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Full text of "La Tunisie"

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BIBLIOTHÈQUE    D'HISTOIRE    CONTEMPORAINE 


J.-L.    DE    LANESSAN 

Ancien  Ministre  de  la  Marine, 
Afîcien  Gouverneur  généra]  de  l'Indo-Chine, 


La   Tunisie 


DEUXIÈME     ÉDITION,      RKVUE     ET     MISE     A     JOUR 
AVEC     UNE     CARTE     EN     COULEURS 


LIBRAIRIE    FELIX    ALCAN. 


LA  TUNISIE 


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LA  TUNISIE 


J.-L.    DE   LANESSAN 

Ancien  Ministre  de  la  Marine. 
Ancien  Gouverneur  sénéral  de  llndo-Chine. 


DEUXIEME    EDITION,    REVUE    ET     MISE    A    JOUR 

Avec  une  carte  en  couleurs. 


PARIS 

LIBRAIRIE  FÉLIX  ALGAN 

108,     B  0  U  L  E  V  A  li  D    S  A  I  N  T  -  G  E  R  M  A  I N  ,     108 

1917 

Tous  droits  de  reproduction,  de  Iraduclioii  et  d'adaptation  resserves 
pour  tous  pays. 


AUG  2  9 1966 


1114241 


PREFACE 


La  première  édition  de  cet  ouvrage  a  été  publiée  en 
1887,  à  la  suite  d'une  visite  de  la  Tunisie  au  cours  de 
laquelle  toutes  facilités  me  furent  données  par 
M.  Paul  Cambon,  résident  général,  en  vue  de  l'étude 
du  pays  et  des  multiples  questions  relatives  à  son  orga- 
nisation. 

L'établissement  de  notre  protectorat  dans  la  Régence 
ne  remontait  alors  qu'à  cinq  années.  Les  colons  fran- 
çais étaient  peu  nombreux  ;  l'existence  des  minés  mé- 
tallifères commençait  à  peine  d'être  connue  ;  celle  des 
carrières  de  phosphates  ne  Tétait  pas  encore  ;  la 
situation  financière  paraissait  peu  favorable  aux 
réformes  profondes  qu'il  était  nécessaire  d'accomplir 
pour  inspirer  aux  indigènes  la  confiance  dans  nos 
intentions  et  dans  notre  habileté,  et  assurer  aux  colons 
les  moyens  de  réaliser  les  profits  pour  lesquels  ils 
s'étaient  expatriés.  Les  difficultés  de  l'œuvre  colo- 
niale pour  laquelle  la  France  avait  assumé  le  pro- 
tectorat apparaissaient  aux  yeux  de  tous  les  hommes 
clairvoyants.  On  se  rendait  compte  des  obstacles  que 
la  chaleur,  la  rareté  des  pluies,  la  nature  du  sol,  lin- 


II  l'RKl'AGE 

dolence  des  indigènes  et  l'insuffisance  de  la  main- 
d'œuvre  opposaient  au  développenaent  de  la  colonisa- 
tion agricole,  sur  laquelle  toutes  les  espérances  étaient 
alors  fondées. 

En  dépit  de  la  perception  très  nette  des  difficultés 
avec  lesquelles  Tanivre  de  la  France  et  des  Français 
aurait  à  lutter,  une  grande  confiance  en  l'avenir 
du  pays  régnait  dans  les  milieux  administratifs  et 
parmi  les  colons.  Ceux-ci  mettaient  dans  leurs  entre- 
prises une  ardeur  et  une  ténacité  dignes  d'admiration. 
Le  résident  général  et  ses  collaborateurs  français 
apportaient,  de  leur  côté,  dans  l'accomplissement  de 
leur  tâche  très  délicate,  un  zèle  dont  les  administra- 
tions métropolitaines  donnent  rarement  le  spectacle. 
Comme  le  gouvernement  de  la  République  accordait 
au  résident  général  une  confiance  absolue  et  ne  cachait 
pas  son  désir  de  voir  notre  nouvel  établissement  colo- 
nial faire  lui-même  sa  destinée,  avec  ses  ressources 
propres,  chacun,  dans  l'administration  du  protectorat 
français,  avait  conscience  de  ses  responsabilités  et  de 
son  devoir  ;  chacun  s'efforçait  de  mener  à  bien  une 
entreprise  d'où  tous  tireraient  honneur  et  profit  si  elle 
réussissait. 

'  M.  Paul  Cambon,  qui  avait  eu  la  charge  et  l'hon- 
neur d'établir  le  programme  politique  et  administratif 
du  protectorat  français,  avait  fort  bien  compris  la 
nécessité  de  limiter  le  rôle  de  la  France,  surtout  dans 
les  débuts,  au  contrôle  de  l'administration  indigène 
dans  les  provinces  et  à  la  direction  du  gouvernement 
beylical  au  moyen  de  conseils  assidus  sans  être  impor- 


PRKFACE  III 

tuns.  Aussi  raccord  le  plus  parfait  régnait-il  entre  le 
résident  général,  le  bey  et  ses  ministres  d'une  part, 
les  fonctionnaires  tunisiens  et  les  contrôleurs  français 
d'autre  part.  Partout,  au  cours  de  ma  visite,  je  recueillis 
des  témoignages  incontestables  de  l'harmonie  qui 
existait  entre  les  éléments  européens  et  les  éléments 
indigènes  de  l'administration.  Kt  partout  aussi,  je 
constatai  que  de  cette  harmonie  résultait  l'acceptation 
bénévole,  sinon  reconnaissante,  du  protectorat  fran- 
çais, par  les  populations  indigènes. 

r.e  service  est,  sans  nul  doute,  le  plus  grand  que 
M.  Paul  Cambon  ait  rendu  à  la  Tunisie,  car  les  habi- 
tudes de  confiance  réciproque  établies  par  lui  entre 
les  indigènes  et  les  Français,  ont  été  conservées  par 
tous  ses  successeurs  et  ont  rendu  possible  le  règlement 
de  questions  qui,  avec  d'autres  traditions,  auraient  pu 
être  dune  solution  fort  difficile. 

Dans  la  première  édition  de  cet  ouvrage,  je  dus  me 
borner  à  exposer  la  situation  dans  laquelle  se  trouvait 
la  Tunisie  au  moment  de  notre  occupation,  à  indiquer 
la  voie  dans  laquelle  l'avait  orientée  son  premier  rési- 
dent général  et  à  tracer  le  programme  des  réformes 
et  des  travaux  indispensables  au  développement  du 
pays. 

J'achevai  ce  travail  au  cours  de  la  mission  dont  le 
gouvernement  m' avait  chargé  en  Extrême-Orient  et 
qui  me  permit  de  me  rendre  compte  sur  place  des 
procédés  coloniaux  appliqués  par  les  Anglais  dans 
l'Inde,  par  les  Hollandais  à  Java  et  par  la  France  en 
Indo-Chine.  Ce  que  je  vis  dans  cette  dernière  colonie 


IV  PRKFACF. 

me  confirma  dans  l'opinion  que  l'étude  de  la  Tunisie 
m  avait  inspirée  ;  elle  me  fit  acquérir  la  convictiop, 
très  renforcée  ultérieurement  par  ma  propre  expé- 
rience, que  le  protectorat  est  de  toutes  les  formes 
d'administration  des  colonies  la  plus  favorable  au 
pavs  colonisé  et  à  la  nation  colonisatrice,  parce  qu'il 
est  le  plus  économique  et  le  plus  humain. 

Les  faits  qui  se  sont  produits  en  Tunisie  depuis 
1887  et  dont  l'exposition  est  Fobjet  principal  de  cette 
deuxième  édition,  projettent  sur  cette  vérité  une 
lumière  éclatante.  De  tous  nos  établissements  colo- 
niaux, la  Tunisie  est,  sans  nul  doute,  celui  qui  s'est 
développé  avecle  plus  de  rapidité,  qui  a  exigé  le  moins 
de  sacrifices  de  la  part  de  la  métropole  et  où  l'accord  a 
été  le  plus  complet  entre  les  indigènes  et  les  Français. 
C'est  aussi  celui  qui  a  le  plus  fait  d'œuvres  utiles  avec 
le  moins  de  personnel. 

Il  en  a  été  ainsi  parce  que  le  gouvernement  métro- 
politain lui  a  concédé  une  indépendance,  une  self- 
direction,  dont  aucune  autre  de  nos  colonies  n'a  joui. 
Si  les  résidents  généraux  qui  s'y  sont  succédé  depuis 
M.  Paul  Gombon,  c'est-à-dire  MM.  Massicaut,  Millet, 
Stephen  Pichon  et  Alapetite  qui  gouverne  la  colonie 
depuis  dix  ans,  ont  tous  suivi  la  politique  arrêtée  par 
le  premier  d'entre  eux,  c'est  que  tous  ont  eu,  comme 
lui,  la  pleine  conscience  des  responsabilités  qui  pesaient 
sur  leur  tète  en  raison  de  l'autorité  dont  ils  jouis- 
saient. Tous  ont  fait  de  la  bonne  besogne  parce  que 
cette  besogne  était  la  leur.  Tous  ont  maintenu  le  pro- 
tectorat, parce  que  tous  ont  compris  qu'étant  le  plus 


PRÉFACE  V 

économique  des  régimes,  celui  qui  exige  le  moins  tle 
personnel  européen,  et  celui  qui  est  le  plus  facilement 
accepté  par  les  indigènes,  il  permet,  beaucoup  mieux 
que  le  régime  de  Tadministration  directe,  de  prélever 
sur  les  recettes  budgétaires  les  sommes  nécessaires  à 
Texécution  des  travaux  publics.  VA  tous  étaient  dési- 
reux de  construire  des  routes,  des  chemins  de  fer,  des 
ports,  etc.,  qui,  en  créant  la  ricliesse,  leur  vaudraient 
la  reconnaissance  des  colons  et  des  indigènes.  Aucun 
n'aurait  admis  comme  règle  de  conduite  cette  formule 
trop  facilement  adoptée  dans  la  métropole  :  «  les  éta- 
blissements d'outre-mer  sont  faits  pour  assurer  des 
places  bien  rétribuées  à  ceux  qui  n'en  trouvent  pas  en 
France  ». 

La  Tunisie  a  échappé  à  l'application  de  ce  faux  prin- 
cipe parce  qu'elle  est  placée  sous  la  haute  direction  d'un 
ministère  métropolitain  dépourvu  de  caractère  adminis- 
tratif et  n'employant  qu'un  personnel  très  spécialisé, 
ce  qui  le  soustrait  aux  sollicitations  des  gens  en  quête 
de  places  pour  leur  clientèle  électorale. 

C'est  probablement  aussi  à  cette  condition  particu- 
lière que  la  Tunisie  doit  d'avoir  vu  ses  résidents  géné- 
raux y  faire  tous  de  longs  séjours.  De  1881  à  1916  elle 
en  a  eu  seulement  cinq,  tandis  que  de  1884  à  1916 
rindo-Chine  en  a  vu  passer  treize  ou  quatorze  dont 
plusieurs  n'y  restèrent  qu'un  petit  nombre  de  mois. 

De  tous  ces  faits  le  lecteur  conclura  sans  nul  doute 
avec  moi  que  le  gouvernement  de  la  République  ren- 
drait à  nos  établissements  coloniaux  un  bien  grand  ser- 
vice en  les  dotant  d'assez  d'indépendance  pour  que 


VI  PRÉFACF. 

ciiacuii  d'euLie  eux  put  se  développer  coniormémenl 
aux  conditions  particulières  dans  lesquelles  il  se 
trouve,  et  en  accordant  à  leurs  gouverneurs  assez  d'au- 
torité pour  qu'ils  se  sentent  responsables  de  leur  ges- 
tion politique,  administrative  et  économique  vis-à-vis 
de  ceux,  indigènes  et  colons,  qui  y  sont  directement 
intéressés. 

Je  tiens  à  remercier,  en  terminant,  le  Résident 
général  et  ses  collaborateurs  ainsi  que  le  président 
de  la  Chambre  d'agriculture  pour  l'amabilité  avec 
laquelle  ils  m'ont  documente  en  vue  de  cette  seconde 
édition.  L'empressement  qu'ils  y  ont  mis  est  à  mes 
yeux  et  sera  pour  le  lecteur  un  témoignage  de  plus  en 
faveur  de  l'excellence  de  l'œuvre  accomplie  en  Tunisie. 

•I.-L.  DE  Lanessan. 

Ecoueu.  le  iô  décembre  191G. 


LA  TUNISIE 


CHAPITRE  PREMIER 

LE  SOL,  LE  CLIMAT  ET  LA  POPULATION 

I  I.  —  Le  sol 

Avec  une  superficie  généralemenL  évaluée  à  treize  mil- 
lions d'hectares,  c'est-à-dire  égalant  à  peu  près  celle  du 
quart  de  la  France,  la  Tunisie  présente  la  forme  d'un 
grand  rectangle  baigné  par  la  mer  au  nord  et  à  l'est,  où 
ses  bords  sont  creusés  d'un  grand  nombre  de  golfes  ou  de 
baies,  contigu  du  côté  de  l'occident  à  la  province  algé- 
rienne de  Constantine,  et  se  fondant  au  sud  dans  les 
déserts  du  Sahara. 

Elle  est  traversée,  du  sud-ouest  au  nord-est,  par  deux 
massifs  montagneux,  que  distinguent  les  caractères  géolo- 
giques et  la  végétation.  Ils  sont  formés  par  le  prolonge- 
ment des  chaînes  du  Tell  et  du  Sahara  qui  traversent  de 
l'ouest  à  l'est  tout  le  nord  de  l'Afrique.  La  plus  septentrio- 
nale de  ces  deux  chaînes  se  termine,  au  nord  du  golfe  de 
Tunis,  à  la  hauteur  du  cap  ou  Ras-El-Abiad,  tandis  que 
la  plus  méridionale  se  prolonge  au  sud  du  golfe  de  Tunis 
jusqu'au  sommet  de  la  presqu'île  du  cap  Bon.  Dans  la 
partie  occidentale  de  la  Tunisie,  ces  deux  arêtes  princi- 
pales sont  réunies  par  des  arêtes  secondaires  très  nom- 
breuses, de  manière  à  former  un  massif  en  apparence 
unique,  dont  on  ne  peut  aisément  distinguer  les  deux 
parties  constituantes  que  par  les  caractères  géologiques  : 
le  grès  domine  dans  la  partie  qui  sert  de  prolongement  au 
Tell  algérien,  tandis  que  les  roches  crétacées  caractérisent 
celle  qui  fait  suite  au  nassif  algérien  du  Djebel  Aurès. 

Dans  le  nord-est  de  la  Tunisie,   les  deux  systèmes  de 

J.-L.  De  Lanessan.  —  La  Tunisie.  1 


2  LA  TUNISIE 

monla|2;nes  sont  plus  distincts  :  ils  sont  séparés  par  deux 
i^randos  vallées  qui  s'étendent  de  l'ouest  à  l'esl  jusqu'aux 
environs  de  Tunis  et  dans  lesquelles  coulent  deux 
rivières  ayant  de  l'eau  en  tout  temps  :  la  Medjerdah  et  la 
Milianah. 

Dans  le  sud-ouest,  les  montagnes  sont  moins  hautes  que 
dans  le  nord,  et  encore  moins  régulièrement  disposées  ; 
elles  envoient  vers  le  sud  des  prolongements  qui  con- 
touï'nent,  à  l'est,  le  grand  chott  El  Djerid  et  vont  se  ter- 
miner dans  les  montagnes  des  Matmatas,  entre  Gabès  et 
Zarzis. 

La  partie  la  plus  élevée  de  la  région  montagneuse  de  la 
Tunisie  est  celle  qui  confine,  dans  le  nord-ouest,  à  la  pro- 
vince de  Constantine  et  qui  a  reçu  le  nom  de  Kroumirie. 
C'est  là  aussi  que  se  trouvent  les  plus  belles  forêts  de 
chênes-zen  et  de  chênes-liège.  Le  massif  de  la  Kroumirie 
fait  suite  à  celui  de  Bcni-Salah  de  la  province  de  Constan- 
tine. Il  est  formé  de  deux  chaînes  principales  entre  les- 
quelles coule  la  Medjerdah,  qui  prend  sa  source  sur  le 
territoire  algérien,  aux  environs  de  Souk-Ahras.  Il  se 
complète  par  un  grand  nombre  de  chaînes  secondaires  plus 
ou  moins  parallèles  entre  elles.  Les  grès  qui  forment  ce 
massif  surgissent,  en  cent  endroits,  des  flancs  des  mon- 
tagnes, en  pitons  dressés  à  pic  sur  les  bords  de  ravins 
profonds  ou  de  vallées  étroites,  que  sillonnent  pendant 
l'hiver  d'impétueux  torrents. 

Les  forêts  s'étendent  sur  tous  les  sommets  montagneux  de 
la  région  des  Kroumirs,  des  Nefzas  et  des  Mogods,  jusqu'au 
bord  de  la  Méditerranée.  La  base  des  montagnes  qui  les 
portent  est  couverte  d'arbustes  qui  se  trouvent  aussi  dans 
les  vallées  intermédiaires.  Ces  dernières  sont  d'une  grande 
fertilité,  mais  elle.s  sont  encore  peu  cultivées.  Du  reste, 
dans  toute  la  région  montagneuse  de  la  Tunisie,  les  habi- 
tants sont  rares  et  présentent  un  degré  de  civilisation 
inférieur  à  celui  des  indigènes  des  grandes  et  fertiles 
plaines  de  la  Medjerdah,  de  Foued  Miliane,  des  environs 
de  Tunis,  de  la  presqu'île  du  cap  Bon  et  de  l'Est. 

A  mesure  qu'on  avance  de  l'ouest  à  l'est  ou  qu'on  descend 


LE    SOI.,    LE   CLIMAT    ET    LA    POPULATION  3 

vers  le  sud-ouest,  la  hauteur  des  montagnes  diminue 
et  les  forêts  disparaissent.  On  ne  retrouve  ces  dernières 
que  dans  quelques  points  peu  nombreux  :  au  sud  de 
Ghardimaou,  entre  Sidi-Yousef  et  le  Kef,  se  trouvent 
des  forets  de  chênes  verts  et  de  pins  d'Alep  ;  il  en  existe 
d'autres  des  mêmes  essences  dans  les  montagnes  de 
Zaghouan,  d"où  elles  se  prolongent  vers  le  sud-ouest, 
aux  environs  de  Hessera,  de  Djidjil,  d'El  Mekhita,  entre 
le  Djebel-Chamlii  et  Haidra,  et  dans  le  voisinage  de  Kas- 
serine. 

En  dehors  de  ces  points,  les  montagnes  du  centre  et 
du  sud  ne  portent  que  des  arbustes  plus  ou  moins  rabou- 
gris et  des  herbes. 

Entre  les  chaînes  montagneuses  principales  et  leurs 
ramifications  s'étendent  des  plaines  plus  ou  moins  vastes 
et  d'une  valeur  très  inégale  au  point  de  vue  de  la  colonisa- 
tion. Entre  les  rameaux  de  la  grande  chaîne  septentrionale 
qui  descendent  vers  la  Méditerranée  se  trouvent  des  petits 
bassins  côtiers  dont  les  plus  importants  sont  :  celui  de 
l'oued  El-Kebir  qui  descend  à  Tabarka,  et  ceux  des  petits 
cours  d'eau  dont  les  vallées  aboutissent  à  la  plaine  basse 
de  Mateur  pour  alimenter  le  lac  d'eau  douce  Garaâ-El- 
Iskeul  qui,  lui-même,  se  déverse,  par  l'oued  Tindja,  dans  la 
mer.  Ce  bassin  est  le  plus  fertile  de  la  Tunisie  parce  qu'il 
est  le  mieux  arrosé. 

Le  bassin  de  la  Medjerdah  est  le  plus  important,  comme 
étendue,  de  la  Tunisie.  Née  aux  environs  de  Souk-x\hras 
en  Algérie,  la  Medjerdah  pénètre  en  Tunisie  à  Gliardi- 
maou,  et,  après  un  parcours  de  263  kilomètres,  va  se 
jeter  dans  la  Méditerranée  sur  la  cote  orientale  de  la 
Régence,  près  de  Porto-Farina.  Ses  principaux  affluents 
forment  les  bassins  secondaires  de  l'oued  Mélègue,  de 
l'oued  Tessa  et  de  l'oued  Siliana  qui  descendent  de  la 
branche  septentrionale  de  la  chaîne. 

Parallèlement  presque  au  bassin  de  la  Medjerdah  s'étend 
celui  de  l'oued  Mihane.  Née  dans  la  branche  méridionale  de 
la  grande  chaîne  montagneuse  tunisienne,  l'oued  Miliane  va 
déboucher  dans  le  golfe  de  Tunis  près  de  Rades.  Son  bas- 


4  LA    TUNISIE 

sin  s'élargit  au-dessus  de  son  embouchure  pour  former  la 
vaste  plaine  du  Mornag. 

Au  sud  de  la  branche  méridionale  de  la  grande  chaîne 
tunisienne  les  rivières  se  déversent,  sous  les  noms  d'oued 
Tekka,  Menasser,  Djirma,  Zeroud,  Marguellil,  Bagla, 
Nebane,  etc.,  dans  la  grande  Sebka  Kelbia,  sorte  de  lac 
marécageux,  à  sec  pendant  la  saison  sèche.  C'est  dans 
cette  région  que  se  trouve  le  vaste  domaine  del'Enfida;  il 
reçoit  les  eaux  de  plusieurs  bassins  secondaires. 

Au  sud-est  s'étendent  les  plaines  plantées  d'oliviers  du 
Sahel  et  dans  le  sud  se  trouvent  les  grands  chotts  (dépres- 
sions sèches  et  salées)  dans  lesquels  se  déversent  toutes 
les  rivières  qui  descendent  du  grand  massif  montagneux 
tunisien. 

Sauf  dans  les  chotts  et  dans  quelques  parties  où  des 
bancs  horizontaux  de  gypse  se  montrent  à  la  surface  du 
sol,  les  plaines  du  sud  de  la  Tunisie  sont  susceptibles 
d'être  cultivées.  Dans  les  années  suffisamment  pluvieuses, 
mais  qui,  malheureusement,  sont  très  rares,  elles  produi- 
sent des  récoltes. 

I  II.  —  Le  climat 

Le  climat  de  la  Tunisie  ressemble  à  celui  de  l'Algérie. 
Les  quatre  saisons  y  sont  assez  bien  marquées.  Le  prin- 
temps commence  vers  le  milieu  de  mars  et  se  prolonge 
jusqu'à  la  fin  de  mai,  avec  une  température  de  18°  à  25°  C 
et  de  rares  pluies.  Les  chaleurs  de  l'été  commencent  à  se 
faire  sentir  dans  le  courant  du  mois  de  juin  ;  elles  vont  en 
augmentant  jusque  vers  la  fin  d'août.  Le  thermomètre  se 
maintient  alors,  d'ordinaire,  entre  25°  et  30°  C,  mais  il 
monte  parfois  au  delà  de  40°,  non  seulement  dans  le  sud- 
ouest,  qui  est  la  partie  la  plus  chaude  de  la  Tunisie,  mais 
même  à  Tunis  où,  dans  le  mois  d'août,  il  se  maintient 
parfois  à  40°  pendant  une  quinzaine  de  jours. 

La  chaleur  est  surtout  pénible  lorsque  souffle  le  vent 
du  sud-est,  que  les  colons  européens  désignent  sous  le 
nom  de  siroco.  Il  est  rare  que  pendant  l'été  il  tombe  de  la 


LK    SOL,    LE    CLIMAT    KT    LA    POPULATION  5 

pluie.  Il  y  a  cependant  parfois  quelques  orages  de  courte 
durée.  Durant  cette  saison,  les  nuits  sont  généralement 
peu  Immides,  sauf  sur  les  bords  de  la  mer  :  aussi  les 
plantes  se  dessèchent-elles,  à  partir  du  mois  de  juin,  avec 
une  grande  rapidité.  De  vertes  et  émaillées  de  fleurs 
qu'elles  étaient  au  printemps,  les  vastes  plaines  de  la 
Tunisie  prennent  alors  un  aspect  jaunâtre  ou  grisâtre,  qui 
pourrait  faire  croire  à  leur  infécondité,  si  l'on  ne  voyait  à 
la  surface  du  sol  les  traces  des  champs  de  blé  et  d'orge 
qui  sont  moissonnés  par  les  indigènes  dans  la  première 
quinzaine  du  mois  de  juin. 

Les  pluies  commencent  avec  Fautomne,  c'est-à-dire  fin 
sept-embre,  et  durent  jusqu'en  mars  ;  elles  sont  surtout 
abondantes  pendant  les  mois  de  décembre  et  de  janvier, 
011  régnent  les  vents  d'ouest  et  de  nord-ouest.  Le  thermo- 
mètre ne  dépasse  jamais  alors  15"  à  18",  et  descend  parfois 
au-dessous  de  zéro.  Dans  la  région  montagneuse  des 
Kroumirs,  la  neige  persiste  souvent  pendant  tout  l'hiver. 
Au  point  de  vue  du  climat,  envisagé  dans  ses  relations 
avec  la  colonisation,  on  distingue  aujourd'hui  en  Tunisie 
trois  régions  qui  se  différencient  surtout  par  Tabondance 
et  la  régularité  des  pluies.  La  première  comprend  toute  la 
partie  de  la  régence  située  au  nord  de  la  Medjerdah,  c'est- 
à-dire  les  régions  de  Bizerte,  Mateur,  Béja,  etc.  Les  pluies 
y  étant  régulières  et  abondantes,  on  y  peut  cultiver  les 
céréales  avec  succès,  obtenir  de  la  vigne,  surtout  quand 
on  l'irrigue,  des  rendements  assez  élevés  et  faire  de 
bonnes  prairies  artificielles.  C'est  la  région  la  ])lus  recom- 
mandable  pour  la  colonisation  européenne. 

La  seconde  région  comprend  les  bassins  de  la  Med- 
jerdah et  de  la  Miliane,  ainsi  que  la  presqu'île  du  cap  Bon, 
les  territoires  de  Zaghouan  et  du  Mornag.  Les  pluies  y 
sont  moins  abondantes  et  surtout  moins  régulières  que 
dans  la  première.  La  culture  des  céréales  est  plus  aléatoire 
et  moins  productive.  Tout  domaine  doit  être  pourvu  d'un 
vignoble,  parce  que  la  vigne  exige  moins  d'eau  que  les 
céréales.  Plus  on  descend  vers  le  sud  et  moins  la  culture 
des  céréales  est  productive. 


LA    TUNIS IK 


La  Iroisièinc.  n'j;ion  comprend  los  territoirRS  de  Kai- 
roiian.  de  Sousse  et  de  Sl'ax.  Les  pluies  y  sont  trop  rares 
pour  (jue  l'on  y  puisse  cultiver  avec  profit  les  céréales. 
Elles  n'y  réussissent  guère  qu'une  année  sur  quatre.  La 
seule  culture  qui  donne  des  produits  certains  est  celle  des 
arbres  et  arbustes  fructifères.  C'est  la  région  par  excel- 
lence de  l'olivier,  auquel  on  peut  ajouter  l'amandier,  le 
caroubier,  etc. 

La  région  du  sud  ne  pei-met  de  cultures  que  dans  les 
oasis  bien  iriM^ué-es. 

Sur  les  treize  millions  d'bectares  que  comprend  la 
Tunisie,  trois  millions  seulement  représentent  des  terres 
considérées  comme  aisément  et  utilement  cultivables. 

I  IIL  —  La  population 

Le  nombre  des  indigènes  tunisiens  est  évalué,  en  tota- 
lité, à  1.700.000  individus  de  tout  sexe  et  de  tout  âge. 
L'élément  dominant  n'est  pas  l'Arabe  pur,  mais  le  xMaure, 
c'est-à-dire  un  type  créé  par  le  mélange,  depuis  un  gi-and 
nombre  de  générations,  du  sang  arabe  avec  celui  de  toutes 
les  races  et  variétés  humaines  qui  habitent  les  bords  de 
la  Méditerranée.  Les  Maures  forment,  avec  les  Juifs,  la 
presque  totalité  des  populations  des  villes. 

Quant  aux  gens  des  campagnes,  soit  qu'ils  vivent  à  l'état 
plus  ou  moins  nomade  dans  des  gourbis  en  branches  ou 
sous  la  tente,  soit  qu'ils  habitent  les  villages  perinanents 
qui  existent  en  grand  nombre  dans  toutes  les  parties  fer- 
tiles et  régulièrement  cultivées  de  la  Tunisie,  ils  appar- 
tiennent en  majeure  partie  au  type  berbère.  On  trouve  ce 
type  non  seulement  dans  le  nord,  où  il  est  presque 
seul,  mais  même  dans  l'extrême  sud  de  la  Tunisie,  parmi 
les  tribus  errantes  des  frontières  de  la  Tripolitaine.  La 
plupart  des  tribus  tunisiennes  auxquelles  on  donne  le 
nom  de  nomades,  ne  le  sont,  en  réalité,  qu'à  moitié. 
Les  tribus  des  grandes  plaines  du  Sud,  qui,  plus  que 
les  autres,  mériteraient  cette  épithète,  sont  toutes  com- 
posées de  familles  se  livrant  à  la  fois  à  la  culture  et  à 


LE    SOL,    LE    CLIMAT    ET    LA    POPULATION  7 

l'élevage  des  bestiaux  (bœufs,  moutons,  chèvres  ou  cha- 
meaux). Quand  Tannée  est  pluvieuse  dans  le  sud,  elles 
labourent  la  terre  de  cette  région,  l'ensemencent  de  blé  ou 
d'orge  et  attendent  sur  place  la  récolte.  Lorsque  celle-ci 
est  terminée,  elles  font  paître  leurs  troupeaux  dans  les 
champs  moissonnés  et  remontent  graduellement  vers  le 
nord  à  mesure  que  le  soleil  dessèche  leurs  plaines.  Quand 
le  sud  ne  reçoit  pas  de  pluies  pendant  l'hiver,  ce  qui  est 
malheureusement  très  fréquent,  les  mêmes  tribus  vont 
louer  et  cultiver  dans  le  nord  des  terres  mieux  arrosées, 
sur  lesquelles  elles  s'établissent  avec  leurs  troupeaux.  La 
plupart  de  ces  tribus  ont  même  des  greniers  permanents, 
dans  lesquels  elles  conservent  les  grains  qu'elles  ont 
récoltés.  Entre  Gabès  et  Zarzis,  sur  la  bande  de  terrain 
qui  sépare  la  chaîne  montagneuse  des  Metmatas  de  la 
mer,  il  existe  un  assez  grand  nombre  de  ces  greniers.  Ce 
sont  des  villages  bâtis  en  pierres,  avec  des  maisons  à  deux 
ou  trois  étages  superposés.  Au  rez-de-chaussée  habitent 
des  familles  sédentaires,  parmi  lesquelles  se  trouvent  un 
grand  nombre  de  tisserands,  de  cordonniers  et  autres 
gens  de  métiers.  Ces  familles  gardent,  dans  les  étages 
supérieurs  des  maisons,  les  grains  déposés  par  les  nomades. 
Parmi  ces  villages-greniers,  nous  citerons  surtout  Ksour- 
Métameur  et  Ksour-Médénine ,  auprès  duquel  nous  avons 
établi  un  poste  militaire  sur  la  seule  route  par  laquelle 
on  puisse  pénétrer  du  Sahara  en  Tunisie.  Par  ce  poste, 
nous  tenons  la  route  stratégique  du  Sud  et  gardons  les 
vivres  d'une  partie  des  tribus  de  cette  région. 

Quant  aux  montagnes  des  Matmatas,  elles  sont  habitées 
par  des  populations,  d'origine  berbère  probablement, 
mais  parlant  l'arabe,  refoulées  jadis  par  les  nomades. 
Elles  ont,  non  pas  bâti,  mais  creusé  d'immenses  villages, 
dont  les  habitants,  hommes  et  bestiaux,  sont  logés  dans 
les  entrailles  du  sol.  Les  plus  importants  de  ces  villages, 
Hadedje  et  Metmata,  notamment,  comptent  plusieurs  mil- 
liers d'êtres.  On  estime  à  près  de  10.000  individus  cette 
population  de  troglodytes.  Comme  les  pluies  sont  extrê- 
mement rares  et  que  les    montagnes  des  Matmatas  sont 


8  LA    TUNISIE 

peu  l(M'liI(;s,  une  parlic  Av  Icuj's  lialtilanLs  \ont,  chaque 
année,  dans  le  nord,  louer  et  ensemencer  des  terres  et 
taire  paître  les  troupeaux.  Situées  sur  la  frontière  du 
Sahara,  ces  populations  sédentaires  et  éminemment  paci- 
fiques, forment  une  barrière  contre  les  invasions  des  tribus 
({ui  habitent  un  peu  plus  au  sud,  dans  la  partie  du  désert 
tunisien  qui  se  confond  avec  les  déserts  de  la  Tripolitaine. 
D'abord  limitée  à  Métameur  et  à  Zarzis,  notre  occupa- 
tion militaire  s'étend  aujourd'hui  au  sud  de  ces  points, 
jusqu'à  13en-Gardane,  Djeneien  et  Dehibat,  Pervinquière 
et  Bire-Pistor,  en  suivant  la  frontière  délimitée  d'accord 
avec  la  Turquie,  en  1940.  Cette  frontière,  par  laquelle  notre 
Tunisie  est  séparée  de  la  Tripolitaine,  s'étend  jusqu'à 
13  kilomètres  de  Ghadamès  qu'elle  contourne. 

Au  moment  de  l'occupation  de  la  Tunisie  par  la  France, 
en  1881,  il  y  avait  déjà,  en  Tunisie,  environ  19.000  Euro- 
péens, presque  tous  oripjinaires  de  l'Italie,  de  la  Sicile  ou 
de  Malte.  Le  nombre  des  Français  n'était  que  de  708.  Dix 
ans  plus  tard,  en  1891,  on  trouve  dans  la  Régence  10.030 
Français,  21.016  Italiens  ou  Siciliens  et  11.706  Maltais. 
En  1901,  le  nombre  des  Français  s'est  élevé  à  24.201, 
celui  des  Italiens  et  Siciliens  à  71.600  et  celui  des  Maltais 
à  12.038;  il  existe,  en  outre,  3.244  Européens  indiqués 
par  les  statistiques  comme  de  «  nationalités  diverses  ». 
En  1912,  le  nombre  des  Français  est  de  46.044;  celui 
des  Italiens  ou  Siciliens  de  88.089,  celui  des  Maltais  de 
11.300  et  celui  des  Européens  de  «  nationalités  diverses  » 
de  3.050. 

D'après  ces  chiffres,  le  nombre  total  des  Européens 
étrangers  serait  de  102.432  pour  1912,  alors  que  celui  des 
Français  ne  dépasserait  guère  46.000. 

Il  faut  rapprocher  de  ces  chiffres  le  nombre  des  indi- 
gènes tunisiens  de  diverses  races  qui  s'élevait,  le 
31  décembre  1911,  à  1.730.144  et  celui  des  Israélites  indi- 
gènes qui,  à  la  même  date,  atteignait  50.383. 

La  population  totale  de  la  Tunisie  était  donc,  au  31  dé- 
cembre 1912,  de  1.832.576  individus  parmi  lesquels  ne  se 
trouvaient  que  46.000  Français. 


CHAPITRE   II 

LES  MINES,  CARRIÈRES,  ET  EAUX  THERMALES 


La  Tunisie  ne  montre  ni  terrains  arcliéens,  ni  terrains 
primaires.  Les  roches  éruptives  y  sont  rares  (roches  gra- 
nitiques de  l'île  Galite  et  pointement  du  djebel  Haddeda 
en  Kroumirie,  avec  trachyte  à  mica  noir). 

Le  terrain  le  plus  ancien  est  le  trias.  Il  est  constitué 
par  des  arg:iles  et  gypses  bariolés,  contenant  des  calcaires 
dolomitiques  et  quelquefois  des  pointements  de  roches 
vertes  ophitiques.  Il  est  remarquable  par  son  aspect  caho- 
tique et  ses  relations  presque  toujours  anormales  avec  les 
autres  terrains.  Il  est  toujours  minéralisé  dans  son 
ensemble  ;  aussi  admet-on  généralement  que  tous  les  gîtes 
actuels  de  plomb  et  de  zinc  proviennent  de  concentrations, 
par  voie  hydrothermale,  des  métaux  disséminés  dans  sa 
masse.  Gomme  gisements  contenus  dans  le  trias  lui-même 
ou  dans  son  voisinage  immédiat,  on  peut  citer  :  Bécha- 
teur,  Fedj  el  Adoum,  El  Grefa,  Bazina,  Ain  AUéga,  Djebba 
(gîte  plombeux). 

Le  Jurassique  constitue  la  masse  principale  des  dômes 
simples  et  complexes  qui  portent  les  noms  de  djebel  bou 
Kornine  (376  mètres),  djebel  Ressas  (795  mètres),  djebel 
Zaghouan  (1.295  mètres),  djebel  ben  Saïdane  (818  mètres), 
djebel  Fkirine  (985  mètres),  etc.,  et  forment  la  chaîne  de 
montagnes  désignée  sous  le  nom  de  «  dorsale  tunisienne  ». 
Il  est  constitué  essentiellement  par  les  calcaires  massifs 
du  lias,  dans  lesquels  se  trouvent  les  mines  de  plomb  et 
zinc  du  djebel  Zaghouan,  du  djebel  Ressas  et  du  djebilet 
el  Kohol. 


10  LA    TUNISIE 

Le  crélacé  inférieur  (;st  représenté,  dans  le  nord  par 
les  marnes  et  calcaires  du  néocornien  et  du  barrémien, 
dans  h;  centre  et  le  sud,  par  les  marnes  et  calcaires  durs 
d(>  ra{)li(ui,  contenant  un  grand  nombre  de  gisements  de 
plomb  el  de  zinc  (djebel  bou  Jaber,  djebel  Hamra,  djebel 
Azered,  djebel  Trozza,  Kef  Chambi,  Sidi  Amor  ben  Salem, 
Koudial  el  Hamra,  Charren)  et  les  gisements  de  fer  des 
djebels  Ujérissa,  Slata  et  Hameïma. 

Le  crétacé  moyen  ne  contient  que  peu  de  mines.  Dans 
le  nord  il  est  constitué  par  des  alternances  de  marnes  et 
de  calcaires.  Dans  le  centre  l'albien  est  constitué  par  des 
marnes  bleues,  tandis  que  dans  le  sud  il  est  marno-gréseux 
avec  un  faciès  littoral  ;  le  cénomanien  est  constitué  par 
des  alternances  de  marnes  et  de  calcaires  gréseux;  des 
bancs  de  gypse  s'y  intercalent  dans  le  sud. 

Le  crétacé  supérieur  comporte  principalement  un  étage 
de  turonien,  assez  mal  délimité  et  surmonté  par  le  séno- 
nien  composé  de  marnes  et  de  calcaires  blancs  renfermant 
de  nombreux  gisements  (Khanguet-Kef-Tout,  Sidi  Ahmed, 
djebel  el-Akbouat,  Sidi  Youssef,  Fedj  Assène,  djebel  ben 
Amar,  djebel  Hallouf,  Lorbeus). 

L'éocène  est  très  développé  en  Tunisie.  Dans  le  nord,  il 
est  essentiellement  marneux  à  la  base  et  gréseux  au 
sommet.  Ces  marnes  renferment  quelques  gisements  de 
plomb  et  zinc,  notamment  ceux  de  Sidi  Driss  et  de  Sidi- 
bou-Aouan.  Les  gîtes  de  fer  de  Kroumirie  et  des  Nefzas 
se  trouvent  dans  les  grès  supérieurs.  Dans  le  centre  et  le 
sud,  Téocène  inférieur  se  subdivise  en  deux  sous-étages  : 
un  sous-étage  inférieur,  marno-calcaire  et  phosphati- 
fère,  un  sous-étage  supérieur  essentiellement  calcaire, 
à  grandes  nummulites.  On  ne,  connaît  qu'un  seul  gîte 
calaminaire  dans  les  calcaires  nummulitiques,  celui  de 
Djebba. 

Les  terrains  tertiaires  supérieurs,  miocènes  et  pliocènes, 
ont  toujours  un  faciès  littoral  ou  continental.  Ils  sont 
constitués  par  des  argiles  et  des  grès.  Le  miocène  con- 
tient très  souvent  des  couches  lignitifères,  notamment 
dans  la  région  de  Djebibina,  Monastir  et  sur  le  versant 


LES    MINES,    CABRIKRKS    KT    RAUX    THERMALRS  H 

est  de  la  presqu'flt'  du  cap  Bon,  où  l'on  procède  en  ce 
moment  à  des  travaux  de  recherches  de  lignites. 

Les  terrains  quaternaires  sont  très  développés.  Ils 
constituent  les  vastes  plaines  littorales  qui  s'étendent  de 
Naheul  à  Gabès.  Ils  sont  formés  d'ariiiles  rougeàtres  avec 
sables.  En  Tunisie  comme  en  Algérie,  ils  renferment  sou- 
vent, près  de  la  surface,  une  couche  de  tuf  ou  de  traver- 
tin calcaire  qui  rend  le  défrichement  difficile. 

Toutes  les  mines  métalliques  actuellement  connues  ou 
exploitées  sont  situées  dans  le  nord  de  la  Tunisie  et  au 
voisinage  de  la  frontière  algérienne.  Les  principaux  gise- 
ments de  phosphates  se  trouvent  dans  les  régions  du  Kef 
et  Thala,  d'une  part,  Gafsa  et  Maknassy,  d'autre  part. 

§  I.  —  Mines  de  plomb  et  zinc 

Les  minerais  de  plomb  sont  constitués  par  de  la  galène 
ou  du  carbonate  de  plomb  ;  accessoirement  on  rencontre  de 
l'anglesite  (sulfate  de  plomb),  de  la  pyromorphite  (chloro- 
pbosphate  de  plomb),  de  la  mimétèse  (chloro-arséniate  de 
plomb),  et  de  la  déchénite  (vanadate  de  plomb).  Le  zinc  se 
présente  surtout  à  l'état  de  carbonate  (calamine)  ou  de 
blende.  Le  silicate  et  Thydrocarbonate  ne  se  rencontrent 
qu'en  petite  quantité.  D'une  manière  générale,  la  produc- 
tion en  minerais  de  plomb  prédomine  de  plus  en  plus  ; 
elle  surpasse  actuellement  celle  des  minerais  de  zinc. 

Concession  de  Djehba.  —  La  concession  des  mines  de 
zinc,  plomb  et  métaux  connexes  de  Djebba  est  située  au 
pied  et  sur  la  face  nord  du  plateau  nummulitique  du 
djebel  Gorrah.  Les  amas  superficiels  de  calamine  ont  été 
exploités.  On  a  reconnu  en  profondeur  divers  filons  plom- 
beux  disséminés  dans  les  calcaires  blancs  du  sénonien. 
Grâce  à  l'exécution  de  la  voie  ferrée  Mateur-Nébeur,  la 
station  de  l'oued  Thibar  se  trouve  à  une  douzaine  de  kilo- 
mètres seulement  de  l'exploitation,  La  production  annuelle 
est  d'environ  4.000  tonnes  de  minerai  de  plomb  riche  à 
Oo  p.  100  de  métal. 


13  LA    TUNISIi: 

CoJicession  du  djebel  Ressas.  —  Elle  est  située  à  25  kilo- 
mètres au  sud-est  de  Tunis.  Elle  a  été  connue  et  ex|jloitée 
dès  la  plus   haute  anticjuité. 

Le  gisement  du  djebel  Ressas  est  principalement  cons- 
titué :  1"  par  deux  chapelets  d'amas  minéralisés,  alignés 
suivant  le  toit  et  suivant  le  mur  d'un  horizon  géologique 
comprenant  le  lias  supérieur  et  le  tithonique,  et  générale- 
ment placés  à  l'intersection  de  ces  contacts  avec  des 
failles  transversales;  2°  par  des  amas  minéralisés  situés 
le  long  de  ces  mêmes  failles.  Les  minerais  de  plomb  sont 
plus  abondants  dans  les  parties  superficielles  des  gise- 
ments ;  les  minerais  de  zinc  prédominent  à  la  périphérie 
et  dans  les  parties  inférieures. 

La  mine  produit  annuellement  environ  12.000  tonnes 
de  minerais  marchands  (un  tiers  de  plomb  et  deux  tiers 
de  zinc).  Elle  occupe  de  8  à  900  ouvriers.  Depuis  1900  sa 
production  globale  peut  être  évaluée  à  90.000  tonnes  de 
minerais  de  zinc  et  70.000  de  minerai  de  plomb. 

Concession  de  Kanguet-Kef-Tout .  —  Située  à  31  kilo- 
mètres de  Béja,  elle  porte  sur  un  massif  de  calcaires  séno- 
niens.  Le  gîte  supérieur  est  constitué  par  une  large  cas- 
sure dans  les  calcaires  qui,  à  la  rencontre  des  marnes  du 
mur,  se  transforme  en  un  gîte  de  contact.  La  partie  infé- 
rieure, jusqu'au  niveau  hydrostatique,  est  prise  souterrai- 
nement,  la  partie  supérieure  est  exploitée  par  un  grand  ciel 
ouvert.  Un  second  gisement,  celui  d'Aïn-Roumi,  est  situé 
à  8  kilomètres  au  sud-ouest  du  précédent. 

La  minéralisation  est  constituée  par  de  la  calamine  et 
de  la  galène.  La  production  de  la  mine,  depuis  le  début  de 
l'exploitation,  peut  être  évaluée  à  90.000  tonnes  de  cala- 
mine et  30.000  tonnes  de  galène. 

Concession  de  Sidi-Ahnied.  —  L'exploitation  porte  sur 
deux  colonnes  minéralisées  situées  au  contact  des  calcaires 
sénoniens  et  des  marnes  supérieures.  Les  minerais  sont 
calaminaires  dans  la  partie  haute,  blendeux  dans  les  par- 
ties basses.  On  y  rencontre  également  des  zones  plom- 
beuses. 


LES    MINES,    CARRIÈRES    ET    EAUX    THERMALES  13 

La  mine  de  Sidi-Alimed  a  déjà  produit  ;)3.000  tonnes  de 
minerais  de  zinc  et  20.000  tonnes  de  minerais  de  plomb. 

Concession,  de  Fedj-el-Adoum.  —  Elle  est  située  à  14  kilo- 
mètres deTéboursouk,  dans  le  massif  du  djebel  Jouaouda 
et  appartient  à  la  Société  anonyme  des  mines  de  Fedj-el- 
Adoum  (Société  française  ayant  son  siège  social  à  Paris). 
Lors  de  l'institution  de  la  concession  on  avait  reconnu 
quelques  amas  importants  de  calamine  affleurant  au  con- 
tact du  trias  et  des  calcaires  cénomaniens.  Les  minerais 
de  zinc  ont  été  exploités  en  grande  partie  à  ciel  ouvert. 
Au  fur  et  à  mesure  de  l'approfondissement  des  travaux, 
les  gîtes  sont  devenus  plus  plombeux.  La  production  en 
1913  a  été  de  170  tonnes  de  calamine  et  2.136  tonnes  de 
g'alène. 

Concession  dit  djebel  Zag/ioua/i.  —  Elle  recouvre  le  ver- 
sant sud-ouest  du  massif  jurassique  du  djebel  Zagliouan,  à 
60  kilomètres  environ  au  sud  de  Tunis.  On  y  a  exploité 
deux  lentilles  importantes  de  minerais  de  zinc  à  haute 
teneur.  Les  cassures  minéralisées  paraissent  être  en  rela- 
tion avec  la  faille  du  Bourzen  et  avec  la  grande  faille  de 
Zaghouan  qui  jalonne  la  dorsale  tunisienne. 

La  mine  de  Zaghouan  est  reliée  à  la  voie  ferrée  de 
Tunis  à  Zaghouan  par  une  piste  carrossable  de  14  kilo- 
mètres aboutissant  à  la  station  deMoglirane.  Depuis  l'ori- 
gine de  la  mine  la  production  a  été  de  35,000  tonnes  environ 
de  calamine  et  ÎJOO  tonnes  de  minerai  de  plomb. 

Concession  du  djebel  el-Akhouat.  —  Cette  concession 
est  située  à  environ  20  kilomètres  au  sud  de  Téboursouk. 
Les  gîtes  reconnus  et  en  grande  partie  exploités  à  Fheure 
actuelle,  sont  constitués  par  des  filons  verticaux  traver- 
sant une  formation  marno-calcaire  très  redressée  par  un 
îlot  de  trias  affleurant  dans  le  voisinage.  Près  de  la  sur- 
face, le  remplissage  des  fractures  est  formé  de  minerai 
oxydé.  Au  fur  et  à  mesure  de  l'approfondissement  des 
travaux  les  minerais  se  montrent  constitués  par  un  mé- 
lange des  trois  sulfures  :  blende,  pyrite  de  fer  et  galène. 


14  I.A    ÏUNISIK 

La  iniiK^  (lEl-Aklioual  tîst  desservie  par  la  station  d'El- 
Akhoual,  sur  la  voie  jcj-rée  de  Tunis  au  Kef.  La  production 
totale,  depuis  l'origine,  est  de  13.")0()  tonnes  de  minerai 
de  zinc  et  3.2î>0  tonnes  de  minerai  de  plomb. 

Concession  du  djchel  Bou-.laber.  —  Elle  est  située  sur 
la  frontière  algéro-tunisienne,  à  là  kilomètres  au  sud- 
ouest  de  la  gare  deKalaa-es-Senam.  Elle  est  constituée  par 
des  bancs  presque  verticaux  de  calcaires  urgo-aptiens  à 
«  Ostrea-Aquila  ».  Les  fractures  minéralisées,  de  direction 
sensiblement  est-ouest,  font  un  angle  très  faible  avec  la 
direction  des  bancs.  Dans  les  fractures,  le  minerai  de 
plomb  ou  de  zinc  affecte  une  allure  en  chapelet  donnant 
de  temps  à  autre  de  belles  colonnes  minéralisées.  Les  ins- 
tallations de  la  mine  forment  un  véritable  village.  On  a 
construit  une  grande  laverie  et  une  usine  pour  le  traite- 
ment des  minerais  de  zinc  pauvres.  La  mine  est  reliée  à 
la  station  de  Kalaat-es-Senam  par  une  voie  Decauville  de 
0^60.  Depuis  l'origine  la  production  de  la  concession  a  été 
de  :  10.000  tonnes  environ  de  minerai  de  zinc  et  13.300  tonnes 
environ  de  minerai  de  plomb. 

Concession  de  Sakiet-Sidi-Youssef.  —  Elle  est  située  le 
long  de  la  frontière  algérienne,  sur  la  piste  du  Kef  à 
Souk-Ahrras  (54  kilomètres).  Ses  produits  sont  exportés 
par  le  port  de  Bône.  Le  gîte  est  constitué  par  trois  cas- 
sures parallèles  traversant  les  calcaires  sénoniens  appuyés 
sur  le  trias.  Dans  ces  cassures,  distantes  de  160  et  325 
mètres,  on  exploite  trois  colonnes  d'enrichissement  conte- 
nant des  minerais  de  plomb  et  de  zinc.  De  plus,  entre 
deux  des  cassures,  on  trouve  un  gîte  interstratifié  de  car- 
bonate de  plomb. 

La  mine  a  d'abord  produit  des  minerais  oxydés.  Actuel- 
lement l'exploitation  étant  au-dessous  du  niveau  hydros- 
tatique, les  minerais  sont  sulfurés.  Les  installations  exté- 
rieures sont  très  importantes  :  laverie  des  oxydés  et 
laverie  des  sulfurés,  puits  d'extraction  équipé  électrique- 
ment, atelier  de  triage  magnétique.  Depuis  le  début  de 


[.ES    MINES,    CARRIÈRES    ET    EAUX    THERMALES  15 

l'cxploitalion  (-1898)   la  mine  a  produit   ."iO.OOO  lonncs  de 
minerai  de  zinc  (!L  30.U()0  tonnes  de  minerai  de  plomb. 

Concession  de  Fedj  Assené.  —  Située  à  11  kilomètres 
au  sud-ouest  de  Ghardimaou,  elle  englobe  les  massifs 
montagneux  du  Kef  Cliangoura  et  du  djebel  Moutrif.  Le 
gîte  reconnu  est  constitué  par  une  colonne  elliptique  de 
minerais  complexes  où  la  blende,  qui  domine,  si;  trouve 
incluse  dans  les  calcaires  blancs  du  sénonien.  La  colonne 
minéralisée  a  été  reconnue  sur  plus  de  200  mètres  de  pro- 
fondeur, La  mine  a  produit,  depuis  le  début,  environ 
8.500  tonnes  de  minerai  de  zinc  et  150  tonnes  de  minerai 
de  plomb. 

Concession  du  djebel  A  zered .  —  Elle  est  située  à 
20  kilomètres  au  sud-ouest  de  Thala,  sur  un  dôme  de  cal- 
caire aptien.  La  minéralisation  se  présente  sous  forme 
d'une  couche  de  calamine  riche,  souvent  enrobée  dans  de 
l'argile  rouge  et  comprise  entre  des  calcaires  au  mur  et 
un  banc  de  quartzite  au  toit.  La  couche  de  minerai  atteint 
quelquefois  50  centimètres.  Elle  produit  chaque  année  3  à 
400  tonnes  de  calamine,  transportées  par  charrettes  à  la 
gare  delvalaa-Djerda,  distante  de  25  kilomètres,  et  dirigées 
de  là  sur  Tunis. 

Concession  de  Bechateur.  —  Le  gîte  j)rincipa!  de  cette 
concession  est  situé  au  djebel  Gozlem,  à  15  kilomètres  au 
nord-ouest  de  Bizerte,  sur  le  bord  de  la  mer.  11  est  constitué 
par  un  pointemfent  triasique  recouvert  au  sud  par  les  cal- 
caires et  les  marnes  de  l'éocène  épigénisées  et  fortement 
minéralisées  au  voisinage  du  contact  du  trias.  Toute  la 
masse  minéralisée  a  été  enlevée  en  grande  partie  à  ciel 
ouvert.  On  a  retiré  des  calamines  pauvres,  de  la  blende  et 
une  faible  proportion  de  minerai  de  plomb.  Les  parties 
profondes  du  gîte  sont  exploitées  par  puits  et  galeries.  Les 
minerais  sont  transportés  par  mahonnes  à  Bizerte.  Cette 
concession  appartient  à  la  Compagnie  Royale  Asturienne 
des  Mines. 

Concession  du  djebel  el  Greffa.  —  Elle  est  située  sur  la 


16  LA    TUNISIE 

ligne  (!«'  cliemin  de  IVr  de  Mateur  à  Tabarka,  à  proximité 
Je  la  station  de  Djalta.  On  y  a  d'abord  exploité  à  ciel 
ouvert  un  conglomérat  tertiaire  reposant  sur  le  trias  dont 
les  éléments  étaient  liés  par  un  ciment  calcaro-plombeux, 
assez  faiblement  minéralisé.  On  exploite  actuellement  des 
lentilles  de  marnes  imprégnées  de  carbonate  de  plomb  et 
situées  dans  le  trias.  Cette  concession,  qui  date  de  1902, 
a  déjà  produit  24.000  tonnes  de  minerai  de  plomb. 

Concession  du  Bazina.  —  Elle  est  située  à  ITi  kilomètres 
au  sud  de  la  gare  de  l'Aouana,  sur  la  ligne  de  Mateur  à 
Tabarka.  La  minéralisation  consiste  en  sulfure  et  carbo- 
nate de  plomb  à  grain  fin,  dans  une  gangue  de  baryte  et 
de  strontiane.  Elle  est  contenue  dans  les  argiles  triasiques 
où  elle  forme  une  zone  parallèle  à  la  stratification  générale 
et  divisée  en  deux  ou  trois  couches.  Depuis  la  mise  en 
exploitation,  en  1904,  elle  a  produit  22.000  tonnes  de  mi- 
nerai de  plomb  exporté  par  Bizerte. 

Concession  d'Ain-Allega.  —  Située  à  12  kilomètres  de 
Tabarka,  elle  contient,  dans  le  trias,  un  amas  minéralisé 
en  forme  de  tronc  de  cône  dont  l'axe  aurait  une  inclinaison 
de  45°.  Les  minerais  oxydés,  calamine  et  carbonate 
de  plomb,  se  rencontrent  dans  les  parties  supérieures  et 
extérieures  de  l'amas,  tandis  que  les  zones  inférieures  et 
intérieures  renferment  des  minerais  sulfurés,  blende  et 
galène. 

Depuis  la  mise  en  marche,  en  1908,  elle  a  produit 
13.000  tonnes  de  minerai  de  plomb  et  6.000  tonnes  de 
minerai  de  zinc  embarqués  à  Tabarka. 

Concession  du  djebel  Hallouf.  —  Elle  se  trouve  à  12  kilo- 
mètres au  nord  de  la  gare  de  Souk-el-Khémis  (ligne 
d'Algérie),  à  34  kilomètres  du  port  de  Tunis.  Le  gisement 
porte  sur  un  mamelon  de  calcaires  sénoniens  dans  lequel 
on  observe  une  quinzaine  de  fractures  presque  parallèles, 
dont  plusieurs  sont  encore  imparfaitement  connues.  Le 
minerai  est  principalement  formé  de  carbonate  de  plomb, 


LES    MINES,    r.ARRlKRES    ET    EAUX    THERMALES  17 

quelquefois  de  galène  et  contient  accessoirement  de  l'arsé- 
niate  de  plomb. 

Indépendamment  de  ce  gîte,  la  Société  du  djebel  Hallouf 
a  découvert,  dans  le  périmètre  de  la  concession,  un  dépôt 
superficiel  de  terres  plombeuses  provenant  d'un  remanie- 
ment et  dont  le  tonnase  est  évalué  à  environ  oO.OOO  tonnes 
à  18  p.  100  de  métal. 

La  production  annuelle  de  cette  entreprise  varie  de  2  à 
3.000  tonnes  par  an  de  minerai  de  plomb. 

Concession  du  djehel  Trozza.  —  Elle  englol)e  le  versant 
sud  de  la  montagne  du  même  nom.  Elle  est  située  à  environ 
50  kilomètres  au  sud-ouest  de  Kairouan,  Le  gîte  est  cons- 
titué par  un  remplissage  de  carbonate  de  plomb  dans  une 
fracture  importante,  affectant  les  calcaires  cristallins  de 
i'aptien.  Les  épontes  du  gite  renferment  aussi  des  lentilles 
calaminaires  formées  de  minerai  de  zinc  silicate. 

La  mine  est  reliée  à  la  station  de  Hadjeb  el  Aioun,  sur 
la  voie  ferrée  de  Sousse  à  Henchir  Souatir,  par  une  piste 
carrossable  de  20  kilomètres  environ.  La  production  des 
trois  dernières  années  a  été  la  suivante  :  1913,  4.866  tonnes 
de  plomb  ;  1914,  4.160  tonnes  de  plomb  et  1.200  tonnes  do 
calamine;  1915,  3. 500  tonnes  de  plomb. 

Concessions  du  Guern  Alfai/a  et  du  Koudicit  et  Anira.  — 
Elles  sont  situées  à  25  kilomèti-es  au  sud  du  Kef. 

Le  gîte  du  Guern-Alfaya  était  constitué  par  un  remplis- 
sage de  fracture  dans  les  calcaires  sénoniens,  au  contact 
du  trias.  Le  minerai  était  calaminaire  avec  des  zones 
plombeuses.  Il  a  été  épuisé  en  cinq  ans  (1909-1913)  après 
avoir  produit  15.000  tonnes  de  calamine  et  3.500  tonnes 
de  galène. 

Le  Koudiat  el  Amra,  situé  à  quelques  kilomètres  du 
précédent,  renferme,  dans  les  calcaires  sénoniens,  une 
cassure  sans  rejet  à  faible  ouverture  dont  les  épontes  sont 
minéralisées  sur  une  épaisseur  de  10  à  40  mètres,  par  des 
petites  plaques  de  galène  situées  dans  les  fissures  du  cal- 
caire, avec  un  peu  de  calamine  aux  affleurements.  L'exploi- 

J.-L.JDe  Lanessaim.  —  La  Tunisie*  2 


18  LA    TUNISIE 

tation,  commencée  en  1914,  a  déjà  produit  10.000  tonnes 
de  minerai  de  plomb. 

Concession  de  Sidi  Amo?'  hen  Salem.  —  Exploitée  par 
la  Société  «  Les  Mines  Réunies  »,  elle  englobe  le  versant 
est  du  massif  du  djebel  Slata,  qui  est  constitué  en  majeure 
partie  par  les  calcaires  durs,  jaunâtres  à  la  surface,  gris 
clair  ou  bleu  foncé  en  profondeur,  de  Faptien.  Ces  cal- 
caires s'ordonnent  suivant  de  hautes  arêtes  capricieuse- 
ment dentelées.  Le  gîte  exploité  est  constitué  par  un 
mélange  de  galène  et  de  carbonate  de  plomb,  concentré 
dans  les  nombreuses  fractures  des  calcaires,  en  relation 
avec  une  faille  nord  15°  ouest  qui  s'aligne  avec  l'une  des 
principales  crêtes  de  la  montagne. 

Située  à  2  kilom.  500  de  la  station  de  Salsala,  cette  con- 
cession occupe  700  à  800  ouvriers  et  produit  annuellement 
7  à  8.000  tonnes  de  minerai  de  plomb  à  68  p.  100.  Dans 
le  village  construit  pour  le  logement  des  ouvriers  européens 
et  indigènes,  il  existe  une  école  mixte,  un  poste  de  police, 
une  infirmerie,  une  église,  un  économat,  etc. 

Concession  du  djebel  Kehouch.  —  Le  massif  du  djebel 
Kebouch  est  situé  à  environ  20  kilomètres  au  nord-est  de 
la  ville  du  Kef.  Il  est  elliptique,  à  grand  axe  dirigé  sensi- 
blement nord  45°  est,  parallèlement  aux  rides  montagneuses 
de  la  dorsale  tunisienne.  Le  Kebouch  proprement  dit  est 
un  dôme  de  calcaire  sénonien  assez  disloqué,  reposant 
sur  le  trias  ;  et  c'est  au  contact  des  deux  terrains  que  se 
trouve  le  gîte  concédé.  Il  comporte  une  couche  de  minerais 
sulfureux  reposant  directement  sur  le  trias  et,  par-dessus, 
des  imprégnations  calaminaires  et  plombeuses  dans  la 
zone  oxydée  de  la  formation  calcaire. 

Desservie  par  la  station  de  Zafrane,  la  mine  a  complété 
récemment  son  outillage  par  la  création  d'une  laverie 
mécanique  qui  traitera  les  produits  pauvres  de  l'exploita- 
tion. Jusqu'à  fin  décembre  1915,  la  production  a  été  de  : 
3.223  tonnes  de  galène  et  carbonate  de  plomb  et  150  tonnes 
environ  de  calamine. 

Concession   de   Sidi-boii-Aouan .    —    Depuis    1910,    la 


LES    MINES,    CARRIÈRES    ET    EAUX    THERMALES  19 

Société  des  mines  de  Sidi-bou-Aouan  exploite  une  belle 
lentille  de  galène  arsenicale  reconnue  au  contact  du  trias 
et  de  l'éocène,  près  de  la  limite  ouest  de  la  concession  du 
djebel  Hallouf.  Commencée  en  carrière,  l'exploitation  du 
gîte  s'etfectue  aujourd'hui  par  des  travaux  souterrains 
répartis  en  cinq  niveaux  et  desservis  par  deux  puits 
d'extraction.  La  production  annuelle  de  la  mine  est 
d'environ  6.000  tonnes  de  galène  titrant  70  à  72  p.  100  de 
métal. 

Concession  (ï Ain-Nouba.  —  Elle  est  située  près  de  la 
station  de  Kasserine,  sur  la  ligne  de  Sousse  à  Hencliir 
Souatir,  à  202  kilomètres  du  port  de  Sousse.  Elle  englobe 
un  gisement  reconnu  à  l'extrémité  est  du  djebel  Selloum. 
La  minéralisation  y  forme  une  couche  interstratifiée  dans 
les  calcaires  cénomaniens.  Elle  paraît  avoir  pour  origine 
une  faille  parallèle  à  celle  qui  jalonne,  à  quelques  kilo- 
mètres plus  au  nord,  la  vallée  de  l'oued  el  Hatob.  La 
puissance  de  la  couche  minéralisée  varie  de  10  à  50  centi- 
mètres. Elle  fournit,  avec  des  minerais  carbonates  ou  sul- 
furés de  plomb,  une  calamine  blanchâtre,  compacte,  à 
30  p.  100  de  zinc  et  facilement  enrichissable  par  calcina- 
tion.  Les  épontes  calcaires  de  cette  couche  sont  elles-mêmes 
souvent  imprégnées  de  zinc  (10  à  14  p.  100). 

Cette  concession  a  produit,  durant  la  première  année 
d'exercice  normal,  2.700  tonnes  de  calamine  à  42  p.  100  et 
260  tonnes  de  minerai  de  plomb  obtenu  partie  par  schei- 
dage  et  partie  par  traitement  mécanique  ;  2.500  tonnes  de 
calcaire  zincifère  ont  été  cette  même  année  extraits  et  mis 
en  stock. 

Concession  du  Kef  Chambi.  —  Le  djebel  Cliambi  est 
constitué  par  un  puissant  massif  de  calcaires  et  de  marnes 
du  crétacé  inférieur  ou  moyen  reposant  sur  des  marnes 
versicolores  du  trias.  Son  sommet  constitue  le  point  cul- 
minant de  la  Tunisie  (1.544  mètres).  Dans  un  ravin  for- 
mant axe  d'un  anticlinal  érosé  et  dans  lequel  le  trias 
affleure  jusque  vers  la  côte  1100,  deux  gîtes  de  galène  et 
de  plomb  carbonates  ont  été  mis  en  exploitation  en  1911. 


20  LA    TUNISIE 

L'un  (le  CCS  gîtes,  inclus  dans  un  banc  de  calcaire  céno- 
nianien,  présente  un  groupe  de  4  filons  divergents  que 
recoupent  un  certain  nombre  de  croiseurs  s'étendant  en 
général  sur  toute  l'épaisseur  du  banc  calcaire.  Le  second 
gîte,' à  gangue  barytique,  est  au  contact  des  marnes  du 
trias. 

L'exploitation  est  comprise  entre  les  niveaux  1150  et 
1350,  Une  voie  de  5  kilomètres,  à  la  côte  1150,  amène  le 
minerai  tout  venant  jusqu'à  la  recette  supérieure  d'un 
câble  aérien  qui  le  transporte  à  la  laverie  située  350  mètres 
plus  bas.  La  production  annuelle  est  voisine  de  3.000  tonnes 
de  galène. 

Concession  du  djebel  Lorbeiis.  —  Elle  est  située  au  voi- 
sinage de  la  station  des  Salines  (bifurcation  de  l'embran- 
chement du  Kef  sur  la  ligne  de  Tunis  à  Kalaat-es-Senam). 
Le  gisement  principal  se  trouve  dans  une  fracture  qui 
coupe  obliquement  les  calcaires  à  petits  bancs  du  crétacé 
supérieur  et  plonge  de  65"  environ  vers  le  nord.  Le  rem- 
plissage est  constitué  surtout  par  de  la  calamine  riche, 
enrobée  dans  les  argiles  provenant  de  la  décomposition 
des  calcaires  encaissants.  Du  minerai  de  plomb  à  l'état  de 
carbonate  accompagne  la  calamine. 

Les  travaux  d'aménagement  de  la  concession  viennent 
d'être  achevés  et  l'on  a  commencé  une  exploitation  nor- 
male depuis  le  mois  d'avril  1911). 

Concessions  diverses.  —  Les  autres  concessions  de  mines 
de  plomb  et  zinc  instituées  en  Tunisie  sont  les  suivantes  : 
djebel  Hamra,  kef  Lasfar,  djebel  Touireuf,  djebilet  el 
Kohol,  Oued  Kohol,  djebel  Gliarra,  djebel  Diss,  djebel 
Touila,  djebel  Serdj,  Sidii,  Sidi  Driss  et  Charren. 


Le  tableau  n°  1  ci-joint  résume  le  tonnage  des  minerais 
de  plomb  et  de  zinc  produits  annuellement,  de  1892  à 
1915  inclus,  leur  valeur  aux  ports  tunisiens  et  le  cours 
moyen  de  ces  métaux. 


LES    MINES.    CARRIKRES    ET    EAUX    THERMALES 


21 


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22  I.A    TUNISIE 

Pendant  cette  période  il  a  été  exporté  550.000  tonnes  de 
minerai  de  zinc  et  471.000  tonnes  de  minerai  de  plomb 
représentant  une  valeur  globale  d'environ  140  millions, 
ce  qui  ramène  le  prix  moyen  de  la  tonne  de  minerai  à 
137  francs. 

§  II.  —  Mines  de  fer 

Les  gisements  de  fer  concédés  sont  situés  dans  trois 
régions  :  1"  dans  le  nord  de  la  Tunisie  entre  Mateur  et 
TabarUa;  2"  au  nord  du  Kef  (Nebeur)  ;  3°  au  sud  du  Kef. 

La  Société  des  mines  de  fer  de  Kroumirie  et  des  Nefzas 
possède  la  concession  de  Rm-er-Radjel  située  à  10  kilo- 
mètres à  l'est  de  Tabarka  et  celles  de  Bou-Lanayue,  djehcl 
Bellif,  Granara,  Tamera,  Bourchiba  et  oued  bon  Zerma, 
situées  à  une  quarantaine  de  kilomètres  de  Tabarka,  aux 
environs  de  la  station  de  Tamera.  Leur  superficie  totale 
est  de  3.985  hectares. 

Les  gisements  sont  constitués  par  des  amas  de  terres 
ferrugineuses  avec  blocs  de  minerais  durs,  interstratifiés 
dans  les  grès  de  l'éocène  supérieur.  Les  minerais  sont  en 
majorité  terreux  et  de  plus  ils  sont  arsenicaux,  défauts  qui 
jusqu'à  présent  ont  retardé  leur  mise  en  exploitation. 

Un  peu  à  l'est,  près  de  la  station  de  Sedjenane  se  trouve 
la  concessioîi  de  Douaria  où  l'on  exploite  un  gîte  constitué 
par  des  couches  superposées  de  minerai  de  fer  dans 
l'éocène  supérieur.  L'exploitation  se  fait  à  ciel  ouvert,  elle 
est  reliée  àla  station  de  chargement,  distante  de  3  kilomètres, 
par  un  plan  incliné  à  câble  sans  fin  fonctionnant  automa- 
tiquement et  pouvant  transporter  250  tonnes  à  l'heure. 
L'exploitation  a  débuté  en  1913  avec  33.639  tonnes.  En 
1914,  jusqu'au  1""' août,  la  production  a  été  de  72.330  tonnes. 
La  mine  est  outillée  pour  une  production  annuelle  de  2  à 
300.000  tonnes. 

A  15  kilomètres  au  nord  du  Kef  est  située  la  concession 
de  Nebeur  qu'une  voie  ferrée  relie  à  Béja  et  Bizerte.  Le 
gîte,  constitué  par  des  couches  de  fer  dans  le  crétacé  moyen, 
au  voisinage  du  trias,  n'a  encore  donné  lieu  à  aucune 
exploitation. 


LES    MINES,     CARRIÈRES    ET    EAUX     THERMALES  23 

Entre  le  Kef  et  Thala  se  trouvent  les  trois  concessions 
des  djebels  Slata,  Hameima  et  Djerissa  toutes  trois  dans 
les  calcaires  aptiens. 

La  concession  du  Slata  renferme  des  cassures  remplies 
par  du  minerai  de  fer  traversant  un  banc  de  calcaires 
aptiens  avec  des  épanchements  sur  les  deux  épontes  du 
banc  calcaire.  Le  minerai  du  Slata  est  très  pur,  sauf  quel- 
ques zones  plombeuses.  On  se  borne  à  exploiter  les  mine- 
rais dont  la  teneur  est  supérieure  à  50  p.  100.  Depuis  le 
début  de  l'exploitation  (1907)  la  mine  a  produit  423. 000  tonnes 
de  minerai. 

La  concession  du  djebel  Hameïma  qui  appartient  à  la 
même  Société  que  la  précédente  n'a  pas  encore  été  mise 
en  exploitation.  Celle-ci  est  subordonnée  à  la  construction 
d'une  voie  ferrée  d'environ  18  kilomètres. 

Tableau  n°  IL  —  Valeur  et  tonnage  des  minerais  de  fer 

EXPORTÉS  annuellement  DE  TuNISIE 


ANNÉES 

TONNAGES 

VALEUR 
Fob  Tunis. 

OliSERVATlONS 

1908 

1909 

1910 

1911 

1912 

1913 

1914 

1915 

Totaux  .    .    . 

Tonues. 
97.500 
217.100 
365.800 
403.196 
478.391 
594 . 1 99 
529.170 
297.134 

Francs. 
1.280.000 
2.400.000 
4.400.000 
5.241.000 
6.219.083 
7.427.487 
7.408.380 
5.051.278 

1 

2.982.490 

39.427.228 

C'est  dans  cette  même  région  qu'est  située  la  concession 
du  Djerissa,  la  plus  importante  de  la  Tunisie.  Le  djebel 
Djerissa  est  un  dôme  aptien  ceinturé  par  les  marnes 
albiennes.  Le  minerai  de  fer  forme  une  couche  interstra- 
tifiéc  dans  les  calcaires  aptiens  qui  vient  s'étaler  au 
sommet  de  la  montagne  en  formant  un  affleurement  d'une 
superficie  de  six  hectares.  Des  travaux  de  recherches  ont 


24  LA    TUNISIE 

reconnu  (jue  la  couche  de  minerai  s'enfonçait  vers  le 
nord,  sous  les  calcaires  aptiens,  avec  une  pente  de  45". 
Ces  travaux  ont  montré  vuie  traversée  liorizontale  de 
60  mètres  et  une  traversée  verticale  de  52  mètres.  Le 
tonnage  actuellement  reconnu  est  d'au  moins  15  millions 
de  tonnes. 

L'exploitation  se  lait  à  ciel  ouvert:  elle  fournit  des 
hématites  d'une  grande  pureté,  titrant  de  50  à  60  p.  100 
de  fer  et  2  p.  100  de  manganèse.  Les  minerais  sont  em- 
barqués à  la  Goulette.  Limités  en  1908  à  45.000  tonnes, 
ils  ont  atteint  445.000  tonnes  en  1913.  La  production  glo- 
bale jus(ju'à  ce  jour  est  de  2.400.000  tonnes  environ. 

L'exploitation  des  minerais  de  fer  remonte  seulement  à 
1908.  Les  résultats  (|u'elle  a  fournis  sont  indiqués  dans 
le  tableau  n"  2  ci -joint.  Pendant  cette  péiiode  de  huit 
années  il  a  été  exporté  2.982.490  tonnes  de  minerai 
représentant  une  valeur  globale  de  39.427.228  francs,  le 
prix  moyen  de  vente  de  la  tonne  fob  ports  tunisiens  res- 
sortant à  13  francs. 

La  diminution  considérable  de  production  de  l'exercice 
1915  résulte  uniquement  delà  rareté  et  de  la  cherté  exces- 
sives des  frets,  conséquences  delà  guerre,  et  de  la  pénurie 
de  main-d'œuvre. 

^  III.  —  Mines  de  cuivre  et  de  MAN(iANÈSE 

La  concession  du  djebel  Chouichia  est  la  seule  qui  ait 
produit  du  cuivre  en  Tunisie.  Elle  est  située  à  43  kilomètres 
au  nord-ouest  de  Souk-el-Arba.  Le  gîte  est  constitué  par 
une  masse  ferrugineuse,  à  la  périphérie  duquel  on  ren- 
contre des  lentilles  de  minerais  cuivreux  (azurite,  mala- 
chite, cuivre  gris  et  pyrites  cuivreuses)  d'une  teneur 
moyenne  de  2  à5  p.  100  de  cuivre  seulement. 

Pour  en  tii'er  parti  une  fonderie  fut  installée  qui  de  1904 
à  1909  a  produit  environ  :  1.800  tonnes  de  mattes  à  35/40 
p  100  de  cuivre  et  1.800  tonnes  de  speiss  à  42/48  p.  100 
de  cuivre  correspondant  à  1.500  tonnes  de  cuivre  métal- 
lique. 


LES    MINES,    CARRIERES    ET    EAUX    THERMALES  2a 

La  faible  teneur  des  minerais  et  le  prix  de  revient  élevé 
du  coke  rendu  à  Tusine  ont  provoqué  la  suspension  momen- 
tanée de  Texploilation. 

Des  minerais  de  manganèse  ont  été  reconnus  dans  le 
djebel  Batoum,  à  48  kilomètres  au  sud-est  de  la  ville  de 
Gafsa  et  notamment  aux  environs  de  Ghardimaou,  à  la 
mine  de  Thuùurnic.  où  ils  sont  exploités  depuis  le  com- 
mencement de  l'année  1915, 

Le  gisement  de  Thuburnic,  de  forme  lenticulaire,  est 
constitué  par  une  masse  de  manganèse  ferrugineux,  repo- 
sant sur  les  marnes  de.  l.'infra-crétacé  et  recouverte  par 
des  argiles  et  galets  gréseux  post-tertiaires.  On  rencontre 
dans  Tamas  minéralisé  de  véritables  poclies  de  pyrolusite 
donnant  des  minerais  à  45/o0  p.  lOU  de  manganèse  métal. 
La  production,  en  1915,  a  été  de  1.460  tonnes. 

§  IV.  —  Phosphates  de  chaux 

La  substance  à  laquelle  la  Tunisie  doit  son  impoi'tance 
minière  capitale  est,  sans  contredit,  le  phosphate  de  chaux, 
dont  les  immenses  amas  ont  été  découverts  par  M.  Philippe 
Thomas,  vétérinaire  principal  de  l'armée,  au  cours  d'une 
mission  d'exploration  de  la  Tunisie.  Malgré  la  publicité 
qu'il  donna  à  ses  découvertes,  c'est  seulement  en  1893 
que  l'administration  du  Protectorat  crut  pouvoir  faire  appel 
à  l'industrie  privée  pour  la  mise  en  valeur  des  gisements, 
sous  forme  de  concession.  Ce  n'est  qu'en  1895  et  après 
3  adjudications  successives,  qu'elle  put  traiter  avec  une 
Société  sérieuse,  la  Compagnie  des  Phosphates  et  du  Chemin 
de  fer  de  Gafsa. 

Concession  de  Gafsa.  —  Le  périmètre  qui  fut  alors  con- 
cédé englobe  les  terrains  domaniaux  situés  au  sud-ouest 
de  Gafsa,  dans  une  zone  d'environ  50  kilomètres  de  lon- 
gueur sur  10  kilomètres  de  largeur,  jusqu'à  la  frontière 
algérienne,  et  comprenant  les  djebels  Zitoun,  Zimra. 
Alima,  Metlaoui,  Redeyeff,  Stah,  ainsi  que  les  djebels  situés 
au  nord  et  dans  le  voisinage  de  Tamerza.  En  outre,  le 
concessionnaire  jouit  d'un  droit   de  préférence,  à  condi- 


26  LA    TUNISIE 

tions  égales,  pour  rexploitation  de  tous  gisements  de  phos- 
phates domaniaux  qui  viendraient  à  être  découverts  dans 
un  périmètre  de  protection  hmité  :  au  nord  par  le  paral- 
lèle de  Sfax  ;  à  l'est  par  la  mer  ;  au  sud,  par  le  parallèle 
d'El  Hamma  du  Djerid  ;  et  à  l'ouest,  par  la  frontière  algé- 
rienne. 

La  concession  en  jouissance  entière  était  faite  pour 
soixante  années,  moyennant  rengagement  de  construire 
la  voie  ferrée  de  Sfax  à  Gafsa  (250  kilomètres)  et  le  paie- 
ment au  gouvernement  tunisien  d'une  redevance  de 
1  franc  par  tonne  jusqu'à  concurrence  d'une  production  de 
150.000  tonnes  par  an,  avec  minimum  de  150.000  francs, 
exigible  à  l'expiration  des  sept  premières  années  d'exploi- 
tation. Lorsque  l'exploitation  dépasserait  150.000  tonnes 
par  an,  la  taxe  se  réduirait  à  65  centimes  pour  les  100  pre- 
mières mille  tonnes  supplémentaires  et  à  30  centimes 
pour  le  surplus.  Il  était  stipulé  que  le  gouvernement  tuni- 
sien ne  pourrait  exiger  de  la  Compagnie,  pendant  toute  la 
durée  de  sa  concession,  aucune  taxe  dont  serait  frappée 
l'extraction  ou  l'exportation  des  phosphates.  Les  phos- 
phates de  Gafsa  se  trouvaient  par  là  exonérés  de  la  taxe 
d'extraction  de  50  centimes  par  tonne  qui  a  été  imposée 
par  le  décret  du  l"'  décembre  1898,  et  qui  est  perçue  au 
moment  de  l'exportation. 

Gisement  de  Gafsa.  — ■  Comme  tous  les  autres  gisements 
du  sud  de  la  Tunisie  et  de  l'Algérie,  les  phosphates  de  la 
région  de  Gafsa  sont  situés  à  la  base  de  Téocène  inférieur. 
«  L'éocène  débute  par  des  marnes  gypseuses  brunes  assez 
puissantes,  reposant  en  concordance  de  stratification  sur 
les  calcaires  sénoniens.  Au-dessus  vient  le  niveau  phos- 
phaté, comprenant  plusieurs  couches  séparées  par  des 
bancs  de  marnes  gypseuses  et  de  calcaires  à  lumachelles. 
Cette  formation  est,  en  général,  couronnée  par  un  gros 
banc  de  calcaire  coquiller.  Une  puissante  formation  gyp- 
seuse  surmonte  le  tout  ;  le  faciès  est  donc  nettement  lagu- 
naire.  » 

La  chaîne  du  Seldja  où  se  trouvent  les  mines  actuelle- 


LES    MINES,    CARRIÈRES    ET    EAUX    THERMALES  27 

ment  exploitées  «  présente  une  structure  anticlinale  très 
nette;  sa  partie  centrale  est  constituée  pai-  une  voûte  de 
crétacé  supérieur.  Sur  les  deux  retombées,  au  nord  et  au 
sud,  apparaissent  deux  bandes  de  terrains  éocènes  phos- 
phatifères  qui  constituent  les  pieds-droits  d'une  deuxième 
voûte  dont  la  partie  centrale  a  été  enlevée  par  érosion. 
Dans  la  région  de  Metlaoui,  toutefois,  une  partie  de  la 
voûte  éocène  subsiste  encore,  formant  une  série  de  tables 
séparées  par  de  profonds  ravins.  C'est  sur  plusieurs  de  ces 
tables  que  porte  l'exploitation  actuelle  ». 

La  concession  fut  constituée  en  avril  1897;  la  mine  et 
le  chemin  de  fer  furent  ouverts  à  l'exploitation  en  avril 
1899.  Depuis  lors,  un  succès  croissant  a  marqué  chaque 
année  le  développement  continu  de  cette  grande  entreprise 
dont  la  production  est  passée  de  70.000  tonnes  en  1899  à 
522.000  tonnes  en  1905;  974.000  tonnes  en  1910  et 
1.355.000  tonnes  en  1913. 

On  sait  que  le  prix  de  vente  du  phosphate  est  déterminé 
par  sa  teneur  en  phosphate  tribasique  de  chaux,  à  raison 
d'un  certain  nombre  de  centimes  par  unité  pour  100  et 
par  tonne  de  1.000  kilos  :  le  prix  de  la  première  catégorie 
à  une  teneur  de  63  à  68  p.  100  étant  d'ailleurs  plus  élevé 
que  celui  de  la  2-  catégorie  à  une  teneur  de  58  à  63  p.  100. 
En  1908  et  1909,  la  valeur  des  phosphates  s'étant  abaissée 
de  50  centimes  qu'elle  atteignait  en  1895  à  40  centimes, 
puis  à  35  centimes  par  unité  pour  100,  les  mines  de  la 
Tunisie  se  trouvèrent  en  présence  d'une  crise  qui  fut  res- 
sentie surtout  par  celles  du  centre,  dont  l'organisation 
était  moins  économique  que  celle  de  la  Compagnie  de 
Gafsa.  Pour  éviter  leur  ruine,  l'administration  du  Protec- 
torat s'efforça  d'abaisser  les  frais  de  transport  des  mine- 
rais du  centre,  en  accordant  à  la  Compagnie  de  Gafsa  des 
avantages  qui  pussent  lui  permettre  de  faire  des  sacrifices 
au  profit  des  autres  mines  et  du  Protectorat.  On  lit  à  ce  sujet, 
,  dans  le  rapport  au  Président  de  la  République  pour  1909 
(page  36)  :  «  Par  une  convention  en  date  du  15  octobre 
1909  la  Compagnie  de  Gafsa  qui  ne  payait  dans  l'ensemble 
qu'une  redevance  d'environ  0  fr.  50  par  tonne,  consentait, 


28  LA    TUNISIE 

à  partir  du  l"'  janviei-  1910,  à  poiLer  cette  redevance  à 
1  fr.  50  \  moyennant  une  prolongation  de  dix  années  dans 
la  durée  de  sa  concession.  En  même  temps,  la  Compagnie 
Bône-Guelma  abaissait  de  8  fr.  50  à  7  fr.  65  le  prix  de  ses 
transports  sur  voie  ferrée,  moyennant  certaines  conditions 
à  remplir  par  les  expéditeurs.  En  définitive,  l'écart  dans 
les  prix  de  revient  de  la  Compagnie  de  Gafsa  et  les  plios- 
phatiers  du  centre  était  réduit  à  i  fr.  85  par  tonne.  »  Les 
mines  du  nord  étaient  sauvées.  Celles  du  sud  obtenaient 
dix  années  d'exploitation  de  plus  qu'il  n'avait  été  prévu 
au  moment  de  la  concession.  Quant  au  Protectorat,  il 
voyait  tout  de  suite  les  redevances  de  la  Compagnie  de 
Gafsa  s'élever  d'un  million  par  an. 

Fort  lieureusement  pour  les  mines  tunisiennes,  l'emploi 
des  phosphates  dans  l'ag-riculture  s'étend  peu  à  peu  à 
toutes  les  parties  du  monde,  et,  d'autre  part,  les  phosphates 
tunisiens  sont  tous  d'excellente  qualité.  Ceux  de  Gafsa 
sont  «  caractérisés  avant  tout  par  la  grande  régularité  de 
la  teneur  en  phosphate  tribasique  de  chaux  »  (60  p.  100). 

Autres  gisements;.  —  Au  centre  de  la  Régence,  entre  le 
Kef,  Maktar  et  Thala,  de  très  nombreux  gisements  attes- 
tent la  présence,  aux  temps  géologiques,  «  d'une  couche 
continue  qui  devait  s'étendre  sur  toute  la  contrée  et  qui  a 
été  affectée  dans  la  suite  par  deux  séries  de  plissements 
rectangulaires  dirigés,  les  premiers  sud-ouest,  nord-ouest 
(ce  sont  de  beaucoup  les  plus  importants),  les  seconds 
sud-est,  nord-ouest.  Dans  toute  la  région  s'est  produit  le 
phénomène  de  l'inversion  des  reliefs.  Les  hamadas  cal- 
caires, qui  forment  les  points  dominants,  correspondent  à 
des  fonds  synclinaux  nummulitiques  ». 

La  concession  de  Kalaat-es-Senam  qui  appartient  à  la 
Compagnie  écossaise  du  Dyr  et  celle  du  Kef  Rebiba  qui 
appartient  à  la  Compagnie  de  Saint-Gobain,  sont  situées  à 
mi-chemin  du  Kef  et  de  Tebessa,  près  de  la  frontière  algé- 
rienne. «  La  table  de  Kalaat-es-Senam  (altitude  moyenne 
1.200  mètres)  est  bordée  d'une  falaise  à  pic  de  100  mètres 

1..1  franc  par  tonne  de  redevance,  plus  0  fr.  50  de  droit  d'extraction. 


LES    MINES,    CARUIÈRES    ET    EAUX    THERMALES  29 

de  hauteur  constituée  par  un  gros  banc  d»;  calcaire  num- 
uiulitique  (éocèntî  inférieur)  reposant  sur  des  marnes 
suessoniennes,  en  stratification  concordante  avec  les  cal- 
caires à  inocérames  du  crétacé  supérieur.  Le  gîte  de  Kef 
Rebiba  est  de  constitution  géologique  identique  à  celle  de 
Kalaat-es-Senam,  dont  il  est  séparé  par  une  série  de  failles 
que  l'on  fait  descendre  presque  au  niveau  de  la  plaine.  Le 
gisement  de  Kalaat-es-Senam  contient  de  5  à  6  millions 
de  tonnes  de  phosphate  exploitable,  disposé  en  une  couche 
épaisse  en  moyenne  de  1  m.  60.  Sa  teneur  en  phosphate 
de  chaux  tribasique  est  d'environ  60  p,  100.  Les  minerais 
sont  transportés  à  Tunis  par  voie  ferrée. 

Le  gisement  du  Kef  Rebiba  contient  également  un  ton- 
nage important  de  phosphate  à  teneur  plus  élevée,  63  à 
68  p.  100. 

La  concession  de  Kalaa-Djerda,  de  la  Société  des  phos- 
phates tunisiens,  est  située  à  15  kilomètres  environ  au 
nord  de  Thala.  Le  massif  dans  lequel  se  trouve  le  gisement 
de  phosphate  appartient  à  l'éocène  ;  il  est  divisé  en  deux 
par  une  faille  sud-est-nord-ouest,  qui  a  amené  les  calcaires 
sénoniens  en  contact  avec  les  calcaires  nummulitiques.  A 
l'est  de  cette  faille  se  trouve  le  djebel  Sif,  à  l'ouest  se  trou- 
vent la  table  de  Kaala-Djerda  et  le  Kef  Souétir  »  qui  ren- 
ferment des  gîtes  dont  les  minerais  contiennent  de 
60p.  lOOjusqu'à  66  p.  lOO  de  phosphate  tribasique  dechaux. 

D'autres  gisements  existent  dans  la  même  région,  près 
de  Sbiba,  dans  les  djebels  Chaketma,  oi^ile  gisement  atteint 
une  vingtaine  de  mètres  de  puissance,  entre  Kairouan  et 
Gafsa  au  djebel  Nasser  Allah,  oii  les  phosphates  sont  pau- 
vres ;  à  Aïn  Rebaou,  au  Kef-Massouje,  dans  le  contrôle  de 
Thala;  dans  la  Sra  Oumtane,  au  sud  de  Ksour  ;  à  Sidi- 
Ayed  dans  le  contrôle  du  Kef;  à  Aïn  Kerma  à  l'ouest  de 
Thala;  et  dans  un  grand  nombre  de  terrains  particuliers, 
notamment  à  Salsala,  à  Aïn-Taga,  et  Bou-Gammouche,  à 
Bir-el-Afou,  etc.  Mais  les  gisements  les  plus  importants 
comme  tonnage  et  comme  régularité  sont  les  gisements 
domaniaux  situés  au  sud  et  au  sud-est  de  Gafsa  :  djebels 
Sehib,  Berda  et  El  Ayaicha. 


30 


LA    TUNISIE 


Il  oxisto  enfin,  sur  divers  points,  notamment  dans  le 
djebel  Zaghouan  et  le  djebel  Ressas  des  gisements  de  phos- 
phorites  très  peu  importants,  comme  tonnage,  mais  con- 
tenant jusqu'à  70  et  80  p.  100  de  phosphate  tribasique  de 
chaux.  Ces  gisements  restent  inexploités. 

Gisements  de  phosphates  en  exploitation.  —  Les  gise- 
ments de  phosphates  en  exploitation  sont  au  nombre  de 
10  dont  4  en  terrains  domaniaux  :  Metlaoui,  desservi  par 
la  ligne  de  Sfax-Gafsa,  Redeyef-Aïn-Moularès,  desservi 
par  la  ligne  de  Sousse  à  Henchir-Souatir  ;  Kalaat-es-Senam 
et  Kef-Rebiba,  desservis  par  la  ligne  de  Tunis  à  Kalaa- 
Djerda  et  embranchements  et  6  en  terrains  privatifs  : 
Kalaa-Djerda,  Salsala,  Bir  Lafou,  Gouraya  et  Aïn-Taga, 
desservis  par  la  ligne  du  Kef  et  embranchements,  et  Mak- 
nassy  desservi  par  la  ligne  de  Sfax  à  Gafsa.  Ces  derniers 
gisements  ne  sont  astreints  qu'à  un  droit  d'extraction  de 
0  fr.  50  par  tonne  de  phosphate  exportée  hors  de  la 
Régence.  Quant  aux  gîtes  en  terrains  domaniaux,  ils 
paient  à  l'État,  y  compris  Gafsa,  en  outre  de  ce  droit 
d'extraction,  une  redevance  d'adjudication  variable  sui- 
vant leur  situation,  leur  consistance  et  leur  qualité. 

Les  gisements  domaniaux  amodiés  depuis  l'origine  sont 
les  suivants  : 


NOMS 
DES   GISEMENTS 


Gafsa 

Kalaa-Es-Senam 
KefRebiba.  .  . 
Ain  Moularès.  . 
Méheri  Zebbeus  - 


REDE\ 

■.A.NCE 

ANNEE 

MINIMUM 

minima 

de 

d'extraction 

par  tonne. 

l'amo- 

annuelle 

diation: 

fixé. 

-"    ^^ 

-^     "-- 

fixée. 

ofterle. 

Tonnes. 

francs. 

francs. 

1895 

loO.OOO 

0,50 

1.001 

1901 

60.000 

» 

1.77 

1901 

40.000 

» 

1.77 

1912 

250.000 

1,50 

1,52 

1912 

150.000 

2.00 

3.88 

CAUTIONNEMENT 


francs. 

250.000 

60.000 

40.000 

100.000 

100.000 


1.  Convention  de  1909. 

2.  En  période  de  préparation. 


LES    .MINES,    CARRIÈRES    ET    EAUX    THERMALES 


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32  I-A    TUNISIi: 

La  convention  d'amodiation  relative  au  gîte  domanial 
du  Meheri-Zebbeus  prévoit  un  délai  de  trente-deux  mois 
pour  la  mise  en  exploitation.  A  l'expiration  de  ce  délai, 
l'exportation  minima  sera  de  50.000  tonnes  pendant  les 
trois  premières  années,  100.000  tonnes  pendant  les  trois 
années  suivantes  et  150.000  tonnes  à  partir  de  la  septième 
année. 

Les  phospiiates  tricalciques  du  nord  de  l'Afrique  sont 
suffisamment  connus  aujourd'hui  pour  qu'il  ne  soit  pas 
nécessaire  d'en  donner  ici  une  analyse.  Mentionnons  que 
ceux  de  la  Régence  se  classent  en  deux  catégories,  la  pre- 
mière a  une  teneur  légèrement  supérieure  à  63  p.  100, 
avec  moins  de  2  p.  100  de  fer  et  alumine  réunis  et  moins 
de  14  p.  100  de  carbonate  de  chaux. 

Le  tableau  n"  3  donne  la  valeur  approximative  des  phos- 
phates exportés  annuellement  par  chaque  entreprise, 
depuis  l'origine. 

I  V.  —  Résumé  et  conclusions 

Des  observations  qui  précèdent  on  peut  déduire  que  le 
plomb,  le  zinc,  le  fer  sont  les  métaux  dont  les  minerais, 
signalés  en  un  très  grand  nombre  de  points,  paraissent  le 
plus  abondants.  Ceux  de  manganèse  semblent  susceptibles 
d'être  exploités  dans  la  région  de  Ghardimaou  et  peut-être 
dans  le  sud;  par  contre  ceux  de  cuivre,  très  disséminés, 
n'ont  pas  encore  donné  lieu  à  une  exploitation  suivie. 

Si,  dans  l'ensemble,  ces  divers  gîtes  métallifères  sont  en 
général  peu  importants,  leur"  nombre  rachète  en  partie  ce 
manque  de  consistance  et  il  en  existe  qui  montrent  des 
réserves  assez  considérables  de  produits. 

D'ailleurs,  il  reste  encore  beaucoup  à  faire  pour  com- 
pléter l'exploration  des  gîtes  métallifères  de  la  Tunisie. 

Quant  aux  gisements  de  phosphates  de  chaux  déjà 
connus,  leur  consistance  permet  un  accroissement  de  pro- 
duction susceptible  de  satisfaire  dans  tous  les  cas  aux 
besoins  de  la  consommation. 


LES    MINKS,    CARRIÈRES    ET    EAUX    THERMALES  .i'i 

En  résumé,  pendant  la  période  (jui  a  suivi  l'occupation, 
le  bilan  de  la  production  minière  de  la  Tunisie  peut  se 
récapituler  ainsi  :' 

Tonnes.  l'rancs. 

Minerais  de  zinc  .    .    .    .  549.234  valant  fob  Tunis.  71.;548.iiUO 

lAIinerais  de  plomb  .    .  471.646              —  68.466.000 

Minerais  de  fer 2.982.490              —  39.427.000 

Minerais  de  cuivre  .    .    .  3.600              —  1.800.000 

Minerais  de  manganèse.  2.300              —  11  S. 000 

Phosphates  de  chaux.     .  15.884.000               —  348.322.000 

ToTAi 529 .  478 .  500 

Ce  n'est  guère  qu'à  partir  de  1900  que  date  la  produc- 
tion des  mines  de  plomb  et  des  exploitations  de  phosphates. 
Quant  à  celle  des  minerais  de  fer  elle  remonte  seulement 
à  1908.  De  semblables  résultats  montrent  assez  le  rôle 
fécond  de  l'industrie  extractive  dans  la  prospérité  de  la 
colonie.  On  peut  môme  prévoir,  presque  à  coup  sûr,  un 
prochain  élan  beaucoup  plus  marqué  dans  la  production 
facilement  extensible  des  phosphates;  elle  devra  passer 
bientôt  à  trois  millions  de  tonnes  par  an,  celle,  des  mine- 
rais de  fer  pouvant  atteindre  un  million  de  tonnes  et  les 
minerais  de  plomb,  zinc  et  divers  100.000  tonnes.  Cet 
essor  minier,  dû  au  labeur  de  prospecteurs  persévérants 
et  aux  efforts  intellio;ents  d'ingénieurs  d'élite,  a  été  remar- 
quablement favorisé  par  la  création  rapide  de  routes,  de 
ports  et  de  chemins  de  fer  qui,  dans  certaines  régions,  ont 
devancé  pai'fois  l'éclosion  des  entreprises  minières  et  sans 
lesquels  celles-ci  seraient  demeurées  longtemps  paralysées 
sinon  délaissées. 

I  VI.   CARRn':RES 

Les  carrières  de  marbriîs,  de  calcaires  el  de  grès  pour 
construction,  de  plâtres  et  de  pierres  à  chaux  sont  très 
abondantes  en  Tunisie.  La  législation  les  considère  comme 
appartenant  aux  propriétaires  du  sol  et  ne  soumet  leur 
exploitation  qu'à  certaines  règles  de  police. 

Les  carrières  de  marbres  les  plus  célèbres  sont  celles  de 
Ghemtou.  Elles  furent  exploitées  par  les  Carthaginois  et 

J.-L.    Dk  Lanf.ssan,  —  La  Tunisie.  3 


34  -         LA    TUNISIE 

les  Romains.  Situées  dans  la  vallée  de  la  Medjerdali,  à 
quelques  kilomètres  seulciiunit  de  Ghardimaou,  elles  con- 
tiendraient plus  de  2(J.0UO,O0U  de  mètres  cubes  de  marbre 
à  exploiter  directement  dans  les  lianes  des  collines.  Leurs 
marbres  sont  très  fins  et  très  ricbement  colorés,  mais  ils 
sont  l'econnus  atteints  d'un  défaut  grave  :  ils  contiennent 
des  veines  ferrugineuses  et  calcaires  qui  les  rendent  cas- 
sants. Une  Société  s'était  formée,  en  \HH'A,  pour  leur  exploi- 
tation ;  elle  a  dû  renoncer,  en  1890,  à  son  entreprise,  à 
cause  de  ce  défaut. 

Les  calcaires  et  les  grès  pour  construction  abondent 
dans  les  parties  montagneuses  de  la  Tunisie.  Les  carrières 
du  Keddel  vl  du  Gattouna,  dans  le  voisinage  de  Soliman 
et  celles  de  Béja  et  d'El-Haouaria  (cap  Bon),  fournissent 
de  belles  pierres  de  taille  :  celles  de  Korbous  donnent  des 
grès  qui  ont  été  utilisés  dans  la  construction  du  port  de 
Tunis,  etc. 

Le  massif  dit  Djebel-Bou-Kournine,  aux  environs  de 
Tunis,  fournit  des  calcaires  excellents  pour  fabriquer  de 
la  cbaux  bydraulique.  Dans  le  domaine  Potin,  à  Bordj- 
Cedria,  on  les  utilise  pour  la  fabrication  d'un  ciment  de 
très  bonne  qualité. 

La  pierre  à  plâtre  ou  gypse,  abonde  dans  tout  le  sud, 
où  elle  constitue  des  masses  puissantes  dans  les  terrains 
crétacés  et  éocènes.  Dans  le  nord,  elle  forme  des  pointe- 
ments  accompagnés  de  marnes  bariolées  et  de  dolomies  ; 
on  l'exploite  près  de  Tébourba,.  sur  la  ligne  de  Tunis  à  Bône. 

La  quantité  des  matériaux  extraits  des  différentes  carrières 
indiquées  ci-dessus  est  évaluée  à  environ  900. 000  tonnes, 
valant  sur  les  lieux  d'emploi  6  à  7.000.000  de  francs  \ 

I  Vil.  —  Eaux  minérales 

Les  sources  minérales,  chaudes  ou  froides,  sont  nom- 
breuses en  Tunisie.  Nous  devons  citer  particulièrement  les 


1.  Xofice  sur  la  Tunisie,  publiée  par  la  Direction   de   l'ayriculturc,  du 
•uiiiiiierce  et  de  la  eolunisation  on  1909,  p.  78. 


LES    MINES,    CARRIÈRES    ET    EAUX    THERMALES  35 

sources  thermales  d'Hammam  Lif,  près  de  Tunis,  el  celles 
de  Korbous,  dans  la  presqu'île  du  cap  Bon.  Ce  sont  des 
eaux  chlorurées  sodiques,  analogues  à  celles  de  Bourbon- 
l'Archambault  et  de  Bourbon-Lancy.  De  2:rands  travaux 
ont  été  faits  à  Korbous  pour  aménager  la  station  en  vue 
des  Européens.  Une  très  bonne  route  en  corniche  la  relie 
à  Tunis. 

Il  existe  encore  des  sources  thermales  à  Hammam 
Zeriba,  Hammann  Djedidi  ,  El-Hamma  de  Gabès,  El- 
Hamma  du  Djerid  et  Nefta. 

Une  Société  a  exploité  les  eaux  minérales  froides  d'Aïn- 
Garci,  qui  sont  légèrement  gazeuses  et  ferrugineuses  et 
très  agréables  au  goût. 


CHAPITRE   m 

LES   FORÊTS 

Les  forêts  de  la  Tunisie  peuvent  être  divisées,  d'après 
leur  situation,  la  nature  des  essences  qui  les  composent 
et  leur  valeur  commerciale,  en  deux  groupes  très  dis- 
tincts :  celles  qui  sont  situées  au  nord  de  la  Medjerdah  et 
celles  qui  s'élèvent  dans  l'ouest  et  le  centre  du  pays. 

Dans  le  nord,  sur  des  montagnes  à  base  de  grès,  sont 
des  forêts  de  chênes-zen  et  de  chênes-lièges;  dans  Touest 
et  au  centre,  sont  des  forêts  de  pins  d'Alep  et  de  chênes 
verts.  Vers  le  sud,  se  trouve  un  massif  unique,  formé 
d'acacias  qui  produisent  une  certaine  quantité  de  gomme. 

Très  négligées  par  le  gouvernement  tunisien,  les  forêts 
n'ont  été  l'objet  d'études  sérieuses  que  depuis  l'établisse- 
ment du  protectorat,  ou,  pour  mieux  dire,  depuis  1883 
seulement.  Les  premières  observations  furent  faites  par 
M.  Lefèvi'e,  directeur  des  forêts.  Il  établit  que  dans  toutes 
les  forêts  du  nord  et  du  nord-ouest  de  la  Régence,  les 
chênes-zen  et  les  chênes-lièges  ne  se  trouvent  que  sur 
les  grès  nummulitiques  qui  reposent  sur  les  terrains  cré- 
tacés supérieurs,  et  que  ces  essences  disparaissent  com- 
plètement dès  que  les  calcaires,  qui  constituent  la  ma- 
jeure partie  de  l'étage  crétacé,  apparaissent  à  la  surface 
du  sol. 

Le  chêne-zen  se  trouve  uniquement  sur  les  versants 
des  montagnes  qui  regardent  le  nord  et  dans  le  fond  des 
vallons  étroits,  tandis  que  les  chênes-lièges  habitent  les 
versants  tournés  vers  le  sud. 

Les  arbres  de  haute  taille  sonl  confinés  sur  les  parties 


LES    KORKTS  37/ 

supérieures  des  montagnes.  La  moitié  ou  les  deux  tiers 
inférieurs  de  ces  dernières  ne  sont  couve its  que  de  brous- 
sailles. 

Du  côté  de  la  mer,  aux  montagnes  boisées  font  suite 
des  dunes  en  partie  couvertes  d'arbustes  et  dont  le  boise- 
ment doit  être  considéré  comme  nécessaire.  Leur  surface 
totale  avait  été  évaluée  par  M.  Lefèvre  à  16.000  hectares 
environ.  En  supposant  ce  boisement  opéré,  il  y  aurait 
une  surface  totale  de  11)2.000  hectares,  dont  124.000  déjà 
utilisables. 

En  Tunisie,  les  forets  font  partie  du  domaine  beylical. 
Ce  principe  est  du  moins  absolument  incontesté  en  ce  qui 
concerne  les  massifs  forestiers  situés  au  nord  de  la  Med- 
jerdah.  L'administration  française,  qui  agit  au  nom  du 
Bey,  avait  donc  le  droit  d'adopter  pour  les  forets  le  régime 
qui  lui  paraîtrait  le  plus  convenable.  Elle  pouvait,  soit 
les  aliéner,  soit  les  concéder  pour  une  durée  plus  ou  moins 
longue,  soit  les  mettre  elle-même  en  valeur  et  en  vendre 
directement  les  produits.  C'est  à  ce  dernier  système  quelle 
s'arrêta. 

Il  y  avait  d'abord  à  créer  des  routes  et  sentiers,  et  à  pra- 
tiquer des  tranchées  assez  larges  pour  arrêter  la  marche 
des  incendies.  Il  y  avait  aussi  à  mettre  en  état  les  arbres 
eux-mêmes,  c'est-à-dire  à  marquer  les  chênes-zen  qu'il 
était  nécessaire  d'abattre,  à  démascler  les  chênes-lièges  et  à 
marquer  ceux  qui,  étant  trop  vieux,  n'étaient  plus  bons  à 
exploiter  que  pour  h^  tannin,  (les  diverses  opérations 
devaient  entraîner  des  dépenses  considérables,  auxquelles 
il   en  fallait  encore   ajouter  d'autres   pour  le   personnel. 

Afin  de  couvrir  ces  dépenses,  il  ne  fallait  pas  songer 
au  liège  :  puisque  les  arbres  n'étaient  pas  encore  démas- 
clés,  on  ne  pouvait  compter  exploiter  le  liège  de  ceux 
auxquels  on  allait  faire  subir  cette  opération  qu'après  une 
période  de  dix  années.  Mais  on  pouvait  fonder  des  espé- 
rances, d'une  part  sur  le  tannin  dont  il  serait  aisé  de  con- 
céder l'exploitation,  d'autre  part,  sur  la  vente  des  chênes 
immédiatement  exploitables. 

D'après  le  Rapport  au  président  de  la  République  sur 


38  LA    TUNISIE 

la  si tuation  de  la  Twiisie  pour  1009  :  «  30.420  quintaux  de 
lièg:e  de  reproduction  ont  été  adjugés  pour  la  somme  de 
!j70.000  francs.  La  vente  des  écorces  à  tan  (30.580  quin- 
taux) a  produit  233.800  francs,  et  celle  des  coupes  de  bois 
d'œuvre  (10.780  mètres  cubes  de  chênes-réen)  192.000  fr. 
Les  recettes  du  service  des  forêts  ont  atteint  en  1909,  la 
somme  totale  de  1.168.722  francs  75  centimes.  » 

Les  dépenses,  sont  portées,  en  effet,  au  budget  de  1909, 
pour  une  somme  totale  de  694.650  francs,  se  divisant  en  : 
personnel,  197.350  francs;  matériel,  112.555  francs;  déli- 
mitation et  amélioration  des  forets,  277.720  ;  entretien  des 
forêts,  84.025;  fixation  des  dunes,  23.000  francs. 

Les  massifs  forestiers  situés  au  sud  de  la  Medjerdaii, 
dans  les  terrains  calcaires,  sont  formés  surtout  de  pins 
d'Alep,  de  chênes  verts  et  de  genévriers.  Les  plus  importants 
sont  ceux  des  montagnes  de  Zaghouan  d'où  naissent  les 
sources  qui  alimentent  Tunis  en  eau  potable;  ceux  du 
Djouggar  et  du  Djebel-Reças,  aux  environs  de  Tunis;  celui 
d'Aïn-Fouma  dans  la  partie  supérieure  de  la  vallée  de 
rOued  Milianali,  presque  entièrement  formé  de  pins  d'A- 
lep ;  celui  de  la  Kessera,  sur  la  route  du  Kef  à  Kairouan, 
long  de  douze  kilomètres  et  large  de  plusieurs  kilomètres; 
ceux  des  montagnes  des  Zlass,  à  l'est  de  Kairouan;  ceux 
de  Sidi-Youssef  et  de  l'Oued  Mélègue  sur  la  route  du  Kef 
à  Souk-Ahras  ;  celui  de  Nébeur,  sur  la  route  du  Kef  à 
Souk-el-Arba;  celui  d'Haïdra,  près  de  la  frontière  d'Algérie 
continuation  en  Tunisie  des  massifs  forestiers  algériens 
du  cercle  de  Tebessa;  enfin,  celui  de  Blad-Thalah,  dans 
l'ouest  de  Sfax,  distinct  de  tous  les  autres  en  ce  qu'il  est 
formé  par  une  espèce  d'arbre  inconnu  dans  tout  le  reste  de 
la  Tunisie  et  en  Algérie,  Y  Acacia  tortissima. 

D'après  une  note  de  source  officielle  qui  m'a  été  remise 
en  juillet  1914,  la  surface  totale  des  forêts  situées  au  sud 
de  la  Medjerdah  et  dans  la  presqu'île  du  cap  Bon  atteint 
898.212  hectares  dont  il  est  dit  dans  la  note  à  laquelle 
je  fais  allusion  :  «  on  ne  peut  pas  les  considérer  comme 
totalement  inexploitables  puisqu'elles  fournissent  le  bois 
de  chauffage  et  le  bois   de   construction  nécessaires  aux 


LES    FORÊTS  39 

populations  indigènes  stationnées  dans  la  région,  mais  on 
ne  peut  pas  les  considérer  non  plus  comme  susceptibles 
de  fournir  des  exploitations  régulières.  Quelques  massifs 
cependant,  pourront,  après  aménagement,  être  mis  en 
coupes  réglées,  notamment  aux  alentours  des  concessions 
minières.  On  peut  évaluer  au  maximum  de  200.000  iiec- 
tares  la  contenance  de  ces  massifs  susceptibles  d'être  un 
jour  exploités  régulièrement  ;  à  400.000  bectares  la 
superficie  des  terrains  boisés  qui  pourront  fournir,  sans 
exploitation  régulière,  les  produits  nécessaires  aux  popu- 
lations usagères  de  la  Régence  et,  enfin,  à  300.000  bec- 
tares  la  superficie  des  forets  complètement  inexploi- 
tables ». 

La  foret  d'acacias  gommifères  citée  plus  baut  mérite 
une  mention  spéciale.  Elle  est  située  à  09  kilomètres 
de  Gafsa  et  à  28  kilomètres  seulement  d'Aïaïcba, 
poste  situé  sur  la  route  de  Gafsa  à  Sfax.  La  plaine  de 
Tbalab,  dans  laquelle  s'étale  la  forêt,  est  formée  par  un 
terrain  d'alluvion  très  ricbe,  sur  lequel  les  indigènes  font, 
quand  il  pleut,  de  magnifiques  cultures  de  blé  et  d'orge. 
Entourée  de  montagnes  calcaires,  cette  plaine  olfre  un 
grand  nombre  d'ondulations  stériles,  constituées  par  des 
débris  de  rocbes  calcaires  et  gypseuses  qui  sont  descen- 
dues des  montagnes  voisines,  et  des  dépressions  remplies 
de  terres  alluvionnaires.  C'est  uniquement  dans  ces  der- 
nières que  poussent  les  gommiers.  Ceux-ci  ne  dépassent 
guère  3  mètres  de  baut;  au  centre  de  la  forêt,  ils  sont 
écartés  de  40  à  oO  mètres  les  uns  des  autres  et  disposés 
presque  toujours  par  bouquets,  ce  qui  montre  qu'ils 
représentent  des  repousses  de  souches  plus  anciennes. 
Autrefois,  la  forêt  de  Tbalab  avait  une  étendue  beaucoup 
plus  considérable  ;  elle  occupait  une  surface  longue  d'en- 
viron 3o  kilomètres  et  large  de  8,  ainsi  qu'en  témoignent 
des  pieds  ou  de  petits  bouquets  isolés,  épars  sur  cette 
surface  ;  actuellement,  elle  n'a  guère  plus  de  8  kilomètres 
de  long  et  2  kilomètres  de  large.  Sa  décadence  doit  être 
attribuée  à  l'exploitation  inconsidérée  qu'en  font  depuis 
longtemps  les  tribus  qui  viennent  cbaque  année  y  faire 


40  LA    TUNISIE 

paîiro  leurs  troupeaux,  oL  à  la  destruction  des  jeunes 
pousses  par  les  chameaux  et  les  chèvres;  les  premiers 
mangent  les  rameaux  entiers  malgré  les  épines  qui  gar- 
nissent les  feuilles  ;  les  secondes  hroulent  toutes  les 
feuilles  qui  sont  à  leur  portée.  En  outre,  les  larves  d'un 
coléoptère,  le  Bruchus  Aurevillii,  dévorent  beaucoup  de 
graines  qui  formeraient  des  semis  naturels. 

La  forêt  de  ïalah  est  la  seule  de  la  Tunisie  qui  puisse 
fournir  dos  bois  à  l'ébénisterie.  Ouoiquc  les  acacias  qui  la 
forment  n'atteignent  pas  une  forte  grosseur,  leur  cœur 
peut  donner  des  planches  larges  de  20  à  30  centimètres, 
d'un  bois  dur,  à  grain  lin,  coloré  en  jaune  foncé  et  sus- 
ceptible d'un  très  beau  poli.  Il  y  aurait  donc  grand  intérêt 
à  reconstituer  cette  forêt  qui  est  une  exception  en  Tunisie. 

Une  partie  des  montagnes  qui  entourent  Tunis  et 
Zaghouan  sont  actuellement  couvertes  de  thuvas  rabou- 
gris, ne  dépassant  guère  60  k  80  centimètres  de  hauteur. 
A  en  juger  par  l'uniformité  de  la  taille,  un  observateur 
superficiel  pourrait  croire  que  les  thuyas  de  ces  mon- 
tagnes sont  incapables  d'acquérir  des  dimensions  supé- 
rieures à  celles  que  nous  venons  d'indiquer.  11  n'en  est 
rien.  Cette  uniformité  si  remarquable  de  taille  et  cette 
disposition  buissonneuse  sont  déterminées  par  les  chèvres. 
Dans  les  quelques  propriétés  où  l'on  a  interdit  à  ces  ani- 
maux le  pâturage  dans  les  broussailles  de  thuyas,  ces 
derniers  n'ont  pas  tardé  à  s'élancer,  et  de  véritables  arbres, 
très  droits  se  sont  développés.  Dans  le  domaine  de 
l'Enfida,  de  très  nombreux  et  magnifiques  thuyas,  et  des 
oliviers  sauvages  de  belle  taille  se  dressent  aujourd'hui 
dans  des  lieux  où  naguère  n'existaient  que  de  maigres  et 
courts  buissons.  Il  a  suffi,  pour  obtenir  ce  résultat,  de 
défendre  aux  indigènes  de  mener  paître  leurs  troupeaux 
sur  les  terrains  que  couvraient  les  buissons.  Dès  qu'il  faut 
semer  ou  planter,  le  reboisement  devient  une  opération 
difficile,  à  cause  de  son  prix  et  des  risques  que  la  séche- 
resse,   toujours  à  craindre,   fait   courir    aux  semis. 

Sans  négliger  entièrement  les  semis  ou  les  plantations, 
il  est  donc  préférable,  dans  l'intérêt  des  finances  du  pays, 


I.KS    FORKTS  41 

de  se  préoccuper  d'abord  des  montagnes  donl  les  brous- 
sailles sont  susceptibles  de  devenir  arborescentes.  Il  suffi- 
rait de  prendre  quelques  soins  de  ces  broussailles,  de  les 
ébrancher  et  de  les  mettre  à  l'abri  des  animaux  pour  les 
transformer  en  forêts. 


CHAPITRE  IV 

L  AGRICULTURE  INDIGÈNE 


Il  existe  en  Tunisie  trois  grandes  cultures  indigènes  : 
celle  des  céréales,  celle  des  oliviers  et  celle  des  dattiers, 
auxquelles  il  faut  joindre  celle  que  l'on  appelle  dans  le 
pays  «  les  jardins  ».  Celle-ci  comprend,  avec  les  plantes 
maraîchères,  une  certaine  quantité  d'arbres,  d'arbustes  et 
d'herbes  qui  fournissent  des  éléments  à  l'alimentation  de 
l'homme  ou  des  animaux  et  qui  exigent  des  soins  spéciaux 
et  un  arrosage  régulier.  Les  indigènes  ont  également  cul- 
tivé de  tout  temps  de  la  vigne  pour  les  fruits  qu'ils 
mangent  frais  ou  séchés. 

I  I.  —  Culture  indigène  des  céréales 

Sous  le  titre  de  culture  des  céréales,  nous  comprendrons 
surtout  celle  du  blé  et  de  l'orge.  Les  centres  principaux  de 
ces  cultures  sont  :  dans  le  Nord,  les  plaines  de  la  Medjer- 
dah,  parmi  lesquelles  il  faut  citer  la  vaste  vallée  qui 
s'étend  entre  Béja  et  Ghardimaou  sur  une  longueur  de  plus 
de  80  kilomètres  et  une  largeur  moyenne  de  i^)  à  6  kilo- 
mètres ;  celle  d'Utique  au  voisinage  de  l'embouchure  du 
fleuve  dans  le  golfe  de  Porto-Farina  ;  la  région  de  Mateur 
qui  est  aujourd'hui  en  pleine  culture  et  qui  figure  parmi 
les  plus  fertiles  et  les  mieux  colonisées  de  la  Tunisie;  les 
plaines  de  la  Milianah,  etc.  :  dans  l'est  et  le  sud  toute  la 
partie  du  pays  qui  s'étend  entre  la  mer  et  les  montagnes. 

Si  toutes  les  parties  de  la  Régence  recevaient  régulière- 
ment des    pluies   pendant   l'hiver,    toutes   se   prêteraient 


L  AGRICULTURE    INDIOKNE  43 

ég'alement  à  la  culture  des  céréales,  parce  que  toutes  ont 
un  sol  suflisamment  fertile.  Mais,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit  plus  haut,  les  pluies  ne  sont  régulières  qu'au  nord  de 
la  Medjerdah  ;  elles  sont  moins  abondantes,  avec  moins 
de  régularité,  au-dessus  d'une  ligne  qui  couperait  trans- 
versalement la  Régence  de  Sfax  à  Feriana. 

Même  dans  ces  régions,  de  simples  gourbis  en  bran- 
chages ou  des  tentes  en  toile  brune  sont  à  peu  près  les 
seules  manifestations  de  la  vie  agricole  indigène  que  l'on 
trouve  dans  une  foule  de  lieux  où  se  dressaient  jadis  les 
maisons  en  pierre  des  agglomérations  romaines.  Des  sur- 
faces immenses,  des  terres  magnifiques  ne  portent  que 
des  chardons  ou  des  broussailles  ;  quant  aux  parties  culti- 
vées en  blé  ou  en  orge  par  les  Tunisiens,  elles  ne  sont 
jamais  fumées  et  ne  reçoivent  qu'un  labour  insignifiant. 
Après  les  premières  pluies  de  l'automne,  les  indigènes  font 
passer  dans  les  champs  qu'ils  veulent  ensemencer  une 
charrue  de  très  petite  taille  qui  ne  fait  que  racler  le  sol; 
puis  ils  sèment  le  blé  ou  l'orge  et  ne  s'occupent  plus  de  la 
terre  que  pour  faire  la  moisson  dans  le  courant  du  mois  de 
juin.  Ils  coupent  alors  la  partie  supérieure  des  tiges  du 
blé  ou  de  l'orge,  laissant  un  chaume  très  haut  qui  servira 
de  pâture  aux  bestiaux.  Le  dépiquage  est  fait  avec  un 
appareil  qui  paraît  dater  de  Tépoque  carthaginoise. 

Avec  une  semblable  culture,  le  rendement  des  terres  ne 
peut  être  que  minime.  On  l'estime  à  6  hectolitres  seule- 
ment par  hectare.  Aussi,  la  Tunisie  faisait-elle,  au  moment 
de  la  conquête,  à  peine  assez  de  blé  et  d'orge  pour  la 
nourriture  de  ses  habitants. 

Depuis  quelques  années,  à  l'imitation  et  sur  les  conseils 
des  colons  français,  un  certain  nombre  d'indigènes  ont 
notablement  amélioré  leurs  procédés  de  culture,  surtout 
dans  le  nord.  Afin  de  les  y  engager,  on  a  réduit  l'impôt  à  un 
dixième  de  son  taux  normal  pour  les  terres  cultivées  à  la 
charrue  française  ;  mais  il  n'y  a  que  les  indigènes  riches 
qui  peuvent  faire  usage  de  cet  instrument  «  La  charrue 
française,  fait  observer  avec  raison  M.  Alapetite,  est  très 
dure  à  tirer,  surtout  lorsque  la  terre  est  sèche  ;  il  faut  un 


44  LA    TUNISIE 

cheptel,  luiit  ou  dix  paires  de  bœufs  »  que  les  indigènes 
possèdent  rarement.  Le  résident  général  faisait  observer 
(jue  la  prime  à  la  charrue  française  ne  profite  guère  qu'aux 
agriculteurs  européens  et  il  ajoutait  non  sans  raison  : 
«  une  pareille  prime  ne  sera  légitime  et  ne  pourra  être 
maintenue  que  si  les  pauvres  peuvent  accéder  au  bénéfice 
de  cette  prime  par  l'aide  que  nous  leur  apporterons  '  » . 

Les  terres  à  céréales  n'appartiennent  pour  ainsi  dire 
jamais  aux  indigènes  qui  les  cultivent.  Ces  derniers  ne 
sont,  en  général,  que  des  locataires  temporaires,  indépen- 
dants, ou  des  métayers  d'une  sorte  particulière,  auxquels 
on  donne  le  nom  de  «  Khammès  ». 

Lorsque  les  locataires  sont  indépendants,  ils  possèdent 
la  charrue  et  les  bœufs  nécessaires  au  labour:  ils  payent 
au  propriétaire  une  certaine  somme  pour  la  location  du 
terrain,  ensemencent  et  récoltent  à  leurs  frais,  puis  gardent 
toute  la  récolte. 

Les  locations  n'étaient  faites  autrefois,  d'ordinaire,  que 
pour  un  an,  parfois  pour  deux  ou  trois  années  au  plus. 
Elles  sont  aujourd'hui,  en  moyenne,  de  deux  ou  trois  ans 
et  même  de  quatre  années  pour  les  terres  louées  par  les 
Habous.  Cette  durée  est  encore  trop  courte  pour  que  le 
locataire  ait  un  notable  intérêt  à  améliorer  les  terres  de 
son  propriétaire.  Son  insouciance  à  cet  égard  est  si  grande 
qu'il  ne  se  donne  même  pas  la  peine  d'arracher  ou  de 
couper  les  broussailles  ;  il  les  contourne  avec  la  charrue, 
sans  y  toucher  plus  que  si  elles  étaient  sacrées.  Si  les 
broussailles  sont  formées  de  plantes  que  respectent  les 
moutons,  les  bœufs  et  les  chèvres,  comme  les  jujubiers 
épineux  et  les  lentisques,  elles  se  multiplient  à  leur  aise, 
envahissant  chaque  année  une  portion  nouvelle  du  champ, 
qui  ne  tarde  pas  à  être  tout  entier  impropre  à  la  culture. 
Beaucoup  d'excellents  terrains  ont  été  ainsi  perdus  par  la 
négligence  des  agriculteurs  indigènes. 


1.  Discours  prononcé  à  la  Chambre  des  Députés,  le  26  janvier  IMS.  Un 
s  igrand  progrès  a  été  réalisé  depuis  cette  époque  que,  en  1916,  le  dégrè- 
vement dos  neuf  dixièmes  de  Tachour  a  prolité  aux  E-uropéens  pour 
394.000  francs  et  aux  indigènes  pour  308.000  francs. 


L  AGRICULTURE    INDIGÈNE  45 

Dans  l'enquête  sur  l'agriculture  indigène  faite  par  une 
commission  que  présidait  M.  Decker  David,  directeur  de 
l'enseignement  atçricole.  beaucoup  d'indigènes  demandè- 
rent que  la  durée  des  baux  fût  élevée  à  neuf  ans,  moyen- 
nant quoi  ils  défricheraient  les  terres  et  les  améliore- 
raient. C  est  une  satisfaction  qu'il  nous  paraît  nécessaire 
de  leur  donner. 

La  catégorie  des  khammès  est  beaucoup  plus  impor- 
tante que  celle  des  locataires  indépendants.  Le  khammès 
reçoit  du  propriétaire,  pour  la  méchia  de  terre  (environ 
dix  hectares)  qui  lui  est  allouée,  une  paire  de  bœufs  qu'il 
doit  nourrir  et  entretenir  en  bon  état,  une  charrue  et  la 
quantité  de  g^rain  nécessaire  à  l'ensemencement.  Il  laboure 
le  sol,  le  sème,  fait  la  récolte  avec  le  concours  du  proprié- 
taire, dépique  l'orge  ou  le  blé,  met  la  paille  en  meules  et 
nettoie  le  grain. 

Après  la  récolte,  qui  ne  rend  pas  plus  de  cinq  pour  un, 
on  prélève  l'impôt,  puis  le  propriétaire  prend  quatre  cin- 
quièmes des  grains  et  en  laisse  un  cinquième  au  kham- 
mès. Si  Ton  estime  la  récolte  à  six  hectolitres  par  hectare 
ou  soixante  hectolitres  par  méchia  de  dix  hectares  et  l'im- 
pôt au  dixième,  soit  six  hectolitres,  la  semence  à  un  hecto- 
litre par  hectare,  soit  dix  hectolitres  pour  la  méchia,  il  reste 
à  partager  enti-e  le  propriétaire  et  le  khammès  quarante- 
quatre  hectolitres  par  méchia,  dont  le  cinquième,  d'environ 
neuf  hectolitres,  constitue  la  part  du  khammès.  A  douze 
francs  l'hectolitre,  le  khammès  retire  de  sa  peine  environ 
cent  francs  par  méchia  enseinencée. 

Le  khammès  peut  cultiver  pour  son  compte  quelques 
légumes  dans  un  jardin  dont  le  propriétaire  lui  concède 
l'usage  exclusif.  Il  élève  souvent  une  vache,  quelques 
chèvres  et  des  volailles  qui  vivent  comme  elles  peuvent. 
Même  dans  les  années  de  bonnes  récoltes  et  en  réunissant 
les  conditions  les  plus  favorables,  son  revenu  est  à  peine 
suffisant  pour  lui  permettre  de  vivre. 

La  sobriété  et  la  simplicité  de  vie  du  khammès  attei- 
gnent un  degré  dont  il  est  impossible  d'avoir  une  idée 
quand   on    n'a   pas  observé   les   choses  directement.  Son 


46  LA    TUNISIK 

habitation  est  une  hutte  ou  gourbi  permettant  à  peine  de 
se  tenir  debout  et  entouré  d'un  parc  dans  le(juel  est  logé 
son  bétail.  Son  lit  est  une  natte  ou  une  peau  de  mouton. 
Son  vêtement  se  compose  de  loques  et  d'un  burnous  qui 
semble  avoir  servi  à  plusieurs  générations.  Les  femmes 
sont  vêtues  d'une  simple  pièce  de  cotonnade  bleue.  Les 
enfants  vont  nus,  ou  peu  s'en  faut.  Quant  à  la  nourriture 
de  la  famille,  elle  se  compose  d'eau  comme  boisson,  de 
galettes  de  semoule  pétries  par  les  femmes  et  cuites  dans 
de  petits  fours  en  terre,  d'huile  rance  dans  laquelle  on 
trempe  légèrement  le  pain,  et,  une  fois  par  jour  seule- 
ment, de  couscouss,  avec,  ou  plus  souvent,  sans  viande. 
Celle-ci  est  i-eprésentée  soit  par  des  volailles  maigres, 
soit  par  la  chair  ou  simplement  les  intestins  frais  ou 
séchés  au  soleil  du  mouton  ou  du  bœuf. 

Lorsque  l'année  est  mauvaise,  c'est-à-dire  lorsque  la 
pluie  a  été  trop  rare,  le  khammès  a  vite  consommé  sa 
maigre  part  de  grain  ;  il  s'adresse  alors  à  son  propriétaire, 
qui  est  tenu  par  la  coutume  de  lui  faire  des  avances,  mais 
auquel,  à  partir  de  ce  jour,  il  sera  presque  indissoluble- 
ment lié.  Gomment,  en  effet,  pourra-t-il  rembourser  les 
cent,  cent  cinquante  ou  deux  cents  francs  qui  lui  seront 
donnés  en  acompte  sur  la  récolte  future?  Désormais  le 
khammès  est  un  serf;  il  ne  pourra  quitter  le  propriétaire 
auquel  il  doit,  et  se  lier  à  un  autre,  qu'à  la  condition  que 
celui-ci  rembourse  au  premier  sa  créance. 

L'inlluence  d'un  pareil  état  de  choses  sur  le  régime  éco- 
nomique du  pays  en  général,  et  sur  son  agriculture  en  par- 
ticulier, ne  peut  être  que  funeste.  N'ayant  aucune  chance 
de  devenir  propriétaire  du  sol,  ne  pouvant  même  pas 
caresser  l'espoir  de  se  libérer  vis-à-vis  du  propriétaire,  le 
khammès  ne  fait  aucun  effort  pour  améliorer  la  terre  et  se 
laisse  volontiers  aller  à  ne  faire  que  la  somme  de  travail 
tout  à  fait  indispensable  pour  assurer  sa  subsistance. 

D'autre  part,  comme  le  propriétaire  retire  de  sa  terre, 
sans  efforts  et  presque  sans  dépense,  un  revenu  relative- 
ment élevé,  il  ne  se  préoccupe  pas  plus  que  le  khammès 
des  moyens  d'augmenter  le  rendement  du  sol. 


l'aGIUCULTCRE    INDIC.KNE  47 

De  là  le  mauvais  état  de  la  plupart  des  terres  à  céréales 
de  la  Tunisie,  la  néglierencc  apportée  dans  le  labour,  Tab- 
sence  absolue  de  fumure  et  de  sarclages  ;  de  là,  en  un  mot, 
la  situation  déplorable  de  l'agriculture  indigène  dans  un 
pays  où  sont  réunies  la  plupart  des  conditions  poui-  qu'elle 
soit  prospère. 

Cependant,  des  progrès  notables  ont  été  réalisés  dans  la 
culture  indigène  des  céréales.  «  D'après  nos  rôles  de 
l'impôt,  dit  M.  Alapetite\  au  début  du  protectorat  les 
indigènes  ne  labouraient  que  600.000  hectares,  ils  labou- 
rent maintenant  1.000.000  d'beclares,  sans  compter  les 
100.000  bectares  labourés  par  les  Français.  »  M.  Alape- 
tite  ajoute  :  «  Au  moment  de  l'avènement  du  protectorat, 
la  production  céréalière  de  la  Régence  pour  la  moyenne 
des  cinq  premières  années,  était  d'environ  1.900.000  hec- 
tolitres. Aujourd'hui  la  production  céréalière  des  Français 
seuls  atteint  ce  chiffre,  et  pendant  ce  temps  la  production 
indigène  s'est  élevée  de  1.900.000  hectolitres  à  5  millions 
d'hectolitres,  moyenne  des  cinq  dernières  années.  »  Il 
résulte  de  ces  chiffres  non  seulement  que  la  surface  culti- 
vée s'est  accrue,  mais  encore  que  le  rendement  à  l'hectare 
a  augmenté. 

§  II.   —  Culture  des  oliviers 

La  seconde  grande  culture  indigène  de  la  Tunisie  est 
celle  de  l'olivier. 

Les  localités  dans  lesquelles  les  oliviers  sont  cultivés 
par  les  indigènes  sur  une  vaste  échelle  sont  :  les  environs 
de  Tunis,  de  Tebourba  et  de  Bizerte,  la  partie  inférieure  de 
la  presqu'île  du  cap  Bon  (Grombalia,  Soliman,  Menzel- 
Bou-Zalfa,  les  alentours  de  Zaghouan  et  du  Kef),  les  caï- 
dats  de  Sousse,  de  Djemmal,de  Monastir  et  de  Mabdia,les 
environs  de  Sfax,  ceux  de  Gafsa,  de  Zarzis,les  Matmatas  et 
l'île  de  Djerba.  Nous  ne  citons  que  les  lieux  dans  lesquels 
ils  forment  des  cultures  assez  importantes  et  assez  homo- 
gènes pour  mériter  le  nom  de  bois  ou  forêts  d'oliviers.  Mais 

1.  Loc.  cil. 


48  LA    TUNISIE 

rolivior  esl  cultivé  en  moindre  (|uantité  dans  un  grand 
nombre  d'autres  localités,  ou  pour  mieux  dire,  au  voisi- 
nage de  la  plupart  des  centres  de  population. 

Partout  où  les  oliviers  forment  des  bouquets  ou  des  bois 
plus  ou  moins  étendus,  ils  sont  plantés  de  douze  à  vingt- 
quatre  mètres  les  uns  des  autres,  souvent  en  rangées  quin- 
conciales  ;  ils  ne  sont  pas  entremêlés  d'autres  arbres,  et, 
lorsqu'ils  sont  en  plein  développement,  on  ne  fait  sous 
eux  aucune  culture. 

D'après  les  statistiques  officielles,  il  existerait  en  Tunisie, 
actuellement,  11.756.000  oliviers  dont  3.278.000  ayant 
moins  de  vingt  ans  et  par  conséquent,  plantés  depuis  l'oc- 
cupation française.  Au  moment  où  notre  protectorat  fut 
établi  dans  la  Régence,  on  admettait  l'existence  d'une 
dizaine  de  millions  de  ces  arbres,  mais  cette  estimation 
paraissait  fort  contestable  parce  que  les  percepteurs  de 
l'impôt  comptaient  souvent  deux  arbres  pour  un  lorsqu'ils 
étaient  en  mauvais  état. 

Quant  à  la  valeur  des  arbres,  elle  est  très  dilierente  dans 
les  diverses  localités.  Les  oliviers  des  environs  de  Tunis 
sont  pour  la  plupart  très  vieux,  en  mauvais  état  et  mal  cul- 
tivés. Cela  est  vrai  surtout  pour  ceux  qui  couvrent  les  col- 
lines entourant  immédiatement  la  ville  de  Tunis.  On  fait 
remonter  la  plantation  de  la  majeure  partie  de  ces  arbres  à 
l'époque  romaine,  c'est-à-dire  à  plus  de  deux  mille  ans.  Un 
grand  nombre  sont  creux,  réduits  à  la  portion  corticale  du 
tfonc  et  couronnés  par  un  maigre  bouquet  de  branches; 
d'autres  sont  des  repousses  déjà  centenaires  de  souches 
énormes.  Tous  ces  vieux  débris  sont  presque  entièrement 
abandonnés  à  eux-mêmes  ;  on  ne  les  taille  presque  jamais; 
on  ne  les  fume  pas  ;  la  récolte  se  fait  sans  aucun  soin,  souvent 
en  brisant  les  branches  les  plus  jeunes  et  les  plus  produc- 
tives ;  le  sol  n'est  labouré  que  superficiellement  et  deux 
fois  seulement  chaque  année;  il  se  montre  presque  par- 
tout couvert  d'herbes  qui  vivent  aux  dépens  des  oliviers. 
Tous  ces  arbres  ont  été  plantés  à  une  distance  trop 
faible  les  uns  des  autres  (7  ou  8  mètres).  La  culture  en 
est  rendue  difficile  et  les  arbres  se  gênent  réciproquement, 


L  AGRICULTURE    INDIGÈNE  49 

car  leurs  racines  s'allongent  souvent,  tout  autour  de 
l'arbre  jusqu'à  6  et  7  mètres. 

Ces  oliviers  d'un  âge  trop  avancé  donnent  à  peine  une 
bonne  récolte  tous  les  huit  ou  dix  ans.  Ils  occupent  inuti- 
lement un  sol  fertile;  mais  la  négligence  des  propriétaires 
est  telle  qu'on  les  laisse  mourir  sur  place  plutôt  que  de 
faire  les  dépenses  nécessaires  à  leur  remplacement  par 
des  cultures  rapportant  davantage. 

Près  de  Bizerte,  on  trouve  encore  un  assez  grand 
nombre  de  ces  vieux  troncs  ;  cependant,  la  plupart  des 
oliviers  de  cetl<'  région  sont  en  meilleur  état  (jue  ceux  dont 
nous  avons  parlé  plus  haut. 

Ils  sont  plus  beaux  dans  les  forets  assez  étendues  qui 
entourent  les  petites  villes  de  Soliman,  de  Menzel-Bou-Zalfa, 
de  Nebeul,  de  Menzel-Temime,  et  de  Kelibia,  dans  la  pres- 
qu'île du  cap  Bon. 

On  estime,  aujourd'hui,  en  Tunisie  que  les  oliviers 
seraient  remplacés,  dans  le  Nord,  avec  avantage,  par  les 
céréales.  M.  Minangoin,  inspecteur  de  l'agriculture,  dit  au 
sujet  des  olivettes  de  toutes  les  régions  septentrionales  : 
«  Les  terrains  sont  en  général  moins  favorables  à  cet 
arbre  et  la  quantité  d'eau  qu'ils  reçoivent  annuellement 
étant  plus  grande,  on  a  tout  avantage  à  les  consacrer  à  la 
culture  des  céréales  ou  à  la  production  des  fourrages. 
Néanmoins,  on  trouve  dans  le  nord  des  régions  oli  l'olivier 
doit  être  maintenu,  ce  sont  celles  oii  la  nature  sablon- 
neuse du  terrain  se  prête  à  cette  culture  et  celles  oi^i  les 
olivettes,  bien  qu'anciennes,  donnent  encore  un  produit 
suflisant  pour  payer  les  frais  culturaux.  ^  » 

Les  oliviers  les  plus  jeunes,  les  plus  beaux  et  les  mieux 
cultivés  de  la  Tunisie  sont  ceux  du  Sahel,  c'est-à-dire  de 
la  région  comprise  autour  des  villes  de  Sousse,  Monastir, 
Mahdia  et  Sfax.  Les  statistiques  officielles  dressées  après 
notre  arrivée  en  Tunisie  indiquaient  dans  le  Sahel  plus  de 
trois  millions  deux  cent  mille  pieds  d'oliviers  (exactement 
trois  millions  deux  cent  mille  quatre-vingt-trois),  mais  ce 

1.  Bulletin  de  la  Directi.ot  de  l'agriculture,  du  commerce  et  de  la  coloni- 
sation, 20  série,  1909. 

J.-L.  De  Lanessan.  —  La  Tunisie.  4 


50  LA.    TUNISIE 

chiffre  était  pi'obabloniont  trt'S  inférieur  à  la  réalité.  L'impôt 
étant  payé  à  raison  de  tant  par  arbre,  les  indigènes  avaient 
tout  intérêt  à  en  dissimuler  le  nombre  exact. 

Dans  tout  le  Sahel,  le  sol  des  bois  d'oliviers  est  labouré 
au  moins  trois  ou  quatre  fois  chaque  année,  la  récolte  se 
fait  avec  un  assez  grand  soin  et  les  arbres  sont  taillés 
régulièrement.  Les  meilleures  dispositions  sont  prises 
pour  qu'ils  bénéficient  de  la  plus  grande  quantité  possible 
d'eau  des  pluies.  Des  levées  en  terre  limitent  des  espaces 
à  peu  près  quadrangulaires,  comprenant  quatre  à  six 
arbres,  espaces  dans  lesquels  toute  Teau  tombée  s'accu- 
mule et  reste  enfermée  jusqu'à  ce  qu'elle  ait  été  absorbée 
par  le  sol.  Dans  tous  les  points  où  le  bois  est  voisin  d'une 
colline  inculte,  ces  levées  de  terre  sont  aménagées  de  façon 
à  conduire  aux  pieds  des  arbres  l'eau  qui  tombe  sur  la 
colline.  Aux  environs  de  Sousse,  ces  levées  coupent  les 
pistes  tous  les  vingt  ou  trente  mètres  et  les  rendent 
presque  impraticables  aux  voitures. 

Bien  qu'ils  soient  relativement  jeunes,  la  plupart  des 
anciens  oliviers  du  Sahel  paraissent  avoir  une  centaine 
d'années,  mais  ils  sont  en  pleine  production,  très  vigou- 
reux et  de  grande  taille.  Les  plus  grands  des  environs  de 
Nice  pourraient  à  peine  lutter  avec  eux  pour  les  dimensions. 
Quant  à  ceux  des  environs  d'Aix,  ils  paraîtraient  des  pyg- 
mées  à  côté  de  ces  géants  aux  belles  et  robustes  formes. 

Depuis  notre  occupation  de  la  Tunisie,  les  olivettes  des 
environs  de  Sousse  se  sont  beaucoup  accrues,  soit  au 
nord  en  allant  vers  l'Enfîa,  soit  au  sud,  en  descendant 
vers  El-Djem,  soit  à  l'est,  dans  la  direction  de  Mahdia. 

Les  environs  de  Sfax  étaient  occupés,  à  l'époque  de 
notre  arrivée,  sur  une  région  variable  entre  (1  à  8  et  10  à 
12  kilomètres  autour  de  la  ville,  par  des  jardins  formés  en 
majeure  partie  d'oliviers  auxquels  sont  parfois  mélangés 
des  figuiers,  des  amandiers,  des  grenadiers  et  quelques 
autres  arbres  fruitiers.  Il  a  dû  y  avoir,  autrefois,  de  nom- 
breuses plantations  dans  la  vallée  qui  s'étend  entre  El- 
Djem  et  Sfax,  car  on  trouve,  tout  le  long  de  la  route  qui 
relie  ces   deux   villes,  de    vieux   oliviers    épars    dans    la 


L  a(;riculture  indigène  51 

plaine;  ils  restent,  avec  les  ruines  romaines,  abondantes 
dans  cette  région,  comme  les  témoins  d'une  ancienne 
prospérité. 

Les  plantations  d'oliviers  faites  depuis  notre  occupation 
s'étendent  en  demi-cercle  autour  de  Sfax  jusqu'à  une  qua- 
rantaine de  kilomètres  de  la  ville. 

Autour  de  Zarzis,  il  existe  une  ancienne  oasis  de  dat- 
tiers de  2  à  3  kilomètres  de  diamètre,  aujourd'hui  très 
néi2;ligée  en  ce  qui  concerne  les  dattiers,  mais  où  les 
indi§:ènes  tendent  à  remplacer  les  dattiers  par  des  oli- 
viers. Les  plus  àg-és  d'entre  ces  derniers  paraissent  n'avoir 
pas  plus  d'une  trentaine  d'années,  sauf  un  petit  nombre 
de  pieds  qui  ont  survécu  à  la  ruine  d'anciennes  cultures. 
En  dehors  des  bouquets  d'arbres  en  production,  se  voient 
un  grand  nombre  de  plantations  plus  récentes.  Le  gouver- 
neur de  l'Arad  prit  sur  lui,  en  1881,  afin  d'activer  ce 
mouvement,  d'ordonner  la  plantation  de  60  à  80.000  jeu- 
nes oliviers.  Ses  ordres  furent  exécutés  et  son  exemple 
imité  par  les  indigènes,  mais  les  plantations  d'oliviers 
de  Zarzis  ne  peuvent  pas  être  comparées  à  celles  de 
Sfax. 

Dans  l'île  de  Djerba,  ces  arbres  sont  très  nombreux;  la 
plupart  sont  d'un  âge  avancé  et  les  plantations  nouvelles 
sont  rares.  Tout,  dans  cette  île,  dont  le  climat  est  relative- 
ment agréable  et  oii  l'eau  est  abondante  à  une  légère  pro- 
fondeur, tout,  dis-je,  semble  indiquer  une  prospérité  en 
décadence.  Les  dattiers  ont  dû  autrefois  couvrir  l'île;  ils 
sont  aujourd'hui  négligés,  non  sans  raison,  il  est  vrai,  car 
leurs  fruits  sont,  comme  ceux  de  Zarzis  et  Gabès.  peu 
estimables;  mais  les  oliviers,  qui  donneraient  d'excellents 
produits,  sont  beaucoup  moins  bien  soignés  que  dans  le 
Sahelet  dans  les  environs  de  Sfax.  Ils  sont  mal  taillés  et 
le  sol  est  encombré  d'herbes  nuisibles.  Je  ne  sais  à  quoi 
tient  cette  décadence  de  l'île  de  Djerba,  mais  elle  me 
frappa  beaucoup  lors  de  ma  première  exploration  de  la 
Tunisie,  en  1886  et  je  crus  utile  de  la  signaler  afin  que 
les  personnes  autorisées  s'en  préoccupassent.  Avec  ses 
eaux  abondantes  et  superficielles,  sa  température  insu- 


52  LA    TUNISIli 

laire,  c'est-à-dire  relativement  tempérée  et  exempte  des 
variations  brusques  que  l'on  rencontre  sur  beaucoup  de 
points  du  continent,  l'île  de  Djerba  se  prête  admirablement 
à  toutes  les  cultures  arbustives,  particulièrement  à  celles  de 
l'olivier  et  de  la  vigne. 

Si  l'on  compare  la  surface  relativement  minime  des 
terres  plantées  en  oliviers  avec  celle  qui  se  prêterait  à 
cette  culture,  si  surtout  on  compare  l'état  des  oliviers  dans 
les  diverses  régions  où  ils  se  trouvent,  on  est  naturelle- 
ment amené  à  se  demander  pourquoi,  dans  certaines 
régions,  les  oliviers  sont  négligés. 

Parmi  les  causes  qui  ont  dû  entraver  le  développement 
de  la  culture  de  l'olivier,  il  faut  noter  la  lenteur  avec 
laquelle  cet  arbre  se  développe  et  le  nombre  relativement 
considérable  d'années  qui  s'écoulent  entre  l'époque  de  la 
plantation  et  celle  de  la  production.  On  estime  géné- 
ralement, en  Tunisie,  qu'un  olivier  ne  commence  à 
rapporter  quelques  fruits  que  cinq  ans  après  la  planta- 
tion et  que  c'est  seulement  au  bout  de  douze  à  quinze  ans 
qu'il  entre  en  plein  rapport.  Pour  un  peuple  indolent, 
ayant  peu  de  besoins,  encore  moins  de  prévoyance,  et 
ne  pouvant  disposer  que  de  bien  faibles  capitaux, 
attendre  douze  ans  une  première  récolte  rémunératrice, 
c'est  sans  contredit  une  condition  bien  peu  favorable  à 
la  culture,  même  la  plus  riche.  Cette  première  condition 
nous  paraît  avoir  joué  un  grand  rôle  dans  l'abandon 
dont  les  oliviers  sont  l'objet  depuis  longtemps  déjà  de  la 
part  des  Tunisiens. 

Il  faut  aussi  noter  comme  cause  de  la  négligence  dont  la 
culture  de  l'olivier  était  l'objet  de  la  part  des  indigènes 
tunisiens,  avant  notre  occupation,  l'absence  presque  com- 
plète de  relations  commerciales  entre  la  Régence  et  l'exté- 
rieur et  l'inhabileté  des  agriculteurs  à  extraire  l'huile  dans 
des  conditions  convenables.  Toute  l'huile  produite  étant 
consommée  sur  place  et  sa  qualité  étant  défectueuse,  il  y 
avait,  pourrait-on  dire,  assez  d'arbres  pour  les  besoins  de 
la  population. 

Cependant  des  efforts  importants  avaient  été  faits  dans 


i/agriculture  indigène  53 

le  but  de  remédier  aux  inconvénients  qui  résultent  de  la 
lenteur  du  développement  de  l'olivier.  Dans  les  environs 
de  Sfax,  les  propriétaires  du  sol  avaient  imaginé  une  ma- 
nière de  procéder  qui  leur  permettait  de  faire  des  planta- 
tions sans  avoir  à  débourser  des  sommes  importantes.  Un 
grand  nombre  des  indigènes  de  la  région  auraient  fait 
fortune  grâce  à  l'emploi  de  cette  méthode  qui  est  encore 
employée  dans  une  large  mesure.  Le  propriétaire  met  à 
la  disposition  d'un  khammès  ou  m'gharsi  une  surface 
déterminée  de  terrain  à  planter  en  oliviers,  et  lui  fait  une 
avance  de  fonds  pour  l'achat  de  chameaux  et  d'instruments 
aratoires  et  pour  sa  nourriture  pendant  deux  ans  environ. 
Le  khammès  fait  la  plantation  et  la  soigne  jusqu'à  ce 
qu'elle  rapporte.  A  partir  de  la  troisième  année  il  sème 
sous  les  oliviers  des  céréales  dont  le  produit  est  partagé 
entre  lui  et  le  propriétaire  dans  la  proportion  d'un  tiers 
pour  ce  dernier,  qui  fournit  un  tiers  de  la  semence,  et  de 
deux  tiers  pour  le  m'gharsi.  Lorsque  les  oliviers  ont 
atteint  l'âge  d'une  production  moyenne,  les  arbres  sont 
partagés,  par  parties  égales  entre  le  propriétaire  et  le 
m'gharsi.  Le  propriétaire  prolonge  alors,  en  général,  le 
contrat  qui  le  lie  au  m'gharsi  au  moyen  d'un  nouveau 
contrat,  appelé  contrat  de  Moucekate  qui  lui  permet  de 
conserver  le  m'gharsi,  dont  il  a  besoin  pour  cultiver  ses 
arbres.  La  question  de  la  main-d'œuvre  est  devenue  capi- 
tale pour  les  propriétaires  sfaxiens,  par  suite  de  l'accrois- 
sement de  la  culture  des  oliviers  et  de  la  diminution  cor- 
respondante des  terres  de  parcours  sur  lesquelles  vivent 
les  indigènes. 

Par  le  système  exposé  ci-dessus,  grâce  à  une  première 
mise  de  fonds  d'environ  cinq  cents  francs,  le  propriétaire 
se  trouve  au  bout  de  douze  ans  en  jouissance  d'un  revenu 
qui,  dès  la  première  année  souvent,  le  rembourse  de  ses 
avances  et  qui  désormais  est  pour  lui  tout  bénéfice  jus- 
qu'au jour  oij  il  rentre  en  entière  et  absolue  jouissance 
d'une  terre  en  plein  rapport.  Dans  un  pays  où  le  prix  de 
la  terre  est  très  minime,  un  pareil  système  ne  peut  qu'en- 
richir celui   qui  l'emploie.  Ajoutons  que,  sans  être  aussi 


t)4  LA    TUNISIE 

avantageux  au  khammès  (|u'au  propriétaire,  il  est  loin  de 
lui  être  défavorable  :  le  khammès,  en  effet,  peut  vivre  en 
attendant  les  premières  récoltes  à  l'aide  du  travail  qu'il  a 
le  loisir  de  faire  en  delioi's  de  la  plantation  et  à  l'aide  des 
animaux  qu'il  élève  {)0ur  son  propre  compte.  A  partir  du 
jour  où  les  oliviers  connuencent  à  rapporter,  sa  situation 
devient  réellement  bonne. 

Le  g^ouvernement  tunisien  se  préoccupa,  de  son  côté, 
de  favoriser  la  plantation  des  oliviers.  Un  décret  de 
Mohamed  Es-Sadock-Bey  du  1"'  chaaban  1286  (.^  novembre 
18t>9)  dispensa  de  l'impôt  les  oliviers  et  les  dattiers  plan- 
tés dans  les  terrains  où  il  n'en  existait  pas  précédem- 
ment, et  cela  pendant  quinze  années. 

En  vertu  de  ce  décret,  les  terres  incultes  et  peu  fertiles 
des  environs  de  Sfax,  connues  sous  le  nom  de  «  terres 
sialines  »  furent  concédées,  dit  M.  Alapetite  ^  «  à  une 
famille  noble  du  pays,  à  laquelle  le  bey  avait  délég^ué  le 
droit  de  percevoir  la  redevance  pour  la  plantation  des 
oliviers.  Cette  terre  des  environs  de  Sfax  est,  en  effet, 
assez  aride,  et  comme  elle  était  parcourue  par  une  tribu, 
celle  des  Métellits,  qui  était  une  tribu  guerrière  et  pasto- 
rale, on  y  labourait  peu,  en  sorte  qu'un  bey,  bien  avisé, 
à  mon  sens,  a  cru  qu'il  fallait  encourager  la  reconstitution 
de  l'ancienne  forêt  romaine,  sur  les  terres  sialines,  et  a 
décidé  que,  dorénavant,  il  délivrerait  lui-même  les  autori- 
sations de  planter  moyennant  une  redevance  qui  était 
une  source  de  lucre  pour  le  trésor  de  l'Etat  ».  En  1892, 
le  bénéfice  de  cette  mesure  a  été  étendu  aux  Euro- 
péens. 

C'est  grâce  à  cette  législation  bienveillante  que  s'est 
produit  le  mouvement  assez  actif  de  plantation  d'oliviers 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut  à  propos  des  régions  de 
Sfax  et  de  Zarzis.  Mais  il  importe  de  noter  que  les  indi- 
gènes n'ont  demandé  que  de  petites  surfaces,  celles  que 
chacun  pouvait  planter  par  ses  propres  moyens,  tandis 
que    les    Européens   en    ont    demandé   de    très   grandes. 

1.  Discours  à  la  Chambre,  20  janvier  1912. 


l'agriculture  indigène  55 

Aujourd'hui,  d'après  M.  Alapetite,  les  indigènes  sont 
6.000  pour  44.000  hectares,  tandis  que  les  Européens  ne 
sont  que  150  sur  100.000  hectares.  M.  Alapetite  ajoutait: 
«  ce  qui  est  planté  par  les  indigènes,  c'est  la  partie  la 
plus  rapprochée  de  la  ville,  celle  où  Ton  peut  aller  chaque 
soir  avec  la  monture  primitive  dont  disposent  les  habitants 
de  Sfax.  Les  colons  européens,  eux,  ont  reculé  la  culture 
de  l'olivier  beaucoup  plus  loin  et,  ce  faisant,  ils  ont  entrepris 
une  œuvre  infiniment  plus  difficile  et  plus  onéreuse  que 
celle  des  indigènes,  car  ils  ont  été  obligés  de  risquer  cette 
culture  dans  des  régions  oii  il  était  très  difficile  de  trou- 
ver des  cultivateurs  indigènes  sachant  cultiver  l'oli- 
vier ». 

I  III.  —  Culture  des  dattiers 

La  culture  des  dattiers  caractérise  les  oasis,  dont  les 
trois  principales  sont  celles  de  Gabès,  du  Nefzaoua  et  du 
Djerid.  D'après  la  statistique  officielle,  il  existerait  : 
96.000  dattiers  deglas  et  2.042.000  dattiers  communs. 

L'oasis  principale  de  Gabès  est  arrosée  par  TOued-Gabès 
dont  les  eaux,  habilement  distribuées  par  de  petits  canaux, 
entourent  et  traversent  chaque  propriété.  Sous  l'ombrage 
des  dattiers,  dont  les  troncs  atteignent  lo  et  20  mètres  de 
haut,  les  indigènes  ont  planté  des  grenadiers,  des  aman- 
diers, des  abricotiers,  des  pruniers,  des  vignes,  dont  les 
sarments  s'enlacent  aux  arbres  et  forment  entre  eux 
d'énormes  et  élégantes  guirlandes.  Le  sol  est  couvert 
d'orge,  de  maïs,  de  légumes,  de  piments,  de  tomates,  de 
toutes  les  plantes  que  mangent  les  hommes  et  les  ani- 
maux, souvent  entremêlées  de  henné,  de  rosiers  et  de 
géraniums.  Au  milieu  du  désert  aride  qui  l'entoure,  sur  le 
bord  de  la  vaste  mer  bleue  qui  baigne  l'un  de  ses  flancs  et 
dont  les  dunes  Tenvahissent  peu  à  peu,  cette  oasis  toujours 
fraîche  et  riante  produit  sur  le  voyageur  l'un  des  effets  les 
plus  séduisants  que  nous  ayons  éprouvés  pendant  le  cours 
de  notre  voyage  à  travers  la  Tunisie. 

Malheureusement    l'eau    de    l'Oued-Gabès     n'est     pas 


56  LA    TUNISIE 

potable  et  les  eaux  des  puits  sont  mauvaises,  sulfatées  ou 
saumâtres.  La  dysenterie  décimait  autrefois  les  troupes 
(jue  nous  entretenons  auprès  de  cette  riante  oasis.  Grâce 
à  des  travaux  dassainissement,  cette  région  est,  aujour- 
d'hui, beaucoup  moins  malsaine  qu'au  début  de  notre 
occupation.  Mais  les  eaux  sont  toujours  mauvaises 
comme  dans  tout  le  sud  de  la  Tunisie,  notamment  à 
Sfax  où  l'Etat  a  dépensé  une  dizaine  de  millions  pour  faire 
venir  l'eau  potable  de  Sbeilla. 

On  compte  à  Gabès  de  cent  à  cent  vingt  mille  dattiers, 
en  y  comprenant  les  deux  ou  trois  oasis  plus  petites  et 
moins  belles  qui  entourent  celle  dont  nous  venons  de  par- 
ler. Malheureusement,  les  dattes  qu'elles  produisent  ne 
mûrissent  qu'imparfaitement  et  sont  de  trop  mauvaise 
qualité  pour  être  recherchées  par  l'exportation;  elles  ne 
servent  guère  qu'à  la  nourriture  des  indigènes  de  la  loca- 
lité et  à  celle  de  leurs  chameaux.  Il  manque  aux  dattiers 
de  Gabès  l'une  des  conditions  indispensables  à  la  matu- 
rité de  leurs  fruits  :  une  température  suffisamment  éle- 
vée. Suivant  un  proverbe  arabe  bien  connu,  il  faut  que  ces 
arbres  aient  «  les  pieds  dans  l'eau  et  la  tête  dans  le  feu  ». 
A  Gabès  ils  ont  les  pieds  dans  l'eau,  mais  la  tète  manque 
du  feu  qui  lui  est  indispensable.  Il  en  est  de  môme  de  tous 
les  dattiers  qui  croissent  au  bord  de  la  mer;  la  fraîcheur 
des  vents  met  obstacle  à  la  maturation  de  leurs  fruits. 
C'est  pour  cela  que  les  dattes  de  Zarzis,  de  l'île  de  Djerba, 
de  Tripoli,  sont  si  peu  estimées.  C'est  seulement  dans 
l'intérieur  des  terres,  à  l'abri  des  brises  rafraîchissantes  de 
la  mer,  que  le  dattier  trouve  les  conditions  nécessaires 
à  la  production  de  fruits  succulents  et  sucrés,  pourvu 
toutefois  que  l'eau  abonde  à  ses  pieds. 

Ce  qui  fait  la  valeur  de  l'oasis  de  Gabès,  ce  sont  surtout 
les  arbres  fruitiers  (grenadiers,  amandiers,  pêchers,  etc.), 
et  les  plantes  alimentaires  que  les  indigènes  cultivent 
sous  les  dattiers.  Ceux-ci  ont  l'avantage  de  protéger  les 
autres  cultures  de  leur  ombre,  tandis  que  l'Oued- 
Gabès  leur  fournit  en  abondance  l'eaa  dont  elles  ont 
besoin. 


l'agriculture  indigène  57 

C'est  à  une  dizaine  de  kilomètres  des  oasis  de  Gabès,  à 
l'entrée  de  la  ligne  des  chotts  du  Sud,  que  le  commandant 
Landas  a  creusé  son  premier  puits  artésien.  L'immense 
quantité  d'eau  qui  en  jaillit  (huit  ni'Ue  litres  à  la  minute) 
témoigne  de  la  riciiesse  de  la  nappt.  aquifère  qui  s'étend 
au-dessous  du  sol. 

Il  existe  dans  cette  région  une  autre  oasis  assez  impor- 
tante, celle  d'El-Hamma,  qui  compte,  au  moins,  soixante- 
dix  mille  dattiers.  Elle  est  située  à  une  trentaine  de  kilo- 
mètres à  l'est  de  Gabès,  au  pied  de  l'extrémité  orientale 
de  la  chaîne  du  Tebbaga  et  autour  d'une  source  thermale 
qui  a  une  température  de  45°  centigrades.  A  sa  sortie  du 
sol,  Teau  tombe  dans  des  piscines  romaines,  d'où  elle  est 
distribuée  dans  l'oasis.  Cette  dernière  est  aujourd'hui  en 
mauvais  état,  mais  elle  a  dû  être  autrefois  très  prospère, 
si  l'on  en  juge  d'après  les  ruines  romaines  qui  sont  abon- 
dantes. La  présence  del'Oued-Hamma,  qui  vient  des  Mat- 
matas  et  qui  contient  toujours  de  l'eau,  permettrait  de 
donner  un  grand  développement  à  cette  oasis  dont  les 
dattes  sont  assez  bonnes. 

Ce  que  nous  avons  dit  des  dattiers  de  Gabès  s'applique 
entièrement  à  ceux  de  Zarzis,  et  de  l'île  de  Djerba.  A 
Zarzis,  les  indigènes  abandonnent  chaque  jour  davantage 
la  culture  du  dattier  pour  se  livrer  à  celle  de  l'olivier  qui 
promet  d'être  beaucoup  plus  avantageuse.  L'oasis  de  Zar- 
zis est,  pour  ce  motif,  beaucoup  moins  riante  que  celle  de 
Gabès.  L'eau,  du  reste,  y  est  moins  abondante  et  surtout 
plus  difficile  à  obtenir.  Tandis  que  Gabès  est  arrosé  par 
un  fleuve  dont  il  suffit  de  détourner  les  eaux  pour  les  dis- 
tribuer dans  les  jardins,  Zarzis  n'est  desservie  que  par 
des  puits.  Il  est  vrai  que  ceux-ci  sont  très  nombreux  et 
que  l'eau  se  trouve  à  5  ou  6  mètres  seulement  de  pro- 
fondeur, mais  il  n'en  est  pas  moins  nécessaire  de  dépenser, 
pour  l'amener  à  la  surface,  une  main-d'œuvre  assez  coû- 
teuse. Indépendamment  du  creusement  et  de  l'entretien 
des  puits,  il  faut  que,  pendant  la  journée,  un  animal  (cha- 
meau, bœuf  ou  cheval)  soit  employé  à  faire  monter  l'eau. 
A  cet  animal,  il  faut  un  gardien.  Ce  sont  bouches  à  nourrir 


58  LA    TUNISIE 

et  à  entretenir  d'un  bout  de  l'année  à  l'autre,  car  il  pleut 
l'aiement  à  Zarzis,  et  la  (|uanlité  deau  que  fournit  un  puits 
suffît  à  peine  à  l'arrosage  d'un  ou  deux  hectares.  Les 
dattes  de  Zarzis  et  de  Djerba,  étant  de  qualité  inférieure, 
sont  incapables  de  rémunérer  un  pareil  travail.  Il  n'est 
donc  pas  étonnant  que  leur  culture  soit  peu  à  peu  délaissée. 
Dans  les  conditions  d'arrosage  dont  nous  venons  de 
parler,  Zarzis  et  Djerba  ne  peuvent  faire  que  des  cultures 
de  jardins  ou  la  culture  de  plantes  pouvant  se  passer  de 
pluie,  dans  une  certaine  mesure,  comme  l'olivier  et  la 
vigne. 

Les  oasis  dont  il  me  reste  à  parler  se  présentent  dans 
de  tout  autres  conditions  et  seules  méritent  véritablement 
d'attirer  l'attention  des  Européens  qui  voudraient  se  livrer 
à  une  culture  productive  des  dattiers. 

Arrêtons-nous  d'abord  dans  les  oasis  du  Nefzaoua  qui 
sont  les  plus  rapprochées  des  précédentes.  On  donne  le 
nom  de  Nefzaoua  aune  région  du  sud  delà  Tunisie,  bornée 
au  nord  par  la  petite  chaîne  de  montagnes  de  Tebbaga. 
Celle-ci  est  dirigée,  à  peu  près,  de  l'est  à  l'ouest  ;  elle  est 
située  au  sud  du  chott  El-Fedjejd  qu'elle  sépare  de  Textré- 
mité  orientale  du  chott  El-Djerid;  elle  s'avance  de  Test  à 
l'ouest  entre  ces  deux  grandes  dépressions,  sous  la  forme 
d'une  sorte  de  promontoire.  La  chaîne  du  Tebbaga  est 
formée  de  deux  chaînons  à  peu  près  parallèles,  séparés 
par  une  vallée,  très  étroite  à  l'est,  mais  s'élargissant  de 
plus  en  plus  à  mesure  qu'on  s'avance  vers  l'ouest.  Les 
deux  chaînons  sont  formés  par  des  soulèvements  de  cal- 
caires crétacés  ;  le  fond  de  la  vallée  qui  les  sépare  est  cons- 
titué par  des  alluvions  que  l'on  trouve  également  dans  le 
fond  des  chotts  et  sur  les  flancs  de  la  chaîne  de  montagnes. 
C'est  sur  ces  alluvions  que  se  dressent  les  oasis  du 
Nefzaoua. 

Les  plus  importantes  sont  situées  sur  le  flanc  méridional 
de  la  chaîne  de  Tebbaga,  sur  une  bande  de  terrain  large 
seulement  de  quelques  kilomètres,  entre  Kebili  à  l'est  et 
Debabcha  à  l'ouest.  On  peut  donner  à  cette  portion  du 
Nefzaoua  le   nom  de  Nefzaoua  septentrional.   Au  sud   de 


l'aGUICULTURE    INDIUKNE  59 

Kebili,  dans  la  partie  du  Nefzaoua  que  Ton  peut  dénommer 
Nefzaoua  méridional  et  qui  est  formée  par  un  terrain  tout 
à  fait  plat,  sur  la  rive  orientale  du  chott  El  Djerid,  les 
oasis  sont  beaucoup  plus  petites  et  les  ag'glomérations 
humaines  moins  importantes  Le  réprime  des  eaux  est  éga- 
lement différent  dans  les  deux  parties  du  Nefzaoua. 

Les  oasis  du  Nefzaoua  méridional  sont  au  nombre  de 
trois  cents,  mais  chacune  d'elles  n'a  pas  plus  de  quelques 
hectares  de  superficie  et  se  compose  d'une  ou  parfois  plu- 
sieurs sources  entourées  d'un  petit  nombre  de  palmiers, 
souvent  sans  aucune  agglomération  de  maisons,  chaque 
village  contenant  d'habitude  des  familles  qui  cultivent 
plusieurs  oasis.  Toutes  les  sources  y  sont  superficielles. 
Le  terrain  est  sablonneux  et  les  oasis  sont  entourées  de 
dunes  de  sable  dont  les  vents  modifient  sans  cesse  la  sur- 
face en  les  chassant  contre  les  plantations  qu'elles  tendent 
à  envahir  et  à  détruire  en  comblant  les  sources.  Le  mal 
est  surtout  causé  par  le  sable  que  les  vents  enlèvent  de  la 
crête  des  dunes  et  qu'ils  abandonnent  au  pied  de  lobstacle 
formé  par  les  palmiers. 

Le  sol  des  oasis  a  été  ainsi  graduellement  exhaussé  au 
point  que  chacune  semble  reposer  sur  un  petit  monticule 
de  sable,  plus  haut  que  la  plaine  voisine  et  dont  le  point 
culminant  est  occupé  par  la  source  fécondatrice.  Pour 
éviter  fensablement  de  cette  dernière,  les  indigènes  ont 
soin  d'exhausser  ses  bords  à  mesure  que  le  sol  s'élève  par 
les  dépôts  de  sable.  Suivant  que  les  vents  ont  une  direc- 
tion constante  ou  variable,  les  oasis  sont  envahies  soit 
sur  tous  les  points  à  la  fois,  comme  dans  le  cas  précé- 
dent, soit  sur  un  ou  plusieurs  côtés  ;  dans  ce  dernier 
cas  des  dunes  de  huit  à  dix  mètres  de  haut  se  dressent  dans 
un  point  de  la  circonférence  correspondant  à  la  direction 
des  vents  les  plus  habituels.  Afin  d'éviter  l'envahissement 
par  ces  dunes,  les  habitants  ont  soin  d'élever  leurs  maisons 
entre  elles  et  l'oasis,  mais  cette  précaution  est  habituelle- 
ment insufhsante  à  cause  de  la  violence  des  vents  qui 
transportent  le  sable  à  de  grandes  distances  et  à  une 
hauteur    suffisante  pour    défier    l'obstacle   offert    par  les 


60  LA    TUNISIK 

maisons  basses  des  Arabes.  Dans  certains  points,  notam- 
ment à  liécbilli,  les  indigènes  déplacent  leurs  jardins  au 
furet  à  mesure  que  le  sable  gagne;  ils  fuient,  en  quelque 
sorte,  devant  l'ennemi,  emmenant  avec  eux  l'eau  de  la 
source,  à  l'aide  de  canaux  souterrains.  Les  jardins  nou- 
veaux de  Bécbilli  se  trouvent  aujourd'hui  à  une  distance 
de  plus  de  cinq  cents  mètres  à  l'est  des  anciens  ;  l'eau  de 
la  source  qui  arrosait  ces  derniers  et  qui  était  placée  à  leur 
centre  est  drainée  dans  les  jardins  nouveaux  par  des  con- 
duits souterrains. 

On  peut  considérer  comme  une  dépendance  du  Nefzaoua 
méridional  un  certain  nombre  de  petites  oasis  assez  sem- 
blables aux  précédentes  et  répandues  au  sud  de  celles  dont 
nous  venons  de  parler,  à  la  lisière  de  l'Areg-  ou  Sahara  sans 
eau,  autour  de  Douz  et  d'El-Aouïna,  sur  le  territoire  des 
Mérazigs,  des  Adaras  et  des  Gheribs.  Les  oasis  disposées 
autour  des  sources  sont  encore  plus  petites  que  dans  le 
Nefzaoua  inéridional;  elles  sont  plus  ensablées;  beaucoup 
même  sont  en  voie  de  disparition  ou  ont  déjà  disparu, 
laissant  des  puits  à  demi  ensablés  et  isolés  dans  la  plaine. 
Cependant,  l'eau  doit  être  à  une  très  faible  profondeur, 
car  toute  cette  région  est  couverte  de  bosquets,  de  grands 
arbustes  dont  quelques-uns  atteignent  et  dépassent  trois 
ou  quatre  mètres. 

Ces  détails  montrent  (jue  les  oasis  du  Nefzaoua  méri- 
dional ne  peuvent  avoir  une  grande  importance.  Cependant 
les  dattes  sont  de  bonne  qualité,  et  il  est  du  devoir  de  l'ad- 
ministration de  favoriser  le  développement  des  petits 
centres  fixes  qui  existent  dans  cette  région.  Attacher  l'in- 
digène au  sol  doit  être  partout  notre  plus  grande  préoccu- 
pation. En  Tunisie,  la  tâche  est  facilitée  par  le  caractère 
des  populations.  Partout  où  on  leur  donnera  de  l'eau  en 
quantité  suKisante,  elles  formeront  des  établissements 
stables. 

Le  Nefzaoua  septentrional  fournit  une  preuve  de  la 
justesse  de  cette  proposition  :  ayant  davantage  d'eau,  il  a 
une  population  fixe  beaucoup  plus  nombreuse.  Les  oasis 
du   Nefzaoua   septentrional  forment  une  chaîne    presque 


l'agriculturk  indigène  61 

continue,  depuis  Kebili  au  sud-est  Jusqu'à  Debabclia  au 
nord-est,  c'est-à-dire  sur  une  longueur  d'environ  trenle- 
cinq  kilomètres.  Elles  sont  toutes  d'une  grande  dimension 
et  accompagnées  d'agglomérations  importantes,  formant 
des  villages  très  peuplés.  Leurs  sources  sont  de  deux 
sortes  :  les  unes  venant  de  nappes  superficielles;  les 
autres,  de  nature  artésienne,  c'est-à-dire  ascendante,  et 
provenant  de  couches  profondes.  On  a  émis  l'idée  que 
ces  dernièi'es  ont  été  amenées  à  la  surface  par  des  forages 
artésiens  remontant  à  une  époque  très  reculée. 

Les  habitants  de  certaines  de  ces  oasis  ont  fait  preuve 
d'une  grande  ingéniosité  en  drainant,  par  des  canaux  sou- 
terrains creusés  dans  le  calcaire  de  la  montagne,  les  eaux 
qui  filtrent  entre  les  couches  de  cette  dernière.  Ce  sont 
particulièrement  les  villages  situés  au  sud  du  chaînon 
inférieur  du  Tebbaga  et  principalement  ceux  de  Menchia 
qui  se  sont  livrés  à  cette  pratique;  ils  donnent  à  leurs 
galeries  de  drainage  le  nom  de  «  leviga  ». 

Le  sol  des  oasis  du  Nefzaoua  septentrional  est  extrême- 
ment productif  et  l'eau  y  abonde.  Les  oasis  devraient 
donc  être  d'une  grande  fertilité.  Il  n'en  est  cepen  ant  pas 
ainsi.  En  premier  lieu,  elles  ont  été,  autrelois  souvent 
ravagées  par  des  tribus  divisées  en  deux  clans  ou  çofs 
se  livrant  les  uns  contre  les  autres  aux  plus  regrettables 
excès.  En  second  lieu,  les  sables  tendent  à  les  envahir, 
mais  dans  des  conditions  moins  déplorables  que  dans  le 
Nefzaoua  méridional.  Les  dunes  mobiles  que  nous  avons 
signalées  plus  haut  n'existent  pas  dans  le  Nefzaoua  sep- 
tentrional ;  les  sables  qui  y  sont  apportés  par  le  vent  sont 
simplement  arrachés  à  la  surface  des  plaines  voisines; 
ils  sont  par  consé(juent  apportés  en  beaucoup  moins 
grande  quantité  que  s'ils  étaient  pris  sur  des  dunes 
et  il  sera  plus  aisé  de  remédier  aux  dégâts  qu'ils  pro- 
duisent. C'est  surtout  à  la  lisière  des  oasis  que  le  sable  se 
dépose,  arrêté  qu'il  est  par  les  palmiers  et  les  autres  arbres 
et  par  les  talus  des  canaux  d'irrigation.  11  s'est  formé 
ainsi  autour  des  oasis,  par  suite  de  l'apport  du  sable,  des 
bourrelets    circulaires   qui    atteignent  jusqu'à    quatre  et 


62  LA    TUNISIE 

cinq  mètres  de  liaut  et  qui  ont  depuis  (juelques  mètres 
seulement  jusqu'à  trois  cents  et  quatre  cents  mètres  de 
largeur.  «  Il  suffirait,  disais-je  dans  la  première  édition 
de  ce  livre,  de  fixer  ces  sables  à  l'aide  de  plantes  à  racines 
profondes  pour  diminuer  dans  de  très  fortes  proportions 
sinon  pour  arrêter  entièrement  l'envahissement,  car  ce 
dernier  résulte  de  la  marche  graduelle  mais  très  lente  du 
sable,  de  l'extérieur  vers  l'intérieur  de  l'oasis.  »  Les  tra- 
vaux auxquels  je  faisais  allusion  ont  été  commencés 
ailleurs  que  dans  la  région  du  Nefzaoua,  notamment  dans 
le  Djerid  et  dans  les  environs  de  Bizerte. 

L'administration  militaire  est  en  train  de  transformer 
les  oasis  du  Nefzaoua,  notamment  Kebili,  par  le  forage  de 
nombreux  puits  artésiens  qui  ont  permis  de  développer  et 
de  rénover  les  cultures  du  dattier  par  l'introduction  de 
palmiers  degla  et  l'extension  des  oasis. 

Au  nord  de  la  chaîne  du  Tebbaga  existent  encore  deux 
oasis,  peu  importantes,  celle  de  Seftimi  et  celle  de  Lima- 
guès,  que  nous  réunissons  aux  précédentes  parce  que 
leurs  habitants  sont  en  relations  fréquentes.  Les  sources 
de  Seftimi  n'ont  qu'un  faible  débit,  mais  elles  ne  sont  pas 
ensablées.  Celles  de  Limaguès  sont  très  belles  et  donne- 
raient beaucoup  d'eau  si  elles  étaient  remises  en  bon  état, 
ce  qui  ne  demanderait  que  très  peu  de  travail. 

Le  Nefzaoua  ne  contient  pas  moins  de  trois  cent  mille 
dattiers,  si  l'on  en  croit  les  statistiques  ofticielles;  mais 
l'avis  général  est  que  le  nombre  de  ces  arbres  y  est 
beaucoup  plus  considérable.  On  y  compte,  en  outre, 
officiellement,  plus  de  six  mille  oliviers.  Les  habitants 
cultivent  aussi  quelques  plantes  potagères  et  quelques 
arbres  fruitiers,  mais  dans  une  proportion  beaucoup 
moindre  qu'à  Gabès.  Ils  sèment  également  du  blé  et  de 
l'orge  dans  les  années  où  la  pluie  tombe  en  quantité  suf- 
fisante. 

Les  dattes  du  Nefzaoua  sont  de  qualité  supérieure  à 
celles  de  Gabès  et  les  habitants  en  exportent  une  certaine 
quantité  ;  mais,  par  suite  du  mauvais  état  de  la  plupart 
des  oasis,  la  récolte  est  très  inférieure  à  ce  qu'elle  pour- 


l'acriculture  indigène  63 

rait  être  et  la  majeure  partie  est  consommée  par  les  habi- 
tants. 

Les  plus  belles  oasis  de  dattiers  de  la  Tunisie,  celles 
aussi  dont  les  fruits  sont  le  plus  estimés  sont  celles  du 
Djerid.  On  désigne  sous  le  nom  de  Djerid  la  portion  de  la 
Tunisie  méridionale  qui  forme  une  sorte  d'isthme  entre  le 
chott  El-Djerid  et  le  chott  Rharsa.  Il  existe  dans  cet  isthme 
quatre  oasis  :  celles  de  Tozeur,  El-Oudian,  Nefta  et  El- 
Hamma.  Nous  les  avons,  dans  cette  énumération,  dis- 
posées dans  l'ordre  de  leur  étendue  ;  cependant,  les  trois 
premières  ne  difïèrent  que  peu  par  la  superficie,  tandis 
que  la  quatrième,  celle  d'El-Hamma,  est  plus  petite  de 
moitié  que  les  autres.  Elle  est  aussi  la  moins  bien  cultivée 
et  celle  qui  donne  les  plus  maigres  résultats,  quoique  son 
sol  soit  fertile  et  son  eau  abondante.  La  plus  fertile  et  la 
plus  peuplée  est  celle  de  Nefta  ;  celle  de  Tozeur  vient,  à 
cet  égard,  au  second  rang  et  celle  d'El-Oudian  au  troi- 
sième. 

L'oasis  de  Nefta  est  située  auprès  dune  ville  véritable 
d'oii  elle  tire  son  nom  et  qui  compte  aujourd'hui,  avec  ses 
sept  faubourgs,  une  population  de  12.000  habitants.  Son 
importance  est  appelée  à  s'accroître  encore  beaucoup,  à  la 
suite  de  la  construction  de  la  voie  ferrée,  qui  a  atteint 
récemment  Tozeur,  en  venant  de  Gafsa  et  Metlaoui. 

On  compte,  dans  l'oasis  de  Nefta,  plus  de  200.000  dat- 
tiers taxés,  ce  qui  permet  de  penser  qu'il  y  en  a  au  moins 
300.000.  Sous  les  palmiers,  on  cultive  une  couple  de  cen- 
taines d'oliviers  et  un  certain  nombre  d'autres  arbres 
fruitiers,  ainsi  que  des  plantes  alimentaires  et  fourragères, 
mais  le  dattier  absorbe  la  majeure  partie  des  soins  des 
habitants,  et  c'est  de  lui  qu'ils  tirent  véritablement  leur 
richesse.  L'oasis  de  Nefta  exporte,  en  moyenne,  plus  de 
6.000.000  de  kilogrammes  de  dattes  et  l'on  estime  sa  pro- 
duction à  plus  de  8.000.000  de  kilogrammes.  Elle  est 
arrosée  par  des  sources  qui  prennent  naissance  au  fond 
d'une  sorte  de  cirque  profondément  entaillé  dans  le  pla- 
teau sablonneux  sur  lequel  est  bâtie  la  ville.  Les  eaux, 
très  abondantes,  sont  distribuées  par  un  système  de  canaux 


64  LA    TUNISIE 

(jui  s'élalent  en  éventail  dans  toutes  les  parties  de  l'oasis. 
Mallieureusement,  les  sables  envahissent  rapidement  celle- 
ci  et  son  état  actuel  ne  donne  qu'une  idée  très  insuffisante 
de  ce  qu'elle  était  autrefois.  Sa  superficie  a  dû  être  double 
ou  triple  de  ce  qu'elle  est  aujourd'hui.  Les  sables  apportés 
par  le  vent  s'accumulent  autour  d'elle,  y  forment  des 
dunes  envahissantes  qui  comblent  les  canaux  et  peu  à  peu 
détruisent  les  cultures.  Les  habitants  ont  fait  de  2;rands 
efforts  pour  combattre  cet  ennemi  ;  ils  élèvent  des  talus  et 
construisent  avec  des  broussailles  et  àii  sable  de  véritables 
fortifications  ;  mais  ces  travaux,  ayant  été  exécutés  sans 
vues  d'ensemble,  ont  été  impuissants.  Aujourd'hui,  la 
partie  qui  reste  de  l'ancienne  oasis  est  déjà  coupée  en 
deux,  dans  le  nord,  par  une  dune  de  sable  qui  s'enfonce 
comme  un  coin  entre  les  cultures,  et  les  sources  elles- 
mêmes,  sont  fort  menacées.  Afin  de  les  préserver  contre 
le  danger  qui  les  menace,  on  est  en  train  de  planter  les 
dunes. 

L'oasis  de  Tozeur,  située  sur  le  bord  du  chott  El-Djerid, 
qui  la  limite  immédiatement  au  sud  et  à  l'est,  est  la  plus 
grande  des  oasis  du  Djerid  et  par  conséquent  de  toute  la 
Tunisie;  elle  compte  plus  de  palmiers  que  celle  de  Nefta, 
mais  le  nombre  cje  ses  habitants  est  moindre,  il  ne  dépasse 
guère  6.000.  On  y  compte  officiellement  près  de  200.000  dat- 
tiers, dont  plus  de  13.000  «  degla  »  ou  de  première  qualité  ; 
mais  le  nombre  de  ces  arbres  doit  être  beaucoup  plus  con- 
sidérable ;  il  est  probablement  double  du  chiffre  officiel. 
La  quantité  de  dattes  produites  est  évaluée,  en  moyenne, 
à  8.000.000  de  kilogrammes. 

Dans  cette  oasis,  les  oliviers  sont  peu  nombreux,  envi- 
ron 300  :  il  en  est  de  même  des  autres  arbres  fruitiers,  qui 
sont,  par  ordre  d'abondance,  l'abricotier,  le  citronnier, 
le  grenadier,  le  pommier,  le  pêcher,  l'amandier  et  le  juju- 
bier. 

Les  sources  qui  arrosent  l'oasis  sont  au  nombre  de  155  ; 
elles  prennent  naissance  dans  lesanfractuosités  d'un  ravin 
très  ramifié,  couvert  de  palmiers  et  situé  à  l'ouest  de 
Tozeur,  à  une  certaine  distance  de  la  ville.  La  gorge  prin- 


l'agriculture  indigène  65 

cipale  du  ravin  a  un  kilomètre  et  demi  de  longueur.  De 
ces  sources  résulte  une  petite  rivière,  dont  les  eaux,  habi- 
lement distribuées,  vont  arroser  toutes  les  parties  de  l'oasis 
et  se  répandent  ensuite  en  dehors,  dans  le  chottEl-Djerid. 
Comme  l'oasis  de  Nefta,  mais  à  un  moindre  degré,  celle 
de  Tozeur  est  menacée  par  les  sables,  particulièrement 
au  nord  et  à  l'ouest,  où  elle  est  dominée  par  le  plateau 
sablonneux  d'où  sortent  les  sources.  Des  dunes  impor- 
tantes se  sont  formées  sur  ces  points  et  le  sable  empiète 
graduellement  sur  les  cultures.  A  l'est  et  au  sud,  l'oasis 
ne  court  aucun  danger,  le  sol  du  chott  qui  la  borne  étant 
solidifié  par  la  couche  de  sel  incorporé  au  sable.  L'enva- 
hissement des  sables  à  l'ouest  et  au  nord  est  favorisé  par 
le  fait  que  les  habitants  arrachent  pour  chauffer  leurs  fours 
les  arbustes  du  plateau  qui  domine  les  sources  ;  le  sable 
de  la  surface  ainsi  dénudée  devient  très  mobile,  puis  est 
enlevé  par  le  vent,  qui,  ne  rencontrant  plus  d'obstacle,  le 
transporte  jusque  dans  l'intérieur  de  l'oasis.  Malgré  cela, 
l'oasis  de  Tozeur  a  beaucoup  moins  à  redouter  l'envahis- 
sement que  celle  de  Nefta  et  il  sera  plus  facile  de  la  pro- 
téger contre  ce  redoutable  destructeur  des  cultures  du 
désert. 

L'oasis  d'El-Oudian,  qui  vient  au  troisième  rang,  par 
ordre  de  richesse,  est  cependant  la  plus  étendue  de  toutes 
celles  du  Djerid.  Elle  a  8  kilomètres  environ  de  lon- 
gueur et  1  à  3  kilomètres  de  largeur;  mais  sa  population 
dépasse  à  peine  le  chiffre  de  4.000  individus,  et  le  nombre 
officiel  de  ses  palmiers,  nombre,  il  est  vrai,  très  inférieur  à 
la  réalité,  n'est  que  de  118.000,  dont  8.000  «  degla  ».  La 
quantité  des  dattes  produites  est  évaluée  à  5.000.000  et 
demi  de  kilogrammes.  El-Oudian  compte  plus  de  25.000  oli- 
viers payant  l'impôt,  ce  qui  doit  faire  supposer  l'existence 
d'un  nombre  bien  supérieur  de  ces  arbres.  Les  orangers 
et  les  citronniers  y  sont  très  abondants  et  donnent  des 
fruits  d'excellente  qualité  ;  il  y  existe  aussi  beaucoup 
d'abricotiers,  de  pommiers,  de  pêchers,  de  grenadiers,  de 
figuiers,  d'amandiers,  etc.  Le  petit  nombre  relatif  des  dat- 
tiers et  le  grand  nombre  des  oliviers  s'expliquent  aisément 

J.-L.  De  Lanessan.  —  La  Tunisie.  3 


66  L\    TUNISIE 

par  ce  fait  que  l'oasis  d'El-Oudian  ne  reçoit  qu'une  quan- 
tité d'eau  très  inférieure  à  celle  (|ui  arrose  Nefta  etTozeur. 
Or,  le  palmier  a  besoin  de  beaucoup  plus  d'eau  que  les 
oliviers  et  les  autres  arbres  fruitiers. 

On  compte  actuellement  à  El-Oudian  44  sources  ;  elles 
prennent  naissance  dans  la  chaîne  de  collines  qui  forme 
l'axe  de  l'isthme  de  Kriz  entre  le  chott  El-Djerid  et  le  chott 
Rharsa.  Il  en  existait  autrefois  57,  mais  13  s'étaient  taries  ; 
on  (ist  en  ti-ain  de  les  désaveugler.  Toutes  sortent  de  terre 
dans  des  bassins  profonds  creusés  de  main  d'homme  et 
leurs  eaux  sont  dirigées  vers  l'oasis  par  des  canaux  très 
encaissés  qui  ont  demandé  un  travail  considérable.  Le 
débit  de  ces  sources  est  très  faible  et  si  les  habitants  n'ont 
pas  le  soin  d'arrêter  l'eau,  pendant  une  partie  de  la  journée 
ou  de  la  nuit,  par  de  petits  barrages,  elle  se  perd  avant 
d'arriver  aux  parties  éloignées  de  l'oasis.  Celle-ci  n'est 
donc  arrosée  que  d'une  manière  intermittente  et  insuffi- 
sante. En  revanche,  les  sables  ne  lui  font  courir  que  peu 
de  dangers;  elle  est  bordée,  au  sud  et  à  l'est,  par  le  chott 
El-Djerid,  à  sol  formé  de  sables  agglutinés  par  le  sel  et 
peu  mobiles,  et  au  nord-ouest,  par  des  collines  rocailleuses, 
à  surface  peu  friable.  Le  seul  péril  qu'il  y  ait  à  craindre  et 
à  prévenir  est  l'envahissement  des  sources  par  le  sable 
qui  se  détache  des  flancs  de  la  colline  d'où  elles  sortent. 

L'oasis  d'El-Hamma  est  située  dans  le  bassin  du  chott 
Rharsa,  sur  le  versant  nord  de  la  chaîne  de  collines  qui 
forme  l'axe  de  l'isthme  Kriz,  entre  le  chott  Rharsa  et  le 
chott  El-Djerid.  En  raison  de  sa  position,  elle  jouit  d'une 
température  moins  élevée  que  ses  voisines  et  ne  peut  rap- 
porter ni  autant  de  fruits  ni  des  fruits  d'aussi  bonne  qualité 
que  les  oasis  de  Tozeur,  de  Nefta  et  d'El-Oudian.  On  la 
considère  même  comme  étant  dans  des  conditions  plus 
défavorables  que  celles  du  Nefzaoua  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut. 

L'oasis  d'El-Hamma  ne  contient  guère  plus  de  900  habi- 
tants, distribués  dans  deux  ou  trois  villages.  Les  dattiers 
sont  au  nombre  d'environ  52.000,  sur  lesquels  on  compte 
moins  de   600    «    degla    ».    Elle    ne   produit   guère    que 


L  AGRICULTURE    INDIGKNE  67 

1.700.000  kilogrammes  de  dattes.  Il  n'y  existe  pas  plus 
de  200  oliviers  et  un  nombre  restreint  d'arbres  fruitiers. 

L'oasis  d'Ei-Hamma  est  arrosée  par  une  quinzaine  de 
sources,  dont  une  chaude,  qui  lui  a  valu  son  nom.  Quoique 
ces  sources  soient  en  mauvais  état  et  mal  entretenues, 
elles  pourraient  arroser  une  étendue  double  de  celle  de 
l'oasis  actuelle,  mais  celle-ci  est  très  négligée,  peu  cul- 
tiv^ée,  entièrement  abandonnée  même  sur  certains  points, 
très  menacée  par  les  sables  auxquels  les  habitants  n'op- 
posent aucune  résistance,  et  probablement  condamnée  à 
disparaître  si  Ton  ne  modifie  pas  les  conditions  qui  ont 
provoqué  cet  état  de  choses. 

Il  résulte  de  tout  ce  qui  précède,  que  la  région  de  la 
Tunisie  la  plus  propre  à  la  culture  du  dattier  est  celle  du 
Djerid  ;  le  Nefzaoua  vient  ensuite,  puis  le  nord  de  la  chaîne 
du  Tebbaga  et  enfin  la  région  de  Gabès,  qui  est  très  infé- 
rieure, de  même  que  celles  de  Zarzis  et  de  Djerba.  La 
médiocre  qualité  des  dattes  de  Gabès,  de  Zarzis  et  de 
Djerba  fait  de  la  culture  du  dattier  dans  cette  région, 
une  opération  agricole  très  secondaire  et  peu  rémuné- 
ratrice. 

Il  en  est  autrement  dans  le  Nefzaoua  et  surtoul  dans  le 
Djerid,  où  l'extrême  ciialeur  et  l'absence  de  pluie  rendent 
très  aléatoires  toutes  les  autres  productions  du  sol.  Dans 
ces  régions,  le  dattier  constitue  la  première  source  de 
richesse  des  habitants.  Si  l'on  part  de  ce  fait,  on  est  étonné 
de  voir  qu'ils  prennent  si  peu  de  soins  de  la  plupart  des 
oasis,  qu'elles  sont  graduellement  envahies  par  le  sable 
et  seraient  condamnées  à  disparaître,  peut-être  dans  un 
temps  assez  court,  sans  rintervention  de  l'administration 
française. 

L'indolence  naturelle  à  la  race  indigène  n'est  pas  la  seule 
cause  qui  puisse  être  signalée  pour  expliquer  le  peu  d'ef- 
forts faits  par  les  habitants  des  oasis  pour  les  proté"-er 
contre  l'envahissement  des  sables.  Sans  doute  cette  indo- 
lence y  est  pour  quelque  chose,  mais  il  s'y  joint  une  autre 
raison  qu'il  me  paraît  utile  de  signaler  :  l'élévation  des 
impôts  qui  frappent  les  dattiers  et  les  dattes. 


68  LA    TUNISIE 

Dans  toute  la  région  du  Djerid,  les  dattiers  paient  un 
impôt  dit  de  «  khanoun  »,  qui  était  de  16  caroubes,  envi- 
ron 0  fr.  65,  par  pied,  pour  la  variété  commune  et  de 
32  caroubes  par  pied  pour  la  variété  supérieure  dite 
«  degla  ».  Cet  impôt  a  été  abaissé,  mais  il  est  encore 
aujourd'hui  plus  élevé  qu'en  Algérie  et  nuit  beaucoup  à 
la  culture  des  dattiers  du  Djerid  dont  les  fruits  sont  supé- 
rieurs à  ceux  des  dattiers  algériens  de  l'oued  Rhir. 

Les  dattiers  payent  le  khanoun  à  partir  de  Vêige  où  ils 
commencent  à  porter  des  fruits.  Les  pieds  mâles  en  sont 
exempts.  Au  Djerid,  l'âge  de  la  fertilité  varie  entre  quatre 
et  sept  ans  ;  dans  l'oasis  de  Tozeur,  quelques  pieds  parti- 
culièrement bien  favorisés  commencent  à  donner  des  fruits 
dès  l'âge  de  trois  ans.  Dans  l'oasis  d'El-Hamma,  où  la 
température  est  moins  chaude,  par  suite  de  Texposition 
au  nord,  les  pieds  les  plus  favorisés  portent  leurs  fruits  à 
cinq  ans,  et  ceux  qui  le  sont  moins  attendent  parfois  leur 
dixième  année.  Il  en  est  à  peu  près  de  même  à  El-Oudian, 
à  cause  de  la  rareté  de  Feau,  dans  le  Nefzaoua  et  surtout 
dans  la  région  de  Gabès,  à  cause  de  la  moindre  élévation 
de  la  température.  Dans  le  Nefzaoua,  l'impôt  du  khanoun 
est  moitié  moindre  que  dans  le  Djerid;  il  est  encore  un 
peu  plus  faible  dans  la  région  de  Gabès  et  dans  tout  l'Arad. 

Les  oasis  les  plus  favorisées  du  Djerid,  c'est-à-dire  celles 
de  Nefta  et  de  Tozeur,  supportent  assez  aisément  le  kha- 
noun, du  moins  dans  les  bonnes  années,  parce  que  leurs 
dattes  sont  de  qualité  supérieure  et  atteignent  un  prix 
élevé.  Celle  d'El-Oudian,  dont  les  dattes  sont  moins  esti- 
mées, se  rattrape  sur  le  produit  des  oliviers,  qu'elle  ren- 
ferme en  grand  nombre  et  sur  celui  des  autres  arbres 
fruitiers.  Quant  à  l'oasis  d'El-Hamma,  dont  les  dattiers 
sont  moins  productifs  et  les  dattes  de  qualité  inférieure, 
et  qui  n'a  que  peu  d'oliviers  ou  d'arbres  fruitiers,  elle  est 
littéralement  ruinée  par  l'impôt.  Ainsi  que  nous  l'avons 
dit  plus  haut,  celui-ci  est,  en  effet,  le  même  pour  loasis 
d'El-Hamma,  peu  favorisée  par  le  climat,  que  pour  les  oasis 
les  plus  riches  du  Djerid.  Dans  certaines  années,  les  habi- 
tants d'El-Hamma  récoltent  à  peine  de  quoi  payer  l'impôt; 


L  AGRICULTURE    INDIGKNK  69 

aussi  abandonnent-ils  peu  à  peu  une  contrée  qui,  si  elle 
était  traitée  avec  moins  de  dureté  par  le  fisc,  serait  en 
mesure  de  les  faire  vivre. 

De  cet  exposé  de  l'état  des  dattiers  en  Tunisie,  nous 
sommes  tenus  de  conclure  qu'à  l'heure  actuelle,  cette  cul- 
ture ne  fournit  que  des  résultats  généraux  assez  peu  satis- 
faisants. Des  trois  régions  où  existent  des  oasis  de  dattiers 
de  quelque  importance,  c'est-à-dire  l'Arad,  le  Nefzaoua  et 
le  Djerid,  ce  dernier  est  le  seul  oii  l'on  obtienne  des  fruits 
d'une  qualité  supérieure  et  vraiment  propres  à  l'exporta- 
tion. Comme  ils  jouissent  dans  toute  l'Afrique  septentrio- 
nale d'une  réputation  exceptionnelle,  le  Nefzaoua  leur  doit 
encore  une  réelle  prospérité.  Quant  à  TArad,  s'il  ne  con- 
tenait que  des  dattiers,  il  seiait  misérable. 

Ajoutons,  pour  être  exact,  que  toutes  les  oasis  de  la 
Tunisie  ont  heureusement  d'autres  ressources.  Les  oliviers 
qui  abondent  dans  celle  d'El-Oudian,  les  arbres  fruitiers 
qui  existent  en  assez  grand  nombre  dans  toutes  les  autres, 
les  plantes  maraîchères  enfin,  trouvent  dans  les  coins  de 
terre  dont  nous  parlons,  un  arrosage  suffisant  et  sont, 
pour  leurs  habitants,  de  précieuses  sources  de  bien-être  ; 
aussi  voyons-nous  toutes  les  oasis  entourées  de  villages 
stables.  Fort  sagement,  l'administration  se  préoccupe  de 
les  conserver  et  de  les  multiplier  en  leur  fournissant 
de  l'eau  partout  oii  il  est  possible  de  creuser  des  puits 
artésiens. 

§  IV.  —  Les  jardins 

Ce  mot  n'a  pas,  en  Tunisie,  exactement  la  même  signi- 
fication que  chez  nous.  Il  y  désigne,  d'une  manière  géné- 
rale, toutes  les  cultures  qui  ont  besoin  d'être  arrosées  en 
tout  temps,  soit  à  Faide  des  rivières  ou  des  sources,  soit  à 
l'aide  des  pluies.  A  ce  titre,  toutes  les  oasis  dont  nous 
venons  de  parler  sont  des  jardins,  car  à  Fombre  des  dat- 
tiers on  y  cultive  toujours,  en  quantité  plus  ou  moins 
considérable,  des  plantes  qui  ont  besoin  d'être  arrosées 
pendant  la  saison  chaude,  comme  les  légumes,  le  maïs, 


70  LA    TUNISIE 

certains  arbres  fruitiers  tels  que  le  citronnier  et  l'oranger, 
raïuandier,  le  grenadier  cl  l'abricotier,  etc. 

Parmi  les  localités  dont  les  jardins  sont  le  plus  renom- 
més et  produisent  le  plus,  nous  devons  citer  :  la  Manouba, 
l'Ariana  et  la  Marsa,  prcs  de  Tunis  ;  Soliman  et  Nebeul 
dans  la  presqu'île  du  cap  Bon,  les  environs  de  Porto- 
Farina  et  de  Ras  Djebel,  ceux  de  Sfax,  au  nord  du  golfe 
de  Gabès.  Les  anciens  Jardins  de  l'Ariana,  de  la  Manouba 
et  de  la  Marsa  étaient  presque  tous  des  dépendances  de 
palais  appartenant  à  de  g^rands  seigneurs  tunisiens. 
C'étaient  des  jardins  d'agrément  plutôt  que  de  produit  ; 
mais  depuis  l'occupation  française,  il  s'en  est  créé  un 
grand  nombre  d'autres  aux  environs  de  Tunis  ;  on  y  cultive 
surtout  des  orangers  et  des  citronniers  qui  donnent  des 
fruits  excellents,  de  la  vigne  dont  les  raisins,  très  bons,  ne 
servent  que  pour  la  table,  des  figuiers,  des  amandiers, 
des  pommiers,  des  poiriers,  des  abricotiers  pour  les  fruits, 
du  henné  pour  ses  feuilles,  dont  la  poudre  sert  à  teindre  les 
ongles  et  la  peau  des  mains  et  des  pieds  en  jaune  rou- 
çeâtre,  des  roses  et  des  jasmins  pour  leurs  fleurs  qui  sont 
très  recherchées  des  indigènes  et  qui  servent  à  la  prépa- 
ration des  parfums  ;  des  géraniums  avec  lesquels  on  fabrique 
une  fausse  essence  de  roses,  etc.  Les  légumes  y  étaient 
autrefois  peu  nombreux,  ils  le  sont  beaucoup  plus  aujour- 
d'hui. A  l'Ariana,  Feau  des  puits  est  généralement  trop 
saumâtre  pour  servir  à  l'arrosage  et  les  propriétaires  font 
venir  l'eau  du  dehors.  A  la  Manouba  et  à  la  Marsa,  on  arrose 
avec  l'eau  des  puits,  qui  est  assez  bonne  pour  cet  usage 
sans  être  potable.  Les  puits  sont  ordinairement  munis  de 
norias  très  simples,  à  godets  en  terre  et  à  roues  en  bois 
que  fait  tourner  un  cheval  ou  un  chameau.  Comme  dans 
tous  les  jardins  de  la  Tunisie,  l'eau  est  reçue,  à  sa  sortie 
du  puits,  dans  un  bassin  d'où  elle  se  répand,  à  l'aide  de 
petits  canaux,  dans  toutes  les  parties  du  jardin,  chaque 
arbre  étant  entouré  d'un  talus  qui  la  retient. 

Il  existe  en  outre,  aux  environs  de  Tunis,  des  jardins 
maraîchers  où  des  Arabes,  des  Maltais,  des  Siciliens  culti- 
vent des  légumes,  mais  en  trop  faible  quantité  pour  sut- 


l'aGRICULTURK    INDKIKNE  71 

fire  à  la  consommation  des  Européens.  Quelques  espèces 
manquent  à  peu  près  entièrement,  notamment  les  asperges 
et  les  artichauts.  Les  pommes  de  terre,  les  tomates,  les 
concombres,  qui  entrent  dans  l'alimentation  des  indigènes, 
sont,  au  contraire,  abondants  et  de  bonne  qualité.  L'eau 
des  puits  est  assez  bonne  sur  certains  points  des  environs 
de  Tunis  pour  servir  àTarrosage,  et  les  détritus  de  la  ville 
pourraient  être  utilisés  pour  la  fumure  des  terres  si  l'on  ne 
les  redoutait  pas. 

Les  jardins  les  plus  pi'oductifs  en  fruits  et  en  légumes  et 
les  mieux  entretenus  de  toute  la  Tunisie  sont  situés  dans 
la  presqu'île  du  cap  Bon,  particulièrement  aux  environs 
de  Nebeul  et  de  Soliman.  Gomme  presque  tous  ceux  de  ce 
pays,  ils  sont  entourés  de  talus  en  terre  surmontés  de 
haies  très  épaisses  de  figuiers  de  Barbarie.  Dans  les  envi- 
rons de  Soliman,  on  cultive  surtout  des  arbres  fruitiers, 
des  légumes  et  des  plantes  fourragères.  A  Nebeul,  on  y 
ajoute  des  roses  et  des  jasmins.  L'eau  de  ces  jardins  est 
fournie  par  des  puits  d'où  elle  est  élevée  par  des  norias,  ou 
bien,  plus  souvent,  à  l'aide  d'une  outre  que  tire  un  bœuf  ou 
un  chameau,  suivant  un  système  à  la  fois  très  simple  et  très 
commode,  que  beaucoup  de  gens  font  remonter  aux  Cartha- 
ginois. Les  jardins  de  la  presqu'île  du  cap  Bon  expédient 
des  pommes  de  terre,  des  concombres,  des  tomates,  des 
melons,  non  seulement  à  Tunis,  mais  dans  une  grande 
partie  de  la  Régence.  Des  habitants  de  Solinum  et  de 
Nebeul  font  soixante  ou  soixante-dix  kilomètres  avec  un 
petit  âne  pour  aller  vendre  àl'Enfida  des  concombres,  des 
melons  et  des  tomates.  Les  cultivateurs  de  ces  localités 
donnent  d'ailleurs  beaucoup  de  soins  à  leurs  jardins;  non 
seulement  ils  les  bêchent,  en  extirpent  les  mauvaises 
herbes  ;  mais  encore,  chose  rare  en  Tunisie,  ils  les  fument 
rég'ulièrement.  Il  existe  dans  le  sous-sol  de  la  plupart  des 
maisons  de  ce  pays  des  sortes  de  caves  dans  lesquelles 
on  fait  pourrir  le  fumier  des  animaux  et  les  ordures  ména- 
gères avant  de  les  utiliser  à  la  fumure  des  jardins. 

Les  jardins  de  Sfax  qui  sont,  après  les  précédents,  les 
plus  réputés  de  la  Tunisie,  en  diffèrent  par  l'extrême  rareté 


72  LA    TUNISIE 

de  l'eau.  Aussi  n'y  cultivc-l-on  que  des  plantes  ayant  peu 
besoin  d'arrosage  et  surtout  des  arbres  et  arbustes  fruitiers, 
particulièrement  le  liguier,  l'amandier,  l'abricotier,  le 
pommier,  la  vigne  et  le  pistachier.  Sfax  est  le  seul  point 
de  la  Régence  où  le  pistachier  soit  cultivé  en  abondance; 
il  y  donne  des  fruits  exc(dlenLs  et  très  recherchés  dans  toute 
la  partie  orientale  de  la  Méditerranée.  Comme  l'eau  est 
très  rare,  on  n'arrose  que  les  arbres  et  les  arbustes  nouvel- 
lement plantés  ou  encore  très  jeunes.  Les  jardins  ou  plu- 
tôt les  vergers  de  Sfax  entourent  immédiatement  la  ville. 
Plus  loin,  s'étendent  les  cultures  d'oliviers. 

Nous  n'avons  cité  que  les  jardins  les  plus  renommés  de 
la  Tunisie,  ceux  dont  la  culture  est  le  plus  soignée.  Tl  en 
existe  d'analogues  au  voisinage  d'un  certain  nombre  de 
villes,  comme  Sousse,  Monastir  et  Mahdia  dans  le  Sabel, 
El-Djem,  etc.,  mais  on  se  tromperait  si  Ton  croyait  qu'il 
existe,  comme  en  France,  des  jardins  autour  de  toutes  les 
villes.  Il  n'en  est  absolument  rien.  Certaines  villes  tuni- 
siennes sont  encore  entièrement  ou  presque  entièrement 
dépourvues  de  ces  sortes  de  cultures.  Je  me  bornerai  à 
citer  Kairouan,  dont  l'enceinte  des  murailles  blanches  et 
crénelées  apparaît  de  fort  loin  au  milieu  d'une  plaine 
entièrement  nue.  Beaucoup  de  villages  sont  dans  le  même 
cas. 

La  cause  principale  de  la  rareté  relative  des  jardins  doit 
être  cherchée  dans  la  difliculté  d'avoir  de  l'eau  en  quantité 
suffisante  pour  faire  les  arrosages  abondants  qu'exigent 
les  plantes  maraîchères.  L'absence  de  pluie  pendant  une 
grande  partie  de  l'année,  et,  dans  quelques  régions,  pen- 
dant des  années  entières,  oblige  à  faire  usage  pour  les 
jardins  de  l'eau  des  puits.  Or,  il  n'est  pas  partout  aisé 
d'avoir  cette  eau  avec  les  qualités  qu'exige  la  culture. 
Dans  beaucoup  de  points  de  la  Tunisie,  l'eau  des  puits 
est  trop  chargée  de  chlorure  de  sodium  et  de  magnésium 
pour  qu'on  puisse  l'utiliser  à  l'arrosage.  Il  faudrait  aller 
chercher,  à  l'aide  de  forages,  des  nappes  plus  profondes, 
contenant  une  eau  de  meilleure  qualité. 

D'une  façon  générale,  quoique  les  indigènes  connaissent 


I, 'agriculture  indigène  73 

la  grande  valeur  de  l'irrigation  dans  un  climat  chaud  et  à 
terre  sèche,  ils  n'en  usent  que  d'une  manière  très  insuffi- 
sante. Je  lis  dans  une  conférence  faite  par  M.  Gounot 
devant  l'Association  des  anciens  élèves  de  l'Ecole  coloniale 
d'agriculture  de  Tunisie  (annuaire  1912,  p.  54)  :  «  Au 
printemps,  dans  presque  tout  le  nord  de  la  Régence,  les 
indigènes  qui  disposent  d'eau  de  source  en  usent  très  lar- 
gement pour  irriguer  leurs  céréales,  mais  les  rendements 
qu'ils  obtiennent  sont  inférieurs  à  ceux  réalisés  dans  les 
fermes  françaises  en  culture  sèche  ;  l'intervention  d'eau 
d'irrigation  est  donc  inutile.  Quant  aux  vergers,  qui  n'a  vu 
en  Tunisie  des  plantations  de  cognassiers,  de  grenadiers  et 
d'arbres  fruitiers  de  toutes  sortes  ;  or,  lorsqu'on  arrive  à  ces 
oasis  de  verdure,  on  apprend  avec  surprise  que  ces  jardins 
quoiqu'irrigables  ont  une  valeur  locative  de  50  ou  100  IVancs 
à  peine.  Bien  souvent  même  ces  jardins  sont  complètement 
abandonnés  par  leurs  détenteurs,  preuve  évidente  qu'ils 
ne  donnaient  pas  de  revenus  appréciables.  Ces  exemples 
suffisent  pour  établir  que  les  indigènes  du  nord  de  la 
Régence  sont  pour  la  plupart  de  mauvais  irrigateurs,  et,, 
sauf  dans  la  banlieue  des  villes,  ils  arrivent  rarement  à 
créer  une  culture  intensive  et  à  tirer  un  profit  de  leur  eau.  » 
Il  est  probable  qu'ils  ne  travaillent  pas  la  terre  de  manière 
à  lui  permettre  d'absorber  l'eau  qu'ils  lui  donnent. 

Une  autre  cause  entravait  autrefois  considérablement 
les  cultures  de  légumes  et  d'arbres  fruitiers  ;  je  veux 
parler  des  taxes  énormes  qui  frappaient  les  produits  des 
jardins  et  des  vexations  de  mille  sortes  dont  la  perception 
decestaxes  était  accompagnée.  Un  décretdu  l^'janvier  1907 
a  supprimé  les  taxes  anciennes  dont  les  populations  se 
plaignaient  amèrement  et  a  beaucoup  favorisé  la  culture 
de  toutes  les  plantes  qui  alimentent  les  marchés. 

La  vigne  doit  faire  l'objet  d'une  mention  spéciale  parmi 
les  plantes  que  les  indigènes  cultivent  dans  les  «jardins  ». 
On  estime  à  1.666  hectares  la  surface  complantée  en  vignes 
par  les  indigènes,  cette  surface  étant  restée  stationnaire 
depuis  1889.  La  production  totale  de  ces  vignes  serait  de 
20.000  à  30.000   kilogrammes   de   raisins    provenant    de 


74  LA    TUNISIE 

variétés  exclusivement  locales  (baldi,  meski.  assli,  etc.). 
Los  cinq  dixièmes  de  la  pioduciion  sont  consommés  à 
l'état  frais  ;  le  reste  est,  soit  séché,  soit  vinifié  en  vue  de 
la  fabrication  du  vinaigre.  Les  localités  dans  lesquelles 
les  indigènes  cultivent  particulièrement  la  vigne  sont  :  l'île 
d(;  Djerba,  l'oasis  de  Gabès,  le  cap  Bon  et  les  environs 
de  Porto-FarinaV 

§  V.  —  La  culture  du  tabac 

A  côté  des  cultures  dont  nous  venons  de  parler,  nous 
devons  dire  quelques  mots  de  celle  du  tabac,  qui  s'en  rap- 
proche par  la  nature  des  soins  qu'elle  exige,  mais  qui  doit 
être  envisagée  séparément  parce  qu'elle  est  soumise  à  des 
conditions  tout  à  fait  spéciales. 

En  Tunisie,  au  moment  de  l'occupation  française,  le 
tabac  était,  ainsi  qu'une  foule  d'autres  produits,  l'objet 
d'un  monopole  mis  en  adjudication  et  abandonné  à  des  fer- 
miers qui,  en  échange,  s'engagaient  à  verser  au  Trésor 
une  somme  déterminée. 

En  principe,  le  fermier  ne  devait  employer  dans  sa 
fabrication  que  des  tabacs  fournis  par  la  Tunisie  ;  mais,  en 
fait,  il  tendait  de  plus  en  plus  à  s'approvisionner  au  dehors 
et  à  décourager  les  producteurs  indigènes.  Le  motif  de 
cette  conduite  est  aisé  à  découvrir.  Le  fermier  étant  obligé 
de  surveiller  à  ses  frais  la  culture  du  tabac,  ne  pouvait 
le  faire  qu'à  l'aide  d'un  personnel  dont  le  traitement  venait 
en  diminution  de  ses  recettes.  Il  avait  donc  tout  intérêt  à 
la  faire  disparaître,  car  il  supprimait  à  la  fois  ses  frais  de 
surveillance  et  toute  crainte  de  contrebande  intérieure.  Il 
est  vrai  que,  d'après  le  cahier  des  charges,  le  fermier  était 
«  tenu  de  recevoir  tous  les  tabacs  indigènes,  quelle  qu'en 
fût  la  quantité,  provenant  des  plantations  qui  auront  été 
autorisées  dans  les  provinces  et  localités  où  cette  culture 
est  permise  ».  Mais,  pour  détourner  les  indigènes  de  la 
culture  du  tabac,  les  fermiers  avaient  à  leur    disposition 

1.  Vuy.  La  vigne  en  Tunisie,  p.  11. 


l'agriculture  indigène  75 

bien  des  moyens  (ju'il  est  assez  aisé  de  deviner,  tels  que  le 
classement  des  tabacs  dans  une  catégorie  inférieure  à 
celle  (jui  leur  revenait  réellement,  l'évaluation  exagérée  de 
la  quantité  cultivée,  permettant  de  toujours  prendre  le 
producteur  en  faute,  de  lui  infliger  des  amendes,  etc. 

L'administration  tunisienne  favorisait,  du  reste,  très  ou- 
vertement les  fermiers  dans  leurs  efforts  pour  provoquer  la 
disparition  de  la  culture  indigène.  Le  cahier  des  charges 
autorisait  le  fermier  à  faire  venir  de  l'étranger  des  tabacs  en 
feuilles  et  fabriqués,  et  il  le  dispensait  des  droits  de  douane 
que  ces  tabacs  auraient  à  payer  s'ils  étaient  introduits  par 
des  particuliers.  La  seule  condition  mise  à  cette  autorisa- 
tion était  que  le  produit  de  la  récolte  indigène  fût  inférieur 
aux  besoins  de  la  consommation,  ce  que  le  fermier  se. 
chargeait  aisément  d'obtenir  par  les  moyens  indiqués  plus 
haut  ou  par  d'autres  de  môme  nature.  Non  content  d'au- 
toriser le  fermier  à  recevoir  des  tabacs  étrangers,  le  cahier 
des  charges  lui  imposait  l'obligation  de  mettre  en  vente 
certaines  variétés  de  ces  tabacs,  tels  que  le  scaferlati,  le 
chebli,  les  cigarettes  algériennes,  les  cigarettes  de  Vir- 
ginie, etc.,  et  les  cigares  de  Malte,  de  Virginie,  etc. 

Pour  aider  encore  à  la  suppression  de  la  culture  indi- 
gène du  tabac,  l'administration  limitait  chaque  jour  davan- 
tage les  autorisations  nécessaires  et  le  nombre  des  localités 
dans  lesquelles  ces  autorisations  pouvaient  être  accordées. 
Dans  ces  conditions,  la  culture  du  tabac  ne  pouvait  que 
diminuer  et  même  disparaître.  L'administration  française 
des  tabacs  ne  fut  pas  étrangère  à  ce  fait.  Il  y  a  plus  de 
vingt-cinq  ans  déjà,  l'ingénieur  en  chef,  inspecteur,  M.  Ga- 
ron,  exposait  dans  un  rapport  officiel  tous  les  arguments 
favorables  à  la  suppression  de  la  culture  des  tabacs  en 
Tunisie.  Après  avoir  conseillé  le  remplacement  de  la  ferme 
par  une  régie  d'Etat,  il  ajoutait  :  «  Quant  à  la  culture  du 
tabac,  il  n'y  aurait  pas  autre  chose  à  faire  que  de  prononcer 
son  interdiction  ;  elle  n'a  qu'une  minime  importance  ;  ses 
produits  sont  de  mauvaise  qualité  et  payés  d'un  prix  exces- 
sif; ils  n'entrent  que  pour  une  part  insignifiante  dans  le 
total  de  la  production  agricole.  Le  sol  du  nord  de  la  Tunisie 


76  LA    TUNISIE 

OÙ  se  Irouvenl  si  Lues  tous  les  cantons  planteurs  de  tabac, 
est  très  fertile  et  ne  nian(jue  pas  d'eau  ;  les  vallées  con- 
viennent parfaitement  à  la  culture  des  céréales,  les  collines 
à  celle  de  la  vigne;  les  montagnes  peuvent  presque  partout 
se  regarnir  spontanément  de  forêts.  Ce  sont  là  les  vrais 
éléments  de  richesse  de  la  Tunisie,  qui  n'a  rien  à  gagner 
au  maintien,  sur  quelques  parcelles  de  son  territoire,  d'une 
culture  sans  chance  de  développement,  dont  l'existence  est 
subordonnée  à  la  plus-value  factice  accordée  à  ses  pro- 
duits ». 

Le  desideratum  exprimé  dans  les  lignes  qui  précèdent  fut 
-vite  réalisé,  sans  que  l'on  eût  besoin  de  prononcer  l'inter- 
diction. La  culture  du  tabac  n'existait  déjà  plus  en  Tunisie, 
lorsque  parut  la  première  édition  de  ce  livre,  dans  laquelle 
je  disais  :  «  Les  seuls  motifs  invoqués  dans  la  citation 
faite  plus  haut  en  fav  eur  de  l'interdiction  de  la  culture  du 
tabac  étaient,  d'une  part  que  les  terres  employées  à  cette 
culture  pouvaient  servir  à  d'autres  opérations  agricoles, 
d'autre  part  que  la  quantité  de  tabac  produite  était  très 
minime  et  sa  qualité  défectueuse.  Au  premier  argument 
il  est  aisé  de  répondre  que  plus  un  cultivateur  demande  à 
sa  terre  de  produits  différents,  et  plus  il  se  met  à  Tabri 
de  la  misère  résultant  des  mauvaises  récoltes.  Si  à  côté 
de  son  champ  de  blé  ou  d'orge,  il  peut  exploiter  un  carré 
de  tabac,  c'est  une  source  de  revenus  de  plus  qu'il  se  donne, 
et  l'on  n'a  jamais  vu  un  gouvernement  défendre  une  culture 
quelconque  sous  prétexte  que  le  sol  peut  en  supporter 
d'autres  ». 

Depuis  l'époque  oii  je  présentais  ces  observations,  la 
ferme  des  Tabacs  a  été  remplacée  par  une  régie  d'Etat 
qu'exerce  l'administration  des  monopoles.  Pour  donner 
satisfaction  à  un  courant  d'opinion  qui  s'était  produit  dans 
le  sens  des  idées  que  j'avais  exprimées  dès  1887,  un 
décret  du  2o  août  1898  autorisa  la  culture  du  tabac  dans 
des  conditions  empruntées  à  la  législation  française.  Les 
planteurs  doivent  obtenir  une  permission  délivrée  par  le 
Directeur  des  monopoles  après  avis  d'une  commission 
locale:  ils  sont  soumis  aux  visites  et  exercices  des  agents 


I,  AGRICULTURE    INDIGÈNE  77 

des  monopoles,  tenus  de  donner  à  leurs  plantations  des 
façons  rigoureusement  définies,  et  de  livrer  la  totalité  de 
leur  récolte  conformément  aux  prévisions  des  inven- 
taires, etc.  Ils  peuvent  même  cultiver  pour  l'exporta- 
tion. 

Ni  les  indigènes,  ni  les  Européens  n'ayant  fait  la  moindre 
tentative  de  culture  en  vertu  de  ce  décret,  l'administration 
décida  de  procéder  elle-même  à  des  essais  au  sujet  des- 
quels il  est  dit  dans  une  note  officielle  qui  m'a  été  remise 
en  juillet  1914  :  «  En  vue  d'assurer  la  production  des 
tabacs  nécessaires  à  ses  besoins,  l'administration  a  été 
amenée  à  faire  entreprendre  des  cultures  sous  une  régle- 
mentation en  quelque  sorte  officieuse  et  pour  son  propre 
compte.  Des  cultures  de  l'espèce  sont  effectuées  dans  la 
région  des  Mogoods,  dans  le  caïdat  de  Bizerte  et  dans  les 
environs  de  Gabès.  En  souscrivant  leur  demande  d'autori- 
sation, les  planteurs  déclarent  se  soumettre  à  toutes  les 
clauses  d'un  règlement  qui  précise  les  différentes  opéra- 
tions à  faire  subir  aux  plantations  (semis,  repiquage,  ali- 
gnements, distances  des  pieds,  épamprement,  écimage, 
ébourgeonnement, livraison,  etc.);  les  pénalités  auxquelles 
ils  s'exposent  sont  alors  prévues  par  le  décret  du  2o  août 
1898.  Ces  essais  ont  donné  des  résultats  encourageants. 
Guidés  et  conseillés  par  les  agents  de  culture  des  mono- 
poles, les  planteurs  perfectionnent  rapidement  leurs  pro- 
cédés et  paraissent  s'intéresser  au  développement  de 
la  production  du  tabac  ».  Tous  les  planteurs  sont  des 
indigènes. 

En  1898,  la  surface  cultivée  en  tabac  était  de  34  hec- 
tares; elle  a  été,  dans  les  conditions  exposées  ci-dessus, 
de  56  hectares  en  1909;  de  94  hectares  en  1910,  de  91  hec- 
tares en  1911  et  de  101  hectares  et  demi  en  1912.  Le  poids 
du  tabac  livré  et  payé,  cette  dernière  année,  atteint  près 
de  135  426  kilogrammes,  représentant  une  valeur  totale 
de  170.889  francs.  Les  prix  varient,  suivant  la  qualité,  de 
130  francs  à  20  francs  les  100  kilos.  «  X  titre  d'encourage- 
ment, une  prime  de  50  francs  par  100  kilogrammes  de 
tabac  dit  de  «  surchoix  »  est  accordée  aux  planteurs  les 


78  LA    TUNISIE 

plus  soigneux  ;  cette  prime  est  attribuée  à  des  fractions  de 
récolte  arbitrées  par  la  commission  de  réception.  » 

§  VI.  —  La  culture  du  chanvre 

On  fume  en  Tunisie,  une  certaine  quantité  d'une  sorte 
de  haschisch  représenté  par  les  bouquets  floraux  femelles 
du  chanvre.  On  donne  à  ce  produit,  très  recberché  par 
certains  indigènes  en  raison  de  l'ivresse  qu'il  détermine, 
le  nom  de  takroiiri  ou  kif.  Les  fumeurs  de  haschisch  font 
brûler  les  pellicules,  desséchées  et  broyées  de  ces  bouquets 
floraux,  dans  des  pipes  à  petits  fourneaux. 

L'ancienne  ferme  des  tabacs  ayant  le  monopole  du  ta- 
krouri  n'avait  trouvé  aucun  autre  moyen  de  se  mettre  à 
l'abri  de  la  fraude  intérieure  que  de  provoquer  l'interdic- 
tion absolue  de  la  culture  du  chanvre  dans  toute  la 
régence.  Cette  interdiction  fut  consacrée  par  le  décret  du 
31  janvier  1875.  Je  disais,  à  ce  sujet  dans  la  première 
édition  de  ce  livre  :  «  Un  agriculteur  français  m'a  raconté 
qu'il  avait  essayé  de  cultiver  du  chanvre  dans  un  terrain 
oii  cette  plante  paraissait  devoir  se  développer  admi- 
rablement :  interdiction  lui  a  été  signifiée  de  poursuivre 
cette  tentative.  Du  reste,  je  n'ai  pas  vu  un  seul  pied  de 
chanvre  dans  toute  la  Tunisie.  Or,  le  chanvre  est  encore 
un  produit  riche,  dont  l'exploitation  peut  être  faite  aisé- 
ment, sans  préjudice  de  celles  plus  importantes  de  la 
vigne,  des  céréales,  etc.,  et  pour  le  plus  grand  profit  de 
l'agriculteur.  Interdire  sa  culture  dans  tout  un  pays,  c'est 
évidemment  le  priver  d'une  source  de  bénéfices  très  appré- 
ciables ». 

L'interdiction  générale  de  la  culture  du  chanvre  existe 
encore;  mais,  pour  faire  face  à  ses  besoins  de  takrouri, 
l'administration  fait  procéder  chaque  année,  par  un  nombre 
restreint  de  propriétaires  français  et  indigènes,  aux  planta- 
tions nécessaires.  Ces  cultures  sont  exécutées  conformé- 
ment aux  règles  indiquées  dans  des  contrats  qui  précisent 
toutes  les  opérations  culturales  (labours,  fumure,  semail- 
les,  irrigations,    binages,   arrachages    des    pieds    mâles. 


I.  AGRICULTURE    INDfGKNE  79 

récolte  à  maturité,  dessiccation  ralentie,  emballage,  trans- 
port, gardiennage,  etc.).  Les  cultures  sont  soumises  aux 
vérifications  des  agents  des  monopoles,  et  un  rendement 
minimum  en  argent  est  garanti  aux  planteurs. 

Pour  fabriquer  le  takrouri  que  la  régie  met  en  vente,  on 
sépare  les  bouquets  floraux  femelles  des  tiges  et  on  les 
hache  à  la  main.  Il  en  est  vendu  chaque  année  environ 
5.000  kilogrammes,  en  boites  de  5  grammes  coûtant 
20  centimes,  soit  40  francs  le  kilogramme. 

Je  persiste  à  croire  que  l'administration  des  monopoles 
commet  une  erreur  économique  en  interdisant  la  culture 
du  chanvre.- 

I  VII.  —  L'exploitakon  de  l'alfa 

Parmi  les  produits  du  sol  tunisien,  il  en  est  un  fort 
important  dont  il  est  indispensable  de  parler  :  je  fais  allu- 
sion à  l'alfa. 

L'alfa  est  tine  plante  de  la  famille  des  graminées,  à 
rhizome  rampant  et  vivace  comme  celui  du  chiendent.  Les 
feuilles  sont  enroulées  au  point  de  paraître  cylindriques, 
hautes  de  30  à  50  centimètres,  et  propres  à  une  foule 
d'usages,  depuis  la  fabrication  de  nattes  et  de  paniers,  etc., 
jusqu'à  celle  d'un  papier  d'excellente  qualité.  L'alfa  vient 
en  touffes,  tantôt  éparses  au  milieu  d'autres  herbes  ou  d'ar- 
bustes qui  recherchent,  comme  lui,  les  terres  arides,  tan- 
tôt réunies  en  si  grande  quantité  qu'elles  constituent 
presque  la  seule  végétation  sur  des  espaces  considérables. 
C'est  surtout  sur  ces  derniers  points  qu'on  l'exploite  à 
cause  de  la  facilité  de  la  récolte.  Celle-ci  peut  se  faire  en 
tout  temps;  elle  consiste  simplement  à  tirer  sur  les  feuilles 
de  manière  à  les  détacher  sans  briser  la  tige  qui  les 
porte. 

On  trouve  de  l'alfa  dans  presque  toutes  les  régions 
incultes  et  arides  de  l'est  et  du  sud  de  la  Tunisie;  mais 
son  terrain  de  prédilection,  celui  où  il  existe  en  assez 
grande  abondance  pour  que  sa  récolte  soit  rapide  et  par 
conséquent  productive,  répond  à  la  partie    de  la  Régence 


80  LA    TUNISIK 

qui  s'étend  entre  l'Oued-Zeroud  au  nord,  le  Sahel  et  Sfax  à 
l'est,  la  frontière  algérienne  à  l'ouest,  les  cliotts  El-Djerid  et 
El-Fedjedj  au  sud.  Le  maximum  de  la  richesse  en  alfa  cor- 
respond à  peu  près  au  centre  de  l'espace  dont  nous  venons 
d  indiquer  les  limites. 

L'exploitation  de  l'alfa  était  autrefois  entièrement  libre 
dans  toute  la  Régence.  Dans  la  région  centrale  il  était 
récolté  et  apporté  à  Sfax  par  les  Neffet,  les  Zlass,  les 
Hammama,  les  Frechich.  les  Ouled  Aïar,  les  Ouled  Aziz  et 
les  gens  du  Senet.  Les  Neffet  le  récoltaient  au  Gouleb,  à  Er- 
Rehem,  au  Douara;  les  Zlass  le  récoltaient  au  Djebel-Si 
Abi-ben-Naceur -Allah,  au  Djebel-Ledjebel,  au  Djebel-Si 
El-Hafi,  au  Djebel- Sidi-Knelefa,  à  El-Hnordj,  dans  la  par- 
tie est  du  Djebel-Er-Rehem.  Les  Hammama  le  récoltaient 
dans  la  partie  ouest  du  Rehem,  au  Goubet,  au  Metlegel 
Rhanga,  au  Djebel-Hanou,  au  Djebel-Kas-El-Aïn  (Aïn 
Faouar),  au  sud  de  Gamouda,  au  Djebel-Si-Ali-Ben 
Aoun,  au  Djebel-El-Ameur,  à  Gammoura,  au  Djebel-Sekh- 
del,  à  El-Achana,  et  jusqu'aux  environs  de  Gafsa.  Les 
Frechich  le  récoltaient  à  l'Allong  El  Mekhilla,  à  Sbeitla, 
à  El-Achachim,  au  Djebel-Abiod.  On  en  récoltait  aussi 
dans  les  environs  de  Chelba. 

Les  tribus  nommées  ci-dessus  récoltaient  et  apportaient 
l'alfa  à  Sfax  en  toute  saison,  sauf  pendant  les  périodes 
des  semailles  et  des  moissons.  Sfax  en  recevait  jusqu'à 
10.000  tonnes  par  an. 

L'alfa  est  une  denrée  avec  laquelle  chacun  est  toujours 
siir  de  faire  un  peu  d'argent;  c'était  donc  principalement 
le  besoin  de  numéraire  qui  déterminait  la  plus  ou  moins 
grande  activité  de  la  récolte  de  cette  plante.  Le  prix  de 
l'alfa  était,  à  Sfax,  de  cinq  à  sept  piastres  (3  francs  à  4  fr.  20) 
le  quintal  tunisien.  Celui  de  Sbeitla,  qui  est  plus  fin  et  plus 
long  que  celui  des  autres  localités,  se  vendait  jusqu'à  trois 
piastres  (1  fr.  80)  de  plus. 

Avant  que  la  France  eût  assumé  le  protectorat  de  la 
Tunisie,  un  Français,  M.  Duplessis,  sollicita  du  gouver- 
nement tunisien  la  concession  du  monopole  de  l'alfa  dans 
toutes  les  régions  dont  nous  venons  de  parler.  M.  Rous- 


l'agricli.ture   INDIGKNE  <S1 

laii,  alors  consul  général  de  France  à  Tunis,  était  préoc- 
cupé par-dessus  tout  de  donner  à  ses  compatriotes  une 
situation  prépondérante  dans  la  Régence,  et  favorisait 
autant  qu'il  était  en  son  pouvoir  toutes  les  opérations 
d'ackat,  de  concessions  de  terrains  ou  de  monopoles  ten- 
tés par  des  Français.  C'est  ainsi  que  furent  créées  les 
grandes  propriétés  de  l'Enfida  et  de  Sidi-Tabet,  qui 
devaient  jouer  plus  tard  un  rôle  si  considérable  dans  la 
question  franco-tunisienne.  M.  Roustan  appliqua  sa  mé- 
thode à  la  demande  de  M.  Duplessis,  et  celui-ci  obtint  du 
gouvernement  tunisien,  par  décret  du  13  juin  1881,  la 
concession  du  monopole  de  l'exploitation  de  l'alfa  sur  un 
terrain  qui  comprenait,  d'après  l'article  1"''  du  contrat  de 
concession  signé  le  14  juin  1882,  «  les  montagnes  dénom- 
mées Djebel-Bou-Hedma  au  nord  de  la  route  de  Gafsa; 
Djebel-Madjourah,  dans  les  Hammamas,  sur  la  route  de 
Gafsa  à  Kairouan;  Djebel  Ayacha,  Heddaj,  au  nord-ouest 
de  Bou-Hedma  ». 

La  délimitation  exacte  était  renvoyée  à  une  époque 
ultérieure  par  l'article  2  du  môme  contrat  :  «  Un  agent, 
disait  cet  article,  sera  désigné  par  nous  pour  procéder  à 
la  délimitation  des  exploitations,  qui  sera  faite  en  présence 
du  concessionnaire  ou  de  ses  ayants  droit  ».  Des  décrets 
du  18  août  1883  et  du  21  décembre  1887  approuvèrent  les 
délimitations. 

Soit  que  M.  Duplessis  se  fût  prêté  à  une  manœuvre 
habilement  concertée  d'avance,  soit  qu'il  fût  dominé  par 
la  seule  préoccupation  du  besoin  d'argent,  il  vendait 
bientôt  sa  concession  à  une  Société  anglaise.  D'après  les 
limites  adoptées  par  nos  agents,  la  Compagnie  se  trouvait 
avoir  le  monopole  de  l'exploitation  de  l'alfa  dans  toute  la 
partie  de  la  Tunisie  la  plus  riche  en  cette  plante,  et  les 
tribus  nommées  plus  haut  étaient  dépossédées  d'une  très 
importante  source  de  revenus,  car  quoique  la  Compagnie 
ne  fût  pas  assez  riche  pour  acheter  tout  l'alfa  qu'elles 
avaient  l'habitude  de  récolter,  elle  leur  interdisait  de  vendre 
à  d'autres  (ju'à  elle-même.  D'un  autre  côté,  n'ayant  plus  à 
redouter    aucune  concurrence,  elle  abaissa  considérable- 

J.-l>.  Df.  La.nkssan.  —  La  Tuiiisic.  .  tj 


82  LA   TUNISIE 

menl  k'  prix  de  l'alfa  qu'elle  achetait.  Enfin,  établie  à  la 
Skliira,  près  de  Sfax,  la  Compagnie  exigeait  que  tout 
l'alfa  fût  apporté  dans  ce  petit  port,  au  détriment  de  Sfax. 

«  Une  aussi  profonde  modification  des  conditions  anté- 
rieures de  l'exploitation  et  du  commerce  de  l'alfa,  disais-je 
dans  la  première  édition  de  ce  livre,  ne  pouvait  manquer 
d'apporter  des  perturbations  considérables  à  la  fois  sur  le 
marché  de  Sfax  et  dans  la  vie  des  tribus  qui  se  livraient 
à  cette  industrie.  Les  commerçants  de  Sfax  ne  cessent  de 
faire  entendre  les  plaintes  les  plus  amères  et  les  mieux 
justifiées  sur  le  mauvais  état  de  leurs  affaires.  Quant  aux 
indigènes,  d'après  les  renseignements  que  j'ai  reçus,  ils 
ont  déjà  abandonné  le  pays  et  sont  allés  s'établir  dans  la 
Tripolitaine.  J'ai  pu  voir  sur  le  marché  de  Tripoli  un 
grand  nombre  de  chameaux  chargés  d'alfa  et  conduits  par 
des  indigènes  qui  m'étaient  désignés  par  des  personnes 
compétentes  comme  ayant  abandonné  la  Tunisie.  Leur 
alfa  venait-il  de  leur  ancienne  patrie?  l'avaient-ils  récolté 
dans  les  déserts  qui  entourent  Tripoli?  Il  serait  bien  diffi- 
cile de  répondre  à  cette  question,  mais  ce  qui  ne  fait 
aucun  doute  pour  les  hommes  les  plus  autorisés,  c'est 
que,  depuis  quelque  temps,  le  marché  aux  alfas  de  Tri- 
poli augmente  d'importance,  tandis  que  celui  de  Sfax  est 
en  grande  partie  ruiné.  »  J'insistais  pour  que  l'on  trou- 
vât un  moyen  légal  de  supprimer  la  concession  Duples- 
sis. 

Une  entière  satisfaction  ne  tarda  pas  à  être  donnée  à  ce 
vœu.  Un  décret  beylical  du  31  juillet  1887  résilia  la  con- 
cession, en  s'appuyant  sur  ce  que  le  concessionnaire 
n'avait  pas  exporté  le  minimum  de  10.000  tonnes  prévu 
par  son  contrat.  Une  circulaire  du  premier  ministre,  en 
date  du  11  août  1887,  rétablit  le  principe  de  la  liberté  de 
l'arrachage  et  du  trafic  dans  la  Régence.  Depuis  lors,  ce 
principe  a  été  constamment  respecté,  malgré  dé  très 
nombreuses  demandes  de  concessions  de  terrains  alfa- 
tiers. 

Les  principaux  chantiers  d'alfa  sont  situés  le  long  de 
la  voie  ferrée    de   Gafsa   à   Sfax   (Sened,   Maknassy)    et 


L  AGRICULTURE    INDIGÈNE  83 

d'Henchir  Souatir  à  Kairouan  (Kairouan,  Sbeïtia,  Hadjeb- 
el-Aïoun)  et  l'exportation  se  fait  par  les  ports  de  Sousse, 
Sfax,  la  Skhirra  et  Gabës. 

La  presque  totalité  de  l'alfa  exporté  va  en  Angleterre 
oij  l'on  fabrique  beaucoup  de  papier  avec  cette  matière. 
En  1913,  il  a  été  exporté  en  totalité  493.195  quintaux 
d'alfa,  dont  439.949  quintaux  à  destination  de  l'Angleterre 
et  47.164  à  destination  de  la  France. 

I  VIII.  —  L'élevage  du  bétail  (Boeufs,  moutons, 

CHÈVRES,    chevaux) 

L'élevage  des  bœufs,  des  moutons,  des  chèvres,  des 
porcs  occupe  en  Tunisie,  malgré  la  rareté  des  pâturages, 
une  place  considérable  dans  les  préoccupations  des  indi- 
gènes. Les  chameaux,  les  chevaux,  les  ânes  et  les  mulets, 
existent  aussi  en  assez  grand  nombre,  mais  sans  avoir  la 
même  importance  que  les  précédents. 

D'après  la  statistique  officielle  de  1912,  il  y  avait  dans 
toute  la  Tunisie,  y  compris  les  établissements  agricoles 
européens,  au  31  décembre  1911,  les  nombres  suivants 
d'animaux  domestiques  : 

Chevaux    39.941 

Anes 86.951 

Mulets 13.239 

Bovins    191.430 

Caprins 468.828 

Ovins 686.730 

Porcins 17.898 

Chameaux 110.707 

Les  bœufs  appartiennent  à  la  même  race  que  ceux  de 
l'Algérie  :  ils  sont  de  petite  taille,  mais  très  bien  faits,  avec 
le  mufle  et  le  dessus  du  cou  noirâtres,  les  cornes  peu 
développées  et  élégamment  recourbées  sur  la  tête.  Les 
vaches  donnent  peu  de  lait.  Les  bœufs  s'engraissent  diffi- 
cilement. C'est  surtout  dans  le  nord  et  le  centre  de  la 
Régence  que  les  bœufs  abondent.  Dans  les  régions  de  Béja, 
du  Kef  et  du  cap  Bon,  il  en  existe  une  race  jouissant  de 


84  LA    TUNISIE 

qualités  spéciales  et  qui  pouiraient  servii'  à  la  formation 
d'une  variété  mieux [étofléc,  s'en*^raissant  mieux,  etc.,  (juc 
la  race  commune. 

Les  chevaux  appartiennent  à  la  race  arabe;  ils  sont 
généralement  de  petite  taille,  mais  trës  résistants,  très 
dociles  et  propres  à  tous  les  services.  On  a  commencé 
avec  succès  un  croisement  de  la  race  locale  avec  le  pur 
sang  arabe.  Les  indigènes  profitent  très  volontiers  pour 
leurs  juments  des  étalons  mis  à  leur  disposition  dans  des 
stations  de  remonte  dont  le  nombre  va  sans  cesse  en 
augmentant. 

Les  mulets  et  les  mules  sont,  depuis  une  époque  reculée, 
très  appréciés  par  les  indigènes.  Un  équipage  de  belles 
mules  était  un  luxe  recherché  par  les  riches  Tunisiens. 
Afin  d'améliorer  la  race,  qui  est  petite  mais  très  robuste, 
l'administration  du  protectorat  a  commencé  de  mettre  à 
la  disposition  des  indigènes  des  baudets-étalons  du  Poi- 
tou et  des  Pyrénées,  notamment  dans  la  région  de  Béja 
où  l'élevage  du  mulet  est  particulièrement  pratiqué,  et 
dans  celles  de  Teboursouk,  Mateur,  Zaghouan,  environs 
de  Tunis,  etc. 

Les  chameaux  sont,  à  proprement  parler,  des  droma- 
daires ou  chameaux  à  une  seule  bosse.  Ces  animaux  sont 
surtout  très  nombreux  dans  le  sud  de  la  Tunisie,  où  ils 
font  à  peu  près  tous  les  transports  de  quelque  impor- 
tance. 

Les  ânes  existent  dans  presque  toutes  les  familles  tuni- 
siennes, si  pauvres  qu'elles  soient.  Ce  sont  des  animaux 
de  très  petite  taille,  mais  robustes  et  plus  sobres  encore 
que  le  chameau,  si  la  chose  est  possible.  C'est  à  eux 
qu'incombent  toutes  les  corvées  domestiques;  c'est  avec 
eux  que  les  femmes  vont  chercher  de  l'eau  aux  puits,  que 
les  hommes  portent  au  marché  leurs  denrées;  ce  sont 
eux  qui  transportent  au  village  tous  les  produits  des  jar- 
dins et  des  champs,  le  maïs,  la  luzerne  pour  les  moutons 
et  les  bœufs,  le  blé  et  Forge  qui  viennent  d'être  moisson- 
nés; c'est  à  eux  encore  que  revient  le  soin  de  transporter 
le  matériel  restreint  des  ménages  qui  émigrent.  L'âne  est. 


l/Ar.RICULTURE    INDIGKNK  85 

enfin,  le  coursier  des  gens  pauvres.  L'indigène  ne 
demande  guère  au  cheval  et  même  au  mulet  et.  à  la  mule 
que  de  porter  son  maître  ou  de  traîner  les  voitures  et  les 
arabas  (petites  charrettes  du  pays):  c'est  à  l'àne  et  au  cha- 
meau qu'incombent  tous  les  transports  faits  à  dos  d'animal. 
Quant  aux  labours,  les  indigènes  les  font  toujours  avec 
des  bœufs  ou  des  chameaux. 

Les  moutons  appartiennent  tous  à  la  race  à  grosse  queue 
qui,  on  le  sait,  est  peu  estimée  en  France.  On  a  fait  des 
essais  en  vue  de  l'introduction  du  mouton  à  queue  fine 
d'Algérie  que  l'on  croiserait  avec  le  mérinos  de  la  Crau  ; 
mais  on  n'en  est  encore  qu'aux  premières  expériences. 
Les  indigènes  utilisent  la  plus  g'rande  partie  de  la  laine  de 
leurs  moutons  pour  le  tissage  des  vêtements  de  laine. 

Les  chèvres  indigènes  ressemblent  à  celles  de  la  Nubie. 
Les  indigènes  les  élèvent  surtout  pour  la  viande,  et  font 
des  tapis  ou  des  manteaux  avec  les  peaux  recouvertes  de 
leurs  poils. 

Les  animaux  dont  nous  venons  de  pai-ler  sont  presque 
tous  élevés  par  les  indigènes  en  plein  air.  Les  chevaux 
seuls  sont  souvent  abrités  sous  de  petits  hangars  en  bran- 
chages. Quant  aux  chameaux,  aux  ânes,  aux  bœufs,  aux 
moutons  et  aux  chèvres,  ils  vivent  constamment  dehors. 
11  résulte  de  cette  manière  de  faire  que  les  indigènes  sont 
entièrement  privés  de  fumier. 

Les  pâturages  sont,  il  faut  le  dire,  dans  la  majeure  par- 
tie du  pays,  d'une  extrême  maigreur.  Les  seuls  lieux 
dans  lesquels  existent  des  prairies  sont  les  bas-fonds 
situés  sur  le  cours  d'un  petit  nombre  de  rivières  :  nous 
citerons  les  plaines  que  traverse  le  cours  inférieur  de 
la  Medjerdah,  entre  Utique  et  Porto-Farina,  celles  qui 
bordent  les  parties  les  plus  basses  de  l'Oued  Miliane,  et, 
près  de  Soliman,  les  plaines  qui  entourent  lOued  Bézirh, 
au  point  où  il  va  se  déverser  dans  le  golfe  de  Tunis.  Plus 
au  sud,  citons  quelques  parties  basses  de  l'Enfida,  le 
pourtour  du  lac  Kelbia,  entre  Sousse  et  Kairouan,  etc. 
Partout  ailleurs,  les  troupeaux  paissent,  pendant  l'hiver, 
dans  les  terres  laissées  en  jachères  et  dans  les  parties 


86  LA    TUNISIE 

tout  à  lait  incultes  du  pays.  Dans  le  Nord,  p:râce  aux  pluies 
relativement  abondantes  pendant  cette  saison,  les  animaux 
trouvent  alors  assez  facilement  à  vivre.  Pendant  l'été,  il 
en  est  autrement.  Afin  de  leur  ménai^er  une  ressource,  les 
indigènes  ont  soin  de  couper  les  orges  et  les  blés  à  vingt 
centimètres  environ  au-dessous  de  l'épi,  de  manière  à 
laisser  sur  le  sol  un  chaume  très  haut.  Dès  que  les  mois- 
sons ont  été  enlevées  on  mène  paître  les  troupeaux  dans 
les  champs  de  blé  et  d'orge  où  ils  trouvent,  avec  les 
chaumes  dont  nous  venons  de  parler,  une  certaine  quan- 
tité d'herbes  épargnées  par  la  faux  du  moissonneur.  Jusque 
vers  le  milieu  du  mois  de  juillet,  les  animaux  ont  ainsi  à 
peu  près  de  quoi  vivre  ;  mais  le  soleil  grille  peu  à  peu  les 
herbes  et  le  sol,  et,  du  lo  juillet  au  milieu  de  septembre, 
ils  n'ont  plus  rien  à  se  mettre  sous  la  dent  que  quelques 
touffes  d'herbes  aussi  dures  que  desséchées,  et  les  feuilles 
des  arbustes.  On  a  peine  à  imaginer  comment  font  les 
bœufs,  les  moutons  et  les  chèvres  pour  vivre  pendant  ces 
deux  mois.  Quant  aux  chevaux,  on  leur  donne  de  l'orge 
et  quelques  fourrages  verts. 

Si  l'alimentation  du  bétail  est  très  difficile  dans  le  Nord 
pendant  l'été,  elle  est  tout  à  fait  impossible  dans  le  Sud, 
où  les  pluies  sont  très  rares.  Aussi  voit-on  les  habitants  du 
Sud  remonter  vers  le  Nord,  avec  leurs  troupeaux  de  cha- 
meaux, de  moutons,  de  chèvres,  de  bœufs,  à  mesure  que  la 
sécheresse  envahit  leurs  terres. 

Notons  qu'en  Tunisie,  le  pâturage  n'est  libre  que  sur 
les  points  où  l'absence  totale  de  culture  fait  de  la  terre  une 
propriété  commune,  ou  plutôt  beylicale,  par  exemple  sur 
les  montagnes  et  les  collines  qui  n'ont  jamais  été  cultivées, 
ou  qui  ne  le  sont  plus  de  temps  immémorial,  et  dans  les 
forêts  qui  sont  propriétés  beylicales. 

Partout  ailleurs,  le  droit  de  pâturage  n'est  concédé  que 
moyennant  une  redevance  pavée  au  propriétaire,  en 
nature;  celle-ci  est  ordinairement  d'un  mouton  ou  d'une 
chèvre  pour  cent.  Beaucoup  de  propriétaires  ajoutent 
ainsi  à  leurs  autres  revenus  des  dîmes  importantes,  sans 
aucun  frais,  et  en  bénéficiant  de   la  fumure,  peu    abon- 


i/agriculture  indigène  87 

danle,  il  est  vrai,  que  laissent  les  troupeaux  sur  leurs 
terrains. 

L'élevag:e  des  animaux  domestiques  n'est  Tobjet,  de  la 
part  des  indigènes,  que  de  peu  de  soins.  Gela  est  vrai,  non 
seulement  pour  les  moutons,  les  chèvres  et  les  bœufs,  mais 
même  pour  les  ânes,  les  chameaux  et  les  chevaux.  On  laisse 
les  animaux  s'accoupler  librement,  sans  se  préoccuper  du 
choix  des  producteurs;  quant  aux  agneaux,  aux  chevreaux, 
aux  génisses  et  aux  veaux,  ils  se  tirent  d'affaire  comme 
ils  le  peuvent  ;  personne  ne  s'occupe  de  leur  alimentation  ; 
personne  non  plus  ne  se  donne  la  peine  de  fixer  l'âge  oîi 
ils  commencent  à  se  reproduire.  Beaucoup  sont  tués  chaque 
année  par  le  froid  ou  la  pluie.  Les  races  ont  diminué  de 
taille,  de  force  et  de  valeur.  L'administration  a  déjà  pris 
quelques  mesures  pour  remédier  à  ces  vices  ;  elle  aide 
notamment  à  la  création  d'abris  pour  le  bétail. 

L'élevage  des  porcs  n'est  guère  pratiqué  que  dans  les 
régions  forestières  du  nord  de  la  Régence  où  ces  animaux 
trouvent  à  se  nourrir  de  glands,  dans  les  forets.  On  sait  que 
le  même  élevage  aux  dépens  des  fruits  des  arbres  des 
forêts  a  été  pratiqué  de  tout  temps  en  Europe.  Chez  les 
Mogods  et  les  Kroumirs,  ainsi  qu'aux  environs  de  Tabarka 
et  d'Aïn-Draham,  l'État  loue  aux  indigènes  le  droit  de  faire 
pacager  les  porcs  dans  les  forêts. 

Les  indigènes  élèvent  une  grande  quantité  de  volailles 
ou  pour  mieux  dire  de  poules  et  de  coqs  qui  appartiennent 
à  une  variété  assez  analogue  à  la  variété  la  plus  commune 
de  notre  pays.  Ces  volailles  vivent  d'ailleurs  comme  elles 
peuvent  dans  les  champs  et  ne  sont  l'objet  d'aucun  soin. 

L'apiculture  est  aussi  fort  en  honneur  parmi  les  indi- 
gènes de  la  Tunisie,  depuis  une  époque  très  reculée.  Elle 
est  favorisée  par  la  grande  abondance  des  plantes  el 
arbustes  à  fleurs  mellifères,  telles  que  le  thym,  la  lavande, 
le  romarin,  les  genêts,  les  cistes,  les  oliviers,  etc.,  et  par 
la  grande  quantité  d'essaims  sauvages  qui  vivent  dans  les 
vieux  troncs  d'arbres,  particulièrement  dans  ceux  des 
antiques  oliviers.  Dans  l'Enfida,  les  habitants  des  villages 
berbères   se  livrent  particulièrement  à  la  chasse  de  ces 


88  l,A    TUNISIF. 

essaims  (|u'ils  vendent  aux  indigènes  apiculteurs  ou  qu'ils 
éIèv<Mit  eux-mêmes.  Le  miel  et  la  cire  provenant  des 
abeilles  élevées  par  les  indigènes  sont  d'excellente  qualité 
et  font  l'objet  d'une  très  importante  consommation  dans 
le  pays  même.  On  a  commencé  à  exporter  le  miel  dans 
la  proportion  d'environ  10.000  kilog"rammes  par  an,  et  la 
cire  dans  la  proportion  d'environ  150.000  kilogrammes, 
valant,  à  Tunis,  de  3  francs  à  3  fr.  50  le  kilogramme.  Les 
cires  tunisiennes  passent  pour  être  d'excellente  qualité. 

§  IX.  —  L'agriculture  indigène 

ET    LES    SOCIÉTÉS    INDIGÈNES    DE    PRÉVOYANCE 

Dans  tous  les  pays  du  monde,  l'un  des  obstacles  les 
plus  sérieux  au  développement  de  l'agriculture  réside  dans 
l'insuffisance  des  ressources  financières  dont  jouissent  la 
plupart  des  agriculteurs,  surtout  dans  les  régions  oii  la 
propriété  est  très  divisée,  dans  celles  où  les  récoltes  sont 
rendues  incertaines  par  les  conditions  climatériques  et 
aussi  dans  celles  dont  la  valeur  des  produits  du  sol  est 
faible. 

En  Tunisie  oii  les  agriculteurs  indigènes  sont  soumis  à 
ces  trois  causes  d'infériorité,  le  manque  d'argent  est  une 
règle  sous  laquelle  tous  sont  à  peu  près  également  courbés. 
Dès  que  la  récolte  est  mauvaise,  l'indigène  est  obligé 
d'emprunter  pour  faire  les  semailles  et  de  subir  le  taux 
d'intérêt  qu'il  plaît  à  son  prêteur  de  lui  imposer.  Le  taux 
normal  pour  ces  sortes  de  prêts  est  de  35  à  50  pour  cent, 
mais  il  n'a  pas  de  limites  et  varie  avec  l'intensité  des 
besoins  de  l'emprunteur.  M.  Alapetite  a  cité  à  la  tribune 
de  la  Chambre  le  cas  d'un  magistrat  de  Tunis  qui  avait 
vu  payer  devant  lui  un  contrat  oiî  était  stipulé  un  intérêt 
de  250  pour  cent. 

Dans  le  but  de  faire  disparaître  ce  vice,  qui  est  l'une 
des  principales  causes  de  la  misère  de  l'agriculteur  indi- 
gène, le   protectorat  a   institué,  au   cours   des  dernières 

4.  Voir  au  Journal  officiel.  Discours  du  26  janvier  i912. 


l/ AGRICULTURE    INDIGÈNE  89 

années,  des  «  Sociétés  indigènes  de  prévoyance  »  dont  le 
«  fonctionnement   est  ol)ligatoire   poui"  les  indigènes  »  et 
dont  les  «  ressources  sont  alimentées  par  des   centimes 
additionnels  à  l'impôt   direct  ».   M.  Alapetite,  parlant  de 
ces  sociétés  à  la  tribune  de  la  Chambre,  ajouta  :  «  Les 
Sociétés  de  prévoyance  font  l'avance,  au  prix  coûtant,  aux 
indigènes,  des  semences   dont  ils  ont  besoin  si  l'année  a 
été  mauvaise,  ou  même,  quand  l'année  a  été  bonne,  si 
l'indigène  a  eu  l'imprévoyance  de  se  démunir  de  sa  récolte 
avant  le  moment  de  semer  ;  il  a  ainsi  le  grain  nécessaire 
sans  devenir  pour  cela  le  prisonnier  de  l'usurier.    [Très 
bien!  très  bien!)  Malheureusement,  les  premières  années 
qui  ont  suivi  l'institution  des  Sociétés  de  prévoyance  indi- 
gènes ont  été  très  mauvaises,  en  sorte  que,  chaque  fois, 
la  somme  accumulée  par  les  cotisations  des  indigènes  a 
été  absorbée  par  les   prêts   de  semences,  ce   qui  nous  a 
interdit    de    fonder    sur    cette    institution    nouvelle    des 
œuvres  d'une  autre  portée  que  nous  avions  déjà  conçues. 
L'année  1911  a  été  heureusement  très  favorable.  11  a  plu 
beaucoup.    Nous    n'avons    pas    eu    à    faire    de    prêts    de 
semences,  et  nous  avons  ainsi  pu  disposer  des  sommes 
considérables  qui  étaient  déjà  dans  la  caisse  des  Sociétés 
de  prévoyance.  Nous  en  avons  profité  pour  instituer  tout 
de  suite  le  prêt  à  long  terme   au  profit  des  agriculteurs 
indigènes.  [Très  bien!  très  bien!)  Nous  n'avons  pas  pu  le 
faire  tout  de  suite  partout. 

«  Je  nai  pas  besoin  de  faire  remarquer  que  c'est  une 
œuvre  délicate,  qu'il  est  indispensable  d'approprier  aux 
habitudes  spéciales  de  chaque  région.  Nous  avons  com- 
mencé par  les  régions  oii  la  propriété  indigène  était  le 
mieux  et  le  plus  nettement  assise,  oij,  par  conséquent,  le 
gage  à  offrir  était  le  plus  simple.  Et  nous  avons  imaginé 
là,  mettant  à  profit  les  habitudes  de  solidarité  de  la  popu- 
lation indigène,  un  mode  de  gage  qui  remplace  très  heu- 
reusement les  signatures  multiples  que  l'on  demande  dans 
la  métropole.  Nous  avons  décidé  que  tout  contribuable 
appartenant  à  la  Société  indigène  de  prévovance  du  Djerid 
serait  solidaire  de  ses  compatriotes  jusqu'à  concurrence 


90  LA   TUNISIE 

de  deux  années  du  principal  de  l'impôt  direct  qu'il  paye. 
Nous  espérons  bien  que  colle  g-arantie  ne  jouera  pas,  mais 
elle  nous  a  suffi  pour  obtenir  des  élablissements  de  crédit 
qu'ils  missent  à  noire  disposition  les  sommes  dont  nous 
avions  besoin.  Déjà,  la  Société  indigène  du  Djerid  est 
saisie  de  demandes  de  prêts  à  long  terme  pour  plus  de 
500.000  francs.  11  ne  s'agit  pas,  croyez-le  bien,  messieurs, 
d'un  stimulant  donné  à  cette  population  indigène  pour 
l'amener  à  emprunter,  alors  qu'auparavant  elle  n'en  aurait 
pas  senti  le  besoin.  Il  s'agit,  au  contraire,  pour  elle,  de  se 
rédimer  des  dettes  anciennes,  qui  pesaient  si  lourdement 
sur  elle.  Nous  allons  continuer.  Nous  avons  déjà  étendu 
l'institution  des  Sociétés  de  crédit  à  plusieurs  autres  con- 
trôles, à  plusieurs  autres  caïdats.  Nous  sommes  assurés 
que  les  idées  de  saine  raison  économique  se  propageront 
de  plus  en  plus  dans  la  population  indigène  et  aussi,  en 
attendant  que  les  usuriers  disparaissent,  que  nous  allons 
faire  baisser  considérablement  le  taux  de  leurs  prétentions. 
On  me  disait  dernièrement  que,  dans  la  petite  ville  de 
Souk-el-Arba,  tout  près  de  la  frontière  algérienne,  où  il  y 
a  une  population  considérable  d'immigrants  kabyles,  qui 
pratiquent  l'usure,  ces  Kabyles  avaient  été  obligés  de 
repasser  la  frontière,  ne  faisant  plus  leurs  affaires.  Ils  ne 
pouvaient  plus  placer  leur  argent  à  assez  gros  intérêts.  » 
[Très  bien!  très  bien!) 

M.  Alapetite  ne  pouvait  pas  dire  à  la  Chambre  que  la 
création  des  Sociétés  indigènes  de  prévoyance  est  son 
œuvre  et  marqua  l'esprit  de  la  politique  qu'il  se  proposait 
d'appliquer  aux  indigènes.  Le  décret  qui  a  créé  ces  Sociétés 
est  du  20  mai  1907.  (M.  Alapetite  avait  pris  possession  de 
la  résidence  générale  le  7  février  1907.)  Il  assigna  aux 
Sociétés  indigènes  de  prévoyance  le  rôle  complexe  que 
voici  : 

1"  Permettre  à  leurs  adhérents,  par  des  prêts  en 
argent  ou  en  nature,  de  faire  leurs  ensemencements,  de 
développer  et  d'améliorer  leurs  cultures  et  leurs  planta- 
tions, leur  outillage  agricole  et  leurs  troupeaux  ; 

2°  Venir    en  aide,    par  des    secours  temporaires,   aux 


l'agriculture  indigène  91 

indigènes  pauvres,  cultivateurs  ou  ouvriers,  gravement 
atteints  par  les  maladies,  les  accidents,  les  calamités  agri- 
coles, les  épizooties,  etc. 

3"  Contracter  des  assurances  collectives  contre  l'incen- 
die, la  grêle,  etc.  ; 

4"  Grouper  leurs  membres  en  associations  coopératives 
d'achat  et  de  vente. 

Un  décret  du  11  janvier  1911  autorisa,  en  outre,  les 
Sociétés  indigènes  de  prévoyance  à  consentir  à  leurs 
membres  des  prêts  hypothécaires  à  court  ou  à  long  terme. 
Les  emprunteurs  peuvent  ainsi  non  seulement  se  procurer 
les  semences  dont  ils  ont  besoin,  mais  améliorer  leurs  plan- 
tations ou  en  créer  de  nouvelles,  acheter  des  outils  ou  des 
animaux  et,  d'une  manière  générale,  perfectionner  les 
conditions  de  leurs  exploitations  agricoles. 

Le  but  principal  des  Sociétés  indigènes  de  prévoyance 
étant  d'assurer  des  semences  au.v  agriculteurs  indigènes, 
il  leur  a  été  imposé  l'obligation  de  réserver  constamment 
une  partie  de  leur  encaisse  pour  faire  face  aux  demandes 
d'avances  pour  semences.  Le  montant  des  prêts  consentis 
pour  quelque  objet  que  ce  soit  ne  peut  pas  excéder 
60  p.  100  de  la  valeur  des  biens  offerts  en  gage. 

L'État  consent  aux  Sociétés  de  prévoyance  indigènes  et 
aux  associations  coopératives  d'achat  et  de  vente,  des 
avances,  non  productives  d'intérêts,  dont  le  montant, 
pour  les  sociétés  de  prévoyance,  peut  s'élever  jusqu'à 
500.000  francs. 

D'autre  part,  alin  de  permettre  à  ces  Sociétés  de  faire 
des  prêts  hypothécaires,  il  a  été  décidé  par  le  décret  de  1911 
que  l'Etat  pourrait  leur  faire  des  avances  générales,  préle- 
vées sur  les  redevances  annuelles  de  la  Banque  de  l'Algé- 
rie, à  concurrence  de  la  moitié  du  total  cumulé  de  ces 
redevances,  l'autre  moitié  étant  réservée  aux  œuvres  de 
mutualité  créées  par  les  Français  et  ouvertes  aux  indi- 
gènes. Le  même  décret  autorise  les  Sociétés  de  pré- 
voyance indigènes  à  contracter  des  emprunts  auprès  de 
tiers  agréés  par  le  gouvernement,  en  déposant  comme 
gage  tout  ou  partie  de  leur  actif. 


92  LA    TUNISIE 

De  1007  à  19H,  les  Sociétés  de  prévoyance  avaient 
réparti  entre  leurs  adliérenls  pour  4  millions  de  prêts  de 
semences  de  céréales.  En  1912,  elles  en  ont  réparti  pour 
environ  2  millions  de  francs. 

Les  dispositions  du  décret  du  2(5  janvier  1911  ont  été 
d'abord  appliquées  dans  le  Djerid,  puis  étendues  aux  con- 
trôles civils  de  Sousse  et  de  Souk-el-Arba.  Elles  seront 
ultérieurement  appliquées  dans  les  autres  régions  de  la 
Régence.  Dans  le  Djerid  où  le  taux  des  intérêts  était  de 
40  à  50  p.  100,  l'application  du  décret  de  19H  a  fait 
tomber  le  taux  à  des  chiffres  normaux.  11  a,  pendant  la 
guerre,  beaucoup  contribué  au  soulagement  des  misères 
qu'elle  a  déterminées. 

I  X.  —  L'enseignement  agricole,  pour  les  indigènes 

L'organisation  dont  les  écoles  primaires  indigènes  sont 
dotées  depuis  quelques  années,  en  Tunisie,  pourrait  être 
utilement  consultée  par  notre  Ministère  de  l'instruction 
publique,  car  elle  tend  à  faire  des  petits  Tunisiens  non 
point  des  mandarins  comme  le  deviennent  les  meilleurs 
élèves  de  nos  écoles  primaires,  mais  des  agriculteurs  ou 
des  ouvriers.  Dans  le  Rapport  au  président  de  la  Répu- 
blique pour  1909,  je  lis  avec  un  véritable  plaisir  ce  qui 
suit  :  «  Des  notions  de  culture  sont  données  dans  la  plu- 
part des  écoles  de  l'intérieur,  un  certain  nombre  sont 
pourvues  d'un  jardin  et  d'un  petit  champ  de  démonstra- 
tion; l'instituteur  y  établit  la  supériorité  des  méthodes 
culturales  modernes  sur  les  procédés  indigènes...  Des 
jardins  scolaires  ont  été  acquis  à  Kebili,  à  Foum- 
Tatahouine,  à  Djerba,  etc.  On  s'efforcera  d'y  faire  réussir 
la  culture  des  légumes  et  des  primeurs  qui  peut  être  une 
source  de  richesse  pour  la  région  des  oasis  ».  Il  s'agissait, 
on  le  voit,  d'une  œuvre  naissante. 

L'utilité,  la  nécessité  même  en  était  établie  dans  les 
lignes  suivantes  du  rapport,  que  l'on  peut  recommander  à 
la  méditation  de  la  direction  métropolitaine  de  l'enseigne- 
ment primaire  car  elles  s'appliquent  à  un  grand  nombre 


i/aHRICULTURK    INDKiKNK  93 

de  nos  paysans  ol  surtout  à  leur  progéniture  :  «  La  géné- 
ralisation de  ces  etl'orts  s'impose  avec  un  intérêt  d'autant 
plus  pressant  que  l'agriculture  est  en  général  tenue  en 
piètre  estiiiie  par  la  partie  aisée  de  la  classe  indigène  qui 
préfère  les  carrières  administratives  ;  on  voit  trop  souvent 
des  fils  de  gros  agriculteurs  renoncer  à  cultiver  eux- 
mêmes  pour  ne  pas  s'astreindre  aux  travaux  des  champs 
considérés  comme  serviles.  Un  fait  typique  en  passant  : 
quelques  élèves  d'une  école  du  Sud,  au  moment  où  il  fut 
question  de  leur  donner  un  enseignement  horticole  pra- 
tique dans  le  jardin  scolaire,  proposèrent  à  leur  maître  de 
faire  faire  le  travail  pai*  leurs  khammès.  Seule  l'école,  par 
l'action  à  longue  échéance  qu'elle  exerce,  parait  pouvoir 
entreprendre  cette  réhabilitation  de  la  terre  et  arriver  à 
remplacer,  dans  un  laps  de  temps  qui  sera  peut-être  consi- 
dérable, le  fellah  d'aujourd'hui,  obstiné  dans  son  igno- 
rance, par  un  ouvrier  agricole  conscient  de  la  supériorité 
de  nos  procédés  de  culture. 

«  Si  le  zèle  des  instituteurs  actuels  est  à  la  hauteur  de 
cette  tâche,  si  d'autre  part  il  est  relativement  facile  de 
préparer  pour  l'avenir  un  personnel  possédant  toutes  les 
connaissances  techniques  nécessaires  en  faisant  suivre 
aux  élèves-maîtres  les  cours  d'agronomie  professés  au 
collège  Alaoui,  l'instrument  premier  de  cette  réforme  par 
l'enseignement,  le  livre,  fait  encore  défaut;  mais  des 
démarches  sont  entreprises  pour  doter  la  clientèle  indi- 
gène de  nos  écoles  d'un  manuel  d'agriculture  pratique  et 
concis  qui  pourra  d'autre  part,  une  fois  traduit  en  arabe, 
être  répandu  dans  les  milieux  agricoles  et  contribuer  à 
l'instruction  des  adultes.  » 

Le  rapport  de  1910  prouve  que  M.  Alapetite  poursuit 
avec  ténacité  son  but  et  tient  à  faire  de  l'école  primaire 
tunisienne  une  institution  essentiellement  sociale,  pra- 
tique et  utile  aux  indigènes  dans  tout  le  cours  de  leur 
existence.  On  y  lit,  en  effet,  ce  qui  suit  :  «  On  s'est  atta- 
ché à  multiplier  le  nombre  des  jardins  scolaires^  étan^ 
entendu  qu'il  ne  s'agit  plus  de  menus  enclos  consacrés  à 
la  production  de  quelques  fleurs,  mais  de  véritables  petits 


94  LA    TUNISIE 

cliamps  d'expériences,  ou  tout  au  moins  de  démonstration, 
pouvant  servir  à  l'instruction  des  indigènes  adultes  comme 
à  celle  des  élèves.  Actuellement,  sur  48  écoles  rurales 
fréquentées  par  une  majorité  d'mdigènes,  36  possèdent 
des  jardins. 

«  L'effort  a  surtout  porté  sur  le  Sud  où  nos  établisse- 
ments scolaires  doivent  jouer  un  rôle  éducatif  d'autant 
plus  grand  qu'ils  sont  plus  clairsemés,  et  qu'ils  repré- 
sentent à  peu  près  le  seul  instrument  dont  nous  puissions 
nous  servir  pour  civiliser  des  populations  encore  très 
arriérées.  Des  obstacles  sérieux  ralentissent  d'ailleurs 
l'exécution  complète  du  programme  d'enseignement  agri- 
cole qui  conviendrait  à  ces  régions  :  il  est  difficile  de 
trouver  près  des  écoles  des  terrains  convenables,  les  for- 
malités d'acquisition  sont  longues  et  compliquées  et  l'irri- 
gation est  un  problème  toujours  malaisé  à  résoudre.  A 
l'heure  actuelle,  en  dehors  de  El-Adjim,  Ben-Gardane, 
Chenini,  Houmt-Souk,  Foum-Tatahouine,  El-Hamma, 
Kebili,  Médenine,  Nefta,  qui  possèdent  des  jardins,  trois 
centres  plus  importants  ont  été  créés  à  Gabès,  Gafsa  et 
Zarzis.  Dans  chacune  de  ces  oasis  un  grand  champ  d'expé- 
riences a  été  acquis  par  la  Direction  de  l'Agriculture,  une 
partie  en  a  été  cédée  à  celle  de  l'Enseignement,  et  des 
notions  pratiques  y  sont  données,  soit  par  l'instituteur, 
soit  par  un  jardinier,  aux  enfants  des  écoles  et  aux 
adultes,  pour  lesquels  des  conférences  spéciales  sont 
organisées.  On  s'efforce  d'amener  les  indigènes  à  la  cul- 
ture des  primeurs,  et  on  leur  enseigne  les  procédés  de 
l'arboriculture,  deux  sources  d'enrichissement  possible 
pour  les  oasis. 

«  Dans  le  Nord,  où  la  colonisation  française  est  établie, 
des  essais  d'apprentissage  agricole  cliez  des  colons  de 
bonne  volonté  ont  été  tentés.  Quelques  exemples  peuvent 
être  cités  de  ce  qui  a  été  fait  dans  cette  région.  A  Grom- 
balia,  quatre  jeunes  gens  qui  suivent  les  cours  de  l'école, 
choisis  parmi  les  fils  de  cultivateurs,  ont  été  placés  ciiez 
des  colons  du  voisinage.  Ils  s'y  rendent  trois  fois  par 
semaine,  le  matin,  et  effectuent,  tour  à  tour,  sous  la  direc- 


L  AGRICULTURE    INDIGENE  95 

tion  du  chef  de  l'exploitation,  tous  les  travaux  agricoles. 
A  leur  rentrée  en  classe,  le  maître  leur  enseigne  la  théo- 
rie des  notions  pratiques  acquises  à  la  ferme.  Une  tentative 
du  même  genre  a  été  organisée  à  Béjà.  On  s'occupe  de 
faire  un  essai  semblahle  à  Zaghouan.  A  Soliman,  pays  de 
terres  fertiles  et  de  culture  maraîchère  intensive,  l'institu- 
teur s'est  fait  donner  par  un  gros  cultivateur  indigène  la 
disposition  d'une  partie  de  sa  propriété  jusque-là  cultivée 
à  l'Arabe.  Aidé  par  ses  élèves,  il  l'a  transformée  en  un 
véritable  champ  d'expériences  ;  il  cultive,  remet  au  proprié- 
taire les  fruits  de  l'exploitation,  bien  supérieurs  aux  pro- 
duits des  terres  voisines,  et  convoque  périodiquement  les 
notables  de  la  localité  à  cette  démonstration  éclatante  de  la 
supériorité  des  cultures  modernes. 

«  Dans  le  Sahel,  deux  anciens  élèves  de  Lansarine, 
nommés  moniteurs  de  culture,  ont  été  affectés,  chacun  à 
un  groupe  d'écoles  rurales  dont  ils  doivent  visiter  tour  à 
tour  les  jardins. 

«  La  réorganisation  de  l'école  d'agriculture  indigène 
de  Lansarine  a  permis  de  fonder  à  Smindja,  près  de  Zag- 
houan, avec  le  concours  de  Tadministration  des  Habous, 
la  ferme-école  de  Sidi-Nasseur,  ouverte  en  octobre  1914. 
C'est  une  école  spéciale  d'agriculture,  annexée  à  une 
exploitation  modèle,  oi^i  l'on  complète  les  notions  agricoles 
élémentaires  données  dans  les  écoles  franco-arabes.  On 
se  propose,  par  un  enseignement  d'un  caractère  avant  tout 
pratique,  de  former  une  élite  d'agriculteurs  indigènes, 
recrutés  parmi  les  fils  de  propriétaires  fonciers  musulmans, 
en  leur  montrant  comment  améliorer  les  méthodes  des 
cultivateurs  indigènes  et  par  là  comment  augmenter  le 
rendement  des  terres.  La  durée  des  études  est  de  trois  ans  ; 
les  promotions  se  composent  chacune  d'une  vingtaine 
d'élèves.  » 

L'administration  a  dû,  en  effet,  se  préoccuper  d'ad- 
joindre aux  instituteurs  des  jardiniers  ayant  les  connais- 
sances techniques  que  la  pratique  seule  permet  d'acquérir. 
On  lit,  à  cet  égard  dans  le  Rapport  au  président  de  la 
République  pour  1912  :  «  En  organisant  l'apprentissage 


90  LA    TUNISIE 

agricole  dans  certains  jardins  d'essais,  radministralion 
compte  bien  que  les  futurs  jardiniers  à  adjoindre  aux  ins- 
tituteurs des  écoles  rurales  pourront  se  recruter  parmi  les 
jeunes  gens  qui  font  aujourd'hui  cet  apprentissage  à  Tunis, 
Kairouan,  Sousse  <'t  Gabt'S,  ainsi  qu'à  Sfax  oij  une  section 
d'apprentis  a  été  constituée  au  jardin  d'essais  dansles  mêmes 
conditions  qu'à  Tunis.  En  décembre  1912,  l'effectif  total 
de  ces  diverses  sections  d'apprentissage  agricole  s'élevait 
à  55  apprentis,  dont  25  àGabès...  On  peut,  dès  maintenant, 
prévoir  le  moment  prochain  oi^i  la  section  agricole  de 
Gabès  —  avec  internat  —  constituera,  pour  l'Extrême- 
Sud,  le  centre  où  les  indigènes  viendront  s'initier  à  la 
culture  en  oasis.  Peut-être  deviendra-t-elle  un  jour  la 
pépinière  où  pourront  se  recruter  les  moniteurs  agricoles 
et  les  jardiniers  indigènes  à  adjoindre  aux  instituteurs 
ruraux  du  Sud  ». 

D'après  le  même  Rapport  :  «  A  la  fin  de  1912,  sur 
76  écoles  de  garçons  fréquentées  par  une  majorité  d'indi- 
gènes, dont  67  écoles  rurales,  50  de  ces  dernières  possé- 
daient des  jardins  ou  champs'  d'expériences  représentant 
une  superficie  totale  de  31  hectares  ». 

L'organisation  de  l'enseignement  pratique,  dans  les 
écoles  de  la  Tunisie,  se  poursuit  donc  activement  d'année 
en  année,  pour  le  plus  grand  profit  des  indigènes  et  de 
l'agriculture  indigène. 

Il  importe  de  noter  que  les  indigènes  ne  sont  pas  du  tout 
rebelles  à  l'adoption  des  procédés  de  culture  et  de  l'outil- 
lage agricole  des  Européens.  Les  colons  se  félicitent  géné- 
ralement des  services  qui  leur  sont  rendus  par  leurs 
ouvriers  et  employés  indigènes.  Ceux  qui  ont  bien  voulu 
s'en  donner  la  peine  sont  parvenus  à  leur  faire  faire  la  plu- 
part des  besognes  qui,  au  début  de  la  colonisation,  étaient 
exécutées  par  des  Européens.  M.  Coeytaux  dit  au  sujet  de 
l'adoption  par  les  indigènes  de  nos  procédés  de  culture  :  «  Je 
constate  aussi  que  les  indigènes  ne  sont  pas  réfractaires  au 
progrès;  ils  ont  constaté  que  les  bonnes  cultures  étaient 
préférables  à  celles  rudimentaires  qu'ils  ont  pratiquées 
jusqu'à  ce  jour.  Plusieurs   fellahs  m'ont  chargé  de  leur 


L  AGRICULTURE    INDIGÈNE  97 

procurer  des  charrues  vigneronnes  ;  maintenant  il  y  a  autour 
de  chez  moi  plus  de  30  de  ces  instruments.  Ils  ne  se  sont 
pas  encore  mis  aux  labours  de  printemps,  mais  cela  viendra 
peut-être  bientôt  '  «. 

1.  Voir  :  G.  Loth,  L'Enflda  et  Sidi-Taôel,  p.  la'i. 


J.-L.  Dk  La.nkss.vn.  —  La  Tiiui: 


CHAPITRE   V 

L'INDUSTRIE  INDIGÈNE 


Un  jjKLil  (lire  (jue,  sans  être  abàoluiiienl  nulle,  Tinduslrie 
indigène  est  aussi  rudimentaire  que  possible. 

L'huilerie  est,  de  beaucoup  l'industrie  indigène  la  plus 
importante;  c'est  celle  dont  la  transformation  par  les 
Européens  était  susceptible  de  donner  les  résultats  les  plus 
immédiats;  aussi  est-ce  vers  elle  que  se  sont  portés  les 
premiers  eflbrts  de  nos  compatriotes. 

L'installation  d'une  huilerie  indigène  est  aussi  simple 
que  possible.  Elle  se  compose  essentiellement  d'une 
chambre  obscure  pour  conserver  les  olives,  d'un  moulin 
et  d'une  presse.  Aussitôt  après  la  récolte,  on  entasse  les 
olives  dans  la  chambre  obscure,  en  ayant  soin  de  faire 
alterner  une  couche  d'olives  avec  une  couche  de  sel.  On 
laisse  mariner  les  fruits  pendant  trois  ou  quatre  mois. 
Sous  l'action  combinée  du  ramollissement  qu'elles  subissent 
et  du  sel  avec  lequel  on  les  a  mélangées,  les  olives  per- 
dent une  grande  partie  de  leur  eau;  celle-ci  s'écoule  par  le 
fond  de  la  chambre  obscure  dans  un  réservoir  creusé  au 
dehors  en  entraînant  une  petite  quantité  d'huile  qui  flotte, 
en  vertu  de  sa  moindre  densité,  à  la  surface  de  l'eau  où 
l'on  a  soin  de  la  recueillir.  Ajoutons  que  les  olives  moi- 
sissent et  fermentent,  et  que  l'huile  contenue  dans  leurs 
tissus  devient  plus  ou  moins  l'ance  avant  même  d'avoir  été 
extraite. 

Lorsqu'on  estime  la  perte  d'eau  suffisante,  c'est-à-dire 
au  bout  de  trois  ou  quatre  mois,  on  met  les  olives  dans  le 
moulin.  Celui-ci  se  compose  d'une  simple  auge  en  pierre 


I.INDUSÏRIE    INDIGÈNE  99 

dans  laquelle  tourne  une  meule  verticale  mue  par  un 
homme,  un  cheval,  un  chameau  ou  un  âne.  La  meule 
broie  à  la  fois  la  pulpe  et  le  noyau,  au  grand  détriment  de 
la  saveur  de  l'huile,  qui,  du  reste,  comme  nous  l'avons 
dit,  est  déjà  rance. 

La  pulpe  obtenue  par  le  broyage  est  mise  dans  des  sacs 
en  Jonc  et  soumise  à  une  presse  à  vis  en  bois  assez  sem- 
blable par  la  forme  à  celles  dont  on  fait  usage  en  France. 
Souvent  la  presse  se  compose  simplement  de  deux  pièces 
de  bois  dont  l'une  est  pressée  contre  l'autre  par  un  levier 
formé  d'un  tronc  d'arbre.  J'ai  particulièrement  remarqué 
ce  système  rudimenlaire  dans  les  montagnes  des  Matmatas. 
Quelle  que  soit,  d'ailleurs,  la  presse  employée,  elle  est 
toujours  trop  faible  pour  extraire  de  l'olive  toute  l'huile 
qu'elle  contient,  et  les  marcs  ou  grignons  qu'elle  laisse 
sont  assez  riches  en  huile  pour  être  susceptibles  de  donner 
de  beaux  bénéfices  à  celui  qui  sait  les  utiliser. 

Dans  les  environs  de  Tunis,  le  gouvernement  fournis- 
sait autrefois  les  moulins  à  huile  ;  on  peut  même  dire  que 
les  propriétaires  étaient  obligés  d'aller  faire  moudre  et 
presser  leurs  olives  dans  des  huileries  gouvernementales. 
Cette  méthode  avait  été  adoptée  afin  de  faciliter  la  percep- 
tion des  impôts.  En  effet,  au  moment  de  la  trituration  des 
olives,  le  fermier  de  l'achour  percevait  11  p.  100  en 
nature  sur  le  pi'oduit  fabriqué. 

Le  gouvernement  tunisien  a  cessé  de  fournir  les  moulins 
à  huile.  Il  y  a  beaucoup  d'huileries  modernes  en  Tunisie, 
même  chez  les  indigènes. 

Dans  les  parties  de  la  Tunisie  où  l'impôt  des  oliviers  est" 
payé  par  pied  d'arbre,  comme  dans  le  Sahel,  la  fabrication 
de  l'huile  est  entièrement  libre  ;  le  propriétaire  paie  à  l'in- 
dustriel qui  broie  ses  fruits,  sous  sa  surveillance,  une  cer- 
taine redevance  calculée  d'après  leur  poids  au  moment  de 
la  trituration.  La  diminution  de  poids  que  subissent  les 
olives  en  perdant  leur  eau  pendant  la  macération  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  entraînant  une  diminution  propor- 
tionnelle de  la  redevance  due  au  moulinier,  il  est  probable 
que  l'intérêt  est  la  cause    principale  de  l'habitude  qu'on 


iOO  LA    TUNISIE 

les  indigènes  de  faire  macérer  leurs  olives  avant  d'en 
extraire  lliuile.  Il  me  parait,  en  eifet,  dit'lieile  de  croire 
que  cette  habitude  résulte  d'un  goût  particulier  qu'ils 
auraient  pour  l'huile  rance.  Quoi  qu'il  en  soit,  ils  y  restent 
fidèles,  même  dans  les  lieux  oii  les  Européens  mettent  à 
leur  disposition  des  moyens  perfectionnés  de  fabrication. 
«  J'ai  pu  voir,  disais-je  dans  la  première  édition  de  ce 
livre,  près  de  Tunis,  une  usine  mue  par  la  vapeur  dans 
laquelle  les  Arabes  portent  leurs  olives  à  triturer,  et  où  Ton 
a  dû  mettre  à  leur  disposition  des  chambres  de  macéra- 
tion. En  modifiant  la  base  de  la  redevance  pour  la  fabri- 
cation, en  la  faisant  payer,  par  exemple,  d'après  la  quantité 
d'huile  obtenue  et  non  d'aprjs  le  poids  des  olives,  on 
amènerait  peut-être  les  indigènes  à  renoncer  à  un  procédé 
qui  rend  leur  huile  absolument  impropre  à  l'alimentation 
des  Européens.  Mais  il  est  encore  préférable  de  créer  des 
huileries  perfectionnées,  achetant  les  olives  aux  proprié- 
taires indigènes.  »  C'est  ce  qui  s'est  produit. 

La  tannerie  est,  après  l'huilerie,  l'industrie  indigène  la 
plus  importante  de  la  Tunisie.  Elle  n'est,  d'ailleurs,  pas 
moins  rudimentaire  que  la  précédente.  Les  écorces  tan- 
nantes employées  sont  surtout  celles  du  pin  d'Alep  et  du 
grenadier.  Les  fosses  ou  cuves  dont  on  fait  usage  en  Eu- 
rope pour  le  traitement  des  peaux  par  la  chaux  d'abord, 
et  par  les  écorces  tannantes  ensuite,  sont  remplacées  par 
des  jarres  d'une  contenance  d'environ  centcinquante  litres. 
On  débarrasse  les  peaux  de  la  chaux  qu'elles  ont  absorbée 
en  les  traitant  par  de  la  fiente  de  chien  ;  le  lavage  des  peaux 
est  fait  à  l'eau  salée  ;  quant  au  tannage  proprement  dit,  il 
y  est  procédé  à  l'aide  d'un  extrait  liquide  d'écorce  de  gre- 
nadier ou  de  pin  d'Alep.  On  teint  ensuite  les  cuirs  en  jaune 
ou  en  rouge  pour  la  fabrication  des  babouches.  A  Tunis, 
à  Sfax,  et  dans  quelques  autres  villes,  la  tannerie  offre  une 
certaine  importance,  mais  partout  elle  emploie  les  mêmes 
procédés.  Ceux-ci,  en  élevant  le  prix  de  la  main-d'œuvre, 
donnent  au  produit  une  valeur  qui  ne  lui  permet  pas  de 
lutter  contre  les  cuirs  européens.  La  plupart  des  Tunisiens 
riches   ont,  d'ailleurs,  renoncé  aux  babouches  jaunes   ou 


L  INDUSTRIE    INDIGÈNE  101 

rouges  de  leurs  ancêtres  et  portent  des  pantoufles  ou  des 
souliers  fabriqués  avec  un  cuir  verni,  d  origine  française 
ou  italienne. 

«  Rien  ne  serait  plus  aisé,  disais-je  dans  la  première 
édition  de  ce  livre,  que  de  créer  en  Tunisie  des  tanneries 
perfectionnées.  Un  tan  d'excellente  qualité  serait  fourni  par 
Fécorce  des  chênes  du  Nord  de  la  Réo^ence  ;  quant  aux 
peaux  de  bœufs,  de  moutons,  de  ciievreaux,  etc.,  elles  sont 
très  abondantes. 

La  troisième  industrie  indigène  de  quelque  importance 
est  la  teinturerie.  Celle  de  Zaghouan,  pour  les  chéchias, 
était  la  plus  renommée.  On  attribuait  la  qualité  de  ses  pro- 
duits àTeau  qui  descend  des  montagnes  s'élevant  derrière 
la  ville.  Aujourd'hui  il  n'y  "a  plus  de  teintureries  à 
Zaghouan. 

A  Sfax  il  existe  des  teinturiers  indigènes  qui  teignent 
chaque  année  une  grande  quantité  de  cotonnades  dont  la 
majeure  partie  vient  d'Angleterre.  La  couleur  bleue  est 
presque  la  seule  donnée  à  ces  étoffes,  qui  sont  destinées 
aux  vêtements  des  femmes  de  la  campagne  ;  elle  est  obtenue 
par  Findigo. 

Nous  trouvons  ici  un  exemple  du  goût  très  particulier 
qu'ont  les  habitants  du  continent  africain  pour  les  teintures 
de  bonne  qualité.  A  la  côte  occidentale  d'Afrique  comme 
en  Tunisie,  ils  ne  se  préoccupent  que  fort  peu  de  la  soli- 
dité de  Fétoffe,  mais  ils  repoussent  absolument  celle  qui 
n'est  pas  teinte  à  l'aide  de  Findigo. 

Comme  les  industries  dont  nous  avons  déjà  parlé,  la 
teinturerie  tunisienne  n'emploie  que  des  procédés  très  pri- 
mitifs. L'outillage  se  compose  principalement  de  cinq 
jarres  d'une  contenance  moyenne  de  cent  litres,  renfer- 
mant des  bains  de  différentes  forces  par  lesquels  on  fait 
passer  successivement  les  pièces  de  cotonnade.  Chaque 
série  de  bains  sert  à  teindre  dix  pièces.  La  réduction 
de  Findigo  est  obtenue  à  Faide  de  la  chaux. 

Les  ouvriers  teinturiers  indigènes  ne  manquant  pas  en 
Tunisie,  et  ayant  l'habitude  de  se  contenter  d'un  salaire 
minime,  il  n'est  pas  douteux  qu'il  serait  aisé  de  donner  à 


102  LA    TUNISIE 

l'industrie  de  la  teinture  une  vigoureuse  impulsion  avec 
la  certitude  de  réaliser  de  jolis  bénéfices.  Mais  il  faudrait 
s'appliquer  à  imiter  très  exactement  les  procédés  indigènes, 
afin  de  ne  pas  perdre  la  clientèle  très  méfiante  des  teintu- 
reries actuelles. 

Le  tissage  du  colon,  de  la  laine  et  même  dç  la  soie  est 
très  répandu  dans  les  diverses  parties  delà  Régence,  mais 
on  n'y  fait  que  très  peu  d'étoffes  de  prix;  celles  que  portent 
les  indigènes  viennent  presque  toutes  d'Europe. 

On  trouve  des  tisserands  dans  toutes  les  villes,  jusque 
dans  les  gourbis  des  campagnards  et  sous  les  tentes  des 
tribus  nomades.  Les  métiers  sont  extrêmement  rudimen- 
taires,  mais  les  ouvriers  sont  assez  habiles.  Les  tapis  de 
Kairouan  et  les  couvertures  de  Djerba  jouissent  avec  raison 
d'une  certaine  renommée.  Les  burnous  de  laine  fabriqués 
par  les  nombreux  tisserands  de  Ksour-Métameur  et  de 
Ksour-Médénine  sont  grossiers,  il  est  vrai,  mais  d'une 
extrême  solidité.  Les  étoffes  légères  à  bandes  de  soie  rouge 
ou  bleue  alternant  avec  des  bandes  blanches  de  coton 
grossièrement  filé,  qui  sortent  des  mains  des  ouvriers  de 
Tunis  et  de  quelques  autres  villes,  ne  manquent  pas  de 
caractère.  Les  lainages  blancs  avec  lesquels  sont  faits  la 
majeure  partie  des  burnous  sont  solides  et  souples.  En  un 
mot,  si  le  métier  est  mauvais,  on  peut  dire  sans  exagéra- 
tion que  l'ouvrier  est  bon. 

Mais  le  travail  manque  chaque  jour  davantage  au  tisse- 
rand indigène.  L'extrême  simplicité  des  métiers  mis  en 
œuvre  entraîne  une  lenteur  de  fabrication  qui  élève  con- 
sidérablement le  prix  du  produit  et  le  met  hors  d'état  de 
lutter  contre  les  tissus  moins  solides,  mais  beaucoup  moins 
chers  et  plus  séduisants  à  IVeil  des  industries  européennes 
qui  envahissent  le  marché  tunisien.  On  importe  dans  la 
Régence  non  seulement,  les  cotonnades  destinées  à  la  con- 
fection des  vêtements  des  indigènes,  mais  même  les  tapis 
et  les  étoffes  plus  riciies  que  recherchent  les  amateurs  et 
que  ceux-ci  achètent  dans  les  magasins  de  la  Tunisie 
croyant  qu'ils  ont  été  fabriqués  dans  le  pays. 

«  Il  serait  cependant  possible,  à  notre  avis,  disais-je-, 


l'industrie    INDKiKNK  103 

dans  la  première  édition,  d'utiliser  les  tisserands  tunisiens 
pour  le  plus  grand  profit  de  leur  pays  et  des  capitaux 
français.  11  serait  facile  de  les  iiabituer  à  se  servir  dun 
métier  plus  perfectionné,  et  l'on  pourrait  alors  les  appli- 
quer à  la  fabrication  d'étoffes  que  la  Tunisie  achète  aujour- 
d'hui aux  Anglais.  Avec  des  avances  de  fonds  permettant 
à  l'ouvrier  d'acheter  un  outil  meilleur,  et  moyennant  la 
fourniture  de  la  matière  première,  un  industriel  habile 
bénéficierait  de  l'excessif  bon  marché  de  la  main-d'œuvre 
indigène.  Je  me  borne  à  soulever  ici  cette  question,  lais- 
sant aux  intéressés  le  soin  de  l'approfondir.  » 

A  côté  du  tissage,  nous  devons  parler  de  la  fabrique 
tunisienne  des  chéchias.  La  chéchia,  que  portent  tous  les 
indigènes,  sans  distinction  de  catégories  sociales,  diffère 
de  celle  des  autres  pays  musulmans.  Au  lieu  de  h^  forme 
en  tronc  de  cône  qu'affecte  le  bonnet  des  Turcs,  des  Egyp- 
tiens, des  Algériens,  etc.,  elle  est  tout  à  fait  cylindrique 
et  surmontée  d'un  petit  appendice  qui  sert  de  support  à 
un  gland  toujours  très  long  et  très  gros,  teint  en  bleu 
indigo.  Ces  chéchias  sont  fabriquées,  ou,  du  moins,  étaient 
autrefois  exclusivement  fabriquées  à  Tunis  et  teintes  en 
rouge  par  la  garance  de  Zaghouan.  C'était  pour  ces  deux 
villes  une  source  importante  de  richesse.  Mais  cette 
industrie  dépérit  comme  celles  dont  nous  avons  déjà  parlé 
et  pour  les  mêmes  motifs.  Fabriquées  à  l'aide  de  procédés 
très  primitifs,  les  chéchias  de  Tunis  coûtent  trop  cher 
pour  faire  concurrence  à  celles  qu'on  importe  du  dehors. 
Dans  cette  industrie  comme  dans  la  précédente,  l'ouvrier 
étant  d'une  réelle  habileté,  le  bas  prix  relatif  de  la  main- 
d'o^uvre  permettrait  à  un  industriel  français  de  faire  valoir 
avec  avantage  ses  capitaux. 

Parmi  les  anciennes  industries  tunisiennes,  il  en  est  une 
particulièrement  intéressante  :  c'est  celle  de  la  fabrication 
des  faïences  peintes  et  émaillées  qui  décorent  le  sol  et  les 
murs  de  tous  les  anciens  palais.  Les  Italiens  inondent 
depuis  longtemps  la  Tunisie  de  carreaux  à  bas  prix,  devant 
lesquels  ont  définitivement  succombé  les  produits  beau- 
coup plus  beaux,  mais  aussi  beaucoup  plus  chers  de  l'in- 


104  LA    TUNISIE 

dustrie  locale.  Kn  laveui'  de  la  nécessité  du  relèvement 
de  celle-ci,  il  importe  de  noter  la  persistance  du  goût  des 
riches  tunisiens  pour  les  faïences  émaillées.  Tous  les 
appartements  des  riches  maisons  tunisiennes  sont  carrelés 
et  souvent  tapissés  à  l'aide  de  ces  faïences,  fournies  actuel- 
lement par  l'Italie. 

Quant  aux  ouvriers  capables  de  creuser  dans  le  plâtre 
les  magnifiques  arabesques  dont  sont  ornés  la  plupart  des 
vieux  plafonds  des  palais  tunisiens  il  n'en  existe  plus  qu'un 
petit  nombre.  Je  crois  savoir  que  l'administration  actuelle 
du  Protectorat  se  préoccupe  de  relever  cette  fort  intéres- 
sante industrie. 

En  résumé,  les  industries  indigènes  de  la  Tunisie,  après 
avoir  joui  d'une  assez  grande  prospérité,  sont  tombées  en 
décadence.  «  Il  serait  aisé,  disais-je  dans  la  première 
édition  de  ce  livre,  de  les  relever.  »  Des  tentatives  ont 
été  faites,  depuis  quelques  années,  pour  restaurer  un 
certain  nombre  d'entre  elles.  En  même  temps  que  M.  Ala- 
petite  se  préoccupait  de  l'enseignement  agricole  des  indi- 
gènes, il  s'attachait  à  créer,  dès  l'école  primaire,  des 
ouvriers  pour  les  diverses  industries.  Des  résultats  notables 
ont  été  déjà  obtenus  pour  la  pêche,  le  tissage,  les  tapis,  la 
broderie  sur  étoffes  et  cuirs,  les  faïences,  etc. 

On  lit  à  ce  sujet  dans  le  Rapport  sur  l'année  1910  les 
renseignements  que  voici  :  «  L'école  de  pêche  et  de  navi- 
gation dirigée  à  Sfax  par  M.  Gapriata  fonctionne  comme 
établissement  de  second  degré.  La  direction  de  l'En- 
seignement étudie,  de  concert  avec  celle  des  Travaux 
publics,  le  programme  dun  enseignement  spécial  qui  y 
serait  donné  en  vue  de  former  des  instituteurs  pour  les 
écoles  du  littoral.  Les  connaissances  acquises  trouve- 
raient leurs  sanctions  dans  un  diplôme  spécial,  délivré 
en  fin  d'études. 

«  L'enseignement  du  tissage,  industrie  qui  occupe  beau- 
coup d'ouvriers  en  Tunisie,  mais  qui  est  pratiquée  au 
moyen  de  procédés  tout  à  fait  défectueux,  a  été  développé, 
à  Tunis,  à  l'Ecole  Emile-Loubet,  et  organisé  à  Ksar- 
Hellal  (Sahel).  A  Tunis,  à  l'atelier  de  tissage  de  l'Ecole 


L  INDUSTRIE    INDir.KNE  dOS 

professionnelle,  les  résultats  attendus  de  la  présence  des 
élèves  adultes  se  sont  déjà  produits.  » 
•  L'atelier  de  tissage  de  l'Ecole  Emile-Louhet  a  été  ouvert 
le  1"'  octobre  1909.  Il  a  des  cours  de  jour  qui,  en  1910, 
furent  suivis  par  une  dizaine  d'élèves  indigènes,  et  des 
cours  du  soir  fréquentés,  la  môme  année,  par  une  soixan- 
taine d'élèves.  Le  rapport  de  1910  dit  à  ce  sujet  :  «  Les 
résultats  espérés  lors  de  l'installation  de  l'atelier  commen- 
cent à  se  manifester.  Par  les  soins  de  l'Ecole,  des  métiers 
à  bras  lyonnais  ont  été  achetés  et  revendus  aux  indigènes 
qui  en  désiraient,  dans  des  conditions  très  avantageuses 
et  avec  facilités  de  paiement...  Quelques  indigènes  ont 
modifié  leurs  anciens  métiers  d'après  ceux  qu'ils  avaient 
vu  fonctionner  à  l'école  n. 

A  Ksar-Hellal,  centre  d'un  pays  oi^i  le  tissage  du  coton 
est  beaucoup  pratiqué,  il  a  été  adjoint  à  l'école  un  atelier 
oii  furent  installés,  en  1910,  un  métier  de  Lyon  pour  les 
étoffes  de  soie  et  un  métier  d'Orléans  pour  les  cotonnades. 
A  la  tète  de  l'atelier  se  trouve  un  moniteur  indigène, 
ancien  élève  de  l'Ecole  Emile-Loubet  ;  il  enseigne  le  tis- 
sage, théoriquement  et  pratiquement,  aux  élèves  de  l'école 
et  aux  adultes  de  la  localité,  qui  viennent  suivre  ses 
leçons.  Les  tisserands  de  la  région  ont  commencé  d'appli- 
quer sur  leurs  vieux  métiers  les  procédés  modernes  ensei- 
gnés à  l'école  et  quelques-uns  ont  acheté  des  métiers 
français. 

L'industrie  des  tapis  a  été  l'objet  de  mesures  analogues 
à  celles  dont  il  est  question  ci-dessus.  Le  rapport  pour  1910 
dit  à  propos  des  tapis  de  Kairouan  :  «  De  nombreuses 
maquettes  en  couleur,  reproduisant  des  dessins  de  tapis 
anciens,  ont  été  mises  à  la  disposition  des  ouvrières.  Des 
métiers  nouveaux,  de  modèles  divers,  leur  ont  été  cédés. 
Ln  appui  efficace  a  été  prêté  à  la  Manufacture  de  tapis, 
société  essentiellement  indigène,  pour  l'installation  d'une 
teinturerie  moderne  ». 

La  commission  de  relèvement  des  arts  indigènes  s'est 
également  préoccupée  des  tapis  d'El-Oudref  (oasis  voisine 
de  Gabès)  et  des  tribus  nomades  des  Zlass  (centre  tuni- 


lOti  •        LA    TUNISIK 

sien).  Des  avances  en  argent  ont  été  faites  et  des  métiers 
nouveaux  ont  été  cédés  aux  indigènes. 

On  s'est  préoccupé  aussi  d'enseigner  la  fal)rication  des 
tapis  aux  filles  indigènes  des  écoles  primaires.  «  En  raison 
de  la  vogue  croissante  dont  les  produits  jouissent  en 
Europe,  dit  le  rapport  pour  1010,  cette  industrie  familiale 
peut  devenir  une  profession  rémunératrice  pour  la  femme 
musulmane,  que  sa  claustration  met  dans  l'impossibilité 
de  gagner  sa  vie  au  dehors.  » 

Le  rapport  pour  1912  dit  encore  :  «  Etudiant  les  movens 
de  relèvement  de  l'industrie,  autrefois  florissante  à  Kai- 
rouan,  du  tissage  des  étoffes  de  laine  et  notamment  des 
couvertures,  nous  cherchons  à  introduire  dans  cette  ville 
un  nouveau  type  de  métier  adapté  à  ce  tissage  spécial... 
Des  apprentis  kairouannais  venus  à  Tunis  pour  s'exercer 
à  l'usage  du  nouveau  métier,  sont  prêts  à  rentrer  à  Kai- 
rouan  où  ils  l'emploieront...  Des  démarches  sont  faites 
auprès  de  l'administration  des  Habous  pour  qu'elle  veuille 
bien  substituer  dès  maintenant  le  nouveau  métier  à  l'an- 
cien dans  les  ateliers  de  tissage  qu'elle  loue  elle-même, 
outillage  compris,  aux  artisans  de  Kairouan.  On  a  créé 
également  à  Kairouan  un  petit  atelier  de  démonstration 
pour  le  tissage,  annexé  au  laboratoire  de  teinture.  Les 
leçons  pratiques  du  moniteur  de  cet  atelier  doivent 
s'adresser  aux  élèves  de  l'école  franco-arabe,  à  des  apprentis 
et  à  des  tisserands  adultes  ». 

Cette  préoccupation  fort  sage  a  déterminé  l'administra- 
tion de  M.  Alapetite  à  multiplier  autant  que  possible  les 
écoles  de  fdles  musulmanes,  en  leur  faisant  donner  un 
enseignement  pratique.  Au  31  décembre  VM2  il  existait 
de  ces  écoles  dans  8  centres  et  elles  avaient  613  élèves, 
dont  78  à  Tunis,  112  à  Nebeul,  io2  à  Kairouan,  82  à 
Sousse,  72  à  Soliman,  etc.  A  Nebeul  l'enseignement  de 
la  broderie  et  de  la  dentelle  «  a  pris,  dit  le  Rapport,  le 
caractère  vraiment  utilitaire  d'une  production  industrielle 
régulière,  permanente  et  aux  débouchés  assurés  ». 

Afin  de  faire  connaître  les  produits  de  ces  industries,  il 
a  été  créé,  dans  un  grand  magasin  de  Tunis,  un  dépôt  des 


I.  INDUSTRIE     INDIGÈNE  107 

tapis  (le  Rairouan  et  des  autres  localités  citées  plus  haut  ; 
mais  leur  entrée  en  France  est  rendue  difficile  par  un  droit 
de  douane  excessif  (5,50  par  mètre  carré). 

La  poterie  et  la  céramique  tunisiennes  ont  été  aussi 
l'objet  de  mesures  ayant  pour  objet  de  les  relever.  «  A 
Nebeul,  dit  le  Rapport  pour  1910,  centre  de  cette  fabrication, 
des  élèves  de  l'école  primaire  ont  été  placés  en  apprentis- 
sage dans  les  usines  oii  l'on  n'emploie  que  la  main-d'œuvre 
indigène  et  oii  l'on  remet  en  usage  les  procédés  et  les 
dessins  anciens.  Aujourd'hui,  les  produits  obtenus,  notam- 
ment les  panneaux  de  faïence,  peuvent  rivaliser  avec  les 
très  belles  productions  dupasse.  » 

On  n'a  pas  essayé  de  restaurer  l'art  des  arabesques,  a  II 
eût  été  chimérique,  dit  le  Rapport  pour  1910,  de  prétendre 
ressusciter  certains  travaux  d'art  comme  ceux  des  sculp- 
tures sur  plâtre  (nakatp),  très  beaux  en  eux-mêmes,  mais 
que  leur  prix  de  revient  trop  élevé  rend  inabordables  aux 
budgets  actuels,  publics  ou  privés.  Les  merveilles  de  ce 
genre  qui  existent  en  Tunisie  dans  les  palais,  les  mosquées 
ou  les  habitations,  doivent  être  protégées  et  conservées 
par  les  soins  de  l'Etat,  toutes  les  fois  que  son  interven- 
tion est  possible,  comme  des  vestiges  précieux  du  passé  ; 
il  ne  peut  être  question  d'en  favoriser  la  production  à 
l'avenir.  » 

Tandis  que  l'administration  de  M.  Alapetite  s'efforçait 
d'organiser  l'enseignement  professionnel,  soit  dans  les 
Ecoles  spéciales  comme  l'Ecole  Emile-Loubet  de  Tunis, 
soit  dans  les  écoles  primaires,  elle  donnait  des  soins  à  la 
formation  d'apprentis  indigènes  dans  les  divers  métiers.  Il 
y  eut  des  résistances  à  vaincre  pour  réaliser  ces  œuvres, 
en  raison  du  dédain  dans  lequel  les  indigènes  tiennent 
les  travaux  manuels.  Cependant,  la  nécessité  de  vivre  a 
commencé  de  leur  faire  comprendre  les  avantages  qu'ils 
trouveraient  dans  la  connaissance  de  professions  devant 
lesquelles  les  Européens  ne  reculent  pas.  Il  a  été  possible, 
depuis  1909,  de  former  des  apprentis  à  Tunis,  à  Béja,  à 
Bizerte,  à  Kairouan,  à  Nebeul,  etc.,  pour  les  métiers  de  la 
menuiserie,  de  la  ferblanterie,  de  la  serrurerie,  des  forge- 


i08  LA    TUNISIE 

rons  marécliaux-ferrants,  etc.  Un  internat  a  été  ouvert  à 
Tunis  pour  des  jeunes  gens  de  la  province  à  la  sortie  de 
l'école  primaire  ;  on  leur  apprend  un  métier  et  on  les  éta- 
blit ensuite  dans  les  petits  centres  indigènes  de  l'intérieur 
d'oii  ils  sont  venus. 

D'après  le  Rapport  au  Président  de  la  République 
pour  1912  :  «  L'apprentissage  industriel  est  actuellement 
en  plein  fonctionnement  dans  19  écoles  se  répartissant 
en  il)  localités.  Le  nombre  des  apprentis,  qui  était  de  133 
au  31  décembre  1910,  et  de  276  au  31  décembre  1911,  s'est 
élevé  à  438  au  31  décembre  1912  ».  Tunis  en  comptait  250, 
Gabès  37,  Sfax  34,  Ksar-Hellal  26,  Metlaoui  21,  Potin- 
ville  15,  Kairouan  13,  etc.  A  Tunis  et  partout  où  cela  est 
possible,  les  apprentis  sont  placés  chez  des  patrons.  «  On 
peut  dire  sans  exagérer,  affirmele  Rapport  pour  1912,  qu'à 
cette  heure,  l'organisation  de  l'apprentissage...  approche 
de  sa  forme  définitive  et  promet  des  résultats  certains  et 
peu  éloignés.  » 

Il  faudra  beaucoup  de  temps  pour  que  toutes  ces  me- 
sures donnent  les  résultats  qu'on  leur  demande  ;  il  faut 
surtout  apporter  dans  leur  exécution  une  grande  ténacité 
et  suivre  des  méthodes  rigoureuses.  Or,  il  semble  bien  que 
ces  qualités  soient  précisément  celles  que  tient  à  leur 
imprimer  l'administration  deM.  Alapetite.  Aussi  la  Chambre 
lui  fit-elle  un  véritable  succès  lorsque,  dans  son  discours 
du  26  janvier  1912,  il  en  exposa  le  programme  et  rappela 
les  encouragements  donnés  à  l'enseignement  professionnel 
par  les  membres  de  la  Conférence  consultative  qui  repré- 
sentent les  indigènes. 


CHAPITRE  VI 

L  AGRICULTURE  EUROPÉENNE 


Dès  le  début  de  l'installation  du  protectorat  français  en 
Tunisie,  de  très  beaux  établissements  agricoles  furent 
créés  par  des  Européens,  je  devrais  dire  par  des  Français, 
car  la  presque  totalité  des  premiers  domaines  se  trouvait 
entre  les  mains  de  nos  nationaux.  Il  en  est  de  même 
aujourd'hui  pour  les  grands  domaines.  Je  m'empresse 
d'ajouter  que  pas  un  seul  d'entre  eux  ne  provenait  et  ne 
provient  de  concessions  gratuites.  Les  premiers  avaient 
tous  été  achetés  aux  indigènes.  C'est  en  grande  partie  à 
cette  circonstance  qu'il  faut  attribuer,  selon  moi,  le  rapide 
développement  de  la  colonisation  française  dans  la 
Régence.  Ayant  engagé  dans  l'achat  des  terrains  des 
sommes  souvent  considérables,  les  colons  se  sont  hâtés  de 
mettre  le  sol  en  culture  afin  d'en  tirer  aussitôt  que  pos- 
sible l'intérêt  de  leur  argent. 

Je  crois  utile  de  dire  quelques  mots  des  établissements 
agricoles  les  plus  importants.  Ce  sera  le  meilleur  moyen 
de  donner  une  idée  exacte  de  ce  qui  a  été  déjà  fait  et  de  ce 
qui  reste  encore  à  faire  pour  mettre  en  valeur  le  sol  de  la 
Tunisie. 

I  I.  —  Domaine  de  l'Enfida 

Le  domaine  français  le  plus  ancien  et  le  plus  considé- 
rable est  celui  de  l'Enfida.  Son  acquisition  remonte  à 
l'année  1880,  c'est-à-dire  qu'elle  est  antérieure  à  l'établis- 
sement du  protectorat.  Le  général  Khérédine  avait  reçu 
cette  propriété  du  Bey,  en   échange   d'une  rente  viagère 


110  L/\    TUNISIE 

(juc  celui-ci  stMvail  à  son  ministre  depuis  un  certain 
nombre  d'années.  Plus  tard,  tombé  en  disgrâce  et  retiré  à 
Constantinople,  le  général  Khérédine  voulut  se  débarras- 
ser d'un  domaine  qu'il  craignait  sans  doute  de  se  voir 
enlever  un  jour  par  le  successeur  de  celui  qui  le  lui  avait 
donné.  11  i)roposa  d'abord  à  quelques-uns  de  ses  compa- 
triotes de  le  leur  vendre;  mais  n'ayant  obtenu  que  des 
refus,  il  s'adressait,  le  15  avril  1880,  à  la  «  Société  Mar- 
seillaise de  Crédit  Industriel  et  Commercial  et  de  Dépots  », 
société  fondée  avec  un  capital  social  de  soixante  millions 
de  francs.  11  s'engageait  à  vendre  en  bloc  à  la  Société  ou 
à  tel  syndicat  qu'elle  lui  présenterait,  tous  les  biens  qu'il 
avait  en  Tunisie  et  dont  le  plus  important  était  le  domaine 
de  l'Enfida. 

Quoique  le  prix  demandé  par  le  vendeur  (quatre  mil- 
lions de  francs),  tût  avantageux  pour  la  Société  marseil- 
laise, celle-ci  avait  plus  d'un  motif  d'hésiter  à  accepter  les 
propositions  qui  lui  étaiertt  faites.  En  premier  lieu,  on 
avait  affaire  à  un  pays  encore  peu  connu,  à  des  terres 
en  majeure  partie  incultes  et  presque  dépeuplées;  en 
second  lieu,  il  était  permis  de  se  demander  si  le  gouverne- 
ment beylical  respecterait  les  droits  des  acquéreurs . 
Seules,  les  autorités  françaises  pouvaient,  à  cet  égard,  cal- 
mer les  inquiétudes  de  la  Société  Marseillaise;  or,  à 
l'époque  dont  nous  parlons,  des  prétentions  rivales  s'agi- 
taient en  Tunisie,  et  il  suffisait  dun  instant  de  faiblesse  de 
la  part  de  notre  gouvernement  pour  que  ce  pays  nous 
échappât,  soit  qu'il  restât  dans  la  situation  d'indépendance 
où  il  se  trouvait,  soit  qu'il  tombât  entre  les  mains  d'une 
autre  nation.  Notre  influence  était,  il  est  vrai,  puissante 
mais  elle  était  vivement  combattue  par  les  représentarits 
des  autres  nations,  en  particulier  par  ceux  de  l'Apgleterre 
et  de  l'Italie  et  le  Bey  Es-Sadock  était  dominé  par  les 
partis  hostiles  à  la  France.  L'acquisition  par  des  Français 
d'une  propriété  aussi  étendue  que  celle  de  l'Enfida  ne  pou- 
vant être  envisagée  par  nos  rivaux  et  par  les  Tunisiens 
ennemis  de  notre  autorité  que  comme  une  sorte  de 
mainmise  de  nos  nationaux  sur  une  partie  de  la  Tunisie, 


I.  AGUICULTURR    EUUOI'KKNNK  111 

011  no  iiiiinquerail  |)as  (l'onVayei'  ie  Hey  cl  <le  lui  roiJi-c''- 
seiiler  la  France  coinuu^  convoilant  ses  Kl.als,  alin  de 
l'amener  à  déposséder  les  nouveaux  propriétaires. 

Les  acquéreurs  durent  mener  l'affaire  aussi  secrètement 
que  possible;  ils  étaient  d'ailleurs  puissamment  encoura- 
gés par  notre  représentant  et  même  par  le  gouvernement 
de  la  Républi(jue,  où  figuraient  des  hommes  résolus  à  ne 
pas  laisser  tomber  en  des  mains  étrangères  un  pays  telle- 
ment fondu  avec  l'Algérie  que  l'avenir  de  celle-ci  aurait 
été  compromis  si  la  Tunisie  était  devenue  une  colonie 
étrangère.  Le  29  juillet  1880,  la  Société  Marseillaise  infor- 
mait Khérédine  de  son  acceptation  et  f'invitait  à  faire 
dresser  les  actes  de  vente  conformément  à  la  loi  tunisienne. 

A  peine  la  conclusion  de  ce  contrat  était-elle  connue 
que  des  intrigues  de  toutes  sortes  se  nouaient  autour  du 
Bey  pour  empêcher  la  réalisation  de  la  vente  et  que  des 
démarches  étaient  faites  auprès  de  Khérédine  pour  le 
pousser  à  violer  ses  engagements.  Une  Société  italienne 
lui  offrait  de  gros  avantages  pour  se  substituer  à  la  Société 
Marseillaise,  tandis  qu'un  bénéfice  considérable  était  pro- 
posé à  l'administrateur  de  cette  dernière  Société  pour  le 
décider  à  revendre  k  des  étrangers  la  propriété  qu'il  venait 
d'acquérir.  On  renouvelait  auprès  de  lui  l'opération  qui 
avait  si  bien  réussi  auprès  de  M.  Duplessis  pour  la  conces- 
sion des  alfas. 

Les  acquéreurs  ayant  repoussé  les  offres  qui  leur  étaient 
faites,  il  fallait  chercher  un  moyen  de  les  mettre  dans 
l'impossibilité  d'entrer  en  jouissance  de  leur  propriété.  On 
crut  le  trouver  dans  une  disposition  de  la  loi  musulmane 
connue  sous  le  nom  de  Glielfàa,  dont  il  ne  sera  pas  hors 
de  propos  de  parler  ici,  car  elle  constitue  l'un  des  pièges 
les  }dus  dangereux  parmi  ceux  qui  entourent  le  droit  de 
transmission  de  la  propriété  en  Tunisie. 

Le  droit  de  Ghefîâa,  que  nous  pouvons  désigner  d'une 
façon  plus  compréhensible  et  surtout  plus  française  sous 
le  nom  de  «  droit  de  préemption  »,  se  résume  en  ceci  : 
lorsqu'un  propriétaire  vend  sa  terre,  l'un  quelconque  des 
propriétaires  voisins  peut  invoquer  et  obtenir  le  droit  de 


112  LA    TUNISIE 

se  .subsliliit'i-  à  raccjuéreur,  à  la  condilion  d'exécuter  cer- 
taines iorin alités  et  de  payer  la  somme  consentie  par 
l'acheteur  comme  prix  de  la  propriété.  11  est  permis  de 
supposer  qu'en  introduisant  dans  la  loi  musulmane  le 
droit  de  Gliefl'àa,  on  n'a  pas  eu  seulement  pour  but  de 
faciliter  l'extension  des  domaines  agricoles,  mais  encore 
et  surtout  de  rendre  très  difficile,  sinon  impossible,  l'ac- 
quisition des  terres  par  les  étran2:ers. 

11  est  vrai  (jue  la  loi  elle-même  fournit  les  moyens  de 
rendre  vain  le  droit  de  Clieffâa  qu'elle  consacre.  Ils  sont 
au  nombre  de  deux  principaux  :  ou  bien  le  vendeur  a 
soin  de  faire  fig-urer  dans  l'acte,  à  côté  du  prix  d'achat 
réel,  l'indication  d'une  somme  ou  poignée  de  monnaie 
indéterminée  (Kemtcha  Medjhoula),  dont  l'acquéreur  lui- 
même  ne  connaît  pas  exactement  la  valeur  et  que  par  con- 
séquent le  voisin  réclamant  le  droit  de  Gheffàa  est  inca- 
pable de  payer,  ne  la  connaissant  pas  ;  ou  bien  le  vendeur 
se  réserve,  par  l'acte  de  vente,  tout  autour  de  la  propriété 
vendue  et  autour  des  enclaves  qu'elle  peut  contenir,  une 
bande  étroite  de  terrain,  de  manière  à  devenir  le  seul  voi- 
sin de  l'acquéreur.  Peu  importe,  d'ailleurs,  la  largeur  de 
cette  bande  :  qu'elle  ait  un  mètre  ou  une  lieue,  elle  a  les 
mêmes  effets;  elle  permet  au  vendeur  de  se  substituer  à 
tous  les  voisins  et,  par  conséquent,  de  rendre  impraticable 
le  droit  de  Chefïâa. 

Khérédine,  très  versé  dans  la  loi  musulmane  dont  il 
avait  publié  un  commentaire,  usa  de  ce  dernier  moyen 
pour  mettre  la  Société  marseillaise  à  l'abri  de  la  Gheffàa. 
Néanmoins,  un  Maltais,  sujet  anglais,  prétendit,  en  invo- 
quant ce  droit,  empêcher  les  propriétaires  français  d'en- 
trer en  possession  de  l'Enlida,  et  ce  n'est  qu'après  des 
péripéties  de  toutes  sortes,  dont  il  serait  trop  long  de  par- 
ler ici,  que  la  Société  Marseillaise  put  entrei"  en  jouissance 
de  son  domaine  \  On  peut  dire  que  la  prise  de  possession 
de  la  Tunisie  par  la  France  date  du  jour  où  la  Société  Mar- 
seillaise signa  avec  Khérédine  lacté  d'achat  de  l'Enhda. 

1.  Voyez  pour  l'hisloiro  de  la  vente  de  l'Enfida  :  Gaston  Lotli.  L'ivn/k/a 
et  Sidi-Tabel. 


i/agriculturk  européenniî  li:i 

Ce  domaine  est  situé  sur  le  bord  du  golfe  de  Hamnia- 
aiet,  qu'il  longe  sur  une  longueur  d'environ  vingt  kilo- 
mètres; il  s'étend  du  nord  au  sud,  depuis  le  voisinage  de 
Zaghouan  jusqu'à  une  petite  distance  de  Kairouan.  Son 
centre  principal,  Dar-el-Bey  (aujourd'hui  Enfidaville) , 
n'est  qu'à  deux  kilomètres  du  bord  de  la  mer,  à  soixante- 
dix  kilomètres  en  ligne  droite  de  Tunis  et  à  une  quaran- 
taine de  kilomètres  de  Sousse,  sur  la  route  de  Tunis  à 
Sousse  d'une  part  et  à  Kairouan  de  l'autre. 

La  surface  totale  du  domaine  avait  été  évaluée  d'abord 
à  100  ou  120.000  hectares.  L'enquête  exécutée  en  vue  de 
l'immatriculation  a  établi  que  la  superficie  totale  ne 
dépasse  pas  96.000  hectares.  C'est  encore  le  plus  grand 
domaine  qui  existe  dans  notre  Afrique  du  nord.  D'après 
M.  Loth  '  «  dans  l'immense  plaine  de  jujubiers  et  de  len- 
tisques  il  y  avait  environ  30.000  hectares  de  terres  labou- 
rables. On  pouvait  estimer  à  40.000  hectares  environ  les 
régions  couvertes  de  broussailles,  mais  qui,  défrichées, 
étaient  bonnes  pour  la  culture.  Les  25.000  hectares  res- 
tants étaient  constitués  par  des  terrains  en  montag'nes  ou 
par  les  parties  basses  voisines  du  littoral,  trop  salées  pour 
qu'il  fût  possible  d'y  faire  passer  la  charrue.  En  raison  des 
conditions  climatériques  et  de  la  nature  du  sol,  l'ensemble 
de  ce  gigantesque  domaine  paraissait  donc  convenir  aux 
entreprises  agricoles  les  plus  diverses.  Le  blé  et  l'orge, 
l'avoine,  les  fèves  et  les  pois  chiches  pouvaient  y  donner 
de  belles  récoltes.  De  grandes  surfaces  étaient  propices  à 
la  culture  de  l'olivier,  de  l'amandier  et  de  bien  d'autres 
arbres  fruitiers.  Les  fourrés  de  la  montagne  constituaient 
un  excellent  terrain  de  parcours  pour  les  bovins  ;  sur  les 
pentes  couvertes  d'une  herbe  courte,  mais  drue,  dans  les 
«  prés  salés  »  bordant  le  littoral,  on  pouvait  faire  l'élevage 
du  mouton.  Considérées  dans  leur  ensemble,  ces  conditions 
étaient  suffisantes  pour  permettre  de  tenter  une  exploita- 
tion méthodique  ». 

Malheureusement,  les  populations  étaient  l'ares  :  «  un 

1.  Loc.  cil.,  p.  105. 

J.-L.  Dk  Lanessan.  —  La  Tunisie.  8 


H4  LA    TUNISIE 

recensement  rapide  des  douars  établis  sur  le  domaine 
amena  à  constater  que  les  événements  de  4881  avaient  eu 
pour  eilet  de  diminuer  considérablement  l'effectif  de  la 
population  indigène.  Avant  l'insurrection,  les  Ouled-Saïd 
et  les  autres  fractions  ac^glomérées  à  cette  tribu  ou  vivant 
côte  à  côte  avec  elle  sur  le  domaine  représentaient  une 
population  totale  d'environ  9.000  âmes.  Environ  3,000  in- 
dividus avaient  obéi  aux  injonctions  des  chefs  révoltés  et 
s'étaient  retirés  en  Tripolitaine.  Il  ne  restait  donc  plus 
qu'une  population  d'environ  6.000  âmes  pour  l'exploita- 
tion de  TEnlida,  c'est-à-dire  un  groupement  ne  pouvant 
guère  fournir  plus  de  1.000  à  1.200  laboureurs  ou  pâtres, 
soit  un  homme  pour  60  ou  70  hectares  ». 

La  rareté  de  la  population  devait,  sans  contredit,  être 
l'obstacle  le  plus  sérieux  à  la  mise  en  valeur  de  ce  domaine, 
pour  l'exploitation  duquel  se  constitua  la  Société  agricole 
et  immobilière  dont  le  premier  président  fut  M.  Rey  et 
qui  est  présidée  actuellement  par  M.  Bohn,  M.  Gros  étant 
administrateur  délégué  et  M.  Coeytaux,  directeur  du 
domaine. 

Le  centre  administratif  du  domaine  fut  placé  à  Dar-el- 
Bey,  devenu  plus  tard  Enfidaville  et  c'est  autour  de  ce 
centre  que  furent  concentrés  tout  d'abord  les  efforts  les 
plus  considérables  de  la  colonisation.  Là  se  trouvent 
d'excellentes  terres  à  céréales,  des  bas-fonds  suffisam- 
ment humides  pour  constituer  d'excellents  pâturages,  des 
terrains  propres  à  la  création  de  vignobles.  Afin  d'utiliser 
les  eaux  de  l'hiver,  des  barrages  intelligemment  disposés 
furent  construits  sur  les  rivières  qui  traversent  la  pro- 
priété de  l'est  à  l'ouest  pour  aller  se  jeter  dans  le 
golfe  de  Hammamet.  Grâce  à  eux,  ces  eaux  sont  répan- 
dues, pendant  l'hiver,  sur  les  plaines  avoisinantes  qu'elles 
fécondent  non  seulement  en  les  arrosant,  mais  encore  en 
les  couvrant  d'humus  entraîné  des  coteaux  voisins.  Les 
prairies  ainsi  irriguées  donnent,  à  la  fin  d'avril,  une  coupe 
de  fourrage  qui  produit  jusqu'à  trente  et  quarante  quin- 
taux par  hectare.  Pendant  l'été,  elles  servent  au  pâturage 
des  troupeaux. 


L  AGRICULTURE    EUROPKRNNE  115 

La  Société  fit  aussi  réparer  et  remettre  en  état  une  ving- 
taine d'anciens  puits  datant  de  Tépoque  romaine  ou  creu- 
sés par  les  Berbères  et  en  fit  elle-même  creuser  une  dou- 
zaine d'autres.  Puis  elle  lit  procéder  à  la  ca.ptation  de 
diverses  sources,  de  manière  à  fournir  de  l'eau  aux  centres 
de  colonisation  qui  ont  été  créés.  De  vastes  projets 
hydrauliques  avaient  été  dressés  dès  le  début  de  l'occupa- 
tion du  domaine;  on  les  met  à  exécution  au  fur  et  à  mesure 
des  besoins. 

Dans  la  première  période  de  son  évolution,  la  Société 
s'était  préoccupée  surtout  d'établir  elle-même  un  impor- 
tant vignoble,  car  on  croyait  alors  que  le  domaine  se  prê- 
terait surtout  à  la  culture  de  la  vigne.  Elle  en  complanta 
tout  de  suite  300  hectares  autour  de  Dar-el-Bey  et  cons- 
truisit un  cellier  pour  vingt  mille  hectolitres  de  vin. 
Déjà,  en  1886,  le  village  se  composait  de  la  maison  d'ha- 
bitation des  administrateurs,  d'une  église,  d'une  maison 
d'école  entretenue  par  la  Société,  de  quelques  maisons 
dans  lesquelles  logeaient  les  employés  et  les  ouvriers 
européens,  de  la  maison  du  Caïd,  d'une  auberge  pour  les 
indigènes  et  leurs  animaux  et  de  quelques  autres  habita- 
tions de  moindre  importance.  A  quelque  distance  se  trou- 
vait un  village  maltais  (jui  fournissait  des  ouvriers  au 
domaine. 

Les  travaux  de  construction  et  de  défrichement  exé- 
cutés dans  les  premières  années,  coûtèrent  près  de 
700.000  francs.  Le  défrichement  des  terres  était  particuliè- 
rement onéreux. 

Les  vins  produits  par  TEnfida  sont  de  bonne  qualité, 
surtout  les  vins  blancs,  mais  le  rendement  n'a  jamais 
dépassé  une  trentaine  d'hectolitres  à  l'hectare.  La  faiblesse 
de  ce  rendement  et  la  difficulté  de  placer  la  récolte  qui  se 
produisit  bientôt  amenèrent  la  Société  à  réduire  son  vi- 
gnoble. Il  ne  couvre  plus  aujourd'hui  que  90  hectares 
environ. 

La  vigne  a  été  remplacée  en  partie  par  des  arbres  frui- 
tiers, en  particulier  par  des  amandiers  qui  couvrent  envi- 
ron deux  cents  hectares  et  comptent  16.000  arbres. 


116  LA    TUNISIE 

La  Société  se  livra  ensuite  à  la  plantation  des  oliviers. 
Commencée  en  1907  et  poursuivie  activement  depuis 
cette  époque,  Tolivette  de  rEnlida  s'étend  aujourd'hui  sur 
plus  de  400  hectares  et  compte  plus  de  20.000  arbres  qui 
paraissent  devoir  être  d'un  très  bon  rapport. 

En  même  temps  qu'elle  procédait  à  ces  plantations,  la 
Société  continuait  à  faire  exécuter  des  défrichements. 
«  Au  total,  en  y  comprenant  le  vignoble,  les  plantations 
d'oliviers  et  d'amandiers,  près  de  4.200  hectares,  dit 
M.  Lotli  (p.  166)  ont  été  ainsi  arrachés  à  la  brousse.  Si 
Ton  songe  que  les  buissons  dont  il  fallait  débarrasser  le 
terrain  étaient  d'ordinaire  composés  de  jujubiers  épineux 
aux  racines  profondément  enfoncées  dans  le  sol,  on  pourra 
mesurer  l'importance  de  la  tâche  accomplie.  Pour  extirper 
entièrement  toute  la  ramification  souterraine  de  certaines 
souches,  il  a  fallu  creuser  jusqu'à  2  et  3  mètres  de  pro- 
fondeur. Aux  abords  immédiats  du  village,  oii  l'opération, 
si  coûteuse  qu'elle  fût,  était  absolument  indispensable,  le 
défrichement  de  certains  hectares  a  coûté  plus  de 
1.500  francs.  » 

Prévoyant  les  difficultés  que  rencontrerait  la  Société 
franco-africaine  dans  la  mise  en  valeur  de  son  immense 
domaine,  je  disais  dans  la  première  édition  de  ce  livre  : 
«  Pour  l'exploitation  complète  d'une  aussi  vaste  étendue 
de  terres,  il  faudrait  des  capitaux  énormes  et  une  admi- 
nistration tellement  compliquée  qu'elle  rappellerait  bientôt 
celle  d'un  petit  Etat.  Les  propriétaires  de  TEnfida  l'ont 
compris  et  se  préoccupent  d'attirer  non  seulement  des 
ouvriers  indigènes,  mais  encore  des  colons  français  ». 
L'idée  capitale  des  premiers  directeurs  de  l'Enfida  fut  d'at- 
tirer autant  d'indigènes  que  possible  sur  le  domaine. 

La  plupart  des  Français  qui  s'établirent  en  Tunisie  au 
début  de  l'occupation  voyaient  les  indigènes  d'un  mauvais 
œil  et  s'efforçaient  de  les  éloigner  de  leurs  terres.  Ils  ne 
manquaient  pas  pour  cela  de  motifs,  tels  que  la  crainte  des 
voleurs  et  celle  de  la  dévastation  des  terres  par  les  trou- 
peaux de  chèvres  ou  de  moutons  qui  suivent  toujours  les 
indigènes.  Il  serait  difficile  de  nier  la  justesse  de  ces  rai- 


l'agriculturr  européenne  117 

sons;  «  mais,  disais-je  dans  la  première  édition  de  ce  livre, 
il  en  est  d'autres,  non  moins  justes  et  plus  importantes 
selon  moi,  qui  plaident  en  faveur  du  système  mis  en  pra- 
tique à  l'Enfida.  En  premier  lieu,  à  moins  d'adopter  le 
système  aussi  inhumain  ({u'inintelligent  et  impraticable  du 
refoulement  des  indi2;-ènes  et  de  leur  remplacement  impos- 
sible sur  le  sol  entier  de  la  Tunisie  par  des  Européens,  il 
faut  songer  à  utiliser  leurs  forces,  et,  pour  cela,  il  faut  les 
fixer.  Or,  dans  ce  but,  deux  moyens  pourraient  être  tentés. 
Le  premier  consisterait  à  concéder  des  terres  aux  tribus 
nomades,  à  condition  qu'elles  y  élèveraient  des  établis- 
sements à  demeure.  On  peut  aussi  fixer  les  indigènes  au 
sol  par  l'appât  d'un  gain  à  réaliser  à  l'aide  de  leur  travail. 
Or,  la  condition  actuelle  des  kbammès  est  tellement  déplo- 
rable que  son  amélioration  est  la  chose  du  monde  la  plus 
facile  à  faire,  sans  qu'il  en  résulte  aucune  perte  pour  le 
propriétaire.  En  apportant  plus  de  soin  à  la  culture,  le 
-.  propriétaire  retirerait  de  la  terre  des  produits  plus  abon- 
dants et  meilleurs.  Il  pourrait,  par  conséquent,  en  aban- 
donner une  partie  aux  travailleurs,  non  seulement  sans 
diminuer  son  profit,  mais  même  en  l'augmentant  dans  des 
proportions  très  sensibles.  Rendu  plus  heureux  par  son  tra- 
vail, le  khammès  ne  manquerait  pas  de  se  fixer  auprès  du 
champ  d'où  lui  viendrait  le  bien-être.  En  agissant  comme 
ils  le  font,  les  propriétaires  de  l'Enfida  ne  peuvent  manquer 
d'aboutir  à  ce  double  résultat  :  amélioration  du  sort  de 
l'indigène  et  fixation  du  nomade  au  sol  ;  accroissement 
des  revenus  annuels  et  de  la  valeur  marchande  de  leur 
domaine  ». 

J'ajoutais  que  ce  dernier  résultat,  tout  à  l'avantage  des 
colons  français,  ne  pouvait  être  obtenu  dans  toute  sa  plé- 
nitude qu'à  la  condition  d'attirer  l'indigène  sur  les  pro- 
priétés françaises  et  de  le  fixer.  «  Sans  atteindre  la  surface 
énorme  de  l'Enfida,  la  plupart  des  propriétés  acquises  en 
Tunisie  par  nos  compatriotes,  disais-je,  ont  des  étendues 
extrêmement  considérables.  Les  domaines  de  4,  5,  6,  7,  8  et 
10.000  hectares  sont  les  plus  nombreux.  Or,  il  n'est  guère 
permis  de  croire  que  des  propriétés  aussi  étendues  puissent 


H8  LA    TUNISIE 

jamais  être  travaillées  exclusivement  par  des  Français.  Il 
y  a  [)Our  cela  îles  motifs  bien  puissants  :  d'abord  il  faudrait 
un  nombre  d  ouvriers  très  supéi'ieur  à  celui  que  nos  cam- 
pa2:nes  déjà  dépeuplées  elles-mêmes  peuvent  fournir  à  la 
colonisation  ;  ensuite,  le  salaire  qu'exigerait  en  Tunisie 
un  ouvrier  français  serait  trop  élevé.  Le  principal  avan- 
tage des  pays  neufs,  c'est  que  non  seulement  la  terre,  mais 
encore  la  main-d'œuvre  y  sont  à  vil  prix  ;  c'est  ce  qui 
séduit  l'Européen  et  le  décide  à  s'expatrier.  S'il  renonce 
à  la  patrie,  à  la  famille,  aux  amis,  aux  habitudes  contractées 
depuis  l'enfance,  à  la  douceur  des  climats  tempérés,  pour 
aller  coloniser  des  pays  moins  civilisés,  c'est  qu'il  est  poussé 
par  l'espérance  de  faire  plus  rapidement  fortune  dans  ces 
contrées  que  dans  son  pays  natal.  En  Tunisie,  la  main- 
d'œuvre  la  plus  basse  est  fournie  incontestablement  par  les 
Arabes.  Le  propriétaire  français  qui  repousse  les  indigènes 
et  les  éloigne  de  son  domaine  commet  donc  la  faute  énorme 
de  se  priver  de  l'ouvrier  qu'il  aurait  au  meilleur  compte. 
Ajoutons  qu'il  se  condamne,  en  outre,  à  laisser  la  majeure 
partie  de  ses  terres  en  friche,  car  il  lui  serait  impossible 
de  trouver  assez  de  journaliers,  je  ne  dirai  pas  français, 
mais  même  maltais  ou  siciliens,  pour  les  travailler.  Seul 
l'Arabe  se  prête  convenablement  à  ces  combinaisons  de 
culture  payées  en  nature  dont  nous  avons  parlé  plus  haut, 
combinaisons  grâce  auxquelles  le  propriétaire  peut  tirer  un 
gros  béiiéRce  de  sa  terre,  presque  sans  faire  d'avances  de 
fonds  et  sans  compromettre  son  capital.  Convenablement 
dirigées  par  l'agriculteur  français,  ces  cultures  ne  peuvent 
manquer  de  donner  au  sol  une  valeur  plus  considérable 
qui  serait  même  beaucoup  augmentée  par  le  seul  fait  de  la 
présence  de  la  population  attirée  et  fixée  sur  ses  terres. 
Plus  un  pays  est  peuplé,  plus  en  effet  les  produits  du  sol, 
particulièrement  les  produits  secondaires,  trouvent  un 
facile  écoulement. 

«  Je  ne  puis  donc  qu'applaudir  aux  efforts  faits  par  le 
directeur  de  l'Enfida  pour  attirer  et  fixer  sur  cette  pro- 
priété des  familles  et  des  tribus  indigènes.  Il  augmente 
ainsi  les  revenus  du  domaine,  il  accroît  sa  valeur  intrin- 


l/ AGRICULTURE    KUROPKKNNR  119 

sèque,  enfin  il  collabore  dans  une  puissante  mesure  au 
rapprochement  des  colons  français  et  des  indigènes  pour 
le  plus  grand  profit  matériel  des  premiers  et  l'avantage 
moral  des  seconds.  » 

Le  premier  soin  de  la  Société  franco-africaine  fut,  en  efîet, 
d'attirer  et  de  fixer  sur  le  domaine  del'Enfida  le  plus  grand 
nombre  possible  d'indigènes.  «  Elle  leur  consentit,  dit 
M.  Lotli  (p.  106)  des  baux  de  location  au  prix  de  25  piastres 
ou  15  francs  (par  méchia)  soit  1  fr.  50  l'hectare  dans  les 
terrains  non  irrigables.  Un  supplément  de  5  piastres  était 
exigé  pour  chaque  méchia  en  terrain  irrigable,  soit  18  francs 
ou  1  fr.  80  par  hectare.  En  raison  de  l'état  de  détresse  où 
ils  étaient  peu  à  peu  parvenus  par  suite  de  l'insécurité 
régnant  dans  tout  le  pays  et  aussi  de  leur  humeur  batail- 
leuse, les  Ouled-Saïd  ne  possédaient  plus  que  quelques 
milliers  de  têtes  de  bétail.  Il  était  donc  urgent  de  les  encou- 
rager à  reconstituer  leurs  troupeaux .  Dans  ce  but,  la 
Société  consentit  à  ne  recevoir  comme  redevance  annuelle 
de  pacage  ou  «  acheba  »  qu'un  agneau  par  cent  brebis  et 
un  chevreau  par  cent  chèvres.  »  Elle  supprima  en  outre  la 
«  mahouna  »  ou  coutume  en  vertu  de  laquelle  chaque 
cultivateur  doit  une  journée  de  labour  et  une  journée  de 
moisson  au  propriétaire  pour  chaque  méchia  cultivée. 
«  L'influence  de  ces  mesures  ne  tarda  pas  à  se  faire  sentir. 
La  majeure  partie  des  3.000  dissidents  réfugiés  en  Tri- 
politaine  revint  s'établir  sur  le  domaine.  »  En  1886, 
lorsque  je  visitai  FEnfida  on  estimait  à  une  douzaine  de 
mille  le  nombre  des  indigènes  qui  s'y  étaient  établis  à 
demeure. 

Trois  villages  de  Berbères  (Takrouna,  Djeradou  et 
Zeriba)  qui  existaient  depuis  longtemps  dans  les  parties 
montagneuses  du  domaine  se  relevèrent  rapidement  à  la 
suite  de  la  mesure  bienveillante  par  laquelle  la  Société 
leur  accorda  la  libre  jouissance  de  l'emplacement  de  leurs 
habitations  et  des  terres  avoisinantes .  La  plupart  des 
hommes  de  ces  villages  devinrent  locataires  du  domaine. 
Indépendamment  de  l'élevage  et  de  la  culture,  ils  se  livrent 
volontiers  à  l'apiculture  et  cueillent  l'alfa.  C'est  près  du 


120  LA    TUNISIK 

village  de  Zeriba  que  se  trouve  la  source  thermale  de  Hani- 
jiiani  Zeriba. 

On  avait  établi  à  Dar-el-Bey  un  marché  où  se  rendaient 
tous  les  dimanches  plusieurs  centaines  de  marchands  dont 
un  grand  nombre  venaient  de  fort  loin.  J'y  ai  vu,  il  y  a  près 
de  trente  ans  déjà,  des  gens  de  Nebeul,  avec  leurs  légumes 
et  leurs  poteries,  des  habitants  du  Sahel  avec  leur  huile 
d'olive,  des  juifs  ambulants  avec  leurs  vêtements,  leurs 
étoffes,  etc.  Un  grand  mouvement  se  fit  ainsi  rapidement, 
chaque  semaine,  autour  du  chef-lieu  de  i'Enfida.  Attirés 
par  les  Européens  et  par  les  bénéfices  que  ceux-ci  leur 
procuraient,  les  indigènes  tendaient  de  toutes  parts  à 
pénétrer  dans  le  domaine,  et  la  Société  franco-africaine 
donnait  ainsi  un  très  bel  exemple  à  nos  colons. 

En  dehors  des  habitants  des  villages  berbères,  les  indi- 
gènes de  I'Enfida  vivent  à  peu  près  tous  sous  la  tente  ou 
dans  des  gourbis  en  branches  et  se  déplacent  avec  leurs 
troupeaux  sur  le  domaine,  mais  presque  tous  tendent  à  se 
fixer  au  sol.  «Leur  tendance  au  sédentarisme,  fait  observer 
M.  Loth  (p.  113),  s'affirma  dès  qu'ils  eurent  la  certitude  de 
récolter  en  toute  sécurité  le  produit  de  leurs  semailles. 
Sans  doute,  beaucoup  d'entre  eux  continuent  à  faire  trans- 
humei-  leurs  troupeaux,  mais  ces  déplacements  qu'imposent 
les  nécessités  climatériques  sont  effectués  dans  un  rayon 
extrêmement  court.  Ce  n'est  plus  que  du  demi-nomadisme. 
Cette  population,  vivant  autrefois  presque  exclusivement 
des  produits  du  pâturage,  se  transforme  peu  à  peu  en 
groupements  de  paisibles  agriculteurs  menant  de  front  les 
travaux  de  la  terre  et  les  soins  à  donner  aux  troupeaux.  » 

Le  nombre  de  leurs  têtes  de  bétail  s'est  accru  au  point 
d'atteindre  aujourd'hui  le  chiff"re  de  115.276,  dont  plus  de 
77.000  moutons,  près  de  28.000  chèvres,  près  de 
5.000  bœufs,  près  de  1.400  chevaux  et  près  de  2,700  cha- 
meaux. 11  y  faut  ajouter  près  de  2.000  ruches  d'abeilles. 
«  Sans  doute,  dit  M.  Loth,  les  efforts  tentés  pour  atténuer 
les  funestes  effets  de  l'imprévoyance  n'ont  pas  toujours 
été  couronnés  de  succès.  Il  arrive  encore  que  faute  d'abris 
les  troupeaux  des  indigènes  sont  décimés  par  le  froid  et  la 


L  AGRICUl/rURE    EUROPÉENNE  '  121 

maladie,  que  dans  les  années  sèches  la  terre  insuflisam- 
ment  préparée  ne  donne  pas  de  rendements  suffisants, 
mais  cependant  chaque  année  on  constate  que  l'étendue 
des  terres  cultivées  augmente  de  quelques  méchias,  le 
troupeau  de  quelques  centaines  de  têtes  ». 

La  meilleure  preuve  que  l'on  puisse  donner  du  progrès 
réalisé  par  la  culture  indigène  dans  le  domaine  est  fournie 
par  l'élévation  graduelle  du  revenu  des  locations  de  terres 
faites  par  la  Société  aux  indigènes.  En  1882-83  «  le  total 
des  perceptions  effectuées  n'avait  pas  atteint  40.000  francs  ; 
en  1883-84,  le  montant  des  locations  et  des  droits  de  pacage 
s'éleva  à  72.640  francs...  Dans  l'année  agricole  1886-87 
les  recettes  atteignirent  126.000  francs,  c'est-à-dire  trois 
fois  plus  qu'en  1882-83  (p.  114)  ».  En  1908-09,  elles 
ont  atteint  257.781  francs.  «  Pendant  la  longue  période 
qui  s'étend  entre  ces  deux  dates,  il  y  eut  parfois  des 
fléchissements  déterminés  par  de  mauvaises  conditions 
climatériques,  mais  le  mouvement  général  ascensionnel 
persista  toujours.  Le  total  des  revenus  fournis  par  les 
locations  en  vingt-neuf  ans  donne  une  moyenne  annuelle 
de  150.000  francs.  En  prenant  seulement  les  dix  premières 
années,  la  moyenne  ne  dépasse  pas  79.000  francs.  Pour  la 
période  de  1890  à  1899  elle  s'élève  à  163.000  francs.  Et 
enfin  de  1899  à  1908  elle  atteint  le  chiffre  de  193.000  francs. 
11  y  a  donc  progression  constante,  attestant  la  remise  en 
exploitation  de  la  plus  grande  partie  d'un  sol  resté  jus- 
qu'alors inculte  et  la  collaboration  toujours  plus  grande 
de  la  population  indigène.  »  M.  Loth  rappelle  qu'au 
cours  de  la  dernière  session  de  la  conférence  consultative, 
M.  de  Carnières,  président  de  la  Chambre  d'agriculture 
de  Tunis,  fit  observer  à  ses  collègues  combien  la  collabo- 
ration des  indigènes  à  l'œuvre  de  colonisation  agricole  des 
Français  contribue  à  l'amélioration  du  sort  matériel  de  la 
population  indigène  de  l'Enfida,  et  il  conclut  que  cette  col- 
laboration des  indigènes  à  l'œuvre  de  colonisation  de  la 
France  est  «  l'explication  la  plus  véridique  que  Ton  puisse 
donner  des  heureux  changements  économiques  survenus 
dans  toute  cette  partie  du  Sahel  ». 


122  LA    TUNISIE 

Je  suis  heureux  de  voir  dans  ces  faits  la  justification  des 
ol)seivalioiis  que  j'avais  présentées  dans  la  première  édi- 
tion de  ce  livre.  Après  avoir  reproduit  ces  observations, 
M.  Loth  ajoute  (p.  116)  :  «  Les  calculs  précédents  dé- 
nionlrent  que  M.  de  Lanessan  ne  s'était  pas  trompé.  Ce 
(ju'il  écrivait  en  1887  est  aujourd'hui  vérifié.  Voir  notam- 
ment plus  loin,  dans  le  journal  d'un  colon  de  l'Enfida.  ce 
que  dit  M.  Emile  Coeytaux  de  la  disparition  presque  totale 
des  khammès  à  El-Kley  ». 

M.  Coeytaux  dit,  en  elFet  (p.  150),  au  sujet  de  la  main- 
d'œuvre  et  des  khammès  de  son  domaine  d'El-Kley  : 
«  Comme  main-d'œuvre  ce  sont  les  indigènes  que  j'ai  tou- 
jours emplovés,  particulièrement  les  Mehedbi,  domiciliés 
dans  la  région.  Je  suis  arrivé  à  faire  tracer  une  ligne  droite 
à  la  charrue  par  mes  laboureurs  et  sans  aucun  jalon;  à 
régler  une  Bajac  double  aussi  bien  que  pourrait  le  faire 
un  Européen  ;  à  l'époque  des  moissons,  ce  sont  eux  éga- 
lement qui  me  conduisent  mes  moissonneuses-lieuses.  J'ai 
comme  engraisseurs  deux  Arabes  qui  se  relèvent  de  deux 
heures  en  deux  heures  et  qui  font  le  graissage  de  cette 
machine.  La  presse  à  fourrage  est  également  équipée  et 
servie  par  des  indigènes.  Les  khammès  Mehedbi  n'existent 
presque  plus  à  El-Khlev.  Plusieurs  de  ces  anciens  prolé- 
taires possèdent  aujourd'hui  des  troupeaux  de  moutons,  des 
vaches,  des  bœufs  de  labour,  des  animaux  de  trait  ». 

En  même  temps  qu'elle  s'efforçait  de  fixer  les  indigènes 
au  sol,  la  Société  franco-africaine  tenta  d'attirer  des  Euro- 
péens. Mais  il  n'y  avait  alors  dans  la  Régence  qu'un  petit 
nombre  de  gros  colons  fixés  dans  les  environs  de  Tunis 
d'où  il  était  difficile  de  s'éloigner  car  il  n'y  avait  pas  de 
routes.  Quant  aux  agriculteurs  français,  ils  ne  pensaient 
pas  à  la  Tunisie  et  il  faut  ajouter  que  le  protectorat  ne 
faisait  rien  pour  les  y  attirer.  Il  craignait  de  renouveler, 
au  détriment  de  la  Tunisie,  les  expériences  de  colonisation 
officielle  faites  en  Algérie, 

Plus  audacieuse  que  l'administration,  la  Société  de  l'En- 
fida fit  d'abord  un  essai  de  colonisation  avec  une  centaine 
de  Maltais,  hommes,  femmes  et  enfants,  qui  furent  logés 


L  AGRICULTURE    EUROPÉENNE  123 

dans  des  baraques  àEl-Khley.  On  donna  à  chaque  famille, 
en  toule  propi'iélé,  une  vache,  deux  bœufs,  ving-t-cinq 
brebis,  un  lot  de  terre  cultivable  de  5U  hectares  et  des 
avances  en  argent,  à  raison  de  trois  francs  par  jour  et  par 
famille.  Dans  chaque  lot,  un  puits  avait  été  creusé  en  vue 
de  la  culture  maraîchère.  L'argent  fut  mangé,  le  travail  ne 
fut  fait  que  très  incomplètement  et,  au  bout  de  deux  ans, 
le  village  ne  contenait  plus  personne.  La  Société  avait 
dépensé  40.000  francs  en  pure  perte. 

Une  deuxième  expérience  fut  faite  avec  des  habitants  de 
l'île  de  Pantellaria,  qui  sont  très  misérables.  Elle  eut  lieu 
à  Rey ville.  Il  fut  alloué  à  chaque  famille  des  terres  payables 
en  dix  ans  à  raison  de  loO  francs  l'hectare.  L'expérience 
fut  contrariée  par  Finclémence  des  premières  années  et  la 
majeure  partie  des  colons  disparut.  Trois  ou  quatre  familles 
seulement  «  plus  tenaces  et  disposant  peut-être  aussi  de 
ressources  pécuniaires  un  peu  plus  grandes  »  s'obstinèrent 
et  finirent  par  réussir,  à  partir  de  1889,  grâce  à  quelques 
bonnes  années.  «  Les  maisons  des  anciens  colons  reçurent 
de  nouveaux  habitants,  le  village  devint  prospère;  depuis 
il  n'a  pas  cessé  de  l'être.  Dix  ans  plus  tard  la  terre  valait 
350  francs  Thectare.  On  ne  peut  en  trouver  aujourd'hui  à 
moins  de  500  francs.  Le  succès  de  Reyville  détermina,  en 
1900,  la  création  de  Bou-Ficha,  où  fut  organisé  un  centre 
de  colonisation  comptant  quarante  fermes.  Aux  Pantella- 
riens  vinrent  se  joindre  quelques  Siciliens.  Tous  ces  nou- 
veaux immigrants  acquirent  des  lots  urbains  payables 
1  franc  le  mètre  en  dix  ans  sans  intérêt,  et  des  lots  de  cul- 
ture d'une  superficie  de  10  hectares  à  300  ou  350  francs, 
payables  un  quart  au  comptant,  le  reste  en  dix  ans  avec 
6  p.  100  d'intérêt.  »  Ces  colons  plantèrent  d'abord  exclu- 
sivement de  la  vigne  et  leur  vignoble  atteignit  une  conte- 
nance de  500  hectares.  Une  crise  vinicole  ayant  troublé 
leurs  efforts,  ils  renoncèrent  à  faire  du  vin  que,  d'ailleurs, 
ils  réussissaient  mal,  produisirent  du  raisin  de  table  dont 
ils  trouvaient  un  écoulement  facile  à  Tunis  et  à  Sousse  et 
s'adonnèrent  à  des  cultures  variées  ;  ils  créèrent  même 
des  vergers  à  fruits  et  des  olivettes.  «  Sur  une  longueur  de 


124  LA    TUNISIE 

deux  kilomètres,  aux  abords  de  la  station  de  Bou-Ficha, 
de  part  et  d'autre  de  la  voie  ferrée,  la  caiiij)ag"ne  change 
d'aspect,  grâce  aux  persévérants  efforts  des  petits  colons 
italiens  et  donne  vraiment  Tidée  de  ce  que  devait  être 
le  pays  tout  entier  au  temps  de  la  domination  romaine 
(p.  124).  »  M.  Lolh  ajoute  que  l'un  de  ces  petits  colons  «  a 
réussi  à  transformer  ses  dix  hectares  en  un  jardin  si  mer- 
veilleusement agencé  (ju'on  lui  offrait  récemment  de  ce 
coin  charmant  une  vingtaine  de  mille  francs  «. 

A  Enfidaville,  la  Société  essaya  d'abord  sans  succès  de 
faire  de  la  colonisation  avec  les  ouvriers  italiens  du  do- 
maine; puis  elle  y  installa  des  familles  choisies  avec  soin 
et,  après  quelques  épreuves,  elle  a  obtenu  de  bons  résul- 
tats. M.  Loth  fait  remar(juer  avec  raison  que  cette  petite 
colonisation  n'a  pu  réussir  que  grâce  à  la  situation  parti- 
culière dans  la(]uelle  se  trouvaient  les  familles.  «  Avec  des 
colons,  dit-il,  se  contentant  d'être  un  peu  moins  mal  que 
dans  leur  patrie,  le  système  de  morcellement  inauguré  à 
Rey ville  et  à  Bou-Ficha  auprolit  des  Siciliens  était  possible. 
Avec  des  cultivateurs  français  quittant  leur  pavs  pour 
trouver  aux  «  colonies  »  plus  de  bien-être,  des  combinai- 
sons de  ce  genre  étaient  irréalisables  »  (p.  126).  11  faut 
noter  que  les  expériences  de  petite  colonisation  dont  il  est 
question  ci-dessus  sont  les  seules  qui  aient  réussi  depuis 
trente  ans  sur  le  domaine  de  l'Enfida. 

On  y  a  fait  aussi  des  essais  de  colonisation  dite 
«  moyenne  »,  c'est-à-dire  portant  sur  des  étendues  de  150 
à  200,  300  et  même  800  hectares.  «  Deux  lots  de  300  hec- 
tares et  un  lot  de  800,  un  lot  de  100  hectares,  un  autre  de 
o30  furent  cédés  en  toute  propriété  movennant  le  quart  du 
prix  de  vente  payable  comptant  et  les  trois  quarts  restants 
en  dix  annuités  portant  intérêt  annuel  de  6  p.  100,  Pro- 
ducteurs de  céréales,  éleveurs  de  bétail,  les  possesseurs 
de  ces  divers  lots  ont  assez  bien  réussi  pour  que  le  pro- 
blème de  la  moyenne  colonisation  française  à  l'Enfida 
puisse  être  considéré  comme  résolu.  » 

La  solution  du  problème  a  dû  être  cherchée  dans  un 
traitement  spécial  des  terres  et  un  choix  particulier  des 


L  AGRICULTURE    EUROPÉENNE  125 

semences,  adaptés  aux  conditions  dans  lesquelles  se  trou- 
vent le  sol  et  le  climat  de  l'Eniida.  Il  fallait  découvrir  les 
procédés  de  culture  qui  conviendraient  le  mieux  à  des 
terres  sèches  et  à  un  climat  chaud  avec  des  pluies  rares. 
La  solution  fut  donnée  par  un  travail  raisonné  du  sol,  ayant 
pour  objet  de  lui  permettre  d'emmagasiner  et  de  conserver 
la  presque  totalité  des  eaux  pluviales  et  par  l'emploi  de 
variétés  de  céréales  résistant  à  la  sécheresse  et  se  déve- 
loppant aussi  vite  que  le  nécessite  la  courte  durée  de  la 
vég-étation.  D'après  les  expériences  faites  par  MM.  Achille 
Coeytaux  et  Dehrit  à  Upenna  et  à  Bou-Ficha,  il  faut  ameu- 
blir la  terre  et  la  rendre  perméable  aux  pluies  par  «  trois 
labours  pendant  l'année  de  jachère,  un  premier  exécuté 
immédiatement  après  les  semailles,  avec  une  Brabant 
n°  42,  le  second  croisant  le  premier  au  printemps,  et  le 
troisième  enterrant  la  semence  en  automne  »  (p.  127). 

Grâce  à  ces  procédés,  sept  métayers  européens  sont 
établis  aujourd'hui  sur  le  domaine  de  l'Enfida.  «  Les  ré- 
sultats obtenus  sont  assez  satisfaisants  pour  que  le  colon 
réalise  des  bénéfices  suffisants,  en  même  temps  que  la 
Société  obtient  une  redevance  au  moins  double  de  celles 
que  lui  procurent  les  contrats  de  location  aux  indigènes  » 
(p.  130).  On  lira  dans  la  brochure  de  M.  Loth,  avec  beau- 
coup d'intérêt,  le  journal  dans  le([uel  M.  Coeytaux,  direc- 
teur actuel  du  domaine  de  l'Enfida,  donne  un  récit  détaillé 
des  efforts  qu'il  a  faits  et  des  résultats  qu'il  a  obtenus  pen- 
dant neuf  années,  sur  un  terrain  qu'il  avait  pris  en  location 
pour  dix  ans.  Le  lecteur  en  déduira  sans  peine  que  tout 
colon  intelligent  doit  réussir,  à  la  condition  de  déployer  une 
grande  activité,  et  de  tenir  un  compte  très  exact  des 
diverses  conditions  spéciales  de  sol  et  de  climat  qui  existent 
dans  ce  domaine. 

Les  résultats  favorables  obtenus  par  les  colons  français 
ont  déterminé  l'administration  à  faire  achat  de  plusieurs 
milliers  d'hectares  du  domaine,  dans  la  région  voisine  de 
Zaghouan,  pour  établir  des  centres  de  colonisation  fran- 
çaise. Le  premier  de  ces  centres  fut  établi,  en  1909,  à 
Segermès,  ancienne  colonie    romaine,    sur    des  terrains 


126  LA    TUNISIE 

avant  une  surface  de  3.500  hectares  et  s'étendant  sur  une 
loni^ucur  de  8  kilomètres,  entre  Bou-Ficha  et  Zaghouan,  en 
travers  delà  voie  ferrée  qui  doit  relier  ces  deux  localités.  Il  y 
fut  constitué  quinze  lots  de  culture  que  Ton  vendit  à  raison 
de  40  à  180  francs  l'hectare  suivant  la  valeur  des  terres. 
Tous  les  lots  sont  aujourd'hui  cultivés  en  céréales.  D'au- 
tres terrains  ont  été  achetés,  dans  le  môme  but,  par  l'admi- 
nistration du  protectorat  à  la  Société  de  l'Enfida  et  l'on  a 
projeté  la  formation  dun  nouveau  centre  de  colonisation 
européenne  à  Zeriba  où  près  de  11.000  hectares  vont  être 
mis  en  vente  en  une  quarantaine  de  lots. 

L'immense  domaine  se  morcelle  ainsi  petit  à  petit  pour 
le  plus  grand  avantage  de  la  colonisation.  Il  importe  de 
noter  que  la  plupart  des  lots  vendus  et  mis  en  culture 
sont  entre  les  mains  de  colons  français. 

J'ai  parlé  en  premier  lieu  du  domaine  de  TEnfida  parce 
qu'il  est  de  beaucoup  le  plus  considérable  de  tous  ceux  qui 
existent  en  Tunisie  ;  mais,  s'il  n'a  pas  de  rivaux  pour 
l'étendue,  il  en  a  pour  la  richesse  et  les  soins  apportés  dans 
la  culture. 

Deux  immenses  propriétés  françaises,  de  plusieurs  mil- 
liers d'hectares  chacune,  furent  constituées,  dès  les  débuts 
de  l'occupation,  sur  le  cours  de  la  Medjerdah.  La  vallée 
qui  s'étend  de  chaque  côté  de  la  portion  intérieure  de  la 
Medjerdah  est  l'une  des  plus  belles  et  des  plus  riches  de  la 
Tunisie;  c'est  aussi  l'une  des  mieux  cultivées  par  les 
Arabes.  Dans  les  parties  basses  qui  environnent  Utique, 
elle  donne  des  fourrages  excellents  ;  partout  ailleurs,  elle 
produit  des  céréales.  La  propriété  de  Sidi-Tabet,  située 
dans  le  fond  de  la  vallée,  à  une  douzaine  de  kilomètres  de 
l'embouchure  de  la  rivière,  à  six  kilomètres  d'Utique, 
mérite  une  mention  particulière  en  raison  des  conditions 
dans  lesquelles  on  l'a  créée. 

§  II.  —  Domaine  de  Sidi-Tabet 

Le  domaine  de  Sidi-Tabet,  situé  à  21  kilomètres  de 
Tunis,  sur  la  route  de  Tunis  à  Bizerte,  s'étend  sur  une  sur- 


L  AGRICULTURE    EUROPÉKNNE  127 

face  de  5.300  hectares.  Il  fut  concédé  en  1877,  par  décret 
beylical,  à  un  Français,  M.  de  Sancy,  puis  transféré  en  1880 
à  la  Société  franco-africaine,  à  la  condition  qu'on  y  établi- 
rait un  haras  pour  la  production  de  chevaux  à  Taide  du 
croisement  des  races  arabes  avec  les  races  ang'laise  et 
autres,  et  une  étable  modèle  pour  le  croisement  de  la  race 
bovine  arabe  avec  les  races  européennes. 

Cette  obHgation  constituait  une  charge  énorme.  Pendant 
longtemps,  le  haras  ne  donna  que  des  résultats  déplorables. 
On  y  achetait  de  vieux  étalons  de  course  dont  les  produits 
n'avaient  aucune  des  qualités  à  exiger  des  chevaux  dans 
un  pays  oii  il  faut  se  préoccuper  beaucoup  plus  de  créer 
des  animaux  de  fatigue  que  des  hôtes  de  luxe  et  de  course. 

«  Aujourd'hui,  écrivais-jeen  1887,  les  choses  vont  mieux, 
mais  les  conditions  imposées  par  le  gouvernement  beylical 
n'en  sont  pas  moins  contraires  aux  véritables  intérêts  de 
rétablissement  »,  et  je  demandais  que  l'on  consacrât  «  le 
haras  et  l'étable  de  Sidi-Tabet  au  perfectionnement  des 
races  indigènes  ».  «  Celles-ci,  disais-je,  sont  depuis  des 
siècles  en  voie  de  dégénérescence  par  suite  du  peu  de  soins 
dont  elles  sont  entourées,  mais  elles  ont  acquis,  de  par  les 
mêmes  influences,  des  qualités  spéciales  qui  les  rendent 
aussi  propres  que  possible  au  pays.  Bêtes  à  cornes  et  che- 
vaux sont  d'une  solidité  et  d'une  rusticité  remarquables. 
Les  bœufs  se  contentent  de  paille  et  de  maigres  herbes 
qu'ils  ramassent  à  grand'peine  dans  les  champs  ;  les  che- 
vaux vivent  de  quelques  poignées  d'orge  distribuées  deux 
fois  par  jour,  d'un  peu  de  paille,  et  ne  boivent  qu'une  seule 
fois  par  vingt-quatre  heures.  Malgré  une  si  chétive  alimen- 
tation, les  bœufs  sont  assez  beaux  ;  ils  ne  maigrissent  d'une 
manière  sensible  que  pendant  les  mois  d'août  et  de  sep- 
tembre, les  pâturages  étant  alors  entièrement  desséchés  et 
épuisés.  Quant  aux  chevaux,  ils  peuvent  faire  tous  les 
jours,  si  on  l'exige,  des  étapes  de  huit  et  dix  lieues  sans 
repos.  Ce  qui  manque  le  plus  à  ces  animaux,  c'est  la  taille. 
Il  serait  aisé  de  la  relever  par  la  sélection,  aidée  d'une 
nourriture  suffisamment  substantielle.  Ce  procédé  vaudrait 
mieux  que  des  croisements  qui  ne  peuvent  manquer  de 


128  LA   TUNISIE 

déterniiiK^r  une  diminution  Je  la  rusticité.  Or,  cette  qua- 
lité est  altsoluiiient  indispensable  dans  un  pays  où  les  four- 
rages et  les  pâturages  sont  rares,  et  oia  la  température  est 
souvent  excessive. 

«  En  choisissant  comme  sujets  des  étalons  et  des  juments 
arabes  d'une  taille  élevée,  comme  on  en  produit  aujour- 
d'hui en  Algérie  pour  notre  cavalerie;  en  mettant  ces  éta- 
lons à  la  disposition  des  Arabes,  qui  ne  manqueraient  cer- 
tainement pas  de  leur  amener  des  juments,  on  ne  tarderait 
pas  à  élever  la  taille  moyenne  des  chevaux  tunisiens.  Ils 
pourraient  alors  être  achetés  pour  les  services  qui  deman- 
dent de  la  force  et  pour  la  cavalerie.  Comme  ils  augmente- 
raient de  valeur,  les  indigènes  seraient  intéressés  à  soigner 
davantage  les  produits  de  leurs  écuries  et  ils  y  mettraient 
sans  aucun  doute  quelque  amour-propre. 

«  Ce  que  je  viens  de  dire  du  perfectionnement  des  che- 
vaux peut  s'appliquer  aux  bêtes  à  cornes.  C'est  bien  plus 
à  la  sélection  et  au  régime  alimentaire  qu'au  croisement 
qu'il  faut  demander  l'amélioration  de  la  race  bovine  de  la 
Tunisie.  J'ai  vu,  il  est  vrai,  à  Sidi-Tabet,  de  très  jolies 
bêtes  obtenues  par  le  croisement  de  la  race  charolaise  avec 
la  race  tunisienne.  Mais  ces  produits  exigent  des  soins 
très  grands,  qu'il  serait  difficile  aux  indigènes  de  leur 
donner.  Il  est  même  permis  de  se  demander  si  à  la  deuxième 
ou  troisième  génération  les  métis  ne  perdraient  pas,  sous 
l'influence  du  climat,  une  partie  des  qualités  qu'ils  ont  à 
la  première. 

«  Tel  est,  à  mon  avis,  le  principe  sur  lequel  devrait 
être  organisé  le  haras  do  Sidi-Tabet  pour  rendre  à  la 
Tunisie  des  services  réels  et  pour  rapporter  à  ses  proprié- 
taires des  bénéfices  dénature  à  encourager  leur  entreprise. 
Cela  n'empêcherait  pas  de  faire  des  expériences  de  croise- 
ments entre  les  races  africaines  et  celles  de  l'Europe. 

«  Parmi  les  clauses  imposées  à  la  Société,  il  en  est  une 
particulièrement  défavorable  à  l'entreprise  de  Sidi-Tabet 
et  contraire  aux  intérêts  de  la  Régence,  c'est  celle  qui 
interdit  aux  propriétaires  du  haras  de  faire  des  mulets. 
En  effet,  le  mulet  et  la  mule  sont  rares  en  Tunisie;  ils  y 


l,'.\(iRICi;i.TURr.    EUROI'KENNF.  129 

sont  très  estimés  el  alloigiienl  des  prix  éhivés.  Or,  on  fait 
peu  de  mules  dans  la  Régence.  Presque  toutes  celles  qu'on 
y  trouve  viennent  de  la  Sicile.  Est-ce  pour  pi'otéger  le  com- 
merce italien  qu'une  influence  hostile  à  la  FYance  a  fait 
inscrire  dans  le  cahier  des  charges  de  Sidi-Tahet  l'interdic- 
tion de  faire  des  mulets?  Je  l'ignore,  mais  tout  permet  de 
le  supposer.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  situation  prépondérante 
que  la  France  occupe  aujourd'hui  en  Tunisie  nous  impose 
le  devoir  de  faire  tomher  toutes  les  barrières  qui  ont  été 
autrefois  dressées  contre  notre  œuvre  de  colonisation.  » 
Les  desiderata  que  j'exprimais  en  1887,  dans  la  page 
ci-dessus,  ont  été  réalisés,  car  je  lis  dans  la  brochure  de 
M.  Loth  sur  l'Enfida  et  Sidi-Tabet  (pubhée  en  1910, 
p.  184)  :  «  Le  haras,  agrandi  à  plusieurs  reprises,  possède 
un  effectif  permanent  de  quarante  juments  poulinières, 
dont  trente  sont  de  pur  sang  arabe.  Ces  bêtes  sont  le  pro- 
duit d'une  sélection  minutieuse,  et  il  est  difficile  de  ren- 
contrer une  jumenterie  présentant  un  pareil  ensemble 
d'animaux.  Trois  étalons  de  pur  sang  arabe  sont  ég;alement 
attachés  au  haras  où  fonctionne  une  station  de  monte, 
chaque  année,  de  janvier  à  fin  avril.  Il  y  a.  en  outre,  trois 
élèves  étalons.  Parle  croisement  d'un  baudet  appartenant 
à  l'une  des  meilleures  races  d'Europe  avec  des  juments 
barbes  bien  choisies,  on  obtient  des  mulets  très  recherchés 
dans  toute  la  Tunisie. 

«  L'élevage  des  bovins  est  pratiqué  avec  la  même 
méthode  scientifique.  M.  Duprez  (le  régisseur  de  Sidi- 
Tabet)  se  préoccupe  surtout  de  sélectionner  les  races  du 
pays...  La  bouverie  compte  plus  de  trois  cents  bêtes  à 
cornes. 

«  En  dehors  du  contrat  passé  avec  le  gouvernement,  une 
intéressante  tentative  est  poursuivie  depuis  huit  ans  à 
l'aide  du  zébu.  Le  croisement  de  cet  animal  avec  des 
vaches  de  race  tunisienne  ou  de  race  italienne  a  donné 
d'excellents  produits.  Les  défectuosités  de  la  vache  tuni- 
sienne ont  été  corrigées,  et  l'on  remarque  dans  les  croisés 
zébus  des  formes  plus  développées,  une  force  et  une  ag^i- 
lité  plus  grandes.  Ces  animaux,  sobres  et  endurants  à  la 

.1.1,    Dk  Lankssan.  —   La  Tunisie.  li 


130  LA    TIINISIK 

J'aligue,  résistent  bien  aux  maladies  fréquentes  et  habi- 
tuelles en  Tunisie.  De  plus,  la  vitesse  du  pas  des  croisés 
zébus  dépasse  aux  labours  celle  du  mulet.  Leur  dressage 
est  relativement  facile,  ils  s'attellent  à  la  charrue  et  même 
à  la  voiture,  car  ils  trottent.  Enfin,  leur  poids  de  viande 
dépasse  70  p.  100.  » 

Ail  mois  de  mai  1913,  à  la  suite  dune  convention  passée 
entre  la  Société  franco-africaine  et  le  gouvernement, 
celui-ci  a  pris  à  son  compte  le  haras  et  la  jumenterie  ainsi 
que  la  majeure  partie  du  domaine,  en  reconnaissant  à  la 
Société  un  droit  absolu  de  propriété,  conformément  au  droit 
commun,  sur  1.335  hectares  sur  lesquels  se  trouvent  les 
bâtiments  de  l'administration,  les  divers  services,  les  écu- 
ries, étables  et  bergeries,  le  cellier,  le  magasin  à  four- 
rages,^  etc.  Les  terres  reprises  par  le  gouvernement  et  qui 
s'étendent,  après  un  achat  de  oOO  hectares,  sur  3.300  hec- 
tares doivent  être  alloties  graduellement  en  vue  de  la 
création  d'une  trentaine  de  fermes  françaises.*  Le  haras 
et  la  jumenterie  sont  placés  sous  la  direction  d'un  spécia- 
liste qui  lui-même  dépend  du  directeur  de  l'élevage, 
M.  Ducloux.  Celui-ci,  vétérinaire  de  l'armée,  a  rendu  déjà 
de  grands  services  en  Tunisie  dans  le  domaine  de  l'éle- 
vage. C'est  à  lui  qu'est  due  la  création  des.  petites  stations 
de  remonte  dans  lesquelles  des  étalons  sont  mis  à  la  dis- 
position des  juments  indigènes. 

La  Société  a  conservé  surtout  les  terres  en  plaine,  irri- 
gables et  submersibles  par  les  eaux  de  la  Medjerdah  et 
les  coteaux  qui  se  prêtent  le  mieux  à  la  culture  de  la 
vigne.  D'après  une  note  que  le  directeur  de  l'exploitation, 
M.  Duprez,  a  bien  voulu  me  remettre  tout  récemment,  lés 
terres  à  céréales  occupent  environ  500  hectares  ;  les  vignes 
irrigables  et  submersibles,  90  hectares  ;  les  vignes  de 
coteaux,  175  hectares  ;  les  prairies  et  luzernières,  150  hec- 
tares ;  les  terres  de  parcours  pour  les  bestiaux,  300  hec- 
tares. Les  eaux  d'irrigation  sont  puisées  dans  la  Med- 
jerdah au  moyen  d'une  machine  qui  donne  400  à  500  litres 
à  la  seconde.  Une  voie  Decauville  de  O^jGO  dessert  la 
majeure  partie  de  l'exploitation.   On  a  construit  15  kilo- 


L  AGRICULTURE    EUROPÉENNF.  131 

mètres  de  chemins  d'exploitation  bordés  d'arbres  et  8  kilo- 
mètres de  canaux  en  ciment  armé  pour  la  distribution  de 
l'eau  d'irrigation.  Une  école  et  un  bureau  de  postes  et  télé- 
graphes fonctionnent  depuis  plusieurs  années. 

«  Toutes  les  variétés  de  céréales,  dit  M.  Lolh  ip.  183), 
sont  produites  à  Sidi-Tabet,  mais  on  sème  de  préférence 
l'avoine,  plus  rémunératrice  et  craignant  moins  que  le  blé 
les. effets  de  la  rouille  et  de  la  coulure  provoquées  par  le 
voisinage  de  la  Medjerdah.  En  raison  de  la  compacité  des 
terres,  les  rendements  en  orge  sont  très  irréguliers.  Cepen- 
dant la  Société  a  introduit  sur  le  domaine  une  variété 
d'orge  noire,  précédemment  inconnue  en  Tunisie,  qui  a 
donné  32  quintaux  à  l'hectare...  Dans  le  verger  avoisinant 
le  bordj,  les  orangers,  amandiers,  cognassiers,  néfliers 
forment  un  cadre  charmant.  »  Dans  les  surfaces  irrigables 
on  a  créé  des  prairies  artificielles  constituées  par  un 
mélange  d'avoine,  de  fenugrec,  de  sarrazin  et  de  vesces 
et  des  luzernières  oii  l'on  fait  jusqu'à  sept  coupes  par  an. 
Le  maïs,  le  sorgho,  la  betterave  alternent  avec  les  luzer- 
nières. La  vigne  produit  environ  ol  hectolitres  à  Ihec- 
tare.  La  direction  attache  une  grande  importance  au  déve- 
loppement des  troupeaux  de  bœufs  et  de  moutons.  Ces 
derniers  sont  au  nombre  de  plus  d'un  millier  :  ils  sont 
obtenus  par  le  croisement  de  brebis  algériennes  à  courte 
queue,  sélectionnées,  avec  des  métis  mérinos  de  la  Crau. 

A  Sidi-Tabet,  comme  à  l'Enfida,  la  Société  franco-afri- 
caine s'est  attachée  à  fixer  des  indigènes  sur  son  domaine, 
avec  la  préoccupation  principale  de  s'assurer  de  la  main- 
d'œuvre.  Plus  de  douze  cents  individus,  hommes,  femmes 
et  enfants  sont  aujourd'hui  fixés  au  sol  et  entretiennent 
plus  d'un  millier  de  ba^ufs  et  vaches,  300  chevaux  ou 
mulets,  100  ânes  et  2.000  moutons.  Sur  les  terres  qu'ils 
ont  prises  en  location,  ils  récoltent  plus  de  25.000  quin- 
taux de  céréales. 

D'après  M.  Loth  (p.  191)  :  «  Plus  de  400.000  francs  ont 
été  consacrés  aux  constructions  et  abris,  aux  aménagements 
de  fosses  d'écoulement,  de  routes  en  pistes,  aux  planta- 
tions d'arbres  de  grande  venue  (eucalyptus,  frênes,  peu- 


132  LA    TlINISIF. 

pliers,  saules,  acacias,  mûriers,  vernis  du  Japon,  carou- 
biers, etc.).  La  création  et  la  mise  en  état  du  vignoble, 
l'aménagement  des  canaux  d'irrigation,  etc.,  ont  exigé, 
d'autre  part,  une  mise  de  fonds  d'environ  600.000  francs. 
Enfin,  500.000  francs  ont  été  consacrés  à  diverses  autres 
améliorations,  ce  qui  donne  un  capital  de  premier  établis- 
sement de  1. 500.000  francs...  Parla  bonté  de  ses  cultures, 
l'importance  des  plantations,  l'ouverture  de  nombreux 
chemins  carrossables  en  toutes  saisons,  la  diversité  des 
essais,  l'intensité  de  l'élevage,  le  domaine  de  Sidi-Tabet 
constitue  pour  la  colonisation  française  la  meilleure  des 
leçons  de  choses  ». 

Cette  leçon  de  choses  est  d'autant  plus  intéressante  qu'elle 
est  donnée  dans  l'une  des  régions  de  la  Tunisie  les  plus 
favorisées  au  double  point  de  vue  de  la  nature  du  sol,  de  la 
facilité  de  l'irrigation  et  de  l'inondation  et  de  la  quantité 
des  pluies  qui  tombent  chaque  année.  Celles-ci  sont 
presque  aussi  abondantes  que  dans  la  région  de  Mateur 
qui  est  la  partie  la  mieux  arrosée  par  la  pluie  de  la  Régence. 
Or,  il  apparaît  bien  clairement  qu'à  ces  conditions  excel- 
lentes de  sol  et  de  pluie  il  faut  encore  ajouter  l'irrigation 
et  des  soins  très  assidus,  qui  entraînent  de  très  grosses 
dépenses.  Et  il  en  faut  conclure  qu'en  Tunisie,  comme  par- 
tout ailleurs,  on  n'obtient  rien  de  la  terre  sans  sueur  et 
sans  or. 

!§  III.  —  Les  principaux  domaines  des  Européens 

L'histoire  de  toutes  les  autres  propriétés  européennes 
dont  nous  allons  parler  confirme  pleinement  cette  vérité. 

Au  nord-ouest  de  Tunis  et  au  voisinage  delà  Medjerdah, 
indépendamment  du  domaine  de  Sidi-Tabet,  il  s'est  cons- 
titué une  dizaine  de  propriétés  oi^i  Ton  cultive  à  la  fois 
les  céréales  et  la  vigne.  Le  domaine  de  Saint-Cyprien,  dont 
l'étendue  est  de  1.800  hectares,  appartient  à  la  Société 
des  fermes  françaises  de  Tunisie  et  a  pour  directeur 
M.  Saurin.  On  y  cultive  les  céréales  et  près  de  90  hec- 
tares de  vignes  qui  produisent  surtout  des  raisins  de  table. 


L  AGRICUI/l'URE    EUROPÉENNE  133 

Le  domaine  de  Bellevue  (500  hectares!  qui  appartient  à 
MM.  Licari,  négociants  en  vins  à  Tunis,  produit  des 
céréales  et  du  vin.  Il  va  été  planté  165  hectares  en  vig-nes. 
Les  E  tic  kirs  Kediet  En/iesoura/i  et  Nahli,  dont  la  surface 
atteint  1.107  hectares  et  qui  appartiennent  à  M.  Amaury 
de  Givenchy,  produisent  des  céréales  et  un  millier  d'hec- 
tolitres de  vin  dont  près  de  200  hectolitr-es  en  vin  hlanc 
d'Alicante.  La  surface  cultivée  en  vignes  rouges  est  de 
28  hectares.  L'un  des  domaines  les  plus  importants  de 
cette  région  est  celui  de  M.  Billy,  memhre  de  la  Chamhre 
d'agriculture,  et  de  la  Conférence  Consultative.  La  vigne 
y  est  cultivée  avec  beaucoup  de  soin  et  donne  des  vins 
réputés.  Il  existe  encore  dans  la  région  de  la  Manouba  six 
ou  sept  domaines  de  moindre  impoitance  (36  à  135  hec- 
tares) où  des  Européens  cultivent  les  céréales  et  la  vigne. 

Dans  la  région  de  Téhourba,  à  une  distance  de  20  à 
40  kilomètres  au  nord-est  de  Tunis,  se  trouvent  quelques 
grands  domaines  favorisés  par  la  qualité  des  terres  et  par 
des  pluies  régulières.  Le  domaine  de  Shuiggui  qui  appar- 
tient à  la  Société  immobilière  du  même  nom,  dont  M.  Paul 
Leroy-Beaulieu  est  administrateur  et  M.  Seguin  régisseur, 
s'étend  sur  près  de  6.000  hectares  dont  400  sont  cultivés 
en  vigne.  Une  partie  de  la  propriété  est  en  montagne. 

Le  domaine  de  Bordj-el-A/nri,  sur  la  route  du  Kef, 
entre  Saint-Cyprien  et  Massicault,  dont  la  surface  est  de 
3.050  hectares  et  qui  appartient  à  MM.  Canino  et  C'"  a 
été  divisé  en  un  grand  nombre  de  petites  fermes  cultivées 
par  des  Italiens  qui  y  font  de  la  vigne  et  des  céréales. 
Les  vignes  donnent  8  à  0  000  hectolitres  de  vins  rosés, 
rouges  ou  de  liqueur  (type  marsala)  et  180  quintaux  de 
raisins  de  table. 

Le  domaine  de  Chaoaat,  sur  la  route  de  Bi/erte,  près 
de  Djedëida,  qui  appartient  aux  héritiers  de  M""'Lagrenée 
et  s'étend  sur  2.000  hectares  entièrement  cultivés,  con- 
tient 82  hectares  de  vignes  en  grande  partie  rouges.  La 
culture  des  céréales  s'y  fait  conjointement  à  celle  de  la 
vigne. 

Le  domaine   de  Djedeïda  et  Bejaoua   (4.000    hectares) 


134  LA    TUNISli: 

appartient  à  la  Société  pour  Tapprentissage  agricole  en 
Tunisie.  L'Alliance israélilc  universelle  y  afondé,  en  189o, 
une  l'ertne-écolt;  oij  Ion  cultive  surtout  des  céréales  et 
30  hectares  de  vignes. 

Parmi  les  domaines  de  cette  région  ceux  de  l'Omnium 
mobilier  tunisien  méritent  une  mention  spéciale.  Cette 
société,  fondée  au  capital  d'un  million  cinq  cent  mille  francs, 
a  entrepris  l'exploitation  de  grands  domaines.  Ceux-ci  ont, 
en  général,  leur  autonomie  et  ont  constitué  des  sociétés 
filiales  dans  lesquelles  l'Omnium  est  largement  représenté. 
Les  principaux  domaines  ruraux  de  l'Omnium  sont  : 
LiB  domaine  de  Saida  comprenant  1.300  hectares  de 
terre  dàlluvion  de  la  Medjerda,  près  de  Djedeida,  domaine 
loué  à  un  locataire  commandité  par  l'Omnium.  —  Le  do- 
maine de  Djaffar  (100  hectares)  dans  la  plaine  de  FAriana. 
—  Le  domaine  de  Sidi-Salem,  comprenant  550  hectares 
dont  16  de  vigne  dans  la  plaine  de  Mateur.  —  Le  groupe 
de  Draa-ben-Ioftdcr ,  Deroidch  et  Charchara,  comprenant 
7.000  hectares,  principalement  en  brousses,  adossé  au  mas- 
sif de  Zaghouan,  dans  une  région  favorisée  par  les  pluies. 
La  guerre  a  interrompu  la  mise  en  exploitation  de  ce 
groupe  sur  lequel  1.000  hectares  environ  ont  reçu  la 
charrue  française.  —  Le  domaine  de  Ghéradoc  comprenant 
environ  7.000  hectares,  dans  la  région  de  Sbeitla.  Il  est 
remarquable  par  sa  richesse  en  eau  courante  pendant 
toute  l'année.  —  Une  partie  du  domaine  de  VOued-Meiah, 
partie  indivise  d'une  propriété  située  à  20  kilomètres  de 
Gabès,  comprenant  20.0(J()  oliviers  en  rapport,  et  4  puits 
artésiens  donnant  environ  i.OOO  mètres  cubes  d'eau  d'ir- 
rigation par  vingt-quatre  heures.  Deux  de  ces  puits  ont  été 
forés  par  la  Société.  La  superficie  est  de  1.000  hectares.  — 
Le  domaine  de  Terre  Noire  (350  hectares)  sur  les  coteaux 
({ui  limitent  à  l'est  la  plaine  de  Mateur. 

Les  propriétés  qui  ont  fait  l'objet  de  hliales  sont  : 

Le  domaine   de   Montarnaud,   exploité   par   la  Société 

Martinier  et  C'^  Société  en    commandite    au    capital   de 

525.000  francs.  Il  comprend  2.790  hectares  dans  le  contrôle 

de  Medjez,  on  y  cultive  l.OÔO  hectares  de  céréales  par  an. 


l/AORICUr/l'UHE    EUHOl'KKNNK  133 

—  Le  domaine  de  la  Brauce  Tunisienne ,  à  Oued-Zargua, 
appartenant  à  la  Rurale  Tunisienne,  Société  anonyme  au 
capital  de  400.000  francs.  Il  comprend  2.650  hectares  à 
Oued-Zargua.  On  y  cultive  1.100  hectares  de  céréales  par 
an.  —  Ces  deux  dernières  propriétés  n'avaient  pas  20  hec- 
tares chacune  de  défrichement  au  moment  oii  l'Omnium 
s'y  est  intéressé.  —  Le  domaine  de  Ben-Dou  exploité  par 
la  Colonisation  de  l'Oued-Ramel,  Société  anonyme  au 
capital  de  350.000  francs.  Il  comprend  1.700  hectares 
situés  à  Oued-Ramel.  —  Le  domaine  de  Zouitina  exploité 
par  la  Société  du  Maiana,  Société  anonyme  au  capital  de 
400.000  francs.  Cette  propriété  est  située  à  Tébourba.  Elle 
comprend  900  hectares  en  voie  de  défricliement.  La  So- 
ciété du  Maiana  possède  en  plus  20.000  pieds  d'oliviers 
dans  la  forêt  de  Tebourha. 

Toutes  ces  entreprises  ont  demandé  de  très  gros  efforts 
de  toutes  sortes.  Elles  étaient  dirigées  par  un  personnel 
uniquement  français  qui  a  été  mobilisé  dès  les  premiers 
jours  d'août  1914,  et  qui  a  été  remplacé  par  des  moyens 
de  fortune. 

Il  existe  encore  dans  la  région  de  Djedeïda  quatre  ou 
cinq  autres  domaines  de  moindre  étendue  dont  un,  le  plus 
important  après  les  précédents,  celui  de  Saint-Joseph  d'El 
Mahrine,  cultive  191  hectares  de  vigne;  les  autres  en  cul- 
tivent de  20  à  75  hectares. 

La  région  de  la  Marsa.  près  de  Tunis,  sur  les  bords  du 
golfe,  ne  présente  que  deux  propriétés  :  celle  dite  de  l'ar- 
chevêché, appartenant  à  la  Société  civile  immobilière  La 
Tunisienne,  composée  de  65  hectai-es  plantés  en  vignes  et 
celle  de  M.  Bessis,  près  de  la  Goulette,  dont  la  surface  totale 
est  de  100  hectares.  40  hectares  sont  plantés  en  vignes  qui 
donnent  exclusivement  du  vin  de  liqueur,  type  muscat. 

Le  domaine  d'Utique  a  été  constitué  autour  de  l'an- 
tique ville  punique  ;  il  est  l'un  des  plus  étendus  de  la 
Régence.  Il  embrasse  plus  de  6.000  hectares  et  appartient 
à  un  Français  qui  y  réside,  M.  de  Chabanes  La  Palice.  Il 
ne  contient  que  20  hectares  de  vignes  rouges,  plantées 
au  début  de  l'occupation.  Les  céréales  y  sont  cultivées  sur 


136  LA    TUNISIE 

une  grande  étendue  avec  des  machines  à  vapeur  et  donnent 
de  bons  résultats.  Plusieurs  fermes  ont  été  créées  en  vue 
de  l'exploitation  par  métayage. 

La  région  de  Mornag,  située  au  sud-ouest  et  à  une  faible 
distance  de  Tunis  est  celle  où  se  trouvent  actuellement 
réunis  le  plus  grand  nombre  de  domaines  européens. 
Presque  tous  appartiennent  à  des  Français.  J'ai  sous  les 
yeux  une  liste  de  vingt-huit  domaines  situés  dans  cette 
région,  qui  tous  font  des  céréales,  de  l'élevage  et  du  vin 
dans  des  conditions  aussi  favorables  qu'il  est  possible  de 
les  trouver  en  Tunisie. 

Le  domaine  de  Potineille  (2.800  hectares),  situé  plutôt  à 
l'entrée  de  la  presqu'île  du  cap  Bou  que  dans  le  Mornag 
proprement  dit,  est  le  plus  important.  Il  est  situé  à  deux 
kilomètres  de  la  station  de  Hammam-El-Lif,  sur  la  ligne 
de  Tunis  à  Sousse,  et  s'étend  des  pieds  du  massif  monta- 
gneux de  Bou-Kornine  jusqu  à  la  mer.  Acheté  en  188i 
par  M.  Paul  Potin,  et  régi  par  M.  Gauvry,  il  possédait 
déjà  en  1888  un  vignoble  de  plus  de  400  hectares,  porté 
depuis  à  près  de  600  hectares.  C'est  le  vignoble  le  plus 
important  et  le  mieux  aménagé  de  la  Tunisie,  grâce  aux 
dépenses  considérables  faites  pour  son  installation,  son 
entretien  et  son  exploitation.  Il  produit  de  15  à  23.000  hec- 
tolitres de  vins  dont  une  partie  notable  est  représentée 
par  des  mistelles  et  par  des  vins  de  liqueurs  iMuscat, 
Porto,  Banyuls).  Une  centaine  d'hectares  sont  ensemencés 
tous  les  ans  en  céréales.  L'élevage  est  représenté  par  d'im- 
portants troupeaux  de  bœufs  et  de  moutons.  On  y  a  créé 
une  fabrique  de  chaux  hydraulique  et  de  ciment  dont  les 
produits  sont  très  estimés  en  Tunisie  et  au  dehors. 

Le  domaine  de  Crétéville,  à  20  kilomètres  de  Tunis,  fut 
acheté,  en  1884,  par  un  officier  de  cavalerie,  M.  Maurice 
Crété,  qui  planta  rapidement  250  hectares  de  vignes. 
Actuellement  son  domaine  produit  en  moyenne  13.000  hec- 
tolitres de  vin  rouge,  de  vin  blanc  et  de  muscat.  M.  Mau- 
rice Crété  est  un  des  colons  français  qui  ont  montré  le 
plus  d'ardeur,  de  ténacité  et  d'intelligence  dans  leur 
œuvre.   Je   disais   de  lui  dans  la  première  édition  de  ce 


l'agriculture  europkrnnr  137 

livre  :  «  Tandis  qu'on  défonçait  ses  terres,  qu'on  plantait 
son  vignoble  et  qu'on  bâtissait  son  habitation,  il  logeait 
sous  la  tente,  au  milieu  de  la  plaine  ».  D'après  une  note 
qui  m'a  été  communiquée  tout  récemment,  il  a  créé  deux 
autres  domaines  pour  des  sociétés  filiales  de  la  sienne, 
l'un  à  Belli,  dans  la  presqu'île  du  cap  Bon,  l'autre  à  Prot- 
ville,  sur  la  route  de  Bizerte,  près  du  pont  de  la  Medjerdah. 
On  estime  que  les  trois  domaines  doivent  posséder 
ensemble  environ  700  hectares  plantés  en  vignes.  Le 
domaine  de  Belli  (situé  dans  la  région  de  Grombalia)  a  une 
étendue  de  600  hectares  dont  160  plantés  en  vignes 
rouges  et  blanches.  Le  domaine  de  Protville,  dont  l'étendue 
est  de  1.100  hectares,  en  a  170  plantés  en  vignes  rouges, 
blanches  et  muscat.  Dans  ces  domaines  on  cultive  des 
céréales  et  on  fait  de  l'élevage. 

Le  domaine  de  Bir-Kassad,  situé  à  4  kilomètres  seule- 
ment de  Tunis  et  dont  l'étendue  atteint  644  hectares,  fut 
créé  en  1888  par  M.  Savignon,  ancien  maire  d'Alger.  Il 
appartient  aujourd'hui  à  la  Société  de  colonisation  tuni- 
sienne qui  est  une  société  de  retraite,  également  propriétaire 
des  domaines  de  Ksar-Tyr  (3.400  hectares  dont  140  en 
vignes)  dans  le  contrôle  de  Medjez-El-Bab  et  du  domaine  de 
Zaïana,près  de  Fondouk  Djedid  (cap  Bon),  créé  parle  géné- 
ral Toutée.  A  Bir-Kassaâ,  il  existe  148  hectares  de  vignes. 

En  face  de  ce  domaine,  se  trouve  celui  d'Hassen  Bey, 
dont  la  propriétaire  est  M""  d'Espaigne  et  le  locataire, 
M.  Renoux,  de  Tunis.  Son  étendue  est  de  400  hectares, 
dont  118  plantés  en  vignes  rouges,  blanches  et  muscat.  Il 
produit  près  de  200  quintaux  de  raisin  de  table,  et  plus  de 
7.000  hectolitres  de  vin  dont  environ  600  en  vins  de 
liqueur,  300  en  vin  blanc,  3.400  en  vin  rosé  et  2.500  en 
vin  rouge,  on  y  cultive  aussi  des  céréales. 

he  domaine  d'Ahmed-Zaïd  (^600  hectares)  fondé  au  début 
de  l'occupation  par  M.  Terras,  appartient  aujourd'hui  à 
son  hls  M.  Antoine  Terras,  membre  de  la  Gliambre 
d'agriculture  et  de  la  Conférence  consultative.  On  y  cul- 
tive 80  hectares  de  vigne  et  des  céréales.  On  y  a  établi 
une  très  belle  orangerie. 


I3!S  LA    TUNISIK 

Le  domaine  de  Marquey,  situé  à  18  kilomètres  de  Tunis, 
appartient  à  MM.  Armand  Reclus  et  Guignard.  Son  étendue 
est  de  787  hectares  dont  100  cultivés  en  céréales  et  four- 
rages et  100  en  vignes  rouges  et  blanches 

Le  domaine  de  Ben-Arons  appartient  à  la  Société  des 
lermes  dont  le  directeur  est  M.  Saurin.  Il  est  situé  à 
3  kilomètres  seulement  de  Tunis,  près  de  la  gare  de 
Djebel-Djelloud  où  s'est  constitué  un  centi'e  industriel.  Il 
y   est  cultivé  i'ô  hectares  de  vignes  blanches  et  rouges. 

Le  domaine  de  Sidi-Salem,  propriété  de  M.  le  docteur 
Jude  Hue,  est  situé  dans  le  Haut-Mornag,  Il  figure  parmi 
ceux  dont  les  vignes  ont  le  rendement  le  plus  fort.  S-on 
étendue  est  de  :U9  hectares,  dont  63  sont  plantés  en 
vignes  rouges. 

Le  domaine  d'Eschamufies  également  situé  au  Mornag, 
propriété  de  M.  de  Warren,  cultive  40  hectares  de 
vignes  dont  le  rendement  est  l'un  des  plus  élevés  de  la 
Régence.  M.  de  Warren  fut  avec  M.  de  Carnières,  prési- 
dent de  la  Chambre  d'agriculture  et  M,  de  Bouvier,  aujour- 
d'hui décédé,  l'un  des  créateurs  du  Crédit  rural  et  de 
l'Association  agricole. 

La  plupart  des  autres  domaines  de  la  région  ont  une 
surface  inférieure  à  300  hectares  et  cultivent  entre  20  et 
80  hectares  de  vignes.  Tous  font  des  céréales  ;  tous  sont 
considérés  comme  prospères. 

La  région  de  Grombalia,  qui  s'étend  au  sud-est  et  k 
l'est  de  la  précédente,  contient  de  vingt-cinq  à  trente 
domaines  dont  quelques-uns  figurent  parmi  les  plus  anciens 
de  la  Tunisie. 

Le  domaine  de  M' Raissa  donl  l'étendue  est  de  1.700  hec- 
tares appartient  à  cette  catégorie.  Il  fut  fondé  au  début  de 
l'occupation  par  MM.  Laurans  et  Mille,  sur  les  bords  du 
golfe  de  Tunis,  près  de  Soliman,  dans  les  plaines  qui 
entourent  l'embouchure  de  l'Oued  Bezirk.  Les  vignes  oc- 
cupent 74  hectares.  Après  l'avoir  visité,  je  disais,  en  1887, 
dans  la  première  édition  de  ce  livre  :  «  la  propriété  de 
M'Raissa  est  l'une  de  celles  qui  se  prêteront  le  mieux  à 
l'élevage  du  bétail.  Les  plaines  qui  entourent  l'embouchure 


i/acricui-turi-:   kuropkrnniî  139 

de  rOiied  Bezirk  sont  très  liimiides,  et  constituent  des 
pacages  naturels  qu'il  serait  aisé  de  transformer  en  riches 
prairies.  Pendant  les  plus  fortes  chaleurs  de  l'été,  les 
hœufs  Y  trouvent  encore  une  abondante  nourriture.  Les 
propriétaires  n'ont  pas  négligé  cette  source  de  revenus  ; 
ils  achètent  à  la  fin  de  l'hiver  des  bœufs  qu'ils  font  pâturer 
pendant  sept  ou  iiuit  mois  et  qu'ils  revendent  ensuite 
avec  de  beaux  bénéfices.  Si  l'exportation  de  ces  animaux 
était  possible,  si  elle  n'était  pas  entravée  par  des  droits 
excessifs,  ils  pourraient  la  pratiquer  dans  d'excellentes 
conditions,  car  ils  embarqueraient  leurs  bœufs  sur  les 
bords  mêmes  du  pâturage.  Il  existait  autrefois  à  M'Raissa 
un  petit  port  romain  dont  on  voit  encore  les  traces  et  qu'il 
serait  aisé  de  rétablir,  pour  le  plus  grand  profit  des  habi- 
tants de  la  riche  région  qui  entoure  Soliman  ». 

La  construction  du  chemin  de  fer  de  Tunis  à  Soliman 
a  rendu  inutile  le  rétablissement  du  petit  port  de  M'Raissa 
et  le  domaine  créé  par  M.  Mille  (décédé)  et  M.  Laurans 
est  indiqué  comme  l'un  des  plus  prospères  de  la  Tunisie. 
On  y  cultive  les  céréales.  On  y  a  développé  les  prairies 
(ît  l'on  y  élève  une  quantité  notable  de  bétail,  dont  aujour- 
d'hui rex])ortation  est  libre. 

Le  domaine  du  Khanguet,  propriété  de  M"'^  V'  Gillet, 
dont  l'étendue  est  de  2.000  hectares,  est  situé  au  Khanguet- 
el-Hadjaj,  près  de  Grombalia.  On  a  planté  130  hectares 
en  vignes  rouges.  On  y  cultive  les  céréales,  et  l'on  y 
élève  du  bétail.  Une  partie  du  domaine  a  été  aliénée  par 
M""=  Gillet  à  MM.  Licari  et  Riant. 

A  signaler  aussi  au  Khanguet,  le  domaine  de  M.  Riant 
et  celui  de  M.  Leclorc,  fils  d'un  des  anciens  généraux  qui 
ont  commandé  la  division  d'occupation.  On  y  cultive  sur- 
tout la  vigne. 

Le  domaine  de  Khangxet  Gnesnon,  près  de  Grombalia, 
propriété  de  M.  Guesnon,  étendue  sur  600  hectares,  pos- 
sède 144  hectares  de  vignes  rouges.  On  y  cultive  les  céréales 
et  l'on  y  élève  du  bétail. 

Le  domaine  Oued-ei-Abid,  de  6.806  hectares,  propriété 
du  Crédit  mobilier  de  Paris,  situé  sur  les  bords  de  la  mer, 


140  LA    rUNISIti 

prrs  (le  la  pointe  du  cap  Bon,  ne  cultive  que  TiO  hectares 
de  vignes,  sous  la  direction  de  M.  de  La  Poterie. 

Le  domaine  de  Foudouk  Djedid  (100  hectares),  propriété 
de  M.  de  Carniëres,  président  de  la  Chambre  d'agriculture 
du  nord  de  la  Tunisie,  est  remarquable  par  le  rendement 
de  ses  vignes,  qui  couvrent  trente  hectares.  Dans  le  reste 
du  domaine  on  cultive  des  céréales. 

Il  faut  rappeler  :  le  domaine  de  Belli  (600  hectares) 
qui  appartient  à  la  Société  filiale  de  la  Société  Crété  ;  on 
y  culti^■e  160  hectares  en  vignes  d'un  très  bon  rendement 
moyen  ;  le  domaine  créé  par  le  général  Toutée  à  Fondouk- 
DJcdid,  où  l'on  cultive  180  hectares  en  vignes;  le  domaine 
de  El-Haouarya  appartenant  à  M.  Paris ,  (400  hectares 
dont  45  en  vignes),  près  de  Soliman ,  où  l'on  fait  du  vin 
rouge,  du  vin  blanc  et  du  vin  de  liqueur,  les  vignes  ayant 
un  bon  rendement  moyen  ;  le  domaine  de  Kelhia  (893  hec- 
tares dont  30  en  vignes)  près  de  Grombalia  ;  le  domaine- 
de  El  Aouina  (350  hectares)  appartenant  à  M.  Lehucher, 
gendre  de  M.  de  Carnières,  où  l'on  fait  de  la  vigne  et  des 
céréales  et  où  l'on  élève  du  bétail  ;  les  divers  domaines  du 
centre  de  Bir  Meroita,  créé  par  la  Direction  de  l'Agricul- 
ture, etc. 

Le  domaine  de  M.  Branima  à  5  kilomètres  de  Soliman, 
dans  la  forêt  d'oliviers,  ne  comprend  que  des  oliviers, 
25  à  30.000  pieds,  cultivés  avec  le  plus  grand  soin 
et  une  fabrique  d'huih'  montée  avec  tous  les  progrès 
modernes. 

Les  autres  domaines  de  la  région  ont  des  étendues 
inférieures  à  300  hectares  et  cultivent  de  20  à  75  hectares 
en  vignes.  Presque  tous  appartiennent  à  des  Français. 

Dans  la  région  de  Sedjoumi.  au  sud  et  à  une  faible  dis- 
tance de  Tunis,  se  trouvent  quatre  ou  cinq  grands 
domaines  appartenant  à  des  Français  et  (juatre  ou  cinq 
petits  ayant  pour  propriétaires  des  sujets  italiens. 

Le  domaine  de  M'Rira  qui  s'étend  sur  2.000  hectares,  à 
9  kilomètres  de  Tunis,  sur  la  route  de  Kairouan,  appartient 
à  M.  Edouard  Prouvost,  de  Roubaix.  Il  y  a  été  planté 
500  hectares  de  vignes  rouges  et  blanches.  On  y  cultive 


L  A(jRICULTURR    EUROPKENNR  141 

aussi  (les  céréales  et  l'on  y  fait  de  l'élevag-e.  Une  partie 
de  la  propriété  est  exploitée  par  des  enzellistes. 

Le  domaine  de  Bordj-Chakir  dont  les  propriétaires  sont 
MM.  Reynier  Irëres,  de  Grenoble,  et  qui  est  géré  par 
M.  Yver  de  la  Bruciiollerie,  s'étend  sur  o90  hectares,  à 
11  kilomètres  de  Tunis,  sur  la  route  du  Kef.  Cent  hectares 
sont  cultivés  en  vignes  rouges,  blanches  et  muscat.  On 
cultive  aussi  des  céréales  et  on  fait  de  l'élevage. 

Le  domaine  très  important  de  Ben  Attar,  dune  conte- 
nance d'environ  1.400  liectares,  appartenant  à  M.  Blaive. 

L'Enchir  Birinc,  à  15  kilomètres  de  Tunis,  derrière  le 
lac  Sedjoumi  offre,  sur  une  étendue  de  773  hectares, 
61  hectares  de  vignes  rouges  et  blanches  qui  donnent  du 
vin  et  500  quintaux  de  raisins  de  table.  Ce  domaine  est, 
en  grande  partie,  entre  les  mains  d'Italiens. 

Le  domaine  de  Zarouni  (250  hectares)  propriété  de 
M.  Eugène  Terras,  situé  à  6  kilomètres  de  Tunis,  près  de 
Manouba,  offre  60  hectares  de  vignes  rouges,  blanches  et 
de  muscat.  On  y  fait  près  d'un  millier  d'hectolitres  de 
vin  muscat  qui  pèse  près  de  15  degrés. 

Citons  encore  les  domaines  de  M.  Dominique  Bergonzo 
àM'Rira,  avec  ses  28  hectares  de  vignes;  celui  de  M.  Gram- 
matico  Vincenzo,  à  Birine  où  Ton  cultive  24  hectares  en 
vignes,  etc. 

La  région  de  Sedjoumi  est  un  lieu  d'élection  pour  les 
Italiens  et  les  Siciliens  qui  la  défrichent  avec  une  remar- 
quable ténacité  mais  n'ont  que  de  petites  propriétés. 

La  région  de  Zaghouan,  au  sud  de  Tunis,  présente  une 
douzaine  de  belles  propriétés  appartenant  à  des  Français, 
notamment  celle  que  créèrent  le  colonel  de  P'aucamberge 
et  M.  Morel,  celle  de  Finet,  qui  contient  de  magnifiques 
prairies  naturelles,  quelques  vignes  appartenant  à  la  Com- 
pagnie des  eaux,  etc.  Cette  région  est  à  la  fois  l'une  dès 
plus  riches  et  des  plus  belles  de  la  Tunisie.  Elle  est 
égayée  par  les  arbres  et  les  arbustes  qui  couvrent  la 
chaîne  du  Zaghouan,  la  plaine  et  les  collines  qui  la  bor- 
dent, par  la  pittoresque  petite  ville  de  Zaghouan,  entourée 
de  jardins  oià  poussent  tous  les  ai'bi-es  fVuitiers  de  notre 


142  LA    TUNISIE 

pays  mêlés  à  des  oliviers,  à  des  grenadiers  et  à  des  vignes 
(|u' arrosent  l<'s  eaux  de  la  montagne,  ces  eaux  dont  on 
parle  avec  enthousiasme  dans  toute  la  Tunisie  parce 
qu'elles  sont  les  plus  abondantes  et  les  meilleures  qu'on  y 
connaisse.  Tour  à  tour  les  Carthaginois  et  les  Romains 
ont  bu  ces  eaux  qu'ils  amenaient  par  des  aqueducs  à 
Garthage  et  à  Tunis.  Les  Romains  ont  bâti,  au-dessus 
des  larges  fissures  des  roches  par  lesquelles  les  eaux 
sortent,  un  temple  encore  debout  et  presque  intact,  témoin 
de  la  vénération  dont  cette  petite  ville  a  toujours  été 
entourée. 

En  1890,  une  société  lyonnaise  acheta,  dans  cette  région, 
le  domaine  de  l'Oued  Hamel  comprenant  IG.OOU  hectares 
qui  furent  partagés  entre  ses  membres.  Il  faut  signaler  le 
domaine  de  Ren  Dou,  récemment  cédé  par  M.  Birot  à 
l'Omnium,  celui  de  Sidi  Cherif  à  M.  Chavant,  récemment 
décédé,  membre  de  la   Chambre  de  commerce  de  Lyon. 

Le  domaine  de  cette  région  le  plus  important  par  son 
étendue,  est  celui  de  Beni-Derrage  (2.500  hectares)  à 
10  kilomètres  de  Zaghouan.  Il  appartient  à  la  Société 
immobilière  de  Beni-Draj.  On  y  cultive  40  hectares  en 
vigne.  On  y  fait  des  céi'éales  et  l'on  y  a  créé  des  |)rairies 
en  vue  de  l'élevage. 

Le  domaine  de  Djimla  (1.500  hectares),  propriété  de 
MM.  Radius  et  Duprez,  est  situé  près  de  Zaghouan.  On  y 
cultive  25  hectares  en  vignes  qui  produisent  des  vins  rosés 
et  rouges.  La  plus  grande  partie  du  domaine  est  cultivée 
en  céréales. 

Le  domaine  de  Bir-Cliana^  à  Mograne,  près  de  Zaghouan, 
l'ut  créé  par  le  colonel  de  Faucamberge  dès  le  début  de 
l'occupation.  Il  devint  ensuite  la  propriété  de  M"''  Thérèse 
Humbert  puis  celle  d'un  guadeloupéen,  M.  Larraque.  On 
y  a  planté  215  hectares  en  vignes.  On  y  cultive  en  outre 
des  céréales,  on  y  a  créé  des  prairies  et  l'on  y  fait  de  l'éle- 
vage. 

Le  domaine  dp  Val-joie,  propriété  créée  par  M.  Duffo, 
président  du  Syndicat  général  des  viticulteurs,  mort  récem- 
ment, est  situé  à  Aïn-el-Asker,  à  2  kilomètres  delà  station 


l'agriculture  européenne  143 

(lu  Djebel  OusL  II  s'élend  sur  350  lieclares.  doril,  'l'I  cul- 
livés  en  vignes. 

Le  domaine  ou  établissement  agricole  de  Sainte- Marie 
du  Zil ,  propriété  de  M.  Vidou,  s'étend  sur  47o  bectares,  à 
18  kilomètres  de  Zaghouan.  On  y  cultive  33  hectares  en 
vignes  blanches  et  rouges.  La  culture  des  céréales  y 
occupe  une  place  importante.  Ce  domaine  faisait  partie 
de  l'Oued  Ramel.  Il  fut  donné,  par  la  Société  Lyonnaise, 
à  M.  l'abbé  Boisard  pour  y  créer  un  orphelinat  agricole 
(500  hectares).  L'abbé  Boisard  a  passé  la  main  à  une 
Société  patronnée  par  M.  Jolv,  de  l'Institut,  qui  continue 
à  élever  des  orphelins. 

Le  domaine  d'A'r/t-el-Asker  à  4  kilomètres  de  la  station 
de  Djebel  Oust,  s'étend  sur  550  hectares.  Il  a  pour  proprié- 
taire M.  Jules-François  Krayembùhl.  On  y  fait  beaucoup 
de  céréales  et  28  hectares  sont  plantés  en  vignes. 

Notons  encore,  dans  cette  région,  le  domaine  de  Dial-el- 
Arous  (358  hectares  dont  22  en  vignes,  le  vignoble  de 
MM.  Machuel  et  Bérard,  à  Bir  M'Gherga  (22  hectares  de 
vigne  et  les  vignobles  de  M.  Célix  (20  hectares),  de 
MM.  Aula  et  Virgélio  (30  hectares),  de  M.  Houde.  prési- 
dent de  l'Association  des  colons  d'Aïn-el-Asker.  etc.,  etc. 

Dans  la  région  de  Sfax,  nous  trouvons  encore  un 
domaine  où  l'on  fait  de  la  vigne,  celui  qui  porte  le  nom  de 
Enchir-el-Haj eb ,  dont  la  sui'face  totale  est  de  400  hectares, 
avec  40  hectares  de  vignes.  Il  produit  3.000  kilogs  de  rai- 
sins de  table  ainsi  que  des  vins  rouges  et  blancs  et  du  vin 
de  muscat.  Il  appartient  à  M.  Henri  Cuny  qui  y  cultive 
des  céréales,  des  amandiers  et  des  oliviers. 

La  statistique  générale  de  la  Tunisie  pour  11)12  indique 
dans  la  région  de  Sfax  48  viticulteurs  européens  dont 
32  français,  13  italiens,  2  anglo-maltais  et  3  grecs  cultivant 
ensemble  216  hectares  de  vignes  dans  lesquels  figurent 
probablement  les  40  hectares  du  domaine  El-Hajeb.  Le 
nombre  des  hectares  cultivés  en  vignes  par  les  32  français 
étant  de  205,  il  ne  reste  pour  les  autres  européens  que  des 
surfaces  très  réduites. 

La  région  de  Sfax  est  surtout  remarquable  par  les  cul- 


144  LA    TUNISIR 

tures  d'oliviers  et  (ramandiors  (lu'y  i'aisaienl,  depuis  fort 
longtemps  les  indigènes  et-  vers  lesquelles  se  sont  portés, 
depuis  une  quinzaine  d  années,  un  certain  nombre  de  colons 
français. 

Parmi  les  principaux  domaines  créés  par  les  Français, 
nous  devons  citer  ceux  de  M.  Boucher,  sénateur,  ancien 
ministre  (10.000  hectares),  géré  par  un  de  ses  (ils;  de 
M.  Cochery,  ancien  ministre,  député  du  Loiret,  mort 
récemment  (près  de  3.000  hectares)  ;  le  domaine  de  la 
Fauconnerie,  appartenant  à  M.  Faucon,  liquidateur  judi- 
ciaire à  Paris,  et  géré  par  M.  Gharroin,  cultivateur  émé- 
rite  qui  fait  des  expériences  pour  le  compte  de  la  Direction 
de  l'Agriculture:  on  y  voit  une  autrucherie  récemmeni 
achetée  par  l'État  tunisien:  celui  de  M.  Mougeot,  sénateur, 
ancien  ministre  ;  ceux  de  MM.  Sirv,  Liby,  Boizel,  etc.,  etc., 
tous  créés  dans  les  Terres  sialines,  vendues  par  l'Etat  à 
10  francs  Thectare,  à  la  condition  d'être  plantées  en  oli- 
viers. M.  Regnault,  ancien  résident  du  Maroc,  ambas- 
sadeur au  Japon,  M.  Serres,  Contrôleur  civil  à  Tunis,  le 
docteur  Chrétien,  de  Nancy,  etc.,  etc.,  ont  également 
planté  des  oliviers  dans  cette  région  devenue  tout  à  fait 
florissante. 

La  plupart  des  propriétaires  européens  ont  adopté  pour 
leurs  plantations  le  système  des  m'gharsis  dont  il  a  été 
question  plus  haut,  qui  aboutit  au  partage  des  oliviers 
par  moitié  entre  le  propriétaire  et  le  travailleur  lorsque 
les  arbres  commencent  à  produire.  D'autres  ont  préféré 
garder  à  leur  charge  tous  les  frais  de  la  plantation  et  de 
l'entretien  des  olivettes,  afin  d'en  avoir  l'entière  propriété. 

Les  uns  et  les  autres  ont  éprouvé  des  difficultés  dans 
le  recrutement  des  m'gharsis,  d'autant  plus  grandes  que 
leurs  propriétés  étaient  plus  éloignées  de  Sfax.  L'ancien 
Directeur  de  l'Agriculture,  M.  Bourde,  à  qui  l'on  doit  le 
développement  de  la  culture  des  oliviers  par  les  Euro- 
péens, dans  les  environs  de  Sfax,  doit  être  félicité  pour 
cette  œuvre  éminement  utile  à  la  colonisation  française  en 
Tunisie. 

Dans  la  région  de  Sousse  la  statistique  signale  l-)2  viti- 


l/Af.Rir.LLrLMlK    la' ItOl'KKNNi;  14o 

culteurs  dont  23  français,  KiO  italiens  et  9  anglo-maltais 
cultivant  ensemble  987  hectares  de  vignes.  Les  23  fran- 
gais  en  ont  ensemble  187  hectares  ;  les  160  italiens  en 
ont  785. 

L'un  des  domaines  les  plus  anciens  de  la  Tunisie,  celui 
de  Kliroussia,  se  trouve  près  de  Sousse.  non  loin  du  lac 
Kelbia,  dans  une  localité  très  riche  en  eau.  On  y  avait 
planté  une  cinquantaine  d'hectares  de  vignes  qui  n'ont  pas 
réussi.  On  y  fait  des  fourrages  et  l'on  y  appliquait  pour 
la  culture  des  céréales  un  système  sur  lequel  on  avait 
fondé  de  grandes  espérances.  Les  propriétaires  louaient 
aux  Arabes  la  majeure  partie  de  leurs  terres  moyennant 
une  faible  somme  d'argent  et  l'obligation  de  cultiver,  au 
profit  exclusif  du  propriétaire,  une  certaine  étendue  de 
terres.  Grâce  à  ce  système  le  propriétaire  n'avait  que  peu 
d'avances  de  fonds  à  faire  et  l'Arabe  était  fixé  au  sol  par 
ses  intérêts.  Mais  la  sécheresse  est  trop  grande  dans  cette 
région  pour  que  la  culture  des  céréales  soit  avantageuse. 
On  se  heurta  pour  la  culture  de  la  vigne,  à  une  autre  dif- 
ficulté :  la  trop  grande  richesse  du  sol  en  chlorure  de 
sodium,  en  sels  magnésiens  et  en  gypse.  Partout  oi^i  le  sol 
est  salé  la  vigne  refuse  de  vivre. 

Dans  la  région  de  Gabès  M.  de  Lesseps  possédait  un  très 
vaste  domaine  qui  passa  aux  mains  du  commandant 
Roudaire  et  qui  est  actuellement  divisé  en  deux  parties  : 
l'une  appartenant  à  MM.  Person  et  Maugery,  l'autre  à 
f  Omnium  immobilier,  société  tunisienne  dont  nous  avons 
déjà  parlé.  L'origine  de  ce  domaine  remonte  au  projet 
de  M.  Roudaire,  relatif  à  la  création  d'une  mer  intérieure 
s'étendant  sur  tous  les  chotts  du  sud  de  la  Tunisie  et  de 
l'Algérie.  Un  canal  de  près  de  deux  cents  kilomètres  devait 
relier  les  chotts  au  golfe  de  Gabès  et  permettre  leur 
envahissement  par  l'eau  du  golfe.  Par  décret  du  22  no- 
vembre 1883  le  Bey  concédait  à  M.  de  Lesseps  le  droit  de 
creuser  des  puits  artésiens  dans  toute  la  région  des  chotts 
et  s'engageait  à  lui  vendre  autour  de  chaque  puits  une 
surface  de  terre  de  100  hectares  par  chaque  mètre  cube 
de  débit  à  la  minute,  à  un  prix  calculé  d'après  la  valeur 

J.-L.  Dr  Lanei4sa>'.  —  La  Tunisie,  10 


146  I^A    TUNISIE 

du  terrain  avant  lo  forage  du  puits.  En  1887,  j'assistai  au 
creusement  du  premier  de  ces  puits  sous  la  direction  du 
commandant  Landas.  Les  projets  primitifs  ont  été  aban- 
donnés, mais  de  nombreux  puits  artésiens  ont  été  creusés 
dans  le  sud. 

La  statistique  signale  encore  dans  la  région  de  Gabès- 
Djerba,  l'existence  de  9  viticulteurs  européens,  dont  4  fran- 
çais, 4  italiens  et  1  grec,  cultivant  ensemble  près  de  10  hec- 
tares de  vignes. 

Dans  la  région  de  Zarzis,  la  ^statistique  signale  8  viti- 
culteurs européens,  dont  6  français  et  2  italiens,  qui  cul- 
tivent ensemble  environ  34  hectares  de  vignes. 

Dans  la  région  de  Gafsa,  elle  indique  5  viticulteurs 
français  cultivant  ensemble  environ  6  hectares  de  vignes. 

Dans  le  Nord  et  l'Est  de  ja  Tunisie,  il  existe  un  grand 
nombrede  domaines  dont  quelques-uns  de  grande  étendue, 
tous  favorisés  par  la  régularité  et  l'abondance  des  pluies 
et  la  facilité  des  communications. 

Dans  la  région  de  Bizerte,  nous  avons  déjà  noté  le 
domaine  de  Protville  qui  appartient  à  une  filiale  de  Ja 
Société  Crété.  W  s'étend  sur  1.100  hectares  dont  170  plantés 
en  vignes  rouges,  blanches  et  de  muscat.  On  y  cultive 
aussi  des  céréales  et  Ton  y  fait  de  l'élevage. 

C'est  aussi  dans  cette  région  que  se  classe  le  domaine 
d'Utique  dont  il  a  été  question  plus  haut. 

Le  domaine  de El-Hao?ad [l.\W  hectares)  situé  comme 
le  précédent  sur  la  route  de  Bizerte  à  Tunis,  propriété 
de  M.  Alexandre  Grammont,  gérée  par  M.  Villard,  offre 
74  hectares  plantés  en  vignes  d'un  bon  rendement.  On  y 
cultive  des  céréales  et  l'on  y  fait  de  l'élevage. 

Sur  les  rives  nord  du  grand  lac  de  Bizerte,  s'étend  une 
région  fraîche,  celle  de  El-Azib,  où  s'est  développée  de 
façon  heureuse,  sur  des  terres  légères,  la  moyenne  coloni- 
sation :  une  dizaine  de  propriétaires  y  font,  sur  des  éten- 
dues variant  de  50  à  200  hectares,  les  fourrages,  l'élevage 
en  demi-stabulation,  les  cultures  maraîchère  et  fruitière  et 
un  peu  de  céréales.  L'eau,  très  abondante  et  bonne,  y  per- 
mettrait l'établissement  de  luzernières. 


L  AC.RICULÏURE    EUROPÉKNiMi  147 

iVu  sud  du  lac,  sont  les  domaines  de  M.  Doyen,  de 
M,  de  la  Haye,  le  vignoble  de  la  société  de  Tindja. 

A  l'ouest,  entre  le  lac  et  la  mer,  on  voit  le  centre  de 
Sidi-Ahmed  créé  par  la  Direction  de  l'Agriculture,  puis  le 
centre  de  Sidi-Bou-Hadid  issu  du  morcellement  des 
3.000  hectares  qui  appartenaient  à  la  Société  Anonyme  de 
Sidi-Bou-Hadid  et  formant  les  domaines  de  MM.  Rouget, 
de  Nadaillac,  Descamps,  de  Ganay,  Dufaure  et  Rousset, 
variant  de  100  à  500  iiectares  et  propices  aux  céréales  et 
à  l'élevage. 

Enfin  sur  les  rives  nord  du  lac  Ichkeul  est  un  autre  grou- 
pement formé  parles  propriétés  de  MM.  Clary,  de  Ganav, 
Leclercq  et  Daverède. 

Citons  encore  le  domaine  de  Sidi-Scdem,  près  de  Mateur, 
propriété  de  M.  Gabriel-Jullien,  étendu  sur  866  hectares 
avec  20  hectares  de  vignes,  loué  à  M.  Costet,  ancien 
élève  des  Écoles  d'Agriculture  de  France,  vice-président 
de  l'Association  agricole  de  Tunisie. 

La  région  entre  Bizerte  et  Mateur  est  une  de  celles  qui 
se  prête  le  mieux  à  la  colonisation  européenne,  à  cause  de 
la  régularité  et  de  l'abondance  des  pluies  et  de  la  qualité 
des  terres. 

Mateur  même  est  un  centre  des  plus  fertiles  et  oii  les 
pluies  sont  les  plus  régulières.  ïl  y  faut  noter  d'une  façon 
particulière  les  propriétés  très  importantes  et  très  bien 
tenues  de  MM.  Loyer,  Lapalu,  Marchegay,  Rœderer, 
Lavotte,  Massini,  Pinhède,  Lespinasse,  Desportes  de 
La  Fosse  (ministre  plénipotentiaire,  ancien  délégué  à  la 
Résidence  Générale. 

La  région  de  Mateur  commence  en  réalité  après  Chaouat, 
à  Sidi  Athman  (propriété  admirablement  tenue  de  feu 
M.  de  Bouvier)  ;  elle  englobe  les  domaines  d'Ain  Rhelal, 
appartenant  à  M.  Boissonnas,  récemment  acheté  par 
M,  Auvergnat,  à  M.  Wartelle,  à  M.  le  comte  de  Bazignan, 
et  s'étend  jusqu'aux  Mogods  et  aux  Hédils.  Cette  région 
est  éminemment  propre  aux  céréales  et  à  l'élevage. 

La  région  de  Béjà  contient  deux  beaux  et  grands 
domaines  :   celui  de  VOned-Zerga  et  celui   de  Mimc/iar, 


148  LA    TUNISIE 

propriété  de  la  Société  des  Fermes  françaises  de  Tunisie, 
avec  ris  iiectares  plantés  en  vl^-nes.  Il  est  diriçi-é  par  M.  Sau- 
rin. 

L'Oued-Zerga  fut  acheté  par  M.  Gery  à  Moustapha-ben- 
Ismacl,  avant  l'occupation.  Tl  a  été  ailoti  par  les  soins  de 
M.  Acquaviva,  aujourd'hui  décédé,  membre  de  la  Chambre 
d'Agriculture,  délégué  à  la  Conférence  consultative,  fon- 
dateur des  Assurances  mutuelles  ;  il  y  a  maintenant  une 
quinzaine  de  domaines  importants  :  le  principal  celui  de 
M.  Acquaviva,  contient  les  vignes  :  à  citer  MM.  Ponson, 
président  de  l'Association  des  colons,  Ballut,  Roméas, 
Gaulliier,  Héberger,  Guyétand,  etc.,  etc. 

La  région  de  Déjà  est  l'une  des  plus  favorables  de  la 
Régence  à  la  colonisation  européenne.  Elle  ne  connaît  pas 
les  mauvaises  années.  On  y  cultive  avec  profil  les  céréales 
et  l'on  y  fait  de  l'élevage  dans  d'excellentes  conditions. 
Il  y  a  été  créé  un  grand  nombre  de  fermes  françaises  de 
petite  étendue  et  qui  toutes  sont  prospères.  Leur  création 
a  été  due  en  partie  à  la  Société  que  préside  M.  Saurin  et 
en  partie  à  la  Direction  de  l'Agriculture.  Dans  une  note 
qui  vient  de  m'ètre  communiquée,  on  estime  à  au  moins 
150  le  nombre  des  fermes  de  cette  région,  dont  la  partie 
la  plus  fertile  est  celle  qui  s'étend  dans  la  vallée  de  l'oued 
Zerga  entre  la  ville  de  Béja  et  les  collines  qui,  en  raison 
de  leurs  sommets  dentelés,  ont  reçu  le  nom  de  la  Scie. 

La  richesse  proverbiale  des  terres  de  cette  région  est 
due  à  une  précipitation  annuelle  de  pluie  oscillant  entre 
600  millimètres  et  800  millimètres  et  à  des  sources  nom- 
breuses, à  débit  abondant. 

Les  colons  y  étaient  relativement  peu  nombreux  jus- 
qu'en 1900  ;  ils  ont  vu  leur  nombre  s'accroître  en  grande 
proportion.  Seule,  la  cherté  progressive  des  terres  apporte 
actuellement  un  obstacle  à  leur  multiplication.  Les  élé- 
ments de  cette  colonisation  sont  excellents,  formés  en 
grande  partie  par  des  paysans  originaires  de  l'Ouest,  et 
des  jeunes  gens  sortis  de  l'École  d'Agriculture  coloniale 
de  Tunis,  tous  installés  sans  esprit  de  retour. 

La   situation   géographique  particulièrement   favorable 


i/aGRICUM'URF,    ruropkrnnr  149 

(le  celle  contrée,  les  qualités  agricoles  de  ses  émigranls 
ont  déterminé  une  suite  de  progrès  particulièrement  inté- 
ressants dans  les  assolements,  procédés  culturaux,  sélec- 
tion et  adaptation  des  semences,  etc. 

L'élevage,  édifié  d'une  façon  rationnelle,  a  adopté  la 
formule  du  croisement  (Salers,  Tarentais.  Modica,  etc.)  ; 
les  résultats  acquis  ont  été  mis  particulièrement  en  évi- 
dence sur  les  propriétés  de  MM.  Leclerc,  Roy,  Vénè(|ue, 
Carrier,  Gagne. 

Des  croisements  fort  intéressants  aussi  ont  été  réalisés 
sur  les  brebis  d'origine  algérienne  et  les  porcs.  L'élevage 
du  cheval  a  donné  des  résultats  particulièrement  satisfai- 
sants chez  M.  Duifau  d'El  Aifareg.  Il  convient  aussi  de 
mentionner  particulièrement  l'introduction  par  M.  de  Lan- 
nurien  de  nombreuses  juments  bretonnes  dans  le  pays, 
en  vue  de  croisement  avec  les  baudets,  du  Poitou  ou  des 
Pyrénées. 

Il  semble  malaisé  de  mettre  en  relief  tel  domaine  ou 
telle  propriété.  Partout  on  trouve  un  eiïort  constant  et 
une  émulation  progressive.  Sur  le  lot  de  «0  hectares, 
comme  sui- l'henchir  de  500  hectares,  on  pratique  l'emploi 
judicieux,  basé  sur  l'analyse  des  terres,  de  superphos- 
phates, scories  et  autres  engrais;  partout  les  dernières 
créations  du  machinisme  agricole  sont  étudiées  et  accueil- 
lies avec  satisfaction. 

En  résumé,  cette  jeune  colonisation  a  fait  ses  preuves 
et  semble  appelée  à  un  plus  bel  avenir  encore.  Etant 
donné  l'exemple  remarquable  de  collaboration  intelligente 
avec  les  indigènes  dans  la  pratique  des  œuvres  culturales. 
le  bel  esprit  de  mutualité  qui  l'anime,  ses  succès  grandi- 
ront encore.  Souhaitons  aussi  que  le  nombre  des  colons 
s'accroisse.  Les  preuves  de  réussite  sont  acquises  et  il  faut 
espérer  que  la  Direction  de  FAgriculture  continuera  à 
développer  cefoyer  d'efforts  français. 

Dans  la  région  deMedjez-el-Bab,  se  trouvent  deux  grands 
domaines  :  celui  de  Ksar-Tyr  propriété  de  la  Société  d<' 
colonisation  française,  3.400  hectares,  dont  140  en  vignes 
et  celui  de  Cliassart-Tefalia  actuellement  à  M.  de  Wou- 


150  LA    TUNISIK 

liis.  sujet  bolg-e,  (3.000  hectares,  dont  103  en  vignes 
rouges,  blanches  et  de  muscat). 

A  citer  encore  les  beUes  exploitations  de  MM.  Deligne, 
membre  de  la  Chambre  d'ag'riculture,  Blanc,  Soulier, 
Morand,  Muzart,  Raffin,  etc.,  etc.  Céréales  et  bétail. 

Les  colons  de  Medjez  et  du  centre  voisin,  à  10  kilo- 
mètres du  (jroubellat  (Direction  de  l'agriculture),  onl 
fondé  une  Société  d'élevage  qui  constitue,  par  la  sélection 
des  bovins  indigènes,  un  superbe  troupeau. 

Dans  la  région  de  Souk-el-Arba  se  trouvent  trois  beaux 
domaines  :  celui  de  Zama,  à  Souk-el-Khemis  (ol7  hectares 
dont  40  en  vignes),  fut  créé  par  M.  Féret,  il  appartient 
aujourd'hui  à  M.  de  Waumas  ;  celui  de  Romani  au  comte 
de  Chabannes  (300  hectares  dont  40  en  vignes  rouges)  ; 
et  celui  de  Zaouetn,  propriété  de  la  Société  foncière  et 
agricole  des  vignobles  de  Souk-el-Khemis,  dont  le  directeur 
est  M.  Charles  Fabre.  Ce  domaine  a  une  étendue  de 
1.500  hectares.  Le  phylloxéra  s'étant  introduit  dans  son 
vignoble,  il  y  a  quelques  années,  on  arracha  d'abord  la 
vigne  sur  un  hectare.  De  nouvelles  taches  s'étant  formées 
dans  ces  derniers  temps,  la  Giiambre  d'agriculture  et  le 
Syndicat  des  viticulteurs  ont  pris  l'initiative  de  provoquer 
l'arrachage  du  vignoble  entier.  On  espère  que  grâce  à  cette 
mesure  et  à  l'isolement  des  autres  vignobles,  le  phylloxéra 
ne  s'étendra  pas  dans  la  Régence.  Afin  de  le  prévenir  il  a 
été  pris,  depuis  longtemps,  des  mesures  très  rigoureuses. 

Signalons  les  très  importants  domaines,  à  Souk-el-Khe- 
mis, de  M.  Cailloux,  dont  les  installations  électriques 
sont  tout  à  fait  remarquables,  de  M.  Gounot,  délégué  à  la 
Conférence  consultative,  de  M.  de  Waumas,  membre  de 
la  Chambre  d'agriculture,  etc.,  etc.,  le  lotissement  de  la 
Direction  de  l'agriculture  à  la  Merdja-Khérédine. 

Dans  la  région  de  Teboursouk,  se  trouve  le  grand 
domaine  (2.000  hectares)  des  Pères  blancs,  connu  sous 
le  nom  de  Saint- Joseph  de  Thibar.  Il  est  situé  à  20  kilo- 
mètres de  Teboursouk  ;  50  hectares  sont  cultivés  en 
vignes. 

Nous  devons  citer  encore  les  domaines  très  importants 


l'agricui.tubk   F.UROPKENNE  itil 

(le  Aïn-Garsa  à  MM.  PerriqueL,  de  MM.  Fabre,  Nancy, 
Sériot  de  Dion,  Gauthier,  etc.,  etc..  et  le  lotissement 
récent  de  la  Direction  de  l'Agriculture  à  Tenchir  Khalled. 

§  lY.  —  L'exploitation  des  domaines  européens 

La  mise  en  valeur  de  tous  les  grands  domaines  dont 
nous  venons  de  parler  est  beaucoup  favorisée  par  le  sys- 
tème du  métayage  qu'emploient  déjà  un  certain  nombre 
de  nos  compatriotes.  Les  métayers  eux-mêmes  pouvant 
T'tre  soit  des  indigènes,  soit  des  Italiens,  des  Siciliens  ou 
des  Maltais.  Dans  un  mémoire  publié  par  M.  Renard  dans 
l'annuaire  pour  1912  de  l'Association  des  anciens  élèves 
de  l'École  coloniale  de  Tunis,  le  métayage  est  particulière- 
ment recommandé  comme  moyen  d'attirer  en  Tunisie  les 
agriculteurs  français. 

Il  a  été  reconnu,  en  elfet,  qu'un  Français,  cultivateur 
de  métier,  peut  difficilement  réussir  s'il  ne  dispose,  à  son 
arrivée  en  Tunisie,  d'un  capital  d'au  moins  vingt  mille 
francs  ;  s'il  n'est  pas  agriculteur,  le  nouveau  venu  devra 
avoir  à  sa  disposition  des  ressources  beaucoup  plus  consi- 
dérables. Or,  pour  ceux  qui  connaissent  le  tempérament 
du  paysan  français,  il  est  évident  que  celui  qui  dispose 
d'un  semblable  capital  préférera  rester  en  France  plutôt  que 
venir  le  risquer  en  Tunisie  ;  en  fait,  il  est  très  rare  que  la 
Direction  de  l'Agriculture  vende  des  terres  à  des  colons 
de  cette  catégorie. 

«  Au  contraire,  beaucoup  de  petits  propriétaires  et  d'ou- 
vriers agricoles,  munis  d'un  capital  de  un  à  cinq  mille 
francs,  viendraient  volontiers  en  Tunisie,  pour  laquelle 
ils  seraient  de  précieuses  recrues,  s'ils  savaient  pouvoir 
y  trouver  une  bonne  situation  d'attente  et  s'ils  avaient 
l'espoir  d'y  devenir  propriétaires.  Or,  le  métayage  — 
l'expérience  l'a  prouvé  —  est  pour  cette  catégorie  si  inté- 
ressante de  nouveaux  venus,  le  moyen  de  se  familiariser 
avec  l'agriculture  de  ce  pays  et  de  parvenir  sûrement  à  la 
prospérité.  » 

M.   Saurin  lui-même  a  publié  sur  le  métayage  envisagé 


152  LA    I  UNI  sir. 

cornine  moyen  do  dévt'loppiu-  la  coloiiisalioii  tïançaise  en 
Tunisie  des  observations  dont  il  me  paraît  utile  de  mettre 
quelques-unes  sous  les  yeux  de  ceux  de  nos  compatriotes 
qui  liront  ce  livre.  Il  pose  d'abord  en  principe  que  pour 
réussir  dans  l'agriculture  en  Tunisie  il  faut,  comme  par- 
tout d'ailleurs,  réaliser  Tunion  d'un  bon  cultivateur  labo- 
rieux, sobre,  intelligent  et  d'un  capital  suffisant.  «  Le  vrai 
paysan,  dit-il  [fOEuvre  française  en  Tunisie,  p.  28),  malgré 
ses  qualités  de  travail  et  d'endurance  ne  peut  pas  s'établir  en 
Tunisie  avec  chances  de  succès  s'il  ne  dispose  pas  du  capital 
nécessaire.  Il  ne  peut  pas  y  vivre  comme  journalier  à  cause 
du  bon  marcbé  de  la  main-d'œuvre  indigène  et  italienne, 
il  ne  peut  donc  s'y  établir  que  comme  maître-valet,  mé- 
tayer, fermier  ou  petit  propriétaire.  Quelle  que  soit  la 
combinaison  adoptée,  il  doit  acheter  le  sol,  construire  une 
maison  et  une  écurie,  disposer  d'un  cheptel,  des  instru- 
ments de  labour  et  posséder  les  avances  pour  vivre  en 
attendant  la  récolte.  »  Tout  cela  représente  une  somme 
importante.  M.  Saurin  donne  des  chiffres  «  établis,  dit-il, 
à  la  suite  d'une  expérience  personnelle  de  douze  ans  ». 

Il  envisage  d'abord  une  ferme  de  10  hectares  dont  5  en 
vignes.  «  Elle  exige,  dit-il.  un  capital  de  12.U00  francs, 
ainsi  employés:  achat  du  terrain  1.50U  francs  ;  construc- 
tion 2.500  francs;  cheptel,  1.000  francs;  divers  1.000 francs, 
création  du  vignoble,  5  hectares,  première  mise  de  fonds, 
6.000  francs.  Elle  rapporte  brut,  à  partir  de  la  cinquième 
année,  5.000  francs.  Celui  qui  établit  cette  ferme  doit  être 
un  cultivateur  de  profession,  exécutant  lui-même  tous  les 
travaux  des  champs,  vivant'  en  grande  partie  du  produit 
de  son  sol  et  allant  chercher  autour  de  lui,  dans  les  pre- 
mières années,  un  travail  complémentaire,  car  ce  petit 
domaine  ne  saurait  occuper  tout  son  temps.  »  Il  ajoute 
qu'un  colon  peut  vivre  dans  ces  conditions  «  dans  une 
large  aisance  »,  mais  encore  faut-il  qu'il  possède  un  capital 
initial  d'une  dizaine  de  mille  francs  ou  que  quelqu'un  fasse 
tous  les  premiers  frais  pour  lui. 

Il  envisage  un  second  cas,  plus  favorable,  offrant  une 
situation  plus  enviable  à  la  famille  paysanne  française  qui 


i/a(.RICULTURR    RUROPÉI'.NNI'.  i")3 

voudrait  s'expatrier.  «  Une  ferme  de  ."iO  liectares,  dil-il, 
dont  5  en  vignes,  exige  une  première  mise  de  fonds  de 
32.000  francs  et  rapporte  brut  10.000  francs.  Le  prix  de 
revient  se  décompose  ainsi  :  achat  du  sol,  7.o00  francs  ; 
constructions.  o.OOO  francs;  cheptel,  3.000  francs;  divers, 
3.500  francs.  La  création  du  vignoble  nécessite  une  pre- 
mière dépense  de  1.200  francs  par  hectare.  Les  revenus 
se  composent  du  revenu  de  la  vigne,  600  hectolitres  de  vin 
vendus  à  12  francs  =  7200  francs;  et  du  produit  de 
40  hectares  en  céréales  et  en  fourrages,  qui  donneront  de 
50  à  150  francs  brut  à  Thectare  suivant  les  années  et  sui- 
vant qu'on  se  trouvera  dans  la  Tunisie  n''  1  (vallées 
secondaires  situées  au  nord  de  la  Medjerda  oij  les  pluies 
sont  régulières  et  abondantes  ou  n°  2  (vallées  de  l'oued 
Miliane,  de  la  Medjerdah  et  du  Cap  Bon).  Ainsi,  règle  géné- 
rale, dans  une  entreprise  bien  conduite,  avec  un  capital 
de  32.000  francs,  on  retirera  brut  10.000  francs.  Il  y  a  là 
de  quoi  rémunérer  à  la  fois  le  cultivateur  qui  exploitera 
le  sol  et  le  capitaliste  qui  aura  fourni  les  fonds  indispen- 
sables à  l'œuvre  de  colonisation.  En  admettant  qu'on  par- 
tage le  produit  brut  entre  les  (b'ux  éléments,  suivant  un 
contrat  de  métavage,  il  reste  5.000  francs  pour  le  paysan 
et  5.000  francs  pour  le  capital.  Ce  sera  là  une  excellente 
affaire  pour  le  paysan.  Comme  il  n'y  a  pas  de  morte-saison 
en  Tunisie,  un  seul  attelage  peut  très  bien  mettre  en 
céréales  ou  en  fourrages  une  trentaine  d'hectares  et 
labourer  dix  hectai'esde  vigne.  Le  paysan  trouve  autour  de 
lui  la  main-d'œuvre  à  bon  marché  (l'Arabe  se  paie  1  fr.  25 
à  1  fr.  50  sans  nourriture)  ;  il  est  d'ailleurs  muni  d'une 
moissonneuse-lieuse.  Dans  ces  conditions,  même  sans 
enfants  en  âge  de  travailler,  il  dépensera  à  peine  500  à 
600  francs  de  journées  supplémentaires  et  il  pourra  toujours 
mettre  de  côté  1.000  à  2.000  francs  par  an,  s'il  est  éco- 
nome et  laborieux.  Que  fera  ce  paysan  de  ses  économies 
dans  un  pays  où  le  sol  vaut  de  150  à 200  francs  l'hectare? 
Il  aura  vite  acheté  une  propriété  sur  laquelle  il  s'établira 
à  sontoui-.  L'affaire  sera  tout  aussi  bonne  pour  le  capital, 
puisqu'il  retira   du   12   ou  15  p.    100   du  capital  engagé. 


154  lA    TUNISIE 

Celui  (jui  ne  dirigerait,  pas  lui-même  l'exploitation  devra 
retranchei"  une  partie  du  rendement  pour  payer  les  frais 
de  gérance  et  de  surveillance  ;  mais  il  lui  restera  du  o  au 
8  p.  100.  C'est  là  un  taux  bien  supérieur  au  rendement 
des  capitaux  de  France.  De  plus,  il  aura  une  plus-value 
certaine  dans  un   pays  neuf,  encore  peu  habité.  » 

Cette  plus-value  sest  produite  depuis  le  jour  où  ces 
lignes  furent  écrites  et  cela  oblige  à  modifier  dans  des 
proportions  assez  fortes  sans  doute,  les  chiffres  ci-dessus. 
Dans  les  régions  de  Béja  et  de  Mateur,  le  prix  des 
terrains  s'est  beaucoup  élevé.  On  parlait,  récemment, 
d'un  millier  de  francs  à  l'hectare  pour  les  terrains  de 
seconde  valeur  des  environs  de  Béja.  Il  y  a  une  douzaine 
d'années  les  mêmes  terrains  valaient  130  à  200  francs.  Il 
faut  donc  prévoir  pour  l'achat  des  terres  une  somme  très 
supérieure  à  celle  qui  est  prévue  plus  haut.  D'autres 
chiffres  certainement  doivent  encore  être  élevés. 

M.  Saurin  insistait,  non  sans  raison,  sur  (la  nécessité 
de  ne  choisir  pour  métayers  que  de  véritables  paysans, 
laborieux  et  intelligents.  «  Le  pavsan,  dit-il,  doit  être  un 
laboureur,  conduisant  lui-même  sa  charrue  ou  sa  char- 
rette, maniant  la  pioche  aussi  bien  que  le  sécateur  et  ne 
craignant  pas  de  salir  ses  souliers  dans  le  fumier.  Il  doit 
vivre  de  la  vie  du  paysan.  Voyez  autour  de  vous  à  la 
campagne  comment  vivent  nos  cultivateurs.  Us  se  nour- 
rissent presque  exclusivement  avec  les  produits  de  leur 
champ;  ils  ont  une  basse-cour  bien  garnie,  un  jardin 
bien  tenu,  une  vache  ou  une  chèvre.  Dans  un  coin  de  la 
ferme,  on  entend  le  grognement  du  cochon  qui  fournira 
la  graisse,  le  lard  et  le  jambon.  Dans  ces  conditions,  il 
suffira  de  peu  de  chose  pour  joindre  les  deux  bouts.  Les 
paysans  qui  veulent  vivre  en  citadins  ou  en  bourgeois 
avant  d'avoir  réalisé  des  économies  sont  voués  à  une 
ruine  certaine.  »  Le  paysan  français  qui  accepte  un 
métayage  en  Tunisie  doit,  en  somme,  se  dire  qu'il  ne 
devra  ni  moins  travailler  ni  se  donner  plus  de  confor- 
table en  Tunisie  qu'en  France,  mais  qu'il  pourra  s'élever 
plus  facilement  à  l'état  de  propriétaire  dans  le  premier  de 


[,  AC.RICULTURR    KUROPKENNIÎ  155 

ces  pavs  (jue  dans  le  second  parce  que  la  terre  y  est. 
meilleur  marché.  J'ajoute  qu'il  est  plus  facile  et  moins 
coûteux  de  vivre  dans  un  pays  chaud  que  dans  un  pays 
où  il  existe  un  hiver. 

M.  Saurin  exag-érait  probablement  l'importance  du 
métayage  lorsqu'il  ajoutait  :  «  A  mon  avis,  le  métayage 
est  le  seul  mode  d'exploitation  pratique  pour  celui  qui  ne 
réside  pas  sur  ses  terres  ou  qui  ignore  les  éléments  de  la 
culture.  Sans  doute,  il  a  ses  imperfections  comme  toutes 
les  choses  de  ce  monde,  mais  il  offre  de  grands  avantages, 
celui  qui  habite  son  domaine  et  qui  connaît  bien  son  métier 
aura  parfois  intérêt  à  employer  le  maître-valet  qu'il  paie 
au  mois  ou  à  l'année.  Quelle  que  soit  la  combinaison 
adoptée,  il  faut  que  le  citadin  se  double  d'un  bon  paysan 
français.  11  ne  trouvera  ni  dans  l'Arabe,  ni  même  dans 
l'Italien,  l'habileté  professionnelle,  le  bon  sens,  l'intelli- 
gence pratique  qu'on  rencontre  dans  le  cultivateur  fran- 
çais », 

Si  le  colon,  propriétaire,  habite  sur  son  domaine  pen- 
dant la  plus  grande  partie  de  l'année,  s'il  possède  100  à 
300  hectares  et  qu'il  veuille  employer  des  maîtres-valets, 
M.  Saurin  estime  qu'il  «  vaudra  mieux  pour  lui,  morce- 
ler son  domaine  en  cinq  ou  six  exploitations  que  de  créer 
une  seule  exploitation  géante.  11  lui  faudra  dépenser 
quelques  milliers  de  francs  de  plus  pour  construire  les 
logements  nécessaires,  mais  il  les  aura  vite  retrouvés 
dans  les  économies  réalisées  sur  le  transport  des  fumiers 
ou  des  récoltes.  Il  les  retrouvera  dix  fois  dans  la  plus- 
value  du  sol  le  joui-  oii  il  voudra  morceler  le  domaine 
pour  n'importe  quel  motif  ».  Il  estime  que  le  rendement 
sera  plus  fort.  «  Peut-on  soutenir  par  exemple,  dit-il,  qu'un 
vignoble  de  300  hectares  confié,  par  lots  de  lo  hectares, 
à  vingt  cultivateurs  français  ne  sera  pas  beaucoup  mieux 
soigné  que  s'il  est  cultivé  par  des  journaliers  indigènes  ou 
italiens,  dirigés  par  deux  ou  trois  contre-maîtres  français? 
En  cas  de  mévente  des  vins,  l'exploitation  du  grand 
vignoble  deviendra  ruineuse  partout  où  la  vigne  ne  pro- 
duii'a   pas    80    hectolitres   à   l'hectare  ;   elle    sera  encore 


156  I,A    TUNISIK 

lémuiiérati'ict'  dans  rexploitation  en  métayage,  parce  que 
le  métayer,  père  de  deux  enfants  en  âge  de  travailler,  peut 
exécuter  tous  les  travaux  sans  dépenser  un  sou  et  qu'il 
retire  du  soi  les  principaux  éléments  de  son  alimentation.  » 

M.  Suurin  expose  le  système  qu'il  a  lui-même  appliqué 
avec  avantage.  «  J'ai  créé,  dit-il,  deux  gr'oupes  de  fermes 
avec  le  concours  de  divers  capitalistes  qui  m'ont  honoré 
de  leur  confiance,  et  j'ai  pu  établir  ainsi  dix-huit  chefs  de 
famille.  A  chacun  je  donne  en  métayage  une  ferme 
de  40  à  50  hectares  pourvue  de  ses  constructions  et  de  son 
cheptel.  Les  10  à  20  hectares  consacrés  aux  vignobles 
sont  défoncés  à  la  vapeur,  plantés  et  entretenus  à  mes 
frais  par  le  métayer  jusqu'au  moment  de  la  production.  Le 
cultivateur  dispose  d'un  capital  variant  de  500  à  2  000  francs; 
on  lui  avance  le  capital  complémentaire  s'il  est  sérieux. 
Il  fournit  le  matériel  de  culture  et  le  travail.  Les  produits 
sont  partagés  par  moitié.  Toutefois,  le  métayer  a  pour  lui 
seul  les  produits  de  la  basse-cour  et  du  jardin.  » 

A  la  suite  de  visites  répétées  de  diverses  régions  de  la 
France  pour  le  recrutement  de  métayers  et  d'études  faites 
en  Algérie,  M.  Saurin  écrivait  :  «  A  la  suite  de  ma  longue 
expérience,  je  puis  formuler  avec  certitude  les  trois  lois 
suivantes  :  1'  tout  paysan  français  qui  vient  en  Afrique  y 
reste;  2"  tout  paysan  français  qui  vient  en  Afrique  y  devient 
propriétaire  du  sol;  3°  tout  paysan  français  venu  en  Afrique 
y  attire  un  ou  deux  compatriotes  ».  Et  il  concluait  très 
logiquement  que  le  devoir  de  l'administration  française 
est  d'attirer  en  Tunisie  le  plus  grand  nombre  possible  de 
payiians  français . 

§  V.  —  La  mutualité  agricole  en  Tunisie 

Les  colorts  de  la  Tunisie  ont  beaucoup  aidé  au  progrès 
de  leur  œuvre  par  l'institution  de  la  Mutuahté  agricole, 
dont  l'initiative  fut  prise  par  la  Chambre  d'Agriculture. 
La  première  manifestation  de  la  Mutualité  agricole  con- 
sista dans  la  création  de  la  Caisse  régionale  de  Crédit 
agricole. 


i/agiucultuiie    EUROPKKNNK  157 

Los  bases  de  ca\  groupement  furent  jetétîs  après  la  pro- 
mulgation du  décret  du  25  mai  1905.  Le  10  novembre  de 
cette  même  année,  à  la  suite  d'une  réunion  que  présidaient 
M.  de  Carnières,  président  de  la  Chambre  d'agriculture, 
MM.  de  Bouvier  et  de  Warren,  on  fonda  la  Caisse  régionale 
de  Crédit  mutuel  agricole  du  Nord  avec  105  sociétaires 
représentant  314  parts.  Le  capital  de  fondation  de  cette 
Société  fut  fixé  à  40.000  francs. 

Quatorze  Caisses  locales  se  fondèrent  aussitôt,  groupant 
leurs  opérations  autour  de  la  Caisse  régionale  et  lui  per- 
mettant d'utiliser  les  avances  gratuites  de  l'Etat. 

Ce  groupement  ne  prit  véritablement  tout  son  essor  que 
quelques  années  après  sa  création,  les  agriculteurs  ne 
s'étant  pas  rendu  compte  tout  de  suite  des  services  que 
pouvait  lui  rendre  le  Crédit  agricole. 

De  14,  le  nombre  des  Caisses  locales  fut  porté  à  18  et 
en  1913,  25  locales  étaient  définitivement  organisées,  prê- 
tant annuellement  aux  colons  plus  de  1.200.000  francs. 

Ces  Caisses  établies  les  unes  sur  le  principe  de  la  soli- 
darité limitée,  les  autres  sur  celui  de  la  responsabilité  illi- 
mitée comportent  pour  la  plupart,  en  dehors  des  colons  fran- 
çais, des  cultivateurs  indigènes,  d'oii  leur  nom  de  Caisses 
mixtes.  Leur  taux  d'escompte  varie  entre  5  1/2  et  (i  1/2. 

La  guerre  n'a  pas  empêché  le  développement  de  cette 
institution.  Grâce  au  concours  bienveillant  du  résident 
général  et  du  commandant  du  coips  d'occupation,  grâce 
aussi,  d'après  ce  que  Ton  m'écrit  de  Tunisie,  à  l'admirable 
dévouement  des  femmes  des  colons  que  la  guerre  enleva 
à  leurs  travaux,  la  Colonisation  française  et  la  Mutualité 
agricole  continuent  de  prospérer.  Le  président  de  la  Caisse, 
M.  de  Warren,  ancien  officier,  est  aujourd'hui  capitaine 
d'état-major,  mais  la  Caisse  n'en  fonctionne  pas  moins 
très  activement,  grâce  au  dévouement  de  M.  de  Carnières. 
Des  prêts  de  subsistances  ont  même  pu  être  faits  aux 
colons  que  la  guerre  avait  trop  ci'uellement  frappés  dans 
leurs  intérêts  et  les  semailles  de  1914  ont  pu,  grâce  à  l'in- 
tervention de  la  Caisse,  être  plus  abondantes  que  celles 
de  l'année  précédente. 


158  LA    TUNISIE 

Sur  la  baso  de  la  solidarité  illimitée,  se  fondèrent,  au 
sein  des  Caisses  locales,  des  Coopératives  d'élevage  ayant 
pour  but  de  permettre  l'achat  de  reproducteurs  de  prix 
soit  en  France  soit  en  Algérie.  Six  de  ces  Coopératives 
d'élevage  fonctionnent  acLuellement;  leurs  opérations  se 
montent  à  plus  de  lOO.UOO  francs.  Les  prêts  alloués  par  ces 
Sociétés  sont  à  plus  longue  échéance  et  sont  consentis 
pour  une  durée  de  deux  ans. 

Enfin  la  Caisse  régionale  admet,  depuis  deux  ans,  des 
dépôts  à  vue,  comptant-  à  ses  déposants  un  intérêt  de 
3  p.  100.  En  1914,  le  mouvement  des  dépôts  à  vue  a 
atteint  le  chiffre  de  800.000  francs. 

La  Caisse  régionale  avait,  au  31  décembre  1914,  un 
capital  de  160.000  francs.  Elle  avait  obtenu  de  l'Etat  à 
titre  d'avance  une  somme  de  535.000  francs.  Une  partie 
de  ces  sommes  (100.000  francs)  a  été  convertie  en  valeurs 
mobilières  et  déposée  en  Banque  pour  cautionner  les  opé- 
rations de  réescompte  de  la  Caisse.  Le  reste  est  utilisé  en 
escompte  direct  aux  Caisses  locales. 

La  Caisse  de  Crédit  agricole  ne  suffit  bientôt  plus  aux 
besoins  des  cultivateurs  tunisiens  qui  comprirent  la  néces- 
sité de  se  grouper  pour  les  opérations  d'achat  et  de 
vente. 

Les  Syndicats  agricoles  ne  pouvant  exister  en  Tunisie, 
les  agriculteurs  fondèrent  en  1906,  à  la  suite  d'une  réunion 
tenue  à  la  Chambre  d'Agriculture  et  présidée  par  M.  de 
Carnières,  un  groupement  qui  prit  le  nom  d'Association 
agricole. 

Cette  société,  à  capital  variable  et  à  responsabilité 
limitée,  fut  constituée  au  capital  de  10.000  francs  divisé 
en  parts  de  20  francs. 

L'Association  agricole  se  préoccupa  tout  d'abord  de 
procurer  à  bon  compte  à  ses  adhérents  les  produits  les 
plus  indispensables  et  c'est  surtout  sur  le  marché  des 
engrais  chimiques  et  des  produits  œnologiques  que  se 
portèrent  les  premiers  efforts. 

Une  section  d'Etudes  fut  adjointe  à  l'Association  com- 
merciale, son  rôle   fut  d'étudier  les  questions  agricoles, 


L  AGRICULTURE    EUROPÉENNK  lb9 

permettant  aux  colons  d'exposer  leurs  idées,  le  résultat 
de  leurs  études  et  de  leurs  expériences. 

L'Association  agricole  a  donné  naissance  à  la  Société 
des  Agriculteurs  de  Tunis,  société  d'études  agricoles  et  à 
la  Coopérative  centrale  des  Agriculteurs. 

La  nouvelle  Coopérative,  créée  sous  le  régime  du  dé- 
cret du  4  juillet  1907,  porta  son  capital  de  fondation  à 
31.200  francs,  représenté  en  parts  de  30  francs.  Depuis,  ce 
capital  a  atteint  89.000  francs.  L'Etat  a  avancé  à  la  Coo- 
pérative, sur  les  fonds  du  Crédit  mutuel,  une  somme  de 
150.000  francs.  Elle  vend  à  ses  adhérents  divers  produits 
et  se  cliarge  également  de  la  vente  de  leurs  récoltes. 

A  la  faveur  d'un  décret  beylical  du  13  juillet  1912  qui  a 
autorisé  les  agriculteurs  à  former  entre  eux  des  sociétés  ou 
caisses  d'assurances  mutuelles  agricoles,  la  Caisse  cen- 
trale algérienne  a  créé  à  Tunis  une  Caisse  régionale.  Ses 
opérations,  limitées  jusqu'en  1915  aux  risques  agricoles 
résultant  de  l'incendie  et  de  la  grêle,  vont  s'étendre  aux 
accidents.  Elle  a  créé  24  caisses  locales.  L'ensemble  des 
valeurs  assurées  s'élève  à  1 0.500.000  francs  pour  la  branche 
grêle  et  16.300.000  francs  pour  la  branche  incendie. 

I  VL  —  Les  italiens  et  la  colonisation 

Les  étrangers  possèdent  en  Tunisie  1.814  propriétés 
réparties  de  la  manière  suivante  d'après  la  statistique  : 
les  Italiens  en  possèdent  1.513  représentant  une  super- 
ficie de  87.122  hectares  et  les  autres  étrangers  ensem- 
ble 301  embrassant  une  superficie  totale  de  48.542  hec- 
tares. 

«  Il  est  très  remarquable,  disais-je  en  1887,  que  les  Ita- 
liens, si  nombreux  dans  la  Régence,  oii  ils  ont  exercé 
pendant  longtemps  une  intluence  prépondérante,  ne  pos- 
sèdent aucune  propriété  rurale  importante.  Ils  se  sont 
toujours  bornés  à  faire  du  commerce  et  n'ont  jamais  dirigé 
leurs  efforts  vers  la  possession  du  sol,  commettant  ainsi 
la  faute  la  plus  grave  que  puisse  commettre  une  nation 
désireuse  de  prendre  racine  dans  un  pays  neuf  et  de  s'en 


160  LA    TUNISIE 

rendre  jii<ulr«'sse.  Or,  nul  ne  conteslera  que  l'Italie  et  les 
Italiens  aient  eu  sur  la  Tunisie  des  convoitises  très  ardentes, 
justifiées,  il  faut  le  reconnaître,  par  le  voisinage  des  deux 
pays  et  par  l'ancienneté  de  leurs  relations.  Faut-il  attri- 
buer la  faute  que  je  viens  de  signaler  à  l'ignorance  et  à  la 
négligence,  ou  au  manque  de  capitaux?  Je  n'oserais  pas 
me  prononcer  d'une  manière  absolue,  mais  je  suis  convaincu 
que  la  troisième  raison  est  celle  qui  a  joué  le  plus  grand 
rôle  dans  leur  conduite,  conduite  si  préjudiciable  à  leurs 
intérêts  et  à  leurs  ambitions.  Ce  qui  prouve  bien  qu'ils 
n'ignoraient  pas  l'importance  des  acquisitions  de  terres, 
c'est  qu'ils  firent  des  efforts  inouïs  pour  entraver  celle  dont 
il  a  été  question  au  début  de  ce  chapitre.  Mais  pour  faire 
des  opérations  agricoles  de  quelque  étendue,  il  faut  des 
capitaux  considérables,  qui  faisaient  défaut  aux  colons  ita- 
liens de  la  Tunisie  ;  il  faut  aussi  que  ces  capitaux  soient 
assez  hardis  pour  ne  pas  reculer  devant  les  risques  de 
pertes.  Or,  la  hardiesse  des  capitaux  résulte  partout 
de  leur  abondance.  En  vérité,  je  suis  très  porté  à  croire 
que  si  l'Italie  s'est  laissé  devancer  en  Tunisie  par  la  France, 
c'est  parce  que  ses  colons  et  son  gouvernement  n'ont  pas 
su  ou  n'ont  pas  pu  faire  les  sacrifices  pécuniaires  indis- 
pensables dans  les  entreprises  de  ce  genre.  On  ne  doit 
jamais  perdre  de  vue,  quand  on  traite  de  questions  colo- 
niales, que  pour  coloniser  il  faut  beaucoup  d'argent.  » 

Ces  observations  ne  sont  pas  moins  justes  aujourd'hui 
qu'en  1887.  Quoique  le  nombre  des  Italiens  ait  beaucoup 
augmenté  dans  la  Régence,  on  ne  trouve  qu'un  petit  nombre 
d'entre  eux  à  la  tête  de  grands  domaines.  Il  s'est  même 
produit,  depuis  1901,  un  mouvement  de  recul  parmi  les 
Italiens  et  les  Siciliens  au  point  de  vue  de  la  propriété 
rurale.  Ce  fait  a  été  déterminé  par  l'abaissement  du  prix 
des  vins.  «  Le  colon  sicilien,  dit  M.  Saurin  (p.  12)  qui 
achetait  à  enzel  ou  louait  à  long  terme  un  lot  de  2  à  10  hec- 
tares ne  pouvait  vivre  sur  des  surfaces  aussi  restreintes 
qu'en  les  consacrant  à  la  vigne.  Il  ensemençait  un  ou  deux 
hectares  en  céréales  ou  louait  ses  bras  aux  domaines  voi- 
sins pour  assurer  son  existence  quotidienne,  mais  il  ne 


i.'Acaacui.TURK  kukoi'kknnk  loi 

|)(tiiv;iil  t'aiiH"  l'ace  à  ses  cliarj^es  qu'avec  le  [jioduil  de  l;i 
\  igné.  Ur,  depuis  1903,  le  prix  des  vins  s'esl  maintenu 
Lies  bas,  entre  G  et  10  francs  l'hectolitre,  ce  qui  l'a  obligé 
de  recourir  à  l'emprunt.  La  plupart  résistent  péniblement, 
et  il  ne  se  crée  plus  d'exploitations  de  ce  genre...  On  peut 
donc  affirmer  que  la  mévente  des  vins  a  préservé  la 
Tunisie  delinvasion  italienne.  »  M.  Saurin  ajoute  que  cette 
invasion  a  également  été  arrêtée  par  le  fait  que  les  Arabes 
de  la  Tunisie,  les  Kabyles  de  l'Algérie  et  les  Tripolitains 
s'adonnent  de  plus  en  plus  aux  travaux  publics  et  à  ceux 
des  mines  métallifères  et  des  carrières  de  phosphates. 
Comme  ils  se  contentent  de  salaires  inférieurs  à  ceux  des 
Italiens  et  des  Siciliens,  on  leur  donne  la  préférence  sur 
les  ouvriers  européens. 

I  VII.  —  La  colonisation  officielle.    Les  Habous 

Pendant  les  premières  années  de  l'occupation,  les 
paysans  français  ne  connurent  pas  la  Tunisie.  Tous  les 
premiers  colons  furent,  ainsi  qu'il  résulte  des  indications 
données  plus  haut,  des  capitalistes  ou  des  sociétés  recher- 
chant les  domaines  de  grande  étendue,  soit  en  vue  de 
l'exploitation  immédiate  d'une  partie  plus  ou  moins  grande 
des  terres,  soit  avec  la  pensée  de  spéculations  ultérieures 
L'administration  ne  pensait  même  pas  à  la  création  des 
centres  de  petits  colons;  elle  était  elfrayée,  non  sans  raison, 
par  les  échecs  que  la  colonisation  officielle  avait  subi  en 
Algérie.  Elle  était,  en  outre,  justement  hostile  au  système 
des  concessions  gratuites,  estimant  qu'il  est  nécessaire  de 
demander  au  colon  un  sacrifice  pécuniaire  où  se  trouve 
la  garantie  de  son  désir  de  faire  véritablement  œuvre  colo- 
nisatrice. G  est  seulement  à  partir  de  1892  que,  sous  la 
poussée  de  l'opinion  des  Français  établis  en  Tunisie,  l'admi- 
nistration du  protectorat  s'est  décidée  à  envisager  ce  que 
l'on  peut  appeler  la  colonisation  officielle.  Celle-ci  consiste 
essentiellement  dans  la  création  de  centres  agricoles  dont 
les  terres  sont  alloties  et  vendues  par  l'administration. 
Celle-ci  se  charge   de   construire   les  routes   nécessaires 

J.-L.  Dr  L.^nkssan.   —  La  Tunisie.  11 


102  LA    TUNISIR 


dans  les  diverses  parties  du  centre,  les  écoles,  les  burea 
de  poste,  etc. 

Les  premières  tentatives  de  ce  genre  furent  faite|i 
de  1892  à  189o,  dans  des  conditions  spéciales  :  le  colq 
était  tenu  de  paver  son  lot  au  comptant,  d'y  construi 
une  habitation  et  de  s'y  installer  lui-même  ou  d'y  insta! 
1er  une  famille  française.  Les  trois  premiers  centres  crée 
furent  :  celui  de  Oum-Zid,  près  de  Mateur.  comprenai 
4U0  hectares,  divisés  en  9  lots  ;  celui  de  Nassen,  près  d 
Tunis,  doTit  les  134  hectares  furent  divisés  en  4  lots;  € 
celui  de  Bordj-Touta,  près  de  Tebourba,  dont  les  1.536  hec 
tares  étaient  divisés  en  26  lots.  D'après  M.  Saurin(p.  oS 
voici  quel  fut  jusqu'en  1909  le  sort  de  ces  trois  centres 
«  A  Oum  Zid,  4  lots  ont  été  achetés  par  un  seul  propriétaire 
2  ont  été  revendus  à  des  Italiens,  2  seulement appartiennen 
encore  aux  acquéreurs  delà  première  heure.  Aux  Nassen 
un  des  lots  a  passé  successivement  entre  les  mains  de  quatri 
propriétaires  différents  ;  le  deuxième  a  été  alloti  entn 
six  petits  colons  siliciens  :  deux  lots  appartiennent  encort 
aux  deux  premiers  propriétaires  qui  étaient  des  paysans 
A  Bordj-Touta,  il  ne  reste  plus  qu'un  seul  des  coloni 
du  début,  c'est  un  forgeron  installé  dans  le  village  de 
Tebourba;  tous  les  autres  sont  partis  et  deux  ou  troi.' 
propriétaires  possèdent  huit  à  dix  lots  ».  Les  trois  centres 
ont  été,  en  somme,  trois  insuccès.  Les  deux  premiers  ne 
comptent  plus  guère  que  des  Italiens,  le  troisième  a  si  peu 
d'habitants  que  l'on  n'a  pas  jugé  utile  d'y  créer  une  école 

La  cause  principale  de  ces  échecs  ne  pouvait  être  attri- 
buée qu'à  l'obligation  du  paiement  des  lots  au  comptant, 
car  cette  clause  éloignait  les  paysans  français,  qui,  en 
général,  ne  sont  pas  assez  riches  pour  verser  de  suite  le 
prix  d'achat  de  la  terre.  Mais  les  personnes  les  plus  com- 
pétentes ajoutent  que  les  lots  établis  par  l'administration 
étaient  d'une  étendue  trop  faible  pour  que  leurs  produits 
pussent  rémunérer  le  propriétaire  de  ses  dépenses  et  de 
son  travail. 

En  1896,  il  fut  décidé  que  le  paiement  de  la  terre  aurait  1 
lieu   en  quatre  annuités;  aujourd'hui,    il   est  effectué  eu 


i;'AGRlCUI/riIRl':     KUHOI'KiîNNF,  163 

dix  annuités ,  avec  faculté  de  dififérer  la  deuxième 
annuité  d'un  an,  ce  qui  accorde  à  Facheteur  un  délai  de 
onze  années  pour  se  libérer  vis-à-vis  de  l'administration. 
Celle-ci  a,  d'autre  part,  décidé  de  faire  varier  Tétendue 
des  lots  conformément  aux  demandes  des  acquéreurs. 
Elle  se  procure  les  terres  à  allotir,  soit  par  achat  à  leurs 
propriétaires,  soit  au  moyen  des  habous  qui  lui  sont  con- 
cédés par  l'administration  de  cette  sorte  de  biens. 

En  vue  de  l'achat  des  terres  à  colonisation,  il  a  été  créé, 
par  décret  du  l'"'  décembre  1897,  un  fonds  de  colonisation 
dont  la  dotation  initiale  fut  1.500.0U0  francs.  Elle  fut  aug- 
mentée de  800.000  francs  en  1904  et  de  700.000  francs 
en  1903.  En  1907,  il  y  fut  ajouté  ."j  millions  prélevés,  en  vertu 
d'une  loi,  sur  l'emprunt  tunisien  de  75  millions  autorisé 
en  1905.  Ce  fonds  sert  à  l'achat  des  terres  et  se  reconstitue 
automatiquement  par  la  rentrée  des  prix  d'achat. 

Les  habous  étant  des  biens  à  caractère  religieux,  l'admi- 
nistration du  protectorat  hésita  pendant  longtemps  à  en 
faire  usage  au  profit  de  la  colonisation;  elle  craignait  de 
froisser  les  sentiments  religieux  des  populations  et  d'enle- 
ver aux  pasteurs  indigènes  des  terres  sur  lesquelles  ils  ont 
l'habitude  de  faire  paître  leurs  troupeaux,  car  elles  ne 
sont  pas  cultivées.  Cependant,  bien  des  raisons  peuvent 
être  invoquées  en  faveur  de  la  prise  de  possession  et  de 
l'utilisation  des  habous.  «La  terre  habous,  ainsi  que  l'exposa 
M.  Alapetite  à  la  Tribune  de  la  Chambre  (discours  du 
29  janvier  1912),  est  celle  qui  a  été  placée  sous  la  protec- 
tion de  la  loi  religieuse  (et  rendue  inaliénable)  pour  des 
raisons  souvent  très  diverses.  Quelquefois  c'est  parce 
qu'on  craignait  la  main  du  souverain  ou  de  ses  favoris  ; 
d'autres  fois  parce  qu'on  se  trouvait  dans  le  voisinage 
d'une  tribu  belliqueuse  dont  on  craignait  la  force  ;  d'autres 
fois  il  s'agissait  d'un  père  de  famille  qui  n'avait  pas  con- 
fiance dans  l'esprit  de  prévoyance  de  ses  enfants.  Que  ce 
soit  une  raison  ou  une  autre,  l'affectation  habous  avait 
pour  conséquence  que  les  héritiers  du  constituant  ne  pou- 
vaient plus  disposer  de  la  propriété;  le  sol  devenait  ina- 
liénable et  était  placé  sous  la  protection  de  la  loi  religieuse. 


i()4  I,  \     IINISIK 

Plus  on  s'éloigne  de  la  date  de  la  fondation,  plus  le  nombre 
d(;s  luM'i tiers  se  niultiplianl.  la  part  de  chacun  dans  le  produit 
des  terres  se  réduit,  au  point  (|u'il  n'a  pas  beaucoup  d'in- 
térêt à  s'occuper  de  sa  gestion  pour  gagner  quelques  cen- 
times de  plus.  »  Si  l'indifférence  des  héritiers  n'est  pas  assez 
grande  pour  que  le  habous  soit  abandonné,  il  est  géré  par 
un  individu  que  les  héritiers  désignent  et  que  l'on  qualifie  de 
mokaddem.  Nonchalant  comme  tous  les  Arabes,  le  mokad- 
dem  «  trouve  que  la  façon  la  plus  commode  d'administrer 
la  fondation,  c'est  de  se  contenter  de  faire  payer  un  péage 
à  tous  les  bergers  qui  veulent  conduire  des  troupeaux  sur 
la  terre  habous  ».  Les  habous  deviennent  ainsi  une  res- 
source précieuse  pour  les  pauvres  gens  qui  y  font  paître 
leurs  troupeaux  à  peu  de  frais,  mais  ils  n'ont  presque  pas 
de  valeur  pour  les  héritiers.  Il  arrive  de  temps  à  autre 
que  ceux-ci  disparaissent  et  alors  le  habous,  devenu  sans 
maître,  est  réclamé  par  l'administration  des  habous  qui  le 
fait  gérer.  S'il  est  au  voisinage  des  villes,  elle  en  tire  de 
réels  profits  en  le  louant  pour  la  culture;  s'il  est  rural,  il 
ne  sert  qu'au  pacage  du  bétail  et  ne  rapporte  presque 
rien. 

Gomme  les  habous  ont  été  des  propriétés  privées  et  que 
celles-ci  existaient  jadis  seulement  dans  le  nord  de  la 
Régence,  c'est  dans  la  partie  du  pays  la  mieux  adaptée  à  la 
colonisation  par  son  climat,  ses  pluies  et  la  nature  de  son 
sol  que  se  trouvent  les  habous  privés  et  publics.  Aussi,  les 
Européens  de  la  Tunisie  réclament-ils  depuis  fort  long- 
temps la  mainmise  de  l'administration  sur  ces  biens  en 
vue  de  la  colonisation.  L'administration  hésitait  nécessai- 
rement devant  l'acte  qu'on  réclamait  d'elle.  Non  seule- 
ment elle  redoutait  de  froisser  les  sentiments  religieux  des 
populations,  mais  encore  elle  ne  pouvait  méconnaître  le 
préjudice  qu'elle  porterait  aux  pauvres  gens  en  supprimant 
une  pai'tie  de  leurs  terres  de  parcours.  Une  autre  raison 
la  retenait  :  c'est  que  les  habous  du  nord  servaient  au 
pacage  du  bétail  des  tribus  du  sud.  Celles-ci,  chaque 
année,  lorsque  les  herbes  sont  desséchées  dans  le  sud  et  le 
centre  remontent  avec  leurs  troupeaux  vers  le   nord  oi^i, 


I.  a(;hj(:ui.i'URK   kiiropkknnf  16S 

iiràce  à  la  (luasi-régularité  ries  pluies,  il  existe  encore 
quelques  herbages.  Transformer  les  habous  du  nord  en 
propriétés  européennes,  ne  serait-ce  pas  troubler  profon- 
dément l'équilibre  économique  de  la  Tunisie,  en  condam- 
nant les  populations  du  sud  à  ne  plus  pouvoir  remonter 
vers  le  nord  lorsque  la  sécheresse  empêche  leurs  troupeaux 
de  se  nourrir  dans  le  sud? 

Le  protectorat  avait  donc  raison  d'hésiter  devant  la 
mesure  que  les  Européens  réclamaient  de  lui  ;  mais  ainsi 
que  le  déclara  M.  Alapetite  à  la  tribune  de  la  Chambre,  il 
ne  considérait  pas  cependant  «  la  condition  de  tous  les 
habous  comme  intangible  ».  Le  résident  général  ajoutait  : 
«  Il  faut  trouver  un  moyen  de  leur  faire  rendre  davantage, 
mais  il  ne  s'agit  pas  de  trouver  ce  moyen  nous-mêmes, 
d'office,  et  de  l'imposer  par  la  force  [très  bien!  trh  bien!). 
De  concert  avec  les  représentants  des  indigènes,  sans 
violer  leurs  convictions,  sans  leur  faire  sentir  que  c'est  la 
main  du  conquérant  qui  pèse  sur  eux  {très  bien!  très  bien!) , 
il  faut  trouver  le  moyen  de  les  amener  à  une  collaboration 
avec  nous  qui  fasse  fléchir  un  peu  la  rigidité  de  la  tradi- 
tion musulmane,  en  respectant  ce  qu'elle  a  d'essentiel,  le 
souci  qu'a  eu  le  constituant  d'assurer  à  sa  descendance  un 
revenu  perpétuel  et  inaliénable  », 

La  question  est  ainsi,  avec  l'approbation  delà  Chambre, 
parfaitement  posée  ;  il  sera  d'autant  plus  facile  de  la 
résoudre,  que  les  indigènes  eux-mêmes  se  montrent,  à 
notre  exemple,  plus  portés  qu'autrefois  à  mettre  la  terre  en 
valeur  et  à  se  constituer  propriétaires.  M.  Alapetite  cita 
un  fait  d'oi^i  il  appert  assez  nettement  la  possibilité  d'inté- 
resser les  indigènes  eux-mêmes  à  la  leconstitution  des 
propriétés  pi'ivées  au  moyen  des  habous.  Il  s'agit  d'un 
habous  public  du  cap  Bon,  situé  auprès  d'une  petite  ville 
et  cultivé  par  des  habitants  de  cette  dernière  qui  en 
payaient  la  location  très  cher.  Ne  voulant  pas  priver  les 
indigènes  de  ces  habous,  le  résident  général  prit  les  mesures 
suivantes  :  «  il  laissa  aux  indigènes  toutes  les  terres  qui 
étaient  près  de  la  ville,  où  ils  pouvaient  se  rendre  chaque 
jour  et  qui  leur  étaient  d'une  exploitation  commode  »  et  il 


16(3  LA.    TUNISIK 

obtint  par  là  qu'ils  renonçassent  aux  autres.  Il  disait  à 
la  tribune  de  la  Gbambre  :  «  nous  avons  pu  ainsi  installer 
dans  ce  pays  quelques  colons  français  qui  y  donneront, 
j'en  suis  convaincu,  l'exemple  du  progrès  ap:;ricole  [applau- 
dissements à  gauche  et  sur  divers  bancs  à  l'extrême 
gauche). 

Un  décret  beylical  du  31  janvier  1898  autorise  la  loca- 
tion à  lonç  terme  des  habous  publics  et  privés  ;  un  autre 
décret,  du  12  avril  1913,  organise  la  mise  en  valeur,  au 
moyen  de  la  vente  à  enzel,  des  propriétés  rurales  consti- 
tuées en  habous. 

Au  moyen  des  habous  d'une  part,  des  terres  achetées 
aux  indigènes  ou  aux  premiers  colons  d'autre  part,  l'admi- 
nistration du  protectorat  a  pu  créer,  depuis  une  vingtaine 
d'années,  un  nombre  important  de  centres  de  colonisation 
qui,  en  général,  ont  prospéré.  M.  Saurin  a  publié,  en  1909, 
le  résultat  de  ses  observations  personnelles  dans  tous  les 
centres  de  colonisation  déjà  créés  à  cette  époque.  «  Deux 
grandes  vérités,  dit-il,  ressortent  de  cette  étude  surja  colo- 
nisation officielle  :  la  réussite  complète  des  paysans  dis- 
posant de  quelques  ressources  et  doués  de  qualités  person- 
nelles moyennes  ;  rextrème  mobilité  des  bourgeois  ou 
citadins  qui  se  fixent  plus  difficilement  au  sol.  On  m'a 
rarement  signalé  des  paysans  ayant  échoué.  A  la  Morna- 
glvia,  au  Goubeilat,  à  La  Merdja  (trois  centres  au  sujet  des- 
quels il  donne  des  détails],  pas  un  seul  paysan  n'a  vendu 
son  lot.  Les  lots  acquis  par  des  bourgeois  ou  des  citadins 
présentent  au  contraire  des  changements  continuels.  Tel 
lot  a  déjà  passé  entre  les  mains  de  cinq  propriétaires  dans 
une  période  de  huit  ans.  A  Bordj-Touta,  il  n'existe  plus  un 
seul  des  acquéreurs  primitifs,  qui  étaient  tous  des  citadins. 
A  El-Arich,  au  cap  Bon,  les  lots  acquis  par  les  jeunes  élèves 
de  l'Ecole  coloniale  ont  en  grande  partie  passé  entre,  les 
mains  de  nouveaux  propriétaires.  La  proportion  de  ceux 
qui  vendent  leur  lot  est  considérable,  on  peut  l'évaluer  à  60 
ou  70  p.  100,  tandis  qu'elle  n'atteint  pas  3  p.  100  pour  les 
paysans.  »  Mais  il  ajoute  que  «  les  citadins  qui  réussissent 
fournissent  au  centre  un  élément  précieux  ;  ce  sont  eux  qui 


L  AGRICULTURE    KUHOPKKNNE  167 

donnent  l'exemple  de  toutes  les  améliorations  culturales 
(labours  préparatoires,  emploi  des  superphosphates,  cul- 
ture des  légumineuses  fourragères,  etc.).  Ils  dirigent  les 
associations  locales,  les  syndicats  et  les  caisses  de  crédit  ». 

Ceci  dit,  voyons  quels  efforts  ont  été  faits  par  l'adminis- 
tration tunisienne  pour  créer  des  centres  de  colonisation. 
D'après  la  Statistique  générale  de  la  Tunisie  pour  1912  : 
«  De  1892  à  1912,  le  Domaine  a  créé  102  centres  ou  lotisse- 
ments. Pendant  la  môme  période,  l'Etat  tunisien  a  consenti 
à  nos  compatriotes  la  vente  de  1 .340  lots  ruraux  de  colonisa- 
tion ».  De  1892  à  1912,  il  fut  vendu  aux  colons  137.482  hec- 
tares de  terres,  représentant  au  prix  de  vente  une  valeur 
de  17.469.380  francs.  Au  31  décembre  1912,  le  nombre 
des  propriétés  rurales  possédées  par  des  Français  s'élevait 
à  2,919,  représentant  une  surface  de  774,207  hectares,  A 
la  même  époque,  le  nombre  des  propriétés  appartenant  à 
des  étrangers  s'élevait  à  1.814  représentant  une  surface 
globale  de  135.674  hectares. 

Il  faut  ajouter  au  chiffre  des  surfaces  appartenant  aux 
colons  français  108.079  hectares  vendus  «  à  nos  compa- 
triotes en  vue  de  la  plantation  d'oliviers  dans  le  centre  et 
le  sud.  »  C'est  donc  un  total  de  882,286  hectares  qui  ont 
été  vendus,  de  1892  à  1912,  à  des  Français,  en  vue  de  la 
colonisation. 

I  VIII,  —  Grandes  et  PETrrEs  propriétés 

En  1887,  dans  la  première  édition  de  ce  livre,  je  disais  : 
«  11  n'existe  encore  en  Tunisie  que  de  très  vastes  propriétés 
européennes,  c'est  par  milliers  d'hectares  que  se  mesurent 
les  domaines  achetés  par  nos  compatriotes.  Bien  des  per- 
sonnes se  demandent  si  ce  mode  de  colonisation  est  le 
meilleur,  et  si  la  constitution  de  la  petite  propriété  ne  serait 
pas  plus  avantageuse  ».  Faisant  allusion  à  l'accusation  de 
spéculation  qu'on  lançait  contre  les  possesseurs  de  très 
grands  domaines,  je  disais  que  l'on  ne  pouvait  guère  cri- 
tiquer les  spéculateurs  lorsqu'ils  agissaient  avec  leur  argent 
et  lorsqu'ils  mettaient  la  terre  en  culture  aussitôt  après 


168  LA    TUNISIK 

l'avoir  achetée,  ainsi  que  cela  se  faisait  en  Tunisie,  v  Je 
crois  même,  ajoutais-je,  que,  dans  de  telles  conditions,  la 
spéculation  est  chose  utile.  Si  celui  (jui  s'y  livre  l'éussit, 
tout  va  pour  le  mieux  ;  il  lait  sa  fortune  particulière,  il 
enrichit  le  pays  en  cultivant  le  sol,  et,  s'il  vend  ses  terres, 
il  crée,  autour  de  son  propre  établissement,  un  centre  de 
colonisation  qui  seul  peut  rendre  possible  la  constitution 
de  la  petite  propriété.  Celle-ci,  en  effet,  ne  saurait  exister 
dans  un  pays  encore  inculte,  inhabité  et  dépourvu  de  voies 
de  communication. 

«  Ce  qui  caractérise  essentiellement  le  petit  propriétaire, 
c'est  qu'ayant  engagé  dans  l'agriculture  la  totalité  ou,  du 
moins,  la  plus  g'rande  partie  de  sa  fortune,  il  faut  que,  dès 
le  premier  jour,  la  terre  produise  suffisamment  pour  le 
faire  vivre  lui  et  sa  famille.  Or,  pour  réaliser  cette  condi- 
tion, il  faut,  en  premier  lieu,  pouvoir"  faire  des  cultures 
très  diverses  et  particulièrement  des  plantes  vivrières,  il 
faut,  en  second  lieu,  que  tous  les  produits  du  sol  puissent 
être  aisément  vendus  et  même  vendus  à  un  prix  élevé. 

«  Ces  conditions  sont-elles  actuellement  réalisables  en 
Tunisie?  Je  ne  le  crois  pas.  D'une  part,  la  rareté  de  l'eau 
rend  très  difficile  et  très  onéreuse  la  culture  des  plantes 
vivrières  ;  en  second  lieu,  l'absence  presque  absolue  de 
voies  de  communication  et  la  rareté  des  g'randes  agglomé- 
rations rendent  difficile  la  vente  des  produits  du  sol.  Il 
faut  donc  que  le  propriétaire  soit  en  mesure,  à  la  fois,  de 
faire  des  avances  de  fonds  pour  la  mise  en  œuvre  de  son 
domaine,  et  d'acheter  les  objets  nécessaires  à  son  alimen- 
tation, objets  qu'il  est  incapable  de  produire  lui-même. 
Dans  de  telles  conditions,  ceux-là  seuls  qui  disposent  de 
grosses  sommes  d'argent  peuvent  entrer  en  scène.  A  ceux- 
là  revient  le  soin  de  créer  les  centres  de  colonisation,  les 
ag-glomérations  humaines  qui  manquent,  de  défricher  le 
sol,  de  le  féconder  par  leurs  capitaux  jusqu'au  jour  oii, 
1  ayant  mis  en  pleine  production,  ils  peuvent  le  vendre  à 
des  propriétaires  moins  riches  qui  n'auraient  pu  faire  les 
travaux  préparatoires  et  long'temps  improductifs  de  la  colo- 
nisation. Il  est  vrai  que  ceux-ci  achèteront  la  terre  aux 


I,  A(iKI(.UI.TURK    KUnOPKKN'NK  169 

prTiiiifis  possesseurs  à  un  prix  relaliveuu^nl  élevé,  mais 
ils  rachèteront  en  pleine  production,  et  au  moment  oi!i  le 
placement  rapide  (les  produits  aura  été  assuré  par  le  peu- 
plement des,  domaines. 

«  Notre  protectorat  n'en  est  encore  qu'à  la  première  phase 
de  la  colonisation,  à  celle  où  la  terre,  en  partie  inculte  et 
non  peuplée,  exige  d'énormes  capitaux,  se  prête  admira- 
hlement  à  la  grande  propriété  et  provoque  les  convoitises 
de  la  spéculation.  Pendant  cette  période,  il  n'y  a  pas  lieu 
de  discuter  si  la  petite  propriété  serait  plus  ou  moins  avan- 
tageuse à  la  colonie  que  la  grande,  il  faut  se  borner  à 
constater  l'impossibilité  de  se  constituer  dans  laquelle  elle 
se  trouve  et  à  souhaiter  que  les  propriétaires  actuels  et  les 
spéculateurs  agissent  avec  assez  d'intelligence  pour  ne  pas 
compromettre  à  la  fois  leurs  capitaux  et  l'avenir  du 
pays.  » 

J'ajoutais,  comme  conclusion  :  «  En  résumé,  quels  que 
soient  les  motifs  qui  ont  poussé  les  Français  à  acheter  des 
terres  en  Tunisie,  je  crois  pouvoir  affirmer,  sans  crainte 
de  me  tromper,  que  jamais,  dans  aucune  colonie,  le  mou- 
vement de  la  colonisation  n'a  été  aussi  rapide  et  aussi 
intense  qu'il  l'est  dans  ce  pays  depuis  notre  établissement. 
Nous  devons  nous  borner  à  souhaiter  que  les  pouvoirs 
publics  prennent  les  mesures  indispensables  pour  qu'il  ne 
se  produise  aucun  arrêt  dans  la  marche  de  ce  progrès  civi- 
lisateur ». 

L'évolution  que  je  prévoyais  en  1887  s'est  produite  : 
au  fur  et  à  mesure  que  les  grandes  propriétés  ont  été  mises 
en  valeur  et  que  les  voies  de  communication  se  sont  mul- 
tipliées, la  moyenne  et  la  petite  colonisation,  devenues 
possibles,  se  sont  constituées.  Les  illusions  que  les  direc- 
teurs des  grands  domaines  avaient  conçues  se  sont,  dail- 
leurs,  dissipées  et  ont  facilité  la  transformation  du  système 
colonial.  Au  début  de  l'occupation,  on  croyait  que  la 
Tunisie  était  la  terre  d'élection  de  la  vigne  et  tous  les 
propriétaires  se  livrèrent  à  l'établissement  de  vignobles 
dont  ils  espéraient  retirer  des  profits  suffisants  pour  n'avoir 
pas  à  se  livrer  à  d'autres  cultures.  Mais  bientôt  on  s'aperçut 


470  ^  LA    TUNISIE 

que  le  rendement  de  la  vigne  serait  toujours  faible  à  cause 
de  rinsuffisance  de  l'humidité  même  dans  les  régions  plu- 
vieuses, et  l'on  souffrit  de  la  mévente  parce  que  les  vigno- 
bles métropolitains  s'étaient  reconstitués.  Aujourdhui,  il  n'y 
a  pas  un  seul  colon  tunisien  qui  ne  reconnaisse  la  néces- 
sité de  joindre  à  la  culture  de  la  vigne  celle  des  céréales 
et,  si  possible,  la  création  de  prairies  artificielles.  Or,  de 
cette  nécessité  découle  celle  de  rechercher  les  terres  qui 
se  prêtent  le  mieux  à  la  culture  dos  céréales  et  à  celle  des 
légumineuses.  lien  est  résulté  un  déplacement  de  la  colo- 
nisation. Tout  d'abord  elle  s'était  portée  vers  l'est  de  la 
Régence,  larégiondeTunisetducapBon,  celle  de  Zaghouan, 
celle  de  l'Enfida,  celle  de  Sousse  où  des  surfaces  énormes  de 
terre  pouvaient  êtreacquisesà  vil  prix.  Aujourd'hui,  son  lieu 
d'élection  est  le  nord,  dans  la  région  située  au-dessus  de 
la  Medjerdah  où  les  terres  sont  très  bonnes  et  où  les  pluies 
sont  régulières.  Les  terres  de  cette  région  ont,  par  suite, 
acquis  une  valeur  très  supérieure  à  celle  qu'on  leur  recon- 
naissait au  début  de  l'occupation,  et  les  propriétaires  des 
grands  domaines  ont  jugé  le  moment  venu  de  vendre  les 
parties  de  leurs  terres  qu'ils  ne  peuvent  pas  ou  ne  veulent 
pas  mettre  eux-mêmes  en  valeur.  Leur  désir  très  légitime 
de  vendre  ne  fut  pas,  sans  doute,  étranger  au  mouvement 
d'opinion  qui  se  produisit,  il  y  a  une  quinzaine  d'années, 
en  faveur  de  la  colonisation  officielle  et  de  la  création  des 
petites  ou  moyennes  propriétés. 

La  Tunisie  est  entrée  dès  lors  dans  la  deuxième  phase 
de  son  évolution.  En  1887,  la  superficie  totale  des  propriétés 
rurales  possédées  par  les  Français  n'était  que  de  284 .  000  hec- 
tares répartis  entre  275  propriétaires.  En  1897,  cette  super- 
ficie n'était  encore  que  de  467.000  hectares  partagés  entre 
943  propriétaires.  En  1907,  la  superficie  était  de  677.000 
hectares  divisés  entre  2.246  propriétaires.  En  1912,  la 
superficie  atteignait  774.000  hectares  partagés  entre 
2.719  propriétaires.  On  voit  que  de  1887  à  1912  le  nombre 
des  propriétaires  est  devenu  huit  fois  plus  grand,  tandis 
que  la  superficie  totale  des  propriétés  n'a  même  pas  triplé. 
Il  en  résulte  bien  manifestement  que  l'évolution  s'est  faite 


L  AGRICULTURE    EUROPÉENNE  171 

dans  la  direction  de  la  substitution  de  la  moyt;nne  propriété 
à  la  grande.  Cette  évolution  est  beaucoup  favorisée  en  ce 
moment  par  le  fait  qu'une  partie  notable  des  terres  alloties 
par  l'administration  en  vue  de  la  création  de  nouveaux 
centres  de  colonisation  est  achetée  aux  grands  proprié- 
taires. 

De  la  multiplication  des  colons  est  résulté  naturellement 
une  transformation  de  Faspect  général  du  pays  qui  saute 
aux  yeux  de  tous  ceux  qui  ont  vu  la  Tunisie  au  début  de 
l'occupation  et  qui  la  revoient  aujourd'hui.  Il  est  à  peine 
utile  d'ajouter  que  la  construction  des  routes  et  des  chemins 
de  fer  a  contribué  puissamment  à  cette  transformation,  en 
rendant  possible  la  création  de  centres  de  colonisation  sur 
des  points  où  elle  eût  été  impossible  lorsque  les  moyens  de 
communication  n'existaient  pas. 

Le  jeudi  4  juin  1914,  à  la  fin  du  banquet  offert  par  les 
colons  de  Mateur  au  résident  général,  un  des  plus  anciens 
colons  de  la  région,  M.  Pelletier,  parlant  de  l'état  de  cette 
région  en  1895  et  aujourd'hui,  disait  :  «  J'ai  assisté,  et 
travaillé,  au  merveilleux  épanouissement  de  Mateur  : 
en  1895,  ce  n'était  pas  la  ville  florissante  d'aujourd'hui, 
toute  frissonnante  d'activité  colonisatrice  et  de  jeunes 
énergies,  ville  auxdiôtels  confortables,  aux  larges  avenues 
plantées  d'arbres,  à  la  gare  encombrée  de  marchandises, 
centre  et  rendez-vous  d'une  admirable  région,  sillonnée  de 
routes  011  sonnent  joyeusement  les  trompes  d'automobiles, 
peuplée  de  fermes  oii  les  colons  dépensent  des  trésors 
d'endurance,  de  ténacité  et  de  bonne  humeur.  Non!  dans 
ce  temps-là,  pas  de  ville  :  une  bourgade  arabe,  presque 
séparée  du  reste  de  la  Tunisie,  et  endormie  dans  son  iso- 
lement séculaire...  Dans  le  bled,  pas  de  routes  :  pour  aller 
à  Tunis,  70  kilomètres  de  pistes,  transformées  l'été  en 
océans  de  poussière,  l'hiver  en  marécages  infranchissables. 
Trois  fermes,  distantes  les  unes  des  autres  de  8  à  10  kilo- 
mètres, jalonnant  une  plaine  fertile,  mais  nue  et  non 
défrichée,  et  d'une  sauvage  grandeur.  Quatre  ou  cinq 
Français  à  peine,  dans  ce  coin  perdu... 

«  Et  maintenant  que  de  changements  !  La  région  est 


172  LA    TUNISir. 

sillonnée  do  chemins  de  fer,  dont  chaque  station  devient  un 
centre  de  rayonnement  français... 

(1  Les  écokis  s'élèvent.  Irop  petites,  si  spacieuses  soient- 
elles,  pour  la  population  scolaire  qui  les  envahit. 

«  Nous  allons  aujourd'hui,  Monsieurle  Ministre,  inaup^urer 
l'hôpital-dispensaire,  attestant  que  partout  où  se  trouvent 
réunis  des  Français,  s'imposent  ces  sentiments  de  pitié 
pour  les  humbles  et  les  souffrants,  et  l'union  dans  la  bien- 
faisance, qui  sont  l'apanage  de  l'âme  française.  Cette  créa- 
tion est  un  peu  l'œuvre  de  tous  :  budget  municipal,  sub- 
vention des  Habous,  crédits  votés  par  la  Conférence,  dons 
volontaires,  tout  a  été  mis  à  contribution. 

«Enlinet  surtout, les  colonsont  travaillé  :  ilsonl  défriché, 
cultivé,  assaini  la  région  :  ils  ont  élevé  d'innombrables 
fermes,  affichant,  sous  le  clair  soleil,  le  toit  rouge^  que  j'ai 
si  souvent  dépeint  comme  le  signe  palpable  de  la  prise  de 
possession  du  sol  par  les  fils  de  France  :  ils  ont  créé,  à 
côté  de  leurs  entreprises  personnelles,  tout  un  ensemble 
d'oeuvres  de  mutualité  ;  Caisse  locale  de  Crédit  mutuel, 
Coopératives  d'achat,  de  vente,  d'élevage,  Caisse  locale 
d'Assurances  mutuelles,  où  s'affirment  victorieusement 
leurs  sentiments  de  solidarité  et  de  fraternité,  et  qui 
constituent,  en  quelque  sorte,  leur  ^irmure  contre  les 
coups  du  sort. 

«  Quand  j'aurai  ajouté  qu'ils  entretiennent  les  meilleurs 
rapports  avec  les  indigènes,  dont  ils  sont  les  éducateurs, 
les  bienfaiteurs,  les  enrichisseurs,  je  crois  que  j'en  aurai 
assez  dit  pour  vous  convaincre  que  vous  avez  autour  de 
vous  des  hommes  en  qui  le  souci  de  leurs  affaires  person- 
nelles n'a  pas  éteint  la  préoccupation  du  bien  public,  et 
qui  s'appliquent,  avec  sérieux  et  modestie,  à  l'exécution  de 
tous  les  devoirs.  » 

Après  avoir  rappelé  que  le  travail  des  colons  est  favorisé 
à  Mateur  par  «  un  régime  pluvial  à  peu  près  normal  et  des 
terres  de  premier  ordre  »  et  parlé  des  «  magniliques 
domaines,  magistralement  gérés,  où  sont  appliqués  tous 
les  préceptes  d'une  science  agricole  avisée,  ingénieuse, 
expei^te  »,  l'orateur  faisait  allusion  aux  difficultés  avec  les- 


i.'a(;ui(:ui/i'Ukiî   kuroukennk  173 

quelles  les  petits  colons  sont  aux  prises  et  il  ajoutait  : 
«  La  petite  colonisation,  celle  par  laquelle  le  peuple- 
ment français  se  fera  réellement,  se  développera  de  façon 
systématique  et  continue,  fait  ici  défaut  presque  complè- 
tement. La  Direction  de  l'Agriculture  a  alloti  tout  près 
d'ici  un  seul  enchir,  l'enchir  Bou-N'Kila  :  et  les  heureux 
bénéficiaires  de  cet  allotissement  sont  un  exemple  vivant 
du  succès  que  rencontreraient  des  expériences  plus  nom- 
breuses du  même  genre.  C'est  depuis  15  ans  ce  que  je 
prêche  infructueusement  :  on  m'a  objecté  souvent labrèche 
que  pratiqueraient  dans  les  fonds  de  colonisation  des  achats 
assez  importants  pour  faire  ici  de  la  colonisation  intensive. 
Je  sais  bien,  je  le  disais  tout  à  l'heure,  que  la  terre  est 
chère  à  Mateur  :  tant  mieux  !  serais-je  tenté  de  répondre  : 
le  haut  prix  où  on  la  paie  est  la  preuve  qu'on  la  sait  moins 
ingrate  ici  qu'ailleurs;  et  l'intérêt  de  tous  est  indiscutable- 
ment qu'aucun  colon  ne  soit  voué  à  l'insuccès.  11  vaut 
mieux,  pour  l'œuvre  de  la  colonisation,  installer  10  colons, 
même  à  grands  frais  avancés,  dans  nos  régions  pluvieuses, 
que  30  dans  d'autres  points  où  ils  seront  livrés  aux  aléas 
des  années  mauvaises...  Nous  demandons  à  M,  le  Direc- 
teur de  FAgriculture  de  faire  rechercher,  avec  plus 
de  soin  que  ses  prédécesseurs,  les  terres  k  vendre  dans 
les  environs,  et  d'aider  aussi,  dans  une  certaine  mesure, 
à  l'allotissement,  naturel  et  logique,  des  grands  do- 
maines. » 

J'ai  cru  devoir  reproduire  ces  paroles  parce  ({uelles  tra- 
duisent très  exactement  la  pensée  de  tous  les  colons  fran- 
çais de  la  Tunisie.  Tous,  à  l'exemple  de  M.  de  Carnières, 
président  de  la  Chambre  d'agriculture,  réclament  depuis 
longtemps  la  multiplication  des  centres  de  colonisation, 
en  insistant  sur  l'avantage  qui  en  résultera  pour  la  domi- 
nation française  et  sur  les  bénéfices  qu'en  tirera  le  trésor 
du  Protectorat.  J'ai  dit  pourquoi  l'administration  avait 
résisté  pendant  longtemps  aux  sollicitations  des  colons, 
j'ai  dit  aussi  qu'elle  devait  être  félicitée  d'y  avoir  cédé  ;  je 
veux  maintenant  attirer  l'attention  des  colons  français  sur 
les  inconvénients  qui  résulteraient  d'une  extension  trop 


174  LA    TUNISIE 

grande  et  trop  rapide  des  mesures  qu'ils  réclament  avec 
raison. 

Pour  que  la  colonisation  officielle  conserve  les  faveurs 
du  public  français  et  des  colons  tunisiens  actuels,  il  faut 
(ju'elle  évite  toutes  les  causes  d'échecs  qui  la  déconsidére- 
raient pour  longtemps,  sinon  pour  toujours.  Ainsi  qu'on  Ta 
vu  dans  les  pages  qui  précèdent,  il  s'en  est  déjà  produit  un 
certain  nombre  dus  soit  à  ce  que  les  lots  étaient  trop  peu 
étendus,  soit  à  ce  qu'ils  étaient  situés  dans  des  rég'ions 
insuffisamment  favorisées  par  la  nature,  soit  à  ce  que  les 
colons  auxquels  ils  étaient  attribués  n'avaient  pas  les 
aptitudes  nécessaires  à  l'agriculture  ou  bien  désiraient 
faire  œuvre  de  spéculation.  Ces  causes  d'insuccès  étant 
connues,  l'administration  a  le  devoir  de  les  éviter  et  ne  le 
pourra  qu'à  la  condition  de  procéder  à  la  création  de  nou- 
veaux centres  avec  une  extrême  prudence. 

Les  colons  eux-mêmes,  ceux  en  particulier  qui  possèdent 
des  domaines  susceptibles  d'être  morcelés,  n'ont  pas  intérêt 
à  ce  que  l'administration  procède  à  son  œuvre  colonisatrice 
avec  une  hâte  excessive,  car  plus  la  mise  en  valeur  des 
terres  se  développera,  plus  le  prix  de  leurs  propriétés  s'ac- 
croîtra. 

Une  augmentation  aussi  rapide  que  possible  des  colons 
français  est,  il  est  vrai,  d'autant  plus  désirable  que  les  étran- 
gers sont  actuellement  beaucoup  plus  nombreux  en  Tunisie 
que  les  Français  ;  mais  il  faut  se  dire  que  la  domination 
d'une  race  en  un  pays  quelconque  ne  tient  pas  seulement 
au  nombre  des  individus  qui  la  représentent.  Elle  dépend 
surtout  de  la  valeur  intellectuelle,  morale  et  économique 
de  ces  individus.  Or,  on  a  vu  que  si  les  Italiens  sont  en 
Tunisie  plus  nombreux  que  les  Français,  ils  y  occupent,  en 
général,  une  situation  inférieure  à  celle  de  nos  compatriotes 
et  remplissent  des  fonctions  dans  lesquelles  les  Français 
ne  voudraient  pas  les  remplacer  et  d'où  ils  se  voient  eux- 
mêmes  chassés  par  des  indigènes,  tant  il  est  facile  de  les 
remplir.  Si  l'on  veut  que  la  supériorité  de  notre  race  se 
maintienne,  il  est  indispensable  de  sélectionner  avec 
soin  les  colons  français  auxquels  seront  attribués  les  nou- 


l'agriculture  européenne  175 

veaux  lots  de  la  colonisation  officielle.  Il  faut  que  tous, 
autant  que  possible,  réunissent  les  qualités  nécessaires  au 
succès.  Dans  ces  conditions,  la  France  n'aura  rien  à 
redouter  de  la  présence  des  étrangers  dans  la  Itégence  ; 
elle  devra  même  s'en  réjouir  puisqu'ils  y  rempliront  des 
rôles  pour  lesquels  on  ne  trouverait  pas  de  Français. 

Pour  terminer  ce  chapitre,  je  crois  utile  de  donner  le 
tableau  ci-dessous,  dressé  par  l'administration  de  la  Tunisie 
et  dans  lequel  se  trouvent  détaillées  toutes  les  opérations  de 
la  colonisation  officielle  de  1893  à  1913. 


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un  seul  lotissement. 

Vendu  en  un  seul  lot. 

Forment  le  centre  de  Zerelli. 

Forment  un  seul  lotissemcnl. 

Vendu  en  un  seul  lot. 
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la  Mornagiiia  créé  en  lOOÛ. 

Lotissement  suburbain  de  petite 
culture. 

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Tunis-banlieue. 
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Henchir  Ben-ech  Chadli. 
Henchir  Zakaria   .... 
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Henchir  Ennouara   .    ,    . 
Henchir  Chemtou  .... 
Henchir  Maïzila     .... 
Henchir     Zerelli    et     El- 
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CHAPITRE  VII 

LES  INDUSTRIES  EUROPÉENNES 


Les  colons  se  sont  moins  portés  vers  l'industrie  que 
vers  l'agriculture.  Cependant,  dès  les  débuts  de  la  prise 
de  possession  de  la  Régence  par  la  République  française, 
des  établissements  industriels  de  quelque  importance 
furent  fondés.  «  A  Tunis  et  dans  les  environs,  écrivais-je, 
en  1887,  des  minoteries  perfectionnées  ont  été  créées  pour 
la  fabrication  des  semoules  destinées  soit  à  faire  du  pain, 
soit  à  faire  du  couscous  w,  et  je  citais  la  minoterie  de 
«  M.  Raymond  Valensi  à  Djedeida,  installée  sur  le  bord  de 
la  Medjerdaii  à  laquelle  elle  emprunte  sa  force  motrice  et 
qui  présente  les  meilleurs  aménagements  pour  une  pro- 
duction rapide,  régulière  et  économique  ».  Après  avoir 
cité  une  briqueterie  mécanique,  «  installée  aux  pieds  de 
Sidi-Bou-Saïd,  sur  le  bord  du  golfe  de  Tunis,  pour  produire 
non  seulement  des  briques  et  des  tuiles,  mais  encore  tous 
les  objets  en  terre  dont  les  Européens  et  les  indigènes  font 
usage  »  j'ajoutais  :  a  L'industrie  (jui  paraît  faire  le  plus 
de  progrès  est  l'huilerie.  Près  de  Tunis,  à  l'entrée  de  la 
vallée  de  Mornag,  il  a  été  créé,  il  y  a  deux  ans  à  peine,  une 
huilerie  à  vapeur  qui  travaille  à  la  fois  pour  les  indigènes 
et  pour  elle-même.  L'huile  faite  à  l'aide  des  fruits  achetés 
par  les  propriétaires  de  l'usine  est  entourée  de  tous  les 
soins  qu'on  lui  prodigue  en  Europe  et  se  vend  en  partie 
sur  le  marché  de  Marseille;  une  autre  partie  est  expédiée 
dans  les  pays  d'Orient.  Pour  celle  fabriquée  au  compte 
des  indigènes,  on  se  soumet  à  leurs  habitudes,  c'est-à-dire 
qu'on  laisse  macérer  les  olives  dans  des  chambres  obscures 


182  LA    TUNISIE 

avec  du  sel,  avaiil  de  les  soumettre  au  moulin  et  à  la  presse. 
A  Sousse,  un  Alsacien  aussi  intelligent  qu'actif,  M.  Deiss 
a  créé  récemment  une  magnifique  usine  à  vapeur  pour  le 
traitement  des  grignons  d'olives  par  le  sulfure  de  carbone. 
Il  est  outillé  de  manière  à  fabriquer  jusqu'à  120.000  kilo- 
grammes dbuile  par  jour.  Le  combustible  est  fourni  par 
les  résidus  ligneux  que  laissent  les  grignons  après  avoir  été 
traités  par  ce  procédé.  La  dépense  est  ainsi  diminuée  dans 
la  plus  large  mesure  possible.  Une  autre  usine  du  même 
genre  commence  à  s'élever  auprès  de  celle  de  31.  Deiss 
pour  la  fabrication  des  huiles  comestibles,  sous  la  direction 
d'un  conseiller  général  des  Bouches-du-Rhône,  M.  Louis.  » 

Après  avoir  cité  ces  faits  j'écrivais  :  «  Ces  établissements 
n'ont  pas  été  sans  soulever  dans  la  colonie  quelques  obser- 
vations dont  il  me  paraît  utile  de  parler.  Il  existe  dans 
les  villes  du  Sahel  quelques  commerçants  européens  ayant 
pour  spécialité  d'acheter  aux  indigènes  les  grignons 
d'olives  qu'ils  expédient  en  Italie  et  en  France,  oii  ils 
subissent  le  traitement  par  le  sulfure  de  carbone.  Ces 
négociants  n'ont  pas  vu  sans  inquiétude  s'élever  dans  la 
Régence  même  des  maisons  qui  achètent  sur  place  et 
directement  les  grignons.  D'un  autre  côté,  les  industriels 
français,  qui  traitaient  autrefois  les  grignons  recueillis  dans 
le  pays,  sont  menacés  de  manquer  de  matière  première. 
Cette  modification  des  conditions  économiques  anciennes 
a  été  l'occasion  de  discussions  assez  vives  relativement  à 
la  question  de  savoir  si  la  métropole  devait  encourager  ou, 
au  contraire,  empêcher  le  développement  des  industries 
dans  ses  établissements  coloniaux.  Les  adversaires  de  ce 
développement  invoquent  à  l'appui  de  leur  thèse  la  concur- 
rence que  les  industries  coloniales  ne  peuvent  manquer  de 
faire  aux  industries  similaires  de  la  métropole  ,  ils  repré- 
sentent les  intérêts  de  la  France  comme  battus  en  brèche 
par  les  colonies  qu'elle  protège  de  ses  soldats  et  fait  vivre 
de  ses  subsides,  et  ils  voudraient  que  toute  industrie  ayant 
sa  similaire  sur  le  territoire  français  fût  interdite  en 
Tunisie. 


LES    INDUSTRIES    EUROPÉENNES  183 

«  Si  Ton  admettait  une  semblable  théorie,  ce  n'est  pas 
seulement  le  progrès  industriel  des  colonies  qu'il  faudrait 
arrêter,  mais  encore  leur  progrès  agricole.  Il  faudrait,  par 
exemple,  interdire  la  culture  de  la  vigne  dans  notre  pro- 
tectorat, sous  le  prétexte  que  la  France  })roduit  du  vin 
au(juel  celui  récolté  par  nos  établissements  africains  fera 
concurrence  :  il  faudrait  interdire  la  culture  du  blé,  de 
l'avoine,  du  maïs,  (jue  notre  propi'e  pays  pioduit;  il  fau- 
drait fermer  nos  frontières  aux  peaux,  aux  cuirs,  aux 
laines  de  la  Régence,  parce  que  ces  produits  risquent  de 
faire  baisser  le  prix  de  ceux  que  nos  agriculteurs  appor- 
tent sur  les  marchés  français  !  En  un  mot,  il  faudrait 
traiter  nos  colonies  comme  des  pays  étrangers,  et  nous 
protéger  contre  elles,  ou  bien  les  réduire  volontairement  à 
la  misère  qui  ne  manquerait  pas  de  résulter  de  l'arrêt  de 
leur  production. 

«  Il  suffit  de  mettre  en  relief  les  conséquences  de  ce 
système  pour  en  montrer  les  vices  et  faire  prononcei"  sa 
condamnation.  Il  est  né  d'une  conception  fausse  des  rela- 
tions qui  doivent  exister  entre  une  colonie  et  sa  métro- 
pole. 

«  L'organisation  politique  et  administrative  d'une  colonie 
peut  et  souvent  doit  différer  essentiellement  de  celle  de  la 
métropole,  à  cause  de  la  différence  des  mœurs  de  l'une  et 
de  l'autre;  mais,  envisagée  au  point  de  vue  économique, 
la  colonie  ne  doit  être  considérée  (jue  comme  un  simple 
prolongement  de  la  mère-patrie,  et  si  quelque  lutte  écono- 
mique doit  être  engagée  entre  les  nations,  le  rôle  des 
colonies  est  d'y  aider  la  métropole,  soit  en  lui  fournissant 
les  matières  premières  qui  lui  manquent,  soit  en  ajoutant 
ses  productions  industrielles  à  celles  que  la  mère-patrie 
exporte  dans  les  autres  pays.  Dans  les  mouvements 
d'échanges  qui  se  produisent  entre  une  métropole  et  ses 
colonies  unies  économiquement,  il  ne  peut  résulter  que 
l'avantage  commun  si  chacune  arrive  à  produire  de  préfé- 
rence les  objets  que  son  clihiat,  sa  population,  etc.,  lui 
permettent  de  produire  dans  les  meilleures  conditions  et 
à  plus   bas  prix.  Si  les  actes  du  gouvernement  chargé  de 


184  LA    TUNISIE 

présider  à  la  destinée  des  colonies  sont  dirigés  par  ce 
principe,  il  s'efforcera  de  provoquer  chez  elles  le  dévelop- 
pement des  industries  qui  n'existent  pas  dans  la  mère- 
patrie,  de  manière  à  ce  (jue  le  commerce  des  deux  pays 
soit  aussi  intense  que  possible.  Mais  un  pays  qui  envisage- 
rait les  territoires  qu'il  possède  au  delà  des  mers  comme 
des  rivaux  ou  comme  des  fermes,  et  non  comme  des  frac- 
tions importantes  de  lui-même,  devrait  se  hâter  de  s'en 
défaire,  car  en  arrêtant  sur  ces  territoires  tout  progrès,  il 
les  condamnerait  à  la  misère  et  s'exposerait  lui-même  à  la 
ruine.  » 

Depuis  l'époque  où  ces  lignes  furent  écrites  les  idées 
économiques  des  dirigeants  de  la  métropole  se  sont  peu 
modifiées;  la  plupart  d'entre  eux  persistent  à  voir  dans 
les  colonies  non  des  prolongements  de  la  mère-patrie  mais 
des  fermes  à  exploiter.  Lorsque  j'étais  gouverneur  général 
de  rindo-Chine,  j'eus  une  discussion  très  vive  avec  l'un 
de  nos  hommes  politiques  les  plus  éminents  parce  que 
j'avais  encouragé  la  création,  à  Hanoï,  d'une  filature  de 
coton.  Plus  récemment,  un  administrateur  colonial  à  qui 
je  faisais  observer  que  nous  multipliions  trop  les  fonction" 
naires  européens  dans  nos  colonies,  me  répondit  que  «  les 
colonies  devaient  entretenir  le  plus  grand  nombre  possible 
de  Français  ;  que  c'était  cela  qu'il  fallait  d'abord  leur  de- 
mander ».  La  Tunisie  a  souffert,  comme  tous  nos  autres 
établissements  coloniaux,  de  ces  théories.  Ce  n'est  qu'à 
regret  que  l'on  a  ouvert  les  portes  de  la  métropole  à  ses 
produits  naturels  ou  à  ceux  de  ses  industries.  Celles-ci  en 
ont  souffert  en  ce  sens  qu'elles  ne  se  sont  pas  développées 
aussi  rapidement  qu'elles  l'auraient  fait  sous  un  régime  plus 
favorable.  Je  lis,  en  effet,  dans  l'excellent  livre  de  M.  Gaston 
Loth  sur  La  Tunisie  et  l' œuvre  du  protectorat  français  *  : 
«  Peu  de  métiers  sont  encore  exercés  par  des  Européens, 
mais  presque  tous  visent  exclusivement  à  satisfaire  les 
besoins  locaux.  Fabriques  de  pâtes,  minoteries,  brasseries, 
distilleries,  usines  métallurgiques  travaillent  uniquement 

\.  \\  193. 


LES    INDUSTRIES    EUROPÉENNES  185 

pour  les  consoininalcLirs  tunisiens.  Seules  les  grandes  hui- 
leries modernes  du  Sahel,  de  Sousse  et  de  Sfax,  de  Tunis 
et  de  Tebourba  se  préoccupent  des  besoins  de  la  clientèle 
extérieure.  Quelques  industriels  traitent  aussi  les  grignons 
par  le  sulfure  de  carbone;  ils  ont  à  leur  disposition  environ 
50.000  tonnes  de   matière  première  chaque  année.  Dans 
presque  toutes  les  huileries  on   se  livre  également  à  la 
fabrication  du  savon,  et  déjà  la  Tunisie  fournit  des  produits 
renommés  ».  Je  trouve,  d'autre  part,  une  explication  du 
développement  dont  les  minoteries  et  les  huileries  ont  été 
l'objet   dans    les  lignes    suivantes   de    la    Notice    sur  la 
l^inisie  publiée  en  1909  par  la  Direction  de  l'Agriculture 
et  de  la  Colonisation  :  «  La  réforme  douanière  du  19  juillet 
1904   a  donné   naissance,   notamment  à   Tunis,  à  d'im- 
portantes minoteries'  ».    Je   lis   dans   la  même   notice   : 
«  De  nombreuses  huileries  montées  d'après  les  procédés 
les  plus  perfectionnés  ont  été   créées  à   Sousse,  dans  le 
Sahel,  à  Sfax  et  dans  la  région  du  Nord  (Tunis,  Bizerte, 
Tebourba,  le   cap  Bon,  etc.),  elles  traitent  les   grignons 
dont  les  indigènes  ne  savent  pas  tirer  parti  »  et  j'en  vois 
la  raison  dans  ces  lignes  du  même  document-  :  «  Les  huiles 
d'olives   tunisiennes,  comme  les  vins  de    même   origine, 
prenaient  presque  exclusivement,  jusqu'ici,  le  chemin  de 
la  France,  où  elles  bénéficiaient  d'un  régime  douanier  de 
faveur  (c'est-à-dire  n'étaient  pas  traitées  comme  les  huiles 
étrangères)  mais  les  dernières  expositions  internationales 
leur  ont  fourni  des  occasions  de  se  faire  connaître  et  appré- 
cier à  l'étranoer  :  depuis  lors,  elles  trouvent  des  débouchés 
sans  cesse  plus  importants,  non  seulement  dans  les  pays 
voisins  comme  l'Italie,  mais  aussi  dans  le  nord  de  l'Eu- 
rope.   C'est    ainsi    qu'en     1907,    la    Tunisie    a    exporté 
3.850.000  kilogrammes  d'huiles  d'olives  à  la  destination 
des  pays  ci-après  :  Angleterre,  15.210  kilogrammes  ;  Ile  de 
Malte,     393.068     kilogrammes;    Italie,    2.758.511     kilo- 
grammes;   Norvège,  190.894  kilogrammes;  autres  pays, 

1.  1».  77. 

:*.  P.  58. 


18(J  LA    TUNISIE 

222.287  kilogrammes  ».  En  1912,  les  chiffres  de  ces  expor- 
tations s'étaient  sensiblement  élevés  pour  certains  pays. 
La  statistique  officielle  indique  :  pour  l'Angleterre, 
25. 306 kilogrammes;  pour  l'Italie,  4.974.681  kilogrammes. 
Dans  les  autres  pays,  l'exportation  avait  diminué.  Le 
chiffre  donné  par  la  statistique  pour  la  France  était  : 
14.924.618  kilogrammes. 

Parmi  les  autres  industries  à  la  création  ou  au  dévelop- 
pement desquelles  pourraient  donner  lieu  les  productions 
vég^étales  de  la  Régence,  je  me  bornerai  à  citer,  d'après  la 
Notice  sur  la  Tunisie,  la  fabrication  des  conserves  de 
tomates,  car  ce  fruit  vient  en  abondance  dans  certaines 
parties  de  la  Régence,  notamment  aux  environs  de  Tunis 
et  de  Sfax.  «  Une  usine  installée  aux  environs  de  Tunis, 
dit  la  Notice,  livre  chaque  année  plusieurs  milliers  de 
boîtes  de  tomates  en  sauce  ou  en  coulis  »  ;  les  industries 
tinctoriales  de  la  garance,  du  carthame,  du  henné  ;  les 
industries  productrices  des  essences,  notamment  du  géra- 
nium rosat,  de  l'oranger,  du  cassia,  du  jasmin,  de  l'euca- 
lyptus, du  tliym,  de  la  menthe,  des  tubéreuses,  etc.  Mais 
je  ne  répéterai  jamais  trop  que,  seul,  un  régime  douanier 
bienveillant  pourra  déterminer  le  développement  de  toutes 
ces  sources  de  richesse. 


CHAPITRE  VIII 

L'EXPLOITATION  DES  MINES  ET  CARRIÈRES 

I  I.  —  Exploitation  des  mines  métallifères 

Les  industries  européennes  qui  ont  pris  le  plus  de  déve- 
loppement en  Tunisie  sont  celles  des  mines  métallifères  et 
des  carrières  de  phosphates.  En  1887,  lorsque  je  publiai 
la  première  édition  de  cet  ouvrage,  l'administration  et  la 
plupart  des  colons  ne  croyaient  pas  que  le  pays  fût  riche 
en  mines.  «  Il  n'existe  à  ce  jour,  disais-je,  que  quatre 
mines  concédées  :  les  mines  de  plomb  et  zinc  de 
Djebba,  concédées  à  la  Vieille  Montagne  en  1876,  les 
mines  de  plomb  et  zinc  de  Djebel  Rezas,  concédées  en 
1877  et  les  deux  gîtes  de  fer  des  Nefzas  et  des  Mechnas, 
qui  ont  été  attribuées  à  la  Compagnie  des  mines  de 
Mokhta-el-Hadid  et  au  comité  des  mines  de  Tabarka.  »  Je 
savais  que  des  gisements  de  minerais  de  zinc  et  plomb 
avaient  été  découverts  du  côté  de  Réja,  mais  on  n'était 
pas  encore  très  lixé  sur  leur  valeur.  M.  Joseph  Faure  fut, 
si  je  ne  me  trompe,  le  premier  qui  eut  conUance  dans 
leur  avenir.  Sa  concession  (mines  de  Khanguet)  qui  est 
l'une  des  plus  anciennes  est  aussi  l'une  des  plus  impor- 
tantes. Elle  remonte  à  1889,  et  c'est  seulement  à  partir  de 
1894  que  l'on  voit  les  concessions  se  succéder  avec  rapi- 
dité. C'est  aussi  à  cette  époque  qu'eut  lieu  la  première 
concession  de  phosphates,  celle  de  Gafsa. 

Dès  lors,  les  mines  métallifères  et  phosphatées  devin- 
rent l'élément  le  plus  important  de  la  colonisation,  d'un 
côté,  parce  qu'elles  exigèrent  l'emploi  d'un  très  nombreux 
personnel  euiopéen,  d'un  autre  côté  parce  (ju'elles  dé  1er 


188  LA    TUNISIE 

iniiÙTcnL  la  ci'éation  de  voies  ferrées.  Celles-ci  n'auraient 
pas  été  construites  aussi  rapidement  qu'elles  le  furent  si  les 
mines  ne  leur  avaient  assuré  un  trafic  rémunérateur.  La 
ligne  de  Sfax  à  Gafsa  —  Metlaoui  et  Redeyef  —  longue 
de  plus  de  280  kilomètres  a  été  construite  entièrement 
aux  frais  de  la  compagnie  des  mines  de  Gafsa.  La  ligne 
de  Sousse  à  Henchir-Souatir,  dont  la  longueur  dépasse 
300  kilomètres,  n'aurait  pas  été  construite  par  la  com- 
pagnie de  Bone  Guelma  si  elle  n'avait  pas  eu  à  desservir 
les  mines  très  importantes  et  exploitées  d'Aïn-Moularès, 
etc.,  qui  se  trouvent  au  bout  de  son  parcours.  Il  en  est  de 
même  de  la  ligne  de  Tunis  à  Kalaa-Djerda  et  à  Kalaa-es 
Senam,  avec  embranchements  sur  le  Kef,  sur  le  Slata,  etc. 
La  même  observation  s'applique  à  la  ligne  de  Bizerte  à 
Tabarka  qui  dessert  les  mines  de  Nefzas,  etc.  Or,  la  cons- 
truction de  ces  lignes  n'a  pas  eu  seulement  pour  effet 
d'attirer  des  ouvriers  européens  dans  la  Régence,  elle  a 
déterminé  en  outre  la  fixation  au  sol  tunisien  d'un  très 
grand  nombre  de  familles  attachées  au  service  des  voies 
et  des  gares.  Toutes  ces  familles  cultivent  des  parcelles 
plus  ou  moins  considérables  du  sol  et  font  souche  de 
colons. 

D'un  autre  côté,  les  mines  elles-mêmes  occupent  un 
personnel  considérable.  Dans  toutes  les  mines  actuelle- 
ment exploitées,  les  ingénieurs,  les  chefs  mineurs  et  les 
géomètres  sont  des  Européens,  presque  toujours  des  Fran- 
çais. L'abatage  du  minerai,  les  recherches,  la  conduite  des 
fours  et,  en  général,  tous  les  travaux  exigeant  des  connais- 
sances techniques  sont  confiés  à  des  ouv^riers  européens. 
Ces  derniers,  presque  tous  de  nationalité  italienne,  ont  été 
empruntés  aux  mines  de  la  Sardaigne  ou  aux  soufrières 
de  la  Sicile.  Depuis  quelques  années,  on  emploie  aussi 
pour  l'abatage  des  ouvriers  kabyles  et  marocains  ayant 
travaillé  dans  les  mines  algériennes.  Les  travaux  de  simples 
manœuvres  sont  exécutés  par  des  indigènes  de  la  Tunisie, 
que  l'on  paie  peu,  mais  dont  le  travail  est  lent  et  irrégulier. 
«  L'indigène,  dit  M.  Roberty,  se  fixe  rarement  à  la  mine  et 
les  services  qu'il  rend  sont  essentiellement  temporaires. 


L  EXPLOITATION    DES    MINES    ET    CARRIÈRES  189 

C'est  d'ailleurs  une  remarque  générale  applicable  aux 
exploitations  minières  et  peut-être  aux  exploitations  de  tout 
genre  du  nord  de  l'Afrique  :  le  personnel  ouvrier  s'y  trouve 
en  état  d'instabilité  perpétuelle  ;  il  se  déplace  et  se  renou- 
velle constamment.  » 

D'après  la  sixième  édition  (1909)  de  la  Notice  sw  la 
Tunisie  publiée  par  la  Direction  de  l'Agriculture,  etc.,  le 
nombre  des  ouvriers  européens  employés  dans  les  mines 
métallifères  atteindrait  près  de  3.000,  celui  des  ouvriers 
indigènes  dépassant  6.000.  Les  mines  de  phosphates  occu- 
peraient de  leur  côté  près  de  2.000  Européens  et  plus  de 
6  000  indigènes.  Quant  aux  carrières  de  matériaux  de  cons- 
truction elles  occuperaient  plus  de  2.000  ouvriers.  Il  y 
aurait  donc  près  de  20.000  hommes  employés  dans  les 
industries  d'exploitation  du  sous-sol  tunisien.  La  notice 
estime  à  plus  de  14  millions  de  francs  le  montant  annuel 
des  salaires  de  ces  ouvriers. 

La  presque  totalité  des  minerais  produits  par  la  Tunisie 
est  exportée,  soit  en  France,  soit  à  l'étranger.  Les  marchés 
étrangers  principaux  des  minerais  de  zinc  et  de  plomb  de 
la  Tunisie  se  trouvent  en  Belgique,  en  Angleterre  et  en 
Allemagne.  D'après  le  rapport  au  président  de  la  Répu- 
blique pour  1909  (p.  73)  ce  fait  «  tient,  entre  autres,  à  ce 
que  les  minerais  tunisiens  jouissent  en  Allemagne,  en 
Angleterre,  en  Belgique,  etc.,  d'une  entière  franchise  doua- 
nière qui  ne  leur  est  pas  acquise  en  France  ».  Il  faut 
ajouter  que  l'Angleterre,  la  Belgique  et  l'Allemagne  sont 
beaucoup  mieux  outillées  que  la  France  pour  le  traitement 
des  minerais. 

Depuis  quelques  années,  certains  minerais  de  plomb  sont 
traités  en  Tunisie  même.  En  1910  la  Tunisie  exporta  pour 
la  première  fois  du  plomb  ouvré  en  masses,  barres  ou 
plaques  (3.015  quintaux  valant  152.860  francs).  En  1911, 
elle  en  a  exporté  52.114  quintaux  représentant  une  valeur 
de  1.728.625  francs.  Elle  a  importé,  la  même  année 
4.454.421  kilogrammes  de  résidus  de  pyrites  grillées  que 
la  Société  métallurgique  de  Mégrine  utilise  comme  fondants 
pour  la  fusion  des  minerais  de  plomb  (Rapp.  1911,  p.  74). 


190  l>A    TUNISIE 

Les  lïiiriL's  de  la  Tunisie  vendent  en  général  leurs  mine- 
rais de  zinc  à  des  usines  de  traitement  françaises  ou 
étrangères  par  des  marchés  à  long  terme  dont  les  bases 
sont  fournies  par  la  teneur  du  minerai  et  le  cours  du  zinc. 

Les  redevances  pavées  à  l'administration  de  la  Régence 
par  les  exploitants  de  mines  ne  s'élevaient  en  1903  qu'à 
21.587  francs,  en  1904  à  76.874  francs,  de  1905  à  1911 
elles  oscillaient  entre  100.000  et  200.000  francs.  Pendant 
les  exercices  suivants  elles  ont  atteint  :  22(). 300  francs 
en  1912,  297.092  francs  en  1913  et  318.066  en  1914.  A  la 
suite  de  la  mise  en  vigueur  de  la  nouvelle  législation  elles 
se  sont  élevées  à  619.322  francs  en  1915. 

Depuis  le  29  décembre  1913  la  Tunisie  possède  en  effet 
une  législation  générale  sur  les  mines  dont  le  besoin  se 
faisait  vivement  sentir.  Dans  son  Traité  de  législaiion  des 
mines  en  France  (nouvelle  édition  p.  91)0-1903),  M.  l'Ins- 
pecteur général  des  mines  Aguillon  écrivait  :  «  Bien  que 
la  Tunisie  ait  une  législation  générale  très  complète  et, 
notamment  en  matière  immobilière,  bien  que  l'industrie 
extractive  v  ait  une  importance  relativement  assez  consi- 
dérable, ce  pays  n'a  pas  encore  de  loi,  de  règlement  général 
sur  le  régime  et  l'exploitation  des  mines.  C'est  peut-être 
le  seul  pays  du  monde  dans  cette  situation...  Toutes  les  mines 
existant  en  Tunisie  ont  été  instituées  en  vertu  d'actes 
particuliers,  émanés  du  Bey,  qui  constituent  la  loi  rie  la 
mine  que  l'acte  concerne  ». 

Antérieurement  à  1913  la  législation  minière  ne  com- 
portait que  deux  actes  généraux  :  un  arrêté  du  premier 
ministre  du  Bey,  en  date  du  1"'  décembre  1881  proclamant 
le  principe  de  la  domanialité  des  mines  conformément  à 
l'esprit  du  droit  musulman,  et  un  décret  beylical,  du 
10  mai  1893,  qui  avait  plus  spécialement  pour  objet  de 
réglementer  les  recherches  de  mines. 

Le  décret  du  29  décembre  1913,  applicable  à  partir  du 
1"  janvier  1914,  n'a  apporté  aucune  modification  profonde 
dans  le  régime  des  mines,  il  n'a  fait  que  préciser  et  définir 
certains  droits,  qui  précédemment  n'avaient  d'autre  base 
que  la  coutume. 


L  EXPLOITATION    DES    MINES    ET    CARRIÈRES  191 

Le  décret  pose  d'abord  la  distinction  entre  les  mines  et 
les  carrières.  Les  mines  sont  divisées  en  cinq  groupes  : 
1"  combustibles  fossiles  ;  2°  pétroles  ;  3°  substances  métal- 
liques ;  4"  aluns  et  borates  ;  5"  nitrates  et  sel  gemme. 

Tous  les  gîtes  non  classés  dans  les  mines  sont  considérés 
comme  carrières  et  appartiennent  au  propriétaire  du  sol. 

Les  mines  sont  propriétés  domaniales  ;  aucune  recberche 
ne  peut  avoir  lieu  sans  l'autorisation  du  Directeur  général 
des  travaux  publics,  délivrée  sous  forme  de  permis  de 
rechercbeàla  prioritédes  demandes.  Le  permis  de  rechercbe 
est  valable  pour  un  seul  groupe  de  substances,  sa  super- 
ficie est  de  400  hectares  ;  il  donne  le  droit  exclusif  de  faire 
des  travaux  dans  son  périmètre  ;  il  donne  en  outre,  si  les 
travaux  ont  démontré  l'existence  d'un  gîte  exploitable,  le 
droit  exclusif  à  l'obtention  soit  d'un  permis  d'exploitation, 
soit  d'une  concession.  Le  permis  de  recherche  est  valable 
pour  trois  ans,  il  peut  être  renouvelé  une  seule  fois  pour 
une  période  de  trois  années.  Le  permis  de  reclierche  ne 
donne  pas  le  droit  d'exploiter  le  gîte  ;  toutefois,  le  permis- 
sionnaire peut  être  autorisé  à  disposer  du  produit  de  ses 
recherches. 

Le  permis  d'exploitation  est  valable  pour  cinq  ans,  il 
ne  peut  être  renouvelé,  mais  il  donne  droit  à  l'obtention 
d'une  concession  s'il  contient  un  gîte  dont  l'exploitabilité 
est  démontrée.  Il  est  institué  sur  simple  demande  du  titu- 
laire du  permis  de  recherche  ;  il  convient  particuhèrement 
aux  gisements  peu  importants  et  de  courte  durée,  qu'il 
dispense  des  formalités  plus  compliquées  de  la  demande  en 
concession. 

La  concession  est  perpétuelle.  Elle  est  accordée  à  la 
suite  d'une  enquête  publique  de  deux  mois  et  la  constata- 
tion de  l'existence  d'un  gîte  exploitable. 

Le  décret  sur  les  mines  contient  comme  principale  inno- 
vation la  création  d'une  sorte  d'hypothèque  minière  :  Tous 
faits  ou  conventions  ayant  pour  effet  d'instituer,  trans- 
mettre, modifier  ou  éteindre  un  droit  réel  sur  un  permis 
ou  une  concession  doivent  pour  être  opposables  aux  tiers, 
être  constatés  par  écrit  et  ti^anscrits  par  le  service  des 


192  LA    TUNISIE 

mines,  sur  un  registre  à  ce  destiné.  L'ordre  des  transcrip- 
tions détermine  le  rang  des  ayant  droit;  le  service  des 
mines  délivre  à  tous  ceux  qui  le  requièrent  copie  de  toutes 
les  transcriptions  concernant  une  mine  ou  certificat  qu'il 
n'en  existe  aucune.  Ces  dispositions  sont  de  nature  à 
faciliter  grandement  les  opérations  sur  les  mines. 

Les  taxes  spéciales  aux  mines  sont  les  suivantes  : 
1"  Pour  les  permis  de  recherches,  2o0  francs  par  demande  et 
500  francs  par  renouvellement  ;  2°  pour  les  permis  d'exploi- 
tation, 500  francs  pour  l'institution  et  une  taxe  fixe 
annuelle  de  0  fr.  50  par  hectare.  Les  minerais  marchands 
extraits  et  prêts  pour  la  vente  subissent  en  outre  une  taxe 
fixée  par  l'arrêté  d'institution  ;  3°  pour  les  concessions, 
1.000  francs  pour  l'institution  et  une  taxe  annuelle  de 
1  franc  par  hectare  indépendamment  d'une  taxe  propor- 
tionnelle de  5  p.  100  sur  le  produit  net. 

Les  minerais  de  fer  sont  assujettis  à  une  taxe  spéciale 
supplémentaire  de  5  p.  100  de  la  valeur  des  minerais 
franco  bord  au  port  d'embarquement,  sans  que  cette  taxe 
puisse  dépasser  20  p.  100  du  bénéfice  au  delà  de  2  fr.  oO 
par  tonne. 

Enfin,  le  décret  prévoit  pour  les  concessions  futures  une 
taxe  complémentaire  sur  les  extra-bénéfices  dépassant 
10  p.  100  du  capital  de  premier  établissement. 

I  IL  —  Exploitation  des  phosphates 

L'industrie  la  plus  importante  de  la  Tunisie  avec  celle 
des  mines  métallifères  es!  représentée  par  l'extraction,  la 
dessiccation  et  le  transport  des  phosphates  de  chaux.  On  a 
vu  au  chapitre  ii  que  la  valeur  des  phosphates  exportés 
était  passée  de  3.700.000  francs  en  1900,  à  9.500.000  francs 
en  1905,  29.000.000  de  francs  en  1910  et  45.500.000  francs 
en  1913. 

Parallèlement,  les  recettes  qu'ils  procurent  au  protectorat 
et  qui  se  composent  :  1°  de  la  redevance  d'adjudication 
pour  les  phosphates  domaniaux  ;  2°  de  la  taxe  d'extraction 
de  0  fr.  50  par  tonne  sur  tous  les  phosphates,  ont  atteint 


I,  EXPLOITATION    DKS    MINIÎS    ET    CARRIÈRES  193 

successivement  l()8. 000  francs  en  1900  ;  ::2'.)7.O00  francs  en 
1905;  2.000.000  en  1910  et  plus  de  3.000.000  en  1913. 

L'exploitation  des  phosphates  est  analogue  à  celle  du 
charhon,  avec  les  dangers  d'incendie  et  d'explosion  en 
moins.  Avant  d'être  expédié,  le  piiosphate  est  séché,  soit 
sur  des  aires  spéciales,  en  l'étendant  en  couche  mince  et 
en  le  labourant,  soit  dans  des  fours  rotatifs. 

La  teneur  en  phosphate  de  chaux  des  produits  tunisiens 
exportés  varie  de  58  à  ()5  p.  100. 

Le  prix  de  vente  des  phosphates  est  déterminé  par  la 
teneur  en  phosphate  Iribasique,  les  plus  riches  étant  ceux 
qui  se  paient  le  plus  cher.  Tous  les  phosphates  de  la  Tunisie 
sont  garantis  contenir  moins  de  2  p,  100  de  fer  et  d'alu- 
mine, substances  dont  la  présence  en  proportion  supérieure 
à  ce  chiffre  amène  une  dépréciation  du  minerai. 

Les  gisements  de  phosphate  de  chaux  et  de  phosphorites 
sont  classés  par  la  législation  tunisienne  parmi  les  carrières 
qui  sont  à  la  disposition  des  propriétaires  du  sol,  le  pro- 
priétaire pouvant  être  soit  le  domaine  public,  soit  un  par- 
ticulier. Dans  le  premier  cas,  l'Etat  pourrait  exploiter 
directement  s'il  ne  trouvait  pas  avantage  à  faire  des  con- 
cessions; dans  le  second,  tout  particulier  peut  exploiter  les 
phosphates  de  son  domaine  à  la  seule  condition  de  remplir 
certaines  obligations  de  police. 

Au  point  de  vue  des  carrières  l'Etat  est  considéré  comme 
propriétaire  non  seulement  dans  les  territoires  domaniaux, 
mais  encore  dans  les  habous  publics  ou  privés. 

En  vertu  du  décret  du  1"  décembre  1898,  les  recherches 
de  gisements  de  phosphates  ne  peuvent  être  opérées  dans 
les  terrains  domaniaux  ou  dans  les  habous  publics  ou 
privés  qu'après  autorisation  du  Directeur  des  travaux 
publics.  Cette  autorisation  ne  peut  être  accortlée  qu'à  une 
personne  morale  unique  et  non  à  une  association  ou  col- 
lectivité quelconque;  elle  est  personnelle  et  ne  peut  être 
cédée  à  un  tiers  qu'avec  l'autorisation  du  Directeur  des 
travaux  publics.  La  personne  qui  a  fait  les  recherches  ne 
peut  être  reconnue  inventeur  d'un  gisement  qu'après  l'exé- 
cution de  travaux  susceptibles  de  faire  connaître  la  valeur 

J.-L.  De  LAfEssÀN.  —  La  Tunisie.  13 


194  LA   TUNISIE 

industriollc  rlu  gîtf.  L'inventeur  acquiert  le  droit  à  un 
dixième  de  la  redevance  que  touchera  l'Etat  pendant  trente 
ans,  mais  il  n'a  aucun  titre  à  Fexploitalion.  Celle-ci  est 
donnée  à  l'adjudication  publique.  Si  le  gisement  est  situé 
en  terrain  habous,  la  part  de  la  redevance  attribuée  à  l'Etat 
par  l'adjudication  est  remise  à  l'administration  des  habous 
pour  le  compte  des  intéressés. 

Indépendamment  de  la  redevance  au  profit  de  l'Etat,  sur 
laquelle  se  fait  l'adjudication,  le  décret  de  1898  impose 
une  taxe  de  oO  centimes  par  tonne  à  tous  les  phosphates 
exportés.  Un  décret  du  22  août  1900  a  porté  de  300  hectares 
à  2.000  hectares  la  surface  maxima  des  terrains  pour  les- 
(juels  des  permis  de  recherches  peuvent  être  accordés. 

I  TH.  —  L'industrie  du  sel 

L'industrie  représentée  par  l'exploitation  des  salines  et 
la  vente  du  sel  constitue,  en  principe,  un  monopole 
d'Etat,  institué  par  le  décret  de  14  hidgé  1301  (3  octobre 
1884).  D'après  l'article  81  de  ce  décret  «  l'achat,  la  fabri- 
cation et  la  vente  du  sel  naturel  ou  artificiel,  sont  exclusi- 
vement réservés  au  monopole  dans  toute  l'étendue  de  la 
Régence  ».  Par  l'article  82  «  les  sels  naturels  et  artificiels 
de  provenance  étrangère  sont  prohibés  à  l'entrée  de  la 
Régence,  à  moins  qu'ils  ne  soient  achetés  pour  le  compte 
de  la  régie  ».  Cependant  les  sels  étrangers  destinés  à  la 
salure  des  poissons,  particulièrement  des  sardines  et  des 
tiions  que  Ton  pêche  en  assez  grande  quantité  sur  les  côtes 
de  la  Régence,  étaient  soustraits  à  cette  interdiction  jus- 
qu'au jour  «  où  le  monopole  sera  à  même  de  distribuer 
aux  saleurs  la  quantité  de  sel  qui  leur  sera  nécessaire  ». 
Le  même  décret  interdit  à  tout  habitant  de  la  Régence  de 
détenir  en  sa  possession  plus  de  15  kilogrammes  de  sel 
sans  justifier  de  sa  provenance  et  autorise  les  agents  du 
monopole  ou  des  douanes  à  faire  «  les  perquisitions  les 
plus  minutieuses  dans  les  maisons  des  personnes  soup- 
çonnées de  se  livrer  à  la  contrebande  ».  Il  est  vrai  que 
«  les  perquisitions  ne  peuvent  être  faites,  s'il  s'agit  de  jus- 


L  INDUSTRIE    DU    SKL  195 

liciabk'S  des  ti"il)unaux  français,  qu'en  présence  d'un 
délég"ué  de  la  municipalité  ou  d'un  officier  de  police  judi- 
ciaire, ou  d'un  fonctionnaire  qui  sera  désigné  pour  en 
remplir  les  fonctions;  s'il  s'agit  de  justiciables  des  tribu- 
naux indigènes,  les  perquisitions  ne  pourront  être  faites 
qu'en  présence  de  l'autorité  tunisienne  ». 

Le  sel  étranger  entrant  en  Tunisie  pour  le  monopole 
est  exempt  de  tout  droit  de  douane. 

Le  monopole  exploite  directement  la  saline  de  La  Prin- 
cesse près  de  la  Goulette  et  les  sources  salines  de  Lorbeus 
près  du  Kef. 

L'Etat  a  concédé,  en  outre,  à  des  particuliers  13  salines  : 
celles  de  Ras  Dimas  (Mehdia),  de  Ben-Ray ada  (Mahdia),  de 
Soliman,  de  Kerbennah,  de  Kniss  (Monastir),  de  Sidi- 
el-Hani  (Kairouan),  d'Assa-Djerida  (Sousse),  de  Sidi- 
Salem  (Sfax),  de  Sidi-Khalifa  f Sousse),  de  Halk-el-Menzel 
(Sousse),  de  Mégrine  et  de  M'taâ  el-Ghorra  et  de  Zarzis. 
Tout  le  sel  produit  par  ces  salines  doit  être  exporté.  C'est 
une  condition  essentielle  de  la  concession,  pour  laquelle 
une  redevance  est  payée  à  l'Etat. 

Le  produit  du  monopole  du  sel  au  profit  du  budget  de 
la  Tunisie  était  de  693.000  francs  en  1892:  il  s'est  élevé, 
en  1912,  à  près  d'un  million  de  francs. 

I  IV,  —  L'industrie  de  la  pèche 

L'énorme  étendue  des  côtes  de  la  Tunisie,  l'existence 
sur  ses  bords  de  grands  lacs  qui  communiquent  avec  la 
mer  et  l'abondance  des  poissons,  du  corail  et  des  éponges 
dans  les  eaux  territoriales  de  la  Régence  donnent  à  l'in- 
dustrie delà  pêche  une  importance  qui,  très  probablement, 
ira  sans  cesse  en  saccroissant. 

D'après  M.  E.  de  Pages',  le  domaine  de  la  pêche  mari- 
time, en  Tunisie,  comprend  plus  de  1.200.000  hectares. 
«  Les  côtes  de  la  Tunisie,  dit-il,  ont  en  effet  un  développe- 
ment d'environ  1.200  kilomètres.  En  multipliant  cette  lon- 

1.  Les  pèches  maritimes  de  la  Tunisie,  p.  10. 


196  LA    TUNISIK 

gueur  par  la  largeur  de  la  zone  territoriale,  en  y  ajoutant 
la  surface  des  bancs  sous-marins  appartenant  à  la  Régence, 
ainsi  que  celle  des  lacs  et  élan|2rs  salés,  on  arrive  facile- 
ment au  chiffre  que  nous  venons  d'indiquer.  » 

Toute  cette  surface  n'est  pas  soumise,  au  point  de  vue 
de  la  pèche,  au  même  régime  légal.  Dans  la  zone  des  eaux 
territoriales  qui,  en  Tunisie,  a  été  fixée  à  deux  myriamètres 
du  rivage  par  le  décret  du  20  mai  1899,  les  droits  de  pro- 
priété et  de  police  du  gouvernement  tunisien  sont  absolus. 
Or,  sur  la   partie  du  littoral   comprise  entre  la  frontiire 
algérienne  et  le  cap  Africa,  la  Régence  étend  ses  droits,  au 
point  fie  vue   de  la  pêche,  non   seulement  sur  les  eaux 
territoriales,  mais  encore  sur  les  bancs  de  coraux  situés 
en  dehors  de  la  zone  de  ces  eaux.  Depuis  le  cap  Africa 
jusqu'à   la  frontière  de  la  Tripolitaine,  la  Régence  jouit, 
depuis  des  temps  immémoriaux,  de  droits  sur  les  bancs  où 
croissent  les   éponges.    Ces  droits   ont  été  formellement 
reconnus  par  les  grandes  puissances  avec  lesquelles   le 
gouvernement  beylical  a  traité.  «  De  nombreuses  contra- 
ventions, dit  M.  de  Fages  ',  constatées  par  procès-verbaux 
authentiques,  ont  été  dressées  contre  des  pêcheurs  de  dif- 
férentes nationalités  sans  que  le  principe  de  Tintervention 
des  agents  du  gouvernement  tunisien  ait  été  jamais  con- 
testé. En  1875,  deux  jugements  consulaires,  ont  reconnu 
le  caractère  territorial  des  bancs  d'épongés  situés  à  plus 
de  quinze  milles  des  côtes.  Un  usage  immémorial,  reconnu 
solennellement  par  les  principales  puissances  européennes, 
a  attribué  à  la  Tunisie  l'exploitation  des  bancs  situés  sur 
son  littoral.  Ce  droit  d'usage,  tout  différent  des  droits  qui 
s'appliquent  à  la  mer  territoriale,  ne  porte  aucune  atteinte 
au  principe  de  la  liberté  des  mers  et  au  droit  de  la  navi- 
,gation.  11  est  en  parfait  accord  avec  l'intérêt  même  des 
puissances  maritimes,  car  il  permet  à  la  Tunisie  d'exercer 
sur  l'exploitation  des  bancs  une  police  efficace  qui  assure 
la  conservation  d'une  richesse  naturelle  importante.  Sans 
cette  police,  dont  la  charge  se  traduit,  pour  la  Régence, 

1.  Loc.  cit.,  p.  14, 


LA    PÊCHR  197 

par  une  dépense  de  plus  de  50.000  francs  par  an,  les 
pêcheurs,  livrés  à  eux-mêmes,  auraient,  en  peu  d'années, 
épuisé  des  bancs  (jui  font  vivre  actuellement  plus  de  quatre 
mille  cinq  cents  marins  et  leurs  familles,  arabes,  grecs  et 
surtout  italiens.  » 

En  vertu  des  conventions  signées  par  le  gouvernement 
beylical  «  les  Italiens  et  les  nationaux  de  toutes  les  puis- 
sances qui  ont  avec  la  Tunisie  le  régime  de  la  nation  la 
plus  favorisée  peuvent  exercer  librement  l'industrie  de  la 
pêche  dans  les  eaux  tunisiennes,  le  gouvernement  beylical 
conservant,  bien  entendu,  sur  les  eaux,  les  pouvoirs  de 
souveraineté  et  de  police  qui  sont  dans  les  attributions  de 
tout  gouvernement  '  ».  Néanmoins  les  beys  ont.  depuis 
une  époque  indéterminée,  contracté  l'habitude  de  concédci- 
des  droits  spéciaux  sur  certains  points  du  littoral  en  vue 
de  l'établissement  de  pêcheries  dont  quelques-unes,  les 
thonaires  par  exemple,  ont  une  grande  importance. 

Les  eaux  des  lacs  sont  placées  en  dehors  de  ce  régime. 
Le  gouvernement  tunisien  y  jouit  d'un  droit  absolu  de  pro- 
priété, <m  vertu  duquel  il  a  pu  amodier  l'exploitation  de 
la  pêche  dans  les  lacs  de  Bizerte,  d'Iskeul,  de  Porta-Farina, 
de  Tunis  et  des  Bibans. 

La  plus  importante  de  ces  exploitations  a  été  pendant 
longtemps  et  est  peut-être  encore  celle  des  lacs  de  Bizerte 
et  d'Iskeul.  Le  lac  de  Bizerte  a  une  superficie  de  150  kilo- 
mètres carrés;  il  communique  avec  le  lac  d'Iskeul,  dont 
la  superficie  est  de  120  kilomètres  carrés  par  un  chenal 
sinueux,  long'  de  5  kilomètres,  connu  sous  le  nom  d'oued 
Tindja.  Pendant  neuf  mois  de  l'année  cet  oued  coule  du 
lac  Iskeul  vers  le  lac  de  Bizerte  ;  pendant  les  trois  mois  de 
fortes  chaleurs  il  coule  du  lac  de  Bizerte  vers  le  lac  d'Is- 
keul. La  composition  des  eaux  de  ce  dernier  lac  varie  sui- 
vant la  direction  du  courant.  Avant  l'établissement  du 
Protectorat  et  le  creusement  du  canal  qui  joint  aujourd'hui 
directement  le  lac  de  Bizerte  à  la  mer,  les  poissons  ne 
pouvaient  entrer  ou  sortir  du  lac  que  par  un  canal  sinueux, 

I.  IbicL,  p.  15. 


198  I.A    TI'NISIK 

lon«^- cl,  élroil  (jui  rendail  la  pùclic  liî's  iacilc.  M.  Je  Fagx's 
rappelle  (ju«',  traprès  un  rapport  ofliciel,  on  avait  pris  «  d'un 
seul  coup  jus([u'à  22.U00  daurades,  du  poids  de  2  à  5  kilog. 
(•harune  »  et  il  ajoute  :  «  l'Etal,  qui  mettait  en  adjudication 
l'exploitation  de  la  pèche  dans  le  lac  de  Bizerte  a,  depuis 
1870,  retiré  de  cette  ferme  jusqu'à  loO.OOO  francs  par  an. 
Les  frais  du  fermiei-  étant  au  moins  égaux  à  cette  somme, 
on  voit  que  le  lac  de  Bizerte,  qui  laissait  un  bénéfice  sen- 
sible, devait  donner  environ  400.000  francs  de  produits 
par  an  '.  »  Lorsque  le  Protectorat  traita  pour  la  construc- 
tion du  port  de  Bizerte,  il  accorda  à  la  Société  conces- 
sionnaire le  monopole  de  la  pêche  pour  toute  la  durée  de 
sa  concession  (75  ans)  dans  les  lacs  de  Bizerte  et  d'iskeul. 
avec  exemption  de  tout  droit  sur  le  poisson  qu'elle  pren- 
drait. On  expédiait  une  partie  de  ce  poisson  à  Marseille 
dans  la  glace.  On  prépara  aussi  des  œufs  pour  les  pays 
d'Orient.  La  pêche  ne  donnait,  en  réalité,  que  des  résultats 
médiocres,  en  raison  des  difficultés  de  la  vente  et  de  l'ou- 
verture très  fréquente  de  la  porte  du  barrage  du  canal  qui 
favorisait  la  fuite  du  poisson.  La  marine  se  plaignait,  de 
son  côté,  d'être  gênée  par  les  pêcheries  dans  les  mouvements 
de  ses  navires.  En  1906  l'Etat  racheta  le  monopole  dont 
jouissait  la  Compagnie  et  mit  en  adjudication  l'exploita- 
tion de  la  pêche  dans  le  seul  lac  d'Iskeul. 

Le  lac  de  Porto-Farina,  dont  la  superficie  est  d'une 
trentaine  de  kilomètres  et  qui  communique  avec  la 
mer  par  une  passe  ayant  500  mètres  environ  de  large, 
a  été  amodié  en  vue  de  la  pêche  en  1896,  pour  la  pre- 
mière fois. 

Le  lac  marécageux  de  Tunis,  dont  la  superficie  est 
d'environ  50  kilomètres  carrés  n'a  été  amodié  en  vue  de 
la  pêche  qu'à  partir  de  1896.  La  pêche,  auparavant,  y  était 
libre.  Les  résultats  de  la  modiation  paraissent  avoir  été 
également  avantageux  pour  les  fermiers  et  pour  le  pro- 
tectorat. 

Il  en  est  de  même  pour  le  lac  des  Bibans,  situé  au  voi- 

1.  IbicL,  p.  93. 


LA     l'KCHK  199 

sinage  de  Zarzis  el  donl  la  superficie  esl  denviron  300  kilo- 
mètres carrés. 

Les  établissement,  déiiomrnés  «  tiionaires  »  situés  près 
des  cotes  et  dans  lesquels  on  pêche  et  prépare  les  thons 
sont  l'objet  depuis  longtemps  de  concessions  de  la  part 
des  autorités  de  la  Régence  et  donnent  des  résultats  inté- 
ressants. L'ancienne  thonaire  de  Sidi-Daoud,  par  exemple, 
«  a  capturé,  en  1906,  8.000  thons  pesant  600.000  kilos, 
valant  250.000  francs  à  l'état  frais  et  plus  de  600.000  francs 
après  préparation^  ».  Elle  occupe  pour  la  pèche,  la  pré- 
paration et  la  fabrication  des  conserves  à  l'huile,  plus  de 
230  personnes.  La  thonaire  de  Ras-el-Ahmar,  concédée 
en  1906  pour  quarante  années,  a  pris  dès  sa  première 
campagne  plus  de  2.000  thons  que  l'on  prépare  à  Sidi- 
Daoud.  La  très  ancienne  thonaire  de  Monastir,  reconcédée 
en  1892  pour  quatre-vingt-six  ans,  est  organisée  pour  con- 
server le  thon  dans  le  sel  et  dans  l'huile.  Elle  occupe 
320  hommes  et  a  capturé  en  1906  plus  de  4.000  thons, 
pesant  335.000  kilogrammes.  Notons  encore  les  thonaires 
récentes  d'El  Aouaria,  de  Ras-el-Mihr,  de  Ras  Marsa,  de 
Kuriat,  de  Bordj  Khadidja,  de  Ras  Salakia,  de  Menzel 
Temine  et  de  Mehdia.  Tous  ces  établissements  ont  été  créés 
en  vue  de  la  pèche  des  thons  qui  circulent,  à  certaines 
époques,  en  grandes  bandes,  le  long  des  côtes  orientales  de 
la  Régence.  La  concession  est  faite  moyennant  une  rede- 
vance de  1  franc  pour  100  kilos  de  thons  capturés,  plus 
5  francs  de  supplément  par  chaque  quintal  au-dessus  de 
8.000  quintaux. 

Le  gouvernement  beylical  avait,  depuis  un  temps  immé- 
morial, contracté  la  coutume  de  concéder  aux  habitants  de 
la  Régence  le  droit  de  créer  et  d'exploiter  des  pêcheries 
sur  divers  points  des  côtes.  II  existe  environ  un  millier 
de  ces  pêcheries  dont  le  rendement  est  fort  variable  de 
l'une  à  l'autre.  «  Les  pêcheries  indigènes  sont  situées  tout 
autour  des  bancs  de  Kerkennah  et  principalement  dans 
l'est  ;  on  en  trouve  également  sur  toute  la  côte  est  et  sud. 

1.  Luc.  cil.,  p.  li'l. 


200  LA.   TUNISIE 

de  Ras  Kapoudia  à  la  Squira,  à  Djerba,  aux  environs  de 
Zarzis  et  dans  la  mer  de  Bou-Grara;  il  en  existe  aussi 
quelques-unes  dans  le  g^olle  de  Monastir\  » 

Au  point  de  vue  de  leurs  rapports  avec  l'industrie  de  la 
pêche,  les  poissons  les  plus  intéressants  de  la  Tunisie  sont 
rationnellement  classés  par  M.  de  Fages  en  trois  caté- 
gories : 

1"  Les  espèces  sédentaires.  Elles  fréquentent  d'une 
manière  permanente  certains  parages  où  les  pécheurs  ont 
des  chances  de  les  trouver.  Citons  parmi  elles  :  la  bar- 
bue, le  congre,  la  limande,  la  loubine,  le  bar  ou  loup,  le 
merlan,  les  diverses  variétés  du  mulet,  la  raie,  le  rouget, 
la  rascasse,  la  sole,  le  turbot,  le  grondin,  la  vieille,  la 
vive,  etc.;  on  les  trouve  en  tout  temps,  un  peu  partout,  le 
long  des  côtes. 

2"  Les  espèces  aventurières.  A  certaines  époques  de 
l'année,  variable  pour  chaque  espèce,  elles  s'approchent 
des  côtes  ou  entrent  dans  les  lacs  qui  communiquent  avec 
la  mer,  y  séjournent  pendant  un  certain  temps,  puis  s'en 
éloignent.  Citons  parmi  elles  :  l'aiguille  qui  passe  de  mai 
à  septembre,  abondante  en  juin  et  juillet  ;  l'anguille, 
d'octobre  à  février,  abondante  en  décembre  et  janvier  ;  la 
daurade,  de  septembre  à  janvier,  abondante  en  décembre 
et  janvier;  la  maigre,  de  juillet  à  novembre.  Ces  poissons 
sont  péchés  surtout  dans  les  lacs. 

3°  Les  espèces  migratrices .  Citons  :  l'anchois,  de  pas- 
sage sur  les  côtes  de  la  Tunisie  en  juin,  juillet  et  aoiit  ; 
la  bonite,  absente  pendant  l'hiver,  abondante  surtout  en 
juin  et  juillet  ;  le  maquereau,  absent  aussi  pendant  l'hi- 
ver, abondant  surtout  de  juin  à  aoiàt  ;  la  sardine,  de  pas- 
sage entre  avril  et  août,  abondante  surtout  en  juin  et 
juillet  ;  l'allache  ou  alose  feinte,  de  passage  en  avril,  mai 
et  juin,  abondante  surtout  en  juin  ;  le  thon,  de  passage  en 
mai  et  juin.  Parmi  ces  espèces,  la  sardine  et  l'anchois  d'une 
part,  le  thon  de  l'autre,  méritent  une  mention  spéciale. 
La  sardine  a  été  pêchée  de  tout  temps  par  les  Siciliens 

1.  ibxd.,  p.  43i>. 


LA    PKCHE  201 

et  les  Italiens  sur  les  côtes  nord  de  la  Tunisie,  spéciale- 
ment dans  la  région  de  Tabarka.  En  1888,  à  la  suite  de  la 
rupture  des  traités  de  commerce  entre  la  France  et  l'Italie, 
Tabarka  vit  se  réunir  aans  ses  eaux  les  pêcheurs  siciliens 
qui  fréquentaient  auparavant  les   côtes  voisines  de  l'Al- 
gérie, notamment  le  petit  port  de  la  Galle,  parce   qu'en 
Tunisie  la  pêche  était  libre.  De  1888  à  1897,  la  pêche  de 
la  sardine  et  de  l'anchois  fut  très  prospère  à  Tabarka.  «  Elle 
atteignit  son  apogée  en  1893,  avec  22o  barques  jaugeant 
1.421   tonnes,  montées  par  1.340   pêcheurs.  A   partir  de 
1897,  le  nombre  des  barques  diminua  graduellement,  et 
tomba,  en  1904,  à  27,  jaugeant  99  tonnes  et  montées  par 
180   hommes.   En   1906,   celte   pêche    a   été   exercée  pai' 
60  barques,  jaugeant  210  tonnes,  montées  par  455   pé- 
cheurs^  »  Il  ne  paraît  pas  v  avoir  eu  de  changement  notable 
dans  cette  situation  depuis  1906.  Elle  paraît  due  à  là  trop 
faible  rémunération  du  travail  des  pêcheurs.  M.  de  Fages 
dit  à  cet  égard  :  «  D'après  les  statistiques  exactes  suivies 
depuis  1894,  chaque  barque  pêche,  en  moyenne,  dans  une 
campagne  de  cinq  mois,,  3.100  kilogrammes  de  sardines  et 
1.050  kilogrammes  d'anchois.  Au  prix  moyen  de  26  francs 
les  100  kilogrammes  pour  les  sardines  et  de  70  francs  les 
100  kilogrammes  pour  les  anchois,  une  barque  de  pèche 
gagnerait  1.349  francs  dans  une  campagne,  ce  qui  repré- 
sente par  mois  un  gain  de  46  fr.  50  pour  le  patron  et  de 
31  francs  pai-  homme  d'équipage  ;  salaires  bien  minimes  si 
Ton  tient  compte  de  la  dure  existence  de  ces  hommes  qui 
restent  parfois  campés  pendant  plusieurs  mois  dans  des 
criques  désertes,  loin  de  leur  famille  et  de  toute  civilisa- 
tion  ».   Ces   conditions  expliquent  pourquoi   ont  échoué 
toutes  les  tentatives  qui   furent  laites  par  le   protectorat 
pour  attirer  en  Tunisie  des  pêcheurs  métropolitains.  Après 
avoir  rappelé  ces  échecs,   M.  de  Fages  ajoute  :   «  En  se 
plaçant  au  point  de  vue  strict  de  la  pêche,  la  Tunisi<^  ne 
peut  actuellement  accueillir  des  pêcheurs  métropolitains, 
soit  du  Nord,  soit  du  Midi,  avec  quelque  chance  de  suc- 

1.  Ui-  Pa^es.  Luc.  cil.,  [j.  70. 


202  |..\    TIINISIK 

ces.  Ce  seiaiL  une  imprudence  de  la  pari  du  gouverne- 
ment du  Protectorat,  de  s'engager  dans  cette  voie  et 
d'encourager  une  émigration  qui  ne  saurait  lutter  avanta- 
geusement contre  des  Italiens  acclimatés,  connaissant 
parfaitement  les  lieux  et  les  méthodes  de  pèche,  se  con- 
tentant de  gains  très  faibles  et  vivant  avec  une  parci- 
monie qui  n'est  pas  dans  les  habitudes  françaises  ». 

On  pêche  aussi  quelques  sardines  sur  la  côte  est;  mais 
ce  sont  surtout  les  allaches  ou  aloses  feintes  qui  y  sont 
particulièrement  pechées,  depuis  Kebilia  jusqu'à  Mehdia. 
«  En  1906,  152  barques  inscrites  à  Mehdia,  jaugeant 
600  tonnes,  montées  par  7"6  liommes,  ont  capturé 
911.000  kilogrammes  dallaches  valant  218.700  francs  ^  » 

La  pêche  la  plus  importante  de  la  côte  orientale  de  la 
Régence  est  celle  du  thon.  En  mai  et  juin,  chaque  année, 
des  bandes  considérables  de  thons  adultes  descendent  le 
long  de  cette  côte,  cherchant  les  hauts  fonds  pour  y  frayer. 
On  dispose  sur  leur  passage,  dans  chacune  des  thonaires 
dont  il  a  été  question  plus  haut,  des  filets  fixes,  connus  sous 
le  nom  de  «  madragues  »,  qui  sont  tendus  à  partir  de  la  côte 
et  perpendiculairement  à  elle  jusqu'à  deux  ou  trois  kilo- 
mètres, de  manière  à  atteindre  les  fonds  de  25  à  30  mètres. 
Vers  le  milieu  de  la  longueur  du  filet  sont  disposées  des 
chambres,  ayant  3  à  4  mille  mètres  carrés  de  surface,  dans 
lesquelles  le  poisson  entre  croyant  échapper  au  filet  et 
dans  l'une  desquelles  on  le  chasse  pour  le  pêcher.  Une 
madrague  de  dimension  moyenne  ne  coûte  pas  moins  de 
130.000  francs.  On  évalue  à  400.000  francs  environ  la 
dépense  occasionnée  par  l'installation  d'une  thonaire  avec 
ses  établissements  pour  la  préparation  du  poisson,  ses 
embarcations,  etc.  «  Les  madragues,  dit  M.  de  Fages  -, 
doivent  avoir  leur  entrée  du  côté  d'où  l'on  attend  le  pois- 
son et  être  installées  autant  que  possible  à  l'extrémité  des 
golfes,  à  l'abri  des  gros  vents,  des  courants  et  en  eaux 
claires.  Les  courants  portent  souvent  préjudice  à  la  pêche 

1.  IbicL,  p.  75. 

2.  Loc.  cit.,  p.  77. 


LA    PKCHK  20:{ 

parce  qu'ils  foni  incliner  la  nappe  supérieure  des  iilels,  ce 
(jui  permet  aux  Liions  de  s'échapper.  En  Tunisie,  les  vents 
de  l'ouest  au  nord,  quand  ils  ne  souillent  pas  avec  vio- 
lence, facilitent  l'entrée  des  thons  dans  les  madragues,  et 
c'est  généralement  après  une  jolie  brise  venant  de  cetti? 
direction  qu'ont  lieu  les  belles  pêches.  »  M.  de  Pages  juge 
la  manière  dont  la  pêche  du  thon  est  faite  en  Tunisie  de 
la  manière  suivante  :  «  La  pêche  du  thon  ne  peut  être 
mieux  pratiquée  qu'elle  ne  l'est  aujourd'hui  ;  seulement, 
pour  que  cette  industrie  puisse  prospérer,  il  faut  beaucoup 
de  capitaux,  de  la  patience,  un  bon  vais  (capitaine  de 
pêche),  une  bonne  administration,  une  bonne  discipline. 
Il  faut  aussi  que  les  pêcheurs,  ce  que  l'on  appelle 
l'équipe  de  mer,  soient  intéressés  dans  le  produit  de  l;i 
pêche  ». 

La  pêche  du  corail  a  été  pendant  longtemps  lune  des 
industries  intéressantes  de  la  Tunisie.  Elle  avait  lieu  sui* 
les  bancs  qui  s'étendent  à  plusieurs  milles  de  la  côte 
septentrionale  entre  Tabarka  et  ha  Galle.  Elle  fut  d'abord 
accordée  en  monopole  à  la  République  de  Pise,  puis  à  la 
France,  jusqu'en  1824.  Une  compagnie  anglaise  se  la  lit 
alors  concéder  par  le  bey,  mais'  elle  fit  de  mauvaises 
affaires  et  la  France  redevint  concessionnaire  du  monopole 
à  perpétuité  par  une  convention  de  1832  encore  en  vigueur. 
La  pêche  du  corail  était  faite  surtout  par  des  Italiens, 
«  Avant  la  dénonciation  du  traité  de  commerce  et  de  navi- 
gation entre  la  France  et  l'Italie,  La  Galle  était  le  port  de 
concentration  de  tous  les  bateaux  corailleurs  italiens  qui 
péchaient  du  cap  Rosa  (Algérie)  jusqu'à  la  hauteur  de  l'iIe 
de  La  Galite...  Deux  à  trois  cents  bateaux  corailleurs  ita- 
liens arrivaient  aux  époques  de  la  pêche  et  contribuaient  à 
la  prospérité  de  La  Galle.  En  1888,  la  rupture  du  traité  de 
commerce  et  de  navigation  entre  la  France  et  l'Italie  éloi- 
gna les  pêcheurs  italiens  de  l'Algérie  et  La  Galle  perdit 
une  partie  de  ses  ressources'.  «  La  production  par  les 
maisons  allemandes  de  faux  coraux  fit  ensuite  baisser  la 

1.  Dl'  Pages,  Loc.  cit...  [t.  87. 


204  LA    TUNISIE 

valeur  du  corail  vrai  au  point  que  la  pêche  ne  fui   plus 
reprise.  Peut-être  le  sera-t-elle  de  nouveau  plus  tard. 

La  pêche  des  poulpes,  dont  les  indigènes  font  une  impor- 
tante consommation  et  que  l'on  exporte  en  Grèce  pendant 
le  carême  des  orthodoxes,  était  autrefois  l'objet  d'une  régle- 
mentation semblable  à  celle  des  éponges,  sans  doute  parce 
qu'elle  se  fait  sur  les  mêmes  bancs  de  la  côte  orientale.  Les 
poulpes  se  cachent  dans  tous  les  creux  de  pierres  ou  entre 
les  objets  qui  peuvent  les  protéger.  On  en  prend  beaucoup 
sur  les  côtes  en  disposant  des  branchages  sur  le  fond  de  la 
mer.  A  marée  basse  on  vient  recueillir  ceux  qui  s'y  sont 
abrités.  Aujourd'hui  cette  pêche  est  libre,  mais  les  poulpes 
paient  un  droit  de  U. 05  cent,  par  kilogramme  en  dehors  des 
villes  et  de  2  francs  par  100  kilogrammes  dans  les  villes 
comptant  plus  de  500  habitants. 

La  pêche  des  éponges  a  constitué  pendant  longtemps  un 
monopole  que  les  beys  de  Tunis  concédaient  ;  elle  est 
aujourd'hui  libre  mais  réglementée  et  soumise  au  paiement 
de  patentes  (|ui  varient,  d'après  les  procédés  employés 
pour  la  récolte  des  éponges.  Les  lieux  dans  lesquels  celles- 
ci  se  développent  en  grandes  quantités  sont  les  bancs  du 
Kerkenna,  le  banc  de  Dragana,  au  milieu  du  golfe  de  Gabès, 
les  bancs  de  Djilidj  et  de  Ras  Moustapha,  le  premier  à 
l'ouest,  le  second  à  l'est  de  Djerba,  le  banc  de  Fango  ou 
Laspi,  à  45  milles  au  nord-est  du  Ras  Turgœness,  et  les 
petits  fonds  qui  avoisinent  la  côte.  Les  éponges  s'y  déve- 
loppent souvent  sur  les  zostères  qui  tapissent  le  fond  de  la 
mer.  Les  éponges  les  plus  recherchées  sont  celles  qui  se 
développent  sUr  les  bancs  de  Kerkenna,  au  nord  de  Djerba 
et  dans  le  voisinage  de  la  frontière  tripolitaine.  Plus  on 
remonte  vers  le  nord  et  moins  les  éponges  sont  fines.  Les 
espèces  pêchées  dans  ces  lieux  appartiennent  toutes  aux 
deux  genres  Euspongia  qui  fournit  les  plus  fines  et  au  genre 
Hipposjjongia.  La  pêche  est  faite  soit  par  des  plongeurs  qui 
arrivent  à  rester  jusqu'à  deux  et  trois  minutes  sous  Teau, 
soit  par  des  scaphandriers,  soit  au  moyen  de  tridents,  de 
foënes  ou  de  filets.  Elle  est  pratiquée  par  les  indigènes  de 
la  Tunisie  ou  par  des  Grecs,  ceux-ci  se  servant  en  général 


LA    PÊCHE  20î; 

(lu  scaphandre.  D'après  M.  de  Fages^,  «  il  a  été  péché  «sn 
1906  sur  les  côtes  de  la  Régence,  150.600  kilogrammes 
d'épongés  valant  2  630.000  francs.  Les  pays  impoi-tateur-s 
de  ce  produit  sont  :  la  France  pour  la  plus  grande  partie, 
l'Italie  pour  un  cinquième;  viennent  ensuite,  par  ordre 
d'importance,  la  Hollande,  la  Belgique,  l'Angleterre,  la 
Grèce,  etc.  ». 

On  a  fait  des  essais  de  multiplication  et  d'élevage  des 
éponges  dont  les  résultats  sont  encore  incertains. 

L'industrie  delà  pêche  ne  fournit  au  budget  tunisien  que 
des  recettes  minimes.  En  1904,  la  somme  inscrite  au  bud- 
get sous  ce  titre  était  de  162.200  francs;  en  1912  elle 
s'élevait  à  192  900  francs. 

En  résumé,  la  Tunisie  ne  peut  que  se  louer  et  être  louée 
du  développement  pris,  depuis  l'établissement  du  Protecto- 
rat, par  toutes  ses  industries.  La  métropole  y  a  contribué  par 
le  libéralisme  relatif  du  régime  douanier  qu'elle  a  concédé 
à.  la  Régence.  Il  est  permis  d'espérer  qu'elle  y  contribuera 
encore  dans  l'avenir  en  assimilant  de  plus  en  plus  les  pro- 
duits tunisiens  à  ceux  de  la  France.  La  vérité  économique, 
en  ce  qui  concerne  les  colonies,  est  que  la  métropole  doit 
les  considérer  comme  de  simples  prolongements  de  son 
territoire. 

La  Tunisie,  de  son  côté,  a  fait  déjà  des  efforts  notables 
pour  faire  connaître  ses  minerais,  ses  piiosphates,  ses 
huiles,  etc.,  sur  les  marchés  étrangers.  On  ne  peut  que 
l'encourager  dans  cette  voie. 

1.  i.oc.  cil.^  -*41 . 


CHAPITRE  IX 

LE  COMMERCE  DANS  SES  RELATIONS 
AVEC  LE  REGIME  DOUANIER.   LES  IMPOTS  ET  LE  CRÉDIT 

§  T.  —  Le  développement  du  commerce 

DANS    ses    relations    AVEC    l'oCCUPATION    FRANÇAISE 

Au  moment  de  l'occupatiGn  de  la  Tunisie  par  la  France, 
le  commerce  de  la  Régence  était  à  peu  près  nul  et  il  n'y 
avait  pas  lieu  de  s'en  étonner  car  ni  Tagriculture,  ni  l'in- 
dustrie indigènes  n'étaient  suffisamment  développées  pour 
produire  au  delà  des  besoins  de  la  consommation  locale 
quoi  que  ce  soit  qui  pût  être  exporté.  L'indigène,  d'autre 
part,  n'était  pas  assez  riche  pour  acheter  en  quantités 
notables  ce  que  les  étrangers  auraient  pu  importer. 

D'après  les  statistiques  officielles,  la  valeur  totale  des 
produits  importés  en  Tunisie  du  1"'  juillet  1875  au 
30  juin  1876,  s'élevait,  en  chiffres  ronds,  à  12  millions  de 
francs.  Du  12  octobre  1884  au  12  octobre  1885,  elle  fut 
de  26.400.000  francs.  Quant  aux  exportations,  du  1*'' juil- 
let 1875  au  l^'  juin  1876,  elles  représentèrent  une  valeur 
de  15  millions  de  francs.  Du  12  octobre  1884  au  13  oc- 
tobre 1885,  elles  s'élevaient  à  18.6()0.000  francs. 

L'année  1880-1881,  pendant  laquelle  nous  procédâmes 
à  l'occupation  de  la  Régence,  vit  s'élever  à  la  fois  les 
importations  et  les  exportations.  Du  l*""  juillet  1879  au 
30  juin  1880,  la  valeur  des  importations  avait  été  de 
11. 400.000 francs  ;  du  i''  juillet  1880  au  30  juin  1881,  elle 
s'éleva  à  15.600.000  francs  et  sa  marche  ascensionnelle 
continuait  pendant  les  années  suivantes.  Quant  à  la 
valeur  des  exportations,  elle  avait  été,  en  1879-1880,  de 


LK    COM MERCK  207 

10.840.(100  francs,  en  1880-1881,  elle  s'élevait  subitement 
à  21.600.000  francs.  L'année  suivante,  elle  descendait  à 
10.800.000  francs,  mais,  en  1882-1883,  elle  remontait  à 
17.400.000  francs,  et  depuis  ce  jour,  elle  ne  cessait  de 
s'accoître.  pour  atteindre,  en  1884-85,  le  chiffre  de 
18.600.000  francs. 

L'occupation  française  avait  donné  comme  un  coup  de 
fouet  au  commerce  de  la  Régence.  On  doit  probablement 
l'attribuer  à  ce  que  les  commerçants  et  les  fournisseurs 
d'armées  arrivés  en  Tunisie  avec  nos  troupes  se  jetèrent, 
en  quelque  sorte,  sur  le  stock  de  produits  tunisiens  expor- 
tables qui  restait  des  années  précédentes  et  qu'ils  purent 
avoir  à  bas  prix.  L'année  suivante,  les  produits  étant 
devenus  plus  rares  et  les  prix  s'étant,  par  conséquent, 
élevés,  le  chiffre  des  exportations  devait  forcément  s'abais- 
ser. Au  bout  de  deux  ans,  l'équilibre  s'établit  entre  la  pro- 
duction et  l'achat  ;  la  première  s'accroît  en  proportion  des 
demandes  qui  lui  ont  été  faites  pendant  les  deux  années 
précédentes  et  ([ui  continuent  à  lui  être  adressées  :  par 
conséquent  le  chiffre  des  exportations  s'élève  et  il  ne  cesse 
plus  de  s'élever  parce  que  les  mêmes  causes  continuent 
d'agir. 

Ce  phénomène  n'a  rien  de  spécial  à  la  Tunisie.  Il  se 
produit  dans  tous  les  pays  nouveaux  où  les  puissances 
européennes  débarquent  des  troupes  en  grande  quantité. 
Celles-ci  ont  une  foule  de  besoins  qu'il  importe  de  satis- 
faire rapidement  et  sans  compter.  Aussi  achètent-elles  aux 
indigènes  tous  les  objets  qu'ils  peuvent  leur  fournir,  et  à 
des  prix  bien  supérieurs  à  leur  valeur  antérieure.  Ces 
achats  sont  une  excitation  puissante  à  la  production,  qui 
ne  tarde  pas  à  augmenter.  D'un  autre  côté,  les  trafiquants 
apprennent  à  connaître  des  produits  qui  étaient  restés  jus- 
qu'alors le  monopole  de  quelques  personnes.  La  concur- 
rence qu'ils  se  font  pour  les  acheter  et  les  expédier  dans 
la  mère-patrie  en  fait  augmenter  la  valeur  et  donne  une 
nouvelle  excitation  à  la  production.  Quant  aux  importa- 
tions, elles  ne  peuvent  pas  manquer  de  s'accroître  égale- 
ment. La  présence  des  troupes  et  celle  des  fournisseurs, 


208  l.X    TUMSIE 

des  femmes,  etc.,  qui  les  accompagnent  toujours,  déter- 
mine l'importation  d'une  quantité  considérable  de  produits 
de  la  métropole  jusqu'alors  ignorés  ou  peu  connus  des 
populations;  celles-ci  se  trouvant  enrichies  par  la  vente 
de  leurs  propres  produits  achètent  ceux  de  la  métropole, 
d'abord  par  simple  curiosité,  puis  parce  qu'elles  prennent 
goût  à  ces  objets  nouveaux  toujours  supérieurs  aux  objets 
similaires  du  pays,  ou  moins  coûteux.  Importations  et 
exportations  s'accroissent  ainsi  simultanément  et  parallè- 
lement pour,  des  raisons  fort  simples  et  qui  découlent  de 
la  nature  même  de  l'esprit  humain. 

Les  statistiques  du  commerce  tunisien  confirment  l'exac- 
titude de  ces  considérations.  Elles  montrent  que  les 
importations  accrues  très  subitement  pendant  la  première 
année  de  l'occupation  du  pays  par  nos  troupes,  ne  se  sont 
pas  ralenties  à  mesure  qu'on  a  diminué  le  nombre  de 
celles-ci,  mais  ont,  au  contraire,  continué  de  s'accroître 
dans  de  très  fortes  proportions.  En  1880-81,  la  valeur  des 
importations  est  de  15.600.000  francs  avec  un  corps  de 
troupes  d'environ  48.000  hommes.  En  1881-82,  bien  que 
le  nombre  des  soldats  soit  descendu  à  40.000,  le  chiffre 
des  importations  a  continué  son  mouvement  ascensionnel; 
il  est  de  22.200.000  francs;  en  1882-83,  le  nombre  des 
hommes  n'est  plus  que  de  30.000,  le  chiffre  des  importa- 
tions s'élève  à  26.400.000  francs.  En  1884-85,  le  nombre 
des  hommes  est  descendu  à  16.000  et  cependant  le  chiffre 
des  importations  est  le  même  que  l'année  précédente. 

Est-ce  la  France  qui  profita  de  tout  l'accroissement  du 
commerce  tunisien  dû  à  son  occupation  du  pays,  ou  bien 
travailla-t-elle,  comme  on  l'a  dit,  au  profit  des  autres 
nations?  Les  statistiques  répondent  qu'en  1886,  la  France 
fournit  à  peu  près  la  moitié  des  marchandises  importées  en 
Tunisie,  et  que  l'autre  partie  provenait  de  l'Angleterre 
pour  environ  25  p.  100,  de  l'Italie  pour  11  à  12  p.. 100; 
de  Malte  pour  6  à  7  p.  100,  de  l'Algérie  pour  4  p.  100,  etc. 

Pendant  l'année  1885,  la  valeur  des  importations  de  la 
France  en  Tunisie  s'éleva,  en  chiffres  ronds,  à  14.000.000 
dp  francs.  Les  principales  marchandises  françaises  ou  fran- 


LE    COMMERCK  209 

cisées  importées  en  Tunisie  étaient,  les  peaux  pi'éparées, 
les  cuirs  et  les  chaussures  pour  plus  de  2.000.000  de 
francs  ;  les  vivres  pour  une  somme  presque  égale  ;  les 
soies  pour  un  million  et  demi  ;  les  vêtements  pour  plus 
de  (SOO.OOO  francs  :  les  tissus  de  laine  pour  environ 
700.000  francs,  etc. 

Il  serait  difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible,  de  savoir 
si  tous  ces  produits  étaient  réellement  d'origine  française, 
ou  s'ils  provenaient,  en  proportion  plus  ou  moins  grande, 
d'autres  pays,  car  les  statistiques  officielles  réunissent  sous 
le  titre  de  Commerce  spécial  \eR  marchandises  simplement 
francisées,  c'est-à-dire  d'origine  étrangère,  mais  ayant 
payé  en  France  les  droits  de  douane,  et  les  marchandises 
fabriquées  en  France  même.  Il  n'est  pas  douteux  que, 
parmi  les  marchandises  expédiées  de  France  pour  la  Tuni- 
sie, il  s'en  trouvait  une  assez  grande  quantité  provenant 
d'autres  pays  que  le  nôtre. 

Dans  son  Exposé  de  la  situation  économique  de  la 
Régence  de  Tunis,  la  Chambre  de  comm.erce  de  Tunis,  fai- 
sant allusion  aux  chitïres  donnés  par  la  statistique  officielle 
tunisienne  pour  le  premier  trimestre  de  1885-86.  faisait 
remarquer  que  la  Suisse  figurait  seulement  pour  une 
somme  de  4.000  francs  et  elle  ajoutait  :  «  Or,  un  seul 
marchand  de  soieries  des  souks  de  Tunis  a  fait  venir  de 
Suisse  dans  ce  premier  trimestre  pour  plus  de  40.000  francs 
de  marchandises  ».  Puis  elle  continuait  :  «  l'Angleterre, 
portée  seulement  pour  1.325.000  francs  pour  le  premier 
trimestre  de  l'exercice  de  1885-86,  importe  annuellement 
en  Tunisie  pour  7.325.000  france,  ainsi  qu'il  résulte  d'une 
statistique  officielle  qui  a  été  mise  sous  nos  yeux,  oi^i  l'An- 
gleterre figure  pour  5.700.000  francs  et  l'île  de  Malte 
(articles  divers  d'origine  anglaise)  pour  1.625.000  francs. 
D'un  autre  côté,  l'Allemagne  est  portée  pour  le  modeste 
chiffre  de  10.000  francs  ;  comment  expliquer,  dans  ce  cas, 
(ju'un  document  officiel,  en  novembre  dernier,  appelait 
l'attention  de  la  chambre  de  commerce  de  Tunis  sur  l'ex- 
tension que  prenaient  les  relations  commerciales  de  l'Al- 
lemagne avec  la  Tunisie  ?  Cet  appel  à  la  Chambre  a  con- 

.l.-L.  Dr.  Lanes-s\.n.  —  La  Tunisio.  14 


210  l..\    TUNISIK 

(luit  celle-ci  à  reclieicliei'  (juel  pouvait  ùLie  le  cliili'ie  des 
iinportaLions  allemandes  :  ce  chilïre  ne  serait  guère  infé- 
rieur à  4  millions  ».  La  Chambre  de  commerce  terminait 
par  cette  observation  très  judicieuse  :  «  Cet  ensemble 
de  faits  suffit  pour  monti-er  le  peu  d'exactitude  des  chiffres 
cités  plus  haut  ». 

Dans  la  première  édition  de  ce  livre  j'ajoutais  :  «  Je  ne 
puis  que  m'associer  à  cette  observation.  Quel  que  soit  le 
soin  avec  lequel  les  statistiques  sont  faites,  elles  ne  don- 
nent jamais,  à  mon  avis,  qu'une  idée  très  imparfaite  des 
phénomènes  économiques.  En  veut-on  un  autre  exemple, 
sans  sortir  du  sujet  qui  nous  occupe?  En  voici  un  !  Nous 
avons  dit  plus  haut  que  les  statistiques  réunissaient  sous 
la  môme  rubrique,  celle  de  «  Commerce  spécial  »,  les 
produits  simplement  francisés  et  ceux  qui  sont  fabriqués 
en  France.  Eh  bien  !  les  distinguât-elle,  nous  ne  serions 
pas  beaucoup  plus  instruits  sur  leur  origine  véritable. 
Tout  le  monde  sait  que  beaucoup  d'industriels  ou  de  coni- 
merçants  français  font  fabriquer  en  AUemag-ne  des  pro- 
duits qu'ils  vendent  ensuite  comme  étant  d'origine  fran- 
çaise. De  même  des  industriels  allemands  et  anglais 
achètent  en  France  des  objets  auxquels  ils  donnent  une 
marque  de  fabrique  anglaise  ou  allemande.  Pour  que  les 
statistiques  fussent  exactes,  il  faudrait  quelles  suivissent 
ces  produits  dans  leurs  migrations,  ce  qui  est,  sinon  im- 
possible, du  moins  très  difficile.  Mais  si  les  statistiques, 
malgré  leur  apparence  de  rigueur  mathématique,  sont 
incapables  de  donner  une  idée  très  exacte  des  faits  écono- 
miques, elles  en  indiquent  du  moins  les  caractères  princi- 
paux. Cela  suffit  pour  révéler  à  l'observateur  attentif  les 
points  sur  lesquels  doit  porter  plus  particulièrement  son 
attention.  » 

Il  n'était  douteux  pour  personne,  quelques  années  après 
notre  occupation  de  la  Tunisie,  que  la  presque  totalité  des 
cotonnades  européennes  consommées  dans  ce  pays  prove- 
nait d'Angleterre.  On  savait  qu'une  partie  importante  des 
soieries  vendues  dans  les  souks  de  Tunisie  venaient  de 
Suisse  et  d'Allemagne  ;  que  les  meubles  bariolés  de  rouge. 


LE    COMMERCE  211 

(le  bleu,  de  vert,  et  décorés  de  fleurs  multicolores,  si 
recherchés  par  les  indigënes,  sortaient  d'Italie,  ainsi  que 
les  carreaux  en  faïence  émaillée,  les  légumes  secs,  etc., 
tandis  que  la  France  fournissait  principalement  les  vins  et 
les  liqueurs,  les  vêtements  confeclionnés,  les  chaussures, 
les  cuirs  préparés,  etc. 

De  cette  simple  notion  il  était  aisé  de  l'aire  découler  les 
considérations  les  plus  utiles  à  notre  commerce  et  à  notre 
industrie.  Sachant,  par  exemple,  d'une  manière  générale, 
que  l'Angleterre  l'emportait  en  Tunisie  pour  ses  cotonnades 
sur  toutes  les  autres  nations  industrielles  de  l'Europe, 
nous  devions  rechercher  les  causes  de  cette  supériorité  et 
nous  efforcer  de  les  combattre.  Ces  causes,  tous  ceux  qui 
voulaient  observer  les  faits  d'assez  près  les  connaissaient  : 
C'était  le  bon  marché  et  surtout  l'adaptation  de  la  marchan- 
dise aux  goûts  des  acquéreurs.  On  insiste  peut-être  trop, 
d'habitude,  sur  l'importance  du  bon  marché  ;  sans  doute, 
il  joue  un  grand  rôle  dans  la  préférence  que  les  consom- 
mateurs donnent  à  un  produit  ou  à  un  autre,  mais  il  est 
moins  important  que  la  nature  même  de  la  marchandise. 
Les  habitants  des  pays  imparfaitement  civilisés  ont  une 
Uxité  de  goûts  dont  on  se  fait  difficilement  une  idée  quand 
on  n'a  pas  vécu  parmi  eux.  Tout  objet  qui  n'a  pas  les  carac- 
tères traditionnellement  exigés  ou  (|ui  même  ne  porte  pas 
la  marque  connue  depuis  longtemps  est  impitoyablement 
refusé.  Connaître  les  préférences  et  les  habitudes  dont 
nous  parlons  est  la  qualité  la  plus  indispensable  à  un 
industriel  ou  à  un  commerçant  qui  veut  gagner.de  l'arg-ent 
dans  les  pays  neufs.  Cela  s'applique  aussi  rigoureusement 
que  possible  à  la  Tunisie.  Si  les  cotonnades  ang-laises  y 
réussissent  c'est  que  l'industriel  anglais  se  conforme  d'une 
manière  absolue  dans  leur  fabrication  à  l'indication  des 
Tunisiens.  Il  donne  à  ses  pièces  la  largeur,  lalong-ueur,  la 
consistance  exigées  par  l'indigène  ;  il  les  teint  des  couleurs 
qui  ont  été  de  tout  temps  recherchées  dans  le  pays,  etc. 
Bien  loin  de  se  mettre  en  frais  d'imagination  pour  trouver 
des  formes  et  des  couleurs  nouvelles,  il  se  borne  à  copier 
servilement  celles  que  l'on  aimait  dans  le  pays  avant  l'in- 


212  I.A    TUNISir, 

troduction  de  l'industrie  eui'opéenne.  Encore  ne  réussil-il 
pas  toujours  à  imiter  convenablement  les  modèles,  ainsi 
que  nous  l'avons  fait  remarquer  à  propos  des  cotonnades 
teintes  en  bleu  par  l'indigo.  Cependant,  il  est  impossible 
de  distinguer  une  couverture  faite  à  Djerba  de  celles  que 
TAngleterre  fabrique  pour  y  être  vendues,  ni  certains  tapis 
de  Kairouan  des  imitations  anglaises. 

C'est,  à  mon  avis,  à  leur  habitude  de  se  plier  aux  goûts 
des  consommateurs  indigènes,  beaucoup  plus  qu'au  bon 
marché  de  leurs  produits,  que  les  Anglais  doivent  leur 
succès  dans  les  pays  exotiques.  Si  les  Italiens  peuvent  cou- 
vrir la  Tunisie  de  leurs  meubles,  c'est  que,  presque  sans 
souci  du  bon  goût  ou  du  moins  de  ce  que  nous  entendons 
par  là,  ils  ont  su  copier  les  formes  et  les  couleurs  des 
meubles  autrefois  fabriqués  par  les  indigènes  eux-mêmes. 
Produisant  mécaniquement  et  par  suite  meilleur  marché, 
en  même  temps  qu'ils  se  conformaient  strictement  aux 
désirs  des  acheteurs,  ils  ont  très  vite  détrôné  l'industrie 
indigène.  Ils  y  ont  également  réussi  pour  les  faïences. 

§  I[.  —  Le  commerce  et  le  régime  douanier 

Jusqu'en  1890,  le  commerce  de  la  Tunisie  fut  beaucoup 
gêné  par  le  régime  douanier,  par  certains  impôts  inté- 
rieurs et  par  l'absence  des  institutions  de  crédit.  En  1887-89, 
le  commerce  total  de  la  Régence,  importations  et  expor- 
tations réunies,  n'était  que  de  50  millions.  Deux  ans  plus 
tard,  en  1891,  il  atteignait  le  chiffre  de  77  millions  de 
francs.  Il  avait  suffi,  pour  déterminer  cet  énorme  accrois- 
sement, de  la  loi  du  19  juillet  1890  qui  modifia  le  régime 
douanier. 

Dans  la  première  édition  de  ce  livre,  en  1887,  attirant 
l'attention  des  pouvoirs  publics  sur  les  entraves  mises  au 
commerce  tunisien  par  les  impôts  intérieurs  et  les  droits 
de  douane,  je  citais  l'exemple  suivant  :  «  100  toisons  de 
laine,  dite  en  suint,  c'est-à-dire  non  lavée,  vendues  au 
marché  300  piastres  ou  186  francs,  payent  d'abord  le  droit 
de    G    1/i  pour    100    qui   frappe    toutes   les    ventes,    soit 


LE    COMMERCK  -l-^ 

18  piastres  71)  ;  puis  un  certain  nombre  de  droits  qui  ne 
fiijurent  sur  aucun  tarif  officiel,  mais  qui  sont  dus  en 
vertu  des  usages  :  le  vendeur  donne  deux  toisons  de  boni 
à  l'acheteur,  et  une  toison  au  crieur  public  qui  a  fait  la 
vente;  il  paye  pour  le  notaire  et  pour  le  papier  timbré  de 
la  quittance,  environ  3  piastres  25  ;  il  a  en  outre  payé 
2  piastres  pour  le  chameau  qui  a  porté  les  toisons  au 
marché,  soit  en  totalité  32  piastres  ou  20  francs  pour  des 
toisons  qui  valent  ISfi  francs.  Si  ces  toisons  sont  expor- 
tées, elles  payent  encore  à  la  sortie  5()  piastres  ou  2-)  trancs 
pour  2o6  kilogrammes,  ce  qui  est  le  poids  ordinaire  de 
100  toisons.  Au  moment  où  elles  quittent  la  Tunisie,  les 
100  toisons  ont  donc  payé  53  francs  de  taxes  diverses 
pour  une  valeur  de  186  francs.  Il  est  vrai  qu'à  l'entrée  en 
P'rance,  elles  sont  plus  favorisées  que  l'huile  d'olive  et  ne 
sont  soumises  à  aucun  droit  d'importation.  Au  droit  qui 
frappe  la  laine,  il  faut  joindre  les  droits  à  l'exportation 
auxquels  sont  soumis  les  moutons  à  la  sortie  de  la  Tunisie. 
J'ai  signalé  ailleurs  les  procédés  qu'emploientles  indigènes 
pour  éluder  toutes  les  fois  qu'ils  le  peuvent  les  impôts  sur 
les  laines  dont  nous  venons  de  parler.  La  plupart  de  ceux 
([ui  ont  leurs  troupeaux  sur  les  frontières  de  l'Algérie  les 
font  passer  dans  ce  dernier  pays  au  moment  de  la  tonte, 
coupent  et  vendent  leurs  laines  sans  avoir  quoi  que  ce  soit 
à  payer,  puis  rentrent  dans  la  Régence.  Ce  qu'ils 
cherchent  à  éviter,  ce  n'est  pas  tant  l'impôt  lui-même  que 
les  vexations  de  mille  sortes  dont  sa  perception  est  accom- 
pagnée de  la  part  des  fermiers  des  Mahsoulats.  Le  trésor 
perd  ainsi  chaque  année  des  sommes  considérables  qui 
rentreraient  dans  ses  caisses  si  l'impôt  était  établi  sur 
d'autres  bases  ». 

Les  huiles  d'olives  de  la  Régence  étaient  soumises  à  un 
régime  d'impôts  et  de  droits  de  douane  qui  rendait  égale- 
ment leur  exportation  fort  diflicile.  D'après  une  note  qui 
m'avait  été  remise  par  un  colon  tunisien  dont  les  alïaires 
commerciales  et  industrielles  portaient  principalement  sur 
les  huiles, des  charges  supportées  par  l'huile  d'olive  dans 
l'intérieur    de   la  Tunisie  s'élevaient   à  28   p.    100  de  sa 


214 


?-A     rilNISIR 


valeuj- ;  il  y  l'allail  ajoulci-  \v  dioil  d'exportation  représen- 
tant 13  p.  100  de  la  valeur  et  les  droits  d'entrée  à  Mar- 
seille qui  s'élevaient  à  5  p.  100.  C'était  donc  un  total  de 
46  p.  100  de  leur  valeur  que  les  huiles  fabriquées  dans  la 
région  de  Tunis,  de  Bizerte,  du  cap  Bon,  etc.,  avaient 
payé  quand  elles  étaient  entrées  en  France.  Si  elles  étaient 
consommées  dans  la  Régence,  elles  payaient  encore,  avant 
d'entrer  dans  le  commerce,  28  p.  100  de  leur  valeur.  Il 
fallait  ajouter  à  ces  charges  fiscales,  les  entraves  de 
diverses  sortes  mises  à  la  culture  des  oliviers  par  les 
règlements  beylicaux  et  les  impôts  dont  les  oliviers  eux- 
mêmes  étaient  frappés  pour  se  rendre  un  compte  exact 
des  difficultés  que  rencontrait  le  développement  du  com- 
merce de  la  Tunisie  en  ce  qui  concerne  ce  produit. 

Or,  il  en  était  de  même  pour  tous  ceux  de  l'agriculture 
tunisienne.  Il  n'y  en  avait  pas  un  seul  qui  ne  fût  frappé 
de  droits  de  douane  à  l'exportation,  ces  droits  étant  tou- 
jours d'autant  plus  élevés  que  le  produit  avait  plus  de 
chances  d'être  exporté.  Ainsi,  les  chevaux  payaient  à  la 
sortie  de  la  Régence  plus  de  100  piastres  par  tête,  les  cha- 
meaux plus  de  30  piastres,  les  bœufs  et  les  veaux  ainsi 
que  les  mulets  plus  de  23  piastres,  les  ânes  plus  de 
10  piastres  ^  ;  or,  la  Tunisie  peut  produire  ces  animaux 
sans  trop  de  difficultés  en  quantité  suffisante  pour  en 
exporter,  et  certains  pays  peuvent  les  désirer.  Les  dattes, 
qui  sont  l'un  des  produits  de  la  Régence  que  la  France  et 
d'autres  pays  peuvent  rechercher  étaient  frappés  de  droits 
d'autant  plus  élevés  que  leurs  qualités  étaient  plus  appré- 
ciées en  dehors  de  la  Régence.  Les  éponges,  les  poissons, 
les  peaux,  etc.,  étaient  frappés  à  la  sortie  de  droits  élevés. 

Ces  faits  sont  très  significatifs  de  l'inaptitude  à  gou- 
verner et  administrer  dont  était  frappé  le  gouvernement 
beylical.  Ayant  besoin,  comme  tous  les  gouvernements  du 
reste,  de  recettes,  il  cherchait  à  les  obtenir  en  frappant  les 
produits  du  pays  de  droits  intérieurs  ou  de  taxes  doua- 
nières à  la  sortie  d'autant  plus  élevés  qu'ils  étaient  plus 

1.  La  piastre  vaut  envii-on  Û',62a. 


I.K    COMMKRI.I':  215 

recherchés  par  hi  consoiiiniation  soit  au  dedans  soit  à 
l'extérieur,  et  il  étahlissait  les  impots  ou  les  taxes  de 
douanes  sans  se  demander  si  leur  élévation  ne  détermine- 
rait pas  une  diminution  de  la  consommation,  laquelle 
aurait  pour  conséquence  inévitable  une  réduction  propor- 
tionnelle de  la  production.  Or,  ce  dernier  fait  ne  man- 
quant jamais  de  se  produire,  les  recettes  sur  lesquelles  le 
gouvernement  avait  compté  lui  faisaient  défaut,  en  même 
temps  que  le  pays  s'appauvrissait. 


I  III.  —  Le  commerce  et  les  impots 

Parmi  les  impôts  les  plus  nuisibles  au  développement 
du  commerce  de  la  Régence  avant  notre  occupation,  il  faut 
citer  :  l'achour  sur  les  céréales,  le  kanoun  sur  les  oliviers 
et  les  dattiers,  la  dîme  sur  les  produits  des  oliviers  et  les 
mahsoulats. 

L'achour  sur  les  céréales  était  une  véritable  dîme  payée 
par  le  blé  et  l'orge.  Il  était  payé  en  nature.  Primitivement, 
après  la  récolte,  on  passait  chez  l'agriculteur  et  on  pré- 
levait une  gerbe  sur  dix  ;  plus  tard,  on  perçut  la  dîme 
sous  la  forme  de  grains  à  raison  de  cinq  ouibas  ^  de  blé  ou 
d'orge  par  méchia".  Le  blé  et  l'orge  de  rim.pôt  étaient 
conservés  dans  des  silos  et  vendus  par  les  soins  du  gou- 
vernement. Les  tribus  isolées  payaient  ordinairement 
l'achour  en  argent,  à  raison  de  50  piastres  par  méchia.  Le 
contribuable  payait  en  outre  :  S  piastres  pour  le  collecteur, 
\2  karoubes  "  pour  les  remises  à  divers  receveurs,  2  ka- 
roubes  pour  la  quittance,  un  demi-karoube  pour  le 
timbre  de  la  quittance.  L'achour  sur  les  céréales  était  l'un 
des  impôts  les  plus  impopulaires  de  la  Tunisie,  parce  qu'il 
était  l'un  de  ceux  qui  se  prêtaient  le  plus  aux  abus.  Chaque 
année  des  commissions  spéciales  étaient  chargées  de 
déterminer  dans  quelle  mesure  chaque  propriétaire  pou- 

1.  La  oui ba  vaut  rnviroii  -50  litres. 

'2.  La  méchia  représente  environ  10  à  12  iieetares. 

:i.  Le  karoube  vaut  0i,04. 


2tG  |,A    TUNISIE 

vail  être  exonéré  d'une  partie  de    Timpôt  en  raison  des 
accidents  climatériques  ou  autres  qui  avaient  pu  réduire 
l'importance    de    la  récolte.    La    commission,    composée 
d'un  fonctionnaire    président,  d'un  asrent   du   caïd,  d'un 
aminé  ou  expert  et  d'un  notaire  choisis  par  le  gouverne- 
ment en  dehors  de  la  région,  se  rendait  sur  les  lieux,  con- 
voquait les  notables  et  s'enquérait  auprès  d'eux  du  nombre 
de  méchias  qui  avaient  été  ensemencées  ;  elle  prenait  les 
noms  de  tous  les  cultivateurs  et  se  transportait  dans  leurs 
champs  pour  déterminer  sur  place  la  nature  de  la  récolte 
et  fixer  le  taux  de  l'impôt.  L'habitude  était  de  le  réduire 
toujours  d'un  ou  plusieurs  seizièmes.  Les  décisions  de  la 
commission    étaient    définitives  ;  le    propriétaire   n'avait 
contre  elles  aucun  recours  auprès  d'aucune  autorité  ;  le 
seul    contrôle    auquel    la   commission  fût    soumise   était 
celui  de  l'inspecteur  indigène  des  finances,  qui  avait  le 
droit  de    révoquer   l'aminé   et  de  le   remplacer    par    un 
autre.  Les  commissions  commençaient  de  fonctionner  au 
mois    de  mai.    Comme  le  territoire   sur  lequel  chacune 
d'elles  devait  opérer  était  très  étendu,  il  arrivait  souvent 
que  l'époque  de  la  moisson  survenait  avant  qu'elle  eût  ter- 
miné son  inspection,  de  sorte  qu'elle  était  obligée  ou  bien 
de  prendre  des  décisions  sans  avoir  vu  les  récoltes,  ou  bien 
d'interdire  aux  cultivateurs  de  procéder  à  celles-ci  avant 
qu'elle  eût  fait   sa  tournée.  Il  y  avait   là    une  première 
source  de  difficultés  et  de  contestations  souvent  très  vives 
entre  l'autorité  et  les  agriculteurs.  D'autre  part,  un  grand 
nombre  d'aminés  ne  se  faisaient  aucun    scrupule  d'exo- 
nérer plus  ou  moins  tels  ou  tels  propriétaires  pour  des 
motifs  inavouables,  ce  qui  déterminait  le  mécontentement 
des  autres.  Je  disais  àce  sujet  dans  la  première  édition  du 
présent  livre  :  «  Je  serais  obligé  de  donner  beaucoup  trop 
d'étendue  à  cette  partie  de  mon  travail  si  je  voulais  consi- 
gner ici  toutes  les  protestations  et  réclamations  que  j'ai 
moi-même  entendues  de  la  bouche   des  agriculteurs  indi- 
gènes. Je  ne  citerai  quune  seule  de  ces  plaintes.  Des  cul- 
tivateurs, dont  les  «diamps  sont  situés  sur  une  colline  peu 
fertile,  se  plaignent  de  ce  que  la  commission  les  a  impo- 


LK    COMMERCE  .  217 

ses  au  même  taux  que  les  cultivateurs  des  champs  situés 
dans  les  parties  les  plus  productives  et  les  mieux  arrosées 
de  la  plaine.  Ils  avaient  porté  une  réclamation  au  caïd. 
lis  n'ont  obtenu  d'autre  résultat  que  de  se  voir  augmenter 
les  uns  de  deux,  les  autres  de  quatre  seizièmes,  en  sorte 
qu'ils  vont  payer  pour  de  mauvaises  récoltes  beaucoup 
plus  que  leurs  voisins  pour  des  récoltes  excellentes  ». 

L'achour  est  en  somme  un  impôt  très  lourd,  d'une  appli- 
cation difficile  et  prêtant  aux  abus.  Il  offre,  en  outre,  l'in- 
convénient d'être  d'un  rendement'  tout  à  fait  incertain. 
Afin  d'en  rendre  la  perception  plus  facile,  on  ne  le  fait 
plus  payer  qu'en  argent  et  l'on  a  supprimé  les  commis- 
sions de  répartition  ;  mais  il  n'en  reste  pas  moins  impar- 
fait et  susceptible  de  provoquer  les  abus.  Dans  son  dis- 
cours devant  la  Chambre  des  députés,  le  26  janvier  1912, 
M.  Alapetitc  disait  à  son  sujet  :  «  En  réalité,  c'est  ladime, 
mais  une  dîme  aggravée.  Jadis  c'était  bien  la  dîme,  on 
passait  après  la  récolte  et  sur  dix  gerbes  on  en  prenait 
une.  Vous  pensez  bien  qu'une  administration  financière, 
soucieuse  de  sa  bonne  renommée,  n'a  pas  pu  s'astreindre 
à  un  régime  aussi  primitif.  On  a  converti  l'achour  en  un 
impôt  en  argent  et  on  en  a  fait,  en  (juelque  sorte,  un  abon- 
nement, c'est-à-dire  qu'au  lieu  de  prendre  une  dixième 
gerbe,  on  a  dit  que  l'achour  devait  correspondre  avec  une 
somme  donnée  par  superficie  ensemencée,  que  Tannée 
soit  bonne  ou  que  l'année  soit  médiocre. 

«  Lorsque  l'année  est  tout  à  fait  mauvaise,  lorsqu'il  n'y 
a  aucune  récolte,  il  est  évident  qu'on  ne  peut  pas  perce- 
\oir,  mais  lorsque  la  graine  semée  a  donné  seulement 
deux  ou  trois  grains  on  appelle  cela  une  récolte  médiocre 
et  pour  que  l'équilibre  financier  fût  assuré,  il  fallait  tout 
de  même  que  l'achour  fût  perçu.  Il  y  avait  aussi  les  com- 
missions d'achour  dont  a  parlé  l'autre  jour  M.  Thalamas, 
en  omettant  de  dire  toutefois  que  c'est  moi  qui  les  ai  sup- 
primées. 

«  Ces  commissions  d'achour,  qui  se  composaient 
d'aminés  indigènes,  avaient  bien  conservé  quelque  chose 
des  traditions  de  la  vieille  administralion  musulmane.  On 


21  s  LA    TUNISIK 

nous  a  parlé  des  caïds,  des  clieiks,  de  leurs  mauvaises 
habitudes.  Je  ne  prétend'^  pas  que  ce  personnel  donne  des 
g^araiities  aussi  complètes  d'intégrité  et  de  savoir  que  l'ad- 
ministration qui  s'est  constituée  en  France  au  lendemain 
de  la  Révolution.  Ce  n'est  pas  du  jour  au  lendemain  que 
Ton  change  ainsi  les  mœurs  d'une  race.  Mais  ces  chefs 
indigènes  sont  aujourd'Imi  très  étroitement  surveillés. 
J'ai  ici  la  liste  des  peines  disciplinaires  qui  ont  été  pro- 
noncées depuis  que  je  suis  là.  Ça  été  un  massacre.  » 

Le  kanoun  sur  les  oliviers  et  les  dattiers  peut  être 
déhni  un  impôt  de  capitation  sur  les  arbres,  puisque 
chaque  olivier  ou  dattier  paie,  chaque  année,  en  espèces, 
une  taxe  lixe.  Celle-ci  varie  avec  les  localités;  elle  est 
d'autant  plus  élevée  que  l'arbre  produit  plus  de  fruits  et 
des  fruits  de  meilleure  qualité.  L'impôt  est  (perçu  par  le 
cheik,  sous  la  surveillance  du  caïd.  Il  est  généralement 
considéré  comme  trop  lourd  et  mal  réparti.  Je  disais  dans 
la  première  édition  de  ce  livre  :  «  Ce  n'est  un  secret  pour 
personne,  en  Tunisie,  que  les  statistiques  officielles  des 
oliviers  sont  absolument  fausses,  et  que  le  nombre  des 
arbres  portés  sur  le  rôle  des  contributions  est  de  beaucoup 
inférieur  à  la  réalité  ».  La  source  de  l'abus  se  trouvait  dans 
le  fait  que  les  cheiks  jouissaient  de  la  faculté  de  réunir 
en  une  seule  unité  deux,  trois  ou  quatre  arbres  lorsque 
ceux-ci  sont  de  faible  rapport.  Dans  cette  opération,  «  ils 
cédèrent  volontiers,  disais-je,  aux  influences  et  aux  solli- 
citations ».  Ces  abus  n'ont  été  diminués  que  dans  une  pro- 
portion insuffisante  et  l'on  considère  généralement  l'impôt 
du  kanoun  sur  les  oliviers  et  les  dattiers  comme  un  obs- 
tacle au  développement  de  la  culture  de  ces  arbres.  Pour 
combattre  cet  obstacle,  il  a  été  décidé  que  les  nouvelles 
plantations  et  les  oliviers  nouvellement  gretiés  seraient 
exemptés  d'impôt  les  premiers  pendant  vingt  ans,  les 
seconds  pendant  dix  ans.  Il  est  à  souhaiter  que  l'on  mo- 
difie la  natuie  même  delimpôt. 

Les  mahsoulats  comprenaient  des  droits  frappant  tous 
les  produits  de  la  terre  autres  que  le  blé  et  l'orge  qui  se 
vendent  dans  les  villes  ou  sur  les  marchés  de  la  Régence. 


I.K    COMMERCE  219 

«  Ces  droits,  disais-je  dans  la  pi'emière  édition  de  ce  livre, 
sont  très  lourds  pour  certains  produits  qui  paient  parfois 
jusqu'à  45  p.  100,  et  parmi  lesquels  sont  compris  les 
légumes  frais,  les  choux,  les  salades,  etc.  »  La  perception 
de  tous  ces  droits  était  adjugée  à  des  fermiers,  chaque 
année,  au  mois  de  septembre.  On  comptait  près  de  150  fer- 
mages. La  base  de  la  perception  était  soit  la  charge  d'un 
animal  (ex.  :  les  abricots),  soit  le  nombre  (ex.  :  les  noix), 
soit  le  poids  (éponges,  savons,  raisins  secs,  amandes, 
oranges,  etc.),  soit  la  mesure  (sésame).  Certains  droits 
étaient  perçus  mensuellement,  par  exemple  les  droits  sur 
les  boutiques  qui  vendaient  des  saucisses,  des  ragoûts, 
des  fèves,  du  charbon,  des  herbages  et  légumes  frais,  des 
viandes  rôties  ou  en  brochettes,  des  fruits  secs,  de  la 
viande  fraîche.  Des  droits  spéciaux  étaient  perçus  sur  les 
vendeurs  occupant  certains  emplacements.  Certains  droits 
étaient  payés  par  l'acheteur,  par  exemple  pour  les  fruits, 
les  melons,  etc.  «  On  comprendra  facilement,  disais-je, 
les  abus  auxquels  donne  lieu  un  semblable  régime,  quand 
on  saura  que  le  tarif  général  de  ces  droits  est  partout 
modifié  par  des  usages  locaux  dont  personne  ne  connaît 
exactement  la  nature...  Les  indigènes  sont  à  la  merci  des 
collecteurs  d'impôts  qui  les  exploitent  sans  vergogne. 
L'absence  de  tout  texte  précis,  la  faculté  d'évaluer  la  mar- 
chandise sont  autant  d'armes  dangereuses  laissées  entre 
les  mains  des  fermiers.  L'innombrable  quantité  de  taxes 
qui  frappent  de  toutes  les  façons  le  vendeur  et  l'acheteur 
arrêtent  la  production  et  paralysent  le  commerce  et  l'agri- 
culture dans  une  contrée  où  un  régime  de  liberté  les  déve- 
lopperait avec  une  incroyable  rapidité.  Il  faut  à  un  pays 
ainsi  atteint  dans  sa  production  une  vitalité  énorme  pour 
y  résister,  et  on  peut  espérer  beaucoup  de  la  Régence  qui 
supporte  de  pareilles  charges,  et  qui,  néanmoins,  ne 
cesse  de  se  dévelo])per.  » 

Ce  régime,  comme  celui  des  douanes,  était  dû  à  l'incapa- 
cité de  gouverner  et  d'administrer  du  gouvernement  bey- 
lical.  Pour  avoir  de  l'argent,  il  frappait  toutes  les  sources 
de  la  production,  et  comme  il  se  sentait  incapable  de  les 


220  LA    TUNISIE 

Irapper  (lirccteiiienl,  au  moyen  d'agents  (juil  contrôlerait, 
il  en  livrait  l'exploitation  à  des  fermiers.  Ceux-ci  ne  con- 
sentaient à  payer  les  prix  convenus  pour  le  fermage  qu'à 
la  condition  de  pouvoir  s'eni'ichiret,  dans  ce  but,  exigeaient 
une  liberté  d  action  allant  jusqu'à  l'arbitraire. 

Le  protectorat  français  envisagea  tout  <le  suite  les  vices 
d'un  pareil  régime,  mais  il  dut  le  laisser  subsister  pendant 
un  long  temps  dans  la  crainte  de  perdre,  en  le  modifiant 
tout  de  suite,  les  recettes  qu'il  fournissait  au  budget.  C'est 
seulement  à  partir  de  1903  que  la  réforme  des  mahsoulats 
fut  sérieusement  abordée.  On  lit  à  ce  sujet  dans  le  Rapport 
au  président  de  la  République  sur  la  situation  de  la 
Tunisie  en  1904,  les  observations  suivantes  :  «  L'impôt 
grevant  les  fruits  et  légumes  frais  était  primitivement 
perçu  sur  les  ventes  à  raison  de  25  p.  100  du  prix  des 
légumes  et  de  12,50  p.  100  du  prix  des  fruits.  Le  décret  du 
29  janviej"  1895  fit  disparaître  l'ancien  droit  de  vente  à 
Tunis  et  le  remplaça  par  des  droits  d'entrée  dont  le  tarif, 
conçu  de  manière  à  constituer  par  lui-même  un  premier 
dégrèvement,  a  été  encore  notablement  abaissé  par  le 
décret  du  11  mars  suivant,  de  manière  à  n'atteindre  ces 
produits  de  première  nécessité  que  dans  une  proportion 
de  8  à  10  p.  100  de  leur  valeur. 

«  Un  décret  du  12  décembre  de  la  même  année  sup- 
prima également  le  droit  de  vente  dans  le  reste  de  la 
Régence  et  le  remplaça  :  1"  dans  les  villes  oii  la  perception 
est  effectuée  aux  portes,  par  des  droits  perçus  à  l'entrée, 
et,  en  outre,  lorsque  les  produits  étaient  exposés  en  vente, 
par  des  droits  de  stationnement  ;  2"  sur  tous  les  autres 
marchés  par  un  droit  de  stationnement  constant  des  den- 
rées de  première  nécessité.  Le  gouvernement  fut  saisi  de 
demandes  tendant  à  obtenir  une  réforme  du  régime  fiscal 
des  fruits  et  légumes  frais  ;  mais  il  avait  dû  les  écarter  pour 
des  considérations  budgétaires. 

«  Ce  n'est  qu'à  la  session  de  mai  1904  de  la  Conférence 
consultative  que  la  question  fut  nettement  posée.  La  délé- 
gation du  troisième  collège,  estimant  que  la  suppression 
des  taxes  grevant  les  fruits  et  légumes  constituerait  une 


\.E    COMMERCE  22i 

première  mesure  susceptible  d'apporter  un  palliatiC  au  ren- 
chérissement de  la  vie  matérielle,  déposa  un  projet  en  ce 
sens. 

«  La  conférence  consultative  s'étant  prononcée  à  l'una- 
nimité moins  une  voix  pour  l'adoption  de  la  réforme  ainsi 
proposée,  cette  réforme  a  été  réalisée  par  un  décret  du 
2  juin  1904.  » 

L'administration  du  protectorat  poursuivit  la  réforme 
des  mahsoulats  et  la  réalisa  en  majeure  partie  par  un 
décret  du  8  décembre  1906.  On  lit,  à  ce  sujet,  dans  le  Rap- 
port au  président  de  la  République  pour  J90G,  les  obser- 
vations suivantes  :  «  Les  précédents  rapports  ont  décrit 
les  efforts  faits  par  le  gouvernement  du  Protectorat  pour 
modifier  le  régime  des  droits  intérieurs  connus  sous  le 
nom  de  droits  de  mahsoulats.  Ces  droits,  qui  étaient  exi- 
gibles sur  les  ventes  et  reventes  de  la  plupart  des  denrées 
et  produits  circulant  dans  la  Régence  ou  exposés  sur  les 
marchés,  pouvaient  grever  indéfiniment  un  même  produit, 
lis  constituaient  un  obstacle  sérieux  aux  transactions 

«  La  réforme  a  débuté  par  le  remplacement  de  la  plu- 
part des  droits  de  vente  par  des  droits  perçus  à  l'entrée  des 
principales  villes.  iMais  elle  n'a  pu  être  réalisée  que  par 
étapes  successives,  de  manière  à  habituer  les  populations 
au  nouveau  régime  et  à  éviter  au  Trésor  des  transforma- 
tions de  nature  à  nuire  à  l'équilibre  budgétaire. 

«  Les  principaux  droits  de  vente  encore  existants  en 
1906  frappaient  des  produits  intéressant  particulièrement 
rindustrie  et  la  culture  indigènes,  notamment  les  peaux, 
les  laines  et  tissus  de  laine  et  les  dattes.  Il  n'avait  pas 
paru  possible  jusqu'ici  de  réformer  le  régime  fiscal  de  ces 
produits,  parce  que  cette  réforme,  conduisant  à  une  moins- 
value  considérable  dont  on  ne  pouvait  trouver  l'équivalent 
dans  une  modification  des  taxes  qui  les  grevaient,  il  fallait 
chercher  ailleurs  la  compensation.  La  Conférence  consul- 
tative a  admis  le  principe  de  cette  compensation  dans  sa 
session  de  mai  1906,  et,  d'accord  avec  elle,  le  gouverne- 
ment a  pu  réaliser  la  transformation  définitive  des  derniers 
vestio:es  de  l'ancien  rés-ime  des  mahsoulats. 


222  LA    TINISIE 

a  (^cILe  Lransformation,  entrée  en  vigueur  le  1"  jan- 
vier 11)07,  a  été  décidée  par  l'important  décret  du  H  dé- 
cembre 1906.  » 

Le  décret  du  8  décembre  1906  avait  maintenu  quelques 
anciennes  taxes,  autres  que  des  droits  de  vente,  qui  ne  se 
prêtaient  pas  à  une  conversion  en  droits  d'entrée,  de  con- 
sommation ou  de  fabrication,  et  dont  la  nature  spéciale 
ne  permettait  le  recouvrement  que  par  l'intermédiaire  de 
fermiers.  C'étaient  le  droit  sur  la  musique  indigène  et  le 
droit  sur  la  fabrication  ou  la  vente  de  certains  produits 
alimentaires  pendant  les  fêtes  religieuses.  Les  fermages 
ont  donc  subsisté  exceptionnellement  pour  ces  taxes  jus- 
qu'au 1"  janvier  1911,  date  de  l'application  du  décret  du 
31  décembre  1910,  qui  a  rayé  de  la  nomenclature  budgé- 
taire de  la  Régence  les  derniers  vestiges  des  mahsoulats, 
en  créant  des  droits  de  licence  à  la  charsre  des  indigènes 
exerçant  certaines  professions,  telles  que  celles  de  cafe- 
tiers, épiciers,  hôteliers,  restaurateurs,  pâtissiers. 

Le  système  du  fermage  de  l'impôt  a  définitivement  dis- 
paru. Si  l'Etat  adjuge  encore  des  perceptions  à  eliectuer 
sur  les  marchés  extérieurs,  c'est-à-dire  sur  les  marchés  qui 
se  tiennent  en  dehors  des  localités  assujetties  aux  droits 
d'entrée,  les  seules  oii  il  existe  des  agents  du  Trésor,  il 
convient  de  remarquer  que  ces  perceptions  ne  compren- 
nent pas  d'impôts  proprement  dits,  mais  seulement  des 
taxes  de  stationnement  et,  accessoirement,  des  taxes  de 
pesage  et  de  mesurage.  C'est  en  somme  la  situation  exis- 
tant dans  beaucoup  de  villes  de  France  où  les  droits  de 
marché  ou  de  place  sont  mis  en  ad.judication. 

I  IV.  —  Le  Protectorat 

ET  LA  RÉFORME  DU  RÉGIME  DOUANIER 

En  même  temps  que  le  gouvernement  du  Protectorat 
réformait  le  régime  des  impôts  intérieurs  de  manière  à 
favoriser  le  développement  de  la  production  indigène  et 
européenne,  il  travaillait,  avec  la  même  préoccupation,  à 
la  réforme  du  régime  douanier.  Les  résultats  qu'il  obtint 


LE    COMMERCR  223 

|)eu\eiil  ùlie  considérés  coiiiine  foil  imporlanls,  si  l'on 
lient  compte  des  résistances  qu'il  rencontra,  dans  la  métro- 
pole, de  la  part  des  protectionnistes. 

Il  faut  distinguer  les  droits  à  l'importation  en  Tunisie  ou 
à  l'exportation  de  Tunisie  qui  sont  établis  par  décrets  bey- 
licaux  et  les  droits  à  l'importation  en  France  qui  sont 
établis  par  la  métropole. 

Pendant  les  premières  années  du  Protectorat,  le  rétiime 
appliqué  aux  objets  importés  en  Tunisie  était  fort  simple  : 
tous  payaient  une  taxe  de  8  p.  lUU  ad  valorem.  J'ai  déjà 
(lit  ([ue  tous  les  produits  exportables  étaient  soumis  à  un 
droit  de  sortie  plus  ou  moins  élevé.  Dès  le  3  octobre  1884, 
l'administration  du  Protectorat  modifia  ce  régime.  «  Divers 
droits  perçus  à  l'exportation,  connus  sous  le  nom  de  Kataia 
et  Giornata,  étaient  supprimés,  ainsi  que  les  droits  d'ex- 
portation sur  les  céréales  et  les  légumes  secs.  Ceux  qui 
pesaient  sur  l'huile  étaient  réduits.  Les  douanes  inté- 
rieures disparaissaient.  En  1885,  les  produits  de  la  mino- 
terie, les  ouvrages  en  alfa,  la  graine  de  lin  furent  admis 
au  bénéfice  du  nouveau  régime.  En  1888  et  1889,  des 
décrets  permirent  également  la  libre  sortie  des  écorces  à 
tan,  de  la  laine  lavée,  des  amandes,  des  citrons,  des  figues 
sèches,  du  miel,  etc.  Enfin,  en  1890,  était  autorisée  la  libre 
exportation  du  bétaiP.  »  Actuellement,  un  grand  nombre 
d'articles  français  entrent  en  franchise  dans  la  Régence, 
notamment  les  animaux  vivants,  les  céréales  en  crains  et 
leurs  dérivés,  farines,  semoules,  gruaux,  pâtes,  etc.,  le 
beurre,  les  laines  et  les  soies,  les  sucres,  les  huiles  d'olive, 
les  vins,  les  eaux-de-vie,  les  alcools  et  liqueurs,  le  fer,  le 
cuivre,  le  plomb,  l'étain,  le  zinc,  les  fils  et  tissus,  les 
vêtements,  les  machines,  la  carrosserie,  etc.  Sont  égale- 
ment admis  en  franchise  quelle  que  soit  leur  provenance  : 
les  instruments  et  machines  agricoles  ;  le  "ibier  mort,  les 
volailles  mortes,  les  li\res,  brochures  et  journaux,  les 
douilles  et  bourres,  l'or  et  1  argent  en  lingots,  les  pierres 
meulières,  les  appareils  de  sondage  et  de  forage  des  puits 

1.  (iasloii  Ldlli.  1.(1.   Tunisie  et  l'u'inirc  du  pru/cclorul  françcm.  p.  70^ 


224  LA    TUNISIF. 

artésiens,  les  produits  chimiques  destinés  à  l'amendement 
des  terres  ou  au  traitement  des  maladies  de  la  vigne,  et 
tous  les    produits   qui  sont    admis  en  franchise  dans  l.i 
métropole.  Les  céréales  et  les  fèves  et  leurs  dérivés  d'ori- 
f^ine  étrangère  sont  admis  au  tarif  minimum  français.  Les 
autres   produits,    quelle    (jue  soit  leur  provenance,   sont 
assujettis  à  des  droits  spécifiques  déterminés  par  le  tarif 
annexé  au  décret  du  30  mai   191G;  auparavant,  ils  sup- 
portaient un  droit  de  8  p.  100  ad  valorem.  L'importation 
dans  la  Régence  d'un  certain  nombre  de  produits  est  abso- 
lument prohibée,  soit  en   vue  de  protéger  les  monopoles 
(kif,   haschich    et   chira  dérivés   du   chanvre,  'tabac,   sel, 
allumettes,  cartes  à  jouer,  poudres,  etc.),  soit  pour  proté- 
ger la  Régence  contre   le  phylloxéra  (plants  et  ceps  de 
vigne,    boutures,    marcottes,    engrais    végétaux,    terres 
végétales,    terreaux,    fumiers,    etc.).     Une    surveillance 
étroite  est    en  outre    exercée   sur  toutes  les   plantes    ou 
autres  objets  qui  pourraient  introduire  le  phylloxéra.  Ce- 
lui-ci, grâce  probablement   à  ces  mesures,  n'a  fait  (jue 
peu  de  mal  aux  vignobles  tunisiens.  Dans  un  but  de  pro- 
tection de  certaines  industries  ou  de  l'élevage  tunisien, 
«  les  éponges,  les  huiles,  les  olives   fraîches,  les  peaux 
brutes,  les  poissons  frais,  les  poulpes,  les  grignons  d'olives 
et  les  chiffons,  sont  frappés  de  droits  de  sortie  d'ailleurs 
peu  élevés  et  qui  finiront  vraisemblablement  par  être  sup- 
primés. Les  poulains  de  moins  de  quatre  ans,  d'une  part, 
les  pouliches  et  juments  de  moins  de  six  ans,  de  l'autre, 
sont  respectivement  passibles  d'une  taxe  de  sortie  de  50  à 
75  francs  par  tête.  Cette  mesure,  essentiellement  transi- 
toire, a  tout  à  la  fois  pour  but  d'atténuer  l'exportation 
parfois  exagérée  de  ces  animaux  et  de  compenser  la  perte 
subie  de  ce  chef  par  l'Etat  tunisien  qui  s'impose,  en  vue 
de  l'amélioration  de  l'espèce  chevaline,  des  sacrifices  dont 
cet  exode  exagéré  lui  fait  perdre  naturellement  le  fruit  ^  ». 
Tandis  que  la  Tunisie  ouvrait  ses  portes  aux  produits 
du  dehors  et  permettait  à  ceux  de  son  sol  ou  de  son  indus- 

1.  Notice  sur  la  Tunisie,  publiée  par  la  Direction  de  ra^ricultuie.  du  com- 
merce et  fie  la  coloni.sation,  p.  24. 


I.R    COMMERCE  22;. 

li'ie  de  sortir,  la  Kraiice  modifiail,  son  ré^iiiiL'  douanier  au 
profit  de  la  Tunisie.  Ce  fut  l'objet  des  lois  du  lî)  juillet  1890 
et  19  juillet  1904.  En  vertu  de  la  première  de  ces  lois, 
les  huiles  d'olives  et  de  p:;rig"nons  d'olives,  les  grignons 
d'olives,  les  chevaux,  ânes,  mulets,  les  animaux  des 
espèces  bovine,  ovine,  caprine  et  porcine,  les  volailles  et 
le  gibier  sont  admis  en  franchise  dans  la  métropole  jus- 
qu'à concurrence  de  quantités  déterminées  chaque  année 
par  décrets  du  Président  de  la  République  et  à  la  condition 
d'être  accompagnés  de  certificats  d'origine  délivrés  par 
les  contrôleurs  civils. 

Les  fèves  et  les  vins  de  raisins  frais  (ceux-ci  sous  réserve 
d'un  modique  droit  de  0  fr.  60  par  hectolitre,  augmenté  à 
partir  d'un  titre  alcoolique  de  11"9,  d'une  taxe  de  0  fr.  70 
par  degré  supplémentaire,  bénéficient  des  mêmes  disposi- 
tions. —  Le  régime  applicable  aux  vins  de  raisins  frais 
s'étend,  depuis  le  12  juillet  1899  ,  aux  vins  mutés  à  l'alcool 
et  aux  vins  de  liqueur,  à  la  condition  que  ces  produits  soient 
destinés  à  la  fabi'ication  de  vermouths  et  autres  produits 
similaires,  et  comme  tels  pris  en  charge  par  la  régie  mé- 
tropolitaine dès  leur  arrivée  en  France.  —  Enfin,  les  moûts 
de  vendange  mutés  autrement  qu'à  l'alcool,  jouissent,  eux 
aussi,  du  même  traitement  de  faveur  jus(|u'à  concurrence 
dun  titre  glycométrique  de  12"  Baume,  ceux  dont  le  titre 
est  plus  élevé  sont  frappés  d'un  droit  de  lo  k.  -W)  par 
100  kilogrammes. 

Tous  les  autres  produits  sont  passibles  des  droits  du 
tarif  minimum  français,  exception  faite  toutefois  pour  les 
céréales.  Ces  dernières  étaient  naguère  soumises  au  même 
régime  que  les  huiles,  les  fèves,  etc.,  c'est-à-dire  que  leur 
importation  en  France  ne  pouvait  s'effectuer  que  dans  b 
limite  des  quantités  annuellement  déterminées  par  le& 
décrets  susvisés.  Par  contre,  et  bien  que  les  blés  tunisiens 
ainsi  importés  dans  la  Métropole  n'eussent  pas  acquitté, 
en  y  pénétrant,  le  droit  de  douane  de  7  francs  par  100  kilo- 
grammes qui  frappe  en  pareil  cas  les  blés  de  provenance 
étrangère,  l'exportation  de  farines  françaises  dans  la  Ré- 
gence   était  assimilée  aux   exportations  à   destination  de 

.l.-L.    De  f.ANr:ss.vN.  —   La  Tuuisii;.  1.5 


226  L/V    TUNISIE 

l'otrunf^er  et  bénéficiait  des  dispositions  de  la  législation 
métropolitaine  sur  l'admission  temporaire  des  grains.  Ceux 
(lui  s'y  adonnaient,  lecevaient,  en  conséquence,  du  Trésor 
français,  par  quintal  de  farine  expédiée  en  Tunisie,  une 
somme  proportionnelle  à  celle  qu'ils  étaient  censés  avoir 
payée  à  la  douane,  lors  de  l'entrée  en  France  d'une  quan- 
tité correspondante  de  blés  tunisiens. 

La  loi  du  19  juillet  19U4  a  mis  fin  à  cet  état  de  choses, 
jugé  anormal,  en  instituant,  à  l'égard  des  céréales,  l'union 
douanière  de  la  France  et  de  la  Tunisie  :  c'est-à-dire  que 
les  produits  dont  il  s'agit  (blés,  orges,  avoines,  seigles)  et 
leurs  dérivés  pénètrent  librement  d'un  pays  à  l'autre,  sans 
limitation  de  quantités  et  sans  taxes  douanières,  mais 
aussi  sans  primes  d'exportation  d'aucune  sorte.  Leur  ad- 
mission en  France  demeure  d'ailleurs  subordonnée  aux 
autres  dispositions  de  l'article  5  de  la  loi  de  1890  (certificat 
d'origine,  transport  par  navires  battant  pavillon  français). 
La  métropole  a,  en  outre,  étendu  à  la  Tunisie  «  les 
traités  et  conventions  de  toute  nature  en  vigueur  entre  la 
France  et  l'Allemagne,  l'Autriche-Hongrie,  le  Danemarck, 
l'Espagne,  la  Russie,  la  Suisse,  la  Suède,  la  Norvège,  la 
Belgique,  les  Pays-Bas  et  la  Grèce  ». 

Les  lois  des  1"'  avril  1914  et  25  novembre  1915  ont 
étendu  le  bénéfice  de  l'admission  en  franchise  en  France 
aux  produits  suivants  :  viandes  frigorifiées,  oranges, 
mandarines,  citrons,  cédrats  et  leurs  variétés  non  dénom- 
mées, amandes,  dattes,  caroubes,  bananes,  raisins  muscats 
— ces  derniers  seulementpendantlapériode  du  14 novembre 
au  15  septembre  —  et  les  pommes  de  terre  —  pendant  la 
])ériode  du  1^'  novembre  au  15  mai.  Ce  bénéfice  est  subor- 
donné à  toutes  les  autres  conditions  de  la  loi  du  19  juil- 
let 1890. 

I  V.  —  Le  commerce  et  le  cRÉorr 

Parmi  les  conditions  qui,  dans  la  Tunisie  beylicale,  met- 
taient obstacle  au  développement  du  commerce,  et  en  géné- 
ral, de  la  richesse  publique,  j'ai  cité  plus  haut  l'absence 


LK    COMMERCE  22/ 

des  institutions  de  crédit.  H  me  paraît  nécessaire  d'insistei- 
sur  ce  sujet. 

Lorsque  la  France  assuma  le  protectorat  de  la  Régence, 
il  n'y   existait   aucun   établissement  financier.    Quelques 
banques  privées  et  un  grand  nombre  d'usuriers  fournis- 
saient seuls  au  commerce  et  à  l'industrie  le  crédit  sans 
lequel  nil'uneni  l'autre  de  cesbranchesdel'activité  humaine 
ne  peuvent  vivre.  On  ne  pouvait  se  procurer  de  l'argent 
qu'à  des  conditions  extrêmement  onéreuses  :  en  1879.  le 
taux  de   l'escompte  était  à  12  p.    100  et  celui  des  prêts 
hypothécaires  n'était  pas  inférieur  à  20  p.  100.  La  g;arantie 
des  marchandises  n'existant  pas,  la  plupart  des  commer- 
çants  ne  pouvaient  emprunter  qu'à  des  taux  atteig-nant 
30,  40  et  50  p.    100.  Pour  les  cultivateurs  les  conditions 
de  l'emprunt  étaient  plus  onéreuses  encore.  Dans  le  Sahel, 
par  exemple,  les  propriétaires  d'oliviers  ayant  constamment 
besoin  d'argent  pour  payer  leurs  ouvriers  avaient  con- 
tracté la  coutume  de  vendre  leur  huile  six  mois  et  même 
parfois  près  d'un  an  avant  la  récolte.  L'acheteur  retenait 
ordinairement,  à  titre   d'intérêts,  le   quart  de  la  somme 
avancée.  Si  la  récolte  était  mauvaise  et  que  le  propriétaire 
se  trouvât  dans  l'impossibilité  de  livrer  à  son  acheteur  la 
quantité  d'huile  convenue  et  payée  à  l'avance,  il  souscrivait 
un  nouvel  engagement,  en  vertu  duquel  il  devait  fournir 
l'année  suivante  une  quantité  d'huile  double  de  celle  qui 
avait  fait  défaut.  A  partir  de  ce  jour,  il  était  enchaîné  au 
commerçant  et  voyait  chaque  année  grossir  sa  dette  par 
les  intérêts  usuraires,  en  nature  ou  en  argent,  qu'il  était 
obligé  de  payer.  En  1886,  on  estimait  à  20  ou  25  millions 
de  francs  le  total  des  dettes  impayées  qui  avaient  été  con- 
tractées dans  ces  conditions  par  les  propriétaires  du  Sahel. 
Des  faits  analogues  se  produisaient  pour  les  indigènes 
cultivant  le  blé   ou   l'orge.  Ils   vendaient  souvent   leurs 
récoltes  avant  la  moisson  et  se  trouvaient  exposés  à  des 
mécomptes  qui  les  livraient  aux  usuriers. 

L'usure  sur  les  bijoux  s'exerçait,  d'autre  part,  sur  une 
large  échelle.  Les  indigènes  sont  essentiellement  thésauri- 
seurs. La  plupartmettentde  côté  la  majeure  partie  des  pièces 


228  LA    TUNISIK 

il  (Il  (jLi  iKs  pcuvenl.  se  procurtîr.  Les  plus  piudigues  s  en 
serv«mt  pour  acheter  des  bijoux  (|u'ils  oHVent  à  leurs 
femmes.  Qu'un  besoin  d'argent  se  fasse  sentir,  on  va 
porter  les  bijoux  chez  un  usurier  en  garantie  d'un  em- 
prunt pour  lequel  on  paye  un  intérêt  exorbitant.  Si, 
à  l'échéance  convenue,  on  ne  peut  pas  rembourser  la 
somme  prêtée,  on  s'engage,  moyennant  une  grosse 
prime,  pour  une  période  nouvelle  et,  ainsi  de  suite, 
jusqu'à  ce  que  le  bijou  devienne  la  propriété  du  prêteur, 
ce  qui  d'ordinaire  n'exige  pas  beaucoup  de  temps.  Dans 
les  opérations  de  ce  genre,  il  n'est  pas  rare,  en  effet, 
que  l'intérêt  atteigne  au  delà  de  50  et  jusqu'à  lUO  p.  100 
ou  même  davantage. 

Une  première  amélioration  dans  les  conditions  de  crédit 
auxquelles  se  trouvait  soumise  la  Régence,  fut  déterminée 
par  la  création,  le  i"''  avril  1879,  de  la  «  Société  franco- 
tunisienne  ».  Transformée,  le  1*^'  mai  1880,  en  «  Société 
des  comptoirs  maritimes  »  puis,  le  1'^'  octobre,  en  «  Agence 
de  la  banque  transatlantique  »,  enlin,  le  P'  octobre  1884. 
en  «  Banque  de  Tunisie  »,  cette  société,  fondée  au  capital 
de  8  000.000  de  francs,  détermina  rapidement  une  baisse 
notable  du  taux  de  l'intérêt  de  l'argent.  Pendant  l'exercice 
1883-86,  elle  abaissa  ce  taux  à  7  p.  100.  Le  taux  des  prêts 
hypothécaires  descendit  de  son  côté  à  9  et  8  p.  100.  Un 
abaissement  analogue  se  produisit  dans  l'intérêt  des 
emprunts  d'Etat.  Avant  l'établissement  définitif  du  Protec- 
torat et  la  liquidation  de  la  dette  tunisienne,  la  commission 
financière  empruntait  tous  les  ans  un  ou  deux  millions  de 
piastres  pour  faire  face  à  ses  engagements.  Ces  emprunts 
se  faisaient  dans  le  silence  du  cabinet,  sans  aucune  con- 
currence, et  le  taux  moyen  de  l'intérêt  payé  par  le  gouver- 
nement beylical  s'élevait  à  12  et  13  p.  100.  En  1879,  la 
Société  franco-tunisienne,  à  peine  établie  depuis  six  mois 
dans  la  Régence,  et  qui  n'avait  encore  qu'un  capital  de 
500.000  francs  versé,  protesta  contre  cette  manière  d'opé- 
rer, et  força  le  gouvernement  tunisien  à  faire  ses  emprunts 
aux  enchères.  En  août  1879,  elle  se  faisait  adjuger  Tun  de 
ces  emprunts  au  taux  de  8  p.  100.  C'était  une  économie  de 


LE    GOMMERCK  229 

4  à  7  p  100  que  faisait  le  gouvernement  tunisien  sur  les 
intérêts  à  payer.  Or,  cet  abaissement  du  taux  des  intérêts 
payés  par  TÉtat  s'est,  depuis  cette  époque,  toujours  main- 
tenu. 

L'amélioration  considérable  introduite  dans  les  condi- 
tions du  crédit  par  la  «  Banque  de  Tunisie  »  fît  rapidement 
naître  dans  l'esprit  des  colons  le  désir  de  voir  fonder  dans 
la  Régence  un  établissement  de  plus  grande  importance, 
qui  serait  autorisé  à  émettre  des  billets.  En  1886.  ils 
adressèrent  au  Résident  général,  M.  Cambon,  une  péti- 
tion qui  offre  encore  un  grand  intérêt  au  point  de  vue  de 
l'histoire  de  l'évolution  de  notre  protectorat.  En  voici  le 
texte  :  a  Les  soussignés,  représentant,  dans  les  diverses 
branches  de  l'agriculture,  de  l'industrie  et  du  commerce, 
les  principaux  intérêts  de  la  Tunisie,  ont  l'honneur  de 
vous  exposer  :  i"  que  l'intérêt  de  l'argent,  bien  qu'ayant 
été  sensiblement  abaissé  par  les  institutions  françaises  de 
crédit,  est  encore  trop  élevé  dans  la  Régence  pour  per- 
mettre aux  entreprises  vraiment  utiles  de  s'v  établir  ; 
2°  que  la  Tunisie,  en  agissant  avec  ses  ressources  réelles 
seulement,  est  placée  dans  un  état  d'infériorité  nuisible  à 
sa  prospérité  vis-à-vis  des  nations  ou  des  places  avec 
lesquelles  elle  est  en  relations  d'affaires,  tous  les  Etats  qui 
l'avoisinent  possédant  en  effet  des  banques  d'émission. 
Une  banque  d'émission  a  pour  effet  de  remettre  en  circu- 
lation une  partie  du  numéraire  déjà  employé  et  de  multi- 
plier ainsi  la  force  première.  Son  capital,  au  lieu  de  s'em- 
ployer successivement,  se  multiplie  instantanément  sui- 
vant les  besoins  de  la  place  et  peut  ainsi  diminuer  de 
beaucoup  le  prix  des  services.  Beaucoup  d'autres  consi- 
dérations pourraient  être  mises  en  avant,  mais  les  sous- 
signés sont  persuadés,  Monsieur  le  Ministre,  que  votre 
connaissance  des  choses  suppléera  au  laconisme  dans 
lequel  doit  se  renfermer  une  pétition.  Les  soussignés  vous 
prient  instamment  de  soumettre  à  Son  Altesse  le  Bey  et 
au  gouvernement  français,  en  l'appuyant  de  votre  haute 
autorité,  le  projet  d'une  banque  beylicale  d'émission,  dont 
l'établissement  aura  une  énorme  et  bienfaisante  influence 


230  I,A    TUNISIK 

sur  le  développemeni  de  la  fortune  publique  dans  la 
Régence  ». 

Après  avoir  cité  ce  texte,  je  disais  dans  la  première  édi- 
tion de  ce  livre  :  «  Il  est  impossible  de  ne  pas  s'associer 
aux  vœux  exprimés  dans  cette  pétition,  et  nous  sommes 
convaincu  (|ue  satisfaction  ne  tardera  pas  à  lui  être  donnée 
par  les  autorités  de  la  Tunisie.  Attendre  plus  longtemps, 
ce  serait  compromettre  l'avenir  commercial,  industriel  et 
agricole  de  notre  protectorat  ».  J'exposais  ensuite  les  dis- 
cussions qui  existaient  à  cette  époque,  en  Tunisie,  au  sujet 
des  conditions  dans  lesquelles  pourrait  et  devrait  fonc- 
tionner le  grand  établissement  de  crédit  dont  la  création 
était  réclamée.  A  peu  près  unanimement,  les  colons  dési- 
raient que  la  Tunisie  restât  indépendante  de  l'Algérie.  Ils 
affirmaient  que  la  Tunisie  était  assez  riche  pour  garantir 
une  banque  exclusivement  tunisienne.  D'autres,  deman- 
daient que  les  efforts  du  gouvernement  du  Protectorat  se 
portassent  plutôt  vers  la  création  d'un  établissement  de 
Crédit  foncier  que  vers  celle  d'une  Banque.  A  ces  derniers, 
les  partisans  de  la  Banque  objectaient  qu'un  Crédit  foncier 
tunisien  aurait  un  rôle  très  restreint. 

Ces  discussions  eurent,  sans  aucun  doute,  pour  effet  de 
retarder  beaucoup  la  solution  du  problème  posé  dans  la 
pétition  rappelée  ci-dessus.  Le  Comptoir  d'escompte  de 
Paris,  le  Crédit  foncier  et  agricole  d'Algérie,  la  Compagnie 
algérienne  établirent  des  succursales  à  côté  de  la  Banque 
de  Tunisie,  mais  tous  ces  établissements,  ainsi  que  le  fait 
observer  M.  Gaston  Loth^,  éprouvaient  de  sérieuses  diffi- 
cultés pour  le  réescompte  du  papier  qu'elles  avaient  en 
portefeuille.  Il  ajoute  :  «  Pour  obvier  à  cet  inconvénient, 
la  Conférence  consultative  demanda,  le  23  avril  1892, 
qu'une  succursale  de  la  Banque  de  France  fût  créée  en 
Tunisie.  Il  ne  fut  pas  donné  suite  à  ce  vœu,  mais  l'on  put 
constater,  dès  189o,  une  tendance  à  la  baisse  du  taux  de 
l'intérêt,  par  suite  de  la  concurrence  que  se  faisaient  entre 
eux  les  grands  établissements  de  crédit  ».  La  question  du 

1.  Loc.  cit.,  p.  là. 


LE    COMMERCE  231 

crédit  commercial  paraissait  donc,  d('S  ce  moment,  en 
partie  résolue.  Elle  reçut  une  solution  complète  à  la  suite 
de  la  loi  du  5  juillet  1900  qui  renouvela  le  privilège  de  la 
Banque  de  l'Algérie.  En  vertu  de  conventions  passées 
entre  la  Banque  d'Algérie  et  le  gouvernement  métropoli- 
tain, consacrés  par  un  décret  du  bey  on  date  du  8  jan- 
vier 1904  et  par  deux  décrets  du  président  de  la  République 
datés  du  7  mai  1904,  la  Banque  d'Algérie  fut  autorisée  à 
émettre  du  papier- monnaie  tunisien,  moyennant  cer- 
taines conditions  avantageuses  pour  le  Protectorat.  Son 
concours  financier  permit  de  créer,  par  décret  du  25  mai 
1903,  la  caisse  de  Crédit  mutuel  agricole  dont  J'ai  parlé 
dans  un  chapitre  précédent. 

Les  colons  européens,  de  leur  côté,  s'étaient  ralliés  de 
plus  en  plus  à  l'idée  de  la  création  d'un  établissement  de 
Crédit  foncier  contrôlé  par  l'Etat.  Dans  sa  session  d'a- 
vril 1897,  la  Conférence  consultative  émit  un  vœu  favo- 
rable à  cette  création.  Elle  fut  réalisée  seulement  en  1900. 

Le  20  juin  1900,  un  décret  beylical  a  déterminé  les  con- 
ditions d'organisation  et  la  réglementation  des  Sociétés  de 
Crédit  foncier  dans  la  Régence,  La  Société  anonyme  «  Le 
Crédit  foncier  de  Tunisie  »  s'étant  constituée  le  7  août  1906, 
un  décret  du  8  décembre  suivant  autorisa  son  fonctionne- 
ment et  approuva  ses  statuts.  Mais  celte  société  eut  vite 
fait  d'épuiser  en  prêts  fonciers  à  long  terme  les  quelques 
disponibilités  qu'elle  possédait  et  dut  liquider  en  1908.  Le 
Gouvernement  entreprit,  alors  des  négociations  avec  le 
Crédit  foncier.de  France,  qui  fut  autorisé,  par  décret  fran- 
çais du  24  août  1909  et  par  décret  beylical  du  16  septembre 
delà  même  année  à  faire  des  prêts  fonciers  dan  s  la  Régence. 
Le  Crédit  foncier  de  France  n'opère  pas  lui-même  direc- 
tement. Il  use  de  l'intermédiaire  du  Crédit  foncier  d'Algérie 
dont  les  statuts  sont  plus  souples  et  qui  a  pris  le  nom  de 
Crédit  foncier  d'Algérie  et  de  Tunisie.  Cet  établissement 
sert,  notamment,  de  banque  de  réescompte  aux  Caisses  de 
crédit  agricole  et  aux  coopératives. 

Une  des  plus  heureuses  créations  du  Gouvernement  du 
Protectorat  est  celle  des  sociétés  indigènes  de  prévovance. 


232  l,.\    Tt'NISIK 

InstilutMîS  pai-  le  décrol  du  :2(l  mai  1907,  dans  chacun  des 
caïdats  de  la  Régence,  ces  sociétés  fonctionnent  sous  le 
contrôle  de  l'État.  Leurs  caisses  sont  alimentées  par  des 
centimes  additionnels  aux  divers  impôts  directs  indigènes 
par  des  subventions  prélevées  sur  les  redevances  de  la 
Banque  de  l'Algérie. 

Leur  objet  principal  consistai! .  à  l'origine,  en  prêts  de 
semences  qui,  pendant  les  huit  premières  années,  se  sont 
élevés  à  14  millions. 

Elles  procèdent  aussi  dans  les  mauvaises  années,  à  des 
prêts  de  subsistance  qui  ont  atteint  à  ce  jour  un  total  de 
5  millions. 

Un  décret  du  2(»  janvier  101 1  a  organisé  les  prêts  hypo- 
thécaires à  long  terme  qui  ont  rendu  de  grands  services 
notamment  dans  Djérid,  le  Sahel,  le  Cap  Bon,  etc.,  oij 
l'usure  à  20,  30  et  40  p.  100  faisait  de  très  gros  ravages. 
Ces  prêts  sont  généralement  amortissables  en  quinze  ans. 
Ils  ont  atteint  un  chiffre  total  de  1 .800.000  francs. 

Enfin,  les  sociétés  indigènes  de  prévoyance  ont  créé, 
sous  la  forme  d'associations  coopératives  industrielles  ou 
commerciales,  des  filiales  auxquelles  elles  ouvrent  le  crédit 
nécessaire. 

L'actif  net  des  sociétés  indigènes  de  prévoyance  au  31  dé- 
cembre 1915  a  près  de  îi  millions  de  francs. 

I  VL   —  Le  développement  du  commercf. 
Importation  et  exportation 

Grâce  aux  importantes  améliorations  introduites  dans 
le  régime  économique  de  la  Tunisie  par  les  réformes 
douanières  et  fiscales  rappelées  ci-dessus,  ainsi  que  par 
la  création  de  conditions  avantageuses  de  crédit,  grâce 
aussi  à  la  création  des  routes  et  voies  ferrées  dont  il  sera 
question  dans  un  autre  chapitre,  grâce  aux  progrès  consi- 
dérables réalisés  par  l'œuvre  colonisatrice  proprement 
dite,  la  situation  commerciale  de  notre  établissement  afri- 
cain est  allée  sans  cesse  en  progressant.  En  1879-80, 
c'est-à-dire  avant    l'occupation    française,    le    chiffre  des 


LE    COMMERCK  233 

exportations  de  la  Tunisie  était  de  10.840.000  francs, 
Celui  des  importations  de  H. 400. 000,  soil  pour  la  totalité 
du  mouvement  coiumercial  :  22  200.000  francs.  En  1884-85, 
quatre  années  après  l'occupation,  les  exportations  s'éle- 
vaient à  18.600.000  francs  et  les  importations  à  -26.400.000 
francs,  soit  au  total  45.000.000  de  francs.  Dix  ans  plus 
lard,  en  1895,  le  chiffre  des  exportations  était  41. 24(5. 000 
francs,  celui  des  importations  44.085.000  francs,  soit  au 
total  85.331.000  francs.  En  1904,  les  exportations  repré- 
sentent 76.831.060  francs  et  les  importations,  83.384.437 
francs,  soit,  an  total,  160.215.000  francs.  En  1912,  les 
exportations  représentent  154.655.000  francs  et  les  impor- 
tations, 156.293.000  francs,  soit,  pour  la  valeur  totale  du 
commerce,  le  chiffre  énorme  de  310.948.000  francs.  On 
remarquera  que  si  le  chiffre  des  importations  a  toujours 
été  supérieur  à  celui  des  exportations,  la  différence  est 
allée  sans  cesse  en  s'atténuant. 

En  1886,  on  s'inquiétait  beaucoup,  non  seulement  en 
France  mais  encore  en  Tunisie,  du  fait  que  les  importations 
l'emportaient  beaucoup  sur  les  exportations.  La  Chambre 
de  commerce  de  Tunis  exposait,  dans  le  document  rappelé 
plus  haut,  les  réllexions  suivantes  :  «  Ces  chiffres  n'ont 
rien  de  satisfaisant,  car  il  en  résulte  que  la  Tunisie  a 
beaucoup  plus  à  payer  qu'à  recevoir.  Les  récoltes  des 
trois  dernières  années  ont  pourtant  été  bonnes  ;  et  si  l'ac- 
croissement considérable  des  importations  ne  venait  pas 
d'un  fait  particulier,  l'entretien  d'un  corps  d'occupation 
important,  la  Tunisie  ne  pourrait  se  maintenir  long-temps 
dans  une  situation  aussi  anormale  au  point  de  vue  écono- 
mique ». 

Je  répondais  à  ces  observations  dans  la  première  édi- 
tion de  ce  livre  :  «  Les  craintes  exprimées  dans  les  obser- 
vations précédentes  ne  me  paraissent  pas  justifiées.  Il 
n'est  d'abord  pas  démontré  qu'on  doive  considérer  comme 
nécessairement  mauvaise  la  situation  économique  d'un 
pays  parce  que  ses  exportations  sont  inférieures  à  ses  impor- 
tations ;  mais,  même  en  supposant  que  cela  fût  vrai  pour 
les  nations  civilisées,  il  ne  faudrait  pas  en  conclure  qu'on 


234  LA    TUNISIE 

doive  l'admettre  pour  les  colonies,  surtout  pour  celles 
qui  sont  en  voie  de  création.  Ainsi  que  je  l'ai  indiqué  plus 
iiaut,  le  premier  phénomène  qui  se  manifeste,  au  début  de 
la  prise  de  possession  d'une  colonie,  c'est  une  aug^menta- 
tion  considérable  des  importations  des  produits  européens 
destinés  aux  troupes  d'occupation.  Ces  produits,  nouveaux 
pour  les  indigènes  ou  du  moins  pour  un  grand  nombre 
d'entre  eux.  tentent  leurs  convoitises  et  les  excitent  à  pro- 
duire des  objets  en  échange  desquels  ils  pourront  obtenir 
ceux  qu'ils  désirent  ardemment.  Mais  il  faut  un  temps  très 
long  pour  transformer  un  pays  neuf,  imparfaitement 
civilisé  et  pour  augmenter  dans  des  proportions  très  sen- 
sibles sa  production  agricole  ou  industrielle.  La  paresse 
héréditaire  des  habitants,  leur  ignorance  des  procédés  à 
l'aide  desquels  on  augmente  la  richesse  du  sol,  l'état  pri- 
mitif des  industries  locales,  l'absence  de  voies  de  commu- 
nication, etc.,  sont  autant  d'obstacles  à  l'évolution  ascen- 
dante des  colonies  nouvellement  conquises,  et,  pendant 
longtemps,  celles-ci  produisent  tout  au  plus  ce  qui  est 
nécessaire  aux  échanges  à  l'aide  desquels  les  indigènes 
cherchent  à  satisfaire  leurs  nouveaux  besoins.  Pendant 
toute  cette  période,  les  importations  des  produits  métro- 
politains dans  la  colonie  sont  fatalement  supérieurs  aux 
exportations  de  la  colonie  dans  la  métropole.  Cependant, 
si  le  pays  est  riche,  le  chiffre  des  exportations  augmentera 
dune  façon  sensible  à  partir  du  jour  de  l'occupation,  parce 
que  ses  produits  étant  mieux  connus  seront  plus  recherchés 
qu'ils  ne  l'étaient  auparavant.  C'est  précisément  ce  que 
nous  avons  vu  se  produire  en  Tunisie  à  partir  de  1881, 
c'est-à-dire  à  partir  de  l'année  où  nos  trafiquants  ont  fré- 
quenté en  plus  grand  nombre  notre  nouvel  établissement 
colonial. 

«  Cette  première  considération,  tirée  de  la  nature  même 
des  faits  économiques  qui  se  produisent  nécessairement 
dans  toute  colonie  nouvelle,  doit  nous  mettre  à  labri  des 
craintes  exprimées  dans  la  citation  faite  plus  haut.  Au  lieu 
de  nous  effrayer  de  ce  que  les  importations  sont  actuelle- 
ment  supérieures,    en   Tunisie,    aux   exportations,   nous 


LE    COMMERCR  235 

:  sommes  plutôt  tentés  de  nous  en  réjouir.  La  supériorité 
des  importations  est  due.  en  effet,  non  seulement  à  ce  que 
les  indigènes  recherehenl  davantaue  nos  produits,  mais 
encore  à  ce  que  le  nombre  des  colons  habitués  à  les  con- 
sommer est  en  voie  d'augmentation.  Les  capitaux  apportés 
par  les  colons  servent  à  la  fois  à  enrichir  les  commer(:ants 
français  dont  ils  achètent  les  marchandises  et  les  indigrènes 
(|u'ils  emploient  comme  ouvriers  Plus  de  dix  ou  quinze 
millions  ont  déjà  été  importés  en  Tunisie  par  les  seuls 
propriétaires  français.  Une  partie  de  cette  somme  est 
emplovée  à  l'achat  des  objets  de  toute  nature  importés  par 
la  métropole,  l'autre  est  dépensée  en  salaires  dont  les  ou- 
vriers se  servent  pour  satisfaire  des  besoins  prolitables  à 
l'industrie  européenne.  Il  résulte  nécessairement  de  tout 
cela  une  augmentation  sensible  des  importations.  Celles-ci 
resteront  supérieures  tant  cjue  l'agriculture  et  l'industrie  de 
la  Tunisie  n'auront  pas  atteint  un  développement  tel  qu'elles 
puissiMit  fournir  à  la  satisfaction  de  tous  les  besoins  des 
colons  et  îles  indigèiu^s.  lînvisagée  de  cette  façon,  la  supé- 
riorité des  importations  sur  les  exportations,  bien  loin  de 
nous  elliaver,  nous  apparaît  connue  un  signe  des  progrès 
qu'a  faits  la  llégence  dans  la  \oie  do  la  colonisation. 

H  Je  in"(Mnpresse  d'ajouter  (ju'un  pareil  état  de  choses. 
(>xctdlenl  audt'bnt  d'une  colonie,  devrait  donner  des  inquié- 
tudes sérieuses  rtdatix  (MUimU  à  sa  richesse  naturelle  s'il  se 
jn-olong(>ait  indtMiniment.  si  surtout  le  chitYre  des  exporta- 
lions  n'allait  pas  (Mi  s'aci'roissant  d'annt'e  en  année  dune 
manitM'e  sensible.  A  cet  égard,  nous  devons  être  rassurés 
sur  l'avenir  Ao  \:\  Tunisie,  car  nous  voyons  ses  exporta- 
tions augmenter  lapidement  et  d'une  manière  continue 
dt>puis  (iu'ellt>  a  ete  placée  sous  le  protectorat  de  la  France.  « 
J'ajoutais  (|ue  la  marche  ascendante  du  connnerce  di>  la 
UégiMu-e  ne  pourrait  être  em-ayée  que  si  l'on  nauudiorait 
pas  l(>s  conditions  du  crédit  existant  à  l'époque  où  j'écrivais 
t>l  si  l'on  uo  réformait  pas  les  impôts  et  le  régime  doua- 
nier Lt>  crédit  ayant  été  anu'dioré  et  le  reginu^  tiscal  pro- 
fondément réformé,  sm'tout  au  point  de  vue  des  douanes, 
l'évolution  (jue  j'avais  prévue  s'est  réalisée  :  les  t^xporta- 


•236  LA    TITNFSIK 

lions  sont  allées  sans  cesse  en  s'accroissanL  au  point  que 
leur  chiffre  a  presque  atteint,  en  1912,  celui  des  importa- 
tions. 

Parmi  les  pays  auxquels  sont  destinées  les  exportations 
de  la  Tunisie,  la  France  occupe  le  premier  rang.  En  1912, 
elle  reçut  pour  67.773.000  francs  de  produits  tunisiens,  en 
tête  desquels  figuraient  :  les  produits  des  mines  pour 
21.247.000  francs;  les  huiles  et  sucs  végétaux  pour 
14.924.000  francs  :  les  farineux  alimentaires,  pour 
12.864.000  francs;  les  boissons  pour  5  1.56.000  francs  ;  les 
ouvrages  en  matières  diverses  pour  3.392.000  francs;  les 
substances  animales  propres  à  la  médecine  et  à  la  phar- 
macie pour  2.653.000  francs;  les  produits  et  dépouilles 
d'animaux  pour  2.164.000  francs;  les  animaux  vivants 
pour  1.804.000  francs;  les  fruits  et  graines  poui- 
989  000  francs;  etc.  Le  pays  qui,  après  la  France,  a  reçu 
la  plus  grande  quantité  des  produits  de  la  Tunisie,  en  1912, 
est  ritaiie  :  les  produits  tunisiens  y  furent  exportés  pour 
une  valeur  de  25.256.000  francs;  ils  étaient  représentés 
surtout  par  :  les  produits  des  mines  pour  12.512.000  francs; 
les  huiles  et  sucs  végétaux  pour  4.974.000  francs;  les 
animaux  vivants  pour  1.826.000  francs;  les  produits  de  la 
pêche  pour  1.728.000  francs  ;  les  farineux  alimentaires 
pour  610.000  francs;  les  substances  animales  propres  à  la 
médecine  et  à  la  parfumerie  pour  572.000  francs  ;  les  bois 
pour  529.000  francs;  les  fruits  et  graines  pour 
363,000  francs;  les  ouvrages  en  matières  diverses 
pour  288.000  francs;  les  teintures  et  farines  pour 
257.000  francs  ;  etc.  L'Angleterre  vient  au  troisième  rang 
des  pays  qui  reçoivent  les  produits  de  la  Tunisie.  Elle 
figure  dans  les  statistiques  de  1912  pour  13.751  000  francs 
de  ces  objets,  aux  premiers  rangs  desquels  figurent  :  les 
produits  des  mines  pour  9.338  000  francs;  les  filaments, 
tiges  et  fruits  à  ouvrer^  et  particulièrement  l'alfa  pour 
3.821.000  francs;  les  peaux  et  pelleteries  ouvrées  pour 
219.000  francs,  etc.  La  Belgique  reçut,  en  1912,  pour 
9.057.000  francs  de  produits  tunisiens,  en  tête  desquels 
figuraient  les   produits  des  mines  pour  8,709.000  francs. 


LE    COMMEHCR  237 

L'Algérie  reçut,  en  1912,  pour  7.738.UU0  IVancs  de  produits 
tunisiens  parmi  lesquels  figuraient  au  premier  rang-  :  les 
produits  des  mines  pour  1. 333.000  francs;  les  bois  pour 
1 .  07.i  .000  francs  ;  les  animaux  vivants  pour  1 .  ():2(i .  000  francs  ; 
les  fruits  et  graines  pour  962.000  francs;  les  produits  et 
dépouilles  d'animaux  pour  022  000  francs  ;  les  farineux 
alimentaires  pour  .j73.000  francs;  les  tissus  pour 
437.000  francs;  les  ouvrages  en  matières  diverses  pour 
379.000  francs  ;  les  meubles  et  ouvrages  en  bois  pour 
265 .  000  francs  ;  les  ouvrages  en  métaux  pour  244 .  000  francs  ; 
les  builes  pour  103.000  francs  ;  etc.  La  Tripolitaine  reçut, 
en  1912,  pour  7.257.000  francs  de  produits  tunisiens  en 
partie  destinés  aux  troupes  italiennes  en  tête  desquels 
venaient  les  animaux  vivants  pour  3.240.000  fiancs;  les 
farineux  alimentaires  pour  1.346.000  francs:  les  produits 
et  dépouilles  d'animaux  pour  602.000  francs  ;  etc .  L'Espagne 
et  le  Portug-al  reçurent  pour  3.958.000  francs  de  produits 
tunisiens,  dont  3.833.000  francs  de  produits  des  mines. 
L'Allemagne  en  i-eçut  aussi  pour  3.860.000  francs  dont 
3.484.000  francs  de  produits  des  mines.  Malte  en  reçut 
pour  2.378.000  dont  1.376.000  francs  d'animaux  vivants. 
La  Suède  etla  Norvège  reçurent  pour  plus  de  400.000  francs 
de  produits  des  mines.  La  Russie  en  reçut  pour 
455.000  francs;  l'Autriche  pour  1 .153.000  francs,  etc.,  etc. 
La  valeur  totale  des  impoi'tations  de  la  Tunisie  s'éleva, 
en  1912,  à  156.293.999  francs.  Elles  provenaient  de  la 
France  pour  80.264.000  francs;  de  l'Algérie  pour 
17.834.000  francs  :  de  l'Angleterre  pour  14.544.000  francs; 
de  l'Italie  pour  8.972.000  francs;  de  la  Russie  pour 
4.957.000  francs;  de  l'Allemagne  pour  3.405.000  francs  ; 
de  la  Belgique  pour  3.281.000  francs;  de  l'Autriche  pour 
2.154.000  francs;  de  la  Turquie  pour  1  683.000  francs, 
de  l'Espagne  et  du  Portugal  pour  1.237,000  francs;  de  la 
Suède  et  de  la  Norvège  pour  1.189.000  francs;  de  la  Grèce 
pour  603.000  francs  ;  de  l'Egypte  pour  477.000  francs;  de 
Tripoli  pour  41)8  000  francs  ;  de  divers  autres  pays,  enfin, 
pour  14.963.000  francs.  La  France  importe  surtout  en  Tu- 
nisie :  des  métaux  bruts  et  ouvrés,  jtour  15.013.000  francs; 


238  LA   TUNISIE 

des  denrées  coloniales  (sucres  bruts  et  raffinés,  café, 
poivre  et  piment),  pour  G. 702. 000  francs;  des  farines  et 
semoules  pour  6.()50.000  francs  ;  des  tissus  de  coton  pour 
G. 438. 000  francs:  des  machines  et  mécaniques  pour 
3.320.000  francs;  des  soies  srèses,  moulinées  et  teintes  et 
fils  de  toutes  sortes  pour  2.404.000  francs  ;  des  vins,  eaux- 
de-vie  et  alcools  pour  1.G98.000  francs;  des  peaux  prépa- 
rées de  toutes  sortes  pour  1.627.000  francs;  des  vêtements, 
pièces  de  lingerie  et  autres  articles  analogues  pour 
1. 103. 000  francs;  des  bois  à  construire  pour  900.000  francs; 
des  céréales  et  graines  pour  149.000  francs  et  diverses 
autres  marchandises  pour  34.628,000  francs.  L'Algérie 
envoie  en  Tunisie  pour  3.240.000  francs  de  farines  et 
semoules;  pour  4.378.000  francs  de  céréales  en  graines 
(froment  et  orge)  ;  pour  237.000  francs  de  bois  à  cons- 
truire, etc.  L'Angleterre  v  importe  pour  G. 377. 000  francs 
de  tissus  de  coton;  pour  1.013.000  de  machines  et  méca- 
niques; pour  344.000  francs  de  métaux  bruts  et  ouvrés; 
pour  237.0j00  francs  de  soies  grèg-es  et  de  iils  ;  etc.  La  Hon- 
grie lui  envoie  pour  1.292.000  francs  de  bois  à  construire  ; 
la  Belgique  pour  742.000  francs  de  tissus  de  coton  ;  l'Italie 
pour  2,953.000  francs  de  tissus  de  coton;  pour 
821.000  francs  de  soies  g'règes  ;  pour  477.000  francs  de 
machines  et  mécaniques,  etc.  La  Russie  importe  en  Tuni- 
sie pour  3.353.000  francs  de  céréales  et  grains.  La  Suède 
et  la  Norvège  pour  931.000  francs  de  bois  à  cons- 
truire; etc.,  etc. 

D'après  ces  chiffres,  empruntés  à  la  Statistique  officielle 
pour  1912,  la  valeur  des  importations  de  la  France  en 
Tunisie  l'emporterait  de  beaucoup  sur  celle  des  importa- 
tions de  tous  les  autres  pays,  même  pour  des  produits  tels 
que  les  tissus  de  coton  ou  de  soie,  les  machines,  etc.  Mais 
il  importe  de  noter  que  la  douane  tunisienne  ne  distingue 
pas  et  ne  peut  pas  distinguer  les  objets  véritablement 
français  de  ceux  provenant  de  l'étranger  qui  ont  été  fran- 
cisés par  leur  entrée  dans  notre  pays.  Les  chiffres  donnés 
par  les  statistiques  ne  sont,  en  conséquence,  que  peu  pro- 
bants au  point  de  vue  des  services  que  la  Régence  rend 


réelleiiienL  aux  industries  françaises.  Une  autre  observa- 
tion découle  des  cliifiVes  donnés  plus  haut  :  il  en  résulte 
(jue  la  Tunisie,  (juoique  produisant  des  quantités  impor- 
tantes de  céréales  dont  elle  exporte  une  partie,  n'en 
produit  pas  assez  pour  sa  consommation.  Mais,  ainsi  que 
nous  l'avons  déjà  dit,  sa  production  de  froment,  d'orge,  de 
maïs,  etc.,  va  sans  cesse  en  augmentant  et  s'accroîtra  sans 
doute  considérablement  dans  l'avenir  par  le  fait  de  la 
mise  en  culture  de  terres  qui,  à  l'heure  actuelle,  sont 
incultes  ou  ne  sont  (ju'imparfaitement  cultivées. 

Deux  chiffres  suffiront  pour  montrer  les  admirables 
progrès  réalisés,  au  point  de  vue  commercial,  par  la 
Régence  depuis  Tépoque  où  la  France  y  a  établi  son  pro- 
tectorat. En  1879-1880,  à  la  veille  de  l'intervention  de 
la  France,  la  valeur  totale  du  commerce  de  la  Tunisie 
était  de  22.240.000  francs  :  en  1912  elle  atteignait 
310.949.188  francs. 


CHAPITRE  X 

LES_ROUTES,  LES  CHEMINS  DE  FER  ET  LES  PORTS 

I  I,  —  L'État  des  routes   \u   moment  de  l'établissement 
DU  protectorat 

En  1887,  dans  la  première  édilion  de  ce  livre,  je  disais 
au  sujet  des  voies  de  communication  :  «  Au  moment  où  la 
France  a  pris  le  protectorat  de  la  Tunisie,  il  n'existait  dans 
ce  pays  d'autres  voies  de  communication  que  le  chemin  de 
fer  de  la  Goulette  à  Tunis  et  celui  de  Tunis  à  Ghardimaou. 
Quant  aux  routes  carrossables,  il  n'en  existait  pas  une 
seule.  Piétons,  chevaux  et  voitures  suivaient  des  lig-nes 
plus  ou  moins  directes  entre  les  principaux  centres  de 
popuhition  de  la  Régence.  Le  sol  battu  sur  ces  trajets  se 
transforme  en  sortes  de  pistes  qui  se  déplacent  peu  à  peu 
selon  les  besoins  de  la  circulation.  Pendant  J'été,  on  peut 
parcourir  assez  aisément  sur  ces  pistes  la  majeure  partie  du 
pays,  non  seulement  à  pied  et  à  cheval,  mais  encore  en 
voiture,  parce  que  le  sol  est  durci  par  le  soleil  et  que  les 
rivières  sont  dépourvues  d'eau.  Pendant  l'hiver,  la  circula* 
tion  est  fréquemment  interrompue  par  les  ruisseaux  et  les 
rivières.  Il  n'existe,  en  effet,  dans  toute  la  Tunisie  qu'une 
dizaine  de  ponts.  Quant  aux  parties  montagneuses  de  cette 
contrée,  elles  n'offrent  que  des  sentiers  à  peine  praticables 
pour  les  piétons  et  les  chevaux.  Depuis  que  la  France  a 
occupé  la  Régence,  la  ligne  de  Tunis  à  Ghardimaou  a  été 
prolongée  jusqu'à  la  frontière  d'Algérie  et  on  a  construit 
une  voie  ferrée  reliant  Tunis  à  Hammam-Lif,  sur  le  bord 
du  golfe  de  Tunis,  dans  la  direction  du  cap  Bon  et  de  l'En- 
fida.  Des  études  importantes  ont  été  faites  dans  le  but  de 


LES    ROUTKS,    LES    CHEMINS    UE    FEI5    ET    LES    l'ORTS  241 

doter  le  pays  do  routes  carrossables.  Déjà  on  en  a  construit 
une  entre  Tunis  d'une  part,  la  Goulette,Ia  Marsa,  le  Bardo 
de  l'autre  ;  on  travaille  activement  à  une  route,  déjà  faite  en 
quelques  points,  entre  Tunis  et  Bizerte.  Mais  ces  travaux 
coiitent  très  cher,  à  cause  des  nombreux  ponts  qu'il  faut 
établir  sur  les  ruisseaux  et  les  rivières  et  des  chemins  qu'il 
faut  élever  dans  les  lieux  marécageux  ».  Je  notais  l'opinion 
de  quelques  colons  qui,  en  présence  de  ces  difficultés, 
demandaient  à  l'administration  de  modifier  ses  plans,  de 
s'occuper  des  ponts  plutôt  que  des  routes,  afin  que  pen- 
dant l'hiver  on  ne  fût  pas  arrêté  par  les  rivières  et  les 
torrents  et  de  s'attacher  plutôt  à  construire  des  chemins  de 
fer  que  des  routes.  Mais  cette  opinion  était  celle  d'une 
minorité,  et  je  notais  que  partout  oii  j'étais  passé,  les  indi- 
gènes comme  les  Européens  réclamaient  à  la  fois  des  routes 
et  des  chemins  de  fer  le  plus  tôt  possible.  «  Je  ne  dissi- 
mule pas,  disais-je,  que  j'écoutais  avec  quelque  complai- 
sance ces  observations.  Je  suis  d'avis  que  le  premier  élé- 
ment de  colonisation  et  le  plus  puissant  moyen  d'accroître 
la  production  d'un  pays  neuf,  c'est  de  le  doter  aussi  promp- 
tement  que  possible  de  voies  de  communication,  et  j'ajoute 
de  voies  de  communications  rapides,  autrement  dit  de  che- 
mins de  fer.  Les  routes  ordinaires,  même  les  meilleures, 
sont  loin  de  produire  les  mêmes  effets  économiques  que  les 
chemins  de  fer.  J'ajoute  que  cela  est  vrai  surtout  pour  la 
Tunisie.  Ainsi  que  je  l'ai  dit  plus  haut,  on  peut  la  parcourir 
presque  dans  tous  les  sens,  sauf  dans  les  montagnes,  avec 
des  charrettes  et  des  voitures.  J'en  ai  moi-même  visité  la 
plus  grande  partie  avec  une  voiture  à  quatre  roues,  que 
traînaient  presque  toujours  au  trot  quatre  chevaux  attelés 
de  front.  Il  est  vrai  que  j'ai  fait  le  voyage  en  été,  c'est-à- 
dire  à  une  époque  où  l'on  peut  traverser  presque  toutes  les 
rivières  à  pied  sec;  mais,  sauf  en  ce  (jui  concerne  le  pas- 
sage des  rivières,  mon  voyage  aurait  pu  être  fait  en  tout 
temps  et  dans  les  mêmes  conditions. 

«  Dans  un  pareil  pays,  les  routes  carrossables  n'ont  sur 
les  conditions  économiques  qu'un  effet  proportionnellement 
très  inférieur  aux  dépenses  qu'elles  entraînent,  puisqu'elles 

J.-L.  De  LaxbÏan.  —  La  Tunisie.  16 


242  I.A    TUNISIE 

fiaugiiienlcnt  que  fort  peu  la  sécurité  et  la  facilité  des 
communications  et  pas  du  tout  leur  rapidité.  Il  en  serait 
tout  autrement  des  cliemins  de  fer.  Avec  eux,  sécurité, 
facilité,  rapidité  des  communications  seraient  simultané- 
ment accrues  <lans  des  proportions  dépassant  l'imagination 
des  indigènes  et  produisant  sur  eux  une  intluence  trans- 
formatrice absolument  irrésistible,  en  même  temps  quelles 
placeraient  les  colons  dans  des  conditions  auxquelles  ils 
sont  accoutumés  dans  la  mère-patrie.  » 

§11.    L'ÉTAT    DKS    1>0RÏS    A    l'ÉPOOUE     DK     LÉTABLISSEMENT 

DU  PROTECTORAT 

Après  avoir  insisté  sur  l'urgence  de  la  construction  des 
routes  et  des  cliemins  de  fer  je  disais  :  «  La  Tunisie  a  non 
moins  besoin  de  ports  que  de  voies  de  communication.  Ce 
ne  sont  pas  les  lieux  convenables  qui  manquent  pour  cela, 
mais  rien  ou  presque  rien  n'a  été  fait  depuis  des  siècles 
pour  améliorer  les  ports  naturels  du  pays  et  les  doter  de 
l'outillage  indispensable  au  commerce  moderne.  » 

Sur  la  côte  septentrionale  de  la  Tunisie  je  montrais 
deux  ports  à  créer  :  Bizerte  et  Tabarka. 

La  ville  indigène  de  Bizerte  était  située  sur  les  bords  du 
golfe  de  ce  nom,  entre  la  mer  et  le  lac  de  Bizerte,  sur  les 
bords  des  deux  bras  d'un  petit  canal  qui  reliait  la  mer  au 
lac.  Les  deux  bras  de  ce  canal  traversaient  la  partie  basse 
de  la  ville  en  entourant  un  petit  quartier  européen.  Celui-ci 
était  relié  à  la  ville  par  deux  ponts  :  celui  de  Beb-Tounis 
sur  le  bras  est,  et  celui  de  la  Skala,  sur  le  bras  ouest  à  côté 
du  marché.  Le  bras  est  du  canal  formait  la  darse  du  port  de 
Bizerte,  laquelle  était  abritée  de  tous  les  vents  par  les  mai- 
sons et  les  remparts  qui  l'entouraient.  L'entrée  de  la  darse 
était  protégée  par  deux  petites  jetées  d'inégale  longueur, 
la  plus  grande  n'ayant  qu'une  cinquantaine  de  mètres.  Au 
niveau  de  son  extrémité  se  trouve  une  barre  sur  laquelle 
il  n'y  a  pas  plus  de  1"',80  à  2  mètres  d'eau.  Mais  à  150  mètres 
de  l'entrée  de  la  darse,  le  golfe  de  Bizerte  olFre  des  fonds 
de  10  à  Ui  mètres.  Le  canal  qui  reliait  le  golfe  au  lac  avait 


LKS    ROUTES,     LKS    CHEMINS    l)K     KKIl     I.T    LES    l^ORTS  24S 

une  long^ueur  d'un  kilomètre  environ  et  une  largeur  de 
200  mètres  ;  sa  profondeur  était  minime  ;  dans  certains 
points,  il  n'y  avait  pas  plus  de  50  à  60  centimètres  d'eau. 
Le  lac  est  un  des  plus  beaux  lacs  marins  qui  existent.  Il 
est  à  peu  près  circulaire,  avec  un  diamètre  de  4  kilo- 
mètres environ  dans  tous  les  sens.  Sa  profondeur  est  très 
variable,  elle  atteint  en  certains  points  jusqu'à  12  et 
IS  mètres.  Son  fond  est  formé  de  sable  facile  à  creuser 
par  simple  dragage.  Les  eaux  sont  sans  cesse  renouvelées 
par  les  marées  et,  dans  l'hiver,  par  les  pluies.  Il  est  entiè- 
rement à  l'abri  des  vents. 

J'ajoutais,  dans  la  premièi'e  édition  de  cet  ouvrage  (1887)  : 
«  Actuellement  les  barques  seules  peuvent  pénétrer  dans 
le  port  de  Bizerte,  aussi  est-il  absolument  désert,  et  la  ville, 
qui  est  cependant  placée  dans  les  conditions  les  plus  avan- 
tageuses qu'il  soit  possible  d'imaginer,  témoigne  d'une 
décadence  qui  va  chaque  jour  se  prononçant  davantage. 
Aujourd'hui,  la  petite  ville  de  Bizerte  n'a  pas  plus  de  six 
mille  habitants,  elle  est  entourée  de  fortifications  cons- 
truites par  les  Arabes,  et  protég'ée  par  deux  forts,  situés 
l'un  à  l'entrée  du  port,  l'autre  sur  un  point  culminant  qui 
domine  toute  la  rade.  Son  alimentation  en  eau  douce  est 
assurée  par  des  sources,  dont  une  partie  sont  déjà  canalisées, 
et  qui  toutes  ensemble  pourraient  donner  864.000  litres 
d'eau  par  jour,  moyennant  une  dépense  évaluée  à  environ 
350.000  francs.  Les  environs  immédiats  de  la  ville  sont 
couverts  de  beaux  jardins,  dans  lesquels  on  cultive,  avec 
les  oliviers,  presque  tous  les  arbres  fruitiers  de  notre  pays 
et  la  vigne.  A  l'ouest,  la  plaine  étroite  de  Bizerte  est  bordée 
par  une  rangée  de  collines  plantées  d'oliviers  et  cultivées 
en  céréales  par  les  indigènes.  Ces  collines  s'étendent  tout 
le  long  du  lac,  à  l'abri  des  vents  du  nord -ouest,  jusqu'à 
Djebel-Ischeul  qui  est  le  point  le  plus  élevé  de  la  région; 
elles  conviendraient  admirablement  à  la  vigne.  Les  sources 
y  abondent  et  permettraient  d'y  faire  toutes  les  cultures 
vivrières  qui  exigent  des  arrosages  fréquents. 

«  Mais,  pour  que  les  colons  français  s'établissent  dans 
cette  région,  il  faut  qu'elle  soit  reliée  au  reste  de  la  Tunisie 


244  LA.    TUNISIE 

par  (les  voies  de  communication.  On  construit  en  ce 
moment  une  route  carrossable  entre  Tunis  et  Bizerte;  elle 
coûtera  fort  cher  et  ne  lendra  pas  à  la  localité  les  services 
qu'on  en  attend.  Bien  mieux  eût  valu  faire  tout  de  suite 
l'embranchement  du  ciieinin  de  fer  de  Djedeida  à  Bizerte 
dont  j'ai  parlé  plus  haut.  Avec  cette  voie  ferrée  et  l'amé- 
lioration de  son  port,  Bizerte  entrerait  dans  une  ère  de 
prospérité.  Les  colons  français  ne  manqueraient  pas  de 
mettre  en  culture  les  riches  terres  qui  l'entourent  et  de 
tirer  profit  de  la  beauté  de  sa  plage  et  de  son  délicieux  cli- 
mat. 

«  Mais  cela  ne  suffirait  pas  encore  pour  lui  donner  toute 
l'importance  qu'elle  mérite.  Ce  qu'il  faut,  c'est  la  doter 
du  port  de  premier  ordre  auquel  sa  situation  topogra- 
phique  et  l'existence  d'un  superbe  lac  intérieur  lui  donnent 
droit.  Ainsi  que  je  l'ai  dit  plus  baut,  l'avis  des  personnes 
les  plus  compétentes  est  qu'il  faudrait  établir  entre  le  lac 
de  Bizerte  et  la  mer  une  communication  indépendante  de 
celles  qui  existent  actuellement.  On  y  trouverait  l'avantage 
considérable  de  pouvoir  faire  les  travaux  à  travers  les  ter- 
rains non  bâtis  et  dans  des  conditions  qui  rendraient 
aussi  faciles  que  possible  les  relations  entre  la  mer  et  le  lac. 
Beaucoup  de  personnes  voudraient  qu'on  fît  un  port 
exclusivement  militaire.  Elles  font  valoir  à  l'appui  de 
cette  opinion  la  sûreté  absolue  dont  y  jouiraient  les  bâti- 
ments, les  arsenaux,  les  approvisionnements,  etc.,  et 
l'admirable  situation  qu'occuperait  ce  port  de  guerre  sur 
la  route  du  canal  de  Suez  et  de  Gibraltar,  presqu'en  face  de 
Toulon,  et  à  une  faible  distance  du  port  de  Malte  que  les 
Anglais  ont  transformé  en  un  refuge  imprenable...  Je 
crois  que  l'on  commettrait  une  faute  si  l'on  se  bornait  à 
créer  dans  le  lac  de  Bizerte  un  port  exclusivement  mili- 
taire. Je  suis  d'avis  qu'il  y  faudrait  construire  plutôt  un  port 
mixte  et  franc,  comme  celui  de  Malte.  En  gens  pratiques, 
les  Anglais  ne  se  sont  pas  contentés  d'accumuler  à  Malte 
tous  les  moyens  de  défense  et  l'outillage  nécessaires  à  un 
port  de  guérie  ;  ils  ont  également  fait  tout  ce  qu'ils  ont  pu 
pour  y  attirer  les  commerçants  et  les  navires.  Ils  n'y  ont 


I,F,S  ROUTES,  LES  CHEMINS  HE  FER  ET  LES  PORTS    245 

établi  aucune  douane;  ils  en  uni  l'ail  une  sorte  d'entrepôt 
oii  les  navires  apportent  et  viennent  prendre  des  niarclian- 
dises  de  toutes  sortes  sans  avoir  à  payer  autre  chose  que 
les  frais  les  plus  ordinaires  des  ports.  Grâce  à  ce  système, 
les  navires  ayant  toujours  l'espoir,  je  dirais  volontiers  la 
certitude  de  rencontrer  à  Malte  des  embarquements  à 
l'aire,  presque  tous  ceux  qui  passent  par  celte  partie  de  la 
Méditerranée  v  font  escale.  Ils  y  trouvent,  avec  les  mar- 
chandises et  les  passagers,  du  charbon  à  meilleur  marché 
qu'à  Marseille  et  presque  au  même  prix  qu'en  Angleterre 
ou  à  Anvers. 

((  Port  de  g'uerre  de  premier  ordre  par  son  admirable 
situation,  son  étendue  et  les  fortifications  naturelles  ou 
artificielles  qui  l'entourent.  Malte  est  devenue,  grâce  au 
système  dont  nous  venons  de  tracer  l'esquisse,  l'un  des 
ports  de  commerce  les  plus  fréquentés. 

«  Ce  que  les  Anglais  ont  fait  à  Malte,  les  intérêts  politi- 
ques et  commerciaux  de  la  France  exigent  qu'elle  le  fasse 
à  Bizerte,  et  elle  peut  le  faire  avec  la  certitude  d'en  tirer 
les  mêmes  avantages  que  les  Anglais  ont  retiré  du  port 
■  de  Malte. 

«  Au  point  de  vue  géographique,  Bizerte  n'a  rien  à  envier 
à  Malte.  Comme  Malte,  Bizerte  est  située  sur  la  route  de 
tous  les  navires  qui  vont  à  Gibraltar  ou  à  Suez.  Le  port 
naturel  de  la  seconde  est  encore  plus  vaste  que  celui  de  la 
première,  et  il  est  beaucoup  plus  facile  à  aménager,  à  cause 
de  la  nature  des  terrains  qui  l'entourent.  A  Malte,  c'est  dans 
la  roche  vive  qu'il  a  fallu  creuser  ;  à  Bizerte,  tout  est  sable 
ou  terrain  meuble.  Quant  à  la  sûreté,  Bizerte  est  supérieur 
à  Malte  en  ce  que  Malte  n'a  pas  de  rade,  tandis  que  Bizerte 
offre  aux  navires  qui  l'abordent  la  magnifique  rade  natu- 
relle que  forme  son  golfe.  Bizeite  a  encore  sur  Malte 
un  autre  avantage  important.  Le  port  de  Malte  est  creusé 
dans  une  île  à  peu  près  improductive,  tellement  aride 
qu'autrefois  on  n'y  laissait  pas  aborder  les  navires  s'ils 
n'apportaient  pas  une  certaine  quantité  de  terre  végétale. 
Bizerte,  au  contraire,  est  placée  au  centre  d'un  pays  d'une 
extrême  richesse,  propre  à  toutes  les  cultures,  aisément 


240  LA    TUNISIE 

leliable  aux  parties  les  plus  féconrles  de  la  Tunisie.  Les 
navires  seraient  donc  assurés  d'y  trouver  non  seulement 
les  marchandises  de  transit,  mais  encore  les  produits  de  la 
Tunisie  et  des  portions  voisines  de  l'Alg^érie. 

«  Pour  ces  motifs,  je  considère  la  création  d'un  port 
mixte,  à  la  fois  militaire  et  commercial,  à  Bizerte.  comme 
l'une  des  œuvres  dont  le  gouvernement  beylical  et  surtout 
les  autorités  françaises  de  Tunis  doivent  le  plus  se  préoc- 
cuper. Mais  J'insiste  sur  le  caractère  de  franchise  qu'il 
faudrait  donner  au  port  de  Bizerte.  C'est  seulement  en  y 
accordant  aux  marchandises  de  transit,  et  particuliè- 
rement au  charbon,  la  plus  entière  liberté  d'entrée  et  de 
sortie  que  l'on  donnerait  à  ce  port  toute  sa  valeur.  » 

La  côte  septentrionale  de  la  Tunisie  présente  un  deuxième 
port  dont  j'estimais,  en  1887,  que  le  Protectorat  devrait 
s'occuper.  Je  disais  à  son  sujet  :  «  Protégé  par  l'île  de  ce 
nom,  le  petit  port  de  Tabarka  est  le  lieu  naturel  d'embar- 
quement des  produits  d'exportation  de  la  Kroumirie,  c'est- 
à-dire  des  bois  et  des  minerais  qui  font  la  richesse  de  cette 
portion  de  la  Tunisie.  Actuellement,  cette  petite  ville  où 
vivent  250  Européens  seulement,  en  majeure  partie  fran- 
çais, est  entièrement  isolée  de  tout  le  reste  de  la  Régence. 
Aucune  route  ne  la  relie  à  aucun  centre  de  population; 
pendant  l'été,  on  suit  des  sentiers  peu  praticables  ;  pen- 
dant l'hiver,  les  torrents  qui  coupent  ces  sentiers  en 
cent  endroits  rendent  toute  communication  impossible. 
Les  habitants  demandent,  avec  raison,  que  les  autorités 
beylicales  et  françaises  mettent  fin  à  cet  état  de  choses  ; 
je  ne  puis  quem'associer  au  vœu  très  légitime  qu'ils  m'ont 
transmis  à  ce  sujet  ».  J'ajoutais  qu'il  était  nécessaire 
d'améliorer  le  port  en  raison  des  services  qu'il  serait 
appelé  à  rendre  le  jour  où  l'exploitation  des  mines  et  des 
forêts  de  la  Kroumirie  prendrait  de  l'importance. 

En  1907,  M.  Gaston  Loth  parlant  de  Tabarka  disait*: 
«  Depuis  deux  ans,  les  conditions  de  viabilité  de  la  région 
kroumirienne  se  sont  sensiblement  améliorées  et  l'on  peut 

1.  I.ûc.  cit.,  p.  L>23. 


LES    HOUTKS,    LES    CHEMINS    Dr-,    FER    ET    LES    PORTS  247 

aujourdhui.  de  Tunis,  gagner  en  ('liemin  de  Ter  Béja.  se 
l'endre  de  cotte  ville  à  Tabarka  pai'  une  bonne  route,  puis, 
de  là,  emprunlani  l'ancienne  voie  mililaire,  aboutira  Souk- 
eKArba,  où  l'on  retrouve  la  voie  ferrée  ».  Après  avoii* 
décrit  la  pittoresque  région  où  s'élèvent  les  forets  de  cbenes- 
lièges  et  de  cbénes-zen  de  la  Kroumirie  et  où  se  dressent 
les  bâtiments  de  l'exploitation  minière  de  Khanguet-Kef- 
Tout.  il  ajoutait  :  «  Le  point  du  littoral  où  sont  embarqués 
les  lièges  et  les  bois  provenant  des  forets  kroumiriennes 
est  la  petite  ville  de  Tabarka,  la  «  Thabraca  »  romaine,  où 
l'on  découvrit  il  y  a  quelques  années  les  curieuses  mo- 
saïques qui  ligurent  dans  les  collections  du  Bardo.  Simple 
village  de  pêcheurs,  situé  à  l'abri  de  la  montagne,  sur  une 
étroite  lisière  bordant  la  mer,  Tabarka  compte  un  millier 
d'habitants,  à  peu  près  tous  Européens.  Le  quart  seule- 
ment de  cette  population  est  français,  le  reste  se  composant 
presque  exclusivement  de  pécheurs  italiens  dont  le  nombre 
s'accroît  pendant  Tété,  car  plusieurs  centaines  de  bateaux 
siciliens  viennent  pêcher  la  sardine  et  l'anchois  dans  le 
voisinage  des  côtes.  A  cette  industrie  de  la  pèche,  Tabarka 
n'ajoute,  pour  l'instant,  aucune  autre  ressource.  C'est  à 
peine  si  l'on  commence  à  coloniser  la  vaste  plaine  qui 
l'avoisine  et,  malgré  les  désirs  de  ses  habitants,  il  est  peu 
probable  que  le  produit  des  mines  vienne  jamais  s'embar- 
quer à  Tabarka  ». 

Les  prévisions  de  M.  Loth  ont  été  réalisées.  Les  mines, 
sauf  celles  de  Khanguet,  n'ont  pu  user  du  port  de 
Tabarka  et  rien  n'a  été  fait  pour  permettre  à  ce  port  de  se 
développer.  Il  n'est  point  douteux,  cependant,  qu'il  est  le 
mieux  situé  de  toute  la  côte  pour  desservir  toute  la  région 
(le  la  Kroumirie.  11  subit  les  conséquences  de  la  manière 
dont  les  travaux  des  ports  ont  été  exécutés  dans  la  Régence, 
Les  sociétés  qui  ont  obtenu  le  monopole  de  ces  travaux 
dans  les  ports  de  Bizerte  et  de  Tunis,  pour  ne  parler  que 
des  plus  voisins  de  la  Kroumirie  ont  intérêt  à  ce  que  le 
plus  grand  nombre  des  navires  fréquentant  la  Régence 
soient  obligés  de  se  rendre  à  Tunis  ou  à  Bizerte.  Le  Pro- 
tectorat, d'autre  part,  ayant  avantage  à  ce  que  les  ports 


248  LA    TUNISJF, 

qu'il  a  concédés  à  des  sociétés  privées  fassent  le  plus  de 
recettes  possible,  se  désintéresse  de  tous  les  autres.  Or, 
il  ne  me  paraît  certain  que  la  Tunisie,  envisagée  dans 
son  ensemble  et  du  point  de  vue  économique,  ait  intérêt  à 
ce  que  ses  grands  ports  seuls  soient  fiéquentés.  Il  est  permis 
de  constater,  d'après  les  statistiques  officielles  dont  je 
parlerai  plus  bas,  que  ces  grands  ports  sont  depuis  plu- 
sieurs années  dans  une  situation  stationnaire,  tandis  que 
les  petits  ports  conservent  leur  ancienne  clientèle.  Ne 
faut-il  pas  en  conclure  que  ces  derniers  répondent  à  des 
besoins  réels  et  que  l'administration  a  tort  de  les  négliger? 

Sur  la  côte  orientale  de  la  Tunisie  se  trouvent  les  ports 
de  La  Goulette  et  Tunis,  Sousse,  Monastir,  Mahdia,  Sfax 
Gabès,  Houmt-Souk  (île  de  Djriba)  et  Zarzis.  Il  me  paraît 
intéressant  d'analyser  ici,  à  titre  historique,  ce  que  je 
disais  de  ces  ports  dans  la  première  édition  de  cet  ouvrage. 

La  ville  de  Tunis  est  bâtie  dans  le  fond  du  lac  de  ce 
nom,  c'est-à-dire  dans  le  point  le  plus  éloigné  de  la  mer. 
Devant  Tunis,  le  lac  a  une  largeur  d'environ  quatre  kilo- 
mètres ;  il  est  séparé  du  golfe  de  Tunis  par  un  ruban  de 
terre  n'ayant,  dans  sa  partie  la  plus  étroite,  qu'une  cin- 
quantaine de  mètres  de  largeur  et  ouvert  en  un  seul  point 
où  Ton  a  établi  un  pont  de  bateaux  qui  permet  de  faire  à 
pied  sec  tout  le  tour  du  lac.  C'est  à  l'entrée  du  lac,  entre 
celui-ci  et  le  golfe  de  Tunis,  qu'a  été  bâtie  la  petite  ville  de 
la  Goulette.  Elle  est  reliée  à  Tunis  par  un  chemin  de  fer. 
Les  navires  mouillaient  encore  en  1887  devant  la  Goulette, 
à  un  mille  environ  de  terre  ;  on  ne  pouvait  les  charger  et 
les  décharger  qu'à  l'aide  de  chalands  amenés  le  long  du 
bord,  qui  eux-mêmes  chargeaient  et  déchargeaient  à  la 
Goulette,  le  long  d'un  quai  en  bordure  d'un  petit  canal 
reliant  le  golfe  au  lac  de  Tunis.  Ce  dernier  n'ayant  que 
très  peu  d'eau,  de  trente  à  cinquante  centimètres,  à  peine 
un  mètre  dans  les  endroits  les  plus  profonds,  les  petites 
barques  seules  y  pouvaient  pénétrer. 

Il  résultait  de  cet  état  de  choses  que  les  marchandises  à 
destination  de  Tunis  devaient  subir  la  série  des  opérations 
suivantes:  1"  débarquement  des  navires  dans  les  chalands 


LES    ROUTES.    LES    CHEMINS    DR    FER    ET    LES    PORTS  249 

en  plein  golfe,  et  sans  abri  contre  les  vents  ou  la  mer,  ce 
qui  faisait  que  le  déchargement  était  souvent  impossible 
pendant  des  journées  entières;  2"  débarquement  des  cha- 
lands à  la  Goulette;  3°  embarquement  sur  les  w^agons 
et  transport  à  Tunis  par  voie  ferrée  ;  4°  débarquement  des 
wagons  à  Tunis  et  transport  à  laide  des  charrettes  dans 
les  magasins.  Il  est  aisé  de  se  rendre  compte  de  l'impor- 
tance des  frais  dont  les  marchandises  qui  avaient  subi 
tous  ces  transbordements  et  transports  se  trouvaient  gre- 
vées quand  elles  arrivaient  enfin  à  destination. 

L'idée  de  créer  un  port  à  Tunis  devait  donc  tout  natu- 
rellement surgir  dans  l'esprit  des  colons  et  dans  celui  des 
administrateurs  français.  Aussi,  dès  la  fin  de  1881,  une 
convention  était  elle  conclue  entre  le  gouvernement  beylical 
et  une  société  française,  la  compagnie  des  Batignolles,  pour 
la  construction  d'un  port  à  Tunis.  Mais  l'affaire  ne  marcha 
que  lentement.  Tout  le  monde  n'était  pas  d'accord  sur  le 
lieu  où  il  convenait  de  faire  le  port.  On  prétendait  même 
que^quelques  intérêts  s'étaient  opposés  à  sa  construction 
dans  le  but  de  drainer  les  produits  tunisiens  vers  l'Algérie 
et  le  port  de  Bône. 

Quant  au  lieu  le  plus  convenable  à  l'établissement 
du  port,  il  était  fortement  discuté.  Un  certain  nombre 
de  bons  esprits  voulaient  qu'il  fiit  construit  sur  l'emplace- 
ment de  l'ancienne  Garthage,  c'est-à-dire  sur  le  golfe  de 
Tunis,  à  l'abri  de  la  pointe  sur  laquelle  est  bâtie  la  char- 
mante petite  ville  de  Sidi-Bou-Saïd.  Ils  faisaient  valoir  que 
Ion  pourrait  aisément  créer  en  ce  point  un  port  en  eau 
profonde  pouvant  recevoir  les  navires  de  toutes  les  dimen- 
sions, et  beaucoup  plus  rapproché  de  la  grande  mer,  par 
conséquent  plus  facilement  abordable,  qu'un  port  creusé  à 
Tunis  même. 

Les  adversaires  de  ce  projet  objectaient,  non  sans  raison, 
que,  dans  l'intérêt  du  commerce,  les  marchandises  doivent 
toujours  être  apportées  par  les  navires  aussi  près  que  pos- 
sible des  magasins  destinés  à  leur  vente;  qu'en  faisant  le 
port  à  Garthage  ou  à  la  Goulette  on  laisserait  subsister 
une  partie  des  transbordements  et  le  transport  par  chemin 


250  LA     IINISIK 

(le  fei".  Us  ajoutaient  que  la  construction  coûterait  beau- 
coup plus  cher  à  Cartliag:e  (ju'à  Tunis  même,  et  qu'on  ris- 
(|uerait  de  compromettre  les  intérêts  et  l'avenir  de  Tunis 
au  protit  d'une  ville  nouvelle. 

Ces  sentiments  étaient  sans  doute  ceux  de  l'administra- 
tion, car  elle  se  décida  pour  l'établissement  du  port  à 
Tunis  même.  On  creuserait  dans  le  lac  de  Tunis  un  canal 
de  6  m.  50  de  profondeur,  réunissant  le  golfe  à  la  ville,  et 
l'on  construirait  auprès  de  cette  dernière,  dans  la  partie 
la  plus  envasée  du  lac,  un  port  bordé  par  des  quais.  Les 
plus  grands  navires  de  commerce  qui  viennent  à  Tunis 
étant  ceux  de  la  compagnie  transatlantique,  qui  calent 
5  m,  50  en  pleine  charge,  on  estimait  qu'en  donnant  au 
canal  et  au  port  une  profondeur  de  G  m.  oO,  on  satisferait 
largement  à  tous  les  besoins  du  commerce.  Rien,  d'ailleurs, 
n'empêcherait  de  creuser  ultérieurement  le  chenal  et  le 
port  à  une  plus  grande  profondeur. 

Quant  aux  dépenses  prévues  pour  cette  œuvre,  elles 
avaient  d'abord  été  estimées  à  12  millions,  puis  à  16  mil- 
lions de  francs.  Le  9  décembre  1885,  une  convention 
intervint  entre  le  gouvernement  beylical,  représenté  par 
le  Directeur  général  des  travaux  publics  et  la  Compa- 
gnie des  Batisjnolles.  A  la  convention  de  1881  étaient 
substituées  les  stipulations  suivantes  :  dans  le  délai  de 
deux  mois  et  demi,  et  sous  peine  de  déchéance,  la  Compa- 
gnie des  Batignolles  devait  remettre  au  Directeur  général 
des  travaux  publics  le  projet  complet  d'exécution  du  port 
de  Tunis,  dressé  conformément  aux  indications  générales 
d'une  note  annexée  à  la  nouvelle  convention.  Le  projet 
déposé  par  la  Compagnie  devait  être  soumis  au  Conseil 
général  des  ponts  et  chaussées  de  France,  qui  pourrait 
y  faire  toutes  les  modifications  qu'il  jugerait  nécessaires 
ou  utiles,  et  qui  fixerait  les  prix  d'application.  Le  projet 
arrêté  souverainement  par  le  Conseil  serait  notifié  à  la 
Compagnie  des  Batignolles,  qui  devrait  faire  connaître, 
dans  le  délai  d'un  mois,  son  acceptation  ou  son  refus  des 
conditions  imposées  par  le  Conseil  général  des  ponts  et 
chaussées.  En  cas  d'acceptation,  la  Société  des  Batignolles 


LES    ROUTES,    LES    CHEMINS    DE    FER    ET    LES    PORTS  251 

s'engageait  à  exécuter  les  travaux  poui'  le  compte  et  aux 
frais  du  gouvernement  tunisien.  En  cas  de  refus,  le  gou- 
vernement tunisien  se  trouvait  délié  de  loul  engagement 
vis-à-vis  de  la  Société  et  pourrait  pourvoir  à  l'exécution 
du  port  par  tels  moyens  qu'il  jugerait  convenables. 

Dans  cette  convention,  il  y  avait  une  clause  qui  ne  pou- 
vait manquer  de  frapper  l'esprit  :  c'est  l'intervention  sou- 
veraine de  l'administration  des  travaux  publics  de  la  France, 
dans  une  affaire  exclusivement  tunisienne,  car  c'est  la 
Régence  qui  faisait  tous  les  frais  de  l'entreprise.  Est-ce  cette 
intervention  qui  entrava  la  marche  de  l'affaire?  Je  ne  sau- 
rais le  dire  exactement,  mais  en  1887  les  travaux  n'étaient 
pas  encore  commencés,  et  ne  paraissaient  pas  devoir  1  être 
prochainement. 

J'écrivais,  à  ce  propos  dans  la  première  édition  de  ce 
livre  :  «  Je  saisis  volontiers  cette  occasion  pour  mettre  en 
lumière  les  inconvénients  de  l'intervention  des  adminis- 
trations centrales  dans  des  affaires  dont  les  pouvoirs 
publics  des  pays  de  protectorat  devraient  avoir  la  direc- 
tion et  la  responsabilité.  Le  rôle  des  résidents  devient  tout 
à  fait  nul,  si  les  affairés  dont  ils  ont  la  surveillance  et  le 
contrôle  sont  traitées  souverainement  en  dehors  d'eux, 
par  les  bureaux  ou  les  conseils  administratifs  de  la  métro- 
pole, auxquels  manquent  presque  toujours  les  éléments 
nécessaires  à  un  jugement  éclairé.  Les  travaux  publics 
de  la  Tunisie  ont  déjà  beaucoup  souffert  de  cet  état  de 
choses,  et  tout  porte,  malheureusement,  à  croire  qu'ils  en 
souffriront  davantage  encore  dans  l'avenir  ». 

Après  Tunis,  la  ville  qui  avait  le  plus  besoin  d'un  bon 
port  était  celle  de  Sousse.  L'ancienne  Hadrumetum  des 
Romains  est  située  dans  la  partie  sud  du  golfe  d'Hammamet, 
que  limitent,  au  nord  la  pointe  de  Ras  Marmor  et,  au  sud, 
la  pointe  de  Monastir  avec  les  petites  îles  qui  la  prolongent, 

La  ville  de  Sousse  est  bâtie  en  amphithéâtre  sur  une 
petite  colline  dont  le  pied  descend  jusque  dans  la  mer. 
Avec  sa  muraille  blanche,  haute  de  9  à  12  mètres  et  cré- 
nelée, la  ville  produit  un  séduisant  effet.  Elle  peut  être 
considérée  comme  la  capitale  du  Sahel,  le  pays  par  excel- 


252  I.A    TUNISIK 

lence  des  beaux  oliviers.  Elle  forme,  avec  les  nombreux 
el  riches  villages  qui  Fentourent,  le  centre  le  plus  impor- 
tant de  la  Régence  après  Tunis.  iNon  seulement  elle  est 
destinée  à  concentrer  la  majeure  partie  des  produits  du 
Sahel,  mais  encore  elle  est  le  débouché  naturel  de  ceux  de 
TEnfida  et  des  plaines  de  Kairouan.  Quoique  sa  rade  soit 
ouverte  ii  tous  les  vents^  le  mouillage  y  est  sûr,  et  il  est 
rare  que  les  navires  soient  forcés  de  la  quitter  pour  éviter 
des  accidents.  L'ancien  port  était,  en  1886,  en  grande  partie 
ensablé  et  n'était  plus  fréquenté  que  par  quelques  barques 
de  pêcheurs  qui  venaient  s'échouer  sur  la  plage  pour  se 
radouber.  On  voyait  encore,  à  marée  basse,  les  traces 
du  brise-lames  qui  reliait  autrefois  les  deux  batteries  et 
l'on  remarquait  encore  à  terre,  du  coté  de  la  porte  Bab-el- 
Bahr,  des  ruines  que  l'on  disait  être  celles  des  anciens 
murs  du  quai.  La  superficie  abritée  avait  été  de  3  à  5  hec- 
tares. 

Après  l'occupation  française,  le  service  du  génie  cons- 
truisit, pour  les  bains  militaires,  un  appontement  en  char- 
pente, tandis  que  le  service  des  travaux  publics  de  la 
Régence  établissait,  pour  l'usage  du  commerce,  un  second 
appontement  accoté  au  premier  et  muni  d'une  grue  de 
trois  tonnes,  pour  le  débarquement  des  marchandises.  A 
la  suite  de  ces  travaux,  les  barques  des  caboteurs  du  pays 
mouillaient  au  sud  du  môle  de  la  batterie  rasante,  où  elles 
étaient  à  l'abri  de  tous  les  vents,  sauf  ceux  de  la  région 
comprise  entre  le  nord-est  et  le  sud-est  par  l'est.  Lorsque  ces 
derniers  vents  soufflaient  avec  violence,  les  barques  allaient 
se  réfugier  dans  le  fond  sud  de  la  baie,  oii  il  existe  une 
fosse  offrant  des  fonds  de  2  à  3  mètres,  couverts  par  une 
barre  qui  s'est  formée  à  une  faible  distance  de  la  plage  et 
parallèlement  à  elle.  Les  navires  de  fort  tonnage  mouil- 
laient au  large,  à  un  demi-mille  ou  à  trois  quarts  de  mille 
de  terre.  Ils  n'y  étaient  abrités  par  rien  contre  les  vents 
du  nord-est  au  sud-est  par  l'est.  Le  chargement  et  le  dé- 
chargement des  marchandises  s'effectuaient  au  moyen  de 
«  mahones  »  qui  allaient  prendre  les  marchandises  le  long 
du  bord  des  navires  et  les  déchargeaient  à  l'appontement 


LES    ROUTRS,    LES    CHEMINS    DE    FER    ET    LES   PORTS  253 

indiqué  plus  haut.  Mais  les  communications  des  mahones 
avec  les  navires  n'étaient  pas  toujours  faciles  et  occasion- 
naient de  grands  frais.  Aussi  la  population  réclamait-elle 
énergiquement  la  création  d'un  véritable  port. 

Le  port  de  Monastir  n'est  éloigné  de  celui  de  Sousse  que 
de  onze  milles  ;  il  est  moins  important,  mais  mieux  situé, 
abrité  qu'il  est  par  les  îles  Kuriat  et  Egdemsi  contre  tous 
les  vents,  sauf  ceux  de  la  région  nord-est,  par  l'est.  Rien 
n'avait  été  fait  par  l'administration  beylicale  pour  favo- 
riser le  développement  du  commerce  maritime  <le  ce  port, 
dont  le  trafic  annuel  n'était  cependant  pas  inférieur  à 
20.000  tonnes. 

Le  service  des  travaux  publics  du  Protectorat  construisit 
un  appontement  en  charpente  de  76  mètres  de  longueur 
et  de  8  mètres  <le  largeur,  atteignant  les  fonds  de  2"', 50  à 
l'endroit  de  la  plage  où  se  faisaient  d'habitude  les  char- 
gements d'huile  et  où  existait  un  débarcadère  embryon- 
naire formé  de  deux  madriers  reposant  sur  des  chevalets. 
Cet  appontement,  avec  la  grue  dont  on  l'avait  pourvu, 
facilitait  beaucoup  les  opérations  et  était  très  apprécié  par 
le  commerce. 

On  relia  le  port  à  la  ville  par  une  route  empierrée,  de 
8  mètres  de  largeur.  On  construisit  une  cale  à  huile,  une 
douane  et  un  terre-plein. 

J'écrivais  en  1887  :  «  Il  serait  possible  de  créer  un  abri 
ou  un  bassin  fermé  à  Monastir,  et  cette  création  serait 
même  favorisée  par  le  voisinage  des  îles  Egdemsi,  qu'une 
passe  étroite  sépare  du  continent  ». 

Le  port  de  Mahdia  est  situé  dans  un  petit  enfoncement 
au  sud  du  cap  Africa.  La  rade  n'est  pas  sûre  par  les  vents 
d'est,  et  elle  n'est  pas  très  saine.  Il  existe  notamment  un 
plateau  dangereux  de  roches  et  d'herbes  qui  s'avance  assez 
loin  en  mer  et  sur  lequel  il  n'y  a  pas  plus  de  trois  mètres 
d'eau,  mais  les  petits  caboteurs  et  les  embarcations  peuvent 
s'abriter  dans  une  espèce  de  fosse  qui  existe  le  long  de  la 
plage  et  que  couvre  une  barre  naturelle  sur  laquelle  les 
lames  du  large  viennent  se  briser.  Le  port  de  Mahdia  est 
fréquenté  chaque  année  par  un  grand  nombre  de  bateaux 


254  LA    TUNISIE 

siciliens  qui  vicuiieiiL  pocher  la  sardine  sur  les  cotes.  11 
s'y  fait  un  important  commerce  d'huile  d'olive.  Le  service 
des  travaux  publics  y  établit,  aussitôt  après  l'occupation, 
un  quai  de  débarquement  maçonné  de  200  mètres  de  déve- 
loppement avec  une  cale  de  charg-ement  pour  les  huiles, 
et  creusa,  en  avant  de  ce  quai,  un  bassin  d'opération  offrant 
des  fonds  de  l'^^SO  à  marée  basse.  On  y  construisit,  en 
outre,  un  brise-lames  de  260  mètres  de  développement, 
dans  le  but  de  couvrir  la  passe  et  le  mur  de  quai.  On  se 
pi'oposait  d'accoler  plus  tard  à  ce  brise-lames  un  quai  verti- 
cal de  13  à  20  mètres  de  largeur  et  de  draguer  le  bassin 
d'opération  ainsi  que  la  passe  jusqu'aux  fonds  de  2", 50. 

Le  port  de  Sfax  peut  rivaliser  d'importance  avec  celui  de 
Sousse. 

Il  a,  au  point  de  vue  nautique,  un  avantage  sérieux 
sur  ce  dernier,  résultant  de  ce  que  les  opérations  de 
chargement  et  de  déchargement  n'y  sont  jamais  inter- 
rompues par  le  mauvais  temps.  La  rade  est,  en  elfet,  pro- 
tégée du  côté  du  large  par  les  îles  Kerkenah.  Malheureu- 
sement les  grands  fonds  ne  se  trouvent  que  très  loin  de 
terre,  à  quatre  ou  cinq  milles,  ce  qui  rendait  autrefois  l'es- 
cale de  mer  et  les  opérations  de  chargement  et  de  déchar- 
gement très  onéreuses. 

On  commença  en  1885  la  construction  d'un  mur  de  quai 
en  maçonnerie  de  200  mètres  de  longueur,  s'avançant  de 
150  mètres  sur  la  mer  et  au  pied  duquel  il  devait  y  avoir 
2"', 50  d'eau  à  marée  basse.  L'administration  projetait  en 
outre  le  creusement  d'un  bassin  d'opération  et  d'un  chenal 
d'accès. 

Le  port  de  Gabès  n'a  d'importance  qu'au  point  de  vue 
du  ravitaillement  des  troupes  d'occupation  ;  on  y  embarque 
aussi  un  peu  d'alfa.  La  rade  est  ouverte  à  tous  les  vents 
du  large  et  peu  protégée  du  côté  des  terres  parce  que 
celles-ci  sont  très  basses:  aussi  arrive-t-il  fréquemment, 
pendant  l'hiver,  que  les  navires  de  la  Compagnie  transa- 
tlantique soient  obligés  de  partir  sans  avoir  pu  débarquer 
leurs  marchandises,  ni  même  parfois  leurs  passagers.  Le 
port  de  Gahès  est,  sans  contredit,  le  plus  mauvais  de  toute 


LES    ROUTES,    LES    CHEMINS    OE   FER    ET    LES    PORTS  255 

la  côte  tunisienne.  Le  génie  construisit,  en  1885,  un  appon- 
tement  en  bois  de  250  mètres  de  longueur,  qui  s'ensabla 
très  rapidement.  Le  service  des  travaux  publics  avait  pré- 
paré un  projet  en  vue  d'améliorer  l'embouchure  de  loued 
Gabès,  afin  de  permettre  aux  barques  d'aller  se  réfugier 
dans  Toued  lorsque  la  mer  est  mauvaise  et  d'y  faire  au 
besoin  leurs  opérations.  Mais,  quoi  qu'on  fasse,  on  n'arri- 
vera jamais  à  faire  de  Gabès  un  port  même  passable. 

Le  port  de  Houmt-Souk  (île  de  Djerba)  se  trouve  à  peu 
près  dans  les  mêmes  conditions  nautiques  que  celui  de 
Sfax.  Le  mouillage  est  sûr,  mais  encore  plus  loin  de  terre, 
à  neuf  ou  dix  milles  environ.  Aussitôt  après  l'occupation 
on  améliora  un  peu  la  situation  en  construisant  un  appon- 
tement  métallique  le  long  duquel  les  barques  peuvent  opé- 
rer facilement.  On  avait  projeté  le  creusement  d'un  chenal 
d'accès  et  d'un  bassin  d'opération,  mais  ces  ouvrages 
n'ont  pas  été  exécutés. 

Le  port  de  Zarzis,  peu  fréquenté,  si  ce  n'est  par  les  cabo- 
teurs du  pays  et  par  les  pêcheurs  d'épongés,  pourrait  être 
aisément  amélioré.  Il  est  protégé  par  un  brise-lames  natu- 
rel semblable  à  celui  de  Mahdia,  sur  lequel  il  serait  aisé 
de  construire  une  jetée.  La  rade  est  bonne  et  les  navires 
peuvent  mouiller  à  un  demi-mille  seulement  de  terre. 

I  TIL  —  Les  travaux  des  ports  exécutés 
PAR  LE  Protectorat 

Jules  Ferry,  à  qui  la  France  doit  la  Tunisie,  était  d'avis 
de  créer  à.  Bizerte  un  grand  port,  à  la  fois  militaire  et 
commercial,  en  mettant  le  lac  en  rapport  direct  avec  la 
mer,  ainsi  qu'il  est  dit  plus  haut.  Mais  il  était  arrêté  dans 
l'exécution  de  ce  projet  par  une  opposition  très  vive 
de  la  Grande-Bretagne.  Les  Anglais  redoutaient  à  la  fois 
l'importance  militaire  que  la  France  acquerrait  dans  le 
centre  de  la  Méditerranée  par  la  création  d'un  port  mili- 
taire situé  entre  Gibraltar  et  l'Egypte,  presqu'en  face  de 
Malte,  et  la  concurrence  que  ce  port  pourrait  faire  à  Malte 
au  point  rie  vue  commercial.  En  1887,  lorsque  je  publiai 


256  LA    TUNISIE 

les  lignes  citées  plus  haut,  nous  possédions  la  Tunisie 
depuis  six  ans  et  nous  n'avions  encore  rien  fait  à  Bizerte. 
C'est  seulement  en  1888  que  Jules  Ferry  tourna  la  difticulté 
au  moyen  d'une  convention  qui  remettait  à  une  compagnie 
privée  le  soin  de  créer  un  port  exclusivement  commercial. 

Les  travaux  de  ce  port  furent  exécutés  par  MM.  Cou- 
vreux  et  Hersent,  auxquels  fut  substituée  plus  tard  la 
Compagnie  du  port  de  Bizerte,  en  vertu  d'un  contrat  entre 
ces  entrepreneurs  et  le  gouvernement  français,  en  date 
du  11  novembre  1889,  sanctionné  par  décret  beylical  du 
17  novembre  1800.  L'acte  de  concession  du  gouvernement 
tunisien  visait  «  le  droit  exclusif  de  construire  à  côté  du 
port  actuel  de  Bizerte  et  d'exploiter  un  port  commercial 
susceptible  de  recevoir  les  navires  d'un  grand  tirant 
d'eau  ». 

Les  travaux  qui  ont  été  exécutés  jusqu'à  ce  jour  com- 
prennent :  l*"  un  avant-port  dont  la  surface  atteint  86  hec- 
tares et  qui  a  été  dragué  à  la  profondeur  de  10  mètres 
sur  une  étendue  d'environ  40  hectares  ;  2"  deux  jetées 
limitant  cet  avant-port;  l'une  au  nord  construite  dans  le 
prolongement  de  la  petite  jetée  de  l'ancien  port,  longue 
de  1.200  mètres;  l'autre  à  l'est,  longue  de  900  mètres; 
toutes  les  deux  construites  en  enrochement  ;  3"  en  avant 
des  jetées,  une  jetée-abri,  longue  de  609  mètres,  dirigée 
obliquement  du  nord-ouest  au  sud-est,  également  cons- 
truite en  enrochement  Entre  ses  extrémités  et  celles  des 
jetées,  des  passages  de  320  mètres,  au  nord-ouest,  et  de 
680  mètres,  au  sud-est,  sont  ménagés  pour  le  passage  des 
navires  ;  4°  entre  l'avant-port  et  le  lac,  il  a  été  creusé  un 
canal  long  de  2.300  mètres,  large  de  200  mètres  ou  pla- 
fond, profond  de  10  mètres,  conduisant  d'abord  dans  les 
petites  baies  de  Sébra,  de  Ponty  et  de  Séti-Mériem  qui  sont 
en  avant  du  lac,  et  ensuite,  en  s'élargissant,  dans  le  lac 
lui-même;  3°  dans  le  prolongement  du  canal,  il  a  été 
creusé,  à  travers  le  lac,  un  chenal  de  10  mètres  de  pro- 
fondeur jusqu'aux  fonds  naturels  de  10  mètres  ou  plus, 
et,  au  delà  de  ces  fonds,  jusqu'à  la  darse  de  Sidi-Abdallah; 
6"  dans  le  fond  du  lac,  on  a  construit  l'arsenal  de  Sidi- 


LES  ROUTES,  LES  CHEMINS  DE  FER  ET  LES  PORTS    257 

Abdallah  et  une  darse,  entourée  de  jet«îes,  ayant  îiO  luictares 
de  surface.  Les  navires  s'y  abritent  par  mauvais  temps. 
Sur  les  bords  de  la  darse,  on  a  creusé  trois  bassins  de 
radoub  dont  l'un  a  90  mètres  de  longueur  et  les  autres 
200  mètres  ;  7"  dans  la  baie  de  Sébra,  on  est  en  train  d'or- 
ganiser le  port  de  commerce,  de  numière  à  rendre  entiè- 
rement libre  le  canal  sur  les  bords  duquel  se  sont  faits 
jusqu'à  ce  jour  les  opérations  d'embarquement  et  de 
débarquement  de  la  navigation  commerciale  ;  8°  dans  la 
baie  Ponty  (ancienne  baie  Sans-nom),  et  dans  la  baie  de 
Séti-Mériem,  qui  touche  à  la  première,  on  a  installé  la 
défense  mobile,  la  défense  fixe,  et  divers  services  de  la 
marine  de  guerre  ;  9°  on  a  bâti,  sur  le  front  de  mer,  des 
batteries  qui  rendent  le  port  imprenable  du  côté  de  la  mer  ; 
10°  l'arsenal  a  été  mis  en  relation  avec  le  chemin  de  fer 
de  Bizerte  à  Tunis  par  une  voie  ferrée  de  5  kilomètres  de 
longueur. 

Dans  l'état  qui  résulte  de  ces  travaux,  le  port  militaire  de 
Bizerte  peut  rendre  des  services  i1?otables  à  notre  flotte  de 
la  Méditerranée;  mais  il  est  très  insuffisant.  La  concen- 
tration dans  la  Méditerranée  de  nos  trois  escadres  et  de  nos 
plus  forts  croiseurs  cuirassés  exige  que  des  améliorations 
considérables  soient  introduites  dans  toutes  les  parties  du 
port  de  Bizerte,  car  Toulon  est  hors  d'état  de  log'er  tous 
ces  navires.  C'est  à  peine  s'il  peut  donner  un  asile  sûr  à 
deux  escadres  cuirassées  et  à  l'escadre  légère.  La  troisième 
escadre  cuirassée  devra  être  placée  à  Bizerte.  Or,  actuelle- 
ment, ni  le  port  ni  l'arsenal  de  Bizerte  ne  sont  en  état 
d'abriter,  de  ravitailler,  d'entretenir  et  de  réparer  une 
escadre. 

Les  travaux  d'amélioration  qu'il  est  indispensable  d'y 
I  exécuter  le  plus  tôt  possible,  sont  :  1"  l'approfondissement 
à  12  mètres  de  l'avant-port,  du  canal  d'accès  au  lac  et  du 
chenal  qui  traverse  le  lac  pour  aboutir  à  la  darse  de  Sidi- 
Abdallah  ;  2"  l'élargissement  du  canal,  dont  les  200  mètres 
au  plafond  sont  insuffisants  pour  les  super-dreadnoughts  ; 
3"  l'organisation  des  ateliers  et  magasins  de  l'arsenal  de 
Sidi-Abdallah,  en  vue  de  l'entretien,  des  réparations,  du 

J.-L.  De  Laness.\n.  —  La  Tunisie.  17 


2o8  i,A   ruNisii': 

lavitailk'ment,  elc,  dune  escadre,  et  des  besoins  divers 
<jue  pourrait  avoir  l'armée  navale  de  la  Méditerranée  en 
temps  de  j^uerre,  si  elle  était  obligée  de  se  réfugier  dans 
le  lac  de  Bizerte  :  i"  la  construction  immédiate  de  deux 
bassins  de  radoub  de  250  mètres,  40  mètres  de  large  et 
\  1  mètres  de  profondeur  prévus  au  programme  naval 
1910-1912.  D'après  les  prévisions  du  programme,  l'une  de 
ces  formes  ne  sera  terminée  qu'en  1918  et  l'autre  en  1920. 
Il  serait  indispensable  de  pousser  ces  travaux  pour  qu'ils 
fussent  achevés  beaucoup  plus  tôt  qu'à  ces  deux  dates  ; 
5"  la  protection  de  l'arsenal  de  Sidi-Abdallali  du  côté 
de  la  terre,  de  manière  à  rendre  impossibles  les  atta- 
ques dont  il  pourrait  être  l'objet  à  la  suite  d'un  débarque- 
ment dans  la  baie  de  Porto-Farina,  qui,  elle-même, 
n'est  pas  protégée  ;  0°  l'outillage  du  port  de  commerce, 
en  vue  non  seulement  des  besoins  de  la  navigation  com- 
merciale, mais  encore  des  nécessités  du  ravitaillement  de 
la  flotte  de  guerre. 

Il  faut  que  la  marine  de  guerre  puisse  trouver  à  Bizerte 
(lu  charbon  en  abondance,  des.  vivres,  des  munitions,  etc. 
Pour  que  ces  matières  puissent  être  mises  à  sa  disposition 
sans  gros  frais,  il  faut  que  la  navigation  commerciale 
apportant  à  Bizerte  ces  matières,  y  trouve  un  fret  de  retour. 
Celui-ci  pourrait  facilement  être  représenté  par  des  mine- 
rais de  fer  ou  de  zinc  et  des  phosphates,  si  les  gisements 
étaient  mis  en  relations  faciles,  par  voies  ferrées,  avec 
notre  grand  port  tunisien.  On  a  rappelé  souvent  qu'à 
l'époque  des  incidents  de  Fachoda,  en  1898,  la  place  de 
Bizerte  était  dépourvue  de  charbon,  de  blé,  de  viande,  etc. 
Il  est  indispensable  de  créer  des  usines  pour  la  conser- 
vation des  viandes,  des  magasins  pour  les  approvision- 
nements de  munitions. 

Les  ports  de  Tunis,  de  Sousse  et  de  Sfax  ont  été  consi- 
dérablement améliorés  dans  les  directions  que  j'indiquais 
en  1887  d'après  les  indications  des  intéressés  et  des  ser- 
vices du  Protectorat.  Les  travaux  «  firent  l'objet  d'une 
convention  au  profit  d'une  seule  société  concessionnaire, 
à  qui  le  gouvernement  tunisien  fît   remise  de  ces   trois 


LES    KOUTES,    LES    CHEMINS    DE    FEI\    ET    LES    l'ORTS  25'J 

ports  pour  une  clui'ée  de  quarante-scpl  années  à  dater  du 
12  avril  1904,  en  lui  garantissant  pour  le  capitaJ  de  pre- 
mier établissement  un  revenu  annuel  de  425  000  francs'  ». 
Le  port  de  Tunis  fut  établi  dans  les  terrains  marécageux 
qui  s'étendaient  entre  la  ville  indigène  et  le  lac,  derrière 
le  quartier  européen  dont  la  construction  fut  commencée 
aussitôt  après  l'établissement  de  notre  protectorat.  Il  fut 
inauguré  le  28  mai  1893.  11  se  composait  alors  d'un  bassin 
d'opérations  de  300  mètres  de  large  et  400  mètres  de  long, 
creusé  à  6", 50  de  profondeur,  et  relié  à  la  baute  mer,  au 
niveau  de  la  Goulette,  par  un  canal  long  de  10  kilomètres, 
large  de  30  mètres  au  plafond,  profond  de  6'", 50.  Les  quais 
en  maçonnerie  et  pavés  en  bois  ont  une  longueur  de 
GOO  mètres.  Une  somme  de  17  millions  350.000  francs, 
dont  13  millions  payés  par  le  Protectorat  fut  consacrée  à 
ces  travaux.  Plus  tard,  on  creusa  deux  autres  bassins, 
dont  un  pour  les  voiliers  et  un  autre  pour  les  navires  qui 
viennent  prendre  les  phosphates.  A  la  Goulette,  on  cons- 
truisit des  quais  le  long  du  canal.  «  En  1904,  le  nombre 
des  passages  a  été  de  71.195,  et  les  exportations  ou  impor- 
tations se  sont  élevées  à  450.000  tonnes,  l'eprésentant 
un  mouvement  de  plus  de  3.970  navires.  A  l'entrée,  on 
Irouve  des  céréales  de  toute  nature,  farines  et  semoules, 
vins  et  spiritueux,  fer,  houille,  tissus  de  coton  e.t  toiles  ; 
à  la  sortie,  des  blés  et  de  l'orge,  des  huiles  d'olive  et  de 
grignon,  des  vins,  des  phosphates  et  des  minerais.  Les 
importations  du  port  de  Tunis  ont  doublé  de  valeur 
de  1893  à  1899.  Les  exportations  ont  oscillé  sans  ten- 
dance marquée'  ».  En  1912,  d'après  les  statistiques  offi- 
cielles, le  port  de  Tunis-La  Goulette  fut  fréquenté  par 
44.526  navires,  jaugeant  3.406.600  tonnes,  et  transportant 
1.602.672  tonnes  de  marchandises,  99.670  passagers  et 
75.919  têtes  de  bétail.  De  1904  à  1912,  le  mouvement  de 
ce  port  a  donc  notablement  augmenté,  sans  préjudice 
pour  d'autres  ports. 

1.  (ia.slon  Loth,  Loc.  cil.,  \>.  1:27. 

2.  Ibid.,  p.  213. 


2(50  LA    TUNISIE 

Le  porl  de  Sousse  fui    inauguré  le  25  avril  1899.  11  est 
situé  en  avant  de  la  ville  européenne  qui  a  été  construite 
entre  la  vieille  cité  tunisienne  et  la  mer.  Il  se  compose 
d'un  bassin   d'opérations    long   de   350   mètres,  large    de 
400   mètres    et   profond   de   6'"50.    Sa    superficie    couvre 
14  hectares.  Il  est  protégé  contre  les  vents  par  une  jetée 
longue  de   670    mètres    abritant    deux   autres   digues  de 
256  et  658  mètres  entre  lesquelles  est  ménagé  un  passage 
large  de  70  mètres  pour  l'entrée  et  la  sortie  des  navires. 
«  Sousse,  disait  M.  G.  Loth  en   1907 \  étant  le  débouché 
naturel  de  toute  la  Tunisie  du  centre,  le  mouvement  des 
marchandises   s'est    élevé    dès    les    premières   années  à 
84,000  tonnes.  Le  nombre  des  passagers  a  été  annuelle- 
ment  de    7  à  8.000    » .   L'importance   de  ce  mouvement 
s'est  maintenu  »  En  1912,  d'après  la  statistique  officielle, 
le   nombre   des   navires  ayant  fréquenté    ce   port  fut  de 
2.037,  représentant  974.088  tonneaux  de  jauge,  et  trans- 
portant 296.958  tonnes  de  marchandises,  44.087  passagers 
et  696  tètes  de  bétail.  Les  négociants  du  Sahel  importent 
par  ce  port  des  céréales,  des  farines  et  semoules,  des  vins  et 
spiritueux  et  des  tissus  de  coton  ;  ils  exportent  du  blé  et 
de  l'orge,  des  huiles  d'olives  et  des  grignons  manufacturés 
dans  les  faubourgs  de  la  ville  européenne. 

Le   port  le  plus  important   de  la  côte  orientale   de   la 
Tunisie  est  celui  de  Sfax.  La  ville,  bâtie  dans  une  vaste 
plaine  où  abondent  les  jardins  et  les  ouvriers,  compte  plus 
de  50.000  habitants,  dont  5.000  Européens  parmi  lesquels 
figurent  environ  1.500  Français.  Le  quartier  européen  a  été 
en  partie  gagné  sui*  la  mer.  Le  nouveau  port  fut  inauguré 
le  25  avril  1897.  Il  comprend  :  un  bassin  d'opérations  de 
10   hectares,   creusé    à    6"'50,   avec   des  quais    longs    de 
594    mètres  ;   un  chenal  de    même    profondeur,  long  de 
3  kilomètres;  des  darses  pour  la  petite  batellerie,  ayant 
l'une  1.200  mètres  et  l'autre  5.600   mètres  de  superficie, 
desservies  par  des  chenaux  spéciaux.  M.  G.  Loth  disait  en 
1907  -  :  «  Les  exportations,  limitées  d'abord  aux  huiles,  aux 

1.  Loc.  ciL,  p.  234. 

2.  Loc.  cit.,  p.  239. 


I.KS  KOUTKS.  LRS  CHI'.MINS  I»K  FI.R  RT  LES  PORTS    2tH 

céréales  el-  aux  alfas,  ont  brusquenienl  passé  de  25.000 
en  1898,  à  85.000  tonnes  en  1899,  année  où  commença 
l'exploitation  des  phosphates  de  chaux  de  Gafsa  et  à  500.000 
tonnes  en  1904.  Aux  importations,  on  trouve  des  céréales  de 
toute  nature,  des  farines  et  semoules,  des  vinsetspii-itueux, 
enfin  de  la  houille.  Il  est  à  remarquer  que  les  importations 
ont  plus  que  doublé  de  valeur  de  1892  à  1904.  L'ensemble 
du  mouvement  n'a  pas  été  moindre  de  639.254  loimes  à 
l'entrée  et  à  la  sortie  en  1905.  Le  nombre  des  passagers  a 
atteint  15.115  pendant  la  même  période  ».  La  statistique 
officielle  pour  1912  donne  des  chiffres  supérieurs  à  ceux- 
là.  Le  nombre  des  navires  ayant  fréquenté  le  port  fut  de 
5.005,  représentant  1.940.075  tonneaux  de  jauge  et  ayant 
transporté  1.398. 058  tonnes  de  marchandises,  15.934  passa- 
gers et  425.616  têtes  de  bétail.  Le  port  de  Sfaxestun  centre 
important  de  pêche.  Plus  de  450  barques  le  fréquentent 
d'une  façon  régulière.  Pendant  la  péi'iode  de  la  pêche  des 
éponges,  il  reçoit  en  outre  «  une  quarantaine  de  sakolèves 
grecques,  300  bateaux  siciliens  et  350  barques  tunisiennes. 
Cette  population  maritime  représente  environ  3.000  âmes 
s'approvisionnant  dans  la  ville  et  y  apportant  les  produits 
de  leur  pêche  ^  ». 

Il  est  impossible  de  ne  pas  être  frappé  de  l'augmentation 
qui  s'est  produite  dans  le  trafic  des  trois  ports  de  Tunis, 
de  Sousse  et  de  Sfax  de  1904  à  1912.  La  poussée  provo- 
quée dans  le  mouvement  de  la  navigation  de  ces  ports 
par  l'entrée  en  service  de  leurs  bassins  et  de  leur  maté- 
riel de  déchargement  et  de  chargement  semble  avoir  joué 
un  rôle  important  dans  leurs  mouvements  maritimes. 

En  dehors  de  Bizerte,  Sfax,  Tunis-La  Goulette  et 
Sousse,  les  ports  tunisiens  ne  reçoivent  que  de  très  petits 
bâtiments  ou  des  bateaux  de  pêche,  en  raison  du  faible 
tirant  d'eau  qu'ils  présentent  ou  de  la  distance  à  laquelle 
les  bâtiments  de  «randes  dimensions  sont  obligés  de 
mouiller.  D'après  la  statistique  officielle  pour  1912,  nous 
citerons   :    Houmt-Souk  dans    l'île   de   Djerba    qui    i-eçut 

1.  Ibid.,  p.  l'o'J. 


262  LA    TUNISIK 

1.038  navires  ou  barques  avec  13.741  tonnes  de  marchan- 
«lises  ;  Gabès  qui  rerut  837  navires  avec  15.410  tonnes  de 
marchandises;  Zarzis  qui  en  reçut  7o3  avec  1.72;i  tonnes 
de  marchandises  ;  Mahdia  qui  on  reçut  671  avec  3.610  tonnes 
(le  niai'chandises  ;  Monastir*  (jui  en  reçut  581  avec 
5.808  tonnes  de  marchandises. 


§  IV.  —  Travaux  des  routes  et  chemins  de  fer  exécutés 

PAR  le  protectorat 

Les  vœux  que  j'exprimais  en  1887  au  sujet  des  routes 
et  des  chemins  de  fei'  ont  été  réalisés  beaucoup  plus  rapi- 
dement et  beaucoup  plus  complètement  qu'il  n'était  permis 
de  le  supposer  à  cette  époque.  Des  routes  de  grand  par- 
cours relietit  aujourd'hui  tous  les  centres  de  population 
importants  de  la  côte,  depuis  Bizerte  jusqu'à  Tabarka 
d'une  part,  depuis  Bizerte  jusqu'à  Zarzis  et  Foum 
Tatahouine  de  l'autre.  Des  routes  de  même  nature  relient 
aussi  toutes  les  localités  principales  du  nord  de  la  Régence 
au-dessus  du  parallèle  de  Kairouan.  Dans  le  nord,  c'est-à- 
dire  dans  la  partie  où  se  développe  la  colonisation,  un 
très  grand  nombre  de  routes  de  movenne  et  petite  communi- 
cation relient  les  centres  principaux  aux  centres  secondaires 
en  assurant  aux  régions  colonisées  des  relations  faciles  avec 
les  grandes  routes  ou  les  voies  ferrées.  Dans  le  centre  et 
le  sud.  on  n'a  fait  encore  que  tracer  les  routes  de  grande 
communication,  mais  il  a  été  construit  des  voies  ferrées 
qui  assurent  les  principaux  besoins  de  la  colonisation. 

Le  vœu  que  j'exprimais  en  1887  relativement  à  la  pré- 
férence à  donner,  en  Tunisie,  aux  chemins  de  fer  sur  les 
routes  a  été  pleinement  réalisé.  Toutes  les  grandes  dépres- 
sions géographiques  de  la  Régence  sont  aujourd'hui  par- 
courues par  des  voies  ferrées.  Celles-ci,  comme  les 
dépressions  géographiques  elles-mêmes,  sont  toutes  diri- 
gées du  sud-ouest,  c'est-à-dire  des  frontières  de  l'Algérie, 
vers  le  nord-est,  c'est-à-dire  la  mer,  et  toutes  aboutissent 
à  un  port.  Ce  sont,  du  nord  au  sud  :  la  ligne  de  Bizerte  à 
Tabarka;  celle  de  Nébeur  à  Bizerte;  celle  de  Ghardimaou 


LES  ROUTES,  LES  CHEMINS  DE  FER  ET  LES  PORTS    263 

à  Bizerte  d'une  part,  en  empruntant  une  partie  de  la  ligne 
précédente  et  à  Tunis  de  l'autre,  entièrement  en  exploita- 
tion; celle  de  Kalaâ-Djerda  à  Tunis  dont  cinq  embranche- 
ments desservent  diverses  mines,  le  Kef,  Zaghouan  et  la 
Goulette;  celle,  plus  au  sud,  de  Henchir-Soualir  à  Sousse  ; 
celle,  encore  plus  au  sud,  de  Malaoui,  Tozeur  et  Sfax. 

Toutes  ces  lignes  sont  reliées  les  unes  aux  autres,  au 
niveau  de  leurs  aboutissements  à  la  mer,  par  une  ligne 
côtière  qui,  partant  de  Bizerte,  touche  successivement,  du 
nord  au  sud  :  Mateur,  Tunis,  Bir-Bou-Kebba  à  la  base  de 
la  presqu'île  du  cap  Bon,  Sousse,  Sfax  et  Gabès,  avec 
embranchement  de  Fondoux-Djedid  à  Mendel-Bou-Zelfa, 
de  Bir-Bou-Kebba  à  Nabeul,  et  de  Sousse  à  Mahdia. 

11  importe  de  noter  que  «  aucun  point  du  territoire 
n'est  à  plus  de  20  kilomètres  d'une  ligne  ferrée  dans  le 
nord,  à  plus  de  50  kilomètres  dans  le  centie  et  dans  le 
sud  »  '. 

La  construction  des  chemins  de  fer  tunisiens  a  été 
dominée  par  des  conceptions  très  diverses  suivant  les 
époques.  Pendant  une  période  (jui  va  de  \S1\  à  1881, 
c'est-à-dire  avant  l'occupation  du  pays  par  la  Fran<;e, 
c'est  le  bey  qui  accorde  le  droit  de  construire,  mais  ce 
sont  les  gouvernements  étrangers  qui  garantissent  les 
('apitaux  consacrés  aux  travaux  par  les  particuliers.  C'est 
dans  ces  conditions  que  fut  consti'uite  la  petite  ligne  de 
Tunis-Goulette-Marsa.  Garantie  par  le  gouvernement  ita- 
lien, elle  donnait  à  l'Italie  une  situation  privilégiée  dans 
la  Régence.  C'est  aussi  dans  ces  conditions  que  fut  concé- 
dée par  le  bey  la  ligne  de  Tunis  à  Souk-el-Arba  ou  ligne 
de  la  Medjerdah,  ([ui  fut  garantie  par  le  gouvernement  fran- 
çais et  mettait  la  capitale  de  la  Régence  en  relations 
directes  avec  l'Algérie. 

De  1881  à  1903,  le  bey  ayant  abandonné  au  gouverne- 
ment français  son  droit  de  concession  des  chemins  de  fer, 
les  concessions  furent  faites  en  vertu  de  lois  métropoli- 
taines. On  vit  tout  de  suite  les  inconvénients  de  ce  système. 

1.  Les  chemins  de  jer  lunisiev.s,  tiappoiL  du  Uirecleuf  (/énéral  des  Tra- 
vaux publics,  p.  IbR. 


264  LA    TUNISIE 

Les  lignes  de  Djeileïdîi  à  Hizerle  et  de  Tunis  au  Saliel 
d'une  part,  au  cap  Bon  de  l'autre  attendirent,  à  l'état  de 
projets,  jusqu'à  1894  le  vote  du  parlement  n»^,cessaire  pour 
que  les  travaux  pussent  être  commencés. 

Les  inconvénients  de  ce  régime  étaient  si  évidents 
qu'en  189(3,  lorsqu'il  s'agit  de  relier  les  minières  de  phos- 
phates de  Gafsa  au  jiort  de  Sfax,  le  Protectorat  s'entendit 
avec  le  concessionnaiie  des  mines  pour  qu'il  prît  à  sa 
charge  tous  les  frais  de  construction  et  d'exploitation  de 
la  voie  ferrée  à  étahlir. 

En  1900,  lorsque  la  nécessité  de  relier  les  gisements 
phosphatés  de  Kalaât-es-Senam  imposa  la  création  d'une 
nouvelle  voie  ferrée,  le  Protectorat  sollicita  du  gouverne- 
ment fran(;ais  l'autorisation  d'émettre  un  emprunt  dont  les 
fonds  seraient  emplovés  aux  travaux  de  celte  ligne  et  à 
ceux  de  divers  embranchements,  la  Tunisie  se  chargeant 
d'exécuter  elle-même  ou  de  faire  exécuter  les  travaux.  En 
d'autres  termes,  le  Protectorat  demandait  à  être  le  maître 
(le  ses  chemins  de  fer.  Les  lois  du  G  avril  1902  et  du 
30  avril  1902  consacrèrent  ce  principe  et  approuvèrent  un 
emprunt  de  40  millions  pour  la  construction  des  lignes 
nouvelles  suivantes  :  embranchement  de  13  kilomètres  de 
longueur  de  la  ligne  de  Tunis  à  Kalaât-es-Senam,  qui  des- 
sert les  gisements  de  Kalaa-Djerda  ;  prolongement  jusqu'à 
Mahdia  de  la  ligne  de  Sousse  à  Mokenine  ;  prolongement 
jusqu'à  Tozeur  de  la  ligne  de  Sfax  à  Metlaoui  ;  prolonge- 
ment jusqu'aux  gisements  de  phosphates  d'Aïn-Moularès, 
de  la  ligne  de  Kairouan  à  Sbiba  ;  embranchements  miniers 
de  Metlaoui  à  Redeyef  et  d'Henchir-Souatir  à  Tabeditt. 

Une  nouvelle  loi  du  10  janvier  1907  autorisa  un  second 
emprunt  de  75  millions  pour  la  construction  des  lignes 
suivantes  :  embranchements  de  Djérissa-Slata  et  de  Bir- 
Kassa  à  la  Goulette;  ligne  de  Mateur  à  Nébeur:  ligne  de 
Nefzas  à  Tabarka  ;  ligne  Menzel-bou-Zelfa  àKelilbia;  ligne 
de  Zaghouan  à  Bou-Ficha;  ligne  de  Sfax  àBou-Thadi. 

Une  autre  loi  du  11  avril  1910  autorisa  une  convention 
intervenue  le  15  mars  1910  entre  la  Tunisie  et  la  France 
pour  préciser   le   régime   des  chemins   de   fer   tunisiens. 


LES    ROUTES,    LES    CHEMINS    DE    FER    ET   LES    PORTS         20:i 

«  Cette  convention  ouvre  pour  la  Tunisie  une  quatrième 
période  dans  la  gestion  de  ses  chemins  de  fer  :  celle  oii  elle 
pourra  exercer  sa  pleine  et  entière  autonomie  pour  la 
totalité  de  ses  lignes  sans  exception,  sous  la  seule  réserve 
générale  que  comporte  l'application  du  régime  du  Protec- 
torat. ^  » 

Enfin,  la  loi  du  28  mars  1912  a  autorisé  le  gouvernemeni 
tunisien  à  faire  un  emprunt  de  90.500.000  francs""  pour 
«  l'achèvement  de  son  réseau  de  voies  ferrées  et  l'exécu- 
tion des  travaux  complémentaires  des  lignes  en  exploita- 
tion, suivant  la  décomposition  ci-après  :  28.150.000  francs 
pour  le  règlement  des  travaux  des  programmes  de  1902 
et  1907;  27.400.000  francs  pour  les  travaux  complémen- 
taires du  réseau  exploité;  34.950.000  francs  pour  les  lignes 
nouvelles  de  Metlaoui  à  Tozeur  (5.900.000  francs),  Graïha 
à Gahès (7 millions),  Tunis  àTéboursouk  (18.150.000 francs) 
et  Tunis  à  Hammam-Lif  i4  millions). 

Un  décret  du  29  juillet  suivant  a  autorisé  la  Régence  à 
réaliser  une  première  tranche  de  58.500.000  francs,  appli- 
cable respectivement  pour  17.350.000  francs,  24.350.000 
francs  et  16.800.000  francs  aux  trois  catégories  de  travaux 
énumérés  ci-dessus, 

La  situation  des  nouvelles  lignes  comprises  dans  les 
programmes  de  1902,  1907  et  1912  est  actuellement  la  sui- 
vante : 

Les  lignes  de  Pont-du-Fahs  à  Kalaât-es-Senam,  les 
embranchements  du  Kef,  de  Djérissa-Slata  et  de  Bir-Kassa 
à  La  Goulette,  la  ligne  de  Kairouan  à  Henchir-Souatir  et 
celle  de  Sousse  à  Sfax  ont  été  mises  en  service  avant  1912. 

Une  seule  des  lignes  prévues  en  1902  reste  à  terminer, 
celle  de  Bizerte  aux  Nefzas  ;  elle  a  été  ouverte  provisoire- 
ment à  l'exploitation  le  15  mai  1910  jusqu'à  Jefna',  soit 
sur  28  kilomètres  de  longueur  ;  les  travaux  ont  été  retar- 
dés par  des  difficultés  techniques  et  sa  mise  en  service  ne 
pourra  être  effectuée  qu'en  1913. 

1.  IbicL,  p.  14. 

2.  Voy.  Rapport  au  Président   de  la  République  sur  la  situation  de   la 
Tunisie,  en  1912,  p.  105. 


•i6(}  LA    TUNISIE 

La  lifi^ne  de  Maleur  à  Nébeur  a  été  ouverte  le  15  novembre 
1012  jusqu'à  Béjà  (6')  kilomètres)  et  jusqu'à  Nébeur  (77  kilo- 
mètres), le  1^'  mai  1914. 

La  ligne  Metlaoui  à  Tozeur  a  été  ouverte  le  i"mars  1913. 
Celle  de  Graïba  àGahès  le  :iU  juillet  1916  et  les  travaux  de 
la  ligue  des  Nelzas  à  ïabarka  sont  en  cours. 

Les  voies  ferrées  de  la  Tunisie  ont  été  construites  par 
des  compagnies,  dans  des  conditions  variables,  qu'il  serait 
trop  long  d'exposer  ici.  Pour  les  lignes  en  exploitation  le 
15  mai  1911.  on  trouve  les  compagnies  suivantes  : 

Compagnie  de  Bone-Guelma,  ctiemin  de 

fer  à  voie  normale 308  kil.  407,59 

Compagnie  de  Bone-Guelma,  chemin  de 
fer  a  voie  étroite J. 033  kil.  698,92 

Compagnie   de   Gafsa.   chemin  de   fer  à 

voie  étroite 30;j  kil.  473.09 

Compagnie  des  Tramways  de  Tunis,  che- 
min de  fer  à  voie  étroite 37  kil.  767,04 

1.680  kil.  346.64 

Pour  les  voies  en  construction  ou  à  létude  au  lo  mai 
1911.  on  trouve  : 

Compagnie  de  Bone-Guelma.  chemin  de 

fer  à  voie  normale,  en  construction.    .         177  kil. 

Compagnie  de  Bone-Guelma,  chemin  de 

fer  à  voie  normale,  à  létude 40  — 

Compagnie  de  Bone-Guelma.  chemin  de 

fer  à  voie  étroite,  à  létude 210  — 

Compagnie  de  Gafsa,  chemin  de  fer  à  voie 
étroite,  en  construction .^)4  — 

Compagnie  de  Gafsa,  chemin  de  fer  à  voie 
étroite,  à  l'étude 139  — 

Compagnie  des  Tramways  de  Tunis,  che- 
min de  fer  à  voie  normale 17  — 

637  kil. 

Le  rapport  du  Directeur  général  des  travaux  publics 
auquel  ces  chiffres  sont  empruntés  et  qu'il  faut  consulter 
pour  toutes  les  questions  relatives  aux  chemins  de  fer 
tunisiens,  présente  les  justes  observations  suivantes,  en 
manière  de  conclusion  des  faits  exposés  :  «  Si  l'on  remarque 
que,  à  part  la  ligne  de  la  Medjerdah,  établie  par  la  France 


LES    ROUTES,    LES    CHEMINS    DE    FER    ET    LES    PORTS  i^~' 

avant  la  naissance  du  Protectorat,  tout  un  réseau  de  voies 
ferrées,  mesurant  2.000  kilomètres  en  chiffres  ronds,  aura 
en  quelques  années  été  créé  par  lune  des  colonies  fran- 
çaises les  plus  petites  et  les  moins  riches,  sans  subvention 
ni  «garantie  de  la  Métropole,  on  ne  pourra  manquer 
d'être  frappé  de  la  grandeur  de  l'œuvre  entreprise  et 
réalisée  ». 

Au  sujet  du  régime  appliqué  à  la  construction  de  ces 
voies  ferrées,  le  Rapport  présente  les  observations  sui- 
vantes :  «  Il  faut  dire  que  la  construction  des  chemins  de 
fer  par  les  compagnies  destinées  à  les  exploiter  a  eu  à 
l'origine  des  avantages  évidents,  que  personne,  aujour- 
d'hui encore,  ne  saurait  méconnaître.  Alors  que  le  ser- 
vice des  travaux  publics  ne  pouvait  qu'avec  peine 
recruter  son  personnel  administratif,  les  sociétés  de 
construction  lui  ont  apporté  le  concours  précieux  d'un 
personnel  technique  spécialisé,  aussi  nombreux  que  les 
besoins  du  moment  l'exigeaient.  On  a  en  même  temps 
évité  les  difficultés  résultant  de  la  remise  des  lignes  à  un 
exploitant  autre  que  le  constructeur.  Rapidité  et,  dans  une 
certaine  mesure,  économie  d'exécution,  tels  ont  été  les 
avantages  primordiaux  du  système  adopté  dès  le  début. 
Plus  tard,  quand  le  développement  même  du  pays  a  per- 
mis un  recrutement  plus  facile  des  agents,  le  gouverne- 
ment du  Protectorat,  d'accord  avec  la  colonie,  a  pris  en 
main  la  construction  de  ses  voies  ferrées  ». 

Faisant  allusion  aux  dépenses  faites  par  le  Protectorat 
pour  la  construction  des  voies  par  ses  soins  et  à  ses  frais, 
le  Rapport  dit  :  «  Le  premier  réseau,  celui  des  concessions 
de  1892,  qui  est  resté  improductif  jusqu'en  1903,  avait 
été  doté  sur  des  fonds  de  réserve  ;  il  n'a  eu  par  suite 
aucune  répercussion  sur  la  dette.  Quant  aux  programmes 
de  1902  et  1907,  le  montant  des  fonds  d'emprunt  dépensés 
pour  leur  exécution  au  l'"^  janvier  1911,  s'élève  à  environ 
80  millions.  Or,  le  rendement  du  réseau  pendant  Tannée 
1910  a  atteint  2.820.000  francs,  soit  près  de  3,5  p.  100  du 
capital,  c'est-à-dire  sensiblement  le  total  de  l'intérêt  et  de 
l'amortissement  des  sommes  empruntées  et  dépensées.  La 


268  LA    TUNISIE 

charge  sur  le  contribuable  est  donc  absolument  insensible. . . 
On  peut  admettre  que  la  dépense  du  réseau  créé  par  le 
Protectorat  sera  dans  quelques  années  voisine  de  220  mil- 
lions de  francs.  Sur  cette  somme  une  cinquantaine  de 
millions  auront  été  prélevés  sur  les  réserves  et  sur  les 
budgets  annuels.  Les  sommes  empruntées  atteindront 
peut-être  170  millions.  L'intérêt  et  l'amortissement  de  ce 
capital  ne  dépassant  pas  i  p.  100,  il  faudra,  pour  que  le 
réseau  tunisien  ne  constitue  pas  une  charge,  qu'il  donne 
un  produit  net  annuel  de  6.800.000  francs.  Ce  résultat  ne 
paraîtra  nullement  improbable  si  l'on  remarque  que  la 
Tunisie  est  appelée  à  nourrir  facilement  deux  fois  plus 
d'habitants  quelle  n'en  a  actuellement  i20  habitants  au 
kilomètre  carré  dans  la  région  cultivable).  Si  le  réseau  ne 
rapportait  que  6  millions,  5  millions  et  même  4  millions 
par  an,  le  rendement  des  capitaux  employés  serait  encore 
de  3,  2,25  ou  2  p.  100.  Il  n'est  pas  certain  que  le  Trésor 
français  lui-même  tire  actuellement  un  meilleur  rende- 
ment des  capitaux  qu'il  a  fournis  pour  la  création  du 
réseau  métropolitain.  ...  La  Tunisie  possède  ou  va  possé- 
der par  tête  d'habitant  I^'IO  de  voie  ferrée,  c'est-à-dire 
autant  que  la  France  possède  de  chemins  de  fer  d'intérêt 
général,  presque  le  double  de  ce  qu'a  réalisé  l'Algérie 
après  80  ans  de  domination,  après  plus  de  650  millions 
de  subventions  fournies  par  la  métropole.  Déjà  le  mouve- 
ment annuel  de  son  réseau  atteint  500  millions  d'unités  de 
trafic  kilométrique;  il  est  donc  supérieur  à  celui  de  tous 
les  chemins  de  fer  d'intérêt  local  et  de  tous  les  tramways 
de  France  réunis;  il  est  supérieur  pour  les  marchandises, 
au  mouvement  du  réseau  algérien,  cependant  deux  fois  et 
demi  plus  long  ». 

Le  rapport  note  encore,  en  réponse  à  ceux  qui  ont 
accusé  le  Protectorat  tunisien  de  construire  à  des  prix  trop 
élevés  :  «  Malgré  le  renchérissement  de  tous  les  produits 
et  de  la  main-d'œuvre  qui  s'est  manifesté  depuis  quatre 
ou  cinq  ans,  les  voies  ferrées  tunisiennes  ont  coûté 
sensiblement  moins  cher  que  les  voies  similaires  algé- 
riennes, construites  à    une   époque    où   la   vie  dans  l'A- 


LES    MOUTKS,    MCS    CHKMINS    DK    FIÎH    Kl     l.KS    l'OlVI'S  269 

frique   du  nord  était  certainement  moins  dispendieuse  ». 

«  En  présence  de  ces  résultats,  conclut  justement  le 
rapport,  nous  pensons  que  la  France  n'a  pas  à  regretter 
l'autonomie  qu'elle  a  eu  la  sagesse  de  laisser  au  gouver- 
nement du  Protectorat,  et  que  la  Tunisie  a  le  droit  d'être 
fière  de  l'usage  qu'elle  a  su  en  faire  en  matière  de  chemins 
de  fer.  » 

Dans  le  discours  qu'il  prononça  devant  la  Chambre  des 
députés  le  2t)  janvier  1912,  M.  Alapetite  indiquait,  en 
excellents  termes,  le  progrès  réalisé  par  la  Tunisie  en 
matière  de  travaux  publics  et  la  cause  de  ce  progrès 
lorsqu'il  disait  :  «  En  1883,  deux  ans  après  l'établissement 
du  protectorat  français,  alors  que  presque  tous  les  impôts 
existants  aujourd'hui  étaient  déjà  perçus,  lorsqu'on  avait 
payé  la  dette,  lorsqu'on  avait  payé  la  liste  civile,  lorsqu'on 
avait  payé  le  chapitre  des  pensions,  il  restait  en  tout  et 
,  pour  tout,  pour  les  dépenses  ordinaires  de  la  Régence,  une 
somme  de  2  millions.  Sur  ces  2  millions,  il  y  avait 
30.000  fr.  pour  les  travaux  publics,  c'est-à-dire  qu'on 
payait  un  ingénieur  et  le  bureau  de  cet  ingénieur,  que 
des  projets  étaient  étudiés,  mais  qu'il  n'y  avait  pas  un 
centime  pour  passer  à  l'exécution., 

«  Messieurs,  vingt-huit  ans  après,  alors  que  les  impôts 
sont  les  mêmes,  alors  que  le  taux  n'en  a  pas  été  relevé, 
que,  je  l'atteste  ici,  les  dégrèvements  ont  dépassé  de  beau- 
coup les  aggravations,  par  suite  de  la  perception  plus 
régulière  de  l'impôt,  mais  surtout  du  développement  de 
la  matière  imposable,  aujourd'hui,  avec  le  même  budget, 
nous  avons  pour  les  services  publics  une  dotation  annuelle 
de  34  millions  [Applaudissements  à  gauche],  3  millions 
pour  l'instruction  publique,  3  millions  pour  les  postes  et 
télégraphes,  près  de  3  millions  pour  la  police,  et  enfin 
8  millions  passés  pour  les  travaux  publics,  c'est-à-dire 
que  le  seul  crédit  d'entretien  des  routes  de  la  Tunisie, 
qui  s'élève  à  3  millions,  excède  le  total  du  budget  ordi- 
naire des  services  publics  au  moment  de  l'avènement  du 
Protectorat.  Je  vous  demande,  messieurs,  si  ce  chiffre 
n'est  pas  d'une  éloquence  tout  à  fait  décisive.  » 


270  LA    TUNISIE 

Ces  résultats,  M.  Alapetite  les  attribuait  Justement  à  la 
souplesse  que  le  réprime  du  Protectorat  comporte,  v  S'il 
s'agit,  disait-il,  de  notre  administration  financière,  nous 
ne  sommes  pas  tenus  dans  les  compartiments  rigoureuse- 
ment délimités  qui  divisent  l'administration  française.  Si, 
par  exemple,  dans  un  coin  reculé  de  la  Tunisie,  nous 
avons  à  la  fois  à, percevoir  les  recettes  des  douanes,  celles 
des  monopoles,  celles  de  l'enregistrement  et  du  timbre, 
nous  employons  un  seul  agent.  Si  nous  voulons  établir 
un  bureau  de  poste  et  de  télégraphe  dans  un  pays  où  il 
n'v  a  encore  que  quelques  habitants  et  où  le  nombre  des 
dépêches  est  très  peu  élevé,  nous  n'y  plaçons  pas  un  fonc- 
tionnaire spécial  :  nous  chargeons  l'instituteur  de  l'en- 
droit de  tenir  à  la  fois  l'école  et  le  bureau  postal  et  télé- 
graphique. (Très  bien!  très  bien!) 

«  Voilà  les  procédés  économiques  avec  lesquels  une 
administration  qui  a  son  autonomie  et  qui  n'est  pas  tenue 
par  la  rigueur  des  règlements  de  la  métropole,  peut  orga- 
niser un  pays  neuf  comme  celui-là,  qui  est  pressé,  qui  est 
impatient,  qui  veut  jouir  le  plus  vite  possible  de  tous  les 
avantages  et  de  toutes  les  garanties  que  le  régime  civi- 
lisé de  la  France  assure  à  sa  population.  »  {Très  bien! 
très  bien!) 


CHAPITRE  XI 

ORGANISATION  POLITIQUE,  ADMINISTRATIVE, 
JUDICIAIRE,    FINANCIÈRE,   ETC.,   DE   LA  TUNISIE 

I  I.  —  Organisation  politique  et   administrative 

Av'ant  le  traité  qui  établit,  en  1881,  le  protectorat  de  la 
France  sur  la  Tunisie,  le  g-ouvernement  de  ce  pays  était 
une  monarchie  autocratique,  indépendante  en  fait,  depuis 
long:temps,  du  sultan  de  Constantinople  et  aidée  dans  son 
administration  par  les  membres  d'un  petit  nombre  de 
familles  riches,  formant  une  sorte  de  bourgeoisie  adminis- 
trative et,  militaire.  Au-dessous,  un  peuple  soumis,  dans 
les  villes  et  dans  le  nord,  à  tous  les  caprices  du  souverain, 
garanti  dans  une  certaine  mesure,  au  centre,  dans  le  sud 
et  dans  les  montagnes  delà  Kroumirie,  contre  les  caprices 
du  souverain,  par  l'existence  nomade  des  tribus  ou  la 
difficulté  de  pénétrer  dans  le  cœur  des  montagnes.  Depuis 
une  époque  fort  reculée,  les  beys  entretenaient  des  rela- 
tions assez  amicales  avec  la  France,  mais  étaient  souvent 
impuissants  à  empêcher  la  piraterie  maritime  exercée  par 
leurs  sujets.  Louis  XIV  les  dompta  par  la  menace  de  ses 
Hottes.  Napoléon  obtint  leur  respect  tant  qu'il  fut  victorieux 
et  redouté.  Louis-Philippe  reçut  le  bey  à  Paris,  royalement, 
en  1846.  Le  second  Empire  obtint  du  bey,  en  1857,  la 
proclamation  d'une  constitution  favorable  aux  Européens, 
puis  imposa  à  Mohamed  Es-Sadock,  en  1869,  la  création 
d'une  Commission  financière  internationale,  protectrice 
des  intérêts  des  créanciers  de  la  Régence.  En  1875,  le 
représentant  de  la  République  à  Tunis,  M.  Roustan, 
obtint  pour  une   compagnie    française  la  concession   du 


272  L\   TUNISIli: 

cliemin  de  fer  de  Tunis  à  Alger.  Au  congrès  de  Berlin  de 
1878,  le  représentant  de  l'Angleterre  déclara  que  la 
Grande-Bretagne  ne  s'opposerait  pas  «  au  développement 
de  rinfluence  française  dans  la  Régence  ».  Mais,  en  1880, 
ritalie  obtint  pour  un  de  ses  nationaux  la  concession  du 
chemin  de  fer  de  Tunis  à  la  Marsa-Goulette  et  l'influence 
italienne  lutta  énergiquement  contre  celle  de  la  France 
auprès  du  bey. 

A  cette  époque,  l'état  économique  et  politique  de  la 
Régence  est  lamentable.  Les  tribus  du  sud  et  du  centre 
s'agitent  ;  les  Kroumirs  font  des  incursions  répétées  en 
Algérie.  Il  devient  nécessaire  de  rétablir  l'ordre,  pour 
garantir  les  intérêts  matériels  et  moraux  de  la  France.  Le 
31  mars  1881,  nous  débarquons  des  troupes.  Le  4  avril, 
Jules  Ferry  obtient  carte  blanche  delà  Chambre.  Le  11  mai 
nos  troupes  sont  campées  à  la  Manouba,  près  de  Tunis. 
Le  12  mai  le  bey  Mohamed  Es-Sadok  signe  le  traité  du 
Bardo  qui  donne  à  la  France  le  protectorat  de  la  Tunisie 
en  assurant  au  gouvernement  tunisien  le  maintien  de  ses 
pouvoirs  sous  le  contrôle  de  la  France.  A  peine  est-il  besoin 
de  rappeler  qu'avant  la  fin  de  cette  même  année  1881, 
l'ordre  était  rétabli  sur  tout  le  territoire  de  la  Tunisie, 
tandis  que  le  protectorat  était  organisé  par  M.  Paul 
Cambon  sur  des  bases  aussi  rationnelles  qu'économiques 
et  auxquelles  il  n'a  guère  été  touché. 

Les  pouvoirs  du  bey  ont  été  conservés  ;  tous  les  décrets 
sont  pris  en  son  nom  et  portent  sa  signature  ;  mais  ils 
sont  arrêtés  par  un  Conseil  que  préside  le  résident  géné- 
ral de  France,  ministre  des  Affaires  étrangères  de  la 
Régence  et  où  figurent  le  général  commandant  du  corps 
d'occupation  en  tant  que  ministre  de  la  Guerre  de  la 
Régence.  Deux  ministres  indigènes  remplissent  à  peu  près 
les  fonctions  de  ministres  de  l'Intérieur,  assistés  par  deux 
secrétaires  généraux  du  gouvernement  tunisien  français,  et 
les  directeurs  français  des  finances,  des  travaux  publics, 
de  l'agriculture  (du  commerce  et  de  la  colonisation),  des 
postes  et  télégraphes,  de  l'enseignement. 

En  tant   que  représentant    de  la    France,    le    résident 


ORGANISATION    INTÉRIEURE  273 

général  a  sous  son  autorité  les  forces  de  terre  et  de  mer  et 
tous  les  services  administratifs,  judiciaires,  financiers,  etc. 

Auprès  de  lui  siège  un  Corps  représentatif  des  Européens 
et  des  indigènes,  la  Conférence  consultative,  formé  d'un 
groupe  indigène  et  d'un  groupe  européen.  Ce  Conseil  est 
consulté  sur  toutes  les  questions  intéressant  la  colonie, 
notamment  sur  le  budget,  les  impôts,  les  travaux 
publics,  etc.,  mais  il  ne  jouit  pas  de  pouvoirs  propres.  Des 
Chambres  d'agriculture  et  de  commerce  sont  également 
consultées  sur  les  questions  qui  intéressent  l'agriculture 
ou  le  commerce. 

L'administration  du  pays  est  assurée  à  la  base  par  les 
fonctionnaires  et  agents  indigènes  qui  existaient  avant 
l'occupation  française  (caïds  ou  gouverneurs  des  pro- 
vinces assistés  ou  suppléés  par  des  khalifats  et  cheiks 
ou  chefs  des  douars)  sous  la  surveillance  et  la  direction 
de  fonctionnaires  français,  les  contrôleurs  civils,  qui 
représentent  directement  le  résident  général  et  rem- 
plissent, en  outre,  les  fonctions  de  vice-consuls  de  France 
vis-à-vis  des  étrangers.  Indépendamment  de  ces  fonction- 
naires, dont  le  premier  devoir  est  d'assurer  le  maintien  de 
Tordre  public,  il  existe  un  service  spécial  de  police  repré- 
senté par  la  gendarmerie  et  par  une  direction  de  la  sûreté 
publique  (avec  commissaires  de  police,  agents,  etc.)  placée 
sous  les  ordres  des  secrétaires  généraux  du  gouvernement. 

§  H.  —  La  justice 

La  justice  indigène  fonctionne,  en  principe,  (Oiiimc  par 
le  passé,  c'est-à-dire  qu'elle  est  rendue,  en  bas  de  réchelle, 
par  les  cheiks  et  les  caïds  et  par  des  tribunaux  régionaux, 
dont  le  tribunal  de  la  Driba  à  Tunis,  avec  faculté  d'appel 
au  tribunal  laïque  criminel  et  correctionnel  de  l'Ouzara 
ou  au  tribunal  religieux  du  Chaara  qui  est  spécialement 
chargé  des  affaires  immobilières  et  de  quelques  affaires 
civiles. 

La  justice  européenne  était  exercée,  avant  le  Protectorat, 
par  les  consuls  de  chaque  nationalité;  elle  est  aujourd'hui 

J.-L.  Dr  Lanfssan.  —  l-a  Tunisie.  18 


274  '-'^    ruNisiii: 

toul.  entière  aux  mains  de  tribunaux  français  et  de  jus- 
tices de  paix  qui  sont  saisis  de  toutes  les  affaires  crimi- 
nelles ou  civiles  dans  lesquelles  des  Européens  sont 
mêlés  à  des  indigènes.  Il  existe  deux  tribunaux  de  pre- 
mièi-e  instance,  avec  cour  d'assises,  l'un  à  Tunis,  l'autre  à 
Sousse,  et  des  justices  de  paix  dans  les  centres  importants. 

Les  affaires  immobilières  étant  soumises,  dans  tous  les 
pavs  musulmans,  à  la  loi  religieuse,  sont  traitées  par  le  tri- 
bunal religieux  de  la  Chaara,  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  de 
propriétés  soumises  à  l'immatriculation..  Ces  dernières 
sont  traitées  par  un  «  Ti-ibunal  mixte  »  oii  siègent  des 
indigènes  et  des  Français. 

Dans  toutes  les  colonies,  la  question  de  la  justice  est  la 
plus  délicate  à  résoudre,  parcequ'elle  soulève,  soit  des  pro- 
blèmes religieux,  soit  des  problèmes  familiaux  et  sociaux 
ayant  une  importance  capitale  aux  yeux  des  populations 
indigènes.  C'est  donc  une  matière  que  la  nation  colonisa- 
trice ne  doit  traiter  qu'avec  une  extrême  réserve.  En 
Tunisie  nous  avons  eu  la  sagesse  de  respecter  les 
anciennes  organisations,  sauf  à  les  modifier  petit  à  petit 
dans  l'intérêt  des  populations  plutôt  qu'en  conformité  de 
nos  conceptions  particulières.  M.  Alapetite  exprimait  des 
idées  fort  justes  lorsque,  dans  son  discours  à  la  Chambre 
des  députés,  le  26  janvier  1912,  il  disait  :  «  Nous  n'avons 
pas  cherché  à  détruire  la  justice  indigène,  pas  plus  que 
nous  n'avons  voulu  détruire  l'administration  indigène. 
Cette  administration  indigène,  qui  est  encore  imparfaite, 
je  le  confesse,  nous  la  surveillons  aussi  rigoureusement 
que  nous  le  pouvons  ;  mais  nous  croyons  qu'il  est  tout  à 
fait  utile  de  ne  pas  remplacer  ces  agents  indigènes  par 
des  agents  français.  [Très  bien!  très  bien!  sur  divers 
bancs.)  Nous  croyons  que  si  une  exaction  est  commise 
par  un  agent  indigène,  cela  n'a  pas  le  même  incon- 
vénient pour  le  prestige  de  la  France  que  la  moindre 
faute  commise  par  un  agent  français.  [Ajyplaudissemeîits.) 
Je  ne  chercherai  pas  à  dissimuler  ce  qu'il  peut  y  avoir  d'ar- 
chaïque dans  le  fonctionnement  de  la  justice  musulmane. 
Mais  est-ce  une   raison   pour  en  faire    table  rase  ?    nous 


ORGANISATION    INTERIEURE  275 

croyons  que  celte  justice  a  besoin  d'être  léionnée  et  nous 
y  travaillons  de  notre  mieux.  Nous  cherchons  à  prendre  les 
choses  de  loin,  à  préparer  l'avenir  ;  et  comme  nous  ne 
pouvons  pas  avoir  la  prétention  d'enseigner  le  Coran  mieux 
que  les  musulmans  ;  comme,  il  y  a  quelques  années,  le 
Coran  était  Tunique  source  du  droit  en  Tunisie,  nous 
avons  amené  les  musulmans  à  consentir  à  avoir  des 
codes  écrits.  Ces  codes,  nous  les  établissons  aussi  vite  que 
cela  est  possible.  Nous  faisons  à  peu  près  un  code  en 
dix-huit  mois.  Il  est  dû  à  l'initiative  de  quel(|ues  juriscon- 
sultes. Nous  le  faisons  ensuite  passer  au  double  crible  d'une 
commissioi^  française  et  d'une  commission  musulmane 
avant  de  lui  donner  une  sanction  définitive.  [Très  bien  !  très 
bien  !)  Ces  codes,  une  fois  écrits,  peuvent  devenir  la  matière 
d'un  enseignement  spécial,  enseignement  qui  peut  être 
donné  par  des  Français  ou  avec  le  concours  de  Français. 
C'est  ainsi  que  se  sécularisera,  avec  le  ménagement  dési- 
rable des  transitions,  la  justice  musulmane.  [Applaudis- 
sements.) 

«  Nous  préparons  des  fonctionnaires  français  qui  ne 
prendront  pas  la  place  des  magistrats  indigènes,  qui  ne 
s'assiéront  pas  sur  leurs  fauteuils,  mais  qui  seront  chargés 
de  voir  comment  se  rend  la  justice,  de  le  voir  au  nom  de 
la  France  et,  toutes  les  fois  qu'un  abus  leur  paraîtra  avoir 
été  commis,  de  déférer  au  tribunal  d'appel  la  sentence  qui 
aura  été  rendue.  {Très  bien!  très  bien!) 

«  Mais,  messieurs,  ces  choses-là  ne  se  font  pas  en  un 
jour  :  il  faut  que  les  fonctionnaires  que  nous  allons  inves- 
tir d'une  mission  si  délicate,  aient  pu  apprendre  l'arabe  et 
non  pas  l'arabe  vulgaire,  non  pas  celui  qu'on  parle  dans 
les  souks  et  dans  les  rues,  mais  l'arabe  des  livres  sacrés. 
La  langue  arabe  est  une  langue  très  difficile  et  ce  n'est 
pas  le  moindre  des  obstacles  que  nous  rencontrons  dans 
cette  réforme  que  nous  proposons,  d'avoir  le  plus  possible 
de  fonctionnaires  français  capables  de  prendre  contact 
avec  les  populations  indigènes.  [Très  bien!  très  bien!) 

a  L'étude  de  la  langue  arabe  est  une  étude  difficile, 
rebutante  ;  beaucoup  se  découragent.   Heureusement,  il  v 


276  F-A    TUNISIE 

a  (|U('lques  jeunes  gens  à  (jui  la  vif  coloniale  sourit  et  qui 
sont  capables  de  faire  de  yiands  sacrifices,  de  s'imposer 
de  grands  efforts  pour  pouvoir  rester  en  Tunisie  et  y  jouer 
un  rôle  utile.  Plusieurs  sont  déjà  très  préparés,  ils  ont 
fait  un  stage  auprès  du  directeur  des  services  judiciaires. 
J'espère  que  très  prochainement,  avant  que  la  pro- 
mulgation de  nos  codes  soit  terminée,  nous  aurons  le 
personnel  qui  sera  chargé  auprès  de  tous  lès  tribunaux 
régionaux  de  la  Régence  de  veiller  à  leur  régulière  et 
impartiale  application.  »  [Applaudissements  à  gauche  et 
au  centre.) 

Abordant  dans  un  autre  discours  (le  29  janvier  1912)  la 
question  du  Tribunal  mixte  qui  avait  été  l'objet  de  criti- 
ques très  vives  et  qui  a  pour  mission  le  règlement  des 
litiges  immobiliers  entre  indigènes  et  européens,  le  rési- 
dent général  disait  avec  raison  :  «  il  fallait  bien  que  ce 
tribunal  fût  mixte  puisqu'il  .  s'agissait  d'interpréter  des 
actes  arabes.  N'était-il  pas  utile  qu'il  y  eût  des  arabes  et 
des  arabes  savants  dans  ce  tribunal  qui  interprète  les  titres? 
Ils  jouent  un  rôle  essentiel  dans  ce  tribunal.  Ce  sont  eux 
qui  éclairent  leurs  collègues.  Ces  derniers  tirent  les  con- 
clusions juridiques  des  constatations  matérielles  qui  ont 
été  faites.  Mais  l'examen  de  ce  que  vaut  le  titre,  ce  sont 
les  juges  musulmans  qui  doivent  le  faire.  [Applaudisse- 
ments.) Aussi,  messieurs,  lorsqu'on  arrive  devant  le  tri- 
bunal mixte  avec  tous  ces  vieux  papiers  plus  ou  moins  liti- 
gieux, avec  des  tentatives  de  possession  quelquefois  con- 
sacrées par  le  jugement  d'un  tribunal  français,  on  est 
très  étonné  de  voir  combien  le  tribunal  mixte  est  méfiant 
et  circonspect,  combien  il  prend  son  temps  avant  de  se 
décider.  C'est  qu'une  erreur,  s'il  la  commet,  est  irrépa- 
rable. Ce  tribunal  n'a  pas  la  procédure  française;  il  fait 
son  instruction  lui-même,  il  peut  recourir  à  tous  les 
moyens  d'information  qui  lui  sont  nécessaires.  Il  a  la  pro- 
tection des  incapables  et  il  la  prend  au  sérieux.  Il  n'y  a 
pas  devant  lui,  de  délai  de  forclusion  ;  jusqu'au  dernier 
moment  un  justiciable  lésé  dans  son  droit  peut  se  présen- 
ter devant  lui  t'I  se  plaindre  ;  il  échappe   au.\  sul)tilités  et 


()R(;ANISATI0N    INTKlillUHK  277 

aux    arg-uLies    de    la  procédure   irançaise.  »  [Mouvrinonts 
divers.) 

Répondant  à  ceux  qui  auraient  voulu  que  la  justice 
française  se  substituât  en  Tunisie  à  toute  la  justice  indi- 
gène, M.  Alapetite,  après  avoir  rendu  hommage  à  nos 
magistrats,  ajoutait  :  «  Mais  si  la  juridiction  française  en 
Tunisie  n"a  pas  eu  que  des  conséquences  heureuses,  ce 
n'est  pas  aux  magistrats  qu'il  faut  s'en  prendre,  mais  à  la 
procédure  qui  a  passé  la  mer  avec  eux.  [Applaudisse- 
ments.) Il  y  a  toute  une  série  d'obstacles  pour  le  malheu- 
reux indigène  illettré  et  ignorant.  (Très  bien!  très  bien!  à 
gauche  et  à  l'extrême  gauche.)  Toutes  sortes  de  collusions 
sont  à  craindre  pour  lui  ;  il  suffît  qu'une  pièce  qu'il  a 
envoyée  ne  soit  pas  parvenue  dans  le  dossier  oii  elle  de- 
vrait figurer  pour  qu'il  se  voie  arracher  la  terre  où  ses 
pères  ont  travaillé  avant  lui  et  si  les  jugements  de  la  jus- 
tice française  sont  accueillis  avec  la  déférence  qui  est  due 
à  cette  juridiction,  savez-vous  ce  qui  est  le  plus  domma- 
geable à  la  Tunisie?  C'est  l'exécution  de  ces  jugements 
en  vertu  du  code  de  procédure  civile. 

«  Lorsqu'un  indigène  a  contracté  une  dette  et  qu'il  a 
la  chance  que  son  créancier  est  justiciable  des  tribunaux 
tunisiens,  il  est  condamné,  car  le  créancier  a  toujours  des 
titres,  et  on  a  constaté  que  quatre-vingt-quatorze  fois  sur 
cent  le  créancier  a  raison.  Mais  que  fait  la  justice  tuni- 
sienne ?  Elle  envoie  le  jugement  au  caïd  qui  est  chargé  de 
son  exécution.  Il  touche  le  même  tant  pour  cent  que  sur 
les  impôts  ;  il  attend  le  moment  de  la  récolte  et,  quand  il 
a  encaissé  l'impôt  dû  par  le  contribuable,  il  apprécie  dans 
quelle  mesure  celui-ci  peut  acquitter  sa  dette.  Générale- 
ment, il  ne  l'exécute  pas...  Si  au  lieu  que  ce  soit  le  caïd, 
c'est  l'huissier  qui  est  chargé  de  l'exécution,  l'expropria- 
tion ne  se  fait  pas  attendre.  Songez,  messieurs,  à  ce  que 
coûte  l'exécution,  en  vertu  des  lois  de  procédure  française. 
L'huissier  est  à  80  kilomètres;  pour  signifier  une  condam- 
nation à  30  francs  de  restitution,  il  se  transporte  avec  des 
témoins,  avec  un  interprète,  et  tout  ce  monde  est  pavé 
au  kilomètre.  C'est  la  ruine  pour  ce  débiteur.  Je  mets  en 


278  LA    TL'NISIK 

opposition  avec  cet  appareil  imposant,  respectable  mais 
redouté,  l'appareil —  qui  n'est  pas  irréprochable,  je  le  con- 
cède, mais  enfin,  qui  convient  je  crois,  beaucoup  mieux  à 
l'état  de  civilisation  peu  avancée  de  ce  pays  de  notre  jus- 
tice tunisienne  et  de  ce  tribunal  mixte  où  il  y  a  des  ma- 
gistrats tunisiens  et  où  les  indigènes  sont  sûrs  qu'il  ne 
pourra  pas  y  avoir  de  surprise  par  suite  de  l'inexpérience 
qu'aurait  le  juge  des  subterfuges  auxquels  on  peut  recou- 
rir. »  {Applaudissements.) 

Formellement  approuvées  par  la  Chambre,  les  considé- 
rations sur  l'organisation  de  la  justice  en  Tunisie,  présen- 
tées par  M.  Alapetite,  répondent  aux  conditions  dans 
lesquelles  se  trouve  la  Régence  et  aux  besoins  réels  des 
indigènes.  Je  n'en  veux  d'autre  preuve  que  la  tranquillité 
absolue  dont  jouit  notre  grand  établissement  et  la  facilité 
avec  laquelle  sont  réglées  les  questions  relatives  à  la 
propriété  immobilière  dans  un  pays  où  l'établissement  de 
la  propriété  privative  indigène  est  encore  gêné  par  une 
foule  de  traditions  religieuses  ou  sociales  et  dont  une  par- 
tie même  ne  connaît  que  la  propriété  collective. 

§    III.    La    PIIOPRIKTÉ 

Les  difficultés  avec  lesquelles  la  justice  est  aux  prises 
résultent  précisément  des  conditions  dans  lesquelles  se 
trouvent,  aujourd'hui  encore,  lés  propriétés  privatives  et 
les  propriétés  collectives. 

Ainsi  que  le  fit  observer  M.  Alapetite  devant  la  Chambre, 
les  difficultés  relatives  à  la  propriété  privative  résultent 
de  ce  qu'elle  s'acquiert,  «  en  droit  musulman  »,  non  seu- 
lement par  des  titres,  mais  encore  par  la  possession. 
«  Lorsque  les  titres  sont  d'accord  avec  la  possession,  ils 
ont  beaucoup  de  valeur.  »  Il  y  a  seulement  cette  difficulté 
que,  lorsque  le  titre  remonte  un  peu  loin,  il  est  extrême- 
ment difficile  de  faire  la  preuve  d'une  filiation  certaine 
entre  ceux  qui  s'en  servent  et  ceux  au  profit  de  qui  ils  ont 
été  constitués.  Il  y  a  donc  une  très  grande  incertitude  dans 
l'application  des  titres. 


ORC.ANISATION    INTÉRIKURE  270 

«  Mais  la  possession,  en  droit  musulman,  confère  la 
propriété  lorsqu'elle  a  été  constante  pendant  dix  années. 
Il  était  extrêmement  diflicile,  autrefois,  d'ari'iver  à  réaliser 
celte  condition  dans  le  sud  de  la  Tunisie  ;  il  y  a  des  années 
où  il  ne  pleut  pas  du  tout  et  oii  1  on  ne  peut  pas  labourer. 
Il  y  a  des  années  où  il  a  plu  dans  une  région,  où  il  n'a  pas 
plu  dans  la  rép:ion  voisine  et  où  ceux  qui  peuvent  labourer 
se  serrent  pour  faire  accueil  à  leurs  voisins  :  ob  !  à  titre 
épbémère  !  le  voisin  sera  obligé  de  retourner  cbcz  lui  lors- 
qu'il pourra  y  labourer  à  son  tour.  » 

On  comprend  combien  il  est  difficile,  dans  ces  conditions, 
d'arriver  à  la  constitution  de  la  propriété  privée,  avec 
quelle  facilité,  d'autre  part,  peuvent  surgir  les  contesta- 
tions entre  indigènes  et  quel  danger  il  v  aurait  à  introduire 
dans  ce  pays,  nos  lois  sur  la  propriété,  et  à  appliquer  la 
procédure  de  nos  tribunaux  aux  contestations  des  indi- 
gènes entre  eux  ou  avec  les  représentants  du  domaine 
privé  du  bev  qui,  dans  le  Sud,  sans  compter  les  forêts, 
n'embrasse  pas  moins  de  800.000  hectares  de  terres  plus 
ou  moins  utilisables  pour  la  culture  ou  le  pacage,  soit, 
enfin,  avec  l'administration  des  Habous. 

Faisant  allusion  aux  terres  collectives,  M,  Alapetile 
disait  dans  son  discours  du  29  janvier  I9i2  :  «  On  nous 
reproche  de  ne  pas  avoir  réglementé  encore  le  régime  des 
terres  collectives.  Nous  avons  fait,  je  crois,  l'œuvre  essen- 
tielle et  il  était  temps  qu'elle  fût  faite  ».  Après  avoir  rap- 
pelé qu'en  Tunisie  les  titres  de  propriété  sans  valeur, 
absolument  faux,  sont  très  nombreux,  il  notait  les  abus 
qui  en  sont  résultés,  en  ce  qui  concerne  les  habous  et  les 
terres  dites  «  collectives  ». 

(c  Les  habous,  autrefois,  dit-il,  étaient  exposés  à  des 
pressions  irrésistibles.  Lorsqu'un  colon  influent  avait  jeté 
ses  vues  sur  un  lambeau  du  domaine  habous,  il  était  très 
difficile  aux  modestes  fonctionnaires  de  cette  administration 
de  résister.  Nous  leur  avons  donné  un  Conseil  supérieur  qui 
renferme  des  représentants  des  plus  hautes  autorités  du 
protectorat  et  l'un  des  ministres  musulmans  du  bey. 
Actuellement,  ils  sont  couverts,  et,  quand  ils  résistent,  ce 


280  LA    TUNISIE 

n'est  pas  à  eux  que  l'on  peut  demander  de  faii;e  la  conces- 
sion, il  faut  s'adresser  plus  haut  qu'eux,  il  faut  s'adresser 
à  un  conseil  qui  présente  des  garanties  d'indépendance  et 
qui  est  capable  de  résister.  »  (Très  bien!  très  bien!) 

Au  sujet  des  terres  de  propriété  collective  il  montrait  les 
alms  résultant  d'une  part  de  la  fausseté  des  titres,  d'autre 
part  de  l'esprit  qui  anime  les  tribunaux  français.  «  Lorsque, 
disait-il,  on  arrive  devant  un  tribunal  français  avec  un  bail 
consenti  par  un  indigène  à  un  Français  —  et  il  est  bien  facile 
d'obtenir  ce  bail,  il  suflit  de  donner  100  francs  à  un  indi- 
gène et  de  lui  faire  payer  une  location  de  50  francs,  il 
vous  signera  tous  les  baux  que  vous  voudrez  —  lorsque, 
dis-je,  on  présente  ce  bail  au  tribunal  français,  la  procédure 
française  joue.  Elle  ne  touche  pas  les  gens  de  la  tribu  qui 
n'ont  point  la  personnalité  juridique.  On  obtient  facilement 
un  jugement  au  possessoire  et  le  tribunal  qui  le  rend  se 
dit  :  ce  n'est  pas  bien  grave,  ce  n'est  pas  la  propriété  que 
nous  donnons  ;  s'il  y  a  des  droits  réels,  ils  se  défendront 
devant  les  tribunaux  qui  jugent  au  pétitoire,  devant  le 
Chaara.  En  sorte  que  la  possession  est  accordée  aux  Fran- 
çais, qui  naturellement  doivent  jouir  de  toute  la  bien- 
veillance des  juridictions  françaises  établies.  Ce  danger  était 
considérable.  Nous  avons  plus  d'un  exemple  de  la  gravité 
de  pareilles  tentatives  :  beaucoup  ont  été  faites,  elles  ont 
échoué  devant  le  tribunal  mixte  de  Tunis...  En  1901,  il  a 
été  décidé  que  la  terre  collective  serait  inaliénable  et 
qu'une  commission  établirait  le  régime  à  appliquer  à  cette 
terre.  On  dit  :  mais  cette  commission  n'a  pas  encore  ter- 
miné ses  travaux...  Ce  n'est  une  petite  affaire  que  de  régle- 
menter la  terre  de  jouissance  collective  en  Tunisie.  Une 
commission  fonctionne,  qui  comprend  les  plus  hautes  auto- 
rités juridiques  de  Tunisie  et  plusieurs  de  ses  membres 
se  sont  imposé  de  véritables  expéditions  sous  la  tente 
afin  de  s'enquérir  des  mœurs  de  ceux  qui  ont  cette  jouis- 
sance. 

«  Rien  ne  serait  plus  vain  et  rien  ne  serait  plus  coupable 
(jue  de  vouloir  tirer  du  cerveau  d'un  juriste  le  ré-gime  à 
appliquer  à  cette  terre.  [Très  bien!  très  bien!) 


ORGANISATION    INTKRIEURE  281 

«  Il  s'agit  de  savoir  quelles  sont  les  traditions,  comment 
elles  se  sont  nioditiées,  comment  elles  s'améliorent  chaque 
jour  grâce  à  la  sécurité  que  nous  avons  apportée  dans  le 
pays;  il  faut  les  enregistrer,  il  faut  tâcher  d'en  faire  la 
synthèse  et  de  fonder  une  loi  à  laquelle  tout  le  monde 
obéira,  parce  qu'elle  ne  heurlera  pas  les  habitudes  reçues 
et  les  croyances  acquises.  (Très  bien!  très  bien!) 

c(  Il  y  a  en  Tunisie  toutes  sortes  de  régimes  de  jouissance 
collective.  Il  y  a  un  pays  dans  la  Kroumirie,  où  j'ai  eu  la 
surprise  de  constater  que  la  dévolution  des  terres  se  fai- 
sait comme  la  dévolution  du  trône  :  c'est  l'aîné  des  mâles 
qui  a  la  jouissance  de  la  terre  :  elle  ne  revient  pas  à  ses 
enfants  quand  il  meurt  ;  elle  revient  à  l'aîné  des  mâles. 
Pourquoi?  parce  que  là.  co  nest  pas  la  culture  qui  esl  le 
moyen  d'existence  habituel;  c'est  le  travail  du  bûcheron. 
Il  n'y  a  pas  assez  de  terre  pour  tout  le  monde;  et  alors  on 
a  suivi  l'ordre  des  préséances  comme  pour  la  succession 
du  trône. 

«  Il  y  a  d'autres  régions  où  l'on  m'a  donné  cette  expli- 
cation :  «  Si  nous  avions  la  propriété  melk,  c'est-à-dire  une 
«  propriété  semblable  à  celle  qu'a  instituée  le  code  civil 
«  français,  les  femmes  hériteraient  pour  la  moitié  d'une 
«  part  d'enfant  mâle.  La  femme  se  marie  avec  un  étran- 
«  ger;  elle  amène  l'étranger  chez  nous  :  nous  n'en  vou- 
((  Ions  pas.  Nous  laissons  donc  à  la  femme  sa  part  dans  la 
«  propriété  mobilière  ;  mais  la  propriété  immobilière, 
«  nous  préférons  qu'elle  fasse  l'objet  d'un  accord  entre 
«  nous,  sous  l'autorité  des  chefs  de  la  tribu  plutôt  que  de 
«  passer  devant  le  notaire  un  contrat  qui  serait  conforme 
<(  à  la  règle  coranique  et  dans  lequel  notre  sœur  et  notre 
«  beau-frère  auraient  une  part  du  sol  qui  doit  nous  être 
«  réservée  à  nous,  gens  de  la  fraction  et  de  la  tribu.   » 

(f  Eh  bien,  messieurs,  le  président  du  tribunal  mixte  de 
Tunis,  il  y  a  deux  ans,  s'est  chargé  de  faire  une  enquête 
décisive  ;  et  comme  il  est  très  sympathique  à  la  population 
indigène,  comme  on  sait  qu'il  est  très  dévoué  à  ses  droits 
«»t  à  ses  intérêts,  il  a  pu  obtenir,  ce  qiii  est  toujours  difli- 
cile,  qu'on  lui  parlât  à  cœur  ouvert  et  que  les  indigènes 


282  LA    TUNISIE 

osassent  lui  dire  jusqu'oii  rrionUiient  leurs  prétentions  à  la 
jouissance  du  sol  collectil'. 

«  Cette  enquête,  il  en  a  rédigé  les  conclusions  dans  un 
rapport  qui  ne  compte  pas  moins  de  450  pasres  ;  c'est  vous 
dire  que  la  discussion  de  ce  rapport  devant  la  commission 
qui  en  est  saisie  sera  probablement  longue.  Faites-nous 
crédit,  nous  ne  voulons  pas  aller  trop  vite.  Nous  espérons 
arriver  à  organiser  dans  des  conditions  satisfaisantes  la 
division  de  cette  propriété  sinon  entre  les  individus,  du 
moins  entre  les  familles,  mais  nous  croyons  qu'il  serait 
tout  à  fait  dangereux  de  mettre  dès  l'abord  cette  propriété 
sous  le  régime  du  code  civil  français  {Très  bien  I  très  bien!), 
(le  la  rendre  aliénable.  Il  faut  compter  avec  les  change- 
ments, il  faut  compter  avec  l'imprévoyance.  Que  ces 
terres  puissent  faire  l'objet  de  mutations  entre  les  indi- 
gènes de  la  même  fraction,  je  n'y  vois  pas  d'inconvénient, 
mais  il  ne  faut  pas  laisser  l'étranger,  le  spéculateur  s'in- 
troduire, par  des  aliénations  obtenues  de  la  faiblesse  des 
indigènes,  dans  une  collectivité  qu'il  désagrégera  ensuite.  » 
{Applaudissements .  ) 

Abordant  ensuite  la  question  des  terres  que  l'on  qualitie 
en  Tunisie  de  «  terres  mortes  »,  et  dont  le  caractère 
essentiel,  au  point  de  vue  du  droit  musulman,  est  «  de  ne 
point  produire  de  récolte  appréciable  »  mais  qui  cependant 
ne  sont  pas  absolument  nues  et  vacantes  car  des  troupeaux 
y  circulent,  M.  Alapetite  disait  :  «  La  règle  en  droit 
musulman  est  celle-ci  :  la  terre  morte  appartient  au  bey  ; 
elle  appartient  toutefois  à  celui  qui  l'aura  vivifiée  avec 
l'assentiment  du  souverain.  C'est  sur  cette  formule  que 
s'était  fondé  le  bey  de  Tunis  qui,  en  1872,  avait  institué 
le  régime  sous  lequel  nous  vivons  encore,  des  autorisa- 
tions de  planter  dans  les  terres  sialines  ». 

J'ai  dit  plus  haut  quelle  importance  a  pris,  depuis  l'oc- 
cupation, la  culture  des  oliviers  soit  par  les  indigènes  dans 
le  voisinage  de  la  ville  de  Sfax,  soit  par  les  Européens 
dans  un  rayon  de  40  kilomètres  environ  autour  de  la  ville. 
La  plantation  des  oliviers  a  été  accompagnée  de  la  mise 
en    culture    par  les   indigènes    de   terres   qui  jusqu'alors 


ORGANISATION    INÏKRIEURK  283 

étaient  «  terres  mortes  ».  «  Le  nombre  des  hectares  labou- 
rés est  passé  de  59.000  à  82.000.  »  D'autre  part,  «  la 
superficie  laissée  gratuitement  à  la  disposition  des  indi- 
gènes par  le  gouvernement  tunisien  y  est  de  300.000  hec- 
tares )).  En  citant  ces  chiffres  M.  Alapetite  disait  :  «  Un 
jour,  sans  doute,  la  population  indigène  sera  assez  ins- 
truite, assez  entreprenante  pour  que  sur  ces  terres,  que 
je  ne  condamne  pas  à  une  nudité  éternelle,  de  nouveaux 
efforts  soient  faits  et  de  nouveaux  éléments  de  richesse 
soient  créés  ».  Le  résident  général  rappelait  que  des 
efforts  ont  été  faits  par  l'administration  du  Protectorat 
pour  amener  les  indigènes  à  l'amélioration  de  leur  élevage 
du  mouton,  puis  répondant  au  reproche  qui  avait  été 
adressé  au  Protectorat  d'aliéner  une  trop  grande  quantité 
de  terres  mortes  au  détriment  des  indigènes,  il  déclarait  : 
«  Jusqu'à  ce  qu'une  situation  économique  nouvelle  com- 
mande d'autres  résolutions,  il  ne  sera  pas  livré  de  terres 
mortes  du  sud,  de  terres  sialines  comme  on  les  appelle,  à 
des  colons  uniquement  pour  y  élever  des  moutons  d'une 
race  supérieure  à  ceux  élevés  parles  indigènes.  Nous  pour- 
suivons dans  celte  région  les  progrès  de  l'élevage  par 
une  entente  avec  les  communautés  indigènes,  en  tâchant 
de  leur  faire  prendre  à  leur  compte  le  résultat  des  essais 
entrepris  par  les  colons  français.  Mais  il  n'y  aura  pas  de 
nouveaux  prélèvements  de  terres  sialines,  j'en  donne  l'as- 
surance à  la  Chambre  ». 

Tandis  que  le  Protectorat  s'efforçait  de  régler  la  ques- 
tion des  propriétés  collectives  et  de  mettre  en  valeur  les 
«  terres  mortes  »,  il  se  préoccupait  de  multiplier  le  nombre 
des  propriétés  privatives  et  d'assurer  leur  persistance.  Ce 
l'ut  l'objet  du  régime  de  l'immatriculation  créé  par  les 
lois  du  1"  juillet  188n  et  17  mars  1892.  En  vertu  de  ces 
lois,  tout  propriétaire  a  le  droit  de  réclamer  l'inscription 
de  sa  propriété  et  des  droits  réels  qui  l'affectent  sur  les 
registres  publics  de  la  conservation  foncière.  Il  fournit 
ses  titres,  une  enquête  est  faite  par  les  soins  du  tribunal 
mixte  et,  s'il  y  a  lieu,  l'inscription  est  ordonnée  par  un 
jugement  de  ce  tribunal.   Le  titre  foncier   qui  en  résulte 


284  LA    TlîNlSIK 

constitue  désormais  la  base  indis(îutable  de  la  propriété  et 
celle-ci  n'est  plus  soumise  qu'à  la  législation  française. 
D'après  la  statistique  officielle  pour  l'année  1912,  le 
nombre  total  des  titres  d'immatriculation  délivrés  au  31  dé- 
cembre 1912  s'élevait  à  18.212  représentant  une  étendue 
de  1.090.960  hectares  et  une  valeur  de  171.522.420  francs. 
A  la  même  époque,  le  montant  des  rentes  d'enzel  inscrites 
sur  propriétés  immatriculées  s'élevait  à  2. 025. 753  fr.  20  et 
les  créances  hypothécaires  sur  ces  mêmes  propriétés  à  une 
somme  de  184.445.000  francs. 

Ces  chififres  fournissent  une  indication  fort  intéressante 
sur  l'état  de  la  propriété  immobilière  en  Tunisie.  Il  en  res- 
sort qu'un  très  grand  nombre  de  propriétés  ont  été  ache- 
tées d'après  le  système  de  Tenzel,  c'est-à-dire  qu'au  lieu  de 
la  payer  en  capital,  on  la  paie  au  moyen  dune  rente  qui, 
en  principe,  est  perpétuelle.  Autrefois  l'acheteur  ne  pou- 
vait se  libérer  de  cette  rente  qu  à  la  suite  d'un  accord  avec 
le  vendeur.  En  vertu  d'un  décret  du  22  janvier  1905  le 
débiteur  a  le  droit  de  se  libérer  de  son  enzel,  quand  il  le 
veut,  par  le  paiement  au  vendeur  d'une  somme  égale  au 
montant  de  vingt  annuités. 

Un  second  chiffre  intéressant  est  celui  des  créances 
hypothécaires  qui  frappent  les  propriétés  immatriculées. 
Tandis  que  la  valeur  totale  déclarée  de  ces  propriétés  est 
en  chiffres  ronds  de  171  millions  et  demi,  celle  des  hypo- 
tbèques  est  de  114  millions  et  demi  environ.  Il  est  évident 
que  l'immatriculation  a  beaucoup  favorisé  les  prêts  hypo- 
thécaires en  donnant  des  garanties  aux  prêteurs,  mais  il 
apparaît,  d'autre  part,  clairement  que  la  plupart  des  pro- 
priétés sont  grevées  d'hypothèques. 

L'examen  du  tableau  des  immatriculations  par  nationa- 
lités est  instructif,  en  ce  qu'il  montre  que  les  Tunisiens, 
d'abord  peu  favorables  à  ce  régime,  s'y  adaptent  de  plus 
en  plus.  De  1886  à  1891  inclus,  ils  n'avaient  fait  immatri- 
culer que  24  propriétés.  En  1891,  ils  en  firent  immatriculer 
86:  en  1912  ils  en  firent  immatriculer  224. 


ORGANISATION    INTKHIKUBK  285 

I  IV.  —  Les  finances  et  le  budget 

Lorsque  la  France  assuma  le  Proleclorat  de  la  Tunisie, 
la  dette  du  Gouvernement  beyiical  s'élevait  à  145  millions 
de  francs  et  exigeait,  pour  le  paiement  dos  intérêts,  une 
somme  annuelle  de  6.307.000  francs.  Comme  les  créan- 
ciers de  la  Régence  étaient  en  majorité  des  étrangers,  il 
avait  été  institué,  sur  l'initiative  de  la  France,  en  1869, 
une  Commission  financière  internationale  qui  surveillait 
la  perception  de  certains  revenus  et  en  assurait  la  répar- 
tition entre  les  créanciers.  Counne  les  recettes  totales  de 
la  Régence  ne  dépassaient  guère  12  à  13  millions,  la  plus 
grande  partie  de  cette  somme  était  absorbée  par  la  dette, 
par  la  liste  civile  et  par  les  fonctionnaires  indigènes  dont 
un  certain  nombre  étaient  parfaitement  inutiles. 

Le  premier  soin  du  Protectorat  fut  de  convertir  la  dette, 
de  manière  à  réduire  le  taux  des  intérêts  et,  par  conséquent, 
de  réaliser  un  Ix'-néiice  pour  le  Irésor.  Au  moyen  de  trois 
conversions  successives,  opérées  en  1884,  1889  et  1892, 
le  capital  de  la  dette  fut  porté  de  142.550.000  francs  à 
198.193.000  francs,  le  total  des  intérêts  ;i  payei-  restant 
fixé  à  6.307.580  francs.  Le  trésor  réalisji  i»ar  ces  trois 
opérations  un  bénélice  de  20.278.562  francs  qui  fut  oon- 
sacré  aux  chemins  de  fer.  En  même  temps,  sans  création 
d'impôts  nouveaux,  mais  grâce  à  une  meilleure  adminis- 
tration et  par  suite  du  progrès  économique,  le  chiffre 
des  recettes  alla  sans  cesse  en  s'accroissant.  En  188—1883, 
il  était  de  12  millions  de  francs;  en  1886-87,  il  atteignait 
26  millions  ;  en  1898  il  atteignait  38.910.000  francs  y 
compris  les  fonds  provenant  d'emprunts;  en  1904,  dans 
les  mêmes  conditions,  il  dépassait  77.284.000  francs  ; 
en  1912,  il  dépasse  166.234.000  francs,  chilfre  total  dans 
lequel  figurent  près  de  63  millions  pour  les  recettes  ordi- 
naires et  98.553.000  francs  de  ressources  extraordinaires 
(emprunts).  La  Tunisie,  en  etfet,  a  contracté,  fort  ration- 
nellement, la  coutume  de  faire  face  à  ses  dépenses  de 
premier    établissement    au    moyen   de    fonds    d'emprunl. 


286  LA    TUNISll': 

C'est  ce  qui  lui  ;i  permis  de  réaliser  les  travaux  consi- 
dérables dont  nous  avons  déjà  parlé  sans  accroître  sensi- 
l)lenient  les  charges  fiscales  des  populations  indigènes  et 
des  colons.  Elle  a  donné  par  cette  conduite  à  la  métropole 
une-  excellente  leçon,  en  même  temps  qu'elle  prouvait 
l'excellence  de  la  politique  qui  consiste  à  laisser  les  colo- 
nies maîtresses  de  leurs  budgets. 

Il  n'y  a  pas  en  Tunisie  de  crédits  supplémentaires.  Il  a 
été  constitué  un  fonds  de  réserve  sur  lequel  on  prélève  les 
sommes  nécessaires  pour  faire  face  aux  excédents  de 
dépenses  et  dans  lequel  on  verse  les  excédents  de  recettes. 
Or,  depuis  1884,  il  né  s'est  présenté  que  deux  exercices, 
ceux  de  1887-88  et  de  1888-89  qui  se  soient  soldés  par  un 
excédent  de  dépenses,  tous  les  autres  budgets  ont  donné 
des  excédents  de  recette.  Il  n'en  faut  pas  davantage  pour 
établir  l'excellence  du  régime  financier  et  budg-étaire  pra- 
tiqué par  le  Protectorat. 

Les  recettes  de  ce  budget  sont  représentées  par  :  des 
impôts  directs  (Medjba  ou  impôt  de  capitation  sur  les 
indigènes  qui  a  été  réduit  de  26  francs  environ  à  18  francs  ; 
l'achour  dont  il  a  été  question  plus  haut,  sur  les  céréales,  le 
Khanon,  sur  les  oliviers  et  les  dattiers,  et  les  taxes  diverses 
sur  les  produits  végétaux,  la  taxe  sur  les  terrains  maraî- 
chers et  les  vergers,  l'impôt  sur  les  propriétés  bâties  et  les 
patentes  représentant  près  de  10  millions  de  francs;  des 
impôts  indirects  (timbre  et  enregistrement,  droits  de 
mutation  ;  droits  de  douane,  droits  maritimes  de  phares,  de 
ports,  etc.  ;  droits  sur  la  fabrication.  la  vente  ou  la  con- 
sommation de  certains  produits)  représentant  plus  de 
20  millions  de  francs  ;  des  monopoles  (sel,  poudre,  tabac, 
allumettes,  cartes  à  jouer,  postes,  télégraphes  et  télé- 
phones, etc.,)  représentant  près  de  25  millions;  produits 
du  domaine,  droits  d'immatriculation,  de  chancellerie,  etc., 
représentant  près  de  4  millions  de  francs. 

Les  principales  dépenses  ordinaires  sont  représentées 
par  les  annuités  de  la  dette  publique  et  autres  créances  : 
12.700.000  francs;  la  liste  civile  du  bey  et  de  sa  famille  : 
1.900.000  francs  en  chiffres  ronds;  la  résidence  générale, 


ORGANISATION    INTÉRIEURK  287 

les  contrôles  civils  el  l'administralion  des  territoires  du 
sud  :  1.36:2.000  francs;  les  pensions  civiles  et  militaires 
et  la  subvention  aux  sociétés  de  prévoyance  des  fonction- 
naires et  employés  tunisiens,  environ  1.400.000  francs  ; 
les  frais  de  perception,  de  régie,  d'exploitation  des  impôts 
et  revenus  publics,  environ  9.000.000  de  francs  ;  les  postes 
et  les  télégraphes  :  3.433.000  francs;  les  services  indi- 
gènes, la  sécurité  publique,  l'assistance  médicale,  la  gen- 
darmerie, la  justice  et  autres  dépenses  de  l'administration 
centrale  :  G. 500. 000  francs  ;  les  services  de  Tagricultui'e, 
du  commerce  et  de  la  colonisation  :  1.700.000  francs; 
les  services  de  l'enseignement  :  3.500.000  francs;  l'armée 
tunisienne  :  460 .000  francs  ;  les  services  des  travaux  publics  : 
8.163.000  francs. 

I  V.  —  Instruction  publique  et  assistance 

Parmi  ces  dépenses,  celles  qui  ont  pour  objet  l'instruc- 
tion et  l'assistance  méritent  une  mention  particulière,  en 
raison  des  principes  excellents  qui  président  à  leur  emploi. 
«  Dès  qu'il  y  a  eu  des  Français  en  Tunisie,  disait  M.  Ala- 
petite  à  la  tribune  de  la  Chambre,  le  26  janvier  1912,  ils 
ont  demandé  des  écoles  et  on  les  leur  a  données.  Les 
Italiens  avaient  des  écoles  avant  l'avènement  du  Protecto- 
rat, ils  les  ont  conservées.  Nous  avons  voulu,  nous,  faire  à 
l'école  la  fusion  de  l'élément  français,  de  l'élément  euro- 
péen et  de  l'élément  indigène.  Nos  écoles  ont  été,  dès  l'ori- 
gine, ouvertes  à  toutes  les  races,  et  c'est  ainsi  que  l'ensei- 
gnement de  la  langue  française  s'est  répandu  de  plus  en 
plus  en  Tunisie. 

«  Mais  il  y  avait  tout  de  même  des  préventions  à  vaincre. 
Beaucoup  de  parents  musulmans  avaient  l'habitude  d'en- 
voyer de  préférence  leurs  enfants  dans  les  écoles  cora- 
niques, oii  l'on  récite  le  coran  du  matin  au  soir,  sans 
enseigner  aucune  des  données  positives  de  la  science 
moderne.  Nous  avons  voulu  attirer  les  enfants  musulmans 
dans  nos  écoles.  Pour  cela,  il  nous  a  fallu  transiger  avec 
les  exigences  de  ces  populations  musulmanes.  Il  a  fallu 


288  LA    TUNISIE 

régler  les  heures  de  telle  sorte  que  le  petit  musulman  pût 
aller,  par  exemple  le  malin  à  Kouttab,  à  l'école  coranique, 
et  l'après-midi  à  l'école  i'ran(;aise  ;  il  a  fallu  instituer  des 
cours  distincts  polir  les  Français  et  pour  les  indigènes,  au 
moins  au  début  de  renseignement;  il  a  fallu  conmiencer 
par  appliquer  en  quelque  sorte  la  méthode  Berlitz  aux 
jeunes  indigènes,  il  a  fallu  leur  apprendre  à  pouvoir  suivre 
le  langage  du  maître,  et  ce  n'est  que  dans  le  cours  supé- 
rieur que  la  réunion  se  fait;  il  a  fallu,  en  d'autres  termes, 
que  notre  administration  de  l'enseignement,  au  lieu  de 
transporter  purement  et  simplement  en  Tunisie  les  horaires, 
les  programmes  et  les  livres  de  la  métropole,  se  pliât  aux 
exigences  diverses  de  la  clientèle  scolaire  qu'elle  devait 
recevoir.  [Très  bien!  1res  dieu!)  ...  Les  résultats  ont 
répondu  à  notre  attente  ;  car  tandis  qu'il  n'y  avait  dans  nos 
écoles,  en  1906,  que  3.000  musulmans,  presque  tous  dans 
les  écoles  des  villes,  il  y  en  a  aujourd'hui  8.000.  Nous 
avons  créé  des  écoles  pour  les  musulmans  dans  les  vil- 
lages les  plus  reculés,  et  l'enseignement  par  les  maîtres 
français  a  tellenjent  gagné  la  confiance  de  cette  population, 
celle-ci  s'est  tellement  rendu  compte  des  services  que 
l'enseignement  peut  rendre  aux  enfants,  qu'aujourd'hui 
partout  on  nous  réclame  des  écoles,  et  qu'à  peine  sont- 
elles  ouvertes  qu'elles  sont  remplies.  [Très  bien!  très 
bien!) 

«  A  côté  des  écoles  de  garçons,  nous  avons  pu  ouvrir 
des  écoles  de  lilles  ;  et  ce  n'est  pas  le  moindre;,  le  moins 
remarquable,  le  moins  inattendu,  pourrais-je  dire,  des  pro- 
grès qui  ont  été  réalisés.  Il  y  a  aujourd'hui  environ  huit 
cents  petites  musUlnianes  dans  les  écoles  françaises.  Mes- 
sieurs, pourquoi"?  Parce  que  nous  nous  sommes  demandé 
comment  il  fallait  faire  pour  vaincre  la  répugnance  des 
familles  musulmanes,  pour  obtenir  que  des  petites  filles 
voilées  traversent  la  rue  et  aillent  jusqu'à  l'école  sans 
qu'aucune  protestation  se  fasse  entendre.  Nous  avons  mon- 
tré aux  familles  l'intérêt  immédiat  de  l'enseignement  que 
nous  donnerions  en  faisant  de  cet  enseignement  un  ensei- 
gnement surtout  professionnel. 


ORtiANlSATION    INTÉRIEURE  289 

«  Les  Arabes  sentent  aujourd'hui,  surtout  ceux  des  villes, 
qu'il  no  leur  est  pas  possible  de  s'endormir,  qu'il  faut  qu'ils 
acceptent  la  lutte  et  la  concurrence.  Jl  faut  qu'il  y  ait  dans 
l'intérieur  de  chaque  famille  de  nouveaux  moyens  d'exis- 
tence. Il  faut  que  la  femme  qui,  autrefois,  était  oisive  et 
vivait  du  salaire  de  son  mari,  contribue  maintenant  au  bien- 
être  de  la  famille.  Nous  enseignons  à  ces  jeunes  tilles  les 
métiers  qui  conviennent  à  leur  sexe.  L'enseignement  du 
tissage,  de  la  broderie,  de  la  couture,  l'enseignement 
ménager  sont  donnés  dans  nos  écoles  de  filles  et  occupent 
au  moins  la  moitié  du  temps  dont  disposent  les  institu- 
trices. »  {Applaudissements .) 

Nous  avons  rappelé  plus  haut  les  mesures  excellentes 
prises  en  vue  de  l'enseignement  professionnel  de  l'agricul- 
ture et  des  métiers;  nous  n'y  reviendrons  pas.  Bornons- 
nous  adonner  quelques  détails  statistiques.  «  Le  nombre 
total  des  élèves,  adultes  et  enfants,  qui  reçoivent  l'ensei- 
gnement dans  nos  écoles,  dit  le  Rapport  au  président  de  la 
République  pour  1912,  s'est  élevé  en  1912  à  40.018  unités. 
Si  1  on  défalque  de  ce  chiffre  les  2.645  auditeurs  des  cours 
d'adultes,  les  établissements  scolaires  français  de  la  Ré- 
gence comptaient,  au  31  décembre  1912,  37.373  élèves 
(26.306  garçons  et  14.067  filles)...  au  regard  des  nationa- 
lités, la  répartition  des  élèves  (adultes  non  compris)  est 
la  suivante:  Français  8.582;  Musulmans  10.787;  Israé- 
lites 7.905;  Italiens  7.942;  Maltais  1.817;  divers  340.  » 
Tous  ces  chiffres  sont  en  augmentation  sur  ceux  de  l'année 
1911  «  mais,  dit  le  Rapport,  celle-ci  est  particulièrement 
notable  pour  les  indigènes  musulmans  (2.279  de  plus 
qu'en  1911),  qui  représentent  à  eux  seuls  près  des  deux 
tiers  de  l'accroissement  total  des  élèves  et  qui  sont  près  de 
trois  fois  plus  nombreux  qu'il  y  a  cinq  ans  (3.835  en  1907). 
Il  convient  d'ajouter  que  sur  les  2.645  auditeurs  des  cours 
d'adultes,  plus  des  quatre  cinquièmes,  soit  plus  de  2.000, 
sont  des  indigènes  musulmans  et  que  les  jeunes  filles 
musulmanes  instruites  dans  nos  écoles  sont  passées  de 
202  en  1907  à  944  en  1911  et  à  1.310  en  1912.  Ce  résultat 
est  dû  sans  doute  à  la  création  de  nombreuses  écoles  dans 

J.-L.  Db  La.nessa.n.  —  La  Tunisie.  19 


290  I.A    TLMSIK 

les  centres  indigènes,  à  l'ouverture  de  nouvelles  écoles 
de  filles  musulmanes,  à  l'institution  de  cours  d'adultes 
spéciaux  d'enseig^nement  du  français  :  il  est  dû  surtout  à 
l'empressement  que  témoignent  nos  protégés  indigènes 
pour  l'instruction  donnée  à  l'école  française.  Ils  deman- 
dent des  écoles  et  des  cours  d'adultes  avec  un  empresse- 
ment croissant  ». 

Au  sujet  de  l'assistance  pour  laquelle  il  a  été  beaucoup 
fait  depuis  quelques  années,  M.  Alapetite  disait  le  26  jan- 
vier 1912  à  la  tribune  delà  Chambre  :  «  Messieurs,  cette 
population  indigène,  il  ne  faut  pas  croire  qu'elle  ignorait 
l'assistance  avant  notre  arrivée.  Les  Arabes  ont  bien  des 
défauts,  vous  me  dispenserez  d'en  parler  aujourd'hui,  mais 
ils  ont  aussi  de  grandes  qualités.  Ils  sont  très  généreux, 
ils  ont  le  sentiment  très  développé  de  la  solidarité  entre  core- 
ligionnaires, entre  membres  de  la  même  tribu.  Dans  une 
tribu  il  n'y  a  pas  d'orphelins  ;  celui  qui  a  perdu  son  père 
est  immédiatement  recueilli.  De  même  autrefois,  dans  les 
villes,  quand  il  y  avait  de  riches  bourgeois  qui  profitaient 
de  la  faveur  du  souverain,  ces  bourgeois  avaient,  comme 
jadis  les  patriciens  à  Rome,  une  clientèle  qui  venait  chaque 
matin  et  chaque  soir  recueillir  les  restes  du  repas  de  la 
famille.  Ces  habitudes  se  perdent  depuis  que  nous  sommes 
là.  La  bourgeoisie  indigène  s'appauvrit.  Certaines  sources 
de  revenus  lui  manquent.  Elle  est  moins  généreuse  et 
puis  elle  compte  sur  le  Gouvernement  qui,  ayant  organisé 
l'assistance  pour  les  Européens,  doit  bien  l'organiser  aussi 
pour  les  indigènes. 

«  Il  a  donc  fallu  s'occuper  de  l'assistance  aux  indigènes. 
Il  y  avait  déjà  à  Tunis  un  établissement  hospitalier  con- 
sidérable, bien  connu,  admirablement  dirigé,  et  où  l'on 
vient  de  très  loin  pour  les  opérations  chirurgicales  les  plus 
difficiles,  l'hôpital  Sadiki.  Mais  il  ne  suffisait  pas  d'un 
seul  hôpital  indigène  sur  tout  le  territoire  de  la  Régence. 
Il  fallait  créer  de  petits  hôpitaux,  de  petits  dispensaires  ;  il 
fallait  encore  leur  assurer  une  dotation.  Nous  avons  créé 
des  centimes  additionnels  spéciaux  à  l'assistance.  Nous 
avons    d'autre  part,  amené  l'administration  des  habous  à 


ORGANISATION    IN TIÎRIKURE  291 

participer  à  la  dépense,  en  sorte  qu'aujourd'liui,  sur  le  ter- 
ritoire de  la  Tunisie,  il  y  a  une  quarantaine  de  médecins 
qui  ne  soignent  pas  seulement  la  colonie  française,  qui 
sont  aussi  des  médecins  affectés  à  des  œuvres  d'assistance 
aux  indigènes...  Après  le  dispensaire  de  Kairouan  et  à  son 
exemple,  un  grand  nombre  d'autres  établissements  ana- 
logues se  sont  fondés  et  fonctionnent  aujourd'bui  avec  le 
concours  des  médecins  civils  ou  militaires.  {Très  bien!  très 
bien!)  Le  nombre  des  consultations  s'élève  chaque  année  ; 
l'an  dernier,  on  n"a  pas  présenté  moins  de  60.000  malades 
à  nos  divers  hôpitaux  et  dispensaires.  Il  y  a  là  une  œuvre 
française  qui  esta  l'honneur  de  notre  race.  n[Très  bien!  très 
bien,  !) 

En  somme,  la  Tunisie  ne  saurait  trop  se  féliciter  de  hi 
manière  dont  ses  intérêts  financiers,  économiques,  moraux, 
intellectuels,  etc.,  ont  été  gérés  par  le  Protectorat,  Plus 
heureuse  que  la  plupart  de  nos  colonies,  elle  a  échappé  à 
la  manie  d'administration  directe  et  d'assimilation  à  la 
métropole  que  les  représentants  du  ministère  des  Colonies 
ont  manifestée  partout  oij  ils  sont  passés.  Elle  a  été  admi- 
nistrée non  point  d'après  les  principes  appliqués  à  la 
métropole  et  dont  celle-ci  n'a  pas  toujours  à  se  louer, 
mais  conformément  aux  conditions  ethnographiques, 
sociales,  chimatériques,  etc.,  qui  lui  sont  imposées  parla 
nature  ou  les  traditions,  et  c'est  pour  cela  que  depuis  qua- 
rante ans  elle  n'a  jamais  cessé  d'évoluer  dans  la  voie  du 
progrès.  M.  Alapetite  tirait  la  philosophie  de  cette  évolu- 
tion lorsqu'il  terminait  ses  discours  par  les  considérations 
suivantes  :  «  Nous  n'avons  pas  eu  l'ambition  de  couvrir  le 
sol  africain  de  constructions  aussi  somptueuses  que  celles 
dont  les  ruines  attestent  la  puissance  de  Rome. 

«  Ce  n'est  pas  dans  des  murailles  colossales  que  nous 
avons  voulu  mettre  notre  orgueil  et  notre  sécurité.  Nous 
avons  voulu  que  toutes  les  n^ssources  de  la  Régence  fussent 
employées  à  accroître  le  bien-être,  les  facultés  de  produc- 
tion et  d'échange  des  populations  qui  l'habitent.  [Très  bien! 
très  bien  !)  Nous  avons  voulu  mener  de  front  l'éducation 
qui  suscite  de  nouveaux  besoins,  en  même  temps  que  la 


292  LA    TL'NISIK 

(■ri'>alioii  (les  iiisLruiiiciils  de  travail  cl  ilc  liclirssc  (|ui  per- 
mettent de  les  satisfaire.  [Applaudissements.) 

«  Nous  avions  devant  nous  un  de  ces  édifices  hétéro- 
gènes, qui  abritent  les  traditions  orientales  et  dont  il  ne 
iallait  pas  faire  table  rase.  [Très  bien!  Très  bien!)  Mais, 
chaque  année,  nous  essayons  d'introduire,  dans  ce  dédale 
mystérieux,  un  peu  plus  d'air  et  de  lumière.  Nous  rempla- 
çons par  des  matériaux  solides  les  parties  veimoulues.  » 


CHAPITRE  XII 

L  ETAT  MORAL  DES  INDIGÈNES 


En  1887,  je  teiinniais  les  considérations  relatives  aux 
[)Oj)ulalions  indigènes  de  la  Tunisie  par  les  lig'nes  suivantes 
que  je  liens  à  reproduire  intégralement  parce  que  les  faits, 
malgré  quelques  incidents  déplorables,  en  ont  démontré 
l'exactitude  :  «  Ce  que  nous  venons  de  dire  des  habitants 
des  campagnes  de  la  Tunisie  permet  d'affirmer  qu'en 
dehors  de  circonstances  exceptionnelles,  telles  que  des 
revers  subis  par  la  France  en  Europe  et  des  excitations 
provenant  du  dehors,  les  colons  français  qui  vont  fécon- 
der de  leur  travail  et  de  leurs  capitaux  les  terres  fertiles 
de  la  Tunisie  peuvent  espérer  y  jouir  d'une  entière  sécu- 
rité. Si  l'on  se  place  à  un  point  de  vue  général,  celle-ci 
est  encore  accrue  par  la  nature  pacifique,  je  dirais  volon- 
tiers indolente,  des  habitants  des  villes.  Ceux-ci  sont  le 
produit  d'une  civilisation  vieillie,  plus  raffinée  que  puis- 
sante; ils  songent  bien  davantage  aux  agréments  et  aux 
avantages  nouveaux  que  notre  présence  peut  leur  procu- 
rer qu'aux  froissements  produits  par  un  changement  de 
régime  qu'ils  considèrent  comme  une  inéluctable  fatalité. 

«  Avec  les  caractères  que  nous  venons  de  tracer  et  la 
nature  du  sol  sur  lequel  ils  vivent,  les  indigènes  réunissent 
à  peu  près  toutes  les  conditions  nécessaires  pour  jouir 
d'une  réelle  prospérité.,  Cependant  les  industries  natio- 
nales se  sont  effondrées,  à  mesure  que  les  mœurs  s'amol- 
lissaient et  que  la  civilisation  répandue  jadis  dans  le  pays 
par  les  Romains  allait  en  s'obscurcissant.  L'agriculture 
elle-même  a  perdu  cha(jue  jour  de  son  énergie  sous  l'in- 
lluence  des  charges  énormes  dont  elle  était  accablée.  )) 


294  I,.\    TUNISIE 

Ce  qui,  en  somme,  manquait  à  ce  peuple,  c'était  un 
gouvernement  dig-ne  de  ce  nom,  c'est-à-dire  capable  de 
développer  les  qualités  intellectuelles  et  physiques  de  la 
population  en  même  temps  que  de  doter  le  pays  de  l'or- 
ganisation administrative  et  de  l'outillage  économique  sans 
lesquels  aucune  nation  ne  peut  progresser.  C'est  cette 
double  tâche  que  la  France  assuma  le  jour  où  elle  imposa 
son  prolectoral  au  gouvernement  et  au  peuple  de  la  Tuni- 
sie. 

Mais,  en  dehors  de  la  masse  et  au-dessus  d'elle,  il  s'est 
formé  dans  la  Régence,  depuis  une  dizaine  d'années,  un 
petit  groupe  de  personnalités  tunisiennes  assez  instruites 
pour  en  imposer,  assez  remuantes  pour  attirer  l'attention 
et  dont  le  verbe  était  assez  haut  pour  qu'on  l'entendît 
jusqu'aux  alentours  du  Palais-Bourbon.  C'est  parles  mem- 
bres de  ce  petit  aréopage  que  l'opinion  sur  la  Tunisie  a 
été  faite,  pendant  longtemps,  dans  nos  milieux  parlemen- 
taires et  gouvernementaux.  On  les  désigna  chez  nous,  et 
il  semble  bien  qu'ils  aient  plu  à  se  désigner  eux-mêmes 
sous  le  titre  de  «  Jeunes-Tunisiens  »  par  analogie  avec  les 
«  Jeunes-Turcs  »  pour  lesquels  ils  affichaient  une  grande 
admiration. 

Issus  de  familles  bourgeoises  tunisiennes,  ayant  reçu, 
soit  à  Tunis,  soit  en  France  même,  une  éducation  fran- 
çaise, ils  se  sentaient  supérieurs,  à  la  fois,  aux  «  Vieux- 
Tunisiens  ))  dont  je  parlerai  dans  un  instant,  et  à  la  masse 
du  peuple.  Intellectuellement,  cette  supériorité  n'est  pas 
douteuse.  Elle  a  eu  pour  résultat  de  faire  naître  chez  ceux 
qui  la  possèdent,  des  ambitions  dont  il  est  impossible  de 
contester  la  légitimité,  mais  qui  ne  surent  pas  toujours 
se  modérer  et  qui,  surtout,  méconnurent  les  nécessités  du 
Protectorat.  Ils  n'aspiraient  à  rien  moins  qu'à  prendre  la 
place  des  F'rançais  dans  le  gouvernement  et  l'administra- 
tion de  leur  pays  et  ne  se  montraient  pas  plus  respectueux 
de  l'autorité  du  bey  que  de  celle  du  résident  général.  Peu 
sympathiques  aux  «  Vieux-Tunisiens  »  et  à  peu  près 
dépourvus  d'autorité  sur  le  peuple,  ils  ne  pouvaient  faire 
valoir   leurs   prétentions   qu'en  faisant  de  l'opposition  à 


l'ktat  moral   dks   indigènes  29u 

tous  les  pouvoirs  constitués.  N'avaient-ils  pas  appris,  dans 
la  fréquentation  de  nos  politiciens,  que  c'est,  en  France 
même,  par  l'opposition  que  Ton  arrive?  Ils  faisaient  donc 
de  l'opposition  et  ils  en  faisaient  même  aux  colons  français 
qui,  pour  ce  motif  et  quelques  autres  encore,  leur  sont,  en 
général,  défavorables.  Au  moment  de  l'avènement  au  pou- 
voir des  Jeunes-Turcs,  quelques-uns  d'entre  eux  allèrent 
plus  loin  encore.  «  A  la  suite  des  événements  de  Gonstan- 
linople,  dit  M.   Alapetite   (Discours  du  26  janvier  1912), 
ils  se  sont  dit  que  l'établissement  de  la  France  à  Tunis 
les  avait  sans  doute  privés  d'une  occasion  (|ui  n'aurait  pas 
manqué  de  naître  pour  eux  d'exercer  le  pouvoir  dans  leur 
pays,  »  et  c'est  pour  cela  sans  doute  qu'ils  firent  de  l'op- 
position au  bey  ;  mais  si  la  France  n'avait  pas  le  protectorat 
de  la  Tunisie,  ils  n'existeraient  môme  pas,  car  c'est  à  elle 
qu'ils  doivent  leur  formation  intellectuelle.  Quand  éclata  la 
guerre  entre  l'Italie  et  la  Turquie  à  propos  de  la  Tripoli- 
taine,  quelques-uns  «  donnèrent  à  penser,  dit  M.  Alapetite, 
soit  par  leurs  écrits,  soit  par  leurs  discours,  que  c'était  à 
toute  la  population  des  Roumis  ([u'ils  en  voulaient  ».  Ils 
allèrent  jusqu'à  former  des  complots  et  mirent  le  gouver- 
nement du  Protectorat,  d'accord  avec  celui  du  Bey,  dans 
la  nécessité  de  prononcer  quelques  expulsions.  Cette  mesure 
suffit,  du  reste,   pour  faire  rentrer  dans  l'ordre  ceux  qui 
avaient  tenté  de  le  troubler.  Elle  fut  d'autant  plus  efficace 
que  les  expulsés  ne  trouvèrent  pas  en  France  les  appuis 
sur  lesquels  ils  avaient  cru  pouvoir  compter;  leurs  excès 
avaient  ouvert  les  yeux  de  nos  politiciens.  Ils  avaient  aussi 
justifié  la  défiance  qui  leur  était  manifestée  depuis  longtemps 
par  les  colons  français  et  éclairé  les  bureaux  du  Ministère 
des  affaires  étrangères.  Depuis  cette  époque  on  y  a  mieux 
compris  la  nécessité  de  tenir  la  balance  ég:ale  entre  les 
intérêts  des  colons  et  ceux  des  indigènes.  La  tâcbe  poli- 
tique et  administrative  du  résident  général  et  de  ses  ser- 
vices ne  pourra  qu'en  être  beaucoup  facilitée. 

La  formation  du  groupement  «  Jeune-Tunisien  »  et  le 
développement  de  ses  ambitions  furent  beaucoup  facili- 
tés   par    l'attitude    beaucoup    trop    réservée    que    prit  la 


296  LA    TlMSIi: 

grande  hourgeoisi»;  tunisienne  après  rétablissement  du  pro- 
tectorat dans  la  Régence.  Constituée  par  un  nombre  peu 
considérable  de  familles  presque  toutes  alliées  les  unes 
aux  autres,  cette  bourgeoisie  vivait  de  temps  immémorial 
des  faveurs  et  des  fonctions  qui  lui  étaient  accordées  par 
les  beys.  Elle  possédait  des  propriétés  mal  gérées,  d'un 
rapport  peu  considérable  et  vivait  surtout  de  ce  qu'elle 
tirait  du  trésor  beylical.  A  la  suite  de  Toccupation  fran- 
çaise, l'existence  lui  devint  en  général  ^difficile,  en  raison 
des  réformes  introduites  dans  le  gouvernement  et  les  ser- 
vices publics.  Quelques  familles  vendirent  leurs  proprié- 
lés  à  des  Européens  et  quittèrent  la  Régence.  La  plupart 
restèrent  en  Tunisie,  mais  furent  contraintes  de  réduire 
leurs  dépenses  et  même  de  vendre  une  portion  plus  ou 
moins  grande  de  leurs  biens.  Elles  s'effondrent  ainsi  petit 
à  petit  dans  l'inaction  et  l'indolence.  D'autres,  se  ralliant 
avec  loyauté  au  nouveau  régime,  y  sollicitèrent  des 
emplois.  Elles  détiennent  la  plupart  des  caïdats  et  jouis- 
sent d'une  autorité  non  contestée  parmi  les  populations 
indigènes.  Peu  à  peu,  leur  moralité  administrative  s'est 
améliorée,  par  l'exemple  des  fonctionnaires  français  et  en 
raison  du  contrôle  auquel  elles  sont  soumises;  les  exemples 
.deviennent  rares  de  gros  fonctionnaires  tunisiens  contre 
lesquels  le  gouvernement  du  Protectorat  doit  sévir  pour 
châtier  des  actes  de  concussion  ou  des  abus  de  pouvoir. 
Une  troisième  catégorie  de  l'ancienne  bourgeoisie  est 
constituée  par  les  familles  qui  se  confinent  dans  les  fonc- 
tions revêtant  plus  ou  moins  le  caractère  religieux,  telles 
que  l'enseignement  dans  les  établissements  musulmans, 
les  tribunaux  qui  jugent  au  nom  du  Coran,  etc.  Elles  repré- 
sentent, d'après  les  personnes  les  plus  autorisées,  la 
partie  la  plus  digne,  la  plus  morale,  la  plus  instruite  des 
ce  Vieux-Tunisiens  ».  Elles  méritent  que  le  Protectorat 
s'intéresse  à  elles  et  les  utilise  ;  ce  serait,  sans  aucun 
doute,  le  meilleur  moyen  de  contre-balancer  l'influence 
des  éléments  d'agitation  fournis  par  les  «  Jeunes-Tuni- 
siens ». 

La  masse  de  la  population  tunisienne  a  vécu,  depuis  l'éta- 


i/kTAT    moral    DKS    INDIC.KNKS  297 

blissement  du  Protectorat,  dans  un  état  de  tranquillité  ;i 
|)eu  près  constante.  Quelques  incidents  se  sont  produits  de 
leiiips  à  autre,  en  quehjues  points,  mais  ils  n'oni  jamais 
eu  ni  durée  ni  conséquences  graves  au  point  de  vue  de 
l'élat  moral  de  la  population.  Celui-ci  est,  en  somme,  aussi 
bon  qu'il  est  possible  de  le  désirer.  Il  s'est  même  produit 
une  évolution  marquée  de  la  mentalité  tunisienne  vers  la 
mentalité  française.  Le  peuple  commence  à  éprouvei-,  en 
vivant  à  notre  contact,  des  besoins  de  bien-être,  d'Iiy- 
giène,  de  salubrité  qu'il  ne  connaissait  pas,  et  il  com- 
mence d'en  résulter  le  désir  de  travailler  plus  (ju'il  ne  le 
faisait  jadis  pour  acquérir  ces  biens  nouveaux.  Il  sera 
facile  de  provoquer  l'accentuation  de  cette  marche  vers  la 
civilisation.  Trois  conditions,  particulièrement,  y  pourront 
contribuer  :  le  respect  de  tout  ce  ([ui  tient  aux  mœurs  tra- 
ditionnelles du  pays  ;  celui  de  tout  ce  qui  touche  de  près 
ou  de  loin  à  la  religion;  celui  de  la  propriété. 

La  prétention  des  colonisateurs  est,  généralement, 
d'imposer  aux  peuples  colonisés  leurs  propres  mœurs, 
croyances  et  conceptions  de  la  propriété,  sous  le  prétexte 
qu'étant  parvenus  à  un  plus  haut  degré  de  civilisation  ils 
sont  plus  près  de  la  vérité  morale  et  sociale  (jue  les 
peuples  auxquels  ils  ont  imposé  leur  domination.  Or,  il  n'y 
a  pas  d'erreur  plus  lourde  que  celle-là  ;  il  n'y  eii  a  pas  non 
plus  qui  soient  la  source  de  fautes  plus  graves  et  de 
mécontentements  plus  dangereux.  Quelque  dédain,  par 
exemple,  qu'ait  un  Européen  protestant  ou  catholique  pour 
l'idole  du  Nègre  ou  du  Polynésien,  celle-ci  n'en  est  pas 
moins  aux  yeux  de  ceux  qui  l'adorent  une  valeui-  égale  à 
celle  du  Dieu  immatériel  et  universel  du  catholicisme  ou 
du  protestantisme.  La  profanation  de  la  plus  ridicule  des 
idoles  ne  diffère  pas,  en  somme,  de  celle  de  l'hostie  consa- 
crée par  le  prêtre  catholique.  Parmi  les  populations  njusul- 
manes,  la  polygamie  et  l'infériorité  de  la  femme  ont  pour 
conséquence  un  ensemble  de  conceptions  sociales,  poli- 
tiques et  économiques,  dont  un  prêtre  catholique  ne  sau- 
rait parler  sans  blesser  jusqu'au  fond  du  cœur  ceux 
aui)rJ's  desquels  sa  prui)agande  s'exerce.  En  Algérie,  nous 


298  LA    TUNISIE 

avons  provoqué  un  lies  vif  mécontentement  parmi  les 
indigènes  par  les  tentatives  faites  en  vue  de  leur  naturali- 
sation fran(;aise,  car  celle  ci  aurait  entraîné  la  violation 
d'une  foule  de  coutumes  issues  de  la  religion  islamique.  On 
doit  féliciter  les  autorités  françaises  de  la  Tunisie  de 
n'avoir  pas  imité  à  C(!t  égard  celles  de  l'Algérie. 

On  n'a  pas  été  aussi  respectueux  en  Tunisie  des  tradi- 
tions relatives  à  la  propriété  que  des  croyances  religieuses, 
et  il  en  est  résulté  plus  d'une  conséquence  fâcheuse.  Je  ne 
veux  rappeler  qu'un  fait  parce  qu'il  a  fait  beaucoup  de 
bruit  en  Tunisie  et  en  France  et  fut  le  point  de  départ  de 
critiques  plus  ou  moins  violentes  des  administrations  du 
Protectorat.  Je  supprime  simplement  les  noms  pour  laisser 
au  fait  lui-même  toute  sa  signification  philosophique. 
En  1731,  un  bey  de  Tunis  accorde,  par  un  acte  de  bien- 
veillance assez  fréquent  alors,  à  un  marabout,  le  privilège 
de  prélever  sur  la  population  d'un  territoire  déterminé 
certaine  taxe  dont  le  produit  devait  être  destiné  à  l'assis- 
tance des  pauvres.  Personne,  à  cette  époque,  ne  se  mit 
et  n'aurait  pu  se  mettre  en  tête  que  le  bey  avait  donné  à 
ce  marabout  un  droit  de  propriété  quelconque  soit  sur  le 
territoire  visé  dans  l'acte,  soit  sur  les  populations  de  ce 
territoire.  Et  les  choses  allèrent  ainsi  tant  que  dura  la 
souveraineté  des  beys.  En  1887,  c'est-à-dire  après  que  nos 
idées  romaines  et  françaises  sur  la  propriété  eurent  été 
introduites  en  Tunisie,  les  descendants  plus  ou  moins 
authentiques  du  marabout  de  1731  s'avisent  qu'ils  ont  entre 
les  mains  une  bonne  affaire  à  exploiter.  Ils  cèdent  leurs 
droits  à  des  tiers  qui  les  repassent  à  d'autres,  jusqu'à  ce 
qu'ils  arrivent  entre  les  mains  d'un  Européen  assez  habile 
pour  les  faire  valoir...  à  la  française.  A  partir  de  ce  moment, 
le  territoire  sur  lequel  n'avait  été  concédé  par  le  bey  que 
le  privilège  d'une  perception  fiscale  en  faveur  des  pauvres 
devient,  dans  notre  langue  et  aux  yeux  de  nos  administra- 
teurs, une  propriété  de  telle  nature  que  l'Européen  entré  en 
sapossession  dresse  l'étatdétaillé  de  ce  que  lui  doivent  les  | 
gens,  les  récoltes  et  les  arbres  et  emprunte  sur  ces  rêve-  > 

nus  plus  de  sept  cent  mille  francs.  Un  territoire  dont  avant 


i.'ktat   MoiiAi,   i>i;s   ini)I(;kni;s  299 

1887.  le  jtiix  riail,  évalur  à  1 .800  francs,  élail  mainte- 
nant représenté  coninie  produisant  plus  de  200.000  francs 
de  revenus  constitués  par  les  taxes  dont  les  populations 
étaient  frappées.  D'où  était  v^enu  le  droit  de  frapper  ces 
taxes?  Tout  simplement  de  cequel'onavait  considéré  l'acte 
de  1731  comme  ayant  concédé  la  propriété  du  sol  et  des 
populations  à  un  marabout.  Or,  en  1731,  ni  le  donateur 
ni  le  bénéficiaire  n'avaient  la  moindre  idé<'  de  la  pro- 
priété, telle  que  nous  l'entendons.  Après  avoir  rappelé  ce 
fait  dans  le  Siècle  du  1"  février  1912,  j'ajoutais  :  «  11  est 
bon  que  ces  cboses-là  aient  été  portées  à  la  tribune  de  la 
Cbambre,  non  par  un  opposant  en  quête  de  scandale,  mais 
par  l'un  des  administrateurs  les  plus  expérimentés  et  les 
plus  lionnêtes  de  notre  pays.  Il  en  résultera  peut-être 
quelques  réflexions  utiles  dans  l'esprit  de  nos  gouver- 
nants ».  La  Tunisie,  de  son  coté,  devra  [)rofiter  de  telles 
leçons  pour  éviter  de  substituer  dans  ses  actes  les  idées 
romaines  et  françaises  de  propriété  à  celles  (jui  sont  tra- 
ditionnelles parmi  les  populations. 

Une  autre  question  grave  doit  attirer  l'attention  des 
administrateurs  et  des  colons  de  la  Tunisie  :  je  veux  par- 
ler des  terres  à  attribuer  à  la  colonisation.  Je  ne  puis  que 
répéter  ici  ce  que  je  disais  à  cet  égard  au  moment  oii  la 
question  fut  discutée  à  la  tribune  de  la  chambre\  «  Les 
colons  français  de  Tunisie  aspirent  légitimement  à  l'ex- 
tension d'une  colonisation  dont  ils  ont  le  droit  d'être  très 
fiers,  parce  qu'elle  leur  a  coûté  beaucoup  d'eflbrts  pécu- 
niaires et  intellectuels.  On  ne  saurait  les  blâmer  de  vou- 
loir étendre  le  réseau  de  leurs  cultures  et  de  leurs  indus- 
tries sur  le  sol  tunisien;  mais  on  doit  leur  recommander 
la  méditation  de  cette  observation  du  résident  général  :  «  Les 
«  indigènes  tiennent  à  la  terre,  nu'Mne  quand  elle  les  ruine.  » 
Les  Tunisiens  ressemblent  par  ce  trait  de  caractère  aux 
paysans  fj-ançais.  L'administration  tunisienne  commettrait 
la  plus  grande  des  fautes  si  elle  ne  tenait  pas  compte  de 
ce  fait  ;  si  pour  donner  satisfaction  aux  désirs  légitimes 

1.  Voir  le  Siècle,  31  janvier  1912. 


300  l,A    TUNISIK 

d'expansion  de  la  colonie  française,  elle  foulait  aux  pieds 
les  droits  non  moins  légitimes  qu'ont  les  indigènes  sur  la 
terre  qui  les  a  vu  naître  et  qui  les  nourrit.  Tout  progès 
réalisé  par  la  colonisation  européenne  qui  ne  serait  pas 
accompagné  d'un  progrès  égal  dans  la  situation  écono- 
mique, morale  et  intellectuelle  des  indigi'nes,  serait  iné- 
(juitable  et  éphémère  r  inéquitable,  parce  qu'il  nuirait  aux 
populations  tunisiennes;  éphémère  parce  qu'en  irritant  ces 
populations  il  compromettrait  l'avenir  de  la  domination 
française.  » 


CHAPITRE  XIII 

CONCLUSION 


Il  résulte  de  tous  les  faits  exposés  dans  les  chapitres 
précédents  que  les  représentants  de  la  France  dans  la 
Régence  ont  accompli  leurs  devoirs  envers  le  peuple  tuni- 
sien et  envers  la  métropole  aussi  convenablement  qu'il 
était  possible  de  le  faire.  Gomme  conséquence,  l'état  moral 
des  populations,  est  aussi  bon  qu'on  peut  le  souhaiter 
après  trente-cinq  années  d'occupation  et  d'administration 
du  pays  par  la  France. 

J'ajoute  que  si  les  indigènes  montrent  par  leur  attitude 
générale  la  satisfaction  de  la  manière  dont  ils  sont  gou- 
vernés depuis  l'établissement  du  Protectorat,  la  colonie 
française  témoigne  d'une  satisfaction  non  moins  grande, 
parce  que  ses  intérêts  particuliers  ont  été  l'objet  de  la 
part  des  administrations  du  Protectorat  d'un  souci  égal  à 
celui  dont  bénéficiait  les  intérêts  des  indigènes. 

L'une  des  conditions  les  plus  difficiles  à  réaliser  dans 
toute  œuvre  coloniale  est  précisément  l'équilibre  entre  les 
intérêts  du  peuple  colonisateur  et  ceux  du  peuple  colonisé. 
La  difficulté  est  d'autant  plus  grande  que  la  diversité, 
voire  l'opposition  des  intérêts,  n'existe  pas  seulement  entre 
les  colons  et  les  indigènes,  mais  aussi  entre  les  colons  et 
les  métropolitains. 

Ainsi  que  Je  l'ai  noté  dans  mes  Principes  de  colonisa- 
tion.  '  «  l'idée  dominante  de  la  France,  aussi  bien  parmi 
les  commerçants,  les  industriels  et  le  grand  public,  ([ue 

1.  P.  187. 


302  LA    TUNISIK 

parmi  les  membres  du  Parlement  et  du  gouvernement,  est 
que  les  colonies  doivent  être,  avant  tout,  des  lieux  de  con- 
sommation pour  les  produits  métropolitains  ».  Il  existe 
même,  au  Ministère  des  colonies,  un  principe  tradition- 
nel d'après  lequel  les  colonies  sont  un  lieu  de  déplacement 
pour  la  jeunesse  métropolitaine  qui  ne  trouve  pas  à  se 
faufiler  en  France  dans  les  cadres  des  administrations 
publiques.  Un  gros  fonctionnaire  de  ce  ministère  auquel 
je  faisais  observer,  il  y  a  quelques  années,  que  l'on  multi- 
pliait outre  mesure  les  employés  de  tels  et  tels  services 
dans  l'une  de  nos  grandes  colonies,  me  répondit  :  ((  Pour- 
quoi en  limiterions-nous  le  nombre,  du  moment  où  c'est 
la  colonie  qui  les  paie?  »  «  Parce  que,  lui  dis-je,  les 
sommes  dépensées  en  traitements  de  fonctionnaires  man- 
quent à  la  colonie  pour  faire  les  travaux  d'utilité  publique 
dont  elle  a  besoin.  »  Il  eut  un  geste  qui  voulait  dire  : 
«  qu'est-ce  que  cela  nous  fait?  »  Et  l'on  a  vu  le  Ministère 
des  colonies  multiplier  démesurément  les  fonctionnaires 
dans  toutes  nos  colonies,  afin  de  donner  satisfaction  aux 
députés  ou  sénateurs  qui  ont  des  clients  à  placer.  Si  la 
Tunisie  a  pu  échapper  à  cette  ruineuse  pratique,  il  en  faut 
voir  la  cause  dans  le  fait  que  le  ministre  des  affaires  étran- 
gères dont  elle  dépend  n'a,  en  raison  de  ses  fonctions, 
qu'une  clientèle  restreinte.  C'est  grâce  à  cette  condition 
que  les  résidents  généraux  de  la  Tunisie  ont  pu,  dans 
une  très  large  mesure,  ne  tenir  compte  que  des  besoins 
des  administrations  de  la  Régence  dans  l'établissement 
des  cadres  du  personnel  de  chacune  d'entre  elles. 

Le  régime  économique  de  la  plupart  de  nos  colonies  est 
rendu  défectueux  par  la  prétention  qu'a  la  métropole 
d'établir  le  régime  douanier  de  nos  établissements  d'outre- 
mer, et  de  l'établir  en  ne  se  préoccupant  guère  que  des 
intérêts  métropolitains.  «  C'est  dans  cet  esprit  qu'a  été 
conçu,  en  1892,  le  régime  douanier  auquel  nos  colonies 
sont  soumises.  Il  n'en  est  pas  une  qui  ne  proteste  contre 
cette  législation,  faisant  valoir  que  les  produits  français  . 
sont  presque  tous  plus  chers  que  les  similaires  étrangers, 
que  le  fret  entre. la  France  et  ses  colonies  est  plus  coûteux 


CONCLUSION  303 

qu'entre  les  colonies  et  les  ports  où  elles  ont  l'habitude  de 
s'approvisionner,  que  les  droits  appliqués  aux  produits 
étrangers  n'empêchent  pas  les  indigènes  de  les  rechercher, 
que  la  seule  conséquence  du  régime  prolecteur  est  de  les 
faire  payer  plus  cher,  en  appauvrissant  les  colonies,  etc. 
Les  colonies  demandent  qu'au  moins  tous  leurs  produits 
soient  favorisés  à  l'entrée  en  France  dans  la  même  mesure 
que  les  produits  français  le  sont  à  l'entrée  dans  les  colo- 
nies. Elles  n'ont  obtenu  satisfaction  sur  ce  second  point 
que  dans  une  mesure  tout  à  fait  insuffisante.  Certains  de 
leurs  produits,  tels  que  le  café,  le  thé,  etc.,  ne  jouissent  à 
l'entrée  en  France  que  d'un  dégrèvement  égal  à  la  moitié 
du  droit  qui  frappe  les  similaires  étrangers;  d'autres, 
comme  le  riz,  sont  moins  favorisés,  parce  que  les  agricul- 
teurs français  en  craignent  la  concurrence  ;  les  sucres  sont 
soumis  à  un  régime  qui  ruine  les  Antilles,  etc.  Les  colo- 
nies se  plaignent  de  ce  traitement,  peu  conforme  à  celui 
auquel  on  les  soumet  dans  l'intérêt  des  producteurs  métro- 
politains, mais  elles  se  heurtent  à  des  forces  qu'elles  sont 
incapables  de  vaincre'.  » 

La  Tunisie,  ainsi  qu'il  ressort  de  ce  qui  a  été  dit  dans  les 
chapitres  précédents,  a  été  traitée  moins  durement  par  la 
France.  Si  la  porte  de  la  métropole  n'a  pas  été  entièrement 
ouverte  à  ses  vins,  huiles,  animaux,  dont  la  quantité  sus- 
ceptible d'être  introduite  en  France  est  limitée  par  des 
décrets,  ses  céréales  et  farines  peuvent  entrer  librement 
dans  la  métropole.  Elle  jouit,  en  un  mot,  par  rapport  à  nos 
autres  établissements  coloniaux,  d'un  véritable  traitement 
de  faveur  qui  n'a  pas  été  étranger  au  développement  de 
son  agriculture  et  de  ses  industries.  Ce  régime  a  pour 
conséquence  de  maintenir  les  liens  de  solidarité  et  de  sym- 
pathie qui  devraient  toujours  exister  chez  les  colons  à 
l'égard  de  la  métropole  et  que  Ion  ne  trouve  peut-être  pas 
au  même  degré  qu'en  Tunisie  dans  toutes  nos.  colonies. 
Les  Français  de  la  Tunisie  ont  encore  à  se  louer  de  la 


1.  Voy.  J.-L.  de  Lancssan,  Principes  de  colonisation,  p.  187,  in  Bibliotli 
Scient.  Internat.,  Alcan,  édit. 


304  I.A    TUNISII', 

part  qui  leur  est  accordée  dans  la  gestion  des  affaires  de 
la  Régence.  Grâce  à  la  conférence  consultative  créée  par 
M.  Piclîon  et  dans  laquelle  figurent  des  représentants  élus 
de  la  population  française,  celle-ci  peut  toujours  faire  con- 
naître ofliciellement  ses  besoins  et  ses  vœux.  Elle  prend 
part  à  l'élaboration  du  budget  et  se  trouve,  par  conséquent, 
en  mesure  de  contrôler  la  question  de  toutes  les  adminis- 
trations publiques.    L'expérience  a  montré  qu'il  y  aurait 
imprudence  à  étendre  ses  pouvoirs  au  delà  du  contrôle  et 
de  lui  accorder,  par  exemple,  une  véritable  puissance  légis- 
lative. Les  colons  ne  seraient  pas   hommes    s'ils    n'atta- 
chaient plus  de  prix  à  leurs  intérêts  particuliers  qu'à  ceux 
des  indigènes;  aussi  les  voit-on  chercher  toujours  à  rejeter 
les  charges  publiques  sur    la    population  tunisienne.  En 
1911,  lorsqu'il  s'agit  de  remplacer  les  deux  millions  envi- 
ron que  perdait  le  budget   de  la  Régence  par  le  fait  de 
l'abaissement  du  taux  de  la  medjba  imposé  par  la  métropole, 
les  représentants  des  colons  à  la  conférence    déclarèrent 
qu'ils  accepteraient  une  partie  des  charges  à  créer    mais, 
ainsi  que  le  fit  observer  M.    Alapetite  à  la  tribune  de   la 
Chambre  le  26  janvier  1912,  les  électeurs,  moins  généreux 
que  leurs  représentants  ou,  pour  mieux  dire,  moins  bien 
renseignés  sur  les  nécessités  budgétaires,  déclarèrent  qu'ils 
ne  voteraient  pour  aucun  candidat  acceptant    «  de  faire 
payer    un  centime  aux  Français  pour  dégrever  les  indi- 
Sfènes  ».  La  lutte  entre  les  intérêts  des  colons  et  ceux  des 
Tunisiens  se  produisait  publiquement.  Le  résident  général 
dut,  pour  empêcher  qu'elle  ne  s'accentuât  et  se  prolongeât, 
chercher  des  ressources  ailleurs  que  dans  l'impôt.   Il  les 
trouva  en  partie  dans   une  augmentation  des  redevances 
de  la  compagnie  de  Gafsa.  Après  avoir  rappelé  ce  fait,  il 
disait  avec  raison,  devant  la  Chambre,  en  réponse  aux  cri- 
tiques  que  certains  députés  lui  avaient  adressées  :  «  Le 
"ouvernenient  est   là-bas  l'arbitre  entre  les   intérêts    des 
Français  et  ceux  des  indigènes.  Rien  ne  serait  plus  facile 
que    d'avoir   en    Afrique  une    popularité    bruyante   {Vifs 
applaudissements  à  gauche  et  au   centre)  en  allant  dans 
toutes  les  réunions  de  Français  et  en  leur  disant  :  «  Vous 


CONCLUSION  305 

«  avez  tous  les  droits,  les  indigènes  ont  toutes  les  obliga- 
(f  tions.  »  Je  n'ai  pas  cru  que  ce  fût  là  mon  rôle.  J'ai 
essayé,  et  je  crois  y  avoir  réussi,  de  vivre  en  bons  termes 
avec  la  plupart  de  nos  nationaux  ;  j'ai  essayé  de  les  amener 
peu  à  peu  par  la  persuasion  à  comprendre  la  légitimité 
de  l'évolution  qui  s'était  accomplie  dans  les  esprits  fran- 
çais sur  ce  problème  de  la  politique  coloniale.  [Très  bien! 
très  bien!)  Je  crois  pouvoir  dire  que  la  plupart  d'entre  eux 
y  sont  maintenant  venus  et  qu'en  dehors  de  ces  réunions 
électorales  où  les  têtes  se  montent,  où  on  en  arrive  à  dire 
beaucoup  plus  qu'on  ne  pense,  à  oublier  le  lang'age  qu'on 
a  tenu  aux  heures  de  réflexion,  la  plupart  de  nos  compa- 
triotes savent  bien  aujourd'hui  quelle  est  la  politique  colo- 
niale de  la  France  républicaine  et  ils  s'y  sont  ralliés  ou 
résignés.  » 

Le  résident  général  aurait  pu  ajouter  que  s'il  lui  a  été 
possible  de  jouer  utilement  ce  rôle  d'arbitre  entre  les  colons 
et  les  indigènes,  c'est  parce  que  le  gouvernement  métropo- 
litain a  renoncé  à  h;  jouer  lui-même,  ainsi  qu'il  Taxait 
prétendu  jusqu'à  ces  dernières  années,  (jonime  le  faisait 
observer  M.  Alapetite,  après  chaque  session  de  la  Confé- 
rence consultative,  les  avis  de  cette  assemblée  étaient 
transmis  au  ministère  des  aifaires  étrangères  et  c'est  ce 
dernier  «  qui  avait  à  prendre  la  responsabilité  des  déci- 
sions dans  l'intérêt  des  indigènes,  lorsque  la  section  fran- 
çaise de  la  conférence  avait  méconnu  ces  intérêts  ».  Il 
est  facile  d'imaginer  quelles  erreurs  pouvaient  être  com- 
mises dans  ces  conditions.  Eloigné'S  de  la  Régence  et,  d'or- 
dinaire, ne  la  connaissant  pas,  les  bureaux  du  ministère 
des  affaires  étrangères  et  le  ministre  ne  pouvaient  décider 
entre  les  opinions  contradictoires  des  indigènes  et  des  Fran- 
çais qu'en  s'appuyant  soit  sur  les  avis  du  résident  géné- 
ral, ce  qui  eût  été  le  meilleur,  soit  sur  les  théories  ayant 
cours  autour  d'eux,  particulièrement  dans  le  monde  par- 
lementaire. Or,  celui-ci  est  plus  souvent  guidé  par  la  pas- 
sion que  par  la  raison. 

Aujourd'hui,  la  Tunisie  est  dotée,  au  point  de  vu(î  linan- 
cier,  d'un  régime  véritablement  constitutionnel.  Lorsque 

J.-L.  De  Lanessan.  —  La  Tunisie.  -0 


306  LA    TUNISIK 

les  votes  de  la  section  indigène  de  la  conférence  consulta- 
tive ne  sont  pas  conformes  k  ceux  de  la  section  française, 
le  différend  est  porté  devant  un  conseil  supérieur  oii  les 
ministres  et  les  chefs  de  service  du  g^ouvernement  tunisien 
sont  assistés  de  délégués  élus  en  nombre  égal  par  chacune 
des  deux  sections.  Jusqu'à  ce  jour  la  conciliation  a  tou- 
jours pu  être  réalisée  devant  le  conseil  supérieur. 

La  Tunisie  a  échappé,  en  somme,  jusqu'à  ce  jour,  à  la 
plupart  des  erreurs  qui  entravent  la  marche  de  la  coloni- 
sation française  sur  d'autres  points  du  globe  ;  elle  y  a 
échappé  parce  que  la  nature  de  ses  relations  avec  le  gou- 
vernement de  la  métropole  lui  a  permis  de  pratiquer  loya- 
lement le  protectorat.  On  ne  peut  que  souhaiter  de  lui  voir 
conserver  cette  heureuse  fortune,  dans  son  intérêt  comme 
dans  celui  de  la  France. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Préface. 


Chapitre  premier.  —  Le  sol,  le  climat  et  la  population 1 

§  1.        Le  sol 1 

§  II.        Le  climat 4 

S  III.      La  population fi 

Chapitre  IL  —  Les  mines,  carrières  et  eaux  minérales i) 

S  L         Mines  de  plomb  <■[  i\c  zinc H 

S  II.       iMines  de  fer 2i> 

S  III.      Mines  do  cuivre  et  de  iiiHii^aïK'sr 24 

§  IV.      Phosphates  de  cliaux rJo 

§  V.        Résumé  et  cont-lusions 'M 

S  VL      Carrières 33 

S  VIL     Lau.'c  minérales 34 


Ch.apitre  IIL  —  Les  forêts 


Chapitre  IV.  —  L'agriculture  indigène 42 

§  I.         Culture  indigène  d(>s  céréales 42 

§  IL       Culture  des  oliviers 47 

S  III.      Culture  des  dattiers ."i.) 

S  IV.       Les  jardins 61) 

S  V.        La  culture  du  tabac 74 

S  VL      La  culture  du  chanvre 78 

§  VIL     L'exploitation  de  l'alfa ^ 71) 

S  VIIl.   L'élevage  du  bétail  (bd'uls.  moutons,  chèvres,  chevaux).  iS3 
§  IX.       L'agriculture   indigène   et  les  sociétés  indigènes  de  i)r'i'- 

"  voyance 88 

S  X.        L'enseigncmcid  agricdlc  pour  les  indigènes 1)2 

L'industrie  indigène 1)8 

Chapitre  VL  —  L  agriculture  européenne 10!» 

Domaine  de  l'Entida lOU 

Domaine  de  Sidi-Tabet 126 

Les  principaux  domaines  des  Européens •    •  132 

L'exploitation  des  domaines  européens 151 

La  mutualité  agricole  en  Tunisie Ibli 

Les  Italiens  et  la  colonisation 151) 

La  colonisation  officielle.  Les  llabous 161 

§  VIIL  Grandes  eL  petites  propriétés 167 


c, 

iIAPITRE    V 

Cl 

HAPITRE    V 

§ 

L 

S 

IL 

s 

m. 

s 

TV. 

s 

V. 

s 

VI. 

s 

VIL 

308  TABLE    DES    MATIÈRES 

Chapitue  Vil.  —  Les  industries  européennes 181 

Chapitre  VllI.  —  L'exploitation  des  mines  et  carrières 186 

S  I.         Exploitation  des  miues  niétallifères 186 

§  11.        Exploitation  des  phosphates 192 

S  m.       L'industrie  du  sel 194 

§  IV.      L'industrie  de  la  pèche lOo 

ChapitreMX.  —  Le  commerce  dans  ses  relations  avec  le  régime 

douanier,  les  impôts  et  le  crédit iO(i 

§  I.         Le  développement  du  commerce  dans  les  relations  avec 

l'occupation  française 206 

§  II.        Le  commerce  et  le  régime  douanier 212 

g  III.      Le  commerce  et  les  impôts 215 

§  IV.      Le  Protectorat  et  la  réforme  du  régime  douanici'  ....  222 

S  V.       Le  commerce  et  le  crédit 226 

S  VJ.  Le  développement  du  commerce.  Importation  et  exporta- 
tion    232 

Chapitre  \.  —  Les  routes,  les  chemins  de  fer  et  les  ports  .    .    .  240 

§  I.  L'état  des  routes  au  moment  de  rétablissi^ment  du  Pro- 
tectorat   240 

S  II.  L'état  des  ports  à  l'époque  di'  r('tablissement  du  Protec- 
torat   242 

§  111.      Les  travaux  des  ports  exécutés  par  le  Protectorat.    .    .   .  2a5 

g  IV.      Travaux  des  routes  et  chemins  de  fer  exécutés  par  le  Pj'o- 

tectoral 262 

Chapitre  XI.  —  Organisation   politique,    administrative,  judi- 
ciaire, financière,  etc..  de  la  Tunisie 271 

§  I'.         (trganisatioii  politique  et  administrative 271 

§  II.       La  justice 273 

§  III.      La  propriété 278 

§  IV.     Les  finances  et  le  budget 28.t 

S  V.       Instruction  publique  et  assistance 287 

Chapitre  .\11.  —  L'État  moral  des  indigènes 293 

Chapitre  XIII.  —  Conclusions 301 


Carte  de  la  Tunisie 


EVltELX,     imprimerie     Cil.     H  É  11  I  S  S  E  Y 


In 


DU  CATALOGUE 


GRANDES  COLLECTIONS 
OUVRAGES  PRINCIPAUX 


ILOSOPHIE 

MÉTAPSYCHIQUE 
SCIENCES  OCCULTES 
ETSEXUELLES-MÉDECINE 
SCIENCES  ÉCONOMIQUES 
ET  SOCIALES -HISTOIRE 
LITTÉRATURE -MUSIQUE 
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expérimentales 25 

L'Année  Psychologique,  par  H.  PiFRON,  directeur  du  laboratoire  de 
Psychologie  physiologique  à  la  Sorboniie.  —  (Voir  PiÉROn). 

L'Année  Sociologique,  publiée  sous  la  direction  de  M.  Emile  DuRK- 
HEiM,  12  vol.  (1896-1912) 1.2G0 

Chaque  volume   séparément 120 

L'Année  Sociologique,  nouvelle  série,  t.  I.   1923-24 80 

ARONSON  (J.).  —  La  Philosophie  morale  de  J.  Royce 23 

BALDWIN  (J.-M.).  —  Théorie  de  la  réalité.  Le  Pancalisme,  trad  E.  Phi- 

Lippi 20 

—  Le  Médiat  et  l'Immédiat,  trad.  par  E.  Philippi 40 

BARUZl  (J.).  —  Saint  Jean  de  la  Croix  et  le  problème  de  l'expérience 

mystique,  2^  éd .   revue 80 

BASCH  (V).  —  Les  Doctrines  politiques  des  philosophes  classiques  de 

l'Allemagne 30 

BAUDOUIN  (Ch.).  —  Psychanalyse  de  l'art 30 

BAYET  (A.).  —  Histoire  de  la  morale  en  France. 

T.    I.  —  La  morale  des  Gaulois 35 

T    II.  —  La   morale  païenne  à  1  époque  Galio-Romaine 70 

BELOT  (G.),  inspecteur  générai  de  l'Instruction  publique    —  Etudes  de 

morale  positive,  t.   1,  épuisé,  t.  II 30 

BENRUBl   (J.).     —   Les   sources   et  les   courants  de  la   philosophie 

contemporaine  en  France,  2  vol lOO 

BERGSON   (H.),  de  l'Académie  française  et  de   l'Académie   dés   Sciences 

morales  et  politiques.  —  L'Evolution  créatrice,  39"^  éd 25 

—  Essai  sur  les  données  immédiates  de  là  conscience,  30*^  éd 20 

—  L'Energie  spirituelle,  1 6*-"  éd 20 

—  Matière  et  mémoire,  essai  sur  la  relation  du  corps  à  l'esprit  26*^  éd..  25 

—  Les  deux   sources  de  la   morale   et  de  la  religion,  12"^  éd 25 

—  La  pensés  et  ie  mouvant 23 

BERTHELOT  (R.).  —  Evolutionnisme  et  platonisme  20 

—  Un  Romantisme  utilitaire,  étude  sur  le  mouvement  pragmatiste,  3  vol. 

T.      I.  —   Le  pragmatisme  chez  Nietzsche  et  chez  Poiricaré  {épuisé). 

T.     II.  —  Le  pragmatisme  chez  Bergson  (épuisé)  . 

T.  III.   —  Le  pragmatisme  religieux  chez  W.  James  et  les  catholiques 

modernistes 35 

BLONDEL   (M.).   —  La  pensée,  2  vol.   : 

T.     I.    —  La  genèse  de    la   pensée  et    les  paliers    de  son   ascension 

spontanée ., 60 

T.    II.    —  Les  responsabilités   de  la  pensée  et  la  possibilité   de   son 
achèvement  {sous  presse) 
BOIRAC  (E.).  —  La  Psychologie  inconnue,  introduction  et  contribution  à 

l'étude  expérimentale  des  Sciences  psychiques,  3"^  éd.  revue 30 

—  L'Avenir  des  Sciences  psychiques 25 

BOPP  (L.).  —  H.  F.  Amiel.  2^  éd 35 

BOUCHET  (H.).  —  L'individualisation  de  l'enseignement.  L'indi- 
vidualité des  enfants  et  son  rôle  dans  l'éducation 50 

BOUGEE  (G.),  directeur  adjoint  de  l'Ecole  normale  Supérieure.  —  Les  Idées 

égalitaires,  3*^  éd 20 

— Essais  sur  le  régime  des  castes, 2*^  éd.(Travauxde  l'Année  Sociologique).         30 

BOURDON  (B.).  —  L'Intelligence 30 

BOUTROUX  (E.),  de  l'Académie  française.  —  Etudes  d'Histoire  de  la  Phi- 
losophie, 5^  éd 35 

—  Nouvelles  études  d'Histoire  de  la  Philosophie 25 

BOZZANO  (E.).  —  Les  Phénomènes  de  hantise,  trad.  de  l'italien  par  G.  de 

Vesme,  préface  du  Dr  J.  Maxwell.  .  2"^  éd ".         25 

ÇROCHARD  (V.),  de  l'Institut,  -  De  l'Errewr,  3«  éd.  . . . , 2? 


BIBLIOTHÈQUE  DE  PHILOSOPHIE  CONTEMPORAINE  3 

BRUNSCHVICG  (L.).  de  l'Institut,  —  Les  Etapes  de  la  philosophie  ma- 
thématique, 3^' éd 60  » 

■^  L'Expérience  humaine  et  la  causalité  physique 50  » 

—  Spinoza  et  ses  contemporains,  3^  éd 35  » 

—  Le  Progrès  de  la  Conscience  dans  la  philosophie  occidentale,  2  vol., 
ensemble 75  » 

—  De  la  connaissance  de  soi 25  » 

BURLOUD  (A.).  —  La  Pensée  d'après  les  recherches  expérimentales 

de  H.  J.  Watt,  de  Messer  et  de  Buhler 15  » 

—  La  Pensée  conceptuelle 35  » 

BUSCO  (P.).  —  Les  Cosmogonies  modernes  et  la  théorie  de  la  connais- 
sance   50  » 

CARRÉ  (j.  R.).  —  Philosophie  de  Fontenelle  ou  le  sourire  de  la  raison .  70  » 

CARTAULT  (A.).  —  Les  Sentiments  généreux 20  » 

•^  L'Intellectuel,  étude  psychologique  et  morale  20  » 

CELLERIER  ET  DUGAS.  -  L'Année  pédagogique,  3  années  :  191  I  -1  3. 

3  vol.,  chacun 25  » 

CHASLIN  (Ph.).  —  Essai  sur  le  mécanisme  psychologique  des  opéra- 
tions de  la  mathématique  pure 30  » 

CHIDE  (A.).  —  Le  Mobilisme  moderne 20  » 

COSTE  (Ad.).  —  L'expérience  des  peuples  et  les  prévisions  qu'elle 

autorise 30  » 

CREPIEUX-JAMIN.—  L'Ecriture  et  le  caractère,  9«  éd.  revue  et  augmen- 
tée, avec  232  figures 40  » 

CRESSON  (A.).   —  La  morale  de  la  raison  théorique 20  » 

CZARNOWSKl  (S.).  —  Le  Culte  des  héros  et  ses  conditions  sociales, 

Saint-Patrick,  héros  national  de  l'Irlande,  préface  de  H.   Hubert 30  » 

DAVY  (G.),  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Dijon. — La  Foi  jurée.  30  » 

-^  Sociologues  d'hier  et  d'aujourd'hui 40  » 

DEJEAN  (R.).  —  L'émotion 35  .> 

DELACROIX  (H.),  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Paris.  —  La  Psycho- 
logie de  Stendhal 25  » 

—  Le  langage  et  la  pensée,  2^  éd .  revue 60  » 

—  Psychologie  de  l'Art 50  » 

—  La  Religion  et  la  Foi 50  » 

DELBOS  (V.).  —  La  philosophie  pratique  de  Kant,  2«  éd 80  » 

DELMAS  (D'"F.-A.).   —  Psychologie  pathologique  du  suicide 30  » 

DELVOLVÉ  (J .).  —  La  Technique  éducative 35  » 

—  Religion,  critique  et  philosophie  positive  chez  Pierre  Bayle  ....  25  » 

—  Réflexions  sur  la  pensée  comtienne 40  » 

DIDE  (Dr  M.).  —  Les  émotions  et  la  guerre 20  » 

DRAGHICESCO  (D.). — La  réalité  de  l'esprit,  essai  de  sociologie  subjective  25  » 

—  Vérité  et  révélation,  t .   1 40  » 

DUGAS  (L.).  —  L'Amitié  antique,  2®  éd.  refondue 20  » 

DUPONT  (Paul).  —  Problèmes  de  philosophie 30  » 

DURET  (R.)  —  L'objet  de  la  perception 15  » 

—  Les  facteurs  pratiques  de  la  croyance  dans  la  perception 30  » 

DURKHEIM(E.).  —  L'Education  morale 35  » 

—  De  la  division  du  travail  social,  6*^  éd 40  » 

—  Les  formes  élémentaires  de  la  vie  religieuse,  le  système  totémique 

en  Australie,  2*-'  éd.  avec  une  carte 50  » 

—  Le  Socialisme 50  » 

—  Le  Suicide,  nouvelle  édition 45  » 

DWELSHAUVERS  (G.),  —  La  Psychologie  française  contemporaine.  30  » 

ESPINAS.  —  Des  Sociétés  animales,  3*=  éd 50  « 

ESSERTIER  (D.).  —  Les  formes  inférieures  de  l'explication 35  » 

FAUCONNET  (A).  —  L'Esthétique  de  Schopenhauer 25  » 

FAUCONNET  (P.).  —  La  Responsabilité,  étude  de  Sociologie 40  » 

FERRERO.  —  Lois  psychologiques  du  symbolisme 20  » 

FINOT  (J.).  —  Le  préjugé  des  races,  4^  éd 30  » 


LIBRAIRIE    FELIX   aLCAN  —PARIS 


FINOT  (].)—  Préjugé  et  problème  des  sexes,  9^  éd 35 

FOUILLEE  (A.),  de  l'Institut.  —  L'Avenir  de  la  métaphysique  t'ondée 
sur  l'Expérience,  3*^  ed ._ ^ 

—  La  Pensée  et  les  nouvelles  écoles  antiintelîectualisîes,  5"^  éd.  ... 

—  Esquisse  d'une  interprétation  du  monde,  2'    éd 

—  Le  Mouvement  idéaliste  et  la  réaction  contre  la  science  positive, 5'=éd. 

—  Psychologie  du  peuple  français,  8"^  éd 

—  Esquisse  psychologique  des  peuples   européens,  8"-'   éd 

—  Le  mouvement  positiviste  et  la  conception  sociologique  du  monde, 
4«  éd ^. 

—  Les  éléments  sociologiques  de  la  morale,  3*^^  éd 

—  Le  Socialisme  et   la   sociologie  réformiste,  4*^  éd 

—  La  démocratie  politique  et  sociale  en  France,  3*^  éd 

—  La  France  au  point  de  vue  moral,  1"^  éd 

—  Le  moralisme  de  Kant  et  l'amoralisme  contemporain,  y  éd.... 

FREUD  (S.).  —  La  Science  des  rêves,  trad.  par  1.  M^verson 

FRUTIGER  (P.).  —  Les  Mythes  de  Platon 

FULLIQUET.  —  Essai  sur  l'obligation  morale 

GENTILE  (G.).  —  L'Esprit,  acte  pur,  trad.  A.  Lion 

GERARD-VARET,  recteur  de  l'Académie  de  Rennes.  —  L'Ignorance  et 

l'irréflexion   

GRAMONT-LE:)PARRE  (A.  de)   —  Ess^i  sur  le  sentiment  esthétique. 

GR.AMDJEAN  (F.)  —  La  Raison  et  la  Vue... _. 

GRANET  (M.).  —  Danses  et  légendes  de  la  Chine  ancienne  (Travaux  de 

r.Année  Sociologique),  2  vol.   ensemble 

GUEROULT  (M.).   —  La  philosophie  transcendantale  de  Salomon 

Maimon .  •  ; 

GUYAU  (M).  —  Education  et  Hérédité,  étude  sociologique,   17*^  éd.  . 

—  L'Art  au  point  de  vue  sociologique,   15"^  éd 

—  Esquisse  d'une  morale  sans  obligation  ni  sanction,  20*^  éd 

—  Les  Problèmes  de  l'esthétique  contemporaine,  12'-'  éd 

—  L'Irréliçion  de  l'avenir,  étude  sociologique,  24"-'  éd 

GUY-GRAND  et  divers.  —  La  Renaissance  religieuse 

HALBW.ACHS  (M.).  —  Les  Cadres  sociaux  de  la  mémoire  (Travaux  de 

l'Année  Sociologique) 

—  Les  causes  du  suicide 

H.ALEVY  (E.).   —  La  Formation  du   radicalisme   philosophique  en 

Angleterre,  3  vol. 

T.      l.  —  La  Jeunesse  de  Bentham   

T.     II.  —  L'Evolution  de  la  doctrine  utilitaire 

T.  III.  —  Le  radicalisme  philosophique 

H.AMELIN  (0.).  —  Essai  sur  les  éléments  principaux  de  la  représen- 
tation, avant-propos  de  M.   Darbon,  nouvelle  édition 

—  Le  système  de  Descartes,  publié  par  L.  Robin,  préf.  de  E.  Durkheim, 
2"^  éd.   revue 

HARTENBERG  (Dr  P;).,  —  Les  timides  et  la  timidité,  4«  éd.  ...... 

HEP'RRT  (M.).  —  Le  Divin,  expériences  et  hypothèses,  étude  psychologique. 

HERTZ  (R.).  —  Mélanges  de  Sociologie  Religieuse  et  Folklore 

HEYMANS  (G.).  —  La  Psychologie  des  femmes,  trad.  par  L.  Le  Senne, 

avec  une  prélace  du  traducteur 

HOFFDING  (H.).  —  La  relativité  philosophique,  trad.  de  Coussange. 

—  is  de    la   Philosophie  moderne,   2  vol.,  ensemble,  3^  éd... 

—  Philosophes  contemporains,  3"^  éd  . 

HUBERT  (R.)    /—  Les  sciences  sociales  dans  l'Encyclopédie,  la  philoso 

ohie  de  l'Histoire  et  le  problème  des  origines  sociales 

HUBERT  (R.)  et  MAUSS  (M.).  —  Mélanges  d'histoire  des  religions. 

INGENIEROS  (I.).  —  Principes  de  psychologie  biologique 

JAKUBISIAK  (A.).  —  Essai  sur  les  limites  de  l'espace  et  du  temps. . . 
JANET  (Paul),  de  l'Institut,  —  Histoire  de  la  Science  politique  dans  ses 

rapports  avec  la   morale,  5®    éd.  ,  2  vol.,  ensemble 80 


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» 

BIBLIOTHEQUE  DE  PHILOSOPHIE  CONTEMPORAINE 

lANET  (Dr  P.).  —  L'automatisme  psychologique,   10*  éd 35 

jAjNKELEVirCH  (V.).  —  L'odyssée  de  la  conscience  dans  la  der- 
nière philosophie  de  Schelling 45 

JASPERS  (K.).  —    Psychopathologie    générale,    trad.    A.    Kastler    et 

J.   MenDOUSSE,  nouvelle  édition 70 

JEUDON  (L.).  —  La  morale  de  l'honneur 20 

JUNG  (E.).  —  Le  principe  constitutif  de  la  nature  organique 50 

KARPPE  (S.).  —  Essai  de  critique  et  d'histoire  de  philosophie 20 

KLAGES  (L.).  —  Les  principes  de  la  caractérologie 35 

KOEHLER    (W.).    —    L'Intelligence     des     Singes     supérieurs      trad. 

P.  Guillaume 50 

KRZESINSKI  (A.).  —  Une  nouvelle  philosophie  de  l'immanence..  23 

LACHELIKR  (J .  ).   —  Œuvres  de  Jules  Lachelier,  2  vol 80 

LACHIEZE-REY  (P.).  — Les  origines  cartésiennes  du  Dieu  de  Spi- 
noza   .' 40 

—  L'idéalisme  kantien 60 

LACOMBE   (R .  ).  —  La  psychologie  bergsonienne 30 

L.ALANDE  (A.),  de  l'Institut. —  Les  illusions  évolutionnistes 50 

L.ALO  (Ch.).   —  L'expression  de  la  vie  dans  l'art    35 

LANDRY  (A.).  —  Principes  de  morale  rationnelle 20 

LANDRY  (L.).  —  La  Sensibilité  musicale 30 

LASCARIS  (P. -A.).  —  L'Education  esthétique  de  l'enfant 50 

LA  VALETTE-MONBRUN  (A.  de).  —  Maine  de  Biran,  critique  et  dis- 
ciple de  Pascal,   d  après  de  nombreux  documents  inédits 20 

L'E  BON  (G.).   —  Psychologie  du  Socialisme,   11^  mille 30 

LECHALAS  (G.).  —  Etudes  esthétiques 20 

LECHARTIER  (G.).  —  David  Hume,  moraliste  et  sociologue 20 

LECLERE  (A).  —  Essai  critique  sur  le  droit  d'affirmer 20 

LEENH.ARDT  (H.).   —  La  nature   de   la  connaissance   et    l'erreur 

initiale  des  théories 35 

LEMARIE  (O.).  —  Esquisse  d'une  philosophie 40 

LE  SENNE  (R.).   —  Introduction  à  la  Philosophie 30 

—  Le  mensonge  et  le  caractère 45 

—  Le  devoir 70 

LEUBA  (James  H.).  —  Psychologie  du  mysticisme  religieux,  trad    de 

l'anglais,   par   Lucien   Herr 35 

LEVINAS  (E.).  — La  théorie  de  l'intuition  dans  la  phénoménologie 

de  Husserl 30 

LEVY-BRUHL  (L.),  de  l'Institut.  —  La  Morale  et  la  science  des  mœurs 

1 0*^  é  d ._ ._ 35 

—  La  Philosophie  de  Jacobi 20 

—  La  Philosophie  c 'Auguste  Comte.  5**  éd.  revue 30 

—  Lettres  de  Stuart  Mill  à  Aug.  Comte 30 

—  Les  fonctions  mentales  dans  les  sociétés  inférieures,  8*^  éd 40 

—  La  Mentalité  primitive,  8*^  éd.  revue 50 

—  L'Ame  primitive,  3^  éd 50 

—  Le  surnaturel  et  la  nature  dans  la  mentalité  primitive,  3'^  éd.  .  60 
LODGE  (sir  Oliver).  —  La  survivance  humaine,  étude  des  facultés  non 

encore  reconnues,  trad.  par  le  Dr  H.  BoURDON,  prétace  de  J.  Maxwell  25 
LOMBROSO  (G.).  —  L'Homme  criminel,  2^  éd  ,  2  vol.  et  atlas  de  64 

planches,  ensemble.. , 60 

—  L'Homme  de  génie,  4*^  éd.,  avec   15  planches  hors-texte 30 

—  Le  Crime,  causes  et  remèdes,  2*^  éd.,  illustré 30 

LOMBROSO    (C.)   et  LASCHL  —  Le  Crime  politique    et  les    Révo- 
lutions. 2  vol 40 

LOSSKY  (N.).  —  La  matière,  l'intuition  et  la  vie 20 

LUBAC  (E.).  —  Les  niveaux  de  conscience  et  d'inconscient  et  leurs 

intercommunications 20 

LYON  (G.).   —  Enseignement  et  religion,  études  philosochiaues 20 


6  ~      BIBLIOTHÈQUE  DE  PHILOSOPHIE  CONTEMPORAINE 

MAINE  DE  BIRAN.  —  Œuvres  (voir  Tisserand). 

MALGAUD  (W.).  —  Le  problème  logique  de  la  Société 30  « 

MAMELET  (A.).  *—  Le  relativisme  chez  Georges  Simmel,  préface  de 

V.  DelBOS,  de  l'Institut 20  » 

MARCERON  (A.).  —  La  Morale  par  l'Etat 20  » 

MASSABUAU  (J.)-  —  L'Etat  contre  la  Nation 30  » 

MAUDUIT  (R.).  • —  Auguste  Comte  et  la  science  économique 30  » 

MAXWELL  (J.)-  """  Les  phénomènes  psychiques,  préface  de  Ch.  Richet, 

de  l'Institut,  6«  éd 30  » 

MEDITCH  (P.).  —La  théorie  de  l'intelligence  chez  Schopenhauer..  30  » 

MENDOUSSE  (P.).  —  L'Ame  de  l'adolescent,  4«  éd 30  » 

—  L'Ame  de  l'adelescente 35  » 

METZGER  (H).  —  Newton,  Stahl,  Boerhaave  et  la  doctrine  chi- 
mique    40  » 

MEYERSON  (E  ).  —  Identité  et  réalité.  4"^  éd.'. 50  » 

—  Le  cheminement  de  la  pensée ,  3  vol 1  30  » 

MIGNARD  (M.).  —  L'unité  psychique  et  les  troubles  mentaux 35  » 

MILHAUD  (G.).  —  Descartes  savant.... 25  » 

MOCHI  (Dr  A.).  —  La  connaissance  scientifique 25  « 

—  De  la  connaissance  à  l'action 25  » 

—  Science  et  morale  dans  les  problèmes  sociaux 60  ■ 

MONTAGNE  (R.).  —  Les  Berbères  et  le  Makhzen  dans  le  sud  du 

Maroc.  Essai  sur  la  transformation  politique  des  Berbères  sédentaires 

(groupe  Chleuh) 75  » 

MONTMORAND  (M.  de).  —  Psychologie  des  mystiques  catholiques 

orthodoxes 30  » 

MULLER  (Maurice).  ■ —  Individualité,  causalité,  indéterminisme...  25  » 
NAVILLE  (A.).  —  Classification  des  sciences.  Les  idées  maîtresses  des 

sciences  et  leurs  rapports,  3*^  éd 25  » 

NAVILLE  (E.).  —  Les  systèmes  de  philosophie  ou  les  philosophies 

affirmatives 25  » 

NORDAU  (M.).  "  La  biologie  de  l'Ethique 25  » 

NOVICOW  (J.).  —  La  critique  du  Darwinisme  social 25  » 

—  La  Justice  et  l'expansion  de  la  vie 25  » 

—  La  morale  et  l'intérêt  dans  les  rapports  individuels  et  internatio- 
naux    20  » 

OLDENBERG.  —  Le  Bouddha,  trad.  P.  Foucher,  préface  de  S.  LÉvi,  pro- 
fesseur au  Collège  de  France,  4*^  éd {sous  presse) 

OLTRAMARE  (P.).  —  La  religion  et  la  vie  de  l'esprit 20  » 

L'ORIENTATION  ACTUELLE  DES  SCIENCES  par  J.  Perrin. 
P.    Langevin,  G.  Urbain,  L.  Lapicque,  C.   Perez,  L.  Plantefol. — Intr. 

de  L.   Brunschvicg 25  » 

OSSIP-LOURIE.  —  La  graphomanie,  essai  de  psychologie  morbide 25  » 

—  La  philosophie  russe  contemporaine,  2*^  éd 20  » 

OSTY  (Dr  E.).  —  La  connaissance  supra-normale,  2^  éd 30  » 

PALIARD  (J.).  —  Intuition  et  réflexion,  esquisse  d'une  dialectique  de  la 

conscience 35  a 

PARODI  (D.),  inspecteur  général  de  l'Instruction  publique.  —  Le  pro- 
blème moral  et  la  pensée  contemporaine,  3^  éd.  revue  et  augmentée.  30  ■' 

—  La  Philosophie  contemporaine  en  France,   3'^  éd 50  » 

PAULHAN  (Fr.).  —  Le  mensonge  du  monde,  nouvelle  édition 30  » 

PAVLOV  (I. -P.).  — Les  réflexes  conditionnels,  trad.  N.  et  G.  Gricouroff.  45  » 

PAYOT  (J.)  —  L'Education  de  la  volonté,  59«  mille 20  » 

—  Le  travail  intellectuel  et  la  volonté,  suite  à  l'Education  de  la  volonté, 

1 6«  éd 15  » 

—  La  conquête  du  bonheur.  9*^  mille 25  » 

PI  AT  (C).  —  La  morale  du  bonheur 20  » 

PICARD  (]•)  Essai  sur  la  logique  de  l'invention  dans    les  sciences.  25  » 

—  Essai  sur  les  conditions  positives  de  l'invention  dans  les  sciences.  30  • 


BIBLIOTHEQUE  DE  PHILOSOPHIE  CONTEMPORAINE 

FIERON  (H.),  directeur  du  laboratoire  de  psychologie  physiologique  à  la  Sor- 
bonne.  —  L'Année  psychologique,  22^.  23^  2¥  années,  3  vol.  1920-21. 

1922,  1923.  chacun 75 

25^  année    1924 75 

26e     _     1925 75 

27«     —     1926 90 

28e     _     1927,  2  vol 110 

29«     -      1928,  2  vol 120 

30'^     —      1929,  2  vol 120 

31e     —      1930,  2  vol •••• 120 

32-^      —      1931.  2   vol 120 

33e     —      1932.  2  vol 120 

PILLON  (F.).  —  L'Année  philosophique,  1890  à  1914  (les  années  1893.  94 

et  95  sont  épuisées),  chaque  volume 20 

PIOGER  (Dr  ].).  —  La  vie  et  la  pensée 20 

—  La  vie  sociale,  la  morale  et  le  progrès 20 

POYER(DrG.)- — Les  problèmes  généraux  de  l'hérédité  psychologique.  30 

PREYER.  —  Eléments  de  physiologie  générale,  trad.  J.  Soury 20 

PROAL  (L.).  —  La  Psychologie  de  J.-J.  Rousseau 30 

PSYCHOLOGIE  DU  LANGAGE,  par  divers 40 

QUERCY  (P.).  —  L'haliucination  ï.  Philosophes  et  mystiques 40 

—  —  II.  Etudes  cliniques 60 

RABAUD  (E.)    —  Eléments  de  biologie  générale,  2^  éd 45 

RAUH  (P.).  —  L'Expérience  morale,^  3^  éd 20 

RAY  (J.).  —  Essai  sur  la  structure  logique  du  Code  civil  français 30 

—  Index  du  Code  civil 15 

RENOUVIER  (C),  de  l'Institut.^  —  Le  personnalisme,  2^  éd 45 

—  Dilemmes  de  la  métaphysique  pure,  nouvelle  édition 30 

REVAULT  D'ALLONNES  (G.).  -  Psychologie  d'une  religion,  Guil- 
laume Monod  (1800;1896)  ^ ._ 20 

^EY  (A.).  —  La  Théorie  de  îa  physique  chez  les  physiciens  contempo- 
rains, 3e  éd , 25 

RIDEAU  (E.).  —  Les  rapports  de  la  matière  et  de  l'esprit  dans  le 

bergsonisme 20 

RIBOT  (Th.),  de  l'Institut.  —  La  psychologie  des  sentiments,  13^^  éd..  30 

—  L'Hérédité  psychologique,  1 1"^  éd 30 

—  Essai  sur  l'Imagination  créatrice,  7^  éd 25 

—  La  logique  des  sentiments,  5*^  éd 20 

RICHET  (Ch.),  de  l'Institut.  —  L'Intelligence  et  l'Homme 35 

RIDEAU  (E.).  —  Les   rapports  de  la  matière   et  de  l'esprit   dans 

le  bergsonisme 20 

RIGNANO  (E.).   —  La  transnriissibilité  des   caractères  acquis 2o 

—  Psychologie  du  raisonnement 40 

—  Qu'est-ce  que  la  vie  ? 20 

—  Essais  de  synthèse  scientifique 20 

—  Problèmes  de  psychologie  et  de  morale  25 

RI  VERS  (W,).  —  L'instinct  et  l'inconscient,  trad.  Lacroze,  2«  éd 35 

ROBERTY  (E.  de).  —  Nouveau  programme  de  sociologie 20 

—  Ancienne  et  nouvelle  philosophie 25 

RODRIGUES  (G.).  —  Le  problème  de  l'action,  la  pratique  morale...  20 
ROSA  (D.).   —   L'OIogénèse.  Nouvelle  théorie    de  l'évolution    et   de  la 

distribution  E;éos;raphique  des  êtres  vivants 35 

ROUSSEL-DESPIERRES  (Fr.).  —  La  Hiérarchie  des  principes  et  les 

problèmies  sociaux 20 

—  Hors  du  scepticisme.  Liberté  et  beauté 25 

RUYER  (R.).   —  Esquisse  d'une  philosophie  delà  structure 50 

—  L'Humanité  de  l'avenir  d'après  Cournot 30 

RUYSSEN  (Th.).  —  L'Evolution  psychologique  du  jugement 20 

—  De  la  guerre  au  droit 25 


8  LIBRAIRIE  FÉLIX  ALCAN    -  PARIS 

SAGERET  (J).  —  Philosophie  de  la  guerre  et  de  la  paix 30  » 

S.41NT-FAUL  (Dr  G.).  —  Le  langage  intérieur  et  les  paraphasies. . .  20  » 

SANZ  Y  ESCARTIN.  —  L'Individu  et  la  réforme  sociale. 23  » 

SCHINZ  (A.)  —  Anti-pragmatisme 20  » 

—  La  pensée  de  J.-J.  Rousseau 60  » 

SCHOPENHAUER.  —  Le  monde  comme  volonté  et  comme  représen- 

tation,  trad.  A.  Burdeau,  7''  éd.,  3  vol.  ensemble 90  » 

—  Aphorismes  sur  la  sagesse  dansla  vie,  tr.  J.-A.  Cantacuzene,  1  1*^  éd.  30  ) 
■^rHUHL  (P. -M.).    —Platon  et  l'art  de  son  temps  (arts  plastiques).  20  » 

bÉ.MLLES  (G.).  —  Essai  sur  le  génie  dans  l'art,  5'-  éd    20  » 

SEGOND  (I.).  —  Intuition  et  amitié 20  » 

SERRUS  ((Zh.).    —  Le  parallélisme  logico-grammatical 70  » 

SOLBERG(P.C.)etCROS(G.-Ch.).  — Ledroitetladoctrinedelajustice.  20  » 

SOURI  AU  (E.).  —  L'Avenir  de  l'esthétique 40  » 

SOURIAU  (M).   —  Le  jugement   refléchissant   dans  la   philosophie 

critique  de  Kant 20  « 

—  La  fonction  pratique  de  la  finalité 35  » 

SPAIER  (A.).  —  La  pensée  et  la  quantité,  essai  sur  la  signification  et  !a 

réalité  des  grandeurs   35  » 

—  La  pensée  concrète,  essai  sur  le  symbolisme  mtellectuel 45  » 

SPENCER  (H.).  —  De  l'éducation  physique,  intellectuelle  et  morale  25  » 

—  Une  autobiographie,  trad.  et  adaptation  par  H.  de  Varigny 30  » 

STAPFER  (P.).  • —  Questions  esthétiques  et  questions  religieuses.  ...  20  » 
STEFANESCU  (M.).  —  Le  dualisme  logique,  essai  sur  l'importance  de  sa 

réalité  pour  le  problème  de  la  connaissance 20  » 

TARDE  (G),  de  l'Institut.  —  L'Opinion  et  la  foule,  4«  éd 20  » 

TASSY  (E.).  —  Le  travail  d'idéation 20  » 

TERRAILLON  (E).  —  L'Honneur,  sentiment  et  principe  moral 20  » 

THOMAS  (P. -F.).  —  L'Education  des  sentiments,  7'^  éd 18  » 

—  Pierre  Leroux,   sa  vie,  son   œuvre,  sa  doctrme.    Contribution  à  l'his- 
toire des  idées  au  XIX*^  siècle 20  » 

TISSERAND  (P.).  —  Œuvres  de  Maine  de  Biran,  accompagnées  de  notes 

et  d'appendices,  tomes  I  à  V,  5  vol.     chacun 40  » 

—  Tomes  VI   et  VII  (correspondance),  2   vol.  ensemble 80  » 

—  Tomes  VIII  et  IX,  2  vol .    ensemble 80  » 

TITCHENER  (E.  B.).  _—  Manuel  de  Psychologie 60  » 

La  tradition  philosophique  et  ia  pensée  française,    par  divers 35  » 

URTIN  (H).  —  L'Action  criminelle,  étude  de  philosophie  pratique  .  .  20  » 

VACHEROT  (E.),  de  l'Institut.  —  Essais  de  philosophie  critique....  25  » 

—  La  Religion 25  » 

VAUCHER  (G.).  —  Le  langage  affectif  et  les  jugements  de  valeur. .  20  » 

VERNON  LEE.  —  Les  mensonges  vitaux,  trad.  Dr  Bernard-Leroy.  . .  40  » 

VIALLE  (L.).  —  Détresses  da  Nietzsche 20  » 

—  Le  désir  du  néant.   Contribution   à  la   psychologie  du  divertis- 
sement   60  » 

WAHL  (j.).  —  Philosophies  pluralistes  d'Angleterre  et  d'Amérique.  40  » 

WAYNBÀUM  (Dr).  —  La  physionomie  humaine  20  » 

Volumes    in- 16 

ALIOTTA  (A.).  —L'éternité  des  esprits 12  » 

ALLENDY  (Dr  R.).  —  Les  rêves 12  » 

ARKÉAT  (L.).  —  Dix  ans  de  philosophie 10  » 

—  La  morale  dans  le  drame,  l'épopée  et  le  roman,  3'   éd 10  » 

—  Art  et  psychologie  individuelle    10  » 

AUTIN  (A.).  —  Autorité  et  discipline  en  matière  d'éducation,  préface 

de  J .  Pavot 15  » 

~  Laïcité  et  liberté  de  conscience 15  » 

AVEBURY  (Lord) (Sir  John  Lubbock).  —  Paixetbonheur.  trad.  A.  Monod.  10  » 


BIBLIOTHEQUE  DE  PHILOSOF^HIE  CONTEMPORAINE 

BALDWIN  (J.-M.).  —  Le  Darwinisme  dans  les  Sciences  morales  .  . . 

BAYE T  (A.).  —  La  Science  des  faits  moraux 

BELOT  (G.),  inspecteur  général  de  l'Instruction  publique.  —  La  Conscience 

fran'"^ise  et  la  guerre 

BERGSON(H.).de  1  Académie  française  et  de  l'Académie  desSciences  morales 

et  politiques.  —  Le  Rire,  essai  sur  la  signification  du  comique,  37'^  éd.. . 

—  Durée    et    simultanéité,   à    propos    de    la   théorie  d'Einstein,  6'^  éd..  . 
BERNARD-LEROY  (E.).    —  Les    visions    du    demi-sommeil    (Hallu- 
cinations hypnasogiques) .  nouvelle  édition 

BERR  (H.).  —  L'Histoire  traditionnelle  et  la  synthèse  historique 

BERTHELOT  (R.),  de  l'Académie  de  Belgique  — Science  et  philosophie 
chez  Goethe 

BIANQUIS  (G.).  —  Nietzsche  en  France 

BLONDEL  (D'  C.).  —  La  psycho-physiologie  de  Gall,  ses  idées 
directrices 

BOS  (G.).  —  Psychologie  de  la  Croyance,  2"^  éd 

BOUGEE  (C.).  —  Qu'est-ce  que  la  Sociologie  ?  6"^  éd.  augmentée  .  .  . 

BOURDEAU  (J.).  de  l'Institut.  —  La  Philosophie  affective 

BOURGIN  (H.).  —  L'Industrie  et  le  marché,  essai  sur  les  lois  du  dévelop- 
pement industriel   

BOUTROUX  (E.),  de  l'Académie  française.  —  De  la  contingence  des  lois 
de  la  nature,  1 0*^  éd 

—  Des  Vérités  éternelles  chez  Descartes 

BROCHER  (H.).  —  Le  mythe  du  héros  et  la  mentalité  primitive... 
BRUNSCHVICG  (L.),  de  l'Institut.  —  L'Idéalisme  contemporain,  2"-'  éd. 

—  Introduction  à  la  vie  de  l'esprit,  5'-'  éd 

CHALMERS-MITCHELL  (P.).  —  Le  Darwinisme  et  la  guerre,  trad. 

D.  SOLOVINE,  préface  de  E.  BoUTROUX,  de  l'Académie  française 

CHOISNARD  (P.).  —  Les  probabilités  en  science  d'observation 

COIGNET(C.).— L'Evolution  du  protestantisme  français  auXIX'  siècle 

COMBES  (R .  ).        Histoire  de  la  biologie  végétale  en  France 

CONDILL.AC.  —  Traité  des  sensations,  introduction  par  Georges  Lyon, 
recteur  de  l'Université  de  Lille,  nouvelle  édition 

CRESSON  (A.).  —  Les  Réactions  intellectuelles  élémentaires 

DANVILLE  (G.).  —  Psychologie  de  l'amour,  9*^  éd 

DAVY  (G.),  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Dijon.  —  Le  Droit,  l'Idéa- 
lisme et, l'Expérience  (Travaux  de  l'Année  Sociologique) 

DELVOLVÉ  (J.).  —  L'Organisation  de  la  conscience  morale 

DESCARTES.  —  Discours  sur  la  méthode 

DIDE  (Dr  M.).  —  Les  idéalistes  passionnés 

DIDE  (M.)  et  JUPPONT  (M.).  ->  La  Métaphysique  scientifique 

D0NTCHEF-DELEU2E  (Mme).  —  L'Image  et  les  réflexes  condition- 
nels, dans  les  travaux  de  Pavlov,  préface  de  G.  BoHN 

DOROLLE  (M.).  —  Les  problèmes  de  l'Induction,  prêt,  de  A.  Lalande 

DUGAS  (L.).  —  Les  grands  timides 

—  Les  timides  dans  la  littérature  et  l'art 

DURKHEIM  (E.).  —  Education  et  sociologie,  intr.  de  P.  Fauconnet. 

—  Les  règles  de  la  méthode  sociologique,  8'^  éd 

—  Sociologie  et  Philosophie,  préface  de  C.  BouGLÉ 

DWELSHAUVERS  (G.).  —  Les  Mécanismes  subconscients 

EICHTHAL  (E.  d'),  de  l'Institut.  —  Du  rôle  de  la  mémoire,  dans  nos  con- 
ceptions métaphysiques,  esthétiques,  passionnelles,  actives 

ESTEVE     (L.).     —     Une   nouvelle     psychologie   de  l'Impérialisme, 

Ernest  Seillière 

FOUILLÉE  (A.).  —  Humanitaires  et  libertaires 

—  La  propriété  sociale  et  la  démocratie 

GAUL'TIER  (J.  de).  —  La  philosophie  officielle 

GELEY  (Dr  G.).  —  L'Etre  subconscient,  5'^  éd 

GIRAN  (P.).  —  Les  origines  de  la  pensée 


10 

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GOBLOT  (E.).  —  La  barrière  et  le  niveau,  étude  sociologique  sur  la  bour- 
geoisie française  moderne 10  » 

GRASSET  (J.).  —  Les  limites  de  la  biologie,  préface  de  Paul  Bou«get, 

de  l'Académie   française,  b*''  éd 10  » 

HACHET-SOUPLET  (P.).  —  De  l'animal  à  l'enfant 10  » 

HENDERSON  (L.-J.).  —  L'ordre  de  la  nature,  trad.  E.  Renoir 20  » 

HESNARD  (A.)-  —  La  relativité  de  la  conscience  de  soi,  introduction  à  la 

psychologie  clinique,  préface  du  Pr  DuMAS 12  » 

HOFFDING  (H.).  —  Les  conceptions  de  la  vie,  trad.  A.  KoYRÉ 15  » 

HUBERT  (R.).  —  Le  sens  du  réel.  2^  éd 10  » 

JAELL  (Mme).  —  La  musique  et  la  psychophysiologie,  2®  éd 10  » 

JANKELEVITCH  (V.),  —La   mauvaise  conscience 1^  » 

JOUSSAIN  (A.).  —  Esquisse  d'une  philosophie  de  la  nature .  10  « 

KANT.  —  Traité  de  pédagogie,  trad.  Jules  Barni,  avec  une  préface  des 

sommaires  analytiques  et  un  lexique  par  R.  ThamIN,  de  l'Institut,  5'^  éd.            9  » 

LACHELIER  (J.).  de  l'Institut.  —  Du  fondement  de  l'Induction,  8^  éd  12  » 

LACOMBE  (R.).  —  La  méthode  sociologique  de  Durkheim 10  » 

LAGNEAU  (J.).  —  De  l'existence  de  Dieu  10  » 

LALO(Ch.).   —  L'art  et  la  morale.  2«  éd 12  » 

LANESSAN  (J.-L.  de).  —  L'Idéal  moral  du  matérialisme  et  la  guerre.  10  >• 

LAVELLE  (L.).  -  De  l'être 20  » 

LE   BON   (Dr   Gustave).   —   Lois   psychologiques   de   l'évolution    des 

peuples,   18*^  éd 12  » 

—  Psychologie  des  Foules,  37*  éd.,  revue 15  » 

LE  HENAFF  (A.).  —  Le  droit  et  les  forces,  2^  éd. ■ 10  » 

LENOIR  (R.).  —  Les  historiens  de  l'esprit  humain 12  ) 

—  Condillac 12  » 

LEVY  (Em.).  —  Les  fondements  du  droit 15  » 

LICHTENBERGER  (H.).  — La  philosophie  de  Nietzsche,  suivie  d'apho- 

rismes  et  morceaux  choisis,   12'^  éd -^0  » 

LODGE  (sir  Oliver).  —  La  vie  et  la  matière,  trad.  J.  Maxwell,  4^  éd..           8  « 

LUBBOCK  (Sir  John)  (Lord  AVEBURY).  —  Le  bonheur  de  vivre,  14^  éd.  1 8  » 
MAMELET  (A.).  —  L'Idée  positive  de  la  moralité  devant  la  critique 

philosophique 12  » 

MAUNIER  (R.).  —  Essais  sur  les  groupements  sociaux 12  » 

MASSON-OURSEL  (P.).  —  La  Philosophie  comparée,  2«  éd 15  » 

METZGER  (H.).  —  Les  concepts  scientifiques,  préface  de  A.  Lalande. 

de  l'Institut 12  » 

MICHAUD  (R.).  —  L'Esthétique  d'Emerson 15  » 

MILHAUD  (G.).  —  Essai  sur  les  conditions  et  les  limites  de  la  certi- 
tude logique,  4^  éd 12  » 

—  Le  rationnel,  2*  éd 10  » 

NICOLLE  (Ch.).  —  Biologie  de  l'invention    15  » 

OSSIP-LOURIE.  —  La  Philosophie  de  Tolstoï,  5^  éd 18  » 

—  L'arrivisme.   Essai  de  psychologie  concrète,  2*  éd.  revue 12  » 

OSTWALD  (W.).  —  Esquisse  d'une  philosophie  des  Sciences,  traducteur 

M.    DOROLLE _ 10  » 

PACOTTE  (J.).  —  La  pensée  mathématique  contemporaine 12  » 

—  La  pensée  technique 15  » 

—  La  connaissance  (Mathématique,  Technique,  Humanisme,  Métaphy- 
sique)   15  » 

PALHORIES  (F.).   — L'héritage  delà  pensée  antique 15  » 

PAPILLAULT  (Dr).  —  Science  française  et  scolastique  allemande..  10  » 

PARISOT  (E.)  et  MARTIN  (E.).  —  Les  postulats  de  la  pédagogie 10  » 

PARODI  (D.),  inspecteur  général  de  l'Instruction  publique.  —  Les  bases 

psychologiques  de  la  vie  morale 15  » 

PAULHAN  (Fr.).  —  Psychologie  de  l'invention,  4«  éd 10  » 

—  La  fonction  de  la  mémoire  et  le  souvenir  affectif 15  » 

— Les  phénomènes  affectifs  et  les  lois  de  leur  apparition,  3^  éd..  10  » 

—  La  morale  de  l'ironie,  4*^  éd 12  » 


BIBLIOTHEQUE  DE  PHILOSOPHIE  CONTEMPORAINE 

—  Analystes  et  esprits  synthétiques,  2*^  éd 12 

—  La  double  fonction  du  langage 15 

PERIETEANU  (A.).   —  La  méthode  scientifique 15 

PHILIPPE  (Dr)  et  PAUL-BONCOUR  (Dr  G.).  -  Les  anomalies  men- 
tales chez  les  écoliers,  4*^  éd 12 

PIERON  (H).  —  Le  développement  mental  et  l'intelligence 10 

PIOGER  (Dr).  —  Le  monde  physique,  essai  de  conception  expérimentale.  .  10 
PRIVAT  (Ed.). —  Le  choc  des  patriotismes.  Les  sentiments  collectifs 

et  la  morale  entre  nations 15 

QUEYRAT  (F.).  —  L'abstraction,  son  rôle  dans  l'éducation  intellectuelle, 

3*^  éd.,  revue 10 

—  Les  caractères  et  l'éducation  morale,  5'-  éd , 10 

—  La  curiosité,  étude  de  psychologie  appliquée,  2®  éd 10 

RADHAKRISHNAN  (S.).  —  L'hindouisme  et  la  vie,  trad.  P.  Masson- 

OURSEL 12 

RASMUSSEN  (V.).  —  La  psychologie  de  l'enfant  (l'enfant  de  4  à  7  ans). 

trad.  du  danois  par  Mme  Cornet,  préface  de  H.  HoFFDiNG,  avec  figures.  18 

RAVAISSON.  —  De  l'habitude 12 

RENARD  (G.).  —  Le  régime  socialiste,  7"^  éd 12 

RIBOT  (Th.),  de  l'Institut.  —  Les  maladies  de  la  mémoire,  28^  éd 12 

—  Les  maladies  de  la  volonté,  36"  éd 1  2 

—  Les  maladies  de  la  personnalité,  19*^  éd [2 

—  La  philosophie  de  Schopenhauer,  1 4*^  éd 12 

—  Psychologie  de  l'attention,  1  7"^  éd 12 

—  Problèmes  de  psychologie  affective,  3^^  éd 12 

RICHET  (Ch.)  de  l'Institut.  —  Essai  de  psychologie  générale,  1  1*^  éd.  12 

RIDEAU  (E.).   —  Le  Dieu  de  Bergson.... 12 

RILEY  (W.).  —  Le  génie  américain,  trad.  de  l'anglais  par  E.  Renoir,  préface 

de  H.  Bergson,  de  l'Académie   française 15 

ROBERTY  (E.  de).  —  Les  concepts  delà  raison  et  les  lois  de  l'univers  '  10 

ROGUES  DE  FURSAC  (J.).  —  L'Avarice,  essai  de  psychologie  morbide. .  ,  10 

—  Un  m  ouvemsnt  mystique  contemporain,  le  réveil  religieux  au  pays  de 
Galles  (1 904-05)   10 

ROISEL.  —  De  la  substance 10 

—  L'idée  spiritualiste,  2*^  éd 10 

ROUGIER  (L.).  —  La  structure  des  théories  déductives 15 

RUSSELL  (B.).  —  Les  problèmes  de  la  philosophie,  trad.  de  lang'ais  par 

Mlle  J.-F.  Renauld 12 

SCH0PENH.4UER.  —  Essai  sur  le  libre  arbitre,  trad.  par  S.  Reinach, 

de  l'Institut,   13*^  éd '. 12 

—  Fondement  de  la  morale,  trad.  A.  Burdeau,  11*^  éd 12 

—  Pensées  et  fragments,  intr.  par  J.  Bourdeau,  29'^  éd 15 

SÉAILLES  (G.).  —  L'origine  et  les  destinées  de  l'art '  12 

—  La  philosophie  de  Jules  Lachelier 15 

SECOND  (J.). —  La  prière,  étude  de  psychologie  religieuse,  2*^  éd.  entiè-  12 

rement  retondue 

—  Cournot 12 

—  L'Intuition  bergsonienne,  3*^  éd 15 

SERRUS  (Ch.).  —  L'Esthétique  transcendantale  et  la  science  moderne.  1 0 

' —  La  méthode  de  Descartes  et  son  application  à  la  métaphysique  1  2 

SOLLIER  (Dr  P.).  —  La  répression  mentale 13 

SOURIAU  (P.).  —  L'entraînement  au  courage 10 

SPENCER  (H.).  —  Classification  des  sciences.   11'    éd 12 

STUART-MILL.  -  L'Utilitarisme,  10^  éd 12 

SULLY-PRUDHOMME.  —  Psychologie  du  libre-arbitre 10 

SWIFT.  —  L'éternel  conflit .•••.••■; 10 

TARDE  (G.),  de  l'Institut.  —  La  criminalité  comparée,  8'^  éd 12 

—  Les  transformations  du  droit,  8'^  éd 12 

TASSY.  —  L'activité  psychique 10 

TRUC  (G.).  —  Les  Sacrements, nouvel  essai  de  psychologie  religievise,  2*^  éd  ■  10 


—  12  — 

LES    GRANDS    PHILOSOPHES 

Collection  fondée  par  C.  PIAT,  dirigée  par  F.  l'ALHOlilÈS 

Il  y  a  dans  l'histoire  de  la  philosophie  des  théories  maîtresses  qu'ont  préparées 
de  longs  siècles  d'efforts,  et  dont  l'idée  fondamentale,  une  fois  connue,  a  conquis 
une  impérissable  influence. 

Ces  théories  sont  groupées  dans  cette  savante  collection  qui  complète  la  Biblio- 
thèque de  Philosophie  Contemporaine. 

Volumes  in-S"  —  35  francs  35  francs 

Chrysippe,  par  E.  Bréiiier.  Schelling,  par  E.  Bréiiier. 

Duns  Scot,  par  B.  Landry.  Spinoza,  par  P.-L.  Couchoud. 

Kant,  par  Th.  Ruyssen. 

Leibniz,  par  Clodius  Fiat.  4«  f„„„„ 

Maine  de  BLran,  par  M.  Couailhac. 

Montesquieu,  par  J.  Dedieu.  Gioberti,  par  F.  Palhoriès. 

Philon,  par  Jules  Martin.  Hobbes,  par  B.  Landry. 

Rosmini,  par  F.  Palhoriès. 

Saint-Anselme,  par  le  Comte  Domet                            45  francs 

DE  VORGES. 

Saint-Augustin,  par  Jules  Martin.  Bergson,  par  V.  Jankélévitch. 

Saint-Thomas-d'Aquin,    par    A.    D.      Maïmonide,  par  L.  Germain-Lévy. 
Sertillanges  (2  volumes).  Montaigne,  par  F.  Strowski. 


PHILOSOPHES  ET   SAVANTS  FRANÇAIS   DU  XX"  SIECLE 

EXTRAITS   ET  NOTICES 

La  collection  «  Philosophes  et  Savants  français  du  xx'  siècle  »  s'attache  à  étudier 
dans  l'œuvre  de  nos  contemporains  les  diverses  techniques  philosophiques  :  méta- 
physique, morale,  psychologie,  sociologie,  etc. 

Volumes  in-8°  écu  (13x20) 

Philosophie  générale  et  métaphysique,  par  J.  Baruzi 20  fr. 

La  philosophie  de  la  science,  par  R.  Poirier 20  fr. 

Le  problème  moral,  par  J.  Baruzi 20  fr. 

La  psychologie,  par  D.  Essertier 20  fr. 

La  sociologie,  par  D.  Essertier 30  f i-. 

TEXTES  ET  TRADUCTIONS 

pour   servir  à  l'histoire    de  la  pensée  moderne 

Collection  dirigée  par  Abel  REY,  professeur  à  la  Sorhonne 
La    collection    «Textes    et    Traductions   pour   servir   à   l'histoire    de   la    pensée 
moderne»  réunit  les  œuvres  dont  la  connaissance  importe  à  l'histoire  de  cette  pen- 
sée qui,  à  partir  du  xv*  siècle,  pose  les  questions  sous  une  forme  différente  de  celle 
sous  laquelle  elles  étaient  posées  autrefois. 

Volumes  in-8°  écu 

BRUNO  (G.).  —  Cause,  Principe  et  Unité.  Traduction  de  E.  Namer  . .     20  fr. 

CESALPIN.  —  Questions  péripatéticiennes.  Traduct.  de  M.  Dorolle.     20  fr. 

eus  A  (N.  de).  —  De  la  docte  ignorance.  Traduction  de  L.  Moulinier. 

Introduction  par  A.  Rey  20  f  r. 

DANTE.  —  De  la  monarchie.  Introduction  et  traduction  de  B.  Landry.     20  fr. 

FONTENELLE.  —  De  l'origine  des  Fables.  Introduction  et  notes  cri- 
tiques par  J.  R.  Carré 20  fr. 

MACHIAVEL.  —  Le  Prince.  Traduction  de  Colonna  d'Istria.  Intro- 
duction de  P.  Hazard   15  fr. 

PETRARQUE.  —  Sur  ma  propre  ignorance  et  celle  de  beaucoup 
d'autres.  Traduction  de  Juliette  Bertrantd.  Préface  de  P.  de 
KoLHAC,  de  l'Académie  francaif^e   :  .     l-'ï  fi'. 


—  13  — 

Bibliothèque  de  Psychologie  de  l'Enfant  et  de  Pédagogie 

Les  ouvrages  de  la  Bibliothèque  de  Psychologie  de  l'Enfant  sont  conçus  dans 
l'esprit  scientifique  et  objectif  qui  seul  permet  aujourd'hui  une  étude  parfaite  de 
l'enfant  et  de  son  développement  mental. 

DECROLY  (0.)  et  BUYSE  (R.).  —  La  pratique  des  tests  mentaux, 

in-S"  et  1  atlas  in-4".  Ensemble (50  f r. 

C4UILLAUME  (P.).  —  L'imitation  chez  l'enfant,  in-S"  20  fr. 

LUQUET  (H.).  —  Le  dessin  enfantin,  in-16 20  fr. 

PIAGET  (J.).  —  La  causalité  physique  chez  l'enfant,  in-S" 40  fr. 

—    Le  jugement  moral  chez  l'enfant,  in-S"   60  f  r. 

WALLON  (II.).  —  L'enfant  turbulent,  in-8"    40  fr. 

LES    RELIGIONS 

«  Les  Religions  »  comprendront  une  série  de  monographies  sur  les  religions  chré- 
tiennes et  non  chrétiennes,  par  des  auteurs  hautement  qualifiés. 

Volumes  parus  : 
Le  Catholicisme,  par  Georges  Goyau,  de  l'Académie  française. 
Du  Protestantisme,  par  le  Pasteur  Wilpred  Monod. 
Le  Judaïsme,  par  le  Grand  Rabbin  Julien  Weill. 
L'Orthodoxie,  par  l'Archimandrite  S.  Boulgakoff. 

Cliaque  volume  in-lG   15  fr. 

A  ])araître  :  Le  Bouddhisme;  L'Islamisme;  Le  Parsisme,  etc.. 

RÉFORMATEURS   SOCIAUX 

Collectioi^  de  textes  dirigée  par  C.  Bouglé 

publiée  avec  le  concours  du  Centre  de  documentation  sociale 

de  l'Ecole  Normale  Supérieure 


Albert  de  Mun,  par  Marc  Sangnier. 
Condorcet,  par  F.  Buisson. 
Enfantin,  par  S.  Charléty. 
Fénelon,  par  Maxime  Leroy. 
Fourier,  par  E.  Poisson. 


Jaurès,  par  E.  Vanderveldb. 
Lamennais,  par  Paul-Boncour. 
Montesquieu,  par  G.  Lanson. 
Proudhon,  par  C.  Bouglé. 
Sismondi,  par  Elie  Halévy. 


Chaque  volume  in-8"  écu  (13x20) 15  fr. 

A  paraître  :  Louis  Blanc  —  Pecqueur  —  J.-J.  Rousseau  -    etc.. 

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L'EXPÉRIENCE    RELIGIEUSE 

Essai  de  psychologie  descriptive.  —  Traduit  par  Frank  Abauzit 
Un  vol.  in-8°,  3^  édition,  revue  et  cor'igée,  1931 GO  fr. 

Maurice    SOLOVINE 

Epicure.  Doctrines  et  maximes  traduites  d'après  le  texte  le  plus  récent.     10  ir, 

Heraclite  d'Ephèse.  Doctrines  philosophiques 12  fr. 

Démocrite.  Doctrines  philosophiques  et  réflexions  morales   15  fr. 

0.    H.    PRIOR 

Professeur  à  l'Université  de   Cambridge 

MORCEAUX    CHO  SIS    DES    PENSEURS   FRANÇAIS    DU    XV*    AU    XIX^   SIÈCLE 

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Par   P.   GUILLAUME   et   G.   H.   LUQUET 

LOGIQUE,   MORALE,   METAPHYSIQUE,   par   G.   II.   LUQl'ET 

Classes  de  Philosophie  A  et  B.  Un  vol.  in-S"   24  fr. 

Classes  de  Mathématiqncs  A  et  B.  (Logique  et  Morale)    20  fr. 

PSYCHOLOGIE,  par  P.  GUILLAUME 
Classes  de  Philosophie  A  et  B.  Un  vol.  in-S" 30  fr. 


—  14  — 

Collection    Historique    des    Grands    Philosophes 

BARUZI  (J.).  —  Leibniz  et  l'organisation  religieuse  de  la  terre,  ia-8.  18  fr. 

P.ISE  (P.).  —  La  Politique  d'Heraclite  d'Ephèse,  in-S 20  fr. 

CHEVALIER  (J.).  —  Etude  critique  du  dialogue  pseudo-platonicien 

L'Axiochos,  in-8 8  fr. 

COUTURAT    (L.).   —   Opuscules   et   fragments   inédits   de   Leibniz, 

gr.  in-8 45  fr. 

FILLIAÏRE  (Ch.).  —  La  philosophie  de  Saint  Anselme,  in-8 18  fr. 

GUYAU  (J.-]\I.).  —  La  Morale  d'Epicure,  in-S  20  fr. 

IIALÉVY  (E.).  —  La  Théorie  Platonicienne  des  Sciences,  in-8 10  fr. 

IIAMELIN  (0.).  —  Le  Système  d'Aristote,  2*^  éd.  revue,  in-8  50  fr. 

HESNARD  (O.).  —  Fr.  Th.  Vischer,  in-S   .35  fr. 

IIUAiSr  (G.).  —  Le  Dieu  de  Spinoza,  ^v.  in-S 10  fr. 

HUME  (D.).  —  Œuvres  philosophiques  choisies,  tnme  I,  in-8  40  fr. 

KANT  (E.).  —  Critique  de  la  raison  pure,  in-8  50  fr. 

—  Critique  de  la  raison  pratique,  in-8  , 30  fr. 

LANDRY  (B.).  —  L'idée  de  chrétienté  chez  les  scolastiques  du  XÏII'' 

siècle,  in-S 25  fr. 

LASBAX  (E.).  —  La  philosophie  dans  l'Afrique  du  Nord  et  l'histoire 

de  l'esprit  africain,  in-8  8  fr. 

LEIBNIZ.  —  Voir  COUTURAT. 

LÉVY  (A.).  —  David-Frédéric  Strauss.  La  vie  et  l'œuvre,  in-8 10  fr. 

NAMER  (E.).  —  Les  aspects  de  Dieu  dans  la  philosophie  de  Giordano 

Bruno,  in-8  15  fr. 

NEDELKOVITCII   (D.).   —  La   pensée   philosophique   créatrice   de 

Pascal,  in-16 G  fr. 

PALHORIES  (F.).  —  La  théorie  idéologique  de  Galluppi  dans  ses 

rapports  avec  la  philosophie  de  Kant,  in-8 12  fr. 

RIVAUD  (A.).  —  Le  problème  du  devenir  et  la  notion  de  la  matière 

dans   la   philosophie    grecque   depuis   les    origines   jusqu'à    Théo- 

phraste,  in-8 18  fr. 

ROBIN  (L.).  —  La  théorie  platonicienne  de  l'amour,  in-8 30  fr. 

SABRIÉ  (J.-B.).  —  De  l'humanisme  au  rationalisme,  Pierre  Charron, 

in-8    18  fr. 

SEILLIÈRE  (E.).  —  La  morale  de  Dumas  fils,  in-lG  14  fr. 

—  George  Sand,  Mystique  de  la  passion,  de  la  politique  et  de  l'art, 

in-16    14  fr. 

SCHIMBERG    (A.).    —   Les    fragments    philosophiques    de    Royer- 

CoUard,  in-8 10  fr. 

SIWEK  (P.).  —  La  psychophysique  humaine  d'après  Aristote,  in-8.    30  fr. 

• —    L'âme  et  le  corps  d'après  Spinoza,  in-8 25  fr. 

SOULHIÉ  (J.).  —  La  notion  platonicienne  d'intermédiaire  dans  la 

philosophie  des  dialogues,  in-8   10  fr. 

STEFANESCU  (M.).  —  Essai  sur  le  rapport  entre  le  dualisme  et  le 

théisme  de  Kant,  in-8   6  fi 

VAN  BIEMA   (E.).  —  L'espace  et  le  temps  chez  Leibniz  et  chez 

Kant,  in-8  , 10  fr. 


—  15  — 

Société  Française  dk  Philosophie 
VOCABULAIRE  TECHNIiJUE  et  CRITIQUE   DE  LA   PHILOSOPHIE 

par  André  LALANDE,  Membre  de  l'Institut 
4«  édition  revue  et  augmentée.  Trois  vol.  gr.  in-8*  rel.  toile,  ensemble.     180  fr. 
Le  tome  III  (constituant  le  supplément  aux  éditions  précédentes)  sépa- 
rément .  •  -  -, 40  f  r. 

Le  Vocabulaire  de  la  Philosophie  a  sa  place  à  côté  des  grands  dictionnaires  de 

la  langue;  il  en  est  le  complément  indispensable,  comme  la  philosophie  est  elle- 
même  le  complément  indispensable  des  études  littéraires.  (Notice  sur  demande.) 

HISTOIRE   DE    LA    PHILOSOPHIE 

Par  Emile  BREHIEK 

Professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  l'Université  de  Paris 

Volumes  in-8"   (14x22) 

Tome  I  :  Antiquité  et  moyen  âge 55  fr. 

Tome  II  :  La  philosophie  moderne. 

Première  partie  :  xvii'  et  xviif  siècles 40  fr. 

Deuxième  partie  :  xix*  et  xx*  siècles 50  f  r. 

Cet  ouvrage  se  vend  aussi  en  7  fascicules  comme  suit  : 

Tome   I 

1.  —  Introduction.  Période  Hellénique 20  f  r. 

2.  —  Période  Hellénistique  et  Romaine   20  f  r. 

3.  —  Moyen  Age  et  Renaissance   20  fr. 

Tome  II 

1.  —  Le  dix-septième  siècle 20  fr. 

2.  —  Le  dix-huitième  siècle 20  fr. 

3.  —  Le  XIX*  siècle,  période  des  systèmes  (1800-1850)   25  fr. 

4.  —  Fin  du  xix*  siècle  et  xx*  siècle.  Index  général 25  fr. 

i 'Histoire  de  la  Philosophie,  de  E.  Bréhier,  est  un  guide  clair  et  vivant  dans  cet 

immense  passé  de  la  philosophie  que  les  recherches  de  détail  révèlent  chaque  jour 
plus  complexe  et  plus  nuancé.  Ajoutons  que  cet  important  ouvrage  fait  nettement 
ressortir  les  liaisons  de  l'histoire  de  la  philosophie  avec  l'histoire  générale  et  l'his- 
toire littéraire.  (Notice  détaillée  sur  demande.) 

NOUVEAU   TRAITÉ    DE   PSYCHOLOGIE 

Par  le  Docteur  Georges  DUMAS, 
Membre  de  l'Académie  de  Médecine,  Professeur  à  la  Sorbonne 

Tome  I  :  Notions  préliminaires.  Introduction.  Méthodologie,  avec  la 
collaboration  de  Ch.  Champy,  A.  Lalande,  L.  Lapicque,  R.  Perrier, 
P.  Rivet,  A.  Tournât  et  H.  Wallon.  Un  vol.  gr.  in-8°,  75  fig.  et 
illustrations,  relié  toile  anglaise  75  fr. 

Tome  II  :  Les  fondements  de  la  vie  mentale,  avec  la  collaboration  de 
B.  Bourdon,  J.  Labguier  des  Bancels,  A.  Mayer,  I.  Meyerson  et 
H.  PiERON.  Un  vol.  gr.  in-8°,  126  fig.  et  illustrations,  relié  toile 
anglaise 100  fr. 

Tome  m  :  Les  associations  sensitivo-motrices,  avec  la  collaboration 
de  André  Ombrédane.  Un  vol.  gr.  in-8°,  155  fig.  et  illustrations,  relié 
toile  anglaise 100  fr. 

Tome  IV  :  Les  fonctions  et  les  lois  générales (Sous  presse.) 

Le  Nouveau  Traité  de  Psychologie,  du  Docteur  G.  Dumas,  est  un  ouvrage  unique, 

indispensable  à  qui  veut  aborder  la  psychologie,  et  dont  l'équivalent  ne  se  rencontre 

actuellement  dans  aucun  pays. 

Le  souci  commun  aux  collaborateurs  a  été  celui  de  l'objectivité,  celui  de  consi- 

direr  la  psychologie  comme  une  science  uniquement  basée  sur  des  faits.  (Notice 

détaillée  sur  demande.) 

TRAITE   DE    PSYCHOLOGIE 

EN  DEUX   VOLUMES 
Par  le  Docteur  Georges  DUMAS 

2  vol.  in-8',  ensemble 130  fr. 

Séparément        Tome  I 50  fr.    Tome  II , . . ..    80  fr^ 


—  16  — 

Métapsycllique 
Sciences  Occultes,  Graphologie,  Chirologie 

ABKAMOWSKI  (E.).  —  Le  Subconscient  normal,  1  V(^l.  iu-S"   25  fr. 

ALHXANDRE-BTSSON'   (Juliette).   -  -  Le  Médiuninisme   et  la  Sor- 

bonne,  1  noI.  in-KJ ()  iV. 

■ —    Les  Phénomènes  dits  de  Matérialisation,  1  vol.  gr.  iu-S"  40  i'r. 

BOIRAC  (K.).  —  L'Avenir  des  Sciences  Psychiques,  1  vol.  in-S°   ..  25  fr. 

—  La  Psychologie  Inconnue,  1  vol.  iii-8  "   30  ir. 

BOZZANO  (E.).  —  Les  Phénomènes  de  Hantise,  1  vol.  in-8"   25  fr. 

CAILLIET  (E.).  —  La  Prohibition  de  l'Occulte,  1  vol.  in-16 15  fr. 

CHOISNARD    (P.).    —    Les    Preuves    de    l'Influence    Astrale    sur 

l'Homme,  1  vol.  in-KÎ 10  fr. 

—  La  Méthode   Statistique  et  le  bon  sens    en  Astrologie   Scienti- 
fique, 1  vol.  in-S"    15  fr. 

—  Essai  de  Psychologie  Astrale  accompagné  d'un  Dictionnaire  de 
Psychologie  Astrale  destiné  à  l'Interprétation,  1  vol.  in-S°   12  fr. 

—  L'Influence  Astrale  et  les  Probabilités,  1  vol.  in-8"   15  fr. 

CHOISY  (Maryse).  —  La  Chirologie,  1  vol.  in-8" 10  fr. 

CORNILLIER  (P.  E.).  —  La  Survivance  de  l'Ame  et  son  évolution 

après  la  mort,  1  vol.  in-8°   50  fr. 

CREPIEUX-JAiMIN  (J.).  —  A  B  G  de  la  Graphologie,  avec  650  docu- 
ments, 2  vol.  gr.  in-8*  ensemble   60  fr. 

-—    L'Ecriture  et  le  Caractère,  1  vol.  in-S"   40  fr. 

—  Les  bases  fondamentales  de  la  Graphologie,   3^  éd.  augmentée, 

1  vol.  in-S"  avec  planches 20  fr. 

BANVILLE  (G.).  —  Le  Mystère  Psychique,  1  vol.  in-] 6  ]0  fr. 

DINA  (A.  F.).  —  La  destinée,  la  mort  et  ses  hypothèses,  1  vol.  in-S'\  40  fr. 

DU  POTET.  —  Traité  complet  de  Magnétisme  animal,  1  vol.  in-S°  . .  40  fr. 

FREUD  (S.).  —  La  Science  des  Rêves,  1  vol.  in-S"  50  fr. 

GELE  Y  (G.).  —  L'Ectoplasmie  et  la  Clairvoyance,  1  vol.  gr.  in-S  . .  35  fr. 

KEPHREN  (K.).  —  La  Transmission  de  Pensée,  1  vol.  in-S°   12  fr. 

KLAGES  (L.).  —  Les  principes  de  la  caractérologie,  1  vol.  in-8°  ....  35  fr. 
LANGE   (A.)   et   SOUDART   (E.   A.).   —   Traité   de   cryptographie, 

1  vol.  gr.  in-S" 35  fr. 

LEVI  (E.).  —  La  clef  des  grands  Mystères,  1  vol.  in-S"   40  fr. 

—  Histoire  de  la  Magie,  1  vol.  in-S"   50  fr. 

—  La  Science  des  Esprits,  1  vol.  in-8°  40  fr. 

LODGE  (Sir  Oliver).  —  La  Survivance  humaine,  1  vol.  in-8" 25  fr. 

MAXWELL  (J.).  —  Les  Phénomènes  psychiques,  1  vol.  in-8°  30  fr. 

—  Le  Tarot,  le  Symbole,  les  Arcanes,  la  Divination,  1  vol.  in-8"  ....  30  fr. 
]\IENARD  (P.).  —  L'Ecriture  et  le  Subconscient,  1  vol.  in-S"  écu  . .  20  fr. 

MONTANDON  (R.).  —  Les  Radiations  humaines,  1  vol.  in-S"  45  fr. 

OSTY  (E.).  —  Pascal  Forthuny,  1  vol.  in  16  12  fr. 

—  La  Connaissance  supra-normale,  1  vol.  in-S"   30  fr. 

OSTY  (E.)  et  OSTY  (M.).  —  Les  pouvoirs  inconnus  de  l'esprit  sur  la 

matière,  1  vol.  gr.  in-8°    25  fr. 

RICHET  (Charles).  —  Traité  de  Métapsychique,  1  vol.  gr.  iu-8° 75  fr. 

RUTOT  (A.)  et  SCHAERER  (M.).  —  Le  Mécanisme  de  la  survie, 

1  vol.  in-16 10  fr 

TASSY  (E.).  —  L'Activité  psychique,  1  vol.  in-16  10  fr 

WARCOLLIER  (R.).  —  La  Télépathie,  1  vol.  in-8"  25  fr 

"WAYNBAUM  (î.).  —  La  Physionomie  humaine,  1  vol,  in-S'  20  fr. 


17 


NOUVELLE  COLLECTION  SCIENTIFIQUE 

dirigée   par  Emile   BOREL,   de  l'InstUut,  professeur   à   la   ^urhoiuie 


APPELE  (P.).  —  Education  et  ensei- 
gnement. 

BEKXAlîD  (X.).  —  L'Evolution  des 
plantes. 

—  Principes    de    biologie    végétale. 
BOXXIER   (P.).  —  Défense  organi- 
que et  centres  nerveux. 

B(~)REL  (E.).  —  L'espace  et  le  temps. 

—  Le  Hasard. 

BOUBIER   (L.).   —  L'Evolution  de 

l'ornithologie. 
BOUTARIC  (A.).  —  Les  colloïdes  et 

l'état  colloïdal  (18  frs). 

—  La  Physiçtue  moderne  et  l'élec- 
tron. 

BRACHET  (A.).  —  La  Vie  créatrice 
des  formes. 

BRUHAT  (G.).  —  Le  Soleil  (20  frs). 

CAMPBELL  (X.-R.).  —  Les  Princi- 
pes de  la  physique. 

CURIE  (Mme).  —  La  Radiologie  et 
la  guerre. 

FAXO  (G.).  —  Le  Cerveau  et  le 
Cœur. 

FIOLLE  (.J.  et  P.).  —  Essais  sur  la 
chirurgie  moderne. 

GElîMAIX  (L.).  —  La  Vie  des  ani- 
maux à  la  surface  des  continents. 

GOLDSCPIMIDT  (R.).  —  Le  déter- 
minisme du  sexe  et  l' intersexua- 
lité (20  fr.). 

GUILLET  (L.).  —  L'Evolution  de  la 
métallurgie. 

.lEXXIXGS  (II.-S.).  —  Vie  et  mort, 
hérédité  et  évolution  chez  les  orga- 
nismes uniceliulaires. 

JU\'ET  (G.).  — •  La  structure  des 
nouvelles  théories  physiques. 

LABBE  (A.).  —  Le  Conflit  transfor- 
miste. 

LECLERC  DU  SABLOX  (M.).  — 
L'Unité  de  la  science. 

LESPIEAU  (R.).  —  La  Molécule  chi- 
mique. 

LOEB  (J.).  —  La  Conception  méca- 
nique de  la  vie. 

—  La  Théorie  des  phénomènes  col- 
loïdaux. 

MARCHIS  (L.).  —  Le  Froid  indus- 
triel. 

MARCOTTE  (Edm.).  —  La  techni- 
que moderne  et  les  grands  travaux. 


METCHXIKOFF  (Elie).  —  Trois 
fondateurs  de  la  médecine  mo- 
derne :  Pasteur,  Lister,  Koch. 

De   la   méthode   dans   les   sciences  : 

Preinière  Série  par  P. -F.  Thomas, 
E.  Picard,  J.  Tannery,  P.  Painlevé, 
H.  Bou.'^ssE,  A.  Job,  A.  Giard,  L.  Le 
Danïec,  P.  Delbet,  Th.  Ribot,  E. 
DuRKEiM,  L.  Lévy-Bruhl,  g.  Monod. 

Deuxième  Série  par  E.  Borel,  B. 
Baillaud,  j.  Perrin,  L.  Bertrand, 
R.  Zeiller,  L.  Blarint.hem,  S.  Rei- 
XACH,  G.  Lansox,  L.  March,  a.  Meil- 

I.KT. 

METZ  (A.).  —  Une  NouveUe  philoso- 
phie des  sciences.  Le  Causalisme 
de  M.  Emile  Meyerson. 

MILLIKAX  (R.-A.).  —  L'Electron. 

XICOLLE  (Ch.).  —  Nais,sance,  vie  et 
mort  des  maladies  infectieuses. 

OSTWALD  (W.).  —  L'Energie. 

PAIXLEVE  (P.),  BOREL  (E.)  et 
MAURIX  (E.).  —  L'Aviation. 

PERRIX  (.J.).  —  Les  Atomes. 

PETROVITCH  (M.).  —  Mécanismes 
communs  aux  phénomènes  dispa- 
rates. 

RICHET  (Ch.).  —  L'Anaphylaxîe. 

ROSXY  (J.-H.),  —  Les  Sciences  et  le 
pluralisme. 

RO THE  (Ed.).  —  Les  Tremblements 
de  terre. 

ROUCTI  (J.).  —  Les  Méthodes  de 
prévision  du  temps. 

—  Les  Régions  polaires. 
SAGERET   (J.).   —   La   Révolution 

philosophique  et  la  science. 

STORMER  (C).  —  De  l'Espace  à 
l'atome. 

SODDY  (F.).  —  Le  Radium. 

THOMAS  (P.-F.).  —  L'Education 
dans  la  famille.  7.  Nos  fils.  JI.  Xos 
nu  es  (2  vol.). 

TOUSSAIXT  (A.).  —  L'Aviation 
actuelle. 

VERXADSKY  (W.).  ~  La  Géochi- 
mie. 

—  La  Biosphère. 

WARBURG  (O.).^  —  Métabolisme 
cellulaire  et  métabolisme  des  tu- 
meurs (2  vol.). 


Chaque  volume  in-16,  broché   15  fr. 


18  — 


MEDECINE 


BONNIER  (D'"  P.).  —  L'action  directe  sur  les  centres  nerveux.  In-8.  35  fr. 
BOUIN  (P.),  —  Eléments  d'histologie.  In-4"  illustré. 

Tome  I   120  Ir.     Tome  II   200  fr. 

DESCHAMPS  (A.)  et  VINCHON  (A.).  —  Les  maladies  de  Ténergie.  40  fr. 
DESGREZ  (A.)  et  RATHERY  (F.).  —  Formulaire  Bouchardat.  Petit 

iii-8°    40  fr. 

FAUGÈRES-BISHOP  (L.).  —  L'Artériosclérose.  In-S" .30  fr. 

—  Les  troubles  cardiaques.  In-S"    30  fr. 

HALBRON  (P.).  —  Diagnostic  médical  pratique.  lu-S"  50  fr. 

:MACKENZIE  (J.).  —  L^avenir  de  la  médecine.  In-8°  20  fr. 

—  Les  maladies  du  cœur.  Grand  in-8° 65  fr. 

—  L'Angine  de  poitrine.  In-8°    30  fr. 

METCHNIKOFF    (Elie).    —    Trois    fondateurs    de    la    médecine 

moderne  :  Pasteur,  Lister,  Koch.  I11-I6   15  fr. 

METZGER  (M.).  —  L'accouclieur  moderne.  Précis  d'obstétrique.  In-S°, 

avec  11  planches  hors  texte  et  106  dessins  originaux  du  D""  Adrien 

Metzger    60  fr. 

MORAX  (V.).  —  Pathologie  oculaire.  Grand  in-8°,  avec  fig 65  fr. 

NICOLLE   (Ch.).  —  Destin  des  maladies  infectieuses,  suivi  de  La 

Diphtérie,  par  Robert  DEBRÉ.  In-16  20  fr. 

—  Introduction  à  la  carrière  de  la  médecine  expérimentale.  In-16.  10  fr. 

—  Naissance,  vie  et  mort  des  maladie:  infectieuses.  In-lû  15  fr. 

RÉGIS  (E.)  et  HESNARD  (A.).  —  La  psychanalyse  des  névroses  et 

des  psychoses.  In-8 25  fr. 

RODIET  (A.)  et  FRIBOURG-BLANC  (A.).  —  La  folie  et  la  guerre. 

In-8°  illustré 30  fr. 

ROGUES  DE  FURSAC  (J.).  —  Manuel  de  Psychiatrie.  In-8"   ....  00  fr. 

THOMSON  (F.-G.)  et  GORDON  (R.-G.).  —  Les  maladies  rhumatis- 
males chroniçtues.  In-8° 35  f r. 

VARIGNY  (H.  de).  —  Mort  véritable  et  fausse  mort.  In-lO" 20  fr. 

—  La  mort  et  le  sentiment.  In-IG  20  fr. 

— -    La  mort  et  la  biologie.  In-lG  20  fr. 

WILLIAMS  (L.).  —  Les  petites  maladies  et  leur  traitement.  In-8"  . .  30  fr. 

—  L'obésité.  In-16  15  fr. 


SEXOLOGIE  -  HEREDITE 

BINET  (A.).  —  L'amour  et  l'émotion  chez  la  femme.  Esquisse  psycho- 
physiologique.  In-16  avec  12  héliogravures  d'art  hors  texte   16.50 

BLONDEL  (Ch.).  —  La  psychanalyse.  In-16 12  fr. 

CUÉNOT  (L.).  —  La  genèse  des  espèces  animales.  In-S",  3'^  édition 

entièrement  refondue,  avec  1G2  gravures   80  f  r. 

DARWIN  (L.).  —  Qu'est-ce  que  l'Eugénique?  In-16  12  fr. 

FINOT  (J.).  —  Préjugé  et  problème  des  sexes.  In-8° 35  fr. 

FREUD  (S.).  —  La  science  des  rêves.  In-S"   50  fr. 

GOLDSCHMIDT  (R.).  —  Le  déterminisme  du  sexe  et  l'intersexua- 

lité.  In-16 20  fr. 

HAVELOCK  ELLIS.  —  Précis  de  psychologie  sexuelle.  lu-S" 35  fr.  1 

QUARTARA  (G.).  —  Les  lois  du  libre  amour.  I11-8"  (iO  fr. 

ROYDEN  (M.).  —  L'homme,  la  femme  et  le  sens  commun.  Iu-16  . .  12  fr. 

SAHUQUÉ  (Ad.).  —  Les  dogmes  sexuels.  111-8"  30  fr. 

SCHOPENHAUER  (A.).  —  L'amour.  I.  Métaphysique  de  l'amour.  — 

II.  Essai  sur  les  femiuts  in  Pensées  et  fragments.  In-IG 15  fr.  ' 


—  19  — 

PEUPLES  ET  CIVILISATIONS 

Histoire  Générale  en  vingt  volumes  publiée  sous  la  direction  de 

Louis  HALPHEN  et  Philippe  SAGNAC 

11  volumes  parus,  de  500  à  600  pages.  —  Format  14x22.  —  Cartes  hors-tc>;te 

Vol.  I.  —  Les  Premières  Civilisa-  moderne  :  la  Renaissance  et  la  Re- 
tiens, par  Gustave  Fougères,  Pierre  forme,  par  Henri  Hauser  et  A.  Ke- 

JouGUET,    Jean    Lesquier,    Georges      kaudet 60  fr. 

CONTENAU  et  René  Grousset.     50  fr.  Vol.     ix.    —    La"  prépondérance 

Vol.  II.  —  La  Grèce  et  l'Orient,  espagnole    (1559-16G0),    par    Hexri 

des   guerres   médiques   à   la   conquête       Hauser 60  fv. 

romaine,    par    Pierre    Roussel,    P.  Vol.  XIIL  —  La  Révolution  Fran- 

Cloché  et  R.  Grousset 50  fr.  caise,  par  Georges  Lefepvrf,  Ray- 

Vol.  III.  —  La  Conquête  Romaine,  mono  Giiyot  et  P.  Sagna-o  . .     60  h: 

par  André  Piganiol 50  fr.  Vol.  XV.  —  L'Eveil  des  Nationa- 

Vol.  I\ .  —  L'Empire  Romain,  par  iités  et  le  mouvement  Ubéral  (1815- 

EuGÈNE  Albertini    50  fr.  1848),   par   Georges   Weill.     60  fr. 

Vol.  IV.  —  Les  Barbares,  des  gran-  ,          .       ^ 

des  invasions  aux  conquêtes  turques  -^^  préparation  : 

du  XI*  siècle,  par  L.  Halphen.     50  fr.  X.    La    prépondérance    française    au 

Vol.  VI.  —  L'Essor  de  l'Europe  xvii'    siècle;    XI.    La    prépondérance 

(xi'-xiii"  siècles),  L.  Halphen.    60  fr.  anglaise;  XII.  La  rénovation  de  l'Eu- 

Vol.  VII.  —  La  Fin  du  Moyen  rope  et  la  Révolution  américaine; 
Age,  par  Henri  Pirenne,  E.  Perroy,  XIV.  Napoléon;  XVI.  Les  révolutions 
A.  Renaudet  et  L.  Halphen,  avec  la  démocratiques  (1848-1870)  ;  XVII.  Le 
collaboration  de  M.  Handelsman.  T-  triomphe  de  l'idée  nationale  (1860- 
1,  La  Désagrégation  du  Monde  médie-  1878)  ;  XVIII.  Le  mouvement  indus- 
val  (1285-1453)   60  fr.  triel  et  l'impérialisme  colonial  (1878- 

ï.    2.    L' Annonce    des    temps   nou-  1904)  ;   XIX.  La  crise  européenne  et 

veaux  (1453-1492) 35  fr.  la  guerre   mondiale;  XX.   Le   monde 

Vol.  VIII.  —  Les  Débuts  de  l'Age  contemporain. 

Notice  détaillée  sur  demande 


HISTOIRE   DIPLOmATIQUE   DE    L'EUROPE   DE  1814  à  1916 

Par  A.  DEBIDOUR 
I.  La   Sainte  Alliance   (1804-1848).   —  II.   La  Révolution   (1848-1878).   — 
III.  La  Paix  armée  (1878-1904).  —  IV.  Vers  la  grande  guerre  (1904-1916). 
Chaque  volume ^ v_- jljl_lj_li:l :. 30  fr. 

L'EGLISE   DE   FRANCE  SOlTSLTTRblSIÈ ME  RÉPUBLIQUE 

Ouvrages  du  R.  P.  LECANUET 

Les  dernières  années  du  pontificat  de  Pie  IX  (1870-1878) 50  fr. 

Les  premières  années  du  pontificat  de  Léon  XIII  (1878-1894)  50  fr. 

Les  signes  avant-coureurs  de  la  séparation  (1894-1910)  60  fr. 

La  vie  de  l'Eglise  sous  Léon  XIII 60  fr. 


Jean    BRUNHES 
LA  GÉOGRAPHIE    HUIV!AIN£ 

4^  édition  revue  et  augmentée 
\  Trois  volumes  grand  in-8°,  avec  276  gravures  et  cartes 130  fr. 

~       '  Camille   VALLAUX 

GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE  DES  MERS 

Un  vol.  grand  in-S",  avec  16  planches,  4  cartes  hors  texte  et  114  figures 

et  dessins  de  l'auteur   1  r>0  f r. 


A.    C.    HADDON 

LES  RACES  HUMAINES 

ET  LEUR  RÉPARTITION  GÉOGRAPHIQUE 

[Nouvelle  édition.  Un  VuL  iu-ti",  avec  lli  iihinelics   35  fr. 


£0 


NOUVELLE    BIBLIOTHÈQUE    ECONOMIQUE 


Publiée  sous  la  direction 
Volunu's  ffrauà  iu-8"  (l(i.\2r)) 

HALBWACHS  (M.).  —  L'évolution 
des  besoins  dans  les  classes  ou- 
vrières        30  fr. 

IIARSIM  (P.).  —  Les  doctrines  mo- 
iiétaires  et  financières  en  France 
du  XVI«  au  XVII«  siècle.    50  fr. 

LOUTCHITCII  (L.-J.).  —  Les  varia- 
tions du  taux  de  l'intérêt  en  France 
de  1800  à  nos  jours 35  fr. 

MAUDUIT  (R.).  —  La  réclame. 
Etude  de  sociologie  économique, 
avec  33  planches  hors  texte.     30  fr. 

MITZAKIS  (M.).  —  Les  grands  pro- 
blèmes italiens   80  fr. 


de  François  SIMIAND 

MORINI-COMBY  (J.).  —  Mercanti- 
lisme et  protectionnisme.  Essai  sur 
les  doctrines  interventionnistes  en 
politique  commerciale  du  xv"  au  xx' 
siècle      50  fr. 

ROY  (Cil.).  —  La  formule  allemande 
de  production  rationnelle  dans  l'in- 
dustrie. Rationalisation  contre  mar- 
xisme      25  fr. 

SIMIAKD  (Fr.).  —  Le  salaire,  l'évo- 
lution sociale  et  la  monnaie.. 
T.  I  80  fr.  T.  II  et  III.  ons.  120  fr. 

WAGEMANN  (E.).  —  Introduction  à 
la  théorie  du  mouvement  des  af- 
faires         25  fr. 


LES   VADE-MECUM   DU    CHEF   D'ENTREPRISE 

_  Publiés  sous  la  direction  de  J.  WILBOIS 

Chaque  volume  iivlG 15  fr. 

Première  partie  :  Gestion  du  fonds 


1.  — •  Le  Chef  d'Entreprise 

2.  —  La   Direction    des   Ateliers    et 
des  Bureaux. 

3.  —  Comment      faire      vivre      une 
Entreprise. 

4.  —  Les  Finances  de  l'Entreprise. 


dr  roulement. 

5.  —  Les  Finances  de  l'Entreprise. 
2*^  partie:  Gestion  du  capital  investi. 

6.  —  La  logique  du   Chef   d'Entre- 
prise (18  fr.). 


QUELQUES  OUVRAGES  IMPORTANTS 


ANTOINE  (Ch.).  —  Cours  d'écono- 
mie sociale.  In-8"  50  tr. 

BROYARD  (M.).  —  Pour  conserver 
son  argent.  In-16 12  f r. 

CERFBEER  DE  MEDELSHEIM.  — 
Cent  vingt  règles  d'or  pour  le  com- 
merce. In-16 9  fr. 

COURCELLE-SENEUIL  (J.).  —  Les 
opérations  de  banque.  In-8".     GO  fr. 

DE  MAN  (H.).  —  Au-delà  du  mar- 
yis-me   Tn-S° 40  fr. 


—  La  joie  au  travail.  In-8°.      40  fr- 

DUBREUIL  (H.).  —  Employeurs  et 
salariés   en   France.    In-8°.    40  fr.' 

LEFORT  (R.).  —  La  comptabilité  ex- 
pliquée aux  profanes.  In-16     12  fr. 

MARCH  (L.).  —  Les  principes  de  la 
méthode  statistique,  avec  quelques 
applications  à  la  science  des 
affaires.  Gr.  in-8''  relié  . .     125  fr. 

PHILIP  (A.).  —  Le  problème  ouvrier 
aux  Etats-Unis.  In-8" 50  fr.i 


LES   QUESTIONS   DU 

BASTIDE  (Ch.).  —  L'Angleterre 
nouvelle    15  fr. 

BORREL  (A.).  —  Les  Villages  qui 
meurent    10  fr. 

CAMBO  (A.).  Les  Dictatures,     lo  ir. 

HELLE  et  ACHE.  —  La  défense 
nationale  10  fr. 

:MALAPARTE  (C).  —  L'Italie  con- 
tre l'Europe   15  fr. 


TEMPS    PRESENT 

MÉQUET  (G.).  —  Les  leçons  du  plan  2 
quinquennal  15  fr. 

PHILIP  (A.).  L'Inde  moderne     18  fr. 

SIMIAND  (Fr.).  —  Les  fluctuations 
économiques  et  la  crise  mon- 
diale         15  fr. 

SZILASSY  (J.  de).  —  Procès  de  la 
Hongrie .     15  fr. 


COLLECTION    DES    PRINCIPAUX    ECONOMISTES 

NOUVELLE   EDITION 
Publiée  sous  la  direction  de  Gaétan  PIROU  et  François  SIMIAND 

VAUBAN 

PROJET   D'UNE    DIXME    ROYALE 
suivi  de  deux  écrits  financiers  publiés  d'après  l'édition  originale  et  les 
manuscrits,  avec  une  inti'oduction  et  des  notes  par  E.  Coornaert. 
Un  vol.  in-8°  avec  4  planches  hors  texte 50  fx 


—  21  — 

LES  ÉNIGMES  DE   L'HÎSTOIRE 

Collection  publiée  sous  la  direction  de  Louis  BERTRAND, 
de  VAcadéinie  française 
BAC  (Ferdinand).  —  Napoléon  III  inconnu. 
DHANYS  (Marcel).  —  Les  ÇLuatre  femmes  de  Philippe  II. 
GIRAUD  (Victor).  —  La  vie  tragique  de  Lamennais. 
HÉRITIER  (Jean).  —  Marie  Stuart  et  le  meurtre  de  Darnley. 
MORE  AU  (Pierre).  —  La  conversion  de  Chateaubriand. 

Chaque  volume  in-16 15  fr. 

Sons  presse  : 
PRAVIEL  (Armand).  —  Madame  de  Montespan,  empoisonnense. __^ 


LES    QUARANTE 

Collection  publiée  sous  la  direction  de  Jacques  des  GACHONS 
Fauteuil     7.  —  *Henri  Bergson,  par  Jacques  Chevalier. 
Fauteuil     8.  —  *Mgr  Baudril'art,  par  René  Johannet. 
Fauteuil  12.  —    Prançois  de  Ourel,  i)ar  Gilbert  de  Voisins. 
Fauteuil  lo.  ■ —    Albert  Besnard,  par  Jean-Louis  Vaudoyer. 
Fauteuil  20.  —    Henry  Bordeaux,  par  Pierre  Benoit. 
Fauteuil  21.  — •    Edouard  Estaunié,  jjar  Daniel  Rops. 
Fauteuil  25.  —  *Maurice  Donnay,  par  Henry  Duvernois. 
Fauteuil  27.  —    Duc  de  La  Force,  par  J.  de  Pesquidoux. 
Fauteuil  30.  —    René  Bazin,  par  François  Mauriac. 
Fauteuil  32.  —  *Pierre  de  Noihac,  par  Maurice  Levaillant. 
Fauteuil  33.  —     Paul  Bourget,  par  Francis  Carco. 
Fauteuil  34.  —  "Raymond  Poincaré,  par  Maurice  Reclus. 
Fauteuil  35.  — •  *Le  Maréchal  Joffre,  par  René  Benjamin. 
Fauteuil  38.  —  *Paul  Valéry,  par  Valéry  Larbaud. 
Chaque  volume  in-S°  écu  sur  vélin  bibliophile,  avec  des  pages  inédites, 

un  portrait  de  l'Académicien  et  l'histoire  du  fauteuil   25  fr. 

150  exemplaires  sur  Hollande,  numérotés 75  fr. 

15  exemplaires  sur  Hollande,  numérotés,  signés  par  l'Académicien  et 

les  Auteurs    150  fr. 

Les  ouvrages  marqués  d'un  astérisque  existent  seulement  stir  Hollande  à  75  fr. 


ESSAIS   DE    MICHEL    DE   MONTAIGNE 

Nouvelle  édition  conforme  au  texte  de  l'exemplaire  de  Bordeaux 
par   Pierre   VILLE  Y 

3  vol.  in-16,  chaque   20  fr. 

Edition  de  luxe  à  tirage  limité,  en  3  vol.  in-8"  carré  sur  pur  fil  Lafuma 

3   vol 350  fr. 

Prospectus  spécimen  sur  demande 

POUR  LES  ENFANTS^ 

COI.I.ECTION   BENJA3MIN 

JABOUNE  et  CHAPOULET.  —  Les  jumeaux  as.  Illustré  par  J.  Erik. 
BILBOQUET.  —  Mes  souvenirs.  Illustré  par  J.-P.  Pinchon. 
MARTHE  FIEL.  —  L'étonnante  journée.  Illustré  par  J.-J.  Roussau. 
—    Suzette  et  la  vérité.  Illustré  par  J.-J.  Roussau. 
VICTOR  FORBIN.  —  Le  Mystère  de  l'Ile  Z.  Illustré  par  Jean  Routier 
JACQUES  DES  GACHONS.  —  Jeantite  et  Mizo.  Illustré  par  Félix  T<or'otix 
PH.  NOORT.  —  I/Oule  du  Diable.  Illustré  par  Ch.  Naurac  et  J.-J.  Roussvu 
CLAUDE  SYLVAIN.  —  Alcindor  et  BouUot.  Illustré  par  Jaccpies  Nam. 
Chaque  volume  sous  couverture  en  eouleui's.     8  fr.     Relié  toile  bleue     12  fr.. 

AI.BVMS 
Ardant  le  Chevelu.  Album  en  couleurs  au  pochoir,  par  JEAN  VEBER.    15  fr 
Histoires  à  raconter.  Album  en  couleurs  de  JACQUES  TOUCHET.      8  fr! 


—  22  — 


LES  aiAITRES  DE  LA  MUSIQUE 

Collection  publiée  sous  la  direction  de  Jean  CHANTAVOINE 
Secrétaire  général  du  Conservatoire  National  de  Musique 


ALBENIZ   et   GRANADOS,   par  H. 

COLLET. 

BACH,  par  A.  PIRRO. 

•BEETHOVEN,  par  Jean  CHANTA- 
VOINE. 

BERLIOZ,  par  P.-M.  MASSON. 

BIZET,  par  P.  LANDORMY. 

BRAHMS,  par  P.  LANDORMY. 

CÉSAR  FRANCK,  par  VINCENT 
D'INDY. 

•CHOPIN,  par  H.  BIDOU. 

LES  COUPERIN,  par  Julien  TIER- 
SOT. 

Les  Créateurs  de  l'Opéra  français, 
par  J.-L.  DE  LA  LAURENCIE. 

Un  demi-siècle  de  Musiç[ue  française 
(1871-1920),  par  J.  TIERSOT." 

•FAURÉ,  par  R.  KŒCHLIN. 

GOUNOD,  par  C.  BELLAIGUE. 

*GRIEG,  par  P.  DE  STŒCKLIN. 

H^NDEL,  par  ROMAIN  ROL- 
LAND. 

•LISZT,  par  J.  CHANTAVOINE. 

LULLY,  par  L.  DE  LA  LAUREN- 
CIE. 


*MASSENET,  par  R.  BRANCOUR. 

MENDELSSOHN,  par  C.  BELLAI- 
GUE. 

MEYERBEER,  par  L.  DAURIAC. 

MONTEVERDI,  par  H.  PRUNIE- 
RES. 

MOZART,  par  H.  DE  CURZON. 

ORLANDE  DE  LASSUS,  par  Ch. 
VAN  DEN  BORREN. 

PALESTRINA,  par  M.  BRENET. 

PURCELL,  par  H.  DUPRE. 

RAMEAU,  par  L.  LALOY. 

ROSSINI,  par  H.  DE  CURZON. 

J.-J.  ROUSSEAU,  par  J.  TIERSOT. 

SAINT-SAENS,  par  G.  SERVIE- 
RES. 

SCHUBERT,  par  T.  GEROLD. 

SCHUMANN,  par  V.  BASCH. 

SCHUTZ,  par  A.  PIRRO. 

Trouvères  et  Troubadours,  par  P. 
AUBRY. 

VERDI,  par  A.  BONAVENTURA. 

WAGNER,  par  H.  LICHTENBER- 
GER. 

WEBER,  par  A.  CŒUROY. 


Chaque  volume  in-8°  écu  (13x20)    12  fr. 

Les  volumes  marqués  d'un  astérisque  sont  à  15  fr. 

NOUVELLE  SÉRIE 

Publiée  sous  la  direction  de  LÉox  VALLAS 

CORELLI,  par  Marc  PINCHERLE,  1  vol.  in-8°  écu 15  fr. 

L'interprétation  de  la  musique  française  (de  Lully  à  la  Révolution), 

par  Eugène  BORREL {Sous  presse.) 


LIVRES  SUR  LA  MUSIOUE 


ALEXANDRE  (A.).  —  Les  Années 
de  Captivité  de  Beethoven.  {Pré- 
face de  Robert  de  Fiers,  de  l'Aca- 
démie française.)  In-S°  écu.     15  fr. 

BASCH  (Victor).  —  La  Vie  doulou- 
reuse de  Schumann.  Avec  4  plan- 
ches hors  texte,  in-S"  écu  . .     15  fr. 

GODET  (R.).  —  En  marge  de  Boris 
Godounov.  (Notes  sur  les  docu- 
ments iconographiques  de  l'édition 
Chester),  2  vol.  in-8°  écu.  Chaque 
volume   20  fr. 

LANDRY  (L.).  —  La  Sensibilité 
musicale.  Ses  éléments,  sa  forma- 
tion. Nouvelle  édition,  in-8°.     30  fr. 


LICHTENBERGER  (H.).  —  Richard 
Wagner,  poète  et  penseur.  Nouvelle 
édition  augmentée,  gr.  in-8°.     60  fr. 

LISZT  (Fr.).  —  Pages  romantiques, 
publiées  avec  une  introduction  et 
des  notes,  par  Jean  Chantavoine, 
in-16 S  fr. 

NEWMARCH  (R.).  —  L'Opéra 
russe,  in-8°  écu 14  fr. 

TIERSOT  (J.).  —  La  Musique  aux 
temps  romantiques,  avec  12  plan- 
ches  hors   texte,   in-8°   écu.     20  fr. 

VALLAS  (L.).  —  Claude  Debussy  et 
son  temps.  400  pages  de  texte,  90 
pages  de  musique  gravée,  16  plan- 
ches hors  texte.  Portrait  en  couleurs 
par  Marcel   Baschet,   in-4'',     75  fr. 


—  23  — 
TABLE    DES    COLLECTIONS 


bibliothèque  de  Pliilosopliie  Contem- 
poraine       2  à  11 

Bibliothèque     de     Psvchologie     de 

l 'Enfant    ' 13 

Collection  Benjamin 21 

Collection    Historique    des    Girands 

Philosophes 1-i 

Collection  des  Principaux  Economis- 
tes    20 

Les  Enigmes  de  l 'Histoire 21 

Les  Grands  Philosoplies 12 

Graphologie 1(5 

Histoire  de  la  Philosophie 15 

Les  Maîtres  de  la  Musique 22 

Médecine 18 

Métapsyehique    1<3 


Nouvelle  Bibliothèque  Economique. 

Nouvelle  Collection  Scientifique  .  . . 

Occultisme   

Peuples  et  Civilisations 

Philosophes  et  Savants  français  du 
XX*  siècle 

Les  Quarante 

Les  Questions  du  Temps  présent  . . 

Kéformateurs  sociaux 

Les  Religions 

Sexologie 

Textes  et  traductions  pour  servir  à 
l'histoire   de   la   pensée   moderne. 

Les  Vade-Mecum  du  Chef  d'Entre- 
prise   


20 

17 
10 

ly 

25 
20 
1?> 
13 
18 


20 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  AUTEURS 

Ponr  la  BIBLIOTHÈQUE  DE  PHILOSOPHIE  CONTEMPORAINE, 
se  reporter  aux  pages  2  «  8  pour  le  format  in-S°  et  aux  pages  8  à  11  pour  le 
petit  format. 

BuYSE     (voir     De- 
croly)     


Abramowski  .... 
AcHE  (voir  Helle) 

Albertini    

Alexandre    

Alexandee-Bisson 

Antoine 

Appell   

AUBRY     


16 
20 
19 

22 
10 
20 
17 


Bac 21 

Baruzi     2,12,14 

Basch     2,22 

Bastide   20 

Bellaigue   22 

Benjamin    21 

Benoit    21 

Bernard     17 

BiDOU 22 

Bilboquet 21 

BiNET    18 

Bise    li 

Blondel  (Ch.)    ...  18 

Blondel   (Ch.)    .  . .  9,18 

Bonaventura    ....  22 

Bonnier 17,18 

Boirac    2,16 

Borel 17 

Borrel 20,22 

Boubier     17 

Bouclé   2,9,13 

BouiN 18 

Boulgakoff    13 

Boutaric   17 

BOZZANO 16 

Brachet     17 

Brancol'r    22 

Bréhiek     12,15 

Brenet 22 

Broyard  20 

Bruiiat    17 

Brunhes    19 

Bruno    rc 

Hrissox 13 


Caillet   16 

Cambo     20 

Campbell    17 

Cargo  21 

Cerfbeer    de    Me- 

delsheim   20 

Césalpin    

Chantavoine 22 

Chapoulet        (voir 

Jaboune)     21 

Charléty    13 

Chevalier  14,21 

Choisnard     9,16 


Domet  de  Vorges.         12 

Dubreuil 20 

Dumas    15,17 

Du   POTET 

DUPRÉ     

DUVERNOIS      


16 

22 
21 


Chois  Y 

Cœuroy  

Collet    

cornillier 

Couailhac 

couchoud    

Courcelle-Seneuil 

couturat  

Crépieux- Jamin   . . 

CUÉNOT    

Curie   

CURZON    

CUSA     


Dante     

Danville    9,16 


16 
22 
22 
16 
12 
12 
20 
14 
3,16 
18 
17 
22 
12 

12 


Ellis    18 

essertier  3,12 

Pano   17 

Faugères-Bishop  ..  18 

Fiel    21 

PlLLIATRE      14 

FiNOT    3,18 

FlOLLE     17 

FONTENELLE    12 

FORBIN     21 

Freud   4,16,18 

Fribourg-Blanc 

(voir  Rodiet).  18 


Des  Gâchons   21 

GÈLEY 9,16 

17 

oo 


Darwin 
Dauriac  . 
Debidour  . 
Decroly  .  . 
Dedieu  . . . 
De  Man  .  . 
Deschamps 
Desgrez  .  . 
Dhanys  .  . 
l'iNA    . . . , , 


18 
22 
19 
13 
12 
20 
18 
18 
21 
16 


Germain 

Gérold  

GiRAUD    

Godet 

Goldschmidt    .... 
Gordon  (voir  Thom- 
son)      

Goyau     

Guillaume     

Guillet   

Guyau     4,14 

Guyot 19 


21 
22 

17,18 

18 
13 
13 

1' 


Haddon    19 

Halbron     18 

halbv7achs   4,20 

Halévy    4,13,14 

Halphen    ,        19 


-  'U  - 


nAMELIN     4,14 

IIarsin    -" 

Hauseu    19 

Helle 20 

Hendekso.v    10 

héritier    21 

Hesnard  (0.^    14 

Hesnard  (A.)   (voir 

RÉGIS)     10,18 

HUAN     14 

HUMB    14 

Ingenieros    4 

James 1?> 

Jaboune 21 

Jakkéléviïcii  ....  12 

Jennings    17 

johanneï    ,  21 

JUVET    17 

Kant 14 

Kephren     1() 

Klages IG 

koechlin 22 

Labbé  17 

Lalande 15 

La  Laurexcie  ....  22 

Laloy 22 

Landormy    22 

Landry  (B.)   12,14 

Landry  (L.) 22 

Lande 16 

Lanson   13 

Larbaud 21 

Lasbax   14 

Lecanuet   19 

Leclerc  du  Sablon  17 

Lefebvre    19 

Lefort    20 

Leroy     13 

Lespieau    17 

LÉvi    16 

Levailant    21 

LÉYY  (A.)   14 

LÉVY  (L.-(T.) 12 

Lichtenbeugek  .  . .  10,22 

Liszt  22 

LoDOE  5,10,16 

LOEB  

LOUTCHITCII    20 

LUQUET    13 

Machiavel 12 

Mackenzie 18 

Malaparte     20 

Mamelet    5,10 

Man  (de)    20 

March    20 

Marchis    17 

Marcotte 17 

Martin   (.1.)    12 

Masson    22 

Mauduit    5,20 


Maukiai.     .........  2\ 

Maxv.'Ei.:,   O.li". 

Mknari)    16 

Méquet    20 

Metchnikuh'    ....  17-lS 
Méthode  dans  les 

Sciences    17 

Metz  17 

Metzger  ÇS[.)    ....  IS 

MiLLIKA.V     17 

MlTZAKI.S     20 

MONOD      13 

MONTAIfi.NE 21 

Montandon'    16 

IMOREAU     21 

MORAX      18 

MORINI-Co.MBV     ...  20 

Namer    14 

NEDELKOvrrcii     ...  14 

Newmaiu'U     22 

NicoLT.i:     10,17,18 

Noort 21 

OST  WALD      10,17 

OSTY    0,16 

Painlevé    17 

Palhouies    10,l;i,l4 

Paul-Boxcour    ...  13 

Perrin    17 

Pesquidoux  ......  21 

Petrovitcii   17 

Philip    20 

Piaget    13 

Put    6,12 

Petrarqi^e 12 

PiGANIOL      19 

PlNCHERLE 22 

PiREXNE    19 

PiRRO     22 

Poirier    12 

Poissox   13 

Praviel    21 

Premières     civili- 
sations    19 

Priok   13 

Prunières 22 

Quartara 18 

Eathery  (voir  Des- 

GREZ)      18 

Reclus   21 

RÉGIS    18 

Renaudet  (voir 

Hauser)      19 

Eévolutiox     fran- 
çaise     19 

Riciiet    7,11,10,17 

Rivaud    14 

Robin   14 

Rodiet    18 

rodriguf-k 7 

ROGUES  DE  FuRSAC.  11,18 


til>l.l,AS[i 
KOPK     . . , 

RosxY  .  . 

llOTUÉ   .  . 

Roucir     . 
Rougi  ER 
KoussKi, 

KOY 

ROYDEN  . 
KUTOT  .  . 
RUYSSt.N 


SAim/?,    

Sagnao    

Sagekkv  , . , , 
Saiiuqi:é  .  . , . 
Sanonif.k    ... 

SCHIMHKKt.  .  . 
SCHO]'E.NH  vCK! 
SEII.Llf  i;t:  ... 
SERTILL.Wi.h.S 

Servi fuKs    .  . 

SlMIANI.     .   .  .  . 

SlVl'EK 

SODDY     

SOLLIEK      .  .  .  . 

solovine  ... 
soulii i  k  .... 
Stepanescu  . 
Stœcklin  ... 
Stormer  ... 
Strowski  .  . 
Sylvain  .... 
szilassy    . . . 


Tassy    .  .  . 

Thomas    . 
Thomson 
Tiersot   . 
touciiet  . 
Toussa  L\T 


Vallas   

Vallaux     

Van  Bié.ma   

Van  den  Borren  .. 
Vandervelue     . . . . 

Varigny 

Vauban   

Vaudoyer    

Veber  

Vernad.sky    

Villey    

ViNCHON  (voir  Des- 
champs)   

Voisins    

Wagemann     

Wallon    

Warburg    

Warcollieii    

Wayneaitm     

Weill   (Ct.)    

Weill  (.J.)     

WiLBOIS    

WiLLIA.MS      


22 
21 
17 
17 
17 
11 
19 
20 
18 
16 
7,12 

14 
19 

7,17 
18 
13 
14 
3,11,18 
14 
12 
22 
20 
14 
17 
11 
13 
14 

8,14 
22 
17 
12 
21 
20 


?,11,16 
8,17 
18 
22 
21 
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22 
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17 
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20 
13 
17 
16 
?,16 
19 
13 
20 
18 


PUF.  -  PARI.s.  5.33. 


0NOING  SECT.  :EC  2  1  t96f 


HC  Lanessan,    Jean   Marie 

547  Antoine    de,    1843-1919 

T8L3  La  Tunisie, 

1917  2.    éd.,    rev.    et 

mise    à   jour. 

A.    Alcan      (1917) 


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