  rHôtel-de-ViUe« 


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-  475  — 

Le  surlendemain  8,  au  théâtre,  on  jette  sur  la  scène  une  note 
qui  n'est  pas  lue  aux  spectateurs,  et  dans  laquelle  on  se  félicite  de  la 
chute  de  la  montagne  et  des  montagnards  et  Ton  demande  qu'il  soit 
fait  justice  des  jacobins  (1). 

Les  thermidoriens  s'attendaient  à  quelque  échauffourée  après 
la  démolition  de  la  Montagne.  Dans  la  soirée  du  8,  Bademer  et 
Masselin,  de  la  commune,  et  Pottier,  substitut,  accompagnés  de 
Vimar,  membre  du  comité,  se  rendaient  avec  la  force  armée  devant 
la  porte  du  Vieux-Palais,  pour  dissiper  un  rassemblement  de  soixante 
à  quatre-vingts  personnes.  Celles-ci  leur  déclarèrent  que  chez 
Fontaine  étaient  réunis  des  Jacobins,  ayant  à  leur  tète  Lamine  et 
Grodebin;  les  magistrats  et  quatre  hommes  de  la  garde  ne  purent 
entrer  qu'après  avoir  menacé  de  faire  venir  un  serrurier.  Quand  ils 
furent  entrés,  la  domestique  leur  dit  que  ses  maîtres  étaient  chez 
un  ami  de  Saint-Galilée  (?).  Une  perquisition  de  deux  heures  resta 
infructueuse  (2).  Vimar  et  autres  sont  inquiets  surtout  parce  que  les 
terroristes  paraissent  compter  sur  un  prompt  changement  en  leur 
faveur  (3). 

Les  pouvoirs  publics  voudraient  bien  tout  concilier  ;  mais  com- 
ment y  parvenir  en  restant  dans  la  légalité  ?  Dans  la  journée  du 
dimanche  18  ventôse,  des  fanatiques  ou  malveillants  parcourent  les 
rues  en  disant  qu'il  y  a  ordre  de  fermer  les  boutiques  et  que  fêtes  et 
dimanches  sont  rétablis.  Plusieurs  marchands  sont  injuriés,  mena- 
cés et  contraints  de  fermer.  La  commune  de  Rouen  imagine  une 
solution  qui  doit  contenter  tout  le  monde  :  elle  admet  pour  chaque 
citoyen  le  droit  de  fermer  tous  les  jours  indistinctement  «  puisque 
la  République  ne  reconnaît  plus  ni  fêtes  ni  dimanches,  ni  aucun  autre 
jour  consacré  au  culte  religieux  ».  Telle  est  la  base  de  son  arrêté, 
qu'elle  termine  en  faisant  observer  que  celui  qui  travaille  le  plus  et 
fait  de  son  temps  l'emploi  le  plus  utile  est  aussi  celui  qui  mérite  le 
plus  de  la  chose  publique.  Est-ce  donc  pour  ne  pas  avoir  l'air  d'être 
d'un  culte  quelconque  que  la  commune  décide  provisoirement  que  la 

(i)  Ârch.  du  dép^  Copie  de  la  note,  sans  date,  certifiée  par  Le  Coutour,  jointe  au 
rapport  du  8  ventôse  an  III. 

(3)  Arch.  nat.  D  §  I,  carton  17,  5*  liasse,  i«r  dossier. 
(3)  Déclaration  de  Dupaty  déjà  citée. 


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réunion  de  citoyens  qui  se  faisait  dans  la  ci-devant  cathédrale  pour 
les  fêtes  civiques  et  la  lecture  des  lois,  aura  lieu  à  compter  du 
lendemain  décadi  dans  la  salle  de  ses  séances?  Duport  demande 
le  28  ventôse  les  motifs  de  ces  changements  (1). 

A  la  suite  de  violences  commises  aa  théâtre  de  Ribié,  où  se  sont 
rendus  les  spectateurs  du  théâtre  de  Cabousse  pour  empêcher  Ribié 
de  paraître  sur  sa  propre  scène,  ces  théâtres  sont  fermés  le  26  oc- 
tobre. On  pétitionne  contre  Ribié  «  qui  a  provoqué  à  l'assassinat 
d'une  partie  des  rouennais,  et  qui  s'obstine,  néanmoins^  à  se  faire 
demander  tous  les  jours  par  une  troupe  de  gens  stipendiés  ou  mal 
intentionnés.  «  On  veut  la  fermeture  du  repaire  où  se  rassemblent 
les  contre-révolutionnaires  amis  et  partisans  des  égorgeurs  et 
buveurs  de  sang  (2).  La  pétition  est  renvoyée  à  Duport  par  le  comité 
révolutionnaire  qui,  en  même  temps,  lui  fait  observer  que  plusieurs 
de  ses  signataires  sont  eux-mômes  dénoncés  comme  principaux 
acteurs  de  la  scène  sanglante  du  même  jour  au  théâtre  de  la  Répu- 
blique. 

Le  28  intervient  un  arrêté  rouvrant  les  deux  théâtres,  où  sont 
appelées  la  troupe  soldée  et  la  garde  nationale  et  où  il  est  interdit 
d'entrer  muni  de  cannes,  bâtons,  sabres  et  épées.  Un  arrêté  spécial 
défend  à  Ribié  de  paraître  sur  son  théâtre  sous  quelque  prétexte  que 
ce  soit  jusqu'à  décision  contraire.  L'ordre  du  jour  accueille  l'objec- 
tion du  juge  militaire  que  la  commime,  sans  s'être  concertée  avec 
lui,  ne  peut  étendre  aux  militaires  la  défense  d'entrer  au  théâtre 
avec  des  armes.  L'affaire  des  troubles  au  théâtre  de  la  République 
fut  renvoyée  à  la  police  correctionnelle,  Ribié  prit  un  passeport  et 
partit  pour  Paris. 

.  Rien  de  tout  cela  n'était  une  solution.  Le  jour  même,  un 
grand  nombre  d'ouvriers  toiliers  se  disposaient  k  aller  manifester 
aux  deux  spectacles. 


(i)  Reg.  de  THôtel-de- Ville. 
(2)  Reg.  de  l'HôteUde-ViUe. 


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CHAPITRE  DIX-NEUVIEME 

Débuts  de  la  réaction.  -  Premières  attaques  contre  le  président  Legendre  et 
l'accusateur  public.  —  Un  thermidorien  :  Tavocat  Le  Bouvier.  —  Harel  contre 
Troussey.  —  Causes  et  conséquences  peu  connues  des  journées  d9  germinal.  — 
La  Jeunesse  rouennaise  et  les  Terroristes.  —  Dupoit  rappelé  par  la  Convention. 
—  Arrivée  de  Gasenave,  de  Danican  et  de  l'avocat-journaliste  Robert.  —  Le  code 
thermidorien  —  Rôle  des  sections  et  de  la  commune.  —  Les  fonctionnaires  destitués 
rappelés  à  Rouen.  —  Démission  d^  Le  Boucher,  maire,  acceptée  ;  celle  du  conseil 
retardée.  —  Danican  et  les  manifestations  de  floréal. 

Le  nouveau  comité  de  surveillance  ne  modifiait  guère  les  pro- 
cédés des  terroristes  auxquels  il  succédait.  Il  ne  perd  pas  de  vue  les 
«  pratiques  superstitieuses  »  c'est-à-dire  les  efforts  du  clergé  inser- 
menté pour  la  restauration  du  culte,  mais  son  attention  se  porte  aussi 
vers  les  terroristes,  dont  les  conciliabules,  impossibles  à  surprendre, 
l'inquiètent.  Il  est  surpris  de  n'obtenir  aucun  résultat  de  l'ouverture 
de  leurs  lettres.  «  On  ne  peut  douter,  écrit-il,  que  ces  gens-là 
n'aient  une  correspondance  très  active  avec  Paris,  mais  elle  échappe 
à  nos  recherches.  »  (1) 

La  violation  journalière  du  secret  des  correspondances  n'était 
pas  sans  danger  :  Il  arrive  au  Comité  d'ouvrir  une  lettre  timbrée  du 
Comité  de  législation  et  venant,  non  pas  de  ce  Comité,  mais  de 
l'agent  Grenier.  Celui-ci  et  Cretel,  le  destinataire,  dénoncent  le 
comité  de  Rouen,  qui  s'excuse  en  expliquant  qu'un  arrêté  du  Comité 
de  sûreté  générale,  du  19  thermidor,  l'oblige  à  ouvrir  les  lettres 
adressées  aux  gens  suspects,  et  qu'ils  ont  été  avertis  que  des 
hommes  vraiment  suspects  entretenaient,  sous  le  timbre  de  la 
Convention  nationale,  une  correspondance  qu'il  importait  de  sur- 
veiller ;  et,  d'abord,  ils  en  avaient  en  effet  trouvé  plusieurs  qui  ren- 
fermaient des  lettres  adressées  à  des  hommes  notoirement  connus 
pour  être  les  chefs  des  terroristes  de  la  commune  de  Rouen.  (2) 

(1)  Lettre  du  Comité  de  liouen  au  Comité  de  siïrelù  générale,  du  '27  ventôse  an  11, 
signée  Vimar,  ex-président,  et  Yvernés,  secrétaire  (Arch.  nat.  D  m  273). 

(2)  Arch.  nat.  D  m  2f73. 


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-  478  - 

Dans  la  lutte  engagée  entre  les  révolutionnaires  et  leurs  vic- 
times, on  se  dénonce,  on  se  défend  maintenant  avec  hardiesse  et 
vigueur.  Souvent  l'habileté  et  l'énergie  des  jacobins  triomphent. 

Parmi  les  premiers  auxquels  on  s'en  est  pris  sont  Legendre  et 
Leclerc,  du  tribunal  criminel.  Ils  ont  à  se  justifier  devant  le  Comité 
de  législation,  saisi  d'une  pétition  de  la  veuve  Duboc,  née  Bocquet, 
contre  un  jugement  du  21  frimaire  an  II.  qui  a  condamné  son  fils, 
âgé  de  dix-huit  ans,  plâtrier  à  Sotteville,  à  la  déportation  à  vie,  et 
il  leur  faut  expliquer  pourquoi  il  a  été  jugé  sans  jurés  ni  recours.  (1) 
Sans  doute  les  faits  n'ont  pas  paru  au  comité  de  nature  à  entraîner 
la  mise  hors  la  loi  de  Duboc  qui,  seule,  eut  autorisé  une  procédure 
sommaire. 

Les  deux  magistrats  jacobins  sont  heureux  de  rappeler  que 
Duboc  avait  été  arrêté  par  un  homme  depuis  devenu  une  notabilité 
de  la  réaction,  et  qui,  caporal,  homme  de  loi  (2)  «  accoutumé  pour- 
tant à  défendre  assez  indistinctement  tous  les  accusés,  »  fut  telle- 
ment indigné  qu'il  le  prit  au  collet  I  Ils  invoquent  la  «  nécessité 
d'une  punition  prompte  et  frappante.  »  (3)  Ils  sont  rassurés,  sachant 
bien  qu'on  ne  s'appesantira  pas  longtemps  sur  la  question  soulevée 
par  la  pauvre  veuve  Duboc. 

Il  faut  renoncer  à  citer  môme  les  principaux  incidents  de  la 
réaction  et  enlever  à  ce  récit  par  exemple  l'attrait  du  compte-rendu 
d'un  procès  tel  que  celui  deTroussey,  du  comité,  contre  Harel,  (4) 

(i)  Arch.  nat.  D  m  272.  —  11  est  donc  certain,  quoi  qu'on  ail  écrit  à  ce  sujet,  que 
le  tribunal  criminel  jugea  au  moins  cette  fois  sans  jurés  et  sans  recours. 

(2)  Ils  ne  le  nomment  pas  ;  c'est  leur  ancien  confrère,  Ch.-Max.-Phil.  Le  Bouvier, 
né  à  Caen  ;  thermidorien  militant,  il  deviendra  le  collaborateur  du  journaliste  Robert  et 
s'acharnera  après  Thiessé  et  Hardy.  En  frimaire  an  VIII,  il  a  une  polémique  avec 
Grandcour  qui  lui  rappelle  «  sa  sortie  peu  honorable  de  Caen,  »  lui  reproche  d'avoir 
dirigé  les  mouvements  de  germinal,  et  le  traite  de  bravache  royal.  Du  7  au  8  ventôse, 
an  XII,  il  est  détenu  pendant  vingt-quatre  heures.  Le  24  août  1812,  la  Cour  de  Rouen  le 
condamne  à  deux  ans  de  détention  pour  délit  prétorial.  Au  miheu  de  sa  peine, 
le  24  août  1814,  des  lettres  de  grâces  de  Louis  XVII l  le  mettent  en  liberté,  etc.  (Arch. 
mpales  et  du  dépar».  Vedette  Normande  du  18  frimaire  an  VIII  et  notes  de  l'auteur). 

(3)  Il  fut  jugé  plus  de  deux  mois  après  le  fait,  datant  du  4  oct.  1793.  On  le  con- 
duisit à  Lorient  le  27  flor.  an  IL 

(4)  Par  ordrt'  du  connté  d«^  sûreté  générale,  Pierre  Harel  avait  été  détenu  d'abord 
à  Saint-L6,  puis  à  Saint- Yon,  du  6  brumaire  au  13  fructidor  an  II.  Lors  de  TinventiUre 
chez  cet  ex-notable,  Poret  mentionne,  entre  autres  papiers,  un  manuscrit  de 
vingt-deux  pages  intitulé  :  Plan  de  rêfonnr  et  supprexsio7i  concetyiant  les  moines  pos- 


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—  479  — 

coiffeur,  rue  de  Fontenelle.  Celui-ci  l'a  accusé,  à  la  Société  popu- 
laire, d'avoir  abusé  de  sa  fonction  pour  comprimer  ses  concitoyens 
par  la  Terreur,  et  d'avoir  obtenu,  «  sur  des  promesses  frivoles,  du 
sucre  »  pour  arranger  l'affaire  du  citoyen  Sautelet,  (1)  que,  nonob- 
stant, il  faisait  arrêter  quelques  heures  après  1  Après  échange  de 
moyens  —  et  d'injures  —  le  juge  de  paix  Bourdon  adjugeait  à 
Troussey  ses  conclusions,  en  réduisant  les  dommages-intérêts  à 
cent  livres. 

Duport  se  faisait  rendre  compte  de  ces  affaires  par  les  juges  : 
dans  une  lettre  du  18  pluviôse.  Bourdon  lui  envoie  son  jugement 
contre  Harel,  dont  il  espère  qu'il  sera  satisfait  (2).  Le  même 
Bourdon  eut  \  connaître  de  beaucoup  d'autres  procès  semblables  ; 
son  audience  s'en  trouvait,  écrit-il,  changée  «  en  une  arène  de  com- 
battants »  et,  aux  abois,  il  faisait  part  au  Comité  de  législation  de 
son  a  embarras  inconcevable.  »  (3) 

La  pénurie  de  subsistances,  redevenue  aigûe  à  la  fin  de  ventôse, 
an  III,  avait  été  accompagnée  d'appel  à  la  révolte  et  d'incidents 
divers  qui  devaient  y  aboutir.  La  police  laissait  tant  à  désirer  que 
Dupont,  le  15  ventôse,  fait  rappeler  à  leurs  devoirs  les  commissaires 
de  police.  (4)  Le  20,  sur  la  maison  du  citoyen  Varenguo,  notaire, 
au  coin  des  rues  du  Bailliage  et  de  Bouvreuil,  on  voit  un  placard 
liberticide  accusant  «  un  tas  de  municipaux  qui  ne  jeûnent  pas,  de 
faire  jeûner  le  peuple.  (5)  » 

Voici  venir  les  journées  de  germinal  dont  les  préliminaires 
locaux  et  les  conséquences  à  Rouen  sont  restées  bien  mal  connues, 
même  après  les  quatre  récits  officiels  donnés  par  la  Commune,  le 

sédant  fonds  et  de  la  manière  de  les  assujétiv  à  rester  dans  leurs  couvents,  (Arch. 
mpales).  En  l'an  IV,  un  Pierre  Harel,  défenseur  officieux,  à  Rouen,  rue  des  Champs- 
Maillets,  est  détenu  provisoirement,  puis  relâché  avec  Casimir  Beliest,  garçon  fripier, 
apparemment  sous  prévention  de  délit  politique. 

(1)  Michel-Nicolas  Sautelet,  quarante-six  ans,  raffineur  de  sucre,  rue  de  la 
Constitution,  mis  par  la  commune  à  Saint-Yon,  pour  incivisme  et  aristocratie,  le 
29  prairial,  sorti  le  1"^  fructidor  an  II. 

(2)  Arch.  nat.  I)  §  I,  carton  17,  5»  liasse,  2«  dossier. 

(3)  Arch.  nat.  D  m  272. 

(4)  Reg.  de  rHôtel-de-Ville. 

(5)  Arch.  nat.  D  |^  I,  carton  17,  carton,  liasse  et  dossier  cités. 


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maire,  le  district  et  le  département,  et  les  résumés  qu'en  ont  publiés 
MM.  Gosselin  et  de  la  Quérière  (1). 

Le  10  germinal,  une  députation  de  la  commune  de  Rouen  pré- 
sentait à  la  Convention  une  adresse  énergique  demandant  la  punition 
des  désorganisatcurs  qui  ont  jeté  le  trouble  dans  son  sein  et  citant 
les  membres  du  Comité  révolutionnaire,  l'agent  national  et  son 
substitut  (2)  et  quelques  membres  de  la  municipalité  destituée  par 
Sautereau.  Sautereau  Tappuie  :  il  rend  justice  au  patriotisme  de  la 
ville  de  Rouen,  calomniée,  et  qui,  cependant,  a  aux  armées  un 
huitième  de  sa  population.  On  dit,  répond  un  autre  conventionnel, 
que  le  terrorisme  est  protégé  à  Rouen  et  qu'il  y  relève  la  tête  (3). 

Le  même  jour,  les  assemblées  des  sections  de  Paris  avaient  été 
orageuses.  Donnez-nous  du  pain  !  tel  était  le  cri  général.  Le  riz, 
qu'on  devait  faire  cuire,  ne  satisfaisait  point,  vu  le  prix  excessif  du 
bois  et  du  charbon.  On  remarquait  —  comme  à  Rouen  —  que  si  les 
malheureux  manquaient  de  pain,  les  riches  n'en  manquaient  point. 
Les  traiteurs,  les  pâtissiers  en  étaient  fournis  mieux  que  jamais  (4). 

Singulière  coïncidence!  Le  12  germinal,  au  moment  où  éclate 
l'émeute  —  combinée  avec  celle  de  Paris  (5)  —  la  commune  de  Rouen 
lève  la  consigne,  prohibant  notamment  les  bâtons,  armes  des 
muscadins,  des  jeunes  gens. 

Tout  en  refusant  —  sous  prétexte  d'incompétence  —  d'homolo- 
guer un  arrêté  de  la  Commune  abaissant  de  5  à  3  livres  le  prix  du 
riz,  le  département,  ému  des  dispositions  menaçantes  du  peuple, 
avait  envoyé  Bouvet  vers  Duport,  qui  était  à  Dieppe.  Cette  homolo- 
gation, il  allait  être  contraint  de  l'accorder  le  lendemain. 

Le  14,  des  groupes  de  jeunes  gens,  armés  de  bâtons,  arrêtent 

(1)  V.  les  reg.  de  la  commune,  du  district  et  du  dépS  et  les  tra\*aux  de  MM.  Gosselin 
et  de  la  Quérière.  Je  ne  fais  pas  ici  l'histoire  de  ces  journées  :  je  mentionne  les  circon- 
stances essentielles  omises  par  mes  devanciers,  entre  autres  la  démarche  des  Rouennais 
vers  la  Convention  contre  les  terroristes,  les  noms  et  le  sort  des  personnes  arrêtées,  le 
désarroi  du  tribunal  criminel,  etc. 

(2)  Poret  et  Caffin-Vernon. 

(3)  Jotumal  de.  Rouen  du  11  germinal  an  ii,  p.  48,  2«  col. 

(4)  Âulard,  Pa}ns  pendant  la  réaction  thet^iidotnenne^  t.  i,  pp.  619  et  623. 

(5)  V.  not.  Journal  de  Rouen  du  19  germinal,  p.  80,  lettre  du  comité  de  surveillance 
de  Rouen,  lue  le  19,  par  Anguis,  député  des  Deux-Sèvres,  à  la  séance  de  la  Convention. 


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Duport  à  son  arrivée  de  Dieppe  et  le  contraignent  à  rendre  compte 
«ur-le-champ,  publiquement,  dans  la  cathédrale,  de  ses  mesures 
pour  assurer  les  subsistances.  Un  épisode  qui  le  concerne,  au  cours 
duquel  une  citoyenne  De  Bon  aurait  concouru  à  le  préserver  des 
insultes  contre-révolutionnaires,  reste  obscur.  (1).  Duport  reconnut 
peu  après  qu'il  devait  la  vie  aux  jeunes  gens.  (2)  On  prétend  que  le 
peuple  qui  le  conduisit  à  Notre-Dame  le  força  de  crier  :  Vive  le  roi! 
et  qu'il  ne  se  fit  pas  prier  longtemps.  (3). 

Au  plus  fort  de  l'émeute,  le  15,  le  premier  magistrat  judiciaire' 
du  département,  Legendre,  dont  le  nom  n'apparaît  point  dans  les 
récits  officiels  et  autres  de  cette  mémorable  sédition,  Legendre  perd 
tout  son  sang-froid,  et  retrouve  tout  juste  assez  de  force  pour  envoyer 
au  comité  de  législation  cette  lettre  qui  révèle  par  son  seul  aspect 
son  eflfroi,  son  désespoir  : 

Je  voas  envoie  on  arrêté  que  le  tribanal  vient  de  prendre.  (4)  11  a  été  com- 
mando par  les  circonstaûces  critiques  dans  lesquelles  notre  commane  se 
trouve.  L'anarchie  la  plus  complète  y  règne.  Le  représentant  du  peuple  est, 
dit- on,  en  arrêt  chez  lui.  Ou  s'est  porté  hier  en  foule  au  domicile  de  raccu- 
satear  public  Tous  les  pouvoirs  publics  sont  méconnus.  Le  désordre  est  à 
son  comble.  (5) 

L'effarement  de  Legendre  dura  jusqu'au  17  floréal,  date  où  le 
comité  de  législation  l'invitait  à  lui  rendre  compte  de  ce  qui  s'était 
passé.  (6) 

D'après  M.  Gosselin,  l'accusateur  public  Leclerc,  recherché  toute 
la  journée  du  15,  se  serait  ^auvé  de  la  Commune  en  tirant  deux 
coups  de  pistolet  sur  la  foule,  et  se  serait  réfugié  sous  des  planchess 
dans  le  presbytère  Saint-Godard.  Découvert,  il  aurait  manqué  d'être 

(1)  V.  les  procès-verbaux  des  trois  administrations  et  le  manuscrit  de  M.  de  la 
Quérière,  9«  période. 

(2)  f  Si  vous  n'avez  à  venger  aucun  attentat  sur  la  personne  de  l'un  des  membres 
de  la  Convention,  le  mérite  en  est  à  quelques  citoyens  dont  l'énergique  dévouement 
a  d'autant  plus  lieu  d  étonner  qu'ordinairement  on  ne  doit  pas  l'attendre  de  leur  âge. 
Etix  seuh  l'ont  préservé  au  milieu  d'une  multitude  égarée  en  lui  servant  d'égide.  » 
(V.  Moniteur,  n«  200,  p.  816,  2«  col.  et  n»  201,  p.  820,  i^  col.  Séances  de  la  Convention 
des  18  et  19  germinal.)  MM.  Gosselin  et  de  la  Quérière  ne  font  aucune  allusion  à  cette 
lettre  de  Duport. 

(3)  Robert,  Vie  politique  des  Députés,  p.  124. 

(4)  Cet  arrêté  renvoie  les  séances  du  jur^  jusqu'à  une  nouvelle  convocation. 
(5  ot  6)  Arch.  nat.  D  m  272,  pièces  originales. 


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assassiné  et  aurait  été  conduit  à  Saint-Lô.  Deux  Leclerc  furent  alors 
arrêtés  et  mis  à  Saint-Lô,  mais  ni  l'un  ni  l'autre  n'était  l'accusateur 
public.  Cependant,  les  transes  de  celui-ci  n  avaient  pas  été  moindres 
que  celles  de  Logendre.  Mis,  le  26  germinal,  en  possession  de  l'in- 
struction commencée  par  la  municipalité  sur  la  sédition,  il  demande 
au  tribunal  s'il  doit  la  compléter  ou  la  renvoyer  au  juge  de  paix  du 
bureau  central.  Le  tribunal  refuse  de  se  prononcer,  et  Leclerc  en 
réfère  au  Comité  de  législation  qui  lui  répond  de  se  conformer  à 
la  loi.  (1) 

Pourquoi  a-t-on  raconté  les  scènes  de  germinal  en  omettant  les 
paroles  qui  expriment  l'opinion  du  peuple  sur  les  administrateurs? 
A  Thiessé  qui  dit  que  l'on  va  prendre  des  mesures,  U^tin  et  les 
autres  attroupés  crient  :  «  Tu  nous  endors  !  Tu  nous  promets  des 
subsistances  \  tu  en  as  donc  !  Il  faut  dire  où  e^les  sont;  il  est  temps  I 
il  est  temps /he  môme  Ustin  veut  qu'on  se  saisisse  des  membres  du 
district  et  du  département  et  dit  à  Bouvet  :  «  Tuas  du  pain,  toi?  » 
et  Bouvet  de  répondre  :  «  Non,  mon  frèr^ ,  je  nen  ai  pas  !  »  Peu 
touché  de  cette  mansuétude,  Ustin  s'emporte  :  «  //  ny  a  pas  de 
frère,  /.. . .  »  et,  s  adressant  à  ceux  qui  entouraient  Bouvet  : 
«  Arrêtes-le,/. . .  !  Ne  le  laisse::  pas  sortir,  surtout  !  Vous  aile: 
l'emmener,  avec  les  autres  !  »  C'est  aussi  Ustin  qui,  entre  autres  (?), 
tenait  le  citoyen  Cartier  (2),  du  district,  au  collet,  l'eût  jeté  par- 
dessus la  terrasse  si  le  citoyen  Castel,  secrétaire  du  département,  ne 
fût  venu  à  son  secours  (3). 

D'une  part,  vingt-et-une  personnes  (4)  avaient  été  mises  au 

(1)  Arch.  nat.  D  m  273. 

(2)  Acte  d*accusation  contre  Ustin.  Une  note  de  police  porte  que  Grésil,  dont  les 
procès-verbaux  ne  parlent  pas  et  qui  ne  fut  pas  arrêté,  avait  pris  au  colbt  Cartier  pour 
le  faire  jeter  par  les  fenêtres.  Ce  Grésil,  âgé  de  38  ans.  ex-huissier  de  Tamirauté  de 
Paris,  depuis  1789  à  Rouen,  rue  de  la  Cigogne,  8,  était  le  frère  de  Tabbé  Grésil,  chapelain 
des  Annonciades,  déporté,  et  le  neveu  du  chanoine  Grésil,  m.  le  17  juillet  1789.  Son 
père,  avocat,  était  mort  en  1772.  et  sa  mère,  née  Le  Caplain,  fut  arrêtée  le  27  floréal  an  u- 
Lui-même  fut  détenu  quatre  décades  à  Samt-Lô,  puis  un  mois  à  Saint- Yon,  d'où  il  sortit 
le  6  fructidor.  A  cette  date,  il  se  dit  artiste  musicien.  Le  29  germinal  an  v,  U  est  installé 
comme  administrateur  temporaire  du  département,  emprisonné  en  ventôse  an  vi,  avec 
Guérard  de  la  Quesncrie  et,  en  l'an  vu,  Leclerc,  parfumeur,  le  dénonce  comme  fi*é- 
quentant  Timprimerie  de  Limoges  larch.  mpales  et  du  dép»  et  notes  de  l'auteur). 

(3)  Même  acte  d'accusation. 

(4)  Bahois,  employé  au  dépt»  ;  Gonfreville,  cordonnier;  F.  Jeanne,    tourneur  en 


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-  483  — 

violon  par  la  garde  nationale,  du  13  au  15  germinal.  A  la  suite  de 
dénonciations  à  l'accusateur  public  par  la  commune,  la  plupart  de 
ces  arrestations  furent  maintenues  et  régularisées  par  des  mandats 
d'arrêt  décernés  par  des  juges  de  paix,  notamment  par  Berrubé. 
Six  autres  individus  (1)  avaient  été  conduits  le  16  en  prison,  d'où  le 
concierge,  sans  ordre  régulier  pour  les  recevoir,  avisait  la  commune, 
devant  laquelle  on  les  amenait  ensuite  et  qui  les  mettait  en  liberté  (2). 

Le  li,  par  ordre  du  peuple  (3),  avaient  été  arrêtés  et  conduits 
directement  à  la  maison  de  justice,  et  mis  sous  la  responsabilité  du 
concierge  Lequesne,  vingt-cinq  (4)  autres  citoyens.  Sur  la  liste  de 
leurs  vingt-cinq  noms,  signée  de  Lequesne,  Duport  approuvait  leur 
arrestation  le  jour-môme,  faisait  remettre  cette  liste  au  concierge 
par  Le  Bouvier,  défenseur  officieux,  et  Vergne,  marchand.  A  aucun 
moment  elle  ne  comprit  le  nom  de  l'ex-maire  Pillon,  arrêté  seule- 
ment en  floréal  (5). 

Le  17  germinal,  par  ordre  de  la  commune  du  16,  et  sur  réquisi- 
tion de  l'agent  national,  vingt-deux  (6)  de  ces  vingt-cinq  prisonniers 
furent  transférés  en  la  maison  d'arrêt.  Cette  mesure  n'était  nulle- 
ment «  une  satisfaction  donnée  au  parti  royaliste,  »  (7)  c'était  comme 
le  transfert  de  Babois  et  autres  yea/îes  (jens,  du  violon  en  la  même 


métaux;  Cl.  Henry,  peintre;  Champie,  badestamier ;  Piron,  coiffeur  de  femmes; 
Bourard,  commis  au  dép*  ;  Houdet,  chez  son  père,  rue  de  l'Aumône  ;  J.-M.-A.  Wilson, 
garçon  sellier  ;  Et.  Henry,  erieur  public  ;  L.  Basire,  marchand  de  journaux  ;  L.  Leclerc* 
taiUeur  ;  Guillaume,  lieutenant  au  17»  bat.  des  fédérés  ;  Fortin,  m»  de  forte-piano  ; 
Cuvier,  charretier  ;  femme  Gueudeville,  lileuse  ;  Eug.  Debonne,  marchand  ;  veuve  Gobai, 
née  Boucher;  Osman  ;  L.  Brière,  15  ans,  de  l'île  de  la  Martinique,  Victor  Seminel  et 
F.-S.  Périer. 

(1)  Jq.  Moulin,  J.-B.  Massif,  T.  Barthélémy,  R.  Delafosse,  R.  Breton  et  G.  Langlois. 

(2)  Séances  des  22  et  23  germinal. 

(3)  Arch.  nat.  D  §  I  carton  17,  5«  liasse,  l»""  dossier. 

(4)  Et  non  24  comme  le  dit  M.  delà  Quériére.  Ces  25  sont  :Godebin,  J.-B.  Pinel 
Porct,  Troussey,  Delalonde,  Thien^y,  Regnault,  Nos,  Gaillon,  Marye,  Mabon,  Lefebvre- 
Signol,  Lesage,  Denise,  femme  Leclerc,  Delaporte»  Leclerc,  Digard,  Fontaine,  L.  Groult, 
François  Masson,  Elie  Groult,  Paillard,  Simon  Daillière  et  femme  Lizé.  —  Pasquier 
(Biographies)  rapporte  que  Poret  s'était  caché  dans  une  cheminée  d'où  on  ne  put  le 
faire  descendre  qu'en  le  menaçant  d'un  coup  de  fusil. 

(5)  M.  de  la  Quériére  fait  à  tort  figurer  l'ex-maire  Pillon  parmi  les  personnes 
emprisonnées  en  germinal. 

(6)  Notes  de  l'auteur. 

(1)  V.  manuscrit  de  M.  de  la  Quériére,  cité. 


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-  484  - 

maison  d'arrôt,  la  conséquence  légale   de    la  régularisation   des 
arrestations. 

Thierry  avait  été  mis  en  liberté,  non  pas  dans  la  séance  do  la 
commune  du  16,  (1),  mais  dès  le  15,  par  arrêté  de  Duport,  sur  pétition 
de  Thierry  lui-môme,  annotée  d'avis  favorables  de  la  commune  et  du 
comité,  (2)  sur  les  instances  de  Thiessé,  son  beau-frère,  qui  vint  en 
personne  le  faire  élargir.  A  son  tour  Thierry,  comme  substitut  do 
Thiessé,  agent  national  du  district,  et  sur  ordre  de  Duport,  rend  la 
liberté  à  J.-B.  Pinel  le  17.  (3)  Duport  fît  aussi  relâcher  Daillièrele  18, 
Louis  Groult  le  20,  Elie  Groult  et  Denise  (4)  le  21,  sur  avis  con- 
formes des  sections,  du  comité  de  la  commune.  Le  21,  la  femme Lizé 
et  Wilson  sont  libérés  définitivement,  etDcbonne,  Piron,  Champic, 
Bourard  et  Hourdet  provisoirement.  (5) 

Lefebvre-Signol  est  réclamé  à  Duport  par  la  citoyenne 
Lefebvre-Lavandier,  sa  sœur,  éplorée,  mais  en  vain,  le  comité 
trouvant  que  Lcfebvre  était  un  terroriste  et  que  sa  mise  en  libertt^ 
serait  un  scandale,  (6),  et  la  commune  objectant  que  Vopinion 
publique  est  bien  prononcée  contre  lui  et  qu'on  ne  doit  point 
l'élargir  (7).  Il  en  est  de  môme  à  l'égard  de  Fontaine,  en  faveur 
duquel  intercèdent  ses  ouvriers  et  Le  Vavasseur  (8). 

Dès  maintenant,  il  est  à  mentionner  que  le  tribunal  criminel 
acquitta  Basirc  et  la  veuve  Cobal  |e  21,  Gonfreville  et  Ustin  le  22, 
Fortin  et  Duthuit  le  24,  la  femme  Letellier.  d'Aumale,  le  25  mes- 
sidor, et  Babois  le  23  termidor  an  III  (9). 

(1)  V.  manuscrit  de  M.  de  la  Quériére,  cité. 

(2)  Arch.  nat.,  carton  cité,  pièce  originale.  Dans  sa  pétition,  Thierry  affirme  ..qu'il 
n'a  jamais  dénoncé  personne  à  la  Société  populaire. . . 

(3)  Sur  pétition  de  son  frère  René  Pinel,  teinturier,  et  divers  certificats  favorables, 
notamment  du  comité,  qui  présumait  «  qu'il  avait  été  incarcéré  par  erreur  »  'arch.  nat 
carton  cité).  • 

t  (4)  Denise  justiflait,  entre  autres  choses,  d'une  attestation  de  M"«  d'Houdetot  qu'il 
avait  eu  pour  elle  et  ses  deux  filles,  en  les  arrêtant  le  2  floréal,  tous  les  égards  permis 
par  les  circonstances  (Arch.  nat.,  carton  cité). 

(5)  Ueg.  de  l'IIôtel-de- Ville. 

(6,  7  et  8)  Arch.  nat.  D  4^  i  20. 

(9)  C'est  de  ces  huit  aciuittements  que  parle  Ilorcholle  lorsqu'il  dit:  a  Lea  jeunet 
gens  furent  acquittés  \q  11  août  (24  thermidor)  ».  —  Babois,  originaire  de  Sainte-ManniP- 
rite-sur-Duclair,  devenu  défenseur  officieux  à  Versailles,  revint  à  Rouen,  et  M.  de  Fon- 
tenay,  alors  redevenu  maire  pour  la  troisième  fois  (19  sept.  1802),  le  fit  incarcérer  pour 
n'avoir  pas  ses  papiers  en  régie. 


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—  485  - 

Selon  quelques-uns,  la  sédition  de  germinal  aurait  été  une 
sédition  royaliste.  (1)  C'est,  plus  exactement,  un  épisode  de  la  lutte 
entre  jacobins  et  réactionnaires  et  le  début  du  «  procès  dès  terro- 
ristes. »  Dès  les  premiers  moraeilts,  la  Commune  et  le  Comité  de 
surveillance  imputaient  les  troubles  aux  seuls  royalistes.  Le  Journal 
de  Rouen  du  15  germinal  les  attribue  à  l'extrême  disette,  à  la  grande 
réduction  de  la  ration  de  pain,  et  à  la  radiation  d'un  très  grand 
nombre  de  citoyens  de  la  liste  des  distributions.  (2)  Le  placard  de 
Le  Coutour,  publié  dans  ce  journal  le  17  met  sur  le  même  rang, 
comme  causes  de  l'émeute,  les  terroristes  et  les  royalistes  : 

Guerre  à  mort  aux  buveurs  de  sang,  aux  infâmes  aristoct'ates  et  roya- 
listes^ ces  monstres  qui,  assimilés  par  des  forfaits,  sont  devenus 

germains,  ...  et  veulent  tous  les  trois  la  contre-rôvolution....  (3) 

Un  rapport  de  police  de  Grenier,  revenu  à  Rouen,  contient  ces 
passages  curieux  : 

....  Notre  jeunesse  voyant  que  parmi  ce  peuple,  qui  demandait  du  pain, 
il  se  glissait  des  gens  qui  lui  insinuaient  qu'il  y  en  aurait  s'il  y  avait  un  roi  : 
....  Vous  n'aurez  pas  de  pain  que  vous  n'ayiez  un  Boulanger...  Notre 
jeunesse  s'est  levée  ;  elle  a  parcouru  les  rues  pour  détromper  le  peuple  et^  ne 
f  cuvant  pas  douter  que  ce  ne  fut  un  coup  des  Jacobins^  elle  a  pris  le  parti 
d'arrêter  les  plus  scélérats  d'entre  eux,  25  d'entre  eux  sont  en  prison,  el 
quelques-uns,  très  bais,  ont  été  bien  maltraités  en  s'y  rendant  ;  buitou  dix 
antres  ont  éebappé aux  recbercbes...  On  vient  de  me  dire  qu'un  nommé 
Gérard  qui  a  été  détenu  à  l'Abbayé  à  Paris  (4j  et  qui  est  un  grand  bel 
bomme,  était  à  la  tète  des  rassemblements.  Cet  bomme  est  étranger.  Par  qui 
est-il  mis  en  mouvement.  (5) 

(1)  V.  not.  MM.  Gosselin  et  de  la  Quérière,  cités. 

(3)  Le  20,  ce  journal  insère  une  lettre  de  Paris  attribuant  la  disette  aux  vices  de 
Tancien  gouvernement  etc.,  et  le  conventionnel  Frémanger,  en  l'imputant  au  défaut 
d'énergie  des  administrateurs,  parait  avoir  frappé  juste  (V.  le  rapport  du  direct,  du 
dép«  de  Van  IV,  cité  p.  59.) 

(3)  Ce  placard  s'accorde  avec  ce  que  dit,  une  lettre  de  Hardy  à  la  commune  de 
Rouen,  reçue  le  !•''  floréal  et  envoyée  aux  vingt-six  sections  (Reg.  de  l'Hôtel-de- Ville). 

(4)  Ce  nom  ne  flgure  pas  dans  la  liste  des  détenus  de  l'Abbaye  donnée  par  M.  de 
Cassagnac  {Histoire  des  Girondins  et  des  Massacres  de  septembre^  t.  I,  p.  302  et  s.)  Dans 
celle  des  prisonniers  tués  au  Chatelet  {même  ouvrage)  est  un  Pierre  Girard,  mentionné 
sans  indication  de  sa  mort  ;  un  Pierre  Gérard,  accusé  de  l'assassinat  de  Poucbin, 
adjudant  du  général  Bonneville,  et  d'émigration,  est  détenu  à  Rouen,  en  prairial. 

(5)  Ce  rapport,  du  15  germinal,  est  adressé  de  Rouen  au  citoyen  Chevalier,  négo- 
ciant, rue  du  Chantre,  70,  à  Paris,  qui  l'a  remis  au  Comité  de  Sûreté  générale  (Arch. 
nat.  F  7  36902  7«  doss.)  Grenier,  détenu  aux  Madelonnettes  de  Paris,  avait  été  mis  en 
liberté  le  26  fructidor  an  II. 


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Après  avoir  essayé  de  résister  aux  réclamations  populaires, 
après  s'être  innocentée  dans  de  longs  procès-verbaux,  la  Commune 
finit  par  avouer  au  moins  implicitement  que  tout  n'était  pas  pour  le 
mieux  dans  le  mode  de  répartition  des  subsistances.  Elle  prit  le 
16  germinal  un  arrêté  appelant  au  conseil  doux  membres  de  chacune 
des  vingt-six  sections  pour  y  avoir  voix  consultative  touchant  les 
subsistances,  et  chargeant  les  sections  de  reviser  les  listes  des  com- 
missaires d'arrondissement,  d'en  rayer  les  citoyens  qui  y  avaient 
été  indûment  conservés  et  d'y  remettre  ceux  qui,  par  la  modicité  de 
leurs  salaires  ou  de  leurs  revenus,  ont  droit  à  la  distribution  du  pain 
fourni  par  la  commune  (1). 

Cet  arrêté  est  bien  le  principal  résultat  pratique  obtenu  par  les 
thermidoriens  victorieux.  Il  va  leur  permettre  de  résoudre  à  leur 
profit  la  question  des  subsistances  en  introduisant  des  contre- 
révolutionnaires  en  plus  grand  nombre  dans  les  listes  des  bénéficiaires 
des  distributions  de  pain,  et  en  éliminant  des  patriotes  jusque-là 
favorisés. 

L'une  des  autres  conséquences  de  la  commotion  de  germinal  fut 
le  départ  de  Duport,  rappelé  à  Paris  par  décret  de  la  Convention  du 
17  germinal  (6  avril  1795)  (2).  La  popularité  qu'il  avait  acquise  à 
Rouen  en  tenant  la  balance  égale  entre  les  divers  partis  (3)  ne  pou- 
vait faire  que  son  autorité  et  son  prestige  n'eussent  été  sensiblement  . 
atteints  par  les  scènes  auxquelles  il  avait  été  mêlé.  Néanmoins,  la 
Convention  lui  vota  une  mention  honorable  pour  la  façon  dont  il 
avait  rempli  sa  mission  et  ordonna  même  l'impression  du  journal 
de  ses  dépenses  quotidiennes  pendant  son  voyage  (4). 

Quinze  des  terroristes  (5)  détenus  à  Saint-Lô  croyaient  pouvoir 
compter  sur  l'appui  de  Duport,  rentré  à  Paris.  Ils  lui  demandent  le 
21  germinal  d'éclairer  le  comité  de  sûreté  générale  et  de  le  con- 

(1)  Reg.  de  l'Hôtel-de- Ville 

(2)  Collection  Rondonneau,  Table. 

(3)  t  II  s'est  bien  conduit  dans  sa  mission  »  dit  de  Duport  Robert  dans  sa  Vie  poli- 
tique des  députés,  p.  124,  ce  qui  ferait  supposer  qu  il  avait  été  plutôt  favorable  aux 
contre-révolutionnaires. 

(4)  Dict,  des  parlementaires. 

(5)  Regnault,  Godebin,  Nos,  Gaillon,  Mabon,  Pierre  Marye,  Masson,  Poret  fils. 
Lefebvre,  Signol,  Delalande,  Lesage,  Elie  Groult,  f«  Lizé,  Lefebvre  et  Troussey. 


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-  487  ^ 

vaincre  qu'ils  sont  <(  de  francs  et  loyaux  républicains  assassinés  par 
les  ennemis  de  leur  patrie  et  non  des  terroristes  et  des  hommes  de 
sang))(l). 

Duport  était  encore  à  Rouen  le  21  germinal,  quoique  le  19,  la 
Commune  eut  appris  que  Casenave  (2)  envoyé  à  sa  place  dans  la 
Seine-Inférieure  par  décret  du  15,  venait  de  quitter  Paris,  se  rendant 
à  Rouen. 

En  même  temps  que  Casenave,  entrent  en  scène  deux  person- 
nages dont  lun,  le  général  Danican,  (3)  commandant  la  cavalerie  de 
Tarmée  des  côtes  de  Cherbourg,  se  rend,  le  18  germinal,  à  la  com- 
mune de  Rouen,  envoyé  par  le  général  Huet,  et  y  affirme  son 
dévouement  en  même  temps  qu'il  annonce  lo  rétablissement  de 
l'ordre.  Danican  qui,  dans  la  suite,  en  toute  occasion,  discourra 
devant  les  administrations  rouennaises,  prend,  dès  le  28,  une 
attitude  suspecte  qui  eût  dû  attirer  l'attention.  A  cette  date,  il 
convoque  la  garde  nationale  pour  une  revue,  et  quoiqu'il  annonce 
qu'il  fera  respecter  le  gouvernement,  les  autorités,  son  appel  a  tout 
l'air  d'une  provocation.  (4) 

(1)  Arch.  nat.  D  §  I  carton  17,  5»  liasse,  2«  dossier. 

(2)  Ant.  Casenave,  né  à  Semboye  (Basses-Pyrénées),  âgé  alors  de  trente-et-un  ans, 
avocat.  Député  des  Basses-Pyrénées  à  la  Convention,  il  avait,  au  procès  du  roi,  voté 
pour  rappel  au  peuple,  la  réclusion  ou  le  bannissement  et  le  sursis.  Il  épousa  la  sœur 
de  la  femme  de  Ducastel,  avocat  et  ancien  député  et  se  trouva  ainsi  être  Toncle  de  Vimar. 

,  (3)  Aug.  Danican,  ou  plutôt  d'Anican,  âgé  ainsi  de  trente-et-un  ans,  fils  d'un 
vigneron  de  Verzy,  en  Champagne,  était  au  début  de  la  Révolution,  simple  soldat,  et 
avait  lait,  en  i79î^94,  comme  général  de  brigade,  les  campagnes  entre  les  Vendéens  ; 
sa  famille  parait  ne  pas  être  étrangère  à  la  Normandie.  En  1773,  a  lieu  au  Château 
d'AnnebauU  (  Appeville-Annebault,  Eure  )  un  inventaire  par  suite  du  décès  à  Versailles, 
en  février  de  cette  année,  d'Etienne  Uichel- Auguste  L'Epine  d'Anican  d'Annebault, 
chevalier  de  Saint-Louis,  ancien  capitaine  de  dragons  fils  et  héritier  avec  une  sœur, 
de  B. -Julie  d'Anican,  engagiste  des  domaines  et  vicomtes  de  Pont-Audemer  et  Pont- 
Authou  (  Arch.  du  dép^). 

(4)  Placard  imprimé  en  tête  duquel  deux  faisceaux  de  drapeaux  entourant  ces 
mots  :  Labor  improbus  omnia  vincU,  au  milieu  de  la  devise  modifiée  :  Liberté  — 
Egalité  —  Comtance.  Il  se  termine  ainsi  :  Haine  implacable  aux  terroristes,  iU  ont 
causé  tous  nos  maux.  Mort  aux  ennemis  de  la  Patrie!  Vive  la  République It  (  Arch« 
du  dép*).  V.  aussi  lettre  de  Danican  au  Comité  de  sûreté  générale,  dans  laquelle  il  dit 
que  Casenave  est  adoré  des  rouennais.  Moniteur  du  29^  p.  851.  L'ordre  du  jour  de 
Huet  donnant  à  Danican  le  commandement  de  la  fprce  armée  à  Rouen  et  environs  est 
daté  du  23  germinal  et  à  la  suite  de  copie  d'un  arrêté  du  conseil  exécutif  provisoire  du 
i«r  octobre  1793,  plaçant  Danican  comme  général  de  brigade  à  l'armée  de  l'ouest 
(  Arch.  du  dép*). 


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—  488  — 

L'autre  personnage  tiendra  beaucoup  plus  de  place  dans  les 
péripéties  delà  réactionet  même  jusque  sous  le  Directoire,  le  Consulat 
et  TEinpiTe.  C'est  l'avocat  Robert,  dont  tous  les  biographes  et  autres 
écrivains  paraissent  s'être  efforcés  do  dissimuler  le  rôle  si  actif, 
et  dont  tant  de  documents  attestent  l'influence  et  rappellent  les 
mésaventures.  On  ignore  même  où  ce  normand  est  né  et  son  auto- 
biographie, dans  un  ouvrage  absent  de  la  Bibliothèque  municipale  de 
Rouen,  mais  qu'on  découvre  —  non  sans  peine  —  dans  un  rayon 
peu  fréquenté  de  la  Bibliothèque  nationale,  a  toute  la  saveur  de 
l'inédit,  car  les  volumes  —  quatre-vingts  ans  après  leur  apparition— 
n'en  étaient  pas  encore  coupés  I  (1) 

Robert  avait  été  procureur  de  la  Commune  de  Fécamp  où  il 
avait  fondé  l'Impartial,  (2)  qui  n'avait  pas  tardé  à  lui  créer  des 
adversaires,  des  ennuis.  Membre  de  la  Société  populaire  de  cette 
ville,  dont  il  fut  le  secrétaire  en  août  1791,  il  y  eut  d'abord  quelque 
influence  puis  des  démêlés  avec  Tabbé  Letellier,  curé  de  la  Trinité, 
qui  la  présidait  et  qui,  ayant  un  jour  rappelé  Robert  à  l'ordre  sans 
consulter  l'assemblée,  fut  blâmé.  (3)  Dans  la  séance  du  20  novem- 

(1)  Robert,  que  l'on  fait  naître  à  Fécamp,  à  Cany  ou  à  Paris,  est,  comme  il  le  dit 
lui-même,  né  à  Cany,  où  est  cet  acte  :  «  Ce  jourd'hui  29  octobre  1766,  Jean-Baptisle- 
Magloire,  né  ce  jour,  du  légitime  mariage  de  Jean-Baptiste-Robart,  praticien,  et  de 
Marie- Anne-Françoise  Rousseau,  .sa  femme,  de  cette  paroisse,  a  été  baptisé  par  nous, 
vicaire  de  ce  lieu,  soussigné,  et  nommé  par  Ch.  Robert,  praticien,  de  la  paroisse  de 
TondevîUe,  et  Marie  Rousseau,  de  cette  paroisse,  soussignés.  Signé  :  Ch.  Robert^ 
Marie  Rousseau  et  Saunier,  prêtre  ».  Il  commença  ses  études  chez  l'abbé  Papillon, 
curé  de  Canville-les-Deux-Eglises,  et  prit  ses  inscriptions  de  droit  à  Caen,  en  même 
temps  qu'il  pratiquait  chez  le  notaire  Buquet  de  Fécamp,  quoiqu'il  eût  un  oncle  notaire 
à  Gueudeville.  De  Caen,  reçu  licencié,  il  revint  à  Rouen,  où,  en  juillet  1786,  il  prêta 
serment  comme  avocat.  Rentré  à  Fécamp,  il  y  fonda  son  cabmet,  ayant  peu  d'argent, 
aidé  par  son  oncle. . .  {Ma  Vie  et  Causes  inconnues  des  pnncipaux  événements  qui  ont 
eu  lieu  en  France  depuis  trente-deux  ans^  «  rédigées  par  J.-B.-M.  Robert,  ancien  avocat 
au  parlement  de  Normandie,  détenu  pendant  six  mois  et  vingt-cinq  jours  en  vertu  des 
lois  des  29  octobre  1815  et  12  février  1817  »,  3  vol.  in-18,  à  Paris,  chez  Fauteur,  rue 
Traversière,  n»  15,  août  1817).  Le  3«  vol.,  dont  il  y  avait  déjà  15  feuillets  imprimés  ne 
paraît  pas  avoir  été  publié.  Cet  ouvrage,  en  dehors  des  détails  biographiques,  relative- 
ment courts,  n'est  pas  d'un  grand  intérêt.  11  ne  se  trouve  pas  à  la  bibliothèque  de  Fécamp 
si  largement  dotée  de  publications  révolutionnaires,  provenues  du  do;iateur  mystérieux 
dont  j'ai  parlé,  et  qui,  m'a-t-on  écrit  spontanément  depuis,  n'est  autre  que  M.  Selle,  un 
moment  avocat  à  Caen. . .  —  Un  détail  montre  l'intérêt  que  devrait  oflrirle  récit  sincère 
des  aventures  de  Robert  :  R  fut  l'objet  de  plus  de  120  ordres  d'arrestation  II 

(2)  Ce  journal  n'est  pas  mentionné  dans  le  Manuel  du  Bibliogr.  narm,  de  Frère* 

(3)  Reg.  de  la  Société  populaire  de  Fécamp. 


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-  489  - 

bre  1791,  Robert  lut  les  Droits  de  V Homme,  en  paraphrasant  chaque 
article.  En  juillet  1792,  il  rédigeait  une  adresse  à  Louis  XVI, 
désnpprouvant  la  journée  du  20  juin.  (1)  Peu  de  temps  après  l'époque 
où  sa  femme,  divorcée  d'avec  lui,  (2)  créait  à  Rouen  la  Gœsette 
révolutionnaire  et  çlébats  des  Jacobins  (3)  et  à  un  moment  où  il 
rédigeait  déjà  l'Observateur  de  l'Europe  (4)  il  sollicitait  un  certificat 
de  civisme  de  la  Société  de  Fécamp,  où  il  était  abhorré  et  où  se 
forma  un  comité  chargé  d'exposer  f^a  conduite  politique.  Un  rapport 
dç  Rousselet  (5)  à  son  sujet  était  soumis  à  la  commune  de  Fécamp 
le  6  vendémiaire  an  III  (6)  et  Massé,  de  la  Société  de  Fécamp,  était 
accusé  le  14  brumaire  suivant  d'avoir  dit  qu'il  mangerait  le  cœur 
de  Robert  I 

Tel  était  l'homme  qui  allait  diriger  les  premiers  actes  de  la 
réaction,  aux  côtés  de  Vimar  et  d'autres  notabilités  rouennaisès, 
et  concourir  comme  journaliste  et  soit  comme  président  d'une  section 
soit  comme  président  des  commissaires  de  sections,  aux  prélimi- 
naires des  mesures  répressives  contre  les  terroristes. 

Ces  mesures  étaient  l'application  d'une  sorte  de  code  de  circons- 
tance formé  de  trois  décrets  fort  peu  connus  (7)  dont  le  premier, 
du  14  germinal,  appelait  l'indulgence  sur  tout  citoyen  de  bonne  foi, 

V 

(1)  Reg.  de  la  Société  Populaire  de  Fécamp. 

(2)  Maglolre  Robert  et  Angélique  Lefebvre  s'étaient  mariés  à  Sainte-Croix -de- 
Fécamp  le  22  juin  1790.  La  citoyenne  Robert,  domiciliée  à  Bonneville,  et  logée  rue 
Cauchoise,  maison  de  VAigle  rf'Or,  à  Rouen,  obtenait  en  cette  dernière  ville,  d*un 
tribunal  de  famille,  en  pluviôse  an  II,  un  certiflcat  favorable  à  sa  demande  en  divorce, 
divorce  que  François  Legendre,  officier  public,  prononça  le  3  ventôse  (9  février  1794) 
par  défaut  contre  Robert,  alors  domicilié  rue  de  la  Liberté,  85,  et  en  présence  de  quatre 
témoins  :  Cuvier,  balancier,  rue  Cauchoise,  81,  Robert  Philippe,  homme  de  loi,  rue  de 
TEoole,  4,  Desrosiers,  tailleur,  rue  de  la  Croix-de-Fer,  et  Jamet,  secrétaire  du  tribunal 
du  district,  rue  de  la  Révolution. 

(3-4)  La  GazeUe,  qui  s'imprimait  chez  la  citoyenne  Lefebvre,  rue  de  l'Ecole,  20, 
aurait  existé  depuis  le  47  janv.  1794  jusqu'au  19  janvier  1795,  et  VOhsei^'ateur  en  1795- 
1798.  Le  n°  30  de  YObservaieur  est  antérieur  à  prairial  Quin  1795,)  V.  Journal  de  Rouen 
du  15  prairial  an  III. 

(5)  François  Rousselet,  avocat  à  Thibermesnil,  l'un  des  députés  suppléants  à  la 

Législative. 

(6)  Reg.  de  la  Société  de  Fécamp. 

(7)  Dans  son  étude  :  Entre  deux  Terreurs,  publiée  dans  la  Revue  des  questions  his' 
toriques  (janvier  1897),  M.  Victor  Pierre  ne  s'occupe  pas  de  cette  législation,  ne  la  men- 
tionne même  pas.  Il  en  est  de  même  dans  l'ouvrage  de  M.  E.  Meillié,  les  Sections  de 
Pctris  pendant  la  Révolution  française  (1886).  V.  sur  le  désarmement  des  patriotes» 
Tbiers,  ouvrage  cité,  t.  VI.,  p.  183. 


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-  490  - 

qui  se  serait  «  trompé  sur  les  moyens  de  servir  son  paysetd'assurerla 
liberté,  et  dont  Terreur  serait  dévoilée  et  avouée.  »  Un  second  décret, 
du  21  germinal,  chargeait  le  comité  de  sûreté  générale  de  faire  désar- 
mer sans  délai  les  hommes  connus  dans  leurs  sections  comme  ayant 
participé  aux  horreurs  commises  sous  la  tyrannie  qui  a  précédé  It 
9  thermidor.  Dans  les  départements,  ces  dispositions  incombaient  aux 
représentants  qui  y  étaient  en  mission.  Enfin,  Tunique  article  de  la  loi 
du  12  floréal  an  III,  prescrivit  aux  autorités  constituées  chargées 
de  Texécution  de  celledu  21  germinal,  de  rédiger  par  écrit  les  motifc 
de  désarmement,  et  de  les  transmettre  à  Tindividu  désarmé  et  aux 
administrations  départementales,  le  comité  ou  les  administrations 
devant  statuer  définitivement  sur  les  réclamations  qui  pourraient 
survenir.  (1) 

La  Convention  tenait,  disait-elle,  à  assurer  l'empire  de  la 
justice  et  des  lois  et  à  faire  taire  toutes  les  haines  et  toutes  les 
vengeances  personnelles. 

A  Rouen,  où  sévissent  comme  à  Paris  les  calamités  alimen- 
taires et  financières,  ni  le  vœu  formel  de  la  Convention,  ni  les  re- 
commandations intéressées  de  la  Commune,  n'apaiseront  les  pas- 
sions, ne  feront  taire  les  ressentiments  ravivés  chez  les  Jacobins  par 
leur  chute  et  leur  désir  de  prendre  une  urgente  revanche,  et  chez 
les  contre-révolutionnaires  par  la  nécessité  de  garder  la  position 
conquise,  et  parce  qu'ils  veulent  venger  les  vexations,  les  détentions, 
les  confiscations  endurées  pendant  quinze  mois. 

Le  25  germinal,  pendant  qu'une  députation  de  la  commune  de 
Rouen  rappelle  à  la  Convention  les  souffrances  de  la  population  et  les 
dangers  de  famine,  Casenave  inaugure  sa  mission  en  lançant  une  pro- 
clamation pour  ramener  le  calme  et  la  confiance,  (2)  et  écrit  à  la 
commune  qu'il  importe  à  Tordre  public  que  la  loi  du  21  germinal 
reçoive  la  plus  prompte  exécution  et  qu'il  soit  suivi  une  marche 
conciliant  avec  la  prudence  les  moyens  d'atteindre  les  malveillants  : 
«  Vous  vous  hâterez,  précise-t-il,  de  communiquer  aux  sections 

(1)  Des  copies  manuscrites  de  ces  décrets  se  retrouvent  au  milieu  des  pièces  d'un 
dossier  des  Arch.  mpales,  relatif  au  «  procès  des  terroristes  »  mais  très  incoroplel' 
Un  courrier  extraordinaire  avait  apporté  au  département  dès  le  23  germinal  la  loi  doîi- 

(2)  Arch.  nat.  A  F  ii  1107  f»  9. 


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-  491  — 

D  assemblées  les  dispositions  de  cette  loi,  afin  qu'elles  s'expliquent 
»  sur  le  compte  de  ces  hommes  qui  peuvent  être  dans  l'enceinte  dé 
»  la  commune,  qu'elles  vous  fournissent  une  liste,  que  vous  voudrez 
»  bien  me  faire  parvenir  avec  vos  observations.  »  (1) 

Les  sections  s'étaient  émues  de  la  modération  de  la  Commune 
à  l'égard  de  certains  terroristes.  Dans  la  séance  même  où  parvenait 
la  lettre  de  Casenave,  une  vive  discussion  s'engage  entre  membres 
du  conseil  et  commissaires  de  sections,  sur  une  délibération  peu  fra- 
ternelle de  la  11®  section. 

Le  lendemain,  on  apprend  que  la  20®  section  exclut  de  son  sein 
tous  les  membres  de  la  Société  populaire,  et  provoque  leur  exclusion 
des  fonctions  publiques.  Le  conseil  rejette  la  demande  de  Le  Contour 
d'annuler  cette  résolution.  La  20*  section  «  prévoyant  »  que  son  vœu 
est  impolitique,  décide  de  n'exclure  personne  sans  preuve. 

La  Commune  donnait  son  avis  sur  quelques  terroristes  qui 
s'agitaient  pour  être  disculpés  avant  les  avis  des  sections  ;  mais,  dès 
le  29  germinal,  celles-ci  avaient  déposé  des  listes  d'invidus  à  désar- 
mer et  la  commune  nommait  Lachausse  (2)  et  Bissonnais,  deux  de 
ses  membres,  pour  en  former  une  liste  générale. 

Plusieurs  sections  rappellent  à  Le  Contour,  le  3  floréal,  qu'il 
doit,  comme  le  veut  la  loi  du  5  ventôse,  faire  revenir  à  Rouen  les 
terroristes  qui  s'en  sont  éloignés.  Cela  vise  surtout  Pillon.  Plus 
qu'aucun  autre.  Le  Contour  est  à  l'aise  pour  exécuter  cette  loi. 
Le  maire  Le  Boucher  qui,  d'ailleurs,  dans  ces  derniers  jours,  n'a  pas 
eu  à  se  louer  de  ses  administrés,  ne  peut,  sans  embarras,  voir  approcher 
l'instant  de  participer  aux  votes  qu'il  va  falloir  émettre  contre  ses 
anciens  collègues  de  la  Commune.  Il  est  parvenu  à  faire  accepter  par 

(1)  Reg.  de  l'Hôtel-de-Ville.  —  M.  de  la  Quériére,  manuscrit  cité,  s^étonne  «  du  droit 
plus  ou  moins  légal  que  s'étaient  arrogé  les  sections  dirigées  à  ce  moment  par  quelques 
meneurs,  en  nommant  des  commissaires  pour  la  recherche  des  terroristes.  »  La  loi  du 
21  germinal,  qui  les  investissait  de  ce  droit,  est  appliquée  très  expressément  par 
Casenave. 

(2)  Au  cours  de  la  publication  de  ce  travail,  j*ai  vu  une  notice  biographique  sur  ce 
personnage,  qui  a  été  l'un  des  thermidoriens  les  plus  actifs.  Elle  est  écrite  par  lui- 
même  :  Meinrade-Augustin  Lachausse,  médecin  pensionné,  docteur  gradué  en  1754  à 
rUniversité  de  Strasbourg,  était  né  le  8  septembre  1729  à  Porrentruy.  U  avait  été 
nommé  par  Choiseul  médecin  de  Thôpital  de  Strasbourg,  et  était  arrivé  à  Rouen  «  dans 
la  l^»  année  de  la  République  »  (Arch.  du  dép»). 


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Casenave,  sa  démission  des  fonctions  de  maire.  Par  doux  arrêtés  des 
2  et  4  floréal,  cette  démission  et  celle  du  notable  Delamétairie  sont 
acceptées,  et  Brémontier,  premier  officier  municipal,  est  chargé  de 
remplir  provisoirement  les  fonctions  de  maire. 

Le  conseil  général  de  la  commune,  dès  le  4,  se  plaint  d'être 
épuisé  par  ses  travaux  ;  plusieurs  de  ses  membres  ont  été  injuriés, 
couverts  d'opprobre,  insultés  au  milieu  de  leurs  concitoyens  qui 
ne  les  ont  pas  secourus,  le  peuple  lui  impute  la  disette.  Le  conseil 
veut  qu'on  le  renouvelle,  et  son  secrétaire,  Havard,  démissionne 
purement  et  simplement.  Les  sections,  sur  l'ordre  de  Casenave, 
forment  une  liste  de  citoyens  propres  à  faire  des  ofSciers  municipaux 
et  notables.  Ces  préparatifs  n'aboutiront  que  plus  tard  ;  soit  à  cause 
des  objections  soulevées  par  la  permanence  des  séances,  soit  par  ce 
qu'au  fond,  cela  s'accordait  mieux  avec  les  desseins  de  Casenave, 
celui-ci  maintient  en  fonctions  le  conseil  dont  les  origines  et  les 
éléments  variés  promettent  des  solutions  moins  radicales. 

Cependant  les  sections,  impitoyables,  accablent  la  commune  de 
réclamations.  L'une  exige  la  liste  saisie  sur  Guyet,  la  10^  demande 
la  liste  des  membres  de  la  Société  populaire  ;  une  autre  voudrait  un 
compte  de  l'emprunt  de  dix  millions,  plusieurs  déposent  un  paquet 
de  gravier  extrait  d'une  livre  et  demi  de  riz  ;  la  12*  insiste  pour  les 
anciens  jours  de  marchés,  d  après  le  calendrier  grégorien,  parce  que 
les  communes  voisines  n'ont  point  changé  leurs  usages  ou  les  ont 
rétablis  ;  elle  veut  aussi  qu'on  raye  des  registres  de  la  commune 
le  procès- verbal  de  la  réhabilitation  de  Bordier  et  Jourdain. 

Des  attroupements  se  forment  aux  abords  de  la  Commune  le 
12  floréal.  Les  sections  veulent  des  fèves  ou  du  riz  au  lieu  de  lentilles 
où  l'on  trouve  des  mouches.  Danican  intervient  et  se  multiplie.  Le 
22  floréal,  après  que  la  18®  section  a  demandé  du  pain  ou  la  mort, 
des  commissaires  de  section  signalent  que  les  citoyens  riches  ont  du 
pain  tandis  que  l'indigence  en  manque.  Les  riches  ont  dans  le 
conseil  de  maladroits  défenseurs  d'après  lesquels  ils  n'auraient  eu 
aucune  part  dans  la  distribution  alors  qu'ils  ont,  deux  fois  déjà,  fait 
des  versements  dans  les  magasins  de  la  Commune. 

Le  Conseil  ne  parviendra  point  à  ressaisir  la  confiance  du 


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peuple.  Danican  lui-même,  qui  vient  d'être  nommé  commandant  de 
la  15*  division  et  qui  loge  à  rEvêché,  doit  se  défendre  contre  de 
singulières  attaques  :  Une  femme  ameute  contre  lui  le  peuple  le 
26  floréal,  en  disant  faussdment  que  le  général  a  fait  inviter  par 
affiches  les  citoyens  à  déposer  leurs  croûtes  pour  ses  chevaux  ! 
Néanmoins,  Danican  est  si  attaché  à  la  commune  de  Rouen  qu'il 
restera,  dit-il,  encore  quelque  temps.  On  lui  vote  des  remerclments 
et,  nonobstant  il  est  si  préoccupé  do  dissiper  les  bruits  malveillants 
que  dès  le  lendemain  arrive  —  opportunément  —  à  la  Commune  une 
lettre  du  citoyen  Harel,  très  élogieuse  par  le  général.  . 

Ces  incidents,  sans  conséquences  immédiates,  montrent  que  les 
partisans,  les  défenseurs  des  terroristes,  ne  négligent  rien  de  ce  qui 
peut  discréditer  leurs  adversaires  et  surexciter  contre  eux  l'opinion 
publique. 

Tout  est,  d'ailleurs,  mis  en  mouvement  d'une  part  pour  perdre 
les  révolutionnaires  et  d'autre  part  pour  les  sauver.  L'instant  est 
venu  de  voir  aux  prises  les  accusateurs  et  les  accusés. 


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CHAPITRE  VINGTIÈME 

Gasenare  enroyé  à  Ami  ns  puis  nudatenn  à  Rouen.  —  Pillon  obligé  de  rentrer  à 
Rouen.  —  Sa  condamnation,  son  arrestation,  maurais  traitements  qu*il  subit.  — 
Les  huissiers  Fabulet  et  Lacail'e.  —  Annulation  d  i  jugement  do  PiUon.  — 
Procédures  contre  Rupalley  et  Lamine.  —  l'obert  de  Saint- Victor  xrrété  à  Paris.  — 
Terroristes  et  royalistes  à  Saint-Lé.  —  Nouvelles  •justifications»  de  Legendre, 
O.Leclerc,  Moulin,  GaUin-Vemon,  etc.  —  Placard  contre  les  Jacobins.  —  Second 
rappel  de  Gasenave ,  réToqué ,  et  remplacé  par  Couppé  •  des  Gétes-du-Nord.  — 
Troubles  de  prairial  ;  Gusenave  reste  à  Rouen.  —  Rapports  des  commissaires  des 
sections  sur  les  crimes  des  terroristes.  —  Accusations  contre  ceux-ci  et  avis  de 
la  Gommune. 

La  justice  en  soy,  naturelle  et  umvenelle,  est 
aultvenxent  réglée  et  plus  noblement,  que  n'est  cette 
aultre  justice  nationale^  contraincte  au  bcsoing  de 
nos  polices., .   .  .(  Montaignb,  Essais  ). 

Le  1®'  florénl  an  III,  c'est-à-dire  le  jour  où  Casenave  renouvelait 
la  moitié  des  membres  du  Comité  de  surveillance  (1),  les  Jacobins, 
dont  ses  relations  contrariaient  les  espérances,  voyaient  couronner 
leurs  efforts,  qui  tendaient  à  se  débarrasser  de  lui  ;  un  décret 
renvoyait  du  Havre,  où  il  se  trouvait,  à  Amiens.  Pressée  de  sollicita- 
tions, la  Convention,  dès  le  4  floréal,  rapportait  ce  décret,  en  conti- 
nuant à  Casenave  sa  mission  dans  la  Seine-Inférieure.  (2) 

Pillon  devait  être  et  fut  effectivement  celui  qu'atteignirent  les 
premiers  coups  des  thermidoriens.  Succombant  peut-être  aux  émo- 
tions des  dures  journées  subies  depuis  la  fin  de  Tan  II,  son  beau- 
père,  Barbarey,  meurt  le  9  pluviôse  an  III  (7  février  1795).  (3) 
L'ancien    maire,    ne    se    sentant  plus  en  sûreté  à  Rouen,  où  sa 

(1)  Deschamps,  Thélinge,  Michaux,  Rucaille,  Tinel  et  Levillain  dont  les  six  mois 
d'exercice  sont  expirés,  ont  pour ^iccesseurs  Fpoiguy,  négociant;  Hédouin,  homme  de 
lui  ;  Quillebeuf,  vivant  de  son  revenu  ;  Gossehn,  marchand  ;  I^comte,  ancien  secrétaire 
de  rhospice-général  et  Lequesne  fils.  Au  refus  de  ce  dernier,  Duvergier  l'aîné  le  rem- 
place (Arch.  du  dép'). 

(2)  Arch.  du  dép». 

(3)  Barbarey,  né  à  Rouen,  était  Agé  de  55  ans.  Il  avait  été  du  comité  de  surveillance. 


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présence  était  au  moins  une  cause  d'inquiétude  et  où  les  Jacobins 
étaient  poursuivis  comme  des  bêtes  fauves  et  traînés  dans  la  boue,  (2) 
résidait  le  plus  souvent  dans  dans  sa  propriété  de  Coqueréaumont, 
Bois  d'Ennebourg.  Le  12  ventôse,  sept  jours  après  le  décret  ordonnant 
aux  fonctionnaires  destitués  de  rentrer  dans  leur  commune,  et 
l'astreignant  par  suite  à  revenir  habiter  Rouen,  Duport,  sur  la 
demande  de  Pillon,  «  prenant  en  considération  le^*  motifs  allégués 
par  le  pétitionnaire  et  plus  encore  les  circonstances  actuelles  » 
l'avait  autorisé  à  co/2^//2we/' sa  résidence  dans  la  commune  de  Bois- 
d'Ennebourg,  d'où  il  lui  était  interdit  de  s'absenter.  Il  était  obligé  de 
justifier  de  sa  présence  tous  les  deux  jours  par  un  certificat  delà 
municipalité,  et  il  ne  devait  recevoir  chez  lui  aucun  des  fonction- 
naires de  Rouen  destitué,  suspendu  ou  remplacé,  ni  se  trouver  avec 
lui  (3). 

Le  district  n'oublia  point  Pillon  :  Après  avoir  rappelé  à 
Le  Contour,  agent  national  de  la  Commune,  que  la  loi  l'oblige  à 
dénoncer  ceux  des  prisonniers  destitués  qui  ne  restent  pas  à  Rouen, 
Thiessé  demande,  le  27  germinal,  copie  de  l'arrêté  de  Duport,  per- 
mettant à  Pillon  de  résider  à  Bois-d'Ennebourg,  arrêté  qu'il  ne 
connaît  pas,  et  au  sujet  duquel  il  veut  en  référer  au  Comité  de 
sûreté  générale.  (4)  Puis,  il  traduit  Pillon  devant  le  tribunal  correc- 
tionnel qui,  à  la  date  du  12  floréal,  le  condamne  à  six  mois  d'em- 
prisonnement pouravoircnfreint  l'obligation  de  résidences  Rouen  (5). 
Peut  être  cette  condamnation  n'est-elle  pas  étrangère  aux  mani- 
festations du  même  jour,  dont  s'émeut  la  Commune  (6). 

Pillon  est  arrêté  le  16,  lors  de  la  signification  de  son  jugement, 
à  lui  faite,  avant  cinq  heures  du  matin,  par  l'huissier  Lacaille, 
accompagné  d'un  détachement  de  la  garde  nationale,  commandé  par 

(2)  Ilorcholle,  manuscrit  cité. 

(3)  Arch.  nat.  Le  23  ventôse,  Pillon  représentait  à  la  municipalité  de  Bois-d'Enne- 
bourg  cet  arrêté  dont  elle  relatait  les  dispositions  sur  son  registre  (  Reg.  des  délibéra- 
tions de  Bois  d'Ennebourg).  11  ne  résulte  pas  de  ces  rpgi.stres  que  la  municipalité  lui 
ait  ensuite  délivré  tous  les  deux  jours  un  certificat  de  présence. 

(4)  Reg.  de  corr.  du  district.  On  ne  voit  pas,  dans  ce  registre,  que  Thiessé  en  ait 
réfère  au  Comité. 

(5)  Notes  de  l'auteur  et  registre  de  rHôlel-de-Ville. 

(6)  Registre  de  l'Hôtel-de- Ville. 


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le  citoyen  Hauchedin,  et  sur  un  ordre  de  Daupeley,  juge  de  paix, 
puis,  écroué  et  rçmis  à  Duboc,  concierge  de  la  maison  de  Bicôtre.  (1) 

Le  même  jour,  dans  une  séance  «  non  publique  »  de  la  Com- 
mune, présidée  par  Bademer,  un  membre,  chargé  de  Tinspection  de 
la  prison  (2)  expose  que  Pillon  y  a  été  amené  dans  la  matinée,  les 
mains  liées  et  la  figure  couverte  de  crachats,  et  que  ses  jours  ne 
seront  pas  en  sûreté  si  on  le  laisse  avec  les  autres  détenus,  vu  la 
prévention  funeste  qu'ils  paraissent  avoir  contre  lui,  et  demande  si, 
sous  tous  les  rapports,  il  n'est  pas  convenable  de  le  placer  dans  une 
chambre  particulière.  Cette  mesure  est  ordonnée.  (3) 

Les  ennemis  de  l'ex-maire  avaient,  en  effet,  organisé  contre  lui 
de  cruelles  représailles.  En  chargeant  l'huissier  Fabulet  de  son 
arrestation,  Thiessé  n'avait  pas  prévu  qu'il  n'instrumenterait  pas  en 
personne.  Or,  Fabulet  (4),  qui  pouvait  avoir  lui-môme  des  intentions 
peu  bienveillantes  à  l'égard  de  Pillon,  se  substitue  son  confrère 
Lacaille  (5)  lequel  «  profite  de  cette  occasion  pour  faire  de  l'arresta- 
tion un  spectacle  d'éclat  et  livre  Pillon  à  la  dérision  publique.  »  Il  le 
conduit  à  Bicôtre  dans  un  état  humiliant;  il  semblait  que  c était 
moins  le  jour  de  la  justice  que  celui  de  la  vengeance.  Aussi  l'huissier 
Lacaille  fut-il  «  improuvé  »  et  recommandation  fut-elle  faite  à 
Fabulet  de  ne  jamais  confier  semblables  opérations  à  des  gens  dont 
les  intentions  étaient  co/î/^wes.  En  même  temps,  Thiessé  témoignait 
à  Ruste,  officier  de  gendarmerie,  son  mécontentement  sur  les  formes 
outrageantes  et  scandaleuses  employées  par  ses  gendarmes  pour 


(i)  Notes  de  Tauteur  et  registre  de  l'Hôtel-de- Ville. 

(2)  Ce  devait  être  Leborgne,  notable.  V.  reg.  de  l'Hôtel -de-Ville,  formation  des 
commissions,  6  vend,  an  ii. 

(3)  Reg.  de  THôtel-de- Ville. 

(4)  Les  registres  de  la  Société  populaire,  au  23  sept.  i793,  mentionne  les  récla- 
mations des  nommés  Gilles  et  Fabulet,  détenus  à  S»-Lô,  sur  lesquelles  il  est  passé  à 
Tordre  du  jour.  Leur  lettre  est  renvoyée  sans  réponse.  Cela  se  passe  à  une  date  com- 
prise dans  les  36  feuillets  du  registre  d'écrou  dont  M.  De  Lérue  signale  la  suppression. 
On  ne  peut  donc  affirmer  que  le  détenu  et  l'huissier  soient  le  môme  individu. 

(5)  François-César  Lacaille,  30  ans,  huissier  à  Rouen,  rue  Philadelphie,  19,  détenu 
«sans  cause  »  à  Yon,  pendant  4  mois,  en  était  sorti  «  ruiné  »,  comme  tant  d'autres,  le 
23  fructidor  an  ii.  La  vérité  est  que  sur  un  ordre  du  comité  d'Isneauville,  du  2  floréal 
an  II,  Lacaille  avait  été  arrêté  pour  s'être  Sen'i  dans  une  affiche  de  vente  de  meuWes  de 
papier  portant  l'effigie  du  ci-devant  roi  (arch.  municipales  et  du  dép'). 


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conduire  Pillon  en  prison,  en  leur  faisant  infliger  une  peine  disci- 
plinaire. 

"Le  Journal  du  Soir  (1),  du  citoyen  Limoges,  annonçait  le  26 
que  les  gendarmes  Loiselet  et  Flament  étaient  incarcérés  pour 
avoir  lié  Pillon,  et,  peu  attendri  sur  le  sort  de  celui-ci,  ajoutait, 
entre  autres  choses,  qu'ils  n'avaient  fait  que  se  conformer  à  la  loi. 
Thiessé  écrit  à  Limoges  que  jamais  il  n'approuvera  ou  n'encouragera 
ces  excès  (2) 

L'attention  ne  se  portait  pas  seulement  sur  Pillon.  Lamine 
informait  le  Comité  do  surveillance  le  12  floréal  qu'il  avait  bien 
quitté  Rouen,  mais  qu'il  s'y  était  tenu  depuis  que  la  Commune 
défendait  d'en  sortir.  Le  Contour,  procureur  syndic  de  la  Com- 
mune (3)  faisait  dresser  des  constatations  sur  la  présence  de  Lamine, 
Pinel,  Clavier,  Bérard,  Blot,  Lambert  et  Rupalley  ;  puis  Thiessé 
faisait  assigner  ce  dernier  par  Fabulet  pour  le  18,  afin  d'être 
condamné  comme  Pillon  «  &  six  mois  d'emprisonnement  par  forme 
de  police  correctionnelle.  »  (4) 

La  procédure  contre  Lamine  fut  expéditive  :  le  7  prairial,  quel- 
ques jeunes  gens  demandent  à  la  Commune  son  agrément  pour  arrêter 
Lamine,  dont  ils  connaissent  la  retraite  ;  il  en  est  référé  à  Casenave 
qui  approuve  et  donne  des  instructions  au  district.  Et  le  9  prairial, 
«  sur  les  environs  midi  et  demi  »  l'huissier  Régnier, /)oar  V exécution 
d'un  jugement  du  tribunal  du  district  qui  vient  d'être  rendu  à 
l'instant,  va  conduire  Lamine  à  la  maison  de  correction  (Bicêtre),  où 
est  déjà  le  condamné  Pillon. 

Pillon,  en  ce  qui  le  concerne,  ne  s'inclina  point  devant  le 
jugement,  fort  discutable,  qui  l'avait  frappé.  Le  19  fructidor,  un 
arrêté  du  Comité  de  législation  décidait  que  la  loi  du  5  ventôse  ne 

(i)  Cette  feuille  et  le  chevalier  de  Limoges  ne  figurent  pas  dans  le  Manuel  du 
Bibliographe  Normand^  de  Frère. 

(2)  Re^.  de  corresp.  du  district 

(3)  La  loi  du  28  germinal  an  m  venait  de  rétablir  les  procureurs-syndics.  Ceux-ci 
furent  supprimés  et  remplacés  par  des  commissaires  le  21  fructidor  suivant. 

(4)  Arch.  mpales  et  reg.  de  corr.  du  district.  D'après  Horcholle,  Rupalley  a  été 
condamné  le  18  floréal.  Il  ne  paraît  pas  avoir  été  détenu. 

(5)  Arch.  du  dép<  et  notes  de  Fauteur. 


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—  498  - 

lui  était  point  applicable,  par  suite  de  l'arrêté  do  Duport  l'autorisanit 
à  restera  Bois  d'Ennebourg.  (1) 

Robert  de  Saint-Victor,  jusque  là  peu  préoccupé  d'être  traité 
comme  terroriste,  s'était  rendu  à  Paris,  pour  faire  lever  le  séquestre 
de  ses  biens.  Le  26  germinal,  au  Palais-Egalité,  sa  mauvaise  étoile 
le  met  en  présence  d'un  rouennais  (2),  qui  lui  reproche  violemment 
sa  conduite  à  l'égard  de  son  fils  et  de  s'ôtre  retiré  à  Paris.  Leur 
altercation  ayant  donné  lieu  à  un  rassemblement,  la  garde  les 
conduit  tous  les  deux  devant  le  comité  de  sûreté  générale  où,  par 
écrit,  Renault  (Jénonce  Robert  et  celui-ci  répond  avec  une  véhémente 
indigation  (3) 

Les  terroristes  détenus  à  Saint-Lô  (Godebin  et  autres)  sont 
toujours  surveillés  de  très  près.  Yvernès  et  Grandin,  du  comité  de 
surveillance,  se  font  minutieusement  renseigner  le  5  floréal  par  le 
guichetier  Villery,  dont  les  réponses  révèlent  la  situation  assez 
singulière  des  prisonniers  do  Saint-Lô  :  les  jeunes  gens  détenus 
à  l'étage  supérieur  chantent  des  chansons  qui  ne  sont  pas  celles  des 
détenus  du  dessous,  lesquels  sont  d'anciens  membres  des  corps 
administratifs  (les  terroristes).  Ceux-ci  crient  :  A  bas  les  royalistes! 
et  les  autres  :  A  bas  les  jacobins  !  Rien,  dans  l'attitude  et  la  conver- 
sation des  terroristes  ne  montre  qu'ils  soient  instruits  des  événe- 
ments arrivés  depuis  trois  ou  quatre  jours  à  Paris,  et  cependant  ils 
sont  plus  gais  qu'à  l'ordinaire  et  chantent  maintenant  la  Carmagnole 
et  la  Montagne  ;^wQ,nt,  ils  étaient  abattus  et  tristes,  (4) 

A  cette  date,  le  président  Legendre  envoyait  à  la  Commune 
son  «  adresse  aux  sections  »,  c'est-à-diro  sa  justification,  publiée, 
on  le  remarquera,  dans  le  supplément  n"  93  de  VObscrcateur  de 
VEurope,  journal  de  Magloire  Robert.  Après  cette  adresse  et  sa 
publication,  le  2  floréal,  la  11«  section  «  d'après  l'exposé  du  citoyen 
Thoumine,  par  un  mouvement  spontané  d'indignation,  délibère, 
à  l'unanimité,  que  Legendre  et  Leclerc,  du  tribunal  criminel,  seront 
portés  sur  la  liste  des  terroristes.  (5)    Or,  cette  section  a  pour 

(1)  Journal  de  Rouen  du  4  vend,  an  iv,  et  A.  Pasquier,  Biographies, 

(2)  Probablement  Renault,  chef  de  bureau  au  district. 

(3)  Arch.  liât.  F  ^  4,750. 
(4-5)  Arch.mpales. 


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président  Quillebeuf  et  pour  secrétaire  précisément  le  •  journaliste 
Robert  1 

Leclerc,  accusateur  public,  répondait  le  13  floréal,  aux  imputa- 
tions -diverses  »,  d'après  lesquelles  il  avait  été  mis  sur  la  liste  des 
terroristes  par  la  10*  section,  et,  les  reprenant  une  à  une,  expliquait 
qu'il  avait  autant  que  possible  modéré  les  rigueurs  des  lois 
révolutionnaires.  (1) 

Moulin  se  défend  contre  des  inculpations  notamment  de  la 
même  section,  insérées  dans  le  n<»  98  de  V Observateur  de  l'Europe. 
L  ex-officier  municipal  Carré  se  plaint  au  conseil  de  la  Commune 
d'une  calomnie  l'accusant  d'être  parti  de  Rouen  avec  600,000  livres 
appartenant  à  une  maison  de  commerce  dont  il  est  lassocié.  (2) 
Caffin-Vernon  publiait,  sur  sa  conduite  pendant  la  Révolution  : 
La  vérité,  toute  la  vérité,  rien  que  la  vérité,  défense  d  une  modé- 
ration habile,  rappelant  surtout  son  rôle  de  défenseur  officieux  et 
gratuit  de  Matbéus  et  Clavel,  de  Gontier,  de  Linant,  de  huit  cul- 
tivateurs d'Epreville-sur-Ry,  de  Vimeux,  de  la  veuve  FoUope,  du 
fils  de  Belloy ,  âgé  de  13  ans,  accusé  d'avoir  tué  son  ami  à  la  chasse. 
Vernon  jouait  alors  à  Rochefort  d'où  l'on  informait  le  comité  de 
Rouen  qu'il  y  avait  été  reconnu,  dès  le  premier  jour,  sur  la  scène,  par 
des  négociants  rouennais  qui  le  peignirent  comme  un  terroriste  et 
lui  attribuèrent  la  désolation  de  plusieurs  familles.  On  hésitait  à  le 
croire  tant  ses  papiers  étaient  en  règle. . .  (3) 

Maintenant  que  Ribié  est  parti,  le  Théâtre-des-Arts  a  le  mono- 
pole des  manifestations.  Le  21  floréal,  Desprez,  officier  municipal,  y 
est  arraché  de  son  poste,  dépouillé  de  son  écharpo,  puis  poursuivi 
dans  les  rues.  Le  lendemain,  le  conseil  général  de  la  commune  cons- 
tatant que  l'ordre  public  exige  son  renouvellement,  insiste  vaine- 
ment auprès  de  Casenave,  lequel  répond  que  le  moment  n'est  pas 
arrivé.  (4). 

Le  23,  on  jette  sur  la  scène  un  billet  signé,  rédigé  en  termes 

(1)  Imprimé,  in-8»,  18  p. 

(2)  Reg.  de  rïIôtel-de-Ville. 

(3)  Arch.  mpales.  Le  conventionnel  Blutel  était  alors  en  mission  à  Rochefort. 

(4)  Reg.  de  THôtel-de-Ville. 


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-  500  — 

violents,  réclamant  le  coup  do  grâce  pour  les  Jacobins,  qui  relèvent 
une  tête  audacieuse,  et  la  liberté  pour  les  huit  jeunes  rouennais 
emprisonnés.  (1). 

La  nouvelle  de  l'insurrection  des  faubourgs  parisiens  contre  la 
Convention,  dans  les  premiers  jours  de  prairial,  impressionna  les 
rouennais.  Le  4,  toujours  aux  Arts,  des  jeunes  gens  exigent  &  grands 
cris  la  liberté  de  leurs  camarades  détenus.  Danican  les  harangue  et 
les  calme.  Le  général,  à  un  moment  .environné  d'une  foule  consi- 
dérable, remercie  Le  Contour  de  lui  avoir  éventuellement  envoyé  des 
dragons.  Trente  jeunes  gens  ont  essayé  de  pénétrer  dans  la  maison 
d'arrêt.  D  autres  attroupements  armés  se  forment  depuis  Saint- 
Hilaire  jusqu'au  centre  de  la  commune.  On  remarque  que  des  pri- 
sonniers de  guerre  et  des  jeunes  gens  sont  souvent  crochetés  par  le 
brasi 

U Observateur  de  VEuropevzmhnQ  l'attention  sur  les  terroristes. 
Il  publie  une  adresse  à  la  Convention  des  citoyens  de  Rouen,  réunis 
en  section,  adoptée  les  4,  5,  6  et  7  prairial,  contenant  ces  passages 
sur  l'insurrection  parisienne  : 

. .  .N'en  doutez  pa%  ciioyeDS  représentants,  ce  complot  qui  a  éclaté  dans 
votre  enceîQte,  étoit  attendu  dans  les  départements.  Depuis  plasienra  jours, 
les  oppresseurs  de  notre  commune,  qui  sont  incarcérés,  faisaient  des  orgies 
scandaleuses.  On  les  entendait  répéter  h  haute  voix  leur  refrain  chéri  :  Vive 
la  Montagne  1  Vivent  les  Jacobins  1  Dans  les  rues,  leurs  partisans  relevaient 
déjà  leurs  tétas  audacieuses.  Dans  huit  jours,  disaient-ils,  nous  verrons... 
On  apercevait  déjà  sur  leurs  lèvres  le  rire  cruel  du  tigre  qui  voit  de  loin 
venir  sa  proie.  Déjà,  ils  faisaient  des  listes  de  proscriptions  et  désignaient 
leurs  victimes. . .  Que  votre  digne  collègue,  en  mission  dans  notre  départe- 
ment, reçoive  les  ordres  les  plus  précis  de  renouveler  ceux  des  membres  de& 
autorités  et  des  tribunaux  qui  n'ont  plus  notre  confiance. . . 

Les  pétitionnaires  ne  denaandent  pas  la  mort  de  ces  «  scélérats  »; 
il  leur  suffit  qu'ils  ne  souillent  pas  plus  longtemps  la  terre  de  la 
liberté,  qu'ils  ont  inondée  de  sang  innocent,  ou  qu'ils  aillent  ailleurs 


(1)  Ce  placard,  reproduit  dans  le  registre  des  délibérations  de  la  Commune,  est 
signé  :  Ducherry,  le  jeune,  rue  Saint-Denis. 


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«  sur  le  sol  brûlant  des  déserts  arides  de  l'Afrique,  lutter  de  cruauté 
((  avec  les  bêtes  féroces  (1).  » 

De  la  maison  d'arrêt  (Saint-Lô)  où  ils  sont  soumis  à  un  secret 
qui  n'est  pas  rigoureux,  les  terroristes,  qui  se  disent  «étrangers  à 
tout  parti,  »  protestaient  dès  le  4  contre  les  calomnies  atroces 
entassées  par  Robert  dans  son  journal,  particulièrement  contre  celles 
do  cette  adresse,  publiée  dans  le  n^  21.  C'est  faux,  aflSrment-ils  ; 
lorsque  Lignel,  commissaire  délégué  à^ Saint-Lô,  leur  a  appris  les 
^trîstcs  événements  de  prairial,  ils  jouaient  à  des  jeux  innocent», 
qu'ils  ont  cessé  ;  et  la  méchanceté  du  journaliste  qui  rend  Pillon 
témoin  et  acteur  de  ces  scènes  ne  saurait  échapper,  puisque  Pillon 
est  détenu  dans  une  autre  maison  et  que  toute  communication  leur 
est  interdite  (2). 

Vers  cette  date,  Casenave  activait  les  opérations  tendant  au 
désarmement  des  terroristes,  et  provoquait  (5  prairial)  une  confé- 
rence pour  le  renouvellement  des  autorités.  Pour  la  seconde  fois,  on 
parvient  le  8  prairial  à  obtenir  de  la  Convention  son  rappel,  suivi, 
le  10,  de  l'envoi  dans  la  Seine-Inférieure,  de  Couppé,  des  Côtes-du- 
Nord  (3). 

Informée  de  la  «  révocation  des  pouvoirs  de  Casenave  et 
vivement  affectée  de  cette  nouvelle  »,  la  Commune  députe  plusieurs 

(1)  Arch.  nat.  Dm  274.  Cette  adresse,  dont  la  12*  section  parait  avoir  pris  Tinitiative, 
est  signée  des  présidents  et  secrétaires  de  vingt-et-une  sections  seulement  :  1«  Dumon- 
tier, pr.  ;  Pelletier,  sec.  ;  2«  Bérard,  pr.  ;  V.  Canu,  sec.  ;  4»  Méry,  pr.  ;  Thélinge,  sec.  ; 
0*  Bellandf  pr.;  Gosse,  sec.  ;  7*  Dubosc,  pr.;  Ràsselle,  sec;  8«  Duboc,  pr.  ;  Monin,  sec.  ; 
9*  Beauvais,  pr.  ;  Langlois,  sec.  ;  lO  Robert,  pr.  ;  Thiboutot,  sec.  ;  12*  Vasse,  pr.  ;  Saint, 
3ec.  ;  13»  Portret,  pr.  ;  Caudron,  sec.  ;  14»  Lenouvel,  pr.  ;  Lamotte,  sec.  ;  17*  Formage, 
pr.  ;  18*  Bacheley,  pr.  ;  19«  Cornu,  pr.  ;  Aube,  sec.  ;  20«  Gaillard,  pr.  ;  Grisel,  sec.  ; 
21*  Méguignon,  pr.  ;  Gaillard,  sec.  ;  22*  Lallemand,  pr.  ;  Cousté,  sec.  ;  25«  Porel,  pr.  ; 
Renard,  sec.  ;  26»  Doré,  pr.  ;  Pin,  sec.  ; 

(2)  Arch.  mpales.  Lettre  aux  citoyens  maire  et  officiers  municipaux  de  Rouen,  signée 
de  Godebin-Jouvenet,  RegnauU,  GaiUon,  et  c  pour  Poret  fils,  comme  ayant  mal  à  la 
main  >. 

(3)  Coll.  Rondonneau,  t.  V,  i'*  partie,  p.  Ixxvj.  Là,  on  ne  peut  savoir  de  quel  Coupé 
il  s*agit.  Mais  d'après  le  post-scriptum  d'une  lettre  de  Hardy,  écrite  de  Paris  à  Victor 

•  Lefebvre,  l'un  des  membres  du  jury  pour  l'Ecole  centrale  de  Rouen,  le  12  prairial,  le 
représentant  nouveau  qu'on  envoie  à  Rouen,  Coupé,  des  Côtes-du-Nord,  doit  partir  le 
lendemain  pour  sa  destination.  (Arch.  du  dépO.  Couppé  (Gabriel-Hyacinthe),  président 
du  tribunal  de  Lannion,  était  âgé  de  trente-huit  ans,  l'un  des  soixante-et-onze  arrêtés 
en  juillet  1783,  et  rentré  à  la  Convention  le  18  frimaire  an  III.  U  existe  aux  Arch.  nat, 
A  F  n  141,  une  seule  pièce  concernant  la  mission  de  Couppé. 


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de  ses  membres  et  des  commissaires  de  sections  pour  lui  exprimer 
hs  regrets  du  conseil  et  des  sections  de  le  voir  quitter  Rouen. 
Cependant  sa  mission  dans  le  département  ne  se  trouve  guère  inter- 
rompue ;  le  nom  de  Couppé  n'apparaît  point  dans  les  affaires  rouen- 
naises,  et,  dès  le  18  prairial,  la  Commune,  avisée  du  retour  prochain 
deCasenave,  lui  témoignait  sa  satisfaction...  et  son  désir  d'être 
renouvelée.  (1) 

Dans  leur  empressement  à  établir  les  listes  des  terroristes,  les 
commissaires  nommés  par  la  commission  des  députés  des  sections 
déposèrent  à  la  commune  au  moins  deux  rapports  avant  même 
d'avoir  examiné  les  registres  et  pièces  de  la  municipalité,  qu'ils 
furent  autorisés  à  compulser  seulement  les  11  et  15  prairial.  Le 
premier  de  ces  rapports  était  celui  «  rédigé  par  le  citoyen  Robert, 
homme  de  loi,  rédacteur  du  journal  «  l'Observateur  de  V  Europe  », 
au  nom  du  comité  des  rapports  de  la  10^  section,  dans  sa  séance  du 
27  germinal  an  III.  (2) 

Ces  listes,  d  abord,  étaient  faciles  à  dresser,  puisque,  par  une 
sorte  d'imitation  des  mandats  d'arrêt  de  l'ancien  comité  de  surveil- 
lance, où  les  suspects  étaient  simplement  taxés  d'incivisme  ou 
d'aristocratie.  Ton  n'y  indiquait  que  les  noms  de  ceux  qu'on  accusait 
de  terrorisme.  Mais  quand  la  loi  du  12  floréal  eut  obligé  à  rédiger 
par  écrit  les  motifs  de  désarmement,  il  fallut  recourir  aux  archives 
de  la  commune,  du  comité  de  surveillance  et  même  des  maisons  de 
détention.  Le  temps  manqua,  et  pressés,  les  commissaires  de  sections 
ne  purent  fournir  que  des  rapports  hâtifs  dans  lesquels  des 
méchancetés,  qu'on  s'est  efforcé  de  rendre  spirituelles,  tiennent  lieu 
le  plus  souvent  des  faits  précis,  des  accusations  sérieuses  qu'il  eût 
été  aisé  de  formuler. 

Les  séances  de  plusieurs  sections  furent  troublées  surtout  par 
les  femmes,  qui  en  furent  exclues  le  15  prairial.  Au  début,  certaines 

(1)  Le  13  prairial,  Casenave  nomme  Pierre-Charles  Duval  secrétaire-greffier  de  là 
Commune  ;  à  partir  du  28  on  trouve  des  actes  de  Casenave  relatifs  à  Rouen.  —  Le  5  ther- 
midor suivant,  un  décret  investit  Casenave,  «  en  mission  dans  la  Seine-Inférieure,  des 
pouvoirs  des  représentants  du  peuple  près  les  armées  pour  ce  département  et  pour  la 
Somme.  »  (Arch.  du  dép«.) 

(2)  Reg.  de  rHôtel-de-Ville.  Un  exemplaire  de  ce  rapport  se  trouve  aux  archives 
mpales  de  Rouen. 


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—  503  — 

sectrons,  comprenant  des  gens  tenus  à  étro  circonspects,  aCEectent 
un  grand  calme,  ou  plutôt  une  grande  réserve,  sûrement  calculée. 
Il  en  est  ainsi  à  la  25®,  où  bientôt  Daupeley,  dont  les  ressentiments 
n'étaient  point  étouffés  par  sa  réintégration  comme  juge  de  paix, 
parle  d'arrestations  illégales  et  de  dispositions  prises  (déjà  !  )  pour 
éluder  la  loi  du  21  germinal.  Cependant  la  section  constate 
qu'elle  n'a  aucune  dénonciation  à  faire  ;  mais  plus  tard,  elle  est 
une  de  celles  qui  dénoncent  Troussey,  Bénicourt,  Pinel  l'aîné, 
Poisson  père.  Lamine,  Godebin  et  Gaillon.  (1)  Il  fut  aussi  des 
sections. qui,  d'abord,  jugèrent  prudent  de  ne  rien  dire. . .,  telle  la 
2p,  présidée  par  Bérard  avec  Le  Canu  pour  secrétaire  I  II  semble  au 
surplus  que  22  sections  seulement  sur  26  déposèrent  des  listes  de 
terroristes  (2). 

Bien  petite  est  la  quantité  d'officiers,  de  notables,  qui  ont 
trouvé  grâce  devant  les  sections.  Même  Arvers,  signalé  comme  une 
exception,  et  auquel  sa  section,  la  9®,  déclara  conserver  sa  confiance, 
est  porté  sur  les  listes  par  les  5®  et  11®  sections  (3).  ThieuUen,  prési- 
dent du  tribunal  du  district,  Noël  le  journaliste,  sont  eux-mômes 
désignés  comme  terroristes  par  la  11®  section,  —  vaguement,  il  est 
vrai,  mais  il  ne  serait  pas  impossible  de  préciser  par  quels  motifs.  (4) 

Les  rapports  imprimés  des  commissaires  des  sections  sont  une 
reproduction  souvent  littérale  principalement  des  délibérations  des 

(1)  Malatiré  était  vice-président,  Bonnet,  président  et  Renard,  secrétaire  de  cette 
section. 

(2)  Reg.  de  THôtel-de-Ville,  séance  du  2  fructidor  an  m,  discours  de  Le  Coutour. 

(3)  Arch.  mpales.  Ch.-François  Arvers,  né  à  Chàtellerault  (Vienfîe)  en  4760,  avait,  en 
l'an  ui,  seize  ans  d'étude  et  d'exercice  comme  pharmacien.  Ceux  qui  glorifient  son 
refus  d'adhésion  au  Coup  d'état  de  brumaire  paraissent  ne  pas  avoir  consulté  le  reg.  du 
dép»  (13  frim.  an  vu)  où  l'on  voit  Arvers  protester  contre  l'arrêté  des  Consuls  du  4,  et 
regretter  t  d'être  livré,  par  cette  mesure  de  destitution,  à  une  sorte  de  proscription  et 
confondu  avec  les  ennemis  du  gouvernement.  »  Une  lettre  du  procureur-syndic  du 
29  brumaire  dit  cependant  qu'Arvers,  «  connu  par  l'exagération  de  ses  principes  révolu- 
tionnaires;  avait  donné  des  marques  non  équivoques  d'improbation  au  «  mouvement 
généreux»  qui  venait  de  sauver  la  République...»  Si  Swarow  fut  venu  à  Rouerij  vous 
auriez  donc  enregistré  et  obéit  à  touty  avait-il  dit.  Il  voulait  attendre  la  tournure  des 
événements...  Cet  homme  n'a  point  les  formes  conciliatrices  des  collègues  entre  eux..., 
dans  la  société,  il  a  des  connaissances,  mais  il  n'a  point  d'amis.  »  (  Arch.  du  dép^  ). 

(4)  Pour  ThieuUen,  ce  devait  être  surtout  son  rôle  lors  de  l'épuration  de  Guisier, 
Quant  à  Noël,  il  n'était  que  trop  facile  de  trouver  à  certaines  dates,  dans  son  journal, 
une  adhésion  à  des  actes  réprouvés. 


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1 


—  504  - 

lO»,  !!•  et  12«  sections  et  un  résumé  de  celles  d'autres  sections. 
Vainement  on  tenterait  de  discerner  le  vrai  et  le  juste  dans  ces 
écrits,  suspects  par  leur  style  de  libelles.  De  rares  et  importants 
documents  y  sont  présentés  de  telle  façon  qu'on  hésite  à  en  tenir 
compte. 

Ce  qui  domine  dans  ces  énumérations  sans  nulle  méthode  des 
«  crimes,  délits  et  tyrannies  »  c'est  surtout  l'intention  de  montrer 
a  l'infâme  Comité  de  surveillance,  digne  émule  de  celui  de  Nantes  » 
attendant  le  moment  où  les  grands  meneurs  des  comités  de  gouver- 
nement, Barrëre,  Collot,  Billaud  et  autres,  auraient  décidé  que  la 
commune  de  Rouen  fournirait  son  contingent  à  la  boucherie  de 
Fouquier-Tinville.  La  plupart  des  imputations  capitales  contre  lea 
chefs  terroristes  ne  vont  pas  plus  loin  que  cela  :  soit  qu'il  s'agisse  du 
massacre  des  détenus  et  d'en  mettre  les  cadavres  dans  les  bières 
commandées  par  Poret,  soit  d'une  hécatombe  des  magistrats 
qui  avaient  condamné  Bordier  et  Jourdain,  soit  de  la  boucherie  de 
floréal,  méditée  froidement  (  par  plus  de  cent  individus  !  )  soit  de 
l'ordre  sinistre  qu'on  aurait  adressé  à  Pillon  pour  le  10  thermidor, 
ou  de  la  création  d'une  commission  populaire  et  de  la  liste  Guyet,  — 
ce  sont  toujours  des  projets . . . 

Ils  rappellent  les  intrigues  de  Pillon  pour  être  nommé  maire  à 
la  fin  de  1792  ;  tout  les  porte  à  croire  qu'il  a  coopéré  aux  délibérations 
arbitraires  touchant  les  emprunts  sur  les  riches  ;  ils  parlent  de  l'ac- 
croissement de  sa  fortune,  médiocre  au  début  de  la  Révolution,  (1) 

(1)  Naturellement,  Pillon,  en  1789,  ne  possédait  guère  que  son  oflQce  de  garde- 
livre  de  la  Chambre  des  Comptes,  puisque  ses  père  et  mère  vivaient  encore.  Il  est  à 
propos  de  dire  qu*à  Toccasion  de  son  mariage  avec  M"*  Barbarey,  son  père  lui  constitue 
une  rente  annuelle  de  2,100  livres,  au  capital  de  42,000  livres,  garantie  par  deux 
fermes  sises  à  Foulbec ,  près  la  rivière  de  Risle,  et  à  Conteville,  district  de  Pont- 
Âudemer  ;  M»*  Barbarey  eut  en  dot  7,000  livres  en  meubles,  un  capital  de  20,000  livres 
et  une  rente  annuelle  de  1,000  livres.  Le  maire  de  Rouen  avait  donc  une  situation  de 
fortune  qui  lui  permettait  de  faire  une  acquisition  de  60,000 1.,  surtout  avec  Bénicourt, 
Havart  et  autres  amis.  Son  contrat  de  mariage,  du  24  septembre  1792,  devant 
M*  Colonge,  notaire  à  Rouen,  est  d'une  forme  assez  curieuse,  jusque-là  peu  usitée; 
il  y  est  question  de  douaire  coutumier,  de  don  mobil,  ce  qui  contraste  avec  la  qualiO- 
cation  nouvelle  de  citoyen  prise  par  les  pères  des  futurs  conjoints,  qui  comparaissent 
les  premiers  et  président  aux  conventions  matrimoniales.  Ce  contrat  porte  cinquante 
signatures  parmi  lesquelles  celles  de  Tabbé  Langlois,  curé  de  Saint-Nicaise»  Balland, 
Lesuire,  Lefebvre,  Romain  Darré,  etc.  —  J'adresse  ici  les  plus  vifs  remerciments  à 
M.  G.  Josse,  généalogiste  à  Rouen,    rue   Thiers,  à    la  complaisance   empressée 


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-  605  - 

de  Tachât  du  ch&teau  de  Coqueréaumoht,  de  la  battue  de  floréal,  du 
voyage  et  de  remprisonnement  de  messidor,  etc.,  etc.,  rien  n'est 
omis...  sauf  les  détails  sur  sa  participation  à  l'instruction  des 
affaires  de  la  Rougemare,  de  Ratiéville  et  des  Lentaigne. 

Poret  est  l'objet  de  sanglantes  injures;  malmené  avec  une 
brutalité  qui  contraste  avec  l'espèce  de  déférence  d'hommage  au 
«  génie  révolutionnaire  »  de  Pillon,  nonobstant  insulté  si  grossière- 
ment lors  de  son  incarcération. 

Les  reproches  les  moins  mal  justifiés  sont  ceux  s'appliquant  à 
des  arrestations  sans  mandat  d'arrêt  et  sur  des  ordres  en  blanc  non 
motivés  ou  signés  d'un  nombre  insuflSsant  de  membres  du  comité, 
ou  déterminés  par  des  haines  privées.  Le  29  ventôse  an  II,  soixante- 
six  mandats  d'arrêt  avaient  été  délivrés  sans  autres  motifs  que  l'in- 
civisme, et  un  tiers  de  ces  mandats  se  retrouvaient  datés  du 
28  ventôse.  Pour  suppléer  à  ces  motifs,  un  registre  «  d'histoires 
méditées  à  loisir  »  fabriqué  depuis  le  9  thermidor,  se  retrouvait  et 
était  invoqué  contre  les  membres  du  Comité. 

Les  accusateurs  insistent  avec  raison  sur  les  vexations  criantes 
exercées  à  l'égard  de  certains  détenus,  mais  ils  ne  font  pas  allusion 
aux  faveurs  insignes  dont  jouissait,  par  exemple,  Robert  de  Saint- 
Victor  à  Saint- Yon. 

Le  temps  ne  leur  a  pas  permis  «  de  scruter  les  dilapidations 
énormes  des  ex-magistrats.  »  Comment  alors  expliquer  qu'ils  en 
aient  tant  perdu  à  élucider  une  affaire  presque  fastidieuse  de  gros 
sols,  au  lieu  de  préciser  comment  on  avait  «  organisé  la  famine  par 
l'inquiétude  et  l'effroi  chez  les  spéculateurs.  »  En  revanche,  on 
constate  l'absence  de  registre  au  bureau  des  accaparements,  la  sous- 
traction de  beaucoup  de  pièces  et  des  comptes  de  la  Société  popu- 
laire, dont  la  correspondance  manque  absolument.  Ce  sont  les  actes 
vexatoires,  arbitraires  et  tyranniques  du  bureau  des  accaparements 
qui  closent  les  travaux  des  commissaires  des  sections  ;  Legras  y 
est  plus  particulièrement  attaqué,  ainsi  que  Louis  Hamel,Chouquet, 

duquel  je  dois  l'indication  de  ce  contrat  et  diverses  autres  relatives  notamment  au  lieu 
et  à  la  date  du  décès  de  Tex -maire  Pillon,  que  j'avais  vainement  cherchés,  et  que  j*ai 
obtenus  avec  une  promptitude  merveilleuse,  gr&ce  à  ses  répertoires  d'une  richesse  et 
d'une  exactitude  peu  communes* 


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—  506  - 

Dumesnil-Artus,  Lambert,  Bérat  le  jeune,  Yvelin  et  Baudry.  On 
leur  rappelle  une  lettre  de  la  commission  des  subsistances  et  appro- 
visionnements de  la  république,  leur  disant  qu'ils  n'avaient  pas  le 
droit  do  réquisition,  et  que  cependant  ils  ont  dispo*  é  à  leur  gré  des 
marchandises  des  négociants  de  Rouen,  les  ont  distribuées  et  en  ont 
empêché  la  sortie. 

Nombre  de  notabilités  révolutionnaires  ont  là  leurs  portraits 
très  peu  flattés,  sans  nul  doute  excessivement  c/iargés,  tels  ceux  de 
Gramare,  Blanche,  Legendre,  Thierry,  Gaillon...  Des  documents 
indiscutables  laissent  pourtant  apparaître  qu'aussi  bien  pour  Thierry 
que  pour  le  plus  grand  nombre  des  autres  jacobins,  même  Leclerc, 
accusateur  public,  le  plus  facile  à  attaquer  et  à  défendre,  il  reste 
presque  toujours,  dans  les  exagérations  de  l'an  III,  un  fond  de 
vrai (1) 

La  révision  des  listes  dressées  sur  ces  rapports,  effectuée  par  la 
commune  en  treize  séances  particulières,  c'est-à-dire  non  publiques, 
du  8  au  18  prairial,  s'opéra  par  des  tableaux  formant  trois  catégories 
des  gens  indistinctement  accusés  par  les  sections  :  l'une  des  citoyens 
à  désarmer  selon  la  loi  du  21  germinal,  la  seconde  de  ceux  regardés 
comme  égarés  d'après  la  loi  du  14  du  même  mois,  et  la  troisième  de 
ceux  éliminés  comme  irréprochables.  (2) 

Si,  en  général,  le  conseil  apprécie  leur  conduite  avec  plus  de 
sang-froid  et  de  sagacité  que  les  sections,  ses  procédés  et  ses  ob- 
servations sont  loin  d'être  exempts  de  calcul  et  de  partialité. 

Les  sections  ont  proposé  le  désarmement  de  213  individus.  Ce 
chiffre  est  réduit  à  43.  Cet  écart  considérable  résulte  de  la  suppres- 
sion pure  et  simple  des  noms  portés  snr  les  listes  sans  indication 
de  motifs  ou  avec  des  motifs  vagues.  Les  raisons  du  conseil 
pour  certaines  absolutions  sont  parfois  bien  intéressantes  :  l'exalta- 
tion est  une  excuse  pour  Blanche  ;  Troussey  a  contrarié  les  opéra- 
tions du  comité,  dont  il  était  membre  ;  Darcel  est  extrêmement 
entêté,  s'il  a  omis  quelques  formalités,  c'est  un  délit  de  la  compé- 
tence des  tribunaux.  Thierry  était  même  lennemi  de  la  Terreur; 

(1)  V.  Rapports  des  commissaires  de  sections  et  ce  que  j'ai  extrait  des  registres  de 
la  Société  populaire. 

(2)  Reg.  de  FHôtel-de-ViUe. 


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—  507  - 

son  ton  dur  à  la  Société  a  pu  déplaire,  son  opinion  ^  compromis  la 
liberté  de  Guisier,  c'est  simplement  une  indiscrétion  blâmable  ; 
il  n'est  pas  méchant.  Robert  de  Saint-Victor  ayant  été  détenu  n'a 
pu  être  terroriste.  Legendre  a  dû  se  faire  beaucoup  d'ennemis,  il  a 
r^ondu  victorieusement  à  Thoumire. . . .  Mêmes  atténuations  pour 
Leclerc.  A  Lenormand,  auteur  de  saillies,  chansons  ou  dénonciations 
prétendues  civiques,  on  n'a  à  reprocher  que  l'eflfervescence  momen- 
tanée de  ses  idées.  Chouquet  doit  son  immunité  à  ses  attaques  contre 
Pore t  et  Lamine. . .  après  le  9  thermidor,  et  Lecanu  à  sa  mission 
à  Lyon. 

D'autres  remarques  sérieuses  sont  suggérées  par  les  apprécia- 
tions des  sections  et  de  la  Commune.  Comme  par  l'effet  d'une 
consigne,  un  silence  absolu  est  partout  gardé  sur  la  démarche  tout 
à  la  fois  audacieuse  et  l&che  de  Poret  et  Lecanu  pour  demander  à  la 
Convention  les  têtes  de  leur  confrère  Aumont  et  de  l'imprimeur 
Leclerc.  La  même  discrétion  est  observée  à  l'égard  de  Descroisilles 
pour  son  «  Journal  des  événements  de  la  Rougemare  »  pour  l'adresse 
contre  Aumont,  et  la  proclamation  diffamatoire  et  prématurée  des 
membres  du  département  —  y  compris  M.  de  Fontenay  —  qui  y 
adhèrent  et  la  font  letir,  et  aussi  pour  le  réquisitoire  violent  de 
Lecomte,  du  12  janvier  1793.  L'odieuse  et  sanguinaire  pétition  à  la 
Convention  pour  en  obtenir  un  tribunal  révolutionnaire,  du 
!•'  avril  1793,  signée  non  seulement  de  Pillon,  Mabon,  Lamine,  naais 
aussi  de  Bignon,  Caudron,  Lenormand,  Blanche,  L.-J.  Lefebvre, 
etc.,  bénéficie  de  la  même  indulgence.  Nulle  allusion  n'est  faite  aux 
manœuvres  réitérées,  d'un  danger  si  réel,  qui  faillirent,  dans  les 
plus  terribles  crises,  accentuer  à  Rouen  le  règne  effectif  de  la 
Terreur,  par  les  dénonciations  acharnées  de  Lenud,  Hébert  et  de 
Massieu  ;  pas  une  question,  ni  la  trace  de  la  plus  petite  investigation 
pour  découvrir  les  auteurs  —  vraisemblablement  connus  ou  au  moins 
soupçonnés  — des  lettres  qui  dénonçaient  les  rouennais  et  amenaient 
Thuriot,  Coupé,  Duhem  et  autres  à  la  tribune  de  la  Convention  ou 
des  Jacobins  pour  les  faire  punir. 

On  met  tant  de  soin  à  taire  les  nom^  de  ceux  que,  de  parti  pris, 
on  veut  garder  parmi  les  accusateurs,  que  l'on  ne  cite  pas  celui  du 


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—  508  — 

procureur  de  la  Commune  qui.  en  1792,  est  prévenu  d'avoir  proposé  un 
emprunt  forcé  de  deux  millions  !  Et  dans  Ténumération  des  quatorze 
membres  qui,  d/onV/r/îe,  composèrent  le  comité  départemental  de 
salut  public.  Le  Contour  est  artificieusement  omis.  Il  suflSt  d'avoir 
été  membre  de  ce  comité  pour  figurer  parmi  les  terroristes  et,  par 
une  exception  unique.  Bouvet,  qui  a  failli  être  arrêté  comme  jacobin, 
n'est  jamais  sur  les  listes. 

Une  simple  mention  du  conseil  :  «  Inconnu  »  mise  en  regard 
des  noms  de  Duval,  Dumest,  Delamare,  Debeau,  Engran,  Hue, 
Legendre  et  Quillebeuf,  paraît  être  d'une  douteuse  sincérité, 
lorsqu'on  sait,  par  exemple,  que  le  secrétaire  du  directoire  du  district 
avait  nom  Dumest. 

Quoi  qu'il  en  ait  été,  la  Commune  pouvait  se  croire  ainsi 
déchargée  de  sa  tâche  réellement  difficilo  et  délicate  et  insister 
désormais  pour  être  remplacée. 

Casenave  semble  avoir  voulu  opérer  d'un  seul  coup  le  désarme- 
ment d'un  assez  grand  nombre  de  sans-culottes,  en  leur  retirant, 
par  son  arrêté  du  28  prairial  (16  juin  1795),  les  fameuses  piques  dont 
un  spécimen  avait  été  placé  à  la  commune,  au-dessus  de  la  tête  du 
maire,  et  dont  «  l'invention  et  l'usage  ne  rappellent  que  des  assas- 
sinats et  des  dilapidations  énormes  qui  ont  déchiré  la  patrie  et 
menacé  la  fortune  publique  d'un  anéantissement  total.  »  (1) 

Uune  des  dernières  séances  du  conseil  général  de  la  commune, 
celle  du  29  prairial,  montre  dans  quel  discrédit  étaient  tombés  les 
anciens  et  aussi  les  nouveaux  administrateurs,  et  le  peu  de  confiance 
dans  les  explications  avec  lesquelles  on  voulait  écarter  les  plaintes  et 
les  soupçons.  Pendant  une  délibération  relative  à  trois  classes  de 
citoyens  pour  le  prix  du  pain,  le  citoyen  Sauvage,  de  la  rue  de  la 
Prison,  commissaire  de  section,  ex-employé  aux  aides,  et  vivant  de 
son  revenu,  proférait  publiquement  ces  propos  : 

...  On  parle  toujours  de  pertes,  et  où  sont  donc  Us  pertes  qu'on  a 
faites?  Est-ce  en  nous  donnant  des  subsistances  empoisonnées  ?  Est  ce  ea 
nous  donnant  un  quart  de  pain  et  des  grains  qui  auraient  dû  être  enfouis 
dans  terre  plutôt  que  d*ètre  distribués  aux  citoyens,  qu'on  a  pu  fa«re  des 

(1)  Arch.  nat.  A  F  u  141,  doss.  1,107,  P>  13. 


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partes?  Où  sont  les  millions  qui  ont  été  dépensés?  Qa'en  avez-Toas  fait? 
Quelles  sont  donc  les  pertes? 

Ces  propos  ayant  été  tenns  avec  des  gestes  menaçants,  les  tribanes  font 
entendre  des  clameurs  et  des  cris  parmi  lesquels  on  distingae  ceux  ci  :  Ce 
sont  des  voleurs  ! 

Le  procorenr  de  la  Commune  réclame  avec  énergie  contre  les  citoyens 
qui  ont  insulté  les  magistrats  en  fonctions  ;  il  déclare  que  le  conseil  ne 
délibérera  pas,  tant  que  les  citoyens  des  tribunes  n'auront  désigné  les  malveil- 
lants ;  il  les  somme  de  les  arrêter.  Ne  croyez  pas,  dit-il,  que  nous  sommes 
vos  esclaves  ;  nous  sommes  les  magistrats  du  peuple,  placés  pour  faire  le 
bien. . .  Des  murmures  s'élèvent  et  quelques  voix  s'écrient  :  Pas  de  soltises, 
p€is  de  sottises!  Malgré  les  excitations  du  président,  on  ne  désigne  pas  les 
malveillants  et  quelqu'un  dit  qu'ils  sont  partis. . .  (1). 

Un  incident  ne  tardait  pas  à  faire  voir  comment  l'argent  de  la 
commune  pouvait  se  perdre  et  avec  quelle  légèreté  les  commissaires 
du  conseil  s'acquittaient  parfois  de  leur  mission.  Poisson  et  Auger, 
envoyés  dans  les  départements  avoisinant  Paris,  au  lieu  d'effectuer 
eux-mêmes  des  achats  de  grains,  remettaient  vers  la  mi-floréal  à 
Goguetfils,  dePenancourt?  (  Somme)  et  à  son  beau-frère  Hennuyer, 
alors  à  Paris,  61,000  livres.  En  passant  le  22  floréal  dans  le  bois  de 
Pont-Sainte-Maxence,  Goguet,  d'après  son  récit,  fut  dépouillé  de 
cette  somme  par  cinq  ou  six  assassins  qui  lui  tirèrent  un  coup  de 
pistolet.  Les  circonstances  du  vol  parurent  finalement  suspectes  aux 
administrateurs  rouennais  qui  décidèrent,  le  13  fructidor,  de  pour- 
suivre Goguet  devant  les  tribunaux  (2). 

Il  était  temps  de  faire  disparaître  le  Conseil  général  de  la 
commune  du  6  vendémiaire  an  m. 


(1)  Registre  de  THôtel-de-VlUe  ;  extrait  littéral. 

(2)  Reg.  de  THôtel-de-Ville,  du  district  et  du  dép»,  13  fructidor  an  m,  15  et  22 
vendémiaire  an  iv. 


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CHAPITRE  VINGT-UNIÈME 


Réorganisation  dilHcile  du  conseil  communal.  —  L'ordre  menacé  &  Ronen  par  les 
Chouans  et  autres  conspirateurs.  —  Rupture  définitive  entre  Casenave  et  le 
journaliste  Robert.—  Le  Contour  veut  diminuer  le  nombre  des  terroristes  fixé  par 
Casenave.  —  Mise  en  liberté  des  trente-sept  terroristes  désarmés.  —  Pillon  et 
autres  poursuivis  devant  le  tribunal  criminel.  —  Lambert  et  Gaillon  condamnés  ; 
Darcel  acquitté,  mais  condamné  à  des  dommages-intérêts.  —  Défense  énergique 
des  terroristes  ;  Foreau-Trisay,  de  Chartres,  les  assiste.  —  Mise  en  liberté  sous 
caution  obtenue  par  Pillon  et  Lamine,  et  entravée.  —  Les  sections  de  Rouen  et  la 
Constitution  de  l'an  IIL—  Danican,  déplacé,  est  protégé  par  la  Commune,  le  district 
et  le  département.  —  Bignon  le  jeune,  Robert,  Hardy,  Danican  et  les  journées  de 
vendémiaire.  —  Décrets  libérateurs  des  terroriitei. 


I 

Le  5  messidor  an  III  (23  juin  1795),  Casenave  réorganisait  enfin 
la  Commune,  à  la  tête  de  laquelle  il  plaçait  Lequesne  fils,  adminis- 
trateur de  THospice-Général.  Le  Contour,  procureur  delà  Commune, 
Pottier,  son  substitut,  et  Duval,  sccrétaire-greflRer,  étaient  main- 
tenus. Un  remaniement  important  est  opéré  parmi  les  officiers 
municipaux  et  les  notables  au  nombre  desquels*apparaissent  Goube, 
commerçant,  Jouenne,  Le  Boucher,  ancien  libraire,  Adam,  Lcsage, 
Bignon  l'alné,  Chapais  le  jeune,  Le  Couteulx  fils,  Ribard,  Garvey, 
Lézurier,  d'Aubigny,  Malandain,  Lemire,  c'est-à-dire  la  fine  fleur 
des  thermidoriens.  Ne  doutant  pas  de  leur  acceptation,  le  conven- 
tionnel avait  fait  imprimer  l'arrêté  contenant  leurs  noms,  et  dont  il 
envoyait  le  6  thermidor  400  exemplaires  à  la  municipalité. 

Des  refus  se  produisent,  et  le  14.  Casenave  est  réduit  à  repousser 
les  excuses  de  Cavey,  Delamarc,  Bidault,  Chapais,  Pavic,  Garvey, 
Lanelle  et  Lemire,  et  à  les  condamner,  faute  d'être  à  leur  poste  dans 
les  trois  jours,  à  la  privation  des  droits  de  citoyen  pendant  deux  ans, 
et  à  une  amende.  Il  admet  celles  de  Lequesne,  maire,  qu'il  remplace 
par  Goube,  et  celles  de  Brisset,  Pouchet,  Béville,  Blanchemain  et 
GoUain.  (1) 

(1)  Reg.  de  THôlel-de-Ville. 


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-  511  - 

La  permanence  des  conseils  généraux  des  communes  assu- 
jettissait inutilement  les  quarante-deux  notables  à  une  suite  d^oc- 
cupations  leur  imposant  des  sacrifices  que  tous  ne  pouvaient 
supporter.  (1)  La  Convention,  rendant  la  vie  à  V administration 
municipale,  selon  le  vœu  de  Casenave,  supprima  bientôt  cette  per- 
manence. (2) 

Le  nouveau  conseil  éprouva  bientôt  des  difficultés.  En  même 
temps  que  VObsercateur  de  V Europe,  de  Robert,  la  Vedette 
normande,  de  Guilbert,  surveillait  de  près  les  actes  des  adminis- 
trateurs et  les  dénaturait  parfois  si  gravement  qu'il  fallait  la 
contraindre  à  se  rectifier  (3).  Des  malintentionnés  informent  le 
Comité  de  sûreté  générale  (15  messidor)  que  terroristes  et  royalistes 
s'agitent  dans  Rouen,  où  le  crime  «  veille  autour  des  prisons  et 
médite  des  égorgements.  »  Lo  Comité  invite  à  surveiller  les  individus 
venant  de  Suisse  ou  munis  de  passeports  de  Lyon.  A  la  Commune 
on  dit  que  plusieurs  chouans  se  cachent  et  intriguent  à  Rouen.  L'un 
d'eux  est  chez  un  particulier  qu'on  désigne.  Les  ennemis  de  l'ordre 
discréditent  les  assignats  en  jouant  des  sommes  énormes  sur  les 
quais,  en  plein  jour  et  d'un  seul  coup  de  dés.  Le  respect  des  monu- 
ments élevés  à  la  révolution  achevait  de  se  perdre.  Journellement, 
on  enlevait  des  pierres  du  modèle  de  la  Bastille  du  Grand-Cours,  et 
le  Conseil  dut  faire  démolir  cette  bâtisse,  vendre  les  matériaux  et 
enlever  ce  qui  restait  de  la  Montagne  (4). 

Des  dissentiments  graves  avaient  amené  une  rupture  entre 
Casenave  et  le  journaliste  Robert.  Le  11  thermidor,  la  députation 
de  la  Seine-Inférieure  sollicitait  à  Vunanimité  et  obtenait  du  comité 
de  sûreté  générale  un  ordre  d'arrestation  contre  Robert,  ordre 
qu'elle  transmettait  à  Casenave.  Le  n°  88  de  VObservateur  de 
l'Europe  hccnsdiit  ce  dernier  d'avoir  provoqué  cet  ordre,  et  moins 
parcequ'une  telle  calomnie  l'offensait  que  pour  écraser  plus  sûre- 
ment Robert,    Casenave  la  faisait  démentir  par  une  déclaration 

(1)  Lettre  de  Casenave  au  comité  de  législation,  du  7  messidor  an  IH.  (Arch.  nat.). 

(2)  Lettre  du  comité  de  législation  à  Casenave  du  29  thermidor  an  III  et  décret  du 
l»""  ventôse  an  IV.  (Arch.  nat.  d  m  272  ). 

(3)  Reg.  de  l'Hôtel-de-Ville. 

(4)  Reg.  de  l'Hôtel-de-Ville. 


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—  M2  — 

collective  des  députés,  aflScbée  le  21  thermidor.  Cette  fois,  Robert 
trouve  moyen  de  se  soustraire  à  l'arrestation  et  parvient  même  à 
faire  rapporter  l'ordre,  en  rejetant  «  lâchement  tous  ses  torts  sur  un 
de  ses  coopérateurs,  Pedro  Graillard,  qui  l'égale  en  perversité  et  en 
malveillance  »  (1). 

Les  embarras  que  lui  suscitait  Robert  ne  l'avaient  point  distrait 
de  sa  tâche  principale,  et  les  éléments  de  ses  décisions  contre  les 
terroristes  étaient  rassemblés.  Quoique  le  Conseil  pénéral  de  la 
Commune  eut  été  effrayé  d'avoir  trouvé  quarante-quatre  indi- 
vidus (2)  à  désarmer  et  qu'il  eut  intercédé  pour  nombre  d'entre  eux, 
Casenave  s'inspirant  à  une  autre  source  —  probablement  au 
district  —  élevait  à  soixante-six  le  nombre  des  citoyens  devant 
subir  la  peine  si  humiliante  du  désarmement. 

Le  Contour  avait  peine  à  croire  que  la  religion  de  Caseoave 
n'eut  pas  été  surprise  à  l'égard  de  beaucoup  de  ces  soixante-six. 
Avec  une  surprenante  indulgence,  Le  Contour  s'érige  en  défenseur 
de  certains  accusés,  et  formule  la  règle  «  que,  pour  être  regardé 
comme  terroriste,  il  faut  avoir  eu  une  volonté  constante  et  bien 
prononcée  de  persécuter  ses  concitoyens  et  de  les  conduire  dans  les 
bastilles  et  à  l'échafaud. . .  »  (3). 

En  frappant  ainsi  soixante-six  rouennais,  Casenave  rendait  un 
arrêt  révisable  ;  aussi  Le  Contour  propose-til  de  lui  soumettre  les 
résultats  d'un  nouvel  examen  des  listes,  mais  en  cherchant  à  embar- 
rasser la  situation.  Selon  lui,  le  désarmement  présente  des  difficultés 
pratiques  ;  de  plus,  il  constate  que  le  délai  accordé  aux  sections 
pour  établir  leurs  listes  étant  expiré,  elles  n'ont  plus  le  droit  d'y  rien 
ajouter,  et  il  propose  un  arrêté  que  le  conseil  rejette  en  nommant 
une  commission  chargée  de  fixer  le  mode  d'exécution  de  l'arrêté  de 
de  Casenave. 

(1)  Lettre  de  Casenave  au  directoire  exécutif,  du  8  frimaire  an  rv  (arch.  nat.  Ff  3688^  )• 

(2)  Je  n'en  vois  que  43:  Angran,  Blondel,  Bérard,  Carré,  Camus,  Delalande,  Eude- 
line,  Gaillon,  Godebin,  Carreau,  Romy-Groult,  Giguet,  V.  Groult,  Lamine.  Lefebvre- 
Signol,  Leclerc,  perruquier;  Moulin,  Nos,  François  Pinel  l'aîné, Poret,  Pillon,  Regnault, 
Ruppaley,  Vernon,  Delaplane,  Monnier,  Mabon,  Ribié,  Thébaut,  Hubert,  Leroy,  Lambert, 
Lemort,  Lecanu  fils,  Guingret,  les  deux  Lizé  ou  Lizet,  Bemays,  Delamare,  Miller,  Nés', 
ex-avocat,  Denis  et  Bénicourt. 

(3)  Reg.  de  l'Hôtel-de- Ville,  2  fructidor. 


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-  513  — 

Des  pourparlers  réduisirent  d'abord  «à  quarante  et  en  dernier 
lieu  à  trente-sept  le  nombre  des  terroristes  à  désarmer(l),  «sans  pré- 
judice des  réclamations  et  justifications  qu'on  pouvait  adresser.  >» 
Casenave  avait  sursis  à  Tégard  de  Havard,  Godet  et  Nourry,  et  les 
pétitions  de  sept  autres  (2)  étaient  renvoyées,  pour  rapport,  à  Remy 
Taillefesse,  Mattard,  Jouanne,  Grenet,  Bouvier,  Lesage  et  Adam. 
Quelques  jours  après,  le  conseil  émettait  des  avis  favorables  pour 
pour  Havard  et  Godet,  rejetait  les  pétitions  de  Lefebvrc-Signol  r:st 
Lizé,  et  délivrait  à  Ribié  un  certificat  attestant  qu'il  n'était  pas  porté 
sur  les  listes.  (3) 

Les  événements  allaient  rendre  inutile  une  solution  pour  les 
autres,  et  faire  échouer  toute  cette  longue  agitation  à  propos  des 
terroristes. 


II 


Pendant  que  les  sections,  la  commune  et  Casenave  s'occupaient 
ainsi  de  ce  désarmement,  ou  plutôt  de  ses  préliminaires,  le  tribunal 
criminel  était  saisi  de  dénonciations  privées  contre  un  groupe  de 
terroristes  ayant  fait  partie  du  Comité  de  surveillance.  Une  loi  du 
21  floréal  an  III  avait  chargé  le  Comité  de  législation  de  provoquer 
et  de  surveiller  l'action  des  tribunaux  criminels  de  département 
contre  tous  individus  prévenus  d'abus  d'autorité,  d'usurpation  de 
pouvoir,  de  vols,  de  dilapidations,  assassinats,  concussion  et  autres 
crimes  et  actes  d'oppression.  La  Convention  espérait-elle  vraiment 
être  obéie  lorsqu'elle  ordonnait  aux  municipalités  et  corps  adminis- 
tratifs de  dénoncer  ces  crimes  et  délits  aux  accusateurs  publics  ? 
On  s'imagine  difficilement  le  maire,  Le  Boucher,  dénonçant  Pillon, 
son  ex  -collègue  et  son  prédécesseur  ... 

(1)  Ces  trente-sept  sont  :  Angran,  Bénicourt,  Blot,  Blondel,  Bérard,  Carré,  Camus, 
Delalande  ,  Eudeline  ,  Gaillon  ,  Lamine,  Godebin,  Romy-Groult,  Carreau ,  Gi gin  l . 
Nos,  V.  Groult,  Lefebvrc-Signol,  Leclerc,  Poret,  Poisson  père,  Pinel  l'aîné,  RegnauK, 
Mabon,  Lambert,  Pillon,  Uupaley,  Vernon,  Darcel,  Leroy,  Lecanu,  les  deux  Liz;<'j 
Choin  du  Lys,  Robert  dit  Saint-Victor,  Moulin  et  Grancourt. 

(2)  Lefébvre-Signol,  Blondel,  Moulin,  les  deux  Lizé  (ou  Lizet),  Godet  et  Bavard. 

(3)  Reg.  et  Arch.  de  rHôtel-de-Ville. 


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i 


—  514  - 

Aussi  le  tribunal  cri5iinel  n'eut-il  à  s'occuper  que  de  jwursuites 
engagées  sur  l'initiative  de  parties  civiles.  C'était  pour  donner  à  ces 
poursuites  plus  de  chances  de  succès  que  les  réactionnaires  s'étaient 
efforcés  d'atteindre  Legendre  et  Leclerc.  Ce  dernier  avait  donné, 
le  30  floréal,  sa  démission  (1),  que  Casenave  accepta  par  un  arrêté 
du  8  prairial,  nommant  accusateur  public  Thiessé,  installé  dès 
le  13  (2). 

Les  deux  terroristes  contre  lesquels  s'affirma  avec  plus  de 
violence  l'animosité  thermidorienne  furent  Lambert  et  Gaillon, 
compris  dans  un  procès  spécial,  conduit  avec  une  ardeur  extrême, 
et  qui,  depuis  le  6  prairial,  étaient  «  courbés  sous  l'opprobre  d'une 
captivité  rigoureuse  provoquée  par  la  machination  perfide  de 
l'ex-procureur  Malandain  »  (3).  * 

Malandain  avait  été  arrêté  en  vertu  de  cet  ordre  du  Comité  de 
Rouen  : 

Séance  da  27  nivôse  Tan  2*  de  la  répabHqae  française.  Lambert,  prési- 
dent ;  Gtiilon,  secrétaire.  —  Un  membre  propose  de  décerner  an  maodat 
d'arrêt  contre  Malandain,  ex-procureor,  devant  être  dans  un  des  batailloos 
de  la  Montagne  et  de  plos  suspect  d'incivisme  et  d'aristocratie  ;  arrête  que  ce 
mandat  aura  lieu.  -    Signé  :  Lambert,  Gaillon,  secrétaire.  (4) 

Le  19  floréal  an  III,  il  se  plaint  devant  Delacroix,  juge  de  paix, 
de  ce  que  ce  mandat  n'était  point  délibéré  par  sept  membres  nommés 
et  ayant  signé  à  la  majorité.  De  plus  on  n'avait  pas  constaté  qu'il 
était  en  état  de  repartir,  et  les  motifs  de  suspicion  n'étaient  pas 
énoncés. 


(1)  Le  n«  30  de  VObsei'vatetir  de  V Europe  ayant  publié  que  Casenave  avait  destitué 
Leclerc,  celui-ci  fait  insérer  dans  le  Joutmal  de  Rouen  du  15,  sa  lettre  de  démission  et 
l'arrêté  de  Casenave  nommant  Thiessé  en  conséquence.  La  démission  était  fondée  sur 
ce  que  sa  santé  de  sexagénaire  faiblissait. 

(2)  «  Du  13  prairial  3«  année,  s'est  présenté,  revêtu  du  costume  d'accusateur  public, 
le  citoyen  Thiessé. ...»  A  cette  audience  même  Thiessé  siège  dans  une  affaire  de  faux 
passeport  contre  Jean  Lesueur,  marchand  forain,  et  François  Bance,  qui  furent 
acquittés  (Reg.  du  Trib.  criminel.) 

(3)  Ch.-Ph.  Malandain,  32,  détenu  à  Saint- Yon,  du  29  nivôse  au  13  fructidor  an  IL 
Lors  de  la  levée  de  scellés  chez  lui,  le  23  pluviôse,  on  décrit  un  fusil  et  un  sabre  de 
chasseur  garni  en  cuivre  doré.  —  Notable  de  la  commune,  le  5  messidor  an  III. 

(4)  Extrait  du  registre  B  du  Comité  de  surveillance. 


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-  515  — 

Le  5  prairial,  le  jury  (1)  déclare  qu'il  y  a  lieu  à  accusation  et, 
le  jour  même,  Lambert  et  Gaillon  sont  écroués  à  la  maison  de  justice 
par  l'huissier  Gommé. 

Se  fondant  sur  ce  que  le  mandat  était  l'œuvre  du  comité  et  non 
la  leur,  les  deux  accusés  demandent  le  11  prairial  leur  mise  en 
liberté  :  ils  sont  déboutés  et  le  2  messidor  le  tribunal  leur  refuse  un 
sursis.  Le  6,  sur  leur  demande,  il  ordonne  l'apport  et  le  compulsoire 
des  registres  du  comité  (2).  On  les  devine  doutant  du  succès  de  leur 
cause  en  les  voyant  recourir  le  26  messidor  à  un  moyen  extrême  : 
Pinel,  Trousscy,  Godebin,  Regnault,  Poisson  et  Lamine,  qui  sont 
sous  le  coup  d'accusations  analogues,  signent  en  leur  faveur  une 
longue  attestation  affirmant  —  ce  qui  est  sans  portée  venant  d'eux  — 
qu'il  n'y  a  jamais  eu  au  comité  d'infraction  à  la  loi  ! 

Pendant  plusieurs  jours,  notamment  les  16  et  17  messidor,  ils 
subissent  des  interrogatoires  où  la  ténacité  de  Daupeley,  juge  de 
paix  de  la  8®  division,  faisant  les  fonctions  d'officier  de  police,  n'a 
jamais  raison  de  leur  arrogance.  Lambert  doit  compte  à  justice  des 
actions  de  sa  vie  privée,  mais  prétend  que  sa  conduite  administrative 
n'est  soumise  à  aucun  tribunal.  Daupeley  a  beau  lui  dire  que  s'il 
s'obstine  dans  son  refus  de  répondre,  il  n'en  procédera  pas  moins  à 
son  interrogatoire,  Lambert  persiste. . . 

Enfin,  le  19  messidor,  sans  avoir  entendu  de  témoins  à  charge, 
mais  après  l'audition  de  Bouvet  et  Grandin;  ex-membres  du  comité, 
à  décharge,  et  la  lecture  d'un  mémoire  de  Lambert  pour  lui-môme 

(1)  Ce  jury  était  composé  de  Jean-Laurent  Cœur,  balancier,  rue  Philadelphie,  Louis 
Mauroy,  négociant,  rue  de  la  Régénération  ;  Mindorge,  limonadier,  rue  Malpalu  ; 
Lepelletier,  rue  Carmagnole;  Nicolas  Lepellier,  greffier,  rue  de  la  Liberté  ;  Jean 
Jocquelin,  épicier,  rue  du  Pont-d'Aubelle  ;  Nicolas  Montier,  rue  Socrate ,  et  Jean-Denis 
Thomas,  ex-avocat,  aussi  rue  Socrate.  Ils  prêtent  serment  le  5  prairial.  Mauroy  est  le 
chef  des  jurés.  L'un  d'eux,  Thomas,  est  l'ex-commissaire  du  roi  prés  le  tribunal  crimi- 
nel, ex-procureur  syndic  du  district  de  Rouen,  détenu  à  Saint-Lô,  puis  à  Saint-Yon, 
par  ordre  du  Comité  de  Rouen,  du  49-28  brumaire  au  19  thermidor  an  II,  c'est-à-dire 
pendant  huit  mois.  Né  à  la  Grâce,  Saint-Thomas-la-Gogne  (Eure),  le  9  avril  1750, 
m.  à  R.  le  23  avril  1812,  Thomas,  devint  juge  au  tribunal  du  district,  puis  proc.  général 
à  la  Cour  de  justice  criminelle,  député  de  la  Seine-Inférieure  et  conseiller  à  la  Cour 
impériale.  Chevalier  de  l'Empire,  il  avait  ces  armoiries  singulières  :  de  sable  aux  tables 
de  la  loi  d*or,  traversées  en  face  d'un  badelaire  d'argent  et  surmontées  d'un  œil  out^ert 
rayonnant  d'or,  à  la  Champagne  de  gueules  chargée  du  signe  des  chevaliers.  (Vicomte 
A.  Révérend,  Ai*morial  du  premier  empire.) 

(2>  Ces  registres,  qui  furent  restitués  au  comité  le  9  brumaire  an  iv,  existent.  • 


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—  516  - 

et  pour  GailloQ,  le  tribunal  criminel  (1)  a  vu  que  le  jury  n'était  pas 
compétent  pour  prononcer  sur  les  incidents  relatifs  à  la  forme  et  à 
la  suspension  des  débats  r>,  et  conformément  aux  réquisitions  précises 
de  Thiessé,  condamnait  Lambert  et  Gaillon  à  six  ans  de  gène,  avec 
exposition  aux  termes  de  la  loi  et  l'affiche  du  jugement,  et  solidai* 
rement  en  20,000  livres  de  dommages  intérêts  envers  Malandain, 
qui  en  demandait  100,000  par  Torgane  de  Héron. 

Il  ne  semble  pas  que,  comme  on  Ta  supposé  (2),  ce  jugement  ait 
été  réformé  sur  pourvoi  de  Lambert  et  Gaillon.  Ceux-ci,  par  Guim- 
berteau,  qui  essaya  de  faire  désigner  un  rapporteur  de  son  choix, 
Bézard,  sollicitèrent  un  sursis  qui  parait  avoir  été  d'abord  repoussé 
par  l'ordre  du  jour,  puis  accordé  par  un  décret  du  15  thermidor.  Ils 
avaient  présenté  à  la  Convention  le  6  thermidor  une  pétition  dans 
laquelle,  entre  autres  arguments,  ils  invoquent  que  l'un  des  jurés, 
Thomas,  et  l'accusateur  public  Thiessé,  avaient  été  détenus  par 
ordte  du  comité.  Cette  pétition  est  suivie  d'un  projet  de  rapport  et 
de  décret  dont  le  dernier  considérant  porte  que  «  le  tribunal  criminel 
de  la  Seine-Inférieure  parait  s'être  trop  abandonné  à  l'influence 
excessive  des  passions.  »  Le  décret  eut  reconnu  qu'il  n'y  avait  point 
délit  d'attentat  h  la  liberté  individuelle  et  cassé  et  annulé  le  juge- 
ment et  rendu  Lambert  et  Gaillon  à  la  liberté,  en  les  réservant  à  se 
faire  restituer  les  20,000  livres  qu'ils  avaient  payés  à  Malandain  (3). 

Des  poursuites  semblables  étaient  dirigées  contre  d'autres 
anciens  membres  du  Comité,  et  même  aussi  contre  Gaillon.  Le 
16  messidor,  trois  jours  avant  le  jugement  Malandain,  Daupeley 
ordonnait  que  Gaillon  fût  retenu  en  la  maison  de  justice  comme 
prévenu  d'attentat  contre  la  liberté  individuelle  des  citoyens 
Doury  (4)  et  Laugeux.  Pareilles  mesures,  pour  autres  causes,  étaient 

(1)  Legendre,  président;  Rolland,  Dufay  et  Levarlet,  juges;  Thiessé,  ace. public. et 
Paynel,  greffier. 

(2)  M.  de  la  Quérière  présume  qu'ils  appelèrent  de  ce  jugement  et  qu'il  fut  réformé. 

(3)  Arch.  nat.  D  m,  273. 

(4)  Ch. -Louis  Doury,  52  ans,  ex-procureur  au  parlement,  rue  du  Pré,  arrêté  le 
2  pluviôse  an  II,  sur  mandat  signé  de  Darcel  seul,  sorti  de  Saint- Yon  pour  rester 
consigné  chez  lui  et  mis  en  liberté  par  Sautereau,  le  17  frimaire  an  III.  Le  il  prairial 
an  III,  il  redemandait,  furieux,  une  culotte  de  peau  de  mouton,  portée  au  comité  lors 
de  la  perquisition  chez  lui.  Son  frère,  à  l'armée  de  l'Ouest,  et  son  beau-frére,  Simare, 
de  C  len,  demandaient  en  l'an  II  des  pièces  relatives  à  des  biens  que  leur  mère  avait  à 
réclamer  sur  le  prince  de  Monaco  à  Varengeville.  (Arch.  mpales.) 


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—  517  — 

prises  encore  contre  le  môme  les  6  fructidor  an  III,  4  et  23  vendé- 
miaire an  IV;  contre  Poisson  (1),  les  16  messidor,  5  thermidor  et 
23  vendémiaire  ;  contre  Pillon,  Lamine  et  Darcel,  les  16  messidor  et 
6  fructidor  ;  contre  Regnault,  le  16  messidor  ;  contre  Godebin,  les 
5  messidor  et  6  fructidor,  et  contre  Foret,  Lefebvre-Signol,  Troussey 
et  Blot,  commissaire  de  police,  le  6  fructidor. 

Elles  étaient  motivées  par  des  actes  arbitraires  contre  des 
citoyens  (2),  des  illégalités,  absence  de  certams  registres,  condam- 
nation de  soldats  ;  par  l'annulation  de  certificats  de  civisme  délivrés 
par  la  commune  de  Rouen  ;  la  destruction,  sous  prétexte  d'épuration, 
d'une  partie  de  la  cavalerie  destinée  à  combattre  les  rebelles  ;  la 
disposition  de  fusils  provenant  du  désarmement  des  citoyens,  et  de 
barils  de  gros  sols  à  Fayolle  ;  la  violation  des  propriétés  particu- 
rières  en  saisissant  les  effets  les  plus  précieux  chez  les  détenus  ;  la 
contravention  à  des  décrets  en  s'appropriant  la  surveillance  des 
maisons  de  détention  et  en  interceptant  des  lettres.  Regnault  était 
spécialement  accusé  d'avoir  détourné  300  livres  provenant  de  la 
vente  de  Therbe  du  clos  d'Yon,  et  Godebin  «  d'abus  de  pouvoir 
»  dans  ses  fonctions  d'agent  de  représentant  du  peuple,  pour  avoir 
D  fait  saisir  et  vendre  une  cavale  appartenant  au  sieur  Duval 
»  (de  Beaumets)  ».  (3) 

Une  des  victimes  les  plus  bruyantes  et  les  plus  acharnées  du 
Comité,  Laugeux,  délégué  par  les  commissaires  de  sections  pour 

(1)  Poisson,  resté  malade  à  Saint-Lô,  fut  transféré  à  la  maison  de  justice,  le  23 
thermidor. 

(2)  Not*.  Renard,  Petit,  Saillard,  Bonjour,  Le  Blond,  Papillon,  Lemercier  frères, 
f>  Bouville,  Gueudry,  de  Lessart,  f«  Vasse,  Belliard,  Cavelier,  veuve  Banastre,  Martin 
frères,  Froudière,  Perrin,  Guisier,  Dubosc,  Vasse,  Démarest,  Hucher,  Goube,  citoyenne 
Malortie,  Pierre  Dufour,  Carré,  Lozier,  Février,  Melfort,  etc.,  etc. 

(3)  Vincent-Raoul-Louis  Duval  de  Beaumets,  ancien  conseiller  au  parlement, 
64  ans,  rue  Ganterie,  17,  détenu  à  Saint-Yon  du  2  frimaire  an  II  au  4  brumaire  an  III 
(  onze  mois  ) .  Lors  de  Tarrestation  de  sa  femme,  née  Guyot,  le  27  germinal  an  II, 
Rupalley,  en  présence  de  Poisson,  saisit  «  une  jument  alezane,  queue  à  l'anglaise, 
»  marquée  en  tête  de  trois  bazannes  [sic),  hors  d'âge,  4  pieds  7  pouces,  remise  aux  armées 
3  nationales  comme  bête  de  luxe  et  estimée  à  100  livres,  poussive  et  courbatue^  le  tout 

>  d'après  les  ordres  du  citoyen  Godebin-Jouvenet,  agent  du  représentant  du  peuple 

>  Guimberteau,  chargé  de  l'encadrement  de  l'armée  des  côtes  de  Cherbourg.  »  (Ârch. 
mpales.)  —  D'après  le  manuscrit  de  Horcholle,  Godebin  fut  renvoyé  au  jury  «  pour 
avoir  volé  le  cheval  du  citoyen  Duval  de  Beaumest.  » 


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—  518  - 

accumuler  le  plus  grand  nombre  possible  de  preuves  d'actes  réprè- 
hensibles  contre  les  membres  de  ce  Comité,  les  recherchait  avec 
Tautorisation  du  district  à  la  Conciercerie  et  à  la  prison  de  Saint- 
Lô.  Duclos  et  Debonne  fils,  au  nom  des  vingt-six  sections,  obtenaient 
du  district  de  se  renseign'^r  dans  les  registres  de  la  Société 
populaire.  (1) 

Pendant  que  Hardy  raconte  à  la  Convention  que  les  royalistes 
oppriment  tous  ceux  qui  avaient  été  patriotes  en  1789,  et  contribue  à 
faire  instituer  une  commission  de  douze  membres,  chargée  de  mettre 
en  liberté  ceux  qui  ne  seraient  inculpés  d'aucun  délit,  (2)  les  ter- 
roristes rouennais  encombrent  de  leurs  pétitions  les  comités  do  la 
Convention  et  ne  négligent  aucune  des  ressources  de  la  loi. 

Les  actes  d'accusation  contre  les  plus  attaqués  d  entre  eux 
les  considéraient  comme  prévenus  d'attentats  à  la  liberté  individuelle, 
d'avoir,  méchamment,  et  h  dessein,  OU  par  l'effet  d  une  négligence 
coupable. . .  (3)  Qu«)ique  le  jugement  do  Lambert  et  Gaillon  eût  pro- 
noncé pour  des  faits  analogues  une  peine  exclusive  —  plus  tard  — 
de  la  mise  en  liberté  provisoire  sous  caution,  Pillon  et  Lamine 
réclamèrent  et  obtinrent  de  bénéficier  de  cette  faculté,  à  la  faveur 
sans  doute  de  l'incertitude  de  la  législation  transitoire.  (4)  Thiessé, 
accusateur  pubic.  après  avoir  fait  remarquer  notamment  que,  a  dans 
le  fait  particulier,  l'importance  du  cautionnement  doit  se  mesurer 
non  seulement  sur  la  nécessité  de  faire  représenter  l'accusé,  mais 
encore  sur  les  dommages-intérêts  qui  peuvent  être  la  suite  du 
jugement,  »  apposa  deux  «  n'empêche,  »  sur  le  vu  desquels  le  tri- 
bunal, le  13  thermidor,  accordait  à  Pillon  et  à  Lamine  liberté  de 
leurs  personnes,  en  donnant  préalablement  caution  légale  jusqu'à 
concurrence  de  60,000  livres  chacun.  (5). 

Ces  cautions  furent-elles  fournies  ?  je  ne  sais  ;  mais  il  est  cer- 

(1)  L'autorisation  à  Laugeux,  signée  Cartier  et  Delarue,  est  du  14  prairial; 
l'autre  est  du  15.  (Arch.  mpales). 

(2)  Moniteiir  du  12  thermidor  an  III,  p.  1257,  col.  2. 

(3)  Mandat  d'arrestation  (15  thermidor),  et  actes  d'accusation  signés  (ces  actes), 
d'Esnard,  directeur  du  jury  et  not.  de  Laugeux  contre  Gaillon,  Darcel,  Regnault, 
Poisson,  Pillon  et  Lamine  (4  thermidor). 

(4)  V.  sur  la  liberté  sous  caution,  art.  30  titre  I"  de  la  loi  du  16  sept.  1791. 

(5)  Reg.  du  Tribunal  criminel. 


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-  519  — 

tain  qu'elles  ne  purent  procurer  la  liberté  à  Pillon  et  à  Lamine,  trop 
ardemment  veillés  pour  échapper  alors,  môme  momentanément,  à 
leurs  ennemis.  Les  nouveaux  écrous  ordonnés  par  Daupeley  (voir  ci- 
dessus)  les  16  messidor  et  6  fructidor,  rendirent  illusoire  le  jugement 
du  13  thermidor. 

Les  divers  procès  contre  les  anciens  membres  du  comité  étaient 
conduits  avec  une  désinvolture  qui  ne  surprend  pas  trop  à  cette 
époque.  Ainsi,  le  4  fructidor,  sur  une  pétition  de  Regnault,  malade, 
ne  pouvant  subir  Tépreuve  d'une  procédure  criminelle,  et  «  compris 
dans  l'accusation  où  il  a  pour  accusés  Pillon,  Lamine,  Gaillon, 
Poisson  et  Darcel,  et  considérant  qu'il  importait  que  tous  les 
accusés/ussent  mis  conjointement  en  Jugement  et  leur  procès  soumis 
au  même  Jury  »  le  tribunal  accordait  à  l'accusateur  public  une  proro- 
gation de  délai  jusqu'à  la  session  de  vendémiaire  (1). 

Or,  le  20  fructidor,  sur  la  plainte  de  Doury,  Darcel  comparaît 
devant  le  tribunal  criminel,  y  fait  entendre  à  sa  décharge  Le  Contour, 
Bouvet,  Lamine,  Pillon,  Pinel,  Poret,  Godebin,  Lefebvre-Signol  et 
Gaillon.  Les  réponses  du  jury  ayant  été  négatives,  Darcel  fut 
acquitté.  Néanmoins,  audience  tenante»  Doury  prit  des  conclusions 
sur  lesquelles  le  tribunal  condamna  Darcel  à  lui  payer  10,000  livres 
comme  cause  occasionnelle  de  son  emprisonnement. 

Encore  bien  qu'il  échappât  aux  «  six  années  de  géhenne  et  quatre 
heures  de  poteau,  et  aux  cinq  sixièmes  de?  60,000  livres  de  dom- 
mages-intérêts auxquels  «  l'avide  procureur  »  voulait  le  faire 
condamner,  Darcel  n'en  ressent  pas  moins  un  très  vif  émoi  :  d'abord, 
le  pourvoi  en  cassation  contre  un  «  prononcé  si  bizarre  »  (2)  n'arrêtant 
pas  l'exécution,  Doury  se  promet  de  le  a  ruiner  provisoirement  en 


(1)  Reg.  du  tribunal  criminel.  Pendant  cette  période,  Levarlet  préside.  Legendre  est 
malade  et  ne  reparait  que  le  7  vendémiaire  an  IV. 

(2)  La  question  de  Tinconciliabilité  de  l'acquittement  avec  l'allocation  des  dommages 
intérêts  a  depuis  donné  lieu  à  de  nombreux  arrêts  à  la  suite  de  l'application  de 
l'art.  358  du  code  actuel  d'instruction  criminelle.  Les  art.  2  et  3,  titre  viu  de  la  loi  du 
16  septembre  1791  étaient  trop  vagues  pour  servir  de  base  à  une  demande  en  dom- 
mages-intérêts. Le  Jury  déclare  qu'il  est  constant  que  sur  le  registre  du  Comité,  coté  A, 
pages  273,  274  et  27d,  à  la  date  du  3  frimaire  an  II,  il  existe  un  ordre  d'arrêter  Doury, 
que  cet  ordre  est  signé  de  J.  Darcel  seul,  que  Doury  a  été  arrêté  le  2  pluviôse,  que 
Tordre  est  un  acte  arbitraire,  que  J.  Darcel  n'en  est  peu  convaincu... 


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paperasse».  La  vérité  est  que  10,000  livres  à  verser  ne  pouvaient 
amener  un  tel  désastre,  mais  ce  qui  est  réellement  inquiétant 
c'est  que  s'il  n'obtient  pas  l'annulation  de  ce  jugement,  tous  ceux 
dont  il  a  signé  les  mandats  d'arrêt  vont,  alléchés,  «  fondre  sur  lui  par 
essaim  ».  (1) 

Les  alarmes  des  terroristes  grandissent  en  voyant  que  le  décret 
bienfaisant  du  6  thermidor  ne  leur  donnait  pas  la  liberté.  L'approche 
de  la  session  de  vendémiaire,  dans  laquelle  vont  comparaître  ceux 
qui  restent  à  juger  et  qui  sont  ensemble  «  sous  le  coup  de  conclusions 
effrayantes  de  plus  do  qumze  cent  mille  livres  de  dommages- 
intérêts,  »  fait  surtout  craindre  à  ces  «  bons  pères  de  famille,  des 
teinturiers,  des  marchands,  »  de  se  voir  dépouiller  de  la  «  petite 
fortune  qu'ils  ont  reçue  de  leurs  parents  ou  qu'ils  doivent  à  leurs 
travaux  ».  Un  nommé  Renard,  commissaire  de  police,  «  que  toute 
la  commune  connaît  pour  avoir  été  le  vil  esclave  du  ci-devant  parle- 
ment, de  la  maison  d'Harcourt  et  de  tous  les  principaux  agents  du 
despotisme  royal,  conclut  contre  nous  en  60,000  livres  pour  soixante- 
dix  jours  de  détention  !  »  Ils  demandaient  qu'il  fut  mis  un  terme 
à  l'oubli  des  principes  et  au  mépris  des  lois  résultant  des  procédés 
de  leur  juge,  Daupeley  a  cet  ancien  détenu,  réintégré  par  Sau- 
tereau.  »  (2). 

Foreau  (3)  chargé  de  leur  défense  devant  le  Comité  de  législa- 
tion, rédigeait  le  20  thermidor  un  mémoire  s'attachant  visiblement 
aussi  à  dissimuler  que  plusieurs  d'entre  eux  étaient  des  hommes  de 
loi:,..  «Tous,  époux  et  pères  de  famille,  négociants  et  fabricants 

(1)  Ârch.  nat.  Pétition  de  J.  Darcel,  du  23  fructidor,  présentée  par  la  V*  Sarrazin 
sa  sœur,  demeurant  à  Pans»  rue  Meslé,  31.  Celle-ci  pétitionne  de  nouveau  le  27.  Nicolas 
Darcel  avait,  aussi  pour  J.  Darcel,  présenté  un  mémoire  à  la  Convention.  En  outre, 
J.  Darcel  se  joint  à  la  plupart  des  requêtes  collectives  des  autres  terroristes  détenus. 

(2)  Arch.  nat.  D  m  273.  Pétitions  des  11  et  15  thermidor  et  23  fructidor. 

(3)  Vraisemblablement  le  même  que  Foreau,  Tun  des  metnbres  de  la  Société  popu- 
laire qui  dépose  à  la  suite  des  incidents  provoqués  par  les  procédés  de  Pillon  et  Carré, 
lors  de  la  translation  du  buste  de  Marat  (v.  chap.  xvii«).  Le  3  juillet  1806,  Jacques- 
Julien-Nicolas  Foreau,  né  à  Chartres,  fils  de  Jacques  Foreau  de  Trizay,  ancien 
magistrat,  dem»  à  Chartres,  et  de  M.-Th.  Conbré,  épouse,  à  Rouen,  Marie-de-Chantal 
Lhërmitte,  fille  d'un  négociant  de  la  rue  Saint- Vincent.  Foreau  de  Trizay  avait  chargé 
de  sa  procuration  J.-B.  Blondel,  marchand,  rue  des  Bons-Enfants,  pour  le  représenter 
à  ce  mariage,  auquel  assistait  une  d«  Foreau-Simonneau,  M.  Baumis,  m*  de  pension,  et 
Laurent-Adrien  Vasse. 


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—  521  — 

ont  abandonné  leurs  affaires  domestiques,  leurs  intérêts  commer- 
ciaux... a 

.  • .  Oot-ils  trempé  leurs  mains  dans  le  sang  ?  Non,  et  jamais  les  murs  de 
Itoaen  n'ont  été  placardés  de  jugements  à  mort  1(1).  Rouen  a-t-il  yu  son 
territoire  souillé  par  l'établissement  de  commissions  militaires  (2),  révolu» 
iiormaires  f  Non,  les  administrateurs,  diffamés  maintenant,  s'y  seraient 
opposés,  et  plusieurs  l'ont  fait  lorsqu'il  s'est  agi  d'établir  à  Rouen  une  com- 
mission joopaZatre;  ils  prévoyaient  les  suites  qui  pourraient  en  résulter. 
C'est  ce  que  leurs  ennemis  ne  savaient  pas  et  ce  qu'il  est  bon  de  leur 
apprendre... 

Leur  crime,  à  les  entendre,  ne  peut  être  que  d'avoir  «  exécuté 
les  lois  de  la  Convention,  lois  séoères  à  la  vérité,  mais  dont  le 
mépris  les  eut  conduit  à  Téchafaud.  ))  Toutes  les  lois,  y  compris  celle 
du  16  fructidor,  écrivent-ils,  défendent  aux  tribunaux,  sous  peine 
de  forfaiture,  de-connaitre  des  actes  d'administration.  Et  ils  invo- 
quent le  témoignage  de  leurs  a  anciens  frères  d'armes  dans  la 
carrière  révolutionnaire,  »  Mariette,  Blutel,  Lecomte,  Duval,  Hardy, 
Albitte  le  jeune,  Revellè,  Legendre,  Louchet,  Siblot,  Alquier, 
Guimberteau,  Saladin  et  Pocholle  (3). 

En  môme  temps  qu'une  loi  sur  les  moyens  de  terminer  la  révo- 
lution, la  Convention  votait  une  Constitution  de  la  République 
a  substituant  la  République  bourgeoise  à  la  République  démo- 
cratique ))  (4)  et  une  nouvelle  déclaration  des  Droits  de  l'Homme 
(5  fructidor  an  III).  La  lecture  du  tout  et  celle  d'une  adresse  au 
peuple  français  et  d'un  décret  du  13  sur  le  mode  de  réélection  des 
deux  tiers  de  la  Convention,  eut  lieu  à  la  commune  de  Rouen  le  19 
et  fut  suivie  d  un  discours  dithyrambique  dans  lequel  le  maire  Goube 
faisait  partager  son  enthousiasme  à  ses  collègues  de  la  commune. 

Les  terroristes  emprisonnés  ne  restaient  pas  indifférents  à  ces 

(1)  Cette  affirmation  de  Foreau  est  inexacte  :  Les  jugements  de  Herte,  de  Ramfre- 
ville  et  de  Delamare,  notamment,  ont  été  placardés  à  Rouen. 

(2)  La  loi  du  9  oct.  1792  avait  institué  des  commissions  militaires  composées  de 
•cinq  personnes  nommées  par  l'état-major  de  l'armée,  pour  juger  les  émigrés  pris  les 

armes  à  la  main  ou  ayant  servi  contre  la  France  (v.  aussi  art.  74  L.  du  28  mars  1793) . 
Peut-être  y  eut-il  à  Rouen  l'équivalent  dans  le  Tribunal  militaire  pour  lequel  la 
commun 0  designs  des  jurés ^  les  11  et  15  floréal  an  ii  (  Reg.  de  l'Hôtel-de-YiUe). 

(3)  Arch.  nat.  D  m,  273. 

(4)  F.  Aulard,   La   Constitution  de  Van  III    et    la    République    bourgeoisCf    la 
Révolution  Française,  févner  1900.  ) 


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transformation»  politiques.  L'un  d  eux,  Lefebvre-Signol,  adressait 
à  Casenave,  qui  la  transmettait  à  la  commune,  une  pétition  demandant 
sa  liberté  sous  caution  pendant  la  tenue  des  assemblées  primaires 
pour  y  manifester  son  acceptation  de  la  Constitution,  Après  avoir 
hésité,  semble-t-il,  le  conseil  jugea  qu'il  serait  peut-être  dangereux 
pour  la  sécurité  personnelle  du  pétitionnaire  et  la  tranquillité 
publique  qu'il  parut  dans  une  assemblée,  mais  qu'il  pourrait  envoyer 
son  acceptation  écrite  au  président  de  sa  section.  (1)  Rien  n'indique 
que  ses  compagnons  furent  autorisés  à  agir  de  même. 

La  grande  majorité  des  sections,  sinon  des  électeurs  (2),  se 
prononça  en  faveur  de  l'œuvre  nouvelle  des  conventionnels.  Des 
mesures  avaient  empêché  des  troubles  lors  du  vote,  mais  les  jours 
suivants  des  désordres  eurent  lieu  au  Théâtre-des-Arts.  «  Des  factieux 
y  avaient  pendant  longtemps  bravé  l'autorité  et  menacé  la  tranquillité 
des  citoyens.  Des  pièces  de  théâtre  y  étaient  réclamées  avec  affecta- 
tions ».  Cinq  mauvais  sujets,  contrariés  dans  leurs  desseins,  retour- 
nèrent à  Paris  où  la  municipalité  de  Rouen  transmit  leur  signale- 
ment. Deux  des  factieux  furent  punis  sur  le  champ  par  la  police  et 
d'autres  poursuivis. 

Cette  répression  ne  sufl5t  point  à  rassurer  Casenave,  alarmé  des 
ravages  extraordinaires  causés  par  le  journal  de  Robert,  Y  Obser- 
vateur de  V Europe,  distribué  avec  profusion.  «  L'esprit  de  parti, 
de  sédition,  de  calomnie,  le  fanatisme  et  le  royalisme  sont  prêches 
par  Robert  avec  une  révoltante  insolence.  »  Il  imprime  que  la 
généralité  des  sections  de  Rouen  a  rejeté  le  décret  du  5  fructidor 
relatif  à  la  réélection,  et  que  dans  la  représentation  nationale  il 
ne  voit  presque  d'irréprochable  que  la  sonnette.  (3) 

(1)  Reg.  de  rHôtel-de-Ville. 

(2)  D'après  le  procès-verbal  de  la  séance  de  la  commune  de  Rouen,  du  25  fructidor, 
les  10«,  11*  et  12*  sections  avaient  rejeté  le  décret  du  5  fructidor  et  les  23  autres  sections 
l'avaient  accepté  ainsi  que  la  Constitution.  —  On  apprend  ailleurs  que,  sur  les  23,505 
électeurs  inscrits  à  Rouen,  seulement  5,410  avaient  accepté  la  Constitution  et  3,014  le 
Décret.  Les  sections  avaient  alors  désigné  les  électeurs  pour  nommer  ,1e  tiers  des 
députés  (Arch.  nat.).  Casenave  écrit  que  les  troupes  de  Rouen  ont  aussi  accepté  la 
Constitution . 

(3)  Arch.  nat.  F7  36892  —  Le  mot  de  Robert  sur  la  sonnette  paraît  être  une  réminis- 
cence de  celui  attribué,  je  crois,  à  Carrier  traduit  devant  la  Convention  :  «  Tout  le 
monde  est  coupable  ici,  jusqu'à  la  sonnette  du  président. 


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—  523  — 

Robert  avait  plusieurs  aides  dans  son  œuvre  obstructive  :  Le 
4«  jour  complémentaire,  Guilbert,  rédacteur  de  la  Vedette  normande, 
envoie  au  procureur  de  la  Commune  le  Courrier  républicain  de 
l'avant-veille,  qui  donne  un  récit  anonyme,  calomnieux,  des  troubles 
du  Théâtre-des-Arts  et  injurie  Casenave  et  divers  citoyens  et  fonc- 
tionnaires. L'ex-abbé  Bignon,  en  mission  à  Paris,  en  désigne  l'auteur 
à  la  Commune  :  c'est  Pedro  Gaillard,  de  la  Gœsette  Unicerselle  (1), 
la  doublure  de  Robert. 

Casenave  avait  fermé  le  théâtre  le  26  thermidor  jusqu'à  nouvel 
ordre  et  mis  en  arrestation  quiconque  en  provoquerait  la  réouver- 
ture et  chanterait  dans  les  rues  des  chansons  ou  hymnes.  Il  défendait 
aux  citoyens  aucune  des  qualifications  irritantes  de  jacobins,  terro- 
ristes, buveurs  de  sang,  royalistes,  chouans  ou  autres  (2). 

Les  journées  de  vendémiaire,  auxquelles  se  trouvèrent  môles 
Robert  et  Danican,  ramenèrent  fâcheusement  l'attention  sur  les 
rouennais. 

Le  2  vendémiaire,  Robert,  «  électeur  et  homme  de  loi,  ex-prési- 
dent de  la  10®  section  de  Rouen  »  adressait  aux  citoyens  de  la  section 
Le  Peletier  de  Paris,  qui  s'érigeait  en  section  centrale,  une  lettre 
immédiatement  placardée  dans  toute  la  Commune  de  Paris,  lettre 
outrageant  la  représentation  nationale  et  montrant  quelles  étaient 
les  relations  entre  Robert  et  ceux  qui  allaient  se  révolter  contre  la 
Convention  (3). 

Le  Messager  du  Soir  (4)  dont  Robert  était  le  correspondant, 
représentait,  les  4  et  8  vendémiaire,  le  conventionnel  Hardy  comme 
ayant  soufflé  la  guerre  civile,  comme  s'étant  mis  à  la  tête  des 

(1)  Heg.  de  rHotel-de-Ville,  4«  j.  compl.  an  III  et  9  vend,  an  IV.  —  «  Pedro  Gaillard, 
sans  état,  a  été  le  collaborateur  de  Robert  ;  a  été  trouvé  digne  en  l'an  V,  de  présider 
une  des  sections  de  TAss.  primaire  de  S'-Patrice  dont  son  ami  Robert  était  le  président 
général  ;  il  a  été  en  même  temps  commandant  de  bataillon  portant  l'uniforme  dit  de 
Louis  XVI II.  C'est  lui  qui.  à  la  tête  de  80  hommes,  fut  arbitrairement  chercher  le 
patriote  Pascal  et  lui  fit  supporter,  tant  chez  lui  que  dans  les  rues  de  Rouen,  les  avanies 
les  plus  désagréables  ».  (Note  de  police  de  l'an  Vil,  Arch.  du  dép»). 

(2)  Arch.  du  dép».  —  Cet  arrêté  est  applicable  aussi  à  la  Somme. 

(3)  Motifs  de  l'ordre  d'arrestation  du  Comité  de  sûreté  générale  contre  Robert.  — 
Arch.  nat.  F?  36892 

(4)  Ce  journal  cesse  de  paraître  quelques  jours  après  et  prend,  le  29  du  même  mois, 
le  titre  de  Courrier  de  VEurope,  (  M.  Toumeux,  Bibliographie  de  VHistoire  de  Paris. 
t.  u,  no  10,908). 


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assassins.  Vivement  impressionné  par  ces  violentes  attaques,  Hardy 
prie  Casenave  de  faire  afficher  à  50  exemplaires,  dans  Rouen,  sa 
défense  prononcée  dans  la  séance  de  la  Convention  du  8.  Il  parle 
d'un  ennemi  qu'il  a  dans  Paris  et  qui  ne  le  perd  jamais  de  vue  : 
Langlois  (1),  rédacteur  du  Messager  du  Soir  et  correspondant  de 
l'Observateur  de  l'Europe  (2). 

Le  général  Danican  prenait  l'attitude  la  plus  incorrecte  en 
publiant  dans  le  n®  43  de  Y  Observateur  de  l'Europe  une  lettre  incul- 
pant gravement  le  général  Huet,  son  supérieur,  et  Bignon  le  jeune, 
alors  secrétaire  de  ce  dernier,  mis  personnellement  en  cause,  deman- 
dait à  Noôl  d'insérer  une  réponse  par  lui  adressée  en  son  propre  nom 
à  Danican.  Noël  s'y  refuse  en  invoquant  la  règle  qu'il  s'est  faite,  et  en 
renvoyant  Bignon  à  l'Observateur  qui,  ayant  publié  l'attaque,  ne 
peut  refuser  la  réponse  (3). 

A  la  suite  de  cet  éclat,  le  général  est  l'objet  d'une  disgr&ce  à 
laquelle  la  Commune  de  Rouen  essaye  de  le  soustraire  en  engageant 
le  Comité  de  Salut  Public  à  révoquer  l'ordre  donné  à  Danican  de 
passer  à  un  autre  commandement  (4).  Cette  démarche  est  appuyée 
par  le  département  et  le  district  qui  ne  craignent  pas  plus  que  la 
Commune  de  se  compromettre  en  montrant  le  désir  de  conserver  un 
chef  qui,  «  par  son  intelligence,  son  zèle  et  sa  fermeté,  avait  très 
habilement  concouru  au  maintien  de  l'ordre  à  Rouen  et  ailleurs.  »  (5) 

Elle  ne  réussit  point,  puisque  les  13  et  14  vendémiaire,  Danican 
«  que  sa  jactance  avait  fait  distinguer  par  les  conspirateurs  »  (6)  se 

(1)  Mdore  Langlois,  mentionné  par  M.  Toumeux,  ouvr.  cité  n«  11452. 

(2)  Arch.  du  dép».  —  Exemplaire  du  placard  de  Hardy.  Pendant  cette  période  le 
Moniteur  désigne  inexactement  le  député  de  la  Seine-Inférieure  sous  le  nom  de  Lehardi, 
qui  était  celui  d*un  député  girondin  du  Morbihan,  médecin  aussi,  guillotiné  le  7  frimaire 
an  II  (30  oct.  1793). 

(3)  Journal  de  Rouen  du  29  fructidor  an  III,  n<»  177,  p.  157. 

(4)  Il  s'ensuit  que  Danican  n'avait  pas  été  révoqué  comme  on  l'a  dit,  mais  seulement 
déplacé.  Il  est  absent  de  Rouen  dés  le  22  thermidor.  Le  2  vend,  an  IV,  l'adjudant-géné- 
ral  Bonneviile  prend  le  commandement  de  la  place  de  Rouen  par  ordre  du  général 
Huet.  J'ignore  si  l'arrestation  par  ordre  de  Bonneviile  de  son  propre  secrétaire,  Nicolas 
Faucon,  pendant  quarante-huit  heures,  les  11  et  12  brumaire,  se  rattache  aux  incidents 
de  vendémiaire.  (Reg.  de  l'Hôtel-de-Ville  et  notes  de  l'auteur). 

(5)  Reg.  du  dépar^,  5  thermidor  an  III. 

(6)  Dubois-Crancé,  Analyse  de  la  Révolution  française^  ouvrage  posthume  publié 
par  Th.  lung,  1885,  p.  161. 


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—  525  - 

trouvait  à  la  tête  des  sections  parisiennes  assiégeant  la  Convention 
et  subissait  la  défaite  qui  fut  si  favorable  à  la  carrière  de  Bonaparte. 

La  crise  de  vendémiaire,  sanglante  à  Paris,  eut  son  contre- 
coup à  Rouen  où  Ton  ressentit  la  frayeur  qui  s'était  manifestée  au 
plus  haut  degré  dans  la  capitale.  (1)  Vers  ce  temps-là,  Vimar  fut 
couvert  d'outrages  «  par  les  ennemis  de  la  République.  »  (2)  Il 
fallut  un  soir  faire  fermer  le  Théâtre-des-Arts.  Mais,  dès  le  17,  on 
constate  un  apaisement  marqué  par  l'abandon,  que  font  un  très 
grand  nombre  de  jeunes  gens,  de  la  tresse  et  des  parements  noirs  et 
verts.  (3) 

Aussitôt  l'échec  des  sections  parisiennes,  Danican  parvint  à 
s'enfuir  et  se  cacha  d'abord  à  Rouen  même,  chez  un  de  ses  amis, 
Laumonier  de  la  Motte,  négociant.  (4)  Les  scellés  furent  apposés 
sur  ses  papiers  et  effets  au  ci-devant  évèché,  en  même  temps  que 
chez  le  journaliste  Robert. 

A  défaut  de  ce  dernier  que,  dans  la  séance  de  la  Convention  du 
17  vendémiaire,  Hardy  se  félicitait  de  voir  de  nouveau  mife  en  état 
d'arrestation  et  qui  s'était  empressé  de  disparaître,  Casenave  avait 
fait  arrêter  le  15  «.  comme  prévenus  d'intelligence  avec  ce  folliculaire  » 
Angélique  Lefebvre,  sa  femme,  qu'il  mit  en  liberté  le  8  brumaire 
suivant,  et  son  premier  commis,  Masse,  libre  dès  le  1®'  brumaire.  (5) 

Pour  éloigner  les  soupçons  réveillés  contre  les  rouennais  par  le 
concours  actif  de  Robert  et  de  Danican  aux  événements  de  ven- 

(1)  Lettre  de  Hardy  k  la  commune  de  Rouen,  du  14  vendémiaire,  racontant  la 
journée  du  13,  et  dont  les  dernières  phrases  ne  furent  pas  lues  en  séance  parce 
qu'elles  exigeaient  des  mesures  de  sûreté  qu'on  ne  voulait  pas  divulguer  {Journal  de 
Rouen  du  16  vend.  pp.  64-65  et  note.) 

(2)  Post-scriptum  d'une  lettre  de  Casenave  au  ministre  de  la  police,  du  25  plu- 
viôse an  III  (Arch.  nat.  carton  cité). 

(3)  Journal  de  Rouen  du  17,  p.  68. 

(4)  Note  de  police  de  Tan  VII,  (Arch.  du  départ.) 

5)  La  citoyenne  Baron,  née  Berment  ou  Bavoust,  belle-mère  du  général,  un  enfant 
de  huit  ans,  fils  adoptif  de  la  citoyenne  Danican,  Martin  Liber,  domestique  du  général, 
Christophe  Robert,  dix-huit  ans,  chasseur  au  14«  régiment,  demeurant  chez  Danican, 
Nicolas-Ch.  Brignon,  son  adjudant,  lurent  emprisonnés  à  Saint-Lô  et  transférés  dés  le 
17  vendémiaire  à  Paris,  sauf  Liber  et  Robert,  relâchés  presque  immédiatement.  Le 
25  frimaire  an  IV,  par  ordre  du  département  du  23,  Laugeux,  commissaire  de  police, 
délivre  aux  citoyennes  Bavoust  et  femme  Danican  les  objets  leur  appartenant,  qui  se 
trouvaient  sous  scellés.  (Notes  de  l'auteur). 


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-  526  — 

démiaire,  il  fallut  que  le  député  Lccomte  vint  répondre  devant 
l'ombrageuse  Convention  du  zèle  et  des  vertus  civiques  de  la  grande 
majorité  des  citoyens  de  Rouen,  et  se  plaindre  de  ce  que  les  contre- 
révolutionnaires  eussent  été  protégés  dans  cette  commune.  (1) 

Cependant  les  terroristes  détenus  et  leurs  défenseurs  cherchaient 
encore  la  voie  et  la  formule  dans  lesquelles  devait  être  leur  salut, 
préparé  bien  sciemmedt,  on  n  en  peut  douter,  par  larticle  203  de  la 
Constitution  défendant  aux  juges  de  citer  devant  eux  les  adminis- 
trateurs pour  raison  de  leurs  fonctions,  défense  déjà  dan<î  la 
Constitution  de  1791.  Mais  cet  article  avait-il  un  effet  rétroactif  et 
les  membres  des  comités  étaient-ils  des  administrateurs  ? 

Quand  l'acceptation  de  la  Constitution  fut  certaine,  les  conven- 
tionnels, désormais  confiant»  dans  leur  propre  sécurité,  n'hésitèrent 
plus.  Le  21  vendémiaire,  un  décret  interdisait  à  tous  juges  do 
prononcer  aucune  condamnation  contre  les  anciens  membres  des 
comités  révolutionnaires,  municipalités  et  administrations  à  raison 
des  arrestations  décernées  par  eux,  lorsqu'elles  ont  été  ordonnées 
par  la  loi  du  17  septembre  1793  (2).  Les  jugements  qui  les  avaient 
condamnés  sont  annulés  ;  les  amendes  et  dommages-intérêts  seront 
restitués  et  les  détenus  élargis  sur  la  simple  ordonnance  du  tribunal 
cicil  (3).  Puis,  le  lendemain  22,  autre  décret  défendant  aux  juges  de 
paix  de  traduire  devant  le  directeur*  du  jury,  aucun  citoyen  non 
prévenu  de  meurtre,  d'assassinat,  de  vol,  d* attentat  contre  la  liberté, 
et  leur  prescrivant  de  relâcher  dans  les  vingt- quatre  heures  ceux  qui 
ne  seront  pas  dans  ces  conditions  (4). 

S'il  était  possible  de  prétendre  que  le  second  décret  ne  s'appli- 
quait point  à  Pillon  et  autres,  accusés  d'attentats  à  la  liberté  indivi- 
duelle, il  ne  Tétait  guère  de  ne  pas  voir  que  le  premier  visait  leur  cas. 
Il  fallut  donc  s'exécuter  :  le  25  vendémiaire  an  IV  (17  octobre  1795), 
Daupeley  eut  la  douleur  d'ordonner  la  mise  en  liberté  de  Pillon, 

(1)  Monitenr  du  31  vend,  an  IV,  p.  84,  col.  2. 

(2)  Loi  qui  détermine  les  gens  suspects,  ordonne  leur  arrestation  et  prescrit  aux 
Comités  de  surveillance  de  dresser  une  licte  des  suspects.  (Rondonneau,  t.  4,  S^p-*, 
p.  637.) 

(3)  Moniteur  du  25  vend,  an  IV,  p.  110  ot  coll.  Rondonneau,  t.  v,  2«  p.,  p.  599. 

(4)  Moniteur  û\i  20.  V.  les  deux  décrets  avec  des  variantes  singulières  dans  le 
Jouirai  de  Rouen  du  22  vendémiaire. 


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-  527  — 

Poret,  RegDault,  Godebin,  Poisson,  Lambert,  Lamine,  Darceli 
Pinel,  Troussey,  Lefebvre- Signol  et  Blet  (1),  que  Gommé,  le  jour 
même,  fit  sortir  tous  de  la  maison  de  justice  (2). 

Pillon  dut  accueillir  cette  solution  définitivement  libératrice 
avec  une  joie  d'autant  plus  grande  qu'elle  arrivait  plus  tôt  qu'il  ne 
l'attendait.  L'avant- veille,  23,  il  s'adressait  encore  au  Comité  de 
législation  pour  lui  demander  justice  (3). 

La  mise  en  liberté  des  terroristes  ne  parait  avoir  donné  lieu,  ni 
d'un  côté  ni  de  l'autre,  à  des  démonstrations  ou  à  des  protestations 
bruyantes.  Peut-êtr  5  chacun  subissait-il,  au  moins  momentanément, 
la  nécessité  de  se  consacrer  à  ses  affaires  personnelles . . . 


I 
I 


(1)  Nicolas-Abraham  Blot,  marchand,  ex-commissaire  de  police,  marié,  iv»  ans, 
demeurant  à  Rouen,  rue  du  Tambour,  parait  avoir  été  détenu  beaucoup  plus  tard  ljup' 
les  autres  terroristes.  Par  ordre  de  Herrubé,  le  27  thermidor  an  m,  il  est  amené  prfivi- 
soirement  à  Saint-Lô,  prison  des  militaires,  «  pour  ne  pas  être  au  violon  ». 

(2)  Notes  de  l'auteur. 

(3)  Arch.  nat.  D  m,  273. 


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i 


528 


CHAPITRE  VINGT-DEUXIÈME  ET  DERNIER 


Compte  moral  de  la  municipalité  Goube,  et  Rapport  du  directoire  da  département  - 
Franc-maçonnerie  royaliste.  —  Un  haat  fonctionnaire  policier  ;  les  complote  soni 
le  directoire  ;  la  Théophilanthropie.  —  Les  conseils  des  Cinq-Cents  et  des  Anciens  ; 
ce  que  deriennent  nos  conrentionnels.  —  La  fin  de  Pillon.  —  Poret,  Hubert  et  le 
Télégraphe.  —  Encore  Robert  de  Saint-Victor  et  Rlanche  —  Le  lans-calotU 
Mabon.  —  Hardy  et  Thiessé  insultés  et  menacés  à  Rouen.  —  Les  joumaaz  de 
Magloire  Robert.  —  Lecoq  dit  Vidame,  Villeneuye  et  Le  Bouvier.  —  Les  réTolu- 
tionnaires  et  la  postérité.  —  Résumé-conclusion. 


I 


Moins  d'un  mois  après,  l'administration  municipale  était  encore 
renouvelée,  cette  fois  «  en  l'assemblée  communale  ».  Pour  ses 
85,000  habitants,  chiffre  officiel  de  sa  population,  Rouen  avait  droit 
à  neuf  officiers  municipaux  (1)  qui  élirent  pour  président  Lézurier  (2), 
détenu  comme  suspect  en  l'an  ii. 

Au  moment  d'installer  leurs  successeurs,  le  25  brumaire 
(16  novembre  1795),  Goube  et  les  officiers  municipaux  et  notables  en 
fonctions  depuis  messidor  (juillet  1795)  rendent  un  Compte  moral 
qui  se  fait  remarquer  par  un  accent  de  sincérité  contrastant  avec  le 
tableau  inexact  des  travaux  de  la  municipalité  Pillon.  Leur  rapport 
est  loin  d'être  complet,  sans  doute,  mais  ils  osent  mettre  à  nu 
quelques-uns  des  maux  enfantés  par  la  désorganisation  gouverne- 
mentale. Ils  appellent  l'attention  sur  les  désordres  à  corriger  dans 
une  police  à  la  nomination  du  peuple  et  qui  dédaigne  la  censure  de 
la  municipalité,  rend  vaines  ses  réquisitions  et  inutiles  ses  efforts, 

(1)  Constitution  de  l'an  m,  art.  182.  Les  neuf  officiers  municipaux  sont  Lézurier, 
Lelièvre  fils,  Pinel  père,  Quillebeuf,  Beauvais,  F.Rilmrd,  Adam,  F.Monnier.  Jouanne  fut 
nommé  pour  remplir  provisoirement  les  fonctions  de  commissaire  exécutif. 

(2)  Louis-Geneviève  Lézurier  de  la  Martel,  né  à  Rouen,  le  27  mçd  1765,  mort  au 
Val-de-la-Haye,  le  22  janvier  1852,  fils  de  Pierre-Louis  Lésurier  et  d'Anne-Françoise 
Le  Bouvier  (  et  non  Le  Boursier  ),  devenu,  en  1808,  chevalier,  et  en  1810,  baron  de 
TEmpire.  Son  frère  Jacques-Catherine  Lézurier,  avait  épousé,  le  24  novembre  1794,  une 
fille  de  M.  de  Fontenay. 


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—  529  - 

désordres  qui  vont  cesser,  la  loi  ayant  rendu  aux  administrateurs  la 
nomination  des  commissaires  (1).  Ils  parlent  aussi  des  nombreux 
abus  de  Thospice  d'humanité,  où  les  règlements  sont  insuffisants  et 
faciles  à  éluder  :  beaucoup  d'agents,  point  d'ensemble,  des  talents 
sans  récompense,  l'économie  oubliée,  la  prodigalité  sans  censure,  un 
déficit  important  à  cet  hospice  et  à  Thospice^général,  avec  des 
secours  de  près  de  trois  millions  de  livres,  obligatoires  de  la  part  de 
l'Etat,  depuis  qu'il  s'est  emparé  des  biens  des  hôpitaux  (2). 

Il  est  intéressant  de  rapprocher  aussi  ce  compte  moral  du 
rapport  de  l'administration  départementale,  depuis  le  mois  de 
novembre  1792  jusqu'au  renouvellement  du  !•'  brumaire  an  iv; 
malheureusement,  on  ne  peut  ici  passer  en  revue  les  327  pages 
jn-4**  de  ce  rapport  (3)  où  domine  la  préoccupation  de  glorifier  les 
membres  du  département,  où  l'on  remarque  des  supercheries  fré- 
quentes telles  que  celles  qui  consistent  à  tronquer  l'adresse  du 
département  lors  des  troubles  de  la  Rougemare,  à  omettre,  dans 
l'énumération  détaillée  des  changements  dans  le  personnel  admi- 
nistratif, le  passage  de  M.  de  Fontenay  de  la  présidence  du  direc- 
toire à  la  mairie  en  brumaire  an  ii,  et  même  à  dire  qu'il  fut  incarcéré 
étant  président  de  l'administration  départementale  (4).  Avec  une 
sorte  de  cynisme,  les  rédacteurs  de  ce  rapport  se  félicitent  d'avoir 
été  réduits  à  l'inaction,  à  l'impuissance,  par  l'arbitraire  des  repré- 
sentants Legendre,  Lacroix,  Louchet,  Siblot,  etc.,  dont  ils  compa- 
rent les  actes  à  ceux  des  magistrats  romains  (5).  Tandis  que  la 
municipalité  Goube  insiste  sur  les  abu^  qui  s'étaient  multipliés  dans 

(1)  Cette  loi  datait  du  19  vend,  an  iv.  Au  nombre  de  ceux  qui  Tavaient  provoquée, 
sont  le  conseil  général  de  la  commune  de  Rouen  et  le  nouveau  comité  de  surveillance 
I  Reg.  de  THôtel-de-Ville,  14  thermidor  an  m). 

{%)  La  reconstitution  du  patrimoine  des  hôpitaux  s'effectua  le  18  brumaire  an  vi. 
Dés  les  5-18  frimaire  an  m,  la  municipalité  Le  Boucher  constatait  la  désorganisation  et 
rimpuissance  des  établissements  hospitaliers  et  de  bienfaisance  (Voir  les  registres  de 
l'Hôtel-de-Ville,  à  ces  dates). 

(3)  A  ce  rapport,  signé  de  P.  Grandin,  Bouvet,  Thomas,  Portrait,  Turgis,  Pain, 
Auber,  B^Ihoste,  sont  annexés  des  tableaux  destatistiquenonsansintérét.  Ony  voit,  par 
exemple,  qu'en  l'an  m,  l'étendue  des  terres  ensemencées  a  diminué  dans  le  district  de 
Rouen  de  près  de  7,000  acres  ;  dans  celui  d'Yvetot,  de  [10,000  acres,  et  dans  celui  de 
Dieppe  de  11,000  acres. 

(4)  \^  partie,  p.  47. 

(5)  id.       p.  37. 


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-580  — 

les  hôpitaux,  le  directoire  du  département,  à  la  même  époque,  veut 
que  ces  hôpitaux  soient  dans  une  situation  aussi  satisfaisante  que  les 
circonstances  peuvent  le  permettre  :  «  Tadministration  actuelle  du 
département  n'y  a  pas  peu  contribué.  (1)  wlls-fournissent  nonobstant 
des  renseignements  curieux,  entre  autres  ceux-ci  :  les  livres  élémen- 
taires ou  classiques  des  ci-devant  collèges,  bien  loin  d'être  contraires, 
étaient  favorables  aux  nouvelles  maximes,  et  les  instituteurs 
patriotes  restés  dans  les  maisons  d'éducation  continuaient  à  les 
expliquer  à  leurs  élèves  (2). 

L'époque  du  retour  au  fonctionnement  normal  des  administra- 
lions  est  encore  éloignée.  Les  administrateurs  resteront  aux  prises 
avec  les  diflScultés,  les  récriminations,  les  intrigues  et  les  conspira- 
tions bien  longtemps  après  le  moment  (prairial  an  rv)  où  se  terminera 
la  mission  de  Casenave. 

Les  réactionnaires  s'efforcent,  cependant,  d'étendre  partout  leur 
ascendant  et,  pour  atteindre  ce  but,  n'hésitent  pas  à  imiter  les 
procédés  employés  par  leurs  adversaires  au  début  de  la  révolution. 
En  l'an  v,  ceux  qui  dirigeaient  à  Rouen  le  parti  royaliste,  convaincus 
que  les  Jacobins  n'étaient  arrivés  et  ne  s  étaient  maintenus  au 
pouvoir  qu'après  s'être  organisés  pour  occuper  toutes  les  fonctions 
publiques,  imaginèrent  de  former  une  association  des  origines  de 
laquelle  il  existe  dans  les  archives  des  traces  peu  connues  et  même 
ignorées.  L'existence  de  cette  association,  succédané  de  la  franc- 
maçonnerie,  si  ce  n'était  pas  la  franc-maçonnerie  elle-même,  éta- 
blirait  que  les  loges  de  Tan  v  n'étaient  pas  toutes  républicaines  et 
confirmerait  l'exactitude  des  rapports  de  police  qui  en  signalent 
alors  comme  étant  des  foyers  d'opposition  royaliste  (3). 

Il  faut  laisser  à  d'autres  la  tâche  de  publier  les  discours  des 
fêtes  rouennaises,  sous  le  Directoire  et  le  Consulat,  où  le  style  des 
Lézurier,  des  Grandin  et  autres  (4),  approprié  aux  événements, 
s'inspire  de  celui  de  leurs  prédécesseurs  beaucoup  plus  qu'on  ne 


(i)         id.       pp.  33-34. 

(2)  2«  partie,  p.  120. 

(3)  V.  la  dernière  pièce  de  V Appendice. 

(4)  v.  notamment  les  discours  de  Lézurier,  au  2  frimaire  an  IV,  et  de  Grandin  au 
^  thermidor  an  IV  (10  août)  et  1«r  vend,  an  V  (Reg.  de  rHôtel-de-Ville). 


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-  531  — 

s'y  attend.  A  d'autres  aussi  l'œuvre  plus  facile  de  raconter  le  nou- 
veau proj  )t  d'installation  de  la  municipalité  dans  la  salle  des  Etats 
de  l'Evêché,  en  ventôse  an  IV  (1),  do  compléter,  par  la  révélation 
de  nombreux  incidents,  le  récit  de  la  persécution  religieuse  (2)  et 
des  essais  d'établissement  do  la  Théophilantropie  (3).  Signalons 
les  rapports,  si  hostiles  aux  rouennais,  de  Leolerc-Saint- Aubin,  (4) 
cet  étrange  receveur  général  des  impositions  du  département,  agent 
du  ministre  de  la  police  générale  ;  les  efforts  de  Marinier  et  de  l'ex- 
conventionnel  Du  val,  commissaires  des  directoires  du  district  et  du 
département  poui*  déjouer  les  complots  de  Plocq  (du  Vaudreuil),  de 
Girard,  de  l'ex-avocat  de  la  Quesnerie  et  du  mathématicien  Leche- 
vallicr,  et  pour  éclaircir  Imvraisemblable  affaire  des  poignards 
(David),  à  laquelle  Anquetin  de  Beaulieu,  redevenu  commissaire 
du  directoire  exécutif,  veut  donner  les  apparences  d'une  gravité 
exceptionnelle  (5). 

(1)  Lettre  de  Marinier,  commissaire  pour  l'administration  cantonale,  au  commis- 
saire près  le  département. 

\2)  Les  arrestations  à  la  suite  de  cérémonies  du  culte  catholique  sont  parfois 
nombreuses.  Le  8  prairial  an  VII,  dix-huit  personnes,  parmi  lesquelles  les  citoyennes 
Taiiiet,  mère  et  fille,  et  le  15  messidor  suivant,  cinquante-neuf  autres,  comprenant  la 
citoyenne  Boullenger.  née  Saint-Evron,  et  les  citoyens  Malandrin  père  et  Boumisien  le 
jeupe,  sont  détenues  à  Saint-Lô. 

\3)  «  Outre  que  cette  espèce  de  culte  fut  on  ne  peut  plus  mal  conçu,  l'autorité  n'y 
parut  prendre  aucune  part.  »  (Bailleul,  ex-législateur,  De  VEspHt  de  la  Révolution, 
p.  66,  Paris,  s.  d.)  Il  semble  qu'à  Rouen,  daqs  les  sphères  administratives,  on  ne  vit  pas 
ces  (expériences  d'un  mauvais  œil.  Le  27  vendémiaire  an  VII ,  le  département 
homologua  une  autorisation  donnée  aux  théophilantropes,  le  23,  de  s'installer  à 
Saint-Patrice,  simultanément  avec  les  catholiques.  Le  7  germinal  suivant,  au  conseil 
municipal,  ordre  du  jour  sur  pétition  demandant  l'église  Saint-Eloi  pour  les  théo- 
philantropes, parce  que  le  Ministre  de  la  guerre  s'en  est  emparé.  En  nivôse  an  IV,  ils 
s'étaient  établis  en  l'église  du  Mon t-aux- Malades  où  l'ex-prêtre-joumaliste  Guilbert, 
débita  des  discours  exécrables  (HorchoUe).  Gambu  fut  emprisonné  deux  fois  pendant 
cinq  décades  en  germinal-floréal  an  VII  pour  tapage  aux  «  filles  en  troupe.  »  (Reg.  du 
dépar*  et  de  l'Hôtel-de- Ville  et  notes  de  l'auteur.) 

(4)  Ces  rapports  s'expriment  sur  le  compte  de  Grandin,  Selot,  Âuber  et  autres,  avec 
une  liberté  qui  de\int  funeste  à  leur  auteur.  Leclerc-Saint-Aubin  avait  été  chef  de  la 
police  de  Paris.  Il  occupait,  à  Rouen,  tme  partie  de  l'Evêché  qu'il  dut  évacuer 
en  prairial  an  IV,  sur  une  lettre  du  général  Huet,  afTectant  ces  locaux  à  l'état-major. 
Révoqué  par  le  directoire  exécutif,  il  fut  remplacé  comme  receveur  général  des 
impositions  le  25  germinal  an  IV  (14  avril  1795),  par  Soulès,  autre  notabilité  révolution- 
naire... qui  resta  plus  longtemps  à  Rouen.  Une  curieuse  lettre  où  il  est  question  de 
Soûlés  et  d'un  vol  de  49,000  francs  dans  sa  caisse,  fut  publiée  le  18  oct.  1799  (Areh.  nat. 
et  du  département,  et  Bibliot.  mpale  de  Rouen,  coll.  Montbret). 

(5)  Arch.  du  dépar»  et  notes  de  l'auteur. 


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—  532  — 
II 

Un  mot  maintenant  sur  le  sort  de  quelques-uns  des  principaux 
personnages  en  évidence  à  Rouen,  de  1792  à  1795. 

Le  23  vendémaire,  an  IV  (15  octobre  1795),  rassemblée  élec- 
torale du  département  avait  élu  membres  du  conseil  des  Cinq-Cents, 
les  conventionnels  Bailleul,  Blutel,  Duval,  Hardy  et  Lefebvre,  et 
du  Conseil  des  Anciens  Bourgois  et  Vincent.  Le  28,  elle  en  choisis- 
sait cinq  nouveaux  formant  le  tiers  à  renouveler  en  dehors  des 
membres  de  la  Convention  :  Bomainville  et  Guttinguer,  n^o- 
ciants  (1),  à  Rouen;  Lemoine,  de  Dieppe;  Rialle,  ex-maire  du 
Hftvre  ;  et  Lucas,  d'Yvetot.  Yger  avait  décliné  toute  candidature  (2). 
La  Convention  fit  entrer  Mariette  et  Ruault  au  Conseil  des  Anciens, 
etHecquet  à  celui  des  Cinq-Cents.  —  Plus  tard,  lorsque  ceux 
d'entre  eux  qui  avaient  fait  partie  de  la  Convention  obtiennent  du 
tyran  des  sinécures  plus  ou  moins  bien  rétribuées,  on  en  voit 
jusqu'à  six  :  Bailleul,  Blutel,  Delahaye,  Hardy,  Mariette  et  même 
Tex-abbé  Ruault,  pourvus  d'emploi  dans  les  droits  réunis. 

Les  biographies  des  d'Herbouville,  Fontenay,  ThieuUen  et 
plusieurs  autres,  modifiées  parfois  au  cours  de  ce  travail,  sont  trop 
connues  pour  qu'il  ne  sufBse  pas  de  rappeler  ici  leur  adhésion  à  la 
dictature  du  général  Bonaparte,  adhésion  aussi  prompte  que  celle  de 
la  plupart  des  jacobins  rouennais ...  (3) 

Le  Contour,  devenu  avocat-général  à  la  cour  de  Cassation, 
mourut  à  Paris  le  14  août  1820  (4). 

(1)  Les  électeurs  ont  suivi  le  conseil  du  Journal  de  Rouen  :  «...  la  France  entière 
s'est  plaint  avec  raison  de  ce  que  dans  les  assemblées  représentatives  qui  ont  eu  lieu 
jusqu'à  présent,  il  s'est  trouvé  trop  d'hommes  de  loi,  et,  sans  doute,  sous  une  multitude 
de  rapports,  il  y  a  de  grands  inconvénients  à  ce  qu'il  en  soit  ainsi  »  (n»  du  33  vend.  p.9i, 
2«  col.  ). 

(S)  Arch.  nat.  et  Jow^al  de  Rouen  du  29  vend.  p.  iO. 

(3)  En  frimaire  an  viii,  on  dément  le  bruit  que,  <  dans  des  assemUées  nocturnes 
les  frères  et  amis  vouent  à  l'exécration  le  consul  Bonaparte.  Les  registres  pour  l'accep- 
tation de  la  nouvelle  «  Charte  constitutionnelle  »  étaient  ouverts  et  tous  signaient  pour 
l'acceptation.  »  En  dépit  de  la  calomnie,  les  républicains  prouvent  qu'ils  sont  sans 
cesse  disposés  à  faire  le  sacrifice  de  leurs  opinions  pour  le  bonheur  et  la  prospérité  du 
pays  f  Vedette  not^mande  des  2S  et  30  frimaire  viii). 

.  (4)  Le  Contour,  chevalier  de  l'Empire  le  29  avril  1808,  officier  de  la  Légion  d'Hon- 
neur, avait  des  armoiries  décrites  dansVAi^nional  du  p»'eniier  Empire  de  M.  le  ¥«• 
Révérend,  t.  m,  p.  79. 


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-  533  - 

L'ez-accusateur  public  Leclerc,  alors  «  agent  d'affaires  »  fut 
détenu  provisoirement  par  mesure  de  haute  police  à  Saint-Lô  de 
Rouen,  du  9  au  22  janvier  1801  (1). 

Après  avoir  vainement  essayé  de  se  maintenir  à  Rouen,  vers 
l'an  X,  dans  des  fonctions  d'avoué  et,  on  1807,  comme  «  avocat  et 
défenseur  »  à  la  Cour  impériale  de  Rouen,  Pillon  se  rend  à  Paris  où 
il  semble,  comme  tant  d'autres  vaincus  de  la  Révolution,  avoir  été 
a  réduit  à  s'enfouir  sous  la  terre  (2).  »  Il  est  domicilié  à  Paris,  en 
1822,  rue  de  Beaurepaire,  n^  24,  tout  en  paraissant  avoir  conservé 
une  résidence  à  Rouen,  rue  du  Champ-des-Oiseaux.  A  la  suite  d'une 
maladie  grave,  il  était  venu,  convalescent,  passer  la  belle  saison  à 
Charenton-le-Pont  (Seine),  rue  des  Carrières,  n**  55,  où  il  mourut, 
&g4  de  cinquante-neuf  ans,  le  19  juin  1822  (3).  Les  journaux  de 
Rouen  ne  font  nulle  mention  de  sa  fin. 

.  Si,  depuis  la  Terreur  et  la  réaction  thermidorienne,  le  nom  de 
Pillon  n'apparaît  jamais  dans  aucune  des  crises  politiques,  il  n'en  est . 
pas  ainsi  quant  à  son  ami  et  confrère  Poret,  dont  l'existence  a  dû 
être  beaucoup  plus  agitée.  Poret  était,  en  prairial  an  iv,  «  un  des 
chefs  des  anarchistes  du  département,  dont  on  ne  croyait  pas 
l'action  bien  puissante  »  ;  versé  dans  le  journalisme  de  troisième 
ordre,  associé  à  Hubert,  rédacteur  du  Télégraphe,  «  un  jeune  réqui- 

(i)  Notes  de  l'auteur. 

(2)  Edgard  Quinet,  ouvr.  cité,  t.  ii,  p.  144. 

(3)  L*acte  de  son  décès  le  dit  avocat  et  âgé  de  55  ans,  et  indique  le  nom  de  sa 
femme,  mais  non  ceux  de  ses  père  et  mère,  à  défaut  de  renseignements.  Voici  l'extrait 
littéral  du  registre  de  la  fabrique  de  Charenton  concernant  son  inhumation  :  c  L'an  1822, 
le  20  juin,  a  été  inhumé  le  corps  de  M.  Jean-Pierre-Barthélemy  Pillon,  natif  de  Partie 
décédé  hier,  en  la  maison  de  M.  Lecaup,  aux  carrières  de  Charenton  ;  en  présence  de 
Benoist  Gautier  et  de  M.  Lecaup,  lesquels  ont  signé  :  Gautier,  Lecaup  et  Charpentier, 
curé.  (Communication  de  M.  l'abbé  Picon,  curé  de  Charenton).  U  n'existe  à  Charenton 
aucune  trace  de  la  sépulture  de  Tex-maire  de  Rouen  :  le  cimetière  de  1822,  dans  lequel 
on  ne  donnait  nulle  concession  de  terrain,  ayant  été  supprimé  en  1830  et  tous  les  osse- 
ments ayant  été  transportés  et  réunis  dans  un  nouveau  cimetière,  lui-même  supprimé 
et  remplacé  par  un  autre  en  1848  (Détails  dus  à  l'obligeance  de  M.  le  directeur  des 
pompes  funèbres  de  Charenton).  H»'  Pillon,  née  Barberey,  est  morte  à  Paris,  rue  Saint- 
Florentin,  n«>  14,  le  3  janvier  1858,  âgée  de  83  ans.  Sa  fille  unique  habitait  en  1822,  à 
Paris,  quai  de  la  Mégisserie,  et  est  morte  à  Versailles,  le  23  avril  1863.  De  son  mariage 
avec  un  ingénieur  civil  était  né  un  fils.  M,  Sainte-Claire  Mevil,  devenu  archiviste  du 
dép<  de  Seine-et-Oise,  mort  sans  postérité  (Reinseignements  dus  à  M.  Josse,  généalo- 
giste à  Rouen). 


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-  534  - 

sitionnaire  qui  avait  trouvé  le  moyen  d'éluder  les  lois  sur  la 
réquisition  (1)  »,  il  fut  compris  dans  les  poursuites  contre  celui-ci, 
sur  la  dénonciation  faite  par  le  département  du  numéro  du  Télé- 
graphe du  4  prairial,  provoquant  Tanéantissement  de  la  Constitution 
de  1795  et  lui  imputant  la  disette  factice  des  subsistances.  A  cette 
date,  le  prix  du  pain  montait  de  50  à  80  et  même  100  livres  en 
assignats,  et  les  boulangers,  comme  les  bouchers  et  les  aubergistes 
ne  voulaient  plus  vendre  que  contre  numéraire  (2).  D'où  l'article  : 
Ventre  creux,  citoyen  passif ,  écrit  par  Hubert  qui  alléguait  avoir 
voulu  seulement  exciter  là  vigilence  des  autorités  constituées  sur  les 
besoins  urgents  du  peuple.  Le  jury  de  Rouen,  que  dirigeait,  par 
hasard,  Pascal  Bouvet,  l'ex-avocat  et  vice-président  du  déparlement, 
déclara  d'abord  qu'il  y  avait  lieu  à  accusation  contre  Hubert  et  non 
contre  Poret,  et  annula  l'acte  d'accusation.  Le  jury  d' Yvetot,  devant 
lequel  ils  furent  renvoyés,  mit  en  accusation  Hubert  et  le  contumace 
Poret.  Tous  les  deux  furent  acquittés  parle  jury  spécial  (3)  delà 
Seine-Inférieure,  le  6  fructidor  (23  août  1796).  L'imprimerie  du 
Télégraphe,  avait  pour  directeur  Eudeline,  qui  fut  alors  l'objet  d'un 
mandat  d'amener  (4).  Le  2  mars  1805,  un  policier  parisien  dénonce 
Poret  comme  fréquentant  la  tabagie  du  citoyen  Férey,  rue  de 
Viarmes,  et  y  tenant  les  propos  les  plus  injurieux  contre  l'Em- 
pereur. (5) 

(1)  Romain  Hubert,  26  ans,  instituteur,  fut,  le  5  prairial,  comme  insoumis,  conduit 
au  dépôt  des  Ursulines  ;  le  17  prairial,  écroué  à  Saint-Lô  pour  avoir  voulu  le  rétablisse- 
ment de  la  constitution  de  1793,  et  le  14  messidor,  transféré  à  la  maison  de  justice 
(Notes  de  Tauteur).  Ce  terroriste  désm^ié  avait  été,  le  14  janvier  1793  à  la  Société  popu- 
laire, avec  Prud*homme  et  Néel,  chargé  d'un  rapport  sur  des  paragraphes  d'une 
aristocratie  insolente  du  Jowmal  du  Commerce^  de  Guilbert.  Celui-ci  se  vengeait  en 
l'an  IV,  en  provoquant  des  poursuites  contre  Hubert. 

(2)  Arch.  du  dép».  Lettre  d'Anquelin  et  procès-verbal  de  la  séance  du  dép»,  du 
5  prairial,  an  tv. 

(3)  Lettre  du  commissaire  du  dép<  au  ministre  de  la  police  générale. 

(4)  Arch.  du  dépar«.  D'après  Frère,  Manvel  du  Biogr.  noi^i.,  rimprimeur  du 
journal,  Berthelot,  aurait  été  aussi  mis  en  prison.  Eudeline  ne  fut  pas  détenu.  L'un  et 
et  l'autre  paraissent  avoir  été  relâchés  après  mandat  d'amener  et  interrogatoire. 

(5)  Poret  se  donnait  alors  les  noms  de  Saint-Paul-Nicolas  Poret  ;  «  d'assea  forte 
corpulence,  »  il  était  vôtu  en  redingote  grise,  bas  et  culotte  noirs,  chapeau  rond  sur  les 
yeux.  Détenu  à  la  Conciergerie  comme  prévenu  de  faux  (passeport  ?  )  à  Lyon,  il  disait 
avoir  vu  :  1»  une  caricature  représentant  un  paysan  qui  crie  :  au  voleur  !  derrière 
Bonaparte  au  moment  où  celui-ci  met  la  couronne  sur  sa  tête  ;  2«  une  affiche  de 


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—  535  — 

Robert  de  Saint- Victor  persista  au  moins  dans  ses  idées  de 
réformes,  car  en  1805,  il  publiait  ses  Regrets  sur  V abrogation  du 
nouveau  calendrier  et  le  rétablissement  de  V ancien.  (1)  Outre  sa 
scène  pénible  à  Paris  avec  Renault,  il  en  eut  une  autre  à  Rouen  dans 
la  soirée  du  7  juillet  1800,  à  l'entrée  de  la  salle  du  spectacle  des  Arts  ; 
il  reçut  sur  la  tôte  un  coup  de  bâton  qui  produisit  effusion  de  sang. 
L'auteur  de  cet  acte  de  violence,  Ch.-Ferd.  Lecomte,  dit  du  Taillis, 
demeurant  au  Trait,  hameau  de  Saint-Paul,  canton  de  Duclair, 
était  accompagné  de  Louis  Morin  fils,  négociant  à  Rouen,  rue  aux 
Ours,  n«  27,  et  de  trois  autres  personnes.  Du  Taillis  et  Morin,  pour- 
suivis pour  avoir  insulté  Robert  sous  le  portique  et  au  parterre, 
furent  mis  en  liberté  provisoire  les  16  et  24  du  même  mois.  (2) 

L'année  précédente,  Antoine-Louis  Blanche,  oflBcier  de  santé, 
avait  été  plus  malheureux  encore  :  il  avait  été  un  instant  détenu  à 
Saint-Lô,  le  10  juillet  1799.  A  cause  de  lui,  semble-t-il,'  son  neveu, 
le  ((  vicaire  épiscopal  supprimé,  »  devenu  médecin,  fut,  le  30  du 
même  mois,  frappé  de  deux  coups  de  bâton  par  Aimable  Leclerc, 
commis  chez  Bapaume  et  Cocatrix,  qui  lui  ôta  son  chapeau.  Leclerc, 
emprisonné,  fut  mis  en  liberté  provisoire  par  le  jury,  le  4  ven- 
démiaire an  VII.  Il  y  eut,  à  ce  sujet,  des  articles  de  journaux  assez 
vifs.  (3) 

François  Mabon,  redevenu  fabricant  de  rots,  rue  des  Bons- 
Enfants,  et  sa  femme,  née  AUaigre,  traqués  par  ceux  qu'ils  avaient 
vexés  devant  la  Terreur,  eurent  à  subir  des  traitements  rigoureux. 
Le  1*'  août  1797,  avec  Lemaure  (alias  Lemort),  père  et  fils,  cor- 
donniers, ils  sont  l'objet  d'un  ordre  d'arrestation  signé  de  Quillebeuf, 
comme  ayant  eu  Vintention  de  troubler  la  commune  de  Rouen  par 
une  guerre  civile  en  amenant  les  citoyens  les  uns  contre  les  autres 

spectacle  :  L* Empereur  malgré  tout  le  monde,  pièce  à  grand  fracas,  en  trois  actes, 
suivie  de  la  première  représentation  des  Princestes  ridicules,  et  terminée  par  le  Ballet 
de  Vincennes.  Il  prétendait  connaître  l'auteur  de  ces  caricature  et  affiche,  dont 
l'existence  était  mise  en  doute  (Ârch.  nat.  F.G457.  ) 

(i)  Frère,  Manuel  cité,  t.  II,  col.  1.  Le  décret  du  9  septembre  1805  venait  de  rétablir 
le  calendrier  grégorien  à  compter  du  !•'  janvier  1806.  Antérieurement,  la  division  par 
semaine  était  en  fait  déjà  substituée  à  la  division  par  décade. 

(2)  Notes  de  l'auteur. 

(3)  V.  not.  Vedette  Normande  des  13, 14  et  20  thermidor  an  VII. 


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—  536  — 

Le  jury  les  fit  mettre  en  liberté  le  20  fructidor  an  vn  (1). 

Hardy,  l'ancien  conventionnel,  est  fréquemment  injurié  par 
l'Observateur,  VEclipse,  le  Réoeil  Matin,  journaux  de  Magloire 
Robert,  qui  parviennent  presque  toujours  à  émouvoir  les  adminis- 
trateurs et  à  troubler  la  ville  surtout  depuis  prairial  jusqu'à  messidor 
an  V  (mai-juillet  1797).  A  son  arrivée  à  Rouen,  en  congé,  dans  les 
premiers  jours  de  prairial,  Hardy,  se  promenant  à  pied  sur  le  bou- 
levard «  de  Cauchoise  »,  est  assailli  par  un  homme  à  cheval,  reconnu 
depuis  pour  être  Le  Coq  (2),  de  Bois-Guillaume.  Sur  le  boulevard 
Saint*-Hilaire,  après  une  fête,  Hardy  est  suivi  par  plusieurs  hommes 
armés  et  menaçants,  parmi  lesquels  Villeneuve  (3),  qui  vont 
s'embusquer  sur  la  place  Saint-Ouen  jusqu'à  la  nuit.  Le  Coq  ren- 
contre encore  Hardy  sur  le  port,  entre  la  porte  du  Crucifix  et  la  porte 
Grand-Poqt  et,  à  plusieurs  reprises,  a  l'audace  de  cracher  outrageu- 
sement de  son  côté.  Les  clameurs  de  Le  Coq  causent  un  attroupe- 
ment dont  le  député  redoute  les  conséquences. 

Le  Coq  et  Villeneuve  suivaient  l'impulsion  de  Robert,  comme 
Le  Bouvier  et  Vasselin  (4) ,  ce  dernier  déjà  poursuivi  pour  des 
troubles  à  l'assemblée  primaire  de  l'église  Saint-Maclou.  Le  Bouvier 
insultait  dans  la  rue  Thiessé,  accusateur  public,  et  le  poursuivait 
jusque  dans  l'enceinte  du  Palais  de  ses  avanies  et  de  ses  a  menaces 
homicides,  »  auxquelles  s'associaient  plusieurs  citoyens,  notamment 
Vasselin.  Et  celui-ci  de  dire  à  Le  Bouvier,  en  lui  parlant  de  Thiessé  : 
Que  ne  lui  passais-tu  ton  sabre  dans  le  ventre  (5). 

(1)  Les  Lemort  avaient  —  prétendaient- on  —  invité  Gringret  à  se  rendre  au  «  café 
des  rassemblements  »  où  ils  s'étaient  efforcés  de  l'enrôler,  et  ils  étaient  accusés  d'avoir 
reçu  chez  eux  des  individus  qui,  par  leurs  cris  séditieux,  paraissaient  être  des  ennemis 
de  l'ordre  et  de  la  tranquillité  publiques  (Notes  de  l'auteur  ).  V.  aussi  démenti  signé 
Mabon  (femme  Mabon),  dans  la  Vedette  du  17  fructidor  an  vu. 

(2)  Il  s'agit,  je  crois,  de  Jean-Armand  Le  Coq,  dit  Vidame,  se  disant  cultivateur, 
demeurant  au  Bois-Guillaume,  arrêté  comme  prévenu  d'émigration  le  23  septembre  1793, 
à  Uaucourt,  puis  emprisonné  à  Gournay.  Le  département  Tavait  fait  mettre  en  liberté, 
mais  en  ordonnant  que  les  trois  frères  Lecoq  dit  Vidame  seraient  portés  sur  la  liste  des 
émigrés.  Son  frère,  Michel-Louis-Laurent  Le  Coq,  demande  sa  radiation  et  est  débouté 
le  2  vend,  an  v.  Un  Laurent  Le  Coq,  29  ans,  est  détenu  pour  trois  mois  à  Rouen  eo 
prairial  an  ii  (  Reg.  du  dép*  et  notes  de  l'auteur.) 

(  3,  4  et  5  )  Le  24  prairial  an  v,  Villeneuve  aîné,  20  ans  ;  Brédevent,  «  jeune  homme  >, 
rue  de  la  Truie  ;  Morel,  autre  r  jeune  homme  »,  et  J.-B.-F.  Vasselin,  19  an8,employéau 
dépS  rue  Beauvoisine,  55,  prévenus  de  s'être  trouvés  (Villeneuve  et  Vasselin  )  armés  de 


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—  537  - 

La  persistance  de  ces  récriminations,  de  ces  haines,  de  ces 
violences,  préoccupait'  singulièrement  les  révolutionnaires  restés 
pourvus  de  fonctions  dans  lesquelles  ils  avaient  compté  vivre  en 
paix,  tout  en  ramenant  le  calme  pour  leurs  amis  et  pour  le  pays 
entier.  S'ils  ne  redoutaient  pas  précisément  les  appréciations  indi- 
gnées des  victimes  et  des  témoins  de  la  Terreur,  et  les  malédictions 
des  générations  futures,  ils  craignaient  de  voir  leurs  intérêts  et  ceux 
de  leurs  descendants  gravement  troublés  par  les  ressentiments, 
longtemps  perpétués,  des  familles  qu'avaient  atteintes  les  dénoncia- 
tions, les  lois  et  les  décisions  des  tribunaux,  des  administrations  et 
des  comités,  depuis  1791. 

En  prairial  an  VII,  à  propos  d'un  certificat  énonçant  des  faits 
révolutionnaires,  déposé  dans  l'étude  d'un  notaire,  les  membres  du 
directoire  du  département  de  la  Seine-Inférieure  font,  à  deux  reprises, 
au  ministre  de  la  police  générale,  des  représentations  sur  les  dangers 
d'introduire  dans  les  dépôts  publics  des  actes  de  la  nature  de  celui 
dont  il  s'agissait,  et  de  laisser  à  la  postérité  des  moyens  de  vengeance 
que  la  loi  du  4  brumaire  an  IV  (1)  avait  voulu  étouffer,  et  sur  les 
suites  f&cheuses  que  pouvait  produire  dans  des  temps  plus  éloignés 
le  dépôt  de  ces  actes  :  «  Si  les  porteurs  de  ces  actes  n'ont  pas  le 
»  droit  de  poursuivre,  dans  ce  moment,  les  signataires  devant  les 
»  tribunaux,  ils  ne  peuvent  pas  avoir  le  cruel  avantage  de  conserver, 
»  soit  pour  eux,  soit  pour  leurs  enfants,  des  moyens  de  persécution 
»  quo  la  loi  réprouve  »  (2). 

bâtons  noirs  et  sans  cocarde,  au  nombre  des  jeunes  gens  qui,  le  4  germinal  précédent, 
occasionnèrent  une  scène  dans  la  salle  pinmaire  de  l'église  Saint-Sever,  et  tous  les 
quatre,  de  !l'être  trouvés  le  5  avec  les  jeunes  gens  partis  dans  un  café  do  la  rue  des 
Carmes,  en  suivant  les  rues  Saint -Ni  colas,  des  Savetiers,  Saint-Romain,  et  venus 
investir  le  principal  portail  de  l'église  Saint-Maclou,  lieu  d'assemblée  primaire,  où  ils 
avaient  frappé  plusieurs  citoyens  et  écarté  violemment  les  électeurs  de  lad.  assemblée. 
VasseUn  fut  relâché  le  même  jour  et  les  autres  le  6  messidor  an  v. 

(1)  Ce  décret,  non  publié  au  Bulletin  des  Lois,  abolissait  la  peine  de  mort  à  partir 
du  jour  de  la  publication  de  la  paix  générale,  —  et  toutes  poursuites  et  jugements* 
portant  sur  des  faits  purement  révolutionnaires  autres  que  ceux  relatifs  à  la  conspira- 
tion du  i3  vendémiaire.  Les  prêtres  déportés  ou  déportables,  les  fauT  monnayeurs,  les 
émigrés,  rentrés  ou  non,  étaient  exceptés  de  l'amnistie. 

(2)  lleg.  dudépS  séance  du  16  prairial  an  VII  (4  juin  1799);  présents:  Belhoste, 
président;  Viallet-Desgranges,  Cabissol,  Delahaia,  Angerville,  administrateurs;  Delaistre, 
commissaire  du  gouvernement,  et  Galli,  secrétaire. 


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-  538  - 

On  comprend  que  les  révolutionnaires  aient  eu  l'oubli  facile. . . 
On  s'étonne  qu'ils  aient  cru  pouvoir  l'imposer  aux  gens  éprouvés  par 
des  mesures  ruineuses  ou  mortelles. 

Avec  un  peu  de  sang-froid  et  de  réflexion,  ces  esprits  justement 
inquiets  auraient  dû  se  convaincre  de  l'inutilité  de  tant  d'émotion  et 
d'efforts  pour  un  fait  isolé,  môme  concernant  une  notabilité  parle- 
mentaire. . .  Avaient-ils  donc  rôvé  que,  si  leurs  autodafés  de  titres 
féodaux  n'avaient  rien  fait  oublier  des  abus  monarchiques,  l'obliga- 
tion du  silence  absolu,  éternel,  et  la  destruction  générale  des 
archives  supprimeraient  jusqu'aux  souvenirs,  jusqu'aux  traditions, 
encore  si  proches,  de  1789  à  1796? 

Ce  beau  rêve  d'égoïstes,  s'ils  l'ont  eu,  était  irréalisable. 

Pour  la  plus  grande  efficacité  des  grandioses  et  terribles  leçons 
du  passé,  et  nullement  pour  satisfaire  des  vengeances,  devenues 
absolument  vaines,  d'homme  à  homme,  les  siècles  apporteront  leur 
contingent  de  salutaires  révélations,  et,  malgré  tout,  Thistoire, 
sagace  et  inflexible  dans  sa  sérénité,  n'aura  souvent  que  lembarras 
de  choisir  ses  documents. 

III 

Cette  ébauche  d'une  histoire  locale  de  la  Terreur,  si  elle  avait 
visé  à  être  complète,  entière,  comporterait  à  la  rigueur  une  con- 
clusion qui  ne  s'impose  pas  réellement  ici,  et  qui  est  dans  les  faits 
postérieurs. 

Je  devrais  donc  me  borner  à  dire  que,  dans  les  grands  mouve- 
ments de  1793  k  1795,  qui  bouleversèrent  si  profondément  la  nation, 
l'attitude  des  rouennais  n'a  pas  été  effacée  et  sans  conséquence. 

Non  pas  qu'en  1795  on  puisse  apercevoir  déjà  si  la  démocratie, 
au  profit  de  laquelle  s'est  engagée  la  Révolution,  en  a  retiré  quelque 
avantage. 

On  peut  douter  même  qu'elle  en  ait  eu  à  espérer  de  ceux  qui,  à 
l'origine,  formulaient  des  programmes,  oubliés  du  reste  avant  et 
pendant  la  Terreur,  tels  que  le  Cahier  des  doléances  de  l'Assemblée 
du  Tiers-Etat  de  Rouen,  rédigé  le  29  mars  1789,  apparemment  par 
six  avocats  et  autant  de  négociants,  et,  en  réalité,  par  Thouret,  puis 
souscrit  de  l'adhésion  d'une  centaine  d'autres   bourgeois.    Cette 


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-  53d  — 

œuvre  étudiée,  tant  vantée,  consacrait  son  80' article  à  la  suppression 
de  la  mendicité,  qui  aurait  pu  être  un  vœu  humanitaire —  V  unique! 
s'il  n'avait  été  trop  visiblement  dicté  par  l'intérêt  exclusif  de  la 
sécurité  «  des  campagnes  »  et  vraisemblablement  des  villes. 

Mais  en  était-il  ainsi  en  Tan  II  ?  Le  fonctionnement  du  gouver- 
nement révolutionnaire,  au  nom  du  peuple,  et  pour  le  triomphe  des 
droits  du  peuple,  a-t-il  profité  au  peuple  ? 

Des  autorités  respectées  répondent  que  la  Terreur  n'a  serai  à 
rien!  (1) 

La  Terreur  stérile  I  Non,  ses  résultats  n'ont  pu  être  à  ce  point 
négatifs. 

Elle  a  servi  à  prouver  qu'il  ne  suffit  pas  d'avoir  tout  prêts  des 
réformateurs  et  des  plans  .de  réformes,  qu'il  faut  amener  les  inté- 
ressés c^  se  laisser  réformer,  et  que  les  novateurs  doivent  être  tou- 
jours d'accord  entre  eux.  Elle  a  permis  d'évaluer  le  coût  démesuré 
des  essais  précipités  de  transformation  sociale  ;  elle  a  montré  que 
le  bien  général  sert  facilement  de  prétexte  aux  spoliations  parti- 
culières et  aux  vengeances  privées.  Elle  a  désabusé  pour  longtemps 
la  plupart  des  a  assembleurs  des  nuées  philosophiques  »  et  de  leurs 
auditeurs  des  clubs  ;  elle  a  éclairé  sur  les  dangers  des  entraînements 
patriotiques,  et  fait  connaître  rinconséquence  de  nombre  de  nota- 
bilités des  divers  camps . . .  Enfin,  si  elle  a  révélé  aux  démagogues 
les  points  faibles  de  leurs  expériences,  par  contre  elle  a  dû  —  c'est 
moins  probable  —  corriger  leurs  adversaires  des  erreurs  dans 
lesquelles  ceux-ci  étaient  eux-mêmes  tombés. . . 


Aujourd'hui,  dans  une  atmosphère  de  calme,  de  raison,  .d'im- 
partialité, est-il  besoin,  pour  juger  les  terroristes  rouennais,  de 
s'élever  bien  haut,  et  doit-on  les  traiter  comme  des  apôtres  enflam- 
més, des  adeptes  convaincus  jusqu'à  l'aveuglement,  de  la  doctrine 

(i)  Eiigard  Quinet,  La  Révolution,  t.  I,  p.  51  ;  M.  Wallon,  La  Terreur,  t.  II,  p.  347. 
—  V.  aussi  Ed.  Biré,  Jouimal  d'un  Bourgeois  de  PaHs,  t.  V,  p.  324  et  suiv.,  où  sont 
cités  divers  autres  auteurs.  —  V.  Tétude  de  M.  Aulard  sur  Le  Gouvernement  liévolu' 
tionnaire,  dans  la  Révolution  Française  de  décembre  1899. 


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-  540  — 

de  la  souveraineté  du  peuple,  de  la  liberté,  de  V égalité,  de  V amour 
de  la  Patrie  ?  (1) 

Les  deux  «  magistrats  »  principaux  de  la  commune  terroriste, 
Pillon  et  Poret,  l'un  sensiblement  supérieur  à  l'autre,  «  tètes  ardente 
qui  prennent  leurs  idées  pour  des  oracles  et  leurs  volontés  pour  des 
lois  (2)  »,  résument  en  eux  assez  exactement  ce  que  fut  Vesprit  de  la 
Révolution  à  Rouen. 

Ils  ont  été  portés,  le  premier  à  la  mairie,  et  le  second  à  l'agence 
nationale,  moins  par  leur  popularité  et  par  les  événements  que  par 
l'appui,  invraisemblable  et  jusqu'ici  insoupçonné,  de  personnage 
faciles  à  démasquer,  dont  ils  étaient  au  moins  les  partisans,  sinon 
les  créatures  dociles...  Leur  influence  personnelle  était  factice, 
mais  ils  agissaient  au  nom  du  pouvoir  tyrannique  de  la  Convention, 
secondé  d'un  tout-puissant  auxiliaire,  la  peur  !  Leur  autorité  est  si 
artificielle  qu'en  pleine  Terreur  ils  ne  peuvent  sauver  de  la  détention 
leurs  alliés,  entre  autres  Robert  de  Saint- Victor  et  Lambert,  et  que, 
fréquemment,  im  pouvoir  occulte  déjoue  leurs  combinaisons  essen- 
tielles. 

Pratiquaient-ils  l'humanité  douce  qu'ils  vantent  volontiers  ? 
Etaient-ils  obsédés  par  la  vision  des  eflEets  irréparables  des  dénon- 
ciations, des  emprisonnements,  des  confiscations  et  des  exécutions 
qui  s'accomplissaient  avec  leur  coopération  plus  ou  moins  directe  et 
immédiate,  pour  le  plus  grand  succès  de  V expédient  provisoire  que 
fut  le  gouvernement  révolutionnaire  dans  la  pensée  de  ses  auteurs  (3). 

Leur  enthousiasme  pour  les  systèmes  et  les  décrets  de  la  Con- 
vention est  servile,  affecté  ;  leur  fanatisme  anti-monarchique  et 
anti-religieux,  qui  se  manifeste  par  tant  de  tracasseries,  ne  vient  pas 
d'une  confiance  absolue  dans  la  victoire  :  il  dissimule  mal  des  rira- 
lités^de  classes  ou  des  rancunes  particulières,  et  le  néant  des  maximes 
politiques  et  philosophiques. 

Le  contre  révolutionnaire  militant,  autant  que  le  suspect  repen- 
ti) Bailleul,  ouvr.  cité,  p.  19.  La  force  du  gouvernement  fut  Teffet  de  cette  doctrine, 
dit  BaiUeul,  dont  récrit  prouverait  que  la  révolution  tendit  surtout  à  la  suppression 
des  institutions  morales  et  religieuses. 

(2)  Discours  de  Sautereau,  cité. 

(3)  F.-A..  Âulard,  la  Révolution  Française,  décembre  1899. 


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—  541  — 

tant,  apaisé,  rallié,  demeure  toujours  pour  eux  un  suspect.  Même  à 
regard  de  ceux  d'entre  les  patriotes  que  lasse  l'incessante  et  impi- 
toyable guerre  sociale,  et  qui  ont  un  instant  défailli,  ils  n'ont  qu'une 
soupçonneuse  indulgence. 

Leur  choix  des  gens  qu'ils  entendent  punir  d'incivisme  ou  con- 
traindre à  l'exécution  des  lois,  s'inspire  ordinairement  ailleurs  que 
dans  l'intérêt  social  ou  national.  On  pourrait  aujourd'hui  dresser, 
presque  sûrement  deux  listes  édifiantes  à  ce  sujet  ;  l'une,  de  suspects 
inquiétés,  détenus  ou  condamnés,  et  l'autre,  de  suspects  épargné',  tou- 
tes les  deux  éclairées  par  l'indication  desvéritables  motifs  extra  légaux, 
extra-révolutionnaires,  des  rigueurs  et  des  immunités  dont  chacun 
a  été  l'objet.  S'agissait-il  donc  uniquement  de  mesquines  représailles: 
coterie  d'avocats  et  procureurs  contre  d'autres  avocats  et  procureurs 
et  des  membres  du  Parlement,  coterie  de  médecins  contre  d'autres 
médecins,  coterie  d'artistes  contre  d'autres  artistes,  coterie  de 
négociants  contre  d'autres  négociants,  et  toutes  ces  coteries  ensemble 
contre  les  ecclésiastiques  et  les  nobles? 

Des  hommes  si  passionnés  pouvaient-ils  sérieusement  songer  à 
fonder  l'égalité  et  une  a  fraternité  d'hommes  libres.  »  Entrevoyaient- 
ils  parfois  le  terme  de  la  lutte  et  le  «  majestueux  embrassement  du 
genre  humain  sous  le  regard  de  Dieu  satisfait  »?  (1)  Il  est  permis  d'en 
douter. 

C'est  en  vain  qu'on  essaie  de  les  disculper  parce  que,  béné- 
volement, ils  ont  fermé  les  yeux  sur  tel  prêtre  qu'ils  savaient  recelé 
par  un  de  leurs  amis,  ou  sur  tel  royaliste  qu'ils  eussept  pu  livrer. 
Il  n'est  pas  douteux  que,  si  Lamine,  entre  autres,  agit  ainsi,  sa 
mémoire  n'a  rien  à  y  gagner.  Pour  ne  pas  se  laisser  soupçonner  de 
tolérance  et  do  connivence,  et  comme  la  plupart  des  jacobins  dont 
l'un  des  proches  est  prêtre  ou  aristocrate,  il  se  fait  plus  rigoureux 
ailleurs,  et,  pour  un  prêtre  ou  un  noble  sauvé,  plusieurs  autres 
éprouvent  les  effets  de  son  incorruptible  civisme. . . 

Ces  patriotes  de  89,  «  ces  «  vieils  soldats  de  la  Révolution,  »  (2) 
ces  collaborateurs  zélés,  dévoués,  de  la  Convention,  sont  des  terro- 
ristes honteux  ;  ils  n'ont  pas  osé  faire  opérer  à  Rouen  la  guillotine 

(1)  Victor  Hugo  à  ses  concitoyens  en  1848  {Actes  et  Paroles,  t.  I,  p.  181  etsuiv.  et  617. 

(2)  Mémoire  de  Foreau.  cité  suprà. 


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—  542  - 

sur  les  victimes  de  l'affaire  de  la  Rougemare  et  d'autres,  expédiées . 
au  bourreau  de  Paris  sous  un  prétexte  quelconque,  et  ils  croient  que 
ce  stratagème  les  autorise  à  se  prévaloir,  dans  leurs  pétitions  lar- 
moyantes de  Tan  III,  de  ce  que  le  sang  n'a  pas  coulé  à  Rouen. 

Lorsqu'ils  s'efforcent,  avec  une  ténacité  remarquable,  d'échapper, 
à  une  répression,  quel  contraste  entre  le  déluge  de  leurs  suppliques 
parsemées  d'arguties,  de  discussions  de  droit,  et  le  laconisme  terri- 
fiant, atrocement  expéditif,  de  leurs  ordres  d'arrestations,  ou  le 
silence  despotique  dans  lequel  ils  ensevelissaient  les  pétitions  des 
détenus  I  —  Eux  qui  ont  imperturbablement  appliqué  les  confisca- 
tions enlevant  à  d'innocents  enfants  les  héritages  de  leurs  pères 
frappés  «  par  le  glaive  de  la  loi»,  redoutent  maintenant  de  se  voir 
privés  des  «  petites  fortunes  qu'ils  ont  reçues  de  leurs  parents  »  et 
que  plusieurs  ne  disent  point  avoir  arrondies  par  des  achats  de  biens 
nationaux.  —  S'ils  croient  opportun  de  répéter  :  «  Vivo  la  Conven- 
tion !  Vive  la  République  !  »  à  aucun  moment  ils  ne  déplorent  l'échec 
de  la  colossale  entreprise  réformatrice  à  laquelle  ils  ont  plus  ou  moins 
efficacement  concouru.  Ils  font  plus  ;  ils  reconnaissent  la  nécessité 
de  la  réaction  thermidorienne  (1)  implicitement  à  la  condition 
qu'elle  épargne  leurs  personnes  et  leurs  biens. 

A  ces  mômes  terroristes,  assoiffés  des  jouissances  du  pouvoir  et 
de  la  renommée,  devenus  les  instruments  de  la  Terreur,  pour  la 
plupart  afin  de  no  pas  en  être  les  victimes,  et  qui  eurent,  leur 
punition  les  uns  dans  l'obscurité  du  restant  de  leur  vie,  et  les  autres 
dans  leurs  remords,  il  n'en  faut  pas  moins  cependant  rendre  cette 
justice  qu'ils  n'avaient  point  h  attendre  d'adversaires  persécutés: 
l'entrainement  de  l'exemple,  le  vertige  contagieux  des  idées  et  çlôs 
faits  diminuent  leur  culpabilité  et  excusent  une  partie  de  leurs  actes..  . 

Aux  plus  compromis,  il  faut  tenir  compte  de  scrupules  —  inté- 
ressés pourtant  —  qui  ont  singulièrement  contribué  à  limiter 
l'action  révolutionnaire  à  Rouen. 

De  septembre  1793  à  thermidor  an  II  inclusivement,  ils  ont 
su  détourner  à  temps  les  réels  et  très  grands  dangers,  que  firent 
courir  à  la  ville  les  dénonciations  et  les  attaques  dont  elle  était 

(1)  Mémoire  de  Foreau,  cité. 


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-  543  — 

l'objet  dans  les  journaux  ultra-révolutionnaires,  aux  Jacobins  et  à  la 
Commune  de  Paris  et  même  h  la  Convention.  Les  mystères  qui 
continueront  à  planer  sur  un  grand  nombre  de  particularités  sont 
assez  transparents  pour  qu'on  admette  que  Pillon  et  ses  coopéra- 
teurs  aient  voulu  l'expulsion  d'agents  provocateurs,  tels  que  Galbois- 
Saint-Amand,  qu'ils  aient  empêché  le  transfert  à  Paris  de  plusieurs 
détenus,  et  qu'ils  se  soient  opposés  à  l'établissement  d'une  commis- 
sion populaire  à  la  fin  de  messidor.  *       ^ 

Admettre  ces  tempéraments,  c'est  avouer  l'impossibilité  de 
savoir  quand  et  dans  quelle  mesure  les  exagérations  de  la  démocratie 
étaient  destinées  à  porter  et  maintenir  à  la  tête  des  administrations 
des  intrigants  et  des  ambitieux,  ou  à  faire  tomber  les  colères  des 
anarchistes  parisiens  ;  c'est  reconnaître  qu'on  ne  peut  discerner 
toujours  sûrement  l'origine  véritable  et  les  effets  spéciaux  des 
impulsions  modératrices  et  salutaires,  ou  des  influences  surexcitantes 
et  sinistres. 

Comment,  après  cela,  formuler  contre  les  terroristes  des  réqui- 
sitoires sans  miséricorde  ou  des  absolutions  sans  réserve  ? 

Est-il  nécessaire  d'ajouter  que,  dans  l'immense  majorité  des 
citoyens  rouennais,  honnêtes  et  droits,  les  francs  républicains 
n'étaient  pas  rares.  Hélas  I  il  y  en  avait  beaucoup  plus  de  prudents 
c|ue  de  braves,  et  c'est  l'explication  la  plus  plausible  de  la  conduite 
de  certains  modérés  de  la  Société  populaire,  de  la  Commune,  du 
district  et  du  département,  conduite  d  une  habileté  politique 
eïcessivô  et  qui,  tout  compte  fait,  demeure  répréhensible  autant  que 
celle  des  terroristes  avérés,  puisqu'elle  s'aggrave  aussi  de  duplicité; 

Cette  justice  distributive  ne  saurait  perdre  de  vue  les  ecclésias- 
tiques et  les  royalistes. 

Les  premiers  ont  été,  d'une  part,  affligés  de  défections  dont  la 
liste  est  plus  longue,  mais  dont  la  portée  est  moins  grande  qu'on  no 
se  l'imagine.  Il  n'y  a  pas  eu  à  Rouen,  de  prêtres  dont  l'apostasie  ait 
été  précédée  ou  accompagnée  de  scandales  et  de  discours  comme  en 
firent,  par  exemple,  les  curés  Lerat,  de  Forges,  Wicart,  d'Haussez, 


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—  544  — 

et  Jullien  d'Ernemont,  dans  le  district  de  Gournay . . .  D'autre  part, 
traqué  avec  une  persistance  inouïe,  le  clergé  compte  une  grande 
quantité  de  victimes  qui  ont  donné  d'admirables  exemples  de  fermeté 
et  de  vaillance  dans  les  plus  cruelles  épreuves. 

Les  royalistes  coupables  né  portent  pas  tous  des  noms  obscurs... 
Il  en  est  qui  ont  assumé  devant  l'histoire  de  terribles  responsabilités: 
ce  sont  ceux  qui,  au  début  de  la  révolution,  comptant  raffermir 
leur  popularité  menacée,  encouragèrent  discrètement  les  notorfétés 
naissantes  des  patriotes  Pillon,  Lecanu,  Porct,  Lamine  et  autres,  et, 
ensuite,  môme  de  longs  mois  après  que  la  royauté  fut  tombée,  sous 
la  Terreur,  se  recommandaient  efHcacement  de  ces  relations... 
ce  sont  ceux  qui,  au  lieu  de  d«'îfendre  les  gens,  royalistes  aussi,  qui 
leur  servaient  d'avant-garde  et  qui  avaient  hautement  soutenu  la 
monarchie,  allèrent  jusqu'à  se  joindre  publiquement  à  leurs 
ennemis. 

Et  dans  quelle  lamentable  et  décevante  confusion  ont  erré  ces 
mômes  royalistes  ou  contre- révolutionnaires  ])endant  la  réaction 
thermidoricHne  !  Que  de  fautes  impardonnables  dans  les  prélimi- 
naires inhabiles,  hésitants,  collusoires  et  sans  dignité  de  leurs 
poursuite»  contre  les  terroristes  1 


S'il  est  un  adoucissement  possible  au  déchirant  souvenir  des 
horreurs,  délibérées  ou  non,  et  des  folies  raisonnantes  et  agissantes 
de  ces  temps  héroïques  et  infernaux,  c'est  de  retrouver  encore,  chez 
des  contemporains,  une  philanthropie  de  bon  aloi,  le  sentiment  du 
droit,  l'amour  de  la  justice,  le  vrai  patriotisme  et  une  sage  résigna- 
tion, si  rares  chez  les  hommes  en  vue  ;  c'est  de  voir  l'énergie  des 
laborieux  rouennais  à  se  ressaisir,  à  rentrer  en  possession  d'eux- 
mêmes,  au  sortir  du  mortel  cauchemar. 

Après  la  dissolution  de  l'ancien  régime,  après  les  conflits  outrés 
des  classes  sociales,  malgré  le  contact  démoralisateur  des  nouveautés 
écloses  sous  l'anarchie  et  le  spectacle  do  l'impudent  épanouissement 
des  splendeurs  flétrissantes  de  certains  parvenus  de  la  Révolution,  le 
peuple  d'antan  renaît,  vivace,  plutôt  amélioré,  grandi. . .  Je  p«irle, 
non  du  peuple  naguère  assidu  et  motionnant  aux  clubs,  mais  de  celui 


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—  545  — 

que  n'ont  pas  touché  les  théories  des  politiciens  et  qui  se  soumet 
avec  bonheur  à  la  loi  éternelle  du  travail.  Promptement  oublieux  de 
ses  souffrances  imméritées,  ayant  eu  —  pour  cause  —  peu  de  désil- 
lusions, il  est  à  sa  tâche,  s'instruit  ou  défend  la  Patrie,  et,  resté 
prolétaire  ou  devenu  savant  ou  héros,  contribue  plus  que  pour  sa 
part  à  une  sorte  de  réhabilitation  nationale  qui  ne  lui  donne  pas 
la  liberté  et  Tégalité  promises,  mais  qui  fait  revivre  ses  légitimes 
espérances  de  sécurité  et  de  bien-être. 


Rouen,  mars  Î900, 


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-  547  - 

APPENDICE 

I.  Page  96.  —  Bail  de  la  maison  de  la  rue  de  V Aumône  à  la 
Société  des  Amis  de  la  Constitution. 

.A .  Par  devant  les  conseillers  du  roy,  notaires  garde-notes  à  Rouen,  soussignés, 
fut  présent  M""  André  Rousselin,  négociant  à  Rouen,  demeurant  Grande-Rue,  paroisse 
Notre-Dame  de  la  Ronde,  administrateur  des  pauvTCS  de  l'Hôtel-Dieu  de  la  Madeleine 
de  Rouen,  autorisé  à  l'effet  (fui  suit  par  délibération  de  MM.  les  administrateurs  des 
dits  pauvres,  en  date  du  premier  octobre  dernier,  contrôlé  à  Rouen  le  20  duditmois. 

Lequel  audit  nom  et  en  vertu  de  ladite  délibération  a,  par  ces  présentes,  donné 
à  loyer  et  prix  d'argent,  pour  le  temps  et  espace  de  trois,  six  ou  neuf  années,  au 
choix  respectif  des  parties,  en  s'avertissant  respectivement  avant  l'expiration  desdites 
troix  ou  six  premières  années  qui  ont  commencé  à  courir  du  jour  de  Saint-Michel 
dernier,  en  finissant  à  pareil  jour  desdites  trois,  six  ou  neuf  années, 

A  Messieurs  de  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution  en  cette  ville  de  Rouen, 
stipulés  et  représentés  par  MM.  Jean-Louis  Thibault,  architecte,  demeurant  à  Rouen, 
nie  du  Vieux-Palais,  paroisse  Saint-Sauveur,  Guillf^ume-Louis-Pomponne  Barbarey, 
aussi  architecte  à  Rouen,  y  demeurant,  rue  de  l'Ecole,  paroisse  Saint-Laurent,  et 
Flavien-Marie  Scanegatty,  professeur  de  physique  à  Rouen,  y  demeurant  sur  le  port, 
proche  la  porte  Guillaume-Lion,  paroisse  Saint-Maclou,  tous  trois  à  ce  présent**, 
acceptant  et  preneurs  pour  ledit  temps  et  audit  titre  de  bail,  pour  et  au  nom  de  ladite 
Société  et  en  leur  qualité  de  commissaires  ad  hoc,  nommés  par  délibération  en  date 
du  28  septembre  dernier,  signée  de  la  très  granile  majorité  de  ladite  compagnie,  aussi 
demeurée  ci-jointe,  après  avoir  été  signée  et  parafée  des  parties,  et,  à  leur  réquisition, 
desdits  notaires. 

C'est  à  savoir  :  une  maison  de  fond  en  comble,  appartenant  aux  pauvres  de 
riIôtel-Dieu,  assise  en  cette  ville  de  Rouen,  rue  de  l'Aumône,  paroisse  de  Saint-Martin- 
sur-Renelle,  plus  amplement  bornée  et  désignée  en  un  état  et  description  d'icelle  fait 
double  entre  les  parties  et  en  date  du  29  octobre  dernier,  pareillement  demeuré  cy- 
joint... 

A  la  charge  par  lesdits  sieurs  preneurs  d'accomplir  et  exécuter  toutes  les  clauses, 
charges  et  soumissions  qui  leur  sont  imposées  par  la  délibération  prise  au  bureau  de 
l'Hôtel-Dieu,  ce  à  quoi  les  d.  s"  commissaires  se  sont  obligés  pour  leur  société,  iceux 
reconnaissant  avoir  parfaite  connaissance  des  clauses  qu'elle  renferme  et  dont  lecture 
d'abondance  leur  a  été  précédemment  faite  par  Castel,  l'un  des  notaires  soussignés. 

Ce  bail  fait  en  outre  moyennant  700  livres  de  loyer  par  an  qui  ne  commenceront 
h  courir  d'accord  entre  les  parties  que  du  jour  de  Noël  prochain,  et  qui  seront 
payables  par  ladite  société  des  Amis  de  la  Constitution,  en  quatre  paiements  égaux 
et  aux  quatre  termes  de  l'année  accoutumés  dont  le  premier  quartier  de  paiement 
écherra  et  sera  exigible  au  jour  de  Pâques  prochain,  le  second,  à  Saint-Jean-Baptiste, 
en  suivant  pour  ainsi  continuer  tous  les  ans,  jusqu'à  la  fm  et  expiration  du  présent 
bail,  à  quoy  faire  lesdits  sieurs  commissaires  obligent  leurs  biens  et  ceux  de  leurs 


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associés,  ensemble  et  un  d'eux  pour  le  tout  solidairement,  sans  division,  ordre  de 
discussion  ny  appellation  de  garantie. 

Et  pour  le  vin  du  présont,  lesd.  sieurs  commissaires  obligent  leur  compagnie  à 
payer  les  sols  pour  livres  d'usage  du  prix  des  loyers  cy-dessous,  ce  qui  deviendra 
subordonné  à  la  durée  du  présent,  de  sorte  que  pour  sa  durée  entière  les  6  sols  pour 
livres  seront  dus  pour  six  années;  il  sera  du  4  sols  pour  livres,  de  manière  qu'il  est 
dû  actuellement  les  2  sols  pour  livres  pour  les  trois  premières  années,  ce  qui 
forme  une  somme  de  70  livres  qui  est  payable  és-mains  de  MM.  les  administrateurs 
trésoriers  des  pauvres.  S'en  rcpportant,  M.  Rousselin,  à  la  générosité  de  lad.  société 
relativement  à  l'indemnité  qu'attend  de  sa  part  l'administration  à  cause  de  la  perte 
qu'éprouvent  les  pauvTcs  du  non  loyer  de  cette  maison  du  terme  de  Saint-Michel  à 
Noël,  et  dont  la  société  a  dû  jouir.  Seront  les  frais  du  présent  payés  par  la  sociélè 
dont  en  sera,  pareillement  à  ses  frais,  délivré  grosse  exécutoire  à  Tadministration.  . 

Fait  et  passé  à  Rouen,  en  la  demeure  des  pallies  ci-après  désignées,  l'an  mil 
sept  cent  quatre-vingt-dix,  le  vingt-sept  novembre  avant  midi.  —  Lecture  faite  et  ont 
signé  :  Scanegatty,  Thibault,  L.  Barbarey,  Rousselin,  Castel,  Delamare.  —  En  marge  : 
contrôlé  le  4  décembre  1790,  reçu  12  livres  ;  signé  :  Foucher. 

ANNEXES  : 

t.  Délibération  du  l«f  octobre  1790,  du  bureau  d'administration  de  l'ilôtel-Dieu, 
tenu  par  MM.  Rousselin  et  Vulgis-Dujardin,  négociant,  et  Decaen,  notaire  honoraire, 
tous  gouverneurs  et  administrateurs  d'icelui.  Devant  ce  bureau  s'est  présenté 
M.  Thibault,  entrepreneur  de  bâtiments  et  membre  d'une  société  de  bons  patriotes 
connue  sous  le  titre  distinctif  des  Amis  de  la  Constitutiony  lequel  a  proposé  de  prendre 
à  loyer  pour  son  compte  une  maison  appartenant  à  cet  hôpital,  sise  rue  de  l'Aumône, 
et  ci -devant  occupée  par  M,  de  Cerqueux. 

«  Sur  quoi  délibéré  le  bureau,  les. avis  pris,  jaloux  de  concilier  les  intérêts  qui  lui 
sont  confiés  avec  son  amour  pour  les  établissements  qui  peuvent  devenir  utiles  et 
précieux,  est  demeuré  d'accord  de  donner  à  loyer  à  la  société  des  Amis  de  la  Cons- 
titution, etc.  » 

a.  Du  28  septembre  1796.  La  Société  des  Amis  de  la  Constitution  délibérant  sur 
la  proposition  faite  par  MM.  les  commissaires  nommés  pour  lui  procurer  un  logement 
suffisant,  a  arrêté  que  MM.  les  commissaires  négocieraient  auprès  des  administrateurs 
de  l'Hôtel-Dieu  pour  obtenir  d'eux  à  loyer  une  maison  située  rue  de  l'Aumône,  et  que 
MM.  les  associés  souscriraient  la  présente  délibération  pour  servir  d'engagement  et 
d'obligation  de  leur  part  en  faveur  de  l'Hôtel-Dieu  pour  le  paiement  du  loyer  qui  sera 
arrêté  par  MM.  les  commissaires  qui  sont  MM.  Thibault,  architecte,  Barbarey  et 
Scanegatty. 

La  présente  certifiée  par  nous,  secrétaire  de  la  société,  ce  deux  octobre. 

Signé  :  Thiessé,  secrétaire. 

Puis,  ces  196  signatures  :  J.-N.  Lebas,  Lebas  le  jeune,  Fourneaux,  Hubert,  Pierre 
Baron  Tainé,  Piquprel,  Delafosso,  Lefebvre,  4.-E.  Carré,  Lenormand  ci-devant  de 
Losier,  Thillaye,  M.-A.  Bournisien,  Platel,  Remy,  Mariette,  Chesneau,  Anquetin  le 
jeune,  Eudeline,  Gueroult,  Pillon,  Delacroix,  C.  Rondeaux  (de  Montbray),  Etienne- 
Jacques  Fépf^t,  Fouque,  Le  Bourgoois-Bonnel,  Scanegatty,  Ënault,  Dumas,  Bigot, 
Et.  Morin,   J.-L."  Thibault,  Barbarey,  lorcy,  Alexandre  Prcvel,  Barbarey,  R.  Allais. 


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Marie,  Verdière,  lleslouin,  Vimar,  Porrin,  Lesuire,  p""*,  Seyer,  S>eyer,  Le  Noir,  BouUey 
fils.  Vieillot  l'aîné,  F.  Thibault,  Pagny,  Clerc,  Lambert,   Guyet,  A.    Defontenay,  Ad. 
Ricard  fils,  J.-S.  Lachenez-Heude  neveu,  Mattard,  Colonge,  Adeline  flls  aîné,  X.  Clou 
(ou  Clerc?  ),  A.  Lesguiller,  Angerville,  Goeslin  fils,  Thiessé,  Poidevin,  ^Dubuc,  J.-F. 
Mabire,  Favre,  de  Cormeilles,  Vincent,  Petit,  Pierre  Levillain,  Martin,  P.-J.  Allais,  A.-M. 
Chassant,  Lefebvre  le  jeune,  Durosoy,  Ph.  Lasne,  Cresson,  Etard,  LUubert,  Desmalis, 
Le  Mercier  neveu,  Morel,  Lecharpentier,  Vauquelin,  Portret,  Riaux,  Balland,  Louis 
Pouchet,  Bertran  fils.  Buisson,  Pellerin,  Martin,  Nos,  Duval,  Dieu,  J.-B.  Lemire,  N.  Re- 
nard, G.  Le  Mercier,  P.  Néel,  R.-V.-M.  Sturgeon,  Forfait,  Delamare,    Rouelle,    A. -F. 
Bérée,  Passi,  Delcunare,  Dumas  le  jeune,  Lecointe,  Hardy  D.-M.,  Théodore  Levillain, 
Arnaud,  Lepiller,  L.  Mauger,  Ferdinand  Monnier,  Leliévre  fils,  Descroizilles,  P.  Mala- 
tiré,   Lefebvre,   orfèvre,  Gosset,  Thierry,  Tronel,   Leloup,  Guttinguer,  L.-J.  Lefebvre, 
N.-F.  Lettré,  de  Trézy,  Lechevallier,  Tarbé,  G.  Asselin,  Ces.  Pigny,  E.  Durand,  Eléo- 
nore  Rabasse,  Ch.  Mac-Cartan,  Sueur,  Fréd.  Asselin,  Mouard,  Lecœur,  prêtre,  H.  Asse- 
lin, Bécard,  M.  Lignel,  Adam  Dupuy,  L.  Marest  (ou  Mare),  Desl-ty  (?),  Viel,  Thomas, 
Mcunolle,    Lemoine,   Lagnistre,    L.  Hamel,    Du   Pas,   Dupuis-Sagot,   F.-A.  Anquetin, 
Blanche,  M.,  Louis-Jean  Jaquet,  Louis  Long,  Lemaire-Ternantes,  Morin  fils,  Tamelier, 
Bucaille,  Descamps  le  jeune,  Delacour,  Lefebvre,  Louis  Lézurier  fils  aîné.  De  Bonne 
fils,  Regnault  l'aîné.  Le  Brun,  Ar\'ers,  A.  Taillet,  F.-N.  Dury,  L.  Lhemault,  A.  Vieillot, 
Leliévre,  Vibert,  F.  Isambert,  M.  Lebon  jeune.  Du  Sommerard,  E.-M.-R.  Selot,  Potier, 
av.,  Blutel,  J.-E.  Gorlier,  Jolly  de  la  Tour,  Bordelle,  Fortin,  Houdeville,  Taillet,  Le  Bec, 
P.  Viou  fils  aîné,  Langlois,  L.  Boigne,  Ch.    Bérat  le  jeune.  Lamelle  fils,  Lelouard, 
C.  Turgis  le  jeune,  Allix,  Hays,  Ch.  Pongny. 

:t  Etat  de  la  maison  rue  de  TAumône,  appartenant  à  l'Ilôtel-Dieu  de  Rouen  louée 
par  MM.  les  administrateurs  dud.  Hôtel-Dieu  de  la  Madeleine  de  Rouen  à  MM.  de  la 
Société  des  Amis  de  la  Constitution .. .  Savoir  :  rez-de-chaussée,  une  salle  lambrissée 
de  haut  en  bas  ;  à  côté  de  la  cheminée,  vers  la  rue,  un  buffet. . .  ;  la  cuisine,  un  po- 
tager ayant  six  fourneaux...;  une  écurie  avec  une  auge  et  le  râtelier...  Premier 
étage  sur  la  rue,  au-dessus  de  la  salle,  une  cl^ambre  lambrissée  du  haut  en  bas. . .  ; 
dans  le  petit  cabinet  à  côté  de  la  chambre,  un  refend  en  feuillet  ;  la  chambre  au-des- 
sus de  la  cuisine...;  dans  le  fond  de  la  chambre,  une  alcôve.  —  Premier  étage  sur  le 
derrière,  une  antichambre...  ;  au  second  par  derrière,  une  antichambre.  —  Dans  la 
chambre  à  coucher...;  devant  cette  chambre  une  terrasse  en  plomb  avec  un  balcon 
en  fer. ..  Autre  chambre  sur  la  rue  au-dessus  de[\&  salle...  Au  troisième  sur  le 
derrière...  —  Le  présent  fait  double  le  29  octobre  1790. 

(Minutier  de  M«  Carré,  notaire  fi  Rouen.  Communication  due  à  la  bienveillante 
intervention  de  M.  Gaston  Lebreton,  membre  correspondant  de  l'Institut,  que  je  ne 
saurais  trop  remercier  de  son  amabilité  réconfortante  ). 

IB.  Extraits  des  registres  cerisiers  de  VHôleUDieu  de  Rouen» 

Rue  Ganterie.  —  Cn  tènement  de  deux  maisons  dont  une  est  rue  de  l'Aumône, 
acquise  de  M.  de  Blosseville,  par  contrat  devant  M"  Liol,  notaire,  le  3  juillet  1783,  par 
le  prix  de  30,500  1.  —  Du  8  avril  1755,  la  première  et  grande  maison  dudit  tènement, 
cédée  à  M"»«  la  présidente  Bnmel  pour  en  jouir  sa  vie  durante  à  commencer  de  Saint- 
Jean  17^.  —  Aujourd'hui  (?)  M.  d'Esteville...    —    Bail  au  sieur  Jorre,  devant  Castel, 


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notaire,  28  juin  1793.  —  Cette  maison  a  été  vendue  par  la  nation  au  citoyen  Bonrgeoi^s 
Bouvpt,  le  17  floréal  an  Kl. 

Rue  de  l'Aumône.  —  La  seconde  maison  dud.  lènement  est  de  la  même  acquisi- 
tion. •—  Le  3  décembre  1762  bail  à  la  demoiselle  Barbe,  par  450  1.  —  Le  27  mars  ITTi, 
bail  à  M.  de  Cerqueux  par  450  1.  à  commencer  de  Saint-Michel  1772,  pour  9  ans.  —  Le 
12  janvier  1781,  bail  à  M.  de  Cerqueux  par  650  1.  à  commencer  de  Saint-Michel  ITW 
pour  9  ans.  —  Le  1*^  octobre  1790,  bail  à  MM.  composant  la  société  des  Amis  de  la 
Constitution.  --  Le  24  ventôse  an  V,  la  commission  de  Thospice  a  accordé  un 
nouveau  bail  de  trois  ans  au  Cn  Sevin,  moyennant  le  prix  de  800  1.  à  la  charge  de 
dépenser  1,5001.  en  réparations  et  réédifications  urgentes;  bail  devant  Castel,  notaire, 
le  8  messidor  an  V. 

(  Arch.  du  départ.  E.  385,  p.  86-87.  —  N»  96.  Communication  de  M.  de  Beaurepaire). 

II.  Page  28.  —  Sur  Leclerc  et  Aumont. 

Extraits  de  la  pétition  de  Leclerc,  imprimeur,  adressée  à  la  Convention,  datée  de 
la  Conciergerie  du  Palais,  à  Rouen,  du  26  janvier  l'an  2»  de  la  République. 

PAGE  9....  Le  citoyen  Le  Comte,  notable,  prenant  alors  le  titre  de  suppléant  le 
procureur  de  la  commune,  quoiqu'il  ne  manquât  pas  d'officiers  municipaux  qxii 
devaient,  suivant  la  loi,  remplir  ces  fonctions  avant  lui,  rédigea,  pendant  que  j'étais 
dans  un  lieu  paisible,  sousja  protection  des  magistrats  du  peuple,  un  réquisitoire 
dans  lequel  il  me  présenta  comme  ïagenl  slipendié  d'une  faction  opposée  au  régime 
de  la  liberté  et,  sinon  le  moteu)',  au  moins  le  complice  volontaire  des  troubles  des 
11  et  12  janvier. 

Il  faut  obserN'er  que  le  suppléant  le  procureur  de  la  commune  tire  toutes  ces 
conjectures  tant  de  l'article  :  Aux  Français^  inséré  le  10,  que  du  projet  d'adresse  du 
sieur  Aumont, 

Après  cet  exposé,  il  s'étaya  de  l'art.  III  de  la  loi  du  10  août  dernier,  confiant  aux 
municipalités  les  grandes  mesures  de  police  générale,  pour  demander  la  prohibition 
de  mon  journal,  et  conclure  à  ce  que  les  scellés  fussent  mis  sur  mon  imprimerie, 
quoique  la  loi  qu'il  a  invoquée  ne  dise  pas  un  mot  de  cette  mesure. 

Le  réquisitoire,  de  suite  soumis  au  conseil  général,  alors  assemblé  au  nombre  de 
vingt-trois  membres,  et  le  réquisitoire  fut  adopté  à  la  majorité  de  12  voix  contre  41. 

PAGE  10 Il  se  rencontra  deux  hommes  qui,  entraînés  sans  doute  par  un  faux 

zèle,  et  se  disant  députés  par  la  commune,  quoiqu'ils  n'aient  jamais  eu  de  pouvoirs 
d'elle  pour  cette  démarche,  trouvèrent  moyen  de  se  munir  d'\me  expédition  de  la 
délibération  du  conseil  général  qui  venait  d'être  prise  contre  moi  et  partirent  sur  le 
champ  pour  Paris. 

Pendant  que  ces  deux  individus  voyageaient  ainsi  extraordinairement  pour  me 
faire  porter  le  dernier  coup 

(Arch.  du  dép».  Imprimé  chez  la  veuve  L.  Dumesnil  et  Montier,  rue  Neuve- 
Saint-Lô,  n^  6,  1793.) 


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III. Page  42.  —  Suppression  du  Journal  du  Commerce  de  Guilbert. 

-A.  Rouen,  le  14  janvier  1798,  l'an  II  de  la  République. 

Le  procureur  général  syndic  du  département  de  la  Seine-Inférieure  aux  adminis- 
trateurs du  district  de  Rouen  : 

Je  vous  fais  passer  le  n«  13  du  Journal  du  Commerce^  de  politique  elde  UttéreUure 
ftxmçaise  et  anglaise  qui  se  distribue  dans  cette  ville.  Le  folliculaire  se  suppose  faire 
Textrait  d'un  ouvrage  intitulé  :  Avis  à  la  Convention  fiationale  sur  le  jugement  de 
Louis  XVL 

En  s  adressant  à  la  Convention,  cet  ouvrage  doit  dire,  suivant  le  folliculaire  : 
»  Je  crois  voir  les  ombres  de  vos  ancêtres  sortir  de  leurs  tombeaux,  se  répandre 

»  parmi  vous  et  s'étonner  de  voir Mais,  grand  Dieu!  j'aperçois  des  furies  qui  tien- 

•  nent  dans  la  main  un  poignard  tout  dégouttant  de  sang.  Ce  sont  les  ombres  de 
»  Clément,  de  Châtel,  de  Ravaillac,  de  Bradshaw,  de  Cromwel,  de  Damiens.  Elles 
»  soufflent  au  milieu  de  vous  le  poison  du  régicide  ;  elles  frémissent  d'impatience  ; 
B  elles  vous  accusent  de  lenteur.  Hàtés-vous  !  jugés  et  frappés  la  victime,  et  elles 
»  s'envoleront  au  séjour  des  enfers  en  poussant  un  cri  d'cdlégresse.  » 

La  liberté  doit  être  protégée,  mais  la  licence  doit  être  réprimée  ;  on  ne  peut  accu- 
muler plus  d'horreurs  contre  la  Convention  nationale  ;  c'est  un  attentat  à  la  majesté 
du  peuple  qu'elle  représente. 

J'ignore  si  le  livre  dont  on  prétend  avoir  tiré  ce  passage  existe,  si  le  passage  s'y 
trouve,  s'il  s'y  trouve  tel  qu'il  est  copié;  mais  que  le  fait  soit  ou  non,  le  folliculaire 
qui,  par  choix,  dissémine  de  pareils  traits,  qui  les  approprie  à  son  journal,  est,  à  coup 
sûr,  un  prédicateur  de  l'incivisme. 

La  loi  du  9  au  10  août,  art.  3,  autorise  les  municipalités  à  empêcher  la  distribu- 
tion des  journaux  ou  feuilles  publiques  connus  pour  prêcher  Tincivisme  et  la  contre- 
révolution. 

Le  Conseil  général  du  département  m'a,  en  conséquence,  chargé  de  vous  faire 
passer  le  n«  13  de  ce  journal,  afin  que  vous  le  transmettiez  à  la  municipalité  de  Rouen 
en  l'engageant  de  se  faire  remettre  sous  les  yeux  les  feuilles  précédentes  de  ce  jour- 
naliste, afin  que,  convaincue  des  principes  contre-révolutionnaires  et  inciviques  qu'il 
répand,  elle  se  sen^e  de  l'autorité  que  la  loi  lui  a  remise  pour  assurer  le  repos  public 
que  ce  journaliste  cherche  à  troubler  par  ses  diatribes  contre  la  première  autorité 
constituée. 

Que  ne  pouvez-vous,  citoyens,  recommander  à  la   municipalité  et  au  Conseil 

général  de  la  commune  de  Rouen  la  plus  ferme  et  la  plus  active  surveillance,  dans 

ce  moment  où  les  malveillants  que  leur  ville  renferme  encore  viennent  de  montrer 

des  vues  hostiles  dont  les  bons  citoyens  auraient  pu  devennr  les  victimes  sans  la 

fermeté  qui  les  a  reprimées. 

Signé:  F.-N.  ANQUETIN. 
(Arch.  du  départ.) 

U.  Rouen,  le  25  janvier  1793.  l'an  premier  de  la  République. 

Citoyens  administrateurs, 

Informé  que  vous  avez  cru,  dans  votre  sagesse,  devoir  dénoncer  le  n»  13  de  mon 
journal  à  la  municipalité,  j'ai  l'honneur  de  vous  prévenir  que  je  viens  de  lui  adresser 
la  Révolution  de  i79^,  journal  qui  circule  à  Paris,  ainsi  que  la  brochure  dont  le 


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rédacteur  de  ce  journal,  où  j'ai  puisé»  a  tiré  son  extrait.  Je  joins  à  la  présente  le 
pamphlet  qui  a  fourni  l'extrait  ;  j'y  joindrais  le  journal,  mais  n'en  ayant  qu'un  exem- 
plaire ceci  m'est  impossible. 

Je  suis,  avec  un  profond  respect,  citoyen,  votre  très  humble  ser\iteur 

GUILBERT,  rédacteur  du  Journal  du  ConimeiH^e,  e\c. 
Au  citoyen  président  du  Directoire  du  district  de  Rouen. 
(Arch.  du  départ.) 

IV.  Page  258.  —  Lettre  de  Lecanu,  ex-avocat. 

Paris,  8  juin  1793,  an  n  de  la  République. 
Citoyen  ministre, 

Si  c'était  pour  moi  que  je  vous  sollicitasse,  je  serais  moins  tenace  et  je  m'en 
tiendrais  aux  démarches  que  j'ai  faites  près  de  vous;  mais  c'est  pour  la  chose 
publique  que  je  réclame,  c'est  son  intérêt  qui  m'inspire. 

Rouen  vous  est  connu,  sans  doute,  et  est  comme  Lyon  le  rendez-vous  de  tous 
les  aristocrates  du  dehors  qui  se  joignent  à  ceux  du  dedans,  complotent,  conjurent, 
conspirent  sourdement  et  dans  les  ténèbres.  Il  serait  à  propos  qu*on  pût  les  dissiper 
et  y  porter  le  plus  grand  jour. 

On  ne  •  le  peut  que  par  une  surveillance  très  exacte,  et  toute,  surveillance  n'est 
que  superficielle  et  nulle  si  elle  n'a  pas  d'agents  qui  l'avertissent  de  ce  qui  se  trame 
de  plus  caché.  Afin  de  pouvoir  le  prévenir,  il  va\it  mieux  avoir  un  malheur  à 
empêcher  qu'à  réparer,  et  c'est  toujours  faute  de  précaution  que  tous  nos  maux  sont 
arrivés. 

Croyez-vous  que  les  rebelles  qui  désolent  la  Vendée  et  tourmentent  la  Répu- 
blique auraient  pu,  je  ne  dis  pas  seulement  avoir  des  succès,  mais  même  se  former 
si  leurs  premiers  rassemblements,  qui  se  sont  concertés  dans  des  maisons  à  la  faveur 
de  la  nuit  et  de  l'impuissance  des  surveillants  d'y  être  présents  par  des  agents,  avaient 
été  éclairés  et  dissipés. 

Il  y  a  à  Rouen  des  maisons  où  il  se  tient  de  nuit  des  conventuelles.  Qu'est-ce 
qui  s'y  médite?  Qu'est-ce  qui  s'y  arrange?  Qu'est-ce  qui  s'y  combine?  Je  n'en  sais 
rien  d'abord.  Une  intelligence  et  une  correspondance  exacte  et  suivie  s'y  entretient 
avec  les  émigrés  et  les  conspirateurs  de  l'intérieur.  La  chose  est  probable  ensuite. 
L'examen,  la  critique  et  la  satire  des  décrets  s'y  font  et  finalement  la  résistance  à 
leur  exécution  s'y  organise. 

Il  faut  contreminer  pour  détruire  l'effet  d'une  mine. 

Je  redoute  la  mise  à  exécution  du  décret  du  milliard.  Ce  ne  sera  pas  un  riche  qui 
prêtera  le  secours  de  ses  armes  pour  faire  payer  un  riche,  son  voisin,  parce  qu'il 
travaillerait  contre  lui-même.  Chez  moi,  le  sans-culotte  est  .sans  armes,  parce  qu'il 
n'y  a  que  ceux  qui  ont  60  1.  dans  leurs  poches  qui  puissent  avoir  un  fusil  sur 
l'épaule.  Des  piques  ont  été  faites,  mais  je  n'ai  jamais  pu  parvenir  à  les  faire  dis- 
tribuer. Elles  sont  d'une  longueur  telle  qu'on  a  réussi  à  dégoûter  le  peuple  de  s'en 
servir  et  on  ne  veut  pas  permettre  qu'elles  soient  raccourcies.  J'en  ai  en  vain  fait  la 
motion  plusieurs  fois. 

Enfin,  on  donnait  à  Paris  30,000  1.  par  mois  pour  tenir  sa  police.  Rouen  contient 


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plus  de  100,000  âmes.  Voyez  ce  que  vous  devez  faire.  Ilàtez-vous,   le    moment  est 
favorable. 

Signé  :  J.-V.  Lecanu,  officier  municipal  de  la  commune  de  Rouen  et  président 
du  comité  de  surveillance,  hôtel  de  Languedoc,  rue  de  Grenelle  Saint-Honoré. 

(Arch.  du  dépar*.  Copie). 

V.  Page  239.   —Sur  Robert  de  Saint- Victor. 

A..  —  Saint-Yon,  1«^  décade  de  frimaire,  l'an  deux  delà  République  Française,  une 
et  indivisible. 

Frère  et  ami,  ci-devant  mon  collègue. 

Le  malheureux  est  crédule  et  se  nourrit  facilement  d'espoir,  surtout  lorsque  sa 
conscience  est  pure  et  qu'il  ne  demande  que  justice. 

Mon  arrestation  a  confondu  le  patriotisme  et  confondu  jusqu'à  Vari8tot:ratie, 

Ma  détention  prolongée  depuis  cinq  semaines  devient  le  triomphe  et  la  risée  de 
cette  dernière. 

Elle  devient  pour  moi-même  une  sorte  de  problème  que  je  ne  puis  résoudre. 
Justice  nationale,  où  es-tu  ?  Vertu  ne  serais-tu  qu'un  songe  ?  Ne  sait-on  que  punir  le 
coupable  ?. . . 

Tu  as  été  témoin  de  toute  ma  conduite  ;  j'en  appelle  à  toi-même,  a-t-elle  iléchi  et 
varié  un  seul  instant? 

Je  l'ai  écrit  au  comité.  Qu'on  interroge  la  ville  et  les  campagnes,  et  que'l'on  me 
juge  sur  leur  réponse.  L'autocratie  (  j'entends  celle  qui  est  juste  et  de  bonne  foi  ) 
m'absout  de  mes  chaînes  et  voterait  pour  ma  liberté. 

J'ai  relu  la  lettre  fraternelle  que  tu  m'as  rédigée  au  nom  du  comité.  Elle  me 
donne  des  consolations,  mais  aucune  espérance.  Lorsque  j'ai  paru  dernièrement  au 
comité,  j'ai  été  reçu,  caressé  en  frère  ;  mais  personne  ne  m'a  dit  :  Tu  dois  sortir  et 
tu  vas  sortir.  On  m'exhorte  à  souffrir  avec  courage  ;  mais  puisque  c'est  injustement, 
pourquoi  dois-je  souffrir  ?  La  liberté  est  le  bien  commun,  la  propriété  la  plus  chère, 
le  besoin,  l'élément  des  Français,  je  ne  dois  pas  en  être  privé  un  seul  moment  si  je  ne 
l'ai  pas  mérité  ;  et  elle  m'est  ravie  depuis  cinq  semaines  !  et  je  suis  privé  des  em- 
brassemens  de  ma  femme  et  des  caresses  de  mes  enfants  ;  et  mes  affaires  soufîregt  et 
languissent  au. moment  où  j'ai  le  plus  pressant  besoin  de  les  suivre  !... 

Tu  me  dis,  citoyen,  que  ma  liberté  ne  dépend  pas  du  comité  dont  tu  es  membre  ; 
mais  ce  comité  n'a  qu'à  dire  un  mot  à  celui  de  Paris  et  mes  fers  tombent  à  l'instant... 
Tu  le  sais  comme  moi ...  * 

Ah  !  frère  et  ami,  tu  es  juste,  mais  terrible,  et  je  ne  crois  pas  que  l'administration 
endurcisse  ton  cœur.  Les  mesures  sévères  et  de  rigueur  sont  à  l'ordre  du  jour,  mais 
celles  d'humanité  et  de  justice  y  sont  aussi  et  y  seront  toujours.  J'ai  dû,  sans  doute, 
être  arrêté,  mais  je  ne  dois  pas  être  détenu.  C'est  une  injustice  cette  oppression  que 
j'éprouve,  qui  me  décourage  et  navre  mon  cœur  d'amertume. 

Je  suis  dans  une  exception  singulière,  j'ose  le  dire ,  et  cependant  me  voilà 
confondu  dans  le  sort  général  !  Regarde  avec  quels  individus  pour  la  plupart  je  suis 
détenu  et  vois  si  de  pareilles  chaînes  ne  m'avilissent  pas  à  mes  propres  yeux  ! 

Enfin,  daigne  me  parler  clairement.  N'y  a-t-il  plus  d'espoir  ?  et  la  Révolution,  la 
Patrie  exigent-elles  que  l'innocence  reconnue   soit  enveloppée   avec  le  coupable  et 


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l'individu  suspect  ?  Ne  duit-il  exister  iK)ur  l'un  et  |>our  l'autiv  que  le  même  poids.  la 
même  mesure  ?  Il  faudra  bien  y  souscrire  et  faire  ce  defnier  sacrifice,  le  plus  dur,  le 
plus  amer  de  tous. . . 

Au  moins,  tire-moi  de  cette  perplexité  plus  cruelle  encore  que  la  plus  afligeantp 
certitude.  J'y  prépare  ma  femme  dont  ton  âme  peut  mesurer  la  douleur  et  qui  crie 
vengt»ance  et  justice  pan'e  qu'elle  connaît  mes  sentiments  et  toute  l'injustice  de  ma 
situation... 

Ah  !  PUlon,  si  tu  étais  à  ma  place,  et  si  j'étais  à  la  tienne,  je  n'aurais  pas  un 
moment  de  repos  jusqu'à  ce  que  je  t'eusse  vu  rendre  à  la  liberté,  à  ta  femme,  ton 
enfant  et  tes  affaires. 

Si  tu  ne  crois  pas  pouvoir  me  répondre,  au  moins  lis-moi.  Tu  ne  peux  pas  le 
refuser,  je  te  le  demande  au  nom  de  l'infortune. 

.  Eh!  que  me  ferait  de  plus  le  parti  contraire,  s'il  pouvait  triompher?  Est-ce  à  la 
Patrie  de  me  punir  de  l'avoir  courageusement  et  fidèlement  servie  î 

Salut,  fraternité,  justice.  L.  Robert. 

Les  rues  sont  pavées,  les  campagnes  sont  peuplées  d'ex-nobles  et  parents  d'émi- 
grés qui  n'ont  pensé  ni  agi  comme  moi,  il  s'en  faut...  Ils  vivent  chez  eux  et  moi  je 
suis  en  prison  ! . . . 

Au  citoyen  Pillon,  officier  municipal  et  membre  du  comité  de  Sur\'eillance,  Rouen. 

(Arch.  mpales). 

U.  —  Inventaire,  le  2i  floréal  an  II  (10  mai  17^)  en  la  maiMon  d'Yon,  de  tous  les 
objets  qui  y  étaient  déposés  dans  les  pièces  occupées  par  Louis  Robert  (de  Saint-Victor) 

...  Où  étant  parvenus,  dans  le  premier  corridor  entre  la  chambre  portant  n««  16 
et  17,  j'ai  trouvé  les  objets  qui  suivent  :  —  un  manteau  de  drap  vert  gamy  d'un  petit 
galon  d'or  et  de  ses  agrafi'es  en  argent  ;  —  deux  petits  bougeoirs  de  cuivre  argenté;  — 
un  Horace  latin,  Suétone  en  latin  ;  —  treize  volumes  anglais  :  —  une  petite  commode 
en  bois  de  placage  à  trois  tiroirs  contenant  une  cuillère,  une  fourchette,  et  une  petite 
cuillère  à  café  en  argent;  —  une  paire  de  bas  de  fil,  deux  paires  de  bas  de  coton ;- 
une  dito  de  soie  grise  ;  —  un  mouchoir  de  soie,  une  chemise  ;  —  une  écuelle  ei  ses 
deux  oreilles  en  argent;  —  une  écritoire  en  chagrin,  garni  de  ses  plaques,  encrier  et 
poudrière  d'argent  ;  —  une  tabatière  en  écaille  à  portrait  et  paysage  garnie  de  deux 
cercles  etgorge  en  or  ;  —  une  tabatière  dito,  garnie  d'une  lampresse  (?)  et  paysage  à  deux 
cercles  d'or;  —  une  bombonnière  en  yvoire  à  deux  médaillons  fleurs  et  fruits  cercles 
et  gorge  en  or  ;  —  une  boette  en  écaille,  portrait  de  femme  et  médaillon  garnie  en 
or;  ~  une  tabatière  en  écaille  à  deux  petits  dessins  et  deux  cercles  d'or;  —une 
cuvette  on  faïence,  un  flacon  et  un  gobelet  de  verre  blanc.  —  une  glace  de  21  pouces 
de  longueur  sur  12  de  largeur  ;  —  une  boîte  à  poudre,  deux  petites  casseroles  et  une 
veilleuse  en  fer  blanc  ;  —  petit  marchepied  en  bois  de  chêne;  —  une  petite  table  en 
bois  de  noyer,  table  de  marbre  gris  ;  —  un  soufflet  à  tuyau  de  cuivre;  —  une  table 
ronde  en  bois  d'acajou  sur  son  pied  ;  —  deux  chaises  à  fond  de  paille,  une  à  fond 
d'osier;  —  une  chemise,  deux  mouchoirs  de  soye;  —  un  bandeau  de  toile;  —  Die. 
tionnatre  de  Boyer  en  2  volumes;  —  3  volumes  anglais,  voyage  en  Nubie,  ^ 
Abyssinie;  —  4  volumes  brochés;  —  un  fauteuil  en  panne  vert  et  blanc  ;  —  une  grande 
redingote  beige;  —  un  gilet  à  devant  de  CAsimir  écarlate  brodé  ;  —  un  habit  de  drap 


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à  iietHs  (?),  vert  et  noir;  —  une  redingote  de  drap  à  rayes  rouges,  vert  et  bleu  (sic); 
—  une  petite  hache  à  main  ;  —  un  baudet  fond  coutil  ;  —  2  matelas  couverts  de  toile 
veile  ;  un  oreiller  rempli  de  coutil  de  plumes;  un  traversin  de  toile  verte  rempli  de 
plumes;  deux  draps  de  lé  et  demi  et  une  taie  d'oreiller  entoile  ;  —  une  couverture  de 
molleton  de  coton  blanc;  un  manteau  de  lit  en  indienne,  un  autre  dito  doublé  de 
fùtaine  blanche;  —  une  vieille  nappe;  —  une  redingote  et  un  gilet  de  coton  blanc;  — 
une  serviette  de  double  œuvre  ;  —  Deux  paysages  sur  bois  par  Mayère  ;  —  Cinq  paysages 
par  Robert  ;  —  un  paysage  et  deux  temples  par  un  maître  flamand  ;  —  une  petite 
femme  inscrustée  en  marbre  ;  —  deux  testes  d'homme  par  un  maître  français  ;  —  un 
paysage  avec  ruine,  figures  et  animaux  sur  cuivre  ;  —  des  buveurs  sur  bois,  par  un 
maître  flamand,  en  deux  tableaux  ;  —  trois  marines,  par  idem,  sur  bois  ;  —  une 
sainte  famille,  sur  hois,  par  un  maître  flamand;  —  une  Descente  de  Croix,  sur  bois, 
par  item  ;  —  deux  paysages,  sur  bois,  par  Pagniez  ;  —  une  mangeuse  de  confitures, 
sur  bois,  par  un  maître  français  ;  —  deux  églises,  sur  cuivre,  par  un  maître  hollan- 
dais; —  une  tète  de  vierge  et  sainte  famille,  sur  bois,  par  un  maître  italien;  —  Six 
tant  figures  que  paysages,  sur  bois  par  un  maître  français  ;  —  un  avare,  une  école  et 
un  portrait  d'homme,  sur  bois,  par  un  maître  flamand  ;  —  un  charlatan,  sur  bois,  par 
un  maître  français  ;  —  un  intérieur  de  cuisine,  deux  bouquets  et  deux  corbeilles  de 
fruits,  sur  toile,  par  Perpète  ;  —  un  hiver,  sur  toile  et  bois,  par  un  maître  flamand  ;  — 
un  paysage  avec  fabriques  et  figures,  par  Boucher;  —  deux  tètes  d'enfant  par  le 
même  ;  —  un  ange  gardien  et  un  buste  d'homme,  par  un  maître  flamand  ;  —  deux 
bouquets  de  fleurs,  sur  agathe.  par  Brughels  ;  —  une  cafetière  du  Levant,  en  cuivre;  — 
un  marteau  en  fer... 
(Arch.  municip.) 

C.  Page  498.  —  Egalité.  —  République  Française.  —Liberté. 

•Convention  Nationale.  —  Comité  de  sûreté  générale,  section  de  la  police  de  Paris. 

Du  26  germinal  l'an  trois  de  la  République  Française,  une  et  indivisible.  M'étant 
trouvé  ce  jourd'hui  au  Palais-Egalité,  j'aurais  rencontré  le  C™  Robert,  dit  Saint-Victor, 
ci-devant  président  au  ci-devant  Parlement  de  Rouen,  que  l'ayant  abordé,  je  lui 
aurais  dit  qu'il  était  étonnant  qu'après  avoir  prêché  le  terrorisme  à  la  tribune  des 
Jacobins  de  Rouen  et  y  avoir  annoncé  avec  une  espèce  de  joie  et  satisfaction  que 
son  fils  avait  été  guillotiné,  il  affiche  de  se  retirer  à  Paris;  que  plusieurs  personnes 
se  seraient  assemblées,  que  sur  ce  la  garde  serait  survenue  et  aurait  de  suite 
conduit  le  soussigné  et  le  citoyen  Robert  au  comité  de  sûreté  générale. 

Signé  ;  Renault,  rue  Grenelle-Honoré,  n»  78. 

La  dénonciation  ci-dessus  est  une  calomnie  atroce  dont  je  lais.se  la  punition  à  la 
vindicte  publiqtie  lorsqu'elle  sei'a  prouvée.  J'étais  ex-noble,  non  président,  mais 
conseiller  au  Parlement  de  Rouen.  J'ai  aimé  et  embrassé  la  Révolution  dès  la  pre- 
mière époque.  J'ai  prêché  la  liberté,  l'égalité,  la  fraternité,  l'union,  rien  de  plus.  Ma 
conduite  civique  a  eu  pour  témoin  toute  la  commune  de  Rouen,  le  district  et  le 
département  auquel  je  demande  qu'on  fasse  des  informations. 

J'ai  été  officier  municipal  et  j'ai  pour  témoin  de  ma  conduite  dans  la  municipalité 
le  citoyen  Lecomte,  alors  substitut  de  la  commune,  aujourd'hui  représentant  du 
peuple,  avec  lequel  je  loge,  hôtel  Laurent,  rue  du  Four-Honoré. 


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—  556  — 

(Test  une  atrocité  abominable  et  révoltante  de  dire  que  j'ai  prêché  le  terrorisme  à 
Uï  tribune  des  Jacobins;  je  n'ai  parlé  que  d'union,  de  paix,  de  concorde,  d'amour 
fMfur  In  République,  et  je  n'ai  pas  dénoncé  une  àme  dans  le  monde. 

Lr  16  octobre,  l'an  II  de  la  République,  au  matin,  on  vint  me  saisir  par  ordre  du 
coin i If ^  lie  sûreté  générale  comme  ex-noble  et  père  d'émigré,  et  comme  tel  je  fus 
curiîhiil  à  la  maison  de  détention  (Yon),  à  Rouen.  J'y  ai  resté  onze  mois  ;  enfin  j'en 
ni  ^orti,  mais  avec  le  séquestre  sur  tous  mes  biens  depuis  dix-huit  mois  ;  je  viens  ici 
jM^ur  le  faire  lever,  et  les  membres  du  comité  de  législation  attesteront  de  mes 
frèqiif^iites  visites  audit  comité. 

C'est  une  horreur  de  dire  que  j'ai  dénoncé  mon  fils  et  que  je  me  suis  réjoui  de 
»n  [Murt*  Je  défie  que  cette  calomnie  puisse  être  prouvée  et  j'en  appelle  à  toutes  les 
pn?nves que  Ion  voudra  invoquer. 

J'ai  été  une  victime  moi-même  du  terrorisme;  comment  aurais-je  pu  en  être  le 
prôint^ur  et  l'organe. 

Sans  le  9  thermidor,  je  n'existerais  plus  aujourd'hui. 

Pîvris,  le  26  germinal  Tan  ÏII  de  la  République. 

(Arch.  nat.  F.  4670)  •    L.  Robert. 

VL  Page  422.  —  Lettre  du  conventionnel  Lecomte  à  la  commune 

de  Rouen. 

Paris,  12  thermidor  an  II. 
Ày  conseil  général  de  la  commune. 

Citoyens, 

j'ai  reçu  votre  courrier  à  minuit  et  demi  et  il  n'y  avait  pas  longtemps  que  j'étais 
^>îit  de  la  séance  qui  a  duré  jusqu'à  plus  d'une  heure  ;  mes  yeux  extrêmement 
falii^ués  depuis  deux  à  trois  mois  ne  me  permirent  pas  d'y  rester  plus  longtemps. 

Toutes  les  adresses  que  vous  m'avez  envoyées  ont  ouvert  la  séance  de  ce  jour  et 
ont  Init  la  plus  vive  sensation  tant  à  la  Convention  qu'aux  tribunes  qui  sont  très 
1 11)11  ihreuses  :  Tout  le  monde  a  été  enchanté  de  la  célérité  et  des  expressions,  car 
lune  et  l'autre  prouvent  le  sentiment.  Toutes  seront  insérées  honorablement  au 
biiUetiii. 

Tout  est  Icy  fort  tranquille  et  parfaitement  d'accord  avec  la  pureté  des  sentiments 
mu  animent  la  Convention  :  s'il  reste  quelqu'inquiétude  parmi  nous,  c'est  un  effet 
juslo  et  naturel  de  la  conspiration. 

Nous  sçavons  bien  que  les  scélérats  qui  tenaient  le  Dez  n'existent  plus,  mais 
nou8  sçavons  aussi  qu'ils  avaient  une  cour  et  cpi'ils  ont  laissé  des  légataires  que  les 
ytmx  de  la  prudence  et  du  zèle  découvriront. 

Vieilles,  mes  bons  amis,  ou  plutôt  continués  votre  surveillance.  Nous  vaincrons 
li.^s  ri ii>chants  ;  et  prenez  garde  aux  jeux  de  figure,  ce  sont  des  traits  qui  marquent  le 
tmraflére.  Contribués  à  démasquer  les  Hébertistes,  les  Robespierristes,  tous  ces 
fortît'nès  enfin  qui  doivent  maintenant  saigner  du  nez. 

Hier,  soixante-et-onze  membres  de  la  commune  de  Paris  ont  péri  sur  l'échafaud 
J4UX  i'vhs  de  l'allégresse  publique  :  on  va  réorganiser  cette  commune  et  le  tribunal 
révolutionnaire.  Tout  va  changer  et  prendre  une  autre  attitude. 


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Faites  part  de  la  présente  à  toutes  les  autorités  constituées  qui  se  sont  réunies  à 
vous  et  daignés  les  assurer  de  ma  reconnaissance  particulière. 

Salut  et  fraternité.  Lecomte. 

Liège,  le  fort  Siblot  sont  à  nous;  nous  sommes  donc  maîtres  de  l'Escaut.  Vive  la 
République  !  mes  embrassements  à  tous  les  vrais  patriotes. 

(Arch.  m  pales). 

VII.  Le  Reoeil  des  Rouennais,  —  Sur  Tair  de  La  Marseillaise. 

Français,  lorsque  vous  êtes  libres 

Ne  souffrez  plus  de  Jacobins. 

Exterminez-donc  les  perfides, 

Fléau  du  genre  humain  {bis)  (sic). 

Que  le  signal  partout  se  donne  ! 

Il  faut  punir  tous  les  pervers 

Amis  renvoyons  aux  Enfers 

Des  brigands  partout  abhorrés  (sic). 

Levez-vous,  citoyens  ! 

Ecrasez  ces  mutins, 

Marchez,  marchons  î 
Rendons  la  paix  à  tout  le  genre  humain. 

Assez  longtemps  ces  monstres  infâmes  (sic) 

Ont  fait  génir  l'humanité, 

Ne  nous  rendons  pas  trop  méprisables  (sic) 

Par  une  trop  longue  impunité.  (sic)  , 

Le  temps  n'est  plus  où  ces  barbares 

Nous  tenaient  partout  enchaînés. 

La  Terreur  est  ressuscitée, 

Mais  c'est  pour  ces  êtres  infâmes. 

Armez- vous,  citoyens  ! 

Ecrasez  ces  mutins. 

Marchez,  marchons  ! 
Rendons  la  paix  à  tout  le  geni'e  humain. 

Que  la  Terreur  soit  pour  les  traîtres 
Et  pour  tous  les  hommes  de  sang  ! 
11  €»st  facile  à  les  connaître  : 
lie  sang  ils  sont  encore  fumant.         (sic) 
Pourquoi  donc  dedans  cette  ville 
Ont-ils  encore  lair  menaçant  ?  (sic) 

Faites  les  tomber  dans  le  néant 
Si  vous  voulez  être  tranquille. 

Frappez  donc,  citoyens  î 

Point  de  grâce  pour  ces  muthis  ! 

Frapî>oz,  frap|)ons  ! 
Rendons  la  paix  à  Icmt  le  \nn\VM  humain. 


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—  568  - 

Ueprrsentaiils  duii  peuple  libre, 

Contintiez  vos  sages  travaux  î 

Ne  souffrez  plus  que  des  perlides 

De  la  France  fasse  un  tombeau.  (sic) 

Nous  jurons  partout  de  poursuivre 

Et  d'anéantir  ces  bourreaux. 

Nous  ne  voulons  point  de  repos 

Que  la  France  ne  .soit  puve  et  libre,   (sic) 

Sage  représentant. 

Frappez  tous  les  tyrans, 

Frappez,  frappons  ! 
Donnez  la  mort  à  ces  bommes  de  sang. 

Collationnê  conforme  à  l'original  resté  en  dépôt  au  parquet  de  l'agenc»  nationale. 
—  A  Rouen,  ce  2^1  pluviôse  an  111.  .signé  Le  Coutour. 

(Arcb.  du  dép').  Cette  pièce  m*a  été  signalée  pai*  M.  Duchcmin,  directeur  de 
La  Normandie  historique,  , 

VIII.  Page  501  n.  3.  —  Hardy,  représentant  du  peuple  à  son  ami 
Victor  Lefebvre,  Vun  des  membres  du  jury  institué  pour 
i établissement  des  Ecoles  centrales. 

Paris,  le  12  prairial  an  111  (31  mai  1795). 

Le  citoyen  Barcq  ma  conunuuiqué  ce  matin  im  fragment  d'une  lettre  que  tu  lui 
as  écrite  ces  jours  derniers,  dans  lequel  tu  peins,  avec  l'abandon  e^  la  sensibilité  qui 
caractérisent  ton  cœur,  les  sentiments  de  la  tendre  et  sincère  amitié  qui  nous  unit 
depuis  longtemps,  et  dans  lequel  tu  montres,  avec  le  désir  de  me  choisir  pour  un  des 
professeurs  de  l'Ecole  centrale,  quelque  sollicitude  sur  l'incompatibilité  de  la  misf^iim 
dont  le  peuple  m'a  chargé  avec  cette  nouvelle  fonction  publique.  Mon  ami,  tes  craintes 
à  cet  égard  ne  sont  pas  fondées.  Le  jury  de  Paris  a  nommé  plusieurs  de  mes  collègues, 
sans  s'occuper  ni  de  l'instant  où  ils  pourraient  enseigner,  ni  de  savoir  s'ils  auraient 
besoin  d'un  suppléant. 

Ne  t'imagines  pas,  mon  cher  Lefebvre.  que  l'enseignement  des  sciences  physiques 
puisse  être  aussi  prompt  que  tu  semblés  le  vouloir. . .  11  faut  du  temps  pour  former 
un  laboratoire  de  chimie,  pour  former  les  cabinets  d'histoire  naturelle,  de  physique,elc. 
L'essentiel,  dans  ce  moment,  est  de  faire  de  bons  choix,  des  choix,  s'il  se  peut,  à 
demeure. 

Si  toi,  mon  ami,  et  tes  deux  collègues  dont  tu  connais  les  sentiments  de  bienveil- 
lance pour  moi,  vous  me  croyez  digne  d'enseigner  l'histoire  naturelle  et  la  chimie,  je 
ne  vois  rien  qui  puisse  s'opposer  à  ce  que  je  remplisse  vos  vœux  à  cet  égard.  Tu  te 
rappelles  sans  doute  mes  nombreux  sacrilices  pour  l'établissement  de  la  chaire  do 
chimie  et  d'histsire  naturelle ,  et  tu  sais  peut-être  qu'à  l'époque  de  la  Révolution  le 
gouvernement  m'avait  accordé  une  pension  de  2,400  1.  que  j'ai  sacrifiée  à  la  chose  publi- 
que. Malgré  mes  vieilles  prétentions  sur  cette  place  dont  les  détails  t'ennuieraient  et 
ne  me  plairaient  guère,  si  lu  tiYiiives  un  sujel  plus  fort  pour  remplir  les  \-ues  du  gou- 
vernement que  ton  ancien  ami.   choisis-le,   ïie  balance  point.  La    Patrie   a  des  rh-oits 


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siipcirieiii-s  à  ceux  de  l'aniitié.  Sois  vèritablenieiit  riinpai'tial  juré  du  jury  d'iuslructioii 
publique,  et  prononce  en  ton  àme  et  conscience,  bien  certain  de  conser>'er  mon  estime 
et  mon  amitié. 

Dans  l'hypothèse  de  Thonneur  de  ton  choix  et  de  celui  de  tes  deux  collègues,  le 
temps  qui  me  séparera  de  ceux  que  je  serai  chargé  d'instituer  ne  sera  pas  perdu  ni 
f>our  eux,  ni  pour  moi.  Je  ne  m'occuperai  ici  non  seulement  de  me  mettre  au  niveau 
ties  connaissances  acquises,  mais  encore  de  ce  qui  .sera  nécessaire  pour  la  formation 
ou  la  disposition  du  cabinet  de  chimie  et  d'histoire  naturelle."  Si  j'étais  à  Rouen, 
il  nie  serait  impossible  de  remplir  cette  nouvelle  fonction  comme  je  le  désirerais, 
sans  venir  pa.sser  ici  quatre  à  cinq  mois  au  moins. 

La  Convention  ne  tardera  pas  à  doimer  une  constitution  au  peuple  français.  Klle 
.sei'a,  je  l'espère,  débarrassée  des  maximes  démagogiques  qui  déparent  celle  de  179H 
et  qui  y  ont  été  glissées  à  dessein.  Les  représentants  du  peuple  ont  reçu  depuis  deux 
Hiis  d'utiles  leçons  et  j'aime  à  croire  qu'elles  ne  seront  pas  perdues  pour  le  bonheur 
de  nos  concitoyens.  Nous  aiu'ons  un  gouvernement  constitutionnel  bien  plus  tôt  qu'on 
ne  le  pense...  Aussitôt  que  ce  grand  travail  sera  fini,  rien  ne  s'opposera,  mon  ami,  à 
ce  que  j'aille  occuper  la  place  de  professeur  à  laquelle  j'aurais  été  appelé  soit  avant, 
soit  après  la  cessation  de  la  session  de  la  Convention  nationale.  Mais  la  Convention 
.sera  remplacée  par  un  corps  ccmstitué  avant  que  les  préparatifs  des  cabinets  soient 
terminés,  sois-en  bien  assuré. 

Je  te  fais  cette  lettre  dans  un  comité  au  milieu  dune  vingtaine  de  députés   qui 

parlent  et  m'interrompent  sans  ces.se.  Il  m'est  impossible  de  mettre  l'ordre  dans  ce  que 

j'écris.  Excuse-moi,  mon  ami,  et  reçois,  avec  ta  bonté  accoutumée,  Tas-surance  de  mon 

inviolable  attachement. 

Signé  :  IIahdv. 

I*.-S.  —  Tout  va  bien  ici.  Les  nouvelles  de  Toulon  sont  consolantes.  Le  repré.sen- 
taiit  nouveau  qu'on  vous  envoie,  Coupéj  des  Côtes-du-iVor<i,  doit  partir  après  demain 
p<ïur  .sa  destination.  —  Je  compte  me  rendre  à  Rouen  dans  huk  à  dix  jours.  J'aurai 
satisfaction  de  t'embrasser  autrement  que  par  désir. 

IX.  Page  531.  —  Rapport  sur  l'esprit  public  à  Rouen, 

AFFAiRKs  sk4:rktks  Rouou,  le  ÎK)  nivôse,  l'an  4*"  (20  janvier  i79H). 

Le  Receveur  des  impositions  du  dépaiiement  de  la  Seine-Inférieure  au   ministre  de  la 
police  générale  de  la  République  française. 

Citoyen  niini.^^tre. 

N'ayant  aujourd'hui  rien  de  pailiculier  à  vous  -mander  sur  l'objet  principal  dont 
vous  m'avez  chargé,  je  vais  avoir  l'honneur  de  vous  entretenir  de  celui  qui,  depuis 
mon  arrivée  dans  cette  comnmne,  a  fixé  mon  attention.  Je  vous  dois,  je  dois  à  ma 
Patrie  le  tribut  des  lumières  que  j'ay  acquises.  Je  paye  ma  dette. 

Il  s'en  faut  de  beaucoup  qu'en  général  l'esprit  public  soit  passé,  parmi  leshaljitiuis 
de  cette  connnune,  au  degré  de  perfectibilité  néces.saire  pour  raiïermis.sement  de  la 
République.  Mais  il  n'en  faut  accuser  que  régoisme,  et  surtout  les  propos  qu'une 
foule  d'ennemis  de  la  Patrie  répandent  dans  la  société. 

Les  conuneivants  (pii  fornu'nl  la  «'lasse  Ih  pins  iniportnnie  de  celle  cité  maritime. 


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aiment  beaucoup  l'argent,  les  aisances;  ils  n'aspirent  qu'à  jouir  d'une  grande  fortune 
qui  puisse  leur  donner  de  la  considération.  Ils  veulent  paraître  honnêtes  gens  et 
cependant  ils  n'ont  de  probité  qu'autant  qu'elle  |>eut  leur  étrt»  utile,  et,  tromper  son 
concitoyen,  lui  enlever  quelques  airaires,  leur  semble  un  acte  méritoire,  s'ils  panien- 
nent  à  lui  arracher  quelques  plumes  tle  son  aile.  Sans  liaisons  intimes,  sans  aniilié 
les  uns  pour  les  autres,  ils  vivraient  isolés,  si   l'inténH  ne  les  réunissait  quelquefois. 

Dans  le  commencement  de  la  Révolution,  le  commerce  a  été  écrasé  par  les 
vandales  qui  gouvernaient  la  France;  il  s'est  élevé  sur  les  ruines  des  anciennes  maisons 
de  commerce  une  foule  d'intrigants  qui  ont  porté  partout  le  désespoir  et  le  découra- 
gement, et  ont  tiré  un  grand  parti  de  la  terreur  qu'ils  avaient  su  rt^pandre.  Ces  hommes 
sont  devenus  aujourd'hui  les  plus  grands  ennenns  du  gouvernement;  ils  proclament 
hautement  leurs  opinions  inciviques,  travaillent  à  saper  les  fondements  de  la  Constitu- 
tion ;  s'appliquent  à  lui  faire  de  nouveaux  ennemis,  à  fermenter  l'anarchie,  à  exciter  la 
haine  contre  le  gouvernement.  Ces  hommes  dangereux  se  réunissent  à  la  plupart  des 
agents  du  gouvernement,  chargés  de  quelques  parties  de  l'administration  qui  ne  sem- 
blent régies  que  pour  leur  compte  particulier,  et  qui,  enrichis  aux  dépens  delà  fortune 
publique,  étalent  un  luxe  insolent,  osent  dans  leurs  orgies  préparer  les  coups  qu'ils 
voudraient  faire  porter  à  la  cho.se  publique  et  ne  négligent  aucun  des  moyens  qui 
semblent  être  en  leur  pouvoir.  J'y  ajouterai  encore  que  ce.s  gens  sont  admirablement 
bien  secondés  par  les  membres  des  autorités  constituées,  dont  bien  peu  m'ont  paru 
d'excellents  patriotes. 

Heureusement  pour  la  chose  publique,  il  existe  parmi  eux  une  crainte  salutain\ 
Ils  craignent  de  devenir  de  nouveau  les  victimes  de  la  Terreur,  et  comme,  dans  leur 
cœur,  ils  sont  éloignés  de  coopérer  aux  mesures  qu'ils  indiquent  comme  étant 
propres  à  renverser  l'édifice  d'un  bon  gouvernement,  ils  voudraient  profiter  de  la 
trahison  sans  être  soupçonnés  d'en  être  les  auteurs;  c'est  pour  cela  que  leur  sur- 
veillance est  moins  à  craindre,  et  n'ayant  réellement  aucun  chef  de  parti,  les  moyens 
qu'ils  emploient  viendront  toujours  échouer  contre  une  mesure  rigoureuse  du  Gou- 
vernement. 

La  chei-té  des  comestibles,  la  difficulté  de  s'en  precurer,  la  scélératesse  des 
cultivateurs,  l'emprunt  forcé,  et  jusqu'à  une  malheureuse  maladie  épidéniique. 
arrivée  à  une  petite  connnune  voisine,  mais  qui  n'a  heureusement  auctm  caractère 
alarmant,  ont  été  les  prétextes  dont  ils  se  sont  sen'is  pour  allécher  l'espoir  des 
nombreux  ouvriers  des  nianufactures  et  provoquer  leur  mécontentement.  Le  Gou- 
vernement, selon  eux,  veut  proposer  la  guerre,  affamer  le  peuple,  s'emparer  des 
trésors  de  la  Nation,  il  a  accumulé  sur  nos  têtes  les  trois  grands  fléaux  de  l'huma- 
nité :  la  guerre,  la  peste  et  la  famine. 

Mais  ces  honnêtes  citoyens  ont  vu  le  pain  et  la  viande  diminuer  de  prix,  se  k 
procurer  abondamment,  l'épidémie  ne  point  les  atteindre,  et  les  vœux  du  Directoire 
portés  constamment  vers  la  paix,  au  moyen  de  quoi  ils  sont  retournés  tranquiHemenl 
dans  leurs  ateliers.  Tout  cela  n'a  pas  été  le  fruit  d'une  grande  éloquence,  ni  de 
l'emploi  de  grands  moyens;  une  persuasion  douce,  l'instruction  donnée  à  ceux  qui 
parmi  eux  jouis.sent  de  quelque  considération,  ont  opéré  le  cahne  et  la  tranquillit'* 
qui  régne  dans  ce  moment-cy  dans  cette  immense  conmmne. 

Mais,  citoyen  ministre,  je  dois  vous  dire  que  cette  tranquillité  ne  sera  qu'éplu'- 
mére  tant  (puî  fies  jeunes    gens,    lâches    <lésertem*s  des    drapeaux    de    la   |»nlri»\ 


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emploieront  tous  leurs  moyens  pour  propager  les  principes  les  plus  scandaleux. 
Les  promenades,  les  spectacles,  les  cafés,  les  billards  sont  pleins  de  ces  jeunes 
incendiaires,  on  les  voit  partout,  excepté  aux  champs  de  la  gloire.  La  nuit,  ils  se 
retirent  à  la  campagne. 

Il  existe  aux  environs  de  Rouen  une  très  grande  quantité  de  petites  maisons  de 
récréation,  où,  autrefois,  le  négociant  tranquille  allait  passer  le  dimanche  avec  sa 
famille.  Ces  asiles  étaient  consacrés  à  l'amitié,  aux  plaisirs  domestiques.  Aujourd'hui, 
ils  sont  le  repaire  des  contre-révolutionnaires  ;  ils  sont  tellement  multipliés  que  tout  le 
monde  veut  en  avoir  un.  Le  voisinage,  la  facilité  de  se  réunir  sans  être  aperçu,  tout 
concourt  à  les  faire  rechercher,  et  c'est  là  que  les  fils  des  marchands  passent  la  nuit 
pour  se  soustraire  à  la  réquisition. 

Ceux  employés  dans  les  charrois,  dans  les  vivres,  aux  subsistances  et  dans  les 
administrations  qui  se  sont  multipliées  dans  cette  commune  au-delà  de  toute  néces- 
sité, sont  encore  ceux  qui  propagent  avec  plus  d'ardeur  la  désobéissance  aux  lois,  et 
leurs  places,  qui  les  mettent  à  l'abri  de  toute  recherche,  payant  très  souvent  le  chef 
qui  les  protège,  semble  leur  donner  une  hardiesse,  une  insolence  que  les  autres, 
timides  par  caractère,  n'osent  point  développer  encore,  et  qui,  n'étant  braves  qu'avec 
leurs  camarades,  ou  les  femmes  avec  lesquelles  ils  vivent,  leur  jactance  s'évanouit 
devant  un  habit  bleu. 

De  pareils  hommes  ne  sont  guère  dangereux  ;  mais  je  pense  qu'il  serait  utile  de 
leur  ôter  les  moyens  de  huire  et  d'enlever  à  la  malveillance  cet  appui,  tout  faible 
qu'il  est. 

C'est  pourquoi  il  me  paraîtrait  convenable  de  faire  ordonner  de  nouveau,  par  le 
Directoire  exécutif,  à  tous  chefs  d'administration,  de  donner  la  liste  des  jeunes  gens  de 
la  première  réquisition,  de  les  présenter  à  l'agent  militaire  du  gouvernement  (qui  aurait  ' 
des  ordres  secrets  de  les  faire  partir)  sous  une  responsabilité  terrible  contre  chaque  chef, 
telle,  par  exemple,  de  la  perte  de  leur  employ  et  d'être  punis  comme  fauteurs  de  la 
désertion  ;  de  faire  proclamer  la  loi  contre  ceux  qui  recèlent  un  défenseur  de  la 
Patrie  ;  charger  spécialement  les  autorités  constituées  de  rechercher  les  déserteurs,  et 
faute  par  eux  de  les  faire  rejoindre,  ou  d'avoir  éludé  l'exécution  de  la  loi,  les  faire  juger 
comme  réfractaires  ;  ordonner  que  tous  ceux  qui  auraient  obtenu  des  congés  à  quelque 
titre  que  ce.soit,  même  pour  cause  de  blessures  ou  d'infirmités,  soient  tenus  d'en  faire 
valider  le  motif  par  une  nouvelle  vérification  ;  enfin,  donner  par  des  affiches  multipliées 
la  plus  grande  publicité  à  cette  mesure,  et  annoncer  la  volonté  déterminée  de  la  faire 
exécuter. 

Il  en  est  une  autre  qui  doit  coïncider  avec  celle-là,  c'est  de  faire  connaître  que  tous 
les  jeunes  gens  qui  ne  sont  pas  dans  l'âge  de  la  réquisition,  et  qui  auront  atteint  21  ans, 
se  feront  inscrire  dans  les  24  heures  sur  le  registre  civique  de  leur  canton,  que  tous  ceux 
qui,  soit  dans  les  promenades,  les  spectacles,  les  cafés,  soit  dans  tous  les  lieux  publics 
et  particuliers  qui  auront  manifesté  par  des  propos  ou  des  écrits,  des  sentiments 
contraires  à  l'aflermissement  de  la  République  ou  contre  les  mesures  du  gouvernement, 
seront  punis  suivant  la  rigueur  des  lois. 

D'une  part,  on  criera  à  la  désorganisation,  de  l'autre,  qu'on  veut  ramener  le  règne 
de  la  Terreur.  Il  faut  laisser  clabauder  ;  les  charrois  se  feront  aussi  bien,  les  subsis- 
tances parviendront  de  même  et  la  Terreur  ne  sera  que  pour  les  malveillants.  Il  faut 
que  le  gouvernement  marche  d'un  pas  ferme  et  il  serait  à  chaque  instant  exposé  à  des 


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entraves  s'il  n'écartait  des  grandes  communes  des  hommes  qui  ne  vivent  qu'aux  dépens 
de  la  République  et  qui,  par  ton  ou  par  incivisme,  sont  ses  plus  grands  détracteurs. 

Je  vous  promets,  citoyen  Ministre,  qu'après  cela  Rouen  ne  présentera  plus  le 
spectacle  odieux  d'une  commune  qui  semble  être  à  chaque  instant  le  théâtre  et  le  foyer 
de  la  contre-révolution.  L'esprit  de  la  malveillance  sera  exécuté  pour  jamais,  et  s'il 
arrivait  quelque  crise  malheureuse,  les  fils  de  l'intrigue  étant  rompus,  les  instrumente 
brisés,  on  aurait  bien  de  la  peine  à  remonter  la  machine. 

En  attendant,  je  croirais  nécessaire  de  faire  surveiller  les  petites  maisons,  où, 
malgré  l'hyver,  on  se  rend  tous  les  jours,  ainsi  que  les  maisons  de  campagne  dans  le 
rayon  de  deux  lieues.  Un  homme  intelligent  qui  aurait  deux  chevaux  de  selle  à  sa 
disposition,  avec  un  cabriolet  propre,  parcequ'il  est  difficile  d'en  trouver  à  louer  dans 
cette  commune,  pourrait,  en  se  promenant,  trouver  les  moyens  de  s'introduire  dans  ces 
maisons  sans  être  soupçonné  et  y  faire  même  des  connaissances  utiles. 

A  l'exception  du  Moniteur  et  de  Perlet,  on  ne  voit  aucun  journal  patriote;  ceux-ci 

même  sont  insignifiants,  le  dernier  quelquefois  dangereux  ;  le  gouvernement  en  paye 

quelques-uns  qu'il  serait  bon  de  faire  connaître  et  je  ne  serais  pas  fâché  qu'il  m'en  fit 

parvenir,  soit  en  m'abonnant,  soit  en  me  les  envoyant  directement  avec  d'autres 

ouvrages  propres  à  inspirer  des  sentiments  républicains  ;  cela  servirait,  en  les  faisant 

connaître,  à  contrebalancer  les  horreurs  que  les  mauvais  journaux  débitent  tous  les 

jours. 

[  Au  dos  :  ]  Pour  le  niinistre  seul. 

(Lettre  autographe  de  Leclerc-Saint-Aubin,  non  signée  ;  7  pages  petit  in-4^.  —  At-ch. 
na/.  F.  7, 3689  2.) 

X.   —  Autre  rapport  de  Leclcrc-Saint" Aubin. 

Rouen,  le  5  ventôse  l'an  4«  (24  février  1796). 
Citoyen  ministre  (de  la  police  générale) , 

L'administration  départementale  vient  heureusement  de  se  débarrasser  d'un  de  ses 
membres,  le  C»  Aubet\  ex-prêtre,  qui  a  donné  sa  démission,  ayant  été  nommé  à  la  place 
de  professeur  et  de  le  remplacer  par  un  homme  tel  que  j'en  voudrais  encore  voir  deux 
autres  dans  cette  administration  importante,  le  C"  Quillebeuf,  membre  de  l'administra- 
tion municipale  du  canton  de  Rouen. 

Mon  zèle  ne  doit  point  vous  dissimuler  que  le  département  a  besoin  d'être  reccrm- 
posé,  si  vous  voulez  voir  marcher  la  révolution  et  maintenir  le  cahne  dans  le  déparlô- 
ment  de  la  Seine-Inférieure. 

Le  C"  Grandin,  président,  n'est  point  du  tout  apte  pour  ses  fonctions  ;  sans  aucunes 
connaissances  administratives,  il  a  la  morgue  d'un  ancien  premier  président  des  parle- 
ments, quoique  son  ancien  état  fut  fabricant  de  drap.  Il  a  pris  le  parti  des  émigrés  qu'il 
favorise  de  toute  l'influence  que  lui  donne  sa  place  ;  il  protège  ouvertement  les  prêtres 
réfractaires  et  comprime  le  zèle  de  l'administration  municipale  pour  leur  expulsion. 

Selol  est  un  membre  du  département  plus  dangereux  encore,  parce  que,  jouant 
parfois  le  patriote,  il  parvient  à  tromper  ceux  qui  ne  le  connaissent  que  faiblement,  il  a 
été  et  il  est  encore  l'homme  d'affaires  des  émigrés  et  des  prêtres  réfractaires.  Sa  femme 
et  ses  domestiques  ne  dissimulent  pas  leur  haine  contre  la  Révolution,  ce  qui  prouve 
mieux  qu*^  jamais  le  proverbe  tel  maître^  tel  valet.  Dans  sa  place  à  l'ancien  district,  il 


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s'était  réservé,  comme  au  département,  la  partie  des  domaines,  afin  de  favoriser  les 
émigrés  et  les  accapareurs  de  biens  nationaux.  Dans  les  opérations  de  l'emprunt  forcé» 
il  s'est  on  ne  peut  plus  mal  conduit.  Il  s'était  réservé  de  statuer  sur  la  16*»  classe,  et  c'est 
c-el le  de  tous  les  riches  qui  ne  sont  point  imposés,  à  beaucoup  prés,  au  taux  où  ils 
auraient  dû  l'être.  Enfin,  pour  achever  do  vous  faire  connaître  cet  homme,  je  vais  vous 
citer  un  fait  qui  a  eu  plus  de  3  mille  témoins,  c'est  qu'à  l'occasion  de  la  déclaration  à 
faire  par  les  fonctionnaires  publics  le  21  janvier,.  Selot  l'a  retournée  ainsi  :  «  Je  déclare 
gM^yest/w  sincèrement  attaché  à  la  Royauté  et  que  je  voue  une  haine  étemelle  à  la 
République  »,  et  sur  la  clameur  publique  qui  lui  fit  répéter  la  déclaration,  il  la  fit 
suivant  la  formule  en  substituant  au  mot  Royauté  celui  de  Tyratmie,  et  vuus  savez, 
citoyen  ministre,  le  sens  que  les  chouans  cherchent  à  donner  à  ce  m  jt. 

Si  vous  pensiez  devoir  débarrasser  l'administration  départemenale  de  ces  deux 
hommes,  il  faudrait  prendre  quelque  précaution  pour  leur  remplacement. 

Il  serait,  je  crois,  nécessaire  que  vous  m'adressiez  les  arrêtés  qui  ordonneraient 
leur  destitution  afin  que  je  puisse  concerter  avec  Cabiss-ol,  Guttinger  (sic)  et  Quillebeuf, 
qui  vient  d'être  adjoint  à  la  place  d'Aubert  et  qui  tous  trois  sont  solides,  les  moyens  do 
faire  un  choix  utile  à  la  chose  publique.  Il  serait  bon  que  le  citoyen  Anquetin,  nommé 
commissaire  du  pouvoir  exécutif,  passât  à  la  présidence,  ce  qui  serait  bien  sa  place,  et 
si  je  par\icns  à  réunir  les  suffrages  des  trois  restants  en  faveur  de  trois  autres  patriotes 
prononcés  et  instruits,  alors  je  vous  ferai  connaître  la  personne  qui  pourrait  remplacer 
le  commissaire,  qui  est  à  la  nomination  du  Directoire. 

Salut  et  fraternité.  *      Le  Clerc-Saint- Aubin. 

(Arch.  nat.  F^  36892). 

XI.  Page  530.  —  Franc- Maçonnerie  royaliste.  —    Affiche. 

CABALE  CONTRE  LA   LIBERTÉ  DES  ÉLECTIONS. 

Mes  Concitoyens, 

Vous  avez  pu  entendre  dire  qu'il  existe  une  association  pour  porter  aux  fonctions 
publiques  des  citoyens  de  son  choix.  Cette  association,  dont  le  but  apparent  est  infini- 
ment louable,  puisqu'il  tend  à  éloigner  des  places  ces  hommes  de  sang  qui  ont  désolé 
la  France,  a  pour  but  réel  de  nous  ramener  à  un  autre  régime  ;  ce  qui  nécessite  une 
nouvelle  révolution. 

Les  deux  plans  me  sont  tombés  dans  les  mains  :  la  première  partie  seule  est 
connue,  et  ceux  qui  sont  sociétaires  ne  pourront  se  dissimuler  que  je  suis  bien  instruit; 
la  seconde  partie  dont  je  vous  donne  également  copie,  est  aussi  vraie.  Je  ne  vous  fais 
qu'une  observation  :  Pourquoi  cette  affiliation,  si  elle  ne  veut  que  de  bons  choix, 
assujettit-elle  ses  affîdés  au  secret?  Pourquoi  ce  mystère  ténébreux,  ces  signes  de 
reconnaissance  ?  pourquoi  ce  serment  qui  enchaîne  le  suffrage  de  l'affilié  à  la  volonté 
de  l'affiliation  ? 

Lisez  et  jugez: 

Statuts  et  règlements  de  deux  sociétés,  dont  l'une  est  celle  des  dlpes  et 
l'autre  celle  des  renards. 

Les  Dupes ^  ou  société  des  Amis  de  l'ordre  et  Ennemis  des  anarchistes. 
CHAPITRE  PHKMÏEH.  -  serment  de  non  révélation. 

(Le  serpient  qui  suit  doit  se  prêter  en  tenant  la  main  levée).  «  Je  jure  de  ne  rien 
révéler  de  ce  qui  va  m'étre  lu  et  de  ce  que  je  vois.  » 


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CHAPITRE  11.   ~  TEXTE  DE  L'ÉTABUSSEMENT. 

La  Révolution  a  donné  lieu  à  la  formation  d'un  club  dit  des  Jacobins  qui  a  été,  pour 
ainsi  dire,  le  berceau  de  tous  ses  partisans. 

Ils  ont  successivement  formé  les  différentes  branches  qui,  voulant  allier  dans  cer- 
taines proportions  les  lois  sociales  avec  le  droit  naturel,  ont  réduit,  par  leur  défection, 
la  société  mère  aux  esprits  les  plus  exagérés,  ne  voulant  que  renversement  et  destruc- 
tion sans  bornes. 

Cette  question  de  l'esprit  de  faction  peut  être  divisée  en  deux  classes. 

L'une  est  la  tourbe  passive  des  sans-culottes,  sans  morale  comme  sans  propriété, 
purement  anarchistes,  se  ralliant  au  cri  de  la  Constitution  de  1793. 

Elle  est  l'instrument  de  l'autre  classe  active  qui,  tantôt  par  ambition,  tantôt  par 
nécessité,  cherche  à  rétablir  une  autorité  qu'elle  conservait  pour  nager  dans  le  sang  de 
ses  ennemis,  ou  qu'elle  remettrait,  si  elle  ne  pouvait  les  conserver,  dans  des  mains  qui 
marchanderaient  des  amis. 

Cette  société  atroce  est  peu  nombreuse  ;  mais  elle  est  unie,  organisée  par  un  travail 
continuel  et  déterminée  à  suivre  ses  projets.  Cet  état  lui  donne  des  forces  ;  elle  en  tire 
même  de  son  désespoir.  La  terreur  affreuse  qu'elle  inspire  l'encourage  ;  elle  est  fort 
souvent  attaquée,  mais  elle  sort  toujours  impunie  de  combat,  quand  elle  n'en  sort  pas 
victorieuse.  En  sorte  que  l'on  forme  sa  tactique  en  annulant  momentanément  ses 
tentatives  ;  sans  cesse  elle  les  renouvelera,  tant  qu'une  chasse  à  outrance  n*ira  pas  ter- 
rasser ce  monstre  dans  son  antre. 

Mais  jusqu'à  ce  que  le  gouvernement  prenne  ce  parti,  dans  la  crainte  qu'il  ne  le 
epmne  trop  tard,  pour  suppléer  à  l'insuffisance  des  moyens  qu'il  emploierait,  l'intérêt 
du  propriétaire,  celui  du  citoyen  vivant  avec  probité  du  fruit  de  ses  travaux,  celui  de 
l'humanité,  de  la  France,  de  l'Europe  entière,  commande  le  ralliement  de  tous  ceux  qui 
iraient  combler  les  cachots  des  Jacobins ,  si  on  souffrait  qu'ils  en  ressaissisent  les 
clefs;  de  tous  ceux  qui  ser\iraient  d'aliments  à  leurs  échafauds,  s'ils  pouvaient  les  redres- 
ser... afin  d'opposer  une  digue  épaisse  au  torrent  dévastateur.  Pour  y  jmrvenir,  cet 
intérêt  majeur  et  général  a  inspiré  la  pensée  de  l'établissement  d'une  société  qui, 
mettant  de  côté  les  distinctions  de  royalistes,  républicains,  monarchistes,  modérés, 
constitutionnels,  etc.,  confonde  dans  son  sein  tous  les  partis,  pour  les  réunir  au  point 
du  ccntact,  l'amour  de  l'ordre  et  la  haine  de  l'aristocratie,  pour  lutter  contre  les  anar- 
chistes qui  les  attaquent  tous. 

C'est  donc  indépendamment  de  toute  opinion  publique,  qui  demeure  libre,  une 
ligue  défensive  des  honnêtes  gens  contre  les  Jacobins.  Elle  est  imitée  de  ceux-ci  et  sert 
de  contrebalterie.  Elle  s'intitule  société  des  Amis  de  l'ordre  et  Ennemis  de  l'anarchie. 
Elle  s'appuie  du  gouvernement  et  a  pour  but  de  la  fortifier  contre  la  faction  Jacobitc. 

CHAPITRE  III.    —  SERMENT   A  LA  SOCIÉTÉ 

CHAPITRE  IV.   —  SIGNAUX  et  mots  de  reconnaissance 

CHAPITRE  V,  —  RÈGLEMENT.   —  PREMIÈRE   SECTION!  Dispositions  générales — 

DEUXIÈME  SECTION  :  De  la  propagation —  troisième  section  :  De  la  réception.— 

QUATRIÈME  SECTION  :   Des  Asseniblées  primaires. 


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La  société,  suivant  le  but  qu'elle  se  propose  d'arracher  à  sa  rivale  les  branches 
d'autorité  qu'elle  cherche  à  reprendre,  ou  celles  qu'elle  aurait  conservées,  porte  essen- 
tiellement son  attention  vers  les  assemblées  primaires,  qui  sont  un  moyen  constitu- 
tionnel bien  important  dont  les  Jacobins  ne  manquent  point  de  se  servir  pour  mettre 
leurs  créatures  dans  les  places  qui  sont  à  la  nomination  du  peuple  et  que  la  société 
cherche  de  son  côté  à  mettre  dans  des  mains  pures. . .  Elle  a  dû  trouver  un  mode  qui, 
en  conservant  à  chaque  citoyen  son  droit  de  suffrage,  ne  laissât  cependant  pas  à 
l'ennemi  l'avantage  de  l'unanimité  qu'il  ne  manque  jamais  de  préparer  et  d'apporter 
aux  assemblées.  La  société  a  transporté  ce  devoir  dans  son  propre  sein  pour  ne  plus 
porter  à  l'assemblée  primaire  qu'un  seul  vœu.  Néanmoins,  comme  elle  he  peut  former 
d'assemblée  particulière,  elle  procède  de  la  manière  suivante  : 

1«  Avant  les  assemblées  primaires,  et  lorsqu'il  en  sera  requis  par  son  nffidé,  chaque 
sociétaire  donnera  son  suffrage  pour  les  nominations  à  faire  dans  les  assemblées 
primaires,  sur  un  billet  cacheté,  pour  être  remis  au  bureau  central  ; 

2»  Le  résultat  du  recensement  sera  communiqué  à  chaque  sociétaire. 

3»  L'affidé  fera  transcrire  devant  lui  ces  noms  par  le  sociétaire  et  mettra  au  bas  la 
lettre  intiale  de  son  nom  de  société  ; 

4o  Chaque  sociétaire,  en  donnant  ses  billets  aux  assemblées  primaires,  mettra  au 
bas  de  chacun  les  lettres  initiales  et  finales  de  son  nom  de  société  ; 

5»  Chaque  sociétaire  est  obligé  d'accepter  l'emploi  auquel  il  est  nommé. 

CINQUIÈME  SECTION.  —  De  la  Convocation. 

Enfin,  si  les  Jacobins,  rompant  tous  les  liens  avec  lesquels  on  cherche  à  les  lier  par 
la  prudence  et  la  longueur  du  temps,  tentaient  des  voies  de  fait  qui  menaçassent  du 
retour  exécrable  du  temps  de  Robespierre,  la  société,  fidèle  à  son  système  de  ligne 
défensive,  mesurerait  les  moyens  d'opposition  suivant  la  nature  et  l'exigence  des  cas, 
et  de  la  manière  suivante  : 

i«  Si  les  jacobins  n'en  étaient  qu'aux  préparatifs  et  qu'une  simple  adresse  ou 
pétition  aux  autorités  constituées  dut  arrêter  leurs  mouvements,  les  affidés  recueille- 
raient les  signatures  véritables  des  sociétaires  ;  aucun  ne  pourrait  la  refuser  au  moment 
où  elle  lui  serait  demandée,  sous  quelque  prétexte  que  ce  fut  ; 

2o  Si  le  danger  était  imminent  ou  pressant,  la  société  entière  se  réunirait  ; 

3»  La  société,  ainsi  réunie,  dévoilerait  et  prendrait  les  moyens  nécessaires  pour 
combattre  l'ennemi  avec  une  vigueur  qui  assurerait  le  secret  ; 

4<»  Le  lieu  et  l'heure  d'assemblée  seraient  indiqués  par  les  affidés,  et  même  (dans  ce 
cas  seulement)  par  le  parrain,  afin  que  la  communication  en  fut  plus  prompte  ; 

5»  Tout  sociétaire  qui  ne  se  rendrait  pas  au  lieu  de  réunion  serait  regardé  comme  un 
lâche,  un  faussaire,  l'ennemi  personnel  de  chaque  sociétaire,  et  serait  traité  comme  tel. 

SIXIÈME  SECTION.  —  Des  avertissements ,, , 

LES  RENARDS  ou  coterie  des  fils  LÉoniMES 

Même  serment  préalable  que  pour  la  société  des  Amis  de  l'ordre. 

texte 

La  nécessité  d'opposer  un  bouclier  formidable  aux  jacobins  n'est  pas  le  seul  but 
qu'on  ait  eu  en  formant  une  société  des  Amis  de  Tordre  et  Ennemis  des  anarchistes 


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qui,  éloignant  toutes  les  distinctions  des  partis,  réunisse  contre  l'ennemi  commun  les 
efforts  de  tous  ceux  qui  désirent  un  gouvernt'nient  stable. 

La  majorité,  parmi  ceux-ci,  pense  que  le  gouvernement  stable,  le  seul  qui  puisse 
amener  la  paix,  le  seul  qui  convienne  à  la  France,  celui  qui  est  aujourd'hui  le  voeu  de  la 
masse  de  ses  habitants,  c'est  la  monarchie  ayant  pour  chef  le  roi  légitime  Louis  XYlIl. 

Par  l'établissement  de  la  société  des  Amis  de  l'ordre,  les  pirates  sont  écartés,  le 
port  est  préparé,  l'entrée  du  vaisseau  s'effectue  ensuite  par  le  secours  des  royalistes  qui 
rament  d'accord  pour  assurer  sa  marche. 

Pour  le  rétablissement  de  l'ordre,  ceux  qui  seront  réunis  comme  ses  amis  feront 
de  leurs  opinions  politiques  un  sacrifice  nécessaire  afin  de  combattre  en  force  les 
anarchistes.  Les  royalistes  font  de  leur  coté  pour  assurer  la  restauration  du  trône,  le 
sacrifice  nécessaire  des  nuances  qui  les  différencient.  Ils  forment,  à  cet  effet,  une 
association  tirée  du  sein  de  la  société-mère  des  Amis  de  l'ordre  et  qui  efface  toutes  les 
dénonciations  d'impartiaux,  monarchiens,  constitutionnels,  etc.  ;  car  elle  a  besoin  pour 
édifier  d'autant  d'accord  que  la  soiété-mére  pour  empêcher  de  détruire.  Aussi  repose- 
t-elleetscs  règlements  sont-ils  faits  sur  la  même  base  :  elle  s'intitule  coterie  des 
Fils  Légilimes.  —  Aflrès  cette  lecture,  même  marche  que  dans  la  société  pour  savoir  si 
le  postulant  persiste. 

Serment  :  —  Je  jure  d'être  fidèle  à  mon  roi  légitime  Louis  XVIII,  de  me  conformer 
en  tous  points  au  règlement  de  la  coterie  et  de  n'en  jamais  révéler  aucun  des  articles. 

Signal  de  reconnaissance  :  —  Après  s'être  reconnus  comme  Amis  de  Tordre, 
l'un  des  deux  prend  de  la  main  droite  le  bout  de  son  oreille  du  même  côté;  il  lui  est 
répondu  en  prenant  le  bout  de  l'oreille  gauche  de  la  main  gauche;  il  prend  ensuite  de  la 
main  droite  la  main  droite  de  celui  qu'il  veut  reconnaître  en  demandant  :  Quelle  est  votre 
naissance!  Il  lui  est  répondu  :  Fils  Lêgilirne. 

Dispositions  générales Dans  le  cas  d'un  mouvement  général  ou  de  présence 

d'un  prince  du  sang,  les  fils  légitimes  seront  convoqués... 

De  la  propagation 

De  la  réception 

Des  assemblées  primaires... 

Avertissements...  —  Affidés...  —  Secrétaires... 

Note  de  l'éditeur. 

Citoyens,  vous  êtes  maintenant  initiés  dans  le  secret  des  ennemis  de  la  Répu- 
blique; vous  voyés  avec  quelle  adresse  ils  profitent  de  l'horreur  des  vrais  patriotes 
pour  l'anarchie  dans  le  dessein  de  les  rendre  les  instruments  de  leurs  espérances  contre- 
révolutionnaires.  Soyez  donc  en  garde  et  croyez  que  bien  des  gens  qui  portent  au  fond 
du  cœur  la  haine  des  anarchistes,  n'y  portent  pas  également  la  haine  de  la  royauté. 
Ah  !  si  vous  pouviez  voir  le  masque  !...  la  chose  publique  serait  sauvée. 

A  Rouen,  de  l'imprimerie  V»  Guilbert  et  Herment,  i-ue  des  Champs-Maillets,  23. 
(Arch.  de  la  Seine-Inf"). 

annexe 

Jean-V""  Manchon,  huissier  du  juge  de  paix  de  la  4«  division  de  Rouen,  demeurant 
rue  Beauvoisine,  n*»  61,  pourvu  de  patente,  soussigné,  —  cejourd'hui  30  ventôse  an  V«  de 
la* République  franvaise»  une  et  indivisible»  bur  les  viron  10  heures  du  matin,  en  consé- 


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quence  de  la  lettre  à  moi  adressée  par  le  C«n  Quillebeuf,  juge  de  paix  de  la  4«  division  de 
Rouen,  et  en  fonction  d3  police  judiciaire,  en  date  de  ce  jour,  par  laquelle  il  me  requiert 
de  dresser  procès  verbal  d'une  affiche  qui  annonce  de  la  part  de  l'imprimeur  Guilbert 
et  Herment  une  conspiration  de  royalistes  qui  doivent  troubler  les  assemblées  primaires, 
—  me  suis  transporté  à  différents  carrefours  situes  dans  l'étendue  de  la  4»  division  de 
Rouen,  et  passant  rues  Douvreuil  et  Laurent,  j'aurais  remarqué  une  affiche  exposée  en 
papier  rouge,  contenant  deux  feuilles  imprimées,  affichée  à  l'encoignure  des  rues  de 
Bouvreuil  et  Laurent,  commençant  par  ces  mots  :  Cabale  contre  la  liberté  des  élections, 
et  finissant  par  ces  mots  :  De  l'imprimerie  Guilbert  et  Het*ment,  i*ue  des  Champs- 
Maillets,  n»  23y  laquelle  affiche  j'ai  levée,  ensuite  paraphée  par  moi  1"  et  2«  feuilles, 
laquelle  j'ai  jointe  au  présent,  pour  être  le  tout  à  l'instant  remis  au  C«"  Quillebeûl,  juge 
de  paix.  Dont,  du  tout,  j'ai  dressé  le  présent  procès  verbal  pour  valoir  ce  qu'il  appar- 
tiendra. Dont  acte.  —  Signé  :  Manchon, 

(  Arch.  de  la  Seine-Inf"  ). 


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TABLE  DES  MATIÈRES 


PBÉFAGE. 

CHAPITRE  PREMIER.  —  Pour  tenir  lieu  d'avant-propos.  —  Journaux  du  temps 
et  «  Pièces  curieuses.  »  —  Sources  manuscrites  de  l'histoire  rouennaise  de  la  Teneur. 
—  Archives  publiques  et  autres.  —  Manuscrits  de  Horcholle  et  de  M.  E.  de  la 
Quérière.  —  Un  peu  de  bibliographie  :  Le  Jowmal  de  M.  Gosselin.  —  Mémoires  de 
M««  de  Chastenay.  —  M.  et  M"«  d'Herbouvilie.  —  Ecrits  divers  récents.  Page  1«» 

CHAPITJiE  DEUXIÈME.  -  Point§  de  départ  et  d'arrêt  de  la  Terreur  à  Rouen.  — 
Elections  de  novembre  et  décembre  1792  et  janvier  1793..—  Une  injustice  de  l'histoire: 
Asselin,  chef  de  la  municipalité  sans  maire  de  novembre  à  janvier.  —  Nouvelle 
bataille  entre  patriotes  et  contre-révolutionnaires  :  L'affaire  de  la  Rougemare.  — 
Petits  problèmes  historiques.  —  D'officiers  municipaux  à  ministre.  p.  15 

CHAPITRE  TROISIÈME  —  Installation  et  débuts  de  la  municipalité  Rondeaux.  — 
La  liberté  de  la  presse.  —  Les  journalistes  Deschamps,  Limoges  et  Guilbert.  —  Ecrivains 
royalistes  réfugiés  à  Rouen  :  Dalmas,  Corèntiu  Royou,  Montigny,  Rioust  et  Pourrat. 
~  Vendalisme  d'un  ami  des  arts.—  Adresse  à  la  Convention.  —  Application  d'un  aveu 
de  Laumonier. 

CHAPITRE  QUATRIÈME.  —  Les  administrations  du  département  et  du  district.  — 
Adresse  de  M.  de  Fontenay  et  de  ses  collègues  sur  le  jugement  du  roi.  —  Déporta- 
tion et  réclusion  des  ecclésiastiques.  —  Emigrés,  étrangers  et  suspects.  —  Les 
dénonciations.  —  Le  mobilier  et  les  immeubles  des  émigrés.  —  Spéculations  et 
sA'ndicats.  —  Les  premières  ventes  mobilières.  —  Les  huissiers.  —  Les  imprimeurs.  — 
Deux  émigrés  de  marque  :  l'ex-présidont  de  Bailleul  et  l'ex-constituant  Lambert  de 
Frondeville.  —  Essais  d'organisation  révolutionnaire  à  la  commune  de  Rouen.  — 
Commissions  et  visites  domiciliaires.  —  L'affaire  capitale  des  frères  Lentaigne.  —  On 
demande  un  tribunal  révolutionnaire.  —  Le  premier  comité  de  surveillance.  —  Prêtres 
libellistes  :  les  abbés  Bourdon  et  Heudier,  Papillaud  et  Perchel  ;  un  ecclésiastique 
qui  n'est  pas  résigné  :  l'abbé  Pitre.  —  Incident  grave.  —  Rôle  de  Pillon  ;  sa  démis- 
sion refusée.  p.  59 

CHAPITRE  CINQUIÈME.  —  La  Société  populaire.  —  Le  café  Mariolle  et  la  maison 
de  la  rue  de  l'Aumône.  —  Organisation  de  la  société.  —  Réception  et  serment  des 
membres.  —  Cachet  et  devises  de  la  société.  —  Président,  secrétaires  et  censeurs.  — 
Caisse  sociale.  —  Comités.  —  Le  bout  de  l'oreille  de  Noël.  —  Epuration  des  journaux 
reçus  par  la  société.  —Sociétés  affiliées  et  correspondantes.  —  Les  femmes  patriotes. 
—  Les  bourreaux  Féray,  membres  de  la  société.  —  Discours-programme  du  président 
Forfait.  —  Ecole  de  gouvernants....  et  de  révolutionnaires.  —  Les  francs-maçons  et 
la  révolution.  —  Les  loges  de  Rouen.  —  Jean  Mathèus,  grand-maître  du  chapitre  pro- 
vincial de  Rouen.  p.  93 

CHAPITRE  SIXIÈME.  —  La  Société  populaire  (suite).  —  Evèques  constitutionnels. 
Visite  et  discours  du  normand  Massieu,  évêque  de  Beauvais.  —  Mort  de  Mirabeau,  — 


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Fête  des  Pavillons  :  discours  de  Hignon  et  de  Robert.  —  Déchéance  du  roi.  —  Fête 
funèlire  des  victimes  du  10  août.  —  Discours  de  Blutel  :  le  droit  à  la  ré^'olte.  — 
Elections.  —  Gralien,  candidat?  —    Députer  et  suppléants.  —  Lettre  inédite  de  Faure. 

—  Agents  du  pouvoir  exécutif  et  de  la  Commune  de  Paris  dans  la  Société  populaire. 

—  Les  députés  à  la  Lé^slative  exclus  de  la  société.  —  Le  buste  de  Lafayette.  — 
Une  rectification  à  propos  du  divorce.  —  Louis  Capet  le  dernier  doit-il  être  jugé  et 
exécuté?  —  Mise  en  accusation  de  Maral.  —  Pocholle  et  Saladin.  —  A  bas  Mirabeau 
le  traître  !  —  Le  patriotisme  jacobin  au  pied  du  mur.  —  Une  société  rivale  :  les  Sans- 
culottes  de  Rouen.  p.  416 

CHAPITRE  SEPTIÈ3IC.—  La  Société  populaire  (suite).  —  Les  troubles  de  la  Con- 
vention. —  La  question  des  suppléants.  —  La  citoyenne  Bouillon.  —  Profession  de 
foi  sur  les  portes.  —  Lamine  soustrait  une  lettre  de  Blutel.  —  Blutel  dénoncé.  —  Un 
discours  de  Saladin.  —  L'Adresse  du  25  mai.  —  Poret  censuré.  —  Bignon  et  Haraneder 
devant  la  Convention.  —  Compte-rendu  de  leur  mission.  —  Le  Fédéralisme.  —  Roland, 
Buzot  et  Pétion  à  Rouen.  —  Le  discours  de  Anquetin  et  l'arrêté  du  département 
(14  juin).  —  Scission  avec  les  Jacobins  de  Paris.  —  Les  suites  du  Fédéralisme.  — 
Pocholle  et  Carrier.  —  Descroisilles  et  Bignon  détenus  et  Haraneder  récompensé.  — 
Vraies  causes  des  hésitations  fédéralistes  des  rouennais,  d'après  Hébert  (  le  père 
Duchéne  ).  —  Députés  exclus  et  an-étés.  —  Les  suppléants.  p.  145 

CHAPITRE  HOITIËME.  —  Manifestation  révolutionnaire  à  la  commune.  —Discours 
conciliant  de  M.  Rondeaux.  —  Exigences  des  sans-culottes.  —  Pocholle  et  Carrier 
quittent  la  Seine-Inférieure.  —  La  mission  Legendre  et  Louchet.  —  La  levée  en  masse. 

—  L'affaire  Bourguemont-Tou tain  :  Un  gilet  contre-révolutionnaire.— Roger  fils, Yvemés 
et  Turgis,  juges  du  tribunal  de  police.  —  Fermeté  de  la  municipalité.  —  Subsistances. 

—  Un  agent  secret.  —  La  Société  populaire.  —  Un  journaliste  et  la  censure.  —  Fable 
ou  complot?  —  Création  du  comité  départemental  de  salut  public.  —  Excès  de  pou- 
voirs. —  Les  députés  trompent  la  Convention.  —  Réquisitions  dans  l'Eure,  illégales 
d'abord.  —  Legendre,  Louchet  et  Delacroix  dans  la  maison  Bigot.  —  Le  vin  des 
émigrés.  p.  1^. 

CHAPITRE  NEUVIÈME.  —  Le  tribunal  criminel  jusqu'à  la  fin  de  1793.  —  Ses 
membres.  —  Le  département  veut  retarder  le  remplacement  de  Frémont.  —  Pétition 
des  rouennais.  —  Le  Boucher  du  Tronche  élu  président.  —  Le  président  Legendre  et 
l'accusateur  public  Leclerc.  —  Les  premiers  jurés.  —  LTn  incident.  —  Thieullen, 
Anquetin  et  Duval.  —  Cruauté  du  législateur.  —  L'échelle  de  la  question.  —  Causes 
curieuses  et  peu  ou  mal  connues.  —  M.  de  Verlon  et  M.  de  Maldérée.  —  Bourreaux 
en  disponibilité.  —  Deux  vieilles  familles  normandes  :  Les  Jouenne  et  les  Férav  ; 
leurs  illustres  alliances.  —  Grandeur  et  décadence.  —  Comment  Louis  XVI  et  Turgot 
voulaient  qu'on  traitât  le  bourreau.—  La  presse  et  le  bourreau  de  Rouen.  —  La  guillo- 
tine et  ses  débuts.  —    Ses  victimes  eh  1793.  —  Les  prisons.  p.  2K. 

CHAPITRE  DIXIÈME.  —  Jugement  de  l'affaire  de  la  Rougemare.  —  M.  de  Fontenay 
a-t-il  tenté  de  sauver  Aumont  ?  —  Le  véritable  propriétaire  des  presses  de  Leclerc.  — 
La  robe  de  l'avocat  Aumont.  —  L'impôt  sur  les  riches.  —  Nouvelle  iniquité  de 
Legendre  et  de  ses  collègues.  —  Encore  les  subsistances.  —  La  Société  d'Yvetot.  — 
Intermèdes  à  la  Société  populaire.  —  Une  poire  phénoménale.  —  Le  calendrier  et  les 


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-   L.7I    - 

prénoms  républicains.  —  Un  nouvel  adversaire  des  rouennais  :  Coupé,  de  l'Oise.  — 
Arrestation  de  M.  Rondeaux.  —  Autres  arrestations  sensationnelles.  —  Le  patriote 
Robert,  d'IIerbouville,  Hély-d'Oissel,  etc.  —  Une  »iiowc/te  rouennaise.  —  Ce  qui  se  passe 
aj  département  et  à  la  Société  populaire.  —  M.  de  Fontenay  défendu  par  le  conven- 
tionnel Delacroix.  p.  225. 

CHAPITRE  ONZIÈME.  —  Comédie  épuratoire.  —  Pillon  et  Carré  installent  les 
administrations.  —  M.  de  Fontenay,  maire  provisoire.  —  La  statue  de  la  Pucelle.  — 
Propagande  révolutionnaire.  -  Encore  les  subsistances,  l'armée  révolutionnaire,  la 
guillotine  et  les  Jacobins  de  Paris,  de  Rouen  et  d'Yvetot.—  Lamine  et  Poret  arrêtés  ? — 
M.  de  Fontenay  attaqué.       Le  comité  de  surveillance.  —  Il  favorise  un  ecclésiastique. 

—  Delacroix  propose  de  se  passer  de  l'évéque  Gratien.  Episode  relatif  au  vol  du 
garde  meuble.  ^  Suicide  de  Roland.  —  Bernard  Cabanon;  Une  proclamation  de 
Cabissol.  —  Arrivée  de  Grenier  et  de  Galbois-Saint-Amand.  —  Réhabilitation  de  Bordier 
et  Jourdain.  —  La  Société  populaire  se  réjouit  de  l'arrestation  de  Garât  et  Laugeux.  — 
Il  faut  que  Rouen  change  sa  vieille  peau.  —  Démission  et  emprisonnement  de  M.  de 
Fontenay.  —  Mandat  d'arrêt  contre  une  morte.  —  Poret  intervient  en  faveur  de  M.  de 
Fontenay.  p.  245. 

CHAPITRE  DOUZIÈME.  —  Pillon,  premier  officier  municipal.  —  Ses  antécédents. 

—  Pillon,  garde-livres  de  la  Chambre  des  Comptes.  —  Pillon  pamphlétaire  et  juris- 
consulte. —  Un  mot  sur  son  ami  Poret.  —  Mariage  de  Pillon.  —  Pillon  châtelain.  — 
Son  portrait...  ^  La  fête  de  la  Raison.  —  Pillon  révolutionnaire,  anti-catholique.  ^  Il 
veut  comme  Saint-Amand  la  régénération  de  Rouen.  —  Saint-Amand  et  les  muscadins. 

—  Le  règne  de  l'Egalité,  -^  Pillon,  maire  au  refus  de  Lamine.  —  Grenier  contre  Saint- 
Amand  et  contre  Legendre,  Louchet  et  Delacroix.  —  Saint-Amand  dénoncé  et  arrêté.  — 
Départ  de  Grenier,  son  arrestation.  —  Epuration  à  la  Société  populaire  des  autorités 
constituées.  —  Les  administrateurs  du  9  nivôse.  p.  274. 

CHAPITRE  TREIZIÈME.  —  Real  succède  à  Saint-Amand  à  Rouen.  —  Fin  de  la 
mission  Legendre,  Louchet  et  Delacroix.  —  Prise  de  Toulon  ;  la  blanchisseuse  de  Léon 
Le  Yavasseur.  —  Saint-Ouen  réservé  au  culte;  le  curé  Selot.  —  Cloches  et  clochiîrs.— 
Protestants.  —  Instituteurs  et  institutrices.  -  Bailly,  de  Forges.  —  L'huissier  Juglet 
et  le  président  Legendre.  —  Employés  de  la  douane.  —  Les  sociétés  populaires  de 
Sotteville,  Elbeuf  et  Harcourt.  —  Incidents  divers  à  la  Société  populaire  de  Rouen.  — 
Arrivée  de  Guimberteau.  —  Destruction  de  la  Bourse  découverte  et  envahissement  de 
lévéché.  —  La  statue  de  la  Liberté.  —  Les  bruyères  de  Saint-Julien.  —  Blanche  et  les 
prêtres,  les  nobles,  les  charlatans  et  les  filles  publiques.  —  Blanche  contre  Lemaire 
de  Temantes;  autres  médecins  de  Rouen.  -  L'hospice  général.  —  Les  Rouennais  et  le 
procès  des  hébertistes.—  Siblot  à  la  Société  populaire;  ses  excitations  et  ses  menaces. 

—  Il  y  fait  une  émouvante  enquête.  —  Révélations.  —  Chouin,  Thierry,  Bouvet, 
Thieullen,  Perrin,  Daupeley,  etc.,  épurés.-  Les  destitutions  du  20  germinal,      p.  302 

CHAPITRE  QUATORZIÈME.  —  Les  gens  comme  il  faut.  —  Ecrivains  publics.  — 
Médailles.  -  La  pendule  de  lord  Canning.  —  La  domestique  de  l'agent  militaire 
Lebel.  —  Jupes,  jupons  et  corsets  en  réquisition.  —  L'œillet  et  la  rose.  —  La  journée 
du  i"  pluviôse  et  les  prêtres.  —  Poret  et  les  1,000  cercueils.  —  Actes  de  la  commune 
et  du  comité.  -  La  magistrature  populaire  est  peu  respectée.  -  Arrestations.  —  Les 


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-  572  — 

négociants.  —  L'ex-conseiller  Gressent  dénoncé.  ^  M.  de  Combray.—  M»*  de  Clieu.—  l'ii 
parent  de  Le  Peletier  de  Saint- Fargeau.  —  Un  ami  de  Cambacérès  et  une  cliente  du 
docteur  Guillotin.  —  Chouquet,  buvetier  du  Palais.  —  Souricière  chez  M"»  de  Choiseul. 

—  De  Bourdeilles  et  de  la  Garde,  conduits  à  la  guillotine.  —  Une  amie  de  Robespierre 
au  Mont-aux-Malades.  -  Battue  patriotique;  Pillon  et  Grimberteau.  —  Les  demoiselles 
de  Green  ;  deux  petites  filles  de  M.  de  Montmorin.  —  Aventurières.  —  Un  notaire...  du 
midi.  —  Maussion,  Thouret  et  de  Crosne.  —  M"«  de  Colbert.  —  Episode  inédit  de  l'histo're 
de  l'hôtel  d'Aligre  :  la  famille  de  Machault.  —  M.  de  Laborde.  p.  340. 

CHAPITRE  QUINZIÈME.  —  Les  citoyennes  à  la  Société  populaire;  discours  de  la 
citoyenne  Mabon.  ^  Poret,  conciliateur.  —  Les  notaires.  —  Le  tambour  de  la  ganle 
nationale.  —  Le  commandant  Duchemin,  le  sergent  Aube,  le  capitaine  Osmont  et 
Tadjudant  Ancel.  —  Fête  de  l'Etre  suprême.  —  Adieux  de  Siblot.  —  Arrivée  du 
conventionnel  Pomme.  —  L  ex-chapelain  de  M"»*»  Adélaïde,  secrétaire  du  théâtre  de  la 
République.  —  La  citoyenne  Delille,  dugazon.  —  Ribié  emprisonné.  —  Lamine,  attaqué. 

—  Thieullen,  président  de  la  société  populaire.  —  Pillon  et  Vemon  aiTétés  à  Paris.  - 
Conflit  entre  la  municipalité  et  les  agents  du  comité  de  sûreté  générale.  p.  390. 

CHAPITRE  SEIZIÈME.  -  Le  9  thermidor  à  la  Commune  et  à  la  Société  populaire. 

—  Manœuvres  contre  Pillon  :  Encore  un  projet  de  massacre  contre  les  détenus.  — 
Suicide  du  chirurgien  Guyet.  —  Adresse  à  la  Convention.  —  Lettre  du  député  Lecomte. 

—  Fête  du  10  août.  —  Le  district  contre  la  municipalité  et  le  Comité  de  suneillance  : 
Incidents  Cabeuïl  et  Rioust.  ~  Sortie  indécente  de  Godebin  à  la  société  ;  sa  sus- 
pension. —  Exclusion  de  Poret,  Lamine,  Gaillon  et  Pinel  Tainé.  —  Real  dénonce  aux 
Jacobins  la  Société  de  Rouen.  —  Le  Contour  en  liberté.  —  Legendre,  président  de 
la  Société.  —  La  Société  est-elle  en  insurrection?  —  Real  se  rétracte.  —  Poret 
dénoncé.  p.  447. 

CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME.  —  Départ  de  Guimberteau.  -  Pillon  s'occupe  de 
rélargissement  des  détenus.  —  Arrivée  du  conventionnel  Sautereau.  —  Inquiétudes  de 
la  Société  populaire.  —  Robert  de  Saint-Victor.  -  Pillon  et  Poret,  démissionnaires.  — 
Poret  tient  tête  aux  attaques.  -  Brémontier  réintégré.  —  La  complainte  de  Garât  à  la 
Société  populaire.  —  Les  élargis,  cause  d'agitation.  —  M"*  d'Estampes;  Dieu  et 
Mabon;  le  sans-culottisme  insulté  en  plein  conseil.  —  Lamine  et  le  Comité  préparent 
leur  retraite.  —  Solidari.sation  du  conseil  général  de  la  Commune.  —  Le  nouveau 
Comité  de  surveillance.  -  Fête  en  l'honneur  de  Marat.  —  Manifestation  de  Pillon  et 
Carré,  et  placard  séditieux  contre  Sautereau.  —  Lamine  arrêté.  —  Incident  à  la  Société 
populaire  :  Legendre.  —  Compte  moral  de  la  commune.  —  Suppression  et  remplace- 
ment de  la  municipalité.  —  Discours  et  arrêtés  de  Sautereau.—  Le  dernier  cri  de  Pillon, 
maire.  p.  441. 

CHAPITRE  DIX-HUITIÈME.  -  La  nouvelle  commune  et  la  Société  populaire.  - 
La  Commune  quitte  la  salle  des  Etats.  —  Fête  en  l'honneur  de  J.-J.  Rousseau;  le 
maire  Le  Boucher,  maratisle.  —  La  citoyenne  Chevalier,  Poret  et  Vadier.  Les  prisons 
se  vident.  —  Vandalisme  révolutionnaire.  —  Le  Journal  de  Rouen  et  le  Journal  da 
Hommes  Libres.  —  Première  mise  en  liberté  des  terroristes.  —  EfTets  à  Rouen  delà 
fermeture  des  Jacobins  de  Paris.  —  Apologie  des  Rouennais.  —  Menées  des  Terroristes; 
inquiétudes  des  autorités.  —  Placard  séditieux.  —  Troubles  et  dernières  séances  de 


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-  573  - 

la  Socîété  populaire  :  de  Fontenay,  son  président,  lapidé.  —  Arrivée  de  Duport.  — 
Manifestations  aux  spectacles  contre  les.  Jacobins  :  le  buste  de  Marat  et  le  bonnet 
rouge.  —  Destruction  du  monument  de  la  Montagne.  —  Billet  anti-montagnard.  — 
Tergiversations  de  la  commune.  —  Ribié  chassé  de  Rouen.  p.  461. 

CHAPITRE  DIX-NEUVIÈME.  —  Débuts  de  la  réaction.  —  Premières  attaques 
contre  le  président  Legendre  et  l'accusateur  public.  —  Un  thermidorien  :  l'avocat 
Le  Bouvier.  —  Ilarel  contre  Troussey.  —  Causes  et  conséquences  peu  connues  des 
journées  de  germinal.  —  La  Jeunesse  rouennaise  et  les  Terroristes.  —  Duport  rappelé 
par  la  Convention.  —  Arrivée  de  .Casenave,  de  Danican  et  de  l'avocat-joumaliste 
Robert.  —  Le  code  thermidorien.  —  Rôle  des  sections  et  de  la  Commune.  —  Les  fonc- 
tionnaires destitués  rappelés  à  Rouen.  —  Démission  de  Le  Boucher,  maire,  acceptée  ; 
celle  du  conseil  relardée.  —  Danican  et  les  manifestations  de  floréal.  p.  477. 

CHAPITRE  VINGTIÈME.  —  Casenave  envoyé  à  Amiens,  puis  maintenu  à  Rouen.  — 
Pillon  obligé  de  rentrer  à  Rouen.  -  Sa  condamnation,  son  arrestation,  mauvais 
traitements  qu'il  subit.  —  Les  huissiers  Fabulet  et  Lacaille.  —  Annulation  du  jugement 
de  Pillon.  —  Procédures  contre  Rupalley  et  Lamine.  —  Robert  de  Saint-Victor  arrêté 
à  Paris.  —  Terroristes  et  royalistes  à  Saint-Lô.  —  Nouvelles  <  justifications  »  de 
Legendre,  0.  Leclerc,  Moulin,  Caffln-Venion,  etc.  —  Placard  contre  les  Jacobins.  —  Second 
rappel  de  Casenave,  révoqué,  et  remplacé  par  Couppé,  desCôtes-du-Nord.  —  Troubles 
de  prairial  ;'C{isenave  reste  à  Rouen.  —  Rapports  des  commissaires  des  sections  sur  les 
crimes  des  Terroristes.  -   Accusations  contre  ceux-ci,  et  avis  de  la  commune,  p.  494. 

CHAPITRE  VINGT-UNIÈME  —  Réorganisation  difficile  du  conseil  communal.  — 
L'ordre  menacé  à  Rouen  par  les  chouans  et  autres  conspirateurs.  —  Rupture  défini- 
tive entre  Casenave  et  le  journaliste  Robert.  —  Lecoutour  veut  diniiniuer  le  nombre 
des  terroristes  fixé  par  Casenave.  —  Mise  en  liberté  de  trente-sept  terroristes  désarmé^.-- 
Pillon  et  autres  poursuivis  devant  le  Tribunal  criminel.  —  Lambert  et  Gaillon  con- 
damnés ;  Darcel  acquitté,  mais  condamné  n  des  dommages-intéivts.  —  Défense  éner- 
gique des  terroristes;  Koreau-Trizay,  de  Chartres,  les  assiste.  —  Mise  en  liberté  sous 
caution  obtenue  par  Pillon  et  Lamine  et  entravée.  —  Les  sections  de  Rouen  et  la 
Constitution  de  l'an  III.  —  Danican,  déplacé,  est  protégé  par  la  Commune,  le  district 
et  le  département.  —  Bignon  le  jeune,  Robert,  Hardy,  Danican  et  les  journées  de 
vendémiaire.  —  Décrets  libérateurs  des  terroristes.  p.  510. 

CHAPITRE  VINGT-DEUXIÈME  ET  DERNIER.  —  Compte  moral  de  la  municipalité 
(ioube,  et  rapport  du  directoire  du  département.  —  Franc-maçonnerie  royaliste.  — 
Tn  haut  fonctionnaire  policier  ;  les  complots  sous  le  Directoire  ;  la  Théophilantropie.  — 
Le  conseil  des  Cinq-cents  et  les  Anciens  ;  ce  que  deviennent  nos  conventionnels.  — 
La  fin  de  Pillon.  —  Poret,  Hubert  et  le  Télégraphe.  —  Encore  Robert  de  Saint- Victor  et 
Blanche.  —  Le  sans-culotte  Mabon.  — Hardy  et  Thiessé  insultés  et  menacés  à  Rouen.— 
Les  journaux  de  Magloire  Robert.  —  Le  Coq  dit  Vidamo,  Villeneuve  et  Bouvier.  —  Les 
révolutionnaires  et  la  postérité.  —  Résumé.  —  Conclusion.  p.  528. 


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TABLE    DE    L'APPENDICE 


I.  —  Bail  de  la  maison  de  la  me  de  T Aumône,   par  les  Administrateurs 

de  l'Hôtel-Dieu  à  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution  ....    P.  547 

lï.  —  Sur  Leclerc  et  Aumont 550 

III.  —  Suppression  du /0MJ*na/ (/c  Cowimercç,  de  GuiJbert 551 

IV.  —  Lettre  de  Le  Canu,  avocat 552 

V.  —  Sur  Robert  de  Saint- Victor  :  une  lettre  àPillon;  inventaire  à  sa  cellule; 

son  arrestation  à  Paris 553 

VI.  —  Lettre  du  conventionnel  Lecomte  à  la  commune  de  Rouen 55(5 

Vil.  —  Le  Réveil  des  Rouennais 557 

VIII.  —  Lettre  du  conventionnel  Hardy  à  Victor  Lefebvre 558 

IX.  —  Rapport  de  Leclerc-Saint- Aubin  sur  l'esprit  public  à  Rouen    ....  559 

X.  —  Autre  rapport  du  même 562 

XI.  —  Franc-Maçonnerie  royaliste.  -  Affiche.  ^  Cabale  contre  les  élections. 

^  Les  Dupes  et  les  Renards,  ou  coterie  des  Fils  légitimes  ....  563 


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TABLE  ALPHABÉTIQUE 


IBRÉVIATIONS  :  —  Adm.y  administrateur  ;  6a/.,  bataillon  ;  le  cit. y  citoyen  ;  la  cit., 
la  citoyenne  ;  co"«,  commune  ;  co^*,  commissaire  ;  c.  de  s.  g.,  comité  de  sûreté  générale  ; 
cons.  au  pari.,  conseiller  au  parlement;  convent.,  conventionnel;  déf.  off.,  défensour 
officieux;  n.,  note  ;  off.  mpal,  officier  municipal  ;  proc,  procureur  ;  s.,  suivantes  ;  secr., 
secrétaire;  $.  p.,  société  populaire.  * 


Abeille  (Y)  journal,  42,  128.  • 

Accaparements,  179,  243  n.  3,251,  295,  317 

et  s.  505. 
Aché  (vicomte  d'),  363. 
Ackerman,  348. 

Acquêt  de  FéroUes,  vu,  3«3  n.  1. 
Acte  constitutionnel,  185. 
Adam,  518,  528. 
Adélaïde  (M™*),  404  n.  I. 
Adeline,  ofT.  mpal,  23,  158. 
Affichage  des  ventes  mobilières,  75. 

—       des  noms  d'habitants,  150  et  s. 
Affiliation  aux  Jacobins  de  Paris,  95. 
Agents  du  comité  de  sûreté  générale,  236, 

263  et  s.  328,  368,  409  et  s. 
Agriculture,  457. 
Aix,  103,  150,  152. 
Aix-la-Chapelle,  74,  366. 
Alba  (Jeanne),  américaine,  380. 
Albitte  aîné,  convent.,  123,  127  n.  2:  129, 

131,  136  et  s.  143  n.  I,  ia3,  277  et  n.  3, 

410,465,470. 
Albitte  le  jeune,  liVl,  13;^  et  s.   184,  245, 

11.339,  521. 
Albitte,  de  Quiévrecuurt,  63  n.  1,155,  161 

n.  1. 
Alençon  (autorités  d '),  160. 
Aligre  (Hôtel  d'),  387. 
Allais  (R.),  23,  245  n.  267,  301  n.  :m. 
Allard,  182  n.  3. 
Alquier,  convent.  110, 286  et  s.  395  n.  465, 

521. 


Amabert,  232  n. 
Amand  (V.  Galbois). 
Américains,  120. 
Ami  du  Roi  {V)  45,  46. 
Amiot-Guenet,  85,  255. 
Amis  de  la  Constitution,  31. 
Amis  de  la  Constitution  et  de  la  Paix,  194. 
Amis  de  la  Constitution  républ%r.a%ney\^. 
Amis  de  la  Liberté  et  de  l'Egalité,  31,  M. 
Amis  de  la  PalHe,  à  Paris,  124. 
Amis  de  la  Révolution,  à  Londres,  103. 
i4mi5  de  la  Révolution  et  de  la  Paix,  94. 
Amis  du  Peuple,  de  la  Liberté  et  de  l'Ega- 
lité ituiépendants  de  Londres,  103. 
Amphernet  (abbé  d),  6,  n.  1-2,  207,  424 

n.  2,  444. 
Ancel  (J.-P.-S.),  395. 
Andrieu,  197. 

Anet  (Eure-et- Loire),  301  n.  2. 
Angerville,  158,  261,  301  n.  3,  343,  450  n. 

451  u.  5:J7  n.  2. 
Anglais,  120,  121,  234. 
Angran  (G.),  33,  66,  71   n.  3,  301   n.  466, 

M3  n.  514  n. 
Angué,  de  Mauquenchy,  62. 
Annales  patriotiques,  journal,  101-102. 
Anquetin  de  Beaulieu,  42, 63n.  1, 111, 129  n. 

1,  154  n.  160  n.  1,  165,  166  n.  1,  171, 

176,203,  208 n.  2,210  et  s. 229,  242,  255, 

338,531. 
Anquetin  le  jeune,  24,  40,  76,  141,  246  n.  2, 

301,392. 
Antifédéralisme  {V)  journal,  263. 
Anti'Marat  {V)  journal),  85. 


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—  578  - 


Appel  au  Peuple,  ii2. 

Août  (10),  19  et  s.  1*2:$,  m,  4->t3. 

Argenterie  des  églises,  289,  290  et  ii. 

Argus  du  Nord  (1),  101,  102. 

Armée  révolutionnaire.  230,  2:il.  242,  2ôO. 

et  s.  253,  363,  325  et  s. 
Arrestations,  238  et  s.  358  et  s.  399,  358 

et  s.  407  et  s.  482  et  s. 
Amault,80,180,246  n.2,  273,  îiOl  n.  3,  im. 
A  roux,  344. 
Artistes,  442. 
Arts  et  Sciences,  75. 
Arvers,  24,  32,  40,  81, 184,  229,  300,  :^0I  n. 

3,  376,  503  et  n.  3. 
Asselin  (Jean),  2:^,  28  n.  2,  38,  227,  248. 
Asselin  (T.-L.),  25,  34  n.  3. 
Asseline,  ex-curé  de  Préaux,  134,  n.  3. 
Assignats,  71,  113,  213.  214. 
Aube  (Laurent),  394. 
Aubert  (l'ablié).  155,  :î01  n.,  3^i6,  529. 
Aubeterre  (la  maréchale  d),  367  et  n.  2. 
Aubrée  (Pierre),  maître  d'hôtel,  45. 
Aubusson  (les  d),  3^U 
Audiger  (famille),  120  n.  3. 
Aulage,  commune  de  Saint-Martin-  l'IIor- 

tier,  61. 
Aulard  (F.-A.).  cité,  ÎH,  100,  1;U,  VM,  KW, 
140,  149,  187,   1S9,  199,  252,  :m.  316, 
371,  436,   452,  4r,2,   m\  iiHK  521,  5:W, 
540. 
Aumône  (maison  de  la  rue  de  1),  96,  170, 

471. 
Aumont,  avocat,  v,  26  et  n.  2.  27  vi  s.,  28 
et  n.  1,  29  et  s..  Ta).  76,  1W  n.  1,  225 
ri  s.,  285,  507. 
Auney,  301,  343. 

Auxerre  (citoyens  d'),  \i'A)  et  n.  2. 
Avenel,  direeteiir  du  .Jury,  113,  203. 
Avignon,  1(K3. 

Avocats.  27  n.  2,  29  et  s.,  32,  110,  \m  n.  1, 
277,  2Si.  447. 


Bahois,  :i4V,  VS2  et  n.  4,  i8i. 

Hacon  de  la  Chevahrie,  111,  114,  120  n.  3. 

Bademer,  1^^.  155  n.  2.  459  n..  47V,  4îHi. 


Bailleul,  couvent.,  183,  337,  art.  n.  3, 53i. 

540  n.  1. 
Bailleul  (de),  ex-président.  66,  69,  76. 
Bailleul  (J.-L.  de),  déporté,  214. 
Bailliage  (adjudication  dm.  70. 
Bailly,  de  Forges,  308  et  n. 
Balland,  médecin,  329,  471. 
Balleroy  (les),  295  et  n. 
Ballons  à  pendules,  151. 
Banastre  (veuve),  517. 
Bance,  détenu,  30  n.  4. 
Baraljé,  greffier,  343. 
Barbarey,  96,  108,  231,  246.  280  n.  3,2W. 

301  n.,  376,  466,  494  et  n. 
tfapst  (G.),  cité,  258  n.  1. 
Barbaroux,  182. 
Barbier,  prêtre,  détenu,  61. 
Barbier,  24,  265. 
Bardoux  (A.),  cité,  380  n.  1. 
Barentin  (Regniard),  médecin,  329  et  n. 
BaiTois,  vicomte  de  l'Eau,  29  et  s. 
Barthélémy,  343,  377,  458. 
Basire,  du  département,  25,  63  n.  1.  67. 
161  n.,  256,  338. 

Basii-e,  marchand  de  journaux,  483  u. 
Bastille  du  Orand-Cours  (la),  511. 

Bastille  (vainqueur  de  la),  511. 

Baslctn.  chanoine,  dénoncé,  119  et  ii. 

Bateaux  à  soupapes,  298. 

Bàt(Mis  (les),  476,  482. 

Battue  de  floréal.  353  n.  3.  372  et  s.,  467. 

Baudouin,  agent  du  C.  de  s.  g..  411. 

Baudon  (comtesse),  240  n.,  Î166  n. 

Baudry-Uarrois  (la  cit.),  296. 

Baudry,  notable.  301    n.  3.,  4U1  4.V>,o06. 

Baudry  (M""^).  dOrléans,  106. 

Hayard,  dit  Broglie,  condamné.  212. 

Baveux,  avocat,  30  et  n.  1,  20»). 

Beauchamp,  dit  Charmois,  prêtre. 40-2  ii.  1. 
403  et  s.,  412  n. 

licaufils,  (vmimissaire  de  police,  2.'».  34^^ 

lieaufour.  'XtH. 

Heaumonl  (M»"^  de),  née  Montiuorin,  379. 

Beaumont  (AH'  de),  :W. 

Beaunay  (M.  et  M-^  de),  120  n.  3.  278  n. 

Benuivpaire.  héros   de  Verdun,   K*^.  '^^- 


I 


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-  579  - 


Beaurepaire  (M.  Ch.  de),  cité,  11  et  n.  4, 

40  n.  2, 185  n.  1,  224  n.,  277  n.  1,  387 

n.  1. 
Beaurepaire  (M.  Eug.  de),  cité,  30  n. 
Beausset-Roquefort  (de),  372  n. 
Beauvais,  présumé   massiicré   à  Toulon, 

240. 
Beauvais,  adm.,  109,  287,  528. 
Beauvoir-en-Lyons,  213. 
Beauvoir  (Hébert  de),  63. 
Beauvoisin,  général,  420. 
Bec  (V"  Rome  du),  73. 
Belbeuf  (municipalité  de),  255,  324  n. 
Belbeuf  (de),  255  et  n. 
Belhoste,  adm.,  63  n.  1, 160  n.  1,  245  n.  3, 

336,  460,529,537,301  n.3. 
Bell  (John),  103. 
Bellencontre,  24,  301  n.  3,  353. 
Bellest  (Casimir),  479  n. 
Belmesnil  (mobilier  du  château  de),  71  n. 
Bénicourt,  24,  71,  193  n.   1,  246  n.  2,  282, 

301  n.  503,  512  n.  513  n. 
Bérard,  comédien,  VI,  24,  100,  110,159,207, 

256,  294,  301   n.  3,  303,  320,  332,  433, 

452,  473,  501  n.  1,  503,  512  n.  &13  n. 
Bérat,  notable,  301  n.  3,  425,  506. 
Bérée  (F.-A.),  18,  340. 
Bermonville  (de  Rouen  de),  73. 
Bemaudat,  du  Havre,  181. 
Bemay,  adm.,  236. 347,  429,  457, 460.  512  n. 

5i3n. 
Bemier  (abbé),  104. 
Berrubé,  juge  de  paix,  270,  271 ,  443. 
Berry,  notable,  314,  459  n. 
Berthelot,  s.  p.  267. 
Besche,  imprimeur,  26  n.  1. 
Beugnot,  préfet,  38i. 
Bicêtre,  223,  496  et  s. 
Bidault,  md.,  435,  510. 
Biencourt-Poutraincourt  (de),  68,  182  n.3, 

238  n.  1. 
Bières  destinées  aux  détenus,  355  et  s.  504. 
Bignon  (abbé),  33,  73,  79,  80,  104,  109, 114, 

121,  141, 148,  149, 153,  156  et  n.  1,  159 

et  n.  1,  161,  170,  175  et  s.  196,  ,507, 

510,  523. 


Bignon  le  jeune,  32  et  n.  2,  33, 109,  149, 

159,  175  et  s,  319,  524. 
Bigot,  75,  392,  459  n. 
Bigot  (maison),  201  et  n. 
Billards  interdits,  304. 
Biot.  agent  du  C.  de  s.  g.,  384. 
Biré  (E.)  cité,  181  n.  1,  422  n.  1,  539  n. 
Bizet  frères,  négociants,  359. 
Bizet  (la  cit.),  44. 
Blacher,  299  et  n.  5. 
Blanc  iLouis)  cité,  i. 
Blanche,  chirurgien  et  adm.,  vi,  63  n.  1, 80, 

109,  110,  137,  160  n.  1,  263,  265,  267, 

269,  294,  297,  300,  305,  310  n.   1,  312 

et  s.  314,  321, 325  et  n.  326  et  s.  329  n. 

5,  331  et  n.  335,  338,  391,  506, 507,535. 
Blanche,  ex-prêtre,  327,  339,  506,  535. 
Blard,  71,  369  n.  1,  469  n.  1. 
Blin  de  Bourdon,  400. 
Blosseville-la-Montagne,  346. 
Blot,  commissaire  de  police,  270,  344, 460, 

497,  513  n.,  527  et  n.  1. 
Blutel,  conv..  109, 123, 126, 128,129  n.,  131, 

140,  151,  156  et  n.  183,  251,  447,  499. 

521,532. 
Boïeldieu.  compos.  de  mus.,  261  et  n.262, 

265  n,  2,  446. 
Boïeldieu,  avocat,  206. 
Boïeldieu  (Thérèse),  239  n.  1. 
Boisard.  158. 
Boisard  tla  cit.),  106  n.  2. 
Bois  d'EnneboUrg,  281  et  s.  495  et  n. 
Boisguillaume  (Comité  de\  368. 
Boismarat,  agent  du  C.  de  s.  g.,  411  n.  2. 
Bonaparte  (général),  532  et  n.  3, 
Bongars  (M.  de),  400  n.  3. 
Bonnet,  évèque,  118. 
Bonnet  de  la  Liberté,  234,  266,  472  et  s. 
Bonneterre,  301  n.  3. 
Bonneville  (Nicolas),  co«  du  pouvoir  exéc, 

135  et  s. 
Bonneville  rgénéral),  524  n.  4. 
Bonneuil  (Hélie  de\  62  n.  2. 
Bord  (G.),  cité,  219. 
Bordeaux  (ville  de),  152,  161. 
Bordier,  comédien,  5,  30  n.  4,  239  n.  1, 

253,  265  et  s.  383,  474,  492. 


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-  580  - 


Borély,  cité,  383  ii.  I. 

Bornainville,  451  ii.  53i. 

Bottais,  meunier  à  la  Boissière,  4fiO  ii. 

Bouchard,  médecin,  329. 

Boufflers  (la  cit.),  346. 

Bougeard,  curé  de  Montiguy,  349. 

Bougeard ,   maire    de  Bois-d'Ennebourg . 

282,  n.  2. 
Bouille  (la),  400  n.  2. 
Bouillon  (duchesse  de),  150  n.  2,    412  n., 

426  n.  1. 
BouUenc,  émigré,  73. 
Boullenger,  notable,  24,  56. 
Boullenger,  présid.  du  trib.  civil,  127  n.  2. 
Bouquet  (M.),  cité,  308  n.  1. 
Bouquet  de  la  Chaussée  (d"),  366. 
Bourbel  de  Montpinçon,  62  n.  2. 
Bourdeilles  (de),  3(»7,  368  n.  1. 
Bourdon  (Jean),  ex-capucin,  85. 
Bourdon,  juge-de-paix,  344,  479  et  n. 
Bourdon,  commissaire  de  police,  237. 
Bourdonnaye  (général  de  la),  142  et  n. 
Bourgois,  convent.,  130  et  n.  3.  13^^  et  s., 

140,  183,  532. 
Bourguemont,  dit  Fribourg,  189  et  s. 
Bournisien,  106, 119,  298,  4ol,  453,  460. 
Bourreaux  de  Rouen,  105,  207,  ^15  et  s. 
Bourse  découverte  (la),  317  et  s.,  394,  463. 
Bourse  de  Rouen,  1^)3. 
Boussy,  médecin,  329  tt  n. 
Bouteiller,  cité,  403  u.  3.  . 
Bouttemont  (Gueroult  de),  66  et  n.  3,  73. 
Bouvet  (P.),  avocat,  adni.,  17  et  n.  3,  155, 

159,  160  n.,  161.  197,  2iô,  287,  301  n.  3, 

336,  338  et  s.,  480,  tô2,  508,   515,  519, 

529,  534. 
Bouvier,  employé,  429. 
Bovary  (M""-\  citée,  71  n.  1. 
Brasseur  (Pierre),  190. 
Brémontier,  vi,  23, 44, 56,  109,  127  n.  2,4i6, 

459,  492. 
Brette  (A.),  cité,  249  n.  2,  ,386  n.,  441  n.  2. 
Briche  (abbé),  353. 
Bricole,    patriote    et    sacristain   à  Sotte- 

villo.  88. 
Bridel.  c\ivô  d'Ecti»t,  ♦vl. 


Briffe  (de  la),  255  n.  2. 

Brignon,  adjudant-major,  143  u.  i. 

Briquet,  agent  du  C.  de  s.  g.,  181  n.  S. 

Brt»glie,  145,  212  n. 

Brulart,  364. 

Bnisley,  dit  Marigny,  256. 

Brunel,  maire  de  Sotteville,  310  et  s. 

Brutus  (buste  de),  98. 

Brutus  (section  de),  116  n.  1. 

Bruxelles  (comité  de  surv.  de),  113  n.  3, 

114. 
Bruyéres-Saint-Julien,  323. 
Bunodière  iM.  de  la),  cité,  21  n.  3. 
Bunel,  médecin  à  Neufchâtel,  26  n.  2, 905. 
Burcke  (lord),  108. 
Burdelot,  80. 

Burette,  agent  d'émigré,  61  n.  1. 
Buveurs  de  sang,  468,  476,  485,  523. 
Buzut,  convent.,  162,  182. 


Cabanon  (Bernard),  259  et  n. 
Cabeuil  du  Vaurouy,  428  et  n. 
Cabeuil,  maître  de  danse,  428  n. 
Cabissol,  avocat,  17  et  n.,  47,  156  n,,  241 

261,   301    n.,  341,  375,  383,  427,  429. 

438  et  s.,  457,  460,  537  n.  2. 
Cabousse  (le  cit.),  281,  472  et  s. 
Caffin-Vemon,    comédien,  110,  114.  236, 

263,  268,  292,  294,  300,  301  n.  3,  4(6 

et  s.,  418,  426,  454,  480  n.,  490,  M2  n., 

513. 
Cahier  des  doléances  du  Tiers-Etat,  SftJ- 
Caillot  de  Coq ueréau mont,  73,  240  et  n., 

281  et  n.,  471. 
Ça  ira,  121, 126. 
Caiûs  GracchnSy  464. 
Calendriers,  235  et  n.,  492. 
Callamar,  sculpteur,  318  n.  et  s.,  433. 
Calomnies  contre  Rouen,  19,  34,  67.  89. 

•   180,  253,  507. 
Calonne,  ministre,  103. 
Cambacérès,  364. 
Cambon  de  Villemont,  266  n.  8. 
Campement  (objt'ts  de),  74. 


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-  581  - 


Campion-Montpoignant  (de).  3H8  n. 

Campuley  (M.  de),  9. 

Camus,  312  n.,  313  n.,  377. 

Cany,  29  n.,  221. 

Canning  (lord  Francis),  *MS  et  n. 

Caqueray,  employé,  356. 

Caqueray  de  Montmesnil,  212. 

Caqueray  de  Valmesnier,  62  n.  2. 

Cardon,  bénédictin,  déporté,  61. 

Carency  (M"»  de),  370  et  n.  1-2. 

Carmagnole  (la),  300,  498. 

Carmes  (couvent  des),  118, 155,  307  et  n.  1. 

Carmes  déchaussés  (couvent  des),  360. 

Carpentier,  agent  >ies  Etats-Unis,  359. 

Carré,   off.  mpal,  24,  33,  76,  83, 107,  141, 

169, 197,  245  et  s.,  301,  325,  335.  353, 

408,  421  n.,  439,  449  et  s.,  450  et  s., 

453,  465,  499,  512  n.,  513  n. 
Carrier,  convent.,  110,  172  et  s.,  187, 188, 

193,  407,  410,  466  n.,  471,  522.  ii.  3. 
Carruyer,  manufacturier,  359, 
Cartier,  adm.,80,149,  158,301  n.,460,  482. 
Casenave,  convent.,  143  n.  1,  281.  n.  1,  470 

n.,  486  et  s.,  494  et  8.,  .t02  H  s.,  orlOets., 

522  et  s.,  530. 
Castel,  notaire,  26  n.  2. 
Castel,  secr.  du  dépt.,  301,  448,  4«2. 
Cathédrale,  249  et  s.,  465  n.,  481. 
Caton  (buste  de),  98. 
Caudebec-en-Caux  (église  de),  465  n. 
Caudebec-en-Caux    (s.  p.  de),  128,   152, 

215  n.,  247  n. 
Caudron,  adm.,  18,  79,  80, 155  et  n.2,158, 

169,  170,  392. 
Caimiont  (M.  de),  363  et  n. 
Caumont  (comtesse  de),  130  n.  1,  240  n., 

363  n.  2. 
.  Cavelier  (J.-A.),  prêtre,  86. 
Cayeu,  co"»  de  la  Convention,  263. 
Célestins  (maison  des),  84. 
Célibataires,  142  et  s. 
Cercueils  en  plomb,  242. 
Certificats  de  civisme,  307  et  n.  3. 
Chailloué  (de),  émigré,  73. 
Chaire  épiscopale,  50  et  s. 
Chalat,  notaire,  381. 


Chalembert,  prêtre  assermenté,  120  et  n,  1 . 

Chalier,  264  et  n.  2,  296  et  s. 

Chambre  de  lecture,  277. 

Chambosse,  négS239n.  1. 

Chambray  (v^  de),  310  n.  1. 

Champ-Social  (Harcourt),  312. 

Chandelle  (rareté  de  la),  304. 

Chanson  sur  les  habitants  des  villes,  87. 

Chapais  le  jeune,  510. 

Chapela^n,  de  St-Saens,  condamné,  2^15. 

Charlatans,  261,  328  et  n.  1. 

Charrier  de  la  Roche,  ôvéque,  86, 88, 118, 1 27 . 

Chastellux  (de),  cité,  379  n.  1. 

Chastenay  (M""  de),  citée,  iv,  7  et  s.,  8  n.  1 , 

10  n.  2,  272,  275,  280,  303,  315  n.  3, 

372  n.  1,  375,  424  n.  1. 
Chatin,  professeur,  379  n.  3,  448  n. 
Chauffer,  399. 
Chaumont,  négS  386  n. 
Chaumontel  (famille  de),  62  et  n.  1,  312  n. 
Chauveau,  avocat,  384. 
Charavay  (Et.),  cité,  118  n.  1. 
Chénier  (André),  cité,  109  n.  1,  428  n.  2. 
Cherfils  (C'c).  452  n. 
Chéruel  père,  343. 
Chesneau  le  jeune,  80. 
Chevrier,  maire  de  Monville,  399. 
Choin  du  Lys,  adm.,  Kiô,  161,  301  n.,  312. 

336  n.,  337  n.,  338,  3i3,  512  n. 
Choiseul  d'Ailleoourt  (M™<^  de),  365  n.,  366. 
Chouan  (oreille  de),  104. 
Chouans,  312  n.,  523. 
Choulant  (Pierre),  déporté,  214. 
Chouquet,  24,  83,  273,  296,301  n.  3,  424  et 

s.,  469,  505,  507. 
Chouquet,  buvetier,  364  et  n.,  365. 
Christinat,  député,  127  n.  1. 
Chronique  de  Paris,  101,  102. 
Chronique  de  Rouen,  101,  102, 128,  136. 
Chronique  du  Mois,  101,  102. 
Chronique  nationale  et  étrangère,,  3,  26  et 

n.  1,  31  et  s.,  123  n.  2. 
Cizos  dit  de  Sèze,  203. 
Clavel  (F.-T.-B.),  cité,  112. 
Clavel  (Louis),  négociant,  112  et  s.,  303, 

490. 


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-  582  - 


Clavier  (J.),  journalier,  358. 

Clavier,  oflT.  mpal,  23,  1»),  24«,  301,  331, 
432,  450,  n.,  497. 

Clergé  (biens  du),  69. 

Clieu  (Gabriel  de),  363. 

Cloches  et  clochers,  306. 

Club,  mot  banni  du  langage.  118. 

Clubs,  277. 

Clubs  de  femmes,  96. 

Cocarde  au  chapeau,  96. 

Cochet  (abbé),  cité,  150. 

Code  contre  les  tercoristes,  489  et  s. 

Colbert-Maulévrier  (M""*»  de),  368,  369  n.  1. 

Collège  de  Rouen,  177  n.  2,  426. 

Collet,  33,  353. 

Collombel  fils  (J.),  34. 

Collot  d'Herbois,  264  n.,  473  et  n.  2-3. 

Golonge,  notaire,  392. 

Combray  (Hélie  de),  62  n.  2,  363  et  n.,417. 

Combray  (marquise  de),  vi,  62  n.  2. 

Comédiens  francs-maçons,  110. 

Commissaires  de  police,  24,  343. 

Commission  militaire,  61  n.  1,  521  et  n.  2. 

Commission  populaire,  371,  378  et  n. 

Comité  de  Salut  public  puis  de  surveil- 
lance de  Rouen,  2,  83,  197  et  s.,  203, 
232  et  n.,  236,  254,  284,  301  n.  3,  304 
n.  2,  323,  340,  450  et  s.,  466,  470,  477, 
494,  498,  5(fô,  M4ets.,  543. 

Comité  de  sûreté  générale,  413  et  s. 

Comité  de  surveillance  de  la  commune 
(premier),  81  et  s. 

Comité  de  surveillance  de  la  Société 
populaire,  81. 

Complainte  élegiaque^  446  et  n. 

Complots  contre-révolution n« ires.  195. 199, 
231,  335,  531. 

Compte  moral  de  la  municipalité  Pillon, 
457  et  s. 

Compte  moral  de  la  municipalilé  Goube, 
528  et  s. 

Compte-rendu  au  peuple  français,  136. 

Concierge  de  la  Société  populaire,  96. 

Conciergerie  (la),  223,  402. 

Condamnés  à  mort,  6  n.  2,  192. 

Confédération  universelle,  121. 


Conjon,  journaliste,  378  n.  1,  407. 
Conseil  des  Cinq-Cents,  532. 
Contre-révolution,  454. 
Constitution  civile  du  clergé,  119. 
Constitution  de  l'an  III,  521  et  s. 
Conventionnels  (élection  des),  126  et  s. 
Cools  (Adrien),  condamné,  113n.3,250et 

n.,  369. 
Coqueréaumont  (château  de),  281  et  s.. 

495  et  n.,  5(tô. 
Coquet,  maire  de  Neufchâtel,  214. 
Corday  (Charlotte),  185. 
Cordier  (M.-L.),    femme    Limoges,  cou- 
turière, puis  imprinjeur,  43  n. 
Cordonnier,  artiste,  459  n. 
Corneille  de  Beauregard  (veuve),  73. 
Costume  national  féminin,  105  et  s. 
Cotelle,  160  n. 
Cottais,  commissaire   de  police,  71  129 

n.  1,343,413,415,429,432. 
Coulonghon,  agent  du  C.  de  s.  g.,  236. 
Coupé,  de  l'Oise,  couvent.,  236,  251  et  s., 

507. 
Couppéjdes  Côtes-du-Nord,convent.,50t, 

et  n.  3. 
Coufant,  médecin,  329  n. 
Chambre  des  Comptes,  121. 
Counner  de  V Europe,  journal,  101,  lOi 
Courrier  des   départements,  journal,  IW 

n.  3. 
Courteilles  (de),  avocat,  206. 
Courtin,  adm.,  230,  3(M  et  n.,  466. 
Couthon,  383,  410,  421,  422,  432. 
Coutume  de  Normandie,  106. 
Grény  (chev.  de),  206. 
Crespin  fils,  s.  p.,  470. 
Croissant  (hôtel  du),  135. 
Crosne  (Thiroux  de),  216,  386  et  n. 
Crosnier.  à^  de  l'hospice,  331  et  n.  3,  332 

et  n.  1. 
Crosnier  (Pierre),  du  M^ux-Malades. 371. 
Crussol  d'Amboise  (de),  369. 
Cultivateur  (le),  101,  102. 
Cultivateurs,  442. 
Cusson,  294,  407,  431. 
Cuvier,  450  n. 


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583 


Daillière,  483  n.  4,  484. 

Daliet  de  Roncherolles,  240  n.,  3d4  n.    1. 

Dalmas   (J.-A.),  ex-député   de    l'Ardèche, 

44,48. 
Dames  de  Rouen  (les),  105. 
Danican  (général),  143   n.   1,    487  et  n., 

492  et  s.,  500,  523  et  s. 
Danton,  136,  335,  337,  383. 
Darcel  (Jacques),  30  n.  1,  33,  71, 194,  506, 

513  n.  1,  518  n.  3,  519  et  n.,  520  et  n., 

527. 
Damétal,  97. 

Darré  (Romain),  religieux,  276,  286. 
Datty-Fontaine,  120  n.  3. 
Daudet  (E.),  cité,  14  n. 
Daupeley,  juge  de  paix,  435,  496, 503,  515, 

519  et  s.,  526. 
Dauvet  (G.-M.),  déporté,  214  et  n. 
David,  peintre,  396. 
Dazallier  (M.),  cité,  376. 
Débats  et  décrets  de  la  Com'en/ion,  journal, 

101,  102. 
Debonne  fils,  off.  mpal,    23,  25  et  n.  3, 

28,  n.  2,  119,  255,  272,  314,  428  n.  1, 

483,  484,  518. 
Décadi,  288. 

Déchéance  du  roi,  122  et  s. 
Déclaration  des  Droits  de  l'Homme,  98, 

185. 
Déclaration  du  régent  de  France,  44. 
Decorde  (M.),  cité,  206. 
Defontenay  (A.),  243,  386  n. 
De  Fontenay  (P.-N.j,  maire,  10,  16  et  s., 

17  et  n.  2,  25,  42,  53,  55, 59,  63,  67, 109, 

136,  155  n.  1,  160  n.,  161,  164  et  s., 

171,  183,  187  et  s.,  210,  227  n.  2,  229, 

243  et  s.,  253,  261,  268  et  s.,  290,  338, 

339,  336  n.,  406  n.  1,  469,  470,  507, 

529,  532. 
Defresne,  34,  139,  n.  2. 
Delacour  (R.-P.),  128. 
Delacroix,  convenl.,  110, 199,  201, 243  et  e., 

248,  251  et  s.,  271   et  s.,  298,  301  n., 

303,  454,  .529. 


Delacroix,  notable,  56, 76, 278, 252, 335, 514. 

Delabarre,  notaire,  392. 

Delafontaine-Ansoult,  394. 

Delafosse  (Michel),  70.  343,  377. 

Delafoy.  avocat,  206. 

Delahaye,  convent.,  130,  134, 140, 152, 162, 

182  et  s. 
Delaislre,  co»^  du  gouvem',  331  n.  1,  537. 
Delalande,   33,  71,  158,  265,  439,  486,  512 

n.,  513  n. 
Delalonde,  rdj.  général,  420. 
Delamare,  notaire,  61. 
Delamare,    ofT.    mpal,    23,  158,  300,  313, 

400  n.  2,  512  n. 
Delamare  (V.-A.),  condamné,  6  n.  2 ,  400, 

n.521n.  1. 
Delaporte,  80,  430,  431,  483  n.  4. 
Delaporte,  vainqueur  de  la  Bastille,  141 

et  s. 
De  la  Quériére,  cité,  5  n.  1,  109,  356  n.  3, 

419  n.  3,  480etn.,  483n.  1. 
De  la  Quériére  fils,  158. 
Delanoy  (J.-B.),  80. 
Delarue,  chanoine,  355. 
Delaunay,  prêtre,  détenu,  61. 
De  Lérue,  cité,  4  et  n.  1. 
Delesques,  de  Vascœuil,  213. 
Dolihu,  300,  314,  :i37,  460. 
Delille  (Eulalie),  actrice,  403  n.  3. 
Delille  (Victoire  Ducreux),  artiste,  403  et  s. 
Delmas  (J.),  cité,  172  n.  1. 
Demarest  fils,  343. 

Demay,  notable,  301  n.  3,  328,  459  n. 
De  Melun,  459  n. 

Denise,  265,  287,  314,  321,  337,  483. 
Dénonciations,  60,  62,  67  et  s.,  76,  148, 
171,  173  et  s.,  190, 194,  231  et  s.,  235, 
237  n.  1,  238  et  n.  239  et  s.,  242,  251 
et  n.,  269,  304,  310,  314,  337  et  s.,  342, 
343  n.,  346,  362,  383,  401, 405,  409, 431, 
438,  483,  498,  503,  507,  513. 
Denneville,  arrêté,  425. 
Denys  de  Vitré,  158, 180,  234  et  n.,  263. 

300,  312,  325. 
Département  de  la  Seine-Inférieure  (ad m. 
du),  164  et  s.,  171,  301  n.  3,  529. 


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-  584  - 


Déportation,  60,  62. 

Dérubé,  maire  de  Lillebonne,  138. 

Désarmement,  513. 

Désaubris,  24, 301  n.  3,  417. 

Desbrugnières  (M.),  217. 

Deschamps  (J.),  journaliste,  42  et  n.  3,  43. 

Deschamps  père,  18,  451  n. 

Deschamps,  tondeur  de  chiens ,  357. 

Descroisilles  (F.-A.-H.),  28,  32,  34, 96,  109, 

150, 158,  160,  168  et  s.,  174  et  s.,  260  n., 

270  n.  4,  313,  507. 
Desjardins,  344. 
Desmalis,  notable,  24,  229,  301  n.  3,  308, 

314. 
Desmarest,  de  Sainville,  130. 
Desormeaux,  historien,  448  n. 
Des  Perrières  (Poissonnier),  68. 
Desportes  fils,  de  Fécamp,  127  n.  2. 
Després,  ofif.  mpal,  459  n.,  499. 
Desvé  (V«),  concierge,  898. 
Dévastations,  463. 
De  Trézy,  276. 
Devise  de  la  soc.  pop.,  94. 
Devisme,  cité,  388. 
De  Visme  du  Valgay,  388. 
De  Vivefoy,  ex-conseiller,  68. 
Dieppe  (distr.  de),  71  et  n.  2, 207, 221, 245  n. 
Dieu,  chirurgien,  24,  83, 301, 328,  425,  448, 

430  n.,  459  n. 
Digard,  curé),  24, 246  n.  2,  483. 
Dimanches  et  fêtes,  475. 
Discours  paternel  d'un  pcuteur^  85. 
District  (adm.  du),  301  n.  3,  354. 
Divorce  à  Rouen  (le  premier),  139  et  n.  2. 
Dodart,446,  451,469. 
Donati,  figuriste,  318. 
Dons  patriotiques,  105,  268. 
Dordogne  (bat.  de  la),  171. 
Doré,  vicaire  d'Imbleville,  351 . 
Domay,  18. 

Douane  (employés  de  la),  309  et  s. 
Doublet,  conv.,  130  n.1,  133,  140,182,  183 

n.  1,  184. 
Doury,  procureur,  30  n.  1,   62   n.  2,  206. 

516  et  s.,  519. 
Drapeaux,  120  et  s. 


Duboc,  de  Sotteville,  478. 
Dubois,  député  suppléant,  127  n.  2. 
Dubosc  (Georges)  cité,  11,  265  n.  1. 
Dubost,  co"  de  pol.,  25, 343,  458  et  n.,  460 

etn. 
Du  Bourg  (M««),  367  et  n.  1. 
Ducastel,  avocat,  député,  19,  20,  127  n.  2, 

U7n. 
Duchemin  (J.-F.),  394. 
Duchemin  (M.  P.)  cité,  71,  n.  2, 231  n.  1 
Duclos  (la  cit.),  105, 234,  269. 
Duclos,  homme  de  loi,  210,  240  n.,  518. 
Dufay,  juge,  213. 
Dufoumy,  co"  du  c.  de  s.  g.  110,  135  et  s., 

145, 150, 253, 296. 
Duhem,  507. 
Dumazert,  dit  le  Père  Duchêne^  63,  n.  1, 

245  n.,  268,  301  n.,  328. 
Dumesnil,  s.  p.  158,300,301  n.3,334,  n.l. 
Dumesnil,  Artus.,  506. 
Dumesnil,  adm.  301  n.,  460. 
Dumest,  secr.  du  distr.  508. 
Dumontier,  501  n.  1. 
Dumo'uchel,  104. 
Dumouchel,  boucher,  304. 
Dupas,  459. 
Duplessis,  24  et  n.  2. 
Dupont,  détenu,  32  n.  2. 
Dupont,  convent.,  110,  470,  476  et  s.,  483 

et  .s.,  486  n.  3. 
Dupuis,  ex-curé  de  Hautot,  353. 
Duquesne  (famille),  402  et  n.  3. 
Durand,  curé  de  Saint-Jean,  137, 177,  257 

et  n.,  287. 
Duruflé,  député  suppl.  127  n.  2. 
Du  Sommerard,  459  n. 
Duthuit,  484. 

Duval,  secrétaire  greffier,  500  n.  1,  510. 
Duval,  prêtre,  66. 
Duval,  s.  p.  158. 
Duval,  convent.,  109, 129  n.  1;  140, 147 n.l 

149,  162, 182  et  s.,  521,  532. 
Duval  de  Beaumets,  343,  517  n.  3. 
Duval-Sanadon,  120  n.  3,  201. 
Duvergier,  109,  494  n.  1. 


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—  585  - 


S 

Ecalles-AIIix  (co«»n  dO,  63,  64  n.  1. 

Echelle  de  la  question,  210  et  n.  1. 

Eclipse  (V),  536. 

Ecoles  à  Rouen,  457,  530. 

Ecosse,  315  et  n. 

Ecrivains  publics,  346. 

Ecu  de  six  livres,  347. 

Eglises  abtmdonnées,  290  n.  1. 

Elbeuf-sur-Seine,  295. 

Elbeuf  (société  pop.  d'),  311. 

Electeurs  exclus,  128,  247. 

Election  de  la  commune,  22  et  s.,  528. 

Election  des  conventionnels,  126  et  s. 

Embellissement  de  Rouen,  457. 

Emétique,  245  et  n. 

Emigrés,  61,  63  et  s.,  69,  76  et  s.,  186. 

Emprunts,  450, 

Enrôlements  dans  la  soc.  pop.,  411  et  s. 

Epée  nationale  (!'),  hôtel,  45. 

Epoigny,  nég»,  346,  494. 

Epurations,  234  et  n.,  245  et  s.,  290  et  n., 

314, 336,  392,  433  et  s.,  469  et  s. 
Esnard,  232  n.  1,  460,  472  n.,  518  n.  3. 
Esnault,  301. 

Esnûe-la- Vallée,  couvent.,  171,  186. 
Esprémesnil  (Duval  d'),  834. 
Elisabeth  (Madame),  380. 
Esprit  public,  91,  250,  263,  296,  559  et  .s. 
Estaintot  (C^  d'),  cité,  361  n.  2. 

Estampes  (Famille  d'),  329,  368  n.  1,  379, 

n.  3,  448  et  s. 
Etats-Unis,  121,  359. 
Etennemaro,  notable,  301  n.  3. 
Etrangers,  114, 186,  194,  197, 198, 241  et  s., 

374. 
Estoutteville  (d'),  maire,  17. 
Etemel  (hymne  à  T),  398. 
Etre  suprême  (Fête  de  1'),  395  et  s. 
Eudel,  343. 
Eudeline  le  jeune,  24,  47,  81,  83,  119,  141, 

192  n.  2,  197,  207,  252,  300,  301  n.,  429, 

443,  312  n.,  313  n. 
Eure  (dép»  de  T),  83,  165  n.  1,  199  et  s., 

229,  254,  311  et  s. 


Evangile  des  hommes  libres  (1),  462. 
Evasions,  128  n.  4,  351  et  n.,  383. 
Evêques  constitutionnels,  116  et  s. 
Evreux,  164, 171. 
Expulsion  de  la  société  pop.,  234,  314. 


Fabre,  député,  364. 

Fabulet,  huissier,  496  et  n.,  497. 

Fanatisme  (signes  du),  465  et  n. 

Farin  (f«),  378. 

Fauchet,  évêque  et  conv.,  137  n.  1. 

Faucon,  nég»,  358. 

Faure,  du  Havre,  conv.,  129,  132  et  s.,  140, 

180  et  s.,  203. 
Faure  fils,  132  n.  3. 
Favre  (Ant.),  228  et  n. 
Fécamp,  4  n.  4,  162  n.  2,  452  n.  1,  466  n.  4, 

488. 
Fédéralisme,  47,  161  et  s.,  171  et  s.,  188, 

253,  254,  312,  317,  336  et  s.,  359,  391, 

427,  468. 
Fédération  (fête  de  la),  105,  320. 
Femmes  patriotes,  104,  293  n.  3,  502. 
Femmes  publiques,  327. 
Féray  (les),  bourreaux,  105,  205,  215. 
Féray  (le  capitaine),  171. 
Féray  (la  citoyenne),  105,  234  n.  1, 
Féré,  oflf.  mpai,  23,  88,  246  n.  2. 
Féret,  banqueroutier,  213. 
Féron,  agent  de  Roland,  35. 
Ferrand,  (Jq.)  imprimeiu*,  140,  381, 
Ferrière,  émigré,  69. 
Ferry,  avocat,  85,  205. 
Ferry,  (Raphaël),  artiste,  372,  n.  4. 
Fête  civique  et  funèbre,  124. 
Feuillants  (les),  341. 
Feuille  villageoise  (la),  101,  102. 
Fils  légitimes^  565  et  s. 
Findel  (F.),  cité,  111. 
FI...  (C-de),  380. 
Flambart,  off.  de  maréchaussée,  218,  et 

n.  1,  266,  269. 
Flavigny,  d'Elbeuf,  prêtre,  353. 
Fleurs,  350. 
Fleury,  maire  de  Forges,  116,  210. 


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—  586  - 


Fleury  d'Harescourt,  359. 

Fleury-la-Forêt,  146. 

Flierlhé,  363. 

Fliot,  garde  forestier,  316  n.  1. 

Floquet,  cité,  416,  n.i,  278  et  n.,  364  n.  5. 

FoUoppe,  aubergiste,  400  n.  1,  499. 

Foloppe,  prêtre  déporté,  61. 

Fontaine,  33,  319,  463,  483,  484. 

FontPtte  (d'Orceau  de),  382  n.  1. 

Foreau  de  Trizay,  453,   520  et  n.  3,  521 

n.i. 
Forfait,  ingénieur,  96,  97,  108  et  s.,  119, 

122, 127  n.  2. 
Forges-les-Eaux,  116  n.  1,  284. 
Fomeron,  cité,  370. 
Fortier  (C.-F.),  entrepr.,  70. 
Fortin,  maître  de  forté-piano,  483  et  n.,  484. 
Fortuné  (le),  navire,  19  n.  3. 
Fortunes  présumées,  112  n.,  229  et  s. 
Fossé  (château  du),  106. 
Fouché  (mémoires  de),  cités,  129,  n.  1. 
Foulon,  off.  mpal  à  Bois-Guillaume,  370. 
Fouquier-TinviUe,  26  n.  2-3,  27   et  n.  1, 

50,  132  p.  3,  177,  225  n.  2,  383,  384. 
Fourneaux,  80. 

Foumel,  conventionnel,  304  n.  1. 
Foumier  de  Sivrac,  42,  80,  392. 
Foy  (pseudo  comte  de),  29. 
Français  devenus  protestants  sans  le  savoir 

(les),  85. 
Franc-maçon,  213,  395. 
Franc-maçonnerie,  108,  110  et  s.,  530. 
Franc-maçonnerie  royaliste,  563  et  s. 
François,  vicaire  épiscopal,  234  n.  1. 
Franconville,  économe,  350  et  n.,  351. 
Franklin,  98, 121. 
Franquelin,  prêtre,  détenu,  61. 
Frégate  (souscription  pour  une)  441  n. 
Frémanger,  conventionnel,  485. 
Frémont  (J.-L.-P.),  203  et  n.  1,  204. 
Frère,  cité,  94  n.  2,  166  n.  407  n.  1. 
Fréron,  représ,  du  peuple,  45,  48. 
Fresnaye  (m'»  de  la),  9  n.  3. 
Fresneau,  gendarme  tué,  423. 
Fresquiennes  (Rome  de)  66  et  n.  4,  73. 
Frey,  314. 


Fromage,  professeur,  243. 

Frondeville  (Lambert  de),  ex-constituant, 

63  et  n.  2,  73,  74. 
Froudière,  homme  de  loi,  127  n.  2. 


Gady-Lavigne,  311  n. 

Gaillard,  s.  p.  343. 

Gaillard  père,  de  la  Bouille,  451. 

Gaillard  (Pedro),  journaliste,   90,  91,  512, 

523  et  n.  1. 
Gaillefontaine,  379. 
Gaillon,  24,  71,  83,  85, 192, 197,  231,  n.  1, 

291,  301  n.,  369,  433,  403  et  s.,  486  n. 

5,  501  n.  2,  503, 506,  513, 515  et  s.,  519. 
Galbois-Saint-Âmand,  110,  264,  et  n.,  265 

et  s.,  284  et  s.,  290,  293  et  s.,  301 

472,543. 
GaUi,  U7. 

Gallier,  imprimeur,  206. 
GaUiots  (les),  223. 
Gamare,  médecin,  149, 158,  236,  246  n..  2, 

252.  276,  301  n.  3,  328,  357,  424,  450, 

506. 
Gambart,  notable,  24,  237,  246  n.  2, 360. 
Gandelot,  agent  du  c.  de  s.  g.,  387. 
Ganges  (Hérault),  153. 
Garât,  chanteur,  265  et  n.,  446  n.,  468  n. 
Garât,  ministre,  274  n.  1. 
Garde-meuble  (vol  du),  258. 
Garde  nationale,  194,  483. 
Garet,  cité,  215  n.  3. 
Garrault  (de),  de  la  Chaussée,  296,  460. 
Garraut,  co«  de  pol.,  31, 230,  249,  300, 3U, 

425,  512  n.,  513  n. 
Garvey,  510. 
Gastinel,  211. 
Gazette  de  Leyde,  101, 102, 
GazetU  française,  101, 102. 
Gazette  nationale  et  étnutgère,  101,  102. 
Gazette  universelle^  523. 
Gazette  révolutionnaire  et  débats  des  Jaco- 

bins,  449,  489  et  n.  ^4. 
Gens  comme  il  faut  (les),  345. 
Gensonné,  convent.,  67. 
Gérard,  chef  d'émeutiers,  485,  581. 


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-  587 


Germinal  (journées  de),  479  et  s. 
Germiny  (famille  Le  Bègue  de),  69, 361  et  n. 
Géry,  curé  d'Auberbosc,  213, 
Giguet,  notable,  252,  3(M  n.  3,  418,  U9, 

M2  n.,  513  n. 
Gilets  fleurdelysés,  190  et  n. 
Gilles,  homme  de  loi,  journaliste,  44. 
Gilles,  vicaire  de  Bracqueraont,312etn.l. 
Gillet,  de  Neufchàtel,  351  n. 
Godebin-Jouvenet,  33,  144,  149,  169,  252, 
300,  301  n.,  316  n.,  342,  372  et  n.,  430 
et  s.,  434,  439,  466,  474,  480,  486  n.  5, 
5(M  n.  2,  503,  512,  515,  517  et  n.,  519, 
527. 
Godefroy,  prêtre  assermenté,  120. 
Godefroy,  60  n.  1,  155  n.  1,  160  n.  1. 
Godefroy,  Magloire,  77. 
€k>det,  gardien  à  Saint-Yon,  455,  513. 
Godet,  nég»  associé,  270  n.  4. 
Goguet  fils,  509. 

Gommé  d'Ângerval,  chanoine,  354  et  n. 
Gontier,  co«  de  pol.,  25,  343,  499. 
Gorsas  (jouimal  de),  101  n.  3,  et  102. 
Gosselin,  abbé,  358, 

Gosselin  (J.-N.-H.)  arrêté,  358, 451 ,  494  n.  1 . 
Gosselin,  cité,  7  n.  3,  32,  n.  4,  35  n.  2, 57, 
139  n.  2,  172  n.  8,  186  n.  1,  192  n.  3, 
217  n.  6,  225et  s.,  452  n. 2,  480  et  n. 
Gosselin,  prêtre  patriote,  240  n. 
Gosselin  (Roland),  70. 
Goube,   vicaire  épiscopal,  127,  128,   210, 

292  et  n.,  293. 
Goube,  maire,  52!,  528. 
Goumet,  vie.  de  Boisguillaume,  351. 
Gourdin  (dom),  185  n.  1,  353. 
Goumay,  71  et  n.  2, 146. 
Graine,  agent  du  c.  de  s.  g.,  329,  448. 
Grandcourt,  notable,  24,  83„   301  n.,  343, 

513  n. 
Grandin,  63  n.  2,  131,  161,  183,  192,  197. 
245,  301   n.,  314,  336,  339,  386  n.,  471, 
529,  n.,  531,  562. 
Granier,  musicien,  207  et  n.  2. 
Granier  de  Cassagnac,  cité,  485  b.  4. 
Gratien,  évêque  constitutionnel,  65,  118, 
127, 128  et  s.,  256  et  n.,  415,  433. 


Grave,  concierge,  350. 

Gravelines  (couvent    et    prison  des),  61, 

223,  347  et  s.,  370  et  n.  2,  377,    401 

et  s.,  412  et  s. 
Gravilliers  (bat.  des),  241. 
Grécourt  (M»»  de),  9  n.  3,  372  n.  4, 
Green  (d"«  de),  378  et  n. 
Grégoire  aîné,  député,  127  n.  2, 
Grégoire,  évéque  de  Blois,  cité,  47  n.  1, 
Grenier,  co^»  du  c.  de  s.  g.,  189,  265  n.  2, 

267,  271,  296  et  s.,  329,  359,  429,  477 

et  s.,  485. 
Grenier  fils,  émigré,  73. 
Grésil,  chanoine,  482  n.  2. 
Grésil,  ex-huissier,  artiste,  482  n.  2. 
Gressent  (J.-A.),  ex-cons.  au  pari»,  n  351., 

361  n. 
Gressent  (Vincent),  substitut,  256  n. 
Grouard,  expulsé,  314. 
Groult  (P.),  158. 

Groult  (Elie),  483  n.,  484,  486  n. 
Groult  (Thomas),  71,  246  n.  2,  301  n.  3, 

343. 
Groult  (V.),  33,  83,  141,  301  n.  3,  512  n., 

513  n. 
Guérard,  concierge,  351  n. 
Guérard  de  la  Quesnerie,  62,  394,  n.  1., 

482,  n.  2,  531. 
Guesdon,  de  Mortain,  362. 
Guesdon,  f«  Langlois,  447  n.  1. 
Gueudry,  386  n. 
Gueroult  de  S»  Paer,  240  n. 
Guerre  aux  intrigants ,  hymne  rouennais, 

288. 
Guersent,   curé  de  Caudebec-lès-Elbeuf, 

429  et  n. 
Gueutteville,  émigré,  73. 
Guichainville   (Baillard  de),  63,    349   et 

n.2. 
Guignard  (M.),  cité,  219  n. 
Guilbert  (abbé) ,  journaliste,  42,  43,  60, 

193  n.  4,  511,  523,  534  n.  551. 
Guillaume  Tell,  234  n.  1. 
Guillebon  (de),  360  et  s. 
Guillotine  (la),,  215  et  s.,  219  et  s.,  230, 
242,  253,  266,  270,  540. 


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-  588  - 


Guimberteau,  convent.,  25  n.  3,  48,  110, 

315  et  s.,  334,  376  et  n.,  396,  4(M,  441. 

465  et  8.,  &16  et  s.,  521. 
(iuingret,  512  n. 
Guisier,  avocat,  30,  210,  341  et  n.,  342  et  s., 

507,  517  n. 
Guttinguer,  24, 101,  522. 
Guyet,  médecin,  6,  24,  33,83,  210,246n.  2, 

292  n.,  296  n.,  301  n.  3,  317,  328,  357, 

421  n.,  422  et  s.,  492,  504. 
Guyet  père,  33. 
Guyot  d'EtalleviUe,  émigré,  69. 


HaUay  (M"  du),  379. 

Hamel,  cité,  422  n.  1. 

Hamel  (L.),  off,  mpal,  301  n.,  449,  5(fô. 

Hansler  (J.-J.)>  niédecin  à  Aix-la-Chapelle, 

74. 
Haraneder  (J.-L.),  80,  140,  156,  158  et  s., 

161,  167  et  s.,  178  et  s.,  233,  243,  265, 

293,  295,  301  n.  3,  314,  337,  343,  392. 
Harcourt  (conc  d'),  311  et  s.,  320. 
llarcourt  (les  d'),  312  et  n.,  365,  520. 
Hardy,  conventionel,  96,  109,  122, 126, 128 

et  s.,  130  n.,  131,  140,  146,  162,  182  n. 

et  s.,  504,  518,  521,  523  et  s.,  525  n., 

532,  536,  558. 
Harel  (Pierre),  défenseur  officieux,  499  n., 

495. 
Harel  (Pierre),  notable,   23,  76,  248,  255, 

340,  469,  478  et  s. 
Harivel  de  Gonneville  (V«),  44,  45,  48. 
Havard,  secr.-greffier,  33,  40,  71, 187,  281, 

314,  340,  492,  513  et  n.  2. 
Havas  (les),  386  n. 
Havre  (le),  171,  181  n.  3,  188,  232  et  s., 

243  n.,  333. 
Hay  dit  de  Slade,  426  n.  1. 
Hayet,  député  suppl.,  127  n.  2. 
Hébert  dit  le  Père  Duchesne,  188,  253,  334, 

507. 
Hébert,  s.  p.,  236,  313,  343,  346. 
Hébert  de  Beauvoir,  63. 
Hécamp  de  CoUetot,  67,  73. 
Hecquet,  convent.,  128  et  s.,  182, 532. 


Hédouin,  homme  de  loi,  494  n.  1. 
Heine  et  fils,  de  Hambourg,  292  n.  2. 
Hellouin  de  Ménibus,  chanoine,  354  etn. 
Hélot  fils,  commerçant,  459. 
Hély-d'Oissel,  239  n.  5,  443. 
Hénin  (C.-N.),  secr.  de  M.  de  FrondeviUe' 

74. 
Henri  IV,  347. 

Henry  (Thomas),  premier  guillotiné, 221. 
HerbouviUe  (d'),  8, 16, 18,  19  n.  3,  21,  56, 

67,  83,  229,  239  et  n.  3,  248,  532. 
HerbouviUe  (M-e  d),  9  n.  1. 
Hermier  (Chr.),  1U. 
Héron  d'Agiron,  341  n.,  519. 
Héron  (Louis),  181  et  n.,  340  n. 
Héron  de  la  Thuillerie,  d«  Brisson,  puis 

d«  Rioust,  427  et  s. 
Herte  (de),  condamné,  6  n.  2.,  400  n.,  5^. 
Heude,  curé  de  S<-Patrice,  212  et  n. 
Heudier  (Michel  et  Jean),  prêtres,  84,  85. 
Heure  (division  de  T),  390  n.  1. 
Heuzé,  réhabilité,  208. 
Ileuzé,  prêtre,  détenu,  61. 
Hippeau,  cité,  50. 
Hoche  (Lazare),  142  n.  2,  146. 
Hochet,  député,  127  n.  2. 
Hochet,  s.  p.,  300. 
Hochets  du  fanatisme,  289. 
Hocquart,  née  Pourrai  (M"»«),  49. 
Homme  brisant  ses  fers  (V),  tableau,  21  etn. 
Hommes  de  loi,  341,  532  n.  1. 
Horcholle  (mémoires  de),  cités,  4  n.  5, 173 

n.  1, 189,  208,  252,  364  n.,  423,  M7  n. 
Horcholle,  manufacturier,  409. 
Horteloup  (la  cnne),  429. 
Hospices,  331  et  s.,  461,  529. 
Houchard  (général),  326  et  n. 
Houde^t  (M»*  d'),  484  n.  4. 
Houdeville,  446,  450. 
Houel,  oflP.  mpal,  23, 24  et  s.,  73, 407. 446  n., 

453,  470. 
Houel,  cité,  385,  407. 
|-  Hourdou,  abbé  puis  avocat,  278  n. 
Huault,  notable,  24,  83. 
Hubert  (L.),  23, 137, 158,  512,  533  et  s. 
Huet,  487  n.  4,  524,  531  n.  4. 


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—  589  - 


Huissiers,  72. 

Hurard  (L.),  notable,  24,  248. 

Z 
Imprimeurs,  73. 

Indicateur  politique,  mercantile  et  litté- 
raire, 3,  43,  89,  236. 
Instituteurs  de  Rouen,  307  et  s,,  530. 
Isambert,  notable,  24,  248,  460. 


Jacobins  de  Paris  (les),  89,  95, 124, 138, 159, 
163  et  s.,  236,  251,  252  et  s.,  263,  269, 
290,  295,  296  et  n.,  303,  324,  334  et  s.* 
446. 

Jacotin,  convent.,  426. 

Jaillot,  de  Goumay,  213. 

Janin  (Clément),  cité,  219. 

Jean-Bon-Saint-André,  426. 

Jeannemey,  cordelier,  261,  262  n.  2,  300  n., 
381,  417. 

Jarry,  256,  341  n. 

Jeunes  gens,  480  et  s.,  500,  537. 

Jolivet  de  Colomby,  62  n.  2. 

Joly,  d'Angeville-la-Martel ,  466  n.  2. 

Joly,  chirurgien,  329  n.,  463. 

Joly  dit  la  Tour,  188,  392. 

Joly,  curé  de  Sotteville,  310  et  s. 

Jonquière,  (de  la),  émigré,  73. 

Jorre  (Simon-Pierre),  77. 

Joseph  expliquant  les  songes,  tableau,  74. 

Jouenne  (les),  bourreaux,  215  et  n.  et  s. 

Jouenne,  de  la  commune,  MO, 

Jouenne,  mercier,  394. 

Jourdain,  5,  253,  265  et  n.,  386,  474. 

Journal  de  commerce,  politique  et  lit  ter., 
43,  123,551. 

Journal  de  la  Noblesse,  47. 

Journal  de  la  Cour  et  du  Palais,  cité,  217. 

Journal  de  la  Montagne,  296,  440  et  n. 

Journal  de  Paris,  101,  102, 109  n. 

Journal  de  Permet,  101  n.  2,  102. 

Journal  de  Rouen,  3,  90,  91, 100,  102, 153 
et  s.,  157  n.,  158,  461,  187,  245  n., 
261  n.,  262,  268  et  s.,  273,  277,  291, 
319, 377,  421  et  s.,  440,  445,  463  et  s., 
498  n.1,  514  n.  1,  532. 


Journal  des  Jacobins,  101,  102. 
Jowmal  des  Hommes  Libres,  464  et  n. 
Jow^nal  des  principaux  épisodes   de    la 

Révolution,  7. 
Joutmal  du  soir,  181,  497  n.  1. 
Journalistes  réfugiés  à  Rouen,  44  et  s. 
Journalistes  rouennais,  42  et  s. 
Journaux  reçus  par  la  société  populaire, 

100  et  s. 
Jowmée  du  9  Thet^midor  (la),  pièce,  462. 
Juetz  d'Inglemare,  247. 
JuUien,  de  Toulouse,  cité,  182. 
Jullien  fils,  232. 
Jumilhac  (c^  de),  367  et  n.  3. 
Jupes  et  corsets,  349. 
Juglet,  huissier,  309  et  n. 
Jurés,  210,  515  n.  2. 


Kersabiec   (Siochan  de),  356  et  n.  3,  367. 

Kersaint,  député,  46. 

Kuscinski  (A.),  cité,  299,  334  n.  3. 


Laborde-Méréville  (M.  et  M««  de),  375,  388 

n.  2,  389,  412  n. 
Labarbe  (le  ccn),  116 n.  1. 
Labbé,  du  c.  de  surv.,  301  n.,  434,  466. 
Labbé,  de  Belmesnil,  71  n.  2,  341. 
Laboureurs,  230. 

Labre  (famille  du  bienheureux),  87. 
Lacaille,  huissier,  495  et  s. 
Lachausse,  médecin  de  Strasbourg,  45,48, 

459,  n„  491  et  n. 
Lachenez-Heude,  158,  459,  446. 
Lacorne,  député  supp.,  127  n.  2. 
Lacombe,  agent  du  c.  de  s.   g.,  409,  4M 

n.  1,  412  et  s. 
Lacretelle  (de),  instituteur,  379  n.  2. 
Lacroix,  député  de  la  Haute-Vienne,  470. 
Lafayette,  121,  125, 138. 
Lafiotte,  383. 

La  Garde  (M.  et  M"'«  Thibaut  de),  3Gt5. 
Lagnistre,  34,  459. 
Laisné,  curé  de  Roumare,  349  n.  3. 
Lakanal,  386  n. 


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-  590  - 


Lamauve,  chirurgien,  328. 

Lambert,  adm.,  3, 10,  33,  77.  110,  125,  155, 
160, 192,  237,  245,  n.  2,  301  n.,  328,  339, 
344,  407, 450  n.,  459,  497, 512  n.,  513  n., 
514  et  8.,  527,  540. 

Lamelle,  capitaine,  394. 

Lameth  (M.  de),  379  n.  3. 

Lamine  (N.-L.),  23,  71,  77,  80,  98, 104, 110, 
123, 137  et  s.,  152, 159,  162  et  s.,  192 
et  s.,  197,  211,  236  et  s.,  243,  246  n., 
251  et  s.,  258,  287,  290  et  n.,  294,  300 
et  s.,  306,  313  et  s.,  324, 328,  334  et  s., 
338,  341,  396,  405  et  s.,  418,  427,  430 
et  s.,  439,  445,  450  et  s.,  454  et  s.,  471, 
497,  503,  507,  512  n.,  513,  M5  et  n., 
M9,  529. 

La  Mouque  d'Inquerville,  71  n.  2,  298. 

Lanjuinais,  159. 

Langlois  (Isidore),  journaliste,  524. 

Langlois  (la  cne),  l(fô,  398. 

Langlois  (L.-J.),  nég»,  70,  343. 

Langlois  (E.-H.),  cité,  50  n.  3,  51  n.  1. 

Langrenay,  curé  de  S^-Victor,  242. 

Lapierre  (la  cnne),  298. 

Larcher,  ex-curé  de  Ménerval,  61. 

La  Rocque  (de),  émigré,  69. 

Laudasse  de  Francamp,  225  et  n. 

Laugeux,  30  n.,  42,  158, 161  et  s.,  170,  2fô, 
317,  516  et  s.,  518  n. 

Laumonier,  chirurgien,  11,  58  n.,  109,  213, 
268,  330,  328,  348. 

Laumonier  de  la  Motte,  525. 

Laveaux  (Ch.),  journaliste,  90  n.  3. 

Laverdy  (de),  255  n.  2. 

Le  Baillif-Mesnagèr,  capitaine,  62, 

Le  Baillif-Mesnager,  chanoine,  60. 

Le  Barbier  (P.-S.),  77,  446,  453. 

Lebas,  301, 344,  377, 450. 

Lebel,  agent  militaire,  348. 

Leber  (collection),  citée,  255  n.  2,  403 
n.2. 

Leblanc,  curé  de  Saint-Maclou,  290  n.  3. 

Leblond,  off.  mpal,  23. 

Leblond  (la  en"),  305. 

Leblond,  adm.,  63  n.  1, 160  n.  1. 

Leborgne,  343,  459  n.,  496. 


Le  Boucher  du  Tronche,  24,  56,  76,  206, 
246,  n.,  301  n.,  343,  ^3,  375,  376  et  s., 
402,  426,  450,  459,  461  et  s.,  469,  474. 
491  et  s. 

Le  Boucher,  ancien  libraire,  510. 

Le  BouUenger,  imprimeur,  73. 

Le  Bouvier,  avocat,  478  et  n.  2,  536. 

Le  Bret,  142  n.  2. 

Le  Breton,  off.  mpal,  459  n. 

Lecanu  (J.-V.),  avocat,  23, 31  et  s.,  40  et  n., 
76,  84,  110,  136,  138, 140  et  s.,  158, 193, 
197,  2U,  258  et  n.,  296,  300,  301  d., 
344,  460,  501  n.  1,  503,  512  n.,  513  n. 

Lecarpentier,  33,  206  cité,  243. 

Lecarpentier  de  Combon  (d*),  456  et  n. 

Lecerf,  curé  de  S^Nicaise,  426. 

Le  Chcmoine,  juge,  203. 

Le  Chapelier,  émigré,  384,  385  n.  2. 

Le  Chevalier,  mathémat",  394  n.  1,531. 

Leclerc  (0.),  accus,  public,  14  n.,  45,  48, 
205,  208  et  n.  3,  240  n.,  388,  478  et  s., 
481  et  s.,  499  et  s.,  506,  507,  514  et  s., 
533. 

Leclerc,  imprimeur,  26  et  s.,  30  et  s.,  137, 
225  et  s.,  507,  550. 

Leclerc  (Elie),  négociant,  289. 

Leclerc  jeune,  119. 

Leclerc,  tailleur,  483  n. 

Leclerc,  parfumeur,  40  n.  1,  240  et  n.  1, 
413,  415,  429,432,482  n.,  483  n.,  512  n., 
513  n. 

Leclerc  (femme),  483. 

Leclerc,  secr.  des  Sans-Culottes,  144,  266. 

Leclerc,  vie.  épiscopal  de  Beauvais,  119. 

Leclerc   Saint-Aubin,  531  n.  4,  569  et  s. 

Lecœur,  adm.  de  N.-D.,  50. 

Lecœur,  vie,  à  Saint-Jean,  365  n.  5. 

Lecointre  (Laurent),  conv.,  136  et  s.,  171, 
186. 

Le  Compasseur  de  Courtivron,  364  et  n. 

Lecomte,  ex-sec.  de  l'hospice,  494. 

Le  Comte  (Pierre),  couvent.,  23,  24  n.  3, 
131  n.,  183,  n.,  184,  193  n.,  210,  235, 
273,  314,  335,  335, 353, 378  n.,  408  et  s., 
430,  434,  436,  438,  440,  465  n.,  507, 
521.  526,  550,  556. 


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~  59i  - 


Le  Coq  dit  Vidame  (les),  536. 

Le  Corbeiller,  267,  339. 

Le  Cordier  de  la  Londe,*66,  73. 

Le  Courtois  (famille),  463  et  n. 

Le  Couteulx,  394,  MO. 

Le  Couteulx  (d«),  née  Pourrat,  49. 

Le  Coutour,  avocat,  proc.  de  la  cône,  23, 25 
et  n.,  56,  122,  126, 144,  198,  206,  246, 
248,  261,  295,  298,  434,  436,  446,  459, 
467,  471,  485,  491,  497,  500,  508,  Ml, 
M2,  M9,  532  et  n.  3. 

Lecoutre,  artiste,  100. 

Ledran,  maire  de  S»-Léger-Bourg-Denis, 
138. 

Lefebvre,  de  Goumay,  député,  129,  133, 
182,532. 

Lefebvre  (Elie),  188,  n.  3. 

Lefebvre  (Julien),  convent.,  139  et  n. 

Lefebvre-Lavandier  (cnne),  484. 

Lefebvre  (Angélique),  ^  Robert,  489  et  n.  2, 
525  n.  5. 

Lefebvre  (L.-J.),  80,  256,  507. 

Lefebvre,  orfèvre,  80,  97,  453,  459. 

Lefebvre-Signol,  adm.,  18,  33,  63  et  s., 
110,  123,  192  n.  1,  197,  239  n.,  246  n., 
261  n.,  2T3,  301  n.,  313, 315, 319,  340 n., 
347,  350,  391,  465,  484,  486  n.,  512  n., 
M3  n.,  M9,  527. 

Lefebvre  (Jérôme),  459. 

Lefebvre,  s.  p.,  108,  139,  149,  169, 268, 343, 
486  n. 

Lefebvre  (Victor),  off.  mpal,  23,  83,  301, 
340,  378  n.,  459,  549. 

Lefebvre  (veuve),  357. 

Legagneur,  m«  de  l'hôtel  Vatel,  45. 

Legendre,  concierge,  471  et  s. 

Legendre,  écrivain,  346. 

Legendre,  avocat,  président  du  trib.  crim., 
109,  158,  205  et  s.,  295  n.,  309,  249, 
436,,  443  et  s.,  455  et  s.,  471,  478  et  s., 
481,  499,506,507, 514  et  s.,  519  n.,  55M. 

Legendre,  convent.,  110,  188  et  s.,  197  et 
s.,  206,  229.  243  et  s.,  251  et  s.,  271, 
292,  298,  303,  304,  378^  410,  465,  529. 

Legendre,  maire  du  Mont-aux-Malades, 
370,  371. 


Legendre,  notable,  301  n. 

Legentil,  co"  de  pol.,  24  et  s,,  88,  240  n., 

460  n. 
Léger,  de  Rouen,  57  n. 
Legrand,  agent  du  c.  de  s.  g.,  193 n. 
Legras,  notable,  246  n.,  301  n.,  377,  450, 

505. 
Le  Halley,  194. 

Lehardi,  député  du  Morbilhan,  524. 
Leliêvre  fils  (Ad.),  104,  392, 528  n. 
Lemaire  de  Ternantes,  329, 549. 
Lemaitre  (Julie),  femme  de  chambre,  60. 
Lemarchand,  émigré,  73. 
Lemery,  81,  14?. 
Lemire,  510. 

Lemire  (?<>••),  domest.  d'émigré,  60. 
Lemoine  (0.),  notable,  301  n. 
Lemoine,  co^»  de  police,  25,  343,  460. 
Lemoine,  de  Dieppe,  532. 
Lemonnier,  peintre,  21,  319. 
Lemonnier,   s.   p.,  80,  144,  230,  242,  265, 

309,343. 
Lemort,' notable,  301  n.,  M2n.,  535. 
Lenglier,  de  Feuquières,  130  n. 
Lenormand  de  l'Osier  (Germain),  80,  140, 

169,  268,  289 n.,  297,  310,  319,  507,548. 
Lenôtre  (G.),  cité,  217,  219  n.  4. 
Lentafgne  (les  frères),  62  n.  2,   77  et  s., 

506. 
Lenud,  d'Yvetot  (les),  69,  180,  231  n.,  234 

n..  2M,  253ets.,  294,  507. 
Le  Parquier  (M.),  cité,  11,  161,  n.  2,  172 

n.  3. 
Le  Pecq  de  la  Clôture,  60,  266  n.,  328. 
Le  Peletier  de  S»-Fargeau,  38  n.  2,  249, 

288,  368,  390,  463. 
Le  Pigny,  émigré,  73. 
Lepiller,  24,  301  n.  3,  450  n. 
Le  Portier,  (H.-J.),  310  n.,  340,  343. 
Lequesne,  concierge,  483. 
Lequesne,  (G.-A.),  maire,  210,  494  n.  510. 
Lerat,  curé  de  Forges,  n.,  116,  293  n. 
Le  Roux  de  Cretot,  émigré,  Zi 
Le  Roy,  33,  M2  n,  M3  n. 
Lesage,  486  n.  5,  MO. 
Lesguiller,  cité,  4  n.  5, 42. 


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—  592  - 


LesguiUer,  70,  45». 

Lesueur,  prêtre,  détenu,  61. 

Letellier,  curé  de  la  Trinité  de  Pécamp, 

117  n. 
Letellier  (Denis),  prêtre  assermenté,  63. 
Letellier,  détenu,  32  n.  2,  33,  439. 
Letelier,  (f«),  d'Aumale,  484. 
Le  Tonnelier  de  Breteuii,  évêque,  402  n. 
Letoumeur,  convent.,  360. 
Lettres  ouvertes,  477  et  s.  517. 
LeUres'patenles  du  régent  de  France,  44. 
Lettré,  446. 

Leudet,  prêtre,  déporté,  214. 
Levaillant,  (Bonne),  45,  48. 
Levallois,  prêtre,  détenu,  61. 
Levarlet,  juge,  517  n.,  519  n. 
Levasseur,  notable,  301,  n.,  343. 
Levavasseur,  nég»,  61,  205. 
Levavasseur,  M«  des  Omptes,  276. 
Levavasseur  (Léon),  officier,  député,  104, 

127  n.,  138,  305  n. 
Levavasseur  (mémoires  de),  cités,  4  n.  5. 
Le  Veneur  (général).  142  n.  2,  146. 
Levée  en  masse,  188  et  s. 
Le  Verdier,  curé  de  Choisy-le-Roy,  116  et  s. 
Le  Verdier  (N.-V.),  homme  de  loi,  116  n.  2. 
Leviderel,  210,  266  et  n.,  277  n.  2. 
Levieux,  off.  mpal,  23,  211. 
Levieux,  vitrier,  466. 
Levillain,  de  Maromme,  451. 
Lévis  (A.-L.  de),  370  n. 
Lézurier,  24,    56,    109,    248,  314,  359,  470, 

519,  529  n. 
Lhermitte,  459  n.,  520  n. 
Lhonoré,  médecin,  329  ii. 
Lhoste,  80. 
Lhuillier,  33,  434. 
Liancourt  (de  la  Rochefoucaud-),  73,  123, 

320,  337,  340,  3^i2,  353,  379  et  n.  3. 
Liberté  (sUtue  de  la),  318  et  s.,  4^3:^. 
Licquet,  (P.-A.),   homme  de  loi,  109,  210, 

310,314,315,  407,431. 
Lidon  (B.-F.),  convent.,  139  n.  1. 
Liège  (académie  de)  358. 
Liégeard,  104. 
Lignel,  noUble,  269,  301  n.  3,  460,  501. 


Limbourg  (de),  médecin  à  Spa,  74. 
Limoges  (L.-C.   de),  journaliste,  42  n.,  62 

n.,  19i  et  s.,  482  n.,  497. 
Lindan,  imprimeur,  290,  499. 
Lindet,    évêque  d'Evreux,   11^,  170,  250, 

352,378. 
Lizet  (les  frères).  400,  431,  439,  446,  483  n. 

4,486,512,  n.,ÔM    ii. 
Locquet  (la  cit.,),  institutrice,  308. 
Loges  de  maçons  à  Rouen,  110  et  s.,  468  n. 
Loiseau,  co«  dupouv.  exéc,  110,135  et  s. 
Loiselet,  gendarme,  423,  497. 
Londres,  103,  180  n.  3. 
Lormier,  agent  du  c.  de  s.  g.,  411,  415. 
Loth  (M.  l'abbé  J.),  cité,  10  n.,  51  n.,  118 

n.,  119  n. 
Loucelles  (de),  cité,  110,  363  n.  2. 
Louchet,  convent.   110,  188  et  s.  197,  199 

et  s.,  243, 251,  271,  299  et  s.,  308,  409, 

565,  521,  529. 
Louchet  d'honneur,  324. 
Louis  XVI,  19  n.  3,  27  n.  2,  32   et   s.,  4<i, 

63,  85  et  s.  198,  121, 123  et  s.,  140,  204, 

208,  228  n.  2,  249,  305  n.l. 
Louis  XVllI   (uniforme   dit  de\  394  n.  1, 

523  u. 
Lucas,  d'Y  veto  l,  127  n.  2,  532. 
Luzerne-Montmorin  (famille  de   la),    37ï> 

et  n.  1. 
Lyon,  296,  Ml, 

M 

Mabire,  119,  151,  153  et  s.,  158,  170. 
Mabon,  23,  80,  158,  246  n.  2,  301  n.  3,  421 

n.,  448, 450,  471, 486,  507,  512  n.,  ôUl  ii., 

535. 
Mabon  (la  cit»»*),  104,  391,  535. 
Machault  (famille  de),  365  n.,  366   et    s., 

387  et  n.,  388  n. 
Machuel,  libraire,  133  n.,  182  n.  4. 
Madières  (de),  385  n. 
Maillard,  de  Gournay,  146  et  n. 
Maillard  (P.-A),  receveur' de  leiiregisliv- 

menl,  77  et  n . 
Malandain,  510,  514. 


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—  593  - 


Malatiré,  210,  343,  392,  429. 
Maldérée  (de),  242  n.  3. 
Malherbe  (de),  émigré,  73. 
Malhœuvre  (G.),  bourreau,  217  n.  4. 
Malortie  (Aimée),  260  et  n.,  517  n.  2. 
Malot-Duvergé,  ag^du  c.  d.  s.  g.,  328,448. 
Manneville  (de),  off.  de  garde  nat.,  259. 
Manneville  (de),  v.  Colbert. 
Manoury  (Jq.-A.),  70. 
Manufacture  de  plomb,  46. 
Manufacture  d'huiles  et  savons,  49. 
Marat,  35,  140  et  n.,  146,  153,  161,  173,185 

et  n.,  249  et  s.,  262,  272,  287,  390,  452 

et  s.,  462,  473. 
Marc,  chirurgien,  60. 
Marc,  notaire,  393  n.  1. 
Marcel  {Etienne),   prévôt  de  Paris,  por- 
trait, 74. 
Marchands  de  Rouen,  253. 
Marchands  forains,  324. 
Margarot,  d'Ecosse,  315. 
Marguerit  (famille  de),  266  et  n.  1. 
Marie,  notable,  301  n.,  471,  486  n. 
Marie-Antoinette  (la  reine),  44,  235,  388. 
Marie-Antoinette,  enfant  de  l'hospice,  83. 
Mariette,  avocat,  couvent.,  96,    109,  119, 

123,  128,  129,  n.,  132  n.,  134  et  s.,  140, 
.    148,  151,  162  n.,183,  251,  443,  447,  521, 

532. 
Mariolle  (le  café),  96,  158,  175. 
Marion,  ex-chanoine,  359. 
Marion,  marchand.  359. 
Marseillaise  (la),  32,  100,  269. 
Martainvillle,  émigré,  69. 
Marteau  fils  aîné,  339  n. 
Marteville  (A.),  cité,  172,  n.  2. 
Marye  de  Mer\'ai,  266  et  n.     , 
Massacres  (projets  de),  355  et  s.,  375,  418 

et  s.,  504,  511. 
Massacres  de  septembre,  36  n.  3. 
Massé,  de  Fécamp,  489. 
Massé,  proc.  gén.  syndic,  205. 
Massé,  prêtre,  détenu,  61. 
Masselin,  475. 
Masseron,  ex-cons.  au  pari»,  377,  412  n., 

417,  427. 


Massieu,  évéque  de  Beauvais,  118,    119, 

129  n.,  435,  507. 
Mas.son,  notable,  301  n.,  469,  4«3  n. 
Mathéus  (Jean),  nég»,  111  et  s.,  499. 
Mathurins  (église  des),  307  n. 
Mauchrétien,  juge  de  paix,  268. 
Mauduit  (lacnne),  105,  234  n.  1. 
Mauduit  (M.  de),  310  n.  1,  398  n. 
Mauny  (château  de),  379  n.  3,  448  n. 

Maussion  (de),  29, 30 n.,265 n.,  382n., 383 n. 
Médecins,  328  et  s. 
Mémoire  apologétique,  467  et  s.,  471. 
Mendicité  (extinction  de  la),  312,  539. 
Médailles,  249,  347. 
Meillié  (E.),  cité,  489  n.  7. 
Melfort  (Drummond  de),  517  n. 
Mellemont  (Duhamel  de),  62  n. 
Mercier  du  Paly  (les),  468. 
Mercure  universel  (le)  dénoncé,  148. 
Merle-Beaulieu  (général),  232  n. 
Mérel,  greffier,  343. 
Merlin  de  Thionville,  58. 
Meslin  (P.-F.)  77,  158. 
Mesnard,  émigré,  73.     ' 
Mesniéres  (château  de),  238  n.  1. 
Messager  du  soir  (le)  523  n.,  524. 
Michaux,  407,  439,  449,  451  n. 
Michel,  prêtre  déporté,  61. 
Michel  dit  Duval,  condamné,  6,  n.  2. 
Midy  d'Andé,  292  n.,  4ai. 
Milcent,  secr.  du  dist.,  18, 155  n.  2. 
Miller,  tailleur,  472,  512  n. 
Mirabeau,  119,  121,  141. 
Miranda  {O  de),  178. 
Mirbel  ou  Mirbeck,  peintre,  366. 
Miromesnil  (0«  de)  62,  n.  2. 
Mission  secrète,  267. 
Mises  en  liberté,  442  et  s.,  463. 
Modène  (M"«  de)  372  et  n.  2. 
Molard,  des  Grandes  Ventes,  130. 
Molière  (pièces  de)  473. 
Monceaux  (H.)  cité,  160  n.  2. 
Moniteur  Universel  (le)  iOl,  102,  562. 
Monnier  Tainé,  80,  512  n. 
Montagne  à  Rouen   (une)   208,   287,  335, 
474  et  s.,  511. 


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—  594  — 


Montagne  (la)  chanson,  498. 
Montagne,  au  lieu  de  Leroy,  307. 
Montaut  ][M«ne  veuve  de)  74. 
Mont-aux-Malades,   370,  371  n.,  531   n.  3. 
Montbrissey  (de)  380. 
Monlfiquet  (d"«  de)  363. 
Montforl  (de)  prêtre,  354. 
Mont-Fortin  (le)  326  n.  1. 
Monligny  (cône  de),  349  n.,  350,  a^O. 
Montigny  (Ch.CI.),    nég<   et  journaliste, 

46,  48  et  n.  2,  417. 
Montmorin  (de)  ministre,  379. 
Monval  (Georges)  cité,  145  n.  2. 
Morainville,  n^g«,  136. 
Mordant,  notable,  24,  248,  307. 
Morel,  avocat,  ^,  344, 
Morière,  portier,  455. 
Morin,  auditeur  à  la  Ch.  des  C",  68. 
Morlière  (général  la)  W^  n.  1,  326. 
Mouchard  (P.-L.)  234. 
Mouches,  24. 
Moulin,  off.  mpal,   246  n.,  266,  n,,    269, 

301  n.,  4.59,  49i>,  512  n.,  513  n. 
Moy  (de)  ex-cons.  au  Pari»,  361 . 
Muscadins    et    muscadines,   180  n.,  289- 

343,  480. 
Musquinct  de  la  Pagne,  19,  188, 143. 


Nantes,  103, 126. 

Narbonne,  mini.stre,  121. 

Néel,  notable,  24,  31,  91, 151,  227,2^18,  512. 

Néel  dit  Tontuit,  425. 

Neufchâtel-en-Bray,  129,  284,  467. 

Neuilly  (marquise  de)  26  n.  1. 

Neuilly-sur-Seine  (Pont  do)  347. 

Niel,  447  et  n. 

Noblesse  de  robe,  9. 

Noël,  jounmliste,  10,  158,  187,   227,  262, 

308,  318,  445,  503  n.,  524. 
Noms  affichés  aux  portes,  150. 
Normandie  (la)  reîvuo,  citée,  378  n.  1. 
Nos,  notable,  301  n.  3,  377,  486  n.,  512,  n.. 

513. 
Notaires  de   Rouen,   362   n.    2,   392  n.  1* 

\m.  n.  a. 


Noury  (M.)  cité.  11,  265  n.  1,  473  n.  2. 
Nouveaux    logements ,    pièce    satirique, 

9n.  3. 
Nouvelles  politiques,  nationales  et  étra^- 

gh*es,  102. 


Observateur  de  V  Europe  (V)  3,  489  n.  3-4. 

499,  500,  511,  514,  522,  524,  536. 
Oratoire  (maison  des  Prêtres  de  1)  292. 
Orléans  (duc  d'),  145,  180  n.  3,  326  et  n., 

386. 
Orphelins,  332  n.,  333. 

Osman,  md,  394  et  n.,  483  n. 
Otages  du  roi,  62  n.  2.  " 
Ouf,  prêtre,  détenu,  61. 
Oursel,  imprimeur,  73. 
Ouvriers  de  la  campagne,  234. 


Pache,  maire  de  Paris,  303. 

Paillart,  446,  483  et  n. 

Pain,  493,  529. 

Pallu  (M»«  de  la),  9  n.  3. 

PapiJlaut  (l'abbé),  gd  pénitencier,  86. 

Paris  (de),  assassin  de  Saint-Fargeau,  38 

n.  2. 
Parlement  de  Paris,  87. 
Parlement  de  Rouen,  87,  331. 
Pasdeloup-Delaistre  (mariage),  332. 
Pasquier  (Adrien),  cité,  47  n.  1,  275  n.  1. 

279,  a56  n.  3,  371  n.  2,  397  n.,  427  n . 

438  n. 
Passeporte,  67,  76,  236,  444, 511. 
Patriote  Français  (le),  101,  102. 
Patriotes  cliassés  de  la  s.  p.,  431  et  s. 
Patriotes  de  89,  300,  439. 
Paumier,  dentiste,  528  n.  1. 
Pavie  (B.),300,  510. 
Payan,  422. 
Payoïinovillo,   1,\s,  :x)I    n.    3,   450  et  n., 

450  n. 
Payncl,  greffier,  33,  182,  204  n.  1,  205,  309. 
Pennetier(r,.),  cité,  11,  58  n.  X 
Perche!,  ox-conseiiler  clerc,  1^6  et  n. 


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—  595  — 


Père  Duchesne  (Hébert,  dit  le).  V.  Hébert, 
180,  253,  334,  507. 

Père  Duchesne  (Dumazert,  dit  le),  268. 

Périaux  (N.),  cité,  »4  n.  3, 381. 

I^ermanence  des  conseils,  supprimée,  5H. 

Pernuit,  s.  p.,  158,  459. 

Perquisition,  76,  84  et  s. 

Perrin,  341,  344. 

Perroud  (M.),  cité,  259  n. 

Persécution  religieuse,  5,  64  et  s. 

Pesnelle,  24,  248. 

Pétion,  maire  de  Paris,  123, 162  et  n.,  187. 

Petit,  prêtre,  détenu,  61. 

Philippe,  ancien  capitaine,  45,  80. 

Philippcaux,  convent.,  334  n.,  335  n. 

Pierre  (Victor),  cité,  489  n.  7. 

Pillon  père,  276,  et  n.  6. 

PUlon,  maire,  4  n.  5,  22,  23,  34,  41,  68,  71, 
76, 78  et  n.,  83,  85,  91,  92,  95, 110,  119, 
126,  138.  141,  163  n.  2,  192  n.  1,  198, 
210,  226  n.,  234,  245  et  s.,  275  et  s,, 
291  et  s.,  299  et  s.,  306,  314,  317  et  s., 
322,  324,  333,  340,  353  et  s.,  357,  374  et 
s.,  391,  395  et  s.,  406  et  s.,  411  et  s., 
418  et  s.,  427,  439, 442  et  s.,  445,  450et 
s., 463,  465,471,483n.,491ets.,494et8. 
501,  504  et  n.,  507,  512  n.,  518  n.,  519 
et  s.,  526  et  s.,  528,  531  n.,  533,  540, 
554. 

Pinart  de  Boishébert,  329. 

Pinel  père,  528  n.  1. 

Pinel  (Fr.  et  J.-B.),  23,  24,  56,  190,  192, 
197,  246  n.,  301  n.,  350,  433  n.,  446, 
484,  512  n.,  513  n.,  515,  527. 

Piperey  de  Marolles  (de),  ex-cons.  au 
Parlem»,  68. 

Piques  (les),  187, 199,  253,  508. 

Pitre  (Gabriel),  prêtre,  arrêté,  88  et  n. 

Placard  provocateur,  30  n.  4. 

Plaine  (abbé),  351  n.,  352. 

Plasne,  186,  512  n. 

Plocq,  du  Vaudreiiil,  394,  531. 

Pocholle,  convent.,  62,  78,  118,  129,  140 
et  s.,  171  et  s.,  182,  187,  193,  410,  521. 

Poire  phénoménale,  234. 

Poisson,  membre  duc.  des.,  33,  158,  301 


n.,368,  469,  503,  513  n.,  515,  518 et  n., 
519.  527. 

Police  de  Rouen,  552,  569  et  s. 

Polignac  (un  nommé),  381. 

Pomme  (A.),  convent.,  401,  410,  430. 

Pommeraye,  ex-maitre  des  c»«»,  66. 

Pontcarré  (le  président),  206  n.  4. 

Pont-de-r Arche,  311. 

Porel,  conspirateur,  391  n.  1. 

Porct  fils,  avocat,  24,  32  et  s.,  40  et  n.,85, 
103, 110,  119,  135,  138,  155,  159,  169, 
170,  186,  193  n.,  197,  207,  230,  246n.2, 
252,  271,  279  et  n.,  294  n.  1,  301  n., 
311  n.,  314,  317,  333,  340,  355  et  s., 
378  n.,  391  et  s.,  402,  418,  427  et  s., 
431  et  s.,  438  et  s.,  445  et  n.,  451,  456. 
463,  471,  480,  483  n.,  486,  501  n.,  506, 
507,  512  n.,  513  n.,  527,  535,  534  et  n. 

Poret  flls  jeune,  33. 

Poret  père,  246  n.  2,  304,  350. 

Poret  (Jean),  condamné,  6  n.  2. 

Porlier,  secr,  de  l'état-major,  158,  375. 

Portefeuilles  (les),  pièce  de  Collot-d'Her- 
bois,  473. 

Portrait,  446,  4^x1  n.,  469,  529. 

Portrait  d*un  J tireur,  chanson,  85. 

Postel  des  Minières,  369. 

Potel,  maire  de  Serqueux,  116,  385^  n.  2. 

Pottier  (J.-B.),  avocat,  80, 248, 459, 475, 510. 

Pouchet  (G.),  cité,  240  n. 

Pouchet-Maugendre,  24,  56,  141,  246  n.i 
301  n.,  314,  450,  452,  510. 

Praselia  (G.  de),  178. 

Prénoms  républicains,  235  n.,  333. 

Prêtres  (arrestation  de),  84. 

Prêtres  assementés,  284. 

Prêtres  exercés  par  les  Suisses,  19. 

Prêtres  exclus  de  la  s.  p.,  327  et  s. 

Prêtres  (mariage  des),  73,  257,  327. 

Prêtres  déportés,  61. 

Prêtres  reclus,  350  et  s. 

Prêtres  réfugiés  à  Rouen,  353. 

Prevel  aîné,  off.  mpcd,  459  n. 

Price  (docteur),  103. 

Prière  à  VElet^iiel.  288,  395. 

Prière  r/^publicainey  288,  395. 


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—  596 


Phcur,  de  la  Marne,  convent.,  171, 193. 426. 

IVin,  artiste,  47.^. 

i'riaons  de  Houen,  4n.,  222  et  s.,  401  et  s., 

411  ets.,417n.  5,  511. 
î*rt>dhomme  (J.-G.),  prêtre  déporté,  61. 
professions  de  foi  aflichées   aux  portes, 

150  et  s. 
Protestants,  28^),  i^l  et  n. 
PriKlhomme  (H.),  prof.  d'Iiydroj^r.,  80,  81, 

152, 158,  307,  37i  n. 
Pntdhomme  (Journal  de),  101,  102. 
PsaJmon,  prêtre,  dépoilê,  61. 
Pucelle  (statue  de  la),  249  et  s. 
iHigutde  lîarbentane  (M.  et.\l'"e),  423  n. 
l'u^ct  de  Bras,  condamné.  423  n.  2. 


OiJt'iiné-Dunioulin,  détenu,  463. 
Oiiesnel,    curé  de  S«-.lactiues-de-r)icf)pe, 

fiO,  175. 
Uucsnel-Hoger,  301  n.  3. 
rjniHebcuf,  386,  494,  4î)9,  528  n.  1,563. 
Hiuîlebcuf,  inconnu,  50S. 
guinet  (Edg.),  cité,  .'3Î)7,  532.  51»  n.  1. 


liabasse,  lOi),  ;i43. 

Ilacme,  libraire,  4^9. 

H  f  ici  ne  (pièces  de),  473. 

naison  (fêle  d(ï  la),  262,  285  et  s.,  :335. 

HHiwon  (Temple  de  la),  286,  288  et  s.,  2ÎM, 

450  et  s. 
jiîimfreville  (André  de),  213. 
lUmifreville  ((Cli.  de),  condamné,  400  et  n., 

425,  521  n. 
lijirnfreville  (M-"^  do,  400  n.  3. 
Rapports  des  commissaires  de  sections,  1  et 

s.,  502  et  n.,  503  et  s. 
JUtpport  du  dép'  en  l'an  IV.  4(m  n.  3,   470 

n.  5,  4.^'»  n.  '2,.  .">2«.ï  it  s. 
I;ruî'tiini  tlicnnidtirii'iiiii'^  477  cl  s. 
\\im\,  2^,  301,  3(^2  el  s.,  314,  429, 4:C)  el  s. 
T-crling  (de),  chancelier  suisse,   292    n.  2. 
ii<*ncxinns  sur  le  |)n)cès  d«»  Louis  XVI.  44. 


Réfugiés  à  Kouen,  361  et  s. 
Règlement  de  la  s.  p.,  96,  314. 
Renault,  498. 
Regnault,  notable,  33,  246  n.,  301  n.,   466, 

483,  n.,  486,  501  n.,M2  n.,  513  n.,  515. 

M9,  527. 
Religieuses,  331  et  n.  3. 
Renard,  ex-co«  de  pol.,  227,  520. 
Renards  (les),  563  et  s. 
hépublimin  (le),  101, 102, 158, 
Républicain  universel  (le). 
République  fédérative,  341. 
Requer,  prt'tre  assermenté,  235. 
Réveil  des  Rouennais  (le)  557. 
Réveil  du  Peuple  (le),  chant,  472. 
Réveil-Malin  (le),  journal,  536. 
Revelle,  adm.    et  convent.,  63  n.  1,  131, 

184,  410,  521. 
Révérend  (v'«),  cité,  446,  515  n. 
Révolution  Française   (la),    revue    citée, 

274  n.  1. 
Révolutions  de  Pains  (les),  101, 102. 
Révolution  de  il02  (la),  90,  551. 
Rewbell,  membre  du  Directoire,  129. 
Rialle,  maire  du  Havre,  532. 
Riaux,  greffier,  130  et  n.  2. 
Ribard,   17  n.,  2-4,  61,  248,   343,  386,  460, 

510,  528. 
Ribié,  comédien,  268,  4a3  et  s.,  462,  476. 

499,  513. 
Ricard,  de  Sei-vaville,  399. 
Richard  (Jean),  prêtre,  déporté,  60. 
Riches  et  aisés,  229,  n.,  230,  262,  480,  4^2, 

504. 
Ricquier  (H.-A.),  26  p.  2,  206. 
Rioult,  de  Rouen,  386. 
Rioust  (M.-N.),  ex-vic.-gȕ  de  Nevers,  47, 

49,  352  n.,  428  el  s. 
Rioust  (M'»"),  lîée  Héron.  47,  428  et  s. 
Rivarol,  cité,  385  n. 
Robert  de  Saint-Victor,  olf.  mpal,  2:^.  :^3, 

r»l  et  s.,  98,   118.   121,  i:VS,   150  et  s.. 

167  cl  s..  210  cl  s.,  239  n.,  242,  247  et 

s.,  271,  279,  283  n. ,  4-U,  498,  505, 

507,  513  n.,  5,'^,  540,  553  et  s. 
Robert  de  Saint-Viclor  fils.  5,3  n.  1,  7i  i98. 


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m 


—  597-— 


Robert  (Magloire),  avocat,  journaliste,  1H0 
n.  3,  371  n.  2,  489  et  s.,  498  et  s., 
500  et  s.,  501  n.  1,'  502  et  s.,  511  et  s., 
522  et  s.,  525  et  s.,  536. 
Robespierre,  146,  181,  306,  337,  361,  371^ 
et  n.  2,  397,  407,409,  471,  421  et  s.,  432. 
Robespierre  (le  jeune),  418. 
Rocbambeau,  121  n.  3. 
Rocheforl,  ville,  490. 

Rochefoucauld  (cardinal  de  la),  86, 119. 

Rocquemont  (château  de),  234. 

Roederer,  116  n.  2. 

Roger  fils,  off.  mpal,  2â,  50  et  s.,  56,  190 
ets.,  192  n.  1,196,  450. 

Roland,  ministre,  2t,  35  et  s.,  36  et  s.,  50, 
56,  102,  135,  147,162  et  n.,  259  n.,  260. 

Rolland,  juge,  516. 

Rome,  maire,  326. 

Roumy-Groult,  301  n.,  343, 344,  512  n.,  513 
n. 

RoncheroUes  (Charlotte  de),  60. 

Rondeau  (abbé),  402  n.  1. 

Rondeaux,  maire,  10,  16,  18  n.  1,  21  n.  2, 
23.  32  n.  4,  40,  54  n.,  59,  n.,  83,  91, 
141,  171,  186,  187,  190  et  s.,  194,  196 
et  8.,  200,  233,  236  et  s.,  273,  342,  406 
n.  4. 

Rondel,  chanoine,  354  et  n. 

Rosier  (Romain),  379. 

Rossignol  (d*),  née  Cardinal,  212. 

Rotours  (des),  362. 

Rouelle,  médecin,  329  n. 

Rouen-Marat,  181  n.  1. 

Rouen  sous  la  Révolution,  manusc.  cité, 
5n.  1. 

Bouen,  vUIq  maritime,  374  et  n.  2. 

Rouennais  (marchands),  180,  253,  559. 

Rouet  à  filer,  348. 

Rougemare  (aiTahre  de  la),  4,  26  et  s.,  40 
et  s.,  50,  70,  76,  177,  225  et  s.,  285, 
460  n.,  505,  507,  529,  542,  550. 

Rouland  (G.),  émigré,  69. 

Rouilhère,  com"^  des  guerres,  316. 

Rousseau  (J.-J.),  87,  98,  397,  462. 

Rousseau,  journaliste,  440  n. 

Roussel,  345. 


Roussel,  pitHi-e,  détenu,  402. 

Rousselet,  de  Thiborrtvesnil,  131, 18:i,  m^^^ 

et  n.  5. 
Rousset,  médecin,  329.        *  ■  a".  ■  ■ 

Rouvray  d'Aubigny,   médecin,  329  et  s., 

510. 
Royaliste  (parti),  50  et  n.  1.  '     •' 

Royou  (l'abbé),  45. 

Royou  (la  cne),  née  Fréron,  45.  •  "    . 

Royou-Pennauren    (Iq.-Cor.),    ex-avocat,  ^ 

journaliste,  45,  48,  49.  '  J^v 

Rozel,  80. 
Ruault,  convent.,  127  n,  2,  129  et  s.,  140;- 

182  et  s.,  532.  ^^' 

Rupalley,  33,  158, 185  n.  1,  319,  344,  402,^ 

460,  497,  âl2  n.,  512  n.  '  \'  < 


Sacquépée  (de),  340. 

Saint-Amand  (V.  Galbois). 

Saint-Amand    de    Rouen   (  couvent    de  ) 

2213,  462. 
Saint-Domingue,  120  et  u.  3. 
Sainte-Croix-Saint-Ouen  (église)  249. 
Saint-Edme,  cité,  129  n.  1,  302  n. 
Saint-Etienne  (Pauline  de)  380. 
Saint-Etienne-du-Rouvray,  324  n. 
Sainte-Marie  (couvent  de)  prison,  224,  401, 
Saintex,    co™   du   com.   de  s.  de  Paris, 

135  et  s. 
Saint-François,  prison  des  prêtres,  224. 
Saint-Just  (rapport  de)  353. 
Saint-Germain  (M™*  de)  85, 87. 
Saint-Léger-du-Bourg-Denis,  349  et  n. 
Saint-Laurent  de  Rouen,  288,  472. 
Saint-Léonard  d'Harlleur  (vicaire  de)  86. 
Saint-Lô  de  Rouen,  maison  d'arrêt,  86,  223. 
Saint-Lô    (reg.  d'écrou  de  la  prison  de)  3. 
Saint-Louis  couronné  (  un  )  249. 
Saint-Malo  (adresse  de)  164. 
Saint-Ouen   (abb,  et  église  de)  26  n.  2, 

306,  426,  465  n,  3. 
Saint-Ouen-prend-en-Bourse,  213. 
Saint-Paul  (église)  308. 
Saint-Paul  (fabrique  de)  227  n.  2. 
Saints  (ossements' des)  346. 


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—  598  — 


Saint-Sever  (êglisi?  et  prisuii  de)  224. 

Saint-Valen'-«»n-Caux,  25t  ot  s. 

Sainl-Vigor  de  Rouen,  307. 

Saint-Vincent  (vicaire  de),  257. 

Saint-Vivien  (séminaire  de)  prison,  84  et 
s.,  224,  350  et  s. 

Saint-Wandrille  (Hôtel)  133  n.  2. 

Saint- Yen,  prison  des  suspects.   223,  401 
n.,  6,  417,  424,  436. 

Saladin,  couvent.,  62,  78,  140,  141.  152, 
171  et  s.,  521. 

Salle  des  Etats,  319  et  s.,  452,  457,461,501. 

San.son,  bourreau,  217. 

Samson  avocat,  24  et  n.,  83. 

Samson,  prêtre,  dénoncé,  60. 

Sannois-Beaulieu  (de)  détenu,  417. 

Sans-Culottes  de  Rouen,  227,  252,  256, 
266,  289,  339,  349,  442. 

Sans-Culottes  de  Rouen  (société  des)  140. 

Sans-Culottes  (section  des)  186  et  s. 

Sans-Culottisnie  insulté  (le)  449. 

Sarcieux  (cnne)  concierge,  412  et  s. 

Sautelet,  479  et  s. 

Sautereau,  couvent.,  62  n.  1,  419  n.  2, 
442  et  s.,  457  et  s.,  469,  470  n.  480. 

Savary,  126,  508. 

Scanegatty,  96,  186  n.  1. 

Sections,  22,   490  et  s.,  501  n.  1,  522  n.  2. 

Seigneurs  (nouveaux)  229  n. 

Selot,  (A.)  curé,  210,  306. 

Selot,  employé,  429. 

Selot  (E.-M.-P.)  158,  280  n.  3,  460,  562. 

Senar  (mémoires  de)  cités,  181  n.  2. 

Sensée  et  0«,  106  n.  1. 

Sérilly  (M™«  de)  379. 

Serment  à  la  Nation,  123,  337. 

Serment  à  la  Montagne,  335. 

Serment  d'égalité  et  de  liberté,  126. 

Serment  des  affiliés  de  la  s.  p.,  97. 

Sermentot  (de)  émigré.  69. 

Ses  Maisons  (cnne)  255  n.  2. 

Seyer  le  jeune,  169. 

Siblot,  couvent.,  110,  113,  180,  207.  313, 
316,  323,  328  et  s.,  330  et  n.,  345  et  s., 
•359,  375,  379  n.  3.,  385  n.  2-3,  399  et 
s.,  406  n.  4,  427,  431,  465,  521,  529. 


Sicotiére  (M.  de  la)  cité,  50  n.  2,  391  n.  1. 

Signol  le  jeune,  344. 

Simon,  constituant,  3fô. 

Simon  (P.-M.)  cité  385  n.  2. 

Sirejean,  agent  du  c.  de  s.  g.,  368. 

Sirey,  jurisconsulte,  450,  n.  2. 

Smidt  (H.)  cité,  464  n. 

Société  de  secours  mutuels,  471. 

Société  littéraire,  182  n.  4. 

Sociétés  populaires  d'Angleterre  (lettre 
aux),  104. 

Société  populaire  de  Rouen,  41 ,  60, 79, 81 ,  93 
et  s.,  116  ei  s.,  145  et  s.,  162  et  s.,  194  et 
s.,  227,  236,  242  et  s.,  249  et  s.,  268  et  s., 
287,  296  et  s.,  307  et  s.,  311  et  s.,  330 
et  s.,  334  et  s.,  407  et  s.,  430  et  s..  437 
et  s.,  443  et  s.,  452  et  s.,  460  et  s.,  469 
et  s.,  471  et  s.,  505,  547  et  s. 

Société  populaire  (registres  de  la),  173. 

Solot  (R,),  détenue,  463, 

Sombrct,  religieux  feuillant,  120. 

Sonnette  du  président  de  la  Convention, 
522  et  n.  3. 

Sotteville  (capucin  de),  85. 

Sotteville  (soc.  pop.  de),  310. 

Soudet,  cabaretier,  357. 

Soulès,  receveur  des  impositions,  531  n.  1. 

Spa  (eaux  de),  73. 

Steen  (G.),  211  et  n. 

Strasbourg,  103. 

Subsistances,  188,  192  et  s.,  197,  229  n.  3, 
251  et  s.,  263,  314,  335,  406,  4fô  et  s. 

Sufifenck,  nég»,  ex-prêtre,  364  et  n. 

Suicides,  424  n.  3. 

Suppléants  des  conventionnels,  148  et  s 

Suppression  de  la  cône  terroriste,  458  et  s. 

Suspects,  358,  477  et  s. 

Susanne  de  Bréauté,  150  n.  2,  360  n,  3. 

Syndicats  pour  l'achat  des  biens  nat  71. 


Taillefesse  (Remy).  513. 
Talmont  (prince  de),  104. 
Taillet  (A.),  314,  513. 
Tambour-major.  393  n.  3. 


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-  509  — 


Tamelier,  oir.  mpal,  23,  56,  301,  314,  340, 

375,  385  n.,  4^  n.,  450,  459. 
Tanne  (M"*'  de),  380  et  n. 
Tanneurs  de  Rouen,  304. 
Tarbé,  24,  41,  44,  56,  67,  76,  109,  127   n., 

130  n.,  133  n.,  239  n.,  248. 
Taschereau  de  Fargues,  371  et  n.  2-4. 
Taylor,  prêtre,  détenu,  61 . 
Télégraphe  (le),  532  et  s. 
Tellier  (A.-C),  convent.,  i;ft)  et  n.  1. 
Temple  à  l'Eternel,  406. 
Temple  de  la  Raison,  335. 
Terreur  (la),  2,  15  et  s. 
Terroristes,  13,  468  et  s.,  477  et  s. 
Théâtres,  462,  47. 
Théâtre  de  la  Montagne,  432,  472. 
Théàtre-des-Arts,  499, 522,  523,  525. 
Théâtre  de  la  République,  403,  476. 
Thébault,  notable,  301  n.  3,  512. 
Thélinge,  451. 

Théophilantropiey  531  et  n.  3. 
Thermidor  (neuf).  417  et  s.,  556. 
Thésard  l'aîné,  459  n. 
Thibault,  juge  de  Paix  d'Eu,  :i51. 
Thibault  (J.-L.),  70,  377,  4611 
Thibault  (F.-N.),  archit.,  70. 
Thiberville,  71. 
Thiesmé,  comédien,    notable,    301    n.  3, 

319  n.,  459  n. 
Thierry,  avocat,  6,  30  et  n.,  42,  124,  179, 
245,  300,301  n.,  335  et  s.,  342,  410,  460, 
483  et  s.,  506. 
Thiessé  (N.),  avocat.  23,  26  n.  2,  37,  95, 
109,  116,  119,  122,  151,  159,  206,  ÏIO, 
248,  284,  460,  482,  484,  495.  514  ot  n., 
515,  536,  548. 
ThieuUen,  proc.  gén.  s.,  18  et  s.,  109,  205, 
340,  342,  407  et  s.,  431  et  s.,  471,  ott^ 
n.  4,  532. 
Thillaye,  s.  p.,  314. 
Thinel,  de  Darnétol,  45. 
Thirion  (Ant.),  469  n.  1. 
Thoma<»,  journaliste,  90  n.  3. 
Thomas  du  Fossé,  107,  116. 
Thomas  père,  notable,  24. 
Thomas  (J.-D.),  avocat,  proc.  s.  du  dis- 
trict, 18,  155  n.  2,  515  n.,  529. 


Thoumire,  de  Dieppe,  49«,  507. 

Thorel,  24. 

Thouret,  avocat,  138,  14,%,  lus,  ^i,   ^isi»  n. 

1,319,  383  n.  1,  538. 
Thubeuf,  169. 
Tiers-état  de  Rouen,  538. 
Thuriot,  député,  19,  a4.  :i''),  5tï7. 
Tiphaigne,   (Louis)  avocat,  *'*%   n.  %  *^î, 

311  n. 
Toucques  (forêt  de)  38(ï  u. 
Toulon  (reprise  de)  30i  et  s. 
Tourneux  (M.)  cité,  4(i  n.  î,  m  j».  H,  USO 

n.  2, 101  n.   3, 101  n.  3^i,  'm  n.  t. 
Tour-aux-Normands  (la)  22^1. 
Tours  (soc.  pop.  de)  37H  n, 
Toutain ,    homme  d'ainiinrs    4  te    M.    lU^ 

Frondeville,  66,  73. 
Toutain,  agent  du  c.  de  s.  \i,.,  411  n. 
Toutain  (L.-F.)  190  et  s. 
Traîtres  proscrits  de  la  h,  f».,  125* 
Trémauville  (Estiévre  tie)  <î8, 
Tresperel  (Hélie  de)  62  n.  2. 
Tribunal  criminel,  20ït  el  k,,  riJ3  vi  r* 
Tribunal  militaire,  52^3  il  2. 
Tribunal    révol"*  à  Rouen  tdde  d'un),  7P, 

507. 
Triquerville  (Costé  de)  é*iûpr*\  73, 
Trohé,  détenu,  266. 
Troterel,  ex-cons.  au  parL.  t]8,  7X 
Troubles  à  la  s.  p.,  469  ^^t  ii.  rt  b. 
Troussey,  158,  301  n.,  :m,  iJU.  4:17,  Mm, 
469,  478,  483,  486  ik  îm,  506.  515,527. 
Trutié  (famille)  120  n.  ;i. 
Turgis,  otr.  mpal,  %l  f^Tî,    m\.   VM\  vi    h. 

300,341,  434,  529, 
Tiirgot,  ministre,  216, 

Ubeleski,  210. 
Unigenitus  (bulle)  87. 
Ustin,  émeutier,  482,  iS^V 


Valdeck  (C.-F.)  212,  3H()  iM  u,  y. 
Valenlin,  curé,  256  et  u. 
Valognes,  103. 


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—  600  - 


V^Jifi^t  citnluiujîer. 

Vttutftïnyor  |l*:s)  condamnés,  259  n.  3. 

ViitiUT  m^)  VM  n.  2. 

Vntx*u|rm*,  t«>tajre,  479. 
Yar»»*,  JantïiiiL^r  en  chef,  234. 

Viyj^fdiiij  r*3tî, 

VftUïl  {mïiÎKiujI  4rj. 

VMimitï^ijîI  (ik'ï278  n.  2. 

VftuqucJiu,  9*ï. 

Viiussy,  ancien  fondeur,  459  n. 

VauHsy  (Luuitf)i  cuisinier,  9  n.  3. 

Vautii.^r  de  la  Granderie,  185  n.  1. 

\au vmy  ( L< h li s} ,  380. 

Vedaii^  twnnande  (la),  3,  429  n.,  511,  523. 

Vènard,  ex-]jmc.,  394. 

Vfiidée,  287,  :i52. 

Voiid^miaire  (journées  de)  523  et  s. 

VLT^niaud,  préiiident  de  la  Convention,  34. 

VénUique  ou  i Antidote  des  journaux ^  (le) 

46. 
Vemon»  v.  Caffin-Vernon. 
YertïiHil  trh'.sjirêss  de),  régisseur,  472,  473. 
Verttin  (L,  <li:i,  212  et  n., 238,  313,  386  n. 
Vieillard,   ancien  capitaine  de  navire,  85. 
VieiUoI,  a,  }i..  121  n.  2,  314. 
Vieux-Palais.  70,  22:i  475.     - 
Vi^îiiufiMix  [la  cnne)  105,  107. 
Vilk^ULMivr,  [jatt  n.  3,  4,  5. 
VUliers,  lU'  Simjmery,  62. 
Viiiiar,  ttvurat,  44,  109,  127  n.  2,  2:16,  276, 

àtit,  2iKk  i^W  et  s.,  470,  475,  477,  489, 

ViiicLnil,  co"^  dt*  pol.,  25,  470. 


Vincent,  de  Neufchùtel,  convent.,129els-, 

156  et  n.,  182  et  s. 
Vincent,  du  distr.,  301  n.,  460. 
Vins  d'émigrés,  201  n.  4. 
Vintimille  (de),  émigré,  73. 
Violon  (le)  223. 
Visites  domicilaires,  67,  242,  262,  295,  373 

et  s. 
Vol  de  lettres  à  la  s.  p.,  1M. 
Vol  de  fonds  communaux  en  Picardie,  509. 
Voltaire,  98,  293. 
Vulgis-Dujardin,  23,  239  et  n.,  548. 


Wallon  (M.  H.)  cité,  11  n.  1, 15, 172  n.  3. 

181  n,  2,  192  n.  3,  228  n.  3,  386  n.  1, 

422  n.1,  539  n. 
Wallon  fils  (M.  H.)  cité,  11,  78  n.  1, 165  n. 

2,  177  n.  3,  317  «. 
Washington,  121. 
Wighs  constitutionnels,  103  et  s. 
Wiid,  anglais,  234,  269,  298. 
Williams  (H. -M.),  anglaise,  107. 


Yger,  convent.,  129  et  s.,  183,  378  n.  1, 

532. 
Yvelin  de  Béville,  62  n.  2, 137,  300,  301  n., 

506. 
Yvernès,  "76,80,159, 169,  190,  263,  290  n.% 

300,  470. 
Yvetot,  231  et  s.,  294  et  s.,  299,  406. 
Yvry-la-BataiUe,  190. 


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CORRECTIONS 

Abréviations:   1.   Ligne;  n.  Note 

Pages    %  dernière  ligne,  pes,  lire  :  des- 

9,  note  3,  ligne  4,  lire  :  fable,  par  M»»  de  Grécourt. 
13,  1.  8,  \irgule  après  membres. 

17,  n.  3,  il  présidait,  lire  :  son  collègue  Belhoste  présidait. 

18,  1.  16,  avant,  lire  :  après. 
20,  1. 19,  Hre  :  y  objecte-t-on. 

30.  n.  1,  lire  :  de  son  fUs  et  de  sa  fille. 

—  n.  3,  lire  :  Maussion. 

37,  1.  29,  seront,  lire  :  serons. 

40,  n.  1,  a  revenir,  lire  :  à  revenir. 

42,  1. 3,  lire  :  rédaction. 

—  1.12,  trouvés,  lire  :  trouver. 

—  dernière  ligne,  lire  :  du  Journal, 
48,  1.  3,  n.  2,  lire  :  révolution. 

50,  1.  4,  lire  :  le  conseil. 

50,  1.  25,  formé,  lire  :  informé. 

51,  1.  9,  ceste,  lire  :  cette. 

—  n.  1,  do,  lire  :  dus. 

52,  1.  7,  lire  :  les  trônes,  les  dais. 

—  1.  13,  lire  :  imbéciles. 

—  1.  29,  elUe,  lire  :  elle. 

—  1.  31,  sièles,  lire  :  siècles. 

—  n.  2,  lire  :  Journal, 

53,  1.  28,  s'extuplé,  lire  :  sextuplé. 

—  n.  5,  s.  lire  :  à,  et  nn,  lire  :  un. 

55,  n.  2,  1.  6,  lire  :  préalablement. 

56,  1.  4,  lire  :  dernière. 

57,  1. 19,  lire  :  cependant.  ^ 
62,  n.  2,  le  liste,  lire  :  la  liste. 

72,  1.  18,  virgule  après  ci-devant. 

74,  1.  6,  guillemet  après  prétextes. 

80,  n.  2,  lire  :  Arch.  nat.  ûiii  274. 

96,  l.  27,  lire  :  chapeau  sous  le  bras. 
103,  1.  26,  lire  :  John. 
110,  1. 13,  lire  :  n'avait  pas. 
115,  n.  1,  lire  :  un  Bacon  fut  détenu. 

118,  1. 16,  ses  collègues  à  la,  lire  :  lEmciens  membres  de  la. 
120,  1.  24,  guillemet  avant  :  ces  scènes. 
127,  n.  2, 1.  10,  Lacome  du  Reslay,  lire  :  Lacorne,  Duruflé. 
132,  n.  1,  Boisney,  lire  :  Bouffay. 


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—  6^«  - 

Pages  132,  note  3,  lire  :  Histoire  du  trib.  révol. 
142,  seconde  noie  1,  lire  :  (2). 
152,  1.31,  lire:  GatUinas. 
15d,  1.  25,  guillemet  après  l'honneur. 

—  n.  5,  ait,  lire  :  n*ait 
181,  n.  8,  Senard,  lire  Senar.- 
183,  n.  4, 1.  5.  vente,  lire  :  rente. 
183,  n.  3,  étan,  lire  :  étant. 

188,  n.  2,  lire  :  Arch.  nat., 
IM,  1.  23,  lire  :  imprimées  et  affichées. 
196,  1.  14,  et  les  personnes,  lire:  et  contre  les  personnes. 
904,  n.  2,  lire  :    arch.  nat. 
216,  1. 16,  sollicite,  lire  :  sollicitude. 
218,  1.  11,  lui,  lire  :  leur. 

220,  1.  17,  la  note  (1)  est  omise  :  L'envoi  de  la  machine  par  ce  minis- 
tre s'explique  par  ce  que  le  département  avait  à  en  payer  le  prix. 

—  L  19,  souffle,  lire  :  soufflent. 
229,  1. 12,  est,  lire  :  et. 

231,  n.  1, 1.  9  supprimer:  l'ancien  conventionnel. 

202,  la  note  2  sur  Jeannemey  est  une  note  de  la  page  261. 

264,  1. 10,  lire  :  Paris  et  qui. 

267,  1.  4,  après  (7),  U  faut:  et  Le  Viderel  (8), 

272,  1.  21,  lire  :  la  femme  de  Debonne. 

276,  1. 8,  lire  :  courtiers-gourmets. 

280,  n.  1,  lire  :  Mémoires  de  M™*  de  Chastenay. 

286,  n.  1,12,  lire:  10. 

300,  1.  23,  (6)  lire  (5). 

301,  n.  3,  lire:  Payenneville. 
313,  1. 13,  lequel,  lire  :  laquelle. 

328,  1.  20,  lire  :  Lemaire  de  Temantes, 
342,  1  7,  soutene,  lire  :  soutenue. 
344,  1.  5,  Lemonnier,  lire:  Lemoine. 
358,  1. 12,  après  relâché,  U  faut  :  (2) 
r  —    1. 16,  au  lieu  de  (1)  lire  (3) 

—  1. 17,  lire:  d'aristocratie. 

—  les  deux  dernières  notes  doivent  être  numérotées  (3)  et  (4). 
366,  n.,  1.  6, 1783,  Hre  :  1793. 

380,  1. 17,  débiteur,  lire  :  créancier. 

—     n.,  lire  :  de  la  maison  de  justice  à  Saint-Yon. 

382,  1. 12,  (8),  lire  :  (3). 

384,  n.  1,  Meinuer,  lire:  Mounier. 

337,  1.  23,  lire  :  en  état  d'arrestation. 

388,  1. 15.  supprimer  :  et. 

394,  n.,  avant-dernière  ligne,  de  la  société,  lire  :  de  la  Sicolière. 

398, 1.  10,  lire:  aristocrates. 

401,  1.  22,  Sautereau,  liro:  8iblot. 


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^  608  ^ 

Pages  407,  l.  18,  dota,  lire:  dotât. 

410,  1.  2,  Develle,  lit*:  Revelle, 
412,  n.,  au  lieu  de  Toutain,  lire  :  Néel  dit  Tontuit. 
430,  1.  14,  accorde,  lire:  n'accorde. 
.    434,  1.10,  de,  lire:  sur. 
436,  1.4,  (3)  lire:  (1). 
439,  1. 13,  n.,  lire  :  ni. 
450,  2»  n.  1,  lire:  (3)  et  2«  n.  2,  lire  :  (4). 
400,  1.  8.  Carrier,  lire:  Cartier. 
463,  n.  4,  au  lieu  de  :  (1)  lire  (i). 
466,  1.  5,  lire:  Romy-Groult. 

471,  dernière  ligne,  supprimer  le  point  après  fonctionnaire* 
473,  1.  21,  Charlier,  lire  Chalier. 
479,  1. 19,  Dupont,  lire  :  Duport. 
481,  1.  26,  lire  :  plancher. 
483,  n.  4,  lire  :  Delalande. 


Sotteville-lès-Rouen.  —  Imp.  E.  Lecourt,  Rue  Pierre-Corneille,  48. 


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