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Full text of "La Tunisie du nord; les controles civils de Souk/el-Arba, Béja, Tunis, Bizerte et Grombalia. Rapport à Mr. le résident général S. Pichon"

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University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/latunisiedunordlOOviol 


LA  TUNISIE  DU  NORD 


LA  TUNISIE  DU  NOUD 


^p**- 


LES  CONTROI-RS  CIVILS 

k  SlIlk-EI/AItlIA,  RPAJIMS,  ISIZFIITB  H  i;iUI1IIIALIA 


RAPPORT 

à  M.  le  Résident  Général  S.  Pichon 

PAR 

EMILE    VIOLARD 

je 


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TUNIS 

IMPRIMERIE  MODERNE  (J.  OKLIAC).  14.  lue  dAutriclie 
1906 


En  me  confiant  la  mission  d'étudier  les  Contrôles  ciuils  de  la 
Tunisie,  M.  le  Résident  Général  Piclion  me  dit  : 

«  Je  ne  vous  demande  pas  des  rapports  administratifs.  Je  désire 
que  vous  me  rapportiez,  de  vos  excursions,  vos  observations  person- 
nelles sur  les  progrès  accomplis  par  la  colonisation,  que  vous  ni  en 
signaliez  les  lacunes,  que  vous  me  transmettiez  les  desiderata  des 
Colons.  Promenez-vous  et  interrogez  tous  les  intéressés.  » 

Avant  de  me  mettre  en  route,  j'ai  voulu  fouiller  les  archives,  et 
je  dois  constater  que  les  rapports  laissés  par  les  militaires  qui 
administrèrent  le  pays  pendant  la  première  partie  de  VOccupaiion, 
sont  presque  toujours  instructifs.  Ces  pièces,  il  faut  bien  le  dire,  ne 

me  furent  point  communiquées, par  leurs  détenteurs,  sans  maintes 

réticences  ;  enfin,  je  réussis  à  feuilleter  les  dossiers  qui  constituent 
comme  une  sorte  de  procès-verbal  de  l'état  dans  lequel  se  trouvait 
la  Régence  de  Tunis  au  moment  de  l'entrée  des  troupes  françaises. 
Et  cette  lecture,  bien  que  rapide,  me  fut  profitable. 

Les  Contrôles  civils  possèdent  peu  de  documents.  Cela  tient  à  ce 
que  les  pièces  officielles  sont  expédiées  périodiquement  à  Tunis  et 
réparties  entre  les  divers  Services  de  l'Administration  :  grâce  à  l'obli- 
geance des  Directeurs,  j'ai  pu  les  consulter  avec  fruil. 

Mais  c'est  surtout  en  me  promenant,  en  interrogeant,  —  comme 

me  l'avait  recommandé  M.  Pichon  —  que  fui  recueilli  les  notes 

qui  m'ont  permis  de  relever,  par  Contrôle  civil,  linvcntaire  de  la 

colonisation  française  dans  la  Tunisie  du  Xord.  «  Tout  le  monde  >» 

a  donc  collaboré  à  ce  travail.  Aussi  les  monograj)hies  de  Béja, 

Souk-el-Arba,    Tunis,   Bizerte,   Grombalia   ont-ellea   un   mérite  : 

la  sincérité. 

E.  V. 


LA  TUNISIE  DU  NORD 


LE  CONTROLE  CIVIL  DE  SOIKELARBA 


CHAPITRE  1er 


Limites  du  Contrôle.  —  Plaines,  montagnes  et  forêts. 
La  colonisation  romaine.  —  Les  Indigènes. 


Limites.  —  Le  Contrôle  civil  de  Souk-el-Arba  est  borné:  au  Nord, 
par  la  partie  du  littoral  méditerranéen  comprise  entre  le  cap  Roux 
et  l'embouchure  de  Toued  Zouara;  à  l'Ouest,  par  la  ligne  frontière 
algéro-tunisienne,  partant  du  cap  Roux  et  passant  par  les  crêtes  des 
djebels  liadech,  Oum-Skek,  Rhorra  et  Oum-ed-Dis,  pour  aboutir 
dans  la  vallée  de  la  Medjerda,  à  six  kilomètres  à  l'ouest  de  la  station 
de  Ghardimaou;  au  Sud,  par  les  derniers  contreforts  des  montagnes 
de  la  région  du  Kef  et  par  la  ligne  nord-ouest  du  territoire  de  Té- 
boursouk;  à  l'Est,  par  l'oued  Keçob,  le  Caïdat  des  Amdoun,  le  ter- 
ritoire des  Nefza  et  les  grandes  dunes  bordières  de  l'oued  Zouara. 

La  superficie  de  ce  Contrôle  est  de  255.000  hectares  environ,  divi- 
sés en  quatre  Caïdats: 

i°  Le  Caïdat  des  Djendouho,; 

2°  Le  Caïdat  de  la  î?ekba; 

3"  Le  Caïdat  des  Chiahia  et  des  Ouîad-bou-Salem  ; 

4°  Le  Caïdat  d\Aïn-Draham.  qui  forme  l'aimexe  de  Taharka. 

Aspect.  —  Cette  région  de  la  Tunisie  du  Nord  olfre  une  brusque 
diversité  de  paysages,  que  Ion  ne  rencontre  pas  ailleurs  dans  la  Ré- 
gence. En  un  instant,  le  voyageur  subit  les  contrastes  les  plus  saisis- 
sants et  voit  passer  sous  ses  regards  les  contrées  les  plus  fécondes  et 
les  sites  les  plus  sauvages.  De  la  plaine  uniforme,  verte  et  fertile 
après  la  saison  des  pluies,  rissolée  et  aride  après  les  premières  cares- 
ses du  siroco,  on  accède,  presque  sans  transition,  à  la  région  boisée, 

La  Tunisie  du  Nord  2 


—  6  — 

à  la  forêt  plantureuse,  riche  et  puissante,  au  pays  des  hautes  monta- 
gnes, escarpées  et  rudes,  séparées  par  des  vallées  étroites  et  pro- 
fondes. 

La  plaine.  —  La  vallée  de  la  Medjerda  est  une  magnifique  zone 
agricole,  recherchée  de  plus  en  plus  à  mesure  qu'elle  est  mieux  con- 
nue, capable  de  nourrir  aisément  une  population  très  dense,  offrant 
des  avantages  exceptionnels  d'établissement.  Traversée  dans  toute  sa 
longueur  par  le  chemin  de  fer  qui  relie  la  Tunisie  à  l'Algérie,  cette 
région  est  restée  longtemps  presque  inculte,  à  l'état  pour  ainsi  dire 
primitif:  depuis  quelques  années  seulement,  les  progrès  s'y  font  sen- 
tir, mais  ils  ont  pris  rapidement  sur  certains  points  une  allure  extra- 
ordinaire. 

Le  fleuve  qui  lui  donne  son  nom  et  qui  la  sillonne  en  tous  sens 
naît  en  Algérie,  passe  près  de  Souk-Ahras  et  pénètre  en  Tunisie  en 
amont  de  Ghardimaou.  Au-dessous  de  Chemtou,  la  Medjerda  entre 
dans  la  Dakia,  cette  belle  plaine  de  vingt  à  vingt-cinq  kilomètres  de 
large  sur  cinquante  à  soixante  de  long,  et  qui,  d'après  le  commandant 
Niox,  fut  jadis  un  grand  lac,  peu  à  peu  comblé  par  les  alluvions  du 
fleuve.  Le  cours  de  la  Medjerda  est  de  365  kilomètres,  dont  '265  en 
Tunisie;  la  rivière  conserve  un  volume  d'eau  important,  même  en  été, 
et  son  débit  moyen  est  de  cent  onze  mètres  cubes,  coulant  entre  des 
rives  inégales,  découpées  en  criques,  bossuées  de  promontoires.  En 
hiver,  on  l'a  vue  rouler,  à  pleins  bords,  près  d'un  millier  de  mètres 
cubes,  et,  pendant  huit  mois,  c'est  un  cours  d'eau  large  et  de  notable 
profondeur.  La  Medjerda  draine  plus  de  25.000  kilomètres  carrés. 

Cette  vallée  n'offre  pas,  en  elle-même,  grand  intérêt  au  touriste  en 
qîiête  de  pittoresque.  Elle  est  d'une  uniformité  un  peu  fatiguante,  et 
pourtant  cette  vaste  étendue  ne  manque  ni  de  grandeur  ni  de  gravité: 
vers  le  Nord,  les  hautes  montagnes  de  Kroumirie  ferment  l'espace 
d'un  rideau  sombre  et  profondément  déchiqueté  sur  riiziir  du  ciel, 
tandis  qu'au  Sud  l'iiorizon  est  barré  d'iiiio  ligne  moins  l)iMitah\  phis 
régulièi'e,  formée  par  les  derniers  clinîiions  des  monts  fauves,  élagés 
par  triples  assises,  de  la  région  du  Kef.  Mais  le  voyageur  qui  tra- 
verserait, en  été,  le  pays  borné  par  ces  deux  énormes  murailles,  cette 
contrée  qui  semble  frappée  de  constante  stérilité,  où  j);is  inie  lici'he 
vivace  n'apparaît,  où,  sur  le  lourd  repos  des  choses,  seul  le  dur  soleil 
darde  ses  flammes  subtiles  et  blanches,  où  la  campagne  vide  et  rase 


—     7     — 

se  déroule  comme  un  immense  paillasson  d'alla,  ce  voyaj3'eur  ne  pour- 
rait se  douler  (jue  là,  au  printemps,  naissent,  poussent,  mûrissent 
de  merveillenses  cultiii-es,  couvrant  la  nudité  de  la  vallée  d'un  tapis 
bizarrement  bariolé  de  chatoyantes  couleurs.  Au  printemps,  c'est  la 
lîeauce  ;  en  été,  le  Sahara. 

La  montagne.  —  La  région  nord  du  Contndu  de  Sonk-el-Arba 
est  lormée  d'une  série  de  massifs  montagneux  portant  l'empreinte  de, 
multiples  soulèvements  et  (jui  peuvent  fournir  aux  alpinistes  les  plus 
exigeants  toutes  les  sensations,  toutes  les  émotions  que  recherchent 
habituellement  ces  infatigables  grimpeurs.  La  Kroumirie  a,  en  elïét, 
une  physionomie  changeante,  étrangement  bouleversée,  coupée  rie 
gorges  dont  les  parois  rocheuses  paraissent  se  rejoindre  à  leur  som- 
met. Ici,  les  montagnes  se  dressent,  verticales,  surmontées  de  pics 
aigus  ;  là,  elles  sont  couronnées  de  courbes  régulières,  alléctant  des 
formes  de  dômes  ou  de  trapèzes  ;  sur  les  hauteurs,  du  milieu  de  la 
forêt  touffue,  émergent  des  crêtes  nues  et  pelées,  des  rocs  abrupts  et 
inaccessibles,  et,  entre  les  massifs,  protégées  par  les  ondulations  boi- 
sées de  ce  sol  convulsionné,  s'étalent  de  petites  prairies  naturelle,  de 
délicieuses  vallées  sillonnées  de  cours  d'eau,  bordées  de  collines 
lleuries  de  bruyères  violettes  et  piquetées  d'arbrisseaux.  C'est  une 
région  admirable  de  pittoresque  et  de  sauvagerie,  remarquable  par 
les  merveilleux  imprévus  et  le  désordre  tourmenté  de  sa  nature  ; 
c'est  le  pays  des  majestueux  panoramas  et  des  splendides  horizons. 

La  forêt.  —  Les  forêts  de  Kroumirie  se  composent  de  chêne-liège 
et  de  chênes  zéens;  le  pin  maritime  couvre  quelques  reliefs  monta- 
gneux à  l'ouest  de  Tabarca,  et  le  chêne  kermès  forme  l'essence  domi- 
nante des  boisements  des  dunes  ;  dans  la  partie  sud  se  trouve,  assez 
clairsemé,  l'olivier  sauvage. 

Ses  masifs  comprennent  : 

lo  Dans  le  Contrôle  de  Souk-el-Arba  (partie  sud):  les  forêts  de  Fcr- 
nana,  des  Chiahia,  des  M'rasscn,  du  Ouchtafa,  des  Oulcd-Ali  : 

''2'^  Dans  l'annexe  de  Tabarka  (partie  noi'd  du  Contrôle  de  Souk-el- 
Arba)  :  les  forêts  (V Aïn-Draham ^  du  djebel  Tetjma,  des  Houamdia, 
des  Mekna,  iVOued-Zéen,  de  Tabarca; 


3o  Dans  le  Contrôle  de  Béja  :  une  partie  de  la  foret  des  Mofjods,  les 
l'orèts  des  Nefza,  du  Tahoula,  et  des  Amdoun  ; 
4o  Dans  le  Contrôle  de  Bizerte  :  l'autre  partie  de  la  forêt  des  Mogods. 

Ces  forêts  couvrent  une  superficie  de  plus  de  100.000  hectares. 

Avant  l'établissement  du  Proiectorat,  le  Gouvernement  Tunisien 
s'était  peu  préoccupé  de  ces  massifs  boisés,  et  pendant  longtemps  il  y 
eut  en  Kroumirie  un  gaspillage  irrétléchi.  L'ignorance  des  indigènes 
en  matière  d'économie  forestière,  l'incompétence  de  ceux  qui  les 
dirigeaient,  ont  laissé  commettre  bien  des  fautes,  et,  enfin,  les  rava- 
ges  des  incendies  qui  se  portaient  sur  d'immenses  étendues  à  la  fois, 
menaçaient  d'entraîner  des  désordres  irréparables.  Il  n'existait  pas 
de  législation  forestière  ;  les  forêts  n'étaient  pas  délimitées  ;  la  tradi- 
tion seule  régissait  les  droits  d'usage,  et  ces  droits  s'exerçaient  dans 
des  conditions  aussi  préjudiciables  aux  intérêts  du  Trésor  qu'à  la 
conservation  des  forêts. 

En  -188'2  et  1883,  le  Gouvernement  Français  fit  procéder  à  la  recon- 
naissance des  masifs  de  la  Kroumirie  et  institua  la  Direction  des 
Forêts  qui,  tout  d'abord,  lit  partie  du  Service  des  Travaux  publics; 
enfin,  en  1895,  les  Forêts  lui'ent  annexées  au  Service  de  l'Agricul- 
ture. 

Les  massifs  de  chênes-liège  et  de  chênes  zéens  foriiuMil,  sur  cer- 
tains points  de  magnifi([ues  futaies;  le  zéeu,  sui'toul,  atteint  de  très 
fortes  dimensions,  et  il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  des  sujets  dont  le 
tronc  a  deux  ou  trois  mètres  de  circonféi'ence.  Ces  deux  essences 
couvrent  les  parties  supérieures  des  montagnes  ;  les  broussailles  et 
les  oliviers  sauvages  peuplent  les  parties  inférieures.  Dans  le  ibnd  des 
vallées  sont  disséminées  d'autres  essences,  telle  (jue  l'aulne,  le  saule, 
le  peuplier,  le  frêne,  le  lioux,  le  laurier,  le  tamarin,  la  vigne  sauvage, 
l'azerolier,  l'arbousier.  Le  myrte,  le  lentis(jue,  le  cytise,  la  bruyère, 
le  Hère,  le  viorne  constituent  les  sous-bois. 

Les  massifs  iorestiers  ont  été,  })res(|ue  tous,  piu-courns  par  le  leu 
et  ont  eu  à  snliirles  déprédations  des  indigènes.  Il  était  donc  absolu- 
ment nécessaire  d'ori^aiiiser  la  conservation  des  foi-êls,  de  les  sou- 
mctti'e  à  une  surveillaiic<>  conslaiite  et  de  r('peu|>l('r  les  es|)aces  di'- 
truits  pai'  les  incendies.  h;i  Dii'cc  lion  des  t'oiuMs  a  conscitMicicnscincnt 
accom{)li  l;i  mission  qui  lui  (''l;iit  coulit'i'.  Coniposi'c  d'un  piM'souncI 
d'élite,  elle  a  su  être  éiiergi(]uc  et  conciliante  à  la  fois;  si  elle  rt'-primc 
sévèi-(Mri(Mit  les  d(''lils,    elle  n'est  nullement  Iracassière;  elle  (»ctroie 


—  9  — 

généreusement  aux  colons,  aux  éleveurs,  aux  indigènes  des  permis 
de  pacage,  et  les  liabitants  de  la  Kroumirie  trouvent,  clia<jue  année, 
dans  les  délivrances  (jui  leur  sont  laites,  le  bois  dont  ils  ont  besoin. 

I^a  partie  la  plus  importante  de  la  mission  du  Service  forestier 
consiste  à  mettre  en  rapport  les  massifs  de  cliènes-liège  que  l'Etat 
possède  en  Kroumirie.  Cette  opération  comprend  les  démasclages, 
l'établissement  des  trancliées  de  protection  pour  mettre  à  l'abri  des 
incendies  les  arbres  démasclés,  la  construction  de  sentiers  et  de 
routes  pour  faciliter  la  surveillance  des  forêts  et  le  transport  des 
produits.  Tous  ces  travaux  ont  été  entrepris,  surtout  dans  les  cir- 
conscriptions d'Aïn-Draham,  de  Tabarca  et  d'El-Feïdja,  et  au  .'il  dé- 
cembre 1903  le  nombre  total  des  chènes-liège  mis  on  rapport  par  le 
démasclage  s'élevait  au  chiiTre  de  9.(300. DUO  arbres. 

De  1883  à  1903  inclusivement,  on  a  vendu  294.000  mètres  cubes 
grume,  et  on  peut  estimer,  sans  exagération,  que  le  volume  total  des 
bois  d'œuvre  actuellement  exploitables  est  d'environ  90.000  mètres 
cubes  grume.  Ce  matériel,  qui  est  destiné  à  la  fabrication  des  traver- 
ses de  chemin  de  1er,  pourra  être  réalisé  dans  une  période  relative- 
ment courte,  si  la  construction  du  réseau  de  voies  ferrées  de  la 
Tunisie  se  poursuit  sans  interruption. 

Pendant  cette  même  période,  2.483  hectares  de  trancliées  de  pro- 
tection ont  étéouverts;  1.484  hectares  ont  été  débroussaillés;  près  de 
1.800  kilomètres  de  routes  et  de  sentiers  ont  été  construits,  et  l'en- 
semble des  travaux  ainsi  exécutés  a  occasionné  une  dépense  d'envi- 
ron 2.011.000  francs.  Il  a  été  en  outre  dépensé,  en  travaux  divers  et 
d'entretien,  2.821.000  francs,  soit  au  total  4.832.000  francs.  Au  31 
décembre  1903,  les  recettes  avaient  atteint  9.411.450  francs;  depuis 
1894,  elles  ont  varié  de  003.000  francs  à  1. 100.000  francs. 

En  particulier  pour  1903,  il  a  été  exécuté  les  travaux  suivants: 

1"  Ouverture  de  91  hectares  31  ares  de  tranchées  de  protection; 

2»  Démasclage  de  227.050  chênes-liège  ; 

3»  Ouverture  de  35  kilom.  ()00  mètres  de  chemins  et  sentiers  fo- 
restiers ; 

4^'  Désignation  des  arbres  à  récolter  et  à  démascler; 

5i^  Construction  de  maisons  de  gardes,  de  magasins,  de  citernes  ; 

0«  Travaux  divers  consistant  en  réfraction  de  clôtures,  tixation  de 
dunes,  levers  de  forêts,  [)laiilali()ns,  reconnaissance  de  terrains  doma- 
niaux, repeuplement,  débroussaillement,  etc. 


-   10  — 

Ces  travaux  et  les  travaux  d'entretien  ont  occasionné,  pour  l'exer 
cice  1903,  une  dépense  de  329.500  francs.  Les  recettes  de  cet  exer- 
cice s'élèvent  à  la  somme  totale  de  1.100.598  trancs,  savoir: 

i"  Ecorces  à  tan,  29.000  quintaux Fr.  214.350  » 

2"  Chênes  zéens,  35.000m  c.  grume 140. 100  » 

3o  Liège,  28.14Û  quintaux 683.980  » 

4»  Menus  produits 56 .  168  » 

Total....  Fr.     1.100.598     » 


Les  recettes  iront  constamment  en  augmentant,  par  suite  de  la 
mise  en  valeur  progressive  des  massifs  forestiers. 

Le  Service  des  Forêts  procède  chaque  année  à  trois  adjudications 
de  produits  forestiers:  au  printemps  (avril),  il  adjuge  les  coupes  d'é- 
corce  à  tan  ;  en  été  (fin  août),  il  vend  au  quintal  métrique  les  lièges 
de  reproduction  récoltés  par  ses  soins  et  empilés  sur  les  places  de 
dépôt  d'Aïn-Draham,  de  Babouch,  deTabarca  et  de  Ghardimaou  ;  en 
automne  (octobre),  il  met  en  adjudication  les  bois  d'œuvre  (chênes 
zéens)  pour  la  fabrication  des  traverses  de  chemin  de  1er. 

On  peut  dire  —  et  il  nous  est  agréable  de  le  constater  —  que  la 
Direction  des  Forêts  e.xécute  sa  tâche  sans  chercher  à  jeter  de  la  pou- 
dre aux  yeux.  Ce  Service  poursuit,  sans  réclame,  une  besogne  utile 
et  dont  la  Régence  peut  déjà  apprécier  les  notables  avantages. 

Les  Romains.  —  Sur  tout  le  territoire  du  Contrôle  de  Souk-el- 
Arba  on  rencontre  de  nombreuses  traces  de  Toccupalion  romaine. 
Ainsi  que  le  fait  observer  le  docteiu'Berlholon,  les  Romains  semblent 
avoir  voulu  éviter  avec  soin  les  endroits  malsains;  toutes  les  ruines 
de  villes  ou  de  villages  se  trouvent  au  liane  des  coteaux  qui  bordent, 
par  exemple  au  Nord,  la  vallée  de  la  Medjei'da,  et  il  est  l'are  de  ne 
pas  voir  sur  la  crête  d'une  colline,  et  à  proximité  d'un  point  d'impa- 
ludisme,  les  vestiges  (Ir  (|ucli|U(>  établissement  ayaiil  servi  de  sana- 
torium. 

Nous  pai'lerons  dans  les  chapitres  suivants  de  lUillu  lUuj'ui,  de 
^imiltu,  de  Thuhurnka,  de  Saia  Major,  de  Thahrncd,  et  nous  nous 
contenterons  d"indi(|ii('r  ici  les  principaux  points  (|u"occu|)êi'(Mil  les 
anciens  con(iuéi'ants  d;nis  celte  région  du  noni  de  la  Régence. 

C'est  principalement  sur  le  passage  de  la  voie  reliant  Carlhage  à 


—  11  — 

Hippone,  et  qui  traverse  de  l'Est  à  l'Ouest,  en  suivant  la  vallée  de  la 
Medjerda  (l'antique  Bagradas),  le  Contrôle  de  Souk-el-Arba,  que  l'on 
aperçoit  les  restes  de  villes,  de  bourgs,  de  forteresses,  d'exploitations 
agricoles,  de  thermes,  de  barrages,  de  citernes  et  d'aqueducs.  Au- 
jourd'hui, malgré  la  vigilance  du  Service  des  Antiquités,  bien  de  ces 
ruines,  même  d'une  certaine  importance,  sont  en  voie  de  destruction 
rapide,  par  suite  du  pillage  auquel  se  livrent,  sans  vergogne,  indigè- 
nes et  Européens. 

Mais  les  Romains  n'occupèrent  pas  seulement  la  plaine;  ils  péné- 
trèrent dans  les  massifs  forestiers  que,  sans  aucun  doute,  ils  exploi- 
tèrent : 

c  II  n'est  pas  rare,  en  effet,  dit  M.  Toutain,  de  rencontrer,  au 
cœur  même  des  forêts,  ces  amoncellements  de  pierres  taillées  qui 
indiquent  la  présence  d'un  établissement  antique,  poste  militaire  ou 
bâtiment  d'exploitation.  » 

En  suivant  l'ancienne  route  de  Simittu  à  Thabraca,  qui  traverse 
la  Kroumirie  et  passe  à  l'ouest  de  Fernana,  puis  s'engage  dans  le 
col  d'Aïn-Draham,  on  voit  encore  des  traces  de  villages,  de  fortins, 
de  fortifications,  d'aménagements  d'eau,  mais  c'est  surtout  quand 
on  est  sorti  des  montagnes  que  les  vestiges  romains  surgissent  de 
tous  côtés. 

Le  docteur  Carton,  qui  a  fouillé  ces  ruines,  et  scrupuleusement 
étudié  ces  preuves  irrécusables  du  génie  agriculteur  des  anciens,  en 
conclut  que  : 

1"  Les  céréales  étaient,  comme  de  nos  jours,  l'objet  principal  de  la 
culture  dans  la  plaine  do  la  Medjerda,  où  Jadis  les  fermes  se  rencon- 
traient pour  ainsi  dii'e  à  clia(|ue  pas; 

'2"  Les  montagnes  qui  avoisinaient  cette  région, maintenant  envahies 
par  la  broussaille,  étaient  couvertes  d'oliviers,  témoins  les  nombreux 
pressoirs  que  l'on  y  rencontre; 

lî"  On  retenait  l'eau  par  tous  les  moyens  possibles;  il  n'y  a  pas  de 
source  ni  de  simple  suintement  à  la  surface  du  sol  <{ui  n'ait  été  capté 
et  ([uand  il  n'en  existait  pas,  on  y  suppléait  à  l'aide  de  citernes; 

4"  La  |)rospérité  agricole  avait  amené  la  richesse,  et  tous  ces  petits 
centres  de  population  avaient  des  villas  pavées  de  mosaïques,  des 
mausolées  et  des  temples; 

5"  La  population  était  très  dense; 

()"'  Dans  la  contrée  qui  nous  occupe,  l'élénitMil  indigène  parait  sur- 


-  12  — 

tout  avoir  dominé  ;  on  y  a  trouvé,  en  effet,  un  grand  nombre  de  stèles 
funéraires  avec  noms  révélant  bien  l'origine  de  la  majeure  partie  de 
la  population. 

Les  indigènes.  —  Les  indigènes  du  Contrôle  de  Souk-el-Arba  se 
divisent  en  deux  camps  bien  tranchés:  les  agriculteurs  de  la  plaine 
et  les  montagnards  kroumirs. 

Les  gens  de  la  plaine  sont  installés  dans  la  vallée  de  la  Medjerda, 
sur  le  bord  de  l'oued  Méliz,  de  l'oued  Melleg,  de  l'oued  Tassa,  de 
l'oued  Bou-Hertma  et  sur  les  pentes  des  collines  bordant,  au  Nord 
et  au  Sud,  le  territoire  de  la  Dakla.  Ils  vivent  sous  des  tentes  ou  dans 
des  maisons  construites  en  «  toube  »,  et  leurs  douars  sont  entourés 
de  cacLus,  de  «  tabia  »  ou  de  îossés  profonds.  Ces  Arabes  forment 
plusieurs  tribus  divisées  elles-mêmes  en  un  assez  grand  nombre  de 
fractions.  Ils  furent  rarement  razziés,  car  ils  savaient  s'unir  lorsque 
les  montagnards  tunisiens  ou  algériens  les  menaçaient  d'envahisse- 
ment. Ils  ont  toujours  prêté  leur  concours  à  l'autorité  régnante,  et 
leurs  goums,  composés  de  beaux  et  vaillants  cavaliers,  de  fantassins 
résolus,  accompagnaient  les  colonnes  beylicales  quand  les  circons- 
tances nécessitaient  leur  apparition  dans  la  contrée.  Au  moment  de 
l'entrée  des  troupes  françaises  sur  le  territoire  tunisien,  ils  se  mirent 
à  la  disposition  du  général  commandant  l'armée  d'occupation,  et,  de- 
puis lors,  dans  la  plaine,  la  tranquillité  n'a  jamais  été  troublée. 

Installés  primitivement  dans  le  sud  de  la  Régence,  les  Kroumirs 
formaient  une  tribu  «  maghzen  »  au  service  des  Chabia,  grande  con- 
fédération religieuse.  A  la  suite  des  guerres  intestines  qui  désolèrent 
cette  contrée,  les  Kroumirs  s'en  allèrent  vers  le  Nord  et  s'établirent 
dans  la  partie  boisée  et  montagneuse  qu'ils  habitent  encore.  Ce  fait 
se  serait  produit  il  y  a  trois  siècles  environ. 

«  Réfugiés  dans  leurs  montagnes,  dit  le  colonel  Waltringnes,  ils  se 
défendirent  vaillamment  contre  tout  agi'esseur.  Le  iîeydu  gouverne- 
ment duquel  ils  dépendaient  nominalement,  mais  dont  ils  méconnu- 
rent toujours  l'autorité,  envoya  souvent  contre  eux  des  troupes, 
même  assez  nombreuses,  pour  tenter  de  les  .soumettre  à  payer  l'im- 
pôt, mais  les  Kroumirs,  puisant  dans  leur  .sauvage  indépendance  une 
énergie  relativement  remarquable,  siu'ont  toujours  repousseï"  les  ten- 
tatives des  trouj)es  beylicales. 

«  Leur  caractère,  leurs  liabitudes  leur  interdisaient  toutes  relations 
avec  les  voisins;  les  transactions  étaient  donc  peu  Iréquentes,  et  ils 


-  13    - 

avaient  souvent  recours  au  pillug^e,  dont  au  début  de  l'occupation  ils 
nous  donnèrent  <iue]<|ues  ext'triples.  lis  ciioisissaient  leurs  chefs  par- 
mi les  hommes  Jes  phis  courageux  et  ne  possédaient  point  de  ciidi  ; 
leurs  différends  étaient  portés  devant  la  «  djemaà  » . 

«  Peu  nomafles,  les  Kroumirs  vivaient  —  et  vivent  cncoie  —  dans 
des  gourbis  autour  des(|uels  ils  faisaient  quelques  plantations  et  cul- 
tures. Généralement,  ils  établissaient  leurs  gourbis  sur  les  pentes  et 
vers  les  sommets  des  montagnes  d'une  hauteur  moyenne,  ou  non 
loin  des  ruisseaux  formés  par  les  nombreuses  petites  sources  qui 
sourdent  de  tous  côtés.  Quelquefois,  ils  vivaient  sous  la  tente  pour 
faire  pacager  leurs  troupeaux,  ou  bien,  lorsqu'ils  étaient  forcés  par 
un  danger  imminent  d'abandonner  leurs  campements,  ils  se  réfu- 
giaient dans  les  forêts  impénétrables  qui  couvrent  une  grande  partie 
du  pays.  » 

Le  Kroumir,  il  y  a  quelques  vingt-quatre  ans,  a  beaucoup  fait  par- 
ler de  lui;  ignoré  jusqu'alors,  il  devint  tout-à-coup  légendaire,  et  il 
contribua  fortement  à  mettre  en  valeur  la  vaillance  de  nos  guerriers. 
Après  l'occupation  de  leurs  montagnes,  les  Kroumirs  firent  leur 
soumission,  et  depuis  leur  attitude  n'a  cessé  d'être  correcte.  De  sau- 
vages, pillards  et  turbulents  qu'ils  étaient,  ces  montagnards  sont 
devenus  placides;  aujourd'hui,  la  Kroumirie  est  le  pays  où  il  se  com- 
met le  moins  de  crimes  et  le  moins  de  vols. 

Les  Kroumirs  sont  des  pasteurs  et  des  forestiers  ;  la  Direction  des 
P  orêts  en  emploie  un  assez  grand  nombre  et  elle  se  déclare  satisfaite 
des  résultats  qu'elle  obtient  de  cette  main-d'œuvre  indigène.  Les 
femmes  kroumires  fabriquent  des  tissus  grossiers,  ainsi  que  des  us- 
tensiles de  ménage  qui  ne  sont  que  des  poteries  communes. 


CHAPITRE  II 


Le  Caïdat  des  Djendouba 


Description.  —  Le  territoire  de  ce  Caïdat,  appelé  par  les  indigè- 
nes «  la  plaine  de  la  Dakla  »,  s'étend,  au  Nord,  jusqu'à  l'oued  Glia- 
zella,  qui  est  la  frontière  du  pays  des  Kroumirs,  et,  au  Sud,  jusqu'aux 
premières  pentes  des  montagnes  du  Kef  ;  il  est  borné  à  l'est  par  le 
Caïdat  des  Oulad-bou-Salem  et  à  l'Ouest  par  la  Rekba. 

Dans  sa  plus  grande  largeur,  cette  vallée  atteint  jusqu'à  vingt-cinq 
kilomètres,  et  dans  l'endroit  le  plus  resserré,  elle  en  a  de  douze  à 
quinze.  Le  sol  est  d'une  grande  fertilité,  subordonné  toutefois  aux 
pluies  de  l'hiver  et  du  printemps.  De  place  en  place,  dans  la  plaine, 
rompant  la  monotonie,  on  aperçoit  quelques  touffes  de  cactus  qui 
décèlent  la  présence  des  douars.  Si  on  exepte  les  plantations  d'eu- 
calyptus faites  par  la  Compagnie  Bône-Guelma  le  long  de  la  voie  fer- 
rée, on  ne  voit  pas  d'arbres  dans  les  champs,  et  il  faut  atteindre  les 
collines  tourmentées,  séparées  par  de  profonds  thalwegs  et  ravinées 
par  les  eaux,  de  la  région  nord  du  Caïdat,  pour  rencontrer  quelques 
palmiers  rabougris  et  des  arbustes  en  très  petit  nombre. 

Du  pied  de  Bulla  Regia,  à  sept  kilomètres  au  nord-est  de  Souk-el- 
Arba,  jusqu'aux  environs  de  la  station  de  Ben-Bechir,  s'étendent  des 
marécages  couverts  de  hautes  herbes,  autour  desquels  se  trouvent 
des  pâturages  arrosés  parles  eaux  qui  descendent  de  l'ancienne  ville 
l'omaino  et  les  fontaines  (pii  sourdent  des  lianes  de  la  montagne. 

Tainlis  qu'au  Nord  la  bari'ière  montagneuse  est  presque  inculte, 
les  monts  situés  au  sud  de  l'oued  Melleget  de  l'oued  Tessa  olh-ent  un 
aspect  tout  dil1(Mt'iit  :  ils  sont  moins  élevés,  couveils  de  verdure  au 
printemps,  leurs  ravins  sont  moins  piittonds  et  leurs  cr«'i(>s  ont  des 
formes  moins  anguleuses. 


-  15  - 

La  plaine  de  la  Dakia  est  traversée  par  trois  cours  d'eau  :  la  Med- 
jerda,  l'oued  Melieg  et  l'oued  Tessa.  La  Medjerda  (ancien  Bagradas) 
s'est  créé,  dans  la  vallée,  un  lit  profond,  que  les  eaux  minent  et  mo- 
dilient,  et  tandis  que  certaines  parties  des  berges,  rongées  par  le 
courant,  sont  taillées  à  pic,  les  côtés  opposés  offrent,  au  contraire, 
des  pentes  assez  douces. 

Dans  son  parcours  sur  le  territoire  du  Caïdat,  la  Medjerda  reçoit, 
rive  droite  et  rive  gauche,  plusieurs  aftluents. 

Il  a  y  peu  d'eau  potable  dans  la  plaine  ;  les  douars  ont  de  mauvais 
puits,  et  les  sources  que  l'on  rencontre  près  des  collines,  rares  et 
peu  abondantes,  sont,  pour  la  plupart,  chargées  de  magnésie  ou  de 
chlorure. 

«  Le  sol  arable,  dit  M.  François  Malet,  est  de  consistance 
moyenne,  avec  prédominance  de  l'élément  silicieux  à  Ghardimaou-et 
Souk-el-Arba:  l'allavionnement  ne  s'est  pas  effectué  partout  de  la 
même  façon,  et  la  diversité  de  composition  physique  des  terres  s'ex- 
plique d'autant  mieux  que  dans  ce  bassin  les  cours  d'eau  secondai- 
res sont  très  nombreux  et  qu'ils  prennent  source  dans  des  régions 
fort  dissemblables. 

«  Toutefois,  au  point  de  vue  chimique,  les  différents  sols,  quelle 
que  soit  la  région  d'où  ils  proviennent,  présentent  une  caractéristi- 
que commune:  la  teneur  en  potasse  est  élevée  et  généralement 
supérieure  à  !2  o/"  ;  l'acide  phosphorique,  au  contraire,  est  très  sou- 
vent en  proportion  faible,  comme  cela  se  produit,  d'ailleurs,  dans  les 
régions  où  l'on  ne  fertilise  presque  pas  la  terre,  bien  (ju'on  ne  cesse 
de  lui  demander  des  récoltes  d'orge  ou  de  blé. 

«  Pour  les  autres  principes  nutritifs,  il  n'y  a  point  lieu  de  faire  de 
remarques  spéciales.  Dans  les  vallées  tributaires  du  cours  d'eau  prin- 
cipal, les  terres  de  plaine  et  de  montagne  présentent  une  composition 
plus  variable  encore,  et  leur  nature  dépend  essentiellement  des  mon- 
tagnes les  plus  proches.  » 

La  ligne  ferrée  de  Tunis  à  [Vn\e  traverse  le  Caïdat  des  Djendouba 
du  Nord-Est  au  Sud-Ouest,  et  ce  territoire  est  sillonné  par  un  certain 
nombre  de  routes,  chemins  et  sentiers  se  rendant  dans  toutes  les 
directions  et  reliant  entre  eux  les  douars  des  différentes  fractions. 
En  général,  les  pistes  de  la  plaine  sont  carrossables  en  été  et  les 
oueds  guéables;  par  contre,  il  n'en  est  pas  de  même  en  hiver,  et  il 
arrive  partbis  que,  durant  des  jours  et  même  des  semaines,  les  mal- 
heureux habitants  se  trouvent,  par  suite  de  défaut  de   connnunica- 


—  16  - 

lions,  isolés  du  reste  du  monde,  consignés  au  quartier,  bloqués,  en 
attendant  une  accalmie,  sur  leurs  îlots  détrempés  et  boueux. 

La  route  du  Kef  à  Tabarca,  qui  traverse  le  Caïdat  du  Sud  au  Nord, 
est  carrossable  en  tout  temps,  suffisamment  empierrée  ;  la  roule  de 
Souk-el-Arba  à  Medjez-el-Bab  n'est  empierrée  que  par  tronçons,  mais 
on  espère  pouvoir  terminer,  en  1905,  le  tronçon  de  Souk-el-Arba  à 
l'oued  Melleg;  la  piste  longeant  le  cliemin  de  fer,  qui  va  de  Souk-el- 
Arba  à  Ghardimaou,  forme  la  suite  de  la  route  précédente  :  elle  n'est 
empierrée  que  sur  1  kilom.  500  mètres  environ,  mais  elle  est  carros- 
sable sur  tout  son  parcours  ;  enfin,  la  piste  de  Souk-el-Arba  à  Bulla 
Regia  a  été  récemment  aménagée. 

Le  Service  des  Ponts-et-Ghaussées  capte,  chaque  année,  un  cer- 
tain nombre  de  sources  le  long  des  routes  et  pistes  et  à  proximité  des 
groupements  de  douars  ;  toutefois,  il  reste  beaucoup  à  faire,  sous  ce 
rapport,  dans  le  caïdat  des  Djendouba,  de  même  que  dans  les  autres 
Caïdats  du  Contrôle,  pour  satisfaire  aux  besoins  de  la  population  qui, 
chaque  jour,  devient  plus  dense. 

Le  territoire  du  Caïdat  contient  quelques  carrières  de  pierres  à 
chaux  et  marbres  rosés  que  l'on  ne  peut  utiliser  pour  l'ornementa- 
tion. Les  Romains  avaient  exploité,  à  six  kilomètres  de  Souk-el-Arba, 
une  importante  mine  de  fer,  maintenant  abandonnée.  Actuellement, 
une  seule  mine  est  en  exploitation:  lamine  de  cuivre  du  Chouichia. 
située  à  environ  quinze  kilomètres  au  nord-ouest  de  Souk-el-Arba,  et 
qui  fait  des  mattes  à  50  o  ";  elle  peut  fournir  de  trois  à  quatres  tonnes 
par  jour.  Elle  emploie  un  certain  nombre  d'ouvriers  italiens. 

Climat  et  salubrité.  —  Le  climat  de  la  Dakla  est  très  humide  en 
hiver,  tuiride  en  été.  souvent  très  variable.  C'est  vers  l'heure  du  lever 
du  soleil  que  le  thermomètre  descend  rapidement,  pour  remonter 
d'une  façon  à  peu  près  constante  jusqu'à  trois  heures  de  l'après-midi. 
La  température,  dans  les  jours  les  plus  froids,  ne  descend  générale- 
ment pas  plus  de  4"  au-dessous  de  zéro;  dans  la  saison  chaude,  elle 
atteint  parlois  50"j  à  l'ombre.  Voici  d'ailleurs,  la  moyenne  dos  tem- 
pératures prises  à  Souk-el-Arba  en  lOO.'î: 

Hiver •     I0"1-;  maxinunn        "iO";   niiniiiium  —     i" 

Printemps.       }    L'yi;         —         -f-34»;         —         —     O' 

Été -tiO"?;  ~         -f49o;        —        -[-18» 

Automne..       -  i>0'-4;         —         4-42»;  -\-  iO^ 


—    17    — 

Lns  brouillards  sont  rares,  iimis  intenses;  les  pluies,  peu  (rLMjuen- 
tes  au  printemps  et  en  été,  sont  parfois  trop  abondantes  à  l'automne 
et  en  liiver.  La  quantité  moyenne  annuelle  des  pluies  à  Souk-el-Arba 
et  de  r)'2(J  millimètres,  et  il  ne  laut  guère  compter  sur  les  condensa- 
tions atmosphériques  à  partir  des  premiers  jours  de  mai,  «conditions 
d'autant  plus  désavantageuses  pour-  des  cultures  en  terres  sèches,  dit 
M.  Malet,  que  la  plaine  est  fortement  insolée  en  été  et  soumise  à  une 
évaporation  intense.  Au  contraire,  dans  les  régions  montagneuses,  sur 
les  deux  versants  de  la  vallée,  les  pluies  sont  tardives  et  abondantes». 

La  vallée  de  la  Medjerda,  de  Ghardimaou  à  Souk-ol-Khemis,  offre, 
dans  les  points  occupés  parla  population  européenne,  des  conditions 
de  salubrité  suffisantes,  malgré  l'élévation  de  la  température  en  été. 
Souk-el-Arba,  alimenté  en  eau  de  source  de  bonne  qualité,  bien 
qu'un  peu  cliaude  —  20"  à  la  source  —  possède  un  réseau  d'égouts 
assez  complet.  L'état  sanitaire  de  cette  commune  est,  en  général,  très 
bon,  et  le  paludisme  peu  h-équent  ;  dans  la  région  de  Ben-Bechir, 
où  le  climat  est  sensiblement  le  même  qu'à  Souk-el-Arba,  l'eau  des 
puits  est  saumàtre,  et  les  habitants  de  cette  minuscule  localité  sont 
obligés  de  s'alimenter  à  la  citerne  de  la  gare,  où  l'eau  est  apportée 
chaque  jour  de  Souk-el-Arba. 

D'une  façon  générale,  l'eau  des  sources  de  cette  partie  de  la  vallée 
est  saumàtre  (  de  '2  à  5  grammes  de  sel  par  litre),  mais,  sur  nombre 
de  points,  elle  peut  servir  à  la  coiisomiiiaiioii.  La  population  indigène, 
assez  nombreuse,  fixée  dans  le  voisinage  des  oueds,  utilise  l'eau  de 
tes  rivières;  cette  eau,  d'après  le  docteur  ÎMassal,  médecin  de  colo- 
nisation à  Souk-el-Arba,  ne  pourrait  être  consommée  sans  danger 
par  les  Européens. 

La  lièvre  paludéenne  est  fréquente  sur  certains  points  (  bords  du 
Melleg  et  de  la  Tessa  et  région  de  ])ulla  Regia  ).  La  variole  tend  à 
disparaître,  grâce  aux  vaccinations  multiples;  la  syphilis  est  extrê- 
mement fréquente  chez  les  indigènes,  ainsi  que  les  alïectioiis  ocu- 
laires. 

Des  consultations  gratuites,  avec  distribution  de  médicaments,  ont 
lieu  deux  Ibis  par  semaine  à  Souk-el-Arba  et  deux  fois  par  mois  à 
Souk-el-Kliemis  et  à  dliardimaou.  Les  femmes  indigènes  se  rendent 
très  volontiers  à  ces  consullalions.  Souk-el-Arba  ne  possède  encore 
ni  infii'merie  ni  liôpilal  :  il  y  a  là  une  lacune  qu'il  sérail  très  urgent 
de  combler. 


—    18    - 

BuUa  Régla. —  La  Dakla  est  remplie  de  souvenirs  historiques*, 
mali^ré  quinze  siècles  écoulés,  les  restes  des  temples,  thermes,  Torts, 
indiquent  encore  les  emplacements  de  ces  cités  somptueuses  qui 
marquaient  les  étapes  de  la  grande  voie  romaine  décrite  par  Tissot: 
Bulla  Regia  était  une  de  ces  villes.  Assise  sur  les  lianes  du  djebel 
Rebiah,  dominant  la  plaine,  située  près  d'un  petit  aflluent  de  la  Aled- 
jerda,  cette  ancienne  cité  numide,  résidence  des  rois,  avait,  ainsi  que 
Zama,  fermé  ses  portes  à  César  victorieux  après  la  bataille  de  Tapsus. 
Elle  a  dû  être  très  impoi'tante,  à  en  juger  par  le  nombre  de  ruines 
qui  s'étendent  au  loin. 

Les  travaux  exécutés  en  1883  par  le  capitaine  du  gé]iie  llardel, 
pour  amener  les  eaux  de  Bulla  Regia  à  Souk-el-Arba  (débit  journa- 
lier :  ioO  mètres  cubes  )  ont  fait  découvrir  des  bassins  et  des  mosaï- 
ques enterrés  à  trois  mètres  de  profondeur  ;  le  docteur  Carton  a 
publié  sur  l'hydraulique  de  cette  région  un  travail  intéressant  d'où 
nous  détachons  les  passages  suivants  : 

((  Au  centre  des  ruines  de  Ilammam-Daraji  (  Rulla  Regia  )  jaillit 
une  source  dont  une  grande  partie  des  eaux  est  actuellement  captée 
et  dirigée  sur  Souk-el-Arba;  le  bassin  antique  qui  les  renfermait 
jadis  existe  encore.  Ces  eaux  irriguaient,  au  moyen  de  canaux,  les 
jai'dins  des  environs;  un  autre  canal  dirigeait  les  eaux  dans  les 
quartiers  de  la  ville  et  même  dans  les  demeures  des  particuliers, 
témoins  les  vestiges  de  thermes,  du  nympheum,  de  citernes,  d'aque- 
ducs, de  puits,  etc. 

«  Toutes  les  sources  qui  jaillissaient  sur  les  lianes  du  djebel  Rebiali 
avaient  été  captées  par  les  Romains,  qui  étaient  parvenus  à  en  régu- 
lariser le  débit  et  à  conserver,  pour  l'employer  dui'ant  l'été,  l'eau 
parvenue  en  hiver  dans  les  vastes  réservoirs.  L'abandon  de  ces  travaux 
a  amené  la  formation  des  marais  de  l^ulla  Regia. 

«  Au  moment  de  l'époque  romaine,  les  sources  situées  au  liane 
des  montagnes,  arrêtées  par  les  ouvrages  hy(h'auli(|ues,  recueillies 
dans  les  réservoirs,  n'arrivaient  pas  jus(iu'à  la  plaine.  Une  source  très 
abondante,  qui  jaillissait  dans  la  partie  la  plus  élevée  du  marais,  était 
jadis  employée  à  l'irrigation  et  conduite  dans  les  cliamps  par  un  fossé 
dont  il  existe  encore  des  traces.  L'eau  des  pluies,  qui  actuellement 
tombe  sur  un  sol  dénudé  et  se  précipite  vers  les  bas-fonds,  ariêtée 
I)ar  la  V(''g(''lation,  aspirée  ])ar  un  hunnis  épais  on  par  un  sol  que  la 
culture  avait  rendu  [)erméable.  n'arrivait  pas  dans  la  dépression;  enfin, 
une  population  aussi  nombreuse  et  aussi  industi'ieuse  «jue  celle  (pii 
habitiiit  la  |)lain('  devait  enlrelcnii'  et  approfondir  le  loss(''  d'cMiiission 
du  niMi.iis.  Il  est  certain  que  la  riche  cité  de  RuUla  Regia  n'aurait  pu 


—  10  — 

se  développer  dans  le  voisinage  d'un  tel  pays  dimpaludisrne  ;   aussi 
s'occupait-on  d'en  éviter  la  formation. 

«  Ce  marais  n'existait  pas  à  répofjiip  romaine,  et,  pour  le  friire  dis- 
parattre,  il  sulïirait  de  réaliser  à  nouv<'au  l(;s  conditions  où  se  trouvait 
jadis  la  contrée,  moyen  qui  sera,  à  mon  avis,  plus  sur  que  ceux  rjui 
ont  été  proposés  directement  pour  son  dessèchement.  » 

Un  projet  de  dessèchement  du  marais  s'étendant  entre  Bulla  Re^ia 
et  Ben-Bechir  fut  étudié  en  18î)'î  par  M.  Chenel,  contrôleiu'  civil  à 
Souk-el-Arba,  et  proposé  à  la  Résidence  Générale.  Il  n'y  fut  pas  donné 
suite,  à  cause  des  difficultés  concernant  la  propriété  des  terrains. 

Bulla  Regia  s'étendait  en  amphithéâtre  au-dessus  d'un  col  étroit  et 
difficile  où  passait  la  voie  romaine  allant  à  ïhabraca  ;  une  source 
d'eau  chaude  sortait  de  la  montagne,  et  les  habitants  y  avaient  établi 
des  thermes.  Au-dessus  de  la  crête,  à  500  mètres  d'altitude,  sur  les 
croupes  de  la  montagne,  se  voient  encore  les  restes  de  sept  postes 
fortifiés  qui  défendaient  les  approches  de  Bulla  Regia.  Ce  sont  des  rec- 
tangles mesurant  de  50  à  60  mètres  de  côté  ;  chaque  poste  avait  des 
citernes,  et  la  distance  moyenne  qui  lessépare  est  de  500  à  600  mètres. 
Entre  chacun  d'eux  existe  une  série  de  mamelons  peu  élevés,  à  pentes 
douces,  sur  lesquels  on  rencontre  de  belles  cultures. 

Le  Service  des  Antiquités  ne  cesse  de  faire  pratiquer  des  fouilles 
à  Bulla  Regia,  et,  dernièrement  encore,  il  a  déblayé,  avec  le  concours 
de  M.  Lafont,  conducteur  des  Ponts-et-Chaussées  à  Souk-el-Arba, 
une  maison  romaine  d'un  remarquable  état  de  conservation. 

«  Le  rez-de-chaussée,  dit  le  Bulletin  du  Service  des  Antiquités, 
profondément  enterré  dans  le  sol,  garde  encore  ses  parements  en 
mosaïque,  des  plafonds  voûtés,  la  colonnade  et  la  terrasse  de  son  por- 
tique corinthien.  Au  fond  du  péristyle  s'ouvre,  par  une  porte  monu- 
mentale à  trois  baies,  une  grande  salle  de  festins  accostée  de  deux 
ailes  ayant  chacune  son  entrée  spéciale  sur  le  portique.  Le  parement 
de  la  pièce  principale,  orné  de  rosaces  et  de  guirlandes,  au  milieu 
desquelles  se  détache,  comme  un  blason,  une  couronne  à  cinq  poin- 
tes, dessine  du  c()té  de  l'entrée  un  T  renversé  autour  duquel  étaient 
disposés  les  trois  Vils  du  Irictiniion.  Devant  la  porle,  en  pleine  lumière, 
et  bien  en  vue  sous  les  yeux  des  convives,  un  joli  tableau  en  mosaï- 
(jue,munidumènieblason,  figure  des  amours  venaforcs  aux  prises  avec 
des  fauves,  ours,  sanglicM's,  panthères.  A  droite  du  tricUniuwA^u  même 
côté  que  l'escalier,  se  présentent  deux  autres  chambres;  laplusgrande 
se  divise,  comme  les  ailes  du  tricUnium,  en  deux  zones  de  niveau 


différent  :  la  première,  de  plein-pied  avec  le  portique,  est  ornée  d'une 
magnifique  rosace  en  mosaïque  ;  la  seconde,  en  arrière,  forme  une 
sorte  d'estrade  exhaussée  d'un  degré  et  pavée  de  mosaïque  plus  sim- 
ple. Un  escalier,  tournant  deux  fois  à  angle  droit  et  coupé  en  son 
milieu  d'un  palier  avec  bancs  de  repos,  conduit  au  premier  étage  où 
il  débouche  au  milieu  d'une  cour  dallée,  qu'entoure  un  portique  paré 
de  torsades  et  de  grecques  en  mosaïque.  Au  fond  de  celui-ci  s'ouvrent 
les  appartements  du  centre  delà  demeure,  établis  sur  le  rez-de-chaus- 
sée, dont  ils  reproduisent  exactement  les  dispositions.  Puis  viennent 
d'autres  chambrettes  qui  semblent,  à  en  juger  par  leurs  pavements 
plus  grossiers,  avoir  été  réservées  aux  esclaves  et  aux  communs  et  qui 
reposent  directement  sur  le  soi.  Un  puits  à  déversoirs  superposés 
alimentait  les  deux  étages  de  cette  curieuse  habitation.  » 

On  voit  d'après  la  très  intéressante  description  de  cette  maison 
que  les  habitants  de  Souk-el-Arba  appellent  «  la  maison  des  troglo- 
dytes »,  à  cause  sans  doute  de  son  ensevelissement  assez  profond, 
quelle  précieuse  mine  il  y  aurait  à  exploiter,  pour  les  savants,  sur 
l'emplacement  de  Bulla  Regia,  si  lescrédits  ne  faisaient  pas  défaut.  Il 
nous  semble,  toutefois,  que  le  Ministère  de  la  Guerre  pourrait  facile- 
ment mettre  à  la  disposition  du  Service  des  Antiquités  —  comme  il 
l'a  lait  à  Bou-Grara,  à  Dougga  et  à  Tabarca  —  les  soldats  du  batail- 
lon d'Afrique  casernes  à  Souk-el-Arba  et  à  Aïn-Draham.  Extraits  de 
l'oisiveté  où  ils  croupissent,  ces  «joyeux  »  concourraient  ainsi  à  une 
œuvre  utile. 

En  attendant,  M.  Sadoux,que  l'on  rencontre  toujours  sur  la  brèche 
même  par  les  jours  d'horrible  canicule,  fait  procéder  au  déblaiement, 
lent  mais  méthodique,  des  principales  ruines  de  Bulla  Regia. 

Les  Djendouba.  —  Les  indigènes  qui  occupent  le  territoire  du 
caïdat  constituent  la  grande  tribu  des  Djendouba.  Ils  campent  sur  les 
deux  rives  de  la  Medjerda,  à  l'est  de  la  Rekba,  et  comptent  environ 
8.000  individus.  Les  Djendouba  seraient  venus  desbords  du  Nil,  vers 
le  onzième  siècle,  au  moment  de  l'iiivusion  hilali(Mui(\  (les  tribus 
égyptiennes  se  répandirent  en  Ah'iquc,  iniiicipalement  en  Tunisie, 
et,  nprès  avoir  chassé  les  barl)nres,  se  lixènMit  à  leurs  lieu  et  place. 

La  majeure  partie  des  Djendouba  est  de  pure  race  arabe,  sans  mé- 
lange ;  il  existe  cependant  plusieurs  fractions  étrangères  qui  portent 
le  nom  de  Djendouba  et  (|ui  sont  venues,  à  une  époque  postérieure, 
se  grouper  autour  des  premiers  occupants. 


-  21   - 

Les  Djendouba  se  livrent  surtout  à  la  culture  du  blé  et  de  l'orge  ; 
ils  ont  aussi  d'immenses  prairies  naturellesquileur  permettent  d'éle- 
ver de  nombreux  troupeaux.  Ils  se  réunissent,  pour  leurs  trafics,  sur 
les  marchés  de  Souk-el-Arba  (près  de  la  Medjerda;  et  de  Souk-es- 
Sebt  (près  de  l'oued  Tessa).  La  superficie  approximative  de  leur  ter- 
ritoire est  de  70.000  hectares,  dont  20.000  environ,  toujours  les  mémea, 
sont  labourés  chaque  année. 

Souk-El-Arba.  —  En  1881,  lors  de  l'arrivée  de  nos  colonnes,  il 
n'y  avait  qu'un  mauvais  gourbi  et  un  fondouk  à  l'endroit  où  s'élève 
aujourd'hui  la  ville  de  Souk-el-Arba.  Par  suite  de  l'occupation  de  ce 
point  stratégique  de  premier  ordre,  un  certain  nombre  de  marchands 
vinrent  se  grouper  près  du  camp  et  occuper  le  côté  nord  de  la  voie 
ferrée,  dont,  à  cette  époque,  Souk-el-Arba  était  le  point  terminus 
(156  kilomètres  de  Tunis).  Deux  ans  après,  quelques  Juifs  tunisiens 
achetèrent  les  terres  situées  au  sud  de  la  voie,  firent  construire  des 
maisons  qu'ils  louèrent  à  des  industriels  et  à  des  courtiers  en  céréa- 
les, et,  peu  de  temps  après,  Souk-el-Arba,  débouché  des  grandes 
plaines  du  sud-ouest  et  de  la  Kroumirie,  prit  un  essor  considérable. 
Au  31  décembre  \{)03,  la  population  de  cette  localité  comprenait 
1.500  habitants,  en  majorité  Européens,  dont  i-t27  Français. 

Malheureusement,  la  prospérité  de  Souk-el-Arba  semble  chaque 
jour  s'amoindrir,  et,  comme  le  faisait  remarquer  dernièrement  M.  de 
Carnières,  Président  de  la  Chambre  d'Agriculture  de  Tunis,  par  une 
singulière  fatalité,  les  réformes  et  les  grands  travaux  d'intérêt  général 
qui  profitent  au  reste  de  la  Tunisie,  causent  à  Souk-el-Arba  un  pré- 
judice sensible  : 

«  Après  un  développement  rapide,  dit  M.  de  Carnières,  ce  petit 
centre  français  était  devenu  le  principal  marché  de  céréales  du  nord- 
ouest  de  la  Régence.  La  loi  douanière  de  1890,  qui  a  permis  d'expé- 
dier directement  en  France  les  céréales  tunisiennes,  sans  les  faire 
passer  par  l'Algérie,  lui  a  porté  un  rude  coup.  Souk-el-Arba,  où  se 
réunissait  une  grande  partie  de  nos  blés  et  orges  destinés  à  être  ex- 
portés par  Rône,  a  vu  tout  à  coup  son  marché  diminuer  considéra- 
blement d'importance. 

«  La  route  de  Béja  à  Tabarca,  qui  a  ouvert  à  la  colonisation  des 
régions  nouvelles,  lui  a  encore  fait  du  tort.  Les  voyageurs  et  les  mar- 
chandises de  Tabarca  à  destination  de  Tunis  passent  maintenant  par 
Béja. 

La  Tunisie  du  Noud  3 


-  22  — 

((  Enfin,  le  chemin  de  fer  du  Kef,  la  plus  utile  de  nos  lignes  de 
pénétration,  lui  enlèvera  tout  le  trafic  de  l'ouest. 

«  Plus  la  Tunisie  prospère,  plus  son  outillage  économique  se  per- 
fectionne, et  plus  Souk-el-Arba  se  voit  frappé  dans  ses  intérêts.  »  . 

Après  avoir  constaté  le  mal,  le  Président  de  la  Chambre  d'Agri- 
culture qui,  chacun  le  reconnaît,  a  puissamment  contribué  à  F  œuvre 
de  colonisation  française,  indique  le  remède,  qu'il  trouve  dans  la 
colonisation  même.  Pourquoi,  se  demande  M.  de  Carnières,  les 
colons  agriculteurs  ne  se  sont-ils  pas  portés  dans  la  région  de  Souk- 
el-Arba,  où  le  sol  et  le  climat  ressemblent  fort  au  sol  et  au  climat  de 
Souk-el-Khemis,  centre  où  se  sont  établies  d'importantes  exploitations 
agricoles?  Parce  que,  croit-il,  l'Administration  n'a  rien  fait  pour  cela, 
qu'elle  a  été  négligente  et  que,  là,  elle  a  montré  un  mauvais  vouloir 
que  l'on  ne  rencontre  pas  habituellement  chez  elle. 

Ce  reproche  adresséà  l'Administration  tout  entière,  nous  le  verrons 
plus  loin,  est  injustifié. 

L'extrême  morcellement  des  terrains  de  culture  dans  cette  région 
s'oppose  assurément,  dans  une  certaine  mesure,  à  la  constitution  de 
propriétés  de  grande  étendue,  propres  à  la  colonisation.  Mais  c'est 
là  une  difficulté  qui,  avec  de  la  bonne  volonté  et  de  la  persévérance, 
peut  être  vaincue,  et  la  meilleure  preuve  que  nous  en  puissions  fournir 
est  l'affluence  d'ofïres  de  vente  de  terres  que  nous  avons  pu  cons- 
tater durant  notre  séjour  dans  le  Contrôle.  Ces  ofTres  étaient-elles 
acceptables?  Pouvaient-elles,  sans  inconvénient,  se  réaliser?  Nous 
n'avons  nulle  qualité  pour  examiner  la  question  que,  seule,  la  Direc- 
tion de  l'Agriculture  doit  résoudre.  Ce  que  l'on  ne  peut  nier,  c'est 
qu'un  certain  nombre  d'Européens  (huit  exactement),  parmi  lesquels 
un  ancien  contrôleur  civil  de  Souk-el-Arba,  ont  acheté  dans  lecaïdat, 
et  principalement  aux  environs  du  chef-lieu  du  Contrôle,  quelques 
propriétés  dont  deux  dépassent  cent  hectares  d'un  seul  tenant  (au 
total  400  hectares  environ).  Ces  acquisitions  ont  été  faites  à  la  suite  de 
prêts  consentis  par  ces  personnes  aux  indigènes  qui,  n'ayant  point 
remboursé  à  terme,  abandonnèrent  leurs  terres  aux  prêteurs.  Ajou- 
tons que  ces  terrains  sont  loués  par  leurs  acquéreurs  aux  Arabes  et 
aux  Siciliens. ^^> 


(1)  Depuis  l'i-t-iblissement  de  cello  monographie,  la  Direction  de  l'Agriculture  a  acquis  quelques 
parcelles  de  terres  dans  les  enviions  immédiats  de  Souk-El-Arha,  d'apn'-s  les  indications  fournies  par 
M.  de  fiourlet,  le  nouveau  contrôleur  civil  de  Souk-el-Arba.  Au  total,  'Ml  hectares,  l'orniant  cin(| 
parcelles  de  109,  'M,  65,  ;t2  et  21  hectares,  ont  été  achetés  à  des  indigènes  et  à  un  européen.  Ces 
ti-rres  sont  actucllemenl  livrées  à  la  colonisation  française. 


—  23  - 

La  plaine  de  Bulla  Régla.  —  La  plaine  de  Bulla  Regia  est  d'une 
extraordinaire  fertilité.  On  y  voit  déjà  quelques  maisonnettes  blan- 
ches, couvertes  de  toits  rouges,  enfouies  dans  des  bosquets  verts  : 
c'est  la  petite  colonisation  sicilienne  qui  fait  son  apparition.  Trois 
Italiens,  dont  l'un  possède  30  hectares,  y  sont  installés  ;  ils  y  ont 
creusé  des  puits,  irriguent  leurs  jardins  et  approvisionnent  Souk-el- 
Arba  de  légumes  frais  pendant  l'été. 

On  nous  a  signalé,  à  Bulla  Regia,  deux  propriétés,  l'une  habous, 
appartenant  à  Si  Ahmed  Lakhdar,  avec  lequel  l'Administration  pour- 
rait entrer  en  pourparlers  ;  l'autre  appartient  aux  héritiers  Ben  Aïssa 
et  comprend  environ  180  méchias  (1.800  hectares),  dont  80  labou- 
rables, 20  en  prairies,  80  en  montagne  et  en  marais.  Actuellement 
cette  propriété  est  sous  la  coupe  d'un  ex-lieutenant-colonel  qui,  à  la 
suite  de  prêts,  aurait  pris  une  hypothèque  de  80.000  francs  et  en 
poursuit  la  vente  judiciaire.  Les  héritiers  Ben  A'issa  estiment  leurs 
terres  cultivables  à  raison  de  150  à  180  francs  l'hectare. 

Cette  partie  de  la  région  de  Souk-el-Arba  réunit  toutes  les  condi- 
tions exigées  par  la  petite  colonisation.  Au  sud  de  la  Medjerda,  80  à 
100  hectares  de  terres  seraient  nécessaires  pour  assurer  l'existence 
d'une  famille  d'agriculteurs  français;  à  Bulla  Regia,  où  Ion  peut 
compter  sur  une  récolte  annuelle,  où  l'on  peut  faire  de  la  culture 
maraîchère  et  constituer  des  vergers,  40  à  50  hectares  seraient  suf- 
ti&ants. 

La  contrée,  k  la  vérité,  n'estpas  très  saine  ;  les  marécages  donnent 
naissance  à  de  nombreux  foyers  d'impaludisme,  mais  l'assainissement 
des  terres  se  ferait  facilement  au  moyen  d'un  canal  qui  dirigerait  les 
eaux  dans  la  Medjerda,  la  rivière  étant  assez  encaissée  pour  procurer 
la  pente  suffisante  et  permettre  le  dessèchement  des  marais. 

La  plaine  de  l'oued  IVIelleg.  —  La  pleine  de  l'oued  Melleg  forme 
un  triangle  dont  le  sommet  est  Souk-el-Arba  et  dont  la  base  est 
comprise  entre  l'oued  Melleg  et  l'oued  Tessa.  Elle  est  fermée  par 
une  chaîne  de  collines  qui  se  détachent  du  Dyr  du  Kef.  La  route  de 
Souk-el-Arba  au  Kef  la  traverse  dans  toute  sa  longueur. 

Cette  plaine,  de  onze  kilomètres  de  long  sur  huit  de  large  en 
moyenne,  est  très  riche  en  vestiges  de  fermes  romaines.  Il  n'existe 
pas  de  trace  de  colonisation  européenne  ;  on  ne  voit,  sur  le  bord  de 
la  route,  que  deux  ou  trois  maisons  cantonnières,  et,  dans  les  champs, 
quelques  groupements  de  gourbis  ou  de  tentes  entourés  de  cactus  et 


—  24  — 

de  figuiers.  La  nappe  d'eau  se  trouve  à  huit  mètres  de  profondeur. 
Elle  est  assez  saumâtre. 

Les  habitants  de  Souk-el-Arba  disent  que  cette  plaine  est  irrigable, 
au  moins  en  partie  ;  il  suffirait  de  percer  un  tunnel  qui  traverserait 
une  petite  colline  située  à  la  hauteur  du  pont  de  l'oued  Melleg,  à 
onze  kilomètres  de  Souk-el-Arba.  Un  ingénieur  ayant  étudié  la  ques- 
tion déclare  que  le  travail  serait  facile,  et  le  bénéfice  que  la  coloni- 
sation retirerait  de  la  plus-value  donnée  aux  terres  compenserait 
largement  les  frais  qu'occasionnerait  l'opération.  D'après  ce  même 
ingénieur,  le  travail  coûterait  de  150.000  à  200.000  francs,  et  la 
colonisation  ne  prendrait  que  le  dixième  de  l'eau  du  Melleg  qui,  même 
en  été,  jamais  ne  se  dessèche. 

Les  Arabes  de  cette  plaine  seraient  disposés,  dit-on,  à  vendre  leurs 
terres  à  l'Administration,  au  prix  moyen  de  -l'25  à  175  francs  l'hec- 
tare sur  les  points  les  plus  éloignés,  et  de  200  à  250  francs  l'hectare 
aux  alentours  de  Souk-el-Arba. 

Ben-Bechir.  —  De"Souk-el-Arba  à  Sidi-Meskine,  m'a-t-on  affirmé, 
il  y  a  de  nombreuses  propriétés  à  vendre  ;  il  en  est  de  même  de  l'autre 
côté,  à  l'est,  vers  Ben  Bechir,  où  deux  colons  français  ont  acheté  aux 
Arabes,  et  vers  Souk-es-Sebt,  région  propice  aux  céréales  et  aux  jar- 
dins, l'eau  se  trouvant  à  quatre  mètres;  dans  cette  dernière  partie 
de  la  plaine,  les  colons  n'auraient  pas  d'aléas  et  seraient  assurés  d'une 
récolte  annuelle. 

Culture.  —  Aux  alentours  immédiats  de  Souk-el-Arba  (terrains, 
nous  l'avons  déjà  dit,  formés  d'alluvions  silico-argileuses,  avec  une 
très  forte  prédominance  de  l'élément  siliceux),  les  indigènes  récol- 
tent, sur  des  terres  ensemencées  tous  les  ans  et  non  fumées^  labourées 
à  la  charrue  arabe,  dix  à  douze  sacs  pour  un  en  orge,  dans  les  années 
moyennes.  Le  rendement  est  plus  fort  sur  la  rive  gauche  de  la  Med- 
jerda;  dans  la  région  de  Sidi-Meskine,  où  les  pluies  sont  plus  obon- 
dantes,  à  cause  de  la  proximité  des  montagnes,  il  est,  en  moyenne, 
de  dix-sept  pour  un. 

Le  rendement  en  blé  est  moindre;  on  voit  rarement  la  récolte 
rapporter  plus  de  .sept  à  huit  poui*  un,  dans  les  terres  cultivées  à  la 
mode  arabe.  Cependant,  on  a  vu,  dans  les  bonnes  années,  après  les 


-  25  - 

pluies  printanières,  la  récolte  de  blé  donner  jusqu'à  vingt-trois  pour 
un,  et  un  Européen,  M.  Cesari,  avait  même  obtenu,  tout  près  de 
Souk-el-Arba,  dans  des  terres  labourées  à  la  charrue  française  et 
copieusement  fumées,  jusqu'à  trente-trois  pour  un. 

Ceci  nous  donne  un  aperçu  des  résultats  que  le  colon  français  pour- 
rait obtenir  dans  cette  région. 

Scolarité.  —  Souk-el-Arba,  siège  du  Contrôle  civil,  est  doté  de 
deux  écoles  primaires,  l'une  de  garçons,  l'autre  de  filles.  L'école  de 
garçons  reçoit  une  centaine  d'élèves  :  25  Français,  45  Italiens,  15  mu- 
sulmans, 15  israélites.  L'école  des  filles  reçoit  MO  élèves  :  20  Fran- 
çaises, 20  Italiennes,  8  Maltaises,  3  Grecques,  1  Espagnole,  7  musul- 
manes, 39  juives.  Depuis  quelques  années,  on  a  remarqué  une  cons- 
tante diminution  dans  l'effectif  scolaire  ;  toutefois,  la  population  de 
Souk-el-Arba  réclame  la  création  d'une  classe  enfantine,  qui  pourrait 
être  installée  sans  aucune  dépense,  et  qui  rendrait  grand  service  aux 
familles  d'ouvriers. 


CHAPITRE  III 


Le  -Caïdat  de  la  Regba 


Description.  —  Ce  Caïdat  est  limité,  au  nord,  par  les  Kroumirs 
Selloul  et  les  Beni-M'rassen  ;  à  l'est  par  les  Djendouba  ;  au  sud,  parle 
territoire  du  Kef  ;  à  l'ouest,  par  les  communes  mixtes  algériennes  de 
Souk-Ahras  et  de  La  Calle. 

Au  point  d'intersection  des  territoires  de  la  Regba  et  des  Djendouba 
vers  la  station  de  Sidi-Meskine,  la  vallée  de  la  Medjerda  se  resserre 
entre  le  massif  du  djebel  Herrech,  au  nord,  et  le  djebel  Bou-Rabbah 
au  sud  ;  elle  n'a  plus  alors  que  dix  kilomètres  de  large,  mais  elle 
s'évase  ensuite  et  atteint  près  de  vingt  kilomètres  dans  la  région  de 
l'oued  Méliz. 

Cette  plaine  oiïre  les  mêmes  caractères  que  la  plaine  de  la  Dakla, 
dont  elle  n'est,  d'ailleurs,  que  laconlinualion;  les  terres  appartenant 
à  la  même  formation  alluvionnaire  et  cultivées  de  la  même  façon 
sommaire,  donnent  à  peu  près  les  mêmes  récoltes.  Elle  est  habitée 
par  les  Hakim  et  les  Oalad-Sedira,  paisibles  agriculteurs  qui,  avant 
notre  venue,  étaient  mis  en  coupe  réglée  par  les  montagnards 
voisins.  Ces  deux  tribus  labourent  annuellement  environ  15.000  hec- 
tares. 

La  région  nord  du  caïdat  de  la  Regba  est  montagneuse  et  très  boi- 
sée. C'est  un  merveilleux  pays  de  grandes  lorêts  oùl'on  peut  faire  les 
plus  jolies  excursions  et  les  plus  belles  chasses —  à  condition  d'avoii' 
bon  pied  et  bon  o'il.  Les  massifs  des  djebels  Uhorra  et  Oum-ed-Dis 
ne  le  cèdent  en  rien,  yn  point  de  vue  des  hautes  futaies,  à  nos  plus 
riches  forêts  de  France  :  on  y  voit  des  arbres  dépassant  vingt-cinci 
mètres  de  hauteur  et  dont  la  circonférence  ne  mesure  pas  moins  de 
cinq  mètres. 


-  27  - 

C'est  aussi  le  pays  privilégié  des  fauves.  Nous  ne  voudrions  pas  ga- 
rantir qu'en  parcourant  les  sous-bols  des  M'rassen  ou  en  dévalant 
dans  les  ravins  des  Ouclilela  on  aura  des  chances  de  se  trouver  subi- 
tement nez  à  nez  avec  le  lion  ;  mais  on  y  chasse  avec  succès  la  pan- 
thère, le  guépard,  le  caracaj,  le  serval,  le  cerf,  le  daim,  et  on  y  voit 
communément  l'hyène  rayée,  le  chat  ganté,  la  loutre  de  Barbarie,  le 
porc-épic,  le  sanglier,  le  renard  et  le  chacal.  Les  grands  oiseaux  de 
proie  y  abondent. 

El-Feïdja,  station  forestière  à  800  mètres  d'altitude,  où  réside  le 
garde  général  qui  a  la  surveillance  et  la  conservation  du  massif  de 
l'ouest,  est  située  à  dix-sept  kilomètres  de  Ghardimaou  ;  on  s'y  rend 
par  un  délicieux  sentier  muletier  et  on  y  jouit  d'un  admirable  pano- 
rama sur  la  vallée  de  la  Medjerda  et  sur  les  montagnes  du  sud.  A 
un  kilomètre  de  la  station  forestière,  surplombant  une  gorge  pro- 
fonde, se  dresse,  au  milieu  des  chênes  zéens,  le  kef  Negcha,  rocher 
de  soixante-quatre  mètres  de  haut,  aux  flancs  déchirés  et  à  pic  ;  sur 
le  sommet  de  ce  gigantesque  monolithe  est  installé  un  poste-vigie  (de 
deux  gardes  indigènes)  auquel  on  accède  par  un  escalier  taillé  dans 
le  roc. 

L'emplacement  de  la  station  a  été  heureusement  choisi  ;  l'hiver  le 
froid  y  est  vif,  mais,  en  compensation,  l'été  y  est  exquis.  Le  plateau, 
où  sont  étabhes  les  maisonnettes,  les  magasins,  les  jardins  des  gardes 
forestiers,  est  entouré  de  prairies  irrigables,  et  il  est  borné  de  mon- 
tagnes boisées  au  nord,  à  l'est  et  à  l'ouest  ;  au  sud,  la  vue  s'étend  sur 
la  vaste  plaine. 

D'El-Feidja,  on  peut  rayonner,  sans  jamais  se  lasser  et  en  décou- 
vrant des  sites  toujours  nouveaux,  soit  à  l'ouest,  du  côté  de  la  fron- 
tière algérienne,  soit  vers  le  nord,  du  côté  des  djebels  Rliorra  et  Sra. 
Nous  conseillons  à  ceux  qui  ne  redoutent  pas  deux  dures  journées  de 
mulet,  d'entreprendre  la  belle  excursion  d'El-Feïdja  à  Ain-Draham, 
par  le  col  d'El-M'saïf  et  la  forêt  des  M'rassen;  c'est  une  succession  de 
pistes  forestières  très  accidentées,  passant  sur  des  crêtes  très  pitto- 
resques. Avant  d'arriver  à  Aïn-Draham  (OOkilomètres  d'El-Feïdja) 
on  trouve  de  superbes  peuplements  de  chênes-liège. 

La  longueur  des  tranchées  de  protection  ouvertes  dans  la  circons- 
cription par  le  Service  forestier  est  de  224  kilomètres,  et  leur  super- 
licie  est  de  500  hectares.  Ce  même  Service  a  établi  :  1"  'M  kiloni.  ItX) 
mètres  de  routes  ;  2o  29  kilom.  437  mètres  de  chemins  et  pistes  :  'A^ 


—  28  — 

186  kilomètres  de  sentiers  muletiers;  soit,  au  total,  248  kilom.  837 
mètres  de  voies  de  communication. 

La  quantité  de  chènes-liège  misen  valeur  à  ce  jour  atteint  près  d'un 
million  d'arbres  ;  l'exploitation  des  chênes  zéens  pour  les  traverses 
de  chemin  de  fer  dépasse  7.000  mètres  cubes  par  an. 

Les  Ouchteta  et  les  M'rassen.  —  La  région  montagneuse  du  Caï- 
dat  de  la  Regba  est  habitée  par  la  tribu  des  Ouchteta  et  la  tribu  des 
M'rassen. 

Les  Ouchteta  ont  un  passé  des  plus  agités  :  vols  à  main  armée,  in- 
cursions dans  les  tribus  voisines,  enlèvement  de  bestiaux  étaient 
monnaie  courante  pour  ces  indigènes  avant  notre  établissement  dans 
la  Régence  ;  ils  se  tenaient  en  état  d'insurrection  permanente  contre 
le  beyhk,  refusaient  de  payer  l'impôt  et  donnaient  asile  aux  mal- 
faiteurs algériens  et  tunisiens.  En  1881,  ils  prirent  les  armes  contre 
nos  troupes  et  s'cillièrent  aux  Ivroumirs  ;  notre  artillerie  les  effraya  et, 
bientôt,  ils  demandèrent  l'amane,  qu'ils  obtinrent.  Cependant  le 
Gouvernement  du  Protectorat  exigea  d'eux  un  certain  nombre  d'ota- 
ges qui  furent  internés,  pendant  plusieurs  années,  à  l'île  Sainte- 
Marguerite.  Quand,  libérés,  ils  regagnèrent  la  tribu  d'origine,  ils 
trouvèrent  leurs  femmes  consolées  et  mariées  à  d'autres.  A  rencon- 
tre de  ce  que  l'on  eût  pu  craindre,  les  Ouchteta  ne  prirent  point  la 
chose  au  tragique  ;  ils  lirent  preuve,  au  contraire,  dans  la  circons- 
tance,d'une  saine  philosophie:  ayantsoulTert pourla  communauté,  ils 
réclamèrentde  la  tribu  une  indemnité,  qui  leur  fut  accordée  sans  aucune 
difllcuté,  puis  ils  employèrent  leurs  douros  à  l'achat  de  quelques  par- 
celles de  terre  et...  de  jeunes  femmes.  Aujourd'hui,  les  Ouchteta 
sont  calmes,  ils  paient  bien  l'impôt,  et  leur  niveau  moral  s'est  sensi- 
blement élevé. 

Le  pays  des  M'rassen,  situé  également  sur  la  frontière  algérienne, 
est  presque  entièrement  couvert  de  forêts  et  de  broussailles  ;  quel- 
ques enclaves  forment  seules  les  terres  de  culture.  Les  M'rassen  vi- 
vent surtout  (hi  produit  des  transports  qu'ils  elVectuent  pour  le  comp- 
te de  l'administration  forestière.  Ce  sont  de  bons  travailleurs  qui 
rendent  de  réels  services  à  nos  agents. 

Les  quatre  tribus  du  Caidatde  la  Regba  comptent  ensemble  environ 
-18.000  iufhvidus. 

La  région  d'El-Feïdja  a  été  durement  éprouvée,  en  1884,  1888  et 


-  29  - 

1890,  par  les  incendies  ;  depuis  quelques  années,  }^ràce  à  la  sévé- 
rité des  mesures  prises  et  à  la  constante  surveillance  exercée  sur 
les  forêts,  on  n'a  pas  eu  à  déplorer  de  nouveau  lléaudans  la  contrée. 

Routes.  —  Le  réseau  de  voies  de  communication  est  très  précaire 
dans  le  Gaidat  de  la  Regba.  La  route  forestière  d'El-Feïdja  est  faite 
sur  4,420  mètres  seulement  ;  le  reste  de  cette  voie  (près  de  13  kilo- 
mètres), insuffisamment  empierré,  est,  la  plupart  du  temps,  imprati- 
cable, même  pour  les  arabas.  C'est  sur  cette  route  que  s'embranche 
la  voie  stratégique  en  construction  qui  doit  rejoindre  à  la  frontière  la 
route  algérienne  venant  de  Souk-Ahras. 

Sur  la  demande  des  colons,  deux  chemins  de  colonisation,  l'un  de 
six  kilomètres,  l'autre  de  trois  kilomètres,  sont  actuellement  à  l'étu- 
de ;  ils  doivent  desservir  les  groupes  de  fermes  françaises  installées 
au  nord  de  Ghardimaou  par  la  Direction  de  l'Agriculture  ;  selon 
toute  vraisemblance,  les  aménagements  projetés  seront  entrepris 
en  1905. 

Mines.  —  A  onze  kilomètres  au  sud-ouest  de  Ghardimaou,  reliée 
par  une  piste,  se  trouve  la  concession  de  Fedj-Assène,  amas  cala- 
minaires  donnant  38  %  de  zing  et  11  «/o  de  plomb.  Le  périmètre  de 
cette  concession  englobe  les  deux  massifs  montagneux  du  djebel 
Melah  et  des  djebels  Halem  et  Moutrif,  reliés  par  le  col  ou  «  fedj  » 
Assène. 

Eaux  minérales.  —  A  dix  kilomètres  au  nord-est  de  Ghardimaou, 
sur  la  rive  droite  de  l'oued  Melah,  du  milieu  d'un  taillis  épais  sortent 
deux  sources  chaudes  (40'^),  fortement  salées,  que  les  Romains  dési- 
gnaient sous  le  nom  de  Ad  Aquas  et  que  les  Arabes  appellent  «  Ham- 
mam des  Ouled-Ali  ».  Ces  sources,  chlorurées  sodiques,  émergent  du 
fond  d'un  bassin  en  maçonnerie,  de  quatre  mètres  carrés  de  surface, 
recouvert  de  larges  dalles  à  la  sortie  du  bassin  ;  la  source  se  perd 
dans  l'oued  Melah,  dont  elle  augmente  fortement  la  salure. 

Trois  autres  sources,  appelées  «  Hammam  des  Ouchteta  »,  sont 
situées  à  onze  kilomètres  à  l'ouest  de  Ghardimaou,  auprès  du  djebel 
Hammam  et  non  loin  de  l'oued  El-Djorf  ;  ces  sources  viennent 
sourdre  au  fond  d'un  bassin  creusé  dans  le  roc  ;  chlorurées  sodi- 


-  30  - 

ques  et  sulfurées,  elles  répandent  une  forte  odeur  d'hydrogène  sul- 
furé. 
Ces  thermes  sont  très  fréquentés  par  les  indigènes. 

Chemtou.  —  Sur  les  bords  de  la  Medjerda,  et  à  quatre  kilomè- 
tres au  nord  de  la  station  d'Oued-Méliz,  se  trouvent  les  ruines  de 
Simittu  (Chemtou),  ville  romaine  importante  et  fastueuse,  bâtie  près 
d'une  carrière  de  marbre  qui  eut  une  très  grande  réputation  dans 
l'antiquité. 

Ce  marbre,  jaune  et  rose,  était  connu  sous  le  nom  de  marbre  nu- 
midique,  la  carrière  ayant  appartenu  d'abord  aux  rois  de  Numidie. 
Elle  devint  ensuite  la  propriété  de  l'Etat  romain.  Cent  ans  avant 
Jésus-Christ,  on  importait  déjà  à  Rome  le  marbre  de  Simittu,  et 
deux  routes  permettaient  d'expédier  en  Italie  le  produit  de  l'exploi- 
tation :  l'une  suivait  la  vallée  de  la  Medjerda  et  aboutissait  à  Car- 
thage  ;  l'autre  traversait  toute  la  Kroumirie  et  gagnait  le  port  de  Ta- 
barca. 

Parlant  de  cette  carrière,  M.  Cagnat  s'exprime  ainsi  : 

«  Ce  ne  sont  que  parois  coupées  brusquement  par  des  enfonce- 
ments faits  de  main  d'homme,  que  des  rochers  taillés  à  angles  vifs  et 
tels  que  la  nature  en  produit  rarement.  Rien  de  plus  pittoresque  que 
cette  colline  toute  jaune  qui,  en  certains  endroits,  se  revêt  de  teintes 
rougeàtres  et  disparaît  en  d'autres  sous  une  couche  d'herbe  et  de 
fleurs.  L'ensemble  de  cette  masse  de  marbre  brut,  à  la  fois  imposant 
et  harmonieux,  se  détache  vigoureusement  sous  le  bleu  foncé  du  ciel, 
et  le  soleil,  qui  la  frappe  en  plein,  met  quelque  chose  de  plus  chaud 
encore  dans  les  teintes  naturelles  du  rocher. 

«  Avec  les  restes  encore  visibles  de  son  exploitation  antique,  avec 
les  inscriptions  qui  éclairent  son  histoire,  qui  nous  font  connaître  le 
personnel  d'alTrancliis  et  d'esclaves  employés  à  l'extraction  du  mar- 
bre, qui  nous  permettent  de  pénétrer  dans  le  détail  de  son  adminis- 
tration, la  carrière  de  Simittu,  si  célèbre  jadis,  est  une  curiosité  tuni- 
sienne. C'est  mieux  encore  :  on  peut  la  regarder  comme  le  type  d'une 
carrière  romaine  à  l'époque  impériale  .» 

Une  société  belge  tenta,  il  y  a  (juelques  années, d'en  reprendre  l'ex- 
ploitation. Elle  ht  venir  un  matériel  énorme  (qui  lui  coûta  fort  cher) 
et  150  ouvriers  belges  pour  lesquels  elle  construisit  de  vastes  bâti- 
ments d'habitation  et  une  chapelle  catholique  ;  puis  elle  relia  la  car- 
rière par  une  voie  ferrée  à  la  station  d  Oued-Méliz.  Malheureusement, 


-   31  - 

ces  gros  sacrifices  furent  faits  en  pure  perte,  et  l'exploitation  dut  être 
arrêtée  en  1899,  à  cause  des  veines  ferrugineuses  et  calcaires  qui  sil- 
lonnent les  blocs  et  les  déprécient. 

On  voit,  à  Chemtou,  les  restes  d'un  amphithéâtre,  d'une  basilique, 
d'un  théâtre,  de  thermes,  de  tombeaux,  de  fragments  de  sculpture  ; 
le  temple  des  Boucliers,  qui  domine  la  carrière  de  marbre  et  qui  est 
construit  en  cette  matière  ;  le  pont  monumental  qui  passe  sur  la  Med- 
jerda  et  qui  reliait  Simittu  à  Sicca  Veneria  {Le  Kef). 

«  C'est  à  ces  ruines,  ditM.Ch.Tissot,  qu'aboutit  l'aqueduc  quiame- 
nait  à  Simittu  les  eaux  de  la  rive  gauche  de  la  Medjerda,  et  dont  les 
longs  alignements,  se  détachant  sur  l'horizon  de  la  plaine  déserte, 
rappellent  d'une  façon  saisissante  certains  aspects  de  la  campagne  ro- 
maine. » 

L'aqueduc  de  Simittu  s'étend  sur  un  parcours  approximatif  de 
vingt-deux  kilomètres,  dont  environ  seize  en  montagne  ;  l'eau,  prove- 
nant de  l'aïn  R'zat,  alimentait  la  ville,  les  jardins,  la  carrière  de  mar- 
bi'e  et  les  citernes  qui,  actuellement,  servent  de  bergeries  aux  trou- 
peaux des  indigènes.  A  ce  propos,  M.  Ghenel,  ancien  contrôleur  civil 
de  Souk-el-Arba,  faisait  la  remarque  suivante  : 

«  Il  m'a  semblé  qu'il  y  aurait  un  réel  profit  pour  l'agriculture  à 
débarrasser  les  citernes  de  Chemtou  des  immenses  quantités  de  ma- 
tières fertilisantes  qui  les  encombrent  et  qui  restent  sans  emploi.  Ce 
déblaiement  permettrait,  en  outre,  d'examiner  attentivement  le 
parti  que  l'on  pourrait  tirer  de  ces  citernes  pour  le  cas  où  le  centre 
d'Uued-^Iéliz  viendrait  à  prendre  un  certain  développement.  » 

Thuburnica.  —  A  six  kilomètres  de  Chemtou  et  à  une  dizaine  de 
kilomètres  de  Ghardimaou,  sur  l'un  des  contreforts  des  montagnes 
des  Oulad-Ali,  se  voient  les  vestiges  d'une  autre  cité  romaine,  de 
moindre  importance  que  Simittu,  et  qui  portait  le  nom  deColonia 
Thiiburnica.  Ces  ruines  couvrent  une  surface  trapézoïdale  de  f)00 
mètres  de  côté,  mais  les  traces  de  constructions  se  prolongent  sur 
les  deux  rives  de  l'oued  El-Hemdja.  Cette  position  commandait  le 
débouché  dans  la  plaine  de  la  Medjerda,  ainsi  que  les  vallons  qui 
descendent  des  massifs  d'El-Feidja.  Le  site  est  très  pittoresque,  et 
l'on  s'explique  facilement  qu'une  ville  florissante  ait  pu  s'y  dévelop- 
per. 


-  32  - 

On  y  remarque  :  les  ruines  grandioses  d'une  forteresse  placée  au 
point  culminant  de  la  cité  ;  un  arc  de  triomphe,  une  curie,  un  temple 
dédié  à  Mercure,  des  mausolées,  puis  une  série  de  constructions  où 
Priape  paraît  avoir  été  fort  en  honneur  : 

«  On  ne  rencontre  à  Thuburnica,  dit  le  docteur  Carton,  que  très 
peu  de  débris  d'habitations.  On  peut  s'expliquer  le  fait  en  admettant 
que  les  riches  propriétaires  des  domaines  environnants  et  des  vallons 
voisins  avaient  choisi  ce  point,  le  plus  pittoresque  de  toute  la  région, 
et  qui  était  en  même  temps  défendu  par  un  poste  militaire,  pour  y 
élever  des  édifices  où  ils  se  réunissaient  et  célébraient  des  fêtes  pu- 
bliques, et  pour  y  déposer  les  restes  des  leurs.  Il  y  a  peu  de  cités  qui 
présentent  autant  et  de  si  beaux  sépulcures  que  les  mausolées  de 
Thuburnica.  » 

Deux  Français,  les  deux  frères,  ont  acheté  aux  indigènes,  près  de 
Thuburnica,  une  assez  grande  étendue  de  terrains  {"200  hectares 
environ)  et  y  ont  construit  quelques  bâtiments  agricoles.  Ces  colons 
emploient  la  main-d'œuvre  italienne  et  la  main-d'œuvre  arabe. 

Ghardimaou.  —  Village  situé  sur  la  frontière  algéro-tunisienne,  à 
190  kilomètres  de  Tunis,  habité  par  un  certain  nombre  de  Français 
et  près  de  200  étrangers. 

Cette  petite  localité,  d'aspect  assez  triste,  offre  une  particularité  qui 
plonge  dans  la  stupéfaction  les  voyageurs  se  rendant  de  Tunisie  en 
Algérie  ou  vice-versa,  et  qui  ont  tout  le  temps  de  l'examiner  pendant 
la  fastidieuse  visite  des  bagages:  c'est  le  mur  d'enceinte  de  son  bordj. 
Après  l'occupation,  le  Gouvernement  décida  de  construire  un  bordj  à 
Ghardimaou,  et,  naturellement,  il  chargea  de  ce  soin  un  capitaine  du 
Génie.  L'officier  s'acquitta  de  sa  tâche,  édifia  de  massifs  bâtiments 
qu'il  entoura  de  murs  épais  dans  lesquels  furent  ménagés  de  nom- 
breux créneaux.  Seulement,  la  partie  large  du  créneau,  au  lieu  de 
s'évaser  vers  l'intérieur  du  bastion  et  de  ne  présenter  qu'une  mince 
ouverture  à  l'extérieur,  s'ouvre,  au  contraire,  toute  grande,  toute 
béante  en  dehoris,  du  côté  des  assaillants  présumables... 

Si  nous  demandions  au  brave  sapeur  la  raison  de  cette  bizarrerie, 
il  est  possible,  après  tout,  qu'il  en  trouverait  une,  fùt-elle  mauvaise; 
à  moins  que,  ce  que  nous  avons  tout  lieu  de  croire,  il  se  soit  tout 
simplement  trompé  de  côté... 


-  33  - 

Le  marché  de  Gliardimaou,  qui  se  tient  le  mardi,  est  peu  important. 
Ce  centre  est,  cependant,  habité  par  quelques  propriétaires  euro- 
péens possédant  de  200  à  600  hectares  de  terres  qui  sont  pour  la 
plupart,  cultivés  d'après  la  méthode  arabe. 

Ghardimaou  est  alimenté  en  eau  de  source  de  bonne  qualité,  bien 
qu'un  peu  calcaire  ;  mais  son  réseau  d'égouts  est  tout-à-fait  rudimen- 
taire.  La  fièvre  palustre  et  les  affections  oculaires  y  sont  assez  fré- 
quentes. 

L'école  des  garçons  de  ce  village  renferme  31  élèves  :  10  Français, 
13  Italiens,  3  Maltais,  5  musulmans.  L'école  des  filles  en  renferme  44: 
16  Françaises,  27  Italiennes,  1  musulmane. 

La  Direction  de  l'Agriculture  possède,  à  Ghardimaou,  dix-neuf  lots 
urbains,  dont  quatre  sont  actuellement  vendus. 

Les  ft  Oliviers  ».  —  En  1900,  le  Service  des  Domaines  allotit  une 
propriété  d'un  millier  d'hectares,  dite  «les  Oliviers  de  Ghardimaou», 
située  à  0  kilomètres  au  nord-ouest  du  village  et  provenant  de  déclas- 
sement du  Domaine  forestier.  Ces  mille  hectares  de  terres  légères 
divisés  en  onze  lots  variant  de  50  à  118  hectares,  furent  mis  en  vente 
par  la  Direction  de  l'Agriculture  et  achetés,  de  1901  à  1903,  par  neuf 
colons  français  (il  fut  attribué  deux  lots  à  l'un  d'eux)  et  par  un 
Arabe. 

Cinq  de  ces  lots,  renfermant  des  parcelles  d'oliviers  sauvages  sus- 
ceptibles d'être  greffés,  ont  été  vendus  de  15  à  18  francs  l'hectare; 
les  autres  furent  achetés  à  raison  de  12  à  15  francs  l'hectare.  Les 
conditions  de  vente  ont  été  celles  qui  ftont  habituellement  imposées 
aux  acquéreurs  des  terres  domaniales  en  Tunisie;  l'acquéreur  doit 
construire,  s'installer  ou  installer  une  famille  française  sur  le  lot 
vendu,  et  mettre  ce  lot  sérieusement  en  valeur,  le  tout  dans  un  délai 
de  deux  ans  à  partir  du  jour  de  l'entrée  en  jouissance.  Pour  les  lots 
renfermant  des  oliviers  sauvages,  l'Administration  imposa,  en  outre, 
à  l'acquéreur  l'obligation  de  greffer  les  arbres. 

Que  résultera-t-il  de  cet  essai  de  petite  et  de  moyenne  colonisation 
dans  la  région  de  Ghardimaou?  On  ne  peut  encore  le  dire,  l'expé- 
rience étant  trop  récente.  Nous  sommes  cependant  convaincu  que 
trois  ou  quatre  de  ces  colons,  qui  ont  fait  bâtir  et  qui  habitent  sur 
leur  lot,  y  resteront  et  constitueront  même,  par  la  suite,  de  belles  et 
fructueuses  propriétés.  Les  autres  ne  rempliront  pas  les  conditions 


—  34  — 

exigées  par  le  vendeur  ou  revendront  leurs  lots  aux  voisins  et  dispa- 
raîtront. Dans  cinq  ou  six  ans,  il  y  aura,  au  lieu  dit  «  les  Oliviers  de 
Ghardimaou  »,  trois  ou  quatre  grandes  propriétés  de  '250  à  300  hec- 
tares chacune. 

Les  colons  installés  sur  ce  point  se  plaignent  de  ne  pouvoir,  faute 
de  terrains  de  parcours,  faire  de  l'élevage  ;  ils  demandent  à  la  Direc- 
tion de  l'Agriculture  l'autorisation  de  laisser  pâturer  leurs  troupeaux 
sur  les  montagnes  qui  se  trouvent  à  proximité  des  a  Oliviers  »  ;  ils  se 
plaignent  également  du  manque  de  moyens  de  communication  —  et 
il  faut  avouer  qu'ils  n'ont  pas  tous  les  torts,  mais  nous  avons  vu  plus 
haut  que  deux  projets  de  chemins  de  colonisation  concernant  cette 
région  sont  en  ce  moment  à  l'étude. 

Oued-Méliz.  —  Oued-Méhz,  station  du  chemin  de  ter,  à  169  kilo- 
mètres de  Tunis,  23  de  Souk-el-Arba  et  11  de  Ghardimaou,  est  une 
petite  agglomération  de  maisonnettes  de  grise  apparence,  mais  son 
marché  du  lundi  est  très  important,  et  les  marchands  y  traitent, 
après  la  récolte  des  grains  ou  à  l'époque  de  l'achat  des  bestiaux,  des 
affaires  considérables. 

Ce  village  se  développerait  s'il  était  pourvu  d'eau  potable;  mal- 
heureusement, il  n'en  a  pas.  L'eau  des  puits  est  tellement  saumàtre 
qu'elle  est  difficilement  acceptée  par  les  animaux  pendant  la  saison 
chaude,  et  les  infortunés  habitants  en  sont  réduits  à  recourir  à  la 
générosité  de  la  Compagnie  Bône-Guelma  pour  s'approvisionner  en 
eau  douce.  Cette  eau  est  apportée  de  Souk-el-Arba  et  parfois  de  Tu- 
nis; le  chef  de  gare  en  distribue  cinq  litres  en  hiver  et  sept  litres  en 
été,  par  jour,  à  tout  liabitant  européen. 

La  situation,  sous  ce  rapport,  est  lamentable,  et  cependant  une 
source  excellente,  d'un  débit  suffisant,  située  à  une  dizaine  de  kilo- 
mètres au  sud  d'Oued-Méliz,  pourrait  alimenter  ce  village;  mais  lors- 
que les  habitants,  mourantde  soifetobligés  de  fuir  cet  endroit  désolé, 
réclament,  la  Direction  des  Travaux  publics  répond  «  que  ce  travail 
nécessiterait  de  grosses  dépenses  et  ([u'elle  va  mettre  à  l'étude  ]o 
forage  d'un  puits  public  pour  le  marché».  Alors,  ce  sera  encore  un 
nouveau  puits  d'eau  saumàtre  ?...  Mais  les  pauvres  diables,  il  lums 
semble,  en  ont  déjà  assez  bu... 

Il  n'y  a  pas  à  ratiociner:  ou  bien  il  faut  pourvoir  d'eau  potable 


—  35  - 

Oiied-Méliz,  ou  bien  il  faut  se  résoudre  à  voir  disparaître  ce  village 
<[ui  agonise. 

Dans  la  région  d'Oued-Méliz,  entre  ce  village  et  Chemtou,  la  Direc- 
tion de  l'Agriculture  a  acheté  à  la  Société  des  Marbrières  de  Chem- 
tou 000  hectares  de  bonnes  terres  qui,  nettoyées  et  débarrassées 
des  toulTes  de  jujubiers  qui  les  envahissent,  se  prêteraient  admirable- 
ment à  la  culture  du  blé,  de  l'orge,  de  l'avoine,  des  fèves  et  de  la 
vigne.  400  hectares  environ,  dont  200  loués  à  un  Français,  sont  ac- 
tuellement livrés  à  la  colonisation.  Un  jeune  Parisien,  seul  avec  sa 
femme,  très  jeune  et  très  parisienne,  a  acquis  de  la  Direction  de 
l'Agriculture  l^O  hectares  de  terres  (à  125  francs  l'hectare)  situées  à 
peu  de  distance  de  Chemtou.  Isolé  dans  la  plaine,  privé  d'eau  pota- 
ble et  de  pistes,  ce  colon  s'est  mis  néanmoins  vaillamment  à  la  tâche; 
il  a  bâti  une  coquette  habitation,  des  remises,  des  écuries;  il  a  déjà 
défriché  une  partie  de  son  terrain  et  il  fait  de  l'élevage  sur  les  par- 
ties encore  couvertes  de  broussailles.  Il  est  installé  depuis  dix-huit 
mois,  et  il  ne  regrette  pas  —  pas  trop  —  le  Boulevard  ;  il  peine  dur, 
car  il  veut  réussir.  Il  y  a  là,  certes,  une  curieuse  expérience  de 
moyenne  colonisation  qu'il  sera  très  intéressant  de  suivre. 

Trois  parcelles,  provenant  du  même  lotissement,  situées  près  de 
Oiied-Méliz,  sont  encore  à  vendre  parla  Direction  de  l'Agriculture. 

Un  indigène  vient  d'acheter  à  Chemtou,  à  la  Société  des  Marbrières, 
177  hectares  de  terres  arables  à  raison  de  112  francs  l'hectare;  ces 
terres  sont  situées  de  l'autre  côté  (rive  gauche)  de  la  Medjerda,  et  il 
n'existe  ni  pont  pour  traverser  la  rivière,  ni  voies  de  communication 
pour  transporter  les  produits  sur  le  marché  d'Oued-Méliz. 

De  plus,  cette  même  Société  a  vendu  à  un  Sicilien,  au  pied  du  ro- 
cher de  Chemtou,  40  hectares  de  terres  qui  ont  été  converties  en  jar- 
dins et  en  vigne;  le  Sicilien  ayant  négligé  de  payera  la  date  conve- 
nue, cette  petite  propriété  se  trouve  disponible. 

Enfin,  on  m'a  dit  que  les  héritiers  de  M.  de  Torcy  venaient  de  faire 
vendre,  devant  le  Tribunal  de  Tunis,  environ  250  hectares  de  terres 
sises  près  de  Chemtou.  Ces  250  hectares  auraient  été  acquis  par  des 
indigènes  au  prix  de  30.000  francs,  soit  120  francs  l'hectare. 

Henchir-ZItoun.  —  Les  habitants  de  Ghardimaou,  lors  de  mon  pas- 
sage dans  cette  localité,  m'ont  mis  au  courant  d'un  fait  sur  lequel  j'ai 


-  36  - 

l'honneur  d'appeler  l'attention  de  M.  le  Secrétaire  général  du  Gouver- 
nement Tunisien.  Le  voici  tel  qu'il  m'a  été  conté  : 

Une  femme  indigène,  la  veuve  El  Hafsi,  se  prétendait  propriétaire 
de  700  hectares  de  terres  de  bonne  qualité  et  d'olivettes,  situées  à  six 
kilomètres  au  nord  de  Ghardimaou,  près  des  derniers  contreforts  de 
la  montagne.  La  veuve  El  Hafsi  engagea  avec  la  Direction  de  F  Agri- 
culture, pour  la  vente  de  cette  propriété,  appelée  «  Henchir-Zitoun  », 
des  pourparlers  qui  n'aboutirent  pas,  le  Service  des  Domaines  s'étant 
assuré,  après  examen  de  la  question,  que  300  hectares  seulement 
appartenaient  à  la  veuve  et  que  400  autres  étaient  litigieux. 

La  Direction  de  l'Agriculture  ne  pouvant  se  lancer  dans  une  affaire 
aussi  nébuleuse,  les  négociations  entamées  furent  brusquement  rom- 
pues. 

Mais  il  se  trouva  trois  spéculateurs  européens,  auxquels  la  veuve  El 
Hafsi  avait  confié  ses  intérêts,  qui  n'hésitèrent  pas  à  se  rendre  acquéreurs 
de  l'henchir  Zitoun.Or,quelquesjours  après  cette  acquisition,  ces  trois 
individus,  accompagnés  de  l'huissier  de  Souk-el-Arba  et  d'indigènes  à 
leur  solde,  se  rendirent  sur  le  terrain  et,  sans  avertissement  préalable, 
chassèrent  avec  la  dernière  brutalité,  des  terres  qu'ils  occupaient  de- 
puis un  temps  immémorial,  sept  douars  composés  de  quarante-deux 
familles,  soit  plus  de  200  personnes.  Ils  arrachèrent  les  tentes,  jetè- 
rent au  vent  les  approvisionnements  de  grains  trouvés  dans  les  silos, 
bousculèrent  les  femmes,  menacèrent  les  indigènes  de  mettre  le  feu 
à  leurs  gourbis  s'ils  ne  les  évacuaient  sur  l'heure. 

Les  malheureux  ont  porté  plainte  contre  cet  acte  de  banditisme,  qui 
a  eu  une  grande  répercussion  dans  la  Kroumirie  tout  entière. 

Ceci  s'est  passé  en  pays  de  Protectorat  français.  Nous  espérons  que 
la  Justice,  en  la  circonstance,  ne  se  laissera  pas  gagner  par  une  sen- 
siblerie inopportune  et  qu'elle  n'hésitera  pas  à  sévir  contre  les  Euro- 
péens accapareurs . 


CHAPITRE  IV 


I.e  Caïdat  des  Chiahia  et  des  OuIad-bou-Salem 


Limites.  —  Ce  Ciiïdat  est  habité  par  la  tribu  des  Cliialiia,  au 
Xord,  et,  dans  la  partie  Sud,  par  la  tribu  des  Oulad-bou-Salem,  (jui 
occupe  la  plaine  de  Souk-el-Khemis.  Il  est  limité  au  Nord,  par  la 
Kroumirie:  à  l'Est,  par  les  Amdoun,  de  Béja  ;  au  Sud,  par  le  terri- 
toire de  Téboursouk  ;  à  l'Ouest,  par  les  Djendouba. 

Chiahia.  —  La  région  des  Chiahia  est  valunnétî  et  montagneuse, 
mais  toutes  les  pentes  des  hauteurs  s'inclinent  doucement  et  sont 
lavorables  à  la  culture  de  l'orge  et  du  blé,  et  la  richesse  de  la  terre 
argilo-calcaire  rend  les  récoltes  abondantes.  La  superficie  de  ce  pays 
est  d'environ  t>8.U00  hectares,  dont  9.000  en  bois  taillis,  1.000  de  bois 
futaie,  2.000  de  Iriche,  1.000  de  prairie  et  15,000  de  terres  labou- 
rables. 

Le  cours  d'eau  le  plus  important  de  la  contrée  est  l'oued  Ghazela, 
([ui  prend  sa  source  chez  les  Khezara,  court  dans  des  gorges  prolon- 
iles  et  arrose  une  plaine  fertile  qui  s'élargit  vers  l'Est  ;  arrivé  au  pied 
du  djebel  R'hira,  après  avoir  traversé  un  «  khanguet  »  rocheux  et 
(Hroit,  l'oued  Chazela  change  de  direction  et  descend  vers  le  Sud  ;  il 
|)orte  alors  le  nom  d'oued  Uou-Hertma  et  a  tous  les  caractères  de  la 
Medjerda  :  son  lit  est  encaissé  entre  des  berges  rongées  par  les  eaux 
et,  à  certains  moments,  la  rivière,  calme  pendant  Télé,  se  transforme 
en  torrent  et  emporte  tout  sui-  ses  bords.  Quatre  petits  afiluents  et 
de  nombreuses  sources  lui  fournissent  de  l'eau  toute  l'année. 

La  vallée  de  l'oued  Ghazela  contient  d'excellents  pâturages  ;  le  cli- 
mat y  est  tempéré,  mais  la  lièvre  palustre  y  est  très  h-équentc  ;  les 
hauteurs,  les  collines  et  les  parties  boisées  sont  réputées  comme 
saines. 

La  Tunisie  du  Nord  4 


—  38  — 

Le  pays  est  attrayant,  et  Ton  conçoit  qu'il  ait  été  et  soit  encore  l'ob- 
jet des  convoitises  des  agriculteurs  français,  qui  demandaient  à  la 
Direction  de  l'Agricullure  d'acheter,  dans  cette  contrée,  des  terres  de 
colonisation  et  de  les  allotir.  C'est  dans  ce  but  que  cette  Direction  lit 
étudier-  la  question  en  1901  par  M.  Minangoin,  inspecteur  de  l'Agri- 
culture. 

Il  nous  parait  utile  d'extraire  du  rapport  que  ce  fonctionnaire  éta- 
blit à  la  suite  de  son  enquête,  quelques  paragraphes  intéressants  : 

«  Au  Nord-Ouest  de  la  station  de  Den-Lîechir,  et  à  environ  treize 
kilomètres,  commence  la  région  des  Chiahia,  comprenant  deux  par- 
ties bien  distinctes  :  la  première,  que  l'on  rencontre  en  venant  de 
Ben-J'echir  et  qui  peut  être  considérée  comme  la  partie  plane,  se  com- 
pose d'une  série  de  mamelons  cultivables  ou  cultivés;  la  deuxième 
partie  est  formée  par  des  coteaux  un  peu  plus  élevés  qui  limitent  les 
terres  de  culture  du  côté  des  Chiahia.  Ces  coteaux  sont  couverts  de 
broussailles,  lcntis(iues  et  chênes  kermès  à  l'Ouest,  tandis  qu'à  l'Est 
les  oliviers  sauvages  dominent  ;  ces  oliviers,  qui  occupent  une  surface 
de  500  hectares,  sont  de  toute  beauté,  et  certains  arbres  y  atteignent 
des  dimensions  extraordinaires. 

«  Au  pied  des  coteaux  coule  l'oued  Bou-Hertma,  qui  arrose  une 
vallée  dont  les  terres  d'alluvion  ont  une  grande  fertilité  et  où  il  serait 
possible  d'établir  un  centre  de  colonisation  assez  important.  J.a  Direc- 
tion des  Forêts  propose  d'abandonner  au  Domaine  environ  2.500 
hectares,  dans  les(]uels  seraient  compris  les  oliviers,  les  broussailles, 
les  lentisques,  les  chênes  kermès  et  une  grande  partie  des  terres 
cultivables. 

«  D'un  autre  côté,  les  indigènes  détenteurs  du  sol  sont  peu  nom- 
breux, et  comme,  d'autre  part,  ils  sont  ti-ès  paresseux  et  pauvres,  ils 
cèdent  les  terres  à  des  Kroumirs  moyennant  une  certaine  somme 
d'argent;  les  Kroumirs  jouissent  ainsi  du  terrain  par  antichrèse,  et 
connue  les  soi-disant  pro[)i'iétaires  ne  leur  remboursent  jamais  la 
somme  prêtée,  ils  deviennent  en  (|ui'l<|ne  sorte  eux-UK-nies  |iroitiié- 
taires  du  terrain  qu'ils  cultivent. 

«  il  est,  j)ai'ait-il,  possible  en  raclielanl  aux  Ki'ouniirs  Icuis  anli- 
chrèses,  c'est-à-dire  en  leur  remboursant  l'ai-gent  prêté,  d'ac(|uérir 
par  ce  moyen  les  terres  dont  ils  jouissent.  C'est  ainsi  que  les  .MIoncli 
(Juifs  tunisiens)  ont  acquis  j)lus  do  'A(M)  hectares,  et  ils  se  l'ont  loi! 
d'en  acheter  de  la  même  manière  5  à  (I.OtK)  à  raisonde  .'{Oà  (H)  h'ancs 
l'hectai-e.  Ils, prétendent  «pie  l'on  pourrait  olVrir  aux  Arabes  d(;  les 
cantonner  dans  une  pai'tic,  en  leur  donnant  des  lili'es  poiu"  les  terres 
<|ui  leur  s(.'i-aient  ciblées.  Au  point  de  vue  de  la  (•olo)ii8(ilioit,  il  ,serail 
dif/icilc  de  Irouvcr  des  condilio)iH  meillvurcs  :  terres  de  i)onne  (|ua- 


—  M9  — 

lité,  propres,  presque  toutes  défrichées,  sources  abondantes,  et,  par- 
dessus tout,  salubrité  parfaite.  » 

Ce  rapport  favorable  incita  le  Directeur  de  l'Agriculture  à  recher- 
cher dans  quelle  mesure  il  lui  était  possible  d'intervenir,  afm  de  don- 
ner satisfaction  aux  demandes,  chaque  jour  plus  nombreuses,  éma- 
nant des  candidats  colons.  Mais,  en  présence  des  renseignements 
conti'adictoires  qui  lui  parvinrent  de  sources  différentes,  la  Direction 
de  l'Agriculture  décida  de  faire  procéder  à  une  nouvelle  enquête. 
Elle  mit  donc  M.  Minangoin,  inspecteur  des  Forêts,  et  M.  Pasquier, 
sous-inspecteur  des  Domaines,  à  la  disposition  du  contrôleur  civil  de 
Souk-el-Arba,  avec  mission  de  voir  si  elle  pourrait  acquérir  dans  la 
région  des  Chiahia  quelques  parties  profitables  à  la  colonisation  fran- 
çaise. 

Du  rapport  déposé  par  la  Commission  composée  des  trois  mem- 
bres sus-cités,  nous  détachons  les  passages  suivants  : 

«  Les  terrains  visités  par  la  Commission  ont  une  superficie  d'envi- 
ron 3.975  hectares;  ils  peuvent  être  rangés  en  trois  catégories  :  l» 
terrains  soumis  au  régime  forestier,  consistant  en  massifs  d'oliviers 
sauvages  et  terrains  recouverts  de  broussailles,  myrtes,  cytises,  len- 
tisques,  etc.  ;  2"  terrains  incultes,  utilisés  par  les  indigènes  pour  le 
parcours  et  le  pâturage  des  troupeaux  ;  3»  terres  de  culture  formant 
enclaves  dans  les  terrains  précédemment  désignés. 

«  La  Commission  croit  devoir  hmiter  le  périmètre  des  terrains  do- 
maniaux en  n'y  comprenant  que  des  massifs  d'oliviers  sauvages  et  des 
terrains  broussailleux  ou  incultes,  sur  lesquels  les  indigènes  ne  peu 
vent  se  prévaloir  que  de  simples  droits  d'usage,  et  que  l'Etat  est  fondé 
à  revendiquer  en  vertu  des  décrets  des  4  avril  1890  et  13  janvier 
1896. 

«  La  Commission  émet  donc  le  vœu  que,  pour  mettre  ces  terrains 
à  l'abri  des  contestations,  l'Elat  en  requière  l'immatriculation. 

«  Au  point  de  vue  de  colonisation,  ces  terrains,  dont  la  super- 
ficie peut  être  évaluée  à  '2.075  hectares  environ,  ne  peuvent  être 
utilisés  que  pour  l'élevage  du  bétail  et  la  constitution  d'olivettes,  no- 
tamment dans  les  deux  massifs  boisés  du  djebel  IVhira  et  du  djebel 
Zefîana . 

«  Dans  les  autres  parties  des  terrains  recomius,  le  sol  argilo-cal- 
caire  convient  presque  partout  à  la  culture  de  l'olivier;  en  certains 
points,  le  défrichement  donnerait  de  bonnes  terres  arables,  notam- 
ment dans  les  parcelles  dénommées  Argoub  Rihane,  Oudjet-el-Menas- 


—  40  - 

serda  et  Chari,  situées  dans  des  fonds  de  vallées  :  la  culture  de  la 
vigne  pourrait  être  aussi  tentée  avec  succès  dans  beaucoup  d'en- 
droits. 

«  Néanmoins,  étant  donné  que  le  colon  en  s'installant  n'aura  à  sa 
disposition  que  peu  ou  point  de  terres  de  labour,  il  conviendrait  de 
ne  créer  que  des  lots  d'une  certaine  étendue  (de  100  à  !200  hectares 
environ),  en  se  basant  pour  la  fixation  des  contenances  sur  la  situa- 
tion des  lieux,  la  qualité  du  sol  et  le  genre  de  cultures  à  entrepren- 
dre. » 

Aux  conclusions  de  ces  deux  enquêtes,  la  première  optimiste,  la 
seconde  moins  enthousiaste,  quoique  encore  favorable  à  l'idée  d'ins- 
taller des  colons  français  sur  quelques  points  bien  définis  de  la  région 
des  Chiahia,  il  est  intéressant  de  joindre  les  judicieuses  observations 
extraites  du  rapport  adressé  par  le  Chef  du  Service  des  Domaines  au 
Directeur  de  l'Agriculture  et  du  Commerce  : 

C(  Les  terrains  que  l'Etat  serait  susceptible  d'offrir  à  la  colonisation 
sont  ceux  qui  se  trouvent  dans  les  plus  mauvaises  parties,  et  ils  sont 
séparés  par  de  nombreuses  enclaves.  A  l'exception  d'un  groupe  assez 
important  d'oliviers  sauvages  qui  pourraient  être  régénérés  par  le 
greffage,  les  différentes  essences  qui  sont  disséminées  dans  le  péri- 
mètre des  terres  incultes  ne  peuvent  offrir  de  l'intérêt  que  si  Ton  cher- 
che à  reboiser.  Le  colon  qui  prendrait  possession  d'un  terrain  recou- 
vert par  ces  broussailles  ne  pourrait  donc  l'utiliser  que  pour  le  par- 
cours, et  il  se  trouverait  dans  l'obligation  de  défricher  pour  faire  des 
céréales;  or,  le  sol  est,  dans  ces  parties,  de  qualité  médiocre. 

«  De  l'avis  du  Contrôle  civil,  il  faudra  dépenser  environ  150.000 
francs  pour  permettre  à  une  dizaine  de  colons  de  mettre  du  bétail  sur 
des  lots  de  200  hectares;  je  doute  qu'on  puisse  engager  des  dépenses 
semblables  avant  que  les  centres  déjà  existants  ne  soient  pourvus  de 
routes  et  de  points  d'eau,  qui  leur  sont  indispensables. 

«  Dans  cette  alfaire,  l'Administration  est  poussée  par  un  courant 
d'opinion  qui  a  pour  origine  des  voyages  de  reconnaissance  très  su- 
jjerliciels.  La  beauté  du  site,  la  variété  des  aspects,  ra{)parence  des 
récoltes  donnent  à  celui  qui  passe  l'impression  du  pays  rêvé  pour  la 
colonisation.  A  l'étude,  le  problème  de  l'installation  des  colons  dans 
cette  région  peut  présenter  de  gi-aiides  dillicullés. 

«  Les  Arabes  sont  en  possession  des  tei'res  vraiment  utilisables  et 
ne  consentiront  pas  à  déguerpir  sans  des  mesures  administratives 
dont  la  portée  est  dillicile  à  délerininer  pour  l'avenir... 

<i  Aussi,  à  mon  avis,  le  procédé  le  plus  lalionnel  consisterait  à  re- 


—  41    - 

connaître  nux  indigènes  la  propriété  dos  terres  ({u'ils  ont  cultivés  — 
comme  on  le  fait  pour  la  réj^ion  des  Xelza  —  et  à  faciliter  les  Ir-an- 
sactlons  qui  pourraient  s'opérer  entre  Français  et  Arabes.  » 

Ces  observations  nous  paraissent  décisives.  Que  les  agriculteurs 
désirant  s'installer  dans  la  région  /les  Cliialiia  traitent  directeineut 
avec  les  indigènes  et  prennent  vis-à-vis  de  ceux-ci  toutes  les  précau- 
tions possibles,  comme  l'oiit  fait  trois  ou  <|uatre  d'entre  eux;  mais 
(pi'ils  se  dispensent  de  prétendre  l'aire  dépossé<ler  les  usagers  indi- 
gènes par  rAdniinistration. 

Quatre  colons,  trois  Français  et  un  Juif,  ont  acheté  des  terres  dans 
la  région  des  Gliialiia.  La  plus  importante  de  ces  propriétés  contient 
environ  !2()0  hectares  de  terres  excellentes,  propres  à  toutes  les  cul- 
tures; la  vigne  y  réussit  admirablement,  etle  rendement  des  céréales 
a  élé  cette  année  (190i)  de  :  orge,  douze  pour  un;  blé,  huit  pour  un; 
avoine,  quatorze  pour  un.  Cette  terre,  située  au  milieu  de  la  région 
mamelonnée  qui  se  trouve  entre  Ben-Bechir  et  Fernana,  est  égale- 
ment très  propice  à  l'élevage.  La  ferme  domine  la  riche  vallée  des 
Chiahiaet  elle  occupe  l'ancien  henchir  Douémis.  emplacement  d'une 
ville  romaine  appelée  Saïa  Major,  comme  nous  l'apprend  une  dédi- 
cace à  Septime  Sévère  divinisé,  datée  de  '213.  Le  nouveau  proprié- 
taire a  établi  son  bordj  sur  les  ruines  du  forum  et  a  utilisé  pour  ses 
constructions  les  fondations,  les  citernes,  les  caves  et  les  esplanades 
dallées  qu'il  a  découvertes.  Aux  environs  se  voient  de  nombreux 
vestiges  d'exploitations  agricoles,  un  temple,  une  porte  triomphale, 
une  inscription  à  Jupiter,  Junon  et  Minerve;  des  colonnades,  des 
statues  et  (pielques  funéraires  païennes  ont  été  remises  au  Service 
des  Antiquités.  Cette  propriété  a  été  acquise  au  prix  de  130  francs 
l'hectare. 

A  quatre  kilomètres  de  cette  ferme,  un  autre  colon  français,  doc- 
teur en  médecine,  s'est  installé  sur  l'oued  Kl-Lill,au  fond  de  la  vallée 
au  lieu  du  dit  Ilenchir-Amri.  Cette  propriété, de  soixante  hectares, oc- 
cupe également  l'emplacement  d'une  ancienne  ferme  romaine.  Elle  a 
été  vendue  par  le  khalilat  de»  Souk-cl-Khemis  à  raison  de  L20  IV.uics 
l'hectare;  elle  n'est  pas  inmialriculée,  mais  les  titres  sont  en  règle,  et 
Tairairc  a  été  conclue  devant  le  Contrôleur  civil. 

Les  pluies  sont  régulières,  les  sources  abondiMil,  plusieurs  oueds 
traversent  cette  belle  vallée  (jui  a  environ  douz(^  kilomètn^s  de  long 


-  42  -- 

et  deux  de  large  (soit  à  peu  près  '2.400  hectares  de  terres  arables  et 
de  prairies)  et  qui  s'étend  du  djebel  R'hira  à  Fernana.  Les  Arabes 
vendraient  leur  terres,  dans  cette  région,  de  120  à  150  francs  l'hec- 
tare. 

Les  deux  autres  propriétés  européennes  sont  situées  sur  le  versant 
sud  des  coteaux  regardant  la  plaine  de  la  Medjerda.  L'une,  de  cent 
cinquante  liectares  environ,  a  été  cédée  à  un  Juif  tunisien  à  la  suite 
de  prêts;  elle  se  trouve  dans  la  vallée  de  l'oued  Leben.  L'autre,  située 
à  flanc  de  coteau,  près  d'El-Kheriba,  contient  une  centaine  d'hecta- 
nes;  les  terres  sont  bonnes  et  les  coteaux,  argilo-calcaires  humifères, 
sont  propices  à  la  culture  de  la  vigne. 

La  région  des  Ghiahia  est  dépourvue  de  voies  de  communication  ; 
la  piste  de  Souk-el-Khemis  à  Fernana,  par  les  Ghiahia,  n'a  été  étu- 
diée et  aménagée  que  sur  trois  kilomètres  environ  vers  l'henchir  Doué- 
mis;  l'étude  des  autres  parties  est  remise  à  une  date  ultérieure.  De 
sorte  que,  après  chaque  pluie,  le  passage  est  absolument  impratica- 
ble, et  comme  il  n'existe  pas  de  pont  pour  francliir  l'oued  Bou-Hert- 
ma,  les  colons  des  Cliiahia,  de  même  que  ceux  de  Ben-Bechir.  ne 
peuvent  fort  souvent  se  rendre  au  marché  de  Souk-el-Khemis. 

C'est  le  long  de  cette  piste,  dans  la  plaine  s'étendant  de  Souk-el- 
Khemis  à  El-Kheriba,  que  se  trouvent  les  vergers  et  jardins  maraî- 
chers de  Hadj-Amor-ben-Hassi;  ils  sont  cultivés  par  une  fraction  de 
nègres  du  Djerid  qui  se  marient  entre  eux. 

Les  indigènes  qui  forment  la  tribu  des  Chialiia  sont  venus  d'Egypte 
au  commencement  du  xvii"  siècle;  ils  sont  mélangés  de  Marocains  et 
de  Maltais.  Cette  tribu,  très  sauvage,  ne  voulut  jamais  reconnaître 
l'autorité  du  bey;  elle  prit  une  part  active,  de  concert  avec  les  Krou- 
mirs,  au  mouvement  qui  se  produisit  dans  la  région  contre  l'entrée 
de  nos  troupes. 

Les  Ghiahia  ne  clierchent  pas  à  se  mêler  à  nous  et  fréquentent  peu 
les  marchés  environnants;  cependant,  les  quelques  colons  ({ui  les  ont 
employés  n'ont  pas  eu  à  se  pkundre  d'eux.  Ils  se  livi'onl  à  l'élevage 
du  bétail  et  à  la  culture  des  céréales. 

Souk-el-Khemis.  Village  d(^  crivilimi  nW-cnh',  siliK-  daus  la 
plaine  de  la  Medjerda,  à  ilH  kilomètres  de  Tunis  et  à  22  kilomèlres 
do  Souk-el-Arba.  ^rarché  important  le  jcuili.  La  j)opulati()n  française 
de  Souk-el-Kliemis  est  de  l.T)  âmes,  et  lui  certain  nombre  de  Fi'an- 


-  43  - 

çais,  colons  ou  ouvriers  agricoles,  sont  établis  aux  alentours.  On  y  a 
constaté,  depuis  trois  ou  quatre  ans,  une  augmentation  sensible  de  la 
population  italienne  qui  dépasse  plus  de  1.200  individus  disséminés 
dans  la  campagne;  ces  Italiens,  Siciliens  pour  la  plupart,  sont  em- 
ployés aux  mines,  aux  forêts,  aux  travaux  publics,  ou  bien  ils  s'enga- 
gent comme  domestiques  dans  les  fermes  environnantes. 

Souk-el-Khemis  j)reiid  chaque  jour  un  réel  développement,  mais  il 
progresserait  davantage  et  deviendrait  vite  un  des  plus  gros  bourgs 
de  la  plaine  s'il  était  doté  d'eau  et  d'égouts.  L'eau  potable  y  est  in- 
connue; les  habitants  doivent  se  contenter  d'eau  magnésienne  recon- 
nue nocive  ;  seuls,  quelques  privilégiés  peuvent,  grâce  à  Tobligeance 
de  la  Compagnie  Bône-Guelma,  s'approvisionner  en.  eau  pure  appor- 
tée par  les  wagons-citernes.  Quant  aux  égouts,ils  n'existent  pas;  aussi 
dès  la  moindre  pluie,  patauge-t-on  lamentablement  dans  un  cloaque 
infect  d'où  se  dégagent  de  pestilentielles  émanations.  La  majeure  par- 
tie des  puits  sont  contaminés,  et  l'éclosion  de  graves  épidémies  est  à 
craindre  sur  ce  point  si  la  Direction  des  Travaux  publics  n'établit 
bientôt  le  réseau  dégoûts  légitimement  réclamé  par  la  population. 

Les  habitants  de  Souk-el-Khemis  demandent,  en  outre,  que  la  Di- 
rection précitée  procède  au  plus  tôt  à  l'adduction  des  eaux  d"EI- 
Balta,  sources  situées  à  dix  kilomètres  au  nord  du  village,  sur  le  flanc 
du  kef  El-Labiet,  qui  sépare  la  Kroumirie  de  la  vallée  de  la  Medjer- 
da.  Ces  sources,  abondantes  et  d'excellente  qualité,  avaient  été  uti- 
lisées par  les  Romains,  et  elles  arrosaient  de  nombreux  jardins.  On 
trouve  encore,  à  proximité  du  rocher  d'où  elles  jaillissent,  les  ruines 
d'un  castrum,  d'une  tour,  de  chambres  funéraires,  d'un  ba.^sin  et 
d'un  aqueduc  qui  avait  été  construit  pour  l'usage  de  plusieurs  éta- 
bhssements  dont  les  habitants  s'étaient,  fort  apparemment,  associés 
pour  capter,  diriger  et  se  partager  les  eaux  des  sources.  Les  travaux 
de  captation  et  d'adduction  de  ces  sources  au  village  de  Souk-el-Khe- 
mis sont  évalués  par  le  Service  des  Ponts  et  Chaussées  à  '250.000 
francs. 

Pour  contrebalancer  le  mouvement  de  hausse  factice  que  la  spécula- 
tion avait  créé  sur  les  terrams  de  ce  village  et  qui  se  serait  opposé  à 
son  développement  rationnel,  la  Direction  de  l'Agriculture  a  acquis  à 
Souk-el-Khemis  des  terrains  urbains  «lont  la  population  attenil  avec 
impatience  le  lotissement;  cette  opération  doit  être  exécutée  et  les 
ots  mis  en  vente  dans  le  courant  de  l'année  1905. 


—  44  — 

Une  école  mixte  est  ouverte  dans  le  village  ;  elle  est  tenue  par  un 
instituteur  qui  est,  en  même  temps,  receveur  des  Postes  et  Télégra- 
phes. On  y  compte  35  élèves  :  7  Français  et  Françaises,  18  Italiens  et 
Italiennes,  10  indigènes  (garçons). 

La  plaine  de  Souk-el-Khemis. —  La  vallée  delà  Medjerda  atteint 
sur  ce  point,  sa  plus  grande  largeur,  environ  '25  kilomètres,  qui  se 
trouvent  compris  entre  les  deux  systèmes  orographiques  des  Chiahia 
au  nord,  et  du  kef  Gorra,  au  sud.  Elle  est  d'une  grande  fertilité, 
grâce  à  ses  terres  argilo-calcaires  bien  pourvues  d'acide  phosphori- 
que,  et  ses  exploitations  agricoles  se  font  remarquer  par  la  richesse 
de  leurs  cultures.  Deux  rivières  la  découpent  pour  aher  porter  leur 
tribut  au  fleuve. 

C'est  là  que,  au  cours  d'une  même  année,  les  transformations  de 
la  campagne  se  montrent  sous  leur  aspect  le  plus  saisissant.  Pendant 
les  labours  et  les  semailles,  la  plaine  immense  est  plissée  de  sillons. 
Puis,  durant  six  ou  sept  mois,  elle  déroule  la  nappe  ondoyante  de  sa 
verdure,  jusqu'à  l'époque  de  la  moisson,  où  elle  se  calcine  et  se  fen- 
dille sous  le  flamboiement  du  ciel.  C'est  alors  l'uniformité  roussàtre 
de  la  grande  solitude  triste,  où  pas  une  alouette  ne  chante,  où  pas  un 
arbre  ne  bruit. 

La  plaine  de  Souk-el-Khemis  est  occupée  par  les  Oulad-bou-Sa- 
lem,  tribu  pacifique  comptant  4,500  individus,  et  qui  ensemence  en- 
viron 20.000  hectares.  Elle  est  également  occupée  par  une  trentaine 
de  fermes  françaises,  étabhes  sur  10.000  hectares  environ,  dont  les 
deux  tiers  ont  été  acquis  et  revendus  par  le  Domaine  de  l'Etat. 

La  Direction  de  l'Agriculture  a,  en  effet,  acheté  aux  héritiers  Kheï- 
reddine  dix  propriétés  rurales  situées  dans  le  caidat  de  Souk-el-Khe- 
mis, ayant  ensemble  une  superficie  approximative  de  6.004  hectares. 
L'Etat  a  déjà  revendu  5.201  iiectares,  et  il  possède  encore  803  hec- 
tares, répartis  en  trois  propriétés  qui  seront  incessamment  aliénées, 
mais  dont  quelques  parcelles  seront  réservées  pour  les  lots  urbains 
et  industriels. 

Cette  plaine  de  Souk-el-Khemis  est  une  de  celles  où  la  colonisation 
européenne  a  le  plus  pénétré.  On  peut  admirer,  non  loin  des  villages, 
quelques  grands  domaines  français  merveilleusement  cultivés  d'après 
les  méthodes  rationnelles  les  plus  modernes.  Un  peu  plus  au  sud,  à 
dix  kilomètres  de  Souk-el-Khemis,  seize  kilomètres  de  Souk-el-Arba 


-  45  — 

eLdeux  kilomètres  de  l'oued  Tessa,  est  situé  i'hencliir  Kheireddine,  ou 
Merdja,  auquel  nous  avons  lait  allusion  ci-dessus,  et  qui  a  été  livré  à 
la  colonisation  en  1903. 

Vingt-cinq  lots,  de  44  à  104  hectares,  ont  été  vendus  à  des  Fran- 
çais, à  des  prix  variant  de  100  à  180  francs  l'hectare,  suivant  la  qua- 
lité du  sol;  cinq  lots  sont  réservés  par  l'Administration.  Les  terres, 
argilo-calcaires  et  argilo-siliceuses,  conviennent  tort  bien  à  la  culture 
des  céréales  et  de  la  vigne,  et  le  colon  peut  s'y  livrer,  avec  fruit,  à 
l'élevage  des  bœufs,  des  chevaux  et  des  mulets. 

La  sécurité  est  parlaite  et  la  salubrité  suffisante,  mais  elle  serait 
augmentée  par  l'établissement  de  canaux  d'assèchement  qui  draine- 
raient les  parties  marécageuses  couvertes  de  joncs  et  par  l'adduction 
d'eau  de  source. 

Dans  ce  beau  pays  de  plaines  où  la  Direction  de  l'Agriculture  a 
acheté,  alloti  et  revendu  des  terres  excellentes,  la  Direction  des  Tra- 
vaux publics  va  doter  les  agriculteurs  d'un  des  éléments  qui  sont  les 
plus  nécessaires  au  début  d'une  installation  :  les  routes. 

La  Commission  qui  fut  chargée,  en  1902,  par  M.  le  Résident  Géné- 
ral, d'étudier  l'établissement  d'un  centre  de  colonisation  sur  le  terri- 
toire de  l'iienchir  Kheireddine  s'exprimait  ainsi  : 

«  Nous  n'avons  pu  trouver  ni  source  ni  puits  donnant  une  eau  po- 
table pour  une  agglomération  française  ;  les  eaux,  chlorurées  ou  ma- 
gnésiennes, servent  cependant  à  l'alimentation  des  indigènes.  Il  se- 
rait urgent  détucUer  un  projet  d'adduction,  à  Souk-el-Kliemis,  des 
eaux  de  la  source  de  Balta,  qui  figurent  parmi  les  plus  pures  et  les 
meilleures  de  la  Tunisie.  Elles  alimenteraient  Souk-el-Khemis,  les 
fermes  françaises  des  environs,  et,  par  un  embranchement  spécial,  le 
centre  à  créer.  La  dépense  exigée  par  ce  travail  ne  dépasserait  pas 
200.000  francs. 

a  II  n'existe,  dans  la  région,  qu'un  petit  nombre  de  pistes,  et  il  g 
aurait  lieu  de  créer  deux  routes  :  l'une  partant  de  la  route  de  Souk- 
el-Khemis  à  Téboursouk,  par  Saint-Joseph-de-Thibar,  l'autre,  trans- 
versale, partant  de  cette  première  route,  passant  par  le  centre  et  re- 
joignant la  route  de  Souk-el-Khemis  àSouk-el-Arba  près  du  gué  actuel 
de  l'oued  Tessa. ^^^ 

«  Il  serait  bon  de  réserver  pour  les  pâturages  les  parties  basses,  où 
l'on  constituerait  un  connnunal  qui  serait  attribué  à  l'ensemble  des 
colons  organisés  en  syndicat.  On  réserverait  aux  ce  mechta  i>  exis- 
tantes un  emplacement  suffisant  pour  leur  habitat,  les  indigènes  de 
ces  mechta  devant  fournir  aux  colons  la  main-d'œuvre  nécessaire.  » 


(.1)  Ces  travaux  sont  en  voie  d'exécution. 


—  4G  — 

L'établissement  des  colons  de  la  Merdja  date  d'hier,  et  on  ne  peut 
pronostiquer  demain.  Le  choix  des  Français  installés  est  bon  :  quel- 
ques-uns ont  suivi  les  cours  spéciaux  d'agronomie  prolessés  à  l'Ecole 
coloniale  d'Agriculture  de  Tunis;  d'autres  ont  fait,  avant  d'acheter 
des  terres,  un  stage  plus  ou  moins  long  en  Tunisie,  soit  comme  ou- 
vriers agricoles  dans  les  fermes  françaises,  soit  comme  métayers.  Il  en 
est  certains,  cependant,  qui  n'ont  pas  pris  effectivement  possession 
de  leurs  lots,  ou  plutôt  qui  ne  s'y  sont  pas  installés  ou  n'y  ont  pas  ins- 
tallé une  famille  française  avant  le  le''  octobre  1904,  comme  le  pres- 
crivaient les  conditions  fixées  par  l'arrêté  du  Directeur  de  l'Agriculture 
du  23  juillet  1902.  Ils  se  sont  contentés  de  louer,  à  prix  élevé,  leurs 
terres  aux  indigènes  ou  à  des  étrangers. 

L'Administration  a  fait,  à  la  Merdja,  un  essai  de  moyenne  colonisa- 
tion; sept  lots,  à  la  vérité,  n'atteignent  pas  75  hectares,  mais  sept  au- 
tres lots  ont  de  75  à  100  hectares,  et  deux  lots  ont  de  100  à  164  hec- 
tares. La  première  moisson,  récoltée  en  1904,  a  satisfait  les  colons 
qui,  en  certains  endroits,  ont  obtenu  :  en  orge,  vingt  pour  un;  en 
avoine,  vingt-cinq  pour  un;  en  blé,  seize  pour  un.  C'est  un  beau  ré- 
sultat, sur  lequel  on  ne  peut  se  baser  pour  établir  une  moyenne.  Mais 
en  général,  le  rendement  que  l'on  obtient  dans  cette  plaine  par  la  cul- 
ture des  céréales  est  supérieur  à  celui  que  produisent  les  vallées  de 
l'ouest  de  la  Medjerda,  c'est-à-dire  les  vallées  situées  entre  l'oued 
Tessa  et  Ghardimaou. 

Il  faut  à  une  famille  de  colons  français,  pour  réussir  à  la  Merdja, 
environ  80  hectares  de  bonne  terres,  car,  sous  peine  d'arriver  rapi- 
dement à  un  épuisement  certain  du  sol,  on  ne  doit  ensemencer,  cha- 
(jue  année,  que  la  moitié  de  la  propriété,  et  laisser  reposer  l'autre 
moitié.  En-  opérant  ainsi,  le  colon  peut  obtenir,  en  moyenne,  200 
francs  de  recettes  brutes  par  hectare  de  céréales,  soit  S.OlX)  francs 
pour  40  hectares  ensemencés,  alors  qu'il  aura  dépensé  (non  compris 
son  temps  et  ses  peines)  80  francs  par  hectare,  soit  3.200  francs  pour 
les  40  hectares:  Il  lui  restera  donc  4.800  francs,  sans  compter  le  bé- 
néfice qu'il  pourra  réaliser  par  l'élevage  du  bétail  sur  les  40  hecta- 
res laissés  en  jachère,  ce  qui  peut  assurer  l'existence  de  sa  famille. 

Ces  chances  de  succès  supposent  —  nous  insistons  sur  ce  point  — 
d'une  part,  de  l'eau  potable  en  suffisance,  et,  d'autre  part,  une  via- 
bilité bien  entendue  permettant  de  ne  point  grever  les  produits  de 
lourds  frais  de  transport. 


-  47  - 

Kii  (Iclioi's  (Ida  Merdja,  il  existe  dans  les  eiivii-onsde  Soiik-el-Klie- 
jiiis  plusieurs  petites:  lennes  plus  anciennes,  el  non  moins  inir-ros- 
sant.es,  mais  c'est  dans  le  voisinaj^e  rie  Sonk-el-Kliemis,  enti'e  ce  vil- 
lage et  la  ^lerdja,  t\\\('  ron  voit  des  proiiriétés  de  TAK),  de  800,  de 
i.OOO  hectares  et  plus,  fort  beaux  domaines  que  les  propriétaires,  co- 
lons «  modem  style  »,  ont  pourvus  d'un  outillai^e  perrecliomié,  im- 
porté de  la  libre  et  pratique  Améiicjue.  Les  plus  vastes  exploitations 
de  ce  genre  occupent  les  lienchirs  de  Zaouen,  de  Zama,  d'Ouled-ben- 
Abid,  de  Romani,  etc. 

Zaouen  comprend  1.600  liectares  enviion;  ce  sont  des  terres  de 
plaine  un  peu  argileuses,  mais  de  première  qualité.  On  y  fait  sur- 
tout la  culture  des  céréales,  qui  porte  cliaque  année  sur  000  ou  7(M) 
hectares.  Le  vignoble  comprend  145  hectares,  dont  i'M)  irrigués. 
Deux  moteurs  de  '20  chevaux  actionnent  deux  pompes  qui  envoient 
dans  la  vigne  l'eau  de  la  Medjerda  au  moyen  de  canaux  en  ciment 
armé,  120  chevaux  et  mulets  sont  employés  pour  la  mise  en  valeur 
de  ce  domaine,  qui  est  doté  d'un  matériel  très  complet  et  très  per- 
fectionné. 

Zama  contient  400  hectares,  dont  50  hectares  en  vigne.  La  terre 
est  encore  plus  argileuse  qu'à  Zaouen  et  convient  moins  à  la  vigne 
qu'aux  céréales.  Le  vignoble  est  irrigué  à  l'aide  des  eaux  de  la  Med- 
jerda. Ces  eaux  fertilisantes  ont  un  inconvénient,  celui  de  colmater 
la  terre  en  raison  de  la  proportion  d'argile  qu'elles  charrient,  et  elles 
peuvent  rendre  les  labours  difficiles.  Il  y  aura  peut-être  lieu  de  cor- 
riger la  constitution  du  sol  par  des  apports  de  sable. 

Zama  est  pourvu  d'un  cellier  bien  agencé  et  d'un  matéiiel  agricole 
en  rapport  avec  l'importance  de  l'exploitation.  Le-  vin  de  cette  exploi- 
tation est  demandé  à  l'exportation  [)Our  les  coupages.  11  est  riche  en 
tannin  et  en  alcool. 

Le  domaine  d'Uuled-ben-Abid  comprend  900  hectares  de  bonnes 
terres  presque  toutes  en  plaine.  La  culture  des  céréales  y  domine; 
elle  est  faite  d'une  manière  exlensive  et  les  laboui's  de  printemps  n'y 
sont  pas  encore  pratiqués;  000  hectares  sont  ensemencés  chaque  an- 
née. La  propriété  ne  comprend  qu'un  hectare  et  demi  de  vigne.  Ce 
domaine  poui'rait  être  irrigué  sur  une  certaine  étendue  par  l'oued 
Kessib  :  un  canal  d'arrosage  part  de  cet  oued  et  peut  amener  l'eau 
jus(iu"à  l'extrémilé  du  domaine;  mais  l'eau  n'est  utilisée  ipie  parles 


—  48  — 

indigènes  auxquels  elle  est  vendue  chaque  année  pour  l'irrigation  de 
leurs  récoltes. 

Romani  est  placé  au-dessus  de  l'oued  Kessib.  Il  comprend  500  hec- 
tares environ,  dont  50  hectares  en  vigne.  C'est  le  vignoble  qui  repré- 
sente la  branche  la  plus  importante  de  l'exploitation.  Le  propriétaire 
a  utilisé  et  rétabli  un  barrage  romain  placé  sur  l'oued  Kessib  et,  au 
moyen  d'un  long  canal  de  dérivation,  amène  l'eau  dans  la  vigne.  Cette 
eau  est  claire  et  limpide.  La  vigne  encore  jeune,  a  donné  cette 
année  un  rendement  de  80  hectolitres  à  l'hectare.  On  fait  peu  de 
céréales  à  Roumi;  les  terres  sont  surtout  utilisées  pour  l'élevage  du 
mouton. 

Un  autre  colon  possède,  à  la  porte  de  Souk-el-Khemis,  deux  exploi- 
tations d'environ  '250  hectares,  placées  sur  chacune  des  rives  de  la 
Medjerda.  L'exploitation  de  la  rive  droite  possède  un  vignoble  d'une 
trentaine  d'hectares,  celle  de  la  rive  gauche  n'en  a  que  six  ou  sept. 
Les  vignes  sont  déjà  âgées.  Les  terres  de  culture  sont  consacrées  aux 
céréales. 


CHAPITRE    V 


Le  Caïdat  d'Am-Drahani 


Orographie.  —  Le  caïdat  d'Aïn-Draham  est  limilé  :  au  nord  par 
la  mer  Méditerranée,  à  l'ouest  par  la  commune  mixte  de  La  Galle 
(Algérie),  au  sud  par  les  Caïdats  de  la  Regba,  des  Djendouba  et  des 
Chiahia,  à  l'ouest  par  les  Caïdats  des  Amdoun  et  des  Nefza  (Contrôle 
de  Béja). 

Le  pays  des  Kroumirs,  montagneux  et  boisé,  est  un  massif  distinct, 
produit  par  un  soulèvement  de  l'Atlas.  Il  présente  les  caractères  de 
la  Petite  Kabylie. 

C'est  aux  environs  d'Aïn-Draham  qu'apparaissent  les  montagnes  de 
Kroumirie  avec  leur  grandeur  inculte  ;  c'est  là  qu'elles  ont  rassemblé 
leurs  masses  profondes  et  dressé  leurs  plus  hautes  cimes.  Le  point 
culminant  (1.030  mètres)  et  central  du  massif  est  le  djebel  Bir,  qui 
envoie  ses  ramifications  dans  toutes  les  directions. 

Les  eaux  qui  en  sortent  vont  tomber  :  l"  dans  l'oued  El-Kebir,  de 
la  province  de  Constantine,  par  l'oued  Liefeha  ;  'i»  dans  la  Med- 
jerda,  par  le  khanguet  El-Meridj  et  l'oued  El-Lil  ;  3'>  dans  la  mer, 
par  l'oued  Mella,  qui  devient  oued  Tessala,  puis  oued  El-Kebir,  près 
de  ïabarca. 

Plusieurs  tribus  occupent  le  territoire  de  ce  Caïdat.  Les  douars  des 
Kroumirs  Selloul  sont  disséminés  dans  la  vallée  de  l'oued  Mella,  sur 
les  deux  rives  de  ce  cours  d'eau,  s'étendant  au  nord  jusqu'au  camp 
d'Aïn-Draham  et  au  sud  jusqu'aux  bords  de  l'oued  Ghazella. 

Lavalléede  l'oued  Mella  se  trouve  formée  par  <leux  chaînes  de  mon- 
tagnes se  rattachant  au  djebel  Bir  ;  on  y  voit  des  clairières  ou  pous- 
sent de  gras  pâturages,  et  le  beau  plateau  d'El-Mena,  tl'où  sortent 
des  sources  abondantes.  Les  cols  y  sont  nombreux,  traversés  par  des 


•       —  50  — 

pistes  ou  des  sentiers  muletiers,  et  les  lianes  des  monticules  peu  es- 
carpés sont  cultivés  avec  soin. 

Les  Kroumirs  Tadmaka  et  Atatfa  sont  campés  dans  les  vallées  de 
Foued  Rhedir,  de  l'oued  Meridj,  de  l'oued  Tasfer,  de  l'oued  Madjen, 
de  l'oued  Zéen  et  sur  les  djebels  Bir,  Merdjida,  Biskra,  Sebah  et 
Arar.  Ils  vivent  sous  la  tente  et  ils  élèvent  quelques  troupeaux. 
Avant  notre  arrivée,  ils  cultivaient  le  tabac,  et  chaque  tente  en 
vendait  au  moins  pour  500  piastres  par  an  :  le  monopole  les  a  rui- 
nés. Ils  n'ont  aucune  industrie  ;  les  femmes  seules  fabriquent  des 
«  flidj  »  et  des  «  tellis  »  pour  leurs  besoins.  Quelques  indigènes 
possèdent  des  propriétés  dans  le  caidat  des  Chiabia,  terres  qu'ils  se 
sont  procurées  par  les  moyens  indiqués  dans  le  chapitre  précédent. 

Le  territoire  des  Tadmaka  et  des  Atatfa  est  arrosé  par  de  nombreux 
oueds  et  sources  qui  coulent  entre  des  ravins  à  pic  et  sur  des  lits 
rocailleux  encombrés  de  blocs  énormes.  Les  vallées  sont  étroites, 
d'accès  difficile  ;  les  montagnes  sont  couvertes  de  chènes-liège  ma- 
gnifiques ;  le  terrain  labourable  est  rare.  On  y  rencontre  trois  sour- 
ces d'eau  minérales  :  l'une,  Aïn-el-Melh,  à  quatre  kilomètres  d'Aïn- 
Draham,  dans  la  vallée  d'oued  Mella,  contient  des  sels  d'iode,  de 
brome  et  de  chlore  ;  les  deux  autres  sont  situées  dans  le  khanguet 
El-Hammam,  à  douze  kilomètres  environ  d'Aïn-Draham  ;  l'une,  peu 
abondante,  est  très  sulfureuse  (30  degrés)  ;  l'autre,  bouillante,  légè- 
rement sulfureuse,  débite  100  litres  à  la  minute.  Elles  sont  très  fré- 
quentées par  les  indigènes. 

Les  Kroumirs  de  Tabarca  se  divisent  en  plusieurs  fractions,  dont 
les  principales  sont  :  les  Oulad-ben-Saïd,  les  Houamdia  et  les  Oulad- 
Amor.  Il  convient  d'y  ajouter  un  petit  noyeau  de  Zouaoua,  venus  de 
Kabylie.  Ces  Kroumirs  habitent  la  partie  nord  du  caïdat  d'Aïn-Dra- 
ham, pays  excessivement  montagneux  et  qui  forme  deux  massifs  dis- 
tincts, séparés  par  la  plaine  de  Tabarca.  Ces  deux  massifs  se  déhi- 
chent  delà  chaîne  principale  ;  cekii  de  l'ouest  finit  abruptement  sur 
la  mer,  entre  le  cap  Roux  et  Tabarca  ;  l'autre  massif  s'étend  au  nord- 
est  et  forme  de  profondes  vallées  ;  il  se  termine  dans  un  pays  do 
dunes  qui  le  sépare  de  la  mer. 

Les  montagnes  sont  boisées  et  le  fond  des  vaflées  est  cultivé  ;  la 
hauteur  moyenne  des  côtes  varie  entre  300  et  ('i)0  mètres.  En  raison 
de  la  configuration  du  pays  et  de  la  nature  du  sol,  les  cours  d'eau 
présentent  presque  tous  un  caractère  torrentueux  ;  les  sources  sont 


aboii(|;iiitcs  en  liivci'ct  an  pfiiilemps  :  en  été,  beaucoup  disparaissent, 
mais  il  m  rcsU'  un  ccrLaiii  noniljre  qui  douriout  do  l'eau  toute  l'an- 
née. La  superficie  des  terres  cultivables  est  peu  étendue,  et  les  ré- 
coltes loutiiissent  à  peine  aux  besoins  des  babitants  pendant  les 
bonnes  années.  Les  terrains  cultivés  sont  en  plaine  et  sur  les  pentes 
douces,  vers  le  pied  des  montagnes. 

Forêts.  —  MAI.  les  inspecteurs  des  Forets,  Minanj^oin,  d'Aïn-Dra- 
ham,  et  DeL;réaux,  de  Tabarca,  ont  eu  l'extrême  oblii,'"eance  de  me 
Idurnir  de  très  intéressants  renseignements  sur  leurs  circonscrip- 
tions lorestières.  Il  est  nécessaire  de  publier  ni  extenso  ces  deux 
notes  : 

Rapport  de  M.  Mh\A.\(ioiN 

«  La  circonscription  forestière  d'Aïn-Drabam  s'étend  du  Sud-Ouest 
au  Nord-Est,  sur  une  longueur  totale  d'environ  quarante  kilomètres, 
pour  une  largeur  moyenne  de  vingt  kilomètres. 

(f  Elle  comprend  cin<]  massifs  pi'incipaux  désignés  sous  les  noms 
suivants  : 

Forêt  d'Aïn-Draliam,  dune  contenance  de  tZO.Sfô  hectares 

—  des  Cliialiia,  —  ll.O^       — 

—  d'Uued-Zéen,  —  7.(KI()       — 

—  du  djebel  Tegma,  —  i.O^Ô       — 

—  de  Fernana,  —  ,").  170      — 

ToTAi 17.0^20  hectares 

((  Les  principales  essences  (|ui  composent  ces  massifs  sont  le  chêne- 
liège  (7/10'"^)  et  le  chêne  zéen  (2/10'^^^).  L'olivier  sauvai^e  et  (luelfjues 
autres  essences  secondaires  forment,  avec  des  broussailles,  le  sui-[)lus 
des  boisements. 

«  Toutes  ces  forêts  sont  aménagées;  les  travaux  de  mise  en  valeur 
y  sont  à  peu  près  terminés,  et  des  exploitations  y  ont  lieu  réguliè- 
rement clKKjue  armée". 

((  Les  pi'incipaux  [)r()duils  consistent  en  lièges,  en  écorces  à  tan, 
en  bois  dVeuvre  et  en  charbon. 

«  L  —  La  récolte  du  liège  de  reproduction  a  commencé  en  181>î  ; 
elle  est  faite  par  les  soins  et  aux  frais  de  l'Administration,  soit  en 
régie,  soit  à  l'eutrepi'ise,  et  les  lièges  récoltés  sont  vendus  par  lots, 
en  adjudication  puhli([ue,  au  quintal.  La  production  suit  une  marche 
ascendante:  la  moyemie  des  cinq  dernières  années  a  été  de  î(.0(K) 
(juinlaux,  vendus  à  raison  de  2<)  francs  le  quintal  :  elle  atteindra  dans 
quelques  années  le  chilfre  de  '20.000([uiiilaux,  d'une  valeur  de '2^)0. C>tH) 


-  52  - 

francs.  Ces  lièges  sont  achetés  par  des  négociants  d'Algérie  qni  les 
enlèvent  bruts  pour  les  travailler  dans  leurs  usines.  Le  droit  d'entrée 
en  France  ('25  francs  par  quintal)  des  lièges  ouvrés  provenant  de  Tu- 
nisie a  empêché  jusqu'ici  l'industrie  du  liège  de  s'implanter  dans  la 
Régence,  au  grand  détriment  des  centres  forestiers  d'Aïn-Draham  et 
de  Tabarca,  dont  la  prospérité  est  intimement  liée  au  développement 
des  industries  qui  utilisent  les  produits  des  forêts  domaniales.  L'Etat 
Tunisien  aurait  également  grand  intérêt  à  ce  qu'une  partie  des  lièges 
provenant  de  ses  lorêts  fût  travaillée  sur  place,  car  l'économie  réali- 
sée sur  les  frais  de  transport  de  la  matière  première  à  l'état  brut  se 
traduirait  par  une  augmentation  dans  les  prix  de  vente,  et  l'Adminis- 
tration forestière  trouverait  facilement  acquéreur  pour  les  lièges  de 
qualité  inférieure  qui,  dans  les  conditions  actuelles,  se  vendent  à  des 
prix  intimes. 

«  IL  —  Le  commerce  du  liège  mâle  a  pris  depuis  l'an  dernier  une 
gi-ande  importance,  par  suite  du  développement  de  l'industrie  des 
agglomérés  de  liège.  Les  écorces  qui,  jusqu'ici,  restaient  à  peu  près 
iiuitilisées  dans  les  coupes  et  dans  les  cantons  démasclés,  se  vendent 
aujourd'hui  à  raison  de  5  francs  le  quintal  rendu  au  port  de  Tabarca. 
L'Administration  forestière  a  pu  ainsi  réaliser  un  bénétice  assez  con- 
sidérable, en  concédant  le  ramassage  des  lièges  mâles  gisant  en  forêt 
depuis  quelques  années. 

((  IIL  —  L'exploitation  des  écorces  à  tan  provenant  des  vieux 
arbres  non  susceptibles  de  donner  du  liège  de  reproduction,  porte 
chaque  année  sur  une  moyenne  de  (3.000  arbres  produisant  environ 
10.000  quintaux  d'écorces  à  tan.  Les  cours  de  cette  marchandise 
varient  beaucoup  d'une  année  à  l'autre:  après  être  resté  longtemps 
stationnaire  aux  environs  de  10  francs,  le  prix  du  quintal  est  remonté 
brusquement  l'an  dernier  à  17  et  même  20  francs  pour  les  écorces 
sur  pied.  La  quantité  d'écorces  à  tan  restant  à  exploiter  dans  la  cir- 
conscription d'Aïn-Draham  est  d'environ  100.000  quintaux. 

«  IV.  -^  Les  bois  d'œuvre  proviennent  exclusivement  des  massifs 
de  chênes  zéens,  où  des  coupes  sont  marquées  et  mises  en  vente  clia- 
(pie  année.  Ces  bois  sont  utiUsés  uniiiuement  pour  la  fabrication  des 
traverses  de  cliemin  de  fer  employées  sur  le  réseau  tunisien  ;  ils  se 
vendent  à  raison  de  4  francs  le  mètre  cube  ^n'ume  sur  pied,  en  moyen- 
ne, et  le  volume  exploité  annuellement  est  d'envii'on  8.0(K)  mètres 
cubes.  Le  matériel  exploitable  l'Cstant  encore  à  l'éaliserdans  les  forêts 
de  la  circonscription  d'Ain-Draliam  j)eut  être  évalué  à  ,j(). 000  mètres 
cubes  de  l)ois  d'œuvre. 

«  V.  —  La  fabrication  du  cliiii'hoii  do  bois  iililiso  une  corlaiiio  ([uaii- 
lité  des  rémanants  des  exploitations  de  chênes-liège  et  de  chênes 
zéens.  Ce  charbon   appartient  naturellement  aux  adjudicataires  des 


—  5J  — 

coupes  :  lu  plus  grande  partie  est  vcMidue  aux  concessionnaires  de 
mines  ;  le  surplus  est  cantonné  dans  les  localités  voisines  ou  trans- 
porté à  Tunis. 

((  La  nnoyenne  annuelle  des  produits  bruts  en  argent  des  forêts  de 
la  circonscription  d'Aïn-Dralianfi  s'élève,  pour  la  période  des  cinq 
dernières  années,  à  34U.0UU  francs  en  cliiiï'res  ronds  (non  compris 
l'exercice  en  cours). 

«  Les  dépenses  pour  travaux  neufs  (récolte  de  lièj^e,  démasclages, 
améliorations,  etc.)  s'élèvent  en  moyenne  à  85.00(3 francs  par  an;  les 
travaux  d'entretien  absordent  une  somme  d'environ  18.000  (rancs. 

«  Le  personnel  de  la  circonscription  se  compose  d'un  inspecteur, 
chef  de  service,  de  deux  brigadiers,  neuf  gardes  français  et  douze 
gardes  indigènes.  Tout  ce  personnel  est  logé  dans  des  bâtiments  cons- 
truits par  les  soins  et  aux  frais  de  l'Administration  forestière. 

((  Le  total  des  traitements  et  indemnités  fixes  s'élève  à  41.000 
francs. 

c(  Les  principaux  travaux  effectués  pour  la  mise  en  valeur  des 
massifs  forestiers  dépendant  de  la  circonscription  d'Aïn-Draham  ont 
consisté  en  : 

«  Démasclage  de  3.000.000  de  chênes-liège  ; 
((  Ouverture  de  856  hectares  de  tranchées  de  protection  ; 
«  Construction  de  534  kilomètres  de  chemins  et  sentiers  ; 
«(  Construction  de  douze  maisons  forestières  et  de  douze  maison- 
nettes pour  gardes  indigènes  ; 

«  Captation  de  sources,  construction  de  fontaines,  citernes,  etc. 
c(  Pour  tous  les  travaux  forestiers  proprement  dits,  l'Administration 
emploie  presque  exclusivement  la  main-d'œuvre  indigène,  qui  donne 
de  très  bons  résultats.  Les  ouvriers  européens  sont  du  reste  peu  nom- 
breux dans  la  région  d'Aïn-Draham  :  ceux  qui  résident  dans  le  pays 
sont  italiens  ou  espagnols. 

«  Par  suite  d'une  tolérance  plutôt  que  d'un  droit  d'usage  régulier, 
les  indigènes  introduisent  librement  leurs  troupeaux  au  parcours  dans 
les  cantons  de  forêts  reconnus  défendables.  Les  jeunes  coupes  de 
régénération  (chênes  zéens)  et  les  parties  incendiées  depuis  moins 
de  six  ans  sont  seules  mises  en  défense.  Mais  l'Administration  s'est 
opposée  jusqu'ici  à  ce  que  les  colons  européens  installés  à  proximité 
des  forêts  domaniales  y  introduisent  gratuitement  leurs  troupeaux  ; 
ce  serait,  en  etîet,  créer  de  nouveaux  droits  d'usage  au  déti'iment  (ies 
massifs  forestiers  et  des  populations  indigènes  sur  le  territoire  des- 
quelles sont  situés  ces  massifs. 

«  Cependant,  pour  favoriser  le  développement  de  la  colonisation 
en  Kroumirie,  l'élevage  des  porcs  en  forêt  est  autorisé  moyennant 
une  redevance  de  30  cenlimes  par  hectare  concédé  au  parcours  et 
suivant  un  cahier  des  charges  réglant  les  conditions  du  pacage.  De- 

La  Tunisie  du  Nord  " 


puis  IDUo,  ces  concessions  sont  réservées  en  principe  aux  seuls 
colons  français  installés  sur  le  territoire  du  Contrôle  civil  de  la  si- 
tuation des  forêts  ;  néanmoins,  pour  sauvegarder  les  intérêts  des 
éleveurs  de  nationalité  étrangère  qui  étaient  déjà  concessionnaires 
les  années  précédentes,  TAdministration  a  renouvelé  jusqu'à  présent 
leurs  concessions.  En  présence  des  nombreuses  demandes  de  pa- 
cage adressées  par  des  colons  français  et  des  réclamations  qu'entraî- 
ne la  nature  transitoire  prise  en  laveur  des  étrangers,  on  peut  se 
demander  s'il  ne  conviendrait  pas  de  rapporter  cette  mesure,  à  partir 
d'une  date  assez  éloignée  qui  serait  portée  à  la  connaissances  des 
intéressés. 

(f  L'élevage  du  porc  en  forêt,  surtout  s'il  est  trop  intensif,  présente 
de  sérieux  inconvénients  et  occasionne  des  dommages  que  ne  com- 
pense pas  la  redevance  payée  par  les  concessionnaires. 

«  11  serait  donc  utile  de  réduire  dans  une  juste  mesure  le  nombre 
des  porcs  introduits  au  pacage  dans  les  forêts  domaniales,  en  n'accor- 
dant plus  à  l'avenir  de  concessions  qu'aux  colons  français  établis  dans 
le  pays.  Actuellement,  ces  concessions  portent  sur  environ  20.000 
hectares  dans  la  circonscription  d'Aïn-Draham  :  le  nombre  d'animaux 
déclarés  par  les  concessionnaires  s'élève  à  2.000,  et  le  total  des  rede- 
dances  payées  à  l'Etat,  est  de  6,000  francs.  » 

Rapport  de  M.  Degréaux 

«  Les  forêts  de  la  circonscription  de  Tabarca  occupent  sur  le  terri- 
toire du  Contrôle  civil  de  Souk-el-Arba  une  superficie  d'environ  30.000 
hectares,  dont  7.000,  à  l'état  de  broussailles,  forment  le  l)oisement 
des  dunes  littorales. 

(.<  Les  principales  essences  qui  composent  la  forêt  sont,  par  ordre 
d'importance,  le  cliêne-liège,  le  chêne  zéen  et  le  pin  maritime,  ce 
dernier  confiné  sur  la  frontière  algérienne. 

«  Les  bruyères,  l'arbousier,  le  myrthe  et  le  lentisque  forment  les 
sous-étages  de  la  futaie. 

«  L'installation  du  Service  forestier  remonte  à  IH8().  D'abord  em- 
bryoïmaire  et  limité  aux  massifs  les  plus  voisins  de  Tabarca,  il  s'est 
peu  à  peu  étendueta  aujourd'hui  son  organisation  complète.  Un  agent 
chef  de  circonscription,  deux  brigadiers,  cin(|  gardes  h'ançais  et  huit 
gardes  indigènes,  logés  dans  des  maisons  lorestières,  assurent  la  ges- 
tion des  forêts  situées  sur  le  Contrôle  civil  de  vSouk-el-Arba. 

<'  Les  travaux  de  mise  en  valeur  ont  commencé  <lès  1880.  Ils  ont 
consisté  en  travaux  de  protection  contre  l'incendie,  ouverture  «le 
voies  de  vidange  et  de  comnumicalion,  démasclage  de  chênes-liège. 

«  Les  travaux  de  |)rotection  contre  l'incendie  sont  de  deux  sortes  : 
i"les  tranchées  garde-feu  ou  parcellaires,  dont  la  largeur  varie  de   5 


—  55  - 

à  150  mètres  ;  elles  atteii^iienl  iictucllemeat  un  déveluppeirient  df?  ."i^U 
kilomètres  ;  2"  les  débroussaillements  en  plein,  exécutés  sur  une  su- 
perficie de  1.470  hectares. 

«  Les  voies  de  vidange  ou  de  communication  consistent  en  sentiers 
muletiers  et  en  chemins  charretiers. 

«  La  longueur  des  sentiers  ouverts  jusqu'en  lîMJi  est  de  l/X) 
kilomètres  ;  celle  des  chemins  charretiers  de  3.")  kilomètres  seu- 
lement. 

a  Les  démasclages  ont  porté  sur  deux  millions  de  chênes-liège  : 
les  premières  récoltes  de  liège  de  reproduction  ont  commencé  en 
1895.  Elles  ont  donné  jusiju'ici  6.320.000  kilogrammes  de  liège  qui 
ont  été  vendus  1.5(K). 000  francs.  Les  lièges  de  Tunisie  sont  achetés 
par  des  négociants  d'Algérie  et  du  Var  qui  les  exportent  à  l'état  brut. 
Des  tarifs  douaniers  prohibitifs  ne  permettent  pas  d'exporter  ces  pro- 
duits manufacturés  en  France  et  à  l'étranger. 

«  En  même  temps  qu'il  procédait  à  la  mise  en  valeur  des  massifs 
forestiers,  le  Service  exploitait  les  produits  immédiatement  réalisa- 
bles: l'écorce  à  tan  des  vieux  chènes-liège  impropres  à  la  production 
du  liège  de  reproduction  et  le  bois  de  cliéne  zéen  pour  être  converti 
en  traverses  de  chemin  de  fer. 

((  De  1880  à  11X)4,  il,  a  été  exploité  18.800  vieux  chênes-liège  qui  ont 
produit  en  matière  2.350.000  kilogrammes  d'écorce  àtan  et  en  argent 
1.665.000  francs  ;  les  écorces  à  tan  sont  exportées  en  Italie. 

«f  Les  boisements  de  chênes  zéens  sont  peu  importants  dans  la  cir- 
conscription de  Tabarca.  Jusqu'ici,  il  n'a  été  exploité  que  11.000  ar- 
bres dont  le  rendement  en  matière  a  été  de  iO.OOO  mètres  cubes  et 
en  argent  de  31.000  francs. 

i(  Le  pin  maritime  n'a  pas  d'utilisation  commerci.de.  Les  indigènes 
s'en  servent  pour  la  construction  de  leurs  gourbis. 

«  L'élevage  des  porcs  est  autorisé  dans  les  forêts  sous  certaines 
restrictions  et  en  faveur  des  colons  français.  Le  nombre  d'animaux 
pâturant  en  forêt  est  de  1.350.  La  redevance  par  tête  est  fixée  à  3 
francs. 

«  Le  Service  forestier,  n'étant  pas  tenu  en  Tunisie  par  les  règle- 
ments étroits  de  la  métropole,  a  pu  se  montrer  tolérant  à  l'égard 
des  populations  indigènes  et  leur  laisser  la  jouissance  de  la  forêt  en 
ce  qu'elle  n'a  rien  d'abusif.  D'autre  part,  les  travaux  forestiers  pro- 
curent des  moyens  d'existence  à  une  population  pauvre  et  qui,  par 
suite,  n'a  pas  d'intérêt  à  déti'uire  la  forêt  qui  la  fait  vivre.  Peut- 
être  faut-il  attribuer  à  ces  causes  le  peu  de  Iréquence  des  incendies 
en  forêt. 

«  D'ailleurs,  les  mesures  prises  parle  Gouvernement  du  Protecto- 
rat sont  de  nature  à  empêcher  le  renouvellement  de  ces  lléaux.  au- 
tiefois  périodiciues.  Ces  mesures  consistent  en  :  b'  interdiction  de 
pâturage  pendant  six  ans  dans  les  bois  incendiés  ;  2^  évacuation  des 


—  56  — 

gourbis  de  la  forêt  pendant  la  saison  chaude  ;  3^  imposition  des  tra- 
vaux forestiers  aux  collectivités  indigènes  sur  le  territoire  desquelles 
se  produit  un  incendie.  » 

Routes.  —  Les  travaux  qui  furent  exécutés  par  l'armée  dans  le 
cercle  dWïn-Draliam  sont  tout  à  fait  remarquables  ;  ils  portèrent  sur- 
tout sur  les  routes  rayonnant  autour  d'Aïn-Draham.  C'est  ainsi  que 
furent  construites  les  routes  d'Aïn-Draham  à  La  Galle,  Tabarca, 
Souk-el-Arba,  et  de  Tabarca  à  La  Galle.  L'armée  améliora  les  pistes, 
rectifia  et  empierra  les  passages  les  plus  difficiles,  établit  les  ouvrages 
d'art  destinés  à  assurer  la  permanence  des  communications  entre  les 
principaux  centres  de  population. 

Les  Ponts-et-Ghaussées  entretiennent  les  routes  de  Souk-el-Arba 
à  Tabarca  et  d'Aïn-Draham  à  la  frontière  algérienne  par  Baboucli, 
mais  il  faut  avouer  qu'elles  offrent  encore  sur  leur  parcours  nom- 
bre de  tronçons  défectueux  qui  occasionnent,  chaque  année,  quel- 
ques accidents  de  voitures.  Ce  Service  a  achevé  la  route  de  Tabarca 
à  Béja  et  il  étudie,  en  ce  moment,  le  moyen  d'assurer  aux  colons  de 
la  plaine  de  Tabarca  les  communications  avec  les  voies  principales 
de  la  région. 

Mines.  —  Les  mines  actuellement  exploitées  dans  le  Gaïdat  d'Aïn- 
Draham  sont  : 

l"  La  concession  du  djebel  Dis  :  zinc  et  plomb,  la  teneur  du  minerai 
est  de  60 'Vo  en  plomb  et  de  40o/o  en  zinc.  Elle  emploie  une  ving- 
taine d'ouvriers  et  produit  environ  2.000  tonnes  par  an.  Elle  est  située 
à  six  kilomètres  à  l'ouest  de  Fernana  ; 

2"  La  concession  d'Aïn-Allega  :  zinc  et  })lomb,  située  h  douze  kilo- 
mètres h  l'Est  de  Tabarca.  Teneur:  00  àBO'»/..  de  plomb  et  20  à  40»/» 
de  zinc;  3.000  tonnes  par  an.  Ginquante  ouvriers. 

En  outre,  la  Gompagnie  du  Mokla-cl-lladid  possède  aux  environs 
de  Tabarca,  dans  les  Mekna,  d'importants  gisements  de  iniiicrai  de 
fer.  L'exploitation  n'en  a  pas  encore  été  conunencée.- 

Nature  des  terres.  —  (  )n  rcnconlri^  dans  les  plaines,  dans  les  vallées 
et  sur  les  lianes  des  coteaux  de  la  Kniiniiiric,  des  terres  argilo-sili- 
ceuses  et  argilo-marneuses  faciles  à  lal)()urer  au  printemps  et  à 
l'automne,  assez  pi'oductives,  mais  tlont  on  pourrait  accroître  la  fer- 


tilité  par  l'apport  de  l'élément  calcaire  quileur  manque,  sousla  forme 
de  marnages  ou  de  chaulages,  et  mieux  encore  en  les  amendant  et 
les  fertilisant  à  la  fois  par  les  phosphates  de  chaux  et  les  scories  de 
déphosphoration  ;  elles  retiennent  siiftisamment  l'humidité  pendant 
la  sécheresse.  Le  sol  de  la  forêt  est  argilo-siliceux  humifère  (terre de 
bruyère),  d'un  brun  noir  très  prononcé;  il  est  peu  propice  à  la  cul- 
ture des  céréales  et  de  beaucoup  de  plantes  de  grande  culture.  Les 
terres  profondes  de  la  plaine  de  Tabarca  sont  constituées  par  des 
dépôts  limoneux  argilo-siliceux  ;  la  végétation  fourragère  y  est  fort 
belle. 

Fernana.  — Ce  pointest  situé  à  douze  kilomètres  au  nord  de  Souk- 
el-Arba  et  à  vingt-deux  kilomètres  d'Aïn-Draham.  Deux  colons  fran- 
çais sont  installés  sur  ce  territoire  ;  l'un  d'eux  possède  une  exploita- 
tion de  400  hectares  située  à  droite  de  la  route  de  Souk-el-Arba  à  Ta- 
barca et  à  dix  kilomètres  de  Souk-el-Arba.  La  propriété  a  été  achetée 
directement  aux  indigènes,  mais  200  hectares  environ  sont  revendi- 
qués par  certaines  collectivités,  qui  ont  ('ntanié  un  procès  à  rencon- 
tre du  propriétaire. 

L'antre  ))ropriété  est  peu  importante  :  quelques  hectares  au  plus. 
Le  colon  qui  la  possède  y  fait  de  la  culture  maraîchère  ;  il  se  livre 
surtout  à  la  culture  des  melons  et  des  pastèques,  qui  paraît  fort  bien 
réussir. 

Aux  environs  de  Fernana,  on  rencontre  quelques  enclaves  ense- 
mencées de  céréales.  On  y  voit  aussi  d'intéressantes  ruines  romaines. 
Un  marché,  assez  fréquenté  par  les  indigènes,  s'y  tient  chaque  se- 
maine ;  il  est  alimenté  par  une  source  insuflisante,  mais  un  projet  est 
à  l'étude  pour  la  captation  dune  auti'o  source. 

Fernana  tire  son  nom  dun  chène-liège  d'une  grosseur  remarqua- 
ble, isolé  en  ce  point,  à  proximité  du  marché,  visible  de  très  loin 
et  qui  servait  pendant  l'insurrection  de  lieu  de  ralliement  aux  Krou- 
mirs, 

Aïn-Draham.  —  Ce  village,  très  pittoresque,  est  situé  en  plein 
massif  nionlagneux  de  la  Kroumirie,  à  quarante  et  un  kilomètres  de 
Souk-el-Ai'ba  (parla  route)  et  à  vingt  kilomètres  de  la  mer  u'i  vol 
d'oiseau).  Sur  le  liane  du  djebel  Hii'  sont  construits  \c  camp  et  les  ha- 
bitations mihtaires  ;  plus  bas,  et  au  sud-ouest,  se  trouve  l'aggloméra- 


—  58  - 

tiûii  urbaine.  Cette  dernière  comprend,  sur  unelonguevu^  deprès  d'un 
kilomètre,  des  habitations  élevées  sans  ordre,  à  droite  et  à  gauche  de 
la  route. 

Climat.  —  En  raison  de  son  altitude  et  de  la  profondeur  des  vallées 
qui]  domine.  Aïn-Draham  est  accessible  à  tous  les  vents  qui  soufflent 
dans  la  région,  souvent  avec  une  violence  excessive.  La  chmatologie 
du  lieu  est  caractérisée  par  une  extrême  humidité  en  hiver,  période 
pendant  laquelle  les  brouillards,  souvent  intenses,  plongent  Aïn- 
Draham  dans  une  atmosphère  froide,  au  point  d'abaisser  la  tempéra- 
ture à  5  ou  6  degrés  au-dessous  de  zéro.  Les  pluies  sont  fréquentes, 
parfois  torrentielles,  et  la  neige  fait  sont  apparition  chaque  hiver.  On 
a  relevé,  en  1903,  les  chiffres  suivants  : 

i^LUiE  :  hiver.  7iOm"i;  printemps,  460'"'":  été,  80'""' ;  automne. 
352""".  Total  annuel  :  1.641'""ien  131  jours. 

Température  :  la  moyenne  pour  cette  année  a  été  de  : 

Hiver -|-    ^"2  ;  minimum  —    7'» 

Printemps +'13''4;         —         —    4" 

Eté -|-  122°4  ;  maximum  -\-  44» 

Automne 4-  16"7  :         —         -\-  41" 

Température  moyenne  annuelle  . .     -\-  14o4 

Les  chutes  de  grêle  ne  sont  pas  rares  au  printemps  et  à  l'automne; 
en  été,  le  siroco  souffle  quelquefois  d'une  manière  assez  sensible.  En 
délinitil,  le  climat  d'Aïn-Draham  rentre  dans  la  catégorie  des  climats 
tempérés;  ce  qui  le  distingue  plus  particulièrement,  c'est,  avec  son 
humidité  excessive  et  une  exposition  à  tous  les  vents,  la  température 
moyenne  modérée  en  été  connue  en  hiver,  mais  avec  de  fortes  révul- 
sions nocturnes  et  de  brusques  variations  atmosphériques. 

Salubrité.  —  La  variole,  la  malaria,  la  syphilis  ibrniciit  le  fond  du 
tableau  de  la  morbidité  indigène.  Les  cas  de  syphilis  secondaire  et 
tertiaire,  de  syphilis  constitutionnelle  abondeni  chaque  semaine,  au 
jour  du  marché,  dans  la  salle  de  la  pharniacie,  oiitiotenue  par  leGou- 
vei'iieiiM'iit  Tiiiiisieii.  (n'i  le  mtMlcciii  inilitaiic  doiiiic  des  coiisulla- 
tions.  La  plupart  île  ces  cas  revêlent  une  gravité  incitnuuc  dans  beau- 
coup d'autres  centres,  et  l'du  peu!  dire  qu'.Vïu-Draliani  (>sl  la  viaie 
région  des  «  avariés  ». 


—  59  — 

Lii  variole,  assez  Iréqiienle,  est  combattue  par  une  détestable  cou- 
tume :  la  variolisalioii,  qui  entraîne  trop  souvent  avec  elle  la  sypbili- 
sation.  La  vaccination  animale,  introduite  par  les  médecins  militai- 
res, commence  à  porter  ses  fruits. 

Le  paludisme  est  rare  dans  le  village  même,  mais  il  est  très  fré- 
quent aux  environs,  partout  où  les  habitants  sont  installés  sur  les 
bords  d'un  oued  ou  dans  le  creux  des  vallées,  toujours  bumides  dans 
la  région.  Les  maladies  régnantes  sont  les  maladies  européennes  sai- 
sonnières. 

La  population.  —  La  population  d'Aïn-Draham,  presque  entière- 
ment européenne,  est  de  5lX)  habitants,  dont  105  Français.  Ce  village 
a  été  formé  en  1881,  par  les  fournisseurs  qui  suivaient  l'armée  d'oc- 
cupation et  que  faisait  vivre  largement  le  camp,  alors  résidence  d'un 
général  de  brigade.  Puis  vinrent  se  fixer,  avec  leurs  employés,  des 
entrepreneurs  de  travaux  publics,  des  bficherons  et  des  éleveurs  de 
porcs.  Comme  Tabarca,  dont  il  sera  (|uestion  plus  loin,  le  village 
d'Aïn-Draham  a  été  constitué  par  des  autorisations  précaires  déli- 
vrées par  l'armée.  Puis,  après  l'année  1803,  époque  à  laquelle  la  Di- 
rection de  l'Agriculture  fit  immatriculer  le  village  au  nom  de  l'Etat, 
le  Service  des  Domaines  fut  chargé  d'établir  des  titres  loiiciers  régu- 
liers à  délivrer  aux  occupants. 

Un  marché,  dont  les  transactions  sont  insignifiantes,  se  tient  à  Ain- 
Draham  le  lundi. 

Aïn-Draham  s'anémie  chaque  jour,  et  cependant  il  serait  facile  de 
lui  redonner  un  peu  de  vitalité;  il  suffirait  de  le  mettre  à  même  d'ou- 
vrer sur  place  les  lièges  fournis  par  les  forêts  de  la  région  qui  actuel- 
lement sont  frappés  d'un  droit  très  élevé  —  prohibitif  —  à  leur  eii- 
irée  en  France,  alors  que  les  lièges  exportés  à  l'état  brut  ne  paient 
aucun  droit.  Cette  situation, comme  le  fait  remarquer  M.  l'inspecteui' 
des  Forets  Minangoin,  porte  un  réel  préjudice  à  Aïn-Draham  et  à 
Tabarca,  et  il  y  aurait  lieu  d'y  remédier  sans  retard.  Le  Parlement 
Français  ne  refuserait  certainement  jxis  d'accorder  l'exonération  des 
droits  sur  les  lièges  ouvrés  s'il  savait  que  les  lièges  tunisiens  sont  en 
g'rande  partie  transportés  à  l'état  brut,  par  conséquent  en  franchise, 
dans  certaines  villes  et  localités  d'Algérie,  et  que  là  ils  sont  travaillés, 
ouvrés,  naturalisés  algériens,  puis  introduits  en  France  allégés  de 
tous  droits. 


-  (')0  - 

Colonisation.  —  Les  habitants  dAïii-Drahani  demandent  que  ce 
centre  soit  doté  d'une  forêt  communale,  qui  resterait  sous  la  surveil- 
lance du  Service  forestier,  mais  où  les  Européens  pourraient  faire 
pacager  leurs  troupeaux  ;  ils  trojiivent  également  que  les  droits  de 
parcours,  pour  les  porcs,  sont  trop  élevés:  ils  prétendent,  enfin,  que 
certains  terrains,  propres  à  la  culture  des  céréales  et  à  la  culture 
maraîchère,  pourraient  être  hvrés  à  la  colonisation,  notamment  à 
Ben-Metir,  dans  les  Atatfa  et  chez  les  Selloul. 

A  ce  sujet,  la  Direction  de  FAgricuiture  ht  procéder  à  une  enquête 
par  M.  l'inspecteur  d'agriculture  Minangoin,  qui  conclut  ainsi  : 

((  Les  terres  qui  ont  été  réservées  par  le  Service  des  Domaines  - 
le  village  ayant  été  entièrement  constitué  par  des  ventes  domaniales 
—  renferment  quelques  sources,  mais  sont  en  général  de  mauvaise 
qualité  pour  la  culture  :  ce  sont  des  argiles  comjiactes.  froides,  mou- 
vantes, qui,  recevant  toutes  les  eaux  provenant  de  la  lorèt,  ont  une 
nature  aride,  ce  qui  est  indiqué  par  une  production  de  fougères. 
Ailleurs,  tout  ce  qui  n'est  pas  occupé  par  les  forêts,  appartient  aux 
indigènes,  et  comme  ils  ne  possèdent  que  peu  de  terres  pour  leurs 
cultures,  il  paraît  difficile  de  les  évincer.  En  résumé,  la  colonisation 
ne  peut  guère  s'im])lanter  à  Aïn-Draliam,  pour  les  raisons  suivantes: 
'l'i  mauvaise  qualité  des  terres:  '2"  diniculté  de  les  acipiérir:  ."^  dé- 
bouchés éloignés  des  lieux  de  ])ro(hiclion.  » 

Environ  "200  liectares  de  terrains  ruraux  ont  été  livi'és  à  la  coloni- 
sation à  Aïn-Draham;  quelques  lots  et  un  certain  nombre  d'enclaves 
déclassés  du  régime  forestier,  sont  encore  disponibles. 

Aspect.  —  Ain-Draham,  favorisé  par  le  climat  et  la  splendeur  de 
ses  forêts,  peut  devenir  une  station  estivale  très  suivie,  mais  il  con- 
viendrait tout  d'abord,  de  lui  lonniif  des  moyens  de  coinnnniication 
plus  faciles. 

Les  promenades  à  faire  autour  d'Ain-Draham  sont  idéales.  Du  Co\- 
des-Vents,  au-dessus  du  village,  sur  la  route  de  Déjà,  on  jouit  d'un 
panorama  merveilleux  sui-  Tabarca,  la  mer  et  l'île  de  La  (lalite,  au 
sud,  et  sur  la  plaine  de  la  Medjprda  au  nord.  La  roule  (|ui  descend 
d'Ain-Draham  jusqu'au  fond  de  la  vallée  de  Tabarca  prend  en  écliarpe 
les  rampes  escarpées  de  la  montagne,  contourne  les  gorges,  franchi! 
les  ravins  et  les  pivcipices.  Enlin,  vc  sont  partout  des  sentiers  déli- 
cieux qui  grimpent  des  mamelons  piquetés   de  ileurs  des  champs: 


-  01   - 

des  clairières  bordées  de  rocs  rouges,  liérissés,  troués  de  cavernes 
profondes;  de  hautes  montagnes  boisées,  droites  comme  des  murail- 
les et  de  jolies  collines  dont  les  pentes  sont  sinuées  de  sources  claires 
traçant  sur  leur  passage  un  long  ruban  de  verdure.  C'est  un  pays  al- 
pestre dont  on  ne  se  lasse  jamais. 

Scolarité.  ~  Le  village  d'Aïn-Draliam  possède  une  école  de  gar- 
dons, une  école  de  filles  et  un  internai  primaire  de  garçons. 

L'école  des  garçons  a  reçu  en  lOOi,  47  élèves  :  23  Français,  11» 
Italiens,  1  israélite,  4  musulmans. 

L'école  des  filles  a  reçu  33  élèves  :  M  Françaises,  21  Italiennes  et 
I  israélite. 

L'internat  primaire  de  garçons  est  dû  à  la  sollicitude  de  AL  le  Ré- 
sident Général.  Kn  parcourant  la  contrée,  M.  Pichon  avait  été  frappé 
du  nombre  d'enfants,  fils  de  torestiers,  de  douaniers,  de  cantonniers 
et  de  colons  qui,  trop  éloignés  de  toute  agglomération,  restaient  for- 
cément sans  instruction.  Cet  internat  est  ouyert  depuis  le  L''" octobre 
dernier  (1904);  il  peut  recevoir  i5  internes,  et  ses  classes  sont  faites 
pour  80  élèves.  Le  maître,  le  directeur  et  sa  famille  prennent  leurs 
repas  à  la  table  des  élèves,  et  ils  sont  continuellement  mêlés  à  eux  : 
un  lien  plus  grand  en  résultera  sûrement,  et  c'est  bien  là  lécole  ré- 
pondant à  l'état  social  actuel,  aux  idées  nouvelles  d'éducation.  Le 
bâtiment  est  très  bien  conçu  ;  toutes  les  parties  s'harmonisent  et 
concourent  au  bien-être  des  enfants  et  à  la  commodité  du  service. 

L'école  est  destinée  à  des  enfants  de  modeste  condition,  et  la  plu- 
part d'entre  eux  y  finiront  leurs  études  ;  il  est  donc  désirable  que. 
sans  sortir  des  programmes  de  l'enseignemenl  primaire,  ils  y  acquiè- 
rent une  somme  suffisante  de  connaissances. 

11  faut  que  ces  enfants  y  puisent  les  principes  de  la  culture  ration- 
nelle, des  sciences  physiques  et  naturelles,  au  moins  dans  les  rapport 
(ju'elles  ont  avec  l'agriculture,  l'hygiène  et  l'industrie.  Quelques  ins- 
truments de  chimie  et  de  physique  feront  bien  mieux  com|)rendre,  à 
l'enfant,  les  tait  s  ({u'il  verra  s'accomplir  sous  ses  yeux,  que  la  dé- 
monstration la  mieux  faite.  En  outre,  un  vaste  jardin  servira  pour  les 
expériences  agricoles;  son  entretien  incombera  aux  élèves,  qui  y  re- 
cevront, outre  les  principes  de  la  culture,  des  notions  sur  la  taille  el 
la  grefïe  des  arbres. 

Sans    que  cette   école  prenne  le  litre    de  «  professionnelle  »,  il  est 


—  62  — 

nécessaire  que  les  élèves  saclieiiL  manier  une  scie  et  un  marteau. 
La  plupart  d'entre  eux  sont  destinés  à  la  vie  des  champs,  et  ils  iront 
s'établir,  sans  doute,  loin  de  tout  groupement.  Il  faudra  donc  les 
familiariser  avec  les  principaux  outils,  afin  qu'ils  puissent  exécuter 
eux-mêmes  les  réparations  les  plus  urgentes.  Une  petite  forge  serait 
aussi  très  utile. 

Le  directeur  de  l'internat  d'Aïn-Draliam,  ^L  Carrier,  est  un  maître 
intelligent,  paternel  et  dévoué  ;  nous  sommes  certain  qu'il  mènera  à 
bien  l'œuvre  scolaire  heureusement  conçue  par  M.  le  Résident 
Général  qui,  nous  en  formulons  le  vœu,  ne  voudra  pas  s'arrêter  en 
si  beau  chemin  :  après  l'internat  des  garçons  viendra  Tinternat  des 
filles. 

Babouch.  —  Babouch  est  un  petit  hameau,  également  créé  au 
moyen  de  ventes  domaniales.  Il  est  situé  sur  la  route  d'Aïn-Draham 
à  Tabarca  (six  kilomètres  d'Aïn-Draham)  et  à  quatre  kilomètres  de 
la  frontière  algérienne.  Un  poste  de  douane  y  est  installé.  C'est  à  cet 
endroit  que  se  trouve  Tembranchement  delarouted'Ain-Draham  à  La 
Galle. 

Le  paysage  est  attrayant  et  plein  de  fraîcheur  ;  on  y  jouit  d'une 
très  belle  échappée  sur  la  plaine  et  les  lacs  de  La  Galle.  Vestiges  ro- 
mains et  sources  thermales  aux  environs.  Deux  colons  sont  installés 
à  Babouch  et  un  à  Bordj-el-Hammam. 

Tabarca.  —  Tabarca,  situé  à  soixante-neuf  kilomètres  de  Souk-el- 
Arba,  vingt-liuit  d'Aïn-Draham  et  soixante-douze  de  Béjà,  est  un 
village  de  800  habitants,  dont  :250  Français,  liabitant  la  localité,  et 
une  soixantaine  de  colons  installés  aux  environs.  C'est  l'amiexe  du 
Contrôle  civil  de  Souk-el-Arba  :  un  contrôleur  suppléant  et  un  secré- 
taire de  Contrôle  y  résident. 

Tabarca  a  été  créé  en  1881,  sur  les  ruines  de  T'ancienne  ville  ro- 
maine, par  l'autorité  militaire  qui  traça  un  lotissement,  installa  une 
|)épinière  et  un  abreuvoir-lavoir  pour  ses  services,  sous  la  protection 
des  canons  du  Bordj-Djedid,  qui  domine  le  village.  Des  autorisations 
précaires  et  révocables,  «  non  garanties  contre  les  risques  de  guér- 
ie »,  furent  données  aux  mercantis(|ui  voulurent  s'établir  à  proximité 
de  l'année,  dont  ils  vivaient.  En  l8'.)-2,  la  Direction  de  l'Agriculture 
engagea  la  procédure  d'immatriculation  de  ces  terrains.  De  1894  à 


—  63  — 

1890,  un  contrôleur  des  Domaines  eut  à  régulariser  toutes  ces  occu- 
pations territoriales,  en  vue  de  l'établissement  de  titres  fonciers  par- 
cellaires au  nom  des  occupants.  Depuis  lors,  les  maisons  ont  succédé 
aux  baraques,  tous  les  terrains  disponibles  ont  été  vendus,  et  l'Ad- 
ministration voit  la  nécessité  d'étendre  le  lotissement  du  village  du 
côté  de  la  mer. 

Les  ruines.  —  A  l'époque  romaine,  Thahraca  fut  un  port  impor- 
tant qui  servait  à  l'embarquement  des  produits  forestiers  et  miniers 
provenant  de  la  Kroumirie,  des  marbres  de  Simittu,  des  céréales 
de  la  vallée  du  Bagradas.  La  voie  l'omaine  qui  reliait  Tliabraca  à  la 
plaine  partait  de  Simittu,  franchissait  le  coi  d'Aïn-Draham,  suivait  la 
vallée  de  l'oued  El-Kebir  et  aboutissait  au  port. 

Le  village  européen  s'élève,  avons-nous  dit,  sur  les  ruines  de  la 
ville  romaine,  et  un  certain  nombre  d'anciennes  constructions,  de 
restes  d'absides,  de  citernes,  servent  de  magasins  et  de  logements 
aux  habitants  actuels  ;  l'église  a  été  aménagée,  par  le  curé-colon  de 
Tabarca,  dans  une  vieille  citerne  qui  se  trouve  sur  le  flanc  de  la  col- 
line du  bordj,  et  ce  n'est  point  la  moindre  curiosité  de  cette  localité: 
les  bâtiments  occupés  par  l'Administration  forestière  et  par  le  Con- 
trôle civil  ont  été  élevés  sur  des  constructions  romaines  :  les  ruines 
de  la  Thabraca  romaine  ont  servi  de  carrières  de  pierre  à  la  Ta- 
barca européenne. 

Les  vestiges  des  monuments  antiques  y  sont  très  nombreux  :  les 
plus  remarquables  sont  : 

l«  L'ancienne  mosquée,  édifice  de  forme  rectangulaire,  au  pied  du 
bordj.  Les  noms  que  cette  construction  a  portés:  «le  Moulin  ". 
((  l'Ancienne  Mosquée  »,  prouvent  qu'elle  a  plusieurs  fois  changé  de 
destination.  A  la  période  romaine,  c'était,  d'après  M.  Toutain,  un  en- 
trepôt où  les  armateurs  emmagasinaient  leurs  marchandises.  Auloui' 
du  monument  se  trouvent  des  citernes  qui,  sans  doute,  étaient  ali- 
mentées par  un  aqueduc  : 

'2'^  Le  port  romain,  où  l'on  apenjoit,  quant  le  temps  est  beau,  à 
quelques  mètres  au-dessous  du  niveau  de  la  mer,  des  traces  de  jelées 
et  de  quais  ; 

'.]o  Les  basiliques,  en  assez  grand  nombre,  ce  qui  tend  à  prouver 
que  la  colonie  romaine  était  très  peuplée  et  très  prospère  aux  v  et  vr' 
siècles  de  l'ère  chrétienne.  On  possède  déjà  les  plans  de  deux  d'entre 


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elles,  l'une  située  sur  la  colline  sud-est  de  la  ville,  l'autre  à  deux  ki- 
lomètres en  dehors  de  la  ville,  sur  la  rive  de  l'oued  Ahmar.  L'empla- 
cement d'une  troisième  basilique  sur  la  colline  sud-ouest  de  la  ville 
était  déjà  connu  et  l'abside,  assez  apparente,  avait  été  fouillée  par 
M.  Toutain. 

Cette  année  (1904),  des  touilles  poussées  plus  à  fond  par  le  capi- 
taine Bénet  ont  permis  de  retrouver  les  murs  de  la  basilique,  la  base 
des  colonnes  et  une  série  de  mosaïques  tombales.  Une  des  mosaïques 
représente  une  basilique  qui  est  évidemment  la  reproduction  de  l'édi- 
fice même  ;  les  autres  mosaïques  représentent  des  personnages,  des 
animaux,  des  fleurs,  des  sujets  ornementaux;  quelques-unes  con- 
tiennent des  inscriptions.  On  a  trouvé  dans  ces  fouilles  des  cercueils 
de  plomb,  preuve  que  dans  les  environs  il  y  avait  des  mines  de  plomb 
en  exploitation.  Cette  basilique  a  été  détruite  au  moment  de  l'inva- 
sion vandale  et  transformée  en  nécropole  à  l'époque  byzantine  ;  plu- 
sieurs étages  de  tombes  en  maçonnerie  recouvraient  le  sol  de  la  basi- 
Hi|ue. 

((  On  trouve  aussi  des  traces  de  nécropoles  païennes,  dit  M.  Tou- 
tain. Sur  les  coteaux  et  mamelons  voisins  subsistent  encore  beau- 
coup de  ruines.  La  cité  proprement  dite  était  entourée  de  villas,  de 
maisons  de  campagne.  Un  peu  plus  loin  de  Tabarca,  dans  un  des  ra- 
vins boisés  qui  aboutissent  à  la  vallée  de  l'oued  El-Kebir,  on  voit  un 
groupe  important  de  cavernes  creusées  par  la  main  de  l'homme:  ce 
sont,  vraisemblablement,  des  tombeaux  berbères.  » 

Tabarca  a  appartenu  longtemps  aux  Lomellini,  de  Gènes,  qui  y  en- 
tretenaient une  colonie  ;  l'ile,  occupée  par  les  Génois  en  1540,  fut 
livrée  par  trahison  au  bey  de  Tunis  en  i74'2,  et  neuf  cents  person- 
nes environ  furent  réduites  en  esclavage  ;  cinq  cents  personnes,  plus 
heureuses,  réussirent  à  gagner  l'île  de  San-Pietro,  sur  la  côte  de  Sar- 
daigne. 

L'ile  de  Tabarca,  située  à  cinq  cents  mètres  de  la  côte,  a  environ 
(piarante  hectares  do  superficie:  c'est  un  rocher  stérile.  couronn<'' 
d'un  fort  génois: 

<<  Les  trois  cent  soixante-cinq  citernes  que  l'on  y  voit  encore,  dit 
M.  O.  Niel,  semblent  attester  que  le  rocher  servait  autrefois  d'as- 
sise à  une  véritable  ville,  probablement  comptoir  commercial,  peut- 


—  05  — 

être  aussi  repaire  d'éciimeurs  de  mer.  On  n'y  remarque  aujourd'hui 
que  quelques  mesures  cachées  dans  les  anfractuosités  du  rocher.  » 

Tabarca  se  trouve  au  débouché  de  la  vallée  de  l'oued  El-Kebir, 
plaine  fertile,  resserrée  sur  le  bord  de  la  mer  entre  les  dunes  de 
sable  qui  lorment  un  gracieux  développement  d'ondulations  où  crois- 
sent, de  place  en  place,  quelques  toulïes  d'herbes  marines,  et  plu- 
sieurs mamelons  dont  l'un,  très  escarpé,  n'est  séparé  de  l'ile  voisine 
que  par  une  passe  étroite.  C'est  au  sommet  de  ce  coteau  que  sont 
situés  le  bordj  et  le  cainp.  Le  villa£(e  s'étend  au  pied  du  coteau,  le 
long  de  la  plage;  la  situation  est  charmante,  et  il  est  facile,  de  ce 
point,  d'entreprendre  d'agréables  excursions,  soit  du  côté  du  cap 
Roux,  à  l'ouest,  soit  vers  le  cap  Négro,  à  l'est. 

Communications.  —  Malheureusement,  Tabarca  ne  possède  point 
de  communications  faciles,  ni  par  terre,  ni  par  mer;  le  centre  est 
l'elié  à  Souk-el-Arba  et  à  Béja  par  deux  routes  assez  bonnes,  mais  les 
trajets  longs  et  les  côtes  rapides  rendent  les  transports  dispendieux. 
D'autre  part,  il  n'existe  à  Tabarca  qu'un  embryon  de  port,  très  insuf- 
fisant, et  dont  l'abord  est  dangereux  dès  que  la  moindre  houle  se  fait 
sentir;  aussi,  les  paquebots,  qui  doivent  toucher  hebdomadairement 
Tabarca,  sont-ils  obligés  de  brûler  ce  point  la  moitié  du  temps.  Voilà 
pourquoi  ce  joli  petit  centre,  placé  au  bout  du  monde,  ne  progresse 
pas. 

Les  habitants  de  Tabarca  désireraient  être  rattachés  au  Contrôle 
civil  de  Béjà,  et  ils  m'ont  prié  de  commimiquer  à  M.  le  Résident 
Général  la  délibération  suivante,  prise  par  l'Association  des  Colons 
trançais  de  Tabarca  le  2i  octobre  1904: 

«  Sur  la  proposition  de  plusieurs  membres,  l'assemblée,  à  l'unani- 
mité, émet  le  vœu  suivant: 

<.(  Considérant  que  Tabarca  est  trop  isolé  du  reste  delà  Tunisie  |»ar 
suite  d'absence  de  tout  chemin  de  fer  dans  un  rayon  très  étendu; 

((  Que  ce  défaut  de  communications  rapides  est  une  des  causes 
principales  qui  nuisent  au  développement  commercial  et  agricole  de 
la  région  ; 

((  Qu'en  effet,  les  ressources  qu'offrent  les  forêts,  les  mines,  les 
pêcheries  et  l'agriculture  du  pays  sont  bien  connues,  mais  malheu- 
reusement insuflisanmient  exploitées,  faute  de  chemin  de  1er; 


—  66  — 

c(  Que  des  industries  pourraient  se  créer,  le  tourisme  et  les  villégia- 
tures prendre  plus  d'importance  si  la  région  était  pourvue  de  moyens 
rapides  et  économiques  de  transport  ; 

«  Qu'alors  que  tous  les  centres  de  la  Tunisie  —  la  plupart  moins 
importants  à  tous  les  points  de  vue  que  le  nôtre  —  sont  dotés  de  che- 
mins de  fer,Tabarca  reste  déshérité; 

1  Qu'en  eiîet,  les  gares  les  plus  rapprochées  sont  Souk-el-Arba,  à 
soixante-neuf  kilomètres  et  Béja  à  soixante-douze  kilomètres; 

«  Qu'il  y  a  donc  nécessité  absolue  de  relier  Tabarca  à  Bizerte  ou  à 
Béjà; 

«  Qu'au  cas  où  le  Gouvernement  du  Protectorat  ne  voudrait  ou  ne 
pourrait  faire  actuellement  les  frais  de  construction  de  ce  tronçon,  il 
pourrait  le  concéder  à  une  Société,  telle  la  Compagnie  qui  vient  de 
construire  la  ligne  Bône-La  Galle  et  l'exploite  sans  aucune  avance  du 
Gouvernement  ; 

«  Que  l'Association  des  Colons  de  Tabarca  pourra  fournir  sur  la 
question  tous  les  détails  et  renseignements  (jui  pourraient  lui  être 
demandés; 

«  En  conséquence,  l'assemblée  prie  M.  le  Président  de  la  Chambre 
d'Agriculture  de  vouloir  bien  demander  d'urgence  la  mise  à  l'ordre 
du  jour  de  la  prochaine  réunion  de  la  Conférence  Consultative  de  la 
question  d'établissement  d'un  chemin  de  fer  reliant  i'abarca  à  Bizerte 
ou  à  Béja.  ))'*> 


Les  Zouaoua.  —  Il  nous  faut  dire  un  motdesZouaoua,  collectivité 
indigène  intéressante  par  son  esprit  d'^assimilation  et  son  intelligence. 
Les  Zouaoua  sont  originaires  de  Bougie  ;  ils  vinrent  dans  le  pays,  il  y 
a  environ  cent  cinquante  ans,  sur  la  demande  du  bey  Hamouda,  qui 
avait  l'intention  de  former,  avec  leur  concours,  un  noyau  de  troupe 
dévouée,  destinée  à  maintenir  un  semblant  d'autorité  au  milieu  des 
populations  indépendantes  et  sauvages  de  Kroumirie.  Ce  but  ne  fut 
jamais  atteint:  les  Zouaoua  voulaient  bien  recevoir  la  solde  qui  leur 
était  attribuée  par  le  bey,  mais  ils  désiraient  aussi  éviter  tout  ennui 
du  côté  de  la  Kroumirie.  Caressant  la  chèvre  et  cultivant  le  chou,  ces 
humbles  salariés  adoptèrent  un  système  liabile  et  prudent  dont  la 
formule,  simple  et  concise,  se  résumait  en  ces  mots  :«  Pas  d'his- 
toires !  » 

l>a  mission  des  Zouaoua  consistait  ù  veiller  à  la  sécurité  des  ha- 


H)  Le  chemin  de  fer  de  .Valeur  aux  Nefza,  acluellenu'nl  fii  construclion,  sera  continué,  par  la 
suite,  jusqu'au  port  di'  Tabarca.  Les  habitants  de  cette  localité  seront  donc  ndiés  à  Hizerle  par  voie 
ferrée. 


—  67  — 

bitants  et  des  étrangers:  ils  devaient  protéger  les  débarquements, 
prêter  aide  et  assistance  aux  naufragés,  et,  en  cas  d'attaque,  contri- 
buer à  la  défense  des  côtes  et  des  forts  de  Tabarca.  Ils  s'abstinrent 
généralement  de  remplir  les  devoirs  qui  leur  étaient  imposés  ;  ils  pré- 
féraient chasser  dans  la  forêt,  pêcher  sur  la  côte,  se  livrer  au  com- 
merce des  bestiaux  et  vivre  en  bonne  intelligence  avec  ceux  qu'ils 
étaient  chargés  de  surveiller.  Ce  furent  des  sages. 

Ils  ont  conservé,  des  Kabyles,  les  habitudes  industrieuses,  et, 
depuis  qu'ils  ne  sont  plus  soldés,  beaucoup  d'entre  eux  se  sont  créé 
des  occupations  chez  les  habitants  de  Tabarca.  D'autres  ont  établi, 
sur  le  versant  du  coteau  qui  domine  Tabarca,  des  maisonnettes 
entourées  de  jardins  où  ils  font  pousser  des  légumes  et  des  fruits 
qu'ils  vendent  à  bon  prix.  Certains  vivent  à  l'européenne  ;  ils  sont 
monogames,  et...  leurs  filles  portent  des  corsets! 

La  pêche.  —  Autrefois,  la  pèche  au  poisson  migrateur  et  la  pêche 
au  corail  enrichissaient  ce  joli  petit  village  maritime  de  la  côte  nord 
de  la  Tunisie,  et  M.  Bouchon-Brandly,  inspecteur  général  des  pê- 
ches, appelait  Tabarca  «  le  Douarnenez  de  la  Méditerranée  ».  En 
effet,  au  temps  où  M.  Bouchon-Brandly  visitait  cette  côte  (1890),  plus 
de  3(0  tartanes,  montées  chacune  de  huit  à  douze  hommes,  fré(juen- 
taient  les  parages  de  Tabarca,  amenant,  pendant  la  saison  de  la 
pêche  à  la  sardine,  une  population  nomade  de  près  de  3.000  person- 
nes. Mais  depuis  cette  époque,  la  situation  s'est  modifiée;  si  le  nom- 
bre des  barques  a  progressé  jusqu'en  1890,  il  a  depuis  lors  considé- 
rablement diminué  chaque  année,  et  l'année  dernière  (1903),  17 
bateaux  naturalisés  français,  montés  par  73  hommes,  et  17  bateaux 
italiens  montés  par  121  hommes,  soit  34  bateaux  et  194  hommes 
seulement,  ont  péché  dans  les  eaux  de  Tabarca.  En  dehors  de  ces 
nomades^  nous  trouvons  à  Tabarca  4  barques  naturalisées  françaises 
montées  par  21  hommes,  et  10  barques  étrangères  montées  par  i4 
Siciliens,  attacliées  au  port,  et  dont  les  équipages  habitent  avec  leurs 
familles  (314  personnes),  pendant  l'année  entière,  la  partie  du  village 
appelée  «  Petite-Sicile  o. 

A  quoi  attribuer  la  diminution  brusque  du  nombre  des  pêcheurs 
dans  ces  parages?  La  Direction  des  Travaux  publics  affirme  qu'elle 
provient  de  la  disette  de  poisson  constatée  depuis  quatre  ou  cinq  ans 
à  Tabarca.  Nous  croyons  qti'il  faut  chercher  ailleurs  les  causes  de 


—  (38  — 

cette  diminution,  et  qu'elle  est  due  surtout  à  rémigration,  qui  chaque 
année  tend  à  s'accroître,  des  pêcheurs  italiens  vers  l'Amérique. 

On  nous  a  dit  récemment  qu'une  Société  française  venait  d'obtenir 
l'autorisation  d'installer  une  usine  de  conserves  de  poissons  et  de 
légumes  à  Tabarca;  si  cette  installation  réussit,  la  situation  changera 
totalement,  et  il  sera  possible  à  douze  ou  quinze  familles  de  pêcheurs 
français  de  vivre,  sur  ce  point,  des  produits  de  la  pêche/^^ 

La  colonisation.  —  En  1893,  l'Autorité  militaire  était  saisie  d'un 
projet,  élaboré  par  la  Direction  de  l'Agriculture,  tendant  à  poursuivre 
l'immatriculation,  au  nom  du  Gouvernement  Tunisien,  d'une  éten- 
due de  terrains  d'une  contenance  de  3.000  hectares  environ,  situés 
près  de  Tabarca  et  connus  sous  le  nom  de  «Bahiret-Tabarca  ».  Un 
fonctionnaire  de  cette  Direction  assurait  que  trente-quatre  indigènes 
seulement,  appartenant  à  la  fraction  des  Kroumirs  de  Tabarca,  pou- 
vaient avoir  des  revendications  à  p'ésenter,  et  il  proposait  d'allouer 
à  ces  trente-quatre  individus  1.100  hectares  dans  la  plaine,  superficie 
(ju'il  présumait  devoir  être  plus  que  suffisante  pour  leurs  besoins. 

Lorsqu'en  1894  l'auteur  du  projet  fut  envoyé  sur  les  lieux  avec 
mission  de  poursuivre  l'immatriculation  de  la  plaine  de  Tabarca,  il  se 
trouva  en  présence,  non  plus  de  trente-quatre  indigènes,  mais  de  deux 
cent  cinquante-six  Kroumirs,  lesquels  présentèrent  des  revendica- 
tions et  s'opposèrent  au  bornage.  Le  Service  des  Renseignements  en 
élimina  un  certain  nombre  et  ne  retint  ({ue  ceux  d'entre  eux  qui  pu- 
rent prouver  que  leurs  propriétés  figuraient  depuis  quatre  années 
consécutives  sur  les  rôles  annuels  de  l'achour.  Tous  les  indigènes  re- 
fusèrent alors  d'indiquer  au  représentant  de  l'Administration  la  limite 
des  terres  leur  appartenant,  et  ce  dernier  dut  renoncer  à  l'opération 
d'immatriculation,  à  laquelle  tout  d'abord  les  ivroumirs  semblaient 
avoir  consenti. 

Le  Service  des  Renseignements  reprit  en  1895  les  négociations  sur 
la  demande  de  la  Direction  de  l'Agriculture,  mais  les  Kroumirs  MrtMit 
entendre  de  violentes  protestations: 

«  Nous  ne  pouvons   plaider   contre    l'ii^lal,  nous   perdrions  woUv 


(1)  Cette  Société  a,  en  ctlcl  iiisUillé  une  usine  de  conserves  de  sardines  et  d'anchois  à  Tahai-Jva  en 
liX.6  ;  les  équipages  sont  l'ormés  de  [lécheufs  corses,  recrutés  par  le  directeur  de  l'usine.  La  pri'- 
mière  campagne  de  pèche  (1906),  ne  parait  pas  avoir  donné  de  brillants  résultats. 


—  69  - 

argent  et  notre  temps  ;  nous  préférons  défendre  nos  biens  les  armes 
à  la  main.  Vous  êtes  forts,  puique  vous  avez  con(iuis  la  Tunisie  ;  nous 
n'ignorons  pas  que  vous  nous  jetterez  à  la  mer,  mais  nous  ne  céde- 
rons qu'à  la  violence.  » 

En  présence  de  ces  dillicullés,  l'opération  fut  momentanément 
abandonnée,  et  les  indigènes  restèrent  possesseurs  du  ]5aliiret-Ta- 
barca.  Telle  est  la  première  phase  de  l'essai  de  colonisation  tenté  par 
l'Administration  dans  la  plaine  de  Tabarca. 

Cependant,  le  régime  civil  succéda  bientôt  au  régime  militaire  ;  un 
contr()leur  suppléant  fut  nommé  à  Tabarca,  et  il  réussit,  peu  à  peu, 
à  ramener  le  calme  dans  les  esprits  surexcités.  p]n  1897,  l'instance 
d'immatriculation  engagée  depuis  cinq  ans  se  terminait  par  l'imma- 
triculation des  terrains  au  nom  du  Domaine,  mais  le  jugement  con- 
tenait des  considérants  visant  l'obligation  pour  l'Administration  de  ne 
pas  éliminer  les  indigènes  et  de  faire  un  juste  départ  entre  les  droits 
respectables  des  occupants  indigènes  sur  les  parties  par  eux  culti- 
vées et  le  désir  très  concevable  de  la  part  du  Gouvernement  d" ins- 
taller dans  cette  région  la  colonisation  agricole  française. 

Environ  900  hectares  purent  être  considérés  comme  disponibles  et 
offerts  dès  l'année  suivante.  Dix-neuf  lots  d'abord  et  quatre  autres 
lots  un  peu  plus  tard  furent  acquis  par  des  colons  français.  Ceci  est 
la  deuxième  phase. 

Mais  la  plupart  des  colons  installés  dans  la  plaine  de  Tabarca  pré- 
tendirent bientôt  qu'ils  ne  pouvaient  vivre  sur  des  lots  de  quinze  à 
vingt  hectares,  et  ils  réclamèrent  de  nouveaux  terrains.  M.  le  Rési- 
dent Général  Pichon,  ayant  reconnu  la  justesse  de  leur  demande, 
décida  de  prélever  encore,  sur  des  terrains  immatriculés  au  nom  de 
l'Etat,  300  nouveaux  hectares  de  plaine,  qui  furent  équitablement 
répartis  entre  les  colons  les  plus  parcimonieusement  dotés.  Ce  nouvel 
enlèvement  d'uue  partie  des  terres  ne  se  lit  pas  sans  récriminations 
delà  part  des  indigènes;  ils  crurent  que  l'Administration  voulait  les 
dépouiller  et  s'emparer  de  la  plaine  entière  de  Tabarca,  dont  la  su- 
perlicie  totale  ne  dépasse  pas  "2.800  hectares.  Des  conciliabules  se 
tenaient  sur  les  marchés,  des  plaintes  arrivaient  chaque  jour  au  Con- 
trôle civil,  et  il  fallut  tout  le  tact  et  la  prudence  dont  le  contrôleur, 
M.  Grosset-Grange,  lit  preuve  en  la  circonstance,  pour  empêcher 
l'éclat  d'une  révolte  dans  la  contrée.  Ici  se  termine  la  troisième  phase 

La  Tl'.nisie  du  Nord  6 


—  70  — 

de  l'histoire  de  la  colonisation  administrative  dans  la  plaine  de  Ta- 
barca,  et  nous  devons  espérer  que  ce  sera  la  dernière. 

Plus  de  1.^:00  hectares  ont  été  livrés  à  la  colonisation  française  par 
le  Directeur  de  l'Agriculture  ;  vingt-trois  colons  ont  pris  possession  de 
leurs  lots;  il  ne  reste  plus  aux  indigènes,  dans  cette  plaine,  que  1.500 
ou  l.GOO  hectares  de  terres  labourables,  et  il  serait  extrêmement  dan- 
gereux de  tenter  de  les  leur  enlever.  D'ailleurs,  l'Administration, afin 
d'éviter  un  conflit  imminent,  a  du  prendre  envers  les  Kroumirs  de 
Tabarca  rengagement  formel  de  ne  plus  amputer  leur  petit  domaine. 
Sur  les  vingt-cinq  lots  attribués  aux  colons  français,  neuf  lots 
n'atteignent  pas  35  hectares  ;  six  lots  ont  de  35  à  50  hectares  ;  cinq 
lots  ont  de  55  à  85  hectares  ;  trois  lots  ont  de  105  à  120  hectares. 

D'après  les  renseignements  qui  m'ont  été  fournis  par  le  président 
de  l'Association  des  Colons  de  Tabarca,  quatorze  cultivateurs  seule- 
ment se  sont  installés,  ont  construit,  défriché  et  se  sont  mis  coura- 
geusement à  la  besogne.  Les  autres  ont  fait  œuvre  de  spéculation, 
et  il  en  est  parmi  eux  qui,  ayant  acheté  leur  lot  environ  4.000  francs 
à  la  Direction  de  l'Agriculture,  se  sont  empressés  de  le  louer  500 
francs  par  an  aux  Arabes  ;  ils  affichent  la  prétention  de  le  revendre 
25.000  francs. 

Un  certain  nombre  de  colons  de  Tabarca  disent  qu'ils  n'ont  pas 
encore  de  terres  en  suffisance,  et  ils  demandent  que  l'Administration 
après  expertise,  ajoute  aux  lots  de  ceux  qui  ne  possèdent  pas  au 
moins  50  hectares,  le  complément  en  terres  permettant  d'atteindre 
ce  chiffre.  Nous  avons  dit  que  l'Administration  n'avait  pas  à  interve- 
nir; son  rôle  consiste  désormais  à  faciliter  les  transactions  qui  pour- 
raient se  produire  entre  Européens  et  indigènes.  Mais,  afin  de  don- 
ner satisfaction  dans  la  mesure  du  possible  aux  colons  laborieux  trop 
étroitement  logés,  il  y  aurait  peut-être  lieu,  de  la  part  de  la  Direc- 
tion de  l'Agriculture,  de  procéder  à  une  enquête,  de  voir  quels  sont 
ceux  qui,  parmi  les  adjudicatairesde  lots,  n'ont  pas  rempli  les  condi- 
tions exigées  par  leurs  contrats  de  vente.  Ces  propriétaires  seraient 
fi-appés  de  déchéance  et  leurs  champs,  repris  par  les  Domaines,  se- 
raient attribués,  après  partage  équitable,  non  à  de  nouveaux  colons, 
mais  aux  petits  agriculteurs  dont  nous  nous  occupons  ci-dessus.  C'est 
eficore  le  meilleur  moyen  de  donner  satisfaction  à  tout  le  monde,  aux 
travailleurs  et  aux  indigènes,  et  de  mettre  un  frein  à  la  sf)éculali()n 
pratiquée  par  quelques-uns. 


Le  prix  moyen  de  lu  tei-re,  aux  environs  de  Tabarca,  est  de  l!25 
à  150  Irancs  l'iieclare  en  plaine,  et  de  00  Irancs  en  coteau.  Certains 
colons,  (|ui  ont  acheté  l'iiectare  de  terre  lÔO  francs  à  la  Direction  de 
rAgriciilLurc,  il  y  a  moins  de  doux  ans,  onl  r-evcnda  à  raison  de  250 
francs  riieclare  et  plus.  Quelques  petits  colons  se  livicnl,  avec  fruit, 
à  la  culture  maraîchère. 

Les  Mekna.  —  La  région  de  Mekna  commence  à  six  kilomètres 
et  se  termine  à  seize  kilomètres  de  Tabarca;  elle  est  située  entre  les 
grandes  dunes  de  sable,  l'oued  Zouara  et  le  territoire  des  Nèfza  (Con- 
trôle de  ])éja)  ;  un  mamelon  sur  lequel  est  établi  le  bordj  de  la  Com- 
pagnie du  j\[okta-el-lLidid,  qui  possède  là  de  vastes  terrains,  la  do- 
mine. C'est  une  riante  contrée  où  se  trouvent  de  bonnes  terres  à 
céréales  et  des  pâturages;  de  hautes  montagnes  boisées  barrent  l'ho- 
rizon au  Sud. 

Environ  000  hectares  de  terres,  déclassés  du  régime  forestier  et 
remis  au  Domaine,  ont  été  entièrement  allotis  et  livrés  à  la  colonisa- 
tion depuis  moins  de  deux  ans;  onze  lots  ont  été  vendus;  à  part  un 
petit  lot  de  huit  hectares,  ces  propriétés  contiennent  de  trente-huit  à 
soixante-six  hectares.  Le  prix  moyen  de  l'hectare  est  de  70  à  80  h-ancs 
dans  la  région  (FAhi-Seba,  et  de  35  à  45  francs  aux  environs  de  l'oued 
Jîou-Terfis.  Il  n'existe  plus  de  terrains  disponibles  dans  cette  contrée, 
qui  est  reliée  à  Tabarca  par  la  route  de  Béja  et  qui  possède  des  sour- 
ces abondantes. 

A  l'époque  de  ma  visite  aux  Mekna  (novembre  1904),  quatre  colons 
seulement  avaient  construit  et  s'étaient  installés  sur  leurs  lots;  les 
autres,  peu  pressés,  attendent... 

La  sécurité.  —  Si  les  Européens  se  plaignent  des  nombreux  vols 
dont  ils  sont  victimes,  les  indigènes,  par  contre,  assurent  qu'il  leur 
est  impossible  de  se  livrer  aujourd'hui  à  l'élevage  du  bétail,  leur 
principale  ressource.  Les  Kroumirs  de  Tabarca  sont,  en  elVet,  en- 
clavés au  milieu  de  champs  appartenant  aux  colons,  et  dès  (jue  leurs 
bestiaux,  afin  de  gagner  les  collines  ou  les  montagnes  environnantes, 
passent  sur  ces  propriétés,  ils  laissent,  fort  souvent,  (luehjues  tètes  de 
bétail  entre  les  mains  des  colons.  Tous,  assurénienl,  no  pratiquent 
pas  cette  méthode,  qui  consiste  à  s'appropi'ier  le  bitMi  d'autrui   et  à 


ne  le  rendre  qu  en  écJiange  de  la  forte  somme  :  mais  il  en  existe,  et 
il  ne  faut  pas  que  pareil  scandale  se  perpétue. 

A  la  vérité,  les  colons  de  la  région  de  Tabarcasont,  plus  que  tous 
autres,  victimes  de  vols  de  bestiaux;  la  frontière  est  proche,  et  les 
voleurs,  qui  connaissent  tous  les  passages  de  la  forêt,  ont  vite  fait  de 
conduire  les  bètes  volées  sur  les  marchés  algériens.  L'inverse,  d'ail- 
leurs, se  produit  fréquemment  :  des  bestiaux  volés  en  Algérie  sont 
amenés  dans  la  région  de  Tabarca,  et  il  est  triste  d'ajouter  que  les 
voleurs  sont  toujours  certains  d'écouler  les  produits  de  leur  rapine 
à  des  Européens  bien  connus  de  tous  comme  receleurs. 

Il  n'existe,  pour  assurer  la  sécurité  de  la  région  montueuse  de  Ta- 
barca, qu'un  brigadier  de  police  (sans  agents)  et  une  brigade  de  gen- 
darmerie montée...  à  bicyclette  !  ^I.  Grosset-Grange  avait  réclamé 
une  brigade  de  police  à  cheval  ;  on  la  lui  promit,  m;\is  elle  n'est  pas 
encore  organisée. 

Climat  et  salubrité.  —  La  moyenne  de  la  température  a  été,  à 
Tabarca,  en  mYA  : 

Hiver -\-  L'M  ;  minimum  —     .'î» 

Printemps -L  1^"'   j         —        —    '^'^ 

Eté +  ^^^^^  '■>  maximum  -j-  45°8 

Automne +  21o4;         —         +  :î5«8 

Température  moyenne  annuelle -\-  i8°r)5 

Pluiks  :  Leschill'res  suivants  ont  été  relevés  en  1*J03  :  hiver,  5(Xi"""; 
printemps,  280'nni;  été,  3Gnim-  automne,  !2GO"i.  Total  de  l'année  : 
l.UDi"»"',  en  M.')  jours. 

La  localité  de  Tabarca,  située  au  débouché  d'une  vallée  maréca- 
geuse, a  présenté  jusque  vers  1000  un  état  sanitaire  peu  satisfaisant 
et  une  morbidité  particulièrement  chargée.  De  nombreux  travaux 
d'assainissement  cl  dassècheiucnt  des  marais  y  lurent  |)iati(|ués; 
l'oued  Ahmar  fut  à  demi  desséché  et  déi'ivé  l'oued  El-Kébir;  malgré 
cela,  aux  [)orU'S  mêmes  de  celte  petite  ville,  existent  encore  des  ma- 
récages entre  le  rivage  et  la  roule.  Les  eucidyptus  et  autres  arl)res 
asséchants  qu'on  y  a  plantés  sont  des  repaires  à  moustiques,  et  tout 
le  leri'ain  sur  lequel  sont  bâties  les  cabanes  des  Siciliens  es!  un  ter- 
rain d'alluvion  humide  et  marcM'ageux.  Le  |>aludisme,  la  pneumonie 
et  la  lièvre  ty|ilioï(|e  ont  éh'*  longtemjjs  maladies  ccturanles  à  Tabarca, 
et  aujoui'd'hui  encore  l'étal  sanilaii'e  y  laisse  beaucouf)  à  désirer.  La 


T.',  — 


mortalité,  depuis  1000,  se  rnainticiiL  sensiblement  au  cliilïre  annuel 
<l(î  (lix-lluit  à  vin,i^t  décès  pour  un  milliiM'  d'habitants  environ,  soit 
une  moyenne  de  '20"/(,.  Ce  cliilïre  se  rapproche  sensiblement  de  celui 


des  grandes  villes  de  France. 


Scolarité.  —  Tabarca  lut  doté  d'une  école  mi.xte  en  1888;  on  y 
comptait  alors  (>0  élèves,  filles  eti'arçoiis.  En  1895,  ce  chillre  s'élevait 
à  85  élèves.  En  18iK),  une  école  de  lilles  l'ut  ouverte  et,  cette  année 
(lîKJi),  deux  classes  nouvelles  ont  été  créées.  Tabarca  aura  donc 
désormais  deux  instituteurs  et  deux  institutrices. 

A  la  rentrée  dernière,  l'école  des  i^arçons  recevait  94  élèves  :  30 
Français,  37  Italiens,  1  Maltais,  '21  musulmans,  5  Israélites. 

A  cette  même  époque,  l'école  des  lilles  comptait  7(i  élèves  :  21  Fran- 
çaises, 42  Italiennes,  2  Maltaises,  5  Israélites. 

Depuis  1896,  le  nombre  des  élèves  a  toujours  été  en  progressant 
dans  les  deux  écoles. 


CHAPITRE  VI 


CONCLUSIONS 


Avant  d\Hre  le  Contrôle  civil  de  Souk-el-Arba,  le  territoire  que 
nous  venons  d'étudier  Taisait  partie  du  «  Cercle  d'Aïn-Drabam  »,  oc- 
cupé par  l'Armée,  administré  par  les  Alïaires  Indigènes. 

Le  rôle  que  joua  l'Armée  en  Tunisie  aux  premiers  temps  de  l'Occu- 
pation est,  nous  l'avons  dit,  en  tous  points  remarquable.  Ce  l'ut  non 
seulement  l'Armée  pacificatrice,  qui  mit  un  terme  aux  actes  de  bri- 
gandage dont  les  Kroumirs  étaient  coutumiers,  ce  fut  aussi  l'Armée 
colonisatrice  qui  traça  des  routes,  capta  les  sources,  créa  des  villa- 
ges, facilita  la  venue  du  régime  civil. 

Nous  résumons  brièvement  à  la  lin  de  l'étude  que  nous  soumet- 
tons à  M.  le  Résident  Général,  l'œuvre  accomplie  par  le  (louverne- 
ment  du  Protectorat.  Elle  est  considérable  et  méritoire,  car  là  plus 
(ju'ailleurs  l'Administration  eut  à  lutter  contre  les  préventions  et  con- 
tre la  coalition  des  intérêts  liostiles.  La  colonisation  a  pu  s'implanter 
en  certains  points  de  la  vallée  de  la  Medjerda  et  de  la  plaine  de  Ta- 
barca,  mais  si  le  nouveau  venu  fouille  la  terre,  le  pâtre  n'en  demeure 
pas  moins  auprès  du  laboureur.  Le  colon  n'a  pas  chassé  l'Indigène  : 
il  s'en  est  fait  un  auxiliaire. 

Il  est  aussi  son  éducateur.  Il  l'initie  peu  à  peu  aux  pi'océdésdc  la 
culture  rationnelle,  et  nous  avons  vu  Tlndigène  grelTant  les  arbres, 
irriguant  son  jardin,  arrachant  les  toull'es  d'herbes  mauvaises,  rem- 
plaçant le  (jralloir  arabe  par  la  chari'ue  françiiise. 

Le  Service  forestier,  depuis  son  installation,  a  poursuivi  avec  mé- 
thode la  mise  en  valeur  des  richesses  de  la  Kroumirie.  Tout  en  main- 
tenant les  di'oits  d'usage  ac(|uis  et  sans  |)rov()(|U('i' les  rvci'imina- 
tions  des  Indigènes  ([ui,  au  contraire,  ont  trouvé  des  ressources  pré- 
ci(nises  dans  le  travail  en  forêt  —  ce  Service  a  pcM'cé  des  chemins 
il  travei-s  la  futaie,  protégé  les  bois  contre  les  ravages  (h^  l'incendie, 
rcpeupli!  les  espaces  dévastés,  et  il  a  diMuasch'  jirès  de  dix  millions 
de  chênes-liège. 

Ij'S  recettes,  cha(|ue  aimée,  voiil   en  piogicssant  et  la  Kronniiiie, 


hier  encore  pour  ainsi  dire  improductive,  est  devenue,  sous  l'heu- 
reuse impulsion  des  agents  des  Forêts,  un  des  plus  beaux  joyaux  de 
la  Régence. 

D'importants  îlots  de  colonisation  ont  été  créés  à  Ghardimaou, 
Chemtou,  Souk-el-Khemis,  la  Merdja,  Tabarca  et  les  Mekrin.  Dix 
mille  hectares  de  terres  environ  ont  été  répartis  entre  soixante-seize 
colons  français,  et  la  Direction  de  l'Agriculture  possède  encore  quel- 
ques parcelles  de  terres  labourables  et  des  lots  urbains  qu'elle  doit 
prochainement  mettre  en  vente. 

Il  eût  été  certainement  possible  de  faire  mieux  dans  la  région  de 
Souk-el-Arba;  mais  les  jours  sombres  semblent  avoir  disparu,  et  tout 
le  monde.  Administration,  Chambre  d'Agriculture,  Chambre  de  Com- 
merce et  délégués  de  la  circonscription, se  sont  énergiquement  misa 
l'œuvre  afin  de  remédier  à  la  situation  précaire  dans  laquelle  se 
trouve  Souk-el-Arba  par  suite  des  circonstances  que  nous  avons  énu- 
mérées.  Avant  peu,  grâce  à  la  réalisation  des  projets  actuellement  à 
l'étude,  Souk-el-Arba  reprendra  vie  et  n'aura  plus  rien  à  envier  aux 
autres  centres  de  la  Tunisie  du  Nord,  où  l'élément  français  est  lor- 
tement  enraciné. 


On  a  souvent  comparé  la  plaine  tunisienne  de  la  .Medjcrda  à  la 
plaine  algérienne  du  Chélilï";  il  y  a,  en  elïet,  beaucoup  d'analogie 
entre  ces  deux  régions,  au  point  de  vue  des  conditions  climatériques 
et  de  la  nature  des  terres.  Il  nous  paraît  donc  utile  de  citer  ici  une 
intéressante  note  sur  la  pratique  des  labours  préparatoires  dans  la 
vallée  du  ChélilT,  que  l'aimable  directeur  de  l'Agriculture,  du  Com- 
merce et  de  la  Colonisation  en  Algérie,  M.  de  PeyerimholT,  a  bien 
voulu  nous  communiquer  : 

«  La  commission  chargée  en  1899  d'étudier  les  conditions  d'amé- 
lioration de  la  situation  agricole  dans  la  vallée  du  Chélilï"  avait  appelé 
l'attention  des  agi'iculteurs  sur  la  nécessité  de  donner  au  sol  destiné  à 
l'emblavure  une  préparation  aussi  parfaite  que  possible.  Elle  avait 
plus  particulièrement  reconnnandé  à  cet  elïet  la  pratique  des  façons 
ciilturales  de  printemps,  qui  est  considérée  dans  la  région  de  Sidi- 
bel-Abbès,  où  elle  est  en  usage,  comme  un  facteur  important  de  la 
réussite  des  récoltes. 

«  Il  s'agissait  de  montrer  aux  colons,  par  des  expériences  sagement 


poiirsmvies,  les  résultats  tangibles  que  permet  d'obtenir  la  pratique 
des  labours  préparatoires,  et  les  inciter  ainsi  à  faire  usage  des  façons 
préalables  dans  la  tradition  de  leurs  procédés  culturaux. 

«  A  cet  effet,  M.  Dechambenoît,  agriculteur  k  Charon,  consentit, 
sous  l'impulsion  de  la  Chaire  départementale  d'Agriculture,  à  faire 
effectuer  des  labours  préparatoires  sur  une  parcelle  de  dix-huit  hec- 
tares. 

«  Un  premier  labour  fut  exécuté  dans  le  courant  de  l'hiver  et  sur 
des  terres  qui  étaient  en  céréales  l'année  précédente;  un  deuxième 
au  printemps,  vers  les  mois  de  mars  ou  avril,  et  enfin  un  troisième 
labour,  tout  superficiel,  à  l'automne,  pour  enterrer  la  semence. 

«  Ces  façons  préparatoires  avaient  ameubli  parfaitement  le  sol  et 
facihté  par  là  même  l'ensemencement.  Il  en  était  résulté  également 
une  économie  notable  dans  la  quantité  de  semence  employée,  puis- 
qu'il avait  suffi  en  moyenne  de  57  kilos  pour  l'emblavure  d'un  hec- 
tare. 

«  On  ne  saurait  trop  insister  sur  l'utilité  que  peut  présenter  dans 
cette  région,  où  des  difficultés  météoriques  extrêmes  de  sécheresse 
et  d'humidité  marquent  le  plus  souvent  le  temps  des  labours  d'au- 
tomne, la  pratique  des  façons  culturales  préparatoires  qui  permet- 
tent de  suite  l'ameublissement  facile  du  sol  par  les  labours  légers  et 
rendent  possible  la  semaille  en  temps  opportun. 

«  Un  autre  caractère  utihtaire  qu'il  convient  de  noter  et  (|ui  a  eu 
tout  particulièrement  son  importance  dans  les  expériences  faites  par 
M.  Dechambenoît,  est  la  facilité  avec  laquelle  le  sol  ameubli  absorbe 
sans  rien  perdre,  toute  l'eau  du  ciel  et  l'emmagasine  dans  le  sous-sol. 

«  L'utilité  de  ces  réserves  d'eau  a  été  d'autant  plus  grande  que  la 
céréale,  au  cours  de  sa  végétation,  notamment  pendant  le  mois 
d'avril,  avait  reçu  une  quantité  d'eau  insuffisante  pour  son  dévelop- 
pement. 

^<  Ces  façons  culturales  préparatoires  ont  permis  à  M.  Dechambe- 
noît d'obtenir  306  quintaux  de  blé  tendre  sur  une  superficie  de  18 
hectares,  soit  17  quintaux  à  l'hectare,  alors  que  sur  une  parcelle  prise 
coinmo  témoin,  placée  dans  les  mêmes  conditions,  mais  où  l'on  n'a- 
vait effectué  que  le  labour  d'automne,  le  rendement  n'a  été  que  de  5 
((uintaux  1/2  à  l'hectare  ;  enfin,  une  troisième  parcelle,  (]u'il  n'avait 
pas  été  possible  de  labourer  en  mars,  adomié  VI  (juintaux. 

((  Dans  les  terres  préparées  suivant  la  métiiode  en  usage  à  Sidi- 
bel-Abbès,  la  récolte  a  été  non  seulement  plus  abondante,  mais  aussi 
de  meilleure  qualité  :  le  grain  était  gros  et  Ijien  nourri,  alors  (|uedans 
les  terres  cultivées  suiv;mt  le  procédé  ordinaire,  le  grain  avait  un  as- 
pect ridé  et  était  vide.  Les  agriculteurs  ont  été  unanimes  à  reconnaî- 
tre que,  seules,  les  récoltes  de  M.  Dechambenoît  etdes  propriétaires 
cultivant  leurs  terres  suivant  la  méthode  en  usiiue  à  Sidi-bel-Abbès 


-  77  — 

avaient  donné  un  rendement  en  grain  satisfaisant.  Ce  sont  eux  qui, 
en  portant  ù  la  connaissance  des  colons  de  la  vallée  du  Chéliiï'les  ré- 
sultats acfjuis  à  (Sharon,  ont  contribué  le  plus  ])uissamment  à  l'aire 
entrer  dans  la  tradition  des  procédés  culturaux  la  pratique  des  façons 
préalables. 

c(  M.  Dechambenoît  a  estimé  ({n'efléetuée  d;ins  ces  conditions,  la 
préparation  du  sol  a  exigé  un  supplément  de  dépense  d'une  trentaine 
de  francs  par  hectare,  mais  que  si  l'on  considère,  d'une  part,  l'éco- 
nomie réalisée  sur  la  semence,  et,  d'autre  part,  le  surplus  de  la  ré- 
colte qu'a  permis  d'obtenir  l'adoption  de  ce  système  de  culture,  il  en 
était  résulté  en  définitive  un  bénéfice  net  de  70  francs  par  hectare. 

«  Les  résultats  appréciables  qu'ont  donnés  les  expériences  poursui- 
vies par  M.  Dechambenoît  ont  amené  peu  à  peu  les  agriculteurs  cons- 
ciencieux à  faire  entrer  dans  leur  système  de  culture  la  pratique  des 
labours  préparatoires.  Il  est  aujourd'hui  des  régions  entières  où  ces 
façons  préalables  sont  en  usage;  on  pourrait  citer  notamment  Littré, 
Duperré  et  plus  particulièrement  Carnot,  où  M.  le  docteur  Roux  a 
obtenu  sur  ses  terres,  en  1903,  un  rendement  de '23  quintaux  à  l'hec- 
tare. 

«  Il  serait  à  désirer  que  la  pratique  des  labours  préparatoires  se 
généralisiît  encore  davantage  dans  la  vallée  du  Chélilï,  partout  où  la 
culture  des  céréales  sur  jachère  cultivée  pourrait  être  pratiquée, 
c'est-à-dire  où  le  loyer  de  la  terre  est  suffisamment  bon  marché  pour 
ne  pas  trop  grever  les  frais  de  production  et  permettre  ainsi  au  pro- 
priétaire de  se  contenter  d'une  récolte  tous  les  deux  ans. 

«  L'expérience  est  aujourd'hui  concluante  :  une  terre  soumise  à  la 
culture  biennale,  avec  les  labours  de  printemps,  donne,  avec  beaucoup 
moins  de  frais,  un  produit  plus  élevé  que  lorqu'on  s'acharne  à  la  cul- 
ture tous  les  ans  sans  engrais. 

((Onnesaurait  donc  trop  insisterpour  recommander,  dans  lesparties 
qui  s'y  prêtent,  ces  labours  de  printemps.  C'est  par  l'amélioration 
des  procédés  culturaux,  bien  plus  que  tout  autre  moyen,  qu'il  sera 
possible  de  rendre  la  culture  des  céréales  rénmnératrice  et  d'assurer 
la  régularité  des  récoles.  » 

Ajoutons  à  cette  note  les  quelques  renseignements  suivants  (jui 
nous  ont  été  donnés  à  Orléansville  par  des  colons  de  la  vallée  du 
Chéliff.  Le  Service  des  Ponts-et-Chaussées  a  construit  à  Pontéba  (^^six 
kilomètres  d'Orléansville),  un  barrage-déversoir  qui  permet  à  la  fois 
l'irrigation  du  territoire  de  ^lalakof  et  celui  de  Charon  qui,  par  leur 
situation  topographique  et  l'excellence  de  leurs  terres,  sont  appelés 
à  un  avenir  réel.  La  création  du  barrage  et  de  vingt-trois  kilomètres 
de  canalisation  a  coûté  2.  iOO.OOO  francs,  et  elle  permet  d'irriguer. 


—  78  — 

pendant  200  jours  par  an,  4.425  hectares.  L'eau  ainsi  distribuée  est 
vendue  aux  colons  syndiques,  par  l'Administration,  à  raison  d'un 
demi  centime  par  mètre  cube.  Dans  la  zone  actuellement  irrigable,  la 
terre  valait,  en  1875,50  francs  l'hectare  :  elle  vaut  aujourd'hui  500  à 
1 .000  francs  par  grandes  surlaces,  davantage  quand  il  s'agit  de  peti- 
tes surfaces  en  jardins  comptantes  ou  non.  La  valeur  locative  était 
alors  de  10  à  20  francs  l'hectare  ;  elle  atteint  aujourd'hui  de  100  à  400 
francs  pour  les  jardins  et  les  vergers.  Il  n'y  avait  pas  d'arbres  frui- 
tiers :  il  existe  actuellement  près  de  100  hectares  de  culture  fruitière 
autour  d'Orléanville. 

Il  est  facile  de  se  rendre  compte,  par  ce  simple  exposé,  de  ce  qu'il 
sera  possible  d'obtenir  dans  la  plaine  de  la  Medjerda  lorque  des  tra- 
vaux de  barrage,  de  captation  et  d'irrigation  y  auront  été  exécutés  — 
lorsqu'on  aura  simplement  reconstitué  les  travaux  hydrauli(iues  des 
Romains  dans  la  vallée  du  Bagradas. 


Il  y  a,  dans  le  Contrôle  de  Souk-el-Arba,  six  centres  qui  n'existaient 
que  de  nom  avant  l'occupation  française  et  qui  ont  été  créés  de  toutes 
pièces  sous  notre  protectorat:  Souk-el-Arba,  Ghardimaou,  Oued-Me- 
liz,  Souk-el-Khemis,  Tabarca,  Aïn-Draham,  sans  compter  les  petits 
hameaux  de  Ben-Bechir,  Fernana  et  Babouch.  Il  s'agit  maintenant  de 
doter  ces  villages  des  organes  essentiels  qui  leur  font  défaut,  de  les 
pourvoir  d'eau,  de  réseaux  d'égouts,  de  voies  de  communication,  de 
marchés  couverts. 

Nous  avons  vu  que  dans  chacun  d'eux,  à  l'exception  d'Oued-Mcliz, 
des  écoles  ont  été  installées  et  nous  avons  eu  la  satisfaction  de  cons- 
tater qu'elles  étaient  assidûment  suivies.  Ces  villages  sont  égale- 
ment pourvus  de  bureaux  de  poste  et  télégraphe  et  le  téléphone 
relie  maintenant  Souk-el-Arba  et  Souk-el-Khemis  à  la  capitale  de  la 
Régence. 

La  population  française  du  Contrôle,  qui  était  en  181)1  dv  (i'JOàmes 
et  de  1 .000  en  1800,  atteignait  le  chilVro  de  1 .200  en  1900,  et  elle  est 
aujour<riiui  ilc  plus  de  I  .lOO  âmes  ;  elle;!  ddiic  |»rogi'essé,  en  doir/e 
ans,  (le  7(M)  indiviilus  environ.  ()ii  iroiivci'a  pcul-iMiT  (juc  c'est  pcni. 
maison  ne  si;  r(,'nd  pasassc/  conii)!*'  des  iuMonihrablcs  dil(i('ult(''S(|ue 
l'Administration  dut  aplanir  pour  assurer  la  sécurité,  se  procurer 
des  terres  fertiles,   installer  ou  donner  les  moyens  de   vivre  à  ces 


—  T.)  — 

\/iOO  Franriiis  au  milieu  d'une  population  sinon  hostile,  tout  au 
moins  rébarbative^  composée  en  majeure  partie  des  tr-ibus  les  plus 
turbulentes  (le  la  Tunisie,  et  dont  h;  cliid'i'i!  dépasse  50. (JIMJ  individus. 

La  colonisation  sicilienne,  dont  l'extension  dans  la  Réj^^encc  préoc- 
cupe à  juste  titre  ]p  Gouvernement  du  Protectorat,  est  peu  apparente 
dans  le  Contrôle  de  Souk-el-Arba.  Les  étranj^'-ers,  en  effet,  Italiens 
ou  autres,  ne  possèdent  pas,  sur  ce  territoire,  '2.000  hectares  de 
terres,  tandis  (]ue  les  Français  en  ont  acquis  plus  de  10.(X)0.  Nous 
rencontrons  surtout  les  Italiens  dans  l'élément  ouvrier,  chez  les 
entrepreneurs  de  travaux  publics,  sur  les  chantiers  forestiers,  dans 
les  mines  ou  dans  les  fermes  comme  ouvriers  aL;Ticoles.  La  voie  est 
donc  libre  pour  la  colonisation  française,  et,  par  la  suite,  l'œuvre  sera 
systématiquement  poursuivie. 

Vers  la  grande  plaine,  qui  semble  rèclie  et  aride,  mais  dont  les 
entrailles  sont  pourtant  si  fécondes,  viendra  l'homme  des  villes  qui, 
près  du  paysan,  choisira  sa  place  et  bâtira  son  nid,  pour  vivre  la  vie 
large  et  saine  des  champs. 

Décembre  11)04. 


LE  CONTROLE  CIVIL  DE  BÉJA 


CHAPITRE  le. 


Limites.  —  Orograpliie  et  Ilydroyrapiiie.  —  Les  Romains 
Les  Indigènes. 


Le  Contrôle.  —  Le  Contrùle  civil  de  Déju  a  été  créé  en  1880.  Il 
comprend  deux  Gaïdats  :  Béja  et  Medjez-el-Balj.  Sa  superficie  est  de 
O.800  kilomètres  carrés  environ. 

Ce  vaste  territoire  est  des  plus  fertiles,  et  si  nous  en  croyons  les 
auteurs  anciens,  il  en  fut  ainsi  au  temps  de  l'occupation  romaine, 
époque  pendant  laquelle  se  tenait  chaque  été,  dans  les  plaines  de 
Bou-Sdira,  au-dessous  de  Vaga  (Béja),  le  long-  du  cours  de  la  Med- 
jerda,  une  foire  célèbre  où  se  rendaient,  des  points  les  plus  reculés, 
les  agriculteurs  avec  leurs  familles  et  leurs  troupeaux. 

La  richesse  du  sol  est  telle,  que  même  pendant  les  aimées  mauvai- 
ses, la  récolte  est  encore  suffisante,  et  pendant  de  longues  années 
Béja  fut  le  marché  le  plus  important  et  le  mieux  approvisionné  en 
céréales  et  en  bestiaux  de  la  Tunisie  du  Nord. 

Les  Indigènes  y  vécurent  heureux.  Laboureurs  et  pasteurs,  ils  me- 
nèrent une  vie  relativement  calme  ;  peu  combatifs  de  leur  nature,  se 
contentant  de  se  défendre  contre  les  razzias  des  Kroumirs  et  des  Mo- 
gods,  ils  payaient  —  à  Texception  de  quehpies  fractions  rebelles  — 
régulièrement  leurs  impôts  aux  beys  de  Tunis  et  ils  ne  leur  suscitè- 
rent jamais  de  graves  ennuis. 

Depuis  l'Occupation  française,  la  colonisation  s'est  lorlcMiient  enra- 
cinée et  prodigieusement  développée,  surtout  depuis  un(>  dizaine 
d'années,  dans  cette  région  propice. 

(]aï<lat  <lc  Béja 

Limites.  —  Les  limites  du  Caïdat  de  Béja  sont,  (>n  paiiant  du 
Xoi-d: 


-  81  - 

Ln  inor  jusqu'au  delà  de  rcinixjiicliiiro  do  l'oiiod  Zouai'a;  une 
ligne  se  dirigeant  du  Xoril-Ouest  au  Sud-Ouest  jus(ju'au  «Ijebel  Klio- 
l'ouf,  important  massiC  boisé  qui  sépare  le  Caïdatde  lîéja  de  la  Krou- 
niirie.  La  limite  coupe  ensuite  Voued  Melali,  passe  près  de  Oarer- 
Zaga,  se  dii-ige  du  Nord  au  Sud,  tiaverse  les  Oïdad-Djaher  et  l'oued 
Morsi  (Cliialiia),  reprend  la  direction  Nord-Ouest-Sud-Est,  Irancliitle 
djebel  lîou-Quetrar  et  atteint  l'oued  Karab  qu'elle  suit  pendant  six 
kilomètres  pour  se  diriger  ensuite,  par  Kel-Jlidjagaet  IlencliirZoua- 
l'a,  sin-  la  Medjei'da,  au  point  où  ce  fleuve  reçoit  l'oued  Melali  ((Juled- 
bou-Saiem). 

La  limite  du  Gaïdat  de  Déjà  lorme  alors  vers  le  Nord  un  arc  de 
cercle  dont  la  Medjerda  est  la  corde  pour  laisser  le  bled  Kouba  au 
Gaïdat  de  Téboursouk,  prenant  au  contraire  à  ce  Gaïdat  le  territoire 
broussailleux  situé  au  Sud  de  IJéja-gare  et  dont  le  djebel  Langousa 
occupe  le  centre.  A  environ  un  kilomètre  au  nord-ouest  du  Kef-Galea 
commence  le  Gaïdat  de  Medjez-el-Dab,  séparé  de  celui  de  fîéja  par  la 
Medjerda,  puis  par  une  ligne  conventionnelle  passant  par  la  sta- 
tion de  Pont-de-Trajaii  et  la  zaouïa  de  Sidi-^l'zouri.  La  limite  i-e- 
monte  alors  vers  le  Nord  et  traverse  les  gorges  du  djebel  ^lellalia. 
le  djebel  Jîou-Aroua  et  se  prolonge  jus<{u'àriiencliir  El-Rry.  J>à  com- 
mence la  limite  séparant  le  Gaïdat  de  Béja  de  celui  de  Mateur;  la 
ligne,  suivant  l'oued  Djerou,  Foued  Bou-Dissa  et  l'oued  Begra,  des- 
sine un  bastion  avancé  entre  les  llédill  et  les  Béjaoua,  dont  le  djebel 
Drahr,  l'orme  l'arête.  La  ligne  de  démarcation  prend  ensuite,  jus(|u'au 
cap  Négro,  une  direction  Sud-Est-Nord-Ouest  par  Sidi-bou-Milicli  et 
l'oued  Bou-Zemma  (Modogs),  Si-Ali-beu-Yousscr,  l'oued  Bellil  et 
Aïu-Zana. 

Le  Gaïdat  de  Béja  touche  donc  <à  ceux  de  Tabarka,  des  Gliialiia, 
des  Ouled-bou-Salem,(le  Téboursouk,  de  Medjcv-el-lî  djet  de  Maleui', 
soit  aux  Gontrùles  civils  de  Souk-el-Arba,  <lu  Kef  et  de  lîizerle.  Ge 
Gaïdat  à  la  forme  générale  d'une  ellipse  allongée  dans  le  sens  Nurd- 
Ouest-Sud-Est,  dont  le  plus  gi';uid  axe  aui'ait  environ  (i'J  kilomètres, 
le  petit  ',Vt  kilomètres  et  dont  la  surface  peut  èlre  évaluée  à  1.1(10 
kilomèti'cs  carés. 

Orographie.  —  Le  bled  Mc'ja  (paiiie  sud  du  Gaïdal)  est  \Au\n\  un 
leri'ain  plal,  et  il  laul  aller  sur  la  limite  de  Maleur,  à  l'E-sl,  pour  ren- 
contrei'  les  nioiil;igiies  ;  parloul  ailleurs,  ce  ne  sonl  i\[io  dci^  collines 


—  82  — 

peu  élevées.  En  regardant  le  bled  Béja  à  vul  d'oiseau,  on  se  rend 
compte  iacilement  de  son  orographie  et  l'on  voit  :  1°  une  chaîne  de 
vingt-cinq  kilomètres  venant  du  massif  de  Mateur,  formée  par  une 
série  de  monts  escarpés  et  dénudés,  sauf  les  plateaux  des  djebels 
Djedjagua  et  Hennaya,  où  l'on  trouve  quelque  végétation  ;  !2'»  une 
chaîne  longeant  l'oued  El-Boul,  peu  élevée,  en  général  assez  fertile, 
appelée  le  djebel  Munchar.  Les  collines  qui  s'en  détaclient  se  termi- 
nent près  de  la  Medjerda  ;  dans  la  partie  sud,  ce  sont  des  plateaux, 
coupés  ça  et  là  par  des  ravins  profonds  remplis  de  broussailles  ;  la 
population  y  est  peu  nombreuse,  le  pays  est  sauvage,  désert,  et  la 
Medjerda  traverse  sur  ce  point  des  gorges  resserrées  etarrides.  Dans 
la  partie  ouest,  au  contraire,  se  trouvent  de  hautes  collines  et  les  beaux 
plateaux  du  bled  Douemis. 

La  région  des  Amdoun,  située  au  nord-ouest  de  Béja,  se  compose, 
dans  sa  partie  sud,  de  jolis  coteaux  cultivés  et  de  vallons  profonds. 
Le  centre  est  occupé  par  le  massif  du  djebel  Sobbah  (700  mètres), 
qui  se  prolonge  du  Nord  au  Sud  sur  plusieurs  kilomètres;  les  cols, 
les  défilés,  les  rocs  abrupts  y  sont  nombreux,  et  peu  à  peu  la  con- 
trée, broussailleuse  au  début,  se  transforme  en  forêt.  Au  nord  de  ce 
territoire,  quelques  monts  :  les  djebels  Tebala,  El-Gassa,  Zouinia, 
Damous,  Tabouba,  succession  de  pics  boisés  de  400  à  600  mètres 
d'altitude,  reliant  le  Sobbah  au  djebel  Mcid  (030  mètres)  des  Ouch- 
tata. 

La  région  des  Nefza,  qui  occupe  le  nord  du  Caïdat,  est  également 
montagneuse,  mais  plus  parsemée  de  clairières,  de  petites  plaines, 
de  coteaux  coiffés  de  bouquets  d'oliviers.  C'est  la  (in  de  la  Kroumirie 
encore  fourrée,  mais  plus  chauve,  plus  éparse,  et  ([ui  laisse  soup- 
çonner le  voisinage  de  la  dune  aride  que  l'on  aperçoit,  en  ellet,  non 
loin  de  là. 

On  entre  dans  les  Nefza  parle  Khanguet-Kef-Tout,  laissant  à  droilo 
le  djebel  lîen-Sefi  et  le  djebel  Sidi-Alimet,  massif  qui  sépare  la  vallée 
des  Fatnassa  (côté  lîéja)  de  la  plaine  des  Nelza  (c()té  Tabarka).  Sur 
les  bords  de  l'oued  Mclah  s'élève  le  djebel  l'd-Abiod  et,  à  l'Ouest,  le 
Koiidiiit  l)j('Z;ira,  an  coiilliieiil  de  I'oikm!  linii-Zciiiia  el  de  Idiicd  Ma- 
deii.  Dans  la  phiine  des  Nefza  surgit  ciiliii  un  (''iionne  roclici'  de  foi- 
iTie  bi/ari'e,  le  Jîou-Laya  f'JD'i  mètres),  dernièi'e  sentinelle  kroumire, 
au  delà  de  la(juelle  s'étend  une  délicieuse  vallée  semi'e  de  boiKiuets 
d  aulnes,  de  micocouliers,  de  saules,  de  peupliers,  de  clièni's  verts; 


-  K\  — 

puis  à  ces  arbres  succèdent  les  fourrés  de  lentisques,  de  genévriers, 
d'arbousiers,  de  lauriers-roses,  et, tout  à  coup,  la  végétation  s'arrête  : 
c'est  le  sable,  la  dune  envaliissantn  subissant  l'influence  des  vents, 
présentant  des  croupes  légères  du  côté  nord-ouest  et  se  terminant  en 
falaise  du  côté  op|)osé.  Et  ces  monticules,  d'altitudes  variables,  for- 
ment de  petits  chaînons  (jiii  se  prolongent  jusqu'à  la  mer,  barrant  le 
littoral,  de  l'oued  Zouara  au  cap  Négro. 

Hydrographie.  —  Quatre  cours  d'eau  sillonnent  le  bled  Béja  :  les 
oueds  Béja,  Djerrou,  Begra  et  Tercli. 

L'oued  Béja  prend  sa  source  dans  les  Amdoun,  et,  après  un  par- 
cours de  vingt  kilomètres,  vient  se  jeter  dans  la  Medjerda,  près  de  la 
gare  de  Pont-de-ïrajan.  Cette  rivière  coule  lentement  au  milieu 
d'une  belle  vallée  ;  ses  bords  sont  peu  élevés  et  ses  rives  insalu- 
bres. 

On  y  remarque  les  vestiges  de  trois  ponts  datant  de  l'occupation 
romaine. 

L'oued  Djerrou  prend  sa  source  au  pied  du  djebel  Ben-Dhar,  ver- 
sant sud,  et  se  dirige  vers  les  contreforts  du  djebel  Munchar.  Avant 
d'entrer  dansleKhanguet  Skira,  il  prend  le  nom  d'oued  Zerga  etsejet- 
tedans  la  Medjerda,  près  de  la  gare  d'Oued-Zerga. 

L'oued  Begra  sort  du  djebel  Jouega  et  il  quitte  bientôt  le  territoire 
de  Béja  pour  arroser  le  Caïdat  de  Mateur;  il  traverse  une  petite  vallée 
resserrée  où  se  trouvent  de  nombreuses  ruines.  Près  de  sa  source,  on 
remarque  de  beaux  jardins  et  les  restes  d'une  ville  couvrant  environ 
deux  hectares. 

L'oued  Terch  prend  naissance  au  pied  du  Koudiat  Kradkada  ; 
il  suit  une  direction  sud  et  va  se  jeter  dans  la  Medjerda,  près  de 
Sidi-Zeli. 

Le  territoire  des  Amdoun  est  arrosé  par  l'oued  Béja  (indiqué  plus 
haut)  et  les  oueds  Maden,  Tabouba  et  Kaçab. 

L'oued  Maden,  qui  sort  du  djebel  Lobbali,  se  dirige  vers  le  nord, 
traverse  le  Khanguet-Kef-Tout,  pénètre  dans  lesNefza  et  se  jette  dans 
l'oued  Zouara. 

L'oued  Tabouba,  qui  prend  sa  source  au  pied  du  djebel  Ez-Zouza, 
se  dirige  vers  le  nord-ouest,  traverse  la  petite  pleine  du  Tarf  et  se 
jette  dans  l'oued  Melah. 

L'oued  Kaçab,  formé  de  nombreuses  sources  provenant  du  massif 


—  84  — 

Bou-Guetrane,  se  dirige  vers  le  sud,  traverse  une  riche  vallée,  péné- 
tre sur  le  territoire  des  Oulad-bou-Salem  et  se  jette  dans  la  Medjerda 
près  de  l'hencliir  Habid. 

Les  oueds  ]\Ielah,  Bou-Zenna,  Maden,  Rellif  et  Zouara  zigzaguent 
dans  les  vallées  des  Netza. 

L'oued  Melah,  qui  vient  du  massif  d'Aïn-Draliam,  porte  le  nom 
d'oued  Zéen  pendant  son  parcours  sur  le  territoire  des  Mekna  (Caï- 
dat  d'Aïn-Draham  ).  Il  prend  la  direction  nord-ouest,  traverse  la  plan- 
tureuse vallée  de  l'oued  Zéen  et  pénètre  sur  le  territoire  des  Nefza 
parla  vallée  du  Tarf  ;  il  prend  alors  le  nom  d'oued  Melah,  baigne  le 
pied  du  djebel  Abiod,  contourne  le  djebel  Bou-Laya  et  se  jette  dans 
l'oued  Zouar.i,  à  l'extrémité  nord  de  la  plaine  des  Nefza. 

L'oued  Bou-Zenna  provient  des  Hedill  (Gaïdat  de  Mateur),  arrose 
la  partie  est  de  la  plaine  des  Nefza  et  se  jette  dans  l'oued  Maden  à 
la  hauteur  du  Koudiat  Dzarra. 

L'oued  Bellif  est  vm  cours  d'eau  peu  important  sortant  des  dunes 
du  bled  Bellif  t  il  se  dirige  d'abord  vers  le  sud,  sur  la  limite  est  du 
Gaïdat  de  Béja,  et  il  entre  dans  les  Nefza  près  de  Sidi-Ali-Merzoug 
pour  se  jeter  presque  aussitôt  dans  l'oued  Bou-Zenna. 

L'oued  Zouara,  formé  par  la  réunion  des  oueds  Melah  et  Bou-Zen- 
na, coule  entre  les  dunes  et  les  sables  mouvants,  puis  se  jette  dans  la 
mer  à  la  pointe  nord-ouest  du  Contrôle  civil  de  Béja. 

Le  Gaïdat  de  Béja  est  abondamment  irrigué  par  des  sources  prove- 
nant des  massifs  boisés  ;  nombre  d'entre  elles  ne  tarissent  jamais, 
procurant  ainsi,  pendant  la  saison  chaude,  une  incessante  et  bienfai- 
sante fraîcheur  à  ce  coin  de  terre  privilégié. 

Les  Romains.  —  De  mèmeque  dansla  valléedel^agrada,  les  vesti- 
ges romains  jonciientle  sol  du  Gaïdat  de  Béja;  non  seulement  on  en 
rencontre  dansla  plaine,  mais  aussi  dans  les  massifs  montagneux  des 
Amdoun  et  des  Nefza. 

La  partie  sud  du  Contrôle  civil  de  P)éja  (caïdat  de  ÎMcdjez-el-l^al)) 
a  été  très  étudiée  par  nos  savants;  la  partie  nord,  au  conlraire  (Gaï- 
dat de  Béja),  a  été  jusqu'alors  peu  explorée.  Il  faut  souliailer  (|ue  les 
crédits  permettent  bientôt  au  Service  des  Anli(|iiil('s  de  fouiller 
cette  région  et  de  sauvegarder  les  témoins  intéressants  de  l'occupa- 
tion romaine.  Si,  lorstjue  viendra  cet  heureux  jour,   le  Service  des 


-  H%  - 

Antiquités  trouve  encore  à  glaner,  il  le  devra  a  M.  Bonjean,  conduc- 
teur des  Ponts-et-Ghaussées  à  Béja,  qui  a  su  prendre  des  mesures 
efficaces  pour  préserver  les  ruines  aussi  bien  contre  l'Arabe,  dévas- 
tateur par  instinct,  que  contre  le  colon,  destructeur  par  intérêt.  On 
manque  de  pierres;  on  en  trouve  de  fort  belles  toutes  taillées  ;  on 
s'en  empare,  même  si  elles  portent  des  inscriptions  ou  des  sculptures: 
le  colon  est  sans  pitié.  M.  Bonjean  a  placé  les  vieilles  pierres  sous  sa 
protection  ;  il  les  a  relevées,  décrites,  fort  joliment  croquées  :  il  les  a 
sauvées.  M.  Bonjean  a  été  très  encouragé  dans  cette  œuvre  par  son 
chef  direct,  M .  Picard,  ingénieur  des  Ponts-et-Chaussées,  doublé<ruii 
artiste  délicat. 

La  fondation  de  Vaga  (Béja)  remonte  à  la  période  carthaginoise. 
Les  fouilles  faites  par  le  capitaine  Vincent,  chef  de  l'Annexe  de  Béja 
en  1884,  sur  l'emplacement  du  camp,  ont  mis  à  jour  cent  cinquante 
tombeaux  qui  semblent  appartenir  à  l'époque  punique. 

Ce  n'est  qu'au  commencement  de  la  guerre  contre  Jugurtha  que 
nous  voyons  apparaître  dans  l'histoire  le  nom  de  Vaga  ou  Yacca. 
Saluste  nous  apprend  que  la  cité  numide  Vaga  était  renommée  par 
sa  richesse  et  son  commerce  ;  située  au  centre  d'une  contrée  essen- 
tiellement agricole,  traversée  par  de  nombreux  cours  d'eau  et  sillon- 
née par  de  grandes  voies  de  communication,  Vaga  devait  nécessaire- 
ment attirer  l'attention  du  conquérant.  Aussi  Metellus  y  mit-il  des 
approvisionnements  et  une  garnison  qui  fut  massacrée,  à  l'instigation 
de  Jugurtha,  en  l'an  108  av.  J.-G.  On  a  lu  les  pages  émouvantes  dans 
lesquelles  l'historien  romain  raconte  la  révolte  des  habitants  de  Vaga, 
le  massacre  des  légionnaires  et  la  fuite  honteuse  de  Turpilus,  le  com- 
mandant de  la  place. 

Vaga  ne  jouit  pas  longtemps  de  son  triomphe.  Metellus,  apprenant 
cette  nouvelle,  quitte  Tisiduum  (près  de  Mateur),  où  il  avait  établi 
son  quartier  d'hiver,  et  arrive  sur  Vaga  à  marches  forcées.  Il  livre  la 
ville  rebelle  au  pillage  et  immole,  sans  distinction  de  sexe  et  d'âge, 
la  population  numide  aux  mânes  de  ses  soldats. 

Après  quelques  années  de  calme,  pendant  lesquelles  Vaga  peut 
se  relever  de  ses  désastres,  nous  la  voyons  encore  pillée  par  Juba 
(50  ans  avant  J.-C).  Enfin,  avec  l'ère  chrétienne,  elle  reprit  son  rang. 
Des  inscriptions  datant  des  premiers  siècles  lui  donnent  le  nom  de 
Septimia  Vaga. 

La  période  vendale  survint  et,  avec  elle,  l'ère  des  persécutions,  du 

La  Tunisie  du  Nord  7 


-  80  — 

pillage  et  des  incendies.  Vaga  lut  rasée  par  Genséric  (448)  ;  Justi- 
nien  la  releva  de  ses  ruines  (527)  et  elle  prit  le  titre  de  Theodorias , 
en  rhonneur  de  Timpératrice.  Les  remparts  que  l'on  voit  encore  au- 
jourd'hui ont  été  construits,  en  certains  endroits,  sur  les  murs  ro- 
mains; les  fouilles  exécutées  prèsdeBab-el-Ani  ne  laissent  aucun  doute 
à  ce  sujet. 

Aux  environs  de  Béja,  c'est  surtout  vers  l'ouest,  dans  la  région  d'El- 
Afareg  et  de  Zaouiet-Medien,  qu'apparaissent  nombreuses  les  rui- 
nes romaines  :  termes,  fortins,  moulins  à  Imile,  citernes,  ponts,  bar- 
rages, etc.  ;  les  plus  importants  se  trouvent  aux  lieux  dits  :  Hencliir- 
Aïn-Qoussa,  près  de  Zaouiet-Medien  ;  Henchir-el-Giierra  ;  Sidi-ïa- 
rouni  ;  Henchir-es-Smadhi  ;  Henchir-Rhedada,  au  sud  de  Zaouiet- 
Medien. 

Sur  la  piste  de  Béja  à  Aïn-Draham  (à  neuf  kilomètres  de  Béja,  à 
l'ouest),  à  Aïoun-Riria,  ruines  monumentales  d'une  basilique  datant 
de  l'époque  byzantine.  A  deux  cents  mètres  au  nord,  on  trouve  une 
colline  complètement  couverte  de  ruines  montrant  à  certains  en- 
droits des  s.ubstructions  en  matériaux  énormes.  Près  de  la  source 
d'Aïn-Riria,  des  blocs  ayant  servi  à  la  construction  d'un  barrage  jon- 
chent le  sol. 

A  quinze  cents  mètres  environ  au  sud  de  Béja,  au  lieu  dit  Rejal- 
Mçid,  quelques  citernes  sont  en  bon  état  de  conservation.  Au  nord 
de  la  ville  (trois  kilomètres  environ),  dans  le  djebel  Ben-Diùdia,  plu- 
sieurs groupes  de  ruines  occupent  le  versant  d'un  coteau.  Enfm,  près 
de  Béja,  à  deux  kilomètres  à  l'est,  sur  les  bords  de  l'oued  Béja,  le 
capitaine  Vincent  a  retrouvé  les  restes  d'un* camp  retranché  de  forme 
rectangulaire  ;  on  y  voit  encore  les  fossés,  les  vestiges  d'une  canali- 
sation, de  réservoirs,  de  constructions  couronnant  les  mamelons  es- 
carpés et  commandant  le  passage. 

Plus  loin,  à  15  kilomètres  à  l'est  de  Béja,  au  pied  de  la  crête  sud  du 
djebel  Muncliar  et  à  gauche  de  la  route  de  Tunis,  ruines  d'un  éta- 
blissement thermal.  En  prenant  la  chaîne  du  côté  Est,  on  trouve  les 
ruines  d'une  ville  romaine  qui  devait  être  importante. 

Dans  les  Amdoun,  groupes  de  ruines  sur  le  djebel  Tabbaba,  à 
l'henchir  Chebarra,  à  l'iienchir  Guennnara,  à  i'henchir  Sadoun,  à 
Aïn-Salem.  Au  pied  du  djebel  Zouza,  près  des  sources  de  Qacer-Zaga, 
on  voit  les  ruines  d'un  ancien  temple  des  eaux  (jui  occupent  le  som- 
met d'un  mamelon.  Le  mur  Nord  existe  encore  presque  en  entier; 


—  87  — 

au  SlkI,  (les  chambres  basses  avec  poternes  sont  on  Ijoii  état  de 
conservation.  On  y  trouve  un  li^ranfl  nombres  de  tombeaux  creusés  en 
plein  roc. 

Dans  les  Xefza,  deux  groupes  de  ruines  :  le  premier  aux  Ouled- 
Gassem,  im  peu  au  Sud  en  raccordement  do  la  jjiste  des  Mogods  et 
de  la  pisle  du  cap  N égro  ;  restes  d'une  basilique  byzantine  dont  les 
substructions  se  voient  au  millieu  des  brousailles.  A  50  mètres  à 
rOuest,  ruine  d'un  édifice  qui  fut  probablement  le  baptistère.  Au 
Nord,  à  150  mètres,  vestiges  de  fortifications,  dont  une  tour  bien 
conservée.  La  Compagnie  du  Mokta-el-lladid  a  bâti  un  borrij  sur  cet 
emplacement  avec  les  pierres  provenant  des  ruines. 

Le  deuxième  groupe  des  Nefza,  appelé  Quacer-Romana,  est  situé 
près  du  marabout  de  ,Sidi-i5oulak,  sur  le  côté  gauche  du  sentier  des 
Mogods.  Les  ruines  occupent  le  faîte  d'un  mamelon  auquel  on  accède 
assez  facilement  par  le  sentier  des  Oulad-Houimel.  Le  côté  Ouest  est 
complètement  à  pic  et  surplombe  la  vallée  de  l'oued  ^laden  et  celle 
de  l'oued  Zouara.  Il  ne  reste  debout  qu'un  pan  de  mur. 

Les  Indigènes.  —  La  plupart  des  indigènes  du  Ijled  Déjà  pro- 
viennent de  la  Régence  d'Alger  :  ils  portent  encore  le  nom  de  «  Cliar- 
bi  ».  La  tribu  des  Drid  s'est  glissée  peu  à  peu  dans  les  tribus  de  Déjà 
et  un  certain  nombre  de  ses  membres  sont  devenus  propriétaires.  11 
en  est  de  même  de  quelques  petites  fraclions  de  la  tribu  des  Ouchtata, 
(pii  quittèrent,  voici  deux  siècles,  la  région  de  Ghardiinaou  pour  venir 
s'établir  sur  la  partie  Est  ilu  territoire  des  Nefza,  où  ils  demeurè- 
rent. 

Sur  le  caidat  de  Réjà  vivent  trois  grandes  confédérations  :  les  Rled- 
Réjà,  les  Amdoun  et  les  Nefza. 

La  tribu  des  Rled-Réjà  comprend  dix  fractions  qui  habitent  les 
environs  de  Réjà.  La  population  est  d'origine  arabe,  mais  elle  a  été 
si  mélangée  que,  à  part  quelques  grandes  familles,  chacun  ignore  son 
origine.  Elle  compte  '28.800  persoimes  cuUivaiil  10. (KH)  lu'ctares  de 
terre  et  possédant  O.'JOO  oliviers.  Les  indigènes,  lors  de  l'entrée  de 
l'armée  française,  se  portèrent  à  la  rencontre  de  nos  colonnes  et 
remirent  au  général  Logorot  les  clefs  de  Réja. 

La  tribu  des  Amddiin  coin[)i'enil  neuf  h'actious  ;  elle  occupe  le 
nord-est  de  Réjà.  La  population  se  compose  de  fractions  d'origines 
dilTérentes  :  les  unes  sont  maraboutiques,  les  autres  appartenaient  à 


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la  confédération  des  Drid.  La  fondatrice  de  la  tribu  fut,  dit-on,  une 
femme  venue  du  Djerid  avec  ses  six  yarcons,  Lalla  Tebouba  ;  elle 
était  célèbre  par  ses  miracles,  et  l'apposition  de  sa  main  sur  le  ven- 
tre d'une  femme  suffisait  à  rendre  celle-ci  mère.  Environ  17.300 
individus,  cultivant  9.500  hectares  et  possédant  7,000  oliviers.  Au 
moment  de  l'Occupation,  les  Amdoun  se  rendirent  dans  la  vallée  de 
la  Medjarda  et  nous  combattirent  à  Ben-Béchir  ;  ils  furent  facilement 
mis  en  déroute  et  la  nouvelle  de  la  défaite  des  Oulad-bou-Salcm  et 
des  Gliialiia  jeta  l'épouvante  dans  leurs  rangs.  Ils  demandèrent 
l'amane  et  regagnèrent  leurs  gourbis. 

La  tribu  des  Nefza  comprend  six  fractions  venues  pour  la  plupart 
du  Nefzaoua,  il  y  a  cin(|  ou  six  cents  ans,  à  la  suite  de  M'barek  ben 
Ali  en  Nef/.i,  (]ui  donna  son  nom  à  la  tribu.  Elle  occupe  la  partie 
nord  du  Caïdatde  Béjà  jusqu'à  la  mer.  On  assure  qu'une  des  fractions 
provient  de  descendants  de  marins  maltais  <|ui,  ayant  l'ait  naufrage, 
se  lièrent  avec  les  indigènes  et  s'établirent  définitivement  au  milieu 
d'eux  ;  leur  langue  a  gardé  beaucoup  de  termes  latins  et  ils  ont  con- 
servé l'usage  de  quel(]ues  fêtes  chrétiennes.  Les  Nefza  comptent 
15. iOO  individus  cultivant  10.000  hectares  (les  oliviers  n'ont  pas  été 
recensés).  En  1881,  les  Nefza  se  joignirent  aux  Mekna,  aux  Hédill  et 
aux  Mogods  commandés  par  Bon  Riah  (4.000  hommes),  et  descen- 
dirent dans  la  vallée  de  l'oued  Béja  avec  l'intention  de 'nous  combat- 
tre; vingt-cinq  spahis  du  bey  les  exhortèrent  à  se  retirer  et  ils  hu-ent 
écoutés.  Le  ^20  mai,  le  général  Logei'ot  prenait  possession  de  la  kasba 
et  de  la  ville  de  Béjà,  et,  depuis  cette  époque,  le  pays  est  toujours 
resté  calme. 


Caïdat    de    I\I<Hlje/-el-Bal) 


Limites.  -  Le  Caidat  de  .Medjez-el-l!al)  est  séparé  du  Caidat  de 
l')(\jà  par  l;i  ligne  conventionnelle  que  nous  avons  tracée  plus  haut  et 
qui,  p;nt;iiil  du  ttniiicl  situi''  près  de  la  slalion  de  IN»iil-(l('-'ri"iJ;in,  se 
prolonge  jusf|u"à  l'Iienchii'  El-Bry;  à  partir  de  ce  poinl,  l;i  liniile  suit 
l'oued  Tyne  jusqu'à  l'hencliir  Bousra  ;  elle  décrit  alors  un  arc  de  cer- 
cle, se  dirige   vers  l'Est  en  cou[)ant  la   voie  ferrée  à  la  station  de 


-  89  — 

Medjez-el-Bab,  traverse  Je  djebel  Er-Roiiassi  et  poursiiil  en  ligne 
droite  jusqu'au  marabout  deSidi-Abdelkader,  situé  au  pied  du  djebel 
Khalifa. 

La  limite  se  dirige  vers  le  Sud,  côtoie  le  djebel  Mourra  et  suit  les 
crêtes  du  djebel  Boucha,  puis  les  sommets  des  mamelons  jusqu'au 
djebel  Massouj.  Elle  traverse  une  série  de  vallées,  côtoie  le  djebel 
Kouraïa,  traverse  le  territoire  des  Oulad-ben-Riali,  et  après  avoir 
coupé  la  nouvelle  voie  ferrée  de  Tunis  au  Kef,  près  de  Bou-Arada, 
elle  suit  les  crêtes  des  collines  de  la  Rebaà-Siliana  jus(iu'à  la  source 
de  l'oued  El-Ginied. 

De  là,  la  limite  remonte  vers  le  Nord  en  suivant  cet  oued  pendant 
cinq  kilomètres,  se  dirige  vers  l'Ouest,  franchit  l'oued  Medjez-es-Sefa 
pour  atteindre  l'oued  Siliana;  elle  suit  les  crêtes  des  djebels  Focha  et 
El-Aouech  pour  arriver  à  l'extrémité  occidentale  du  djebel  Tounga. 
Après  avoir  franchi  le  col  Fredj-er-Riah,  qui  traverse  la  route  de  Tu- 
nis au  Kef,  elle  se  dirige  par  la  ligne  de  partage  des  eaux  sur  l'oued 
Khalled  et  le  kef  Bou-Debbous,  pour  remonter  ensuite  l'oued  Mel- 
laha  et  rejoindre,  par  les  Smidane-el-Khil  et  le  djebel  Khorchfia,  la 
vallée  de  la  Medjerda,  près  du  tunnel  de  Pont-de-Trajan. 

Le  Caïdat  de  Medjez-el-Bab  louche  aux  Caïdats  de  Béja,  de  Mateur 
de  Tebourba,  de  Zaghouan,  des  Oulad-Aoun,  de  Téboursouk,  par 
conséquent  aux  Contrôles  civils  de  Béja,  Bizerte,  Tunis,  Mactar  et  Le 
Kef.  Ce  Caïdat,  qui  se  développe  au  nord  et  au  sud  de  la  Medjerda,  se 
présente  sous  une  forme  assez  irrégulière;  elle  mesure,  dans  sa  plus 
grande  longueur,  environ  80  kilomètres,  et  dans  sa  largeur  moyenne 
une  cinquantaine  de  kilomètres.  Sa  superficie  est  de  2.400  kilomètres 
carrés. 

Orographie.  —  Dans  l'ensemble  de  son  relief,  le  sol  du  Caïdat  de 
Medjez-el-Bab  comprend  deux  larges  bourrelets.  L'un,  situé  au 
Nord  et  sur  lequel  sont  construits  les  villages  berbères  de  Toukabeur, 
Chaouach  et  Heydouss,  sépare  la  vallée  de  l'oued  Tyne  de  la  vallée  de 
la  Medjei'da.  Les  principales  montagnes  de  cette  chaîne  sont  :  les 
djebels  Boulaouech  (480  mètres),  Heydouss  (008  mètres),  Chaouach 
(004  mètres),  Telia  (450  mètres)  et  Bel-Mahdi  (3'20  mètres).  L'autre 
bourrelet,  dont  le  djebel  Rihane  est  le  point  culminant  (724  mètres), 
délimite  cette  même  vallée  de  la  Medjerda  et  celle  de  Bou-Arada. 

Les  sommets  de  ces  deux  chaînes  abruptes,  dont  le  pin  d'Alep,  le 


-  90  ~ 

chêne  yeuse,  le  romarin,  le  lentisque  constituent,  avec  quelques  oli- 
viers sauvages,  les  principales  essences  arbustives,  sont  en  général 
arides.  Des  chaînons,  découpés  par  de  profonds  ravins,  s'en  déta- 
chent pour  former  entre  eux  des  vallons  d'une  certaine  fertilité. 

Hydrographie.  —  Le  relief  du  terrain  de  cette  région  en  déter- 
mine naturellement  l'hydrographie.  Les  eaux  sont  tributaires  :  lo  du 
lac  Iclikel,  par  l'oued  Tyne,  dont  la  jonction  avec  l'oued  Joumine 
s'opère  en  amont  de  Mateur  ;  2»  du  golfe  de  Porto-Farina,  par  la 
Medjerda  ;  3»  du  golfe  de  Tunis  par  l'oued  Djerabuaà  qui,  après  sa 
jonction  avec  l'oued  El-Kibri  sur  la  limite  du  territoire,  prend  le  nom 
d'oued  Mihane. 

Les  principaux  cours  d'eau  qui  arrosent  le  Caïdat  de  Medjez-el-Bab 
sont:  la  Medjerda,  les  oueds  Zerga,  Khalled,  Siliana,  Ammar,  Tyne 
et  Djerabuaà. 

La  Medjerda  forme,  depuis  le  tunnel  de  Pont-de-Trajan  jusqu'à  la 
hauteur  de  Sidi-Merzoughi,  la  limite  entre  le  Caïdat  de  Medjez-el-Bab 
et  celui  de  Béja.  A  Sidi-Merzoughi,  la  vallée  commence  à  s'ouvrir  et 
la  Medjerda,  sortie  des  gorges  étroites,  déchiquetées,  tourmentées  où 
elle  s'est  difficilement  frayé  un  passage,  pénètre  sur  le  territoire  en 
continuant  sa  direction  est;  mais,  à  quelques  kilomètres  de  là  et  à 
sont  confluent  avec  l'oued  Zerga,  son  cours  est  brusquement  rejeté 
vers  le  Sud  jusqu'à  la  hauteur  de  Testour,  où  la  Medjerda  reçoit  les 
eaux  du  Khalled  et  de  la  Siliana  et  où  elle  reprend  sa  direction  pri- 
mitive dans  une  vallée  s'élargissant  jusqu'à  six  kilomètres  en  aval  de 
Medjez-el-Bab.  A  cette  vallée  se  rattache,  par  l'oued  Anmiar,  le  pla- 
teau du  Goubellat,  situé  au  sud-est  de  Medjez-el-Bab,  dont  il  est 
séparé  par  le  djebel  Bou-Mouss  et  le  djebel  Mohra. 

La  Medjerda  reçoit,  sur  la  rive  gauche,  l'oued  Zerga;  sur  la  rive 
droite  elle  reçoit  :  d'abord  l'oued  Khalled,  (]ui  prend  sa  source  à 
l'extrémité  du  Krib  (Caïdat  de  Téboursouk),  puis  roue(|  Siliana  (jui 
naît  dans  le  Contrijle  civil  de  Maclar,  près  de  La  Kessai'a,  pénètre 
sur  le  teri'itoire  de  Medjez-el-Bab  àSidi-Ayccj  en  Ijaigiiant  les  pentes 
méridionales  du  djebel  Tounga,  traverse  riieiuiiii'  Kl-Aroiissa,  se  l'ail 
un  passage  entre  les  massifs  du  djebel  Titunga  et  du  djebel  Rihane, 
et,  avant  rie  se  jeter  dans  la  Medjerda,  arrose  la  belle  plaine  de  Tes- 
teur; enfin,  la  Medjerda  reçoit,  sur  sa  rive  droite,  l'oued  Ammar,  qui 


—  01    — 

recueille  les  c:iux  pluviales  du  Goubellatet  se  jette  dans  la  Merljerfla 
près  du  petit  village  de  Greecli-el-Oued. 

L'oued  Tyne  sert  de  limite  avec  leCaïdat  de  Mateur;  il  reçoit  tou- 
tes les  eaux  du  versant  Nord  du  massif  qui  le  sépare  du  bassin  de  la 
Medjerda.  Il  forme,  sur  sa  rive  droite,  une  plaine  constituée  par  d'ex- 
cellentes terres,  qui  mesure  une  dizaine  de  kilomètres  sur  six. 

L'oued  Djerabuaà,  qui  prend  sa  source  dans  le  djebel  Robaà-Si- 
liana,  arrose  la  partie  Sud-Est  du  territoire  et  traverse  fies  terrains 
assez  fertiles  à  Bou-Arada  avant  de  contribuer  à  la  formation  de 
l'oued  El-Kebir. 

Les  Romains.  —  Sur  le  territoire  du  Caïdat  de  Medjez-el-Tîab 
fourmillent  les  restes  de  villes,  camps,  fermes,  bourgs  agricoles, 
moulins,  pressoirs  ;  dans  les  vallées  on  rencontre  des  vestiges  de  ponts, 
barrages,  conduites  d'eau,  et  les  collines  sont  criblées  de  citernes  de 
toutes  formes  et  de  toutes  dimensions;  ont  voit  aussi  quelques  ruines 
d'exploitations  métallurgiques  et  minières,  des  débris  de  fours  et 
d'usines,  des  puits  et  des  nécropoles. 

Membressa  (Medjez-el-Bab)  était  la  clef  de  la  vallée  supérieure 
de  la  jNIedjerda,  ainsi  que  du  bassin  de  Vaga: 

((  Fondée  au  XVP  siècle  par  les  Maures  chassés  de  TAndalousie, 
dit  Tissot,  la  ville  arabe  a  emprimté  son  nom  «  le  Passage  de  la 
Porte  »  à  un  arc  de  triomphe  qui  existait  encore  il  y  a  peu  d'années. 
Cette  porte  monumentale  s'élevait  à  l'extrémité  Sud-Est  d'un  pont 
antique;  la  hauteur  de  ce  monument  était  d'une  dizaine  de  mètres 
et  sa  largeur  de  10"i  GO  centimètres  ;  l'ouverture  de  l'arcade  mesu- 
rait 4'"  80  sur  6  mètres  de  hauteur.  Membressa  était  située  sur  le 
passage  d'une  des  plus  grandes  voies  de  l'Afrique  romaine,  celle  de 
Carthage  à  Tébessa.  » 

Dans  la  partie  nord  du  Caïdat  de  Medjez-el-Bab  on  trouve  des  rui- 
nes dans  les  djebels  Bel-Mahdi,  Chaouach,  Heydouss  et  Zdidi. 

Thuccabar  (Toukabeur)  était  situé  sur  la  droite  de  la  voie  romaine 
de  Carthage  à  llippone  par  Bulla  Regia  (à  10  kilomètres  de  Medjez- 
el-Bab): 

((  Assis  sur  le  ressaut  assez  élevé  d'un  des  contreforts   du  djebel 


—  92  - 

Heydoiiss,  le  village  actuel  n'occupe  qu'une  partie  du  bourg  antique 
sur  lequel  il  est,  en  quelque  sorte,  greffé:  les  bases  des  maisons 
sont  presque  toutes  romaines  et  les  murailles  elles-mêmes  sont  bâ- 
ties sur  les  matériaux  primitifs  dont  la  disposition  seule  a  été  modi- 
fiée ;  les  rues  dessinent  les  anciennes  insulœ  et  ont  conservé  en 
partie  leurs  trottoirs  et  leurs  égoùts  antiques.  »  (Tissot.) 

Ruines  très  importantes  :  deux  arcs  de  triomphe  ;  tombeaux  taillés 
dans  le  roc;  grandes  citernes  à  dix  compartiments  alimentées  par 
l'eau  de  l'aïn  El-Fouar. 

Sua  (Ghaouach)  est  situé  à  3  kilomètres  de  Toukabeur.  ^I.  Bouyac, 
ancien  contrôleur  civil  à  Medjez-el-Bab,  a  publié  sur  Chaouach  une 
intéressante  étude  à  laquelle  nous  empruntons  les  passages  sui- 
vants : 

«  A  9  kilomètres  au  nord  de  Medjez-el-Bab,  au-dessus  de  la  tache 
sombre  d'un  grand  bois  d'oliviers,  apparaît,  perclié  sur  le  bord  d'un 
plateau  taillé  à  pic,  le  village  berbère  de  Chaouach.  Pour  y  parvenir, 
on  francliit  d'abord  la  petite  plaine  qui  sépare  ^ledjez-el-Bab  des 
montagnes,  et,  après  avoir  traversé  le  village  de  Sidi-Xasseur,  on 
gravit  un  sentier  étroit  qui,  en  trois  kilomètres,  conduit  le  voyageur 
au  terme  de  sa  course.  Les  ruines  de  la  ville  antique,  que  le  village 
a  remplacées,  sont  dispersées  au  milieu  des  oliviers.  Un  chemin  qui 
serpente  au  travers  conduit  à  une  belle  source  qui  porte  le  nom  jus- 
tifié d'Ain-^renzel.  Canal  de  pierres  noires  très  larges  sur  lequel  arc 
de  triomphe;  le  château  d'eau  est  intact;  il  a  été  mis  à  jour  à  l'occa- 
sion des  fouilles  pratiquées  par  le  Service  des  Travaux  publics  (|ui 
étudiait  un  projet  d'adduction  des  eaux  de  l'aïn  Menzel  à  Medjez-ei- 
Bab  (projet  abandonné  en  raison  delà  pauvreté  du  débit  et  de  la 
mauvaise  qualité  de  l'eau). 

«  A  quelques  pas  devant  le  château  d'oau,  arc  de  triomphe  qui  s'af- 
faisse clia(|ue  jour:  hauteur  8  mètres  et  largeur  8"' .")();  porte  sur  son 
architecture  les  restes  d'une  inscription  (année  300).  Ou  y  a  trouvé 
de  nombreuses  ruines,  statues  en  marbre  blanc.  Sur  uu  autre  point 
de  l'olivette  de  Menzel  se  dresse  une  seconde  porte  monumeutîde 
dont  la  clef  de  voûte  portait  une  sculpture  aujourd'hui  indistincte. 

«  Sua  était  une  cité  importante;  autels  à  Vénus  et  à  Hercule,  né- 
cropoles romaines  découvertes  en  188'2  par  le  ca|>itaine  Hebora  ([ui 
recueillit  fies  poteries,  des  ossuaires  en  plomb,  des  os  calcinés,  des 
cendres,  des  tissus  spongieux  pétrifiés,  des  fragments  de  verreri(\ 
des  débi'is  de  lampes  dont  les  principaux  sujets  ('taient  des  chevaux 
au  galop  et  des  gladiateurs. 

«  Le  village  actuel  de  Chaouach  est  construit  sur  les  bonis  d'un 
escarpement  rocheux  qui  surplombe  l'olivette   el  les  ruines.  Il  est 


—  ÎKJ  — 

encore  renfermé  aujoin-fl'lmi  dans  l'enceinte  décrite  par  Tissot, 
bldcs  énormes  qui  indiquent  un  travail  l)yzantin,  analog^ue  à  celui  des 
remparts  de  Téboursouk  et  *U'  iîéja.  Ces  murailles  et  ces  tours  car- 
rées sont  laites  de  sculptures,  colonnes,  inscriptions,  pilastres,  etc. 
Une  porte  unique  formée  d'im  linteau  monolithe,  qui  est  lui-même 
le  montant  d'une  porte  romaine,  est  percée  dans  le  liane  d'une  des 
tours  carrées,  à  l'extrémité  du  carré  périlleux  par  lequel  on  descend 
aux  ruines  d'Aïn-Menzel.  Après  avoir  franchi  cette  porte,  on  trouve 
une  énorme  citerne  rectangulaire  de  15  mètres  sur  10.  Les  i^rands 
côtés  ont  chacun  cinq  contreforts  demi-cylindriques,  les  petits  en 
ont  deux.  Ce  bassin  est  alimenté  par  un  aqueduc  qui  aboutit  à  deux 
puits  très  profonds  et  très  larges  et  dans  lesquels  se  trouvent  de  pro- 
fondes galeries. 

«  Les  deux  emplacements  roclieux  qui  surplombent,  l'un  le  village 
même,  l'autre  la  route  par  laquelle  on  y  vient  de  Medjez-el-Bab, 
sont  percés  de  nombreuses  cavités  funéraires.  Cette  nécropole  est 
beaucoup  plus  importante  que  celle  de  la  ville  voisine  de  Touka- 
beur.  Au-dessus  de  l'une  de  ces  collines  se  trouve  une  nécropole 
mégalithique.  M.  Cagnat  y  a  décrit  une  curieuse  sépulture  composée 
de  trois  dolmens  se  faisant  suite,  enfermés  dans  un  cercle  de  grosses 
pierres  de  dix  pas  de  long,  disposés  suivant  l'un  des  axes.  Dans  ce 
((  Kebbour-er-Roum  »  (tombeaux  des  Romains),  comme  l'appellent 
les  indigènes,  on  ne  trouve  que  des  débris  de  verre.  » 

Thisiduum  ( Greech-el-Oued)  se  trouve  à  six  kilomètres  au 
nord-est  de  Medjez-el-Bab  :  nombreux  restes  employés  dans  les  cons- 
tructions du  village  moderne;  pont  romain  sur  la  rive  droite  de  l'oued 
Ammar;  par  suite  du  déplacement  du  lit  du  torrent,  ce  pont  est 
maintenant  isolé  sur  la  rive  droite. 


Elephantaria  (Sidi-Saïd),  à  dix  kilomètres  de  Medjez-el-Bab)  sur 
la  route  de  Carthage  à  Hippo  Regius  par  Bulla-Regia  :  agglomération 
urbaine,  débris  de  monuments  publics,  basilique  chrétienne  d'où  a 
été  extraite  une  mosaïque  absidiale  transportée  au  Bardo. 

Dans  la  partie  ouest  du  Caidat,  groupe  de  ruines  à  Oued-Zerga,  à 
Testeur  et  dans  les  djebels  Srera,  Dhor  et  ïounga. 

Teglata,  ruines  étendues  d'un  poste  qui  défendait  l'entrée  d'un 
long  défilé  portant  le  nom  d'El-Mtarif  :  deux  groupes  voisins,  mais 
distincts  ;  le  premier,  situé  sur  la  rive  droite  de  laMedjerda,  occupe 


91  — 


une  superficie  de  sept  à  huit  Ijectares  ;  le  second  couvre  le  plateau 
d'El-Khaloulia  et  domine  le  col  par  lequel  passait  la  route  de  Car- 
thaçfe  à  Bulla  Reda. 


*o' 


Tichilla  (Testour),  à  20  kilomètres  de  Medjez-el-Bab,  sur  la  rive 
droite  de  la  Medjerda.  Testour  a  conservé  quelques  débris  de  l'an- 
cienne ville  romaine;  on  y  remarque  plusieurs  piles  d'un  pont  qui 
reliait  les  deux  rives  du  fleuve. 

Tignica(Aïn-Tounga),  à  neuf  kilomètres  de  Testour  ;  ruines  éten- 
dues couvrant  le  sommet  et  les  pentes  d'une  série  de  collines  appar- 
tenant au  versant  occidental  des  hauteurs  qui  séparent  le  bassin  de 
Toued  Siliana  de  celui  de  Toued  Khelled. 

€  La  ville  antique  était  divisée  en  deux  parties  et  Tignica  avait  reçu, 
au  commencement  du  iiF  siècle,  le  titre  de  municipe.  L'enceinte  l'or- 
me un  rectangle  de  quatre  cents  pas  flanqué  de  tours  carrées  aux 
quatre  angles.  Une  cinquième  tour,  placée  au  milieu  de  la  courtine 
méridionale,  défendait  la  porte  principale  ouverte  dans  la  face  ouest 
de  la  tour.  L'ensemble  de  ces  défenses  a  peu  souffert  et  les  disposi- 
tions en  sont  parfaitement  reconnaissables  ;  les  constructions  de  l'in- 
térieur, au  contraire,  ont  été  complètement  renversées  et  forment 
un  monceau  de  débris  envahi  par  un  impénétrable  fourré  de  ron- 
ces, de  cactus  et  d'oliviers  sauvages.  La  citadelle  est  située  à  peu 
près  au  centre  de  la  ville,  qui  était  arrosée  par  deux  sources  abon- 
dantes. »  (TiSSOT.) 

On  remarque  à  Aïn-Tounga  Tamphitliéàtre,  un  grand  et  un  petit 
arc  de  triomphe,  le  temple  de  Mercure,  un  temple  à  Junon  Céleste, 
un  monument  à  deux  absides;  un  peu  plus  loin  était  le  sanctuaire  à 
ciel  ouvert  de  Saturne,  où  l'on  a  découvert  plus  de  cinq  cents  ex- 
voto. 

Dans  la  partie  est  du  Caïdat,  les  ruines  romaines  se  trouvent  au 
pied  du  djebel  Rouassi,  puis  on  en  rencontre  tout  une  série  entre  la 
route  de  Medjez-el-13ab  à  Tunis  et  le  bled  Berouik  ;  les  plus  nom- 
breuses sont  situées  sur  les  bords  de  l'oued  Anmiar  et  de  riienchir 
Tyr;  on  voit  aussi  quelques  groupes  au  nord-est  du 'Goul)ollal,  près 
de  la  limite  du  Caïdat  de  Zaghouan. 


-  95  - 

Turris  (hencliir  El-Aoulia)  était  un  bourg  fortifié  qui  occupait  une 
collin(3  reliée  au  massif  du  f]jel)el  Sbebii  par  un  col  qui  traverse  la 
route  (le  Medje/.-el-JJab  à  Tunis  :  restes  d'une  cour  carrée,  traces 
d'une  enceinte  et  d'un  fossé,  citernes,  débris  de  colonnes.  Un  canal 
voûté  traverse  ces  ruines. 

Vallis  (Sidi-Mediane),  village  antique  qui  couvrait  un  plateau  el- 
liptique allongé  de  l'est  à  l'ouest,  défendu  au  nord  par  un  ravin  aux 
bords  escarpés,  au  fond  duquel  coule  l'oued  Ammar;  un  pont  le  rat- 
tachait à  un  faubourg  situé  sur  la  rive  droite  de  l'oued.  Grande  en- 
ceinte byzantine  sur  le  plateau,  temple  au  centre  de  la  ville,  monu- 
ment considérable  à  l'extrémité  sud-est  des  ruines.  La  route  de  Tur- 
ris H  Vallis  (Carthage  à  Cirta)  est  jalonnée  par  une  série  de  ruines. 

Les  ruines  qui  occupent  la  partie  centrale  du  Caïdat  sont  situées 
dans  les  djebels  Zobeuss  et  Nalah,  sur  les  bords  de  l'oued  Siliana  et 
au  sud  du  bled  Goubellat. 

A  sept  kilomètres  de  Tichilla  s'élevait  le  bourg  de  Chidibhia  (Slou- 
guia)  ;  vestiges  nombreux,  pans  de  murs,  citernes,  moulins,  pres- 
soirs . 

Enfin,  dans  la  partie  sud  du  Caïdat,  on  trouve  de  nombreuses  rui- 
nes dans  le  bled  Bou-Arada  et  sur  les  collines  situées  entre  Medjez- 
Sfa  et  la  pointe  sud  du  Caïdat. 

Bisica  (henchir  Biska),  grandes  ruines  (ju  on  reiuar(|ue  à  la  pointe 
sud-est  du  djebel  Er-Rihane  (Bou-Arada). 

«  Les  ruines  de  Bisica,  dont  l'étendue  est  d'une  cinquantaine 
d'hectares,  couvrent  un  plateau  qui  domine  la  plaine  de  Fas-er-Riali 
au  nord,  celle  de  Bou-Arada  à  l'est  et  celle  d'El-Aroussa  au  sud.  Au- 
cun monument  n'est  resté  debout,  mais  les  nombreux  édifices  dont 
on  aperçoit  encore  les  vestiges  paraissent  remonter  à  l'époque  des 
Antonins;  toutes  les  dédicaces  qu'on  y  a  trouvées  appartiennent  à 
cette  même  période.  »  (Tissot.) 

Avitta-Bibba  (Bou-Ftis),  situé  à  quinze  kilomètres  de  Bisica,  était 
une  ville  datant  de  Trajan  et  qui  couvrait  un  plateau  incliné  en  pente 
douce  : 

«  Les  deux  arcs  triomphaux  dont  il  reste  encore  quelques 
vestiges,  aussi  bien  que  les  nombreux  fragments  de  dédicaces  qui 


-  90  - 

nous  parlent  des  monuments  disparus,  prouvent  que  cette  ville  d"A- 
vitta,  comme  tant  d'autres  localités  africaines  dont  les  itinéraires  seuls 
ont  conservé  le  souvenir,  était  riche  et  prospère  à  l'époque  des  An- 
tonins.  »  (Tissot.) 

Arc  triomphal  d'Hadrien,  mausolées,  débris  de  portes,  colonnes, 
inscriptions. 

Bisica  et  Avitta  étaient  situés  sur  la  route  de  Coreva  à  Hadru- 
mète. 


Les  Indigènes.  —  La  principale  tribu  fixée  sur  le  Caïdat  de  Med- 
jez-el-Bab  est  celle  des  Riah.  Originaires  de  l'Arabie,  ils  formaient  en 
quelque  sorte  l'avant-oarde  des  hordes  arabes  qui  envahirent  l'Afri- 
que au  XF  siècle,  et  ils  s'attribuèrent  le  vaste  territoire  compris  entre 
Medjez-el-Bab  et  Zaghouan.  Les  Riah  constituent  la  moitié  de  la  po- 
pulation du  Caïdat;  agriculteurs  et  éleveurs,  ils  sont,  en  général,  labo- 
rieux et  soumis. 

L'autre  moitié  de  la  population  est  composée  de  petites  collectivi- 
tés d'origines  diverses;  les  principales  sont  les  suivantes  : 

Les  Hammama,  venus  du  sud  de  la  Régence;  ils  ne  cultivent  que 
de  très  petits  espaces,  mais  ils  possèdent  de  nombreux  troupeaux  de 
chèvres.  On  en  rencontre  à  Smidia,  près  de  ^Sledjez,  au  Goubellat,du 
côté  de  Testour,  de  Slouguia  et  d'Aïn-Tounga.  Pauvres,  ils  fournis- 
sent une  grande  quantité  de  khammès. 

Les  Ouesseltia  sont  les  débris  de  la  grande  tribu  qui  au  xviip  siè- 
cle, fut  dispersée  par  le  bey  auquel  elle  résistait  ;  les  Ouesseltia  se 
fixèrent  alors  par  fractions  dans  les  différentes  dechra  :  à  Ghetbou, 
Kenana,  Bou-Djebida,  etc.;  excepté  à  Testour,  ils  restent  habituel- 
lement seuls  dans  leurs  dechra  et  se  mélangent  rarement  aux  autres 
fractions.  Considérés  par  leurs  coreligionnaires  comme  querelleurs 
et  insociables,  ils  ne  sont,  au  fond,  ni  meilleurs  ni  pires. 

Les  Trabelsia,  originaires  de  la  Tripolitaine,  sont  installés  en  Tuni- 
sie depuis  de  longues  années.  On  les  trouve,  disséminés  par  groupes 
plus  ou  moins  denses,  sur  les  deux  i-ives  delà  Medjerda,  entre  Med- 
jez-el-lîab  et  Testour;  travailleurs  et  pacifiques,  ils  cultivent  les  cé- 
réales et  font  l'élevage  du  bétail. 

Les  Drid  vim'ent  de  l'Algérie  et  constituèrent  tout  dabord  en  Tu- 
nisie une  force  considérable  que  le  bey  redouta  et  dont  il  se  fit  une 


ui 


;ilIi('M'  (Ml  l;i  ci'i'iiil  Lriliii  niiiL'lr/cii.  Les  iT'|)i'('sfiil;iiils  de  cctlo  tribn 
(ix(;.s  sur  lo  CaïduL  suiiL  les  Oiihid-Djoiiiiic  cl,  les  I  )iil;i<l-Anir;i  ;  ils  pos- 
st;<lont  peu  de  terre  i\.  litre  luelk,  mais  tiieiit  un  bon  parti  des  ter- 
rains qu'ils  peuvent  louer. 

Les  Meni-Ouelliaz  aii'ivèrent  de  Conslantine  il  y  a  un  peu  [dus  d'un 
siècle  et  achetèrent  (k's  champs  et  des  coteaux  aux  alenh)urs  de  Tes- 
toiir.  ils  sont  intelli,!-;enLs  et  robustes,  mais  assez  turbulents. 

Si,  en  1881,  les  liiiili  restèrent  calmes,  une  vive  ai^itation  r('',una 
pai'ini  les  li'aclions  diverses  du  (;;ridat;  l)eaucou[)  {irirent  les  armes 
eL  se  joii.;iiirent  aux  bandes  d'Ali  biMi  Amar.  On  les  rencontre  no- 
tamment le  iiU  septembre,  à  la  sinistre  alTaii-e  d'Oucd-Zerg-a,  où,  après 
avoir  coupé  les  rails  du  cheinin  d(;  1er  et  détruit  un  pont,  ils  incen- 
dièi'ent  la  i^are  et  en  massacrèi'ent  le  pei-sonnel.  Depuis  cette  époque, 
les  inriioèues  du  Gaidal  de  Medjez-el-l!ab  n'ont  Jamais  causé  d'ennuis 
à  l'Administration. 


CHAPITRE  II 


La  colonisation  dans  le  Caïdat  de  Béja 


Béja. —  Au  lendemain  même  delà  période  romaine,  Vaga  (Béja) 
fut  saccagée  par  les  Vandales,  puis  relevée  de  ses  ruines,  au  \i^  siè- 
cle de  notre  ère,  par  Justinien,  qui  l'entoura  de  puissantes  murailles. 
L'invasion  arabe  la  bouleversa  de  nouveau  ;  ses  basiliques  se  trans- 
formèrent en  mosquées  et  le  croissant  remplaça  le  crucifix.  Le  géo- 
graphe Bakri,  qui  dépeint  Béja  en  Tan  1000,  écrit  : 

«  Béja  est  une  grande  ville;  plusieurs  rivières  y  coulent.  Elle  est 
bâtie  sur  une  montagne  appelée  Aïn-Echchems  (Containe  du  Soleil), 
laquelle  montagne  a  l'aspect  d'un  burnoux  étendu  par  terre.  On  y 
trouve  des  fontaines  donnant  de  l'eau  excellente.  Les  lortilications  de 
Béja  sont  construites  d'une  manière  intelligente  et  habile,  en  gros 
blocs  ;  un  grand  faubourg  se  trouve  à  l'est  de  la  fortidcation.  On  y 
voit  une  mosquée,  cinq  bains  maures,  beaucoup  de  Ibndouks  et  enfin 
trois  marchés  où  l'on  vend  des  vivres. 

((  A  une  distance  de  trois  milles  de  Béja  et  à"  l'Est,  il  existe  un 
lleuve  ([ui  coule  du  Nord  au  Sud;  tout  autour  on  remarque  des  jar- 
dins qui  sont  arrosés  par  les  eaux.  La  terre  est  noire  et  fendue  ;  elle 
produit  toutes  les  essences  possibles,  et  Béja  est  surnommé  «  le  gre- 
nier de  l'Afrique  ».  C'est  un  pays  fertile;  les  prix  des  denrées  sont 
modiques,  môme  dans  les  années  de  sécheresse.  On  compte  chaque 
jour  plus  de  mille  bètes  ou  chameaux  qui  vieiment  y  pnMidre  des 
approvisionnements.  » 

A  partir  du  xi''  siècle  nous  ne  tr()UV(»iis  plus  trace  de  Méja  dnns  les 
dilïérenls  auteurs  ([ui  ont  écrit  sur  rAliiqiie.  Cette  ville  a  dû,  ainsi 
que  ses  voisines,  passer  sur  dillerentes  périodes  de  paix  et  de  guerre 
avant  de  tomber  dans  la  décadence  où  nous  l'avons  trouvée.  Le  ca- 
pitaine Vincent,  qui  tint  garnison  à  r>(''ja  j^eu  apivs  l'ciilrc'e  de  nos 
troupes  dans  la  Régence,  eu  donne  la  dcscriiilion  siiiviuilc  : 

«  iîéja  est  un  amas  de  j'uines,  de  l'uelles  sales  et  dltscui-es,  de  mai- 
sons sombres,  puantes,  où  sont  eiitassi's  pèle-mèle  gens  et  animaux. 
La  ville  actuelle  comprend  deux  parties  distinctes  :   la  ville  haute 


—  !lî)  — 

entourée  de  l'ancienne  enceinte,-  et  (jui  est  J'anlique  Vaga  ;  Ja  ville 
basse,  moderne,  bâtie  par  les  Arabes  et  les  Juifs  avec  des  matériaux 
pris  dans  l'ancienne  cité.  Le  tout  est  entouré  d'une  espèce  d'enceinte 
en  mauvaise  maçonnerie,  percée  de  six  portes.  La  kasba,  ancien 
oppidum,  est  à  deux  cent  cinquante-cinq  mètres  d'altitude  ;  la  ville 
se  trouve  en  dessous,  à  deux  cent  douze  mètres  seulement  ;  ça  et  là 
on  rencontre  des  stèles  funéraires,  des  fragments  d'inscriptions,  le 
tout  plus  ou  moins  mutilé  et  attestant  les  scènes  de  pillage  et  de  dé- 
vastation par  lesquelles  Béja  a  dû  passer.  » 

La  vieille  ville  est  restée  purement  arabe  ;  elle  possède  un  cacbet 
d'indigénat  que  l'on  rencontre  rarement  ailleurs.  Bâtie  en  ampbitbéâ- 
tre  sur  les  pentes  de  la  colline  que  couronne  la  kasba,  les  masures 
semblent  crouler  les  unes  sur  les  autres  et  un  certain  nombre  d'en- 
tre elles  sont  encastrées  dans  les  anciens  remparts  byzantins,  dont 
une  partie  subsiste  encore  ;  vingt-trois  tours  la  llanquent,  et  sur  les 
murs  des  liabitations  misérables  où  se  blottissent  les  petites  indus- 
tries de  cette  ruche  bourdonnante,  on  relève  de  nombreuses  inscrip- 
tions. 

Une  seule  partie  des  remparts  mérite  une  attention  spéciale;  il  s'a- 
git de  la  «  porte  romaine  »,  fort  bien  conservée,  malheureusement 
enfouie  presque  entièrement  dans  le  sol.  Des  fouilles  exécutées  sur 
ce  point  permettraient  de  découvrir  des  choses  intéressantes.  Les 
ruines  les  plus  remarquables  sont  celles  que  les  indigènes  désignent 
aujourd'hui  sous  le  nom  d'Aïn-Béja;  elles  portaient,  il  y  a  peu  de 
temps  encore,  l'appellation  d'Aïn-Djehelia  (la  fontaine  des  païens). 
On  y  descend  par  vingt-sept  marches  en  partie  usées,  conduisant  à 
à  deux  rangées  d'arcades  superposées,  au  fond  desquelles  sourd  une 
eau  limpide  et  fraîche  qui  va  se  perdre  dans  un  égout  romain. 

De  l'examen  des  remparts  de  Béja,  auquel  a  procédé  M.  Bonjean, 
conducteur  des  Ponts  et  Chaussées,  il  résulte  que  l'ensemble  de  ces 
murailles  est  en  très  mauvais  état  et  que  la  situation,  pour  quelques 
parties,  ne  saurait  être  prolongée  sans  compromettre  gravement  la 
sécurité  pubhque. 

((  Des  lézardes  de  grandes  dimensions,  dit  M.  Bonjean,  des  maté- 
riaux énormes  descellés  de  leurs  alvéoles  et  saillants  sur  la  voie  pu- 
blique, des  déversements  et  des  gonllements  produits  par  la  poussée 
des  terres,  tel  est,  pour  les  bastions  surtout,  l'état  actuel.  La  réfec- 
tion, si  on  voulait  l'entreprendre,  coûterait  des  sommes  énormes,  et 


—  100  — 

il  ne  paraît  pas  possible  de  l'envisager,  le  bnt  à  atteindre  étant  hors 
de  proportion  avec  les  sommes  à  engager.  » 

La  kasba  n'a  rien  d'intéressant  au  point  de  vue  archéologique, 
mais  on  jouit  de  ce  point  d'un  beau  panorama  sur  le  bled  Béja.  La 
ville  européenne  est  quelconque  et  peu  étendue  ;  toutefois,  des  tra- 
vaux importants  y  ont  été  exécutés  depuis  quelques  années  et  Béja  a 
été  dotée  de  quelques  bâtiments  utiles,  tel  que  le  Contrôle  civil,  la 
^lunicipalité,  les  Postes  et  Télégraphes,  la  Justice  de  paix,  le  groupe 
scolaire,  les  Ponts  et  Chaussées,  etc;  on  y  a  également  créé  plusieurs 
squares,  et  la  Direction  des  Travaux  publics  a  eu  le  bon  esprit  d'ou- 
vrir de  larges  voies  bordées  d'arbres  qui,  en  peu  de  temps,  envelop- 
peront la  ville  d'un  beau  rideau  de  verdure. 

La  population  de  Béja  est  d'environ  'P2.000  habitants  :  250  Fran- 
çais, 1.000  étrangers  (dont  800  Italiens),  400  Juifs  et  10.000  musul- 
mans. 

Scolarité.  —  Béja  possède  deux  écoles  :  garçons  et  filles.  L'école 
des  garçons  comprend  trois  classes,  l'école  des  filles  deux  classes. 

En  1900,  l'école  des  garçons  comptait  215  élèves  :  8  Français,  18 
Italiens,  3  Maltais,  96  musulmans,  98  israéUtes.  Cette  même  école, 
en  1905,  ne  recevait  que  174  élèves  :  17  Français,  4i  Italiens,  1  Mal- 
tais, 41  musulmans  et  71  Israélites.  L'école  des  filles  comptait,  en 
1900  :  9  Françaises,  24  Italiennes,  2  Maltaises,  1  musulmane  et  57  Is- 
raélites, soit  93  élèves.  En  1905  :  4  Françaises,  40  Italiennes,  i  Mal- 
taise, pas  de  musulmane,  et  57  Israélites,  soit  118  élèves. 

En  quatre  années,  il  y  a  eu  chez  les  garçons  une  perte  de  41  élè- 
ves, et  pendant  cette  même  période  une  augmentation  de  25  élèves  à 
l'école  des  filles;  mais  le  nombre  des  Européens  s'est  accru,  de 
1900  à  1905,  chez  les  garçons  de  33  élèves  et  de  10  élèves  chez  les 
filles. 

11  est  nécessaire  de  créer,  pour  les  garçons  et  pour  les  filles,  une 
classe  de  plus,  car,  dans  l'une  et  l'autre  école,  nombre  d'élèves  ont 
été  refusés  cette  année  même,  faute  de  place.  Le  personnel  ensei- 
gnant ainsi  que  les  locaux  scolaires  sont  absolument  insuffisants;  le 
nombre  des  élèves  italiens  inscrits  est  relativement  élevé,  mais  il  ne 
représente  même  pas  le  quart  des  enfants  de  cette  nationalité  suscep- 
tibles de  fréquenter  l'école.  Quant  aux  Français,  ils  paraissent  bien 


-  loi  - 

noyés  dans  celle  aflluence  d'indigènes,  d'israéliteseld'étranj^ers;  cela 
lient  d'abord  à  la  répugnance  qu'éprouvent  la  plupart  de  nos  com- 
|)atriotes  de  voir  leurs  enlanls  se  mêler  à  celle  cohue  cosmopolite, où 
la  surveillance  du  mailrc  est  Ibrcémenl  i-eslreinle;  cela  tient  surtout 
à  ce  que  les  enfants  des  colons  français  sont  presque  tous  assez  éloi- 
gnés de  Béja  pour  qu'il  leur  soit  impossible  de  se  rendre  à  l'école. 

Cette  dernière  considération  a,  comme  à  Aïn-Draliam,  attiré  l'at- 
lenlioii  de  M.  le  Résident  Général  Pichon,  qui  vient  de  mettre  à 
l'élude  un  projet  de  création  d'un  internat  primaire  à  Béja,  auquel 
on  pourrait  adjoindre,  par  la  suite,  une  ferme-école.  .\1.  Klepper, 
contrôleur  civil,  a,  sur  ce  sujet,  adressé  au  Directeur  de  T Enseigne- 
ment un  rapport  très  complet  qu'il  est  bon  de  résumer,  et  qui,  espé- 
rons-le, ne  restera  pas  lettre  morte  : 

«  Il  est  nécessaire,  dit  M.  Klepper,  que  les  locaux  soient  spacieux, 
entourés  de  vastes  cours  et  jardins  et  situés  près  de  la  ville.  Le  clioi.x: 
de  l'emplacement  doit  être  guidé  par  trois  points  :  1"  situation  livgié- 
nique  ;  2°  eau  abondante  ;  3°  prix  raisonnable  des  terrains. 

c(  La  partie  basse  de  la  ville  est  fiévreuse  ;  seule,  la  partie  haute 
convient  à  l'inslallation  d'établissements  publics,  mais  elle  est  mal- 
heureusement privée  d'une  quantité  d'eau  suffisante.  On  remédierait 
à  cet  inconvénient  en  captant  la  source  Aïn-R'hira  (5  kilomètres)  ;  la 
dépense  des  travaux  de  captalion  et  d'adduction  —  dont  la  moitié  de 
la  ville  actuelle  bénéficierait  —  ne  dépasserait  pas  iOO.OOO  francs.  Cet 
aménagement  une  fois  exécuté,  la  Direction  de  l'Enseignement  aurait 
à  dépenser,  préalablement  aux  constructions,  environ  100.000  francs 
pour  l'acliat  du  terrain. 

'.(.  Ce  serait  évidemment  la  meilleure  combinaison,  mais  si  elle  ne 
pouvait  être  réalisée  faute  de  crédits  suffisants,  il  y  aurait  lieu  de  de- 
mander au  Gouvernement  Tunisien  de  céder  la  kasba  de  liéja  (où  est 
logée  la  gendarmerie),  avec  tous  les  importants  bàtimenls  qu'elle 
comporte,  à  la  Direction  de  f Enseignement  qui,  en  compensation, 
donnerait  fécole  primaire  actuelle,  où  le  Gouvernement  Tunisien 
installepûit  la  gendarmerie. 

((  La  kasba  se  prêterait  admirablement  à  un  inlernal-external.  Elle 
comporte  deux  grands  casernemenls  el  un  troisième  bàliment,  plutôt 
petit,  servant  de  logement  au  brigadier  ;  ils  sont  en  excellent  état, 
très  solidement  construits  par  le  génie;  ils  reposent  sur  le  roc  et  sont 
aménageables,  à  peu  de  frais,  en  salles  d'études,  dortoirs  et  réfectoi- 
res. Ils  paraissent  pouvoir  servir  à  cinquante  internes,  non  compris 
les  logements  des  maîtres,  et  ils  forment,  au  centre,  une  grande  cour  à 

La  Tunisie  du  Nord  8 


—  102  — 

ciel  ouvert  où  existe  une  citerne  de  100  mètres  cubes  et  un  bassin 
recevant  les  eaux  de  l'aïn  Boutaà. 

«  La  kasba,  placée  sur  un  point  culminant,  est  très  aérée  et  d'un 
accès  facile,  aussi  bien  par  la  ville  indigène  que  par  une  nouvelle 
route  carrossable  à  pente  douce.  A  la  vérité,  il  serait  impossible  de 
trouver  plus  de  deux  liectares  de  bonne  terre  attenant  à  la  kasba, 
mais  il  serait  aisé  de  trouver  deux  ou  trois  hectares  séparés  à  300 
mètres  de  là  et  tout  près  de  la  route.  Le  prix  de  ces  terres  ne  dépasse- 
rait pas  1.000  francs  l'hectare. 

((  Enlin,  si  ce  deuxième  projet  était  également  écarté,  il  y  aurait 
lieu  de  construire  un  établissement  pour  les  internes  seulement,  ta 
1.500  mètres  de  la  ville,  après  acquisition  de  la  colline  boisée  dite 
«  Sidi-Khalef  )).  L'internat  occuperait  alors  une  situation  exception- 
nellement belle  —  sous  réserve  toutefois  d'y  amener  l'aïn  R'hira  — 
et  il  serait  entouré  de  cinq  hectares  de  terre  de  première  qualité 
que  l'on  pourrait  acheter  aux  prix  de  1.000  francs  l'hectare.  » 

Les  habitants  de  Béja  que  j'ai  consultés  —  je  parle  des  Européens  — 
ne  verraient  pas  d'un  bon  œil  leurs  enfants  grimper  deux  fois  par 
jour  à  la  kasba  à  travers  la  ville  arabe  ;  ils  sont  d'avis  que  cette  kasba 
devrait  être  aménag^ée  pour  l'internat  primaire  et  qu'un  nouveau 
groupe  scolaire  pourrait  être  construit,  pour  l'externat,  sur  un  ter- 
rain appartenant  au  Domaine  public,  situé  en  pleine  ville,  derrière  la 
maison  des  Ponts-et-Ghaussées. 


Salubrité.  —  La  ville  de  Béja  se  trouverait  d;ms  d'excellentes  con- 
ditions hygiéniques,  bâtie  comme  elle  est  à  liane  de  coteau,  si  elle 
était  plus  propre.  Il  est  urgent  de  compléter  le  réseau  d'égouts, 
amorcé  sur  plusieurs  points  par  le  Service  des  Ponts-et-Chaussées, 
de  réparer  les  anciens  égouts  arabes  et  de  couvrir  l'mied  Bouzeg- 
dem  (|ui  traverse  une  partie  de  la  ville.  A  ce  prix,  P.éja  sera  sa- 
lubre, 

La  lièvre  typhoïde,  la  tuberculose,  la  dyphtéric,  la  variole  sont  les 
maladies  les  plus  fréquentes.  J^a  tuberculose  occasionne,  chez  l'Arabe, 
ungrand  nombre  de  décès,et  la  dyphtérieacausé  desTavag-esparmi  la 
population  inliuililc  pendant  l'hiver  dei'niei'.  L;i  variole  ;i  |)res(|ne  dis- 
|»;irn,  on  du  moins  elle  s'(;st  fortattéiuiée,  de|)uis  (|ne  le  docleni'Per- 
rier,  médecin  de  colonisation  à  l'éja,  a  pi'aliqné  dans  la  contive  plus 
de  L^).0(M.)  v.'U'cinations. 

Le  Caïdat  de  Béju  n'est  pas  malsain,  sauf  sur  certains  points  isolés. 


—  io:{  - 


mais  il  est  presque  impossiljle  (réviter  la  fièvre  aux  ahonls  des  ouerls 
dans  un  pays  où  Ja  teiiipéralure  estivale  est  si  élevée. 


En  dehors  d'une  population  très  dense,  le  Caï<lat  de  iîéja  possède 
une  population  minière  assez  nombreuse,  où  les  accidents  de  travail 
sont  assez  fréquents,  et,  foii  souvent,  il  serait  indispensable  de  soi- 
gner, de  panser,  d'opérer  les  victimes  dans  le  plus  bref  délai  ;  mais 
les  médecins  n'ont  ni  hôpital,  ni  infirmerie.  La  construction  d'un 
hèpilal  de  vingt  lits,  avec  salle  d'opération  et  d'isolement  ("pavillon  in- 
digène et  pavillon  européen),  ne  coûterait  cependant  qu'une  cinquan- 
taine de  mille  francs  au  maximum,  et  les  compagnies  minières  con- 
tribueraient volontiers  à  la  création  d'une  o'uvre  aussi  utile.  Pour 
donner,  sous  ce  rapport,  satisfaction  aux  habitants  de  iîéjà,  le  Gou- 
vernement du  Protectorat  n'aurait  donc  ni  grands  efforts,  ni  g-randes 
dépenses  à  faire  :  la  collectivité  intéressée  l'y  aiderait  effective- 
ment. 

Les  environs  de  Béja.  —  Pendant  les  premières  années  du  Pro- 
tectorat, les  progrès  de  la  colonisation  furent  très  lents  dans  le 
Contrôle  de  Oéja,  car  la  région  n'était  pas  appréciée  de  nos  compa- 
triotes au  point  de  vue  agricole.  En  1887,  un  financier  avait  acquis 
l'henchir  El-Munchar,  mais  sans  aucune  intention  d'y  tenter  la  cul- 
ture directe,  et  ce  n'est  qu'en  1803  qu'un  Français,  M.  Barraud,  achète 
une  propriété  domaniale  dans  les  environs  immédiats  de  la  ville  et 
s'y  installe  à  titre  de  colon. 

Vers  ISOf"),  grâce  aux  efforts  incessants  de  la  Direction  de  l'Agri- 
culture, dont  l'organisation  venait  d'être  complétée,  un  revirement  se 
produisit  dans  l'opinion  publique  et  les  divers  lots  de  la  colonisation 
que  l'Etat  possédait  dans  le  territoire  de  Béja  furent  rapidement  ac- 
quis par  des  émigrants  français.  Vers  la  même  époque,  les  liabous 
publics,  comprenant  une  superficie  d'environ  5.000  hectares,  furent 
également  livrés  à  la  colonisation  par  la  voie  de  substitution  au  Do- 
maine de  l'Etat,  et  dès  l'année  11X)1,  les  réserves  de  terres  domaniales 
ou  liabous  publics  étaient  épuisées. 

A  cette  époque,  la  pénurie  des  terres  pouvant  être  alTectées  immé- 
diatement à  la  colonisation  commençait  à  se  l'aire  sentir  dans  tout  le 


—  i04  — 

nord  (le  Ja  Régence  et  menaçait  de  rendre  difficile  l'installation  de 
nouveaux  immigrants.  Pour  prévenir  cette  situation,  un  premier  cré- 
dit de  1.500.000  francs  fut  mis  en  iCiO^  à  la  disposition  du  Domaine 
en  vue  de  l'achat  immédiat  de  propriétés  convenables  et  d'étendue 
suffisante  pour  permettre  la  création  de  véritables  centres.  D'autres 
crédiLs  vinrent  par  la  suite  accroître  ce  premier  fonds  de  remploi  et 
permirent  à  l'Administration  d'acquérir  successivement  les  terrains 
qui  constituent  actuellement  les  centres  d'El-Afareg  (1002),  de  Djebil 
Démina  et  Zerelli  (190:3),  El-Gueliaà,  El-Haouarya  et  Magoula  (1004), 
El-Godor  (1905). 

Actuellement,  la  colonisation  agricole  est  en  plein  développement 
dans  la  région  de  Béja  :  la  valeur  du  sol  y  a  triplé;  l'hectare,  payé  100 
francs  il  y  a  cinq  ou  six  ans,  vaut  ^350  francs  et  plus. 

Cette  plus  value  empêcha  l'Administration  de  continuer  ses  achats 
comme  elle  l'aurait  désiré;  elle  craignit  de  créer  une  hausse  factice, 
et  pourtant,  ce  n'est  pas  elle  qui  a  déterminé  cette  hausse,  mais  bien 
les  particuliers  eux-mêmes  par  leurs  transactions. 

Une  quinzaine  de  fermes  françaises  sont  instahées  à  proximité  de 
Béja  dans  un  rayon  d'une  dizaine  de  kilomètres,  et  la  colonisation, 
malgré  le  prix  des  terres,  se  développera  certaiment  de  plus  en  plus 
en  raison  de  l'importance  du  marché  de  la  ville.  Il  feindrait,  toutefois, 
tracer  des  voies  de  communication  plus  pratiques  et  procéder  à  des 
travaux  d'aménagement  des  eaux. 

I.a  colonisation  sicilienne  apparaît  très  compacte  aux  environs  de 
Déjà.  Elle  s'infiltre  sans  bruit  dans  la  colonisation  française.  A  la 
sortie  même  de  la  ville,  à  500  mètres  à  peine  sur  la  route  de  Déjà  à 
Tabarca,  on  voit  plusieurs  groupes  de  gourbis  que,  si  l'on  n'était 
prévenu,  on  croirait  habités  par  des  Arabes  :  ce  sont  les  mêmes  cons- 
tructions rudimentaires  qui  abritent,  non  des  Indigènes,  mais  ([uel- 
ques  centaines  de  Siciliens.  Les  uns  ont  loué  un  bout  de  champ, 
soit  aux  Arabes,  soit  aux  Français;  d'autres  ont  îiclieté  de  dix  à 
vingt  licctares  aux  itroitriiHaires  (MU'opéens,  ou  loue''  à  eiizcl  aux 
propriétaires  indigènes.  Ils  vivent  très  sobrement,  de  légunies  secs, 
de  pâles  prépai'ées  ])ar  les  femmes;  ils  j^niduiscnt  d(^s  cultui-es 
qui    font    radiiiiralidii    ilr    Ions.    I^cins  jaidins   sont    bien    tciins   et 


1 


—  ior.  — 

ils  (JoiniciitLuits  Jc'Ui'S  soins  au  Ijùluilii  u'ils  clùvonl.  Un  colon  du  Mun- 
chai'  me  disait  : 

«  Quand  vous  verrez  siu'  le  marché  de  Béja  une  belle  paire  de 
bo-uis,  vous  pouvez  être  sùi-  qu  elle  a  été  amenée  par  un  Italien.  Le 
Sicilien  en  Tunisie  vaut  le  Malionais  en  Algérie.  » 

Lorsque  M.  lo  Résident  Général  voulut  bien  me  cliarg'er  d'une 
enquête  sur  la  colonisation  algérienne,  je  pus  constater  que  si  l'Es- 
pagnol implanté  en  Oranie  perd  peu  à  peu  le  souvenir  de  son  pays 
d'origine,  il  ne  devient  pas  pour  cela  —  quoi  qu'on  en  iiit  dit  ■ — Fran- 
çais. S'il  laisse  aux  buissons  le  plus  gros  de"  sa  primitive  sauvag-erie, 
c'est  pour  se  transformer  en  ajrikander,  pour  participer  à  la  fonda- 
tion de  la  néo-race  algérienne^  dont  il  subit  la  mentalité  spéciale. 
S'il  conserve  l'usage  du  patois  de  sa  province,  ses  enfants  ne  le  com- 
prendront plus  :  ils  ne  parleront  pas  français,  ils  emploieront  ce 
langage  —  aussi  spécial  que  la  mentalité  —  qu'en  Algérie  on  appelle 
le  «  sabir  ». 

Tout  autre  est  le  Sicilien  :  Palerme,  Trapani  ou  ^lessine  le  préoc- 
cupent fort  peu,  et  sur  sa  nouvelle  terre  d'adoption  il  ne  subit  pas 
l'ambiance  européenne.  Contrairement  au  Sarde  et  à  lltalicn  du  Nord 
<|ui  —  à  l'exemple  de  beaucoup  de  Français  —  regagnent  le  village 
natal  après  avoir  amassé  un  petit  pécule,  il  s'attache  au  sol  qui  lui 
procure  sa  subsistance,  et,  quand  ila  des  économies  il  les  envoieauxpa- 
rents restés  aux  pays,  afinde  leur  permettrede  prendre  passag^e  sur  une 
tartane  et  de  venir  s'installer  auprès  de  lui.  Un  certain  nombre  de 
Siciliens  oublient  facilement  la  langue  maternelle,  mais  ne  cherchent 
pas  à  apprendre  le  français  ;  ils  se  fondent  difficilement  dans  la  masse 
européenne,  et  s'assimilent  plutôt  à  la  vie  arabe.  Jl  en  est,  dans  la 
région  de  Béia,  qui  parlent  arabe  même  entre  eux,  adoptentles  mo'urs 
arabes.  Ils  deviennent  Arabes. 

Henchir  Magoula.  —  La  colonisation  française  s'est  portée  au 
nord,  à  lest  et  à  l'ouest  de  Béja  ;  la  région  sud,  jusqu'alors,  a  été  peu 
occupée  ;  mais,  au  cours  de  l'année  l*.K)i-,  la  Direction  de  l'Agricul- 
ture a  acquis  pour  la  colonisation  les  henchirs  ]\lagoula  et  l-'-l-Ihuma- 
rya,  situés  tous  deux  au  sud  de  Héja. 

L'hencliir  Magoula  est  en  partie  formé  de  terres  basses,  confrontant 
à  l'oued  Béja  sur  toute  sa  limite  ouest  ;  il  laisse  donc  à  désirer  au 


—   lOG  - 

point  de  vue  de  la  salubrité,  et  peut-être  aurait-il  été  dangereux  d'y 
installer  à  demeure  des  familles  françaises  n'ayant  d'autre  occupation 
que  la  culture  du  sol  ;  considérant  d'autre  part  que  la  proximité  de 
la  ville  permettrait  l'exploitation  de  ces  terres  par  des  citadins,  la 
Direction  de  l'Agriculture,  après  avis  favorable  du  Comité  consulta- 
tif de  Colonisation,  a  divisé  l'hencbirMagoulaen  lots  d'environ  vingt- 
cinq  hectares  qui  ont  tous  été  acquis  par  des  personnes  domiciliées 
en  ville.  Le  charron,  le  bourrelier,  le  maréchal-ferrant  et  d'autres 
encore  ont  pris  chacun  un  lot  et  se  sont  ainsi  créé  un  intérêt  qui 
sans  doute  contribuera  à  les  fixer  définitivement  dans  le  pays.  Ce 
mode  d'attribution  des  terres  permet  bien  des  critiques,  mais  on  est 
obligé  de  reconnaître  qu'il  a  eu  l'approbation  presque  unanime  des 
Français  de  Béja,  les  mieux  placés  de  tous  pour  juger  une  tentative  de 
ce  genre.  Ce  n'est  d'ailleurs  qu'un  essai  dont  il  convient  d'attendre  les 
résultats. 

Une  parcelle  de  l'henchir  Magoula,  très  rapprochée  de  la  ville,  a 
été  divisée  en  huit  lots  d'une  superficie  de  deux  à  trois  hectares  que 
le  Domaine  a  alTectés  à  des  acquéreurs  pour  la  plupart  ouvriers  ou 
petits  commerçants  de  détail,  en  leur  suggérant  l'idée  d'y  créer  un 
enclos  pouvant  assurer  à  la  famille  sa  provision  de  vin,  de  Iruit  et  mê- 
me de  légumes,  tout  en  lui  fournissant  un  but  de  promenade  pour  le 
(hmanche  et  une  récréation  saine  au  grand  air. 

La  vente  de  ces  terres  a  été  ellectuée  en  avril  11)05;  il  serait  ditlicile 
d'en  préjuger  dès  maintenant  les  résultats  ;  mais  en  cas  de  succès, 
le  Domaine  ne  manquerait  pas  de  constituer  ainsi  des  petits  lots  de 
jardinage  dans  la  banlieue  immédiate  de  tous  les  centres  où  existe 
une  population  ouvrière  française.  A  ce  point  de  vue,  l'essai  tenté  à 
Mayoula  est  des  plus  intéressants. 

Henchir  El-Haouaria.  —  Situé  à  5  kilomètres  au  sud-est  de  Béja, 
cet  henchir  est  desservi  par  la  piste  de  Béja  à  Téboursouk.  La  super- 
ficie totale  est  de  331  liectares  et  les  terres  sont  de  bonne  qualité, 
argilo- calcaires.  Cette  propriété,  constituée  par  des  coteaux  i)eu  acci- 
dentés, renferme  deux  sources,  dont  une  déjà  captée  donne  île  l'eau 
potabliM'ii  fibondanci^  ;  de  plus,  la  disposilitiii  ilii  Icrraiii  itcrmct  de 
su|)i)()ser  (jiie  l'on  trouvei-ait  de  l'eau  dans  tous  les  ravins. 

El-IIaouaria  a  été  divisé  en  cinq  lots  de  50  à  75  hectares  ;  une 
réserve  d'une  vingtaine  d'hectares  a  été  faite  autour  de  la   source 


—  107  — 

pour  pcrmetti'o  uux  colons  do  s'iiistallci-  sur  ce  poiuL  cL  d'y  créer 
un  petit  centre  au  moyen  de  lots  urbains  de  1  à  5  hectares.  D'ail- 
leurs, les  coteaux  qui  forment  cet  hencliir  étant  assez  élevés,  les 
propriétaires  pourront  s'installer  sur  leurs  lots  sans  crainte  de  palu- 
disme. 

Dans  El-IIaouaria  même  se  trouve  une  mine  rpji  occupe  une  cen- 
taine d'ouvriers. 

Henchir  El-Guelia.  —  Cette  propriété,  comme  les  deux  précé- 
dentes, a  été  acquise  au  Collège  Sadiki  par  le  Domaine.  Située  à  25 
kilomètres  au  nord  de  Béja,  à  peu  de  distance  de  la  route  des  Nefza, 
elles  est  accidentée  et  elle  renferme  des  terres  de  dilférentes  qualités, 
mais  bonnes  dans  l'ensemble.  L'alimentation  en  eau  potable  est  assu- 
rée par  plusieurs  sources,  dont  une  très  abondante. 

El-Guelia,  dont  la  superficie  est  de  562  hectares,  est  desservi  par 
plusieurs  pistes;  l'une  d'elles,  aboutissant  au  kilomètre  17  de  la 
route  des  Nefza,  devra  être  transformée  en  chemin  de  colonisa- 
tion. 

Le  Domaine  a  installé  dans  cet  enchir  quatre  familles  de  colons 
sur  des  lots  variant  entre  81)  à  180  hectares.  En  vue  de  la  création 
éventuelle  d'un  centre  industriel,  un  cinquième  lot  a  été  réservé 
et  sert  provisoirement  de  pâturage  communal  pour  le  bétail  des  co- 
lons. 

Les  henchirs  Magoula,  El-IIaouaria  et  El-Guelia  ont  été  achetés 
ensemble  245. OCX)  francs,  soit  un  prix  moyen  de  205  francs  l'hectare. 

El- Afareg,  Djebil  et  Démina.  —  Ces  trois  points  de  colonisation 
se  touchent  et  sont  situés  à  0,  8  et  10  kilomètres  de  Béja.  Cinq  co- 
lons sont  installés  à  El-Alareg  sur  des  lots  de  75  hectares  en  moyen- 
ne ;  deux  colons  à  Djebil  (180  et  102  hectares),  et  quatre  à  Démina 
(deux  fermes  de  300  hectares  et  deux  de  150  hectares).  Toutes  ces 
propriétés  sont  cultivées  d'après  la  méthode  française,  au  moyen  de 
la  main-d'o'uvre  arabe.  L'ouvrier  agricole  arabe  se  paie  tlo  1  fr.  -0  à 
1  fr.  50  par  jour  dans  cette  région. 

C'est  en  1901,  1002  et  1iX)3  que  la  Direction  de  l'Agriculture  livra 
ces  terrains  à  la  colonisation;  ils  sont  fertiles,  le  régime  des  eaux  y 
est  constant,  le  climat  très  sain  et  la  situation  vraiment  agréable.  De 
Djebil  surtout,  le  panorama  est  attrayant  :  en  regardant  vers  le  sud 


—  lus  — 

on  a,  sous  les  pieds,  une  succession  de  vallons  cullivésdu  plus  bel  as- 
pect, qui  vont  rejoindre  la  riche  et  large  plaine  de  la  Medjerda,  au 
fond  de  laquelle  serpente  le  lleuve  avant  de  s'engoulï'rer  dans  les  gor- 
ges de  Pont-de-Trajan  et  de  Douemis.  Vers  l'est  on  aperçoit  d'abord 
les  crénaux  de  la  chaîne  du  Munchar,  puis  les  montagnes  de  Testour 
et  plus  loin,  à  l'horizon,  les  monts  Zaghouan.  A  l'ouest,  plaqués 
dans  la  vallée,  les  villages  de  Souk-el-Khemis,  Ben-Bechir,  Souk-el- 
Arba,  Oued-Méliz,  Ghardimaou,  stations  de  la  ligne  de  Tunis  àBône; 
tout  au  fond,  les  pitons  du  Kef,  et,  plus  à  droite,  les  hauts  escarpe- 
ments, qui  semblent  infranchissables,  des  montagnes  d'Algérie.  Et 
c'est  toujours  un  beau  spectacle,  qu'il  se  présente  en  hiver  sous  le 
vaste  manteau  de  neige  —  comme  il  m'a  été  donné  de  l'admirer  cette 
année  (janvier  1905),  —  ou  bien  que  se  déroulent  cà  perte  de  vue, 
en  la  chaude  saison,  les  luxuriantes  moissons. 

Le  plateau  d'El-Afareg,  dont  le  centre  forme  cuvette  avec  mame- 
lon peu  élevé  sur  les  flancs  duquel  ou  rencontre  des  vestiges  ro- 
mains peu  importants,  possède  plusieurs  sources  d'eau  excellente 
qui  fournissent  un  débit  de  40  litres  à  la  minute  pendant  l'été.  Le 
rendement  des  céréales  est  de  10  à  tl  pour  un  en  blé,  et  de  15  à  18 
pour  l'avoine  ;  la  vigne  y  vient  fort  bien  et  le  pays  est  très  propice  à 
l'élevage  des  bêtes  à  cornes.  Les  indigènes  y  cultivent  le  blé,  le  sor- 
gho, et,  sur  5  hectares  irrigués,  se  livrent  à  la  culture  maraîchère. 
Trois  anciens  métayers  de  la  Société  des  Fermes  Françaises  en 
Tunisie,  dont  nous  parlerons  plus  loin,  sont  installés  à  El-Afareg  où 
ils  ont  acquis,  du  Domaine,  des  fermes  de  70,  13  et  1)0  hectares;  un 
autre,  à  Démina,  possède  un  lot  de  176  hectares.  Ils  sont  contents  de 
leurs  sort.  La  Direction  de  l'Agriculture  a  livré  dans  cette  région,  à 
la  colonisation  française,  1.100  hectares  de  terres  de  première  qualité 
formant  douze  lots,  pour  la  somme  de  133.000  francs,  soit,  en  moyen- 
ne, 120  francs  l'hectare. 

Entre  ces  trois  points  de  colonisation  et  les  Amdoun,  plusieurs 
groupements  siciliens  ont  élevé  des  gourbis  ou  bâti  des  maisonnettes; 
ils  occupent  environ  un  millier  d'hectares  par  parcelles  de  20  à  25 
hectares  achetées  ou  louées. 

El-Afareg  est  reli*''  à  l'éja  par  la  roule  empierrée  de  lîi'ja  à  Souk- 
el-Khemis  et  par  une  piste  accidi'iitée  mais  carrossable.  Les  colons 
d(^  Djebil  et  Démina  réclament  des  tronçons  de  roules  ou  de  pistes 
carrossables  pouvant  desservir  leurs  fermes.  Les  colons  demandent, 


—  JOÎJ     - 

cil  oiiLie,  rétablissement  d'une  école  primaire  à  Ei-Alarej^  ;  [jIus  rie 
vingt-cinq  enfants  français  restent  acuiellement  privés  d'instructio!i 
et  la  création  prochaine  d'un  internat  primaire  à  ï>éja  ne  résoudra  pas 
la  ({uestion,  car  la  plupart  de  ces  petits  colons  ne  pourraient  suppor- 
ter les  frais  de  la  pension,  quelque  réduits  soient-ils.  Il  faut  considé- 
rer que  le  groupement  d'El-Alareg,  Djebil  et  Démina  est  plus  impor- 
tant et  plus  intéressant  que  celui  du  Munchar  (qui  possède  une  éco- 
le). En  elï'et,  au  Munchar  la  colonisation  est  surtout  constituée  par 
l'élément  métayer,  l'agriculteur  qui  vient  faire  apprentissage  de  la 
vie  tunisienne,  puis  s'en  va  plus  loin, dés  qu'il  peut,  planter  sa  tente; 
à  El-Afareg,  au  contraire,  le  laboureur  s'installe  avec  l'idée  bien  ar- 
rêtée de  rester  sur  sa  terre  et  d'y  faire  souche.  Ce  qui  a  été  accordé 
au  passant  ne  peut  être  refusé  au  sédentaire. 

Le  Munchar.  —  Le  djebel  Munchar  se  trouve  à  15  kilomètres  de 
Béja.  C'est  une  chaîne  de  montagnes  ayant  environ  5  kilomètres  de 
longueur,  terminée  à  son  sommet  par  ime  arête  rocheuse  de  50  mè- 
tres de  hauteur,  coupée,  en  certains  endroits,  par  des  brèches  aux 
abords  escarpés.  La  crête  sud  du  djebel  Munchar  se  termine  im- 
médiatement à  la  route  de  Tunis.  On  peut  circuler  sur  la  crête  par 
un  sentier  serpentant  entre  des  rochers  à  parois  verticales  ;  la 
llore  y  est  variée.  Excursion  pittoresque  et  beau  panorama  sur  le 
bled  Béja,  à  l'ouest,  et  sur  la  vallée  delà  Medjerda,  au  sud  et  au  sud- 
ouest. 

La  région  cultivée  du  Muncliar  est  excessivement  fertile  ;  elle 
est  vallonnée,  sauf  dans  la  partie  qui  traverse  l'oued  El-Boul  et  sur 
le  plateau  de  «Sidi-Mahmoud.  Le  point  central  est  situé  à  12  kilo- 
mètres de  Béja,  12  kilomètres  de  la  gare  d'Oued-Zerga,  14  kilomètres 
de  Pont-de-Trajan.  Le  Munchar  est  traversé  par  la  route  de  Béja  à 
Oued-Zerga. 

C'est  au  Munchar  qu'une  tentative  de  colonisation  par  le  système 
du  métayage  a  été  faite  par  la  Société  des  Fermes  Françaises  en  Tu- 
nisie, dont  le  directeur  est  un  ancien  professeur  du  Lycée  de  Tunis, 
M.  Jules  Saurin. 

La  Société  a  pour  objet  l'achat  de  grands  domaines  qu'elle  mor- 
celle en  exploitations  de  50  ù  100  hectares,  confiées  à  des  cultiva- 
teurs français.  Ces  cultivateurs  sont  employés  en  qualité  de  métayers 
et  de  maîtres-valets.  Le  métayer  doit  posséder  les  avances  nécessai- 


—   110  — 

res  pour  assurer  l'exploitation  de  la  ferme  et  acheter  le  matériel  agii- 
cole;  il  fournit  tout  le  travail,  mais  il  a  droit  à  la  moitié  des  produits 
de  la  ferme  et  à  la  totalité  des  produits  nécessaires  à  l'alimentation 
de  sa  famille.  Le  maître-valet  est  rétribué  par  un  salaire  ilxe  qui  va- 
rie de  90 à  120 francs  par  mois;  ses  enfants  sont  payés  en  sus,  sui- 
vant leur  travail  ;  de  plus,  il  a  le  droit  d'entretenir  un  jardin,  d'éle- 
ver de  la  volaille,  de  prendre  le  lait  de  deux  vaches  arabes,  d'acheter 
à  la  Société  le  vin  nécessaire  à  sa  consommation  au  prix  de  10  francs 
l'hectolitre. 

Deux  groupes  ont  déjà  été  créés  par  la  Société,  l'un  à  Saint-Cy- 
prien  (Contrôle  civil  de  Tunis)  de  1.035  hectares;  il  renferme  douze 
métairies.  L'autre,  de  1.230  hectares,  est  celui  du  Munchar;  il  com- 
prend neuf  fermes  (cinq  au-dessous  de  100  hectares  et  quatre  au- 
dessus).  Un  troisième  groupe  de  600  hectares  est  en  formation  à 
l'henchir  Essemadhi,  sur  le  trajet  de  la  route  projetée  de  Béja  à  Ma- 
teur. 

L'œuvre  de  M.  Saurin  a  été  très  discutée.  Certains  reprochent  au 
directeur  de  la  Société  de  faire  montre  d'une  philanthropie  factice  et 
de  travailler  surtout  dans  son  propre  intérêt.  C'est  inexact.  Certes,  la 
Société  prospère,  elle  fait  ce  que  l'on  peut  appeler  «  de  bonnes  affai- 
res »  ;  mais  depuis  quand  colonise-t-on  dans  le  dessein  de  perdre  do 
l'argent'?  Si  M.  Saurin  a  su  sauvegarder  et  développer  les  intérêts 
de  ses  actionnaires,  il  a  également  rendu  de  réels  services  à  la  petite 
colonisation  française  en  attirant  en  Tunisie,  au  besoin  en  allant  cher- 
cher lui-même  en  France,  des  familles  de  véritables  paysans  et  en 
leur  consentant  des  contrats  de  métayage.  A  l'heure  actuelle,  toutes 
les  fermes  sont  occupées  et  quinze  anciens  métayers  ou  maîti'es-va- 
lets,  c'est-à-dire  quinze  chefs  de  familles  françaises  arrivés  chez  M . 
Saurin  presque  sans  ressources,  ont  essaimé  sur  d'autres  domaines 
de  la  Tunisie,  où  ils  sont  devenus  propriétaires  de  lots  de  50  à  KM) 
hectares. 

En  lOOi,  sur  le  domaine  du  Munchar  appartenant  à  la  Société  des 
Fermes  Françaises,  le  rendement  des  céréales  a  été,  par  hectare,  de 
lOfjuintaux  pour  l'avoine,  13  pour  le  Itlé  dur  et  15  pour  le  blé  ten- 
dre; la  vigne  a  produit  50  quintaux  de  raisin  à  l'hectare.  Les  écu- 
ries et  les  étables  renferment  130  ba*ufs  de  labour,  33  chevaux  ou 
mulets  et  liK)  vaches,  juments  et  jeunes  bêtes  d'élevage.  La  pro- 
priété du  Munchar  a  été  acquise  par  MM.  Saurin  et  C'^  à  divers  Eu- 


ropéeiis  (|ui,  eux-mêmes,  l'avaient  achetée  à  eiizel  aux  Habous.  Les 
Français  installés  dans  les  neuf  fermes  du  Munchar  :  métayers,   sta 
giaires,  chefs  de  culture  et  ouvriers,  sont  au   nombre  de  quarante- 
el-un. 

On  voit  aussi  au  Munchar,  en  dehors  delà  Société  dont  nous  ve- 
nons de  parler,  trois  fermes  importantes  (390,  '220  et  i20  hectares) 
appartenant  à  des  Français,  parmi  lesquels,  M.  Carrier,  l'actif  prési- 
dent de  l'Association  des  Colons  de  ]jéja.  Enfm,  à  peu  de  distance  du 
Munchar,  se  trouvent  deux  beaux  domaines,  l'un  de  800  hectares,  à 
Qçar-Mezaoual,  l'autre  de  600  hectares  à  Sidi-Ahmeur.  Une  troisième 
ferme,  achetée  à  la  Direction  de  l'Agriculture,  est  située  àEn-Xagar 
(200  hectares). 

En  résumé,  dans  un  rayon  de  8  à  10  kilomètres,  on  compte  seize 
fermes  françaises,  occupant  une  superficie  de  3.580  hectares,  et  sur 
lesquelles  vivent  soixante-quinze  Français. 

Henchir  Douemis.  —  L'henchir  Douemis,  situé  à  12  kilomètres 
au  Sud-Est  du  Munchar,  tout  près  de  l'oued  Zerga,  est  constitué  par 
une  série  de  plateaux  et  de  coteaux  à  pentes  douces  dont  la  plupart 
sont  cultivables  à  la  charrue  française.  La  nature  des  terres  est  assez 
variable,  mais  en  général  argilo-calcaire.  Dans  la  partie  Nord,  où  les 
terres  sont  plus  froides,  la  récolte  est  tardive  ;  les  fourrages  y  pous- 
sent en  abondance. 

Trois  jeunes  Français  y  ont  acheté,  en  1902,  à  la  Société  Foncière 
d'Oued-Zerga,  2.000  hectares  environ  qu'ils  cultivèrent  d'abord  en- 
semble. Après  deux  années  de  cette  vie  commune,  ils  divisèrent  le 
domaine  en  trois  propriétés  qu'ils  habitent.  Ces  trois  jeunes  gens  ont 
fait  de  leur  centre,  un  noyau  où  étudiants-colons,  stagiaires,  agricul- 
teurs-amateurs vinrent  nombreux  ;  quelques-uns  restèrent  dans  la 
région.  On  compte  à  Douemis  onze  Français,  ouvriers  et  patrons.    . 

L'henchir  Douemis  est  dépourvu  de  voies  de  communication. 

Les  Amdoun.  —  C'est  le  plus  riche  territoire  du  Caïdat  de  Déjà  ; 
c'est  aussi  le  })lus  pittoresque.  Entièrement  défriché,  sillonné  par  de 
nombreuses  sources  qui  coulent  toute  l'année,  le  pays  est  salubre, 
sauf  quelques  fonds  de  vallées  et  les  parties  confinant  aux  Ouchleta, 
où  le  paludisme  se  fait  sentir. 

Le  territoire  des  Amdoun  commence  à  cinq  kilomètres  au  Nord- 


112  — 

Ouest  de  Béja  et  s'étend  jusqu'à  la  limite  des  forêts  de  Kroumirie  au 
Nord  et  au  Caïdat  des  Oulad-bou-Salem  à  l'Ouest. On  y  découvre  cha- 
que jour  de  beaux  gisements  miniers. 

Six  colons  français  y  possèdent  de  vastes  propriétés  ;  l'une  d'elles 
atteint  700  hectares;  les  autres  varient  de  100  à  200  hectares.  Deux 
de  ces  dei-nières  ont  été  vendues  par  la  Direction  de  l'Agriculture.  11 
est  difficile,  en  raison  de  l'aisance  des  indigènes,  d'acquérir  de  nou- 
velles terres  dans  cette  contrée. 

Le  village  de  Zaouïet-Median,  qui  compte  800  habitants,  situé  à  peu 
près  au  centre  du  territoire  des  Amdoun,  se  trouve  à  l'i  kilomètres 
de  Béja,  à  60  kilomètres  d'Aïn-Draham  et  à  17  kilomètres  de  la  gare 
de  Souk-el-Khemis.  Aucune  route  ne  le  dessert,  et,  pendant  la  saison 
des  pluies  ,  les  pistes  sont  impraticables  ;  il  y  a  donc  nécessité  de 
construire  une  route  reliant  Zaouiet-Median  à  Béja,  de  créer  une 
école  et  d'acquérir,  si  possible,  quelques  terres  pour  la  colonisa- 
tion. 

La  piste  qui,  partant  de  Béja,  conduit  aux  Amdoun,  dessert  Le 
Bardo  (2  kilomètres  de  Béja)  et  passe  ensuite  par  les  fermes  fran- 
çaises de  Sidi-Béchir,  Aïn-Sellem,  Kinissi  et  Sidi-Moussa.  Le  terrain 
est  ensuite  de  plus  en  plus  accidenté  :  ce  sont  toujours  des  coteaux 
à  céréales,  de  nature  fortement  argileuse,  mais  les  lignes  sont  plus 
courtes,  les  vallons  plus  profonds.  A  l'ouest,  sur  la  limite  du  Caïdat, 
une  magnifique  source,  faïn  Zereuss,  sort  d'un  certain  nombre  de 
failles  existant  au  pied  du  djebel  Bou-Guetrane.  Elle  fournit,  aux 
basses  eaux,  un  débit  de  soixante-quinze  litres  à  la  seconde  et  donne 
naissance  à  un  cours  d'eau  qui  se  jette  dans  l'oued  Kasseb,  à  l'entrée 
du  défilé  du  Khanguet-Sellama,  dont  la  traversée  est  des  plus  agréa- 
bles. 

M.  Carrier,  qui,  en  sa  qualité  de  délégué  à  la  Cliambre  d'Agricul- 
ture, fit  partie  de  la  Commission  de  délimitation  des  terrains  boisés 
domaniaux  situés  dans  le  Caïdat  de  Béja,  a  publié,  de  son  excursion, 
sous  le  titre  Dix  jours  en  forêt,  une  attrayante  description  d'où  il 
nous  permettra  d'extraire  (iuoh|ues  passages: 

<f  II  est  dix  heures  lors(iue  nous  arrivons  au  pied  du  Sobbali,  àson 
point  centrah  Nousfranciiissons  la  montagne  par  un  dc'lilé  de  douze 
à  quinze  cents  mètres  de  longueur:  c'est  le  Khanguet-Bril<a.  Il  relie 
la  vallée  que  nous  venons  de  (juittcr  à  celle  de  l'oued  Maden.  A  droite 
et  à  gauche  la  montagne  se  dresse  presque  à  pic. 


—  113  — 

((  Nous  ndmirons  le  coup  d'rr'il.  [.a  Irausilion  ost  briisqiio  onlro  cft 
qiio  nous  voyons  et  ce  quo  nous  avons  laissé  (Ifi-riôre  nous.  J)'un  côté 
la  terre  grasse,  nue,  sans  une  toulTe  de  jujubiers  ou  de  broussailles 
à  plusieurs  kilomètres  à  la  ronde;  puis,  brusf|uement,  un  paysa;4e  du 
Jura  ou  de  la  Suisse:  la  monta,gne  abrupte,  avec  de  grands  arbres 
accrochant  leurs  racines  dans  les  interstices  des  rochers. 

a  Hientôt,  nous  apercevons  au  loin  le  versant  gauche  de  la  vallée 
d(!  l'oued  Aladen,  au-dessus  et  autour  de  nous  les  arbres  dégagent  un 
parfum  d'autant  plus  pénétrant  que  la  chaleur  est  un  peu  lourde  et 
(pie  ce  délilé  est  à  l'abri  des  vents.  La  salsepareille,  notamment, 
monte  ses  lianes  à  travers  les  branches  des  lentisques  et  des  oliviers 
savages,  puis  les  laisse  retomber  gar-nies  fie  Heurs  laiteuses,  déga- 
geant une  forte  odeur  de  miel.  Il  y  a  là  aussi  des  caroubiers  énormes, 
des  buissons  de  myrthes,  de  ronces  remplie  de  mûres  et  partout, 
s'enchevètrant,  d'épaisses  toulïes  de  lierre. 

«  Mais  la  tranchée  s'élargit  :,  le  sentier  dévale  en  pente  brusque.  11 
quitte  le  rocher  pour  la  terre  et  nous  entendons  au-dessous  de  nous 
un  bruit  de  torrent.  Nous  sommes  à  l'Aïn-lîrika.  Sous  un  fond  de  ver- 
dure, sort  des  rocliers  garnis  de  capillaires  une  eau  claire  qui  forme 
à  nos  pieds  un  lac  minuscule  avant  de  descendre  dans  le  ravin.  Le 
débit  est  de  deux  cents  litres  à  la  seconde,  et  nous  sommes  à  la  lin 
de  l'été.  La  source  est  inutilisée.  On  ne  voit  ni  jardins,  ni  cultures 
irrégués  aux  alentours;  l'oued  Maden  seul  recueille  cette  eau  qui 
pourrait  être  si  utile  aux  riverains.  » 

Le  nord  des  Amdoum  semble  taillé  à  la  liaclie;  du  djebel  Damons 
au  djebel  Mcid,  ce  ne  sont  que  rocs  aigus  crénelant  d'elï'rayants  ravins 
auxquels  succèdent  des  collines  couvertes  de  hautes  futaies;  plus  loin, 
arrosées  par  des  oueds  qui  cascadent  sur  les  blocs  énormes  détachés 
de  la  montagne,  des  clairières  enserrées  de  monticules  où  gisent, 
comme  de  très  vieilles  gens  qui  n'en  peuvent  mais,  d'antiques  oli- 
viers, tordus,  noueux,  monstrueux,  dont  les  troncs  atteignent  deux 
ou  trois  mètres  de  circonféi'encc.Au  milieu  des  frondaisons,  dissé- 
minés, des  groupes  de  gourbis  enclos  de  cactus  géants,  habités  par 
des  Arabes  d'aspect  farouche,  mais  (pii,  au  d(Mneuraiit,  sont  très  pai- 
sibles et  ne  réclament,  au  mines  voisines,  i[\\\\\\  maigre  salaire  en 
échange  d'un  travail  meurtrier. 

Cette  partie  du  Caïdat  de  lîéja,  ignorée  du  passant,  miM-ite  la  visite 
du  touriste  et  de  l'artiste.  Lu  sortant  d'un  khanguet,  en  dévalant  d'une 
colline  boisée,  on  est  surpris  de  tomber  tout  à  coup  sur  de  délicieux 
petits  nids  où  le  soleil,  tamisé  par  l'épaisse  ramée,  pailleté  d'or  le  tin 
gazon.  Volontiers,  on  s'y  laisserait  vivre...  si  la  salutaire  crainte  du 


—  i'14  — 

microbe  ne  vous  incitait  à  poursuivre  votre  chemin.  Car  —  pourquoi 
ne  pas  le  dire?  —  dans  le  nord  des  Amdoun,  sous  la  liane  fleurie,  se 
cache  la  fièvre  mauvaise  qui  vous  quette  au  coin  du  bosquet  et  vous 
empoigne  sans  crier  gare.  Je  n'ai  rien  vu  de  plus  lamentable  que 
l'Arabe  de  cette  région  :  miné  par  le  paludisme,  décharné,  grelottant, 
il  attend,  pauvre  loque  humaine,  la  guérison  que  deux  fois  par  jour  il 
supplie  Allah  de  lui  accorder. 

—  Pourquoi,  disais-je  à  l'un  d'eux,  ne  fuis-tu  pas  ce  pays  si  mal- 
sain? » 

Il  me  répondit  : 

«  —  Où  veux-tu  que  j'aille?...  Tu  vois  ce  coteau  d'où  émergent 
quelques  pierres?  c'est  là  que  sont  mes  Irères,  mes  parents,  mes  en- 
fants. Il  faut  que  je  reste  :  Mehtonh...  » 

Ce  coteau,  c'est  le  cimetière. 

Les  Nefza.  —  Le  point  central  du  territoire  des  Nefza  est  situé  à 
35  kilomètres  de  Tabarca,  45  kilomètres  de  Béja,  100  kilomètres  de 
Dizerle  et  iO  kilomètres  de  la  mer.  Cette  région  est  fermée  au  Nord 
par  la  mer,  à  l'Est  par  les  Mogods,  à  l'Ouest  parles  Mckna  et  la  Krou- 
mirie,  au  Sud  par  les  djebels  Mcid,  Sidi-Alimet  et  Kef-Tout.  Elle  n'est 
pas  très  étendue,  et  sur  sa  plus  grande  superficie  les  forêts  de  hautes 
futaies,  la  grosse  broussaille,  les  oliviers  sauvages  la  couvrent.  La 
partie  cultivable  est  formée  d'une  série  de  vallées,  copieusement  ar- 
rosées, où  subsistent  les  pâturages  verts,  même  en  plein  été. 

La  route  de  Béja  à  Tabarca,  qui  conduit  aux  Nefza,  traverse  le 
khanguet  Kef-Tout  (30  kilomètres  de  Béja)  dans  toute  sa  longueur, 
laissant  à  gauche  l'oued  Maden,  à  droite  le  djebel  Bou-Ras.  La  val- 
lée de  l'oued  Maden,  assez  étendue,  est  fertile,  boisée  et  pos.sc(le  nom- 
bre de  clairières  à  terres  fortes,  lourdes,  exigeant  beaucoup  de  tra- 
vail et  un  sérieux  outillage.  Elle  produit  énormément  de  fourrages, 
et  c'est  de  ce  point  que  provient  cette  jolie  race  de  poneys,  ccxiuets 
et  rapides,  (jni  ont  partout  une  réputation  d'cndiu'ancc  d'aillciiis  mé- 
ritée. 

M.  Geolli'oy  Sainl-llilairo,  inspecteur  rie  Tr'-levage  en  Tunisie,  qui 
s'est  particulièrement  occupe''  <k  ces  petits  clicvaiix,  adressait  à  la 
Direction  de  l'Agriculture,  en  l'.MI'i,  un  ra])port  concluant  à  la  créa- 


-  iir.  - 

tioM  d'un  Stu(l-J)Ook  de  poneys,  avec  primes  d'encouragement  à  cet 
élevage.  Nous  détachons  de  ce  rappoil  les  observations  suivantes  : 

«  Ces  chevaux  constituent  une  race  très  spéciale  :  ils  ont  des  carac- 
tères distinctifs,  bien  nets  et  des  qualités  d'adaptation  au  milieu  dans 
le(juel  ils  vivent  ({ui  en  font  des  sujets  précieux  à  de  nombreux 
titres. 

«  Les  poneys,  qui  mesurent  i"i25  à  lm42,  ont  une  physionomie  ex- 
pressive, l'œil  un  peu  exorbitant,  le  profd  légèrement  concave,  la 
tète  un  peu  forte  bien  grelïée  sur  une  encolure  puissante,  une  poi- 
trine profonde,  le  rein  bien  soutenu,  sans  défaillance  dans  son  atta- 
che, une  membrure  vigoureuse,  des  aplombs  très  réguliers  et  les 
phanères  développées.  A  ces  qualités  de  construction,  ils  joignent 
une  endurance  exceptionnelle,  beaucoup  de  fond  et  de  vitesse. 

«  Les  robes  dominantes  sont  le  gris  et  l'alezan  pour  les  chevaux  des 
Nelza,  Amdoun  etMekna,  alors  que  le  bai  est  plus  répandu  chez  les 
Mogods  et  les  Hédill. 

((  La  race  des  chevaux  poneys  du  Nord-Ouest  tunisien  présente  un 
grand  intérêt  au  point  de  vue  commercial;  ses  produits  sont  très  re- 
cherchés par  les  amateurs  pour  les  attelages  de  petites  charrettes, les 
jeux  de  polo  et  d'autres  services  de  luxe.  On  peut  estimer  à  500  en- 
viron le  nombre  de  ces  poneys  exportés  à  l'étranger  cliaque  année. 
Malte  et  l'Italie  sont  les  deux  pays  qui  en  consomment  le  plus,  et  il 
n'est  pas  rare  de  voir  ces  chevaux  passer  de  Malte  et  d'Angleterre  en 
France,  pour  les  jeux  hippiques,  après  avoir  subi  un  habillage  déter- 
miné pour  lequel  les  Maltais  excellent.  La  production  de  ces  polo- 
poneys,  de  ces  petits  chevaux  de  luxe,  parfaits  à  la  selle  autant  qu'à 
la  voiture,  présente  donc  un  intérêt  d'autant  plus  grand  que  leur  race 
est  bien  déterminée,  bien  spéciale  à  la  Tunisie,  mais  malheureuse- 
ment mieux  connue  à  l'étranger  que  dans  la  métropole.  Le  prix  de  ces 
chevaux  en  France  est  pourtant  minime  et  ne  dépasserait  pas  450 
francs  pour  un  sujet  de  choix. 

c(  Dans  le  Nord-Est  de  la  Tunisie, presque  à  l'extrémité  du  Cap-Bon, 
existe  un  groupement  de  chevaux  poneys  identiques  aux  premiers  et 
parmi  lesquels  se  trouvent  des  types  très  réussis.  Les  proiiriétaires 
indigènes  se  sont  montrés  jusqu'ici  assez  peu  disposés  à  donner  de  la 
publicité  à  leur  race  de  chevaux,  qu'il  conviendrait  cependant  de  visi- 
ter au  même  titre  que  celle  des  Nefza  et  des  Mogods  afin  d'être  fixé 
sur  son  importance. 

"  «  Il  est  de  toute  nécessité  de  faire  connaître  cet  élevage,  de  taire  des 
sacrifices  pour  augmenter  et  améliorer  sa  production  et  surtout  pour 
conserver  pure  cette  race  qui  tend  à  se  croiser,  à  perdre  ses  qualités 
essentielles  et  son  type  tout  particulier.  La  plupart  des  indigènes  éle- 
veurs ignorent  ce  qu'ils  possèdent,  croisent  leurs  petits  étalons  avec 


—  116  - 

des  juments  barbes  manquées  ou  donnent  à  leurs  juments  de  race 
des  étalons  quelconques,  d'où  actuellement  un  mélange  assez  com- 
plexe et  l'amoindrissement  du  nombre  des  pojieys  purs. 

«  La  race  conservée,  améliorée, le  nombre  des  produits  augmentés, 
une  certaine  publicité  effectuée  dans  les  journaux  techniques  et  de 
sport,  et  les  débouchés  augmenteront  naturellement,  donnant  par 
suite  une  plus-value  commerciale  à  ces  chevaux,  tout  en  fournissant 
des  ressources  au  pays.  » 

Un  Stud-Book  des  poneys  tunisiens  lut  crée  par  arrêté  du  ici-  août 
1902,  et  depuis  cette  époque  la  marche  régulière  de  cette  institution 
a  permis  de  se  rendre  compte  exactement  des  ressources  hippiques 
de  certaines  régions  de  la  Tunisie  jusqu'ici  mal  connues. 

Les  indigènes  se  sont  montrés  très  satisfaits  de  l'initiative  due  à 
M.  Geoffroy  Saint-Hilaire,  qui  leur  a  révélé  l'existence,  entre  leurs 
mains,  d'une  nouvelle  source  de  richesse.  En  1903  et  1904,  la  com- 
mission du  Stud-Book  a  examiné  plus  de  2.500  poneys  et  elle  a  ins- 
crit 350  juments  et  120  étalons.  Avant  cette  création,  les  poneys  des 
Nefza,  des  Amdoun  et  des  Hédill  se  vendaient  de  100  à  150  francs  ; 
il  n'est  pas  rare  maintenant  de  voir  ces  chevaux  se  vendre  500  ou  COO 
francs.  Certains  sujets  ont  atteint  le  prix  de  1.000  francs. 

A  l'extrémité  nord  de  la  vallée  existe  une  petite  plaine  marécageuse 
de  500  à  600  hectares,  qui  aurait  grand  besoin  d'être  drainée.  Les 
terres,  en  effet,  sont  souvent  inondées  en  hiver,  et  les  chaussées 
faisant  défaut,  il  arrive  parlois  que  les  colons,  partis  le  matin  pour  le 
marché  voisin,  ne  peuvent,  au  retour,  regagner  leurs  propriétés.  Nous 
avons  vu,  cette  année  (1905),  un  nouveau  marié  rester  ainsi  en  dé- 
tresse pendant  deux  jours — et  deux  nuits  —à  l'hôtel  du  djebel  Abiod, 
alors  que  sa  femme  l'attendait  dans  une  ferme  voisine.  Il  fut  impos- 
sible à  un  autre  colon  de  recevoir  du  pain  h'ais  pendant  une  longue 
semaine. 

A  l'Est  de  l'oued  Maden  se  trouve  la  vallée  de  l'oued  Bou-Zenna, 
moins  grande  que  la  précédente,  mais  plus  tourmentée.  Le  djebel 
Sidi-Ahmed  se  dresse,  énorme,  remarquable  par  la  variété  des  sites 
et  par  la  beauté  des  arbres  d'essences  diverses  qu'on  y  rencontre. 
Sur  les  bords  de  l'oued  Bou-Zenna  se  cache  le  douai'  des  Oulad- 
Houimei,  facilement  reconnaissable  au  massif  de  verdure  qui  Ten- 
loure.  Ce  douar,  avec  ses  figuiers  aux  racines  enchevêtrées,  ses  arbres 
fruitiers  aux  branches  ti-aînanles,  forme  un  bouquet  très  séduisant. 


\ 


-  117  - 

Un  petit  sentier  s'élève  de  là  par  des  sous-bois  merveilleux  jusqu'à 
une  ligne  de  faîte  et  traverse  la  Ibrèt  de  cliènes-liège  des  Oulad-Houi- 
mel.  Le  sol  est  presque  partout  couvert  de  fougères  atteignant  près 
de  deux  mètres  de  hauteur.  Avant  d'arriver  à  la  ligne  de  faîte,  on 
passe  par  une  petite  clairière  d'où  Ton  jouit  d'une  belle  échappée  sur 
l'oued  Maden  et  les  Ouchteta. 

Enfin,  au  >sord  du  territoire  des  >sefza,  on  arrive  dans  la  vallée  de 
l'oued  Mêla,  qui  traverse  la  route  de  Béja  à  ïabarca.  On  entre  alors 
dans  les  fourrés  ;  les  aulnes,  les  saules,  les  peupliers,  les  frênes,  les 
ormaux  offrent  une  végétation  qui  rappelle  la  France;  les  points  de 
vue  y  sont  sans  cesse  renouvelés,  et  il  est  facile  d'entreprendre,  en 
zigzag,  d'agréables  excursions.  Je  recommande  tout  spécialement  les 
promenades  ci-après:  le  Qaçer-Zaga,  le  Qaçer-Romane,  les  Oulad- 
Gassem, l'oued  Damous, l'oued  Belif,et,  parles  dunes  qui  font  à  la  mer 
une  haute  rive  de  poudre  d'or,  le  cap  Négro.  Ces  promenades  peu- 
vent être  exécutées  en  deux  ou  trois  jours,  à  condition  de  s'installer 
au  djebel  Abiod. 

Au  cap  Négro,  pointe  Extrême-Nord  du  Gaïdat  de  Béja,  se  voient 
encore  les  ruines  d'un  ancien  comptoir  français,  installé  en  1666  par 
la  Compagnie  Royale  d'Afrique,  qui  était  autorisée  à  faire  le  com- 
merce des  blés  et  la  pêche  au  corail,  à  l'exclusion  des  autres  nations. 
L'entreprise  ne  réussit  pas,  et,  après  maintes  péripéties,  le  person- 
nel de  la  Compagnie  dut  s'embarquer  précipitamment  et  gagner  la 
haute  mer,  tandis  que  les  soldats  du  bey  de  Tunis,  au  mépris  des 
traités,  se  livraient  au  pillage  du  comptoir  français  et  le  détrui- 
saient (1742). 

C'est  seulement  depuis  depuis  1896  que  les  Nefza  sont  connus  des 
Français.  A  cette  époque,  trois  de  nos  compatriotes,  venus  par  ha- 
sard dans  cette  région,  furent  émerveillés  par  le  pittoresque  des  sites 
et  la  douceur  du  climat.  Ils  s'y  installèrent.  Deux  ans  plus  tard,  le 
Domaine  procéda  au  relevé  d'une  partie  des  terres  qu'il  possède 
dans  la  contrée,  et  toutes  les  surfaces  relevées  autour  du  djebel 
Abiod  (1.800  hectares)  furent  immédiatement  demandées  par  des 
Français.  Mais  surgirent  alors  toutes  sortes  de  difficultés  :  les  Ara- 
bes se  prétendirent  dépossédés  et  quelques-uns  menacèrent  d'empê- 
cher par  la  force  la  prise  de  possession. 

Afin  d'éviter  un  conllit,  la  Direction  de  l'Agriculture  porta  ledil- 

La  Tunisie  du  Nord  9 


—  il8  — 

rérend  devant  le  Tribunal  mixte  :  elle  désirait  conserver  les  1.800 
hectares  qu'elle  avait  immatriculés,  et  les  indigènes  réclamaient  la 
remise  des  terres  qu'ils  occupaient  antérieurement.  Le  Tribunal  était 
perplexe  :  il  réfléchit  longuement.  Enfin,  le  président  rendit  son  ar- 
rêt :  nouveau  Salomon,  il  coupa  la  poire  en  deux,  attribuant  900  hec- 
tares au  Domaine  de  l'Etat,  sorte  d'invitation  à  ne  plus  demander 
d'immatriculations  domaniales  dans  la  région,  et  remettant  les  900 
autres  hectares  aux  réclamants. 

L'emplacement  où  l'initiative  privée  avait  déjà  fixé  le  centre  des 
Nefza,  est  un  point  d'avenir.  Situé  à  mi-chemin  de  Béja  à  Tabarca, 
sur  une  voie  de  grande  communication,  il  sera  desservi  sous  peu  par 
un  chemin  de  fer  qui  le  reliera  à  Bizerte.  <^^ 

En  1903  et  1904,  la  Direction  de  l'Agriculture  a  livré  à  la  colonisa- 
tion française  aux  Nefza  treize  lots  de  culture  de  50  à  143  hectares, 
à  des  prix  variant  de  20  à  60  francs  ITiectare,  selon  la  situation  et  la 
qualité  des  terres.  Pour  des  motifs  spéciauxà la  région  et  à  l'époque, 
elle  n'a  pas  imposé  de  charges  d'intallation.  Plusieurs  de  ces  lots  ont 
déjà  été  revendus  par  leurs  propriétaires  à  de  nouveaux  colons  qui 
s'y  sont  installés. 

Toutes  les  cultures  réussissent  admirablement  aux  Nefza,  notam- 
ment le  blé,  l'avoine,  le  sorgho,  le  maïs,  l'arachide;  les  pluies  y  sont 
régulières  et  fréquentes,  même  en  été.  Chez  les  indigènes,  l'élevage 
est  la  principale  ressource.  Le  marché  qui  se  tient  chaque  semaine 
au  djebel  Abiod  tend  à  devenir  de  phis  en  plus  important  ;  le  bétail 
qui  l'alimente  est  petit,  mais  robuste,  rustique,  et  fournit  une  excel- 
lente viande  de  boucherie. 

La  tribu  des  Nefza  est  pauvre,  très  dense  et  elle  fut  longtemps 
pressurée  par  les  chefs  indigènes.  On  représente  les  gens  des  Nefza 
comme  hostiles  aux  roumis,  fanatiques,  turbulents  ;  et  cependant  M. 
Segond,  qui  vit  au  milieu  «l'eux  depuis  lant(H  dix  ans,  in'assui'e  qu'ils 
sont  doux  et  maniables  : 

((  Traités  avec  justice;  et  modération,  dit-il,  ils  olliliont  lenrs  lei-res 
aux  arrivants,  la  colonisation  se  fera  d'elle-même,  et,  pour  peu  qne 
l'Administration  s'y  prête,  cette  colonisation  sera  li'ançaise.  » 

Les  vallées  des  Nefza  ne  sont  guère  sahibrcs  ;  sons  rinllncnct^    dn 


I 
I 


0)  La  ligne  Nefza-Mateur  est  actiu-lk-inent  en  voie  d'i'xéculioii. 


r 

1 


—  119  — 

soleil  les  feï-mentations  acquièrent  dans  ces  marais  une  intensité  con- 
sidérable et  donnent  lieu  à  des  fièvres  typho-rnalarieinies.  On  ne 
saurait  donc  Irop  conseiller  aux  colons  de  placer  leurs  habitations 
sur  un  coteau  boisé  :  dans  ce  pays  mamelonné,  ils  n'ont  que  l'em- 
barras du  choix. 

Les  forêts.  —  Les  terrains  forestiers  occupent,  dans  le  Caïdat  de 
Héja,  une  superficie  d'environ  34.000  liectares,  dont  '21.000  hectares 
boisés  en  chênes-liège.  Le  surplus  comprend  7.000  hectares  de  dunes, 
soit  nues,  soit  couvertes  d'essences  diverses,  et  enfin  0.000  hectares 
de  broussailles. 

La  principale  essence  est  le  chêne-liège.  Le  chêne  zéen  ne  s'y 
trouve  que  par  taches  disséminées  et  de  peu  d'étendue.  Une  végé- 
tation spéciale  occupe  la  partie  boisée  des  dunes  littorales  ;  elle  est 
composée  de  chênes  verts,  chênes  kermès,  genévriers  dePhénicieet 
oxycèdres. 

Dans  cette  région,  l'organisation  du  service  forestier  ne  date  que  de 
1892.  Le  premier  poste  créé  a  été  celui  des  Ouled-Gassem,le  dernier 
celui  de  Tabarca  ;  l'un  est  rattaché  à  la  brigade  des  Mogods,  l'autre 
fait  partie  de  la  brigade  des  Mekna. 

Les  travaux  de  mise  en  valeur  ont  été  commencés  en  1802  et  ter- 
minés en  1î;M31.  Ils  ont  consisté  en:  1«  établissement  de  vingt-deux 
kilomètres  de  tranchées  de  protection  ;  2"  ouverture  de  cent  quatre- 
vingt-trois  kilomètres  de  sentiers  muletiers. 

Les  démasclages  ont  porté  sur  940.000  chênes-liège.  Les  premiè- 
res récoltes  de  liège  ont  commencé  en  1901  ;  elles  ont  donné  jusqu'ici 
3.600  quintaux  de  liège,  qui  ont  été  vendus  90,300  francs.  Les  forêts 
de  cette  région  entrent  à  peine  en  production. 

De  1894  à  1904,  il  a  été  livré  à  l'exploitation  50.000  chêne-liège 
impropres  à  la  production  du  liège.  Ces  arbres  ont  donné  58.000 
quintaux  d'écorces  à  tan,  qui  ont  été  vendus  465.000  francs. 

Il  existe,  dans  ces  forêts,  six  concessions  de  pacage  de  porcs  qui 
comprennent  650  bêtes. 

Les  mines.  —  Quatre  mines,  dans  le  Caidat  de  Béja,  sont  actuel- 
lement exploitées  : 

1"  Concession  du  Djebel-ben  Amar  (zinc),  à  30  kilomètres  de  Béja. 


—  120  — 

Elle  emploie  une  centaine  d'ouvriers  et  produit  4  à  5.000  tonnes 
par  an  de  minerai  titrant  50  "/n; 

!2o  Concession  du  Khanguet-Kef-Tout.  à  30  kilomètres  de  Béja,  sur 
la  route  de  Béja  à  Tabarca;  150  ouvriers;  teneur  du  minerai 45  à  50'Vo 
de  zinc  et  30  «/o  de  plomb;  5  à  G.OÛO  tonnes  par  an  ; 

3o  Concession  de  Sidi-Ahmet  (Royale  Asturienne),  à  6  kilomètres 
à  l'Est  de  la  précédente.  Une  centaine  d'ouvriers;  teneur  du  minerai 
40  à  50 o/"  pour  le  zinc  et  70  à  80  o/o  pour  le  plomb;  4  à  5.000  ton- 
nes par  an  ; 

4"  Concession  du  Djebel-Charra  (anglaise),  à  10  kilomètres  de  Béja. 
Un  cinquantaine  d'ouvriers;  70  "  o  de  plomb;  3.500  tonnes  par  an. 

Il  existe,  en  grand  nombre,  dans  les  Amdoun  et  surtout  dans  les 
Nefza,  des  gisements  de  fer,  de  zinc  et  de  plomb,  mais  ce  sont  géné- 
ralement de  petits  gisements,  de  simples  «  poches  »  qui  ne  peuvent 
être  exploitées  faute  de  pistes  et  de  moyens  de  communication.  Les 
deux  mines  du  Khanguet-Kef-ïout  et  de  Sidi-Ahmet,  en  dehors  de 
la  main-d'œuvre  italienne,  emploient  un  certain  nombre  d'indigènes 
auxquels  elles  paient  environ  400.000  francs  de  salaires  par  an. 

Les  routes.  —  La  voie  ferrée  traverse  le  Contrôle  civil  de  Béja,  de 
l'Est  à  l'Ouest,  dans  toute  sa  largeur  (50  kilomètres).  Les  stations 
comprises  dans  le  territoire  du  Contrôle  sont:  El-Heri  (halte),  Med- 
jez-el-Bab,  Oued-Zerga  et  Pont-de-Trajan.  De  cette  dernière  gare 
part  un  embranchement  de  14  kilomètres  qui  relie  Béja  à  la  ligne  Tunis- 
Bône. 

Les  routes  exécutées  par  le  Service  des  Ponts  et  Chaussées  sur  \o 
territoire  duCaïdat  de  Béja  sont  les  suivantes: 

1"  Route  de  Béja  à  Tabarca,  50  kilomètres  dans  le  Caïdat.  Elle  est 
la  plupart  du  temps  impraticable  jusqu'au  30''  kilomètre,  par  suite 
du  défoncement  que  lui  font  siil)ii'  les  lourds  chaiTois  provenant 
des  mines  du  Khanguet-Kef-Tout  et  de  Sidi-Ahmet.  Cet  état  de  cho- 
ses est  très  préjudiciable  aux  intérêts  de  la  région; 

"2°  Eml)ranchement  de  Qçar-Mezoual  (route  de  Béja  à  ^fateur) 
exécuté  sur  7  kilomètres  500.  Les  travaux  de  prolongement  doivent 
commencer  cette  année  même  pour  la  desserte  de  riienchir  Smada; 

3"  Chemin  d'EI-Afareg,  construit- sur  3  kilonièt.  '200  et  s'arrètant 
actuellf'inciit  au  ravin  d'écoulement  des  eaux  de  la  source  d'EI-Ala- 
reu  ; 


—  121    - 

4"  Raccordement  de  la  piste  d'Aïn-Draham  (\  kilomètre  GOO)  à  la 
route  de  Medjez-el-Bab  à  Souk-el-Arba  ; 

5"  Route  de  Medjez-el-Bab  à  Souk-el-Arba,  exécutée  sur  33  kilo- 
mètres dans  le  Caïdat  de  lîéja  ;  il  reste  à  faire  10  kilomètres  pour 
arriver  au  pont  de  l'oued  Kasseb.  Cette  route  traverse  le  Munchar. 

En  outre,  le  service  des  Ponts  et  Chaussées  a  efièctué,  chaque  an- 
née, des  travaux  d'aménagement  sur  des  pistes  desservant  les  fermes 
Irançaises  du  bled  Déjà. 

Les  routes  suivantes  sont,  once  moment  même,  à  létude: 

1»  Route  de  Béja  à  Mateur,  dont  l'utilité  ne  peut  être  contestée. 
Elle  facilitera  un  transit  déjà  iniporliiiil  et  ih'itiiiera  sin-  Bizerte  de 
nombreux  produits;  traversant  les  régions  les  plus  riches  de  la  Ré- 
gence, elle  ouvrira  à  la  colonisation  de  nouvelles  contrées  facilement 
exploitables,  où  le  succès  des  agriculteurs,  petits  et  moyens,  sera 
assuré  ; 

2"  Route  des  Amdoun,  décidée  depuis  lontemps.  Elle  desservira  le 
village  de  Zaouiet-^Iedian,  les  fermes  françaises  des  Amdoun  et  plu- 
sieurs exploitations  minières  ; 

3"  Prolongement  delà  route  d'El-Afareg  jusqu'à  l'henchir  Djebil  ; 
elle  desservirait  tout  un  groupement  de  colons  français,  ainsi  que 
l'agglomération  de  Qçar-el-Hadid  et  regagnerait  ensuite  la  route  de 
Souk-el-Khemis; 

4»  Route  des  Nefza  à  Bizerte,  traversant  les  ^logods.  Réclamée 
avec  insistance  par  les  colons  des  Nefza,  elle  passerait  aux  abords  du 
lac  Sedjenane  ; 

5"  Route  de  Béja  à  Aïn-Draham.  qui  desservirait  quelques  fermes 
françaises  et  la  mine  du  Djebel-Ahmar: 

0«  Route  de  Béjà  à  Pont-de-Trajan.  Elle  ne  s'impose  pas  actuelle- 
ment, mais  pourra  être  envisagée  lorsque  les  lienchii's  Magoula  et 
llaouaria  seront  livrés  à  la  colonisation. 


A  la  lin  de  Tannée  lOOi,  le  Caidat  de  Béja  com|it;iil  sur  son  terri- 
toire 55  fermes  françaises  occupaiil  tMivironP2,0t)0  hectares  et  faisant 
vivre  211  Erançais,  propriétaires,  métayers  et  ouvriers  agricoles.  La 
Direction  de  l'Agriculture  a  livré,  dans  ce  Caidat,  cinquante  lots  de 
fermes  à  la  colonisation  ;  elle  a  cédé,  on  outre,  un  certain  nombre  de 
propriétés  habous  (par  voie  de  substitution  au  Domaine  de  l'Etat), 


122  — 


composées,  d'une  part,  de  parcelles  situées  dans  la  banlieue  de  Beja 
et  d'autre  part,  de  quelques  grands  henchirs. 

La  totalité  des  terres  ainsi  remises  k  la  colonisation  française  par 
la  Direction  de  l'Agriculture  dans  le  Caïdat  de  Béjà  atteint  le  chiffre 
de  8.908  hectares,  vendus  1.122.317  francs,  soit,  en  moyenne,  136 
francs  l'hectare. 


CHAPITHK  ]II 


La  Colonisation  dans  le  Caïdal  de  Modjez-ol-Bal) 


Medjez-el-Bab.  —  Medjez-el-Bab,  centre  de  l.!200  haVjitants,  dont 
\T)0  Français,  est  situé  à  (55  kilomètres  de  Tunis  ;  il  occupe,  à  2  kilo- 
mètres 500  de  la  gare,  une  éminence  peu  élevée  sur  la  rive  droite  de 
la  Medjerda.  Le  pont  que  l'on  franchit  avant  d'entrer  dans  le  village 
a  été  construit  par  les  Arabes  au  commencement  du  dix-huitième  siè- 
cle, avec  les  pierres  de  l'ancien  pont  romain.  Le  village  indigène  lut 
fondé  par  les  Maures  chassés  de  l'Andalousie,  au  quinzième  siècle. 

Le  cours  de  la  rivière  s'est  un  peu  déplacé  depuis  l'époque  ro- 
maine; il  entame  la  partie  sud-ouest  de  la  colline  sur  laquelle  est  bâtie 
Medjez-el-Bab,  tandis  que  ses  alluvions  ont  comblé,  du  côté  Nord, 
une  partie  de  son  lit.  La  Medjerda  a  bien,  en  cet  endroit,  l'aspect 
d'un  ileuve  avec  ses  bords  escarpés  et  ses  îlots  engageants  où,  en 
toute  tranquillité,  le  pécheur  à  la  ligne  s'instalile.  Elle  arrose,  le 
long  de  ses  rives,  quelques  jardins,  de  belle  prairies,  et  elle  traverse 
une  plaine  fertile  circonscrite  au  Nord-Ouest  par  le  djebel  Ileydouss, 
au  Nord-Est  par  les  collines  d'Es-Sbebil,  àl'Est  et  au  Sud  par  le  dje- 
iiel  Morra,  au  Sud-Ouest  par  la  chaîne  qui  termine,  à  la  hauteur  de 
Testeur,  les  escarpements  du  djebel  Bou-Sefra. 

Le  village  n'a  d'autre  importance  que  d'être  le  siège  du  Contrôle 
civil  du  Caïdat  de  Medjez-el-Bab  (annexe  du  Contrôle  de  Béja).  Le 
commerce  ne  s'y  développe  pas,  les  transactions  se  faisant,  soit  à 
Béja  pour  la  partie  Nord  du  Caïdat,  soit  à  Tunis  directement  pour  la 
partie  Sud.  Le  marché  de  Medjez-el-Bab  est  aujourd'hui  fréquenté 
encore  par  un  certain  nombre  de  colons  des  environs,  mais  prochai- 
nement, dès  que  la  route  qui  doit  relier  le  Goubellat  à  Tunis  sera 
établie,  le  trafic  de  la  partie  centrale  du  teriitoire  se  portera  natu- 
rellement vers  cette  grande  ville. 

Les  rues  du  quartier  arabe  de  Medjez-el-Bab  sont  droites  et  pres- 
que toutes  les  maisons  ont  des  toitures  en  tuiles  —  ce  qu'ont  voit 
très  rarement  dans  les  villages  indigènes.  Ici  connue  à  Testour,  ha- 
bitations et  habitants  ont  conservé  le  type  andalou;  les  petits  enfants 
surtout  sont  remarquablement  beaux. 


—  124  - 

La  Direction  des  Travaux  publics  vient  d'édifier  à  J\Iedjez,  pour  le 
Contrôleur  civil,  une  construction  fort  élégante,  d'un  bel  effet,  placée 
au  milieu  d'un  bosquet  tout  près  de  la  Medjerda.  C'est  la  seule  maison 
vraiment  confortable  de  ce  village. 

Scolarité. —  111  élèves  fréquentaient  l'école  de  garçons  en  jan- 
vier de  cette  année  (1905):  2  Français,  16  Italiens,  G  Maltais,  81 
musulmans  et  6  Israélites.  Deux  maîtres  seulement  assurent  le  ser- 
vice. 

L'école  des  fdles  est  en  même  temps  une  école  maternelle  qui  re- 
çoit quelques  tous  petits  enfants.  Elle  compte  en  ce  moment  34  élè- 
ves: 4  petits  garçons,  dont  1  Français  et  30  fdles:  7  Françaises,  14 
Italiennes,  3  Maltaises,  6  Israélites.  Ces  pauvres  enfants  sont  logés 
dans  une  masure  délabrée  où  vent  et  pluie  font  rage  pendant  l'hiver, 
où,  l'été,  ils  subissent  une  température  de  four  crématoire. 

Il  est  de  tout  urgence  de  construire  une  école  des  filles  sur  rem- 
placement du  fondouk  municipal,  ou  bien  de  dédouljler  l'école  des 
garçons  et  d'y  aménager,  à  peu  de  irais,  Fécole  des  iilles. 

Eaux  et  égouts.  —  Les  habitants  de  Medjez-el-Bab  réclament  la 
construction  d'un  réseau  d'égouts.  Ils  demandent  instamment  à  la 
Direction  des  Travaux  publics —  si  elle  ne  peut  pour  l'instant  établir 
une  conduite  d'eau  de  Chaouach  à  Medjez  (12  kilomètres),  qui  né- 
cessiterait une  dépense  d'une  centaine  de  mille  francs  —  de  leur 
faire  don  de  quelques  bornes -fontaines  alimentées  par  un  réservoir 
placé  sur  le  point  culminant  du  village,  où  l'eau  de  la  Medjerda  serait 
refoulée  par  la  machine  élévatoire. 

Salubrité.  —  L'état  sanitaire  est  satisfaisant  à  Mcdjez-el-lîab,  de 
même  que  sur  tous  les  points  de  colonisation  du  Caidal,  sauf  dans 
une  parlie  du  Goubellal.  Il  se  produit  cependant  en  êlê  d'assez  nom- 
breux cas  de  paludisme.  Anssi,  les  habitants  de  la  rê^^ion,  sur  l'ini- 
liativedeMM.  Georges  lîallnl,  contr(')lcur  civil,  Piller,  propi-if'Iaire 
du  d(Hnaine  de  Qçai-Tyr,  Desplats,  délégué  à  la  Chambre  d'Agricul- 
ture, eurent-ils  la  généreuse  pensée  de  dolcr  Mcilicz-cl-lial)  d'un 
hôpital-inlii-merie,  sinq)le,  dénué  de  loul  luxe  inulilc  mais  api)elé  à 
rendre  à  nos  comi)atrioles  et  à  nos  |trotégés  tous  les  secours  désira- 
bles. 


-    -125  - 

C'est  aujourd'lini  chose  accomplie.  Grâce  aux  souscriptions,  aux 
dons,  à  la  bonne  volonté  de  tons,  au  dévouement  du  docteur  Poirson, 
médecin  de  colonisation,  admii'ablement  secondé  dans  sa  tâche  par 
sa  femme,  M'"''  la  doctoresse  Poirson,  l'hôpital  de  Medjez-el-i'ab, 
installé  dans  la  maison  indigène  la  plus  confortable  de  la  ville,  vient 
d'ouvrir  ses  portes.  Nous  y  trouvons:  une  salle  de  consultations  et 
de  pharmacie,  une  salle  d'opérations,  une  salle  commune  de  cinq  lits 
pour  Européens  (hommes),  une  autre  salle  de  cinq  lits  pour  Euro- 
péens (lemmes),  deux  salles  communes  de  cinq  lits  chacune,  l'une 
pour  les  indigènes  (hommes),  l'autre  pour  les  indigènes  (femmes), 
deux  chambres  particulières  ou  d'isolement,  une  à  deux  lits,  l'autre  à 
un  lit.  Les  frais  d'installation  ne  dépassent  pas  7.000  francs;  l'entre- 
tien est  assuré  en  partie  par  une  subvention  annuelle  de  4.000  francs, 
fournie  tant  par  rAdministration  des  Habous  que  par  le  Gouverne- 
ment Tunisien.  Le  service  médical  est  assuré  par  ^L  et  M"ie  Poir- 
son. 

On  ne  saurait  trop  rendre  hommage  au  sentiment  qui  a  guidé  les 
londateurs  de  cette  institution  éminemment  démocratique  et  frater- 
nelle. Cette  création,  due  aux  efforts  de  quelques-uns,  contribuera, 
sans  nul  doute,  à  faire  apprécier  aux  indigènes  les  avantages  qu'ils 
peuvent  tirer  de  l'œuvre  de  civilisation  entreprise  dans  ce  pays  par  le 
Gouvernement  de  la  République. 

Les  environs.  —  La  petite  colonisation  n'a  pu  se  développer 
aux  alentours  de  Medjez-el-Bab  par  suite  du  manque  de  terres  dis- 
ponibles; cinq  ou  six  Français  seulement  y  possèdent  des  lots  de  15 
à  30  hectares,  où  ils  font  de  la  culture  maraîchère.  Un  peu  plus 
loin,  nous  voyons  quelques  importants  domaines  que  les  propriétaires 
européens  commencent  à  morceler,  à  vendre  par  parcelles;  certains 
ont  établi  des  métayers  et  des  fermiers  sur  leurs  terres;  d'autre  trou- 
vent plus  simple  de  louer  aux  Siciliens  ou  aux  indigènes. 

La  Direction  de  l'Agriculture  eut,  en  1902,  avec  un  propriétaire 
français,des  négociations  en  vue  d'acquérir  une  partie  de  l'iienchir  El- 
Baharine,  situé  sur  la  rive  gauche  de  la  Medjerda,  à  quatre  kilomè- 
tres de  Medjez,  et  traversé  par  la  route  de  Tunis  au  Kef.  La  Com- 
mission d'étude  envoyée  sur  les  lieux  reconnut  que  cette  propriété 
de  700  hectares  remplissait,  tant  au  point  de  vue  de  la  salubrité,  de 


—  126  — 

qualité  du  sol,  de  la  situation,  qu'au  point  de  vue  des  chances  d'ave- 
nir, toutes  les  conditions  nécessaires  à  l'installation  des  colons  fran- 
çais. La  Direction  de  l'Agriculture  offrit  donc  au  propriétaire,  pour 
l'achat  de  700  hectares,  une  somme  de  77.000  francs,  soit  110  francs 
l'hectare,  prix  raisonnable,  car  une  parcelle  de  ce  terrain,  en  flanc 
de  coteau,  est  peu  fertile  et  propre  seulement  à  l'élevage.  La  propo- 
sition fut  repoussée,  et  l'année  suivante,  cette  partie  de  l'henchir  El- 
Baharine  était  achetée  par  un  Lyonnais. 

Chassar-Tefaha.  —  La  région  Nord  du  Caïdat  de  Medjez-el-Bab 
s'étend  en  collines  depuis  la  Medjerda  jusqu'au  montagnes  de  Chaouach 
et  de  Toukabeur.  Dans  la  plaine,  les  terres  sont  argilo-calcaires  et 
couvertes,  sur  quelques  points,  de  touffes  de  jujubier.  En  s'élevant, 
le  sol  devient  tuffeux,  mais  ce  tuf  est,  paraît-il,  de  bonne  qualité  et  à 
base  de  phosphatine  ;  on  y  rencontre  la  petite  broussaille  et  de  nom- 
breux oliviers  sauvages. 

Plusieurs  Européens  possèdent  dans  cette  contrée  de  grandes  sur- 
faces de  terrain.  Le  domaine  de  Chassar-Tefaha,  qui  appartient  à 
un  Belge,  a  une  superficie  de  3.043  liectares  ;  il  est  situé  à  six  kilo- 
mètres de  Medjez  et  divisé  en  deux  propriétés  distinctes  .*  Tefaha,  de 
L643  hectares,  et  El-Goléa,  de  L400  liectares.  Le  propriétaire  cul- 
tive 532  hectares  de  céréales  et  90  hectares  de  vignes.  11  a  établi  sur 
son  domaine  un  métayer  et  un  fermier  ;  le  premier  cultive  90  hec- 
tares de  céréales,  16  hectares  de  vignes,  et  le  second  200  hectares 
de  céréales,  i.700  liectares  de  montagnes  et  de  terrains  de  parcours 
sont  loués  aux  Arabes.  Plusieurs  sources  captées  alimentent  la  pro- 
priété. 

Le  cheptel  de  Cliassar-Tefaha  comprend  :  400  bêtes  à  cornes,  (KH) 
moutons  et  500  porcs,  sans  compter  les  bêtes  de  trait.  Le  personnel 
se  compose  de  5  Français,  2  Italiens,  2  Mallais  et  04  indigènes,  dont 
un  certain  nombre  de  nègres.  La  ferme  est  reliée  à  Medjez  par  une 
boiine  route  et  par  la  piste  de  Medjez  à  Chaouacli. 

A  l'ouest  de  ce  beau  domaine  se  trouvent  cinq  autres  propriétés 
françaises:  une  dépassant  1.000  hectares,  deux  de 500  hectares,  une 
de  700  liectares  et  une  dernière  de  80  hectares.  Le  rendement  moyen 
des  céréales  obtenu  dans  la  contrée  en  190i  a  été  de  :blédur, 8  quin- 
taux à  l'hectare  ;  blé  tendre,  12  quinhuix;  orge,  16(jninlanx  ;avoin(', 
18  quintaux  ;  fèves,  15  quiîitaux.  L'année  précédente,  favoine  avait 


—  127  — 

donné  25  quintaux  à  l'Iiectare.  Les  terrains  de  coteaux  sont  excel- 
lents pour  la  vigne. 

Il  existe  en  outre,  dans  la  région,  plusieurs  propriétés  intéressan- 
tes à  cause  surtout  de  leur  rapprocliernent  de  la  gare  et  du  marché 
de  Medjez-el-Bab.  Ce  sont  : 

1"  L'henchir  Sidi-Nasseur  qui  entoure  le  village  de  ce  nom  ;  habous 
privé  dont  certains  dévolutaires  vendraient  volontiers  leur  part  s'ils 
le  pouvaient.  Cet  henchir,  de  1.800  hectares,  est  situé  presque  entiè- 
rement en  plaine,  à  3  kilomètres  de  la  gare  de  ^ledjez-el-Bab.  Valeur 
moyenne  de  l'hectare  :  200  francs  ; 

2°  L'henchir  Rlianein-es-Serir,  de  150  hectares  environ,  apparte- 
nant à  un  indigène  algéi'ien,  qui  olTre  sa  propriété  au  prix  de  20.000 
Irancs,  soit  i.'îlJ  francs  l'heclare  ; 

4°  L'iienchir  Djedidi,  habous  privé  de  2.000  hectares  en  broussail- 
les mais  faciles  à  défricher,  situé  à  8  kilomètres  sur  la  route  de  Béja; 
très  belle  source  captée  par  les  Travaux  publics.  Valeur  approxima- 
tive :  70  francs  l'hectare.  Impossibilité  actuelle  d'achat  par  l'Etat 
comme  pour  tous  les  habous  privés  ; 

•4"  Enfin,  à  12  kilomètres  sur  la  route  de  Béja,  une  propriété  de 
1 ,800  hectares  acquise  dernièrement  par  un  Italien  à  un  Israélite.  Le 
nouveau  propriétaire  aurait  l'intention  de  morceler  ce  terrain  et  d'y 
implanter  des  familles  siciliennes. 

La  région  est  saine,  il  y  fait  moins  chaud  que  dans  la  plaine  de  Med- 
jez-el-Bab et  la  pluie  y  est  plus  fréquente.  L'eau,  d'excellente  qualité 
se  trouve  à  une  petite  profondeur,  et, du  versant  des  montagnes,  sor- 
tent des  sources  abondantes. 

Le  service  de  la  voirie  laisse  beaucoup  à  désirer  ;  les  colons  deman- 
dent que  l'Administration  se  décide  à  faire  la  route  de  Toukabeur  à 
la  gare  de  Medjez-el-Bab,  route  qui  doit  traverser  la  plupart  des  pro- 
priétés françaises  dont  nous  venons  de  parler. 

Sur  les  crêtes  des  montagnes  dominant  la  région,  au  milieu  des 
ruines  ensevelies  sous  la  verdure,  on  aperçoit  les  curieux  villages 
berbères  de  Toukabeur  et  de  Chaouacii.  La  visite  de  ces  deux  points 
est  une  des  plus  agréables  excursions  que  l'on  puisse  faire,  par  une 
matinée  de  printemps,  dans  cotte  pittoresque  partie  de  la  Tunisie  du 
Nord. 

A  l'est  de  Sidi-Naceur,  dans  la  région  du  Caïdat  comprise  entre 
ce  village  et  Grech-el-Oued  d'une  part,  et  Bordj-Toum  d'autre   part, 


—  128  — 

se  trouvent  quelques  exploitations  détachées  du  domaine  de  Chas- 
sar-Tefaha,  dont  une,  riienchirEsmedya,  a  une  superficie  de  550  hec- 
tares. 

Les  terres,  argilo-calcaires,  généralement  fortes,  sont  froides  et  dif- 
ficiles à  travailler,  aussi  y  ohtient-on  des  rendements  très  variables. 
Un  colon  qui  cultive  rationnellement  m'a  dit  qu'il  n'avait  jamaismoins 
de  15  quintaux  de  blé  à  l'hectare  et  25  quintaux  d'orge,  même  en 
année  sèche  ;  un  de  ses  voisins,  au  contraire,  me  déclarait  que  la 
moyenne  de  rendement  était  chez  lui  de  JO  quintaux  à  l'hectare  pour 
le  blé  et  de  16  quintaux  pour  forge.  Les  Arabes  obtiennent  une 
moyenne  de  quatre  à  cinq  fois  la  semence.  Tout,  en  somme,  dansées 
terres  compactes,  dépend  du  travail  et  de  la  fumure. 

La  contrée  est  aussi  saine,  mais  elle  est  moins  bien  partagée  que 
la  précédente  au  point  de  vue  hydrographique.  Cependant,  un  abbé 
qui  s'est  spécialisé  dans  la  recherche  des  points  d'eau,  affirme 
qu'en  cet  endroit  existe,  à  '200  mètres  de  profondeur,  le  plus  fort 
courant  artésien  de  la  Tunisie.  L'abbé  n'est  pas  infaillible,  mais  il 
serait  intéressant  de  vérifier  le  fait  et,  s'il  y  a  lieu,  de  capter  cette 
nappe. 

La  colonisation  sicilienne  n'apparaît  pas  de  ce  côté,  la  terre  y  attei- 
gnant des  prix  élevés  (250  à  300 francs  f  hectare).  Ces  terres  fortes  exi- 
gent la  culture  bisannuelle,  car  on  ne  peut  labourer  l'été, et  il  nefaut 
pas  moins,  en  cet  endroit,  de  150  hectares  à  une  famille  d'agriculteurs 
pour  être  assurée  de  la  réussite.  De  pareilles  étendues  ne  sont  pas 
du  ressort  des  Siciliens. 

Les  colons  sollicitent  du  Gouvernement  Tunisien  la  mise  en  état 
de  la  route  de  Tebourbaà  Medjez-el-Bab  passant  par  lîordJ-Toum. 

Oued-Zerga.  —  Le  domaine  d'Oued-Zei'ga  est  situé  au  nord-ouest 
du  Caïdat  de  Medjez-el-liab,sur  la  limite  du  Caidat  de  lîéja  et  près  de 
la  station  d'Oued-Zerga.  Il  lui  acheté,  en  1880,  par  un  Français  (|iii 
avait  obtenu  la  concessionde  fentretiende  la  voie  ferrée  de  Tunis  àla 
frontièi'c  algérienne,  puis  revendu  à  une  Société  qui  prit  le  nom  de 
((  Société  foncière  d'Oued-Zerga».  Sa  snptM'ficie,  enlièrenuMit  imma- 
triculée, était  de  9,000  hectares. 

Pendant  une  vingtaine  d"amH''es,la  pres(iu('  totalité  du  domaine  lui 
louée  aux  indigènes  comme  terrains  de  parcours.  Toutefois,  chaciur 
année,  on  en  fléfrichait  des  parcelles,  on  plantait  de  la  vigne,  on  cous 


-  129  - 

truisait  des  maisons,  des  hangars  et  des  étables:  la  Société  s'apprêtait 
à  morceler  l'immense  propriété. 

Le  démembrement  commença  en  1001  par  la  vente  de  l'iienchir 
Douemis  (2.000  hectares  dans  le  Caïdat  de  Béja),  à  trois  jeunes  Fran- 
çais qui  y  créèrent  trois  fermes  dont  nous  nous  sommes  précédem- 
ment occupé.  Depuis  cette  époque,  six  autres  lots  variant  de  100  à 
300  hectares  furent  acquis  par  des  Français,  parmi  lesquels  nous  trou- 
vons un  fonctionnaire  tunisien  et  deux  colons  algériens  venus  du  dé- 
partement de  Constantine.  Cinq  métayers  corses  sont,  en  outre, 
installés  sur  la  propriété.  La  Société  foncière  d'Oued-Zerga,  dont  ^I. 
Aquaviva  est  le  gérant,  leur  fournit  le  logement,  le  matériel  agricole, 
le  bétail,  les  semences  et  une  avance  mensuelle  pour  leur  entretien 
et  le  paiement  des  ouvriers  supplémentaires.  Ils  ont  droit  aux  trois 
cinquièmes  de  la  récolte  :  chacun  d'eux  cultive  annuellement  (iO  Ikh- 
tares  de  céréales. 

Avant  le  morcellement,  la  Société  avait  tenté  de  vendre  sa  propriété 
moyennant  la  somme  de  500.000  francs,  à  une  Compagnie  italienne 
dont  l'intention  était  d'installer  sur  ces  terres  un  certain  nombre  de 
familles  siciliennes  enzelistes.  Le  projet  échoua,  les  Italiens  trouvant 
le  prix  exagéré.  Ce  fut  alors  que  la  Société  décida  de  vendre  par  par- 
celles et  d'établir  des  métayers.  L'atïlnre  paraît  être  actuellement  en 
voie  de  réussite. 

Les  terres  d'Oued  Zerga  sont  argilo-sablonneuses,  riches  en  azote  (de 
2  à  3o/u)  ;  elles  conviennent  à  la  culture  des  céréales  et  à  l'éle- 
vage. 

Le  régime  des  pluies  est  sensiblement  le  même  que  celui  de  Béja. 
La  région  est  assez  fiévreuse  dans  les  fonds  de  vallée,  mais  sain(>  sur 
les  coteaux.  Le  paysage  est  agréable. 

Les  sondages  elTectués  ont  signalé  l'existence  d'eau  potable  dans 
tous  les  lots;  un  puits  de  7  mètres  de  profondeur,  creusé  à  lOO' mè- 
tres de  la  cave,  fournit  50  mètres  cubes  d'eau  excellente  par  jour  :  il 
suffit  à  l'alimentation  des  fermes. 

Le  centre  d'Oued-Zerga  ne  tarderait  pas  ta  prospérer  si  on  le  dotait 
d'une  école.  Quelques  pères  de  lamille  songent  à  le  quitter  parce  que 
leurs  enfants  ne  peuvent  y  recevoir  l'instruction  qu'ils  désirent  leur 
donner. 

Qçar-Tyr.   —  Le  domaine  de  Oçar-Tyr,  d'unt*  éleiuluo  do  3.  iOO 


—  130  — 

hectares,  est  situé  à  39  kilomètres  à  l'ouest  de  Tunis,  près  de  la  route 
de  Tunis  au  Kef,  et  à  18  kilomètres  au  sud-est  de  Medjez-el-Bab. 

L'aspect  de  la  propriété  est  une  série  de  vallées  et  de  plateaux 
inclinés  du  sud  au  nord.  Le  bordj,  que  l'on  aperçoit  d'une  grande 
distance  à  mi-coteau,  se  détache  par  ses  murs  blancs  sur  le  vert 
sombre  de  la  campagne  ;  il  est  entouré  de  massifs  d'arbres  divers 
et  de  beaux  vignobles.  Climat  sain  ;  le  paludisme  est  inconnu  àQçar- 
Tyr. 

Les  terres,  silico-ferrugineuses,  sont  de  toute  première  qualité  ; 
elles  rendent,  en  moyenne,  de  '20  à  22  quintaux  par  hectare  pour 
les  céréales,  sous  condition  expresse  de  semer  tôt,  avant  le  20  octo- 
bre ;  150  hectares  sont  ensemencés  chaque  année  en  blé,  orge  et 
avoine. 

Le  vignoble  atteint  près  de  140  hectares  produisant,  en  moyenne, 
de  80  à  100  hectolitres  par  hectare  ;  le  vin  est  bon,  de  belle  couleur  ; 
il  a  un  écoulement  assuré  en  France  et  en  Angleterre. 

Le  pâturage  est  fort  apprécié  des  Arabes,  qui  passent,  avec  le  gérant 
du  domaine,  des  contrats  de  location  pour  le  parcours  des  troupeaux. 
Il  n'est  pas  rare  de  voir,  dans  les  broussailles  de  Qçar-Tyr,  20.000 
bêtes  à  cornes  et  moutons. 

On  utilise  le  romarin  qui  pousse  à  foison  dans  ces  broussailles  (plus 
de  i. 500  hectares)  en  le  soumettant  à  la  distillation.  Un  appareil 
perfectionné,  installé  à  quelque  distance  du  bordj,  triture  5.000  ki- 
logrammes de  plantes  par  jour  et  produit  de  200  à  350  h'ancs  d'es- 
sence fine.  Le  géranium  y  est  également  traité  et  donne  de  bons 
résultats.  Ces  essences,  très  rémunératrices,  sont  livrées  en  Angle- 
terre pour  la  savonnerie  ou  bien  aux  caravanes  qui,  du  fond  du  dé- 
sert, viennent  chercher  des  parfums  à  Qçar-Tyr.  Le  gérant  du  do- 
maine est  le  fournisseur  attitré  du  Mahdi,  aveclequel  il  entretient  — 
à  distance  —  d'amicales  relations. 

Il  existe  enfin  sur  la  ferme  un  rucher  de  350  ruches,  installé 
d'après  la  méthode  la  plus  moderne  et  produisant  du  miel  de  qualité 
exceptionnelle.  Chaque  ruche  donne,  en  moyeinie,  22  kilogrammes 
de  miel. 

Le  domaine  de  Qçar-Tyr  appartient  à  un  Anglais,  .M.  Piller,  fils 
d'ini  ingénieur-mécanicien  qui  a  puissannnent  contribué  au  dévelop- 
pement de  la  machine  agricole  en  France.  Celte  superbe  propriété 


1 


-  13-1   - 

est  f^érée  par  le  gendre  de  M.  Pilter,  M.  Desplats,  délégué  de  la  région 
à  la  Chambre  d'Agriculture  de  Tunis. <•' 

M.  Pilter  et  M.  Desplats,  gentleman-farmer  courtois  et  agrononnes 
des  plus  distingués,  ont  su  tirer  un  merveilleux  parti  delà  propriété, 
qui,  au  moment  de  l'achat,  était  tout  entière  couverte  de  broussail- 
les parmi  lesquelles  de  nombreux  oliviers  et  caroubiers  sauvages. 
On  y  a  greffé  plus  de  10.000  de  ces  sauvageons  et  planté  de  véritables 
forêts  d'eucalyptus,  de  pins,  de  casuarinas,  d'amandiers,  (|ui  ont  ad- 
mirablement réussi.  On  compte  actuellement  sur  la  ferme  environ 
50.000  arbres  de  belle  venue,  provenant  en  partie  des  deux  grandes 
pépinières  de  Qçar-ïyr. 

L'eau  est  de  bonne  quahté.  Quatre  puits  donnent  à  peu  près  200 
mètres  cubes  par  jour,  et  de  vastes  citernes  ont  été  aménagées.  Le  plu- 
viomètre enregistre  en  moyenne  55  centimètres  par  an,  ce  qui  assu- 
re, d'une  façon  constante,  une  quantité  d'eau  suflisane  pour  les  be- 
soins de  l'exploitation. 

Le  matériel  agricole  et  vinicole  est  assez  complet.  Il  comprend  : 
un  appareil  de  labourage  à  vapeur,  une  moissonneuse-lieuse,  une 
batteuse  à  vapeur  et  toute  une  série  d'instruments  d'intérieur  et  d'ex- 
térieur de  ferme.  La  cave  a  été  construite  après  une  étude  approfon- 
die, non  seulement  des  caves  existant  en  Algérie,  mais  aussi  de  celles 
du  midi  de  la  France,  en  combinant  les  avantages  de  ces  dernières 
avec  le  style  propre  uu  pays. 

En  1902,  M.  Pilter  voulut  faire  à  Qçar-Tyr  un  essai  décolonisation 
sicilienne.  Il  s'adressa,  dans  ce  but,  à  un  entrepreneur  de  colonisa- 
tion de  Tunis,  qui  lui  fournit  une  soixantaine  de  familles.  Le  proprié- 
taire offrait  à  chaque  famille  un  lot  urbain  qui  devait  être  affecté  à  la 
construction  de  l'habitation,  de  la  cave  et  de  l'écurie,  plus  un  lot  ru- 
ral destiné  à  la  plantation  de  la  vigne,  du  géranium,  des  céréales  et 
des  arbres  fruitiers.  Il  s'engageait  à  faire  travailler  ces  Siciliens  sur 
son  domaine,  de  préférence  à  toute  autre  main-d'œuvre,  à  employer 
les  femmes  et  les  enfants  à  la  coupe  du  romarin  pour  la  distillerie,  à 
acheter  les  raisins,  le  géranium  et  les  autres  produits  au  taux  du 
cours.  Un  contrat  de  location  avec  enzel  rachetable  fut  établi,  mais 
ni  l'entrepreneur,  ni  les  lamilles  siciliennes,  composées  il  est  vrai 
d'éléments  médiocres,  n'exécutèrent   les  engagements,  et  les  Sici- 


(1)  Le  domaine  de  Qçar-Tyr  a  été  vendu  en    lOOG  à  la  Société  de  Colonisation  tVaiiraise.  pnur  la 
somme  de  SOÛ.OOO  francs. 


-  -132   - 

liens  regagnèrent  Tunis  après  un  séjour  de  quelques  mois  à  Qcar- 
ïyr. 

Henchir  Paolo. —  L'hencliir  Paolo  fait  partie  d'un  ensemble  de 
propriétés  domaniales  (7.000  hectares  environ),  situées  dans  les  Caï- 
dats  de  Tébourba  et  de  Medjez-el-Bab.  Les  hencliirs  Zakaria,  La 
Campagne  et  Ben-ech-Ghaldy  appartiennent  au  Contrôle  civil  de  Tu- 
nis, rhencliir  Paolo  au  Contrôle  civil  de  Béja.  Ce  dernier  seul, pour  le 
moment,  nous  occupe. 

L'henchir  Paolo,  situé  à  16  kilomètres  de  Medjez-el-Bab,  sur  la 
limite  est  duCaidat  et  près  du  domaine  deQçar-Tyr,  est  traversé  par 
la  route  de  Tunis  au  Ket.  D'une  superficie  de  1.133  hectares,  les  ter- 
res, argilo-calcaires,  sont  propres  à  toutes  les  cultures  ;  dans  la  plaine 
la  couche  argileuse  est  très  pronfonde,  tandis  que  sur  les  coteaux  le 
sol  est  plus  calcaire  et  d'une  compacité  beaucoup  moindre.  La  Com- 
mission nommée  pour  visiter  les  henchirs  ci-dessus  indiqués  estima 
que  les  terres  de  plaine  valent,  en  moyenne,  '200  francs  l'hectare, 
celles  des  coteaux  de  25  à  50  francs  ITiectare. 

La  région  est  saine,  la  sécurité  parfaite,  mais  l'eau  est  peu  potable  ; 
l'Administration  conseille  donc  aux  acquéreurs  de  prévoir  la  construc- 
tion d'une  citerne. 

La  Direction  de  l'Agriculture  a  morcelé  l'henchir  Paolo  en  trois 
lots  de  243,314  et  376  hectares,  qui  ont  été  livrés  à  la  colonisation  en 
décembre  dernier.  Ils  ont  été  vendus  ensemble  72.1)00  francs,  soit  une 
moyenne  de  78  francs  l'hectare. 

Testour.  —  Testour,  situé  à  35  kilomètres  de  Tunis,  sur  la  route 
du  Kef,  est  une  petite  localité  coquette,  reconstruite  comme  Medjez 
par  les  Maures  chassés  de  l'Andalousie,  avec  les  matériaux  empruntés 
aux  ruines  de  Tichilla. 

Le  viUage  compte  5.000  habitants  ;  sa  place  rectangulaire,  ses  rues 
rectilignes,  ses  maisons  en  auvent  lui  donnent  l'aspect  d'un  l)0urg  eu- 
ropéen. Le  minaret  de  Testour  est  un  des  phis  beaux  monuments 
arabes  de  hi  Tunisie  ;  il  ressemble  au  campanile  de  certaines  éghses 
rl'Espagne. 

Un  marché  important  se  tient  à  Testour  le  vendredi  ;  les  indigènes 
y  apportent  une  poterie  spéciale,  des  jarres  et  des  tuiles.  Ici  surtout, 
les  ethnogra[>lies    peuvent  recoiiiiailrc,  sous   le   liaik  on  le   bui'iioiis. 


-  13:5  — 

les  descendants  des  Andalous  ;  les  noms  mènnes  des  habitants  deTes- 
tour  indiquent  fort  clairement  leur  ori.^ine  :  on  les  désigne  encore 
dans  le  pays  sous  le  nom  (V A ndleuss . 

La  route  quicondiiil,  de  Medjez-el-Bah  à  Testour  (!20  kilomètres), 
se  développe  pendant! '2  kilomètres  à  travers  une  large  plaine  mame- 
lonnée qui  pourrait  être  riche  si  les  indigènes  ne  l'avaient  laissée  en- 
vahir par  le  jujubier  sauvage  et  le  lentisque.  Cette  route  longe  un 
monticule  sur  lequel  est  bâti  le  petit  village  de  Slouguia,  dont  le  mi- 
naret ne  manque  pas  d'élégance,  puis  elle  côtoie  les  coteaux  situés 
entre  la  Medjferda  et  les  djebels  Djebs  et  Krab,  pour  ensuite  traver- 
ser un  petit  bois  d'oliviers  au  sortir  duquel  onaperroit  Testour, distant 
de  sept  kilomètres  de  Slouguia. 

Après  Testour,  le  paysage  se  transforme  :  on  passé^ilpued  Siliana 
(vestige  d'un  pont  romain),  puis  on  contourne  une  succession  déval- 
ions couverts  de  broussailles  qui  délimitent  les  bassins  de  Siliana  et 
de  l'oued  Khalled,  pour  gagner  le  plateau  où  s'élèvent  les  ruines 
d'Aïn-Tounga,  à  neuf  kilomètres  de  Testour,  limite  ouest  du  Caïdat 
de  Medjez-el-Bab. 

En  1902,  la  Direction  de  l'Agriculture  examina  s'il  y  avait  intérêt  à 
acheter  l'henchir  liabous  Essekira,  situé  à  0  kilomètres  au  nord  de 
Testour.  Après  enquête,  on  se  rendit  compte  que  sur  ^.OCH^  hectares 
environ,  200  seulement,  baignés  par  la  Medjerda,  pouvaient  être  cul- 
tivés avec  avantage,  le  restant  de  l'hencliir  se  composant  de  monta- 
gnes et  de  ravines.  La  faible  proportion  de  terres  utilisables  (it  aban- 
donner le  projet  d'achat. 

Dans  les  environs  d'Aïa-Tounga,  quelques  plateaux  seraient  favo- 
rables à  la  culture  des  céréales,  mais  ils  sont  peu  étendus,  et  la  con- 
trée, broussailleuse  et  vallonnée,  est  plus  particulièrement  propre  à 
l'élevage. 

Le  Goubellat.  —  La  partie  centrale  du  Caidat  de  Medjez-el-l'ab 
est  constituée  par  un  vaste  plateau  appelé  «  bled  (loubellat  »,  com- 
prenant les  proi)riétés  domaniales  dites  Sidi-Nagi,  Gammarfi  et 
Briouigh. 

En  1805,  M.  lîourde.  Directeur  de  l'Agriculture,  n'ayant  pas  à  sa 
disposition,  connue  aujourd'hui,  u\\  fonds  de  colonisation  pour  achat 
de  terres,  et  désircnix  cependant  de  fixer  des  colons  dans  les  terres 
habous  du  nord,  qui  représentaient  à  ses  yeux  la  réserve  la  plus  sé- 

La  Tunisie  nu  Nom»  10 


134 


rieuse  du  Domaine  de  l'Etat,  eut  l'idée  de  continuer  ce  que  Khéred- 
dine  avait  fait  jadis  au  Fahs,  c'est-à-dire  de  vendre  à  enzel  aux  indi- 
gènes locataii'es  du  Domaine  les  terrains  qu'ils  occupaient  depuis  de 
lono-ues  années.  Cette  opération  devait  s'elîectuer  tout  d'abord  au 
Goubellat  ;  elle  devait  avoir  pour  résultat  de  procurer  à  l'Etat  les 
rentes  qu'il  aurait  cédées  ensuite  àlaDjemaïa  en  échange  de  terrains 
plus  convenables  pour  les  colons.  A  cette  conception,  M.  Bourde  en 
associait  une  autre,  certainement  plus  séduisante,  qui  était  de  ne  con- 
sentir l'acte  d'enzel  qu'autant  que  le  terrain  avait  été  préalablement 
défriché  des  jujubiers  qui  l'envahissaient  à  l'extrême.  Mais  ce  travail 
dépassant  les  forces  d'une  famille  s'il  devait  être  exécuté  dans  un  court 
espace  de  temps,  le  promoteur  de  Hdée  prévoyait  des  corvées  de  tous 
les  habitants  de  la  région,  passant  successivement  d'un  lot  à  un  autre 
pour  le  délrichement. 

L'étude  approfondie  de  la  question  fit  constater  qu'elle  se  heurterait 
à  des  difficultés  sans  nombre,  dont  la  paresse  des  indigènes,  leur  ré- 
sistance à  l'idée  du  travail  pour  autrui,  leur  inaptitude  même  à  se 
servir  des  outils  de  défrichement  n'étaient  pas  les  moindres.  En  mê- 
me temps  l'Administration,  à  court  de  terres  pour  la  colonisation, 
pensait  que  le  Goubellat  ne  méritait  pas  les  critiques  que  d'aucuns 
prodiguaient  sans  motif  bien  déterminant,  et,  dès  1898,  elle  mettait 
en  cours  le  projet  de  céder  directement  les  terrains  du  Goubellat  à 
des  colons  français,  projet  dont  elle  a  lieu  aujourd'hui  d'être  pleine- 
ment satisfaite  :  le  Goubellat  est  en  effet  l'un  des  plus  riches  groupe- 
ments de  colons  français  qui  aient  été  formés  en  Tunisie,  par  l'Admi- 
nistration. 

Le  Goubellat,  ou  plutôt  Sidi-Nagi,  la  partie  du  bled  qui  a  été  la  pre- 
mière allotie  par  le  Domaine,  est  situé  à  IT)  kilomètres  au  sud  de  Med- 
jez-el-Bab,  village  auquel  il  est  relié  par  une  excellente  route  de  cons- 
truction récente.  Le  IiKmI  (ioubollat  est  entouré  de  tous  côtés  par  des 
chaînes  de  montagnes  assez  accidentées:  au  Nord,  le  djebel  Morra  et 
le  djebel  Rou-Mouss  le  séparent  de  la  vallée  de  la  MedjiM'da;  à  l'Est, 
({uelques  collines  et  le  plateau  de  Sidi-Mediane  forment  barrière  en- 
tre Le  Goubellat  et  la  route  deTimisaii  Kel;  au  Sud,  un  vaste  pla- 
teau broussailleux,  marécageux  pendant  l'hiver,  le  sépare  de  la  val- 
lée de  l^)OU-Arada  ;  enlin,  la  longue  chaîne  du  djebel  Riliane,  qui  se 
termine  près  de  Slouguia,  fernu^  l'hoiT/on  à  l'Ouest.  En   sonmie,   le 


—  -135  — 

Goubellat  est  une  vaste  cuvette  qui,  d'après  certains  auteurs,  formait, 
dans  la  haute  antiijuité,  un  immense  lac. 

Les  premiers  lots  furent  livrés  à  la  colonisation  vers  1898  et  le 
premier  colon  qui  planta  sa  tente  dans  le  bled  si  décrié  était  un  an- 
cien fonctionnaire  du  Gouvernement  Tunisien,  M.  Ducurtil.  Les 
montagnes  boisées  qui  eiilourent  la  plaine,  sa  situation  sur  la  grande 
route  des  caravanes  venant  du  Sud,  ses  pâturages,  la  composition  du 
sol,  tout  prêtait  à  la  réussite  du  centre  français  dans  cette  région  où 
l'occupation  romaine  avait  laissé  de  si  nombreuses  traces.  La  venue 
des  colons  ne  devait  donc  pas  se  laire  attendre,  et,  en  effet,  le  mou- 
vement se  produisit  avec  une  incroyable  rapidité  :  aujourd'hui  le  cen- 
tre du  Goubellat  possède,  dans  l'agglomération  des  trois  propriétés 
domaniales  de  Sidi-Nagi,  Gammarti  et  Briouigh,  de  belles  fermes 
françaises  (jui,  chaque  année,  s'agrandissent. 

Des  coteaux  à  pentes  douces  occupent  un  tiers  du  bled  ;  les  deux 
autres  tiers  sont  en  plaine.  Les  terres  noires,  argilo-calcaires,  sont 
de  bonne  qualité.  La  nappe  d'eau  potable  se  trouve  aune  profondeur 
de  5  à  15  mètres  ;  la  moyenne  annuelle  des  pluies  est  de  500  millimè- 
tres. 

Les  principales  cultures  sont  :  l'avoine,  l'orge,  la  fève  et  le  blé  ;  le 
rendement  moyen,  établi  d'après  la  récolte  des  trois  dernières  années, 
a  été  de  23  quintaux  par  hectare  en  avoine,  20  quintaux  en  orge,  .'30 
quintaux  en  fèves,  13  quintaux  en  blé.  Les  méthodes  de  culture  ten- 
dant à  s'améliorer,  les  colons  qui,  au  début,  labouraient  leurs  champs 
avec  quelque  insouciance,  se  sont  vite  rendu  compte  que  la  fumure 
était  nécessaire,  que  les  labours  de  printemps,  l'assolement  régulier 
ne  pouvaient  qu'augmenter  le  rendement  ;  ils  opèrent,  aujourd'liui, 
rationnellement. 

Le  Goubellat  est  un  paysexcellentpour  l'élevage,  l'herbe  s'y  trouve 
en  abondance,  variée  et  nourissante  ;  les  résultats  obtenus  jus- 
qu'alors par  les  éleveurs  sont  des  plus  satisfaisants.  11  manque  en- 
core, à  la  plupart  des  colons,  des  écuries  assez  spacieuses  pour  leur 
permettre  d'augmenter  leur  cheptel,  mais  chaque  année  voit  s'élever 
des  constructions  nouvelles  et  le  choix  des  géniteurs  devient  plus  ju- 
dicieux. Des  essais  intéressants  ont  été  faits  par  M.  Ducui-til  pour 
l'introduction  du  zébu,  et  l'on  peut  voir,  au  Goubellat,  une  assez  nom- 
breuse famille  dezébuscpii  renq)lacen[  1res  avantageusement  dansles 
travaux  de  culture  les  banifs  du  pays. 


—  -136  — 

Un  emplacement  de  13  hectares,  en  bordure  de  la  route  de  Boii- 
Arada  à  Medjez-el-Bab,  a  été  réservé  au  centre  de  lotissement  de  Sidi- 
Nagi  pour  la  création  d'un  oroupement  urbain.  Un  bureau  de  Postes 
et  Télégraphes,  une  école  et  un  bureau  de  tabac  sont  installés  sur  ce 
point  ;  un  hôtelier,  un  boulanger  et  un  forgeron  sont  également  éta- 
bhs  au  centre  du  village,  et  TAdministration  tient,  à  la  disposition  du 
public,  des  lots  urbains  de  '2.000  mètres  carrés  environ.  L'école  ne 
reçoit  encore  que  douze  enfants  :  cinq  garçons  et  sept  tilles,  tous 
Français.  Quelques  autres  enfants  de  colons  ne  peuvent  Iréquenter 
l'école  par  suite  de  l'éloignement  des  fermes  et  du  défaut  de  moyens 
de  communication. 

Les  colons  du  Goubellat  demandent  : 

lo  Le  prolongement  de  la  route  sur  Tunis;  un  simple  tronçon  de 
14 kilomètres  leur  permettrait  de  faire  eux-mêmes  leurs  transports 
sur  Tunis,  ou  tout  au  moins  d'obtenir  des  tarifs  moins  onéreux  que 
ceux  qu'ils  subissent  actuellement.  La  Direction  de  l'Agriculture  a 
accordé  déjà  des  crédits  au  Service  des  Travaux  publics  dans  ce 
but  ;'i) 

2»  L'établissement  de  pistes  reliant  les  fermes  françaises  situées 
sur  les  henchirs  Gammarti  et  Briouigh,  au  point  central  du  groupe- 
ment ; 

3"  L'installation  au  Goubellat  d'un  dépôt  d'étalons. 

Quarante-deux  lots  de  culture  ont  été  livrés  à  la  colonisation  fran- 
çaise à  Sidi-Nagi,  de  1900  à  1903  (premier  lotissement)  ;  leur  conte- 
nance varie  de  75  à  150  hectares.  Au  total,  '2.300  hectares  ont  été 
vendus  pour  la  somme  de  112.422  francs,  soit  en  moyenne  48  francs 
l'hectare. 

L'henchir  Gammarti  (deuxième  lotissement),comprend  trente  lots, 
vendus  à  des  agriculteurs  français,  de  1902  à  lin  lOOL  La  moitiéde 
ces  lots  n'atteint  pas  100  hectares;  l'autre  moitié  varie  de  100  à  lOO 
hectares.  Au  total,  1.800  hectares,  vendus  113.300  francs,  soit  en 
moyenne  04  francs  l'hectare. 

L'henchir  Mriouigh  (troisième  lotissement),  vient  d'être  livré  à  la 
colonisation.  11  est  situé  à  5  kilomètres  au  Sud-Estdu  centre  deGou- 
bellat.  Environ  1.700  hectares  de  terres,  à  peu  juvs  unilormes,    d<> 


(1)  lin  cours  d'exécution. 


-  VM  — 

consistance  moyenne,  se  prêtent  à  toute  culture.  Une  partie  du  ter- 
rain, à  liane  de  coteau,  a  été  réservée  pour  former  un  communal  où 
les  indi|,'-ènes  auront  accès  aussi  bien  que  les  Européens.  L'autre 
partie  a  été  divisée  en  quinze  lots,  <lont  sept  de  KM)  à  l.'J7  hectares 
(au  total  821)  hectares),  ont  été  vendus,  en  1004,  à  sept  aj^^ricultcMirs 
français,  moyennant  la  somme  de  80.300  francs,  c'est-à-dire  07  francs 
l'hectare. 

En  résumé,  la  Direction  de  TAgriculture  a  livré  à  la  colonisation 
Irançaise,  en  moins  de  cinq  ans,  la  presque  totalité  des  terrains  qu'elle 
possédait  dans  les  henchirs  Sidi-Nagi,  Gammarti  et  iîriouigh,  environ 
5.000  hectares,  vendus  300.000  francs,  soit  en  moyenne  61  fr.  20 
l'hectare. 

Quelques  propriétés  ont  déjà  été  revendues  par  les  premiers  occu- 
pants à  raison  de  150  et  180  francs  l'iiectare.  Cependant,  ce  qui  dans 
Tensemble  caractérise  le  Goubellat,  c'est  la  fixité  des  colons  qui  y 
ont  élu  domicile  et  qui  tous  y  ont  fait  des  installations  durables, 
généralement  confortables  et  spacieuses.  Ces  indications  démon- 
trent le  réel  succès  qu'a  obtenu  sur  ce  point  la  Direction  de  l'Agri- 
culture. 

Bou-Arada.  —  La  vallée  de  Bou-Arada  est  fort  belle,  excellente 
pour  la  culture  des  céréales  et  l'élevage  ;  la  vigne  a  bien  réussi  dans 
le  domaine  Taine,  propriété  de  4.800  hectares,  dont  300  environ  dé- 
frichés et  ensemencés  chaque  année,  sous  la  direction  de  M.  Rolland, 
ingénieur-agronome  et  gérant  du  domaine. 

L'Etat  possède,  dans  la  région  de  Bou-Arada,  près  de  25.000  hec- 
tares, constitués,  en  majeure  partie,  par  des  coteaux  couverts  d'oli- 
viers sauvages,  de  pins  d'Alep  et  de  hautes  broussailles.  La  Direction 
de  l'Agriculture  a  enlevé,  dernièrement,  aux  locations  indigènes  et  au 
régime  forestier  3.250  hectares  de  terrains  argilo-calcaircs  situés  sur 
les  henchirs  El-Aroussa,  Moukalef  et  Fross.  Ces  3.250  hectares  sont 
allotis  et  vont  être  sous  peu  livrés  à  la  colonisation.' '> 

Le  centre  des  trois  propriétés  allolies  se  trouve  à  une  distance  de 
45  kilomètres  de  Medjez-el-Bab,  22  kilomètres  de  Testour,  L5  kilo- 
mètres de  l'important  marché  de  Bou-Arada,  installé  au  milieu  du 
domaine  Taine,  et  à  110  kilomètres  environ  au  sud-ouest  de  Tunis. 

Le  pays  est  sain  et  sur  tout  le  territoire  (jui  nous  occupe  on  cons- 


(1)  La  plupart  ck-s  lots  sont  aujourd'hui  vuiulus  à  divers  agiieullcurs  fiançais. 


—  138  — 

tate  fort  rarement  des  cas  de  paludisme.  Il  pleut  suffisamment  pour 
assurer  la  récolte  des  céréales  qui  donnent  en  moyenne  12  quintaux 
à  l'hectare.  L'année  dernière  (1904)  il  est  tombé  à  Bou-Arada  050 
millimètres  d'eau  ;  pendant  l'hiver  de  cette  même  année,  le  thermo- 
mètre est  descendu  à  3  degrés  au  dessous  de  zéro  ;  on  a  observé  au 
mois  d'août  47  degrés. 

Les  trois  henchirs,  qui  bientôt  vont  former  un  superbe  point  de 
colonisation  au  milieu  d'une  contrée  rappelant  les  plus  beaux  coins 
de  l'Auvergne,  sont  sillonnés  de  pistes  qu'il  suffira  d'améliorer  pour 
desservir  utilement  les  fermes  françaises.  Le  chemin  de  fer  de 
Pont-du-Fahs  à  Kalaâ-es-Senam  traverse  ces  propriétés  dans  toute 
leur  longueur,  et  deux  stations,  celle  de  Bou-Arada  et  celle  d'El- 
Aroussa,  desserviront  les  colons  qui  s'y  installeront.  Enfin,  au  point 
de  vue  hydrographique,  la  région  ne  laisse  rien  à  désirer  :  deux 
oueds  coulent  toute  l'année,  l'oued  Siliana  et  l'oued  Remil  l'arro- 
sent du  Sud  au  Nord  ;  de  nombreuses  sources  provenant  du  djebel 
Ribane  fournissent  de  l'eau  potable  en  quantité  suffisante.  Le  débit 
de  la  source  de  Bou-Djelida  est  assez  abondant  pour  assurer  l'ali- 
mentation d'un  centre;  il  suffira  de  la  capter  et  de  la  canaliser  jus- 
qu'à ce  point. 

D'une  manière  générale,  toutes  les  terres  sont  de  bonne  qualité, 
libelles  à  travailler,  propres  à  toutes  les  cultures.  On  trouve,  dans  la 
plaine,  des  terrains  d'alluvions  de  grande  profondeur;  en  coteau,  le 
terrain  calcaire  jurassique  est  excellent  pour  la  vigne  et  pour  l'olivier. 
Dans  les  ruines  romaines,  très  nombreuses,  on  découvre  beaucoup 
de  moulins  à  huile. 

L'abondance  des  jujubiers  rendra  parfois  la  mise  en  valeur  de  ces 
terrains  assez  onéreuse  ;  il  y  existe  d'autres  broussailles,  mais  ce  qui 
domine,  c'est  l'olivier  sauvage  qui,  en  certains  points,  forme  de  véri- 
tables forêts.  Il  sera  facile,  en  les  greffant,  de  faire  produire  ces 
arbres  vigoureux  ;  d'ailleurs,  les  Arabes  de  la  vallée  de  Bou-Arada, 
conseillés  par  ^L  Rolland,  ont  déjà  greffé,  sur  leurs  terres,  près  de 
0.000  oliviers  sauvages  qui  poussent  admirablement. 

La  composition  du  sol  est  partout  à  peu  pi'ès  la  même.  La  valciu- 
moyemie  des  terrains,  non  défrichés,  peut  être  lixéeà  75  francs  l'hec- 
tare. Des  terrains  de  parcours  seront  réservés  aussi  bien  pour  les 
Kiu'()j)éens  rjuepoin'  les  Indigènes.  UucenhH^  indusirici  sera  ('i'('('' plus 
tard  près  de  la  gare  d'El-Aroussa. 


-   139  - 

Les  forêts.  —  Il  existe  dans  la  partie  Sud  de  l'annexe  de  Medjez- 
el-liab  une  certaine  étendue  de  forêts  dont  on  peut  évaluer  la  conte- 
nance à  22.51)0  hectares. 

Ces  boisements  appartiennent  au  groupe  forestier  qui  s'étend  au 
sud  de  la  Medjerda  sur  les  plateaux  des  Contrôles  civils  de  Tunis, 
Mactar,  Tliala  etKairouan. 

Les  peuplements  se  composent  surtout  de  pins  d'Alep  avec  du  clié- 
ne  yeuse  en  mélange.  On  y  rencontre  aussi,  à  Télat  secondaire,  l'oli- 
vier sauvage  et  le  genévrier. 

Les  forêts  de  l'annexe  de  Medjez-el-Bab  se  répartissent  en  ciinj 
m;issifs,  savoir  : 

P'orèt  du  Goubellut,  d'une  contenance  approxima- 
tive de 1 .500  hectares. 

Forêt  du  djebel  Rehass 1  .CXJO        — 

Forêt  du  Bou-Arada  (partie) 16.. 500        — 

Forêt  de  Siliana 1 .500        — 

Forêt  de  Sidi-Abdallah-ben-Cheïd  (partie) 2 .000        — 

22.500  hectares. 


Partout  les  peuplements  sont  en  fort  mauvais  état,  ayant  continuel- 
lement souffert  de  dévastations  de  toute  nature  :  incendies,  pâtura- 
ges exagérés,  défrichement,  exploitations  abusives,  écorcements, 
etc.  Ils  ne  donnent  aujourd'hui  que  de  menus  produits  consistant 
en  bois  et  en  charbon,  perclifes  pour  la  construction  de  gourbis, 
bois  pour  la  construction  des  charrues  et  jougs.  Les  arbres  morts 
sont  soumis  à  la  distillation  pour  fournir  du  goudron. 

Il  n'y  a  pas  lieu  de  chercher  à  augmenter  la  quantité  de  produits 
ligneux  réalisés  actuellement  dans  ces  forêts,  car  leur  état  d'appau- 
vrissement est  tel  que  les  exploitations, plus  intensives, ne  tarderaient 
pas  à  entraîner  leur  disparition.  Il  est  au  contraire  indispensable  de 
les  ménager  afin  de  favoriser  leur  reconstitution,  car  leur  présence 
diminue  le  ruissellement  et  facilite  la  pénétration  des  eaux  pluviales 
dans  le  sol,  l'alimentation  des  nappes  souterraines,  et  contribue  au 
maintien  des  terres  sur  les  pentes. 

La  conservation  et  l'amélioration  des  forêts  de  cette  catégorie  ne 
peuvent  être  obtenues  que  par  une  surveillance  assidue  et  une  ré- 
pression énergique  des  délits.  Or,  les  ressources  dont  dispose  le  Ser- 
vice forestier  pour  assurer  la  police  <lans  les  forêts  de  pins   des  pla- 


—  140  — 

teaiix  sont  iiisuffisantes.  Le  personnel  français  est  réduit  dans  cette 
région  à  dix  brigadiers  et  gardes  pour  luie  étendue  boisée  de  plus  de 
400.000  hectares  distribué  en  massifs  épars  sur  les  territoires  de 
six  Contrôles  civils.  En  particulier  pour  l'annexe  de  ^ledjez-el-Bab,  la 
surveillance  des  quatre  premiers  massifs  est  confiée  à  un  garde  de- 
meurant au  djebel  Mansour;  dans  le  Contrôle  de  Tunis,  et  celle  du 
cinquième  au  brigadier  en  résidence  au  Kef.  Ces  préposés,  qui  ont  à 
surveiller  chacun  une  étendue  considérable,  ne  peuvent  revenir  sur 
les  mêmes  points  qu'à  des  intervales  éloignés  :  entre  deux  tournées 
consécutives,  les  indigènes  peuvent  commettre  des  délits  presque  en 
toute  sécurité. 

Les  routes.  — Deux  voies  ferrées  traversent  le  Caïdat  de  Medjez- 
el-Ëab  :  au  Nord,  la  ligne  de  Tunis  àBône  ;  au  Sud,  la  ligne  de  Tunis 
à  Kalaà-es-Senam. 

Les  routes  carrossables  sont  : 

1"  Route  de  Tunis  au  Kef,  traversant  le  Caïdat  du  trentième  au 
quatre-vingt-quinzième  kilomètre  ;  elle  dessert  Thenchir  Paolo,  Qçar- 
Tyr,  Medjez-el-Bab,  Slouguia,  Testour  et  Aïn-Tounga  ; 

2"  Route  de  Medjez-el-Bab  à  Souk-el-Arba  (25 kilomètres  de  chaus- 
sée empierrée)  ;  elle  dessert  le  centre  d'Oued-Zerga  ; 

3"  Route  de  Medjez-el-Bab  à  Ileydouss  (chaussée  empierrée  sur5 
kilomètres  500)  ;  dessert  la  région  de  Chassar-Tefalia  ; 

i"  Route  de  Medjez-el-Bab  à  Maklar,  par  le  Goubellat  et  le  Bou- 
Arada  (chaussée  empierrée  de  Medjez  au  Goubellat;  piste  carrosa- 
ble  ensuite). 

5«  Route  du  Goubellat  à  Kairouan  (empierrée  sur  7  kilomètres 
400). 

11  existe  également  plusieurs  pistes  carrossables  que  le  SiM-vice  des 
Pont-et-Chausséess'eflorce  d'améliorer  chaque  année.  Les  principales 
sont  :  la  piste  des  Oulad-Aoun  (région  du  Goubellat)  ;  ])iste  de  Medjez 
à  Chaouach,  de  Medjez  à  ToukaJjeur,  du  Goubellat  à  Teslour,  de 
Medjez  à  Tébourba. 

Deux  routes  sont  en  ce  iiioniciil  à  léliidc  cl  sui-  le  ()oiiit  d'entrer 
dans  la  période  d'exécution  : 

1"  La  roule  de  Mcdjez-el-Ual)  à  Tdukabeur  (trois  pi'ojets  ont  été 
étudiés)  ; 

2°  La  route  du  Goubellat  à  Tunis.  Il  faut  nous  arrêter  un   instant 


—  141  — 

sur  C(3  troiiron  <le  route,  car  il  dcviondi'a  légendaire.  Avaul  'ju'il  en 
lût  (lueslioii,  les  colons  du  (loubellal  nageaient  dans  la  douce  (juié- 
tude  ;  très  légitimement  fiers  de  leur  O'uvre,  joyeux  de  vivre,  pour 
eux,  le  reste  du  monde  était  néant  ;  on  enregistrait  périodiquement 
de  nombreuses  naissances  et  la  progéniture,  comme  les  canards, 
poussait  à  merveille  :  c'était  Tàge  d'or. 

Jusqu'alors  le  groupement  français  s'était  contenté  de  la  route, 
d'ailleurs  en  parfait  état,  reliant  le  (loubellat  à  ^ledjez,  lorsque,  tout 
à  coup,  un  colon  insinua  «  qu'il  était  absolument  nécessaire  d'établir 
une  voie  raccordant  le  Goubellat  à  la  route  du  Kef-Tunis«.  Ce  petit 
embranchement  derien  du  tout  (une  quinzaine  (le  kilomètres  àpeine) 
permettrait  aux  gens  du  (loubellat  de  se  rendre  directement  à  Tunis 
sans  passer  par  Medjez. 

L'idée,  par  tous,  fut  trouvée  géniale.  Mais,  dès  lors,  Tbarmonie 
s'évanouit,  les  querelles  surgirent,  âpres,  quand  il  fut  question  du 
tracé.  Les  uns  voulaient  que  la  route  suivît  la  piste  de  Tunis,  les  au- 
tres préconisaient  le  passage  par  les  Ouled-Aoun,  un  troisième  lot 
tentait  de  démontrer  que  la  vallée  de  l'oued  Ahmar,  était,  au  con- 
traire, la  seule  indiquée  pour  l'ouverture  de  la  nouvelle  voie.  Cha- 
cun, selon  ses  intérêts,  tirait  à  lui  la  couverture.  La  question  deve- 
nait irritante,  les  groupes  restaient  irréductibles  et  le  Contrôleur 
civil  ne  savait  plus  où  donner  de  la  tète.  Mais  les  envoyés  des  Direc- 
tions de  l'Agriculture  et  des  Travaux  publics,  pondérés  et  méthodi- 
•  lues,  purent  résoudre  équitablement  le  problème  et  concilier,  autant 
que  possible,  les  intérêts  en  jeu.  Et,  grâce  à  eux,  la  concorde  et  la 
joie  planent  aujourd'hui  sur  le  pays  pacifié. 

Le  projet  de  raccordement  du  Goubellat  à  la  roule  Kel-Tunis  est 
approuvé  dans  son  ensemble.  Un  tronçon  de  piste  carrossable  est 
exécuté  sur  3  kilomètres  de  longueur.  Il  reste  encore  11  kilomètres 
700  de  plateforme  à  construire,  mais  on  y  a  travaillé  avec  ardeur,  et 
dès  maintenant  les  colons  du  Goubellat  peuvent  traiisporter,  par  la 
nouvelle  voie,  leurs  denrées  à  Tunis. 

Mines.  —  Une  seule  mine,  celle  de  Kef-Lasfar,  d'une  superficie 
de  858  hectares,  existe  dans  le  Caïdat  de  Medjez-el-Bab.  Celle  mine 
de  zinc  et  de  plomb,  exploitée  depuis  le  mois  de  septembre  11K>1,  est 
située  danslarégion  du  Goubellat,  à  li  kilomètres  environ  ^\c  Med- 
jez. Elle  a  transporté,  en  1001.  '2(55  tonnes  de  minerai. 


—  142  — 


Le  territoire  du  Caïdat  de  Medjez-el-Bab  comprend  environ  :C0.000 
hectares  de  terres  labourables  ;  25.000  hectares  de  prairies  ;  30.000 
hectares  de  pâturages  ;  12!2.000  hectares  de  landes  et  de  terres  in- 
cultes ;  500  hectares  de  vignes  ;  300  hectares  d'olivettes  ;  2.000  hec- 
tares de  cultures  diverses.  En  1904,  les  contenances  ensemencées 
(cultures  indigènes  et  européennes)  ont  été  de  :  8.000  hectares  de  blé; 
7.600  hectares  d'orge  ;  1.300  hectares  d'avoine;  700  hectares  de 
maïs  :  4(J0  hectares  de  lèves.  Le  rendement  moyen,  par  hectare,  a 
été  de  :  11  quintaux  pour  le  blé  ;  13  quintaux  pour  l'orge,  l'avoine  et 
le  maïs  ;  18  quintaux  pour  les  fèves.  On  comptait,  en  cette  même 
année,  dans  le  Caïdat  :  1.200  chevaux  ;  600  mulets;  3.000  ânes  ; 
500  porcs  ;  800  chameaux  ;  7.400  bœufs  ;  30.000  moutons;  45.000 
chèvres. 

En  dehors  des  fonctionnaires  et  des  industriels  fixés  dans  les  villa- 
ges,140  familles  françaises  occupent,dans  le  Caïdat  de  Medjez-el-Bab, 
environ  37.800  hectares  de  terres.  31.800  hectares  ont  été  acquis  di- 
rectement aux  indigènes  ;  6.000  hectares  ont  été  livrés  à  la  colonisa- 
tion par  la  Direction  de  l'Agriculture. 


GIIAPfTRK  IV 


CONCLUSIONS 


La  superficie  des  deux  Caïdats  et  du  Contrôle  civil  de  P.éja  est  de 
.'i7r).000  liectares  environ.  En  11)00,04  fermes  françaises  occupaient 
M.T)()0  liectares  de  ce  territoire;  deux  ans  plus  tard,  nous  y  trouvons 
!  17  fermes  françaises  installées  sur  4-0.700  liectares;  enfin,  en  janvier 
de  l'année  courante,  nous  comptons  05  fermes  françaises  occupant 
l'2.000  hectares  dans  le  Caïdat  de  Béja,  et  140  fermes  françaises  sur 
'IS.OOO  hectares  dans  le  Caïdat  de  Medjez-el-Bab,  soit  205  fermes 
françaises  occupant  50.000  hectares  sur  le  territoire  de  ce  Contrôle 
civil. 

La  population  du  Contrôle  de  Béjà  dépasse  100.000  habitants,  dont 
5.500  Européens,  se  répartissant  yinsi  :  4.450  dans  le  Caïdat  de  ]5éja 
et  1.500  dans  le  Caïdat  de  Medjez-el-Bab.  La  population  française, 
qui  ne  comptait  que  370  personnes  en  1800  et  750  en  100^1,  atteint 
aujourdiiui  le  chilfre  de  1.200  iii(hvidus. 

Nous  avons  dit  que  la  colonisation  française  occupe  la  majeure 
[lartie  des  enviroris  immédiats  de  Béja.  A  l'ouest  de  cette  ville,  le 
centre  du  Munchar  et  l'enchir  Douemis  se  sont  rapidement  dévelop- 
pés ;  à  l'Est  et  au  Nord,  la  Direction  de  rAgricultiire  a  livré  à  la  co- 
lonisation les  henchirs  Démina,  El-Afareg,  Djebil,  une  partie  des 
Amdoun,  les  henchirs  El-IIaoufia  et  El-Glia;  au  Sud  de  Béjà,  elle 
vient  d'allotir  les  henchirs  Magoula  et  El-llaouria,  que  nos  agricul- 
teurs occuperont  prochainement;  enfin,  le  joli  centre  des  Nefza  s'ouvre 
à  la  vie  tout  au  nord  du  Caïdat,  ;ui  fond  d'une  valléi^  plantureuse  et 
d'un  pays  remarquable  par  la  beauté  de  ses  sites. 

En  examinant  le  Caïdat  de  ]\ledjez-el-l'ab,  nous  trouvons  établis 
sur  ce  territoire  plusieurs  grands  domaines  dont  la  superficie  varie 
de  3.0(X)  à  0.000  hectares.  Dans  la  partie  nord  du  Caïdat,  vo  sont  : 
les  ddinaiiu's  de  Chassar-l'afah;!,  d'Oiied-Zerga,  d'EI-Baharine;  à  l'Est, 
le  domaine  d(>  Oear-Tvr;  au  Sud,  le  douiaiiu»  de  Boii-Arada. 


—  144  — 

La  Direction  de  F  Agriculture  a  remis  à  la  colonisation  française, 
dans  ce  Gaïdat  :  l'encliir  Paolo,  à  l'Est;  les  enchirs  Sidi-Nagi,  Briouigli 
et  Gammarti,  situés  dans  le  bled  Goubellat,  partie  centrale  du  terri- 
toire; enfin  les  henchirs  El-Aroussa,  Moukalel  et  Fross,  qui  se  trou- 
vent au  sud  du  Gaïdat,  dans  la  région  de  Bou-Arada,  sont  maintenant 
allotis  et  vont  être  très  prochainement  offerts  au  public. 

L'œuvre  de  colonisation,  dans  le  Gontrôle  civil  de  Béja,  a  donc  été 
couronnée  de  succès.  La  population  européenne  s'est  considérable- 
ment accrue  depuis  cinq  ou  six  ans,  et  le  peuplement  ne  s'est  ralenti 
que  par  suite  du  manque  de  terres. 

Quelques  terres  pourront  encore  être  achetés  dans  la  région  de 
Béja,  par  des  particuliers  ou  par  le  Service  des  Domaines,  mais  elles 
deviennent  chaque  jour  plus  rares  et  bientôt  il  n'y  aura  plus  un  ar- 
pent de  terre  à  vendre  dans  cette  contrée  où  la  propriété  rurale  atteint 
des  prix  lort  élevés. 

Le  paysan  ne  trouvera  désormais  plus  de  place  vers  le  sud  du  Gon- 
trôle, dans  le  Gaïdat  de  Medjez-el-Bab  :  la  colonisation  y  a  déjà  donné 
des  résultats  appréciables,  et  nous  avons  tout  lieu  de  croire  que  les 
henchirs  situés  à  proximité  du  Bou-Arada  fourniront,  dès  leur  mise 
en  valeur,  un  terrain  très  propice  à  la  moyenne  et  à  la  petite  coloni- 
sation française. 


Il  serait  peut-être  bon  de  distraire  la  partie  formant  la  pointe 
extrême-nord  du  Gaïdat  de  Béja  du  territoire  de  ce  Gontrôle  et  d'en 
former  un  Gontrôle  civil  spécial  qui  pourrait  être  appelé  «  le  Gontrôle 
de  la  Kroumirie  »,  en  y  annexant  la  région  d'Aïn-Draham  et  de  Ta- 
barca  à  l'Ouest  et  la  région  des  Mogods  à  l'Est. 

Il  s'agirait,  en  l'espèce,  de  grouper  trois  fractions  de  pays  situées 
dans  trois  Gontrôles  différents,  mais  (jui  font  partie  du  même  bassin 
géographique  et  dont  les  intérêts,  les  desiderata,  les  besoins  sont 
identiques.  Le  nouveau  Gontrôle  comprendrait  tout  le  massil  de  la 
Kroumirie,  depuis  la  mer  jusqu'à  Fernana,  d'une  part,  et  de  la 
lïoiiliêre  algérienne  à  l'extrémité  est  des  ^logods,  d'autre  p;iil.  La 
topographie,  la  géologie,  l'orograpliie  de  ces  régions  en  font  un  ter- 
rii-oire  qui  ne  ressemble  en  rien  aux  anti'es  parties  du  Noril  Iniii- 


-  14.-,  — 

sien,  et  il  serait  tout  à  fait  j;iliuiiii(;l  de  les  assembler  en  un  tout  ho- 
iiio^èue. 

Tûutelbis,  si  le  Gouveriiomeiit  du  l'rolectorat  trouvait  superllu  de 
créer  un  nouveau  Contrôle  civil,  il  pourrait  au  moins  réunir  les  terri- 
toires des  Nefzaet  des  Mogods  à  l'annexe  de  ïabarca  qui,  fatalement, 
serait  rattachée  au  Contrôle  de  Béja. 

Les  habitants  de  Tabarca  viennent  de  signer  une  pétition  dans  ce 
sens.  Ils  trouvent,  non  sans  raison,  que  rester  davantage  sous  la  dé- 
pendance de  Souk-el-Arba,  dont  tout  les  sépare,  à  commencer  par 
cette  muraille  de  Chine  qu'est  la  ciiaîne  d'Aïn-Draham,  est  absolu- 
ment illogique  et  préjudiciable  à  leui'S  intérêts.  Il  semble  qu'il  est 
possible  de  leur  donner  satisfaction. 

Ce  Contrôle  ou  cette  annexe  ne  pourront,  il  est  vrai,  être  organisés 
qu'à  condition  de  prolonger  la  route  actuelle  de  Tabarca-Nefza  jus- 
qu'à la  route  de  Béja-Mateur,  mais,  grâce  à  cette  jonction,  tout  un 
territoire  immense  et  fertile  —  resté  jusqu'alors  inaccessible  et  in- 
habitable faute  de  voie  de  communication  —  sera  colonisé.  La  ques- 
tion méritait  d'être  posée;  c'est  pourquoi  je  prends  la  respectueuse 
liberté  de  la  soumettre  à  ^I.  le  Résident  Général. 


Divers  systèmes  de  métayage  ont  été  adoptés  dans  le  Contrôle  ci- 
vil de  Béja,  et  nous  avons  vu  que  ces  expériences  ont  donné  des  ré- 
sultats probants.  Des  petits  paysans  français,  arrivés  en  Tunisie  pres- 
que sans  argent,  purent,  après  quelques  années  de  métayage,  amasser 
la  somme  nécessaire  à  l'achat  d'une  modeste  propriété  ;  aujourd'hui, 
nous  les  trouvons  colons  établis,  heureux  de  leur  sort,  conseillant 
aux  parents  restés  en  France  de  traverser  au  plus  tôt  la  Méditerra- 
née pour  suivre  leur  exemple.  D'autres,  qui  n'ont  encore  pu  acqué- 
rir le  lopin  convoité,  vivent  largement  avec  leur  nombreuses  famille, 
sur  leur  métairie,  alors  ([u'en  France  ils  végétaient  misérablement 
dans  leurs  villai^es. 

Le  métayage  est,  du  reste,  un  ap[)renti.ssage  excellent  pour  le  pe- 
tit agriculteur  qui,  venant  de  la  métropole,  a  l'intention  de  se  fixer  défi- 
nitivement en  Tunisie.  1^'honnne  ([ui  a  passé  (pu^hiue  temps  sur  ce 
sol,  qui  s'est  acclimaté,  qui  connaît  les  habitudes  des  indigènes  et 
parle  leur  langue,  a  beaucoup  plus  de  chances  de  réussite  quelenou- 


.      —  -146  — 

veau  débarqué,  arrivant  dans  un  pays  en  tous  points  dissemblable  à 
celui  qu'il  vient  de  quitter.  La  preuve  en  est  donnée  par  ce  qui  se  voit 
en  Algérie  :  les  fils  de  colons  algériens,  trop  à  Tétroit  sur  la  conces- 
sion paternelle  et  ne  pouvant  trouver  des  terres  disponibles  à  proxi- 
mité de  leur  centre,  essaiment,  s'en  vont  planter  leur  tente  dans  les 
régions  nouvellement  ouvertes  à  la  colonisation;  presque  tous  restent, 
résistent  et  font  souche  ;  tandis  que  parmi  les  paysans  qui  arrivent 
directement  de  leur  liameau  de  France,  on  compte  en  moyenne  — 
souvent  davantage  —  50o/o  de  déchet. 

Un  ancien  métayer  de  M.  Saurin,  M.  Goulon,  actuellement  installé 
à  El-Afareg,  m'a  dit  qu'un  cultivateur  acclimaté  et  bien  au  courant 
des  modes  de  culture  de  la  région,  doit  réussir  dans  le  Caïdat  de 
Béja  avec  une  propriété  de  00  hectares.  M.  Saurin  estime  qu'il  faut 
à  cet  agriculteur,  pour  s'établir,  une  somme  de  8.000  à  10.000 
francs,  non  compris  le  prix  d'achat  du  terrain,  afm  d'assurer,  dès  la 
première  année,  l'organisation  et  le  fonctionnement  du  petit  lot  de 
colonisation. 


Il  se  produit  en  ce  moment  dans  le  Caïdat  de  Medjez-el-Bab  un  fait 
d'ailleurs  prévu  et  qui  se  produira  certainement  sur  d'autres  points 
de  la  Régence  :  le  démembrement  des  grands  domaines.  Les  gros  pro- 
priétaires, les  sociétés  morcellent  et  mettent  en  vente  leurs  terrains 
par  lots  de  plus  ou  moins  d'étendue.  Cela  tient  non  seulement  à  l'é- 
norme dépense  qu'exige  la  mise  en  valeur  de  surfaces  de  5.000  ou  de 
9.000  hectares,  mais  aussi,  fort  souvent,  au  manque  de  main-d'œuvre 
agricole.  Les  Européens,  en  elfet,  sont  rarement  pourvus  d'un  per- 
sonnel stable  et  ils  sont  fréquemment  obligés  de  solliciter  l'interven- 
tion du  Contrôleur  civil  pour  trouver  des  travailleurs  indigènes. 

Jva  main-d'œuvre  agricole  est  parfois  très  dilTicile  à  se  procurer 
dans  le  Contrôle  de  Béja,  et  la  question  atteint  ici  un  degré  d'acuité 
qui  mérite  l'attention  des  pouvoirs  pubhcs.  Elle  préoccupe,  à  juste 
titre,  les  associations  agricoles  et  ne  tardera  pas  à  faire  l'objet  de 
pétitionnemenls. 

La  grande  exploitation,  le  vaste  domaine  peut  cependant,  mieux 
que  le  moyen  et  le  petit  colon,  gardei'  toute  l'année  et  entretenir  un 
personnel  agricole  suflisant  aux  besoins  de  la  ferme;  il  y  a  donc 
avantage  pour  ces  derniers  de  se  lixer  auprès  d'agglomérations  déjà 


—  147  - 

constiliiées  aplcs  à  fournir  aux  colons  o)ivir(jiiiiants  les  travailleurs 
poui'  la  moisson  et  à  prêter,  au  besoin,  un  matériel  perfectionné. 
C'est  ce  qui  s'est  produit  à  Cliassar-Tefalia,  à  Oueil-Zerya,  et  qui  se 
fera  procliainenient  à  Qçar-Tyr,  et  aussi,  probablement,  à  iJou- 
Arada.  Les  grands  propriétaires,  en  préparant  ainsi  le  terrain  pour 
fonder  ensuite  la  petite  exploitation  et  la  petite  ferme  française, 
auront  été  —  peut-être  sans  le  vouloir  —  les  pionniers  de  la  coloni- 
sation agricole. 


Il  a  été  beaucoup  écrit  sur  la  colonisation  par  la  ferme  isolée  et 
sur  la  colonisation  par  le  village.  Ce  dernier  système,  lon^^temps 
pratiqué  en  Algérie,  a  donné  bien  des  déboires,  et  ce  sont  les  écliecs 
multiples  des  villages  officiels  qui  ont  déterminé  M.  le  Gouverneur 
général  Jonnart  et  M.  de  Peyerimhoff,  Directeur  de  la  colonisation, 
à  appliquer  désormais  un  système  mixte,  consistant  en  groupements 
de  fermes  autour  de  villages  réduits  à  leur  plus  simple  expression. 

Le  groupement  compact  n'est  pratique  sur  le  sol  africain  que  si  le 
peuplement  en  est  fait  au  moyen  d'éléments  choisis  dans  le  même 
département,  ou  plutôt  dans  la  même  région  métropolitaine.  Dans  ce 
cas,  les  paysans  apportent  avec  eux  leurs  mœurs  et  leurs  coutumes  ; 
compatriotes,  ayant  les  mêmes  idées,  imbus  des  mêmes  principes  — 
ou  des  mêmes  préjugés  —  unis  par  la  parenté  des  habitudes,  à  dé- 
faut de  celle  du  sang,  ils  se  sentent  bien  plus  torts,  bien  plus  résolus, 
bien  plus  opiniâtres  au  milieu  des  fatigues  et  des  dangers  de  la 
colonisation.  Entre  «  pays  »,  on  se  soutient,  on  s'aide,  et  la  force 
individuelle  des  familles  se  trouve  multipliée  par  des  forces  collec- 
tives importantes. 

Il  existe,  certes,  des  circonstances  où  les  colonies  ont  avantage  à 
réunir  sur  un  même  point  de  leur  territoire  tout  un  essaim  de  pay- 
sans provenant  d'une  même  région,  et  les  villages  de  ce  genre, 
appelés  «  villages  départementaux  »,  ont  tous  réussi  en  Algérie. 
Mais,  en  thèse  générale,  il  est  préférable  d'opérer  comme  la  Direc- 
tion de  l'Agriculture  l'a  fait  en  Tunisie,  notamment  dans  les  régions 
qui  font  l'objet  de  ce  rapport,  et  comme  l'a  précisé  à  la  suite  de  cette 
expérience  le  décret  du  16  novembre  1903,  c'est-à-dire  par  le  grou- 
ment  de  fermes  juxtaposées  sur  chacune  desquelles  s'installe  une 
fanùlle  française.  L'Etat  réserve  dans  le  centre  du  groupement  un 


—  148  — 

emplacement  destiné  à  servir  de  village,  recevant  tout  d'abord  les 
quelques  industries  nécessaires  à  la  vie  journalière  du  colon:  forge, 
bourrellerie,  cantine,  etc.,  et  les  édifices  publics:  poste-école,  point 
d'eau  public,  etc.  Des  voies  de  communication  doivent  relier  ce  cen- 
tre aux  termes  voisines. 

La  ferme  e&t,  en  effet,  l'idéal  de  la  colonisation.  Au  village,  le  sé- 
jour est  déprimant  pour  l'agriculteur:  il  y  contracte  de  fâcheuses 
habitudes,  et  les  moments  passés  soit  au  cabaret,  soit  à  potiner  chez 
le  voisin,  sont  des  instants  précieux  qui  seraient  plus  utilement  em- 
ployés dans  les  champs,  le  cellier  ou  les  écuries. 

Le  fermier  a  moins  d'occasions  de  se  distraire,  il  est  davantage  à 
son  travail.  Si  la  pluie  l'empêche  de  se  rendre  aux  champs,  il  est 
retenu  dans  son  intérieur.  L'estaminet  tentateur  n'est  pas  à  sa  portée: 
sa  santé,  sa  bourse  et  son  temps  ne  sont  pas  ainsi  menacés.  En  outre, 
le  colon-fermier  réunit  sous  sa  main  toute  sa  culture  et  son  outil- 
lage ;  sa  propriété  n'est  pas  divisée  en  lots  épars;  de  sa  porte,  il  voit 
ses  champs,  il  a  l'avantage  inappréciable  d'embrasser  du  regard  tout 
son  domaine.  Enfin,  il  est  plus  à  l'abri  que  le  villageois  de  ce  mal 
invétéré,  de  cette  plaie  secrète,  de  ce  véritable  fléau  qui,  tant  de 
fois,  à  divisé  et  amené  la  ruine  des  villages  algériens:  la  politique... 

Avril  1905. 


» 


LE  COiMKOLi:  CIVIL  DK  IIMS 


CIIAIMTUK  ]' 


Inimités.  —  Aspect.  —  Hydroçjraphie  et  Orographie.  — 
Korèts.  —  Travaux  Publics.  —  Les  llouiains.  —  Les  ludirjèiies. 

Population. 


Pour  le  Méti'opoliLaiii  qui  n'a  pas  encore  traversé  la  Méditerranée, 
|)our  l'étranger,  la  Tunisie  tout  entière,  les  130.000  kilomètres  car- 
rés ([ue  comprend  le  territoire  du  Protectorat  français,  le  Sahel,  le 
Tell,  le  Sud  se  résument  en  deux  mots  :  Tunis,  Kairouan.  Pendant 
longtemps,  il  en  lut  de  même  chez  notre  voisine  dont  le  toiu'iste  ne 
connaissait  (pic  la  Kasba  d'Alger,  les  coteaux  de  Mustapha  et  les 
palmiers  de  Biskra. 

Mais  l'Algérie  Iraneaise,  presque  octogénaire,  a  pu,  avec  les  ans, 
mettre  ordre  dans  ses  alTaires,  sillonner  de  voies  ferrées  ses  trois 
immenses  départements,  tracer  des  routes,  procurer  à  ses  visiteurs 
—  couples  de  négociants  paisil)les  et  rassis,  ou  modernes  et  impé- 
tueux ''  chaulïeurs  "  —  bon  souper,  bon  gîte  et  le  reste.  Aussi  l'Algé- 
rie est-elle, depuis  une  cinquantaine  années,  mais  surtout  depuis  l'essor 
de  la  macJtine  ù  dix,  ([uinze  et  vingt  chevaux,  courue  en  tous  sens, 
louillée  dans  tous  les  coins, de  l'xMie  à  Tlemcen.  du  Hlloral  au  Sahara. 

La  Tunisie,  encore  adolescente,  n'a  pas  eu,  jusqu'alors,  grande- 
ment le  loisir  de  s'attifer,  de  se  parer  d'atours,  de  se  préoccuper  de 
plaire.  Et,  cependant,  pour  ceux  (pii  voient  la  Régence  autrement 
(jue  [)ar  les  souks  de  Tuiiis  ou  les  mosquées  de  Kairouan,  l'iouvre 
accomplie  ici  par  la  France  en  moins  de  vingl-('in(|  ans  t^st  sim- 
plement merveilleuse.  Les  divers  rapj)orteurs  du  budget  tunisien, 
à  la  Chambre  des  Députés  et  au  Sénat,  malgré  les  critiques  acerbes 

LaTumsiI':  uu  Noud  1t 


—  150  - 

des  uns  et  les  observations  parfois  méritées  des  autres,  ont  tous  été 
d'accord  pour  reconnaître  que  le  Protectorat  français  avait  fait,  dans 
la  Régence,  de  véritables  prodiges. 

C'est  surtout  aux  environs  de  Tunis,  de  la  grande  et  curieuse  cité 
orientale,  que  la  colonisation  s'est  implantée  avec  une  indéniable 
vigueur.  Gela  se  conçoit.  Aux  premiers  jours  de  l'occupation,  l'armée 
fut  obligée  d'assurer  la  pacification  du  pays,  d'ébaucher,  de  centre 
à  centre,  de  ville  à  ville,  les  moyens  de  communication  par  des 
embryons  de  routes  et  de  pistes.  Ce  fut  seulement  plus  tard,  assez- 
longtemps  après,  que  l'Administration  civile  put  poursuivre  et  para- 
chever la  besogne  commencée  par  les  militaires.  Et  c'est  pourquoi, 
en  attendant  que  la  sécurité  fût  bien  établie  dans  le  "  bled  "  loin- 
tain, que  les  routes  empierrées  et  les  voies  ferrées  permissent,  sans 
difficulté,  de  se  rendre  d'un  point  à  un  autre,  le  colon  ihmçais  planta 
sa  tente,  édifia  son  bordj,  créa  son  domaine  aux  alentours  de  la  capi- 
tale de  la  Régence,  d'abord  dans  la  banlieue  même  de  Tunis,  puis 
siu'  deux  autres  territoires  du  Contrôle  Civil  :  le  Caïdat  de  Tébourba 
et  celui  de  Zaghouan.  Nous  allons  successivement  étudier  ces  divers 
territoires. 

Limites.  —  Le  ContnMe  Civil  de  Tunis  est  linùté,  au  Nord-Est 
par  la  mer;  au  Nord,  par  le  Contrôle  de  Bizerte;  à  l'Ouest,  par  le 
Contrôle  de  Béjà;  au  Sud,  par  les  Contrôles  de  Maktar  et  de  Kai- 
rouaii  ;  à  l'Est,  par  les  Contrôles  de  Sousse  et  de  Crombalia. 

Au  Nord,  la  limite  commence  à  l'embouchure  de  la  Medjerda, 
qu'elle  suit  en  se  dirigeant  vers  le  Sud-Ouest  jusqu'à  Sidi-Ali-Ould- 
om-Habib.  De  là,  elle  remonte  vers  le  Nord-Ouest  en  longeant  la 
garaat  El-Mabtouha,  puis  se  dirige  vers  l'Ouest,  suivant  l'oued  Chair 
jusqu'à  son  coiilluent  avec  l'oued  Tine  et  contourne  ensuite  le  ver- 
sant ouest  du  djebel  Zansarino,  pour  redescendre  vers  le  Sud-Est 
jusqu'à  Sidi-Abdel-Kader,  après  avoir  coupé  la  Medjerda  à  Jîordj- 
Toiim,lavoie  ferrée  et  la  route  de  Medjez-El-l^abau  Sud  do  iiordj- 
El-Vhoudi. 

La  limite  descend  al(ji'S  complèleinenl  ;iii  Sud  en  passant  an  som- 
met du  djebel  Morabba  et  du  djebd  Masila,  (Mitoie  la  sebkia  Konrsia, 
se  fraie  nn  chemin  à  travers  les  conti'elôrls  (\i\  djebel  .Mansonr, 
décrit  un  arc-de-cercle  dont  le  sommet  coupe  l'oued  i'^l-Kebri  près 
de  Sidi-Amara,  puis  s'infléchit  vers  le  Sud-Est  en  côtoyant  l'Oued 


—  i.-)!   — 

Xebchaiie  jusqu'à  son  intersection  avoc  la  l'oulc  iloTunisâ  K;iii()u;ui. 

La  limite  remonte  vers  le  Nonl  jusqu'à  Jjir-KI-IJey  (Djebihina), 
descend  vei's  le  Sud-F.st  en  suivant  Toiicil  Ki-ioua  jusqu'à  Dar- 
Chaouch-liassine-ben-Kl-Adili,se  diriijie  pendant  quelques  kilomètres 
vers  le  Nord-Est,  s'inlléchit  vers  l'Est,  puis  descend  vers  le  Sud-Est 
pour  traverser  la  route  de  Tunis  à  Sousse  pivs  d'Aïn-lIalloufa. 

De  ce  point,  après  avoir  formé  im  an.i^le  aii,ni,  la  limite  remonte 
vers  le  Nord  jusqu'à  ce  qu'elle  rencontre  l'oued  E1-IVju1,  au  Sud  d(; 
Sidi  Abderrahman-EI-Garci;  elle  suit  quelque  temps  cet  oued,  ccn- 
toiirne  ensuite  le  kef  Ennaâma,  côtoie  le  djebel  Zriba,  traverse 
successivement  Bir-El-Golea,  Djebel  Bou-K  lie  rouf,  Oued-EI-ll;nii- 
mam;  arrivée  au  Sud-Est  de  l'ain  Bib:)uch,  elle  s'incline  vers  le 
Nord-Est,  traversant  en  ligne  droite  la  route  de  Sousse  à  Tunis  jus- 
(ju'au  Sud-Est  de  lîir-EI-Azzouz.  De  là,  elle  se  dirige  complètement 
vers  l'Est,  traverse  l'oued  Bou-Selime  et  la  route  de  Zaghouan  à  Bou- 
Ficlia,  puis  elle  C(jtoie  l'oued  Ramel  jusqu'à  son  conlluent  avec 
l'oued  El-Kouclia. 

Enfin  la  limite  remonte  en  ligne  droite  vers  le  Nord  jusqu'à  ce 
(|u'elle  atteigne  l'Oued-El-Malah,  qu'elle  suil  jusqu'à  Aiu-Sabdun. 
elle  s'incline  légèrement  vers  le  Nord-Ouesl,  va  rejoindre  le  sommet 
du  djebel  Sidi-Zid  et  traverse  le  kef  Bou-Tsalats  et  Tella-Touila  pour 
aboutir  au  bordj  de  Sidi-Amar.  De  là,  elle  penclie  vers  le  Nord-Est 
en  traversant  l'oued  Gasbia,  puis  remont(>  directement  vers  le  Nord 
en  passant  par  Oued-Gliargui,  Ain-Ezzit,  ()ued-EI-Bakbaka,  Bir-Tourki 
et  la  route  de  Grombalia  à  Tunis.  xVrrivée  au  klianguet  El-Hadjadj, 
la  limite  pencbe  vers  l'Est  jusqu'au  djebel  Srara.  De  là,  elle  se  dirige 
entre  l'oued  El-Ksab  et  la  montagne,  retraverse  la  route  de  Tunis  à 
Sousse  et  aboutit  à  la  mer  près  de  la  limite  Est  du  domaine  de  Pol in- 
ville. De  ce  point  à  l'emboucbure  de  la  Medjerda,  la  cote  est  assez 
longue  en  raison  de  la  courbe  que  décrit  le  golfe  de  Tunis. 

Aspect.  —  Le  Contrôle  de  Tunis  s'éltMid  siu'  des  régions  de  faible 
altitude  en  général,  allant  de  l'embouchure  de  la  Medjerda  à  celle  de 
l'oued  Miliane.  Plat  et  marécageux  sur  certains  points,  nolaiument 
le  long  du  rivage  maritime,  il  se  relève  dans  ses  parties  Ouest  et  Su<l- 
Ouest,  en  un  véritable  plateau  adossé  aux  chaînes  de  montagnes  ipii 
limitent,  au  Nord  le  bassin  de  la  Medjerda,  au  Sud  1(>  bassin  de  Toued 
Miliane,  et  aux   chaînes   (pii  séparent  ces    deux    lleuves    et    leurs 


—  lô'i  — 

aftluents.  La  région  Est  du  Contrôle,  depuis  le  Bou-Kliornine  jusqu'au 
djebel  Zaghouan,  de  même  que  la  partie  Sud,  sont  montagneuses  et 
pittoresques. 

Les  conditions  météorologiques  sont  variables  d'une  vallée  à  une 
autre,  de  la  plaine  au  plateau,  du  coteau  Est  au  coteau  Ouest,  du 
flanc  Sud  au  flanc  Nord.  Dans  son  ensemble,  ce  Contrôle  est  compris 
entre  les  régions  bien  arrosées  du  Contrôle  de  lîizerte  et  du  Nord  de 
la  Régence,  et  les  zones  sèclies  du  Sud.  La  transition  n'est  pas  brus- 
que, aussi  trouve-t-on  de  vastes  régions  où  les  pluies  sont  régulières 
et  assez  abondantes  pour  que  la  culture  des  céréales  puisse  donner 
de  bons  résultats  ;  mais  les  années  avec  pluies  irrégulières  et  aux 
lourds  mécomptes  ne  sont  mallieureusement  pas  rares. 

Dans  toutes  les  parties  du  Contrôle  qui  peuvent  être  irriguées,  les 
indigènes  ont  créé  de  beaux  vergers  comptantes  d'arbres  ft^uitiers  ; 
les  olivettes  s'y  rencontrent  en  grand  nombre. 

Les  colons  européens  négligent  les  cultures  rruitières  qui  nécessi- 
tent des  avances  à  longue  échéance,  exception  faite  pour  la  vigne  ;  ils 
tentent  plutôt  la  culture  des  céréales  à  revenus  immédiats.  Aussi  les 
environs  directs  de  Tanis  sont-ils  peu  boisés;  en  deliors  de  quelques 
petits  villages  assez  verdoyants,  semés  dans  la  banlieue,  l'aspect  de 
cette  région  est  assez  monotone  et  seuls  les  vignobles  y  apportent 
une  note  gaie.  A  l'Ouest,  le  Caïdat  de  Téboarba  possède  d'excellentes 
terres  à  céréales  et  de  belles  olivettes;  il  forme  une  plaine  légèrement 
ondulée,  comprise  dans  la  vallée  de  la  Medjerda.  Le  Caïdat  de  Za- 
ghouan, situé  au  Sud  de  Tunis,  est  de  beaucoup  1<>  plus  attrayant  : 
les  collines  et  les  hautes  montagnes  y  sont  nombreuses,  et  la  partie 
comprise  entre  le  djebel  Zaghouan,  au  Sml-Est,  et  le  djebel  Faraou, 
au  Sud-Ouest,  en  passant  par  le  Djouggar  et  le  djebel  Fkii-ine,  est  de 
toute  beauté. 

Hydrographie  et  Orographie.  —  Le  principHl  cours  d'eau  du 
Contrôle  de  Tunis  est  la  Medjerda,  (]ui  traverse  le  CaidatdeTébourba 
du  Sud-Ouest  au  Nord  sur  un  parcours  de  70  kilomèti'os.  Utilisée  au 
moyen  de  deux  barrages  ([ni  existeni  ;iii  li.illian  et  à  Djcdcida,  elle 
pourrait  fertiliser  10. (KM)  licctarcs  de  homics  tci  res  silu('('s  en  aval  <le 
ces  deux  points,  et  niodilici'  du  l(Mit  ;iii  loni  l;i  silinilion  iigr()iionii((U(' 
du  pays. 

L'oued  Chefl"rou,  qui  se  jette  dans  la  Meiljcrda  au  gu(''  de  Hou-Ke- 


-  153  - 

mada,  est  iriin  f;iil)l('  déhil,  mais  il  a,  cependant,  do  l'eau  toute 
l'année.  Les  eaux  de  ces  deux  rivières  ne  sont  pas  potables  et  les 
nappes  souterraines  que  renlerment  leurs  bassins  sont  chargées  de 
sels  qui  les  rendent  fort  désagréables  au  .noùt.  Les  habitants  de  ces 
r('gions,  faute  de  mieux,  s'en  sci-vent  néanm(jins  comme  boisson. 

L'oued  Tine,  (jui  sert  de  limite  au  Caïdat  de  Tébourba  vers  l'Ouest, 
coule  toute  l'année;  son  débit  minimum  est  d'environ  4. (X)0  mètres 
cubes  par  '24  heures.  Des  barrages  rudimentaires  permettent  d'utili- 
ser cette  eau  pour  l'irrii^ation. 

Enfin,  dans  ce  même  Caïdat,  le  djebel  Lansarine  donne  naissance 
à  de  nombreuses  sources,  dont  quel([ues  unes  ont  un  débit  assez 
élevé;  toutes  les  eaux  de  ce  massif  sont  utilisées  pour  l'irrigation  et 
les  besoins  domestiques. 

Le  territoire  du  Caïdat  de  Tébourba  est  traversé  du  N(jrd  au  Sud 
par  la  cliaîne  des  djebels  Sakkak,  ïerglach,  Raouala,  Lansarine  et 
J3ou-El-Aouecli,  sur  la  rive  gauche  de  la  Medjerda,  montagnes  d'un 
fort  relief  dont  le  sommet  le  plus  élevé  atteint  l'altitude  de  7)00  mètres. 
Les  hauteurs  de  Scliuiggui  et  du  djebel  Maïana  (rive  gauche)  et  celles 
de  Mahfoura,  ]\Ioliaria  et  El-Chamar  (rive  droite),  contribuent  à 
former  la  partie  accidentée  du  territoire. 

Le  Caïdat  de  la  banlieue  de  Tunis  est  tout  entier  conipi-is  dans  le 
bassin  de  l'oued  Miliane,  qui  coule  du  Sud  au  Nord  et  se  jette  dans 
la  mer  à  2  kilomètres  au  Nord-Est  de  Rades.  L'oued  Miliane,  à  son 
étiage  ordinaire,  débite  une  moyenne  de  o.5(J0  mètres  cubes  d'eau  par 
24  heures;  ses  eaux,  quoique  légèrement  saumàtres,  sont  utilisées  sur 
tout  son  parcours.  Les  crues  y  sont  torrentueuses  et  elles  entraînent 
avec  elles  beaucoup  de  sables  terreux  (|ui  vont  constituer  une  barre  à 
son  embouchure. 

Le  seul  aflluent  de  l'oued  Miliane  est^l'oued  El-llamiiia,  ([ui  prend 
sa  source  dans  le  djebel  Trilï";  il  est  de  peu  d'importance,  mais  il 
conserve  néanmoins  de  l'eau  toute  l'aimée  j^our  les  besoins  domesti- 
ques, et  même,  en  certains  points,  |)our  l'irrigation  des  plantes  d'été. 
Ses  eaux  sont  potables. 

La  nappe  d'eau  de  ce  Caïdat  se  trouve  à  une  profondeur  variant  de 
8  à  25  mètres  ;  leau  en  est  potable  sur  toute  la  v'we  droite  de  l'oued 
Miliane,  médiocre  et  parlois  mauvaise  sur  la  rive  gauche.  Les  con- 
duites d'eau  de  Zaghouan  et  du  Bargou  remédient,  en  partie,  à  ces 


—  iri4  — 

graves  inconvénients,  depuis  le  djebel  Oust  jusqu'à  la  Marsa  et  La 
Goulette.  Il  n'existe  actuellement  dans  tout  le  Caïdat,  que  Lrente-deux 
sources  d'un  très  faible  débit,  mais  d'une  eau  excellente. 

Le  territoire  du  Caïdat  de  la  banlieue  de  Tunis  forme  une  vaste 
cuvette  de  laquelle  émergent  quelques  hauteurs,  telles  que  celles 
d'Aïn-Krima  de  Sidi-Salah,  de  Mohammédia,  du  Belvédère,  de  Sidi- 
Eou-Saïd,  et  celles,  plus  importantes,  des  djebels  Bou-Khornine  et 
Ressas,  ainsi  que  les  croupes  allongées  se  détachant  des  montagnes 
qui  font  ceinture  à  ce  Caïdat. 

Le  Caïdat  de  Zaghouan  est  silonné  par  un  nombre  considérable  de 
sources  vives  et  de  rivières  plus  ou  moins  importantes.  L'eau  y  est 
partout  abondante  et  de  bonne  qualité. 

Les  principaux  cours  d'eau  sont  :  les  oueds  Miliane,  EI-Kébir, 
Nebben,  Saadine,  Djebibina,  Djouggar,  au  Sud  et  à  l'Ouest  du  Caï- 
dat; dans  la  partie  Est,  les  oueds  Bou-Khalifa,  El-Hadja,  Rirana;  au 
Nord  et  au  Nord-Est,  les  oueds  Bel-Aourine,  El-^Ielah,  El-Kerara, 
Zouarine,  Zid  et  Ramel. 

Le  territoire  du  Caïdat  de  Zaghouan,  des  plus  accidentés,  est  formé 
de  deux  soulèvements  distincts.  L'un  part  du  Nord  de  la  plaine  du  Fahs 
et  se  prolonge  jusqu'à  la  mer  (Hammam-Lif);  les  plus  importantes 
montagnes  de  cette  chaîne  sont  :  les  djebels  Basila,  Haïra,  Djalfa, 
Ronass,  Rouissat,  Smindja.  L'autre,  continuation  des  montagnes  du 
Bargou  (Contrôle  de  ^laktar),  se  dirige  dn  Sud  au  Nord-Est  et  vient 
aboutir  à  Zaghouan.  Cette  chaîne  comprend  les  massifs  des  djebels 
Sourhas,  Sbidia,  Djouggar,  Fkirine,  Ben-liamida  et  enfin  le  djebel 
Zagliouan  qui  domine  toute  la  région  de  son  énorme  dôme. 

Forêts.  —  Les  surfaces  boisées  du  Contrôle  Civil  de  Tunis  actuel- 
lement soumises  au  régime  forestier,  ont  une  étendue  totale  de 
il .lyiO  hectares.  Elles  ont  les  dt'iiominatlons  suivantes  : 

Foret  du  Bou-Klioniiiie  (Caïdat  de  la  P)anlieue)..  LD'iO  lied, 
l'jirtie    de    la    lorét    de    Bou-Arada    (Caïdat    de 

Zaghouan) :}.(!(K)  — 

Clieiienla  (Caïdat  de  Zaglmuan) 7).]{\{)  — 

Oimi-EI-Abouai)                —          1>I.(K)0  — 

Ourzelas                                         ().r)(l() 

Djebibina                            —         (i.ôCJO  - 


-  155  - 

A  ces  forêts,  on  pourrait  ajouter,  pour  mémoire,  le  massif  monta- 
i-neux  (lu  djebel  Ziij^houari,  d'une  contenance  de  J.îKJO  hectares,  dont 
l'iinmatriculaLion  est  demandée  pai-  l'Etat,  et  celui  du  djebel  Djouj^- 
j^ar,  d'une  conicnance  de  '2.000  hectares. 

Lorsque  la  dc'Iiinilation  ailministrative  de  ces  forets  aura  lieu,  il  est 
à  j)révoir  ({ue  des  revendications  se  produiront,  notamment  pour 
(|uelques  parties  des  forêts  du  Bou-Arada,  de  Ghenenfa  et  des  Our- 
zelas. 

Les  boisements  sont  constitués  par  des  essences  forestières  ordi- 
naires de  la  région  :  le  pin  d'Alep,  le  cliêne  vert,  l'olivier  sauvage,  le 
thuya,  le  lentisque,  le  genévrier.  Les  forêts  d'Oum-EI-Abouab  et  des 
Ourzelas  contenaient  de  beaux  peuplements  de  pins  d'Alep  qui  ont 
été  détruits,  pour  la  plupart,  par  les  incendies  de  1902.  Mais  les  peu- 
plements se  reconstituent  assez  bien  d'eux  mêmes,  et  il  est  à  espé- 
rer que,  s'il  ne  survient  pas  de  nouveaux  incendies,  ces  forêts  seront 
à  peu  près  régénérées  d'ici  quelques  années. 

Les  produits  forestiers  délivrés  consistent  :  En  bois  à  charbon  ;  en 
j)lanches  pour  la  construction  des  gourbis  et  des  parcs  à  bestiaux  ; 
en  bois  pour  les  charrues  et  les  jougs  ;  en  bois  mort  pour  la  fabrica- 
tion du  goudron. 

Le  montant  annuel  de  ces  délivrances  n'est  pas  supérieur  à  un 
millier  de  francs,  et  en  raison  de  l'état  d'appauvrissement  où  se  trou- 
vent les  boisements  par  suite  des  incendies,  le  Service  forestier  est 
dans  la  nécessité  de  limiter  les  délivrances  aux  seuls  besoins  des 
indigènes  habitant  à  proximité  de  la  forêt. 

La  surveillance  des  boisements  du  Bou-Khornine  (de  même  que  de 
ceux  de  Korbous  et  de  Hammamet,  dans  le  Contrôle  de  Grombalia), 
est  assuré  par  les  préposés  forestiers  d'Ilammam-Lif  et  de  Tunis  ;  les 
gardes  du  poste  forestier  du  djebel  Mansour  surveillent  les  autres 
forêts  énumérées  ci-dessus,  au  milieu  desquelles  ils  sont  installés. 

Des  crédits  viennent  d'être  alloués  pour  bâtir  un.  poste  forestier  au 
col  d'El-Oukanda,  entre  les  deux  massifs  du  Zaghouan  et  du  Djoug- 
gar;  on  y  installera  un  garde  français  et  un  garde  indigène. 

La  mission  de  ce  nouveau  poste  sera  d'empêcher  les  défriche- 
ments, les  incendies  et  les  pàlui'ages  abusifs  sur  ces  massifs  calcaires, 
d'où  sortent  les  principales  sources  qui  alimentent  Tunis  en  eau.  Le 
service  iorestier  [)rocèdera  ensuite  au  reboisement  méthodique  de 
ces  montagnes. 


—  lÔG  — 

Travaux  publics.  —  «  Lorsque  le  traité  de  Kassar-Saïd  confia  à  la 
France  le  soin  de  présider  aux  destinées  de  la  Régence  —  écrit 
M.  de  Fages,  directeur  des  Travaux  Publics  —  celle-ci  ne  possédait 
qu'un  outillage  économique  des  plus  modestes,  presque  entièrement 
dû,  d'ailleur,  à  des  ingénieurs  français. 

((  Le  réseau  routier  mesurait  quatre  kilomètres  de  longueur  et 
consistait  uniquement  dans  la  voie  empierrée,  établie  vers  1860  par 
l'ingénieur  Dubois,  qui  relie  Tunis  au  Bardo. 

<k  Les  chemins  de  fer  avaient  une  certaine  importance  ;  ils  com- 
prenaient la  ligne  de  Tunis  à  Ghardimaou  (195  kilomètres),  cons- 
truite et  exploitée  par  la  Compagnie  française  de  Bùne  à  Guelma,  et 
les  lignes  de  Tunis  au  BaVdo,  Tunis  à  La  Marsa,  Tunis  à  La  Goulette 
(34  kilomètres),  construites  par  une  société  anglaise,  qui  les  avait 
vendues,  en  1880,  à  la  Société  italienne  Florio-Rubattino. 

«  Les  adductions  se  réduisaient  à  l'alimentation  de  la  ville  de  Tunis 
(]ue  l'ingénieur  Colin  avait  assurée, en  i8Gl,  par  la  restauration,  sur 
près  de  cent  kilomètres,  des  acqueducs  romains  de  Carthage,  délais- 
sés depuis  longtemps. 

((  .  .  .  Depuis  une  trentaine  d'années  déjà,  avant  l'établissement 
du  Protectorat,  le  Gouvernement  français  mettait  à  la  disposition  des 
Beys  de  Tunis,  des  ingénieurs  dont  le  rôle,  comme  on  a  pu  en  juger 
par  le  bilan  qui  précède,  devait  être  assez  difficile  en  raison  de  sa 
simplicité  même  :  —  De  quoi  te  plains-tu,  répondit  un  jour  le  Bey  h 
un  de  ces  ingénieurs  qui  réclamait  en  vain  des  crédits  pour  ses  tra- 
vaux, ne  t'a-t-on  pas  toujours  servi  régulièrement  tes  appointe- 
ments?. .  .  )) 

Ces  errements  ont  bien  changé.  Au  lendemain  même  de  l'occupa- 
tion,  était  créée  à  Tunis  la  Direction  Générale  des  Travaux  Publics, 
qui^  en  moins  de  vingt  ans  —  car  elle  n'a  fonctionné  réellement 
qu'en  188(3  —  a  réalisé  des  progrès  considérables,  en  dotant  le  pays 
de  l'outillage  économiciiic  (lui  lui  man(]uail,  et  dont  le  développement 
se  poursuit  chaque  année. 

Un  simple  coup  d'rril  jeté  sur  la  carte  routière  de  la  Tunisie  et  la 
lecture  du  tableau  statistique  (jue  publie  périodiquement  la  Direction 
des  Travaux  Publics,  donnent  une  idée  exacte  des  résultats  acquis. 
Ceux  ({uc  la  (piestiou  iultMcsse,  consulteront  avec  iFiiil  ces  précieux 
documents.  Quanta  nous,  dans  le  cadro  i-(>str('int  ([iie  comj)orte  une 
brève  monographie,  nous  uous  conlenleroiis  d"indi<pier  sommaii'c- 
ment  les  travaux  (wécutés.  |t;u'  r.Vdministration,  sur  le  tiM'ritoire  du 
Contrôle  de  Tunis. 


Routes.  —  io  Partie  Est  et  Nonl-Est  du  Contrôle  : 
Jioute  de  Tunis  à  Sousse,  Sfax,  Clabès  et  Médenine; 

—  à  Zagliouau  ; 

—  à  Grornbalia,  par  le  Mornag; 

—  à  Rades  et  à  La  Goulette; 

—  à  La  Marsa  et  à  Sidi-I'ou-Saïd  : 

—  au  Cap-Bon  ; 

—  à  L'Ariana  et  La  Goulette  ; 

—  à  Komba  ; 

de  Mornaïf  à  Sidi-Salem  ; 

—  de  La  Soukra  à  Saint-Louis-de-Cartlia<^e; 

—  de  Rades  à  Crétéville,  par  Hammani-Lif; 

—  de  Crétéville  à  l'oued  Ramel. 

2"  Partie  Ouest  et  Xord-Ûuest  du  Contrôle  : 
Route  de  Tunis  au  Kef; 

—  à  Bizerte  ; 

—  à  Tébourba  ; 
Route  de  Djedeïda  à  ]\Iateur  : 

—  de  Bordj-El-Amri  à  Schuiggui  ; 

—  de  Tunis  au  Goubellat. 
.'^0  Partie  Sud  du  Contrôle  : 

Roule  de  Tunis  au  Fahs  ; 

—  à  Bir-^Frcherga. 
1°  Ceinture  de  Tunis. 

Au  total,  558  kilomètres  de  routes  empierrées  sur  le  territoire  du 
Contrôle  de  Tunis. 

Chemins  de  fer.  —  Les  voies  ferrées  ((ui  traversent  le  Contrôle 
lie  Tunis,  sont  : 

La  ligne  de  Tunis  à  Bône  ; 

—  à  La  Marsa  et  La  Goulette  ; 

—  à  Sousse  ; 

—  à  Bizerte  ; 

—  au  llaut-^Iornag-Crétéville  : 

—  à  Sniindja  : 
Ligne  de  Smindja  à  Zagliouau  ; 

à  Pont-du-Fal)s  et  au  Kel'. 
Au  total,  309  kilomètres  de  voies  terrées  dans  le  Contrôle  de  l'unis. 


—  458  - 

Ports  maritimes.  —  Quatre  grands  ports  tunisiens  sont  actuelle- 
ment terminés  :  Bizerte,  Tunis,  Sousse  et  Sfax.  La  Tunisie  possède, 
en  outre,  onze  petits  ports  ouverts  au  commerce  d'exportation  ;  ce 
sont,  par  ordre  d'importance  :  Gabès,  Mahdia,  Tabarka,  Djerba,  iNIo- 
nastir,  La  Skira,  Hammamet,  Zarzis,  Kelibia,  Nabeul  etPorto-Farina. 

Il  y  a  peu  d'années  encore,  les  navires  à  destination  de  Tunis 
devaient  mouiller  en  rade  de  La  Goiilette.  Une  première  dépense  de 
13.500.000  francs  a  permis,  au  moyen  d'importants  dragages,  de 
construire  un  chenal  de  neuf  kilomètres  de  longueur,  qui  aboutit  à 
un  bassin  de  Li  hectares,  de  6  m.  50  de  profondeur,  muni  d'apponte- 
ments,  de  terre-pleins  et  de  voies  ferrées  ;  aujourd'hui  les  bateaux 
du  plus  fort  tonnage,  les  transatlantiques  et  les  navires  de  l'Etat 
abordent  quai  Tunis. 

En  1894,  le  mouvement  du  port  de  Tunis  se  limitait,  entrées  et 
sorties  réunies,  à  270.000  tonnes  de  marchandises  et  environ  50.000 
passagers  ;  dix  ans  plus  tard  (1904),  le  mouvement  de  ce  port  attei- 
gnait 450.122  tonnes  et  71.195  passagers. 

La  totaUté  des  dépenses  exigées  par  l'aménagement  du  port  de 
Tunis  s'élève  à  près  de  vingt  millions. 

Aménagements  des  Eaux.  —  Avant  notre  venue,  douze  millioiis 
de  francs  avaient  été  dépensés  en  travaux  d'adduction  des  eaux  de 
Zaghouan  et  du  Djouggar,  qui  fournissaient,  à  Tunis,  un  volume  de 
10.000  mètres  cubes  d'eau  par  jour. 

((  Outre  la  Medjerda  et  l'oued  Miliane,  dit  M.  Ch.  Monchicourt 
dans  son  étude  sur  la  région  de  Tunis,  il  est  un  troisième  tleuve 
qui  court  toujours,  mais  dont  l'eau  limpide  et  pure  n'est  jamais 
visitée  par  les  rayons  du  soleil.  Son  cours  ne  s'embarrasse  pas  des 
obstacles  naturels.  Il  traverse  indilTéremnient  les  plaines  ou  les  colli- 
nes et  h'anchit  même  les  oueds.  11  n^iîl  à  Zaghouan,  à  (iO  kilomètres 
de  Tunis  en  ligne  droite,  mais  il  se  replie  en  de  nombreux  détours 
avant  d'atteindre  la  caj)ilale.  Dans  la  plaine  de  Smimlja,  il  i-ecoil  un 
alllueut  venu  du  djebel  Djouggar,  dans  celle  de  llou-liliia,  il  ac- 
cueille les  eaux  de  l'aïn  Siguel  (djebel  Bou-lladjeba).  (^e  lleuve  tout 
récent,  puisqu'il  ne  date  que  de  18()1,  conipiierl  pr(^gressivemeut  de 
nouveaux  afiluents  et  j)Ousse  sans  cesse  plus  loin  la  trie  de  son  ré- 
seau. C'est  ainsi  que  la  branche  du  Djouggar  est  eu  li  aiu  de  se  gi'ossir 
des  eaux  du  iîargou.  S'il  ne  se  jette  jias  à  la  mer,  connue  la  IMedjerda, 
il  se  divise  vers  l'aval  en  plusieurs  lits  (pii  aboulisseut  aux  divei'ses 
localih's  à  desservir.  Les  campagnes  de  la  région  ne  sont  pas  sans 


—  ino  — 

profiter  de  cette  adduction,  car  les  nappes  souterraines  et  les  rivières 
n'ont  guère  que  des  eaux  sauniàtres,  utilisées,  il  est  vrai,  par  les 
indigènes  et  le  bétail,  maisiqui  ne  sauraient  convenir  aux  européens. 
Aussi,  tout  l(!  long  des  canalisations,  des  j)rises  d'eau  et  des  fontaines 
lonctionnent  de  distance  en  distance.  Ce  lleuve  ai'tiliciel,  qui  se  con- 
tente modestement  d'une  simple  gaîne  de  pierre  ou  de  ciment  enfon- 
cée sous  terre  en  siphon  ou  affleurant  à  flanc  de  coteau,  passerait 
presque  inaperçu  s'il  n'était  jalonné  par  une  série  de  fermes  euro- 
péennes qui  s'y  alimentent.  Des  ruines  d'acqueducs  gigantesques 
l'accompagnent  cà  et  là,  et  rappellent  qu'à  l'époque  romaine  il  eut 
un  prédécesseur  que  suscita  le  génie  d'IIadrien.  » 

Ces  lignes  ont  été  écrites  en  11)04.  Depuis,  les  eaux  du  Bargou  ont 
été  aménagées  par  les  soins  d'une  Société  anonyme,  à  laquelle,  dit- 
on,  on  a  versé  huit  millions  pour  l'exécution  de  travaux  qui  ont 
nécessité,  outre  la  construction  d'ini  acqueduc  maçonné  et  d'une 
conduite  en  ciment  armé,  le  percement  d'un  tunnel  de  plus  de  six 
kilomètres.  Cette  année  même,  la  nouvelle  canalisation  souterraine 
était  livrée  à  l'Administration  du  Protectorat  ;  mais,  il  faut  bien  le 
dire,  on  n'obtient  pas,  de  cette  canalisation  coûteuse,  les  résultats 
que  l'on  était  en  droit  d'en  attendre. 

La  Direction  des  Travaux  publics  a,  en  outre,  doté  de  réservoirs, 
de  fontaines,  d'abreuvoirs,  un  grand  nombre  de  localités  du  Con- 
trôle ;  les  anciennes  conduites  d'eau,  sui'  plusieurs  points,  ont  été 
remises  en  état,  de  nouveaux  puits  ont  été  forés,  et  le  moderne 
aéromoteur  remplace  un  peu  partout,  dans  la  banlieue  de  Tunis, 
l'antique  puits  arabe. 

Mines  et  Carrières.  —  Trois  mines  importantes  existent  sur  le 
territoire  du  Contrôle  de  Tunis  : 

1»  La  mine  du  djebel  Ressas,  plomb  et  zinc,  située  à  l'extrémité 
de  la  plaine  du  Mornag  Ç25  kilomètres  environ  de  Tunis).  Abandon- 
née, par  la  Société  italienne  qui  l'exploitait  depuis  plusieurs  années, 
la  concession  a  été  reprise  en  1U(K)  par  une  Société  française.  Klle 
est  desservie  par  la  ligne  de  Tunis  au  llaut-Mornag; 

2o  La  mine  de  Zaghouan,  zinc  et  plomb,  accordée  par  décret  de 
1894  à  la  Société  anonyme  des  mines  de  Zaghouan,  est  située  à  envi- 
ron ()0  kilomètres  au  Sud  de  Tunis,  à  proximité  du  village  de  Za- 
ghouan ; 


—  -IGO  - 

3°  La  mine  de  Djelibet  et  Kohal,  zinc  et  plomb,  située  à  "25  kilo- 
mètres de  ^loghrane,  concédée  en  lOO^  à  une  Société  anglaise. 

Les  principales  carrières  de  ce  Contrôle,  sont  : 

Calcaires,  chaux  et  ciments,  à  Hammam-Lif  et  à  Potinville  ; 

Plâtre,  au  djebel  Arroussia  et  Nepchs-ed-Dib  ; 

Phosphates  de  chaux,  au  djebel  Amar: 

Marbre,  au  djebel  Oust  et  au  djebel  Ben-Klab  : 

Pierre  à  chaux,  au  djebel  Djelloud  ; 

Pierre  de  taille,  aux  djebels  Aziz,  Kataria,  Karrouba  et  à  Sidi- 
Fatallah  ; 

Moellon,  à  Dubostville,  Sidi-Fatallali  et  à  Zitouna. 

Les  Romains.  —  Ce  fut  aux  alentours  de  Carthage  que  se  concen- 
trèrent, clans  l'antiquité,  comme  aujourdliui  aux  alentours  de  Tunis, 
les  forces  productives  du  pays  tout  entier;  ce  fût  là  que  l'œuvre 
colonisatrice  des  Romains  se  montra  dans  toute  sa  puissance.  Et, 
cependant,  il  n'y  reste  presque  rien  de  la  splendeur  des  temps  anciens. 
Alors  que,  dans  l'intérieur  de  la  Régence,  on  trouve  d'importants 
vestiges  du  passé,  on  en  rencontre  fort  peu  dans  la  région  qui  avoi- 
sine  immédiatement  Tunis.  Les  ruines  elles-mêmes  ont  péri;  les 
barbares  cosmopolites  qui  sont  venus  ici  après  Rome,  les  ont  pillées 
et  détruites. 

Il  ne  nous  appartient  pas  de  rappeler  la  préhistoire  de  ce  pays,  de 
fouiller  les  cités libyques  ouïes  nécropoles  puniques,  et  nous  n'avons 
pas  le  loisir,  comme  Marins  et  le  P.  Delattre,  de  |)leurer  sur  les  rui- 
nes «le  Carthage.  De  très  nombreux  et  savants  ouvrages  ont  été 
publiés  sur  cet  intarissable  sujet,  des  travaux  du  plus  haut  intérêt 
ont  été  exécutés  par  nos  archéologues.  H  faut  lire  ces  ouvrages,  mais 
seulement  après  avoir  médité  sur  radmiiahli'  livi'e  où  le  génie  de 
Flaubert  évoque  ces  temps  lointains;  et,  c'est  ce  bréviaire  en  main 
que  le  touriste  qui  ne  se  contente  i)as  de  passer,  ira,  accompagné  de 
M.  Sadoux,  —  érudit  modeste  dont  la  patience  et  l'aclivité  sont  inlas- 
sables —  visiter  les  lieux  où  s'élevèrent  les  temples  de  Tanil.  de 
Jupiter  et  de  Moloch,  les  palais  de  Didon  et  d'IIaimibaal,  les  mai- 
sons d'Ilamilcar,  d'Hannon,  d'.Vzdrubaàl.  Il  gardera  de  sa  journée 
un  inoubliable  souvenii'. 


—  loi  — 

Carthage.  —  Les  origines  de  Carthage  se  perdent  dans  la  nuit  des 
temps  : 

«  TôLil  ce  (|iron  j)eut  dire  avec  certitude  en  ce  qui  concerne 
Carthage,  dit  M.  Mellzer,  c'est  qu'elle  a  été  fondée  par  les  Tyriens, 
dans  des  circonstances  d'ailleurs  absolument  inconnues,  avant  l'épo- 
que où  l'élément  grec  commença  à  pénétrer  dans  la  A[édit<'rranée 
occidentale,  et  qu'à  cette  époque  elle  était  déjà  assez  puissante  pour 
prendre  l'hégémonie  de  toutes  les  colonies  phéniciennes  de  l'Ouest.  » 

Tissot  pense  qu'on  peut  l'aire  reuiontor  la  fondation  de  Carthage  au 
IXe  siècle  avant  notre  ère,  mais  l'instoire  de  Carthage  n'a  réellement 
commencé  qu'au  VI''  siècle,  ainsi  tju'en  témoignent  Timée,  Polype  et 
Diodon. 

Il  est  diflicile  de  déterminer  l'étendue  de  la  Carthage  punique. 
Certains  indices  permettent  de  supposer  que  ces  limites  étaient  assez 
restreintes. 

«  Entre  la  prise  du  Cottlion  et  la  capitulation  de  Byrsa,  dit  Tissot, 
six  jours  s'étaient  écoulés,  pendant  lesquels  l'armée  romaine,  chemi- 
nant pas  à  pas,  avait  fait  le  siège  de  chaque  maison,  repoussé  l'en- 
nemi de  terrasse  en  terrasse,  incendié,  sapé,  abattu  et  nivelé  tout  ce 
(ju'elle  laissait  derrière  elle.  Tuut  le  quartier  qui  reliait  les  forts  à 
l'acropole  avait  été  ainsi  rasé,  lorsque  la  citadelle  se  rendit.  Mais  le 
reste  de  la  ville  était  encore  debout,  et  c'est  à  Rome  que  son  sort 
devait  se  décider.  Consulté  par  Scipion,  le  Sénat  envoya  en  Afrique 
une  Commission  chargée  de  veiller  à  ce  que  l'œuvre  de  destruction 
lut  accomplie  jusqu'au  bout.  On  abattit  les  remparts,  on  renversa  les 
temples  et  les  principaux  édifices,  et  défense  fut  faite  de  relever  ou 
d'habiter  ces  ruines,  que  de  solennelles  imprécations  vouaient 
pour  jamais  aux  dieux  infernaux.  » 

Cependant,  moins  d'un  siècle  après  cette  destruction  ( liO  avant 
.l.-C),  Rome  fonde  une  nouvelle  ville  sur  l'emplacement  de  Carthage 
et  envoie  des  colons.  Mais  c'est  seulement  sous  le  règne  d'Auguste 
que  la  ville  romaine  prend  un  véritable  accroissement  et  devient  une 
opulente  cité.  Ç2<.)  av.  .l.-C.) 

Toutes  les  productions  de  la  vallée  du  Bagradas  se  l'assemblent 
alors  sur  les  quais  d'embarquement  île  Carthage,  et,  comme  Rome 
pour  le  réseau  routier  de  l'Europe,  Carthage  est  en  Afrique 
le  point  de  départ  des  voies  romaines  qui  s'étendent,  à  lOuest.  jus- 
qu'au littoral  de  l'Océan,  et  qui,  au  Sud,  s'enloncent  jusqu'au  cœur 
du  Sahara. 


-   [&2  — 

«  C'est  d'abord  la  grande  voie  du  littoral,  qui  utilisait  probable- 
ment une  ancienne  route  phénicienne  et  aboutissait  à  Hippo-Regius 
(Bône),  en  passant  par  Bizerte,  la  vallée  de  l'oued  Sedjnan,  Tabarka, 
et  La  Galle.  Nous  ignorons  la  date  de  sa  construction,  mais  nous 
savons  qu'elle  fut  restaurée  en  7(3,  sous  Vespasien,  par  le  légat  impé- 
rial Q.  Egnatius  Catus. 

«  Une  autre  voie  se  dirige  également  vers  Hippo-Regius,  mais 
en  passant  au  milieu  des  terres;  elle  dessert  la  rive  gauche  de  la 
Medjerda,  avec  les  grandes  villes  de  Tuburbo  Minus  (Tébourba), 
Bulla  Regia,  Simithu  (Chemtou). 

((  La  voie  de  pénétration  la  plus  importante  est  celle  qu'achevèrent, 
en  1:23,  sous  le  règne  de  l'empereur  Hadrien,  les  troupes  de  l'armée 
d'Afrique,  dirigées  par  leur  légat,  pour  relier  Carthage  à  Theveste, 
la  capitale  civile  de  l'Afrique  à  la  capitale  militaire.  Cette  grande 
artère,  longue  de  197  milles,  soit  !275  kilomètres  environ,  est  l'objet 
des  constantes  préoccupations  des  empereurs  Curacalla,  Maerin,  Ma- 
ximin.  Gordien,  Philippe,  Decius,  Gallus  et  Volusianus,  Aurelianus, 
Tacitus,  Probus,  Dioclétien,  Constant,  Julien,  quatorze  empereurs  en 
250  ans,  sans  compter  ceux  que  nous  ignorons,  la  fout  réparer  en 
tout  ou  en  partie,  et  elle  sert  jusqu'aux  derniers  temps  de  l'occupa- 
tion byzantine.  Son  importance  économique  est  aussi  grande  que  son 
intérêt  stratégique  :  voie  naturelle,  elle  dessert  les  régions  les  plus 
fertiles,  les  plus  peuplées  de  la  Tunisie,  qu'elle  traverse  en  diago- 
nale par  Membressa  (Medjez-el-Bab),  Tichilla  (Testour),  Tliignica 
(Aïn  Tounga),  Thibursicum  Bure  (Téboursouk),  Sicca  Veneria  (Le 
Kef),  Althiburos  (Medeina),  Ammiedara  (  Haidra). 

«  Enfin  une  quatrième  voie  suit  le  littoral,  au  Sud  de  Carthage, 
coupant  le  cap  Bon  et  touchant  à  Putput  (Souk-el-Abiod),  à  Hadru- 
mète  (Sousse),  aux  villes  du  Sahel,  des  oasis  côtières  et  se  prolon- 
geant ensuite  jusfiu'à  Tripoli  et  Leptis  Magna  (Lebda),  sur  une  lon- 
gueur de  823  kilomètres. 

<f  D'autres  routes,  croisant  les  premières,  joignent  Tacape  à  Tlie- 
veste,  en  passant  par  Capsa  ;  —  Hadrumète  à  Sicca  Veneria,  en 
passant  par  Mactaris;  —  Hadrumète  à  Capsa,  en  |)assant  par  Sulelula 
et  Telepte;  —  Simitthu  à  Tabraca,  en  franchissant  le  massif  mon- 
tagneux de  la  Krovnnirie  au  col  d'Ain -Braliam.  Les  rives  mér-idiona- 
les  des  Chotts  sont  elles-mêmes  desservies  par  une  ligne  qui  aboutis- 
sait à  Gabès.  Quant  aux  routes  secondaires  (jui  s'inhuralent  enli-e 
ces  grandes  voies,  allant  d'iuie  vilh^  à  l'antre,  dessei'vant  des  bonrga- 
des,  des  hameaux,  des  fermes,  il  faut  renoncer  à  les  énumérer  ici.  » 
(P.  Gauckler.) 

Les  lieux  premi(M's  siècles  de  l'ère  chrétienne  hirent  poni'  la  Car- 
thage romaine  répo([ue  de;  plein  épanouissement,  itonie,  en  Ahique, 


—  un  — 

répare  les  maux  de  la  guerre,  protège,  grâce  à  ses  légions,  les  iiifli- 
gènes  contre  les  nomades  du  Sud  et  les  pillards  de  l'Ouest,  assure 
;ni  pays  la  sécurité  et  la  prospérité  qu'il  n'avait  jamais  connues  avant. 
Mais  au  III''  siècle,  l'anarcliic  impériale  amène  la  décadence  écono- 
mique do  la  province  africaine  ;  les  ennemis  du  dehors  débordent  les 
Irontièreset  la  dilTusion  dit  christianisme  sème  la  division  et  provo- 
que la  guerre  civile. 

«  Dans  les  belles  années  du  IV«  siècle,  dit  encore  M.  Gauckler, 
l'Afrique  s'efforce  de  panser  les  blessures  des  invasions,  des  guerres 
civiles,  des  persécutions  religieuses  ;  mais  le  ressort  est  brisé,  (jui 
tendait  toutes  les  forces  vives  du  pays  vers  la  marche  en  avant.  Tout 
le  progrès  consiste  à  refaire  l'œuvre  du  passé.  L'on  ne  bâtit  plus,  on 
répare  ;  on  restaure  les  routes,  les  acqueducs,  les  barrages,  on  relève 
les  temples,  les  curies,  les  portiques,  on  termine  les  édilices  restés 
inachevés.  Bientôt  de  nouveaux  troubles  amènent  de  plus  grands 
désastres.  Donatistes  et  iconoclastes,  insurgés  berbères  et  envahis- 
seurs étrangers  entassent  ruines  sur  ruines.  Pour  défendre  le  pays, 
les  I3yzantins  achèvent  de  le  dévaster  ;  leurs  lourdes  citadelles  impé- 
riales, leurs  châteaux  forts  aux  tours  crénelées,  leurs  réduits  fortifiés 
et  leurs  postes  de  guet  s'élèvent  partout  comme  par  enchantement, 
mais  au  dépens  des  monuments  anciens,  même  de  ceux  qu'avaient 
respectés  les  Vandales. 

((  Puis  vient  la  conquête  arabe,  le  dépeuplement  du  pays,  l'aban- 
don, et  l'œuvre  de  destruction  commencée  par  les  liommes  est  pour- 
suivie d'une  façon  lente  et  sûre  par  la  nature  hostile.  Son  action 
malfaisante  ne  rencontre  plus  d'obstacles.  Ce  pays  d'Afrique,  où  la 
vie  n'est  qu'une  lutte  perpétuelle  contre  les  éléments,  obéit  désor- 
mais à  un  peuple  qui  subit  la  destinée  au  lieu  de  l'asservir.  Les 
Arabes  n'ont  presque  rien  détruit  en  Tunisie,  mais  ils  n'ont  rien 
entretenu;  ils  ont  laissé  faire  le  temps.  Peu  à  peu  les  derniers  tra- 
vaux d'aménagement  qui  assuraient  la  mise  en  valeur  du  sol  ont  cessé 
de  fonctiomier.  Délivrée  de  ses  entraves,  l'eau  a  rc^connnencé  ces 
érosions  néfastes,  aux(j[uelles  rien  n'échappe.  Que  l'on  n'y  joigne 
l'action  destructive  de  la  chnleur  et  de  la  gelée,  des  vents,  tles  tretn- 
blements  de  terre,  et  l'on  comprendra  comment  la  Tunisie  (\^t  deve- 
nue le  |)ays  des  ruines.  » 

Depuis  longtemps  déjà  l'emplacement  de  Carthage  a  été  reconnu 
et  les  nombreuses  fouilles  (ju'on  y  a  pratiquées,  ont  amené  des  dé- 
couvertes du  plus  haut  intérêt  archéologique.  Les  missionnaires 
auxquels  le  Cardinal  Lavigerie  conha  la  garde  du  sanctuaire  de 
Saint-Louis,  ont  réuni  avec  soin,  dans  un  oriqinal  nuisée,  une  col- 


—  104  — 

lectioii  très  précieuse  d'objets  trouvés  dans  le  sous-sol  de  Carthage, 
et  qui,  groupés  avec  métliode,  remémorent  au  visiteur  les  dilTérentes 
phases  de  Fhistoire  de  cette  ville  célèbre,  depuis  l'établissement  des 
Phéniciens  jusqu'à  l'arrivée  des  Arabes.  Les  objets  sont  classés  sui- 
vent trois  catégories  selon  qu'ils  sont  puniques,  romains-païens  ou 
romains-chrétiens.  La  collection  punique  se  compose  surtout  de  vases 
funéraires,  armes,  fioles,  lampes,  colliers,  anmlettes  égyptiennes,  sca- 
rabées, statuettes,  masques  et  représentations  d'animaux;  la  période 
romaine  est  riche  en  collections  de  lampes,  tètes  de  personnages, 
chapiteaux,  bas  reliefs;  enfin  la  Carthage  chrétienne  est  représentée 
par  des  monnaies  byzantines  et  les  principaux  symboles  chrétiens 
usités  parmi  les  fidèles  des  premiers  siècles. 

Le  Service  des  Antiquités  poursuit  avec  ardeur  les  fouilles  de 
Carthage  qu'il  a  entreprises  depuis  plusieurs  années.  Grâce  à  l'ama- 
bilité de  M.  Drapier,  attaché  à  la  Direction  des  Antiquités  et  des  Arts 
du  Gouvernement  Tunisien,  nous  pouvons  donner  le  résumé  des 
travaux  qui  ont  été  exécutés  à  Gartliage,  de  1896  à  1005  : 

1890.  —  1°  Exploration  du  cimetière  des  Officiales  près  de  lani- 
pliithéàtre  : 

±'  Déblaiement  d'une  villa  chrétienne  au  nord  de  Douai'-Kch- 
Cliott,  d'où  provient  la  mosaïque  représentant  une  salle  de  bamiuel 
romain  avec  trente-quatre  personnages  et  la  statue  de  l'impératrice 
.Iulia  Domna,  en  muse. 

13()7.  —  jo  Fouilles  de  plusieurs  tombes  chrétiennes  d'un  modèle 
inédit  en  Afrique  et  d'une- chapelle  pavée  de  mosaïque  avec  insci'ip- 
tion  dédicatoire  à  l'est  de  Damous-el-Karita  : 

'io  Fouilles  delà  grande  basilique  demi-circulaire  de  l'ir-Floulm  ; 
enlèvement  des  mosaïques  décoi-alivcs  el  lomlialcs; 

3"  Fouilles  de  deux  villas  romaines  de  liasse  épo([ue  dans  TAi-d-cl- 
Mourali,  propriété  de  S.  A.  le  Bey; 

4"  Découverte  et  enlèvement,  à  l'ouest  du  poit  marchand,  de  l;i 
mosaïfpie  de  la  Chasse  mesui'ant  sept  mèli-es  sui-  sc])!,  el  représiMit;uil 
une  maison  romaine  avec  diverses  scènes  de  chasse  autour  du  tem- 
ple d'A{)oll()n  et  de  Diane  abritant  des  statues  (•hrys(''l(''plianlines  de 
ces  divini1<''s. 

1898.  -  i"  Décuuvertr  de  trois  staliics  colossales  ^ri'co-i'oniiuncs 
dans  la  Sebkha  de  Khérédinc  :  une  isis  dra[)ée  dans  le  cliiilc  à  fran- 


—  lorj  — 

i^es  et  ceinte d'iiii  diadènie  orné  du  croissant  l'etombunt  sur  le  disque, 
(Mnbléme  cai-uctéristique  de  Gartha^e  ;  deux  femmes  drapées,  sans 
doute  deux  prétresses,  de  taille  u!i  peu  inoindre,  coilïécîs  à  la  mode 
des  dernières  années  du  premier  siècle  ; 

'2"  Sondages  aux  environs  des  ports  anti(|nes  et  découverte  (Kime 
ina,L,nii(i(|iie  statue  colossale  deBacchus  versant  ù  boire  à  la  pantlière, 
de  nonijjreuses  poteries  et  lampes  en  terre  cuite,  de  plusieurs  ex- 
voto  puniques,  de  diverses  sculptures,  colonnes  et  chapiteaux  et  mo- 
saïques décoratives. 

1899.  — ^  l"  Fouilles  de  la  nécropol(>  punique  de  Dermech;  explo- 
ration de  deux  cents  cinquante  tombeaux  dont  le  mobilier  funéraire 
:i  été  transporté  au  musée  Alaoui; 

2"  Déblaiement  et  mise  en  état  de  la  basili(pie  cbrétiennc  de  Der- 
mech ; 

3"  Fouilles  du  sanctuaire  de  Jupiter  Hammon; 

4"  Fouilles  dans  la  nécropole  punique  du  plateau  de  l'Odéon. 

190!).  —  l'i  Suite  des  fouilles  de  lau'^cropole  pinii([uede  Dermech; 
2"  Fouilles  du  théâtre  de  l'Odéon. 

1901.  —  1"  Fouilles  du  céramique  punitpie  au  sud  de  la  basili(pie 
de  Dermech  : 

2'J  Déblaiement  des  constructions  romaines  du  terrain  d'Ancona. 

1902.  —  1°  Fouilles  des  tombeaux  puniques  du  terrain  d'Ancona; 
2'i  Fouilles  du  monastère  de  Saint-Etienne  ; 

/>  P'ouilles  d'une  nécropole  romaine  du  premier  siècle  à  500  mè- 
tres à  l'est  de  la  gare  de  La  Marsa. 

1903.  — ^  I"  Fouilles  des  tombeaux  puniques  de  r.Vrd-(>l-M()uralï; 
2"  Fouilles  au  nord  du  port  militaire;  découverte  de  l'arsenal  pu- 
nique; 

3'^  Fouilles  des  villas  romaines  de  l'Ard-el-Mouiali. 

1904.  —  l"  Fouilles  de  deux  nouvelles  villas  roiuaines  dans  l'Ard- 
el-Mourali: 

2o  Début  des  fouilles  du  grand  théâtre; 

3"  Fouilles  dans  le  quartier  de  Virus  Ca^itronmi  au  uoril  de  lîordj 
Dje(lid;  déblaiement  de  (luehjues  villas. 

HX)5.  — ^"  1"  Fouilles  du  grand  théâtre; 

La  Tu.Msiii  uu  NoKD  ^- 


—  I(i0  — 

2o  Exploration  de  tombeaux  puniques  à  l'ouest  du  fort  de  Bordj 
Djedid. 

L'ensemble  des  travaux  énumérés  ci-dessus  n'a  pas  coûté  plus  de 
50.000  francs.  Un  crédit  de  2.000  francs  a  été  nécessaire  pour  l'ex- 
propriation du  terrain  où  se  trouve  le  théâtre  de  l'Odéon  et  un  autre 
de  3.000  francs,  prélevé  sur  le  budget  de  1004,  pour  le  classement 
à  titre  de  monument  historique  du  grand  théâtre  situé  dans  les  ter- 
rains du  diocèse. 

Relevé  des  monuments  et  ruines  situés  sur  le  Territoire 
du  Contrôle  civil  de  Tunis. 

La  Sebbala  (Ad  Gallum  Gallinageum).  —  Anciemie  station  de  la 
voie  romaine  de  Carthage  à  Utique. 

Rades  (CoLONiA  Maxula).  —  Ruines  assez  importantes.  Nécro- 
pole punique,  explorée  en  1900.  Capitole. 

Hammam-Lif  (Aquae  Persian.e).  —  Synagogue  de  l'époque  ro- 
maine avec  inscriptions  en  mosaïque.  Baptistère  chrétien  de  forme 
étoilée. 

Djebel-bou-Khornein.  —  Temple  de  Saturnus  Balcaranensis  sur 
la  crête  occidentale  de  la  montagne. 

Potiiwille  (Ad  Aquas).— Station  de  la  voie  de  Carthage  à  Hadru- 
mète  :  citernes,  bassins,  aqueducs. 

Henchir  Mraïssa  (Goloxia  Julia  Carpls).  —  Amphitéâtre,  ins- 
criptions. 

Henchir  Menkoub  (Pagus  mercurialis  veteraxorum  medelita- 
NORUM).  —  Ruines  peu  importantes  et  restes  de  la  voie  romaine  de 
Thuburbo-Majus  à  Inuca. 

SicU-Ali-es-Sedfini  (TnnimA  regia)  —  Kuines  peu  apparentes. 

Oiidna  (Coi A)}i IX  Utiiixensis).  — Grandes  ruines  dont  les  |)riiici- 
paux  monuments  sont  : 

lo  Une  citadelle  de  5'2  mètres  de  long  sur  27  de  large  dans  huiuelle 
existent  deux  étages  de  grandes  salles. 

2"  Un  amphithéâtre  de  00  mètres  de  long  sui'  cSI  de  large. 

3"  Des  citernes  publiques  longues  de.'»?  mèlres,  et  larges  chacunes 
de  4  met.  50.  Elles  sont  au  nombre  >\c  sept  comtnnniipiant  enti'c 
elles  par  des  ouvertures  larges  de  2  mèlres.  Vwo  Imilième  est  ména- 
gée perpendiculairement  aux  précédentes. 


—  icn  — 

A°  Un  théâtre  de  40  mètres  de  diamètre. 

5°  Plusieurs  villas  romaines  pavées  de  mosaïques. 

V)o  Un  pont  romain. 

7°  Des  thermes  publics. 

8°  Une  basilique  avec  crypte  circulaire. 

!>  Un  monument  à  trois  absides. 

10°  Les  pieds-droits  d'un  arc  de  triomphe. 

11°  Divers  puits  et  citernes. 

Djebel  Moraba.  —  Ruines  importantes.  Captation  très  ingénieuse 
des  eaux  et  ruissellement  au  moyen  de  barrages  contournant  la  mon- 
tagne. 

Aïn~el-Asker  (Civitas  Saturnucensis).  —  Grande  ruine;  nom- 
breux fragments  d'architecture  ;  vestiges  d'exploitations  agricoles  ; 
emplacement  d'une  cité  et  d'un  camp  militaire  ;  barrages  et  conduites 
d'eau . 

Henchir  Bou-Cha.  —  Vaste  réservoir  d'eau.  Plusieurs  enceintes 
fortifiées. 

Henchir  Beni-Khaled. —  Ruines  étendues  autour  d'une  carrière  de 
marbre  exploitée  à  l'époque  romaine.  Porte  monumentale  aujour- 
d'hui détruite.  Barrages,  citernes.  Petit  temple  avec  inscriptions. 

Henchir  Bir-MCherga  (anc.  GruFi).  —  Ruines  d'une  ville  impor- 
tante assez  effacées.  Enceinte  de  38  mètres  sur  27. 

Henchir  Djebana  ou  El-Gait.  —  Restes  d'une  forteresse  sur  un 
mamelon  ;  c'est  une  double  enceinte  dont  la  plus  grande  a  58  mètres 
de  côté. 

Djedeïda  (Thuraria).  —  Station  de  la  route  de  Carthage  à  Hippo 
Regius. 

Tunis  (Tunes).  —  Les  fondations  et  quelques  assises  de  la  mu- 
raille qui  longe  la  Sebkha-es-Sedjoumi  appartiennent  peut-être  à 
l'enceinte  antique.  Dans  l'intérieur  du  Dar-el-Rey,  trois  arcades  ro- 
maines d'ordre  dorique,  vestiges  probables  d'un  théâtre. 

La  porte  de  la  grande  nios(juéo  s'ouvrant  sur  la  rue  des  Tisse- 
rands est  encadrée  par  un  chanibranle  formé  de  trois  h'agnients  de 
frise  d'ordre  corinthien.  De  nombreux  chapiteaux  cl  colonnes  anti- 
ques qui  j)euvent  provenir  des  ruines  de  Carthage  ont  été  utilisés 
dans  la  construction  de  la  ville  modei'iie. 

Ad  Pertusa  (côté  nord-ouest  de  la  Sebkha-Sedjoumi).  —   Ruines 


—  1G8  — 

d'un  pont  ayant  servi  de  passage  à  la  voie  romaine  de  Carthage  à 
Theveste. 

Mechta-bou-Rakba  (Inuca).  —  Ruines  importantes  couvrant  trois 
mamelons  et  traversées  par  la  voie  romaine  de  Cartliage  à  Theveste. 
Bordj  Alouïne  (Sicilibba).  —Nombreuses  constructions  en  pierre 
de  taille.  Citernes. 

Mohammedia.  —  Les  ruines  romaines  ont  été  entièrement  bou- 
leversées pour  la  construction  des  anciens  palais  beylicaux. 

Tébourba  (Thuburbo  minus).  — ■  Nombreux  restes  de  la  ville  ro- 
maine employés  dans  les  constructions  modernes.  Grands  réservoirs 
publics,  jadis  alimentés  par  l'aqueduc  de  djebel  Ansarine.  Amphi- 
théâtre. 

Henchir  M'Saadine  (Furni).   —  Aqueduc  de   deux   kilomètres. 
Caveau  funéraire  d'époque  chrétienne.  Basilique.  Citernes  et  puits. 
Henchir  Harat.  (Segerines).  —  Grandes  ruines.  Capitole  di^blayé 
en  1903-1904. 

Henchir  Dzemda  (Semta).  —  Plusieurs  fortins  byzantins.  Mauso- 
lée haut  de  4  mètres. 

Aïn-Djoukar  (Zucchara).—  Source  captée  pour  alimenter  l'aque- 
duc de  Zaghouan.  Deux  bassins,  Nymplueum  dans  une  enceinte 
rectangulaire  de  24  mètres  sur  19,  avec  tour  à  chacun  des  quatre 
angles. 

Henchir  Es-Souar  (Abtugni).  —  Enceinte  byzantine.  Capitole. 
Piscine  rectangulaire.  Mausolée.  Grands  monuments,  ruines. 

Ksar-el-Mahloul.  —  Plus  de  cent  tombes  demi-cylindriques  en 
blocage.  Trois  grands  mausolées. 

.Henchir  Sguidane.  —  Forteresse  byzantine.  Réservoir  d'eau  et 
aqueducs. 

Henchir  Tell-el- C aï d  (Tu \G\m).  —  Temple,  construction  voûtée, 
fortin,  citerne,  aqueduc,  mausolée. 

Bir-Chana.  —  Grand  édifice  rectangulaire.  Mosai(|ues  du  Zodia- 
que du  Paon  et  de  l'Océan  ;  mosaïque  du  Focariiis. 

Henchir  Kasbat  (Tfiuburbo-Majus).  —  Gr.uuh^s  ruiues.  Koimuii. 
Thermes.  Basilique.  Temple  de  Mercure.  Cilad(^ll(>  byzantine.  Crands 
réservoirs.  Temple  hexastyle. 

Zaghouan.  — Ville  anticpie  recouverte  parla  villr  iiKxhM-ne.  Poile 
triomphale.  Au   sud-ouest  de  la  ville  prise  d'eau  (pii  alimenlftit  le 


—  100  — 

grand  aqueduc  de  Carthage.  Nymphée  avec  Cella  et  portique  demi- 
circulaire  formant  terrasse  et  dominant  le  bassin  de  captation. 

La  Soukra.  —  Drainage  romain  très  important,  encore  utilisé 
aujourd'hui.  Sert  à  collecter  les  eaux  d'une  nappe  d'eau  peu  pro- 
londe  et  a  dû  servir  à  l'alimentation  de  l'ancienne  Carthage. 

Aqueduc  du  Bar  do  dit  «  Espagnol  ».  —  Captait  des  sources  à  14 
kilomètres  de  Tunis  au  pied  du  djebel  Amar.  Construit  sous  la  domi- 
nation turque  au  commencement  du  XV!!"^  siècle. 

Indigènes.  —  La  population  indigène  qui  habite  Tunis  et  sa  ban- 
lieue a  des  origines  très  diverses  :  c'est  un  mélange  de  Berbères, 
d'Arabes,  de  Maures,  d'Algériens,  de  Marocains,  de  Tripolitainslixés 
à  demeure  dans  le  pays.  La  plupart  des  tribus  de  la  Régence  y  ont 
des  représentants.  Commerçants  et  artisans  dans  les  villes,  cultiva- 
teurs, bergers  et  jardiniers  dans  la  campagne,  ils  sont,  en  général, 
laborieux  et  paisibles. 

Sur  le  territoire  du  Caïdat  de  Tébourba,  les  descendants  des  Mau- 
res, les  Trabelsi,  venus  de  Tripohtaine,  les  Ousseltia,  d'origine  ber- 
bère, forment  la  grande  majorité  de  la  population. 

Les  indigènes  du  Caidat  de  Zaghouan  appartiennent  aux  Riah,  aux 
Drids,  venus  d'Algérie,  aux  Arrouche-Regag,  aux  Mzouga,  origi- 
naires de  Téboursouk  et  aux  Nemencha,  chassés  de  la  province  de 
Constantine  par  la  lamine  de  1852. 

Les  Riah,  sont  originaires  d'Arabie.  Ils  prirent  pail  aux  événe- 
ments de  1881  et  se  joignirent  aux  l)andes  d'Ali  ben  Ammar.  Ils 
participèrent  à  l'affaire  de  la  conduite  d'eau  de  Zaghouan. 

Recensement.  —  La  population  du  Contrôle  de  Tunis  est  de 
'iDO.OOO  habitants  environ  (recensement  de  1901),  dont  L2.8(X)  Fran- 
rais,  parmi  lesquels  on  compte  3.000  ruraux. 

En  1891,  la  population  française  du  Contrôle,  y  compris  la  ville  de 
Tunis,  était  de  (3.420  habitants;  en  1890,  de  9.007  liabitants;  en  11X)1, 
de  l^. 793,  soit  une  augmentation  de  4.785  individus  en  dix  années. 

Propriétés.  —  La  superlicie  de  ce  Contrôle  est  de  580. U)0  hec- 
tai'es  dont  134.000  hectares  de  propriétés  européennes  (31  décem- 
bre 1902).  Les  Français,  à  celte  même  date,  possédaient  kH).(.X)0 
liectares;  les  Italiens,  I7.:r)5  hei'tares;  les  autres  européens,  7.095 
hectares. 


—  -170  — 

La  valeur  du  capital  immobilier  possédé  à  Tunis  et  dans  la  rég^ion 
est  de,  environ  : 

Français 35.000.000  de  francs 

Italiens 17.000.000        — 

Maltais 8.000.000        — 

Européens  divers '2.200.000        — 

Musulmans 42.000.000        — 

Israélites 17.000.000        — 

Au  Total 121 .  200 .  000  de  francs 


I 


CUAPITIiE  II 


Tunis.  —  Ses  environs. 


Tunis.  —  Placée  sur  une  hauteur  entre  deux  lacs,  protégée  d'un 
côté  par  un  massif  montagneux,  de  l'autre  par  la  Medjerda,  qui,  aux 
temps  reculés,  aboutissait  au  Chott  Baliira,  Tunis  (Tunès),  tout 
d'abord  simple  boui-gade  fortifiée,  fut  bâtie,  vers  l'an  l.OOU  avant 
notre  ère,  par  les  Berbères,  premiers  possesseurs  du  sol  sur  lequel, 
trois  siècles  plus  tard,  venaient  s'implanter  les  Phéniciens. 

Tunis  ne  faillit  pas  aux  traditions  de  sa  race,  ennemie  irréconcilia- 
ble des  étrangers.  Elle  servit  de  base  d'opérations  à  toutes  les  armées 
qui  attaquèrent  Carthage  ;  Agathocle,  puis  Régulus,  enlin  les  Merce- 
naires y  établirent  leur  quartier  général,  et  ce  fut  à  Tunis  que  Sci- 
pion  reçut  les  députés  de  la  République  condamnée  à  périr. 

Tombée  avec  son  ennemie,  Tunis  se  releva  avec  elle,  et  plus 
viva.ce,  lui  survécut.  Détruite  et  rebâtie  plusieurs  fois  aux  époques 
romaine,  vandale,  byzantine,  elle  ne  prit  véritablement  son  essor 
que  du  jour  où  Carthage  eut  disparu  sans  retour. 

Vers  l'an  700,  les  Arabes  s'en  emparent. 

L'histoire  de  la  domination  musulmane,  assez  confuse,  la  divise  en 
cinq  périodes  parfaitement  distinctes  :  l"  Période  arabe  (708- loi I  )  : 
î2o  Berbère  (1135),  pendant  laquelle  Saint-Louis  débarque  sur  le  sol 
tunisien;  3°  Espagnole  (1535)  qui  replace  sur  le  trône  Moulai-IIas- 
sem,  vassal  de  Charles-Quint;  4"  Turque  (1577);  5"  Husseinite. 
Depuis  le  départ  des  Espagnols  (1574),  jusqu'au  jour  de  l'occupation 
française,  l'histoire  de  Timis  est  celle  de  la  Régence,  et  nous  n'au- 
rions à  relater,  comme  faits  spéciaux,  que  de-s  révolutions  île  palais, 
•  les  intrigues  de  Cour  qui  se  terminaient  invariablement  par  des 
massacres. 

De   même   (\ue   la   plupart  des   villes  tlu  littoral   ali'icaiiu  Tunis 


—  172  — 

tirait  la  plus  claire  de  ses  ressources  de  la  (c  Course  »,  institution 
cTEtat  datant  des  Vandales,  abolie  seulement  en  1818  sur  les  injonc- 
tions de  l'Europe.  Les  pirates  tunisiens,  connne  nombre,  comme 
audace  et  comme  armement,  ne  le  cédaient  en  rien  à  ceux  d'Alger 
et  de  Tripoli,  et  leurs  actes  attirèrent  de  sanglantes  représailles  de 
la  part  des  marines  européennes.  Tunis,  derrière  son  lac,  soulïrit 
peu  des  attaques,  mais  à  maintes  reprises  ses  vaisseaux  furent  coulés, 
pris  ou  incendiés.  Finalement,  la  flotte  tunisienne,  à  l'exception 
d'un  brick  et  d'une  goélette,  fut  détruite  en  18^27,  à  la  bataille  de 
Navarin. 

De  toutes  les  villes  de  l'Afrique  du  Nord,  Tunis  est  celle  dont  la 
population  comprend  le  plus  d'éléments  hétérogènes,  et  cependant, 
bien  qu'elTacés,  on  retrouve  encore  les  caractères  physiques  de  ces 
origines  si  diverses.  M.  le  docteur  Bertholon  a  fait  l'historique  de 
l'invasion  des  races  asiatiques,  européennes,  soudanaises  qui  ont 
contribué  à  la  formation  de  la  population  tunisienne.  Nous  conseil- 
lons vivement  la  lecture  instructive  de  cette  étude  ethnograpliique, 
parue  en  1897  sous  le  titre  :  a  La  Population  et  les  Races  en  Tunisie.  >- 

Lorsque,  trente-six  lieures  après  avoir  quitté  l'exubérante  (.'.aune- 
bière,  monté  sur  la  passerelle  du  paquebot  qui  franchit  la  passe  de  La 
Goulette,  le  voyageur  voit,  au  delà  des  eaux  dormantes  du  lac,  Tunis 
mollement  étagée  sur  le  penchant  d'un  mamelon,  il  ne  peut  se  douter 
qu'au  pied  des  élégants  minarets  et  des  blanches  terrasses  que  les 
collines  enserrent,  vit  une  cité,  opulente  et  mouvementée,  dont  les 
belles  avenues  et  les  rues  spacieuses  rappellent  les  grandes  villes 
d'Europe. 

Tunis,  située  à  800  kilomètres  de  Marseille  et  à  12  kilomètres  de 
la  mer,  est  bâtie  sur  une  éminence  qui  surgit  entre  le  lac  lîahii-a  et  le 
lac  vSedjoumi  : 


«  Si  Tunis  n'a  pas  la  vue  directe  de  cette  mer  à  la  |)iivati(^ii 
de  laquelle  les  Carthagiuois  préférèrent  la  résistance  à  outi-ancc 
et  la  mort,  dit  M.  JMonchicourt,  du  moins  le  spectacle  dont  on 
jouit  de  la  Kasba  ou  du  Helvédèi'c»  n'est  pas  sansgi-audeur.  (Iràce  à  la 
silhouette  caractéristique  du  iîoii-Klioi'niiie  qui  se  j)rolile  dans  le  fond 
du  paysage  conune  une  sorte  do  Vésuve,  l'El-lîahiia  évo(]uo  un  ins- 
tant le  souvenir  du  golfe  de  Naples.  » 

Certes,  celui  qui  visita  Tunis  au  lendemain  de  l'occ •u[)ation  Iran- 


çaise  et  qui  la  revoit  maintenant,  reconnait  à  peine  cette  ville,  bai- 
gnant hier  encore  dans  un  nriarécage  pestilentiel,  aujourd'hui  piu-i(iée, 
assainie,  où  chaque  année  s'édilient  des  quartiers  neufs  et  de  beaux 
monuments  sur  les  vases  solidifiées. 

Mais  si  la  ville  nouvelle  a  Taspect  européen,  elle  n'a  point,  par 
contre,  la  mentalité  française.  On  est  ici  bien  loin  de  Montmartre. 
Dans  les  établissements  publics,  on  entend  tous  les  idiomes,  on  voit 
les  accoutrements  les  plus  étranges.  La  population  est  ardente,  com- 
bative, avantureuse,  et  malgré  la  diversité  des  origines,  des  g^oùts  et 
des  mœurs,  elle  forme,  à  l'insu  même  de  ses  éléments  disparates,  un 
amalgame  bizarre  qui  lui  donne  une  physionomie  tout  à  fait  originale. 
C'est  surtout  aux  jours  de  repos,  alors  que  la  foule,  bigarrée  et  déla- 
brée, envahit  les  voies  et  les  places  publiques,  qu'il  est  permis 
d'observer  le  caractère  très  spécial  de  cette  population  qui  sue  l'exo- 
tisme, mais  qui  constitue  le  fond  du  peuple  néo-tunisien. 

La  vieille  cité  arabe  ofîreavec  la  ville  moderne  un  contraste  absolu. 
Les  actes  de  vandalisme  perpétrés  à  Alger  ne  se  sont  pas  produits 
ici  :  on  n'a  pas  évenlré  la  Kasba,  on  a  respecté  les  souks.  Aussi 
lorsque,  quittant  l'avenue  de  France,  le  touriste  pénètre  dans  la  ville 
orientale,  suit,  au  hasard  de  la  promenade,  les  rues  tortueuses  et 
enchevêtrées,  s'enfonce  sous  les  voûtes  mystérieuses,  s'arrête  devant 
l'étalage  polychrome  des  bazars  et  les  échoppes  minuscules  où,  dans 
l'éternel  clair-obscur  travaillent,  résignés,  les  industrieux  artisans 
des  mille  petits  métiers  tunisiens,  il  ressent  l'impression  qu'il  vient 
d'entrer  dans  un  monde  difTérent.  que  là  on  vit  une  autre  vie,  que  la 
civilisation  n'est  pas  la  même. 

Parlant  des  souks  dans  la  v  Vie  Errante  »,  Guy  de  ^Laupassant  «lit  : 

((  Chaque  corporation  a  sa  rue,  et  l'on  voit  tout  le  long  de  la  galerie, 
séparés  par  une  simple  cloison,  tous  les  ouvriers  du  même  métier 
travailler  avec  les  mêmes  gestes.  L'animation,  la  couleur,  la  gaieté  de 
ces  marchés  orientaux  ne  sont  point  possibles  à  décrire,  car  il  fau- 
drait, en  même  temps,  en  exprimer  l'ébloaissement,  le  bruit  et  le 
mouvement.  Quand  le  soir  vient,  tout  le  quartier  des  souks  est  clos 
par  de  lourdes  portes  à  l'entrée  des  galeries,  comme  une  ville  pré- 
cieuse enfermée  dans  l'autre.  » 

On  ne  se  lasse  pas  de  parcourir  la  ville  arabe  ;  on  y  rencontre  tou- 
jours du  nouveau,  de  rim])révu.  on  y  est  dillérennuent  impressionné 


—  174  - 

selon  l'heure  et  la  lumière  du  jour.  Un  artiste  de  grand  talent, 
M.  Gaston  Vuillier,  nous  montre  merveilleusement,  dans  son  beau 
livre  «  La  Tunisie  »,  la  vieille  cité  orientate  s'éveillant,  s'étirant  dès 
l'aube;  plus  tard,  quand  le  soleil  tombe  à  pic  et  rôtit  les  murailles 
crépies  à  la  chaux,  «  l'ombre  des  rues  elle  même  est  devenue  arden- 
te »;  enfin,  M.  Vuillier  nous  fait  admirer  le  spectacle  découvert  du 
haut  de  la  Kasba,  alors  que  la  vieille  cité  s'endort,  le  soir,  au 
crépuscule  : 

«  La  ville  comme  une  immense  cité  de  marbre  s'étageait  sous 
mes  yeux  avec  ses  terrasses  sans  nombre  et  les  sillons  creusés  par 
son  inextricable  réseau  de  ruelles.  Ça  et  là  s'arrondissaient  les  cou- 
poles des  marabouts  aux  toitures  d'écaillés  vertes,  des  minarets 
élancés  montaient.  La  mosquée  de  Sidi-I\Ialjrès,  avec  son  amas  de 
dôme  neigeux  et  la  grande  mosquée  Zitouna  frappaient  davantage 
mes  regards.  Le  lac  El-Bahira  étalé  sur  le  rivage,  rélléchissait  com- 
me un  miroir  le  ciel  pâlissant.  Je  distinguais  au  loin  la  Cathédrale 
de  Carthage  dominant  la  colline  de  Byrsa,  le  village  de  Sidi-Bou-Saïd, 
La  Goulette  et  le  Golfe  perdu  au  loin,  et  les  monts  du  Cap-Bon,  et 
le  profil  superbe  du  Zaghouan  dont  la  cime  s'éclairait  de  rose.  » 

L'Enseignement. —  Tunis  a  été  dotée  de  tout  le  luxe  et  le  confort 
que  peut  exiger  une  grande  ville  moderne;  son  outillage  économique 
est  complet,  mais  ce  qui  surtout  surprend,  c'est  le  développement 
qu'y  a  pris  l'enseignement  public. 

La  Direction  de  l'Enseignement  fut  créée  en  1883,  et  depuis  lors 
l'enseignement  primaire  prit  un  essor  qui  ne  s'est  plus  arrêté,  grâce 
à  une  combinaison  fort  ingénieuse  que  l'on  serait  heureux  de  voir 
appliquer  ailleurs.  Au  début,  on  n'était  pas  très  riche;  il  fallait  des 
routes  et  de  l'eau,  et  nombre  de  petits  centres  n'auraient  pu  être 
pourvus,  faute  de  crédits  suffisants,  soit  d'une  école,  soit  d'une 
recette  postale.  Le  Gouvernement  eut  alors  l'excellente  idée  de  faire 
appel  à  la  bonne  volonté  de  deux  de  ses  rouages  les  plus  importants  : 
l'Administration  des  Postes  et  l'Enseignement  public,  afin  de  sup- 
pléer par  un  elTort  connnun,  quand  les  circonstances  rexigeraienl, 
au  iiiaii(|ii('  de  fonds. 

i'jitic  les  denx  Adnnnistrations  l'accord  fut  parfait  —  ce  fait  mé- 
rite d'elle  noté  —  et  c'est  poui'qut)i  nons  voyons  en  Tnnisie,  dans 
bien  des  localités  d'importance  moyenne,  rinsiiluteur  r(.'!n|)lir,  en 
dehors  de  sa  classe,  les  fonctions  de  receveur  des  Postes  et  Télégra- 


—  175  — 

phes.  Grâce  à  ce  système,  il  n'y  a  plus  aujourd'hui  en  Tunisie, 
d'agglomération  de  population  appréciable  qui  ne  jouisse  du  bienfait 
de  l'enseignenieut  primaire. 

La  ville  de  Tunis  compte  34  établissements  scolaires,  dont  25 
publics  ('i'i  laïques  et  3  congréganistes),  et  9  privés  (G  laïques  et  3 
congréganistes).  Les  établissements  scolaires  de  Tunis  reçoivent 
9.047  élèves;  ceux  du  caïdat  de  la  Ijanlieue,  1.374;  ceux  du  caïdat  de 
Tébourba,  200;  ceux  du  caïdat  de  Zaghouan,  167.  Au  total,  pour 
le  Contrôle  civil  de  Tunis,  1L388  élèves  en  1905. 

L'enseignement  public  secondaire  possède,  à  Tunis,  4  établisse- 
ments : 

1"  Le  Lycée  Carnot  :  53  professeurs  et  maîtres;  850  élèves,  dont 
475  français,  77  italiens,  15  maltais,  35  musulmans,  200  Israélites,  20 
divers. 

2o  Le  Collège  Sadiki  :  35  professeurs  (dont  13  français);  05  élèves 
arabes.  Cet  établissement  est  destiné  aux  jeunes  musulmans,  qui  y 
reçoivent  l'enseignement  arabe  et  l'enseignement  français,  primaire 
et  secondaire. 

3o  Le  Collège  Allaoui  :  14  professeurs;  163  élèves,  dont  125  fran- 
çais, 10  italiens,  1  maltais,  15  musulmans,  10  israélites,  2  divers.  Le 
Collège  Allaoui  est  une  école  normale  pour  la  formation  du  personnel 
enseignant  européen  et  indigène;  c'est  aussi  une  école  d'enseigne- 
ment primaire  supérieur,  préparant  aux  écoles  nationales  des  arts  et 
métiers.  A  l'école  normale  est  attachée  une  grande  école  annexe 
servant  d'école  d'application  aux  élèves  de  l'école  normale. 

4»  Ecole  Jules-Ferry  :  33  professeurs  et  maîtresses  ;  677  élèves, 
dont  483  françaises,  68  italiennes,  8  maltaises,  2  musulmanes,  87 
Israélites,  29  diverses.  C'est,  à  la  fois,  un  lycée  de  jeunes  tilles,  une 
école  normale  d'institutrices  et  une  école  primaire  supérieure. 

Le  total  des  élèves  fréquentant  les  établissements  scolaires  publics 
de  renseignements  secondaire  à  Tunis,  est  de  [.133. 

L'enseignement  public  primaire  compte  à  Tunis  17  établissements 
français;  14  écoles  de  garçons  et  3  écoles  de  tilles.  Les  écoles  de 
garçons  comprennent  :  75  instituteurs  et  adjoints;  2.913  élèves,  dont 
513  français,  1.089  italiens,  299  maltais,  879  musulmans,  117  juifs, 
16  divers.  Les  écoles  de  filles  comptent  :  17  institutrices  et  adjointes. 
984  élèves,  dont  312  françaises,  294  italiennes,  37  maltaises,  13  nni- 
sulmanes,  259  juives,  59  diverses. 


—  17()  - 

Mentionnons  une  école  professionnelle,  pas  définitivement  installée, 
mais  qui  compte  déjà  5  professeurs  et  75  élèves,  dont  28  français,  21 
italiens,  7  maltais,  17  musulmans,  2  divers. 

Trois  écoles  congréganistes  publiques  sont  installées  à  Tunis;  elles 
comptent  :  13  institutrices  et  adjointes,  823  élèves,  dont  08  françaises, 
483  italiennes,  232  maltaises,  3  musulmanes,  30  juives,  7  diverses. 

L'enseignement  laïque  privé  comprend  un  établissement  d'ensei- 
gnement secondaire  et  5  écoles  primaires.  Etablissement  secondaire  : 
15  professeurs,  150  élèves,  dont  112  français,  17  italiens,  20  maltais, 

I  juif.  Les  écoles  primaires,  sont  :  1"  école  de  garçons  de  l'alliance 
Israélite:  32  instituteurs,  1.229  élèves,  dont  9-1  français,  40  italiens, 

II  maltais,  1  musulman,  1.076  juifs,  10  divers.  '2'^  école  de  filles  de 
l'alliance  israélite  :  19  institutrices,  841  élèves,  dont  32  françaises, 
Il  italiennes,  2  maltaises,  793  juives.  3o école  protestante  de  garçons  : 
3  maîtres,  75  élèves,  tous  israélites.  4"  école  protestante  de  filles  : 
5  institutrices,  1 18  élèves,  toutes  israélites.  (Renseignements  four- 
nis par  la  Direction  de  l'Enseignement.)  5»  école  de  M"^^'  Klein  : 
1  institutrice,  21  élèves,  18  français  et  françaises  (0  garçons  et  12 
filles),  3  israélites. 

L'enseignement  primaire  privé  congréganiste  comprend  trois  établis- 
sements :  lo  pensionnat  de  Notre-Dame  de  Sion:  12  institutrices  et 
adjointes;  153  élèves,  dont  104  françaises,  iO  italiennes,  10  maltaises, 
i  musulmane,  18  juives,  4  diverses.  2^  école  privée  de  Notre-Dame 
de  Sion  :  3  institutrices,  197  élèves,  dont  18  françaises,  97  italiennes, 
54  maltaises^  25  juives,  3  diverses.  3"  Pensionnat  des  sœurs  de  Saint- 
Joseph  :  24  maîtresses  et  adjointes,  335  élèves,  dont  76  françaises, 
()9  italiennes,  71  maltaises,  65  juives,  5  diverses,  49  petits  garçons. 

Total  général  pour  Tunis- ville  :  1"  Etablissements  scolaires  laïques  : 
8.139  élèves  (5.570  garçons,  2.569  filles);  2»  établissements  scolaires 
congréganistes  :  i.508  élèves  (1 10  garçons  et  1.3)98  filles). 

En  dehors  de  ces  écoles  françaises,  Tunis  compte  14  écoles  étran- 
gères :  i<'  3  écoles  fondées  en  1830  par  la  «  London  Jew's  Society  »  : 
1  école  de  garçons,  1  de  filles,  1  maternelle.  Elles  reçoivent  ensemble 
250  élèves  environ,  presque  tous  israélites. 

2"  Onze  écoles  ilaiicnncs,  donl  4  établissements  d'enseignement 
secondaii-e;  3  écoles  primaires  de  garçons;  2  écoles  jii'imairos  de  filles 
et  2  écoles  enfantines.  La  Direction  dv  l'Enseignement  public  n'a  \n\ 
nous  fournir  aucun  renseignement  sur  le  chifire  des  élèves  actuel- 


—  177  — 

lement  admis  dans  ces  établissements;  quant  au  rionsuiat  italien 
auquel  nous  nous  sommes  ég-alement  adressé,  il  a  prétendu  ne  point 
connaître  le  nombre  de  ces  enfants  ! 

Ecole  coloniale  d'Agriculture.  —  J]ien  que  cet  établissement 

soil  situé  lmi  dehors  des  [)orU*s  de  Tunis,  dans  un  endroit  très  lieureu- 
senienl  choisi,  au  pied  du  Belvédère,  nous  devons  le  mentionner  ici 
puisqu'il  dépend  «Mitièrement  de  la  Direction  de  l'Agriculture. 

Cette  école  lut  créée  en  1898  dans  le  but  d'attirer  en  Tunisie  les 
jeunes  gens  de  la  métropole  tentés  par  la  vie  agricole  coloniale,  de 
les  armer  par  l'expérience  et  l'étude  des  conditions  particulières  de 
l'agriculture  sous  ce  climat,  contre  les  erreurs  et  les  msuccès  de 
leurs  devanciers;  elle  a  aussi  pour  objet  de  faciliter  leur  installation 
dans  la  Régence,  notamment  en  leur  procurant  des  stages  dans  les 
exploitations,  durant  lesquels  ils  peuvent  compléter  l'instruction 
théorique  et  la  pratique  raisonnée  qu'ils  ont  acquises  en  deux  années 
scolaires. 

Les  conditions  d'admission  sont  calquées  sur  celles  que  doivent 
remplir  les  candidats  aux  Ecoles  nationales  d'Agriculture  de  France: 
il  en  est  de  même  du  programme  de  l'enseignement,  mais  en  l'appli- 
quant aux  procédés  et  aux  conditions  spéciales  de  l'Agriculture  dans 
l'Afrique  du  Nord;  enfin,  l'examen  de  sortie  donne  droit,  après  deux 
années  d'études,  à  un  diplôme,  et  les  dix  premiers  numéros  reçoivent 
de  véritables  primes  :  500  francs  aux  5  premiers,  250  aux  cinq  autres. 

L'organisation  de  l'enseignement  a  retenu  toute  l'attention  de  la 
Direction  de  l'Agriculture;  le  programme  des  cours  a  été  profondé- 
ment modifié  et  complété,  l'expérience  des  premières  années  ayant 
permis  aux  professeurs  de  rendre  leur  enseignement  plus  pratique  et 
de  mieux  l'approprier  aux  besoins  de  l'agriculture  tunisienne. 

Les  collections  d'études  et  d'instruments  agricoles  sont  très  com- 
plètes; les  laboratoires  de  chimie,  de  minéralogie,  de  botanique,  les 
ateliers  de  lorge  et  de  menuiserie  sont  bien  installés.  En  outre,  une 
ferme  de  40  hectares,  attenante  à  l'École,  permet  de  faire  aux  élèves 
la  plupart  des  démonstrations  que  comportent  les  cours  et  les  travaux 
pratiques;  elle  comprend  un  vignoble  de  10  hectares,  des  collections 
de  végétaux  cultivés  en  Tunisie,  des  cépages,  des  céréales  provenant 
de  tous  les  points  de  la  Régence,  de  plantes  industrielles;  le  troupeau 
de  la  ferme  s'accroît  et  s'embellit  chaque  jour  au  moyen  d'une  atten- 


-   178  — 

tive  sélection  et  de  croisements;  la  ferme  possède  aussi  un  rucher. 

Le  fonctionnement  de  l'Ecole  est  assuré  par  une  subvention  de 
52.000  francs  versée  par  l'Etat,  par  une  somme  à  peu  près  égale 
provenant  des  pensions  des  élèves,  par  la  vente  des  produits  et  quel- 
ques autres  recettes.  Ce  budget  est  très  minime,  si  on  le  compare  à 
celui  des  Ecoles  d'agriculture  de  France  et  même  à  celui  de  plusieurs 
Ecoles  pratiques. 

La  Direction  de  l'Agriculture  ne  perd  pas  de  vue  les  élèves  après 
leur  sortie  de  l'école;  non-seulement  elle  s'occupe  de  les  placer 
comme  stagiaires,  mais  elle  les  conseille  dans  l'achat  d'une  propriété, 
et  elle  leur  réserve,  en  vertu  d'un  décret  du  Gouvernement  Tuni- 
sien (1903),  le  premier  clioix  des  lots  de  colonisation  que  le  Domaine 
met  périodiquement  en  vente.  Vingt-quatre  anciens  élèves  de  l'Ecole 
ont  ainsi  bénéficié  du  privilège  accordé  par  ce  décret;  ils  ont  acheté 
au  Domaine  de  l'Etat  3.445  hectares  pour  la  somme  de  017.600  fr. 
Le  tableau  ci-contre  nous  a  paru  intéressant  à  consulter. 

Jardin  d'essais. —  Près  de  l'Ecole  coloniale  d'Agriculture,  faisant 
pour  ainsi  dire  corps  avec  elle,  nous  voyons  le  Jardin  d'essais,  créé 
en  181M,  dans  le  but  de  : 

10  Procurer  une  collection  des  arbres  ou  arbustes  existant  ou  à 
introduire  en  Tunisie  ; 

2»  Organiser  des  essais  agricoles; 

3»  Produire  des  plants  d'arbres  forestiers  et  d'arbres  fruitiers  des- 
tinés à  être  vendus  à  bas  prix  aux  agriculteurs  de  Tunisie. 

11  a  été  possible  de  grouper  dans  le  Jardin  d'essais  :  530  espèces 
d'arbres,  arbustes  ou  plants  de  boisement  ou  d'ornement;  une  oran- 
gerie composée  avec  les  meilleures  variétés  d'orangers,  de  mandari- 
niers de  cédratiers,  de  citronniers  ;  une  banannerie  ;  un  carré  planté 
en  arbres  fruitiers  exotiques. 

Le  Jardin  d'essais  se  consacre  presque  exclusivement  à  des  étu- 
des d'arboriculture  forestière  ou  fruitière,  de  cultures  potagères  et  à 
des  tentatives  diverses  d'iicclimatation  de  végétaux. 

La  piTxliiction  des  pi'imeursa  été  l'objet  d'études  spéciales;  l'étude 
des  plantes  à  parfums  et  dos  plantes  d'onicnuMit  ont  également  fait 
l'objet  des  travaux  intéressants  qui  se  ponrsnivent  actuellement.  Le 
Jardin  d'essais,  depuis  sa  création,  a  fourni  en  moyenne  anmielle- 
ment  75.000  arbres,  arbustes  et  plants  d'ornement,  et  18.000  arbres 


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fruitiers,  cédés  à  des  prix  variant  d'après  leur  ài^e  et  leur  force.  Les 
agriculteurs  paraissent  satisfaits  des  plants  qui  leur  sont  livrés;  leur 
empressement  à  acquérir  ceux  qui  sont  disponibles,  en  est  la  meil- 
leure preuve. 

Le  Jardin  d'essais,  qui  dépend  de  la  Direction  de  l'Agriculture, 
reçoit  une  subvention  de  l'Etat  de  2(3.00(3  francs^  plus  le  produit  des 
ventes  qui  s'élève  à  10.000  francs  environ.  Pour  l'entretien  des  20 
hectares  qu'il  couvre  et  les  divers  travaux  que  comporte  la  multipli- 
cation des  plantes,  le  jardin  emploie  une  moyenne  de  vingt  ouvriers 
en  été  et  quarante  en  hiver.  Les  ouvriers  français  s'y  initient  à  la 
pratique  de  l'iiorticulture  en  Tunisie,  et  commencent  à  former 
une  pépinière  de  contre-maîtres  pour  les  particuliers. 

Climats.  —  (i  La  région  de  Tunis  est  dans  le  domaine  des  vents 
telliens,  avec  sensible  pénétration  des  vents  de  la  steppe.  Les  quan- 
tités d'eau  reçues  sont  faibles,  l'évaporation  intense,  les  écarts  de 
température  considérables.  Sauf  à  la  fin  de  l'été  et  sur  une  étroite 
bande  littorale,  la  mer  n'exerce  aucune  action  sérieuse  sur  le  climat, 
qui  est  tranchement  continental.  C'est,  en  délinitive,  un  Tell  (pii 
penche  déjà  vers  la  steppe.  »  (Gh.  Monchicourt.  ) 

Relevé  des  températures  et  des  pluies  à  Tunis  en  1905 

Printemps. —  Maxima  :  3,>;  minima:  1";  moyenne:  15«8.  Pluie: 
137  "i/m  en  26  jours. 

Été.  —  Maxima:  50»;  miiiiina:  10";  moyenne:  '•Ih'^iS.  Pluie:  3()  '", '" 
en  4  jours. 

Automne.  —  ^laxima:  12'^  minima:  3»;  moyenne:  2(>  \.  Pluie: 
118  m/m  en  20join^s. 

Hiver.  —^  Maxima:  23";  minima:  -2":  moyenne:  11".  Pluie: 
18<)m/m  en  34  jours. 

Températures  moiiennes  annuelles.  —  Maxima:  2'p"3;  minima  : 
12"  moyenne:  18"  1.").   JMuies  annuelii^s:  il\  '"  "'  eu  81  jours. 

Population.  —  La  population  de  Tunis  est  175. (X)0  iiabitants 
environ,  se  décomposant  ainsi  : 

,    ,.    .  l  Musulmans 80.000 

indigènes \  ,        ,  ,  .  .  .^.. 

"  I  Israélites 40.000 

ToTAi 120.000 


Européens 


—  -181   — 

Français 10.000 

Italiens .'{ô/KKl 

j  Maltais 8.000 

Divers 2.000 


Total 55.  (XX) 


Les  Environs  de  Tunis.  —  Les  environs  immédiats  de  Tunis  ont 
leurs  chantres;  ils  inspirent  nos  poètes  et  alimentent  les  chroniques. 
Tous  les  goûts  sont  dans  la  nature,  comme  dit  Tautre  ;  mais,  au  ris- 
que de  me  faire  conspuer  par  les  bardes  irascibles  et  anathématiser 
par  les  Tunisois  intransigeants,  je  demande  la  permission  de  donner, 
sur  ce  pays,  mon  impression  de  Normand  émigré  :  ce  n'est  nulle- 
ment enchanteur.  C'est  trop  plat  et  trop  nu.  Pas  uniformément  plat, 
pas  absolument  nu  :  il  y  a  bien,  çà  et  là,  quelques  bossellements  sur 
les(]uels  s'accrochent  de  blanches  maisonnettes,  quelques  bouquets 
d'arbrisseaux,  quelques  champs  de  vignes  qui  cachent  la  nudité  du 
sol  ;  mais  ce  n'en  est  pas  moins  triste  et  pelé  dès  que  l'ardente  haleine 
du  siroco  dessèche  les  champs  de  fleurs  que  le  printemps  avait  fait 
éclore.  Les  alentours  de  Tunis  ne  peuvent,  quoi  que  pensent  et  que 
disent  quelques  Tunisois,  soutenir  la  compai'aison  avec  les  environs 
d'Alger,  coteaux  riants,  jardins  odoritérants,  formant  autour  de  la 
ville  un  immense  parc  d'une  arborescence  inouïe. 

Certaines  petites  localités,  cependant,  servent  de  lieux  d'estivage 
et  sont  d'agréables  stations  balnéaires  qui  donnent  au  pays  un  cachet 
de  banlieue  de  grande  ville.  On  y  voit  de  jolis  chalets  égrenés  sur 
les  plages,  d'élégantes  villas  entourées  de  jardinets,  des  casinos  et 
des  guinguettes,  du  ciel  bleu,  de  la  mer  bleue,  de  l'ombrage  bleu... 
sous  lequel  le  thermomètre  accuse,  parfois,  45»  Réaumur.  Aussi 
constatons-nous,  chaque  été,  lorsque  le  soleil  rissole  la  campagne  et 
échauffe  les  cerveaux,  l'exode  en  masse  de  ceux  !{ui  précisément, 
durant  les  humides  journées  d'hiver  et  les  douces  soirées  du  prin- 
temps, vantent  la  joliesse,  l'attirance,  le  charme  des  environs  de 
Tunis.  Ils  s'en  vont,  an  sein  de  cette  bonne  vieille  Gaule,  dont  on 
médit  souvent,  mais  iju'on  n'oublie  jamais,  se  retremper,  morale- 
ment et  physiquement.  Nous  ne  saurions  les  en  blâmer. 

Au  sud  de  Tunis,  baignant  la  colline  sur  laquelle  s'étage  la  ville, 
une  large  dépression  couvre  environ  3.000  hectares  du  sol  :  la  Sebka- 


LaTc.nmsik  uu  Noi;d  13 


—  18ti  - 

Sedjoumi,  cuvette  sans  écoulement  vers  la  mer,  remplie  d'eau  pro- 
venant des  collines  environnantes  pendant  Thiver,  presque  desséchée 
et  miroitante  d'efflorescences  salines  pendant  Tété.  Il  paraît  qu'il 
est  possible,  au  moyen  d'un  tunnel,  d'écouler  ces  eaux  stagnantes, 
puis  de  dessaler  le  sol  imprégné  depuis  des  siècles,  en  y  cultivant 
des  plantes  fourragères  spéciales.  Une  Société  anonyme  vient  de  se 
constituer  à  cet  effet;  elle  a  obtenu,  sous  certaines  réserves,  la  con- 
cession du  lac  Sedjoumi,  et  elle  devait  commencer  les  travaux  de  des- 
sèchement dès  le  printemps.  Elle  aurait,  m'a  dit  l'un  des  mem- 
bres de  la  Société,  l'intention,  après  le  dessalement,  de  morce- 
ler le  terrain  en  lots  de  un  à  cinq  hectares  enclos  d'arbres,  puis  d'y 
installer  des  petits  paysans  français,  des  ouvriers  agricoles,  jardiniers, 
maraîchers,  qui  feraient,  aux  portes  mêmes  de  Tunis,  ce  qui  a  été 
fait  aux  environs  d'Alger  par  les  Mahonais  :  d'admirables  jardins 
potagers.  L'idée  est  heureuse  et  si  le  projet  réussit,  nous  assisterons 
à  une  véritable  transformation  de  la  région  sud  de  Tunis,  sans  comp- 
ter que,  n'étant  plus  tributaires  des  maraîchers  it,aliens,  nous  aurons 
les  légumes  à  prix  raisonnable. 

A  deux  pas  de  Tunis,  le  Belvédère,  magnifique  parc  muni- 
cipal, occupe  toute  une  colline,  au  sommet  de  laquelle  on  jouit  d'un 
très  beau  panorama  sur  Tunis  et  tous  les  environs.  C'est  la  prome- 
nade favorite  des  Tunisois  et  des  touristes.  Près  du  Belvédère,  du 
Jardin  d'essais  et  de  l'Ecole  coloniale  d'Agriculture,  le  Gouverne- 
ment tunisien  vient  de  faire  édifier  une  élégante  maison  de  style 
mauresque,  où  sont  installés  les  différents  services  de  l'Institut  Pas- 
teur de  Tunis. 


CHAPITRE  111 


Caïdal  (le  la  Banlieue 


Limites.  —  Le  CaïdaL  de  la  banlieue  de  Tunis  comprend  les  terri- 
toires de  La  Goulette,  Garthage,  La  Manouba,  l'Ariana,  Maxula-Radès, 
Hammam-Lif,  les  plaines  de  la  Mornaghia,  de  la  Mohammédia  et  du 
Moriiag.  11  compte  environ  60.000  habitants. 

11  est  limité  :  au  Nord,  par  les  crêtes  du  djebel  Ahmar  et  ses  rami- 
fications, et  par  une  ligne  longeant  la  partie  nord  de  la  Sebkha-er- 
Riane  jusqu'à  la  mer;  à  l'Ouest,  par  les  sommets  des  djebel  Morata, 
le  djebel  Zerdeb  et  l'oued  Chaffour  jusqu'à  son  continent  avec  la  Med- 
jerda;  au  Sud,  par  une  ligne  passant  par  les  djebels  Merabba,  Rar- 
rou.  Oust,  Tilla,  Hadjeba,  Er-Rabaia  et  Abira;  à  l'Est  par  une  ligne 
suiviyit  les  crêtes  du  djebel  Sidi-Zid,  le  Kel-bou-Tsalats,  Rir-Tourki, 
le  Kanguet,  El-lladjadj,  les  sommets  du  djebel  Srara  et  la  mer. 

Les  Centres.  —  Les  centres  sont  nombreux  dans  le  Caïdat  ;  il  n'y 
a  pas  lieu  de  décrire  longuement  chacun  d'eux,  mais  de  relater  seu- 
lement ce  qui  nous  a  paru  le  plus  intéressant.  Nous  groupons  les 
centres  en  quatre  sections:  Nord-Ouest  du  caïdat;  Sud-Ouest;  Nord- 
Est  ;  Sud-Est. 

io  Partie  Nord-Ouest  du  Caïdat  de  la  Banlieue 

La  Goulette.  —  L'isthme  de  La  Goulette,  cette  longue  et 
éti'oite  bande  de  terre  qui  fait  un  lac  du  golfe  de  Tunis,  existait  aux 
origines  des  temps  historiques.  Les  anciens  la  nommaient  Ligula,  et 
suivant  toutes  probabilités,  à  ces  mêmes  époques,  la  mer  et  le  lac 
communiquaient  à  travers  La  Ligula  par  plusieurs  passages  que  le 
temps  ou  la  main  de  l'homme  ont  comblés.  Seule  la  passe  de  La  Gou- 
lette existe  aujourd'hui. 


—  184  — 

C'est  par  un  canal  traversant  l'isthme  à  hauteur  du  Kram  que  pas- 
saient les  navires  phéniciens  ;  faute  de  place  dans  les  ports  de  Gar- 
thage,  ils  s'amarraient  le  long  des  quais  du  lac,  alors  navigable. 
C'est  par  ce  même  goulet  que  pénétra  la  flotte  romaine  de  Cen- 
sorinus,  lors  du  siège  de  Carthage. 

Dès  l'époque  romaine,  il  n'est  déjà  plus  question  que  du  canal 
actuel,  sur  lequel  s'élevait  une  petite  bourgade  :  Calabras,  lieu  qui 
reçut  des  Arabes  la  dénomination  de  Halk-eî-Oued,  dont  La  Gou- 
lette  est  la  traduction. 

La  Goulette  est  située  à  10  kilomètres  de  Tunis  par  la  route,  et  à 
il  kilomètres  par  le  canal;  elle  y  est  reliée  par  un  chemin  de  fer  qui 
prochainement,  sera  remplacé  par  un  tramway  électrique.  Cette  ville, 
bâtie  avec  des  matériaux  provenant  de  Carthage,  est  italienne  et  arabe 
à  la  fois.  Le  canal  la  partage  en  deux  :  la  partie  nord  renferme  le 
bourg  proprement  dit;  la  partie  Sud  contient  les  anciens  palais  bey- 
licaux,  l'ancien  sérail,  et  l'ancien  arsenal  aujourd'hui  occupé  par  les 
troupes  françaises. 

La  population  de  La  Goulette  est  de  5.000  habitants  environ,  dont 
330  Français.  L'élément  italien  y  prédomine  et  on  y  rencontre  sur- 
tout des  marins  qui,  ne  pouvant  plus  pécher  dans  le  lac  concédé  à 
une  Société  de  Tunis,  exploitent  les  fonds  situés  entre  les  caps  Car- 
thage et  Kamart,  et  la  cote  ouest  du  Cap  Bon. 

La  Goulette  possède  six  écoles  :  deux  écoles  laïques  de  garçons  ; 
une  école  congréganiste  de  filles  ;  trois  écoles  italiennes.  Les  deux 
écoles  françaises  de  garçons  reçoivent  ensemble  2iG  élèves  :  35  fran- 
çais; G5  italiens;  tZG  maltais;  34  musulmans;  80  juifs  Ecole  congré- 
ganiste de  filles  :  '230  élèves,  dont  20  h'ançaises;  1 10  italiennes;  20 
maltaises;  4  musulmanes;  79  juives. 

Près  de  La  Goulette  se  trouvent  deux  petites  stations  balnéaires  : 
Khérédine,  à  1  kilm.800,  et  le  Kram,  à  2  kilm.  700.  Cette  dernière 
localité  prend,  depuis  quelques  années,  un  certain  développement; 
elle  a  une  école-mixte  :  14  élèves,  0  garçons  et  5  filles,  dont  5  fran- 
çaises et  9  étrangers. 

Le  territoire  qui  s'étend  de  La  Goulette  à  la  Marsa  est  bien  cultivé  : 
orge,  oliviers,  jardins  potagers,  vignes,  arbres  fruitiers  de  toutes  es- 
pèces. 

Carthage.  —  .\  10  kilomètres  de  Tunis.  Chemin  de  fer,  station 


—  isn  — 

de  Lu  Malga,  petit  villaj^e  construit  sur  d'anciennes  citernes  où  vivent 
la  plupart  des  liabilants,  Siciliens,  Maltais  et  Arabes. 

Sur  la  colline  de  Jjvrsa,  dominant  le  1,^0)16,  quelques  édifices  reli- 
gieux :  la  Cathédrale,  le  g^rand  séminaire,  la  ciiapelle  de  Saint-Louis. 
Sur  le  versant  Est  de  la  colline,  on  remarque  les  anciennes  citernes 
puniques,  parfaitement  conservées,  et  quelques  palais  arabes.  Sur  la 
plage  même,  près  de  l'emplacement  de  l'ancien  Cottlion,  plusieurs 
villas  et  le  palais  deDermecii  appartenant  au  Bey. 

Carthage,  merveilleusement  située,  deviendra  certainement  sous 
peu  la  station  estivale  préférée  des  Tunisiens.  C'est,  aujourd'hui,  le 
lieu  de  pèlerinage  de  ceux  qui  pensent  et  se  souviennent, 

((  Là-bas,  dit  M.  G.  Vuillier,  au  promontoire  punique,  les  grandes 
houles  humaines  n'ont  laissé  que  des  épaves.  La  ville  de  Didon  et 
d'Hannibal  ne  se  survit  même  pas,  comme  la  plupart  des  antiques 
capitales,  en  des  monuments  mutilés  et  fiers  encore.  Plus  rien  ne 
subsiste  de  sa  primitive  splendeur;  seuls,  tels  que  des  ossements 
blanchis  par  les  âges,  quelques  pans  de  murailles  percent  çà  et  là 
les  pentes  maigres  des  collines  et  rompent  l'harmonie  des  plaines. 

«  . .  .Cependant  les  reliefs  du  sol  laissent  deviner  comme  le  sque- 
lette de  l'ancienne  capitale  ensevelie.  Se  dégagera-t-elle  complète- 
ment un  jour  du  suaire  qui,  depuis  tant  de  siècles,  voile  sa  dépouille 
du  linceul  de  cendres  qui  étoutlà  sa  dernière  agonie?...  » 

Au  pied  de  la  colline  de  Byrsa,  un  peu  en  arrière  clu  cirque,  sur 
la  route  de  La  Marsa  à  La  Goulette,  on  voit  le  petit  village  indigène 
deDouar-Ech-Chott;  il  compte  une  centaine  d'habitants. 

A  Carthage,  pensionnat  des  sœurs  de  Sainte-Monique  :  il  élèves  ; 
11)  françaises  et  ±2  italiennes. 

Sidi-bou-Saïd.  —  Délicieux  village  purement  arabe,  habité  sur- 
tout par  de  riches  musuluians  ilc  Tunis,  à  "2  kilni.  de  Carthage  et  à  \ 
kilm.  de  La  Marsa,  bâti  sur  une  falaise,  à  l'extrémité  du"|Cap  Car- 
thage. 

Au  pied  du  village,  verdoient  quelques  vergers  comptantes  d'oli- 
viers, d'arbres  fruitiers  et  de  vignes  en  treilles.  Le  village  renferme 
de  gracieuses  maisons  mauresques,  d'un  aspect  confortable.  Sidi-bou- 
Saïd  est  très  sain.  Malheureusement  le  manque  d'eau  potable  s'oppose 
à  son  développement. 

((  Il  est  difficile  de  rêver  un  panorama  plus  magnifique  que  celui 


—  18U  — 

qui  s'étend  sous  les  yeux  du  voyageur  arrivé  au  phare,  ou  même  sur 
la  falaise.  De  là,  on  découvre  toute  la  rade  avec  sa  jolie  cote  bordée 
de  villas,  Carthage  et  ses  ports  qui  semblent  de  minuscules  bassins, 
La  Goulette  avec  l'entrée  du  canal  et  sa  jetée,  le  lac  Bahira,  Tim- 
mense  plaine  de  la  grande  cité  tunisienne. 

«  Cet  endroit,  sans  contredit  le  plus  charmant  des  environs  de  Tunis 
est  aujourd'hui  fréquenté  parles  européens.  Le  phare  est  construit 
sur  des  ruines  dont  quelques  vestiges  ne  manquent  pas  d'intérêt.  Les 
environs  de  Sidi-bou-Saïd  sont  également  couverts  de  ruines.  (Bulle- 
tin du  Comité  d'Hivernage.) 

La  Marsa.  —  Située  à  16  kilm.  de  Tunis,  entre  le  cap  Kamart. 
au  Nord,  et  le  Cap  Carthage,  au  Sud.  Chemin  de  fer,  ancienne  rési- 
dence du  Bey;  palais  d'été  du  Résident  général.  Les  belles  maisons 
y  sont  nombreuses,  entourées  de  superbes  jardins,  habitées  pendant 
l'été  par  les  hauts  fonctionnaires  et  le  personnel  des  Consulats.  C'est 
le  petit  Versailles  tunisien  —  moins  les  grandes  eaux.  La  conduite 
de  Zaghouan  alimente  insuffisamment  le  village. 

A  4  kilm.  de  La  Marsa,  le  hameau  de  Kamart,  renferme  deux  pa- 
lais en  ruiyes  autour  desquels  se  sont  édifiées  quelques  maisonnettes 
de  petits  cultivateurs  et  de  maraîchers.  Une  dune  mobile  et  stérile 
sépare  lés  jardins  de  la  mer  vers  le  Nord;  au  Sud,  entre  le  village  et 
la  Sebka-er-Riane,  existent  de  très  bonnes  terres  de  culture.  L'eau 
des  puits  est  médiocre  et  à  une  profondeur  de  6  à  10  mètres.  De  Ka- 
mart à  La  Marsa,  on  voyage  à  travers  des  olivettes. 

A  La  ^larsa,  deux  écoles  :  école  laïque  de  garçons  et  école  congré- 
ganiste  de  filles.  Ecole  de  garçons  :  08  élèves  dont  7  français;  l  ita- 
lien; 2  maltais;  37  musulmans;  '21  juifs.  Ecole  de  filles  :  73  élèves, 
dont  5  françaises,  10  italiennes,  0  maltaises;  5  musulmanes;  37 
juives. 

L'Ariana.  —  Dans  la  région  de  l'Aiiana,  sont  groupés  quelques 
petits  villages  arabes  et  un  cerlain  nombre  de  propriétés  européen- 
nes de  bel  aspect;  les  oliviers,  les  arbres  fruitiers  de  toutes  variétés, 
les  céréales  elles  produits  maraîchers  y  donnent  de  bons  rendements. 

L'Ariana  est  située  à  ô  kilom.  de  Tunis,  reliée  à  cette  ville  par  un 
Iraiiiway  électrique.  L'aspect  du  villngcest  peu  réjouissant;  .surtout 
au  printemps,  épocjue  où  une  nuiltituile  de  juifs  tunisiens  l'envahis- 
sent. Ils  y  vont,  chatpie  année,  conun(>  d'autres  vont  aux  eaux  :  faiiv 
une  cure. 


—  187  - 

Les  terres  n'y  sont  pas  parfaites  et  cependant  le  pays  est  admira- 
blement cultivé;  chaque  habitant  a  son  troupeau,  sa  parcelle  à  céréa- 
les, son  verger,  son  olivette  qu'il  fume  et  entoure  de  soins  culturaux 
qui  n'ont  rien  à  envier  à  nos  plus  belles  communes  de  Provence.  Il 
y  a  là  un  iiidicL'  ({ui  tend  à  démontrer  que  si  les  indigènes  tunisiens, 
pouvaient  s'alïrancliir  du  khamessat  et  devenir  petits  propriétaires, 
ils  acquerraient  vite  la  même  aptitude,  le  même  goût  de  bien-être  et 
d'indépendance  que  leurs  coreligionnaires  de  la  région  de  l'Ariana. 
La  conséquence  de  cette  transformation  aurait  le  double  avantage 
d'améliorer  le  sort  des  gens  et  d'augmenter  la  richesse  pu- 
blique. 11  y  a  là  un  problème  qui  mérite  d'attirer  l'attention  des  hom- 
mes qui  ont  foi  dans  l'avenir  de  la  race  arabe  en  tant  qu'agriculteurs. 

Une  école  laïque  de  garçons  :  40  élèves,  dont  5  français  ;  1  italien  ; 
17  musulmans;  17  juifs. 

La  Sokra.  —  A  G  kilm.  au  Nord  de  l'Ariana  et  à  11  kilm.  de 
Tunis,  se  trouve  la  région  de  La  Sokra,  contenant  une  vingtaine  d'ex- 
ploitations agricoles  pour  la  plupart  françaises,  et  un  grand  nombre 
de  petites  propriétés  occupées  par  des  Siciliens,  entre  la  Chotrana  et 
la  propriété  Duvau. 

Le  sol  est  constitué  par  une  dune  mouvante,  mais  avec  un  sous-sol 
argilo-calcaire  frais  qui  convient  bien  aux  essences  arbustives.  La 
nappe  aqueuse  souterraine  est  de  qualité  passable  dans  la  partie  est, 
excellente  dans  la  partie  ouest;  elle  est  inépuisable  et  à  une  profon- 
deur qui  varie  de  'i  à  5  mètres.  Toutes  les  eaux  proviennent  des 
pluies  tombées  sur  les  montagnes  entourant  la  plaine  de  Chotrana,  au 
Nord-Ouest,  et  qui  forment  en  hiver  un  lac  de  phis  de  ICK)  hectares 
de  superficie.  Les  sources  de  Bordj-El-Arbi-ben-Ammar  provien- 
nent, par  infiltration,  de  ce  lac  ;  engorgées  aujourd'hui,  elles  ont  débit 
difficile  à  évaluer,  mais  il  paraît  certain  qu'elles  constituaient  pour  la 
Cartilage  punique,  sa  principale  ressource  en  eau  d'alimentation,  por- 
tée par  un  canal  maçonné  et  couvert,  encore  utilisé  de  nos  jours  par 
les  jardiniers  sur  plusieurs  centaines  de  mètres  de  longueur. 

La  production  de  ce  sol  est  limité  aux  fruits  de  toutes  variétés,  aux 
légumes,  aux  Heurs  d'orangers,  au  raisin  de  table  et  à  l'élevage  du  bé- 
tail. 

Jusqu'à  ce  jour,  le  groupement  delà  Sokra,  malgré  son  importance 
n'est  pas  parvenu  à  constituer  un  véritable  centre.  Aussi  la  Direction 


—  188  — 

de  l'Agriculture  vient-elle  d'acquérir  dans  ce  but  un  terrain  de  4  hec- 
tares 500  ares,  placé  à  peu  près  au  milieu  des  propriétés  européennes 
de  la  région.  Une  partie  de  ce  terrain  permettra  (Vinstaller  la  poste- 
école,  depuis  longtemps  réclamée  par  les  colons;  une  autre  partie 
sera  réservée  par  l'Administration  ;  le  surplus  sera  morcelé  en  lots  de 
500  à  1.500  mètres  carrés  environ  pour  la  construction  d'habitations 
d'ouvriers  agricoles,  de  petits  industriels,  de  commerçants.  Une  nou- 
velle route  reliera  ce  centre  à  l'Aouina  d'une  part  et  de  l'autre  à  la 
Cliotrana. 

Au  Nord-Ouest  de  la  Sokra,  une  grande  plaine  marécageuse 
s'étend  entre  les  contreforts  Est  du  djebel  Ahmar  et  le  lac 
Er-Riane  :  c'est  la  Chotrana  malsaine,  peu  habitée,  pauvre.  Cependant 
quelques  petits  propriétaires  européens,  installés  sur  un  point  de  cette 
plaine,  occupent  environ  150  hectares  de  terres  où  ils  ont  planté  de  la 
vigne.  Près  de  là,  le  petit  village  arabe  de  Djafar  végète. 

El-Aouina.  —  Ce  point,  situé  sur  la  ligne  de  Tunis  à  La  Gou- 
lette,  réunit  une  vingtaine  de  petites  fermes  européennes  occupant 
environ  500  hectares  :  céréales,  pâturages,  vignes,  olivettes,  l)étail. 
Les  habitants  d'El-Aouina  réclament  la  création  d'une  école. 

Sidi-Daoud.  —  Village  indigène  de  150  habitants,  d'origine  ber- 
bère, situé  dans  la  plaine,  au  Sud-Ouest  de  la  colline  de  Carthage  : 
quelques  jardins,  oliviers,  pâturages.  L'eau  y  fait  défaut,  et  les  habi- 
tants sont  obligés  de  s'approvisionner  pour  les  besoins  domestiques, 
soit  à  la  maison  cantonnière,  soit  à  Douar-er-Chott. 

La  Nlenihla.  —  Les  abords  de  la  route  de  Tunis  à  Bizerte  sont 
garnis  de  maisonnettes  siciliennes  entourées  de  quelques  ares  de 
vignes,  et  aussi  de  petites  exploitations  agricoles  indigènes;  le  colon 
français  y  est  rare.  La  Direction  de  l'Agriculture,  désirant  appeler 
ce  précieux  élément  dans  une  région  favorable  à  la  viticulture  et  au 
iai'dinane,  arécemment  créé  uncentre  h'aneais  sur  la  route  de  lîi/erle 
à  0  kilom.  au  Nord-Onest  de  Tunis,  dans  la  traversée  de  la  lorèt  d'oli- 
viers du  djebel  Ahmar,  près  de  l'ancien  fondouk  de  la  Mcnihia.  Ce 
point  vient  de  recevoir  le  nom  de  Villejac([ues  en  souvenir  d'un  ancien 
directeur  des  Postes  et  des  Télégraphes,  mort  en  service  à  Tunis, 
après  un  très  long  séjour. 


—  isn  — 

Sur  Li-ente  lots  de  contenance  diverses  (de  .'ÎOO  à  1.20(J  mètres 
carrés),  plusieurs  ont  été  réservés  par  l'Administration  pour  la  cons- 
truction de  divers  édifices  nécessaires  à  la  vie  fl'un  centre;  les  autres 
ont  été  livrés  à  la  colonisation  au  pi'ix  uniforme  de  dix  centimes  le 
mètre  carré.  Une  douzaine  de  lots  ont  été  acquis  dès  la  mise  en 
vente  et  sont  habités  par  de  petits  industriels  et  des  jardiniers.  Les 
arbres,  oliviers  et  caroubiers,  existant  sur  les  lots,  ont  été  payés  en 
sus  à  raison  de  1  fr.  50  le  pied.  30  hectares  de  terres  de  culture,  par- 
tiellement complantés  d'ohviers  viennent  d'être  allotis  pour  l'exten- 
tion  du  village. 

Ce  nouveau  centre  est  doté  d'une  distribution  postale,  d"un  puits 
public  et  d'une  école  mixte  qui  reçoit  10  élèves  :  1)  garçons  ("2  Iran- 
çais  et  7  italiens)  et  10  filles  (toutes  italiennes). 

Mélassine.  —  Le  petit  village  indigène  de  Mélassine,  accolé  à 
['éminence  sur  laquelle  la  Kasba  de  Tunis  est  construite,  produit 
beaucoup  de  Iruits  et  une  grande  quantité  de  beaux  légumes.  Les 
terres,  sauf  dans  la  partie  sud  qui  borde  le  lac  Sedjoumi,  sont  de 
bonne  qualité.  Il  n'existe  pas  de  source  et  la  nappe  souterraine,  qui 
se  trouve  de  8  à  10  mètres,  fournit  une  eau  sauniàtre,  fort  désagréa- 
ble au  goût,  mais  propre  à  l'irrigation. 

Le  Bardo.  —  Ancienne  résidence  d'hiver  des  beys  de  Tunis, 
Le  Bardo,  situé  à  3  kilm.  de  la  ville,  y  est  relié  par  une  excellente 
route,  le  chemin  de  fer  et  un  tramway  électrique.  Entre  le  Bardo  et 
Tunis,  se  trouve  le  petit  village  de  Ras-Tabia  autour  duquel  sont 
groupés  quelques  agriculteurs  européens. 

Des  maisons  de  plaisance,  des  jardins  toujours  verts  entourent  le 
vieux  palais  du  Bardo,  dont  l'ancien  harem,  converti  par  le  Gouver- 
nement Tunisien  en  musée  cWmiïqu'iiés  (Musée  AlaouiJ,  possède  des 
merveilles  de  mosaïques,  des  statues  romaines  de  toute  beauté,  des 
souvenirs  très  intéressants  de  l'époque  carthaginoise.  Tout  près  île  là 
se  trouve  le  palais  de  Kassar-Saïd. 

Le  Bardo  possède  deux  écoles  :  l'école  laïque  de  garçons  a  1 7  élè- 
ves, dont  4  français;  3  italiens;  8  maltais;  tinuisulmans. 

L'école  laïque  de  filles  a '212  élèves,  dont  10  françaises,  (>  italiennes, 
0  maltaises. 

La  Manouba.    —  A  8  kilm.   de  Tunis,  reliée  à  cette    ville  par 


—  10(1  — 

une  route,  le  chemin  de  fer  et  le  tramway  électrique,  \a  Manouha  se 
cache  littéralement  sous  le  feuillage  de  ses  grands  arbres  ;  c'est  à  tra- 
vers des  échappées  d'ombrages  que  l'on  aperçoit  les  maisons  mau- 
resques habitées  par  des  musulmans  de  Tunis.  Quelques  palais  au 
milieu  de  véritables  parcs  ;  dans  l'ancienne  propriété  de  Kasnadar 
sont  rassemblés  des  débris  curieux  provenant  des  ruines  de  Car- 
thage. 

Les  terrains  environnants  produisent  de  la  vigne,  des  céréales,  un 
peu  de  tourrage;  le  bétail,  principalement  le  mouton,  s'y  trouve  dans 
de  bonnes  conditions.  L'eau  de  puits,  la  seule  dont  dispose  la  popu- 
lation, est  assez  saumàtre  :  de  nombreux  aermotors  ont  remplacé, 
dans  les  jardins,  la  classique  noria.  Une  vingtaine  de  propriétaires 
européens  cultivent,  aux  alentours  de  la  Manouba,  environ  G. 500 
hectares  de  terre. 

Il  faut,  quand  on  visite  cette  localité,  grimper  jusqu'au  sommet  du 
monticule  qui  couronne  la  vieille  forteresse,  la  zaouia  et  quelques 
blanches  maisons.  De  ce  point,  qui  émerge  entre  le  lac  Sedjoumi  et 
le  village,  le  panorama  est  grandiose,  de  quelque  côté  qu'on  le  regarde. 

Ecole  laïque  de  garçons  :  22  élèves,  dont  0  français,  4  italiens,  un 
maltais,  11  musulmans. 

Ecole  congréganiste  de  filles  :  46  élèves,  25  françaises,  10  italiennes, 
5  maltaises. 

Qo  Partie  sud-ouest  du  Caïdat  de  la  Banlieue  de  Tunis 

Sedjoumi.  —  Au  sud-ouest  de  Tunis,  de  l'autre  côté  de  la 
dépression  saline  dont  nous  avons  parlé,  une  vingtaine  de  fermes  eu- 
ropéennes et  une  soixantaine  de  petites  exploitations  viticoles  appar- 
tenant à  des  Siciliens,  tapissent  les  valloimements  (jui  s'étagent  sur 
les  bords  du  lac  Sedjoumi.  Les  petits  carrés  de  vignes  et  les  planta- 
tions d'amandiers  sont,  en  général,  très  soignés  et  s'étendent,  du  point 
appelé  Sidi-Sedjoiimi  à  Dordj-CJiakir,  Bou-Nouara  et  Birine. 

Le  vaste  espace  «formant  une  sorte  de  quadrilatère  compris  entrr 
/ahrouine,  La  Mornaghia,  La  Mohammédia  et  ïHenchir  Foucha)i'i 
est  tacheté  d'une  multitude  de  petits  cnbes  blancs  recouverts' de  toit< 
rouges,  lichés  sur  le  dôme  de  minuscules  éminences,  et  (|ni  sont 
autant  de  maisonnettes  abritant,  chacune,  une  famille  sicilienne. 

Cette  colonisation  italienne  qui,  peu  à  peu,  envahit  la  région,  pro- 


—  l'.ll  — 

vienl  d'un  essaimage  dont  la  ruche  est  à  Sedjoumi.  Il  n'y  existait, 
voici  peu  de  temps,  qu'un  inCime  «groupement  d'une  vingtaine  de 
feux;  mais,  cliaqiio  année,  des  parents,  des  amis  arrivèrent  du  hameau 
de  Sicile  et  grossirent  le  bloc.  Provisoirement,  ils  s'établissaient  sous 
des  imttes,  construisaient  des  gourbis,  travaillant  dans  les  fermes 
voisines,  économisant  sur  le  salaire  journalier,  guettant  l'occasion 
rêvée  depuis  le  départ  du  pays  natal,  d'acheter  un  bout  de  terrain, 
de  devenir  propriétaires  !  Alors  un  petit  cube  de  maçonnerie  s'ajou- 
tait aux  autres  cubes,  un  nouveau  petit  carré  de  vignes  se  plaquait 
sur  le  liane  du  coteau  débroussaillé  et  ratissé.  Nous  parlerons,  à  la 
lin  de  la  monographie  du  Contrôle  de  Tunis,  de  la  colonisation  sici- 
lienne, et  nous  montrerons  que  ce  sont  souvent  ceux  qui  protestent 
avec  le  plus  de  véhémence  contre  le  «  Péril  Etranger  ;),  qui  s'empres- 
sent de  morceler  leurs  domaines  et  de  les  vendre,  par  bribes,  aux 
émigrants  italiens. 

Dans  cette  région,  l'eau  est  magnésienne  et  peu  propre  à  la  culture 
des  légumes  et  des  arbres  fruitiers;  le  régime  des  pluies  est  irrégu- 
lier et  les  vents  desséchants  y  soufflent  souvent.  La  salubrité  y  est 
parfaite,  il  n'existe  aucune  fièvre,  ni  maladie  endémique.  Enfin^  la 
voirie,  convenablement  entretenue,  dessert  la  plupart  des  fermes. 

Près  de  Sedjoumi  se  trouvent  les  grands  domaines  de  Biv-Kassa 
et  de  Mrira,  appartenant  à  des  Français.  Tous  deux  renferment  de 
remarquables  plantations  obtenues  à  grands  frais,  et  de  beaux  vigno- 
bles bien  tenus.  Sur  les  coteaux  pierreux  qui  formaient  la  ceinture 
de  la  dernière  propriété,  sont  installées  une  vingtaine  de  familles  ita- 
liennes à  enzel;  elles  occupent  iOO  hectares  rapportant  4,000  francs 
par  an.  Deux  lots  plus  grands  ont  été  acquis  par  des  Français.  Le  cen- 
tre du  domaine  constitue  un  véritable  village  ;  on  y  cultive  à  côté  de 
la  vigne  et  de  l'oranger,  les  céréales  et  les  fèves.  Quant  à  l'élevage, 
il  a  été  peu  pratiqué  en  raison  de  l'irrégularité  de  la  production  four- 
ragère. 

Fouchana.  —  Le  centre  de  colonisation  de  Fouchana,  créé  sur 
la  propriété  de  ce  nom  vers  la  fm  de  190'2,  par  la  Direction  de  l'Agri- 
culture, est  situé  au  sud  du  Domaine  de  M'rira  et  du  lac  Sedjoumi 
et  en  bordure  de  la  route  de  Tunis  à  Zaghouan. 

Le  centre  a  été  doté,  il  y  a  un  peu  plus  d'un  an,  d'une  distribu- 
tion postale  et  la  Direction  de  l'Agriculture  a  fait  construire,  en  l*.K)o, 


—  192  — 

un  tronçon  de  route  de  J  .500  mètres  environ  reliant  le  centre  de  la 
propriété  à  la  route  de  Zaghouan.  Cette  voie  d'accès,  prolongée  de 
quelques  centaines  de  mètres,  en  1904,  dessert  six  des  fermes  pré- 
citées. Les  trois  autres  colons  demandent  instamment  qu'elle  soit 
continuée  dans  le  plus  bref  délai  possible  jusqu'à  leurs  lots. 

Les  terres  de  la  région  sont  profondes,  de  bonne  qualité  et  con- 
viennent particulièrement  pour  la  culture  de  la  vigne  et  des  céréales. 
C'est  d'ailleurs  à  ces  cultures  que  presque  tous  les  colons  du  centre 
ont  l'intention  de  s'adonner.  Les  plantations  de  vigne,  commencées 
dès  la  première  année,  en  1903,  ont  continué  depuis.  Elles  ont  été 
faites  avec  soin,  dans  des  terrains  bien  préparés.  Aussi,  les  plants  se 
développent-ils  rapidement  et  avec  une  vigueur  qui  témoigne  sûre- 
ment que  le  sol  leur  est  favorable. 

En  attendant  que  les  plantations  de  vigne  soient  achevées  et  pro- 
duisent, les  colons  consacrent  chaque  année  d'assez  grandes  surfaces 
aux  céréales.  Malheureusement,  et  malgré- de  bons  labours  prépara- 
toires, les  deux  années  du  début  ont  été  mauvaises.  La  récolte  de 
l'an  dernier  était,  en  effet,  médiocre  et  celle  de  cette  année  l'est  encore 
davantage.  Les  petits  propriétaires  de  Fouchana  qui  ont  mis  tout 
leur  avoir  dans  leurs  lots,  au  cours  de  ces  deux  années  et  qui  comp- 
taient sur  le  produit  des  ensemencements  pour  compléter  leur  outil- 
lage et  achever  la  mise  en  valeur  du  sol,  vont  se  trouver  dans  une 
situation  bien  critique  qui  retardera  beaucoup  le  développement  nor- 
mal du  centre. 

Ainsi  que  dans  nombre  d'autres  endroits,  les  lots  de  Fouchana 
sont  trop  petits  pour  la  culture  céréalière.  Les  plus  grands  n'atteignent 
pas  100  hectares;  certains  n'en  ont  que  L2  à  25  ;  il  est  vrai  que  ces 
derniers  renferment  des  puits,  grâce  auxquels  on  pourrait  entrepren- 
dre avec  chances  de  succès  la  culture  maraîchère  qui  serait  possible 
en  raison  de  la  proximité  de  Tunis.  On  dit  cependant  que  la  région 
de  Fouchana  est  particulièrement  exposée,  probablement  à  cause 
de  sa  situation  vis-à-vis  du  lac  Sedjounii,  à  un  vent  violent  du  Nord- 
Nord-Ouest,  qui  constitue  un  obstacle  sérieux  pour  la  production  des 
primeurs  et  surtout  poui'  la  culture  des  arbres  fruitiers.  La  situation 
n'était  pas  dilférenle  dans  la  vallée  du  Rhône  à  cause  du  mistral,  cl 
la  question  des  abris  y  a  été  heureusement  résolue. 

Le  centre  n'est  pas  assez  important  pour  obtenir  une  école.  Aussi, 
les  colons  de  Fouchana  souhaitent-ils  vivement  que  la  Direction  de 


—  10:}  - 

l'Agriculture  s'efforce  d'acheter  de  nouvelles  terres,  de  façon  à 
agrandir  le  centre,  ce  qui  permettrait,  dans  la  suite,  de  le  doter 
d'une  école. 

La  Mornaghia.  —  Le  centre  français  de  La  Mornaghia  est  situé  à 
14  kilométrés  au  sud-ouest  de  Tunis,  sur  la  route  de  Tunis  au  Kel 
qui  traverse  la  propriété  dans  le  sens  de  la  longueur,  sur  un  par- 
cours de  6  kilomètres. 

Ce  centre  a  été  formé,  il  y  a  trois  ans,  par  l'allotissement  d'un 
domaine  de  3.500  hectares  aclieté  par  la  Direction  de  l'Agriculture 
à  la  Banque  de  Tunisie.  Deux  autres  domaines  Bradah  et  Damous, 
de  5(X)  hectares  environ,  contigus  à  La  Mornagliia,  ont  été,  en  lî^)04, 
annexés  à  ce  centre,  divisés  en  cinq  lots,  et  répartis,  sur  la  demande 
de  l'Association  des  Colons  de  La  Mornaghia,  entre  autant  de  familles 
alliées  à  des  colons  déjà  établis.  Ce  peuplement,  par  son  homogé- 
néité, donnera  sûrement  de  bons  résultats. 

La  Mornaghia  comprend  actuellement,  avec  les  deux  domaines  ci- 
dessus  désignés,  cinquante-quatre  familles  Irançaises  et  300  habi- 
tants. Avant  la  cession  à  l'Etat,  la  Banque  de  Tunisie  avait  aliéné 
environ  500  hectares  sur  lesquels  sont  établis  dix-sept  tamilles  ita- 
licMines.  Installés  à  l'entrée  du  village,  de  chaque  côté  de  la  route, 
ces  Italiens,  tous  gens  paisibles  d'ailleurs,  ne  fréquentent  pas  le  grou- 
pement français.  Au  Sud-Ouest,  à  l'autre  extrémité,  également  de 
chaque  côté  de  la  route,  se  trouve  le  groupement  des  fermes  françai- 
ses de  Saint-Cijprien  (Caïdat  de  Tébourba).  Au  centre  de  La  Morna- 
ghia, dans  le  bordj,  ont  été  centralisés  les  services  publics  :  Postes 
et  Télégraphe,  Ecole,  Police,  Ponts-et-Chaussées,  etc..  Le  grand 
jardin  attenant  au  bordj  a  été  loué  à  l'Association  des  Colons  qui  l'a 
mis  en  valeur;  ce  jardin,  très  ombragé,  dont  l'accès  est  laissé  libre 
au  public,  constitue  une  propriété  publique  d'agrément,  que  l'on 
rencontre  rarement  dans  les  autres  centres.  En  face  du  bordj,  le 
village  se  forme  progressivement.  Les  avenues  devraient  être  dès 
maintenant  plantées  d'arbres,  et  pour  la  conservation  de  ces  derniers, 
l'accès  en  devrait  être  interdit  au  bétail. 

En  résumé,  en  un  très  court  espace  de  temps,  La  Mornaghia  a  été 
complètement  livrée  à  la  colonisation  effective,  tous  les  possesseurs 
de  lots  étant  agriculteurs.  Sauf  deux  ou  trois  exceptions,  tous  les 
colons  ont  construit.  Il  ne  reste  plus  de  terres  à  vendre. 


—  -llli  — 

Pour  compléter  le  centre,  il  y  aurait  lieu  de  rechercher  l'acquisi- 
tion d'une  enclave,  Braclah  Sghir,  bien  habous,  et  de  l'henchir  Bou- 
Rekba,  limitrophes.  On  aurait  ainsi,  aux  portes  de  Tunis,  un  centre 
français  de  5.000  hectares  —  près  de  7.000  en  y  ajoutant  Saint- 
Cyprien  —  où  seraient  réunies  plus  de  cent  familles  françaises. 

La  Mornaghia  a  la  forme  d'un  vaste  cirque  dont  les  collines  du 
Nord  et  Nord-Ouest  figureraient  les  gradins,  etdontJa  plaine,  au  Sud 
et  au  Sud-Ouest  tormerait  la  piste.  Les  coteaux  du  Nord  sont  séparés 
en  deux  vallons  par  l'oued  Tine,  profondément  encaissé  ;  ceux  du 
Nord-Ouest  sont  divisés  par  l'oued  Chafrou  qui  se  déverse  dans  la 
plaine.  Ces  oueds  sont  à  sec  en  été.  L'oued  Cliafrou  mal  endigué,  se 
jetant  dans  la  plaine  en  delta,  cause  des  ravages  en  hiver;  il  a  envahi 
une  assez  grande  superficie  de  terrains  défrichés  par  les  colons,  et 
qui  maintenant  se  couvrent  de  joncs.  Il  serait  nécessaire,  afin  de  ren- 
dre ses  terres  à  la  culture,  et  aussi  pour  éviter  l'éclosion  fatale  du 
paludisme,  de  procéder  à  l'évacuation  complète  des  eaux  d'hiver. 

Dans  la  plaine,  l'eau  se  trouve  partout  en  abondance,  à  des  profon- 
deurs variant  de  cinq  à  dix  mètres;  ces  eaux  proviendraient  de  cou- 
rants souterrains  qui,  suivant  les  couches  dans  lesquelles  ils  passent, 
sont  de  nature  magnésienne,  saumàtre  ou  douce.  Ces  courants  sont 
parfois  très  rapprochés,  ce  qui  explique  qu'tà  une  faible  distance, 
deux  puits  peuvent  donner  des  eaux  très  dilTérentes. 

Dans  la  partie  montagneuse,  on  trouve  des  traces  assez  nombreuses 
de  puits  romains;  sur  un  coteau  du  Nord-Est,  à  30  mètres  d'altitude 
au-dessus  de  la  route  et  à  70  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la 
plaine,  un  sondage  pratiqué  il  y  a  un  an,  a  l'ait  découvrir  un  courant 
d'eau  très  douce,  paraissant  provenir  du  djebel  Sidi-Salah.  L'eau  est 
remontée,  après  le  sondage,  à  2  mètres  70  du  sol  ;  elle  avait  éh' 
rencontrée  à  5  mètres  40.  Une  fois  le  puits  pratiqué,  l'eau  est  montée 
à  1  mètre  80  du  sol  ;  puis,  en  juin  1905,  elle  a  subitement  baissé,  )u' 
donnant  plus  qu'un  faible  débit.  Au  commencement  de  juillet,  le 
puits,  qui  n'avait  été  creusé  qu'à  1- mètivs  iO,  c'est-à-dire  à  un  mè- 
tre au-dessus  du  niveau  de  la  source  recouverte  par  une  couche 
épaisse  de  scliiste,  a  été  descendu  à  5  mètres  iO  et  les  sources  on! 
aussit(H  fourni  un  débit  plus  abondant.  L'expérience^  se  contiiuK»  ;  dit- 
est  intéressante,  car  la  source  a  été  recliercliéc  sui-  uii  puinl  (ui,  en 
1903,  malgré  le  rocher,  l'eau  venait  émerger  à  la  surface  du  sol.  Il 


—  inr.  - 

est  permis  de  supposer  que  la  nappe,  en  un  endroit  plus  élevé,  pour- 
rait être  jaillissante.  La  Direction  des  Travaux  publics  voudra  certai- 
nement étudier  la  question.  Quoiqu'il  en  soit,  les  Romains  avaient  dû 
capter  une  source  sur  ces  coteaux,  car  on  retrouve,  en  aval,  des 
traces  de  bains  qui  furent  importants. 

Des  soulèvements  de  terrain,  présumés  postérieurs  à  l'occupation 
romaine,  ont  sans  doute  cliangé  la  direction  des  courants  souter- 
rains, ce  qui  explique  que  des  puits  merveilleusement  conservés  et 
qui  durent  être  autrefois  très  abondants  en  eau,  ne  donnent  qu'ini 
débit  insignifiant.  Les  Romains  ont  dû  cultiver  intensivement  cette 
l'égion,  qui  fût  très  boisée  ;  les  nombreuses  ruines  rencontrées  sur 
les  coteaux  et  dans  la  plaine  l'attestent  notoirement.  Si  des  recher- 
ches pratiques  étaient  tentées,  et  si,  comme  il  y  a  lieu  de  le  croire, 
elles  donnaient  de  bons  résultats,  le  reboisement  des  coteaux  pour- 
rait se  refaire  à  brève  échéance. 

Pour  conclure,  l'eau  ne  manque  pas  à  La  Mornaghia,  et,  dans  la 
plaine,  on  la  trouve  à  chaque  pas. 

Les  colons  pratiquent,  jusqu'à  ce  jour,  la  culture  des  céréales 
et  plus  particulièrement  de  l'avoine,  dont  les  rendements,  dans  les 
terrains  de  plaine,  ont  atteint  jusqu'à  30  pour  un  en  1904.  Cette 
année,  la  plaine  a  souffert  de  la  sécheresse  et  les  coteaux  ont  mieux 
résisté;  en  plaine,  les  rendements  de  l'avoine  sont  de  5  pour  un;  en 
coteaux,  de  10  à  15.  En  somme,  le  rendement  moyen  de  l'avoine 
serait,  en  temps  normal,  de  15  pour  un.  On  sème  généralement  80 
kilog.  à  l'hectare. 

Le  blé,  peu  cultivé  jusqu'ici,  donnerait  des  rendements  inférieurs; 
il  vient  bien,  mais  a  des  tendances  à  se  dessécher  à  la  floraison.  De 
la  tuzelle  de  très  belle  qualité  comme  grain,  cultivée  à  mi-côteau,  a 
à  rendu,  cette  année,  8  (juintaux  à  l'hectare. 

L'orge  doit  être  semée  dans  terrains  bien  défrichés  ;  dans  les  terres 
récemment  défrichées,  elle  a  donné  des  déboires.  Sur  les  coteaux,  à 
l'emplacement  surtout  des  ruines  romaines,  le  grain  est  magnifique 
et  serait  recherché  pour  la  malterie.  Les  rendements  d'orge  seraient 
de  45  à  18  quintaux  à  l'iiectare  dans  les  terrains  propices. 

Quelques  colons  ont  commencé  des  petits  vignobles  ;  la  réussite  du 
vignoble  italien  indique  nettement  que  cette  culture  peut  être  prati- 
quée en  coteaux:  mais,  d'une  part,  l'établissement  des  colons,  d'un 


—   lOG  — 

autre  côté  la  mévente  des  vins,  font  que  la  plantation  de  la  vigne  ne 
s'opère  que  très  lentement. 

Dans  la  plaine,  avec  l'abondance  d'eau,  la  grosse  culture  maraî- 
chère —  artichauts,  oignons,  tomates,  choux,  maïs,  sorgho,  etc. . . — 
devra  donner  d'excellents  résultats,  dès  que  les  colons,  moins  pressés 
de  réaliser,  par  la  culture  de  l'avoine,  les  revenus  nécessaires  aux 
frais  de  premier  établissement  et  au  paiement  des  annuités,  pour- 
ront s'y  livrer  plus  aisément.  Dans  le  jardin  du  bordj,  où  il  n'est  ins- 
tallé que  depuis  huit  mois,  le  locataire  a  pleinement  réussi  la  culture 
des  légumes. 

A  l'heure  actuelle,  là  où  la  culture  indigène  n'arrivait  pas  à  pro- 
duire plus  de  600  à  700  quintaux  de  céréales,  les  Français  peuvent, 
dans  une  année  normale,  avec  un  assolement  rationnel,  récolter 
15.000  quintaux. 

Les  pâturages  de  La  Mornaghia  sont  peu  abondants  mais  très 
nutritifs.  Les  bovidés  engraissent  vite  et  bien,  et  sont  recherchés 
pour  la  boucherie.  Pas  d'épizootie  sérieuse,  sauf  au  printemps  et  par 
les  temps  orageux,  quelques  cas  de  météorisation  faciles  à  réprimer 
par  les  procédés  connus.  Le  troupeau  des  colons,  surtout  en  bijoufs 
de  labours,  est  déjà  important  —  près  de  800  tètes  —  mais  l'absence 
du  pâturage  communal  constitue,  pour  certains,  une  gène  en  raison 
de  l'extension  donnée  aux  labours  dans  les  premières  années. 

L'herbe  des  coteaux  est  très  recherchée  par  les  indigènes  poui'  le 
pâturage  du  mouton;  cependant  ces  pâturages,  qui  sont  excellents  de 
décembre  à  fin  mars,  deviennent  dangereux  dès  que  Yamra  com- 
mence à  fleurir.  Les  colons  ne  font  donc  pas  l'élevage  du  mouton  : 
ils  louent  avantageusement  les  pâturages  aux  nomades. 

Les  douars  voisins  de  La  Mornaghia  |)rocurent  aux  colons  la  main- 
d'œuvre  indigène.  Les  Arabes  sont  payés  à  la  journée  ou  au  mois, 
soit  1  fr.  '25  à  1  fr.  50  par  jour,  ou  40  à  45  francs  par  mois  ;  les  bons 
laboureurs,  les  hommes  de  confiance,  reçoivent  deux  francs  par  joni-. 
iiien  traités  par  leurs  patrons,  ils  n'ont  soulevé,  jusqu'à  ce  join-, 
aucun  conflit.  S'il  surgit,  par  hasard,  quelque  difficulté  au  sujet  du 
règlement  des  journées  de  travail,  le  Cheikh  s'unit  au  dévoué  pré- 
sident de  l'Association  des  Colons  pour  remettre  les  choses  au  point. 
Les  décisions  sont  rendues  sous  le  caroubier  du  coin  —  qui  a  rem- 
placé le  chêne  antique  —  et  elle  sont  toujours  respectées. 


—  107  — 

Balayée  parles  vents,  La  Mornayliia  est  très  saine;  aucune  épi- 
démie ne  s'y  est  déclarée.  Non  seulement  il  ne  se  produit  pas  de 
maladie,  mais  les  gens  débilités  s'y  refont  promptement.  i'ays  salubre, 
absence  de  cas  de  fièvre. 

L'aménagement  normal  et  progressif  des  chemins  de  desserte  des 
fermes  se  poursuit  à  la  satisfaction  des  colons.  Tout  ce  qui  pouvait 
être  fait  jusqu'ici  l'a  été,  et  les  projets  à  l'étude  seront  certainejnent 
exécutés. 

Gomme  nous  l'avons  vu,  une  Association  des  Colons  franrais  s'est 
formée  à  La  Mornagliia.  Elle  est  présidée  par  M.  Souciet  et  peut  être 
considérée  comme  le  modèle  du  genre;  par  son  énergie,  l'esprit  de 
conciliation  dont  elle  est  animée,  la  solidarité  qui  unit  tous  ses  mem- 
bres, elle  a  puissamment  contribué  à  l'enracinement,  dans  un  pays 
inconnu,  d'un  important  groupement  français. 

La  tâche  noble,  assumée  par  M.  Souciet,  porte  déjà  ses  fruits  ; 
grâce  à  ses  conseils  et  à  l'heureuse  impulsion  qu'il  a  su  donner  à 
l'Association,  la  petite  colonie  de  La  Mornagliia  s'est  pleinement  enga- 
gée dans  la  voie  du  progrès.  Si  quelques  nuages  obcurcissent  encore 
riiorizon,  l'Administration,  qui  a  montré  tant  de  bienveillance,  s'ef- 
forcera de  les  dissiper. 

Lorsque  je  me  rendis  à  La  Mornaghia,  M.  Souciet  était  au  fond  d'un 
puits.  Il  forait.  Depuis  une  semaine,  sans  un  moment  de  défaillance, 
il  restait  dans  ce  trou,  taillant  le  roc,  cherchant  l'eau  douce  et  lim- 
pide <*'.  Et  il  trouva.  Il  suffit  maintenant  de  parfaire  la  besogne,  de 
creuser  plus  avant,  de  tirer  de  la  nappe  tout  ce  qu'elle  est  suscepti- 
l»le  de  donner:  la  Direction  des  Travaux  publics  a  la  parole. 

Le  président  sortit  du  puits  et  me  remit  les  véridiques  documents 
qui  m'ont  permis  d'établii-  le  bref  historique  du  centre  de  La  Mor- 
nagliia. Il  me  fit  part  aussi  des  desiderata  des  colons.  Us  ne  sont  pas 
excessifs. 

Les  colons  sont  unanimes  à  demander,  en  premier  lieu,  que  la 
sécurité  leur  soit  assurée.  Us  désirent  que  rélude  du  projet  d'un  che- 
min de  fer  sur  roule  suit  aclivenienl  poursuivie.  La  création  d'un 
marché  local,  hebdomadaire  au  début,  sera  demandée  incessamment 


(I)  Actuellemunl  Tcau  coule,  al)t)iuianto,  sur  la  proiiiiolo  do  M.  Souciet.  Ce  dernier  se 
propose,  d'ailleurs,  d'établir  une  vaste  crcssonuicro  et  de  procéder  à  la  culture  de  récre- 
visse. 

^  ^^  ^ 

La  Tunisie  du  Nord  1^ 


—  198  - 

à  la  Direction  des  Finances.  A  ce  marché  pourraient  se  ravitailler 
non  seulement  les  colons  de  La  Mornaghia,  mais  ceux  de  Saint-Cy- 
prien,  de  Bordj-El-Amri,  d'El-Aouïne,  d'El-Hammeim,  etc.  A  cette 
même  Direction,  l'Association  va  demander  d'aider  à  l'organisation 
dïine  caisse  rurale  de  crédit  agricole.  L'Association  possède  tous  les 
moyens  de  créer  el  de  faire  prospérer  cette  institution. 

La  Mornaghia  a  une  Ecole  mixte  :  '21  élèves,  dont  13  garçons  (12 
français,  1  italien),  et  8  filles  (7  françaises,  1  italienne). 

Aïn-El-Asker.  —  Situé  sur  la  limite  Sud-Ouest  du  Gaïdat  de 
la  banlieue,  à  33  kilomètres  de  Tunis  et  à  8  kilomètres  de  la  gare  de 
Djebel-Oust  (ligne  de  Tunis  à  Pont-du-Fahs),  Aïn-El-Asker  fait  par- 
tie d'un  important  groupement  de  colonisation  française,  comprenant 
les  centres  de  Smindja,  Aïa-El-Asker,  Maizila.  Nous  nous  occupe- 
rons spécialement  de  ce  groupement  dans  le  chapitre  V,  consacré 
au  Gaïdat  de  Zaghouan. 

Le  site  est  pittoresque.  Du  village,  la  vue  s'étend  jusqu'à  l'aqueduc 
romain  qui,  venant  de  Zaghouan,  traverse  la  vallée  de  l'oued  Miliane, 
vers  Oaclna.  Au  fond  de  la  plaine,  se  détache  le  Bou-Khornine,  le 
djebel  Ressas  et  le  Zaghouan. 

Aïn-El-Asker  a  été  créé  en  1887,  par  l'initiative  privée. 

Autrefois  connu  sous  le  nom  de  Rhedir-es-Soltane,  Aïn-El-Asker, 
la  a  Source  du  Soldat  »,  est  établi  près  d'une  source  abondante 
autour  de  laquelle  campaient  les  armées  beylicales,  à  leur  première 
étape  sur  la  route  de  Tunis  à  Kairouan.  Getle  source  a  été  récem- 
ment captée  par  les  Travaux  Publics  et  alimente  le  vaste  bassin  situé 
sur  le  bord  de  la  route,  dans  l'emplacement  réservé  au  marché. 

La  première  ferme  française  de  Rhedir-es-Soltaiie  a  été  construite 
aussitôt  après  l'occupation,  en  1883.  Des  colons,  séduits  par  l'aspect 
verdoyant  de  cette  contrée  voisine  de  Tunis,  se  groupèrent,  et,  en 
quelques  années,  une  dizaine  de  fermes  s'y  créèrent.  De  coquettes 
maisons  s'élevèrent  au  milieu  des  lentisques  et  des  jujubiers,  des 
vignes  furent  plantées  et,  après  vingt  années  d'eiTorts  ])ersévéranls, 
Aïii-Kl-Asker  est  devenu  un  des  phis  beaux  et  des  |tliis  prospères 
villages  de  la  colonisation  française  en  Tunisie;  le  centre,  en  eiïel, 
comprend  aujourd'hui  dix-sept  lermes  françaises  dont  la  superlicie 
varie  de  1(X)  à  3. (XX)  hectares,  et  dont  la  contenance  totale  dépasse 
7.0U0  hectares. 


—  ion  — 

L;i  Direction  «le  rAyiiciillure  vient  d'allotir,  près  li'Aïn-El-Asker, 
riiencliir  Maizila,  renfermant  7  lots  dont  la  contenance  varie  entre  7 
et  1.'Î5  hectares;  mis  en  vente  au  piix  moyen  <le  130  francs  l'hectare, 
ils  ont  été  de  suite  occupés. 

Entre  Aïn-El-Asker  et  la  gare  du  Djcbel-Oust,  se  trouve  l'iionciiir 
Hdouch-Guedam,  de  GOO  hectares  environ.  Cette  propriété  a  été 
divisée  en  petits  lots  achetés  à  enzel  par  des  cultivateurs  siciliens, 
et  abrite  une  population  de  plus  de  300  habitants.  C'est  là  un  exemple 
frappant  de  l'activité  de  la  colonisation  sicilienne. 

Les  terres  d'Aïn-El-Asker  sont  de  nature  argilo-calcaire,  faciles  à 
travaiher,  suffisamment  riches  en  acide  phosphorique  et  en  azote, 
très  riches  en  potasse.  Elles  conviennent  à  la  culture  des  céréales,  au 
jardinage  et  principalement  à  la  vigne  et  aux  arbres  fruitiers.  Les 
blés  tendres  donnent  un  rendement  moyen  de  12  quintaux  à  l'hectare, 
et  l'avoine  de  15  à  20  quintaux.  Dans  les  terrains  bien  défoncés  et 
cultivés  avec  soin,  la  vigne  produit  de  40  à  50  hectolitres  de  vin  à 
l'hectare;  les  vins  d'Aïn-El-Asker  sont  réputés  sur  le  marché  de 
Tunis. 

L'élevage  du  mouton  paraît  réussir  tout  particulièrement  dans  cette 
région.  Deux  colons,  MM.  lloude  et  Obert,  qui  depuis  plusieurs  an- 
nées entretiennent  un  troupeau  de  brebis  de  race  algérienne  (mé- 
tis-mérinos), ont  obtenu  d€s  résultats  excellents.  On  nous  a  commu- 
niqué des  chiffres  qui  sont  bien  faits  pour  iuA'iter  les  éleveurs  à  tenter 
l'expérience  :  un  capital  initial  de  500  trancs  a  donné,  en  quatre  ans, 
un  produit  de  6.600  francs  ! 

La  colonisation  française  dans  les  régions  d'Aïn-El-Asker,  Bir- 
^l'cherga  et  Smindja  —  nous  le  verrons  plus  loin  —  présente  un 
ensemble  remarquable.  Aujounlliui  les  fermes  françaises  se  succè- 
dent sans  interruption  d'Aïn-El-Asker  jusqu'à  Zaghouan,  sur  une 
longueur  de  plus  de  50  kilomètres,  le  centre  de  Smindja,  récemment 
créé  par  la  Direction  de  l'Agriculture,  ayant  comblé  la  lacune  (jui 
existait. 

Ecole  mixte  à  Aïn-El-Asker  ;  12  élèves,  7  garçons  (5  fram  ais.  1 
italien,  1  musulman),  et  5  filles  (françaises). 


—  200  — 

3o  Partie  Nord-Est  du  caïdat  de  la  Banlieue  de  Tunis 

Fondouk-Choucha.  —  La  route  de  Sousse,  qui  couduit  de  Tunis 
à  Rades,  traverse  une  succession  de  jardins  maraîchers,  des  cliamps 
de  vignes,  quelques  fermes  françaises  et  le  beau  domaine  de  Mégrine, 
de  700  hectares  environ,  qui  comprend  une  partie  en  plaine  et  l'autre 
en  coteau.  Les  vignes  de  Mégrine,  favorisées  par  la  nature  argileuse 
du  sol,  sont  très  belles. 

Entre  Tunis  et  Mégrine,  à  El-Afrane  (djebel  Djelloul),  la  colonisa- 
tion européenne  s'implante  fortement.  L'école  mixte  qui  y  est  instal- 
lée, a  reçu,  dès  l'ouverture  1905,  40  élèves  :  19  garçons,  dont  7 
français,  12  italiens,  et  21  filles,  dont  12  françaises  et  9  italiennes. 

La  Direction  de  l'Agriculture  vient  d'allotir  un  terrain  d'une  conte- 
nance  de  70  hectares  environ,  situé  à  7  kilomètres  à  l'Est  de  Tunis, 
à  3  kilomètres  au  Nord-Ouest  de  Rades,  sur  la  route  de  Sousse  à 
Tunis.  Ce  nouveau  centre,  qui  porte  le  nom  de  Fondouk-Chouclia, 
est  destiné  de  préférence  aux  ouvriers  de  la  culture  et  des  industries 
et  métiers  touchant  à  la  culture  (forgeron,  charron,  bourrelier,  ma- 
réchal-ferrant,  etc.  ).  Il  a  été  divisé  en  treize  lots  de  culture,  de  2 
hectares  50  à  4  hectares  70,  dont  le  prix  varie  entre  100  et  500  francs 
riiectare,  et  en  23  lots  industriels  de  433  à  1989  mètres  carrés,  à  dix 
centimes  le  mètre  carré. 

Les  13  lots  de  culture  ont  été  acquis  dès  leur  mise  en  vente,  et  12 
lots  industriels  sont  actuellement  occupés;  avant  la  fhi  de  l'année 
les  onze  lots  qui  restent  disponibles  seront  certainement  achetés.  Il 
y  aura  donc  là  un  groupement  d'une  trentaine  de  familles  françaises, 
composées  de  jardiniers  et  d'ouvriers  agricoles.  Cet  essai  de  toute 
petite  colonisation,  aux  portes  de  Tunis,  sera  fort  intéressant  à  suivre. 

Rades.  —  Rades,  ou  mieux  Max ula- Rades,  sïiné  à  10  kilomètres 
de  Tunis,  station  de  chemin  de  fer,  est  divisé  en  deux  parties  : 

1"  Hadès,  village  arabe  construit  sur  une  butte  dominant  le  golfe 
au  Nord,  et  les  plaines  à  l'Est  et  à  l'Ouest.  Cette  localité,  très  aérée 
et  salubre,  est  fréquentée  par  quelques  ilches  musulmans  de  Tunis, 
(jui  riiabitcnt  iirescpie  à  l'exclusion  di'S  européens. 

2"  Maxiila,  situé  dans  la  partie  basse. 

C'est  un  groupe  «le  villas  avec  jardins  agréablement  aménagés  et 
traversés  par  une  large  avenue  conduisant  à  la  plage  (desservie  par 


—  201    - 

1111  Iramway).  Ce  joli  village,  exclusivement  français,  bâti  sur  les 
ruines  de  la  Maxula  romaine,  date  de  18(11.  Sa  création  est  due  à 
l'initiative  de  quelques  citoyens  (jui  avaient  pour  but  d'organiser, 
près  de  Tunis,  une  station  balnéaire  Irançaise  au  détriment  de  la 
cosmopolite  Goulette.  L'rcuvre  a  pleinement  réussi,  et  Rades  se 
développe  et  s'embellit  chaque  jour.  C'est  une  des  stations  estivale 
les  plus  fréquentées. 

L'eau  souterraine  de  Rades  est  cliargée  de  chlorure  de  sodium, 
mais  depuis  J891-  la  conduite  de  Grombalia  remédie  à  cet  inconvé- 
nient. 

Près  de  Rades,  se  trouve  le  petit  village  de  Sidi-Falallah,  situé 
au  pied  d'un  rocher  légendaire,  sur  la  route  de  Tunis  au  Mornag. 

Deux  écoles  primaires  avec  internat,  l'une  de  garçons,  l'autre  de 
filles,  ont  été  installées  à  Rades  alin  de  permettre  aux  colons, 
ouvriers  et  employés  divers  qui  habitent  des  centres  dépourvus  de 
tout  établissement  scolaire,  de  faire  donner  à  leurs  enfants,  à  prix 
modérés,  une  bonne  instruction  primaire  pratique.  Elles  sont  ouver- 
tes aux  élèves  dont  les  familles  résident  dans  la  localité. 

Situées  sur  l'un  des  points  les  plus  salubres  en  Tunisie,  l'installa- 
tion matérielle  en  est  excellente.  Un  petit  atelier  pour  le  travail  du 
bois  et  du  fer  est  annexé  à  l'école  des  garçons;  l'école  des  tilles  pos- 
sède un  atelier  de  couture.  Ecole  de  garçons  :  88  élèves,  dont  (iO 
français,  17  italiens,  1  musulman,  4  divers.  Ecole  des  filles  :  78  élè- 
ves, dont  54  françaises,  20  italiennes,  4  maltaises. 

Hammam-Lif. —  Entre  Rades  et  Hammam-Lif,  le  petit  village 
naissant  de  Saint-Germain  étale  ses  modestes  maisonnettes  au  fond 
de  la  plaine,  près  la  mer.  Il  est  sans  prétention,  et  nombre  de  petits 
employés  recherchent  ce  coin  tranquille.  La  Direction  de  l'Agricul- 
ture y  a  alloti  et  vendu  quelques  parcelles  de  terrain. 

Un  peu  plus  loin,  Hammam-Lif,  abrité  des  vents  du  Sud  par  le 
Rou-Khornine,  émerge  de  la  verdure.  Situé  à  IC)  kilomètres  de  Tunis 
(chemin  de  fer),  le  village  arabe  a  été  réédilié  par  le  Rey  Hussein, 
(jui  en  avait  fait  sa  résidence  d'été;  un  grand  palais  constituait  son 
habitation  et  celle  de  sa  suite;  il  existe  encore  et  appartient  à  la 
famille  beyiicale. 

Hammam-Lif  renferme  trois  sources  thermales  Aqmv  Pcrsaniiv: 
deux  sont  aménagées  dans  le  palais,  et  la  troisième  dans  la  maison  de 


—  !2(»2  — 

l'ex-ministre  Khéredine,  cédée  à  la  Banque  de  Tunisie  qui  y  a  ins- 
tallé un  établissement  fort  bien  compris  à  l'usage  des  Européens. 
M.  le  docteur  Bastide,  directeur  du  Service  de  la  Santé  en  Tunisie, 
estime  que  la  température  de  ces  eaux  (46  à  49o)  et  la  grande  quan- 
tité de  chlorure  de  sodium  qu'elles  contiennent,  doivent  les  faire 
ranger  parmi  les  eaux  chlorurées  sodiques  fortes,  hypothermales  ; 
elles  renferment  des  iodures  en  petite  quantité;  elles  oiïrent  deux 
éléments  thérapeutiques  à  utiliser  :  leur  minéralisation  et  leur  ther- 
malité.  Ces  eaux  sont  considérées  comme  très  efficaces  contre  les 
rlîumatismes,  les  affections  cutanées,  nerveuses  et  scrofuleuses.  Elles 
jouissaient,  dans  l'antiquité,  d'une  grande  réputation. 

Trente-cinq  hectares  de  mauvais  terrain  placé  entre  le  Bou-Khornine 
et  la  plage,  ont  été  peu  à  peu  conquis  sur  le  marécage,  asséchés, 
nettoyés,  pourvus  de  rues  et  parés  d'avenues  ;  puis,  allotis,  mis  en 
vente,  ils  ont  été  rapidement  enlevés  par  les  citadins  qui,  en  quelques 
années,  ont  fait  naître,  pousser,  fleurir  une  joHe  petite  ville,  domi- 
née par  un  casino  que  viennent  baigner  les  tlots. 

La  plage  d'Hammam-Lil  est  fort  belle;  toute  de  sable  tin,  elle 
s'étend  largement  sur  le  golfe  de  Tunis;  aussi  est-elle,  pendant  l'été, 
le  rendez-vous  du  Tunis  élégant. 

D'Hammam-Lif  on  peut  faire,  sans  trop  de  fatigue,  l'ascension  du 
Bou-Khornine.  On  accède  au  sommet  de  ce  mont  (580  mètres  d'al- 
titude) par  des  sentiers  sous  bois,  tracés  à  travers  la  forêt  de  pins 
d'alep  que  la  Direction  du  Service  forestier  a  heureusement  recons- 
tituée et  défendue  contre  les  déprédations  des  indigènes  et  des  trou- 
peaux. 

<(  Du  plateau  qui  forme  le  soubassement  des  deux  cornes,  écrit 
M.  Gaston  Loth,  on  jouit  d'un  merveilleux  spectacle.  Sous  le  soleil 
ardent,  les  eaux  du  golfe  étendent  leur  nappe  d'un  bleu  profond 
jusqu'aux  confins  de  l'horizon.  Le  littoral  est  nettement  dessiné.  Il 
semble  que,  des  falaises  abruptes  de  Sidi-Bou-Said  aux  longues 
plages  de  Klieredine  et  de  la  (jouletle,  on  ait  ménagé  un  admirable 
boulevard.  L'Isthme  qui  protège  le  Bahira  do^  IL  ils  du  large  a{)pai'aît 
comme  un  fil  :  c'est  le  Tœnia  des  anciens. 

«  On  devine  le  tracé,  à  travers  le  lac,  du  canal  à  grande  section 
permettant  aux  navires  de  remonler  jus(|ir;"i  Tuiiis,  et  on  snil  les 
confoni's,  mollenuMit  dessinés,  de  la  ville  innnense,  blanc  mantcMU  du 
prophète,  caclianl  la  plaine  sous  ses  longs  plis.  Au  Sud,  la  niontagne 
de  plomb,  le  djebel  Ressns,  ;iiix  reflets  métalliques,  montre  à  nu  ses 


—  20:5  - 

arêtes  tranchantes  et  dessine  sur  le  fond  du  ciel  une  silhoutte  den- 
tellée  en  fines  lames  de  soie.  De  longues  rangées  de  collines  arron- 
flies  paraissent  entassées  au  pied  du  Zagliouan,  dont  le  profil,  voilé 
d'une  brume  léf^ëre,  contraste  par  sa  hardiesse  avec  les  sommets 
environnants.  » 

Hammain-Lif  possède  deux  écoles.  L'école  laïque  de  garçons  reçoit 

02  élèves  :  8  français,  36  italiens,  !  maltais,  13  musulmans,  i-  Israé- 
lites. 

L'école  laïque  de  filles  a  01  élèves  :  16  françaises,  59  italiennes, 

3  maltaises,  8  nuisulmanes,  5  juives. 

Potinville.  —  Le  domaine  de  Polinville,  situé  à  4  kilomètres 
d'Hammam-Lif  et  à  20  kilomètres  de  Tunis,  occupe  remplacement 
des  henchirs  Bordj-Gedria  et  lUr-El-Bey  ;  il  embrasse  une  superficie 
de  3.000  liectares  environ.  Le  sol,  composé  en  grande  partie  d'argile 
et  de  calcaire,  est  éminemment  propre  à  la  culture;  dans  la  région 
la  plus  élevée,  le  calcaire,  très  abondant,  fournit  la  matière  première 
d'une  importante  fabrication  de  chaux  hydraulique  et  de  ciment. 

Ginf[  fermes  ont  été  construites  sur  le  domaine;  la  ferme  centrale, 
ou  «  Potinville  »,  comprend  tous  les  bâtiments  que  nécessite  la  mise 
en  valeur  et  le  bon  fonctionnement  d'une  grande  exploitation  agri- 
cole moderne;  des  logements  d'employés,  des  maisons  ouvrières,  une 
école,  un  bureau  de  poste  et  télégraphe  en  font  presque  une  petite 
cité. 

La  culture  de  la  vigne  occupe  450  hectares  environ  et  produit 
annuellement  25.000  hectolitres  de  vin,  dont  la  plus  grande  quantité 
est  expédiée  en  France.  Ce  vin  a  un  titre  alcoolique  variant  de  10 
à  12";  limpide,  brillant,  d'un  beau  rouge,  il  s'améliore  notablement 
par  la  conservation.  Potinville  produit,  en  outre,  quelques  vins  de 
cépages  fins,  tel  que  le  cabernet,  le  pineau,  le  syrrah,  et  des  vins 
de  liqueur,  tels  que  muscat,  clairette,  mistelles,  marsala. 

La  culture  des  céréales  se  lait,  à  Potinville,  dans  de  vastes  propor- 
tions ;  l'olivier  y  croit  en  abondance;  enfin  l'élevage  du  bétail  y  est 
très  développé. 

«  La  race  bovine  est  représentée  par  des  sujets  robustes  provenant 
de  croisements  patienmient  étudiés  entre  les  races  indigènes  et  les 
espèces  françaises.  Après  de  nombreux  essais,  le  choix  s'est  défini- 


—  204  - 

tivement  arrêté  sur  la  race  salers,  qui  donne,  par  croisements  avec 
les  vaches  du  pays,  des  types  excellents  à  tous  égards. 

«  Une  race  nouvelle  de  mulets  a  été  créée  de  toutes  pièces,  prove- 
nant de  belles  juments  percheronnes  alliées  aux  baudets  du  Poitou. 
Les  produits,  nés  et  élevés  à  Potinville,  se  font  remarquer  par  leur 
vjoueur  et  leur  résistance. 

«  Ce  n'est  pas  tout.  L'élevage  du  mouton  est  l'objet  de  soins  assidus 
(juiont  abouti  peu  à  peu  à  des  améliorations  considérables.  Un  savant 
zoologiste,  M.  Samson,  a  constaté  les  admirables  résultats  produits 
par  l'importation  et  l'élevage  méthodique  du  mérinos  soissonnais; 
d'autres  essais  parmi  lesquels  on  peut  citer  les  croisements  du  mou- 
ton astrakan  avec  les  races  barbaresques,  ont  été  entrepris  avec  le 
même  succès. 

((  Pour  l'alimentation  de  ce  nombreux  bétail,  on  a  ensemencé  en 
fourrages  artificiels  une  notable  partie  des  terrains  situés  aux  abords 
des  fermes  de  Bordj-Habba  et  de  la  Mer.  Cette  dernière  possède,  en 
outre,  une  cinquante  d'hectares  de  prairies  naturelles  qui  produisent 
des  herbages  d'excellente  qualité.  » 

La  chaux  hydraulique  et  le  ciment  de  Potinville  sont  employés  par 
les  administrations  de  l'Etat.  Ils  sont  fabriqués  sur  place.  L'usine, 
bien  aménagée,  livre  plus  de  '20.000  tonnes  de  produits  par  an. 

Le  personnel  de  Potinville  varie,  selon  les  saisons,  de  300  à  000. 
Les  ouvriers  d'art,  les  chefs  de  chantiers,  les  contremaîtres  et  les  em- 
ployés proprement  dits,  sont  français;  seuls  les  travaux  secondaires 
ou  trop  pénibles  sont  exécutés  par  des  travailleurs  recrutés  sur  place. 
La  direction  de  cette  exploitation  modèle  a  été  fort  lieureusement  con- 
fiée à  M.  Gauvry,  ingénieur-agronome,  qui  connaît  d'autant  mieux 
les  secrets  de  l'agriculture  nord-africaine,  qu'il  a,  avant  de  venir  ici, 
étudié  pratiquement  la  colonisation  agricole  en  Algérie.  C'est  sous  son 
intelligente  impulsion  que  Potinville  a  pris  son  entier  développement. 
Le  domaine,  acheté  par  M.  Paul  Potin  en  1884  au  prix  de  135. 0(X) 
francs,  représente  aujoui-d'hui,  avec  son  matériel,  an  moins  li-ois  mil- 
lions. 

L'école-mixte  de  Potinville  reçoit  58  élèves  :  38  garçons,  dont  5 
français,  3!2  italiens,  1  maltais,  et  20  lilles,  dont  5  fran(,'aises  et  15  ita- 
liennes. 

4^*  Partie  sud-ei^t  du  Caïdal  de  la  Banlieue  de  Tunia 

Le  Mornag.  -  La  plaine  du  Modukj  est  une  innnense  ét(Midue 
de  terre  partant  des  lacs  de  Tunis  et  Sedjoumi,  pour  finir  à  la  chaîne 


—  205  - 

de  montai,'-nes, entre  vSidi-Fattallah,  Mégrine,  Rades,  d'un  coté,  la  Ma- 
liomédia  et  l'aqueduc  de  Zaglioiiati  de  l'autre,  sur  une  superficie  de 
plus  de  .'30.000  hectares,  dont  li.OOO  environ  sont  plantés  rl'oliviers. 

Le  sol,  généralement  ari^ileux  dans  la  plaine,  cliange  de  nature  en 
montant  vers  les  coteaux  situés  à  IT.st.  Sin-  le  versant  des  montaj^nes 
du  Bou-Kornine  au  Djebel-Ressas,  les  terres  sont  ari'ilo-siliceuses, 
sur  Fond  calcaire;  quelques  parties  sont  sablonneuses.  Meilleures  pour 
les  céréales  des  deux  côtés  de  l'oued  Miliane  et  sur  les  bords  de 
l'oued  Hamma,  qui  descenrl  du  djebel  Sidi-Salem,  elles  deviennent 
de  premier  choix  pour  la  cuUure  de  la  vigne  sur  les  collines. 

La  fertilité  de  la  plaine  du  Mornag  y  a  attiré  un  certain  nombre  de 
colons  français,  qui  obtiennent  de  très  bons  résultats.  C'est  là  qu'ont 
été  créés  les  principaux  vignobles  de  Tunisie  (plus  de  10. (XK)  hecta- 
res); à  côté  de  ces  derniers,  la  petite  colonisation  s'est  développée  sur 
plusieurs  points,  notamment  sur  les  domaines  des  Nassen  et  de  Chéla 
allotis  par  la  Direction  de  l'Agriculture. 

A  riiencliir Nassen,  un  gros  propriétaire  français  avait  installé  sur 
partie  de  son  domaine  quelques  familles  siciliennes,  auxquelles  il 
avait  vendu  la  terre  à  raison  de  500  francs  l'hectare,  payables  en  neuf 
ans,  avec  intérêts  à  raison  de  30  francs  par  hectare,  et  avec  faculté 
de  reprendre  le  terrain  si  à  ce  terme  il  n'était  pas  entièrement  payé. 
L'Administration  y  a,  de  son  côté,  installé  un  certain  nombre  de  petits 
colons  français  qui  semblent  en  voie  de  prospérité. 

Aux  Nassen  existe  une  école-mixte  :  30  élèves,  dont  17  garçons 
(5  français,  12  italiens);  13  filles  (3  français,  10  italiennes.) 

A  Chéla,  le  Domaine  a  acheté  20  parcelles  de  terres,  d'une  conte- 
nance totale  de  240  hectares  environ,  (pii  ont  été  revendus  par  petits 
lots,  à  des  colons  français.  Chéla  semble  avoir  été  jadis  un  centre  im- 
|)ortant  :  le  bourg  était  situé  sur-  les  boi'ds  d'une  des  grandes  artères 
mettant  en  communication  Carthage  avec  le  sud  de  la  Tunisie;  des 
ruines  romaines  y  abondent,  (;t  l'on  découvre  même  des  vestiges  de 
l'occupation  espagnole. 

A  La  Cébala  et  à  Sidi-Roumel,  situés  également  dans  la  plaine 
du  Mornag,  la  Direction  de  l'Agriculture  a  pu,  par  suite  d'échanges 
avec  les  habous,  placer  quelques  petits  agriculteurs  (pii  forment  un 
noyau  i\c  colonisation  française,  et  qui  se  livrent,  jiour  la  plupart,  à 
l'horticulture.  Une  école  est  en  construction  à  la  Cebala  ((ui  consti- 


—  200  -^ 

tuera  un  gros  village  auquel  sa  gare  et  le  croisement  de  plusieurs 
routes  assurent  de  l'importance. 

Dix-sept  grands  domaines,  de  400  à  3.000  hectares  (ensemble 
12.000  hectares),  sont  parsemés  dans  la  plaine  du  Mornag,  on  y  cul- 
tive les  céréales,  la  vigne,  les  pâturages,  l'olivier,  l'amandier  et  divers 
arbres  fruitiers. 

La  forêt  d'oliviers.  —  La  forêt  d'ohviers  du  Mornag,  située  entre 
le  Bou-Khornine  et  l'oued  Miliane,  est  la  plus  belle,  la  mieux  conser- 
vée de  cehes  du  Contrôle  de  Tunis;  cela  Lient  à  Tabri  fourni  par  la 
montagne  et  à  la  nappe  d'eau  douce  peu  profonde,  dans  laquelle  pui- 
sent les  racines  des  arbres. 

Autrefois,  cette  forêt  renfermait  de  nombreux  jardins;  quelques- 
uns,  qui  existent  encore  comme  l'orangerie  de  Bradai,  donnent  une 
idée  de  la  splendeur  de  cette  région,  maintenant  peu  exploitée,  par 
suite  de  l'incurie  des  Arabes.  Il  y  a  une  cinquantaine  d'années, le  Bey 
de  Tunis  ayant  besoin  d'argent,  frappa  d'impôt  les  jardins;  les  indi- 
gènes, en  grand  nombre,  refusèrent  d'acquitter  cette  redevance  qu'ils 
trouvaient  inique,  et,  en  présence  des  menaces  qui  leur  furent  faites 
ils  détruisirent  les  jardins  et  comblèrent  les  puits.  On  ne  fait  pas  100 
mètres  sans  trouver  un  puits  à  moitié  rempli  de  terre,  et  à  la  végéta- 
tion que  l'on  aperçoit  au  fond  ou  autour,  il  est  facile  de  se  rendre 
compte  que  l'eau  n'a  pas  disparu. 

Le  chemin  de  fer  de  Sousse  conduit  à  la  lorêt  par  Saint-Germain 
et  Hammam-Lif,  et  la  ligne  du  Mornag  la  traverse  et  s'y  arrête  en 
trois  endroits  :  Bou-Zerga,  la  Zaouïa,  la  Cébala.  La  route  de  Sousse 
longe  la  forêt,  celle  du  Mornag  passe  au  milieu,  et  à  la  Zaouia  un(^ 
l'oute  empierrée  relie  les  deux  grandes  routes. 

I.a  forêt,  qui  couvre  environ  4.000  hectares,  compte  300.000  oli- 
vioi's,  dont  2G4.000  pkisieurs  fois  séculaires  et  ré|)arlis  en  1)48  par- 
celles ou  olivettes;  135  de  ces  parcelles  sont  liabous  })ui)lics,  et  258 
liabous  privés.  Le  revenu  moyen  est  de  250. (M)  Iraucs  :  S()it()2lrancs 
par  hectare.  Une  importante  huilerie  a  été  installée  <lans  la  forêt, 
non  loin  d'FIaniinani-Lir,  j»;ir  le  cominiindanl  M;ii-cli;inl,  nn  de  ces 
oKiciers  de  l'armée  d'Ali'ique  qui  furentà  la  tête  du  mouvement  colo- 
nisateur. L'eau  est  bonne  et  abondante  dans  toute  l'c-tendiK^  (\o  h\  fo- 
rêt; elle  se  trouve  à  8  ou  10  mètres  de  prolondeur. 

Il  serait  heureux  que  cette  contrée  fût  mieux  connue,  et  partant. 


—  tiOT   — 

mieux  exploitée  ;  les  horticulteurs,  maraîchers,  primeuristes  y  trou- 
veraient bonne  terre,  eau,  climat  sain  et  doux  à  peu  de  distance  de 
Tunis  (l'ià  15  kilomètres).  Il  faudrait  pour  cela  que  le  domaine  pût 
acquérir  les  olivettes  habous  qni,  livrées  à  la  petite  colonisation  fran- 
çaise, seraient  relransformées  en  jardins.  Ainsi,  en  peu  de  temps, 
serait  créé  le  plus  beau  centre  de  primeurs  de  la  région  de  Tunis. 

L'orangerie  Bradaï.  —  L'orangerie  Bradai  est  située  au  pied 
du  Bou-Kliornine,  à  14  kilomètres  de  Tunis,  sur  la  route  qui  relie  la 
Zaouia  du  Mornag  à  Hammam-Lif.  Elle  a  été  créée  au-  XVIP  siècle 
par  le  frère  d'un  Dey  d'Alger,  obligé  de  gagner  prestement  la  Tuni- 
sie à  la  suite  de  démêlés  politiques.  Elle  appartient  aujounlhui  à 
M.  Giraud,  président  du  Syndicat  des  horticulteurs  et  primeuristes 
tunisiens,  qui  accueille  lort  aimablement  les  visiteurs  de  sa  très  belle 
propriété.  La  petite  excursion,  en  voiture  ou  en  automobile,  de  Tunis 
à  Bradaï,  est  des  plus  agréables. 

La  superficie  de  ce  jardin  est  de  5  hectares,  entièrement  plantés 
d'orangers,  mandariniers  et  citroniers,  au  nombre  de  2.000,  dont  la 
moitié  datent  de  la  création  et  forment  les  plus  beaux  spécimens 
d'orangers  connus  ;  quelques-uns  de  ces  arbres  géants  mesurent  deux 
mètres  de  circonférence  au  tronc,  portent  leurs  rameaux  à  cinq  mè- 
tres et  produisent  6.000  fruits.  Toutes  les  anciennes  variétés  d'oran- 
gers connues  dans  le  bassin  de  la  Méditerranée  y  sont  représentées 
et  ont  servi  à  la  création  des  autres  orangeries  de  la  Régence.  La 
fameuse  orange  sans  pépins,  cultivée  en  grand  par  les  Américains, 
est  originaire  de  Bradaï. 

Dans  le  jardin,  existent  des  mûriers  gigantesques  dont  le  ti'onc  dé- 
passe ()  mètres  de  circonférence;  ils  abritent  des  bassins  d'une  con- 
tenance de  200  mètres  cubes,  où  sont  reçues  les  eaux  des  puits.  L'eau 
est  très  douce,  de  composition  équivalente  à  celle  de  Zaghouan,  et 
permet,  en  arrosant  les  arbres,  de  faire  de  nombreuses  cultures 
intercalaires  de  fleurs  etde  primeurs,  telles  que  fraises,  haricots,  pois, 
tomates,  melons,  asperges,  etc.,  toutes  vendues  sur  le  marché  de 
'l'unis,  où  elles  sont  fort  appréciées. 

Crétéville.  —  Le  domaine  de  Crétéuille,  situé  à  25  kilomètres 
de  Tunis,  sur  la  ligne  Tunis  au  Haut-Mornag,  comprend  700  hecta- 
res, dont  300  en  vignobles.  Il  a  été  créé  en  1885  par  M.  Crété,  sur  un 


—  2U8  — 

lienchir  appelé  Nebch-ed-Dicl,  placé  au  pied  des  contreforts  du  djebel 
Serra.  Il  commence  à  Foued  Fakous  et  finit  à  l'oued  Lahrar,  c'est-à- 
dire  juste  à  la  limite  de  partage  des  eaux  du  Bou-Khornine  et  du 
djebel  Ressas. 

Le  domaine  présente  un  ensemble  complet  des  cultures  de  la  région 
comprenant  la  vigne,  les  céréales,  les  cultures  arbustives  et  marai- 
clières,  les  prairies  et  les  pâturages.  Un  millier  de  tètes  de  liétail  y 
vivent.  Les  bâtiments  renferment  un  outillage  perfectionné  et  un  maté- 
riel vinaire  installé  dans  les  meilleures  conditions.  Cette  ferme  autour 
de  laquelle  plusieurs  grandes  propriétés  françaises  se  sont  consti- 
tuées, est  une  des  mieux  organisées  parmi  celles  que  l'on  puisse  visi- 
ter en  Tunisie. 

Bien  avant  la  création  de  l'Ecole  Coloniale  d'Agi-iculture"  de  Tunis, 
Crétéville  —  comme  l'Enfida  et  Sidi-Tabet  —  reçut  chaque  année  un 
certain  nombre  déjeunes  gens  venus  de  France  pour  étudier  la  cul- 
ture tunisienne.  Les  demandes  devinrent  bientôt  si  nombreuses  que 
M.  Crété  fit  construire,  à  proximité  de  la  ferme,  un  bâtiment  spécial 
qui  lui  permit  d'ouvrir  plus  largement  les  portes  aux  apprentis  colons. 

Pendant  plusieurs  années,  Crétéville  fut  une  véritable  école  prati- 
que d'Agriculture,  et  si  aujourd'hui,  par  suite  des  occupations  multi- 
ples que  lui  crée  l'exploitation  de  ses  domaines,  M.  Crété  a  restreint 
le  nombre  des  élèves,  ceux-ci  n'en  continuent  pas  moins  à  recevoir 
une  instruction  dont  le  but  n'est  pas  seulement  d'initier  les  jeunes 
gens  aux  pratiques  agricoles  de  la  région,  mais  aussi  de  les  former, 
par  un  apprentissage  méthodique,  à  la  vie  de  colon. 

A  Crétéville,  il  n'y  a  i)oint  place  pour  le  rêveur  ou  le  lils  à  papa  que 
la  famille  désire  envoyer  au  vert.  Il  faut  mettre  la  main  à  la  pâte, 
commencer  par  les  travaux  d'intérieur  de  la  ferme;  suivre  ensuiU' 
les  travaux  extérieurs  :  labours,  semailles,  moissons,  taille  de  l;i 
vigne,  vendanges,  etc.;  surveiller  plus  tard  les  chantiers  en  qii;ilit.' 
de  contre-maître;  diriger  enlin  un»'  des  nombreuses  petites  fermes 
([ni  se  trouvent  sm-  les  domaines  (|iie  [xtssèdc  la  Société  Crété  el  C''-. 

«  Cette  forme  d'enseignement,  dit  M.  Louis  Grandeau,  répond 
tout  à  fait  au  desideratum  des  familles  doni  les  lils  veulent  deveiiii- 
colons.  Il  est  ap[)elé  à  se  propager  dans  les  exploitations  d(>  la  Hégencc 
pour  le  [)lus  grand  profit  de  la  colonisation  et  ilii  progrès  de  l'agri- 
culture tunisienne. 

«  Si  chacun  des  grands  propriétaires,  qui  ne  se  contentant  pas  de 


—  tid'.l  — 

faire  administrer  leurs  domaines  par  des  gérants,  liabitent  sur  leurs 
terres  la  plus  grande  partie  de  l'année,  organisaient  des  Ecoles  de 
stagiaires  à  rinstar  de  Grétéville,  ils  rendraient  à  la  Régence  un  im- 
mense service",  en  même  temps  qu'ils  faciliteraient  l'accès  de  la  Tuni- 
sie, à  nombre  de  cultivateurs  et  de  lils  de  propriétaires  que  retient 
sur  le  sol  français,  la  difficulté  de  trouver,  à  leur  arrivée  dans  le  Vro- 
tectorat,  les  moyens  pratiques  de  s'installer  ou  de  s'y  instruire  sur 
le  meilleur  mode  d'application  de  leurs  capitaux.  Il  faut  espérer  que 
l'exemple  de  Grétéville  rencontrera  bientôt  de  nombreux  imitateurs, 
pour  le  plus  grand  bien  de  la  colonisation.  » 

Grétéville  a  reçu,  depuis  1893,  120  stagiaires  ;  55  se  sont  établis  en 
Tunisie,  quelques-uns  dans  le  voisinage  de  Grétéville,  où  ils  ont  créé 
avec  succès,  aidés  des  conseils  de  M.  Grété,  des  vignobles  et  des  cul- 
tures plus  ou  moins  étendues,  selon  les  capitaux  dont  ils  disposaient. 
D'autres  se  sont  établis  en  Algérie;  d'autres,  entin,  dans  les  colonies. 
Il  n'y  a  pas  eu  plus  d'im  tiers  de  décliet,  et  c'est  là  un  résultat  fort 
appréciable. 

L'école-mixte  de  Grétéville  a  25  élèves  :  18  garçons  (5  français,  VA 
italiens,  et  7  tilles,  1  française  et  6  italiennes.) 

Aïn-Beguira.  —  Au  fond  de  la  plaine  du  Mornag,  près  de  la 
station  de  la  Laverie,  existe  un  petit  henchir  appelé  Ai n-Eéguira,  de 
500  liectares,  appartenant  à  une  Société  anonyme  lyonnaise.  La  Di- 
rection de  l'Agriculture  avait  entamé  des  négociations  avec  cette 
Société  dans  le  but  d'acquérir  ces  500  hectares  de  bonnes  terres 
qu'elle  aurait  morcelés  en  lots  de  10  à  50  hectares,  destinés  aux  em- 
ployés et  ouvriers  français  de  la  mine  du  djebel  Ressas.  Tout  sem- 
blait marcher  à  souhait,  lorsque,  brusquement,  la  Sociétt§  ronqiit  les 
pourparlers.  Des  Italiens,  actuellement,  s'y  installent. 

Oudna.  — A  24  kilomètres  de  Tunis,  sur  la  ligne  de  Zaglutuaii, 
dans  une  plaine  séparée  du  Mornag  par  un  rideau  de  collines  peu 
élevées,  Oudna  lorme  un  beau  groupement  de  propriétés  françaises. 
On  compte  luie  douzaine  de  fermes,  de  500  à  1.800  hectares,  occu- 
pant ensemble  une  superficie  de  0.800  hectares  :  pâturages,  céréales 
oUviers,  vignes. 

Oudna  est  située  sur  remplacemeni  de  rancienne  Uthiaa,  une  «les 
plus  anciennes  colonies  de  la  province  d'Afrique,  dont  parlent  Pline 
et  Ptolémée.  Elle  a  été  l'objet  de  fouilles  intéressantes,  qui  avaient 


—  -2U)  — 

pour  but  l'étude  des  conditions  générales  de  l'habitation  romaine  en 
Afrique  aux  premiers  siècles  de  notre  ère.  Ces  recherches  ont  amené 
la  découverte  d'une  grande  villa,  qui  a  été  déblayée  en  entier,  ainsi 
que  ses  annexes  et  les  termes  privés  qui  en  dépendaient.  Une  quin- 
zaine d'autres  maisons  particulières  ont  été  reconnues  et  partielle- 
ment dégagées  dans  le  même  quartier,  qui  devait  être  habité  par 
l'aristocratie  d'Uthina. 

Les  ruines  occupent,  sur  la  rive  gauche  de  l'oued  Miliane  une 
étendue  dont  la  circonférence  est  de  4  kilomètres. 

La  Mohammedia.  —  A  13  kilomètres  de  Tunis.  C'est  aujour- 
d'hui un  colossal  amas  de  décombres,  provenant  des  ruines  du  palais 
que  le  Bey  Ahmed  avait  fait  construire  en  ce  point  (1835).  Une  cen- 
taine de  pauvres  Arabes  y  habitent. 

C'est  là  que  ce  prince  avait  groupé  une  armée  de  12.000  hom- 
mes, organisée  à  l'européenne;  c'est  là  qu'habitaient  les  officiers 
étrangers  et  les  ingénieurs  français  qu'il  avait  appelés  auprès  de  lui 
alin  de  transformer  la  Régence,  militairement  et  économiquement, 
à  l'instar  d'un  royaume  européen. 

Le  territoire  de  la  Mohammedia  est  compris  dans  le  bassin  de 
l'oued  Miliane,  région  essentiellement  agricole,  au  sol  riche  et  fertile. 
L'eau  y  est  bonne  et  à  une  profondeur  ne  dépassant  pas  8  mètres.  Il 
existe  quelques  petites  sources  dans  la  partie  Est,  mais  dont  le  débit 
très  faible  est  insuffisant  aux  besoins  domestiques.  L'oued  Miliane 
y  supplée,  ainsi  que  la  conduite  d'eau  de  Zaghouan,  et  place  la 
contrée  dans  d'excellentes  conditions  au  point  de  vue  de  son  alimen- 
tation en  eau. 

Les  beaux  domaines  de  la  Mohammedia  appartiennent  à  des  Ara- 
bes de  Tunis;  il  existe,  aux  alentours,  quelques  exploitations  l'ran- 
çaises  et  un  certain  nombre  de  petites  propriétés  siciliennes. 

La  Mohanmiedia  olTre  ceci  de  particulier,  qu'à  une  époque  de 
l'année  les  abords  des  ruines  reçoivent  plusieurs  milliers  de  ruches 
qui  leiu' arrivent  de  la  région  de  Kairouan,  portées  sur  des  chameaux. 

Nous  empruntons  à  une  jolie  description  de  M.  Gaston  Vuillier 
qui,  en  compagnie  de  M.  Sadoux,  visita  la  Mohammedia,  ]es<iuelques 
lignes  suivantes  : 

«  Par  de  là  les  vastes  dépressions  au  fond  dcscpielles  s'étale  le  lac 
mourant,  sur  une  hauteur  couverte  d'une  forêt  d'oliviers,  dominant 


la  plaine  et  les  collines  enviroiiiiuules,  la  Aloliammedia  élève  la  masse 
énornmede  ses  ruines.  Le  bey  Ahmed  avait  lait  construire  ce  palais; 
une  petite  ville  s'était  formée  et  ses  bazars  furent  célèbres.  A  la  mort 
du  bey,  le  palais  dépouillé  de  ses  ornements  magnifiques,  lut  aban- 
donné comme  les  autres.  Seulement  il  s'émietta,  et  aujourd'hui  ce 
n'est  plus  qu'un  sombre  débris. 

«  L'aspect  de  la  Mohammediaest  tragique;  on  dirait  un  vieux  châ- 
teau fort  démantelé,  avec  ses  nmrailles  massives  percées  d'ouvertu- 
res béantes,  hérissées  de  cactus  grimaçants.  Une  centaine  de  misé- 
rables habitants  se  sont  réfugiés  dans  les  décombres;  les  serpents  e1 
les  scorpions  se  plaisent  dans  cet  amas  de  pierres. 

«  Mais  la  nature  lleurit  sur  les  débris  des  œuvres  humaines  si  fra- 
giles, elle  s'exhale  en  sourires  de  fleurs  des  tombeaux  entrouverts, 
elle  nous  parle  avec  les  lèvres  des  roses,  et  c'est  poignant  et  doux  à 
la  fois  de  songer  à  ces  floraisons  éternelles  de  la  mort.. .  » 


CHAPITRE  IV 


Le  caïdal  de  Téboiirba 


Limites  et  aspect.  —  Le  Caïdat  de  Tébourba  est  limité  au  Nord, 
par  la  Medjerda;  au  Nord-Est,  par  la  mer;  à  l'Ouest,  par  les  Caïdats 
de  Mateur  et  des  Béjaoua;au  Sud,  par  le  Caïdat  de  Medjez-El-Bab  ; 
à  l'Est,  par  le  Caïdat  de  la  Banlieue. 

11  est  tout  entier  compris  dans  la  vallée  de  la  Medjerda.  Sur  la 
rive  droite  de  ce  lleuve  qui  le  traverse,  la  plaine  est  légèrement 
ondulée  ;  sur  la  rive  gauche,  les  djebels  El-Ansarine,  Boulaouecli  el 
Baoula  forment  un  beau  massif  dont  les  pics  atteignent  plus  de  60U 
mètres  d'altitude.  La  partie  Nord,  espace  triangulaire  compris  entre 
la  ligne  de  Bizerte  et  la  mer,  est  plate  et  marécageuse  ;  elle  porte  le 
nom  de  plaine  de  Sébala. 

Les  Romains  avaient  reconnu  la  fertilité  de  cette  contrée;  les  ruines 
de  cités,  d'exploitations  agricoles,  de  pressoirs  attestent  qu'elle  était 
exploitée  en  vue  de  la  culture  des  céréales,  de  la  vigne  et  de  l'olivier. 

L'œuvre  de  colonisation  française  est  avancée  dans  le  Caïdat  de 
Tébourba  qui  jouit,  d'une  part,  des  avantages  de  la  région  Nord, 
favorisée  par  les  pluies  et  propice  à  la  culture  des  céréales  et  ([ui, 
d'autre  part,  voisine  au  Midi  avec  les  régions  centrales  ])liis  cliaudi's 
r\  pli^s  propices  aux  culture  arbustives. 

1!  va  dix  ans  à  peine,  quelques  fermes  françaises  (Haieiil  disséuii- 
nées  autour  de  Tébourba,  se  partageant  environ  14.000  hectares. 
Pendant  ces  dernières  années  nous  avons  vu  se  fonder  de  beaux 
dojuaines,  d'importants  groupouieuts  (jui  foruuMit  aujourd'hui  un 
lolal  de  :i4.000  hectares  possédés  et  habités  par  plus  de  PiO  ^amillc^ 
françaises. 

A  côté  de   la   colonisation   française,  nous  trouvons   uoii    moins 


-  213  - 

active,  la  coloiiisalion  italiorine.  IMus  de  '200  familles  siciliennes  sont 
implantées  sur  (juelques  points  du  Caïdat,  les  unes  propriétaires, 
les  autres  enzelistes  ou  locataires,  mais  plus  de  la  moitié  de  ces 
Italiens  sont  employés  comme  ouvriers  agricoles  par  les  colons 
français. 

Cultures.  -  Dans  ce  Caïdat,  les  céréales  occupent,  comme  éten- 
due, le  premier  rang-  parmi  les  cultures  françaises.  Nos  colons,  qui 
possèdent  environ  un  millier  d'hectares  de  vignes  et  2.000  liectares 
d'olivettes,  ensemencent  chaque  année  0.000  hectares  de  blé,  d'orge 
et  d'avoine. 

La  culture  maraîchère  y  joue  aussi  un  rôle  important  : 

«  Les  premiers  colons  qui  s'établirent  à  Téljourba,  dit  ^L  0.  Lery, 
lirent  d'abord  un  peu  de  jardinage  pour  leur  consommation.  Bientôt, 
la  production  exédant  leurs  besoins,  ils  vendirent  leurs  légumes  à 
Tébourba  et  à  Tunis.  Encouragés  par  leurs  premiers  essais,  voyant 
le  gain  qu'ils  pouvaient  en  tirer,  ils  augmentèrent  leurs  jardins,  perfec- 
tionnèrent leurs  méthodes  et  leur  outillage,  et  maintenant  la  culture 
maraîchère  occupe  un  espace  relativement  considérable  dans  le 
Caïdat.  Elle  est  devenue  une  source  de  sérieux  bénéfices  pour  beau- 
coup de  colons.  Le  terrain  et  le  climat  se  prêtent  fort  bien  à  cette 
culture;  l'eau  de  bonne  qualité  abonde  à  peu  près  partout,  sans 
compter  la  Medjerda  qui  sufhrait  pour  arroser  tous  les  jardins  de  la 
région.  » 

Tous  les  légumes  y  sont  cultivés  d'un  bout  à  l'autre  de  Tannée, 
mais  les  plus  répandus  chez  les  colons  sont  l'artichaut,  les  haricots 
verts,  les  petits  pois,  la  pomme  de  terre,  la  tomate,  les  fraises.  Les 
Arabes  cultivent  principalement  les  oignons,  carottes,  navets,  auber- 
gines, poivrons,  pastèques,  melons,  choux-tleurs,  etc.  Les  jardins  et 
vergers  indigènes  des  alentours  de  Tébourba  occupent  ime  super- 
ficie de  300  hectares  et  donnent  à  cette  petite  ville,  un  cachet  fort 
plaisant. 

Les  résultats  obtenus  par  la  culture  de  la  vigne  sont  appréciables. 
Les  propriétaires,  guidés  par  quelques  membres  de  l'Association  des 
Colons  français  de  Tébourba,  très  experts  en  viticulture,  ont  bien 
choisi  les  terres  qu'ils  ont  sulllsamiuent  défoncées.  Les  vignobles 
siciliens  sont  remarquables. 

Enfin,  la  culture  de  l'olivier,  sans  avoir  l'importance  qu'elle  atteint 

***** 

LaTun'isie  du  Noru  15 


—  214  — 

dans  le  Centre  et  le  Sud  de  la  Régence,  constitue  une  jolie  forêt  dans 
la  région  de  Tébourba  (environ  350.000  arbres). 

Ces  oliviers  rapportent  peu;  ils  ne  sont  pas  vigoureux  et  cette 
faible  production  est  attribuée  par  M.  Minangoin,  inspecteur  d'Agri- 
culture, qui  possède  admirablement  la  question,  aux  causes  suivan- 
tes :  l«  Absence  de  soins  culturaux;  ^o  manque  de  fumure;  3o  trop 
grand  rapprochement  des  arbres;  4'^  vieillesse;  5»  taille  défectueuse; 
6"  cultures  intercalaires. 

Les  colons  français,  avons-nous  dit,  possèdent  dans  la  contrée 
plus  de  "2.000  hectares  d'olivettes  acquises  aux  indigènes;  ils  s'effor- 
cent d'améliorer  la  production  en  faisant  disparaître  les  vieux  arbres 
inutiles,  en  fumant  le  sol,  en  procèdent  à  une  taille  sévère.  Par  ces 
procédés,  les  olivettes  du  Nord  —  les  olivettes  des  cinq  Contrôles 
Civils  du  Nord  de  la  Régence  comptent  environ  cinq  millions  de 
pieds,  représentant  une  valeur  approximative  de  cinquante  millions 
de  francs  —  oiïriront  un  réel  intérêt  à  la  colonisation,  en  même  temps 
que  des  profits  sérieux  à  l'industrie  oléicole. 

Météorologie.  —  Une  station  météorologique  a  été  installée  à 
Schuiggui.  Les  observations  suivantes  nous  ont  été  communiquées 
par  le  gérant  de  ce  domaine  : 

Les  orages  sont  assez  fréquents  dans  le  Caïdat  de  Tébourba;  ils 
s'abattent  rarement  sur  le  domaine  et  suivent  la  montagne.  La  grêle 
précède  parfois  les  orages,  mais  en  général  elle  est  de  courte  durée 
et  ne  cause  pas  de  désastres.  Les  gelées  de  janvier  et  de  février 
sont  normales;  elles  durent  de  15  ù  20  jours,  et  comme  elles  se 
produisent  à  des  époques  où  les  terres  sont  presques  nues,  elles 
n'occasioniKMit  aucun  dégât,  sauf  sur  les  jeunes  semis  des  jardins 
potagers. 

En  1904,  les  températures  et  les  pluies  relevées  à  Schuiggui  ont 
donné  les  chilfres  suivants  : 

Printemps.  —  Maxinia  :  '.VI":  niinima  :  1":  moyenne:  I7".'J.  Pluies: 
159  m  11.  en  23  jours. 

Eté.  —  Maxima  :  49";  miniina  :  10";  inoyemie  :  27"  i.  Pluies  : 
31  "ini  en  8  jours. 

Automne.  —  Maxima  :  il":  ininim;i  :  3";  inoyemie  :  23",").  Pluies  : 
83  "1  "'  en  17  jours. 


-  2in  — 

Hiver.  —  Maxima  :  'iO";  luiiiinia  :  2'^;  inoycjirie  :  11" 2.  Pluies  : 
178  m/m  en  26  jours. 

Températures  moyennes  emmielles.  —  Maxima  :  26" 5;  miriima  : 
12";  moyenne  :  19"  25.  Pluies  :  451  "'/m  en  74  jours. 

Les  centres.  —  Les  colons  français  du  Caklat  de  Tébourba  ont 
formé  une  association  due  à  l'initiative  de  M.  Paul  de  Oeaumont, 
membre  de  la  Chambre  d'Agriculture  de  Tunis;  nous  sommes  rede- 
vables à  ce  groupement  de  la  publication  périodique  d'un  «  Bulletin  » 
fournissant  de  copieux  renseig'nements  sur  la  région  de  Tébourba, 
ses  villages  et  ses  domaines.  Nous  y  ferons  de  fréquents  emprunts. 

1"  Régions  Nord-Est  et  Nord  du  Caïdat  de  Tébourba. 

Tébourba.  —  Thuburbo  Minus.,  était  construite  sur  les  flancs 
du  coteau  qui  sépare  la  Medjerda  du  Tébourba  actuel.  On  retrouve, 
au  sommet  du  coteau,  l'amphithéâtre  bien  conservé  et  les  ruines  des 
citernes  alimentées  par  les  eaux  du  massif  de  Lansarine. 

Pendant  longtemps,  la  région  de  Tébourba  resta  peuplée  de  Ber- 
bères qui,  battus  en  1535  par  Charles  Quint,  laissèrent  la  place  aux 
Espagnols.  Après  les  Espagnols,  chassés  à  leur  tour  par  les  Turcs, 
les  i\laures  provenant  de  l'Ibérie  s'établirent  à  Tébourba  où  ils  se 
livrèrent  à  la  culture  de  l'olivier  et  du  mûrier,  et  où  ils  installèrent 
une  fabrique  de  chéchias. 

Tébourba  est  située  à  32  kilomètres  de  Tunis  sur  la  rive  gauche 
de  la  Medjerda.  Station  de  la  ligne  du  chemin  de  fer  de  Tunis  à 
Bône.  La  ville, essentiellement  arabe,  compte  environ  2.500  habitants. 
Le  type  andalou  y  prédomine. 

Les  indigènes,  presques  tous  agriculteurs,  vivent  du  produit  de 
leurs  oliviers  et  de  leurs  vergers,  saul  (juclques  familles  se  livrant  à 
l'industrie  des  nattes  d'alfa,  des  couvertures  de  laine,  et  à  la  fabrica- 
tion de  la  chaux,  des  tuiles,  de  la  [)oterie  et  des  dillérents  métiers  se 
rattachant  à  l'agriculture. 

Ecole  mixte  recevant  73  élèves,  dont  63  garçons  et  10  filles  :  14 
français,  18  italiens,  39  musulmans  (une  llUe),  2  juils. 

El-Bathan.  —  Une  lorèt  d'oliviers  dont  les  branches  noueuses, 
s'enlaçant  les  unes  sur  les  autres,  forment  un  plafond  touffu  de  ver- 


-^  .210  — 

dure  sombre,  s'étend  largement  autour  de  ïébourba.  C'est  au  milieu 
de  ces  vieux  arbres  craquelés,  décrépits  par  le  temps,  que  coule  la 
Medjerda  et  que  se  cache,  à  3  kilomètres  de  Tébourba,  le  petit 
hameau  d'El-Bathan. 

Le  pont-barrage  d'El-Bathan  est  une  des  curiosités  de  la  Tunisie. 
Cet  ouvrage,  qui  lut  autrefois  une  des  principales  causes  de  la  grande 
richesse  de  la  région,  n'est  pas  une  ruine  :  tel  il  est  aujourd'luii,  tel  il 
était  quand  il  déversait  les  eaux  de  la  Medjerda  sur  les  4  ou  5.000 
hectares  de  plaine  qui  s'étendent  de  chaque  côté  de  la  rivière. 

((  D'origine  romaine  incontestable,  dit  jM.Fleury  du  Sert,  le  barrage 
d'El-Bathan  subit  les  nombreuses  vicissitudes  des  successifs  posses- 
seurs du  sol,  jusqu'à  sa  restauration  par  des  ingénieurs  hollandais, 
sous  le  règne  de  Sidi-Youssef-Bey,  en  [62'2.  Rien  ne  permet  d'établir 
des  suppositions  vraisemblables  sur  la  durée  des  arrosages  à  partir 
de  cette  époque  ;  toutefois,  les  usines  plus  ou  moins  rudimentaires 
qui  vinrent  s'installer  sur  le  barrage  lui-même,  ou  à  côté  de  lui  et 
qui  utilisèrent  à  leur  proht  la  force  produite  par  la  chute,  paraissent 
dater  d'un  demi-siècle  environ.  A  ce  moment  là,  les  arrosages  ne 
lurent  certainement  plus  possibles,  car  les  moteurs  ])rimitils  employés 
absorbèrent  toute  l'eau  pour  un  rendement  mécanique  insignitiant. 

(<  Les  ouvrages  eux-mêmes  sont  encore  presque  intacts.  Le  pont 
est  comme  neuf,  les  vannes  seules  manquent,  mais  la  maçonnerie  est 
dans  un  parfait  état 'de  conservation.  Sur  la  majeure  partie  de  leur 
parcours  les  grands  canaux  subsistent  avec  des  profils  à  peine  adou- 
cis ou  émoussés  par  les  travaux  agricoles  et  beaucoup  de  vannes  sont 
encore  en  place. 

<(  Le  l)arrage  produit  actuellement  dans  la  rivière  un  dénivelle- 
inent  de  4  mètres  30  en  eaux  moyennes;  mais  les  vamies  faisaient 
autrelois  relluer  l'eau  à  5  mètres  "20  plus  haut,  et  le  lit  de  la  rivière, 
endigué  sur  ses  bords,  formait  un  vaste  réservoir  de  Li  à  Lr)(X).00() 
mètres  cubes.  » 

M.  Fleury  du  Sert  espère  qu'après  avoir  recueilli  l'héritage  de  ce 
magnifique  travail,  le  Protectorat  IVançais  ne  voudra  pas  le  laisser 
plus  longtemps  improductif  : 

<(  La  colonie,  dit-il,  traverse  une  péi'iode  désastreuse  par  suite 
d'une  série  d'années  sèches"»,  les  [)laintes  sont  générales,  amères  et 
fondées  :  ne  lenlera-t-on  pas  de  faire  j)our  elle  ce  (|iii  fui  l'ait  dans  le 


(i)  Cela  était  écrit  avant  l'hiver  1905-1906,  peiulant  Ic-quel  la  plaine  de  Téb()url)a,  sans 
le  secours  du  barrage,  a  été  trop  cnpieu.sement  arrosée. 


—  û\l  — 

Sud  do  la  France,  que  les  noml)reux  rniiaux  dérivés  de  la  Durance, 
de  la  HoiuTie,  du  Rhône  lui-même  el.  de  tant  d'autres  l'iviéi-es  sont 
venus  transformer  ?  » 

La  cliose  est  possible  prali(|U('m('nl,  [)uisque  ce  n'est  pas  o'uvre 
nouvelle  qu'il  s'agit  d'accomplir,  mais  simple  restauration,  ix'  travail, 
à  la  vérité,  sera  considérable,  exigera  des  capitaux  importants;  mais 
toute  une  réLiion  sera  transformée,  et  en  de  lari,''es  espaces  aujour- 
d'hui mal  cultivés,  surgiront  des  fermes  françaises  sur  lesquelles 
pourront  vivre  des  petits  agriculteurs.  Les  cultures  industrielles,^ 
maraichères,  fruitières,  les  plantes  à  parfums  ou  les  plantes  fourra- 
gères dont  les  rendements  sont  rémunérateurs,  remplaceront  les 
vieux  oliviers  squelettiques  et  la  brousaille. 

Le  Bey  Ahmed  avait  créé  à  El-])athan  une  manufactiu'e  de  drap 
et  de  couvertures;  ce  bâtiment  abrite  actuellemeni  un  dép(">t  de 
remonte  et  un  détachement  de  cavalerie.  Près  du  pont  existe  encore 
un  foulon  de  chéchias. 

Aux  environs  d'El-Bathan,  quelques  beaux  domaines  de  .j(JO,  de 
1.000  et  de  1.800  hectares  :  céréales,  vignes,  oliviers,  arbres  fruitiers, 
pâturages.  On  y  voit  aussi  une  importante  huilerie,  dite  Huilerie  de 
Maiaaa,  dont  rinstallalion,  fort  bien  comprise,  est  conforme  à  celle 
des  meilleures  usines  de  Nice  et  de  Bari. 

Djédeida.  —  Localité  située  sur  la  i-ive  droite  de  la  Medjerda, 
à  '25  kilomètres  de  Tunis  et  à  9  kilomètres  de  Tébourba.  Embran- 
chement des  lignes  ferrées  d'Algérie  et  de  Bizerte.  Beaux  jardins. 

C'est  à  Djédéïda  que  l'Alliance  Israélite  Universelle,  fonda  en  1805, 
une  ferme-école  dans  le  but  de  diriger  les  jeunes  juifs  tunisiens  vers 
le  travail  de  la  terre,  d'en  faire  des  praticiens,  des  ouvriers  agricoles 
ou  des  contre-maiires. 

Les  trois  domaines  que  possède  rAlliance  dans  la  l'égion  compren- 
nent 4.000  hectares  :  L.'ÎOO  hectares  à  Djédéïda,  et  deux  fermes, 
l'une  de  t^.lOO  hectares,  l'autre  de  (îOO  hectares  dans  les  l'éjaoua, 
(Contrôle  de  Bizerte).  La  ferme-école  est  installée  sur  les  deux  rives 
de  la  Medjerda;  sur  la  rive  droite,  l'école;  sur  la  rive  gauche,  la  fer- 
me, reliées  l'une  à  l'autre  par  un  pont  qui  en  i'oi-me  le  trail  d'union. 

Le  domaine  de  Djédeida  se  prèti^  l)ien  aux  cultures  It^s  plus  variées, 
à  toutes  cel'es  qui  sont  possibles  sous  le  climat  tunisien;  ces  cultu- 
res sont  échelonnées  et  distribuées  dans  les  diverses  saisons,  de  ma- 


—  218  - 

nière  à  assurer  aux  élèves,  d  une  façon  constante,  du  travail  durant 
toute  l'année. 

La  durée  de  l'apprentissage  agricole  est  de  cinq  ans,  dont  trois 
ans  d'études  théoriques  et  pratiques  et  de  deux  ans  de  pratique 
exclusive.  Pendant  les  trois  premières  années,  l'élève  est  apprenti  ; 
à  partir  de  la  quatrième  année,  il  devient  élève-ouvrier,  travaille 
toute  la  journée  aux  champs  et  assiste,  le  soir  seulement,  à  des  cours 
lui  permettant  de  développer  ses  connaissances. 

Pour  être  admis  à  la  ferme-école,  le  candidat  doit  être  âgé  de  13 
ans  au  minimum  et  de  15  ans  au  maximum,  et  avoir  suivi  pendant 
quatre  ans  au  moins  les  cours  de  l'école  de  l'iVlliance  Israélite  de 
Tunis  ou  d'une  école  primaire.  La  gratuité  est  accordée  aux  élèves 
dont  les  parents  sont  dans  l'impossibilité  de  payer  le  prix  de  l'inter- 
nat, soit  500  francs  par  an;  la  famille  doit,  en  tous  cas,  fournir  le 
trousseau. 

En  1904,  la  ferme-école  comptait  62  élèves,  dont  26  en  première 
année;  8  en  deuxième;  12  en  troisième;  18  en  quatrième;  6  en  cin- 
quième. Ces  jeunes  juifs  sont  originaires  de  Tunisie,  d'Algérie,  du 
Maroc,  de  la  Tripolitaine,  de  Turquie,  de  Bulgarie  et  de  Suisse. 

Depuis  la  fondation  de  l'école,  c'est-à-dire  en  neuf  années,  186 
élèves  sont  sortis  de  Djédéïda,  la  plupart  avant  d'avoir  complété  leur 
instruction  agricole.  80  seulement  ont  terminé  leurs  études  et  ])eu- 
vent  être  considérés  comme  agriculteurs.  Encore  peu  d'entre  eux 
vivent-ils  du  travail  de  la  terre;  ils  s'adonnent  de  préférence  au 
commerce  des  grains,  des  bestiaux,  ou  bien  ils  achètent  ou  louent 
des  propriétés  qu'ils  relouent  ensuite,  avec  gros  bénéfices,  aux  culti- 
vateurs indigènes  et  aux  Siciliens.  Disons,  cependant,  qu'une  ving- 
taine de  ces  jeunes  gens  sont  entrés  chez  des  propriétaires  tunisiens 
en  qualité  d'ouvriers  agricoles  ou  contre-maîtres  et  que  neuf  autres 
se  sont  installés  comme  métayers,  sur  les  domaines  de  lîéjaoua 
appartenant  à  l'Alliance  Israélite. 

A  Djédéïda,  école  mixte  :  25  élèves,  13  garçons  (  12  italiens,  un 
juif),  et  12  filles  (3  françaises,  9  italieinies). 

On  trouve  quelques  fermes  françaises  aux  environs  de  Djédéïda. 
A  noter,  le  domaine  de  Saida,  comprenant  2.()0{)  hectîu'es,  doni  800 
en  céréales;  vastes  cultures  maraîchères,  primeurs,  pépinières 
d'arbres  fruitiers,  prairies,  pâturages.  On  a  découvert,  en  creusant 


—  '2  lit  _ 

les  fondations  des  bâtiments  d'exploitation,  des  vestiges  très  impor- 
tants d'anciennes  constructions  romaines  et  on  les  a  utilisées;  deux 
citernes  étaient  dans  un  état  de  conservation  tel  qu'il  fut  inutile  de 
restaurer  les  enduits.  Ces  citernes  sont  inépuisables;  elles  paraissent 
alimentées  par  un  i-uisscau  de  conduites  en  poterie  qui  drainent  toute 
la  plaine  et  fournissent  un  volume  d'eau  considérable.  Elles  suffisent 
à  l'alimentation  de  la  ferme,  des  liabitations,  et  à  l'arrosage  des 
jardins.  Il  n'existe  pas  dans  la  région,  d'exemples  de  travaux  contem- 
porains de  ceux-ci,  conservés  en  aussi  parfait  état. 

Dans  les  jardins,  vivent  toute  une  population  de  Siciliens  et  quel- 
ques Mahonais  venus  des  environs  d'Alger.  Ils  sont  là  comme  mé- 
tayers; le  propriétaire  leui-  fournit  la  terre,  l'eau,  le  logement  et  le 
produit  des  cultures  est  partagé  par  moitié. 

Un  hectare  d'artichauts  pour  primeurs,  a  rapporté  en  une  année,  à 
Saïda,  5.000  francs;  un  hectare  d'ail  d'Espagne,  i.500  francs.  Les 
maraîchers,  siciliens  ou  mahonais,  sont  en  même  temps  vignerons. 
La  terre  leur  est  cédée  à  enzel  rachetable  au  taux  \6,  au  bout  de  [2 
ans  avec  les  trois  premières  années  gratuites  ;  500  hectares  ont  été 
consacrés  à  cette  spéculation. 

Sidl-Tabet.  —  A  21  kilomètres  de  Tunis  et  à  proximité  de  la 
route  de  Bizerte,  le  domaine  de  Sidi-Tabel,  d'une  superficie  de  5.000 
hectares,  a  été  concédé  par  le  Gouvernement  Tunisien,  en  1880,  à 
charge  par  le  concessionnaire  d'y  établir  des  haras  ayant  pour  objet 
l'amélioration  des  races  chevalines  et  bovines  du  pays. 

Substituée  au  premier  concessionnaire,  la  «  Société  Franco-Afri- 
caine »,  prenait,  en  1881,  la  possession  de  ce  domaine,  où  tout  était  à 
faire.  La  vaste  plaine,  alors  remplie  de  buissons  de  jujubiers,  est 
aujourd'hui  entièrement  défrichée;  de  belles  constructions  y  sont 
élevées,  des  puits  ont  été  creusés  sur  tous  les  points  de  la  propriété 
et  l'eau  potable  s'y  trouve  en  abondance;  de  superbes  prairies  et  un 
vignoble  de  plus  de  '20  hectares  bordent  les  deux  rives  de  la  Medjerda. 

Les  5.000  hectares  dont  se  compose  \c  domaine  sont  exploités 
annuellement  comme  suit  : 

000  hectares  en  cultures  de  céréales; 
.'^00      —        en  prairies  naturelles  ; 
200      —        en  vignes  ; 


—  220   - 

150  hectares  cultures  irrigables  ; 
1.500      —        réservés  pour  pacage  et  jachères; 
2.250      -T-        loués  aux  indigènes  et  aux  Sicihens. 

Le  haras  est  situé  au  centre  de  l'exploitation  :  les  poulinières,  con- 
fortablement installées  dans  de  vaste  boxes,  sont  au  nombre  de  60, 
de  race  barbe,  arabe  barbe  ou  pur  sang  arabe.  Les  deux  tiers  de  cet 
effectif  sont  réservés  à  la  production  clievaline,  le  reste  à  la  produc- 
tion mulassière.  Les|  géniteurs  sont  au  nombre  de  3,  dont  un  étalon 
de  pur  sang  arabe,  un  étalon  barbe  et  un  magnifique  baudet  de  la 
race  du  Poitou.  En  outre,  une  station  de  monte  important  d'étalons 
provenant  du  dépôt  de  la  Remonte  de  ïébourba,  fonctionne  dans  ce 
haras  pendant  la  saison  des  saillies,  offrant  aux  éleveurs  de  la  région 
les  services  d'un  étalon  pur  sang  arabe  et  de  deux  barbes. 

Le  pur  sang  arabe  de  cette  station,  spécialement  choisi,  sert  quel- 
ques-une des  juments  du  haras.  On  a  obtenu  ainsi,  depuis  quelques 
années,  les  meilleurs  résultats  au  point  de  vue  du  pur  sang  tyrien  et 
toute  la  production  chevaline  de  Sidi-Tabet  tend  exclusivement  vers 
ce  but,  au  grand  bénéfice  de  l'élevage  tunisien,  qui  possède  ainsi 
une  source  locale  des  producteurs  améliorateurs  les  mieux  détermi- 
nés . 

Les  étables  permettent  d'abriter  500  bêtes  à  cornes  ;  l'élevage  se 
fait  par  sélection  avec  des  sujets  choisis  de  race  pure  du  pays.  L'é- 
levage du  mouton  est  pratiqué  avec  des  brebis  à  queue  fine  d'Algé- 
rie et  des  béliers  mérinos  de  Camargue. 

Le  contrat  de  concession  de  Sidi-Tabet  comportait  un  droit  de 
prise  d'eau  sur  la  Medjerda;  le  volume  élevé  atteint  150  litres  à  la 
seconde  et  arrose  près  de  1300  hectares.  La  canalisation  est  faite  en 
ciment  armé  et  la  distribution  de  feau  se  fait  par  étendue  de  un 
hectare  ou  d'un  demi-hectare.  Une  partie  du  vignoble,  les  cultures 
fourragères,  les  champs  de  betterave,  mais,  sorgho,  lu/.(M'tie,  etc., 
sont  ainsi  iirigués.  En  bordure  de  la  rivière  existe  nn  beau  verger 
contenant  des  orangers,  mandariniers,  grenadiers,  abricotiers,  co- 
gnassiers ;  parmi  les  arbres  qui  clôturent  les  prairies  et  bordent  des 
cliemins,  les  principales  essences  soni  :  le  li-rnc,  facacia,  reucaly|t- 
tus,  le  mimosa,  le  peuplier,  le  faux-poiviicr. 

Ce  domaine,  admirablement  dirigé  par  M.  Dnpré,  fondé  de  pou- 
voirs de  la  Société  Franco-Ah-icaine,  alirite  une  ixipulalion  de  80 
européens  (dont  20  français),  et 2.000  indigènes;  il  iidurrit  aimuelle- 


—  221   — 

ment  plus  de  0.000  bétes,  cliovaiix,  rnnlets,  brr-ufs,  fhameaux, 
moutons,  chèvres  et  ânes.  M.  Du|)n'  a  obtenu,  par  rroisement  des 
vaches  de  Guehna  avec  un  zébu  pur  sanj^-  de  (>)!ombo,  de  superbes 
produits,  très  supérieurs,  en  tous  points,  à  la  race  indigène. 

En  1898,  la  Société  Franco-Africaine  passait,  avec  la  Direction  de 
l'Agricultm'e  et  du  Commerce,  une  convention  j)ai-  laquelle  elle 
s'engageait  à  recevoir  sur  ses  domaines  de  Sidi-Tabet  et  de  l'Enfida, 
des  stagiaires  désignés  par  le  Directeur  de  l'Agriculture.  Nous  avons 
déjà  parlé  de  l'institution  des  stages;  nous  n'ajouterons  à  ce  que 
nous  avons  dit,  rpie  quelques  renseignements  concernant  spécia- 
lement Sidi-Tabet,  louniis  par  un  rapport  de  M.  Bœuf,  professeur 
à  l'Ecole  coloniale  d'Agriculture  de  Tunis. 

«  Le  domaine  de  Sidi-Tabet,  par  sa  situation,  son  étendue  et  sur- 
tout par  la  variété  des  ojjérations  agricoles  qu'il  réalise,  constitue  un 
remarquable  champ  d'études  pour  des  jeunes  gens  qui  désirent 
acquérir,  en  peu  de  temps,  l'instruction  agricole  nécessaire  à  leur 
installation. 

«  La  culture  des  céréales,  des  fourrages,  la  vigne,  la  vinification, 
l'irrigation,  la  production  et  l'amélioration  des  races  clievaline,  mu- 
lassière,  bovine  et  ovine,  la  location  des  terres  aux  indigènes,  sont 
autant  de  sujets  qui  peuvent  être  étudiés  à  Sidi-Tabet.  Ils  représen- 
tent l'ensemble  à  peu  près  complet  (culture  de  l'olivier  exceptée), 
des  questions  agricoles  intéressant  le  Nord  de  l'Afrique.  Les  travaux 
généraux  d'installation,  d'agrandissement,  de  transformation,  l'en- 
tretien d'un  matériel  important  et  de  vastes  constructions,  fournis- 
sent également  aux  stagiaires  de  nombreuses  occasions  d'études  et 
d'utiles  observations.  » 

Cependant,  M.  Bœuf  le  constate,  malgré  ces  conditions  exception- 
nelles réunies  en  im  seul  point,  l'institution  n'a  pas  procuré  jusqu'à 
présent,  à  Sidi-Tabet,  tous  les  résultats  que  l'Administration  tuni- 
sienne était  en  droit  (\\n\  attendre.  L'enseignement  donné  aux  sta- 
giaires, tant  comme  connaissances  générales  que  comme  pratique 
agricole,  est  insuffisant,  et  le  fait  cpie  ces  jeunes  gens  ne  sont  astreints 
à  aucun  travail  elTectif,  qu'il  ne  peut  être  rendu  compte  de  leur 
assiduité,  qu'aucune  sanction  ne  s'aj^plique  au  progrès  de  leur  ins- 
truction, a  provoqué  certaines  critiques  qui  ne  nous  paraissent  pas 
exagérées. 

De  1898  à  1905,  le  nombre  des  jeunes  gens  admis  à  accomplir  un 
stage  à  Sidi-Tabet  a  été  de  97  dont  iO  sortant  d'Ecoles  d'Agriculture. 


—  222  — 

Sur  ce  chiffre,  35  élèves  se  sont  installés  en  Tunisie  ;  six  en  Algérie  ; 
trois  aux  Colonies;  un  à  l'étranger;  deux  sont  entrés  en  France,  dans 
l'Administration  des  Eaux  et  Forêts  ;  neuf  ont  continué  leur  stage 
chez  divers  colons  :  cinq  sont  encore  stagiaires  à  Sidi-Tabet.  Les 
autres,  soit  36  stagiaires,  ont  abandonné  leurs  études.  La  Tunisie 
n'a  conservé,  Sur  97  élèves  agriculteurs,  que  49  colons  ou  luturs 
colons  ;  par  conséquent  le  déchet  est,  à  peu  près,  de  50  o/o.  On  trou- 
vera peut-être  que  c'est  beaucoup. 

La  Sébala.  —  Plaine  située  à  16  kilomètres  de  Tunis,  sur  la  rive 
gauche  de  la  Medjerda,  entre  cette  rivière,  le  djebel  Ahmar  et  lu 
mer.  Formée  par  les  alkivions  des  bras  de  la  Medjerda,  elle  est 
humide  en  hiver,  desséchée  en  été  ;  elle  subit  aussi  les  déborde- 
ments de  la  rivière  qui  lui  causent  de  sérieux  dégâts  à  chaque  crue. 

La  Sébala  se  trouve  à  la  sortie  d'un  col  assez  resserré  et  forme 
comme  une  oasis  ;  il  y  existe  huit  petites  sources  de  bonne  eau  ;  la 
nappe  souterraine  est  à  une  profondeur  variant  de  3  à  6  mètres. 

Quelques  indigènes  aisés  sont  installés  sur  ce  territoire;  ils  culti- 
vent d'après  la  méthode  française,  des  espaces  de  500  à  600  hecta- 
res, et  ils  habitent,  non  des  gourbis,  mais  de  véritables  fermes.  Les 
Italiens  y  sont  nombreux,  enclavés  dans  les  propriétés  arabes. 

Quatre  familles  siciliennes  ne  sont  associées  pour  prendre  àenzel, 
près  de  Protville,  une  ferme  de  200  hectares,  à  raison  de  500  francs 
l'hectare  en  plaine  et  de  300  francs  l'hectare  en  coteaux.  Le  travail 
de  la  ferme  est  assuré  par  douze  ouvriers  agricoles,  dont  chacun  reçoit 
8(M)  francs  par  an,  et  a  droit  à  une  part  de  fèves,  un  litre  de  vin  par 
jour  et  un  logement.  Le  vignoble  est  beau;  il  donne  un  rondement 
moyen  de  80  à  100  hectolitres  à  l'hectare. 

Dans  cette  région,  quelques  fermes  françaises.  A  Bou-Halloufiu 
où  la  route  de  Tunis  à  Bizerte  coupe  la  Medjerda,  et  sur  la  limilc 
même  des  deux  Contrôles,  M.  Crété  a  créé  le  domaine  de  Protville, 
(i25  kilomètres  de  Tunis),  appartenant  à  une  vSociété  anonyme  fondée 
en  KK)l  au  capital  de  750.000  francs.  La  superficie  de  la  propriété 
est  de  LlOO  hectares,  dont  200  seulement  sont  situés  sur  le  Caïdat  de 
Tébourba;  les  900  autres  hectares  s'étendent  de  l'autre  côté  de  la 
Medjerda,  sur  le  territoire  du  Contrôle  de  l?izerte. 

Sur  le  domaine  de  Pr-otville  on  rencontre  toutes  les  cultures:  nii 
vignoble  de  180  hectares,  irrigué  parles  eaux  de  la  Medjerda  au  moyen 


—  22:  î  - 

d'un  moteur  à  pétrole,  produisant  150  hectos  en  moyenne  à  l'hectare; 
400  hectares  ensemencés  en  blé,  orge  et  avoine  (terres  restant  en 
jachère  l'année  suivante)  ;  une  luzerniôre  irriguée  de  deux  hectares  ; 
une  olivette  de  5  hectares  ;  une  aspergière  d'une  vingtaine  d'hectares  ; 
enfin  quelques  hectares  partagés  en  pépinières  et  en  cultures  arbus- 
lives  et  potagères.  La  valeur  moyenne  de  l'hectare  de  terre,  à  Prot- 
ville,  est  de  300  francs. 

La  Direction  de  l'Agriculture  a  l'intention  d'installer  sur  ce  point, 
près  de  Fondouk-el-Kantara,  un  petit  village  industriel,  où  des  ou- 
vriers agricoles,  un  charron,  un  forgeron,  etc.,  pourront  s'établir. 
Dans  ce  but  elle  demande  à  M.  Crété  de  lui  vendre,  on  bordure  de 
la  route  de  Bizerte,  7  ou  8  hectares  de  terres  qui  seraient  immédia- 
tement allotisetmis  en  vente;  on  a  prévu, au  milieu  du  futur  village, 
la  construction  d'une  école. 

A  Fondouk-el-Kantara  subsiste  un  magnifique  pont  romain  qui  a 
été  restauré  et  dont  les  dimensions  sont  de  90  mètres  sur  3  m.  50. 

Galâat-el-Andeleus.  —  A  l'extrême  pointe  nord  du  caïdat  de 
Tébourba,  à  15  kilomètres  de  la  Sébéla,  de  l'autre  côté  des  garaa 
Sidi-bou-Hanèche  et  Bou-Ammar,  entre  l'embouchure  de  la  Medjerda 
et  la  mer,  le  village  de  Galàat-el-Andeleus  émerge  d'une  plaine  maré- 
cageuse entourée  de  bois  d'oliviers.  Il  est  construit  sur  les  anciens 
Castra  Corneliana,  position  militaire  dominante  à  l'extrémité  nord 
de  la  plaine  de  Bagradas,  presque  continuellement  occupée  par  les 
généraux  romains  pendant  leurs  luttes  avec  Utique  et  Carthage. 

Ce  village,  réédifié  par  les  émigrés  venus  d'Espagne  dont  les  des- 
cendants l'habitent  encore,  comprend  une  quarantaine  de  familles. 
Les  maisons  sont  construites  en  maçonnerie  et  en  pisé,  et  quelques 
intérieurs  sont  plaqués  de  faïences  du  type  hispano-mavu'esque. 

Les  habitants  de  Galàat-el-Andeleus  ont  vécu,  pendant  longtemps, 
l'etirés  et  concentrés  en  dehors  des  autres  populations  du  Nord  do  la 
Régence.  Il  faut  attribuer  cette  particularité  à  l'isolement  dans  lequel 
ils  étaient  contraints  par  les  marais  qui  les  entourent.  Depuis  que 
les  chemins  ont  été  aménagés,  ces  gens  ont  un  peu  rompu  avec  leurs 
habitudes  de  sauvagerie  nati\;e. 

Cette  population  est  intéressante,  laborieuse,  économe;  olU^  forme 
d'excellents  agriculteurs,  de  bons  maraîchers  qui,  pour  la  plupart 
vivent  dans  l'aisance.  Un  certain  nombre  de  familles  de  ce  peuple- 


—  224  — 

ment  resté  homogène,  trop  à  l'étroit  dans  leur  presqu'île  submergée 
pendant  lliiver.  émigrent,  s'en  vont  en  dehors  de  leur  territoire  louer 
des  terres  de  cultures  notamment  sur  les  domaines  d'Utique  et  d'El- 
Aousdja;  ils  produisent  des  céréales,  du  maïs,  du  sorgho,  de  l'aïl, 
des  tomates,  des  pastèques,  des  melons,  et  ils  élèvent  des  chèvres. 
Un  fait  est  à  noter  :  jamais  une  famille  ne  s'en  va  seule  de  Galaat-el- 
Andeleus;  c'est  quatre  ou  cinq  jeunes  ménages  qui,  en  même  temps, 
quittent  le  village  natal  —  parcelle  se  détachant  du  bloc  —  pour  aller 
ensemble,  sans  émiettement,  s'établir  sur  un  autre  point  où  se  forme 
un  nouveau  groupe  homogène  dont  les  membres  restent  unis  par 
les  habitudes  et  les  mœurs.  Nous  avons  observé  le  même  phéno- 
mène d'essaimage  compact  dans  les  villages  français  et  espagnols, 
dits  «  régionaux  »  d'Aloérie. 


-o" 


^0  —  Région  Xord-Ouest  du  Caïdal  de  Tébourba 

Chaouat.  —  La  réi-ion  de  Chaouat,  située  à  13  kilomètres  de 
Tébourba,  sur  la  ligne  de  Bizerte,  est  limitée  au  Nord  par  la  sebkha 
^labtouha,  à  l'Est  et  au  Sud  par  la  Medjerda,  à  l'Ouest  parles  djebels 
Sakkak  et  Kantouria.  Terrains  d'alluvion  de  première  qualité;  il  n'y 
existe  pas  de  source,  mais  la  nappe  souterraine  est  abondante  et 
fournit  de  bonne  eau  à  trois  mètres  de  pi'ofondeur.  Terres  propres  à 
la  culture  des  céréales;  pâturages  vigoureux,  permettant  l'élevage 
du  mouton  pendant  toute  l'année. 

Trois  domaines  français  de  '250,  300  et  1.000  hectares.  A  7  kilomè- 
tres de  Chaouat,  domaine  français  de  Bou-Hadida  (3(X)  hectares). 

Sldl-Athman.  A  '.>  kilomètres  de  Cliaoual,  aux  environs  de 
la  halte  de  Sidi  Athman,  quelques  fermes  françaises  aux  lieux  dils 
Terglesch,  Aïn-Rhellal  et  Selma  (partie  sur  le  Caidat  de  Tébourba, 
partie  sur  le  Caidat  de  Mateur  dépendant  du  Contrôle  civil  de  lîizerte.) 

Ce  dernier  domaine,  5:20  hectares,  compte  250  hectares  de  céréa- 
les, 25  hectares  de  vignes  et  10  hectares  consacrés  à  la  production 
des  fourrages  artificiels. 

«  Lhencliir S(>liiia,  (''ci'ivait  M.  Ficiu-y  du  ."^crl.  en  l!Kt2,  est  lui  par- 
fait exemple  de  ce  que  peut  faii'e  en  peu  de  temps  un  pro|)riétaire 
qui  appi'ofondit  par  lui-même  les  problèmes  si  divers  de  l'agricul- 
ture tunisienne,  les  applique  avec  persévérance  et  d'après  un  pro- 


—  ^yr.  — 


gramme  mûrement  étudié.  11  y  a  deux  ans,  J'iiencliir  Selma  était  un 
vaste  jujubier  :  c'est  aujourd'hui  ini  domaine  complet  où  se  trouve 
tout,  et  où  tout  est  à  sa  place.  » 

Le  propriétaire  de  Selma,  M.  de  Bouvier,  est  allé  en  Espagne  étu- 
dier sur  place  la  culture  du  caroubier.  Il  en  est  revenu  avec  la  con- 
viction (}ue  cet  arbre  était  appelé  à  rendre  les  plus  grands  services 
pourvu  qu'il  fût  bien  cultivé.  Aussi  a-t-il  planté,  dès  .son  retour  en 
Tunisie,  500  caroubiers  qui  s'augmentent  chaque  année  de  liOO  à  40(J 
sujets  nouveaux.  Ce  propriétaire  sait  que  si  la  province  africaine  fut 
autrefois  le  grenier  de  Rome,  elle  en  fut  aussi  le  verger.  Malheu- 
reusement les  imitateurs  de  M.  de  Bouvier  sont  rares  en  Tunisie. 

Sebguine.  —  L'iiencljir  Sebguine,  700  hectares  environ,  situé 
près  de  Sidi-Athman,  à  IÎ8  kilomètres  de  Tunis,  15  de  Tébourba,  27 

kilomètres  de  Mateur,  a  été  cédé  par  les  habous  à  la  Direction  de 
l'Agriculture  qui  l'a  divisé  en  7  lots,  livrés  à  la  colonisation  en  1901- 

loœ. 

Deu.x  de  ces  lots  n'ont  pas  50  hectares;  quatre  lots  ont  de  60  à  80 
hectares  ;  un  lot  atteint  162  hectares.  Le  prix  de  vente  a  été,  en 
moyenne,  de  75  francs  l'hectare. 

Sebguine  se  trouve  dans  une  vallée  entourée  de  collines  et  traversée 
par  un  oued  alimenté  par  des  sources  permanentes  ;  l'une  d'elles  a 
été  captée  et  aménagée  en  abreuvoir.  L'eau  est  potable,  mais  légère- 
ment magnésienne  ;  la  nappe  se  rencontre  de  5  à  6  mètres.  Dans  la 
partie  basse,  le  terrain  est  formé  de  dépôts  lacustres,  argileux  et 
parfois  sablonneux  ;  les  argiles  jaunes  et  rouges  constituent  les  colli- 
nes où  l'herbe  abonde  :  céréales,  cultures  fourragères  un  peu  de 
vigne.  Terrains  très  propices  à  l'élevage.  Moyenne  des  pluies  :  550 
millimètres. 

Bordj-Touta.  —  Centre  agricole  à  6  kilomètres  de  Tébourba 
(Nord-Ouest),  établi  sur  un  domaine  cédé  à  l'Etat  parles  Habous  en 
1894. 

L'espace  livré  à  la  colonisation  pai'  la  Direction  de  l'Agrioultun». 
forme  une  vaste  plaine,  légèrement  relevée  à  sa  partie  Est  et  à  sa 
partie  Sud,  où  elle  se  relie  aux  coteaux  de  Schuiggi.  La  partie  mon- 
tagneuse connue  sous  le  nom  de  djebel  Deman-Essedra,  est  réservée 
par  l'Etat;  elle  contient  de  la  pierre  et  des  plàtrières;  elle  est  recou- 


—  2-iG  — 

verte  de  broussailles  formant  un  pâturage  où  les  acquéreurs  des  lots 
de  la  plaine  peuvent  conduire  leurs  troupeaux  moyennant  de  faibles 
redevances.  Plusieurs  puits  existent  sur  la  propriété  ;  l'eau  est  de 
bonne  qualité;  la  profondeur  varie  de  10  à  15  mètres.  Moyenne  des 
pluies  :  500  millimètres. 

La  vallée,  de  4  kilomètres  de  large,  est  fermée  au  Sud  par  les  co- 
teaux de  Tébourba,  au  Nord  par  des  montagnes  assez  élevées,  con- 
treforts d'El-AnSfirine,  qui  descendent  en  pentes  abruptes,  parfois 
danç^ereuses,  dans  la  plaine  ondulée.  Les  mamelons,  composés  de 
calcaires  légers  sont  propres  à  la  culture  de  la  vigne  et  de  l'aman- 
dier; ils  sont  assez  fertiles  pour  produire  les  céréales  nécessaires  aux 
besoins  de  l'exploitation  des  colons.  Dans  la  partie  la  plus  belle  de 
l'hencliir,  les  terres  argilo-calcaires  sont  excellentes  pour  les  céréales. 
A  l'Ouest,  le  terrain  est  favorable  à  la  culture  de  l'avoine  et  des  fèves. 
En  établissant  des  barrages  sur  les  oueds  Haouia  et  Dzellam,  qui  ne 
tarissent  jamais,  on  obtiendrait  de  beaux  résultats  par  la  culture  des 
primeurs.  Ces  terres  ont  peu  d'humus,  ayant  été  lavées  par  les  eaux 
il  est  donc  nécessaire  de  les  fumer  abondamment. 

La  partie  montagneuse,  d'une  superficie  de  i.700  hectares  envi- 
ron, forme  un  haut  plateau  d'une  structure  tourmentée.  Les  eaux, 
emprisonnées  se  sont,  en  maints  endroits,  frayé  une  issue  à  travers 
la  montagne  et  descendent  vers  la  plaine  par  des  crevasses  profondes 
souvent  de  60  à  80  mètres.  La  nature  a  formé  là  un  réservoir  natu- 
rel qui,  au  moyen  de  travaux  faciles,  pourrait  fournir  l'eau  dirriga- 
tion  nécessaire  ta  toute  la  plaine.  On  y  voit  les  ruines  d'un  pont  ro- 
main et  d'un  aqueduc.  Cinq  douars  sont  disséminés  au  pied  de  la 
montagne. 

Liienchir  Bordj-Touta  a  été  divisé  en  une  trentaine  de  lots  :  'il  lots 
de  l.'i  à  50  hectares;  8  de  50  à  98  hectares.  Ils  ont  été  vendus  en 
moyenne  275  francs  l'hectare.  La  colonisation  française  n'a  obtenu, 
jusqu'alors,  sur  ce  point  que  des  résultats  médiocres. 

C'est  à  Bordj-Touta  que  l'Administration  (il  un  premier  essai  de 
défrichement  par  la  main-d'œuvre  pénitentiaire  indigène. 

En  1895,  le  Gouvernement  tunisien  envoyait  à  Bordj-Touta,  "200 
prisonniers  indigènes,  afin  de  faire  défricher  la  propriété  (jue  pos- 
sédait le  Domaine  en  cet  endroit.  Le  chantier  s'installa  sous  la  sur- 
veillance de  18  gardiens,  et  fonctionna  avec  un  elTectif  variable  sui- 


—  9'->7  — 


vaut  les  entrées  el  les  libérations,  oscillant  entre  !.")()  et  'l'IO  dé- 
tenus. 

Le  débroussaillement,  le  drainage  des  eaux,  le  redressement  et 
l'empierrement  des  chemins,  le  dég^agement  et  la  taille  des  oliviers 
sauvages  conservés  comme  susceptibles  d'être  grelfés,  la  construc- 
tion des  ponceaux,  le  forage  des  puits,  etc.,  durèrent  dix-huit  mois, 
pendant  lesquels  420  hectares  seulement  lurent  nettoyés  et  mis  en 
valeur.  Les  résultats,  par  suite  de  circonstances  diverses,  ne  lurent 
donc  pas  brillants.  On  avait  calcuh'  que  le  défrichement  reviendrait 
à  108  francs  l'hectare  ;  l'hectare  de  défrichement  coûta  .'3(J0  Irancs, 
et  cependant,  les  terres  furent  cédées  aux  colons,  en  moyenne,  à  275 
francs  l'iiectare. 

Ce  n'est  certes  pas  une  raison  de  condamner  le  système  qui,  sur 
d'autres  points,  —  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  tard  —  donna  de 
superbes  résultats.  Il  s'agit  simplement  de  changer  la  méthode,  et 
c'est  ce  que  l'Administration  n'a  pas  manqué  de  faire. 

Schuiggui.  —  Le  domaine  de  Schuiggui,  créé  en  1885,  est 
situé  à  40  kilomètres  de  Tunis  et  à  8  kilomètres  de  ïébourba,  à  une 
altitude  de  100  mètres.  Il  est  bâti  sur  les  ruines  de  Thula,  ancienne 
ville  romaine,  et  de  nombreuses  citernes  servent  de  caves  à  la  ferme. 
Toutes  les  pierres  ayant  un  caractère  historique,  telles  que  débris 
de  statues,  pierres  avec  inscriptions,  pierres  à  pressoirs,  colonnades 
sont  exposées  et  conservées  au  bordj.  On  peut  voir  également  une 
mosaïque  au  centre  de  l'exploitation. 

Les  environs  de  Schuiggui  sont  accidentés.  A  l'Ouest  de  ce  centre, 
se  dresse  une  chaîne  de  montagnes  qui  le  sépare  de  la  vallée  fertile 
de  l'oued  Tine;  au  Nord,  les  terres  en  friches,  mamelonnées,  ravi- 
nées sont  hérissées  d'aubépines,  de  chênes  nains,  de  jujubiers  et  de 
figuiers  de  Barbarie,  sur  une  altitude  moyenne  de  130  mètres  ;  au 
Sud  et  à  l'Est,  s'étend  la  grande  plaine  de  Tébourba. 

Trois  puits  romains  subsistent  à  Schuiggui  et  paraissent  intarissa- 
bles ;  sur  l'un  d'eux  a  été  aménagé  une  triple  traction  —  aermotor, 
noria  et  pompe  à  vapeur  —  destinée  h  desservir  le  domaine  et  les 
douars  environnants.  Les  deux  autres  constituent  une  réserve  à 
laquelle,  grâce  à  l'abondance  du  premier,  on  n'a  pas  souvent  besoin 
de  recourir.  Deux  sources  se  trouvent  également  sur  la  propriété. 

Ce  domaine,  qui  appartient  à  la  a  Société  immobilière  de  Schuig- 


—  228  — 

gui  »  dont  M.  Paul  Leroy-Beaulieu  est  l'administrateur  délégué,  a 
une  superficie  de  3.000  hectares  environ,  dont  1,300  défrichés.  L'orge 
et  l'avoine  y  viennent  bien  ;  le  blé  donne  des  rendements  médiocres; 
400  hectares  de  vignes  produisent  en  moyenne  19.000  hectotitres  de 
vins  rouges,  blancs  et  muscats  (45  hectolitres  à  l'hectare);  le  vin 
rouge  sert  surtout  aux  coupages.  Le  troupeau  compte  700  moutons, 
175  bêtes  à  cornes,  75  chevaux,  juments  et  mulets. 

Les  travaux  agricoles  sont  assurés  par  la  main-d'œuvre  indigène 
—  dont  un  certain  nombre  de  noirs  (jui  ont  formé  un  véritable  vil- 
lage nègre  —  et  par  la  main-d'œuvre  italienne,  au  total  150  ou- 
vriers. 

Autour  de  Schuiggui,  petite  colonisation  sicilienne;  un  peu  plus 
loin,  sur  la  route  de  Tébourba  à  Mateur,  VEpargne  Foncière,  Société 
anonyme  coopérative  de  prévoyance  dont  le  siège  est  à  Paris,  pos- 
sède un  domaine  de  580  hectares,  dit  Gousset-el-Bey.  Acquis  par 
cette  Société  en  1896,  il  était  alors  entièrement  couvert  de  brous- 
sailles ;  actuellement,  grâce  à  son  régisseur,  M.  Platel,  praticien  con- 
sommé, le  domaine  est  en  grande  partie  défriché.  Les  céréales  : 
tuzelle,  blé  dur,  orge  et  avoine  donnent  de  bons  rendements  :  les 
fèves,  le  sulla,  la  luzerne  viennent  très  bien. 

Le  troupeau  comprend  50  bovins,  200  moutons  et  220  porcs  ;  ces 
cochons,  lâchés  dans  les  parties  montagneuses,  y  trouvent  toute  leur 
nourriture.  Fait  à  noter,  les  indigènes  ne  les  inquiètent  pas  et  ne  se 
plaignent  pas  de  leur  voisinage. 

Le  vignoble  atteint  50  hectares  et  doit  arriver  à  en  recouvrir  150; 
aussi  continue-t-on  de  défricher  avec  ardeur.  Le  défrichement  d'un 
hectare,  au  moyen  de  la  main-d'œuvre  nègre,  coûte  180  francs. 

A  Schuiggui,  école  mixte  de  28  élèves  :  19  garçons  (18  italiens  et 
1  arabe);  9  filles  (1  française  et  8  italiennes). 

3°  Région  Sud  du  Caïdal  de  Tébourba 

Saint-Cyprien.  —  En  signalant,  dans  la  monographie  de  Souk-el- 
Arba,  le  système  de  colonisation  pratiqué  par  M.  Jules  Saurin,  gérant 
de  la  «  Société  des  Fermes  Françaises  eu  Tunisie  »,  nous  avons  cons- 
taté la  réussite  de  l'œuvre  tant  au  Munchar  (Gaidat  de  Béjà),  qu'à 
Sainl-Cyprien  (Caïdat  de  Tébourba). 


i 


—  229  — 

Le  domaine  que  la  Sociélé  possède  à  SainL-Cyprieii  est  de  1.0'iô 
hectares,  divisé  en  lots  de  40  à  00  hectares.  Douze  métayers  y  sont 
actuellement  installés.  La  superficie  totale  cultivée  annuellement  par 
ces  colons  français,  est  de  500  hectares  en  céréales  et  de  1(X)  hec- 
tares en  vigne.  Chaque  année  partent  des  métayers  qui,  ayant  achevé 
leur  apprentissage  et  ramassé  un  pécule  suffisant,  s'en  vont  plus  loin, 
sur  un  autre  coin  du  bled  tunisien,  s'établir  à  leur  compte.  Ils  font 
de  bons  agriculteurs  très  pratiques  et  sont  remplacés  dans  leurs  an- 
ciennes métairies  par  de  nouveaux  cultivateurs  français. 

Saint-Gyprien  est  situé  à  16  kilomètres  de  Tunis,  à  8  kilomètres 
sud-est  de  Tébourba,  sur  la  route  de  Tunis  au  Kef.  Quelques  pro- 
priétés françaises  près  du  domaine  de  M.  Saurin.  Ecole  mixte  :  15 
élèves,  0  garçons,  (dont  4  français,  2  italiens,  '2  maltais),  et  6  filles, 
(dont  4  françaises  et  2  italiennes). 

Bordj-el-Amrl.  —  Situé  à  20  kilomètres  de  Tunis,  sur  la  route 
du  Kef,  le  centre  de  Bordj-el-Amri  permet  de  se  rendre  compte  des 
progrès  de  la  colonisation  italienne  pendant  ces  dernières  années. 
Elle  s'y  étale  en  tout  son  plein  sur  un  domaine  de  3.2(X)  hectares, 
acheté  à  un  Français  par  une  société  italienne,  moyennant  un  enzel 
de  13.000  francs,  rachetablepour  200.000  dans  une  période  de  quinze 
ans.  Deux  tiers  de  la  propriété  sont  mamelonnés  et  recouverts  de 
romarin;  l'autre  tiers  occupe  la  plaine.  Les  terres  en  général, sont  pro- 
pres à  la  culture  de  la  vigne. 

Une  partie  du  domaine  est  exploitée  directement  par  la  Société, 
l'autre  est  offerte  en  location  ou  à  enzel.  Au  début,  on  prenait  des 
khammès  italiens  au  cinquième,  mais  on  renonça  bientôt  à  ce  sys- 
tème qui  donna  de  piètres  résultats. 

Pour  le  logement  des  paysans  siciliens,  on  a  utilisé  un  vieux  fon- 
douk  arabe  auquel  on  a  ajouté  un  hangar  couvert  pouvant  abriter  une 
douzaine  de  familles.  Ces  pauvres  gens  sont  littéralement  parqués  en 
une  promiscuité  lamentable.  D'autres  campent  dans  de  mauvaises 
cahutes  en  planches,  mal  jointes  au  moyen  de  débris  de  caisses  à  pé- 
trole; ils  couchent  sur  la  terre  battue.  Les  propriétaires  usent  à  ren- 
contre de  ces  ouvriers  agricoles,  des  procédés  chers  aux  []abcIloli 
des  grands  domaines  de  Sicile;  aussi  les  malheureux  dépaysés,  dé- 
primés par  la  misère,  conservent-ils  une  attitude  de  farouche  sauva- 

La  TuNisiK  DU  Noni)  i6 


—  230  - 

gerie  vis-à-vis  de  qui  vient  les  visiter.  Le  spectacle  est  réellement 
attristant. 

Dans  un  fort  beau  livre,  d'une  documentation  serrée  qui  a  exigé 
une  somme  de  travail  énorme  :  «  Le  peuplement  italien  en  Tunisie  et 
en  Algérie  »  M.  Gastion  Loth,  professeur  d'iiistoire  et  de  géographie 
au  Lycée  de  Tunis  ^^',  nous  fournit  des  renseignements  du  plus  haut 
intérêt  sur  la  colonisation  sicilienne  en  Tunisie.  Nous  nous  réservons 
de  revenir  plus  amplement  sur  cette  étude  parfaite,  à  la  fm  de  Lt 
monographie  du  Contrôle  de  Tunis,  mais  dès  à  présent  nous  emprun- 
tons à  M.  Loth,  quelques  renseignements  sur  le  peuplement  et  la 
colonisation  de  Bordj-el-Amri. 

La  population  totale  du  centre  s'élève  à  400  personnes  environ, 
enfants  compris.  C-ertains  petits  paysans  siciliens  reçoivent  chacun 
une  ou  plusieurs  parcelles  de  3  hectares  33  ares  à  complantei'  en  vi- 
gnes. La  durée  du  contrat  qui  les  lie  à  la  société  est  de  20  ans;  pour 
chacune  des  quatre  premières  années,  ils  paient  une  location  de  75 
francs,  portée  à  100  francs  pour  les  années  suivantes.  Au  bout  de  "20 
ans,  les  propriétaires  reprennent  leur  domaine  sans  que  les  fermiers 
reçoivent  la  moindre  compensation.  Un  certain  nombre  de  lots  de  2 
à  iO  hectares,  sont  également  cédés  à  des  petits  colons  moyennant 
une  rente  d'enzel  de  18  francs  par  hectare,  payable  seulement  à  par- 
tir de  la  cinquième  année.  Il  est  enfin  une  troisième  catégorie  de 
tenanciers  qui  prennent  à  charge  une  superficie  de  10  hectares  au 
moins  ;  ils  doivent  planter  en  vigne  tout  ce  terrain  qui  est  partagé,  au 
bout  de  quatre  ans,  par  moitié  entre  le  propriétaire  et  le  colon;  ce 
dernier  doit,  en  outre,  payer  un  enzel  lixé  d'avance.  Enzelistes  et  fer- 
miers sont  libres  de  travailler  connue  journaliers,  moyennant  1  l'r.  50 
par  jour  et  par  honnne,  sur  la  partie  du  domaine  dii'ectemcnt  culti- 
tivée  par  les  propriétaires.  Avant  peu  de  temps,  1.000  hectares  de 
vignes  auront  été  plantés  par  ce  système,  sur  \c  domaine. 

«  Les  contrats  sont  élablis  d'une  l'arou  assez  draconuienne,  écrit 
M.  Lotli,  puisque  des  quatre-vingts  familles  a|»pelées  lout  d'abord  à 
résider  sur  le  domaine,  quarante  ont  été  renvoyées  d'un  seul  coup. 
11  paraît  même  <|ue  trois  ou  (juatre  familles  seulement  se  sont  rési- 
gnées en  lin  de  compte,  à  accepter  les  condilidiis  et  combinaisons 
flivei'ses  imposées  |)ai'  la  Société.  Les  lauiillrs  de  colous  liabilanl  ac- 


(I)  .Maiiiteiiaiil  clirucleur  du  Colli'gc  Alamii.  :i   liin 


-  2M1   — 

tiiellemoiil.  lîoidj-cl-Ainci  coiisliliiciil,  doin-  une  noiivollc  sourlic  <lim- 
init'ranls,  succl'<I;iiiL  iï  bref  iiiLervalh;  ;"i  «les  travaillciiis  (hjiil  l'd'iivic 
a  élé  siH'loiit  prolilablc  aux  possesseurs  du  sol. 

«  En  déduction  des  avances  qu'ils  fournissent  aux  colons  pendant 
les  ((uatn^s  premières  armées,  les  propriétaires  ont  des  bénéfices  im- 
médiats provenant  de  la  vente  de  lèves  et  de  blé;  ils  ont  en  outre 
l'avantage  d'une  main-crd'uvre  aussi  peu  coûteuse  que  possible.  Tou- 
tes les  familles  de  paysans  ti'aiisphmt('es  à  i)Ordj-el-Amri  paraissent 
être  à  la  discrélion  absolue  des  pri)piiétaires,  non  seulement  par  la 
nature  même  de  leurs  contrats,  mais  parce  qu'elles  ne  sont  nullement 
i^aranties  vis-à-vis  des  revendications  du  crédit  eir/eliste,  c'est-à-dire 
du  Français  auquel  est  due  la  rente  annuelle,  (ju'une  catastroplie  sur- 
vienne amenant  la  dissolution  de  la  Société  italienne,  que  la  rente 
cesse  d'être  payée  à  l'ancien  propriétaire,  et  ce  derniei"  —  en  vertu 
des  droits  tunisiens —  lait  vendre  purement  et  simplement  sa  terre 
sans  être  tenu  en  aucune  façon  de  respecter  les  engagements  pris  vis- 
à-vis  des  petits  fermiers  et  colons  partiaires,  sans  avoir  à  se  préoccu- 
per du  règlement  des  avances  faites  pendant  les  premières  îumées, 
des  habitations  construites,  des  plantations  effectuées. 

«  Mais  c'est  là  le  moindre  danger  qui  menace  cette  petite  colonisa- 
tion de  13ordj-el-Amri.  Le  véritable  péril  réside  précisément  dans  le 
système  d'avances  org;misé  |)ar  le  propiiétaire,  dans  l'obligation  im- 
posée aux  colons  d'acheter  à  la  cantine  du  domaine  tous  les  objets 
nécessaires  à  la  vie,  depuis  le  pain  jusqu'aux  habits  ;  quand  on  connaît 
les  mœurs  siciliennes  ou  tunisiennes,  on  sait  ce  qu'il  advient  ordinai- 
rement en  pareil  cas.  Le  paysan  rongé  par  l'usure,  travaille  pour  le 
plus  grand  profit  du  maître.  Etroitement  tenu  sous  la  dépendance  de 
celui  qui  lui  fournit  les  semences  ou  l'argent  nécessaire  à  son  instal- 
lation, il  reste  en  Tunisie  aussi  misérable  qu'en  Sicile. 

« . . .  Le  système  inauguré  à  Bordj-el-Amri  est  incompatible  avec 
l'amélioration  du  sort  des  ti-availleurs  ruraux.  F.es  choses  se  passent, 
sur  ce  domaine,  comme  en  Sicile,  quand  il  y  a  plusieurs  coïnléressés 
dans  une  même  propriété  :  on  exploite  lliomme.  » 

Hafsla-Trapani.  —  Une  autre  Société,  constituée  par  un  bijoutier 
de  Trapaiii,  a  fait  ac([uisition  d'un  domaine  de  700  hectares  situé 
près  de  Bordj-el-Amri,  et  désigné  sous  le  nom  de  Ïlafsia-Trapani. 
Comme  pour  les  achats  précédents,  il  s'agit  ici  dini  c(mtral  dVnzel 
avec  annuité  de  i.HOO  b'ancs.  Après  un  essai  malheureux,  la  Société 
renonçant  au  morcellement  au  prolit  de  petits  colons,  s'est  contentée 
d'administrer  directement  la  propriété,  où  elle  possède  un  vignoble 
de  .")[  hectares,  des  cliainits  de  céréales  et  des  terrains  de  parcours 
pour  son  bétail. 


—  232  — 

Massicault.  —  La  colonisation  italienne  semblait  vouloir  s'empa- 
rer de  toute  cette  partie  du  pays;  la  tâche  d'huile  s'élargissait  chaque 
jour,  et  bientôt  Textrêmité  Sud-Ouest  du  Contrôle  de  Tunis  aurait 
été  transformée  en  un  canton  de  Sicile.  La  Direction  de  l'Agriculture 
arrêta  net  cet  envahissement,  en  achetant,  près  de  là,  aux  habous, 
plusieurs  propriétés  dites  henchirs  El-Alouine,  La  Campagne,  Ech- 
ChadUj,  Zakaria,Mengouh  etPaolo,  d'une  contenance  totale  de7. 149 
hectares,  se  décomposant  ainsi  : 

Alouine 1 .  CiOO  hectares 

La  Campagne 1 .  52 1         » 

Ech-Chadly 200        » 

Zakaria 200        » 

^lengoub 2.(100        » 

Paolo 1.028        » 

L'henchir  Paolo  est  situé  dans  le  Contrôle  de  Béja,  Caïdat  de  Med- 
jez-el-P)ab  ;  les  autres  henchirs  se  trouvent  sur  le  territoire  du  Caï- 
dat de  Tébourba.  A  l'heure  actuelle,  trente-trois  colons  français  sont 
établis  sur  ces  propriétés  domaniales  : 

Henchir   Alouine:         10  colons  sur  1 .530  hectares 

»         Ech-Chadly  :     2     »      sur      195        » 

»         La  Campagne:  9      \  ,   ^^^         » 

„  ,      .  ,  sur  1 .590 

»         Zakaria  :  1      /  » 

»        Mengoub:  8     >>      sur  1.280        » 

A)         Paolo  :  3     ))      sur      780        » 

Soit  trente  colons  français  sur  le  Caidat  de  Tébourba  occupant  en- 
semble 4.595  hectares,  et  trois  colons  dans  le  Caïdat  de  j\Iedjez-el- 
Bab  occupant  780  hectares. 

L'altitude  des  terres  varie  de  00  à  200  mèti'os;  la  phis  grande  par- 
tie est  argilo-calcaire,  de  consistance  moyenne.  Dans  la  plaine,  la 
couche  arable  est  très  profonde,  assez  argileuse,  tandis  que  sur  les 
coteaux  elle  moins  épaisse,  plus  calcaire,  et  d'une  compacité  beau- 
coup moindre.  Les  terres  de  plaine  sont  estimées  à  200  francs  l'Iiec- 
tare  en  moyemie  ;  celles  des  coteaux  valent  del{()àr)0  francs  l'Iiecla- 
re.  Cultin'(;s  :  blé,  avoine,  orge,  fève,  luiiiiiigcs,  vigne.  LIevage  : 
bd'iirs,  clicvaiix,  niiilcls,  abeilles.    L'eau  S(^  trouve  de  l.'Jà  25  mètres. 


-  2:;:?  — 

Elle  est  îj;énéralcment  poUibIc.  Gcpoiidarit  l'Admiiiistralioii  conseille 
aux  acquéreurs  de  prévoir  la  construction  d'une  citerne. 

Il  ne  se  trouve  dans  la  région  ni  marais,  ni  oueds  ;  toutefois  un  pe- 
tit étang'  siti'é  à  peu  de  distance  .'lu  Sud  de  la  route  de  Tunis  au 
Kef,  à  peu  près  à  hauteur  de  lîir-el-Youdi  (lienchir  Kl-Alouine),  doit 
être  desséché. 

La  Direction  de  l'Agriculture  a  pensé  que  l'établissement  d'un  vil- 
lage français  destiné  à  devenirà  la  lois  le  chef-lieu  des  fermes  vendues 
par  l'Etat  des  groupements  italiens  voisins,  s'imposait  en  ce  point. 
Aussi  a-t-elle  procédé  récemment  à  l'allotissement  d'un  centre  indus- 
triel avec  école  et  bureau  de  poste,  situé  à  l'extrémité  nord-est  du 
territoire  domanial  d'El-Alouine.  Ce  village,  qui  a  reçu  le  nom  de 
Massicault,  situé  sur  la  route  de  Tunis  au  Kef,  a  été  divisé  en 
soixante-quatre  lots  urbains,  de 8 à  85  ares;  un  seul  lot  de  i  hectares 
55  ares  a  été  réservé  pour  la  place  publi({ue. 

Ces  lots  vont  être  mis  en  A'ente,  mais  l'école  —  depuis  longtemps 
demandée  par  les  Italiens  de  Bordj-el-Amri  —  fonctionne  dès  main- 
tenant. Cette  école  est  mixte  et  reçoit  59  élèves  :  !25  garçons,  dont  3 
Français  et  22  Italiens  ;  34  filles,  dont  3  Françaises  et  31  Italiennes. 

Saint-Joseph  d'El-Mahrine.  —  Le  domaine  de  Saint- Joseph  d'El- 
Mahrine,  constitué  à  grand  renfort  de  réclame  bien  pensante  et  de 
prospectus  répandus  à  foison  dans  le  monde  clérical,  appartient  à  une 
Société,  «  L'Union  Foncière  de  France  ».  Sa  superficie  totale,  y  com- 
pris les henchirs  i);>r5i  elKoiissat,  estde  1.500  hectares  environ. 

El-Mahrine  est  situé  à  0  kilomètres  de  Tébourba,  sur  la  route  re- 
liant cette  dernière  localité  à  Bordj-el-Amri. 

Le  sol  arable  est  constitué  par  des  limons  rouges  de  consistance 
moyenne  dans  la  partie  plane  ;  un  tiers  de  la  propriété  contient  des 
affleurements  de  grès  et  des  parties  ravinées  incultivables. 

160  hectares  sont  complantésen  vignes;  200hectares  en  amandiers; 
300  hectares  sont  consacrés  aux  céréales  et  aux  fourrages. 

L'exploitation  du  domaine  occupe  une  centaine  de  travailleurs  : 
trois  Français,  une  trentaine  d'Italiens,  environ  soixante  indigènes, 
Arabes  et  Nègres. 

Bordj-Touni.  —  Centre  agricole,  à  51  kilomètres  de  Tunis,  sur 
la  ligne  du  chemin  de  fer  d'Algérie.  Aux  environs,  (juehiues  pro- 


—  234  — 

priétés  franraises,  des  carrières  de  pierres  et  déplâtre.  Citons  les 
domaines  de  Toiuujar  et  de  SouiUiia.  Le  premier  à  une  contenance 
de  i.800  hectares,  1.350  hectares  en  céréales,  150  hectares  en  pâtu- 
rages, '20  hectares  en  vignes;  olivette,  verger^  culture  maraîchère. 
Le  second  appartient  à  la  «  Société  de  Colonisation  Franco-Tunisien- 
ne »  :  030  hectares,  dont  une  partie  irriguée  par  Teau  d'une  source 
jadis  captée  par  les  Romains;  oliviers,  caroubiers,  céréales,  culture 
maraîchère. 

BoTclj-Toumi  [Cinsarisj,  se  trouve  au  pied  de  la  montagne  deLan- 
sarine  ;  on  y  voit  de  nombreuses  ruines,  surtout  dans  les  pâturages 
de  Toungar  :  vestiges  de  villas,  colonnes,  chapitaux,  bains  très  bien 
conservés.  Cinsaris  était  alimenté  par  les  eaux  de  Lansarine  ame- 
nées par  une  canalisation  semblable  à  celle  de  lliuhurho-Miuus  et 
de  Thula. 

La  Colonie  agricole  indigène  de  Lansarine.  —  En  1001,  le  pré- 
sident de  l'Administration  des  Habous  provoquait  la  formation  d'un 
Comité  franco-tunisien  afin  d'étudier  le  projet  de  création  d'une  co- 
lonie agricole  indigène.  Aussitôt  constitué,  le  Comité  élabora  des 
statuts,  qui,  la  même  année,  reçurent  l'approbation  du  Gouvernement 
tunisien. 

L'œuvre  philanthropique  au  premier  clief,  poursuivait  un  triple 
but  :  i°  assister  par  le  travail  des  enfants  indigènes  moralement 
*  abandonnés  ;  2»  former  de  bons  ouvriers  agricoles  pouvant  être  em- 
ployés dans  les  fermes  françaises  ;  3°  initier  les  enfants  à  tous  les 
travaux  des  champs  d'après  la  méthode  française,  afin  que  ceux 
d'entre  eux  qui,  plus  tard,  seront  appelés  à  cultiver  pour  leur  pro- 
pre compte,  puissent  apporter  dans  leur  tribu  et  introduire  dans 
leurs  cultures  les  procédés  d'exploitation  rationnelle. 

Le  projet  fut  d'abord  accueilH  par  le  pultlic  avec  un  tantinet  <\c 
scepticisme,  et  il  fallut  la  ténacité  du  (Gouvernement  Tunisien  et  l'ha- 
bileté <le  j\L  l'Inspecteur  Minangoin  —  (jui  a  été  la  cheville  ouvrière 
de  l'institution  —  pour  que  l'œuvre  ne  fut  pas  tuée  dans  l'a-ul. 

«  Présentement,  disait  avec  logique  M.  Minangoin,  d;nis  un  gi-and 
nombre  d'exploitations  agricoles  européennes,  on  est  obligé  d'avoir 
recours  à  la  main-d'œuvre  étrangère,  et  plus  particulièi-ement  ita- 
lienne, pour  certains  ti'avaux  (|ui  ne  peuvent  èti'e  exécutés  par  les 
ouvi'iers  indigènes,  notamment  la  plantation,  la  taille  et   l'entretien 


-  '2:^:^  - 

<le  la  vii^iie,  la  ciilliire  maraîclioi'c,  (!l<;.  Il  ow  osl  rie  irKMiic  pour  la 
coïKliiikî  fk's  iiisiriuiiciils  a^i-icoles  perrecUoimés  tels  ([uo  loc(jrnol)i- 
ies,  batteuses,  moissonneuses,  faucheuses,  comme  aussi  pour  ren- 
ti-etien  du  iiiatéi'i(!l  de  la  rorrne  et  les  sr)iiis  ciilciidus  à  donner  aux 
animaux. 

«  On  peut  cependant  constater  dans  «[uolques  exploitations  françai- 
ses ([ue  les  indigV'nes,  après  un  certain  temps  d'apprentissage, s'assi- 
milent suriisamnicnt  l'usai^e  des  instiiunents  perlectiomiés  fie  culture 
européenne  i)oin-  pouvoir,  avantageusement  pour  le  propriétaire, 
remplacer  la  main-d'œuvre  italienne. 

((  En  effet,  outre  que  ces  ouvriers  indigènes  exécutent  aussi  bien 
le  travail,  ils  se  contentent  de  salaires  de  1  fr.  50  à  2  francs  par  jour, 
alors  que  les  Italiens  exigent  de  !2  fr.  50  à  3  fr.  50.  De  plus,  les  indi- 
gènes n'ont  pas  les  mêmes  exigences  au  point  de  vue  du  logement, 
des  heures  de  travail  et  des  jours  de  repos.  Enfin.,  ces  ouvriers  indi- 
gènes, en  raison  de  leurs  connaissances  acquises  de  la  cidture  euro- 
péenne, et  des  salaires  qu'elle  leur  procure,  se  sont  attachés  à  ces 
exploitations,  y  sont  fixés  eux  et  leurs  familles,  contribuant  ainsi  à  la 
prospérité  générale  du  pays,  alors  que  l'ouvrier  italien,  n'étant  appe- 
lé que  pour  certains  travaux  déterminés,  ne  s'attaclie  pas  à  la  pro- 
priété sur  laquelle  il  vit  temporairement  et  ne  poursuit  qu'un  but, 
celui  de  réaliser  le  plus  possible  d'économies  pour  les  envoyer  dans 
son  pays  d'origine.  Il  y  a  de  plus  à  considérer  que  le  plus  souvent  le 
propriétaire  ne  peut  être  fixé  sur  la  moralité  et  les  antécédents  de 
ces  ouvriers  roulants,  tandis  qu'avec  les  indigènes,  il  lui  est  toujours 
possible,  par  la  vvoie  des  autorités  locales,  d'être  renseigné  sur  leur 
moralité  et  leurs  antécédents. 

«  Dans  l'intérêt  général  de  la  Tunisie,  il  y  a  donc  lieu  de  se  préoc- 
cuper de  porter  remède  à  cette  situation  aussitôt  que  possible,  avant 
que  la  main-d'œuvre  italienne  ne  soit  implantée  d'une  manière  défi- 
nitive dans  le  pays.  » 

il  y  eut  bientôt  un  revirement  dans  l'opinion  et  le  projet  du  Comité 
put  entrer  en  voie  d'exécution.  Une  sousci'iption,  destinée  à  recueil- 
lir les  sommes  nécessaires  à  l'établissement  de  la  colonie,  futouverte 
parmi  les  indigènes.  La  Djemaïa  mettait  à  la  disposition  du  Comité 
une  fort  belle  propriété,  de  l.()00  hectares,  dont  800  en  plaine  et  8(K) 
en  montagne,  désignée  sous  le  nom  d'henchir  IMellaha,  et  située  sur 
le  versant  nord-ouest  du  djebel  Lansnrine,  à  une  vingtaine  de  kilo- 
mètres de  Tébourba.  Ce  domaine,  borné  au  Nord  et  à  l'Ouesl  jiar 
l'oued  Tine,  possède  des  terres  de  première  qualité,  argilo-calcaires 
mais,  en  même  temps,  humifères,  surtout  sur  K^s  bords  de  l'oued 
Tine:  ce  sont  des  terres  à  blé  par  excellence,  lili-ant  jusqu'à  .')•',. 


—  23(>  — 

d'acide  pliosphoriqiie.  Les  montagnes  contiennent  beaucoup  de  cal- 
caire et  se  couvrent,  au  printemps,  de  larges  tàclies  rougeàtres  faites 
de  sulla  naturel,  véritable  richesse  pour  Télevagé  du  mouton. 

La  plaine  est  entourée  de  collines,  aussi  toutes  les  pluies  y  sont- 
elles  naturellement  conduites;  il  tombe,  en  moyenne,  700 '"/'",' d'eau 
par  an.  L'été  est  chaud,  l'hiver  assez  froid  ;  le  pays  très  sain.  Les 
oueds  Mellaha  et  Tine  arrosent  le  domaine  ;  ils  ne  tarissent  pas  entiè- 
rement Tété. 

L'année  1902  fut  consacrée  à  préparer  l'organisation  et  le  règle- 
ment intérieur  de  la  colonie,à  déterminer  l'emplacement  et  l'orientation 
des  bâtiments.  Entin,  le  h'"'  mai  1903,  les  constructions  sortaient  de 
terre,  et  le  P""  novembre  de  la  même  année,  la  colonie  ouvrait  ses 
portes  et  recevait  la  première  promotion. 

La  colonie  est  placée  sur  un  petit  plateau  ;  les  bâtiments  qui 
constituent  l'école  avec  ses  dépendances,  ont  la  forme  d'un  rectangle 
de  70  mètres  sur  1  i.  Au  centre  de  la  cour,  se  trouve  un  vaste  réser- 
voir alimenté  par  un  aermotor,  installé  en  dehors  des  bâtiments,  sur 
un  puits  de  15  mètres  de  profondeur  ;  ce  réservoir  refoule  l'eau  dans 
les  diverses  habitations  où  elle  est  nécessaire.  La  maison  du  directeur, 
de  style  arabe,  se  trouve  à  une  cinquantaine  de  mètres  des  bâtisses. 
L'aspect  général  est  celui  d'une  grande  ferme  de  colons  tunisiens. 

Quarante  élèves  furent  admis  tout  d'abord,  mais  c'étaient,  pour  la 
plupart,  des  citadins  peu  liabitués  aux  travaux  manuels.  Ils  quittèrent 
la  colonie  et  furent  remplacés  par  d'autres  plus  familiarisés  avec  le 
travail  de  la  campagne.  C'est  ainsi  (|u'à  la  suite  d'une  véritable  sélec- 
tion, on  parvint  à  constituer  un  noyau  d'une  trentaine  d'élèves  qui 
prirent  goût  à  la  culture  et  se  firent  remarquer  par  leur  travail  et 
leur  bonne  conduite.  Les  demandes  d'admissions  affluent  aujourd'hui, 
surtout  depuis  qu'un  décret  dispense  du  service  militaire  les  élèves 
(|ui  auront  accompli  leurs  trois  années  de  stage  à  l'Ecole  en  donnant 
toute  satisfaction  aux  maîtres  chargés  de  leur  surveillance  et  de  Icmu- 
enseignement. 

Pour  l'année  lOOi,  avec  la  seule  main-d'iruvi-c  d(>s  (Mifanis,  Lid 
hectares  ont  été  en  partie  débroussaillés  et  on!  1'(m  ii  un  labour  de 
pi-intemps  ;  qiieNiues  hectares  ont  été  labourés  deux  lois.  Cha(|ue 
cliarrue,  attelée  de  six  bd'ufs  et  conduite  par  deux  élèves,  retournait 
en  moyenne  40  ares  par  Jour. 

1.^200  arbres  envoyés  i)ar  la   Oiivclion   de  l'Agriculture,  jilanli's 


—  '2:57  • 

autour  (les  bâtiments, poussent  avec  vii;ueur;  une  pépinièrede  ."{.(HH) 
pieds  (le  vi|j;nes,  comprenant  les  principaux  cépaj^es  de  table  et  à  vin 
susceptibles  de  réussir  en  Tunisie,  a  été  créé,  de  même  fpi'un  verf,'er 
et  un  jardin  [)()taL;er  (|ui,  convcnableinciit  Iiuik''  cl  ii-rii^n*'',  foui'nit  à  la 
colonie  tous  les  légumes  nécessaires. 

Cette  année  (11)05),  1.000  éclats  d'oliviers  ont  été  plantés  sur  les 
coteaux,  et  on  a  ensemencé  80  hectares  de  blé,  .']0  hectares  d'avoine, 
\2  hectares  d'orge,  13  hectares  de  légumineuses,  dont  8  de  lèves  et 
T)  de  poids  chiches,  5  hectares  de  pommes  de  ter-re.  La  récolte  de 
ces  divers  produits  a  été  bonne,  très  bonne  même  si  on  la  compare 
à  celles  obtenues  aux  environs  de  Tunis  et  de  Tébourba.  La  surlace 
cultivée  ira  naturellement  en  augmentant  tous  les  ans,  suivant  les 
ressources   et  les  moyens  d'action  de  la  colonie. 

Semblable  résultat,  atteint  en  moins  de  deux  ans,  est. remarquable 
et  fait  honneur  aux  promoteurs  de  cette  a'uvre  de  solidarité  sociale, 
11  était  à  craindre  que  les  enfants,  dont  la  plupart  n'avaient  jamais 
tenu  d'instruments  aratoires,  se  rebutassent  au  premier  abord  :  on 
peut  dire  que  maintenant  le  pli  est  pris  et  que  le  ti-avail  manuel  n'ef- 
fraie pascesjeunes  gens.  Il  est  vrai  que, pour  les  tenir  en  haleine,  on 
a  soin  de  varier  les  occupations  :  la  section  qui  va  au  labour  le  ma- 
tin, travaille  le  soir  au  jardin,  aux  plantations,  à  l'arrosage,  au  sar- 
clage, etc. 

En  dehors  de  ces  travaux  de  plein  air,  les  enfants  reçoivent  (|uel- 
(jues  notions  de  forge,  menuiserie,  charronage,  bourrellerie,  de 
manière  à  être  à  même  d'effectuer,  chez  eux  ou  dans  les  fermes, 
les  petites  réparations  ainsi  que  le  montage  et  le  démontage  des 
instruments. 

Cet  enseignement  pratique  est  assuré  par  un  personnel  se  com- 
posant d'un  directeur,  deux  chefs  de  culture  français,  deux  proles- 
seurs  indigènes  sortis  de  l'Ecole  Coloniale  d'Agriculture  de  Tunis. 
Ces  deux  professeurs  donnent,  en  arabe,  des  leçons  d'agriculluic. 
de  viticulture,  de  mécanique  agricole,  de  zootechnie.  Des  leçons  de 
français  sont  faites  par  les  élèves  munis  de  leur  certificat  d'étude,  »|ui 
enseignent  sonmiairement  leurs  camarades  illélrés.  L'instruction  est 
complétée  parle  directtnn-,  le  coniniandanl  en  retraite  Omar  (lueliat\ , 
qui  fait  aux  élèves  des  conlérences  sur  l'éducation  morale  et  l'his- 
toire. 

L'instruction  et  le  séjour  à  la  colonie  sont  complètement  gratuits. 


-   238  — 

saulpour  quelques  jeunes  gens  riclies,  qui  paient  volontairement  une 
pension  de  250  francs  par  an.  Les  élèves  sont  nourris,  logés,  chauflés 
et  habillés. 

En  mai  dernier,  M.  d'Antlioiiard,  Délégué  à  la  Résidence  Générale, 
rapporta  d'une  visite  à  Lansarine  une  impression  lavorable.  Les 
élèves  semblent  s'intéresser  au  travail,  et  la  plupart  d'entre  eux, 
entrés  à  l'école  complètement  illétrés,  s'expriment  en  français  de 
façon  compréliensible.  M.  d'Anthoûard  recommande,  à  cet  elTet,  que 
l'on  s'efforce  d'habituer  les  enfants  à  parler  français  entre  eux,  et 
que  l'on  arrive  à  faire,  en  français,  les  cours  de  la  3c  année. 

Je  vais  toutefois,  formuler  de  légères  critiques,  convaincn  (]ue  les 
créateurs  de  Lansarine,  dont  j'admire  l'œuvre,  ne  prendront  pas  en 
mauvaise  part  de  simples  observations. 

M.  Omar  Guellaty  est  un  excellent  directeur,  mais  il  se  souvient  trop 
qu'il  fut  brillant  officier  :  il  caporalise  trop  sa  petite  troupe,  la  fait  trop 
pivoter,  en  exige  trop  d'efforts.  Il  ne  sagit  point  de  défricher  et  de 
mettre  en  valeur  un  beau  domaine  en  plus  ou  moins  de  temps,  mais' 
d'instruire  des  jeunes  enfants,  de  les  éduqner,  d'en  faire  de  paisibles 
cultivateurs  et  non  des  soldats  laboureurs.  Il  faut  que  l'École  soit 
plus  pastorale  et  moins  militaire. 

Six  heures  par  jour  de  travail  aux  champs  suffiraient  largement. 
L'excédent  de  travail  manuel  serait  renq^lacé  par  deux  heures  d'en- 
seignement théorique  donné,  non  plus  par  un  chef  de  culture,  mais 
par  un  professeur  français,  qui  aurait  la  direction  agricole  de  l'école. 
Ce  professeur  pourrait  spécialement  pousser  les  élèves  les  plus  labo- 
rieux et  les  plus  intelligents  et  préparer  ces  premiers  sujets  à  l'examen 
d'admission  de  l'École  Coloniale  d'Agriculture.  <'* 

La  Direction  de  l'Agriculture  pourrait  égalemenl,  à  la  sortie  de 
l'École  Coloniale  d'Agriculture,  envoyer  à  Lansarine  de  jeunes  sta- 
giaires français,  qui  y  acquièreraient  plus  de  pratique,  tout  en  se 
familiarisant  avec  les  indigènes.  Lansarine  deviendrait  ainsi  une  sorle 
(V Ecole  cVapplication,  dont  les  jeunes  Français  et  les  jeunes  Tunisiens 
retireraient  de  sérieux  avantages.  En  1905,  un  des  bons  élèves  de 
l'Ecole  Coloniale  d'Agriculture,  M.  Letord,  a  été  envoyé  en  excursion 
à  Lansarine;  il  y  est  resté  peu  de  temps,  inais  il  a  pu  voir,  cependant, 
ce  qui  a  été  fait  et  ce  qui  devrait  être  fail  diiiis  la  colonie.  Les  notes 


(1)  C'est  chose  l'aile  aujouiil'liiii  :  nu  jcuiii'  agroiioini'  Iraiiçai^  ('>>l  adjoiiil  .1  la  iljirclii)ti  di'  I.aiisa 
l'ine. 


-  2;'.o  — 

qirU  il  ['é<lii^(k's  sur  le  sujet  sont  ti'ès  iiiléressaiites.  On  ne  peut  que 
réliciter  M.  Lelord  du  consciencieux  Inivail  qu'il  a  l'oui-ïii  à  la 
Direction  de^  l'Agriculture. 

11  serait  bon  d'adjoindre  à  l'Ecole  une  petite  in(irmerie-ln)[)il;il,  qui 
serait  tenue  par  un  aide-médecin  indigène  sortant  de  l'hôpital  Sadiki. 
Cet  aide-médecin  aurait  pour  mission,  non  seulement  de  soigner  les 
malades,  mais  de  l'aire;  aux  élèves  des  cours  d'Iiygiène,  de  leur  incul- 
quer les  premières  notions  de  médecine  usuelle  et  de  propreté.  Ce 
serait  une  très  minime  dépense,  et  cela  rendrait  sûrement  d'appré- 
ciables services. 

En  résumé,  les  créateurs  de  Lansarine  peuvent  sans  ci'ainte  envi- 
sager l'avenir  :  le  succès  est  assuré.  De  bons  laboureurs  indigènes 
sortiront  de  l'Ecole,  et  ;ivant  peu,  l'exploitation  se  sulfira  à  elle-même, 
c'est-à-dire  que  les  ressources  provenant  de  la  mise  en  valeur 
progressive  du  domaine  sulliront  à  l'alimentation  des  élèves  et  au 
paiement  du  personnel. 


CHAPITRE  V 


Caïdat  de  Zaghouan 


Limites  et  aspect.  —  Le  Caïdat  de  Zaghouan  est  borné  :  au  Xord. 
par  le  Caïdat  de  la  banlieue  de  Tunis;  à  l'Ouest,  par  le  Caïdat  de  Med- 
jez-el-Bab  ;  au  Sud,  par  les  Contrôles  de  Maktar  et  de  Kairouau  ;  à 
l'Est,  par  les  Contrôles  de  vSousse  et  de  Crombalia. 

Ce  territoire,  de  60  kilomètres  de  long  sur  à  peu  près  autant  de 
large,  possède  des  sites  merveilleux,  une  salubrité  incomparable  due 
à  la  régularité  de  son  climat,  et  une  belle  fertilité  due  à  l'abondance 
de  ses  cours  d'eau. 

Ce  pays  n'a  pas  la  sauvagerie  de  la  Kroumirie,  dont  les  brusques 
soulèvements  et  les  profondes  déchirures  sont  parfois  terrifiants: 
c'est  plus  doux,  moins  heurté,  plus  hospitalier,  mais  le  superbe  mas- 
sif du  Zaghouan  qui  coupe  la  partie  Sud  du  territoire  et  se  prolonge 
au  delà  du  Bargou  dans  le  Contrôle  de  ^laktar,  est  une  région  magni- 
tique,  en  même  temps  boisée  et  nue,  grande  et  intime.  Il  existe  là  de 
délicieux  vallonnements,  des  petits  plateaux  d'une  fraîcheur  inouie, 
où  le  ruisselet  couvert  de  lauriers-roses  coule  en  tout  temps,  d'ado- 
rables creux  en  des  plis  inconnus  de  montagnes,  de  sombres  olivettes, 
de  clairs  vergers,  des  jardins,  des  pâturages  abondants.  C'est  d'unr 
inimaginable  grâce. 

Et,  cependant,  ce  territoire  très  étendu,  le  mieux  arrosé  de  la  Tu- 
nisie, le  mieux  protégé  contre  les  vents  brillants  du  Sud,  est  peu  peu- 
plé. C'est  à  peine  si  30.00(_)  hectares  sont  annuellement  cultivés,  alors 
que  l'on  pourrait  en  ensemencer  le  double.  La  plus  grande  étendue 
du  pays  est  restée  la  terre  du  pasteur  :  Iroj)  jtcul-élre,  car  d'Iunoni- 
brables  troupeaux  de  chèvres  dégradent  la  montagne,  ruinent  les 
pentes  du  coteau,  et  si  le  Service  des  Forêts  n'y  met  ordre,  ce  sera, 
à  bref  délai,  l'entière  dévastation. 


—  241  — 

Les  terres  cultivées  dans  le  Caïdat  fournissent,  en  moyenne,  une 
récojlo  (jui  peut  être  évaluée  à  (KJ.OIK)  f|iiinl;nix  pour  le  blé  et  à 
5U.U0()  quintaux  pour  l'orbe.  Le  rendement  du  i>lé  est  de  8  à  10  ;  ce- 
lui de  l'orge  de  10  à  15. 

Climat.  — Par  ses  sources,  son  liumidité  atmosphérique,  ses  pré- 
cipitations à  peu  prés  régulières,  la  région  de  Zagiiouan  olïre  un  cli- 
mat tempéré  (jui  justifie  l'essor  colonial  ({ue  l'on  y  constate  depuis  ces 
dernières  années. 

Les  température  et  pluie  relevées  à  Zaghouan  en  lOOi,  sont  : 

Prixte.mps  :  Maxima  :  .'15  ;  minima  :  '2  ;  moyenne:  1  i.<S  ;  Pluie; 
K)5m/m  en  !2'2  jours. 

Eté  :  Maxima  :  46f»  ;  minima  :  11"  ;  moyemie  :  25"  ;  Pluie  :  28>"  m  en 
5  jours. 

Automne:  Maxima:  40";  minima  :  Oo  ;  moyenne  :  20"  7;  Pluie: 
121  m  m  en  18  jours. 

Hiver:  Maxima  :  2()";  minima  :  2"  ;  moyenne  10"  9  ;  Pluie  :  205ni/m 
en  28  jours. 

Températures  moyennes  annuelles  : 

Maxima  :  2,>1  ;  minima:  12o3  ;  moyenne  :  17"  7. 

Total  des  pluies  :  519'»/'"  en  73  jours. 


Les  Centres 

Zaghouan.  —  Petite  ville  arabe,  toute  blanche  dans  un  calice  de 
verdure,  (]ui  se  dissimule  en  un  repli  de  rocher,  au  pied  même  de 
Fénorme  montagne.  Elle  est  située  à  55  kilomètres  de  Tunis  et  y  est 
reliée  par  un  chemin  de  fer  et  une  bonne  route  (]ui,  partant  de  Tunis, 
longe  le  lac  Sedjoumi,  passe  à  la  Mohamédia,  rejoint  Oudna,  suit  le 
majestueux  aqueduc  de  Garthage,  serpente  entre  de  petites  collines, 
traverse  le  défilé  qui  enserre  l'oued  Ksar-el-Kollal,  et  débouche  dans 
une  plaine  où,  après  avoir  passé  à  travers  une  forêt  d'oliviers,  elle 
aboutit  à  Zaghouan. 

Une  nouvelle  route,  très  pittoresque,  relie  Tunis  à  Zaghouan  par  le 
Mornag,  le  col  de  Sidi  Selem,  El  Garci  et  l'Oued  Uamel. 

On  entre  dans  la  ville  près  (fune  porte  triomphale,  de  la  bonne 
époque  romaine,  et  l'on  remarque  bientôt  que  la  plupart  des  maisons 


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arabes  sont  construites  en  belles  pierres  de  taille  provenant  de  rui- 
nes romaines.  Du  haut  de  ces  maisons,  le  regard  embrasse,  au  Nord, 
la  vallée,  la  forêt  d'oliviers  qui  s'étend  sur  les  derniers  contreforts 
du  massif  du  Zaghouan,  sur  les  plaines  de^Ioghrane  et  de  Smindja,  et 
sur  les  coteaux  de  Bir-^Fcherga  ;  au  Sud-Est,  la  vue  plonge  sur 
l'oued  Ramel,  Sainte-Marie-du-Zit  et  le  djebel  Ziil  ;  au  Sud-Ouest,  on 
découvre  la  luxuriante  région  du  Flias  et  du  Djougar. 

Ce  furent  les  Andalous  qui,  par  un  système  ingénieux  de  réparti- 
tion des  eaux,  créèrent  les  vergers  et  les  jardins  dont  la  ville  est  en- 
cadrée; ils  surent  également  utiliser  les  sources  comme  force  mo- 
trice, et  ils  établirent  à  Zaghouan,  des  moulins  à  blé,  des  tanneries, 
des  teintureries,  des  tuileries,  des  fabriques  d'huile  d'olive. 

A  2.500  mètres  de  la  ville,  à  l'henchir  Aïn-Kasbah,  existent  les  rui- 
nes d'un  temple  qui  était  un  hémicycle  de  vingt-quatre  arcades  suppor- 
tées par  des  colonnes.  En  avant,  se  trouve  un  bassin  alimenté  par  un 
canal  souterrain  d'où  part  l'eau  destinée  à  l'alimentation  de  Tunis.  Ce 
«  Temple  des  Eaux  »  est  un  des  plus  gracieux  monuments  de  l'Afri- 
que septentrionale  :  il  se  compose  d'un  sanctuaire  au  fond  duquel  on 
distingue  les  ruines  d'un  autel  et  d'une  large  niche  où  devait  être 
placée  la  statue  de  la  Divinité  à  laquelle  le  temple  était  consacré.  A 
droite  et  à  gauche  du  sanctuaire,  s'avance  et  s'arrondit  une  double 
galerie  latérale  entourant  une  terrasse  qui  domine  un  bassin.  Le  site 
est  cliarmant,  et  des  massifs  d'orangers,  de  trembles,  de  platanes 
séculaires  forment  autour  de  la  source  une  sorte  de  bois  sacré. 

Zaghouan  est  une  ville  de  2.000  habitants,  dont  400  européens, 
sur  lesquels  on  compte  180  Français.  Trois  écoles,  une  école  laïque 
de  garçons  recevant  08  élèves,  dont  5  Français,  29  Italiens,  1  Maltais, 
22  Musulmans,  1  Juif;  une  école  laïque  de  lilles  recevant  37  élèves, 
dont  5  Françaises,  25  Italiennes,  2  Maltaises,  5  Juives;  une  écoh> 
congréganiste  de  lilles  recevant  10  élèves,  dont  3 Françaises  et  l(>  Ita- 
liennes. 

Le  touriste  peut  faire  de  fort  jolies  excursions  aux  environs  de 
Zaghouan,  soit  à  l'Est,  vers  l'oued  Ramel,  conti'ée  giboyeuse  par 
excellence;  soit  vers  le  Sud,  en  suivant  les  contreforts  du  djebel 
Zaghouan  jus(|ir;iii  l'"kirine,  puis  en  l'onpinil  la  cliaîne  jns(|n"au  bled 
Djebibina.  C'est  une  .série  de  sites  su|)erl)es  (in  l'on  rencontre  des 
vestiges  romains  à  cha(|ue  pas.  A  celui  (ju'une  niontt'e  assez  pénible 
ne  l'cbute  [)oint,  nous  conseillons  l'ascension  du  Ras-el-Kasa,  le  })lus 


—  2'»:î  - 

liant  sommet  dix  massif  du  Zaj^liouan.  On  embrasse  de  là  un  horizon 
très  vaste  qui  permet  de  découvrir  à  peu  près  le  tiers  du  territoire 
de  la  Ré.i^ence  :  au  Nord,  Tunis,  La  Goulette,  les  lacs  et  le  ^(olfe;  au 
Nord-Ouest,  les  montagnes  dominant  les  vallées  de  la  Medjerda;  à 
rOuest,  les  montagnes  du  Kef  ;  au  Sud,  le  Djouggar;  au  Sud-Est,  les 
hauteurs  de  Takrouna  et  la  région  de  Sousse  ;  à  l'Est,  Hammamet  et 
son  golfe. 

M.  Ducroquet,  ancien  directeur  général  des  Finances,  actuelle- 
ment colon  aux  environs  de  Zaghouan,  qui  aime  cette  région  avec 
passion  et  s'elîorce,  par  tous  moyens,  de  lui  redonner  un  peu  de  la 
splendeur  qu'elle  avait  jadis,  propose  de  créer,  près  de  la  ville,  au 
lieu  dit  Sanict-Ayed,  appartenant  aux  habous,  un  petit  Jardin  d'Es- 
sais, qui  serait  placé  sous  le  contrôle  de  la  Direction  de  l'Agriculture. 
Le  but  poursuivi  est  le  suivant  : 

lo  Rénovation  des  jardins  de  Zayhouan  ; 

'2»  Fourniture  aux  colons  de  plants  et  d'arbres; 

IJo  Education  professionnelle  de  jeunes  apprentis  jardiniers  indi- 
gènes ; 

4o  Contribution  à  l'industrie  des  primeurs  en  légumes  et  en  fruits 
pour  les  marchés  tunisiens  ou  pour  l'exportation. 

Une  personne  généreuse  olïre  4.000  francs  pour  frais  de  premier 
établissement  ;  la  Direction  de  l'Agriculture  accorde  une  subvention 
de  L^OO  francs  par  an;  la  Municipalité  de  Zaghouan  donnerait  de 
5lK)  à  <)00  francs  chatjue  année.  Il  n'y  a  donc  plus  (ju'à  obtenir  des 
habous  le  terrain  nécessaire  et  à  marcher  de  l'avant. 

Mograne.  — A  8  kilomètres  au  nord  de  Zaghouan;  station  de 
chemin  de  fer.  La  Compagnie  des  Eaux  y  possède  une  vaste  pro- 
priété sur  laquelle  la  conduite  d'eau  du  Djouggar  vient  se  relier  à 
celle  de  Zaghouan.  Une  troisième  source,  Aïn-Ayed,  sortant  d'un  des 
contreforts  du  Zaghouan,  a  été  captée;  une  partie  de  ses  eaux  est 
envoyée  à  Tunis,  l'autre  est  réservée  à  l'alimentation  de  Zaghouan,  à 
l'arrosage  des  jardins,  et  sert,  en  outre,  de  force  motrice  pour  action- 
ner quelques  petits  moulins  arabes. 

C'est  à  Mograne  que  se  trouve  l'ancien  tloniaine  llumberl,  7)//-- 
Chana,  qui,  pendant  plusieurs  années,  fut  géré  par  un  des  frères  de 
Thérè.se:  559  liectares,  dont  '215  en  vignes.  Une  prise  d'eau  à  l'aque- 
duc de  Znghouan  permet  à  la  propriété  i\o  jouir  d'une  concession 


—  244  — 

agricole  de  1.800  mètres  cubes.  Ce  domaine   a  été  vendu,   l'année 
dernière,  à  un  riche  Cubain  pour  la  somme  de  500.000  francs. 
.  Quelques  autres  propriétés  françaises  de  100,  de  300,  de  1.300  et 
de  li.OOO  hectares  se  trouvent  aux  environs  de  ^lograne  et   de  Za- 
ohouan. 

L'Oued-Ramel.  —  L'immense  domaine  de  VOued-Ramel  prove- 
nant des  Halfaoui  et  acheté  par  la  «  Société  Lyonnaise  de  l'Oued- 
Ramel  »,  est  maintenant  divisé  en  plusieurs  grandes  fermes, 
occupées  par  les  anciens  associés  de  cette  Société  ou  par  leurs 
représentants.  Citons  les  propriétés  de  Farcine,  Sainte-^larie-du- 
Zit,  Ksar-Soudan,  Beni-Djerad,  Sidi-Cherif  et  le  domaine  de  TOued- 
Ramel  proprement  dit. 

La  superficie  du  domaine,  tel  qu'il  avait  été  primitivement  cons- 
titué par  la  Société  Lyonnaise,  comprenait  près  de  l'i.OOO  hectares, 
situés  à  65  kilomètres  au  sud-est  de  Tunis  et  à  18  kilomètres  au 
nord-ouest  de  Zaghouan,  dans  une  région  saine,  agréable,  boisée, 
suffisamment  arrosée,  desservie  par  une  bonne  route.  Ces  terres 
s'étendent  sur  le  penchant  de  montagnes  dont  le  point  culminant 
atteint  750  mètres,  tandis  que  la  partie  Sud  n'est  plus  qu'à  50  mè- 
tres au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 

Le  domaine  est  hmité  par  l'oued  Bagra  qui  le  sépare  de  l'Enfida; 
divers  cours  d'eau  le  traversent  du  Nord  au  Sud  ;  les  montagnes 
fournissent  d'importantes  sources;  les  puits  donnent  de  l'eau  de 
bonne  qualité.  Sauf  la  partie  extrème-nord,  réellement  montagneuse, 
le  domaine  comprend  des  terrains  entièrement  cultivables.  Les 
innombrables  ruines  qui  le  couvrent,  prouvent  que  la  population 
romaine  y  fut  des  plus  denses;  il  y  existait  des  villes,  des  villages  et 
des  exploitations  agricoles  isolées  :  à  Ksar-Soudan,  restes  d'un  tem- 
ple romain  de  grand  style,  dont  la  crypte  est  très  bien  conservée  ;  à 
Bendou,  ruines  d'une  basiliipie  chrétienne  de  l'époque  hy/anline, 
entièrement  pavée  de  mosaïques. 

Le  domaine  de  Farsine,  de  1.500  hectares,  a  été  revendu,  en  18U1>, 
par  nu  Français  à  une  association  de  spéculateurs  siciliens,  la  même 
qui  exploite  Bordj-cl-Amri,  dans  le  Caidat  de  Téhoinlia.  Ce  sonl,  du 
reste,  ici  comme  là-bas,  les  mêmes  procédés  d'usur(\  les  mêmes  con- 
trats léoiiiiis(|ui  lient  les  mallieureux  pendant  plus  ou  moins  d(>  temj)s. 
Plus  de    cinijuante   familles  siciliennes    sont  iiishill(''es    à    l''ai'('iiie. 


et  mali-ré  les  salaii'os  infimes  qu'elles  loiiclicnl,  elles  l'ont  preuve  d'une 
puissance  de  travail  physique  peu  ordinaire.  Les  femmes  sont  em- 
j)loyées  à  la  fabrication  du  beurre  et  du  fromaj^e  rie  Sicile;  les  enfants 
i^ardent  les  ti'oupeaux.  Les  ouvriei's  sont  fréquemment  renouvelés, 
mais  il  semble,  toutefois,  que  la  proximité  de  Sainle-Marie-du-Zit,  où 
ils  trouvent  nii  centre  d'échange  et  une  ég^lise,  ait  facilité  leur  accli- 
matement sur  le  domaine. 

Terres  argilo-calcaires  et  silico-calcaires.  Cultures  :  vignes,  céréa- 
les, fèves,  lin,  beaucoup  d'oliviers.  L'eau  étant  abondante,  on  pour- 
rait cultiver  les  primeurs,  légumes  et  fruits. 

Le  domaine  de  Sainle-Marie-du-Zit,  de  i.'200  liectares  environ, 
situé  sur  la  route  de  Zaghouan  à  Ilammamet,  a  été  londé  en  1802  par 
un  prêtre  lyonnais  dans  le  but  d'y  envoyer  des  orphelins  recueillis 
par  l'Assistance  publique  et  de  transformer  ces  enfants,  moralement 
abandonnés,  en  agriculteurs  pratiques,  fermiers,  métayers  ou  chefs  de 
culture  expérimentés. 

Une  vingtaine  d'orphelins  de  1 4  à  20  ans,  restent  en  permanence 
à  Sainte-Marie-du-Zit  et,  avec  l'aide  de  la  main-d'œuvre  indigène,  ils 
assurent  par  un  travail  régulier  l'exploitation  du  domaine,  dont  plus 
delà  moitié  de  la  surface  est  actuellement  défrichés  :  50  hectares  de 
vignes,  céréales,  verger  et  jardin  potager  bien  irrigués,  orangerie, 
rucher,  nombreux  troupeaux. 

Les  enfants,  tous  Français,  proviennent  pour  la  plupart  de  la  région 
lyonnaise;  ils  sont  entretenus  gratuitement  pendant  leur  séjour,  ([ui 
dure,  en  général,  jusqu'à  la  majorité.  L'Assistance  Publique  fait  un 
versement  unique  de  250  h'ancs  au  moment  de  l'entrée.  Cet  orphe- 
linat agricole  existe  depuis  douze  ans,  et  les  résultats  obtenus  sem- 
blent satisfaisants. 

Une  faible  partie  seulement  de  la  propriété  de  Ksar-Soudan  (IMXX) 
hectares),  est  en  culture  :  terres  argilo-calcaires  ;  eau  douce  en  grande 
quantité.  La  propriété  Saint-Louis  ((îOO  hectares),  est  mise  en  valeur 
par  un  jeune  métayer  sorti  de  l'orphelinat  de  Sainlt>-!\larie-(lu-Zit  et 
marié  à  une  orpheline  des  Sœurs  de  Sainte-Monique.  Installé  à  Sainl- 
Louis  par  la  Société  Lyonnaise,  il  a  su  tirer  un  excellent  pai-ti  de  ce 
petit  domaine  dont  les  terres  sont  propres  à  touli^s  les  cultuivs. 

Le  domaine  de  l'I )ne(|-l{;im(d  jiropremenl   dil  conqtrend  plusieurs 

La  TuNisiii  \)V  Nuiih  17 


—  2-'i(')  — 

grandes  propriétés,  telles  que  Bendou,  le  Vieux-Bord j,  Beni-Deradj, 
l'heiichir  Griaiix  (environ  7.000  hectares).  Les  terres  sont  de  premier 
ordre,  argilo-calcaires  dans  la  partie  basse,  silico-calcaires  sur  les 
coteaux  ;  eau  en  abondance,  un  peu  magnésienne,  mais  bonne  pour 
les  irrigations  ;  quelques  puits  d'eau  douce,  oliviers,  arbres  fruitiers 
ilivers,  mais  envahis  par  la  broussaille  ;  vestiges  romains  très  nom- 
breux :  citernes,  aqueducs,  pressoirs,  moulins. 

Cette  plaine,  située  dans  une  cuvette,  entourée  de  vallons,  est  fort 
belle  et  semble  bien  faite  pour  rinstallation  d'un  certain  nombre  de 
petits  colons  Iranrais.  Ce  fut  l'idée  de  la  Société  Lyonnaise,  et  c'est 
dans  cette  intention  qu'un  de  ses  membres,  M.  Birot,  propriétaire 
actuel  de  rOued-Ramel,  tenta  de  morceler  une  partie  de  son  domaine 
en  lots  de  50  hectares,  dont  moitié  irriguable.  Est-ce  par  suite  de 
mauvaise  organisation,  d'un  choix  malheureux  de  l'élément  colon,  ou 
bien  à  cause  du  défaut  de  moyens  de  communications,  de  l'éloigne- 
ment  du  chemin  de  fer,  que  la  tentative  avorta?  Il  y  eut,  peut-être, 
dans  cet  insuccès,  un  peu  de  tout  cela.'N'empèclie  que  Fessai  pour- 
rait être  repris  sur  de  nouvelles  bases,  surtout  si  le  Gouvernement 
du  Protectorat  exécute  la  ligne  projetée  de  Zaghouan  à  Bou-Ficha, 
qui  doit  traverser  la  contrée.  Entre  les  mains  de  la  Direction  de 
l'Agriculture,  cette  plaine  deviendrait  alors  un  pays  merveilleux  de 
petite  colonisation  française. 

L'Oued-Ramel,  cependant  assez  peuplé,  est  enlièremeiit  dépourvu 
d'écoles. 

Bir-M'cherga.  —  lîir-M'cherga  est  un  des  points  les  plus  intéres- 
sants de  colonisation  française  de  la  Régence  ;  c'est  aussi  le  plus 
ancien  et  le  plus  important  des  lotissements  domaniaux  du  Contrôle 
de  Tunis.  Commencée  en  1898,  la  vente  était  réalisée  l'année  sui- 
vante. Plusieurs  des  acquéreurs  revendirent,  il  est  vi'ai,  presque 
aussitôt  avec  bénélice,  mais  ces  premiers  jjropriétaires  refusèrent 
énergi(]uement,  malgré  les  olTres  avantageuses  qui  leur  furent  faites, 
de  céder  leurs  lots  aux  éti'angers.  Ce  coiu  île  pays  tunisien  est  donc 
devenu  Ijien  français,  actif  et  vivant. 

I)ir  ^l'cherga  est  situé  à  iO  kilouièlrcs  au  snd-;'st  de  Tunis  et  à 
'20  kilomètres  au  nord-ouest  di^  Zaghouan.  (  )n  \  accèilc,  soit  par  la 
route  de  Tunis,  soit  par  la  voie  ferrée  en  li'avcrsanl  les  [ilaines  des 
Xassen,  delà  Moh;ini(''di;i  et  d'(  )ndua  ;  la  vallée,  ensuite,  se  resserre, 


-  247  - 

le  pays  semamoloniic;  on  pôiiôtrc  sur  un  vaste  plateau  bordé  <\e  mon- 
ticules, où  sont  espacées, autour  fin  viilii^e  neuf,  les  nojnbreusesfernnes 
françaises. 

Le  territoire  (le  lîir-M'cliei'ga  est  presque  entièrenient  entouré  de 
terres  françaises  :  au  Nord,  le  groupement  cVAïn-el-AsLer,  dont  nous 
avons  parlé  dans  le  chapitre  du  Caïdat  île  la  Jbnlieiie  de  Tiniis;  à 
l'Est,  l'hencliir  Smindja,  (pie  le  Domaine  a  récemment  acr^uis  à  un 
Italien,  et  que  rA.yriculture  vient  d'allotir  ;  au  Sud,  les  liencliirs 
Djebbas  et  Kashalt,  livrés  à  la  colonisation  et  qui  sont  conti.nus  à  la 
plaine  du  Flias  ;  à  l'Ouest,  seulement,  le  hlecl  Boucha  reste  la  pro- 
[H'iété  des  indiijfènes.  S'il  était  possible  au  Domaine  d'acheter  ce  bled 
iîoucha,  situé  sur  les  limites  des  Caïdats  de  Zaghouan,  de  la  Banlieue 
de  Tunis  et  de  Medjez-el-Bab,  dans  iine  plaine  qui  s'étend  enire  le 
djebel  Basila,  au  Nord-Ouest,  et  le  djebel  Djalfa,  au  Sud-Est,  on 
réunirait,  sans  solution  de  continuité,  deux  magniliques  régions  bien 
fran(;aises  :  Bir  M'cherga  et  le  Goubellat,  situé  dans  le  Caïdat  de  ^Fed- 
jez-el-Bab,  aune  vingtaine  de  kilomètres  de  BirM'cherga. 

Trente-cinq  lots  ruraux,  de  50  à  150  hectares  (environs  3.500  hec- 
tares), ont  été  livrés  à  la  colonisation  en  1898  et  1890,  et  vendus,  en 
moyenne,  25  francs  ITiectare.  Les  terres,  argilo-calcaires,  avec  pré- 
dominance de  calcaire  dans  les  coteaux,  sont  très  propres  à  la  culture 
des  céréales  et  de  la  vigne  et  à  l'élevage  du  bétail  :  le  rendement  de 
l'avoine  est  de  15  à  20  quintaux  à  l'hectare  ;  celui  du  blé  de  10  à  12  ; 
la  vigne  donne  un  vin  de  qualité  supérieure  et  elle  produit  au  mini- 
mum 40  hectolitres  à  l'hectare.  Les  groupements  de  Bir  ^l'cherga  et 
d'Aïn-el-Asker  réunis,  cultivent  environ  chaque  année,  2.000  hecta- 
res de  céréales  et  250  hectares  de  vignes.  Les  maladies  cryptogra- 
miques  sont  inconnues  dans  la  conlrée,  ce  qui  permet  de  cultiver  la 
vigne  avec  le  minimum  de  Irais. 

La  Direction  de  l'Agriculture,  nous  l'avons  dit,  a  vendu  aux  colons 
les  henchirs  Djebbas  et  Kasbatt,  situés  au  Sud  de  l'ir-M'cheri^a  et 
faisant  corps  avec  ce  lotissement  fran(;ais.  L'hencliir  Djebbas  com- 
prend cinq  lots  de  90<à  115  hectares,  vendus  en  moyenne  75  Irancs 
l'hectare;  l'henchir  Kasbatt  comprend  aussi  cinq  lots  de  50  à  250 
hectares,  vendus  en  moyenne  50  h-ancs  l'hectare.  Nous  trouvons 
donc,  dans  cette  ivgion,  une  supcMiicie  iK^  [>lus  de  L7(!0  hectares 
cultivés  entièrement  par  des  colons  fran(;ais;  si  nous  y  ajoutons  les 
7.000  hectares  (|ui  conqxiscMit  le  territoire  d'Aïn-el-Asker,  nous  avons 


—  248  - 

près  de  l'2.000  hectares  occupés  par  des  fermes  françaises,  et  lorsque 
le  lotissement  de  Smindja  de  1.500  hectares  sera  vendu,  les  colons 
français  posséderont  13.500  hectares  d'un  seul  tenant. 

Le  village  de  Bir-M'cherga  sort  à  peine  de  terre,  et  la  presque  to- 
talité des  lots  industriels  et  de  petite  culture  (au  nombre  de  G8,  va- 
riant de  25  ares  à  iO  hectares),  ont  été  retenus. 

Le  village  est  très  sain  et  fort  bien  situé  :  la  vue  s'étend,  au  Sud- 
Est,  sur  le  Zaghouan  ;  à  l'Est,  sur  le  djebel  Oust,  haut  mamelon  plu- 
tôt que  montagne,  isolé  dans  la  plaine  ;  plus  loin,  tout  au  fond  de 
l'horizon,  se  dresse  le  djebel  Ressas;  au  Sud,  les  djebels  Djougar  et 
Fkirine  ;  à  l'Ouest,  le  djebel  Aziz  ;  au  Nord,  la  plaine  accidentée 
d'Aïn-el-Asker.  L'eau  se  trouve,  dans  toute  la  région,  de  5  à  10  mè- 
tres :  elle  est  de  bonne  qualité.  Le  puits  du  village  est  inépuisable; 
plusieurs  sources  coulent  toute  l'année.  La  moyenne  des  pluies  est,  à 
Bir-M'cherga,  de  500  millimètres. 

La  Direction  de  l'Agriculture  a  complanté  de  mûriers  la  place  du 
village  ;  ils  sont  très  vigoureux.  D'ailleurs,  la  région  était  autrefois 
couverte  d'arbres;  on  en  retrouve  partout  des  traces, principalement 
autour  des  ruines  de  fermes  et  de  l'ancienne  ville  romaine  {Oppidum. 
Guifense),  dont  les  vestiges  sont  encastrés  dans  le  village  actuel. 

Les  colonsdecette  région  ont  fondé  une  Association  utile  et  pratique, 
qui  a  reçu  Fapprobation  du  Gouvernement  Tunisien.  Elle  a  pour  ti- 
tre ((  Comice  Agricole  de  Bir-M'cherga,  Aïn-el-Asker  et  Smindja  »;  le 
président  est  M.  Jacques  de  Morry,  colon  à  Bir-M'cherga,  (pii  s'occu- 
pe, avec  un  grand  dévouement,  des  intérêts  delà  région. 

Cette  association  française  compte  une  cinquantaine  de  membres  ; 
elle  s'est  constituée  dans  le  but  d'établir  un  lien  amical  entre  les  co- 
lons des  trois  régions  voisines,  d'acheter  en  connnun  certains  ins- 
truments aratoires  de  prix  assez  élevé,  d'améliorer  ainsi  les  procédés 
de  culture,  et  de  soutenir,  devant  les  pouvoirs  publics,  les  intérêts 
généraux.  Par  leur  entente,  leur  énergie,  l'excellent  esprit  qui  les 
anime,  les  agriculteurs  de  ce  groupement  ont  déjà  obtenu  des  résul- 
tats considérables. 

Le  Comice  a  organisé,  en  lUOi-,  une  «Caisse  agricole  coopérative  )), 
qui  a  pour  objet  la  mise  en  valeur  la  plus  complète  et  la  plus  rapide 
des  propriétés  en  donnant  aux  colons  les  ressources  nécessaires  aux 
travaux  de  défrichement,  de   plantation,  de  culture,  à    l'achat   d'un 


—  240  — 

matériel  perfoclionné,  à  I  acqiiisiLioii  du  l)('l;iil  do  vente  et  de  travail. 
Elle  a  aussi  pour  but  d'aider  le  cultivateur  à  attendre  la  vente  de  ses 
produits  sans  suspendre  ses  travaux  d'exploitation,  de  lui  pernnettre 
de  les  vendre  à  un  prix  avantageux,  en  lui  laissant  le  temps  de  réali- 
ser, à  l'époque  la  plus  profitable,  sans  subir  la  pression  du  besoin 
d'argent,  et,  comme  conséquence,  les  exigences  des  acheteurs. 

Le  Comice  a  également  obtenu  une  école  avec  bureau  de  poste  à 
Bir-M'clierga,  une  autre  à  Aïn-el-Asker,  un  médecin  de  colonisaticjii, 
un  vétérinaire  délégué  par  la  Direction  de  l'Agriculture,  une  station 
de  monte  installée,  en  mars  1005,  dans  la  propriété  de  M,  Rousseaux, 
et  un  réseau  de  routes  que  nombre  de  centres  pourraient  lui  en- 
vier. 

En  elïet,  Bir-.M'clierga  est  relié  à  Tunis  par  une  bonne  route  di- 
recte, et  à  la  gare  de  Djebel-Oust  (13  kilomètres),  par  une  autre  route 
fort  bien  entretenue.  Toutefois,  le  Comice  réclame  : 

i"  La  construction  d'une  route  de  Bir  M'cherga  à  Smindja.  Les  re- 
lations avec  Zagliouan  sont  actuellement  impossibles  par  suite  du 
mauvais  état  de  la  piste  et  du  passage  de  l'oued  Miliane  souvent  im- 
praticable ; 

!2'»  L'entretien  de  la  route  de  Bir-^I'cherga  au  Djebel  Aziz.  Cette 
route,  construite  par  la((  Société  des  Mines  du  Djebel  Aziz  »,  est  au- 
jourd'hui abandonnée,  et  la  Direction  des  Travaux  Publics,  ne  l'ayant 
pas  prise  à  sa  charge,  la  considère  comme  une  simple  piste.  Il  s'en 
suit  que  la  route  se  détériore  chaque  jour,  qu'avant  peu  il  sera  impos- 
sible d'y  circuler.  Elle  dessert  cependant  le  bled  Boucha,  qu'il  ne 
faut  pas  perdre  de  vue  et  le  roulage  y  est  actif.  Il  existe  là  une  situa- 
tion bizarre,  portant  préjudice  aux  propriétaires  riverains,  et  qu'il 
importe  de  ne  point  prolonger; 

3»  La  continuation  de  la  route  de  Tunis  jusqu'au  Pont-du-Fhas, 
formellement  promise  par  la  Direction  des  Travaux  publics. 

Le  Comice  Agricole  est  sur  le  point  d'organiser  une  «  Cave  Coopé- 
rative »,  d'après  le  système  des  caves  du  même  genre  (|ui  louclion- 
ne  en  Algérie  et  en  Italie.  Le  Comice  a  vu,  dans  cette  création,  un 
intérêt  général  :  diminution  des  intérêts  de  chacun,  et  vente  de  vin 
l'ait  par  un  type  unique,  dans  les  meilleurs  conditions  d'inslallation  et 
avec  tous  les  soins  voulus. 

En  outre,  le  Comice,  dont  les  aspirations  mutualistes  ne  sauraient 


—  250  — 

être  trop  louées,  a  mis  à  l'étiide  le  projet  tle  création  (rune  «  Coopé- 
rative d'élevage  du  mouton  »,  élevage  qui  donne  dans  la  région  des 
résultats  pécuniaires  avantageux.  11  demande  enfin  à  la  Direction  de 
l'Agriculture  : 

1"  D'autoriser  rimportation  d\m  taureau  zébu,  tlont  les  produits, 
par  croisement  avec  les  vaches  du  pays,  transformeraient  sensible- 
ment les  conditions  du  travail  agricole  ;  '-'^^ 

2"  D'installer  dans  le  village,  sur  un  lot  de  petite  culture,  un  api- 
culteur de  profession.  Les  coteaux  sont  riches  en  plantes  odorilé- 
rantes  et  mellifères,  et,  en  dehors  des  ruches  qu'il  posséderait  sur 
son  lot,  l'apiculteur  pourrait,  après  entente  avec  les  colons,  pren- 
dre en  métayage,  dans  cliaque  ferme,  un  certain  nombre  de  ru- 
ches. 

On  ne  se  réunit  pas,  au  Comice  Agricole  de  Dir-M'clicrga,  Aïn-el- 
Asker  etSmindja,  seulement  pour  banqueter  ;  on  y  étudie  les  ques- 
tions, on  s'entr'aide,  on  se  solidarise.  Grâce  à  cette  association,  deux 
ouvriers  agricoles  se  sont  étabhs  comme  colons  dans  le  pays  où  ils 
possèdent  aujourd'hui  près  d'une  centaine  d'hectares  chacun.  D'au- 
tres viendront.  M.  le  Résident  Général,  (|ui  a  visité,  en  no- 
vembre 1905,  les  centres  de  Bir-M'cherga  et  d'Aïn-el-Asker,  a  pi'o- 
mis  de  donner  satisfaction  aux  desiderata  des  colons,  dans  la  mesure 
du  possible. 

Ecole  mixte  à  Dir-M'cherga  :  Délèves,  dont  !2  garerons  (Français), 
et  7  lilles  (3  Françaises  et  4  Italiennes). 

Smindja.  -  A  1-0  kilomètres deTunis,  antourdela  gare  de  Smindja, 
bihn-cation  des  voies  reliant  Tunis  à  Zagliouan  et  à  Pont-du-Flias,  le 
domaine  possède  trois  hencliirs  formant  un  eiisemblc  de  1. ."")()()  hec- 
tares: El-Gassar-Smindja,  Kl-h'oialer-Moroio  ci  El-Malah. 

Cette  propriété  a  été  acquise  parle  Domaine  à  un  propriétaire  ita- 
lien (|ui  l'avait  morcelée  en  faveur  de  familles  siciliemies  et  cédé  à 
enzel  au  prix  de  JO  francs  l'iieclai-e  raclielable  à  'i.^O  francs.  L'insuc- 
cès ayant  été  conq)let,  le  j)r(ipii(''l;iii('  fut  oliliL;(''  d(>  li(|ui(l('i'.  C'est 
ainsi  (jue  cette  terre  passa,  l'anniM"  dcrnièii'  (mais  lUOi),  enlr(>  les 
luains  de  colons  français. 


(I)  La  Iiiicoliuii  (le  rAni'iciilliiii'  :i.  l'ii  \'M»'>.  cinU'  |i|iisiciirs  Kn>ii|'i'"'ciil^  IVinirais  ik' if|iioiliiclcurs 
zébus. 


—  2: A  — 

Le  pays  est  suin,  exempt  de  paliidisfno  ;  la  séeufilé  paiiaile  ;  les 
terres  de  la  région,  de  nature  ariiilo-calcaire,  sont  faciles  à  travailler, 
généralement  protondes;  les  deux  tiers  sont  de  premièi-e  qualité, 
l'autre  tiers  de  dciixirnK.';  I;i  valeur  moyenne  d(;  l'hectare  est  de  215 
francs.  J.a  nappe  d'eau,  ({ui  se  trouve  de  15  à  40  mètres  de  profon- 
deur, fournit  de  l'eau  de  qualité  médiocre;  mais  il  sera  possible  d'éta- 
blir un  branchement  sur  la  conduite  de  Zaghouan,  (jui  sei-vira  à  Tali- 
mentation  du  centre  que  rAihninislialion  a  l'intention  de  créer  au- 
tour de  la  g;u.re  de  Smindja:  le  travail  coûterait  à  peu  près  une  vin,i^- 
taine  de  mille  francs. 

Les  trois  henchirs  ont  été  partai;és  en2lîlots  :  riienchir  El-Malah, 
en  trois  lots  de  GO,  90  et  100  hectares  ;  l'henchir  El-Kenater-Moreno  en 
deux  lots  de  ll.'Miectares  chacun  ;  riienchir  El-Gassar-Smindja,  en 
dix-huit  lots  variant  de  5  hectares  50  à  ['•li  hectares.  Trois  lots  ont  été 
réservés  par  l'Administration;  l'un  d'eux  (lot  10),  d'une  contenance  de 
120  hectares  complètement  défrichés,  est  complanté  en  partie  de  vi- 
gnes et  d'amandiers.  Presque  tous  les  lots  de  Smindja  sont  actuelle- 
ment vendus,  et  il  est  probable  que  sous  peu  ils  seront  habités  par 
leurs  propriétaires. 

A  l'ouest  d'Aïn-el-Asker  et  de  Bir-M'cherga,  la  gai'e  de  Djebel- 
Oust,  qui  dessert  ces  localités,  se  dresse  isolée  presqu'au  pied  du  dje- 
bel Oust,  dans  une  plaine  à  peine  cultivée,  et  où  la  surlace  non  re- 
couverte par  la  broussaille  est  généralement  ravinée  par  les  eaux 
pluviales  qu'aucun  travail  humain  n'a  collectées  ou  utilisées. ^'^ 

Bou-Remada  (Bir  Helimaj. — Cette  région,  située  à  Test  de  la  plaine 
du  Flias,  au  pied  du  gradin  du  Zagliouan  et  à  0  kilomètres  de  la 
station  de  Smindja,  était  absolument  déserte  lorsipie  le  Domaine 
ac(juit,  comme  solde  d'un  échange  avec  les  habous,  l'henchir  IJou- 
llemada  de  500  hectares.  Ces  terrains  broussailleux,  ([ui  n'étaient 
pas  considérés  comme  propres  à  la  petite  colonisation,  restèrent  plu- 
sieurs années  sans  trouver  même  des  locataires.  La  Direction  de 
rAgricullure  partagea  cependant  l'henchir  Bou-Remada  en  trois  lots 
de  150  à  200  hectares  et  les  mit  en  vente.  Ils  furent  achetés,  l'un  par 


(1)  Celle  plaine  désertique  appuilient  :i  la  Zaouïa  de  Sidi-bou-lledjha,  cachée  dans  un  repli  de 
montagne;  l'étendue  du  teriiloiiv  attciiil  prés  de  li.flOO  lieclnrrs,  dont  une  petite  partie  seuleh<»nt 
est  parfois  cultivée.  De  là  vient  liinpiession  de  stérilité  (pu-  l'on  ressent  en  traversant,  à  une  heure 
de  Tunis,  cette  partie  du  C.aidat  de  Zagliouan. 


—  252  — 

un  ancien  ouvrier  agricole;  un  autre  par  M.  Ducroquet,  qui  après 
avoir  construit  un  confortable  bordj,  s'occupa  d'appeler  dans  la  région 
des  travailleurs  susceptibles  de  la  défricher  en  faisant  du  charbon, 
et  de  la  mettre  en  valeur  ;  un  autre  par  une  de  ses  parentes. 

Ce  groupe  se  relia  promptementavec  les  petites  exploitations  ita- 
liennes déjà  créées  sur  l'ancienne  propriété  !Mouquerol  et  avec  la 
grande  ferme  de  M.  Grémaud  (Suisse).  Aujourd'hui  la  broussaille  a 
disparu  sur  une  vaste  étendue  ;  les  coteaux  sont  plantés  de  vignes, 
les  céréales  occupent  une  large  surface  qui  va  s'agrandissant  chaque 
année,  et  tout  un  village  —  sicilien  il  est  vrai  —  s'est  constitué  à  8  kilo- 
mètres de  Zaghouan.  Ce  village  comptait,  l'année  dernière,  MO  en- 
fants de  moins  de  12  ans. 

Ecole  mixte  ouverte  en  1904  :  21  élèves  dont  12  garçons  (2  Fran- 
çais et  10  Italiens)  et  15  filles  (13  Italiennes  et  2  Maltaises). 

Pont-du-Fhas.  —  Station  du  chemin  de  fer  de  Tunis  au  Kcf,  à 
53  kilomètres  au  sud-ouest  de  Tunis  et  à  4  kilomètres  au  sud  de 
Bir-M'cherga. 

La  plaine  du  Fhas,  nue,  à  peine  piquetée  de  bosquets  de  cactus,  à 
laquelle  s'accotent  des  montagnes  se  rattachant  au  massif  de  Zaghou;ui, 
est  assez  régulière  et  mesure  environ  15  kilomètres  sur  30.  La  ré- 
gion est  traversée  par  quelques  oueds  qui  ne  se  dessèchent  jamais 
complètement  ;  une  nappe  d'eau,  abondante  et  de  bonne  qualité,  se 
trouve  à  une  profondeur  moyenne  de  5  mètres. 

Cette  plaine  est  desservie  par  une  voie  ferrée  et  par  des  pistes.  La 
route  de  Kairouan  est  actuellement  en  construction.  La  route  du  Kef 
avait  été  amorcée,  mais  on  semble  l'avoir  abandonnée  aujourd'hui. 
Quelques  ponts  seraient  nécessaires  sur  certains  points  où  les  oueds, 
grossis  par  les  pluies  d'hiver,  interrompent  les  communications  par- 
fois pendant  des  semaines  entières. 

Les  terres  sont  bonnes  et  valent,  défricliées,  de  200  à  300  francs 
l'hectare,  d'après  leur  situation; 3.700  hectares  environ  sont  cultivés 
par  des  européens  dont  sept  familles  françaises  et  deux  étrangères. 

De  nombreuses  ruines  romaines,  parmi  lesquelles  celles  de  TIiu- 
burbo  Majiis  (à  2  kilomètres  au  Nord  de  ki  gare  de  Pont-du-Fhas), 
iiKhquent  que  la  contrée  a  été  autrefois  ti-ès  prospère  :  vestiges  d'en- 
ceintes fortifiées,  de  tempies,  d'ampliitliéàtres,  de  citernes,  etc. 

Le  petit  village  de  Pont-du-P'has,  situé  sui-  un  plateau  s'éteiidant 


—  253  - 

sur  la  rive  g"auclie  do  roiied  Miliano  cl  an  pied  du  djcyjel  Djîilliir,  a 
été  créé  par  la  Direction  de  rA,i;r"iculture  sur  uti  terrain  accpji.s  du 
liabous  de  Ijou-llamida.  Le  Service  des  Domaines  a  mis  en  vente  en 
1902,  soixante-six  lots  urbains  dont  la  snr'fac<'  v;irie  entre  300  et 
I3.(X)0  mètres  carrés,  au  prix  uniforme  de  0  fr.  10  le  mètre  carré.  Cer- 
tains lots,  placés  en  coteaux  légèrement  inclinés  vers  le  Nord-Ouest, 
sont  excellents  pour  la  culture  do  la  vigne.  Une  trentaine  de  lots  ont 
trouvé  acquéreui's  ;  plusieurs  autres  sont  demandés. 

A  quelque  distance  du  village,  au  Sud-Ouest,  on  peut  faire  l'ascen- 
sion peu  fatigante  du  djebel  Klab,  dontlesomniot  est  percé  de  curieux 
souterrains  :  très  beau  panorama.  De  Pont-dud''lias  à  Djebibina,  au 
Sud-Est,  très  belle  excursion,  soit  par  El-Oukanda,  en  passant  par 
le  défdé  sauvage  de  Foum-el-Karrouba,  soit  par  les  pentes  des  djebels 
Djougar  et  Fkirine.  Beaucoup  de  ruines  et  de  sites  pittoresques. 

Ecole  mixte  de  Pont-du-Fhas  :  19  élèves,  dont  12  gti.reons  (l  Fran- 
çais ;  5  Italiens  ;  6  Musulmans),  et  7  filles  (3  Françaises  et  4  Ita- 
liennes). 

Le  Pénitencier  du  djebel  Djougar.  —  La  métamorphose  accom- 
plie au  Djougar  en  moins  de  trois  années,  est  en  vérité  surprenante, 
et  nous  ne  croyons  pas  que  l'on  soit  arrivé  ailleurs,  par  les  mêmes 
moyens  et  en  si  peu  de  temps,  à  pareils  résultats.  <^^ 

L'expérience  tentée  à  Bordj-Touta  n'était  pas  encourageante.  Ce- 
pendant on  ne  voulut  point  laisser  les  prisonniers  indigènes  s'étioler 
dans  les  bâtisses  de  Tunis,  et,  pensant  qu'il  y  avait  mieux  à  faire  avec 
cette  main-d'œuvre  que  des  chaussons  de  lisière  ou  des  nattes  d'alfa, 
(•n  demanda  au  Service  du  Domaine  de  lui  attribuer  une  certain  su- 
periicie  de  terrain  dans  une  contrée  salubre. 

Le  Domaine  possédait  précisément,  tout  au  fond  de  la  plaine  du 
Fhas,  auprès  des  djebels  Djougar  et  Fkirine,  dans  une  contrée  salubre, 
une  propriété  d  oliviers  de  2.100  hectares,  louée  depuis  30  ans  à  la 
famille  beyiicale,  mais  dont  le  bail  venait  d'arriver  à  expiration. 
Elle  produisait  à  peine,  faute  de  surveillance  du  locataire,  1 .200  Irancs 
par  an,  après  des  co-locations  aux  indigènes  de  la  région. 


(1j  Ci's  ri'sultats  sont  dus  ù  l'iiiiliative  et  à  la  perséviTanci'  de  M.  Gautier,  directeur  des  KtaMis- 
sements  pénitentiaires  de  la  Régence.  Ce  fut  lui  nui  défricha  celte  réKion  où  les  Romains  avaiejit 
odilié  une  ville;  ce  fut  lui  iiui  capta  les  sources,  trac;»  d'excellentes  routes,  dégagea  les  arbres  de- 
venus improductifs.  M.  (lautier  est  moit  est  l'JOO,  mais  son  œuvre  sera  continuée  et  paiachevée  par 
son  successeur,  le  capitaine  Daver. 


Le  terrain  lut  remis  par  la  Direction  de  l'Ayriciilturc  à  l'Adminis- 
tration générale.  Il  était  envahi  par  une  l'orèt  presque  impénétrable 
de  hautes  broussailles;  il  n'y  existait  ni  routes  ni  pistes,  et  dans  ce 
pays  où  Feau  exquise  abonde,  on  ne  trouvait  ni  puits,  ni  abreuvoirs. 
La  source  du  Djougar  participait  seulement  à  l'alimentation  de  la 
ville  de  Tunis.  Enfin  un  très  grand  nombre  de  beaux  oliviers  —  on 
évalue  la  totalité  à  45.000  arbi'es  —  dépérissaient,  étoulTés  par  les 
mauvaises  pousses  sauvages. 

En  mai  190"2,  un  premier  convoi  de  40  prisonniers  arabes  arriva  au 
Djougar  et  fut  d'abord  occupé  à  la  recherche  des  carrières  de  pierre 
et  de  marbre.  11  fora  deux  puits,  construisit  des  tours  à  cliaux,  l'abri- 
qua  des  briques  et  des  tuiles,  puis,  dès  que  l'approvisionnement  en 
matériaux  fut  suffisant,  on  bâtit  un  premier  pavillon. 

D'autres  convois  suivirent  en  1003.  Alors,  on  édifia  trois  nouveaux 
pavillons,  des  magasins,  une  boulangerie,  une  infirmerie,  onze  mai- 
sons de  gardiens  se  composant  chacune  de  deux  pièces  et  d'une  cui- 
sine avec  jardinet  et  poulailler.  Cette  même  année,  on  commença  à 
débroussailler.  En  1004,  tandis  qu'une  section  de  détenus  ouvriers 
achevait  la  construction  des  bâtiments  et  aménageait,  d'après  la  mé- 
thode employée  dans  le  Midi  de  la  France,  l'ancienne  huilerie  du  Dey 
(Màçra),  située  près  des  ruines  du  Temple  des  Eaux,  d'autres  sec- 
tions, composées  de  travailleurs  de  la  terre,  défrichaient  une  partie 
du  territoire,  dégageaient  les  oliviers,  les  taillaient,  leur  faisaient  la 
toilette,  défonçaient  le  sol  et  l'ensemençaient.  A  la  lin  de  l'année, 
250  hectares  étaient  en  pleine  culture,  plus  de  5.000  pieds  d'oliviers 
étaient  sauvés,  et'18.<X)0  kilogrammes  d'huile  d'olives  de  première 
qualité,  sortaient  des  pressoirs  de  la  Mâçra. 

Cette  année  (1905),  l'effectif  des  détenus  du  Djougar  a  été,  en 
moyenne,  de  350  hommes,  répartis  en  sections  de  défricheurs,  labou- 
reurs, arboriculteurs,  charbonniers,  terrassiers,  cantonniers.  L'n 
excellent  réseau  de  routes,  bordées  d'arbres,  dessert  toutes  les  par- 
celles défrichées  ;  elles  aboutissent  toutes  à  la  Màçra,  de  façon  à  ce 
(]ue  les  arabats,  une  fois  chargées  d'olives,  puissent  aller  directement 
déverser  cette  récolte  d;uis  les  pressoirs. 

La  grosse  affaire  du  Djougar  est  assurément  l'olivier,  mais  les 
espaces  défrichés  sont  ensemencées  d'avoine,  d'orge,  de  maïs,  de 
fèves,  de  haricots,  de  pois-chiches,  de  pommes  de  terre  qui  servent 


—  '255  — 

à  l;i  iiourritnre  (lu  porsoiincl  et  à  rciilictii-ii  di-s  clicviiux.  mulets  ut 
boïiirs  (le  labcjur. 

Oti  plunte  aussi  des  ai-bres  Iruilicrs  vari(''S  :  auiaiidiers,  p("'cliers, 
pommiers,  citruiniieis,  noyers,  etc.  La  section  spécialement  cliarjjiée 
de  la  plantation,  de  la  taille,  de  l'arrosage  de  ces  arbres,  est  compo- 
sée de  jeunes  détenus,  transférés  de  Porto-Farina,  où  le  Service 
pénitentiaire  ne  possédait  pas  une  sui'face  sullisaiite  de  terrain  pour 
pouvoir  les  occuper  utilement.  Ces  jeunes  gens  liabitent  un  pavillon 
spécial,  pr(''s  duijucl  ils  ont  aménagé  un  vaste  jardin  potag^er  (jui  est, 
par  leurs  soins,  fort  bien  entretenu.  Chacun  cultive  son  petit  coin  et 
la  plus  grave  punition  (jue  l'on  inllige  aux  insoumis,  c'est  la  privation 
pendant  plus  ou  moins  de  temps,  du  jardinage.  Ces  gamins,  qui  ne 
sont  pas  souvent  de  nature  pire  que  d'auti'cs,  mais  ont  plus  de  ma- 
lecliance,  ont  pris  à  la  culture  de  leur  potager  un  goût  profond  ;  ils 
lui  donnent  tous  les  soins  et  c'est  avec  orgueuil  qu'ils  montrent  au 
visiteur  les  produits  qu'ils  obtiennent.  Il  y  a,  dans  ce  sens,  quel(|ue 
chose  à  faire  pour  ces  déshérités.  L'Administration  peut  encourag"er 
les  plus  méritants  par  de  minimes  récompenses,  et  instituer  un 
Comité  de  protection  qui  aurait  à  s'occuper  des  jeunes  détenus  après 
leur  libération.  Il  faudrait,  aussi,  pendant  leur  séjour  au  Djougar,  leur 
faire  quelques  cours  d'agriculture  pratique  et  leur  établir  un  petit 
atelier  de  forge  et  de  charpenterie. 

Le  domaine  du  Djougar  aiïecte  la  forme  d'un  pain  de  sucre,  limité 
au  Sud  par  les  djebels  Fkirine,  Djougar  et  Ben-Saïda;  à  l'Ouest,  par 
l'oued  Asseb  et  l'oued  Tahouna  qui  contourne  la  propriété  vers  le 
Sud;  à  l'Est,  par  riiencliir  Ben-Saïdane,  sur  lequel  est  installé  un 
village  indigène,  et  par  l'oued  Goussiet;  au  Nord,  par  la  plaine  du 
Fhas.  L'altitude  est  de  371  mètres. 

Quiconque  arrive  au  Djougar,  se  demande  où  est  placé  le  ;)*•///- 
tencicr.  Les  trois  corps  de  bâtiments  bien  distincts  :  la  Màçra-el-l'ey, 
située  dans  un  bosquet  chainiaiit,  à  800  mètres  du  canqi:  ce  camp 
lui-même;  le  lazaret  des  jeunes  détenus;  les  jardins,  les  quinconces 
d'arbres  fruitiers,  les  larges  avenues,  la  luxuriante  végétation,  foi-- 
ment  un  ensemble  des  plus  agréables  ayant  l'aspect  d'une  très  belle 
ferme  française.  On  ne  se  doulerait  jamais  (|U(>  Ton  se  trouve  là  dans 
un  lieu  de  pénitence.  Les  prisonniers,  répandus  sur  tous  les  points 
de  l'immense  propriété,  vaquent  à  leurs  occupations  sans  surveil- 
lance api)ai'ente,  et  le  personnel  directeur,  composé  seulement  d'une 


—  256  — 

vingtaine  de  gardiens,  français  et  indigènes,  assure,  sans  la  moindre 
brutalité,  la  surveillance  la  plus  parfaite. 

Les  actes  de  rébellion  et  les  évasions  sont  très  rares  ;  il  en  est  de 
même  de  la  mortalité  :  sur  un  chiffre  de  350  prisonniers,  en  moyenne, 
se  renouvelant  constamment  et  dont  nombre  de  sujets  arrivent  pas- 
sablement avariés,  on  n'a  enregistré  —  dans  un  pays  où  les  terres 
sont  sans  cesse  remuées  —  que  deux  décès  du  1er  janvier  au  31  octo- 
bre 1905. 

Les  bâtiments  destinés  aux  prisonniers  sont  aérés,  bien  compris, 
proprement  tenus,  et  la  formule  des  «  trois-huit  »  est  appHquée  au 
Djougar.  Il  y  a  quelques  mois,  un  incendie  éclata  dans  la  brousse, 
à  5  kilomètres  de  la  propriété.  Le  gardien-chef  y  expédia  les  !292 
hommes  qu'il  avait  de  disponibles.  Ils  restèrent  un  jour  et  une  nuit, 
travaillèrent  avec  ardeur,  réussirent  à  enrayer  le  lléau  qui  menaçait 
la  région.  Le  lendemain,  lorsque  le  dernier  foyer  fut  éteint,  les  pri- 
sonniers regagnèrent  leur...  domicile  :  pas  un  ne  manquait  à  l'appel. 

M.  Gautier,  directeur  du  Service  pénitentiaire  est  l'administrateur 
du  domaine;  le  gardien-chef  en  est  le  régisseur  et  le  maître  de  cul- 
ture; les  autres  gardiens  sont  autant  de  contre-maîtres  agricoles  qui 
sèment  le  grain,  taillent  les  arbres,  emmagasinent  les  approvision- 
nements, font  procéder,  sous  leur  surveillance,  à  la  récolte  des  olives 
et  à  la  fabrication  de  l'huile. 

Je  dois  cependant  signaler  une  lacune  qui  a  son  importance  :  il 
existe  bien  une  inlirmerie,mais  point  d'infirmier  au  Djougar.  Ce  rôle, 
actuellement  rempli  par  le  gardien-chef,  M.  Boudenot,  pourrait  être 
confié  (comme  pour  Lansarine),  à  un  médecin  auxiliaire  indigène 
sortant  de  l'hôpital  Sadiki;  non-seulement  il  panserait  les  plaies  et 
soignerait  les  malades,  mais  il  ferait  un  cours  d'hygiène  aux  jeunes 
détenus.  Il  serait,  naturellement,  placé  sous  l'autorité  du  gardien- 
chef  h'ancais. 

Le  pénitencier  du  Djougar  a  été  doté,  le  h'"  janvier  11K)5,  de  la 
personnalité  civile.  La  totalité  des  dépenses  faites  sur  le  domaine 
dépasse  à  peine  une  vingtaine  de  mille  hancs,  et  dès  maintenant  le 
pénitencier  se  suffit  à  lui-même.''' 


(1)  Lorsf|Uf  la  propriété  sera  en  plein  rapport,  les   produits   pruvenant   du  Djougar    alimeiiteroiit 
toutes  les  prisons  de  la  Régence. 


-257   - 

Lorsque  la  propriété  sera  en  plein  rapport,  2.100  hectares  de  ter- 
res excellentes  et  plus  de  45.0fX)  oliviers  —  toute  une  forêt  —  auront 
été  mis  en  valeur  par  unemain-d'o'uvre  (jui  n'aura  rien  coûté  à  l'E- 
tat, dans  un  site  superbe  et  une  contrée  saine,  abonflarninent  pourvue 
d'eau,  où  tout  pousse  à  souliait.  Le  doniaine  du  l)jr)u,^;ar  alois  vau- 
dra plus  d'un  million. 


CHAPITRE  VI 


CONCLUSIONS 


On  a  beaucoup  ratiociné  à  propos  ilu  «  péril  étranger»;  on  a  dit 
que  la  Tunisie  ■ —  et  spécialement  le  Contrôle  de  Tunis  —  était  en- 
vahie parla  Sicile,  et  que  sur  la  terre  du  Protectorat,  bientôt,  il  n  y 
aurait  plus  place  pour  le  colon  français.  Si  nous  prenons,  cepen- 
dant, les  relevés  officiels  fournis  par  le  dernier  recensement  —  da- 
tant de  quatre  années  —  nous  voyons  que  dans  le  ContnMede  Tunis 
les  Français  possédaient  1 10.000  hectares  de  terres  (surface  qui  s'est 
considérablement  augmentée  depuis)  tandis  que  les  étrangers  en  oc- 
cupaient seulement  '25.000.  Ces  chitîres  sont  plus  éloquents  que  tou- 
tes les  dissertations  possibles. 

A[ais,  objectera-t-on,  si  ITtalien  n'a  pas  en  sa  possession  la  plus 
grande  partie  du  teriitoire,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'il  submerge, 
par  le  nombre,  la  population  française  (environ  85.000  Italiens  et 
'25.000  Français  pour  la  Tunisie  entière).  C'est  évident.  Mais  la  cause 
de  cet  envahissement  du  sol  tunisien  par  l'élément  étranger,  n'est- 
elle  pas  due  à  la  force  même  des  choses  ? 

Lors(jue  nous  arrivâmes,  tout  était  à  faire  dans  la  Régence  :  les 
moyens  de  communication  manquaient,  les  sources  se  perdaient 
dans  les  ravins,  la  haute  brousse  envahissait  les  champs  ;  il  l'allait, 
sans  retard,  se  mettre  à  la  besogne,  et  c'est  vc  (pic  l'un  lit.  A  quelle 
main-d'œuvi-e  pouvait-on  avoir  recours  pour  l'exécution  des  travaux 
pénibles  qui  exigeaient  un  très  dur  labeur  et  un  acclimatement  par- 
fait j)ermettant  de  résister  aux  atteintes  du  paludisme  déterminé  pai' 
le  remuement  des  terres'.*  .\  lu  nuiinHlienvre  indigène  et  ;'i  la  n)ain- 
d'ieuvre  italiemie.  Le  Sicilien  foinnil  une  gi'osse  sointne  de  travail 
pour  un  salau'e  l'elalivement  faible  (surtout  à  r(''po([ne  de  fOccupa- 
linn);   le  climat  de  la  Sicile  est   analogue  à  celui   de  la  Tniiisie,  et, 


-  2:.9  — 

commo  nous  le  verrous  plus  loin,  la  situatitju  lamentable  faite  par  le 
propriétaire  l'oncier  <le  Sicile  au  pi-olél.'iire  agricole,  ne  j)Ouvait  que 
l'incitera  fuir  son  Ile. 

Les  Siciliens  traversèrent  donc  le  bras  de  mer  séparant  l(;s  deux 
pays  et  vinrent,  en  masses  compactes,  olfrir  leurs  bras.  Pouvait  on 
les  repousser?  Personne  même  parmi  les  plus  cliauvins,  ne  répondra 
alTirmativement. 

Peaucoup  restèrent,  ac<|uiréiit  un  bout  de  ce  teri'ain  qu'ils  avaient 
mis  en  valeur,  s'adonnèrent  à  la  culture  maraîclière  ou  plantèrent  de 
la  vii^iie;  d'autres. arrivèrent  et , grossirent  la  boule  de  neige. 


La  m.ajeur'e  partie  des  Siciliens  iimnigrés  étant  occupés  dans  les  gros 
travaux  de  construction  et  de  terrassement,  la  part  proportionnelle 
des  Ualiens  dans  la  propriété  du  sol  est  restée  faible.  Il  s'est  produit, 
cepen<lant,  en  ces  dernières  années,  un  accroissement  notable  des 
petits  propriétaires  ruraux,  originaii'es  de  Sicile,  et  ^L  Jules  Saurin 
constatait,  avec  quelque  amertume,  dans  une  des  intéressantes  confé- 
rences qu'il  a  faites  sur  le  peuplement  français  «  que  partout  les 
Italiens  cliercbent  des  terres  à  vendre  et  que  leurs  courtiers  parcou- 
rent le  pays  faisant  des  olfres  de  prix  très  élevés  aux  Français  et  aux 
indigènes  qui  détiennent  des  domaines  bien  situés  ». 

Ils  clierclient  et  ils  trouvent,  et  cela  se  comprend  facilement.  Peu 
après  la  prise  de  possession  de  la  Régence,  les  spéculateurs,  comme 
une  nuée  d'oiseaux  voraces,  s'abattirent  sur  le  pays  (le  Juif  est  de 
toutes  les  races  et  de  toutes  les  religions).  Ils  acbetèrent  aux  indiL;è- 
nes,  surpris  et  craintifs,  de  grands  espaces  qu'ils  laissèrent  tout 
d'abord  en  friche,  qu'ils  louèrent  ou  revendirent  plus  tard  par  par- 
celles aux  Siciliens  avec  d'énormes  bénéfices,  s'attirant  de  ce  fait,  les 
foudres  de  certains  colons  français.  Etaient-ils  dont  si  coupables?... 
Dans  le  livre  que  nous  avons  déjà  cité:  «  Le  peuplement  italien  en 
Algérie  et  en  Tunisie  o  —  qui  restera  comme  l'un  des  monuments 
les  plus  solides  de  l'histoire  de  ce  pays  —  M.  Gaston  Lolh  a  hunineu- 
sement  exposé  la  question  : 

((  On  peut  objecter,  dit-il,  ipie  les  grands  propi'iélaires  h'ançais 
auraient  dû  tenter  le  morcellement  de  leurs  domaines  au  prolit  des 
petits  colons  français.  Cependant  ils  ne  l'on!  pas  fait  et  ils  ont  appelé 


-  200  - 

autour  d'eux  les  paysans  siciliens.  Pouvait-il  en  être  autrement  "?  Bien 
(lillicilement  si  Ton  songe  qu'il  aurait  fallu  les  recruter  dans  les  dif- 
lérentes  villes  de  France,  leur  assurer  certains  avantages  et  leur  cons- 
truire une  maison  d'habitation,  tandis  que  le  Sicilien,  déjà  établi  en 
Tunisie,  connaissant  exactement  le  pays  et  ses  ressources,  va  de  lui- 
même  au  devant  du  grand  propriétaire  et  lui  propose  l'achat  de  sa 
terre.  Ses  habitudes  sociales,  son  endurance  au  climat,  lui  permet- 
tent d'offrir  des  prix  plus  élevés  que  ne  pourrait  le  faire  un  paysan 
français.  Dès  lors,  comment  ce  dernier  pourrait-il  être  choisi  de 
préférence  ?  Les  grands  propriétaires  français,  en  allotissant  une  par- 
tie de  leurs  terres  au  profit  des  Siciliens,  sont  évidemment  guidés 
par  leur  désir  d'obtenir  de  leur  capitaux  le  maximun  de  rendement. 
A-t-on  bien  le  droit  de  leur  en  faire  un  grief? 

«  . .  .Faut-il  s'étonner  outre  mesure  qu'à  Djedeïdaun  de  nos  com- 
patriotes ait  installé  40  familles  siciliennes,  un  autre  18,  plusieurs 
autres  8  à  10;  qu'au  Khan£;uet  des  olliciers  français  aient  eu  recours 
au  même  procédé  d'allotissement,  qu'enfin,  les  banques  françaises,  ou 
de  simples  particuliers  aient  créé  les  villages  de  Zaïana,  Bou-Arkoub, 
Semech  et  autres  ?. . .  L'on  voit  même,  parmi  ces  propriétaires,  un  mem- 
bre du  Comité  du  Peuplement  Français,  qui  avouait  naïvement  à  un 
autre  colon  n'avoir  point  trouvé  d'autre  sohition  pour  tirer  parti  de 
ses  terres.  N'en  est-il  pas  ainsi  précisément  parce  que  les  maigres 
récoltes  qui  ne  peuvent  faire  vivre  un  cultivateur  français,  pei-met- 
tent  de  prospérer  au  Sicilien,  liabitué  à  la  misère  et  au  genre  de  vie 
de  l'Arabe?  » 


La  race  latine  est  prolifique,  et  peu  deprovinccsitaliennes  sontaussi 
peuplées  que  la  Sicile.  Le  recensement  de  1001  lui  attribue 3.520.800 
habitants  pour  une  superficie  de  "25.710  kilomètres  carrés.  En  1881,  on 
n'avait  relevé  dans  l'île  que  2.933.000  habitants  :  soit,  en  20  ans,  une 
augmentation  de  GOO.OOO  âmes  équivalant  à  un  accroissement  annuel 
de  30.000  individus.  Il  y  a  donc,  dans  cette  ile,  pléthore  de  pcpula- 
tion  et  disette  de  terre,  et  il  n'est  pas  étonnant  que,  la  misère  y  régnant, 
l'exode  des  habitants  soit,  chacjue  année,  plus  dense. 

«  Païenne  et  Tunis,  dit  M.  Lolii,  peuvent  être  comparées  aux  deux 
plateaux  (fune  balance  dont  la  charge  aurait  été  mal  calculée.  Le 
jeu  des  intérêts  en  présence  tend  au  rétablissement  de  féiiuilibrc  par 
une  nouvelle  répartition  du  poids.  Aux  populations  Iroj)  clairseméc^s 
de  rancienne  H(''geiice,  vient  s'ajouter  de  lui-mriiic  IVxcédeiit  île  la 
po[iiilali()n  sicilienne.  » 


—  201  — 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  l'excédent  de  population  qui  force  le 
Sicilien  àrémi.m-ation  ;  c'est  aussi  la  condition  effroyable  dans  la<iuelle 
se  trouve  le  paysan  (contacUno)  vis-à-vis  <le  son  propriétaire  (gabe- 
Zo/fe).  Le  paysan  sicilien  est  la  chose  du  maître,  il  ne  devient  jamais 
propriétaire  du  sol  (ju'il  cullive  ;  il  est  métayer  sur  le  fief  on  il  est  né 
et  dont  il  fait  partie,  car  nul  propriétaire  voisin  ne  le  recevra  sur  ses 
terres  s'il  vient  à  quitter  son  maître.  Le  fermier  à  la  merci  duquel 
il  se  trouve,  l'exploite  durement;  il  lui  avance  à  12»  o  mais  pour 
quelques  semaines  seulement,  le  blé,  les  fèves  et  les  pois  chiches  qui, 
avec  quelques  racines,  sont  l'unique  nourriture  de  la  famille. 

Au  cours  d'une  enquête  officielle,  il  fut  établi  que  certains  proprié- 
priétaires  prêtaient,  en  Sicile,  à  80  «/o,  mais  que  le  taux  des  avances 
consenties  est  ordinairement  de  25  «/o.  Le  travailleur  agricole  de  Tlfa- 
lie  méridoniale  ne  perçoit  qu'une  paie  de  130  à  140  lires  par  an,  une 
demi-mesure  de  blé  et  une  demi-mesure  de  fèves.  Dans  ces  condi- 
tions, il  ne  poursuit  qu'un  but  :  l'émigration. 

Comme  l'Irlandais,  le  Sicilien  rêve  de  fuir  vers  une  patrie  plus 
hospitalière,  mais  n'ayant  aucune  notion  de  géographie  lui  permettant 
de  faire  un  choix  parmi  les  colonies  libres  facilement  accessibles  aux 
travailleurs  de  bonne  volonté,  sa  seule  ressource  est  d'aller  rejoindre 
un  parent  ou  un  ami  déjà  émigré  et  dont  l'adresse  est  parvenue  au 
village  natal.  C'est  pour  cette  raison  que  lorsqu'un  contadino  sicilien 
s'est  déjà  fixé  sur  un  point  du  territoire  tunisien,  on  ne  tarde  pas  à 
voir  apparaître  successivement,  en  peu  d'années,  la  totalité  de  ses 
parents  et  amis  valides,  provenant  tous  du  même  village. 

«  Les  Italiens  viennent  à  Tunis,  dit  M.  Loth,  pour  les  mêmes  rai- 
sons qui  poussent  les  Espagnols  vers  Oran,  à  cette  dilïérence  prés  que 
des  nécessités  plus  pressantes  encore  forcent  les  premiers  à  s'expa- 
trier, puisqu'ils  sont  déjà  resserrés  sur  le  sol  natal,  tandis  (jue  la 
péninsule  ibérique  pourrait  facilement  nourrir  un  nombre  d'habitants 
double  de  celui  qu'elle  renferme  actuellement.  » 


Voilà  donc  le  contadino  possesseur  d'un  lopin  de  terre  en  Tunisie, 
d'une  superficie  variant  entre  2  et  10  hectares.  Il  bâtit  d'abord  une 
cabane,  puis  une  maisonnette  et  y  installe  toute  la  famille  qu'il  a 
appelée  du  pays.  Quelques  pâtes  alimentaires  fabriquées  par  la  mère, 

La  Tl'nisik  du  Nord  18 


•-  262  — 

des  herbes  ramassées  aux  champs  par  les  enfants,  constituent  toute 
la  nourriture  de  ces  pauvres  gens.  Leur  extrême  sobriété,  l'absence 
presque  complète  de  besoins  matériels  et  leur  énergie  au  travail,  assu- 
rent, presque  toujours,  le  succès  de  ces  petits  agriculteurs. 

Toutefois,  malgré  ces  qualités  remarquables,  les  débuts  sont  souvent 
durs.  La  terre  a  été  prise  à  enzel  ou  par  bail  à  comptant;  il  a  fallu 
défricher,  aménager  le  jardin,  construire  Thabitation,  creuser  un  puits, 
briser  sur  le  coteau  rocheux  la  couche  de  travertin  pour  permettre  à 
la  vigne  de  se  nourrir,  et  les  échéances  arrivent,  lourdes,  ne  se 
payant  pas  toujours  facilement  malgré  un  travail  opiniâtre.  C'est  que, 
pour  ces  miséreux,  il  n'existe  en  Tunisie  ni  banque,  ni  institution  de 
prêts  agricoles  à  des  taux  acceptables,  ni  institution  philanthropique 
d'aucune  sorte.  Leur  amour  de  la  terre  est  exploité  parles  vendeurs, 
compatriotes  ou  autres,  et  il  n'est  pas  de  trop  de  toute  leur  résistance 
pour  triompher  des  difficultés  du  début. 

Tout  le  problême  consiste,  pour  le  Sicilien,  à  vivre  trois  ou  quatre 
ans  jusqu'à  sa  première  récolte  de  raisin  ;  il  le  résoud  en  louant  ses 
bras  dans  le  voisinage.  Arrivé  à  ce  moment,  il  est  sauvé,  car  il  ne 
s'embarrasse  pas  de  construire  une  cave  et  de  faire  du  vin  ;  il  se  con- 
tente, le  plus  souvent,  de  vendre  le  raisin.  Quittant  un  pays  où  il  a 
vécu  dans  une  profonde  misère,  il  s'estime  heureux  de  réaliser  ici 
les  plus  minces  bénéfices  et  se  croit  dans  l'aisance  alors  qu'il  habite 
une  masure.  Et  puis,  il  n'a  plus  de  maître. 

Il  faut  donc  s'attendre,  en  dernière  analyse,  à  voir  la  réussite  de 
l'extension  lentement  continue  de  ces  petites  propriété  italiennes  ;  la 
situation,  à  ce  point  de  vue,  sera  analogue  à  celle  dos  cultivateurs 
espagnols  dans  la  province  d'Oran. 


Les  Européens  ne  sont  pas  les  seuls  à  morceler  leiu's  domaines 
pour  les  vendre  aux  Siciliens  ;  les  Arabes  suivent  l'exemple.  Mais 
toujours,  (|u'ils  aient  alTaire  aux  Européens  ou  aux  indigènes,  les  Ita- 
liens paient  le  prix  lort.  On  trouve  des  on/.elistes  à  11)  iv.  l'hectare  ; 
à  ce  taux  on  peut  acheter  la  teri-e  jus(]u'à  TKKJ  Ir.  l'hectare  et  fair(> 
un  placement  rémunérateur. 

«  L'opération  qui  a  donné  le  branle  à  réuiigration  sicilienne,  celle 
de  Sedjoumi,  a  été  la  plus  exli'aordinaire  (jue  l'on  puisse  citer  en  l'ail 


—  203  — 

(le  spéculation  agricole.  Acheté  en  toute  propriété  au  prix  de  Ui  pias- 
tres (l)lr.  60  riiectare),  ce  (lonwiiiie  a  été  revendu  moyennant  une 
rente  perpéluelle  qui  ressort  à  20  Francs  par  hectare,  c'est-JwMre  que 
le  revenu  annuel  est  le  double  du  capital  ! 

«  On  s'explique  sans  peine  que  la  réussite  d'une  affaire  aussi  invrai- 
semblable ait  incité  les  colons  français  à  Timiter.  Après  quelques 
années  d'expectative,  pendant  lesquelles  ils  ont  observé  si  les  enga- 
gements pris  par  les  enzelistes  italiens  seraient  tenus,  plusieurs  se 
sont  décidés  à  tenter  à  leur  tour  une  opération  fructueuse.  Pour  la 
même  raison,  il  ne  iaut  pas  s'étonner  s'ils  prêtent  l'oreille  aux  ofl'res 
extrêmement  avantageuses  qu'ils  reçoivent  des  capitalistes  italiens.  En 
fait,  la  plus  grande  partie  des  domaines  qui  ont  été  peuplés  d'Italiens 
sont  entre  des  mains  françaises,  ou  en  sont  sorties  pour  passer  à  des 
propriétaires  Italiens.  »  <i> 

L'ignorance  absolue  des  paysans  siciliens  en  matière  de  contrats, 
fait  qu'ils  sont  incapables  de  se  rendre  compte  des  charges  pesant 
sur  la  propriété  du  chef  de  leurs  cédants  et  de  la  solidarité  dans  la- 
quelle ils  peuvent  être  englobés.  Il  achètent  bien  à  enzel,  mais  aucun 
contrat  n'étant  inscrit  à  la  Propriété  Foncière,  aucune  sécurité  n'est 
donnée  aux  cultivateurs  qui  peuvent  être  renvoyés  comme  de  simples 
salariés. 

Le  cas  s'est  produit  à  diverses  reprises.  Des  malheureux  qui,  pen- 
dant des  années,  avaient  cultivé  le  sol  qu'ils  croyaient  bien  à  eux,  qui 
par  leur  labeur,  avaient  transformé  labroussaille  *en  beaux  champs  de 
vignes,  furent  brutalement  expulsés  de  leur  maisonnette,  chassés  de 
leur  terre,  parce  que  le  propriétaire  avec  lequel  ils  avaient  passé 
contrat  d'enzel  ne  remplissait  plus  ses  engagements  vis-à-vis  du  pre- 
mier occupant.  J'ai  vu  un  groupe  de  ces  dépossédés,  de  ces  volés, 
s'en  aller  avec,  pour  tout  bien,  quelques  chèvres  et  de  lamentables 
loques,  planter  leurs  gourbis  sur  un  coteau  crayeux  de  la  région  du 
Kef  :  trois  ans  après  leur  installation,  le  coteau  était  caché  sous  le 
vert  manteau  d'un  superbe  vignoble. 


Envisagée  séparément,  la  colonisation  agricole  sicilienne  ne  parait 
pas  mériter  les  reproches  faits  à  l'ensemble  des  émigrants  de  l'île, 
ouvriers  des  grandes  routes  ou  journaliers  : 


(1)  UaiHiort  de  rAdminislr.ition  du  "21  décembre  1S99. 


-  264  - 

((  Travailleuse  et  docile,  elle  ne  donne  pas  de  sujets  de  plainte 
et  vit  en  bonne  intelligence  avec  ses  voisins.  Si  elle  ne  fusionne  pas 
avec  l'élément  français,  c'est  qu'apparamment  elle  est  installée  depuis 
trop  peu  de  temps  pour  rompre  définitivement  avec  son  pays  d'ori- 
gine et,  d'autre  part,  que  l'élément  français  pouvant  vivre  de  la 
même  existence,  n'existe  qu'à  l'état  d'exception  en  Tunisie. 

«  La  fusion  dans  la  famille  française,  difficile  au  début  par  suite  de 
la  grande  inégalité  existant  entre  ces  deux  éléments  au  point  de  vue 
du  développement  intellectuel  et  économique,  s'opérera  progressive- 
ment par  le  rapprochement  des  intérêts,  l'influence  de  l'Ecole  et 
l'acquisition  du  sol.  Un  économiste  a  dit  :  «  Le  laboureur,  quelle  que 
soit  son  origine,  devient  citoyen  de  la  terre  où  il  a  pris  racine.  y>^'^^ 

Or,  les  Siciliens  ont  des  tendances  à  l'installation  définitive,  au 
moins  ceux  d'entre  eux  qui  parviennent  à  se  transformer  en  fermiers, 
en  métayers  ou  en  petits  propriétaires. 

Ce  n'est  pas  Y  agriculteur  italien  qu'il  faut  craindre,  mais  la  popu- 
lation flottante,  l'armée  qui  roule  et  passe  en  emportant  une  partie 
de  l'argent  delà  Tunisie  dans  son  pays  d'origine.  L'émigration  agricole 
italienne  a  été,  au  contraire,  im  excellent  facteur  économique  pour 
la  Tunisie  française,  un  élément  de  civilisation  et  de  prospérité.  M. 
Burdeau,  dans  un  de  ses  beaux  discours  sur  la  colonisation  algérien- 
ne, faisait  ressortir  les  énormes  services  rendus  à  notre  possession 
de  l'Afrique  du  Nord  par  les  travailleurs  Espagnols.  On  peut  consta- 
ter le  même  phénomène  en  Tunisie:  le  Sicilien  est  une  nécessité 
pour  le  développement  agricole  de  la  Tunisie,  comme  l'Espagnol  le 
fut  pour  la  partie  ouest  de  l'Algérie. 


Est-ce  à  dire  que  cette  invasion  sicihennc  doive  em'ayer  l'immigra- 
tion française  V  Pas  le  moins  du  iiionde.  Il  y  a  place  pour  tous  au 
soleil  tunisien,  car,  pas  plus  en  Tunisie  ({u'ailleurs,  les  intérêts  fran- 
çais et  les  intérêts  italiens  ne  sont  opposés. 

C'est  ce  qu'a  compris  l'Administration  du  Protectorat.  Nous  avons 
vu,  en  eflét,  (pio  la  Directiou  de  rAgricMilluic  sVsl  |)réoccupée  d'ac- 
quéi-ir  des  terrains  de  culture  partout  où  elle  a  pu  s"en  procurer  à 
des  prix  raisonnables  parfois  pivs  des  agglomérafions  sicili<Mi- 

nes  —  afin  de  les  livrera  la  colonisafion  frauçaisc,    et  lors(|u'elle  ne 


(\)  Note  il.-  la  Dirw.liuii  (!.•  l'Ai^iicullure  cl  du  Ciimiiicrcc  (juin  l'.KHi. 


—  2Go  — 

lu  pas  fait,  c'est  qu'elle  s'est  heurtée  à  des  impossibilités  matérielles. 
La  Direction  de  l'Agriculture  a  acheté,  alloti  et  vendu  aux  agricul- 
teurs venus  de  France  ou  d'Algérie,  des  terrains  situés  dans  les  ré- 
gions suivantes  : 

i'^  Caïdat  de  la  Banlieue  de  Tunis  : 

La  Soukra  ;  la  Menilha  ;  Fouchana;  La  Mornagiiia  ;  l'iienchir  Mai- 
zila  ;  Fondouk-Choucha  ;  Les  Nassen  ;  Chela  ;  La  Cebala  du  Mor- 
nag. 

5"  Caïdat  de  Tébourba  : 

Protville  ;  Sebguine  ;  Borjd-Touta  ;  Maissicault  ;  les  henchirs  El- 
Alouine;  La  Campagne  ;  Ech-Ghadly  ;  Zakaria  et  Mengoub. 

5"  Caïdat  de  Zaghouan  : 

Bir-M'clierga;  les  henchirs  Djebbas  et  Kasbatt;  Smindja;  Bir-IIali- 
ma  et  Pont-du-Flias. 

Dans  la  plupart  de  ces  localités  ou  autour  d'elles,  des  agriculteurs 
siciliens  sont  établis  :  cela  empéche-t-il  les  colons  français  de  pros- 
pérer ? 

La  Direction  de  l'Agriculture  se  préoccupe  de  grouper  des  lots 
urbains,  industriels  ou  de  petite  culture  dans  le  voisinagedes  villes,  où 
les  ouvriers  pourront,  après  leur  journée  de  travail,  prendre  un  peu 
de  repos  et  respirer  une  bonne  ilose  (roxygène.EUe  se  préoccupe  éga- 
lement de  créer  des  villages  français  près  des  voies  de  grande  com- 
munication et  autour  des  gares,  afin  que  les  ouvriers  agricoles  ou 
ceux  qui,  par  leur  métier,  touchent  à  Tagriculture,  puissent  posséder 
leur  maisonnette,  leur  jardin,  leur  coin  de  verger,  tout  en  vaquant  à 
leurs  travaux  dans  les  fermes  environnantes,  et  qu'ils  trouvent  ainsi, 
dans  l'exploitation  d'un  petit  lot  de  culture,  un  surcroît  de  ressources 
et  une  augmentation  de  bien-être. 

L'établissement,  sur  le  sol  tunisien,  du  paysan  sicilien  ne  peut 
nuire,  dans  ces  conditions,  à  l'installation  de  l'ouvrier  agricole  fran- 
çais, de  l'artisan,  du  petit  commerçant.  Le  Sicilien  restera,  pendant 
longtemps  encore,  confiné  dans  la  culture  de  la  vigne  ou  dans  la 
culture  maraichère,  tandis  que  le  Français  pourra,  par  ses  connais- 
sances plus  étendues  et  ses  aptitudes  générales,  se  livrera  toutes  les 
cultures  en  usage  dans  ce  pays.  Ils  ne  se  gêneront  pas  l'un  l'autre,  et 
k  la  longue  fraterniseront. 

Il  ne  faut  pas  davantage  faire  croire  au  péril  étranger  :  il  est  vain. 


—  206  — 

Il  est  fùcheux,  certes,  de  constater  en  Tunisienne  proportion  d'étran- 
gers supérieure  à  celle  des  Français,  mais  nos  moyens  d'action  sur 
ces  populations  immigrées  sont  suffisants  pour  apaiser  nos  craintes. 
M.  Loth,  dans  sa  conclusion,  qui  sera  aussi  la  nôtre,  le  dit  fort 
bien  : 

((  Tous  les  intérêts  européens,  en  Algérie  et  en  Tunisie,  sont  étroi- 
tement soudés  entre  eux.  La  direction  est  entre  nos  mains  :  qu'avons- 
nous  à  craindre  ?  Prenons  garde  de  créer  le  péril  en  organisant, 
nous-mêmes,  par  des  attaques  inconsidérées,  des  groupements  hosti- 
les à  notre  influence.  » 

La  France  est  en  avant  de  vingt  ans,  comme  progrès  social,  sur  les 
autres  nations.  Et  c'est  pourquoi,  de  toutes  parts,  on  vient  à  elle. 
Les  lils  de  la  Révolution  ne  sont  pas  faits  pour  rejeter  brutalement 
hors  de  la  société  ceux  qui  leur  demandent  protection  :  ils  leur  ten- 
dent une  main  fraternelle  pour  marcher,  de  concert,  toujours  vers 
plus  de  liberté. 

Novembre  liK)5. 


w 


^ 


E    R  J^  -A    jr 


BEJA 


LEGENDE 


,-,.->    Itimàr  de  Conh-clf 
_„ Caûiar 


BîZERTE 

i^chelle    l:oOOO()0' 


Ka  u)    I    6    t    :    0 


• 


LE  CONTROLE  CIVIL  DE  JJlZEJM'E 


CllAPITRK  l'T 


Limites.  —  Aspect.  —  Hydpoyraphie  et  oroijpaphie.  —  ?"or«''ls. 
Travaux  publics.  —  Mines.  —  Les  Romains.  —  Les  indigènes. 
Population.  —  Propriétés. 


Limites.  —  Le  Contrôle  civil  de  Bizerte,  dont  la  supeiTicie  totale 
est  d'environ  3.400  kilomètres  carrés,  est  limité  :  au  Xord,  par  la 
mer;  à  l'Ouest  et  au  Sud,  par  le  Contrôle  de  Béja;  au  Sud-f^st  et  à 
l'Est,  par  le  Contrôle  de  Tunis. 

La  irontière  Nord-Ouest  commence  au  cap  Nèg-re,  elle  suit  une 
direction  N.-O.-S.-E.  jusqu'à  l'oued  I^élii",  dont  elle  remonte  le  cours 
jusqu'à  la  jonction  de  cette  rivière  avec  l'oued  Demous,  qui  prend  sa 
source  dans  la  garaàt  Sedjenane.  C'est  un  peu  au  sud  de  ce  conlluent 
des  deux  oueds  que  doit  se  trouver  le  point  terminus  de  la  ligne 
ferrée  des  Nefza,  dont  les  travaux  commenceront  prochainement. 

A  partir  de  cette  jonction,  la  frontière  se  dirige  vers  le  S.-E.  pour 
atteindre  l'oued  Bou-Jenna,  qui  lui  sert  de  limite  pendant  six  kilo- 
mètres environ,  puis  gagne,  par  une  direction  S. -S.-E.  le  Bir-Bou- 
grin  et  enfin  l'oued  Begra  à  '25  kilomètres  de  sa  source  (lledill). 

Remontant  brusquement  vers  le  N.-O.  avec  cette  rivière  dont  elle 
suit  le  cours,  elle  le  quitte  au  lieu  dit  Aïn-el-Amida  pour  inllécliir 
de  nouveau  vers  le  Sud,  gagnant  les  crêtes  des  djebels  Guebli  et 
Douani  (Caïdat  de  Béja). 

Ayant  opéré  sa  jonction  avec  l'oued  Boudissa,  la  frontière  remonte 
ce  cours  d'eau  pendant  (piatre  kilomètres,  jus([u'au  lieu  dit  Siili-ol- 
Iladericli  puis  inlléchit  nettement  vers  le  Sud. 

Parvenue  à  Sidi-Bessabeur,  elle  change  totalement  de  direclion  et 
franchit  les  Béjaoua  de  l'Est  à  l'Ouest,  jusqu'à  sa  rencontre  avec 
l'oued  Tine. 


—  268  — 

Elle  suit  dès  lors  constamment  le  lit  de  cette  rivière,  avec  une 
direction  générale  S.-E.-N.-O.  pendant  35  kilomètres  environ  jus- 
qu'au coniluent  de  l'oued  El-Kloufi,  séparant  ainsi  le  Caïdat  de  Mateur 
des  Caïdats  de  Medjez-el-Bab  etTébourba.  La  frontière  gagne  la  ligne 
du  chemin  de  fer  de  Tunis  à  Bizerte  au  kilomètre  54  et  la  suit  jus- 
qu'à la  gare  de  Sidi-Athman,  la  région  située  au  Nord  de  cette 
ligne  étant  le  Contrôle  de  Bizerte,  celle  au  Sud  le  Contrôle  de  Tunis 
(Caïdat  de  Tébourba). 

De  Sidi-Athman  (gare),  elle  infléchit  vers  le  S.-O.  traversant  la 
partie  sud  de  la  garaàt  Mebtouha  pour  arriver  à  la  Medjerda,  dont 
elle  suit  le  cours  jusqu'à  son  embouchure  au  sud  du  lac  de  Porto-Fa- 
rina,  terminant  ainsi  les  limites  du  Caïdat  de  Tunis  avec  celui  de 
Bizerte. 

Aspect.  —  Le  Contrôle  de  Bizerte  est  la  partie  septentrionale  de  la 
Tunisie  qui,  par  le  climat,  la  llore  et  aussi  la  constitution  géographi- 
que, rappelle  le  mieux  certaines  régions  du  Midi  de  la  France,  la 
Provence  et  le  Languedoc  notamment.  Ce  Contrôle,  un  des  plus  fer- 
tiles et  des  plus  arrosés  de  la  Régence,  est  partagé  en  deux  Caïdats  : 
le  Caïdat  de  Bizerte  et  le  Caïdat  de  Mateur. 

La  limite  méditerranéenne  qui,  du  cap  Nègre  (dans  les  Mogods), 
va  rejoindre  Sidi-Ali-el-Mekki  (près  de  l'embouchure  de  la  Med- 
jerda), présente  l'aspect  d'une  longue  falaise  à  peine  interrompue  sur 
quelques  points.  De  l'Ouest  à  l'Est,  on  relève  successivement  sur  ce 
littoral,  le  Ras-el-Koran  et  Punta-Secca,  puis  on  atteint  le  Cap-Blanc, 
(Candidum  Promiintorhim,  de  Plinej,  point  le  plus  septentrional 
de  l'Afrique.  Ce  cap  élevé,  escarpé,  couronné  par  un  sommet  arrondi, 
précède  le  cap  El-Guerra,  voisin  de  Bizerte.  Du  Cap-Blanc,  avec  de 
bonnes  jumelles  marines,  on  peut  distinguer,  quand  le  ciel  est  très 
clair,  les  promontoires  sardes  et  siciliens  les  i)lus  avancés  vers  le 
Sud.  A  l'Est  de  Bizerte,  le  Ras-Zebib,  adossé  à  une  liante  terre,  oll're 
une  certaine  ressemblance  avec  le  Cap-Blanc.  La  côte  s'inllécliit  en- 
suite légèrement  vers  le  Sud-ïCst  :  on  aperroit  successivement  les 
petites  villes  de  Métline,  Ras-el-Djebel,  Raf-I^af,  puis  on  atteint  le 
[{■.is-el-Wnkki  (le  Promuntoriuni  Apiiolitiis,  (ic  VVww).  Ce  ras  ou  cap 
de  Porto-Farina,  forme  une  pointe  étroite,  allongée  et  relativement 
élevée,  dont  la  silhouette  est  des  plus  remar<iual)les  :  elle  rappelle. 


—  269  — 

dans  (le  moindres  proportions,  le  fameux  roc  an},dais  de  Gibraltar. 
C'est  là  que  commence  le  golfe  de  Tunis. 

Quelques  îles  ou  îlots  émergent  à  peu  de  distance  du  littoi-al  et  font 
partie  du  Contrôle  de  Bizerte  ;  ce  sont  :  à  l'Ouest,  au  lar^^e  du  cap 
Serrât,  la  Galite  et  les  deux  Galitons;  les  cinq  îlots  rocheux  des 
Chiens,  à  5  kilomètres  au  N.-E.du  Ras-Zebib;  l'île  Pillau  (ProsuponJ, 
au  N.-O.  du  cap  Sidi-Ali-el-^Iekki;  enfin  à  3  milles  à  l'Est  de  ce  cap, 
on  aperçoit  l'île  Plane  (Korsura/,  située  dans  le  golfe  même  de 
Cartilage. 

La  partie  nord  du  Contrôle  est  bordée  de  hautes  falaises  et  de  du- 
nes profondément  découpées,  offrant  ainsi  d'excellents  abris  aux  bar- 
ques de  pèches  et  aux  navires  de  petit  tonnage;  la  région  Est  du 
Contrôle  est  basse,  marécageuse,  sillonnée  par  des  bras  de  la  Med- 
jerda  qui,  souvent,  déborde;  la  partie  centrale  renfermela belle  plaine 
de  Mateur  et  les  vallonnements  qui  succèdent  aux  montagnes  des 
lîéjaoua  et  des  >\Iogods  ;  la  région  ouest  au  contraire,  qui  comprend 
les  territoires  des  Mogods,  des  Béjaoua  et  des  Hédill,  est  montagneuse 
et  sauvage  :  c'est  la  lin  de  la  Khroumirie,  moins  tourmentée,  certes, 
que  la  région  d'Aïn-Draham,  moins  ombragée  que  le  pays  des  Nefza, 
mais  c'est  encore  la  Khroumirie,  une  Khroumirie  plus  petite,  plus 
cultivée,  qui,  par  ses  ondulations  de  plus  en  plus  douces,  par  ses  sou- 
lèvements de  moins  en  moins  accentués,  vient  se  confondre,  vers 
l'Est,  avec  la  vaste  plaine  de  Mateur. 

La  colonisation  s'est  développée  assez  tardivement  dans  le  Con- 
trôle de  Bizerte.  Jusqu'en  1889,  il  n'existait  guère  plus  d'une  dizaine 
de  propriétés  européennes  sur  toute  l'étendue  de  la  circonscription. 
La  région  de  ^tateur  n'en  comptait  que  trois  :  Bakraïa  et  Outetla, 
appartenant  à  un  Anglais,  et  Aïn-Rhelal,  à  un  Français.  En  1890,  c'est- 
à-dire  vers  l'époque  où  toutes  les  terres  disponibles  des  environs  de 
Tunis  eurent  trouvé  acheteurs,  les  colons  commencèrent  à  se  porter 
vers  la  plaine  de  Mateur  et  la  basse  vallée  de  la  Medjerda;  mais 
c'est  surtout  depuis  1897  que  ce  mouvement  a  pris  une  grande  exten- 
sion et  que  les  exploitations  européennes  se  sont  nuiltipliées,  dans 
ces  régions  d'abord,  puis  dans  les  autres  parties  du  Contrôle. 

Il  est  à  remarquer  (|ue  ce  résultat  procède  presque  exclusivement 
de  l'initiative  privée.  On  ne  rencontre  pas  dans  le  Contrôle  de  grands 
centres  de  colonisation  analogues  à  ceux  des  Contrôles  de  Tunis  et 
de  Béja  et  dus  uniquement  à  l'intervention  de  la  Direction  de  l'Agri- 


—  270  — 

culture.  Les  raisons  en  sont  multiples  :  cette  Administration  n'a  été 
dotée  de  fonds  d'achats  de  terres  qu'au  moment  où  les  terres  dispo- 
nibles du  Contrôle  étaient  déjà  passées  aux  mains  d'Européens  et 
avaient  pris  de  ce  chef  une  valeur  très  élevée;  de  plus,  ces  terres 
disponibles  étaient  et  sont  relativement  restreintes  par  suite  de  la 
densité  de  la  population  indii^ène  et  du  régime  d'indivision  assez  fré- 
quent entre  les  nombreux  membres  d'une  même  famille. 

Actuellement  les  diverses  exploitations  agricoles,  créées  par  nos 
compatriotes,  sont  réparties  en  nombre  à  peu  près  égal  entre  les  deux 
Gaïdats  qui  forment  le  Contrôle  civil  de  Bizerte.  Par  la  force  même 
des  choses,  certains  groupements  se  sont  constitués  sur  les  points 
les  plus  fertiles  et  les  plus  rapprochés  du  chemin  de  fer  ou  des  rou- 
tes empierrées.  Les  environs  de  Mateur,  la  route  de  ^lateur  à  Bizerte, 
celle  de  Bizerte  à  Tunis,  la  rive  gauche  rie  la  jMedjerda,  plus  favori- 
sés sous  ces  deux  rapports,  devaient  attirer  l'attention  des  agricul- 
teurs, et  c'est  en  elTet  dans  ces  diiférentes  régions  que  l'on  rencontre 
aujourd'hui  le  plus  grand  nombre  de  propriétés  françaises. 

Dans  les  Mogods,  les  Hédill  et  les  Béjaoua,  qui  forment  la  presque 
totahté  du  Caïdat  de  Mateur  et  qui  ne  sont  desservis  que  par  des  pis- 
tes impraticables  pendant  la  saison  des  pluies,  la  marche  de  la  colo- 
nisation a  été  beaucoup  moins  rapide.  11  est  jusle  de  dire  que  l'on  va 
construire,  dans  cette  partie  du  Contrôle,  des  voies  de  pénétration 
(chemins  de  fer  Béja-]\Iateur,  Mateur-Xefza,  routes  de  Mateur  à  Té- 
bourba,  de  Mateur  à  BéjaJ,  qui  donneront  accès  à  de  nouveaux  terri- 
toires très  propices  à  la  colonisation. 

Orographie.  —  Dans  le  Caïdat  de  Bizerte,  le  sol  présente  deux 
parties  monlueuses",  nettement  séparées  par  l'oued  Tindja  et  le  lac  de 
Jîizerte.  L'ensemble  général  de  ce  soulèvement  est  borné  au  Nord- 
Ouest  i)ar  la  mer  Méditerranée,  et  à  l'Est  i)ar  le  cours  du  lleuve 
iMedjerda. 

La  première  de  ces  parties  montueus(>s,  située  à  l'ouest  de  Bizerte 
se  rattache  aux  montagnes  de  Mogodie  et  plus  particulièrement  au 
chaînon  qui  forme  la  ceinture  de  la  rive  gauche  de  l'oued  Sedjenane. 
Cdiimi  iliibord  sous  le  nom  du  djebel  El-Méradine,  il  délenniiie  la 
ligne  de  partage  des  oueds  Chabet-el-Grida  et  El-Oubbira.  Dirigé 
ensuite  du  S.-S.-O.  au  N.-N.-E.,  ce  rameau  se  pi'olonge  jusqu'au  Cap- 
Blanc,  déterminant  de  courtes  et  petites  vallées. 


—  211  — 

La  deuxième  cliaîne  du  G-'ïdat  de  Bizerte,  peut  être  considérée 
comme  l'escarpe  d'un  fossé  représenté  parle  lac;  elle  est  également 
orientée  S.-S.-O.  au  N.-N.-E.  et  forme  la  ceinture  occidentale  du 
bassin  inférieur  de  la  Medjerda.  Le  djebel  Kechabta  (430"».),  en  est 
le  soulèvement  principal;  il  se  prolonge  jusqu'au  ras  Sidi-Ali-El-Mekki 
au  pied  duquel  viennent  expirer  les  Ilots  de  la  mer.  La  partie  ouest 
de  cette  même  chaîne,  depuis  Métline  jusqu'à  Bizerte,  est  caracté- 
risée par  des  apports  considérables  de  sable  dûs  aux  vents  marins. 
Les  sables  ont  recouvert  les  dernières  ondulations  du  djebel  Bou- 
Brida,  qui  ont  toute  l'apparence  de  dunes  réelles. 

L'orographie  du  Caidat  de  Mateur  est  plus  complexe.  Dans  la 
région  même  de  Mateur,  existe  un  pâté  montagneux,  compris  entre 
les  deux  routes  qui,  de  Mateur,  se  dirigent  sur  l'aïn  Ghebel  et 
l'oued  Tindja.  On  remarque  dans  ce  pâté,  les  djebels  Mellaha  et 
Msafettine  (400'".)  et  Arbaneffat,  puis  le  djebel  Achekel  (508'".)  qui 
se  dresse  à  pic  dans  le  lac  du  même  nom  et  que  des  marais  isolent 
de  la  terre. 

Le  système  orographique  de  la  Mogodie  est  divisée  en  deux  par- 
ties à  peu  près  égales  par  la  vallée  de  l'oued  Sedjenane,  et  il  existe 
au  nord  et  au  sud  de  cette  vallée,  une  chaîne  de  hauteurs  orientée 
du  Sud-Ouest  au  Nord-Ouest  allant  aboutir  du  côté  deBizerte.  Dans  le 
groupe  nord,  les  montagnes  sont  généralement  arides  et  escarpées  ; 
les  principales  sont,  à  partir  de  l'Est  :  le  djebel  Sidi-Chaiaà,  qui 
s'avance  jusqu'à  la  mer;  le  djebel  El-Adassi,  qui  forme  avec  Je  ket 
Rhai,  le  versant  oriental  de  la  vallée  de  l'oued  Rhiran  ;  le  kef  Silia, 
arrête  rocheuse, coupée  en  deux  par  l'oued  El-Adoud;  le  djebel  Ahmar 
l'une  des  plus  hautes  montagnes  de  la  région  ;  le  djebel  Dahraoui, 
qui  forme,  dans  la  partie  sud-ouest  avec  les  ramifications  du  djebel 
El-Hameria,  le  col  d'El-Ayafa,  important  défilé  faisant  communiquer 
le  pays  des  Mogods  avec  celui  des  Nefza.  A  ce  premier  groupe  de 
montagnes,  il  convient  de  rattacher  les  hauteurs  (jui  bordent  la  côte 
et  sépare  les  bassins  des  diflérentes  rivières  qui  se  jettent  directe- 
ment à  la  mer.  Ces  hauteurs,  sablonneuses  pour  la  plupart,  sont,  de 
l'Est  à  l'Ouest  :  le  djebel  Mahabess,  promontoire  escarpé  s'avançant 
dans  la  direction  des  îles  Fratelli  ;  le  djebel  El-Blidat,  dunes  de  sable 
bordant  la  mer  entre  les  embouchures  de  l'oued  El-Mafra  et  de  l'oued 
Rhiran  ;  le  djebel  Tellat-el-Oust  ;  le  djebel  El-IIaIaï,qui  forme  le  cap 


—  272   - 

Serrât;  le  djebel  Cliitane,  rochers  abrupts  surplombant  la  nier  et  se 
prolongeant  jusqu'à  la  falaise  Boudhma  (territoire  des  Nefza). 

Les  hauteurs  formant  la  chaîne  montagneuse  au  sud  de  l'oued  Sed- 
jenane  sont  peu  élevées  dans  la  partie  Ouest  ;  elles  vont,  au  contraire 
en  s'élevant  dans  la  partie  Est.  Ce  sont  :  le  djebel  Oulad-Saïdan,  mas- 
sif que  l'on  aperçoit  de  la  plaine  de  Mateur;  la  longue  arrête  rocheuse 
parallèle  à  l'oued  El-Kontra  et  dont  les  diiîérentes  parties  portent  les 
noms  de  Kef-Ben- Ahmed,  Kef-en-Ksour,  Kef-Yagouth,  Kef-Saadmoun, 
qui  domine  le  Khanguet-el-Bezouich,  par  où  passe  le  cliemin  de 
Mateur  à  Souk-el-Djemmaà  ;  le  djebel  Guliaat-Djerad,  qui  se  pro- 
longe par  le  djebel  Aïchouna  jusqu'à  la  garaat  Es-Sedjenane. 

Il  existe,  en  outre,  une  troisièms  chaîne,  suivie  en  plusieurs  points 
par  la  limite  du  territoire  des  Mogods,  et  dépendant  tantôt  desMo- 
gods,  tantôt  des  Béjaoua,  des  Hédill  et  des  Nefza.  Elle  constitue  à 
l'Est  la  ceinture  méridionale  du  bassin  de  l'oued  Malah,  et  à  l'Ouest 
forme,  avec  les  liauteurs  environnantes,  la  cuvetle  désignée  sous  le 
nom  de  garaat  Sedjenane.  Cette  chaîne  comprend  les  djebels 
Barhaia,   Zangoura,  Dhouaouda,  Krebb,  El-llameria. 

Toutes  les  montagnes  de  Mogodie  sont  boisées.  Le  grès  avec  ses 
diiîérentes  variétés,  est  presque  l'unique  roche  que  l'on  y  rencontre  : 
le  calcaire  y  est  fort  rare. 

Le  territoire  des  Béjaoua  est  irrégulièrement  constitué  tant  au  point 
de  vue  hydrographique  que  comme  aspect  orographique.  Les  princi- 
pales montagnes  de  cette  partie  du  Gaïdat  de  Mateur,  sont  :  le  djebel 
Mazzoug,  montagne  formant  un  nœud  géographique  qui  sépaiv  natu- 
rellement les  Mogods,  les  Hédill  et  les  Béjaoua;  le  versant  nord  ap- 
partient aux  Mogods,  celui  de  l'Ouest  aux  Hédill,  ceux  du  Sud  et  de 
l'Ouest  aux  Béjaoua.  C'est  un  massif  considérable  dont  les  ramilica- 
tions -s'étendent  au  loin,  formant  des  vallées  escarpées  et  irréguMères; 
le  djebel  Antra,  situé  entre  le  conlluent  de  I'ouimI  Begra  et  IOuimI 
Bou-Dissa;  le  djebel  Bou-Drar,  près  de  la  source  de  l'oued 
Begra  ;  le  djebel  Tahent,  qui  se  termine  par  une  sorte;  de  la!)le 
étroite  élevée  au-dessus  d'un  escarpement  à  j)lus  de  ôO  mètres:  celh- 
table,  iiccessible  seulement  vers  l'Ouest,  est  crevassée,  trouée  de 
profondes  cavernes  où  se  réfugiaient  autrefois  les  li,ibil;iiils.  mainte- 
nant occupées  par  des  multitudes  d'animaux  divers;  au  picil  de  l'es- 
carpement, c'est-à-dire  vers  le  Sud-Est,  est  placé  le  pittores(]ue  village 
berbère  de  Tahent.  Les  autres  montagnes  des  Béjaoua  sont  les-dje- 


-  27:î  - 

bels  Faouar,  Rebbaia,  Hammam,  Lakhmassi,  <iui  iorment  une  chaîne 
importante  au  nord  de  l'oued  Tine. 

Les  montagnes  des  Hédill  sont  généralement  plus  élevées,  mais 
peu  boisées;  à  peine  voit-on  queNpies  toulles  de  cliénes-verts  sur  les 
plateaux  et  des  oliviers  sauvages  dans  les  ravins.  L'arrête  monta- 
gneuse qui  sépare  les  Hédill  de  la  Mogodie,  comprend  les  djebels 
Clioucha,  vSidi-Salali,  Zagralioui,  El  Krab,  Djuega,  dont  les  ramifica- 
tions desservent  le  bassin  de  l'oued  Hallatif  ;  les  crêtes  en  sont  incul- 
tes, mais  les  versants  cultivés. 

Hydrographie.  —  Dans  le  Caïdat  de  Bizerte,  les  rivières,  si  nous 
exceptons  la  Medjerda,  ont  un  débit  des  plus  variables  et  sont  plutôt 
torrents  que  cours  d'eau.  Les  oueds  issus  du  massif  méditerranéen 
sont  :  Dar-Djenna,  sur  la  limite  du  Caïdat  de  Bizerte  et  des  Mogods; 
El  Keltini  qui  prend  naissance  dans  les  hauteurs  de  Menzel-Zid: 
Cliaoui,  qui  baigne  le  Rhar-el-Melah;  les  oueds  Beni-Attah,  Ali, 
Gargara,  qui  se  déversent  entre  le  Ras  Zebib  et  le  piton  montagneux 
du  djebel  Fartass;  l'oued  Mamouna.  Du  Ras  Sidi-Ali-el-Mekki  à  la 
sebka  de  Sidi-Baroun,  on  remarque  :  l'oued  Konechta  sorti  du  djebel 
Akina  pour  se  jetter  dans  le  lac  de  Porto  Farina;  les  embouchures 
delà  Medjerda;  l'oued  Melah,  né  dans  le  djebel  Guebar  el  Djouhala 
et  qui  se  jette  dans  la  sebka  de  Sidi-Baroun. 

La  Medjerda  sert  de  limite  aux  Contrôles  civils  de  Bizerte  et  de 
Tunis,  de  ki  pointe  sud  de  la  garaat  El-Mebtouba,  près  de  Sidi-Tabet 
à  la  mer,  traversant  une  région  semée  d'exploitations  agricoles  et 
passant  entre  Utique  (Contrôle  de  Bizerte)  et  Galaat- Andless 
(Contrôle  de  Tunis). 

Si  nous  consultons  les  auteurs  anciens,  l'estuaire  de  la  Medjerda 
(Bagradas)  a  subi  de  nombreuses  transformations.  La  plaine  qui  s'étend 
à  l'est  de  Tébourba  formait  dans  les  temps  reculés,  le  fond  du  golfe 
de  Tunis  dont  elle  doublait  ainsi  l'étendue,  et  la  mer,  par  suite,  bai- 
gnait le  pied  des  collines  qui  circonscrivent,  au  Sud  et  au  Nord,  les 
plaines  basses  que  la  Medjerda  sillonne  aujourd'hui.  Cette  vaste  et 
profonde  embouchure  a  eu  le  sort  de  tous  les  estuaires  méditerra- 
néens, les  alluvions  l'ont  comblée  peu  à  peu  et  le  fleuve  lui-même,  se 
heurtant  à  ses  propres  apports,  a  dû  chercher  plus  d'une  fois  une  issue 
nouvelle.  On  peut  conclure,  par  l'élude  du  sol,  que  le  lleuve  se  jettait 


—  274  — 

dans  la  mer  à  rextrémité  même  qui  formait  la  péninsule  de  CarLbage 
et  que  son  embouchure  se  trouvait  sur  la  pointe  rocheuse  de  Sidi- 
Ahmar-bou-Ktioua.  D'après  Tissot,  la  superficie  du  terrain  perdu  par 
la  mer,  mesuré  sur  les  bases  visibles  de  l'ancien  littoral,  peut  être 
évaluée  à  250  kilomètres  carrés  et  représente  les  apports  du  Bagradas 
pendant  vingt-e^-un  siècles. 

Le  Caïdat  de  Bizerte  possède  deux  lacs  :  le  lac  de  Bizerte  et  le  lac 
de  Porto-Farina. 

Le  lac  de  Bizerte  forme  une  ellipse  de  35  à  40  kilomètres  de 
circonférence;  il  mesure  8  milles  de  longueur  sur  5  ihl  de  largeur; 
sa  profondeur  varie  entre  9m  50  et  12'"  80.  Ce  lac  d'eau  salée,  dont 
nous  reparlerons  dans  un  autre  chapitre,  communique  avec  la  mer 
par  un  large  canal,  et  avec  le  lac  Achkel,  situé  sur  le  Caïdat  de  Mateur, 
par  l'oued  Tindja,  espèce  de  canal  dont  le  cours  sinueux  et  rapide 
serpente  et  se  replie  plusieurs  fois  sur  lui-même,  traversant  une 
bande  de  terre  basse. 

Le  lac  de  Porto-Farina  forme  un  bassin  elliptique  dont  le  grand 
axe,  à  l'Ouest  et  à  l'Est  peut  avoir  8  kilomètres  et  le  petit  5;  une  lan- 
gue de  terre  étroite  et  en  partie  cultivée,  dénommée  Chott-El-Bahr, 
le  sépare  de  la  mer  avec  laquelle  il  communique  par  une  ouverture 
large  de  quelques  centaines  de  mètres  et  peu  profonde.  Ce  lac  se  com- 
ble insensiblement  par  suite  de  la  quantité  de  terre  et  de  limon  que 
déversent  continuellement  les  bras  nombreux  de  la  Medjerda  qui  s'y 
jettent. 

Tous  les  cours  d'eau  de  la  région  de  jMateur  sont  tributaires  du  lac 
Achkel;  les  principaux  sont  :  l'oued  Djoumine,  qui  pénètre  dans  le 
Caïdat  de  Mateur  à  3  kilomètres  au  Sud  de  cette  ville;  il  décrit  vers 
l'Est  une  boucle  avant  de  remonter  vers  le  Nord  pour  se  jeter  dans  le 
lac;  il  n'est  jamais  à  sec  et  reçoit  à  droite  un  allluent  important, 
l'oued  Tine  qui,  après  avoir  servi  de  limite  avec  le  Caïdat  de  Tébourba, 
vient  se  jeter  dans  la  boucle  à  l'est  de  Mateur;  les  oueds  Mzaken, 
Saada,  Chezla,  Czeni,  Malah  qui  reçoit  de  ÎMogodie  de  nombreux 
])elils  cours  d'eau;  l'oued  (loura,  déversoir  du  lac  Sedjenane,  (piisert 
d(î  limite  près  de  son  ciidioucliiu-o  enti'e  les  Caïdats  de  lîizei'le  el  de 
Mateiii'.  L'e;m  ne  fait  dc-faut  mille  pai'l,  dans  la  i't\L;i()n  de  Mateur; 
de  nombreux  i)uils  et  mille  peliles  sources  sont  lieiireiiscMiient  répai'- 
tis  dans  les  hencliirs. 


—  275  - 

L'inspection  de  la  carte <le  Mo.^odie  [((T'iiicL  de  coiislalerque  toutes 
les  eaux  amassées  dans  le  groupe  montagneux  siLiu''  au  iiorrl  de  l'oued 
Siîdjenane,  vont  se  jeter  directement  dans  la  mer,  tandis  f|ne  celles 
pi'ovenant  du  groupe  montag'neux  situé  au  sud  de  cet  oued,  se  jet- 
tent soit  dans  le  lac  Achkel,  soit  dans  l'oued  Sedjenane  aboutissant 
au  même  lac.  Les  eaux  du  bassin  du  lac  Aclikel  sont  recueillies  par 
l'oued  Malab,  dont  les  principaux  allluents  sont  sur  le  territoire  des 
Mogods,  à  droite  l'oued  El  Gouss,  à  gauche  l'oued  El  Ilalou  grossi 
de  l'oued  Berdia.  L'oued  Malah  n'est  jamais  à  sec;  il  prend  sa  source 
dans  le  djebel  Dhouaouda  et  sort  du  territoire  des  Mogodsà  hauteur 
de  Si-Fatallah  ;  ses  eaux  sont  fortement  salées.  Le  bassin  de  l'oued 
Sedjenane  comprend  deux  parties  distinctes  :  le  bassin  de  l'oued 
Magrat  qui  a  une  direction  S.-E.-N.-O.,  partant  du  djebel  Ivrebb 
pour  aboutir  à  la  garaat  Sedjenane,  et  le  bassin  de  l'oued  Sedjenane 
proprement  dit  dont  la  direction  générale  est  S.-O.-N.-E,  et  qui  est 
formé  par  les  deux  chaînes  montagneuses  décrites  plus  liant.  L'oued 
Sedjenane  n'est  autre  que  le  canal  par  où  s'écoulent  dans  le  lac 
Achkel,  les  eaux  qui  s'amassent  dans  la  cuvette  désignée  sous  le  nom 
de  garaat  Sedjenane,  plaine  marécageuse  en  été,  lac  de  vaste  éten- 
due en  hiver,  envahissant  la  campagne  environnante.  L'oued  Sedje- 
nane suit  une  vallée  basse,  très  malsaine  jusqu'à  Souk-el-Djemmaà; 
au-delà  de  ce  point,  son  bassin  se  resserre  pour  former  le  Khanguet- 
el-Radam;  cet  oued  prend  ensuite  le  nom  d'El-Kontra. 

Enfui  le  bassin  côtier  des  Mogods  renferme  :  l'oued  Djenna  descen- 
dant du  djebel  Chiaia;  l'oued  llerkat,  qui  reçoit  à  droite  l'oued  Chair; 
l'oued  Rhiran,  qui  traverse  une  vallée  encaissée  et  boisée,  reçoit,  à 
gauche,  l'oued  El-Aoud,  et  se  jette  dans  la  mer  tout  près  de  l'oued 
Mahibess.  Ce  dernier  cours  d'eau, le  plus  important  de  cette  partie  de 
la  côte,  vient  du  djebel  Daliraoui,il  se  grossit  de  nombreux  torrents, 
suit  une  direction  S.-O.-N.-E.  parallèle  à  la  côte,  puis  se  jette  dans 
la  mer  à  l'est  du  cap  Serrât,  sous  le  nom  d'oued  Ziatin:  sa  vallée  lor- 
mée  d'un  sol  argileux,  est  très  fiévreuse.  En  Mogodie,  les  sources 
sont  nombreuses,  saumàtres  pour  la  plupart  ;  les  puits  y  sent  rares. 

Au  nord-est  du  territoire  des  Réjaoua,  on  rencontre  les  vallées 
supérieures  de  presque  tous  les  torrents  (pii  vont  se  jetler  directe- 
ment dans  le  lac  Achkel  :  l'oued  Bou-Mkila  est  la  première  rivière 
que  l'on  rencontre  en  venant  de  Mateur;  l'oued  Aïn-(>l-Mi/.all',  qui 
prend  sa  source  à  l'hencliir  r>eni-Maril/.  et  s(\jetle  dans  l'oued  Zitoiin; 


—  270  - 

les  oueds  El-Glet  et  Ed-Dheb,  qui  sont  aussi  deux  aftluents  de  l'oued 
Zitoun.  L'oued  Djoumine  coupe  le  territoire  des  Béjaoua  du  S. -0.au 
N.-E.  [l  s'appelle,  à  l'origine,  oued  Begrat  et  prend  le  nom  d'oued 
Djoumine  à  partir  du  confluent  de  l'oued  El-Hallif  qui,  pendant  tout 
son  parcours  chez  les  Béjaoua,  coule  au  fond  d'un  ravin  étroit, escarpé, 
couvert  de  broussailles  et  très  difficile  à  parcourir.  L'oued  Djoumine 
prend  sa  source  dans  les  tlancs  du  djebel  Bou-Drar  et,  peu  après, 
coule  dans  une  vallée  assez  large,  bien  cultivée;  il  reçoit  de  nombreux 
affluents  et  conserve  de  l'eau  toute  l'année.  Ce  même  territoire  est 
également  arrosé  par  l'oued  Bou-Dissa,  sinueux,  dont  la  vallée  large- 
ment ouverte,  s'évase  surtout  à  partir  du  Khanguet-El-Hammam  ;  les 
oueds  Djerrou  et  Mazou,  qui  se  réunissent  au  Sud-Est  pour  former 
l'oued  Zerga;  l'oued  Tine  qui  forme  la  limite  des  Béjaoua  jusqu'à  la 
Zaouia  de  Sidi  Abd-el-Basset,  et  prend  sa  source  dans  le  djebel  ]\Iahdi 
(Caïdat  de  Medjez-el-Bab). 

Le  seul  cours  d'eau  important  appartenant  aux  Hédill,  est  l'oued 
Begrat,  qui  sert  de  limite  entre  les  Hédill  et  les  Béjaoua  sur  la  plus 
grande  partie  de  son  cours;  c'est  une  tranchée  large  d'une  quinzaine 
de  mètres  et  de  quatre  à  cinq  mètres  de  profondeur,  dont  les  talus  à 
pentes  rapides  ne  permettent  pas  le  passage  en  tous  points.  L'eau 
y  est  bonne  et  ne  tarit  jamais.  Les  affluents  de  ce  cours  d'eau,  dont 
la  réunion  avec  l'oued  Bou-Dissa  constitue  l'oued  Djoumine,  sont  :  les 
oueds  Hammam,  Hallif  et  Souani,  qui  fournissent  de  bonne  eau  en 
tout  temps.  De  nombreuses  petites  sources  sortent  aux  environs  des 
douars,  elles  se  distinguent  de  loin  aux  bouquets  de  verdure  qui  les 
entourent;  l'une  des  principales  est  Ain-Youdi,  aux  environs  de  la 
route  de  Béja.  Les  indigènes  prétendent  qu'il  y  avait  là  autrefois  un 
puits  dans  lequel  on  jeta  un  Juif  qui  s'était  rendu  coupable  d'un  enlè- 
vement :  le  puits  se  referma  sur  sa  victime  et  la  source  jaillit  sur 
l'emplacement  du  puits. 

Le  lac  xVchkel  se  trouve  sur  le  Caïdat  de  Mateur,  au  nord  de  celte 
ville;  il  a  une  largeur  maxima  de  14  kilomètres  de  l'Est  à  l'Ouest; 
son  étendue  moyenne,  dans  la  direction  Xord-Sud,  est  environ  iiioitii'' 
moindre;  il  est  moins  profond  que  le  lac  de  lîizerte,  avec  lequel  il 
communique  par  l'oued  Tindja.  Le  lac  Achkel,  f^/srtra  des  Anciens), 
tire  son  nom  de  la  pittoi'es(iue  montagne  qui  s'élève  sur  sa  rive  sud- 
est,  et  qui  autrefois  était   une  île.  Ce  lac  recueille  les  eaux  prove- 


-  211  - 

liant  (les  deux  rameaux  de  la  chaîne  méditerranéenne  qui  linissent, 
Tune  au  Cap-Blanc,  l'autre  au  Ras  Sidi-Ali-el-Mekki.  L'abondance 
des  Ibssilles  marins  qui  couvrent  ses  rives,  démontre  ({ue  ce  lac  fut 
salé;  les  terrains  qui  l'enserrent  sont  composés  de  marne  et  de  cou- 
ches de  sable  superposées,  tandis  que  le  djebel  Achkel  est  formé  de 
marbre  et  d'ardoises. 

Forêts.  —  Les  forêts  du  Contrôle  civil  de  Bizerte  appartiennent 
à  deux  circonscriptions  du  Service  forestier:  la  circonscription  de 
Tabarka  et  celle  de  Tunis.  M.  Degréaux,  inspecteur  à  Tabarka  et 
M.  Tellier,  inspecteur  à  la  Direction  de  Tunis,  ont  eu  l'obligeance  de 
nous  communiquer  les  notices  suivantes  qui  donnent  un  aperçu  fort 
exact  de  la  situation  forestière  de  ce  Contrôle  : 

Première  notice.  —  Forets  de  la  circonscription  de  Tabarka,  si- 
tuées sur  le  territoire  du  Contrôle  civil  de  Bizerte  : 

«  La  superficie  boisée,  n'est  pas  moindre  de  '20.000  hectares  sur 
la  partie  du  territoire  du  Contrôle  civil  de  Bizerte  qui  dépend  de  la 
circonscription  forestière  de  Tabarka. 

«  Ces  boisements  forment  la  forêt  domaniale  des  Mogods.  Bs  n'ont 
plus,  dans  leur  ensemble,  riiomogénéité  et  la  densité  de  ceux  du 
massif  Khroumir.  S'ils  sont  encore  compacts  et  de  belle  venue  dans 
la  région  qui  avoisine  la  forêt  des  Nefza,  ils  vont,  par  contre,  en  se 
dégradant  au  fur  et  à  mesure  que  l'on  avance  vers  l'Est  ;  soit  que  la 
forêt  de  chênes-liège  ne  trouve  plus  ici  les  conditions  de  végétation 
qui  la  font  prospérer,  soit  qu'elle  ait  été  dévastée  et  appauvrie  par 
des  incendies  plus  fréquents  qu'ailleurs. 

«  Le  chêne-liège  est  à  peu  près  la  seule  essence  précieuse  qui 
constitue  la  forêt  des  Mogods.  Le  chêne  zéen  ne  s'y  rencontre  que 
sur  un  point  de  la  vallée  de  l'oued  Mahibess,et  encore,  est-ce  à  l'état 
de  sujets  isolés  et  rares.  Ce  n'est  guère  qu'en  1897,  que  le  Service 
forestier  s'est  implanté  darTs  la  forêt  des  Mogods.  Des  postes  de 
garde  y  ont  été  créés  en  1897,  au  djebel  Choucha,  en  1899;iroued 
Mahibess.  Un  poste  de  chef  de  brigade  a  été  établi  en  1900  à  Sidi- 
Baleus. 

<(  Les  travaux  de  mise  en  valeur  commencés  en  1898  ont  été  ter- 
minés en  11X33.  11  a  été  ouvert  7IÎ  kilomètres  de  tranchées  parcellai- 
res ou  de  protection  contre  l'incendie  et  100  kilomètres  de  sentiers 
muletiers. 

La  Tunisie  du  Nord  19 


—  278  — 

((  Les  démasclages  ont  porté  sur  474.000  chènes-liège. La  première 
récolte  de  liège  aura  lieu  eu  1907  ;  elle  marquera  l'entrée  en  produc- 
tion de  la  forêt. 

«  Malheureusement  les  incendies  de  190'2  allumés  systématique- 
ment par  les  indigènes  ont  détruit  un  grand  nombre  d'arbres  et  une 
partie  notable  de  la  récolte  de  liège  sur  pied.  Ces  incendies  dont  le 
nombre  a  été  de  vingt-cinq  pendant  une  période  de  moins  de  un 
mois,  ont  parcouru  8.000  hectares  de  terrains  boisés,  atteint  200.000 
chènes-liège  déjà  mis  en  valeur  et  dont  160.000  ont  péri  des  suites 
des  atteintes  du  feu.  Les  pertes  se  sont  évaluées  à  400.000  irancs. 

«  A  la  suite  des  incendies  de  1002,  le  Gouvernement  Tunisien 
a  pris  des  mesures  énergiques  à  rencontre  des  populations  indigènes 
de  la  région  des  Mogods.  Elles  ont  porté  leurs  fruits,  et  tout  permet 
d'espérer  que  pareils  désastres  ne  se  reproduiront  plus.  » 

Deuxième  notice.  —  Forêt  de  la  circonscription  de  Tunis-Nord  : 

«  Les  massifs  forestiers  situés  à  l'est  de  l'oued  Ziatine,  de  la  garaat 
v^edjenane  et  de  l'oued  Magrat  font  partie  de  la  circonscription  de 
Tunis-Nord.  L'essence  dominante  est  le  chêne-liège,  mais  la  dégra- 
dation déjà  indiquée  dans  la  circonscription  de  Tabarka  s'accentue 
au  fur  et  à  mesure  que  l'on  s'avance  vers  l'Est.  On  la  constate  aussi 
bien  dans  la  densité  des  peuplements  qui  finissent  par  ne  plus  con- 
sister qu'en  îlots  de  chênes-liège  disséminés  parmi  la  broussaille, 
que  dans  leur  état  de  végétation  qui  devient  de  moins  en  moins  satis- 
faisant. Les  arbres  diminuent  de  vigueur,  se  rabougrissent  et,  à  la 
limite  de  la  forêt,  passent  même  à  l'état  buissonnant.  Ceux  qui  ont  les 
dimensions  voulues  pour  être  démasclés  résistent  moins  bien  à  cette 
opération.  On  trouve  cependant  éparses  au  milieu  des  fourrés,  des 
souches  d'arbres  de  fortes  dimensions,  ce  qui  prouve  que  ce  ne  sont 
pas  les  conditions  de  sol  et  de  climat  qui  s'opposent  à  la  bonne  venue 
du  chêne-liège.  Cette  dégradation  progressive  peut  être  attribuée  à 
la  plus  grande  fréquence  des  incendies  qui  ont  détruit  l'humus  et 
fatigué  les  souches  et  aux  abus  du  pâturage,  plus  intensif  lorsqu'on 
s'approche  des  régions  de  Mateur  et  de  Bizerte. 

«  La  contenance  de  ces  boisements  est  45.000  heclai-es,  mais  la 
Commission  de  délimitation  administrative  de  1003,  après  de  longs 
(h'bats,  n'en  a  classé  (jue  15.000  hectares  dans  le  domaine  foivstiei'. 

«  Le  démasclage  a  porté,  de  1898  à  I902,sur  350.000  ai'bres.  Les  iii- 
ceiiflies  de  1902  et  l(»s  distractions  opérées  par  la  Commission  de 
délimitation,  réduisent  ce  norrdjre  à  155.000.  Le  liège  re[)roduit  sem- 
ble jus(|u'ici  de  qualité  médiocre  et  rex|)érience  seule  pourrii  monti'er 
s'il  est  avantageux  de  continuer  à  trailer,  au  point  de  vuf  de  cette 
l)roduction,  les  arbres  de  ces  cantons. 


—  27î>  — 

«  Cette  partie  de  la  lorèl  des  Mogods  est  surveillée  par  un  garde 
résidant  à  Mateur  et  dont  le  service  s'étend  en  outre  sur  les  boise- 
ments de  pins  d'Alep  du  djebel  Nador  à  Porto- Farina,  sur  les  taillis  du 
djebel  Aclikel  et  sur  les  dunes  domaniales  de  JJizerte. 

«  Les  travaux  de  fixation  des  dunes  situées  à  Test  de  Bizerte  ont 
pour  but  de  protéger  contre  Tenvaliissement  des  sables  la  route  mi- 
litaire du  llamel,  les  ouvrages  de  défense  de  la  place  de  Bizerte 
construits  sur  ce  point  et  les  terres  de  culture  de  la  région  d'El-Azib. 
Ils  ont  été  l'objet  d'une  entente  entre  le  Ministère  de  la  Guerre  et  le 
Gouvernement  Tunisien  et  sont  exécutés  à  frais  comnmns  par  le 
Génie  militaire  et  le  Service  forestier.  La  méthode  adoptée  est  celle 
qui  a  été  employée  par  la  fixation  des  dunes  de  Gascogne  avec  les 
modifications  nécessitées  par  les  circonstances  locales.  Les  travaux 
consistent  principalement  en  palissades  d'arrêt  contre  les  apports 
successifs  de  sables  provenant  de  la  plage  et  en  couvertures  de  brous- 
sailles avec  semi  de  pin  maritime  sur  les  dunes  en  marche.  Ils  ont 
été  commencés  en  1905  et,  malgré  les  difficuliés  rencontrées  pour 
amener  à  pied-d"œuvre  les  broussailles  nécessaires,  les  résultats  de 
la  première  campagne  donnent  toute  satisfaction.  » 

Les  routes.  —  Déjà  du  temps  de  Carthage,  les  cités  d'Utique,  de 
Ruscinona,  d'Hippo-Diarrhytus  communiquaient  entre  elles  et  avec 
la  capitale  par  de  nombreuses  voies  qui  sillonnaient  tout  le  pays; 
les  Romains  n'eurent  donc  qu'à  consolider  et  à  entretenir  les  routes 
puniques.  L'itinéraire  d'Antonin  et  la  table  de  Peutinger  donnent  à 
ce  sujet  de  très  précieux  renseignements.  Dans  la  partie  du  territoire 
qui  nous  occupe,  on  relève,  outre  la  voie  romaine  de  Carthage  à 
llippone  par  la  vallée  de  la  Medjerda  (rive  gauche),  une  route  qui 
passait  par  Utique,  Ruscicona,  puis  gagnait  Hippo-Diarrhytus;  de 
là,  cette  route  suivait  le  littoral,  gagnait  le  pays  des  Mogods,  puis  la 
Khroumirie  pour  atteindre  Tabarka  et  entrer  en  Algérie.  Les  artè- 
res se  bifurquaient  dans  l'intérieur  du  pays  en  diverses  stations;  de 
plus,  d'autres  grandes  routes  les  coupaient  transversalement,  et  les 
points  d'intersection  de  ces  routes  formaient  comme  autant  d'étoiles, 
de  pattes-d'oie  qui  facilitaient  les  relations  dans  toutes  les  directions  : 
il  suffisait  de  la  moindre  localité  à  desservir  pour  faire  déciiler  la 
construction  d'une  nouvelle  voie. 

Ces  anciennes  routes  ne  sont  plus  aujourd'hui  que  de  mauvais 
sentiers  qui,  souvent,  suivent  les  vestiges  des  antiques  chaussées,  et  là 
où  elles  traversaient  les  rivières,  on  voit  encore  des  ruines  de  ponts. 


—  280  - 

Depuis  l'occupation  française,  certaines  routes  du  Contrôle  civil  de 
Bizerte  ont  été  construites  et  sont  entretenues  par  le  ^linislère  de  la 
Guerre;  elles  constituent  un  réseau  de  46  Idlomètres  800.  Ce  sont: 

1 .  La  route  d' Aïn-Maien  au  Cap  de  Bizerte  ; 

2.  Embranchements  desservant  les  différentes  batteries  ; 

3.  Routes  d'Aïn-Berda  à  Aïn-Damous  ; 

4.  Route  d'El-Euch  nu  col  de  Sfaiat; 

5.  Route  du  col  de  Sfaiat  à  la  route  no  20,  par  les  djebels  Beni- 
Meslem  et  Hallouf; 

G.  Route  d'Aïn-Tella  au  djebel  Soumène; 

7.  Route  de  Zarzouna  à  Aïn-Bittar  ; 

8.  Route  d'Aïn-Bittar  à  la  batterie  du  Remel; 

9.  Route  i-eliant  la  route  n»  6  à  la  batterie  de  Ghereck-ben-Chaà- 
bane  ; 

10.  Route  desservant  les  barraquements  militaires  de  Menzel-Dje- 
mil. 

Les  routes  et  chemins  construits  et  entretenus  par  les  Travaux 
publics  dans  le  Contrôle,  sont: 

Pour  le  Caïdat  de  Bizerte  : 

i .  Route  de  Bizerte  à  Tunis  ; 

2.  Embranchement  d'Utique  ; 

3.  Embranchement  de  Menzel-Abderrliaman  ; 

4.  Embranchement  du  Bac  ; 

5.  Route  de  Sidi-Athman  à  la  route  u"  0  ; 
0.  Route  de  Bizerte  à  Mateur  ; 

7.  Embranchement  de  la  Défense  Mobile; 

8.  Embranchement  de  Sidi-Ahmed: 

î).  Embranchement  de  Mateur  à  Djedéida; 
10.  Embranchement  de  Bizerte  à  Porto-Farina  ; 

.  Embranchement  de  Tunis  à  Porto-Farina  ; 
Pi.  Embranchement  de  Bizerte  à  Bécliateur  ; 
L3.  P^mbi-aiichement  de  l'oued  Merdj; 
14.  Fmbraiichemeiit  de  lîéni-Messlem  ; 
IT).  Roule  de  P>i/.tMt(' à  Aiii-Nh'-iicm  ; 
H).  Boute  du  lac  de  P)izerle  ; 


—  2SI   — 

17.  EmbraiichcmoiiL  do  la  station  de  l'oued  Tindja; 
IcS.  Embranchement  de  l'Arsenal  de  Sidi-Abdallali  ; 
'lî>.  Embranchement  deSidi-Yaya; 
20.  Route  de  Tindja-Ferryville  à  Aïn-Rhelal; 
Au  total,  180  kilomètres  800  dans  le  Caïdat  de  Bizerte. 

Pour  le  Caïdat  de  Mateur  : 

i .  Route  de  ^lateur  à  Rizerie  ; 

2.  Embranchement  des  llédill; 

'3.  Embranchement  contournant  Mateur  au  Nord  ; 

4.  Embranchement  au  nord  de  Mateur; 

5.  Route  de  Mateur  à  Djédéïda  ; 
0.  Route  de  iNIateur  à  Tébourba  : 

7.  Route  de  Mateur  à  Béja  par  Toued  Djuumine  ; 

8.  Route  de  Sidi-Athman  à  la  route  n«  6; 

Soit  environ  60  kilomètres  de  routes  dans  le  Caïdat  de  Mateur. 

La  Direction  des  Travaux  publics  procède  en  ce  moment  à  réta- 
blissement de  la  route  d'Aoudja  à  Ras-Djebel  et  de  la  route  d'El-Azib  ; 
cette  Dh-ection  doit  également  construire  en  1000  la  route  de  Then- 
chir  Amla  et  la  route  de  Ras-Djebel  à  Métline.  Ce  réseau  en  cons- 
truction ou  dont  la  construction  est  envisagée  par  l'Etat,  représente 
un  total  de  20  kilomètres  200. 

Le  Contrôle  civil  de  Bizerte  aura,  donc  à  la  (in  de  l'année  RHX),  un 
réseau  de  bonnes  routes  en  excellent  état  de  viabilité,  de  .'Î08  kilo- 
mètres environ. 

Le  chemin  de  fer  (embranchement  de  Djédéïda  à  Bizerte,  Compa- 
gnie Bùne-Guelma),  pénètre  dans  le  Contrôle  civil  à  la  hauteur  de 
Sidi-Atliman.  Il  dessert  successivement  les  stations  de  Sidi-Athman, 
Aïn-Rhélal,  Mateur,  Tindja,  Sidi-Ahmed,  la  Pêcherie,  Bizerte.  Le 
trajet  de  Sidi-Athman  à  Bizerte  est  de  60  kilomètres. 

Mines.  —  Les  mines  concédées  dans  le  Contrôle  de  Bizerte  sont  : 
1«>  Une  partie  des  mines  de  fer  des  Nefza  (mine  de  Ganara,  ap- 
partenant à  la  Compagnie  du  Mokta-el-lladid;  mines  de  Tamra  Bour- 
chiba,  oued  Bou-Zenna,  à  la  Société  anonyme  des  Mines  de  fer  des 
Nefza.  Inexploitées  en  attendant  la  construction  du  chemin  de  ter 
de  Nefza-Mateur.)  Trafic  prévu  :  200.000  tonnes  par  an  : 


—  282  — 

'2°  Les  mine?  de  zinc  et  plomb  de  Bécliateur  (12  kilomètres  au 
nord-ouest  de  Bizerte,  et  d'El-Grefa,  15  kilomètres  à  l'ouest  de  Ma- 
teur),  appartenant  toutes  deux  à  la  Compagnie  Royale  Asturienne, 
et  ne  contenant  que  des  minerais  pauvres,  que  la  Compagnie  doit 
prochainement  exploiter  au  moyen  de  puissantes  laveries  mécani- 
ques dont  rinstallation  est  à  peu  près  achevée  ;  il  n'a  été  produit  que 
de  faibles  quantités  de  minerai  marchand  jusqu'à  présent  ;  mais  il 
n'en  sera  pas  de  même  dans  deux  ou  trois  ans,  époque  à  laquelle 
chaque  mine  pourra  donner  facilement  une  production  annuelle 
de  i.ôOOà^.OOO  tonnes  marchandes; 

3"  La  mine  de  zinc  et  plomb  de  Cherifîa,  à  la  Société  Minière  du 
Nord  de  l'Afrique  ;  se  trouve  à  côté  de  la  mine  du  Ci'efa  et  peut  être 
considérée  comme  épuisée,  au  moins  dans  les  pentes  étudiées  du 
brisement;  abandonnée  à  l'heure  actuelle; 

4o  La  mine  de  plomb  du  Saf-Saf,  également  limitroplie  du  Grefa, 
appartenant  à  la  Société  civile  des  mines  du  Saf-Sa[;  a  donné  700  ton- 
nes de  galène  en  1904.  INIine  encore  en  voie  d'aménagement  qui 
pourra  donner  2.000  à  3.000  tonnes  par  an  en  marche  normale  ; 

5o  La  mine  de  plomb  du  Bazina,  située  dans  les  Hédill,  à  environ 
35  kilomètres  à  l'ouest-sud-ouest  de  Mateur  et  à  pareille  distance  au 
nord-nord-est  de  Béja;  appartient  à  la  Société  Minière  du  Bazina  et 
a  fourni  2.000  tonnes  de  minerai  en  1904. 

Indépendamment  de  ces  concessions,  le  Contrôle  renferme  actuel- 
lement six  permis  d'exploitation  temporaire  pour  zinc  et  plomb,  tous 
situés  dans  les  montagnes  des  Hédill  et  des  Béjaoua.  La  production 
d'ensemble  de  ces  six  permis  a  été  de  1 .300  tonnes  pciur  l'année  1905. 

Le  nombre  des  permis  de  reclierches  actuellement  en  vigueur  est 

de  quinze  dans  le  Caïdat  de  Bizerte  et  de  cinquante-et-un  dans  le 

V  Caïdat  de  Mateur,  tous  pour  zinc    et  plomb,  et  localisés,  comme  les 

précédents,  dans  les  longues  bandes  montagneuses  des  Hédill  et  des 

Béjaoua. 

Les  Romains.  —  Il  est  uu  l'ail  historique  ii'n''ciis;il)lr  (|ii(>  Ilizerte, 
Utique  et  les  autres  localités  du  territoire  doivent  letu'  origine  à  une 
émigration  en  masse  de  l'aristocratie  tyiienne.  Les  l'IuMiiciens,  en 
ellét,  colonisaient  pour  se  créer  des  échelles,  étendre  leui-  com- 
merce, et  ces  instincts  d'expansion  favorisant  r('coulement  du  trop 
plein  des  populations  de  la  côte  tyrienne,  il  arriva  souvent  (lue  des 


—  2H:i  — 

bandes  de  mécoiilmls  loiinéesen  partis,  émigrèrent  en  masse.  C'est 
à  une  émigraiioii  de  ce  i^enre  qu'est  due  la  populati(ju  d(,'  lli/erte  et 
celle  d'Utique. 

Hippo-Diarrhytus  (Bizerte),  prise  d'assaut  par  Ag-atliocie,  se 
prononra  dans  la  j^uerre  des  Mercenainïs  contre  Cartliaj^je  dont  elle 
avait  été  jusque-là  la  fidèle  alliée. 

«  (lolonie  de  César  ou  d'Auguste,  dit  Tissot,  Hippo-Diarrhytus  ne 
parait  pas  avoir  jamais  été  très  prospère.  Pline-le-Jeune  la  repré- 
sente comme  une  petite  ville  de  province,  jalouse  de  son  repos  et  de 
sa  solitude.  Du  fait  de  débris  reconnaissables  des  murs  de  Ilippo,  il 
ne  reste  que  les  substructions  des  murs  de  soutennement  de  son  ca- 
nal et  du  double  môle  qui  en  protège  l'embouchure.  » 

Utika  (Uliqiie),  passe  pour  avoir  été  fondée  trois  siècles  avant 
Carthage,  à  laquelle  elle  se  rattache  par  les  liens  d'une  alliance  qui 
sauvegardait  son  autonomie.  Ulique  resta  fidèle  <à  Carthage  pendant 
l'expédition  d'Agathocle  et  la  première  guerre  punique,  mais,  com- 
me Hippo-Diarrhytus,  l'abandonna  à  l'époque  de  la  guerre  des  Mer- 
cenaires. 

«  Vainement  assiégée  par  Scipion  pendant  la  seconde  guerre 
punique,  elle  n'attentlit  pas  le  début  de  la  troisième  pour  abandon- 
ner de  nouveau  la  Ibrlune  de  Carthage  :  avant  qu'une  seule  galère 
romaine  eut  pris  la  mer,  elle  envoya  à  Rome  une  députation  chargée 
d'olTrir  son  entière  soumission.  Aussi,  après  la  ruine  de  Carthage, 
obtint-elle  le  titre  de  cité  libre,  un  agrandissement  de  son  territoire, 
dont  les  limites  furent  reportées,  d'un  côté  jusqu'à  la  banlieue  de  Car- 
thage, de  l'autre,  jusqu'à  Hippo-Diarrhytus,  vl  une  organisation 
autonome. 

ff  Devenue  le  siège  de  l'AdmiiiisIration  de  la  province  romaine, 
jus({u'au  moment  où  Carthage  sortit  de  ses  ruines,  Utitpie  reçut  le 
droit  de  latinité,  huit  ans  après  la  défaite  des  Pompéiens;  elle  reçut 
du  fds  adoptif  de  César  le  droit  de  Cité  romaine;  enfin,  sous  le  règne 
d'Hadrien,  elle  demanda  et  obtint  le  titre  de  colonie  romaine. 

«  Utique  était  encore  la  seconde  ville  de  la  province  d'Afrique  au 
deuxième  siècle  de  notre  ère,  mais  à  partir  de  cette  époque, ses  ports 
paraissent  s'être  graduellement  ensablés,  et  iladi'umèle  ne  tarda  pas 
à  lui  enlever  le  rang"  et  l'importance  commei'ciale  (juelle  avait  long- 
temps conservé. 


—  284  — 

«  Les  ruines  d'Utique  portent  aujourd'hui  le  nom  d  hencliir  Bou- 
Chateur.  Elles  couvrent  une  colline  à  double  sommet  dominée  elle- 
même  par  une  hauteur  qui  se  rattache  à  la  chaîne  de  la  rive  gauche 
de  la  Âledjerda.  Baignée  autrefois  par  la  mer,  la  pointe  d'Utique 
plonge  aujourd'hui  dans  les  marais  qui  couvrent  la  partie  du  goUe 
qu'ont  envasé  les  alluvions  du  fleuve. 

«  Une  plate-forme  d'un  relief  assez  accusé,  qui  était  autrefois  une 
île,  est  située  dans  l'axe  de  cette  pointe,  dont  elle  n'est  séparée  que 
par  une  coupure  de  40  mètres  de  largeur,  sur  300  de  longueur.  Elle 
représente  l'extrémité  du  promontoire  primitif,  isolé  du  continent  à 
l'époque  de  la  fondation  d'Utique,  par  un  canal  creusé  dans  le  dou- 
ble dessein  de  créer  à  la  colonie  naissante  un  refuge  inaccessible  et 
de  lui  donner  un  port  parfaitement  abrité.  Un  second  port  rectangu- 
laire, creusé  dans  la  rive  même  paraît  avoir  été  le  cothon  primitif  de 
la  colonie  sidonienne. 

«  La  citadelle  occupait,  au  centre  de  la  ville,  la  plus  orientale  des 
deux  hauteurs  dont  nous  avons  parlé.  L'amphithéâtre  couronne  le 
second  sommet,  au  del.à  duquel,  du  côté  de  l'Ouest, on  remarque  tout 
un  système  de  vastes  citernes.  La  ville  proprement  dite  avait  la  for- 
me générale  d'un  rectangle  allongé,  dont  les  deux  côtés  Nord-Ouest 
et  Nord-Est  étaient  baignés  par  la  mer.  Elle  s'éloignait  sur  les  trois 
versants  de  l'extrémité  de  la  petite  chaîne  dont  nous  avons  parlé. 

((  Tel  est,  dans  son  ensemble,  l'aspect  des  ruines  d'Utique,  nous 
oflrant,  à  côté  de  monuments  de  la  meilleure  époque  de  l'art  romain, 
des  vestiges  très  caractérisés  de  l'architecture  punique  ».  (Tissot.) 

A  Utique,  de  nombreuses  fouilles  ont  été  pratiquées,  soit  par  le 
Service  des  Antiquités,  soit  par  les  propriétaires  actuels  de  l'hencliir 
Bou-Chateur.  On  a  reconnu  :  le  port  militaire,  l'arsenal,  l'amirauté, 
le  port  marchand,  les  citernes  puniques,  l'acropole,  l'amphithéâtre,  le 
théâtre,  l'enceinte  percée  de  cinq  portes,  les  ruines  d'un  édifice  pbé- 
nicien  considérable  placé  sur  le  bord  de  la  mer,  l'aqueduc  qui  ali- 
mentait non  seulement  les  grandes  citernes,  mais  les  dilVérents  quar- 
tiers de  la  ville  :  cet  aqueduc  qui  existe  encore  presque  en  enlier,sur 
un  parcours  de  11  kilomètres,  prenait  naissance  dans  les  gorges  du 
djebel  Kechbalia,  près  d'El-Alia,  contournait  les  versants  do  ces  colli- 
nes par  un  canal  souterrain  franchissait  ensuite  deux  profonds  ravins 
sur  trois  rangées  d'arcades  superposées,  du  plus  bol  appiïreii,  et  ai'i'i- 
vait  dans  Utique  piir  les  hanteins  en  passant  an  niveau  des  voûtes 
des  grandes  citernes. 

Récemment  (lîKKÎ),  les  travaux  d'aménagement  de  la  source  Ihei- 
male  d'Aïn-el-llammam,  ont  fait  découvrir   à  Utique   une  luxueuse 


-   285  — 

installation  liydnniliiinc  r-oiniiino  ornée  de  colonnes  de  marbre.'  et  de 
statues.  L'on  a  retiré  notamment  une  tète  colossale  d'Hercule  bachi- 
que couronné  de  pampres,  d'une  excellente  exécution;  deux  masques 
de  Bacchantes,  plus  petits  que  nature  ;  une  tête  féminine  ceinte  d'une 
lourde  coiu^onne  de  chêne  à  lemnisques;  une  gracieuse  statuette  de 
jeune  femme  drapée,  du  type  hellénistique.  Enfin,  au  nord  de  l'am- 
phithéâtre et  à  l'ouest  de  la  citadelle,  on  a  trouvé  les  débris  d'un  bas- 
relief  votif  et  diverses  épitaphes,  présentant  toutes  cette  extrême 
abondance  de  sigles,  abrégeant  des  formules  banales,  qui  caractérise 
l'épigraphie  funéraire  païenne  d'Utique. 

Castra  Cornœliana,  ">  les  «  Cmnps  Cornéliens  »,  étaient  situés 
à  trois  milles  à  l'est  d'Utique, sur  une  colline  isolée,  de  forme  allon- 
gée, aux  pentes  rapides,  dont  le  village  de  Kalaat-el-Oued  occupe  la 
pointe  septentrionale.  Ils  ont  été  fort  exactement  décrits  par  César  et 
par  Tite-Live. 

Membrone,  ruines  à  9  kilomètres  au  nord-ouest  de  Bou-Chateur, 
près  de  la  khoubba  de  Sidi  Alimed-bou-Farès. 

Thinisa  (Ras-el-Djebel),])\iicée  par  les  auteurs  anciens, à  iO  milles 
de  Membrone  et  20  milles  d'Hippo-Diarrhytus. 

Ruscinona  {Porlo-Farina),  située  à  l'extrémité  méridionale  du 
«  Promuntorium  Appolinis  ».  Cette  station  maritime  n'était  (pTun 
mouillage  dont  1  importance  ne  s'est  accrue  qu'après  l'ensablement 
du  port  d'Uti({ue. 

Cotuza,  (El-Alia),  située  entre  la  route  du  liltoral  et  la  voie  qui 
conduisait  directement  d'Utique  <à  Ilippo-Diarrhytus. 

Theudalis,  ruines  de  la  ville  de  Theudalis,  divisées  en  deux  grou- 
pes et  situées  sur  la  rive  occidentale  du  lac  Aclikel  {Sisara  lacu,^). 
Le  premier  groupe,  placé  au  sud  du  canal  par  lequel  le  lac  Achkel 
communique  avec  le  lac  de  Bizerte,  porte  le  nom  dluMicliir  Tindja; 


(1)  Une  partie  de  Castra  Cur>ui;Hana  est  situoe  sur  le  territoire  du  Contrôle  de  Tunis. 


—  286  — 

le  second,  celui  (riieiicliir  El-Aouana.  Theudalis  était  une  des  sept 
villes  qui  se  prononcèrent  contre  Carthage  dans  la  troisième  g-uerre 
punique. 

Thésita  (Bcchateur)^  à  15  kilomètres  environ  à  l'ouest  de  Bizerte; 
source  captée,  tombeaux  dans  le  roc,  sur  la  colline  qui  fait  face  à  la 
Zaouia  Sidi  Mansour-el-Douadi . 

Oppidum  Materense  (Mateiir),  situé  sur  une  colline  basse  à  10 
kilomètres  au  sud  du  lac  El-Achkel;  les  débris  de  la  ville  antique  ont 
été  employés  dans  les  consti'uctions  modernes. 

Henchir  Behaia,  à  1*2  kilomètres  au  sud-ouest  de  ^lateur;  sépul- 
tures dans  le  roc,  carrières  antiques. 

Henchir  Guenba,  à  15  kilomètres  au  sud-ouest  de  Mateur:  pont 
ruiné,  tour  en  blocage,  sépultures  dans  le  roc.  Xombi'e  d'autres  rui- 
nes ont  été  signalées  dans  la  région  qui  s'étend  entre  Mateur  et  Béja, 
mais  aucune  n'a  été  identifiée. 

L'arsenal  maritime  de  Sidi-Abdallah  est  construit  sur  l'emplace- 
ment de  ce  groupe  de  masures  arabes,  établies  dans  les  ruines  assez 
étendues  des  monuments  romains  qui  devaient  avoir  quelque  impor- 
tance. Le  tout  a  disparu  aujourd'hui,  mais  en  creusant  les  t'ondations 
d'un  pavillon  de  la  défense  sous-marine,  on  a  rencontré  les  restes  bien 
conservés  d'une  série  de  chambres  reposant  sur  des  hypocaustes  et 
des  salles  pavées  de  mosaïques,  qui  appartenaient  évidennnent  à  des 
thermes  romains. 

Les  Indigènes.  —  Dans  la  région  de  Bizerte,  la  population  indi- 
gène se  compose  surtout  de  Maures  chassés  d'Espagne  par  Pliili|t|)(' 
m.  Ce  sont, en  majeure  partie,  les  Andiess  qui  fomlèrent  les  villages 
de  cette  pointe  de  la  Tunisie  du  Nord;  bien  accueillis  par  le  Dey 
Othman,  ils  reçurent  des  teri-es  sur  le  litloial  de  llizcrte  et  dans  la 
presiju'ile  du  Cap-Bon.  ils  ontgai'dé  un  souvenir  vivace  de  leiu's  ori- 
gines; de  tempérament  pacili(jue,  ils  sont,  généralement,  artisans 
adroits  et  bons  jardiniers.  En  deliors  de  ces  .\ndless,  on  ivncontre 
un  certain  nombic  de  petites  fractions  arabes  ou  berbères  (|iii,  dis- 


—  287  — 

persécs  pnr  Jes  guerres,  viiireiil  se  lixerdans  les  puraj,'-es  de  IJizerte. 
Aucune  d'elles  ne  mérite  de  mention  spéciale.  La  pc^pulalioii  indi- 
j^ène  du  Caïdat  de  l)izerte  compte  à  peu  près  .'i3.(J()U  individus. 

Les  indigènes  du  Caïdat  de  Mateur  l'ont  partie  de  tribus  ou  frac- 
lions  de  tribus  d'origines  très  diverses. 

A  Mateur  et  aux  environs  on  trouve  : 

lo  Les  Heldia,  descendants  des  fondateurs  de  Mateiu-;  ils  sont  pro- 
priétaires, possèdent  maisons,  jardins,  oliviers  et  terres  qu'ils  lont 
cultiver  par  des  khammès; 

2o  Les  Djeraba,  commerçants,  fabricants  de  tapis  et  de  vêtements 
de  laines;  ils  habitent  à  Mateur  le  souk  des  Djeraba  ; . 

>  Les  Coulouglis,  mélangés  aux  Beldia; 

4«J  Les  Douaouna,  venus  du  Maroc  ; 

5"  La  tribu  des  Arabes  originaires  des  environs  de  la  Mecque,  pri- 
mitivement installés  en  collectivité  à  l'ouest  du  lac  Achkel,  mainte- 
nant éparpillés  sur  le  territoire  de  Mateur,  principalement  chez  les 
Kaout  et  les  Béjaoua  ; 

6°  Les  Nefïat,  originaire  de  l'Arad,  habitant  sous  la  tente  dans  la 
région  de  Bir-Soula; 

7"  Les  Beni-lfren,  originaires  de  Kabylie,  qui  font  partie  de  la  con- 
fédération des  Zouaoua,  et  se  sont  dispersés  dans  le  bled,  surtout 
dans  les  principaux  henchirs  des  environs  de  Mateur  et  de  Tahenl  ; 

8"  Les  Juifs,  en  proportion  considérable  à  Mateur  et  qui,  naturelle- 
ment, font  du  petit  commerce. 

Ces  diverses  fractions  forment  un  total  de  ().()U0  individus. 

Le  Caïdat  de  Mateur  comprend  en  outre,  les  tribus  des  Mogods, 
des  Béjaoua  et  des  Hédill. 

Les  Mogods  ignorent  à  quelle  époque  et  comment  ils  sont  venus 
dans  le  territoire  qu'ils  occupent.  Il  est  probable  qu'ils  appartiennent 
à  la  vieille  race  berbère  qui,  après  avoir  été  asservie  par  les  Romains 
d'abord,  les  Arabes  ensuite,  a  toujours  été  repoussée  dans  les  mon- 
tagnes par  les  vain(|ueurs.  Cette  peuplade  vit  sans  légende  et  sans 
tradition,  mus  on  sait  qu'elle  s'est  toujours  montrée  rebelle  à  toute 
espèce  de  civilisation.  Les  Mogods  cherchèrent  constanunenl  à  s'af- 
hanchir  de  la  domination  des  Beys  de  Tunis,  et  ils  vécurent  pendant 
des  siècles,  en  mauvaise  intelligence  avec  leurs  voisins  que,  de  temps 
en  temps,  ils  razzièrent;  ils  ont  conservé  les  caractères  dislinclils  de 
leur  race  :  humeur  guerrière,  espi-it  irindépendance.  Ils  sont  peu  hos- 


—  288  — 

pitaliers.  Les  Mogods  prirent  les  armes  en  1881,  razzièrent  les  envi- 
rons de  Mateur  et  de  l'oued  Tindja,  mais  à  l'approche  des  troupes 
françaises  regagnèrent  les  massifs  montagneux  et  lirent  leur  soumis- 
sion. Ils  fournirent  vingt  otages,  qui  furent  internés  à  Bône  et 
payèrent  une  contribution  de  guerre  de  l'2.000  francs.  Les  troupes 
françaises  pénétrèrent  en  Mogodie,  se  dirigèrent  sur  les  vallées  de 
l'oued  Sedjenane  et  s'installèrent  à  Souk-el-Djemàa.  Depuis  ce  temps, 
cette  tribu  a  conservé  un  calme  absolu;  elle  ne  possède,  sur  son 
territoire,  ni  mosquée,  ni  zaouia.  La  tribu  des  Mogods  compte  i'2. 700 
individus. 

Les  Béjaoua,  originaires  des  environs  de  1  îougie,  vinrent  s'installer 
dans  la  région  qu'ils  occupent,  au  quatorzième  siècle  de  notre  ère. 
Ils  ne  peuvent,  d'ailleurs,  renier  leur  origine  kabyle  :  leurs  habita- 
tions couvertes  de  chaume  et  leurs  gourbis  de  branchages  sont  plan- 
tés, comme  en  Kabylie,  sur  les  hauteurs  qui  commandent  les  routes 
et  surveillent  au  loin  les  alentours  ;  les  usages  domestiques,  les  usten- 
siles de  ménage,  l'élevage  des  bestiaux,  le  délrichement  des  taillis, 
les  coutumes  religieuses  sont  tout  à  fait  semblables  aux  manirs  et  aux 
procédés  des  tribus  kabyles  qui  habitent  les  gorges  du  Ghabet-el- 
Akra,  situées  entre  Bougie  et  Sétif.  Les  Béjaoua  refusèrent,  en  1881, 
de  se  joindre  aux  tribus  qui  descendirent  dans  la  plaine  de  Mateur. 

Ils  sont  attachés  au  sol  et  très  pacifiques.  Sur  le  territoire  des  Bé- 
jaoua se  trouve  aussi  une  fraction  des  Kooub,  venus  du  Sud  tunisien, 
qui  se  sont  groupés  au  nord  de  Sidi  Ali-ben-IIadirich,  et  une  traction 
des  Ousseltia,  originaires  du  djebel  Ousselet,  près  de  Kairouan,  qui 
se  sont  établis  au  village  de  Tahent  <iepuis  200  ans  environ.  Les  Bé- 
jaoua sont  environ  12.000. 

Les  Hédill  forment  une  fraction  des  Beni-Hédill  des  environs  de  la 
Mecque;  ils  vinrent  en  Tunisie  voici  environ  500  ans  et,  à  leur  arri- 
vée, campèrent  dans  la  plaine  de  Kaii'ouan;  peu  a  i)iès,  ils  remontè- 
rent vers  le  Nord  et  occupèrent  la  région,  alors  inculte,  qu'ils  habitent 
aujoMi'd'liui.  Bientôt  ils  eurent  maille  à  partir  avec  leurs  voisins  les 
Béjaoua,  nouveaux  venus  d'Algér-ie.  Mais  la  querelle  dégén('M"i  en 
profonde  hostilité  à  la  suite  d'un  enlèvement,  suivi  d'assasinal,  qu'une 
t(>ucli;iiil('  l(''g('nd(',  <|U('  nous  avons  cueillie  dans  l;i  broussaille,  l'ap- 
porte en  ces  termes  : 

Un  jeune  pâtre  des  iîéjaoua  était  épiM-diiuienl  amoureux  de  la  lille 
d'un  très  notable  personnage  des  Ilédill,  lapins  belle  de  la  ti'ibu;  la 


—  28'J  — 

jolie  fille,  bien  eiitondu,  purtageaitla passion  du  sou{jii'aiit.  Elleaimait 
surtout  entendre  les  doux  accents  que  la  llùte  charmeuse  du  berger 
égrenait  dans  la  vesprée,  par  les  monts  tonllus,  et,  certain  soir  de 
magnifique  clair  de  lune,  elle  se  para  de  ses  plus  riches  atours,  quitta 
la  tente  opulente  qui  l'avait  vue  naître  etsuivi  le  joueur  de  flûte.  Long'- 
temps,  ils  marchèrent,  mais  le  ciel  peu  à  peu  s'obscurcit  et  un  orage 
épouvantable  se  déchaîna  sur  la  vallée.  Pris  de  pem*,  les  amoureux 
se  rélligièrentdans  une  caverne  du  djebel  ïahent;  là,  il  se  reposaient, 
quand  un  formidable  bouleversement  s'opéra  dans  le  sol  :  les  grands 
arbres  brisés  jonchaient  la  terre,  les  rocs  s'éboulaient,  les   oueds 
devenus  torrents  débordaient  et  inondaient  les  plaines.  Cependant  la 
nature  s'apaisa,  le  calme  revint  et,  quand  le  jour  parut,  les  compa- 
gnons voulurent  poursuivre  leur  marche.  Alors  ils  s'aperçurent  avec 
terreur,  que  la  grotte  au  fond  de  laquelle  ils  s'étaient  blottis,  se  trou- 
vait, par  suite  du  cataclysme,  suspendue  à  pic  sur  l'abîme,  «  à  plus 
de  60  fois  la  hauteur  d'un  homme  ».  I.es  fugitifs,  devenus  prisonniers, 
étaient  menacés  de  mourir  de  faim,  lorsque  du  fond  de  la  caverne, 
jaillit  une  source  d'eau  limpide,  tandis  que  deux  grands  aigles  tom- 
bant en  droite  hgne  du  ciel,  apportaient  aux  reclus,  une  exquise  nour- 
riture. Tous  les  jours,  pendant  onze  lunes,  il  en  fut  ainsi.  Et  tous 
les  soirs,  au  crépuscule,  le  pâtre  tirait  de  sa  tlùte  de  mélodieuses 
notes  qui  arrivaient  adoucies  dans  les  vallons  ombreux.  Cependant, 
le  père  de  la  belle  fille,  Sidi  Ali-ben-Abid,  le  marabout  vénéré  des 
Ilédill,  —  en  l'honneur  du(juel  fut  érigée  la  kouba  qui  porte  son  nom 
—  cherchait  partout  son  enfant  bien  aimée.  Un  jour  que,  par  mé- 
garde,  il  avait  pénétré  sur  le  territoire  des  Béjaoua,  ceux-ci  s'em- 
parèrent de  lui,  le  dépouillèrent  et  l'occirent.   Irrités,  les   Hédill 
s'assemblèrent,  prirent  les  armes,  razzièrent  le  territoire  des  Béjaoua  et 
enlevèrent  les  plus  jolies  tilles  de  la  tribu.  La  guerre  ne  dura  pas 
moins  de  '200  ans.  Aujourd'hui,  la  haîne  a  disparu;  Hédill  et  Béjaoua 
sont  bons  amis  et  ont  signé  pacte  d'alliance.  Mais  parfois  pendant  les 
iniits  étoilées,  de  fantre  inaccessible  où  reposent  les  fugitifs  et  seule- 
ment fréquenté  par  les  grands  oiseaux  du  ciel,  sort  une  délicieuse 
musique  :  ce  sont  les  amoureux  qui  soupirent. 

Propriétaires  des  terres  qifils  cultivent,  les  Hédill  sont  générale- 
ment aisés;  malgré  cela,  leurs  douars, formés  de  gourbis,  ont  un  aspect 
misérable.  Les  Ilédill  sont  doux  et  hospitaliers.  Ils  n'ont  pas  pris 
partau  mouvement  de  1881.  Cette  population  compte  8. ."^OO  individus. 


—  290  — 

Recensement.  —  En  1905,  le  Contrôle  civil  de  Bizerte  avait  une 
population  de  97.346  habitants  se  décomposant  comme  suit  : 

Indigènes  musulmans 76.547 

Juifs  indigènes '2.600 

Français 4.917 

Italiens 11 .  970 

Autres  éti-angers i  .3l!2 

En  1890,  ce  Contrôle  ne  comptait  que  501  Français;  enl89(>,  934; 
en  1901,  3.995;  en  1905,  4.917:  soit,  en  14  ans,  une  augmentation 
de  4.416  individus. 

Les  propriétés  rurales  possédées  par  les  Européens,  dans  le  Con- 
trôle, se  subdivisent  ainsi  : 

122  propriétés  françaises 39.803  hectares 

32  propriétés  italiennes 3.192        » 

22  propriétés  diverses 4.133        » 

soit  47.128  liectares  possédés  par  des  Européens,  sur  une  superficie 
totale  de  34^.000  hectares. 


CHA1»1T1{K  II 


Le  Caïdat  de  IJizerte 


Limites.  —  Le  Gaïdal  de  Dizerte  est  borné  au  Nord,  par  la  iner; 
à  l'Est,  par  le  goll'e  de  Tunis;  au  Sud,  par  la  Medjerda;  à  l'Ouest, 
XJar  le  Caïdat  de  Mateur.  La  limite  des  Gaïdats  de  Bizerte  et  de  Ma- 
teur  commence,  au  Nord,  sur  la  côte,  à  iO  kilomètres  environ  à 
l'ouest  du  Ras-el-Korat,  près  .du  lieu  dénommé  Sidi  Ali-Cliadeli; 
suivant  une  direction  Nord-Sud,  elle  franchit  les  djebels  Hadida  et 
Saïdani  pour  atteindre  l'oued  Sedjenane  à  0  kilomètres  de  son  embou- 
chure dans  la  garaàt  Achkel.  Elle  suit  la  rive  noid  île  la  garaàt  jiis- 
(ju'à  l'oued  Tindja,  et,  franchissant  à  la  gare  du  même  nom  la  ligne 
du  chemin  de  fer,  elle  prend,  durant  18  kilomètres  environ,  la  direc- 
tion Nord-Ouest-Sud-Est,  laissant  à  l'Est  la  région  de  Eerryville  et 
Sidi-Abdallah,  pour  gagner  Dar  Bir-Soula,  bordj  Youssef-Bey  et  la 
voie  ferrée  à  un  kilomètre  à  l'Est  de  la  gare  d'Ain-Rhelal.  C'est  là 
son  point  terminus,  la  limite  du  Contrôle  de  Bizerte  qui  continue  la 
voie  ferrée,  séparant  désonnais  le  Caïdat  de  Bizerte  du  Caïdat  de  Té- 
Ijourba  (Contrôle  civil  de  Tunis). 

Le  territoire  du  Caïdat  de  Bizerte  a  une  superficie  de  L2œ  kilo- 
mètres carrés;  il  est  divisé  en  deux  parties  :  le  territoire  de  Bizerte 
proprement  dit  et  le  territoire  de  Porto-Farina. 

Bizerte.  —  Hippo-Diarrhytus,  élevé  au  rang  de  colon'u»  par  les 
Romains,  perdit  une  grande  partie  de  sa  prospérité  au  troisième  siècle 
de  notre  ère,  par  suite  des  compétitions  impériales,  des  querelles 
religieuses  et  des  incessantes  révoltes  des  Berbères.  L'invasion  des 
Vandales  acheva  l'œuvre  de  destruction  et  lorsque,  au  septième  siècle, 
les  Arabes  se  répandirent  en  Tunisie,  Benzvii  n'élail  [ilus  ([u'une 
bourgade  de  quelques  milliers  d'habitants. 


—  292  — 

En  141>2,  les  Maures  expulsés  d'Espagne  se  réfugièrent  à  Bizerte 
et  y  construisirent  le  quartier  dit  des  Andalous.  Un  siècle  plus  tard, 
lorsque  les  Turcs  conduits  par  Khereddine  s'emparèrent  de  Tunis, 
les  habitants  de  Bizerte  furent  les  premiers  à  se  soumettre. 

«  Reprise  successivement  par  les  Maures,  avec  l'appui  d'André 
Doria,  et  par  les  Turcs,  châtiée  et  saccagée  par  les  uns  et  par  les 
autres,  Bizerte  devint  le  nid  de  pirates  que  les  flottes  de  Venise,  d'Es- 
pagne et  de  France  vinrent  maintes  fois  bombarder.  Et,  cependant, 
ce  fut  de  Bizerte  que  partirent  en  1709,  les  navires  qui  ravitaillèrent 
de  grains  la  Provence  affamée,  constatation  utile  à  faire,  car  si  elle 
prouve  que  nos  relations  avec  la  Régence  remontent  à  un  passé  déjà 
lointain,  elle  indique  aussi  que  ce  pays  méritait  encore  son  renom  de 
grand  producteur  de  céréales  et  que  Bizerte  était  le  port  de  sortie  le 
plus  naturel. 

((  Qu'on  l'appelle  Hippo,  avec  les  Phéniciens,  Hippone-Acra  avec 
Diodon  de  Sicile,  Hippo-Diarrhytus  avec  les  Romains,  Benzert,  avec 
les  Arabes,  les  Maures  et  les  Turcs,  ou  Bizerte,  enfin  :  il  suffit  de  voir 
au  fond  du  large  croissant  concave  que  la  mer  a  creusé  dans  le  vaste 
promontoire  dont  le  Cap-Blanc  est  le  môle  avancé  au  Nord,  la  suc- 
cession des  lacs  intérieurs  qu'un  étroit  chenal  reliait  à  la  baie,  pour 
reconnaître  que  la  nature  n'a  ofïért  aux  navigateurs  un  port  plus 
vaste  ni  plus  sur  où  des  flottes  entières  puissent  souhaiter  de  jeter 
l'ancre  à  l'abri.  » 

(Lieutenant-colonel  Esp]t.\lier). 

Au  moment  de  l'occupation  française,  P)izerte  que  l'incurie  de 
l'Administration  beylicale  laissait  depuis  longtemps  péricliter,  n'a- 
vait qu'une  population  fort  amoindrie,  vivant  dans  la  paresse  misé- 
reuse de  tant  de  vieilles  cités  arabes.  C'était  une  ville  déchue,  insa- 
lubre, beignant  dans  les  marécages  ;  son  port  était  ensablé,  et  les 
conununications,  par  voie  de  terre,  manquaient  totalement.  11  fallut, 
certes,  de  l'audace  pour  concevoir  le  plan  des  travaux  gigantesques 
(pii  devaient  faire  surgir  de  ce  l)loc  de  masures  une  agréable  ville,  et 
transformer  l'étang  vaseux  en  un  port  le  plus  spacieux  et  le  plus  sûr 
du  monde.  La  nation  de  Danton  eut  cette  audace.  11  ne  s'agissait  pas 
de  restaurer  l'ancien  port,  mais  d'en  créer  un  de  toutes  pièces,  de 
creuser  un  chenal  à  travers  les  ihnics  de  sable,  d^'-hiblii'  des  (piais. 
d'édiliei-  une  cité  nouvelle. 

En  J888,  les  ingénieurs  Hersent  et  Couvreux  commenyaient  les 
travaux  du  port,  et  le  '•I.i  mai  1891,  le  Résident  Cénéral  Massicault 


—  203  — 

posait  la  première  pierre  de  la  J5i/.(3i'le  française,  lui  soiiliaitaiit  <le 
Jiislilier  la  devise  romaine  :  «  Heri  solitudo,  Hodiè  vica.s,  Cran  civi- 
tas  )■).  Le  rêve  de  M.  Massicault  est  aujonrd'liui  réalisé. 

Hizerte,  comme  Ben-Gardane,  toutes  proportions  gardées,  est  un 
exemple  de  j,^énération  spoiiLanée.  Le  villaj^e  et  l'important  marché 
de  Ben-Gardane  émergèrent  soudain  des  sables  du  désert  :  Bizerte, 
svelte  et  coquette,  sortit  des  vases  accumulées  depuis  des  siècles  sur 
ce  point  spécial  de  l'Afrique  du  Nord.  En  moins  de  dix  ans,  toute  une 
ville  de  physionomie  essentiellement  européenne,  qui  rappelle  plutôt 
un  gros  bourg  de  Provence  qu'une  cité  tunisienne,  s'est  élevée  sur 
les  bords  de  cet  admirable  lac  qui  fait  songer  à  l'étang  de  Berre. 
Et  cette  ville  possède  des  rues  larges  et  droites,  de  hautes  maisons, 
des  égoùts,  des  conduites  d'eau,  des  places  publiques  et  de  beaux 
squares. 

Mais,  en  ce  moment,  Bizerte  est  languissante  ;  elle  a  trop  vite 
grandi  et  s'est  fatalement  arrêtée  dans  sa  croissance:  quelques  par- 
ties des  terrains  gagnés  sur  les  grèves  ou  sur  les  marécages  restent 
vides,  et  des  îlots  de  maisons  sont  isolés  dans  les  grands  espaces 
sablonneux  où  pousse  le  jonc  marin.  Dans  la  cité  champignon,  on  a 
peut-être  construit  un  trop  grand  nombre  de  casernes,  on  a  trop  mi- 
litarisé Bizerte,  on  ne  l'a  point  pourvue  de  débouchés  commerciaux 
suffisants.  Mais  la  crise  sera  de  courte  durée  et  la  ville  reprendra  son 
essor,  deviendra  une  cité  florissante  dès  que  les  voies  projetées  se- 
ront exécutées,  quand  son  port  de  commerce  sera  élargi  et  complè- 
tement aménagé,  quand  on  aura  fait  de  Bizerte  un  port  franc  et  un 
port  charbonnier.  Bizerte  sera  alors  un  grand  marché  de  cé- 
réales, le  débouclié  tout  indiqué  des  produits  agricoles  et  miniers  de 
la  vallée  de  la  Medjerda  et  des  régions  de  Mateur,  de  Béja,  des 
Mogods  et  des  Nefza.  L'ouverture  des  relations  directes  avec  ces 
points  riches  et  fertiles  donnera  certainement  à  la  ville  maritime  une 
impulsion  nouvelle. 

La  vieille  Bizerte  indigène  qui  se  mirait  dans  les  eaux  verdàtres 
de  ses  canaux  endormis,  la  Bizerte  que  les  voyageurs  d'antan  appe- 
laient la  ((  Venise  Africaine  »^  n'existe  plus;  les  vieux  ponts,  les  loui-ds 
crénaux,  les  épaisses  murailles  de  la  Kasba  sont  écroulés  et  la  plu- 
part des  canaux  ont  été  comblés.  Cependant,  un  coin  de  la  ville 
mauresque,  un  tout  petit  morceau  de  l'antique  bourgade  a  résisté 

La  Tu.NhsiE  DU  Nord  20 


—  29-4  — 

aux  coups  (lu  temps  et  de  la  pioche  des  démolisseurs  :  c'est  Médéïna, 
le  quartier  des  Andalous,  qui  a  conservé  un  pittoresque  amas  de 
terrasses,  un  bras  de  son  vieux  port  où  se  rellètent  toujours  les 
mêmes  maisons  blanchies  à  la  chaux,  ses  barques  aux  formes  origi- 
nales, ses  quais  tronqués  où  se  presse  une  foule  bariolée,  sa  grande 
mosquée  avec  son  élégant  minaret.  Et  il  est  intéressant  encore  de 
s'égarer  dans  le  labyrinthe  des  étroites  ruelles  ;  il  est  doux  de  se  re- 
poser sous  les  figuiers  qui  croissent  dans  les  cours  de  Médéïna,  de 
la  petite  ville  enserrée  dans  la  grande  ville  française  et  dont  les  habi- 
tants vivent  là,  comme  autrefois  leurs  ancêtres,  isolés  de  leurs  con- 
génères. 

Bizerte,  située  au  fond  du  golfe  qui  porte  son  nom,  à  GO  kilomè- 
tres de  Tunis,  est  à  cheval  sur  le  lac  et  sur  les  bords  de  la  ]\Iéditer- 
ranée  ;  la  ville  est  assise  près  du  rivage,  tant  sur  une  colline  en  pente 
douce  qu'au  pied  de  cette  hauteur. 

Le  port.  —  En  1800,  un  décret  beylical  concédait  à  MM.  Hersent 
et  Couvreux,  pour  75  ans,  la  construction  et  l'exploitation  du  port 
de  Bizerte.  L'état  contribuait,  pour  une  partie,  à  l'exécution  des  tra- 
vaux et  abandonnait  aux  concessionnaires  les  droits  de  port,  du  pro- 
duit des  pêcheries  existantes  ou  à  créer  sur  le  bassin  et  dans  le  lac 
intérieur,  ainsi  que  la  propriété  des  terrains  à  gagner  sur  les  eaux. 

Dans  ce  lac,  un  nombre  considérable  de  millions  ont  été  engloutis 
et  nous  n'en  avons  pas  encore  lini  avec  ces  dépenses;  en  elï'et,  si  le 
port  militaire  est  en  état,  si  le  canal  qui  conduit  au  vaste  bassin  d'une 
ampleur  incomparable  (11.000  hectares)  a  été  élargi,  si  les  quais  ont 
été  construits,  il  reste  à  aménager  le  port  de  commerce  et  à  le  pour- 
voir de  l'outillage  indispensable  à  un  havre  de  cette  importance. 

Si  le  port  de  I>izerte  a  coûté  la  très  forte  somme,  il  a  fait  aussi 
couler  beaucoup  d'encre:  des  centaines  d'articles  de  revues  et  d'in- 
nombrables brochures  ont  été  consacrés  à  Bizerte  et  à  son  ynn'L  Les 
thèses  les  plus  diverses  ont  été  soutenues,  de  précieux  conseils  ont 
été  donnés  par  les  gens  du  métier,  militaires  et  civils  ;  nous  ne  nous 
permettrons  pas,  en  présence  de  ces  compétences,  d'exprimer  un 
avis  et  nous  nous  contenterons  de  l'ésumer  l'upinion  nnwniine  des 
l'izertins,  heureusement  formulée  |)ai' M.  Delécras  dans  la  lie  vue  de 
rinslilut  (le  CarUia(/e  : 


—  295  — 

«  IJizerte  devrait  èlro  h;  pliarc  <|iii  illimiiiHM-ail.,  du  l'eu  de  ses 
élablisserrients  industriels  et  commerciaux,  tout  Je  Xonl  africain 
Iraiiçais.  Elle  peut  devenir  la  ])ompe  aspirante  de  Ujutes  les  mar- 
chandises venant  <lu  centre  de  rAIVique  pour  se  répandre  ensuite 
sur  les  marelles  européens  ;  la  pomito  leCouiante  dr  tous  nos  j)!'oduits 
français  appelés  à  la  consommation  cornante  des  populations  noma- 
des et  sédentaires  de  l'intérieur.  Bizerte  sera  le  point  culminant  de 
la  Méditarranée,  grand  centre  de  ravitaillement  pour  toutes  les  flot- 
tes marchandes  cherchant  un  fret  de  retour  et  voulant  aller  vite  ; 
Bizerte  sera  le  havre  le  plus  snr  du  grand  lac  centrai  de  l'ancien 
monde,  et  quiconque  a  souci  de  notre  développement  économique 
applaudira  à  sa  mise  en  œuvre. 

«  Gloire  donc  à  l'Armée  et  à  la  Marine,  qui  en  ont  fait  d'abord  une 
place  de  guerre  inexpugnable,  à  l'abri  de  tout  coup  de  main  et  le 
modèle  des  ports  militaires  de  l'avenir.  Mais  la  place  est  large  à  Bi- 
zerte, et  les  forces  les  plus  contraires  peuvent  s'y  jouer  à  leur  aise, 
sans  jamais  se  nuire  en  aucune  façon.  A  nous  donc  maintenant  d'en 
faire  un  port  de  commerce  et  d'industrie  capable  de  rivaliser  avec 
les  plus  prospères  de  ceux  que  nous  voyons  surgir  si  rapidement  du 
Nord  au  Sud  des  mers  les  plus  éloignées.  » 

Les  installations  militaires  du  port  de  Bizerte  forment  deux  grou- 
pes :  le  premier  constitue  les  établissement  de  la  défense  mobile  dans 
la  baie  Ponty,  qui  fait  suite  à  la  baie  de  Sabra  :  amirauté,  pavillons, 
bureaux,  casernes,  infirmerie,  ateliers,  magasins,  parc  à  charbon;  le 
second  groupe  est  situé  au  fond  du  lac,  à  la  pointe  du  Caïd,  près  du 
village  de  Sidi-Abdallah  :  c'est  là  que  se  trouve  la  véritable  cité  mili- 
taire et  l'arsenal.  L'arsenal  comporte  autant  de  quartiers  et  de  secteurs 
qu'il  y  a  de  services  spéciaux  :  défenses  sous-marines,  subsistances 
et  manutention,  approvisionnements,  parc  à  charbon,  artillerie,  ate- 
liers de  réparation,  forges  et  fonderie.  En  arrière  du  quai  sont  les 
bureaux  de  l'Administration,  la  gendarmerie,  les  prisons,  les  four- 
neaux économiques.  Enfin,  plus  loin,  la  Préfecture  et  la  Majorité,  la 
caserne  des  équipages  de  la  flotte  et  les  casei'nes  de  la  Guerre,  l'iu)- 
pital,  les  pavillons  des  officiers,  etc.  Il  reste  à  mentionner  la  pyro- 
technie, établie  à  l'écart,  le  long  de  la  mer,  et  le  port  des  artifices 
qui  dépendent  des  services  de  l'arsenal. 

«  Ce  qui  fi-appe  avant  tout  dans  les  travaux  entrepris,  dit  le  lieute- 
nant-colonel Es[)itallier,  c'est  l'unité  de  vues  et  de  concepUon  qui  a 
permis  d'élever  un  ensemble  dont  toutes  les  parties  se  soudent  et  se 
complètent,    avec   le  minimum   d'elVorts  —  encore  que  les   elVorts 


-  29(j  — 

dépensés  soient  considérables  —  et,  en  outre,  c'est  la  sage  prévoyance 
avec  laquelle  ont  été  réservées  les  ressources  que  pourra  nécessiter 
par  la  suite,  le  développement  des  installations  pour  satisfaire  au 
développement  des  besoins.  Grâce  aux  vastes  étendues  d'eau  dont  on 
disposait,  on  a  pu  réaliser  l'heureuse  juxtaposition  d'un  grand  port 
militaire  et  d'un  port  de  commerce  appelé  à  s'accroître,  sans  qu'en 
aucun  cas  l'un  puisse  nuire  à  l'autre.  » 

La  statistique  maritime  qui  nous  est  communiquée  par  la  Direction 
des  Travaux  publics,  nous  donne, pour  le  port  de  commerce  deBizerte 
en  1905,  les  cliilï'res  suivants  : 

Entrées  :  1.273  navires  jaugeant  326.479  tonnes,  ayant  importé 
81.062  tonnes  de  marchandises  (long-cours  et  cabotage),  et  7.630 
passagers. 

Sorties  :  1.266  navires  jaugeant  324.896  tonnes,  et  ayant  exporté 
5.023  tonnes  de  marchandises  et  6,404  passagers. 

Soit  au  total,  entrées  et  sorties  :  2.901  navires  jaugeant  ensemble 
651.575  tonnes,  ayant  transporté  86.085  tonnes  de  marchandises  et 
14.094  passagers. 

La  pêche  a  donné  pendant  cette  même  année  1905,  les  résultats 
suivants  ; 

Pèche  côtière  :  94.720  kilogs  de  poisson  : 

Pêche  dans  les  lacs  de  Bizerte  et  d'Achkel  :  308.049  kilogs  do 
poisson. 

La  pêche  côtière  a  été  pratiquée  par  : 

5  barques  de  pêches  françaises  ; 

19  —  italiennes; 

20  —  indigènes. 

Population.  ■ —  La  population  de  Bizerte,  (non  compris  la  garnison 
etrelTectil  de  la  Division  navale)  atteint  le  chifire  (\c  21.000  indivi- 
dus: Français,  3.000;  indigènes  musulmans,  7. SOO  ;  .hiils,  1.200; 
Italiens  :  8.000;  autres  étangers  :  1.000. 

En  1891,  les  Français  de  Bizerte  étaient  au  nombre  de  M\Ct\  en 
1896,  de  748;  en  1901,  de  3.475.  Il  y  a  donc  eu  augnienlalion  dans 
la  population  française  de  cette  ville,  de  1891  à  1901 ,  do  2.531  unités. 


—  207  — 

Scolarité.  —  lîizerte  possède  dix  écoles:  Six  écoles  primaires  pu- 
ljli(]ues  el  (|(i;ilre  écoles  primuires  libres  (dont  une  ilalieniie^,  qui 
re(;oiveiit  i.t>(X)  élèves:  ti.'iU  Français;  O.'JO  Itali(;iis;  I  12  Juifs:  L>l)Mu- 
sulmans  et  divers. 

Météorologie.  —  Hizerte  et  son  territoire  font  partie  de  la  zone 
climatérique  tempérée  de  la  Régence  ;  semblable  sur  le  littoral  à 
celle  des  cotes  méridionales  de  France,  la  temjiérature  varie  en  rai- 
son de  l'altitude.  Les  conditions  tliermométriques,  très  heureuse- 
ment combinées  avec  un  régime  de  pluies  assez  régulier  en  hiver  et 
assez  constant  «l'une  année  à  l'aulre,  ont  une  iniluence  des  plus  favo- 
rables sur  la  végétation.  Le  climat  de  Bizerte  est  agréables  et  salu- 
bre. 

Températures  moyennes  relevées  à  lîizerte  de  -KK30  à  11)05: 

PuL\Ti:.\ii's:  ]\Iinima  :  4";  maxima:  3'2°  ;  moyenne:  15"  U.  Pluie: 
Hi  millimètres  en  28  jours. 

Été:  Minima:  11'j;  maxima:  44"  8  ;  moyenne:  21"  1.  Pluie:  il) 
millimètres  en  (i  jours. 

Automne:  Minima:  9"  0;  maxima:  oi";  moyenne:  12"  1.  Pluie: 
183  millimètres  en  26  jours. 

Hiver:  ^linima:  0";  maxima:  20<3  ;  moyenne:  12'^  I.  Pluie:  .')15 
millimètres  en  49  jours. 

Températures  moyennes  annuelles:  Minima,  lo"  7  ;  maxima,  22"7; 
moyenne  :  18"  7.  Pluies  moyennes  annuelles  :  5(38  millimètres  en 
1  OU  jours. 

Environs  de  Bizerte. —  Les  environs  de  Bizerte  sont  cliarmanis  et 
on  ne  comprend  guère  comment  il  se  fait  que  Bizerte,  dont  le  climat 
est  beaucoup  plus  supportable  que  celui  de  la  région  de  Tunis,  ne 
soit  pas  devenue  la  station  estivale  préférée  des  Tunisiens.  Sans  mé- 
dire de  Badès,  I  lannnani-Lif  ou  (ks  autres  stations  balnéaires  semées 
autour  du  golfe  de  Tunis,  je  puis  affirmer  qu'il  est  autrement  agréa- 
ble de  séjourner,  pendant  la  saison  chaude,  aux  environs  de  Bizerte, 
que  dans  la  banlieue  de  la  capitale  de  la  Bégence. 

IVtur  avoir  une  idée  exacte  des  environs  de  lîizerte,  il  suflit  de 
traverser  la  vieille  \\\\c  Arabe  et  de  gravir  le  sommet  où  se  trouve  le 
fort  espagnol.  De  ce  point,  le  panorama  (|ui  se  déroide  est  superbe; 


—  298  — 

on  domine  tout  le  pays  d'alentour,  ayant  au-dessous  de  soi  la  ville 
toute  blanche  étalée  sur  le  rivage  avec  sa  ceinture  de  dunes  d'or. 
Du  côté  de  la  mer,  entre  leRas-Zib  et  le  Cap  Blanc,  s'ouvre,  en  demi- 
cercle,  une  large  baie  qui  se  confond  avec  l'immensité  des  Ilots.  De 
l'autre  côté,  le  lac  de  Bizerte  s'enfonce  dans  les  terres,  découvrant 
avec  une  netteté  curieuse  les  contours  capricieux  de  ses  rives.  Puis, 
c'est  l'oued  Tindja  et,  fermant  l'horizon  au  Sud,  la  masse  sombre  du 
djebel  Achkel.  Et  partout,  des  monts  mouclietés  d'oliviers;  des  jar- 
dins entourés  de  figuiers  de  Barbarie  et  plantés  de  beaux  arbres 
fruitiers.  EnOn,  les  épaulements  des  forts,  les  baraquements,  les  ten- 
tes cachées  dans  la  verdure.  Aucun  détail  n'échappe  à  la  vue  et  il  est 
rarement  donné  d'avoir  sous  les  yeux  si  merveilleux  spectacle. 

Le  promenades  autour  de  Bizerte  que  je  recommande  tout  spécia- 
lement aux  touristes  sont  : 

lo  Le  Gap  Bizerte:  Aller  et  retour  Li  kilomètres  par  l'étroite,  mais 
exquise  route  de  la  Corniche,  bordée  d'un  côté  par  le  rivage,  la  plage 
et  les  rochers,  de  l'autre  par  les  jardins  et  les  villas  des  riches  bizer- 
zertins; 

2"  Le  Cap  Bizerte:  Aller  par  la  route  de  la  Corniche  ;  retour  par 
la  batterie  du  lort  Saint-Jean.  Par  une  montée  rapide,  on  accède  au 
plateau  du  fort  Saint-Jean,  d'où  l'on  a  un  magnitique  coup  d'œil  sur 
la  mer  et  les  deux  versants  du  Cap  Blanc.  Le  retour  s'elï'octue  par 
El-Euch  et  Aïn-Berda.  A  la  descente  sur  lîi/erte,  vue  supei'be  sur  le 
lac  et  la  montagne  de  l'Achkel  ; 

IV'  Village  arabe  de  P)échateur  :  Aller  et  retour,  IK)  kilomètres  envi- 
ron. Route  empierrée  jusqu'à  Aïn-Tella  ;  piste  carrossable  jusqu'au 
village  distant  de  la  route  de  trois  kilomètres.  Ruines  romaines  inté- 
ressantes. Site  pittores(pie.  Un  \)vu  })lus  loin,  vers  la  nici',  l'iiencliir 
Sidi-Abdelhouahed,  délicieux  coin  boisé  perdu  au  milieu  des  dunes, 
accessible  seulement  à  mulet  ou  à  àne; 

i"  Menzel  Abderrhaman  et  IMenzel-Djemil  :  Toui-  de  la  pres(ju"ile, 
h")  kilomètres  environ.  Route  empierréiM^ntre  ilizerle  et  ^hMr/.el-.\b- 
deriiunian  et  enli'e  Bizerte  et  Meiizel-Djemil.  Piste  carrossable  entre 
les  deux  villages  arabes;  elieniin  de  Corniclie,  1res  [)illores(|ue  sur 
le  goulet  et  le  l;ic  de  Mizerle; 

.')"  IVomenade  au  col  de  Sfaiat  :  iloiile  par  lîeni-Mesleni  et  le  dje- 
bel llallouf,  18  kilomètres.  Roules  militaires  desservant  les  positions 


—  299  - 

défensives;  intérieur  <|ii  ciiinp  retranché  de  i'izcrtc.  Lu  montée  vers 
le  col  du  Slaiat  abonde  en  beaux  point  de;  vue  sur  la  rade,  l;i  ville  et 
le  lac. 

En  dehors  de  ces  promenades  anx  environs  innnédials  de  iJizerte, 
on  peut  laire  des  excuirions  j)lus  lointaines;  dédaignées  par  les 
agences  Cook,  Lnbin  and  C",  elles  n'<'n  sont  pas  moins  fort  intéres- 
santes. Je  ne  saurais  trop  engager  les  personnes  qui  ont  quelques 
jours  à  rester  à  lîizerte,  de  faire  le  tour  du  lac,  05  kilomètres,  retour 
par  Oued-Tindja  et  Sidi-Ahmed  ;  route  intéressante  au  double  point 
de  vue  de  la  beauté  des  sites  et  de  la  colonisation.  Une  excursion 
également  belle  est  celle  de  Bizerte  à  Porto-Farina  par  El-Alia  et 
Ras-el-Djebel  ;  cette  promenade,  de  100  kilomètres  environ,  exige 
deux  journées  que   l'on  peut  ainsi  diviser: 

Premier  jour:  Matinée,  visite  d'EI-Alia;  voyage  d'El-Alia  à  Ras-el- 
Djebel  ;  déjeuner  à  Ras-el-Djebel.  x\près-midi,  visite  de  Ras-el-Dje- 
bel et  ses  jardins;  voyage  de  Ras-el-Djebel  à  Porto-Farina;  dîner  et 
coucher  à  Porto-Farina  ; 

Deuxième  jour  :  Matinée,  visite  de  Porto-Farina,  des  bagnes,  du 
sémaphore,  des  pêcheries,  des  jardins;  déjeuner  à  Porto-Farina. 
Après-midi,  retour  à  Bizerte.  En  automobile  cette  excursion  peut  se 
faire  facilement  en  un  jour. 

M.  Sicot,  l'aimable  Contrôleur  adjoint  de  Bizerte,  a  eu  l'obligeance 
de  me  communiquer  la  champêtre  description,  qu'il  a  notée,  du 
trajet  de  Bizerte  à  Porto-Farina,  par  le  Raz-Zebib  et  la  côte.  Elle  inté- 
ressera certainement  ceux  qui  ont  le  désir  de  connaîli'e  cette  char- 
mante région  : 

«  Encore  que  peu  praticable,  le  chemin  qui  mène  de  Bizerle  à  Por- 
to-Farina en  longeant  la  côte,  ne  laisse  pas  que  d'être  très  attrayant 
par  les  paysages  variés  qu'il  permet  d'admirer. 

n  Presque  immédiatement  après  avoir  quitté  lîizerte,  la  piste  s'en 
gage  dans  une  suite  de  dunes  sal)lonneuses  dont  les  lai'ges  taches 
jaunes  donnent  un  aspect  désolé  à  la  campagne.  Ça  et  là  percent 
quel(|ues  misérables  touffes  de  diss,  la  seule  végétation  que  permet 
le  sal)le  envahissant,  qui,  chaque  jour,  ainsi  qu'une  manière  de  lè[)re 
terrestre,  tend  à  accroître  son  empire  sur  la  région  environnante. 

«  Les  contre-forts  rocheux  et  arides  de  la  chaîne  de  collines  (jui 
aboutissent  au  Ras-Zebib  permettent  de  trouver  un  sol  plus  résis- 
tant, et  avec  maints  lacets,  le  sentier  s'élève  lentement  an-dessus  de 
la  mer,  la  surplombant  de  temps  à  autre  et  permett;uit  d'embrasser 


—  300  — 

(ruii  large  coup  d'œil,  la  magnifique  baie  dont  Bizerte  avec  ses  nom- 
breuses digues,  occupe  presque  le  centre.  Plus  loin,  à  l'horizon  bleu, 
se  dresse  abrupt  et  sauvage  le  rocher  peu  hospitaher  de  l'île  Cani, 
surmonté  de  son  phare. 

((  Lorsque  passant  par  la  légère  dépression  située  près  du  Ras- 
Zebib,  on  arrive  derrière  la  ligne  montagneuse  qae  l'on  vient  de 
côtoyer,  tout  différent  est  le  spectacle  qui  vous  attend.  Une  sorte  de 
gigantesque  cirque,  dont  le  point  extrême  est  le  Ras-Tarf,  vous  appa- 
rat plein  d'une  végétation  abondante  et  variée.  Ce  sont  au  milieu  des 
oliviers  et  des  orangers,  les  essences  d'arbres  les  plus  répandus  en 
France  :  pruniers,  pommiers,  abricotiers,  etc.,  entre  lesquels,  adroi- 
tement canalisés,  courent  gaiement  de  gentils  ruisselets  d'une  eau 
très  claire. 

((  Au  fond  de  cet  amphithéâtre,  connue  aggripé  à  la  montagne,  se 
trouve  le  village  de  Metline  ;  au  centre,  plus  près  de  la  mer,  sur  un 
léger  mamelon,  Ras-el-Djebel  se  détache  en  blanc  aveuglant  sur  le 
sombre  des  arbres  qui  l'entourent.  Pour  gagner  cette  importante 
agglomération  qui  a  conservé  toute  sa  pureté  indigène,  ce  ne  sont,  de 
tous  côtés,  qu'une  suite  ininteri'ompue  de  «  sanias  y>  cultivés  et  entre- 
tenus qui,  à  la  saison  printanière,  exilaient  les  parfums  les  plus 
agréables  et  donnent  l'impression  de  quelque  parc  fastueux  et  de  pro- 
portions colossales. 

«  Une  piste  permet  de  traverser  rapidement  les  escarpements 
abrupts  de  la  dernière  chaîne  montagneuse  et  l'on  débouclie  sur  la 
plaine  d'Utique,  sillonée  par  les  méandres  de  la  Medjerda  dont 
l'énorme  panorama,  limité  au  Sud  par  les  collines  des  environs  de 
Tunis,  se  déroule  aux  yeux.  Rlottie  aux  pieds  mêmes  de  la  monta- 
gne, semblable  à  quelque  jeu  de  dominos  retournés,  avec  sa  terrasse, 
sa  mosquée  qui  se  profile  blanche  et  gracieuse  sur  le  fond  grisâtre 
des  rocs,  avec  son  lac  endormi  et  son  port  sans  mouvement,  la  petite 
ville  de  Porto-Farina  semble  sommeiller  doucement.  On  y  accède  par 
une  très  jolie  route,  bordée  de  palmiers,  de  figuiers  et  d'amandiers 
({ui  éveillent  des  idées  oasiennes.  » 

La  colonisation,  —  UeCaîdatde  Hizcitepeiit  ('Iri'  parlégé  en  trois 
zones:  Ouest,  Su<l,  Est. 

■\"  Zuiie  Oiu'hI,  comprise  enli-c  l;i  li^iic  du  clicnii!!  de  Icr  de  'rnnis 
à  lîizcrteà  TFst,  et  la  ligne  sc'pai'ant  le  ('.;riil;il  de  lii/eiicdc  |;i  i'(\nion 
des  Mogods  à  l'Ouest  ;  bai.i^née  an  Xord  pai-  la  iiici',  et  boi'iK-c  an 
Sud  par  le  lac  Achkel  et  l'oned  Tindja. 

Le  massif  du  djebel  Aonssiiie,  silni'"  entre  le  lac  Aclikel  et  loned 
(îi'a;"i   s'f'tend  sur  la    partie   sud   de  ce   lerriloire  ;  entre  l'eued  (lra;"i 


—  :50i  - 

et  la  mer,  c'est  une  succession  <Je  collines,  de  vallées,  de  in(jii- 
lagnes,  où  l'on  découvre  des  coins  merveilleux,  insoupçonnés  des 
J)izertins  môme.  La  zone  militaire,  longeant  le  littoral,  a  un  aspect 
quelque  peu  rébarbatif,  avec  ses  monts  cuirassés,  crénelés,  qui  bra- 
quent les  gueules  mauvaises  de  leur  grosse  artillerie  sur  le  promeneur 
indiscret;  mais,  dès  que  l'on  franchit  cette  muraille  maritime,  quand 
on  s'enfonce  dans  le  pays,  on  tombe  dans  des  vallons  exquis,  fertiles 
et  très  cultivés.  Les  environs  de  Bécliateur,  ce  hameau  k.ibyle  de 
300  habitants,  situé  sur  le  sommet  d'une  colline  dont  le  plateau'est 
couvert  de  ruines  nniiaines,  sont  particulièrenicnt  intéressants,  et 
dans  la  vallée  de  l'oued  Damons,  enserrés'par  le  massif  du  djebel 
Meslem,  on  voit  des  vergers  de  toute  beauté.  Les  olivettes  y  sont  nom- 
breuses et  les  arbres  fruitiers  de  toutes  essences  y  poussent  admira- 
blement, fournissant  poires,  pommes,  pèches,  abricots  réputés  dans 
la  Tunisie  entière.  La  culture  maraîchère  réussit  à  souhait  dans  les 
fonds;  non  seulement  elle  alimente  Bizerte,  mais  elle  contribue,  en 
notables  proportions,  à  la  fourniture  des  marchés  de  Tunis. 

La  colonisation  française  occupe  dans  cette  zone  une  superficie  de 
2.1S2  hectares,  partagés  en  neuf  fermes  situées  le  long  delà  routede 
Bizerte  à  Mateur.  Le  domaine  de  l'Etat  a  livré  à  la  colonisation,  en 
1894,  près  de  Sidi-Ahmed  (0  kilomètres  de  Bizerte),  Thenchir  Ta- 
gherman,  d'une  contenance  de  252  hectares;  cette  propriété,  divisée 
en  huit  lots,  et  (pii  a  été  vendue  43.078  francs  —  soit  175  francs 
l'hectare  en  moyenne  —  provient  des  habous  publics  et  a  été  cédée  au 
Domaine  par  la  Djemaïa  en  écliange  de  rentes  d'enzel. 

Au  point  dit  «  Baie  Ponty  »,  existe  une  agglomération  comprenant 
120  habitants  :  105  Français,  13  Italiens,  2  Indigènes.  L'école  primaire 
publique  reçoit  22  élèves  :  17  Français  et  5  Italiens. 

Entre  Oued-Tiiidja  et  rOued-Graà,  près  du  douar  ^lunchara,  gisent 
des  ruines  de  grandes  constructions  et  de  citernes  :  le  nom  de  la  loca- 
lité n'a  pu  être  identifié.  D'ailleurs  les  ruines  sont  nombreuses  dans 
toute  la  région. 

2"  Zone  Sud,  comprise  entre  la  ligne  de  démarcation  des  Caidats 
de  Bizerte  et  de  Mateur,  à  l'Ouest,  et  la  route  de  Tunis  à  Bizerte, 
à  l'Est  ;  elle  est  bornée  au  Nord,  par  le  lac  de  Bizerte  ;  au  Sud  par 
la  Medjerda  et  la  voie  ferrée  qui  sert  de  limite  entre  le  Caïdat  de 
Bizerte  et  le  Gaulât  de  Tébourba  (ContnMe  de  Tunis).   Cette   zone 


—  'A02  — 

comprend  plusieurs  points  de  colonisation  et  quelques  villages  que 
nous  allons  étudier. 

On  peut  diviser  ainsi,  dans  cette  contrée,  la  colonisation  euro- 
péenne : 

A.  —  Région  de  Ferryville,  de  Sidi-Abdallah  et  de  Tindja,  c'est-à- 
dire  les  rives  sud  et  sud-ouest  du  lac  de  Bizerte. 

Ferryville.  —  En  1897,  un  ancien  élève  de  l'Ecole  des  Arts  et  Mé- 
tiers de  Chàlons,-  M.  Décoret,  se  rend  acquéreur  de  Thenchir  Nacef, 
au  sud-ouest  du  lac,  et  c'est  sur  ce  point  que  quelques  mois  après, 
l'amiral  Gervais,  repoussant  tous  les  autres  emplacements  proposés, 
décide  de  construire  l'Arsenal.  Décoret  cède  à  la  Marine  le  terrain 
dont  elle  a  besoin  et  conserve  soixante  hectares  autour  de  l'Arsenal. 
Ferryville  était  créé,  et  Décoret  était  le  propriétaire  de  Ferryville. 

Les  premiers  travaux  de  la  Marine  conunencent  en  1898  ;  en  même 
temps  surgissent  du  sol  les  premières  maisons  de  la  cité  ouvrière. 
De  tous  côtés,  les  capitaux  alfluent;  c'est  à  qui  aclièterades  terrains 
à  Ferryville,  moyennant  5,  10  et  15  Irancs  le  mètre.  Décoret,  en  six 
mois  fait  fortune;  mais  le  malheureux  qui,  avant  de  rencontrer  le 
Pactole,  avait  péniblement  cheminé  parles  sentiers  épineux,  anémié 
par  le  paludisme,  est  emporté  à  30  ans,  par  un  accès  de  lièvre  inlec- 
tieuse. 

Cependant  son  anivre  est  reprise  pai"  son  ami,  M.  Paul  Favrot, 
avocat  à  Tunis.  P)izerte  et  Ferryville  (1899),  sont  alors  en  pleine  vo- 
gue :  on  construit  sui-  ce  dernier  point,  en  quatre  ans,  pour  près  de 
deux  millions  de  francs  d'immeubles,  lorsqu'en  1903,  un  arrêt  brus- 
que se  produit.  A  la  suite  de  vives  critiques,  peut-être  justiliées, 
les  travaux  de  la  Marine  sont  suspendus  :  l'ère  de  la  construction  est 
momentanément  close. 

N'empêche  que  Ferryville,  malgré  cette  accalmie,  est  une  jolie 
petite  cité,  bien  vivante,  comptant  3.595  habilanls,  dont  1 .  15(>  Fran- 
çais, l.i8'i  Italiens,  '23  autres  étrangers  européens,  9'J8  Musulmans, 
<i  Juifs. 

Fi'rr\  ville  |)0ssède  quatre  écoles  primaires  publi(|ues  ivcevanl  en- 
semble :  H'i  Français,  \^2>>  llaliens,  9  Musulmans,  soil  lM9  ('levers,  el 
une  école  prini;iii'e  lihre  recevant  50  ('lèves,  don!  37  fiançais  et  13 
Italiens. 


—  3U3  — 

L'Ktat  possède,  auprès  de  Ferryvillf,  riieiicliii-  (luenji-la,  d'une 
contenance  de  .'Î50  hectares  ;  ce  terrain  est  réservé  pour  les  besoins 
éventuels  de  la  Mai-ine  Natioiialf. 

Tindja.  —  pji  inr'ine  temps  qu'il  s'occupait  de  Ferryville,  M.  Fa- 
vrot  avait  eu  l'idée  de  créer  à  Tindja,  dans  cette  sorte  d'isthime 
situé  entre  les  lacs  de  Bizerte  et  d'Achkel,  un  villa^^e  qui  répondît 
aux  besoins  d'une  catégorie  d'ouvriers  de  l'Arsenal.  Ferryville  serait 
la  cité;  Tindja  serait  le  centre,  senmi-urbain,  semi-rural.  L'une  aurait 
les  avantages  de  l'agglomération  populeuse;  l'autre  posséderait  le 
charme  de  la  villégiature  ouvrière,  basée  sur  la  possession  du  home 
séparé  et  entouré  d'un  jardinet. 

Tindja  offrait  tout  ce  qu'il  fallait  pour  la  réalisation  de  ce  program- 
me :  le  site  en  est  séduisant;  son  lac,  le  mont  Achkel  <|ui  se  dresse  au 
milieu  des  eaux,  les  cîmes  des  Mogods  qui  ferment  l'horizon,  consti- 
tuent un  pay.sage  gai  et  varié  ;  les  terres  se  pr-ètent  parfaitement  à  la 
culture  fruitière  et  maraîchère;  le  climat  est  sain;  enfin  il  existe 
sur  ce  point  une  nappe  d'eau  douce  excellente  et  peu  profonde. 

M.  Favrot  acheta  246  hectares  de  terres  à  Tindja,  en  alTecta  100 
au  futur  village  et  donna  de  suite  100  autres  hectares  à  planter  en 
vignes  : 

«  Pour  la  plantation  de  ce  vignoble,  dit  M.  Favrot,  j'eus  recours  à 
la  maind'o'uvre  sicilienne.  Le  terrain  fut  diAisé  en  une  dizaine  de 
lots,  de  4  à  '20  hectares,  et  sur  chacun  d'eux  on  installa  une  famille 
•  le  Siciliens,  avec  promesse  de  leur  céder,  en  toute  propriété,  l'em- 
placement où  ils  établiraient  leur  maison.  Quant  à  la  plantation,  elle 
devait  être  terminée  au  bout  de  la  cinquième  année;  à  ce  moment,  la 
moitié  de  la  surface  plantée  reviendrait  aux  Siciliens,  en  toute  pro- 
jtriété,  comme  fruit  cle  leur  travail. 

((  En  huit  jours  tous  les  lots  étaient  retenus.  Je  me  hâte  d'ajouter  que 
mes  prévisions  se  sont  réalisées  au-delà  de  mes  espérances.  Ces 
colons  ont  fait  merveille,  et  aujourd'hui,  après  cinci  années,  les  JOO 
hectares  de  broussailles  sont  transformés  en  un  vignoble  parfaitement 
réussi,  où  douze  familles  italiennes  vivent  et  en  assurent  l'entretien 
en  attendant  son  lotissement  entre  les  ouvriers  de  l'Arsenal  —  car, 
ne  l'oublions  pus,  c'est  le  but  que  nous  poursuivons. 

«  Nos  Siciliens  auront  créé  la  valeur  que  d'autres  exploiteront, 
comme  le  maçon  construit  la  maison  (]u'un  autre  vient  occuper.  Et  si 
cet  ouvrier  de  la  première  heure  réussit  à  se  ménager  une  petite  place 


—  304  — 

dans  la  colonie  qu'il  a  contribué  à  fonder,  y  a-t-il  lieu  de  le  regretter  ? 
Indépendamment  de  la  question  de  justice,  serait-ce  pour  notre  race 
un  préjudice  notable  que  de  s'enrichir  de  quelques  apports  nouveaux 
qui  rajeuniraient  son  sang  et  activeraient  sa  vitalité  ?  » 

La  plantation  du  vignoble  étant  assurée,  en  commença  le  lotisse- 
ment des  terrains  qui  entourent  la  gare  :  mais,  malgré  les  facilités 
d'achat  offertes  par  les  propriétaires,  malgré  l'établissement  d'un 
tramway  reliant  ïindja  à  Ferryville,  malgré  la  fertilité  d'une  région 
bénéficiant  d'un  régime  exceptionnel,  pour  les  causes  que  nous  avons 
ci-dessus  relatées,  les  ouvriers  français  ne  vinrent  pas,  les  maison- 
nettes vides  se  dégradent  et  le  tramway  roule  sans  voyageurs.  La 
crise,  nous  le  démontrerons  dans  nos  conclusions,  touche  à  sa  fin.  Et 
nous  verrons  bientôt  Tindja,  faubourg  de  Ferryville,  le  coin  de  repos 
où  les  ouvriers  de  l'Arsenal  se  rendront  après  la  journée  de  labeur, 
comme  ils  se  rendent  de  Toulon  à  la  Valette  ou  au  Mourillon. 

La  population  de  Tindja  est  actuellement  de  304  habitants  :  175 
PYançais,  425  Italiens,  4  Musulmans,  3  Juifs. 

L'école  primaire  mixte  reçoit '2'2  élèves  :  17  Français  et  5  Italiens. 

B.  —  Partie  comprise  entre  Tindja  et  Ferryville  au  Nord,  la  ligne 
de  démtircation  des  Gaïdats  de  Bizerte  et  de  Mateur  à  l'Ouest,  la  route 
de  Bizerte  à  Tilnis  à  l'Est,  et  une  ligne  allant  du  djebel  Kechata  à 
Mateur  au  Sud. 

Cette  région  est  encore  très  peu  colonisée;  on  n'y  compte  que  six 
fermes  françaises,  et  la  seule  importante  est  celle  de  M.  Paul  Doyen, 
à  El-JJathat.  A  cet  endroit  s'étend  une  plaine  fertile  permettant  la 
culture  en  grand  des  céréales  en  même  temps  que  l'élevage.  Les  sur- 
faces occupées  par  les  autres  fermes  françaises  sont  accidentées  et 
morcelées,  ce  qui  oblige  les  colons  qui  les  exploitent  à  chercher  leur 
revenu  princi[)al  dans  le  bétail.  Aux  environs  de  Ferryville  se  sont 
installés  quel({ues  maraîchers,  h'ançais  et  italiens,  et  la  Société  des 
Primeuristes  a  tenté  quelques  expéfiences  dont  les  résultats  ont  été 
encourageants. 

Des  Italiens  ont  créé  uni;  ferme  à  céréales  et  plusieurs  vignobles 
du  C(Hé  de  la  loute  de  Bizerte  à  Tunis,  vers  le  i)l;il(Min  de  llir-Teila. 
Ils  occupent  également  l'henchir  Mctiiiie  (500  hectares  envii-on), 
loué  aux  Arabes  et  situé  près  de  la  piste  de  llatliat  à  M;iI(mu'. 


—  8U5  — 

J.a  région  est  aussi  très  cultivée  par  les  indigènes  ;  môme  en  coteaux 
tout  ce  qui  est  labourable  est  ensemencé.  Plusieurs  propriétaires 
arabes  cultivent  d'après  la  méthode  IraïKaise. 

Jl  est  diClicile  d'indirpier  le  prix  des  terres  par  suite  de  l'absence 
presque  complète  de  transactions,  mais  on  ne  trouverait  sûrement 
pas  de  propriété  à  acheter,  dans  cette  contrée,  à  moins  de  'WO  francs 
l'hectare,  entièrement  défriché. 

Les  principales  cultures  et  leurs  rendements  sont  les  suivants  : 

Blé       10  quintaux  à  l'hectare  ; 
Orge    15  — 

Avoine  10  — 

On  cultive  aussi  le  maïs,  le  sorgho,  les  fèves,  le  lin  dont  les  rende- 
ments sont  très  variables.  L'élevage  des  bêtes  à  cornes  est  important. 

Les  colons  de  cette  région  réclament  :  1°  la  construction  d'un  tram- 
way de  Tunis  à  Bizerte  ;  2"  une  route  allant  de  Tindja  à  Mateur,  en 
prolongement  de  celle  qui  vient  de  Sidi-Ahmed;  3'^  l'abaissement  des 
tarifs  du  port  de  Bizerte,  de  façon  à  permettre  l'exportation  des  pro- 
duits agricoles  par  Bizerte,  ce  qui,  aiijourd'liui,  malgré  la  distance 
considérablement  moindre,  revient  beaucoup  plus  cher  que  par 
Tunis. 

Le  régime  des  pluies  est  aussi  régulier  qu'cà  Mateur  ou  Béja,  les 
terres  sont  excellentes;  les  inondations  ne  sont  pas  à  craindre,  et  la 
salubrité  est  parfaite.  Il  est  donc  à  souhaiter  dans  l'intérêt  de  la  colo- 
nisation en  général,  qu'on  ouvre  au  peuplement  français  la  région 
comprise  entre  Mateur  et  le  lac  de  Bizerte.  Les  terres  ne  s'y  acquier- 
ront  pas  facilement,  car  les  indigènes  sont  réfractaires  à  la  vente  ; 
mais  on  peut  tout  de  même  en  trouver,  surtout  du  côté  de  Metline. 
Les  voies  de  communication  font  défaut  actuellement;  on  en  établira 
comme  on  en  établit  sur  tous  les  points  où  les  groupements  euro- 
péens prennent  quel(|ue  importance,  et  nous  pouvons  aftirmer  que  le 
colon  français  qui  s'installera  dans  cette  partie  du  Caïdat  de  Bizerte, 
aura  d'avance  de  grandes  chances  de  succès. 

C.  —  Partie  située  entre  la  région  précédente  au  Nord,  la  voie  fer- 
rée et  la  Medjerda  au  Sud. 

Cette  partie  comprend  la  plaine  de  la  INLibtouha,  sur  la  rive  gauche 
de  la  Medjerdaet  s'étend  jusqu'au  pied  des  djebels  Desbaria,  Douéniis 


—  306  — 

etRaouls  en  amont  d'Utique;  elle  a  une  étendue  de  plus  de  lO.UUO 
hectares.  Le  terrain  se  compose  naturellement  d'alluvions,  pour  ainsi  i 
dire  récentes  qui  ont  été  formées  par  les  sables  et  les  argiles  que  les 
eaux  pluviales  ont  déposées  dans  ce  bassin  de  mer.  Cette  plaine,  près-  v 
que  sans  relief  ni  ondulations,  est  coupée  par  une  série  de  soulève- 
ments arrondis  qui  ressemblent  beaucoup  à  d'immenses  paquets  d'ar- 
gile qui  auraient  été  roulés  par  les  tourbillons  des  grandes  eaux. 
Toutes  ces  alluvions  reposent  sur  les  couches  de  grès  et  de  marne 
reconnues  dans  le  sondage  pratiqué  au  fond  du  puits  qui  porte  le 
nom  de  Bir-el-Mabtouha. 

Les  terres  de  cette  plaine  sont  de  nature  assez  variable  suivant 
leur  situation  :  celles  en  bordure  de  l'oued  Medjerda  sont,  en  général, 
siliceuses,  alors  que  plus  loin  on  trouve  des  terres  franches,  aux- 
quelles succèdent  des  argiles  plus  compactes;  mais  toutes  sont  des 
alluvions,  partant  très  fertiles,  de  travail  facile,  s'émiettant  à  la  moin- 
dre pluie  et  se  ressuyant  avec  rapidité.  Leur  profondeur  est  telle  que 
l'action  de  sécheresse  y  est  fort  réduite. 

Quelques-unes  de  ces  terres,  cependant,  sont  salées,  mais  à  faible  . 
dose  et  seulement  dans  le  sous-sol,  de  telle  sorte  que  la  culture  des 
céréales  ne  saurait  en  souffrir.  Pour  la  vigne  la  question  est  dilKé- 
rente,  étant  données  les  profondeurs  qu'atteignent  les  racines  ;  quel- 
ques praticiens  y  virent  la  cause  des  dépérissements  signalés,  ces 
dernières  années, dans  quelques  vignobles  de  cette. région,  mais  mal- 
gré l'expertise  de  M.  Ravaz,  la  question  est  controversée  et  le  pro- 
blème est  sans  solution. 

Malheureusement,  dans  cette  plaine  d'une  fertilité  incomparable, on 
ne  trouve  pas  d'eau  potable.  L'eau  des  puits  forés  dans  les  diverses 
exploitations  agricoles  est  plus  ou  moins  saumàtre;  si  les  bestiaux 
s'en  contentent,  les  colons,  qui  ne  peuvent  s'en  servir  pour  leur  ali- 
mentation, ont  été  conduits  à  aménager  des  citernes. 

Un  autre  ennui,  est  que  l'on  risque  à  la  Mablouha,  des  inonda- 
tions, tantôt  du  fait  de  la  Medjerda,  tantôt  du  fait  des  pluies  qui  s'ac- 
cumulent dans  cette  immense  cuvette  et  y  séjournent  faute  d'écou- 
lement. Cette  année,  particuHèrcMiieiil,  les  colons  ont  (Hi  beaucoup  à 
souÛ'rirde  ces  inondations  et  leurs  semailles  ont  été  conq)lètement 
pei'ducs;  cei'tains  ont  dû  évacuer  lenu's  fermes  el  lairc^  conduli'e  leurs 
bestiaux  en  Ki'oumirie,  mais  le  fait  est  anoi'mal  car  il  ne  s'était  pas 
produit  depuis  seize  ans. 


—  307  - 

Ces  deux  inconvéïiieiils  :  rnaii(|ue  d'eau  potable  et  risques  d'inon- 
dations, l'ont  qu'il  n'est  pas  trop  possible  de  songer,  dans  cette  plaine, 
à  la  petite  colonisation,  d'autant  (pie  les  terres  sont  très  chères  et 
détenues  par  de  grands  propriétaires  ou  des  Sociétés  qui  les  font 
exploiter  par  leurs  gérants.  En  admettant  It;  niorcellennent  de  ces 
grands  domaines,  on  ne  pourrait  évidemment  songer  à  installer  de 
petits  propriétaires  que  dans  les  parties  tout  à  fait  insubmersibles. 
En  ellet,  une  inondation  qui  ruinerait  un  petit  cultivateur  n'est  pour 
un  grand  propriétaire  qu'un  accident  prévu,  désagréable,  il  est  vrai, 
mais  compensé  en  partie  par  les  apports  de  limon  qui  lui  assureront, 
dans  la  suite,  de  belles  récoltes.  Du  reste, les  propi-iétaires  de  la  Mab- 
touha  ont  créé  tout  un  ensemble  de  digues  couvrant  plus  de  30  kilo- 
mètres dont  on  verra  à  l'usage  l'utilité  et  les  défauts,  ce  qui  permet- 
tra de  les  corriger  et  de  les  compléter,  bien  que  cette  année  elles 
aient  été  impuissantes  à  protéger  les  propriétés  contre  la  crue  des 
eaux. 

Il  ne  faudrait  pas  conclure  de  ceci  que  l'implantation  du  petit 
colon  soit  impossible  à  la  Mabtouha,  qui  est,  au  contraire,  le  paradis 
des  agriculteurs;  le  petit  colon  y  trouverait,  outre  des  terres  de  la 
plus  haute  qualité,  des  pluies  régulières  et  abondantes.  Inversement  à 
ce  qui  se  passe  dans  les  autres  régions  de  la  Tunisie,  si  une  récolte 
est  perdue,  c'est  par  abondance  d'humidité  plutôt  que  par  suite  de 
sécheresse;  dans  ces  terres  profondes,  l'humidité  s'emmagasine  et  la 
plante  peut  l'utiliser  toute,  y  puisant  au  fur  et  à  mesure  de  ses  be- 
soins. Sur  ce  sol  uni  et  merveilleusement  perméable,  la  moindre 
pluie  a  de  l'effet.  On  pourrait  croire  à  l'insalubrité  de  cette  plaine, 
surtout  à  cause  du  voisinage  d'Utique;  il  n'est  est  rien.  Les  cas  de 
lièvre  y  sont  rares  aussi  bien  chez  les  Européens  que  chez  les  indi- 
gènes; on  les  constate  seulement  chez  les  étrangers  venus  avec  ces 
indispositions. 

Les  cultures,  tant  arabes  qu'européennes,  sont  très  étendues.  Tou- 
tes branches  sont  exploitées  :  vigne,  céréales,  élevage.  A  signaler  tout 
spécialement  la  très  belle  exploitation  de  Bézézia,  appartenant  à 
M.  Camand,  avocat,  docteur  en  droit,  charmant  compagnon  et  colon 
expérimenté.  Grâce  à  M.  Camand,  j'ai  pu  "bien  voir  la  région  et  j'en 
ai  rapporté  l'impression  (pie  l'on  peut  tirer  de  ce  sol  des  rendements 
extraordinaires. 


—  308  — 

((  En  lOO^,  m'a  dit  M.  Gamand,  j'ai  vu  rendre  au  blé  '2i  quin- 
taux à  l'hectare  sur  une  contenance  de  30  hectares,  et  des  rende- 
ments supérieurs  à  '25  quintaux  pour  l'avoine  sur  des  parcelles  im- 
portantes. En  tout  cas  la  moyenne  des  rendements  n'est  jamais 
inférieure  à  15  quintaux  pour  l'avoine  et  10  pour  le  blé.  » 

La  Société  Crété  et  O^  possède,  dans  cette  région,  un  vignoble  de 
150  hectares  entièrement  irrigable.  Le  domaine  de  Sidi-Tabet  y  pos- 
sède également  de  grands  espaces  dont  la  majeure  partie  est  trans- 
formée en  prairies  artificielles;  enfin,  sur  la  rive  gauche  de  la  ^Nled- 
jerda  et  près  de  Sidi-Athman,  on  compte  cinq  ou  six  fort  belles  exploi- 
tations françaises;  au  total,  dans  la  région  de  la  Mabtouha,  une 
dizaine  de  Français  et  d'Européens  installés,.occupant  ensemble  une 
superficie  de  11.720  hectares. 

Les  cultures  des  colons  français  sont  plus  soignées  ici  qu'ailleurs. 
La  pratique  des  labours  de  printemps  y  est  générale  et  jugée  indis- 
pensable. Pour  les  blés,  on  les  fait  souvent  sur  double  labour  de  prin- 
temps, et  l'emploi  des  superphosphates  qui  a  donné  dans  ces  terres 
d'excellents  résultats,  tend  à  se  généraliser.  On  veille,  avec  le  plus 
grand  soin,  aux  assolements,  afin  de  ménager  les  terres  ;  la  culture 
améUorante  des  fèves,  les  fourrages  (fenu-grec,  suUa,  vesces)  se  font 
sur  des  étendues  considérables. 

Chez  les  Arabes,  les  petits  propriétaires  ou  locataires  suivent  les 
errements  déplorables  que  nous  connaissons;  les  grands  propriétai- 
res, par  contre,  entraînés  par  le  bon  exemple  et  séduits  par  les  résul- 
tats qu'obtiennent  les  Français,  s'efibrcent  diiniler  nos  colons  et  ils 
se  procurent  les  instruments  de  labour  et  de  moissons  les  plus  perfec- 
tionnés. 

Les  colons  français  de  la  Mabtouha  réclanicnl  :  1"  raclièveinent 
de  la  route  de  Protville  à  Sidi-Athman  (rive  gauclie  de  la  Medjerda  ; 
l'établissement  d'un  ti'amway  électriqueon  tniit  autre  moyen  })rati(jii(' 
de  transport  des  voyageurs  et  des  marchandises  sur  la  route  de 
P>izerte  à  Tunis;  2"  l'endiguement  de  la  Medjerda  et  un  déversoir 
régulateur;  ->  des  canaux  et  un  débouché  aux  eaux  de  la  garaàt  El- 
Mabtoulia.  Tcjut  cela,  dans  l'état  actuel,  {xMit  seiidilcr  iil(ipi(iii(';mais 
p()ur(iii(ti  un  joui'  le  ivve  ne  se  réaliserait-il  pas? 


-  MC'.J  - 

3»  Zone  Est,  comprise  entre  le  goulet  et  lac  de  Hi/XTte  à  l'Ouest,  et 
le  golfe  de  Tunis  à  l'Est;  boiné  au  Nord  par  la  mer,  au  Sud  par  la 

Medjerda.  Cetla  zone  peut  rire  ainsi  divisée  : 

.1.  Partie  Nord:  Entre  le  i^ould  du  lac  et  la  route  de  Bizerte  à 
Tunis,  se  trouvent  les  deux  j(jlis  villages  arabes  de  Menzfl-Ahdt-r- 
ralimane  et  de  ^lenzel-Djeniil. 

Menzel-Abd-Er-Rahmane,  dont  la  fondation  remonte  à  l'an  700, 
est  bâti  au  bord  du  lac,  sur  les  ruines  d'un  établissement  romain. 
D'après  une  légende,  il  y  aurait  en  face  du  village,  une  ville  enfouie 
sous  les  eaux  du  lac.  Quand  le  temps  est  calme,  les  pècbeurs  voient 
encore,  paraît-il,  les  ruines  de  cette  ville.  Le  groupement  compte  en- 
viron 1.500  habitants. 

Menzel-Djemil  a  été  fondé,  il  y  a  500  ans,  par  un  nègre  du  nom  de 
Djemil,  qui  s'établit  avec  sa  famille  sur  les  pentes,  alors  couvertes 
de  forêts,  venant  mourir  au  bord  du  lac  de  Bizerte.  Le  village,  pen- 
dant assez  longtemps,  fut  donc  habité  par  une  population  du  plus  bel 
ébène,  mais  des  familles  arabes  se  groupèrent  autour  de  Djemil  et, 
peu  à  peu,  le  sang  se  mêla.  Aujourd'hui  encore  la  population  de  ce 
village  porte  l'empreinte  nègre  très  caractérisée.  Le  groupement  de 
Menzel-Djemil  et  de  Aïn-Bittar  compte  2A)00  habitants. 

Aux  environs  de  ces  deux  villages,  la  terre  est  très  morcelée  et 
fort  bien  cultivée;  on  y  voit  quelques  belles  olivettes,  des  jardins 
maraîchers  et  des  champs  de  céréales:  les  sources  y  sont  nombreu- 
ses mais  saumàtres,  comme  dans  toutes  les  parties  basses  et  maréca- 
geuses. Les  indigènes  sont  aisés  et  ils  cultivent  presque  tous  d'après 
la  méthode  française.  Dans  la  région  assez  vaste,  comprise  entre  le 
village  d'EI-Alia,  à  droite  de  la  route  de  Tunis  à  Bizerte,  et  le  village 
de  Menzel-Djemil,  au  nord  du  lac,  sont  installées  quelques  belles 
fermes  européennes,  en  majeure  partie  Irancaises  qui,  ensemble, 
occupent  une  superficie  de  3.500  hectares  environ.  Citons  le  domaine 
d'El-Azil),  qui  appartint  à  .Mustapha  ben  Ismail,  ancien  favori  du 
Bey.  Il  fut  vendu  à  une  Société  Marseillaise,  qui  le  céda,  en  1808,  à 
la  Société  des  Biens  Fonciers.  Cette  dernière  la  morcela  en  uiit> 
quinzaine  de  lots,  d'une  moyenne  de  100  hectares,  tous  occupés  par 
des  Français.  La  valeur  de  la  terre  varie  de  300  à  000  Ir.  Flieclare. 

La  Tunisie  du  Noru  -1 


—  310  — 

El-Aiia  est  un  village  arabe  de  3.700  habitants,  bâti  sur  les  ruines 
d'Uzalis,  en  1495,  par  les  Maures.  El-Alia  est  situé  à  24  kilomètres 
au  sud-est  de  Bizerte,  sur  un  plateau  dominant  la  plaine,  avec  vue 
très  étendue  sur  la  route  de  Tunis  ;  au  pied  du  plateau,  on  voit  quel- 
ques fermes  européennes.  Le  village  est  dominé  par  une  colline 
rocheuse,  exploitée  jadis  comme  carrière. 

En  remontant  vers  le  Nord,  le  terrain  se  relève  et  atteint  le  massif 
montagneux  qui  va  brusquement  finir  au  Ras-Zebib.  C'est  dans  ce 
massif  que  se  trouve  le  village  indigène  d'El-Metline,  pauvre  mais 
pittoresque  :  1.800  habitants. 

Ras-El-Djebel,  à  l'est  d'El-Metline,  sur  la  route  du  littoral,  est  un 
gros  village  indigène  dont  la  fondation  remonte  à  un  millier  d'années. 
Ce  coin  n'a  actuellement  pas  grande  importance  au  point  de  vue  de 
la  colonisation  européenne;  mais  il  nous  semble  intéressant  de  nous 
y  arrêter  un  instant,  car  c'est  dans  la  partie  du  Caïdat  de  Bizerte 
comprise  entre  Ras-el-Djebel,  Raf-Raf  et  Porto-Farina  que  l'on  ren- 
contre, à  coup  sûr,  les  plus  beaux  jardins  de  la  Tunisie,  cultivés  par 
des  Berbères  et  des  Maltais. 

L'abondance  de  l'eau  à  faible  profondeur  et  la  nature  du  sol  per- 
mettent les  cultures  les  plus  variées.  Les  olivettes  produisent  en 
abondance  une  huile  excellente;  les  arbres  fruitiers  et  les  vignes  en 
treilles  approvisionnement  de  fruits  succulents  les  marchés  de  Tunis, 
Bizerte  et  Mateur.  Dans  les  terres  de  labour  on  cultive  avec  succès 
blé,  orge,  maïs,  pois  et  fèves;  les  légumes  fins,  cultivés  en  primeurs, 
réussissent  très  bien  dans  ces  terres  siliceuses. 

La  moyenne  des  rendements  en  céréales  est  assez  élevée;  bien  que 
les  indigènes  s'obstinent  à  labourer  à  hi  charrue  arabe,  le  blé  donne 
\Tj  pour  un,  les  fèves,  les  pois  et  le  maïs  18  pour  un,  et  l'orge  "20 
pour  un. 

En  1905,  il  a  été  fabriqué  sur  place,  parles  niDiiliiis  iudigèiios,  jthis 
de  300.000  litres  (rimilc  dont  moitié  environ  a  été  exjxirléc  à  Tunis; 
on  a  également  transporté  dans  cette  ville  plus  de  100.000  kilogram- 
mes d'olives,  et  environ  300.000  kilo^s  de  grignons  à  destination 
de  Sousse  :  soit,  pour  le  produit  des  oHvettes,  environ  550  lomies. 

Pour  les  li'uils,  (»n  peut  estimer  (jue  pcndanl  la  saison  (jui  duiv  de 
quarante  à   (juaranl('-cin(|  Joui's,  il  sort  cIkkiuc  jour  de  lîas-el-Djebel 


-  3li  - 

plus  de  cent  bêtes  de  somme  chargées, cliacune,  de  0()  kilog^s  de  fruits  : 
abricots,  pêches, prunes, poires,  etc.,  soit  del2W).000à  !280.(XJ(J  kilogs 
de  fruits  pour  la  saison.  L'exportation  des  raisins  d'automne  peut  être 
évaluée  a  GU.UUU  kiloi^s.  On  arrive  donc  à  un  total  général,  pour  les 
fruits,  de  300.000  à  340.000  kilogrammes. 

Aux  environs  immédiats  de  Ras-el-Djebel,  le  prix  des  terres  labou- 
rables est  très  élevé;  il  varie  de  500  francs  à  l.OiXJ  francs  l'hectare  et 
les  propriétaires  indigènes  refusent  énergiquement  de  vendre  aux 
roumis  malgré  les  offres  très  avantageuses  qui  leur  sont  faites.  Le 
terrain  des  jardins  potagers  ou  des  vergers  atteint  parfois  des  prix 
fantastiques;  mais  ce  terrain  étant  très  morcelé,  divisé  en  toutes  pe- 
tites parcelles,  il  n'est  guère  possible  d'évaluer  le  prix  moyen  de 
l'hectare. 

Le  chiffre  de  la  population  de  Ras-el-Djebel  s'élève  à  3,922  habi- 
tants :  3.500  indigènes  musulmans  ;  360  Juifs  ;  26  Français;  36  étran- 
gers. Quatre  colons  européens  :  deux  Français;  un  Italien  et  un  Grec, 
possèdent  de  petites  exploitations  agricoles  aux  alentours  du  village. 
Un  Français,  M.  Luzet,  a  fait  là  un  intéressant  essai  de  culture  de 
l'agave  (aloës)  dont  les  libres,  employés  pour  la  sparterie  et  la  corde- 
rie,  se  vendent  de  700  à  800  francs  la  tonne.  La  tentative  est  toute 
récente  et  ce  n'est  pas  avant  deux  ou  trois  ans  qu'il  sera  possible 
d'en  apprécier  les  résultats. 

Ras-el-Djebel  est  un  village  quelconque;  ses  rues  sont  étroites  et 
généralement  encombrées  d'immondices.  Malgré  cela,  la  salubrité  y 
est  remarquable  :  on  n'y  voit  aucun  cas  de  paludisme  ni  de  maladie 
de  foie.  Le  docteur  Lemanski  considère  Ras-el-Djebel  comme  le  point 
le  plus  sain  de  la  Tunisie.  Le  climat  reste  tempéré  et  l'eau  d'une 
pureté  absolue. 

A  Ras-el-Djebel  existe  une  école  primaire  mixte  recevant  30  élè- 
ves :  2  Français,  6  Juifs  ;  31  Musulmans. 

Raf-Raf  est  un  village  de  2.400  habitants  (indigènes),  bâti  sur  des 
ruines  romaines  ;  il  est  situé  à  5  kilomètres  de  l\)rto-Farina.  Jardins 
fruitiers,  figuiers,  oliviers. 

Porto- Farina  compte  L  855  habitants  :  32  Français;  L600  Musul- 
mans; 5Juifs;  85  Raliens  ;  132  autres  étrangers,  Maltais  pour  la  phi- 
part. 


—  312  — 

'  Cette  jolie  petite  ville  arabe,  située  sur  le  lac  Ghar-el-Melah  et  dont 
le  port  s'ouvre  sur  la  pointe  méridionale  du  Ras-Sidi-Ali-el-Mekki, 
s'appelait  dans  l'antiquité,  Ruscicona,  mot  phénicien  qui  signifie 
((  Promontoire  des  vivres  »  de  sorte  que  Fappelation  moderne  et 
italienne  donnée  à  ce  même  point,  ne  serait  que  la  traduction  litté- 
rale de  la  dénomination  phénicienne. 

Porto-Farina  doit  sa  fondation  à  Mourad  Bey  (1037),  qui  lui  donna 
comme  habitants  les  Maures  expulsés  d'Andalousie.  Aux  beaux  jours 
de  la  piraterie  barbaresque,  Porto-Farina  jouit  d'une  certaine  célé- 
brité ;  la  ville  était  pourvue  de  palais,  de  belles  maisons,  d'un  marché 
important  où  s'échangeaient  les  produits  les  plus  divers,  mais  elle 
tomba  en  décadence  après  la  mort  d'Ahmed  Bey.  Aujourd'hui,  Porto- 
Farina,  lormé  de  deux  rues  parallèles  reliées  entre  elles  par  des 
ruelles  et  des  passages  voûtés,  s'étend  tout  en  longueur  entre  le  lac 
auquel  elle  a  donné  son  nom,  et  la  chaîne  de  montagnes  qui  se  ter- 
mine au  promontoire  d'El-Mekki. 

Le  sommet  de  la  montagne  qui  domine  la  ville  est  hérissé  de 
broussailles  et  couronné  par  les  ruines  d'une  construction  carrée  qui 
servait  de  poste  d'observation  aux  pilotes  tunisiens. 

Les  jardins  de  Porto-Farina  sont  placés  dans  des  conditions  excep- 
tionnellement favorables,  car  les  hautes  falaises  qui  les  protègent 
contre  l'effet  désastreux  des  vents  de  Nord-Ouest, procurentà  la  ré- 
gion, en  reflétant  la  chaleur,  un  climat  propice  aux  cultures  printa- 
nières.  On  y  cultive  le  pavot  à  opium,  et  les  pommes  de  terre  prove- 
nant de  cette  région  sont  très  estimées  ;  les  raisins  muscat  et  les  pru- 
nes lieine-Claude  sont  aussi  justement  renommés  ;  enfin,  sous  ce 
climat,  éternellement  tempéré,  poussent,  en  pleine  terre  et  en  toute 
saison,  les  lleurs  les  plus  délicates  et  les  plus  odorantes. 

Porto-Farina  possède  un  bagne  dans  lequel  nous  ne  pénétrerons 
pas.  Il  possède  aussi  deux  écoles  :  une  primaire  publique  contenant 
38  élèves,  dont  5  Français,  U  italiens,  '24  Musulmans;  une  primaire 
libre  de  filles  recevant  30  élèves,  dont  .3  l"'ran(;aises,  P2  nali(Mnies, 
15  Maltaises  ou  Musulmanes. 

La  pèche,  dans  le  lac  de  Porto-Farina,  a  été  concédée  par  le  (iou- 
vernement  Tunisien  à  un  pai iiculier ;  (^llc  ;i  |)i()(luit  l'an  dernier 
Il  5. "200  kilogrammes  de  poissons  de  [oulcs  esitèccs,  (|ni  (tntél('  ven- 
dus sur'  le  marché  de  Tunis. 


-  313  - 

B.  —  Partie  Sud  de  la  zone  est  du  Caïdat  de  lîizorte,  comprenant 
les  villa.Lces  <rEl-Aons(lja,  Zoiiaouïiie,  J)Ou-Cliatenr  (  Cti<iue),  le  massif 
du  djebel  Touiba  et  les  marécages  formés  par  des  multiples  bras  de 
la  Medjerda. 

El-Aousdja.  —  A  été  bâti  par  les  Maures  sur  les  ruines  de  Mcn- 
brone.  Ce  villa,!4C  indigène,  situé  à  l'ouest  du  lac  de  Porto-Farina, 
près  du  chemin  (pii  relie  cette  der-nière  localité  à  la  route  de  Bizerte- 
Tunis,  avait  jadis  une  certaine  importance  commerciale;  son  marclié, 
aujourd'hui,  est  réduit  à  la  plus  simple  expression  :  oliviers,  céréa- 
les, cultures  maraîchères. 

La  Société  Franco-Belge  possède  près  l'El-Aousdja,  Qnviron  500 
hectares  de  terres,  comptantes  ds  30.000  oliviers. 

Zouaouïne.  —  A  l'ouest  d'El-Aousdja;  a  été  fondé  par  les  Uuleds 
Aouali,  (|ui  vinrent  de  TripoHtaine,  il  y  a  '200  ans,  et  s'installèrent  sur 
les  contreforts  du  djebel  Touïba. 

Bou-Chateur  (L'tique).  —  Un  très  vaste  domaine  français  (plus 
de  5.0(K)  hectares),  cache  à  la  vue  du  passant,  sous  ses  luxuriantes 
cultures,  les  intéressantes  ruines  de  la  cité  punique. 

Les  terres  de  Bou-Chateur  proviennent  des  alhivions  de  l;i  .Ah'd- 
jerda  et  sont  propres  à  toutes  les  cultures. 

Actuellement  elfes  valent  de  300  à  500  francs  l'hectare  et  don- 
nent une  moyenne  comme  rendements  : 

Blé 10  (juintuux  à  l'hectare 

Orge 15 

Avoine 18  — 

M.  de  Chabannes,  propriétaire  du  domaine  d'Utique,  auquel  je 
demandais  si  la  petite  colonisation  pourrail  s'impiaiUerdans  la  région, 
m'a  répondu  : 

«  Les  petits  colons  ne  réussiront  (jue  lors(]ue  la  grande  et  la 
moyenne  colonisation  auront  dégrossi  la  besogne  i)ar  des  défriche- 
ments qui  nécessitent  de  sérieuses  réserves.  Poiu-  la  petite  coloni- 
sation il  faudrait,  au  minimum,  50  hectares,  dont  cinq  en  vignes,  le 
tout  en  teries  très  saines  et  à  proximité  d'une  grande  route; 

«  L'exploitation  d'une  petite  ferme,  dans  ces  conditions,  exigvi-ait 
un  capital  relativement  élevé,  une  cinijuanlaine  de  mille  fi'ancs  en- 
viron : 


-  314  - 

Achat  du  terrain 20  à  25.000  francs 

Vignoble 10.000      — 

Habitation 2.000      — 

Culture iO.OOO      — 

Réserve 3.000      — 

Total 50.000  francs 

((  La  moyenne  colonisation  aurait  beaucoup  plus  de  chances  de 
réussir  que  la  petite  colonisation,  dans  les  conditions  suivantes   : 
200  hectares  de  bonnes  terres. .  100.000  francs 

Constructions 15.000      — 

Bêtes  de  trait 2.500      — 

Bétail 5.000      — 

Matériel 5.500      — 

Fonds  de  roulement '  20.000      — 

Total 147.000  francs 

((  Une  propriété  de  200  hectares,  dont  la  moitié  serait  annuelle- 
ment cultivée  par  khammès, donnerait  un  bénéfice  net, dans  la  ré<^ion 
d'Utique,  de  10.000  francs  en  moyenne.  L'achat  des  terres  à  enzel 
pourrait  éviter  une  grande  partie  de  la  mise  de  fonds. 

((  Le  long  de  la  route  de  Porto-Farina  à  Tunis,  par  El-Aousdja,  il 
y  a  des  terres  très  saines  qui  conviendraient  fort  bien  à  des  petits 
colons.  Une  partie  de  ces  terres  habous  pourraient  être  loties;  celles 
appartenant  à  des  propriétaires  arabes  seraient  difficiles  à  acquérir.  » 

Les  terres  d'alluvions,  nous  l'avons  vu  précédemment,  en  parlant 
de  la  plaine  de  la  Mabtouha,  sont  assez  riches;  malheureusement,  à 
Utique  plus  encore  que  dans  cette  dernière  plaine,  les  inondations 
sont  fréquentes  et  noient  toutes  les  récoltes.  Un  canal  a  bien  été  creu- 
sé, mais  il  ne  suflit  pas,  et  pour  remédier  aux  débordements  de  la 
Medjerda,  il  serait  nécessaire  de  creuser  un  second  canal  qui  mettrait 
en  communication  le  cours  actuel  de  la  rivière  avec  son  ancien  cours 
venant  deSidi-Tabet.  La  distance  de  ce  point  à  la  mor  par  ce  tracé 
est  de  9  kilomètres,  tandis  ({ue  par  son  cours  actuel  la  rivière  cou- 
vre 24  kilomètres  pour  aller  à  son  embouchure.  Pour  exécuter  ce 
travail,  il  y  aurait  simplement  à  creuser  un  fossé  de  cSOO  mètres 
sur  4  mètres  de  largeur  et  5  mètres  de  profondeur,  soit  une  dépense 
de  20.(X)0  francs  environ.  Les  propi'ic'laires  rivcriiins  piU'Iiciitci'aicnl 
volontiers  à  cette  dépense. 

Il  n'existe  dans  toute  la  plaine  (ri'li(|U(\  (|u"ini  clieiuin  d'accès 
i-eliaiit  l;i  grande  route  de   !li/.erle  à  Utique,  (2  kilonièlres)  ;  le  ivsle 


-   315  — 

(h;  la  région  est  desservi  par  des  pistes.  Doux  jtonls  ont  rW'  constriiils 
sui'  l'oued  Clierclierapar  les  propriétaires  de  l'ijoncliir  Bou-Chateur  : 
l'un  près  de  la  colline  d'Utique,  l'autre  on  face  d'FJ-Aonsdja. 

La  Galite  (Gatata).  —  Si  ikjus  sommes  obli'^és  de  quitter  la 
torro  Terme  où  poussent  les  belles  moissons,  pour  entreprendre  une 
courte  croisière  au  large  de  Tabarka,  c'est  que  le  rocher  abrupt, 
bordé  de  dangereux  récils,  qui  app<artenait  hier  encore,  de  façon 
plutôt  vague,  du  reste,  au  Contrôle  civil  de  Souk-el-Arba,  a  été  rat- 
taché au  Contrôle  de  Bizerteen  1903. 

La  constitution  de  cette  île,  de  5  kilomètres  de  long-  sur  2  kilo- 
mètres 1  '2  de  large,  est  essentiellement  volcanique  ;  les  hauteurs 
(31)3  mètres  d'altitude),  sont  formées  d'une  roche  trachytique  remplie 
de  belles  laves.  Pline  affirme  que  le  scorpion  ne  pouvait  y  vivre:  ce 
ijui  est  incontestable,  c'est  que  la  Galite  est  habitée  depuis  une  cin- 
quantaine d'années  par  des  pêcheurs  troglodytes,  Napolitains  et 
Sardes,  qui  avaient  élu  domicile  dans  les  grottes  profondes  aménagées 
par  la  nature  sur  les  flancs  de  ce  pittoresque  îlot.  Ces  gens  heureux, 
(|ui  ne  connaissaient  pas  l'ilistoire,  vivaient  en  parfaite  harmonie, 
loin  de  la  politique,  sans  nul  souci  des  lois,  ay:uit  pour  horloge 
lMi(i'bus,  et  pour  grand  maître,  Neptune.  La  (îalite  conservait  jalou- 
sement les  derniers  des  païens  isolés  du  reste  du  monde. 

Le  Gouvernement  du  Protectorat  est,  depuis  trois  ans,  oflicielle- 
ment  représenté  à  La  Galite  par  M.  Clément,  un  joyeux  compagnon, 
(jui  marie  les  gens,  enregistre  les  naissances,  constate  les  décès.  M. 
Clément  est  écrivain  public,  cabaretier,  syndic  des  gens  de  mer,capi- 
taine  de  port,  orateur,  etc.,  etc.  ;  si  le  Parlement  n'avait  voté  la  loi 
de  Séparation,  M.  Clément,  sur  ses  vieux  jours,  serait  sûrement  de- 
venu curé. 

La  population  de  La  Galite  compte  150  sédentaires  environ,  dont 
quelques  Français  naturalisés,  et  130  Italiens  et  Espagnols  qui  culti- 
vent de  minuscules  jardins  et  un  pou  de  vigne.  Cette  terre  tunisienne 
n'al)rite  aucun  niusuhnan.  A  ri-pcxpio  de  la  pèrlio  arrivent  Sardes  et 
Siciliens,  (pii  séjournent  qu(>l(pu^s  mois,  puis  regagnent  leurs  ports 
d'attache.  L'année  dernière  (1005),  il  a  été  péché  à  La  Galitte  plus 
de  100.000  kilogrammes  de  poissons  de  toutes  espèces.  La  langouste 
et  le  homard  produisent  beaucoup  dans  ces  parages,   seulement  il 


—  31G  — 

est  grand  temps  d'avoir  une  réglemeiilation  plus  sévère  de  la  pèche, 
car  les  près  sous-marins,  aux  alentours  de  l'île,  sont  presque  dépeu- 
plés et  il  faut  que  les  barques  aillent  pécher  à  huit  milles  de  La 
Galite,  en  dehors  des  Galitons.  Le  Galiton  Ouest,  grosse  roche 
massive  haute  de  158  mètres  et  accompagnée  d'une  roche  conique 
appelée  l'Aiguille,  est  situé  à  six  milles  environ  du  port  méridional 
de  La  Galite;  le  Galiton  Est  se  trouve  à  huit  milles  de  ce  même 
port. 

Malgré  les  sources  abondantes,  la  flore  de  La  Galite  est  pauvre.  On 
rencontre,  sur  les  rocs,  des  chèvres  sauvages  et  des  légions  de  la- 
pins; les  oiseaux  de  proie  et  les  grands  oiseaux  de  mer  y  pullulent. 
Cette  île  est  riche  en  minerai:  cuivre,  fer,  zinc  et  plomb.  En  bonne 
saison,  La  Galite  possède  un  excellent  mouillage,  abrité  des  vents  du 
Nord-Ouest. 

Population.  —  Le  Caïdat  de  Bizerte  compte  environ  50. 000  ha- 
bitants, non  compris  l'armée  de  terre  et  relï'ectif  de  la  Division  na- 
vale: 4.(J00  Français;  9.700  Italiens;  1.100  autres  étrangers  euro- 
péens; 33.000  Musulmans:  1.000  Juifs. 

Les  écoles  primaires  sont  au  nombre  de  vingt-deux,  dans  ce  Ca'idat, 
et  elles  reçoivent  ensemble:  732  Français;  1.051  Italiens;  127  Juits  ; 
128  Musulmans,  soit  au  total  :  2.038  élèves. 

Propriétés.  —  51  Français  possèdent  dans  ce  Ca'idat,  20.022  hec- 
tares de  terres  se  répartissant  ainsi  : 

Route  de  Bizerte  à  Mateur 9  propriétaii'es,  2.782  hectares 

Environs  de  Ferryville  et  tour  du 

lac 7  —  1 .277      — 

Route  de  Bizerte  à  Tunis 12  —  3.518      — 

Rive  gauclie  de  la  Medjerda 7  —  11.720      — 

El-Aous.lja 1  —  500       — 

Isolés 15  —  225      — 

LcGouvcriiciiiciil  du  iM'otcctoi'iit  ;i  \)[i  livi'cr,  p;ii'  voie  (le  snhsiiliilion 
à  la  colonisation  Irançaise,  du  l'i  |;iii\  ici'  I0nn;iii  :]\  (\vvviuhiv,  liK)5, 
flans  le  Caïdat  de  Bizerte,  L722  lu'ctares  de  tencs  liabous;  lecliilIVe 
total  de  ces  ventes  domaniales  a  atteint  305.935  francs. 


CIJAPJTP.E  m 


I.c  Caïdat  de  Mateur 


Limites.  — La  limite  du  Caïdat  de  Mateur  part,  au  Nord-Ouest,  du 
cap  Négro  et  suit  le  tracé  décrit  au  chapitre  P'",  jusqu'à  l'intersection 
de  la  ligne  conventionnelle  séparant  les  Caïdats  de  Bizerte  et  de 
Mateur.  (Voir  chapitre  II.)Ce  Caïdat  est  borné,  au  Nord,  par  la  mer; 
à  l'Ouest,  par  le  Caïdat  de  Béja;  au  Sud,  par  les  Caïdats  de  Medjez-el- 
Bab  et  deTébourba;  à  l'Est,  par  le  Caïdat  de  Bizerte. 

Le  territoire  de  Mateur  est  administrativement  divisé  en  quatre 
parties  :  la  région  de  Mateur;  la  Mogodie  ;  les  llédill;  les  Béjaoua. 
Le  Caïdat  a  une  superficie  de  12. '200  kilomètres  carrés, 

[Région  de  Mateur.  —  Mateur.  —  La  ville  s'étage  sur  les  pentes 
sud-ouest  d'un  coteau  isolé,  situé  sur  la  rive  gauche  de  l'oued  Djou- 
mine  à  son  débouché  dans  la  plaine.  Les  ruines  d'une  kasba  cou- 
ronnent ce  mamelon,  dont  les  lianes  verdoyants,  semés  de  pierres 
blanches  qui  scellent  dans  l'éternité  des  générations  d'autochtones  et 
au  milieu  desquelles  broutent  et  gambadent  de  jeunes  générations 
d'ànons  etde  chevreaux,  sont  crevassés  de  carrières  formées  de  quartz 
grési forme  et  rougeàti-e. 

On  jouit,  de  la  Kasba,  d'un  fort  joli  panorama  sur  l'immense  plaine 
de  Mateur  parsemée  de  fermes  françaises  et  barrée,  au  Nord,  par  la 
sombre  muraille  du  djebel  Aclikel;  au  Nord-Ouest,  par  les  monta- 
gnes des  Mogods;  à  l'Ouest,  par  les  pentes  qui  terminent  les  hau- 
teurs des  Hédill  et  des  Béjaoua  ;  au  Sud,  par  les  contreforts  du  djebel 
Lansarine;  à  l'Est,  par  les  djebels  Krerba,  Chapta  et  le  kouilial  Arba- 
nefet;  au  Nord-Est,  par  les  djebels  Berna,  Zarour  et  l'isthme  de 
Tindja. 

La  ville  a  été  construite  au  XV«  siècle  avec  les  matériaux  provenant 
des  ruines  (V Oppidum  Materensc.  Mateur  cité  arabe,  aux  rues  rapides 


—  318  - 

et  tortueuses  n'offre  rien  de  remarquable.  Cependant  le  commerce  y 
est  très  actif,  et  chaque  jour  s'ouvrent  des  boutiques  nouvelles,  dans 
tous  les  coins,  sur  toutes  les  ruelles,  pour  la  plupart  occupées  par 
des  Juifs  et  des  Djerbiens. 

Le  quartier  européen  commence  à  se  développer  ;  plusieurs  belles 
bâtisses  ont  été  construites,  notamment  les  Postes  et  Télégraphes  et 
le  groupe  scolaire.  Un  pâté  important  de  maisons  neuves  s'élève  près 
de  la  gare,  située  à  1.500  mètres  de  ^[ateur.  Et  bientôt  gare  et  ville 
seront  reliées  par  un  boulevard  bordé  d'habitations  entourées  de  super- 
bes vergers. 

Les  colons  français  de  la  plaine  de  Mateur  se  sont  formés  en  Asso- 
ciation et  ils  ont  lort  joliment  installé  dans  la  ville  un  Cercle  modèle, 
avec  bibliothèque,  cabinet  de  lecture  abondamment  pourvu  de  jour- 
naux, revues  périodiques,  illustrés,  restaurant,  chambres  d'hùtes, 
salle  de  bain,  de  billard,  d'escrime,  etc.  On  y  est  reçu  avec  la  plus 
franche  cordialité  et  je  puis  afiirmer  qu'on  ne  s'ennuie  pas,  à  Mateur. 

Au  début,  il  y  eut  bien,  parmi  les  colons,  quelques  légers  dissenti- 
ments, mais  quel  bled  outre-méditerranéen  est  exempt  de  ces  petites 
querelles  de  clocher,  qui,  d'ailleurs,  disparaissent  quand  il  s'agit  de  la 
défense  des  intérêts  communs'.'  C'est  ce  qui  se  produisit  à  Mateur  : 
cette  année  même,  dès  que  l'organisation  d'un  concours  agricole  l'ut 
résolue,  tous  les  colons  de  la  région  se  réunirent,  tirent  bloc,  les 
questions  de  personnalité  s'évanouirent  :  l'entente  cordiale  régna  en 
souveraine  maîtresse.  Et  les  colons  de  Mateur  'furent  des  sages,  car 
trop  longtemps  délaissés  par  l'Administration,  ils  pourront  désormais, 
grâce  au  pact  durable  qu'ils  viennent  de  contracter,  faire  aboutir  [iliis 
aisément  leurs  légitimes  revendications. 

^lateur,  station  de  la  ligne  Tunis-l'izerte,  se  trouve  à  (iO  kilomètres 
de  Tunis  et  à  33  kilomètres  de  Bizerte;  c'est  le  centre  le  plus  impor- 
tant de  colonisation  françaisede  la  Tunisie  du  Nord  (4  le  point  d'atta- 
che d'une  population  indigène  très  dense. 

La  ville  et  le  quartier  de  la  gare  comptent  enseujble  7.307  habi- 
tants :  350  Français,  '2.000  Italiens,  150  autres  étrangers  européens, 
3. (S1()  Musulmans,  I  .(t'J7  Juils.  Les  deux  (''colcs  primaires  piiMiqucs, 
l'une  de  garçons,  l'autre  <le  lilles,  reçoivent  18i  élèves:  lN>  Krançais, 
1 1  \  Italiens,  10  Musulmans  et  divers,  'J<S  Isi-ai'Tites. 

Les  habitants  de  .Maleni-  r(''clanient  : 

1"  la  construction  ilim  réseau  dégoûts; 


—  310  - 

2°  la   conslruclioii  d'un   tramway  reliant  la  ville  à  la  gare  (\'/)0 
mètres)  ; 
'A"  rti,gTaii(lissemerit  des  marchés; 
4"  l'établissement  d'une  bascule  publi(|ue; 
'f  la  nomination  d'un  vétérinaire  municipal  ; 
0"  la  construction  d'une  municipalité. 

Méléorolof/ic.  —  Pendant  longtemps  la  région  de  Mateur  eut,  sous 
le  rapport  de  la  salubrité,  une  détestable  renommée  :  le  paludisme, 
disait-on,  y  faisait  des  ravages  tels  que  les  indigènes  eux-mêmes  ne  se 
risquaient  dans  la  plaine  qu'au  moment  des  semailles  et  de  la  moisson, 
puis  regagnaient  au  plus  vite  leurs  douars  placés  sur  les  éminences 
voisines.  Tout  cela  n'est  que  légende.  Certes,  la  fièvre  fait  son  appari- 
tion dans  les  bas-fonds,  surtout  après  les  inondations  assez  fréquentes 
dans  la  contrée,  mais  les  coteaux  et  les  habitations  européennes  bien 
orientées,  suffisamment  aérées  sont,  pour  la  plupart,  indemnes  de 
paludisme.  En  résumé  la  région  de  Mateur  n'est,  ni  plus,  ni  moins 
malsaine  que  les  autres  régions  de  la  Tunisie  du  Nord.  Le  climat  y 
est  tempéré  et  la  pluie  y  est  régulière  et  heureusement  répartie. 

Températures  moyennes  relevées  à  Mateur  de  1900  à  1905  : 

Printemps  :  Minima  :  1»;  maxima:34'>;  moyenne:  1,>8;  pluie: 
'23']  millimètres  en  44  jours. 

Eté  :  Minima  :  7"0;  maxima  :  40";  moyenne:  'i.'îwS;  Pluie  :  ill  mil- 
limètres en  15  jours. 

Automne  :  Minima  :  2»;  inaxima  :  41»;  moyenne  :  17"8;  pluie: 
217  millimètres  en  20  jours. 

Hiver  :  Minima  :  2";  maxima:  25'>2  ;  moyenne  :  II"  7;  pluie  :  225- 
millimètres  en  41  jours. 

Températures  moyennes  annuelles  :  Minima  :  ll"2;  maxima  :2i"i; 
moyenne:  17";  pluies  moyennes  annuelles  :  717  millimètres  en  120 
jours. 

Excursions.  —  Variées  m  lis  lointaines  etassez  fatiguantes  : 

["Promenade  au  djebel  Aclikel  (17  kilomètres  de  Mateur).  Cette 
montagne,  de  508  mètres  d'altitude,  autrefois  lacustre,  ne  l'est  aujour- 
d'hui que  pendant  la  saison  des  pluies;  en  temps  secJ'Achkel  tient 
à  la  rive  méridionale  par  une  plaine  marécageuse.  Uavins  très  escar- 
pés, habités  par  quelques  Arabes  chasseurs  qui  cultivent,  dans  les 


—  320  — 

creux,  un  peu  de  blé  et  d'orge,  et  pratiquent  l'élevage  des  bestiaux. 
Carrières  de  marbre  et  d'ardoises  ;  sources  chaudes  situées  à  la  pointe 
nord-est  de  l'île,  où  les  Romains  avaient  un  établissement  thermal. 
Chasses  merveilleuses  mais  pénibles  à  cause  de  la  haute  broussaille  ; 
dans  la  montagne,  perdreaux,  lièvres,  sangliers,  chacals,  renards, 
hyènes,  grands  oiseaux  de  proie  ;  sur  les  bords  du  lac  Achkel,  tous 
les  gibiers  d'eau  connus,  principalement  le  canard,  la  sarcelle,  l'oie, 
le  flamant  ;  on  y  rencontre  aussi  la  loutre.  C'est  dans  F  Achkel  que 
vivent  en  liberté  quelques  douzaines  de  buffles  appartenant  au  Bey  de 
Tunis.  Il  y  a  peu  de  temps  encore,  on  organisait,  avec  l'autorisation 
du  Bey, des  «  chasses  aux  buflles  w.qui  n'étaient  autres  que  d'abomi- 
nables massacres  ;  certains  princes  du  sang  ou  barons  de  la  finance 
participèrent  à  ces  boucheries  et  purent  tirer  sur  les  pauvres  animaux 
connue  ils  auraient  tiré  sur  des  bœufs  dans  une  cour  de  ferme.  On  a 
mis  fin  aujourd'hui  à  ces  pratiques,  et  les  bons  buffles  paissent  et 
flirtent  avec  les  troupeaux  des  indigènes. 

2"  Promenade  aux  ruines  d'Oppidum  Ma  f creuse, sises  sur  un  plateau 
enclavé  dans  une  propriété  française  (henchir  Techga),  à  7  kilomè- 
tres au  sud-ouest  de  ^lateur  près  de  la  route  de  Tébourba. 

>  Excursion  au  djebel  Talieiit,  dans  les  l'éjaoua,  35  kilomètres  de 
Mateur;  pistes  rapides  et  impraticables  pendant  la  mauvaise  saison. 
Deux  villages  sont  appuyés  contre  les  flancs  à  pic  du  djebel  Tahent, 
le  point  culminant  de  tout  le  massif  montagneux  des  Béjaoua.  Ces 
deux  villages,  séparés  par  une  muraille  rocheuse,  sont  parfaitement 
distincts:  celui  de  Tahent  à  l'Ouest,  celui  desOusseltia  à  l'Est.  Tahent 
a  l'aspect  du  village  kabyle,  formé  de  maisons  basses  recouvertes 
de  terrasses.  Les  gens  de  Tahent  sont  originaires  du  Maroc  et  vinrent 
s'établir  sur  ce  rocher,  au  moment  de  l'émigration  des  Béjaoua.  Les 
Ousseltia,  venus  du  Sud  Tunisien,  occupent  des  gourbis  informes  ou 
se  tapissent  dans  les  anfractuosités  du  roc.  Les  deux  villages  vivent 
en  bonne  intelligence,  mais  ne  se  mélangent  pas.  Du  sommet  de  la 
montagne,  la  vue  s'étend  jusqu'à  Bizerteet  embrasse  la  grande  plaine 
de  Mateur,  les  chaînes  de  Mogodie  et  toutes  les  vallées  environnan- 
tes. Cette  excnrsion  est  un  pen  pénible  mais  lies  i)ill()r(^s(iue. 

i"  Excursion  aux  goi'ges  du  djebel  Anlra,  dans  les  iJéjaoua,  enliv 
les  djebels  Antraet  l^oulahine,  à  ."J'J  kilomètres  de  Mateui-  :  route  sus- 
pendue au-dessus  d'une  falaise  rocheuse  couverte  de  myrtlies,de 
vignes  sauvages  et  d'arbres  de  Judée. 


—  :{2I  - 

5»  Excursion  au  Gasser-Jîouflarem,  au  milieu  desllédill,  à4(J  kilo- 
mètres de  Mateur  et  à  trois  kilomètres  du  ]}ordj  du  clieikli  Helka- 
cem,  riiomriie  aimable,  bon  et  hospitalier  par  excellence,  dont  la 
maison  est  ouverte  à  tous,  sans  distinction  d'origine  ni  de  reli;^i(jn. 
i^es  mœurs  patriarcales  du  cheikh  perdu  dans  ce  pays  très  beau  et 
d'une  si  intense  sauvagerie,  font  oublier  l'heure  :  on  se  croirait  trans- 
porté en  plein  moyen-àge. 

()"  Enfin,  belles  et  nombreuses  excursions  à  faire  dans  les  Mogods 
principalement  à  Souk-el-Djemaà,  au  centre  de  la  vallée  de  Sedje- 
nane  ;  au  cap  Serrât;  sur  la  ciHe,  dans  la  direction  des  Fratelli. 

11  faut,  pour  accomplir  ces  excursions,  avoir  le  temps,  ne  point  se 
presser,  quitter  les  pistes  tracées  et  zigzaguer  à  travers  monts  et  vaux. 
Autrement,  ce  n'est  plus  une  agi-éable  promenade  que  l'on  fait  :  on 
exécute  une  corvée. 

La  plaine.  —  Plaine  riche  dans  laquelle  s'est  implantée  la  coloni- 
sation riche.  Pour  la  raison  que  nous  avons  indiquée  plus  liant, répu- 
tation proverbiale  d'insalubrité,  la  plaine  de  Mateur  resta  longtemps 
inhabitée  après  l'occupation  française.  Mais  de  hardis  capitalistes, qui 
s'étaient  rendu  compte  de  la  prodigieuse  fertilité  du  sol  et  du  régime 
régulier  des  pluies  s'installèrent  d'abord,  en  appelèrent  d'autres 
ensuite,  et  voilà  qu'aujourd'hui  on  ne  peut  trouver  aux  environs  de 
Mateur,  un  bout  de  champ,  si  on  ne  le  paie  un  prix  fantastique. 

Aux  environs  de  Mateur,  dans  un  rayon  de  trois  kilomètres,  le  prix 
de  l'hectare  de  terre  varie  de  GUO  à  1  .C)00  francs  ;  à  Oum-Zit-el-Kebira 
près  de  la  gare,  un  ancien  lotissement  de  l'Agriculture  vendu  aux 
colons  à  raison  de  100  francs  l'hectare,  a  été  revendu  récemment  par 
ceux-ci,  partie  à  600  francs,  partie  à  l.^lX)  francs  l'hectare.  Dans  ce 
rayon,  les  terres  se  louent  de  50  à  lOOlVancs  l'hectare;  au  delà,  jus- 
qu'à '20  kilomètres  de  Mateur,  elles  se  louent  de  30  à  40  francs  en 
plaine,  et  de  25à30  francs  en  coteau. 

Sur  le  territoire  de  Mateur,  dans  la  plaine  proprement  dite,  on  ne 
compte  pas  moins  de  iîO  propriétés  françaises  de  100  à  1.000  hectares, 
onze  petites  fermes  siciliennes  de  l^  à  50  hectares,  et  deux  autres 
exploitations  italiennes,  l'une  de  200,rautre  de  400  hectares.  En  outre, 
un  certain  nombre  de  petits  agriculteurs  et  d'ouvriers  italiens,  louent 
aux  Français,  aux  Arabes,  ou  à  leurs  compatriotes,  des  parcelles  de 
terre  qu'ils  cultivent  <^M>iOi7ù'',  c'est-à-dire  que  le  propriétaire  donne 


-  322  - 

la  semence  et  qu'après  la  moisson,  locataire  et  propriétaire  partagent 
en  deux  le  produit  de  la  récolte.  Quelques  riches  indigènes  possè- 
dent de  grandes  surfaces  de  terrain  qu'ils  cultivent  d'après  la  méthode 
française. 

A  l'est  de  la  plaine,  au  point  de  jonction  des  limites  des  Caïdats  de 
Mateur,  deBizerte  et  de  ïébourba,  près  de  la  gare  d'Aïn-Rhelal,  se 
sont  installées  deux  fermes  françaises  ;  elles  constituent  avec  quelques 
autres  exploitations  situées  sur  les  territoires  de  Bizerte  et  de  Té- 
bourba  un  noyau  de  colonisation  française  qui  tend  à  prendre  déplus 
en  plus  d'importance.  Dans  cette  région,  les  terres  ont  une  valeur  de 
350  à  400  francs  l'hectare. 

La  culture  des  céréales  donne,  dans  la  plaine  de  Mateur,  des  résul- 
tats excellents  et  suivis  ;  même  en  année  de  sécheresse  printanière, 
comme  en  1905,  la  récolte  est  moyenne  et  assure  un  gain  à  l'agricul- 
teur. Les  rendements  sont  de  10  à  L2  quintaux  à  l'hectare  pour  le 
blé,  et  de  14  à  16  quintaux  pour  l'avoine  et  l'orge.  Il  existe  peu  de 
vignobles  dans  la  région,  cependant  placée  dans  des  conditions  de 
viticulture  identiques  à  celle  de  la  plaine  de  Bône  ;  cela  s'explique  par 
le  fait  que  la  colonisation  s'est  développée  à  Mateur  au  moment  le 
plus  intense  de  la  crise  viticole.  La  vigne  produit  de  70  à  90  hectoli- 
tres à  l'hectare  et  fournit  de  bons  vins  de  coupages.  Un  syndicat  est 
en  voie  de  formation  pour  la  culture  du  coton. 

Le  sol  est  très  propice  à  l'élevage  du  bétail,  et  il  y  aurait  un  inté- 
rêt considérable,  pour  les  colons,  à  posséder  des  vaches  plus  laitières. 
M. Grimaldi, agronome  italien, qui  a  séjourné  quelque  temps  à  Mateur, 
constate  que  la  plaine  est  identique  comme  sol  et  climat,  à  la  partie 
la  plus  fertile  de  la  Sicile.  Il  conseille  vivement  de  faire  venir,  dans 
ce  pays,  des  vaches  de  la  race  dite  moclica,  que  l'on  trouve  près  de 
Syracuse,  et  qui  fournissent  de  10  à  !20  litres  de  lait  par  jour.  Les 
colons  étudient  actuellement  la  question  et  il  est  probable  qu'ils  s'as- 
socieront pour  acheter  un  troupeau  de  cette  race  sicilienne  et  créer, 
en  coopération,  une  laiterie  et  une  fromagerie.  Dans  les  conditions 
actuelles,  on  exporte  chaque  année,  de  Mateur,  pour  plus  île  ." 50.000 
francs  de  beurre.  Il  est  également  question  de  demander  à  la  Direc- 
tion de  l'Agriculture  ({u'elle  procure  aux  colons  un  laureau  zt'lni  cl 
un  étalon  l)audet. 


-  [m 


La  région  des  Mogods.  —  La  Mo^^odie  aune  superficie  de  1.200 
kilomètres  carrés;  elle  est  limitée  :  an  Nord,  par  la  mer,  du  cap  Dou- 
kara  au  cap  Négro;  à  l'Est,  elle  conline  au  Caidatde  Bizerle;  au  Sud 
aux  territoires  de  Mateur,  des  l^éjaoua  et  des  Hédill;  à  l'Ouest,  aux 
Nefza.  Ce  pays,  très  montag^neux,  est  divisé  en  deux  parties  égales 
par  la  vallée  de  l'oued  Sedjenane,  où  coulent  de  nombreuses  sources. 

La  côte,  généralement  escarpée,  est  couverte  de  falaises  rocheuses 
et  de  dunes  de  sable  ;  les  grèves,  rares  et  de  peu  d'étendue,  y  for- 
ment des  criques  désignées  sous  le  nom  de  marsa,  où  viennent  atter- 
rir parfois  les  pécheurs  et  les  contrebandiers.  Les  sinistres  mariti- 
mes sont  assez  fréquents  sur  cette  côte,  au  large  de  laquelle  se  dres- 
sent l'ilôt  de  la  Galite  et  les  deux  écueils  connus  sous  le  nom  de  Fra- 
tellL  Le  littoral  de  Mogodie  présente  trois  points  où  il  est  possible 
d'atterrir  avec  de  fortes  barques  :  la  marsa  Sidi-Mechereg,  où  les 
Romains  possédaient  un  petit  établissement  maritime  dont  il  reste  un 
petit  bâtiment  assez  bien  conservé  ;  la  marsa  Ez-Ziatine  et  la  marsa 
Sidi-Mansour. 

En  Mogodie,  il  n'y  a  que  des  sentiers  où  passent  seulement  les  pié- 
tons et  les  mulets;  ils  zigzaguent  d'un  henchir  à  l'autre;  quelques- 
uns,  plus  fréquentés,  mènent  à  Mateur  et  à  Souk-el-Djemaà,  les  deux 
marchés  du  pays  ;  d'autres  relient  les  Mogods  aux  territoires  des 
tribus  voisines,  Béjaoua,  Hédill  et  Nefza  ;  ils  sont,  en  général,  peu 
praticables.  Les  sentiers  traversant  les  parties  basses  du  pays  sont 
assez  bons  pendant  la  belle  saison,  mais  la  nature  argileuse  du  ter- 
rain les  rend  très  difficiles  pendant  la  saison  des  pluies. 

Il  n'existe  pas,  dans  le  pays  des  Mogods,  un  seul  centre  habité  de 
quelque  importance;  la  population,  qui  est  de  12.700 habitants  envi- 
ron, est  répartie  en  petits  douars  fixés  sur  les  hauteurs  couvertes 
de  broussailles.  Les  parties  basses  sont  généralement  inondées  à 
l'époque  des  semailles;  il  est  donc  difficile  de  les  utiliser  autrement 
que  comme  terres  de  pâturages. 

Les  indigènes  cultivent  cependant  le  blé,  l'orge,  le  sorgho,  le  maïs, 
les  fèves  et  les  pois  chiches,  mais  en  petite  quantité  et  tout  juste  ce 
qui  leur  est  nécessaire  pour  leur  consonnnalioii  etHê  paiement  des 
impôts.  Ils  cultivent  également  le  tabac  qui  réussit  assez  bien  dans 
les  parties  siliceuses  du  nord  de  la  vallée  de  l'oued  Sedjenane,  et 
dont  les  meilleures  feuilles  servent  à  la  fabrication  de  la  twfj'd,  ou 


—  324  — 

tabac  à  priser  très  apprécié  des  Arabes  et  des  Juifs,  et  qui  s'écoule 
très  facilement,  en  contrebande,  à  des  prix  qui  varient  de  10  à  20 
francs  le  kilogramme.  Le  Service  des  Monopoles  a  beau  exercer  une 
sévère  surveillance,  la  fraude  ne  s'en  pratique  pas  moins  sur  une 
très  large  échelle.  Cela  se  conçoit,  les  Monopoles  ne  payant  la  pre- 
mière qualité  de  tabac  brut  qu'à  raison  de  1  fr.  30  le  kilogramme. 
Aussi  le  planteur  invente-t-il  des  ruses  d'Apaches  afin  de  soustraire 
aux  livraisons  la  plus  grande  partie  possible  de  sa  récolte,  et  pour 
cela,  au  luret  à  mesure  delà  dessication,  il  cache,  en  dehors  de  son 
gourbi,  dans  les  broussailles  et  les  rochers,  les  plus  belles  feuilles 
emballées  dans  des  peaux  de  bouc.  Grâce  à  la  nature  accidentée  du 
pays,  saut  le  cas  de  délation,  la  découverte  d'un  dépôt  de  tabac  est 
très  rare.  En  1903,  les  Mogods  ont  livré  à  la  régie  35.000  kilogs  de 
tabac,  représentant  la  somme  de  25.000  francs;  en  1904,  33.000 
kilogs  pour  24.000  francs;  en  1905,  seulement  17.000  kilogs  pour 
13.000  francs.  L'année  courante  s'annonce  bien  :  plus  de  300  deman- 
des en  autorisation  de  culture  du  tabac  ont  été  adressées  à  la  Direc- 
tion des  Finances  par  les  indigènes  des  jMogods.  Le  prix  moyen  payé 
par  les  Monopoles  est  de  74  francs  les  100  kilogrammes. 

La  vallée  de  l'oued  Sedjenane  est  très  fiévreuse  et  généralement 
submergée  pendant  l'hiver.  Au  Nord,  dans  les  montagnes  et  les  dunes 
sablonneuses  situées  entre  cette  vallée  et  la  mer,  la  végétation  est 
assez  rabrougrie  et  la  population  très  clair-semée.  Des  Italiens  et 
quelques  Français  s'y  livrent  à  l'élevage  du  cochon.  Au  sud  de  la  val- 
lée, les  montagnes  sont  plus  boisées,  mais  les  massifs  forestiers  y 
sont  moins  vigoureux  que  dans  la  partie  ouest  constituant  le  massif 
des  Nelza.  A  l'abri  des  broussailles  qui  couvrent  les  montagnes, 
pousse  une  herbe  très  abondante  et  convenant  parfaitement  aux 
bœufs,  aux  chèvres  et  à  l'élevage  des  petits  chevaux,  élégants  et  résis- 
tants dits  «  poneys  des  Mogods  ».  Les  Romains  possédaient,  dans 
cette  partie  montagneuse,  la  plus  salubre  de  la  Mogodie,  do  nom- 
breux établissements. 

Dans  ce  pays,  où  il  n'existe  encore  ni  routes,  ni  pistes  carrossables, 
ni  ponts  sur  les  oueds  qui  deviennent  infranchissables  en  hiver,  neuf 
familles  ont  créé  des  exploitations  rurales.  Deux  fciniiics,  les  deux 
so'urs,  ont  eu  le  courage  de  s'établir  seules,  éloignées  de  toute  iiabi- 
tation  européenne,  en  plein  bled  arabe  ;  en  janvier  de  cette  année, 
leur  ferme  fut  inondée,  entourée  d'eau  de  toutes  parts,  et  les  deu\ 


-  :32?i  - 

prisonnières  restèrent  sans  pain  pendant  plus  de  vinji^t  jours.  Le  cas 
n'est  d'ailleurs  pas  isolé:  un  certain  nombre  de  propriétaires  ihuirais 
et  plusieurs  douars  des  Mogods,  des  iJéjaoua  et  de  Mateur  suJjinMit  le 
même  sort. 

Le  chemin  (ie  fei'  (jui  va  procliainemcnt,  relier  Mateur  aux  Ncr/.;!, 
desservira  la  Mogodie,  en  empruntant  la  vallée  de  l'oueri  Malali  ;  il 
traversera,  de  l'Est  à  l'Ouest,  la  pai'lie  sud  de  ce  pays  qui  est  de 
beaucoup  la  plus  fertile. 

Région  des  HédiU.  —  La  région  des  Ilédill  est  limitée  :  au  Nord, 
par  les  Mogods;  à  l'Est  et  au  Sud,  par  le  Caïdat  de  Béja;  à  l'Ouest, 
par  les  Béjaoua.  Les  habitants,  au  nombre  de  8.300  sont  dissé- 
minés par  petites  fractions  sur  les  pentes  des  montagnes,  et  ces  sau- 
vages ne  dégringolent  de  leurs  djebels  que  pour  mener,  sur  les 
marchés  de  Mateur  ou  de  Béja,  les  produits  de  leurs  troupeaux. 

De  même  qu'en  Mogodie  et  aussi  dans  les  Béjaoua,  les  voies  de 
communication  sont  très  précaires  dans  les  Hédill  ;  ce  sont,  pour  la 
plupart,  des  chemins  muletiers,  difficiles  en  tout  temps.  La  piste 
principale  est  celle  de  Mateur  à  ïabarka  traversant  le  territoire  des 
Ilédill  de  l'Est  à  l'Ouest,  sur  la  rive  droite  de  l'oued  Ilallalif;  une 
autre  piste,  celle  du  Cap-Serrat  à  Béja,  coupe  les  Hédill  du  Nord  au 
Sud-Est  par  la  zaouïa  de  Sidi-Ali-ben-Abid,  Aïn-Youddi  et  Sidi-bou- 
Déa.  De  nombreux  sentiers  mettent  en  communication  les  Ilédill 
avec  les  Mogods  et  les  Béjaoua.  Une  route  projetée  desservira  les 
gisements  miniers  des  Hédill  et  rejoindra  la  voie  ferrée  Nelza-Ma- 
teur  au  Nord,  et  la  voie  Béja-Matem^  au  Sud-Est. 

Le  pays  des' Hédill  est  très  abrupt  et  profondément  raviné.  Sou- 
vent on  voit  sur  les  crêtes  les  ruines  de  postes  romains  d'une  forme 
particulière  :  ce  sont  des  tours  carrées,  dont  le  côté  ne  mesure  pas 
plus  de  trois  mètres  à  la  base,  et  divisées  verticalement  en  trois  éla- 
g-es.  De  chacun  de  ces  bâtiments,  aujourd'hui  repaires  des  grands 
oiseaux  de  proie,  on  aperçoit  distinctement  les  autres. 

La  colonisation  française  n'a  pas  encore  pénétré  dans  cette  pitto- 
resque région,  mais  un  certain  nombre  ^ritaliens,  ouvriers  des  mines 
exploitées  dans  ces  montagnes,  ont  loué  aux  indigènes  des  parcelles 
de  terrain  qu'ils  ensemencent  de  fèves  et  de  cpielques  autres  légu- 
mes rustiques;  ils  y  ont  également  [liante   un   [teu   de  vigne.    Les 

La  Tunisik  du  Nouu  iîi 


—  o2G  — 

indigènes  cultivent  dans  les  vallées  arrosées  et  fertiles,  le  blé,  l'orge 
et  le  sorgho  ;  ils  s'adonnent  surtout  à  l'élevage  des  bestiaux. 

La  zaouïa  très  renommée  de  Sidi-ben-Abid,  située  sur  le  versant 
est  du  djebel  Tabouba,  est  le  point  le  plus  important  de  ce  pays.  On 
y  trouve  toujours  l'hospitalité  la  plus  large. 

F^égion  des  Béjaoua.  —  Le  territoire  des  Béjaoua  est  limité  :  au 
Nord,  par  les  Mogods,  au  Nord-Est  par  le  territoire  de  Mateur  ;  au 
Sud  par  le  Caïdat  de  Medjez-el-Bab  ;  à  l'Ouest  par  le  Gaïdat  de  Béja 
et  les  Hédill. 

Le  pays  des  Béjaoua  est  moins  tourmenté  que  celui  des  Hédill, 
mais  il  est  aussi  dépourvu  de  voies  de  communication  :  les  sentiers 
grimpent  et  descendent  rapidement  au  gré  des  accidents  de  terrain 
multiples  et  des  bancs  de  rochers  considérables  que  l'on  retrouve 
presque  continuellement  dans  la  région.  Le  chemin  de  Mateur  à  Béja, 
praticable  aux  arabats  pendant  la  belle  saison,traverse  les  Béjaoua  en 
suivant  la  vallée  de  l'oued  Tine.  La  voie  ferrée  projetée  de  Béja-Ma- 
teur  desservira  la  vaste  région  des  Béjaoua, en  suivant  les  vallées  de 
l'oued  Djoumine  et  de  l'oued  Boudissa,  côtoyant  au  Sud  les  djebels 
Antrah,  Blida,  et  passant  au  Nord  du  curieux  djebel  Tahent. 

Dans  les  Béjaoua  on  compte  environ  l'i.OOO  indigènes,  quelques 
centaines  d'Italiens  et  une  dizaine  de  fermes  françaises,  presque 
toutes  situées  au  Nord-Est  du  territoire,  dans  la  partie  confinant  à  la 
plaine  de  Mateur.  Deux  exploitations  françaises  ont  cependant  été 
installées  à  l'ouest  des  Béjaoua,  entre  le  Tahent  et  la  limite  du  Caidat 
de  Béjà,  dans  la  vallée  de  l'oued  Boudissa. 

Les  montagnes  renferment  de  riches  gisements  de  calamine.  Quel- 
ques-uns sont  actuellement  exploités  ;  d'autres  le  seront  dès  que  les 
Béjaoua  pourront  être  réliés  à  Mateur  par  un  chemin  de  1er  ou  une 
route  carrossable. 

Le  sol,  dans  cette  contrée,  est  d'une  extraordinaire  lértdité  et  des 
plus  propices  à  l'établissement  de  la  petite  colonisation,  principale- 
ment dans  les  vallées  de  l'oued  Djoumine  et  de  l'oued  Boudissa. 
Malheureusement,  la  majeure  partie  des  bomies  terres  est  possédée 
par  des  habous  privés,  gérés  par  des  mokkadeiii  (|ui  les  cultivent  peu 
ou  prou, mais  refusent  de  les  vendre  aux  roumis.  On  y  voit  de  beaux 
pâturages  où  paissent  de  nombreux  troupeaux  et  des  poneys  comme 
ceux  des  Nefzu  et  des  Mogods. 


—  :i27  — 

Les  monticules  sont  garnis  d'oliviers  sauvages  qu'il  serait  très 
facile  de  débroussailler  et  de  grelTer,  de  caroubiers,  de  g^ênets  épineux 
et  de  lentisques  ;  sur  les  bords  de  quehjues  oueds  et  dans  les  fonds 
des  vallées,  on  voit  des  peupliers  et  des  trembles. 

Dans  les  jardins  qui  entourent  les  douars,  poussent,  en  grande 
quantité,  les  (igiiiers,  les  amandiers,  les  abricotiers,  les  pêchers  sous 
lesquels  sont  cultivés  quelques  légumes,  tels  que  :  choux,  oignons, 
salades,  melons,  courges,  pastèques,  etc.  La  vigne  s'y  trouve  à  l'état 
d'exception. 

Population.  —  Le  Caïdat  de  Mateur  compte  environ  47.."i(X)  habi- 
tants :  450  Français;  2.000  Italiens;  200  autres  Européens;  LlOO 
Israélites  ;  43.500  Musulmans. 

Propriétés.   —   71   Français  possèdent,  dans  ce   Caidat,    10.781 

hectares  de  terre,  se  répartissant  ainsi  : 

Bizerte 30  propriétaires. . . .     M  .370  hectares 

Mogods 0  —  ....       4.023         — 

Béjaoua iO  —  ....       3.838         — 

Aïn-Rhelal 2  —  ....  250         — 

Isolés 20  —  300 

Le  Gouvernement  du  Protectorat  a  livré,  par  voie  de  subslilulion, 

à  la  colonisation  française,  du  Ic"  janvier  1900  au  31  décembre  1005, 

dans  le  Caïdat  de  Mateur,  3. 135  hectares  de  terres  liabous,  pour  la 

somme  de  442.530  francs. 

Marchés.  —  Le  marché  de  Mateur,  le  seul  important  du  Caïdat, 
dure  trois  jours  chaque  semaine:  le  vendredi,  moutons  et  chèvres; 
le  samedi,  chevaux  et  bovidés  ;  le  dimanche,  céréales,  volailles, 
peaux,  laines,  cirarbon,  etc.  Lo  marché  aux  bestiaux  se  tient  au  cen- 
tre de  la  ville  ;  le  marché  aux  céréales  et  autres  denrées  est  situé  à 
la  gare,  où  un  bâtiment  couvert,  très  insuftisant  d'ailleurs,  a  été 
construit. 

Les  chiffres  suivants  peuvent  donner  une  idée  île  l'imporlance  des 
transactions  ;  ils  se  rapportent  à  un  bon  marché  de  printemps 
(mars  1906): 

Bœufs:  1.200;  chevaux  :  80  ;  mulets  et  ânes:  00;  moutons  et  chè- 
vres: 2.500;  beurre:  800  kilos;  volailles:  500  pièces:  œufs:  1.2(X)à 


—  8i>8  - 

1.500;  laines:  l.!20Û  kilos;  charbon  de  bois:  1.000  kilos;  miel:  100 
kilos  ;  peaux  (moutons,  chèvres,  bœufs,  chameaux)  100  ;  blé  :  20.000 
kilos  ;  orge:  18.000  kilos;  sorgho  :  7.000  kilos.  (Le  printemps  est  la 
morte  saison  pour  les  céréales  ;  les  céréales  européennes  ne  parais- 
sent pas  au  marché,  étant  livrées  directement.) 

Aux  époques  de  transactions  actives  (printemps  et  automne),  il 
n'est  pas  rare  de  voir  une  population  flottante  de  4  à  5.000  indi- 
gènes occuper  les  fondouks  de  Mateur  pendant  les  trois  jours  de 
marché. 

Exportation.  —  Statistiques  des  exportations  de  la  gare  de  Ma- 
teur,  de  1902  à  1905  : 

i902  :  7.204  tonnes  de  céréales  ;  3.044  tonnes  de  paille  et  fourrage; 
1.906  tonnes  de  minerai  ;  i.594  tonnes  de  charbon  de  bois;  31.479 
tonnes  de  pierres  ; 

1903:  14.920  tonnes  de  céréales;  2.374  tonnes  de  paille  et  four- 
rage ;  2.052  tonnes  de  minerai;  1.392  tonnes  de  charbon  de  bois; 
9.519  tonnes  de  pierres  ; 

1904:  10.591  tonnes  de  céréales  ;  1.739  tonnes  de  paille  et  four- 
rage; 2.555  tonnes  de  minerai:  831  tonnes  de  charbon  de  bois; 
1.024  tonnes  de  pierres; 

1905:  10.169  tonnes  de  céréales  ;  2.936  tonnes  de  paille  et  four- 
rage; 2.405  tonnes  de  minerai;  368  tonnes  de  charbon  de  bois;  30 
tonnes  de  pierres. 

Il  faut  compter,  en  moyenne,  10.000  tonnes  ae  marchandises  di- 
verses, dont  5.000  environ  de  céréales,  transportées  chaque  année 
par  les  arabats,  et  qui,  par  conséquent,  ne  figurent  pas  dans  les  sta- 
tistiques officielles  délivrées  par  la  giu'e  de  Mtiteur. 


CIlAiMTIIE  IV 


CONCLUSIONS 


Nous  avons  très  rapidement  énuméi'é  les  gigantesques  travaux 
qui  ont  été  accomplis  en  peu  d'années  pour  l'aménagement  du  port 
de  Bizerte.  Nous  avons  vu  croître  et  se  développer,  sur  les  bords  du 
lac,  toute  une  belle  ville  française  semi-militaire,  semi-civile,  dont 
les  hauteurs  environnantes  sont  partout  crénelées,  cuirassées,  gar- 
nies de  canons  à  longue  portée.  Le  port  et  la  ville  sont,  dit-on,  impre- 
nables. A  condition,  toutefois,  que  la  tâche  commencée  et  qui  a 
nécessité  de  très  lourds  sacrifices,  soit  poursuivie  sans  inutiles  dé- 
penses, mais  aussi  sans  ces  arrêts  brusques  qui  menaceraient,  s'ils 
se  perpétuaient,  de  compromettre  l'œuvre  si  admirablement  conçue 
par  le  génie  français.  Laisser  un  outillage  en  repos  pendant  de  lon- 
gues années,  serait  s'exposer  à  le  trouver  inutilisable  le  jour  où  il 
faudrait  s'en  servir.  Un  arsenal  ne  doit  pas  être  un  corps  sans  âme; 
il  faut,  au  contraire,  qu'il  ne  reste  jamais  inactif;  que  les  ouvriers 
soient  constamment  à  leurs  postes  ;  que,  comme  Toulon,  comme 
Brest,  comme  tous  nos  arsenaux  de  France,  l'Arsenal  de  Sidi-Ab- 
dallah  fournisse  à  la  Marine  un  contingent  de  travaux  cl  ([n'il  pos- 
sède son  cadre  d'ouvriers  spéciaux. 

Alors,  Bizerte  reprendra  vie  et  aussi  Ferryvillo  et  Tindja.  Les 
ouvriers  qui  peinent  durement  tout  le  jour,  trouveront  non  loin  de 
l'atelier,  soit  la  maisonnette  indépendante,  soit  la  petite  exploitation 
rurale  avec  verger,  olivette  et  clos  de  vigne.  Il  est  incontestable  que 
les  tendances  à  l'exode  aux  champs  se  manifestent  dans  toutes  les 
villes  industrielles  :  où  rouvrier  Irouvera-t-il  pays  plus  propice  à  la 
réalisation  du  rêve  de  la  vie  en  plein  air,  (|ue  tians  la  région  privi- 
légiée de  Sidi-Abdallah  ? 


—  330  - 

La  Direction  de  rAgricuiture  se  préoccupe  de  l'acliat  de  terrains 
qu'elle  divisera  en  petites  parcelles  aux  environs  de  Ferryville  et  de 
Tindja.  Elle  fera  ainsi  œuvre  intéressante  de  petite  colonisation,  de 
colonisation  assistée,  c'est-k-dive  celle  du  petit  fonctionnaire,  de  l'arti- 
san qui,  vivant  déjà  de  son  traitement  ou  de  son  salaire,  se  procurera 
par  la  culture  de  son  jardin,  un  supplément  de  produits,  en  même 
temps  qu'il  y  recueillera  le  bénéfice  d'une  existence  adaptée  aux 
meilleures  conditions  d'hygiène.  Il  s'est  rarement  présenté  pareille 
occasion  de  réaliser  un  essai  de  ce  genre.  Si  l'expérience  est  tentée, 
non  seulement  les  ouvriers  et  les  employés  de  l'Arsenal  se  fixeront 
au  sol,  mais  ils  appelleront  près  d'eux,  leurs  parents  dès  qu'ils  auront 
l'assurance  de  pouvoir  acquérir,  à  peu  de  frais  et  moyennant  des 
paiements  échelonnés,  la  champêtre  habitation  et  le  petit  bout  de 
champ  qu'ils  n'auraient  jamais  pu  posséder  en  France.  Et  ce  sera  tout 
profit  pour  la  colonisation. 


Mais  ce  qu'avant  tout  il  faut  à  Bizerte,  c'est  un  port  de  commerce 
abordable  et  un  port  charbonnier.  Le  rachat  par  l'Etat  du  monopole 
accordé  à  la  Compagnie  du  Port  de  Bizerte,  se  négocie  en  ce  moment, 
et  dans  quelques  mois  ce  sera  fait  accompli.  Alors  les  tarifs  qui  frap- 
pent de  droits  énormes,  prohibitifs,  les  marchandises  importées  ou  ex- 
portées par  le  port  de  Bizerte  seront  considéi'ablement  réduits,  et  les 
charbonniers  qui,  venant  de  Cardiff,  de  Newcastle  ou  des  autres  ports 
du  Xord,  toucheront  à  Bizerte  étant  assurés  d'un  li-et  de  retour, 
—  comme  ils  le  sont  actuellement  en  touchant  aux  ports  d'Alger 
ou  d'Oran. 

Nous  savons,  en  effet,  que  les  travaux  de  la  ligne  Ncfza-Mateur 
vont  être  mis  en  adjudication  très  procliaineinent  :  la  ligne  de  Béja- 
Mateur  viendra  ensuite  et,  parrallèlement  à  ces  voies,  la  Direction 
des  Travaux  publics  va  poursuivre  la  construction  des  routes  deMa- 
leur-Tunis,  de  Mateur-Jjéja  et  de  Maleur-Télinucba.  Ces  voi(^s  desser- 
\  iront  des  contrées  extrèmenuMit  Ici  lil(\s,  dont  les  valh'cs  conliciiiicnt 
^\v<^  h'Maiiis  de  ciillnre  (rniic  r(''ell('  valeur,  et  don!  les  inonlagnes 
renlej'inent  de  très  riches  gisements  miniers,  (|ui  n'ont  jus(jiralor's 
été  exploités  faute  de  moyens  pratiques  de  communication  avec  un 
porl  d'embarquement.  ^ 


—  lYM  — 

Les  produits  do  ces  régions  arrivant  à  Matour  seront  diri^^és  sur  le 
port  de  Uizerte,  soit  par  le  chemin  de  fer  Tunis-nizerte,  soit  par  la 
route  que  l'Administration  établira  entre  Mateur  et  iJizerte,  car  un 
fait  existe  :  Mateur  se  trouve,  en  ligne  directe,  à  une  distance  de 
;}4  kilomètres  de  Bizerte,  —  c'est  la  voie  que  suit  le  clieniin  de  fer 
Tunis-Bizerte.  Mais,  entre  Bizerte  et  Mateur,  il  n'existe  pas  de  route 
carrossable,  autre  que  celle,  impraticable  l'hiver,  qui  contourne  le 
lac  Achkel,  aboutissant  à  Bizerte  après  un  détour  de  T)ô  kilomètres. 
Une  bonne  route,  convenablement  empierrée,  part  bien  de  Bizerte 
se  dirigeant  vers  Mateur,  mais  elle  s'arrête  à  Tindja,  c'est-à-dire  à 
17  kilomètres  de  Mateur.  Pourquoi,  demandera-t-on,  ne  prolonge-t-on 
pas  cette  route  juscfu'à  Mateur'?  Pourquoi  n'empierre-t-on  pas  ces 
17  kilomètres,  situés  en  terrain  plat  et  n'exigeant,  par  conséquent, 
aucun  travail  d'art?...  Parce  que  le  Génie  s'y  oppose.  En  ce  mo- 
ment, les  marchandises  partant  de  Mateur  pour  se  rendre  à  Marseille, 
économisent  deux  francs  par  tonne  en  s'embarquant  à  Tunis,  distant 
pourtant  de  65  kilomètres,  tandis  que  Bizerte  n"est  situé  qu'à  .'li  kilo- 
mètre de  Mateur.  Nous  voulons  croire,  dans  l'intérêt  de  Bizerte  et 
de  Mateur,  (|ue  le  génie  militaire  ne  voudra  pas  davantage  prolon- 
ger une  silualiou  aussi  préjudiciable  au  commerce  de  ces  deux  villes. 


Dans  la  région  de  Mateur,  la  colonisation  est  l'unique  produit  de 
l'initiative  et  des  capitaux  privés.  Et  pourtant,  cette  contrée  merveil- 
leuse qui,  par  son  climat  et  la  nature  de  son  sol  est  vraiment  la  terre 
d'élection  de  la  petite  colonisation  peuplante,  a  été  longtemps  mécon- 
nue, tenue  à  l'écart,  pres(]ue  complètement  ignorée. 

Nous  avons  vu  que  la  terre,  aux  environs  immédiats  de  Mateur, 
atteignait  des  prix  fort  élevés,  inabordables  aux  agi'iculteurs  ne  pos- 
sédant qu'un  modeste  capital.  Mais,  grâce  à  rétablissement  des  routes 
et  voies  ferrées  projetées,  les  régions  les  plus  éloignées  de  la  ville,  les 
vallées  de  l'oued  Dj()umin(\  de  l'oued  Boudissah,  de  l'oued  Malali, 
certaines  pentes  des  Mogods,  des  lléilill  et  des  lîéjaoua  [lourrout, 
dans  un  avenir  très  prochain,  être  livrées  à  la  petite  colonisation. 

Ces  parties  du  Caïdat  de  Mateur  sont,  en  elfet,  très  propices  au 
petit  élevage,  de  même  ([u'à  la  culture  de  toutes  les  céréales  et  au 
jardinage,  conditions  permettant  d'opérer  des  ventes  successives  et 


—  332  — 

des  rentrées  continuelles,  alors  que  par  la  monoculture,  le  colon  est 
obligé  d'attendre  la  moisson  ou  la  vendange  pour  récupérer  le  prix 
des  produits  de  sa  ferme. 

Il  existe,  dans  ces  régions,  possédées  par  des  habous  privés,  des 
terres  qui,  la  plupart  du  temps,  envahies  par  la  broussaille,  superfi- 
ciellement labourées,  ne  donnent  pas  le  quart  de  la  récolte  qu'elles 
produiraient  si  elles  appartenaient  à  des  colons  français.  La  question 
du  rachat  des  habous  privés,  grave,  épineuse,  a  déjà  soulevé  bien 
des  p^olémiques  ;  je  n'émets  pas  la  prétention  de  la  résoudre  ni 
même  de  la  discuter;  mais  je  puis  bien  indiquer  ici  le  vœu  formulé, 
à  différentes  reprises,  par  l'unanimité  des  colons  de  Mateur,  priant 
le  Gouvernement  du  Protectorat,  tout  en  sauvegardant  les  intérêts 
des  indigènes,  d'acheter  ou  d'échanger,  dans  les  Béjaoua  et  dans  les 
Hédill  principalement,  quelques  îlots  de  terrain  (]ui  pourraient  être 
cédés  à  nos  petits  colons. 

D'autres  vastes  superficies  de  terre  seraient  aisément  disputées  à  la 
nature  qui,  périodiquement  les  inonde  et  les  couvre  d'un  limon  vaseux 
les  rendant  impropres  à  toute  culture  :  ce  sont  les  terrains  maréca- 
geux situés  au  sud  du  djebel  Achkel,  bordant  les  propriétés  françai- 
ses de  la  région  nord  et  nord-ouest  de  la  plaine  de  Mateur. 

Cette  année  les  abords  de  l' Achkel  n'ont  pas  été  les  seuls  à  soulïVir 
de  l'inondation  ;  les  terres  environnantes  ont  été  également  submer- 
gées, couvertes  d'une  nappe  d'eau  de  40  centimètres  pendant  plu- 
sieurs semaines,  et,  naturellement,  il  en  est  résulté  pour  la  phipart 
des  propriétaires  riverains,  des  pertes  considérables  qu'on  ne  peut 
pas  encore  évaluer. 

Cependant,  les  agriculteurs  ont  fait  tout  ce  qu'il  était  possible  do 
faire  pour  assécher  leurs  terres  et  les  assainir;  ils  ont  creusé  des  cen- 
taines de  kilomètres  de  fossés  pour  aider  à  l'écoulement  des  eaux; 
ils  ont  planté  des  milliers  d'arbre,  qui  meurent  d'avoir  été  trop  long- 
temps submergés,  et  tous  les  ellbrls,  accomplis  pjir  rinilialivc  |)i'ivée, 
restent  stéril(>s.  Aussi  les  colons  de  la  région  de  INlateur  font-ils  app(>l 
à  l'Administration  et  la  prient  d'étudier  rélargissemeiit  de  l'oued 
Tindja  —  travaux  d'exécution  facile  (;t  peu  coùlcux  i'elaliv(Miieiil  à 
rimj)()rta)ice  des  sinistres  —  (|ui  pci'nietli'ait  le  rapide  (''conlcnn'iil  du 
lac.  AcIiInc!  dans  le  lac  di'  lii/ertc. 

Ce  n'est  pas,  en  eifet,  comme  on  pourrait  le  croire,  le  débordc»- 
ment  des  oueds  qui  cause  les  dégâts  dont  nous  parlons,  mais  sini))le- 


—  3:«  -. 

ineiit  le  lac  Aclikel  qui,  en  recevant  tous  ces  oueds,  },Tossit  déme- 
surément et,  s'étenfl  à  perte  de  vue  sur  les  champs  voisins.  Il  ne  faut 
pas  être  grand  clerc  pour  comprendre  que  si  ce  lac  avait  un  déversoir 
suffisant  dans  le  lac  de  Bizerte,  son  niveau  ne  s'élèverait  que  fort  peu, 
et  des  milliers  d'hectares,  aujourd'hui  immobilisés,  deviendraient  cul- 
tivables. 

La  situation  est  plus  alarmante  dans  la  région  de  Mabtouha  et 
d'Utique,  par  suite  des  débordements  de  la  Medjerda.  En  décembre 
1905  et  janvier  JDOO,  les  inondations  ont  ravagé,  dans  cette  immense 
plaine,  plus  de  1.200  hectares  ensemencés  en  céréales,  noyant  les 
grains  de  réserve  des  indigènes,  entraînant  les  bestiaux,  rasant  les 
douars  notamment  ceux  de  Zouara  et  de  ^lenzel-Ameur,  détruisant 
les  fossés  et  les  digues  établies  par  les  colons  français.  Les  agricul- 
teurs sont  désespérés,  les  Arabes  sont  sans  pain.  Ils  demandent  au 
Gouvernement  de  les  protéger  contre  le  fléau,  on  faisant  creuser  un 
canal  d'évacuation  rapide  des  eaux,  canal  qui  n'aura  pas  seulement 
pour  résultat  d'assurer  la  défense  des  terrains  de  culture  contre  les 
débordements  du  fleuve  et  l'accumulation  dans  la  cuvette  de  la  Mab- 
touha des  eaux  pluviales,  mais  qui  permettra  aussi,  de  même  qu'à 
Mateur,  d'augmenter  considérablement  les  surfaces  cultivables  et  de 
livrer  quantité  de  nouvelles  terres  fertiles  à  l'exploitation. 


Ou  fut,  il  y  a  quelques  années,  très  hypnotisé  parle  port  de  guerre, 
par  l'Arsenal, par  la  défense  de  lîizerle.  Tous  les  eflorts  convergeaient 
vers  un  but  unique  ;  tous  les  crédits  —  et  ils  furent  gros  —  étaient 
destinés  à  la  militarisation  de  Bizerte  et  de  son  lac.  Bientôt  un  arrêt 
fatal  se  produisit  dans  les  travaux  maritimes  et  dans  les  travaux  de 
la  guerre,  et  on  s'aperçut  seulement  qu'il  manquait  quelque  chose  à 
Bizerte,  (fue  celte  ville  adiinrablement  située,  au  débouché  d'une 
région  immense  et  riche,  était  lolalement  dépourvue  des  seules  con- 
ditions économiques  permettant  à  toute  cité  de  vivre  et  de  se  déve- 
lopper :  le  commerce  et  l'industrie. 

Ces  conditions  essentielles  d'existence,  r.izerte,  enlin.  va  les  pos- 
séder. Le  Résident  général,  M.  S.  Pichon,  s'est  parfaitemenl  riMidu 
compte  de  la  situation,  et  il  s'est  particulièrement  attaché  à  tirer 
Bizerte  du  marasme  dans  lequel  elle  agonisait  depuis  la  supension  des 


CA 


^^E    DU    CONTRo^^ 


UROMBAIJA 


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LE  CONTHOLK  CIVIL  1)K  OIIOMHALIA 


CHAPITRE  PREMIER 


Aspect  et  limites.  —  OrcKjrapiiie  et  liydrooraphie.  —  FonHs.  —  Cli- 
niatoloîjie.  —  Les  Romains.  —  Les  lii<li(jèiics.  —  Population 


Aspect  et  limites.  —  L'énorme  cône  qui  forme  la  presqu'île  du 
Cap-L>on,  est  situé  au  nord-est  de  Tunis  et  s'avance,  en  lariçe  pro- 
montoire, entre  le  golfe  de  Tunis  et  la  partie  orientale  de  la  mer 
Méditerranée.  Une  chaîne  de  montagnes  élevées,  se  rattachant  au 
massif  du  Zaghouan  (Sud-Ouest),  et  dont  l'arête  crénelée  se  poursuit 
vers  le  Nord,  partage  symétriquement  ce  cap  en  deux  parties,  for- 
mées de  terres  d'alluvions  éminemment  propres  à  la  culture  des 
céréales  et  à  l'élevage  du  bétail.  Le  Cap-Bon  est  intéressant,  d'aspect 
varié  et  pittoresque.  Les  jardins  d'flammamet  et  de  Nabeul  comptent 
certainement  parmi  les  plus  beaux  delà  Régence;  laDakla  (côté  Est), 
possède  des  terres  très  riches  et  toujours  productives;  la  cote 
Ouest,  mamelonnée  et  riante,  est  couverte  de  pâturages  excellents  et 
de  coteaux  très  propices  à  la  cullure  de  la  vigne;  la  partie  sud,  celle 
où  la  colonisation  européenne  s'est  depuis  longtemps  implantée,  est 
formée  de  vastes  espaces  restés  incultes  et  d'une  large  plaine  bai- 
gnée, au  Nord,  par  le  golfe  de  Tunis,  et  enserrée,  à  l'Est  et  à  l'Ouest, 
entre  deux  chaînons  montagneux;  la  partie  centrale,  montagneuse  et 
profondément  ravinée,  de  même  que  la  pointe  nord,  tour  à  tour 
l'ocheuse  et  sablonneuse,  olfrent  au  promeneur  des  sites  remarqua- 
bles, d'attrayantes  excursions,  et  renferment,  enclavés  entre  dunes  et 
rocs,  de  beaux  terrains  ensemencés  ou  des  prairies  naturelles  (pii, 
grâce  au  régime  régulier  des  pluies,  restent  verdoyantes  toute  l'an- 
née. 


—  33G  —, 

Le  Contrôle  civil  de  Grombalia  était  autrefois  partagé  en  deux 
Caïdats:  le  Caïdat  de  Soliman  (Ouest)  et  le  Caïdat  de  Nabeul(Est); 
par  décret  du  10  août  lOO^,  ces  deux  Caïdats  ont  été  réunis  en  une 
seule  circonscription,  qui  porte  le  nom  de  Caïdat  du  Cap-Bon,  dont 
nous  diviserons  l'étude  en  trois  parties:  1»  Sud  ;  2°  Côte  occidentale 
et  pointe  Nord  ;  >  Côte  orientale. 

Le  Contrôle  est  baigné  à  l'Ouest,  au  Nord  et  à  l'Est,  parla  mer; 
au  Sud,  il  est  limité  par  le  Contrôle  de  Tunis  (Caïdats  de  la  Banlieue 
et  de  Zaghouan),  et  par  le  Contrôle  de  Sousse  (Caïdat  des  Oulad- 
Saïd).  La  limite  sud,  coupant  la  base  du  cône  de  l'Ouest  à  l'Est,  part 
du  rivage  formé  de  petites  dunes  bordant  la  rive  gauche  de  l'oued 
Es-Soltane  (limite  est  du  domaine  de  Potinville),  traverse  la  route  de 
Tunis  à  Sousse,  passe  entre  les  djebels  Srara  et  Halloufa,  puis,  arri- 
vée au  khangLiet  el-Hadjadj,  fait  un  crochet  vers  l'Ouest  et  descend 
vers  le  Sud  directement,  en  suivant  les  crêtes  des  djebels  El-Gouad 
et  Khoridja;  elle  passe  ensuite  par  Bir-el-Turki,  l'oued  Bakbaka, 
Aïn-ez-Zit,  l'oued  Chargui  et  l'oued  Garbaïa.  La  limite  côtoie  alors 
le  versant  occidental  du  djebel  Makki,  passe  par  le  bordj  Sidi-Ah- 
mar,  traverse  Telia,  Touila  et  le  Kef  Bou-Tsalats,  rejoint  le  sommet 
du  djebel  Sidi-Zid,  s'incline  légèrement  vers  le  Sud-Est,  suit  pendant 
quelque  temps  l'oued  Zid,  l'oued  Melah  et  Aïn-Saboun,  passe  entre 
le  djebel  Arbaïa,  l'oued  El-Coucha  et  l'oued  Ramel  ;  la  limite  forme 
enfin  une  ligne  à  peu  près  droite,  passant  par  Sidi-Baiech,  traver- 
sant l'oued  El-Hadjar,  l'oued  Kebir  et  suivant  l'oued  Clierchar  jus- 
qu'à son  embouchure,  située  sur  la  côte  orientale,  au  Nord-Est  de 
Bou-Ficha. 

Orographie.  —  La  région  située  au  sud-ouest  de  la  route  de  Tunis 
à  Hanunamet  (j)artie  sud  du  Contrôle  de  Grombalia),  est  formée  par 
les  contreforts  venant  du  massif  du  Zaghouan  ;  les  sommets  y  sont 
encore  considérables  et  les  chaînons  forment  des  vallées  remarqua- 
bles par  leurs  cultures.  Les  pics  principaux  sont:  les  djebels  Sera, 
Choucha,  Makki,  Jedidi,  Taferiiine,  El-Krouiie,  Gamous,  El-Arbaïne, 
Menzel-Moiissa,  jfarbi  dont  riillitiide  varie  de  ."îdO  à  (HH)  mètres.  La 
plupiirl  (le  ces  montagnes  son!  couvertes  de  broussailles  ot  dlicrl);!- 
ges.  Dans  la  plaine  de  la  Dzir;i  (Gi()iiili;ili;i  ),  il  n'existe  aucune  hau- 
teur méritant  d'être  signaléf^ 

La  région  située  entre  la   roule  de  Tunis-llannuamet  et  la  côte 


orientale  (Su<l-J^sl  du  Contrôle),  est  rorni(''e  piir  nue  cliaîne  de  mon- 
tagnes faisant  séparation  entre  les  bassins  du  {j^oHe  d'Hammarnet  et 
ceux  du  golfe  de  Tunis.  Ces  montagnes  sont  moins  élevées  et  moins 
abruptes  que  les  précédentes  ;  les  plateaux  qui  en  dépendent,  vien- 
nent finir  à  une  distance  de  la  côte  variant  de  deux  ù  sixkilomètres  : 
ils  sont  profondément  ravinés.  Les  rivières  que  l'on  y  rencontre  ont 
presque  toutes  leurs  bords  à  pic.  Cette  chaîne  de  montagnes  est  cou- 
verte, jusqu'à  ses  dernières  pentes,  de  broussailles  rabougries  et  de 
toulles  de  palmiers  nains;  on  y  trouve  aussi  de  l'alfa,  mais  en  petite 
quantité  ;  quelques  beaux  pins  dans  les  ravins.  Les  principaux  pics 
sont:  les  djebels  Ilammamet,  El-Goléa,  Reba-el-Aïn,  Bou-Roukba, 
Djerraia,  El-Knaïss,  Kifane,  Ab-es-Selem,  Oued-en-Nemmer,  Touil, 
lladdad,  Bou-Eddine,  dont  l'altitude  varie  de  150  à  30()  mètres. 

La  grande  chaîne  centrale,  connue  sous  le  nom  de  djebel  Sidi- 
Abderrhaman,  domine  les  côtes  Ouest  et  Est;  cette  chaîne  se 
relève,  vers  son  centre,  en  muraille  presque  à  pic,  puis,  à  mesure 
que  les  sommets  s'abaissent  au  Nord  et  au  Sud,  ils  s'émoussent, 
s'arrondissent,  adoucissent  leurs  pentes,  élargissent  leurs  bases  et 
dessinent  des  vallées  et  des  mouvements  particuliers  de  terrains 
accessibles,  plus  •  facilement  franchissables  et  propres  à  toutes  les 
cultures.  Les  principaux  pics  du  massif  Sidi-Abderrhaman  sont,  du 
Sud  au  Nord  :  les  djebels  Hofra,  Ed-Diss,  Damouss,  Abd-er-Rah- 
man,  Kalaa,  Krarib,  Hoummane,  Ben-Oukid,  Kef-er-Renned,  Kef- 
el-Goléa,  Kef-el-Mergueb,  djebels  Maksine  et  Karsoutine.  Cette  ligne 
bien  nette  du  partage  des  eaux  des  deux  vei-sants  prend  racine  à 
l'est  de  Menzel-bou-Zelfa  et  se  prolonge  au-delà  de  Tozegrane,  jus- 
qu'au djebel  Bou-Krin  ;  là,  commence  un  vaste  plateau  peu  élevé, 
creusé  de  bas-fonds  sans  issue  vers  la  mer,  qui  forme  une  sorte  de 
bassin  central  aboutissant  à  la  garaat  ecli-Cherf  (El-IIaouaria).  L'al- 
titude des  montagnes  du  massif  Sidi-Abderrhaman  varie  de  2Ô0  à 
040  mètres.  L'aspect  de  la  région  centrale  de  la  presqu'île  est  agreste 
et  des  plus  pittoresques:  partout  des  eaux  courantes,  des  gorges  à 
pic,  des  cirques  profonds  et  étroits;  en  beaucoup  d'endroits,  on 
rencontre  des  vestiges  anti(iues  gardant  les  défilés  accessibles.  Les 
vallées,  d'abord  formées  des  nombreux  torrents  t]ui  sortent  du  djebel 
Sidi-Abderrhaman,  soit  à  l'Ouest,  soit  à  l'Est,  s'élargissent  \^vn  à 
peu,  toujours  très  rapides,  et  se  couvi'eut  de  cultures,  d'arbres,  de 
jardins,  de  villages;  elles  sont  émaillées  de  koubbas,  de  zaouia,  de 


—  338  - 

petites  maisons  blanches  isolées  sur  les  flancs.  Enfin,  la  vue  em- 
brasse, épars  çà  et  là,  à  des  altitudes  diverses,  sans  en  excepter  un 
seul,  tous  les  petits  hameaux,  tous  les  douars,  entourés  de  jardins, 
ombragés  d'arbres  fruitiers.  Et  sur  cette  langue  de  terre  où  tout 
semble  dormir,  la  vie  est  active  et  le  paysage  est  animé  par  le  mouve- 
ment des  troupeaux  groupés  sur  les  escarpements,  par  les  chevaux 
en  liberté  au  milieu  des  prairies,  par  le  va-et-vient  des  habitants. 

Entre  l'extrémité  Nord  du  massif  Sidi-Abderrhaman  et  la  pointe 
de  la  presqu'île,  on  rencontre  des  dunes  de  sable  échelonnées  les 
unes  derrière  les  autres  et  couvertes  de  maigres  buissons  de  tamarix; 
quelques  ruisseaux  forment,  à  travers  ces  sables,  des  tranchées  où 
souvent  les  eaux  se  perdent  pour  ne  reparaître  que  sur  la  plage  mê- 
me. Ces  dunes  qui,  à  certains  endroits,  ont  plusieurs  kilomètres  de 
largeur,  forment  de  véritables  mamelons  mouvants  où  Ton  s'enfonce 
profondément.  Après  cette  vaste  coupure  sablonneuse  qui  sépare  en 
deux  parties  (de  l'Ouest  à  l'Est),  la  pointe  de  l'île,  ont  trouve  une 
ligne  de  belles  collines  qui,  de  la  côte  orientale,  va  gagner  le  littoral 
occidental  au-dessous  de  la  baie  de  Sidi-Daoud. 

La  pointe  Nord  du  cap  est  constituée  par  le  massif  d'El-Haouaria, 
isolé,  à  pic  sur  la  côte  et  sur  la  plaine  au  Sud-Ouest.  L'intérieur  de 
ce  massif  se  compose  d'une  masse  de  crêtes  et  de  pic  rocheux,  sépa- 
rés par  des  ravins  tortueux  et  étroits,  à  pentes  très  rapides  vers  la 
mer  et  un  peu  moins  escarpées  du  côté  de  la  plaine.  Les  sommets 
principaux  sont  :les  djebels  El-Ache,  El-Tartoucha,  Mergueb  etTrok, 
Sidi-bel-Abiod,  —  où  se  trouve  un  poste  sémaphorique  —  et  Ras- 
Addar,  dont  l'altitude  est  de  150  à  395  mètres.  Le  Ras-Addar  est  une 
dernière  et  extrême  pointe  rocheuse  dirigée  vers  le  Nord-Ouest  et 
sur  laquelle  s'élève  le  phare  qui  éclaire  l'ouverture  orientale  du  golfe 
de  Tunis.  Au  loin,  les  rochers  de  Djamour  (Zembra  et  Zembretta), 
paraissent  se  raccorder,  par  une  chaîne  sous-marine,  au  système 
montagneux  d'El-Haouaria.  A  l'Ouest,  près  de  Ras-el-Aliinar,  s'élève 
la  colhne  entièrement  crevassée  par  les  grottes  antiques  de  R'har-el- 
Kebir. 

Enfin,  poui' terminer  la  description  orogra[iliit|ii('  du  Cap-noii,  il 
nous  reste  à  mentionner  la  montagne  isolée  sur  le  versant  occidental 
et  qui  borde  le  golfe  de  Tunis,  désignée  sous  le  nom  de  djebel  Kor- 
beuss.  Cette  montagne  est  très  escarpée  et  dénudée,  tellement  à  pic 
qu'aucun  chemin  n'est  praticable  le  long  du  rivage.  On  y  voit  une 


-   -A'A'.)   - 

succession  dégorges  rocheuses,  au  fond  desquelles  gisent  d'énormes 
blocs  détachés  des  sommets,  de  prolondes  cavités  creusées  dans  le  roc 
par  l'action  des  eaux,  des  sentiei-s  formant  de  nombreux  lacets  étroits 
et  accidentés,  tantôt  surplombant  la  mer,  tantôt  resserrés  entre  deux 
murailles.  Ce  bourrelet,  dont  la  plus  haute  élévation  ne  dépasse  pas 
^'iO  mètres,  s'abaisse  graduellement  vers  le  Sud  ;  il  se  termine,  au 
Nord,  par  le  djebel  Fortass,  qui  forme  le  cap  du  même  nom. 

Hydrographie.  —  La  partie  sud  du  Contrôle  de  Grombalia  est  ar- 
rosée :  1»  par  les  oueds  El-^Iasri,  Daroufa,  Melah,  qui  prennent 
leurs  sources  dans  le  massif  montagneux  situé  au  sud- ouest  de  la 
route  de  Tunis  à  Sousse,  et  se  jettent  dans  le  golfe  de  Tunis;  '2»  par 
les  oueds  Damous,  Cherchar,  Sedra,  El-Assoued,  Temad,  prenant 
leurs  sources  dans  le  même  massil  mais  se  jettant  dans  le  golfe 
d'Hammamet.  Ces  cours  d'eau  reçoivent  plusieurs  affluents  ;  leurs 
rives  sont  généralement  escarpées  et  difficiles.  Les  oueds  El-Masri, 
Daroufa  et  Melah  forment,  dans  la  plaine  de  Gombalia-Soliman,  une 
région  marécageuse  très  malsaine. 

La  côte  occidentale  est  sillonnée  de  nombreuses  rivières  dont  les 
principales  sont  :  l'oued  Berzirk  qui,  descendant  du  djebel  Djeb- 
bouza,  traverse  une  région  très  fertile,  au  nord  de  Soliman  ;  l'oued 
Délia  qui  se  jette  dans  l'oued  Berzirk;  l'oued  Aouina,  prenant  sa  source 
dans  le  djebel  Korbeuss  et  arrosant  la  région  de  Takelsa;  l'oued 
Bou-Mia  et  l'oued  Hammane  qui,  après  s'être  réunis  au  pied  du  dje- 
bel Fortass,  contournent  ce  bourrelet  rocheux  et  se  jettent  dans  le 
golfe  près  de  Ras-el-Fortass  ;  l'oued  El-Abid,  important  cours  d'eau 
provenant  du  massif  Abderrhaman  et  recevant,  de  droite  et  de  gau- 
che, de  nombreux  affluents  ;  l'oued  Zoggag,  qui  prend  sa  source  dans 
le  djebel  Oulid,  descend  d'abord  à  travers  des  gorges  escarpées  et 
coule  ensuite  au  milieu  de  collines  sablonneuses  ;  Toued  Zaouia,  qui 
descend  des  hauteurs  de  Tozegrane,  parcourt  une  vallée  assez  acci- 
dentée mais  bien  cultivée  et  dont  tous  les  bas-fonds  sont  couverts 
de  praii'ies  où  poussent  de  beaux  herbages.  Tous  ces  cours  il'eau  se 
jettent  dans  le  golfe  de  Tunis. 

La  pointe  du  Cap-Bon  ne  possède  aucun  cours  d'eau  important, 
mais  les  sources  et  les  puits  s'y  trouvent  en  abondance  et  débitent  pen- 
dant toute  l'année  de  l'eau  excellente.  A  signaler  dans  celle  région 
la  garaat  El-Haouaria  (Ech-Cherl),  grand  lac  d'eau  douce  d'environ 


—  340  — 

quatre  kilomètres  de  long  sur  deux  kilomètres  de  large,  formé  par 
les  eaux  provenant  des  hauteurs  environnantes.  Cette  garaat  conser- 
ve de  l'eau  toute  l'année  ;  ses  rives  sont  très  fertiles. 

Les  oueds  principaux  du  versant  oriental  sont  :  les  oueds  El-Fahr, 
Ez-Zemmech,  Merazga,  El-Gegliir,  El-Sabil,  prenant  leurs  sources 
dans  le  massif  d'Hammamet  et  baignant  la  région  située  entre  Ham- 
mamet  et  Nabeul  ;  les  oueds  Bir-Atia,  Sidi-Abdallah,  El-Kebir  entre 
Nabeul  et  El-Mamoura,  et  prenant  leurs  sources  dans  les  contreforts 
orientaux  du  massif  central  ;  les  oueds  Daroufa,  Othman,  Er-Rerous, 
Bou-Fannir,  entre  Mamouraet  Kourba  ;  les  oueds  Bou-Eddine,  Cliiba, 
El-Hadjar,  Lebna,  Erg-Sass,  entre  Kourba  et  ^lenzel-Temime,  prenant 
leurs  sources  au  cœur  même  du  massif  de  Sidi-Abderrhaman  ;  les 
oueds  Taferksit,  El-Hadjar,  El-Mikelsi,  entre  i\Ienzel-Temine  et  Ke- 
libia;  les  oueds  Embarek  et  Zekar  entre  le  Ras-Mostefa  et  le  Ras-el- 
Melah. 

Outre  les  cours  d'eau  qui  viennent  d'être  énumérés,  la  côte  orien- 
tale du  Contrôle  de  Grombalia  comprend  une  multitude  de  sources 
qui  arrosent  le  pays  et  lui  donnent  sa  fertilité.  Les  puits  sont  très 
nombreux  dans  toutes  les  zaouia  des  Maouïn  (Dakla).  Des  sebkas 
marines  bordent  le  littoral  compris  entre  El-Mamoura  et  Ras-el-Me- 
lah.  Aux  environs  de  Menzel-Temime,  à  l'Ouest,  se  trouve  la  sebka 
Fardjouna,  bassin  de  3  kilomètres  de  longueur  sur  un  de  largeur  ;  ce 
lac,  dont  le  niveau  est  d'environ  40  mètres  au-dessus  de  la  mer,  se 
dessèche  presque  entièrement  en  été  et  rend  la  région  très  malsai- 
ne. Tous  ces  petits  lacs  sont,  en  tout  temps,  couverts  de  gibier  d'eau. 

Forêts.  —  L'Etat  possède  dans  le  Contrôle  civil  de  Grombalia  trois 
massifs  forestiers  qui  ont  ensemble  une  étendue  de  7.100  hectares.  La 
répartition  de  ces  massifs  est  la  suivante  : 

Forêt  du  djebel  Korbeuss 1-.  iOO  hectares 

Forêt  du  djebel  Hammamet 1  .'200        » 

Forêt  du  Cap-Bon  ou  Ras-Addar 1  .."HlO         » 

Soit 7.100        » 

Les  boisements  qui  recouvrent  le  djebel  Korbeuss  sont  constitués 
par  les  esseiices  ordinaires  de  la  région  :  le  thuya,  le  chêne-kermès, 
l'olivier  sauvage,  le  lentisque  ;  ils  forment  des  buissons  assez  serrés 
mais  peu  élevés. 


-  HU  - 

Ceux  que  l'on  rencontre  au  djebel  llaminamet  et  à  Ras-Addar  sont  : 
le  chène-kerniès,  l'olivier  sauvage,  le  lenlisque  ;  ils  sont  bas,  rabou- 
gris et  très  clairsemés.  On  trouve  quelques  pins  d'Alep  au  djebel 
IJammamet. 

Tous  ces  peuplements  sont  en  fort  mauvais  état,  ayant  continuel- 
lement soulï'ert  de  dévastations  de  toute  nature  :  incendies,  pâturage 
exagéré,  délncliements  et  exploitations  des  charbonniei's  marocains. 
Leur  appauvrissement  est  tel  aujoiiid'liui  que  de  nouvelles  exploita- 
tions, aussi  peu  importantes  soient-elles,  ne  pourraient  y  être  prati- 
quées sans  causer  les  plus  grands  dommages.  Il  est  au  contraire  indi.s- 
pensable  de  les  ménager  alin  de  favoriser  leur  reconstitution,  car  leur 
présence  diminue  le  ruissellement,  facilite  la  pénétration  des  eaux 
pluviables  dans  le  sol,  l'alimentation  des  nappes  souterraines  et 
contribue  au  maintien  des  terres  sur  les  pentes. 

La  surveillance  de  ces  ti'ois  massifs  boisés  est  confiée  à  un  seul 
préposé  indigène  qui  a  sa  résidence  à  Hammam-Lif,  où  il  est  encoi'e 
chargé  de  garder  les  plantations  de  pins  d'Alep  qui  ont  été  faites  sur 
le  Bou-Kornine.  Il  s'ensuit  naturellement  que  la  surveillance,  telle 
quelle  est  faite  dans  les  forêts  du  Cap-Bon,  est  insuffisante  et  ne  peut 
empêcher  qu'il  ne  se  commette  de  nombreux  délits. 

Oliviers.  —  Les  olivettes  du  Conlrùle  de  Grombalia  sont  très  impor- 
tantes. Les  forêts  d'oliviers  imposables  sont  ainsi  réparties  : 

Soliman 509.410  oliviers 

Grombalia 80.780           » 

Nianou-Belli 130.795           )> 

Beni-Khalled 1 49.834 

Menzel-bou-Zelfa 471  .t2G7          » 

ToTAi 1.346.080   oliviers  imposables. 

En  outre,  les  olivettes  de  Nabeul,  Mammamet  et  Ivelibia,  non  sou- 
mises à  la  Ghaba,  comptent  ensemble  35'2.i34  pieds  d'oliviers;  soit, 
au  total,  pour  le  (<ap-Bon  :  1.098.2'iO  oliviers. 

Climatologie.—  La  région  du  Cap-Bon  est,  en  général,  des  plus 
saines.  Elle  comporte  même  des  parties,  connue  la  côte  du  Sud-Est, 
qui  remplissent  toutes  les  conditions  nécessaires  à  l'établissement 

La  Tunisie  DU  Nord  23 


—  ;n2  — 

d'un  sanatorium,  par  suite  de  la  pureté  de  l'atmosphère  et  de  la  dou- 
ceur de  la  température  pendant  la  plus  grande  partie  de  l'année  ; 
l'influence  de  la  mer  y  atténue  les  fortes  chaleurs  de  l'été  et  le  siroco 
y  est  inconnu.  Dans  la  presqu'île  entière,  du  reste,  la  chaleur  est  des 
plus  supportables  pendant  la  canicule,  grâce  à  une  brise  marine  très 
fidèle  qui  se  lève  vers  huit  heures  du  matin  et  dure  tout  le  jour;  il 
en  résulte  que  la  fatigue  et  l'anémie  des  pays  chauds  y  sont  inconnues. 
La  tuberculose  et  la  lièvre  typhoïde  y  sont  rares  et  il  y  a  lieu  de  s'é- 
tonner qu'elles  ne  fassent  pas  plus  de  victimes  parmi  les  indigènes, 
étant  données  les  déplorables  conditions  de  l'hygiène  et  la  stupéfiante 
insouciance  des  populations  musulmanes,  qu'elles  soient  du  Cap-Bon 
ou  d'ailleurs. 

Le  seul  point  noir  à  signaler  dans  la  région  du  Cap-Bon,  est  l'exis- 
tence de  foyers  de  paludisme,  bien  limités,  heureusement,  aux  bords 
de  l'oued  Berzirk  et  de  ses  affluents,  aux  parties  basses  de  la  vallée 
du  Bou-Arkoub,  aux  environs  de  Menzel-Temime  et  dans  plusieurs 
petits  vallons  des  montagnes  de  l'intérieur. 

M.  Allemand  JNIartin,  qui  a  publié  une  intéressante  étude  agricole 
du  Cap-Bon,  donne,  de  la  presqu'île,  l'aperçu  climatologique  suivant  : 

((  Le  Cap-Bon  présente  des  conditions  climatériques  très  favorables 
au  développement  delà  colonisation,  tant  en  ce  qui  touche  à  l'hygiène 
du  colon  qu'à  l'agriculture  proprement  dite.  C'est,  avant  tout,  un 
climat  insulaire.  Le  voisinage  de  la  mer  exerce  sur  l'atmosphère  une 
heureuse  influence  au  point  de  vue  hygiénique  et  les  colons  n'ont 
pas  à  redouter  les  tristes  elTets  du  paludisme:  les  régions,  peu  nom- 
breuses, qui  préseiilent  quelque  danger  de  malaria,  peuvent  facilement 
être  connues  et  évitées.  Ce  sont  toujours  les  régions  de  marécage. 

((  On  ne  saurait  désirer  une  contrée  mieux  située  i)Our  la  pureté 
de  l'air,  surtout  si  l'on  s'établit  dans  le  centre  de  la  presqu'île  dont 
l'altitude  moyenne  est  celle  des  plateaux  de  faible  élévation.  Dans  ces 
régions  centrales  on  évite  la  trop  grande  humidité  du  littoral  et  l'on 
obtient  ainsi  le  meilleur  résultat  que  peut  procurer  la  présence  de  la 
mer,  puisque  l'on  est  exposé  à  tous  les  vents-maritimes.  Le  Cap-Bon 
est,  en  effet,  soumis  à  toutes  les  brises  marines  :  les  vents  dominants 
pendant  l'hiver,  ceux  de  l'Ouest  et  du  Nord-(Juest,  viennent  de  la  mei-; 
ceux  qui  soufflent  le  plus  pendant  la  saison  chaude,  venant  du  Nord  et 
de  l'Est,  sont  des  vents  de  mer.  Le  siroco  lui-même,  qui  est  dans  ce 
pays  un  vent  du  Sud-Est,  pei'd,  en  passant  sur  la  mer,  une  partie  de 
sa  sécheresse  et  de  son  action  déprimante;  il  est  beaucoup  moins 
pénible  au  Cap-Bon  ([ii'à  'l'unis.   Le  seul  vent  du  Sud,  le  rhily,  est 


—  343  — 

absolument  exceptionnel  ;  on  ne  l'observe  bien  <ju  a  la  lin  de  l'été. 
Il  n'y  a  pas  de  région  mieux  iavorisée  sous  ce  rapport,  que  celle  du 
Cap-Bon.  » 

Moyenne  de  la  température  observée  dans  le  Cap-JJon  : 
Moyenne  des  maxima  :  26^; 
Moyenne  des  minima  :  il*'  ; 
Moyenne  générale  :  18". 

Températures  extrêmes  : 

Été  :  maximum  :  45'^  ;  minimum  :  12"  ; 
Hiver  :  maximum  :  25"  ;  mininuuTi  :  i<K 

Moyenne  des  pluies  :  de  400  à  500  millimètres  par  an. 

Voles  de  communication.  —  Le  Contrôle  de  Grombalia  est  assez 
bien  desservi  au  point  de  vue  des  moyens  de  communication,  bien 
qu'il  y  reste  beaucoup  à  faire  sous  ce  rapport.  11  est  favorisé  de  la 
ligne  de  Tunis  à  Sousse,  qui  le  longe  non  loin  de  sa  limite  sud,  et  de 
deux  embranchements  qui  lui  sont  propres  :  celui  de  Menzel-bou-Zelfa 
par  Soliman,  et  celui  de  Nabeul  par  llammamet. 

Les  voies  carrossables  du  Contrôle  sont  : 

i«  de  Tunis  à  Gabès,  entre  Bordj-Cédria  et  Bou-Ficha  ; 

2"  embranchement  de  la  gare  de  Grombalia  ; 

3"  —  —    de  Bir-Bou-Rekba  ; 

4o  de  Tunis  à  Grombalia  par  le  Mornag  entre  le  col  du  Mornag  et 
Grombalia  ; 

5o  embranchement  de  l'école  du  Khanguet  ; 

6o  _  de  vS'Rilam  ; 

7"  —  de  la  gare  du  Khanguet  ; 

8"  de  Tunis  au  Cap-Bon,  par  M'raïssa  ; 

0'»  embranchement  de  la  gare  de  Soliman  ; 
lO»  —  de  l'appontement  de  Sidi-Rais  ; 

11»  embranchement  d'El-Aouina  ; 
12o  de  SoliuLTu  à  Kourba  ; 

13"  embranchement  de  Beni-Klialled  à  iMenzol-hou-Zeira  ; 
14o  de  Nabeul  à  Kelibia  ; 
15o  de  Grombalia  à  Ain-Tebournouk  ; 
16"  de  Soliman  à  ]\lenzel-bou-Zelfa  ; 


-  H4i  - 

17o  de  Grombalia  ù  Soliman  ; 
18°  de  Grombalia  à  Beni-Khaled  ; 
19o  de  xMeiizel-bou-Zelfli  au  Cap-Bon  ; 
20«  de  Sidi-Kriss  à  Menzel-bou-Zelfa. 

De  nombreux  chemins  et  pistes  sont,  chaque  année,  améliorés  et 
entretenus  avec  les  fonds  des  pres'ations  et  des  taxes  de  routes. 

Les  Romains.  —  Sur  tout  le  territoire  du  Contrôle  de  Grombalia, 
on  trouve  des  ruines  phéniciennes  et  romaines  qui,  jusqu'alors,  ont 
été  peu  étudiées  et  sont  trop  restées  à  la  merci  des  habitants.  Le  sa- 
vant directeur  du  Service  des  Antiquités,  ]\J.  Merlin,  cherche  le 
moyen  le  plus  pratique  de  sauver  de  la  destruction  finale  les  très  inté- 
ressants vestiges  épars  sur  le  sol  de  la  Régence  ;  mais  il  se  heurte, 
hélas  !  à  nombre  de  difficultés,  dont  la  plus  grave  est  le  défaut  «le 
crédits.  Je  sais  bien  que  les  colons  ont  besoin  de  voies  de  communi- 
cation, que  les  indigènes  manquent  souvent  d'eau  potable,  et  qu'il 
faut  beaucoup  d'argent  pour  créer  des  routes  et  établir  des  canalisa- 
tions. N'empêclie,  cependant,  qu'il  importe  de  mettre  un  terme  à  la 
dévastation  que  nous  avons  eu  l'occasion  de  constater,  chaque  jour, 
au  cours  de  nos  pérégrinations  dans  le  bled  ;  il  y  va  du  bon  renom 
de  la  nation  civilisalrice  qui  a  pris  la  Régence  de  Tunis  sous  sa  pro- 
tection. 

Les  principales  ruines  reconnues  dans  le  Cap-Bon  et  mentionnées 
^ixrV Atlas  Archéologique  sont  : 

I"  Région  Sud  : 

1.  Civltas  Nepheritana  (Henchir  Bou-Dclcr),  située  à  l'ouest  du 
khanguet  El-Iladjadj,  sur  la  limite  séparant  le  Contrôle  de  Grombalia 
de  celui  de  Tunis,  dans  une  région  montagneuse  :  restes  de  construc- 
tions ;  tour;  traces  d'une  enceinte;  inscriptions. 

'2.  Cilibia  (  l Icnchir Kelhi(t),ii  (*>  kilomèlros  au  siid-ouost  de  Grom- 
balia, sur  la  droite  delà  voie  romaine  coiidiiisaiit  de  (4artliage  à  Pul- 
piit  ;  citernes;  enceinte  byzantine. 

.'{.  A  deux  kilomètres  à  l'est  de  Cilibia,  toml)eaux  anciens  creusés 
dans  le  roc,  au  pied  du  marabout  de  Sidi-bou-llekri. 


-  -Mh  — 

4.  Ad  Mercurium  (B/ed  Djedeida),  ù  0  kiloni(''Lros  au  sud-ouest 
fie  'l'iiiki;  restes  antiques  recouverts  par  des  ruines  arabes  moder- 
nes :  mausolée,  dont  les  soubassements  ont  servi  à  élever  une  mos- 
quée ;  inscriptions. 

5.  Municipium  Tubernuc,  à  l'i  kilomètres  au  sud-ouest  de  l'hen- 
chir  Kelbia  :  ruines  assez  étendues  ;  «grande  consiruction,  dont  trois 
faces  sont  encore  à  peu  près  intactes.  Les  restes  romains  et  byzantins 
ont  été  recouverts  au  XV^  siècle  pnr  des  constructions  arabes.  La 
ville  antique  s'allongeait  dans  une  vallée  assez  étroite,  arrosée  par  les 
eaux  d'une  source  abondante  appelée  Aïn-Tebournouk. 

().  Vlna  (Municipium  Auréliuru),  située  tout  près  d'El-Arb  lïn 
(henchir  El-Maden)  :  grandes  ruines  ;  vestiges  d'amphitbéàtre.  Les 
pierres  de  Vina  ont  servi  à  la  construction  du  bourg  arabe  de  Belli, 
dont  la  mosquée  est  ornée  de  colonnes  antiques. 

2o  Côte  occidentale  : 

La  partie  ouest  du  Cap  Bon  est  riche  en  tombeaux,  taillés  dans  le  roc 
(chaîne  centrale),  mausolées,  ruines  d'exploitations  agricoles,  postes 
militaires,  citernes,  citadelles,  dolmen,  etc.  A  sigiialcr  : 

1 .  Carpis  (Colouia  JuJia),  situé  dans  rhenchii-  M'raïssa,  au  pied  du 
djebel  Korbeuss  (Sud)  ;  amphithéâtre,  insci'i[)lions.  (Aquœ  Carpi- 
tanœ.) 

t2.  Hammam-  Korbeuss  au  pied  ouest  du  djebel  Korbeuss,  sur  le 
bord  de  la  mer;  vestiges  d'habitations  épars;  restes  antiques  employés 
dans  les  constructions  du  village  moderne  ;  à  un  kilomètre,  au  Sud- 
Ouest,  ruines  d'une  église  désignées  sous  le  nom  de  Kenisieh. 

:].  Sidi-Aîssa  (Bled  Takelsa),  ruines  importantes  avec  traces  d'en- 
ceintes fortifiées,  fossés  et  double  nuuaille. 

4.  Près  de  Sidi-Aïssa,  à  l'Est,  IfencJiir  Aïn-cI-Ihiïuuiau},  restes  de 
thermes  romains,  succession  de  plates-formes  ou  paliers  superposés 
sur  lesquels  s'élevaient  des  édifices  très  importants:  débris  de  mosaï- 
ques ornées  de  guirlandes  de  Heurs.  La  source  d'eau  thermale  sort  du 
roclier,  à  80  mètres  environ  de  la  ruine. 


—  346   - 

5.  Mizigi  (Dotiéla),  à  8  kilomètres  environ  au  nord-est  de  Kor- 
beuss;  quelques  fûts  de  colonnes  et  chapileaux  sculptés;  inscrip- 
tions. 

G.  Sidl-el-Mereghni,  ruines  assez  étendues;  travaux  de  captation 
des  eaux  ;  au-dessus  de  la  source,  sur  le  plateau,  nombreux  tom- 
beaux. 

7.  Marsa-ben-Ramdam,  sur  la  côte,  au  nord  du  Ras-el-Fortass, 
petite  citadelle  sur  un  rocher  isolé,  dominant  une  crique  où  devait 
se  trouver  le  port  par  lequel  les  colons  romains,  établis  sur  le  plateau 
de  Mizigi  (Douéla),  pouvaient  communiquer  par  mer  avec  Carthage, 
en  évitant  de  contourner  le  massif  de  Korbeuss. 

8.  Djebel-el-Kalaa,  dans  le  massif  de  Sidi-Abderrliaman,  construc- 
tion mégalithique;  ruines  situées  sur  une  arête  rocheuse  étroite,  com- 
prenant, aux  deux  extrémités,  des  assises  de  pierre  de  gros  appareil 
non  taillées,  placées  en  retrait  les  unes  sur  les  autres;  chacune  de  ces 
assises  forme  un  gradin  de  un  mètre  de  haut.  L'ensemble  de  la  Kalaa 
constitue  un  rectangle  fortifié  défendu,  sur  ses  grandes  faces,  par  les 
falaises  de  rochers  à  pic,  de  15  mètres  de  hnut  environ,  et,  sur  ses 
petites  faces,  par  les  constructions  que  nous  venons  d'indiquer  et 
qui  forment  une  courbe  convexe.  Dans  l'intérieur  de  cette  enceinte 
on  a  recueilli  des  éclats  de  silex  taillés  et  des  pointes  de  flèches. 

9.  Zaouiet-SIdi-Ali-Djebali,  à  peu  de  distance  à  l'est  de  la  Kalaa, 
au  centre  du  djebel  Sidi-Abderrhaman,  tombeau  puiii((ue,  creusé 
dans  un  des  énormes  blocs  de  rochers  qui  forment,  siii'  la  rive  gau- 
che du  Chabet-Chabia,  une  falaise  de  10  à  !.">  mètres  de  hauteur  ;  il 
existe,  dans  une  des  niches  du  toinl)eau,  une  gravure  au  trait  repré- 
sentant une  scène  de  sacrifice. 

40.  Siminina  (Drt^/a),  située  snr  le  bord  d(^  la  mer,  à  rcmbonchu- 
re  de  l'oued  Dagia  ;  ruines  occupant  une  superficie  d'an-moins  un 
kilomètre  carré  ;  on  y  relève  les  débris  des  nnu-ailles  d'nne  soixan- 
taine de  constructions  importantes,  avec  des  fragments  de  i)()leries, 
de  fnts  de  colonnes  et  des  morceaux  de  marbre.  Le  sable  a  lualhen- 
reusement  envahi  ces  ruines  qu'il  serait  intéivssant  de  déblayer.  Sni' 
le  bord  même  du  plateau,  à  l'est  de  Dagla,  s'étendent  sur  une  lon- 
gueur de   150  mètres  environ  les  substructions  d'une  épaisse  mn- 


-    :547  — 

raille,  ([iii  soiiL  sans  doute  Jes  restes  d'un  quai.  Sur  un  mamelon,  luie 
construction  importante,  peut-(Mre  la  citadelle. 

11.  M issua  (.S (!V,/(!-i>'aoî/d),  carrières  de  pierre  exploitées  par  les 
Cartliaginois  et  les  Romains;  ruines  importantes;  citernes  voûtées, 
nécropoles. 

l'i.  Aquilaria  ;  la  vaste  crique  du  Koudiat-el-Guerris  (lias-cl-Ah- 
»M?),  est  parsemée  de  ruines  rusées  jusqu'au  niveau  du  sol.  Sous 
l'eau,  on  distingue  des  murs  de  quais  et  des  vestii^es  ie  môles. 

.')"  Pointe  Noi'd  : 

1.  Latomiœ  fBhar-el-Kebir),  carrières  mentionnées  par  Diodon 
de  Sicile  et  Strabon.  Au  bord  de  la  mer,  deux  tours  rasées,  plusieurs 
fûts  de  colonnes  et  un  chapiteau  corinthien  en  marbre.  Traces  d'un 
petit  port,  probablement  cekii  d'IIermœum. 

'2.  Hermœum,  village  arabe  (El-Haouaria),  bâti  avec  les  restes 
d'une  petite  ville  romaine;  à  mi-chemin,  entre  El-Haouaria  et  la 
mer,  restes  d'une  tour  carrée  avec  enceinte,  (jui  servait  de  vigie  et 
assurait  en  même  temps  la  communication  entre  la  ville  et  le  poi'l. 

On  trouve,  dans  cette  pointe  de  la  presqu'île,  de  nombreux  restes 
de  constructions  importantes,  des  tombeaux,  quelques  mausolées,  les 
vestiges  d'un  barrage,  des  aqueducs,  des  citernes,  des  puits  en 
grande  quantité.  Cette  région  rocheuse,  dont  l'extrême  pointe  portait 
le  nom  de  Promnnlorium  Mercurii  (Ras-Addar  ou  Cap-Bon),  était 
habitée  par  une  population  très  dense,  composée  en  majeure  partie 
de  pécheurs. 

4'»  C(')te  orientale  : 

I .  Slagu  {Ksar-ez-Zit),  situé  sur  l'oued  Faouara,  au  pied  du  djebel 
Kelial,  contrefort  du  dje])el  Ifammamet  ;  nombreuses  inscriptions; 
aqueducs;  grande  ciU^riie;  forteresse  byzantine. 

Siagu  avait,  au  !'■'■  siècle  de  notre  ère,  une  organisalion  iiiuniiipale 
complète,  et  était  administré»^  par  des  sullètes.  I^lle  piil  ensuite  le 
nom  de  Civita!>  Sidfiilcuta. 

12.  Putput  {Soi(k-cl-Abiod),  s'élevait  au  débouché  du  délilé  ([ui 
traviM'se  la  voie  de  Cartilage  à  fladrumète,  entre  Vina  et  le  littoral, 
sur  un  plateau  dont  les  pentes  descendent  jusqu'à   la    mer.    Ruines 


—  348   - 

indistinctes  mais  très  étendues  et  disséminées;  citernes;  ampbi- 
tliéàtre;  aqueduc.  Comme  Siagu,  Putput  a  servi  de  carrière  pour  la 
construction  d'Hammamet.  Inscriptions  nombreuses.  C'est  à  Putput 
que  se  détachait  la  grande  route  du  littoral,  la  voie  secondaire  qui 
conduisait  à  l'extrémité  de  la  presqu'île  du  Cap-Bon. 

3.  Neapolis  (Naheul-Kedin);  la  ville  antique  s'élevait  au  bord  de 
la  mer,  entre  l'oued  Scbil  et  l'oued  Cbgrir  et  la  route  de  Nabeul  à  Ham- 
mamet,  à  deux  kilomètres  de  la  ville  arabe,  construite  tout  entière 
avec  les  matériaux  de  la  cité  antique.  Ruines  très  effacées  ensevelies 
sous  les  sables  ;  traces  d'une  jetée  et  d'un  port. 

«  Citée  par  Thucydide,  Neapolis  lut  prise  par  Agathocle  en  310  et 
par  Calpurnius  Piso  en  148.  Probablement  réduite  à  la  condition  de 
ville  tributaire  pendant  le  I«^''  siècle  qui  suivit  la  conquête  romaine, 
elle  fut  colonisée  par  César  comme  l'indique  son  nom  de  Colonia  Jii- 
lia  Neapolis. 

((  Pline  ne  la  représente  cependant  que  comme  une  ville  libre- 
Son  titre  de  colonie  reparaît  dans  les  tables  ptoléméennes,  et  deux 
inscriptions  trouvées,  l'une  à  Nabeul  et  l'autre  en  Espagne,  prouvent 
que  ses  habitants  étaient  inscrits  dans  la  tribu  Arniensis.  »  (Tissot.) 

4.  Colonia  Julia  Curubls (Kourha),  située  sur  une  colline,  à  1.500 
mètres  du  littoral:  traces  d'aqueduc,  tombeau  dans  le  roc;  au  sud 
de  Kourba,  le  port  a  été,  comme  celui  de  Neapolis,  comblé  par  les 
sables.  Curubis  fut  le  lieu  d'exil  de  saint  Cyprien. 

5.  Sidi-Atsmane,  à  l'embouchure  de  l'oued  Ciiiba:  restes  considé- 
rables rl'un  point  tortillé;  l'enceinte  est  encore  nette. 

0.  Kourchine,  trois  tours  hautes  de  7  à  8  mèU-es,  avec  un  reste 
d'enceinte  les  reliant;  à  l'intérieur,  un  puits  comblé. 

7.  Henchir  Kerch-et-Tour,  vastes  constructions,  tronçons  d'une 
colonne  en  marbre  noir;  chapiteau  sculpté,  grosses  pierres  de  taille. 

8.  Henchir  Mezeguila,  ruines  d'ini  groupe  impoilant  di'  construc- 
tions agricoles  ;  insci'iption. 

*.).  Henchir  Sak-Ali.  cilci'nc  bien  consrrvc'c  ;  mosaïque  noire,  vei'le 
et  rouge;  débris  nombreux  de  consli-nclioiis. 

10.  Henchir  Fortuna,  i-uines  de  maisons  couvi-aiit  un  espace  con- 
sidérable. 


—  rv'iî)  — 

11.  Henchir  ed-Dalia,  à  doux  kilomètres  îiiisiidde  Korlrma, ruines 
(l'une  ville  importante,  couvrant  un  espace  de  TKX)  mètres  sur  400 
environ,  avec  laubouri^s  au  Sud-Ouest  dans  la  vallée,  et  au  Nord- 
Est  du  côté  des  citernes;  maison  Ityzantiiie;  portail  romain;  ins- 
criptions. 

['■2.  A  un  kilomètre  au  nord-est  de  Fortuna,  menliir  formé  d'un  bloc 
de  grès  lèrrui^ineux,  mesurant  environ  quatre  mètres  de  hauteur;  on  a 
recueilli  autour,  des  silex  taillés  et  des  pointes  de  flèches. 

13.  Ksar-Lebna,  près  de  l'embouchure  de  l'oued  Lebim,  rive 
droite:  chàteau-fort  d'origine  bizantine;  une  tour  bien  conservée. 

14.  Menzel-Heurr,  restes  d'un  petit  établissement  antique. 

15.  Menzel-Temime,  bourg  arabe  construit  avec  des  matériaux 
antiques, 

16.  Sidi-Salem,  près  de  Menzel-Temime,  au  Nord,  groupe  consi- 
dérable de  tombeaux. 

17.  Henchir  ben-Kremis  ou  J^Z-Go/^'a,  sur  la  rive  droite  de  l'oued 
El-Hadjar  :  ruines  considérables,  exploitées  comme  carrière  par  les 
indigènes.  La  ruine  El-Goléa,  sur  un  éperon,  à  l'Est,  était  la  citadelle 
de  la  ville. 

18.  Aïn-Harouri,  au  nord  d'El-Cloléa,  chambres  funéraires  creu- 
sées dans  le  roc;  pierres  sculptées  et  restes  de  constructions  impor- 
tantes; tombeaux  puniques;  sarcophage  romain  avec  inscription. 

11).  Clupea  (Kelibia),  sur  le  bord  de  la  mer,  à  trois  kilomètres  de 
Relibia  :  on  distingue  encore  les  restes  de  quais  magnifiques  et  de 
môles.  Le  mamelon  sur  lequel  était  construite  l'ancienne  acropole  a 
quatre-vingt-quatre  mètres  de  hauteur. 

«  Le  nom  de  Cdupea  n'est  que  la  traduction  latine  de  celui  dMx- 
pis,  donné  par  Agathocle  à  la  place  d'armes  (ju'il  fonda,  sur  une 
colline  aiîectant  la  forme  d'un  bouclier. 

«  Clupea  joua  un  rôle  important  dans  les  guerres  ])uni(|ues.  C.e 
fut  lapremière  ville  dont  s'empara  Régulus  en  débarquant  en  Ah'ique 
en  'iOn,  et  ce  fut  dans  ses  murs  que  se  réfugièrent  les  débris  de  son 
armée.  Les  consuls  Cupurnius  Piso  et  Macinus  l'assiégèrent  vaine- 
ment en  148.  Scipion  s'en  empara  après  la  prise  de  Carthage  et  la 
lit  raser.   Probablement  colonisée  par  César,    en  même  temps  que 


—  350  — 

Curubis  et  Neapolis,  ville  libre  au  temps  de  Pline,  siège  crun  évèché 
à  l'époque  chrétienne,  Clupea  lut  le  dernier  refuge  des  chrétiens 
d'Afrique  lors  de  l'invasion  arabe 

((  Clupea  était  située  sur  le  littoral  même,  au  pied  d'une  colline 
rocheuse  qui  portait  son  acropole  et  que  couronne  aujourd'hui  une 
forteresse  mauresque.  On  remarque  encore,  au  centre  du  vaste  espace 
qui  circonscrit  cette  citadelle,  les  ruines  d'un  réduit  antique  de  forme 
rectangulaire,  flanqué  à  chaque  angle  d'une  tour  carrée,  construit  en 
belles  pierres  de  taille  et  mesurant  35  pas  sur  20.  Pavée  de  larges 
dalles,  Varca  de  ce  réduit  recouvre  de  profondes  citernes  divisées  en 
plusieurs  compartiments  et  soutenues  par  des  pilliers. 

«  Quant  à  la  ville  proprement  dite,  elle  n'offre  plus  aujourd'hui  que 
les  vestiges  d'un  mur  d'enceinte  percé  de  phisieurs  portes.  Clupea 
avait  deux  ports,  ensablés  maintenant,  l'un  au  Sud,  l'autre  au  Nord; 
ce  dernier  est  partagé  lui-même  en  deux  bassins  par  le  Ras-Mostela; 
on  aperçoit  encore  les  débris  des  môles  qui  les  protégaient  contre 
les  vents  du  large. 

«  Les  carrières  qui  ont  fourni  les  matériaux  de  la  ville  antique 
existent  près  du  Ras-el-^Ielah,  au  nord  du  Ras-Mostela.  »  (Tissot.) 

'20.  Menzel-bel-Gassem,  dans  les  dunes  de  sable,  à  4  kilomètres 
au  Sud  de  la  Garaat-el-llaouaria,  ruines  d'une  petite  ville  (peut-être 
la  MegalopoUs,  de  l'expédition  d'Agathocle);  trace  d'enceinte  ;  restes 
d'une  église  chrétienne.  Les  murs  s'élèvent  à  deux  mètres  au  dessus 
des  sables  ;  on  y  remarque  des  citernes  et  des  débris  de  mosaïques. 
Au  Nord,  petite  nécropole  à  côté  d'une  puissante  construction. 

Les  Indigènes.  —  La  population  indigène  de  la  presqu'île  du  Cap- 
Bon  est  des  plus  mélangées;  la  plupart  des  nombreux  villages  de  la 
région  ont  été  fondés  par  les  Andless  (Andalous),  c'est-à-dire  par  les 
Musulmans  chassés  d'Espagne  par  Philippe  IIL  Rien  accueillis  par  le 
dey  Otliman,  ceux  de  ces  Maures  qui  vinrent  chercher  asile  en  Tu- 
nisie, reçurent  des  terres  sur  ]v  littoral  et  dans  la  presqu'île. 

De  nombreuses  collectivités  ni;ii';il)()iiti<|ii(>s  sont  lixi'cs  dans  le  Ca[»- 
Ron  ;  elles  sont  en  général  groupées,  par  petits  villagi's  ou  hameaux, 
autour  des  zaouia.  I.a  décomposition  de  l;i  itopiihilion  indigène  de 
celte  région,  peut  ainsi  être  exposée  : 

l"  Les  Oulccl  cl  Maouïn,  qui  se  i)rétendenl  d'(iri,L:ine  clu'iilienne  ; 

2"  LesBelcUa,  habitant  les  villes  du  littoral  ; 

3"  Les  DaoucUd,  ayant  leni'  ceiilre  l'eligieux  à  la  /aouia  de  Sidi- 
Daoud ; 


—  301   - 

4"  Les  Ouled  JWhammed,  tribu  «Iciiii-iioniuflc  qui  ocfiipe  ios  points 
laissés  libres  entre  les  liencbirs  des  Ouled  el  Maouin  ; 

5"  Les  étrangers  divers,  depuis  longtemps  établis  dans  le  pays,  et 
<pii  sont  épars  sur  le  plateau  central  ;  ce  sont  des  fractions  des  Ti-a- 
belsia,  des  Ouled-Said,  des  Ziad,  des  Drid,  des  llabclia,  des  Gbet- 
na,  etc. 

On  ne  connaît  aucun  fait  liislori(iue  important  se  rattachant  à  ces 
tribus.  En  1881,  elles  furent  sur  le  point  de  s'insurger,  mais  isolées 
dans  la  presqu'île,  elles  ne  firent  pas  acte  d'hostilité. 

Les  Maouïn  racontent  qu'au  V^  siècle  de  l'hégire,  Sidi  Mohamed 
Cherif  El  Maouï,  descendant  du  Prophète,  vint  s'établir  dans  la  da- 
khla  du  Cap-Bon,  pays  alors  désert,  à  un  endroit  appelé  Henchir 
Dendra,  où  est  encore  la  koubba  qui  porte  son  nom.  Il  y  devint  cé- 
bre  et  donna  naissanse  à  une  lignée  de  saints  dont  les  koubbas  véné- 
rées couvrent  le  pays.  Cette  famille  maraboutique  prit  peu  à  peu 
possession  des  meilleures  terres  de  la  presqu'île.  Les  Ouled  el  Maouïn 
habitent  Oum-Douil,  Fortuna,  Korchine,  Menzel-IIeurr,  Azemour, 
Tozegrane.  La  richesse  de  leurs  biens  liabous,  les  privilèges  dont  jls 
jouissent  les  ont  rendus  dominateurs.  Chez  la  plupart  d'entre  eux,  le 
travail  est  inconnu,  même  celui  de  la  terre  ;  ils  (ont  cultiver  leurs 
henchirs  par  des  khammès  des  tribus  voisines  ou  par  des  étrangers. 

Les  Douadia  sont  venus  du  Maroc  en  l'an  661  de  l'iiégire.  Leur 
ancêtre,  Sidi  Daoud,  laissa  quatre  lils  dont  les  descendants  habitent 
la  région  nord-ouest  du  Cap-Bon,  et  sont  groupés  principalement 
autour  de  Zaouiet-M'guieiz  et  de  Zaouiet-Bou-Krim. 

Les  Ouled  M'hammed  habitent  le  bled  Takelsa,  principalement 
Ouled-Naceur,  Ouled-Aouedj,  ^l'reïssa,  Ouled-el-Aouar,  Ouled-Zer- 
ga,  Debabba,  etc.  ;  ils  paraissent  être  d'origine  berbère  et  ils  préten- 
dent être  venus  dans  la  presqu'île  avant  les  Maouïn,  les  Douadia  et  les 
Beldia.  Ils  ont  assez  mauvaise  réputation  et  fréquentent  peu  les  indi- 
gènes des  tribus  voisines.  Ils  se  livrent  à  l'élevage  des  chevaux  et  des 
bêtes  à  cornes. 

La  population  indigène  du  Cap-Mon  se  liiil  surloul  remartjuer  par 
son  esprit  de  caste  et  ses  prétenlions  à  um^  origine  aristocratique, 
«railleurs  fort  contestable.  Sans  parler  des  Ouled  t>l  Maouïn  (|ui  tien- 
nent le  haut  de  l'échelle  et  qui  désirent  d'autant  moins  le  (juitter 
qu'il  y  est  rattaché  des  privilèges  appréciables,  on  trouve  dans  chaque 
ville  une  tradition  tendant  à  doniuM'  uiu^  origine  religieuse  à  la  poini- 


—  352  — 

lation;  c"est  ainsi  particulièrement  à  Somaa,  à  El-Haouaria,  à  Men- 
zel-Temime  et  à  Kelibia.  L'iiistoire  agitée  de  ces  malheureuses  côtes 
tunisiennes,  tant  de  lois  envaljies,  prises,  reprises,  razziées,  pillées, 
montre  le  cas  que  Ton  doit  faire  de  ces  diverses  traditions  locales  qui 
traitent  des  origines  de  la  population  ! 

Au  dernier  recencement  (1906),  la  totalité  de  la  population  indigè- 
gène  dépassait  81.000  individus. 

Population.  —  Le  Contrôle  civil  de  Gronibalia  compte  actuelle- 
ment environ  85.000  habitants  : 

Français 1 .000 

Italiens 1.300 

Maltais lÔO 

Autres  Européens 50 

Indigènes 81.000 

Juifs 1.500 

ToTAi 85.000 


La  superficie  du  Gontr(")le  de  (Irombalia  est  de  "205.000  hectares. 
Les  propriétés  rurales  possédées  par  les  Européens  à  la  date  du  31 
décembre  1903,  atteignaient  le  chilîre  de  45.1'27  hectares  : 

Propriétés  françaises:  100  d'une  superficie  de  il. 625  hectares 

»  italiennes  :    89  —  de     2.774      — 

Autres  propriétés 

européennes  :     12  —  de        728      — 


CHAPITRE    II 


Caïdat  du  Cap-Bon  :  Région  Sud 


La  base  de  la  presqu'île  du  Cap-Bon  est  limitée,  au  Nord,  par  le 
golfe  de  Tunis  et  l'oued  Berzirk;  à  rEst,par  la  chaîne  de  petites  mon- 
tagnes qui  sert  de  trait  d'union  entre  la  racine  de  la  grande  chaîne 
centrale  et  le  massif  du  djebel  Hammamet  ;  au  Sud,  par  le  golfe 
d'Hammamet  ;  à  l'Ouest,  par  la  ligne  de  démarcation  tracée  entre  le 
Contrôle  de  Grombalia  et  les  Contrôles  de  Tunis  et  de  Sousse.  Cetle 
région,  Iraversée  du  Nord  au  Sud  par  le  chemin  de  1er  et  la  route 
de  Tunis  à  Sousse,  comprend  une  vaste  et  riche  plaine  (Nord  et  Est) 
et  une  partie  montagneuse,  brousailleuse  et  presque  inculte  (Ouest 
et  Sud). 

Les  principales  localités  situées  dans  la  plaine  sont  :  Soliman,  Men- 
zel-bou-Zelfa,  Grombalia, le  Khanguet,  Fondouk-Djedid,  Beni-Khaled, 
Bou-Arkoub,  Nianou,  Belli,  Turki,  l'Hencliir  Caniouba  et  l'IIenchir 
Soltane. 

Soliman.  —  Jolie  petite  ville  arabe  située  à  8  kilomètres  de  la 
mer,  à  3'2  kilomètres  de  Tunis,  au  milieu  d'une  forêt  d'oliviers.  Sta- 
tion de  cliemin  de  1er  sur  l'embranchement  de  Fondouk-Djediil  à 
Menzel-bou-Zelfa. 

Soliman  a  était  construit  par  les  ^laures,  au  XVI h'  siècle,  sur  les 
ruines  d'une  ville  romaine.  Les  fondateurs  se  contentèrent  d'abord 
de  restaurer  le  fort  romain  dont  on  voit  encore  les  traces  et  ils  appe- 
lèrent ce  nouveau  centre  «.  El  Blidat  y^.  Plus  tard,  de  nouvelles  immi- 
grations vinrent  augmenter  la  population.  La  ville  était  alors  beau- 
coup plus  considérable  qu'elle  ne  l'est  aujourd'hui  ;  les  maisons  exté- 
rieures formaient  une  sorte  d'enceinte  percée  de  six  portes.  Cette 
localité  présente  un  grand  aspect  de  propreté  :  les  voies  sont  larges 


—  354  — 

et  bien  tracées,  les  maisons  bien  tenues,  l'ensemble  est  agréable  et 
riant. 

Un  marché  se  tient  à  Soliman  le  vendredi  ;  les  transactions  impor- 
tantes se  font  sur  les  céréales,  les  olives,  les  grignons,  l'huile.  Au- 
cune industrie  spéciale  au  pays,  si  ce  n'est  cinq  ou  six  huileries  appar- 
tenant à  des  Juifs.  Dans  les  jardins  qui  entourent  la  ville,  on  trouve 
les  légumes  ordinaires,  mais  spécialement  la  tomate  et  le  concombre, 
renommés  sur  les  marchés  environnants. 

Soliman  compte  3.000  habitants,  dont  une  centaine  d'Européens  ; 
quelques  Français  sont  installés  dans  la  ville  et  aux  environs.  C'est  là 
que  réside,  au  milieu  d'un  superbe  jardin,  dans  une  très  coquette 
villa  mauresque,  j\I.  de  Carnières,  président  de  la  Chambre  d'Agri- 
culture de  Tunis. 

Soliman  possède  une  école  française  recevant  53  élèves  :  3  Fran- 
çais, 4  Italiens,  '29  Musulmans,  17  Juifs. 

Menzel-bou-Zelfa.  —  Station  terminus  de  l'embranchement  qui  se 
détaclie  à  Fondouk-Djedid  de  la  ligne  Tunis-Sousse  ;  située  à  44  ki- 
lomètres de  Tunis  ;  2.500  habitants.  Ce  village  arabe,  entouré  d'oli- 
viers et  de  magnihques  jardins  complantés  en  majeure  partie  en 
orangers  et  en  citroiuiiers,  a  été  fondé  par  un  Turc,  nommé  El 
Rhoul  bou  Zelfa.  (El-R'houl,  parce  qu'il  mangeait  un  mouton  entier 
à  son  repas.) 

Parlant  des  jardins  de  Menzel-bou-Zelfa,  M.  Naudier,  élève  del'Ecole 
Coloniale  d'Agriculture  de  Tunis,  s'exprime  ainsi  : 

«  On  est  frappé  de  la  beauté  des  arbres  qui  les  composent.  Un  y 
trouve  des  arbres  très  vieux,  des  orangers  énormes;  quelques-uns 
atteignent  de  15  à  20  mètres  de  haut  ;  les  vieillards  de  Menzol,  les  ont 
toujours  vus  dans  cet  état.  Les  arbres  sont  plantés  un  peu  sans  or- 
dre et  toutes  les  essences  sont  mélangées.  Dans  les  vergers  les  plus 
jeunes,  ceux  qui  ont  de  30  à  40  ans,  l'ordre  est  mieux  observé. 

((  Parmi  ceux  que  nous  avons  visités,  deux  surtout  ont  attiré  notre 
attention  :  le  plus  ancien  a  une  contenance  de  10  hectares,  et  le  plus 
récent,  dont  la  plantation  remonte  à  iO  ans  à  peine,  couvre  une  su-        s 
perlicie  de  près  de  20  hectai-es.  Dans  le  premiei-,   nous  [ivons  trouvé       ■ 
des  orangers  séculaires,  des  citronniers,  des  limoniers,  des  cédratiers,       M 
des  grenadiers,  des  figuiers,  des  nétliers  (hi  Japon  et  quelques  man-       " 
dariniers.  Dans  l'autre  jardin,  outre  les  arbres  (|ue  nous  venons  de 
citer,  nous  avons  trouve    pres([ue  tous  les  liiiitiers  de  Kraiice  :  al)i'i- 


—  355  — 

cotiers,  pommiers,  poiriers,  pêchers,  noyers,  noisetiers,  pruniers, 
amandiers,  etc.  J^a  récolle  des  arbres  Iruitiers  se  vend  oi-dinairenient 
sur  pied  ;  on  compte  qu'un  citronnier  ou  un  oranger  en  pleine  pro- 
duction, rapporte  en  moyenne  vinj^t-quatre  francs  par  an.  » 

Tous  les  jardins  de  Menzel  sont  irrigués  au  moyen  de  norias  ou  de 
guerbas,  actionnées  soit  par  des  bœufs,  soit  par  un  chameau  ;  l'eau 
est  très  abondante  et  de  bonne  qualité,  aussi  tous  les  légumes  pous- 
sent-ils à  merveille,  surtout  la  pomme  de  terre  et  la  carotte. 

A  Menzel-bou-Zelfa,  marché  très  important  le  jeudi  ;  moutons, 
chevaux,  bètes  à  cornes,  amenés  de  tous  les  points  du  Cap-Bon,  mais 
principalement  de  la  région  occidentale. 

Beni-Khaled.  —  Village  arabe,  à  2  kilomètres  au  sud  de  Menzel- 
bou-Zelfa,  sur  la  route  de  Grombalia.  Oliviers,  jardins,  puits  nom- 
breux. Aux  environs  sont  établis  quelques  maraîchers  français  et  ita- 
liens ;  deux  Français  associés  possèdent,  à  Beni-Khaled,  un  très  bel 
enclos,  où  ils  cultivent,  avec  succès,  la  fraise,  l'asperge,  le  melon,  la 
pomme  de  terre,  les  petits  pois  et  les  artichauts.  Ces  Européens  ré- 
clament une  école  française.  Beni-Khaled  compte  environ  1.800  lia- 
bitants. 

Grombalia.  —  A  37  kilomètres  de  Tunis,  sur  la  ligne  de  Sousse  ; 
2.000  habitants  environ,  dont  500  Européens  (i-37  Italiens).  Chef-lieu 
du  Contrôle  civil  de  Grombalia  (Cap-Bon). 

Grombalia  a  été  fondé,  il  y  a  300  ans,  par  le  Maure  Grombali  sur 
un  établissement  antique.  En  1881,  la  population,  conduite  par  le  ka- 
lifa,  arrêta  les  bandes  dissidentes  des  Arabes  du  Sud  (pii  avaient  en- 
valii  la  région,  pillant  les  maisons  isolées  et  saccageant  les  jardins. 
Le  combat  d'El-Arbaïn  mit  en  déroute  complète  les  insurgés  et  pur- 
gea le  pays. 

Le  village  n'aurait  rien  de  captivant,  si  ce  n'était  la  présence  dans 
ce  centre,  du  Contrôleur  civil,  i\L  Dumas,  fonctionnaire  charmant 
qui  a  su,  dans  le  bled,  rester  très  parisien  et  fournir  aux  visiteurs  de 
très  précieux  renseignements  sur  le  Cap-Bon. 

Grombalia  est  situé  au  milieu  d'une  belle  plaine,  complantée  d'oli- 
viers autour  des  centres,  cl  couvertede  superbescéréalesquandriiiver 
a  été  pluvieux,  comme  cette  année;  malheureusement,  le  régime  des 


—  H5G  — 

pluies  est  fort  irrégulier,  et  nous  ne  relevons  en  moyenne,  sur  cinq 
années,  que  377  millimètres  d'eau,  ce  qui  est  insuffisant.  Malgré  cela, 
les  fermes  européennes  sont  nombreuses  dans  la  région  et  on  y 
compte  quelques  exploitations  françaises  importantes.  Oliviers,  céréa- 
les, jardins  et  vergers  parfaitement  irrigués. 

A  Grombalia,  deux  écoles.  L'école  des  garçons  compte  55  élèves, 
dont  11  Français,  8  Italiens,  36  Musulmans.  L'école  des  filles  compte 
25  élèves  :  12  Françaises,  13  Italiennes. 

Autour  de  Grombalia,  les  jolis  villages  indigènes  deNianou,  Tur- 
ki,  BeUi,  fondés  par  les  Andalous  sur  des  ruines  romaines  ;  oliviers 
et  jardins.  Autour  de  Nianou,  sont  éparpillés  quelques  petits  colons 
italiens;  aux  environs  de  Belli,  on  rencontre  cinq  fermes  françaises. 
Au  sud  de  Turki,  on  voit  deux  hameaux  indigènes,  El-Alivouinc  et 
El-Djedida,  en  partie  abandonnés. 

Khanguet-el-Hadjaj. —  Le  Khanguet  est  une  superbe  vallée,  un 
vaste  cirque  admirablement  cultivé  et  entouré  de  hautes  montagnes. 
Ce  centre  de  colonisation  essentiellement  française,  situé  à  8  kilomè- 
tres à  l'ouest  de  Grombalia,  renferme  une  dizaine  de  propriétés  va- 
riant de  100  à  500  hectares.  Le  pays  est  accidenté,  mamelonné,  très 
vert;  abrité  du  siroco,  il  bénéficie,  par  une  coulée  au  Nord,  de  la 
brise  de  mer.  Derrière  les  montagnes,  à  TOuest,  se  dresse,  revêchc, 
dénudé,  le  métallique  djebel  Ressas.  Pays  pittoresque  rappelant  un 
joli  coin  d'Auvergne. 

La  colonisation  française  du  Khanguet,  due  à  l'initiative  privée,  est 
déjà  ancienne,  et  bien  que  les  propriétaires  des  fermes  échelonnées 
sur  les  coteaux  ne  soient  rien  moins  qu'agriculteurs  —  ce  sont,  pour  la 
plupart  des  officiers  retraités,  des  industriels,  des  rentiers  —  ils  pa- 
raissent, jusqu'alors,  avoir  bien  réussi.  Je  souhaite  que  la  chance  con- 
tinue de  les  favoriser,  mais  je  crains,  cependant,  qu'à  leur  tour,  ils 
n'aient  à  souffrir  de  la  crise  provoquée  dans  TAti-ique  du  Nord  par 
la  persistante  mévente  des  vins.  Ifs  ont  créé,  certes,  de  beaux  do- 
maines, piquetant  de  vignobles  les  montagnes  jus(iirà  leurs  sonnnets, 
et  semant  les  fonds  de  céréales  seulement  pour  les  besoins  de  la  fer- 
me ;  mais  n'ont-ils  pas  fait  trop  de  vigne;  ont-ils  eu  raison  de  s'adon- 
ner à  cette  monoculture?...  C'est  ce  que  l'avenii'  nous  dira. 

Au  Khanguet,  une  école  française  recevant  12  élèves:  i  Krançais, 
8  Italiens. 


-  357  - 

Semech  (Khanf/iiel-Garc).  —  Sur  lu  lii^nc  do  Sousso,  au  Nonl  «le 
Gronibalia.  Centre  très  actif  de  colonisation  italienne.  Des  capitalis- 
tes italiens  y  ontacfjuis,  aux  indigènes,  quel(|ues  propriétés  qu'ils  ont 
divisées  en  lots  de  5  à  '20  hectares,  vendus  ou  loués  à  leurs  compa- 
triotes. Mais  la  crise  qui  atteint  les  i;ros  viticulleurs,  sévit  aussi  et 
plus  cruellement  sur  les  petits  dont  l'unique  ressource  était  la  vente 
du  vin  ;  c'est  pourquoi  les  vignerons  italiens,  réduits  à  la  misère,  ont 
été  forcés  d'emprunter,  d'hypothéquer  les  pauvres  carrés  de  vignes 
(pi'ils  avaient  créés  à  force  de  labeur  et  de  privations,  et  leurs  prê- 
teurs sont  précisément  leurs  voisins,  les  propriétaires  des  grands  do- 
maines Irançais.  Aussi  va-t-il  se  produire  à  Semech,  de  même  qu'à 
Fondouk-Djedid,  à  Bou-Arkoub  et  sur  nombre  d'autres  points  de  co- 
lonisation italienne,  ce  fait  inattendu,  qu'avant  peu,  si  la  mévente  des 
vins  persiste,  les  champs  des  Italiens  passeront  dans  les  mains  des 
Français  riverains.  L'opération,  pour  ces  derniers,  sera-t-elle  bonne? 
C'est  là  une  question  que  nous  ne  nous  chargeons  pas  de  résoudre. 

A  Semech,  école  recevant  13  élèves  :  2  Frdiieais,  11  Italiens. 

Fondouk-Djedid.  —  Embranchement  de  la  ligne  de  Menzel-bou- 
Zelfa,  à  lu  kilomètres  au  nord  de  Grombalia.  400  habitants,  dont  320 
Italiens.  Centre  agricole  important  ;  plusieurs  belles  propriétés  fran- 
çaises et  nombre  de  petits  vignobles  italiens. 

La  propriété  créée  au  Fondouk  par  M.  de  Carnières,  est  absolument 
remarquable.  Le  brillant  polémiste  qu'est  le  président  de  la  Chambre 
d'Agriculture,  soigne  aussi  bien  son  vin  que  sa  prose,  et  l'excellent 
produit  qui  sort  de  ses  caves,  jouit,  en  Tunisie  et  en  France,  d'une 
réputation  en  tous  points  méritée. 

Ecole  :  31  élèves,  dont  13  Français,  IG  Italiens,  2  Juifs. 

Près  de  Fondouk-Djedid  est  installé  le  Camp  Servière,  occupé  par 
le  4c  bataillon  d'Afrique. 

Bou-Arkoub.  —  A  8  kilomètres  au  sud  de  Grombalia,  sur  la  ligne 
Tunis-Sousse.  Deux  importantes  propriétés  françaises  :  céréales  et 
vignobles.  Une  centaine  de  petits  colons  italiens,  originaires  de  Pan- 
tellaria  se  sont  installés  à  lîou-Arkoul),  on  ils  se  livrent  au  jardinage 
et  à  la  culture  de  la  vigne. 

La  Tu.NisiE  DU  NoRU  2\ 


358  — 


Henchir  Ganiouba.  —  Deux  propriétés  ont  été  acquises  dans  le 
Contrôle  civil  de  Grombalia,  en  1905,  par  la  Direction  de  l'Agricul- 
ture. Ce  sont  les  hencbirs  Ganiouba  et  Soltane. 

L'henchir  Ganiouba  est  situé  à  proximité  de  Grombalia;  il  s'étend 
à  3  kilomètres  de  la  ville,  jusqu'au  village  de  Turki,  en  suivant  la 
voie  ferrée  de  Tunis  à  Sousse,  et  à  4  kilomètres  à  l'Ouest,  le  long 
de  la  route  du  Kbanguet  ;  la  route  de  Grombalia  à  l'Aïn-Tébournok 
la  traverse  par  le  milieu.  Cette  propriété  possède  des  terres  de  natu- 
re variable,  noires  et  profondes  dans  la  plaine,  argilo-calcaires  moins 
profondes  sur  les  parties  plus  élevées,  enfm  très  sablonneuses  dans 
le  voisinage  des  montagnes  ;  90  bectares  sont  complantés  en  oliviers. 
Une  source  a  été  captée  et  l'benchir  est,  en  outre,  traversé  par  la 
conduite  d'eau  d'Aïn-Tébournok  :  l'eau  potable  se  trouve  à  une  pro- 
fondeur de  10  mètres. 

L'benchir  Ganiouba,  d'une  superficie  de  1.091  hectares  a  été  divisé 
en  vingt-six  lots:  sept  lots  de  4  hectares;  dix  de  5  hectares;  sept 
de  21  à  39  hectares;  cinq  de  60  à  108  hectares;  un  lot  de  3-22  hectares 
(réservé  par  la  Direction  de  l'Agriculture).  Presque  tous  les  lots  sont 
aujourd'hui  retenus  ;  le  prix  de  l'hectare  s'est  élevé,  en  moyenne, 
à  350  francs. 

Cultures  :  blé,  orge,  avoine,  fèves,  fourrage,  vigne,  etc.  Elevage  : 
bœufs,  chevaux,  mulets,  abeilles. 

Henchir  Soltane.  — Situé  à  23  kilomètres  au  sud-est  de  Tunis, 
sur  la  route  et  la  voie  ferrée  que  relient  Sousse  à  la  capitale  de  la 
Régence  ;  la  route  de  Soliman  et  du  Cap-Bon  vient  se  raccorder  à 
la  route  de  Tunis  à  Sousse,  à  l'extrémité  ouest  du  domaine  ;  la  gare 
de  P()linvill(>  n'est  (ju'à  500  mètres  de  la  limite.  11  existe,  dans  la 
yjarlic  médiane  de  la  propriété,  plusieurs  puits  dont  la  profondeur 
varie  entre  5  et  10  mètres,  mais  l'eau  est  plus  ou  moins  saumàtre  ; 
la  conduite  d'eau  de  Grombalia  à  llammam-Lif  longe  la  route  de 
Sousse  et  traverse  la  propriété:  il  sera  donc  possible  d'établir  une 
lonlaiiie-abreuvoir  sur  un  point  central. 

La  superficie  de  cette  propriété  est  de  1.444  hectares;  on  y  voit 
des  dunes  (115  hectares);  des  marais  (55  liectares);  de  la  monta- 
gne (494 hectares)  ;  des  oliviers  (80  hectares);  des  terres  de  culture 
(7(J0   hectares).  La   piirtie  située  an  sud   de  la  route  île  Sousse  est 


—  :m  — 

sakibrc;  la  parLio  nord  ost  insaliibr-o.  Tout  près  de  riicncliir  existe 
un  centre  ilalien  important. 

La  Direction  de  l'Aj^'-ricultnro  a  divisé  l'iiencliir  Sollane  en  seize 
lots;  nenf  petits  lots  de  10  à  '•21  hectares;  un  lot  de  87  hectares; 
trois  lots  de  105  à  11)3  hectares;  trois  lots  de  210  à  2!>7  hectares. 
L'Administration  s'est  réservé  (juatre  lots  de  21,  105,  17'i  et  207 
hectares  ;  elle  a  mis  en  vente  les  douze  autres  lots,  dont  six  com- 
plantés  en  oliviers.  Le  prix  des  lots  nus  est,  en  moyennne,  de  300 
francs  l'hectare  ;  le  prix  des  lots  complantés  en  oliviers  est  en 
moyenne  de  1.000  francs  l'hectare.  Plusieurs  lots  sont  déjà  retenus. 

Le  but  de  la  Direction  de  l'Agriculture  a  été  de  créer,  aux  alen- 
tours du  bordj,  situé  au  point  central  de  la  propriété,  un  petit  centre 
urbain  où  les  ouvriers  agricoles  de  Potinville  pourraient  s'installer. 
Il  est  à  noter  que  l'installation  des  colons  ne  peut  se  faire  que  dans 
le  voisinage  immédiat  de  la  route,  les  terres  de  la  plaine  étant  parfois 
inondées. 

Les  parties  ouest  et  sud  de  cette  région  sont,  nous  l'avons  dit, 
montagneuses.  Le  seul  petit  centre  où  l'on  rencontre  quelques  colons 
français  est  Bir-hou-Rekba,  situé  à  20  kilomètres  de  Grombalia,  et 
où  se  trouve  la  bifurcation  de  la  ligne  de  Nabeul. 

Sidi-Djdidi.  —  Le  vaste  territoire  compris  entre  Dir-bou-Rekha 
et  Bou-Ficha  (Contrôle  de  Sousse),  la  mer  à  l'Est  cl  l'oued  ^lelah  à 
l'Ouest,  est  désigné  sous  le  nom  d'Ileiichir  Djdidi,  d'une  contenance 
approximative  de  30.000  hectares.  Sur  la  plus  grande  superficie  de 
l'henchir,  le  sol  est  très  mouvementé  et  rocheux,  bon  tout  au  plus 
pour  le  pâturage  des  moutons  et  des  chèvres.  Cependant,  il  existe 
entre  la  route  de  Tunis-Sousse  à  l'Est,  et  les  djebels  Djdidi,  Menzel- 
Moussa  et  Tafernine,  une  plaine  fertile,  bien  arrosée,  salubre,  com- 
posée de  terrains  d'alluvion,  où,  entre  les  îlots  de  broussailles,  les 
céréales  poussent  à  merveille.  La  nappe  d'eau  se  trouve  de  5  à  0 
mètres,  et  les  indigènes  possèdent  dans  cette  région  (juelques  beaux 
jardins. 

La  Direction  de  l'Agriculture  avait  eu  l'idée  d'acquérir  une  certaine 
surfiice  de  ces  terres  (environ  3.000  hectares)  que  les  indigènes 
laissent,  en  grande  partie,  improductives,  et  d'y  créer  un  centre  de 
colonisation  française  à  proxinnté  du  centre  de  colonisation  sici- 
lieinie  de  Bci/ville  ((loniaiiie  de  ri'Jilida),  ci'éé  par  la  Société  Fi'anco- 


—  3G0  — 

Africaine.    ^lais  l'henchir  Djdidi  est  un  habous  privé,  et  les  dévolu- 
taires  ont  repoussé  jusqu'ici  les  offres  de  l'Administration. 

Une  légende  amusante  se  rattache  à  la  fondation  de  la  zaouia  de 
Sidi-Djdidi.  Vers  l'an  600  de  l'hégire,  Si  Mohammed  Djdidi  vivait, 
retiré  du  monde,  en  compagnie  de  sa  sœur,  Khedidja,  jeune  fdle 
dont  la  ravissante  beauté  était  vantée  jusqu'à  Tunis.  Elle  avait  été 
demandée,  mais  en  vain,  par  l'Emir  qui  commandait  à  l'époque  ; 
irrité  de  ce  refus,  ce  chef  musulman  résolut  de  l'avoir  à  tout  prix  et 
il  partit  de  Tunis  avec  une  troupe  armée  emmenant  un  mulet  chargé 
d'or.  Arrivé  au  passage  appelé  «  Feget-el-Bral  »,  l'animal  et  le  trésor 
disparurent,  engloutis  dans  la  terre.  Malgré  cet  avertissement  du  ciel, 
FEmir  n'en  continua  pas  moins  son  cliemin,  et  n'ayant  pu  obtenir  de 
bon  gré  la  main  de  Khedidja,  il  usa  de  ruse  pour  s'emparer  de  la 
jolie  tille  qu'il  emmena  prisonnière  dans  sa  tente. 

L'Emir  mit  aux  pieds  de  Khedidja  les  joyaux  les  plus  riches, 
de  merveilleuses  étotïes,  les  vases  les  plus  rares  ;  il  versa  sur  ses 
cheveux  les  parfums  (es  plus  odorants  ;  il  lui  fit  don  de  sa  plus  belle 
cavale,  de  cinquante  esclaves  noirs,  de  dents  d'éléphant,  de  plumes 
d'autruche,  d'une  ouiba  de  poudre  d'or;  il  se  fit  humble,  lui  le  grand 
seigneur,  il  se  courba  devant  l'adorée,  se  prosterna  à  ses  genoux, 
baigna  ses  mains  de  larmes  d'amour,  lui  offrit  de  laisser  la  couronne 
et  de  fuir  avec  l'aimée,  dans  un  endroit  isolé,  ignoré  de  tous.  Khedidja 
allait  succomber,  lorsque, soudain...  il  n'y  eut  plus  que  deux  femmes 
en  présence  ! Allah  sauvait  la  vierge! 

L'Emir,  humilié,  désespéré,  manda  près  de  lui  Si  Mohammed 
Djdidi,  et,  pour  obtenir  son  pardon,  oUi'it  au  marabout  tout  le  pays, 
de  Gabès  à  Rades.  Si  Mohammed  ne  demanda  (jue  le  terrain  actuel- 
lement possédé  par  ses  descendants,  qui  lui  fut  octroyé  sur  le  champ. 
Et  le  saint  homme,  par  ses  prières,  obtint  d'Allah  que  l'Emir  recou- 
vrât ses  facultés  premières. 

Sur  l'emplacement  de  la  tente  occupée  par  l'Emir,  ajoute  la  légende, 
deux  sources  d'eaux  thermales  sortirent  de  terre.  Aujourd'hui  en- 
core Hammam- Djdidi  est  fréquenté  par  les  Arabes  de  la  région  et 
guérit  tous  les  maux  —  principalement  le  mal  d'amour. 


CIIAIMTRE  III 


Caidat  du  Cap-Bon  :  Côle  occidentale  et  Pointe  Nord 


Côte  occidentale.  —  La  côte  occidentale  du  Cap-Bon  est  située 
entre  la  plaine  de  Soliman  au  Sud,  la  chaîne  de  montagnes  centrale 
à  l'Est  et  le  goHe  de  Tunis  à  l'Ouest.  Elle  comprend  :  -h  le  bled  Ta- 
kelsa  ;  2^'  la  plaine  des  Beni-Mohammed  ;  .>  une  partie  sablonneuse 
et  marécageuse  située  au  nord  de  cette  plaine. 

Le  hled  Takclsa  est  nettement  défini  par  des  (routières  naturelles  ; 
il  forme  une  vaste  vallée  assez  fortement  accidentée,  renfermée  entre 
la  mer  au  Nord,  le  rideau  des  montagnes  de  Korbeuss  à  l'Ouest,  le 
massif  de  Sidi-Abderrhaman  à  l'Est,  le  bled  Dzira  au  Sud. Les  prin- 
cipaux villages  sont  Douéla  et  Korbeuss;  les  autres  points  de  quelque 
importance  habités  par  les  indigènes,  sont  :  El-Bridj,  l'henchir  El- 
Kahya  et  l'henchir  Bir-Zit.  La  population  répandue  sur  le  reste  du 
territoire  est  très  dense  et  se  livre  à  la  culture  des  céréales  et  des 
oliviers. 

La  Direction  de  l'Agriculture  a  acquis  dans  le  bled  Takelsa,  pour 
les  besoins  de  la  colonisation  française,  deux  henchirs  :  Dir-Mcroua 
eX Dar-Djendi,  d'une  superficie  totale  de  1.540  hectares;  ces  pro- 
priétés, composées  de  terrains  partie  argilo-calcaire,  partie  légère- 
ment sablonneuse,  sont  situées  à  17  kiiomèti-es  au  nord-est  de 
Soliman  et  à  12  kilomètres  de  Menzel-bou-Zelfa. 

Les  henchirs  ont  été  divisés  en  dix-huit  lots  :  trois  lots  de  35,  39 
et  46  hectares;  dix  lots  de  09  à  03  hectares;  cinij  lots  de  11)0  à  120 
hectares.  Un  lot  a  été  réservé  par  l'Administration  pour  l'emplace- 
ment du  futur  village  de  l)ir-Méroua.  Tous  les  autres  lots  ont  été 
vendus  un  prix  total  de  210.180  francs,  soit,  en  moyenne,  138  francs 
l'hectare. 

Il  existe,  dans  le  lotissement,  plusieurs  sources  donnant  de  l'eau 


—  2G2  — 

de  bonne  qualité  :  la  nappe  aquifère  est  à  une  faible  prolondeur. 
Les  cultures  spéciales  à  la  région  sont  les  céréales,  la  vigne  et  l'oli- 
vier; le  jardinage  est  également  une  bonne  source  de  revenus  pour 
les  indigènes  et  les  Français  qui  s'y  livrent.  L'élevage  du  bétail  se 
fait  d'une  façon  intensive,  car  il  y  a  toujours  des  pâturages,  même 
l'été. 

Les  rendements  moyens  pour  les  céréales  sont  :  en  blé,  de  10  à  12 
quintaux  à  l'hectare;  en  avoine,  de  15  à  18  quintaux.  Les  vignes  ont 
un  rendement  moyen  de  50  hectolitres  à  l'hectare. 

Le  régime  des  pluies  est  plus  régulier  que  dans  les  régions  de  Grom- 
balia  et  de  Tunis;  la  région,  autrefois  insalubre,  s'assainit  depuis 
l'arrivée  des  nouveaux  colons  qui  travaillent  leurs  terres  et  les  aèrent  ; 
malgré  cela,  les  propriétés  des  environs  immédiats  des  oueds  sont 
toujours  malsaines  au  début.  M.  Thomas,  de  Tunis,  qui  possède  à 
Bir-Méroua  le  beau  domaine  d'El-Kharrouba,  a  su  prouver  que  l'on 
pouvait,  par  un  travail  patient  et  méthodique,  chasser  le  paludisme 
d'une  région  où,  hier  encore,  il  régnait  en  maître. 

Une  dizaine  de  lots  ont  été  vendus  par  l'Agriculture  à  des  élèves 
sortant  de  l'Ecole  Coloniale  de  Tunis;  aussi  peut-on  dire  que  la  colo- 
nisation de  Bir-Méroua  est...  très  jeune,  parfois  quelque  peu  folâtre. 
Mais,  avec  les  ans,  ce  petit  coin  du  bled  Takelsa  deviendra  sûrement 
un  des  plus  jolis  centres  de  colonisation  française  de  la  Tunisie  du 
Nord. 

En  dehors  des  lotissements  lails  par  lAdministration  •'*,  il  existe 
dans  le  bled  Takelsa  quelques  beaux  domaines  déjà  anciens,  appar" 
tenant  ù  nos  compatriotes,  et  il  serait  possible  d'acquérii'  dans  la 
région  de  nouvelles  terres. 

Les  colons  du  bled  Takelsa  réclament  des  routes  et  raménagc- 
ment  des  pistes  qui  sont  dans  un  très  mauvais  état.  Une  route  con- 
duisant â  Menzel-Temime  perincUiail  aux  agiiciillciu's  d'accéder  à 
ce  marché  très  important  pour  le  bétail  cl  où  Ion  Irouve  cncoiv  la 
vraie  nice  du  bœuf  du  Cap-Bon. 


(1)  liidéiifiiilamnicnt  df  ce  que  nous  avons  déjà  dit  à  n-  sujel,  riiilervi'iilioii  di'  la  Diroction  de 
rA(,'ricullure  dans  lu  colonisation  du  Ca|)-l!on  s'est  encore  nianili-stée  par  l'inslallalion,  sur  îles 
terrains  domaniaux  ou  liahous,  de  (ilusieurs  colons  isolés,  qui  se  reiiconlrcnt  noiaininrnt  à  Uelli, 
Kl-Cuelàat,  Arimi-t-fl-Tiritcnt,  Tazerka,  etc.  Dans  la  même  rétjion,  celle  Administration  a  vendu 
a  UI14?  vint-'lalne  de  nos  com|ialriolcs  lj;(i  olivettes,  com[)renant  plus  de  l'iO.lXK)  oliviers. 


—  363  — 

Douéla.  —  Ilamoau  enUtiiiv  dOliviers  et  do  jardins;  terres  bien 
arrosées.  On  l'emarque  à  Douéla  une  vieille  mosquée  en  ruines,  dans 
laquelle  se  trouvent  d'assez  belles  colonnes  et  des  pierres  sculptées 
«jui  doivent  avoir  une  oriL,nne  anrlalouse. 

El-Bridj.  —  Pauvre  petit  viliai^e  situé  au  pied  des  pentes  orientales 
du  djebel  Korbeuss,  mais  entouré  de  belles  cultures  et  de  plantations 
d'oliviers.  Les  ruches  y  sont  en  i^raiid  nombre  et  le  miel  qu'elles 
produisent  a  un  parfum  exquis. 

Hammam-Korbeuss.  — ^Cet  ancien  élablissemcnt  romain  est  situé 
dans  une  petite  gorge,  sur  le  bord  de  la  mer,  au  pied  d'une  monta- 
gne presque  à  pic  et  de  rellet  le  plus  pittoresque.  Deux  chemins  y 
mènent  :  celui  qui  part  de  Douéla  et  serpente  <à  travers  des  gorges 
escarpées  et  des  élévations  abruptes,  est  dilHcilement  praticable  aux 
piétons  ;  celui,  moins  dur  quoique -médiocre,  qui  part  de  Soliman,  est 
à  peu  près  praticable  aux  montures.  Je  ne  saurais  pourtant  trop 
engager  les  touristes  susceptibles  de  vertige,  à  faire  comme  moi  : 
laisser  la  monture  aux  mains  du  guide,  et  déambuler  pcdestrement 
dans  des  sentiers  en  corniche  qui  surplombent  la  mer.  La  Direction 
des  Travaux  publics  est  en  train  de  construire  une  route  carrossable 
qui  reliera  Soliman  au  village  de  Korbeuss,  en  longeant  la  pente 
occidentale  de  la  montagne;  on  découvrira, pendant  tout  le  parcours, 
le  superbe  panorama  formé  parle  golfe  de  Tunis,  et  ce  sera,  assuré- 
ment, une  des  plus  captivantes  attractions  que  la  Régence  pourra 
oITrir  à  ses  visiteurs. 

Korbeuss  a  été  fondé  par  Sidi  Amara,  un  Ti-abelsi,  voici  1)00  ans 
environ.  Les  habitants  du  village  sont  de  pauvres  gens,  confinés 
dans  une  gorge  inculte,  généralement  rachitiques  el  peu  intellii^tMits. 
On  voit,  autour  du  village,  quelques  petits  jardins  entourés  de  cac- 
tus; dans  le  centre,  quelcfues  maisons  européennes  de  triste  aspect. 
L'hiver  est  très  froid  à  Korltêuss:  par  contre,  la  chaleur  y  est  insup- 
portable pendant  l'été. 

Les  eaux  thermales  de  Korbeuss,  li'ès  el'licaces,  dit-on.  pour  cer- 
taines maladies,  viennent  d'être  concédées  à  une  Société  qui  a  le 
projet  d'établir  une  station  balnéaire.  Nous  expi-imons  l'espou"  (pie  ce 
projet  ait  une  prompte  solution,  car,  pour  l'instant,  les  sources  miné- 


—  364  — 

raies  de  Korijeuss  ne  peuvent  décemment  être  fréquentées  par  les 
personnes  habituées  à  quelque  conlbr.able. 

En  sortant  (lu  ])led  Takelsa,  vers  le  Nord,  on  traverse  une  région 
de  plus  en  plus  accidentée,  déjà  montagneuse,  pour  descendre  en- 
suite, par  un  chemin  exquis,  dans  la  vallée  idéale  de  l'Oued-el-Abid. 
C'est  là  que  nous  avons  eu  le  plaisir  de  visiter  une  des  plus  vastes  — 
et  certainement  la  plus  belle  —  propriétés  de  la  Tunisie.  Elle  appar- 
tient à  M.  Homberger,  président  de  la  Chambre  de  Commerce  de 
Tunis. 

Domaine  de  l'Oued-el-Abid.  —  Ce  domaine  réunit,  sur  7.UUU 
hectares,  tout  ce  qu'il  est  possible  de  rêver:  la  montagne  grandiose, 
sauvage,  avec  ses  précipices  terrifiants;  le  mont,  moins  revèche, 
couronné  de  hautes  futaies;  le  mamelon  semé  de  Heurs  à  parfums 
pénétrants;  le  ravin  bordé  de  lauriers-roses,  d'aubépines  et  d'ar- 
bustes divers;  le  coteau  moucheté  de  vignobles  qui  étalent  sur  le  sol 
leur  verdure  un  peu  crue  ;  les  oliviers  qui,  surgissant  de  la  brousse, 
l'imprègnent  d'une  douce  tonalité  ;  la  plaine  merveilleuse,  toujours 
féconde,  où  germent,  poussent,  mûrissent  les  luxuriantes  moissons; 
et  là-bas,  le  golfe  profond  dont  les  sinueux  profils  sont  pleins  de 
grandeur,  le  rivage  d'or  et  la  haute  dune  baignés  éternellement  par 
une  mer  bleue  qui  se  confond  avec  l'azur  du  ciel. 

Les  sources  vives  et  les  oueds  sillonnent  le  domaine,  coulant  toute 
l'année.  L'Oued-el-Abid  est  un  petite  fleuve  qui,  sur  trois  kilomè- 
tres de  son  emboucliure,  a  t2(X)  mètres  de  large  et  10  mètres  de 
profondeur;  on  peut  donc,  à  l'ombre  des  saules  et  des  aulnes,  y 
l'aire  de  ravissantes  parties  de  canotage,  jeter  l'épervier,  chasser  le 
canard  et  la  poule  d'eau.  D'ailleurs,  sur  toute  la  propriété,  le  gibier 
pullule,  et  si  peu  adroit  (]ue  vous  soyez  —  tel  votre  serviteur  — 
l'aimable  propriétaire  du  domaine,  M.  -Homberger,  se  charge  (\c 
vous  faire  dégringoler  un  sanglier,  cliafine  matin,  avant  le  petit  d('- 
jeuner. 

La  pisciculture  doit  être  considérée  connni'  le  complément  de  sa 
so'ur  ainéc,  l'agriculture,  et,  (Mi  maints  endroits,  snriont  dans  le 
Cap-Jjon,  les  cours  d'eau  (|ni  naissent  et  di'coulent  des  massifs  mon- 
tagneux seraient  facilement  peuplés  d\'\c('llentes  espèces  de  pois- 
sons. Je  recommande  spécialement  Ti^ssai  (racclinialcment,  dans 
l'ijued  El-Abid,  d(^  la  truite  «  arc-cn-ciel  »,  dite  truite  de  a  Calilor- 


—  'Ai,:>  - 

nie  »,  (jiii  a  loi!  hicii  i'(Hissi  en  Al,n(!ric'.  Ce  joli  poisson  [mmiI,  Irnyor 
(lès  le  courant  delà  deuxième  année,  et  il  donne,  \y,iv  rapport  à  son 
poids,  le  double  d'oïufs  des  autres  truites;  sa  croissance  est  rapide, 
et  la  plus  précieuse  de  ses  qualités,  est  son  aptitude  à  supporter  de 
hautes  températures,  à  prospérer  même  dans  les  eaux  tièdes,  pourvu 
qu'elles  soient  limpides.  Enfin,  la  i)èclie  de  cette  truite  rustifjue,  qui 
atteint  facilement  deux  kilos  et  demi,  est  des  plus  agréables;  quant 
à  la  linesse  de  sa  chair,  je  l'estime  supérieure  à  celle  des  autres  trui- 
tes, élevées  dans  les  mêmes  eaux. 

La  salubrité  est  parfiute:  le  tlicrinomètre  ne  descend  pas  l'hiver 
au-dessous  de  3",  et  il  ne  monte  jamais  l'été  à  plus  de  36'»;-le  siroco  y 
est  inconnu.  Le  relevé  des  pluies  nous  donne  les  chiffres  suivants:  du 
If- janvier  au  P'"  novembre  1005  :  037  millimètres;  du  1"  novembre 
1905  au  31  mars  1906  :  738  millimètres. 

La  maison  de  M.  Homberger  est  édifiée  dans  un  site  délicieux, 
constamment  rafraîchi  par  la  brise  de  mer,  et,  de  la  terrasse  de  ce 
caste],  on  jouit  d'un  panorama  superbe  sur  la  propriété  immense.  De 
ce  point,  le  maître  voit  tout:  ses  troupeaux  dans  la  montagne,  ses 
ouvriers  agricoles  labourant  dans  la  plaine  ou  taillant  ses  vignes, 
ses  caves  situées  sur  l'autre  rive  de  l'oued  el-Abid  près  de  la  mer, 
les  habitations  de  ses  gérants  et  de  ses  fermiers.  C'est  incomparable- 
ment beau  et  bien  ordonné. 

On  peut  cultiver  à  Oued-el-Abid,  toutes  les  céréales,  la  vigne,  les 
arbres  fruitiers  de  toutes  essences  et,  grâce  à  l'irrigation  possible 
sur  nombre  de  points  du  domaine,  on  peut  s'adonner,  avec  avanta- 
ges certains,  à  la  culture  des  primeurs,  tels  que  :  asperges,  petits 
pois,  haricots  verts,  artichauts,  tomates,  pommes  de  terre,  concom- 
bres, melons,  etc. 

Le  rendement  moyen  à  l'hectare  est  de: 

Pour  l'avoine I(>  ([uintanx 

Pour  le  blé  dur hi        — 

Pour  la  vigne il)  hectolitres 

Le  prix  approximatif  do  riieclare  de  terre  est  d(>  : 

En  plaine  (défriché) ."{(K)  h'ancs 

En  coteau  —         150      — 

En  montagne 100      — 


—  366  — 

1.500  hectares  sont  détrichés,  50  liectares  plantés  en  vignes,  le 
restant  en  pâturages, car  l'élevage  est  la  grosse  alTaire  du  domaine  qui 
compte  toujours,  en  moyenne,  1.800  bœufs  ou  vaches  et  un  millier 
de  moutons. 

Cette  région  est,  du  reste,  de  tout  le  nord  tunisien,  l'une  des 
plus  propices  à  l'élevage  des  bêtes  à  cornes.  Grâce  au  régime  des 
pluies,  à  l'irrigation  assurée  par  les  sources  et  les  oueds,  à  la  nappe 
d'eau  souterrame,  au  chmat  toujours  tempéré,  il  existe  sur  tous  les 
points  de  l'Oued-el-Abid,  et  en  toute  saison,  des  prairies  naturelles, 
des  fourrages  excellents  qui  permettent  d'entretenir,  dans  le  meil- 
leur état,  de  très  nombreux  troupeaux.  Un  troupeau  de  bœufs  et  de 
vaches  laitières  a  donné  du  cent  pour  cent,  et  un  troupeau  de  140 
moutons  et  brebis,  a  quintuplé  en  deux  ans. 

Nous  ne  saurions  mieux  faire  que  d'insérer  ici  Tintéressante  notice 
sur  «  l'élevage  dans  le  Cap-Bon  »  qui  nous  a  été  communiquée  par 
M.  Ducloux,  le  sympathique  chef  du  Service  de  l'Elevage  en  Tunisie: 

«  Population  chevaline.  —  La  population  chevaline  du  Cap-lîon, 
évaluée  à  '2.000  tètes  environ,  est  très  intéressante:  la  qualité  (les  ter- 
res, le  régime  des  pluies  dans  certaines  de  ses  parties  etTabondance 
des  fourrages  assurent  une  production  régulière  dans  son  développe- 
ment. 

c(  A  plusieurs  reprises,  notamment  en  1808,  la  ConuTiission  du 
Stud-Book  avait  essayé  de  se  rejidre  compte  de  la  valeur  de  la  po- 
pulation chevaline  dans  le  nord  du  Cap-Bon;  mais,  les  indigènes 
jaloux  de  ce  qu'ils  possédaient,  s'étaient  bien  gardés  de  présenter 
leurs  élevages.  Ce  n'est  qu'en  1003,  lors  du  passage  de  la  Commis- 
sion du  Stud-Book  à  Menzel-Temime,  que  sous  l'impulsion  de 
M.  Destailleur,  Contrôleur  civil,  et  du  Caïd  actuel,  (]ue  tous  les 
chevaux  de  la  Dakla  et  de  la  région  de  Kelibia  y  furent  présentés. 

((  Plusieurs  riches  propriétaires  indigènes  de  la  région  avaient 
amené  d'importants  groupes  de  juments  de  taille  ci  des  étalons 
remarquables,  tous  ces  sujets  se  rappi'ochant  du  type  arabe. 

«  A  la  suite  de  cette  visite,  une  station  de  monte  fut  installée,  en 
BKJ5,  à  ^lenzel-Temime.  Cette  station,  tivs  fré(|ueii(ée,  multi|)li('  dans 
cette  riche  région  la  production  améliorée  que  les  juments  de  valeur 
peuvent  fournir  et  auxquelles  la  saillie  des  bons  étalons  locaux  n'étail 
pas  toujours  accordée  par  leur  pi-opriétaire  indigène. 

«  A  côté  des  chevaux  barije  de  taill(>,  le  Cap-Hoii  dans  sa  rc'gion 
montagneuse,  et  |)liis  paiiiciilièreiiicnt  vers  l-'J-l  laoiiaiia  cl  'l'akelsa, 
pi'ésente  une  jolie  population  di;  poneys  (Djebeli),  analogue  à  celle 
des  Mogods,  des  ih'Mliil  et  des  Xef/a,  s'en  dillV'i'encianl.  cepeiidani 
nn  |)en.  p;ii'  une  amitleur  de  lignes  [)lus  accenliK-e. 


—  :{()7  — 

((  Population  bovine.  —  L;i  popnhilion  boviiK^.  comprornl  'ir^.OOU 
tôtes  environ,  et  se  caraclériso  par  des  lyi)es  bien  spéciaux  à  l'égard 
des  autres  bovidés  de  la  Tunisie. 

«  Les  bovidés  du  Gap-Hon,  dont  certains  anteiu'S  ont  voulu  laii-e 
une  race  indi,t,a"Mie  spéciale,  sont  de  pela,L(e  plutôt  clair  tirant  vers  le 
ij;ris.  Ils  sont  courts  et  ramassés  sur  eux-mêmes,  olï'rant  une  puis- 
sance musculaire  plus  grande  dans  les  régions  postérieures,  ce  qui 
manque  chez  leurs  congénères  tmiisiens  en  général. 

«  Si,  à  cette  qualité  morpliol()gi([ne,  on  ajoute  que  les  bovidés  du 
Cap-Bon  possèdent  une  ossatui-e  line,  une  grande  souplesse  de  tégu- 
ments et  des  aptitudes  man{uées  à  l'engraissement,  on  peut  assurer 
(jue  le  bétail  de  cette  région  prend  la  prcMiiièi'e  place  en  Tunisie. 

((  Population  ovine.  —  L'élevage  des  moutons  se  pratique  avec 
succès  dans  la  région  centrale  montagneuse  du  Cap,  alors  que,  dans 
la  plaine,  les  troupeaux  qui  y  existent  ne  sont  destinés  qu'à  la  con- 
sommation locale. 

«  La  population  ovine,  comportant  lîO. 000  tètes  environ,  comprend 
un  grand  nombre  de  sujets  de  robe  marron  ou  noire,  couleurs  aux- 
(juelles  les  indigènes  semblent  surtout  s'attacher  pour  la  vente  des 
laines  aux  industries  de  tissus  foncés,  dont  le  Cap-lîon  a  la  spécia- 
lité. » 

Tozegrane.  —  Au  nord  du  domaine  de  Oued-el-Abid,  après  avoir 
franchi  le  djebel  Ben-Oulid,  dernier  contrefort  du  massif  de  Sidi- 
Abderrhaman  venant  mourir  dans  la  plaine  non  loin  du  rivage,  on 
entre  dans  une  région  encore  fertile  et  bien  arrosée,  mais  où  déjà  se 
dessinent  les  grandes  dunes  de  sable  qui  coupent  la  pointe  du  Cap- 
JBon,  de  l'Ouest  à  l'Est.  Nous  arrivons  bientôt  à  Tozegrane,  village 
habité  par  les  Maouïn,  comprenant  quelques  maisons  et  un  certain 
nombre  de  gourbis.  Les  terres  sont  bonnes,  le  pays  est  très  halùté 
et  bien  cultivé  :  oliviers,  jardins  fruitiers,  fèves,  sorgho,  orge,  blé, 
élevage  du  mouton  et  des  clièvres.  Aux  alentours  de  Tozegrane, 
quelques  zaouia  enfouies  dans  la  verdure. 

Zaouiet-el-Mgaïz.  —  Village  situé  près  des  sources  de  l'oued 
Zaouia,  à  l'extrémité  d'un  grand  plateau  qui,  du  côté  opposé,  se 
termine  bruscpiement  sur  le  rivage  occidental  de  la  pres([nile.  Une 
quarantaine  de  maisons,  entourées  de  beaux  jardins  où  Ion  cultive 
l'olivier,  divers  arbres  fruitiers  et  des 'légumes;  beaucoup  d'eau  en 


—  368  — 

toute  saison.  Tout  autour,  quantité  de  vallons  Irais,  bien  arrosés, 
couverts  au  printemps  de  belles  prairies.  Pays  surtout  très  riche  en 
bestiaux  et  en  chevaux. 

Zaouiet-bou-KrIm. —  A  cinq  kilomètres  au  nord-ouest  d'El-Mgaïz, 
dans  riienchir  El-Fraidja  et  au  pied  du  djebel  Bou-Krim,  on  voit  la 
zaouia  Bou-Krim  autour  de  laquelle  sont  groupés  quelques  maisons 
et  i^ourbis;  oliviers,  jardins  potagers  ombragés  d'arbres  fruitiers  et 
bordés  de  cactus.  Toute  la  pente  occidentale  du  djebel  Bou-Krim  est 
couverte  de  koubbas  que  l'on  aperçoit  de  loin,  et  ([ui  sont  les  tom- 
beaux des  ancêtres  des  Daouadin. 

Sidi-Daoud.  —  Remontant  toujours  vers  le  Nord,  on  travei'se  une 
série  de  dunes  incultes,  des  terrains  sablonneux  et  mouvants,  puis 
une  région  couverte  de  jujubiers,  genêts,  lentisques,  genévriers  et 
on  arrive,  sur  le  bord  de  la  mer,  à  la  zaouia  de  Sidi-Daoud  (11)  kilo- 
mètres au  Nord-Est  de  Zaouiet-el-Mgaïz).  Cet  emplacement  est  celui 
d'une  ville  antique  considérable  ;  Victor  Cluérin  y  place  la  ville  de 
Missua,  d'après  une  inscription  (ju'il  y  a  trouvée.  C'était  le  siège  d'un 
évêché  à  l'époque  chrétienne. 

La  Thonara.  —  Ilot  situé  à  ',)  kilomètres  au  nord  de  Sidi-Daoud, 
dans  une  petite  baie.  Cet  ilôt  est  séparé  du  rivage  par  un  bras  de 
mer  de  500  mètres  environ;  on  peut  le  traverser  sur  un  aqueduc 
construit  par  les  propriétaires  de  la  thonaire  et  (pii  approvisionne 
l'établissement  de  l'eau  provenant  d'une  source  abondante  située  sur 
la  côte. 

Cette  thonaire  a  été  concédée  en  182()  à  un  Italien,  M.  RalTù; 
elle  est  exploitée  depuis  (juatrc  ans  par  une  Société  anonyme. 
L'établissement  se  compose  de  vastes  bâtiments  pouvant  abriter 
plusieurs  centaines  d'ouvriers,  d'une  maison  d'habitation,  d'ate- 
liers considérables  pour  le  déjxM,  la  préparalion,  la  cuisson  et  la 
mise  en  boîtes  du  thon.  Dans  les  années  moyennes,  (in  pêche 
de  15  à  20.000  thons;  or,  la  tête  une  fois  coupée,  toutes  les  pré- 
parations étant  achevées,  un  seul  llion  garnit  une  (|uiir/aine  de  boîtes 
de  conserves  de  10  kilos  cliaciinc.  On  li'duvc  assez  liMMiiiciniiicnt  des 
individus   pesant  .'ÎIHI  kilos  :  quehiiies-inis   arrivent  à   i(H);  les  plus 


i 


—  :mu  - 

petits,  ceux-là  très  rares,  desceiideiiL  Jusqu'à  40  kilos.  La  movenne 
est  <le  100  kilos  au  riioius. 

Autrefois  les  salaisous  absorbaient  la  majeure  partie  de  la  pêche; 
mais,  aujourd'hui,  la  proportion  est  renversée;  les  préparations  à  l'hui- 
le, de  |)lus  en  plus  demandées  dans  le  commerce,  ont  de  beaucoup 
pris  le  dessus  sur  les  premières.  Ces  préparations  n'absorbent  pas 
moins  de  120  à  150.000  litres  d'huile  d'olives.  C'est  le  seul  produit  pris 
dans  le  pays.  Le  sel  pour  les  embai'illai;es  et  pour  la  saumure  vient  de 
Trapani,  le  charbon  et  le  fer  noir  d'Angleterre,  les  barils  de  Savone. 
Les  boites  sont  fabriquées  dans  l'usine  même,  pendant  l'hiver,  par 
quelques  ouvriers,  qui  sont  en  même  temps  préposés  à  la  garde  de 
l'établissement.  Quant  aux  produits,  ils  sont  tous  transportés  directe- 
ment en  Italie  et  vendus  sur  les  marchés  de  Livourne  et  de  Gênes. 

Une  autre  thonaire,  concédée  à  M.  Labbé,  s'est  installée  l'année 
dernière  au  Ras-el-Ahmar,  à  5  kilomètres  au  nord  de  Sidi-Daoud  : 
elle  commence  ses  opérations  cette  année  même  '". 

Il  nous  a  paru  intéressant  d'emprunter  au  sav.ant  rapport  de 
M.  Bouchon-Brandly,  inspecteur  i^énéral  des  Pêches  Maritimes,  quel- 
ques détails  sur  la  pèche  du  thon  à  Sidi-Daoud  : 

«  La  thonaire  de  Sidi-Daoud  se  compose,  dans  ses  parties  essen- 
tielles, d'une  long^ue  ligne  de  filets,  tressés  en  corde  d'alfa,  à  très 
larges  mailles  de  30  à  35  centimètres,  s'étendant  perpendiculairement 
à  la  rive,  à  proximité  de  laquelle  ils  s'appuient  par  leur  extrémité 
juscpi'à  2.000  mètres  en  mer;  tout  au  bout  de  cette  muraille,  formant 
angle  droit  avec  elle,  s'ouvre  une  première  chand)re  carrée  de  50 
mètres  de  côté,  communiquant  elle-même  par  des  coupures  qu'on 
peut  ouvrir  et  fermer  aisément,  avec  une  série  de  ciiK}  chambres 
semblables^,  formées  de  tresses  de  même  nature,  et  aboutissant  égale- 
ment à  une  chambre  centrale  appelée  chambre  de  la  matance  ou 
chambre  de  mort,  la  dernière  cellule  des  condanmés  ;  celle-ci  est 
tissée  en  cordes  de  chanvre  ;  elle  comporte,  de  plus  que  les  autres, 
un  fond  en  treillis  pareil,  sorte  de  plafond  (jui  peut  être  relevé  et 
abaissé  à  volonté. 

«  Ces  lourds  filets  sont  tendus  verticalement,  au  moyen  de  forts 
paquets  de  lièges,  ([ui  llottent  à  h\  surface  de  l'eau,  tandis  que  de 
grosses  pierres  et  une  suite  de  120  ancres  en  1er,  lès  lixent  au  fond. 
Us  forment,  sur  leur  longueur  il'une  demi-lieue,  un  barrage  inlran- 
chissable  (jui  n'a  pas  moins  de  32  mètres  de  hauteur. 


(1)  Les  résultats  uciiuis  en  liiOO  uni  clé  très  salisl'aisanls. 


—  370  — 

«  On  comprend  sans  peine  le  jeu  de  cet  appareil  :  les  thons  qui 
viennent  delà  direction  de  La  Goulette,  marchant  au  Nord,  rencon- 
trent sur  le  chemin  cet  obstacle,  et,  pour  leur  malheur,  ne  cherchent 
pas  à  l'éviter  en  revenant  en  arrière;  ils  en  suivent  la  ligne,  la  tête  sur 
le  lilet,  et  sont  ainsi  conduits  à  l'entrée  de  la  première  chambre,  dans 
laquelle  ils  s'engagent  sans  hésiter.  Une  fois  là,  ils  ne  cessent  de 
tourner  sur  eux-mêmes,  jusqu'à  ce  que,  dans  cette  évolution,  ils 
viennent  à  passer  devant  l'entrée  de  la  deuxième  chambre  où  ils 
n'hésitent  pas  davantage  à  pénétrer  On  peut,  dès  lors,  les  considérer 
comme  tombés  en  la  possession  du  pêcheur,  qu'ils  aillent  ou  non 
plus  avant  dans  ce  funeste  dédale. 

((  On  ne  pêche  pas,  si  ce  n'est  dans  les  très  mauvaises  années,  à 
moins  qu'il  n'y  ait  5  ou  600  thons  réunis.  Il  y  en  a  eu,  un  jour,  jus- 
qu'à 4.000  à  la  fois;  dans  ce  cas  on  divise  la  pêche  en  plusieurs  opé- 
rations,en  répartissant  les  prisonniers  dans  les  chambres  extérieures 
à  celle  de  la  matance,  où  ils  seront  repris,  l'heure  venue.  Le  raïs  en 
apprécie  le  nombre  sans  se  tromper  de  plus  de  quelques  dizaines  à 
travers  cette  tranche  d'eau  de  trente  mètres,  au  fond  de  laquelle  ils 
s'agitent  en  tourbillonnant  sans  arrêt:  les  plus  gros  paraissent,  à  cette 
profondeur,  de  la  taille  d'un  vulgaire  goujon. 

a  A  mesure  qu'elles  arrivent,  les  grandes  barques  se  rangent  en 
carré,  extérieurement  autour  de  la  chambre  de  mort,  et  s'amarrent 
solidement.  Dès  que  le  blocus  est  formé,  des  hommes  disposés  aux 
angles,  hissent  à  l'aide  de  câbles,  le  fond  mobile  de  cette  chambre 
fait  d'un  hlet  semblable  à  celui  de  ses  parois  latérales,  et,  pour  cette 
manœuvre,  ramènent  lentement  à  la  surface  tous  les  captifs  qui  sont 
harponnés  par  des  bras  vigoureux  et  emplissent  bientôt  les  bateaux 
dépêche.  Quand  l'œuvre  de  mort  est  accomplie,  à  force  de  rames  on 
regagne  le  liàvre,  chargé  des  sanglants  tropliées.  La  matance  est  ache- 
vée, le  travail  de  l'usine  va  commencer  aussitôt. 

(c  Les  thons  sont  reçus,  à  l'arrivée,  dans  une  vaste  salle  basse  ou- 
verte sur  la  mer.  On  les  tire  sur  le  dallage  en  plan  incliné;  des  hom- 
mes exercés  leur  font  sauter  la  tête  d'un  coup  de  hache,  on  les  vide 
et  on  les  suspend,  attacliéspar  la  queue,  pour  les  laisser  s'égoutter 
pendant  ([uelques  heures.  Viennent  ensuite  les  diverses  opérations 
de  salaison  ou  de  cuisson  et  de  mise  en  barils  ou  en  l)oîtes,  car  on 
fait  les  deux  préparations,  d'après  les  procédés  ordinaires.  Quelle  que 
soit  l'importance  de  la  pêche,  toute  l'opération  se  poursuit  sans  arrêt, 
en  une  seule  fois,  de  jour  ou  de  nuit. 

«  Les  parties  de  l'animal  qui  ne  peuvent  être  utilisées  pour  les  con- 
serves aliinentaii-es,  les  yeux,  la  tête,  les  nagcoii-cs,  la  queue  et  les 
entrailles,  sont  mises  à  macérer  et  produisent  de  Ihuile  (jui  se  vend 
00  francs  le  qninlid;  elle  est  rcclicrcliéc  surtout  pour  le  travail  des 
cuirs.  Lesd'uls,  pi'oches  de  lenr  niiitiirilt''  en  cette  saison,  font  de  la 


I 


—  371   — 

boiitarçue,  un  peu  moins  estimée  que  celle  des  mulets,  mais  qui 
vaut  bien  encore  'A  francs  le  kilo.i'Tamme.  L'ossature  et  tous  les  débris 
sont  convertis  en  engrais  pour  les  cultures.  De  telle  sorte  que  rien 
n'est  perdu  et  ne  reste  sans  utilisation.  » 

Zembra  et  Zembretta.  —  Le  rocher  de  Zembra  s'élève  en  pleine 
mer,  par  le  ti-avors  ouest  du  Cap  Bon,  à  huit  milles  environ  de  Sidi- 
Daoïid.  On  y  voit  quelques  vestiges  d'une  ancienne  jetée,  œuvre, 
disent  les  vieux  historiens,  des  Carthaginois,  qui  entretenaient  un 
observatoire  militaire  sur  le  point  culminant.  Le  lieu  était  admira- 
ijjement  choisi,  car  de  ce  sommet  perdu  au  milieu  des  Ilots,  on  sur- 
veille la  route  la  plus  habituellement  suivie  par  les  navigateurs.  Ils 
avaient  élevé  là,  sans  doute,  une  de  ces  tours  à  signaux  dont  la  con- 
struction leur  était  familière  et  qui,  au  temps  de  leur  puissance, 
couronnaient  la  plupart  des  îles  soumises  à  leur  domination. 

L'aspect  général  de  Zembra,  très  pittoresque  à  distance,  à  cause  de 
de  ses  hautes  falaises,  est  moins  séduisant  vu  de  près.  Le  sol,  sans 
cesse  balayé  par  de  furieux  ouragans,  est  privé  de  toute  végétation 
forestière.  Il  est  couvert  de  maigres  broussailles,  que  déchirent  par 
endroits  des  arrêtes  vives  ou  des  amoncellements  de  roches. 

Comme  à  la  Galite,  des  familles  italiennes  s'étaient  installées  sur 
cet  îlot  où  elles  se  livraient  surtout  à  la  contrebande  à  laquelle  le 
Ciouvernement  du  Protectorat  mit  un  terme.  Aujounl'hui  un  agent 
des  Domaines  occupe  Zembra,  et  il  faut  une  autorisation  donnée  à 
titre  précaire  et  révocable,  pour  pouvoir  résider  dans  l'île.  Il  y  a 
«luelques  années,  deux  Français  demandèrent  à  acheter  l'île  de  Zem- 
bra ;  ils  voulaient  y  créer  une  ferme  d'élevage  de  la  volaille,  une 
pêcherie,  y  faire  du  vin  de  Marsala,  etc.  Le  Domaine  s'opposa  à  cette 
vente.  On  ne  peut,  en  elTet,  admettre  sans  danger  le  principe  d'une 
aliénation  de  cette  île  en  faveur  d'un  [)articulier  (pielconque  ;  les 
intérêts  supérieurs  de  la  défense  et  de  la  police  maritime  s'y  oppo- 
sent. 

Le  rocher  de  Zembra,  dillicilement  accessible,  a  environ  1)  kilo- 
mètres de  périmètre;  il  n'existe  guère, qu'au  Sud-Ouest, un  mouillage 
à  peu  près  sûr  où  viennent  se  mettre  à  l'abri  les  bariiuos  de  pêche; 
c'est  à  cet  endroit  que  sont  établies  les  (juatre  ou  cinq  hunilles  sici- 
liennes habitant  l'île  en  vertu  d'iuie  autorisation  régulière,  et  le  sur- 
veillant garde-pêche  français. 


—  372    - 

Des  essais  de  culture  n'out  guère  été  entrepris  jusqu'ici  que  dans 
quelques  ravins  abrités,  où  l'écoulement  des  eaux  de  pluie  a  accumulé 
une  couche  superficielle  de  terre  végétale;  le  reste  de  l'île  est  semé 
de  bouquets  de  Ccàpriers,  d'arbousiers  ravagés  par  la  dent  des  chè- 
vres et  exploités  sans  méthode. 

D'avril  à  juillet,  l'île  de  Zembra  est  visitée  par  des  Siciliens  qui 
viennent  jeter  leurs  filets  dans  ces  eaux  poissonneuses;  ils  y  pèchent 
la  sardine,  l'allache,  l'anchois,  la  rondina;  l'anchois  de  Zembra  est 
très  renommé. 

L'îlot  de  Zembretta,  d'une  contenance  de  5  hectares,  est  situé  à 
trois  milles  à  l'est  de  Zembra,  entre  cette  île  et  la  pointe  du  Cap-Bon; 
il  a  été  l'objet,  dernièrement,  d'une  demande  d'amodiation  de  car- 
rière, mais  l'exploitation  n'en  a  pas  été  tentée  par  le  permissionnaire, 
en  raison  du  manque  d'eau  potable  et  des  difficultés  de  ravitaille- 
ment, d'accostage  et  de  moyens  de  transport. 

La  Pointe  Nord.  —  La  Pointe  Nord  du  Cap-Don  est  limitée  par 
une  ligne  partant  de  la  Thonora  (Sud-Ouest),  longeant  la  base  méri- 
dionale du  djebel  Rheurmane,  puis  s'inclinant  vers  le  Sud  et  contour- 
nant la  Garaat-el-Haouaria  après  avoir  traversé  une  série  de  maréca- 
ges et  de  prairies  naturelles;  elle  coupe,  ensuite,  à  l'Est,  une  bande 
de  terre  sablonneuse  mais  fertile,  passe  par  la  zaouia  de  Dar-Allou- 
che  et  vient  aboutir,  sur  la  côte  orientale,  au  point  dit  Dar-es-Sali. 

Au  pied  du  djebel  Rheurmane,  se  trouve  la  ferme  de  Sidi  Turki, 
appartenant  à  M.  Bonnard,  férudit  président  —  encore  un  président! 
—  de  la  Société  de  Géographie  de  Tunis.  On  fait,  sur  cette  propriété, 
d'une  superficie  de  1.500  hectares  en  collines,  l'élevage  des  bètcs  à 
cornes  et  des  chèvres;  sur  une  centaine  d'hectares  on  cultive  l'orge, 
l'avoine  et  le  blé.  Le  terrain  est  bon  et  les  animaux  trouvent  là  d'ex- 
cellents pâturages  ;  le  troupeau  de  chèvres  compri'iid  un  millier  de 
tètes,  celui  des  vaches  de  250  à  300  têtes. 

Les  terrains  baignés  par  la  (laraat-el-Haouaria  sont  riants  et  rap- 
pellent les  près  de  France;  niidlieureusemenl.  l'ensemble  de  cette  n''- 
gion  est  peu  sain,  car  les  eaux  aflleurent  de  loules  j»arls  ;  on  y  voil, 
cependant,  un  ccilain  nombre  de  zaouia.  Le  fonds  île  la  (iara^it  étant 
au-dessus  du  niveau  tle  la  mer,  il  sei'ait  facile  de  la  dessécher  et  de 
transformer  ainsi  plus  d'nn  millier  d'hectares  de  marécages  en  une 
réî:'ion  fertile. 


El-Haouaria.  —  Vilhi,^o  de  t^. 0(1(1  li;il)il;iiils  fiiviron,  |)aiivres  et 
suuvaL;('S  <|iii,  avaiiL  iioLit;  arrivée,  eiii'eiiL  à  soutenir  une  lutte  perpé- 
tuelle conti'e  les  pèelicurs  siciliens,  pantellariens  et  maltais  opérant, 
à  chaque  instant,  sur  celte  pointe  du  Gap-Ilon,  des  descentes  à  main 
armée.  Quehjues  bouquets  d'oliviers  disposés  de  tous  côtés,  des  jar- 
dins assez  étendus  et  hien  cntrclenus,  des  parcelles  de  champs  ense- 
mencées (le  céréales,  un  peu  de  vigne,  suriisent  aux  besoins  de  ces 
indii^'ènespeu  exigeants.  Les  principales  crdtures  sont  :  la  fève,  Torge, 
le  maïs  et  le  sorgho. 

A  l'ouest  d'El-llaouaria,  sur  le  littor-al,  au  point  nommé  liar-el- 
A'e/n'/',  se  trouvent  les  grottes  (jue  (luérin  a  appelées  Grottes  cl Her- 
md'iun  ;  elles  se  composent  d'un  immense  souterrain  divisé  en  une 
quantité  de  vastes  salles  soutenues  par  d'énormes  pilliers  et  éclairées 
par  des  regards  ménagés  avec  soin  au  sommet  des  voûtes.  Ce  sont 
d'anciennes  carrières  dont  les  pierres  ont  sei'vi  à  construire  Garthage, 
Tunis,  etc..  ;  on  peut  très  bien  se  perdre  dans  ce  dédale  où  les  Ara- 
bes refusent  de  s'aventurer. 

Le  Ras-Addar.  —  Au  nord  d'El-lIaouaria  se  dresse,  à  pic,  un 
massif  montagneux,  aride,  bousculé,  chaotique,  enserrant  une  vallée 
profonde  où  croissent  des  chônes-verts.  Entre  le  djebel  Tartoucha  et 
le  djebel  Sidi-bel-Abiod,  quelques  groupements  de  gourbis  et  quel- 
ques îlots  de  tentes  abritent  des  pasteurs  larouches  qui  ne  quittent 
jamais  leurs  montagnes  où  ils  élèvent  des  chèvres  et  des  bovidés.  Ils 
cultivent  certains  légumes  sur  les  bords  de  l'oued  Tartoucha,  mais 
ils  vivent  surtout  de  laitage  et  de  chasse.  Ce  sont,  en  elïel,  de  très 
adroits  chasseurs;  ils  prennent,  dans  la  montagne,  une  sorte  de  fau- 
con de  petite  taille  appelé  «  djenadeg  »,  (pi'ils  dressent  à  la  chasse 
des  cailles,  des  allouettes  et  des  i)etits  oiseaux. 

Le  phare  est  construit  sur  la  pointe  extrême  qui  termine  le  Ras- 
Addar,  le  cap  Mercure  des  Romains  et  le  cap  Hermès  des  Grecs  ;  on 
voit,  près  du  ptiare,  quelques  tombeaux  pliéniciens.  Sur  la  côte 
orientale  du  massif  i'ocIkmix,  ))rès  île  iias-(>(l-j)rek,  se  trouve  le  bordj 
El-Haouaria  que  l'on  ai)er(;oit  depuis  Kélibta  ;  autrefois,  il  abritait 
un(^  petite  garnison  conunandée  par  un  ollicii'r  :  il  est,  aujourd'hui, 
complètement  délabré. 


La  'riNisir.  uc  NuiU) 


CHAPITRE  IV 


Caïdat  (lu  Cap-Iîoii  :  Cùie  Orientale 


Côte  Orientale.  —  La  côte  orientale  du  Contrôle  de  Cronibalia 
(ancien  Caïdat  de  Xabeul),  comprend  tout  le  littoral,  les  vallées,  pla- 
teaux et  collines  (|ui  en  dépendent,  situés  entre  P)ir-bou-Rekba  au 
Sud,  le  Ras-el-Melali  au  Nord,  la  chaîne  centrale  de  Sidi-Abdei^rlia- 
man  et  ses  contreforts  à  l'Uuest,  la  nier  à  l'Est.  Cette  partie  du  Cap- 
Ron,  fertile  et  tempérée,  renferme  nombre  de  localités  curieuses 
que  nous  allons  rapidement  visiter,  du  Sud  au  Nord,  et  ([ui  ont  fait 
l'objet,  de  la  part  de  M.  François  Verry,  ingénieur-ai^ronome,  d'une 
consciencieuse  étude  agricole. 

Hammamet.  — Ville  de  .'î.OOO  liabitants  à  (T)  kilomèli'es  de  Tunis, 
sur  rembranchement  de  Rir-bou-Rel<ba  à  Xabeul,  à  renlrée  du  vaste 
golfe  qui  porte  son  nom. 

Hammamet  est  d'origine  ancienne;  les  Turcs  s'y  établirent  et  cons- 
truisirent une  kasba  et  un  mur  d'enceinte  afin  de  se  mettre  à  V;\\n'\ 
des  incui'sions  des  jtillards  qui  parcouraient  le  ]iays.  MM.  Cagiial  cl 
Saladin  donnent  de  cette  jolie  petili^  cité  la  description  suivante  : 

«  La  ville  est  située  au  foud  du  golfe  (|ui  ])oi'(e  le  même  nom.  La 
mer  vient  en  baigner  les  mius  du  côté  de  l'Est;  vers  le  Nord  el  le 
Nord-Ouest  s'étendent  de  vastes  cimetièrt^s  oml)ragés  ])ar  de  vieux 
arbres  que  le  sable  euvaliit  clia<[ue  jour  davantage  :  car  il  assiège 
Hammamet  de  tous  les  côtés. 

«  Mais,  quand  le  temps  est  calme,  (piel  d(''licieux  séjour!  La  ville 
dans  son  enceinte  fortifiée,  llan<|U(''e  de  (listance  eu  distance  par  des 
tours  carrées  à  demi  engagc'esdans  la  mui-aille,  contraste  pai'  la  blan- 
cheur de  ses  murs  avec  r;i/.ui' sonibreilrs  Mois.  (Quelques  b;in|ues  de 
pècbe  ou  de    commerce  se  balancenl    dans  la  baie  ;  les  jiu'dius  (jui 


—  375  — 

s'ôleiMlciiL  ;iiix  jilciiloiii's  soiiL   rcmiilis  d'iuhres  odorants  :  orangers, 
jasmins,  rosiers. 

«  J)ii  haut  (le  la  kasba,  on  jouit  diin  niagniliqiie  coup  «l'tj'il.  l)'un 
CMité,  on  voit  à  ses  pieds  toutes  les  maisons  ;  à  sa  gauclie  on  voit 
s'étendre  tous  les  jardins;  enliii,  si  l'on  se  retourne,  on  apfrroit  aussi 
loin  (jue  IVeil  peut  pereer,  la  mer  calme  et  bleue  et,  tout  à  fait  à 
riiorizon,  la  petite  ville  de  Ilergla  ijui  s'avance  dans  les  Ilots.  » 

Les  jardins  dllammanieL,  c(tpieusejn('nt  irrigués,  sont  [)lantés(r(j- 
rangers,  mandariniers,  grenadiers,  limoniers,  mais  principalement 
de  cilronniers  ;  il  existe  plus  de  .')(). 000  pieds  de  cette  essence  qui 
présentent,  en  toutes  saisons,  des  Heurs  et  des  fruits.  Une  ))îer<://«  de 
10  ares  de  citronniers  rapporte  de  20  à  40  francs  par  an,  soit,  pour 
un  hectare,  de  200  à  400  irancs.  Quelques  propriétaires  français  pos- 
^i''(l(Mit  lies  jardins  dans  cette  ville. 

En  dehors  des  jardins  Iruiliei's,  les  indigènes  se  livrent  à  la  cul- 
ture maraîchère  au  nord-est  de  la  localité;  ils  font  aussi  quelques 
)ncchia^  de  céréales  dans  là  plaine  sablonneuse  située  au  Suil-Ouest. 
Au  Nord,  entre  la  ligne  du  clieniin  de  l'er  et  les  contreforts  du  djebel 
Jlammamet,  forêts  d'oliviers,  cai'oubiers  et  pâturages. 

ilaunnamet  possède  un  embryon  de  port  ensablé,  mais  suffisam- 
ment abrité  par  les  murailles  de  la  kasba.  Quelques  barques  y  sont 
ancrées  et  capturent  des  poissons  de  belle  taille,  surtout  le  mérot  et 
la  dorade  ;  à  la  saison  de  ]iècliede  rallache,  les  Siciliens  s'installent 
sur  la  plage  et  font  des  salaisons. 

Ecole  recevant53  élèves  :  4  Français,  17  ('frangers  (  Italiens  ou  ^lal- 
tais)  ;  32  ^[usulmans. 

Nabeul.  — •  De  llammamct  à  Xabeul,  on  traverse  une  série  de 
collines,  parallèles  à  la  mei',  assez  ai'ides,  ce[)i'iidanl  couvertes  de 
caroubiers  et  de  petites  broussailles. 

Nabeul, ancienne  ColoniaJulia  Nc((polix,vU\\[  priniiliveint'nt  située 
sur  le  bord  de  la  mer;  plus  lard,  il  y  a  environ  700  ans,  un  nouveau 
village  lut  fondé  à  deux  kilomèlrcs  du  rivage  pai'  des  gens  venus  de 
l'Arad.  C'est  le  Nabeul  actuel. 

Nabeul  compte  12.000  lial)ilanls  dont  2(M>  b'rançais  et  euviion  150 
étrangers  ;  situé  à  75  kilomètres  de  'J'unis,  c'est  le  point  terminus  de 
la  ligne  lèiive.  Cette  ccxiuelle  cité  arabe  est  certainement  la  plus 
riante  de   la  Tunisie  du  Nord  ;  ses  jardins  sont    merveilleux    et  ses 


—  370  — 

environs,  délicieusement  parfumés,  forment  une  vraie  cote  orazur. 
On  ne  comprend  vraiment  point  pourquoi  cet  adorable  petit  pays  est 
si  délaissé  par  les  liiverneurs  en  quête  de  doux  climat,  de  bon  so- 
leil et  de  tranquillité. 

Un  hôpital  existe  à  Nabeul  ;  il  est  placé  sous  la  direction  du  doc- 
teur Menvielle,  dont  on  ne  peut  trop  louer  le  dévouement,  et  qui 
prodigue  gratuitement  ses  soins  à  tous  les  miséreux,  arabes  ou  euro- 
péens. Mais  le  docteur  Menvielle  ne  s'en  est  pas  tenu  là  ;  à  côté  de 
l'hôpital,  il  entend  édifier  un  sanatorium  où  seraient  admis  les  tuber- 
culeux pauvres,  et  pour  réaliser  ce  philanthropique  projet,  il  fait  ap- 
pel à  la  charité  publique  : 

((  Pourquoi,  dit-il,  ne  ferait-on  pas  profiter  les  tuberculeux  pauvres 
de  France  et  de  Tunisie  de  l'admirable  climat  de  Nabeul,  climat  que 
les  Carthaginois  et  les  Romains  avaient  bien  apprécié,  puisqu'ils  ve- 
naient se  soigner  à  Neapolis  ? 

«  Le  traitement  le  plus  efficace  de  la  tuberculose  pulmoninre  a  été 
jusqu'à  présent,  la  cure  d'air  dans  une  région  à  température  cons- 
tante. Le  climat  de  Nabeul  réalise  parfaitement  cette  condition  ;  il 
peut  rivaliser  avantageusement  avec  celui  de  Madère  et  du  Caire. 
L'hiver,  le   tliermomètre  oscille  entre  8'>et'l5";  et  l'été,  entre  18"  el 

«  La  région  se  prête  admirablement  à  la  création  d'un  innnense 
sanatorium  tel  qu'on  le  conçoit  aujourd'hui.  Les  terrains  ne  man- 
quent pas  à  des  prix  peu  élevés,  les  constructions  se  tout  à  très  bon 
compte.  450.000  francs  suffiraient  pour  construire  des  immeubles 
pouvant  loger  500  malades.  La  vie  revient  à  50 "o  meilleur  marche' 
qu'en  France.  Les  dépenses  de  fondation,  au  lieu  de  s'élever,  connue 
dans  la  Métropole,  à  10  ou  15.000  francs  par  lit,  ou  même,  comme 
en  Allemagne,  à  0.000  francs,  atteindraient  à  peine  500  h'ancs.  La 
nourriture  reviendrait  à  I  \\\  '25  par  jour  et  par  malade.  Nabeul  pré- 
sente donc  des  avantages  considérables.  » 

Le  docteur  Menvielle  cuncliiL  en  dcmamlanl  ;iu  Pouvoirs  publics 
d'autoriser  Nabeulà  faire  ce  ([u'on  a  fait  pour  Saint-l'ol-sur-Mer,  pour 
l'Allaitement  Maternel,  jjour  la  Ponponnièi-e,  poiu'  le  Sanaloriuni  (li- 
rondin,  etc.  :  tine  loterie  qui  permetli-ail  de  subvenii' journellemeni 
aux  frais  d'environ  300  ou  M)()  tuberculeux.  Déjà  l'idée  généreuse  a 
fait  son  cliemin  ;  un  Comité,  composé  des  sommité's  médicales  de 
'J'unis  et  de  ciloyciis  i\\\\  ne  ni;u'cli;ui(lcnl  j;ini;iis  leurs  ix'incs  dès 
qu'il  s'agit  de  solidiiiih''  sociale,  \  ieni  de  se  former:  diNcrses  SociiHés  el 


<lii(îl(lii('S  (iivorisôs  (\c,  lu  vie  se  soiil.  Iiiil.  inscrire,  cL  (Icm.'iiii,  les  tii- 
berciik'iix  p;mvi-es,  iiidii^ènes  ou  européens,  iiuroiit  Ujules  cliances 
(le  l'ecouvrer  l;i  santé  sous  le  cliniaL  favorable  de  Naheul. 

Jx\s  jardins  de  Nabeul  s'étendent  au  Sud-Ouest,  entre  la  ville  ctles 
collines;  tous  irrigables,  ils  sont  cultivés  en  plantes  l'ourragéres  et 
maraîchères,  mais  surtout  planti'S  en  ai'bres  fruitiers.  Les  plantes 
fourragères  les  plus  communes  sont  :  la  carrotte,  le  millet,  le  sorylio, 
le  maïs  ;  parmi  les  plantes  maraîchères,  les  plus  répandues  sont  :  le 
piment,  la  tomate,  les  melons,  la  pastèque,  la  coui'ge,  l'oignon, le  cliou 
la  [)omme  de  terre  ;  l'asperge  et  l'artichaut  trouvent  dans  le  sol  sa- 
jjlonlieux  de  Nabeul  des  conditions  |)arlaites  de  réussite. 

((  il  semble  ({u'il  n'y  ait  pas  en  Tunisie  de  région  plus  favorisée 
rpie  celle  de  Nabeul  pour  la  culture  des  primeurs, écrit  M.  F.  Verry. 
L'asperge,  la  tomate,  les  petits  pois,  la  pomme  de  terre,  les  fraises 
y  réussiraient  parfaitement  et  trouveraient  un  débouché  assuré  sur 
les  marchés  de  Tunis,  précisément  à  une  épo<{ue  où  la  présence  des 
étrangers  donne  au  conunerce  des  légumes  une  recrudescence 
marquée.  Tout  récemment,  un  colon  Irançais  des  environs  de  Nabeul 
dans  une  propi'iété  médiocrement  située,  a  obtenu  d'excellents  résid- 
tats  en  cherchant  à  produire  des  tomates  d'hiver.  A  une  époque  où  la 
question  de  la  production  des  primeurs  est  à  Tordre  du  jour,  il  im- 
porte d'attirer  tout  particulièrement  l'attention  sur  cette  bande  du 
Cap-])On.  » 

Les  jardins  fruitiers  sont  entourés  de  hautes  clôtures  de  ciictus, 
destinées  à  protéger  les  arbres  contre  le  vent  et  les  déprédations  des 
gens  et  des  animaux.  Les  arbres  les  plus  répandus  sont:  les  orangers, 
mandariniers,  citronniers  grenadiers,  liguiei's,  pêchers,  abricotiers, 
mùriei's.  Les  variétés  d'orangers  cultivées  à  Nabeul  sont  :  l'oran- 
ge meski,  la  maltaise  et  le  cheroubo  ;  la  valeur  de  ces  trois  variétés 
atteignent  en  moyenne,  sur  le  marché,  de  'A  fr.  7)0  à  !■  fr.  50  le  cent. 
Un  orangiM- arrivé  à  l'âge  adulte  donnant,  en  moy(>nne,  de  UK)à(»(K) 
oranges,  il  s'ensuit  (ju'un  heclart»  complanlé  d'orangers  en  rai)port 
vaut  de  7.000  à  10.000  h'ancs. 

Les  citronniers  et  les  mandariniers  sontbeaucoup  moins  répandus 
que  les  orangers;  le  grenadier  produit  un  fruit  excellent,  sucré  et 
frais  tout  à  la  fois;  le  liguiiu'  donii(>  en  abondance  des  fruits  blancs, 
noirs  ou  colorés  ([ue  les  indigènes  mangent  à  l'état  frais  ou  tout  sé- 
cher; le  pécher  et  l'abricotier  viennent  bien  mais  sont  plus  dissénu- 


—  378  — 

nés  ;  par  contre,  le  nulrier  est  très  commun  sur  tout  le  territoire  et 
ses  fruits  sont  très  recherchés  par  les  Arabes. 

«  On  voit  donc,  dit  encore  M.  Verry,  toute  l'importance  qu'ont 
prises  dans  cette  région  les  cultures  fruitières  les  plus  vaiiées.  Eu 
général,  elles  y  réussissent  toutes,  encore  que  certains  principes 
culturaux  des  plus  élémentaires  soient  parfois  méconnus  des  indigè- 
nes, qui  gagneraient  beaucoup  à  être  conseihés  et  instruits.  11  est 
plus  que  probable  que  certains  arbres  fruitiers  exotiques  pourraient 
y  être  avantageusement  introduits.  C'est  dans  ce  but  que  la  Direction 
de  l'Agriculture  a  entrepris  des  essais  de  goyavier  et  d'anones,  chez 
quelques  particuliers.  Elle  a  l'intention  aussi  de  voir  comment  pourra 
s'y  comporter  le  bananier  des  Canaries,  apporté  au  Jardin  d'Essai  de 
Tunis  il  y  a  c[uelques  années.  » 

Au  delà  des  jardins,  à  une  distance  variant  entre  cinq  ou  dix  kilo- 
mètres, s'étendent  de  grandes  propriétés  appartenant  généralement 
à  de  riches  indigènes  où  l'on  cultive  les  céréales  et  les  oliviers.  Se])t 
cultivateurs  français  et  un  italien  sont,  en  outre,  installés  dans  la 
région  de  Nabeul  ;  la  superlicie  occupée  par  ces  Européens  est  de 
2.500  hectares  environ  :  blé,  orge,  maïs,  sorgho,  lin,  fenu  grec, 
pâturages.  Dans  cette  région,  il  existe  peu  de  terres  disponibles; 
peut-être  pourrait-on,  cependant,  ac(]uérir  trois  ou  (juatre  gi-ands 
henchirs  au  prix:  de  250  à  300  francs  l'hectare.  Un  peu  plus  loin, 
à  huit  kilomètres  à  l'Ouest  de  Nabeul,  signalons  le  bel  henchir  ]\rcn- 
zel-er-Roumi,  traversé  par  la  piste  de  Nabeul  à  Tunis,  et  dont  la 
contenance  est  de  1.700  liectares;  c'est  un  habous  privé,  actuelle- 
ment loué  aux  indigènes,  mais  ([ue  le  dévohilaire  sei'ail  disposé  à 
céder.  Cette  propriété,  bien  arrosée,  placée  dans  un  site  pittoresque, 
jouit  d'un  climat  très  sain;  les  terres  sont  bonnes,  propices  aux 
céréales,  à  la  vigne,  à  la  culture  maraîchère;  le  gibier  y  est  très 
abondant. 

Les  Français  de  la  région  ont  Ibi'iné  récemmeni  une  Association 
comprenant  vingt-cin(|  membres;  le  vomi  le  plus  cher  de  ct^s  colons 
serait  de  voir  enfin  se  réalisiM*  la  promesse  (Vnwo  roule  parlani 
<le  Nabeul  et  allant  rejoindre  la  route  de  Sousse-Timis  à  fondonk- 
llalaied,  en  passant  |i;ir  l!ii'-(',li;illonr  et  (i'avers;nit  l(>s  magniliqnes 
orangeries  de  Nabeul  ;  ce  sei'ait  le  Iracé  le  plus  coiu't,  le  plus  écono- 
mi(jue,  le  plus  i-ationnel  (>n   nn   mol,  permettant    d'aller   i-ipidemeiil 


-  :{70  — 

à   r'ii'ombali;),  si("'g(!(lii  (  loiiliVdc  civil,  cL  racililaiit  :iii  plus  li;iiil  point 
le  li'alic  (le  Naljciil. 

Mais  Nabciil  n'csL  point  soulcrnciil.  la  tf>i'i'o  d'élection  «le  l'oran^'-er, 
le  paradis  (les  soLilïra lits,  lacit('<pii  sf'ijiiit  je  visitciii-;  c'est  aussi  niic 
ville  industrieuse  dont  le  marclié  hebdomadaire  est  très  rr('(|uent('î 
parles  indigènes  s'y  rendant  des  points  les  plus  éloij^nés.  Nabeul  et 
les  villages  parlumés  <pii  renvifoinient,  Dar-Cliabane,  Ijir-Cliallouf, 
El-Fabri,  dont  les  minarets  ])oiiitent  au  de'ssus  des  jardins  toujoui-s 
verts,  possèdent  des  industries  très  curieuses  à  étudier,  tels  que 
le  tissage,  la  poterie,  la  sparterie,  la  parl'umerie.  Malheureusement, 
ainsi  que  le  faisait  observer  fort  judicieusement  le  Khalifat  de  Xabeul, 
fonctionnaire  intelligent  et  aelif,  ipii  voudrait  aider  ses  coreligion- 
naires à  rompre  avec  la  senq:)iternelle  routine,  les  industries  de  Na- 
beul seront  toujours  en  état  de  décadence  tant  que  les  ouvriers  en 
resteront  aux  procédés  et  outillages  primitifs;  tant  (ju'ils  ne  se  met- 
tront pas  au  courant  des  perfectionnements  ol  des  progrès  modernes  ; 
tant  qu'ils  ne  se  dépai'liront  })as  des  pri'jiigés  de  leurs  ancèti-es.  Il 
y  a  là  pour  le  Gouvernement  du  Protectorat,  utile  besogne  à  faire, 
sérieux  effort  à  tenter  :  rénover  les  industi'ies  indigènes  qui  s'étei- 
gnent, aider  dans  leurs  débouchés  celles  (|ui  sont  encore  prospères. 

A  Nabeul  on  compte  70  fabri(|ues  de  poterie  employai! t. ').jO  hommes 
et  enfants.  On  raconte  que  les  premiers  potiers  qui  s'installèrent  dans 
cette  ville  où  il  avaient  découvert  de  boime  teri'e  argileuse,  furent 
des  Djerbiens.  Ils  employèrent  des  ouvi'iers  du  i»ays.  mais  refusèrent 
de  leur  dévoiler  les  secrets  de  la  composition  chimi([U(^  des  émaux  et, 
au  moment  de  la  préparation  des  couleurs,  les  ouvriers  devaient 
évacuer  les  ateliers.  Un  jour,  cependant, l'un  d'eux  se  cacha  dans  un 
tas  de  (agots  et  sui-pi'il  ainsi  le  fameux  secret  dont  il  (il  proliler  tous 
ses  amis,  les  potiers  de  Nabeul.  Alors  l'industrie  prit  un  grand  déve- 
loppement, et,  à  certaine  époque,  on  ne  comptait  pas  moins  de  ofX) 
fours  à  potier  dans  cette  ville  et  dans  les  petits  villages  environnants. 

L'argile  employée  est  extraite  de  la  carrière  d"KI-l\alàa.  au  nord 
de  lavilhî;  cette  carrière  est  piu'cée  d(^  ijaleries  souieri'aines  l'emon- 
tant  à  une  époque  déjà  ancienne  et  rexlraclion  n'est  pas  sans  dangei'. 
On  fabri(iue  à  N.abeul  des  vasc^s  d'usag(^  domestiipie  et  un  peu  i\c 
poterie  vernissée  ;  trois  vernis  seulement  sont  employés  :  le  jaune,  le 


380 


vert  et  le  brun,  les  potiers  ne  connaissant  plus  les  émaux  blancs,  ni 
ceux  dune  couleur  autre  que  les  précédentes.  L'emploi  du  moule 
est  inconnu,  mais  les  potiers  sont  d'une  rare  habileté  pour  le  tournage 
des  pièces  ;  ils  semblent  avoir  hérité  des  anciens  artistes  de  l'antiquité, 
et  les  formes,  rappelant  beaucoup  celles  des  vases  grecs,  prennent, 
tout  naturellement,  naissance  sous  leurs  doigts.  Le  four  est  construit 
en  briques  sèches  ;  il  a  la  forme  d'un  cylindre  surmonté  d'une  calotte 
sphérique;  souvent  plusieurs  potiers  se  groupent  autour  d'un  même 
tour,  dans  lequel  ils  cuisent  à  tour  de  rôle. 

La  production  annuelle  de  l'industrie  céramique  de  Nabeul  est 
d'environ  t^OO.OOO  francs;  chaque  joui',  des  barques  accostent  sur  la 
plage  de  Nabeul  et  chargent  les  gargoulettes,  jarres,  passoires  à  cous- 
couss,  lampes  vernies,  amphores,  tambourins,  qu'elles  transportent 
vers  le  vSud,  surtout  à  Slax.  Le  salaire  moyen  de  l'ouvrier  potier  est 
de  1  ir.  '25  par  jour  ;  celui  de  l'apprenti  est  de  0  fr.  50.  Dar-Chabane 
a  la  spécialité  des  réchauds  et  des  casseroles. 

Nabeul  et  presque  tous  les  villages  de  la  côte  Est,  lournissent  un 
appoint  important  à  la  production  des  tissus  do  laine.  Cependant, 
cette  industrie,  qui  fut  autretois  très  ilorissante,  est  tombée  en  déca- 
dence à  Nabeul,  où  on  ne  compte  plus  qu'une  centaine  de  métiers 
répartis  en  vingt-cinq  ateliers.  Le  tisserand  ne  travaille  généralement 
que  sur  commande  avec  la  laine  apportée  par  le  client  ;  il  gagne,  en 
moyenne  de '25  à  30  sous  pas  jour.  A  Dar-Chabane,  on  [voiwc  (|uel(iues 
métiers  à  tisser  le  lin.  Pour  Nabeul  et  les  villages  subnrl)ains,  l'in- 
dustrie du  tissage  produit,  bon  an  mal  an,  environ  10.000  ii-ancs. 

La  sparterie  a  été  introduite  à  Nabeul  par  les  Tripolitains  ;  celte 
industrie  est  soumise  à  des  règles  établies  et  rigoureusement  obser- 
vées quant  à  la  fabrication,  à  la  coupe  des  joncs  aux  environs  de 
Korba,  de  Tazerka  et  autres  localités.  L;i  liihi'icatioii  des  iialles  de 
jonc  occupe  à  Nabeul  environ  250  hommes  et  (MiJanls  ivparlis  en 
quarantocinq  ateliei'S  ;  ces  nattes  sont  unies  ou  agrémentées  de  des- 
sins obtenus  avec  des  joncs  teints  en  verl,  en  i-ouge,  en  violet  et  en 
noir.  Les  nattes  ordinaires  non  teintes,  valcnl  de  O/iO  à  0.50  centimes 
le  mètre  carré  ;  les  nattes  lines  et  colorii'cs  xaicnl  jiis(iM"à  2  IV.  50 
le  mètre  carré.  J^'importance  de  celte  liiluicalion  est  de  100.000 
Irancs  par  an  en  moyenne. 


-  :m  — 

I.a«lislilliiti(Mi  ik'S  llciii'S  f4  des  jjl.iiitcs  à  puiTiiiiis  ;ic(iiiiert  a  Xubeiii, 
une  certaiiK'  iiiiporlancc  ;  elle  s'ollbclue  dans  un  appareil  très  ru<li- 
rrienlaire  qui  ne  permet  d'obtenir  que  des  pro<luits  assez  impurs. 
Xabcul  et  ses  environs  font  annuellement,  en  cbilTres  ronds,  une 
moyenne  de  8.(M)0  (ias(|ues  de  dcii.v:  litres  et  demi  cliaeuiie,  d'eau  de 
lleurs  d'oranger,  l.'2()tJ  tiasijues  deau  de  géiaiiium,  "K^)  liasques 
d'eau  de  rose,.'MH)  Masques  de  Nesri  (églantier  sauvage)  et  KH)  Masques 
d'eau  de  jasmin.  Le  kildgranune  de  lleurs  d'oranger  vaut  de  0  Ir. '{t> 
à  0  fr. 35  ;  la  rose  de  1  i'r.  ()()  à  2  Iraiics;  le  géranium-rosat  de  Olr.  lô 
à  0  Ir.  '20  ;  le  jasmin,  <le  1  Ir.  T)!)  à  2  fianes  ;  le  nesri,  de  (Mr.  9(1  à 
1  fr.  10.  En  général,  on  peut  admettre  que  5  kilogs  de  lleurs  d'oran- 
ger donnent  deux  litres  d'eau  de  première  qualité  estimée  2  francs  le 
litre,  un  litre  eau  qualité  moyenne  ai  fr.  20,  un  litre  qualité  inférieure 
à  0  fr.  7."j.  La  même  quantité  de  roses  produit  deux  litres  à  i  francs, 
un  litre  à  3  Irancs,  et  un  litre  à  l  h*.  50.  Chaque  maison  arabe  distille 
sa  fiasque  fie  Meurs  d'oranger  mélangées  de  quel(|ues  roses  et  d'un 
pende  géranium;  ce  sont  les  femmes  qui  sui'veillent  cette  importante 
opération. 

L'industrie  européenne  s'implante  également  à  Nabeul.  Un  céra- 
miste, M.  Tissier,  occupe  une  vingtaine  de  jeunes  ouvriers  indigènes 
auxquels  il  inculque  les  principes  du  vernissage  des  vases  et  de  remail- 
lage des  carreaux  de  revêtement.  Un  parfumeur,  M.  Longuesserre,  pro- 
duit des  essences  très  Mues  qui  sont  vendues,  suivant  les  cours  et  la 
qualité  de  500  à  !2.0tX)  francs  le  kilogramme  ;  quelques  autres  parfu- 
meurs viennent,  chaque  année,  de  Cannes  et  de  Crasse,  faire  ample 
provision  à  Xabeul  de  fleurs  d'oranger  et  de  jasmin,  et  l'un  d'eux  a 
l'intention  d'y  établir  une  succursale  de  sa  fabritpie.  Une  très  impor- 
tante minoterie,  réalisant  les  derniers  perfectionnements,  s'est  ou- 
verte cette  année  dans  la  ville  sous  l'habile  direction  de  MM.  llyvert 
et  Obert,  ingénieurs  agronomes,  et  elle  produit,  dès  maintenant, 
quarante  quintaux  métriques  de  farine  par  jour  :  cette  minoterie, 
dont  l'étalissement  n'a  pas  coûté  moins  de  100.000  francs,  occupe  des 
spécialistes  français  et  des  indigènes  de  Xabeul  ;  les  avantages  que  cette 
fabrique  assure  à  la  conti'ée,  c'est  de  pouvoir  se  servii'  sui'  place, 
sans  intermédiaire,  par  conséquent  à  meilleur  compte,  de  produits 
parfaitement  purs  et  toujours  frais.  11  y  a  lieu  de  souhaiter,  pour  le 
développement   de  cette   intéressante  industrie,  <|ue  les  droits  qui 


—  382  — 

frappent  abusivement  la  circulation  des  céréales  à  leur  entrée  dans 
certaines  villes  du  littoral  et  de  la  frontière  (décret  du  31  mal  1898), 
soient  abolis  ou,  tout  au  moins,  modifiés.  La  (juestion  est  d'ailleurs 
à  l'étude  et  M.  le  Directeur  des  Finances  a  promis  de  la  résoudre  le 
plus  tôt  possible. 

Enfin,  une  grande  Société  française  a  le  projet  d'établir  à  Nabeul 
une  vaste  usine  de  céramique  (|ui  produira,  à  prix  très  bas,  des  tuiles, 
des  briques,  des  carreaux  de  pavement  et  de  revêtement,  des  tuyaux 
en  poterie,  etc.  ;  celte  Société  a  même  rintention  d'y  installer  une 
verrerie. 

II  y  aurait  beaucoup  à  faire  <à  Xabeul  au  point  de  vue  de  la  pêche  ; 
toutes  les  variétés  de  poisson  se  trouvent  en  abondance  sur  la  côte  ; 
malheureusement,  ce  littoi'al  manque  d'abris,  et  c'est  seulement 
pendant  la  saison  de  calme  plat  que  les  abords  en  sont  laciles.  La 
reconstitution  de  l'ancien  port  de  Neapolis,  ou,  à  délaut,  un  bon 
appontement,  rendraient  de  très  réels  services  aux  pêcheurs  de  ces 
parages. 

Nabeul  a  deux  écoles  h-ancaises.  L'école  des  garçons  est  dans  un 
état  lamentable,  humide,  sans  air,  sombre  ;  c'est  un  véritable  puits 
où  les  enfants  et  les  maîtres  sont  clia(|ue  jour  (Mupilés.  Cette  école 
reçoit  1  il  élèves:  9  Français;  L2  Italiens;  1- Maltais;  85  Musulmans; 
■M  Juifs. 

L'école  des  lilles,  un  peu  mieux  installée,  reçoit  81  élèves  :  5  Fran- 
çaises; 8  Italiennes  ;  .")  Maltaises  ;  1  Musulmane;  (i'J  Juives. 

Au  commencemcMit  du  siècle  (k'rnicr,  on  ne  rencontrait  i)as  im  seul 
.iilif  à  Xaljeul  ;  anjoui'd'liui  ils  sont  [ilus  de  l.'iOO,  tous  (MU'icliis  ;  ils 
possèdent  i  écoles  rabbini(|ues  de  garçons  (|ui  reçoivent  170  élèves  ; 
on  cpello  là-dedans  l'hébreu,  on  anônne  des  prières,  mais  on  n'ap- 
prend pas  le  français. 

Malgré  cela,  Nabeul  est  nn  ccnlre  (pii  se  (lév(>loj)|ie  lenlement  mais 
snrement  ;  c'est  déjà  une  des  plus  agréables  villes  de  la  Hi'gence,  et 
ce  sera  bientôt  une  des  plus  commen-anles. 

Dar-Chabane.  —  l''orme  avec  Zaonit'I-cl-Fchii ,  im  seni  et  mêm(> 
village  sihu'' ;'i  'i  kilomètres  an  noi'd  de  Xabeul  :  lissei'ands,  j)otiers, 
distillateui's  déplantes  à  pai'linns.  A  Fd-Fehri.  nne  vingtaine  de  scidp- 
teni'S  sur  pierre,  d'origine  tnrqiie,  dit-on,  font  ces  encadi'emeiits  de 


polies  que  l.oiil  i(3  rnoïKle  ;i  vus  en  Tunisie  ;  ils  Iraviiillenl  ;ircroLipis, 
ayant  [xiuroiilils  un  compas,  (m  crayon  <le  j)loinh  el,  la  liaclicUe  plato 
(|ui  l'rappe  1(3  ciseau  ;  ils  i^aj^nenl  .'}  à  ï  IVancs  par  joui'.  Autour  <lu 
village:  oliviers,  céréales,  maïs,  lin,  lé.numes  et  l'ruils.  Knviron  'J.."i(l() 
habitants. 

Beni-Kriar.  —  Viliai^o  purement  arajje,  à  8  kilomèti'es  au  nord-est 
(le  Xabeul,  sur  la  route  de  Kélibia;  Ibudé  par  un  Ti'ipolilain,  lîou- 
Tithi,il  y  a  4(X)  ans;  3.000  habitants  ;  oliviers, jardins, très  riches  cultu- 
res. lîeni-Kriar  compte  250  métiers  (h;  tisserands  répartis  en  soixante- 
dix  ateliers.  Quelques  pêcheurs  indii^èiies. 

Mamoura.  —  A  ({uin/e  cents  mèli'es  à  Test  de  iîeni-Kriar,  sur  le 
l)ord  de  la  mer.  Village  peu  impoi/tanl,  londi'  [)ar  les  Marocains:  oli- 
viers, jardins,  vignes,  caroubiers.  Les  habitants  sont  jardiniers,  tisse- 
rands ou  pêcheurs,  déjà  moins  aisés  que  ceu.x  des  villages  dont  nous 
avons  parlé  précédemment.  A  500  mètres  au  sud  du  village,  on  voit 
une  série  de  grottes,  les  unes  naturc^lles,  les  auti'es  creusées  de  main 
d'homme;  ces  cavernes,  sur  l'origine  desquelles  il  n'a  pas  été  possible 
d'avoir  de  renseignements,  sont  appelées  })ar  les  indigènes  «  El-" 
Ghisane  ». 

C'est  immédiatement  au  nord  d(>  Mamoura  que  commence  la  ligne 
des  sebkas  (jui  longe  le  littoral,  de  Mamoiua  à  la  [)oinle  du  Cap- 
Bon;  envahies  par  l'eau  en  hiver,  elles  sont,  pendant  la  belle  saison, 
couvertes  de  joncs  qui  sont  récoltés  pour  la  fabiication  des  nattes, 
par  des  travailleurs  Hi/ndiqués.  Les  excMiiples  de  syndicats  agricoles 
indigènes  sont  assez  rares  en  Tunisie,  —  on  \w  comiaîl  guèi-e  «[ue 
l'association  (|ui  existe  enti-e  les  indigènes  (\vi<  oasis  pour  l'irrigation 
de  leurs  cultures,  et  quchpies  associations  de  pècheui's  d'épongés  à 
Djerba  et  à  Zar/is  —  pour  que  le  fait  mérite  d'être  signalé.  Le  travail 
s'opère  sous  la  direction  de  ((  l'aminé  des  joncs  »,  élu  chacjue  année 
pai-  les  syiidi<{ués,  et  tout  se  fait  sans  bruil,  sans  récriminalions 
d'auciuie  sorte.  Les  moissonneurs  de  joncs  gagnent,  en  moyenne, 
1  ir.  50  par  jour.  L'aminc  est  payé  en  natm-e  :  à  la  lin  de  la  cueillette, 
il  a  droit  à  un  certain  nombre  de  hottes  de  jonc. 


384  — 


Somâa.  —  Pauvre  village  cVun  millier  d'habitants,  construit  sur 
les  lianes  du  djebel  Djatar.  La  koubba  de  Sidi  Somàa  sert  également 
de  djemàa  et  jouit  du  privilège  de  protection  à  l'égard  de  ceux  qui 
s'y  réfugient.  Les  gens  de  Somàa  ont  la  coutume  de  reulermer  les 
récoltes  de  blé  et  d'orge  dans  d'immenses  jarres  en  terre  ou  dans 
des  amphores  en  alla  ou  en  diss,  à  peu  près  de  la  même  dimension 
ou  de  la  même  forme,  ce  qui  s'explique  par  ce  fait  (funne  partie  de 
la  population  est  composée  de  Djerbiens.  Somàa  et  Tazerka  sont  re- 
nommés pour  la  fabrication  des  petits  balais,  nattes,  couiïins,  paniers 
de  différentes  formes  en  (euilles  de  palmiers  nains  ;  Somàa  couipte 
!200  ateliers  de  vannerie,  avec  '200  hommes,  50  femmes  et  50  enlants; 
la  production  totale  annuelle  est  de  L500  quintaux  valant  iO.O(X) 
francs.  Nombreux  fours  à  chaux.  De  Sunràa,  vue  très  étendue  sur 
les  villages  de  la  Dakla  et  les  nombreuses  habitations  isolées  qui 
sont  éparses  dans  la  plaine  :  céréales,  légumes,  arbres  fruitiers, 
quelques  vignes,  oliviers.  Entre  Leni-Kriar  et  Somàa,  on  rencontre 
trois  fermes  françaises  :  250,  200  et  80  hectares.  Sol  assez  aride  ; 
beaucoup  de  lentisques,  de  jujubiers  et  de  romarins.  Un  des  colons 
français  se  livre,  avec  succès,  à  1  "apiculture. 

Tazerka.  —  Fondé  par  un  Turc  et  situé  à  G  kilomètres  à  l'est  de 
Somàa,  près  de  la  mer;  500  habitants  ;  nombreuses  koubbas.  Oliviers, 
quel<{ues  jardins,  un  peu  de  céréales  dans  des  terres  maigres  et  sa- 
blonneuses. La  culture  du  tabac  apportait  aulrelbis  à  la  population, 
comme  sur  plusieurs  autres  points  de  la  pres(jn'ile,  un  bénélice  im- 
portant :  rinterdiction  de  cette  culture  a  été,  en  partie,  cause  de  la 
ruine  de  ce  pays. 

Kourba.  —  L'ancienne  Cnrabis  des  Romains;  iMiini^s  nombreuses; 
anq)hithéàti-e,  traces  du  |)ort,  a(pieducs,  cari'ières  aiiciiMmes.  Le 
village  est  construit  sur  une  petite  élévation,  à  J.iJOO  mètres  de  la 
mei-  ;  la  population  est  composée  de  Djei'biens,  de  Tripolihiins  cl  de 
Kaii-ouanais  :  mais,  l)lé,  soi'gho,  lèves,  pois  chielies,  cnniin;dans  les 
jardins  IVniliei-s  :  oi'angers,  citronniers,  pêchers,  grenadiei's,  vignes; 
dans  l(!S  jai'dins  potagers  :  melons,  aubergines,  poivrons,  oignons. 
.M.  Tauchon,  C.onlrôlem-  civil  à  Tnnis,  possèdi'  à  Kourba  une  belle 
olivette  et  une  fabriqne  d'huile. 


-  :i8n 


A  Beni-Aichoun,  pivs  de  Komljn,  (juclqucs  iiuli^^oiics  se  livrent 
h  l'élcviif-e  des  abeilles  ;  clin(|ue  r-iielie  donne  six  kiloj^r.'inimes  de 
miel  en  moyenne,  et  ee  miel  est  veixlii  im  liiuic  le  kiJo^»-  à  Nabeul  ou 
à  Tniiis. 

La  Dakla  du  Cap-Bon. — Au  nord  de  Kourha  connnenee  cette 
partie  de  la  côte  orientale,  composée  de  plateanx  assez  accirlenlés 
s'élevant  t^raducîlleinciit  jusqu'aux  coulrcroi'ts  du  massif  de  Sidi-Ah- 
derrbaman  à  FOuest,  et  devenant  très  plats  et  parfois  marécageux 
dans  la  partie  est  ;  les  indif^ènes  appellent  cette  r^ç^kni  la  «  Dakla 
du  Gap-])On  ». 

La  Dakla,  bornée  à  l'Ouest  par  la  chaîne  centrale,  et  à  l'Est  par  la 
mer,  s'étend,  au  Nord,  jusqu'à  la  ijaraat  El-llaouaria  ;  elle  est  cou- 
verte de  terres  fertiles  et  com|)rend  de  nombreux  villages  et  zaou'ia 
habités  par  une  population  très  dense.  Les  principales  localités  de  la 
Dakla  sont  :  Kourchine,  Menzel-Ileur,  ^leir/el-Temime  et  Kelibia, 
sur  la  côte  ;  Oum-Douil  et  Furtuna,  à  l'Ouest  ;  Azemour  au  Nord. 

«  Nous  sommes,  dans  la  Dakla  du  Cap-l'ou,  eu  pi'ésence  d'une 
terre  riche  en  azote  et  en  potasse,  moyennement  l'iche  en  acide  phos- 
pliori(pie.  Si  l'on  songe  que  depuis  longtemps  I(>s  Arabes  la  cultivent 
sans  faire  de  jachère  proprement  dite,  sans  apporter  de  hunier  (ju'ils 
conservent  généralement  pour  leurs  quelques  jardins  fruitiers  ou 
maraîcliers  voisins  de  leurs  habitations,  si  l'on  observe,  de  plus, 
(pu;  par  leurs  labours  superliciels  ils  épuisent  surtout  la  couclie  su- 
périeure de  la  terre  végétale  et  que  les  belles  récoltes  qu'ils  obtien- 
nent cliaque  année  exportent  des  quantités  considérables  de  principes 
fertilisants  qui  ne  sont  jamais  l'ecouvrés,  ou  est  étonné  de  trouver 
encore  une  pareille  richesse  du  sol  et  l'on  se  demande  d'où  jtro- 
viennent  ces  quantités  d'humus  accumulées.  (|U(^  des  cultures  séi'u- 
laires  ne  sont  pas  parvenues  à  épuiser.  »  (  K.  Veuuv). 

Cultures  :  blé,  orge,  maïs,  sorgho,  fèves.  Klevag(>  :  cla^vaux,  bieuls, 
chèvres  et  moutons. 

D(;  très  grandes  supc^rlicics  de  lei'res  excellentes,  on  Ton  aimerait 
voir  surgir  de  belles  fermes  Irancaises,  restent  incultes,  envahies  par 
la  broussaille  épaisse.  Les  .\laouius,  (pii  les  possèdent  au  titre  de 
habous  privés,  l'efusent  de  les  ali(''uer,  même  (|uaud  on  leur  en  oUVe 
un  prix  élevé.  Avec  leurs  nombreux  troupeaux  el  l(>s  chanqis  qu'ils 


-  380  — 

font  ensemencer  par  leurs  kliammès,  —  et  qui  donnent  clia{[uc  aimée 
une  récolte  au  moins  moyenne,  souvent  très  bonne  —  ces  indigènes 
réalisent  de  beaux  bénéfices  qui  leur  assurent  non  seulement  le  bien- 
élro,  mais  parfois  une  notable  foi'tune.  Dans  ces  conditions,  il  est 
tort  probable  que  nos  compati-iotes  pourront  diflicilement  s'établii" 
dans  cette  partie  du  Cap-Bon. 

Kourchine. —  l*etit  hameau  indigène,  à  dix  kilomètres  au  nord  de 
Kourba,  remarquable  seulement  par  un  bàlimeid  ;uiti(|ue,  assez 
vaste,  qui  le  domitie  et  que  Ton  aperçoit  d'assez  loin. 

Oum-Douil.  —  Au  nord-ouest  de  Kourchine;  excellents  pâturages 
de  sulla  et  de  trèlle  blanc.  Le  village,  assez  imporlant,  est  situé  à  une 
altitude  <le  30  mètres.  Nombreux  ti'oupeaux,  de  même  qu'à  Ziiouict 
Maïsra,  dislante  de  un  kilomètre  à  peine. 

Fortuna.  —  Placé  sur  les  dernières  pentes  orientales  du  djebel 
Sidi-Abderrliaman,  le  village  domine  toute  la  Dakla.  On  y  arrive 
en  Ljravissant  des  chemins  assez  dilliciles,  à  travers  de  fortes  brous- 
sailles et  ([uejques  terres  cultivées  et  fertiles.  Au  loin,  les  petits  vil- 
lages de  Daiiwu^i,  Sidi-bou-Ali,  Reinciche  et  Diar-Aonin-cl- 
Hailjcj  se  détachent  sur  la  silhouette  sombre  de  la  montagne,  blancs 
et  coquettement  échelonnés  les  uns  auprès  des  autres,  formant  un 
panorama  original  et  gracieux.  I^a  désillusion  n'est  pas  trop  grande 
lors(|u"on  esl  au  milieu  de  ces  liameaux  assez  propres,  noyés  dans 
la  verdure  de  leurs  petits  jai'dins,  séparés  par  des  ravins  accidentés 
mais  bien  verts,  et  au  fond  desquels  murmuri^  constannnent  une 
eau  vive  et  courante.  On  aperçoit,  un  peu  plus  loin,  de  l'autre  côté 
d'une  vallée,  le  hameau  de  Sidi-Vcriiz,  ombrage-  de  (piel(|ues  ai'bres. 
On  remarque,  à  Korluna,  des  traces  de  ruiues  (>t  un  assez  gi'and 
nombre  de  blocs  taillés:  les  sources  sont  enloui'(M's  d(>  vesliges  an- 
tii|ues. 

Menzel-Temime.  —  l-ai  suiv;ml  la  roule  de  Xabeul  à  Kélibia,  on 
laisse  sur  la  di'oite,  api'ès  avoir  franchi  l'oued  Lebii;i,  le  villa,i;e  de 
Meiizrl-f-fi'in'i\  situé  sur  un  mamelon,  enire  l:i  i(tule  el  l:i  sebka 
bou-Djennl  :  céiv'ales  et  oliviers. 


-  :w7  - 

Monzcl-Tciiiiiiic  (;sl,  un  ij;i'()S  boiii'L;  iiidi.uriic  de  i.OdO  li;il)it;iiils. 
I'oikN'' |);ii'  un  I  Ijcihioii,  sur  rcinpliicciriciit  «riitic  ville  ;(iili"|ii('.  I.cs 
l'iios  soiil  hir^ciiiciiL  porcéos,  le  villn.L;(j  csl  pi'opiv,  mais  lu  vue  sur 
la  mer  est  masquée  par  des  dunes  de  sable.  Les  plantations  d'oliviers 
sont  assez  étendues,  les  jardins  sont  bien  entretenus  ;  la  terre  est  df; 
(|u;dil('  moyemie.  Près  de  Mou/.el-Temime,  à  un  kilomètre  à  l'ouest, 
Je  liameau  <le  Sh-alba. 

Les  plateaux  qui  se  trouvent  placés  entre  Alenzel-Temime  et  la 
montaiîne  <à  l'ouest  sont  échelonnés  ;  tonte  la  riveijj'auclie  de  la  vallée 
supérieui'e  de  l'oned  Lebna,  très  accidentée,  est  broussailleuse  et 
bordée  de  l'ocliers  à  pic.  Un  peu  plus  au  Nord,  les  hauteurs  forment 
une  sorte  de  ceinture  arrondie  autour  de  la  cuvette  où  se  rassem- 
blent les  (Mux  de  la  sebka  Fardjouua.  Elles  se  resserrent  entre  les 
bassins  inlérieurs  de  l'oued  Lebna  et  de  l'oued  Tafeksit,  et  ferment 
ainsi  h)ute  une  issue  d'écoulement  à  la  sebka  d(tnt  les  eaux,  fort  bas- 
ses et  croupissantes  en  été,  rendent  le  pays  très  malsain. 

Quelques  colons  européens  sont  installés  dans  ce  villaj^e;  ils  louent 
des  pâturages  aux  Arabes  et  y  élèvent  des  troupeaux  ;  ils  font  surtout 
le  commerce  des  céréales.  11  serait  peut-être  possible  d"ac<[uérir  des 
terres  dans  cette  région,  par  exemple  trois  henchirs  habous  publics: 

[o  riiencliir  MedjcrcUne,  de  584  hectares,  situé  à  o  kilomètres  de 
Alenzel-Temime  ;  il  est  complètement  débroussaillé,  possède  trois 
sources  et  deux  puits  et  il  est  relié  au  village  par  une  bomie  piste 
carross.'ibie.  Les  terres  sont  de  bonne  qualité.  Loué  aux  indigènes 
7.000  IViuics  par  an; 

'2"  riiencliir  Taach,  près  du  précédent; '200  hectares  de  ti'ès  bon- 
nets t(M'r('s;  piste  carrossable;  loué  aux  indigènes  ,'LOOO  h'ancs 
])ar  an. 

3"  riienchir  Mcnzel-YnUia,  de  ()  à  700  hectares,  dont  les  .")."")  en 
terres  de  culture  et  les  deux  autres  en  broussailles;  deux  pistes  et  la 
route  de  Nabeul  le  traversent.  Terres  de  qualité  moyenne  en  général; 
grand  nombre  de  puits. 

w  Menzel-Temime  est  le  gros  marché  i\o  la  Dalda  :  c'est  là  ipie, 
chîufue  semaine,  S(>  lont  de  1res  grand(^s  ti'ansaclidiis  sur  tous  les  pro- 
duits agricoles;  ce  village  est  à  la  l);d<la  ce  (|ue  .Menzel-bou-Z(^lla 
esta  la  partie  occidentale  du  ('a|)-l!(in.  (lesnnl  des  ciMitres  commiM'- 
ciaux  1res  importants,  où  Ton  vicul  de  toutes  les  [parties  de  la  Tu- 
nisie. 


—  :^88  — 

a  On  peut  évaluer  approximaLivement  à  une  vinr-taine  de  mille 
francs  le  chiiTre  des  transactions  qui  s'opèrent  à  ^lenzel-Temime  un 
jour  de  marché  de  moyenne  importance.  Les  céréales  et  le  bétail 
entrent  pour  la  plus  grande  part  dans  cette  évaluation  ;  le  reste  se 
rapporte  aux  autres  produits  :  fruits,  légumes,  huile,  peaux,  natterie, 
poterie,  etc. 

K  Aux  mois  de  juillet  et  d'août  de  chaque  année,  des  négociants  de 
Tunis  envoient  à  Menzel-Temime  et  à  Kélibia  des  agents  chargés 
d'acheter  sur  place,  en  s'adressant  directement  aux  producteurs,  de 
très  grandes  quantités  de  céréales,  qu'on  expédie  ensuite  en  France 
ou  en  Italie,  selon  les  besoins  des  dilYérents  marchés  européens.  Les 
juifs  excellent  dans  cette  sorte  de  commerce  qui,  à  ^lenzel-Temime, 
est  en  grande  partie  entre  leurs  mains.  Les  cultivateurs  qui  désirent 
vendre  leurs  céréales  ne  les  amènent  pas  sur  le  marché  :  ils  ont  des 
représentants,  à  qui  ils  confient  des  échantillons,  et  c'est  sur  le  vu  de 
ces  échantillons  que  se  font  les  acquisitions  et  que  se  débattent  les 
prix. 

«  Le  jour  du  marché,  à  Menzel-Temime,  il  se  vend  au  moins  '200 
animaux,  chiffre  (jue  l'on  peut  répartir  de  la  facon'suivante  :  i-0à50che- 
vaux,  mulets etànes;  40 bœufs;  130  clièvres;80  moutons.  »{¥.  Verry.) 

Les  oliviers  sont  nombreux  dans  toute  la  région  qui  s'étend  autour 
de  ^lenzel-Temime  et  de  Skalba.  L'orge  et  le  blé  sont  les  principales 
cultures  ;  le  sorgho  vient  très  bien  et  le  millet  pousse  naturellement. 
Près  de  la  mer,  se  trouvent  de  nombreux  jardins  :  choux,  piments, 
ponmies  de  terre,  oignons,  pois  chiches,  cumin  noir,  anis;  les  princi- 
paux arbres  ti'uitiers  sont:  les  grenailiers,les  liguiers,  les  abricotiers. 

On  remarque, à  ^lenzel-Temime —  et  aussi  àlvélibia  et  Kourba 
que  depuis  (juehpies  années  les  indigènes  apportent  un  soin  tout  par- 
ticulier à  la  culture  de  leurs  vergers:  leurs  jardins  sont  propres, 
périodiquement  pioches,  leurs  arbres  sont  régulièrement  taillés.  Ils 
observent,  pour  la  plantation  des  olivettes  nouvelles,  les  alignements 
et  les  «listances  en  usage  chez  les  Européens,  et  ils  se  sont  lemiiorai- 
rement  associés  pour  faire  venir  de  Sfax,  clKUjue  année,  d'habiles 
tailleurs  d'oliviers.  Ou  reste,  ils  délrichent  avec  ardeur,  et  plusieurs 
dCiitrc  eux  l;d)onreiit  à  la  cliiirrue  fraut-aise.  (lotie  mai'clie  vei'S  le 
pi"ogrès,  de  la  part  des  indigènes,  mérite  d'rti'e  notée.  A  Menzel-'l'e- 
mime  c^xiste  une  (''colo  :  elle  reçoit  'iO  élèves,  tous  nnisulnians. 

Kélibia.  —  Kt'libia  est  un  village  de  4.000  habitauls  si! ni'  à  i'd 
kilomèli'cs  ;iii  iioi'd  do  Xahoiil  cl  à  "2  kilomèti'os  t\t'  la  mer  ;  il  ostb;"iti 
SOI-  uni'  poule  rocailleuse,  enlonrc'-e  de  jiu'dins  et  d'oliviers.   Sur  le 


—  mu  — 

bord  même  de  lu  morse  dresse,  isolé,  près  du  Ras-Mostefa,  un  mame- 
lon escarpé  que  couronnent  les  ruines  majestueuses  d'une  impor- 
tante citadelle,  très  intéressante  à  visiter,  et  (|ui  fut  tour  à  tour 
grecque,  romaine,  espagnole  et  turque  ;  aujourd'hui,  elle  est  occupée 
par  le  gardien  français  du  petit  phare,  et  cet  honorahlc  fonctionnaire 
élève,  dans  les  illustres  décombres,  des  légions  de  lapins.  Du  haut 
de  ce  bordj,  la  vue  est  très  étendue:  elle  embrasse  toute  la  Dakla  et 
la  côte  orientale,  depuis  Kourba  jusqu'au  Ras-Addar,  où  l'on  voit 
apparaître,  dans  les  montagnes,  le  petit  fort  d'El-Haouaria;  dans 
la  plaine,  les  villages  blancs,  les  koubbas,  les  zaouia,  émergent  gra- 
cieusement des  bosquets  sombres  des  oliviers,  et,à  l'Orient,  surgit,  de  la 
nappe  tranquille  et  bleue,  l'ile  de  Pantellaria. 

Lorsque  les  Espagnols  s'emparèrent  de  ce  point,  ils  entourèrent  la 
vieille  forteresse  d'une  vaste  enceinte  hexagonale,  flanquée  de  bas- 
tions, encore  en  bon  état  de  conservation.  A  cette  même  époque, 
une  petite  ville  s'était  formée  sur  le  flanc  même  de  la  montagne,  et 
quelques  familles  originaires  delà  Tripolitaine  avaient  fondé,  àl'ouest 
du  château-fort,  à  2  kilomètres  environ,  un  village  en  forme  de  grand 
fondouk,  c'est-à-dire  que  toutes  les  ouvertures  particulières  se  trou- 
vaient dans  l'intérieur  et  que  le  mur  extérieur  n'était  percé  que  d'une 
seule  porte  de  sortie,  du  côté  de  l'Est.  Ce  sont  ces  gens  qui  formèrent 
le  noyau  de  la  ville  actuelle  de  Kélibia. 

La  famille  la  plus  nombreuse  du  pays,  celle  des  «  Oulad-Inglèse  » 
a  une  origine  curieuse,  si  l'on  s'en  rapporte  à  la  légende  :  il  y  a  300 
ans  environ,  lorsque  le  fort  était  occupé  par  les  Turcs,  le  comman- 
dant de  la  garnison  avait  pour  esclave  un  jeune  Anglais.  Ce  jeune 
homme,  très  versé  dans  l'art  de  la  médecine,  donna  ses  soins  à  un 
personnage  très  notable  des  Ouled  Cheikh,  qu'il  sauva  d'une  mort 
certaine.  La  fille  de  ce  malade  était  remarquablement  jolie  :  bien  en- 
tendu, l'esclave-médecin  en  tomba  follement  amoureux.  Mais  le  vieil 
Ouled  Cheikh,  iman  de  la  mosquée,  refusa  d'accorder  la  main  de  sa 
fille  au  jeune  Incroyant,  à  moins  que  celui-ci  consentît  à  se  convertir 
<à  la  religion  musulamne.  L'Anglais,  sceptique,  n'hésita  pas  un  seul 
instant  :  le  mariage  fut  célébré  en  grande  pompe,  et  les  descendants 
gardent  le  nom  «  d'Oulad  Inglèse  »,  «  les  fils  de  l'Anglais  >>.  On  les 
reconnaît  facilement,  car  ils  ont  conservé  très  purement  les  cheveux 
roux,  les  yeux  bleus  et  le  llegme  originel. 


—  390  — 

Les  culLures  de  céréales  sont  les  mêmes  qu'à  Menzel-Temine,  mais 
elles  sont  moins  productrices  ;  dans  les  jardins,  entre  les  arbres  frui- 
tiers, on  cultive  surtout  l'anis,  le  cumin,  ]a  pomme  de  terre,  la  to- 
mate, l'aubergine,  la  pastèque  et  le  melon.  Les  cultures  de  fèves  et 
de  pois  chiches  sont  très  répandues.  L'élevage  des  équidés  et  des 
bovidés  est  moins  important  qu'à  Menzel-Temime,  mais  en  revanche 
les  troupeaux  de  chèvres  y  sont  plus  nombreux. 

Il  nous  faut  dire  deux  mots  d'une  industrie  spéciale  à  Kélibia  : 
le  raisin  sec.  Au  moment  de  l'occupation  française,  un  Italien,  M. 
Conversano,  qui  était  à  la  fois  agent  consulaire  d'Italie,  d'Angleterre 
et  de  France  à  Kélibia,  avait  acheté  aux  indigènes  quelques  centaines 
d'hectares  de  bonnes  terres  autour  du  marabout  de  Sidi  Ah-bou- 
Choui,  situé  à  un  kilomètre  au  sud-ouest  de  Kélibia.  Il  fit  là,  pen- 
dant quelque  temps,  de  la  culture  maraîchère,  puis,  voici  une  quin- 
zaine d'années,  M.  Conversano  attira,  de  l'île  de  Pantellaria  dont  il 
était  originaire,  une  quinzaine  de  ses  compatriotes  auxquels  il  vendit, 
avec  facilités  de  paiement,  des  petits  lots  de  5  à  10  hectares.  Les 
Pantellariens  construisirent  des  maisonnettes,  creusèrent  des  puits, 
défoncèrent  le  soi  à  la  pioche,  et  plantèrent  leurs  petites  propriétés 
de  plants  de  muscat  qu'ils  avaient  impgrtés  frauduleusement.  Tout 
d'abord,  ils  vendirent  les  produits  frais  de  leurs  vignobles  sur  les 
marchés  de  Kélibia,  de  Menzel-Temime  et  de  Nabeul;  puis  ils  se 
mirent  à  en  faire  sécher  une  partie,  expédiant  leurs  raisins  secs  en 
Italie. 

Peu  à  peu  la  petite  colonie  s'augmenta.  Des  marins  pantellariens 
qui  venaient,  chaque  année,  pêcher  sur  cette  côtQ,  voyant  le  succès 
obtenu  par  leurs  compatriotes  viticulteurs,  abandomièrent  leurs  ba- 
lancelles  et  se  fixèrent  à  Kélibia.  Ils  sont,  aujourd'hui,  près  de  iOO 
travailleurs  paisibles  et  sobres,  vivant  uniquement  du  produit  de 
leurs  minuscules  propriétés.  Un  colon  français,  récemment  établi 
dans  cette  localité,  prend  place  parmi  les  meilleurs  producteurs  et 
tire  un  réel  prolit  de  cette  fabrication. 

Le  muscat  commence  à  mûrir  en  juin  et  sa  récolte  dure  jus(|u'cn 
septembre;  chaque  pied  doiiiic  eu  moyenne  de  .'}  ai  kilograuuucs  de 
raisin  frais,  ce  qui  correspond  à  un  rendement  à  l'iieclare  variant 
enti'c  7.r)00  et  lO.(KM)  kilogrammes.  Le  raisin  li-ais  est  vendu  au  prix 
de  Ofr.  '•17)  ou  Oh'. .'{()  le  kilog;  le  raisin  sec  estd(^  deux  sortes  :  la  qua- 
lité dite  «  raisin  de  Malaga  «,  séché  siniplemenl  au  soleil  sans  pré|)a- 


—  :iOi  — 

ration  préalable,  vendu  <1g  OIV.  TÔ  à  I  ïv.  .")(J  le  kilog;  la  qualité  dite 
«  Ziliilx)  »  ou  «  uva  sccca  corrente  »,  traité  par  la  méthode  d'immor- 
siou  préalable  dans  une  lessive  alcaline  bouillante,  vendu  <Ie  0fr.5() 
àOfr.  OOle  kiloi,^ 

J.a  production  totale  pour  la  Tunisie,  est  au  maximum  de  I.OOIJ 
(piintaux  de  raisins  secs, fabriqués  à  Kélibia,  au  Klianguet,  à  Bou-Ar- 
koub,  à  Bou-Ficlia  et  à  Reyville;  or,  cette  ({uantité  est  loin  de  suffire 
à  la  consommation,  puisqu'on  demande  annuellement  à  rétran,L;-er, 
i>5U.000  kilogs  de  raisin  sec  débouche,  valant  de  80.aj(3  à  iœ.(J(JO 
francs. 

L'intérêt  qu'il  y  a,  en  conséquence,  à  encourager  cette  industrie 
locale  n'a  pas  échappé  à  la  Direction  de  l'Agriculture  et  du  Commerce, 
qui  s'elforce  de  la  développer  par  Tattribution  de  primes  en  argent 
et  la  vulgarisation  de  conseils  techniques. 

A  Kélibia,  la  pèche  est  très  fructueuse  ;  les  barques,  au  moment 
de  la  saison  de  la  pèche  au  poisson  migTateur,  viennent  jeter  l'ancre 
dans  le  petit  port  romain  abrité  par  le  Ras-Mostefa,  et  pèclient  la 
sardine,  l'anchois,  l'ailache,  la  palamide,  la  bonite  ;  le  beau  poisson 
sédentaire,  principalement  le  mérot  et  le  loup,  est  aussi  très  abon- 
dant ;  les  Pantellariens  y  ont  pris,  l'année  dernière,  une  certaine 
quantité  de  langoustes  de  belle  dimension.  A  dix  kilomètres  au  nord 
de  Ras-^Iostefa,  à  la  pointe  dite  ce  Ras-el-Melah  »,  une  concession  de 
thonaire  a  été  accordée  à  M.  Ponzevera,  ancien  directeur  des  Ports 
et  pêcheries  de  la  Régence  ;  elle  commence,  cette  année,  ses  opé- 
rations. 

Le  climat  de  Kélibia  est  très  tempéré;  les  températures  annuelles 
moyennes  donnent: 

Maximum  :  !21"  1;  minimum  :  \&ô;  moyenne  :  18'uSO;  pluies 
moyennes  annuelles  :  448  millimètres  en  8:2  jours. 

L'école  de  Kélibia  reçoit  'So  élèves  :  4  français;  "l'S  italiens;  0  mu- 
sulmans. 

Hammam- Lecksès.  —  Petit  village  d'um^  iinarantaine  déniaisons 
à  i  kilomètres  au  nord  de  Kélibia  :  jardins,  arbres  fruitiers,  oliviers. 
Ce  hameau  a  été  fondé  par  des  Syriens  dont  la  descendance  s'est 
perpétuée  à  peu  près  sans  mélange;  ils  jouissent  d'une  réputation 
particulière  de  bouté  et  de  droiture. 


—  392  — 

Azemour.  —  Ce  dernier  village  du  versant  oriental  du  Cap-Bon, 
est  situé  à  18  kilomètres  au  nord-ouest  de  Kélibia;  il  est  construit 
sur  le  versant  d'une  des  collines  qui  rejoignent  l'extrémité  Nord  du 
massif  de  Sidi-Abderrhaman  aux  montagnes  du  Ras-Addar  et  forment 
une  ligne  d'arête  de  partage  des  eaux  de  la  presqu'île.  Placé  au  sud 
de  la  garaat  El-Haouaria,  il  a  vue  sur  la  vaste  plaine  intérieure  et 
sablonneuse  qui  s'étend  jusqu'au  bourrelet  de  collines  longeant  la 
côte  orientale.  On  découvre  une  quantité  de  koubbas  sur  les  hau- 
teurs environnantes.  Dans  les  jardins,  peu  de  légumes;  de  nombreux 
figuiers  et  quelques  vignes.  Elevage  des  chèvres  sur  les  coteaux.  La 
région  est  pauvre  et  monotone,  mais  au  nord  d' Azemour,  au  delà  de 
la  large  bande  sablonneuse  qui  coupe  la  presqu'île  en  deux  parties, 
on  aperçoit  une  grande  plaine  couverte  de  céréales,  de  champs  de 
lèves  et  de  bois  d'oliviers. 


rjlAlMTI^K  V 


CONCLUSIONS 


En  parcourant  les  cinq  Conlr(')Ies  civils  de  la  Tunisie  du  Nord, 
dont  je  termine  aujourd'hui  l'élude,  j'ai  été  surpris  de  l'amélioration 
apportée  aux  cultures  indigènes  en  ces  dernières  années.  De  vastes 
espaces,  jusque  là  recouverts  de  broussailles,  ont  été  délrichés,  ense- 
mencés, convertis  en  prairies  irriguées,  plantés  d'arbres,  divisés  en 
jardins  qui  alimentent  les  marchés  des  grandes  villes.  Mais  ce  qui 
m'a  surtout  frappé,  c'est  le  nombre  de  points  occupés  par  les  indigè- 
nes, où  la  charrue  franraise  a  remplacé  le  (jralloir  arabe,  où  les 
vergers  sont  méthodiquement  soignés,  où  les  potagers  sont  régulière- 
ment arrosés. 

L'indigène,  peu  à  peu,  rompt  avec  les  anciens  errements,  adopte 
nos  procédés  ag-ricoles  et,  ce  qui  est  tout  à  lait  remarquable,  ce  n'est 
pas  chezle  riche  Arabe,  le  notable,  que  l'on  voit  g^énéralement  se  pro- 
duire ce  mouvement  vers  le  progrès,  mais  bien  chez  le  petit  cultiva- 
teur, l'homme  sans  origines,  qui,  instruit  par  l'exemple  de  son  voisin, 
le  colon,  a  su  mettre  à  profit  les  enseignements  dus  au  contact 
français. 

Il  faut  détruire  à  jamais  la  légende  fâcheuse  qui  tend  à  s'accréditer 
de  plus  en  plus  dans  certains  milieux  où  l'on  prétend  que  l'Arabe  est 
foncièrement  réfractaire  à  touti;  marche  en  avant.  Le  père  JUigeaud 
disait  déjà,  il  y  a  ({uelques  soixante  ans  :  «  Faites  bouillir,  dans  la  mê- 
me marmite,  un  Français  et  un  Arbicot,  le  bouillon  se  séparera  de  lui- 
même  en  se  refroidissant  ».  Mais  l'homme  à  la  casijuotte  légendaire 
ne  voyait  l'Arabe  qu'avec  des  yeux  de  coniiuérant  qui,  ayant  adopté 
la  devise  de  Gincinnatus  :  ((  Ense  et  aratro  »,  rêvait  le  refoulement 
de  celui  (ju'il  appelait  dédaigneusement  «  l'Arbicol  »,  pour  faire  place 


—  394  — 

à  son  «  soldat-laboureur  >).  Depuis  le  maréchal,  les  temps  ont  bien 
changé;  il  n'est  plus  question  de  relbuler  Tindigène,  mais  au  contraire 
de  le  garder  près  du  colon,  de  moditier  doucement  ses  routines  sécu- 
laires, de  réduquer  et  de  le  protéger. 

Certes,  il  existe  entre  les  Musulmans  et  nous  trop  de  dilïerences 
sociales  pour  que  la  fusion  des  deux  races  puisse  être  envisagée  ;  mais 
si  Tassimilation,  telle  (ju'on  l'entend  ,  n'est  pas  possible,  au  moins 
pouvons-nous  nous  associer  pour  le  plus  grand  profit  de  chacun. 
Ainsi  que  le  disait  M.  le  député  Cliaumet,  dans  son  remarquable  rap- 
port sur  la  Tunisie  : 

ff  Notre  bienveillance  ne  tloit  pas  être  purement  verbale;  il  faut 
(ju'elle  se  manifeste  par  des  faits.  Il  importe  notamment  que  nos 
ellbrts  légitimes  pour  développer  la  colonisation  française,  n'appa- 
raissent pas  aux  indigènes  comme  une  injuste  spoliation  commise  à 
leur  détriment.  » 

En  implantant  sur  le  sol  tunisien  la  colonisation  française,  nous 
avons  fait  profiter  les  aborigènes  des  voies  de  communication  dont 
nous  avons  sillonné  le  territoire,  des  sources  que  nous  avons  aména- 
gées, des  ponts  que  nous  avons  construits,  des  puits  artésiens  que 
nous  avons  forés.  Nous  leur  avons  donné  des  écoles,  des  lignes  télé- 
graplii(|ues  et  téléphoni(]ues  ;  nous  leur  avons  assuré  la  sécurité.  Et 
l'Arabe,  qu'on  en  soit  bien  convaincu,  apprécie  hautement  ces  avan- 
tages, il  se  rend  parfaitement  compte  des  progrès  accomplis  et  de 
l'heureuse  influence  (juils  sont  appelés  à  exercer  sur  l'avenir  écono- 
mique du  pays. 

En  ellet,  depuis  l'occupation  française,  le  prix  moyen  de  la  terre 
a  triplé  et  le  salaire  des  ouvriers  agricoles  indigènes  a  également  tri- 
plé. Hier  encore,  le  khammès  était  le  serf,  la  chose  de  son  coreli- 
gionnaire fortuné;  il  est  aujourd'hui,  chez  le  colon  européen,  le  sala- 
rié il  estvi-ai,  mais  le  salarié  (|ui  gagne  bien  sa  journée  et  (jui,  économe, 
peut  ac(jU('rii'  im  peu  de  btHail  et  un  l)oiil  île  clianii».  C-ai' rAi'al)e  est 
essentiellemeiit  [)asteur  et  laboureur,  cl  il  s'allaclie  d'aulaiil  jiliis  à 
la  tei're  —  <|u'il  achète  même  i)arlbis  au-ilcssus  de  sa  valeur  réelle  — 
qu'il  est  maintenant  assuré  de  l'écoulement  de  ses  produits. 

L'indigène,  devtMui  ainsi  petit  jn'opriélaii'e  Icrrien,  n'abandonne^ 
pas  |)()nr  cela  son  Iravail  journalior  :  lont  en  cnllivanl  son  lopin  on  en 
élevant  son  bétail,  il  resle  j'onvi-ier  ai^i'icolc  du  colon,  et  nous  connais- 


—  :iî)5  — 

sons  (les  propricLùs  Irancaises  —  celle  de  M.  Iloinberi^er  entre  au- 
tres —  où  ruuvrier  arabe  peut,  à  son  <^iv,  laire  pacager  un  certain 
nombre  de  Ijètes  sur  la  ferme  de  celui  (jui  l'emploie. 

La  maiii-d'd'uvre  indig-ène  est  rélément  indispensable  de  prospérité 
économique  de  ce  pays,  où  l'ouvrier  agricole  Iranvais  n'existe  pas,  où 
l'ouvrier  italien  est  insuHisant.  Le  colon  européen  n(î  peut  se  passer 
de  la  collaboration  de  l'Arabe,  et  d'autre  part,  la  colonisation  l'rançaise 
procure  à  l'indigène  de  très  appréciables  bénéfices,  qu'il  n'aurait  ja- 
mais eus  s'il  était  resté  le  kliannnès  de  son  maître  musulman.  Cette 
collaboration  doit  être  rendue  lacile  et  cordiale;  l'humanité,  la  poli- 
tique et  aussi  l'intérêt,  nous  commandent  de  lixer  l'Arabe  près  de 
jious,  dans  des  conditions  où  il  puisse  prospérer.  C'est  d'ailleurs  la 
voie  suivie  par  le  Gouvernement  du  Protectorat  (pii,  tout  en  alïéctant 
des  terrains  à  l'installation  des  colons,  a  eu  soin  de  réserver,  dans 
chaque  lotissement,  d'assez  larges  espaces  pour  ses  anciens  locataires 
indigènes.  La  nécessité  de  cette  règle  a  été,  lors  des  travaux  de  la 
Commission  de  colonisation,  reconnue  et  affirmée  également  par  les 
représentants  des  colons,  notamment  par  M.  de  Carnières.  Le  décret 
du  15  décembre  1903  en  lait  une  obligation  à  l'Administration  et  dans 
les  nouveaux  villages  de  la  Direction  de  l'Agriculture,  des  indigènes 
dont  les  demandes  ont  été  agréées  après  enquêtes  sérieuses,  voisi- 
nent en  très  bonne  harmonie  avec  l'élément  français. 

L'indigène  passe  pour  être  quelque  peu  chapardeur.  Cei-tes,  ce 
n'est  pas  un  saint,  mais  il  n'est  point  pis  que  les  autres.  En  1005,  j'ai 
demandé  à  tous  les  colons  de  Déjà,  centre  agricole  très  important, 
s'ils  avaient  à  se  plaindre  de  leurs  ouvriers  indigènes  ;  ils  m'ont  tous 
répondu  négativement.  Un  gros  propriétaire  de  j\Iedjez-el-Bab,  mem- 
bre de  la  Chambre  d'Agi'iculture,  a  été  très  catégorique  : 

«  Ma  ferme  étant  nouvelle,  j'ai  récolté,  parait-il,  le  rel)utdes  lermes 
avoisinaiites.  Malgré  cela,  je  n'ai  eu,  jusipi'à  ce  jour,  aucune  déjec- 
tion dans  mon  personnel,  ni  aucun  vol  depuis  le  i*-''"  août  lOO'J,  date 
de  mon  arrivée.  » 

Il  m'a  été  donné  de  conslatei'  (|ue  les  mauvais  colons—  il  en  exis- 
te —  seuls,  ont  des  diflicultés  avec  les  indigènes;  le  contraire  est  la 
grande  exception.  Quand  un  ouvrier  pari  en  emportant  les  minimes 
avances  (jui  lui  ont  été  consenties,  (juand  un  cheval,  im  bo'uf  ou  un 
mulet  a  été  volé,  les  renseignements  fournis  permetlent  lri»p  souviMit 


—  396  — 

d'apprendre  que,  quelques  jours  auparavant,  la  paie  n'a  pas  été  régu- 
lière, ou  qu'une  grosse  amende  a  été  intligée.  Si  le  colon  verse  inté- 
gralement le  salaire  dû,  s'il  est  juste  et  humain,  il  n'a  rien  à  redouter 
de  l'indigène. 

Assurément,  la  situation  du  fellah  n'est  point  brillante.  Il  en  est 
peu  qui  arrivent  à  l'aisance  ;  leur  très  pénible  labeur  —  le  travail  de 
la  famille  entière  —  assure  strictement  le  pain  et  le  couscouss  aux 
habitants  du  gourbi.  Encore  la  misère,  heureusement  limitée  à  cer- 
taines régions  ayant  éprouvé  des  accidents  météorologiques,  sévit-elle 
parfois  sur  des  tribus  entières.  Alors,  l'Arabe  emprunte  ;  il  a  recours 
à  l'usurier  et,  neuf  fois  sur  dix,  il  est  perdu.  Son  pauvre  champ,  son 
troupeau,  son  burnous,  les  bijoux  de  ses  femmes,  deviennent  la  proie 
du  juif. 

On  peut,  cependant,  on  doit  le  sauver.  Et  le  remèce  est  simple  :  il 
suffira  de  combattre  l'usure;  de  créer  des  silos  de  réserve  alimentés 
—  comme  cela  se  pratique  en  Algérie  —  par  les  cultivateurs  riches 
(]ui  fournissent  aux  cultivateurs  pauvres  les  grains  de  semence  à 
rendre  en  nature  après  la  moisson;  de  favoriser,  cVirnposcr  même, 
sur  toute  l'étendue  du  territoire  de  la  Régence,  l'institution  de  Socié- 
tés indigènes  de  prévoyance,  de  secours  et  de  prêts  mutuels. 

Un  certain  nombre  de  ces  Sociétés  existent  déjà  en  Tunisie,  et  les 
diliérents  Services  administratifs  (Secrétariat  Général,  Agriculture, Fi- 
nances) se  sont  occupés  de  la  question,  chacun  à  son  point  de  vue. 
Mais  l'œuvre  demanderait  à  être  unifiée  et  encouragée. 

Les  cent  quarante  Sociétés  indigènes  de  cette  nature  qui  existent 
en  Algérie,  avaient  en  caisse  au  30  septembre  llX)."),  treize  millions 
de  francs,  en  augmentation  de  plus  de  un  million  sur  l'exercice  pré- 
cédent : 

«  Les  Sociétés  de  Prévoyance,  <ht  l'Expose  de  la  situation 
(fénérale  de  l'Algérie,  ont  été  appelées  à  exercer  au  cours  de  l'année 
1905,  en  raison  de  la  misère  qui  a  sévi  sur  cerlaiiis  points  du  teri'i- 
toire  de  la  colonie,  une  action  pai'Liculièrement  bienfaisante,  non 
seulement  par  les  prêts  importants  consentis  à  leurs  adhérents,  mais 
encore  par  des  secours  largement  dislribut'^s  aux  malheureux.  Quel- 
ques unes  d'entre  elles,  dont  les  ressources  n'étaient  pas  suflisantes, 
ont  été  autorisées  à  emprunter  les  sommes  nécessaires,  et  parmi  ces 
dernières,  ci'i'laines  ont  même  obtenu,  à  l'occasion  de  ces  emprunts, 
la  garantie  du  budget  de  la  colonie.  » 


—  .307  - 

Ces  Sociétés  ne  se  sont  pas  roiifinées  dans  les  prêts  de  sennences, 
dans  la  création  des  silos  de  réserve  et  dans  la  distribution  de  secours 
aux  malheureux  ;  elles  ont,  en  outre,  pris  l'initiative  de  faire  faire, 
par  les  indig^ènes,  Tacquisition  de  charrues  françaises,  non  seulement 
en  leur  avançant  les  fonds,  mais  en  leur  servant  d'interméfiiaires  di- 
rects avec  les  fabricants  d'instruments  aratoires;  elles  ont,  enfin,  prêté 
i^ratuitement  des  charrues  françaises  aux  plus  pauvres,  aux  ag-ricul- 
teurs  qui  n'avaient  pas  les  moyens  d'en  acquérir.  Grâce  à  cette  heu- 
reuse initiative,  due  à  M.  de  Peyerimhoff,  le  prévoyant  directeur  de 
l'Agriculture  et  de  la  Colonisation,  on  a  pu  reconnaître  qu'en  trois 
années,  dans  la  seule  province  d'Oran,  11.01)0  charrues  françaises 
ont  été  achetées  par  les  indigènes  sans  compter  nombre  d'autres 
instruments  aratoires  perfectionnés.  C'est  là,  certes,  un  beau  résultat 
et  aussi  un  bel  exemple. 


La  visite  des  souks  de  Tunis  et  des  divers  ateliers  de  Nabeul,.nous 
a  amené  à  constater  la  décadence  de  la  plupart  des  industries  indi- 
gènes, jadis  si  brillantes.  Je  n'ai  assurément  pas  l'intention  de  passer 
en  revue  chacune  d'elles;  mais  il  me  sera  bien  permis  d'essayer 
d'indiquer  ce  qui  pourrait  être  tenté  pour  les  relever  et  les  encoura- 
ger. 

Il  y  a  quelques  années,  plusieurs  conseillers  généraux  d'Alger  choi- 
sirent parmi  les  jeunes  Kabyles  qui  fréquentaient  les  écoles  franco- 
indigènes  de  l'arrondissement  de  Dellys,  une  cinquantaine  d'élèves  ; 
ils  les  placèrent  ensuite,  les  uns  chez  des  forgerons  et  des  taillandiers, 
les  autres  chez  des  charrons,  des  cliarpentiers,  des  menuisiers,  et  ils 
obtinrent  ainsi,  en  moins  de  deux  ans,  des  artisans  ti'ès  habiles  cjui, 
maintenant  établis  dans  les  principaux  centres  de  la  Kabylie,  sont  de 
petits  patrons  gagnant  fort  honorablement  leur  vie. 

Où  le  feretlebois  réussirent,réussiront  siirement,en  Tunisie  comme 
en  Algérie,  les  autres  industries  qui  n'exigent  qu'un  peu  d'aide  pour 
sortir  du  néant.  Le  problème  à  résoudre  est  d'apporter  un  élément 
de  civilisation  chez  l'artisan  nuisulman,  tout  en  tenant  compte  de  ses 
traditions  et  de  ses  aptitudes.  L'important  est  de  maintenir  le  travail 
dans  son  milieu  :  le  travail  en  ateliers,  en  usines,  dans  les  centres 
européennisés,  amènerait  fatalement  la  lin  de  la  plupart  des  indus- 
tries qui  sont  les  tributaires  et  les  accessoires  de  la  vie  agricole.  C'est 


—  398  — 

SOUS  son  ciel,  au  fond  de  son  vallon  ou  sur  le  sommet  de  sa  monta- 
gne, que  l'indigène  doit  travailler.  L'obliger  à  s'expatrier,  à  laisser  là 
ses  vieux  us,  serait  méconnaître  complètement  le  but  à  poursuivre. 

M.  Jules  Pillet,  professeur  à  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  dans  une  note 
sur  les  industries  tunisiennes  ^'\  prétend  que  c'est  à  Yécole  primaire 
que  le  futur  artisan  indigène  doit  puiser  les  notions  artistiques,  scien- 
tifiques et  techniques  nécessaires  pour  lui  permettre  de  progresser 
dans  sa  profession.  M.  Pillet  a.  raison.  L'école  primaire  indigène  doi- 
être  d'un  très  grand  secours  dans  l'œuvre  de  rénovation  des  indus- 
tries indigènes.  En  Algérie,  sur  l'insistance  de  M.  Jeannaire,  recteur 
de  FAcidémie,  la  plupart  des  écoles  primaires  kabyles  ont  été  pour- 
vues d'un  petit  atelier  d'apprentissage,  et  l'élève  indigène  est  aussi 
souvent  armé  du  plantoir  et  du  rabot  que  du  crayon  et  de  la  plume. 

C'est  bien,  mais  ce  n'est  pas  assez.  Il  faut  que  le  petit  Kabyle  d'Al- 
gérie, que  le  jeune  Arabe  de  Tunisie  apprennent  à  l'école  les  principaux 
tracés  géométriques,  qu'ils  soient  exercés  au  relevé  géométral,  car 
c'est  la  seule  manière  de  préparer  un  travail  sérieux,  puisqu'elle 
entraîne,  avec  elle,  économie  de  temps  et  économie  d'argent. 

((  On  pourrait,  dans  ces  écoles,  dit  M.  Pill(>t,  sortir  un  peu  des  ma- 
nuels tout  faits,  passer  légèrement  sur  les  i-énéralités  trop  lliéoriques 
et  viser  le  plus  possible,  les  applications  aux  industries  locales.  Le 
rôle  du  livre,  dans  tout  cela,  me  semble  être  prépondérant.  Sans  livre, 
sans  Vimafjc,  sans  la  description,  on  n'obtiendra  rien.  D'abord  le  livre, 
Valbum,  fera  l'instruction  de  l'instituteur,  et  ensuite,  par  transmis- 
sion, celle  de  l'élève.  De  l'école,  il  pénétrera  dans  la  famille,  et  c'est 
de  cette  manière  surtout  qu'il  atteindra  la  femme  indigène.  » 

Jl  serait  recommandé  aux  maîtres  d'organiser  dans  leur  établisse- 
ment même,  des  petits  musées  locaux  qui  ne  renfermeraient  que  les 
produits  de  la  région  où  ils  seraient  installés;  en  outre,  l'instituteur 
serait  chargé  de  conduire  ses  élèves  chez  le  charron,  le  forgeron,  le 
menuisier,  le  bijoutier,  le  potiei',  le  tisserand,  et  leur  (U)im(>r  sur  le 
vif  des  leçons  de  choses  —  car  l'éducation  de  l'ieil  n'est  pas  chose 
indilTérente  poui'les  indigènes. 

Les  enfants  sortiraient  ainsi  de  l'école  |)rimaii'e,  poui'vns  d'excel- 
lentes notions  pratiques,  et,  comme  le  dit  justement  M.  P.  iîeniard. 


(1)  M.  l'illet  avait  été  aidé  dans  sa  tentative  de  rénovation  industrielle  |iar  l'administration  du  l'n 
tectorat. 


—  'M)  — 

directeur  <le  l'Ecole  Normale  d'Alg^er,  «  le  jeune  élève  saura  soutenir 
une  conversation  simple  en  français,  rédiger  à  peu  prés  une  lettre  et 
faire  un  compte;  il  saura  g-relïér,  bouturer,  se  servir  de  la  pioche,  de 
la  scie  et  du  rabot,  réparer  ses  outils  et  raccomoder  ses  meubles.  » 

Au  sortir  de  l'école  primaire,  les  jeunes  indigènes  chez  lesquels  le 
maître  aurait  découvert,  pendant  les  années  scolaires,  quelque  goût 
particulier  pour  une  industrie  quelconque,  seraient  admis  à  VEcole 
(V Apprentissage  que  le  Gouvernement  du  Protectorat  installei-aitdans 
chaque  région  industrielle,  et  là,  ils  développeraient  leur  éducation 
et  se  transformeraient  en  ouvriers  capables  de  relever  le  niveau  artis- 
tique et  technique  de  leur  profession.  Les  bons  apprentis  seraient 
récompensés  par  des  primes  en  argent,  et  l'Etat,  plus  tard,  les  aide- 
rait au  début  de  leur  vie  d'artisans,  en  leur  faisant  des  commandes; 
en  leur  créant  des  débouchés  pour  leurs  produits;  en  empêchant  les 
tenanciers  de  bazars  de  les  exploiter  odieusement;  en  leur  permettant 
de  vendre,  à  des  prix  raisonnables,  les  articles  indigènes  tunisiens, 
aujourd'hui  fabriqués. . .  en  Allemagne  ou  en  Autriche. 

La  création  d'un  Office  du  Travail  indigène  s'impose  en  Tunisie. 
Et  cetOflice,  qui  se  tiendrait  au  courant  de  l'avancement  des  travaux; 
qui  fournirait  les  modèles  de  la  bonne  époque  ;  qui  conseillerait  l'em- 
ploi des  matières  premières,  arriverait  facilement  à  donner  une  im- 
pulsion nouvelle  aux  industries  d'art  susceptibles  d'olTrir  à  l'homme, 
à  la  femme,  à  l'enfant  indigènes,  les  moyens  d'assurer  leur  existence 
au  sein  même  de  la  famille. 


En  ce  moment,  le  Gouvernement  du  Protectorat  étudie  l'extension 
de  l'Assistance  médicale.  Ce  Gouvernement  doit  créer,  sur  de  nom- 
breux points,  des  infu'meries  indigènes,  des  cliniques  d'obstétrique 
confiées  à  des  doctoresses,  un  Service  anti-ophtalmi(iue  et  il  étendra 
également  le  Service  de  la  vaccination. 

Le  Gouvernement  du  Protectorat  n'aura  donc  rien  négligé  pour 
doter  le  pays  des  éléments  qui,  depuis  si  longtemps, lui  faisaient  dé- 
faut. L'évolution  du  peuple  arabe  ne  peut  être  la  même  que  l'évo- 
lution des  peuples  orientaux  et,  suivant  l'observation  très  juste  de 
M.  Jonnart,  «  on  doit  s'attacher  à  développer  les  indigènes  musulmans 
dans  leur  civilisation,  et  non  dans  la  nôtre.  »  La  France  l'a  ainsi  com- 


—  40Û  - 

pris,  et,  sans  brusquerie  mais  avec  fermeté,  elle  a  lait  de  la  Tunisie, 
hier  encore  en  proie  aux  luttes  sanglantes,  un  pays  prospère  et 
pacifié.  '• 

Celui  qui  a  été  le  meilleur  artisan  de  cette  oeuvre  humaine  et  so- 
ciale, l'homme  qui  a  le  mieux  pénétré  Tàme  arabe  et  qui,  par  sa  bien- 
veillance et  son  habileté,  a  su  applanir  les  plus  grandes  difficultés  du 
début  de  l'Occupation,  est,  sans  conteste,  M.  Roy,  Secrétaire  Général 
du  Gouvernement  tunisien,  Ministre  plénipotentiaire  de  France. 
M.  Roy,  que  les  indigènes  écoutent  et  vénèrent,  a  fait  la  Tunisie  ce 
qu'elle  est.  Et  la  France  lui  en  est  reconnaissante. 

Mais,  M.  le  Secrétaire  Général,  qui  toujours  m'a  accueilli  avec 
tant  d'aménité,  me  permettra,  avant  de  poser  le  point  fmal,  de  lui  dire 
que  son  œuvre  n'est  pas  terminée,  et  d'appeler  sa  généreuse  attention 
sur  les  petits,  sa  pitié  sur  les  fellah  trop  souvent  victimes  des  exac- 
tions de  certains  fonctionnaires  indigènes,  chargés  du  recouvrement 
des  impôts  qui  oppriment  durement  nomades  et  sédentaires. 

Dans  la  Tunisie  entière,  du  Nord  à  l'Extrème-Sud,  j'ai  entendu  les 
mêmes  plaintes,  les  mêmes  récriminations  contre  la  façon,  parfois 
cruelle,  dont  est  perçue  la  medjba,  cet  impôt  de  capitation  suranné 
et  injuste,  qui  astreint  les  pauvres  hères  à  payer  2*2  fr.  50  pai-  an,  en 
outre  des  4  fr.  50  de  prestation .  S'il  est  nécessaire  de  mettre  un 
frein  aux  actes  criminels  de  quelques-uns,  il  est  non  moins  urgent  de 
permettre  aux  déshérités,  nos  protégés,  de  vivre. 

En  ce  faisant,  ce  qu'il  y  a  d'intelligent  et  de  laborieux  dans  la  race 
arabe  viendra  vers  nous,  tandis  (jue  les  autres  s'en  iront  d'eux-mêmes, 
sans  qu'il  soit  besoin  de  recourir  aux  moyens  violents  qui  —  l'Algérie 
en  a  lait  la  triste  expérience  —  poussent  l'indigène  au  banditisme. 

Mai  lOOC). 


FIN. 


TABLE  DES  MAÏIÈRES 


Contrôle  Civil  de  Souk-el-Arba 

Pages 

CiupiTE^E  I.  —  Limites  du  Contrôle.  —  Plaines,  montagnes  et  for("'ts.  — 

La  colonisation  romaine.  —  Les  Indigènes 5 

Chapitre  IL  —  Le  Gaïdat  des  Djendouba 14 

Chapitre  III.  —  Le  Caidat  de  la  Regba 26 

Chapitre  IY.  —  Le  Caidat  des  Chiahia  et  des  Oiilad-bou-Salem 37 

Chapitre  V.  —  Le  Caidat  d'Aïn-Draham 49 

Chapitre  VI.  —  Conclusions 74 


Contrôle  Civil  de  Béja 

Chapitre  I.  —  Limites.  —  Orographie  et  Hydrographie.  —  Les  Romains. 

Les  Indigènes 8Ci 

Chapitre  IL  —  La  colonisation  dans  le  Caidat  de  Béja 98 

Chapitre  III.  —  La  colonisation  dans  le  Caidat  de  Medje/.-el-Bab 123 

Chapitre  IV.  —  Conclusions 143 


Contrôle  Civil  de  Tunis 

Chapitre  I.  —  Limites.  —  Aspect.  Hydrographie  et  Orographie.  — 
Forêts.  —  Travaux  publics.  —  Les  Romains.  —  Les  Indi- 
gènes   l-i;» 

Chapitre  IL  —  Tunis  et  ses  environs 171 

Chapitre  III.  —  Le  Caidat  de  la  Banlieue 183 

Chapitre  IV.  —  Le  Caidat  de  Tébourba 212 

Chapitre  V.  —  Le  Caidat  de  Zaghouan 240 

Chapitre  VI.  —  Conclusions 258 

Contrôle  (^ivil  de  Bizerte 

Chapitre  I.  —  Limites.  —  Aspect.  —  Hydrographie  et  Orographie.  — 
Forets.  —  Travaux  publics.  —  Mines.  —  Les  Romains.  — 
l'opulation.  —  Propriétés 207 

Chapitre  H.  —  Le  Caidat  de  Bizerte 291 

Chapitre  III.  —  Le  Caidat  de  .Mateur 317 

Chapitre  IV.  —  Conclusions 3£20 


402  — 


Contrôle  Civil  de  Gronibalia 

Pages 

C.HAPrrnE  I.  —  Aspect  et  limites.  -    Orographie  et  Hydrograpliie.  —  Fo- 
rêts. —  Climatologie.  —  Les  Romains.  —  Les  Indigènes. 

Population 335 

Chapitre  IL  —  Caïdat  du  Cap-Bon  :  Région  Sud 353 

Chapitre  III.  —  Caïdat  du  Cap-Bon  :  Côte  occidentale  et  Pointe  Nord. . .  361 

Chapitre  IV.  —  Caïdat  du  Cap-Bon  :  Côte  orientale • 374 

Chapitre  V.  —  Conclusions 393 


!■ 


BINDSr^G  CZwT.  DEC  19  1973 


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UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


DT      Violard,  Emile 

2^5       La  Tunisie  du  nord 

V56