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Full text of "La Tribune de Saint-Gervais; revue musicologique de la Schola Cantorum"

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Tome  WV 
N°  1  -  1928 


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LA  TRIBVNE 
DE  SAINT-GERVAIS 

FONDÉE   EN   1896 

PAR 

Ch.  BORDES,    ALEX.  GUILMANT 

ET 

Vincent  dIndy 
poursuit  comme  principaux  buts 

La  connaissance  des  chefs-d'œuvre  de  la  Musique  Religieuse 

L'application    pratique    du    Motu  proprio    de    Pie  X 

L'étude    raisonnée    de    l'ancienne    musique 

Les  progrès  de  l'art  religieux  moderne 

Sous  la  direction  de 
A.  GASTOUÉ  et  A.  TROTROT-DÉRIOT 


Principaux  Collaborateurs  : 

Ant.  Auda.  -  Abbé  P.  Bayart.  -  Camille  Bellaigue.  -  Eug.  Borrel. 
Abbé  L.  Boyer.  -  L.Bragar-p.  -  .Maurice ^Brillant.  -  Abbé  F.  Brun. 
Paul  Brunold.  -  AftcfrÊ.Gççt^Àf.  -ÀbJ^eEfÇ^tL^Rp.  -Norbert Dufourcq. 
Maurice  Emmanuel.  -  Henri .  Expert.-.  -  Jean  ïÏuré.  -  J.  &  L.  de  La 
Laurencie.  -  F.  de  La  T  ©Réelle.  -\*ft[èctor  Laisné.  -  Paul  Le  Flem. 
Guy  de  Lioncourt.,  ;  Pierre,  de  Mali.ngreau^t  JVÏ--L.  Pereyra.  -  André 
Pirro.  -  Abbé  J.  PtaïuÙR1.  CK.feuôïi;  -VM«  JIosjy.  -  J.  Samson.  -  Aug. 
Sérieyx.  -  G.  Servières.  -  O.  Tichy.  -  J.  Tiersot.  -  P.  Tirabassi.  -  Jean 
de  Valois.  -  Ch.  Van  den  Borren. 


TOME   XXV 


TABLE     ALPHABÉTIQUE 


PAR  NOMS  D'AUTEURS 


ARTICLES    ET    COMPTES    RENDUS 


181 


62 


BAYART  (Abbé  P.) 
Archives  et  musiciens  .... 

BELGODÈRE  (V.) 
Lyon  :  Récital  Marcel  Dupré 

BERTHIER  (P.) 
Auxerre  :  La  Schola  St-Étienne.     25 

BORREL  (E.) 
Les  concerts.  .      27,  56,  96, 158,  195 

BOYER  (Chan.  L.) 

Périgueux  :  Deux  premiers  amis  de 
la  Tribune  de  Saint-Gervais  : 
Chan.  Chaminade,  C.  Boyer.     66 

DUPONT  (I.) 

La  musique  sacrée  dans  le  diocèse 
de  Bayonne 196 

DEROUX  (J.) 
Les  Amis  des  Cathédrales.  ...     61 

DUFOURCQ  (N  ) 
Pour  la  renaissance  de  l'Orgue.    88 

Comptes  rendus  de  : 

Dupré  (M.),  3  préludes  et  fugues. 

166 

Raugel  (F.).  Les  grandes  orgues 
des  églises  de  Paris 69 

Servières  (G.),  La  décoration  artis- 
tique des  buffets  d  orgue  .  .     136 

Vierne   (L.),    Pièces   de   fantaisie 
pour  grand  orgue 165 


GASTOUE  (A.) 

Documents  latins  du  moyen  âge  sur 
le  chant  byzantin 6 

Semaine-Sainte,  Orgue  et  Commu- 
nion       37 

Nécrologie  :  Abbé  A.  Vigourel  ;  R.  P. 
Claude  Allez;  Ph.  Bellenot;  35.  - 
Chan.  Bourdon;  R.  P.  Dom  A.  De- 
prez;  Orner  Guiraud;  111.  —  F.  de 
LaTombelle 170 

Notre  Supplément.     22,  50,  91,  133, 

157, 193 

Comptes  rendus  de  : 

Bach  (J.-S.),  Cantate  pour  Noël, 
traduite  et  annotée  par  J.  de 
Valois 107 

Bertault  (Ph.),  Bossuet  intime.  165 

Boyer  (Chan.  L.),  Souvenez-vous 
Eucharistique 107 

Cromer  (G.),  Nouvelles  précisions, 
nouveaux  documents  sur  le  Phy- 
sionotrace 164 

Abbé  Fœdit,  La  Maîtrise  de  la  ca- 
thédrale de  Metz 202 

Johannès  (Fr.),  Le  Solfège  des 
Chansons  de  France 107 

Huré  (Jean),  LEsthétique  de  l'Or- 
gue       163 

La  Laurencie  (L.  de),  Les  Luthistes. 

165 

Labriet  et  Husson,  Le  Chant  scien- 
tifique         31 

Locher  (P.),  J.-G.  Sîehlé.  .  .     164 


Machabey  (A.),  Histoire  et  évolu- 
tion des  formules  musicales.    201 

Moberg  (C.-A.),  Uber  die  Schzvedi- 
schen  Sequenzen 31 

Monte  (Philippe  de),  Œuvres  d'é- 
glise publiées  par  le  chan.  Van 
NuFFELetCh.  Van  denBorren.  29 

Mozart,  Fugue  en  ut  mineur,  tran- 
scrite par  Marcel  Dupré.  .   .     202 

Office  des  Morts  à  l'usage  du  dio- 
cèse de  Bayeux  et  Lisieux.  .       29 

Poètes  et  musiciens  du  XV"  siècle; 
3  Chansonniers  français  du 
XVe  siècle,  publiés  par  E.  Droz, 
G.  Thibault,  Y.  Rokseth.  .  .     104 

Perrier  de  la  Bathie,  la  Faune  des 
orgues  ;  la  Flore  des  orgues.     202 

Perruchot  (M*"),  Offertoires  pour 
toute  l'année 140 

Pincherle  (M.),  Feuillets  d'histoire 
du  violon 165 

Reinach  (Th.),  La  musique  grecque, 

30 

Rivel  (J.),  Historique  des  orgues 
de  la  basiliqueSaint-Just et  Saint- 
Pasteur  de  Narbonne.  .  .     .     201 

Van  den  BoRREn(Ch.), Le  manuscrit 
musical  M.  222  C.  22  de  la  Bi- 
bliothèque de  Strasbourg.  .     105 

Vannes  (R.)>  Dictionnaire  universel, 

31 

GAY  (Maurice) 

Compte  rendu  de  :  Maritain  (J.), 
Art  et  Scolastique 106 

GR*** 

Italie  :  Congrès  de  l'A.  I.  de  Sainte 
Cécile 68,     198 

INDY  (V.  d). 

Lettre  à    la   rédaction  de  la  Tri- 
bune de  Saint-Gervais .  ...         1 

JEANNIN  (DomJ.) 

Du  si  bémol  grégorien,  à  propos 
d'un  ouvrage  récent.  .     143,     175 


JOHANNÈS  (Fr.) 

Lyon  :  le  Mystère  de  V Alléluia,  de 
Dom  David  et  G.  de  Lioncourt. 

100 

MALEINGREAU  (Paul  de) 
De  la  composition  des  orgues.       84 

NOËL  (Henry) 

Œuvres  françaises  et  belges  dans 
les  récitals  d'orgue  en  Angle- 
terre      160 

PEREYRA  (M.-L.) 

Angleterre  :  Anciennes  orgues,  an- 
cienne musique.   .  .  .     108,     136 

Compte  rendu  de  :  Cl.  Janequin, 
3o  chansons  publiées  par  M. 
Cauchie 141 

PRIEUR  (Abbé  J.) 

Un  répons  duXesiècle  danslaliturgie 
actuelle  de  Bayeux  .  .     113,    147 

RAUGEL  (F.) 

Notes  complémentaires  sur  les 
grandes  orgues  des  églises  de 
Paris  et  du  département  de  la 
Seine 12 

SAMSON  (J.) 

A  l'ombre  de  la  cathédrale  enchan- 
tée :  M^  R.  Moissenet.  .     43,     119 

SÉRIEYX  (A.) 
Primauté  du  grégorien 2 

SERVIÈRES  (G.) 

Les  diverses  imitations  de  l'orgue 
(avec  un  hors-texte) 75 

SYSTERMANS  (G.) 

La  maîtrise  de  Saint  Rombaut  de 
Malines 102 

TICHY  (O.) 

Les  cinquante  ans  de  M.  Max  Sprin- 
ger  à  Vienne 135 

M.  l'Abbé  Jos.  Bovet,  M.  Al.  For- 
nerod 109 


Compte  rendu  du  Schweizerischen 
Jahrbuch 139 

TIERSOT  (Julien) 

La    chanson   populaire  en   Serbie. 

185 

La  Tribune.  ■**-  A  nos  amis  et  abon- 
nés      37 

22  novembre  1903-22  novembre  1928, 

173 
Distinctions  honorifiques.  .  .  92 
Divers 108,  134,  135,     161 


Les  Revues,  articles  à  signaler.  32-35, 
71-74, 108-111,  142, 167-169,  203-205 

TROTROT-DÉRIOT  (A.) 
Le  «  Requiem  »  de  Berlioz  à  Saint- 

Etienne-du-Mont 17 

Sur  une  messe  nouvelle.  .  .  .  127 
L'action  paroissiale.  23,  51  92,  194 
Concerts  d'orgue  et  autres.  55,       58 

VILLIER  (Abbé  G.) 

La  musique  française  sacrée  dans  le 
diocèse  de  Metz 64 


SUPPLÉMENTS   MUSICAUX 

BERTELiN(Alb.),7*/3/7tfteZ?é?0,offer-  Loth  (G.),Salveregina,k4v.m.  n°3 

toire  pour  grand  orgue.  .  .     n°  2  ¥            /01  x      ,           ,   7   . 

t»                 /d     i\    r>       •           ,     r^A  Lucas  (Bl.),  Jesu,  dulcis  memoria, 

Berthier  (Paul),  Cantique  de  Pâ-  à  a  v    m                                         n°  4 

ques  à  4  v.  m n°  6  

Rnvrp  YPUn    r\      a  *          r>    •     >  Louis  (Saint),   Chanson  de  Mai  à 

B°4YEvR  4Chan"-3?^  Apfe"jesDu:\  4  '"  "^  "«"«   <A"    G^"% 

v.  m no  5  n   z 

Charpentier  (M.-A.),  Noëls  sur  les  M%  (-R,enaAU?)'    °    D(?T"v    JeS" 

instruments,  I,   «A  la  venue  de  £*™ï?'  à  4    V'    m'    ^A'    rrotrot; 

Noël  »  (publié  par  A.  G.).  .     n«  6         Denot)  '  '  ' n°  1 

Cherubini,    Requiem    (graduel),    à  Palestrina,  Tu  es  Petrus,  à  6  v.  m. 

4  v.  m.  et  orgue.  ......     n°  5         0™*  Rouy) n°  1 

Collin  (C.A.),  Sacerdos  et  Ponti-  Pér°tin,  2  Points  d'Orgue  en  triple 

fex,  à  2  ou  3  v.  et  orgue  .  .     n°  2         (A-  Gastoué) n°  5 

Du  Fay  (Guillaume),  Ave  verum,  à  Rémon  (Abbé),   O  beatum  Pontifi- 

2,  3  et  4  v.  (A.  Gastoué)  .  .     n°  3         cemi  à  4  v.  m.  .  . n°  5 

Favre  (G.),  Le  Saint  vient  de  mou-  Samson  (J.),  //  est  né,  le  divin  En- 

rir,  pour  sop.  solo,  chœur  à  4  v.  famé,  harmonisé  à  4  v.  m.  .     n°  6 

m.  et  orgue n»  4  Serres  (L.  de),  Tantum  ergo,  à  3  v. 

hoRMÉ  (N.),   Sanctus  et  Agnus,    à         de  femmes n°  5 

2  chœurs  (A.  Gastoué)  ...     n»  4  Stirps  Jesse>  motet  grégorien  à  une 

Guyot  (Jean),  Immolabit  hœdum,  à  voix   et  organum  (A.    Gastoué). 

4  v.  m.  (Ant.  Auda) n»  1  n°  6 

JosQuiN    des     Prés,    Misericordias  Tapissier  (J.),  Sanctus,  unisson  et 

Domini,  à  4  v.  m.  (A.  G.).  .     n°  2  orgue  (A.  Gastoué).  ...     n°  3 

Autres  pièces  notées 

Répons  Congregati  sunt .   .     p.  150  Exemples  grégoriens,     p.  176  et  s. 

Hors-texte 
Grottes  à  orgues  hydrauliques  du  Château-Neuf  de  Saint-Germain,  p.  80 


TABLE    ANALYTIQUE 

par  ordre  de  matières 


CHANT  GRÉGORIEN 
ET  LITURGIQUE 

Articles  : 

Bayart  (Abbé  P.),  Archives  et  mu- 
siciens       181 

Gastoué  (A.),  Documents  latins  du 
moyen  âge  surle  chant  byzantin.  6 

Semaine-Sainte,  Orgue   et  Com- 
munion         37 

Jeannin  (Dom  J.),  Du  si  bémol  gré- 
gorien, à  propos  d'un  ouvrage 
récent 143,  175 

PRiEUR(Abbé  J.),  UnréponsduXesiè- 
cle  dans  la  liturgie  actuelle  de 
Bayeux 113,     147 

Sérieyx  (A.),  Primauté  du  grégo- 
rien          2 

Œuvres  : 

4  Congregati  sunt 150 

Exemples  pour  le  bémol.     176  et  s. 

Bibliographie  : 

Ueber  die  Schzuedischen  Sequen- 
zen,  de  C.-A.  Moberg  ....       31 

La  prononciation  du  latin,  de  M^ 
Moissenet 163 

Office  des  morts  à  l'usage  du  diocèse 
de  Bayeux  et  Lisieux  ....       29 

MUSIQUE  ANTIQUE 
CHANTS   POPULAIRES 

Articles  : 

Tiersot  (J.),  La  chanson  populaire 
en  Serbie 185 

Gi  livre  s  : 

Louis  (Saint),  Chanson  de  Mai  à  la 
Vierge  Marie.     Supplément  n"  2 

Samson  (J.),  //  est  né,  le  divin  En- 
fant, harmonisé  à  4  v.  m.  S.  n"  6 


Bibliographie  : 

La  musique  grecque,  de  Th.  Rei- 
nach 30 


MUSIQUE  POLYPHONIQUE 

MAITRES  ANCIENS 

Œuvres  : 

Du  Fay  (Guillaume),  Ave  verum,  à 
2,  3  et  4  v.  .  .     Supplément  n°  3 

Formé  (N.),  Sanctus  et  Agnus,  à 
2  chœurs Suppl.  n°  6 

Guyot  (Jean),  Immolabit  hœdum,  à 
4  v.   m Suppl.  n°  1 

Josquin    des    Prés,    Misericordias 
Domini,  à  4  v.  m.  .     Suppl.  n°  2 

Mel    (Renaud),    O   Domine    Jesu 
Chris  te,  à  4  v.  m.  .     Suppl.  n°  1 

Palestrina,  Tu  es  Petrus,  à  6  v.  m. 

Suppl.  n°  1 

Stirps  Jesse,  motet  grégorien  à  une 
voix   et  organum.    .     Suppl.  n°  6 

Tapissier  (J.), Sanctus,  unisson  avec 
orgue Suppl.  n°  3 


Bibliographie  : 

30  Chansons  de  Cl.  Janequin,  pu- 
bliées par  M.  Cauchie.  .  .  .     141 

Poètes  et  musiciens  du  XVe  siècle; 
—  3  Chansonniers  français  du 
XVe s.,  publiés  par  E.  Droz,  G. 
Thibault,  Y.   Rokseth.   ...     104 

Œuvres  d'église  de  Philippe  de 
Monte,  publiées  par  le  Chan. 
Van  Nufl'el  et  Ch.  Van  Den 
Borren 29 

Le  manuscrit  musical  M.  222  C.  22 
de  la  Bibliothèque  de  Strasbourg, 
par  Ch.  Van  den  Borren.   .   .     105 


MUSIQUE  CLASSIQUE 

XVIIe-XIX<»  SIÈCLES 

Articles  : 

Trotrot-Dériot  (A.),  Le  «  Re- 
quiem »  de  Berlioz 17 

Œuvres  : 

Cherubini,  Requiem  (graduel),  à  4  v. 
m.  et  orgue Suppl.  n°  5 

Bibliographie  : 

Cantate  pour  Noël,  de  J.-S.  Bach, 
annotée  par  J.  de  Valois.    .     107 

ŒUVRES   MODERNES 

VOCALES 

Articles  : 
Trotrot-Dériot  (A.),  Sur  une  messe 
nouvelle 127 

Œuvres  : 

Berthier  (Paul),  Cantique  de  Pâ- 
ques, à  6  v.  m.   ...     Suppl.  n°  6 

Boyer  (Chan.  C),  Agnus  Dei,  à  4  v. 
m.,  Suppl.  n°  3;  —  Pie  Jesu,  à 
4  v.  m Suppl.  n°  5 

Collin  (C.-A.),  Sacerdos  et  Ponti- 
fex,  à  2  ou  3  v.  et  orgue.  Suppl.  n°  2 

Favre  (G.),  Le  Saint  vient  de  mou- 
rir, pour  sop.  solo,  chœur  à  4  v. 
m.  et  orgue Suppl.  n°  4 

Loth  (G.),  Salve  regina,  à  4  v.  m. 

Suppl.  n°  3 

Lucas  (Bl.),  Jesu,  dulcis  memoria, 
à  4  v.  m Suppl.  n°  4 

Rémon  (Abbé),  O  beatum  Pontifi- 
cem,  à  4  v.  m Suppl.  n°  5 

Serres  (L.  de),  Tantum  ergo,  à  3  v. 
de  femmes Suppl.  n°  5 

Bibliographie  : 

Souvenez-vous  Eucharistique,  du 
Chan.  L.  Boyer 107 

Offertoires  pour  toute  Vannée,  de 
Mgr  Perruchot 140 


ORGUE   ET  INSTRUMENTS 

Articles  : 

Dufourcq  (N.),  Pour  la  renaissance 
de  l'Orgue 88 

Gastoué  (A.),  Semaine-Sainte,  Or- 
gue  et  Communion 37 

Maleingreau  (Paul  de),  De  la  com- 
position des  orgues 84 

Pereyra  (M.-L.),  Angleterre  :  an- 
ciennes orgues,  ancienne  mu- 
sique  108,     136 

Raugel(F-),  Notes  complémentaires 
sur  les  grandes  orgues  des  églises 
de  Paris  et  du  département  de  la 
Seine .       12 

Servières  (G.),  Les  diverses  imita- 
tions de  l'orgue  (avec  un  hors- 
texte) 75 

(Voir  aussi  :  Allemagne,  p.  161  ;  An- 
gleterre, p.  136, 160;  Italie,  p.  134) 

Œuvres  : 

Bertelin  (Alb.),  Jubilate  Deo,  of- 
fertoire pour  gd  orgue.  Suppl.  n°  2 

Charpentier  (M.-A.),  Noëls  pour  les 
instruments,  I,  «  A  la  venue  de 
Noël   » Suppl.  n°  6 

Pérotin,  2  Points  d'orgue  en  triple. 

Suppl.  n°  5 

Bibliographie  : 

3  Préludes  et  Fugues,  de  M.  Dupré, 

166 

L  Esthétique  de  l'orgue,  de  Jean 
Huré 163 

Les  grandes  orgues  des  églises  de 
Paris,  par  F.  Raugel  ....     69 

La  décoration  artistique  des  buffets 
d'orgue,  par  G.  Servières.  .     136 

Pièces  de  fantaisie  pour  grand  or- 
gue, par  L.  Vierne 165 

Fuque  en  ut  mineur,  de  Mozart, 
transcrite  par  Marcel  Dupré.     202 

La  Faune  des  orgues  ;  La  Flore 
des  orques,  par  Perrier  de  la  Ba- 
thie 202 


Historique  des  orgues  de  la  basi- 
lique Saint-Just  et  Saint-Pasteur 
de  Nar bonne,  par  J.  Rivel.  .     201 

MOUVEMENT  MUSICAL 
ESTHÉTIQUE  ET  MÉTHODES 

Articles  : 
Belgodère  (V.),  Lyon  :   récital  M. 

Dupré 62 

Berthier    (Paul),      Auxerre    :    La 

Schola    Saint-Étienne.  ...       25 

Borrel  (E.),  Les  concerts.  27, 56,96 

158,     195 

Dupont  (I.),  La  musique  sacrée  dans 
le  diocèse  de  Bayonne.  .  .  .     196 

Deroux  (J.).  Les  Amis  des  Cathé- 
drales  61 

Gr***.  Italie  :  Congrès  de  l'A.  I. 
Sainte    Cécile 68,     198 

Indy  (V.  d),  Lettre  à  la  rédaction 
de  la  Tribune  de  Saint-Gervais.  1 

Johannès  (Fr.),  Lyon  :  le  Mystère 
de  V Alléluia  de  Dom  David  et 
G.  de  Lioncourt 100 

Noël  (H.),  Œuvres  françaises  et 
belges  dans  les  récitals  d'orgue 
en  Angletene 160 

Samson  (J.),  A  l'ombre  de  la  cathé- 
drale enchantée  :  M8*  R.  Moisse- 
net 43,     119 

Systermans  (G.),  La  maîtrise  de 
St  Rombaut   de    Malines    .     102 

Tichy  (O.),  Les  cinquante  ans  de 
M.  Max  Springer,  à  Vienne.  135 
M.  l'Abbé  J.  Bovet;  M.  Al.  Forne- 
rot 135 

La  Tribune.  A  nos  amis  et  abonnés, 

37 

Distinctions    honorifiques.    .  .       92 
22  novembre  1903-22  novembre  1928, 

173 

Divers 108,  134,  135,     161 

Les  Revues,  articles  à  signaler. 
32-35,  71-74.  108-111,  142,  167-169, 

203-205 

Notre  Supplément.     22,  50,  91,  133, 

157,  193 


Trotrot-Dériot  (A.),  L'Action  pa- 
roissiale   23, 51, 92,     194 

Concerts  d'orgue  et  autres.  55,      58 
Villier  (Abbé  G.),  La  musique  fran- 
çaise  sacrée   dans  le  diocèse  de 
Metz 64 

Comptes  rendus  de  l'étranger  : 

Allemagne,  108, 161  ;  Angleterre,  108, 
136,  160;  Autriche,  135;  Belgique, 
102;  Italie,  68,  134,  198;  Suisse, 
199.  —  Voir  aussi  Les  Revues. 

Bibliographie  : 
La   maîtrise   de  la   cathédrale  de 

Metz,  par  l'Abbé  Fœdit ...     202 
Le  solfège  des  chansons  de  France, 

par  Fr.  Johannès 107 

Le  Chant  scientifique,  par  Labriet 
et  Husson 31 

Histoire  et  évolution  des  formules 
musicales,  par  A.  Machabey.     201 

Art  et  Scolastique,  par  J.  Maritain, 

106 

Schweizerisches   Jahrbuch.  .     139 

Dictionnaire  universel,  par  R.  Van- 
nes        31 

J.-G.  57é?M?,parleP.  Locher.  .     164 

DIVERS 

Bibliographie  : 

Bossuet  intime,  par  Ph.    Bertault, 

165 

Nouvelles  précisions  sur  le  Phy- 
sionotrace,  par  J.  Cromer.   .     164 

Les  Luthistes,  par  L.  de  La  Lau- 
rencie 165 

Feuillets  d'histoire  du  violon,  par 
M.  Pincherle 165 

NÉCROLOGIE 

Abbé  A.  Vigourel;  R.  P.  Claude 
Allez;  Ph.  Bellenot,  35;  —  Cha- 
noine Chaminade  ;  chanoine  C 
Boyer,  66.  —  Chanoine  Bourdon; 
R.  P.  Dom  A.  Deprez;  Orner 
Guiraud,  111;  —  F.  de  La  ïom- 
belle,  170. 


IMPRIME   PAR 

DUCROS    ET    COLAS 

7,  RUE  CROULEBARBE 

PARIS 


Tome  XXV  nouvelle  série  -  N°  1  Mars  1928 

LATRIBVNE  DE  SAINT-GERVAIS 

REVUE   MUSICALE 

PUBLIÉE  SOUS  LES  AUSPICES  DE  LA 

0ct)ola  ^autorum 


Le  maître  Vincent  d'lNDY,dont  la  Schola  prépare  en  ce 
moment  la  prochaine  exécution  en  concert  de  sa  célèbre 
Légende  de  Saint  Christophe,  a  bien  voulu  inaugurer  en  ces 
termes  cette  nouvelle  série  de  notre  périodique.  Nous  l'en 
remercions  ici  respectueusement. 


VŒUX  DE  BIENVENUE 

JE  tiens  à  venir  apporter  mes  vœux  de   bienvenue  à  la  Tribune 
de  Saint-Gervais  qui  vient   de    renaître,   grâce    aux  efforts   de 
M.  Lafontan. 
Nous  sommes,  à  la  Schola,  trop  respectueux  des  saines  traditions 
pour  douter  un  seul  instant  que  cette  jeune  Revue  restera  appuyée  sur 
les  principes  qui  ont  fait  la  force  de  son  aînée. 

En  ce  moment  surtout,  où  auditeurs  et  exécutants  semblent  se  dés- 
intéresser de  la  vraie  musique  religieuse  et  reléguer  avec  mépris  dans 
un  coin  obscur  les  lumineuses  institutions  du  Saint-Père  Pie  X,  en  ce 
moment,  nous  avons  besoin  d'une  tribune  d'où  chacun  puisse  clamer 
la  vérité  à  ceux  qui,  volontairement  ou  non,  se  plaisent  à  cultiver  l'erreur. 
Cette  vérité  triomphera,  nous  osons  l'affirmer,  si,  au  lieu  de  se  battre 
à  coups  de  textes  on  veut  bien,  d'un  commun  accord,  s'en  rapporter 
simplement  à  la  musique. 

Donc,  souhaits  sincères  de  longue  vie  à  notre  nouvelle  Tribune  de 
Saint-Gervais  qui,  nous  l'espérons,  continuera  le  bon  et  fructueux  tra- 
vail entrepris  par  l'ancienne. 

Vincent  d'Indy, 
Directeur  de  la  Schola  Cantorum. 


Ca  tribune  îre  BaivA~1&eroaiB 


A  l'éminent  collaborateur  de  Vincent  d'indy  dans  la  publi- 
cation de  son  Cours  de  Composition,  M.  Auguste  SER1EYX, 
nous  devons  cette  haute  présentation  sur  l'importance  de 
l'étude  du  chant  grégorien. 

PRIMAUTÉ  DU  GRÉGORIEN 

Une  Société  de  musique  religieuse  est  fondée  sous  le  titre 
de  Schola  Cantorum,  dans  le  but  d'aider  par  des  moyens  pra- 
tiques à  la  restauration  du  chant  d'Eglise...  Les  membres 
sociétaires...  auront  la  faculté  de  racheter  leurs  souscriptions 
par  une  somme  de  cinquante  francs  versée  à  la  société  dès 
leur  inscription.  Un  Bulletin  périodique  sera  envoyé  gratui- 
tement à  tous  les  membres  de  ia  Société. 

S'IL  est  toujours  actuel  de  dire  que  «  la  France  a  quarante  mil- 
lions de  sujets,  non  compris  les  sujets  de  mécontentement  », 
c'est  une  raison  de  plus  pour  signaler  —  une  fois  n'est  pas  cou- 
tume —  un  «  sujet  de  satisfaction  »  :  celui  que  nous  procure  un  regard 
jeté  sur  le  premier  numéro  de  la  Tribune  de  Saint-Gervais,  paru  vers  la 
fin  d'août  1894.  On  y  trouve  d'abord  le  programme  à  la  réalisation  duquel 
notre  ami  regretté  Charles  Bordes  devait  vouer  l'effort  de  toute  sa  vie  : 
une  Société  est  fondée;  des  cotisations  sont  prévues;  un  Bulletin  doit 
paraître,  en  attendant  qu'une  École  soit  ouverte.  Tout  y  est,  jusques  et 
y  compris  l'offre  de  cette  excellente  combinaison  financière,  qui  con- 
sistait à  «  racheter  les  souscriptions  par  une  somme  de  cinquante  francs  » 
afin  de  recevoir  gratuitement  le  futur  «  Bulletin  périodique  »,  celui-là 
même  où  sont  publiées  ces  lignes,  trente-quatre  ans  plus  tard.  En  notre 
qualité  d'heureux  bénéficiaire  de  cette  «  excellente  opération  »  du  ra- 
chat de  notre  souscription  de  la  première  heure,  nous  devions  ce  juste 
témoignage  de  reconnaissance  à  la  mémoire  de  son  ingénieux  inven- 
teur :  petite  mais  légitime  compensation. 

En  créant  son  «  Bulletin  périodique  »  en  1894,  Bordes  montrait  à 
tous  qu'il  avait  la  foi,  cette  «  foi  intrépide  »  (fides  intrepida)  dont  nous 
devons  plus  que  jamais  faire  preuve  en  ces  tristes  temps;  et  les  faits  lui 
donnent  raison  une  fois  de  plus  aujourd'hui,  en  ranimant  sa  chère  Tri- 
bune, grâce  à  l'effort  persévérant  de  ses  amis  et  fidèles  continuateurs. 
Cette  «  restauration  du  chant  d'Église  »  dont  il  seconda  si  vaillamment 
depuis  lors  les  tentatives,  bien  timides  encore  il  y  a  trente  ans,  est  loin 
d'être  achevée  :  ce  trésor  de  la  liturgie  musicale,  que  des  générations 
avaient  laissé  péricliter  durant  plus  d'un  siècle,  il  faudra  que  d'autres 
générations  passent  à  leur  tour,  avant  de  lui  rendre  tout  son  éclat,  en- 


primauté  bu  <ëxfyoxien  3 

richi  de  «  ce  que  le  génie  a  su  trouver  de  beau  et  de  bon  au  cours  des 
siècles  »,  ainsi  que  l'a  prescrit,  en  termes  inoubliables,  le  plus  grand 
pape  du  vingtième  siècle,  le  saint  Pie  X,  en  y  ajoutant  immédiatement 
la  formule  définitive  de  l'essentielle  restriction  :  «  toujours  d'après  les 
lois  liturgiques  ». 

C'est  à  l'étude  des  moyens  propres  à  obtenir  et  à  conserver  cet 
«  enrichissement  »,  dans  les  limites  si  clairement  tracées  par  le  saint 
Pontife  défunt,  que  nous  avons  consacré,  durant  ce  tiers  de  siècle 
écoulé  depuis  la  fondation  de  la  Tribune,  des  méditations  assidues. 
Pénétrer,  à  travers  «  la  lettre  »  de  cet  admirable  «  Gode  de  la  Musique 
sacrée  »  —  comme  l'appelle  son  auteur  lui-même  —  «  l'esprit  »  profond 
qui  l'anime;  rechercher  en  quoi  les  usages  contemporains  de  la  «  Langue 
musicale  »  s'adaptent  sans  dommage  aux  chants  traditionnels  de  la  litur- 
gie, en  quoi,  au  contraire,  ceux-ci  et  ceux-là  sont  radicalement  incom- 
patibles; fixer,  dans  la  mesure  du  possible,  quelques  principes  métho- 
diques pour  cette  «  adaptation  »  légitime  et  féconde;  démontrer  enfin, 
par  quelques  exemples  et  quelques  tentatives  de  réalisation,  dans  quel 
sens  et  vers  quel  but  cette  application  de  la  lumineuse  parole  pontifi- 
cale doit  être  orientée,  tel  fut  notre  constant  souci,  tel  sera,  si  l'on  veut 
bien  nous  suivre  dans  cette  voie,  l'objet  principal  de  nos  entretiens 
avec  nos  lecteurs,  dans  cette  même  Revue  qui  vit  le  jour  aux  temps 
lointains  de  nos  premiers  balbutiements  artistiques. 

«  Le  plain-chant  grégorien,  modèle  suprême  de  toute  musique  sa- 
crée »  :  tel  est  l'article  fondamental,  auquel  revient  sans  cesse  l'im- 
mortel Motu  proprio  du  22  novembre  1903.  Il  faut  appartenir  à  la  gé- 
nération qui  vit  le  jour  dans  la  dernière  moitié  de  ce  «  stupide 
xixe  siècle  »,  définitivement  qualifié  désormais,  pour  avoir  quelque  idée 
de  la  véritable  «  révolution  »  provoquée  alors  par  cette  simple  recon- 
naissance d'un  fait  qui  nous  apparaît  aujourd'hui  comme  la  plus  élé- 
mentaire évidence,  et  que  nous  avons  désigné  d'un  mot  dont  on  a 
quelque  peu  défiguré  la  légitime  et  loyale  acception  :  la  PRIMAUTÉ 
DU  GRÉGORIEN.  Que  le  «  plain-chant  »  et  le  «  chant  grégorien  » 
fussent  une  seule  et  même  chose,  et  que  cette  chose  fût  aussi  de  la 
«  musique  »,  voilà  qui  nous  paraît  assez  clair  aujourd'hui  :  il  ne  faut  pas 
laisser  oublier  qu'il  n'en  était  nullement  de  même  quand  parut  cette 
déclaration.  Nous  avons  signalé  naguère  *  les  étonnantes  alarmes  d'un 
musicien  à  qui  la  lecture  du  Motu  proprio  pouvait  «  faire  supposer  que 
toute  musique  serait  supprimée  dans  les  églises  et  qu'à  l'avenir  on  ne 

1 .  La  Musique  à  l'Église,  conférence  faite    au   Cercle  du  Luxembourg  le   22  avril 
1910,  et  publiée  au  «  Bureau  d'Édition  de  la  Schola  ». 


4  £a  tribune  ht  Saint  -(Bernais 

pourrait  y  entendre  que  le  plain-chant  »  ;  ce  porte-parole  ingénu  d'un 
groupe  imposant  d'ignorants  savait  du  moins,  lui,  que  ce  «  plain-chant  » 
et  le  «  chant  grégorien  »,  sans  être  «  de  la  musique  »,  étaient  pourtant  une 
seule  et  même  chose  ;  combien,  par  contre,  dans  ce  même  groupe  impo- 
sant, voyaient  dans  ce  «  chant  grégorien  »  une  lubie  pontificale,  en  faveur 
d'on  ne  sait  quelle  combinaison  commerciale  avec  des  éditeurs  en  peine 
d'écouler  leur  camelote.  Cela  fut  pensé,  dit,  écrit...  et  cru  par.  un  bon 
nombre  de  naïfs,  clercs  ou  laïques.  Ne  rencontrâmes-nous  pas  un 
vicaire  d'une  grande  paroisse  de  Paris,  qui  nous  blâma  assez  vivement 
pour  n'avoir  pas  voulu  admettre  avec  lui  que  le  Motu  proprio  n'était 
exécutoire  qu'à  Rome  même,  et  tout  au  plus  dans  le  reste  de  l'Italie, 
mais  nullement  en  France  et  moins  encore  à  Paris?  —  Nous  ne  voulons 
pas  nous  «  romaniser  »  à  ce  point,  disait  un  autre,  à  propos  des  règles 
pour  la  prononciation  latine  :  nous  avons  vécu  en  hommes,  nous  vou- 
lons mourir  en  um,  ajoutait  plus  ou  moins  spirituellement  un  troisième, 
(qu'on  a  dit  être  un  «  prince  de  l'Eglise  »).  Ces  quelques  traits,  au  hasard 
de  nos  souvenirs,  permettent  de  juger  à  quel  point  nos  contemporains 
étaient  préparés  à  voir  dans  le  chant  grégorien  un  «  modèle  suprême  », 
et  surtout  un  modèle  musical.  Pour  nous,  alors  élèves  et  professeurs  à 
la  Schola,  une  telle  évidence  allait  de  soi;  près  de  huit  ans  s'étaient  pas- 
sés depuis  l'avènement  de  la  «  Tribune  »  et  la  création  de  l'Ecole  an- 
noncée ;  et,  comme  l'a  fort  bien  dit  notre  cher  confrère  et  ami  Amédée 
Gastoué  :  «  Relever  le  nom  de  Schola  Cantorum  en  1895,  pour  dési- 
gner une  société  de  musique  religieuse,  était  donc  déployer  un  drapeau, 
impliquant  l'énergique  volonté  de  se  consacrer  à  la  culture  et  à  la  dé- 
fense du  «  plain-chant  »,  du  chant  «  grégorien  »  *.  C'est  cette  culture  et 
cette  défense  que  nous  continuons  aujourd'hui,  sous  le  même  drapeau, 
toujours  déployé;  et  ce  que  l'érudition  de  nos  confrères  spécialisés 
dans  cette  voie  apportera  à  la  documentation  rétrospective  sur  les 
sources  et  les  vicissitudes  historiques  de  ces  «  modèles  suprêmes  »  que 
nous  admirons  encore,  notre  connaissance  plus  particulière  de  la  trame 
profonde  du  «  Langage  musical  »,  de  ses  principes  immuables  et  de 
ses  lois,  nous  permettra  de  le  compléter  par  des  aperçus,  utilisables 
présentement,  sur  les  ressources,  à  peine  entrevues  encore  par  quel- 
ques-uns de  nos  contemporains,  que  l'inépuisable  «  trésor  grégorien  » 
peut  apporter,  ou  plutôt  restituer  à  l'art  musical. 

S'il  s'en  faut  de  beaucoup,  hélas  !  que  tout  soit  pour  le  mieux  dans 
ce  domaine,  depuis  la  magistrale  parole  prononcée  en  1903,  il  faut  pour- 

1.  «  La  Schola  Cantorum  et  le  Chant  grégorien  »,  par  Amédée  Gastoué,  pp.  127  et 
suivantes  du  livre  La  Schola  Cantorum  en  1925,  publié  chez  Bloud  et  Gay,  éditeurs. 


Primauté  fru  (fôrégariett  5 

tant  reconnaître  que  «  quelque  chose  est  fait  qui  n'est  plus  à  faire  »  : 
quelques  idoles  sont  renversées...  ou  du  moins  fortement  ébranlées,  à 
la  suite  de  cette  solennelle  proclamation  de  la  «  primauté  du  grégo- 
rien »,  que  beaucoup  se  refusent  à  admettre,  tout  en  la  subissant  à  leur 
insu.  Qui  se  souvient  de  1  etonnement  admiratif  des  «  jeunes  »  qui, 
vers  1880,  s'aperçurent  que  l'une  des  mélodies  des  Nuits  Persanes  de 
Saint-Saëns  était  tout  de  même  en  ré  mineur,  bien  qu'il  n'y  eût  à  la  clé 
ni  dièse  ni  bémol  ?  On  dit  aujourd'hui  :  c'est  un  «  premier  mode  »,  et 
personne  n'est  surpris,  puisque  le  délicieux  Secret  de  Gabriel  Fauré  est 
bien  un  «  cinquième  mode  ».  Et  un  petit  Manuel  du  bon  Lavignac, 
paru  en  1909,  nous  montre  ingénument  tous  les  modes  naturels  pos- 
sibles sur  les  divers  degrés  de  la  gamme...  en  excluant  précisément  de 
notre  «  musique  moderne  »  ce  mode  de  fa  ou  «  cinquième  mode  »,  employé 
par  Fauré.  Que  nous  voilà  loin,  tout  de  même,  de  cette  «  mystification 
oppressive  »  des  deux  modes  classiques  :  cet  éternel  majeur,  toujours 
vrai  mais  peu  varié,  et  cet  absurde  mineur  altéré,  qu'on  veut  absolu- 
ment nous  faire  prendre  pour  un  mode  naturel.  Avec  ce  fétichisme  des 
modes,  voici  celui  de  la  barre  de  mesure,  de  la  «  carrure  »  et  du  «  temps 
fort  »  qui  disparaît  à  son  tour,  pour  faire  place  à  une  conception  plus 
souple  et  plus  réelle  du  rythme,  tel  que  nous  le  montre  ce  «  grégorien  » 
si  méconnu. 

Sans  doute,  nous  sommes  encore  loin  d'avoir  épuisé  tout  ce  que 
notre  langue  peut  et  doit  prendre  —  ou  reprendre  —  dans  cette  «  langue 
mère  »  si  longtemps  oubliée,  dans  cette  «  source  de  saint  Grégoire  »  à 
laquelle  on  doit  toujours  revenir  tôt  ou  tard.  Mais  nous  lui  devons  déjà 
assez  de  précieuses  acquisitions  pour  qu'il  soit  juste  et  désirable  de  lui 
donner  quelque  chose  en  retour.  Durant  ses  siècles  de  sommeil, 
X idiome  grégorien,  si  l'on  peut  ainsi  s'exprimer,  n'a  presque  rien  perdu, 
tandis  que  notre  «  langue  musicale  vulgaire  »,  terriblement  amoindrie 
par  certains  côtés,  s'enrichissait  incontestablement  dans  le  domaine 
harmonique  et  modulant  :  fille  dénaturée  de  sa  mère  grégorienne,  notre 
musique,  tout  en  reconnaissant  aujourd'hui  ce  qu'elle  doit  à  cette  mère 
abandonnée  par  elle,  peut  par  les  acquisitions  qu'elle  a  su  faire,  lui  rap- 
porter autre  chose  :  disons  mieux,  elle  le  lui  doit.  Et  c'est  à  ce  juste  retour 
des  choses  que  nous  voudrions  apporter  ici  notre  effort,  en  essayant 
d'accroître  par  le  fruit  de  notre  expérience  l'éclat  incomparable  du 
«  modèle  suprême  »  de  la  musique  sacrée,  remis  en  honneur,  il  y  a  un 
quart  de  siècle,  par  le  «  modèle  suprême  »  des  Pontifes. 

Auguste  Sérieyx. 


Ca  tribune  &e  0amt-(fàfn)at5 


La  récente  «  Semaine  liturgique  orientale  »  célébrée  à  Paris, 
et  la  question  de  l'union  des  Églises,  rendent  plus  actuelle 
que  jamais  l'étude  comparée  du  chant  grégorien  et  du  chant 
byzantin.  M. A.  GAST OU É développe  une  communication  faite 
par  lui  au  Congrès  byzantin  de  Belgrade  d'avril  dernier. 


DOCUMENTS  LATINS  DU  MOYEN  AGE 
SUR  LE  CHANT  BYZANTIN 

DÈS  l'époque  des  permiers  siècles  chrétiens,  où  s'organisa  la 
liturgie  des  églises  latines,  celles-ci  s'efforcèrent  de  rappeler 
l'origine  de  la  prédication  qui  les  avaient  converties,  en  conser- 
vant au  moins,  ou  en  adoptant  en  langue  grecque,  l'acclamation  Kyrie 
eleison.  Mais,  de  plus,  à  l'âge  proprement  byzantin,  de  nouveaux  liens 
unirent,  sur  le  terrain  du  chant  liturgique,  les  églises  latines,  surtout 
celles  de  la  France,  avec  leurs  églises-mères  de  langue  grecque.  C'est 
que,  jusqu'au  moins  vers  le  voe  siècle,  une  bonne  partie  des  chrétiens  du 
Midi  de  la  France  étaient  d'origine,  ou  au  moins  de  langue,  grecs.  Aussi, 
dans  de  grandes  églises  de  Provence,  ainsi  qu'on  le  voit  entre  autres,  à 
propos  d'un  concile  important  tenu  à  Arles,  au  vie  siècle,  les  deux 
chœurs  soit  du  clergé,  soit  des  fidèles,  chantaient  alternativement  psau- 
mes et  antiphones,  un  chœur  en  grec,  et  l'autre  en  latin1.  Nous  verrons 
que,  pour  certains  chants,  cet  usage  s'est  très  longtemps  perpétué. 

A  Rome,  le  pontificat  du  pape  saint  Serge  (687-701),  qui  était  d'ori- 
gine syro-hellénique,  a  été  marqué  par  divers  emprunts  très  caractéris- 
tiques touchant  cette  union  pratique  des  deux  civilisations  musicales. 
C'est  ce  pontife  qui  prescrivit,  au  moment  de  la  fraction  de  l'hostie, 
l'invocation  Agnus  Dei,  existant  déjà  comme  prière  du  prêtre  dans  la 
liturgie  de  saint  Jacques,  mais  que  saint  Serge  fit  chanter  désormais 
dans  la  liturgie  romaine.  Or,  le  motif  musical  de  ce  récitatif  (tel  qu'on 
peut  le  lire  encore  dans  l'Édition  Vaticane,  ordinaire  n°  XVIII),  conservé 
pour  les  «  fériés  »  ou  jours  ordinaires  de  certains  «  temps  »  liturgi- 
ques, est  purement  et  simplement  une  psalmodie  byzantine  de  Yekhos 

1.  On  m'excusera  de  ne  pas  donner  toutes  les  références  de  ces  faits.  Les  livres  pu- 
bliés sur  l'histoire  de  la  liturgie  ou  du  chant  fournissent  les  éléments  suffisants  à  les 
illustrer. 


BocnmentB  latins  î>u  mopxt  âge  sur  le  cljcmt  bgzantin  7 

tetartos.  Au  règne  de  ce  même  pontife,  il  faut  faire  remonter  plusieurs 
grandes  «  antiennes  »  (troparia)  pour  certaines  fêtes  de  la  Sainte  Vierge 
ainsi  que  de  la  Croix.  Par  exemple,  l'antienne  des  Vêpres  du  8  Sep- 
tembre, Nativité  de  la  Sainte  Vierge,  Nativitas  tua,  Dei  Genitrix  Virgo  ; 
celle  du  1er  Janvier,  Mirabile  mysterium  ;  le  beau  chant  du  Vendredi- 
Saint  pour  l'adoration  de  la  Croix,  Crucem  tuant,  ne  sont  que  la  tra- 
duction latine  des  tropaires  H  ysvvïjaiç  aou,  —  IlapaSô^ov  fjuj<rnqptov,  — 
Tbv  I/uaupov  (tou  upoaxuvyjtTwpiev,  des  offices  byzantins.  Nous  ne  pouvons 
savoir  si  la  mélodie  conservée  dans  les  livres  de  chant  romain,  pour  ces 
antiennes  et  d'autres  encore  du  même  genre,  est  d'origine  byzantine, 
mais  la  preuve  peut  être  admise  pour  une  autre  pièce  qui  remonte  aux 
solennités  prescrites  par  le  pape  saint  Serge,  XAdorna  thalamum  tuum, 
à  la  procession  du  2  Février  pour  la  Fête  de  XHypapanti  (comme  les 
manuscrits  latins  du  moyen  âge  continuaient  de  la  nommer  d'après 
le  titre  grec).  Cette  antienne  offre  une  mélodie  d'un  caractère  tout  by- 
zantin, du  mode  tritos,  et  certains  passages  mélodiques  s'adaptent 
difficilement  au  texte  latin,  ou  même  présentent  quelques  difficultés 
dans  le  chant.  Or,  si  l'on  place,  sous  cette  mélodie  donnée  par  les 
livres  latins,  le  texte  grec  original  du  moine  Cosmas,  le  KocTax6a-fj.Y|<jov 
tyjv  vufXfpcova  ctou,  dont  cette  pièce  est  la  traduction,  toutes  les  anomalies 
disparaissent,  les  syllabes  grecques  tombent  parfaitement  à  leur  place, 
et  les  accents  du  texte  et  de  la  mélodie  concordent  complètement. 

Donc,  la  mélodie  conservée  dans  le  chant  latin  pour  X  Adorna,  a  été 
faite  pour  le  texte  byzantin  original,  dont  celui-là  n'est  que  la  traduc- 
tion. (Ce  serait  l'occasion  d'en  étudier  les  variantes  extrêmement  inté- 
ressantes si  cette  digression  n'était  trop  longue  *). 

Le  témoignage  le  plus  ancien,  historiquement,  sur  la  similitude  ou 
la  parenté  de  la  mélodie  ecclésiastique  dans  les  deux  églises,  est  le 
vocabulaire  même  des  tons,  donné  par  un  fragment  que  certains  ma- 
nuscrits mettent  sous  le  nom  du  célèbre  Abbé  Alcuin  (vnie  siècle)  mais 
dont  il  semble  qu'il  faille  faire  honneur  au  pape  saint  Grégoire  le  Grand 
lui-même,  en  guise  de  prologue  ou  de  préface  à  l'Antiphonaire 2,  deux 
cents  ans  plus  tôt;  n'oublions  pas  que  ce  pontife,  étant  archidiacre, 
avait  résidé  plusieurs  années  à  Byzance  en  qualité  d'  «  Apocrisiaire  » 
du  trône  apostolique  de  l'ancienne  Rome,  près  de  l'empereur  byzantin. 
Or,  ce  fragment  sur  les  huit  tons  ecclésiastiques  romains,  les  classe  en 

1.  Cf.  mon  Cours  de  chant  grégorien,  2*  édition,  page  5i,  et  la  Tribune  de  Saint- 
Gervais,  xxive  année,  pp.  3  et  4. 

2.  La  question  a  été  traitée  dans  un  livre  très  serré,  de  Dona  Célestin  Vivell,  Vont 
Musik-Traktate  Gregors  des  Grossen.  Leipzig,  1911. 


8  £a  tribune  î>f  £aint- ©miette 

authentes  et  plagales,  rangés  sous  les  dénominations  de  protus,  deu- 
terus,  tritus,  tetardus,  dans  lesquelles  il  est  aisé  de  voir  l'emprunt  di- 
rect fait  à  la  nomenclature  musicale  byzantine,  à  peine  latinisée. 

C'est  ce  qui  fait  que  le  moine  franc  Aurélien  de  Réomé,  dans  son 
traité  célèbre  sur  le  chant  ecclésiastique,  le  plus  ancien  qui  existe,  écrit 
vers  l'an  825,  dit  que  toute  la  discipline  musicale  vient  des  Grecs.  Et, 
comme  il  a  eu  l'occasion  de  converser  avec  un  chantre  byzantin  (sans 
doute  un  de  ceux  qui  accompagnaient  une  ambassade  de  l'empereur  de 
Constantinople  près  de  l'empereur  d'Occident),  Aurélien  fait  remarquer 
la  similitude  de  ce  que  les  Latins  nommaient  littérature,  avec  les  ene- 
khemata  des  Grecs,  les  syllabes  noeagis,  neagie,  etc.  Ces  syllabes  sont 
données,  avec  leur  chant,  dans  les  manuscrits  latins  des  xe  et  xie  siècles, 
par  conséquent  bien  avant  l'âge  des  manuscrits  byzantins  qui  nous 
en  sont  parvenus  *. 

On  peut  penser  que  les  noms  de  certains  «  neumes  »  du  chant  latin, 
tirés  du  grec,  viennent  de  semblable  source,  tels  epiphonus,  cephalicus, 
oriscus,  trigon  :  la  preuve  ne  peut  facilement  en  être  faite.  Mais  elle  est 
certaine  pour  l'ornement  mélodique  nommé  quilisma,  puisqu'il  figure 
avec  la  même  graphie  et  le  même  nom  dans  les  anciens  manuscrits  de 
chant  byzantin.  Là  encore,  les  sources  latines  sur  ce  neume  sont  bien 
plus  anciennes,  et  nous  renseignent  ainsi  plus  exactement  que  des  do- 
cuments byzantins  sur  l'origine  ou  l'antiquité  de  certains  détails  musi- 
caux. Nous  savons  aussi,  pour  rester  sur  un  point  de  technique,  que  les 
tons  appelés  mesi  parles  byzantins,  existaient  à  l'époque  carolingienne, 
mais  que  les  Latins  n'avaient  toutefois  rien  d'analogue  (sinon  tout  à 
fait  à  l'état  d'exception). 

D'autre  part,  la  similitude  que  les  Latins  du  même  temps  constatent 
entre  les  tons  authentes  et  plagaux  et  qui  coïncide  avec  le  célèbre 
traité  Hagiopolite,  '  Ayto-n oXtr/]ç,  montre  que  ces  tons  étaient  alors  chantés 
diatoniquement 2. 

Les  livres  latins  de  chant  ecclésiastique  ont  enfin  contenu  des 
pièces  écrites  et  chantées  en  grec,  et  dont  la  forme  mélodique,  la  con- 
texture  modale,  les  contours  même  de  la  notation  accusent  nettement 
une  origine  puisée,  texte  et  musique,  dans  la  tradition  ancienne  des 
églises  grecques   orientales.   L'un  de  ces  chants  les  plus  célèbres  est 

1.  Sur  Aurélien  et  son  traité,  voyez  mes  Origines  du  chant  romain,  Paris,  1907,  pp. 
127  à  129,  ou  l'article  que  je  lui  ai  consacré  dans  le  Dictionnaire  iV archéologie  chrétienne 
de  Dom  Cabrol. 

2.  J'ai  donné  la  description  de  ce  traité  dans  le  Catalogue  des  manuscrits  de  mu- 
sique byzantine  de  la  Bibliothèque  Nationale  de  Paris,  avec  de  larges  extraits. 


documents  latins  ïru  mogett  tyt  sur  le  rijant  bgzantm  9 

assurément  celui  du  Trisagion  du  Vendredi-Saint,  entré  dans  la  liturgie 
romaine  au  ixe  siècle,  mais  emprunté  aux  usages  de  la  France  et  de 
l'Espagne  où  nous  constatons  l'emploi  de  ce  chant  dès  le  vie  siècle.  Ce 
Trisagion,  dont  la  mélodie  n'a  rien  de  proprement  «  grégorien  »,  mais 
au  contraire  offre  un  cachet  byzantin  irrécusable,  est  alternativement 
trois  fois  répété  par  les  deux  chœurs,  en  grec  et  en  latin  :  Agios  o 
Théo  s,  Sa  ne  tus  Deus;  Agios  ischyros,  Sanctus  fortis;  Agios  athana- 
tos,  eleison  imas,  Sanctus  immortalis,  miserere  nobis.  Ce  chant  est 
accompagné  de  «  versets  »  (stikhera)  qui  ne  sont  pas  non  plus  romains 
d'origine,  mais  dont  le  texte  accuse  une  source  orientale1. 

Des  chants  alternés  de  ce  genre,  je  l'ai  dit  plus  haut,  sont  restés 
longtemps  en  usage  en  diverses  églises.  De  précieux  manuscrits  latins, 
du  ixe  siècle  jusqu'au  xie  siècle,  contiennent  ainsi,  pour  les  fêtes  solen- 
nelles, le  chant  alterné  moitié  en  grec,  moitié  en  latin,  du  Gloria  in 
excelsis  (le  texte  grec  est  écrit  en  lettres  latines  Doxa  enypsistis)  et  du 
Credo  in  unnm  Deum  (Pisteuo  is  ena  Theon).  Or,  ainsi  que  je  l'ai  fait 
remarquer  il  y  a  déjà  longtemps,  tandis  que  le  chœur  latin  chantait  avec 
le  textus  receptus  de  la  liturgie  romaine,  le  chœur  grec  chantait  exacte- 
ment le  texte  byzantin  de  la  liturgie  grecque 2. 

Dans  le  célèbre  monastère  de  Saint-Denys,  près  Paris,  on  se  servait 
de  plus,  pour  le  jour  et  l'octave  de  la  fête  des  Saints  Patrons,  du  9  au 
16  octobre,  des  ekphonèses,  à  la  messe,  telles  qu'elles  existent  dans  la 
liturgie  byzantine  ;  l'épître  et  l'évangile  étaient  de  même  accompagnés 
des  proclamations  diaconales  de  même  origine.  Plus  tard,  «  l'amour  du 
grec  »  alla  jusqu'à  faire  traduire  entièrement  en  grec  toute  la  messe 
latine  pour  le  16  octobre:  mais,  comme  les  hellénistes  parisiens  du 
xvie  siècle  ne  connaissaient  pas  l'origine  byzantine  de  ces  divers  textes, 
ils  les  modifièrent  pour  les  rapprocher  du  latin.  Toutefois,  jusqu'à  la 
Révolution  française,  et  à  diverses  reprises  depuis,  on  conserva  ou  on 
reprit  l'usage,  à  Saint-Denys,  de  chanter  en  grec  la  liturgie  de  la  messe 
pour  le  16  octobre,  octave  de  la  fête  de  l'apôtre  de  Paris  ;  parfois  même, 
le  clergé  latin  fait  appel  en  ce  jour  à  un  prélat  grec  pour  y  célébrer  la 
liturgie  byzantine. 

Enfin,  parmi  des  pièces  musicales  en  partie  disparues,  il  y  a  encore 
à  glaner.  Ainsi,  toujours  en  me  bornant  au  même  monastère  de  Saint- 
Denys,  l'offertoire  de  la  messe  votive  de  la  T.-S.  Trinité  est  purement 
et  simplement  la  traduction  latine  du  Kherouvikon  de  la  messe  de 

1.  Cf.  mon  Histoire  du  chant  liturgique  à  Paris,  pp.  18  à  20,  et  le  même  ouvrage 
pour  les  faits  qui  suivent. 

2.  Id.  p.  69. 


io  Ca  tribune  ht  0ahtt-(®m)at5 

saint  Jean  Chrysostôme.  Voici  ce  texte  latin  que  j'ai  relevé  sur  les 
manuscrits  parisiens  des  xe  et  xie  siècles  :  Qui  Cherubim  mystice  imi- 
tamur  :  et  vivifiée  Trinitati  ter  sanctum  hymnum  offerimus,  omnem 
niinc  mundanam  deponamus  sollicitudinem,  sicuti  regem  omnium  sus- 
cepturi,  cui  ab  angelis  invisibiliter  rninistratur  ordinibus,  alléluia. 
C'est  rigoureusement,  on  le  voit,  la  traduction  de  l'^Oi  ik  )(_Epou(3lfA  : 
mais,  de  plus,  ces  manuscrits  en  donnent  le  chant  entièrement  noté  en 
neumes  du  xe  siècle,  et  certainement  pas  latins  d'origine. 

Enfin,  le  moment  où  les  ambassades  byzantines  en  Occident,  à 
l'époque  de  Pépin  et  de  Charlemagne,  entretenaient  un  constant 
échange  d'idées  entre  les  pays  grecs  et  les  pays  francs,  le  moment  où 
Constantin  Copronyme  envoya  chez  nous  le  premier  orgue  à  soufflets 
que  l'on  y  eût  vu  l,  donna  l'occasion  à  des  clercs  et  chantres  latins  et 
byzantins,  de  se  faire  d'intéressantes  confidences,  dont  Aurélien  nous 
est  un  garant,  dans  un  passage  plus  haut  cité,  et  sur  lesquels  d'autres 
chroniques,  de  Saint-Gall,  nous  renseignent  curieusement.  De  là,  date 
l'usage  dans  les  pays  francs  et  germaniques,  usage  qui  survécut  jus- 
qu'au xvr  siècle,  dune  série  spéciale  d'antiennes  pour  les  «  laudes  » 
de  l'octave  de  l'Epiphanie,  antiennes  dont  on  nous  conte  l'origine  grecque, 
et  dont  la  forme  littéraire,  ainsi  que  la  mélodie  intégralement  conservée 
pendant  tant  de  siècles,  indique  que  l'original  a  certainement  été  une 
«  ode  »  d'un  «  canon  »  de  Xekhos  tetartos  (authentes).  Qu'est  devenu 
ce  canon  byzantin  perdu,  dont  les  sources  latines  donnent  la  traduction 
et  le  chant?2  Existe-t-il  encore,  et  à  quel  mélode  le  doit-on?  Voici,  en 
tout  cas,  les  premiers  mots  des  tropaires  que  l'usage  latin  avait  conservés  : 

Te,  qui  in  Spiritu  et  igné... 

Baptista  contremuit... 

Caput  draconis  Salvator  conteruit  (sic). 

Peccati  aculeus  conteritur... 

A  qua  comburit  peccatum. . . 

Magnum  mysterium  declaratur... 

Ces  tropaires,  qui  se  rapportent  à  un  même  «  hirmos  »,  sont  enca- 
drés par  deux  autres,  du  même  mode,  mais  de  coupe  différente  et  plus 

longs  : 

Veterem  hominem  renovans  Salvator... 
et 

Przecursor  Johannes  exsultat  cum  Jordane. . . 

1.  Voir  mon  livre  sur  L'Orgue  en  France,  Paris,  1921,  pp.  3o  à  33,  avec  tous  les 

textes. 

2.  Dom  Pothier  a  reproduit  le  texte  et  le  chant  de  la  plupart  de  ces  antiennes 
dans  les  Varia;  Preces,  pp.  91  à  93. 


BocnmenU  latins  on  moyen  âge  $nv  le  cljant  b^anttn  n 

Je  livre  aux  byzantinisants  ces  textes  dont  peut-être  ils  trouveront 
les  originaux. 

Ces  quelques  faits  ne  sont  pas  les  seuls  dans  la  question  qui  est 
l'objet  de  cette  étude  forcément  succincte  :  on  pourrait  parler  de  l'ori- 
gine byzantine  du  tonus peregrinus  de  l'office  romain  du  dimanche;  du 
chant  en  latin  et  en  grec  des  fameuses  acclamations  Christus  vincit, 
chantées  en  grec,  Christos  nika,  à  Metz,  au  ixe  siècle  ;  des  énigmatiques 
fratres  hellenici  du  monastère  de  Saint-Gall  (?)  dont  il  est  question, 
précisément  à  propos  de  chant,  dans  un  écrit  du  xe  siècle  ;  de  la  traduc- 
tion des  tropaires  de  l'office  byzantin  de  la  fête  de  l'Aréopagite,  à  l'in- 
tention d'une  église  parisienne,  au  xne  siècle;  des  curieuses  variantes 
au  texte  du  Trisagion,  employées  encore  de  nos  jours  dans  certaines 
églises  du  Midi  de  la  France,  etc. 

En  tout  cas,  les  quelques  renseignements  donnés  ici  permettent  de 
constater  qu'un  nombre  appréciable  de  sources  de  premier  ordre  pour 
l'étude  de  l'ancienne  mélodie  ecclésiastique  byzantine  se  rencontrent 
dans  les  vieux  manuscrits  latins  du  moyen  âge  et  sont  encore  en  partie 
conservées  par  les  livres  de  la  liturgie  romaine,  même  actuelle. 

A.  Gastoué. 


12  Ca  tribune  îre  $aittt*<&nnai& 


M.  RA  UGEL  complète  très  heureusement  dans  nos  pages 
le  superbe  volume  qu'il  a  fait  paraître  chez  l'éditeur  Fisch- 
bacher,  et  dont  un  de  nos  collaborateurs  parlera  en  un  pro- 
chain numéro. 


NOTES  COMPLÉMENTAIRES 

SUR  LES  GRANDES  ORGUES  DES  ÉGLISES  DE  PARIS 
ET  DU  DÉPARTEMENT  DE  LA  SEINE 

LA  publication  de  notre  ouvrage  sur  les  grandes  orgues  des  églises 
de  Paris  et  du  département  de  la  Seine1  n'a  pas  interrompu  nos 
recherches  sur  quelques  points  restés  obscurs  de  cette  histoire; 
le  texte  du  volume  était  à  peine  imprimé  que  nous  retrouvions  maints 
documents  inédits  qui,  si  nous  les  avions  connus  plus  tôt,  n'auraient 
pas  manqué  de  nous  servir  pour  établir  avec  toute  la  précision 
désirable  l'histoire  des  orgues  et  des  organistes  dans  certaines 
paroisses.  D'autre  part,  ces  derniers  mois,  plusieurs  instruments  ont 
été  l'objet  de  transformations  et  de  réfections  assez  importantes;  enfin, 
au  début  de  cette  année  est  paru  un  ouvrage  capital  et  richement 
illustré  de  M.  Georges  Servières  sur  la  décoration  artistique  des  buffets 
d'orgues  :  l'auteur  y  considère  l'instrument  au  point  de  vue  purement 
plastique;  mais  il  tire  ses  exemples  de  toutes  les  régions  de  France  et 
des  pays  limitrophes,  et  étudie  tour  à  tour,  l'histoire  de  l'orgue  au 
moyen  âge,  celle  de  ses  divers  emplacements  dans  les  églises,  décrit 
son  piédestal  (cantoria,  jubé,  tribune  de  bois  ou  de  pierre)  et  fait 
l'exposé  des  différents  concepts  suivis  au  cours  de  six  siècles  d'art, 
pour  le  revêtement  des  orgues,  par  les  architectes  et  les  décorateurs. 

Un  chapitre  important  est  entièrement  consacré  à  la  période  révo- 
lutionnaire; on  y  peut  suivre  le  sort  des  orgues  et  des  organistes,  avec 
une  liste  complète  des  destructions  totales  ou  partielles,  des  déplace- 
ments et  des  réfections  d'instruments  que  l'on  admire  encore  aujour- 
d'hui, ou  dont  on  déplore  toujours  la  disparition2. 

Nous  croyons  donc  utile  de  donner  déjà  une  première  série  de 
notes  complémentaires  destinées  à  rectifier  ou  à  enrichir  certains 
chapitres. 

1.  Fischbacher,  éditeur,  Paris. 

2.  Georges  Servières,  La  décoration  artistique  des  Buffets  d'orgues,  Paris  et 
Bruxelles,  les  Éditions  G.  van  Oest,  1928. 


XtotiB  sut  les  granfrea  ovines  i3 

NOTRE-DAME  « 

Dans  le  Cartularium  Episcopi  publié  par  Guérard,  il  est  fait  mention 
en  1279  de  l'organiste  Henricus  :  Magister  Henricus,  organista,  parmi  les  huit 
nouveaux  bénéficiaires  qui  doivent  la  résidence2.  Le  nom  de  ce  primitif  de 
notre  musique  polyphonique  doit  être  ajouté  à  la  liste  des  organistes  de  Notre- 
Dame  que  nous  donnons  page  95. 

On  s'est  souvent  demandé  quel  était  l'aspect  du  buffet  de  l'ancien  orgue  du 
xve  siècle  à  Notre-Dame  ;  la  seule  représentation  connue  de  cet  antique  ins- 
trument est  due  à  Israël  Silvestre,  dont  le  Cabinet  des  dessins  du  Musée  du 
Louvre  possède  un  croquis  du  chœur  de  notre  basilique  nationale  tel  qu'il  était 
encore  à  la  fin  du  xvne  siècle  3.  En  étudiant  ce  dessin,  destiné  sans  doute  dans 
la  pensée  de  son  auteur  à  être  un  jour  gravé,  on  aperçoit  l'ancien  maître-autel, 
la  double  rangée  des  stalles  du  xive  siècle,  le  jubé  qui  se  dressait  jadis  entre  le 
chœur  et  la  nef,  et  dans  le  fond  de  l'église,  la  silhouette  d'un  grand  buffet 
gothique  à  trois  hautes  tours  quadrangulaires  surmontées  de  clochetons  pyra- 
midaux, d'aspect  analogue  à  l'ancien  orgue  de  la  cathédrale  de  Reims  au 
xve  siècle,  dont  un  dessin  à  la  plume  de  J.  Cellier,  reproduit  dans  nos  Orga- 
nistes, nous  a  conservé  la  figure  dans  tous  ses  détails. 


SAINT-PIERRE  DE  MONTMARTRE 

Le  buffet  actuel,  d'après  M.  Servières,  serait  celui  de  l'ancien  orgue  de 
Saint-Pierre-des-Arcis  (1770),  lequel  fut  affecté  le  27  août  1791,  à  l'ancienne 
église  Notre-Dame-de-Lorette  et  de  là  transféré,  comme  nous  l'avons  dit,  à 
Montmartre  après  la  désaffectation  de  l'église  des  Porcherons.  L'ancien  orgue 
de  l'abbaye  des  bénédictines  de  Montmartre  aurait  été,  en  1803,  offert  gracieu- 
sement à  la  paroisse  de  Villers-Cotterets  (Aisne)  par  Pauline  Bonaparte  en  sou- 
venir du  général  Leclerc,  son  premier  mari  4. 

1.  On  voudra  bien,  p.  79  de  notre  ouvrage,  compléter  le  passage  concernant  l'évêque 
Odon  ou  Eudes  de  Sully  et  lire  (ligne  il)  :  sous  le  pontificat  de  cet  évêque,  qui  termina 
la  nef,  commença  la  façade  de  la  cathédrale  et  mourut  en  1208,  on  exécutait  déjà... 

2.  Guérard,  I.  212.  —  CCCXÏV,  anno  1279.  —  Rappelons  aussi  que  dans  le  testament 
de  Milon  de  Corbeil  (XVII  kal.  julii  1271)  il  est  question  d'une  distribution  en  espèces, 
aux  organistes  selon  leurs  états  de  service  :  vigenti  solidi  distribuentur  organistis  ecclesie, 
videlîcet  cuilibet,  qualibet  vice,  sex  denarios...  (Guérard,  IV,  85).  M.  Gastoué  a  déjà  signalé 
ce  document. 

3.  La  photographie  du  dessin  d'Israël  Silvestre  existe  aux  Archives  Photographiques 
du  Ministère  des  Beaux-Arts.  Cf.  Marcel  Aubert,  Une  vue  du  chœur  gothique  de  N.-D. 
de  Paris  à  la  fin  du  xvir3  siècle,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  l'Art  Français. 
Année  1926  (IIe  fascicule). 


4.  Cf.  Servières,  ouvrage  cité,  pp.  i65  et  179. 


14  £a  tribune  îre  %aint~(&txwis 

BASILIQUE  DE  SAINT-DENIS 

On  pourra  compléter  ainsi  les  renseignements  que  nous  donnons,  page  165  : 
Le  grand  orgue,  après  avoir  été  remisé  à  Saint-Martin-des-Champs,  était 
destiné  par  Molard  à  être  précieusement  conservé  pour  devenir,  en  le  complé- 
tant par  les  restes  de  l'orgue  des  Cordeliers,  un  instrument  modèle.  Mais  ce 
projet  n'eut  pas  de  suite,  et  ce  qui  restait  de  l'orgue  de  la  basilique,  après  avoir 
été  dépouillé  de  sa  soufflerie  et  d'un  grand  nombre  de  tuyaux  pour  la  construc- 
tion d'appareils  mécaniques  expérimentés  aux  Arts-et-Métiers  fut,  en  1805, 
dépecé,  et  partagé  entre  les  fabriques  des  églises  de  Saint-Roch  et  de  la 
Madeleine  1. 

SAINT-EUSTACHE 

Le  grand  orgue  qui,  d'après  une  tradition  que  nous  n'avons  pu  encore 
jusqu'ici  vérifier,  aurait  été  mis  en  place  dans  le  chœur  de  cette  église,  vers  le 
milieu  du  xvie  siècle,  par  le  facteur  rouennais  Antoine  Josseline,  était  un  douze 
pieds  en  montre.  Nous  l'apprenons  par  le  devis,  qui  a  été  conservé,  des  répa- 
rations qui  furent  exécutées  à  cet  instrument  au  cours  de  l'année  1565  par  le 
«  maître  faiseur  d'orgue  »  Jacques  Pigache,  demeurant  à  Paris.  Aux  termes  de 
ce  devis,  daté  du  26  mars,  le  facteur  devrait  exécuter  un  relevage  complet, 
«  escurer  la  montre  de  12  pieds,  renouveler  la  soufflerie  et  augmenter  la  pres- 
sion du  vent,  faire  parler  les  jeux  de  pédale,  et  fournir  un  bon  jeu  de  trem- 
blant qui  se  jouerait  sur  la  saqueboute,  la  musette,  le  nazard  et  la  flûte  alle- 
mande («  fluste  d'alement  »  2). 

Ceci  se  passait  au  temps  où  Mathieu  de  la  Croix  était  titulaire  des  orgues 
de  la  paroisse.  Quand  Jehan  le  Secq  fut  nommé  à  la  succession  de  Pierre  de 
la  Barre,  il  s'occupa  bientôt  de  la  construction  d'un  positif  neuf  qui  fut  ajouté 
à  l'ancien  orgue  par  le  facteur  Mathieu  Languedul,  demeurant  alors  rue  du 
Bourg-l'Abbé,  paroisse  de  Saint-Gilles.  Ce  positif  était  composé  des  11  jeux 
suivants  : 

1 .  Bourdon 

2.  Montre 

3.  Flûte  (bouchée) 

4.  Nazard 

5.  Octave 

6.  Flagollet 

Le  facteur  devait  en  outre  refaire  la  cymbale  du  grand  orgue,  revoir  tous 
les  jeux  et  fournir  deux  claviers  neufs  de  48  touches,  le  tout  moyennant  mille 
livres. 

1.  Servières,  Loc.  cit.  p.  204. 

2.  Minutes  de  Jean  Doujat,  liasse  71.  Fonds  classé  par  Coyecque  (Étude  de  M.  Roger 
Pascault  à  Paris). 


8 

7. 

Fourniture 

3  rangs 

4 

8. 

Cymballe 

2  rangs 

4 

9. 

Cornet 

2  2/3 

10. 

Cromorne 

8 

2 
1 

11. 

Régale 

4 

Xtotes  sut  Us  grcm&ea  orgues  i5 

Jehan  le  Secq  mourut  en  1626;  déjà  depuis  1611  son  fils  Michel  le  rempla- 
çait aux  claviers  ;  celui-ci  toutefois  ne  semble  pas  avoir  continué  ses  fonctions 
après  la  mort  de  son  père,  car  le  jeudi  10  décembre  de  cette  année  1626,  les 
marguilliers  nommèrent  à  la  succession  de  Jehan  Le  Secq,  le  sieur  Yon,  cousin 
dudit  défunt  *. 

Précisément  au  début  de  cette  année  1626,  les  orgues  de  Saint-Eustache 
avaient  été  entièrement  restaurées  pour  le  prix  de  800  livres  tournois  par  le 
célèbre  organiste  et  facteur  Luis  de  Aranda  «  ce  rossignol  charmant  dont 
Louis  XIII  faisait  tant  d'estime  »  ;  d'Aranda,  déjà  titulaire  des  orgues  de  la 
cathédrale  d'Aix-en-Provence,  demeurait  alors  à  Paris  dans  le  couvent  des 
Augustins,  paroisse  Saint-André-des-Arts  :  son  devis  est  daté  du  17janvier  1626  2. 

Ainsi  peut  se  restituer  l'histoire  de  l'ancien  orgue  qui  fut  déposé  lors  de  la 
construction  de  la  tribune  actuelle  et  n'avait  pas  été  remis  en  place  avant 
l'époque  révolutionnaire,  car  déjà  en  1791,  le  curé  de  Saint-Eustache  réclamait 
un  instrument  pour  son  église. 

SAINT-NICOLAS-DES-CHAMPS 

L'artiste  qui,  en  1774-75,  a  accommodé  au  goût  de  son  temps  l'ancienne 
tribune  de  Saint-Nicolas,  et  remanié  le  grand  et  le  petit  buffet,  est  le  maître 
menuisier  Borel  dont  le  mémoire  des  travaux  de  retouche  a  été  conservé  3. 

SAINT-NICOLAS-DU-CHARDONNET 

Le  grand  orgue  de  cette  église  a  été  relevé  et  réharmonisé,  au  cours  des 
derniers  mois  de  l'année  1927, par  le  facteur  Paul  Kœnig,  qui  conserva  et  utilisa 
les  matériaux  anciens  tout  en  réussissant  à  introduire  quatre  jeux  nouveaux. 
Voici  la  disposition  de  l'instrument  inauguré  par  Louis  Vierne  le  8  dé- 
cembre 1927  : 


1er  Clavier.  —  Grand  orgue  (56  notes) 


1. 

Bourdon 

16 

7. 

Nazard 

2 

2. 

Montre 

8 

8. 

Piccolo 

1 

3. 

Bourdon 

8 

9. 

Cromorne 

8 

4. 

Flûte  harmonique 

8 

10. 

Voix  humaine 

8 

5. 

Salicional 

8 

11. 

Trompette 

4 

6. 

Prestant 

4 

12. 

Clairon 

4 

2/3 


1.  Minutes  de  Jean  Le  Camus  (Étude  de  Me  Bossy,  notaire  à  Paris).  Le  prénom  de 
l'organiste  Yon  n'est  pas  donné  le  jour  de  sa  nomination  :  on  voit  figurer  fréquemment 
parmi  les  paroissiens  nommés  dans  diverses  minutes  datées  du  26  août  1627  au  26  dé- 
cembre i633  le  nom  de  Geoffroy  Yon. 

2.  Même  minutier. 

3.  Cf.  Georges  Servières,  ouvrage  cité,  pp.  69  et  l3o  ;  et  Arch.  Nat.  H3  3797  et 
LL  863-86. 


i6 


£a  tribune  k  &Mnt~<&eïw\B 


2e  Clavier.  —  Récit  expressif  (56  notes) 


1. 
2. 
3. 
4. 
5. 


Flûte  creuse 
Bourdon 
Gambe 
Voix  céleste 
Flûte 


6.  Quinte 


1 .  Soubasse 

2.  Flûte 

3.  Bombarde 


8 
8 
8 
8 
4 
2  2/3 


7.  Octavin  2 

8.  Tierce  1  3/5 

9.  Bombarde  16 
10.   Trompette  har- 
monique 8 

11»   Basson-Hautbois  8 


Pédale  (30  notes) 

16 

8 

16 


4.  Trompette 

5.  Clairon 


1 .  Tirasse  G.  O. 

2.  —      Récit 

3.  Grand  orgue  sur  machine 

4.  Copula  Positif  sur  G.  O.  (unisson) 

5 .  —  (8e  grave) 

6.  Expression  du  Récit 


Pédales  de  combinaison 

7 


9. 


Expression  spéciale  pour  la  voix 

humaine 
Anches  G.  O. 
—       Récit 


10.   Trémolo 


Félix  Raugel. 


Ce  «  ftequient  »  îre  fteriioz  à  0amt~€tt™ne-îiu-Jît<mt  17 


Nous  sommes  musiciens,  et  rien  de  ce  qui  est  musical  ne 
nous  est  étranger  :  la  musique  religieuse  a  de  belles  et  mul- 
tiples formes,  M.  A.  TROTROT-DÉRIOT y  intéresse  ici  nos 
lecteurs. 

LE    «  REQUIEM  »    DE    BERLIOZ 
A  SAINT-ÉTIENNE-DU-MONT 

IL  est  beau  d'entendre  au  concert  la  Grande  Messe  des  Morts  à 
laquelle  feu  Edouard  Colonne,  champion  de  Berlioz  et  qui  fut  son 
meilleur  interprète,  donnait  tant  d'accent  et  de  relief1;  il  est  mieux 
de  l'écouter  à  l'église,  son  vrai  cadre  malgré  ce  qu'elle  suggère  de  théâ- 
tral et  surtout  dans  une  nef  comme  Saint-Etienne-du-Mont  que  tra- 
verse le  jubé  célèbre,  très  propice  aux  fanfares  du  Tuba  mirum  qui 
doivent  venir  d'en  haut.  C'est  ainsi  que  fut  réalisé  une  fois  de  plus  le 
rêve  de  Berlioz,  le  11  novembre  dernier,  pour  commémorer  la  Victoire 
et  ses  sacrifices  et  faire  œuvre  utile  en  faveur  des  Mutilés  de  guerre  et 
des  orgues  splendides  qu'on  va  restaurer.  M.  G.  Pierné  conduisait  l'exé- 
cution assurée  par  l'Association  des  Concerts-Colonne,  chœurs  et  or- 
chestre, que  renforçait  la  chorale  «  Amicitia  ». 


En  ce  sens  qu'il  vise  au  drame,  au  tableau,  à  l'expression  directe 
des  images  contenues  dans  le  texte,  le  Requiem  de  Berlioz  est  le  moins 
liturgique  des  ouvrages  que  la  même  donnée  inspire.  C'est  l'œuvre 
d'un  visionnaire,  d'un  poète  romantique  faisant  appel  aux  suggestions 
de  la  musique  pour  fixer  la  courbe  des  sentiments,  pour  décrire  les 
gestes,  les  scènes  dont  parle  l'Ecriture,  notamment  la  scène  du  Juge- 
ment dernier,  centre  du  sujet  et  point  culminant  de  la  partition.  Ici, 
Michel-Ange  inspira  Berlioz  :  la  fresque  de  la  Sixtine  lui  donna  l'idée 
d'une  transposition  sonore,  et  c'est  le  Tuba  mirum  avec  ses  quatre 
fanfares  placées  aux  quatre  points  cardinaux;  l'effet  en  est  prodigieux 
et  sainement  musical  malgré  le  tour  et  le  ton  un  peu  communs  des 
appels  où  trompettes  et  trombones  marchant  par  degrés  conjoints  à 
distance  de  sixte,  accusent  l'accord  de  7me  dominante,  avant  l'entrée  du 
chœur. 

1.  C'est  après  l'audition  de  1904  au  Châtelet,  qu'a  été  écrit  et  publié  dans  L'Europe 
Artiste  notre  premier  article  justement  sur  le  Requiem.  A.  T.-D. 


18  Cet  tribune  fre  Satnt-t&taruate 

Berlioz  eut  soin  de  préparer  cet  effet  grandiose.  C'est  d'abord 
l'introït  Requiem  aeternam  en  sol  mineur ,  où  se  mêlent  un  thème  dolent 
et  fugué  bâti  sur  7me  descendante  (ré,  ré-ré,  si,  sol,  mi  bémol),  un  contre- 
chant  chromatique  entrecoupé  sur  les  mêmes  mots,  une  vocalise  arpé- 
gée continuée  en  plainte  délicate,  enfin  les  croches  frissonnantes  d'un 
récitatif  qui  achève  de  marquer  l'inquiétude.  Le  tourment  s'accentue 
avec  le  recto  tono  du  Kyrie  saccadé  qui  suit;  d'abord  sans  force  et 
suivi  du  Christe  gémissant,  le  rythme  augmente,  insiste,  s'exaspère  jus- 
qu'à l'explosion  convulsive  du  désespoir;  on  est  en  plein  drame,  on 
songe  au  miserere  du  Trouvère  ;  c'est  un  trait  de  réalisme  qu'on  peut 
récuser  ou  discuter  mais  qui  porte,  à  sa  place,  avant  l'angoisse,  le  cres- 
cendo de  terreur  causé  par  ce  qui  va  suivre. 

C'est  alors  le  Dies  irœ.  Assez  fatal  en  est  le  thème  mineur  sans  sen- 
sible ;  un  chant  plein  d'humilité,  comme  nu  et  seul  au  départ,  lui  sert, 
plus  loin,  de  contre-sujet.  A  quantus  tremor  commence  l'agitation,  que 
souligne  le  trémolo,  la  basse  et  le  ténor  en  tierce  accusant  le  thème; 
la  rumeur  grandit  avec  la  peur  du  Jugement  prédit  ;  les  cris  et  gémis- 
sements se  croisent;  enfin,  au  dernier  coup  de  vent  des  triolets  chro- 
matiques succède  l'accord  formidable  ! 

Il  faut  écouter  ces  appels  dans  une  nef  d'église  pour  en  éprouver  la 
grandeur  inouïe  et  en  admirer  le  dispositif.  On  voudrait  penser  à  un 
plus  beau  style,  mais  dans  leur  accord  génial  la  vibration  et  l'image 
suspendent  l'action  de  l'esprit  tourné  vers  les  classiques  et  leurs  mo- 
dèles. Il  faut  voir  là  une  réussite  du  romantisme  sans  l'imagination 
duquel  il  manquerait  quelque  chose  non  à  la  pensée,  certes,  ni  au  sens 
du  style  dans  l'art  servi  par  la  forme  pure  et  parfaite,  mais  à  l'idée  et 
surtout  à  l'expression  de  l'idée  dont  les  modes  doivent  se  renouveler 
sans  cesse.  Il  y  a  un  mode  épique  de  l'image  exprimée  par  les  sons 
dans  le  Tuba  mirum  du  Requiem. 

Tout  le  rythme  de  lœuvre  en  découle.  Si  Quid  sum  miser  a  le  tort 
—  sans  être  illogique  —  de  ramener  l'humble  chant  nu  par  lequel  dé- 
bute la  Prose  sans  autre  apport  qu'un  changement  de  ton,  Rex  tremendaz 
procède  par  cris  et  présente  une  montée  puissante  accompagnée  de 
cuivres,  qui  font  suite  aux  effets  du  Tuba  mirum  mais  dans  le  style 
classique  du  chœur  dramatiquement  traité  :  on  y  salue  de  beaux  ac- 
cords {mi  majeur),  à  la  façon  de  Mozart,  le  mouvement  d'une  bonne 
imitation  qui  devient  très  expressive  à  libéra  me  de  ore  leonis,  et  sur- 
tout de  riches  oppositions,  de  saisissants  contrastes  que  motive  le  texte 
et  qui  prouvent  combien  Berlioz  vivait  le  sujet. 

Le  grand   romantique  avait  besoin   du  stimulant  de  l'image.   Elle 


Ce  «  fuient  »  be  Berlioz  à  0amt-tëttfmtf-&u-Jît0ttt  19 

manque  au  Quœrens  me  sans  accompagnement;  la  formule  en  est  un 
peu  étroite  mais  n'empêche  pas  de  sentir  l'accent  d'une  contrition  sin- 
cère; le  frottement  de  seconde  mineure  y  joue  un  rôle  ainsi  que  les 
croches  récitatives  tramées  dans  l'harmonie,  procédé  psalmo-drama- 
tique  dont  Berlioz  usera  jusqu'au  bout. 

Il  n'y  a  que  l'excès  lyrique  —  tare  des  romantiques  —  à  regretter 
dans  la  phrase  trop  à  découvert  et  trop  larmoyante  du  Lacrymosa.  Le 
gémissement  était  attendu.  L'insistance  qu'y  met  Berlioz  va  jusqu'à 
l'enflure  de  mélodrame,  outrée  tout  à  fait  par  ce  colossal  unisson  à  9/8 
qui  révèle  le  goût  d'une  époque  et  qui  date. 

Mais  Berlioz  réserve  des  surprises.  Le  voici  après  cette  démesure, 
à  la  page  dantesque  quoique  simple  :  Domine  Jesu  Chris  te,  plainte  «  des 
âmes  du  Purgatoire  »  qui  émerge,  toujours  la  même  (la  —  si,  la  —  si, 
la)  d'un  fond  symphonique  en  ré  mineur  où  la  modestie  des  moyen? 
techniques  laisse  toute  sa  valeur  à  la  justesse  sobre  du  style;  un  seu, 
éclat,  celui  des  mordants  accords  sur  pédale  de  tonique  en  syncope,  qui 
soulignent  le  nom  de  l'Archange  ...  et  sanctus  Michael ;  la  fin  tire  son 
intérêt  du  majeur  appelé  par  le  promisisti  du  texte  et  pour  lequel  les 
voix  s'étagent  perdendosi  dans  une  belle  confiance  mystique. 

Il  y  a  du  stoïcisme  dans  Hostias  etpreces,  verset  de  l'Offertoire  :  c'est 
un  choral-récitatif  à  voix  d'hommes  simplement  déclamé,  a  cappella; 
trois  flûtes  à  l'aigu  et  huit  trombones  dans  le  grave  en  remplissent  les 
pauses  de  leur  accord,  varié  par  la  modulation  ;  on  connaît  cet  effet  extra- 
ordinaire; il  a  le  mérite  d'avoir  été  trouvé  avant  Tannhzeuser  de  Wagner 
qui  abonde  en  harmonies  semblables  et  dont  cet  Hostias  précède  encore 
le  premier  «  chœur  des  Pèlerins  »,  qui  en  rappellera  la  démarche. 

L'harmonie  pré-wagnérienne  remplit  aussi  le  Sanctus  et  c'est  son 
plus  beau  titre  ;  Berlioz  y  adopte,  comme  style,  l'arioso  contemplatif 
(ténor  solo)  avec  alternance  du  chœur  (3  voix  de  femmes)  qui  en  imite 
les  phrases,  au-dessus  et  au-dessous  desquelles  scintillent  et  modulent 
les  fameux  accords  mystiques  qu'on  verra  s'épanouir  dans  Lohengrin 
et  Parsifal.  Ce  frisson  des  voix  de  l'orchestre  vaut  mieux  à  notre  avis, 
que  la  grâce  un  peu  empruntée  et  sentimentale  du  solo,  peu  prosodique 
et  qui  sent  l'arrangement  après  coup.  La  fugue  tonale,  trop  «  école  », 
de  YHosanna  a  le  même  défaut  et  moins  de  distinction;  c'est  la  page 
banale  de  l'ouvrage. 

Berlioz  se  montre  embarrassé  pour  conclure  ;  il  applique  à  XAgnus 
avec  son  découpage  et  ses  pauses,  le  choral  à  voix  d'hommes  $  Hostias 
et  preces;  il  se  démarque  lui-même  en  croyant  prêter  un  nouveau  ca- 
ractère au  choral  mis  à  trois  temps  au  lieu  de  quatre,  sans  penser  qu'un 


20  £a  tribune  k  0aint-<i^erwat0 

simple  changement  de  mesure,  s'il  peut  modifier  matériellement  des 
valeurs,  déplacer  l'accent,  transformer  extérieurement  le  rythme,  ne 
saurait  métamorphoser  le  style.  Vu  à  travers  autre  chose,  XAgnus  du 
Requiem  manque  son  but,  exactement  :  de  vérité  esthétique. 

La  réapparition  du  verset  Te  decet  hymnus  de  l'introït  annonce  la 
rentrée  du  thème  grave  de  l'exorde  :  Requiem  aeternam  qui  trouve  sa 
conclusion,  résolue  en  majeur,  dans  le  Cum  sanctis  récité,  puis  X Amen 
accompagné  des  arpèges  d'usage. 

* 
*  * 

Dans  son  ensemble  le  Requiem  de  Berlioz  a  une  haute  signification 
dramatique.  Et  il  a  vu  le  jour  en  1837  4,  c'est-à-dire  au  plein  du  Roman- 
tisme dont  on  fête  actuellement  le  centenaire.  Il  a  les  qualités  et  les 
défauts  de  l'école,  dominée  par  la  fièvre  et  les  mirages  du  temps.  Il  est 
plein  de  génie  et  aussi  de  trous,  de  longueurs,  de  redites.  Heureuse- 
ment la  vision,  l'image,  la  littéralité  du  mot  avec  l'intensité  du  senti- 
ment qu'elles  provoquent,  soutiennent  le  rythme  de  l'œuvre  qui  en 
acquiert  une  certaine  unité  psychologique  et  poétique.  Musicalement 
la  partition  manque  de  ligne,  même  à  l'intérieur  de  chaque  morceau, 
sauf  Hostias.  C'est  un  art  trop  dispersé  et  épisodique.  Berlioz  ne  ra- 
masse pas  sa  pensée  comme  les  symphonistes  allemands  qui  ont, 
d'autre  part,  un  usage  supérieur  des  grands  procédés  techniques.  Il  n'a 
ni  la  concision,  ni  la  force  de  généralisation,  ni  le  sens  du  développe- 
ment logique  d'un  Mozart,  d'un  Beethoven,  même  d'un  Mendelssohn, 
que  la  fantaisie  descriptive  ne  dérègle  pas2;  et  il  est  loin  d'écrire 
comme  eux.  En  s'appliquant,  Berlioz  a  pu  écrire  d'après  les  «  canons  », 
on  ne  peut  guère  admirer  son  feu  d'artifice...;  sa  revanche,  c'est  la  dé- 
charge de  son  imagination  créatrice  :  elle  emporte  tout  !  Son  mérite 
est  grand  d'avoir  quelquefois  fait  palpiter  la  fugue.  Dans  l'offertoire 
Domine  Jesu  Christe  elle  réalise,  quoique  modeste,  une  atmosphère  : 
le  Purgatoire,  borné  comme  chant  à  une  plainte  singulièrement  élo- 
quente. En  1904  nous  n'avions  pas  noté  cette  page  qui  n'emprunte  rien 
aux  effets  de  théâtre  ;  elle  est  à  l'opposé  du  pictural  Tuba  mirum  ou 
plutôt  elle  le  complète,  avec  le  grandiose,  demi-classique,  du  Rex  tre- 
mendae. 

1.  La  première  exécution  en  a  été  donnée  le  5  décembre  1837,  à  l'église  des  Inva- 
lides, pour  le  service  funèbre  du  général  Damrémont. 

2.  L Ouverture  de  la  Grotte  de  Fingal,  peinture  musicale,  «  marine  »  incomparable 
dont  la  poésie  vaut  le  coloris,  est  symphoniquement  un  chef-d'œuvre. 


Ce  «  fteijuinn  »  î>e  ftevlxoz  à  Retint- Cttemte-îru-iltottt  21 

On  peut  louer  encore  Berlioz  pour  la  piété  qui  imprègne  souvent 
sa  Messe  des  Morts  ;  on  n'y  cherchera  pas  l'encens  liturgique,  on  aura 
pourtant  la  surprise  de  reconnaître  le  parfum  de  X Ave  verum  (fluxit 
aqua...)  dans  les  dernières  notes  élevées  du  Sanctus  que.  chante  le 
ténor.  Le  cœur  de  Berlioz  s'est  penché  sur  les  divines  mélodies;  il  en 
tenait  la  tradition  de  Beethoven  pour  qui  il  avait  un  culte.  Il  a  connu 
aussi  les  chorals,  les  majestueux  édifices  de  Bach,  la  grandeur  orato- 
rienne  de  Haendel,  sans  compter  l'accent  grec  de  Gluck  au  drame  du- 
quel il  doit  tant.  De  tout  cela  il  a  tiré  parti,  comme  Wagner,  dont  le 
soleil  classique  embrase  seulement  davantage  le  couchant  sublime  ! 
Son  sens  propre  n'en  souffrit  aucun  dommage.  Belle  leçon  pour  les 
novateurs  toujours  prêts  à  renverser  les  «  idoles  »... 

Ce  qui  date  dans  le  Requiem,  c'est  le  style,  le  goût,  certains  traits 
de  mélodrame;  la  facture  a  ses  faiblesses  qui  sont  de  tous  les  temps; 
la  grandiloquence,  la  furia  même  font  partie  de  l'épopée  musicale 
conçue  par  un  romantique  qui  a  voulu  transposer  Michel-Ange  et 
Dante  et  auquel  il  serait  puéril  d'imposer,  en  le  jugeant,  nos  limites. 
«  Berlioz  est  toujours  inférieur  à  son  rêve  !  »  disait  E.  de  Solenière. 
Si  son  rêve  est  grand,  la  réalisation  l'est  aussi,  dans  ce  Requiem  qui 
n'est  que  son  opus  5,  écrit  à  trente  ans.  Envergure  et  puissance  en  ca- 
chent souvent  les  rides.  Et  l'enthousiasme  y  sauve  beaucoup  de  choses. 
Aussi  positif  qu'on  puisse  l'être  par  l'esprit  et  l'oreille,  il  est  impossible 
de  n'être  pas  ému  en  écoutant  cette  musique  d'un  génie  évocateur, 
avant  tout  sincère,  qui  mérite  qu'on  s'abandonne  à  lui. 

C'est  ce  que  nous  avons  fait  avant  d'avoir  rouvert  la  partition. 
Celle-ci  a  été  mise  en  valeur  à  Saint-Étienne-du-Mont.  L'accord  des 
fanfares  a  été  parfait;  les  cuivres  ont  modelé  des  sons  d'un  beau  vo- 
lume et  dégradé  leurs  notes  avec  justesse,  tout  en  venant  à  bout  d'at- 
taques difficiles.  Au  phrasé  des  chœurs  on  eût  souhaité  plus  de  lien  et 
de  souplesse,  par  exemple  une  clivis  fondue  sur  em  de  Requiem,  des 
inflexions  et  un  balancé  meilleurs  pour  Lacrymosa  pris  un  peu  vite,  et 
quelques  autres  distinctions  rythmiques  obtenues  hors  de  France  par 
l'accent  et  la  dynamie.  Sans  être  séraphique,  la  voix  de  M.  Thill,  de 
l'Opéra,  fit  très  bien  du  haut  du  jubé  où  il  chanta  le  Sanctus.  L'or- 
chestre fut  généreux  comme  d'habitude.  M.  Pierné  était  secondé  par 
son  chef  des  chœurs,  placé  au  milieu  du  jubé  ;  les  fanfares  obéirent  à 
sa  baguette  précise.  L'office  fut  célébré  pendant  l'exécution.  M.  le  Curé 
de  Saint-Étienne-du-Mont  dit  quelques  mots  inspirés  du  jour  et  de  la 
solennité  tout  en  désignant  les  Orgues  en  détresse  qui  y  firent  leur 
partie  :  c'est  avec  grande  maîtrise  et  dans  le  vrai  rythme  accordé  au 


22  Ca  tribune  ht  0aint-©m)aûï 

mode  lamentoso  splendide  de  la  pièce,  que  M.  Singery,  titulaire,  joua 
d'abord  Prélude  en  mi  mmeur.de  Bach,  puis  la  Fugue;  enfin,  comme 
sortie,  la  grande  Pièce  en  si  mineur  du  Livre  II. 

Son  Altesse  Royale,  Madame  la  Duchesse  de  Vendôme,  avait  bien 
voulu  accorder  son  haut  patronage  pour  cette  cérémonie,  que  présida 
S.  G.  MgrChaptal. 

A.  Trotrot-Dériot. 


NOTRE    SUPPLÉMENT 

Motet  pour  Pâques  de  Jean  Castileti  (Châtelet) 

Plus  connu  sous  ce  surnom  que  sous  son  nom  patronymique,  Guyot,  ce  maître  qui  tint 
une  place  à  son  époque,  est  très  représentatif  de  l'école  de  Josquin  des  Prés  et  de  Jean 
Mouton.  Il  fut  maître  de  chapelle  de  la  cathédrale  de  Liège,  puis  de  la  chapelle  impériale. 
Son  motet  lmmolabit  hoedum,  en  deux  parties,  des  VIIe  et  VIIIe  tons  grégoriens,  tem- 
pérés par  la  «  musica  ficta  »,  est  d'un  brillant  effet  ;  il  convient  aux  saluts  du  T.-S.  Sacre- 
ment ou  à  une  clôture  d'office. 

M.  Ant.  Auda,  l'un  de  nos  érudits  collaborateurs,  a  restitué  cette  pièce  d'après  la 
belle  édition  originale  donnée  à  Anvers  en  1647  par  Tilman  Susato,  en  la  réduisant  en 
valeurs  modernes,  et  en  l'annotant  pour  l'exécution.  Les  accidents  nécessités  par  les 
règles  en  usage  à  cette  époque,  mais  non  écrits,  sont  ici  marqués  entre  parenthèses  :  on 
a  corrigé  quelques  fautes  légères  de  l'édition  originale  ou  remédié  à  quelques  défectuo- 
sités (trois  mots  mal  disposés,  crochets  oubliés  à  quelques  doubles  croches). 

O  Jesu  Christe,  de  Renaud  Mel 

Motet  très  facile  et  expressif,  qui  peut  servir  pour  salut,  communion,  adoration.  La 
vie  de  son  auteur  (nommé  parfois  en  latin  «  Renaldus  de  Melle  »)  n'est  pas  entièrement 
connue.  Mel  semble  être  né  à  Sélestat  ;  sujet  des  ducs  de  Lorraine,  on  le  retrouve  à  la 
cour  de  Belgique  avec  le  titre  de  «  gentilhomme  flamand  »  et  c'est  en  Italie,  à  Rome 
même,  qu'il  passe  sa  plus  longue  carrière,  maître  de  chapelle  du  cardinal  Paleotti. 

La  transcription  de  ce  motet,  publié  vers  15^0,  a  été  faite  par  M.  Trotrot-Dériot 
suivant  un  procédé  nouveau  de  distribution  des  mesures,  destiné  à  faciliter  le  phrasé. 

Tu  es  Petrus,  à  6  voix,  de  Palestrina 

L'illustre  maître  romain  traita  plusieurs  fois  ce  texte,  sous  ses  diverses  formes,  pour 
les  différents  offices  des  fêtes  en  l'honneur  de  saint  Pierre  ou  pour  le  service  de  la  basi- 
lique Vaticane.  Cet  admirable  et  brillant  motet,  un  des  plus  beaux  spécimens  de  l'écri- 
ture proprement  palestrienne,est  écrit  à  six  voix,  souvent  disposées  de  manière  à  donner 
l'illusion  de  deux  chœurs.  L'effet  produit  par  son  exécution  est  considérable. 

Ce  Tu  es  Petrus  fait  partie  du  volume  II  de  la  grande  édition  des  œuvres  complètes  de 
Palestrina.  Il  n'est  que  la  moitié  d'un  grand  motet  en  deux  parties  dont  nous  publierons 
la  seconde  prochainement. 

A.  G. 


Ce  m0M>emntt  liturgique  et  musical  23 


Notre  directeur  A.  TROTROT-DÉRIOT  expose  ici  de 
quelle  manière  s'enchaîneront  les  chroniques  motivées  par 
les  faits,  les  idées  et  les  œuvres  à  l'ordre  du  jour,  et  comment 
de  leur  ensemble,  se  dégagera  un  essai  de  synthèse  critique 
appliquée  à  la  musique  d'église  ou  autre  et  à  son  action  la 
plus  générale. 


LE  MOUVEMENT  LITURGIQUE  ET  MUSICAL 

Sous  ce  titre  un  peu  général  se  placeront  ici  nos  pages  chroniques.  Elles  n'auront 
trait  qu'à  la  musique  bien  que  la  liturgie  embrasse  d'autres  choses  dont  pourra  s'occuper 
la  Tribune,  incidemment.  D'autre  part  la  musique  sera  mise  en  cause  dans  ses  manifes- 
tations les  plus  variées,  pourvu  qu'une  esthétique  haute  et  large  y  trouve  son  compte.  Il 
y  aura  assez  à  dire  pour  rendre  compte  sous  cet  angle  et  à  plusieurs,  des  faits,  des  œuvres 
et  des  idées  qu'on  aura  jugé  significatifs  à  l'église,  hors  de  l'église,  dans  l'édition,  les 
livres,  les  revues,  etc.  —  d'un  mouvement. 

«  Mouvement  »  veut  dire  quelque  chose.  Un  mouvement  digne  de  ce  nom  suppose 
une  action  plus  ou  moins  coordonnée,  mais  appliquée  à  un  objet  précis,  tournée  vers  un 
but  élevé  absolument  digne  du  commun  effort. 

L'Eglise  veut  qu'au  service  de  sa  liturgie  l'art  et  particulièrement  la  musique,  déploie 
tous  ses  moj'ens,  agisse  avec  ordre  et  méthode  d'après  ses  directives,  imprime  comme 
autrefois  la  marque  du  beau  à  tout  ce  qui  entoure  le  culte,  afin  d'exalter  la  prière  traduite 
avec  l'accent  vrai  et  unanime  qui  convient  à  ses  fidèles. 

Ce  qui  nous  intéresse,  ce  qu'on  essaiera  d'embrasser  ici,  c'est  l'action  d'ensemble 
rattachée  à  ces  principes.  La  diversion  même  pieuse  (mais  elle  est  bien  plutôt  mondaine 
par  le  dilettantisme  qu'elle  exprime)  est  le  contraire  de  ce  qui  va  nous  occuper.  Si  nous 
en  parlons  ce  sera  pour  la  critiquer  (comme  l'inertie  ou  l'erreur  due  à  l'ignorance)  et  en 
tirer  les  leçons  utiles.  En  principe  on  négligera  ici  les  actes  sans  règle,  les  œuvres  et  les 
ouvrages  sans  doctrine,  les  faits  tout  bêtes  (qu'on  nous  passe  le  mot)  et  sans  portée  que 
devraient  s'interdire  des  catholiques.  Une  action  prenant  le  caractère  d'un  mouvement 
dont  les  résultats  pourront  témoigner,  voilà  ce  qui  nous  fera  écrire. 

Sous  quelle  forme  pratique  ? 

Sous  l'angle  d'abord,  où  la  liturgie  et  l'art  étroitement  liés  (et  l'on  n'entend  pas  par 
là  le  seul  respect  des  «  rubriques  »)  pourront  profiter  de  l'information  et  surtout  des 
commentaires  qu'elle  fera  naître  puisqu'on  la  veut  efficace.  Il  faut  une  critique.  L'infor- 
mation sèche  ne  mène  à  rien  qu'à  priver  de  choix  ceux  qui  la  reçoivent  :  elle  incite  à 
suivre  sans  contrôle,  à  copier  gens  et  choses  sans  discernement  (comme  on  adopte  un 
produit  vanté  par  la  réclame),  ce  qui  a  pour  effet  de  consacrer  des  modes,  d'accréditer 
et  d'enraciner  les  pires  usages.  De  combien  de  mauvais  usages  ose-t-on  se  départir  à 
l'église  malgré  les  prescriptions  de  Pie  X  et  les  appels  réitérés  de  ses  successeurs  ?  Ce 
sera  notre  tâche  de  le  dire. 

Pour  ce  faire,  on  suivra  en  premier  lieu  X Action  paroissiale.  Elle  se  concentre  à 
l'église.  L'office  en  est  la  plus  haute  manifestation.  La  perfection  y  est  atteinte  quand 
l'assemblée,  le  chœur  et  l'orgue  y  prennent  part  en  qualité  d'acteurs  convaincus  et  intel- 
ligents. On  observera  ces  trois  rôles.  On  signalera  les  nefs  qui  chantent  ;  les  scholas, 


24  Ca  tribune  hc  0atnt-#ert)at5 

chorales  ou  maîtrises  possédant  l'esprit  de  l'office,  cherchant  la  primauté  du  grégorien 
(comme  dit  plus  haut  M.  Sérieyx)  jusque  dans  les  réponses  faites  au  célébrant,  sans  pré- 
judice d'un  bon  répertoire  de  musique,  surtout  polyphonique  ;  enfin  l'intervention  de 
X  Organiste  liturgique  soucieux  d'adapter  son  jeu  au  rythme  de  la  messe,  à  l'ordre  des 
vêpres  et  d'assortir  en  tout  temps  à  la  couleur  du  jour,  ses  pièces,  écrites  ou  improvisées. 

On  voit  le  but  :  tenir  à  jour  autant  que  l'information  ample  et  sûre  le  permettra, 
l'état  des  réalisations  inspirées  par  le  Motu proprio,pour  mesurer, avec  le  bien  déjà  acquis, 
ce  qu'il  reste  de  mal  à  combattre.  C'est  d'un  rapport  permanent  sur  l'office  —  non  d'excep- 
tion ni  d'apparat,  mais  courant  et  dominical  selon  l'esprit  de  la  liturgie  qui  commande  — 
que  veut  vivre  cette  chronique  de  l' Action  paroissiale. 

En  nous  renseignant  (en  toute  bonne  foi,  dans  le  pur  désintéressement  que  veut 
l'idée)  chacun  de  nos  lecteurs  peut  l'alimenter.  Il  nous  faut  des  amis  qui  soient  des  cor- 
respondants :  Dites-nous  ce  que  vous  faites  ou  voyez  faire.  Votre  église  a-t-elle  ses  mili- 
tants du  grégorien  et  ses  fidèles  qui  chantent,  son  organiste  à  la  page,  et  touchant  un 
instrument  convenable,  un  art  simple,  mais  adapté  à  son  objet  :  nourrir  et  embellir  la 
prière  ?  A-t-on,  chez  vous,  la  vaticane  et  prononce-t-on  le  latin  à  la  romaine  ?  A-t-on 
renoncé  au  plain-chant  local  qui  s'oppose  à  leur  adoption  ?  Dites-nous  quelle  volonté 
aide  ou  entrave.  On  le  sait,  nombreux  sont  les  obstacles.  Pour  les  vaincre,  il  faut  les 
connaître.  Paris  permet  et  nous  a  permis  personnellement  d'en  sentir  plus  d'un  et  d'en 
dresser  la  liste  avec  celle  des  responsables.  Nous  n'avons  à  ménager  rien  ni  personne. 
Et  certainement  vous  voulez  avec  nous  que  le  vrai  selon  Pie  X,  s'accomplisse  et  que  les 
simulacres  cessent. 

Surtout,  pensons  que  le  «  monde  »  est  armé  et  milite  pour  garder  ses  positions.  Il 
agit  principalement  par  le  «  casuel  ».  Il  en  entretient  les  pratiques  pour  satisfaire  ses 
goûts.  Il  en  défend  les  abus  à  coups  d'argent  et  c'est  le  scandale  de  sa  double  immixtion 
dans  les  sacristies  et  les  "chapelles.  De  cette  façon  l'éducation  liturgique  est  toujours  à 
faire.  Le  «  Grincheux  »  de  la  Petite  Maîtrise  vous  l'a  dit  :  des  régions  entières  n'ont  pas 
même  l'idée  de  la  grâce  que  procure  un  bel  office  !  Avec  ce  train  des  choses  aggravé  par 
l'affreux  libéralisme  des  gens,  que  peut  donner  la  «  Journée  grégorienne  »  ?  Bel  accident, 
il  ne  laisse  pas  de  traces  ou  si  peu  !  Multiplions-le  pourtant  et  c'est  l'affaire  du  clergé 
qui  veut  bien  nous  lire.  Nous  le  prions  de  compter  qu'on  en  parlera  ici,  en  ajoutant  les 
remarques  et  comparaisons  utiles. 

Toujours  à  l'église,  en  marge  ou  en  dehors  de  l'office,  il  y  a  les  Auditions  de  musique 
sacrée.  Elles  ouvrent  des  horizons  sur  l'Ecriture  paraphrasée  et  entretiennent  le  lyrisme 
chrétien  sous  la  forme  généralement  classique  d'où  le  style  nouveau  tire  sa  discipline. 
L'action  en  est  excellente  pourvu  que  la  «  primauté  »  de  l'office  soit  dans  la  pensée  de 
tous  :  clergé,  chefs  de  maîtrises,  exécutants,  assistants. 

De  même  les  Récitals  d'orgue  à  l'église  sont  bienfaisants  si  l'organiste  ne  s'évade 
pas,  par  ce  moyen,  du  rôle  qu'un  Joseph  Bonnet,  un  Charles  Tournemire,  un  Jean  Huré, 
un  André  Marchai  par  exemple  tiennent  pendant  l'office,  avec  la  volonté  de  prier  à  leur 
manière.  Ces  récitals  devraient  toujours  être  dans  la  couleur  du  temps  liturgique 
comme  le  salut  qui  les  suit.  Le  choix  est  lié  au  goût  et  à  l'intelligence,  qui  sont  le  signe 
de  la  culture.  Ce  qu'on  veut  c'est  le  rayonnement  catholique  de  la  culture  musicale  dans 
la  liturgie  et  hors  de  la  liturgie  mais  sous  son  reflet  :  au  sanctuaire  et  au  concert  et 
jusqu'au  foyer  où  peut  toujours  régner  le  goût  d'un  art  idéal. 

Dans  les  salles  qui  possèdent  un  orgue  on  suit  volontiers  un  art  plus  libre  ;  on  n'aura 
garde  de  le  négliger.  Naturellement  on  ira  entendre  au  grand  concert  l'orgue  et  l'orga- 


Ce  mflutiemettt  liturgique  et  musical  25 

niste  associés  à  l'orchestre  ;  du  dialogue  splendide,  qui  remplit  symphonies  et  concertos 
le  jeu  coloré  à  l'église  peut  dépendre. 

Parce  qu'il  disparaît,  le  beau  style  choral  nous  rendra  curieux  de  tout  ce  qu'on  tente 
pour  le  sauver.  Sacré  ou  profane,  il  faut  au  Chant  polyphonique  outre  la  belle  sonorité, 
le  coup  d'aile  du  rythme  et  l'effet  de  relief  et  de  nuance  inscrit  dans  la  souple  trame  du 
contrepoint  où  s'affirme  l'autonomie  des  voix.  Les  deux  genres  ont  la  faveur  et  se  mêlent 
sur  les  programmes  des  chœurs  réputés  qui  veulent  rajeunir  la  musique  et  l'interprétation 
chorales.  De  ces  chœurs  Paris  en  compte  plusieurs  et  aussi  la  province.  Et  la  visite 
des  groupes  étrangers  célèbres  permettra  d'établir  des  comparaisons. 

Restent  les  Concerts  symphonigues,  les  Auditions  d'art  ancien,  de  musique  de 
chambre,  de  solistes  et  virtuoses  exceptionnels  et  même  de  jazz,  dont  il  pourra  être  inté- 
ressant de  noter  le  «  mouvement  »  pour  être  complets  et  impartiaux.  La  plume  rapide 
de  notre  ami  Eugène  Borrel,  aiguisée  par  son  esprit,  passera  en  revue  les  manifestations 
à  retenir,  de  notre  point  de  vue.  A  ses  notes  s'ajouteront  les  nôtres  ou  celles  de  bons 
juges  de  ce  que  ni  lui  ni  nous-même  n'aurons  pu  entendre. 

Aucun  fatras  n'entrera  dans  ces  chroniques.  On  n'en  fera  pas  un  journal,  encore 
moins  un  palmarès  par  amour  d'un  fol  éloge  ou  pour  le  plaisir  que  causent  les  citations. 
Mais  avec  la  critique,  une  certaine  insistance  s'y  fera  sentir  à  cause  des  mêmes  thèmes, 
des  mêmes  faits  et  méfaits,  de  l'obligation  de  montrer  l'inertie  et  la  routine  recréant 
l'obstacle  que  l'action  tenace,  parfois  héroïque  de  ceux-ci  ou  de  ceux-là  avait  réussi  à 
détruire  —  bref  du  service  obstiné  de  l'idée  fixe  qui  est  celle-ci  : 

aboutir  d'abord  à  l'église  en  réalisant  liturgiquement  l'office  comme  Rome  le 
demande  et  redemande  —  avec  le  concours  du  peuple  exercé,  de  la  schola  bien  stylée 
et  de  la  voix  intelligente  des  orgues  ; 

recueillir  ensuite  partout,  la  sève  du  bel  art  qui  prépare  la  fleur  et  le  fruit  de  la 
vraie  musique  que  les  catholiques  peuvent  toujours  spiritualiser  dans  le  culte; 

tenir  enfin  le  rang  d'une  élite  cultivée  dans  la  société  qui  a  le  goût  du  beau,  qui  aime 
les  jeux  de  l'esprit,  qui  sait  orner  la  vie,  ce  qui  oblige  à  briller  par  les  mêmes  prestiges 
si  l'on  veut  en  rallier  certains  éléments  non  enfants  et  influents  qui  se  flattent  d'honorer 
l'intelligence. 

Car  la  musique  est  un  moyen.  La  plus  belle  doit  s'épanouir  à  l'église  et  présider 
comme  autrefois  aux  harmonies  ambiantes,  élevées  très  haut  sous  son  signe,  tout  au 
moins  sous  son  reflet,  par  l'œuvre  classique  des  grands  Maîtres.  Ayons  le  contrôle  de  ce 
que  la  grande  famille  catholique  présente  et  entend.  Ce  n'est  pas  impossible  avec  tant 
de  bons  ouvriers  dirigés  par  l'élite  du  clergé  qui  a  compris.  Et  ensemble  suivons  le 
«  Mouvement  liturgique  et  musical  »  que  de  cette  Tribune  réservée  à  l'action,  on  appré- 
ciera. 

A.  Trotrot-Dériot. 

AUXERRE.   La  Schola   Saint-Etienne.  —   Notre  ami  Paul  Berthier  veut  bien  nous 
envoyer  sous  cette  aimable  forme  épistolaire  un  intéressant  aperçu  de  son  œuvre. 

Mon  cher  Maître, 

Vous  m'avez  prié  de  vous  dire  ce  que  nous  faisons  à  la  Schola  Saint-Étienne 
d'Auxerre  ?  Cela  vaut-il  d'être  raconté  ?  nous  faisons,  mais...  comme  les  autres,  je  pense, 
—  de  notre  mieux,  pour  que  les  offices  de  fêtes  soient  musicalement  convenables.  Et  ce 
n'est  pas  toujours  facile.  Nous  nous  recrutons  péniblement;  car  les  personnes  inoccu- 
pées   ne  pouvant  pas  disposer  d'une  heure    ou  deux  par  semaine  pour  répéter,  nous 


26  Ca  tribune  île  0atitt-<®en)atô 

n'avons  guère  que  des  personnes  extrêmement  occupées;  et  il  faut  les  faire  répéter  en 
trois  groupes  distincts  (deux  de  dames  et  jeunes  filles,  un  d'hommes).  Les  répétitions 
générales  de  ces  trois  groupes  sont  très  rares.  Mais  il  faut  dire  que  l'exactitude  aux  ré- 
pétitions est  une  de  nos  règles  fondamentales;  la  directrice,  Mme  Paul  Berthier,  est  fé- 
roce sur  ce  point,  dit-on.  Nous  ne  demandons  pas  aux  nouveaux  et  nouvelles  de  grands 
dons  vocaux  ni  musicaux  ;  nous  n'exigeons  que  de  l'exactitude,  un  «  petit  »  chapeau  pour  les 
dames,  et  un  carton  pour  que  les  parties  de  musique  -ie  se  mettent  point  en  charpie. 
D'ailleurs  il  est  rare  (et  c'est  d'autant  plus  beau)  qu'une  voix  dite  de  solo  consente  à 
s'enrôler  sous  une  telle  discipline.  Rares  sont  les  voix  de  solo  qui  se  plient  à  une  mesure 
exacte.  Or  le  solfège  est  un  de  nos  grands  soucis,  et  nous  consacrons  beaucoup  de  temps 
à  travailler  la  justesse;  et  quand  cela  ne  va  pas,  nous  allons  à  Dijon,  à  Saint-Bénigne, 
reprendre  courage. 

Avec  tous  nos  petits  moyens,  un  labeur  acharné, le  dévouement, le  zèle,  le  bon  cœur 
de  tous  nos  chanteurs,  nous  arrivons  à  pourvoir  de  musique  toutes  les  fêtes  de  l'année, 
et,  en  été,  c'est  chaque  dimanche,  jusqu'à  la  Saint-Germain,  31  juillet;  nous  chantons 
tout  le  propre  grégorien,  dans  le  petit  paroissien  de  Gabalda,  et  des  messes  et  saluts 
palestiniens  ou  autres;  nous  chantons  même  de  l'Annibal  Gantez  et  du  Jean  Cathala 
qui  furent  maîtres  de  musique  à  Auxerre.  Puis  nous  portons  cela  à  Sens,  à  Avallon,  à 
Joigny,  ou  à  la  campagne.  Nous  chantons  de  petits  concerts  pour  quantité  d'oeuvres 
charitables;  et  là,  nous  glissons  de  la  musique  d'église  à  la  cantate,  à  la  chanson,  chansons 
à  4  voix,  chansons  populaires,  et  nous  poussons  jusqu'à  la  chanson  à  boire  dont  ce  pays 
est  fort  riche.  Mais  ici,  généralement,  les  dames  se  taisent.  Par  contre,  elles  ont  des  Noëls 
en  patois  qui  font  pâmer  messieurs  les  vicaires.  Nous  savons  beaucoup  de  Noëls,  même 
certains,  inédits,  de  Marie  Noël,  la  grande  poétesse  auxerroise  qui  est  notre  amie.  Nous 
allons  en  chanter  ces  jours-ci,  avec  le  «  Mystère  de  l'Emmanuel  »  de  Dom  David  et  G.  de 
Lioncourt  :  pour  cela  se  joindront  à  nous  nos  deux  groupes  d'enfants,  plus  spécialement 
grégoriens,  la  Manécanterie  de  l'Orphelinat,  et  celle  de  Saint-Pierre.  Ces  deux  chœurs 
qui  fraternisent  avec  la  Manécanterie  de  Paris,  et  se  réunissent  à  elle  parfois,  portent  le 
même  costume  et  ont  aussi  des  croix  processionnelles  du  grand  imagier,  presque  Auxer- 
rois,  Fernand  Py.  Tous  ces  groupes,  y  compris  celui  de  Paris,  vont  chanter  ces  jours-ci 
une  Prise  d'aubes,  et  un  grand  salut,  à  Saint-Pierre  d'Auxerre. 

Nous  payons  deux  francs  de  cotisation  par  an;  ce  n'est  pas  cela  qui  paie  notre  mu- 
sique; et  pourtant  nous  en  achetons,  car  (dites-le  à  Trotrot)  je  déteste  la  polycopie.  Etant 
une  cinquantaine,  nous  ne  tenons  pas  sur  la  tribune  de  l'orgue;  il  nous  faut  chanter  par 
terre,  dans  le  transept  :  c'est  dur  à  remplir,  ces  quatre  grands  bras  de  la  Croix! 

Notre  nom  est  «  Schola  Saint- Etienne  x>;  schola,  à  cause  de  «  la  »  Schola,  notre  chère 
schola  de  Paris  ;  et  Saint-Etienne,  à  cause  du  patron  de  notre  église.  Nous  avons  pris 
dans  son  office  notre  devise,  «  imitari  quod  colimus  »,  à  quoi  nous  donnons  un  sens  à  la 
fois  religieux  et  artistique;  et  nous  nous  proposons  d'imiter  —  de  loin  —  tant  les  vertus 
de  notre  saint  patron  qui  vit  les  cieux  entr'ouverts,  que  les  nobles  exemples  de  mes 
maîtres  vénérés  de  la  Schola,  à  qui,  après  Dieu,  nous  devons  d'exister. 

Paul  Berthier. 


Notre  prochain  numéro  contiendra  entre  autres  une  chronique  détaillée  sur  la 
musique  religieuse  au  diocèse  de  Metz,  des  notes  sur  la  maîtrise  de  Matines,  le  mou- 
vement musical  liturgique  en  Angleterre,  etc. 


CfB  €onctrts  27 


A  utre  forme  de  l'activité  de  notre  revue.  Notre  sympathique 
collaborateur  Eug.  BORJ^EL  veut  bien  se  charger  de  traiter 
régulièrement  ici  des  Concerts,  (non  pas  des  auditions  reli- 
gieuses), afin  de  tenir  nos  lecteurs  au  courant  du  mouvement 
musical . 


LES  CONCERTS 


«  Ils  sont  trop  !...  »  A  cette  même  place,  je  me  plaignais,  en  1913,  du  petit  millier  de 
concerts  qui  constituaient  la  saison  parisienne.  Une  statistique  nous  montre  que  le  seul 
dernier  trimestre  de  l'année  1927  a  vu  se  dérouler  plus  de  cinq  cents  concerts!  Pour 
qu'en  moins  de  quatre-vingts  jours  la  même  personne  puisse  être  présente  à  toutes  ces 
séances,  il  faut  lui  supposer  un  don  d'ubiquité,  dont  les  plus  extraordinaires  procès  de 
béatification  n'offrent  aucun  exemple.  Or  c'est  un  fait  notoire  (dont  les  causes  sont  peut- 
être  trop  aisément  discernables...)  que  jusqu'ici  pas  un  critique  n'est  inscrit  au  catalogue 
des  Saints.  La  conclusion  rigoureuse  à  tirer  de  ces  prémisses,  c'est  qu'aucun  d'eux  n'a 
assisté  à  la  totalité  des  concerts,  ou  qu'ils  «  bourrent  le  crâne  »  de  leurs  lecteurs. 

A  tout  prendre,  beaucoup  de  séances  n'offrent  qu'un  mince  intérêt  :  débutants,  qui 
répètent  la  leçon  apprise  de  leurs  maîtres,  —  professeurs  obligés  de  paraître  devant  leur 
clientèle  —  étrangers,  qui  entre  deux  trains  se  font  entendre  à  Paris,  —  concerts  organisés 
pour  des  œuvres,  etc.,  etc.,  etc.  Défalcation  faite  de  tout  cela,  il  reste  encore  un  nombre 
imposant  de  soirées  intéressantes.  Il  est  matériellement  impossible  de  les  suivre  et  de  les 
signaler  toutes.  Pourrait-on  tout  au  moins,  en  choisissant  les  plus  représentatives 
caractériser  les  courants  principaux  de  la  musique  actuelle  ?  La  réponse  est  négative  :  les 
conditions  de  la  vie  contemporaine  imposent  aux  artistes  et  aux  associations  des  exigences 
qui  faussent  le  libre  jeu  d'une  activité  purement  esthétique.  Les  œuvres  modernes,  en 
général,  ne  font  pas  recette;  pour  pallier  le  déficit  causé  par  les  premières  auditions,  nos 
grands  concerts  sont  obligés  de  temps  à  autre  de  se  rattraper  par  des  festivals  Wagner 
ou  Beethoven,  qui,  eux,  font  salle  comble.  Les  concerts  ordinaires,  écrasés  par  des  taxes 
de  toutes  sortes,  évitent  autant  que  possible  de  présenter  des  œuvres  passibles  des  droits 
d'auteur,  ce  qui  nuit  grandement  à  la  diffusion  de  la  musique  moderne  :  d'autre  part  les 
ensembles  —  trios,  quatuors,  quintettes,  etc.  —  qui  exigent  des  répétitions  onéreuses,  ten- 
dent à  disparaître,  ce  qui  prive  le  public  d'une  des  formes  les  plus  raffinées  de  la  musique. 
Au  fond  le  nombre  excessif  des  concerts  ne  permet  de  décompter  qu'une  richesse  plus 
apparente  que  réelle... 

Mais,  en  examinant  la  question  de  plus  près  il  est  facile  de  se  convaincre  que  dans  bien 
des  cas,  le  critique  qui  écrit  le  compte  rendu  d'une  séance  se  livre  à  une  besogne  illusoire. 
Voici  un  excellent  instrumentiste  qui  a  eu  l'autre  jour  des  défaillances  accidentelles,  va- 
t-on  1'  «  éreinter  »  impitoyablement  ?  Tel  auteur,  dont  l'ensemble  de  la  production  impose 
le  respect  vient  (pour  employer  un  argot  qui  ne  respecte  pas  les  canons  de  la  rhétorique) 
de  pondre  un  affreux  navet;  faut-il  le  démolir  sans  ménagement?  Puis  il  y  a  l'ami  qu'on 
ne  peut  critiquer  sans  une  sorte  de  trahison;  le  camarade,  dont  on  ne  peut  décemment 
dire  tout  le  mal  qu'on  pense...  Il  est  vrai,  cette  critique  est  purement  négative  ;  la  vraie, 


28  Ca  tribune  îre  &amt-<&f  ruais 

comme  l'a  montré  Ernest  Hello,  c'est  celle  qui  sait  et  ose  désigner,  à  l'attention  de  tous, 
les  chefs-d'œuvre  encore  inconnus.Mais  ici  surgit  une  autre  difficulté  :1e  malheureux  critique 
ne  dispose  généralement,  pour  motiver  son  jugement,  que  d'une  exécution.  Quand  il  s'agit 
d'une  œuvre  très  avancée,  devant  laquelle  les  gens  du  métier  eux-mêmes  restent  perplexes, 
comment  veut-on  que  le  forçat,  condamné  à  jeter  au  plus  vite  sa  prose  en  pâture  au  grand 
public,  puisse  porter  un  arrêt  étayé  par  de  définitifs  attendus  ?  Il  est  fort  difficile  de  con- 
former instantanément  sa  pensée  à  des  conceptions  auxquelles  on  n'est  pas  du  tout  accou- 
tumé :  s'il  y  a  parmi  nous  un  Beethoven  ou  un  Wagner,  il  nous  produira  presque  infail- 
liblement l'effet  d'un  fou,  des  entreprises  duquel  on  se  doit  de  mettre  l'Art  à  l'abri...  Nous 
rions  aujourd'hui  des  accusations  absurdes  lancées  à  toute  époque  contre  les  grands 
créateurs  :  dans  deux  cents  ans,  on  rira  peut-être  aussi  de  nous,  sous  le  même  rapport. 
Le  fragment  suivant,  ne  semble-t-il  pas  rédigé  par  quelque  contemporain  :  «  On  admire 
ce  qui  est  bizarre,  ce  qui  est  singulier,  ce  qui  surprend,  ce  qui  étonne.  On  choisit  des 
thèmes  d'une  allure  étrange  et  triviale;  on  s'accoutume,  en  composant,  à  négliger  les 
Règles;  on  ne  cherche  plus  à  tirer  de  la  Voix  et  des  Instruments  ce  qu'ils  peuvent  pro- 
duire de  flatteur.  On  s'embarrasse  peu  de  donner  à  la  voix  des  accompagnements  favo- 
rables. La  mode  est  de  charger  les  partitions,  d'accabler  la  voix  qui  chante  au  lieu  de  la 
soutenir.  Les  dissonances  sont  prodiguées  de  telle  sorte  qu'elles  forment  aujourd'hui  le 
fond  principal  de  notre  musique,  et  souvent,  les  accords,  en  faisant  frémir  l'oreille,  fré- 
missent entre  eux  de  la  bizarrerie  de  leurs  assemblages  i ...  » 

L'inutilité  foncière  de  la  critique  apparaît  ici  clairement.  En  dépit  des  objurgations 
de  toute  nature,  les  musiciens  n'en  ont  fait  qu'à  leur  tête.  De  nos  jours,  on  est  réellement 
déconcerté  par  la  singularité  de  certaines  musiques.  Il  ne  sert  de  rien  de  s'indigner;  il 
vaut  mieux  chercher  à  comprendre.  Un  des  coryphées  de  l'art  le  plus  avancé,  M.  Schoen- 
berg,  vient  justement  de  faire  récemment,  dans  les  salons  de  notre  confrère  «  le  Monde 
musical  »,  une  causerie  sur  certaines  tendances  de  l'école  moderne.  Voici  comment  on 
peut  résumer  les  idées  qui  nous  intéressent  ici  :  «  Jusqu'ici,  la  tonalité  a  été  le  moyen 
le  plus  commode  pour  grouper  les  sons  entre  eux.  Mais  l'apparition  de  plus  en  plus  fré- 
quente, dans  l'art  contemporain,  d'agrégations  n'appartenant  à  aucune  tonalité  définie,  et 
susceptibles  néanmoins  de  produire  un  excellent  effet,  nous  incline  à  penser  qu'on  peut 
envisager  l'art  des  sons  sous  d'autres  points  de  vue  que  ceux  auxquels  nous  sommes  tra- 
ditionnellement habitués.  On  nous  dira  que  la  tonalité  obéit  aux  lois  de  la  nature.  Soit. 
La  pierre  qui  tombe  obéit  aussi  aux  lois  de  la  nature.  Cependant,  en  utilisant  autrement 
les  mêmes  lois  de  la  même  nature,  l'avion  prend  son  vol  vers  le  ciel.  Il  n'est  pas  contraire 
à  la  raison  de  penser  que  la  tonalité  n'est  qu'un  cas  particulier  de  lois  beaucoup  plus 
générales  régissant  l'art  des  sons,  et  qui  permettront,  à  ceux  qui  auront  le  bonheur  de  les 
découvrir,  des  incursions  toutes  nouvelles  dans  le  domaine  de  la  musique.  » 

On  répondra  que  le  moindre  grain  de  mil  —  ou  le  plus  petit  chef-d'œuvre  —  ferait 
bien  mieux  notre  affaire.  Certes  :  mais  comme  il  a  été  dit  plus  haut,  il  nous  serait  fort 
difficile  de  le  reconnaître  dès  l'abord  :  d'autre  part,  il  n'est  pas  mauvais  que  les  compo- 
siteurs fassent  part  au  public  de  leurs  idées  :  du  xvie  siècle  à  nos  jours,  l'histoire  de  la 
musique  est  jalonnée  de  manifestes  retentissants,  de  programmes  célèbres,  qui  ont  parfois 
grandement  servi  aux  progrès  de  l'art.  Verbiage,  dira-t-on.  Non,  quand  il  s'agit  d'un 
Rameau,  d'un  Gluck  et  de  tant  d'autres  qui  ont  quelque  chose  à  dire:  des  idées  claires 
d'abord,  après  quoi,  les  gens  loyaux  finissent  par  s'entendre.  Aujourd'hui,  la  situation 
paraît  plus  confuse  que  jamais,  et  il  semble  très  difficile  de  se  décider  pour  ou  contre 

1.  Bollioud  de  Mermet,  en  I746 — c'e»t-à-dire  au  moment  où  Rameau  écrivait  tant  de  pages  géniales! 


C'(ïEî>ttt0tt  musicale  29 

telle  ou  telle  tentative  nouvelle.  Quand  à  porter  doctoralement  un  jugement  définitif  sur 
une  œuvre  donnée,  c'est  chose  impossible.  Bornons-nous  donc  à  suivre  avec  sympathie 
les  efforts  des  artistes  sincères,  pionniers  qui  défrichent  des  terres  nouvelles.  Nos  arrière- 
neveux  trouveront  peut-être  que  les  pièces  les  plus  abstruses  de  notre  temps  sont  aussi 
limpides  que  la  plus  simple  bergerette  du  xvine  siècle,  mais  comme  nous  n'en  sommes 
pas  encore  là,  conduisons-nous  prudemment,  ainsi  qu'il  convient  à  de  simples  pauvres 
gens  du  xxe  siècle,  dépourvus  des  lumières  de  l'avenir  et,  —  avouons-le  tout  bas  —  un 
peu  étonnés  parfois  de  ce  qu'ils  entendent. 

E.  Borrel. 


CONCERTS  A   L'ETRANGER 

L'abondance  des  matières  de  ce  premier  numéro  nous  oblige  à  reporter 
au  prochain  fascicule  les  comptes  rendus  que  nous  ont  adressés  nos  amis  de 
Belgique  et  de  Suisse. 


L'EDITION  MUSICALE 

OFFICE  DES  MORTS  à  l'usage  du  diocèse  de  Bayeux  et  Lisieux,  conforme  à 
l'Edition  Vaticane  et  aux  traditions  de  l'Eglise  de  Bayeux.  In-l6  de  xh  et  106  pages, 
cartonné,  Bayeux,  R.  Colas. 

Il  nous  est  agréable  de  commencer  la  Bibliographie  de  cette  nouvelle  série  de  notre 
revue,  par  l'annonce  de  cette  très  intéressante  publication  grégorienne. 

Le  diocèse  de  Bayeux  et  Lisieux  a  un  passé  liturgique  extrêmement  intéressant, 
sur  lequel  déjà  une  préface  courte  et  succincte  placée  en  tête  de  cet  Office  des  Morts 
donne  de  curieux  détails,  avec  les  références  de  quelques-uns  des  principaux  manuscrits 
et  chants  anciens  de  ce  diocèse  du  xie  au  xvie  siècle.  Les  Chants  pour  les  Défunts 
selon  l'antique  tradition  occupent  les  premières  pages  de  ce  petit  livre  :  ils  com- 
prennent un  Kyrie,  un  Sanctus  (déjà  dans  les  chants  «  simples  »  de  la  Vaticane),  un 
Agnus  (qui  leur  est  aussi  apparenté),  enfin  le  superbe  répons  Congregati  sunt  et  le 
Libéra  avec  des  versets  spéciaux, —  chants  remarquables  sur  lesquels  M.  l'Abbé  J.  Prieur, 
l'érudit  artiste,  fondateur  de  l'Ecole  d'orgue  de  Caen,  a  promis  de  nous  donner  un 
article  spécial. 

Ces  pièces  sont  publiées  en  notation  grégorienne,  mais  sur  cinq  lignes,  et  avec  la 
clef  de  sol  médiévale,  suivant  le  principe  des  nouvelles  publications  des  RR.  PP.  Béné- 
dictins du  Réray,  auxquelles  se  réfère  le  reste  du  volume. 

PHILIPPE  DE  MONTE  (l52l-l6o3).  Œuvres  d'églises  transcrites  et  publiées  à 
l'usage  de  la  Maîtrise  métropolitaine  de  Malines  :  1,  Messe  Inclina  cor  meum,  à  5  voix, 
35  francs;  2,  motet  Inclina  cor  meum,  à  5  voix,  7  fr.  5o;  3,  motet  O  bone  Jesu,  à  6  voix, 
il  fr.;  5,  messe  Sine  nomine,  en  F,  à  4  voix,  18  fr.  —  Le  n°  4  est  formé  de  2  motets  de 
Benoît  de  Opitiis,  Sub  tuum  et  Summae  taudis,  à  4  voix,  publiés  en  grand  in-4°,  35  fr. 
—  Bruges,  collection  Séries  «  Vetera  »,  de  la  Musica  Sacra,  Desclée,  De  Brouwer  et  Cie. 

C'est  une  superbe  collection,  à  laquelle  M.  le  Chanoine  Van  Nuffel,  Directeur  de 
l'Institut  Lemmens  de  Malines,  et  M.  Ch.  Van  den  Borren,  bibliothécaire  du  Conserva- 
toire de  Bruxelles,  ont  consacré  leurs  talents. 


3o  £a  tribune  îie  0amt-<®mjaiô 

L'auteur,  qui  fut  rival  d'Orlande  de  Lassus,  est  justement  célèbre,  est  plus  connu  en 
notre  temps  par  sa  célébrité  que  par  ses  œuvres.  C'est  directement  sur  leurs  éditions 
originales  ou  même  sur  les  manuscrits  du  temps,  qu'ont  travaillé  les  auteurs  de  la  présente 
collection,  qui  ont  conservé  au  vieux  maître  le  nom  que  lui  donnent  les  sources,  Philippe 
de  Monte,  et  ne  se  sont  pas  hasardés  à  le  traduire  en  Philippe  a  de  Mons  »  ou  Philippe 
«  Van  den  Berghe  »  ainsi  que  l'ont  fait  d'autres  éditeurs. 

A  travers  ces  publications,  Ph.  de  Monte  apparaît  vraiment  comme  un  très  grand 
maître.  La  pureté  des  motifs,  l'aisance  du  contrepoint  et  des  mouvements  en  imitation, 
la  construction  parfaite  de  toutes  ces  pièces  sont  des  plus  attachantes.  Une  comparaison 
curieuse  est  celle  qui  résulte  du  rapprochement  du  motet  Inclina  cor  meum  et  de  la 
messe  du  même  titre,  qui  en  est  un  développement  cyclique.  Ce  sont  de  beaux  modèles 
de  composition  à  offrir  à  côté  des  chefs-d'œuvre  connus  du  xvie  siècle.  —  Le  grand  motet 
à  six  voix,  en  deux  parties,  O  bone  Jesu,  ne  le  cède  pas  en  beauté  aux  plus  belles  œuvres 
du  temps,  et  sa  disposition  tantôt  en  accords  verticaux  qui  posent  la  tonalité  et  les 
motifs,  tantôt  en  imitations  canoniques  qui  en  sont  issues,  est  extrêmement  intéressante, 
et  donne  parfois  par  une  ingénieuse  disposition  des  voix  (familière  d'ailleurs  aux  clas- 
siques du  xvie)  l'illusion  d'un  double  chœur.  —  La  messe  Sine  nomine  semble  sortie  de 
thèmes  de  l'invention  de  l'auteur  :  cet  messe  est  de  très  moyenne  difficulté,  et  sera  par- 
faitement exécutée  par  les  chœurs  qui  chantent  la  Missa  brevis  de  Palestrina.  Sa  tona- 
lité en  fa  offre  aux  coupes  du  Kyrie,  et  ailleurs,  des  cadences  à  la  dominante  assez  rares 
à  cette  époque.  UHosanna  est  à  cinq  voix,  les  soprani  y  étant  divisés,  et  le  Benedictus 
(très  expressif)  est  écrit  pour  deux  soprani,  alto  et  ténor. 

Les  deux  motets  de  Benoît  de  Opitiis,  du  début  du  xvie  siècle,  ont  plutôt  un  intérêt 
historique  et  documentaire.  Le  premier  est  écrit  sur  les  paroles  et  les  thèmes  liturgiques 
de  l'antienne  Sub  tuum  :  je  signale  aux  exégètes  que  l'auteur,  d'accord  avec  nombre  de 
sources  anciennes,  ponctue  :...  libéra  nos,  semper  Virgo.  Le  second  motet,  curieux,  est 
une  prière  pour  l'empire  d'Autriche,  en  l5o8. 


LES  LIVRES 

LA  MUSIQUE  GRECQUE,  par  Théodore  Reinach,  de  l'Institut.  Petit  in-12  de 
208  pages;  5  fr.  Paris,  collection  Payot. 

Il  y  a  quelque  temps  déjà  que  ce  petit  et  agréable  livre  est  paru  :  il  n'est  pas  trop 
tard  pour  le  présenter  à  nos  lecteurs.  Substantielle  étude,  elle  est  écrite  en  même  temps 
de  manière  très  lisible  pour  les  profanes,  et  fort  captivante. 

La  musique  grecque  antique,  dont  on  connaît  très  à  fond  les  principes  et  les  parti- 
cularités, offre  peu  de  monuments  notés.  Les  découvertes  faites  dans  les  proches 
années  en  ont  révélé  plusieurs  autres.  M.  Th.  Reinach,  avec  son  érudition  et  son  habileté 
coutumières,  transcrit  toutes  ces  mélodies  en  notation  claire.  Pourquoi  cependant,  après 
les  réserves  nécessaires  qu'il  fait  sur  le  sujet  du  rythme,  cherche-t-il  à  s'astreindre  à  la 
«  mesure  »  quand  même  ?  Cela  porte  le  lecteur,  fréquemment,  à  une  idée  faussée  sur  la 
valeur  rythmique  réelle  de  ces  petites  pièces  :  cette  idée  conduit  le  savant  helléniste  lui- 
même  à  transcrire  en  doubles  croches  (p.  207  et  208)  des  groupes  de  notes  que  la  nota- 
tion originale  de  la  plus  ancienne  hymne  chrétienne  découverte  récemment  ne  note 
point  différemment  que  les  autres  brèves;  le  lecteur  pourra  comparer  avec  la  transcription 
que  j'en  ai  moi-même  donné  dans  la  Tribune  de  Saint- Gervais,  tome  XXIII,  p.  229.  — 
Pourquoi  aussi  M.  Th.  Reinach  passe-t-il  sous  silence  la  question  de  la  première  Pythiquc 


C«  Chnrfs  3i 

de  Pindare  ?  Je  sais  bien  qu'avec  sa  haute  autorité,  ce  savant  musicologue  n'en  tient 
point  pour  authentique  la  version  musicale  telle  que  Kircher  l'a  transmise;  Gevaert,  qui 
avait  eu  cette  opinion  en  est  revenu.  Et  cette  musique  a  son  cachet  et  son  charme. 

Volume  d'une  présentation  claire,  et  accessible  à  la  plupart  des  musiciens,  ce  petit 
livre  de  M.  Th.  Reinach  sera  grandement  utile  à  tous  ceux  qu'intéressent  les  origines,  les 
sources  musicales  qui  sont  à  la  base  de  la  formation  de  notre  propre  chant  grégorien. 

UBER  DIE  SCHWEDISCHEN  SEQUENZEN  eine  musikgeschichtliche  STUDiE,par 
Cari  Allan  Moberg  (Uppsala).  [Étude  d'histoire  musicale  sur  les  Séquences  suédoises], 
2  vol.  petit  in-4,  prix  :  18  couronnes;  Upsal,  Almqvish  et  Wiksell. 

Voici  deux  beaux  volumes  qui  viennent  à  leur  heure,  où  les  séquences  médiévales 
intéressent  liturgistes  et  grégorianistes.  Thèse  présentée  par  son  auteur  à  Y  Académie 
grégorienne  de  Fribourg  en  Suisse,  dirigée  par  notre  confrère  M.  le  Professeur  Dr  Peter 
Wagner,  ce  travail  de  M.  Moberg  commence  par  une  consciencieuse  description  des 
manuscrits  suédois  de  chant  liturgique  ancien  qui  ont  échappé  à  la  «  réforme  »  luthé- 
rienne. Cinq  grandes  photographies  et  les  mélodies  de  69  séquences  donnent  idée  des 
sources,  et  du  travail  de  l'auteur  :  les  mélodies  sont  simplement  transcrites  en  points  et 
neumes,  sans  recherches  rythmiques,  mais  avec  le  luxe  de  toutes  les  variantes  des  ma- 
nuscrits étudiés  par  l'auteur. 

On  trouvera  là  toute  une  série  de  chants  qui  montrent  la  part  de  l'influence  française, 
et  parisienne  en  particulier,  dans  les  églises  suédoises,  au  milieu  d'autres  mélodies  venues 
des  divers  coins  de  l'Europe  latine,  ou  de  composition  suédoise  imitées  des  précédentes. 

Il  y  a  dans  cet  ouvrage  une  riche  mine  de  mélodies  dont  beaucoup  sont  charmantes. 

LE  CHANT  SCIENTIFIQUE,  Contribution  à  l'étude  de  l'Émission  Vocale  Nor- 
male, par  Labriet  et  Husson.  In-8°  de  vm  et  148  pages.  Prix,  3o  francs.  Nancy,  chez 
l'auteur,  18,  rue  des  Dominicains. 

Voici  enfin,  une  démonstration  scientifique  et  rationnelle  des  principes  qui  doivent 
présider  à  la  culture  de  la  voix.  Les  auteurs  consacrent  cet  ouvrage  successivement  à 
l'étude  de  la  Théorie  de  l'accord  vocal,  aux  Principes  d'Éducation  vocale,  par  la 
compensation  des  voyelles,  aux  Points  de  vibration  et  «  Passages  »,  et  établissent  une 
«  Synthèse  du  mécanisme  vocal  physique  et  physiologique  normal  ». 

Partis  des  données  physiologiques  de  Bonnier,  Rousselot  et  Marage,  les  trois  grands 
spécialistes,  MM.  Labriet  et  Husson  classent  méthodiquement  chacun  des  phénomènes 
vocaux,  et  préparent  mathématiquement  les  bases  de  Leçons  de  Pédagogie  vocale  dont 
la  publication  est  en  préparation. 

En  résumé,  M.  Labriet,  professeur  au  conservatoire  de  Nancy,  qui  fut  autrefois  à  la 
Schola  l'élève  de  Bordes,  puis  de  Perruchot,  arrive  à  démontrer  le  rôle  néfaste  du  chant 
«n  «  voix  de  poitrine  »,  et  à  préconiser  la  pose  de  voix  sur  ou  et  ô,  appuyé  sur  les  obser- 
vations et  les  expériences  scientifiques  les  plus  rigoureuses.  M.  R.  Husson,  son  collabo- 
rateur, ancien  Élève  de  l'École  Normale  Supérieure,  s'est  chargé  de  la  partie  mathéma- 
tique de  ce  beau  travail,  où  il  met  au  point,  en  les  rassemblant,  les  communications  qu'il 
avait  tout  d'abord  présentées  à  l'Académie  des  Sciences. 

DICTIONNAIRE  UNIVERSEL,  Essai  de  terminologie  musicale,  comprenant  plus 
de  l5.ooo  termes  de  musique,  par  René  Vannes.  In-8°  de  xn  et  23o  pages.  S.  1.  ni  édit.,  1925 
(Imprimé  par  la  Société  d'Édition  «  Alsatia  »,  Thann).  Dépôt  à  Paris,  Max  Eschig  et  Cie. 

C'est  vraiment  un  travail  utile  auquel  l'auteur,  avec  une  patience  louable,  s'est  con- 
sacré. Les  langues  européennes  les  plus   répandues,    dans   l'ordre   :  italien,    espagnol, 


32  Ca  tribune  &e  &aint~<êewais 

portugais,  français,  anglais,  allemand,  latin  et  grec,  lui  ont  fourni  l'occasion  de  rendre 
aux  musiciens  un  inappréciable  service. 

Tous  les  termes  musicaux  que  M.  Vannes  a  pu  rassembler  se  retrouvent  dans  son 
Dictionnaire  avec  leurs  équivalents  dans  les  autres  langues;  et  non  seulement  les  termes 
proprement  musicaux,  mais  les  innombrables  variétés  d'épithètes  pour  indiquer,  chez  les 
auteurs  modernes,  les  mille  nuances  d'expression  au  cours  d'un  morceaju.  Je  ne  chicanerai 
pas  l'auteur  pour  quelques  petites  omissions  ou  confusions  qu'il  faut  néanmoins  signaler  : 
Pianoforte  s'est  employé  en  français  aussi  bien  que  Fortepiano,  pour  désigner  l'ins- 
trument que  nous  nommons  simplement  Piano.  Clavier,  en  allemand,  signifie  aussi 
bien  piano  que  clavecin,  et  l'on  est  tout  étonné  de  ne  pas  trouver  ce  dernier  nom  au 
dictionnaire,  alors  que  clavicembalo  s'y  trouve  (indiqué  d'ailleurs  par  mégarde  comme 
mot  «  français  »).  Je  ne  vois  pas  bien  non  plus  pourquoi  on  trouve  à  Organo  corale 
le  français  Orgue  choral  (?),  et  l'anglais  Choir  organ  qui  signifie  plus  spécialement  le 
Positif,  termes  qui  se  retrouvent  l'un  et  l'autre  à  Organo  di  Coro,  qui  serait  plutôt 
Orgue  de  chœur. 

J'indique  ces  petites  bévues,  et  quelques  autres  qui  se  rattachent  au  chant  liturgique, 
pour  espérer  qu'elles  disparaîtront  d'une  édition  future.  L'ensemble  du  travail  de 
M.  R.  Vannes,  je  le  répète,  à  part  ces  quelques  termes  spéciaux,  rendra  de  signalés  ser- 
vices à  tous  les  musiciens. 

LE  PRÉTENDU  TRAITÉ  de  Musique  du  Codex  Parisinus  Latinus  7221,  par 
R.  Bragard  («  Musée  Belge  »,  XXXIe  année,  n°  3-4,  Liège). 

Savante  et  très  complète  description  d'un  des  manuscrits  des  œuvres  de  Boèce, 
catalogué  jusqu'ici  comme  un  traité  anonyme  de  musique,  et  qui  n'est  en  partie  qu'un 
extrait  d'un  traité  d'arithmétique.  En  étudiant  ce  manuscrit,  croyant  trouver  une  source 
de  la  théorie  musicale,  M.  Bragard  a  découvert  son  origine  et  a  pu  identifier,  dans  un 
autre  codex,  ce  qui  manque  à  celui-là. 

Les  catalogues  des  grandes  bibliothèques  réservent  encore  de  ces  surprises. 


LES  REVUES 

(articles  à  signaler) 
FRANCE 

Tablettes  de  la  Schola,  XXVL  année,  n°  i.  —  F.  Raugel,/.^  chanoine  Sébastien  de 
Brossard  (1654-1730),  maître  de  chapelle  de  la  cathédrale  de  Strasbourg,  bien  connu 
par  son  Dictionnaire  de  musique  et  de  belles  compositions;  maître  de  chapelle  de  la 
cathédrale  de  Meaux  au  temps  de  Bossuet.  —  Guy  de  Lioncourt,  Le  Rythme  grégorien, 
sur  un  nouveau  livre  du  P.  Dom  Jeannin,  article  longuement  développé  et  raisonné,  fai- 
sant le  point  de  départ  de  ce  que  nous  pouvons  admettre  ou  rejeter  dans  les  propositions 
nouvelles  du  savant  bénédictin.  —  Nfl  2,  Hector  Laisné,  A  propos  de  Beethoven  et  de 
Schubert,  article  d'esthétique  sur  l'émotion  comparée  chez  ces  deux  maîtres,  article 
vibrant  d'un  intense  souffle  religieux.  —  La  musique  religieuse;  Requiem...!  chronique 
intéressante;  critique  d'un  Requiem  «  en  musique  »,  œuvre  de  concert,  récemment 
exécutée  dans  une  église  en  place  de  grand'messe  funèbre). 

PETITE  MAITRISE,  n"  176.  —  Abbé  P.  BAYART,  Pour  que  le  peuple  chante,  11,  V  «  or- 
ganisation »  paroissiale,  qui  manque  trop  souvent,  et  les  moyens  d'y  arriver.  —  A.  Tro- 


€tB  UenneB  33 

trot-Dériot,  Le  «  Requiem  »  de  Berlioz,  à  propos  de  sa  récente  exécution  ;  idées 
reprises  avec  tout  le  développement  qu'elles  comportent,  dans  notre  présent  numéro.  — 
Abbé  J.  Haro,  L'Office  des  vêpres,  intéressante  et  vivante  conférence  sur  la  forme, 
l'histoire,  la  pratique  de  cet  office.  —  La  Petite  Maîtrise  inaugure  dans  ce  numéro  des 
«  Devoirs  d'harmonie  »  et  d'accompagnement  grégorien  à  l'usage  de  ses  abonnés. 

Revue  du  Chant  Grégorien,  XXXIe  année,  n°  6.  —  Dom  L.  David,  Le  chant  suppléé 
par  l'orgue,  excellente  étude  à  la  fois  historique,  critique  et  pratique,  des  décrets  de  la 
S.  C.  des  Rites  sur  ce  sujet  si  controversé  ;  très  curieuses  et  singulières  conséquences 
abusives  de  cet  usage.  —  La  «  Fractio  vocis  »,  effet  vocal  ou  mensuralisme,  cite  des 
textes  qui  semblent  prouver  que  l'expression  fractio  vocis  chez  les  auteurs  du  xue- 
xuie  siècle  ne  s'entend  pas  d'une  «  diminution  rythmique  »  comme  on  l'a  admis  jusqu'ici, 
mais  d'une  expression  outrée  dans  la  «  diminution  du  volume  de  la  voix  »,  ou  dans  la 
mollesse  de  l'émission  ;  intéressante  étude  qui  mérite  attention. 

Revue  de  Musicologie,  n°  24.  —  J.  Tiersot,  Une  famille  de  musiciens  français  :  les 
de  la  Barre  presque  tous  organistes,  et  occupant  de  hautes  situations  au  xvne  siècle. 
Yv.  Rokseth,  Josquin  des  Prés,  pédagogue  musical.  —  M.-L.  Pereyra,  Les  Livres  de 
Virginal,  cet  instrument  était  la  forme  anglaise  du  clavecin,  aux  xvie-xvne  siècles;  son 
répertoire  musical  est  souvent  mêlé  de  musique  et  d'orgue.  —  M.  Vulpesco,  La  chanson 
populaire  en  Roumanie,  son  répertoire  renferme  entre  autres  des  chansons  religieuses 
et  de  nombreux  noëls. 

Musique,  n°  4.  —  Ch.  Van  den  Borren,  Pour  la  musique  du  moyen  âge,  attire  à 
nouveau  l'attention  sur  les  chefs-d'œuvre  du  xme  au  xve  siècle. 

Ménestrel,  numéros  du  9  décembre  et  du  6  janvier,  articles  de  Alex.  Cellier  sur  L'im- 
provisation, art  français  (improvisation  à  l'orgue)  et  Les  grandes  orgues  de  Paris 
d'après  le  livre  de  Raugel. 

Revue  Musicale,  IXe  année,  n°  3.  —  Maurice  Emmanuel,  La  polymodie,  essai  sur  les 
diverses  formes  modales  telles  que  celles  que  l'on  rencontre  dans  le  chant  grégorien,  et 
susceptibles  de  rénover  l'aspect  mélodique. 

Autour  du  Lutrin  (Saint-Brieuc),  janvier-février  (n°  91-92). —  Esthétique  du  chant 
grégorien,  excellente  étude  pratique,  d'un  sujet  déjà  précédemment  et  qui  sera  continué 
dans  les  numéros  suivants.  —  Nos  enfants  de  chœur,  formation  vocale,  conseils  et 
exercices  pratiques  où  l'on  reconnaît  bien  l'expérience  de  M.  l'Abbé  Gleyo,  le  dévoué 
rédacteur  de  cette  vaillante  revue. 

Revue  Saint-Chrodegang  (Metz)  Xe  année,  n°  1,  numéro  de  Noël:  —  G.  V.  Les 
chants  de  la  messe  de  minuit,  notice  pratique.  —  Un  journal  qui  n  'est  pas  «à  la  page  » 
à  propos  du  trop  fameux  Minuit,  chrétien  !  —  M.  l'Abbé  G.  Villier,  le  sympathique 
rédacteur  de  cette  autre  revue  locale,  nous  donnera  dans  le  numéro  d'avril  des  détails 
précis  sur  le  mouvement  musical  religieux  en  Lorraine,  au  diocèse  de  Metz. 

Informateur  Musical  et  Théâtral  (Lyon),  VIe  année,  ri0  il,  donne  tout  au  long  les 
propositions  et  décisions  de  la  Société  des  auteurs  au  sujet  de  la  taxation  —  tout  à  fait 
logique  —  de  droits  sur  les  cérémonies  du  culte,  pour  l'exécution  des  œuvres  modernes 
de  musique  religieuse;  cette  perception  prendrait  la  forme  d'un  «  abonnement  »  des 
paroisses  pour  les  offices  ordinaires,  et  d'un  pourcentage  sur  les  classes  de  mariage  et 
d'enterrement.  —  Il  est  en  effet  remarquable  que  les  compositeurs  de  musique  d'église, 


34  Ca  tribune  îre  0ahtt~<®m)at5 

dont  les  œuvres  se  vendent  déjà  moins  que  les  compositions  profanes,  ne  touchent  aucun 
droit  sur  l'exécution  de  leurs  œuvres;  la  Société  des  Auteurs  comblerait  ainsi  une  lacune 
fâcheuse,  si  NN.  SS.  les  Evêques  acceptaient  ces  justes  propositions. 

BELGIQUE 

Musica  Sacra.  —  Il  faudrait  pouvoir  citer  la  plupart  des  articles  de  cette  excellente 
revue,  qui  ressuscita,  après  l'interruption  causée  par  la  guerre,  à  Pâques  dernières.  Nom- 
mons néanmoins,  dans  le  n°  3g6  :  chanoine  Van  Nuffel,  A  propos  de  la  messe  et  du 
motet  «  Inclina  cor  meum  »  de  Ph.  de  Monte,  (Cf.  notre  Bibliographie,  ci-dessus).  — 
N°  397,  Dom  Joseph  Kreps,  In  memoriam  h. -A.  Gevaert,  belle  étude  sur  ce  maître  de  la 
musicologie  antique  et  grégorienne.  —  Abbé  de  Schutter,  La  Maîtrise  Saint- Pombaut, 
le  superbe  groupement  musical  si  bien  dirigé  par  M.  le  chanoine  Van  Nuffel,  et  son 
activité  depuis  la  guerre.  —  G.  Van  Doorslaer,  Livre  de  chœur  contenant  huit  messes 
inédites  de  Ph.  de  Monte,  description  complète,  avec  photographies,  de  manuscrits  du 
xvie  siècle,  récemment  acquis  par  la  Bibliothèque  du  Conservatoire  de  Bruxelles.  — 
N°  398,  Dom  J.  Kreps,  article  nécrologique  sur  le  chanoine  F.  Verhelst,  musicographe  et 
compositeur  religieux  belge  qui  vient  de  mourir,  ayant  parcouru  une  belle  carrière.  — 
Abbé  Ch.  Eeckelaers,  L'orgue  électrique  de  l'école  de  Malines,  construit  par  le  facteur 
anglais  Crutchley,  comprenant  49  jeux,  répartis  sur  trois  claviers  manuels  et  un  pédalier, 
avec  un  grand  nombre  de  combinaisons;  photographie  curieuse  de  la  façade  de  cet 
instrument. 

ITALIE 

Bollettino  Ceciliano,  XXII,  n°  12.  —  Bénédiction  du  Saint-Père  et  Programme 
du  XIVe  Congrès  National  de  X Association  Italienne  de  sainte  Cécile  qui  se  tiendra 
à  Rome  du  24  au  27  avril  prochain.  —  D.  Vittorio  Toniutti,  //  supremo  modelo,  bel 
article  sur  l'art  et  l'expression  dans  le  chant  grégorien.  —  Encartage  :  motets  et  laudi 
d'Ercole  Pasquini  et  de  Fr.  Soto  (xvr3  s.).  —  Reproduit  l'article  donné  par  L.  Vierne 
dans  le  numéro  d'août  dernier  de  la  Revue  Braille  Musicale  sur  Ma  tournée  en 
A  mérique. 

ANGLETERRE 

Musical  Tiimes,  1er  décembre.  —  A.  Eaglefield-Hull,  et  W.-H.  Grattan-Flood 
publient  de  nouveaux  éclaircissements  sur  Purcell  et  sur  les  compositeurs  de  l'époque 
Tudor.  —  Page  1091,  reproduction  d'un  autographe  de  Vincent  d'iNDY,  lettre  adressée  à 
Fr.  Berger,  de  Londres. 

ESPAGNE 

Revista  Musical  Catalana,  n°  285-286.  —  Fr.  Pujol,  Les  œuvres  du  polyphoniste 
catalan  Jean  Pu/'ol  (l5"]3  ?-l626),  à  propos  de  l'édition  qu'en  donne  en  ce  moment 
d'après  les  originaux,  M.  l'Abbé  H.  Angles,  dans  les  Publications  du  Département  de 
la  Musique  à  la  Bibliothèque  de  Catalogne.  —  Continuation  de  l'étude  détaillée  des 
Sonates  de  Beethoven,  par  Bl.  Sklva.  —  N°  287-288,  compte  rendu  d'une  remarquable 
conférence  de  Joaquim  Renart,  à  l'occasion  de  la  fête  de  sainte  Cécile,  sur  la  sainte,  son 
culte,  avec  projections  des  peintures  des   Catacombes,  de  mosaïques  du  ixe  siècle,  et  de 


yXécroloqie  35 

nombreux  monuments  de  la  peinture  depuis  le  xme  siècle  jusqu'au  xixe  :  l'érudit  artiste 
a  fait  remarquer  —  ce  que  nous  avons  déjà  fait  observer  —  que  c'est  seulement  au 
xve  siècle,  vers  sa  fin,  qu'apparaît  un  instrument  de  musique  comme  attribut  de  sainte 
Cécile. 

Revista  Parroquial  de  Musica  Sagrada.  —  Cette  excellente  et  pratique  revue  de 
musique  sacrée  poursuit  une  série  de  courts  articles  de  M.  l'Abbé  Jean  Llado,  «  magis- 
tral »  de  la  cathédrale  de  Vich,  sur  Le  restaurateur  de  la  musique  sacrée  [Pie  X],  passant 
en  revue  sa  famille,  ses  origines,  etc.;  le  dernier  numéro  de  1927  arrive  à  Y  «  enfance  et  les 
premières  études  de  Pie  X  »,  le  premier  fascicule  de  1928  contient  le  quatrième  article 
de  la  série  :  «  Les  études  de  Pie  X  à  Castelfranco.  » 

ALLEMAGNE 

Gregorius-Blatt  et  Gregorius-Bote,  n°  12  de  1927.  —  Prof.  D1  P.  Wagner,  fin  de  la 
conférence  prononcée  à  Bonn,  à  l'occasion  de  l'Assemblée  Générale  du  Caecilienverein 
du  diocèse  de  Cologne,  sur  la  réforme  dans  la  facture  des  orgues  de  nouvelle  cons- 
truction, dont  la  publication  était  précédemment  commencée  :  s'élève  contre  l'abus  des 
jeux  fluctuants,  de  la  boîte  d'expression,  réclame  la  clarté  de  la  polyphonie  par  l'emploi 
des  fonds  et  mutations.  —  1928,  n°  1,  D1'  Fellerer,  Sur  la  compréhension  de  Palestrina 
au  xvme  siècle,  comment  les  critiques  et  artistes  estimaient  ce  maître  :  ses  imitateurs 
et  les  compositeurs  du  style  «  à  cappella  »  à  cette  époque;  article  à  continuer. 


NECROLOGIE 

M.  l'Abbé  A.  VIGOUREL;  le  R.  P.  Claude  ALLEZ;  Ph.  BELLENOT. 

La  fête  de  Noël  dernière  a  été  marquée  par  le  décès  de  deux  des  plus  anciens  amis 
et  collaborateurs  de  la  Tribune  de  Saint-  Gervais  et  du  Bureau  d'Édition  de  la  Schola. 

M.  l'Abbé  A.  Vigourel,  Directeur  au  Séminaire  Saint-Sulpice,  dont  les  leçons  litur- 
giques et  musicales,  dès  1875,  aiguillaient  ses  élèves  vers  la  restauration  grégorienne,  fut 
l'un  des  premiers  et  fervents  disciples  de  cette  restauration,  dont,  grâce  à  Dom  Pothier, 
le  monastère  de  Solesmes  commençait  à  devenir  le  centre.  M.  Vigourel,  qui  resta  tou- 
jours un  fidèle  disciple  du  maître  bénédictin,  tint  à  honneur  de  donner  son  concours 
actif  à  la  Schola  Cantorum  alors  fondée  par  Bordes,  Guilmant  et  d'indy,  et  accepta  la 
charge  de  Directeur  des  études  grégoriennes  dans  la  nouvelle  école,  charge  qu'il  conserva 
pendant  quelque  temps.  De  même,  l'excellent  Sulpicien  commençait  sa  collaboration  à 
notre  revue  :  il  y  donna  des  articles  appréciés,  soit  sur  des  curiosités  musicales,  soit  sur 
des  sujets  purement  liturgiques.  Vaillant  travailleur,  et  d'une  robustesse  rare,  |  M.  Vi- 
gourel fit  partie,  pendant  des  années,  de  la  Commission  de  chant  grégorien  formée 
pour  la  revision  du  Propre  de  Paris  par  le  Cardinal  Amette,  et,  malgré  ses  quatre-vingt- 
cinq  ans,  qu'il  portait  allègrement,  parcourait  encore  Paris  la  semaine  même  qui  pré- 
céda sa  mort,  appelé  par  les  devoirs  de  sa  charge  sacerdotale  et  apostolique. 

Ses  obsèques  eurent  lieu  à  l'église  Saint-Sulpice  au  milieu  d'une  affluence  surtout 
ecclésiastique,  mais  où  quelques  maîtres  de  chapelle  parisiens,  qui  savaient  tout  ce  que 


36  Cet  tribune  to  55aint-<fàen)ai5 

la  musique  d'Eglise  a  dû  à  la  prédication  et  aux  conseils  du  cher  M.  Vigourel,  tenaient  à 
marquer  par  leur  présence  l'estime  et  l'affection  en  lesquels  ils  le  tenaient. 


Le  R.  P.  Claude  Allez  était  surtout  connu  comme  Directeur  de  la  très  importante 
revue  féminine  Le  Noël.  Mais  le  P.  Claude  était  un  poète  éclairé  et  exquis,  et  un  bon 
musicien.  Dès  les  débuts  aussi  de  la  Schola,  il  apporta  à  la  fondation  son  précieux 
concours.  Pendant  plusieurs  années,  tandis  que  grandissaient,  timides  encore,  les  Editions 
Musicales  de  la  Schola,  le  R.  P.  Allez  fut  vin  conseiller  très  écouté  :  il  comptait  parmi  la 
«  Commission  du  chant  populaire  »,  chargée  d'examiner  et  de  recevoir  les  cantiques 
français  ou  en  autres  langues  vulgaires  publiés  dans  cette  collection.  Plusieurs  de  nos  amis 
ont  certainement  encore  entre  les  mains  les  plus  anciens  tirages  des  cantiques  de  Bordes 
et  autres,  où  figure  parmi  les  censeurs  qui  les  acceptèrent  ou  les  revisèrent,  le  nom  de 
«  M.  l'Abbé  »  Cl.  Allez.  Plus  tard,  il  fonda  lui-même  la  Bibliothèque  musicale  du  «  Noël  », 
où  d'excellents  cantiques  et  motets,  anciens  et  modernes,  furent  publiés,  des  composi- 
teurs même  dont  les  noms  se  retrouvent  en  nos  catalogues.  Fidèle  ami  du  grégorien,  le 
P.  Claude  le  propagea  partout  par  la  parole  et  par  l'exemple  :  le  Congrès  noëîiste  qu'il 
avait  organisé  en  juin  dernier  lui  donna  l'occasion  de  faire  appliquer  les  idées  —  les 
nôtres  —  qui  leur  furent  toujours  chères,  et  le  rayonnement  de  son  action  incessante  et 
énergique  détermina  en  province  la  création  de  près  de  trois  cents  scholas  de  jeunes 
filles,  dans  les  millieux  les  plus  variés. 

L'église  Saint-Pierre  du  Gros-Caillou  était  trop  petite  pour  contenir  tous  les  amis  de 
ce  «  loyal  serviteur  »  de  l'Église  et  de  l'art  religieux  qui  se  pressaient  aux  obsèques  du 
R.  P.  Claude  Allez. 


Dans  l'une  et  l'autre  de  ces  cérémonies  funèbres,  ce  fut  intégralement  le  chant  gré- 
gorien de  la  messe  de  Requiem  qui  fut  exécuté;  à  Saint-Sulpice  par  un  groupe  des  émi- 
naristes  et  les  hommes  de  la  maîtrise,  sous  la  direction  de  Ph.  Bellenot,  l'un  des  doyens 
des  maîtres  de  chapelle,  disparu  lui-même  quelques  jours  après. 

Bellenot,  qui  fut  brillant  élève  de  l'Ecole  Niedermeyer  aux  jours  de  sa  plus  grande 
splendeur,  était  un  disciple  aimé  de  Saint-Saëns,  en  lequel  il  voyait  le  plus  grand  des 
maîtres,  et  au  style  duquel  il  demeura  fidèle.  Mais  s'il  conserva,  en  ses  quarante-sept 
ans  de  présence  au  chœur  de  Saint-Sulpice,  les  traditions  et  le  répertoire  en  usage, 
n'oublions  pas  que  Bellenot,  dès  l'apparition  du  Graduel  grégorien  de  l'Édition  Vaticane, 
tint  à  le  mettre  en  usage  parmi  ses  musiciens.  Il  fut  ainsi  l'un  des  premiers,  il  y  a  déjà  ' 
vingt  ans,  à  introduire  dans  sa  maîtrise  la  réforme  grégorienne,  et  cela  dès  que  le  Pape 
eût  parlé.  Et  le  maître  de  chapelle  de  Saint-Sulpice  poussa  l'oubli  de  soi  jusqu'à  faire 
appel,  pendant  quelques  semaines,  à  un  spécialiste  du  chant  grégorien  auquel  il  laissa 
l'intégrale  direction  de  son  chœur,  afin  que  le  chant  grégorien  prescrit  par  le  Souverain 
Pontife  fut  vraiment  et  sérieusement  intronisé  dans  son  église. 

Bel  exemple,  et  qu'il  faut  mettre  en  relief  pour  montrer  la  conscience  d'un  musicien 
d'Eglise  dont  la  formation  et  les  goûts  étaient  cependant  tout  autres.  Quelque  sentiment 
que  l'on  ait  sur  le  genre  musical  auquel  Bellenot  restait  attaché  —  toujours  de  qualité, 
cependant,  encore  que  nous  en  aimions  peu  le  style,  et  que  nous  discutions  de  son  degré 
de  convenance  liturgique,  —  il  faut  d'autant  plus  relever,  à  son  honneur,  cet  hommage 
rendu  par  lui  au  chant  grégorien. 

A.  Gastoué. 


a  IJflbune 
&?  (pctoaif 


Tome  MM 
N°  2  -  1928 


V* 


^ 


^gchola  (gantoram 


arts 


LA  TRIBVNE 
DE  SAINT-GERVAIS 


FONDEE  EN  1896 

PAR 


Ch.  BORDES,    ALEX.  GUILMANT 


ET 


Vincent  dIndy 
poursuit  comme  principaux  buts 

La  connaissance  des  chefs-d'œuvre  de  la  Musique   Religieuse 

L'application    pratique    du    Motu  proprio    de    Pie  X 

L'étude    raisonnée    de    l'ancienne    musique 

Les  progrès  de  l'art  religieux  moderne 

Sous  la  direction  de 
A.  GASTOUÉ  et  A.  TROTROT-DÉRIOT 


Principaux  Collaborateurs  : 

Ant.  Auda.  -  Abbé  P.  Bayart.  -  Camille  Bellaigue.  -  Eug.  Borrel. 
Abbé  L.  Boyer.  -  L.  Bragard.  -  Maurice  Brillant.  -  Abbé  F.  Brun. 
Paul  Brunold.  -  André  Cœuroy.  -  Abbé  E.  Collard.  -  Norbert  Dufourcq. 
Maurice  Emmanuel.  -  Henri  Expert.  -  Jean  Huré.  -  J.  &  L.  de  La 
Laurencie.  -  F.  de  La  Tombelle.  -  Hector  Laisné.  -  Paul  Le  Flem. 
Guy  de  Lioncourt.  -  Pierre  de  Malingreau.  -  M.-L.  Pereyra.  -  André 
Pirro.  -  Abbé  J.  Prieur.  -  F.  Raugel.  -  M.  Rouy.  -  J.  Samson.  -  Aug. 
Sérieyx.  -  G.  Servières.  -  O.  Tichy.  -  J.  Tiersot.  -  P.  Tirabassi.  -Jean 
de  Valois.  -  Ch.  Van  den  Borren. 


J.-S.  BACH 

OFFICE    EN    CHORALS 

POUR    ORGUE  (PÉDALE  OBLIGÉE) 

avec  une  préface  analytique  par 
Vincent  dINDY 

Les  10  grands  Chorals  variés  de  J.-S.  BACH,  dans  l'ordre  de  la  Messe, 
depuis  le  Kyrie  (Fons  honitatis)  jusqu'à  la  Communion,  replacés  dans  leur 
série  définitive  par  V.  D'iNDY.  Cet  ouvrage  est  adopté  pour  les  cours  de  la 
SCHOLA  CANTORUM,  aux  classes  d'orgue  et  de  composition. 

Une  belle  partition   in-4°  de  IV  et  44  pages 
Net 15  francs 


MÉTHODE  D'HARMONIUM 

PAR 

CHARLES   PINEAU 

Professeur  cPOrgue  à  la   Schola   Cantorum 

Cette  méthode  contient  toute  la  partie  technique  de  celle  de  Lemmens 
et  offre,  en  plus,  tout  ce  qu'il  est  nécessaire  de  pratiquer  pour  avoir  un  jeu 
brillant  et  sûr.  Ceux  qui  n'ont  pu  étudier  le  piano  ne  peuvent  trouver  plus 
pratique  que  cette  Méthode  qui  est  le  fruit  du  long  enseignement  de  M. Pineau 
à  la  Schola.  La  partie  "  Pièces  d'étude  "  contient  des  œuvres  doigtées  de 
J.-S.  Bach,  J.  Lemmens,  A.  Guilmant,  A.  Chauî>et,  E.  Chausson,  etcj 

Un    Volume   in-4° 

Net     20  francs 


LA  TRIBVNE  DE  SAINTGERVAIS 

Fondée  en  1895  par 
Ch.  BORDES,  Alex.  GUILMANT  et  Vincent  d'INDY 

NOUVELLE    SÉRIE    SOUS    LA  DIRECTION    DE 

A.  GASTOUÉ  et  A.  TROTROT-DÉRIOT 


SOMMAIRE  DU  N°  2  -   MAI   1928 

La  Tribune  :  A  nos  amis  et  abonnés. 

A.  Gastoué  :  Semaine-Sainte,  Orgue  et  Communion. 

J.  Samson  :  A  l'ombre  de  la  Cathédrale  enchantée  :  Mgr.  R.  Moissenet,  1. 

Notre  supplément  :  Chanson  de  Mai,  du  roi  saint  Louis  ;  Josquin  des  Prés, 
Misericordias  Domini,  à  4  voix  mixtes  (lre  partie)  ;  C.-A.  Collin,  Sacerdos 
et  Pontifex,  à  2  ou  3  voix  et  orgue  ;  Alb.  Bertelin,  Offertoire  pour  grand 
orgue. 

A.  Trotrot-Dériot,  E.  Borrel,  Abbé  G.  Villier,  Abbé  L.  Boyer,  nos  corres- 
pondants :  Le  mouvement  liturgique  et  musical,  Paris,  Province;  La 
musique  sacrée  dans  le  diocèse  de  Metz  ;  Périgueux  :  Deux  amis  dis- 
parus ;  Étranger. 

La  Rédaction  ;  N.  Dufourcq  :  Les  Livres  ;  Les  Revues. 


ÉDITIONS  MUSICALES  DE  LA  SCHOLA  CANTORUM 

269,  RUE  SAINT- JACQUES,  PARIS  (5«) 
Téléphone  :  Gobelins  4o-02.  Compte  postal  :  Paris  33i-79 


Tome  XXV  nouvelle  série  -  N°  2  Mai  1928 


LATRIBVNE  DE  SAINT-GERVAIS 

REVUE  MUSICALE 

PUBLIÉE  SOUS  LES  AUSPICES  DE  LA 


Stljola  Cantarum 


A  NOS  AMIS  ET  ABONNÉS 

Mille  fois  merci  !  L'accueil  sympathique  ménagé  de  tous  côtés  à  la  Tri- 
bune de  Saint-Gervais  renaissante  nous  a  —  non  point  surpris,  car  nous 
connaissions  les  sentiments  de  tous  à  notre  égard  —  mais  infiniment  touchés. 
De  bien  des  points  de  la  France  et  de  l'Étranger,  des  lettres  enthousiastes 
indiquent  comment  notre  nouvelle  série  était  attendue  ;  la  manière  dont  elle 
a  été  accueillie  marque  bien  notre  raison  d'être  :  la  Tribune  de  Saint-Gervais 
répond  pleinement  à  une  nécessité,  elle  tient  sa  place  particulière  dans  la 
grande  famille  de  la  musique  d'église,  et  même  de  la  musique,  tout  court. 

Nous  demandons  instamment  à  nos  amis  de  développer  autour  d'eux  le 
mouvement  si  bien  commencé,  et  de  nous  procurer  le  nombre  d' abonnements 
—  dont  beaucoup  déjà  nous  sont  parvenus  —  nécessaires  à  une  revue  pour 
qu'elle  puisse  vivre  pleinement  et  de  plus  en  plus  se  développer.  Notre  avenir 
est  entre  leurs  mains. 

A  tous,  mille  et  mille  fois  merci. 

La  Tribune  de  Saint-Gervais. 


SEMAINE  SAINTE,  ORGUE  ET  COMMUNION 

VoilÀ,  de  prime  abord,  une  juxtaposition  dont  la  raison  d'être  ne 
s'aperçoit  peut-être  pas  clairement.  On  en  aura  facilement  l'expli- 
cation dans  le  banal  récit  qui  va  suivre,  et  dont  l'enchaînement  des 
événements  qu'il  narre  a  donné  matière  à  mon  article  de  ce  jour. 

Or,  le  Jeudi-Saint,  au  matin,  n'étant  point  retenu  par  quelque  devoir 
de  ma  charge,  j'assistai,  simple  fidèle,  à  la  messe  solennelle  requise  par 
la  liturgie  de  ce  jour,  dans  une  église  du  diocèse  de  Paris  :  je  demande 
la  permission  de  ne  pas  la  désigner  plus  clairement.  Malgré  le  personnel 
chantant  assez  réduit,    l'émouvante   liturgie  se  déroula  tout  d'abord 


38  Ca  tribune  te  &ahtt-$fcrMt0 

sans  encombre.  Après  X Introït,  le  Kyrie  et  le  Gloria  furent  régulièrement 
chantés  à  deux  chœurs.  Le  Christus  factus  est,  sans  apprêts,  évidem- 
ment, mais  correctement,  suivit  l'Epître  :  toutefois,  aussi  bien  par 
besoin  sans  doute  d'éviter  une  fatigue  supplémentaire,  que  par  une 
méconnaissance  du  sens  intime  des  rubriques  du  Graduel,  le  répons 
ne  fut  pas  repris  après  le  verset,  d'où  un  vide,  un  «  trou  »,  qu'il  eût  été 
facile  de  combler,  avant  l'Evangile. 

Quoi  de  plus  majestueux,  dans  une  liturgie  aussi  solennelle  et  un 
peu  spéciale,  que  la  marche  du  diacre  portant  le  livre  saint,  aux  accents 
de  l'imposante  reprise  par  le  chœur,  du  Christus  factus  est,  lorsque  le 
soliste  a  parachevé  son  verset  jusqu'à  omne  nomenl  Mais  quel  creux 
lamentable  lorsque  ce  cortège  liturgique  s'effectue  en  silence,  et  que 
le  triptyque  du  chant,  répons,  verset,  reprise,  est  demeuré  béant! 
Passons. 

A  l'offertoire,  à  X  Or  émus  du  prêtre,  le  chantre  ne  répondit  rien. 
Nous  pensions,  tout  d'abord,  qu'une  page  mal  préparée  avait  retardé 
l'explosion  majestueuse  du  Dextera  Domini,  lorsque,  au  mépris  le  plus 
élémentaire  à  la  fois  des  rubriques  et  des  récentes  prescriptions  du 
Cardinal-Archevêque,  l'organiste  entama  une  brillante  pièce  de  César 
Franck. 

Un  Jeudi-Saint! 

Ne  savait-il  pas,  cet  organiste,  ou  le  clergé  de  son  église  n  etait-il 
pas  là  pour  l'en  avertir,  que  les  pièces  d'orgue  sont  interdites,  comme 
aussi  les  sonneries  de  cloche,  depuis  le  Gloria  du  Jeudi-Saint  jusqu'à 
celui  de  la  Résurrection?  A  défaut  de  la  lettre  des  prescriptions  reli- 
gieuses, le  simple  bon  sens  n'indique-t-il  pas  ce  qu'il  y  a  de  déplacé 
dans  l'exécution  d'une  musique  aussi  festive,  pour  une  messe  aussi 
pleine  de  recueillement,  de  tristesse,  presque? 

Après  1  Agnus  Dei,  ce  fut  bien  pis.  Dès  que  le  chœur  eût  terminé 
le  troisième  Agnus,  l'organiste  entonna  quelque  chose  comme  ceci,  et  le 
continua,  sans  souci  du  Confiteor,  pendant  la  plus  grande  partie  de  la 
communion  des  prêtres  et  des  fidèles  (et  ils  étaient  nombreux),  en  cette 
cène  mystique,  commémorative  de  la  Cène  suprême  où  Jésus  institua 
l'Eucharistie  : 

la  sol  mi  sol  do  ré  mi 

pom  pom  pom  pom  pom 

Etc.!! 

Et  il  continua,  ou  reprit,  le  malheureux,  pendant  tout  le  temps  de 
l'impressionnante  cérémonie  :  je  me  trompe,  vers  la  fin,  par  une  transi- 
tion harmonique  peu  heureusement  amenée,  il  modula   dans   un  ton 


Semaine  Sainte,  <jt>rgne  et  Communian  39 

éloigné.  Quelque  chose  d'amorphe  semblait  venir  sous  ses  doigts,  non 
sans  que  mon  oreille  crût  reconnaître,  au  passage,  quelque  chose,  mais 
quoi?  C'étaient  en  effet  les  motifs  de  l'antienne  grégorienne  pour  la 
Communion  de  ce  jour  :  malgré  l'impéritie  du  maestro,  je  le  félicitais 
tout  de  même  intérieurement  de  préparer  ainsi  un  prélude  au  chant 
prescrit,  que  l'on  aurait  dû  exécuter  au  début  de  la  cérémonie.  Mieux 
valait  tard  que  jamais.  Mais  déjà  les  derniers  fidèles  se  retiraient  de  la 
balustrade  de  communion  :  le  maître  de  chapelle  jugea  dès  lors  qu'il 
était  inutile  de  chanter  le  Dominus  Jésus.  Le  prélude  si  malheureuse- 
ment préparé  s'acheva  dans  le  vide,  lamentablement... 

A  la  procession  au  reposoir,  ce  symbole  dramatique  du  cortège  qui 
conduisit  Jésus  à  l'agonie,  à  la  prison,  à  la  mort,  de  nouveau  l'orgue 
intervint,  et  interluda,  sans  goût,  entre  les  strophes  de  l'hymne  :  il  se 
croyait  sans  doute  aux  vêpres  de  la  Fête-Dieu,  et  ne  faisait  aucune  dif- 
férence entre  le  Pange  lingua  des  triomphes  de  ce  jour-là,  et  celui  qui 
accompagnait  ce  défilé  commémoratif,  j'allais  dire  funéraire. 


Si  nous  pouvons  regretter  au  sens  le  plus  élevé  de  l'art,  que  l'Église 
interdise  aux  offices  ordinaires  de  la  Semaine-Sainte  le  jeu  de  l'orgue, 
pour  lequel  tant  d'émouvantes  pièces  ont  été  écrites  depuis  deux  siècles, 
combien  toutefois  cette  prescription  paraît  sage,  en  constatant  ce  qu'un 
organiste  suffisamment  capable  est  cependant  amené  à  faire,  par  manque 
de  goût,  en  de  tels  jours! 

Cependant,  la  question  ne  devrait  pas  se  poser  :  le  jeu  de  l'orgue 
est  interdit,  voilà  le  fait.  Pourquoi,  de  sa  propre  autorité,  un  de  nos 
confrères  en  agit-il  autrement?  Pourquoi  son  curé  ou  le  vicaire  chargé 
des  cérémonies  le  laisse-t-il  faire?  Première  question. 

Seconde  question.  Puisqu'aussi  bien,  malgré  qu'il  fût  en  l'occasion 
insolite,  le  jeu  de  l'orgue  au  moment  de  la  communion  des  fidèles 
posait  un  problème  d'ordre  musical,  comment  ceux  qui  sont  préposés 
au  soin  de  la  musique  d'église  en  prennent-ils  tant  à  leur  aise  avec  les 
rubriques? 

Or,  si  nous  étudions  dans  leur  lettre  comme  dans  leur  esprit,  les 
règles  qui  président  à  ces  fonctions,  il  est  bien  aisé  d'en  déduire  ce  que 
chacun,  soit  du  point  de  vue  purement  religieux,  soit  de  celui  de  l'art, 
devrait  se  mettre  en  mesure  d'observer.  Si  je  heurte  quelque  idée  reçue, 
quelque  habitude  de  personnes  respectables,  ou  simplement  —  et  plu- 
tôt —  quelque  routine,  je  m'en  excuse,  mais  la  faute  ne  m'en  charge 


40  £a  tribune  î>e  Batttt-tiftmjais 

point  :  elle  est  plutôt  la  résultante  des  habitudes  routinières,  que  l'on 
prend  souvent,  et  que  l'on  garde,  en  y  voyant  une  tradition,  ou  une 
règle  prétendue. 

Deux  cas  se  présentent,  en  ce  qui  concerne  une  grand'messe 
solennelle.  Ou  il  n'y  a  pas  de  communion  des  clercs  et  des  fidèles,  ou 
il  y  en  a.  De  façon  ou  d'autre,  le  cas  est  prévu  par  les  rubriques.  Pre- 
mier cas  :  la  rubrique  placée  en  tête  du  Livre  Graduel  suffit.  Elle  dit, 
au  n°  9  des  règles  à  suivre  pour  le  chant  de  la  messe,  que,  le  «  T.-S.  Sa- 
crement ayant  été  pris  [c'est-à-dire  quand  le  prêtre  a  communié],  le 
chœur  chante  l'antienne  appelée  Communion  ».  Dans  la  pratique, 
comme  il  se  trouve  que  pendant  ce  temps  le  prêtre,  et  le  diacre  s'il  y 
en  a  un,  procèdent  aux  ablutions  et  purifications  du  calice,  beaucoup  de 
personnes  se  figurent  que  l'antienne  de  la  Communion  est  prescrite 
pour  ces  fonctions  complémentaires,  d'où  la  source  d'un  abus  que 
nous  allons  bientôt  rencontrer. 

Car,  si,  pendant  une  messe  où  les  fidèles  ne  s'approchent  pas  de  la 
communion,  l'antienne  de  ce  nom  se  trouve  chantée  à  peu  près  au 
moment  des  ablutions,  c'est  simplement  parce  que  personne  ne  s'est 
présenté  pour  communier. 

Deuxième  cas  :  soit  pour  la  liturgie  solennelle  du  Jeudi-Saint,  la 
seule  de  ce  jour  où  ait  lieu  une  communion  générale  et  obligatoire, 
soit  pour  toute  grand'messe  en  laquelle  les  fidèles  communient,  ce  qui 
se  fait  presque  partout  à  Paris  entre  autres,  les  rubriques  du  Missel 
indiquent  parfaitement  l'ordre  à  observer.  On  me  permettra  donc  de  les 
reproduire  ici,  d'autant  plus  qu'elles  n'ont  rien  de  compliqué.  Au  cha- 
pitre X,  n°  6,  il  est  dit  : 

«  S'il  en  est  qui  doivent  communier  à  la  messe,  le  prêtre,  après  avoir 
pris  le  précieux  Sang,  avant  les  purifications,  ayant  fait  la  génuflexion, 
place  dans  la  pyxide  les  particules  consacrées...  [je  passe  les  prescrip- 
tions purement  cérémonielles].  Pendant  ce  temps,  le  ministre...  fait 
pour  eux  la  Confession  disant  :  Confiteor  Deo,  etc.  Alors  le  Prêtre... 
dit  :  Misereatur  vestri  et  lndulgentiam  etc....  puis,  Ecce  Agnus  Dei,... 
Domine  non  sum  dignus...  [Suit  la  Communion  de  ceux  qui  se  pré- 
sentent]. —  N°  9.  Si,  à  la  messe  solennelle,  on  fait  la  communion,  tout 
se  passe  comme  ci-dessus,  mais  on  communie  en  premier  lieu  le  Diacre, 
et  le  Sous-Diacre,  et  les  autres  suivant  leur  rang...  Pendant  ce  temps 
le  chœur  chante  l'antienne  appelée  Communion.  » 

Plusieurs  prêtres  ont  l'habitude  de  dire  ou  de  faire  dire  à  voix  basse, 
même  aux  grand'messes,  le  Confiteor,  et  ce  qui  suit.  Cependant,  le  Graduel 
contient  le  chant  du  Confiteor,  obligatoire  pour  le  Jeudi-Saint,  pour  les 


Semaine  Sainte,  #rgue  et  Communion  41 

messes  pontificales,  ou  aussi  pour  les  absolutions  solennelles  du  peuple, 
ce  qui  donne  bien  le  sens  que  cette  confession  n'est  point  secrète  !  Le 
Rituel,  de  son  côté,  même  pour  la  Communion  célébrée  indépendam- 
ment de  la  solennité  des  messes,  indique  que  le  célébrant  dit  «  clara 
voce  »,  Ecce  Agnus  Dei  et  Domine  non  sum  dignus  et  la  suite  ;  le 
Missel  précise  en  opposition,  que  les  invocations  Quod ore  sumpsimus, 
etc.,  sont  dites  à  «  voix  basse  ». 

Donc,  l'ordre  de  la  Communion  à  la  messe  chantée  s'établit  sans 
difficulté. 

Lorsque  le  Prêtre  a  communié,  le  ministre  (ou  le  diacre)  «  chante  » 
ou  dit  par  conséquent  à  haute  voix,  puisque  cela  tient  la  place  du  chant, 
le  Confiteor  :  le  Prêtre  ajoute  Misereatur,  etc.,  ayant  soin  de  dire  éga- 
lement «  à  haute  voix  »,  Ecce  Agnus  Dei  et  la  suite.  Il  communie  alors 
les  clercs  ou  les  fidèles,  et  «  pendant  ce  temps,  le  chœur  chante  l'an- 
tienne appelée  Communion  ». 

C'est  évidemment  seulement  après  cela  que  l'on  peut  chanter 
quelques  autres  antiennes,  hymnes  ou  motets,  ou  que  l'orgue  peut  se 
faire  entendre,  quand  son  jeu  est  permis  par  la  solennité  du  jour. 


D'ailleurs,  les  paroles  mêmes  des  antiennes  de  Communion  —  au 
moins  des  dimanches,  fériés,  et  fêtes  du  Seigneur,  —  indiquent  bien, 
sans  contestation,  et  par  leur  titre  même,  que  ce  ne  sont  point  des 
chants  destinés  à  être  chantés  après  que  les  fidèles  ont  communié! 
Cela  est  proprement  absurde. 

Voyez,  au  hasard,  parmi  celles  qui  se  présentent  à  ma  mémoire,  la 
Communion  de  la  Sexagésime  : 

lntroïbo...  J'entrerai  à  l'autel  de  Dieu... 

De  divers  dimanches  après  la  Pentecôte  : 

VIe  dim.,  Circuibo...  Je  circulerai  dans  son  tabernacle,  et  j'immole- 
rai l'hostie  de  la  joie... 

VIIIe  dim.,  Gustate...  Goûtez,  et  voyez... 

XIIe  dim.,  De  fructu...  Du  fruit  de  tes  œuvres,  Seigneur,  la  terre 
sera  rassasiée... 

XVe  dim.,  Panis...  Le  pain  que  je  donnerai... 

Mercredi  des  Quatre-Temps,  Comedite pinguia...  Mangezles  victimes, 
buvez  le  vin  préparé... 

XVIIIe  dim.,  Tollite  hostias...  Prenez  les  hosties,  entrez  dans  le 
sanctuaire...  Etc. 


42  £a  tribune  &e  0aint-©ertjai0 

Dans  tout  cela,  il  y  a  une  invitation  à  aller  communier,  ou  l'indica- 
tion, au  futur,  de  ce  qui  va  se  passer.  Si  l'on  peut  m'objecter  deux  ou 
trois  autres  textes  de  communion,  où  les  paroles,  prises  dans  l'Ecriture, 
contiennent  un  verbe  au  passé,  cela  est  tout  exceptionnel. 

L'antienne  de  Communion  est  faite  pour  être  chantée  pendant  la 
Communion;  tout  l'indique  : 

son  nom; 

son  texte; 

les  rubriques  des  livres  liturgiques. 

Abandonnons  donc  cette  coutume  déplorable  que  l'orgue  se  mette 
à  jouer  sans  interruption  aussitôt  après  le  chant  de  XAgnus.  Il  peut  jouer 
jusquà  la  cérémonie  de  la  Communion,  exactement  jusqu'au  Confiteor  : 
le  Confiteor  et  ce  qui  suit  doivent  être  entendus  de  tous.  Le  chœur, 
après  le  triple  Domine  non  sum  dignus  destiné  aux  fidèles,  chante  alors 
l'antienne  prévue,  et  le  chant  ou  l'orgue  peuvent  enfin  poursuivre 
jusqu'après  les  ablutions. 

On  peut  se  rappeler  avec  fruit  que,  dans  les  siècles  de  l'apogée  litur- 
gique, tout  ou  partie  d'un  psaume  était  chanté  avec  l'antienne,  pendant 
tout  le  temps  que  durait  la  communion.  C'est  là  une  habitude  excel- 
lente, que  tout  autorise,  et  que  j'ai  personnellement,  à  diverses  reprises, 
fait  revivre. 

Lorsque,  à  Rome,  la  coutume  a  repris,  grâce  à  Pie  X,  à  Benoît  XV, 
et  plus  spécialement  à  Pie  XI,  de  célébrer  certaines  grand'messes 
papales  uniquement  en  chant  grégorien,  on  a,  par  le  fait  même,  réta- 
bli l'usage  d'exécuter  plusieurs  versets  avec  l'antienne  de  commu- 
nion, ainsi  à  l'Ascension  ou  à  la  Pentecôte.  A  la  première  de  ces  fêtes, 
on  chante  sept  versets  du  psaume  Exsurgat  Deus,  sur  le  1er  ton  de 
l'Introït,  et  on  reprend  la  phrase  Qui  ascendit  de  l'antienne,  et  à  la  fin 
le  Psallite,  après  chacun  des  versets. 

Voilà  donc  la  règle  et  l'exemple. 

J'ai  moi-même  publié,  au  Bureau  d'Edition  de  la  Schola,  des  petites 
feuilles  grégoriennes  contenant  d'anciennes  antiennes  de  Communion 
avec  plusieurs  versets  :  Gustate;  Corpus  tuum,  etc.  On  les  utilisera 
aisément  pour  chanter  pendant  la  Communion,...  et  non  pas  après. 

A.  Gastoué. 


21  l'#mbre  be  la  <£atl)éî>rale  enchantée  43 


A  L'OMBRE  DE  LA  CATHÉDRALE  ENCHANTÉE 
Monseigneur  R.  Moissenet 

I 
L'HOMME 

Quel  griet  des  générations  d'artistes  n'ont-elles  pas  fait  au  clergé  de  son 
manque  de  goût,  de  son  mépris  de  l'art.  On  lui  reprochait,  entre  autres 
choses  et  par-dessus  tout,  de  n'y  voir  qu'un  divertissement  sans  importance, 
de  n'en  point  distinguer  la  portée  spirituelle,  d'ignorer  le  véritable  sens  de  son 
action  et  l'importance  de  son  rôle,  d'oublier  que  la  liturgie  —  expression  parlée, 
colorée,  chantée,  chorégraphiée  de  la  vie  intérieure  de  l'Église  —  est  l'art  par 
excellence,  celui  qui,  ayant  vassalisé  tous  les  arts,  les  rassemble  en  un  faisceau 
harmonieux  pour  en  offrir  à  Dieu  l'hommage  solennel  et  quotidien. 

Que  ce  reproche  ait  été,  en  partie  du  moins,  mérité,  qui  songerait  à  le  nier? 

Il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'à  l'époque  de  la  plus  haute  efflorescence  de 
l'art  occidental  ce  sont  les  évêques,  les  moines,  c'est  la  sainteté  qui  dirigent, 
en  même  temps  que  la  pensée  et  la  vie  sociale,  l'art.  C'est  la  sainteté  qui  crée 
l'art  îgrégorien,  le  latin  mystique,  qui  anime  la  peinture  primitive.  C'est  elle 
qui,  au  cours  des  siècles,  organise  la  liturgie. 

Comment  expliquer  le  revirement  dont  on  s'étonne? 

L'art,  pour  nos  pères,  n'était  pas  qu'un  jeu  :  il  participait  à  la  vie.  Le  poète 
antique  est  un  voyant  inspiré  ;  la  poésie  est  la  langue  du  sacerdoce.  Le  poète- 
musicien  (les  deux  alors  ne  sont  guère  séparables)  apparaît  toujours  comme 
une  sorte  de  prophète,  celui  qui  profère  la  parole  divine. 

Les  siècles  passent  ;  l'art  devient  «  une  fiction  à  laquelle  l'esprit  s'égaye  en 
liberté  ».  L'artiste,  le  poète  peu  à  peu  se  rabaissent  et  finissent  par  consentir  à 
tenir  un  rôle  d'amuseurs.  «  Plaire  au  public,  se  divertir  entre  eux  devient  le 
but  unique  ».  Et  le  vieux  Malherbe,  un  jour  d'humeur,  avoue  «  qu'un  poète 
n'est  pas  plus  utile  à  l'état  qu'un  bon  joueur  de  quilles  ».  Les  grands  musi- 
ciens du  xvne  siècle  et  même  du  xvie  n'ont  souvent  d'autre  ambition  que  d'être 
les  valets  de  musique  de  la  cour  et  de  leur  temps. 

Les  artistes  sont  donc  les  premiers  coupables  :  ils  ont  détourné  l'art  de  ses 
fins  véritables  ;  c'est  là  que  l'on  doit  chercher  l'explication  de  l'indifférence  où, 
peu  à  peu,  le  peuple  en  est  venu  à  leur  égard.  Et  si  le  clergé,  influencé  par 
cette  conception  déformée,  s'est  écarté  de  l'art,  c'est  qu'il  avait  un  goût  trop 
profond  des  réalités  spirituelles  pour  s'attacher  à  de  purs  divertissements.  Le 


44  #ft  tribune  be  0aittt-<fàen>at0 

vrai  reproche  qu'on  lui  pourrait  adresser  c'est  de  n'avoir  pas  réagi  plus  tôt,  de 
n'avoir  pas  tenu,  en  l'occasion,  son  rôle  d'éducateur,  de  chef. 

Or,  le  remous  qui  depuis  une  trentaine  d'années  agite  les  consciences  catho- 
liques a  atteint  les  artistes.  Une  renaissance  qui  semble  devoir  être  digne  de  ce 
nom  donne  actuellement  les  prémices  d'un  art  qui  s'efforce  de  chercher  inspi- 
ration aux  sources  de  la  vie  chrétienne. 

Quand  Jacques  Maritain  se  tourne  vers  les  artistes  avec  l'espoir  de  les  aider 
à  reprendre  conscience  de  leur  fonction,  sa  parole,  semble-t-il,  doit  être  enten- 
due d'abord  par  nous,  musiciens  d'église  :  en  révisant  les  voies  d'opération 
de  l'artiste,  en  nous  rappelant  que  nous  sommes  des  hommes  appelés  à  tenir 
un  rôle  nécessaire,  il  nous  réenseigne  le  sens  de  notre  action,  la  véritable  di- 
rection de  notre  vie. 

Nous  avons,  comme  les  autres,  un  métier  à  faire.  Comme  eux,  nous  sommes 
tenus  de  le  bien  faire.  Et  nos  responsabilités  vont  loin  parce  que  c'est  aux  âmes 
que  nous  parlons.  Ce  qui  différencie  notre  labeur  de  celui  du  constructeur  ou 
du  potier  c'est  que,  opérant  au  bénéfice  de  l'être,  nous  sommes  tenus  d'être  ce 
que  nous  faisons,  sous  peine  de  ne  rien  faire  d'utile. 

Cette  notion  juste  de  son  rôle,  de  son  métier  de  musicien  d'église,  Mgr  Moi s- 
senet  l'a  retrouvée  à  peu  près  seul  ;  il  en  vit  depuis  plus  de  cinquante  ans. 
Aîné  d'une  famille  nombreuse  dans  laquelle  la  musique  avait  place  d'honneur, 
dès  l'enfance  il  apprit  quelle  contribution  puissante  elle  offrait  à  la  vie.  Direc- 
teur d'un  petit  collège,  tout  de  suite  il  vit  la  place  que  le  chant  prendrait  dans 
son  apostolat.  Quand  la  prudence  regarde  encore  l'art  en  ennemi,  il  va  pré- 
tendre, lui,  s'en  faire  un  allié.  Quand,  autour  de  lui,  on  craint  de  trop  donner 
à  la  beauté  qu'on  considère  non  comme  un  attribut  de  Dieu,  mais  comme  un 
luxe  inutile  sinon  dangereux,  oubliant  que  les  parfums  même  ont  été  appelés  à 
témoigner  de  la  pensée  de  Jésus,  lui  entreprend  quoi  ?  De  remettre  la  beauté 
au  service  du  culte?  C'est  trop  peu.  Cela  fait  de  la  beauté  une  servante  étran- 
gère dont  le  culte  peut  à  la  rigueur  se  passer.  Un  luxe.  Il  veut,  bien  avant  la 
célèbre  formule  de  Pie  X,  la  beauté  intégrée  au  culte,  comme  un  élément  essen- 
tiel.  Car  le  mot  culte  n'a  pas  de  sens  s'il  ne  veut  pas  dire  :  là  tout  n'est 
qu'ordre  et  beauté.  Il  n'exprime  rien  s'il  ne  signifie  pas  l'agencement  des  pa- 
roles, des  gestes,  des  lignes,  des  couleurs,  des  sons  en  vue  d'une  traduction 
aussi  parfaite  que  possible  des  sentiments  qui  s'imposent  chaque  jour  à  la  col- 
lectivité chrétienne.  La  notion  d'art  et  la  notion  de  vie  intérieure,  dès  la  pre- 
mière heure,  apparaissent,  dans  son  esprit,  inséparables.  Et  la  volupté  qu'en- 
gendre l'art,  loin  de  la  redouter,  il  la  regardera  comme  une  grâce  divine.  Il  ne 
craindra  donc  pas  de  donner  trop  à  l'art  parce  qu'il  sait  bien  ce  qu'il  doit  don- 
ner à  la  Grâce  II  connaît  la  mesure.  L'art  pour  l'art  est  un  inconnu  pour  lui. 
Et  le  mot  de  Cocteau  —  l'art  pour  Dieu  —  il  y  a  longtemps  qu'il  l'a  inventé  et 
qu'il  le  pratique.  Maritain,  à  Cocteau,  répond  :  L'art  pour  Dieu  suppose 
Dieu  dans  l'âme.  Je  l'entends,  lui,  me  dire  :  Notre  vie  doit  être  un  continuel 


3  Timbre  ire  la  Catljeîrraie  enrtjanteV  45 

recueillement  en  Dieu  ;  c'est  Dieu  qui  doit  agir,  ce  n'est  pas  nous.  Le  beau, 
pour  lui,  dans  le  chant  sacré,  «c'est  ce  quelque  chose  d  humain,  mis  au  service 
du  culte  divin,  pour  atteindre  l'âme  et  l'émouvoir  en  charmant  et  en  élevant 
les  sens.  Par  l'art,  l'âme,  avec  toutes  ses  puissances  est  mise  en  acte  d'une  ma- 
nière intense...  Puisque  l'Église  veut  qu'on  chante,  elle  ne  peut  vouloir  que  de 
beaux  chants...  »  Voilà  son  idée.  Toute  sa  vie,  «  il  la  reprend,  il  la  remâche,  il 
la  mûrit  dans  son  âme  »  et  la  reporte,  d'année  en  année,  d'office  en  office,  d'en- 
fant en  enfant,  «  toujours  pareille  et  toujours  plus  chargée  de  sens.  » 

Prêtre,  non  seulement  il  n'a  pas  redouté  d'être  un  artiste  mais  il  a  vu  l'art 
donner  à  son  apostolat  une  orientation  singulière,  précise,  certaine.  Quand 
d'autres  hésitent,  cherchent,  tâtonnent,  se  troublent,  il  part,  lui,  d'un  pas 
ferme,  avec  certitude  :  il  sait  où  il  va,  il  sait  le  chemin.  Non  seulement  la  mu- 
sique lui  permettra  d'agir  sur  les  autres,  de  rayonner,  mais  elle  sera  un  de  ses 
moyens  d'épanouissement  personnel.  Ennemi  né  de  tout  dilettantisme,  il 
voit,  avant  tout,  les  obligations  immenses  que  l'art  lui  crée,  et  tout  son  effort 
tend  à  les  réaliser.  Le  don  de  charité  et  le  don  de  poésie  ne  sont  en  lui  qu'un 
don,  celui-ci  n'étant  qu'une  forme  de  l'exercice  de  l'autre  ;  fondus  en  la  pra- 
tique de  l'amour  de  Dieu,  ils  constituent  l'axe  de  son  action.  Une  œuvre  d'art 
ne  lui  apparaît  supérieure  que  dans  la  mesure  où  vraiment  elle  est  un  réser- 
voir mystérieux  de  vie  spirituelle. 

Évêque,  professeur  ou  curé  de  campagne,  il  eût  été  ce  qu'il  est  :  sa  vie  eût 
chanté  Dieu.  Il  ne  conçoit  l'existence  que  comme  un  poème  dont  le  thème,  à 
développer  en  nous,  est  Dieu. 

Vous  avez  approché  parfois  de  ces  hommes  de  pensée  dont  la  présence 
suffit  à  féconder  l'intelligence,  de  ces  hommes  de  prière  dont  le  seul  regard 
fait  prier.  Souvent  ils  sont  doués  d'une  étrange  puissance  de  renouvellement. 
Comme  à  de  certains  livres,  on  peut  toujours  revenir  à  eux,  sûr  que  les  mêmes 
gestes,  les  mêmes  attitudes,  les  mêmes  mots  diront  quelque  chose  de  nouveau. 
A  chaque  instant,  ils  manifestent  des  aspects  inattendus,  s'enrichissent  à  me- 
sure qu'on  les  approche,  paraissent  inépuisables.  Leur  vertu  agit  d'elle-même  : 
sans  un  mot,  sans  un  conseil  ils  vous  gagnent.  Pour  qui  a  l'avantage  de  les 
trouver  sur  son  chemin  de  tels  hommes  sont  des  signes... 

C'est  d'un  musicien  quej'entends  m'occuper.  Mais  puisqu'il  est  inséparable 
de  l'homme  approchons  celui-ci  d'un  peu  près. 

Indifférent  aux  consécrations  de  la  mode  s'il  accueille  la  réputation  et  les 
lauriers  comme  des  visiteurs  aimables  jamais  il  ne  fait  un  pas  au  devant  d'eux. 

J'entends  bien  qu'il  se  connaît.  Sa  juste  valeur  il  l'a  sondée  mieux  que  nous 
sans  doute.  Mais  sachant  bien  d'où  elle  lui  vient,  il  sait  à  qui  la  retourner  et 
ne  s'en  inquiète  qu'autant  qu'elle  intéresse  son  maître. 

Dans  la  «  corporation  »  des  musiciens  d'église  il  aurait  pu  être  un  person- 
nage influent,  quelque  syndic  faiseur  de  lois,  ou  «  gros  bonnet  »  copieusement 
palmé.  Il  aurait  pu  régenter  l'opinion  (qui  ne  demande  qu'à  se  laisser  faire),  et 
l'opinion  n'y  eût  pas  perdu  ;  mais  il  s'est  contenté  d'élever  la  voix  quelquefois 


46  Ca  tribune  te  0atttt-©mmi0 

pour  donner,  en  souriant,  sa  manière  de  voir.  Insoucieux  du  qu'en  dira-t-on 
et  plus  encore  de  ce  qui  se  dit,  il  ne  s'est  greffé  sur  aucune  puissance  et  a  su 
préférer  une  action  limitée,  mais  sûre,  à  une  action  plus  étendue  mais  incer- 
taine. D'ailleurs,  pour  réaliser  cette  action  plus  vaste,  ne  lui  eût-il  pas  fallu 
aliéner  sa  liberté,  se  livrer,  comme  d'autres,  à  des  intrigues,  à  des  calculs, 
ménager  les  cabales,  soigner  les  coteries,  politiquer  en  somme? 

Sa  nature  droite  et  fière  répugne  à  toutes  les  basses  cuisines.  Et  au  lieu 
d'une  «  place  »  qu'un  jour  il  ne  tenait  qu'à  lui  d'accepter,  il  a  préféré  garder 
sa  place  et  se  vouer,  dans  son  «  village  »,  au  service  de  quelques  vérités  qu'il 
appelle  ironiquement  des  lapalissades. 

Son  indépendance  d'esprit,  extrême,  ses  changements  d'opinion,  non  dissi- 
mulés, sur  des  questions  comme  celle  de  l'interprétation  du  chant  grégorien, 
de  la  prononciation  romaine,  l'ont  pu  faire,  aux  yeux  de  gens  mal  informés  ou 
superficiels,  passer  pour  un  esprit  paradoxal  et  même  versatile. 

Sans  doute  il  n'aime  guère,  comme  on  dit,  les  chemins  battus.  Si  notre 
époque  a  ceci  de  particulier  qu'  «  elle  suit  des  gens  qui  ne  savent  pas  marcher 1  », 
qui  le  blâmera  de  ne  point  vouloir  entrer  dans  le  troupeau  des  suiveurs? 

De  là  à  cultiver  le  paradoxe  pour  lui-même,  par  une  absurde  affectation 
de  ne  pas  penser  comme  tout  le  monde,  il  y  a  belle  distance...  N'oublions  pas 
d'ailleurs  que  certains  «  paradoxes  d'aujourd'hui  constituent  les  préjugés  de 
demain  »  et  que  «  quand  on  a  raison  vingt-quatre  heures  avant  le  commun  des 
hommes  on  passe  pour  n'avoir  pas  le  sens  commun  pendant  vingt-quatre 
heures  2  ». 

Quant  aux  variations  d'opinion,  elles  m'apparaissent  non  comme  une  fai- 
blesse mais  comme  une  nécessité  pour  qui  se  contrôle  et  réfléchit.  Un  habile 
les  dissimule,  s'il  faut,  et  n'hésite  pas  à  mettre  un  masque.  Un  homme  simple 
et  droit  dit  :  je  ne  vois  plus  comme  hier. 

Indépendance  et  liberté  de  pensée,  pas  plus  qu'un  goût  très  vif  de  la  perfec- 
tion, ne  sont  faits  pour  conquérir  la  popularité.  Connu  dès  qu'il  eut  commencé 
son  œuvre  à  Dijon,  Mgr  Moissenet  ne  fut  et  ne  sera  jamais  vraiment  populaire. 
Dédaigneux  des  petites  revues  qui  portent  noms  et  programmes  dans  tous  les 
milieux,  il  ne  les  renseigne  pas  sur  ses  réalisations.  Au  surplus  il  ne  paraît  pas 
goûter  d'une  façon  particulière  d'être  coudoyé  par  la  foule  et  je  le  vois  fort  bien 
«  courant  à  l'extrême-orient  quand  le  feu  d'artifice  se  tire  à  l'occident  ».  Aussi 
beaucoup  de  ceux  qui  l'admirent  avec  éloquence,  considérant  qu'il  importe, 
avant  tout,  de  faire  son  chemin,  le  regardent-ils  comme  un  modèle  à  ne  pas 
suivre.  Je  crois  pouvoir  affirmer  que  «  cela  ne  lui  cause  aucune  tristesse  et  que 
le  contraire  n'ajouterait  rien  à  son  contentement.  Il  lui  suffit  d'être  populaire 
parmi  ceux  qui  sont  dignes  eux-mêmes  de  lui  plaire»...  Il  appartient  d'ailleurs 
à  cette  famille  d'esprits  qui  ont,  pour  tout  ce  qui  vise  à  autre  chose  qu'exceller, 
une  indifférence  «  si  tranquille  qu'elle  ne  daigne  même  pas  s'exprimer  3  ». 

Indépendance  et  liberté  de  pensée,  même  vis-à-vis  de  soi,  goût  de  la  per- 

l.  Debussy.  2.  Rivarol.  3.  Baudelaire. 


21  t'#mbrr  &e  la  <£a%ïrrale  enchantie  47 

fection,  mépris  de  la  popularité,  autant  de  caractéristiques  de  l'homme  qui 
passe  dans  la  vie  avec  une  sérénité  à  la  fois  doucement  aimable  et  un  peu  dis- 
tante, et  du  musicien  qui  n'a  d'autre  ambition  que  de  réaliser  un  chant  qui 
enchante 

Dieu  est  à  ses  yeux  le  seul  juge  dont  le  jugement  compte  ;  mais  il  sait  que 
c'est  «  le  juge  le  plus  sévère  et  que  ses  oreilles  sont  les  plus  parfaites1  »... 

A  sa  joie  de  vivre  nous  comparons  nos  mélancolies  et  nous  comprenons 
les  causes  de  notre  médiocrité  quand  nous  voyons  la  foi  qui  l'anime,  le  feu 
qui  jaillit  de  son  regard,  la  volonté  bien  ordonnée  que  trahit  sa  main  ferme 
et  jeune. 

Cet  homme  est,  pour  nous,  une  figure. 

Devant  son  visage  vivant  nous  nous  recueillons  et  nous  méditons. 

Toute  une  année,  j'ai  suivi  ses  classes,  assis  sur  un  banc  d'écolier. 

Évidemment  de  voir  opérer  un  parfait  ouvrier  de  mon  métier  cela  m'atti- 
rait. Mais  autre  chose  m'attirait  plus  encore. 

Tous  les  jours  il  répétait  les  mêmes  observations.  Et  je  retournais  les 
entendre. 

A  chaque  leçon  je  retrouvais  les  enfants  pareillement  groupés,  pareillement 
attentifs  ;  déférents  comme  les  enfants  ne  le  sont  plus  nulle  part. 

Ce  que  j'avais  vu  une  fois  je  le  revoyais  chaque  fois.  Ce  qu'on  avait  fait 
hier  on  le  refaisait  aujourd'hui,  sur  le  même  texte  ou  sur  un  autre.  La  même 
phrase  était  redite,  à  satiété  :  jamais  les  intervalles  ne  sont  satisfaisants  pour 
cette  oreille  subtile  ;  jamais  la  tenue  des  sons  n'est  suffisante,  jamais  la  diérèse 
n'est  assez  bien  marquée,  jamais  le  rythme  n'est  d'aplomb. 

Entre  temps  des  silences,  coupés  parles  claquements  isochrones  du  métro- 
nome. 

Un,  deux,  un,  deux... 

Les  enfants,  leurs  cahiers  à  la  main  gauche,  les  reins  bien  cambrés,  comme 
dans  l'action,  la  tête  légèrement  levée,  l'œil  tendu  vers  le  maître,  attendent.   . 

Celui-ci,  au  milieu  d'eux  :  visage  osseux,  ni  beau,  ni  laid,  avec  de  fortes 
saillies,  vivant,  parlant  ;  en  tous  ses  traits,  tour  à  tour  une  fixité  ou  une  mobi- 
lité extrêmes  ;  les  yeux,  deux  rayons  ardents  ;  le  front,  de  calme  ou  d'ardeur 
inondé  ;  la  bouche,  tour  à  tour  aimable  ou  sarcastique... 

Quelques  mots,  et  le  long  corps,  pris  dans  l'étroite  douillette,  se  balance, 
coudes  serrés,  au  rythme  de  la  machine  à  marquer  les  temps.  Les  chanteurs 
ont  à  peine  recommencé  qu'un  geste  nerveux  les  arrête  ;  le  fichu  de  laine  noire 
qui  protège  les  épaules  a  glissé  sur  les  reins. 

Il  relève  ses  lunettes,  les  assujettit  au  front,  approche  des  yeux  le  diapason 
mobile  pour  vérifier  le  curseur,  s'assurer  qu'il  est  en  place. 

Une  critique,  un  son,  et  le  balancement  de  l'homme  recommence,  suivant 
la  battue  de  la  main,  courte,  sèche,  rapide,  précise,  avec  un  arrêt  à  l'extrémité 
de  chaque  battement  :  le  temps . 

1.  Saint  Augustin. 


48  Ca  tribune  he  6ahtt- Commis 

La  force  physique  de  ce  vieillard  est  comme  empruntée  aux  éléments  de  sa 
musique,  soutenue  par  les  mélodies,  mue  par  les  rythmes. 

C'est  à  l'église  surtout  qu'il  faut  le  voir,  certains  jours,  apparition  vérita- 
blement hoffmanesque,  devant  les  choristes  suspendus  à  ses  moindres  impul- 
sions :  face  crispée,  tendue,  creusée  par  l'effort  concentré  de  vouloir,  il  est  là, 
comme  hors  du  temps,  perdu  dans  les  ondes  sonores,  pris  dans  les  lacs  du 
rythme,  possédé  par  son  démon  intérieur,  flamme  mouvante  et  rayonnante, 
incorporé  au  chœur  pour  le  promouvoir  et  l'agir. 

Actif  bacchant  de  la  beauté  mystérieuse  et  divine,  «  votre  bâton  c'est  votre 
volonté,  droite,  ferme,  inébranlable  »... 

Mais  la  flambée  d'âme  il  la  réserve  pour  les  grands  jours  A  sa  classe  je  le 
retrouve,  «  préparateur  »  patient,  méticuleux,  minutieux,  maniaque,  scrutant 
son  texte  pour  en  soutirer  le  moindre  dessein,  tel  l'entomologiste  Fabre,  à  qui 
il  ressemble,  observant  à  la  loupe  les  transformations  d'une  larve,  les  évolu- 
tions d'un  insecte. 

Affectueux  ou  railleur,  content  ou  mécontent,  on  le  sent,  là,  tout  à  l'activité 
de  vivre  pleinement,  à  la  joie  de  faire  ce  qu'il  fait:  ces  enfants  qui  l'entourent; 
ses  copies,  si  soignées  ;  sa  classe,  ornée  de  chers  portraits  (celui  de  son  premier 
maître  G.  Krenger,  ceux  des  amis  de  la  maîtrise, de  quelques  musiciens  illustres, 
de  ses  élèves  préférés);  ce  mobilier  si  ordonné;  jusqu'à  l'hôte  importun,  ici, 
il  aime  tout. 

Et  de  mon  banc,  dans  mon  coin,  je  regarde,  incessamment,  comme  on 
relit,  pour  la  centième  fois,  le  même  verset  d'Imitation  dont  on  sent  bien,  à 
force  de  scruter,  la  puissance  interne,  le  principe  de  vie,  mais  dont  l'application 
pratique  désespère  1. 

«  Dijon,  c'est  le  Bayreuth  des  musiciens  d'église  »,  m'écrivait  quelqu'un  le 
lendemain  d'une  de  ces  fêtes  annuelles  de  Saint-Bénigne  dont  il  est  le  fervent 
et  scrupuleux  pèlerin. 

Maurice  Emmanuel,  le  chanoine  Clément  Besse2  et  bien  d'autres  connais- 
seurs m'en  disaient  autant.  Bref,  au  cours  de  la  guerre,  un  jour  où  j'allais  re- 
joindre la  régulatrice  d'Is-sur-Tille  pour  être  dirigé  sur  mon  régiment  je  des- 
cendis à  Dijon. 

Comme  je  traversais  ce  silencieux  quartier  de  Saint-Bénigne,  quartier 
d'églises  et  de  vieux  hôtels,  où  des  pigeons  familiers  trottent  aux  jambes  des 

1.  L'école  de  la  maîtrise  fut,  pendant  bien  des  années,  dirigée  par  trois  des  frères 
Moissenet,  tous  les  trois  prêtres.  Le  chanoine  Joseph  Moissenet  seconde  encore  actuelle- 
ment Mgr  René  Moissenet.  Il  remplit  la  tâche  délicate  d'accompagnateur  et  assure  la 
préparation  première  des  enfants.  Rôle  ingrat  entre  tous  et  qui  exige  autant  de  savoir 
que  de  patience  et  de  modestie.  Il  dirige  personnellement  une  chorale  féminine,  la  cho- 
rale des  jeunes  filles  de  Saint-Bénigne,  qui  chante  exquisement. 

Le  colonel  Moissenet  professe  l'histoire  et  les  mathématiques  à  l'école.  Il  est  prési- 
dent de  la  Société  Palestrina  (groupe  d'hommes  destiné  à  compléter  le  chœur  des  sémi- 
naristes) et  règne  au  pupitre  des  basses. 

2.  On  sait  que  le  chanoine  Clément  Besse,  fondateur  dé  la  chorale  des  Franciscaines 
de  Saint-Germain-en-Laye,  se  faisait  gloire  d'être  le  disciple  de  Mgr  Moissenet. 


21  Timbre  î»e  La  Cathftrale  enchantée  49 

passants,  dans  cette  rue  du  Tillot  autrefois  habitée  par  La  Monnoye  je  croisai 
un  prêtre  aux  pas  menus  et  strictement  mesurés,  allant  comme  mû  par  un 
doux  automatisme,  légèrement  incliné  ou  plutôt  concentré  par  les  ans. 

Sans  l'avoir  jamais  vu  je  le  reconnus  aussitôt. 

(Je  n'imagine  pas  le  promeneur  le  plus  distrait  passant  auprès  de  lui  sans 
dire  à  son  compagnon  :  qui  est-ce? 

Vous  l'arrêtez,  il  se  dresse,  vous  regarde  :  avant  d'ouvrir  la  bouche  vous 
avez  pris  une  attitude.  Confiance  ?  oui,  confiance  affectueuse,  mais  aussi  réserve. 
Vous  êtes  pris  d'un  secret  désir  de  plaire;  mais  à  quoi  bon  se  composer  devant 
cet  œil  qui  vous  perce?..  ) 

Je  l'abordai.  Il  m'entraîna 

Nous  sommes  chez  lui.  Je  revois  sa  chambre  d'alors,  étroite,  embarrassée 
de  livres.  Et  le  voici  :  simple,  aimable,  tel  le  modeste  artisan  d'autrefois  qui  se 
levait  pour  vous  faire  l'honneur  de  son  atelier  silencieux.  Type  du  bon  ouvrier 
(race  éteinte)  pour  qui  le  travail  bien  fait  était  un  idéal  de  vie  Jamais  pressé, 
évidemment  pas  payé  à  la  pièce  Mené  par  l'amour  de  son  métier  qui  lui  est  en 
somme  l'outil  prêté  par  Dieu  pour  forger  son  salut.  Tout  souci  de  succès 
recouvert,  protégé,  absorbé  par  la  soumission  entière  aux  exigences  du  travail 
à  faire.  S'il  n'est  point  soumis  à  la  commande  comme  le  vieil  artifex  du  moins 
il  est  soumis  à  Xordo,  et  son  idéal  d'art  est  un  office  liturgique  où  il  n'entre 
rien  d'étranger,  où  il  n'a  qu'à  réaliser  de  son  mieux  les  prescriptions  du  calen- 
drier liturgique 

Humble  il  parle  peu  ;  il  s'informe  de  vous.  Vous  devez  le  pousser  pour  qu'il 
vienne  au  sujet  qui  vous  amène.  Mais  vous  y  êtes.  Les  rôles  sont  changés. 
C'est  lui  qui  parle  Et  je  sens  son  naïf  orgueil  qui  me  domine.  Personne  mieux 
que  lui  ne  sait.  Il  le  sait.  Il  parle  de  la  prononciation  romaine,  du  chant  gré- 
gorien, avec  des  moues  et  de  francs  rires  qui  vous  fixent  sur  sa  pensée  avant 
qu'il  l'ait  énoncée...  Il  parle  de  la  polyphonie,  des  maîtres  espagnols,  de  Mora- 
les qu'il  étudie  et  qu'il  chantera  après  la  guerre  :  après  la  victoire,  Mossieu! 

Vous  auriez  aimé  l'entendre  expliquer  comment  il  conçoit  son  rôle  de  mu- 
sicien religieux,  pénétrer  du  premier  coup  dans  les  grandes  idées  directrices 
de  cette  belle  vie.  De  cela  rien,  pas  un  mot  Si  vous  voulez  savoir,  com- 
prendre, il  vous  faudra  revenir,  assister  aux  offices  ;  démêler  sa  pensée  dans 
ses  actes. 

C'est  ce  que  j'ai  essayé  de  faire. 

J.  Samson. 
(A  suivre.) 


5o  Ca  tribune  ie  0amt-©er»aiô 


NOTRE   SUPPLEMENT 

Chanson  de  Mai,  du  roi  saint  Louis. 

L'usage  de  consacrer  le  mois  de  mai  par  de  libres  chants  en  l'honneur  de 
la  Vierge  Marie  remonte  haut  :  les  manuscrits  du  xmc  siècle  contiennent  ainsi 
des  «  chansons  pieuses  »  à  Marie,  reine  de  mai,  adaptation  des  coutumes 
profanes  qui  faisaient  élire  sous  ce  titre  une  jeune  fille  que  l'on  mettait  à 
l'honneur. 

Le  manuscrit  d'où  est  tiré  cette  délicieuse  pièce  —  qui  toutefois  n'est  point 
«  d'église  »  —  la  donne  comme  ayant  été  chantée  par  le  roi  saint  Louis  et 
enseignée  par  lui-même  à  un  de  ses  écuyers  :  en  est-il  l'auteur  ?  c'est  possible. 
Inscrite  en  1914  au  concert  historique  donné  à  la  Sainte-Chapelle  par  la  Société 
Internationale  de  Musique,  cette  chanson  pieuse,  répandue  depuis  par  quelques 
copies,  a  fait  le  charme  de  tous  ceux  qui  l'ont  entendue. 

Misericordias  domini,  à  4  voix  mixtes,  de  Josquin  des  Prés. 

Admirable  exemple  d'expression  et  d'équilibre  vocal,  ce  motet  de  jubilation 
fut  pour  la  première  fois  publié  en  1519,  à  Venise,  dans  les  magnifiques 
éditions  de  Petrucci.  Originairement  écrit  comme  grand  motet  en  trois  parties, 
on  n'en  publia  bientôt  plus  que  la  première,  celle  que  nous  donnons  aujourd'hui. 

Sacerdos  et  Pontifex,  à  2  (ou  3)  voix  et  orgue, 
de  C.-A.  Collin. 

Montrant  résolument  notre  dessein  de  publier  côte  à  côte  des  modèles 
anciens  et  des  œuvres  modernes  choisies,  le  choix  de  la  Tribune  s'est  arrêté 
aujourd'hui  comme  pièce  vocale,  sur  cette  intéressante  composition  de  l'excel- 
lent organiste  de  Notre-Dame  de  Rennes. 

Bâtie  sur  les  thèmes  de  l'antienne  grégorienne,  cette  pièce  peut  servir  soit 
en  l'honneur  d'un  confesseur  Pontife,  soit  pour  l'entrée  d'un  Evêque.  Facile 
d'exécution,  ce  Sacerdos  et  Pontifex  de  C.-A.  Collin  sera  très  apprécié. 

Jubilate  Deo,  offertoire  pour  grand  orgue,  d'Alb.  Bertelin. 

Magnifique  spécimen  de  l'orgue  moderne  mis  au  service  d'une  inspiration 
grégorienne,  cet  ample  morceau,  paraphrase  des  motifs  de  l'offertoire  du 
2e  dimanche  après  l'Epiphanie  (ou  du  4e  après  Pâques),  donne  une  haute  idée 
du  talent  d'Alb.  Bertelin  en  ce  genre.  Nous  détachons  cette  belle  pièce  d'un 
cahier  de  pièces  grégoriennes  d'Alb.  Bertelin,  dont  les  Éditions  Musicales  de 
la  Schola  préparent  la  prochaine  publication. 

A.  G. 


Ce  mouvement  liturgique  et  musical  5i 


LE   MOUVEMENT   LITURGIQUE   ET   MUSICAL 

L'ACTION  PAROISSIALE 

A  Paris,  l'attention  se  porte  de  plus  en  plus  sur  l'office  en  plain-chant  et  sur  la  part 
que  les  fidèles  y  prennent.  Le  meilleur  exemple  est  donné  à  Notre-Dame  de  Lorette  où 
M.  l'abbé  Ségaux  forme  et  entraîne  depuis  longtemps  des  fidèles  dont  le  nombre,  sans 
atteindre  celui  des  livres  achetés  :  i.5oo,  n'est  pas  moins  respectable.  Plus  ancien  de  beau- 
coup est  le  chant  collectif  à  Saint-Antoine-des-Quinze- Vingts;  on  nous  dit  qu'un  grou- 
pement plus  rationnel  bien  dirigé  dans  la  nef  permettrait  d'éviter  les  flottements  qui  dépa- 
rent l'exécution.  La  réponse  unanime  est  réalisée  à  Notre-Dame  du  Rosaire  grâce  au 
clergé  qui  chante  en  liaison  avec  les  fidèles  dont  la  voix  est  très  bien  perçue  à  la  tribune, 
par  l'organiste  qui  accompagne  ;  on  y  entend  une  bonne  psalmodie  et  le  Credo  111. 
Après  quelques  vicissitudes  la  nef  de  Saint- Jacques  du  Haut-Pas  réalise  de  nouveaux 
progrès,  grâce  à  l'Association  paroissiale  du  chant  liturgique  formée  par  M.  l'abbé 
Beaussart  et  aux  leçons  que  R.  Lefebvre  peut  donner  plus  efficacement  (comme  succes- 
seur d'Ach.  Philip,  démissionnaire)  à  ceux  dont  il  s'occupe  depuis  longtemps  et  qu'il 
accompagnera  ou  dirigera  lui-même,  dorénavant.  Un  bel  essai  à  Saint-Dominique  (la 
jolie  église  dont  le  dôme  byzantin  se  voit  derrière  la  gare  de  Sceaux)  n'a  pas  eu  de 
suite  ;  l'élan  semblait  réel  ;  la  méthode  a-t-elle  fait  défaut  ?  C'est  le  moment  de  conseiller 
la  lecture  des  articles  si  judicieux  de  M.  l'abbé  Bayart  :  Pour  que  le  peuple  chante, 
que  publie  La  Petite  Maîtrise.  Quand  il  a  chanté  un  ou  deux  dimanches  le  peuple 
n'est  plus  responsable  de  son  mutisme  ;  un  clergé  s'honorerait  en  l'amenant  à  reprendre 
un  rôle  sans  lequel  l'office,  diminué,  moins  dynamique,  mal  suivi  à  la  tribune  par  le 
chœur  de  figuration,  n'a  plus  le  caractère  que  la  liturgie  impose.  Ce  rôle,  le  vaillant  curé 
de  Notre-Dame  de  Bercy  le  maintient  dans  son  église.  Le  chant  alterné  rehausse  vêpres 
et  la  procession  mensuelle  :  à  Notre-Dame  d'Auteuil  où  des  religieuses  répondent  avec 
style  et  douceur  ;  à  Notre-Dame  dont  la  confrérie  timide  aurait  pu  se  développer  ;  en 
banlieue,  à  Sceaux,  Gentilly,  Asnières,  Vincennes,  Arcueil,  Bourg-la-Reine.  Il  paraît 
qu'au  Rosaire  de  Saint-Ouen  la  foule  et  le  clergé  chantent  également  et  le  grégorien  y 
serait  bon  sans  la  rapidité  exigée...  afin  d'écourter  les  offices  !  A  Sainte-Elisabeth  les 
hommes  chantent  le  Credo  de  Du  Mont  à  la  messe  de  11  heures;  l'assemblée  fait  de 
même  à  Suresnes  (Notre-Dame  de  la  Salette).  Ces  essais  de  chant  unanime  indiquent  ce 
qu'on  pourrait  faire  ;  ils  réussissent  dans  la  mesure  où  l'agrément  des  fidèles  est  obtenu 
par  l'autorité  morale  des  curés. 

On  parle  souvent  de  «  maîtrises  ».  Paris  n'en  compte  plus  guère  :  les  enfants  ne  chan- 
tent plus.  Notre-Dame,  Saint-Nicolas-du-Chardonnet,  Saint-Louis-en-L'Ile  en  ont  et 
font  encore  figure.  Quelques  enfants  «  tiennent  »  à  Saint-Sulpice,  au  Sacré-Cœur^  Saint- 
Pierre-de-Montrouge,  peut-être  ailleurs,  mais  noyés  dans  les  chorales  mixtes  par  les- 
quelles le  chant  liturgique  ne  trouve  qu'une  formule  bourgeoise,  laïque,  terriblement 
précaire  et  limitée.  Le  meilleur  écho  des  grandes  choses  c'est  tout  de  même  à  Notre-Dame 


52  Cet  t&rtbmte  be  0ahtt-<fôm)aiô 

qu'on  l'entend;  M.  l'abbé  Merret  s'y  dépense  et  présente  un  plain-chant  sérieux  bien  ac- 
compagné par  M.  Albert  Serre  ;  ravissante  est  la  sonorité  des  enfants  ;  les  voix  du 
Grand  Séminaire  sont  grosses  mais  nourries  ;  l'ensemble  fait  bien  dans  les  chorals,  les 
messes  harmonisées  de  Du  Mont,  toujours  en  tête  du  répertoire  facile  que  les  conditions 
actuelles  imposent.  Comme  autrefois  à  Saint-Merry  (paroisse  où  le  chant  est  tombé  à 
rien),  M.  l'abbé  Baudrier  a  fait  surgir  à  Saint-Louis-en-L'Ile  une  maîtrise  d'enfants  ;  elle 
se  présente  au  chœur  et  en  aube  ;  des  clercs  la  complètent  ;  les  voix  sont  à  exercer  mais 
l'esprit  est  bon,  le  grégorien  est  à  l'honneur,  la  bonne  musique  s'inscrit  au  répertoire.  De 
son  côté  M.  Riba  Marti,  maître  de  chapelle,  dirige  une  chorale  capable  d'aborder  de 
grandes  œuvres  :  Missa  brevis  (Palestrina),  Messe  du  pieux  roi  saint  Louis  (Marc  de 
Ranse)  ;  et  il  est  accompagnateur  émérite. 

Le  rôle  des  chorales  commence  après  celui  de  ces  unités  régulières  incorporées  au 
service  du  chœur,  où  elles  observent  les  prescriptions  du  rituel  et  contribuent,  de  cette 
façon,  à  la  haute  tenue  liturgique  de  l'office.  Les  chorales  ont  un  revers  ;  elles  ne  chan- 
tent que  par  intermittences.  Elles  sont  à  voix  mixtes.  Elles  font  «  maîtrise  »  quand  le 
zèle  plus  grand  des  femmes  les  attire  au  lutrin  à  peu  près  chaque  dimanche.  C'est  le 
cas  à  Saint-Eustache.  Dans  cette  nef  immense  F.  Raugel  songe  toujours  et  avec  raison 
au  métal,  à  l'effet  sonore  que  comme  toute  autre  musique,  sous-entend  le  grégorien  ;  son 
plain-chant  un  peu  rude  et  rapide  porte  quand  la  masse  l'exécute  à  l'occasion  des  grandes 
fêtes;  mais  les  femmes  qu'il  emploie  ne  donnent  que  l'esquisse  des  pièces  alléluiatiques 
pour  lesquelles  il  faut  le  timbre  mordant  des  enfants.  Le  chœur  est  à  son  aise  avec  la 
polvphonie  et  la  musique  moderne.  Fréquente  est  l'exécution  des  messes  de  Lassus 
Palestrina,  Victoria,  Gabrieli  ;  on  les  a  entendues  avant  Pâques  ainsi  que  les  Passions  et 
Répons  de  Victoria  pendant  la  Semaine  Sainte.  Rameau,  Hœndel,  Mozart,  sont  au  réper- 
toire courant  des  saluts  ;  de  même  les  chorals  et  cantates  de  Bach.  Le  xvue  siècle  est 
représenté  par  Schutz,  Lalande,  Lully,  Du  Mont,  Clérambauît,  Sébastien  de  Brossard  ; 
de  ce  dernier  le  Canticum  eucharisticum  «  pro  pace  anno  1667  »  exécuté  à  Meaux  puis 
à  Saint-Eustache,  a  été  une  révélation  ;  nous  y  reviendrons.  Les  modernes,  même  très 
avancés,  figurent  sur  les  programmes  de  Saint-Eustache  :  Gounod,  Franck,  Saint-Saëns, 
Paladilhe,  Fauré,  Dubois,  Widor,  La  Tombelle,  Vierne  ;  Liszt  et  Bruckner;  Caplet,  Ber- 
thier,  Bl.  Lucas,  Bertelin,  Mulet,  etc.  Par  ses  fonctions  régulières  et  par  ce  qu'elle  pré- 
sente, la  Maîtrise  de  Saint-Eustache  tient  la  tête  des  groupes  actifs  adonnés  à  la  vraie 
musique  d'église  à  Paris. 

D'autres  chorales  moins  solides,  moins  homogènes  mais  qui  doivent  à  certains  élé- 
ments réguliers  d'être  des  militantes  du  plain-chant,  existent  à  Notre-Dame  du  Rosaire, 
à  Saint-Dominique,  à  Saint-Lambert,  à  Saint-Léon,  à  Bourg-la-Reine  et  Arcueil.  A 
Saint- Antoine,  la  schola  de  M""  de  Laforcade  (60  voix  féminines)  permet  l'exécution 
soignée  du  propre.  Dans  le  même  sens  agissent  avec  un  noyau  de  professionnels,  A.  Le 
Guennantà  Saint-Pierre  du  GROs-CAiELOuet  M"le  C.  Gauthiez  à  Notre-Dame  d'Auteuil. 
Sai.m-Etienne-du-Mont  a  une  chorale  très  active;  B.  Loth  la  dirige,  elle  chante  surtout 
des  messes  polyphoniques  et  des  cantates  d'église.  Une  chorale  que  dirige  Ed.  Barraud, 
chante  avec  mérite  à  Saint-Gervais  mais  sans  passion  pour  le  plain-chant,  à  l'écart 
duquel  reste  aussi  la  chorale  de  Saint-Eugène,  qui  ne  chante  qu'à  la  messe  de  11   heures 


£e  mouvement  liturgique  et  musical  53 

sous  la  direction  de  M,  l'abbé  Brun.  Ailleurs  fonctionnent  les  «  maîtrises  à  casuel  »  dont 
les  chefs,  parfois  bons  musiciens,  ne  s'intéressent  guère  au  plain-chant;  leur  éclectisme 
n'est  que  la  marque  d'un  goût  tenace  pour  un  art  à  effets  très  imprégné  de  théâtre,  grevé 
de  fariboles  pour  solistes,  inférieur  quand  il  est  bon  à  celui  des  grands  concerts  ou  dont 
le  conventionnalisme  «  petit-bourgeois  »  s'adresse  à  des  gens  sans  culture  ;  la  moindre 
polyphonie  bien  exécutée  en  fait  sentir  l'indigence.  L'appareil  de  ces  «  maîtrises  »  com- 
posées aujourd'hui  de  gagistes  hommes  et  femmes  est  peut-être  indispensable  ;  ce  n'est 
qu'une  façade  ;  tout  se  fait  sans  répétitions  ;  on  est  à  l'heure  et  on  chante  toujours  la 
même  chose  ;  la  routine  s'accompagne  de  dégoût  ;  dernièrement,  nous  avons  entendu 
des  choristes,  une  sélection  de  choristes  !  massacrer  l'Ave  verum  de  Josquîn,  X  Ave  Maria 
dit  d'Arcadelt,  chanter  moins  mal  un  Tantum  de  Bach  —  le  tout  «  a  cappella  »;  c'était 
à  Saint-Germain-des-Prés. 

La  grossièreté  à  pleine  voix  a  du  crédit,  au  moins  à  Paris.  Le  clergé  n'aperçoit  plus 
qu'il  est  mêlé  à  cette  décadence.  Il  en  est  victime,  s'accoutumant  à  ce  dont  il  faudrait 
préserver  le  public.  De  là  sa  tiédeur  pour  une  Manécanterie  comme  ces  «  Petits  à  la 
croix  de  bois  »  qui  manquent  leur  but  à  la  messe  basse  qu'on  leur  impose.  Ils  ont  l'air  de 
revenants  ces  «  Petits  Chanteurs  à  la  croix  de  bois  »  !  On  les  admire  avec  une  curiosité 
mêlée  d'inquiétude.  Ils  ne  sont  pas  du  siècle.  Mais  la  tradition  qu'ils  raniment  en  impose 
aux  séculiers  libéraux  qui  éprouvent  du  remords  devant  l'évidence  du  vrai,  du  pur  style 
liturgique  qu'ils  font  revivre.  La  Manécanterie  n'atteint  pas  la  perfection  de  l'art  que 
des  naïfs  ou  des  flatteurs  lui  attribuent  ;  son  recrutement  le  lui  interdit  ;  mais  elle  est  la 
voix  et  l'apparition  du  chœur  en  aube  ordonné  pour  l'office,  attentif  à  l'autel  et  dont  l'es- 
prit de  prière  soutient  un  chant  suave  qui  touche  les  âmes.  Les  enfants  —  une  quaran- 
taine —  comptent  de  bons  soprani  à  la  voix  flûtée  et  candide.  La  confrérie  cherche  des 
hommes  pour  équilibrer  les  pupitres,  condition  primordiale  d'une  bonne  polyphonie  ;  elle 
est  venue  à  Bourg-la-Reine  (où  le  groupe  paroissial  lui  a  répondu)  au  retour  d'un  voyage 
triomphal  à  Toulouse  et  à  Carcassonne  dans  la  semaine  de  Pâques,  avec  M.  Gastoué 
comme  accompagnateur  ;  nous  en  aurons  la  relation. 

Pour  achever  d'esquisser  la  situation  à  Paris,  disons  qu'on  entend  à  l'Eglise  des 
Etrangers,  le  troisième  dimanche  du  mois,  l'excellent  Groupe  de  la  Schola  Cantorum. 
C'est,  à  côté  de  l'Institut  grégorien  qu'inspire  et  dirige  Solesmes,  l'organe  de  l'École  qui 
n'a  cessé  de  promouvoir  et  d'enseigner  à  fond  le  plain-chant.  Qu'on  veuille  bien  nous 
laisser  choisir  l'heure  d'en  commenter  les  exécutions. 

On  pourrait  devoir  aux  Chanteurs  de  Saint-Gervais  dont  la  «  Tribune  »  nous  sert 
d'enseigne,  le  couronnement  de  l'action  paroissiale,  dans  la  capitale.  Mais  le  groupe  ne 
chante  plus  qu'à  Noël  et  à  Pâques.  On  l'entendait  naguère  six  fois  par  an.  Il  lui  manque 
une  aide  matérielle,  un  patronage,  une  amitié  puissante  et  pratique  auprès  du  public.  On 
dira  que  du  temps  de  Bordes  il  avait  plus  de  prestige.  Soit.  Bordes  avait  une  élite  jeune 
qui  s'est  usée  depuis.  Celle  qu'a  maintenue  L.  Saint-Requier  et  qui  persiste  avec  P.  Le 
Flem  mène  une  dure  existence.  Au  lieu  d'un  privilège  reconnu  par  des  subventions,  les 
Chanteurs  de  Saint-Gervais  ont  le  droit  commun  des  troupes  mercenaires  dont  les 
membres,  collectivement  intéressés  à  la  recette,  doivent,  en  outre,  chacun  pour  soi,  quê- 
ter ailleurs  les  cachets  qui  les  font  vivre.  Ce   n'est  pas  gai.  C'est  l'effet  des  institutions 


54  Ca  tribune  îre  &amt-<&fn)at* 

libérales  qui  tuent  les  corporations  et  démunissent  l'homme.  C'est  l'effet  de  l'inatten- 
tion des  têtes  qui  dirigent,  de  l'absence  de  culture,  de  mécénat  éclairé,  d'aristocratie. 
Une  initiative  métropolitaine  fait  défaut.  M.  le  Curé  de  Saint-Gervais,  si  vaillant,  ne  peut 
pas  tout  faire.  Il  ouvre  son  église  à  des  habitués  qu'on  prévient  par  voie  d'affiches.  La 
compagnie,  si  elle  couvre  ses  frais  avec  le  produit  des  places  réservées  et  des  quêtes,  n'a 
pas  le  moyen  de  renouveler  son  matériel,  encore  moins  celui  d'enrichir  son  répertoire. 
Les  œuvres  qu'on  a  trop  entendues  perdent  de  leur  intérêt.  D'autre  part,  le  stimulant  de 
la  nouveauté  manque  aux  chanteurs,  dans  le  même  temps  que  l'Etranger  envoie  ses  corps 
d'élite  donner  l'exécution  modèle  transcendante,  de  pages  que  nous  ignorons.  Les  Chan- 
teurs de  Saint-Gervais  souffrent  de  cette  concurrence.  Ils  en  souffrent  matériellement  et 
moralement.  Ils  sont  comme  la  «  Vieille  garde  »  qui  se  replie  sur  elle-même  :  la  manœuvre 
est  encore  splendide,  la  cohésion  du  tir  s'applique  aux  voix  dont  la  nappe  est  toujours 
puissante;  mâle  était  le  Popule  meus  comme  Y  O  vos  omnes  de  Victoria  entendus  le  Ven- 
dredi-Saint et  nous  n'insistons  pas  sur  d'autres  belles  choses  ;  un  jeu  plus  ardent  et  plus 
souple  serait  possible  mais  avec  des  voix  neuves;  le  pupitre  des  altos  est  faible;  quelques 
ténors  peinent  à  l'aigu  et  font  baisser  le  chœur  ;  P.  Le  Flem  corrige  beaucoup  de  choses, 
son  adresse  vaut  son  tempérament  jeune,  il  a  la  confiance;  c'est  à  lui  à  mener  le  train 
des  idées  et  de  l'interprétation  dynamique  dont  tous  les  grands  chefs  étrangers  donnent 
l'exemple.  Qu'il  s'agisse  d'exécution  chorale,  de  polyphonie,  de  théâtre  et  maintenant 
d'orchestre,  nous  sommes  distancés,  presque  éclipsés  par  le  reste  du  monde.  Ce  n'est 
qu'un  cri.  La  répercussion  du  fait  et  du  cri  fera  le  vide  autour  de  nos  œuvres,  celles 
d'église  comme  les  autres,  si  nous  en  restons  aux  moyennes  qualifiées  «  mesure  »  dont 
nous  avons  pris  l'habitude.  On  a  parlé  d'  «  outrance  »  à  propos  du  jeu  dégagé  des  Ro- 
mains que  fait  chanter  M£r  Casimiri.  Ils  ont  retrouvé  le  Rythme,  c'est  bien  quelque  chose. 
C'est  par  là  qu'on  force  l'admiration  et  l'attention.  Chacun  est  frappé  de  1'  «  outrance 
de  la  modération  »  qui  sévit  en  France.  Elle  ne  cache  pas  du  tout  l'atonie,  le  manque  de 
finesse  musicale  qui  fait  faire  la  moue  aux  connaisseurs.  Nous  sommes  trop  à  la  lettre 
et  à  la  mesure  précisément  des  partitions  sous  lesquelles  il  y  a  autre  chose  à  lire.  Gare 
à  la  fausse  «  mesure  »!  —  à  la  mesure  «  topo  »  comme  à  la  mesure  que  marquent  les 
barres.  Et  puis,  qui  a  dit  qu'  «  une  certaine  outrance  convient  à  l'art  »  ?  Quelqu'un  sans 
doute  qui  sait  que  l'expression,  pour  être  totale,  veut  ses  paroxysmes. 

Revenons  aux  «  Saint-Gervais  ».  Ayant  la  tradition  ils  ont  naturellement  la  clé  du 
grand  style.  Leur  orgue  vocal  parle  souvent  très  bien.  En  donnant  l'impression  de  mon- 
ter encore,  de  ne  le  céder  ni  à  Rome  en  intensité  ni  à  Malines  en  onction  et  plénitude, 
ils  ramèneront  le  goût  de  ne  rien  voir  au-dessus  d'eux,  ce  qui  est  le  bon  moyen  de  forcer 
l'attention  de  ceux  qui  peuvent  et  doivent  les  aider  soit  par  un  haut  patronage,  soit  pécu- 
niairement. Il  est  temps  que  les  Chanteurs  de  Saint-Gervais  chantent  plus  souvent,  impo- 
sent moralement  leur  concours,  distancent  et  éliminent  partout  certains  médiocres  —  au 
lieu  de  faire  figure  d'une  institution  délaissée  et  qui  s'abandonne. 

A.  Trotrot-Dériot. 

P.  S.  Laissant  pour  aujourd'hui  Y  Action  paroissiale  en  province,  nous  donnons  seu- 
lement plus  loin  quelques  notes  reçues  de  nos  correspondants. 


Ce  mouvement  liturgique  et  musical  55 

Quelques  Auditions  a  l'Eglise 
TOBIE,  d'Albert  Alain.  —  Tobie,  le  bel  oratorio  biblique  d'Albert  Alain  fait  son 
chemin.  On  l'a  entendu  à  la  Madeleine  le  l4  décembre.  Comme  à  la  cathédrale 
Saint-Louis  de  Versailles,  avec  les  mêmes  éléments  («  Guilde  Sainte-Marie  »  renforcée 
par  des  voix  d'hommes  pour  les  ensembles)  et  les  mêmes  distingués  solistes  :  Mme  Gri- 
veaux-Bittard,  MM.  Delort,  R.  Gilles,  A.  Sabatier,  M.  l'abbé  Huet  conduisit  l'exécution. 
L'auteur  tenait  l'orgue  d'accompagnement.  Le  R.  P.  Padé  fut  l'orateur.  Au  grand  orgue 
le  maître  Dallier  joua  Electa  ut  sol(n°  5  de  ses  Invocations),  plus  tard  une  Improvisation, 
à  la  fin  Toccata  et  Fugue  en  ré  mineur  de  Bach. 

Tobie  a  de  grandes  qualités  et  quelques  défauts.  Ses  récitatifs  continuent  à  paraître 
monotones.  Quelques  coins  d'orchestre  manquent  de  substance .  Le  procédé  ne  se  fait  pas 
oublier  toujours.  Mais  ailleurs  la  couleur  l'emporte  ainsi  qu'un  lyrisme  original  traduit 
par  de  beaux  airs  (Tobie,  Sara),  des  chœurs  très  bibliques  (Scène  des  Noces),  des  ensembles 
à  la  Hsendel  et  surtout  ces  chorals  dont  l'élan  catholique  fait  oublier  Luther  et  l'antique 
forme. 

Du  Salut  qui  suivit  : 

0  sacrum  convivium  (Alain);  Ave  Maria  (Victoria);  Tu  es  Petrus  à  2  v.  (Ant.  gré- 
gorienne) ;  Tantum  ergo  (Alain)  ;  Laudate  Dominum  in  sanctis  e/us  (Alain), 

nous  avons  retenu  l'arrangement  de  Victoria  à  3  voix  de  femmes  :  transposé  à  la  quarte 
en  la,  X Ave  Maria  sonne  vert-vif,  sans  mystère  ;  et,  dans  ce  jeu  de  tête  (comme  effet  ) 
l'allure  rapide  du  Sancta  Maria  a  achevé  de  le  compromettre  ;  il  aurait  fallu  entendre 
Casimiri  et  ses  «  Romains  »  ! 

A  la  Madeleine.  —  Sous  la  présidence  de  Son  Éminence,  un  Salut  solennel  précédé 
d'une  audition  de  motets  et  de  pièces  d'orgue  a  été  donné  le  25  février  au  profit  de  la 
caisse  de  secours  de  l'Union  des  Maîtres  de  chapelle  et  Organistes. 

A  son  orgue  de  56  jeux  et  à  4  claviers,  le  maître  Dallier  impose  les  qualités  qui  ont 
fait  sa  réputation  de  virtuose  et  d'improvisateur  ;  il  joua  : 

1  Grande  Fugue  en  mi  mineur  (Bach)  ;  2.  Fantaisie  en  ut  (Franck)  ;  3.  O  clemens, 
o  pia  (Dallier);  4.  Versets  improvisés  pour  le  Magnificat;  5.  Improvisation  sur  le  thème 
du  Final  du  Concerto  en  ré  de  Haendel.  %\ 

Auprès  de  lui  M.  Jacob  présenta  deux  pièces  de  sa  composition  :  a)  Andante  de  la 
Symphonie  ;  b)  Scherzo  ;  la  fantaisie  en  est  délicate  et  agréable. 

On  ne  peut  que  louer  la  plénitude  du  groupe  des  Chanteurs  de  la  Sainte-Chapelle 
avec  lequel  M.  l'abbé  Delépine  obtient  naturellement  de  beaux  effets.  On  entendit  l'un 
des  plus  beaux  motets  de  Lassus,  Nos  qui  sumus  in  hoc  mundo  ;  le  Psaume  «  Miserere» 
de  La  Lande,  malheureusement  incomplet  :  un  chœur  de  M.  Noyon,  robuste  comme  tous 
ceux  qu'il  écrit  :  Gloire  à  l'Éternel;  enfin,  pour  le  Salut,  les  morceaux  suivants  : 

1.  Ave  verum  {Chérion);  2.  Magnificat  (Vivet)  ;  3.  Tu  es  Petrus  (P.  Kunc)  ;  4.  Tan- 
tum ergo(D.  V.  Fumet);  5.  Psaume  99  :  «  Peuples  de  toute  la  terre  »  (M.   de  Ranse). 

Beaucoup  de  grands  accords  bien  mesurés  et  plaqués  en  faveur  des  voix,  que  cette 
simplification  rend  maîtresses  de  l'effet  matériel.  On  songe  ici  au  Magnificat  sonore  mais 
sans  pensée,  de  M.  Vivet;  ni  le  rythme,  ni  les  figures  n'y  ont  de  relief;  il  est  au  faux- 
bourdon  Renaissance  ce  qu'est  aux  châteaux  de  la  Loire  l'hôtel  Lutetia  du  boulevard 
Raspail.  Ce  qui  pouvait  avoir  du  style  nous  a  paru  être  chez  M.  Fumet  qui  écrit  toujours 


56  Ca  tribune  te  0ahtt-<fômmhï 

en  musicien  de  la  bonne  école.  Dans  Peuples  de  toute  la  terre  (Psaume  XCIX),  Marc 
de  Ranse  a  voulu  prendre  visage  de  «  Primitif  »  ;  sa  facture  personnelle  sauve  le  jeu  de 
ses  robustes  accords  un  peu  sommaires  et  tout  en  angles,  alternés  avec  un  cantique 
polyphoné  dans  le  goût  de  Franck  ;  les  traits  sont  trop  simplifiés  ou  naïvement  décadents; 
un  art  primesautier  peut  s'écarter  sans  trop  de  dommage  des  données  et  perspectives 
classiques  —  celui  d'Honegger  ;  ici  l'effet  massif  ou  berceur  privé  du  riche  support  d'un 
thème,  ne  les  compense  pas  ;  l'idée  est  trop  courte  et  le  lyrisme,  que  bride  la  forme, 
manque  de  dégagement.  Pensée  mélodiquement  et  avec  suite,  sans  tant  de  saillants  ni 
de  mot  à  mot,  la  page  aurait  eu  plus  de  force.  Le  secret  de  la  force  est  dans  Mauduit, 
Hsendel  et  le  Beethoven  de  la  «  Neuvième  ».  L'auteur  du  Psaume  99  y  a  pensé;  sa 
mémoire  mélodique  et  harmonique,  son  lyrisme  un  peu  verbal  l'ont  fait  s'exprimer  tout 
autrement.  Et  voilà  posé  un  cas  de  conscience  musicale  au  sujet  duquel  un  volume  pour- 
rait s'écrire...  Il  faudrait  traiter  :  style  et  procédé,  ou  classicisme  de  la  forme  et  de  l'expres- 
sion. Le  progrès  est  un  mythe  dès  que  le  passé  classique  s'atténue  ou  s'efface.  Dans 
Peuples  de  toute  la  terre  quelque  chose  à  notre  avis,  est  perdu  ;  mais  l'élan  généreux 
qui  s'y  trouve  avec  les  deux  faces  :  masculine  et  féminine  du  chant,  confère  à  la  pièce  un 
intérêt  qui  s'ajoute  à  celui  de  la  formule  assez  neuve  dont  Marc  de  Ranse  garde  le  pri- 
vilège. 


LES  CONCERTS 

D'abord  deux  mots  sur  un  des  événements  de  la  saison  :  l'inauguration  de  la  grande 
Salle  Pleyel.  A  la  sortie  des  premiers  concerts  qu'on  y  a  donnés,  il  était  très  amusant 
d'écouter  les  réflexions  :  Gomment  trouvez-vous  la  Salle  ?  —  Horrible  —  Extraordinaire 
—  On  y  est  bien  assis  —  On  se  croirait  dans  le  tombeau  de  Tout-An-Khamon  —  On  y 
entend  trop  (de  fait,  l'auditeur  placé  au  fond  de  la  salle,  à  près  de  cinquante  mètres  du 
piano,  a  l'impression  qu'il  pourrait,  avec  un  peu  d'attention,  percevoir  pendant  un  silence 
le  tic-tac  de  la  montre  battant  dans  le  gousset  de  l'artiste),  etc.,  etc.  Pour  reprendre 
un  mot  illustre  :  de  quoi  s'agit-il  ?  D'une  salle  de  concerts.  Qu'exige-t-on  d'une  salle  de 
concerts?  De  bien  entendre,  et  d'être  confortablement  installé.  Ces  deux  conditions  sont 
réunies  ici  :  on  peut  même  dire  que  l'audition  a  quelque  chose  de  miraculeux  :  on  entend 
également  bien  à  toutes  les  places.  Que  faut-il  de  plus  ?...  Ici  l'interlocuteur  fait  généra- 
lement les  réserves  relatives  à  l'étrangeté  des  formes,  à  l'inclinaison  des  murs,  aux  sin- 
gularités de  cet  immense  vaisseau,  à  sa  décoration... 

Examinons  la  question  à  la  lumière  des  principes.  On  a  fait  valoir  que  la  beauté  du 
Parthénon,  et  celle  de  la  cathédrale  gothique  proviennent  notamment  de  ce  que  l'archi- 
tecture traduit  très  exactement  les  nécessités  constructives.  Or  la  salle  Pleyel  n'est  autre 
chose  que  la  mise  en  matériaux  modernes  des  équations  définissant  la  surface  optima 
à  admettre  pour  la  meilleure  résonnance.  De  ce  côté,  aucun  reproche  sérieux.  D'autre 
part,  il  est  évident  que  beaucoup  de  gens  sont  choqués  par  la  nouveauté  des  formes  em- 
ployées ;  ici,  comme  en  musique,  comme  en  peinture,  il  s'agit  de  ne  pas  se  laisser  domi- 
ner par  la  routine.  La  salle  Pleyel  ne  ressemble  à  aucune  autre  ;  d'accord.  Mais  où  est  la 


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salle  type,  la  Salle  par  excellence?  On  a  l'habitude  de  salles  rectangulaires;  cela  ne 
veut  pourtant  pas  dire  que  jusqu'à  la  fin  des  temps,  on  ne  bâtira  que  des  salles  rectan- 
gulaires ;  toutefois  au  premier  essai  tenté  dans  une  voie  différente,  on  est  tout  désorienté. 
Ecoutons  ici  l'avis  des  spécialistes  :  les  architectes  moins  réfractaires  que  le  commun  à 
l'évolution  des  formes,  trouvent  que  le  «  parti  »  adopté  est  digne  d'attention.  Est-ce 
là  un  modèle  définitif  auquel  on  finira  par  s'habituer,  ou  s'agit-il  d'un  stade  intermé- 
diaire dans  la  lente  évolution  des  styles  d'architecture,  auxquels  il  faut  parfois  des  siècles 
pour  arriver  au  chef-d'œuvre  ?  Nul  ne  peut  le  dire  maintenant.  Et  le  même  point  d'inter- 
rogation se  pose  ici  pour  l'œuvre  musicale  nouvelle... 

En  ce  qui  concerne  la  musique,  on  en  a  fait  plus  que  jamais  :  le  premier  trimestre 
représente  le  chiffre  accablant  de  900  concerts...  sans  compter  tout  ce  qui  se  joue  dans 
les  églises.  Glanons  au  hasard  : 

D'une  manière  générale  les  grandes  sociétés  orchestrales  ont  des  programmes  de 
tout  repos,  comprenant  les  œuvres  classiques  ou  modernes  consacrées  ;  de  temps  en 
temps  une  «  première  audition  »  vient  apporter  un  élément  de  nouveauté.  Cependant 
les  Concerts  Poulet,  et  surtout  les  Concerts  Straram  font  spécialement  le  tour  d'horizon 
de  l'art  contemporain.  Chez  ce  dernier,  on  a  applaudi,  entre  autres,  le  beau  Psaume  XLV1 
de  FI.  Schmitt  ;  il  semble  toutefois  que  dans  le  vaste  espace  de  la  salle  Pleyel,  la  magni- 
fique phalange  instrumentale  n'a  pas  gardé  la  cohésion  et  le  fini  qui  caractérisaient  les 
exécutions  de  la  Salle  Gaveau. 

La  Schola  poursuit  la  série  de  ses  instructives  séances  sous  l'infatigable  direction  de 
V.  d'Indy  :  fragments  d'Hippolyte  et  Aricie,  de  Rameau;  du  Couronnement  de  Poppée, 
de  Monteverde  ;  la  Cantate  pour  tous  les  temps,  de  Bach  ;  la  Paraphrase  du  LXXXIVe 
Psaume,  d'A.  de  Castillon  ;  Rédemption,  de  Franck.  Soit  dit  en  passant,  au  milieu  de  ces 
chefs-d'œuvre,  l'opéra  du  Maître  français  faisait  une  fière  figure  ;  il  est  regrettable  qu'on 
ne  joue  pas  davantage  le  maître  dijonnais  ;  car  plus  on  le  connaît,  plus  on  l'admire. 

Le  monopole  des  premières  auditions  est  tenu  par  la  vieille  Société  Nationale,  et  par 
sa  sœur  cadette,  la  Société  de  Musique  Indépendante.  Comme  dans  des  laboratoires  bien 
outillés,  où  se  font  toutes  sortes  de  recherches  inoffensives  ou  dangereuses,  dans  ces 
séances  de  groupements  d'avant-garde,  on  se  familiarise  avec  la  manipulation  des  nou- 
veaux composés  sonores,  quelque  peu  explosifs  parfois  —  ce  qui  ne  va  pas,  dans  certains 
cas,  sans  déchirer  les  oreilles.  Avec  un  peu  d'entraînement  on  finit  par  se  blinder  —  et 
c'est  extraordinaire  ce  que  l'on  arrive  à  pouvoir  supporter  sans  sourciller!  Telle  est  la 
puissance  de  l'habitude.  Nos  arrière-neveux  en  entendront  bien  d'autres... 

La  musique  ancienne  est  plus  que  jamais  en  honneur —  c'est  d'ailleurs  un  des  traits 
de  la  vie  musicale  parisienne;  les  Musiciens  de  la  Vieille  France,  la  Société  de  Musique 
d'autrefois,  la  Société  Violes  et  Clavecin  élaborent  à  l'envi  des  programmes  où  on  ne  se 
contente  pas  des  œuvres  des  xvne  et  xvme  siècles,  mais  où  on  recherche  avidement  les 
pièces  instrumentales  et  vocales  du  moyen  âge.  Bientôt  les  xme,  xive,  xve  siècles  nous 
deviendront  familiers.  Ajoutons  que  ce  n'est  pas  un  mince  attrait  que  celui  d'étendre 
ainsi  ses  horizons,  de  se  pénétrer  des  sonorités  d'instruments  tombés  en  désuétude,  et  de 
trouver  des  rapports  inattendus  entre  les  pièces  les  plus  distantes  dans  le  temps.  La  So- 
ciété de  Musicologie  a  donné,  elle  aussi,  d'intéressantes  démonstrations,  entre  autres  la 


58  Ca  tribune  be  8amt~(&trvai8 

cantate  Diane  et  Actéon  de  M. -A.  Charpentier,  d'une  surprenante  finesse.  Enfin  n'ou- 
blions pas  la  Chanterie  de  la  Renaissance,  qui,  sous  la  direction  vivante  d'Henri  Expert, 
divulgue  les  trésors  de  la  Renaissance  française,  encore  si  peu  connus  qu'à  chaque  séance 
ce  sont  des  découvertes  et  des  révélations  nouvelles. 

Parmi  les  pianistes  signalons  comme  modèles  les  programmes  de  B.  Webster  :  — 
Partita  en  ut,  de  Bach  ;  Sonate  en  sol,  de  Schumann;  Gaspard  de  la  Nuit,  de  Ravel;  la 
Barcarolle,  de  Chopin  ;  Islamey,  de  Balakirew  ;  —  et  de  R.  Casadesus  :  —  Sonate 
en  si  bémol,  de  Chopin  ;  Papillons,  de  Schumann  ;  Saint- François  de  Paule,  Feux-Fol- 
lets, de  Liszt;  Prélude,  de  Roussel  ;  Alborada  del  Gracioso,  de  Ravel.  On  a  un  véritable 
plaisir  à  entendre  un  tel  choix  d'œuvres  de  premier  ordre,  —  surtout  quand  la  perfec- 
tion de  l'exécution  répond  en  tout  point  à  l'excellence  du  programme. 

Pour  terminer  —  car  la  place  est  mesurée,  et  il  faut  se  déclarer  pluribus  impar  ! 
—  citons  un  cas  très  singulier  .  la  Messe  en  si  de  Bach  a  été  donnée  récemment  à  Notre- 
Dame  par  les  Concerts  Colonne.  On  s'étonne  qu'on  en  ait  annoncé  «  l'audition  inté- 
grale »  ;  car  personne  n'ignore  aujourd'hui  les  dimensions  exceptionnelles  des  morceaux 
de  cette  œuvre,  destinés  à  être  joués  isolément,  à  des  jours  liturgiques  déterminés.  Pour 
exécuter  le  tout,  il  faut  plus  de  deux  heures  et  demie.  Or,  d'une  part,  les  exigences  du 
service  canonial  à  Notre-Dame,  ne  laissent  disponible  que  le  court  espace  de  dix  heures  à 
midi  ;  de  l'autre,  on  a  encore  allongé  cette  manifestation  artistique  en  l'adjoignant  (pour 
la  première  fois,  sauf  erreur),  à  la  célébration  de  la  messe  chantée.  Pour  ne  pas  termi- 
ner à  une  heure  indue,  on  a  été  obligé  de  supprimer  un  grand  nombre  de  morceaux,  ce 
qui  a  porté  atteinte  à  Y  «  intégralité  »  annoncée.  Il  est  vrai  que  les  fonctions  liturgiques 
de  grande  envergure,  permettant  l'insertion  d'une  œuvre  aussi  étendue,  sont  très  rares  ; 
de  toutes  manières,  il  est  désirable  que  la  liturgie,  l'art,  et  les  exigences  matérielles  ne 
se  fassent  pas  de  mutuels  dommages. 

E.  Borrel. 

Addendum  :  Notre  collaborateur  omet  précisément  de  se  ranger  parmi  les  protago- 
nistes de  la  musique  ancienne  :  non  seulement  ses  programmes  forment  une  vraie  antho- 
logie des  œuvres  des  xvue  et  xvme  siècles,  mais  sa  connaissance  de  tous  les  secrets  de 
la  technique  ancienne  lui  permet  d'en  donner  des  exécutions  d'une  rare  valeur.  La  der- 
nière séance  présentait  un  admirable  Concerto  de  Tartini,  des  duos  exquis  pour  deux 
violons  seuls  (joués  avec  M.  Fizet),  des  pièces  inconnues  de  Leclair,  Quentin,  Gian- 
notti;  elle  célébrait  notamment  les  centenaires  de  Lolli  (1728-1802),  de  Pugnani  (1728- 
179^)  —  et  dans  la  partie  vocale,  de  Steffani  (-f-  1728)  dont  une  magnifique  cantate  fut 
excellemment  interprétée  par  le  «  Duo  vocal  de  Londres  »  (Mlles  Beaufort,  soprano,  et 
Christopher,  contralto).  Ces  remarquables  chanteuses  révélèrent  une  quantité  de  pièces 
anglaises  de  Purcell,  Dowland,  Morley,  où  elles  montrèrent  des  qualités  de  diction  et  de 
style  vivement  appréciées  des  auditeurs.  Ajoutons  que  la  délicate  besogne  du  continuo  a 
été  réalisée  à  la  perfection  par  MII1RS  Borrel  et  Swainson. 

CONCERTS  D'ORGUE.  —  La  pléiade  des  jeunes  organistes  compte  un  virtuose 
de  plus  :  André  FLEURY,  brillant  élève  de  M.   Dupré  et  de  L.  Vierne.  Pour  son  début 


Cf0  €oncexts  59 

devant  le  grand  public,  chez  Gaveau,  André  Fleury  montra  l'accord  de  ses  dons  et 
d'une  technique  complète,  sans  paraître  gêné  par  les  accidents  chroniques  d'un  instru- 
ment qu'on  néglige  et  qui  fait  scandale.  Ce  qu'il  joua  était  varié  : 

1.  Prélude  et  Fugue  en  sol  majeur  (J.-S.  Bach);  2.  Trois  chorals  :  a)  Ardemment 
j'aspire  ;  b)  Réveillez-vous,  la  voix...  ;  c)  Maintenant  réjouissez-vous  (Bach)  ;  3.  Fan- 
taisie en  la  (Franck);  4.  Toccata  (Gigout)  ;  5.  Adagio  (Tournemire) ;  6.  Prélude  et 
Fugue  en  sol  mineur  (Dupré)  ;  7.  Communion  sur  un  7Voë/(Huré);  8.  Intermezzo  de 
la  Ie  Symphonie  (Widor);  9.  Andante  (Letocart);  10.  Sicilienne  (L.  Vierne);  11.  Final 
de  la  5e  Symphonie  (L.  Vierne). 

L'artiste  est  ardent  sous  une  apparence  calme  ;  il  unit  le  cœur  à  la  délicatesse  dans 
les  chorals  remplis  de  traits  légers  et  se  montra  aussi  fin  dans  les  autres  pièces  douces  du 
programme.  Bach  et  Franck  bénéficièrent  de  son  jeu  clair.  Sa  netteté  et  son  brio,  lui 
valurent  un  triomphe  après  l'exécution  de  l'originale  composition  de  M.  Dupré,  qu'il  dut 
bisser.  Et  il  se  montra  virtuose  accompli  dans  les  pièces  de  Vierne  et  de  Gigout.  Nous 
retrouverons  André  Fleury;  une  séance  des  «  Amis  de  l'Orgue  »  donnée  avec  son  con- 
cours en  sera  l'occasion. 

—  Paul  MARCILLY  a  donné  un  récital  d'orgue  à  la  Schola  Cantorum  avec  un  pro- 
gramme portant  la  marque  de  son  goût  raffiné  ;  il  exécuta  superbement  : 

1.  a)  Dialogue  en  la-mi  (N .  de  Grigny)  ;  b)  Récit  de  tierce  en  taille  (idem);  c)  Fugue 
en  ut  (Buxtehude)  ;  3.  Prélude  et  Fugue  en  mi  mineur  (Bach)  ;  4.  a)  Noël  en  musette 
avec  variations  (Daquin);  b)  Récit  de  nazard  (Dandrieu)  ;  c)  Duo  en  cors  de  chasse 
(idem);  d)  Esquisse  en  ut  mineur  (Schumann);  5.  Prélude,  Fugue  et  Variation  (Franck); 
7.  Toccata  en  fa  majeur  (Bach). 

Une  registration  soignée,  des  combinaisons  longuement  étudiées  servirent  l'art  des 
vieux  maîtres  qui  valut  aussi  par  ce  que  P.  Marcilly  communiqua  de  vie  intelligente  par 
exemple  à  la  Fugue  en  ut  de  Buxtehude,  éclairée  et  graduée  supérieurement  et  surtout 
au  Prélude  en  mi  mineur  de  Bach,  où  le  phrasé  et  le  rubato  ne  cédèrent  rien  au  prin- 
cipe du  style  uni  à  notes  égales  sans  divisions  inventé  contre  l'éloquence... 

Difficile  à  l'orgue  est  X Esquisse  écrite  pour  piano  à  pédalier  par  Schumann  ;  elle  fut 
bissée.  Des  oppositions  que  trouva  la  pièce  de  Franck,  du  brio  apporté  à  la  Toccata  en 
fa  de  Bach,  l'auditoire  se  montra  charmé.  P.  Marcilly  mit  en  outre  beaucoup  d'esprit  à 
traduire,  avec  des  jeux  bien  appropriés,  les  autres  pièces  de  D'Aquin  et  Dandrieu. 

Deux  Sonates  pour  violon  et  piano  complétaient  le  programme  :  l'une,  de  Blanche 
Lucas  remplie  d'idées,  d'élans  généreux,  de  sentiment  poétique  à  divers  titres  mais  trop 
privée  de  ligne  et  de  consistance  pour  une  sonate;  l'autre  de  P.  Marcilly,  où  revivent  les 
formes  classiques  du  style,  du  goût  et  de  l'expression  propres  à  la  musique  pure,  ordonnée 
non  pour  un  poème  sentimental  ou  un  paysage  mais  dans  le  cadre  où  l'esprit  sympho- 
nique  anime  des  généralités  qui  peuvent  admettre  la  fantaisie  et  s'accorder  aux  modes 
nouveaux  du  rythme  et  de  l'accent.  On  doit  toujours  à  quelqu'un.  C'est  Bach,  Beethoven 
et  Schumann  dont  les  influences  grandissent  P.  Marcilly  et  percent  dans  sa  sonate  : 
X allegro  est  puissamment  construit  et  développé  ;  à  X adagio  très  ample  s'enchaîne  un 
scherzo  schumannien  d'un  grand  prix;  dans  le  finale  «  piacevole  »  fusent,  en  s'imitant, 
le  piano  et  le  violon  ;  leur  caprice  est  bien  un  poème  ;  mais  l'esprit  de  la  musique,  maître 


60  £a  tribune  îre  ôamt-tëmxttô 

des  épisodes,  les  règle,  les  discipline,  les  coordonne  et  le  contraire  du  romantisme  se 
trouve  réalisé  pleinement. 

L'exécution  des  deux  œuvres  fut  impeccable  grâce  à  l'archet  sobre  et  fort  de 
Mlle  Hortense  de  Sampigny,  très  soucieuse  de  justesse,  et  au  talent  de  pianiste  que 
P.  Marcilly  ne  pouvait  révéler  à  ceux  qui  le  suivent  et  l'admirent,  comme  nous,  depuis 
longtemps. 

SCHOLA  CANTORUM.  — Chez  Gaveau  la  Schola  Cantorum  adonné  en  février  ses 
176e  et  177e  concerts.  Au  programme  :  Hippolyte  et  Aricie (acte  IV,  scène  III)  de  Rameau, 
Le  Couronnement  de  Poppée  (mort  de  Sénèque)  de  Monteverde  et  la  Cantate  pour  tous 
les  temps  de  Bach.  Le  maître  Vincent  d'Indy  dirigeait  l'exécution.  Rameau  a  plu  :  chœur 
des  chasseurs  bien  enlevé,  une  Phèdre  émouvante  (Mme  Lorée-Mourrey),  un  Hippolyte 
au  beau  timbre  (M.  Jouanneau),  un  soprano  plein  d'allant  (Mlle  Rogué).  L'air  du  Cou- 
ronnement semble  rééditer  celui  d'Orfeo,  dont  il  a  le  mouvement  admirable;  il  conve- 
nait à  la  basse  sérieuse  de  M.  Gébelin.  Joints  à  Mme  Legrand- Philip  les  mêmes  solistes 
se  firent  apprécier  dans  la  Cantate,  moins  pourtant  que  les  chœurs  où  brille  le  pupitre 
des  sopranos,  et  que  l'orchestre  dont  les  cordes  firent  merveille  en  rythmant  la  détresse 
de  l'âme  perdue  sur  «  l'affreuse  mer  »...  Citons  encore  M.  Mondain  (hautbois),  M.  Chaîne 
(trompette),  Ach.  Philip  (grand  orgue),  J.  Marseillac  (clavecin). 

SOCIÉTÉ  BACH.  —  Pour  ses  deux  premiers  concerts  à  l'Église  de  l'Etoile,  la  Société 
Bach  a  repris  la  Passion  selon  Saint-Mathieu,  donnée  intégralement.  Avec  à  peine 
cent  exécutants  y  compris  l'orgue,  G.  Bret  assure  à  l'œuvre  ses  proportions.  Dans  ce 
cadre  intime,  l'intensité  et  le  style  dispensent  de  chercher  le  grandiose.  Tout  est  au  point. 
G.  Bret  fait  un  sort  presque  à  chaque  note.  Les  oppositions  et  les  nuances  sont  splen- 
dides,  parfois  trop  étudiées  :  la  tension  du  style  peut  nuire  au  rythme.  Alourdi,  trop 
décomposé,  nous  paraît  toujours  le  giand  chœur  en  mi  initial.  Le  final  au  contraire  res- 
pire bien  après  un  départ  foudroyant  ;  c'est  Amsterdam  moins  «  im  Grabe  zu  »  et  sa 
lame  de  fond!  Que  dire  des  chorals?  Leur  plastique  n'a  d'égale  que  la  variété  du  ton  et 
du  mouvement  imposée  par  le  texte  comme  par  la  musique  où  l'on  voit  que  Bach  sut 
choisir  ses  timbres  et  aussi  ses  tonalités.  G.  Bret  y  met  la  même  dynamie  qu'ailleurs 
mais  en  tout  respect  de  la  démarche  propre  au  genre  :  des  pas  d'accords  souples,  non 
liés,  presque  détachés,  pour  accuser  l'unité  de  valeur  :  la  syllabe. 

Inutile  de  souligner  l'esprit  des  autres  interventions  du  chœur  :  la  fureur,  l'ironie, 
l'apitoiement  y  donnaient  la  mesure  du  réalisme  que  Bach  recule  seulement,  en  l'asso- 
ciant au  large  horizon  du  style. 

En  tête  des  interprètes  se  place  M.  Weynandt,  le  meilleur  Evangéliste  depuis  Walter, 
de  Berlin.  Mmes  Stooss  et  Lamond  (pour  la  lre  partie),  Malnory  et  Debonte  (pour  la  2°) 
furent  remarquables.  M.  Dufranne  cumulait  les  rôles  :  Jésus  au  moins  ne  lui  convient 
pas.  Les  chœurs  furent  merveilleux  surtout  les  hommes,  vu  leur  petit  nombre.  M.  Alex. 
Cellier  à  son  orgue,  forme  une  des  assises  de  l'exécution  ;  il  avait  joué  au  début  Prélude 
et  Fugue  en  ut  mineur,  très  bien. 

A.  Trotrot-Dériot. 


fies  Concerte  61 

LES  AMIS  DES  CATHÉDRALES.  —  Le  8  février,  M™  Jane  Arger  fit  aux  A.  D.C. 
une  causerie  sur  «  Les  Chanteurs  dans  l'Église  du  Moyen  Age  et  de  la  Renaissance». 
Elle  parla  de  ces  temps...  barbares,  paraît-il,...  «  où  il  était  aussi  honteux  de  ne  savoir 
point  chanter  que  de  ne  savoir  lire  »,  où  la  musique  était  un  des  éléments  essentiels  des 
études,  et  non  reléguée  au  rang  des  «  arts  d'agrément  »,  où  les  chanteurs  devaient  savoir 
improviser  à  vue  une  partie  de  déchant  ou  de  contrepoint  sur  un  thème  donné,  et  où 
enfin  les  compositeurs  étaient  des  chanteurs  :  Ockeghem,  Roland  de  Lassus  furent  renom- 
més pour  la  beauté  de  leur  voix. 

Cette  causerie  fut  illustrée  d'exemples  musicaux  exécutés  parles  chœurs  des  A.  D.C. 
dirigés  par  leur  excellent  chef  M.  Letocart. 

Des  solistes  :  Mlles  Chardon,  Rozan,  Masson,  Mme  Le  Roux,  prouvèrent  que  le  chant 
grégorien  est  de  la  musique  qui  doit  être  chantée  (et  non  murmurée),  et  que  des  pièces 
telles  que  le  Commovisti  (trait  ambrosien)  ou  le  Répons  de  sainte  Hildegarde  ont  été 
écrites  pour  des  chanteurs  virtuoses. 

Mlle  Masson  chanta  en  outre  la  délicieuse  »  Chanson  de  May  à  la  Vierge  »  du  roi 
saint  Louis,  que  nous  publions  dans  le  présent  numéro. 

Les  chœurs,  après  quelques  exemples  d'organum  et  de  déchant  (dont  le  «  Conduc- 
tus  ad  tabulam  »,  dit  Prose  de  l'âne,  de  Pierre  de  Corbeil)  firent  entendre  le  Kyrie  de  la 
Messe  «  Se  la  face  ay  pale  »  de  Du  Fay,  et  un  Sanctus  d'OcKEGHEM,  dont  l'archaïsme 
nous  apparaît  maintenant  comme  singulièrement  moderne. 

Une  impressionnante  exécution  d'une  des  plus  émouvantes  œuvres  du  début  de  la 
Renaissance  :YAve  Mari  a  de  Josquin  des  Prés,  nous  conduisit  par  Willaert,  et  Roland 
de  Lassus,  jusqu'à  l'Espagne  de  Victoria  et  l'Italie  de  Palestrina  (élève  du  Français  Fir- 
min  Lebel).  Le  Benedictus  et  Ozanna  de  la  «  Messe  brève  »  parut  quelque  peu  acadé- 
mique auprès  d' O  magnum  mysterium  de  Victoria,  et  surtout  de  Y  Ave  Maria  de  Josquin. 

Mme  Arger  est  l'auteur  d'ouvrages  qui  font  autorité  sur  la  technique  vocale,  le  rythme 
et  les  ornements  dans  la  musique  des  xvneet  xvme  siècles,  etc. 

Dans  sa  causerie  elle  a  paré  de  grâce  et  de  charme  une  érudition  solide  et  étendue, 
et  a  montré  comment  chantaient  nos  ancêtres  :  ils  ne  comprenaient  pas  qu'un  chanteur 
fût  ignorant  de  la  musique,  ou  qu'un  compositeur  ne  sût  point  chanter,  et  les  rois  eux- 
mêmes  (Robert  le  Pieux,  saint  Louis...)  chantaient  l'office,  dirigeaient  leurs  chanteurs, 
et  étaient  capables  de  composer  des  chants  liturgiques  ou  des  chansons  pieuses. 

Le  1er  mars,  les  A.  D.  C.  ont  donné  leur  Concert  annuel  salle  Gaveau,  au  profit  des 
vitraux  de  la  Collégiale  de  Saint-Quentin,  sous  la  Présidence  d'honneur  de  S.  A.  R. 
Mme  la  duchesse  de  Vendôme. 

Les  chœurs  et  l'orchestre,  dirigés  par  M.  Letocart,  ont  exécuté  le  Beati  omnes  de 
Michel  de  La  Lande  (surintendant  de  la  Musique  du  Roi  Louis  XIV).  Ce  Psaume  est 
composé  dans  la  forme  des  «  grands  motets  »  des  Du  Mont,  Lully,  M.-A.  Charpentier, 
fort  injustement  délaissés  de  nos  jours.  Ceux  de  La  Lande  étaient  pourtant  admirés 
encore  aux  Concerts  spirituels,  en  1752,  et  Daquin  les  trouvait  «  sublimes  ».  «  Ils  le  sont 
en  effet  (ainsi  que  l'écrit  Mme  Jane  Arger),  par  les  éléments  nouveaux  qu'ils  apportent 
à  l'art  musical  de  la  fin  du  xvne  siècle.  Ainsi  que  nous  voyons  plus  tard  H^endel  le  prati- 
quer, La  Lande  fait  dialoguer  une  voix  de  soliste  et  un  instrument  en  des  contrepoints 


62  Ca  tribune  ùe  Saint- Qbexmis 

fleuris  dignes  des  déchants  du  moyen  âge.  Ses  récits  expressifs  sont  soutenus  par  des 
harmonies  fermes  qui  dénotent  une  science  solide.  Les  chœurs  sont  traités  dans  des  so- 
norités amples  ou  avec  des  broderies  élégamment  mesurées  qui  certes  devaient  plaire  au 
roi  épris  du  style  noble  mais  pompeux  que  décèle  tout  art  de  cette  époque.  » 

Il  fut  ensuite  du  plus  haut  intérêt  d'entendre  le  Judas  Macchabée  de  H^endel,  pour 
la  comparaison  qu'appelait  le  rapprochement  avec  le  Psaume  de  La  Lande.  Il  est  bien 
évident  que  le  grand  compositeur  du  xvme  n'ignorait  pas  notre  école  française  du  siècle 
antérieur,  et  qu'il  connaissait  particulièrement  bien  La  Lande,  dont  la  réputation  s'était 
étendue  sur  toute  l'Europe,  et  «  notamment  en  Allemagne  où  ses  œuvres  tinrent  une 
large  place  ».  (J.  A.). 

M.  Letocart  dirigea  avec  la  maîtrise  et  la  perfection  que  ses  qualités  de  musicien 
doublé  d'un  érudit  lui  permettent  d'obtenir,  en  interprétant  la  musique  de  cette  époque 
à  la  fois  dans  la  lettre  et  dans  l'esprit.  Les  chœurs  furent  à  la  hauteur  de  leur  réputation. 
Les  solistes,  aussi  bons  chanteurs  que  bons  musiciens,  exécutèrent  avec  aisance  les  pages 
les  plus  difficiles  :  Mme  Jean  Droit  surpassant  dans  ses  vocalises  les  flûtes  (ou  les  rossi- 
gnols), M.  de  la  Patellière  dialoguant  avec  les  «  trompettes  éclatantes  »,  sans  oublier 
Mme  Le  Roux,  MM.  Jean  Hazart  et  de  Saint-Martin  qui  interprétèrent  dans  le  meilleur 
style  les  soli  de  contralto,  baryto  i  et  basse. 

Il  est  regrettable  que  la  Maison  Gaveau,  qui  pourtant  est  riche  et  prospère,  néglige 
d'entretenir  comme  il  conviendrait  l'orgue  de  sa  salle  de  Concerts.  Il  faut  donc  louer 
doublement  Marcel  Dupré,  dont  le  dévouement  égale  le  grand  talent,  de  ne  s'être  pas  laissé 
rebuter  par  les  défauts  d'un  instrument  qui  ne  manque  pas  de  ressources,  mais  souffre 
uniquement  d'un  manque  d'entretien  ;  il  en  a  tiré  un  merveilleux  parti  en  faisant  entendre 
la  célèbre  Triple  fugue  en  mi  \?  de  Bach,  et  la  Pièce  héroïque  de  Franck,  mais  surtout 
en  improvisant  un  Scherzo  tout  de  verve,  de  fantaisie  et  de  virtuosité  sur  un  thème 
donné  par  M.  Planchet  (Maître  de  chapelle  de  la  Trinité).  Rappelé,  il  joua  en  bis,  une 
pièce  de  Clérambault. 

Les  A.  D.  C.  continuèrent  leurs  réunions  avec,  le  24  mars,  une  conférence  du 
sculpteur  Bourdelle,  sur  N.-D.  de  Paris  (au  Trocadéro)  ;  le  6  mai,  une  réunion  à 
Bourges  (avec  une  grande  manifestation  musicale  en  collaboration  avec  la  Maîtrise),  et 
le  12  juin,  une  réunion  à  Reims. 

J.  Deroux. 

LYON.  —  Le  29  janvier,  récital  d'orgue  de  Marcel  Dupré  dans  l'église  Saint-Nizier 
justement  chère  aux  Lyonnais  à  tant  de  titres  :  cathédrale  primitive  dédiée  aux  Saints 
Apôtres  avant  d'être  placée  sous  le  vocable  d'un  archevêque  de  la  ville;  premier  champ 
d'action  de  saint  Pothin  qui  y  fut  inhumé.  L'édifice  est  un  beau  spécimen  de  gothique 
flamboyant  ;  son  portail  central  est  dû  à  l'architecte  lyonnais  de  la  Renaissance  :  Phili- 
bert Delorme. 

Voici  le  programme  musical  qui  y  fut  exécuté  sous  le  double  titre  de  Récital  d'orgue 
et  concert  spirituel  : 

i.  Prélude  et  Fugue  en  mi  mineur  (J.-S.  Bach);  2.  Deux  Chorals',  a)  Ardemment 
j'aspire    à   une  fin  heureuse  ;  b)  Réjouissez-vous,  chrétiens  (J.-S.    Bach)  ;   3.   Qua- 


Cg0tt  63 

tuor  op.  121  :  Andante  (G.  Fauré)  ;  4.  Concerto  en  sol  mineur  :  Adagio  et  Final  (Haen- 
del)  ;  5.  Cortège  et  Litanie  (Marcel  Dupré);  6.  Symphonie-Passion  (Marcel  Dupré); 
7.  Improvisation  sur  un  thème  liturgique  donné  ;  8.  Quatuor  en  ré  (César  Franck).  Sor- 
tie :  Toccata  (Ch.-M.  Widor). 

A  première  lecture,  nous  craignons  un  manque  d'homogénéité,  et  supposons  assez 
facilement  qu'on  aura  cru  devoir  sacrifier  à  un  public  dont  l'éducation  liturgique  est 
inexistante,  ce  qui  le  prépare  mal  à  goûter  une  manifestation  exclusive  d'art  sacré. 

L'exécution  confirme  notre  pensée.  Dès  le  début  du  quatuor,  on  a  tout  à  fait  l'im- 
pression d'un  manque  d'équilibre  dans  la  présentation,  et  le  sentiment  d'un  antagonisme. 
Qui  va  l'emporter  ?  Après  le  Prélude  et  Fugue  et  les  deux  Chorals  de  Bach,  le  timbre 
séduisant  des  cordes,  mis  au  service  de  pièces  d'un  incontestable  intérêt,  va-t-il  éclipser 
l'austère  et  religieuse  beauté  que  représente  l'œuvre  de  l'immortel  Cantor  ?  Il  est  regret 
table  assurément,  pour  les  artistes  si  justement  renommés  du  Quatuor  Crinière,  d'avoir 
été  placés  en  dehors  de  leur  cadre,  une  acoustique  défavorable  pour  eux  s'y  ajoutant  :  les 
sonorités  trop  diluées  à  travers  les  nefs  nous  apportent  le  détail  de  quelque  caressante 
inflexion,  sans  que  l'oreille  puisse  aboutir  à  établir  la  charpente  de  l'ensemble.  Le  même 
malaise  se  poursuit  pendant  le  concerto  d'Haendel  où,  toujours  grâce  aux  mêmes  dés- 
avantages, la  cohésion  ne  parvient  pas  à  s'établir. 

L'orgue  reprend  ses  droits  avec  Cortège  et  Litanie,  et  ses  droits  sont  alors  un 
triomphe  qui  le  révèle  une  fois  de  plus  comme  l'instrument-roi,  en  parfaite  harmonie  avec 
l'édifice  dont  il  est  le  vivant  et  majestueux  langage;  et  combien  plus  il  s'affirme  sous  la 
puissante  personnalité  d'un  maître  incomparable  qui  semble  le  plier  à  l'expression  de 
son  génie  ! 

C'est  un  immense  horizon  qu'ouvre  à  l'âme  la  magistrale  tétralogie  de  la  Sympho- 
nie-Passion :  trouble  angoissé  de  l'attente  ;  —  charme  de  la  nuit  bénie  où,  dans  le  souffle 
atténué  de  la  brise  s'élève  peu  à  peu  le  chant  de  la  berceuse,  puis  les  pipeaux  des  ber-^ 
gers  ;  le  thème  de  VAdeste  se  dégage  graduellement  et  se  répercute  au  milieu  du  bruis- 
sement de  la  marche  silencieuse  qui  va  se  rapprochant  dans  le  calme  de  la  nuit.  La  mon- 
tée du  Calvaire  évoque  non  seulement  la  souffrance  cruelle  et  l'amertume  de  l'Homme 
des  douleurs,  mais  l'immensité  saisissante  de  l'œuvre  divine  et  rédemptrice  ;  et,  par  suite, 
plus  impressionnant  encore  est  le  silence  lourd  d'angoisse  qui  semble  traduire  l'horreur 
éprouvée  par  la  nature  elle-même  devant  le  déicide  consommé  par  la  malice  humaine; 

—  tandis  que,  lentement,  s'élève  la  plainte  des  Saintes  Femmes  pour  s'exhaler  dans  le 
chant  du  Stabat  Mater.  Peut-être  eût-on  aimé  que  la  conclusion  grandiose  nous  apportât 
quelques-uns  de  ces  thèmes  de  la  liturgie  pascale  où  s'exprime  avec  un  sentiment  si 
juste  la  mystique  de  la  résurrection.  L'écriture  moderne  prête  à  cette  œuvre  ses  puissants 
moyens  d'expression,  les  trouvailles  neuves  et  originales  de  son  harmonisation,  sans 
heurts  toutefois  et  sans  bizarreries;  et  le  solide  équilibre  de  l'ensemble  évoque  la  men- 
talité d'un  Bach  évoluant  jusqu'au  xxe  siècle. 

Est-ce  l'imposante  impression  de  cette  magistrale  symphonie  qui  fit  relativement 
pâlir  l'improvisation  qui  suivit  ?  Elle  développa  le  thème  de  Y  Ave  maris  Stella  liturgique, 

—  visiblement  étranger  au  public,  à  la  majorité  duquel  la  version  de  l'  «  air  »  de 
Lourdes,  aux  accents  à  rebours,  est  assurément  plus  familière  ! 


64  Ca  tribune  fa  &aint~<&nva\B 

Nous  eussions  préféré  un  autre  final  que  la  Toccata  de  Widor  dont  on  a  quelque 
peu  abusé  déjà,  et  qui  peut-être  aussi  fut  nécessitée  par  les  exigences  de  l'étiquette  à 
succès.  Est-il  téméraire  d'insinuer  que  nous  eûmes  l'impression  de  sentir  la  même  pen- 
sée dans  l'exécution  du  Maître?  Il  n'en  laissa  pas  moins  son  auditoire  transporté  par 
l'éloquence  de  son  génial  talent. 

V.  Belgodère. 


LA    MUSIQUE   FRANÇAISE    SACRÉE    DANS    LE    DIOCÈSE  DE   METZ 

Metz  a  toujours  tenu  une  place  prépondérante  dans  l'histoire  de  la  Musique 
sacrée.  Qui  ne  connaît,  en  effet  cette  célèbre  «  École  messine  »,  fondée  au  vnie 
siècle  par  le  grand  évêque  saint  Chrodegang,  et  qui  faisait  loi  dans  le  vaste 
empire  carolingien  ?  Et,  lorsqu'à  travers  les  siècles,  la  décadence  musicale 
étendit  ses  ravages  sur  tant  d'autres  régions,  Metz,  jusque  vers  la  grande  Révo- 
lution, resta  fidèle  à  ses  glorieuses  traditions.  Aussi  se  devait-elle  de  répondre, 
l'une  des  premières,  à  l'appel  du  grand  pape  Pie  X. 

C'est  surtout  à  son  évêque  bénédictin,  Mgr.  Benzler,  que  revient  le  plus 
grand  mérite  de  ce  prompt  mouvement  de  réforme.  De  suite  après  l'armistice, 
il  fonda  1'  «  Œuvre  de  Saint-Chrodegang  »,  destinée  à  cultiver  la  Musique 
sacrée  selon  les  prescriptions  du  Motu proprio  ;  cette  Œuvre,  d'ailleurs,  ne  faisait 
que  reprendre,  en  les  amplifiant,  les  efforts  tentés  dans  le  diocèse,  déjà  bien 
avant  la  guerre,  par  1'  «  Association  de  Sainte-Cécile  ».  Ce  qui  hâta  beaucoup 
le  succès  de  la  tâche  entreprise,  ce  fut,  sans  contredit,  le  grand  Congrès  litur- 
gique tenu  à  Metz  à  la  Pentecôte  1922,  pour  tous  les  diocèses  de  l'est  de  la 
France. 

La  Tribune  de  Saint-Gervais  t  a  publié  un  long  rapport  sur  ces  assises 
solennelles,  présidées  par  S.  E.  le  Nonce  apostolique,  qu'entouraient  de  nom- 
breux évêques  et  prélats.  Afin  de  rendre  féconde,  dans  le  diocèse,  la  bonne 
semence  jetée  par  tant  d'illustres  orateurs  et  d'éminents  conférenciers,  S.  G. 
Monseigneur  Pelt,  dans  un  Mandement  spécial,  transmit  à  son  clergé  des  avis 
pratiques  et  rédigea  des  règles  très  nettes  au  sujet  delà  Musique  sacrée.  Depuis 
lors,  se  basant  sur  ces  prescriptions,  le  diocèse  de  Metz  travaille  avec  autant 
de  succès  que  d'ardeur. 

L'autorité  épiscopale  fit  avant  tout,  à  chaque  paroisse,  une  obligation  de 
posséder  un  chœur  de  chant,  qui  devait  «  occuper  un  des  premiers  rangs  dans 
la  série  des  œuvres  paroissiales  ».  Et  pour  arriver  à  cultiver  plus  facilement  le 
chant  liturgique,  ces  différentes  chorales  doivent  s'affilier  à  1'  «  Œuvre  de 
Saint-Chrodegang  ».  Or,  actuellement,  il  existe  déjà  plus  de  150  maîtrises  ou 
chorales  affiliées.  Pour  venir  en  aide  à  ces  différents  chœurs  de  chant  et  surtout 
à  leurs  maîtres  de  chapelles,  l'Œuvre  organise  de  tempsen  tempsune  «  Semaine 
d'études  »,  mais  plus  souvent  encore  de  simples  cours  grégoriens.  De  plus,  on 
profite  des  dimanches  de  la  belle  saison,  pour  faire  de   nombreuses  réunions 

1.  Année  1922,  juillet-août,  p.  181  et  ss.  (article  de  M.   Gastoué.) 


Metz  65 

régionales  ou  interparoissiales  qui  groupent,  dans  une  localité  déterminée, 
toutes  les  chorales  d'une  même  région.  Ces  assemblées,  auxquelles  participent 
parfois  jusqu'à  trente  chorales,  prennent  de  ce  fait  l'allure  de  grandioses  mani- 
festations :  et  c'est  merveille  d'entendre  ces  groupes  d'hommes,  d'enfants,  de 
jeunes  filles,  rivaliser  de  zèle  et  de  talent  pour  chanter  telle  composition  clas- 
sique ou  moderne,  pour  interpréter  surtout  ces  pièces  incomparables  de  l'iné- 
puisable trésor  grégorien.  Ces  exécutions  sont  habituellement  suivie  d'une 
critique  impartiale  et  de  conseils  judicieux. 

Pour  hâter  la  diffusion  d'oeuvres  musicales  dignes  de  l'église,  1'  «  Œuvre 
de  Saint-Chrodegang  »  se  sert  d'un  moyen  bien  pratique.  La  plupart  des  cho- 
rales reculeraient  devant  l'achat  répété  et  onéreux  de  nouvelles  pièces  de  mu- 
sique. Aussi  l'Œuvre  a-t-elle  créé  un  «  Prêt-musique  »  qui  s'augmente  d'année 
en  année  et  qui  contient  les  meilleures  compositions  de  l'Ecole  classique,  de 
l'École  cécilienne  et  de  la  nouvelle  École  française.  Toutes  les  chorales  affiliées 
peuvent  y  puiser,  et,  moyennant  une  faible  location,  elles  y  trouvent,  chacune 
suivant  sa  forces,  messes,  cantiques  et  motets.  Pendant  l'année  1927  seule,  il  a 
été  ainsi  expédié  plus  de  1.500  feuilles  de  musique. 

De  plus,  le  diocèse  a  adopté  le  Manuel  grégorien  du  Chanoine  Bargilliat, 
qui  a  eu  le  plus  grand  succès  ;  et  pour  favoriser  le  chant  populaire,  l'Evêché  a 
publié  un  recueil  officiel  de  cantiques  français  qui  répondent  aux  Directives 
tracées  par  le  Motu  proprio  et...  «  aux  progrès  réalisés  à  cet  égard,  en  France, 
dans  les  dernières  années  *  ». 

Mais  il  importe  surtout  que  les  maîtres  de  chapelle  soient  tenus  au  courant 
des  questions  musicales,  théoriques  et  pratiques,  dont  la  connaissance  leur 
est  indispensable.  C'est  ce  but  que  cherche  à  atteindre  la  «  Revue  Saint-Chro- 
degang »,  qui  entre  déjà  dans  sa  dixième  année  et  qui  jouit,  même  hors  du 
diocèse,  d'une  grande  considération.  Dans  ces  derniers  temps,  elle  s'est  attachée 
surtout  à  prémunir  ses  lecteurs  contre  l'envahissement  d'une  musique  plus  que 
médiocre  ou  déplacée  à  l'église,  tout  comme  les  idées  «laïques  «cherchent  à  nous 
envahir  ;  et  elle  a  déclarée  une  guerre  ouverte  à  tous  les  vieux  clichés,  qu'ils 
s'appellent  «  Noël  »  d'Adam,  musique  de  Lambillotte  ou  solos  de  violon...  En 
raison  du  caractère  bilingue  du  diocèse,  cette  revue  est  éditée  en  français  et  en 
allemand.  Elle  offre,  en  outre,  l'avantage  d'un  supplément  musical,  tiré  à  1.000 
exemplaires,  qui  renferme,  pour  les  petites  chorales,  des  pièces  faciles  et  de 
bon  goût. 

L'Œuvre  n'a  pas  négligé  les  organistes,  ces  collaborateurs  indispensables 
des  maîtres  de  chapelle.  Jusqu'ici,  grâce  à  Dieu,  l'enseignement  de  l'orgue  a 
encore  été  maintenu  dans  nos  Écoles  normales  d'instituteurs.  D'autre  part,  un 
cours  d'orgue  régulier  a  été  organisé  à  Metz,  pour  la  formation  de  nouveaux 
organistes. 

Enfin,  en  1921,  1'  «  Œuvre  de  Saint-Chrodegang  »  a  fondé  la  Société  des 
«  Amis  de  la  Liturgie  ».  Cette  société,  qui  a  comme  présidents.  G.  Monseigneur 

1.  Paroles  delà  préface  du  recueil  français. 


66  £a  tribune  ire  0amt-<ften>aiô 

FÉvêque  lui-même,  donne  une  conférence  mensuelle  sur  des  sujets  liturgiques 
variés. 

Ajoutons,  à  la  louange  de  la  presse  catholique  messine,  qu'elle  n'est  pas 
restée  étrangère  à  l'apostolat  musical  dans  le  diocèse.  Elle  ne  se  contente  pas 
de  rendre  compte  fidèlement  du  travail  qui  se  fait,  mais  ouvre  largement  ses 
colonnes  aux  questions  liturgiques  et  musicales;  et  la  «  Vie  liturgique  »  y  trouve 
une  aussi  large  place  que  la  «  Vie  sportive  »  ou  la  «  Vie  agricole  ».  Les  Bulle- 
tins paroissiaux  eux-mêmes,  ainsi  que  ceux  de  la  «Ligue  patriotique  des  Fran- 
çaises», suivent  le  même  mouvement. 

Aussi  faut-il  reconnaître  que  ces  efforts  communs  et  répétés  ont  obtenu, 
dans  le  diocèse,  des  résultats  déjà  fort  appréciables  :  le  chant  grégorien  surtout 
y  est,  de  plus  en  plus,  goûté  et  cultivé.  Les  cérémonies  vraiment  liturgiques  y 
sont  à  l'honneur.  Ne  citons,  par  exemple,  que  la  dernière  fête  de  Noël  à  la 
cathédrale  de  Metz,  où,  devant  une  assistance  considérable,  l'office  liturgique, 
présidé  par  S.  G.  Monseigneur  l'Evêque,  qui  célébra  pontificalementles  messes 
de  la  nuit  et  du  jour,  fut  intégralement  chanté.  Quanta  la  polyphonie,  le  pro- 
gramme des  différentes  fêtes  de  l'année,  où  l'on  rencontre  entr'autres  bon 
nombre  de  pièces  de  la  nouvelle  Ecole  française,  prouve  que  le  goût  s'améliore 
de  plus  en  plus.  On  peut  en  dire  autant  du  bon  cantique  qui,  peu  à  peu,  se 
propage. 

Certes,  il  reste  encore  de  grands  efforts  à  faire,  bien  des  idées  à  redresser 
ou  des  abus  à  réprimer;  mais  les  progrès,  accomplis  en  ces  dernières  années, 
apportent  l'assurance,  qu'avec  l'aide  de  Dieu,  un  travail  constant,  méthodique 
et  persévérant,  mènera  à  bien  la  tâche  de  réforme  demandée  par  S.  S.  Pie  X. 

Dans  le  magnifique  exposé  que  fit  M.  Gastoué  à  Metz,  le  11  août  1920,  sur 
1'  «  École  messine  »,  le  savant  conférencier  s'adressait  à  nous  en  ces  termes  *  : 
«  A  vous  de  faire  tressaillir,  dans  l'aurore  d'une  résurrection  qu'ils  attendent, 
les  ossements  de  saint  Chrodegang,  du  maître  Théodore,  ceux  d'Amalaire,  qui 
reposent,  inconnus,  au  milieu  de  vous,  et  de  rénover,  après  tant  de  siècles,  la 
gloire  de  l'antique  et  valeureuse  Ecole  messine.  »  Ce  court  aperçu  sur  la  Mu- 
sique sacrée  dans  notre  diocèse  montre  que  nous  avons  pris  à  cœur  le  désir  du 
Maître  et  que  nous  essayons  de  le  réaliser  de  notre  mieux. 

Abbé  G.  Villier, 

Directeur  de  la  Maîtrise  de  la  cathédrale  de  Metz, 
Rédacteur  de  la  «  Revue  de  Saint-Chrodegang.  » 


PÉRIGUEUX.  —  Deux  premiers  Amis  de  la  «  Tribune  de  St-Gervais  ».  Ils 
sont  morts  tous  deux  et  avec  eux  ont  disparu  deux  artistes érudits,  deux  apôtres 
aux  idées  élevées,  deux  prêtres  modèles  dont  l'un  a  formé  des  générations 
d'élèves. 

M.  le  chanoine  Eugène  Chaminade  s'est  éteint  doucement  à  Périgueux  le 

1.  Revue  de  Saint-Chrodegang,  année  1920,  p.   119. 


flârigunt*  67 

17  octobre  1922.  Il  y  était  né  le  15  octobre  1847.  Toute  sa  vie  (ou  peu  s'en  faut) 
s'est  écoulée  à  l'ombre  des  célèbres  coupoles  de  Saint-Front. 

Après  quelques  années  de  professorat  au  Petit  Séminaire  de  Bergerac  il 
dut,  pour  raisons  de  santé,  prendre  un  poste  curial  dans  le  canton  de  Cadoin. 
C'est  là  qu'il  eut  l'occasion  de  s'initier  aux  remarquables  manuscrits  de  l'abbaye 
voisine.  Il  les  arracha  à  la  destruction  et  au  vandalisme.  Il  les  traduisit  sous 
la  direction  de  Dom  Pothier  et  il  en  publia  une  partie  dans  une  brochure 
aujourd'hui  à  peu  près  introuvable  :  «  Monographie  des  chants  de  l'abbaye  de 
Cadoin  »,  imprimée  chez  MM.  Desclée. 

Son  Evêque;  attentif  aux  travaux  de  l'abbé  Chaminade,  l'appela  à  la  direc- 
tion de  la  Maîtrise  de  sa  cathédrale.  Le  nouveau  maître  de  chapelle  apporta  un 
grand  zèle  à  la  rénovation  du  répertoire  musical.  Il  fut  sévère  :  c'était  néces- 
saire. 

La  maladie  empêcha  M.  Chaminade  de  continuer  son  œuvre.  Après  six  ans 
d'action,  le  cher  «  Chanoine  »  dû  prendre  une  retraite  qui  était  loin  de  l'oisiveté. 
Il  écrivait  sur  la  musique  des  articles  très  courageux,  il  publiait  des  livres,  tels 
«  la  Musique  sacrée  telle  que  la  veut  l'Église  »,  «  20  Motets  français  et  étran- 
gers »1,  «  36  Motets  liturgiques  »,  un  «  Manuel  grégorien  ».  Il  collectionnait  les 
«  Vieilles  chansons  du  Périgord  »  et  donnait  volontiers  conseils  et  leçons  à  ceux 
qui  venaient  les  solliciter. 

L'abbé  Chaminade  était  un  musicologue  fort  documenté  plutôt  qu'un 
compositeur.  Il  suivit  avec  enthousiasme  le  mouvement  créé  par  Charles 
Bordes.  Développant  les  idées  du  fondateur  de  la  Schola,  il  l'attira  à  Périgueux 
et  l'encouragea  fortement. 

M.  le  chanoine  ,C.  Boyer  est  mort  à  Périgueux  le  15  septembre  1926  au 
cours  d'une  villégiature  chez  son  neveu  l'abbé  Louis  Boyer,  maître  de  chapelle 
à  la  cathédrale.  Il  était  né  en  1853  dans  le  coin  du  Sarladais  où  tout  est  beauté, 
art  et  harmonie. 

Avec  lui  a  disparu  un  musicien  complet  fortement  cultivé.  C'était  une 
nature  d'élite,  un  cœur  bon  et  droit,  une  conscience  délicate.  Il  avait  du  prestige. 

Il  passa  son  existence  —  malgré  de  flatteuses  situations  qui  lui  furent  pré- 
sentées —  dans  ce  Petit  Séminaire  de  Bergerac  qu'il  a  illustré  par  le  rayon- 
nement de  son  action  sacerdotale  et  de  son  œuvre  musicale.  Qui  ne  connaît 
l'œuvre  de  l'abbé  C.  Boyer  ?  Ses  «  Motets  »  figurent  parmi  les  meilleurs.  Ils 
sont  fortement  architectures  et  toujours  d'une  grâce  réelle.  Quelques-uns 
paraissent  froids  à  la  première  lecture.  Mais  à  l'exécution  ils  sont  d'un  charme 
prenant.  Ses  «  Messes  »  sont  célèbres,  ses  «  Cantiques  »  fort  répandus  méri- 
teront longtemps  encore  la  faveur  des  musiciens  et  du  public  délicat. 

M.  l'abbé  C.  Boyer  fut  élève  de  Guilmant.  Il  garda  de  son  maître  un  sou- 
venir ineffaçable.  Entre  l'élève  et  le  maître  il  y  eut  toujours  estime  réciproque  et 
cordialité  touchante.  A  Paris,  il  eut  l'avantage  des  belles  relations  musicales 

1.  Publiés  par  le  Bureau  d'Edition  de  la  Schola  ;  les  «  36  motets  »  peuvent  également  y  être  demandés. 


68  Ca  ^ributw  î>e  ôatnt-^frxjatô 

avec  César  Franck  qui  «  daignait  exécuter  à  son  orgue  ses  premières  œuvres 
de  clavier  »  et  avec  Gigout  qui  lui  réservait  une  place  à  la  tribune. 

Dès  son  retour  à  Bergerac,  le  jeune  abbé  affirma  son  tempérament.  Il  prêcha 
plus  d'exemple  que  de  parole.  Progressivement  il  inculqua  à  ses  élèves  le  sens 
et  le  goût  du  bel  art  français  et  lorsque  le  moment  fut  venu,  il  aborda  la  réforme 
totale  sans  effort  et  par  évolution  logique.  L'art  grégorien  avait  préparé  les 
voies  à  l'art  palestrinien.  Les  auditions  du  Petit  Séminaire  devinrent  remar- 
quables. Aussi  lorsque  Charles  Bordes  rêva  de  lancer  le  mouvement  de  res- 
tauration musicale,  trouva-t-il  en  l'abbé  C.  Boyer  un  auxiliaire  de  toute  valeur 
et  de  toute  sécurité.  Leur  amitié  devint  quelque  chose  de  touchant.  Peut-être 
un  jour  prochain  nous  sera-t-il  permis  de  faire  connaître  certains  détails  de 
leurs  relations.  La  création  de  la  Schola,  le  développement  du  Bureau  d'Édition 
et  d'autres  projets  furent  l'objet  de  lettres  et  de  conseils  entre  Bergerac  et  Paris. 

L'abbé  Boyer  fut  certainement  le  musicien  le  plus  favorisé  aux  concours 
organisés  par  Ch.  Bordes  Sa  popularité  devint  énorme,  Elle  reposait  sur  une 
solide  technique  sans  raideur  et  une  sûreté  de  goût  auxquelles  s'alliait  un 
charme  indéniable  dans  l'invention  mélodique.  Le  cher  maître  de  chapelle 
suivit  Charles  Bordes  dans  son  triomphe  et  sa  retraite  avec  un  cœur  ému  et 
un  dévouement  indéfectible.  11  voyait,  non  pas  impassible  mais  un  peu  scep- 
tique, certaines  tentatives  contemporaines  et  d'accaparement  musical.  Il  vit 
tomber  les  prétentions  sous  le  ridicule,  mais  il  fut  charitable  et  extrêmement 
délicat. 

Le  21  juillet  on  fêta  ses  noces  d'or  :  ce  fut  un  vrai  triomphe.  Deux  mois 
après  le  cher  Jubilaire  rendait  son  âme  au  Dieu  qu'il  avait  chanté  toute  sa  vie. 

Il  est  juste  au  jour  de  la  résurrection  de  la  «  Tribune  »  de  rappeler  le  sou- 
venir de  ses  deux  premiers  et  fidèles  amis. 

Donnons  leur  une  prière. 

Louis  Boyer. 


ITALIE 

En  fin  d'avril  se  déroulèrent  à  Rome  les  solennités  du  XIVe  Congrès  national 
de  l'Association  Italienne  de  sainte  Cécile.  Plus  vivace  que  jamais,  cette  belle 
association  est  arrivée  à  un  stade  remarquable,  dans  la  restauration  pratique  du 
chant  grégorien  et  de  la  bonne  musique  d'église.  Voici  l'horaire  sommaire  de 
ces  offices  et  séances,  sur  lesquels  nous  aurons  à  revenir. 

Lundi  23  avril,  veille  du  Congrès,  réception  des  congressistes  à  l'École 
Pontificale  Supérieure  de  Musique  Sacrée.  —  Mardi  24,  à  8  heures,  messe 
votive  solennelle  en  l'honneur  de  sainte  Cécile,  à  l'église  Notre-Dame  de  la 
Minerve,  avec  chants  de  la  Société  Polyphonique  Romaine,  sous  la  direction 
de  M*r  Casimiri  ;  chant  du  Veni  Creator  par  l'assistance.  A  9  heures,  ouverture 
du  Congrès,  commémoration  du  neuvième  centenaire  de  Guy  d'Arezzo,  parle 
R"1*  Dom  Amelli  ;  à  16  heures,  Conférence  de  M.«T  Casimiri  sur   les   «  Scholas 


£ea  Cttrrfô  69 

cantorum  et  Chapelles  musicales  en  Italie  »  avec  exemples  pratiques  ;  18  h. 
Salut  du  T. -S.  Sacrement  ;  21  heures,  Concert  d'orgue  par  M8'  Manari,  profes- 
seur d'orgue  à  l'École  Pontificale.  —  Mercredi  25,  à  8  h.  30,  Messe  solennelle  à 
la  basilique  de  sainte  Cécile  au  Transtévère  ;  schola  formée  par  les  élèves  de 
l'École  Supérieure,  ;  chœur  général  des  congressistes  avec  la  messe  Cum 
jubilo.  Conférences  diverses  au  cours  de  la  journée  :  La  liturgie  de  sainte  Cécile, 
par  le  RmL  Dom  Schuster  ;  Orgues  et  organistes  d'églises  par  M8*  Manari,  etc. 
—  Jeudi  26,  messe  solennelle  grégorienne  populaire  pour  tous  les  associés  ; 
chœurs  formés  par  les  congressistes,  les  enfants  des  associations  et  la 
Jeunesse  Catholique  masculine  et  féminine  ;  ordinaire  :  la  Missa  brevis.  Ce 
qui  est  appelé  ainsi  et  est  devenu  populaire  en  Italie,  et  a  grandement  contri- 
bué à  la  diffusion  du  chant  grégorien  de  la  foule,  est  formé  du  Kyrie  XVI,  du 
Gloria  XV,  du  Credo  I,  du  Sanctus  XIII,  et  de  YAgnus  ad  libitum  n°  2  :  il  faut 
avouer  que  c'est  là  du  courage,  et  que  les  Français  trouveraient  trop  simple 
cet  ordinaire  pour  des  réunions  solennelles,  même  pour  la  foule.  Parmi  les 
exercices  de  ce  jour  :  Conférence  par  le  Rme  Dom  Paolo  Ferretti  sur  le  pro- 
gramme d'une  association  pour  le  chant  des  fidèles  ;  Visites  au  corps  de  saint 
Grégoire  le  Grand  et  à  la  tombe  de  Pie  X,  suivies  d'une  audience  de  S.  S.  Pie 
XI. — Vendredi  27,  messe  basse  avec  motets,  et  Communion  générale,  à  la  Cata- 
combe  de    Domitille  ;  visite   à  la  crypte   de  sainte  Cécile,    sous  la  direction 

de  Mfcrr  Belvederi. 

Gr. 


LES   LIVRES 

LES  GRANDES  ORGUES  DES  ÉGLISES  DE  PARIS  et  du  département 
de  la  Seine,  par  Félix  Raugel,  in-4°,  278  pages,  46  héliogravures.  Paris,  Fisch- 
bacher  1927.  Prix  net  :  90  francs. 

Voici  un  ouvrage  qui  marquera  une  date  dans  la  science  musicologique. 
F.  Raugel,  qui,  depuis  de  nombreuses  années,  s'est  consacré  à  l'ancienne  fac- 
ture d'orgue  française,  étudie  ici  les  orgues  de  Paris  et  des  environs,  aux 
points  de  vue  historique,  technique  et  artistique.  C'est  un  travail  où  l'on  trou- 
vera mille  détails  intéressants  et  inédits,  et  dont  la  documentation  fait  honneur 
à  celui  qui  l'a  constituée.  Il  contient  des  renseignements  précis  sur  les  factures 
d'orgues  des  xvne  et  xvme  siècles,  sur  les  menuisiers  ou  sculpteurs  à  qui  nous 
devons  des  chefs-d'œuvre  comme  les  buffets  de  Saint-Étienne-du-Mont  et  de 
Saint-Louis  des  Invalides.  Veut-on  connaître,  en  outre,  la  date,  la  composition 
de  tel  ou  tel  instrument,  la  liste  des  organistes  qui  se  sont  succédés  devant 
telle  console,  le  livre  de  Raugel  est  là,  désormais,  pour  les  faire  connaître. 

L'ouvrage  comprend  trois  parties  :  xvne,  xvme,  xixe  et  xxe  siècles.  Il  reste  à 
Paris  une  dizaine  d'instruments  datant  du  xvne  siècle.  Le  plus  beau  est,  à  n'en 
pas  douter,  l'orgue  de  Saint-Étienne-du-Mont.  Le  buffet  de  celui-ci  a  été  con- 


70  Cet  tribune  ire  ôahtt-dftmmtô 

struit  en  1631  par  le  menuisier  Jean  Buron.  F.  Raugel  donne  une  excellente 
description  de  cet  ensemble,  —  ouvrage  de  menuiserie,  de  sculpture  et  d'archi- 
tecture, —  véritable  modèle  de  style.  L'auteur  a  montré,  en  outre,  comment 
l'esprit  liturgique  avait  présidé  à  l'érection  de  ce  buffet. 

L'histoire  des  orgues  successives  de  Notre-Dame  de  Paris  est  présentée 
avec  grande  clarté.  Un  orgue  existait  sûrement  à  la  fin  du  xne  siècle  ;  le  nom  de 
certains  organistes  des  xme  et  xive  siècles  est  parvenu  jusqu'à  nous.  En  1401,  les 
orgues  qui  jusque-là  étaient  suspendues  de  côté  le  long  de  la  nef,  furent  chan- 
gées de  place.  Peut-être  furent-elles  situées,  dès  cette  époque  au-dessus  de 
l'entrée  principale1.  Restauré  en  1565  par  Nicolas  Dabenest,  facteur  rouennais, 
l'orgue  le  fut  de  nouveau  en  1610  par  Valéran  de  Héman,  et  cette  fois,  exper- 
tisé par  Paul  Maillard.  L'orgue  de  Notre-Dame  devait  être  un  des  plus  beaux 
de  France,  puisque  les  facteurs  d'orgues  les  plus  réputés  étaient  appelés  à  son 
entretien  :  V.  de  Héman,  l'ancêtre  d'une  lignée  de  facteurs  d'orgues  renommés, 
était  appelé  en  Normandie,  en  Champagne,  en  Poitou,  et  dans  le  Midi,  pour 
restaurer,  rhabiller,  réappareiller  des  instruments.  Paul  Maillard  travaillait 
surtout  dans  l'ouest  de  la  France  (Angers  et  Bretagne2).  La  restauration  qu'il 
entreprit  de  l'orgue  de  Notre-Dame  de  Paris  en  1610  porte  à  croire  qu'il  était 
d'origine  parisienne. 

C'est  en  1733  que  fut  terminé  le  buffet  d'orgue  actuel  de  Notre-Dame.  Un 
marché  fut  passé  à  cet  effet  avec  le  facteur  F.  Thierry.  F.  Raugel  rappelle  que 
c'est  en  1755  que  le  chapitre  de  N.-D.  prit  l'habitude  de  nommer  quatre  orga- 
nistes titulaires,  servant  par  quartier.  En  1783,  F.  Clicquot  construisit  un  posi- 
tif neuf,  et  des  restaurations  furent  apportées  à  l'orgue  par  les  Dallery  dans  la 
première  moitié  du  xixe  siècle.  En  1863,  A.  Cavaillé-Coll  transfigura  l'instru- 
ment :  le  buffet  du  positif  fut  supprimé  3  et  l'orgue  inauguré  cinq  ans  après. 

C'est  à  F.  Raugel  que  revient  l'honneur  d'avoir  dressé  pour  la  première  fois 
un  tableau  chronologique  complet  des  organistes  de  Notre-Dame,  depuis  Léo- 
nin, ce  magister  organicus  de  la  fin  du  xne  siècle,  jusqu'à  Louis  Vierne. 

Le  chapitre  consacré  à  l'orgue  de  la  basilique  de  Saint-Denis  dépend  de  la 
même  méthode.  Mais  ici,  F.  Raugel  n'a  pas  trouvé  trace  d'un  instrument  avant 
le  début  du  xvie  siècle. 

Il  faut  croire  cependant  que  l'orgue  était  aussi  connu  au  moyen  âge  à  Saint- 
Denis  qu'à  Notre-Dame  de  Paris.  En  1604,  un  nouvel  instrument  est  construit, 
puis  un  autre  au  début  du  xvne,  œuvre  du  facteur  Brocard.  C'est  vers  1841  que 
l'instrument  actuel  fut  inauguré;  le  buffet  dont  le  plan  a  été  dessiné  par  De- 
bret,  dans  un  style  néo-gothique,  est  surchargé  et  lourd  dans  son  ensemble. 
L'élégance,  la  sobriété  du  buffet  d'orgue  de  Louis  XIII  avaient  disparu  à  jamais! 

1.  L'habitude  de  placer  les  orgues  dans  la  nef,  au-dessus  d'une  travée,  a  cependant 
subsisté  pendant  tout  le  xve  et  xvie  siècles  (cf.  les  orgues  de  Chartres,  Lorris,  Metz,  La 
Ferté-Bernard,  etc..) 

2.  Il  construisit  un  certain  nombre  d'instruments  dans  la  région  de  Rennes. 

3.  On  peut  encore  voir  les  boiseries  de  cet  ancien  positif  dans  les  combles  du  bas 
côté  nord  de  la  cathédrale. 


£es  Menues  71 

F.  Raugel  donne  encore  ici  une  liste  complète  des  organistes  de  la  basilique 
parmi  lesquels  nous  relevons  Nicolas  de  Grigny,  qui,  plus  tard,  deviendra  le 
célèbre  organiste  de  la  cathédrale  de  Reims... 

L'ouvrage  de  F.  Raugel  apporte  donc  des  renseignements  très  précis  sur 
nos  grandes  orgues  parisiennes.  En  outre  il  fera  connaître  un  certain  nombre 
d'instruments  de  second  ordre,  et  qui  ne  sont  pas  sans  intérêt,  tels  ceux  des 
églises  de  la  Sorbonne,  de  l'Oratoire,  de  Penthemont,  de  Notre-Dame  des 
Champs, de  Saint-Cloud,  etc..  Ajoutons  que  l'ouvrage  comporte,  en  appendice, 
les  marchés  du  buffet  et  des  jeux  de  l'orgue  de  Saint-Louis  des  Invalides  (1679), 
ainsi  que  des  tables  précieuses  pour  qui  veut  consulter  ce  livre. 

Dans  le  premier  numéro  de  la  Tribune  de  Saint-Gervais,  F.  Raugel  a  com- 
mencé la  publication  de  notes  complémentaires,  et  qui  apportent  des  précisions 
nouvelles  sur  certains  instruments  (Notre-Dame,  Saint-Denis,  Saint-Pierre  de 
Montmartre...)  Nous  avons  l'intention  de  publier  prochainement  et  dans  leur 
entier,  les  trois  pièces  concernant  les  anciennes  orgues  de  Saint-Eustache.  Il 
faut  espérer  que  d'autres  notes  complémentaires  viendront  enrichir  le  travail 
déjà  si  complet  de  F.  Raugel.  L'Histoire  des  Grandes  Orgues  de  Paris  doit  être 
entre  les  mains  de  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'orgue,  à  son  histoire,  et  à  la 
musique. 

N.  Dufourcq. 


LES  REVUES  (articles  à  signaler) 
FRANCE 

Tablettes  de  la  Schola  XXVI,  n°  3  :  —  Guy  de  Lioncourt,  Motu  pro- 
prio,  chant  grégorien  et  musique,  exquisse  générale,  extraite  des  conférences 
données  récemment  à  Liège,  montrant  combien  en  la  «  mélodie  pure,  riche  de 
substance  »  du  chant  grégorien,  une  «  source  d'inspiration  qui  ne  saurait  être 
négligée  par  les  artistes  »  pour  être  conformes  aux  directives  pontificales.  — 
N°  4.  Analyse  du  Psaume  84  d'Al.  de  Castillon,  et  de  Rédemption  de  Franck, 
par  V.  d'iNDY. 

Petite  Maîtrise.  —  N°  177.  —  R.  Blin,  Causerie  sur  l'harmonium  ;  N.  Du- 
fourcq, Vart  d'accompagner  à  l'orgue  ;  A.  Létang,  Notes  d'un  organiste  ; 
A.  Trotrot-Dériot,  A  quoi  pensent  les  organistes.  Parmi  les  pièces  musicales, 
signalons  Y  Interlude  d'Alb.  Bertelin.  —  N°  178.  X***,  Simple  histoire  d'une 
schola,  très  pratique  exposé  de  la  façon  dont  a  été  créée  une  schola  dans  une 
petite  ville,  envisagée  sous  sa  forme  normale  d'activité  et  de  groupement 
catholique. 

Revue  du  Chant  Grégorien.  —  XXXII,  n°  1.  Dom  L.  David,  Les  3  com- 
munions septuagésinales,  analyse  détaillée  et  pratique,  en  vue  d'une  exécu- 


72  £a  tribune  te  &aint~<&>tmai$ 

tion  soignée  de  ces  pièces  expressives.  Jane  Arger,  A  propos  du  timbre  nasal, 
intéressante  étude  de  chant,  avec  des  remarques  de  L.  R.,  qu'il  faut  lire  pour 
en  tirer  tout  le  parti  et  le  profit  auxquelles  elle  tend.  A.  Gastoué,  Nécrologie  : 
M.  l'Abbé  Vigourel.  —  N°  2,  Dom  J.  Jeannin,  A  propos  de  la  «  fractio  vocis  » 
dans  les  textes  du  moyen  âge,  donne  de  nouvelles  précisions  au  sujet  de  ce 
terme  étudié  précédemment  par  Dom  David,  et  s'étend  sur  les  origines  de  la 
notation  mesurée. 

Revue  Grégorienne.  —  XIII,  n°  1.  Dom  Gajard,  Le  second  volume  du 
«  Nombre  musical  grégorien  »  de  Dom  Mocquereau,  étude  de  présentation 
enthousiaste  de  cet  ouvrage  récemment  paru,  article  à  suivre.  Dom  L.  Char- 
pentier, Etude  sur  la  «  Virga  strata  »,  abondante  documentation  paléographi- 
que sur  ce  cas  de  la  notation  neumatique  primitive,  suite  d'une  étude  commen- 
cée dans  le  tome  XII  et  qui  doit  se  continuer. 

Revue  de  Musicologie.  — N°  25.  P.  Wagner,  La  par  aphonie  ;  ce  que  l'auteur 
appelle  ainsi  serait  une  certaine  manière  d'organum  primitif;  M.  A.  Gastoué 
lui  répond  dans  le  nc  26,  démontrant  que  la  thèse  est  viciée  par  une  acception 
impropre  des  termes.  N.  Dufourcq,  Les  orgues  des  jacobins  de  Chartres, 
contribution  intéressante  à  l'étude  des  orgues  françaises  au  xvnc  siècle. 

Ménestrel,  Nos  2  et  3.  —  René  Brancour,  Le  «  Tyrtêe  de  la  Révolu- 
tion »  (Gossec),  avec  plusieurs  détails  sur  sa  musique  religieuse.  —  N°  4,  J.- 
A.  André  Sarnette,  Aperçu  sur  la  Musique  de  l'Avenir,  et,  plus  particulière- 
ment sur  les  «  orgues  automatiques  électriques  »  :  l'auteur  y  pense  faire  enre- 
gistrer des  accompagnements  de  plain-chant,  qui  dispenseront  de  toute  science 
les  organistes  futurs.  11  y  a  longtemps  que  cela  a  été  tenté  !  —  Nos  7  et  8.  F. 
Munch,  La  Musique  religieuse  d'Anton  Bruckner,  étude  très  intéressante  et, 
semble-t-il,  complète,  sur  l'œuvre  religieuse  de  ce  symphoniste  viennois 
contemporain  de  César  Franck. 

Revue  Musicale.  —  IX,  4.  D.  Plamenac,  Autour  d' Ockeghem  est  un  des 
plus  remarquables  travaux  qui  aient  été  consacrés  à  ce  grand  maître  de  l'école 
franco-belge  ;  il  n'en  saurait  être  autrement  :  M.  Plamenac  poursuit  en  ce 
moment,  en  effet,  l'édition  des  œuvres  d'Ockeghem,  qui  tiennent  une  si 
grande  place  dans  l'histoire  de  la  musique.  A.  Gastoué,  Une  semaine  litur- 
gique orientale  à  Paris,  compte  rendu  pittoresque  et  détaillé  des  impressions 
produites  par  les  messes  orientales  de  cette  semaine,  avec  des  détails  sur  les 
œuvres  exécutées. 

Le  Guide  du  Concert  publie  depuis  quelques  mois,  toute  une  série  d'études 
sur  les  chansons  populaires  de  France,  province  par  province  ;  l'auteur, 
J.  Baudry,  s'occupe  en  même  temps  des  Cantiques  locaux,  des  Noëls  et  de 
toutes  les  chansons  inspirées  dans  le  vieux  folk-lore  par  le  sentiment  religieux 


Ces  Utvneû  73 

ou  les  coutumes  se  rattachent  aux  fêtes.  Il  convient  de  signaler  ici  ces  brèves  et 
intéressantes  chroniques. 

Revue  St-Chrodegang  (Metz).  —  X.  N°  2,  publie  une  Communication  offi- 
cielle de  l'Évêchéau  sujet  des  Messes  de  Mariages,  prohibant  désormais  pour 
éviter  de  multiples  abus,  toute  autre  musique,  que  celle  du  chœur  paroissial, 
et  conforme  aux  règlements  ecclésiastiques. 

Revue  Pratique  de  Liturgie  et  de  musique  sacrée  (Lille).  —  N°  125-126, 
J.  Delporte,  A  travers  chants,  étudie  la  réalisation  pratique  de  certaines  œu- 
vres de  Guillaume  Du  Fay,  et  publie,  avec  la  photographie  de  deux  pages  d'un 
manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Cambrai,  la  remise  en  partition  du  Sanctus 
de  la  messe  «  Se  la  face  ay  pale  »,  l'une  des  plus  expressives  de  ce  grand  maître 
du  xve  siècle. 

Informateur  Musical  et  Théâtral  (Lyon).  —  VII,  N°  3.  Suite  des  détails 
de  la  campagne  importante  au  sujet  de  L'éternelle  question  des  droits  d'auteurs, 
auxquels  tant  de  groupements  religieux  veulentse soustraire,  quant  aux  séances 
de  patronage  :  excellent  exposé  de  M.  l'abbé  Deyrieux,  le  spécialiste  bien 
connu,  en  faveur  de  la  Société  des  Auteurs, 


ITALIE 

Bollettino  Ceciliano.  —  XXIII,  N°  3,  Gino  Borghezio,  Notice  sur  l'hymne 
«  O  Roma  nobilis  »,  chant  populaire  de  pèlerins,  du  xe  siècle,  publiée  dans  le 
même  numéro.  —  Règlements  et  programme  de  concours  pour  les  Scholas 
grégoriennes  des  petits  séminaires  et  groupements  de  jeunesse  catholique. 

Musica  Sacra.  —  LUI,  n°  5.  —  Lunelli,  Délia  riforma  e  del  restauro  dei 
organi  antichi  (intéressant  article  sur  les  réformes  à  apporter  dans  la  restau- 
ration des  orgues  en  usage  en  Italie,  où  la  proportion  des  différentes  familles 
de  jeux  est  mal  établie,  et  souvent  sur  un  seul  clavier,  plus  long  d'une  octave 
que  les  orgues  françaises  et  allemandes.  —  D.  R.  Felini  continue  la  publication 
de  son  Trattato  di  tecnica  campanaria  (Traité  de  la  technique  des  cloches), 
IIIe  partie,  très  judicieusement  établi.  —  LIV,  N°l.  Droits  d'auteurs,  question 
qui  s'élève  partout,  en  Italie  comme  en  France,  devant  les  difficultés  de  vivre 
pour  les  artistes  :  il  semble  bien  cependant  que  le  principe  du  «  droit  »  de  l'au- 
teur à  toucher  pour  les  exécutions  de  ses  œuvres,  même  religieuses,  est  à  peu 
près  partout  mis  hors  de  doute. 

Bolletino  Bibliografico  Musicale,  II,  n°  2.  —  Consacré  à  Frescobaldi 
(1583-1643)  ;  étude  bio-bibliographique  de  ce  maître,  avec  la  bibliographie  de 
toutes  ses  œuvres,  par  Alb.  Cametti  ;  le  savant  musicologue  ne  se  prononce 
pas  sur  les  trois  fugues  bien  connues  qui  portent  le  nom  de  Frescobaldi,  autre- 
ment que  par  «  œuvre  douteuse?  »,  mais  avec  un  point  d'interrogation. 


74  Ca  tribune  te  0amt-<®enîat0 


ESPAGNE 

Rivista  Musical  Catalana.  —  N°  289.  Fr.  Pujol,  Les  mélodies  du  Trou- 
badour Guiraut  Riquier,  à  propos  d'un  travail  de  M.  H.  Angles  dans  le  dernier 
volume  des  Estudis  Universitaris  Catalans  (vol.  XI,  1926).  L'auteur  rend  un 
hommage  parfait  et  ému  à  la  mémoire  de  notre  ami  Pierre  Aubry,  à  propos 
des  polémiques  de  Beck  sur  la  question  de  priorité  dans  les  modes  de  trans- 
cription rythmique  des  chants  de  troubadours.  M.  F.  Pujol  note  plusieurs 
de  ces  œuvres  de  Guirant  Riquier,  en  transcription  «  modale  »  à  la  manière 
d'Aubry  et  de  Beck,  et  en  transcription  «  libre  »  qu'il  propose,  rebuté  qu'il 
est  par  certaines  façons  de  noter  du  système  précédent. 

ALLEMAGNE 

Gregorius  Blatt  und  Bote.  —  LU,  N°  2,  Dr  W.  Kurthen,  V  «  Ave  verum  cor- 
pus »  de  Mozart,  étude  très  fouillée  sur  l'origine  (composé  à  Baden  le  17  juin 
1791,  le  jeudi  delà  Pentecôte),  la  forme  et  la  beauté  expressive  de  cette  belle 
œuvre. 

PORTUGAL 

Musica  Sacra,  Coïmbre.  —  Empruntons  à  la  Petite  Maîtrise  son  jugement 
sur  cette  nouvelle  revue  : 

«  Parmi  les  revues  nouvelles,  et  qui  caractérisent  un  mouvement  nouveau, 
il  faut  signaler  une  Musica  sacra  de  plus,  qui  paraît  depuis  l'an  dernier,  men- 
suellement à  Coïmbre,  et  consacre  la  rénovation  de  la  musique  religieuse  en 
Portugal.  Cette  revue,  inspirée  par  un  bon  sentiment,  et  publiée  avec  la  per- 
mission de  l'autorité  ecclésiastique,  semble  démontrer  que  le  Portugal  est 
encore  bien  loin  de  la  véritable  voie  en  matière  de  musique  sacrée. 

A  côté  de  quelques  transcriptions  intéressantes  d'anciennes  œuvres  portu- 
gaises, les  encartages  comprennent  de  très  médiocres  compositions  modernes, 
où  le  phrasé  et-  l'accentuation  des  textes  latins  sont  à  peine  respectés  ;  des 
accompagnements  grégoriens  dont  les  auteurs  semblent  ignorer  d'élémentaires 
lois  de  l'écriture  harmonique  et  de  la  tonalité  ;  des  adaptations  (!)  sur  des  airs 
d'opéra  et  des  quatuors  à  cordes  (!  !)  ;  il  y  a  même  un  cantique  à  la  Ste  Vierge 
arrangé  sur  les  equale  de  trombones  écrits  par  Beethoven  pour  les  cortèges 
funèbres  !  !  ! 

Nous  supposons  qu'il  faudra  un  sérieux  effort  aux  musiciens  portugais  pour 
se  mettre  au  niveau  des  autres  nations  d'Europe,  si  nous  en  jugeons  par  la 
nouvelle  Musica  sacra  de  Coïmbre,  que  nous  engageons  à  faire  un  vigoureux 
effort.  » 

A.  Gastoué. 


/Jà  Ipmne 


Tome  WV 
N°  3-1928 


\ 


^cholo  (gantorum 

Paitô 


LA  TRIBVNE 
DE  SAINT-GERVAIS 

FONDÉE  EN  i8g5 

PAR 

Ch.  BORDES,    ALEX.  GUILMANT 

ET 

Vincent  dIndy 
poursuit  comme  principaux  buts 

La  connaissance  des  chefs-d'œuvre  de   la   Musjgue   Religieuse 

L'application    pratique    du    Motu  proprio    de    Pie   X 

L'étude    raisonnée    de    l'ancienne    musique 

Les  progrès  de  l'art  religieux  moderne 

Sous  la  direction  de 
A.  GASTOUÉ  et  A.  TROTROT-DÉRIOT 


Principaux  Collaborateurs  : 

Ant.  Auda.  -  Abbé  P.  Bayart.  -  Camille  Bellaigue.  -  Eug.  Borrel. 
Abbé  L.  Boyer.  -  L.  Bragard.  -  Maurice  Brillant.  -  Abbé  F.  Brun. 
Paul  Brunold.  -  André  Cœuroy.  -  Abbé  E.  Collard.  -  Norbert  Dufourcq. 
Maurice  Emmanuel.  -  Henri  Expert.  -  Jean  Huré.  -  J.  &  L.  de  La 
Laurencie.  -  F.  de  La  Tombelle.  -  Hector  Laisné.  -  Paul  Le  Flem. 
Guy  de  Lioncourt.  -  Pierre  de  Malingreau.  -  M.-L.  Pereyra.  -  André 
Pirro.  -  Abbé  J.  Prieur.  -  F.  Raugel.  -  M.  Rouy.  -  J.  Samson.  -  Aug. 
Sérieyx.  -  G.  Servières.  -  O.  Tichy.  -  J.  Tiersot.  -  P.  Tirabassi.  -Jean 
de  Valois.  -  Ch.  Van  den  Borren. 


Tome  XXV  nouvelle  série  -  N°  3  Juillet  1928 

LATRIBVNE  DE  SAINTGERVAIS 

REVUE  MUSICALE 

PUBLIÉE  SOUS  LES  AUSPICES  DE  LA 

Sel) cria  Cantarnm 

LES  DIVERSES  IMITATIONS  DE  L'ORGUE 

L'ORGUE  est  un  instrument  complexe  mis  en  jeu  par  un  ingénieux 
mécanisme.  Ce  mécanisme  a  suscité  des  imitations  de  plusieurs 
genres  :  burlesque,  gustatif,  champêtre,  aquatique  même.  D'où 
l'invention  de  1'  «  orgue  animal  »,  de  l'orgue  «  des  saveurs  »,  des  chants 
d'oiseaux  artificiels,  enfin  de  l'orgue  des  jardins  et  des  grottes,  qui  com- 
binait les  mouvements  automatiques  des  figures  avec  les  effets  hydrau- 
liques. 


Au  xve  siècle,  l'orgue  d'église,  encore  imparfait,  devait  produire  des 
sons  assez  peu  harmonieux.  Ce  qui  le  prouve,  c'est  que  le  roi  Louis  XI 
les  comparaît  aux  grognements  du  porc.  Aussi,  pour  amuser  peut-être 
le  sire  redouté,  l'abbé  de  Baigné,  qui  suivait  le  souverain  dans  ses 
voyages,  fit  construire  une  vaste  machine  dont  la  décoration  simulait 
un  buffet  d'orgue,  élevé  sur  un  soubassement  divisé  en  loges  de  diverses 
grandeurs  pour  cochons  de  différents  âges,  depuis  le  cochon  de  lait  jus- 
qu'au pourceau  de  300  livres.  Des  pointes  de  fer  pénétrant  dans  les 
cases,  mises  en  mouvement  par  un  clavier,  piquaient  ces  animaux  et 
leur  arrachaient  des  cris  qui  ressemblaient  aux  sons  de  cet  instrument 
primitif.  Cette  invention  divertit  beaucoup  le  bon  roi  et  le  fit  rire,  chose 
rare.  Toute  la  cour  applaudit  au  génie  du  compositeur  et  aux  voix  des 
nouveaux  concertants1. 

Dans  son  Traité  des  représentations  en  musique  %  le  P.  Ménestrier 
parle  d'un  orgue  de  chats,  d'un  fonctionnement  analogue,  imaginé  pour 
l'entrée  à   Bruxelles  de  Philippe  II,  en  1549 3.   Un  homme  habillé  en 

1.  J.-F.  Bodin  :  Recherches  historiques  sur  la  ville  d'Angers,  1  vol.  in-8°,  1849, 
Saumur. 

2.  1  vol.  in-12,  Paris,  1681. 

3.  Ses  assertions  se  fondent  sur  le  récit  de  ce  voyage  par  Juan  Christoval  Calvite. 


76  Ca  tribune  te  Saint- <&miat£ 

ours,  était  assis  au  clavier  dont  les  touches,  tirant  les  queues  d'une 
vingtaine  de  chats,  les  faisait  miauler  sur  différents  registres  vocaux  : 
dessus,  tailles  et  basses,  selon  la  notation  de  l'air  exécuté,  «  avec  tant 
de  proportion  que  cette  musique  de  bêtes  ne  faisait  pas  un  faux  ton  »  ! 

Voilà  un  divertissement  à  la  fois  puéril  et  barbare  et  que  proscrirait 
aujourd'hui,  à  juste  titre,  la  Société  protectrice  des  animaux. 

Pour  les  amateurs  plus  raffinés,  un  certain  abbé  Poncelet  n'avait-il 

pas  construit  un   orgue  combiné  de   telle    sorte  qu'en  abaissant   une 

touche  du  clavier,  on  tirait  en  même  temps  un  son  du  tuyau  et  une 

goutte  de  liqueur  d'une  fiole?  Ces  gouttes  tombaient  dans  un  verre  et 

l'exécutant  dégustait  ensuite  le  mélange  résultant  des  diverses  liqueurs 

ainsi  recueillies.   L'«  orgue  à  bouche  »,  installé  dans  la  salle  à  manger 

de  Des  Esseintes  \  est  d'une  recherche  moins  savante  dans  le  choix  des 

sensations  que  cet  «orgue  des  saveurs  »,  datant  de  1710.  Chacun  prend 

son  plaisir  où  il  le  trouve... 

* 
*  * 

Debussy  a  pu  écrire  par  boutade  :  —  «  Il  est  plus  utile  de  voir  le 
soleil  se  lever  que  d'entendre  la  Symphonie  pastorale.  »  Cette  sym- 
phonie célèbre  est  assurée  d'une  clientèle  attitrée  qu'elle  doit,  en  grande 
partie,  à  ses  effets  imitatifs  :  la  scène  au  bord  du  ruisseau,  l'orage. 
Aujourd'hui  encore,  parmi  ses  auditeurs,  combien  attendent  avec  impa- 
tience le  chant  de  la  caille  ou  l'appel  du  coucou  !  C'est  évidemment 
pour  les  ancêtres  de  ces  auditeurs,  épris  eux  aussi  d'effets  imitatifs,  que 
les  facteurs  d'orgues,  du  xve  au  xvme  siècle,  simulaient,  grâce  à  certains 
artifices,  les  gazouillements  des  petits  oiseaux,  le  chant  du  coucou, 
celui  du  rossignol2.  Le  contrat  fait  en  1511  par  le  chapitre  de  Saint- 
Michel  de  Bordeaux,  avec  le  facteur  Louis  Goudet,  pour  la  réparation 
de  l'orgue,  stipulait  l'adjonction  d'un  «  jeu  de  papegay  ».  Cette  sym- 
phonie pastorale  fut  complétée  par  l'invention  des  jeux  «  de  pluie  et 
de  grêle  »,  au  moyen  de  pois  agités  dans  un  tuyau  par  le  souffle  du 
vent3. 

Entrés  dans  cette  voie  par  complaisance  envers  la  grossièreté  ingé- 
nue des  goûts  des  fidèles,  les  facteurs  transformèrent  la  tribune 
d'orgue  en  une  estrade  de  «  batterie  »  où  tous  les  instruments  de  per- 

1.  J.-K.  Huysmans  :  A  rebours,  1  vol.  in-l8,  Paris,  1884. 

2.  Dans  son  Histoire  de  l'abbaye  de  Saint-Denis  (2  vol.  in-40,  Paris,  1Ô25),  Dom 
J.  Doublet,  religieux  bénédictin,  fait  l'éloge,  pour  sa  douceur,  de  l'orgue  construit  par  le 
pasteur  Jean  Carlier,  de  Laon,  muni  d'un  «  rossignol  »  qui  joue  si  mélodieusement  qu'il 
semble  qu'on  entende  un  rossignol  naturel  qui  dégoise  son  ramage  dans  un  bois. 

3.  Abbé  Ply  :  la  Facture  d'orgue  à  l'Eglise  Saint- Eus  tache. 


£e&  hivetsts  imitations  oe  l'orgue  77 

cussion  :  tambour,  grosse  caisse,  chapeau  chinois,  triangle,  carillons  et 
sonnettes4,  firent  entendre  leurs  bruits,  comme  dans  une  parade 
foraine  ! 

Ces  particularités  ont  été  maintes  fois  énoncées  soit  par  les  histoires 
générales  de  la  musique,  entre  autres  par  celles  de  J.-B.  de  Laborde  et 
Burney,  soit  par  les  travaux  des  organographes  :  Hamel,  Couwenbergh, 
Arthur  Hill,  J.  Planté.  (Voir  aussi  Van  Elewyck  :  La  Musique  en  Italie). 

Dans  son  voyage  en  Italie 2,  accompli  en  1688,  Max  Misson  rapporte 
qu'à  Trente,  il  a  eu  l'occasion  d'entendre,  à  Sainte-Marie-Majeure,  des 
orgues  «  d'une  incroyable  grosseur.  On  a  joué  devant  nous  plusieurs 
airs  nouveaux,  contrefait  le  chant  de  quantité  d'animaux,  battu  le 
tambour  ».  Il  fut  choqué  de  l'inconvenance  de  ces  amusettes.  Rogissart, 
dans  ses  Délices  de  F  Italie2,  avait  raconté  la  même  chose. 


A  cette  époque,  les  grands  seigneurs,  les  prélats  romains  se  plai- 
saient, dans  les  jardins  de  leurs  villas  à  terrasses  et  à  cascades,  dans 
leurs  parcs  aux  attrayantes  perspectives,  à  entendre  les  caquetages  et 
les  glouglous  de  l'orgue  «  hydraulique  ».  Les  «  Jeux  d'eau  de  la  Villa 
d'Esté  »,  à  Tivoli,  avaient  une  réputation  universelle.  Dans  ses  jardins, 
dessinés  et  inventés  par  Claudio  Venardi,  en  1573,  se  trouvait  un 
«  orgue  à  eau  »  ;  l'édifice  dans  lequel  étaient  disposés  les  jeux  de 
tuyaux,  existe  encore.  M.  Corrado  Ricci  en  a  donné  la  reproduction  dans 
son  Architecture  baroque**.  C'est  une  succession  de  grottes  artificielles, 
avec  frontons  segmentés,  conques,  vasques,  hermès  et  statues  placées 
dans  des  niches.  Montaigne,  dans  son  voyage  de  1580-81,  avait  fort 
admiré  cette  «  musique  des  orgues  naturelles  sonans  toujours  à  la  fois, 
par  le  moïen  de  l'eau,  contrefaisant  le  son  des  trompettes,  le  chant  des 
oiseaux  ».  Il  n'admira  pas  moins  les  jeux  d'eau  de  la  Villa  Pratolino  à 

i.  Il  résulte  des  recherches  de  l'érudit  abbé  A.  Prévost  dans  les  Archives  de  l'Aube 
qu'en  l5o2-l5o3,  lors  d'une  réparation  de  l'instrument  de  la  cathédrale  de  Troyes,  «  on 
mit  des  sonnettes  au  Fol  des  orgues  ». 

2.  1  vol.  in-12,  La  Haye,  1727. 

3.  2  vol.  in-12,  1707. 

4.  Ce  divertissement  remontait  à  une  haute  antiquité,  s'il  faut  en  croire  Praetorius 
( Syntagma  musicum).  La  communication  de  l'air  avec  l'eau  dans  les  tuyaux  de  l'orgue 
construit  pour  l'empereur  byzantin  Théophile,  imitait  le  chant  des  oiseaux,  et  les  chroni- 
queurs nous  apprennent  que  cet  orgue  était  en  forme  d'arbre.  Au  siècle  suivant,  Cons- 
tantin Porphyrogénète  fit  orner  son  trône  d'un  arbre  d'or  aux  pieds  duquel  rugissaient 
des  lions  dorés,  tandis  que  des  oiseaux  chantaient  dans  les  branches.  (Note  de  Barbier 
de  Montault,  Annales  archéologiques  de  l857,  tome  XVII). 


78  £a  tribune  k  0ahtt-($f  ruais 

Bologne,  construite  en  1575,  pour  le  grand-duc  François  de  Toscane  et 
que  vante  aussi  Rogissart,  dans  les  Délices  de  V Italie. l 

Au  siècle  suivant,  en  1649,  le  P.  Kircher,  de  l'Ordre  des  Jésuites, 
édifia  un  «  orgue  hydraulique  »  à  Rome,  dans  le  Jardin  du  Quirinal,  par 
ordre  du  pape  Innocent  X.  Et  en  1762,  le  Dictionnaire  de  Trévoux  impri- 
mait encore  ces  lignes  :  «  Il  y  a  des  orgues  hydrauliques  en  Italie,  dans 
les  grottes  de  quelques  vignes.  » 

On  sait  que  l'art  des  Jardins  a  été  importé  de  la  Péninsule,  à  la 
suite  des  guerres  de  Charles  VIII  et  de  Louis  XII.  Les  dessins  des  par- 
terres, l'ornementation  des  allées  et  des  perspectives  dans  les  parcs 
français,  s'inspirèrent  de  ce  que  nos  architectes  avaient  vu  en  Italie. 
Les  colonnades,  les  cascades  en  bassins  étages,  les  rangées  de  Termes, 
les  rocailles  revêtues  de  plantes  grimpantes,  viennent  d'outre-Monts. 
Une  amusette  rustique  telle  que  les  «  orgues  à  eau  »,  disposés  dans 
des  grottes,  ne  pouvait  manquer  d'être  accueillie  avec  faveur  dans  un 
pays  dont  les  reines,  d'origine  florentine,  s'appelaient  Catherine  et 
Marie  de  Médicis. 

Aussi  Henri  IV  avait-il  fait  pratiquer  des  grottes  artificielles  au 
château  neuf  de  Saint-Germain,  construit  à  200  toises  de  l'ancien.  André 
du  Chesne,  historiographe  du  Roi,  en  décrit  les  merveilles2  : 

«  Orphée,  avec  sa  lyre,  faisant  sortir  toute  sorte  de  bêtes  sauvages  qui 
s'arrêtent  autour  de  lui;  —  un  Neptune  qui  sort,  armé  de  son  trident,  assis  sur 
un  char  traîné  par  deux  chevaux  ;  —  Persa  (sic)  délivrant  Andromède  et  frap- 
pant un  monstre  marin  de  son  épée  ;  —  un  dragon  mouvant  ses  ailes,  levant 
sa  tête  et  l'abbaissant  »,  vomit  et  jette  une  quantité  d'eau,  «  pendant  que  les 
rossignols  artificiels  chantent  doucement  ».  D'autres  oiseaux  chantaient  aussi 
«  fort  mélodieusement  »,  dans  une  grotte  où  «  une  fille  jouait  d'un  instrument 
de  musique  par  l'artifice  et  mouvement  des  eaux  »  et  «  deux  anges  (!)  son- 
naient de  la  trompette  en  l'honneur  du  Dieu  des  Mers.  » 

Ici  quelques  indications  topographiques  sont  indispensables.  Voici, 
d'après  les  plans  et  les  gravures  duxvn6  siècle,  quelle  était  la  disposition 
du  château  neuf  de  Saint-Germain  et  de  ses  parterres  étages 3. 

1.  Voyages  de  Montaigne.  (Edition  de  ses  œuvres  par  M.  Buchon),  l  vol.  in-4°  du 
Panthéon  littéraire. 

De  même  Pierre  Trichet,  en  son  Traité  des  instruments  de  musique  (Ms.  1070  de 
la  Bibliothèque  Sainte-Geneviève,  cité  par  M.  A.  Gastoué  dans  l'Orgue  en  France 
(appendice),  fait  allusion  aux  orgues  hydrauliques  de  S.  de  Caus  (page  l5)  et  à  propos 
des  grottes  de  Tivoli,  confirme  la  relation  de  Montaigne. 

2.  Antiquités  des  villes,  châteaux,  etc...,  de  toute  la  France,  1  vol.  in-8°,  Paris,  1647. 

3.  Cédé  en  1777,  par  Louis  XVI  à  son  frère  cadet,  le  comte  d'Artois,  il  fut  abattu  en 
vue  de  constructions  projetées  qui  n'ont  jamais  été  faites.  (Voir  Dézaillier  d'Argenville  : 
Voyage  pittoresque  aux  environs  de  Paris,  1  vol.  in-12,  1779  (40  édition). 


tes  diverses  imitations  ht  l'orgue  79 

Précédée  en  manière  d'ailes,  de  deux  pavillons  dont  il  reste  celui 
qu'occupe  le  Restaurant  Henri  IV,  la  façade  était  tournée  vers  la  vallée 
de  la  Seine.  Au-dessous  de  la  célèbre  terrasse  qui  se  prolonge  sur  le 
plan  de  la  forêt,  une  seconde  terrasse  soutenue  par  un  mur  de  pierre  ; 
deux  rampes  contrariées  y  conduisaient.  Quant  à  la  troisième  terrasse, 
située  plus  bas,  le  percement  sous  Louis-Philippe  de  la  route  en  S,  qui 
monte  du  Pecq  à  Saint-Germain  en  acheva  la  destruction  et  fit  dispa- 
raître les  grottes  d'Orphée,  d'Hercule  et  de  Persée.  Construites  par 
l'Italien  Francini  que  Marie  de  Médicis  avait  fait  venir  de  Florence1, 
elles  étaient  incrustées  de  coquillages,  de  marbres  de  couleur  et  ornées 
de  statues. 

Des  travaux  d'exploration,  entrepris  aux  frais  de  la  Société  des 
«  Amis  de  Saint-Germain  »,  ont  fait  reconnaître,  en  1923,  le  bon  état 
relatif  de  la  Galerie  dite  Dorique,  abritée  par  la  seconde  terrasse.  C'est 
là  qu'avaient  été  disposées  trois  autres  grottes  :  au  nord  celle  des  Orgues, 
au  sud  celle  de  Neptune,  au  centre  celle  du  Dragon.  Des  travaux  de 
dégagement  ont  donné  accès  dans  la  grotte  de  Neptune  dépouillée  de 
ses  personnages  et  machineries,  enlevées  après  les  éboulements  de  166?. 
Quant  à  la  grotte  des  Orgues,  elle  serait  en  ruines,  au  dire  de  M.  G.  de 
la  Tourrasse,  bibliothécaire  de  Saint-Germain-en-Laye  ;  celle  du  centre, 
qui  sert  de  décharge  aux  eaux  de  la  ville,  est  inexplorable2.  Il  reste 
donc  aujourd'hui  fort  peu  de  chose  des  créations  hydrauliques  de 
Francini  (Voir  reproduction  en  hors-texte). 

* 
*  * 

Montaigne  qui  était  fort  observateur,  mais  qui  n'était  pas  ingénieur, 
s'était  efforcé  d'expliquer  en  termes  assez  vagues,  les  merveilles  inven- 
tées par  Thomas  de  Sienne,  qu'il  avait  ouïes  à  la  Villa  d'Esté3  :  «  le 
son  des  trompettes  contrefait  »  le  chant  des  oiseaux,  «  qui  sont  de 
petites  flûtes  de  bronze  qu'on  voit  aux  rigoles  d'eau  et  rendant  le  son 
pareil  à  ces  petits  pots  de  terre  pleins  d'eau  que  les  petits  enfans  soufflent 
par  le  nez...  Ailleurs  il  sort  comme  un  coup  de  canon;  ailleurs  un  bruit 
plus  dur  et  menu  comme  des  harquebuzades;  cela  se  fait  par  une  chute 

t.  Francini  a  travaillé  aussi  aux  grottes  du  Parc  de  Fontainebleau. 

2.  Voir  la  Revue  :  Beaux- Arts,  du  1er  novembre  ig23  et  le  livre  de  M.  G.  Houdard  : 
Les  châteaux  de  Saint- Germain,  2  vol.  in-49,  1909-10. 

3.  «  L'eau  tombe,  écrit-il,  avec  une  grande  violence,  dans  une  cuve  ronde,  voûtée  et 
agite  l'air  qui  y  est  et  le  contraint  de  gaigner  pour  sortir,  les  tuyaux  des  orgues  et  lui 
fournir  du  vent.  Une  autre  eau,  poussant  une  roue  atout  [avec]  certaines  dents,  fait 
battre  par  certain  ordre  le  clavier  des  orgues.  » 


80  £a  tribune  îre  Bahtt-d&mjatô 

d'eau  soudaine  dans  des  canaux  et  l'air,  se  travaillant  en  même  temps 
d'en  sortir,  engendre  ce  bruit.  » 

Dans  sa  Théorie  des  Forces  mouvantes^,  Salomon  de  Caus  a  donné 
une  explication  plus  scientifique  et  des  exemples  avec  figures  à  l'appui. 
Si  l'invention  fit  fureur  au  temps  de  Louis  XIII,  elle  était  encore  goûtée 
sous  Louis  XIV.  Dans  ses  Notes  historiques  sur  l'orgue%,  M.  Eugène  de 
Bricqueville  nous  rappelle  qu'à  Versailles,  la  Grotte  de  Téthys,  démolie 
en  1686,  était  munie  d'un  «  jeu  de  rossignol  ».  Le  refoulement  du  vent 
dans  un  tube  coudé  faisait  barboter  l'air  dans  une  boîte  de  8  centimètres 
cubes,  munie  dune  cuvette  où  plongeaient  huit  tuyaux  de  taille  fort 
menue,  qui  émettaient  ainsi  une  sorte  de  gargouillement. 

Les  inventions  de  Salomon  de  Caus  étaient  plus  compliquées.  Après 
avoir  expliqué  le  moyen  de  simuler  le  chant  d'un  oiseau  3,  il  indique 
des  variantes  qui  permettent  d'imiter  celui  du  rossignol,  du  coq  et  du 
coucou  et  même  de  «  faire  représenter  plusieurs  oyseaux,  lesquels 
chanteront  diversement  quand  une  chouette  se  tournera  vers  iceux  et 
quand  la  chouette  se  retournera,  ils  cesseront  de  chanter  4».  Sa  «  machine 
pour  représenter  le  son  d'un  flajollet  avec  le  cours  de  l'eau  »,  est  com- 
posée d'un  cylindre  de  boîte  à  musique  actionné  par  le  pignon  et  qui 
rencontre  un  sommier.  Les  dents  du  cylindre  font  mouvoir  les  touches 
du  sommier  et  envoient  l'air  dans  les  tuyaux.  Ce  sont  des  engins  ana- 
logues, mais  de  plus  grandes  dimensions  que  sa  «  machine  à  faire  sonner 
un  jeu  d'orgues  par  le  moyen  de  l'eau  »  et  sa  «  machine  hydraulique 
par  laquelle  les  orgues  pourront  jouer  sans  aide  de  soufflets  »  (Probl. 
xxviii  et  xxxi). 

Entré  dans  cette  voie,  l'ingénieux  auteur  a  multiplié  les  inventions  ; 

1.  t  vol.  in-folio,  Francfort,  i6i5. 

2.  1  br.  in-8°,  Paris,  1899.  « 

3.  Voici,  d'après  la  figure  du  Problème  XXII  dans  le  livre  de  Sal.  de  Caus,  comment 
fonctionnait  la  «  machine  pour  faire  représenter  le  chant  d'un  oyseau  en  son  naturel, 
par  le  moyen  de  l'eau.  »  Celle-ci,  provenant  d'un  récipient  supérieur,  par  un  tuyau, 
tombe  sur  les  aubes  d'une  roue  dont  l'arbre  porte  un  pignon  denté,  lequel  s'engrène  sur 
un  cylindre.  Des  aubes,  l'eau  choît  dans  une  boîte  percée  d'un  trou  qui  communique  avec 
un  récipient  inférieur  dans  lequel  plongent  deux  tuyaux  auxquels  sont  soudés  deux  robi- 
nets munis  de  règles  traversières  qui  butent  sur  les  chevilles  du  tambour.  En  abaissant 
ces  règles,  celles-ci  font  ouvrir  les  robinets,  laissent  entrer  l'air  du  récipient  inférieur 
dans  les  tuyaux  qui  aboutissent  à  des  sifflets. 

4.  C'est  à  peu  près  le  même  système  que  le  précédent,  sauf  que  le  tambour  hausse 
ces  règles  qui  introduisent  l'air  dans  les  sifflets.  Montaigne  avait  vu  à  Tivoli  cet  ingé- 
nieux mécanisme.  «  Puis,  écrit-il,  par  d'autres  ressorts  on  fait  remuer  un  hibou  qui,  se 
présentant  sur  le  haut  de  la  roche,  faict  cesser  soudain  cette  harmonie,  les  oiseaux  estant 
effraies  de  sa  présence,  et  puis  leur  faict  encore  place.  Cela  se  conduit  ainsi  alternative- 
ment tant  qu'on  veut.  » 


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il  expose  successivement  une  «  Machine  à  traîner  sur  l'eau  une  Galatée, 
tandis  qu'un  Cyclope  joue  du  flajollet  »  (Probl.  xxiv);et,  dans  le  second 
livre  qui  traite  plus  spécialement  des  grottes  et  des  fontaines  :  un 
«  satyre  qui  joue  du  flajollet  et  une  nymphe  Escho  qui  répond  aux 
cadences  dudit  satyre  »  (Probl.  1,7);  une  «  Grotte  d'Orphée  jouant  de  la 
basse  (dont  le  son  est  imité  par  un  orgue  caché  »  (Probl.  xvii)  ;  une 
«  Nymphe  jouant  de  l'orgue  tandis  que  respond  un  Escho  »  (Probl.  xvm). 
Enfin  la  merveille  du  genre  consistait  sans  doute  à  résoudre  le  Pro- 
blème xxxv,  à  savoir  1'  «  Histoire  de  la  statue  de  Memnon,  qui  jette  un 
son  semblable  à  celui  du  tambour,  quand  le  soleil  donne  dessus  ». 


Vingt  ans  plus  tard,  dans  son  Harmonie  universelle^,  le  P.  Mersenne 
n'a  pu  que  se  référer  aux  inventions  de  Salomon  de  Caus  ;  il  fait  allu- 
sion aux  chants  d'oiseaux  ajoutés  aux  orgues  qui,  de  son  temps  et  jus- 
qu'au xvme  siècle,  furent  d'un  usage  constant. 

De  son  côté,  le  P.  Kircher,  religieux  allemand,  a  donné  dans  sa 
Musurgia  univer salis a,  la  théorie  des  orgues  hydrauliques  et  des  orgues 
de  jardins  imitant  le  chant  du  coq  et  d'autres  volatiles,  faisant  mouvoir 
des  automates,  un  singe  qui  joue  de  la  flûte  de  Pan,  des  Cyclopes  qui, 
de  leurs  marteaux  frappent  une  enclume.  Il  avait,  je  l'ai  dit  plus  haut, 
joint  la  pratique  à  la  théorie. 


D'après  la  monographie  du  P.  Félibien  3,  la  Grotte  de  Téthys  avait 
été  construite  près  du  palais  de  Versailles,  du  côté  de  la  Tour  d'Eau4. 
La  rocaille  avait  été  cimentée  en  1664-65  par  un  sieur  Delaunay,  spécia- 
liste; elle  abritait  les  beaux  groupes  sculptés  par  Girardon,  Regnauldin, 
Massy  et  Guérin  que  l'on  a  transportés  plus  tard  dans  le  bosquet  dit  : 
les  Bains  a" Apollon.  Derrière  le  groupe  principal,  celui  du  dieu  servi 
par  les  nymphes  de  Thétys,  se  trouvait  dissimulé  l'orgue  hydraulique 

1.  1  vol.  in-folio,  Paris,  l636.  Le  livre  VI  traite  de  la  construction  des  orgues. 

2.  2  vol.  in-folio,  Roma,  l65o. 

3.  1  vol.  in-folio,  Imp.  royale,  1676. 

4.  C'est-à-dire  à  l'angle  nord-est  du  château,  là  où  s'élève  aujourd'hui  X Hôtel  des 
Réservoirs,  M.  P.  de  Nolhac,  qui  donne  ces  précisions  dans  son  livre  :  La  Création  de 
Versailles  (1  vol.  in-fol.  illustré,  Versailles,  1901),  reproduit  la  silhouette  de  cette  tour. 
L'eau  était  amenée  de  l'étang  de  Glagny,  grâce  à  une  tuyauterie  établie  par  D.  Jolly, 
maître  de  la  Pompe  du  Pont-Neuf. 


82  Ca  tribune  be  5atnt-©fruatô 

qui,  d'après  M.  P.  de  Nolhac,  aurait  été  offert  au  Roi  par  un  habitant 
de  Montmorency  et  adapté  à  l'édifice  par  Jolly.  A  la  voûte  et  dans  les 
niches,  des  oiseaux  en  relief  étaient  figurés  au  moyen  de  coquillages, 
faits,  dit  le  descripteur  : 

«  D'après  les  animaux  que  le  Roy  fait  élever  dans  sa  Ménagerie  *  et  qui 
sont  très  rares  et  peu  connus  dans  le  pais.  Lorsque  les  eaux  du  réservoir 
tombent  en  pluye,  les  poissons  et  les  différents  oiseaux  paraissent  vivants  et 
même  comme  nager.  Mais,  lorsqu'au  bruit  de  l'eau,  le  jeu  des  orgues  s'ac- 
corde avec  le  chant  des  petits  oiseaux  qui,  par  une  industrie  admirable, 
joignent  leurs  voix  à  celle  de  cet  instrument  et  que ,  par  un  artifice  encore 
plus  surprenant,  on  entend  un  Echo  qui  répète  cette  douce  musique,  c'est  dans 
ce  temps-là  que,  par  une  si  agréable  symphonie,  les  oreilles  ne  sont  pas  moins 
charmées  que  les  yeux.  » 

Avec  moins  de  précision,  mais  dans  une  forme  moins  lourde,  Made- 
moiselle de  Scudéry,  en  1668,  décrivait  le  même  phénomène  et  les  im- 
pressions produites  par  lui  sur  les  visiteurs  de  la  Grotte. 

«  Plusieurs  miroirs  enchâssés  dans  les  coquillages  multipliant  encore  tous 
les  beaux  objets  et  mille  oiseaux  de  relief,  parfaitement  imités,  trompent  les 
yeux,  tandis  que  les  oreilles  sont  également  trompées;  car,  par  une  invention 
toute  nouvelle  2,  il  y  a  des  orgues  cachées  et  placées  de  telle  sorte  qu'un  Echo 
de  la  Grotte  leur  répond  d'un  côté  à  l'autre,  mais  si  naturellement  et  si  nette- 
ment que,  tant  que  cette  harmonie  dure,  on  croit  effectivement  être  au  milieu 
d'un  bocage  où  mille  oiseaux  se  répondent  et  cette  musique  champêtre,  mêlée 
au  murmure  des  eaux,  fait  un  effet  qu'on  ne  saurait  exprimer.  » 

...  O  pauvre  cervelle  éprise  d'artificiel,  qui  se  délecte  à  écouter  des 
voix  simulées,  alors  qu'à  cent  pas  de  là  s'ouvre  un  parc  profond  aux 
frondaisons  emplies  de  ramages  animés3  !  Mais  le  goût  du  grand  siècle 
est  tourné  à  la  déformation  de  la  Nature  selon  des  combinaisons  géo- 
métriques et  par  des  inventions  mécaniques.  Les  plus  grands  esprits 
s'y  complaisent,  au  point  que  c'est  dans  cette  Grotte  de  Téthys  qu'a- 
près avoir  prié  le  gardien  de  leur  épargner  la  surprise  humide  des  jets 
d'eau  sourdantdu  sol  de  manière  à  inonder  les  curieux  et  de  la  «  réserver 

1.  En  même  temps,  le  Roi  faisait  faire  par  Delaunay  et  Jolly  une  grotte  en  rocaille 
à  la  ménagerie.  Voir  Marquet  de  Vasselot  :  La  Ménagerie  de  Versailles  et  les  deux 
pavillons,  t  br.  in-8°,  Versailles,  1899  et  Bricqueville,  ouvrage  cité.  Un  dessin  donne  la 
coupe  de  la  boîte  où  se  trouve  le  mécanisme  de  ces  tuyaux  chantant  par  la  pression  de 
l'air  dans  une  caisse  à  eau. 

2.  Nouvelle  pour  Versailles,  car  il  y  avait  des  précédents.  A.  du  Chesne  s'émerveillait 
à  Saint-Germain,  des  petits  oisillons,  «  vivans  et  branlans  l'aile  qui  font  retentir  l'air  de 
mille  sortes  de  ramages  et  sur  tous  les  rossignols  musiquent  à  l'envi,  en  plusieurs  chœurs.» 

3.  Un  poète,  —  c'est-à-dire  un  versificateur,  —  du  xvn°  siècle,  n'appelait-il  pas  les 
oiseaux  «  des  orgues  vivantes  !  » 


fies  diverses  imitations  îre  l'orgue  83 

au  bourgeois  et  à  l'Allemand  »,  —  lequel  s'empressa  d'introduire  dans 
ses  parcs  copiés  de  Versailles,  cette  facétie  hydraulique  *,  —  La  Fontaine 
lut  à  ses  amis  :  Boileau,  Racine  et  Molière,  les  Amours  de  Psyché 
dont  le  Prologue  renferme  une  description  en  vers  et  prose  du  lieu 
choisi  pour  cette  lecture.  La  scène  a  été  racontée  avec  agrément  par 
M.  André  Hallays  dans  son  livre  sur  Jean  de  La  Fontaine2. 

Cette  merveille  si  vantée  ne  dura  guère  qu'une  vingtaine  d'années. 
En  1684,  le  facteur  Thierry  fut  chargé  de  démonter  l'orgue  de  la  Grotte 
qui  avait  imposé  maintes  dépenses  d'entretien  et  de  réparations  3  et,  en 
1686,  l'édifice  fut  démoli  pour  faire  place  à  l'aile  nord  du  Palais. 

1.  Elle  se  pratiquait  déjà,  à  la  grotte  de  Neptune,  à  Saint-Germain.  Louis  XIII  s'en 
divertissait  volontiers. 

Elle  fut  imitée  dans  les  grottes  et  les  cabinets  de  verdure  des  parcs  de  mainte  Rési- 
dence allemande.  La  margrave  de  Bayreuth  avait  fait  disposer  une  attrape  de  ce  genre 
dans  les  jardins  de  son  château  Fantaisie.  (Voir  les  Mémoires  de  la  margrave  de 
Bareith  et  l'article  sur  cette  ville  au  xvine  siècle,  dans  Cités  d' Allemagne,  par  Georges 
Servières,  l  vol.  in-18,  Paris,  Fasquelle). 

2.  l  vol.  in-8°  illustré,  Perrin.  La  gravure  de  Lepautre  y  est  reproduite. 

3.  Les  Comptes  du  Bâtiments  du  Roi,  publiés  par  Jules  Guiffrey,  relatent  plusieurs 
paiements  fait  à  Hénoc  pour  avoir  rétabli  l'orgue  et  à  Thierry  pour  l'avoir  démonté  et 
transporté  à  Paris.  Qu'est-il  devenu  ? 

Georges  Servières. 


84  Ca  tribune  îre  ôahtt- (Semais 


DE    LA   COMPOSITION    DES    ORGUES 


La  profession  d'organier  n'est  pas  incompatible  avec  la  connais- 
sance des  œuvres  écrites  pour  orgue;  or,  les  facteurs  laissés  à  eux- 
mêmes,  composent  des  instruments  inaptes  à  l'expression  des  œuvres, 
ce  qui  prouve  l'ignorance  du  répertoire  par  la  généralité  de  ceux 
auxquels  on  abandonne  une  prérogative  du  ressort  des  organistes. 
Parmi  ceux-ci,  combien  nombreux,  à  notre  époque  encore,  qui 
paraissent  ignorer  les  admirables  Archives  de  Maîtres  de  l'orgue  publiés 
par  Guilmant,  qui  méconnaissent  les  avis  de  Widor,  répandus  à  pro- 
fusion, et  condamnant  le  charivari  des  polyphonies  à  grand  renfort  de 
trompettes  et  de  bombardes. 

Forts  de  leurs  connaissances,  les  organistes  auraient  dû  demander 
depuis  longtemps,  que  dans  chaque  diocèse,  soit  instituée  une  commis- 
sion ayant  le  contrôle  des  compositions  d'orgues  destinées  aux  églises; 
mais  les  organistes  n'en  savent  pas,  généralement,  plus  long  que  les 
facteurs,  et  leur  ignorance  leur  a  valu  parfois  les  épithètes  les  plus 
acérées,  quand  le  hasard  les  a  mis  en  présence  de  chefs  d'orchestre  se 
rendant  compte  de  la  dégradation  apportée  au  tutti  par  l'orgue,  et 
courroucés  ajuste  titre,  devant  l'impossibilité  par  l'organiste,  de  remé- 
dier à  un  état  sonore  dû  à  l'ignorance  de  l'instrumentation  et  de  l'or- 
chestration des  orgues. 

Nous  n'avons  pas  permis  jusqu'ici,  qu'un  de  nos  élèves  attaque  les 
claviers,  avant  qu'il  ait  été  initié;  1°  aux  trois  familles  de  jeux,  et  à 
leurs  subdivisions;  2°  à  la  composition  d'un  cornet,  d'une  fourniture,  en 
se  servant  des  jeux  de  16,  8,  4,  2,  joués  à  la  quinte,  à  la  tierce,  sur  des 
claviers  différents,  de  façon  à  se  rendre  compte  du  dosage  approxima- 
tif des  différentes  harmoniques;  3°  à  la  perception  des  fondamentales, 
des  reprises  des  mixtures;  4°  au  caractère  de  chacun  des  claviers;  5°  à 
la  critique  des  orgues  utilisées. 

Ces  notions  acquises,  nous  demandons  à  l'élève  de  définir  les  carac- 
téristiques de  l'orgue  de  Titelouze,  des  Couperin,  de  Bach,  de  Franck; 
nous  lui  demandons  la  composition  de  trois  instruments  :  un  cinq  jeux, 
un  vingt  jeux,  un  quarante  jeux;  nous  lui  demandons  de  saisir  les 
dédoublements  et  transmissions  sur  un  devis  présenté  par  un  facteur. 


€omyositkn  ots  orques  85 

Nous  lui  demandons  son  opinion  sur  les  différents  systèmes  de  trans- 
mission, mécanique,  tubulaire,  électrique,  les  facilités  et  les  abus 
résultant  de  la  facilité  des  engins  de  registration  modernes. 

Et  c'est  alors  seulement  que  l'élève  touche  pour  la  première  fois  les 
claviers,  non  sans  que  son  attention  soit  attirée  sur  les  qualités  et  les 
défauts  d'émission,  particuliers  aux  registres  et  aux  timbres. 

Un  point  sur  lequel  nous  attirons  également  l'attention,  est  celui  de 
l'aplomb  que  doit  exiger  l'organiste,  dans  la  construction  de  la  console. 
Il  est  encore  des  facteurs  construisant  celle-ci  en  dépit  des  exigences 
les  plus  élémentaires  de  l'anatomie  humaine;  c'est  pourquoi  on  voit 
des  organistes  de  trente  ans,  courbés  non  pas  sous  le  poids  des  ans  et 
du  savoir  que  les  anciens  voulaient  gai,  mais  par  les  stations  prolongées 
devant  les  claviers,  dont  l'arête  antérieure  du  second  ne  correspond 
pas  à  l'arête  antérieure  des  touches  hautes  du  pédalier. 

Munis  de  ces  connaissances  que  parachèvera  l'étude  des  œuvres,  les 
organistes  ne  laisseront  plus  la  composition  du  devis  au  bon  plaisir 
d'artisans  très  honorables,  mais  qui  n'ont  pas  à  connaître  les  exigences 
de  l'expression  musicale.  Ils  refuseront  impitoyablement  des  composi- 
tions comportant  l'inévitable  transmission  de  la  bombarde  à  la  pédale 
veuve  du  8  pieds  à  anches,  indispensable  pour  le  chant  en  taille.  Dans 
le  cas  où  la  modicité  des  ressources  ne  permet  pas  la  présence  d'un 
jeu  à  anches  de  8,  il  est  de  toute  nécessité  d'y  suppléer,  par  un  accou- 
plement à  l'octave  aiguë  de  la  pédale  sur  le  clavier  chargé  de  mixtures. 

Dans  les  petits  instruments,  le  dédoublement  et  les  transmissions 
peuvent  rendre  de  grands  services,  à  condition  que  le  fond  d'orgue  soit 
bien  fourni. 

Voici  la  composition  d'un  instrument  qui  permet  de  jouer  toutes  les 
œuvres  anciennes  : 

2  claviers  manuels  de  61  notes.  Pédale  de  32  notes. 

Récit  expressif  :  Bourdon  16,  8.  Diapason  8,  4,  2.  Nazard  2  2/3. 
Tierce  1  3/5.  —  G.  Orgue  (hors  boîte  ou  dans  une  boîte  séparée).  Quin- 
taton  16,  4.  Flûte  ouverte  8.  Pédale  par  transmission,  Basse  16,  8.  Dia- 
pason 8,  4. 

Tirasses,  G.  O.  -  Récit.  Récit  à  l'octave  aiguë. 

Accouplements.  G.  O.  -  Récit.  G.  O.  -  Récit  à  l'octave  aiguë. 

En  tout,  six  jeux;  le  prix  d'un  piano  à  queue.  Le  G.  O.  livré  à  lui- 
même  constitue  un  petit  plein-jeu,  sur  lequel  la  pédale  en  taille,  avec 
les  8,  4,  octaves  aiguës,  se  détachera. 

Si  nous  ajoutons  une  anche  il  faut  se  garder  de  lui  donner  une  pres- 
sion trop  forte,  et  d'autre  part,  avoir  soin  de  lui  réserver  deux  registres, 


86  £a  tribune  te  dahtt-Qifrroate 

un  de  basse,  un  de  dessus,  ce  qui  permettra  de  dialoguer  sur  le  même 
clavier  sans  se  servir  constamment  de  l'appel  des  anches. 

Cette  anche  sera  de  toute  nécessité,  transmise  à  la  pédale. 

Un  jeu  dont  la  facture  moderne  s'enorgueillit,  est  le  jeu  de  flûte 
harmonique.  Passe  encore  pour  les  dessus,  mais  dans  le  médium,  com- 
bien Guilmant  avait  raison  quand  il  réclamait  une  flûte  «  bête  ». 

Jamais  une  flûte  harmonique  ne  remplacera  un  beau  bourdon  clair, 
rehaussé  par  un  4  pieds  tranchant;  de  même  que  la  trompette  criarde 
doit  être  laissée  à  l'orgue  de  carrousel  et  remplacée  par  ce  beau  jeu  de 
musette  que  Cavaillé  réussissait  admirablement. 

Nous  nous  souvenons  de  l'effet  abominable  de  l'orgue  dans  YOrfeo 
de  Monteverde;  l'organiste  eut  la  maladresse  de  se  servir  des  flûtes 
susnommées  et  des  anches  à  fortes  pressions;  l'orgue  ne  manquait 
cependant  pas  de  bourdons,  .et  une  musette  ne  demandait  qu'à  chan- 
ter en  évoquant  l'antique  jeu  de  Régale. 

Pour  terminer,  nous  donnons  la  registration  employée  dans  la 
146e  Cantate  de  Bach,  dont  l'Ouverture  comporte  un  solo  permanent 
de  l'orgue.  L'instrument  était  de  Cavaillé. 

Après  de  multiples  essais,  nous  adoptâmes,  de  concert  avec  le  chef 
d'orchestre,  la  registration  suivante  : 

Au  Positif,  (effet  d'écho)  :  Octavin  2,  Carillon  3  rangs,  Hautbois  8; 
ce  dernier  jeu  pour  amplifier  les  basses,  le  carillon  se  réduisant  à  un 
rang  dans  les  deux  octayes  graves. 

Au  G.  O.  :  Bourdons  16,  8,  Prestant  4,  Cornet  à  5  rangs,  (ne  des- 
cendant qu'à  l'ut  trois),  Nazard  2  2/3. 

Nous  corrigeâmes  la  basse  par  l'adjonction  du  Récit  au  G.  O.,  le 
Récit  comportant  :  la  musette  8,  le  clairon  4,  l'Octavin  2.  Le  bourdon 
16  du  G.  O.,  nous  permit  de  jouer  à  l'octave  supérieure  de  la  note 
écrite,  sur  le  clavier  du  G.  O. 

A  la  Pédale,  tous  les  fonds  de  16,  8,  accouplés  ou  non,  suivant  le 
dynamisme  du  dessin  manuel. 

Pour  la  Messe  de  Beethoven,  nous  avons  soutenu  les  chœurs  en 
excluant  :  les  trompettes  de  16,  les  flûtes  harmoniques;  en  utilisant 
trente  rangs  de  mixtures  par  la  transposition  à  l'octave  supérieure  au 
manuel,  et  l'adjonction  des  octaves  graves.  Comme  sons  fondamentaux, 
rien  que  des  bourdons.  Une  seule  fois,  nous  utilisâmes  la  bombarde 
de  la  pédale,  étoffée  des  fond.s  de  32,  dans  la  rentrée  des  basses,  au 
Credo,  (rythme  ternaire). 

On  apprend  beaucoup  en  essayant  les  alliages  des  timbres  de  l'orgue 


Comp0ôitt0ii  îres  orgues  87 

avec  ceux  de  l'orchestre,  mais  comme  ces  expériences  sont  réservées 
à  quelques  organistes,  du  moins  dans  nos  pays  où  l'orgue  n'occupe  pas 
la  place  qui  lui  est  dévolue  dans  les  pays  anglo-saxons,  le  mieux  sera 
de  pallier  à  ces  expériences  ex-abrupto,  par  l'enseignement  préconisé 
au  début  de  cette  chronique.  Que  tous  les  apprentis  commencent  par 
copier  les  compositions  des  orgues  de  Bach,  de  Couperin,  de  Titelouze; 
qu'ils  copient  les  conseils  de  Raison  dans  la  collection  Guilmant;  ils 
pourront  tenir  tête  à  tous  ceux  qui  leur  présenteront  ces  compositions 
d'orgues,  incompatibles  avec  l'expression  des  œuvres  qui  forment  le 
fonds  du  répertoire,  revêches  à  l'accompagnement  des  voix,  à  preuve 
l'inutilité  des  jeux  singeant  les  timbres  de  l'orchestre,  dès  que  le  ren- 
forcement du  soutien  instrumental  s'impose. 

Paul  de  Maleingreau. 


88  Ca  tribune  î»e  8aint~<&evva\s 


POUR  LA  RENAISSANCE  DE  L'ORGUE 


Nous  sommes  des  premiers  à  déplorer  la  décadence  de  l'orgue  dans 
la  vie  musicale  moderne.  Mais,  faut-il  croire  que  cette  décadence 
soit  complète,  et  que  rien  n'est  tenté  ni  fait  pour  l'entraver? 

L'orgue  n'intéresse  plus  le  grand  public  ni  les  jeunes  musiciens.  Les 
temps  sont  devenus  trop  durs,  on  ne  construit  plus  d'instruments  im- 
portants; nos  salles  de  concerts  n'en  possèdent  pas,  aussi  le  public  se 
désintéresse-t-il  complètement  d'un  instrument  qu'il  ne  connaît  ni 
n'entend  plus.  —  Une  salle,  le  Trocadéro,  est  dotée  d'un  merveilleux 
Cavaillé-Coll  ;  mais,  qui  peut  se  vanter  d'y  faire  salle  comble,  de  réus- 
sir à  couvrir  les  frais  énormes  qu'entraîne  ce  théâtre  ?  Un  récital  de 
temps  à  autre  n'est  pas  ce  qu'il  faudrait  là  ;  seule,  une  série  de  concerts 
populaires  donnés  par  une  pléiade  d'organistes,  pourrait  remettre  en 
honneur  un  instrument  trop  méconnu. 

Une  des  conséquences  de  ce  manque  d'instruments  est  le  manque 
d'organistes.  Dans  nos  Conservatoires  et  nos  Ecoles  de  Musique,  les 
jeunes  musiciens  ne  sont  plus  tentés  d'aller  se  faire  inscrire  aux  classes 
d'orgue.  —  Pourquoi  faire  de  l'orgue  ?  Il  y  a  déjà  peu  d'instruments 
d'études;  plus  tard,  est-on  sûr  de  trouver  une  place  d'organiste,  et, 
dans  l'affirmative,  cette  situation  vous  permettra-t-elle  de  vivre  ?  Nous 
ne  le  croyons  pas.  —  Alors,  le  jeune  organiste  pourra-t-il  s'en  tirer  en 
donnant  des  concerts?  Non,  puisqu'il  n'y  a  pratiquement  aucune  salle 
de  concerts  à  Paris  ou  en  province,  qui  possède  un  orgue  !  —  Alors, 
mieux  vaut  faire  du  piano.  —  Et  c'est  là  le  raisonnement  que  vous 
tiennent  nombre  de  jeunes  qui  auraient  fait  d'excellents  organistes 
mais  qui  ne  le  peuvent,  lorsqu'ils  considèrent  la  situation  actuelle  de 
l'orgue. 

S'il  n'y  a  plus  d'orgue,  il  n'y  a  plus  de  musique  d'orgue;  en  effet,  la 
littérature  actuelle  est  extrêmement  pauvre  pour  notre  instrument.  A 
part  l'œuvre  d'un  Vierne,  d'un  Tournemire  ou  d'un  Dupré,  que  peut-on 
citer  ?  Pourquoi  d'Indy,  Pierné,  Dukas,  Ravel,  Ropartz,  Rabaud,  Hon- 
negger  n'ont-ils  pas  ou  si  peu  écrit  pour  l'orgue  ?  Il  y  a,  pour  un  com- 


|j0ur  la  Uenai&ôance  îre  l'#rgue  89 

positeur,  autant  de  ressources  dans  un  orgue  que  dans  un  orchestre,  et 
les  pages  qu'il  aurait  écrites,  auraient  été  aussitôt  jouées  par  nos  orga- 
nistes. 

* 
*  * 

Si,  pour  ces  raisons,  on  constate  la  décadence  de  l'orgue  en  France, 
il  faut  cependant  dire  que,  depuis  un  certain  nombre  d'années,  un 
mouvement  contraire  se  fait  sentir,  en  faveur  de  l'instrument  roi. 

On  ne  construit  plus  d'instrument,  avons-nous  dit.  Non,  mais  on 
restaure  de  vieilles  orgues,  et  la  chose  a  peut-être  encore  plus  d'intérêt. 
Le  mal  que  les  facteurs  du  xixe  siècle  ont  fait  à  nos  anciennes  orgues, 
se  trouve  ainsi,  en  partie,  réparé.  Ceux-ci  avaient  complètement  aboli 
les  jeux  de  mutation,  et  chaque  fois  qu'ils  avaient  un  instrument  du 
xvme  siècle  à  restaurer,  ils  supprimaient  toutes  les  mixtures.  De  nos 
jours,  sous  l'influence  d'idées  nouvelles,  propagées  par  J.  Huré,  H.  Mu- 
let, F.  Raugel  et  bien  d'autres,  les  mixtures  sont  conservées.  L'orgue 
aussi  est  conservé  dans  son  état  ancien;  il  est  seulement  rajeuni  par 
l'adjonction  d'un  16  pieds  de  pédale,  de  claviers  expressifs  et  complets. 
C'est  ainsi  qu'ont  été  ressuscitées  les  orgues  de  Saint-Sauveur  du 
Petit-Andely,  de  Mitry-Mory  (S.-et-M.),  de  Saint-Jean-Saint-François, 
Saint-Germain-des-Prés,  Saint-Nicolas-du-Chardonnet,  de  Paris.  On 
travaille  actuellement  à  la  restauration  des  vieilles  orgues  de  Saint- 
Nicaise  de  Rouen,  de  Gisors,  de  Saint-Nicolas-des-Champs,  Saint- 
Étienne-du-Mont,  de  Paris.  Des  instruments  presque  entièrement  neufs 
ont  été  placés  dans  les  anciens  buffets  des  cathédrales  de  Bourges  et 
de  Narbonne.  A  la  cathédrale  de  Strasbourg,  sera  bientôt  remonté 
l'ancien  buffet  (1489)  qui  contiendra  un  instrument  de  facture  moderne. 
—  Combien  nombreuses  sont  encore  les  anciennes  orgues  des  xvie, 
xviie  et  xvme  siècles,  qui  devraient  être  complètement  restaurées  (Cau- 
debec-en-Caux,  cathédrale  d'Evreux,  Uzès,  Verneuil  (Eure),  Le  Blanc, 
Saint-Calais,  Cathédrale  de  Nantes,  etc.,  etc...)!... 

...  Aucune  salle  de  concerts  n'existe  où  les  organistes  puissent  se 
faire  connaître.  Soit.  Mais,  l'église  leur  en  offre  le  moyen.  Les  messes 
de  onze  heures  avec  orgue  sont  régulières  dans  toutes  nos  grandes  pa- 
roisses parisiennes,  et  il  est  un  certain  nombre  d'organistes  qui  y  don- 
nent de  véritables  récitals.  En  un  sens,  ils  n'ont  pas  tort,  puisque  leur 
instrument  est  le  seul  qui  leur  permette  de  se  faire  connaître  ;  ils  font 
aussi  apprécier  et  aimer  des  pièces  qui  ne  sont  exécutées  nulle  part 
ailleurs  (toute  l'œuvre  d'un  Bach  ou  d'un  Franck).  Par  contre,  il  serait 
souvent  à  souhaiter  que  les  organistes  n'oublient  pas  qu'ils  jouent  à 


go  Ca  tribune  fa  0aïîtt- ©mmis 

l'église,  et  ils  devraient  adapter  avec  plus  de  soin  leur  programme  (!) 
aux  différents  temps  de  l'année  liturgique.  —  Quoiqu'il  en  soit,  ces 
messes  de  onze  heures  sont  très  assidûment  suivies  dans  certaines  pa- 
roisses; elles  peuvent,  pour  une  certaine  part1  — et  si  le  programme 
en  a  été  affiché  —  faire  connaître  les  plus  belles  pages  de  la  littérature 
de  l'orgue. 

Nous  avons  dit  qu'un  mouvement  en  faveur  de  l'orgue  se  fait  sentir 
depuis  quelques  années.  En  effet  un  certain  nombre  de  musiciens  et 
de  musicologues  se  sont  intéressés  à  l'histoire  de  l'orgue,  à  son  ori- 
gine, à  ses  perfectionnements.  Ils  ont  ainsi  fait  connaître  un  instrument 
dont  le  public  ignorait  tout.  Par  leurs  écrits,  A.  Gastoué,  A.  Cellier, 
J.  Huré,  et  surtout  F.  Raugel  ont  donné  des  précisions  sur  l'ancienne 
facture  d'orgues  française,  comme  sur  l'ancienne  littérature  de  l'orgue. 
Il  faut  leur  savoir  gré  d'avoir  attiré  l'attention  des  musiciens  sur  un 
instrument  qui  a  tenu  une  si  grande  place  dans  notre  vie  musicale 
passée. 

Peut-on  parler  d'une  renaissance  de  l'orgue  en  France  ?  Pas  encore. 
Pour  que  l'orgue,  en  effet,  reprenne  la  place  qu'il  avait  tenue  au 
xvme  siècle,  il  nous  faudrait  des  concerts  beaucoup  plus  nombreux. 
Les  organistes,  nous  les  avons,  —  quoique  peu  nombreux.  —  Ils  sont 
même  les  meilleurs  qui  soient  et  vont  faire  connaître  notre  école  d'orgue 
française  dans  le  monde  entier.  Il  n'y  a  qu'à  Paris  qu'ils  ne  peuvent 
pas  jouer  ! 

La  société  des  Amis  de  l'Orgue  récemment  créée,  tente  un  effort  en 
faveur  de  l'orgue  :  elle  donnera,  annuellement,  cinq  concerts  à  ses 
adhérents,  le  plus  souvent  dans  une  église,  le  soir.  —  Pour  une  renais- 
sance complète  de  l'orgue,  il  faudrait  arriver  à  donner  une  série  de 
grands  concerts  populaires  à  la  nouvelle  salle  Pleyel  (lorsqu'elle  pos- 
sédera son  instrument)  ou  au  Trocadéro,  comme  du  temps  des  Guil- 
mant,  des  Gigout  et  des  Widor.  —  Si  mauvaise  que  soit  donc  actuelle- 
ment la  situation  de  l'orgue  en  France,  il  ne  faut  point  désespérer, 
mais  voir  les  progrès  qui  ont  déjà  été  accomplis  en  sa  faveur,  en 
attendant  des  jours  meilleurs. 

N.  Dufourcq. 


l .  Pour  une  certaine  part  seulement,  car  il  faut  toujours  compter  avec  le  bruit  des 
chaises,  des  chaisières,  du  va-et-vient  de  l'église,  de  la  sortie,  de  la  hallebarde  du  suisse, 
des  cornes  d'automobiles  !  A  l'heure  actuelle,  la  meilleure  formule  de  concert  serait  un 
récital  d'orgue  dans  une  église,  le  soir,  après  le  dîner. 


îtotre  Supplément 


NOTRE   SUPPLÉMENT 

Ave  verum,  à  2,  3  et  4  voix,  de  Guillaume  Du  Fay. 
Fidèle  à  son  dessein,  la  Tribune  de  Saint-  Gervais,  tout  en  servant  l'art  moderne, 
remontera  volontiers  vers  les  formes  les  plus  anciennes.  Voici,  pour  ce  mois,  une  œuvre 
de  G.  Du  Fay,  le  grand  maître  de  la  polyphonie  vocale   naissante,  vers  le  milieu  du 

xv«  siècle. 

Cette  pièce,  délicate  d'exécution  et  profonde  d'impression,  fut  composée  pour  alter- 
ner avec  le  Sanctus  de  la  messe  papale.  La  mesure  pourrait  en  être  battue  soit  à  3/4, 
soit  à  6/8,  en  décomposant  les  temps,  pour  assurer  la  superposition  des  deux  rythmes, 
très  goûtée  dans  la  musique  médiévale.  En  dehors  de  la  recherche  et  de  la  beauté  ten- 
tées et  réalisées  dans  ce  motet,  on  verra  avec  intérêt  que  cet  Ave  verum  a  servi  de 
modèle  évident  à  celui  de  Josquin  des  Prés,  que  nous  donnerons  un  jour  en  entier. 

Sanctus,  à  l'unisson,  avec  accompagnement,  de  J.  Tapissier. 
C'est  la  primeur  d'une  mélodie  médiévale  accompagnée,  dont  nous  faisons  profiter 
nos  lecteurs.  Son  auteur  est  plus  connu  par  la  grande  renommée  qu'il  eut  au  début  du 
xve  siècle,  que  par  ses  œuvres  :  ce  beau  Sanctus,  découvert  dans  le  précieux  manuscrit 
d'Apt,  remis  en  partition  en  1914  pour  une  audition  à  la  Sainte-Chapelle,  est  d'un  grand 
effet>  _  Mesure  à  décomposer,  comme  dans  le  motet  précédent. 

Agnus  Dei,  à  4  voix,  du  chan.  C.  Boyer. 
Des  manuscrits  laissés  par  le  regretté  compositeur,  son  neveu  M.  le  Chan.  Louis 
Boyer  a  bien  voulu  nous  transmettre   ce   pieux   motet  que  nous  sommes   heureux  de 
publier,  et  dont  l'interprétation  est  facile. 

Salve  regina,  à  4  voix,  de  Georges  Loth. 
Belle  composition  d'un  moderne   qui  dirigea  avec  honneur  la  maîtrise  du  Sacré- 
Cœur  de  Montmartre  pendant  plusieurs  années.  Assez  difficile  d'exécution,  ce  motet  est 
d'une  belle  couleur  mystique  et  d'une  écriture  délicatement  artistique . 


92  Ca  tribune  ht  0aiitt-©ert)atô 


LE   MOUVEMENT   LITURGIQUE  ET   MUSICAL 
DISTINCTION  HONORIFIQUE 

Mgr  Moissenet,  chevalier  de  la  Légion  d'Honneur . 

Le  Gouvernement  vient  de  s'honorer  en  décernant  à  Mgr  René  Moissenet,  l'admi- 
rable maître  de  chapelle  et  directeur  de  la  maîtrise  de  la  cathédrale  de  Dijon,  la  croix 
de  Chevalier  de  la  Légion  d'Honneur.  La  manière  puissante  dont  il  a  servi  la  cause  de 
l'enseignement  musical,  de  la  culture  vocale,  appliqués  à  l'interprétation  des  grands 
maîtres,  depuis  plus  de  trente  ans,  ajustement  attiré  l'attention  des  pouvoirs  publics  sur 
ce  musicien  consciencieux  et  modeste. 

Nous  prions  respectueusement  Mgr  Moissenet  d'agréer  nos  vives  et  sincères  félici- 
tations. 


Nous  avons  le  plaisir  aussi  de  complimenter,  au  nom  des  amis  de  la  Tribune  de 
Saint-Gervais,  notre  éminent  collaborateur  M.  Georges  Servières  :  l'Académie  des 
Beaux-Arts  vient  de  lui  décerner  un  prix  spécial  de  la  fondation  Bernier  pour  son  bel 
ouvrage  sur  la  Décoration  artistique  des  Buffets  d'orgue,  dont  la  revue  rendra  compte 
prochainement.  La  curieuse  étude  de  M.  Servières,  que  nous  publions  aujourd'hui,  était 
primitivement  destinée  à  former  un  chapitre  de  ce  livre  important. 

L'ACTION    PAROISSIALE 

Honneur  aux  maîtrises  d'enfants!  Celle  qui  progresse  à  Saint-Louis-en-l'Ile  sous 
la  direction  de  M.  l'abbé  Baudrier  a  chanté  le  salut  de  clôture  du  mois  de  Marie,  le 
3i  mai.  Les  voix  sont  moins  belles  qu'autrefois  à  Saint-Merry;  néanmoins  l'ensemble  a 
du  ton  et  promet  de  rajeunir,  en  le  corsant,  le  «  grégorien  »  qu'on  entend  murmurer 
ailleurs,  faute  d'enfants,  ce  qu'on  ne  saurait  trop  répéter. 

C'est  le  cas  à  l'église  Saint-Léon  où  nous  avons  succédé  à  M.  Souberbielle  nommé 
à  Saint-Ambroise.  Les  dames  de  la  Schola  lisent  le  plain-chant  en  notation  moderne. 
C'est  une  erreur.  Ces  notes  rondes  fractionnent  les  neumes  ou  ne  les  donnent  que 
déformés,  de  sorte  qu'on  n'en  a  plus  l'intelligence.  La  notation  carrée  parle  justement  à 
celle-ci;  c'est  une  tâche  d'en  faire  aimer  le  graphique;  on  s'emploiera  donc  à  montrer  la 
variété  des  signes  et  des  groupes  où  l'intention  des  plain-chantistes  est  évidente,  pour 
tout  lecteur  vraiment  musicien. 

Pour  la  clôture  du  mois  de  Marie,  M.  Souberbielle  a  fait  chanter  des  fragments  du 
Quant  dilecta  de  Rameau  (avec  Mlle  Lamboley  et  M.  Boulé  comme  solistes)  et  un  salut 
en  musique  très  réussi.  Les  fêtes  du  T.-S.-Sacrement  et  du  Sacré-Cœur  ont  eu  de  l'éclat. 
La  schola  aborda  l'ordinaire  II  et  IV  à  cette  occasion.  Le  propre  fut  bien  suivi.  Donné 


Ce  manvemtnt  liturgique  et  musical  93 

au  ténor  et  en  la  (?,  le  verset  Caro  de  l'alleluia  bénéficia  du  beau  timbre  de  M.  Le  Bre- 
ton à  qui  il  ne  manque  qu'un  peu  de  lien  rythmique  (car  il  a  du  goût)  pour  être  le 
soliste  grégorien  aimable,  artiste,  maître  du  style.  Le  chœur  n'était  pas  au  complet;  il 
n'a  pas  encore  l'aisance  qu'exigent  le  mouvement  et  l'équilibre  des  grands  faux-bour- 
dons chantés  à  vêpres  :  Vittoria,  Viadana,  Zaccariis,  Andréas;  mais  le  zèle  des  dames 
présentes  permit  d'améliorer  le  Magnificat  Ve  ton  de  Viadana  qu'on  redonna  le  ven- 
dredi soir  (Sacré-Cœur),  avant  les  fragments  de  la  Passion  selon  saint  Jean  de  Bach 
dont  le  rappel  était  de  circonstance  et  qu'on  présenta  en  triptyque  :  Calvaire,  Tombeau, 
Résurrection  signifiés  par  O  quel  amour  Jésus...  (n°  7),  le  final  «  Repose  en  paix  »  et  le 
dernier  Choral. 

L'occasion  de  redresser  quelque  chose  ne  pouvait  manquer,  pendant  les  processions 
d'usage;  très  facilement  le  chœur  se  plia  au  rythme  large  accordé  à  l'ample  phrase  du 
Pange  lingua  et  aussi  de  Y  Adoro  te  extatique  qui  n'est  rien  moins  que  grégorien;  de 
même  furent  balancés  et  non  soutenus  ni  soudés,  les  accords  des  chorals  de  Bach  qui 
procèdent  d'une  diction  et  font  l'effet  de  pas  différenciés  seulement  par  l'intensité  dyna- 
mique; le  genre  n'a  de  style  qu'avec  cette  démarche  qui  permet  d'ailleurs  l'élasticité 
comme  le  relief  des  vocalises  et  l'opposition  maxima  dans  les  nuances;  le  pathétique  est 
en  plus,  on  ne  manqua  pas  de  le  chercher. 

Pour  expérimenter  les  tonalités,  on  prit  en  la  \>  Y  Ave  Maria  de  Lourdes  qui  en 
devint  presque  acceptable;  le  plus  beau  timbre  du  Magnificat  royal  abordable  à  tous, 
est  certainement  la  \>  qui  ajoute  aussi  de  l'éclat;  et  c'est  le  ton  idéal  pour  Homo  qui- 
dam, YAgnus  IV,  le  Magnificat  VIe  ton  d'Andréas,  Y  Ave  Regina  de  Soriano,  etc.  A 
chacun  d'en  faire  l'expérience. 

Bourg-la-Reine  s'est  distingué  le  jour  de  la  Pentecôte,  par  une  riche  exécution  de 
la  Messe  «  Douce  mémoire  »,  de  Lassus;  la  chorale  en  possède  les  nuances,  que  M.  Bres- 
sel  impose  par  une  direction  très  expressive,  notamment  dans  le  crescendo  émouvant 
de  YAgnus.  Correct  sans  plus  —  sauf  la  Prose  bien  enlevée  à  trois  temps  —  le 
plain-chant  resta  au-dessous  du  niveau  atteint  en  1926;  la  beauté  mystique  du  grégo- 
rien dépend  d'une  flamme  qu'il  faut  rallumer  sans  cesse;  d'autre  part  la  voix  et  l'intelli- 
gence ont  leur  effort  à  donner  quant  au  style;  le  moindre  abandon,  le  plus  léger  repli 
du  cœur,  un  simple  crédit  fait  à  la  lettre  sans  cette  tension  de  l'esprit  attaché  au 
sens  et  c'est  un  plain-chant  dont  le  spirituel  s'évanouit.  Or,  sans  l'élan  de  prière,  sans 
l'ardeur  intérieure,  sans  cette  grâce  vocale  qui  est  l'art  d'animer  mystiquement  le 
rythme  et  l'accent  des  neumes,  qu'est-ce  que  les  Alléluias  du  IV et  Veni,  Sancte?  Il 
faudrait  des   altos  pour  ce  dernier;  l'intériorité  en  serait  plus  belle  et  captivante. 

Pas  assez  suivies  mais  intéressantes  ont  été  les  «  auditions  populaires  »  à  N.-D.  du 
Rosaire  pendant  le  mois  de  Marie.  On  y  entendit  successivement  A.  Marchai,  A.  Fleury, 
Ach.  Philip,  Nadia  Boulanger,  tous  grands  organistes  :  nous  avons  donné  leurs  pro- 
grammes dans  la  Petite  Maîtrise.  Avec  MM.  Pisson  et  Gébelin,  M.  et  Mme  Tremblay 
firent  honneur  au  «  concert  spirituel  »  :  Carissimi  (Ezéchias),  Schûtz,  Campra, 
M.-A.  Charpentier,  Steffani,  Bach,  Haendel;  et  la  chorale  paroissiale  exécuta  les  motets 
et  chœurs  classiques  de  son  répertoire.  Elle  se  retrouva  au  complet  (40  chanteurs)  pour 


94  *Ta  tribune  ire  0ahtt- (friront* 

un  grand  concert  donné  à  la  Salle  des  fêtes,  en  juin;  on  y  entendit  des  rondes  populaires 
et  des  chansons  polyphoniques  (Lassus,  Janequin,  de  Bousset);  Mme  Tremblay  chanta 
deux  Chansons  de  Miarka,  d'Alex.  Georges;  M.  Tremblay,  l'air  du  Laboureur  des  Sai- 
sons de  Haydn  ;  leur  duo  dans  la  Flûte  enchantée  fit  plaisir;  des  morceaux  de  Chopin, 
Schubert,  Scarlatti,  Stravinsky  (Pétrouchka)  furent  joués  au  piano  par  Mlle  Lélia  Gous- 
seau  (ler  prix  du  Conservatoire  et  prix  Claire  Pages). 

Tant  de  bonne  musique  à  l'église  et  au  concert  suppose  des  moyens  d'exécution,  des 
concours  actifs,  du  temps  pour  le  travail,  des  répétitions  nombreuses  et  suivies.  Tout  le 
monde  félicitera  la  Société  chorale  paroissiale  en  service  et  au  complet  pour  une 
œuvre  d'éducation  populaire,  si  l'éducation  liturgique  spécialement  grégorienne 
l'occupe  et  la  préoccupe  autant,  si  ses  membres  veulent  d'abord  approfondir  le  plain- 
chant,  lui  donner  un  caractère  d'art  dans  l'office,  en  fournir  le  modèle  aux  fidèles  de  la 
nef  qui  doivent  répondre,  ce  qui  dépend  beaucoup  de  M.  Tremblay  et  de  sa  fidélité  au 
programme  qu'il  avait,  il  y  a  quelques  années.  Il  y  a  un  «  Vive  labeur  »  des  liturgistes, 
des  grégorianistes,  des  hommes  du  Motu  proprio.  De  ceux-ci  on  est  ou  on  n'est  pas.  On 
en  est  quand  les  actes  auxquels  on  s'oblige  réfléchissent  Vidée  et  l'imposent  dans  la 
paroisse  à  la  hiérarchie  mondaine  (opinants  grands  et  petits)  qui  croit  légitime  son 
dédain  barbare  du  plain-chant. 

En  fait  de  liturgie  et  de  plain-chant,  d'art  religieux  tout  court,  comment  qualifier  les 
Maîtres  de  Chapelle  dont  l'Union  responsable  patronna  l'exécution  au  Trocadéro,  du 
Stabat  de  Rossini  qui  en  est  la  négation?  Voilà  la  concession  type  aux  usages  et  au 
goût  de  la  béotie  anti-grégorienne!  Rossini  est  un  grand  musicien  d'une  époque  qui 
n'entendait  rien  au  style  d'église.  Sa  messe  qu'on  entendit  à  la  Madeleine  a  des  parties 
très  belles  gâtées  par  le  goût  des  effets  de  théâtre.  Le  Stabat  est  bien  au-dessous  et 
c'est  une  machine  de  guerre  contre  le  style  sacré  remis  en  honneur  grâce  à  Ch.  Bordes 
et  à  Pie  X,  depuis  trente  ans.  L'U.  M.  C.  O.  aura  payé  d'une  gaffe  le  concours  de  l'ai- 
mable Victor  Charpentier  et  de  sa  troupe  qui  devait  pousser  à  monter  le  Stabat  rossi- 
nien  à  son  répertoire;  elle  en  a  commis  une  autre  en  laissant  changer  l'ordre  du  pro- 
gramme à  cause  d'une  cantatrice  pressée,  ce  qui  motiva  le  départ  de  Louis  Vierne  et  la 
suppression  déplorable  de  ses  deux  pages  d'orgue  avec  orchestre.  A  part  cela,  on  vante 
l'effet  produit  par  le  Psaume  CL,  par  les  pianistes  Wiener  et  Doucet  dans  un  Concerto 
de  Mozart  et  par  les  pièces  d'orgue  (Bach,  Franck,  Vierne)  que  joua  l'organiste  de  Notre- 
Dame,  toujours  puissant.  -* 

Formulé  dans  un  meilleur  esprit,  le  programme  de  la  Gilde  Sainte-Cécile  compor- 
tait cette  année  une  Journée  grégorienne  à  la  chapelle  de  l'Institut  catholique.  Là,  Tierce 
et  Grand' messe  furent  chantées,  Vêpres  et  Compiles...  abandonnées;  les  congressistes 
dirigés  par  M.  le  chanoine  Victori,  n'eurent  que  profit  à  s'entraîner  à  ce  qui  sera  com- 
plet et  parfait  l'an  prochain.  Pendant  ces  Journées  eurent  lieu  l'audition  habituelle  à  la 
Sainte-Chapelle  (motets  de  Lassus,  Palestrina,  Vittoria,  Mouton,  Praetorius);  le  concert 
prévu,  chez  Gaveau  (œuvres  éditées  par  la  Procure);  un  office  à  Saint-Séverin  (idem);  le 
banquet  à  l'Hôtel  des  Sociétés  savantes;  des  récitals  d'orgue  :  à  la  Madeleine  (Dallier),  à 
Saint-Germain-des-Prés  (Marchai);  dans  cette  dernière  église  fit  sensation  le  Beati 
omnes  de  La  Lande  exécuté  par  les  A.  D.  C.  et  les  Chanteurs  de  la  Sainte-Chapelle  sous 


Ce  mouvement  liturgique  et  musical  95 

la  direction  de  M.  Letocart;   à  quelques-uns  ce  psaume  apprit  quelque  chose.  Le  reste 
consistait  en  réunions  où  l'habitude  est  de  lire  rapports,  «  causeries  »  et  conférences 
avant  leur  publication;  beaucoup  d'initiatives  y  furent  dévoilées  par  les  meilleurs  des 
hommes  de  diocèses,  de  villes  où  l'on  ne  fait  rien  d'efficace,  grégoriennement  parlant. 
On  peut  et  on  ne  manquera  pas  de  joindre  ses  vœux  à  ceux  des  amis  du  plain-chant 
qui  viennent  de  pays  où  on  ne  croit  qu'au  style  «  en  parties  >»,  aux  chorals,  aux    pâtes 
d'accords,   aux    pastiches    d'outre-Rhin   et    aussi   aux  réussites    d'école,   et   à  ces  pon- 
cifs «  maître  de  chapelle  »  commis  par  les  gloires  locales  qui  ont  crédit  et  influence. 
Il  ne  faut  pas  nous  faire  croire  qu'une  moisson  lève  là  où  est  notoire  la  stérilité  due  à 
la  croûte   épaisse   de   formulaires  qu'on  trouve  en   province  comme  à  Paris.  Le  genre 
faux  subsiste  dans  beaucoup  de  maîtrises  des  grandes  et  petites  villes.  Le  clinquant  a 
son  histoire  qui  dispense  de  remonter  au  moyen  âge,  épris  de  style.    Le  clinquant  est 
moderne   comme  les  particularismes,  dont  on  se  couvre.  Et'  le   difforme  est  lié  à  cela. 
Seulement  les  enceintes   du  mauvais   goût    ont  bel   aspect  dans  les    cathédrales.   On 
n'expliquerait  pas  autrement  la  laideur  qui  dure   et  remplit  amusicalement  les  plus 
belles  nefs.  C'est  l'histoire  de  Saint-Sulpice  et  de  basiliques  provinciales  d'où  l'on  nous 
prêche.  L'homme  averti  sait  que  là,  le  plain-chant  est  nul  ou  sournoisement  limité,  sinon 
combattu.  Pour  aujourd'hui  nous  n'avons  pas  à  donner  d'exemples  mais  à  mettre  en 
garde  à  propos  des  voyantes  assises  de  la  Gilde,  contre  les  palabres,  la  lecture  de  pal- 
marès, les  fleurs  académiques  et  cet  échange  de  congratulations  absolument  sans  rap- 
port avec  la  réalité  des  choses  et  le  sens  de  l'idée  qu'on  veut  servir.  Il  faut  mettre  à 
part  l'intéressant  rapport  sur  X Ecole  d'orgue  de  Caen  associée  à  la  Schola  Saint-Gré- 
goire de  cette  ville,  pour  une  œuvre  décentralisatrice  utile  et  positive.  M.  Collin  parla 
avec  grand  sens  de  la  situation  des  organistes;  nous  comprenons  son  esprit  de  justice; 
la  question  relève  de  l'organisation  corporative;  celle-ci  a  ses  conditions,  personne  n'ose 
les  regarder  en  face;  en  attendant  que  la  Gilde  aboutisse  sur  ce  terrain  qui  est  le  sien 
on  ne  pourra  ici,  que  s'intéresser  à  la  situation  faite  à  la  musique  d'orgue  par  ceux  qui 
ont  mission  de  l'intégrer  à  l'office  dans  un  esprit  liturgique  qui  leur  échappe  générale- 
ment. Cela,  on  ne  le  dira  pas  aux  réunions  de  la  Gilde  ni  dans  les  Congrès  présidés  par 
des  maîtres  qu'on  croirait  désobliger  par  ces  leçons. 

Des  Journées  instructives  sont  celles  qu'organise  I'Institut  grégorien  en  liaison 
avec  les  paroisses.  Celle  des  Oblats  commença  le  5  mai  au  Sacré-Cœur  par  Compiles  et 
Matines  suivies  de  Laudes  et  des  autres  Heures;  le  lendemain  à  Saint-Germain-des-Prés, 
on  chanta  l'office  du  IV*  Dimanche  après  Pâques  avec  l'ordinaire  Lux  et  origo  :  style 
toujours  soigné,  voix  qui  portaient,  chœur  dans  la  nef  sous  la  direction  de  Dom  Maur 
Sablayrolles;  l'impression,  dit-on,  fut  bonne  (nous  étions  à  Bourges).  Notre-Dame-de- 
Lorette  fut  choisie  pour  la  Journée  grégorienne  du  3  juin,  fête  de  la  Trinité;  les  fidèles 
y  chantent  depuis  longtemps  grâce  au  dévouement  de  M.  l'abbé  Ségaux;  Dom  Gajard  y 
régla  un  chant  alterné  encore  un  peu  timide  (côté  nef)  et  parfois  réticent  (côté  schola) 
surtout  dans  la  psalmodie;  à  celle-ci  ni  l'égalité  théorique,  ni  l'égalité  pratique  des  notes 
ne  convient,  pas  plus  qu'aux  chants  syllabiques  en  général;  les  brèves  non  brèves 
engendrent  un  style  guindé  contraire  au  naturel  que  sert  justement  l'aisance  oratoire; 
l'épèlement  qui  en  résulte,  même  très  distingué  comme  à  l'Institut  grégorien,  ne  vaut 


96  Ca  tribune  î»e  8a\nt-<&evwi6 

pas  ce  que  l'instinct  oratoire  et  musical  (c'est  tout  un)  sent  et  adopterait  précisément 

pour  telles  proses  et  hymnes  sans  l'opposition  née  de  raisonnements  comme  celui  de 

D.  G.  à  la  Salle  de  Géographie,  à  savoir  :  que  le   «  ternaire  »   est  réclamé  au  nom  du 

goût  populaire,  qu'il  faut  s'en  méfier  et  garder  le  «  binaire  »  de  principe  exempt  de 

vulgarité.  Le  binaire  et  le  ternaire  sont  dans  la  nature   et  tous   deux  prennent  forme 

dans  la  musique;  a  priori  l'un  vaut  l'autre;  c'est  pourquoi   on   trouve    le    «  ternaire  » 

établi,  organisé,  mis   en   cadence  dans  le  plain-chant.  C'est  parce  qu'on  le  trouve  tel 

dans  la  prose    Veni,  Sancte  Spiritus  avec    ses   longues  et   ses  brèves  conformes    au 

mètre  du  texte  qu'on  le  réclame;  l'idée  qu'on  nous  prête  de  vouloir  plaire  au  peuple  à 

propos  des  proses  à  trois  temps  qu'il  aimera  et  suivra  est  absurde;  on   dit   que  dans 

certains  cas,  le  peuple  est  d'accord  avec  les  musiciens  pour  chanter  sur  une  cadence 

ternaire  ce  qui  n'a  aucun  sens  autrement;  on  ajoute  que  l'art  y  gagne,  la  facilité  aussi  et 

que   l'autorité   des    manuscrits   n'infirme   pas   plus   l'hypothèse   «    ternaire   »  qu'elle   ne 

couvre  l'hypothèse  contraire  défendue  par  les  Bénédictins  à  Solesmes   principalement. 

A   part    cette    entrave  légère   causée  par    l'esprit    de   système  à  la    nature    variée    et 

beaucoup  plus  libre   qu'on   ne  croit  des  neumes  bien  en  ordre,  le  rythme  de  l'Institut 

grégorien    nous    donna    satisfaction.   Inutile    de    dire    qu'au    phrasé    toujours    superbe 

s'ajoutèrent    des  nuances  et  une  richesse  d'expression  qui  cadrent  avec  tout  ce  qu'on 

demande  inlassablement  pour  la  polyphonie,  pour  Bach  et  toute  espèce  de  musique. 

Car  il  n'y  a  qu'une  Musique...  • 

A.  Trotrot-Dériot. 


LES  CONCERTS 

TRANSCRIPTION,    ARRANGEMENTS,    BEARBE1TUNGEN, 
TRIPOTAGES,     TRIPATOUILLAGES... 

On  connaît  la  lecture  : 

Oui,  je  viens.  —  Dansons  tant!  —  Plat  doré.  —  Les  Ternes?  Elle!... 
Je  viens  seul.  —  On  l'use.  —  Agent.  —  Ticket  solennel, 
Etc.,  etc. 
Et  celle-ci  : 

Oui,  je  viens  dans  son  temple  adorer  l'Eternel, 
Car  je  redoute  fort  l'effroyable  tunnel, 
Si  célèbre  depuis  la  fameuse  journée, 
Où  sur  le  Montparnasse  un  bock  me  fut  donné, 
Etc. 
Si  un  éditeur  en  délire  s'avisait  de  publier  ces  fariboles  sous  le  nom  de  Racine, 
quel  beau  concert  de  réprobations  s'élèverait  à  l'instant  d'un  bout  à  l'autre  du  territoire, 
dans  la  presse  et  les  conversations! 

En  architecture  on  admettrait  difficilement  d'  «  adapter  la  Sainte-Chapelle  à  la  sen- 


£e$  Concerto  97 

sibilité  moderne  »  en  y  introduisant  des  ornements  en  charpente  métallique  et  en  ciment 
armé,  voire  en  installant  un  bar  américain  au  sous-sol.  D'ailleurs  (pour  une  fois  l'Ad-mi- 
nis-tra-tion  a  du  bon)  les  monuments  historiques  veilleraient... 

Pour  la  musique,  il  n'en  va  pas  de  même  :  n'importe  qui  peut  user  de  n'importe 
quelle  œuvre  pour  n'importe  quelle  fin;  le  premier  abruti  venu  peut  réduire  la  cin- 
quième symphonie  pour  occarina  et  grosse  caisse.  Il  n'y  a  rien  à  dire.  J'ai  sous  les 
yeux  un  catalogue  où  Siegfried- Idylle  est  transcrite  pour  violon  seul! 

Le  plus  terrible,  c'est  que  ces  saletés  s'éditent,  se  vendent,  et  se  jouent.  Et  non  pas 
comme  on  pourrait  le  croire,  dans  le  salon  du  percepteur  des  Indirectes  à  Fouilly-les- 
Oies;  mais  dans  tous  les  grands  concerts. 

D'autres  fois,  au  lieu  de  réduire,  comme  ils  disent,  ils  magnifient  :  ce  n'est  plus 
Notre-Dame  rapetissée  aux  dimensions  d'un  bibelot  d'étagère,  c'est  le  bijou  gonflé  jus- 
qu'à devenir  plus  grand  que  la  gare  d'Orsay. 

Les  oc  transcriptions  »  d'Athalie  ci-dessus  citée  donnent  précisément  les  deux  types 
de  fautes  qu'on  connut  dans  ce  genre  de  sport  :  fautes  d'accent,  qui  concernent  l'inter- 
prétation, fautes  de  textes,  qui  regardent  l'authenticité  de  l'œuvre. 

Personne  ne  s'indigne  ni  des  unes  ni  des  autres  ;  personne  même  ne  s'en  inquiète.  Au 
lycée,  nos  éditions  du  classique  étaient  précédées  de  tout  un  appareil  critique,  où  l'on 
nous  montrait  que  telle  phrase  absente  du  Codex  vaticanus,  se  trouvait  dans  l'excel- 
lent manuscrit  de  Vienne,  et  était  confirmée  par  le  ms  3.5o2  du  fonds  latin  de  la 
Nationale... 

Mais  qui  s'occupe  de  pareilles  vétilles  pour  la  musique?  Il  suffit  qu'un  virtuose 
appose  sa  signature  sur  une  édition  pour  que  soient  légitimées  les  plus  extravagantes 
fantaisies  de  texte,  de  liaisons,  de  nuances,  de  doigtés  :  «  c'est  comme  cela  que  je  joue...  » 
Quant  à  savoir  si  c'est  comme  cela  que  l'auteur  l'a  indiqué  personne  ne  s'en  soucie. 

Il  faut  pourtant  prendre  garde  à  l'immensité  du  domaine  où  le  tripatouillage  peut 
exercer  sa  malfaisance  :  d'un  côté,  il  commence  à  la  plus  légère  altération  du  texte  de 
l'autographe  ou  de  l'édition  princeps,  —  après  quoi  on  ne  peut  plus  lui  assigner  aucune 
limite. 

Non  seulement  les  dégâts  purement  musicaux  dûs  au  tripatouillage  dépassent  toutes 
les  bornes,  mais  les  productions  qu'il  suscite  envahissent  de  plus  en  plus  les  concerts. 
On  se  souvient  qu'il  y  a  une  vingtaine  d'années,  on  consommait  une  moyenne  de  deux 
concertos  par  séance  de  concert  dominical.  A  côté  des  chefs-d'œuvre  classés,  qu'on  est 
toujours  heureux  de  réentendre,  l'intensité  d'un  tel  débit  avait  amené  sur  le  marché  un 
tel  excédent  de  navets,  que  la  vraie  musique,  la  musique  tout  court  menaçait  d'être 
étouffée  sous  cette  avalanche.  M.  Trotrot-Dériot  prit  un  parti  décisif  :  il  siffla  les  mau- 
vais concertos  de  telle  manière  que  la  crainte  étant  le  commencement  de  la  sagesse,  les 
œuvres  douteuses  eurent  vite  fait  de  disparaître  des  programmes.  Faudra-t-il  recommen- 
cer cette  petite  opération  de  salubrité  en  ce  qui  concerne  les  transcriptions? 


Pour  l'instant,  bornons-nous  aux  tripotages  de  textes.  S'il  est  vrai  qu'une  science 
n'est  qu'une  langue  bien  faite,  on  peut  apprécier  le  manque  d'esprit  scientifique,  en  la 


98  Ca  tribune  te  0ahtt-<fàm)at0 

question  qui  nous  occupe,  à  l'impropriété  du  vocabulaire  employé.  Ouvrons  le  diction- 
naire :  Transcription  :  action  de  copier  une  chose  écrite  ;  transcription  d'un  acte  de 
l'état-civil.  Il  semble  que  la  transcription  doit  inspirer  la  même  confiance  que  l'origi- 
nal. Consultons  un  catalogue  de  musique  :  Berceuse  de  Tartampion,  pour  flûte  et 
triangle,  transcrite  pour  deux  pianos  à  huit  mains  par  Quincampois...  Il  est  bien  évi- 
dent que  le  sens  musical  du  mot  transcription  ici  est  contradictoire  à  son  sens  normal, 
ce  dont  nous  avise  d'ailleurs  le  dictionnaire  par  la  définition  :  action  de  reporter  (!)  un 
morceau  de  musique  d'un  instrument  sur  un  autre. 

Pour  apprécier  la  qualité  de  cette  opération,  rabâchons  des  vérités  premières.  En 
principe,  une  œuvre  d'art  est  ce  qu'elle  est,  on  ne  doit  y  toucher  sans  aucun  prétexte. 
En  musique,  si  une  pièce  ne  vous  plaît  pas,  ne  la  jouez  pas,  laissez-la  tranquille,  «  Mais 
si  Fauteur  avait  connu  telle  harmonie,  tel  timbre,  il  les  aurait  certainement  employés; 
voyez  comme  ça  fait  bien  là...  »  Avec  des  si,  on  ferait  tenir  Paris  dans  une  bouteille. 
Avec  un  tel  raisonnement,  on  pourrait  légitimement  établir  un  building  sur  le  Parthénon, 
faire  de  Sainte-Sophie  une  immense  gare  de  chemin  de  fer,  transformer  Saint-Séverin 
en  salle  de  cinéma,  etc.  etc. 

Donc,  pas  de  transcriptions  :  respect  de  la  pensée  de  l'auteur,  respect  de  l'œuvre 
qui  en  est  l'expression.  Un  courant  d'idée  commence  à  se  former  dans  ce  sens;  et  comme 
le  meilleur  garant  de  la  pensée  des  maîtres,  ce  sont  leurs  manuscrits  ou  les  éditions 
dont  ils  ont  eux-mêmes  surveillé  la  gravure,  la  Bibliothèque  Nationale  de  Vienne  vient 
de  créer  un  département  d'Archives  musicales  photographiques  :  les  chefs-d'œuvre 
seront  reproduits  en  «  phonogrammes  »  d'un  prix  accessible,  dont  la  comparaison  avec 
les  éditions  courantes  permettra  de  constater  les  mutilations  subies  par  la  musique  au 
cours  des  siècles. 

Et  il  ne  faut  pas  croire  qu'il  s'agit  de  peu  de  chose.  Il  y  a  une  vingtaine  d'années, 
j'avais  déjà  suspecté  de  l'authenticité  certaines  éditions  de  Franck  —  ce  dont  me  railla 
agréablement  Willy  dans  une  de  ses  lettres  de  l'Ouvreuse.  Or,  pour  ne  contrister  personne 
—  éditeur  ou  arrangeur  —  de  l'ancien  continent,  je  citerai  deux  exemples  pris  de  l'autre 
côté  de  l'eau  :  une  édition  de  la  Pastorale  pour  orgue  de  Franck,  dans  laquelle  on  a 
pratiqué  de  larges  coupures,  et  la  transcription  pour  les  chanteurs  nègres  de...  X Etude 
de  Chopin  en  Mi  majeur!! ! 

De  telles  libertés  ne  sont  pas  admissibles.  Comment  se  fait-il  donc,  pratiquement, 
qu'on  en  abuse  avec  un  sans-gêne  déconcertant?  Les  musiciens  ont  beaucoup  d'excuses. 
D'abord  «  ils  ne  savent  pas  ce  qu'ils  font.  »  Dans  les  Conservatoires,  dans  les  cours,  dans 
les  leçons  particulières  on  n'initie  jamais  les  élèves  aux  questions  de  critique  textuelle. 
Les  élèves,  devenus  à  leur  tour  maîtres,  virtuoses,  compositeurs,  continuent  d'ignorer  ce 
qu'ils  n'ont  jamais  appris.  Où  trouveraient-ils  d'ailleurs  le  temps,  pressés  par  les  néces- 
sités du  métier,  de  faire  de  la  photographie  musicale?  Ajoutons  que  l'instruction,  plus 
que  rudimentaire,  de  la  plupart  des  musiciens,  sera  à  jamais  incapable  de  leur  suggérer 
les  doutes  qui  pourront  assaillir  même  un  simple  bachelier  sur  la  question  de  l'authenti- 
cité des  textes. 

La  contagion  de  l'exemple  entraîne  ceux  qui  n'ont  pas  de  doctrine.  Enfin,  il  arrive 
souvent   qu'avec  les  transcriptions    on   gagne   beaucoup   d'argent.   C'est  un   argument 


tts  Concerto  99 

d'ordre   général  auquel  les  musiciens  ne  sont  pas  seuls  à  être  extrêmement  sensibles. 

Toutes  ces  considérations  expliquent  bien  des  choses.  Mais,  musicalement  parlant, 
il  y  a  un  fait  historique  qui  diminue  la  responsabilité  des  musiciens  en  cette  affaire.  Dès 
la  Renaissance,  on  prit  l'habitude  de  suppléer,  dans  le  quatuor  vocal,  les  voix  déficientes 
par  des  instruments  quelconques.  On  ne  voyait  aucun  inconvénient  à  exécuter  le  soprano 
sur  une  flûte,  à  chanter  la  partie  d'alto,  à  mettre  les  deux  voix  graves  à  une  viole  basse 
et  à  un  trombone.  Au  fond  —  et  cela  n'a  pas  varié  à  travers  les  siècles  —  l'auteur  pré- 
férait être  exécuté  ainsi  que  pas  du  tout.  L'usage  persista  jusqu'au  moment  où  coin. 
mença  l'instrumentation  ne  varietur  des  maîtres  de  l'orchestre.  Jusque-là  on  trouve 
des  pièces  «  propres  à  la  flûte,  au  hautbois,  au  violon,  à  la  viole,  musette,  vièle  et  autres 
instruments  à  l'unisson  »,  avec  une  parfaite  indifférence  pour  le  timbre  utilisé.  Mais  il 
ne  nous  est  pas  permis  de  réorchestrer  Beethoven,  comme  l'a  voulu  Mahler...  Et  comme 
déjà  —  déjà  !  —  Mozart  l'avait  fait  subir  à  Haendel  ! 

Ces  considérations,  qui  seront  complétées,  doivent  servir  à  expliquer  certaines  sévé- 
rités, rendues  nécessaires  par  le  laisser-aller  qui  domine  dans  certains  cantons  de  la 
musique.  Et  bornons-nous  maintenant  à  relater  quelques  faits  marquants. 

Tout  d'abord  l'hommage  rendu  à  Henry  Expert  par  la  Société  Internationale  des 
amis  de  la  musique  française.  En  quelques  mots  excellents,  M.  Migot  a  remémoré  le 
cursis  laboris  d'H.  Expert,  et  a  exprimé  le  vœu  qu'il  soit  bientôt  admis  à  faire  partie  de 
l'Institut.  Après  quoi  la  Çhanterie  de  la  Renaissance  a  donné  un  choix  de  pièces  — 
dont  le  merveilleux  Las,  je  me  plains,  d'A.  de  Bertrand  —  avec  cette  «  douceur  fran- 
çaise »  et  ce  goût  exquis,  ce  charme  que  seul  H.  Expert  sait  communiquer  à 
ceux  qu'il  dirige.  Non  initié  à  ce  genre  de  musique,  l'auditoire,  tout  d'abord  indifférent, 
ensuite  étonné,  intéressé,  puis  subjugué,  éclate  à  la  fin  en  ovations  en  l'honneur  du 
maître  qui  a  si  bien  travaillé,  depuis  tant  d'années,  pour  l'art  français.  Mais  quelqu'un 
ma-nquait  à  la  fête  :  le  gouvernement  aurait  pu  s'associer  à  cette  démonstration,  et 
envoyer  un  représentant  qui  aurait  apporté  le  témoignage  officiel  de  l'administration 
bien  due  à  celui  qui  a  consacré  sa  vie,  employé  sa  science  et  dépensé  sa  fortune  à  resti- 
tuer la  musique  de  la  Renaissance  française  en  des  éditions  qui  sont  l'enseignement  et 
la  joie  des  musiciens  et  des  dilettantes  du  monde  entier.  Du  temps  de  Louis  XIV,  un  tel 
homme  aurait  reçu  une  pension  de  la  cassette  royale.  N'insistons  pas  et  constatons 
simplement  que,  d'après  les  journaux,  le  Président  de  la  Répuplique,  M.  Herriot  et 
M.  Painlevé  ont  parfaitement  pu  se  déranger  pour  applaudir  ou  décorer  des  artistes  de 
Berlin,  de  Vienne  ou  d'ailleurs,  dont  il  ne  s'agit  pas  de  contester  le  talent,  mais  dont 
les  services  rendus  à  l'art  français  sont  des  plus  discutables... 

La  Petite  Scène  a  donné  les  Amants  Magnifiques,  de  Molière,  musique  de  Lully. 
La  partition,  peu  importante,  montre  de  temps  à  autre  l'ongle  du  lion.  Pour  notre  goût 
actuel,  la  pastorale  serait  peut-être  un  peu  longuette,  avec  la  réduplication  de  ses  allu- 
sions à  la  situation  des  trois  prétendants.  Mais  ce  n'est  qu'une  ombre  légère,  qui  n'atteint 
pas  l'ensemble  de  ce  spectacle  bien  français,  restitué  avec  un  goût  exquis,  une  parfaite 
entente  des  décors,  des  costumes,  de  l'action  scénique.  Il  faut  noter  que  le  clavecin, 
employé  pour  réaliser  la  basse  continue  et  produit  un  excellent  effet,  et  a  joué  vrai- 
ment, comme  autrefois,  le  rôle  d'agent  de  liaison  entre  les  diverses  parties  orchestrales. 


îoo  Ca  tribune  ht  &airtt~<&troais 

M.  Jan  Sliwinski  a  eu  l'excellente  pensée  d'extraire  de  l'œuvre  immense  de  Schubert 
une  vingtaine  de  lieds  oubliés  qui,  présentés  avec  un  soin  pieux,  et  mis  en  valeur  par  sa 
voix  prenante,  ont  révélé  au  public  de  nouveaux  aspects  du  génie  de  ce  grand  Maître, 
aussi  célèbre  que  mal  connu. 

Signalons  en  passant  la  séance  d'orchestre  de  chambre,  dirigé  par  Saminstry,  et  de 
Chant  —  Mme  Croiza,  —  où  ces  artistes  nous  ont  fait  connaître  des  œuvres  instrumen- 
tales et  des  mélodies  d'Honegger,  Schônberg,  Auric,  Szymanowski,  Saminski,  Jacobi, 
Krein.  Ce  petit  tour  d'horizon  de  la  musique  contemporaine,  exécuté  avec  les  moyens 
réduits  dont  on  aime  à  se  contenter  actuellement,  est  très  caractéristique  de  notre  temps, 
et  mériterait  à  lui  seul  une  longue  exégèse,  que  le  manque  de  place  ne  nous  permet 
pas... 

M.  Virgil  Thomson,  compositeur  américain,  a  fait  entendre  quelques-unes  de  ses 
œuvres  dans  la  nouvelle  et  charmante  salle  d'orgue  du  Conservatoire.  Ce  concert  com- 
mençait par  des  variations  et  fugues  pour  orgue  sur  des  cantiques  américains  (pas 
meilleurs  que  les  nôtres!)  une  pièce  pour  voix  seule  et  percussion,  une  Sonate  d'Eglise 
Choral,  Tango1  ,  Fugue  pour  clarinette,  trompette,  alto,  cor,  trombone,  (ensemble  aux 
sonorités  exquises),  et  des  airs  pour  soprano.  Il  est  instructif  pour  nous  de  voir  com- 
ment sont  compris  et  transformés  nos  styles,  hors  de  l'ancien  monde  :  des  parties  agres- 
sives, ultra-modernes,  voisinaient  avec  des  refrains  qui  pour  nous  évoquent  les  habitudes 
de  l'opérette.  Ce  mélange,  qu'on  peut  remarquer  même  chez  un  Darius  Milhaud,  n'a  rien 
enlevé  à  la  sympathique  attention  d'un  nombreux  auditoire.  Mme  Marthe  Martine, 
MM.  Fleury,  Prahl,  Hamein,  Adriano,  Ginot,  Entraigues,  Lafosse,  ont  triomphé  dans 
l'exécution  périlleuse  de  nombreuses  difficultés. 

Pour  finir  rien  qu'un  écho  de  quelques-uns  des  intéressants  concerts  donnés  à  la 
Schola  :  première  audition  d'un  chœur  extrait  de  «  Jan  de  la  Lune  »  (concert  de  l'Associa- 
tion des  professeurs  de  la  Schola)  de  M.  de  Lioncourt  —  du  même  auteur  réaudition  du 
quatuor;  quelques-uns  des  exquis  Rondeaux  de  Ch.  d'Orléans,  mis  en  musique  par 
M.  d'Argœuves;  le  Sonnet  pour  alto  et  piano  de  Mme  Cadier  —  enfin  le  concert  donné 
au  profit  de  l'Œuvre  des  Vieux  Musiciens,  par  l'orchestre  de  la  Schola  sous  la  direction 
de  M.  Claveau  :  à  noter  la  Médée  de  V.  d'Indy,  et  l'acte  de  la  Haine  (d'Armide)  où 
Mlles  Andrée  Campardon  (la  Haine)  et  Mad.  David  (Armide)  furent  remarquables  de  style 
et  d'autorité. 

E.  BORREL 

1,  Ceux  qu'offusquerait  ce  titre,  n'ont  qu'à  se  souvenir  des  Sarabandes,  Courantes,  Chaconnes,  etc,   nommé- 
ment désignées,  ou  simplement  indiquées  par  le  style  et  le  rythme,  chez  les  anciens  organistes... 

LYON.  —  Les  il  et  17  mai  à  la  Salle  Rameau,  première  représentation  intégrale  de 
la  nouvelle  œuvre  due  à  la  collaboration  de  Dom  L.  David  et  de  M.  Guy  de  Lioncourt  : 
le  Mystère  de  V Alléluia.  Justifiant  son  titre,  le  texte  et  la  mise  en  scène  nous  déve- 
loppent en  effet  dans  le  vrai  sens  spirituel  de  ce  renouveau  pascal,  né  de  la  douleur 
qui,  selon  le  mot  de  l'apôtre  crucifie  le  vieil  homme  pour  le  libérer  du  joug  du  péché 
en  lui  substituant  le  chrétien  ce  membre  mystique  du  Christ  qui  perpétue  dans  l'Eglise 
la  résurrection  du  Rédempteur.  Et  c'est  ce  qui  nous  explique  les  nombreux  emprunts 
faits  aux  Offices  de  la  Grande  Semaine. 


Cg0tt  101 

Ce  drame  liturgique  comprend  trois  parties  : 

I.  Les  ténèbres  du  Vendredi  saint  :  remords  des  Juifs,  désolation  des  amis  de 
Jésus  et  adoration  des  anges. 

IL  La  lumière  de  Pâques  :  les  Saintes  Femmes  et  les  Anges,  épisode  de  Madeleine, 
apparition  du  Christ. 

III.  Le  Cénacle  :  prière  des  Apôtres,  témoignage  de  Madeleine,  les  disciples  d'Em- 
maûs,  apparition  du  Christ. 

Le  chœur  intervient,  soit  en  polyphonie,  soit  par  l'intercalation,  dans  l'action  scé- 
nique,  de  pièces  caractéristiques  du  répertoire  liturgique  :  notons  entr'autres  le  bel 
Offertoire  Recordare,  de  la  fête  de  N.-D.  des  Douleurs,  le  célèbre  Media  vita,  le  Chris- 
tus  factus  est  dont  aucune  polyphonie  n'égalera  peut-être  la  sublime  majesté;  puis  ce 
sont  de  joyeuses  Antiennes  pascales,  l'Offertoire  Jubilate,  superbement  nuancé  et 
le  Victimae  paschali  triomphant.  Nous  remarquons  aussi  la  splendide  gradation  poly- 
phonique des  alléluia  du  Samedi  saint  d'une  fraîcheur  et  d'une  clarté  matutinales,  ainsi 
que  les  dialogues  des  anges,  le  Regina  caeli  sur  le  thème  liturgique,  enfin  le  beau  chœur 
final. 

N'ayant  pas  eu  l'occasion  d'entendre  le  Mystère  de  l'Emmanuel,  il  nous  semblait 
devoir  redouter  quelque  écueil  dans  un  développement  musical  prolongé  des  textes 
grégoriens.  Il  n'en  fut  certes  rien  :  la  belle  musique  de  M.  du  Lioncourt  a  su  admirable- 
ment mettre  les  ressources  et  la  liberté  d'une  écriture  très  moderne  au  service  de  ces 
pièces  liturgiques  qui  s'enchâssent  dans  un  ensemble  d'une  parfaite  cohésion.  Ce  serait 
le  cas  de  conclure  que  les  extrêmes  se  touchent  parfois  ;  et,  en  somme,  cette  musicalité 
moderne  de  bon  aloi,  affranchie  d'un  conventionalisme  qui  fut  souvent  trop  dramatique, 
et  visant  plus  directement  au  moyen  d'expression,  ne  s'apparente-t-elle  pas  en  cela  à  la 
cantilène  grégorienne  si  souple  en  son  rythme,  si  étrangère  à  tous  les  poncifs  qui 
dérivent  surtout  d'harmonisations  banales  ? 

Il  fallait  toutefois  le  sens  musical  averti  et  le  talent  des  auteurs  pour  ce  commen- 
taire éloquent,  et  de  si  parfaite  convenance  qu'à  aucun  moment  on  n'eut  la  moindre 
impression  d'une  opposition  entre  les  chœurs  grégoriens  et  la  polyphonie  ou  l'orchestra- 
tion qui  en  soulignaient  si  heureusement  la  couleur. 

Nous  disons  bien  :  la  couleur;  car,  s'il  y  avait  à  tenir  compte  d'une  action  scénique 
cette  mise  au  point  spéciale  n'est  en  nulle  contradiction  de  principe  avec  le  caractère 
intrinsèque  des  pièces  empruntées  au  répertoire  de  l'Office.  Nous  n'avions  pas  attendu 
cet  exemple  pour  expérimenter  que  le  grégorien  se  soutient  sans  pâlir  auprès  d'une 
riche  polyphonie,  à  condition  de  ne  pas  lui  infliger  cette  esthétique  conventionnelle, 
étriquée,  falote  et  sans  conviction,  refuge  aisé,  il  est  vrai,  de  grammairiens  musicaux 
novices,  mais  que  l'on  s'étonne  de  voir  accepter  par  d'autres.  Et  cette  opinion,  qui  vise 
le  seul  point  de  vue  d'art,  laisse  le  champ  très  libre  sur  toutes  autres  questions  d'école. 

Les  chœurs,  dont  il  faut  louer  l'aisance  et  la  souplesse,  furent  fournis  par  le  groupe 
choral  de  M11*  Monier,  et  la  maîtrise  qui,  nouvellement  constituée  par  M.  l'abbé  Perret 
à  l'église  Saint-Pothin,  a  le  mérite  d'apporter  régulièrement  cet  appoint  musical  aux 
offices  paroissiaux  pour  une  compréhension  bien  nécessaire  de  la  liturgie. 

Parmi  les  solistes,  le  mezzo  richement  timbré  de  Mme  Lysiane  Doriani  fit  valoir  le 


102  Ca  tribune  îre  daiitt-tifcroai* 

rôle  de  Marie-Madeleine;  Mlle  Thérèse  Humbert,  avec  une  parfaite  intelligence  de  son 
rôle  de  la  Vierge,  semble  avoir  la  meilleure  éducation  musicale  au  service  d'un  soprano 
très  pur. 

Le  rôle  parlé,  —  très  succinct  d'ailleurs,  —  du  Christ  nous  déçut  un  peu  :  l'intention 
évidente  était  d'en  faire  le  personnage  distinct  et  distant  de  tous  les  autres;  à  notre  très 
humble  avis,  nous  l'eussions  préféré  s'exprimant  en  quelque  récitatif  très  sobre  dont  le 
Resurrexi  de  Pâques,  avec  sa  tonalité  flottante  et  comme  lointaine  semble  une  expres- 
sion typique. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ce  détail,  l'œuvre  est  vibrante  d'une  émotion  religieuse  qui 
des  artistes,  se  communiqua  à  l'auditoire.  C'est  une  prédication  des  plus  vivantes.  Sou- 
haitons qu'elle  se  multiplie,  qu'elle  venge  nos  trésors  d'art  catholique  de  l'incompréhen- 
sion trop  fréquente  de  ceux  qui  devraient  les  servir,  ou  du  dédain  dont  les  gratifie  l'igno- 
rance. D'autre  part,  prier  sur  de  la  beauté  n'est  point  un  simple  dilettantisme,  c'est 
vraiment  créer  une  atmosphère  spirituelle  où  l'âme,  déprimée  par  le  contact  des  maté- 
rialités journalières  de  la  vie,  reprend  conscience  des  réalités  d'En-Haut  pour  y  tendre 
dans  un  effort  que  stimule  l'attrait. 

François  Johannès  . 


BELGIQUE 

La  Maîtrise  de  Saint-Rombaut  de  Matines  et  l'œuvre  de  Philippe  de 
Monte.  —  Depuis  une  dizaine  d'années  —  depuis  la  paix,  —  s'est  magnifique- 
ment développée  chez  nous  une  institution  dont  l'influence,  dans  le  domaine 
musical  religieux,  devient  de  première  importance  :  la  Maîtrise  de  la  cathé- 
drale Saint-Rombaut  à  Malines.  Institution  bien  ancienne  sans  doute  et  que 
fréquenta  notamment  dans  son  enfance  le  grand-père  de  l'auteur  de  la  Neu- 
vième symphonie,  ce  Louis  Van  Beethoven,  qui  naquit  à  Malines  le  5  janvier 
1712.  (Les  récentes  recherches  consignées  par  le  musicologue  Raymond  Van 
Aerde  dans  son  livre  Les  ancêtres  flamands  de  Beethoven,  établissent  la  filia- 
tion malinoise,  et  non  point  anversoise,  du  génial  compositeur). 

Depuis  la  fin  du  xv'  siècle  déjà,  la  manécanterie  de  Saint-Rombaut,  juste- 
ment réputée  dans  le  monde  musical,  forma  des  musiciens  et  des  maîtres  de 
chapelle  fameux,  parmi  lesquels  nous  citerons  au  hasard  Philippe  de  Monte, 
Divitis  (Ant.  De  Rycke),  de  la  Hèle,  Charles  Major,  et  le  reste  (cf.  Van  Aerde, 
op.  cit.).  Charles  Major,  originaire  de  Thuringe,  y  fut  précisément  le  maître 
de  Louis  Van  Beethoven  l'aïeul. 

Aujourd'hui,  sous  l'impulsion  du  chanoine  Van  Nuffel,  qui  dirige  aussi, 
après  Lemmens,  Tinel  et  Aloys  De  Smet,  l'Ecole  interdiocésaine  de  musique 
religieuse,  la  Maîtrise  de  Saint-Rombaut  revoit  ses  jours  d'antique  splendeur 
et  les  offices  solennels  à  Saint-Rombaut  acquièrent,  grâce  à  elle,  une  renom- 
mée mondiale. 

Homme  de  volonté  tenace  autant  que  de  science  et  d'expérience,  le  cha- 
noine Van  Nuffel  a  établi  sur  les  bases  les  plus  pratiques  le  fonctionnement  de 


iMgtque  103 

la  Maîtrise.  Le  point  délicat  en  pareille  matière,  c'est  d'abord  le  recrutement 
des  enfants.  Le  groupe  de  quatre-vingt-dix  jeunes  voix  dont  la  mue  élimine 
chaque  année  une  partie,  on  en  assure  la  cohésion  par  une  pré-instruction  mu- 
sicale donnée  déjà  dans  les  classes  primaires  du  Collège  archiépiscopal  de 
Saint-Rombaut.  A  chaque  rentrée  scolaire  annuelle,  le  chanoine  Van  Nuffel 
recherche  parmi  les  nouveaux  venus  les  natures  susceptibles  de  se  dévelop- 
per vocalement  ;  deux  professeurs  du  collège,  «  moniteurs  »  clairvoyants  et 
dévoués  du  chef,  en  assurent  la  formation  en  des  cours  donnés  plusieurs  fois 
par  semaine.  A  ces  moniteurs  est  aussi  confié  le  soin  des  répétitions  du  groupe 
des  enfants  enrôlés  déjà  dans  la  Maîtrise.  La  parfaite  unité  de  vues  existant 
entre  celle-ci  et  la  direction  du  Collège  Saint-Rombaut  est  garante,  on  le  voit, 
d'une  alimentation  régulière  et  d'un  travail  parachevé. 

La  difficulté  se  présente  plus  sérieuse  en  ce  qui  concerne  la  formation  des 
séminaristes  qui  constituent,  avec  des  amateurs  malinois  de  bonne  volonté,  le 
groupe  des  ténors  et  des  basses.  Au  séminaire  aussi,  un  renouvellement  partiel 
s'impose  chaque  année  ;  mais  grâce  à  l'appui  bienveillant  des  autorités  ecclé- 
siastiques, le  chanoine  Van  Nuffel  réussit  à  compléter  périodiquement  son 
groupe  de  voix  graves,  qui  compte  en  moyenne  une  soixantaine  de  participants. 

La  critique  musicale  de  Belgique  a  constaté,  avec  une  rare  et  touchante 
unanimité,  la  beauté  des  exécutions  de  Malines.  De  fait,  celles-ci  réalisent  une 
perfection  qui  met  la  Maîtrise  de  Saint-Rombaut  de  pair  avec  les  plus  fameuses. 
Nous  avions  l'occasion  de  l'écrire  déjà  en  1925  :  cette  perfection  réside  dans  la 
qualité  et  l'équilibre  des  voix,  la  chaleur  et  la  beauté  de  la  sonorité,  la  netteté 
de  l'articulation  ;  dans  ce  phraser  souple  et  plein  d'élan  qui  allie  à  la  discipline 
la  plus  stricte  l'impression  de  libre  spontanéité. 

La  pureté,  la  simplicité  du  style  ;  le  souci  de  la  couleur  et  du  caractère 
propres  des  époques  et  des  genres  ;  l'absence  de  toute  afféterie  et  le  mépris 
des  effets  de  «  virtuosité  »  chers  à  certaines  maîtrises  ultramontaines...  tous 
ces  éléments  de  l'intelligence  et  du  cœur  vivifient  et  rehaussent  la  splendeur 
dynamique  et  technique  des  interprétations  de  Malines. 

Le  répertoire  de  la  Maîtrise  témoigne  de  l'éclectisme  averti  de  son  chef 
lequel,  dans  ses  propres  compositions,  unit  d'ailleurs  des  hardiesses  modula- 
toires  très  actuelles  à  l'esprit  de  la  pure  tradition.  A  côté  des  maîtres  de  la 
grande  polyphonie,  on  entendit  à  Malines  les  intéressantes  Messes  (4  voix 
mixtes  et  orgue)  des  compositeurs  flandriens  Herberigs  et  Ryelandt,  et  les 
messes  pour  voix  d'enfants  de  Caplet  et  du  chanoine  Van  Nuffel. 

Mais,  depuis  l'an  dernier,  la  Maîtrise  s'emploie  surtout  à  ressusciter  l'œuvre 
trop  oublié  d'un  grand  écrivain  sacré  de  la  Renaissance,  Philippe  de  Monte, 
originaire  de  Malines  et  qui  vécut,  on  le  sait,  de  1521  à  1603.  En  1921,  le  musi- 
cologue malinois  Van  Doorslaer,  fervent  champion  de  la  cause  demontoise, 
avait  publié  une  monographie  déjà  complète  sur  les  origines,  la  vie,  les  composi- 
tions de  Philippe  de  Monte.  Avec  l'aide  du  chanoine  Van  Nuffel  et  de  notre 
éminent  confrère  Charles  Van  den  Borren,  l'œuvre  de  restauration  est  entrée 


104  &a  tribune  fre  6aittt-©ert)atô 

dans  la  voie  pratique.  Mis  en  partition  d'après  le  précieux  Livre  de  Chœur  de 
la  bibliothèque  du  Conservatoire  de  Bruxelles,  édités  par  les  soins  de  la  revue 
Musica  Sacra,  interprétés  magnifiquement  à  Saint-Rombaut,  des  motets  et 
huit  messes  de  Philippe  de  Monte  ont  révélé  un  maître  de  plan  supérieur, 
digne  émule  de  Lassus  et  de  Palestrina  dont  il  est  contemporain  immédiat. 

Dernier  grand  représentant  de  la  branche  néerlandaise  des  polyphonistes 
renaissants,  de  Monte  a  laissé  une  production  considérable,  religieuse  et  pro- 
fane. Il  est  un  des  plus  remarquables  compositeurs  de  madrigaux;  le  Dr  Van 
Doorslaer  en  a  mis  en  partition  le  premier  livre,  et  le  Dr  Einstein  s'occupe, 
pensons-nous,  d'en  publier  à  Berlin  d'importantes  séries. 

Ainsi  que  nous  le  disait  récemment  le  chanoine  Van  Nuffel,  quelles  que 
soient  la  valeur  et  la  signification  des  compositions  aujourd'hui  connues  de 
Philippe  de  Monte,  il  est  trop  tôt  pour  assigner  au  maître  malinois  une  place 
précise  dans  la  production  du  xvie  siècle.  Mais  tout  permet  de  penser  que 
l'étude  de  ses  quarante-huit  messes  et  du  millier  de  ses  madrigaux  et  motets 
fera  ressortir  avec  plus  d'évidence  encore  la  qualité  magistrale  de  son  art. 

C'est  pourquoi  la  Belgique  a  le  devoir  de  devancer  les  musicologues  et  les 
éditeurs  de  Germanie  dans  l'œuvre  de  restauration  si  intelligemment  initiée 
et  poursuivie  par  nos  savants  spécialistes  et  par  la  Maîtrise  de  Saint-Rombaut. 

G.  Systermans. 


LES  LIVRES 

1°  POÈTES  ET  MUSICIENS  DU  XVe  SIÈCLE,  Paris,  1924;  2°  TROIS 
CHANSONNIERS  FRANÇAIS  DU  XVe  SIÈCLE,  fascicule  I,  Paris,  1927; 
publiés  par  E.  Droz,  G.  Thibault,  et  pour  le  2e,  avec  la  collaboration  de 
Y.  Rokseth.  Documents  artistiques  du  xve  siècle,  tome  i,  150  fr.,  et  tome  iv, 
195  fr.  (pour  les  souscripteurs).  In-4°  raisin,  notices,  héliogravures  et  transcrip- 
tions musicales.  Paris,  éditions  Droz. 

Bien  que  ces  admirables  publications  dues  à  la  science  éclairée  et  au  goût 
artistique  de  M"es  Droz  et  Thibault,  et  de  Mme  Rokseth,  n'intéressent  pas  direc- 
tement la  musique  religieuse,  elles  éclairent  d'un  jour  trop  grand  la  musique 
du  xive  siècle  et  du  xve,  pour  ne  pas  les  présenter  à  nos  lecteurs.  Nous  étions 
indécis  de  savoir  où  en  placer  la  notice  :  bibliographie  pure  d'un  livre  intéres- 
sant notre  art,  ou  éditions  musicales?  A  vrai  dire,  ces  publications  sont  l'un  et 
l'autre  :  mais,  comme  je  doute  que  les  luxueuses  éditions  de  ces  pièces  médié- 
vales ou  de  la  polyphonie  vocale  à  sa  naissance  puissent  être  prises  en  main 
pour  l'usage,  je  préfère  les  classer  sous  la  première  rubrique. 

C'est  à  dessein  que  je  rapproche  les  deux  publications  précédentes  (dont 


Ces  Cttrrfô  io5 

la  première  parut  alors  que  la  Tribune  de  Saint-Gervais  était  encore  en  som- 
meil). Suscitées  par  le  bel  enseignement  donné  à  la  Sorbonne  par  notre  émi- 
nent  confrère  et  ami  M.  A.  Pirro,  ces  volumes  sont  l'amorce  d'un  «  corpus  » 
de  la  musique  française  au  xve  siècle.  Le  tome  des  Poètes  et  musiciens,  qui 
est  déjà  épuisé,  contient  quatorze  pièces  à  plusieurs  parties,  tant  vocales  qu'ins- 
trumentales, allant  de  deux  «  déplorations  »  sur  la  mort  de  Guillaume  de 
Machaut  (1377)  jusqu'à  l'époque  d'Anne  de  Bretagne  (1500).  Le  1er  fascicule  des 
chansonniers  français  du  xve  siècle  contient  quarante-neuf  pièces,  et  l'ouvrage 
entier  donnera  deux  cent  quarante-cinq  pièces  demeurées  jusqu'ici  inédites. 

L'art  réel  des  successeurs  de  Machaut  et  des  prédécesseurs  de  Du  Fay, 
l'œuvre  de  cet  auteur,  de  ses  émules  et  de  ses  élèves,  de  Binchois,  Busnoys, 
Ockeghem  et  tant  d'autres,  est  ici  magnifiquement  illustré  et  exposé.  Il  n'est 
plus  possible  d'ignorer  toutes  ces  œuvres  véritablement  artistiques,  repro- 
duites, présentées,  commentées  avec  un  soin  et  une  science  des  plus  minu- 
tieux, si  l'on  veut  connaître  l'aspect  réel,  l'interprétation,  des  œuvres  reli- 
gieuses contemporaines,  dont  nous  donnons  déjà  quelques-unes  dans  cette 
revue. 

Cette  publication  constitue  un  document  d'art  inappréciable  autant  qu'utile. 


LE  MANUSCRIT  MUSICAL  M.  222  C.  22,  de  la  Bibliothèque  de  Stras- 
bourg (xve  siècle),  brûlé  en  1870,  et  reconstitué  d'après  une  copie  partielle 
d'Edmond  de  Coussemaker,  par  Ch.  Van  Den  Borren  Extrait  des  Annales  de 
l'Académie  Royale  d'Archéologie  de  Belgique,  1923.  Anvers  1924,  in-8°  de 
219  pages.  1928,  en  vente  chez  l'auteur,  55,  rue  Stanley,  Bruxelles.  Prix,  pour 
la  Belgique  :  30  francs  ;  pour  l'Etranger  :  9  belgas. 

Ce  titre,  un  peu  énigmatique  pour  «  le  grand  public  »,  est  des  plus  capti- 
vants pour  les  musiciens  qui  s'intéressent,  —  et  ils  le  devraient  tous  —  à  l'art 
du  moyen  âge.  Le  célèbre  manuscrit  de  Strasbourg  fut  un  des  plus  intéressants 
parmi  ceux  du  début  du  xve  siècle,  et,  depuis  qu'il  fut  brûlé  dans  l'incendie  de 
la  Bibliothèque  de  cette  ville,  au  cours  du  siège  de  1870  par  les  Prussiens, 
combien  on  en  déplorait  la  perte  !  Depuis  ce  temps,  la  découverte  que  je  fis  du 
manuscrit  d'Apt  en  1900,  celle  du  manuscrit  d'Ivrée  par  M.  le  chanoine  Gino 
Borghezio,  et  quelques  autres  attestations  recueillies  çà  et  là,  permirent 
d'identifier  quelques-unes  des  pièces  du  précieux  manuscrit  de  Strasbourg, 
dont  on  possédait  une  table. 

M.  Ch.  Van  den  Borren,  érudit  et  chercheur  infatigable,  a  eu  la  chance  de 
remettre  la  main  sur  les  notes  et  copies  que  E.  de  Coussemaker  avait  prises 
de  ce  manuscrit  vers  1866,  restées  ignorées  dans  des  papiers  de  famille. 
Aujourd'hui,  il  est  ainsi  permis  de  reconstituer  presque  en  leur  entier,  les 
pièces  de  ce  manuscrit  alsacien,  témoin  du  confluent  artistique  international 
qu'était  Strasbourg  aux  environs  de  l'an  1400,  et  dans  lequel,  sans  être  pré- 
pondérante, l'influence  française  est  si  importante.  Chansons, rondeaux,motets 


106  Ca  tribune  îre  £aittt-<®m}at0 

profanes  et  sacrés,  morceaux  de  messes,  composent  ce  manuscrit,  au  nombre 
de  213  pièces  à  1,  2,  3,  4  voix,  chantées  ou  instrumentales. 

Le  présent  volume  donne  leur  analyse  complète,  et  laisse  espérer  que 
Ch.  Van  den  Borren  en  donnera  une  transcription  excellente  et  complète. 

A.  G. 
ART  ET  SGOLASTIQUE,  par  Jacques  Maritain.  1  volume,  350  pages, 
Paris,  L.  Rouart,  20  francs. 

Le  beau  livre  !  écrit  par  un  véritable  poète.  La  magnifique  et  substantielle 
doctrine  !  donnée  par  l'un  des  maîtres  les  plus  éminents  de  la  pensée  française. 
Il  s'agit,  on  ne  l'ignore  pas  sans  doute,  d'un  petit  traité  d'Esthétique  d'après 
les  principes  de  la  philosophie  thomiste.  Une  première  édition  en  avait  été 
donnée  en  1920;  l'auteur  l'a  soigneusement  revue  et  enrichie  de  très  précieux 
développements. 

Un  pareil  travail  ne  saurait  être  résumé  en  quelques  lignes,  il  est  même 
impossible  d'en  indiquer  les  pages  saillantes.  Jusqu'aux  moindres  notes,  tout 
est  à  lire  :  oh!  non  pas  en  chemin  de  fer,  ou  à  l'heure  de  la  sieste,  mais  dans 
la  plus  parfaite  solitude  et  dans  la  plus  grande  liberté  d'esprit.  Il  faudra  même 
reprendre  souvent  cette  lecture,  pour  s'assimiler  une  pensée  si  dense,  si  vigou- 
reuse, si  tonifiante. 

Les  musiciens  d'église  seront  heureux  de  trouver  là  d'admirables  chapitres 
sur  l'art  religieux.  Pourtant,  si  tout  le  monde  s'accorde  avec  M.  Maritain  quant 
aux  principes  (l'essentiel  en  somme),  peut-être  les  applications  qu'il  en  fait  ne 
satisferont  pas  certains  lecteurs;  pour  ma  part,  je  suis  loin  dégoûter  quelques 
appréciations  et  jugements  par  trop  catégoriques  sur  des  musiciens  et  surtout 
sur  des  contemporains.  Mais  notre  profonde  admiration  pour  l'auteur,  ne  nous 
oblige  pas  à  l'accepter  comme  maître  de  musique. 

Au  fait,  si  tout  le  monde  ne  s'entend  pas,  tant  mieux  !  Il  serait  souhaitable, 
je  crois,  qu'on  élevât  de  ci,  de  là,  quelques  objections,  non  certes  pour  embar- 
rasser M.  Maritain,  mais  pour  l'amener  à  préciser,  peut-être  à  rectifier  quelques 
points  secondaires. 

Sujet  de  fréquentes  et  fructueuses  méditations  pour  tous  les  artistes, 
source  de  nombreux  courants  d'idées  vivifiants  dans  le  monde  artistique  et 
intellectuel,  voilà  ce  que  devrait  être  ce  petit  ouvrage. 

En  terminant,  je  ne  puis  m'empêcher  de  formuler  discrètement  une 
remarque  :  il  y  a  aujourd'hui  en  France  un  grand  musicien,  un  chef  d'école, 
dont  l'enseignement  s'inspire  des  mêmes  principes  que  ceux  de  M.  Maritain; 
il  est  infiniment  regrettable  qu'on  le  méconnaisse  au  point  de  ne  pas  le  nom- 
mer et  de  ne  pas  faire  la  moindre  allusion  à  ses  écrits.  Les  élèves  de  la  Schola, 
qui  sauront  de  qui  je  veux  parler,  en  seront  franchement  peines. 

Maurice  Gay. 


C'CBtttott  muôtrcde  107 


L'ÉDITION  MUSICALE 

LE  SOLFÈGE  DES  CHANSONS  DE  FRANCE,  par  François  Johannès, 
2e  Livre,  avec  une  préface  de  M.  Henri  Expert.  In-8°  de  76  pages;  Editions 
Maurice  Senart,  Paris  :  prix  net,  6  fr. 

Voilà  une  délicieuse  publication,  qui,  malgré  son  titre  modeste,  est  le  fruit 
d'un  précieux  travail,  et  rentre  à  merveille  dans  le  cadre  de  notre  revue.  En 
deux  mots,  Fr.  Johannès  a  voulu  créer,  comme  le  dit  si  justement  notre  con- 
frère M.  Henri  Expert,  «  un  solfège  pour  les  petits  Français,  basé  sur  nos 
chansons  populaires  »  ;  la  lre  partie,  formée  de  «  principes  clairs,  solides,  d'une 
facile  assimilation  »,  parut  il  y  a  quelques  années.  La  suite  que  souhaitait  le 
préfacier,  développant  la  partie  des  modalités  du  moyen  âge  «  qui  ont  produit 
avec  tant  de  chansons  populaires,  la  merveilleuse  floraison  de  nos  chants 
d'Eglise  »,  vient  de  sortir  de  librairie. 

Une  centaine  de  mélodies  de  vieilles  chansons  traditionnelles,  empruntées 
à  diverses  provinces,  et  des  exemples  de  chant  grégorien,  sont  compris  dans 
cette  exquise  méthode,  destiné  à  abolir  les  rébarbatifs  solfèges,  aux  leçons 
plates  et  souvent  sans  goût.  Répandons  autour  de  nous  cet  excellent  ouvrage  : 
il  devrait  avoir  place  dans  toutes  les  institutions  et  écoles  catholiques,  par  le 
choix  des  pièces  qu'à  recueillies  l'auteur,  et  par  le  point  de  vue  auquel  elle 
s'est  placée.  Je  dis:  «elle»,  car  F.  Johannès  est  le  pseudonyme  sous  lequel 
s'est  fait  connaître,  par  ses  intéressantes  œuvres  de  musique  religieuse,  l'une 
de  nos  excellentes  correspondantes. 

CANTATE  pour  le  troisième  jour  après  Noël.  «  Voyez  quel  amour  le  Père 
nous  a  témoigné  »,  de  J.-S.  Bach,  adaptation  française  et  annotations  de  Jean 
de  Valois    Paris,  Choudens  ;  la  partition  complète,  prix  net,  5  fr. 

Voici,  de  cette  intéressante  œuvre  du  grand  maître,  une  édition  nouvelle, 
dont  la  qualité  est  d'avoir  été  revisée  et  adaptée  par  notre  ami  M.  J.  de  Valois. 
La  difficulté  de  traduire  un  texte  de  langue  étrangère  par  une  version  à  la  fois 
fidèle  et  chantable  a  été  très  heureusement  surmontée  ;  des  syllabes  françaises 
sonores,  bien  accentuées,  correspondent  du  plus  près  à  l'original  allemand. 
L'adaptateur  a  établi  son  texte  en  vers  libres,  avec  quelques  assonances  (que 
nous  aurions  dû  voir  surtout  dans  les  chorals).  Des  annotations  musicales  et 
indications  d'instruments  sont  précieuses  à  qui  ne  possède  pas  la  grande 
édition  de  J.-S.  Bach. 

«  Souvenez-vous  Eucharistique  »,  solo  et  chœur  à  2  voix  égales  ou  à  l'unis- 
son, avec  accompagnement  d'orgue  ou  harmonium,  par  l'Abbé  Louis  Boyer. 
Lyon,  Gloppe  ;  partition,  prix  net,  5  fr.  ;  parties  de  voix,  0  fr.  50. 

Œuvrette  simple  et  charmante  du  compositeur  bien  connu,  destinée  à  une 

journée  de  Première  Communion.  Facile  et  ému,  ce  cantique  de  M.  l'Abbé 

L.  Boyer  sera  certainement  goûté. 

A.  G. 


io8  £<x    tribune  be  0ahtt-<ftenmiô 


ANGLETERRE 

Nous  relevons,  comme  susceptibles  d'intéresser  nos  lecteurs,  les  publica- 
tions suivantes  de  Bibliographie  musicale  anglaise,  publiées  à  Londres  pen- 
dant l'année  1927. 

R.  Meyrick  Roberts,  The  organ  at  Liverpool  Cathedral (Musical  Opinion 
Office).  —  Charles  W.  Pearce,  The  évolution  of  the  pedal  organ  and  matters 
connected  therezuith  (ibid).  —  Herbert  Westerby,  The  complète  organ-recita- 
list  (ibid).  —  J.-H.  Arnold,  Plainsong  accompaniement  (Oxford  University 
Press).  —  Frederick-John  Gïllmann,  The  évolution  of  the  English  hymn 
(George  Allen  and  Unwin).  —  Handbook  to  the  Church-Hymnary ,  édition 
revisée,  publiée  par  James  Moffatt  (Oxford  University  Press).  —  James. -T. 
Lightwood,  Methodist  music  of  the  xvmth  Century  (Epwarth  Press). 

Une  messe  anonyme  à  5  voix  Quam  suavis,  transcrite  par  l'organiste  de 
l'Oratoire  de  Birmingham,  H.-B.  Collins,  vient  d'être  mise  à  jour  par  les  soins 
de  la  Plainsong  and  Medixval  Society.  Remontant  à  l'année  1500  environ, 
elle  est  construite  sur  le  thème  du  Sanctus  de  la  Messe  des  Anges.  Essentielle- 
ment vocale  et  mélodique,  elle  se  recommande  par  la  variété  de  sa  facture  et 
de  son  écriture.  Il  est  à  souhaiter  que  cette  œuvre  paraisse  bientôt  dans  une 
édition  pratique,  et  qu'elle  soit  ainsi  rendue  à  l'usage  musical. 

M.-L.  P. 

ALLEMAGNE 

Parmi  les  nouvelles  publications  des  éditeurs  Breitkopf  et  Haertel,  citons  : 
L'Art  de  la  Fugue  (Kunst  der  Fuge)  de  J.-S.  Bach,  arrangé  par  Wolfgang 
Graeser  pour  l'orchestre  suivant  :  quatuor,  orgue,  2  clavecins  ou  pianos,  un 
hautbois,  un  cor  anglais,  un  basson,  deux  trompettes,  deux  trombones.  L'œuvre, 
sous  cette  forme  a  été  exécutée  le  26  juin  1927,  à  l'église  Saint-Thomas,  de 
Leipzig,  sous  la  direction  du  Dr  Karl  Straube. 


LES    REVUES 
FRANCE 

En  première  ligne,  je  signalerai  aujourd'hui  deux  Bulletins  d'associations  musicales 
qui,  peut-être,  deviendront  un  jour  de  véritables  revues  : 

1"  Le  Bulletin  de  l'Union  des  Maîtres  de  Chapelle  et  Organistes  (siège  social  : 
i5,  avenue  du  Maine,  Paris,  xve),  qui,  depuis  l'hiver  dernier,  paraît  une  fois  par  trimestre, 


Ceô  Uennes  109 

selon  les  nécessités  de  l'œuvre.  On  sait  comment  l'Union,  fondée  depuis  une  vingtaine 
d'années,  mais  réorganisée  à  deux  reprises,  par  suite  de  la  guerre,  prend  de  la  vie  et  de 
l'importance  parmi  les  musiciens  d'église  de  Paris,  auxquels  elle  est  destinée.  Son  Bul- 
letin, très  complet,  comprend  les  convocations,  comptes  rendus  des  auditions  de  l'Union, 
liste  des  membres,  catalogue  de  la  bibliothèque,  tous  renseignements  qui  doivent  être 
utiles  à  tous  les  confrères  faisant  ou  non  partie  de  l'Union  parisienne. 

2°  La  Tribune,  organe  de  l'Association  Amicale  des  Chanteurs  d'Eglise  de  Paris 
(siège  social,  2  bis,  rue  Laferrière,  Paris,  ixe).  Le  premier  numéro  de  ce  bulletin  est  paru 
en  février,  et  correspond  à  l'importance  de  ce  puissant  syndicat.  Bien  qu'en  principe 
destiné  à  traiter  des  questions  d'organisation  purement  professionnelle,  j'y  ai  vu  avec 
plaisir,  sous  l'initiale  de  son  président,  un  appel  pressant  en  vue  de  la  transformation  du 
«  répertoire  désuet  »  par  des  œuvres  se  conformant  aux  exigences  du  Motu  proprio,  puis 
en  faveur  des  répétitions  pour  préparer  le  chant  grégorien  du  Propre  du  Temps.  Il  y  a 
là  l'indice  d'un  sérieux  mouvement  en  faveur  de  la  vraie  musique  religieuse,  chez  les 
Chanteurs  d'Église  de  Paris. 

Meilleurs  souhaits  à  ces  jeunes  bulletins,  et  vœux  d'une  bonne  continuation  dans 
leur  action  salutaire  et  dirigée  vers  un  but  en  rapport  avec  la  destination  de  l'art  litur- 
gique. 

A.  G. 

Tablettes  de  la  Schola,  XXVI,  n°  5.  —  G.  de  Lioncourt  :  L' accompagnement  du 
chant  grégvrien,  excellent  et  très  pratique  article,  véritable  «  programme  »  d'un  accom- 
pagnement simple,  respectueux  des  vraies  modalités  musicales  et  des  appuis  rythmiques 
à  commencer  par  l'accent,  vrai  animateur  de  la  mélodie. 

Petite  Maîtrise.  —  N°  180  (n°  chant)  ;  note  A  messieurs  les  Curés  et  Maîtres  de 
Chapelle  du  Diocèse  de  Paris,  au  sujet  du  conflit  dont  une  partie  de  la  musique 
d'église  moderne  est  victime  ;  liste  des  compositeurs  publiés  au  Bureau  d'Edition  de  la 
Schola  et  ne  faisant  pas  partie  de  la  Société  des  Auteurs.  —  Suite  des  études  de 
M.  l'Abbé  P.  Bayart,  Pour  que  le  peuple  chante,  et  des  Propos  d'un  grincheux,  de 
E.  Borrel.  —  Nos  179  et  181  (nos  orgue),  Causeries  sur  l'harmonium,  excellents  conseils 
pratiques  de  R.  Blin,  et  A  quoi  pensent  les  organistes  ?  suite  des  belles  études  critiques 
de  A.  Trotrot-Dériot.  A  signaler,  parmi  les  pièces  musicales  du  n°  181,  la  Fugue  sur 
«  Pange  lingua  »,  de  Albert  Bertelin,  belle  et  aisée  à  jouer. 

Revue  du  chant  grégorien. —  XXXII,  n°  3.  A.  Gastoué  :  Une  Salutation  au 
T.-S.  Sacrement,  curieuse  invocation  commençant  par  Ave,  salus  mundi,  remontant 
au  moins  au  xme  siècle,  ayant  donné  lieu  à  une  mélodie  caractéristique  de  plain-chant, 
et  mise  en  motet  à  4  voix  au  xvne.  —  J.  Remillieux  :  Un  «  grand  »  Mariage  ;  Dom 
L.  David  :  La  Messe  «  pro  Sponsis  »  ;  deux  articles  très  complets  et  très  captivants,  à 
propos  du  répertoire  chanté  aux  messes  de  mariage,  pour  qu'il  soit  plus  religieux,  et  la 
messe  plus  liturgique. 

Revue  grégorienne.  —  XIII,  n«  3.  Dom  F.  Cabrol  :  Le  chant  du  «  Pater  »  à  la 
Messe,  ses  origines,  ses  formes,  première  partie,  historique,  de  cette  belle  étude  qui  sera 


no  Ca  tribune  î>e  0aiîtt~<fôen>at3 

continuée.  —  Dom  Hébert  Desroquettes,  L' accompagnement  de  la  mélodie  grégorienne, 
article  envisageant  surtout  le  cas  d'une  clivis  finale,  où  nous  sommes  d'accord  avec  l'au- 
teur sur  la  manière  de  traiter  harmoniquèment  cette  clivis,  dont  la  première  noté  est 
habituellement  une  appogiature. 

Revue  pratique  de  liturgie  et  de  musique  sacrée  (Lille).  —  n°  127-128.  Encartage, 
O  vos  omnes  qui  transitis,  à  4  voix  mixtes,  de  Jacques  Van  Berchem  (xvie  siècle), 
reconstitué  par  M.  l'Abbé  J.  Delporte,  œuvre  belle  et  expressive,  dont  les  paroles  sont 
bizarrement  formées  de  centons  de  divers  répons  de  la  Semaine-Sainte  ;  grand  motet  en 
trois  parties,  avec  curieuse  reprise  de  la  première,  il  apporte  du  nouveau  à  notre  con- 
naissance de  la  musique  de  cette  époque,  à  laquelle  M.  l'Abbé  Delporte  continue,  à  tort, 
d'appliquer  l'épithète  d'  «  école  flamande  ». 

Informateur  musical  et  théâtral  (Lyon),  VII,  n°  6,  et  Revue  St-Chrodegang  (Metz), 
X,  n°3,  reviennent  sur  le  conflit  des  droits  d'auteur;  la  première  de  ces  revues  tient  pour 
leur  légitimité,  même  à  l'église  :  la  seconde  s'y  oppose.  Tout  le  conflit  est  entre  ces  deux 
exceptions;  plusieurs  projets  sont  à  l'étude  pour  trouver  l'heureux  moyen  terme.  — 
Ajoutons  toutefois  qu'en  plusieurs  diocèses  la  perception. des  droits  d'auteur  à  l'église  a 
lieu  depuis  un  assez  grand  nombre  d'années,  sans  que  personne  s'en  soit  jamais  plaint. 

Bulletin  de  la  Schola  Cazcilia  (Toulouse).  —  Malgré  son  titre  modeste,  c'est  un 
périodique  bien  intéressant  que  ce  bulletin,  publié  par  M.  l'Abbé  Louis  Ollier,  le  dis- 
tingué maître  de  chapelle  de  la  Cathédrale  de  Toulouse.  Paraissant  depuis  un  an  et  demi, 
ce  périodique,  avec  les  programmes  des  offices  chantés  de  la  cathédrale,  et  des  nouvelles 
de  la  société,  contient  une  bonne  documentation  et  des  articles  intéressants  sur  la 
musique  sacrée.  Le  n°  lt,  paru  en  mai,  est  extrêmement  intéressant  par  une  étude  sur 
Charles  Bordes  et  Georges  Guiraud  ;  ce  dernier  musicien  travaillait,  au  moment  de  sa 
mort  récente  (voir  notre  article  Nécrologie)  à  un  petit  oratorio  sur  les  Rameaux,  dont 
il  avait  déjà  autrefois  étudié  le  plan,  de  concert  avec  notre  regretté  fondateur.  M.  l'Abbé 
Ollier  publie  à  cette  occasion  une  longue  et  curieuse  lettre  de  Bordes  à  ce  sujet,  que 
nous  lui  demandons  la  permission  de  reproduire  dans  un  de  nos  prochains  numéros. 

Czecilia  (Strasbourg).  —  Ce  très  vaillant  bulletin  bilingue  de  V Union  Sainte-Cécile 
du  diocèse  de  Strasbourg  poursuit  vaillamment  sa  carrière,  sous  la  direction  du  sympa- 
thique M.  l'Abbé  Emile  Clauss,  vice-président  de  l'Union,  aux  côtés  du  zélé  M.  le  Cha- 
noine Jos.  Victori.  Avec  un  plan  analogue  à  celui  des  «  grandes  »  revues,  ce  bulletin  très 
pratique  répond  à  tous  les  besoins  de  l'Alsace  chantante,  par  ses  articles  pratiques  ou 
documentaires,  ses  réponses  détaillées  aux  questions  posées,  etc.  Dans  les  numéros  de 
cette  année,  M.  l'Abbé  Goehlinger  publie  même  toute  une  série  d'études  sur  l'histoire 
musicale,  Gesangund  Musik  einstund  jetzt  (Chant  et  musique  autrefois  et  aujourd'hui) 
en  partant  de  l'antiquité  et  du  haut  moyen  âge.  —  Adressons  nos  particuliers  remercie- 
ments à  M.  l'Abbé  Em.  Clauss  pour  les  mentions  spéciales  qu'il  a  bien  voulu  faire,  à 
diverses  reprises,  de   nos  revues   et  de  nos  publications. 

Lyrica,  Bulletin    du   groupe  d'Études  Scientifiques  et  Techniques  du  Chant  (Paris. 


Xtécxoloqu  m 

71,  rue  de  l'Assomption),  publie,  dans  son  «  Supplément  n°  1  »  de  cette  année,  les  très 
intéressants  comptes  rendus  des  séances  consacrées  à  ce  sujet  :  des  rapports  et  confé- 
rences de  MM.  le  Dr  Cayla,  Labarraque,  professeur  Husson,  etc.,  sur  la  Respiration, 
sont  particulièrement  à  signaler. 

La  Revue  des  Revues  de  l'Étranger  est  reportée  au  prochain  numéro. 


NÉCROLOGIE 


M.  le  Chanoine  Bourdon:  R.  P.  Dom  Anselme  Deprez;  M.  Omer  Guiraud 

Ces  derniers  mois,  la  corporation  des  maîtres  de  chapelle  et  organistes  a  perdu  trois 
des  siens,  dont  la  personnalité  était  marquante. 

M.  le  Chanoine  Bourdon,  maître  de  chapelle  de  la  cathédrale  de  Rouen  depuis  l8g5, 
tint  une  place  parmi  ses  confrères.  Héritier  des  traditions  de  grande  musique  de  la 
cathédrale,  à  la  tête  d'un  chœur  fortement  organisé,  et  bien  soutenu  par  un  clergé  ami 
des  belles  choses,  M.  le  chanoine  Bourdon  avait  su  réaliser  à  Rouen  d'intéressants  offices. 
Si  le  répertoire  y  gardait  encore  certaines  œuvres  plutôt  décoratives,  en  usage  depuis  un 
siècle,  elles  étaient  choisies,  et  remarquablement  exécutées.  M.  Bourdon,  connaissant  à 
fond  son  métier,  avait  lui-même  écrit  un  certain  nombre  de  pièces  à  l'usage  de  la  cathé- 
drale :  ses  idées  personnelles  sur  le  chant  grégorien  ne  lui  avait  malheureusement  pas 
toujours  permis  d'assurer  une  unité  parfaite  à  l'exécution  du  plain-chant.  Elles  n'en 
avaient  pas  moins  été  approuvées  par  S.  Em.  le  Cardinal  Dubois,  lorsqu'il  était  arche- 
vêque de  Rouen.  Erudit  chercheur,  M.  le  Chanoine  Bourdon  avait  publié,  en  collabo- 
ration avec  M.  l'Abbé  Colette,  une  belle  Histoire  de  la  maîtrise  de  Rouen,  et  une  pré- 
cieuse notice  sur  les  Orgues  de  cette  église.  Pendant  longtemps,  M.  Bourdon  eut  au 
grand  orgue,  en  M.  Haelling,  décédé  l'an  dernier,  un  remarquable  émule  pour  rehaus- 
ser la  beauté  de  ses  offices. 

Le  R.  P.  Dom  Anselme  Deprez,  de  l'Abbaye  de  Maredsous,  fut  pendant  de  longues 
années  organiste  de  cet  important  monastère.  Bon  musicien  en  même  temps  que  litur- 
giste,  ainsi  qu'il  est  de  tradition  dans  l'ordre  de  saint  Benoît,  Dom  Deprez  cherchait 
l'union  parfaite  des  pièces  d'orgue  qu'il  exécutait  et  de  la  liturgie  qu'elles  devaient  enca- 
drer. Maîtres  classiques  et  modernes  étaient  heureusement  par  lui  mis  à  contribution,  et 
volontiers  donnait-il  les  plus  larges  conseils  aux  jeunes  musiciens  qui  l'approchaient. 
Improvisateur  consciencieux,  Dom  Deprez  s'attacha  aussi  à  la  composition  de  Can- 
tiques populaires,  presque  tous  publiés  par  les  Editions  musicales  de  la  Schola  Canto- 
rum,  où  ils  forment  cinq  séries  appréciées. 


112  Ca  tribune  fre  Ôamt-dftenmts 

M.  Orner  Guiraud  qui  jadis  collabora  avec  Ch.  Bordes  en  différentes  occasions,  et 
fut  à  Paris  l'un  de  nos  meilleurs  confrères,  tenait  remarquablement,  depuis  vingt  ans,  le 
grand  orgue  admirable  de  la  basilique  Saint-Sernin  de  Toulouse.  Serviteur  exact  de  la 
liturgie,  observateur  minutieux  de  ses  prescriptions  et  de  son  esprit,  Guiraud  savait  allier 
dans  son  jeu  l'art  ancien  et  actuel,  le  sens  grégorien  et  le  goût  populaire  dans  ce  qu'il  a 
de  traditionnel.  Compositeur,  don  qu'il  tenait  de  famille,  puisque  son  père  X.  Guiraud 
occupa  un  rang  distingué  dans  la  musique  profane,  Orner  Guiraud  est  l'auteur  du  beau 
chant  catholique  et  français  (connu  aussi  sous  le  nom  de  «  La  Roubaisienne  »)  Debout, 
chrétiens!  sur  des  paroles  du  R.  P.  Delaporte.  Pendant  quelques  années,  on  put  espérer 
que  cette  belle  inspiration  serait  comme  le  drapeau  musical  des  Congrès  catholiques  : 
les  circonstances  l'ont  malheureusement  desservie,  c'est  dommage;  il  conviendrait  de 
remettre  ce  chant  en  lumière. 

R.  I.  P. 

A.  G. 


^  tfnbune 


Tome  JtfV 
N°  4  -  1928 


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jgcholo  (JJantoram 


LA  TRIBVNE 
DE   SAINT-GERVAIS 

FONDÉE   EN   i8g5 

PAR 

Ch.  BORDES,    ALEX.  GUILMANT 

ET 

Vincent  dIndy 
poursuit  comme  principaux  buts 

ha.  connaissance  des   chefs-d'œuvre  de  la   Musique   Religieuse 

L'application    pratique    du    Motu  proprio    de    Pie  X 

L'étude     raisonnée    de    l'ancienne    musique 

Les  progrès  de  l'art  religieux  moderne 

Sous  la  direction  de 
A.  GASTOUÉ  et  A.  TROTROT-DÉRIOT 


Principaux  Collaborateurs  : 

Ant.  Auda.  -  Abbé  P.  Bayart.  -  Camille  Bellaigue.  -  Eug.  Borrel. 
Abbé  L.  Boyer.  -  L.  Bragard.  -  Maurice  Brillant.  -  Abbé  F.  Brun. 
Paul  Brunold.  -  André  Cœuroy.  -  Abbé  E.  Collard.  -  Norbert  Dufourcq. 
Maurice  Emmanuel.  -  Henri  Expert.  -  Jean  Huré.  -  J.  &  L.  de  La 
Laurencie.  -  F.  de  La  Tombelle.  -  Hector  Laisné.  -  Paul  Le  Flem. 
Guy  de  Lioncourt.  -  Pierre  de  Malingreau.  -  M.-L.  Pereyra.  -  André 
Pirro.  -  Abbé  J.  Prieur.  -  F.  Raugel.  -  M.  Rouy.  -  J.  Samson.  -  Aug. 
Sérieyx.  -  G.  Servières.  -  O.  Tichy.  -  J.  Tiersot.  -  P.  Tirabassi.  -Jean 
de  Valois.  -  Ch.  Van  den  Borren. 


Tome  XXV  nouvelle  série  -  N°  4  Août  1928 

LATRIBVNE  DE  SAINT-GERVAIS 

REVUE  MUSICALE 

PUBLIÉE  SOUS  LES  AUSPICES  DE  LA 

Strict  €ctnt<mxm 


UN  RÉPONS  DU  Xe  SIÈCLE 

DANS  LA  LITURGIE  ACTUELLE 

DE  BAYEUX 

DANS  une  étude  sur  les  «  Propres  diocésains  des  Églises  de 
France  »,  M.  Gastoué  écrivait  :  «  Les  deux  Motu  proprio  de  Sa 
Sainteté,  sur  la  musique  sacrée  en  général  et  le  chant  litur- 
gique en  particulier,  ainsi  que  les  décrets  de  la  S.  C.  des  Rites  et  autres 
actes  pontificaux  qui  les  ont  accompagnés,  ramènent  l'attention  sur  la 
contexture  musicale  —  et  littéraire  —  des  nombreux  offices  et  messes 
propres  de  nos  Eglises.  Ils  prescrivent,  en  effet,  aux  Évêques  la  cor- 
rection musicale  de  leurs  «  propres  diocésains  ». 

«  L'autorité  apostolique,  en  promulguant  la  restauration  des  mélo- 
dies propres  de  l'Eglise  Romaine,  suivies  dans  presque  tout  l'univers 
catholique,  a  tracé  aussi,  suivant  en  cela  la  tradition  ecclésiastique,  les 
sages  règles  qui  devaient  faire  profiter  les  Églises  particulières  de  cette 
même  restauration. 

«  Or,  si  les  chants  romains  sont  aussi  vénérables  par  leur  origine 
et  leur  antiquité,  qu'admirables  par  leur  caractère  artistique,  il  n'en  est 
point  ainsi,  à  de  très  rares  exceptions  près,  de  nos  chants  diocésains1.  » 

C'est  l'une  de  ces  exceptions  que  nous  proposons  d'étudier  dans  ces 
quelques  notes  :  le  diocèse  de  Bayeux  a  conservé  depuis  le  xme  siècle 
jusqu'à  nos  jours  le  répons  Congregati;  rétablie  dans  sa  pureté  primi- 
tive, cette  admirable  pièce  vient  d'être  publiée  dans  le  supplément 
diocésain  de  l'Office  des  Morts2.  Avant  de  raconter  son  histoire,  disons 
quelques  mots  de  son  origine. 

1.  Variations  sur  la  Musique  d'Eglise,  p.  l3-i8. 

2.  Voir  Tribune  de  Saint-Gervais,xx\,page  29. 


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I.  UN  RÉPONS  TRADITIONNEL 

Deux  manuscrits  le  contiennent  en  neumes  sans  lignes,  notamment 
le  manuscrit  8663  (f°  58)  de  la  Bibliothèque  nationale  où  il  figure  en 
addition  à  une  série  de  traités  scientifiques1.  L'origine  du  Congregati 
est  incertaine  :  dans  son  Essai  théorique,  pratique  et  historique  sur 
le  Plain-Chant,  imprimé  à  Gaen,  en  1847,  l'abbé  Dolé,  Directeur  au 
Pensionnat  Ecclésiastique  de  Vire  et  aumônier  de  l'Hôtel-Dieu,  publia 
ce  répons  d'après  un  manuscrit  bayeusain  du  xme  ou  xive  siècle  et  à 
cette  occasion  il  prit  soin  de  citer  l'opinion  de  l'abbé  Le  Beuf  qui  pré- 
sume que,  «  fabriqué  en  France  »,  le  Congregati  pourrait  «  avoir  été 
modulé  à  Paris,  ou  à  Sens,  ou  bien  à  Chartres2  ».  Ce  qui  est  certain, 
c'est  que  ce  répons  est  rare  dans  les  manuscrits  et  qu'il  semble  être 
spécial  à  la  région  du  nord-ouest  ;  «  après  l'avoir  cherché  dans  plus  de 
deux  cents  (manuscrits),  écrit  Dom  de  Sainte-Beuve,  nous  ne  l'avons 
trouvé  que  dans  ceux  d'une  région  très  limitée  »  à  Paris,  à  Chartres,  à 
Angers,  à  Bayeux,  d'où  il  passa  peut-être  dans  quelques  églises  d'Angle- 
terre3, à  York  par  exemple  (Antiph.  xive  s.). 

A  cela  rien  détonnant  :  dans  son  Introduction  à  la  transcription  de 
X Ordinarium  Ecclesiae  Bajocensis,  xme  s.  (pages  xliv  et  sq.),  le  Cha- 
noine Ulysse  Chevalier  dont  «  les  services  rendus  par  lui  à  la  science 
liturgique  sont  pour  nous  un  honneur  »  rappelle  en  ces  termes  l'in- 
fluence en  Angleterre  de  la  liturgie  bayeusaine  :  «  On  l'a  dit  :  le  rite 
de  Bayeux  se  retrouve  en  Angleterre  :  toute  la  liturgie  anglaise  actuelle 
vient  de  Normandie,...  les  chapitres  des  cathédrales  d'York,  Lincoln 
et  Salisbury  (Sarum)  ont  été  créés  en  même  temps  (1090-1091)  sur  le 
modèle  du  chapitre  de  Bayeux.  »  En  1066,  date  de  la  conquête  de 
l'Angleterre  par  les  Normands,  Odon  ou  Eudes  I  de  Conteville,  frère 
utérin  de  Guillaume,  était  évêque  de  Bayeux;  l'ami  de  Guillaume, 
Lanfranc,  abbé  de  Saint-Etienne  de  Caen  en  1063,  devint  archevêque 
de  Cantorbéry  en  1070.  L'histoire  des  Ducs  normands  explique- 
rait également  en  Italie  et  notamment  en  Sicile  la  présence  de  cer- 
taines  particularités    de   la    liturgie  rouennaise.    Les    historiens  l'ont 

1.  Ce  manuscrit  est  du  Xe  siècle;  les  additions  semblent  indiquer  qu'il  appartenait 
à  l'abbaye  de  Fleury  (Saint-Benoît-sur-Loire).  Chose  curieuse,  le  répons  Congregati  est 
noté  en  neumes  du  type  chartrain,  dérivé  de  la  notation  messine,  mais  deux  autres  ver- 
sets surajoutés  sont  en  pure  notation  française,  et  le  tout  cependant  de  la  même  main. 
(Note  de  M.  Gastoué,  qui  a  bien  voulu  consulter  pour  nous  ce  manuscrit.) 

2.  Traité  historique  et  pratique  sur  le  Chant  ecclésiastique,  Paris,  1741,  p.  19,  note  b. 

3.  Les  variantes  des  mss.  anglais  actuellement  connus  ne  permettent  pas  de  conclure 
à  une  filiation  d'une  manière  certaine. 


lKn  fôqwîta  ira  Xe  mdt  Hn&  la  liturgie  actuelle  ae  ftayeux       n5 

écrit  :  «  Nulle  province  ne  jeta  plus  d'éclat  au  xie  siècle  que  la  Nor- 
mandie. » 

Mais  revenons  à  Bayeux  :  cette  vénérable  Eglise  chante  ce  répons, 
à  une  place  ou  à  une  autre,  depuis  sept  cents  ans  à  la  Commémora- 
tion des  Fidèles  Trépassés,  in  festo  Animarum,  comme  on  disait  au 
xme  siècle,  (Goutumier  de  Bayeux)1.  Nous  disons  au  moins  depuis  sept 
cents  ans,  car  notre  Ordinarium,  qui  est  le  premier  en  date  de  nos  manu- 
scrits à  le  signaler,  codifie,  comme  tous  les  Ordinaires  médiévaux,  des 
usages  existants.  Le  Congregati  est  à  cette  époque  jusqu'à  la  réforme  du 
xvme  siècle  le  VIe  répons  de  l'office  nocturne  à  Bayeux  et  en  d'autres 
diocèses.  On  trouve  sa  mélodie  dans  le  bréviaire  noté  du  xme  siècle 
(ms.  74,  Chapitre  de  Bayeux),  dans  un  manuscrit  du  xive  siècle  (ms.  119, 
id.)  et  dans  l'admirable  bréviaire  de  la  Collégiale  du  Saint-Sépulcre  de 
Caen  que  possède  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal  à  Paris  (ms.  279,  xme  s.)  : 
manuscrit  très  important  pour  l'étude  du  chant  liturgique  de  Bayeux, 
il  renferme  tout  l'office  noté  et  même  quelques  préfaces,  le  canon  et  un 
certain  nombre  de  messes  votives;  l'élément  dominant  est  le  bréviaire 
qui  occupe  les  feuillets  1  à  303  et  324  à  598,  monument  considérable 
qui  contient  des  pièces  très  rares,  des  prosuies,  des  Benedicamus  tropés, 
des  chants  que  le  diocèse  de  Bayeux  possède  seul. 

On  retrouve  notre  répons  in  Die  Commemor adonis  Deffunctorum 
dans  le  processionnal  de  Mgr  d'Angennes,  1624,  témoin  admirable  de 
notre  tradition  liturgique  et  grégorienne,  imprimé  à  Caen  sur  lignes 
rouges  avec  les  neumes  grégoriens,  porrectus,  climacus  losanges,  etc., 
le  tout  d'une  netteté  parfaite;  puis  dans  le  processionnal  de  Mgr  de 
Nesmond,  1692  :  c'est  un  livre  de  transition,  il  fait  pressentir  la  déca- 
dence grégorienne  et  commence  l'abandon  de  certains  chants  quasi 
syllabiques  qui,  à  juste  titre,  enthousiasmaient  les  précédentes  généra- 
tions; ce  processionnal  impose  le  chant  de  notre  répons  à  la  procession 
du  2  novembre  ante  Missam  et  le  prescrit  à  la  Cathédrale  le  soir  du 
1er  novembre,  à  5  heures,  à  la  procession  qui  précède  une  cérémonie 
solennelle  pour  les  Morts  dont  nous  étudierons  plus  loin  les  rubriques 
curieuses  et  fort  instructives.  Cette  cérémonie,  en  partie  du  moins,  est 
restée  en  usage  jusqu'à  nos  jours. 

Ensuite,  c'est  l'époque  de  la  réforme  néo-gallicane  du  début  du 
xvme  siècle  :  contre  toute  l'autorité  d'une  tradition  de  plus  de  cinq 
cents  ans,  on  corrige,  on  transforme  les  textes  antiques,  on  supprime 
les  répons  dont  les  paroles  ne  sont  pas  tirées  de  l'Ecriture,  on  adapte 

1.  Et  comme  on  le  dit  encore  à  peu  près  en  Angleterre,  of  ail  Soûls. 


n6  £a  tribune  îre  Saint- (Servais 

tant  bien  que  mal  les  nouvelles  paroles  sur  d'anciennes  mélodies  ou  on 
supprime  les  mélodies  traditionnelles. 

Nos  liturgistes  du  xvme  siècle  maintiennent  —  exceptionnellement, 
nous  verrons  pourquoi  —  le  répons  Congregati  aux  processions  du 
1er  et  du  2  novembre  ;  à  part  quelques  variantes  inhérentes  aux  divers 
systèmes  plainchantiques  en  usage  aux  xvme  et  xixe  siècles,  c'est  la 
même  mélodie  avec  le  même  texte  littéraire  que  nous  trouvons  à  la 
procession  dans  l'édition  de  Mgr  de  Luynes,  1749,  jusqu'au  procession- 
nal de  Mgr  Didiot,  1861,  en  passant  par  les  processionnaux  de  1808, 
1822,  1840  qui  rééditent  les  textes  littéraires  et  mélodiques  de  1749. 

Donc,  dès  avant  1250  environ  jusqu'à  nos  jours  le  célèbre  répons  a 
toujours  été  chanté  dans  l'Eglise  de  Bayeux.  C'est  un  fait  remarquable. 
«  Le  diocèse  de  Bayeux  est  actuellement  le  seul  à  notre  connaissance, 
a  écrit  Dom  de  Sainte-Beuve,  qui  ait  conservé  l'usage  de  l'ancien  répons 
dans  son  texte  authentique  pour  la  procession  du  2  novembre.  »  Mais 
il  est  non  moins  nécessaire  de  remarquer  que  le  Congregati  est  le  seul 
répons  de  l'antique  liturgie  bayeusaine  qui  ait  été  gardé  intégralement 
jusqu'à  nos  jours. 

Notre  diocèse  a  conservé  l'usage  de  chanter  en  procession  un  répons 
avant  la  grand'messe.  Or,  sur  80  répons  environ  qui  composent  le  pro- 
cessionnal de  Mgr  Didiot  (1861)  actuellement  en  usage,  on  rencontre 
seulement  8  répons  de  la  liturgie  romaine  et  encore  avec  des  modifi- 
cations de  textes,  on  rencontre  seulement  2 répons  de  la  liturgie  bayeu- 
saine qui  ne  sont  plus  romains,  les  70  autres  n'ont  aucune  attache  avec 
notre  véritable  et  antique  tradition,  celle  de  1250  à  1750! 

Ces  deux  répons  sont  les  suivants  :  1°  le  répons  ou  plus  exactement 
l'antienne  avec  versets  (notre  Ordinarium  ne  confond  pas  les  deux 
genres)  Christus  resurgens,  et  sur  cette  grande  antienne,  il  faut  faire 
les  deux  réserves  suivantes  :  en  1749,  a)  une  phrase  fut  ajoutée  à  l'an- 
tienne ;  b)  le  verset  grec  Dicant  nunc  Judzei,  «  d'une  pensée  très  belle 
et  très  éloquente1  »,fut  supprimé  et  remplacé  parle  verset  Prœcipitavit\ 
2°  le  deuxième  répons  bayeusain,  maintenu  dans  le  processionnal  actuel, 
est  le  Congregati  :  c'est  le  seul  maintenu  intégralement  au  procession- 
nal. Les  célèbres  répons  attribués  à  saint  Fulbert  de  Chartres,  ceux 
composés  sûrement  par  le  roi  de  France,  Robert  le  Pieux  qui,  disent 
les  vieilles  chroniques  :  es  grant  solempnités  chantoit  en  cuer  avec 
les  Chanoynes  et  les  Moynes,  et  vestoit  la  chape  de  cuer  et  tenoit 
cuer^   disparurent  en  1749,   les    paroles    n'étant   pas    de  l'Ecriture;  ils 

1.  Cf.  Revue  du  Chant  grégorien,  1894,  p.  35,  article  de  Dom  Pothier. 

2.  Cité  par  A.  Gastoué,  cf.  Art  grégorien,  p.  84-85. 


IKn  Uéyorts  îru  Xe  sikh  Hns  la  liturgie  actuelle  îre  tfageus       iï7 

furent  remplacés,  les  répons  bayeusains  du  xme  siècle,  par  des  textes 
nouveaux  dont  la  composition  mélodique  fut  confiée  à  un  habitant  de 
Vire,  nommé  Voivenel  ;  son  œuvre  fantaisiste  a  été  jugée  irrégulière  et 
monotone  par  l'abbé  Dolé  ;  la  «  pureté  de  son  goût  »  et  ses  «  études 
spéciales  »,  écrivait  en  1877  l'abbé  Laffetay,  donnaient  à  notre  confrère 
le  droit  de  juger  le  «  travail  »  de  Voivenel l. 

«  A  cette  époque  de  réaction  contre  les  anciennes  liturgies  »s  le 
Congregati  fut  donc  maintenu  ;  cette  affirmation  appelle  une  réserve 
et  demande  une  explication. 

II.  DEUX  TEXTES  POUR  UNE  MÉLODIE 
«  SALUT  »  POUR  LES  MORTS  AVEC  PROCESSION 

Les  liturgistes  du  xvme  siècle  conservèrent  le  texte  authentique  à 
la  Procession  du  1er  et  du  2  novembre,  mais  ils  le  proscrivirent  de 
l'Office  des  Morts  proprement  dit. 

En  effet  de  1744  à  1861,  l'Office  des  Morts  (éditions  de  1744,  1810, 
1829,  1848)  ne  contient  plus  au  VIe  répons  le  texte  littéraire  du  Congre- 
gati. Ce  texte  est  mutilé  et  dans  sa  nouvelle  forme  ajusté  péniblement 
sur  la  mélodie  traditionnelle  :  Esto  mihi  in  Deum  protectorem,  ut  sal- 
vum  me  facias ;  quia  inimici  mei  consilium  fecerunt  in  unum...  (exac- 
tement le  même  texte  que  le  rituel  de  Blois,  1730,  et  de  Bourges,  1766); 
au  verset,  on  lit  :  Adversarius  tanquam  leo.... 

Par  contre,  à  ces  mêmes  dates,  le  processionnal  de  Baveux  (éditions 
de  1749,  1808,  1822,  1840,  1861)  garde  le  texte  authentique  du  VIe  répons 
traditionnel  Congregati  avec  son  verset  Delicta  juventutis. 

Donc,  de  1744  à  1861,  on  chantait  la  même  mélodie  à  l'office  sur  un 
texte  néo-gallican,  à  la  procession  sur  un  texte  de  tradition  bayeusaine. 

Pourquoi  cette  anomalie  ?  un  fait  d'histoire  va  nous  l'expliquer  : 
une  fondation  faite  en  1503  va  donner  au  fameux  «  respond  »  une  admi- 
rable pérennité.  Sans  cette  fondation,  le  beau  texte  traditionnel  eût  dis- 
paru comme  les  70  autres,  il  fallut  à  la  procession  respecter  la  volonté 
des  fondateurs  :  chanter  le  répons  Congregati  authentique  et  non  sa 
contrefaçon;  les  liturgistes  du  xvme  siècle  furent  liés  par  le  texte  de  la 
fondation. 

Que  l'on  nous  permette  d'abord  de  présenter  un  document  peu  connu, 

1.  Cf.  Laffetay,  Histoire  du  Diocèse  de  Baveux,  1877,  T.  11,  p.  63-64- 

2.  Notons  en  passant  que  dans  l'abandon  de  nos  traditions  diocésaines,  à  Bayeux 
comme  ailleurs,  les  plus  coupables  au  point  de  vue  littéraire  et  mélodique  furent  les 
réformateurs  du  xvme  siècle,  au  point  de  vue  liturgique  proprement  dit  ceux  de  1861. 


n8  Ca  tribune  îre  0amt~©en)at0 

le  «  Cérémonial  selon  les  rites  du  Diocèse  de  Bayeux,  tel  qu'il  était 
observé  en  particulier  dans  les  Eglises  de  Vire.  —  A  Condé-sur-Noireau, 
Imprimerie  typographique  de  J.-P.  Auger.  »  (Sans  date)  *. 

Certaines  remarques  de  la  Préface  sont  extrêmement  intéressantes  : 
ce  cérémonial  est  un  «  mémorial  »,  il  fut  tiré,  après  approbation,  à 
un  petit  nombre  d'exemplaires.  Relevons  deux  notes  de  la  Préface  : 
1°  «  Cette  Eglise  (Vire)  était  renommée  au  loin  pour  la  beauté  de  ses 
cérémonies  et  la  majesté  de  ses  offices  »;  2°  «  Ces  cérémonies  ne  sont,  à 
quelques  exceptions  près  qu'on  a  eu  soin  de  marquer,  que  les  rubriques 
avec  les  commentaires  de  meilleure  note,  et  les  anciens  usages  du 
Diocèse;  usages  qui  remontent  au  moins  au  xne  siècle.  » 

La  Préface  nous  apprend  que  ces  cérémonies  «  furent  trouvées  si 
belles  par  Monseigneur  de  Rochechouart...  qu'il  pria  M.  Roussel...  de  les 
lui  rédiger,  afin  d'en  faire  un  Cérémonial  pour  le  Diocèse.  Malheureuse- 
ment la  mort  y  vint  mettre  obstacle  et  le  Cérémonial  n'eut  point  lieu. 
Monseigneur  Brault  qui  s'y  connaissait  bien,  les  admira  plusieurs  fois  ;  et 
nonobstant  son  mandement  du  20  février  1819,  il  les  autorisa.  Il  témoigna 
même  publiquement,  dans  son  dernier  voyage  de  1820,  le  regret  qu'il 
avait  que  le  nouveau  Cérémonial  fut  imprimé,  car  il  les  eût  adoptées.  » 

Au  chapitre  XIIIe  :  «  De  la  fête  de  Tous  les  Saints  »,  on  peut  lire  : 
«  Le  soir,  après  les  Vêpres,  sur  les  six  heures,  on  fait  le  Salut  solennel 
pour  les  Morts.  »  En  note,  on  lit  :  «  A  l'instar  de  la  Cathédrale  dans 
laquelle  Jacques  de  la  Morissière  et  Jean  Potier  fondèrent  en  1503,  ce 
salut  avec  la  procession  solennelle  à  laquelle  chaque  chanoine  et  tous 
les  clercs  assistent  avec  un  cierge  allumé  à  la  main.  » 

Et  notre  auteur  cite  d'après  Hermant,  qui  dans  son  Histoire  du 
Diocèse  (Caen,  1705),  pages  432-433,  nous  dit  en  effet  que  Jean  de  la 
Morissière  2,  Doyen  de  l'Eglise  Cathédrale  fonda  avec  Jean  Potier, 
Trésorier  de  l'Eglise  de  Bayeux  et  Prieur  de  Saint-Nicolas  de  la  Chênée 
«  le  Salut  avec  la  Procession  solennelle  qui  se  fait  à  cinq  heures  après 
les  Vêpres  de  la  Fête  de  Tous  les  Saints  pour  les  Morts.  » 

(A  suivre.)  Abbé  Joseph  Prieur. 


1.  Imprimé  après  1820. 

2.  Nous  citons  ces  noms  propres  d'après  l'orthographe  de  Hermant.  On  sait  qu'au- 
trefois l'orthographe  était  phonétique,  le  même  mot  variait  au  point  qu'il  était  écrit  de 
plusieurs  façons  différentes  dans  le  même  acte.  M.  le  chanoine  Deslandes  les  cite  ainsi  : 
de  la  Moricière,  de  la  Chesnaye.  Cf.  Etude  sur  l'Eglise  de  Bayeux,  passim. 


21  Timbre  fre  la  Catljekalf  enrljant^  119 


A  L'OMBRE  DE  LA  CATHÉDRALE  ENCHANTÉE 

Monseigneur  R.  Moissenet 

II 
LE  POÈTE 

Allons  à  l'office  du  soir. 
Les  vêpres  sont  d'une  poésie  trop  délicate  pour  solliciter  le  goût  et  retenir 
l'attention  de  nos  contemporains.  Il  leur  faut  du  mouvement,  des  sports,  les 
duperies  du  «  cinéma  »... 

Nous  serons  presque  seuls. 

Un  chant  très  pur  achèvera  de  nous  séparer  du  monde.  Nous  nous  soumet- 
trons docilement  à  son  charme  et  des  perspectives  lumineuses  se  lèveront... 

A  peine  les  heures,  «  la  pierre  de  touche  d'une  maîtrise  »,  sont-elles  com- 
mencées et  déjà  la  présence  se  manifeste.  Je  m'attache  à  elle  et  lui  demeure- 
rai uni  tant  que  durera  le  balancement  de  l'antienne  et  du  psaume. 

Je  venais  à  la  musique  et  c'est  moi  que  je  rencontre,  le  véritable  moi,  l'in- 
trouvable moi,  le  moi  divin.  Celui  que  me  cache  le  moi  de  tous  les  jours.  Le 
seul  moi  qui  devrait  parler  enfin  ;  celui  qui  tous  les  jours  se  tait. 

Ce  moi,  qui  donc  l'a  tiré  de  son  sommeil  ?  Le  Dieu  caché,  qui  le  force  à  se 
lever  ? 

Cette  musique. 

La  fin  de  cet  art  est  «  d'endormir  les  puissances  actives  ou  plutôt  résis- 
tantes de  notre  personnalité  et  de  nous  amener  ainsi  à  un  état  de  docilité  par- 
faite 1  »  où  nous  réalisons  ce  qu'on  nous  suggère. 

Il  met  l'âme  en  face  d'elle-même,  l'isole  de  ses  attaches  charnelles  ;  il  révèle 
l'Homme  à  l'homme,  le  rapproche  des  secrètes  profondeurs  «  où  règne  une 
tranquillité  absolue,  un  silence  profond,  là,  où  réside,  cachée,  la  présence 
divine2  ».  Ceci  va  plus  loin  que  le  catéchisme,  que  la  théologie  :  la  théologie 
explique  ;  ceci  est  de  la  théologie  en  acte.  Cet  art  aspire  à  déclancher  l'expé- 
rience religieuse. 

Pour  que  la  musique  détermine  la  prise  de  contact  avec  Dieu  en  nous,  il 
faut  qu'elle  crée  cette  disposition  sereine  où,  insensiblement,  nos  sentiments 
s'élèvent  et  dominent  toute  contingence;  qu'elle  efface  de  notre  pensée  les 
menus  faits  des  jours,   qu'elle  oblitère  si  complètement  notre  mémoire  qu'il 

1.  Tancrède  de  Visan. 

2.  Brémond. 


120  £a  tribune  îre  5amt-©m)at0 

n'y  ait  plus  de  passé.  Il  ne  faut  même  plus  qu'il  y  ait  d'avenir.  Le  présent  seul 
survit  dans  cette  catastrophe  bénie,  le  présent  éternel.  Ce  n'est  donc  plus  de 
musique  qu'il  s'agit,  ni  d'art,  ni  de  beauté  même.  L'heure  de  la  contemplation 
est  ouverte  :  je  ne  pense  plus  donc  je  suis.  Mais  je  ne  suis  plus  qu'un  batte- 
ment d'âme  ;  la  lumière  des  Voies  royales  s'est  levée  au  cœur  de  l'être  ;  elle 
baigne  mes  facultés  ;  captées,  mes  puissances  intimes  sont  retournées  vers  leur 
centre.  Me  voici  recueilli  ;  enfin,  je  vis. 

Assis  contre  un  pilier,  en  cet  après-midi  où  m'assaillait  la  mélancolie,  j'ai 
connu  l'apaisement  bienfaisant  que  donne  d'ordinaire  le  silence  religieux  des 
forêts.  Enfants  et  hommes  se  relançaient  comme  une  balle  vivante  les  versets; 
mon  livre  s'était  posé  sur  mes  genoux.  J'étais  soustrait  à  l'action  même  des 
paroles  ;  la  vertu  intellectuelle  des  mots  n'agissait  plus  en  moi  ;  mais  peu  à  peu 
la  monotonie  discrète  de  ces  répétitions  mélodiques  m'investissait  de  paix;  les 
lignes  brutales  de  ma  vie  quotidienne  s'embuaient;  des  mouvements  très  purs, 
auxquels  ma  volonté  ne  participait  aucunement,  mais  suscités  par  la  puissance 
virtuelle  des  sons,  se  faisaient  en  moi. 

Quelqu'un  me  disait  un  jour  :  quand  ils  chantent  je  ne  peux  plus  prier, 
j'attends.  Mystérieuse  attente  où  l'adhésion  silencieuse  à  Dieu  remplace  le 
bégaiement  si  vain... 

Attente  souveraine  :  te  serai-je  assez  reconnaissant,  ô  sainte  musique,  créa- 
trice de  silence,  de  m'en  avoir  appris  le  sens.  La  parole  est  du  temps,  le  silence 
que  tu  m'offres  est  de  l'éternité. 

Dans  ce  «  grand  empire  du  silence  »  dont  parle  Carlyle,  le  moine  y  vit  tout 
le  jour  ;  mais  nous  que  les  exigences  quotidiennes  veulent  tout  en  actes  et  en 
paroles,  nous  qui  passons  notre  vie  dans  un  monde  qui,  après  avoir  galvaudé 
la  parole,  a  démocratisé  le  silence1,  quel  bienfait  trouverons-nous  dans  la  pré- 
sence d'un  de  ces  créateurs  de  silence  ! 

Quel  avantage  qu'une  église  où  l'on  puisse,  parfois,  en  paix,  aller 
"  attendre  ». 

Et  quel  retour  sur  nous-mêmes,  à  nous  musiciens  d'église,  nous  propose 
cette  entrevision  !  Si  nous  ne  sommes  que  musiciens,  nous  ne  sommes  rien. 
Les  anciens  voyaient  en  Orphée  «  un  faiseur  de  calme,  un  pacificateur  par 
l'harmonie  ».  Ce  symbole  reste  vivant  pour  nous  et  nous  ne  commençons 
d'exister  que  le  jour  où  nous  réalisons  ce  qu'il  suggère. 

Les  psaumes  s'étaient  suivis. 

Et  nous  étions  encore  à  notre  place  q^uand  commença  le  Tantum  ergo.  Le 
Tantum  ergo  de  tous  les  jours,  le  beau,  l'unique,  le  Tantum  ergo  dorien  enfin. 

«  Voilà  la  fleur  des  choses  et  la  plus  profonde  vie  morale  »  s'écrie  Barrés 
devant  l'Héraclès  du  Phidias. 

Voici  la  fleur  de  ma  foi  et  la  plus  profonde  vie  religieuse. 

Son  admirable  modelé,  sa  courbe  forte  et  souple,  type  insurpassable  du 

1.  Ne  fût-ce  qu'en  imposant  des  «  minutes  de  silence  »  à  tant  d'êtres  qui  ne  soup- 
çonnent pas  le  prix  infini  du  silence. 


21  Timbre  î>e  la  Catheîrrale  encljantee  121 

dessin  linéaire  musical,  son  aisance,  sa  grâce,  sa  plénitude,  tout  cela  ne  peut 
suffire  à  expliquer  le  mouvement  qui  se  fait  en  nous  quand,  ici,  cette  mélodie 
commence. 

«  La  musique  creuse  le  ciel  »  écrivait  Baudelaire. 

Est-ce  donc  de  ce  pouvoir  souverain  que  vient  à  ces  trois  lignes,  que  je 
connais  depuis  que  je  me  connais,  une  puissance  poétique  d'une  telle  qualité? 

D'où  vient  qu'ailleurs,  partout,  cette  phrase  m'apparaisse  un  simple  rite 
de  la  bénédiction,  pas  plus  lourd  de  sens  que  le  banal  encensoir  ou  l'ordinaire 
voile  humerai  ? 

Sans  doute  un  poète  s'en  est  emparé.  Ainsi  de  vieilles  légendes  indiffé- 
rentes se  rechargent  de  vies  multiples,  quand  un  créateur  les  commande. 
Cette  mélodie  que  j'avais  toujours  vue  fripée,  que  j'entendais  sans  l'écouter, 
la  voici,  comme  inspirée,  qui  parle  divinement. 

Nul  poète,  en  vérité,  n'a  à  ce  point,  manifesté  «  le  rapport  des  sons  aux 
choses  ». 

Aussi  son  secret  n'est  point  de  chanter  mais  d'être. 

Son  génie  prend  pied  dans  sa  vie  intérieure.  Sans  elle  il  n'existe  pas.  Plus 
d'artiste  chez  lui  sans  l'homme.  Au  rebours  de  tant  d'artistes  chez  qui  l'on 
découvre  un  abîme  entre  l'homme  et  l'artiste. 

Ici  l'art  est  à  la  mesure  d'un  chrétien  qui  se  propose  en  tout  et  pour  tout 
«  d'aider  la  prière  ».  La  forme  de  son  apostolat  tend  à  manifester  aux  privilé- 
giés qui  l'entendent  «  les  choses  miraculeuses  opérées  en  lui  par  la  vertu  et  en 
vertu  de  la  Sainte  Foi».  Son  effort  de  musicien  vise  à  exprimer,  en  des  formes 
ordonnées  par  son  intelligence  les  mouvements  en  lui  de  la  grâce  divine. 
Ainsi  son  acte  d'artiste  chantant  devient  un  don  de  charité. 

L'insurpassable  supériorité  de  certaines  merveilles  d'art  leur  vient  de  ce 
qu'elles  sont  œuvres  de  saints  et  tendent  à  Dieu  comme  à  leur  propre  fin.  Ce 
n'est  pas  leur  qualité  intrinsèque  qui  est  insurpassable,  mais  leur  contenu 
divin. 

Et  cet  art  des  Moissenet  ce  n'est  pas  sa  vertu  d'art,  en  tant  que  telle,  qui 
s'empare  de  moi,  c'est  sa  vertu  de  foi. 

Le  secret  de  ce  poète  c'est  de  ne  prendre  «  de  toutes  choses  que  ce  qui  leur 
vient  du  ciel1  ». 

Tout  est  là,  car  les  notes  et  les  paroles,  qu'est-ce  que  ça  nous  fait,  si  ça  ne 
va  pas  à  promouvoir  des  élans  intérieurs?  Et  le  beau,  ce  qu'on  appelle  le  beau, 
qu'est-ce  qu'il  vaut  s'il  est  autre  chose  que  «  la  beauté  vue  avec  les  yeux  de 
l'âme1  »? 

M'expliquerai-je  davantage? 

Reviendrai-je  par  exemple  à  cette  première  communion  des  enfants  de  la 
maîtrise  ? 

C'est  la  grande  fête  de  famille  :  pour  garder  le  plus  profond  caractère  d'in- 
timité, elle  se  célèbre  de  grand  matin  à  une  messe  basse  que  dit  l'évêque.  Les 

1.  Joubert. 


122  .   Ca  tribune  îre  0atttt~ Semais 

communiants  sont  placés  dans  le  chœur  même,  entre  la  balustrade  de  commu- 
nion et  l'autel,  en  demi-cercle.  Ils  ont  revêtu  leur  beau  costume  de  maîtrisiens: 
soutane  et  camail  rouges,  rochet  blanc,  ceinture  verte  armoriée.  Chacun 
devant  lui  a  son  cierge  posé  sur  un  chandelier.  Grand  cierge  de  cire,  pâle,  sur 
quoi  s'enroule  une  branche  de  roses.  Cierge  enguirlandé  de  roses,  arbre  de 
Jessé,  strophe  d'un  poème  sans  nom,  comme  tu  parles  à  mon  cœur! 

A  l'entrée  de  la  nef,  le  reste  des  enfants,  ceux  qui  ont  communié  déjà  et 
ceux  qui  font  leur  première  communion  privée.  Et  sur  tous  ces  enfants  la 
grande  ombre  du  «  père  Moissenet  »  qui  erre,  drapée... 

Que  chante-t-on  ?  Le  sais-je  ?  Et  que  m'importe  ?  Ces  notes  ou  d'autres 
notes.  Il  me  reste,  vague,  le  souvenir  de  Y  Ave  verum  de  piain-chant  et  d'un 
cantique  ordinaire,  un  peu  démodé  peut-être,  en  tout  cas  pas  un  de  ceux  qui 
sont  à  la  mode.  La  façon  de  chanter  vaut  mieux  que  ce  qu'on  chante  !  Je 
n'étais  pas  venu  pour  entendre,  mais  pour  suivre  ma  messe  et  je  suis  comme 
un  enfant  qui  ne  sait  plus  causer  ni  comprendre,  mais  qui  aime  :  je  regarde, 
je  contemple,  je  me  tais.  Les  larmes  coulent  de  mes  yeux  ;  j'incline  la  tête,  je 
me  cache  ;  ma  gorge  se  serre  ;  un  sanglot  me  secoue  (ô  ma  belle  enfance, 
serait-ce  toi  qui  remonte  ?)  et  je  m'enfuis.    . 

Dehors  je  songe  :  as-tu  prié?  Ai-je  prié?  Non,  j'ai  fait  mieux,  j'ai  adhéré  à 
Dieu  en  silence. 

On  organise  des  «  fêtes  du  peuple  »  ;  mais  la  véritable  fête  du  peuple  (si, 
hélas,  le  peuple  pouvait  encore  comprendre)  ne  voit-on  pas  que  c'est  ici  qu'elle 
se  donne?  Quelle  fête  rivalisera  donc  avec  celle-ci  ?  Quelle  fête  apportera  aux 
sens  cette  consolation,  à  l'âme  ce  silence  où  elle  se  retrouve,  au  cœur  cette 
paix?  Où  l'âme  populaire  trouvera-t-elîe  un  art  qui  réponde  à  ses  intimes 
revendications  comme  cet  art,  wagnérien  bien  longtemps  avant  la  lettre,,  à 
quoi  tous  les  arts  coopèrent,  la  liturgie?  Ici  on  ne  célèbre  pas  les  droits  de 
ceux  qui  souffrent,  leur  douleur  de  souffrir;  on  ne  les  exhorte  pas  à  la  révolte. 
Mais  la  joie  d'être  modeste,  petit,  ignorant,  caché,  l'acceptation  et  la  grandeur 
de  la  souffrance,  tout  ce  que  les  autres  honnissent  enfin,  on  le  chante  ici  et  de 
quels  chants!  Chaque  dimanche  les  portes  de  Saint-Bénigne  s'ouvrent  pour  la 
vraie  fête  du  peuple. 


<r  Os  meum  aperui  et  atiraxi  spiritum  ». 

Ce  mot  de  l'Ecriture  pourrait  être  la  devise  d'un  Moissenet.  Il  dit  tout  l'ob- 
jet de  sa  vie  :  ouvrir  la  bouche  pour  attirer  l'esprit. 

Mais  comment  attirer  l'esprit  ? 

Relisez  son  opuscule  sur  «  l'enseignement  du  chant  sacré  dans  les  sémi- 
naires. » 

Vous  n'y  trouverez  guère  que  des  lieux  communs.  Il  l'a  voulu  tel.  Les 
lieux  communs  nécessaires  à  l'artiste  —  qui  est  un  artisan,  un  ouvrier,  qui  a, 
comme  tel,  plus  besoin  de  savoir-faire  que  de  philosophie  —  il  les  a  vus,  par- 


21  Timbre  te  la  tëathéteale  enc\)anth  123 

tout,  recouverts  par  la  folle  frondaison  des  belles  idées.  Les  belles  idées  sont 
devenues  le  danger  contre  quoi  il  fallait  réagir. 

Remettre  à  leur  place  les  lieux  communs  c'est  ce  qu'il  fallait  tout  d'abord. 

Sans  eux  rien  à  faire. 

En  effet,  «  il  y  a,  en  art,  quelques  lois  expérimentales  auxquelles  le  génie 
le  plus  fantaisiste  ne  peut  échapper,  non  plus  que  «  le  lévrier  le  plus  agile 
ne  peut  bondir  hors  de  son  ombre  ».  Il  ne  le  peut,  parce  qu'elles  tiennent  à  la 
constitution  physiologique  même  de  l'homme,  à  la  nature  invariable  des  choses, 
ou  aux  étroites  conditions  matérielles  du  métier.  On  les  oublie  souvent  de 
nos  jours,  on  les  nie  même  quelquefois,  mais  quand  on  les  oublie,  c'est  comme 
si  l'on  oubliait  les  lois  de  la  pesanteur  :  on  se  casse  le  nez  '  ». 

Vous  pouvez  discourir  sur  la  transcendance  du  beau,  sur  le  symbolisme 
des  œuvres,  sur  la  mystique  de  l'art,  à  quoi  cela  mène-t-il  si  vous  oubliez  l'es- 
sentiel ? 

L'essentiel  c'est  la  mise  en  œuvre  de  la  matière  sonore,  principe  de  toute 
musique.  Nul  n'attirera  l'Esprit  s'il  n'a  commencé  par  informer  la  matière. 

On  connaît  le  mot  de  Storez  à  propos  de  l'architecte  bénédictin  Dom  Bellot 
qui  ne  craint  pas  de  monter  à  l'échelle,  de  prendre  en  mains  les  briques  qui 
sont  sa  matière,  pour  trouver  «  sur  le  tas  »  les  combinaisons  d'arcs  et  de  cha- 
piteaux :  «  c'est  l'art  qui  le  guide  dans  ses  recherches  spirituelles  ». 

Ce  goût  de  la  matière  qui  est  un  des  caractères  de  notre  temps,  MgT  Moisse- 
net  l'a  retrouvé,  lui,  bien  avant  nous. 

Il  sait  qu'une  composition  musicale  est  avant  tout  et  essentiellement  un 
assemblage  de  sons  et  que  le  rôle  de  l'exécutant  est  la  mise  en  valeur  de  ces 
sons  en  tant  que  sons.  C'est  la  matière  qui  le  guide  dans  ses  recherches  spiri- 
tuelles. Loin  de  vouloir  échapper  à  ses  exigences,  il  s'appuie  sur  elle  pour 
bâtir.  Son  esthétique  est  toute  de  conformité  aux  exigences  de  sa  matière.  Un 
Dom  Bellot  est  le  «  poète  delà  brique  »  :  il  est,  lui,  le  poète  de  la  voix. 

Il  faut  l'entendre  expliquer  les  lois  du  chant  choral  pour  comprendre  jus- 
qu'où cela  va.  Quand  les  enfants  ont  compris,  vous  dira-t-il,  que  le  son  c'est  de 
l'air  qui  se  modèle  avec  la  bouche  comme  la  glaise  avec  la  main,  ce  jour-là 
nous  sommes  sauvés,  nous  faisons  ce  que  nous  voulons. 

«  La  musique  vocale,  écrit-il  dans  l'opuscule  sur  La  Polyphonie  sacrée, 
s'édifie  sur  la  sensation,  a  pour  premier  objectif  la  délectation  de  l'oreille  2». 

Ce  n'est  que  par  l'appréhension  du  sens  que  la  lumière  de  l'être  vient  péné- 
trer l'intelligence. 

«  L'intelligence  alors,  détournée  de  tout  effort  d'abstraction,  jouit  sans  tra- 
vail et  sans  discours.  Elle  est  dispensée  de  son  labeur  ordinaire,  elle  n'a  pas  à 
dégager  un  intelligible  de  la  matière  où  il  est  enfoui  pour  en  parcourir  pas 

1.  DE  LA  SlZERANNE. 

2.  Bossuet,  dans  la  Connaissance  de  Dieu  et  de  soi-même,  écrivait  :  «  La  musique, 
par  la  juste  proportion  des  tons,  donne  à  la  voix  une  force  secrète  pour  délecter  et 
pour  émouvoir  ». 


124  £<*  tribune  îre  £ahtt-<®m)atg 

à  pas  les  divers  attributs;  comme  le  cerf  à  la  source  d'eau  vive  elle  n'a  rien  à 
faire  qu'à  boire,  elle  boit  la  clarté  de  l'être.  Fixée  dans  l'intuition  du  sens,  elle 
est  irradiée  par  une  lumière  intelligible  qui  lui  est  donnée  d'un  coup,  dans  le 
sensible  même  où  elle  resplendit  et  qu'elle  ne  saisit  pas  sub  ratione  veri,  mais 
plutôt  sub  ratione  delectabilis^  ». 

Si  l'art  doit  demeurer  essentiellement  objet  de  joie  pour  les  sens,  il  faut 
que  cet  art  obéisse  avant  tout  à  ses  lois  formelles. 

Aussi,  loin  d'éteindre  la  voix,  de  dématérialiser  le  son,  Mgr  Moissenet 
s'applique,  et  son  premier  effort  porte  là-dessus,  à  les  amplifier  et  à  les  débar- 
rasser de  toutes  impuretés. 

Le  futur  chanteur  apprend  chez  lui  à  utiliser  les  ressources  de  tout  son 
appareil  vocal,  de  ses  poumons,  de  son  gosier,  de  ses  lèvres,  de  sa  bouche  et 
à  tirer  parti  des  notes,  des  voyelles  et  des  consonnes  2. 

D'abord  assurer  le  pain.  Or,  une  exécution  musicale,  même  inspirée  par 
de  hautes  pensées  si  elle  ne  résoud  pas  avant  tout  le  problème  de  la  sonorité 
n'atteint  pas  son  but. 

Pour  un  Moissenet  la  voix  humaine  a  au  moins  les  mêmes  titres  que  toute 
autre  matière  précieuse  à  collaborer  au  culte.  Ceci  est  un  des  lieux  communs 
qu'il  a  rajeuni  et  qui,  depuis,  a  cours,  sans  d'ailleurs  beaucoup  modifier  l'état 
de  choses. 

Cette  matière  vocale  qu'il  aime,  comme  un  sculpteur  aime  la  pierre,  il  la 
veut  vivante,  souple  et  ferme,  pour  servir  les  textes  liturgiques  ;  tel  le  ferron- 
nier ancien  «  se  passionnant  à  ce  noble  combat  de  l'homme  pliant  le  fer  à  sa 
volonté  d'artiste  et  à  son  dessein  de  beauté  et  dont  chaque  coup  amène  lente- 
ment l'énorme  lopin  de  métal  à  épouser  la  forme  gracieuse  voulue  par  le  forge- 
ron »,  note  par  note  il  plie  à  sa  volonté  le  métal  brut  des  voix  enfantines. 

Aristote,  paraît-il,  en  ses  difficiles  recherches,  disait  souvent  :  «  Cela  ne 
sonne  pas  bien  ». 

Combien  de  fois,  à  ses  répétitions,  ai-je  vu  M?1  Moissenet  faire  recommen- 
cer le  même  intervalle  :  Cela  ne  sonne  pas  bien,  disait-il  ;  et  derrière  ce  mot  de 
musicien  dont  l'oreille  récalcitre,  je  devine  la  pensée  de  l'homme  :  cette 
note  n'est  pas  à  sa  place  ;  elle  n'a  pas  sa  valeur  ;  mais  surtout  elle  ne  colle  pas 
à  la  pensée,  à  l'intention,  à  la  volonté  de  l'artiste.  Cela  ne  rend  pas  un  son  de 
vérité. 

1.  J.  Maritain. 

2.  On  trouvera  ailleurs  (voici  quelques  références)  des  exposés  sinon  très  complets 
du  moins  bien  faits  de  la  méthode  employée. 

Ce  qui  manque,  ce  qu'un  ancien  élève  de  la  maîtrise  devrait  écrire,  c'est  une  étude 
sur  l'esprit  pédagogique  qui  préside  à  ce  travail. 
Lire  donc  entre  autres  : 

M.  Emmanuel  :  Le  chant  à  l'école.  (Grande  Revue  1910-11). 
Cl.  Besse  :  Un  maître  de  Pédagogie  vocale  (Enseignement  chrétien  1914). 
R.  Moissenet  et  M.  Emmanuel  :  La  Polyphonie  sacrée.  (Janin,  éd). 
Ch.  Collin  :  Revue  d'Apologétique  (1928). 


21  l'#mbre  &e  la  Ca%'î>ralr  enchantée  125 

Si  l'âme  a  ses  exigences,  la  voix  a  ses  lois  et  l'on  ne  peut  satisfaire  aux  pre- 
mières qu'en  se  pliant  aux  secondes. 

Distinguant  avec  soin  ce  qui  est  d'ordre  matériel  et  ce  qui  est  d'ordre  spi- 
rituel, ce  qui  produit  l'effet  de  l'effet  produit,  visant  en  dernier  ressort  à  déga- 
ger les  éléments  de  spiritualité  que  renferme  l'œuvre,  Mgr  Moissenet  sait 
qu'il  n'atteindra  son  but  que  par  une  réalisation  vocale,  matériellement 
parfaite.  Et  ce  respect  de  la  matière  est  pour  lui  la  première  des  lois. 

Le  respect  absolu  du  texte,  traduit  par  une  articulation  méticuleuse,  en 
est  une  autre. 

Pour  le  chrétien  venu  à  une  messe  matinale  se  reprendre  avant  de  vivre  sa 
journée  rien  de  plus  salutaire  que  de  voir  un  prêtre  officier  avec  un  soin  infini, 
mesurer  tous  ses  gestes,  réfléchir  tous  ses  mouvements,  méditer  toutes  ses 
attitudes... 

Son  moindre  geste  se  prolonge  jusqu'à  l'âme  tendue,  en  écho  bienfaisant. 

C'est  en  ce  sens  que  M.  Emmanuel  disait  un  jour  à  E.  Poillot1  : 

«  Je  voudrais  voir  le  père  René  dire  sa  messe  tous  les  jours.  » 

Ce  soin  qu'il  apporte  à  l'autel  il  le  transporte  au  chœur.  Par  une  discipline 
qui  règle  avec  une  insatiable  minutie  tous  les  détails  d'exécution  d'un  texte, 
discipline  qui  part  de  l'être,  chargée  de  sens  et  d'activités,  il  prétend  nous 
atteindre,  et  il  nous  atteint,  nous,  les  fidèles. 

Chaque  syllabe,  chaque  note  sont  approchées,  touchées  par  lui  avec  le  même 
soin  que  la  patène  ou  le  corporal.  Voyelles,  consonnes,  en  tant  qu'objet  de  culte 
deviennent  choses  sacrées.  Cet  homme  a  la  religion  des  signes,  l'amour  des 
lettres,  je  ne  dis  point  des  saintes  lettres  (ce  qui  va  de  soi  !)  mais  des  lettres  de 
l'alphabet.  Et  des  lettres  de  l'alphabet  il  fait  des  lettres  saintes,  des  signes 
imprégnés  d'amour,  de  volonté,  de  vie.  Cet  amour  dont  il  les  charge  c'est 
son  propre  amour  de  Dieu. 

Respect  du  son,  respect  du  mot,  le  respect  ici  fait  tout. 

Le  poète,  le  musicien,  c'est  souvent  en  «  remuant  le  marais  »  qu'ils  agissent. 

Le  caractère  propre  de  l'art  d'un  Moissenet  est  de  se  refuser  à  toute  pres- 
sion d'ordre  sentimental.  L'exactitude  lui  suffit.  Les  seuls  moyens  qu'il  accepte, 
articulation  rigoureuse,  rythmique  scrupuleusement  exacte,  extrême  souci 
de  la  tenue  des  sons,  nous  ne  les  rabaisserons  pas  en  les  qualifiant  d'élémen- 
taire 2. 

Fait  singulier!  Ailleurs  des  réalisations  basées  sur  de  tels  principes  n'abou- 
tiraient  qu'à   un  art  primaire,  académique  tout   au  plus.  Ici    elles  vont  aux 

1.  M.  E.  Poillot,  ancien  élève  de  la  maîtrise,  est  l'organiste  du  grand  orgue  de  Saint- 
Bénigne.  Nous  ne  pouvons,  en  une  simple  note,  dire  tout  le  bien  qu'il  faut  penser  de  lui 
autant  comme  interprète  que  comme  improvisateur.  Qu'il  nous  suffise  de  rapporter  ce 
propos  de  L.  Vierne  :  «  Quand  Poillot  improvise  je  ne  me  lasse  pas  d'écouter...  » 

2.  Il  est  clair  que  le  mot  «  élémentaire  »  doit  s'entendre  ici  dans  le  sens  d'  «  essen- 
tiel ».  L'importance  de  ces  «  lois  fondamentales  »  est  à  noter  d'autant  plus  que  presque 
partout  on  les  néglige. 


126  Ca   tribune  te  Saittt-Œmmnî 

âmes.  Sans  confidences,  sans  sollicitation  vaine  surtout,  cet  art  nous  con- 
quiert. Alors  nous  sommes  gagnés  par  son  invite  à  la  «  renonciation  totale 
et  douce  »;  alors  nous  envahit  la  grande  joie  :  «joie,  joie,  joie,  pleurs  de  joie  », 
et  nous  sentons  monter  en  nous,  grâce  à  lui,  le  mot  de  Pascal  encore  :  «  Sei- 
gneur, je  vous  donne  tout  »... 

«  Les  bonnes  larmes  ne  nous  sont  pas  tirées  par  une  page  triste,  mais  par 
le  miracle  d'un  mot  en  place.  Peu  de  personnes  sont  dignes  de  pleurer  ces 
larmes-là  1   ». 

J.  Samson. 


La  troisième  partie  de  cette  étude  est  l'exposé  des  idées  particu- 
lières au  maître  de  Dijon  sur  l'interprétation  de  la  polyphonie.  Par 
l'importance  de  ses  développements  ce  travail  dépasse  les  cadres  de  la 
Revue. 

Mais  nos  lecteurs  peuvent  dès  maintenant  se  procurer  au  bureau 
d'édition  de  la  Schola  l'étude  complète  :  nous  la  tirons  à  part  en  une 
élégante  brochure  où  l'on  trouvera  en  outre  un  magnifique  portrait  de 
Mgr  Moissenet. 


i.  J.  Cocteau. 


6ur  une  Messe  ttouoelle  127 


SUR  UNE  MESSE  NOUVELLE 


En  l'honneur  de  sainte  Cécile,  la  veille  de  sa  fête  notre  excellent 
confrère  A.  Le  Guennant  a  fait  exécuter  à  Notre-Dame-du- 
Rosaire,  par  la  chorale  paroissiale  qu'il  dirigeait 4,  la  messe 
nouvelle  à  4  voix  de  M1!e  Blanche  Lucas  :  Missa  Corporis  Chriti, 
qu'il  a  publiée  dans  sa  Revue  des  Maîtrises. 

L'œuvre  nous  a  déçu  tant  par  la  matière  musicale  et  sa  forme  que 
par  l'idée  qui  y  préside.  Nous  l'avons  relue.  Elle  nous  suggère  des 
réflexions  que  nous  croyons  utile  de  présenter.  Elle  pose  la  question  du 
sujet,  des  différentes  manières  de  traiter  un  sujet,  de  l'impossibilité  de 
changer  le  sujet  en  l'interprétant  ou  du  danger  de  s'en  évader  en  sui- 
vant une  intention  décorative. 

L'auteur  part  du  caractère,  chargé  d'images  poétiques.  Ce  caractère 
situe  sa  musique,  développée  non  pour  elle-même  en  fonction  du  texte 
qu'elle  devait  suivre  et  traduire  sans  s'écarter  du  sens,  sans  fausser  les 
termes,  leur  mouvement  logique,  sans  trahir  leur  volonté  explicite 
contenue  dans  la  forme  verbale,  mais  par  rapport  à  un  sujet  issu  de 
l'imagination  active  qui  en  substitue  l'ordre  à  celui  de  la  donnée  vraie, 
littérale.  De  là  une  œuvre  qui  est  comme  en  marge  de  la  Messe, 
comme  le  reflet  des  sentiments  qu'elle  fait  naître  et  qui  se  prolongent, 
puis  se  perdent  avec  l'image  tout  arbitraire  qui  en  conduit  la  réminis- 
cence. 

Dans  une  composition  où  l'axe  du  lyrisme  disparaît  au  profit  des 
échappées  de  l'esprit  qui  «  voit  »,  il  est  naturel  que  la  couleur  joue  le 
principal  rôle.  C'est  une  scène  champêtre  que  la  Missa  Corporis 
Christi\  avec  sa  litanie  en  répons  distribuée  dans  le  mode  à  l'unisson 
et  sous  forme  d'octaves  qui  parlent  comme  des  mélodies  de  terroir  et 
qui  se  heurtent  en  cherchant  à  se  fondre  mais  qui  se  rejoignent  aussi 
musicalement.  La  Kyrie  a  déjà  le  sens  d'une  atmosphère  ;  ce  n'est  pas 
vague  comme  du  Caplet  ni  parcellisé  comme  du  Debussy;  c'est  appuyé 
et  expressif,  émouvant  par  endroits  mais  court,  peu  délimité,  ressassé, 
nostalgique  et  monotone  malgré  la  modulation. 

Le  jeu  à  répétition  du  plain-chant  se  fait  supporter  par  la  richesse 
interne  des  mélodies,  par  les  multiples  facettes  du  rythme,  par  l'ordre 

1.  Notre  confrère  a  quitté  peu  après  Notre-Dame-du- Rosaire  pour  Saint-Pierre-du-Gros- 
Caillou. 


128  Ca  tribune  îre  0amt-<®mmt5 

de  la  pièce,  par  l'objectivité  de  l'accent  dans  la  prière.  Ici  on  laisse 
flotter  le  sentiment  —  juste  en  soi  —  parce  qu'on  tient  au  paysage 
estompé  où  l'on  fait  dialoguer  les  êtres.  Le  sens  généralisateur  n'est 
pas  suffisant  ;  et  la  «  chose  en  soi  »  (comme  disent  les  Allemands)  cède 
aux  apparences  plus  ou  moins  richement  décorées.  Ce  n'est  pas  ce  que 
fait  Beethoven  dans  la  Symphonie  pastorale. 

On  voit  déjà  quel  déplacement  opère  l'idée  de  l'auteur.  La  même 
idée  fait  courir  un  risque  à  la  musique.  Celle-ci  subit  les  conséquences 
du  postulat  poétique  qui  en  gouverne  fatalement  la  démarche  comme 
il  en  détermine  les  caractères.  Si  l'évocation  est  enfantine,  la  musique 
le  sera  aussi,  elle  ne  sera  fidèle  qu'à  l'image  qui  l'aura  détournée  de  son 
verbe,  de  sa  propre  éloquence,  de  sa  forme  pure,  de  ses  propriétés 
actives,  bref  de  son  style  propre  et  du  dynamisme.  Ne  parlons  plus  de 
la  Messe  qui  sera  tout  juste  un  prétexte.  C'est  ce  qui  arrive  dans  le 
Gloria. 

La  musique  n'a  que  l'ambition  de  répéter,  dans  le  Gloria  de 
M1,e  Blanche  Lucas,  l'unique  motif  en  forme  de  marche  sur  lequel  tous 
les  versets  passent.  L'idée  du  «  cortège  »  imposait  cela.  Mais  aucune 
procession  n'est  prévue  dans  le  Gloria  liturgique.  Franck  a  chanté  La 
Procession  en  la  décrivant  par  la  symphonie  sur  laquelle  se  pose  une 
phrase  entièrement  soumise  aux  termes  explicites  du  texte;  ce  qui  fait 
que  la  musique —  orchestre  et  chant —  réalise  l'évocation  en  la  domi- 
nant; ainsi  la  composition  musicale  maîtresse  de  l'image  et  parlant 
au  cœur  et  à  l'oreille  à  ce  propos,  a  le  sens  de  l'art  :  c  était  le  sujet,  et 
l'expression  musicale  en  est  sublime. 

Au  contraire,  dans  le  Gloria  de  MUe  Bl.  Lucas,  un  thème  trop 
simple  déambule  sans  variété  et  sans  autre  effet  que  son  crescendo  à 
propos  d'un  des  chants  les  plus  lyriques  de  l'Eglise  où  la  modulation 
de  l'idée  et  du  texte,  la  dynamie  de  l'expression  ne  cessent  pas. 

Evidemment,  on  trouve  des  versets  chantés  sur  la  même  mélodie 
dans  les  Glorias  grégoriens  ;  mais  ils  ont  l'accent  avec  la  beauté  du 
dessin  accordé  à  la  démarche  mystique,  celle  de  la  prière,  qui  ne  peut 
pas  se  comparer  à  une  promenade.  Si,  dans  ce  Gloria,  la  musique  n'est 
que  passive,  monothémâtique  et  gauche  sous  les  mots,  c'est  à  l'image 
voulue  et  imposée  qu'il  faut  en  attribuer  la  cause. 

Le  style  pastoral  de  MUe  Blanche  Lucas  est  d'ailleurs  dénué 
d'ampleur;  elle  nous  dira  qu'elle  n'y  tient  pas;  nous  répondrons  qu'un 
mouvement  de  berceuse  très  élémentaire  ne  peut  pas  suffire  à  un 
Sanctus  ni  surtout  resservir  pour  le  Pleni  sunt  en  en  séparant  les 
mots,  et  qu'en  outre  il  est  déplorable  de  voir  l'ingénuité  cherchée  décou- 


0ur  une  Messe  Xtomelle  129 

vrir  une  prosodie  aussi  faible,  qu'on  ne  trouve  pas  dans  la  Messe  pas- 
torale de  Samuel  Rousseau  trop  théâtrale,  bariolée  et  d'une  mimique 
agaçante  mais  nullement  paysanne,  car  les  Bergers  y  ont  du  style  et 
leur  troupe  sait  discourir. 

En  réagissant  contre  ce  style  (celui  de  Samuel  Rousseau)  dont  elle 
n'évite  pas  musicalement  la  réminiscence,  Mlle  Bl.  Lucas  aurait  pu  en 
garder  les  valeurs  :  abondance  et  souplesse  du  trait,  déclamation  juste, 
affectivité  de  la  phrase,  variété  des  tons  —  nous  ne  disons  pas  des 
effets  et  des  mouvements  trop  influencés  par  le  tableau  et  le  jeu  des 
personnages. 

Dans  la  Messe  pastorale,  il  y  a  un  lyrisme  dramatiquement  traité 
qui  laisse  trop  voir  le  chœur  et  les  coryphées  en  scène;  le  jeu  est  plus 
abstrait  et  discret  dans  la  Missa  Corporis  Christi  qui  se  réduit  à  un 
pieux  décor  déroulé  comme  une  image  très  primitive  de  l'âme  paysanne, 
de  sa  nostalgie  en  marche  ;  la  musique  n'y  est  qu'esquissée.  Nous  con- 
tinuons à  préférer  et  même  à  ne  croire  qu'à  l'action  intérieure  et  à  la 
démarche  invisible  de  la  musique  ordonnée  dans  la  Messe  parla  prière, 
selon  le  sens  vrai  de  la  liturgie.  Admettre  l'incidence  de  limage  poé- 
tique et  surtout  la  primauté  de  son  rythme  dans  l'expression  du  chant 
sacré,  c'était  courir  le  risque  d'une  antinomie.  Cette  antinomie  appa- 
raît au  moins  dans  le   Gloria  décoratif  de  la  Missa  Corporis  Christi, 

Voilà  le  danger.  Déjà  l'impressionnisme  pointe  dans  la  musique 
d'église  à  peine  dégagée  de  l'esprit  théâtral.  Il  est  moins  dangereux  à 
l'orgue  qui  ne  connaît  pas,  comme  le  chant,  la  littéralité  du  texte  et  qui 
n'en  subit  donc  pas  les  servitudes.  L'orgue  transpose  et  paraphrase, 
colore,  commente  et  amplifie  ou  se  borne  à  de  simples  échos,  sans  cesser 
d'être  à  sa  place,  dans  son  rôle.  Le  chant  liturgique,  lui,  a  des  lignes 
tracées,  un  cadre  fixé,  une  donnée  formelle  imposée;  s'en  affranchir 
par  fantaisie,  c'est  dévier  du  style.  Et  le  style  qui  est  d'abord  une 
manière  de  voir  et  de  concevoir  dépasse  le  jeu  des  caractères  partiels 
plus  ou  moins  heureux  même  neufs,  que  peut  faire  valoir  une  œuvre. 
Ajoutons  que  les  «  caractères  »  n'illustrent  souvent  que  des  procédés. 
Chez  les  romantiques  où  ils  abondent,  les  «  caractères  »  peuvent  se 
nommer  plus  d'une  fois  des  «  saillies  ».  L'originalité  à  tout  prix  est  la 
sœur  du  baroque.  Et  il  ne  faut  pas  nous  dire  que  ce  qui  nous  paraît 
«  baroque  »  est  ce  que  nous  n'avons  pas  l'habitude  d'entendre.  La 
musique  s'éprouve,  se  vérifie  ;  ses  rapports  avec  le  sujet  aussi. 

Traiter  un  sujet,  c'est  avoir  l'intelligence  de  ce  qui  y  est  virtuelle- 
ment contenu;  c'est  en  respecter  la  nature,  l'espèce,  la  catégorie,  la 
norme  et,  le  possédant  en  puissance,  en  réaliser  la  juste  expression  par 


i3o  £a  ^rtbutif  î>f  0amt-Œ>m)at0 

l'aisance  et  les  beautés  de  la  forme  :  c'est  Mozart  et  c'est  Beethoven, 
l'un  jouant  avec  ses  thèmes,  l'autre  souffrant  pour  les  fixer  avant  de 
créer  mais  atteignant  les  mêmes  sommets. 

Ne  nous  arrêtons  pas  au  style  plus  approprié  du  Benedictus  et  de 
XAgnus  où  sont  exposées  des  phrases  simples,  beaucoup  plus  classiques 
quoique  sans  large  horizon  ;  elles  sont  calmes,  discrètes  et  dune  piété 
véritable;  le  mode  litanique  reparaît  dans  XAgnus  avec  l'écriture  en 
octave  et  à  l'unisson  ;  les  paliers  de  cette  dernière  pièce  sont  intéressants. 

M11'  Bl.  Lucas  ne  vise  pas  à  l'effet  et  on  ne  peut  pas  l'accuser  de 
rhétorique.  A  coup  sûr  son  art  est  sincère.  C'est  surtout  sa  tendance 
qui  nous  fait  écrire.  Dans  sa  messe,  il  y  a  la  vision  et  il  y  a  la  musique; 
selon  nous,  l'une  fait  tort  à  l'autre  et  les  deux  souffrent  de  l'arbitraire 
ou  des  principes  vagues  de  son  esthétique.  Il  ne  suffit  pas  d'être  nova- 
teur; il  faut  l'être  sans  confusion  des  genres,  sans  quiproquo,  sans 
erreur  d'acception  et  d'idée  ;  il  faut  l'être  dans  la  vérité  du  sujet  situé 
et  exprimé  comme  il  l'exige.  Pour  faire  une  messe,  il  faut  la  penser 
non  devant  la  nature,  avec  la  réminiscence  mentale  des  litanies  marines 
ou  champêtres  que  des  groupes  plus  ou  moins  ordonnés  vont  jusqu'à 
rendre  cacophoniques,  mais  comme  à  l'office  où  les  impressions  fugi- 
tives n'ont  pas  place.  En  mettant  les  choses  au  mieux,  la  poésie  des 
pèlerinages,  le  croisement  et  l'écho  des  voix  qui  s'espacent,  se  mêlent 
et  se  perdent,  c'est  une  chose  intéressante;  ce  n'est  pas  la  Messe.  C'est 
là-dessus  que  notre  plume  insiste.  Quant  à  la  musique,  dominée  par  ce 
sentiment  lié  à  la  vision,  elle-même  fixée  par  le  paysage,  elle  se  satis- 
fait de  le  suggérer,  d'en  vivre,  d'en  communiquer  la  poésie.  L'auteur 
s'étonnera  qu'on  lui  demande  autre  chose.  M1"  Bl.  Lucas  dira  qu'elle 
a  voulu  cela  et  que  pour  réaliser  cela,  les  valeurs  traditionnelles  du 
dessin,  du  rythme,  de  l'harmonie,  de  la  prosodie,  du  discours  classique 
ne  lui  étaient  pas  utiles.  Pour  nous,  c'est  un  scandale  de  suivre  les 
sentiers  mal  tracés  ou  la  route  plate  des  mélodies  qu'on  nous  propose 
quand  ce  n'est  pas  le  terrain  vague  de  l'harmonie  —  sous  prétexte 
qu'une  perspective  nouvelle,  foncièrement  exclue  par  le  sujet,  nous 
récompensera.  Sans  être  le  champion  du  poncif  ni  du  pastiche,  on  doit 
d'abord  tenir  au  bon  motif,  à  l'adéquation  du  style  et  à  la  richesse  des 
formes  qu'on  n'a  le  droit  ni  d'ignorer,  ni  d'oublier,  ni  de  discuter,  car 
elles  sont  acquises,  classées,  sacrées,  pas  du  tout  périmées  (pas  plus 
que  l'Évangile)  :  on  ne  progressera  pas  sans  elles  et  on  appauvrit  la 
musique  en  les  négligeant.  Justement  la  Missa  Corporis  Christi  est 
pauvre. 

—  Elle  a  pourtant  certains  mérites. 


But  mte  Messe  Xtomeiie  i3i 

—  Mais  elle  pèche  par  la  raison  et  par  la  forme,  dans  l'ensemble 
comme  dans  le  détail  musical. 

—  L'intensité  de  son  Kyrie  est  fort  belle.  Il  y  a  de  la  lumière  à  la 
fin  du  Gloria.  Son  Sanctus  plane  à  partir  d'  «  hosanna  ».  Voyons! 
la  sérénité  comme  la  contrition  y  sont  touchantes... 

—  C'est  la  thèse  du  sentiment.  Seulement  que  de  choses  du  temps 
passé  comprennent  ces  mouvements  du  cœur  tout  en  magnifiant 
l'expression  par  des  idées  et  des  formes  musicales  achevées  auprès 
desquelles  celles  de  l'auteur  ne  sont  que  l'enfance  de  l'art  :  schéma, 
première  coupe,  petits  plis,  timide  gaufrage. 

Car  l'interprétation  la  plus  touchante  ne  nous  détournera  plus  de 
la  musique,  ne  nous  donnera  pas  le  change  sur  la  musique,  (errore 
posita  !) 

Nous  avons  vu  trop  de  visionnaires  et  d'exégètes  (et  nous  les  sui- 
vions !)  nier  le  ciel  et  les  astres.  N'est-ce  pas  le  cher  et  si  regretté  maître 
Péladan  qui,  au  bout  de  dix  minutes  qu'on  en  jouait,  disait  avoir 
entendu  «  tout  Mozart  »?  Et  vous,  cher  ami  M..,  selon  qui  il  n'y  avait 
pas  de  «  pensée  »  chez  Rossini  !  (il  s'agissait  du  Barbier,  rien  que  cela) 
parce  que  vous  étiez  encore  sous  l'empire  non  de  Wagner,  qui  admira 
Rossini  à  Venise,  mais  du  Wagnérisme.  Et  nous  que  secouait  la  Marche 
funèbre  du  Crépuscule  des  Dieux  (c'était  en  1897  quand  vint  la  Phil- 
harmonique de  Berlin  avec  Nikisch)  et  qui  croyions  cela,  cette  poussée 
colossale  des  thèmes  de  Siegfried,  musique  géante  certes,  plus  «grande» 
que  l'oraison  funèbre  de  la  Symphonie  héroïque,  à  la  stupeur  d'un 
voisin  boche,  jeune  mélomane  pris  à  témoin,  dont  nous  entendons 
encore  le  «  ah!  non  »  très  poli  et  juste  qui  nous  permet  de  le  remercier 
trente  ans  après,  tellement  sa  franchise  nous  a  fait  réfléchir. 

Souvenirs  amusants  mais  instructifs.  îl  ne  faut  pas  que  les  notations 
curieuses,  les  esquisses  impressionnistes,  les  fantaisies  colorées  iné- 
dites nous  trompent  aujourd'hui,  comme  autrefois  le  grand  rythme 
des  génies  grandiloquents  dont,  comme  Wagner  (que  nous  admirons 
toujours  avec  des  réserves),  la  symphonie  nous  submergeait.  Il  faut  dis- 
tinguer ce  qu'on  nous  offre  et  en  raisonner  sans  étroitesse.  Nous 
serions  fâché  que  M11"  Bl.  Lucas  nous  prît  pour  un  pédant.  On  ne  se 
tait  (nous  du  moins)  que  sur  ce  qu'on  n'estime  pas,  ce  qui  ne  donne 
l'espoir  d'aucun  progrès  et  ce  n'est  pas  le  cas  des  pages  de  la  très  ima- 
ginative  artiste  dont  nous  parlons.  Nous  parlons  pour  elle  et  pour  les 
autres,  afin  d'arriver  à  cette  conclusion  qui  va  dépasser  sa  messe.  Quoi 
que  tente  le  sens  primitif,  l'ingéniosité  directe,  la  vivacité  originale  qui 
distinguent  le  génie  barbare  qui  n'est  pas  spéculatif  et  qui  n'aime  pas 


i32  Ca  tribune  ire  0amt-<®m)at0 

les  disciplines  tellement  il  fait  confiance  au  don  (c'est  l'histoire  com- 
mencée d'Arthur  Honegger),  il  n'y  a  pas  lieu  de  lui  sacrifier  et  ce  serait 
folie  de  lui  égaler  ce  que  la  tradition  a  fait  fleurir  par  une  lente  culture 
et  une  longue  discipline  dans  l'ordre  du  goût  et  du  style  auxquels  la 
science  prêta  toujours  ses  procédés  —  depuis  le  mélisme  grégorien  et 
la  pure  cantilène,  fleur  de  notre  Occident  jusqu'au  choral  le  plus  massif 
dérivé  ou  non  de  la  polyphonie,  si  la  plénitude  musicale  y  demeure 
avec  la  juste  expression  commandée  par  le  sujet  qui  reste  le  seul  guide. 

A  cet  égard,  la  nouvelle  messe  de  Mlle  Blanche  Lucas  nous  a  retenu 
comme  un  symptôme.  Elle  est  faite  pour  l'église  mais  pensée  du  dehors 
comme  en  y  allant  ou  en  en  revenant,  en  recherchant  une  autre 
ambiance  où  il  soit  question  d'elle.  C'est  bien  la  Messe  comme  texte, 
mais  c'est  la  prière  des  rustiques  en  exode...  On  dirait  une  Messe  allé- 
gorique. Nous  n'allons  pas  jusqu'à  dire  qu'elle  jure  avec  l'office  qu'elle 
appréhende  suffisamment  sauf  le  Gloria,  vraiment  trop  détaché  du  sens, 
dans  la  marche  où  il  se  complaît.  Il  n'y  a  rien  d'absolu  dans  un  com- 
mentaire. On  essaie  seulement  d'y  marquer  l'équivoque  du  genre  ou  si 
l'on  veut  son  dualisme,  nuisible  d'abord  à  l'objectivité  liturgique,  ensuite 
au  sens  classique  de  la  musique  que  l'auteur,  à  son  insu,  affaiblit  de 
dix  manières. 

Il  reste  que  la  Missa  Corporis  Christi  a  l'avantage  de  la  douceur, 
de  l'humilité  du  cantique,  de  sa  sobriété,  du  jeu  de  ses  voix  lointaines 
qui  s'écoutent  ou  s'ignorent,  s'entraînent  ou  se  répondent  comme  les 
théories  de  fidèles  qu'elles  symbolisent,  enfin  de  sa  curieuse  partie 
d'orgue  très  bien  registrée  qui  lie  l'atmosphère  et  pallie  le  creux  des 
octaves  et  des  unissons  dialogues  du  chant  ou  au  moins  la  monotonie 
que  l'effet  comporte,  puisque  ce  chant  n'est  pas  grégorien,  qu'il  est 
court,  en  surface,  à  peine  ondulé,  et  qu'il  se  répète  très  souvent. 

L'œuvre  a  été  chantée  deux  fois  à  Notre-Dame  du  Rosaire  et  va  l'être 
à  Saint-Eustache.  Nous  en  félicitons  Mlle  Blanche  Lucas.  L'appréciation 
toute  personnelle  qu'on  vient  de  lire  ne  nous  empêche  pas  de  faire 
crédit  à  son  talent  très  original,  bien  illustré  par  son  Tantum  ergo  à 
2  voix  mixtes  très  émouvant,  dont  nous  avons  dit  tout  le  bien  possible 
en  décembre  et  auparavant,  en  parlant  des  exécutions  à  Saint-Eus- 
tache. 

Janvier  1927. 

A.  Trotrot-Dériot. 


Viotrt  0upplimfîtt  i33 


NOTRE   SUPPLÉMENT 


Sanctus  et  Agnus,  à  2  chœurs,  de  Nicolas  Formé. 

Voici  qui  sera  certainement  du  nouveau  pour  la  plupart  de  nos  lecteurs.  Nicolas 
Formé  (1567-1 638)  fut  l'inventeur  en  France  de  l'écriture  oc  à  grand  chœur  »  comprenant 
un  quatuor  de  solistes  «  a  cappella  »  auquel  répond  et  s'adjoint  un  chœur  plus  compact 
de  quatre  ou  cinq  voix  soutenues  de  l'orgue.  Nous  avons  choisi  dans  l'œuvre,  à  peu  près 
inconnue  en  notre  temps,  de  ce  musicien  autrefois  célèbre,  ces  Sanctus  et  Agnus  écrits 
pour  la  chapelle  du  roi  Henri  IV,  que  Formé  dirigeait,  et  dédiés  par  lui  à  Louis  XIII 
lors  de  l'édition  de  cette  messe. 

Il  y  a  là,  sans  difficulté  d'exécution,  un  bel  élément  de  rechange  dans  les  pièces  du 
répertoire,  et  un  intéressant  exemple  proposé  aux  compositeurs  quant  à  la  disposition 
des  éléments  musicaux. 

•  «  Le  Saint  vient  de  mourir  »,  de  Georges  Faure. 

Composition  de  noble  caractère,  en  l'honneur  de  saint  François  d'Assise,  pour 
soprano  solo,  chœur  à  4  voix  mixtes  et  orgue.  Ecrite  pour  l'année  jubilaire  du  Poverello, 
cette  pièce  sera  bienvenue  en  toute  manifestation  destinée  à  le  glorifier.  Facile 
d'exécution. 

Jesu,  dulcis  memoria,  à  4  voix  mixtes,  de  Bl.  Lucas. 

Bel  exemple  d'inspiration  émue  et  d'écriture  moderne  du  motet,  cette  composition 
nouvelle  de  la  distinguée  musicienne  qu'est  M1,e  Bl.  Lucas  sera  vivement  appréciée.  Ce 
motet  demande  beaucoup  de  finesse  dans  l'interprétation. 

A.  G. 


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134  Ca  tribune  he  0ahtt-<®m)at0 


LE   MOUVEMENT   LITURGIQUE  ET   MUSICAL 
COMMUNICATION  DE  LA  SOCIÉTÉ 

LES  AMIS    DE   L'ORGUE 

Siège  social  :  48,  boulevard  Maillot,  Neuilîy-sur-Seine.  Secrétariat  général  :  83,  rue 
de  Lille,  Paris  7e.  Programme  du  Concours  de  l'année  192g  :  Le  prix  décerné  en  1929 
est  de  CINQ  MILLE  francs. 

Le  programme  des  épreuves,  arrêté  après  consultation  de  MM.  Ch.  M.  Widor, 
Charles  Tournemire,  Louis  Vierne,  Joseph  Bonnet,  Alexandre  Cellier,  André  Marchai 
est  le  suivant  : 

Première  séance  : 

A)  Exécution  de  mémoire  de  :  Toccata,  Adagio  et  Fugue  en  ut  majeur,  (J.-S.  Bach; 
Peters,  Livre  III,  n°  8). 

B)  Improvisation  d'Église  sur  un  thème  de  la  liturgie  catholique  :  a)  Choral  figuré, 
le  thème  traité  en  «  cantus  firmus  »;  b)  paraphrase  symphonique  plus  développée  sur 
le  même  thème,  dans  la  forme  choisie  par  le  concurrent. 

Deuxième  séance  : 

A)  Exécution  de  mémoire  d'une  pièce  choisie  par  le  jury  parmi  les  huit  pièces 
ci-dessous  désignées  : 

1.  Quatrième  sonate  en  trio  (J.-S.  Bach;  Peters  I);  2.  Récit  de  Tierce  en  taille 
(N.  de  Grigny;  Archives  des  Maîtres  de  l'Orgue,  p.  17,  Guiîmant  et  Pirro);  3.  Premier 
choral  en  mi  (César  Franck)  54.  Fugue  en  ut  mineur  de  la  Troisième  Sonate  (Alex.  Guiî- 
mant); 5.  Introduction  et  thème  fugué  en  si  bémol  mineur  (Eug.  Gigout);  6.  Premier 
mouvement  de  la  Symphonie  gothique  (Ch.-M.  Widor);  7.  Final  de  la  Troisième  Sym- 
phonie (Louis  Vierne);  8.  Troisième  partie  du  Triple  Choral  (Charles  Tournemire). 

B)  Improvisation  symphonique  :  a)  Prélude  et  Fugue  sur  un  thème  donné;  b)  Impro- 
visation libre  sur  deux  thèmes  donnés,  dans  la  forme  d'un  Allegro,  Adagio  et  Final. 

N.-B.  —  Ce  concours  est  réservé  aux  organistes  français  des  deux  sexes,  et  de  toute 
origine  scolaire,  nés  après  le  3l  décembre  l8g3.  Le  règlement  sera  envoyé  sur  demande 
adressée  au  Secrétariat  Général,  83,  rue  de  Lille,  Paris  7e. 

ITALIE 

Le  «  Centenario  Balbiani  »  et  le  nouvel  orgue  de  Gênes.  —  Tel  est  le  titre  d'une 
plaquette  que  l'on  vient  de  publier  à  l'occasion  de  l'inauguration  récente  du  quadruple 
orgue  électrique  de  la  Basilique  de  Santa  Maria  Immacolata,  à  Gênes,  restauré  et  ter- 
miné par  l'importante  firme  Balbiani- Vegezzi  Bossi,  qui  célébrait  ainsi  le  centenaire  de 


Ce  m0uoemeitt  liturgique  et  musical  i35 

sa  fondation  (1828-1928).  De  nombreuses  photographies  illustrent  les  buffets,  la  console, 
la  «  centrale  électrique  »  (sic!)  des  importantes  commandes  d'un  tel  instrument,  etc. 
A  la  plaquette  ont  collaboré  le  chanoine  Gino  Borghezio,  l'illustre  compositeur 
G.  Tebaldini,  et  le  Dr  B.  Pavesi.  Malgré  les  intéressants  détails  contenus  dans  ces  études, 
on  ne  nous  donne  point  le  devis  complet  de  cet  orgue  si  curieux. 

L'instrument  a  pour  base  celui  qui  fut  construit  en  1890  par  le  facteur  anglais 
W.  Trice,  dont,  paraît-il,  la  qualité  de  son  est  remarquable,  et  qui  fut  inauguré  par  notre 
maître  Guilmant;  malheureusement,  les  transmissions  ne  marchèrent  pas  longtemps,  et  la 
moitié  des  jeux  ne  parlait  plus.  L'orgue  principal  est  placé  au-dessus  de  la  porte  d'entrée . 
il  ne  comprend  que  l5  registres,  parmi  lesquels  :  Plein-jeu  à  neuf  rangs;  fonds  de  32;  prin- 
cipaux de  16,  8,  et  4  pieds;  deux  violes  et  trois  anches.  L'orgue  latéral  du  chœur,  côté 
de  l'épître,  est  formé  d'un  bourdon  de  16;  quintaton  de  8;  flûte  de  4;  deux  mutations; 
euphone;  unda  maris;  deux  violes  et  une  anche  douce  de  8.  L'orgue  latéral  côté  de 
l'Evangile  comprend  un  petit  plein-jeu  de  sept  rangs;  quintaton  de  16;  flûte  ouverte; 
flûte  bouchée;  chœur  de  violes;  hautbois.  Le  quatrième,  orgue  d'écho,  placé  dans  une 
galerie,  réunit  en  douceur  l'ensemble  des  sonorités  placées  dans  les  trois  autres.  Tous 
peuvent  parler  ensemble,  et  se  fondent  dans  un  «  cadre  phonique  »  de  même  nature.  Cet 
instrument  a  en  tout  57  jeux  et  plus  d'une  trentaine  de  combinaisons  et  accouplements 
variés,  dépassant  de  beaucoup  ce  qui  s'était  fait  jusqu'alors  en  Italie.  Notons  que  chaque 
clavier,  même  celui  de  pédales,  peut  parler  en  octaves  aiguës. 

La  commission  de  réception,  présidée  par  Telbaldini,  a  proclamé  cet  instrument  <x  un 
insigne  monument  d'art  »  dont  pourra  s'enorgueillir  Gênes  la  Superbe. 

AUTRICHE 

Les  cinquante  ans  de  M.  Max  Springer,  directeur  de  V Académie  de  musique  à 
Vienne.  —  M.  Max  Springer  est  originaire  du  Wurtemberg.  Il  entre  comme  novice  chez 
les  bénédictins  de  Beuron  mais  les  quitte  pour  des  raisons  de  santé,  se  fixe  à  Prague 
comme  organiste  séculier  de.  l'abbaye  d'Emmaûs  d'où  on  l'appelle  pour  diriger  la  section 
de  musique  d'église  à  l'Académie  de  musique  de  Vienne,  dont  il  devient  plus  tard  le 
directeur.  M.  Max  Springer  est  un  musicien  de  grande  envergure.  Il  conçoit  la  mélodie 
grégorienne  dans  son  tout  sans  négliger  ses  détails  et  son  rythme  particulier.  Son 
accompagnement  est  très  libre  sans  tout  de  même  sortir  du  style  du  plain-chant.  Son 
improvisation,  nourrie  de  thèmes  grégoriens,  se  fond  tout  naturellement  avec  les  parties 
chantées  et  ne  fait  qu'une  seule  œuvre  de  l'office.  Le  chant  passe  dans  toutes  les  voix  de 
l'accompagnement  qui  «  se  soumet  comme  un  tapis  au  roi  de  tous  les  chants  ».  La  faci- 
lité, avec  laquelle  il  résout  tous  ces  problèmes,  l'amour  et  l'humilité  avec  lesquels  il  sert 
le  chant  divin  émeuvent  l'auditoire  d'une  manière  irrésistible.  Aussi  les  fidèles  se 
rendent-ils  nombreux  aux  offices  préférant  la  monodie  grégorienne  à  la  polyphonie  et 
aux  orchestres  qui  s'installent  en  maîtres  dans  les  autres  églises.  —  Un  musicien  aussi 
doué  pouvait-il  résister  aux  attraits  des  chœurs  et  de  la  musique  symphonique  ?  Non  il 
succombe  à  la  tentation  et  met  au  monde  des  œuvres  puissantes,  soumises,  elles  aussi, 
au  charme  souverain  du  chant  grégorien.  Ses  messes  «  Lauda  Sion  »,  «  Resurrexi  », 
S.  Crescentise,  Missa  festiva  (pour  soli,  chœur  et  grand  orchestre),  son  Te  Deum  révèlent 


i36  Ca  tribune  îre  0amt-<fàm>at0 

la  même  unité  de  style  due  au  monothématisme  de  leur  composition  (M.  Springer  s'y 
rattache  à  quelques  compositeurs  néerlandais  du  xve  siècle).  Le  distingué  directeur  de 
l'Académie  de  musique  ne  se  borne  pas  à  la  composition,  c'est  également  un  virtuose  de 
plume.  Ses  principes  d'accompagnement  du  plain-chant  il  les  a  exposé  dans  son  Traité 
d' accompagnement.  L'accompagnement  complet  du  Graduel  par  M.  Springer  parut  chez 
Pawelek  à  Ratisbonne. 

Nous  lui  devons  ensuite  Le  chant  grégorien  à  la  grand'messe  et  aux  vêpres  et  le 
Solfège  grégorien.  L'élan  de  ses  écrits  lui  a  valu  la  place  de  critique  musical  du  pre- 
mier journal  catholique  d'Autriche,  la  «  Reichspost  ». 

O.  T. 

ANGLETERRE 

Anciennes  orgues  :  ancienne  musique.  —  A  la  chapelle  du  «  Jésus  Collège  »,  de 
Cambridge,  se  trouve  un  orgue  dont  l'historique  présente  un  certain  intérêt.  Pourvu  à 
l'origine  de  deux  claviers,  sans  pédalier,  attribué  longtemps  au  facteur  Smith  (Father 
Smith,  aîias  Bernard  Schmidt,  (1630-1708),  il  fut  reconnu  être  l'œuvre  du  facteur  Bishop 
(xvui0  siècle),  qui  le  construisit  pour  un  membre  du  Collège,  Sir  John  Sutton.  A  l'occa- 
sion de  sa  récente  restauration  par  la  firme  Harisson,  on  découvrit  qu'il  possédait  deux 
jeux  beaucoup  plus  anciens  que  les  autres.  Leur  présence  semble  s'expliquer  par  le  fait 
suivant  :  lors  de  la  construction  de  l'orgue  de  Cambridge,  celui  de  Durham,  dû  à  Smith, 
subissait  des  modifications.  Or,  en  raison  de  l'admiration  de  sir  John  Sutton  pour  la 
facture  de  ce  dernier,  il  est  à  présumer  que  les  deux  jeux  en  question  furent  simple- 
ment transportés  de  Durham,  afin  d'être  placés  dans  l'instrument  du  Jésus  Collège,  que 
les  travaux  actuels  ont  laissés. 

Cette  supposition  paraît  d'ailleurs  justifiée,  car  un  compte  rendu  de  l'inauguration 
de  cet  orgue,  émanant  d'un  contemporain,  Walmisley,  mentionne  une  flûte,  provenant 
de  Durham.  Il  est  à  présent  muni  de  quatre  petits  claviers  et  d'un  pédalier;  sa  composi- 
tion est  donnée  dans  le  Musical  Times,  de  janvier  1928,  p.  56  (Londres,  Novello). 

L'orgue  de  l'église  historique  de  Saint-Michael  Cornhill,  Londres,  fut  primitivement 
construit  (1684)  par  Renatus  Harris,  le  plus  célèbre  des  facteurs  de  ce  nom.  Agrandi, 
en  1790,  par  le  facteur  Samuel  Green  (1740-1796),  l'instrument  fut  ensuite  reconstruit  par 
Robson  (1849),  sous  la  direction  de  Richard  Limpus,  le  fondateur  du  Collège  royal  des 
organistes  d'église.  Successivement  remanié  en  1 885-86,  1901,  1914  par  les  facteurs 
Hill,  il  a  été  adapté  à  la  facture  moderne  (1927),  par  la  firme  Rushwarth-Dreaper,  de 
Liverpool.  La  restauration  a  conservé  l'apport  des  xvne  et  xvme  siècles.  Une  description 
de  cet  orgue  se  trouve  dans  le  Musical  Times  de  janvier  1927,  p.  60  (Londres,  Novello). 


LES    LIVRES 

LA    DÉCORATION    ARTISTIQUE    DES   BUFFETS    D'ORGUES,    par    Georges 
Servières,  in-4",  232  pages.  Paris  1928,  Van  Oest.  Prix  net  :  i5o  francs. 

Cet  ouvrage  fait  honneur  à  son  auteur;  il  y  a  là  un  ensemble  d'idées  générales,  de 
détails,  de  précisions  qui  dénotent  un  travail  consciencieux  et  de  longue  haleine;  un  tel 


£es  CbrtB  137 

sujet  n'avait  pas  encore  été  traité  dans  l'histoire  de  l'art  et  l'histoire  de  la  musique  :  pour 
le  mener  à  bien  il  fallait  avoir  beaucoup  voyagé,  avoir  comparé  entre  eux  les  buffets 
d'orgues  d'une  même  région,  d'une  même  époque.  On  ne  peut  en  effet  étudier  ces  chefs- 
d'œuvre  de  notre  menuiserie  sans  les  avoir  vus  et  analysés  soi-même.  C'est  ce  qu'a  fait 
G.  Servières  depuis  plus  d'une  quinzaine  d'années,  et  dans  son  livre  il  s'est  surtout 
attaché  à  donner  des  descriptions  exactes  d'anciens  buffets  —  descriptions  auxquelles 
il  a  ajouté  le  résultat  de  ses  recherches  personnelles  dans  les  sources  manuscrites  ou 
imprimées. 

L'ouvrage  admirablement  édité  et  présenté  possède  48  planches  formant  une  docu- 
mentation précieuse  pour  l'histoire  de  ces  tribunes  ou  buffets.  Plusieurs  de  ces  reproduc- 
tions sont  vraiment  superbes;  mais  toutes,  —  si  intéressantes  soient-elles  —  ne  sont  pas 
toujours  bien  venues.  De  plus,  nous  les  aurions  peut-être  autrement  choisies.  N'aurions- 
nous  pas  été  en  droit  de  trouver  ici  une  véritable  et  belle  reproduction  du  buffet  de 
Saint-Jean  de  Perpignan  1,  des  reproductions  des  buffets  de  Lorris,  Nonancourt,  Saint- 
Maclou  et  Saint-Vivien  de  Rouen,  Saint-Étienne  d'Elbeuf,  de  Caudebec-en-Caux,  de 
Beaune,  de  Luxeuil,  de  l'ancien  buffet  d  Hombleux,  de  Beaumont-le-Roger...  et  de  tant 
d'autres,  alors  que  ceux  du  Mans,  de  la  Ferté-Bernard,  de  Strasbourg,  d'Amiens,  du 
Grand  Andely,  de  Saint-Étienne-du-Mont  de  Paris  —  si  beaux  soient-ils  —  se  trouvent 
un  peu  partout? 

Le  livre  porte  comme  titre  La  Décoration  artistique  des  Buffets  d'Orgues. 
G.  Servières  cependant  n'a  pas  voulu  s'intéresser  seulement  aux  buffets  proprement  dits, 
et  l'on  se  demande  si  ce  n'est  pas  plutôt  une  histoire  de  l'orgue  qu'il  a  tentée.  L'instru- 
ment est  étudié  chronologiquement,  et  il  est  des  chapitres  comme  L'orgue  au  XVe  siècle, 
qui  sont  excellents  et  contiennent  un  grand  nombre  de  faits  précis.  Le  premier  chapitre 
est  consacré  à  l'origine  de  l'orgue  et  à  l'orgue  positif,  le  second  aux  divers  emplace- 
ments de  l'orgue.  L'auteur  passe  ensuite  en  revue  les  différents  piédestaux  de  l'orgue  :  il 
ne  faut  pas  croire,  à  ce  propos,  que  tous  les  jubés  aient  été  construits  pour  recevoir  un 
orgue  au  moyen  âge  (nous  ne  voyons  pas  ce  que  vient  faire  ici  cette  histoire  et  des- 
cription détaillée  des  jubés,  dont  un  certain  nombre  n'ont  jamais  supporté  un  instru- 
ment). De  même,  peut-on  étudier  séparément  les  tribunes  sculptées  et  les  buffets  d'orgues? 
et  n'est-ce  pas  là  une  grave  erreur?  Dans  la  plupart  des  cas,  tribunes  et  buffets  ne  fai- 
saient qu'un  tout,  et  il  existe  encore  de  nombreuses  tribunes  du  xvie  siècle,  pouvant  donner 
une  idée  de  ce  qu'était  le  buffet  disparu  qu'elles  supportaient.  Après  l'orgue  du  xvie  siècle 
et  l'orgue  du  xvne  siècle,  l'auteur  passe  aux  buffets  du  xvme  siècle,  époque  dans  laquelle 
il  distingue  avec  raison  le  buffet  Louis  XV  du  buffet  Louis  XVI.  Après  des  considéra- 
tions d'ordre  général  relatives  aux  conséquences  de  la  Révolution  sur  le  sort  des 
orgues,  G.  Servières  conclut  par  un  excellent  chapitre  où  il  est  question  de  la  décoration 
et  de  l'architecture  des  buffets  d'orgue  du  xixe  et  du  xxe  siècles. 

Tel  est  le  résumé  de  l'ouvrage.  Si  l'auteur  avait  eu  l'intention  de  s'occuper  unique- 
ment de  la  partie  Décoration  de  l'orgue,  c'était  un  travail  d'histoire  de  l'art  qu'il  entre- 
prenait :  il  y  a  mêlé  X histoire  proprement  dite  de  l'instrument.  «  L'un  ne  peut  aller  sans 
l'autre  »,nous  répondra-t-on  et  nous  sommes  de  cet  avis.  —  Mais  alors,  qu'on  n'écrive  pas 

1.  Celle  qu'en  donne  G.  Servières   est  tirée  du  Dictionnaire  de  Viollet-le-Duc. 


i38  Ca  tribune  îre  0antt-<®en>ata 

un  livre  sur  la  Décoration  Artistique  des  Buffets  d'orgues, mais  bien  un  ouvrage  consa- 
cré à  X Histoire  de  notre  instrument.  On  ne  peut  séparer  en  les  étudiant,  le  buffet  du 
reste  de  l'instrument.  —  Si,  d'autre  part,  sous  son  titre,  l'auteur  comprenait  l'histoire  de 
l'orgue,  il  convenait  de  citer  des  sources  imprimées  nombreuses  et  sérieuses,  et  surtout  des 
sources  manuscrites  tirées  des  séries  E,  G,  H,  de  nos  archives  départementales  ou  des 
Actes  des  Notaires.  La  bibliographie  sommaire  que  G.  Servières  a  mise  en  tête  de  son 
ouvrage  manque  d'unité.  A  côté  de  Praetorius,  Dom  Bédos  ou  A.  Gastoué,  on  y  trouve... 
encore  Bottée  de  Toulmon,  Couwenbergh  (!),  Toppfer.  Si  Degering  est  cité,  on  n'y  voit 
pas  Bùhle,  Kinkeldey,  ou  l'article  sur  l'orgue  de  l'«  Encyclopedia  Britannica  »  (11e  édi- 
tion 1910),  car  beaucoup  d'auteurs  ont  écrit  sur  l'histoire  de  l'orgue,  mais  bien  peu  sont 
ceux  qui  ont  su  travailler,  ceux  que  l'on  peut  croire  réellement:  un  esprit  critique  dans 
la  lecture  de  ces  ouvrages  est  nécessaire  pour  ne  pas  répéter  ce  qui  n'a  pas  été  bien 
interprété  ou  ce  qui  ne  peut  être  contrôlé.  Avant  de  parler  des  orgues  françaises  des  xne 
et  xme  siècles,  il  faut  pouvoir  vérifier  leur  existence  :  le  sens  du  mot  organum  ayant 
été  très  souvent  faussé,  on  en  a  conclu  que  des  orgues  existaient  en  no5  à  Notre-Dame 
de  Châlons,  en  1118  à  la  Cathédrale  du  Mans,  en  1221  à  Meaux,  en  1269  à  Chartres!! 
Ceci  n'est  qu'une  légende.  Notre  confrère,  Mlle  d'Aquillon  vient  de  prouver  qu'Ulrich 
Engelbrecht  n'avait  pas  construit  d'orgue  à  la  Cathédrale  de  Strasbourg  en  1260... 

Certaines  dates,  ainsi  avancées  jusqu'ici  sont  sujettes  à  caution  :  Lorris  l5oi, 
Moret  i5io?  Pour  ces  deux  dates,  on  aimerait  avoir  quelques  sérieuses  références. 

Enfin,  les  dates  sur  les  orgues  d'Avignon  et  du  Comtat  ont  été  autrefois  données 
par  M.  Gastoué  dans  la  Rivista  musicale  italiana,  d'après  les  notes  de  l'ancien  archi- 
viste Achard. 

M.  Servières  a  cherché  en  vain  au  Musée  de  Metz  la  tête  du  fameux  «  Gueulard»  de 
l'ancien  grand  orgue  de  la  cathédrale,  qui  roulait  des  yeux  et  tirait  la  langue  à  l'appel 
de  la  note  la  plus  grave  de  la  bombarde  :  mais  cette  pièce  est  toujours  à  la  cathédrale, 
au  Trésor,  où  l'on  peut  d'ailleurs  se  donner  le  plaisir  de  la  faire  fonctionner.  De  même, 
l'auteur  n'a  pu  retrouver  le  «  Gallimard  »  de  Montoire,  et  le  *  Papotier  »  d'Avesnières  ; 
nous  lui  signalons  que  le  premier  est  très  vraisemblablement  la  tête  articulée  conservée 
au  Musée  archéologique  du  Mans,  tandis  que  le  second  se  trouve  entre  les  mains  d'un 
architecte  bien  connu,  de  Laval;  qu'il  nous  soit  permis  de  rappeler  que  ce  n'est  pas  une 
joueuse  d'orgue  qui  orne  le  chapiteau  du  pilier  central  de  la  salle  capitulaire  de  Senlis  : 
M.  Marcel  Aubert  a  prouvé  que  c'était  un  chanoine  avec  son  aumusse  {Revue  de  l'Art 
Ancien  et  Moderne,  février  1910).  Relevons  deux  lapsus  sur  des  titulaires  d'église  :  à 
Valenciennes,  page  48,  il  faut  lire  «  église  Saint-Nicolas  »,  dont  G.  Servières  reproduit  et 
décrit  si  bien  l'admirable  tribune,  ancien  jubé;  la  même  église  de  Bergues  est  citée 
tantôt  sous  un  vocable,  tantôt  sous  un  autre  :  il  faut  lire  chaque  fois  :  «  Saint-Martin  », 
le  titre  de  «  Saint-Winnoc  »  (et  non  pas  Winocq)  étant  celui  d'une  ancienne  abbaye 
depuis  longtemps  détruite,  et  dont  les  beaux  buffet  et  tribune  (xvie  ou  début  du  xvir3 
siècle  et  2«  moitié  du  xvme)  ont  été  transportés  dans  l'église  voisine,  à  Quaedypre. 

A  propos  de  l'orgue  de  la  Cathédrale  d'Angers  construit  en  i5i3  par  P.  Josseline, 
G.  Servières  parle  des  tourelles  hexagonales  en  saillie,  encadrant  l'instrument  et  repo- 
sant sur  des  piliers  établis  sur  le  sol.  D'après  lui  c'est  là  «  une  architecture  de  buffet 


exceptionnelle  en  France  »  :  exceptionnelle  de  notre  temps,  mais  pas  autrefois,  car  elle 
est  décrite  par  certains  devis  d'orgues  des  xve  et  xvie  siècles.  Cette  très  curieuse  archi- 
tecture existait  au  xve  siècle  aux  cathédrales  d'Angers,  de  Chartres,  de  Metz,  de  Rouen, 
à  Saint-Germain  d'Argentan,  à  Saint-Hilaire  de  Poitiers,  —  au  xvie  siècle  aux  Cathé- 
drales du  Mans,  de  Narbonne,  de  Vannes,  aux  Saintes-Chapelles  de  Paris  et  de  Dijon, 
à  Saint-Sulpice  de  Fougères,  à  Saint-Maclou  de  Pontoise... 

Les  buffets  du  xvie  et  du  xvne  siècle  qui  sont  les  plus  beaux  que  la  France  possède, 
sont  décrits  avec  grand  soin  par  G.  Servières  ;  il  en  a  vu  les  mille  détails,  et  cherche  à 
faire  comprendre  à  son  lecteur  la  stature  générale  de  chaque  instrument.  Précisons  une 
fois  encore  le  passage  du  buffet  Renaissance  au  buffet  Louis  XIII.  Le  buffet  d'orgue  des 
xve  et  xvie  siècles  est  un  grand  massif  rectangulaire,  plat  et  d'une  architecture  lourde  ; 
ses  tourelles  sont  de  même  hauteur,  et  seule,  la  sculpture  est  recherchée  :  les  panneaux 
avec  leurs  entrelacs,  les  cariatides,  les  feuillages,  les  têtes  d'anges,  les  fleurs,  les  petits 
personnages,  les  mascarons  ne  sont  là  que  pour  enrichir  la  Caisse  de  l'orgue.  Le  buffet 
d'orgue  du  xvie  siècle  est  une  pièce  de  musée  d'un  style  un  peu  lourd,  mais  d'une  grande 
richesse  de  décoration.  C'est  bien  le  contraire  que  nous  trouvons  dans  le  buffet  d'orgue 
Louis  XIII  ou  Louis  XIV;  ici,  l'architecture  a  pris  le  pas  sur  la  décoration.  On  recher- 
chera la  façade  élancée,  les  tourelles,  d'inégale  hauteur,  ne  seront  plus  mises  sur  le  même 
plan.  Le  buffet  xvne  siècle  semblera  s'élancer  vers  la  voûte  de  l'église  avec  ses  grandes 
tourelles  surmontées  de  plumets  ou  de  dômes  coniques.  Si  la  ligne  tient  la  première 
place,  la  décoration  est  au  contraire  délaissée  et  ne  consiste  plus  qu'en  palmes  et  en 
petites  têtes  d'anges.  Le  buffet  xvne  siècle,  tel  ceux  des  cathédrales  de  Meaux  et  de 
Bourges,  de  Saint-Merry  de  Paris,  de  Guingamp  présente  un  certain  aspect  de  raideur. 
Il  existe  encore  quelques  buffets-transition  entre  le  xvie  et  le  xvne  siècle  où  une  juste 
mesure  a  été  gardée  entre  la  décoration  et  la  ligne  :  ce  sont  les  buffets  de  Clermont 
(Oise),  Dreux,  des  cathédrales  de  Toulouse,  Nantes,  Rodez.  Rappelons  que  le  plus  beau 
de  ces  buffets-transition  est  peut-être  celui  de  Saint-Étienne-du-Mont  de  Paris,  construit 
en  1633.  Il  est  malheureux  de  constater  qu'il  est  unique  en  son  genre,  et  qu'il  ne  fut 
guère  copié  au  xvne  siècle  (sauf  à  Mitry-Mory)...  Regrettons,  avant  de  terminer  cette 
critique,  l'absence  d'une  table  des  orgues  si  nombreuses,  citées  au  cours  de  ce  beau 
travail. 

L'ouvrage  de  G.  Servières,  malgré  les  quelques  réserves  qu'il  nous  a  suggérées,  n'en 
reste  pas  moins  un  livre  de  fond  et  que  tout  historien  de  la  musique  doit  posséder. 
L'Académie  des  Beaux-Arts  s'est  honorée  en  lui  décernant  le  prix  Bernier,  et  c'est  avec 
plaisir  que  nous  voyons  un  érudit  français  traiter  un  sujet  aussi  spécial  en  histoire  de  la 
musique  et  apporter,  en  l'occurence,  des  renseignements  aussi  complets  et  aussi  utiles 
pour  l'histoire  de  notre  art  national.  Norbert  Dufourcq. 

Schweizerisches  Jahrbuch  fur  Musikzvissenschaft  (zweiter  Band),  chez  H.-R.  Sauer- 
laender  (Aarau),  édité  par  les  soins  de  la  section  de  Winterthour  de  la  Nouvelle  société 
de  musique  suisse. 

Après  le  premier  Almanach  suisse  de  musicologie  qui  parut  en  1924  (K.  Nef  : 
Petites  notices  sur  Mozart;  P.  Wagner  :  Media  Vita;  E.  Bernoulli  :  Archéologue  Bian- 


140  Ca  tribune  î*e  0ahtt-<i$muita 

chîni  sur  les  instruments  de  musique  dans  les  coutumes  populaires  et  religieuses  : 
J.  Handschin  :  Une  tendance  peu  remarquée  dans  la  polyphonie  médiévale;  F.  Gysi  : 
Représentations  alpines  dans  la  musique;  Cherbuliez  :  Problème  de  la  musique  reli- 
gieuse; E.  Refardt:  Les  incunables  grégoriens  de  Bâle;  W.  Merian  :  Gregor  Meyer),  voici 
un  autre  beau  volume  contenant  les  articles  suivants  :  J.  Handschin  :  Les  hypothèses 
sur  la  polyphonie  médiévale,  ses  débuts  et  son  apogée;  E.  Bernoulli  :  Humaniste  zuri- 
chois Hans  Fries  comme  champion  de  la  musique  à  l'école;  W.  Nagel  :  Andréas 
Schwilge;  G.  Walter  :  Un  autographe  inconnu  de  Mozart;  R.  Hunziker  :  Deux  lettres  de 
H. -G.  Nâgeli  à  sa  femme;  G.  Walter:  Deux  lettres  inconnues  de  R.  Wagner;  M.  Fehr  : 
Dix-huit  lettres  de  Hector  Berlioz  à  J.-M.  Rieter;  Biedermann:  éditeur  de  musique 
à  Winterthour;  R.  Hunziker  :  Une  lettre  de  Johannes  Brahms  (sur  ses  Afarien/ieder); 
A.  Heuss  :  Art  de  poésie  et  art  de  musique;  P.  Marsop  :  llsebill  de  Friederich  Klose, 
songe  scénique-dramatique  sur  la  scène  et  la  nature;  J.  Handschin:  Sur  l'harmonie 
pure  et  les  gammes  tempérées.  A  retenir  :  les  deux  articles  de  J.  Handschin,  auteur 
de  nombreux  ouvrages  sur  la  musique  au  moyen  âge.  Quant  à  son  premier  article 
(sur  la  polyphonie  médiévale)  nous  n'y  apprenons  rien  de  nouveau  après  avoir  lu  les 
Primitifs  de  la  Musique  Française  de  M.  Gastoué.  Le  second  est  intéressant  par  sa 
manière  de  défendre  le  système  de  19  sons  dans  la  gamme  contre  les  24  quarts  de 
ton  obtenus  par  le  partage  de  12  demi-tons  de  la  gamme  chromatique.  Article  scienti- 
fique, très  documenté.  —  Citons  également  le  travail  de  M.  A.  Heuss  qui,  revenant  à  la 
vieille  querelle  entre  la  musique  absolue  et  la  musique  de  programme  se  prononce  pour 
la  média  via  aurea.  Avec  Beethoven  il  voit  le  musicien  au-dessus  du  poète,  par  le  fait 
qu'il  donne  le  caractère  absolu  ou  intelligible  du  héros  et  non  pas  son  caractère  empi- 
rique donné  par  le  poète.  Les  musiciens  qui  n'aperçoivent  que  le  caractère  empirique 
manquent  leurs  œuvres  malgré  leurs  enseignes  de  musique  à  programme  (il  cite  la 
Faust-Symphonie  de  Liszt, Jes  poèmes  symphoniques  de  R.  Strauss  excepté  «  Eulenspie- 
gel  »).  —  L'article  de  Marsop  sur  «  llsebill  »,  symphonie  dramatique  de  Friederich  Klose, 
traite  d'une  manière  très  captivante  une  œuvre  que  —  malheureusement,  —  nous  ne  con- 
naissons pas. 

O.  Tichy. 


L'ÉDITION   MUSICALE 

OFFERTOIRES,  ou  motets,  par  Mgr  Perruchot,  2  volumes,  Paris;  Bonne  Presse. 
1er  volume,  du  1er  dimanche  de  l'Avent  à  la  Septuagésime,  10  francs;  2e  volume,  de  la 
Septuagésime  au  dimanche  de  Pâques,  12  francs.  Chaque  partie,  port  en  sus,  1  fr.  25. 

On  ne  peut  avoir  une  idée  complète  de  l'inspiration  variée  et  de  l'art  de  la  compo- 
sition vocale  que  possède  Mgr  Perruchot,  sans  ajouter,  à  toutes  ses  œuvres  séparées,  la 
collection  dont  nous  parlons  aujourd'hui.  Autrefois  la  Tribune  en  avait  annoncé  le  pre- 
mier volume  publié  en  1921;  le  deuxième  parut  pendant  que  la  revue  était  en  sommeil  : 
nous  ne  pouvons  tarder  plus  longtemps  à  présenter  le  tout. 


tf'tëMttfflt  muôtcale  141 

En  gros,  ce  double  recueil  comprend  trente-six  pièces,  à  deux,  trois,  quatre  voix 
égales  ou  inégales,  même  à  double  chœur  soit  «  a  cappella  »,  soit  avec  orgue  obligé;  les 
unes  sont  directement  inspirées  (sans  jamais  le  pasticher)  de  l'art  palestrinien,  d'autres 
font  appel  à  toutes  les  harmonies  de  la  palette  classique.  On  sait  le  goût  du  maître,  et  sa 
science  pour  traiter  les  canons  :  il  en  est  ici  plusieurs,  délicieusement  présentés,  et  le 
contrepoint  lié,  qui  favorise  l'imitation,  est  la  règle  de  l'ensemble  de  ces  compositions. 

Mais  toutes  ces  combinaisons,  bien  que  scolastiques,  n'ont  jamais,  chez  Mgr  Perru- 
chot,  rien  de  sec  :  mélodies  et  harmonies  coulent  douces  et  calmes,  dans  une  modalité 
purement  classique,  sans  heurts  ni  recherches  de  modernisme.  Mgr  Perruchot  est  comme 
un  héritier  de  Palestrina,  un  Viadana  de  qui  il  se  rapproche,  ou  mieux  encore  de  notre 
vieux  maître  français  Péchon,  si  peu  connu,  auquel  il  ressemble,  qui  se  serait  attardé  en 
notre  siècle,  en  gardant  la  sérénité  des  formes  anciennes,  enrichies  de  toutes  les  trou- 
vailles des  sonorités  plus  récentes. 

Ces  offertoires  ne  sont  pas  que  des  offertoires,  et  la  plupart  conviennent  aussi  bien 
à  un  salut,  une  procession,  une  clôture  d'office.  Ils  sont  d'ailleurs  mêlés  de  quelques 
autres  pièces  :  Messe  pour  l'Avent  et  le  Carême,  toute  une  série  de  Deo  gratias  (tou- 
jours sur  les  thèmes  liturgiques),  plusieurs  antiennes. 

Dans  le  premier  volume,  les  deux  offertoires  de  Noël,  à  trois  égales,  Laetentur  et 
Tui  sunt,  les  Jubilate  du  temps  de  l'Éphiphanie,  le  Dextera  Domini  sont  précisément 
de  ces  compositions  qui  conviennent  à  tout  temps  de  l'année.  Dans  le  second  volume,  je 
note  au  passage  le  Perfice  gressus  meos  de  la  Septuagésime  (ou  d'un  dimanche  après 
la  Pentecôte),  les  Parce  Domine,  l'un  à  4  voix  mixtes,  l'autre  à  2  chœurs,  (maîtrise  à 
4  voix  mixtes,  confrérie  à  3  voix  égales),  un  Laudate  Dominum  quia  benignus  est,  et  le 
Domine  spes  mea  dans  sa  version  à  2  voix  égales. 

Ne  voyons  donc  pas  dans  cette  collection  de  l'illustre  maître  de  chapelle  un  simple 
recueil  utilitaire  pour  ceux  qui  voudraient  chanter  des  offertoires  polyphoniques  :  c'est 
avant  tout  un  recueil  de  motets  variés  et  de  pièces  pour  toutes  sortes  d'exigences  du 
service  religieux.  Puissent  ces  compositions  de  Mgr  Perruchot,  toujours  élégantes  et 
d'une  très  moyenne  difficulté,  se  trouver  au  pupitre  de  beaucoup  d'églises. 

Mais  pourquoi  l'édition  ne  comporte-t-elle  pas  de  parties  de  chœur  ? 

A.  Gastoué. 

TRENTE  CHANSONS  à  3  et  4  voix  de  Clément  Janequin,  pour  soli  ou  chœur 
mixte,  mises  en  partition  par  Maurice  Cauchie.  Un  volume  de  IV  et  l33  pages.  Paris, 
Rouart,  Lerolle  et  Cie,  1928. 

Les  pièces  de  ce  volume  sont  empruntées  avec  collections  parus  entre  1528  et  l557, 
chez  P.  Attaingnant,  H.  Jullet,  N.  du  Chemin,  A.  Le  Roy-R.  Ballard,  ainsi  qu'au  pre- 
mier livre  de  madrigaux  à  3  voix  de  Constantio  Festa  (Venise,  A  Gardane,  1541).  Elles 
démontrent  encore  une  fois  la  maîtrise  incontestée  de  Clément  Janequin  (Jannequin), 
dans  le  domaine  de  la  chanson  poh/phonique. 

Quoique  cette  édition  soit  conçue  au  point  de  vue  pratique,  nous  constaterons,  à 
regret,  qu'elle  ne  le  satisfait  pas  entièrement,  non  plus  le  côté  historique,  dont  elle  relève 


142  Ca  tribune  ire  Sahtt~<®m)atB 

cependant.  Pourquoi  employer  le  terme  «  soli  »  improprement?  Pourquoi  omettre,  à 
la  table,  le  nombre  de  voix  de  chaque  composition,  l'indication  de  la  diminution  des 
mesures  et  des  valeurs,  des  chansons  transposées  et  de  leur  véritable  ton?  Pour  quelle 
raison  nous  priver  de  la  réduction  des  parties  au  clavier,  pourtant  si  utile?  Que  ne  nous 
renseigne-t-on  sur  la  notation,  les  voix,  les  clés  des  originaux,  ce  qui  remplacerait  avan- 
tageusement, par  exemple,  la  triple  mention  des  dates  de  publication  des  recueils  anciens. 
La  place  différente  qu'occupent  les  mots  «  bien  en  dehors  »  ne  demanderait-elle  pas 
quelques  précisions;  enfin,  le  tic-tac  vraiment  rapide  du  métronome  contribue-t-il  à  une 

meilleure  interprétation  de  la  pensée  de  Janequin? 

M.-L.  Perevra. 


LES  REVUES 

Revue  Grégorienne,  XIII,  n°  4.  —  Dom  de  Sainte-Beuve,  début  d'une  étude  fouillée 
sur  Les  Répons  de  saint  Fulbert  de  Chartres  pour  la  Nativité  de  la  Sainte  Vierge, 
en  commençant  par  Solem  justitiae.  —  Dom  Desroquettes,  dans  la  suite  de  ses  articles 
sur  L' accompagnement  delà  mélodie  grégorienne,  modifie  très  heureusement,  pages  l34 
à  i38,  le  traitement  rythmique  et  harmonique  que  depuis  quelques  années,  les  moines 
de  Solesmes  avaient  adopté  en  certains  cas  :  devant  les  quarts  de  barre,  sur  un  mot 
accentué  comme  Deus,  ou  caelorum,  où  Dom  Mocquereau  avait  déplacé  l'«  ictus  »  en 
le  mettant  sur  la  dernière  syllabe,  Dom  Desroquettes  démontre,  «  autorisé  et  encou- 
ragé par  Dom  Mocquereau  »,  que  1'  «  ictus  »  est  mieux  sur  la  syllabe  d'accent,  qu'il  est 
même  avantageux  d'élargir  la  note  d'accent,  et  enfin  d'y  placer  l'accord.  C'est  en  somme 
revenir,  après  l'avoir  abandonné  pendant  trente  ans,  à  l'enseignement  et  à  la  pratique 
de  Dom  Pothier  et  de  Dom  Delpech  :  et  c'est...  ce  que  nous  n'avions  cessé  de  faire.  On 
nous  permettra  de  souligner  ce  rapprochement  heureux. 

L'Informateur,  VII,  n°  7.  —  E.  Diérickx,  Dom  Anselme  Deprez,  article  nécrolo- 
gique sur  ce  très  sympathique  musicien,  donnant  des  dates  et  références  précises  sur 
ses  œuvres. 

BELGIQUE 

Musica  Sacra,  XXXV,  n°  2.  —  Dom  J.  Kreps,  Mélodies  grégoriennes  et  mélodies 
fauréennes,  montre  comment  Gabriel  Fauré  s'était  imprégné  des  modalités  grégoriennes, 
qui  influèrent  considérablement  sur  la  formation  de  sa  personnalité;  article  documenté 
et  intéressant.  —  L.  Antheunis,  Un  grand  polyphoniste  du  xvie  siècle,  Pierre  Philips, 
attire  l'attention  sur  ce  musicien  trop  peu  connu,  anglais  d'origine  et  réfugié  en  Belgique 
lors  des  persécutions  dirigées  contre  les  catholiques.  Article  fort  incomplet  cependant 
dont  l'auteur  semble  ignorer  les  travaux  et  éditions  de  Guilmant  et  Pirro,  de  la  «  Ches- 
terian  »,  de  Van  den  Borren,  Raugel,  Gastoué,  où  les  œuvres  de  ce  musicien  sont  étudiées 
et  ses  dates  fixées.  —  Dom  Columba  Skerett,  Dom  Anselme  Deprez,  article  nécrolo- 
gique très  détaillé  par  un  de  ses  confrères,  contenant  des  faits  et  renseignements,  forts 
intéressants,  avec  un  beau  portrait  du  regretté  bénédictin. 


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Tome  JCJCV 
N°  5  -  1928 


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LA  TRIBVNE 
DE  SAINT-GERVAIS 

FONDÉE  EN  1895 

PAR 

Ch.  BORDES,    ALEX.  GUILMANT 

ET 

Vincent  dIndy 
poursuit  comme  principaux  buts 

La  connaissance  des  chefs-d'œuvre  de  la  Musique   Religieuse 

L'application    pratique    du    Motu  proprio    de    Pie  X 

L'étude    raisonnée    de    l'ancienne    musique 

Les  progrès  de  l'art  religieux  moderne 

Sous  la  direction  de 
A.  GASTOUÉ  et  A.  TROTROT-DÉRIOT 


Principaux  Collaborateurs  : 

Ant.  Auda.  -  Abbé  P.  Bayart.  -  Camille  Bellaigue.  -  Eug.  Borrel. 
Chan.  L.  Boyer.  -  R.  Bragard.  -  Maurice  Brillant.  -  Abbé  F.  Brun. 
Paul  Brunold.  -  André  Cœuroy.  -  Abbé  E.  Collard.  -  Norbert  Dufourcq. 
Maurice  Emmanuel.  -  Henri  Expert.  -  Jean  Huré.  -  J.  &  L.  de  La 
Laurencie.  -  Hector  Laisné.  -  Paul  Le  Flem.  -  Guy  de  Lioncourt. 
Pierre  de  Maleingreau.  -  M.-L.  Pereyra.  -  André  Pirro.  -  Abbé 
J.  Prieur.  -  F.  Raugel.  -  M.  Rouy.  -  J.  Samson.  -  Aug.  Sérieyx. 
G.  Servières.  -  O.  Tichy.  -  J.  Tiersot.  -  P.  Tirabassi.  -  Jean  de  Valois. 

Ch.  Van  den  Borren. 


Tome  XXV  nouvelle  série  -  N°  5  Octobre  1928 

LATRIBVNE  DE  SAINT-GERVAIS 

REVUE   MUSICALE 

PUBLIÉE  SOUS  LES  AUSPICES  DE  LA 

Stl]ola  Cantorum 

DU    SI    BÉMOL    GRÉGORIEN 

A  PROPOS  D'UN  OUVRAGE  RÉCENT 

LE  très  distingué  professeur  de  l'Institut  Grégorien  de  Paris, 
M.  Henri  Potiron,  a  lancé  dernièrement  une  «  nouvelle  édition 
entièrement  refaite  »  de  son  Cours  d'accompagnement  du  chant  grégo- 
rien. Parmi  les  problèmes  que  soulève  la  nouvelle  théorie  «  tri-tonale  » 
exposée  dans  l'ouvrage,  celui  de  la  nature  exacte  du  si  \>  grégorien  est 
sans  contredit  le  plus  important.  En  effet,  les  diverses  échelles  grégo- 
riennes sont  considérées,  dans  cette  théorie,  comme  appartenant  à  une 
première  tonalité  sous  l'influence  du  si  tj  et  comme  passant  à  une 
deuxième  tonalité  sous  celle  du  si  |?,  un  mi  \>  sous-entendu  et  s'ajou- 
tant  au  si  \>  faisant  enfin  moduler  dans  une  troisième  tonalité.  On  le 
voit,  il  y  a  là  une  certaine  assimilation  avec  ce  qui  se  passe,  cette  fois 
pour  une  seule  échelle  modale  majeure  et  mineure,  dans  la  musique 
moderne  ordinaire.  Mais  si  notre  ton  de  do  laisse  la  place  au  ton  de  fa 
sous  l'influence  d'un  si  f>  exprimé  ou  sous-entendu,  c'est  que  ce  si  |? 
est  quelque  chose  de  substantiel,  n'étant  que  la  transposition  de  la 
note  fa  du  ton  type,  celui  de  do.  Toute  la  question  est  de  savoir  si  le 
si  \>  grégorien  est,  lui  aussi,  note  substantielle  habituellement,  ou  bien 
s'il  n'est  que  chromatisme  d'attraction,  qu'expédient  extrinsèque  à  la 
constitution  normale  des  échelles  modales.  Dans  le  premier  cas,  la 
théorie  tri-tonale  grégorienne  aura  un  fondement  réel,  elle  n'en  aura 
aucun  dans  le  second.  Et,  au  point  de  vue  pratique  de  l'accompagne- 
ment, l'adoption  d'une  hypothèse  ou  de  l'autre  amènera,  au  milieu  de 
réalisations  communes,  de  nombreuses  divergences. 

Et  d'abord  interrogeons  les  gens  du  moyen  âge.  Ils  ont  bien  le  droit 
tout  de  même  de  donner  leur  avis,  eux  qui  ont  vécu  la  musique  qu'il 
s'agit  d'analyser,  alors  que  pour  nous  il  y  a  tentation  de  voir  trop  cette 
musique  à  travers  nos  impressions  modernes.  Quel  est  donc  l'enseigne- 


144  ^a  tribune  îie  6aint-^rî)at0 

ment  du  moyen  âge  au  sujet  du  si  b?  Que  celui-ci  est  un  chromatisme 
d'attraction  engendré  par  l'aversion  pour  le  triton.  Voici  les  paroles 
expresses  de  Guy  d'Arezzo  à  ce  sujet  :  «  Ideo  additum  est,  quia  F  cum 
quarta  a  se  b  tritono  différente  nequibat  habere  concordiam  ».  Donc 
chose  surajoutée,  superficielle,  extrinsèque,  en  dehors  de  l'organisation 
normale,  exceptionnelle,  bien  que  l'exception  puisse  être  fréquente, 
parce  que  fréquente  est  aussi  la  relation  plus  ou  moins  directe  de  triton 
ou  de  fausse  quinte.  Mais,  d'un  autre  côté,  de  ce  que  l'aversion  pour  le 
triton  ait  été  indéniable,  au  dire  de  Guy  d'Arezzo,  lequel  est  le  meil- 
leur et  le  plus  considérable  témoin  de  toute  la  tradition  grégorienne,  il 
ne  s'ensuit  pas  que  cette  aversion  ait  été  obligatoirement  obéie  toujours, 
ni  qu'elle  n'ait  pu  varier  d'intensité  avec  les  siècles,  les  pays  et  les 
centres  liturgiques. 

En  art,  tout  se  réduit  à  des  tendances  satisfaites  et  à  des  tendances 
contrariées.  De  ce  que  souvent,  en  rythmique,  nous  ne  faisons  pas 
coïncider  ces  deux  choses  :  note  longue  et  note  au  posé,  il  ne  s'ensuit 
pas  que  nous  n'ayons  une  très  réelle  tendance  à  mettre  plutôt  au  posé 
une  note  plus  longue.  Venir,  par  suite,  nier  l'existence  et  l'importance 
de  l'aversion  médiévale  pour  le  triton  en  mettant  en  avant  les  cas  nom- 
breux où  celle-ci  est  carrément  contrecarrée,  c'est  argumenter  dans  le 
vide.  Le  même  Guy,  qui  cependant  a  formulé  plus  haut,  en  termes 
lapidaires,  la  tendance  à  fuir  le  triton,  ne  manque  pas,  comme  les 
autres  musicologues  du  moyen  âge,  de  porter  un  bon  nombre  de  si 
ly  dans  ses  exemples,  qui  contredisent  à  la  tendance  en  question. 

Et  puis,  à  côté  de  la  tendance  très  réelle  à  éviter  l'impression  plus 
ou  moins  éloignée  de  triton,  tendance,  celle-là,  négative,  il  en  existait 
une  autre,  non  moins  réelle  et  de  sens  tout  positif,  c'était  la  préférence 
marquée  qu'on  avait,  à  la  bonne  époque  grégorienne,  pour  le  si  fcj.. 
Écoutons  à  ce  sujet  de  nouveau  Guy  d'Arezzo  :  «  b  vero  rotundum, 
quia  minus  est  regulare,  quod  adjunctum  vel  molle  dicunt,  cum  F 
habet  concordiam...  Altéra  vero  \  in  commune  placuit  ».  Goût  habi- 
tuel «  in  commune  »  pour  le  si^.  L'autre  si  est  une  «  irrégularité  », 
«  minus  regulare  »,  une  chose  par-dessus  le  marché,  «  adjunctum  », 
une  «  mollesse,  un  énervement  »,  «  molle  »,  supporté  à  cause  du  ser- 
vice transitoire  qu'il  rend. 

Après  Guy,  Aribon,  lequel  vivait  dans  la  deuxième  moitié  du  xie  siècle  : 
«  Hinc  licet  perpendere,  j?  utile,  b  autem  multum  utilius  esse,  ideoque 
admodum  esse  communiorem  conjunctione  disjunctionem  ».  (Gerb., 
Script.,  t.  II,  p.  218).  Pour  lui,  l'utilité  du  si  q  est  de  beaucoup  supé- 
rieure à  celle  du  si  |?,  l'emploi  du  premier  doit  dépasser  considérable- 


Bu  si  bémol  grégorien  145 

ment  en  nombre,  «  admodum  communiorem  »,  celui  du  second.  Le 
moins  qu'on  puisse  dire,  c'est  qu'Aribon,  comme  Guy  d'Arezzo,  ne  met- 
tait pas  sur  le  même  pied  d'égalité  le  si  \>  et  le  si  q.  Qu'aurait-il  dit  si 
on  lui  avait  soutenu  qu'il  n'entendait  rien  à  l'affaire;  que,  théorique- 
ment, le  si  \)  est  l'égal  du  si  t],  puisque  sa  présence,  réelle  ou  même 
sous-entendue,  a  droit,  elle  aussi,  à  créer  une  tonalité  à  part;  que,  pra- 
tiquement, si  l'on  accompagne  le  chant  grégorien,  le  si  (?,  dans  les 
accords,  dépassera  de  beaucoup  en  nombre  le  si  t\  ?  Tel  est  cepen- 
dant le  résultat  logique  du  système  tri-tonal  que  nous  analysons. 
On  a  voulu  raisonner  à  priori  sur  l'art  médiéval  comme  on  raisonne 
scolastiquement  sur  les  modulations  de  notre  art  moderne  lequel, 
étant  pétri  de  polyphonie  depuis  des  siècles,  et  à  base  ordinaire  uni- 
modale,  a  imposé  à  la  mélodie  elle-même,  et  surtout  à  nos  oreilles,  un 
sens  de  modulation  que  ne  pouvaient  éprouver  les  gens  du  moyen  âge. 
Le  résultat  pratique  est  que  la  proportion  entre  le  si  z  et  le  si  \>  est 
exactement  inversée. 

Jusqu'ici  les  bons  accompagnateurs  avaient  le  flair  de  la  tradition 
médiévale.  Sauf  en  6e  grégorien  et  pour  quelques  pièces  du  5e  (Aribon 
lui-même  fait  ces  exceptions  expressément),  c'était  au  si  q  qu'allaient 
leurs  préférences.  Ils  sentaient  que  c'était  bien  là  la  norme,  et  le  bémol, 
l'exception.  Qu'on  examine  aussi  les  admirables  Pièces  dans  la  tona- 
lité grégorienne  («  tonalité  »  au  singulier)  du  maître  Gigout  :  c'est  bien 
le  si  hj  qui  règne  en  maître.  Alors  que  l'art  modeste  de  l'accompagne- 
ment grégorien  n'a  de  raison  d'être  que  par  rapport  à  la  mélodie  mé- 
diévale, a-t-on  le  droit  de  lui  imposer  aujourd'hui  une  esthétique  qui 
est  manifestement  aux  antipodes  de  l'esthétique  médiévale?  Le  système 
tri-tonal  ne  peut  avoir  aucune  portée  harmonique,  parce  qu'il  repose 
sur  un  quiproquo  entre  si  \>  essentiel  et  si  \>  simple  expédient,  simple 
chromatisme  d'attraction.  Ce  système  vient  aussi,  par  la  fréquence 
prépondérante  du  si  [>,  enlever  à  l'ensemble  une  grande  partie  de  son 
charme  archaïque.  Des  pièces  entières,  où  même  le  si  [?  n'apparaît  pas 
du  tout,  sont  traitées  avec  si  \>  constant  dans  l'accompagnement,  par 
exemple  pour  le  2e  mode;  pour  plus  de  commodité,  on  le  met  carré- 
ment à  la  clef1. 

* 
*  * 

Pour  se  soustraire  à  la  tradition  médiévale,  on  met  en  avant  les 
perfectionnements  de  l'analyse  moderne,  laquelle  nous  permet  de  voir 

1.  Voir  les  offices  harmonisés  qui  ont  paru  en  application  du  système  tri-tonal. 


146  Ca  tribune  ï»e  £aint-<®m)ai8 

les  faits  médiévaux  sous  un  jour  plus  exact  et  plus  complet  que  ne  pou- 
vaient les  voir  les  gens  du  moyen  âge.  Il  est  prouvé  maintenant  que 
certaines  notes  ont  un  caractère  nettement  modulant.  Le  jeu  des  modu- 
lations a  été  étudié  dans  son  tréfonds,  et  nous  savons,  par  exemple, 
qu'une  pièce  en  fa  majeur,  en  cas  de  cadence  sur  le  do  avec  si  : 
exprimé  ou  sous-entendu,  module  au  ton  de  la  dominante,  au  do 
majeur;  qu'une  pièce  en  ré  mineur,  en  cas  de  cadence  sur  le  la  avec 
5i  q  exprimé  ou  sous-entendu,  module  en  la  mineur. 

A  cela  il  faut  répondre  que  le  sens  de  la  modulation  tonale,  entendu 
dans  cette  acception,  et  non  plus  dans  le  sens  hellénique,  est  un  pro- 
duit de  l'usage  séculaire  de  la  polyphonie1,  laquelle  a  de  plus  en  plus 
précisé  le  rôle  des  sensibles.  Avait-on,  au  moyen  âge,  le  sentiment  de  la 
sensible  tel  que  nous  l'avons  ?  Comment  d'abord  auraient-ils  pu  l'avoir, 
des  gens  dont  la  musique  avait  le  plus  souvent  la  sous-tonique  à  un  ton 
plein  de  la  tonique  ?  Une  sensible  est  essentiellement  à  un  demi-ton 
au-dessous  de  la  tonique.  Le  5e  et  le  6e  grégoriens  ont  tout  de  même 
leur  sous-tonique  à  un  demi-ton  de  la  tonique.  Ce  mi  sous-tonique 
a-t-il  cependant  en  fait  le  caractère  d'une  sensible?  Pas  le  moins  du 
monde,  puisque  à  peu  près  jamais  on  ne  rencontre  de  cadence  ascen- 
dante mi-fa  ni  supérieure,  ni  inférieure  -.  Mais  si  le  mi,  en  mode  de  fa, 
n'a  en  réalité  aucun  sens  particulièrement  recherché  de  mouvement 
vers  la  tonique,  faudra-t-il  en  attribuer  un  au  si  vers  la  quinte  ?  Il  fau- 
dra simplement  dire,  lorsque  le  si  amènera  une  cadence  sur  le  do  en 
5e  grégorien,  que  la  note  si  : ,  foncière  en  mode  autonome  de  fa  comme 
dans  les  autres  modes  autonomes,  sert  de  transition  à  une  cadence 
sur  une  note  de  la  triade  modale,  tout  de  même  que  le  ferait  le  ré.  Et 
précisément,  le  plus  souvent  sans  comparaison,  c'est  le  ré  qui  remplit 
cet  office  :  la  pente  descendante  de  l'échelle  se  vérifie  pour  le  mode  de 
fa  comme  pour  les  autres. 

Dom  J.  Jeannin. 
(A  suivre)  O.  S.  B. 


1.  L'examen  des  compositions  primitives,  jusqu'au  xmc  siècle,  ne  laisse  pas  décou- 
vrir trace  de  modulation  tonale  au  sens  moderne  du  mot. 

2.     La   cadence  mi  fa  est  parfois  une   simple  altération   de  la  cadence  fa  sol.  Par 
exemple,  pour  YAgnus  Dei  /Kdont  nous  parlerons  plus  loin. 


Kît  Utyons  im  Xe  siïde  Hns  la  Uturgtf  actufllf  it  #agm*        147 


UN   RÉPONS  DU  Xe  SIÈCLE 
DANS   LA   LITURGIE  ACTUELLE  DE   BAYEUX 

(suite) 

Quelle  est  la  structure  de  ce  «  salut  »  ?  quelle  est  la  signification  de 
ce  mot  ?  S'agit-il  d'une  bénédiction  du  T.  S.  Sacrement,  telle  que 
nous  la  voyons  ordonnée  dans  le  processionnal  de  1749,  par  exemple?  (les 
éditions  de  1624  et  1692  ignorent  cette  forme  de  dévotion.)  Évidemment 
non. 

Résumons  le  susdit  cérémonial  :  le  célébrant  revêt  étole  et  chape 
noires,  les  Ecclésiastiques  ont  des  cierges  allumés,  on  fait  dans  l'Eglise 
la  procession  pour  les  Morts,  on  chante  le  répons  Congregati,  au  retour 
Libéra  me,  Dies  irae,  prières  au  cénotaphe,  aspersion  et  encense- 
ment, chant  du  De  profundis,  on  termine  par  les  versicules  et  oraisons 
marquées  au  processionnal.  C'est  tout.  Telle  est  la  constitution  de  ce 
«  salut  ». 

Hermant  emploie  donc  ce  mot  dans  son  sens  primitif,  général,  étymo- 
logique et  non  dans  le  sens  restreint  que  nous  lui  donnons  maintenant. 
Salut  =  salutation  =  Salve.  Résumons  quelques  données  de  l'histoire. 
Dans  un  manuscrit  du  x-xie  siècle,  codex  121  de  la  Bibliothèque 
d'Einsiedeln,  terminé  en  996,  on  trouve  deux  fois  pages  384  et  388 
(Paléographie  musicale,  tome  IV)  l'expression  «  versus  ad  salutandam 
crucem  »,  salutation  ou  salut  à  la  Croix  avec  chants  appropriés. 

Il  serait  facile  en  ce  sens  de  trouver  dans  notre  Ordinarium  du 
xme  siècle  un  salut  à  la  Vierge  et  aux  saints,  qui  suivait  les  vêpres, 
comme  le  fait  notre  salut  moderne  au  Saint  Sacrement.  Quoi  qu'il  en 
soit,  des  travaux  récents,  écrits  sur  les  origines  du  Salut  du  Saint  Sacre- 
ment en  Belgique  '  tendent  à  démontrer  que  :  1°  en  Flandre,  le  Salut 
ou  Salve  de  la  Vierge  remonte  à  l'année  1365;  2°  que  pendant  deux 
siècles  ces  saluts  eurent  uniquement  et  directement  pour  objet  le  culte 
de  la  Vierge  Marie  ;  3°  qu'au  xvie  siècle  pour  donner  plus  de  solennité 
au  salut  de  la  Vierge  on  exposa  le  T.  S.  Sacrement  pendant  le  chant 
du  Salve.  Le  Salut  du  Salve  a  précédé  le  salut  du  S.  Sacrement,  enfin 

t.  Cf.  Questions  liturgiques  et  paroissiales  de  Louvain,  oct.-déc.  1925. 


148  £a  tribune  be  £aint-(iftm)ats 

les  deux  «  salutations  »  unies1 ,  puis  dissociées,  ont  été  combinées  pour 
former  notre  salut  moderne. 

Notre  historien  emploie  tout  simplement  le  mot  salut  dans  son 
sens  original.  M.  le  chanoine  Deslandes  parle  dans  son  Etude  sur 
l'Eglise  de  Bayeux  des  processions  nombreuses  qui  «  se  rendaient  sur 
la  tombe  de  ceux  pour  qui  on  priait  quand  ils  étaient  enterrés  dans 
l'Eglise  ;  les  inhumations  dans  la  Nef,  la  «  Circata  »  («  déambulatoire 
autour  du  Chœur  et  du  Sanctuaire  »),  les  chapelles  et  le  Chœur  étaient 
fréquentes  et  presque  à  chaque  pas  on  foulait  une  sépulture  ».  On 
allait  d'abord  en  procession  «  saluer  »  les  Morts  et  on  revenait  au 
chœur  pour  les  chants  solennels  continuer  et  terminer  le  «  salut  »; 
l'ordonnance  semble  équivalemment  la  même  que  celle  d'un  «  salut 
avec  procession  solennelle  »  du  T.  S.  Sacrement  :  les  chants  funèbres 
sont  appropriés  au  but  déterminé,  tout  comme  jadis  pour  le  «  salut  de 
la  Vierge  »  avec  procession  on  chantait,  en  Flandre  et  ailleurs,  le  Salve, 
la  prosuie  Inviolata,  ou  un  motet  ou  un  répons  de  Beata.  Quel  autre 
sens  donner  en  1705  à  l'expression  de  Hermant  «  salut  avec  procession 
solennelle  pour  les  Morts  »  ? 

En  effet,  si  le  Processionnal  contemporain  de  Hermant  ne  mentionne 
pas  l'expression  «  salut  solennel  pour  les  Morts  »,  avec  force  détails  il 
nous  en  donne,  après  la  procession,  le  programme  liturgique  et  musi- 
cal; cette  cérémonie  que  Hermant  désigne  en  1705  sous  le  nom  de 
salut  revêt  à  la  Cathédrale,  le  soir  du  1er  novembre,  un  caractère  de 
solennité  extraordinaire;  les  rubriques  du  Processionnal  de  1692, 
imprimé  à  Caen  (Mgr  de  Nesmond),  valent  la  peine  d'être  étudiées  et 
citées  en  entier2. 

D'abord  la  procession  :  à  5  heures  du  soir  sonnent  toutes  les 
cloches  de  la  Cathédrale,  des  cierges  allumés  sont  distribués  à  tout  le 
clergé  et  la  procession  se  déroule  per  ambitum  interiorem  Ecclesize 

1.  Signalons  l'ordonnance  des  saluts  à  Bayeux  au  xvme  siècle  :  1°  Ave  verum. 
2°  Tantum  ergo  sacramentum  ou  O  salutaris  hostia.  —  «  Deinde  ».  3°  Monstra  te  ou 
Sub  tuum  praesidium.  40  Antienne  au  Saint  Patron,  s'il  y  a  lieu.  5°  Prières  «  pro  tempo- 
ris  necessitatibus  ».  6Ù  Domine,  salvum  fac  regem.  70  Deus  omnium  et  immédiatement 
le  f.  Panem  de  cœlo  suivi  des  autres  versicules  et  des  oraisons,  Dominus  vobiscum  et 
Benedicamus. 

2.  Hodie  in  Cathedrali,  pulsatis  hora  quinta  serotina,  omnibus  Ecclesiae  Campanis, 
distributisque  in  singulos  de  Choro  Cereis  accensis,  fit  Processio  pro  Defunctis,  per  am- 
bitum interiorem  Ecclesiae,  in  qua  cantatur  R>.  Congregati  sunt,  ut  infra  a  D.  Decano 
inchoandum.  Tum  in  Choro  ïjj.  Libéra  me  Domine,  ut  infra.  Deinde  alternatim  a  Choro 
Musicorum  et  a  schola  plani  cantus  Prosa,  Dies  ira  dies  illae  :  tandem  dicto,  Pater  no- 
ster,\n  contrapuncto  Psalmus  De  profundis,  quo  peracto  dicitur  a  Célébrante,  Requiem 
seternam,  etc.,  postea  Orationes  in  Collectario  positae. 


IKn  UépotiB  îru  Xe  siècle  îratta  la  liturgie  actuelle  îre  Gageas        149 

aux  accents  si  pathétiques  du  Congregati  dont  l'intonation  est  réservée, 
à  l'encontre  des  us  et  coutumes,  à  M.  le  Doyen  du  Chapitre,  probable- 
ment en  souvenir  de  la  dignité  de  l'un  des  fondateurs. 

Ensuite  se  fait  entendre  au  chœur,  tum  in  Choro,  car  la  procession 
est  terminée,  une  succession  de  prières,  de  chants  surtout,  de  carac- 
tère mélodique  très  différent  :  un  répons,  une  prose,  un  psaume;  c'est, 
d'après  Hermant,  le  salut  solennel. 

Tous  les  éléments  musicaux  de  la  Cathédrale  sont  sans  doute 
réunis,  c'est  le  Chorus  Musicorum  du  xvne  siècle  :  1°  les  solistes  aux 
timbres  différents  :  enfants  de  chœur,  Petits- Vicaires,  vénérables  Digni- 
taires du  Chapitre  ;  2°  le  chœur  :  la  Schola  grégorienne,  les  Enfants  de 
Chœur,  les  Heuriers  qui  «  doivent  chanter  la  basse-taille  dans  la  mu- 
sique »,  les  Hauts-Vicaires  (ad  onus  serviendi  de  tenorista  tant  in  piano 
cantu  quam  a/iis),  qui  «  chantent  la  taille  dans  le  plain-chant  comme 
dans  la  musique  »,  qui  «  chantent  en  faux-bourdons  chacun  selon  le 
genre  de  voix  qu'il  a  pour  les  chants  »,  les  musiciens  laïcs  à  gages, 
«  un  grand  nombre  de  musiciens  en  toutes  les  parties,  un  organiste  et 
autres  (des  instrumentistes)  qui  dans  les  fêtes  solennelles  et  de  fonda- 
tion exécutent...  mottets  et  autres  morceaux  de  musique  tant  vocale 
que  de  symphonie. i  » 

Voilà  le  personnel  musical  qui,  au  xvne  siècle,  exécutait  l'office 
«  lorsque  cela  était  requis  pour  les  fondations  et  régulièrement  aux 
fêtes  solennelles  ».  Voyons  maintenant  le  détail  du  programme. 

D'abord  un  répons  grégorien  :  le  Libéra  me,  Domine  avec  les  ver- 
sets2 en  usage  à  Bayeux  du  xme  au  xvme  siècle.  Les  rubriques  affectées 
à  ce  répons,  à  la  station  du  2  novembre,  sont  des  plus  précises;  la  distri- 
bution des  versets  aux  solistes,  le  1er  novembre,  est  sans  doute  la  même, 
le  premier  verset  Dies  illa  est  chanté  par  deux  Chanoines  Dignitaires 
du  Chapitre  (a  duobus  ex  Personis),  le  deuxième  verset  :  Quid  ergo 
miserrimus  par  deux  «  Petits-Vicaires  Archichoristes  »  (a  duobus  mino- 
ribus  Vicariis  Archichoriis),  le  troisième  verset  :  Vix  justus  salvabitur, 
précédé  de  l'antienne  :  Creator  omnium  introduite,  récemment  sans 
doute,  à  cette  place  insolite,  est  chanté  par  deux  enfants  (a  duobus 
pueris  Choralibus).  Chaque  groupe  de  solistes,  à  la  station  de  la  pro- 
cession du  2  novembre,  a  sa  place  assignée  pour  l'exécution  du  verset  : 

1.  Les  citations  de  cet  alinéa  sont  extraites  de  X Étude  sur  l'Église  de  Bayeux  de 
M.  le  chanoine  Deslandes  qui,  d'après  différents  textes,  a  essayé  de  reconstituer  la  vraie 
physionomie  du  Chorus  Musicorum  (p.  354-358). 

2.  Ils  ont  été  reconstitués  sur  le  texte  ancien  dans  le  supplément  diocésain  de 
l'Office  des  Morts  (Bayeux,  1927)  pour  la  station  de  la  Procession  des  Morts. 


i5o  Cet  tribune  àe  0atnt-(®m)aiô 

1°  rétro  Celebrantem  ;  2e  in  média  navi  ;  3°  ante  Crucem.  Ces  rubriques 
sont  encore  en  usage. 

A  l'austère  répons  du  xe  siècle  fait  suite  le  Dies  irœ  qui  était  d'abord 
une  «  séquence  »  du  répons  Libéra  ;  la  polyphonie  avec  ses  sonorités 
vocales  va  donner,  elle  aussi,  sa  note  funèbre,  la  Prose  de  Thomas  de 
Celano  est  chantée  à  deux  chœurs,  une  strophe  par  la  schola  grégo- 
rienne, une  autre  par  le  chœur  des  musiciens  qui  probablement  chan- 
taient à  quatre  voix.  On  récite  le  Pater...  et  la  polyphonie  reprend  ses 
droits  avec  le  De profundis  «  in  contrapuncto  »,  faux-bourdon  à  quatre 
voix  et  à  deux  chœurs.  Suivent  les  versicules  et  les  oraisons  «  ad  hoc.  » 

En  parcourant  ce  programme  on  ne  peut  se  défendre  de  penser  au 
Dies  iras,  faux-bourdons  pour  alterner  avec  le  chant  liturgique,  de 
Homet  (xvme  s.)  et  au  De  profundis,  attribué  au  roi  Louis  XIII  ((f  1643) 
chantés  à  Paris  aux  funérailles  et  édités  par  la  Schola  Cantorum;  on 
ne  peut  s'empêcher  non  plus,  en  entendant  la  bonne  polyphonie  alterner 
avec  les  pièces  grégoriennes,  de  voir  en  cette  cérémonie  pour  les  morts, 
ce  qu'on  appellerait  aujourd'hui,  servatis  servandis,  «  un  salut  solen- 
nel... en  musique  ». 

III.  LE  TEXTE  DU  RÉPONS  CONGREGATI 

À.  Le  texte  mélodique.  —  Est-il  besoin  de  commenter  le  texte  si 
expressif  du  répons  Congregatil  Quelques  remarques,  d'ordre  esthé- 
tique1, suffiront. 

Le  Répons  Congregati  sunt  au  nouveau  propre  de  Bayeux 

(Notation  grégorienne  sur  portée  de  clef  de  sol) 


G 


£—  i  *»  "\  Ai — yni — i *fr r; 

ongrega-  ti     SUnt,  Dé-US,*  ad  deVOrân- 
Z/s         se         sont         réunis,         6         Dieu,         pour         m'anèantir. 


dum  mé  sedu-cto-res  mé-  i  scripta  tenén-tes 

mes  perfides  ennemis.  tenant  la  preuve  écrite  du 

1.  Pour  l'étude  critique  du  texte,  cf.  Revue  grégorienne,  1923,  articles    de   Dom  de 
Sainte-Beuve. 


Wn  fôq)0tts  hu  Xe  siècle  frans  la  liturgie  actuelle  îre  tfapeu*        i5i 


ra^ 


ML-.V'  **>  -•»»■(< 


ma-  la,  quaegés-si:     *  Ergo  vociferân-tur  dicéntes  : 

mal       que      j'ai       commis;       ils       crient       donc       contre       moi       en       disant 


e 


3 


*      ■ 


a  o      ■ 


Dé-us  dere-liquit  é-    uni:    persequimini      et  compre- 

Oieu  l'a  abandonné  poursuivie-lé  et  saisnse\- 


e  ;  '  % 


*>  j.  A      F 


=ss=p 


» 


héndi-te   é-  um  :  qui-a    non  est,     qui  lîberet  é- 

f£j         '  car  il  n'est  personne  qui  puisse  le  délivrer. 


>..     '   ■  "   *  ■  li.  .  '  '  ■    *5 


um  :  Dé-us  mé-     us,  ne  e-longé-ris  a    me,  Dé-us  mé- 

Mon        Dieu,         ne        vous        éloigne^        pas        de        mot ,         mon        Dieu, 


++ 


us,  in  auxi-li-  um  mé-  um  ré-   spice,   Dé-  us  mé-     us, 

tourne^  vers  moi  vos  regards  secourables  ;  mon  Dieu, 


'     »    ■        jP    ■,/    % 


in  adju-t<5-  ri-  um  mé-  um  intén-  de.     f.  Deiicta 

veuille^  venir  à  mon  aide.  Des  fautes 


g  ■     a  a 


VT* 


-+-\ 


4-"    ■«  J 

îuventû-tis  mé-      a?  nememîneris,  Do-  mine,  et  * 

de         raa         jeunesse         ne         vous         souvener         plus.  Seigneur,         et 


r 


JV-^ 


Ah 


V1*"! 


ne  avértas  fâci-  em    tu-   am  a     me  :  qu6-    ni-  am  trî- 

ne        détournez        pas        de        moi        votre         visage  ;         puisque        jt        souf- 


^i   a    P     & 


>£ 


Ap,.  _£  $J  ?» 


bu-lor,  veloci-ter      exâudî  mé,  Demi-     ne  *  Ergo. 

/>«,  hate^-'UOHS  de  m  exaucer,  Seigneur. 


i52  5Ta  tribune  be  Satnt-^raatB 

Le  répons  proprement  dit,  sans  le  verset,  constitue  un  petit  drame 
en  trois  actes  dont  le  premier  mode  met  bien  en  relief  le  caractère 
général  ;  les  trois  divisions  littéraires  correspondent  à  une  interpréta- 
tion mélodique,  merveilleusement  adaptée  au  sens  des  paroles. 

Ier  Acte,  le  fait  de  la  conspiration  : 

Ils  se  sont  réunis,  ô  Dieu,  pour  me  perdre,  mes  perfides  ennemis, 
tenant  à  la  main  la  preuve  écrite  du  mal  que  j'ai  commis. 

Congregati...  —  La  mélodie  représente  par  de  sombres  accents, 
évoluant  autour  de  la  tonique,  atteignant  à  peine  le  tétracorde,  l'assem- 
blée des  conspirateurs. 

Ad  devorandum...  —  Ils  se  sont  ligués  pour  «me  dévorer»  :  la  mélo- 
die s'anime,  elle  s'accroche  à  la  dominante,  la  dépasse  et  par  trois 
climacus  descendants,  dont  le  second  est  très  expressif  avec  son  si  '*  elle 
retombe  avec  accablement  sur  la  tonique  du  mode  et  fait  entendre  des 
sanglots  douloureux  sur  les  deux  pressus  de  me. 

Seductores...  —  Ces  neumes  enveloppants,  trois  torculus  (tous  les 
mss.  ne  les  donnent  pas)  veulent-ils  par  une  marche  ascendante  et  régu- 
lière traduire  la  volonté  tenace  des  «  séducteurs  »  qui  poursuivent  leur 
désir  de  mal  progressivement  et  sans  heurt?  Certains  sont  tentés  de 
sourire  devant  des  traductions  symboliques  trop  subtiles,  l'expression 
dans  le  dessin  mélodique  est  familière  cependant  aux  compositeurs 
grégoriens  et  Bach  n'a-t-il  pas  dans  son  choral  pour  orgue  :  Par  la 
chute  d'Adam,  traduit  par  des  dessins  analogues  (là  et  ailleurs)  les 
séductions  du  serpent  pendant  que  le  soprano  pleure  et  que  la  pédale 
maudit  (intervalles  répétés  de  septième  diminuée  descendante)? 

Scripta  tenentes.  —  Accrochée  à  la  sous-dominante,  l'affirmation 
est  évidente  avec  les  deux  strophicus  sur  les  syllabes  accentuées  «  oui, 
ils  connaissent  mes  péchés,  ils  les  ont  écrits  et  ils  les  tiennent  bien  en 
main  pour  les  présenter  au  divin  Juge.  » 

Mala  quazgessi.  —  «  Oui,  j'ai  péché,  c'est  vrai,  ils  sont  armés  contre 
moi  »  et  douloureusement  {si  b)  en  deux  retombées  successives  l'âme 
pécheresse  dans  un  humble  retour  à  la  tonique  laisse  déborder  son 
cœur  amèrement  contrit,  quae  gessi. 

Et  sans  transition  le  IIe  Acte  commence,  ce  sont  les  clameurs  des 
persécuteurs  méchants  : 

Ils  crient  donc  contre  moi  en  disant  :  Dieu  Va  abandonné,  pour- 
suivez-le, saisissez-le,  il  n'est  personne  qui  puisse  le  délivrer  ! 

Ergo  vociferantur...  —  L'attaque  brusquée  sur  le  sol  prépare  la 
marche  tonale  en  la  d'un  caractère  si  puissant,  elle  se  déroule  autour 
de  la  note  la,  atteint  l'octave  de  la  tonique  et  devient  quasi-syllabique, 


lin  fôépons  &u  Xe  ôtèrle  fcàitô  la  liturgie  actuelle  be  tfapeux       i53 

l'absence  de  neumes  favorise  l'explosion  de  la  colère  et  de  la  méchan- 
ceté. Nos  chantres  ruraux  ont  certainement  compris —  trop  peut-être  — 
le  sens  de  cette  belle  ligne  mélodique  qui  brutalement  retombe  sur  le  ré. 

Sur  perseguimini  les  mss.  hésitent  entre  si  b  et  do  et  quelques  cri- 
tiques concluent  de  là  à  la  présence  ancienne  du  si  \  ;  l'effet  serait  des 
plus  dramatiques  avec  un  élargissement  sur  la  clivis  sol-fa,  de  cette 
phrase  on  pourrait  rapprocher  certains  passages  d'oratorio,  hardis  pour 
l'époque,  dont  Gounod  a  tiré  un  merveilleux  parti. 

Quia  non  est...  —  C'est  peut-être  l'ironie  provocante  des  insolents 
triomphateurs...  la  phrase  se  termine  par  une  cadence  suspensive  à  la 
sous-dominante  et  prépare  Vhumble  supplication  du  persécuté. 

C'est  le  IIIe  Acte. 

O  mon  Dieu,  ne  vous  éloignez  pas  de  moi  ;  ô  mon  Dieu,  tournez 
vers  moi  vos  regards  secourables  ;  ô  mon  Dieu,  veuillez  venir  à  mon 
aide  ! 

Ces  trois  invocations,  dont  les  deux  premières  répètent  avec  insis- 
tance la  même  mélodie,  sont  établies  dans  l'échelle  grave  du  mode  en 
opposition  avec  les  accents  superbes  des  persécuteurs  ;  il  est  inutile 
d'analyser  les  neumes  en  détail,  c'est  la  faiblesse  qui  prie,  qui  supplie, 
qui  invoque  dans  sa  détresse  l'aide  de  Dieu. 

Le  verset  Delicta...  —  Préparée  par  l'humilité,  c'est  maintenant  la 
prière  confiante  «  oui,  j'ai  péché,  mais  vous  êtes  bon,  Seigneur,  et  mes 
péchés  vous  les  oublierez  »  :  ne  avertas  marque  un  élan  de  confiance, 
sur  quoniam  la  souffrance  semble  se  raviver  et  le  verset  se  termine  en 
Domine  sur  la  cadence  finale  du  répons,  Domine  =  intende. 

Au  xme  siècle,  à  Bayeux,  à  certains  jours  et  aux  complies  de  Carême, 
(au  répons  In  pace  et  à  la  célèbre  antienne  avec  versets  Media  vitd) 
un  enfant  chantait  seul  les  répons  ou  les  versets  (ab  uno  puero)  ;  si  les 
vénérables  rubriques  le  permettaient,  l'exécution  du  verset  Delicta 
par  une  ou  plusieurs  voix  d'enfants  avec  la  reprise  par  toutes  les  voix 
à  l'unisson  de  la  réclame  Ergo  vociferantur  serait  du  plus  bel  effet. 

Cette  mélodie,  depuis  le  xme  siècle,  est  restée  dans  l'ensemble  iden- 
tique à  elle-même  dans  le  diocèse  de  Bayeux.  Toutefois  les  réserves 
suivantes  s'imposent  :  les  rédacteurs  du  Processionnal  de  1624  cédèrent 
aux  idées  du  temps  en  déchargeant  les  pénultièmes  brèves  de  leurs 
neumes  qui  furent  remplacés  par  un  «  losange  »  ;  l'édition  de  1692  sup- 
prima les  porrectus  et  les  climacus  et  marqua  d'un  losange  un  plus 
grand  nombre  de  syllabes  brèves  ;  les  éditions  du  xvme  siècle  suppri- 
mèrent les  pressus  et  les  oriscus  et  ajoutèrent  encore  de  nouvelles 
notes  brèves  ;  l'édition  de   1840  ignora  le  vrai  caractère  de  la  tonalité 


154  Ca  tribune  îie  0amt~<®mmtô 

grégorienne,  elle  agrémenta  l'antique  mélodie  du  do  #  et  du  sol  #,  le 
Congregati  en  ré  «  mineur  »  ne  modulait-il  pas  en  la  «  mineur!  »,  mais 
passons,  c'était  à  une  époque  (1839)  où  l'on  chantait  encore  la  première 
Messe  royale  de  H.  Du  Mont  (1669) {  en  conformité  avec  l'original,  avec 
les  altérations  {do  #  et  sol  #)  voulues  par  l'auteur.  Enfin  l'édition  de  1861 
faussa  totalement  le  rythme  grégorien,  suivant  les  idées  personnelles 
du  ou  des  rédacteurs,  elle  ajouta  dans  le  corps  du  répons  et  du  verset 
soixante  «  longues  »  environ  que  ne  connut  jamais  aucune  édition  pré- 
cédente, ces  «  doubles  »  et  ces  «  triples  »  facilitaient  «  l'expression  que 
demande  l'exécution  du  Plain-Chant  »  (!)  en  donnant  ainsi  le  temps, 
toutes  les  4  ou  5  notes,  de  faire  un  decrescendo  ou  un  crescendo  ou 
même  les  deux  nuances,  «  les  sons  filés  »  sur  la  même  note2!  Nous 
sommes  bien  loin,  en  1861,  du  texte  authentique  publié  en  1847  par 
l'abbé  Dolé,  qui  eut  le  mérite  —  c'en  était  un  à  cette  époque  —  de 
remonter  aux  sources  grégoriennes  du  Diocèse  dans  son  Essai  déjà 
cité  :  «  études  spéciales,  écrit  l'abbé  Laffetay,  consignées  dans  un  livre 
trop  peu  connu  ». 

Bref,  l'histoire  mélodique  du  répons  Congregati  pourrait  à  elle 
seule  justifier  un  travail  d'ensemble  suri'  «  Histoire  du  Chant  liturgique 
à  Bayeux  du  xine  siècle  à  nos  jours  ». 

B.  Le  texte  littéraire.  —  L'idée  et  le  texte  du  répons  sont  empruntés 
au  psaume  70  :  la  première  phrase  Congregati  s'inspire  du  verset  11  : 
inimici  mei  consilium  fecerunt  in  unum,  à  partir  de  dicentes  le  répons 
emprunte  les  versets  12  et  13  et  ajoute  la  première  partie  du  verset  1 
du  psaume  69. 

Le  verset  est  tiré  en  partie  du  psaume  24,  verset  7  et  du  psaume  101, 
versets  2  et  3  ou  du  psaume  68,  verset  21. 

Ce  texte,  à  l'office  seulement,  fut  modifié  au  xvm°  siècle. 
Mettons  en  parallèle  le  texte  des  deux  répons  : 

TEXTE  TRADITIONNEL  TEXTE  NÉO-GALLICAN 

imprimé  à  Paris,  chez  J.-B.  Coignard,  1744. 

Congregati  sunt,  Deuslad  devo-  Esto  mihi\in  Deum  f>rotectorem\ 

randum  me  |  seductores  mei  |  scripta  ut  salvum  me  facias  \  quia  inimici 

tenentes  mala  |  quae  gessi.  mei  |  (passage  mélodique  supprimé). 

1.  Remarque  curieuse  :  le  Petit  graduel  du  Diocèse  de  Bayeux  (Caen,  l83ç))  donne 
deux  éditions  de  cette  messe  :  l'une,  page  324,  rythmée  d'après  l'original  avec  les  altéra- 
tions susdites,  caudées  et  losanges  représentant  blanches  et  noires,  l'autre,  page  683, 
avec  quelques  do  dièses  en  moins,  est  rythmée  en  notes  égales,  exception  faite  des 
pénultièmes  brèves  et  des  finales  longues. 

2 .  Cf.  Méthode  pratique  de plain- chant  par  l'abbé  V.  P.-Youf,  1862  (2e  édition,  1878, 
p.  107-uo),  voir  le  ty>.  Congregati  reproduit  avec  «  signes  particuliers  »,  «  exercices  très 
utiles  à  faire  faire  aux  Elèves,  surtout  dans  les  Séminaires  ». 


Un  fôqjottô  ht  Xe  siècle  Une  la  liturgie  actuelle  îre  #a|?eu*        i55 

Ergo  vociferantur  dicentes  :  |  consilium  fecerunt  in  unum  di- 

centes  :  | 

Deus  dereliquit   eum,    persequi-  Deus  dereliquit   eum,   persequi- 

mini  et  comprehendite  eum,  quia  non  mini  et  comprehendite  eum,  quia  non 

est  qui  liberet  eum.  est  qui  eripiat . 

Deus  meus,  ne  elongeris  a  me,  Deus,  ne  elongeris  a  me,  (mélo- 
die différente). 

Deus  meus,  in  auxiliummeumres-  Deus   meus,   in   auxilium   meum 

pice,  respice  : 

Deus  meus,  in  adjutorium  meum  Domine, memorabor  justitix  tuae 

intende.  solius. 

Verset  :  Delicta  juventutis  meae  Verset  :  Adversarius,  tanquam 

nememineris,  Domine]  et  ne  avertas  leo  rugiens,  !    (passage   mélodique 

faciem  tuam  a  me.  supprimé .) 

Quoniamtribulor,velociterexaudi  circuit  quaerens  quem  devoret.  | 
me,  Domine.  | 

Les  alinéas  et  les  traits  dans  ces  deux  textes  indiquent  les  passages 
qui  correspondent  aux  mêmes  notes;  par  ce  simple  parallélisme  il  sera 
facile  de  deviner  comment  l'antique  mélodie  fut  traitée.  Ceux  qui  pos- 
séderaient un  «  émortuaire  »...  bayeusain  du  xvme  siècle  pourront  com- 
parer les  deux  mélodies. 

Les  divisions  du  texte  gallican  ne  répondent  pas  aux  divisions  du 
texte  ancien;  le  nouveau  texte  est-il  plus  long?  on  allonge  la  mélodie; 
est-il  trop  court?  on  supprime  des  incises  mélodiques,  tel  le  répons 
Verbum  cciro  du  8=  mode  adapté,  en  1749,  sur  le  fameux  répons  De- 
scendit de  cœlis  '  du  1er  mode  qui  se  chantait  avec  neumes  au  temps 
d'Amalaire  (f850). 

Et  que  dire  de  l'adaptation  mélodique  aux  nouvelles  paroles  ?  le 
Deiim  protectorem  s'arrange  de  ad  devorandum  et  les  sanglots  de  me 
pour  autant  n'ont  plus  de  raison  d'être  ;  ut  salvum  me  facias  s'ajuste 
sur  les  serpentementsde  seductores  /l'humble  Delicta  juventutis  se  voit 
remplacé  par  X Adversarius  rugissant;  le  tendre  ne  memineris  Domine 
s'accommode  des  rugissements  du  lion;  le  confiant  ne  avertas  dispa- 
raît et  le  quoniam  tribu/or  ne  laisse  pas  assez  de  place  aux  évolutions 
du  lion  qui  rôde  ;  la  dernière  syllabe  de  circuit  est  obligée  d'emprunter 
quelques  notes  à  velociter  ! 

L'esprit  janséniste  des  réformateurs  du  xvnr  siècle  explique  la  dis- 
parition complète  des  paroles  confiantes  de  l'antique  verset. 

1.  Ce  répons  fut  chanté  à  Bayeux,  à  la  procession  de  Noël,  au  moins  depuis  le 
xme  siècle  jusqu'à  1749. 


i56  £a  tribune  ire  0atnt-<®m>atô 

Voilà  «  seurement  et  en  bref  »  un  exemple  très  net  de  la  corruption 
de  la  mélodie  grégorienne  au  temps  de  la  réforme  gallicane. 

* 
*  * 

Le  diocèse  de  Bayeux,  malgré  les  vicissitudes  des  temps,  a  donc  eu 
l'honneur  de  garder  dans  sa  liturgie  l'admirable  répons  du  xe-xie  siècle 
et,  dans  sa  vénérable  Eglise,  il  revient  jeune  et  embelli,  les  rides  de  sa 
vieillesse  ont  disparu,  des  ans  l'outrage  est  réparé. 

Son  histoire  a  été  laborieuse,  mais  combien  instructive  sans  doute. 
Il  est  le  prélude  d'autres  mélodies  qui  retentiront  bientôt.  Les  canti- 
lènes  de  l'Eglise  romaine  —  catholiques  aujourd'hui  de  part  la  volonté 
de  ses  Chefs  —  prendront  la  place  de  celles  qui,  pour  l'office,  nous  sont 
venues  des  humbles  compositeurs  de  l'édition  Reims-Cambrai  :  elles 
étaient,  en  1861,  les  moins  infidèles;  les  vénérables  mélodies  françaises, 
celles  de  Charlemagne,  de  Robert  le  Pieux,  d'Adam  de  Saint-Victor,  celles 
aussi  de  nos  antiques  compositeurs  bayeusains,  chanoines,  prêtres  ou 
moines,  remplaceront  aux  processions  les  chants  néo-parisiens  des 
gallicans  jansénistes  du  xvni"  siècle.  Oui,  «  c'est  au  type  nouveau 
fourni  par  les  livres  parisiens  de  1680  à  1736,  écrit  M.  Gastoué1,  que 
se  réfèrent  la  plupart  des  recueils  diocésains  publiés  depuis  cette 
époque  jusqu'au  cours  du  xixe  siècle.  Sous  les  titres  de  chant  «  rouen- 
nais,  rémois,  lyonnais  »,  etc.,  ce  ne  sont  que  des  imitations,  plus  ou 
moins  plates,  sur  des  paroles  diverses,  du  répertoire  néo-parisien,  lui- 
même  pâle  souvenir  de  1'  «  ancien  grégorien  »  passé  à  l'état  de  légende.  » 

L'on  peut  dès  lors  pressentir  l'importance,  la  nécessité,  l'intérêt 
évident  d'une  restauration  grégorienne,  diocésaine,  traditionnelle,  basée 
sur  l'histoire  et  adaptée  aux  temps  modernes. 

Abbé  Joseph  Prieur, 

curé  de  Luc-sur-Mer. 


1.  Cf.  Le  Graduel  et  l'Antiphonaire  romains  (histoire  et  description)  A.  Gastoué, 
p.  196. 


Hotre  ôupplintntt  157 


NOTRE  SUPPLEMENT 

2  «  Points  d'orgue  x>  en  triple,  par  Pérotin  (xme  siècle). 

Le  nom  de  Pérotin  est  illustre  dans  l'histoire  de  la  musique.  Ce  maître  fut  l'inven- 
teur de  la  musique  polyphonique  et  le  premier  à  écrire  à  plusieurs  voix.  En  même  temps 
le  grand  Liber  Organi  qu'il  mit  au  point  à  l'usage  de  Notre-Dame  de  Paris,  entre  1180 
et  1236,  est  un  garant  que  ses  compositions  se  partageaient  aussi  bien  entre  les  voix 
qu'entre  les  instruments. 

Ce  «  triple  »,  écrit  sur  une  basse  empruntée  à  un  Alléluia,  du  même  timbre  que 
celui  de  la  Dédicace,  témoigne  de  la  fraîcheur  d'inspiration  et  de  l'art  de  Pérotin.  Il  est 
manifestement  impossible  de  l'exécuter  vocalement  :  son  partage  entre  «  trois  orgues  » 
en  fait  ressortir  tout  l'intérêt.  Déjà,  plusieurs  de  nos  grands  organistes  :  Joseph  Bonnet, 
Marcel  Dupré,  Georges  Jacob,  ou  W.  Montillet,  à  Genève,  l'ont  inscrit  aux  programmes 
de  leurs  auditions. 

Tantum  ergo,  à  3  voix  mixtes,  par  L.  de  Serres. 

Ce  Tantum  ergo,  écrit,  suivant  le  procédé  des  maîtres  classiques,  sur  le  thème  litur- 
gique, transformé  par  l'écriture  contrapontique,  est  remarquable  d'écriture,  d'émotion, 
et  d'intérêt  vocal.  L'excellent  maître  qu'est  L.  de  Serres,  et  dont  toutes  les  compositions, 
trop  rares,  sont  marquées  au  bon  coin,  nous  donne  ici  aujourd'hui  l'une  de  ses  meilleures 
œuvres. 

Requiem  (graduel),  de  Cherubini;  Pie  Jesu,  de  C.  Boyer,  à  4  voix  mixtes. 

On  a  peu  l'habitude  de  voir  ici  figurer  le  nom  de  Cherubini.  Manquant  souvent  de 
profondeur  dans  l'idée  musicale,  ce  compositeur  fut  un  contrapontiste  éminent.  Nous 
avons  détaché,  de  sa  messe  de  Requiem  en  style  de  concert,  ce  graduel,  qui  rendra  ser- 
vice à  nombre  de  maîtres  de  chapelle.  —  L'éloge  des  œuvres  du  regretté  chan.  C.  Boyer 
n'est  plus  à  faire.  Voici  encore,  pour  le  même  objet,  un  Pie  Jesu  qui  sera  bien  accueilli. 

O  beatum  pontificem,  à  4  voix  mixtes,  par  l'Abbé  Rémon. 

Le  répertoire  courant  de  nos  maîtrises  n'offre  rien  en  l'honneur  de  saint  Martin . 
Cependant,  ce  patron  de  la  France  voit,  depuis  dix  ans,  sa  fête  doublement  solennisée  : 
le  il  novembre,  que  le  deuil  envahit,  est  jour  de  fête  pour  les  églises,  M.  l'Abbé  Rémon 
maître  de  chapelle  de  la  cathédrale  de  Tours,  a  écrit  cette  œuvre  a  cappella,bien  équi- 
librée et  plutôt  facile,  invocation  au  grand  évêque  de  Tours. 

A.  G. 


i58  Ca  tribune  fa  8a\nt~<Œ>ema\8 


LE   MOUVEMENT  LITURGIQUE  ET  MUSICAL 
LES  CONCERTS 

Suite  de  précédentes  réflexions  : 
Tripotages     et...      Tripatouillages 

L'observation  du  n°  d'août  ne  signifie  pas  qu'il  nous  soit  loisible  de  chambarder  les 
indications  laissées  par  les  auteurs  antérieurs  :  on  ne  voit  pas  du  Couperin  transcrit 
pour  saxophones,  ou  toute  autre  combinaison  incongrue  :  ce  qui  était  permis  aux  gens 
du  temps,  vivant  dans  une  certaine  ambiance  artistique,  est  interdit  à  des  musiciens 
venant  deux  cents  ans  plus  tard,  et  ayant  perdu  toutes  les  traditions  de  l'époque.  C'est 
pour  cela  qu'il  faut  condamner  sans  appel  les  réorchestrations  de  Lulli,  Bach,  Ha?ndel. 
Quand  nous  exécutons  des  œuvres  anciennes,  nous  avons  déjà  assez  de  différences  iné- 
luctables d'instruments  (piano  au  lieu  de  clavecin,  violons  au  lieu  de  violes,  etc.),  de  dia- 
pason, d'interprétation,  sans  en  ajouter  d'autres  de  gaieté  de  cœur. 

De  même  la  transcription  pour  piano  de  l'œuvre  d'orgue  de  Bach  ne  s'impose  pas. 
Le  grand  nom  de  Liszt  n'a  rien  à  faire  ici  :  ses  arrangements  ont  été  écrits  pour  faire 
connaître  et  répandre  le  nom  de  Bach  à  une  époque  où  il  était  complètement  oublié,  et 
où  les  organistes  ne  le  jouaient  plus.  Ces  motifs  sont  périmés  aujourd'hui  :  avant  de 
jouer  au  piano  —  qui  les  rend  très  mal  —  les  œuvres  d'orgues  du  vieux  cantor,  qu'on 
extraie  donc  de  son  œuvre  de  clavecin  la  multitude  de  pièces  que  personne  ne  joue 
jamais,  et  qui  sont  cependant  de  pures  merveilles. 

J'en  passe,  et  des  meilleurs...  Il  ne  faut  pourtant  pas  laisser  s'établir  sans  protester 
l'usage  de  jouer  le  Concert  de  Chausson  avec  un  double  quatuor.  Dans  ce  Concert, 
Chausson  a  prévu  six  solistes;  si  on  redouble  quatre  d'entre  eux  l'équilibre  est  détruit. 
Récemment  ce  chef-d'œuvre  a  été  exécuté  avec  deux  premiers  et  deux  seconds  violons, 
un  alto  et  un  violoncelle;  l'inconvénient  de  cette  combinaison  c'est  que  deux  des  parties 
du  quatuor,  doublées,  perdent  leur  individualité  tandis  que  les  deux  autres  la  gardent. 
Il  est  pourtant  si  simple  de  conserver  l'orchestration  de  Chausson  ;  le  souci  de  la  sono- 
rité n'a  rien  à  voir  ici  :  dans  l'hypothèse,  toujours  vérifiée,  où  l'on  entend  le  violon  solo, 
on  entendra  aussi  bien  le  premier  ou  le  second  violon.  Sinon,  soyons  logiques  :  doublons 
le  quatuor,  prenons  deux  violons  soli,  et   deux  pianos,  pourvus  chacun   d'un  pianiste  l... 


Mais,  en  dépit  du  dictionnaire,  la  transcription  s'étend  beaucoup  plus  loin:  non  seu- 
lement elle  en  prend  à  son  aise  avec  les  instruments,  mais  elle  devient  une  bearbeitung, 
une  refonte  du  morceau.  Supposez  qu'on  ajoute  une  dizaine  de  colonnes  au  Parthénon, 
ou  deux  nefs  latérales  à  la  Sainte-Chapelle,  vous  aurez  idée  de  ce  beau  travail,  qui  pré- 
suppose un  fameux  toupet  chez  son  auteur.  J'ai  sous  les  yeux  des  pièces  anciennes  que 
leurs  «f  réviseurs  »  ont  trouvé  trop  courtes  et  auxquelles  ils  ont  fait  des  «  ajuts  »,  comme 
disent  les  marins.  Voici  une  sonate  de  Locatelli,  méconnaissable  :  la  ligne  mélodique  en 


Cf  momjfmfnt  liturgique  et  muôital  159 

est  conservée,  mais  les  rythmes  en  sont  changés,  et  les  harmonies  ont  été  modernisées 
jusqu'à  Debussy,  sans  doute  pour  trouver  un  plus  facile  accès  aux  oreilles  contempo- 
raines. Voici  des  concertos  de  Vivaldi  dans  lesquels  on  a  changé  l'accompagnement  et 
les  traits  de  l'auteur,  des  pièces  de  Scarlatti  dont  on  a  modifié  l'écriture  pour  l'adapter 
au  piano  actuel,  des  concertos  de  Leclair  auxquels  on  a  retranché  ou  ajouté  des  mesures, 
pour  les  mettre  d'accord  avec  de  prétendues  lois  d'équilibre  rythmique.  Notons  encore 
l'accompagnement  d'un  second  piano  pour  les  études  de  Chopin  —  et  ces  cantilènes 
qu'on  a  déposées  le  long  des  préludes  de  Bach,  et  dont  la  dernière  en  date  a  été  faite 
sur  des  paroles  de  Musset  traduites  en  italien  ! 


Ce  n'est  pas  tout  :  on  peut  conserver  scrupuleusement  les  notes  et  les  instruments 
de  l'auteur,  et  néanmoins  altérer  gravement  sa  pensée.  Voici  plusieurs  éditions  d'une 
même  œuvre,  signées  de  noms  célèbres  :  l'une  indique  legato,  l'autre  détaché,  ici  c'est 
forte,  là,  piano.  Que  faut-il  faire  ?  Choisir  au  hasard  de  ses  préférences  ?  Cette  solution 
toute  subjective  peut  ne  rien  donner  de  bon  dans  un  grand  nombre  de  cas.  L'auditeur 
éclairé  pourra  objecter  à  l'exécutant  :  pourquoi  n'avez-vous  pas  tenu  compte  des  indi- 
cations de  l'auteur? 

Car  il  faut  toujours  en  revenir  là.  Un  critique  informé  peut  éreinter  un  artiste  qui, 
faute  d'avoir  entre  ses  mains  une  bonne  édition,  aura  donné  une  interprétation  erronée. 
Pourtant  le  vrai  coupable  est  ailleurs  ;  c'est  l'éditeur  qui  a  gravé  n'importe  quoi,  au 
mépris  des  textes  authentiques.  Mais  ici  il  faut  encore  faire  des  distinctions.  Si  l'édition 
exacte  d'œuvres  de  Franck,  de  Wagner,  de  Beethoven,  est  facile  à  faire,  il  n'en  va  plus 
de  même  déjà  de  la  plupart  des  auteurs  du  xve  au  xvme  siècle.  En  effet,  les  indications 
de  mouvement,  de  nuances,  d'articulation,  d'exécution,  sont  des  plus  rares  dans  ces 
anciennes  musiques.  Deux  systèmes  sont  adoptés  dans  ce  cas  :  l'un  consiste  à  reproduire 
les  anciennes  éditions  telles  quelles,  c'est  le  parti  adopté  pour  les  admirables  éditions 
de  Guilmant  et  d'Expert  ;  il  présente  l'avantage  de  ne  déformer  en  rien  le  texte  proposé, 
et  d'offrir  un  document  de  la  plus  haute  exactitude  à  ceux,  heureusement  de  jour  en 
jour  plus  nombreux,  qui  savent  déchiffrer  les  quelques  petits  mystères  des  anciennes 
notations.  Dans  l'autre  système,  l'éditeur  propose  à  l'exécutant  les  nuances,  les  mouve- 
ments, les  articulations  qui  lui  paraissent  les  meilleurs;  honnêtement,  on  devrait  mettre 
entre  parenthèses  les  indications  ajoutées  *  ;  mais  dans  la  majorité  des  cas,  on  se  dispense 
de  cette  précaution  si  utile,  de  sorte  que  l'exécutant  est  infailliblement  amené  à  se 
conformer  un  style  de  l'éditeur,  qui  n'est  pas  toujours  très  fameux...  C'est  pourquoi  il 
faut  réprouver  cette  façon  de  faire  !  L'artiste  qui  a  la  responsabilité  de  son  exécution, 
doit  faire  le  nécessaire  pour  être  à  hauteur  de  sa  tâche.  Avec  le  progrès  des  études 
musicologiques,  il  est  facile  de  se  documenter,  si  on  veut  bien  s'en  donner  la  peine. 

Au  fond,  on  devrait  pouvoir  actionner  en  dommages-intérêts  le  vendeur  d'une  mau- 
vaise édition.  On  peut  poursuivre  le  commerçant  qui  livre  une  infecte  bibine  à  la  place 
du  Château-Iquem  commandé  ;  mais  à  celui  qui  demande  du  Bach  ou  du  Beethoven, 

1.  Ce  qu'a  très  heureusement  fait  Debussy  dans  son  édition  de  Chopin. 


160  £a  tribune  ht  £amt-<®mmi£ 

l'éditeur  peut,  sans  risque  aucun,  repasser  la  version  du  Dr  X,  ou  du  Professeur  Y. 
J'achète  du  diamant,  on  me  donne  du  strass  —  je  dois  encore  m'estimer  heureux. 

C'est  pourquoi  il  serait  souhaitable,  tant  que  les  idées  ne  seront  pas  modifiées  et 
améliorées  à  ce  sujet,  qu'on  fondât  les  Monuments  Historiques  de  la  Musique  :  chaque 
pays  dresserait  une  liste  d'auteurs  et  d'œuvres  auxquels  il  ne  serait  permis  de  toucher 
sous  aucun  prétexte  —  tout  comme  il  est  interdit  d'installer  un  casino  dans  le  château 
de  Chenonceau,  ou  une  usine  dans  la  cathédrale  de  Bourges.  Un  tel  état  de  choses  ne 
serait  peut-être  pas  sans  inconvénient  ;  à  tout  prendre,  il  serait  certainement  préférable 
à  la  tolérance  illimitée  dont  jouissent  présentement  les  profanateurs. 

Mais  en  attendant  le  dépôt  d'un  projet  de  loi,  l'avènement  d'une  législation  inter- 
nationale, l'aller  et  retour  des  dossiers  entre  les  bureaux,  commissions  et  sous-commis- 
sions, il  est  plus  sûr  de  commencer  le  travail  soi-même  et  de  prendre  le  fouet  pour 
chasser  les  vendeurs  du  Temple.  Car  presque  toujours  derrière  les  tripatouillages,  s'agi- 
tent des  questions  de  gros  sous.  Et  ce  trafic  rend  les  intéressés  beaucoup  moins  inté- 
ressants... 

E.    BoRREL. 

ANGLETERRE 

Œuvres  françaises  et  belges  dans  les  récitals  d'orgue.  —  On  sait  que  nos  voi- 
sins du  Royaume-Uni  goûtent  beaucoup  l'orgue  et  sa  musique.  En  de  nombreuses  églises, 
l'organiste  est  autorisé  à  donner  des  récitals,  qui  lui  fournissent  l'occasion  de  montrer 
sa  virtuosité  et  son  goût,  et  de  tirer  parti  des  ressources  de  l'orgue  qu'il  a  à  sa  dispo- 
sition, mieux  que  pendant  les  saints  offices.  A  parcourir  un  certain  nombre  de  pro- 
grammes des  récitals  donnés  non  seulement  à  Londres,  mais  en  province  au  cours  de 
cette  année,  j'ai  remarqué  l'intelligent  éclectisme  qui  réalisait  ces  ensembles.  La  part 
qui  revient  à  nos  modernes  compositeurs  français  et  belges  est  à  signaler.  Voici  le  dépouil- 
lement très  précis  de  ces  œuvres,  exécutées  de  janvier  à  juillet  au  cours  de  ces  divers 
concerts  d'orgue,  où  furent  interprétés  parmi  nos  grands  organistes  : 

Boëllmann  :  Suite  gothique  (3  fois);  Marche  finale,  de  la  suite  n°  2. 

J.  Bonnet  :  Variations  de  concert  en  mi. 

Th.  Dubois  ;  Marche  ;  Fiat  lux. 

César  Franck  :  Pastorale  (3  fois);  Grande  pièce  symphonique;  Prière;  Final  (2  fois); 
Pièce  héroïque  (2  fois);  1er  choral  ;  2*  choral  (2  fois);  3e  choral  (3  fois). 

Gigout  :  Toccata  en  si  min.;  Scherzo  en  mi. 

Guilmant  :  /re  sonate  ;  Allegro  vivace  de  la  même;  3e  sonate;  Scherzo  de  la  2e  sym- 
phonie; Grand  chœur  en  ré  (2  fois);  Invocation;  Canzone  en  la;  Allegretto  en  si; 
Marche  religieuse  ;  Marche  «  Alla  Hsendel  »;  Marche  funèbre  et  chant  séraphique. 

Guy  Ropartz  :  Méditation  (n°  3). 

Joseph  Jongen  :  Chant  de  mai. 

F.  de  La  Tombelle  :  Marche  Pontificale. 

P.  de  Maleingreau  :  Symphonie  de  l'Agneau  mystique . 


Ce  nt0Ut)fment  liturgique  et  nrnaical 


161 


Louis  Vierne  :  3e  Symphonie;  Allegretto  en  ji;  Carillon. 

Widor  :  5e  Symphonie;  /er  mouvement  de  la  même;  Andante  cantabile,  d°  ;  Prélude  et 

Variations  de  la  8e  symphonie. 

Cette  liste  m'a  semblé  intéressante  pour  témoigner  du  goût  des  organistes  et  du 
public  anglais  à  notre  égard;  elle  peut  servir  de  guide  aux  nôtres.  J'admire  moins  que 
deux  de  nos  confrères  d'Outre-Manche  aient  aussi  donné  en  transcription  le  Mouvement 
lent  du  quatuor  de  Debussy,  et  la  Pastorale  de  Ravel  ! 


Henry  Noël. 


ALLEMAGNE 


Deux  orgues  modernes.  —  Voici  la  disposition  de  deux  instruments  allemands 
modernes,  dûs  à  la  facture  d'Albert  Moser,  de  Munich,  très  caractéristiques  de  l'emploi 
des  jeux  de  mutation  qui  retrouvent  à  notre  époque  la  faveur  qu'ils  n'eussent  jamais  dû 
perdre.  L'un  et  l'autre  ont  même  un  registre  de  Neuvième,  d'emploi  si  récent  encore  : 

Orgue  du  couvent  d'Altomùnster  (1918;  cf.  Widmann,  Die  Orgel,  1922).  —  34  jeux, 
56  touches,  de  do  à  sol,  68  notes  par  prolongation  au  2e  clavier. 


Ier  Clavier 
Bourdon  16  ; 
Principal  8; 
Gemshorn  8  ; 
Salicional  8  ; 
Soloflôte  8; 

Gedackt  [=  bourdon]  8; 
Amorosa  [=  flauto  amabile]  8  ; 
Oktave  [=  prestant]  4  ; 
Rauschqùinte  de  2  rangs; 
Nachthorn  {=■  cor  de  nuit]  8; 
Philomela  [flûte  douce]  8; 
Kleingedackt  [=  petit  bourdon]  4  ; 
Geigenprincipal  [=:  principal  de  violon]  4; 
Nasard  ; 
Flautino  2  ; 


Mixture  [r=  fourniture]  de  2  à  4  rangs; 

Trompeté  8; 

Trémolo. 

IIe  Clavier 

Quintatôn  16; 

Flôtenprincipal  [=  montre]  8; 

Echogamba  8; 

Aeolina  8; 

Vox  coelestis  8; 

Terz  flôte  [=  flûte  en  tierce]  1  3/5  ; 

Septime  [=  septième]  1  1/7  ; 

None  [=  neuvième]  8/9  ; 

Klarinette  8; 

Vox  humana  8; 

Trémolo. 


Au  Pédalier,  de  trente  touches,  do  à  fa  : 

Echobass  16;  Subbass  16;  Kontrabass  16;  Cello  8;  Flôtbass  8;  Posaune  [=  bom- 
barde] 16. 

Tirasses  et  accouplements  habituels. 

Voilà  un  autre  orgue,  plus  important  et  plus  curieux,  inauguré  à  Munich,  il  y  a  dix- 
huit  mois,  à  l'église  luthérienne  Saint-Mathieu  :  77  jeux  ;  56  touches  de  do  à  sol,  68  notes 
par  prolongation  aux  IIe  et  IIIe  claviers.  Plusieurs  jeux  sont  de  facture  toute   nouvelle. 


l62 


Ca  tribune  î>e  0amt~(®en)tttô 


Ier  Clavier 

Prinzipal  16; 
Grossbourdon  16; 
Prinzipal  8; 
Viola  baritona  8; 
Dolce  8; 

Hohlflôte  [=  flûte  creuse]  8; 
Gedackt  [=:  bourdonj  8; 
Rohrflôte  [=  flûte  de  roseau]  4; 
Oktave  [=  prestant]  4; 
Spizflôte  [=  flûte  aiguë]  2  ; 
Oktave  [=  octavin]  2  ; 
Quint  2  2/3; 

Terz  [=  grosse  tierce]  3  1/5  ; 
Mixtur  [=  fourniture]  de  5  rangs  (com- 
posée de  c1,  g1,  c%,  g*,  c3)  ; 
Zimbel  [=  cymbale]  de  3  rangs  (c2,  c3,g3)  ; 
Cornet  de  2  à  5  rangs  (c,  c,  g,  ci,  el); 
Feldtrompete  8; 
4  Pistons. 

IIe  Clavier 

Jeux  expressifs  : 

Rohrflôte  16; 

Salicional  8; 

Philomela  8; 

Unda  maris  8; 

Dulciana  4; 

Flôte  pastoralis  4; 

Sifflet  2; 

Harmonia  aetherea  2  2/3,  à  3  rangs  (g,c,e). 

Jeux  non  expressifs  : 

Prinzipalino  8  ; 

Nachthorn  8; 

Lieblich  gedackt  [=  bourdon  amabile]  8; 

Fugara,  4; 

Nasard  2  2/3; 

Larigot  2,  à  2  rangs  (c,  g)  ; 

Mixtur  1  1/3,  à  3  rangs  (g,  c,  e); 

Bassethorn  [=  cor  de  basset]  8  ; 


IIIe  Clavier,  expressif. 

Stillgedackt  [=  bourdon]  16; 
Alphorn   [=  cor  des  Alpes;   bourdon]  8; 
Viola  di  gamba  8; 
Aeolina  8; 
Vox  coelestis  8; 
Soloflôte  8  ; 
Quintatôn  8  ; 
Prestant  4  ; 
Gemshorn  4  ; 

Mixtur  major  2  2/3  à  6  rangs  (g,c,g,c,e,g); 
Mixtur  minor  2/3  à  5  rangs  (g~c*  de  large 
diapason,  c3  étroit,  g3,  c4)  ; 

Rankett    16  (nouveau  jeu  d'anches    très 
doux)  ; 

Waldhorn  (cor  de  chasse,  à  anches)  8; 

Zink  (cornet,  à  anches)  4  ; 

Trémolo. 

Jeux  d'écho  placés  sur  un  autre  sommier, 
mais  parlant  au  même  clavier  : 

Echobourdon  8; 

Fernflôte  [=  flûte  lointaine]  4; 

Schnabelflôte  [=  flûte  à  bec]  2  ; 

Quintflôte  =  [flûte  en  quinte]  2  2/3  ; 

Terz  [=:  tierce]  1  3/5; 

Septime  [=  septième]  1  1/7; 

None  [=  neuvième]  8/9  ; 

Oboe  8; 

Vox  humana  8; 

Aeolsharfe  [=  harpe  éolienne]  4  ; 

Tremolo-Echo. 

Pédalier  : 
Majorbass  16; 
Contrabass  16; 
Subbass  16; 

Echobass  16  [par  combinaison); 
Oktavebass  8; 
Cello8; 
Gedacktbass  8; 
Choralbass  4; 

Feldflôte  [=  flûte  champêtre]  2  ; 
Rauschbass  3  i/5,  à  5  rangs  (comprenant 


€ts  Cturea  i63 


grosse  tierce,   grosse  quinte,  septième,  Quintbass  5  1/3; 

neuvième,  quinte).  Bombarde  16; 

Grossorduin    3a    (nouveau    jeu  d'anches  Trompeté  8  ; 

doux,  du    genre   du  Rankett    du   IIIe  Clarine  4. 

clavier); 

6  accouplements  ;  8  octaves  aiguës   et   graves  ;  4  combinaisons    libres  ;   5    tirasses  ; 
l3  pistons;  3  crescendos. 


LES  LIVRES 

LA  PRONONCIATION  DU  LATIN,  par  Mgr  Moissenet, publié  sous  le  patronage  de 
l'Académie  des  Sciences,  Arts  et  Belles-Lettres  de  Dijon,  par  Et.  Rebourseau,  libraire, 
il,  rue  du  Chapeau-Rouge,  à  Dijon.  Dépôt  à  Paris,  Librairie  A.  Giraudon,  56,  rue  Notre- 
Dame-des-Champs,  Vie.  _  Grand  in-8<*  de  128  pages;  prix  pour  les  souscripteurs,  exem- 
plaire sur  beau  vélin,  l5  fr.;  sur  vergé  de  Rives,  3o  fr.  (exemplaires  numérotés  de  1  à  25). 
—  Dijon,  MCMXXVIII. 

Annonçons  seulement  aujourd'hui  cette  thèse  intéressante  —  dont  nous  ne  faisons 
pas  pour  cela  nôtres  toutes  les  conclusions  —  et  à  laquelle  uous  consacrerons  un  article 
spécial  dans  un  prochain  numéro.  Il  faut  lire,  exposées  avec  un  remarquable  talent 
par  M.  Moissenet,  les  objections  présentées  par  les  opposants  à  la  prononciation  du 
latin  à  la  romaine. 

L'ESTHÉTIQUE  DE  L'ORGUE,  par  Jean  Huré,  avec  préface  de  Ch.-M.  Widor. 
Petit  in-40  de  xn  et  2i4  pages.  Prix  net  :  36  fr.  Paris.  Éditions  Maurice  Senart,  1923. 

Plusieurs  amis  nous  ont  demandé  de  parler  de  cet  ouvrage,  puisque  aussi  bien,  paru 
depuis  quelques  années,  il  n'avait  pas  été  possible  à  notre  revue  de  le  présenter  alors 
aux  lecteurs.  Maintenant  que  le  cours  des  publications  du  Bureau  d'Edition  a  repris, 
nous  sommes  heureux  de  dire  ici  tout  le  bien  que  nous  pensons  de  cet  important  volume, 
dû  à  la  science  éclairée  et  au  goût  averti  de  M.  Jean  Huré,  successeur  de  Gigout  à 
Saint-Augustin. 

On  connaît  déjà  de  cet  excellent  organiste  la  belle  Technique  de  l'orgue,  ce  livre 
précieux  où  sont  présentés  de  manière  aussi  précise  que  possible  les  exercices  indispen- 
sables au  toucher  de  cet  instrument,  les  exemples  authentiques  de  registration  des 
œuvres  de  Bach,  les  réalisations  proposées  par  M.  Huré,  et  les  meilleurs  conseils  aux 
élèves.  (Éditions  Senart  ;  voir  Tribune  de  Saint- Gervais,  t.  XXI,  P-  21). 

Avec  cet  autre  travail,  M.  Huré  fait  entrer  ses  lecteurs  dans  le  domaine  de  la  fac- 
ture des  orgues,  en  ce  qu'il  convient  brièvement  d'en  savoir,  afin  de  se  rendre  compte  de 
ce  que  doit  être  la  vraie  sonorité  de  chaque  instrument,  l'équilibre  des  jeux,  le  meilleur 
rendement  dans  la  disposition  d'un  orgue.  Conseil  éminemment  précieux,  qu'il  s'agisse 
de  registrer  une  œuvre,  de  faire  construire  ou  restaurer  un  instrument,  de  donner  un 
avis  éclairé  sur  un  achat  à  faire  ou  une  modification  à  proposer.  Mais  conseils  artistiques 


164  £ft  tribune  be  0atnt~#cnmii3 

aussi  :  les  pages  et  les  chapitres  sur  l'étude  des  Maîtres  de  l'orgue,  sur  l'interprétation 
des  œuvres  anciennes,  celle  des  ornements,  etc.,  justifient  amplement  le  titre  de 
l'ouvrage,  qui  comprend  également,  avec  l'orgue  d'église,  le  rôle  de  l'orgue  au  concert, 
et  au  salon,  l'étude  de  l'harmonium,  etc. 

De  nombreux  devis  d'orgues,  bien  choisis,  donnent  à  cet  ouvrage  une  valeur  spé- 
ciale, depuis  l'instrument  construit  au  début  du  xvue  siècle  à  Saint-Godard  de  Rouen 
sur  les  plans  de  Titelouze,  jusqu'aux  plus  modernes.  De  plus,  M.  Huré  propose  des  devis 
types  d'orgue  moderne,  depuis  dix  jusqu'à  quatre-vingt-six  jeux. 

Je  voudrais  pouvoir  donner  de  larges  extraits  de  ce  bel  ouvrage  de  M.  Jean  Huré . 
Je  signalerai  cependant  les  pages  sur  les  sonorités  comparées  des  divers  jeux  de  flûte 
(pp.  26  à  29);  sur  le  staccato  (p.  52);  la  comparaison  entre  les  systèmes  de  transmission 
mécanique,  électrique  et  tubulaire  (p.  53  et  suivantes),  et  en  général  les  conseils  artis- 
tiques sur  le  sens  et  la  qualité  du  jeu  de  l'orgue,  répandus  à  travers  tout  ce  livre.  Féli- 
citons M.  Huré  de  s'élever  contre  cet  abus  de  langage  des  organistes  modernes  qui  fait 
nommer  mixture  les  jeux  de  «  mutation  »,  alors  que  «  mixture  »  désigne  effectivement 
une  variété  allemande  de  la  «  fourniture  »  (disons  toutefois  que  la  mixture,  à  la  diffé- 
rence de  la  fourniture,  comprend  volontiers,  comme  la  «  sesquialtera  »,  une  tierce).  Et 
c'est  avec  plaisir  que  nous  avons  vu  M.  Huré  rendre  hommage  à  Boëly,  l'organiste  fran- 
çais si  intéressant  et  si  peu  connu  :  l'édition  complète  de  ses  œuvres  d'orgue  —  y  com- 
pris de  remarquables  inédits  —  que  nous  avons  depuis  longtemps  préparée,  mériterait 
d'attirer  sur  ce  maître  l'attention  de  tous  nos  confrères. 

Les  critiques  à  relever  dans  le  bel  ouvrage  de  M.  Huré  seraient  de  médiocre  impor- 
tance. Disons  seulement  que  ce  n'est  pas  «  dès  le  xixe  siècle  »  que  l'on  a  cherché  à  enri- 
chir l'orgue  de  ressources  telles  que  les  pédales  de  combinaisons.  Déjà  au  xv°,  on  savait 
faire  parler  les  octaves  graves  et  l'on  employait  les  tirasses.  La  boîte  expressive  remonte 
au  milieu  du  xvine,  et  l'étymologie  de  cromorne  est  bien  Krumhorn  ou  «  cor  recourbé  », 
à  l'imitation  de  l'instrument  d'orchestre  du  même  nom  usité  dès  le  début  du  xvic  siècle, 
et  qui  tira  son  nom  de  sa  forme. 

A.  Gastoué. 

J.-G.-E.  STEHLE,  organiste  et  compositeur  (1839-1915),  par  A.  Locher.  In-8°, 
162  pages,  avec  6  gravures  hors-texte.  Strasbourg,  F.-X.  Le  Roux  et  C'e  :  5  francs. 

Vie  détaillée,  et  pieux  souvenirs  personnels,  d'un  organiste  et  maître  de  chapelle 
suisse,  Stehlé,  dont  les  œuvres  religieuses  sont  bien  connues,  et  forment  l'une  des  meil- 
leures parties  du  répertoire  «  cécilien  »  :  sa  messe  Sah>e  regina,  à  4  voix  mixtes  et 
orgue,  en  est  arrivée  à  la  3oe  édition.  Sa  grande  autorité  comme  directeur  de  chœur  lui 
donnait  une  influence  considérable  :  de  1874  à  igi3,  il  remplit  la  double  charge  d'orga- 
niste et  de  maître  de  chapelle  de  la  cathédrale  de  Saint-Gall.  Son  rôle  est  successive- 
ment étudié  par  le  R.  P.  A.  Locher,  comme  critique,  compositeur,  pédagogue,  etc.,  dans 
ce  petit  livre  d'une  lecture  attachante. 

NOUVELLES  PRÉCISIONS,  NOUVEAUX  DOCUMENTS,  SUR  LE  PHYSIONO- 
TRACE,  par  Gabriel  Cromer;  gr.  in-8°  de  32  pages,  plusieurs  hors-texte;  Lille,  Impri- 
merie Lefèvre-Ducrocq,  1928. 


C'dSE&itton  musicale  i65 

Curieuse  plaquette,  conférence  faite  par  M.  G.  Cromer,  un  érudit  spécialiste  des 
arts  de  la  photographie  et  de  ses  antécédents.  Le  Physionotrace  est  un  procédé  inventé 
par  un  musicien  français  de  la  chapelle  du  roi  au  xvme  siècle,  Gilles-Louis  Chrétien,  et 
qui  lui  permit  de  nous  laisser  la  physionomie  vivante  de  nombre  de  ses  collègues,  d'orga- 
nistes, maîtres  de  chapelle,  compositeurs.  Nous  aurons  l'occasion  d'y  revenir. 

BOSSUET  INTIME,  par  Philippe  Bertault,  in-8  de  162  pages,  ouvrage  orné  de 
gravures,  édition  originale,  Paris  et  Bruges,  Desclée  de  Brouwer  et  Cie,  1927;  10  francs. 
—  LES  LUTHISTES,  par  Lionel  de  La  Laurencie,  in-8,  128  pages,  12  hors-texte.  Paris, 
Laurens,  1928;  9  francs.  —  FEUILLETS  D'HISTOIRE  du  violon,  par  Marc  Pincherle, 
avec  une  préface  de  Lionel  de  La  Laurencie,  in-8°  de  182  pages,  exemples  musicaux. 
Paris,   Legouix,  1927. 

Trois  ouvrages,  qui  n'intéressent  point  directement  la  musique  religieuse,  mais  où 
plusieurs  faits  seront  à  glaner  pour  nos  lecteurs.  Ils  suivront  avec  M.  Bertault  les  rap- 
ports de  spiritualité  de  Bossuet  avec  les  Révérendes  Mères  Chantre  et  Organiste  de 
monastères  dont  il  avait  la  direction  ;  ils  trouveront  dans  le  livre  de  M.  Pincherle 
de  curieux  détails  sur  tel  bénédictin  violoniste  du  xvne  siècle,  compositeur  de  sonates 
pour  instruments  à  cordes  avec  orgue  (pages  128  à  l32),  ou  tel  autre  qui  s'échappant  du 
cloître,  change  de  nom  et  va  se  faire  applaudir  dans  les  concerts  (p.  91):  enfin,  avec 
l'éminent  spécialiste  qu'est  M.  L.  de  La  Laurencie,  ils  s'initieront,  s'ils  ne  la  connaissent 
point,  à  l'histoire  des  luthistes  d'autrefois,  dont  l'art,  pendant  deux  siècles,  se  confond  si 
fréquemment  avec  celui  des  organistes. 


L'ÉDITION  MUSICALE 

Pièces  de  Fantaisie,  pour  grand  orgue,  en  4  suites,  par  Louis  VIERNE.  Paris, 
Lemoine.  Prix  net  :  chaque  suite,  20  francs. 

Chaque  fois  que  paraît  une  œuvre  nouvelle  de  L.  Vierne,  pour  orgue,  on  ne  peut 
faire  autrement  que  d'applaudir.  En  effet,  de  nos  jours,  à  part  Widor,  Vierne,  Dupré, 
Tournemire,  quels  sont  les  organistes  qui  composent  ?  La  littérature  d'orgue  n'a  jamais 
été  si  pauvre  que  de  notre  temps.  Sachons  donc  gré  à  ceux  qui  nous  fournissent  de 
nouvelles  compositions  surtout  lorsque  celles-ci  sont  dune  écriture  et  d'une  musicalité 
aussi  belles  que  celles  des  Pièces  dont  nous  avons  à  rendre  compte. 

Après  sa  Messe  Basse,  ses  24  Pièces  en  Style  Libre,  ses  Cinq  Symphonies  pour 
orgue,  voici  que  Vierne  nous  donne  quatre  suites  de  chacune  six  pièces  de  fantaisie. 
Parler  en  détails  de  chacune  de  ces  Pièces  dépasserait  de  beaucoup  le  cadre  de  cette 
notice  :  nous  citerons  seulement  celles  qui  nous  ont  paru  les  plus  réussies.  On  peut 
classer  ces  24  Pièces  en  quatre  ou  cinq  grandes  catégories,  correspondant  à  leur  mou- 
vement et  à  leur  forme.  Parmi  les  Préludes,  signalons  le  Prélude  proprement  dit  de  la 
lre  Suite,  page  d'une  belle  tenue,  et  X Aubade  de  la  4e  Suite. 

On  trouve  aussi  une  série  d'anc'antes,  sous  les  titres  d'Andantino,  Requiem  aîter- 


166  €a  tribune  fa  ^amU^ermie 

nam,  Lamento,  Clair  de  Lune,  Étoiles,  Résignation  ;  notre  préférence  va  au  Clair  de 
Lune  en  ré  bémol,  et  surtout  à  la  dernière  de  ces  pièces,  Résignation  qui  fait  penser  à 
Y  Adagio  de  la  3e  Symphonie. 

L.  Vierne  excelle  dans  les  petites  pièces,  courtes  et  rapides  :  Y  Intermezzo  et  Y  Im- 
promptu en  sont  deux  charmants  spécimens. 

Une  quatrième  série  comprend  tout  un  ensemble  de  pièces  de  circonstances,  dans 
lesquelles  l'auteur  n'a  pas  craint  de  traduire  à  l'orgue  les  sonorités  mêmes  de  l'orchestre. 
11  est  peut-être  le  premier  à  nous  avoir  donné  —  sur  cet  instrument  —  l'impression  de 
Feux  Follets,  de  Fantôme,  de  Naïades,  de  Gargouilles  et  Chimères. 

Citons,  enfin,  ces  grandes  Pièces  de  fantaisie,  sortes  de  poèmes  symphoniques  pour 
quelques-unes,  où  l'on  retrouve  l'auteur  des  Symphonies,  Y  Hymne  au  Soleil  avec  l'op- 
position de  ses  deux  thèmes,  Sur  le  Rhin,  où  l'auteur  a  sans  doute  voulu  laisser  l'im- 
pression d'une  certaine  lourdeur,  d'une  grandiloquence  que  nous  n'avons  pas  à  envier  à 
ceux  d'outre-Rhin,  Le  Carillon  de  Westminster,  Cathédrale,  les  Cloches  de  Hihckley. 
L.  Vierne  avait  déjà  laissé  un  Carillon  fameux,  dans  ses  24  Pièces  en  style  libre.  Celui 
de  Westminster  est  appelé  à  être  encore  plus  célèbre  :  sans  être  d'une  exécution  trop 
difficile,  cette  pièce,  d'une  parfaite  unité,  produit  un  effet  considérable,  comparable,  à 
un  certain  point  de  vue  au  Final  en  ré  devenu  classique,  de  sa  ire  Symphonie.  —  On  ne 
peut  s'empêcher  de  penser  à  l'auteur  de  Pelléas  devant  la  pièce  intitulée  :  «  Cathé- 
drales ».  Vierne  a  traité  le  sujet,  sinon  de  la  même  manière,  du  moins  en  la  situant  dans 
une  atmosphère  analogue  à  celle  de  La  Cathédrale  Engloutie.  Deux  thèmes  lents  et 
chantant  s'opposent  directement,  dont  l'un  finit  par  l'emporter  au  milieu  dans  un  forte 
général,  et  à  la  fin,  tranchant  à  la  main  gauche,  dans  une  ultime  prière  qui  se  termine 
dans  le  calme  le  plus  complet... 

Voici  pour  les  organistes,  pour  les  musiciens,  un  ensemble  de  beautés  qui  leur  per- 
mettra d'élargir  leur  répertoire  moderne  parfois  trop  peu  étendu.  Le  chromatisme  du 
Titulaire  de  Notre-Dame  un  peu  rebutant  au  premier  abord,  ne  les  empêchera  pas 
d'inscrire   à  leurs   programmes   des  pages  d'une  si   noble  inspiration  et  d'une  si  belle 

écriture. 

N.  Dufourcq. 

Trois  Préludes  et  Fugues,  par  Marcel  DUPRE.   Paris,  Leduc.  Prix  net  :  10  francs. 

Plus  anciennes  que  la  Symphonie- Passion,  ces  trois  compositions  datent  déjà  de 
quelques  années  ;  elles  sont  peut-être  pourtant  les  plus  belles  pages  écrites  par  l'auteur 
jusqu'à  ce  jour.  Quoique  de  caractère  différent,  ces  Préludes  et  Fugues  présentent  un 
des  types  les  plus  originaux  de  la  littérature  d'orgue  moderne.  S'il  faut  admirer  leur 
belle  écriture,  il  faut  aussi  en  noter  la  difficulté  d'exécution. 

Qui  n'a  déjà  entendu  le  premier  Prélude  et  Fugue,  en  si  majeur,  cette  vaste  fresque, 
débordante  de  vie  intense,  d'une  richesse  de  coloris,  d'une  dynamie  extraordinaire  ?  Ne 
pourrait-on  le  comparer  à  un  Delacroix  ?  —  Cette  œuvre  demande  un  instrument  puis- 
sant et  dont  les  dessus  sonnent  bien  :  le  ton  dans  lequel  elle  est  écrite  lui  donne  encore 
quelque  chose  de  plus  cru. 

Très  différentes  sont  la  tonalité  et  la  couleur  du  deuxième  Prélude  et  Fugue;  le 
mouvement  est  ici  assez  lent  ;  cette  grande  phrase  en  fa  mineur  se  détachant  sur  un 


Cru  fônmf£  167 

pizzicato  qui  revient  sans  cesse,  a  quelque  chose  de  plaintif  et  de  tendre  à  la  fois  ;  le 
thème  repris  dans  la  Fugue  est  cette  fois-ci  plus  mordant.  Un  instant  la  plainte  revient, 
la  prière  s'arrête  :  c'est  l'extase  :  quelques  mesures  en  majeur  éclairent  la  fin  de  cette 
fugue  qui  se  termine  pp. 

Les  deux  mains  jetant  pêle-mêle  des  accords  en  pizzicati  sur  le  Récit,  un  thème 
paraissant  à  la  pédale,  phrases  coupées,  anxieuses,  autant  de  questions  qui  se  posent...  : 
c'est  le  troisième  Prélude  et  Fugue  (sol  mineur).  L'atmosphère  est  spéciale;  c'est  un 
peu  angoissant.  Le  thème  paraît  maintenant,  toujours  entrecoupé,  à  la  main  droite,  le 
tout  dans  une  teinte  douce.  Le  jour  vient  à  baisser,  il  meurt  tout  doucement,  puis 
s'éteint  :  c'est  la  fin  du  Prélude.  Soudain  paraît  /  le  thème  de  la  Fugue,  carré,  à  contre- 
temps, un  peu  dur.  C'est  une  sorte  de  réponse  au  thème  du  Prélude.  La  pièce  se  déroule 
en  gardant  jusqu'au  bout  ce  même  caractère  syncopé.  A  la  strette,  paraît,  à  la  pédale, 
ff ' ,  le  thème  coupé  du  Prélude.  La  tonalité  mineur  conservée  jusqu'au  dernier  accord 
inclus,  laisse  une  impression  de  force. 

Qui  ne  se  rappelle  la  magistrale  et  inoubliable  exécution  que  donna  Marcel  Dupré 

de  ses  Trois  Préludes  et  Fugues,  au  Trocadéro,  pour  la  restauration  de  l'orgue,  il  y  a 

deux  ans  ? 

N.  Dufourcq. 


LES  REVUES 
FRANCE 

Tablettes  de  la  Schola,  XXVI,  6.  —  Examens  de  fin  d'année  , Diplômes  et  Certificats. 
Nous  relevons  dans  les  résultats  de  cette  année  scolaire  1927-1928,  qu'il  a  été  décerné 
aux  élèves  de  la  Schola,  pour  le  chant  grégorien,  deux  diplômes  du  second  degré,  avec 
mention,  deux  certificats  du  premier  degré  et  sept  mentions;  pour  X orgue,  un  diplôme 
avec  mention,  cinq  certificats  et  vingt-trois  mentions;  pour  l'improvisation  et  l'accom- 
pagnement, deux  certificats  et  six  mentions. 

Petite  maîtrise,  182.  —  Abbé  P.  Baudrier,  Brève  enquête  sur  les  cérémonies  et  le 
chant  religieux  des  offices  dominicaux  dans  les  paroisses  de  Paris  (1920-1927).  Enquête 
dont  les  résultats  font  apparaître  la  disparition  progressive  des  maîtrises  d'enfants  :  «  à 
peine  peut-on  citer  en  effet  dix  ou  douze  paroisses,  dans  cette  grande  ville  de  Paris,  qui 
aient  un  groupement  de  10  à  20  maîtrisiens  »,  une  quinzaine  d'autres  en  ont  encore 
quelques-uns.  C'est  trop  peu.  Il  y  a  encore  aussi  trop  de  vieux  chantres  routiniers,  et  on 
abuse  des  messes  de  Du  Mont,  malgré  le  «  progrès  sensible  »  accompli  depuis  une  quin- 
zaine d'années  au  point  de  vue  du  plain-chant.  —  Abbé  J.  Dupont,  Mgr  Perruchot  à 
Nice,  à  propos  d'un  remarquable  concert  religieux  avec  conférence,  que  le  vaillant 
maître  de  chapelle,  malgré  la  fatigue  de  son  âge,  a  brillamment  donnée  cet  hiver.  — 
Encartage  musical,  à  signaler  :  André  Sala,  Cantique  pour  une  prise  d'habit,  à  3  voix 
égales;  Cécile  Gauthiez,  Libéra  me,  (facile  et  très  pratique,  les  versets  étant  conservés 
en  chant  grégorien,  suivant  la  vieille  tradition  classique). 


i68  Ca  tribune  ht  &a\xtt~1&txva\s 

Revue  du  chant  grégorien,  XXXII,  4.  —  Dom  L.  David,  Le  verset  d'Offertoire 
«  Laudate  nomen  »,  bel  exemple  de  cette  ancienne  forme  de  chant,  pouvant  servir  en 
nombreuses  circonstances;  à  signaler  la  curieuse  vocalise  du  mot  veritas,  qui  fut  uti- 
lisée au  xne  siècle  par  l'auteur  du  Rosa  vernans  comme  thème  de  son  œuvre  nouvelle. 
(Remarquons  que  le  manuscrit  de  Montpellier  (xe-xie  siècle)  transpose  ce  verset  à  la 
quarte,  quitte  à  reprendre  sur  ejus  la  tessiture  du  mode  employé). 

Revue  musicale,  IX,  10.  —  G.  de  Saint-Foix,  Les  premiers  pianistes  parisiens  : 
A.  P.  F.  Boëly,  dernière  étude  d'une  remarquable  série  d'articles,  où  est  heureusement 
mise  en  lumière  la  haute  valeur  du  musicien  probe  et  inspiré  que  fut  Boëly.  Il  est  ici 
étudié  comme  pianiste  à  la  fois  interprète  et  compositeur  ;  sa  valeur  comme  organiste 
n'est  pas  moindre  :  nous  lui  consacrerons  prochainement  un  travail  spécial,  en  atten- 
dant une  édition  définitive  de  ses  œuvres  trop  peu  connues. 

Autour  du  Lutrin  (Saint-Brieuc).  —  Cette  excellente  et  pratique  petite  revue  régio- 
nale, que  nous  avions  été  si  heureux  de  louer,  vient  de  cesser,  hélas!  sa  publication- 
Les  efforts  répétés  de  M.  l'Abbé  Y.  Gleyo,  maître  de  chapelle  de  la  cathédrale,  qui 
depuis  plusieurs  années  assumait  la  tâche  énorme  d'assurer  cette  édition,  et  de  relever 
l'antique  école  de  la  «  Psallette  »,  n'ont  point  suffisamment  été  soutenus  ni  compris... 
C'est  là  un  fait  déplorable,  qui  ne  correspond  guère  aux  progrès  accomplis  dans 
l'ensemble  du  pays. 

Revue  Saint-Chrodegang  (Metz)  X,  5.  —  L'  «  autonomisme  »  ...en  musique  sacrée, 
amusante  variété,  critique  des...  critiques  portées  contre  la  réforme  de  la  musique  sacrée  ; 
il  paraît  que  la  restauration  du  chant  grégorien  est  une  «  entreprise...  boche,  des  juifs  de 
Francfort  »  (!)  et  que  c'est  faire  preuve  d'  «  autonomisme  »  que  de  ne  pas.  vouloir  du 
Noël  trop  fameux  de  l'antireligieux  Adam. 

ITALIE 

Bollettino  Ceciliano,  XXIII,  n°  4.  —  R.  Casimiri,  Guido  d'Arez-LO  au  Vatican 
en  1 02J,  suite  à  la  belle  étude  de  Dom  Amelli  parue  précédemment  dans  la  même  revue 
sur  ce  sujet  d'histoire  musicale,  montrant  la  convenance  du  Congrès  récent  de  musique 
sacrée  pour  célébrer  ce  neuvième  centenaire.  —  N°  5.  Consacré  principalement  au 
Congrès;  article  du  chanoine  G.  Borghezio,  De  Pie  IX  à  Pie  XI,  commémorant  les 
dates  qui  jalonnent  les  progrès  de  plus  en  plus  marqués,  de  la  musique  sacrée,  depuis 
cinquante  ans.  —  N°  6.  Dom  Amelli,  Saint  Thomas  d'Aquin  poète  et  musicien  eucha- 
ristique, signale  un  texte  de  Jean  de  Mûris  qui  avait  échappé  jusqu'ici,  emprunté  à  Ugo 
de  Castello,  sur  l'enseignement  musical  de  saint  Thomas  d'Aquin.  —  D.  Carmelo  San- 
giorgio,  Un  nouveau  registre  de  mutation  :  la  Neuvième,  article  très  complet  et  très 
intéressant  sur  les  jeux  de  mutation  autres  que  la  quinte  et  la  tierce  :  la  Septième,  pour 
laquelle  l'auteur  cite  de  nombreux  exemples  d'orgues  allemandes  modernes,  mais  passe 
rapidement  sur  celles  de  Notre-Dame  de  Paris,  où  cependant  fut  pour  la  première  fois 
employé  ce  jeu  par  Cavaillé-Coll,  ce  qui  était  à  indiquer,  ce  nous  semble!  La  Neuvième 
est   due  au   facteur  Moser,  de   Munich,  sur  les  conseils  du  maître   de  chapelle  Hogner, 


£es  Menues  169 

de  Ratisbonne,  et  après  plusieurs  années  d'expérience,  appliquée  pour  la  première  fois 
en  1918  au  couvent  d'Altomiinster. 

Santa  Cecilia  (Turin),  XXX,  nos  1,  2.  —  G.  Sizia,  grande  étude  sur  les  origines  et  le 
développement  des  grandes  marques  de  facture  d'orgue  italiennes,  Vegezzi-Bossi,  mort 
récemment,  qui  fut  le  Cavaillé-Coll  de  l'Italie,  et  Luigi  Bernasconi;  S.  Cordero  di  Pam- 
parato,  Les  origines  de  la  Chapelle  musicale  des  Princes  de  Savoie. 

Bolletino  Bibliografico  musicale,  III,  n°  2:  J.-A.-F.  Orbaan,  Notices  inédites  sur 
Lucas  Marenzio,  extraites  de  diverses  archives  romaines  du  xvie  siècle. 

Musica  sacra,  LIV,  4.  —  D.  Carmelo  Sangiorgio,  L'ancien  orgue  de  l'église  des 
Bénédictins  de  Catane,  commencement  d'une  étude  détaillée  sur  cet  instrument  du 
xvme  siècle,  longtemps  réputé,  et  donnant  les  contrats,  devis,  etc.,  intéressant  cet  orgue. 

ESPAGNE 

Rivista  Musical  Catalana,  IV,  n°  292.  —  V.-M.  de  Gibert,  belle  étude  sur  les 
Geistliche  Lieder  de  J.-S.  Bach,  où  l'auteur  fait  le  point  de  départ  de  mélodies  origi- 
nales du  maître,  et  des  très  nombreuses  autres  qu'il  n'a  fait  qu'harmoniser. 

296.  —  Fr.  Pujol,  à  propos  d'un  ouvrage  récent  de  José  Subira  (in-40,  Madrid,  1927), 
attire  l'attention  sur  La  musique  dans  la  maison  d'Albe,  en  donnant  quelques  détails 
sur  l'époque  de  Juan  de!  Encina  et  le  xve  siècle,  les  chapelles  de  Bruxelles  et  de 
Naples,  etc. 

Revista  parroquial  de  musica  sagrada,  16.  —  Signalons  l'encartage,  comprenant 
quatre  préludes  pour  harmonium,  sur  les  thèmes  de  la  messe  Cum  jubilo,  par  J.  Muset 
1  Ferrer,  écrits  dans  un  style  agréable  et  pratique  :  l'Elévation  et  le  Postlude  sont  par- 
ticulièrement réussis  et  peuvent  servir  d'exemples  à  ce  point  de  vue. 

ANGLETERRE 

Musical  Times,  n°  1022.  —  J.-A.  Westrup,>I/>\ï  français  dans  le  «  Beggar's  Opéra  » 
et  «  Polly  »,  qui  furent  deux  célèbres  arrangements  anglais  du  xvuie  siècle,  où  figurent 
des  mélodies  de  Chansons  françaises  et  de  Noëls,  dont  l'auteur  de  l'article  fait  une 
recension  détaillée. 

AUTRICHE 

Musica  divina.  —  Cette  belle  revue  de  musique  d'église  se  fait  rapidement  une 
place  parmi  les  meilleures;  chaque  numéro  mensuel  contient  de  substantiels  articles  sur 
l'histoire  et  la  pratique  de  l'art  religieux.  Mentionnons,  dans  les  fascicules  de  la  présente 
année  1928,  l'étude  importante  de  O.  Ursprung  sur  Jacques  de  Kerle,  le  grand  compo- 
siteur belge  du  xvie  siècle  (nos  3  et  4)  ;  celles  de  F.  Erckmann  sur  Les  Castrats  (nos  2  et  3); 
les  suppléments  musicaux  consacrés  à  un  choix  de  Motets  à  5,  6  et  7  voix  de  Luca 
Marenzio. 


170  Ca  tribune  br  £amt-®>mîais 

NÉCROLOGIE 

F.  de  La  Tombelle 
Le  l3  août  dernier,  mourait  dans  sa  propriété  familiale,  au  château  de  Fayrac,  en 
Périgord,  notre  ami  et  collaborateur  Fernand  de  La  Tombelle,  dont  le  nom  et  les 
œuvres  parurent  souvent,  dès  sa  fondation,  dans  cette  revue,  et  parmi  les  premières 
publications  du  Bureau  d'Édition  de  la  Schola.  On  nous  avait  demandé  de  parler  du 
regretté  défunt  dans  le  journal  La  Croix  :  nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  reproduire 
ici  l'article  biographique  que  nous  lui  consacrâmes  dans  le  numéro  de  ce  journal,  du 
23  août,  en  le  complétant  de  quelques  autres  notes. 


Un  deuil  tout  récent  a  marqué  de  son  ombre  les  annales  de  la  musique  religieuse. 
Avec  peine,  nous  avons  appris  la  mort,  bien  qu'elle  ne  fût  point  inattendue,  d'un  grand  ser- 
viteur de  l'art  chrétien:  F.  de  La  Tombelle,  dont  les  compositions,  oratorios  ou  messes,  mo- 
tets ou  cantiques,  pièces  d'orgue  et  d'harmonium  sont  répandues  un  peu  partout  en  France. 
Sans  contredit,  F.  de  La  Tombelle  fut  l'un  des  plus  féconds  parmi  les  maîtres 
modernes  de  l'art  religieux,  et  le  reproche  peut-être  que  l'on  pourrait  lui  faire  est  de 
s'être  trop  fié  à  cette  verve  inépuisable,  à  une  sorte  de  veine  intarissable  qui  l'entraînait 
toujours  plus  loin,  dans  le  désir  de  faire  participer  les  autres  aux  trésors  de  musique 
qu'il  portait  en  lui.  Mais  que,  chez  lui,  tout  était  solidement  pensé,  écrit,  composé  ! 

Né  à  Paris  le  3  août  l854,  d'une  vieille  famille  périgourdine,  en  possession  des  dons 
de  l'esprit  et  de  ceux  de  la  fortune,  F.  de  La  Tombelle  fut  doué  pour  toutes  les 
recherches  intellectuelles  :  la  restauration  de  son  château  historique  de  Fayrac  et  sa 
belle  bibliothèque  le  montrent  bien.  D'une  culture  générale  et  littéraire  étendue,  il  a 
souvent  écrit  lui-même  les  poèmes  de  ses  compositions  vocales  :  son  art,  comme  confé- 
rencier, était  fin  et  délicat,  et  il  comptait  au  nombre  des  meilleurs  critiques  lorsqu'il  lui 
était  offert  l'occasion  d'avoir  à  donner  un  compte  rendu. 

Pianiste,  il  avait  étudié  tout  d'abord  avec  sa  mère,  excellente  artiste,  élève  de  Lizst 
et  de  Thalberg;  organiste,  il  travailla  avec  Guiîmant;  Th.  Dubois  lui  enseigna  contre- 
point, fugue  et  composition;  il  se  perfectionna  sous  la  direction  de  Saint-Saëns,  à  qui  il 
avait  gardé  une  grande  affection,  dans  les  divers  domaines  de  la  musique.  Dès  1878,  F.  de 
La  Tombelle  fut  un  aide  actif  de  Guiîmant,  lors  de  la  fondation  des  Concerts  d'orgue 
du  Trocadéro,  et,  moins  de  vingt  ans  plus  tard,  il  se  rangeait  aux  côtés  des  premiers 
fondateurs  de  la  Schola  Çantorum.  Là,  il  collabora  à  la  composition  du  Répertoire 
moderne  de  musique  religieuse,  aux  conférences  populaires,  à  la  revue  la  Tribune  de 
Saint-  Gervais,  et,  pendant  dix  ans,  remplit  assidûment  les  fonctions  de  professeur,  puis 
d'inspecteur  des  classes  d'harmonie,  en  secondant   Bordes,  Guiîmant  et  d'Indy. 

Les  premières  compositions  de  F.  de  La  Tombelle  lui  valurent  un  prix  de  compo- 
sition de  l'Institut  de  France  et  le  prix  Pleyel  :  de  ce  moment  datent  ses  compositions 
profanes  pour  les  Sociétés  chorales,  entre  autres  sa  collection  de  la  Légende  de  la 
glèbe,  très  appréciée  par  les  groupements  orphéonistes  français  et  belges.  Mais,  bientôt, 
le  compositeur  se  tournait  vers  l'œuvre  religieuse,  en  commençant  par  l'orgue  :  son  beau 
cahier  dédié  à  César  Franck,  qui  l'exécuta  à  Sainte-Clotilde,  où  figurent  un  grand  Pré- 


Nécrologie  171 

lude  et  une  Fugue  sur  la  prose  de  l'Ascension  et  une  délicieuse  Canzonetta,  marque 
parmi  les  premières  pièces  caractéristiques  de  F.  de  La  Tombelle. 

Sa  participation  à  la  fondation  de  la  Schoîa  le  porta  vers  l'étude  de  l'art  grégorien 
et  l'usage  des  modalités  antiques  :  de  là,  un  Ave  verum  et  un  Adoro  te,  puis  ces  autres 
motets  qui  jouissent  d'un  succès  si  mérité  :  X O  gloriosa,  à  deux  voix  égales;  le  Bene- 
dicta  es  tu,  à  trois  voix  mixtes;  sa  messe  en  l'honneur  de  saint  Jean-Baptiste,  qu'il 
écrivit  spécialement  pour  montrer  comment  la  participation  des  voix  et  des  instruments 
devait  être  comprise  pour  s'accorder  avec  le  Motu  proprio  de  Pie  X,  est  particulière- 
ment appréciée.  De  ses  cantates  et  oratorios,  Crux  tient  le  premier  rang  et  est  très 
certainement  la  plus  belle  des  productions  modernes  en  ce  genre;  Les  sept  paroles  de 
Notre-Seigneur  en  croix  sont  fort  remarquables  et  sur  un  plan  très  original,  où  la  para- 
phrase du  grand  orgue  joue  son  rôle,  en  méditant  à  son  tour  ce  que  les  voix  ont  proposé. 
Quant  aux  cantiques  de  F.  de  La  Tombelle,  ils  sont  très  nombreux,  et  c'est  là  qu'on 
pourrait  lui  reprocher  d'avoir  quelque  peu  sacrifié  au  goût  populaire,  avec  certaines 
tournures  qui  font  penser  à  Massenet  et  à  Gounod. 

Mais  ses  pièces  d'orgue  et  d'harmonium  sont  surtout  intéressantes  :  leur  nombre 
n'exclut  jamais  la  qualité.  La  Tombelle,  connaissant  à  fond  ces  instruments,  et  auteur 
d'une  Méthode  d' harmonium  destinée  aux  musiciens  déjà  avancés,  eut  ce  réel  et  rare 
mérite  de  savoir  écrire  spécialement  pour  ce  dernier  instrument,  indépendamment  des 
ressources  que  l'orgue  peut  offrir. 

F.  de  La  Tombelle  fut  un  musicien  digne,  conscient  de  la  hauteur  d'idées  à  laquelle 
il  faut  maintenir  l'art  religieux.  En  même  temps,  très  attaché  à  toute  la  beauté  accu- 
mulée par  les  siècles  passés,  il  savait  en  utiliser  les  procédés  variés,  tout  en  pensant  en 
moderne,  mais  ne  voulut  jamais  sacrifier  aux  recherches  harmoniques  des  nouveaux 
compositeurs,  les  trouvant,  quant  à  lui,  inutiles,  et  ne  les  aimant  pas.  On  aurait  mau- 
vaise grâce  à  le  lui  reprocher,  en  considérant  avec  quel  art  et  quel  tact,  avec  quelle 
inspiration  toujours  fraîche  et  sa  recherche  dans  la  perfection  de  la  forme  et  la  justesse 
de  l'expression,  il  sut  employer  les  grandes  traditions,  au  plus  grand  profit  de  la  Beauté, 
élevée  au  rang  de  facteur  spirituel.  F.  de  La  Tombelle  fut  une  belle  figure  de  musicien 
religieux,  instruit  et  inspiré,  probe  et  sincère  :  sa  part  dans  la  restauration  de  l'Art  reli- 
gieux consacré  au  service  du  culte  et  de  l'édification  des  âmes  demeurera  l'une  des  plus 
importantes  de  notre  époque. 


Ajoutons  que  F.  de  La  Tombelle,  dans  ses  diverses  recherches  de  formes,  donna 
encore  un  modèle  qui,  jusqu'ici,  n'a  pas  attiré  toute  l'attention  que  cet  essai  méritait  :  la 
réalisation  de  Saluts  qui,  musicalement,  formassent  de  leurs  divers  motets  un  tout,  relié 
par  des  interludes  d'orgue  appropriés.  Il  voulait  donner  à  cet  ensemble  libre  et  souvent 
hybride  un  cadre  qui  puisse  se  rapprocher,  par  l'intérêt  artistique  et  l'effet  d'unité,  de 
la  Messe  ou  de  la  Cantate.  Peut-être  La  Tombelle  a-t-il  posé  le  premier  jalon  d'oeuvres 
futures  qui  auront  fait  fructifier  ce  germe  intéressant. 

Terminons  en  donnant  le  relevé  des  œuvres  d'Eglise  de  F.  de  La  Tombelle  qui  font 
partie  des  Editions  Musicales  de  la  Schola,  avec  des  indications  sur  ses  autres  publica- 
tions religieuses. 


172  Ca  tribune  bf  6aint-#fruaig 

Œuvres  de  F.  de  La  TOMBELLE 
faisant  partie  des  collections  des  Editions  Musicales  de  la  Schola 

A.  Pièces  latines 

Messe  en  ré  mineur,  à   3  v.  m.  (S.  T.  B).             Adoro  te,  à  3  v.  ég. 

Messe  funèbre,  à  3  v.  m.  (S.  T.  B.).  Ave  Maria,  à  3  v.  ég. 

Pie  Jesu,  à   4  v.  m.,  écrit  à  la  mémoire  Regina  caeli,  à  3  v.  ég. 

de  Ch.  Bordes.  Deus   in    adjutorium,   et   faux-bourdons 

De  us  Israël,  à  4  v.  m.  pour  les  Vêpres,  à  3  v.  ég. 

In  te  speravi,  à  2  v.  ég.  Ave  verum,  à  3  v.  m.  (S-  T.  B.). 

«  Pro  sponso  et  sponsa  »,  à  2  ég.  ou  4  v.m.  Caro  mea,  à  3  v.  m.  (S.  T.  B.). 

Salut  bref,  à  3  v.  ég.  O  quam  suavis,  à  3  v.  m.  (S.  T.  B.). 

Petit  salut,  à  3  v.  m.  (S.  T.  B.)  Tantum  ergo,  à  3  v.  m.  (S.  T.  B.). 

Christian  regem,  à  2  v.  ég.  Benedicta  es  tu,  à  3  v.  m.  (S.  T.  B.). 

Ecce  panis,  à  2  v.  ég.  Regina  caeli,  à  3  v.  m.  (S.  T.  B.). 

Tantum  ergo,  à  2  v.  ég.  Salve  regina,  à  3  v.  m.  (S.  T.  B.). 

Ad  te  confugimus,  à  2  v.  ég.  Sancta  Maria,  à  3  v.  m.  (S.  T.  B.). 

O  gloriosa,  à  2  v.  ég.  Oremus  pro  Pontifice,  à  3  v.  m.  (S.  T.  B.) 

O  Cor,  amore  saucium,  à  2  v.  ég.  Beata  viscera,  à  4  v.  m. 

B.  Orgue  et  harmonium. 
Interludes  dans  la  tonalité  grégorienne,   pour  les  messes,  2  fascicules. 
Fantaisie  sur  deux  thèmes,  profane  et  grégorien. 
Petite  Pièce  (spécialement  écrite  pour  harmonium). 

10  Pièces,  sur  des  thèmes  grégoriens,  populaires  ou  originaux;  2  cahiers. 
Méthode  d'harmonium. 
Préludes,  Fugues,  Chorals  et  Toccata. 
Versets  pour  les  Vêpres  d'un  Confesseur  Pontife  (sur  les  thèmes  grégoriens). 

C.  Chants  français 

3  Cantiques  aux  Saints. 

Série  de  cantiques  pour  unisson  de  voix  égales;  2  fascicules. 

Nouveaux  cantiques;  2  cahiers. 

Hymne  de  Pâques,  chœur  à  4  v.  mixtes. 

D.  Chant  grégorien  (accompagnement ) 
A  collaboré  aux  Melodix  Paschales. 
A  collaboré  aux  Melodiaz  Natales. 

4  Ordinaires  de  la  messe  harmonisés  à  v.  mixtes. 
Cantilènes  grégoriennes,  à  3  v.  m. 

E.  Critique 
L'Oratorio  et  la  Cantate,  grand  in-8°. 

F.  de  La  Tombelle  avait  publié  aussi,  dans  la  première  «  Édition  Mutuelle  >»  de  la 
Schola,  son  bel  oratorio  Crux,  qu'il  fit  passer  ensuite,  avec  l'ensemble  de  ses  cantates 
religieuses,  à  l'édition  Biton,  qui  partage  avec  la  nôtre  la  majeure  partie  de  ses  œuvres 
religieuses  :  messe  de  saint  Jean-Baptiste,  motets,  saluts,  cantiques.  Ses  premières 
grandes  œuvres  d'orgues  font  partie  de  l'édition  Richault,  et  comprennent  six  livraisons 
formant  son  op.  23  et  respectivement  dédiées  à  Guilmant,  Dubois,  Salomé,  Gigout,  César 
Franck,  Clément  Loret. 

A.  Gastoué. 


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Tome  MM 
M°  6  -  1928 


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LA  TRIBVNE  DE  SAINT-GERVAIS 

Fondée  en  1895  par 
Ch.  BORDES,  Alex.  GUILMANT  et  Vincent  d'INDY 

NOUVELLE    SÉRIE    SOUS    LA  DIRECTION    DE 

A.  GASTOUÉ  et  A.  TROTROT-DÉRIOT 


j* 


SOMMAIRE  DU  N°  6  -  NOVEMBRE  1928 

La  Tribune  :  22  Novembre  1903  -  22  Novembre  1928. 

R.  P.  Dom  Jeannin  :  Du  si  bémol  grégorien  (fin). 

Abbé  P.  Bayart  :  Archives  et  Musiciens. 

Julien  Tiersot  :  Les  chansons  populaires  de  la  Serbie  -  I. 

Notre  Supplément  :  Stirps  Jesse,  motet  à  une  voix  et  organum,  xie  siècle  ; 
Il  est  né,  le  divin  Enfant,  à  4  voix  mixtes,  par  J.  Samson  ;  A  la  venue 
de  Noël,  symphonie  instrumentale  par  M. -A.  Charpentier  (y  1704);  Can- 
tique de  Pâques,  à  4  voix  mixtes,  par  Paul  Berthier. 

A.  Trotrot-Dériot,  E.  Borrel,  I.  Dupont,  O.  T.,  Gr.  :  Le  mouvement  litur- 
gique et  musical;  les  Concerts  ;  la  musique  sacrée  au  diocèse  de  Bayonne; 
Italie  ;  Suisse. 

A.  Gastoué  :  Les  Livres  ;  V Édition  musicale  ;  Les  Revues. 


ÉDITIONS  MUSICALES  DE  LA  SCHOLA  CANTORUM 

269,  RUE  SAINT- JACQUES,  PARIS  (5 •■■) 
Téléphone  :  Gobelins  4o-02.  Compte  postal  :    Paris    33l-79 


Tome  XXV  nouvelle  série  -  N°  6  Novembre  1928 

LATRIBVNE  DE  SAINT-GERVAIS 

REVUE   MUSICALE 

PUBLIÉE  SOUS  LES  AUSPICES  DE  LA 

Scl)ûla  Cantorum 

22  NOVEMBRE  1903-22  NOVEMBRE  1928 

Vingt-cinq  années  nous  séparent  du  jour  où  le  Pontife  musicien, 
Pie  X,  publia  son  célèbre  Motu  proprio^z/r  la  réforme  de  l'art 
sacré:  ce  jour  en  est,  de  quelque  façon,  comme  un  premier  jubilé;  il 
permet  de  regarder  au  delà  d'un  quart  de  siècle  en  arrière,  et  de 
comparer. 

Ah!  s'il  ne  fallait  compter  qu'avec  nos  désirs,  nous  qui  avons 
servi,  tant  d'années  déjà  avant  sa  promulgation,  le  futur  »  Code  juri- 
dique de  la  musique  sacrée  »,  il  apparaîtrait  que  bien  peu  de  choses 
se  sont  accomplies  depuis  cette  promulgation,  au  regard  de  ce  qui 
reste  à  faire.  Ceux  qui,  les  premiers,  eussent  dû  comprendre  la  parole 
du  Pape,  n'ont  même  pas  alors  essayé  de  l'entendre  :  forcés  de  l'écou- 
ter, combien  de  fois  ne  V interprètent-ils  pas  de  travers  ? 

Mais,  si  tout  ne  s'est  pas  accompli  selon  ce  que  prévoyait  le  légis- 
lateur, que  de  bien  ri  est-il  pas  fait!  Compter  a-t-on  pour  rien  la  refonte 
et  la  publication  des  chants  liturgiques  de  l'Église  Romaine;  —  la 
reconnaissance  à  peu  près  générale  de  la  restauration  grégorienne, 
encore  quelle  soit  si  mal  comprise  ici  et  là;  —  V  obligation,  morale  au 
moins,  qu'il  y  a  de  reconnaître  les  efforts  de  ceux  qui,  de  tous  côtés, 
ont  individuellement  tenté  d' obéir  aux  instructions  pontificales  ;  — et, 
de  façon  générale,  ce  mouvement  de  conversion  par  quoi  l'esprit  public 
admet  que  le  chant  grégorien  et  les  chœurs  «  a  cappella  »  constituent 
vraiment  la  forme  propre  de  la  musique  d'église  ? 

S'il  nous  fallait  compter  les  instructions  épiscopales  et  en  évaluer 
les  résultats,  étudier  les  «  propres  »  diocésains  dont  la  mélodie  a  été 
révisée  selon  les  sources  originales  et  remise  en  usage,  mentionner  les 


174  #ft  tribune  îre  0cthtt-<fàen)aig 

Congrès,  les  Conférences,  les  Cours  officiellement  institués  ou  recon- 
nus, les  examens  même  et  les  sanctions  auxquels  ils  ont  donné  lieu, 
que  de  consolations  et  que  de  motifs  d'espérer  ! 

Enfin,  les  artistes  de  profession  ne  craignent  plus,  parce  qu'ils 
savent,  de  pratiquer  et  de  professer  cette  musique  belle  et  noble,  con- 
forme aux  directions  de  Pie  X;  et  il  est  bien  peu  de  compositeurs  qui, 
V  ayant  essayé,  ri  ont  plus  craint  de  s  attaquer  à  ces  procédés  anciens 
unis  à  des  formes  nouvelles,  d'où  résulte  un  si  vaste  et  si  pieux  ré- 
pertoire de  musique  sacrée,  admirablement  propre  à  son  objet. 

Nous  disons  :  les  directions  de  Pie  X ;  nous  eussions  pu  aussi 
bien  dire  :  les  instructions  de  Benoît  XV,  les  enseignements  et  les 
exemples  personnels  de  Pie  XL  Un  Pontife,  continue  et  tente  d'ache- 
ver ce  qu'un  autre  a  commencé,  dans  une  perpétuité  ininterrompue. 

N'est-ce  rien  que  tout  cela? 

Et,  si  le  zèle  de  plusieurs  d'entre  nous  trouve  que  le  pas  est  lent 
et  le  mouvement  tardif  à  s'établir,  qu  est-ce  donc  qu'un  nombre  infime 
d' années  vis-à-vis  de  la  pérennité  de  V Eglise  ? 

La  Tribune. 


L'article  annoncé  de  notre  directeur  A.  Gastoué  sur  La  prononciation  du  Latin 
paraîtra  dans  le  fascicule  de  janvier,  premier  du  tomexxvi.  —  Le  mêmt  numéro  contien- 
dra les  couverture,  titre  et  tables  de  l'année  1928. 

Nota.  —  Votre  abonnement  se  terminant  avec  le  présent  fascicule,  afin  d'éviter  toute 
perte  de  temps  ou  écritures  inutiles,  ou  des  frais  onéreux  de  recouvrement,  pour  son 
renouvellement,  nous  vous  serons  reconnaissants  de  bien  vouloir  remplir  le  chèque- 
postal  inclus,  et  nous  le  renvoyer  au  plus  tôt,  compte  chèque  postal  Paris,  331-79. 

Avec  nos  meilleurs  remerciements. 


Bu  si  bémol  grégorien  17^ 


DU  SI  BEMOL  GREGORIEN 

A   PROPOS  D'UN   OUVRAGE  RÉGENT 
(fin) 

Mais,  dira-t-on,  lorsque  la  cadence  sur  le  do,  en  5e  grégorien,  est 
accompagnée  d'une  affirmation  insistante  de  la  tierce  do  mi,  n'y  a-t-il 
pas  matière  à  parler  de  métabole  en  do?  Métabole,  si  l'on  veut.  Mais 
pas  métabole  tonale.  Chez  nous  la  tierce  fa  la  et  la  tierce  do  mi  sont 
synonymes  modalement,  la  première  n'est  que  la  transposition  de  la 
seconde.  En  musique  homophone  il  n'en  va  pas  de  même.  La  tierce 
do  mi  appartient  au  mode  autonome  de  do,  et  la  tierce  fa  la  à  un  autre 
mode  autonome,  celui  de  fa.  Qu'on  parle  conséquemment  en  musique 
moderne  de  métabole  tonale  du  fa  ou  do,  puisqu'il  n'y  a  pas  métabole 
modale.  Mais  s'il  y  a  métabole  en  chant  grégorien  par  apparition  insis- 
tante d'une  nouvelle  tierce,  ce  sera  une  métabole  modale,  ce  que  nous 
appellerions  une  simple  «  échappée  modale  ». 

Autres  considérations  montrant  toujours  mieux  que  le  système  de 
trois  tonalités  ne  peut  s'appliquer  au  chant  grégorien.  Un  5°  grégorien 
qui  commencera  par  avoir  le  si  \>,  et  qui  se  reposera  ensuite  sur  le  do 
avec  si  fc|,  ne  pourra  être  dit  changer  de  ton  qu'autant  qu'il  avait  débuté 
par  le  ton  de  fa.  De  même  un  1er  grégorien  qui  fait  entendre  tout  d'abord 
le  si\>f  et  ensuite  établit  une  cadence  sur  le  la  avec  si  fc|,  ne  pourra 
être  dit  changer  de  ton,  qu'autant  qu'il  avait  débuté  par  un  ton  diffé- 
rent. Voit-on  cependant,  en  premier  lieu,  l'invraisemblance  qu'il  y  aurait 
à  supposer  une  modalité  fuyant  ainsi  son  ton  principal  avant  même  de 
s'y  être  assise  !  Que  notre  fa  majeur  et  notre  ré  mineur,  qui  ont  un 
si  \f  essentiel,  débutent  par  ce  si  |?  avant  de  moduler,  sous  l'influence 
d'un  si  tf,  exprimé  ou  sous-entendu,  dans  une  autre  tonalité,  cela  est 
tout  naturel.  Serait-il  tout  de  même  aussi  naturel  de  voir  adopter  dans 
la  mélodie  à  tout  bout  de  champ  l'ordre  contraire,  le  si  :  d'abord,  le 
si  \>  ensuite  ?  Eh  bien  !  pour  le  5e  grégorien  et  le  lor,  le  ton  le  plus  nor- 
mal (si  ton  il  y  avait)  serait  le  ton  avec  si  \  :  cela  est  si  vrai,  que  le 
système  tri-tonal  ne  manque  pas  de  mettre  celui-ci  en  première  place. 
Et  l'on  voudrait  qu'à  chaque  instant  l'on  puisse  rencontrer  des  5es  et  des 
1er8  grégoriens  avec  un  ton  secondaire  pour  débuter!  C'est  donc  que  le 
si  \>  n'a  pas  en  lui  de  quoi  nécessairement  constituer  un  ton  à  part.  C'est 


176 


Ca  tribune  ùe  £aint~<Etarvat0 


donc  qu'en  cas  de  si  \>  initial  le  compositeur  ou  le  chanteur  médiéval 
a  cherché  tout  autre  chose  qu'à  établir  une  tonalité  à  part,  et  qu'objec- 
tivement le  si  [7  est  dû  à  un  autre  fait,  celui  de  la  fuite  d'une  impres- 
sion désagréable,  après  quoi  l'on  reste  dans  le  même  ton  en  passant  au 
si  :  normal.  Une  cadence  à  la  quinte  n'est  de  soi,  malgré  les  sensa- 
tions qu'elle  suggère  en  nous,  qu'une  cadence  sur  une  des  notes  de  la 
triade  modale. 

Un  autre  fait  va  nous  révéler  les  mêmes  choses.  C'est  celui  de  la 
contradiction  qu'on  constate  à  chaque  pas,  entre  excellents  témoins  de 
la  tradition  médiévale,  dans  leur  façon  d'écrire,  aux  mêmes  endroits, 
les  uns,  si  \>,  les  autres  un  si  bj.  Peut-on  supposer  dans  ces  conditions 
un  plan  préétabli,  au  moins  objectivement,  de  modulation  essentielle 
tonale?  Prenons  simultanément,  dans  la  Vaticane  et  dans  le  manuscrit 
bilingue  de  Montpellier  (xie  siècle)  les  trois  introïts  Gaudeamus,  Rorate 
et  Suscepimus.  Voici  les  constatations  qu'on  y  fait  : 


r^fl/J/J 


\r  s 


Claude  a rmjs,om-nes    m 


6audea.~       mus  om  nés    in 


a     -    ~    tur*  ter   -       fa. 


Bm  si  [bémol  grégorien 


177 


tu     ~_    __         a  in  Pi t\es  tu     —       ->  a    ïn   ^»    — 

Nous  n'avons  pas  à  discuter  ici  le  plus  ou  moins  d'authenticité  de 
chaque  détail.  Les  documents  qui,  en  dehors  de  Montpellier,  ont  servi 
à  établir  la  Vaticane,  pouvaient  avoir  raison  à  l'égal  de  Montpellier. 
Peut-être  même  sur  l'emploi  ou  le  rejet  du  si  \>  y  a-t-il  eu  une  certaine 
liberté  dès  les  premières  origines.  Ce  qui  ressort,  tout  au  moins  iné- 
luctablement, c'est  qu'une  chose  sur  laquelle  les  documents  s'entendent 
si  peu  en  pratique,  devait  avoir  en  théorie  une  bien  petite  importance, 
et  certainement  pas  celle  d'être  à  la  base  d'un  système  de  modulation 
tonale.  Du  reste  nous  avons  choisi  les  trois  introïts  ci-dessus  uniquement 
parce  qu'ils  se  trouvent  à  la  suite  l'un  de  l'autre  sur  la  même  page  de 
Montpellier.  Nous  pourrions  étendre  notre  enquête  à  l'ensemble  des 
pièces  du  répertoire,  et  aussi  à  l'ensemble  des  documents  divers.  A 
quelle  multiplication  dans  la  variante  n'arriverions-nous  pas  ainsi  !  Et 
alors,  encore  une  fois,  y  a-t-il  matière  à  hésiter?  Le  si  \>  n'apparaît-il 
pas  de  toute  évidence  comme  quelque  chose  de  véritable  accidentel, 
dans  le  sens  de  simple  chromatisme  d'attraction  ?  Dès  le  début  nous 


178 


Ca  tribune  îre  0atnt-<®mmi8i 


trouvons  partout  ce  si  \>,  mais  deux  fois  le  fa  n'est  pas  éloigné,  et  cela 
établit,  par  sa  répétition  habituelle  dans  les  intonations  similaires,  une 
formule  avec  si  \>  qui  se  maintiendra  tout  naturellement  même  pour 
les  cas  exceptionnels  où  le  fa  n'est  pas  exprimé.  C'est  donc  pour  éviter 
une  impression  de  rencontre  avec  \efa,  exprimé  ou  sous-entendu,  que  se 
bémolise  le  si.  Toutes  les  autres  fois  que, dans  une  version  ou  l'autre,  nous 
trouvons  si  f>,  le  fa  est  exprimé,  à  une  distance  plus  ou  moins  grande. 
Mais  le  caractère  accidentel,  précaire,  extrinsèque,  et  donc  nulle- 
ment tonal,  du  si  |?  est  clairement  démontré  dans  nos  exemples  par  la 
facilité  avec  laquelle  il  apparaît  et  disparaît  pour  une  même  note.  Chose 
plus  significative  encore  :  le  même  fait  se  présente  pour  les  cadences. 
Peut-on,  dans  ces  conditions,  parler  de  cadences  appartenant  à  une  tona- 
lité si  le  si  est  naturel,  à  une  autre  s'il  est  bémol  ?  La  vérité  est  que  les 
deux  cas  s'équivalaient,  au  point  de  vue  essentiel,  pour  les  gens  du 
moyen  âge,  et  donc  doivent  s'équivaloir  pour  nous.  Toute  la  différence 
venait  de  ce  que  l'aversion  pour  le  triton  prévalait  ou  ne  prévalait  pas 
sur  l'attirance  que  l'on  avait  pour  le  si  tj  normal. 

Nouvel  exemple  montrant  pour  le  mieux  le  caractère  précaire  du 
si  \>  grégorien.  Prenons  1' 'alléluia Hsec  est  virgo.  C'est,  à  n'en  pas  douter, 
un  mode  autonome  d'ut  à  finale  mi.  Cependant  une  fois,  par  extraordi- 
naire, le  si  est  bémolise.  Mais  vraiment,  parce  qu'un  fa  voisin  a  pu  inciter 
à  baisser  le  si,  peut-on  dire  que  la  tonalité  a  changé?  Bien  sûr  que  non, 
et  nous  ne  craignons  pas,  dans  l'accompagnement,  d'employer  le  si  b 
pour  préparer  la  cadence  en  do  sur  le  mi,  après  avoir  fait  entendre  le 
si  \>  un  peu  avant,  de  même  qu'en  chant  grégorien  le  si  tj  et  le  si  \> 
se  succèdent  à  de  brefs  intervalles,  parce  qu'il  n'y  a  pas  modulation 
véritable   de  l'un  à  l'autre.  Voici  le    mot  alléluia  où  apparaît  le  si  \>  : 


-_-le-TT"l-lu -_ 


VL 


KO» 


3 


se 


3> 


m  jj  rj  ^ 


B5 


Bn  si  bémol  grégorien  179 


Jusqu'ici  nous  avons  montré  que  le  si  \?  grégorien,  et  dans  l'ensei- 
gnement du  moyen  âge,  et  dans  les  documents  paléographiques,  se 
montre  absolument  réfractaire,  par  sa  qualité  de  simple  chromatisme 
d'attraction,  à  servir  de  base  à  un  système  de  modulation  tri-tonale. 
Pour  prouver  ce  système,  l'on  fait  sonner  bien  haut  des  «  équivalences 
modales  ».  Il  nous  reste  à  montrer  que  ces  «  équivalences  modales  », 
bien  loin  de  témoigner  en  faveur  d'un  plan  primitif  tri-tonal,  l'excluent 
positivement,  toutes  les  fois  que  les  versions  différentes,  et  appelées 
modalement  «  équivalentes  »,  sont  le  produit  d'une  altération  opérée  au 
cours  des  âges  par  suite  d'aversion  pour  le  triton. 

L'on  a  soin,  en  effet,  d'énumérer  une  multitude  impressionnante  de 
cas  où  tel  document  écrit  dans  un  mode,  tel  autre  dans  un  autre,  une 
même  pièce  ou  une  même  portion  de  pièce.  Et  l'on  raisonne  ainsi  : 
Puisque  le  mode  change  avec  l'écriture,  c'est  donc  qu'il  y  a  pour  tous 
les  modes  un  triple  substratum  commun  tonal.  Mais  si,  tout  au  contraire, 
la  cause  du  changement  d'écriture  se  trouve  dans  une  altération  provo- 
quée par  l'aversion  pour  le  triton,  alors  nous  est  confirmée  la  doctrine 
de  Guy  d'Arezzo  :  s'il  y  a  eu  aversion  pour  le  triton,  le  si  \>  n'est  que 
chromatisme  d'attraction,  par  suite  le  ton  de  fa  n'existe  pas,  et  donc 
pas  davantage  les  deux  autres. 

Prenons,  par  exemple,  X  Agnus  Dei  IV,  qu'on  nous  présente  comme 
une  des  multiples  «  équivalences  de  pièce  entière  ».  Il  est  bien  certain 
que  primitivement  cet  Agnus  Dei  était  chanté  en  7e  grégorien,  et  que, 
depuis  de  longs  siècles,  il  l'est  en  6e.  Quelle  est  la  cause  et  le  processus 
de  cette  métabole  modale  ?  La  cause  ?  L'aversion  pour  le  triton.  Le 
processus?  La  présence  réelle  d'un  fa  %  ajouté  tout  d'abord  au  fa  sans 
l'écrire  ;  puis,  plus  tard,  l'écriture  mi  fa  se  substituant  à  l'écriture  fa 
sol  et  à  l'exécution  réelle  fa  #  sol.  Mais  s'il  est  indéniable  que  le  fa  $  a 
souvent  été  entendu  au  moyen  âge,  si  les  auteurs  nous  parlent  assez  sou- 
vent d'une  note  qu'on  exécute  et  qui  «  n'existe  pas  »,  c'est-à-dire  ne 
figure  pas  sur  le  monocorde,  si  ce  fa  #  est  un  produit  de  l'aversion 
pour  le  triton  si  fc]  fa  dont  l'impression  se  faisait  trop  sentir  dans  Y  Agnus 
Dei  en  7e,  alors  de  quel  droit  vient-on  récuser  les  témoignages  médié- 
vaux en  faveur  de  cette  aversion  pour  le  triton  et  partant  du  caractère 
extrinsèque  du  si  \>  ? 

Mais  il  y  a  mieux  encore.  Les  «  équivalences  modales  »  témoignent, 
non  seulement  d'une  façon  indirecte  en  mettant  en  évidence  l'aversion 
pour  le  triton,  mais  aussi  souvent  d'une  façon  directe,  contre  un  système 


180  £a  tribune  îre  0amt-©m)at0 

tri-tonal  grégorien.  En  effet,  les  «  équivalences  modales  »  ne  pourraient 
prouver  de  soi  un  substratum  commun  tonal  préétabli,  qu'au  cas  où 
elles  laisseraient  toujours  intacte  l'apparente  identité  tonale  de  la 
forme  primitive  et  de  la  forme  altérée.  Or,  il  n'en  est  rien.  A  tout  bout 
de  champ  les  versions  diverses  amènent  des  apparences  tonales  toutes 
contraires.  Prenons,  par  exemple,  dans  Réginon  l'antienne  Hodie 
Christus.  Elle  a  pour  intonation  :  sol  la  si  tj.  Et,  comme  elle  est  attri- 
buée au  3e  mode,  sa  finale  est  :  mi  fa  sol  fa  mi  mi.  Plus  tard  Guy 
l'attribue  au  1er  mode  avec  intonation  :  fa  sol  la,  et  finale  :  ré  mi  fa 
mi  ré  ré.  L'altération  s'est  d'abord  produite  avec  intonation  :  sol  la 
si  \,  et  finale  mi  fa  %  sol  fa  %  mi  mi.  L'aversion  pour  le  triton  si  \ 
/tf  fc]  a  fait  diéser  le  fa.  Mais  la  version  fa  sol  la,  qui  est  entrée  dans 
l'écriture,  amenant  ainsi  un  si  \>  (ici,  à  cause  de  la  transposition,  essen- 
tiel, puisqu'il  représente  un  do  primitif)  ne  serait-elle  pas  en  ton  de  fa, 
si  ton  il  y  avait,  tandis  que  celle  de  Réginon  aurait  été  en  ton  de  do  ? 
Les  «  équivalences  modales  »  ne  prouvent  donc  rien  au  point  de  vue 
d'un  prétendu  plan  tonal  supposé  préétabli. 

On  le  voit,  le  système  tri-tonal  grégorien,  sous  des  apparences 
scientifiques,  par  rapport  à  nos  habitudes  d'analyse  moderne,  repré- 
sente un  bouleversement  total  des  réalités  historiques.  Pour  vouloir 
être  tonal,  il  cesse  d'être  modal,  en  ce  sens  qu'il  dénie  au  si  b]  le  droit 
d'être  seul  foncièrement  modal  dans  la  plupart  des  échelles  grégo- 
riennes. Il  est  basé  sur  le  quiproquo  déplorable  d'un  si  \>,  habituelle- 
ment simple  expédient  extrinsèque,  devenant,  à  l'égal  du  si  fc|,  la  carac- 
téristique d'un  ton  autonome. 

Dom  J.  Jeannin, 
O    S.  B. 


%xct)ives  et  Musiciens  181 


ARCHIVES  ET  MUSICIENS 

N'aimeriez-vous  pas  être  archiviste  ? 
Il  y  a  les  archivistes  de  profession  et  de  carrière,  officiels.  Avec 
un  soin  jaloux,  ils  veillent  sur  les  dépôts  publics  ;  avec  un  zèle  admi- 
rable, et  au  prix  de  quels  labeurs,  ils  «  inventorient  »,  classent,  analysent 
d'immenses  tas  poudreux.  On  sait,  —  on  ne  sait  peut-être  pas  assez,  — 
les  services  que,  travailleurs  eux-mêmes,  ils  rendent  à  tous  ceux  qui 
travaillent. 

Il  y  a  les  archivistes  d'occasion,  formés  aux  écoles  ou  autodidactes, 
qui,  pour  avoir  entrepris  d'étudier  quelque  point  d'histoire,  l'évolution 
de  quelques  institutions,  exploitent  les  fonds  connus,  où  ils  contrôlent 
leurs  sources,  flairent  des  rayons  inexplorés,  dans  l'espoir  de  quelque 
bonne  fortune. 

Et  il  y  a  les  archivistes  désintéressés,  fureteurs  par  goût,  hommes 
d'une  spécialité,  —  il  n'est  plus  permis  de  dire  :  d'une  marotte,  — 
capables  de  prendre  une  à  une  des  milliers  de  pièces  pour  y  relever 
tout,  uniquement,  ce  qui  concerne  l'objet  de  leur  passion.  La  Bruyère, 
s'il  écrivait  de  nos  jours,  ne  manquerait  pas  d'ajouter  leur  portrait  à 
ceux  de  l'amateur  de  tulipes  et  de  l'homme  du  monde  qui  sait  le  mieux 
l'heure  qu'il  est. 

Il  ne  faut  pas  rire  de  ces  spécialistes  amateurs,  collaborateurs  béné- 
voles des  vrais  savants.  A  moins  qu'ils  ne  se  fassent  trop  encombrants, 
les  savants  les  apprécient  et  recherchent  leur  concours.  Cela  pour  deux 
raisons. 

La  première  est  qu'un  même  travailleur,  si  heureux  qu'il  soit,  ne 
peut  pas  visiter  en  même  temps,  ni  même  l'un  après  l'autre,  tous  les 
dépôts  d'archives  de  la  capitale,  des  provinces  et  de  l'étranger.  Quel 
avantage  de  pouvoir  s'adresser  de  loin,  à  cet  amateur  clairvoyant  et 
d'information  sûre,  qui  verra  le  document  douteux,  produira  une 
pièce  révélatrice,  indiquera  le  détail  typique,  interprétera  plus  d'une 
énigme. 

L'autre  raison,  c'est  que  le  plus  grand  savant  du  monde  ne  peut  pas 
tout  savoir.  Or  il  y  a  de  tout  dans  les  archives,  et  leur  mise  en  œuvre 
ne  peut  résulter  que  d'une  collaboration  de  compétences.  Pour  nous 
en  tenir  à  la  musique,  que  de  choses  passent  inaperçues  jusqu'à  ce 
qu'elles  tombent  sous  les  yeux  d'un  musicien.  A  condition  que  ce  musi- 


182  Ca  tribune  îre  0amt-(®m)atô 

cien  soit  aussi  musicologue,  liturgiste,  et  au  courant  de  l'histoire  locale. 
Cela  fait  bien  trois  hommes  pour  une  seule  tâche. 

Or  voici  où  je  veux  en  venir.  Quiconque  a  tant  soit  peu  d'aptitude 
pour  ce  genre  de  travail,  et  tant  soit  peu  de  loisirs,  devrait,  dans  nos 
provinces,  explorer  les  archives  publiques  et  privées  qu'il  a  à  sa  portée; 
revoir  ce  qui  a  déjà  été  étudié,  chercher  de  l'inédit,  signaler  soit  aux 
archivistes  officiels,  soit  aux  musicologues  connus,  soit  aux  sociétés 
savantes,  tout  ce  qui  semble  avoir  un  intérêt,  même  médiocre,  pour 
l'histoire  de  la  musique.  Un  détail  qui  paraît  insignifiant  peut  parfois 
constituer  une  contribution  appréciable  à  d'importants  travaux.  Si  on 
osait,  en  pareille  matière,  citer  un  mot  de  l'Evangile,  ce  serait  le  cas  de 
rappeler  le  précepte  :  Colligite  fragmenta,  ne  pereant.  On  dit  que  saint 
François  recueillait  soigneusement  les  débris  de  manuscrits  qu'il  voyait 
traîner  à  terre.  Voilà  un  patron  tout  trouvé  pour  notre  confrérie. 

Organistes,  maîtres  de  chapelle,  professeurs  de  musique,  amateurs 
en  quête  d'occupations,  que  de  personnes  pourraient  fournir  ainsi  de 
l'excellent  travail.  Tel  manuscrit  que  je  connais,  a  été  feuilleté,  au  cours 
des  trois  derniers  siècles,  par  les  mains  les  plus  expertes  :  personne 
n'a  jamais  signalé  exactement  son  contenu  musical.  Un  jour,  quelqu'un 
me  dit  :  «  Il  y  a,  dans  ce  volume,  des  sortes  de  chants  bizarrement 
notés  ;  ce  doit  être  la  messe  des  morts.  »  La  messe  des  morts,  ce  n'est 
pas  très  engageant;  par  acquit  de  conscience,  j'y  allais  voir.  L'heureuse 
trouvaille  :  les  Offices  de  saint  Winnoc  et  de  saint  Oswald1! 

Des  offices  notés,  en  entier  ou  par  fragments,  des  variantes  de  textes, 
des  chansons,  des  traités,  des  partitions,  des  contrats...  vous  en  trou- 
verez partout,  rares  ici,  ailleurs  à  foison.  Mais  partout  il  y  a  quelque 
chose  à  prendre,  jusque  sur  les  chemises  des  dossiers,  sur  le  dos  des 
reliures,  jusque  dans  la  charpente  et  le  mécanisme  des  orgues...  Car 
on  sait  à  quels  usages  a  servi  le  parchemin  de  nos  vieux  livres. 

* 
*  * 

Pour  convaincre,  et  pour  aider,  ceux  qui  voudraient  tenter  de  telles 
expériences,  qu'il  me  soit  permis  de  leur  indiquer  comment  ils  peuvent 
s'y  prendre,  et  à  quels  résultats  ils  arriveront. 

D'abord,  ayons  beaucoup  de  modestie  et  de  savoir-vivre.  On  ne  s'en 
va  pas,  tambour  battant,  sommer  un  archiviste  de  vous  mettre  en  mains 

1.  Voir  :  La  Tribune  de  Saint- Gervais,  janvier-mai  1908.  Le  Comité  Flamand  de 
France  a  publié  une  reproduction  du  manuscrit  (xic  siècle)  de  ces  Offices,  avec  une  Intro- 
duction et  une  transcription.  (Annales,  1926.) 


%rci\ivtB  et  MvLBkitns  i83 

toutes  les  pièces  de  son  dépôt.  Il  faut  se  faire  connaître,  avoir  ses  réfé- 
rences et  ses  recommandations.  Vous  serez  accueilli  toujours  avec 
égards,  mais  avec  méfiance.  On  hésitera  à  vous  confier  des  documents 
précieux,  même  un  à  la  fois.  Vous  serez  surveillé,  contrôlé.  Ne  mon- 
trez pas  d'impatience,  ne  faites  pas  mine  de  réclamer,  ou  vous  êtes 
perdu.  Comprenez  qu'au  surplus,  si  vous  êtes  modeste,  on  vous  aidera 
à  chaque  pas  difficile.  Si  vous  avez  fait  le  fier,  on  vous  laissera  patauger, 
et  ce  sera  bien  mérité. 

Commencez  par  un  travail  précis,  facile  et  court.  Par  exemple, 
l'examen  détaillé  d'un  manuscrit  déjà  décrit,  d'une  pièce  cataloguée. 
Vous  trouverez  probablement  des  détails  non  signalés,  qui  peuvent 
avoir  à  présent  une  importance  qu'on  ne  soupçonnait  pas  jadis.  Vous 
trouverez  des  descriptions  à  rectifier,  des  analyses  à  refaire.  Vous  con- 
staterez parfois  que  tel,  qu'on  cite  comme  une  autorité,  a  parlé  longue- 
ment d'un  texte  qu'il  n'a  pas  lu,  comme  qui  rendrait  compte  d'un 
ouvrage  d'après  la  table  des  matières. 

Ainsi  vous  vous  ferez  la  main  et  vous  vous  poserez.  Bientôt  on 
vous  fera  crédit.  On  aura  recours  à  vous,  on  vous  signalera  les  pièces 
intéressantes,  on  vous  les  apportera  sans  que  vous  les  demandiez. 

Vous  aurez  quelques  surprises  et  quelques  déboires.  Avez-vous 
pensé  trouver  un  nom  dans  un  obituaire  :  cet  obituaire  n'est  qu'un 
presbyterium,  une  collection  de  ces  feuilles  qu'on  affiche  encore  dans 
les  sacristies  pour  indiquer  les  offices  de  la  semaine.  Vous  voulez  con- 
sulter un  missel,  ce  missel  est  un  collectaneum.  Vous  êtes  à  l'affût  de 
musique  allemande  :  l'inscription  que  porte  une  farde  vous  inspire 
confiance  ;  hélas  !  vous  trouverez  bien  une  «  chaconne  pour  la  flûte 
allemande  »  ;  mais  cela  ne  vous  avance  guère. 

Par  contre,  consultez  les  testaments,  les  comptes  de  tout  genre,  les 
inventaires  les  plus  variés,  toutes  les  pièces  enfin  où  on  s'attendrait  le 
moins  à  voir  de  la  musique  ;  et  pas  une  de  vos  séances  ne  s'achèvera 
sans  que  vous  n'ayez  récolté  quelque  détail  de  réel  intérêt. 

Alors  vous  serez  le  premier  à  en  jouir  et  à  en  profiter.  On  apprend 
mal  l'histoire  dans  les  livres.  Les  pièces  d'archives  ressuscitent  le  passé, 
qui  vous  apparaît  tout  vivant.  Vous  voyez  comment,  en  1447,  Philippe- 
le-Bon  fait  l'achat  pour  sa  chapelle  domestique  «  d'un  livre  plein  de 
nouvelles  chanteries  comme  messes,  motets...  »  Vous  voyez  ce  qu'on 
paie  à  «  Pierre  Alamir,  aimant,  écrivain  de  livres  de  musique  »  pour 
«  un  grand  livre  de  musique,  où  sont  plusieurs  messes  et  autres  choses 
servant  au  service  divin  que  l'on  fait  tous  les  jours  dans  la  chapelle 
domestique...  »   (Arch.  dép.    Nord.  B.  2181,  fol.  132).  Ce   qu'on  paie, 


184  #ft  tribune  îre  £ahrt-<®enmtô 

en  1507  «  à  seize  compagnons  chantres  et  quatre  petits  enfants  en  la 
chapelle  domestique  de  Mgr  l'Archiduc,  chantant  journellement  en  dis- 
cant  les  hautes  et  basses  messes  et  les  heures  du  jour...  »  (B.  2207, 
fol.  301.)  Et  ceci  :  «...  Au  fol  de  madame  de  Likerke...  pour  avoir  joué 
plusieurs  chansons  sur  l'espinette  et  le  manicordion,...  et  fait  plusieurs 
autres  folies  pour  le  passe-temps  de  mon  dit  Seigneur.  »  (B.  2185,  fol. 
153  v°.) 

Vie  liturgique,  vie  domestique,  mœurs  et  coutumes,  idées  et  modes  ; 
et  la  place  de  la  musique,  tant  que  sacrée  que  profane,  dans  tout  cela  : 
telles  sont  les  scènes  qui  sont  évoquées,  d'une  manière  parfois  saisis- 
sante, au  hasard  des  rencontres  ;  et  bientôt  ce  n'est  plus  au  hasard;  car 
un  peu  d'usage  fait  pressentir  d'instinct  les  sources  qui  donnent. 

Plus  instructives  sont  les  pièces  très  diverses  qui  se  rapportent  au 
fonctionnement  des  institutions  musicales  :  écoles,  chapelles,  maîtrises, 
chapitres  même.  Ici  des  noms  de  chantres  ou  de  maîtres  ;  là  des  noms 
d'enfants  de  chœur  avec  la  mention  de  leurs  premiers  essais  de  compo- 
sition ;  ailleurs  des  inventaires  de  bibliothèques  musicales,  ou  le  réper- 
toire du  chœur  de  telle  église  à  une  époque  donnée.  Et  si  vous  tombez 
sur  les  pièces  d'un  procès,  d'une  expertise,  d'une  transaction,  lisez,  lisez 
jusqu'au  bout  :  c'est  là  que  vous  vous  instruirez  le  plus  et  le  mieux. 

Vous  passerez  ainsi  des  heures  charmantes  et  utiles.  Utiles  à  vous- 
même,  utiles  au  public  et  aux  savants.  Car  vous  ferez,  je  le  répète,  des 
découvertes  :  textes  inédits,  ou  inconnus;  nouveaux  noms  de  compo- 
siteurs, nouveaux  détails  sur  la  manière  d'exécuter  certaines  œuvres. 
Vous  pourrez  contribuer  à  faire  disparaître  certaines  légendes;  trou- 
ver peut-être  l'origine  de  certains  usages  locaux;  indiquer  le  lien  qui 
unit  des  textes  ou  des  faits,  dont  on  aperçoit  bien  l'analogie,  mais  dont 
on  ne  voit  pas  les  rapports.  Vous  pourrez  indiquer  comment  une  mélo- 
die, une  variante,  a  passé  d'une  région  à  une  autre.  Vous  procurerez 
parfois  à  des  savants  la  joie  de  voir  leurs  conjectures  vérifiées.  Rien 
n'est  plus  glorieux. 

Vous  pourrez  surtout  appliquer  à  l'histoire  locale  les  lois  de  l'his- 
toire générale.  Vous  montrerez,  par  exemple,  comment  en  tel  diocèse, 
en  tel  chapitre,  les  règlements  ecclésiastiques  sur  la  musique  ont  été 
observés  ou  négligés;  à  quelles  réformes  musicales  ont  donné  lieu  les 
décrets  du  Concile  de  Trente;  comment  on  a  compris  alors  l'esprit  et 
la  lettre  des  lois  sur  la  musique  sacrée.  Et  vous  comparerez  avec  la 
réforme  de  1903. 

(A  suivre.)  Abbé  P.  Bayart. 


€es  chansons  populaires  fre  la  Serbie  i85 


LES  CHANSONS  POPULAIRES  DE  LA  SERBIE. 


L 


I 

es  peuples  slaves  sont,  parmi  l'Europe,  ceux  dont  les  chansons 
populaires  ont  le  plus  grand  caractère  d'originalité  ethnique.  La 
sève  musicale  y  est  abondante  et  savoureuse,  plus  qu'en  aucun  autre 
pays.  On  sait  quelle  est  la  beauté  mélodique,  aussi  bien  que  l'aspect 
particulier,  des  chansons  russes.  Celles  de  la  Pologne,  produits  d'une 
race  affinée,  ne  leur  cèdent  guère  en  mérite.  Celles  des  pays  tchèques, 
bien  qu'ayant  subi  déjà  l'influence  de  l'Occident,  sont  d'une  abon- 
dance et  d'une  vitalité  rares.  Et  lorsqu'on  arrive  chez  les  Slaves  du 
Su(j  _  Ces  peuples  dont  la  réunion  constitue  aujourd'hui  le  royaume 
des  Serbes,  Croates  et  Slovènes,  autrement  dit  l'État  Iougo-slave,  — 
l'on  constate  dans  leur  folklore  musical  une  richesse,  une  vitalité,  une 
spontanéité,  une  physionomie  propre,  qui  en  rendent  l'étude  plus 
intéressante  encore  que  celle  des  chants  d'aucun  autre  pays. 

La  Serbie  a  été  longtemps  pour  nous,  placés  à  une  autre  extrémité 
de  l'Europe,  une  sorte  de  terra  incognita,  au  moins  à  l'égard  de  l'inti- 
mité de  la  vie  populaire.  Ayant  jadis,  et  jusqu'au  cours  du  moyen  âge, 
marché  de  pair  avec  le  reste  de  l'Europe  intellectuelle,  elle  a  subi  une 
catastrophe  —  l'invasion  des  Turcs  —  qui  a  réduit  toute  sa  population 
presque  à  l'état  barbare,  fait  régresser  la  civilisation  et  ramené  les 
habitants  d'un  royaume  jadis  prospère  à  l'état  d'un  peuple  primitif.  Les 
vaincus  se  réfugièrent  dans  leurs  pauvres  villages,  dans  des  maisons 
isolées,  au  creux  des  vallées,  sur  les  sommets  des  monts,  s'écartant 
autant  qu'il  était  possible  de  l'oppresseur,  auquel  ils  ne  pensaient  que 
pour  essayer  d'en  tirer  vengeance;  et  dès  lors  ce  furent  cinq  siècles 
durant  lesquels  la  Serbie  a  vécu  en  dehors  du  mouvement  civilisateur 
du  monde.  Ceux  mêmes  à  qui  aurait  dû  incomber  la  mission  de  don- 
ner l'instruction  au  peuple  étaient  aussi  ignorants  que  lui.  Des  prêtres 
disaient  la  messe  et  récitaient  les  prières  par  cœur,  par  la  raison  qu'ils 
ne  savaient  pas  lire.  Conditions  d'existence  évidemment  funestes  au 
développement  d'un  État,  mais,  en  revanche,  si  le  peuple  qui  les  subit 
ne  se  laisse  pas  abattre,  favorables  à  la  conservation  des  qualités  natives 

de  la  race. 

Si  la  chanson  populaire  est  vraiment,  comme  on  l'a  défini,  l'art  des 


186  £a  tribune  îre  0amt-(ften)atô 

illettrés,  nulle  part  elle  n'eût  pu  mieux  prospérer  que  dans  un  pays  où 
les  hommes  les  plus  cultivés  ne  savaient  même  pas  lire.  Quand,  par 
surcroît,  ce  pays  est  habité  par  un  peuple  à  l'imagination  vive,  à  l'âme 
ardente,  il  est  sûr  que  les  aspirations  diverses  qu'il  porte  en  lui  s'épan- 
cheront en  un  flot  de  lyrisme.  En  effet,  la  chanson  populaire  des  Serbes, 
ou,  pour  mieux  dire,  de  toute  la  collectivité  des  Slaves  du  Sud,  est  un 
trésor  de  la  plus  grande  richesse  et  de  la  qualité  la  plus  pure.  On  le 
verra  bien  lorsque,  par  quelques  spécimens,  on  en  aura  perçu  le  sen- 
timent poétique  et  goûté  la  saveur  musicale. 

Mais  d'abord  arrêtons-nous  un  instant  sur  certaines  particularités 
propres  aux  caractères  mélodiques  de  ces  chansons. 

L'on  trouvera  en  elles  un  air  de  famille  commun  aux  divers  peuples 
slaves,  avec,  en  plus,  certains  traits  par  lesquels  il  apparaît  que  l'on 
approche  de  l'Orient.  Faut-il  conclure  de  cette  dernière  observation  à 
une  influence  des  Turcs  ?  Cela  est  peu  probable.  Le  Turc  a  toujours 
été,  pour  le  Serbe,  l'ennemi,  l'envahisseur,  qu'il  fallait  chasser  et  se 
garder  de  prendre  pour  modèle,  même  dans  ses  chants.  Admettons 
plutôt  que  le  voisinage  d'autres  contrées  et  d'autres  races  a,  par  simples 
infiltrations,  exercé  son  action  sur  le  génie  mélodique  des  Slaves  du 
Sud.  Au  reste,  les  autres  Slaves  ne  sont  pas  toujours  étrangers  à  ces 
pratiques  du  chant. 

Ces  particularités  consistent  en  l'emploi  de  quelques  gammes  diffé- 
rentes de  celles  de  l'Occident  et  du  Nord,  aussi  bien  des  modes  grecs 
ou  grégoriens  que  du  majeur  et  du  mineur  modernes.  La  tonalité  des 
mélodies  ainsi  conçues  peut  parfois  nous  sembler  vague  :  c'est  que  nous 
sommes  habitués  à  donner  à  la  finale  une  importance  prépondérante  ; 
or,  dans  ces  mélodies,  la  finale  est  souvent  placée  sur  un  tout  autre 
degré  que  la  tonique  ou  la  dominante  ;  mais  cela  n'empêche  point,  si 
l'on  veut  étudier  attentivement  leur  contexture,  que  le  sentiment  tonal 
s'en  dégage  très  normalement.  En  fait,  ces  cadences,  lorsqu'elles  ne 
tombent  pas  sur  la  tonique,  s'effectuent  le  plus  souvent  sur  le  second 
degré  du  ton,  appelant  harmoniquement  l'accord  de  dominante.  En 
outre,  les  chants  serbes  font  un  usage  fréquent  de  l'intervalle  de  se- 
conde augmentée,  placé  entre  le  3e  et  le  4e  degré,  ou  le  6e  et  le  7e  (notes 
modales)  de  la  gamme  mineure,  ce  que  l'on  est  convenu  d'appeler  le 
chromatique  oriental.  L'usage  de  ces  procédés  donne  aux  chants  des 
Slaves  du  Sud  une  physionomie  particulière  et  une  grande  originalité. 

Mais  avant  d'essayer  de  connaître  ces  chansons  populaires  elles- 
mêmes,  il  faut  nous  arrêter  sur  quelque  chose  de  très  intéressant  et 
de  vraiment  rare. 


4>0  ri)cut00it0  populaires  J&re  la  Serbie  187 

La  Serbie  a  conservé  l'usage  de  chants  épiques  qui,  autant  qu'on 
en  puisse  juger,  semblent  se  rattacher  à  ses  traditions  les  plus  loin- 
taines. Ce  n'est  sans  doute  pas  abuser  des  rapprochements  historiques, 
des  considérations  de  voisinage,  des  lieux,  de  leur  nature,  de  leur 
esprit,  que  d'évoquer  à  leur  propos  le  souvenir  des  rapsodies  homé- 
riques. Des  gens  du  peuple  récitent  ces  poèmes  et  les  chantent,  s'ac- 
compagnant  sur  la  Guzla,  sorte  de  lyre  rustique,  violon  primitif  à 
la  caisse  bombée,  montée  d'une  seule  corde  que  frotte  un  archet 
recourbé.  Les  notes  que  fait  résonner  cette  corde  unique  n'excèdent 
pas  l'intervalle  de  quarte,  mais  peuvent  se  succéder  par  demi-tons. 
Quant  au  chant  accordé  tant  bien  que  mal  avec  cet  accompagnement, 
il  n'est  qu'une  mélopée,  très  libre,  syllabique,  proférée  avec  rapidité, 
glapie,  pourrait-on  dire,  par  la  voix,  qui  commence  à  l'aigu,  mais  passe 
à  tout  instant,  sans  transition,  par  larges  intervalles,  au  grave,  puis 
remonte,  répétant  souvent,  vers  par  vers,  une  formule  de  psalmodie 
monotone,  en  change  sans  cause  apparente,  et  ne  s'arrête  qu'à  la  fin 
de  la  laisse,  sans  autre  raison  musicale  si  ce  n'est  que  le  récit  est  achevé. 
L'instrument,  saccadant  toujours  ses  quelques  notes,  les  entremêle, 
entre  les  vers,  de  trilles  et  d'ornements  multipliés. 

Sur  cette  musique  extrêmement  fruste  sont  prononcés  les  vers  de 
l'épopée  nationale.  Ce  sont  les  récits  de  la  bataille  de  Kossowo,  la 
funeste  journée  où  la  Serbie  perdit  son  indépendance,  ou  ceux  des 
exploits  des  héros  nationaux  et  légendaires  :  Miloch,  type  de  l'honneur 
serbe ,  Marco  Kraliévitch,  le  Roland  de  la  Serbie,  de  qui  des  rapsodies 
nombreuses  ont  chanté  la  carrière  aventureuse  et  longue,  car  il  a  vécu 
trois  cents  années,  passées  pour  la  plus  grande  partie  en  chevauchées 
sur  son  coursier  Charatz,  fidèle  compagnon  de  ses  dangers,  et  aussi  de 
ses  bonnes  fortunes  ;  l'heure  du  repos  venue,  l'on  voyait  l'homme  et 
le  cheval  deviser  familièrement  et  boire  ensemble  du  bon  vin. 

Aussi  bien  les  guzlars  ne  se  croient-ils  pas  obligés  à  ne  chanter  que 
des  histoires  de  l'ancien  temps  :  leur  répertoire  épique  s'est  renouvelé 
de  siècle  en  siècle,  et  il  nous  est  advenu,  pendant  la  dernière  guerre, 
d'entendre  l'un  d'eux  chanter  les  événements  de  la  guerre  balkanique 
de  1912.  Nul  doute  qu'aujourd'hui  les  batailles  de  1914  à  1918  forment 
déjà  les  sujets  de  nouveaux  chants. 

En  raison  de  l'incertitude  de  leur  forme,  il  est  très  difficile  de  fixer 
par  la  notation  ces  chants  à  la  Guzla.  Ayant,  à  une  époque  qui  avait 
amené  à  Paris  les  soldats  de  l'armée  serbe,  eu  l'occasion  d'en  entendre 
dire  à  quelques-uns  d'entre  eux,  je  me  suis  appliqué  à  les  écouter,  à  en 
distinguer  les  formes,  à  en  noter  les  moindres  détails.  Pour  tout  dire, 


188 


Ca  tribune  ire  #antt-<&mmt£ 


le  résultat  obtenu  ne  saurait  être  donné  comme  né  varietur.  L'on  ne 
lira  jamais  deux  fois  la  même  transcription  d'un  chant  à  la  Guzla,  l'on 
ne  l'entendra  pas  lui-même  deux  fois  identique,  par  la  raison  que  les 
chants  de  cette  sorte  sont  plus  qu'à  demi  improvisés,  et  que  par  consé- 
quent il  est  impossible  qu'ils  soient  reproduits  plusieurs  fois  de  suite 
de  la  même  façon.  Mais  ces  improvisations  sont  basées  sur  des  for- 
mules, soit  vocales,  soit  instrumentales,  qu'il  est  possible  de  dégager, 
au  moins  par  approximation,  d'autant  mieux  qu'elles  se  répètent  sou- 
vent au  cours  du  même  récit.  La  transcription  qu'on  va  lire,  établie 
non  sans  peine,  semble  donner  une  idée  exacte,  autant  qu'on  peut  l'ob- 
tenir, de  ces  psalmodies,  dont  le  souvenir  mérite  d'être  conservé,  sinon 
à  cause  de  leur  valeur  musicale  intrinsèque,  du  moins  comme  document 
d'une  extrême  rareté  et  témoignage  précieux  d'une  tradition  populaire 
dont  l'origine  remonte  peut-être  à  l'antiquité  la  plus  vénérable. 

Ces  chants  narratifs  commencent  par  un  long  prélude  de  l'instru- 
ment, jouant  seul,  répétant  des  dessins  de  quelques  notes  :  ceux  que  la 
notation  ci-dessous  enfermera  entre  des  barres  et  des  points  doivent 
être  repris,  non  pas  seulement  une  seconde  fois,  mais  un  grand  nombre 
de  fois  successives.  Puis  la  voix  entre,  commençant  à  l'aigu,  sur  un 
dessin  de  notes  liées;  se  calmant  peu  à  peu,  elle  fait  succéder  l'une  à 
l'autre,  suivant  l'ordre  des  vers,  diverses  formules  récitatives.  La  Guzla 
ne  cesse  pas  de  l'accompagner  par  son  rythme  obstiné,  tantôt  doublant 
le  chant,  tantôt  le  laissant  s'échapper  à  l'aigu  ou  au  grave  à  l'écart  des 
quelques  notes  qui  constituent  tout  son  ambitus,  le  soutenant  parfois 
en  répétant  indéfiniment  la  même  note,  semblable  au  ronronnement 
d'un  bourdon  de  cornemuse. 

Le  Guzlar  commence  ainsi  son  long  et  monotone  prélude  : 


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Après  avoir  recommencé  et  varié  à  l'infini  ces  quelques  notes  sur 
ce  rythme  de  noires  et  de  croches  entremêlées  d'ornements,  il  enchaîne 
soudainement  avec  le  chant  : 


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Les  formules  psalmodiques  se  précisent  peu  à  peu  et  se  répètent 
plusieurs  fois  sur  les  vers  successifs,  tandis  que  l'instrument  continue 
inexorablement  à  scander  sa  fondamentale,  ou  parfois,  quand  l'occasion 
s'en  oftre,  double  la  voix  : 


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Vers  le  milieu  de  la  laisse,  la  voix  aime  à  sechapper  et  retombe 
au  grave  : 


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D'autres  formules  répétées,  plus  ou  moins  semblables  aux  précé- 
dentes, apparaissent  ;  puis  une  accélération  du  mouvement,  la  multipli- 
cation des  croches  sur  les  syllabes  chantées,  annoncent  une  conclusion, 
qui  s'opère  ainsi  qu'il  suit,  sur  un  mouvement  symétrique  à  celui  de 
l'attaque1  : 


1.  En  examinant  ces  notations,  par  lesquelles  on  voit  l'instrument  et  la  voix  se  super- 
poser en  développant  chacun  une  ligne  vaguement  dépendante  de  l'autre,  il  nous  vient 
à  l'esprit  un  rapprochement  qu'il  peut  être  particulièrement  intéressant  de  signaler  à  la 
Tribune  de  Saint-Gervais .  Dans  l'Organum,  ainsi  que  nous  en  pouvons  juger  d'après 
les  exemples  laissés  par  Hucbald  et  Guy  d'Arezzo,  la  partie  principale  énonçait  son  chant 
donné  tandis  que  la  voix  organale,  la  suivant  à  intervalles  plus  ou  moins  rapprochés 


192  Ca  tribune  îre  0ahtt~(®m)at5 

Ce  n'est  pas,  redisons-le,  pour  ses  qualités  vraiment  musicales,  que 
nous  avons  reproduit  cette  psalmodie  épique,  mais  parce  qu'elle  con- 
stitue un  document  vraiment  unique,  que  la  Serbie,  à  l'heure  actuelle, 
est  le  seul  pays  à  pouvoir  nous  offrir.  D'autres  pourront  épiloguer  sur 
ces  formes  mélodiques,  où  le  demi-ton  occupe  une  large  place,  et  con- 
clure à  des  pratiques  de  chromatisme  sur  lesquelles  ils  trouveront  évi- 
demment à  disserter  s'ils  le  veulent  :  nous  leur  en  laissons  le  soin 
et  ne  les  suivrons  pas  dans  cette  voie,  constatant  simplement  que 
ce  chromatisme  n'est  que  le  résultat  artificiel  de  l'usage  d'un  agent 
sonore  dont  les  ressources  sont  si  restreintes  que,  s'il  n'était  pas  em- 
ployé, l'instrument  en  serait  réduit  à  deux  notes,  trois  au  plus,  et  que 
cette  raison  pratique,  indépendante  de  tout  principe  et  de  toute  théo- 
rie, est  la  cause  unique  de  cette  particularité  tonale.  Notons  en  tout  cas 
que  cette  division  des  sons  sur  la  corde  de  la  Guzla  ne  va  jamais  jus- 
qu'à les  partager  en  intervalles  plus  petits  que  le  demi-ton  et  que,  par 
conséquent,  s'il  est  permis  de  parler  de  chromatique,  la  notion  de  l'en- 
harmonique reste  totalement  hors  de  place  ici,  le  quart  de  ton,  ou  le 
tiers,  étant  complètement  étrangers  à  la  pratique  de  la  Guzla. 

(A  suivre.)  Julien  Tiersot. 


(n'excédant  pas  celui  de  quarte)  l'accompagnait,  restant  habituellement  au-dessous  d'elle, 
parfois  répétant  la  même  note  sans  sembler  pouvoir  descendre  plus  bas  qu'un  certain 
son  (sans  doute  la  limite  au  grave  de  l'instrument);  cependant  le  chant  poursuivait  son 
dessin  mélodique,  sans  craindre  les  croisements  sous  la  partie  accompagnante.  C'est, 
avec  des  différences  de  style,  mais  une  grande  analogie  dans  le  procédé  (la  principale 
de  ces  différences  est  dans  le  plus  grand  espacement  des  parties)  ce  que  nous  devons  de 
voir  reproduire  dans  ces  chants  récitatifs  de  l'épopée  serbe.  Nous  n'en  saurions  être 
surpris,  étant  donné  la  nature  primitive  de  l'une  et  l'autre  conception,  produit  des  vieux 
âges,  et  d'où  devait  résulter  de  part  et  d'autre  l'emploi  instinctif  des  mêmes  moyens. 


îtotre  Supplément  193 


NOTRE   SUPPLÉMENT 

Stirps  Jesse,  motet  à  une  voix  (xie  siècle). 

Voilà  un  exemple  authentique  de  motet  «  grégorien  »,  œuvre  du  xie  siècle  ou  du 
début  du  xiie,  la  plus  ancienne  peut-être  du  genre,  restituée  d'après  les  riches  manuscrits 
de  l'Ecole  Limousine. 

Sur  une  lente  basse  d'orgue,  dont  la  «  teneure  »  est  empruntée  au  Benedicamus 
des  Ies  Vêpres  solennelles,  lui-même  transcription  du  flos  Filius  ejus  de  Fulbert  de 
Chartres,  un  compositeur  anonyme  a  écrit  le  déchant  fleuri,  avec  des  paroles  qui  glosent 
l'original. 

Pour  Noël,  nos  lecteurs  goûteront  tout  le  charme  de  cette  pièce  primitive  et  fraîche. 

Il  est  né,  le  divin  enfant,  à  4  voix  mixtes,  par  J.  Samson. 

Type  de  Noël  populaire,  encore  qu'il  ne  soit  pas  du  nombre  des  «  anciens  »  Noëls,  ce 
chant  a  fait  l'objet  d'une  écriture  aussi  solide  que  délicate  et  exquise,  dans  la  réalisation 
d'un  canon,  et  l'utilisation  de  motifs  grégoriens  du  jour,  par  notre  excellent  collabora- 
teur J.  Samson. 

Nous  avons  publié,  dans  la  Petite  Maîtrise  de  septembre  1928,  une  réduction  de 
cette  pièce,  pour  une  et  deux  voix  avec  orgue. 

A  la  venue  de  Noël,  symphonie  instrumentale,  par  M.-A.  Charpentier  (f  1704). 

Ce  célèbre  compositeur  parisien,  élève  de  Carissimi,  a  laissé  une  série  d'exquis 
«  Noëls  sur  les  instruments  »,  composés  soit  pour  l'Abbaye-aux-Bois,  soit  pour  le  Collège 
des  Jésuites  (église  Saint-Paul-Saint-Louis  actuelle),  soit  enfin  pour  la  Sainte-Chapelle, 
de  1680  à  1704.  Du  cahier  de  ces  pièces  faciles  et  charmantes,  dont  les  Éditions  Musicales 
de  la  Schola  préparent  la  publication,  nous  détachons  ici  la  première,  qui  rendra  service 
pour  les  réunions  de  patronage  ou  pour  la  Messe  de  Minuit. 

Cantique  de  Pâques,  à  4  voix  mixtes,  de  Paul  Berthier. 
Pâques  est  loin  de  Noël  !  Toutefois,  pour  permettre  de  préparer  d'avance  la  solen- 
nité de  ce  grand  jour,  nous  sommes  heureux  de  publier  dès  aujourd'hui,  ce  pieux  et  beau 
cantique  de  MIIe  Marie  Noël,  à  la  fois  poète  et  mélodiste,  cantique  délicatement  harmo- 
nisé à  4  voix  mixtes  par  notre  ami  Paul  Berthier. 

A.  G. 


194  £ft  tribune  &e  0atnt-©ertjat0 


LE  MOUVEMENT  LITURGIQUE  ET  MUSICAL 

L'ACTION  LITURGIQUE 
UNION  DES  MAITRES  DE  CHAPELLE  ET  ORGANISTES 

A  propos  des  deux  notes  (Petite  Maîtrise  et  Tribune)  relatives  au  concert  où  fut 
exécuté  le  Stabat  de  Rossini,  au  Trocadéro,  l'aimable  confrère  qu'est  B.  Loth  nous 
adresse  une  longue  missive,  à  titre  amical  et  sous  sa  responsabilité  —  nous  dit-il  — 
a  mais  d'accord  avec  les  organisateurs  du  concert  du  3  mai.  »  Du  grief  élevé  contre  eux 
ces  «  organisateurs  »  se  sont  émus  —  et  c'est  une  preuve  que  la  critique  porte  quand 
elle  est  sincère  et  s'adresse  à  des  gens  intègres;  mais  ils  se  défendent  avec  B.  Loth,  de 
l'avoir  mérité  ;  il  faut  voir. 

D'abord,  nous  dit  B.  Loth,  PU.  M.  C.  O.  «  n'est  en  rien  responsable  de  tout  ce  qui 
concerne  le  concert  du  3  mai.  Ce  concert  n'a  pas  été  organisé  par  l'Union,  mais  par 
deux  amis  de  l'Union  qui  sont  venus  simplement  lui  dire  un  jour  :  «  Nous  voulons  faire 
quelque  chose  pour  la  Caisse  de  secours,  nous  avons  l'intention  d'organiser  un  concert 
à  son  profit  ».  On  accepta  l'offre,  «  à  la  condition,  très  sage,  que  l'Union  n'encourrait 
aucun  risque  financier,  qu'elle  n'aurait  qu'à  recevoir  les  bénéfices.  »  Satanée  question 
d'argent!  Faisons-lui  sa  part.  Des  besoins  de  sa  Caisse  de  secours,  de  l'urgence  qu'ils 
imposaient,  l'U.  M.  C.  O.  est  meilleure  juge  que  nous.  Toutefois,  pour  être  complètement 
«  sage  »,  l'Union  aurait  dû,  à  notre  avis,  tenir  au  spirituel  autant  qu'au  matériel  qui  la 
rendait  prévoyante  et  prudente.  Notre  confrère  le  sent  et  il  s'efforce  de  justifier  l'Union 
à  la  merci  des  moyens  offerts,  à  cette  date  tardive  de  printemps,  aux  organisateurs  qui 
allèrent  trouver  L.  Vierne  et  V.  Charpentier.  Nous  avons  dit  que  l'Association  de  ce 
dernier  devait  offrir  les  facilités  d'un  ouvrage  comme  le  Stabat  rossinien  à  son  répertoire. 

B.  Loth  plaide  ensuite,  mais  mal  :  oc  A  l'église,  l'inconvénient  eut  été  trop  grand.  Au 
Trocadéro,  le  point  de  vue  liturgique  restait  secondaire.  »  Ce  n'est  pas  notre  avis.  Même 
limitée  à  sa  Caisse  de  secours,  l'U.  M.  C.  O.  était  en  cause.  On  produisait  une  œuvre  reli- 
gieuse pour  lui  assurer  des  fonds.  Moralement,  l'Union  couvrait  l'entreprise  et  donnait 
son  acquiescement  au  programme.  On  peut  tenir  compte  des  difficultés  que  notre  con- 
frère nous  fait  connaître,  sans  souscrire  à  ceci  :  «  D'autre  part,  la  possibilité  basée  sur 
l'expérience,  d'un  succès  financier;  les  premiers  fonds  si  ardemment  cherchés,  trouvés 
enfin,  avant  l'assemblée  générale  de  juin,  il  leur  a  semblé  (aux  organisateurs)  de  leur 
devoir  d'agir,  mettant  l'action  et  la  charité  au-dessus  des  considérations  d'école  et  des 
goûts  de  tel  ou  tel.  »  Voilà  le  mauvais  argument.  Il  est  trop  facile,  même  dans  une  bonne 
intention,  de  borner  aux  choses  pratiques  (point  négligeables,  certes!)  l'objet  que  «  l'ac- 
tion et  la  charité  »  peuvent  se  flatter  de  servir,  et  de  baptiser  «  considérations  d'école  » 
les  principes  pour  lesquels  l'esprit  milite  par  devoir,  aussi  ardemment  que  charitable- 
ment. En  matière  de  liturgie  et  surtout  d'esprit  liturgique,  l'idée  comme  la  chose  est 
définie  et  la  voie  est  tracée   (Motu  proprio).  Ce  n'est  pas  une  affaire  de  goût,  encore 


£e  mouvement  liturgique  et  musical  195 

moins  d'école.  Les  maîtres  de  chapelle  n'ont  pas  le  choix. Et  leur  Union  les  engage;  mais 
elle  peut  subir  les  circonstances.  C'est  ce  qui  s'est  produit.  Admettons  l'embarras  où 
s'est  trouvée  l'Union,  quand  le  zèle  de  ses  amis  lui  a  imposé  le  Stabat  de  Rossini  qui 
devait  faire  recette,  mais  pas  l'explication  libérale  où  «  l'action  et  la  charité  »  trop  dimi- 
nuées, n'ont  qu'un  but  utilitaire  et  perdent  de  vue  Vidée  —  en  l'espèce  l'idée  liturgique 
sans  laquelle  les  membres  de  TU.  M.  C.  O.  perdent  tout  simplement  leur  raison  d'être. 

Les  idées  mènent  le  monde  et  l'idée  liturgique  fait  corps  avec  le  catholicisme.  Pen- 
sons-y toujours  et  parlons-en  sans  cesse!  Si  elle  était  forte  parce  que  comprise,  l'idée 
liturgique  serait  respectée,  et  d'abord  des  «  amis  »  de  l'Union  qui  n'ont  pas  eu  l'air  d'en 
tenir  compte.  La  gravité  du  fait,  c'est  cet  oubli  ou  cette  indifférence,  c'est,  vérifiée  une 
fois  de  plus,  la  pression  du  monde  par  qui  tout  dévie  et  à  cause  de  qui  on  déroge.  On, 
c'est  nos  confrères,  c'est  l'Union,  les  chanteurs  d'Eglise  et  parfois  nous-même.  On  n'a 
pas  toujours  le  dessus  dans  la  lutte.  Encore  faut-il  lutter  et  ne  pas  chercher  une  justifi- 
cation à  côté.  Quand  l'esprit  est  en  jeu,  il  faut  être  intraitable.  La  charité,  c'est  :  pas  de 
concession  à  l'erreur  et  au  mensonge.  Sinon  tout  glisse.  Voilà  pourquoi  il  faut  une 
critique  entière.  Atténuée,  elle  manque  son  but.  Notre  humanité  n'est  que  trop  portée 
aux  compromis  qui  lui  nuisent.  Que  viennent  faire  les  «  personnes  »  dans  ce  qui  inté- 
resse la  marche  des  idées  et,  avec  les  bonnes  idées,  le  progrès  de  tous?  Ceci  n'est  pas 
pour  notre  confrère  qui  ne  voile  aucun  reproche  sous  sa  rectification.  Il  nous  dit  qu'il 
faut  juger  en  connaissant  «  tous  les  faits  de  la  cause  ».  Soit.  Nous  en  ignorions  quelques- 
uns.  Mais  par  une  simple  réflexion  B.  Loth  nous  a  livré  l'esprit  qui  court.  Cet  esprit 
est  pour  beaucoup  dans  la  réapparition  du  Stabat  de  Rossini  au  Trocadéro.  C'est 
lui,  cet  esprit,  le  responsable.  Le  reste  n'est  que  contingence  et  accident.  Aux  aimables 
lignes  révélatrices  plus  que  justificatives  de  notre  confrère  voulant  dégager  l'Union,  les 
«organisateurs»  du  concert,  lui-même  (secrétaire  de  l'U.  M.  C.  O.)  et  beaucoup  de 
monde,  nous  répondons,  nous,  sans  nous  arrêter  au  détail  vrai  qui  l'occupe  et  qui  nous 
convainc  partiellement  :  —  Veillons! 

(25e  anniversaire  du  Motu  proprio.) 

A.  Trotrot-Dériot. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 

Au  moment  où  on  demande  aux  rédacteurs  leurs  articles  pour  «  composer  »  le 
numéro  de  novembre,  les  concerts  n'ont  pas  encore  repris.  Il  ne  sera  pas  inutile  de  pro- 
fiter de  ce  répit  pour  parler  un  peu  de  la  musique  mécanique. 

Elle  s'impose  actuellement  à  nous  par  deux  voies  principales  :  le  phonographe  et  la 
téléphonie  sans  fil.  La  seule  question  qui  nous  intéresse  ici  est  la  suivante  :  Ces  manifes- 
tations de  la  musique  mécanique  ont-elles  un  caractère  artistique,  et  sont-elles  suscep- 
tibles d'être  suivies  par  des  musiciens  dignes  de  ce  nom? 

En  ce  qui  concerne  le  phonographe,  on  peut  répondre  par  l'affirmative  :  tous  les 
enregistrements  sont  loin  d'être  parfaits,  mais  il  y  a  tout  de  même  des  réussites.  J'ai  en- 
tendu cet  été  des  scènes  de  Parsifal,  dans  lesquelles  il  n'y  avait  rien  à  reprendre  ;  dans 


196  £a  tribune  he  0amt-©m)at0 

bien  des  cas,  on  est  parvenu  à  conserver  le  timbre  caractéristique  des  voix  et  des  instru- 
ments. Dès  lors  le  phonographe  cesse  d'être  un  appareil  de  laboratoire  ou  un  instrument 
de  curiosité,  et  il  mérite  de  prendre  place  —  à  un  rang  que  l'avenir  déterminera  —  dans 
la  cité  de  l'Art. 

Pour  ce  qui  est  de  la  T.  S.  F.  on  est  loind'en  être  là  :  il  n'y  a  guère  que  la  voix  de 
soprano  qui  soit  reproduite  sans  déformation.  Quand  il  s'agit  de  l'orchestre,  on  ne  peut 
distinguer  le  violon  de  la  clarinette;  les  basses  demeurent  indistinctes.  D'autre  part,  on 
ne  peut  encore  éliminer  les  parasites  qui  troublent  trop  souvent  la  réception.  Pour  le 
moment  du  moins,  la  T.  S.  F.  ne  peut  donner  à  l'amateur  le  même  plaisir  que  l'artiste, 
en  chair  et  en  os,  entendu  à  la  salle  de  concert. 

La  T.  S.  F.  pourrait  néanmoins  remplir  un  rôle  utile  en  diffusant  de  la  bonne  musique. 
Je  n'apprendrai  à  personne  qu'il  n'en  est  rien.  Et  on  touche  là  le  point  névralgique  de 
la  question.  Du  moment  que  la  musique  devient  un  article  de  bazar,  il  faut  qu'elle 
s'adapte  aux  goûts  de  la  clientèle  —  exprimé  par  des  référendum,  des  enquêtes  dans  les 
journaux  de  T.  S.  F.,  etc.  Si  le  résultat  des  votes  donne  la  moitié  plus  une  voix  à  la  mu- 
sique de  jazz  ou  de  caf'conc',  les  commerçants  de  T.  S.  F.  donneront  tous  leurs  soins  à 
vulgariser  ces  genres-là,  au  grand  dam  de  l'Art  ;  c'est  la  «  démocratisation  »  de  la  mu- 
sique. La  T.  S.  F.  qui  pourrait  être  un  merveilleux  outil  d'éducation  musicale,  ne  fait  que 
favoriser  les  goûts  les  plus  bas  de  gens,  qui,  pris  autrement,- pourraient  être  instruits  de 
ce  qu'est  la  vraie  musique,  et  y  prendre  plaisir. 

Le  même  inconvénient  existe  avec  le  phonographe.  Mais  ici,  l'amateur  éclairé  évi- 
tera de  lui-même  les  disques  de  mauvaise  musique,  au  lieu  qu'en  T.  S.  F.  on  est  obligé 
de  «  prendre  »  ce  qu'on  vous  donne.  Un  coup  d'œil  jeté  sur  les  programmes  de  la  Radio- 
diffusion montre  que  ce  n'est  pas  brillant  :  on  a  encore  fort  à  faire  pour  que  le  résultat 
d'un  plébiscite  de  T.  S.  F.  désigne  comme  gagnants  Bach,  Beethoven  ou  Wagner! 

E.  Borrel. 


LA  MUSIQUE  SACRÉE  AU  DIOCÈSE  DE  BAYONNE 

Mgr  Gieure  est,  parmi  les  évêques  de  France,  l'un  de  ceux  qui  se  sont  le  plus  pré- 
occupés de  faire  écho  à  la  grande  voix  de  Pie  X,   en  matière  de  musique  sacrée. 

Les  périodiques  liturgiques  et  les  Revues  musicales  ont  mentionné,  en  leur  temps, 
les  initiatives  fécondes,  prises  à  ce  sujet  par  le  zélé  prélat  :  congrès,  journées  grégo- 
riennes en  sa  cathédrale,  journées  décanales  et  paroissiales,  bulletin  religieux,  transformé 
une  fois  par  mois  en  bulletin  musical,  grand'messes  quotidiennes  durant  les  exercices 
des  retraites  ecclésiastiques,  manuel  diocésain  grégorien,  réglementation  très  minutieuse 
du  chant  liturgique  dans  les  nouveaux  statuts  synodaux,  lettre  pastorale  sur  le  chant 
collectif  des  fidèles  et  les  moyens  de  le  promouvoir,  lettre  à  MM.  les  Supérieurs  et  Pro- 
fesseurs des  Grands  et  Petits  Séminaires,  et  l'ordonnance  qui  la  complète,  rendant  obli- 
gataire pour  tous  l'enseignement,  théorique  et  pratique,  de  la  musique  sacrée,  et  insti- 
tuant des  examens  annuels  avec  notes,  et  par-dessus  tout,  inspection  annuelle  des 
séminaires  et  des  établissements  d'enseignement  secondaire,  et  rapport,  très  détaillé,  par 


laponne  197 

l'inspecteur  diocésain,  distribuant  à  bon  escient,  et  en  toute  sincérité,  éloges  ou  critique, 
signalant  les  défaillances  ou  les  progrès,  indiquant  les  remèdes  à  opposer  à  celles-là,  les 
causes  explicatives  de  ceux-ci. 

Que  toutes  ces  mesures  et  initiatives  aient  contribué  à  rendre  particulièrement  effi- 
caces et  opérantes  dans  le  diocèse  de  Bayonne,  les  instructions  de  Pie  X,  en  matière  de 
musique  sacrée,  il  n'est,  pour  s'en  convaincre,  qu'à  voir  l'estime  où  est  tenue  la  pratique 
du  chant  collectif,  le  nombre  et  la  qualité  des  Scholas  en  pays  basque  et  dans  le  Béarn, 
il  n'est,  aussi,  qu'à  lire  le  rapport  de  l'inspection  musicale  des  établissements  libres  et 
des  séminaires,  en  1928,  publié,  récemment,  dans  le  Bulletin  religieux.  Le  rapporteur  — 
M.  l'abbé  Dartiguelongue,  curé  de  Saint-Martin  de  Biarritz,  ancien  maître  de  chapelle  à 
la  cathédrale  —  avait  été  obligé  d'accuser  un  léger  fléchissement  pour  l'année  scolaire 
1926-1927.  Il  a  été  d'autant  plus  heureux  d'avoir  à  constater  et  à  noter  le  redressement 
opéré  au  cours  de  l'année  1927-1928. 

Heureux  diocèse!  L'élan  y  est  donné  et  bien  donné.  En  douteriez-vous ?  Dans  ce  cas 
apprenez  qu'au  collège  de  l'Immaculée-Conception  à  Pau,  la  Schola  compte  plus  de 
100  membres  sur  258  élèves,  et  celle  de  Saint- Joseph  d'Oloron  40  sur  105  élèves, 
apprenez  que  dans  les  autres  collèges  Saint-Louis  de  Gonzague  de  Bayonne  et  de  Biar- 
ritz, dans  les  petits  séminaires  de  Nay  et  d'Ustaritz,  les  écoles  cléricales  de  Mauléon, 
Moucade,  Hasparren,  la  maîtrise  épiscopale,  le  rapporteur  s'est  trouvé  —  bien  qu'à  des 
degrés  divers  —  en  présence  d'un  travail  théorique  sérieux,  d'exécutions  d'ensemble  très 
soignées,  voire  artistiques,  de  voix  assouplies  et  disciplinées. 

Ah!  le  temps  n'est  plus  où,  si  on  ne  pouvait  douter,  en  les  entendant  chanter,  que 
ces  jeunes  gens  et  ces  enfants  étaient  bien  les  fils  non  dégénérés  d'une  vaillante  race; 
il  était  impossible  de  ne  point  penser,  à  part  soi,  qu'ils  abusaient  un  peu  de  la  splendide, 
boîte  de  résonance  que  constituent  leurs  robustes  poumons. 

Oui,  heureux  diocèse,  bien  propre  à  être  cité  en  exemple,  puisque,  aussi  bien  dans 
les  séminaires  et  collèges  libres,  la  musique  et  l'étude  du  chant  sacré  n'y  sont  pas 
regardés  —  ainsi  que  dans  tant  d'autres  —  comme  des  articles  de  luxe  réservés  à  des 
privilégiés  ou  à  ...  quelques  originaux,  encore  moins  comme  des  divertissements  sans 
importance. 

Enfin,  est-il  beaucoup  de  grands  séminaires  en  France,  qui  aient  une  culture  esthé- 
tique et  grégorienne  si  développée  qu'ils  prennent  goût  et  trouvent  charme  et  profit  à 
pénétrer  les  secrets  du  travail  d'adaptation  ou  d'élaboration,  chez  les  centonisateurs  ou 
les  compositeurs  de  nos  mélopées  liturgiques?  En  est-il  beaucoup,  surtout,  qui  puissent 
se  glorifier  de  compter  80  élèves  étudiant  l'harmonium? 

Ce  dernier  détail  a  inspiré  au  rapporteur  cette  réflexion  où  percent  des  regrets  mais 
aussi  une  légitime  fierté  :  «  Le  grand  séminaire  nous  prépare  une  génération  de  jeunes 
prêtres,  je  ne  dis  pas  artistes,  mais  bien  mieux  outillés  que  nous,  les  anciens,  pour  faire 
exécuter,  dans  les  paroisses,  de  la  bonne  et  saine  musique  religieuse.  » 

En  attendant,  et  vu  les  résultats  déjà  obtenus,  on  peut,  sans  trop  de  présomption, 
escompter  que  les  chants  liturgiques  du  congrès  national  eucharistique  qui  doit  se  tenir 
à  Bayonne,  en  juillet  1929,  seront  d'une  splendeur  sans  pareille. 

I.  Dupont. 


198  Ca  tribune  î»e  6ahtt-(0>m)at£ 

ITALIE 

L Association  Italienne  de  Ste  Cécile  vient  de  publier  les  Actes  de  son  XIVe  Congrès 
National,  tenu  en  avril  dernier.  Un  fascicule  spécial  du  Bolletino  Ceciliano,  portant  les 
nos  ^_g_g.1o,  les  publie. 

Les  comptes  rendus  qu'ils  contiennent,  les  discours  et  rapports  qu'ils  donnent,  sont 
pleins  d'intérêt,  à  la  fois  sur  l'activité  de  l'Association  et  sur  la  marche,  timide  encore, 
mais  continue,  du  mouvement  de  réforme  musicale  en  Italie,  en  même  temps  que  pour 
les  leçons  pratiques  que  l'on  peut  tirer,  partout  ailleurs,  des  observations  rapportées. 
L'ouvrage  s'ouvre  et  se  clôt,  tout  naturellement,  par  des  lettres  et  discours  de  S. S.  Pie  XI 
aux  promoteurs  et  aux  membres  du  Congrès.  Le  Pape,  se  félicitant  de  ce  que  le  neu- 
vième centenaire  du  célèbre  voyage  de  Guy  d'Arezzo  à  Rome  soit  ainsi  fêté,  en  tire  des 
rapprochements  entre  les  travaux  de  ce  moine  musicien,  et  l'activité  des  «  Céciliens  »  ; 
ils  doivent  aider  à  la  restauration  du  chant  grégorien  et  à  la  rénovation  de  la  musique 
sacrée.  Pie  XI  s'appuie  énergiquement  sur  les  directives,  les  volontés  et  les  lois  de  Pie  X, 
dont  l'année  actuelle  amène  précisément  le  premier  jubilé  de  vingt-cinq  ans.  Il  insiste 
sur  la  participation  des  fidèles  aux  cérémonies  et  au  chant  grégorien,  et  tout  particu- 
lièrement à  la  psalmodie. 

L'un  des  rapports  principaux  du  Congrès  est  celui  de  Mgr  Casimiri  :  Scolae  Çan- 
torum  et  chapelles  musicales  en  Italie  ;  nourri  de  faits,  ce  rapport  vivant  et  délicieux, 
éminemment  pratique,  ne  craint  ni  ne  ménage  personne.  Comment,  dit-il  aux  autorités 
ecclésiastiques,  vous  vous  plaignez  que  devant  la  crise  des  chantres  et  des  maîtres  de 
chapelle,  vous  ne  trouvez  personne  pour  les  remplacer?  «  Mais,  depuis  vingt-cinq  ans 
que  le  Motu  proprio  de  Pie  X  est  promulgué,  un  bon  sujet...  avait  le  temps  de  naître, 
de  grandir,  d'être  ordonné  prêtre,  et  d'avoir  fait  toutes  ses  études  de  chant  dans  un 
centre  de  culture  musicale.  »  Les  conclusions  sont  faciles  à  tirer,  en  France  comme  en 
Italie.  L'éminent  directeur  de  chœur  qu'est  Mgr  Casimiri  déplore  aussi  comment  on  laisse 
partout  crouler  les  maîtrises  d'enfants,  en  se  contentant  des  «  Enfants  de  Marie  »  plus 
ou  moins  nombreuses  :  «  Est-ce  que  les  Enfants  de  Marie  peuvent  remplacer  une  Schola 
Cantorum  paroissiale?  »  Enfin,  les  moyens  :  ceux  ordonnés  —  en  vain  —  par  Pie  X,  et 
au  commencement  de  tout,  que  les  Chapitres  et  les  Fabriques  donnent  des  honoraires 
suffisants  aux  maîtres  et  aux  chantres  :  en  passant,  Mgr  Casimiri  entre  même  en  des 
détails  pratiques. 

De  plus,  avec  sa  grande  autorité  et  son  expérience,  il  s'élève  contre  les  chœurs  trop 
nombreux  que  l'on  veut  avoir.  Il  rappelle  comment  dans  la  solennité  fameuse  de  l'érec- 
tion de  l'obélisque  delà  place  Saint-Pierre,  pour  laquelle  Palestrina  composa  son  célèbre 
Vexilla  régis  à  cinq  voix,  le  chœur  qu'il  dirigeait,  devant  des  milliers  de  spectateurs, 
comptait  en  tout  et  pour  tout  dix-neuf  exécutants,  y  compris  le  chef.  Et  en  plein  air! 
Exemple  frappant  de  l'excellence  de  la  musique  a  cappella. 

Très  pratique  aussi  le  rapport  Orgues  et  Organistes  à  l'Eglise,  par  l'excellent  pro- 
fesseur romain  Mgr  Manari.  Il  passe  en  revue  ce  que  doit  être  l'orgue  d'église  ;  au  sujet 
de  sa  composition,  montre  ce  qu'était  l'orgue  italien  à  l'époque  de  Gabrieli  et  de  Fresco- 
baldi,  avec  des  listes  de  jeux  à  l'appui,  et  dans  quelle  direction  l'orgue  doit,  à  l'église 
profiter  des  découvertes  ultérieures,  afin  de  pouvoir  jouer  facilement  «  l'universel  Bach» 


3talie  -  &msst  199 

parmi  les  classiques,  et  les  meilleurs  modernes,  ceux  surtout  qui  suivent  les  règles  don- 
nées par  Pie  X.  Mgr  Manari  cite  avec  précision  les  règles  pratiques  à  prendre  pour  assurer 
un  bon  recrutement  des  organistes  et  un  choix  convenable  de  leur  répertoire. 

M.  le  Chanoine  Dr  Borghezio  traite  de  la  Contribution  des  hommes  et  des  jeunes 
gens  catholiques  au  chant  des  fidèles.  Là  aussi,  l'éminent  bibliothécaire  à  la  Vaticane, 
qui  est  en  même  temps  homme  d'action,  offre  à  l'assemblée  des  vues  éminemment  pra- 
tiques. Utilisation  des  «  œuvres  »  catholiques  dans  le  sens  liturgique  demandé  par  Pie  X 
organisation  à  faire  par  le  clergé,  aidé  des  maîtres  de  chapelle  et  organistes,  pour  suppléer 
entre  autre,  «  aux  matériaux  avariés  »  que  l'on  utilise  encore  aux  processions  extérieures, 
de  belles  laudi  en  rapport  avec  le  culte  demandé  par  l'Eglise.  Et  ici,  M.  le  Chanoine 
Borghezio  cite  nommément  ces  importations  faites  de  France  par  les  pèlerins,  pour  le 
déshonneur  de  la  musique  sacrée,  telles  que  Nous  voulons  Dieu  ou  A  u  ciel,  au  ciel, 
au  ciel... 

Je  ne  puis  ici  passer  en  revue  tous  les  actes  de  cet  intéressant  Congrès.  Remarquons 
cependant  encore  que  cette  substantielle  brochure  donne  la  partition  de  la  Missa  Cho- 
ralis  de  l'éminent  compositeur  Or.  Ravanello,  à  une  ou  à  quatre  voix,  alternant  avec  le 
chant  grégorien  de  la  messe  Orbis  factor  et  le  Credo  IV.  Sobre  et  facile,  cette  œuvre, 
publiée  à  l'occasion  du  Congrès  est  très  bien  construite  et  d'une  agréable  sonorité.  Les 
versets  grégoriens,  destinés  à  la  foule,  sont  exactement  transcrits  sur  la  notation  Vaticane 
sans  addition  d'aucune  sorte,  que  quelques  épisèmes  soulignant  divers  accents  toniques. 

En  résumé,  les  Actes  du  XIVe  Congrès  de  la  Sainte-Cécile  italienne  sont  un  récon- 
fort et  un  modèle,  abondant  en  leçons  pratiques  dont  on  peut  partout  profiter. 

Gr. 

SUISSE 

M.  l'Abbé  Joseph  Bovet;  M.  Aloys  Fornerod. 

LaTribune  de  Saint-Gervais  a  reçu  de  M.  l'Abbé  J.  Bovet,  l'excellent  musicien  reli- 
gieux suisse,  zélé  et  distingué  inspecteur  de  la  musique  au  diocèse  de  Fribourg,  l'admi- 
rable programme  illustré  publié  à  l'occasion  de  l'exécution  de  sa  Messe  du  Divin  Ré- 
dempteur, qui  eut  un  si  grand  succès  à  la  cathédrale  de  Fribourg,  lors  de  la  célébration, 
en  mai,  du  vingt-cinquième  anniversaire  de  la  fondation  du  «  Chœur  mixte  »  de  cette 
église.  En  attendant  que  nous  puissions  donner  une  analyse  de  cette  messe,  qui  n'est 
point  publiée,  disons  au  moins  la  beauté  de  la  présentation  de  ce  programme  analytique; 
orné  de  sept  grands  panneaux  scéniques  et  symboliques  de  M.  Henri  Broillet,  artiste, 
peintre  à  Fribourg,  il  a  été  réalisé  par  les  ateliers  de  la  «  Sadag  »  (Société  Anonyme  des 
Arts  Graphiques)  de  Genève,  en  une  splendide  édition,  formant  un  in-4°  petit  de  3g  pages 
et  couverture. 

Précisément,  sous  le  titre  :  «  Un  musicien  et  un  Apôtre  »,  un  numéro  des  Annales 
de  cette  année  présente  un  intéressant  portrait  de  M.  l'Abbé  Bovet,  sous  la  signature  de 
Pierre  Deslandes.  Nous  sommes  fort  heureux  d'en  reproduire  ici  les  principaux  traits  : 

«  Chez  M.  l'Abbé  Joseph  Bovet  [que  l'on  vient  de  mettre  en  parallèle  avec  Jaques- 
Dalcroze]...  démêlez  le  musicien,  le  patriote,  l'apôtre.  Sa  musique  s'inspire  tout  droit  de 
l'antique  tradition  locale,  celle  de  ce  Ranz  des  Vaches  qui  ne  cesse  d'émouvoir  tous  les 
mondes  minuscules  du  pays  romand.  Son  patriotisme  —  mot  bien  gros  pour  un  si  délicat 


200  €a  tribune  k  &a\nt~<ê>exva\& 

sentiment  —  est  fait  de  cet  foi  inusable,  de  cette  rude  et  calme  volonté,  de  cette  rêverie 
sans  fadeur  qui  donnent  le  ton  à  l'âme  de  Fribourg. 

L'apôtre...  Si  vous  aviez  vu,  comme  moi,  l'Abbé  Bovet,  dans  un  quelconque  casino 
d'une  petite  ville  du  pays  de  Vaud  protestant,  révéler  à  un  immense  auditoire  —  dans 
un  éloquent,  un  respectueux  silence  —  les  trésors  du  chant  grégorien,  vous  eussiez  saisi 
d'un  coup  le  pouvoir  de  la  plus  grave  musique  sur  les  plus  simples  âmes.  Une  confé- 
rence de  Franciscain,  chargée  de  bonne  grâce  et  d'humour,  sur  le  plus  beau  des  sujets . 
Et  cette  foule  écoutait  la  musique  oubliée,  comme  on  contemple  un  trésor  inattendu...  » 

Détachons  aussi,  puisque  nous  louons  nos  amis  de  Suisse,  ces  quelques  lignes,  d'une 
chronique  de  M.  Herman  Lang,  admirable  chef  de  l'Union  Chorale  de  Lausanne,  à  pro- 
pos de  notre  collaborateur  Aloys  Fornerod  (qui  lui-même  tient  les  chroniques  musicales 
de  la  Tribune  de  Lausanne).  Après  avoir  relevé  que  la  musique  de  M.  A.  Fornerod 
ne  contient  aucune  de  ces  «  outrances  »  qui  caractérisent  tant  d'œuvres  modernes, 
M.  H.  Lang  ajoute  : 

«  Seulement,  il  convient  de  se  débarrasser,  à  son  égard,  de  certains  préjugés;  les 
mêmes  qui  jadis,  au  nom  d'un  formalisme  routinier,  condamnaient  l'œuvre  vraiment 
novatrice  de  César  Franck  et  la  qualifiaient  de  musique  savante. 

«  Dans  le  désordre  de  la  musique  moderne,  M.  Fornerod,  passionnément,  a  cherché  à 
voir  clair.  Il  a  constaté  l'omnipotence,  l'hypertrophie  de  la  musique  instrumentale  :  l'or- 
chestre-roi, le  piano  tyrannique  accaparant  tout  dans  leur  puissance  déformante.  Il  est 
remonté  aux  sources  mêmes  de  la  musique,  à  cet  art  grégorien,  berceau  de  notre  civi- 
lisation musicale.  Il  s'est  en  toute  humilité  mis  à  l'école  des  anciens.  Le  motet,  le  madri- 
gal, les  formes  les  plus  raffinées  de  la  polyphonie  vocale  n'ont  plus  de  secret  pour  lui. 
Combien  y  a-t-il  de  musiciens  dits  arrivés  qui  puissent  en  dire  autant? 

<c  Ainsi  armé,  sûr  des  bases  de  son  art,  ses  convictions  bien  arrêtées,  M.  Fornerod 
besogne  en  toute  sécurité  dans  sa  calme  retraite  du  Mont.  Il  y  édifie,  jour  après  jour, 
une  œuvre  qui,  par  l'extrême  économie  des  moyens  (elle  rappelle  par  ce  côté  Couperin 
et  Rameau)  par  sa  valeur  constructive,  par  sa  sévère  beauté,  s'impose  aux  suffrages  des 
musiciens. 

<i  Ces  qualités  font  tout  le  mérite  des  Trois  motets  dont  la  révélation  nous  fut  donnée 
il  y  a  quelques  années  déjà.  Elles  ont  pris  toute  leur  ampleur  dans  la  Messe  brève  que 
l'ensemble  vocal  a  cappella  Motet  et  Madrigal  sous  la  direction  de  M.  Henryk  Opiensky, 
donna  en  première  audition. 

«  Qu'on  ne  se  représente  pas  M.  Fornerod  dans  les  traits  d'un  ascète.  Il  aime  et 
goûte  la  plaisanterie.  Sa  musique  sait  être  gaie,  malicieuse  même.  Témoin  les  six  Chan- 
sons que  M.  Kunz,  ténor,  anima  de  sa  musique. 

«  Les  deux  pièces  de  piano  firent  les  délices  de  chacun.  La  Sonate  en  si  majeur, 
pour  piano  et  violon,  marque  le  sommet  du  concert.  C'est  là  une  œuvre  originale,  d'une 
coupe,  d'une  langue  très  personnelles...  » 

Rappelons  que  A.  Fornerod  a  donné,  dans  les  Editions  Musicales  de  la  Schola,  la 
belle  Messe  brève  pour  les  Fêtes  de  la  Sainte  Vierge,  que  vient  de  louer  le  précédent 
chroniqueur. 

O.  T. 


Cf0  Cbrfô  201 

LES  LIVRES 

HISTOIRE  ET  ÉVOLUTION  DES  FORMULES  MUSICALES,  </w  î*  au  xv*  siècle 
de  l'ère  chrétienne,  par  A.  Machabey,  docteur  ès-lettres.  In-8°  de  280  pages.  25  francs. 
—  Paris,  Payot. 

M.  Machabey  a  voulu  réaliser  ce  qui  n'avait  jamais,  sur  un  plan  aussi  complet,  été 
tenté  sur  la  formation  et  l'explication  de  ce  qui  caractérise,  depuis  les  derniers  siècles  du 
moyen  âge,  le  matériel  musical  de  l'Occident  :  l'échelle  majeure,  l'échelle  mineure,  la 
«  cadence  parfaite  ».  Je  me  hâte  de  dire  que  son  travail,  extrêmement  détaillé,  est  réa- 
lisé avec  une  conscience  méticuleuse.  Les  opinions,  cependant,  émises  en  cours  de  route 
par  l'auteur,  ne  sont  pas  pour  autant  démontrées. 

Pour  M.  Machabey,  l'origine  de  la  gamme  majeure,  qui  a  prévalu  peu  à  peu  en  Occi- 
dent depuis  le  ixe  siècle,  doit  être  cherchée  dans  l'art  celtique  :  mais  qui  "connaît  la  mu- 
sique celtique?...  Il  existe  beaucoup  de  chants  «  majeurs  »  dans  le  répertoire  liturgique 
mozarabe,  et  les  chants  traditionnels  marocains  et  syriens.  Et,  le  seul  chant  que  l'on 
puisse,  dès  le  xie  siècle,  citer  comme  vraisemblablement  d'origine  celtique,  M.  Machabey 
le  passe  sous  silence  :  c'est  le  lai  latin  sur  la  prise  de  Jérusalem  par  les  croisés. 

Quelques-uns  des  détails  que  l'auteur  avance  sur  le  chant  liturgique,  avec  lequel  il 
est  peu  familiarisé,  sont  controuvés,  et  ses  hypothèses  hasardées.  Où  M.  Machabey,  par 
exemple,  a-t-il  pu  prendre  l'interprétation  qu'il  donne  au  sujet  de  l'emploi  d'instruments 
dans  les  chants  religieux,  du  11e  au  vie  siècle  ?  (pages  l5  et  suivantes).  Quand  il  s'agit  de 
semblables  accompagnements,  chez  les  Pères  et  les  écrivains  ecclésiastiques,  c'est  pour 
des  chants  profanes  et  extérieurs.  Mêmes  confusions  sur  le  rôle  de  la  danse  populaire 
et  des  évolutions  accompagnant  certaines  cérémonies  liturgiques,  p.  26  et  autres;  sur  les 
prescriptions  d'Agobard  de  Lyon  (p.  38-3g)  au  sujet  de  prétendus  «  Noëls  »  !  Au  ixe  siècle  ! 

Ces  petites  taches,  et  quelques  autres  confusions  du  même  genre,  ne  portent  point 
tort  à  la  thèse  de  l'auteur,  mais  elles  empêchent  que  l'on  puisse  s'appuyer  sur  ses  réfé- 
rences, sans  les  avoir  soigneusement  vérifiées  et  exactement  interprétées. 

Si  le  livre  de  M.  Machabey  est  appelé  à  une  seconde  édition,  —  ce  que  je  souhaite, — 

il  serait  nécessaire  que  l'auteur  fit  une  révision  sévère  des  textes  cités   par   lui,  en  en 

mettant  l'interprétation  au  courant  des  recherches  les  plus  modernes. 

A.  Gastoué. 

HISTORIQUE  DES  ORGUES  DE  LA  BASILIQUE  SAINT- JUST  ET  SAINT- 
PASTEUR  DE  NARBONNE,  par  Joseph  Rivel,  délégué  paroissial  aux  travaux  de 
restauration.  Gr.  In-120  de  104  pages,  plusieurs  héliogravures.  Narbonne,  imprimerie 
Brille  et  Gautier,  1927.  Vendu  au  profit  de  l'Œuvre  :  10  francs. 

C'est  un  petit  livre  bien  vivant  et  intéressant,  que  cette  histoire  et  description  du 
fameux  orgue  de  Narbonne,  par  M.  Rivel.  Encore  que  l'auteur  s'excuse  de  n'avoir  pu 
lui  donner  la  forme  qu'il  avait  rêvée,  ce  livre  étant  composé  de  tirages  à  part  du  bulletin 
paroissial,  l'amateur  ou  l'érudit  trouvera  là  tout  ce  qui  concerne  un  instrument  intéres- 
sant, depuis  la  composition  de  l'orgue  de  Narbonne  au  xve  siècle  jusqu'au  68  jeux  actuel, 
si  bien  mis  au  point  par  M.  Puget,  l'éminent  facteur  de  Toulouse.  Des  photographies 
donnent  l'ensemble  et  les  détails  du  prodigieux  buffet  de  Moucherel,  œuvre  unique  dans 
l'art  de  la  «  hucherie  »  des  grandes  orgues.  A.  G. 


202  £a  tribune  îre  0atnt- (Reniais 

LA  MAITRISE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  METZ  (1917-1927),  notice  historique 
publiée  par  les  soins  de  M.  l'Abbé  J.  Fœdit.  In-12  de  38  pages.  Plusieurs  phototypies. 
Metz,  Imprimerie  Lorraine,  1928. 

Intéressante  plaquette,  où  nombre  de  maîtrises,  de  cathédrales  comme  d'autres 
églises,  pourront  puiser  des  leçons  sur  l'organisation  et  les  conditions  de  vie  actuelle  des 
héritières  d'une  antique  Schola  Cantorum.  Le  rôle  important  de  M.  l'Abbé  G.  Villier 
dans  cette  refonte,  et  lors  du  beau  Congrès  de  1922,  y  est  pleinement  mis  en  lumière,  et 
l'excellence  de  leurs  résultats  judicieusement  soulignée. 

I.  LA  FAUNE  DES  ORGUES,  histoire  anecdotique  et  scientifique  des  Organicoles 
et  des  Organophages,  in-8°  de  52  pages,  70  gravures  et  photos,  6  tableaux  de  parasito- 
logie.  —  II.  LA  FLORE  DES  ORGUES,  histoire  anecdotique  et  scientifique  des  Flo- 
rales accidentelles  et  parasitaires,  in-8°  de  16  pages.  Par  E.  Perrier  de  la  Bathie,  Ingé- 
nieur agricole.  Le  n°  I,  franco,  7  fr.  80;  le  II,  4,85;  chez  l'Auteur,  Ugine  (Savoie). 

Délicieuses  autant  que  scientifiques  plaquettes.  M.  Perrier  de  la  Bathie,  à  la  fois 
organiste  et  organier,  et  de  plus  spécialiste  d'histoire  naturelle,  a  décrit  de  façon  humo- 
ristique les  ennemis  de  l'orgue,  et  donné  les  formules  précises  qui  permettent  d'y  remé- 
dier. Tous  les  organistes  devraient  posséder  ces  brochures  pratiques. 


L'EDITION    MUSICALE 

Fugue  en  ut  mineur,  de  W.  A.  Mozart,  transcrite  pour  orgue,  avec  toutes  indications 
analytiques  relatives  à  sa  construction  et  à  son  exécution,  par  Marcel  Dupré.  Paris, 
Leduc.  Prix  temporaire,  l5  francs. 

Dans  l'immense  étendue  de  l'œuvre  de  Mozart,  nombreuses  sont  encore  les  pièces 
dignes  d'intérêt,  et  ignorées,  —  nous  en  publierons  quelque  jour  ici  même.  —  De  celles-là, 
l'éminent  organiste  M.  Dupré  vient  de  détacher  cette  fugue  à  peu  près  inconnue,  en  ut  mi- 
neur, qui  donne,  du  talent  de  Mozart  dans  l'art  du  contrepoint  et  de  l'imitation,  une  haute 
opinion  (ce  qu'on  savait  déjà).  Mais  ici,  le  jeu  expressif  du  sujet  et  du  contre-sujet,  les 
altérations  parfois  rudes  et  les  chocs  des  appogiatures,  déterminent  un  chromatisme 
souvent  d'une  modernité  étonnante.  M.  Dupré,  en  annotant  pour  l'exécution  à  l'orgue 
cette  œuvre,  a  bien  mérité  de  la  musique  :  mais  rares  seront  les  virtuoses  aptes  à  bien 
faire  ressortir  les  détails  de  ce  chef-d'œuvre  du  savoir  faire  de  Mozart,  encore  que  tous 
les  musiciens  aient  intérêt  à  le  connaître  et  l'étudier. 

On  pourra  remarquer  avec  intérêt  le  rapprochement  à  établir  entre  cette  œuvre  du 

maître  autrichien,  et  les  pièces  similaires  de  Clementi,  à  la  présentation  desquelles  nous 

avons  aussi  songé,  dans  une  disposition  analogue. 

A.  Gastoué. 

Nous  rendrons  prochainement  compte  des  Mémoires  de  missions  de  recherches  de 
1'  «  Œuvre  du  chansonnier  populaire  de  Catalogne  »,  dont  nous  avons  reçu  le  superbe 
volume  I,  fascicule  2;  —  et  de  l'ouvrage  de  M.  Harvey  Grâce  sur  V Œuvre  d'orgue  de 
J.-S.  Bach. 


fies  Menues  2o3 


LES   REVUES 

Petite  Maîtrise,  n°  184.  —  A.  Trotrot-Dériot,  La  messe  «  O  nuict,  heureuse 
nuict  »  de  J.  Samson,  critique  complète  et  très  poussée  de  cette  œuvre  non  encore 
éditée,  exécutée  en  concert  à  la  cathédrale  de  Bourges  avec  un  grand  succès  ;  en  résumé, 
«  dans  son  envergure,  la  messe  O  nuict  marque  trop  souvent,  à  notre  avis,  des  tendances 
contraires  —  idée  générale  et  musique  —  à  ce  qui  nous  paraît  faire  le  prix  du  style  et  de 
l'expression  naturelle,  en  particulier  à  l'église.  »  —  Encartage  :  //  est  né,  le  divin 
Enfant,  à  une  et  deux  voix  et  orgue,  par  J.  Samson;  c'est  la  réduction  de  la  belle  har- 
monisation à  quatre  voix,  du  même  auteur,  que  nous  publions  aujourd'hui. 

Revue  du  chant  grégorien,  XXXI,  5.  —  Dom  G.  Gontard,  Place  et  rôle  liturgique 
des  clercs  et  des  laïques,  étude  très  détaillée,  historique  et  pratique,  de  l'emplace- 
ment de  chacun  au  chœur  et  au  sanctuaire.  —  Dom  L.  David,  Echos  et  mélanges,  où 
il  est  question  de  Dom  Pothier,  de  feu  Houdard  et  de  notes  d'ornement,  excellent  article, 
sur  le  sens  du  mot  «  ornement  »  pris  dans  son  acception  large  et  musicale,  des  nuances 
de  mouvement  dans  le  chant,  où  tel  climacus  ou  scandicus  sera  exécuté  en  triolet. 
D.  David  montre  que  cette  façon  de  faire  était  celle  de  Dom  Pothier;  je  suis  person- 
nellement heureux  d'appuyer  ce  souvenir,  ayant  maintes  fois  eu  la  même  remarque  à 
faire,  et  la  même  interprétation  à  proposer.  —  A.  Gastoué,  Note  sur  1'  «  Ave  salus 
mundi  »,  salutation  au  T.-S.-Sacrement  publiée  dans  un  précédent  numéro,  et  dont  les 
origines  peuvent  remonter  au  xie  siècle. 

Revue  grégorienne,  XIII,  5.  —  Dom  de  Sainte-Beuve,  suite  de  l'étude  sur  les  répons  de 
saint  Fulbert  de  Chartres,  avec  le  chant  du  Stirps  Jesse,  dont  le  motet  publié  aujour- 
d'hui par  nous  est  précisément  une  glose  en  «  organum  fleuri  ».  —  H.  Potiron,  La  mo- 
dalité grégorienne,  le  rôle  du  bémol,  chapitre  extrait  d'un  livre  récent,  à  quoi  répond 
justement  Dom  J.  Jeannin  dans  l'article  que  nous  donnons  de  lui  en  ce  moment.  On 
peut  d'ailleurs  ajouter  que  plusieurs  des  critiques  faites  par  M.  Potiron  sur  l'Édition 
Vaticane  portent  à  faux,  car  les  passages  incriminés  par  lui  sont  conformes  à  tel  fameux 
manuscrit  du  xe-xie  siècles,  tel  l'«  Antiphonaire  »  de  Montpellier. 

Revue  de  Musicologie,  27.  —  Signalons  spécialement  les  études  de  :  A.  Tessier, 
sur  La  carrière  versaillaise  de  la  Lande,  qui  intéresse  fort  l'histoire  de  notre  musique 
religieuse  française;  de  E.  Borrel,  Les  indications  métronomiques  laissées  par  les 
auteurs  français  du  XVIIIe  siècle,très  précieuses  pour  le  mouvement  des  pièces  anciennes  ; 
de  L.  Bataillon,  sur  une  Restauration  des  orgues  de  la  cathédrale  d'Evreux  de  1774 
à  1786,  avec  maint  détail  piquant  sur  les  relations  du  chapitre  et  de  la  fabrique  avec 
l'organiste  et  le  facteur. 

Revue  liturgique  et  musicale,  tel  est  désormais  le  titre  de  la  revue  pratique  de 
liturgie  et  de  musique  sacrée  de  Lille,  qui  commence  sa  XIIe  année,  et  recommence 
à  I  le  numérotage  de  ses  fascicules. 


204  #a  tribune  îre  0atnt- (Semais 

ESPAGNE 

Revista  musical  Catalana,  297.  —  Ce  numéro  renferme  un  très  important  rapport 
de  Pasqual  Borda,  sur  la  vie  de  la  célèbre  société  musicale  YOrféo  Catala,  dirigée  par 
notre  ami  Lluis  Millet,  et  tant  applaudie  à  Paris  il  y  a  quelques  années,  et  à  Rome 
l'année  dernière.  Un  de  nos  collaborateurs  prépare  un  résumé  de  cet  intéressant 
mémoire.  —  Dans  le  même  numéro,  commencement  d'un  article  de  J.-M.  Thomas  sur 
L'orgue  du  Palais  des  Beaux-Arts,  de  Barcelone,  construit  en  1888  avec  transmissions 
électriques,  et  sur  lequel  Gigout,  puis  Widor,  donnèrent  de  magnifiques  récitals. 

ANGLETERRE 

Musical  Times,  1027.  —  Une  note  de  Roy  Head,  avec  exemples  notés,  montre  que 
Mendelssohn,  qui  a  maintes  fois  utilisé  des  thèmes  ou  des  fragments  de  chorals  alle- 
mands, non  seulement  dans  ses  œuvres  d'orgue,  mais  dans  son  trio  en  ut  mineur,  la 
fugue  pour  piano  en  mi  mineur,  etc.,  a  employé  aussi  des  hymnes  anglaises.  Le  mouve- 
ment lent  de  sa  sonate  d'orgue  n°  6  a  pour  motif,  en  6/8  au  lieu  de  3/4,  du  ton  connu 
sous  le  nom  de  «  Rockingham  »;  le  Prélude  en  sol  majeur  est  basé  sur  le  cantique  des 
«  Innocents  »  et  rythmé  de  même,  au  lieu  de  4/4. 

AMÉRIQUE 

The  musical  Quarterly,  XIV,  3.  —  Rev.  Léo  P.  MANZETTi,le  maître  de  chapelle  du 
Grand  Séminaire  de  Baltimore,  a  donné  un  bel  article  sur  Palestrina  et  le  sens  de  sa 
musique  religieuse,  avec  la  place  qu'elle  tient  dans  l'art  du  xvie  siècle,  article  illustré  de 
fac-similés  artistiques,  portrait  authentique  du  maître,  sa  signature  en  italien,  et  l'auto- 
graphe de  son  célèbre  Popule  meus. 

The  Catholic  Choirmaster,  bulletin  officiel  de  la  Société  de  Saint-Grégoire  d'Amé- 
rique, publié  chez  J.  Fischer  et  Bro.,  New- York,  nous  arrive  avec  une  délicieuse  couver- 
ture partie  reproduisant,  partie  imitant  un  manuscrit  noté  du  xme  siècle,  le  texte  étant 
remplacé,  en  lettres  anciennes,  noir  et  rouge,  par  le  titre  de  la  revue.  Cet  intéressant  et 
pratique  fascicule  contient  une  revue  d'ensemble  des  résultats  obtenus  aux  Etats-Unis, 
à  propos  de  L'observation  du  jubilé  d'argent  du  Motu  proprio,  qui  sera  solennisé  en 
nombre  d'endroits  à  partir  du  22  novembre  de  cette  année,  et  dont  les  musiciens  d'église 
américains  projettent  de  continuer  la  commémoration  à  travers  toute  l'année  1929.  — La 
même  revue  contient  un  article  de  James  Whittaker  visant  à  rendre  compte  du  conflit 
entre  S.  E.  le  Cardinal  Dubois  et  la  Société  des  Auteurs,  à  Paris;  il  nous  semble  n'être 
pas  extrêmement  bien  renseigné,  sur  le  rapport  pécunier  de  la  musique  d'église,  quand 
il  dit  que  «  d'un  trait  de  sa  plume,  Mgr  Dubois  a  rejeté  des  millions  (!)  de  revenu  mu- 
sical »  pour  les  musiciens  qui  ont  collaboré  au  répertoire  des  églises  de  Paris.  Hum  !!! 


MOTET    POUR,    PAQUES 

à  4  Voix  mixtes,  en  deux  parties 

IMMOLABIT  HGEDUM,  ALLELUIA!* 


JEAN     GUYOT 

(Châtelpt,) 
1512-1588 


TRADUCTION  On  Immolera  un  agneau -alléluia!  _pour  la  multitude  des  enfants  d'Israël 
au  soir  de  Pâques:  Et  on  mang-era  sa  chair  avec,  des  pains  azymes,  alléluia! 
La  Pâque  immolée  pour  nous,  c'est  le  Christ, -alleluial -nourrissons- nous 
donc  des  azymes  de  la  sincérité  et  de  la  Joie  -."Et- 


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*La. restitution  de  ce. motet  est_due  à  M.  Ant.  Auda     transcription  en  réduction  moderne    daprès  l'édition  orig-inale 
de  Tilman  Susato,  de 1545  .  Voir  Tribune  de  St  Gervais.n?   de   Mars  1928 

Répertoire  des"CHANTEURS  de  S*  GE.RVAIS"  nouvelle  série  . 

r  « 

Editions  Musicales  de  la  Scbola  Cantorum 

269,  rue  S1.  Jacques  ,  Paris,  Ve.  S.  2001  C.  Tous  droits  réservés 


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Motet  à  4  Voix  mixtes 


Transcrit    en   notation 

moderne,   mesuré   et  annote' 

par   A.  TROTROT-UÉRIOT 


RENAUD      MEL 

XVI e    Siècle 


TRADUCTION.       O  Jésus-Christ,   aie    pitié'   de    moi,    quand  Je    languis   de    douleur. 

O   Seigneur,    tu  es    mon   espérance.    J'ai  crié  vers  toi,  aie  pitié  de  mol. 


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Cette   pièce    a    été    montée    d'un   ton:     l'Original    est   en    Fa.     Sol?  correspond  au  timbre  le  plus   favorable. 
(in   conseille   la?    si    les    dessus    sont,    des   Voix   d1Enfants  .    A.T..D. 

Répertoire  des"Chanteurs  de  Saint-Gervais,"  nouvelle    série. 
Editions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 

269,  rue    SÎ     Jacques,   Paris  V'.'  S.2002C.  Tous  droits  réservés 


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10 


Répertoire   des  ''CHANTEURS  PALESTINIENS» 

TU     ES     PETRU8 

Motet,  à  6  Voix  en  deux  parties  .  _     IL"    Partie 


Annoté  par  MICHEL  ROUY 
Directeur  Fondateur  des  Chanteurs  Palestiniens 
de    Marseille 
Transcription  un  ton  plus  bas  que  l'original 


PALESTRINA 


Moderato   (69)    moùvî    bien  é^ral   et  prérision  dans  l'ensemble 


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S.  2008  C. 


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Editions  Musicales  de  la  SehoJa  Cantorum  269,  rue  sV  Jacques,  Paris, V? 


Tous  droits  réservés 


11 


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S.  2003 C 


12 


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S.  2003  C 


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S.  2003  C. 


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S.  2003  C. 


15 


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rail,    molto 


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Imp.  A.  Mounot.  Palis 


CHANSON    DE    MAI 

du  roi  Saint  Louis 

en  l'honneur  de  la  Vierge   Marie. 


XIII?    siècle 


CHANT 


ORGUE 


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Amiante 

/•yavec  simplicité 


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.1.  L'autrier_ 
2.  Re-pai  _ 
8.  A__près_ 
4.    Mè_re 


ma 
_  rier 
i  - 
de  _ 


-  tin,     el mois    de 

vout   tout main -te  - 

-  cest    mot, sans  men, 

_  Dieu. vrai sa»  lut 


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«  nant 
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port, 


Re  .  gis . 
Ad     dul . 
A  .   scen 
Fons     pi 


ae  .  ter 
ces  cho 
dit   ad 

e  .  ta 


m  _ 
ros_ 
coe  . 
tis— 


mu. ne  .  re, 

su.  pe  .  rum  : 

le.sti  .  a: 

ma.  xi  .  mae , 


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♦Transcrit    diaprés  le    manuscrit  français  12.483    de  la   Bibliothèque   Nationale 
Rythmé    et   harmonisé  par   A.  GASTOUE* 


Editions  Musicales  de  la    Schola  Cantorum 
269,  rue  SÎ  Jacques,  Paris,  Ve. 


S.  2004  C. 


Tous-droit»  réservé» 


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Que  par    un      ma. 
Lors  me    fit      ou 

Je  via    en  „  con  . 

De  ce  _  lui    m'en 


tin,    je. 

front  en 
-  tre  el 
_   voy  _  ez. 


me  le    vai 

ri  _  ant 

le  venir 
con_fort 


Mun  .dum pro  . 

Si.  gnum cru 

San .  cto    .    rum. 
Sa  .    lu     .    tem. 


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ci  s  splen  .  di.  fe 

de.  cem     mil.  li 

rae.stans      a  .  ni 


re . 
rum 

a  . 

map . 

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En.     un  plai.sant  pré 

Et      dit      à    vis  clair 

Je      qui     remains,  pleure 
Gar.  dez-moi    de  l'en    . 


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m'en  en 
et  plai 
et  sou 
ne  -    mi 

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_  sant:  "/Y.  J£   for 

_  pir    Cor.dis  ta 

fort    $&z  #?<?  few 


.  te#  .  dens  psal.  le  .  re  : 

gi  .     tor     mu .  ne  .  rum 

crus       an.  gus.sti  .  a  : 

tat       sae .  pis  .  si  .  me; 


La      mé  _  re  Dieu    î   - 
C'est  mon     dé_vot  serf 
Dieu,  ver-rais-je       ja  , 

Pa  -    ra  -  dis  m'octroie 


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mand''  Con.di  .  tor 

nir      Be .  a    .      ta 

mort     Re.rum  Cre  . 


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no  .  bis  gau 
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jofo*   .  me. 


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S.  2004   C 


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MISERICORDIAS    DOMINI 

Motet  de  Jubilation 
à  4    voix  mixtes 


JOSQUIX    DES    PRES 
(vers  1450   1521) 

TRADUCTION ..  Les  miséricordes  du  Seigneur,  je  les  chanterai  éternellement;  par  la  miséricorde 
du  Seigneur,  tout  a  été  créé;  de  la  miséricorde  du  Seigneur,  la  terre  est  remplie; 
c'est  par  la  miséricorde  du  Seigneur  que  nous  ne   sommes  pas   anéantis  . 


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Extrait   des     MOTETTI    DELLA  CORONA  IV?  livre.-     Remise  en  partition,  moderne,  réduit_et_annote  par  A.  GASTOUE- 

Re'pertoire  des  "CHANTEURS  de  S*  GERVAIS  ','  nouvelle  série. 
Éditions    Musicales  de  la    Schola    Cantorum 

269,    PUB     St"    JaaqU.eS,     PariS,    VI  S.  2005    C.  Tous  droits  réservés 


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S.  2005  C. 


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SACERDOS    ET    PONTIFEX 

pour  un  saint  Evèque,   ou  pour   l'entrée  d'un  Evèque 

Paraphrase  de  l'antienne  grégorienne 
Choeur  à  2  voix  inégales  (ou  à  3,  alto  ad  libitum)  avec  orgue 


C._A.  COLLIN 

Organiste  d<\  grand  Orgue 
de  Notre  Dame.  Rennes  . 


TRADUCTION.-   Prêtre   et  Pontife,  ouvrier  des  vertus,* prie  pour  nous  le  Seigneur. 
on:  (ainsi  tu  fus    agréable  au  Seigneur.)    Alléluia. 


SOPRANI 


ALTI 

ad  libitum 


BARYTONS 

BASSES 


ORGUE 


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Très  posément 


clair 


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*Nota  _    .On  dit.  les  paroles  £.sec  placnisti  Domino'^  pour  la  réception,  d'un   évêque 


Éditions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,    rue  SÎ:  Jacques,  Paris,  Ve. 


S. 3001   C. 


Tous  droiti   réservés 


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S.  3001   C. 


Imp.  A.  Mounot.   Paris. 


R.    ( 

P.  j     Fonds    16-8-4     (anches    préparées) 
G.O.f 

Ped:       Fonds    32.16-8    fanches  préparées) 
Claviers    accouples   sur   G.O. 
Tir:     G.O.  R. 


à  JOSEPH  BONNET  Organiste  du  Grand-Orgue  de  S! Eustacht 

JUBILATE    DEO 

Offertoire  pour  Grand   Orgne 

Z'i  Dimanche  après  l'Epiphanie 
ou  4t  après  Pâques 


A  Dieu  votre  Jubilation  par  toute  la  terre:  chantez  le  psaume  en  l'honneur 
de  eôn  nom.  venez,  écoutez-moi  et  je  vous  raconteral,vouB  tous  qui  craignez 
le  Seigneur.  quelleB  jçrandeB  choses  le  Selg-neur  a  faites  pour  mon  âme,  Alléluia 


ALB.    BERTELIN 


Editions   Musicales  de  la   Schola  Canto.ru m 
26<»,rue   S  !  Jacques,    Paris,  Vp. 


S.  1701  u  (4)  C. 


rit .  poco  a.  Tempo 


ja]>jgn.  yfflLA  jBgE 


anches  Ped.) 


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S. 1701  "  (4)  C. 


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Imp.    Muuiiot,    Par/'. 


S.  1701"    (4)  C. 


ftuudon  Griw. 


AVE       VERUM 

pour  2,  3,  et  4  Voix   mixtes 


V3 


Transcrit  et  annoté 


par   A.  GASTOUE 


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GUILLAUME    DU    FAY 

vers  1380?-1472 . 


I.   DUO 

Andantino 

Doux  et  expressif 


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A  n, 


D'après  les  manuscrits  dp  Trente  publiés  par  G.  Ailler. 


Éditions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue   Si-  Jacques,  Paris,  V? 


S.2006C. 


Tous  droits  réservés 


II.  CHŒUR 
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III.  Poco   più  animât  o 


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IV. 


toujours  très  expressif 


plus  doux 


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"""  Lrorig,inal  porte  ici.  suivant  l'ancien  usagée, les  paroles:  Hosanna  in  e.vcelsis. 

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SANCTUS 

à  l'Unisson  avec  accompagnement 


Transcrit  et  annoté 
par   A.  GASTOUÉ* 


J.  TAPISSIER 

vers  1400-1420. 
Ecole  Parisienne 


Adag-io 


Dessus  ou 
Hautes  Contres 


ORGUE 

deux  claviers 


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*  D'après  Tunique  manuscrit,  conservé  au  trésor  d'Apt Transcription  un  ton  plus  haut. 


Éditions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue  St;  Jacques,  Paris,  V? 


S.2007C. 


Tous  droits  réservés 


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S.  2007  C. 


AGIVTJS      DËI 

à   4   Voix    mixtes 


Chanoine     C.    BOYER 
(œuvre  posthume) 


m 


Lento  non  troppo 


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Editions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue  SÎ:  Jacques,  Paris,  V? 


S. 3002  C. 


Tous  droits  réservés 


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S.  3002  C. 


Borg-erac 

7  Janvier  1897 

C.B. 


11 


à  ma  Mère 

SALVE      REGINA 

à  4  Voix    mixtes 


GEORGES    LOTH 


Sans  rigueur 


Très  calme 


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Éditions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue   St;  Jacques,  Paris,  V? 


S. 3003  C. 


Tous  droits  reserves 


dul-cé-do  et    spes no  _  stra 

Un  peu   animé 


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S.  3003  C. 


13 


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S. 3003  C. 


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S.  3003  C. 


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Et       Je 


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S.  3003  C. 


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Imp.  A.Maujiof.  Paris. 


S.  3003   C. 


Ru u don  Grav. 


SANCTUS     ET    AGIVUS 

de  la  Messe  à  deux    Chœurs 
Dédiée  à  Louis  XIII 


Transcription, réalisation 

et  annotations  de 

A.  GASTQUÉ* 


t 


NICOLAS    FORME 

Maître  de  la  musique  du  Roy 
1567-1V3& 


SAIVCTTJS 

leJ  Chœur 

(SOLISTES)  An.dan.te 

,,     '  -n  espressivo  sf>- 

a  cappella  fl    .  -f      Ë  —      */r 

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SOPRANO  I. 


SOPRANO  II. 


TENOR 


BASSE 


2?  Chœur 

(Gd  CHŒUR) 
SOPRANO 


CONTRALTO 


BASSE  I. 


BASSE  II 


Réduction  et 
réalisation 
à  l'Orgue. 


Obi. 
Péd.  8  et  16 

"^D^après  l'édition  orig-inalejimiqup  exemplaire  connu  à  la  Bibliolhèque  Ste. Geneviève — Transcription  un  ton  plus  bas. 


Editions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue  S^  Jacques,  Paris,  V? 


S. 2008  C. 


Tous  droits  réservés 


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S.  2008  C. 


AGIVTJS 


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le_r  Choeur 
(SOLISTES)       Andaiite  (très  souple  de  mesure) 

SI. 


S.  II. 


piit  dolce 


ORGUE 


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A     _     g-nusDe 


i,        qui  toi  -  lis  peccâ  Jamun  _  di,     peccâ_tamun 


S 


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S. 2008  C. 


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II. 


2e  Ch.  (Gd  CH.) 

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B.I. 


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qui  toi 


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LE      SAINT      VIEISTT      DE      MOURIR!.. 

Pour  la  Cérémonie  du    "  Transitus"ou  Commémoration  de  la  mort 
de  S*  François  d'Assise  (4  Octobre) 
Pour  Soprano  solo,  Chœur   à   4  Voix   mixtes  et   Orgue 


Teite  de 
RENÉ    CRAMOISAN,  O.F.M. 


Musique  de 
GEORGES    FAVRE 


SOPRANO 
SOLO 


ORGUE 


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1.  Le     Saint    vient  de  mou  -  rir!... 

2.  Les   siè     _     clés  ont  pas  _    se:  — 

3.  Grand  Pau    _    vre  fra.ter  -    nel,  _ 


O  Pè  -  re,dont  l'âme  est  simple  et 

le        mon-  de  toujours  bé  _  nit   ton 
é     _    cou  _  te   pri .  er   tes    fils   de 


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bon  -  ne,       tourne  en>cor  vers  nous 

œu  _  vre,  su_blimear.ti  _  san 

Fran  _  ce.         Gar  _de  leur  tou~ jours 


ton  g-es  -  te  d'ac  _  cueil. 
du  Mai  _  tre  Très  -  Haut, 
l'esprit       de    tes  lois._ 


S 


Éditions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue  St-  Jacques,  Paris,  V? 


S. 4001    C. 


Tous  droits  réservés 


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Ar_dent  semeur  d'E_van  _  gi 

Prends  en  pi_  tié    nos  dé  _  très 


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Qui    pritpour  lui 

Je  _  sus    en    croix 

Cet       au_tre    Christ 


la  Pauvre -té!, 
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est      ex_  al  _  té; 


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Dieu,  que  sa  vie         a   chan 
sa       sé_ra-phi    -  que  beau 


té, 

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Mais     Dieu,que  sa  vie 

En         sa    sé-ra.phi 


tout  quitté,         Ri  -  che  des 

a    chanté,        Lui     don-ne 

que  beauté,         Il     monte  à 


biens  d'E-ter-ni  - 
l'Immor-ta -li  - 
Dieu  dans  la  clar 


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Parla,  20  Août  1927 


S. 4001  C. 


JESU     DULCIS     MEMORIA 

à  4  Voix  mixtes    et  Orgue 


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BLANCHE     LUCAS 


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Editions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue  St>  Jacques,  Paris,  V? 


S. 3004  C. 


Ta»»  droits  réservés 


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Décembre  1926 
Hit  u  don    Grav. 


Pour  la  Schola  grégorienne  de  Roanne 


TANTUM    EFtGO    8ACRAMENTUM 

Motet  à   3   Voix   de   femmes,  a  cappella 


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LOUIS    DE    SERRES 


Assez   lent 
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Editions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue  St-  Jacques,  Paris,  Vf 


S.3005  C. 


Tous  droits  réservés 


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S. 3005  C. 


requiem: 

(Graduale) 
à   4  Voix   mixtes  et  Orgue 


Extrait  de  la  Messe   de 
KEQUIEM  en  Ut  mineur 


L.    CHERUBINI 

(1760-1842) 


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Éditions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue  S*:  Jacques,  Paris,  Ve 


S. 2009  C, 


Tous  droits  réservés 


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S.  2009  C, 


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à   4   Voix  mixtes 


Chanoine    C.  BOYER 
(œuvre  posthume) 


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Editions   Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue  S*:  Jacques,  Paris,  V? 


S. 3006  C. 


Tous  droits  réservés 


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Bergerac  24  Oct.  1896 


S. 3006  C. 


10 


O     BEATUM      PONTIFICEM 
Antienne    à  Sti    Martin 

à   4   Voix    mixtes 


TRADUCTION.  _  0  bienheureux  homme,  dont  l'âme  possède  le  paradis! 
Reste  avec  nous  pour  toujours. 


Abbé    REMON 

Maître  de  Chapelle 

de  la  Cathédrale  de  Tours 


Posément 


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Editions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue  S*;  Jacques,  Paris,  V? 


S.  3007  C. 


Tous  droits  réservés 


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num. 


Imp*  Ai  Mounot. Paris. 


S, 3007  C 


Baudon  Grau. 


2    'POINTS    D'ORGUE" 
en  triple 

sur  un  Alléluia   du  VII*  ton 


M.D:    R.  Basson    Hautbois  et  Flûte  douce. 
M.G:     P.    Cromorne,  Bourdon  . 
Ped.:    Jeux   doux    16  et  S  . 


Suivant  les  jeux  que  l'on  emploiera  pour  faire  ressortir  le  chant  des 
deux  claviers,  on  pourra.avec  des  jeux  aigus,  prendre  la  partie  de  la  main 
droite  une  octave  plus  bas.  On  peut  aussi  prendre  les  deux  parties 
manuelles  sur  un  même  clavier,  en  ajoutant  flûte  de  4  et  nasard  2  ? 


Publiés  et  annotés  par  A.GASTOL'E 

I 

à  2  Claviers 


Andantlno  quasi   moderato 


PEROTIN    le  grand 

(vers    1180-1236) 


Editions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue  S?1  Jacques,  Paris, V.e 


S. 2701  C. 


Tout  droîV  riserrt» 


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Imp.  Mounot,  Pari 


8TIRP8      JESSE 
Motet  Grégorien  à  une  Voix  et  Orgue 


V 


Transcrit  et  annoté 
par  A.  GASTOUE* 


École    Limousine 
X.I*  Siècle 


TRADUCTION.—  La  tige  de  Jessé  a  germé  un  rameau  fleuri,  et  sur  la  fleur  l'Esprit  consolateur 
s'est  reposé.  Le  rameau  a  produit  un  fruit:  celui  par  qui  vivent  les  siècles. De  la  tige  de  David  na- 
quit le  rameau  mystique  qui  ainsi  fleurit  et  porta  la  fleur.  Le  rameau  de  Jessé,  c'est  la  Vierge,  Mère 
de  Dieu;  la  fleur,  c'est  son  Fils  et  son  Père.  A  cette  fleur,  produite  hors  des  lois  de  la  nature  chan- 
tent justement  les  choeurs  des  saints:  Louange,  (ter)  Jubilation,  puissance, et  règne  sans  fin  au  Maître 
des  Gieux. 

Vif  et  bien  accentué,  rythme  libre 


CHANT 


ORGUE 

Réalisation 

de  l'Organum 


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et     in    flo    _    re  Spi_ri_tus 


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"fr  D'après  les  manuscrits  latins  1189  et  8719  de  la  Bibliothèque  Nationale  de  Paris. 


Éditions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue  Sî  Jacques,  Paris,  V? 


s.  2010  C. 


Tou»  droits  ré  c  erré  s 


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S. 2010  C. 


A  Monsieur  l'abbé  BOURGET 

IL     EST     NÉ,     LE     DIVIN     ENFANT 

Noël  populaire 


Harmonisé  à  4  voix   mixtes  par 
J.  SAMSON 


SOPRANOS 


ALTOS 


TENORS 


BASSES 


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Editions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue  Sî  Jacques,  Paris,  V? 


S.  4002  C. 


Tous  droits  réservés 


Chœur   réduit 


I 
II. 

III 
IY, 
Y. 

YI. 


De  _  puis  plus      de  qua  _  tre    mille  ans 

Ah!   qu'il  est     beau,qu'il  est    char    _  mant! 

Une      é     _  table    est  son    lo   .   ge     _  ment, 

Il       veut  nos   cœurs  il      les       at      _  tend; 

Par  _  tez,  ô       rois  de     l'O  .  ri       _      ent! 

O          Je    _  sus,       ô    roi    tout  puis     _  sant! 


Nous      le 
Ah      que 
Un      peu 
Il      vient 
Ye   _  nez 

Tout      pe    _ 


pro_  mettaient 
ses      grrâ.ces 
de    paille  est 
en       fai_re 
vous      u  -  nlr 
tit        enfant 


les  pro 

sont  par 

sa  cou 

la  con 

à  nos 

que  vous 


phè  -  tes; 

fal  »  tes: 

chet  -  te; 

que  _  te; 
fê  -  tea: 
ê     _   tes, 


De  -  puis 
Ah!  qu'il 
Une         é 

Il  veut 
Par   -  tez, 

O  Je 

ra  11 .  un  peu 


plus 

de    qua  . 

.  tre 

mille 

est 

beau  qu'il 

est 

char 

table 

est   son 

lo 

-    ffe 

nos 

coeurs  il 

les 

at 

ô 

rois  de 

l'O 

-    ri 

sus, 

o     roi 

tout 

puis 

a  Tempo 


ans  Nous     at    _    ten.dionscet   heu_reux      temps. 

_mantl  Qu'il    est      doux,    ce    di  _  vin      en    _    fant! 

-ment,  Pour    un       Dieu    quel  a  _bais.se    *    ment! 

„  tend;  Qu'ils  soient      à          lui  dès      ce       mo    _    ment. 

-  ent!  Ye   M   nez         a     _     do_rer    cet       en    _    fant! 

_  sant!  Ré  _  gnez     sur      nous  en  „  tiè  »   re    _    ment. 


Il       est 


S.  4002  C. 


NOEL8 

pour   les  instruments 


2  Flûtes  (ou  1  FI.  et  1  hautb.) 

2  Violons 

Alto 

Violoncelle  et  Contrebasse 

Accompagnement  au  clavier 


M.-A.  CHARPENTIER 

Paris,+1704 
Transcrit  et  annote'  par    A.  GASTOUÉ* 


I.   A   LA  VENUE    DE   NOËL 


Allegro  modto 

1er  y0"  Solo 


FLUTES 
VIOLONS 


ALTO 


VIOLONCELLE 
CONTREBASSE 


Basse  continue 
et  réalisation 


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Alleg^ro   mod*'0 


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«D'après  les  manuscrits  originaux  de  l'auteur,  à  la  Bibliothèque  Nationale  de  Paris. 


Éditions.Musicales  de  la  Schola  Cantorum 
269,  rue  St  Jacques,  Paris,  V? 


S.  2501(1) C. 


Tous  droits  réservés 


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S.  25010)  C. 


12 


CANTIQUE    DE    PAQUES 


à  4  Yoix  mixtes 


Paroles  et  Musique  de 
Marie    NOËL* 


Harmonisation  de 
Paul    BERTHIER 


SOPRANO 


ALTO 


TENOR 


BASSE 


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Assez  vif 

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ia!    Chan_ 


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l'ai  -  lé   . 


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tons  dans  l'ai  _  lé 


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•grès     -      se;  Chan. 


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Chan  _  tons  dans    Pal .  lé  . 


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tons     le         Christ,     Pin 


nocent  d'aujour 


d'hui  Sauve 


a       ja   . 


mais  les 


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tons  le         Christ,     Pin  _ 


nocent  d'aujour.  d'hui  Sauve 


a       ja 


mais    les  pé. 


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grès  .se  Chantons     le 


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Christ,  Pin 


nocent  d'aujour- 


d'hui Sauve 


a   jamais 


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gres.se  Chantons     le  Christ,  Pin  no  _  cent      d'aujour.  d'hui  Sauve   à    ja 

9          Elargi  "'       i     .  ?.\  ^ 


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pécheurs  en  dé 


très    .    se;  La  mort  devant  son 


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maître  a  fui,  Al  -le   .lu 


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La  mort  devant  son 
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maître  a  fui,  Al  .  le   .  lu 
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les    pécheurs 

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en    dé  _  très 


se;  La  mort 


fui,  Al 


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ia! 


.mais  les     pécheurs  en  dé  _  très  .    se;  Al  -  le   _  lu 

*  Paroles  et  air  extraits  du  recueil  de  cantiques  de  Jacques  Debout  et  Henri  Élie,avec  autorisation  spéciale. 


Editions  Musicales  de  la   Schola  Cantorum 
269,  rue  S*   Jacques,  Paris,  Ye 


S. 4003. C. 


Tous  droits  réserves 


13 


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tes-nous,  Ma.de  .  lei    .    ne,  Qu'a.vez    -   vous 


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2.  Al  .    le  _  lu     _     ia!  Di  -  tes-nous,  Ma.de  .   lei    .    ne,  Qu'a.vez    -   vous 


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Peu. pie,   j'ai 


vu  la 


gloi.re  sou.ve 


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min?  A. 
P 


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vu,  fem _ me,  Sur  le    che.  min?  A 


3.4003.C. 


14 


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Un  peu  moins  vif 


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3.  Al 

4.  Al 

5.  Al 

6.  Al 


le  .  lu  . 

le  -  lu  . 

le  .  lu  _ 

le  .  lu  . 

pp  ou  bouche 


ia.  Al 

ia.  Al 

ia.  Al 

ia.  Al 

fermée 


lez  dire  à  Ma 
lez  dire  aux  a 
lez  dire  à  la 
lez  dire  à      la 


ri  .  e,  La 
pô-  _  très  Qui 
vil  .  le  Que 
ter  .    re    Qui 


Vierge  en 
sans  leur 
son  pro 
cherche  en 


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m 


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pp  ou  bouche 


fermée 


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pp  ou  bouche 


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3.  deuil      qui 

4.  maître   ont 

5.  .phète      a 

6 .  vain       sa 


pleure  son  en  . 
perdu  leur  che 
dit  la  vé  _  ri  . 
lumière   en  tout 


fant  Que 

min  Qu'il 

té,  Que 

lieu,  Qui 


du         tom 
les  at  . 

l'homme  hi 
lutte       en 


beau  qu'Is.ra.ël         in.ju. 

tend,  Si  .  mon  Pierre  et  les 

er  clou  Le    sur        la  croix 

vain  à       travers      le  mys. 


fet 


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3.  .ri 

4.  au 

5.  vi 


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très  Pour 
le    Cet   . 


P    P  p  P 


l'aube  II     est 

leur    don.ner 

te      nuit  est 


sor 
le 
res 


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ti  vi .  vant, 
genre  humain, 
sus  .   ci  .   té, 


Al  . 
Al  . 
Al    . 


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15 


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sus  mon  es  _  pe  . . 
vons-Le  dans  la 


ran  .  ce,   Je 
pei  .   ne,  Dans 


sus 
les 


mon 
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7.  Al  .  le  .  lu     .     ia,         Je-  sus  mon  es.  pé  .    ran  _  ce,   Je  _  sus       mon 

8.  Al  -  le  -  lu     .    ia,        Sui  .vons-Le  dans  la       pei  _  ne,  Dans  les        su 


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7  et  8. 


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7  et  8, 


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7.  maître      est 

8.  .eurs  et 


vi.vant    à     ja  .  mais;    Al  .  le  .  lu     . 
l'é.  preuve  aujour.d'hui,    En.tronssans 


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p  p    p  l  ÉÉÊÈl 


ia, 
peur 


Je  . 
dans 


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sus,  ma  dé.li . 
la  mort  incer. 
cresc. 


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7.  maître      est     vi.vant    à     ja .  mais;     Al  .  le  _   lu    _     ia,  Je.  sus,  ma 

8.  .eurs  et       Pé.  preuve  aujour.d'hui,     En.tronssans     peur        dans    la    mort  incer. 


7.  _vran  .  ce,  Mar  . 

8.  _tai    _    ne,  Nous 


W  r     M 


che     de  .  vant  nous 
en    sor  .  ti  .  rons 


f  f    P   î 


dé  .  sor.  mais,  Al 
a  .  vec  Lui,     Al 


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lu 
lu 


ia. 
ia. 


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7  .vran  _  ce,  Mar.  che    de  .vant  nous    dé  _  sor.  mais,  Al    _    le      _     lu      .        ia. 

8  .  tai    .    ne,  Nous    en    sor.  ti  _  rons     a  .  vec  Lui,    Al    .    le      .     lu      _        ia. 


16 


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D'une   â.me   fra.ter.   nel    _    le    Sui. 


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paix         et    l'a 


mour; 


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nous  con. duit. 


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Il         nous 


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Très  elarg-i 


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la  joie  é .  ter  . 


joie 


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à     la  joie 

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nel   _    le     Où 


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nous  Lui  chan.te 


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nous  Lui  chan.te. 


P    P   P    P 


nous  Lui  chan.te. 


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rons  un  jour  Al 


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rons  un  jour  Al 


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rons  un  jour  Al 


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duit  à        la  joie  e'  .  ter.  nelle  Où  nous  Lui  chan.te_rons  Al  .  le  _    lu   _     ia. 

Imp.  A.  Mounot.  Paris 


J.-S.  BACH 

OFFICE    EN    CHORALS 

POUR    ORGUE  (PÉDALE  OBLIGÉE) 

avec  une  préface  analytique  par 
Vincent  d'INDY 

Les  10  grands  Chorals  variés  de  J.-S.  BACH,  dans  l'ordre  de  la  Messe, 
depuis  le  Kyrie  (Fons  honitatis)  jusqu'à  la  Communion,  replacés  dans  leur 
série  définitive  par  V.  D'INDY.  Cet  ouvrage  est  adopté  pour  les  cours  de  la 
SCHOLA  CANTORUM,  aux  classes  d'orgue  et  de  composition. 

Une  belle  partition  in-4°  de  IV  et  44  pages 
Net 15  francs 


MÉTHODE  D'HARMONIUM 

PAR 

CHARLES   PINEAU 

Professeur  d'Orgue  à  la   Schola   Cantorum 

Cette  méthode  contient  toute  la  partie  technique  de  celle  de  Lemmens 
et  offre,  en  plus,  tout  ce  qu'il  est  nécessaire  de  pratiquer  pour  avoir  un  jeu 
brillant  et  sûr.  Ceux  qui  n'ont  pu  étudier  le  piano  ne  peuvent  trouver  plus 
pratique  que  cette  Méthode  qui  est  le  fruit  du  long  enseignement  de  M. Pineau 
à  la  Schola.  La  partie  "  Pièces  d'étude  "  contient  des  œuvres  doigtées  de 
J.-S.  Bach,  J.  Lemmens,  A.  Guilmant,  A.  Chaui>et,  E.  Chausson,  etc* 

Un    Volume   in-4° 
Net     20  francs 


LA  TRIBVNE  DE  SAINT-GERVAIS 

Fondée  en  1895  par 
Ch.  BORDES,  Alex.  GUILMANT  et  Vincent  d'INDY 

NOUVELLE    SÉRIE    SOUS    LA  DIRECTION    DE 

A.  GASTOUÉ  et  A.  TROTROT-DÉRIOT 


SOMMAIRE  DU   N°   1  -  MARS  1928 

Vincent  cTIndy  :  Vœux  de  bienvenue. 

Auguste  Sérieyx  :  Primauté  du  grégorien. 

A.  Gastoué  :  Documents  latins  du  moyen  âge  sur  le  chant  byzantin. 

F.  Raugel  :  Notes  sur  les  Grandes  Orgues  de  Paris. 

A.  Trotrot-Dériot  :  Le  «  Requiem  »  de  Berlioz. 

Notre  supplément  :  3  motets  anciens  :  Jean  Castileti  (Chatelet),  Motet  pour 
Pâques,  à  4  voix  mixtes;  Renaud  Mel,  O  Jesu  Christe,  à  4  voix  mixtes; 
Palestrina,  Tu  es  Petrus  (lre  partie),  à  6  voix  mixtes. 

A.  Trotrot-Dériot,  E.  Borrel,  Paul  Berthier,  nos  correspondants  :  Le 
mouvement  liturgique  et  musical,  Paris,  Province,  Étranger. 

La  Rédaction  :  L'Édition  Musicale;  Les  Livres;  Les  Revues;  Nécrologie. 


ÉDITIONS  MUSICALES  DE  LA  SCHOLA  CANTORUM 

269,  RUE  SAINT- JACQUES,  PARIS  (5e) 
Téléphone  :  Gobelins  4o-02.  Compte  postal  :  Paris  33l~79 


ÉDITIONS  MUSICALES  DE  LA  SCHOLA  CANTORUM 
269,    RUE   SAINT-JACQUES,    PARIS 


SELECTA  CANTICA 

RECUEIL   DE    100   CANTIQUES  PAR  L'Abbé  F.  BRUN 

avec  une  Etude  sur  le  Cantique  Grégorien,  par  VINCENT  D'INDY 

Parmi  les   nombreux  recueils    de  cantiques  le  SELECTA   CANTICA    s'est 
rapidement  conquis  une  place  de  choix,  disons  même  la  meilleure  place. 

La  2e  édition,  augmentée  des  PRIÈRES  DE  LA  MESSE,  répand  de  plus  en  plus 
les  cantiques  artistiques  et  populaires  de  : 

Ch.  BORDES,  Vincent  d'INDY,  Paul  BERTHIER,  C.  BOYER 
F.  BRUN,  D.  de  SÉVERAC,  F.  de  La  TOMBELLE 

et  d'autres  compositeurs  réputés,  en  même   temps  que  plusieurs  des   cantiques 
anciens  les  meilleurs. 

Tous  les  sujets  y  sont  musicalement  traités  :  Eucharistie,  Sacré-Cœur,  Saint- 
Esprit,  Sainte- Vierge,  Saint- Joseph,  Sainte- Jeanne  d'Arc,  Sainte-Cécile,  Saint- Louis, 
Temps  liturgiques,  Grandes  fêtes  de  l'année,  Première  Communion,  Prise  d'habit,  etc. 

Le  SELECTA  CANTICA  est  le  recueil  qui  s'impose  à  tout  chœur  désirant  se  tenir 
au  courant  du  mouvement  musical  moderne,  vraiment  religieux. 

Chant  seul,  cartonné     ...       5  fr.       |      Accompagnement   ...       10  fr. 

Du  même  auteur  :  Cantiques  pour  les  Enfants  du  Catéchisme  et  des  Patronages 

FORTES  REMISES  PAR  NOMBRE 

Demander  le  Catalogue  IV  :  Cantiques,  Noëls,  Concerts  spirituels 


LES   MAITRES 

FRANÇAIS 

DE    L'ORGUE 

AUX  XVIIe  ET  XVIIIe  SIÈCLES 

Recueil   de   ôÇ)  pièces  faciles  d'Orgue  ou  Harmonium, 

choisies   et  publiées  avec  notes  par   FÉLIX  RAUGEL, 

Maître  de  Chapelle  de  «Saint-Eustache 

Préface    de    Ch.~M.    WIDOR,    de    l'Institut 
Prix  :  20  francs 


EDITIONS   MUSICALES   DE  LA  SCHOLA  CANTORUM 


NOUVEAUTÉS 

PALESTRINA.     .     Messe  Lauda  Sion,  à  4  voix  mixtes.     ...      4.  » 

—  Messe  Jesu  nostra  redemptio^  à  4  voix  mixtes  .      5.50 

Ces  deux  messes  de  moyenne  difficulté  ont  été  spécialement  révisées 

d'après  les  documents  originaux,  et  annotées  par  Vincent  d'INDY 

en  vue  de  l'exécution  pratique. 

P.  BERTHIER     .     Messe  Pontificali  infula,  à  2  et  3  voix  égales 

(assez  facile) 2.   » 

A.  FORNEROD  .     Messe  à  4  voix  mixtes,  pour  les  Fêtes  de  la 

Sainte-Vierge  (assez  facile) 2.50 

C.   GAUTHIEZ  .     Messe  à  4  voix,  avec  orgue  ad  libitum  (assez 

difficile)  ;  la  partition I3-5° 

Parties  de  chœur 2.50 

GUY  ROPARTZ.     2  Motets  à  3  voix  égales  et  orgue  (assez  faciles), 

pour  première  messe  ou  jubilé  sacerdotal  ; 

la  partition 10.   » 

Parties  de  chœur 1.50 

Abbé   FABRE  .     .     Messe  de  Requiem,  alternée  avec  le   chant 

grégorien,  à  3  voix  égales  (facile)     .     .     .      2.50 
Nouvelle  édition,  soigneusement  révisée,  de 
cette  intéressante  et  pratique  composition. 

PARTITIONS  POUR  CHOEURS 

EXTRAITES   DE 

LA     PETITE    MAITRISE 

N"  170.  —  GAY,  Tota  pulchraes,  2  v.  ég.  —  RAFFAT  DE  BAILHAC,  Reine  des 
Anges,  cantique,  refr.  à  2  v.  ég.  —  Fr.  BELATIEN-JOSEPH,  Bone  Pastor  sur  le  thème 
liturgique,  2  v.  ég.  —  GOURCY  (de),  Invocations  à  la  Sainte  Vierge,  3  v.  ég.  —  CALLIER, 
Anges  sur  vos  blanches  ailes,  cant.  pour  l'Assomption,  à  l'unisson.  —  CANTON,  Ave 
maris  stella,  2,  3  et  4  v.  m. 

\To  jp  _  FABRE,  Salut  à  3  v.  ég.  ou  inég.  —  CIVIL  y  CASTELLVI  (harm.  par), 
Miseremini  grégorien.  —  TICHY,  Pie  Jesu,  ténor  ou  soprano.  —  SAINT-REQUIER, 
Ave  verum  corpus,  soli  et  3  v.  m.  (S.  T.  B).  —  CALLIER,  Sub  tuant  protectionem,  unisson. 
—  DAUMER,  Notre  Père,  chœur  à  l'unisson. 

N°  174.  —  BRUN,  Berceuse  de  Noël,  unisson.  —  SÉRIEYX,  Hodie  Chrislus  natus  est, 
d'après  l'antienne  liturgique,  1  et  2  v.  —  ALAIN,  La  Nativité,  prose-cantique  à  l'unis- 
son. —  DAUMER  (harm.  par),  GuillenU,  vieux  Noël.  —  LEFAUQUEUR,  Entre  l'âne  et 
h  bouvelet,  1,  2  et  3  v.  ég.  —  SAMSON  (harm.  par),  Noël  nouvelet,  xve  s.,  1  et  2  v.  — 
WAILLY  (de),  Missa  brevis  :  Gloria,  2  v.  ég. 

Chaque  numéro,  tirage  spécial  pour  les  seuls  abonnés  à  la  Revue,  I  fr.  ; 
o  fr.  75  à  partir  de  10  exemplaires. 


A  NOS  AMIS 

LA  Tribune  de  Saint-Gervais  reparaît,  grâce  aux  soins  constants 
apportés  à  l'amélioration  de  nos  publications  par  l'Administra- 
tion des  Éditions  Musicales  de  la  Schola  Cantorum. 

Tribune  de  Saint-Gervais,  ce  titre  est  un  programme.  Il  rappelle 
les  jours  où  Ch.  Bordes,  avec  ses  «  Chanteurs  »,  faisait  rayonner  sur 
toute  la  France  les  chefs-d'œuvre  grégoriens  et  palestiniens,  de  concert 
spirituel  ou  d'art  populaire.  C'est  sous  les  voûtes  de  l'église  Saint- 
Gervais  que  prit  corps  la  première  forme  de  notre  Schola  Cantorum, 
et  que  cette  même  revue  naquit.  Après  quelques  années  de  silence, 
interrompue  par  la  guerre,  puis  victime  des  circonstances  économiques, 
la  Tribune  renaît. 

Fidèle  à  son  programme  de  toujours,  missionnaire  —  avant  la 
lettre,  —  du  «  Motu  proprio  »  de  Pie  X,  notre  revue  maintiendra  les 
droits,  la  défense,  la  connaissance  de  la  musique  religieuse,  de  la  musique 
d'église  surtout,  sous  toutes  ses  formes  légitimes.  Elle  ne  se  privera  pas 
pour  cela  de  quelques  incursions  sur  les  domaines  qui  l'avoisinent,tels 
que  l'art  ancien,  l'enseignement,  les  théories  musicales. 

Rajeunie  et  modernisée,  agrandie  dans  son  format,  élargie  dans 
ses  cadres,  la  Tribune  de  Saint-Gervais  repart,  vaillante,  pour  une 
nouvelle  série  d'années  :  à  nos  lecteurs,  à  nos  abonnés,  de  les  rendre 
longues  et  prospères. 

La  Tribune  paraît  tous  les  deux  mois,  par  fascicules  de  32  pages 
in-8°,  plus  un  encartage  de  musique  ou  de  documents  inédits.  —  Elle 
contient  des  articles  de  fond,  historiques  et  esthétiques,  techniques  et 
pratiques,  de  documentation  ou  d'action,  sur  tous  les  aspects  de  la 
musique  religieuse.  —  Les  «  Nouvelles  Musicales  »  et  la  «  Chronique 
des  Concerts  »  font  de  La  Tribune  de  Saint-Gervais  une  revue  très 
vivante,  que  vient  encore  compléter  une  Bibliographie  très  étendue, 
avec  une  Revue  des  revues  très  détaillée.  —  Enfin,  des  «  Variétés  » 
permettent  à  la  rédaction  de  sortir  du  cadre  ordinaire  et  d'intéresser 
ses  lecteurs  à  un  certain  nombre  de  questions  ressortissant  à  la  musique. 

La  Tribune  de  Saint-Gervais  est  composée  et  tirée  par  les  maîtres- 
imprimeurs  Ducros  et  Colas,  à  Paris. 


Les  manuscrits  d'articles  et  d'études  de  fond  doivent  être  envoyés  à 
M.  A.  GASTOUÉ.  —  Tout  ce  gui  concerne  le  "  Mouvement  liturgique  et 
musical",  à  M.  A.  TROTROT-DÉRIOT. — Les  ouvrages  envoyés  pour  Biblio- 
graphie, simplement  au  nom  de  LA  RÉDACTION  de  la  Tribune  de  Saint- 
Gervais,  à  la  Schola  Cantorum,  269,  rue  Saint-Jacques,  Paris,  Ve. 


LA  TRIBUNE 
DE  SAINTGERVAIS 

paraît  tous  les  deux  mois 

PRIX  DU  NUMÉRO  :     6   FRANCS 
Étranger 10 

ABONNEMENTS    ANNUELS: 

France  et  Colonies    .....  30  fr. 

Belgique 35  fr. 

Italie    .     .     . 40  fr. 

Autres  pays  . 50  fr. 

ÉDITIONS  MUSICALES  DE  LA 

SCHOLA    CANTORUM 

269,  RUE  SAINT-JACQUES,  PARIS  V* 

Tél.  :  Gobelins  40-02  —  Compte  postal  :  Paris  33i-79 
Télégramme:    SCHOLACANT.  38  -   PARIS 


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