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LA TUNISIE DU NORD
LA TUNISIE DU NOUD
^p**-
LES CONTROI-RS CIVILS
k SlIlk-EI/AItlIA, RPAJIMS, ISIZFIITB H i;iUI1IIIALIA
RAPPORT
à M. le Résident Général S. Pichon
PAR
EMILE VIOLARD
je
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c^'t'"-^
TUNIS
IMPRIMERIE MODERNE (J. OKLIAC). 14. lue dAutriclie
1906
En me confiant la mission d'étudier les Contrôles ciuils de la
Tunisie, M. le Résident Général Piclion me dit :
« Je ne vous demande pas des rapports administratifs. Je désire
que vous me rapportiez, de vos excursions, vos observations person-
nelles sur les progrès accomplis par la colonisation, que vous ni en
signaliez les lacunes, que vous me transmettiez les desiderata des
Colons. Promenez-vous et interrogez tous les intéressés. »
Avant de me mettre en route, j'ai voulu fouiller les archives, et
je dois constater que les rapports laissés par les militaires qui
administrèrent le pays pendant la première partie de VOccupaiion,
sont presque toujours instructifs. Ces pièces, il faut bien le dire, ne
me furent point communiquées, par leurs détenteurs, sans maintes
réticences ; enfin, je réussis à feuilleter les dossiers qui constituent
comme une sorte de procès-verbal de l'état dans lequel se trouvait
la Régence de Tunis au moment de l'entrée des troupes françaises.
Et cette lecture, bien que rapide, me fut profitable.
Les Contrôles civils possèdent peu de documents. Cela tient à ce
que les pièces officielles sont expédiées périodiquement à Tunis et
réparties entre les divers Services de l'Administration : grâce à l'obli-
geance des Directeurs, j'ai pu les consulter avec fruil.
Mais c'est surtout en me promenant, en interrogeant, — comme
me l'avait recommandé M. Pichon — que fui recueilli les notes
qui m'ont permis de relever, par Contrôle civil, linvcntaire de la
colonisation française dans la Tunisie du Xord. « Tout le monde >»
a donc collaboré à ce travail. Aussi les monograj)hies de Béja,
Souk-el-Arba, Tunis, Bizerte, Grombalia ont-ellea un mérite :
la sincérité.
E. V.
LA TUNISIE DU NORD
LE CONTROLE CIVIL DE SOIKELARBA
CHAPITRE 1er
Limites du Contrôle. — Plaines, montagnes et forêts.
La colonisation romaine. — Les Indigènes.
Limites. — Le Contrôle civil de Souk-el-Arba est borné: au Nord,
par la partie du littoral méditerranéen comprise entre le cap Roux
et l'embouchure de Toued Zouara; à l'Ouest, par la ligne frontière
algéro-tunisienne, partant du cap Roux et passant par les crêtes des
djebels liadech, Oum-Skek, Rhorra et Oum-ed-Dis, pour aboutir
dans la vallée de la Medjerda, à six kilomètres à l'ouest de la station
de Ghardimaou; au Sud, par les derniers contreforts des montagnes
de la région du Kef et par la ligne nord-ouest du territoire de Té-
boursouk; à l'Est, par l'oued Keçob, le Caïdat des Amdoun, le ter-
ritoire des Nefza et les grandes dunes bordières de l'oued Zouara.
La superficie de ce Contrôle est de 255.000 hectares environ, divi-
sés en quatre Caïdats:
i° Le Caïdat des Djendouho,;
2° Le Caïdat de la î?ekba;
3" Le Caïdat des Chiahia et des Ouîad-bou-Salem ;
4° Le Caïdat d\Aïn-Draham. qui forme l'aimexe de Taharka.
Aspect. — Cette région de la Tunisie du Nord olfre une brusque
diversité de paysages, que Ion ne rencontre pas ailleurs dans la Ré-
gence. En un instant, le voyageur subit les contrastes les plus saisis-
sants et voit passer sous ses regards les contrées les plus fécondes et
les sites les plus sauvages. De la plaine uniforme, verte et fertile
après la saison des pluies, rissolée et aride après les premières cares-
ses du siroco, on accède, presque sans transition, à la région boisée,
La Tunisie du Nord 2
— 6 —
à la forêt plantureuse, riche et puissante, au pays des hautes monta-
gnes, escarpées et rudes, séparées par des vallées étroites et pro-
fondes.
La plaine. — La vallée de la Medjerda est une magnifique zone
agricole, recherchée de plus en plus à mesure qu'elle est mieux con-
nue, capable de nourrir aisément une population très dense, offrant
des avantages exceptionnels d'établissement. Traversée dans toute sa
longueur par le chemin de fer qui relie la Tunisie à l'Algérie, cette
région est restée longtemps presque inculte, à l'état pour ainsi dire
primitif: depuis quelques années seulement, les progrès s'y font sen-
tir, mais ils ont pris rapidement sur certains points une allure extra-
ordinaire.
Le fleuve qui lui donne son nom et qui la sillonne en tous sens
naît en Algérie, passe près de Souk-Ahras et pénètre en Tunisie en
amont de Ghardimaou. Au-dessous de Chemtou, la Medjerda entre
dans la Dakia, cette belle plaine de vingt à vingt-cinq kilomètres de
large sur cinquante à soixante de long, et qui, d'après le commandant
Niox, fut jadis un grand lac, peu à peu comblé par les alluvions du
fleuve. Le cours de la Medjerda est de 365 kilomètres, dont '265 en
Tunisie; la rivière conserve un volume d'eau important, même en été,
et son débit moyen est de cent onze mètres cubes, coulant entre des
rives inégales, découpées en criques, bossuées de promontoires. En
hiver, on l'a vue rouler, à pleins bords, près d'un millier de mètres
cubes, et, pendant huit mois, c'est un cours d'eau large et de notable
profondeur. La Medjerda draine plus de 25.000 kilomètres carrés.
Cette vallée n'offre pas, en elle-même, grand intérêt au touriste en
qîiête de pittoresque. Elle est d'une uniformité un peu fatiguante, et
pourtant cette vaste étendue ne manque ni de grandeur ni de gravité:
vers le Nord, les hautes montagnes de Kroumirie ferment l'espace
d'un rideau sombre et profondément déchiqueté sur riiziir du ciel,
tandis qu'au Sud l'iiorizon est barré d'iiiio ligne moins l)iMitah\ phis
régulièi'e, formée par les derniers clinîiions des monts fauves, élagés
par triples assises, de la région du Kef. Mais le voyageur qui tra-
verserait, en été, le pays borné par ces deux énormes murailles, cette
contrée qui semble frappée de constante stérilité, où j);is inie lici'he
vivace n'apparaît, où, sur le lourd repos des choses, seul le dur soleil
darde ses flammes subtiles et blanches, où la campagne vide et rase
— 7 —
se déroule comme un immense paillasson d'alla, ce voyaj3'eur ne pour-
rait se douler (jue là, au printemps, naissent, poussent, mûrissent
de merveillenses cultiii-es, couvrant la nudité de la vallée d'un tapis
bizarrement bariolé de chatoyantes couleurs. Au printemps, c'est la
lîeauce ; en été, le Sahara.
La montagne. — La région nord du Contndu de Sonk-el-Arba
est lormée d'une série de massifs montagneux portant l'empreinte de,
multiples soulèvements et (jui peuvent fournir aux alpinistes les plus
exigeants toutes les sensations, toutes les émotions que recherchent
habituellement ces infatigables grimpeurs. La Kroumirie a, en elïét,
une physionomie changeante, étrangement bouleversée, coupée rie
gorges dont les parois rocheuses paraissent se rejoindre à leur som-
met. Ici, les montagnes se dressent, verticales, surmontées de pics
aigus ; là, elles sont couronnées de courbes régulières, alléctant des
formes de dômes ou de trapèzes ; sur les hauteurs, du milieu de la
forêt touffue, émergent des crêtes nues et pelées, des rocs abrupts et
inaccessibles, et, entre les massifs, protégées par les ondulations boi-
sées de ce sol convulsionné, s'étalent de petites prairies naturelle, de
délicieuses vallées sillonnées de cours d'eau, bordées de collines
lleuries de bruyères violettes et piquetées d'arbrisseaux. C'est une
région admirable de pittoresque et de sauvagerie, remarquable par
les merveilleux imprévus et le désordre tourmenté de sa nature ;
c'est le pays des majestueux panoramas et des splendides horizons.
La forêt. — Les forêts de Kroumirie se composent de chêne-liège
et de chênes zéens; le pin maritime couvre quelques reliefs monta-
gneux à l'ouest de Tabarca, et le chêne kermès forme l'essence domi-
nante des boisements des dunes ; dans la partie sud se trouve, assez
clairsemé, l'olivier sauvage.
Ses masifs comprennent :
lo Dans le Contrôle de Souk-el-Arba (partie sud): les forêts de Fcr-
nana, des Chiahia, des M'rasscn, du Ouchtafa, des Oulcd-Ali :
''2'^ Dans l'annexe de Tabarka (partie noi'd du Contrôle de Souk-el-
Arba) : les forêts (V Aïn-Draham ^ du djebel Tetjma, des Houamdia,
des Mekna, iVOued-Zéen, de Tabarca;
3o Dans le Contrôle de Béja : une partie de la foret des Mofjods, les
l'orèts des Nefza, du Tahoula, et des Amdoun ;
4o Dans le Contrôle de Bizerte : l'autre partie de la forêt des Mogods.
Ces forêts couvrent une superficie de plus de 100.000 hectares.
Avant l'établissement du Proiectorat, le Gouvernement Tunisien
s'était peu préoccupé de ces massifs boisés, et pendant longtemps il y
eut en Kroumirie un gaspillage irrétléchi. L'ignorance des indigènes
en matière d'économie forestière, l'incompétence de ceux qui les
dirigeaient, ont laissé commettre bien des fautes, et, enfin, les rava-
ges des incendies qui se portaient sur d'immenses étendues à la fois,
menaçaient d'entraîner des désordres irréparables. Il n'existait pas
de législation forestière ; les forêts n'étaient pas délimitées ; la tradi-
tion seule régissait les droits d'usage, et ces droits s'exerçaient dans
des conditions aussi préjudiciables aux intérêts du Trésor qu'à la
conservation des forêts.
En -188'2 et 1883, le Gouvernement Français fit procéder à la recon-
naissance des masifs de la Kroumirie et institua la Direction des
Forêts qui, tout d'abord, lit partie du Service des Travaux publics;
enfin, en 1895, les Forêts lui'ent annexées au Service de l'Agricul-
ture.
Les massifs de chênes-liège et de chênes zéens foriiuMil, sur cer-
tains points de magnifi([ues futaies; le zéeu, sui'toul, atteint de très
fortes dimensions, et il n'est pas rare de rencontrer des sujets dont le
tronc a deux ou trois mètres de circonféi'ence. Ces deux essences
couvrent les parties supérieures des montagnes ; les broussailles et
les oliviers sauvages peuplent les parties inférieures. Dans le ibnd des
vallées sont disséminées d'autres essences, telle (jue l'aulne, le saule,
le peuplier, le frêne, le lioux, le laurier, le tamarin, la vigne sauvage,
l'azerolier, l'arbousier. Le myrte, le lentis(jue, le cytise, la bruyère,
le Hère, le viorne constituent les sous-bois.
Les massifs iorestiers ont été, })res(|ue tous, piu-courns par le leu
et ont eu à snliirles déprédations des indigènes. Il était donc absolu-
ment nécessaire d'ori^aiiiser la conservation des foi-êls, de les sou-
mctti'e à une surveillaiic<> conslaiite et de r('peu|>l('r les es|)aces di'-
truits pai' les incendies. h;i Dii'cc lion des t'oiuMs a conscitMicicnscincnt
accom{)li l;i mission qui lui (''l;iit coulit'i'. Coniposi'c d'un piM'souncI
d'élite, elle a su être éiiergi(]uc et conciliante à la fois; si elle rt'-primc
sévèi-(Mri(Mit les d(''lils, elle n'est nullement Iracassière; elle (»ctroie
— 9 —
généreusement aux colons, aux éleveurs, aux indigènes des permis
de pacage, et les liabitants de la Kroumirie trouvent, clia<jue année,
dans les délivrances (jui leur sont laites, le bois dont ils ont besoin.
I^a partie la plus importante de la mission du Service forestier
consiste à mettre en rapport les massifs de cliènes-liège que l'Etat
possède en Kroumirie. Cette opération comprend les démasclages,
l'établissement des trancliées de protection pour mettre à l'abri des
incendies les arbres démasclés, la construction de sentiers et de
routes pour faciliter la surveillance des forêts et le transport des
produits. Tous ces travaux ont été entrepris, surtout dans les cir-
conscriptions d'Aïn-Draham, de Tabarca et d'El-Feïdja, et au .'il dé-
cembre 1903 le nombre total des chènes-liège mis on rapport par le
démasclage s'élevait au chiiTre de 9.(300. DUO arbres.
De 1883 à 1903 inclusivement, on a vendu 294.000 mètres cubes
grume, et on peut estimer, sans exagération, que le volume total des
bois d'œuvre actuellement exploitables est d'environ 90.000 mètres
cubes grume. Ce matériel, qui est destiné à la fabrication des traver-
ses de chemin de 1er, pourra être réalisé dans une période relative-
ment courte, si la construction du réseau de voies ferrées de la
Tunisie se poursuit sans interruption.
Pendant cette même période, 2.483 hectares de trancliées de pro-
tection ont étéouverts; 1.484 hectares ont été débroussaillés; près de
1.800 kilomètres de routes et de sentiers ont été construits, et l'en-
semble des travaux ainsi exécutés a occasionné une dépense d'envi-
ron 2.011.000 francs. Il a été en outre dépensé, en travaux divers et
d'entretien, 2.821.000 francs, soit au total 4.832.000 francs. Au 31
décembre 1903, les recettes avaient atteint 9.411.450 francs; depuis
1894, elles ont varié de 003.000 francs à 1. 100.000 francs.
En particulier pour 1903, il a été exécuté les travaux suivants:
1" Ouverture de 91 hectares 31 ares de tranchées de protection;
2» Démasclage de 227.050 chênes-liège ;
3» Ouverture de 35 kilom. ()00 mètres de chemins et sentiers fo-
restiers ;
4^' Désignation des arbres à récolter et à démascler;
5i^ Construction de maisons de gardes, de magasins, de citernes ;
0« Travaux divers consistant en réfraction de clôtures, tixation de
dunes, levers de forêts, [)laiilali()ns, reconnaissance de terrains doma-
niaux, repeuplement, débroussaillement, etc.
- 10 —
Ces travaux et les travaux d'entretien ont occasionné, pour l'exer
cice 1903, une dépense de 329.500 francs. Les recettes de cet exer-
cice s'élèvent à la somme totale de 1.100.598 trancs, savoir:
i" Ecorces à tan, 29.000 quintaux Fr. 214.350 »
2" Chênes zéens, 35.000m c. grume 140. 100 »
3o Liège, 28.14Û quintaux 683.980 »
4» Menus produits 56 . 168 »
Total.... Fr. 1.100.598 »
Les recettes iront constamment en augmentant, par suite de la
mise en valeur progressive des massifs forestiers.
Le Service des Forêts procède chaque année à trois adjudications
de produits forestiers: au printemps (avril), il adjuge les coupes d'é-
corce à tan ; en été (fin août), il vend au quintal métrique les lièges
de reproduction récoltés par ses soins et empilés sur les places de
dépôt d'Aïn-Draham, de Babouch, deTabarca et de Ghardimaou ; en
automne (octobre), il met en adjudication les bois d'œuvre (chênes
zéens) pour la fabrication des traverses de chemin de 1er.
On peut dire — et il nous est agréable de le constater — que la
Direction des Forêts e.xécute sa tâche sans chercher à jeter de la pou-
dre aux yeux. Ce Service poursuit, sans réclame, une besogne utile
et dont la Régence peut déjà apprécier les notables avantages.
Les Romains. — Sur tout le territoire du Contrôle de Souk-el-
Arba on rencontre de nombreuses traces de Toccupalion romaine.
Ainsi que le fait observer le docteiu'Berlholon, les Romains semblent
avoir voulu éviter avec soin les endroits malsains; toutes les ruines
de villes ou de villages se trouvent au liane des coteaux qui bordent,
par exemple au Nord, la vallée de la Medjei'da, et il est l'are de ne
pas voir sur la crête d'une colline, et à proximité d'un point d'impa-
ludisme, les vestiges (Ir (|ucli|U(> établissement ayaiil servi de sana-
torium.
Nous pai'lerons dans les chapitres suivants de lUillu lUuj'ui, de
^imiltu, de Thuhurnka, de Saia Major, de Thahrncd, et nous nous
contenterons d"indi(|ii('r ici les principaux points (|u"occu|)êi'(Mil les
anciens con(iuéi'ants d;nis celte région du noni de la Régence.
C'est principalement sur le passage de la voie reliant Carlhage à
— 11 —
Hippone, et qui traverse de l'Est à l'Ouest, en suivant la vallée de la
Medjerda (l'antique Bagradas), le Contrôle de Souk-el-Arba, que l'on
aperçoit les restes de villes, de bourgs, de forteresses, d'exploitations
agricoles, de thermes, de barrages, de citernes et d'aqueducs. Au-
jourd'hui, malgré la vigilance du Service des Antiquités, bien de ces
ruines, même d'une certaine importance, sont en voie de destruction
rapide, par suite du pillage auquel se livrent, sans vergogne, indigè-
nes et Européens.
Mais les Romains n'occupèrent pas seulement la plaine; ils péné-
trèrent dans les massifs forestiers que, sans aucun doute, ils exploi-
tèrent :
c II n'est pas rare, en effet, dit M. Toutain, de rencontrer, au
cœur même des forêts, ces amoncellements de pierres taillées qui
indiquent la présence d'un établissement antique, poste militaire ou
bâtiment d'exploitation. »
En suivant l'ancienne route de Simittu à Thabraca, qui traverse
la Kroumirie et passe à l'ouest de Fernana, puis s'engage dans le
col d'Aïn-Draham, on voit encore des traces de villages, de fortins,
de fortifications, d'aménagements d'eau, mais c'est surtout quand
on est sorti des montagnes que les vestiges romains surgissent de
tous côtés.
Le docteur Carton, qui a fouillé ces ruines, et scrupuleusement
étudié ces preuves irrécusables du génie agriculteur des anciens, en
conclut que :
1" Les céréales étaient, comme de nos jours, l'objet principal de la
culture dans la plaine do la Medjerda, où Jadis les fermes se rencon-
traient pour ainsi dii'e à clia(|ue pas;
'2" Les montagnes qui avoisinaient cette région, maintenant envahies
par la broussaille, étaient couvertes d'oliviers, témoins les nombreux
pressoirs que l'on y rencontre;
lî" On retenait l'eau par tous les moyens possibles; il n'y a pas de
source ni de simple suintement à la surface du sol <{ui n'ait été capté
et ([uand il n'en existait pas, on y suppléait à l'aide de citernes;
4" La |)rospérité agricole avait amené la richesse, et tous ces petits
centres de population avaient des villas pavées de mosaïques, des
mausolées et des temples;
5" La population était très dense;
()"' Dans la contrée qui nous occupe, l'élénitMil indigène parait sur-
- 12 —
tout avoir dominé ; on y a trouvé, en effet, un grand nombre de stèles
funéraires avec noms révélant bien l'origine de la majeure partie de
la population.
Les indigènes. — Les indigènes du Contrôle de Souk-el-Arba se
divisent en deux camps bien tranchés: les agriculteurs de la plaine
et les montagnards kroumirs.
Les gens de la plaine sont installés dans la vallée de la Medjerda,
sur le bord de l'oued Méliz, de l'oued Melleg, de l'oued Tassa, de
l'oued Bou-Hertma et sur les pentes des collines bordant, au Nord
et au Sud, le territoire de la Dakla. Ils vivent sous des tentes ou dans
des maisons construites en « toube », et leurs douars sont entourés
de cacLus, de « tabia » ou de îossés profonds. Ces Arabes forment
plusieurs tribus divisées elles-mêmes en un assez grand nombre de
fractions. Ils furent rarement razziés, car ils savaient s'unir lorsque
les montagnards tunisiens ou algériens les menaçaient d'envahisse-
ment. Ils ont toujours prêté leur concours à l'autorité régnante, et
leurs goums, composés de beaux et vaillants cavaliers, de fantassins
résolus, accompagnaient les colonnes beylicales quand les circons-
tances nécessitaient leur apparition dans la contrée. Au moment de
l'entrée des troupes françaises sur le territoire tunisien, ils se mirent
à la disposition du général commandant l'armée d'occupation, et, de-
puis lors, dans la plaine, la tranquillité n'a jamais été troublée.
Installés primitivement dans le sud de la Régence, les Kroumirs
formaient une tribu « maghzen » au service des Chabia, grande con-
fédération religieuse. A la suite des guerres intestines qui désolèrent
cette contrée, les Kroumirs s'en allèrent vers le Nord et s'établirent
dans la partie boisée et montagneuse qu'ils habitent encore. Ce fait
se serait produit il y a trois siècles environ.
« Réfugiés dans leurs montagnes, dit le colonel Waltringnes, ils se
défendirent vaillamment contre tout agi'esseur. Le iîeydu gouverne-
ment duquel ils dépendaient nominalement, mais dont ils méconnu-
rent toujours l'autorité, envoya souvent contre eux des troupes,
même assez nombreuses, pour tenter de les .soumettre à payer l'im-
pôt, mais les Kroumirs, puisant dans leur .sauvage indépendance une
énergie relativement remarquable, siu'ont toujours repousseï" les ten-
tatives des trouj)es beylicales.
« Leur caractère, leurs liabitudes leur interdisaient toutes relations
avec les voisins; les transactions étaient donc peu Iréquentes, et ils
- 13 -
avaient souvent recours au pillug^e, dont au début de l'occupation ils
nous donnèrent <iue]<|ues ext'triples. lis ciioisissaient leurs chefs par-
mi les hommes Jes phis courageux et ne possédaient point de ciidi ;
leurs différends étaient portés devant la « djemaà » .
« Peu nomafles, les Kroumirs vivaient — et vivent cncoie — dans
des gourbis autour des(|uels ils faisaient quelques plantations et cul-
tures. Généralement, ils établissaient leurs gourbis sur les pentes et
vers les sommets des montagnes d'une hauteur moyenne, ou non
loin des ruisseaux formés par les nombreuses petites sources qui
sourdent de tous côtés. Quelquefois, ils vivaient sous la tente pour
faire pacager leurs troupeaux, ou bien, lorsqu'ils étaient forcés par
un danger imminent d'abandonner leurs campements, ils se réfu-
giaient dans les forêts impénétrables qui couvrent une grande partie
du pays. »
Le Kroumir, il y a quelques vingt-quatre ans, a beaucoup fait par-
ler de lui; ignoré jusqu'alors, il devint tout-à-coup légendaire, et il
contribua fortement à mettre en valeur la vaillance de nos guerriers.
Après l'occupation de leurs montagnes, les Kroumirs firent leur
soumission, et depuis leur attitude n'a cessé d'être correcte. De sau-
vages, pillards et turbulents qu'ils étaient, ces montagnards sont
devenus placides; aujourd'hui, la Kroumirie est le pays où il se com-
met le moins de crimes et le moins de vols.
Les Kroumirs sont des pasteurs et des forestiers ; la Direction des
P orêts en emploie un assez grand nombre et elle se déclare satisfaite
des résultats qu'elle obtient de cette main-d'œuvre indigène. Les
femmes kroumires fabriquent des tissus grossiers, ainsi que des us-
tensiles de ménage qui ne sont que des poteries communes.
CHAPITRE II
Le Caïdat des Djendouba
Description. — Le territoire de ce Caïdat, appelé par les indigè-
nes « la plaine de la Dakla », s'étend, au Nord, jusqu'à l'oued Glia-
zella, qui est la frontière du pays des Kroumirs, et, au Sud, jusqu'aux
premières pentes des montagnes du Kef ; il est borné à l'est par le
Caïdat des Oulad-bou-Salem et à l'Ouest par la Rekba.
Dans sa plus grande largeur, cette vallée atteint jusqu'à vingt-cinq
kilomètres, et dans l'endroit le plus resserré, elle en a de douze à
quinze. Le sol est d'une grande fertilité, subordonné toutefois aux
pluies de l'hiver et du printemps. De place en place, dans la plaine,
rompant la monotonie, on aperçoit quelques touffes de cactus qui
décèlent la présence des douars. Si on exepte les plantations d'eu-
calyptus faites par la Compagnie Bône-Guelma le long de la voie fer-
rée, on ne voit pas d'arbres dans les champs, et il faut atteindre les
collines tourmentées, séparées par de profonds thalwegs et ravinées
par les eaux, de la région nord du Caïdat, pour rencontrer quelques
palmiers rabougris et des arbustes en très petit nombre.
Du pied de Bulla Regia, à sept kilomètres au nord-est de Souk-el-
Arba, jusqu'aux environs de la station de Ben-Bechir, s'étendent des
marécages couverts de hautes herbes, autour desquels se trouvent
des pâturages arrosés parles eaux qui descendent de l'ancienne ville
l'omaino et les fontaines (pii sourdent des lianes de la montagne.
Tainlis qu'au Nord la bari'ière montagneuse est presque inculte,
les monts situés au sud de l'oued Melleget de l'oued Tessa olh-ent un
aspect tout dil1(Mt'iit : ils sont moins élevés, couveils de verdure au
printemps, leurs ravins sont moins piittonds et leurs cr«'i(>s ont des
formes moins anguleuses.
- 15 -
La plaine de la Dakia est traversée par trois cours d'eau : la Med-
jerda, l'oued Melieg et l'oued Tessa. La Medjerda (ancien Bagradas)
s'est créé, dans la vallée, un lit profond, que les eaux minent et mo-
dilient, et tandis que certaines parties des berges, rongées par le
courant, sont taillées à pic, les côtés opposés offrent, au contraire,
des pentes assez douces.
Dans son parcours sur le territoire du Caïdat, la Medjerda reçoit,
rive droite et rive gauche, plusieurs aftluents.
Il a y peu d'eau potable dans la plaine ; les douars ont de mauvais
puits, et les sources que l'on rencontre près des collines, rares et
peu abondantes, sont, pour la plupart, chargées de magnésie ou de
chlorure.
« Le sol arable, dit M. François Malet, est de consistance
moyenne, avec prédominance de l'élément silicieux à Ghardimaou-et
Souk-el-Arba: l'allavionnement ne s'est pas effectué partout de la
même façon, et la diversité de composition physique des terres s'ex-
plique d'autant mieux que dans ce bassin les cours d'eau secondai-
res sont très nombreux et qu'ils prennent source dans des régions
fort dissemblables.
« Toutefois, au point de vue chimique, les différents sols, quelle
que soit la région d'où ils proviennent, présentent une caractéristi-
que commune: la teneur en potasse est élevée et généralement
supérieure à !2 o/" ; l'acide phosphorique, au contraire, est très sou-
vent en proportion faible, comme cela se produit, d'ailleurs, dans les
régions où l'on ne fertilise presque pas la terre, bien (ju'on ne cesse
de lui demander des récoltes d'orge ou de blé.
« Pour les autres principes nutritifs, il n'y a point lieu de faire de
remarques spéciales. Dans les vallées tributaires du cours d'eau prin-
cipal, les terres de plaine et de montagne présentent une composition
plus variable encore, et leur nature dépend essentiellement des mon-
tagnes les plus proches. »
La ligne ferrée de Tunis à [Vn\e traverse le Caïdat des Djendouba
du Nord-Est au Sud-Ouest, et ce territoire est sillonné par un certain
nombre de routes, chemins et sentiers se rendant dans toutes les
directions et reliant entre eux les douars des différentes fractions.
En général, les pistes de la plaine sont carrossables en été et les
oueds guéables; par contre, il n'en est pas de même en hiver, et il
arrive partbis que, durant des jours et même des semaines, les mal-
heureux habitants se trouvent, par suite de défaut de connnunica-
— 16 -
lions, isolés du reste du monde, consignés au quartier, bloqués, en
attendant une accalmie, sur leurs îlots détrempés et boueux.
La route du Kef à Tabarca, qui traverse le Caïdat du Sud au Nord,
est carrossable en tout temps, suffisamment empierrée ; la roule de
Souk-el-Arba à Medjez-el-Bab n'est empierrée que par tronçons, mais
on espère pouvoir terminer, en 1905, le tronçon de Souk-el-Arba à
l'oued Melleg; la piste longeant le cliemin de fer, qui va de Souk-el-
Arba à Ghardimaou, forme la suite de la route précédente : elle n'est
empierrée que sur 1 kilom. 500 mètres environ, mais elle est carros-
sable sur tout son parcours ; enfin, la piste de Souk-el-Arba à Bulla
Regia a été récemment aménagée.
Le Service des Ponts-et-Ghaussées capte, chaque année, un cer-
tain nombre de sources le long des routes et pistes et à proximité des
groupements de douars ; toutefois, il reste beaucoup à faire, sous ce
rapport, dans le caïdat des Djendouba, de même que dans les autres
Caïdats du Contrôle, pour satisfaire aux besoins de la population qui,
chaque jour, devient plus dense.
Le territoire du Caïdat contient quelques carrières de pierres à
chaux et marbres rosés que l'on ne peut utiliser pour l'ornementa-
tion. Les Romains avaient exploité, à six kilomètres de Souk-el-Arba,
une importante mine de fer, maintenant abandonnée. Actuellement,
une seule mine est en exploitation: lamine de cuivre du Chouichia.
située à environ quinze kilomètres au nord-ouest de Souk-el-Arba, et
qui fait des mattes à 50 o "; elle peut fournir de trois à quatres tonnes
par jour. Elle emploie un certain nombre d'ouvriers italiens.
Climat et salubrité. — Le climat de la Dakla est très humide en
hiver, tuiride en été. souvent très variable. C'est vers l'heure du lever
du soleil que le thermomètre descend rapidement, pour remonter
d'une façon à peu près constante jusqu'à trois heures de l'après-midi.
La température, dans les jours les plus froids, ne descend générale-
ment pas plus de 4" au-dessous de zéro; dans la saison chaude, elle
atteint parlois 50"j à l'ombre. Voici d'ailleurs, la moyenne dos tem-
pératures prises à Souk-el-Arba en lOO.'î:
Hiver • I0"1-; maxinunn "iO"; niiniiiium — i"
Printemps. } L'yi; — -f-34»; — — O'
Été -tiO"?; ~ -f49o; — -[-18»
Automne.. - i>0'-4; — 4-42»; -\- iO^
— 17 —
Lns brouillards sont rares, iimis intenses; les pluies, peu (rLMjuen-
tes au printemps et en été, sont parfois trop abondantes à l'automne
et en liiver. La quantité moyenne annuelle des pluies à Souk-el-Arba
et de r)'2(J millimètres, et il ne laut guère compter sur les condensa-
tions atmosphériques à partir des premiers jours de mai, «conditions
d'autant plus désavantageuses pour- des cultures en terres sèches, dit
M. Malet, que la plaine est fortement insolée en été et soumise à une
évaporation intense. Au contraire, dans les régions montagneuses, sur
les deux versants de la vallée, les pluies sont tardives et abondantes».
La vallée de la Medjerda, de Ghardimaou à Souk-ol-Khemis, offre,
dans les points occupés parla population européenne, des conditions
de salubrité suffisantes, malgré l'élévation de la température en été.
Souk-el-Arba, alimenté en eau de source de bonne qualité, bien
qu'un peu cliaude — 20" à la source — possède un réseau d'égouts
assez complet. L'état sanitaire de cette commune est, en général, très
bon, et le paludisme peu h-équent ; dans la région de Ben-Bechir,
où le climat est sensiblement le même qu'à Souk-el-Arba, l'eau des
puits est saumàtre, et les habitants de cette minuscule localité sont
obligés de s'alimenter à la citerne de la gare, où l'eau est apportée
chaque jour de Souk-el-Arba.
D'une façon générale, l'eau des sources de cette partie de la vallée
est saumàtre ( de '2 à 5 grammes de sel par litre), mais, sur nombre
de points, elle peut servir à la coiisomiiiaiioii. La population indigène,
assez nombreuse, fixée dans le voisinage des oueds, utilise l'eau de
tes rivières; cette eau, d'après le docteur ÎMassal, médecin de colo-
nisation à Souk-el-Arba, ne pourrait être consommée sans danger
par les Européens.
La lièvre paludéenne est fréquente sur certains points ( bords du
Melleg et de la Tessa et région de ])ulla Regia ). La variole tend à
disparaître, grâce aux vaccinations multiples; la syphilis est extrê-
mement fréquente chez les indigènes, ainsi que les alïectioiis ocu-
laires.
Des consultations gratuites, avec distribution de médicaments, ont
lieu deux Ibis par semaine à Souk-el-Arba et deux fois par mois à
Souk-el-Kliemis et à dliardimaou. Les femmes indigènes se rendent
très volontiers à ces consullalions. Souk-el-Arba ne possède encore
ni infii'merie ni liôpilal : il y a là une lacune qu'il sérail très urgent
de combler.
— 18 -
BuUa Régla. — La Dakla est remplie de souvenirs historiques*,
mali^ré quinze siècles écoulés, les restes des temples, thermes, Torts,
indiquent encore les emplacements de ces cités somptueuses qui
marquaient les étapes de la grande voie romaine décrite par Tissot:
Bulla Regia était une de ces villes. Assise sur les lianes du djebel
Rebiah, dominant la plaine, située près d'un petit aflluent de la Aled-
jerda, cette ancienne cité numide, résidence des rois, avait, ainsi que
Zama, fermé ses portes à César victorieux après la bataille de Tapsus.
Elle a dû être très impoi'tante, à en juger par le nombre de ruines
qui s'étendent au loin.
Les travaux exécutés en 1883 par le capitaine du gé]iie llardel,
pour amener les eaux de Bulla Regia à Souk-el-Arba (débit journa-
lier : ioO mètres cubes ) ont fait découvrir des bassins et des mosaï-
ques enterrés à trois mètres de profondeur ; le docteur Carton a
publié sur l'hydraulique de cette région un travail intéressant d'où
nous détachons les passages suivants :
(( Au centre des ruines de Ilammam-Daraji ( Rulla Regia ) jaillit
une source dont une grande partie des eaux est actuellement captée
et dirigée sur Souk-el-Arba; le bassin antique qui les renfermait
jadis existe encore. Ces eaux irriguaient, au moyen de canaux, les
jai'dins des environs; un autre canal dirigeait les eaux dans les
quartiers de la ville et même dans les demeures des particuliers,
témoins les vestiges de thermes, du nympheum, de citernes, d'aque-
ducs, de puits, etc.
« Toutes les sources qui jaillissaient sur les lianes du djebel Rebiali
avaient été captées par les Romains, qui étaient parvenus à en régu-
lariser le débit et à conserver, pour l'employer dui'ant l'été, l'eau
parvenue en hiver dans les vastes réservoirs. L'abandon de ces travaux
a amené la formation des marais de l^ulla Regia.
« Au moment de l'époque romaine, les sources situées au liane
des montagnes, arrêtées par les ouvrages hy(h'auli(|ues, recueillies
dans les réservoirs, n'arrivaient pas jus(iu'à la plaine. Une source très
abondante, qui jaillissait dans la partie la plus élevée du marais, était
jadis employée à l'irrigation et conduite dans les cliamps par un fossé
dont il existe encore des traces. L'eau des pluies, qui actuellement
tombe sur un sol dénudé et se précipite vers les bas-fonds, ariêtée
I)ar la V(''g(''lation, aspirée ])ar un hunnis épais on par un sol que la
culture avait rendu [)erméable. n'arrivait pas dans la dépression; enfin,
une population aussi nombreuse et aussi industi'ieuse «jue celle (pii
habitiiit la |)lain(' devait enlrelcnii' et approfondir le loss('' d'cMiiission
du niMi.iis. Il est certain que la riche cité de RuUla Regia n'aurait pu
— 10 —
se développer dans le voisinage d'un tel pays dimpaludisrne ; aussi
s'occupait-on d'en éviter la formation.
« Ce marais n'existait pas à répofjiip romaine, et, pour le friire dis-
parattre, il sulïirait de réaliser à nouv<'au l(;s conditions où se trouvait
jadis la contrée, moyen qui sera, à mon avis, plus sur que ceux rjui
ont été proposés directement pour son dessèchement. »
Un projet de dessèchement du marais s'étendant entre Bulla Re^ia
et Ben-Bechir fut étudié en 18î)'î par M. Chenel, contrôleiu' civil à
Souk-el-Arba, et proposé à la Résidence Générale. Il n'y fut pas donné
suite, à cause des difficultés concernant la propriété des terrains.
Bulla Regia s'étendait en amphithéâtre au-dessus d'un col étroit et
difficile où passait la voie romaine allant à ïhabraca ; une source
d'eau chaude sortait de la montagne, et les habitants y avaient établi
des thermes. Au-dessus de la crête, à 500 mètres d'altitude, sur les
croupes de la montagne, se voient encore les restes de sept postes
fortifiés qui défendaient les approches de Bulla Regia. Ce sont des rec-
tangles mesurant de 50 à 60 mètres de côté ; chaque poste avait des
citernes, et la distance moyenne qui lessépare est de 500 à 600 mètres.
Entre chacun d'eux existe une série de mamelons peu élevés, à pentes
douces, sur lesquels on rencontre de belles cultures.
Le Service des Antiquités ne cesse de faire pratiquer des fouilles
à Bulla Regia, et, dernièrement encore, il a déblayé, avec le concours
de M. Lafont, conducteur des Ponts-et-Chaussées à Souk-el-Arba,
une maison romaine d'un remarquable état de conservation.
« Le rez-de-chaussée, dit le Bulletin du Service des Antiquités,
profondément enterré dans le sol, garde encore ses parements en
mosaïque, des plafonds voûtés, la colonnade et la terrasse de son por-
tique corinthien. Au fond du péristyle s'ouvre, par une porte monu-
mentale à trois baies, une grande salle de festins accostée de deux
ailes ayant chacune son entrée spéciale sur le portique. Le parement
de la pièce principale, orné de rosaces et de guirlandes, au milieu
desquelles se détache, comme un blason, une couronne à cinq poin-
tes, dessine du c()té de l'entrée un T renversé autour duquel étaient
disposés les trois Vils du Irictiniion. Devant la porle, en pleine lumière,
et bien en vue sous les yeux des convives, un joli tableau en mosaï-
(jue,munidumènieblason, figure des amours venaforcs aux prises avec
des fauves, ours, sanglicM's, panthères. A droite du tricUniuwA^u même
côté que l'escalier, se présentent deux autres chambres; laplusgrande
se divise, comme les ailes du tricUnium, en deux zones de niveau
différent : la première, de plein-pied avec le portique, est ornée d'une
magnifique rosace en mosaïque ; la seconde, en arrière, forme une
sorte d'estrade exhaussée d'un degré et pavée de mosaïque plus sim-
ple. Un escalier, tournant deux fois à angle droit et coupé en son
milieu d'un palier avec bancs de repos, conduit au premier étage où
il débouche au milieu d'une cour dallée, qu'entoure un portique paré
de torsades et de grecques en mosaïque. Au fond de celui-ci s'ouvrent
les appartements du centre delà demeure, établis sur le rez-de-chaus-
sée, dont ils reproduisent exactement les dispositions. Puis viennent
d'autres chambrettes qui semblent, à en juger par leurs pavements
plus grossiers, avoir été réservées aux esclaves et aux communs et qui
reposent directement sur le soi. Un puits à déversoirs superposés
alimentait les deux étages de cette curieuse habitation. »
On voit d'après la très intéressante description de cette maison
que les habitants de Souk-el-Arba appellent « la maison des troglo-
dytes », à cause sans doute de son ensevelissement assez profond,
quelle précieuse mine il y aurait à exploiter, pour les savants, sur
l'emplacement de Bulla Regia, si lescrédits ne faisaient pas défaut. Il
nous semble, toutefois, que le Ministère de la Guerre pourrait facile-
ment mettre à la disposition du Service des Antiquités — comme il
l'a lait à Bou-Grara, à Dougga et à Tabarca — les soldats du batail-
lon d'Afrique casernes à Souk-el-Arba et à Aïn-Draham. Extraits de
l'oisiveté où ils croupissent, ces «joyeux » concourraient ainsi à une
œuvre utile.
En attendant, M. Sadoux,que l'on rencontre toujours sur la brèche
même par les jours d'horrible canicule, fait procéder au déblaiement,
lent mais méthodique, des principales ruines de Bulla Regia.
Les Djendouba. — Les indigènes qui occupent le territoire du
caïdat constituent la grande tribu des Djendouba. Ils campent sur les
deux rives de la Medjerda, à l'est de la Rekba, et comptent environ
8.000 individus. Les Djendouba seraient venus desbords du Nil, vers
le onzième siècle, au moment de l'iiivusion hilali(Mui(\ (les tribus
égyptiennes se répandirent en Ah'iquc, iniiicipalement en Tunisie,
et, nprès avoir chassé les barl)nres, se lixènMit à leurs lieu et place.
La majeure partie des Djendouba est de pure race arabe, sans mé-
lange ; il existe cependant plusieurs fractions étrangères qui portent
le nom de Djendouba et (|ui sont venues, à une époque postérieure,
se grouper autour des premiers occupants.
- 21 -
Les Djendouba se livrent surtout à la culture du blé et de l'orge ;
ils ont aussi d'immenses prairies naturellesquileur permettent d'éle-
ver de nombreux troupeaux. Ils se réunissent, pour leurs trafics, sur
les marchés de Souk-el-Arba (près de la Medjerda; et de Souk-es-
Sebt (près de l'oued Tessa). La superficie approximative de leur ter-
ritoire est de 70.000 hectares, dont 20.000 environ, toujours les mémea,
sont labourés chaque année.
Souk-El-Arba. — En 1881, lors de l'arrivée de nos colonnes, il
n'y avait qu'un mauvais gourbi et un fondouk à l'endroit où s'élève
aujourd'hui la ville de Souk-el-Arba. Par suite de l'occupation de ce
point stratégique de premier ordre, un certain nombre de marchands
vinrent se grouper près du camp et occuper le côté nord de la voie
ferrée, dont, à cette époque, Souk-el-Arba était le point terminus
(156 kilomètres de Tunis). Deux ans après, quelques Juifs tunisiens
achetèrent les terres situées au sud de la voie, firent construire des
maisons qu'ils louèrent à des industriels et à des courtiers en céréa-
les, et, peu de temps après, Souk-el-Arba, débouché des grandes
plaines du sud-ouest et de la Kroumirie, prit un essor considérable.
Au 31 décembre \{)03, la population de cette localité comprenait
1.500 habitants, en majorité Européens, dont i-t27 Français.
Malheureusement, la prospérité de Souk-el-Arba semble chaque
jour s'amoindrir, et, comme le faisait remarquer dernièrement M. de
Carnières, Président de la Chambre d'Agriculture de Tunis, par une
singulière fatalité, les réformes et les grands travaux d'intérêt général
qui profitent au reste de la Tunisie, causent à Souk-el-Arba un pré-
judice sensible :
« Après un développement rapide, dit M. de Carnières, ce petit
centre français était devenu le principal marché de céréales du nord-
ouest de la Régence. La loi douanière de 1890, qui a permis d'expé-
dier directement en France les céréales tunisiennes, sans les faire
passer par l'Algérie, lui a porté un rude coup. Souk-el-Arba, où se
réunissait une grande partie de nos blés et orges destinés à être ex-
portés par Rône, a vu tout à coup son marché diminuer considéra-
blement d'importance.
« La route de Béja à Tabarca, qui a ouvert à la colonisation des
régions nouvelles, lui a encore fait du tort. Les voyageurs et les mar-
chandises de Tabarca à destination de Tunis passent maintenant par
Béja.
La Tunisie du Noud 3
- 22 —
(( Enfin, le chemin de fer du Kef, la plus utile de nos lignes de
pénétration, lui enlèvera tout le trafic de l'ouest.
« Plus la Tunisie prospère, plus son outillage économique se per-
fectionne, et plus Souk-el-Arba se voit frappé dans ses intérêts. » .
Après avoir constaté le mal, le Président de la Chambre d'Agri-
culture qui, chacun le reconnaît, a puissamment contribué à F œuvre
de colonisation française, indique le remède, qu'il trouve dans la
colonisation même. Pourquoi, se demande M. de Carnières, les
colons agriculteurs ne se sont-ils pas portés dans la région de Souk-
el-Arba, où le sol et le climat ressemblent fort au sol et au climat de
Souk-el-Khemis, centre où se sont établies d'importantes exploitations
agricoles? Parce que, croit-il, l'Administration n'a rien fait pour cela,
qu'elle a été négligente et que, là, elle a montré un mauvais vouloir
que l'on ne rencontre pas habituellement chez elle.
Ce reproche adresséà l'Administration tout entière, nous le verrons
plus loin, est injustifié.
L'extrême morcellement des terrains de culture dans cette région
s'oppose assurément, dans une certaine mesure, à la constitution de
propriétés de grande étendue, propres à la colonisation. Mais c'est
là une difficulté qui, avec de la bonne volonté et de la persévérance,
peut être vaincue, et la meilleure preuve que nous en puissions fournir
est l'affluence d'ofïres de vente de terres que nous avons pu cons-
tater durant notre séjour dans le Contrôle. Ces ofTres étaient-elles
acceptables? Pouvaient-elles, sans inconvénient, se réaliser? Nous
n'avons nulle qualité pour examiner la question que, seule, la Direc-
tion de l'Agriculture doit résoudre. Ce que l'on ne peut nier, c'est
qu'un certain nombre d'Européens (huit exactement), parmi lesquels
un ancien contrôleur civil de Souk-el-Arba, ont acheté dans lecaïdat,
et principalement aux environs du chef-lieu du Contrôle, quelques
propriétés dont deux dépassent cent hectares d'un seul tenant (au
total 400 hectares environ). Ces acquisitions ont été faites à la suite de
prêts consentis par ces personnes aux indigènes qui, n'ayant point
remboursé à terme, abandonnèrent leurs terres aux prêteurs. Ajou-
tons que ces terrains sont loués par leurs acquéreurs aux Arabes et
aux Siciliens. ^^>
(1) Depuis l'i-t-iblissement de cello monographie, la Direction de l'Agriculture a acquis quelques
parcelles de terres dans les enviions immédiats de Souk-El-Arha, d'apn'-s les indications fournies par
M. de fiourlet, le nouveau contrôleur civil de Souk-el-Arba. Au total, 'Ml hectares, l'orniant cin(|
parcelles de 109, 'M, 65, ;t2 et 21 hectares, ont été achetés à des indigènes et à un européen. Ces
ti-rres sont actucllemenl livrées à la colonisation française.
— 23 -
La plaine de Bulla Régla. — La plaine de Bulla Regia est d'une
extraordinaire fertilité. On y voit déjà quelques maisonnettes blan-
ches, couvertes de toits rouges, enfouies dans des bosquets verts :
c'est la petite colonisation sicilienne qui fait son apparition. Trois
Italiens, dont l'un possède 30 hectares, y sont installés ; ils y ont
creusé des puits, irriguent leurs jardins et approvisionnent Souk-el-
Arba de légumes frais pendant l'été.
On nous a signalé, à Bulla Regia, deux propriétés, l'une habous,
appartenant à Si Ahmed Lakhdar, avec lequel l'Administration pour-
rait entrer en pourparlers ; l'autre appartient aux héritiers Ben Aïssa
et comprend environ 180 méchias (1.800 hectares), dont 80 labou-
rables, 20 en prairies, 80 en montagne et en marais. Actuellement
cette propriété est sous la coupe d'un ex-lieutenant-colonel qui, à la
suite de prêts, aurait pris une hypothèque de 80.000 francs et en
poursuit la vente judiciaire. Les héritiers Ben A'issa estiment leurs
terres cultivables à raison de 150 à 180 francs l'hectare.
Cette partie de la région de Souk-el-Arba réunit toutes les condi-
tions exigées par la petite colonisation. Au sud de la Medjerda, 80 à
100 hectares de terres seraient nécessaires pour assurer l'existence
d'une famille d'agriculteurs français; à Bulla Regia, où Ion peut
compter sur une récolte annuelle, où l'on peut faire de la culture
maraîchère et constituer des vergers, 40 à 50 hectares seraient suf-
ti&ants.
La contrée, k la vérité, n'estpas très saine ; les marécages donnent
naissance à de nombreux foyers d'impaludisme, mais l'assainissement
des terres se ferait facilement au moyen d'un canal qui dirigerait les
eaux dans la Medjerda, la rivière étant assez encaissée pour procurer
la pente suffisante et permettre le dessèchement des marais.
La plaine de l'oued IVIelleg. — La pleine de l'oued Melleg forme
un triangle dont le sommet est Souk-el-Arba et dont la base est
comprise entre l'oued Melleg et l'oued Tessa. Elle est fermée par
une chaîne de collines qui se détachent du Dyr du Kef. La route de
Souk-el-Arba au Kef la traverse dans toute sa longueur.
Cette plaine, de onze kilomètres de long sur huit de large en
moyenne, est très riche en vestiges de fermes romaines. Il n'existe
pas de trace de colonisation européenne ; on ne voit, sur le bord de
la route, que deux ou trois maisons cantonnières, et, dans les champs,
quelques groupements de gourbis ou de tentes entourés de cactus et
— 24 —
de figuiers. La nappe d'eau se trouve à huit mètres de profondeur.
Elle est assez saumâtre.
Les habitants de Souk-el-Arba disent que cette plaine est irrigable,
au moins en partie ; il suffirait de percer un tunnel qui traverserait
une petite colline située à la hauteur du pont de l'oued Melleg, à
onze kilomètres de Souk-el-Arba. Un ingénieur ayant étudié la ques-
tion déclare que le travail serait facile, et le bénéfice que la coloni-
sation retirerait de la plus-value donnée aux terres compenserait
largement les frais qu'occasionnerait l'opération. D'après ce même
ingénieur, le travail coûterait de 150.000 à 200.000 francs, et la
colonisation ne prendrait que le dixième de l'eau du Melleg qui, même
en été, jamais ne se dessèche.
Les Arabes de cette plaine seraient disposés, dit-on, à vendre leurs
terres à l'Administration, au prix moyen de -l'25 à 175 francs l'hec-
tare sur les points les plus éloignés, et de 200 à 250 francs l'hectare
aux alentours de Souk-el-Arba.
Ben-Bechir. — De"Souk-el-Arba à Sidi-Meskine, m'a-t-on affirmé,
il y a de nombreuses propriétés à vendre ; il en est de même de l'autre
côté, à l'est, vers Ben Bechir, où deux colons français ont acheté aux
Arabes, et vers Souk-es-Sebt, région propice aux céréales et aux jar-
dins, l'eau se trouvant à quatre mètres; dans cette dernière partie
de la plaine, les colons n'auraient pas d'aléas et seraient assurés d'une
récolte annuelle.
Culture. — Aux alentours immédiats de Souk-el-Arba (terrains,
nous l'avons déjà dit, formés d'alluvions silico-argileuses, avec une
très forte prédominance de l'élément siliceux), les indigènes récol-
tent, sur des terres ensemencées tous les ans et non fumées^ labourées
à la charrue arabe, dix à douze sacs pour un en orge, dans les années
moyennes. Le rendement est plus fort sur la rive gauche de la Med-
jerda; dans la région de Sidi-Meskine, où les pluies sont plus obon-
dantes, à cause de la proximité des montagnes, il est, en moyenne,
de dix-sept pour un.
Le rendement en blé est moindre; on voit rarement la récolte
rapporter plus de .sept à huit poui* un, dans les terres cultivées à la
mode arabe. Cependant, on a vu, dans les bonnes années, après les
- 25 -
pluies printanières, la récolte de blé donner jusqu'à vingt-trois pour
un, et un Européen, M. Cesari, avait même obtenu, tout près de
Souk-el-Arba, dans des terres labourées à la charrue française et
copieusement fumées, jusqu'à trente-trois pour un.
Ceci nous donne un aperçu des résultats que le colon français pour-
rait obtenir dans cette région.
Scolarité. — Souk-el-Arba, siège du Contrôle civil, est doté de
deux écoles primaires, l'une de garçons, l'autre de filles. L'école de
garçons reçoit une centaine d'élèves : 25 Français, 45 Italiens, 15 mu-
sulmans, 15 israélites. L'école des filles reçoit MO élèves : 20 Fran-
çaises, 20 Italiennes, 8 Maltaises, 3 Grecques, 1 Espagnole, 7 musul-
manes, 39 juives. Depuis quelques années, on a remarqué une cons-
tante diminution dans l'effectif scolaire ; toutefois, la population de
Souk-el-Arba réclame la création d'une classe enfantine, qui pourrait
être installée sans aucune dépense, et qui rendrait grand service aux
familles d'ouvriers.
CHAPITRE III
Le -Caïdat de la Regba
Description. — Ce Caïdat est limité, au nord, par les Kroumirs
Selloul et les Beni-M'rassen ; à l'est par les Djendouba ; au sud, parle
territoire du Kef ; à l'ouest, par les communes mixtes algériennes de
Souk-Ahras et de La Calle.
Au point d'intersection des territoires de la Regba et des Djendouba
vers la station de Sidi-Meskine, la vallée de la Medjerda se resserre
entre le massif du djebel Herrech, au nord, et le djebel Bou-Rabbah
au sud ; elle n'a plus alors que dix kilomètres de large, mais elle
s'évase ensuite et atteint près de vingt kilomètres dans la région de
l'oued Méliz.
Cette plaine oiïre les mêmes caractères que la plaine de la Dakla,
dont elle n'est, d'ailleurs, que laconlinualion; les terres appartenant
à la même formation alluvionnaire et cultivées de la même façon
sommaire, donnent à peu près les mêmes récoltes. Elle est habitée
par les Hakim et les Oalad-Sedira, paisibles agriculteurs qui, avant
notre venue, étaient mis en coupe réglée par les montagnards
voisins. Ces deux tribus labourent annuellement environ 15.000 hec-
tares.
La région nord du caïdat de la Regba est montagneuse et très boi-
sée. C'est un merveilleux pays de grandes lorêts oùl'on peut faire les
plus jolies excursions et les plus belles chasses — à condition d'avoii'
bon pied et bon o'il. Les massifs des djebels Uhorra et Oum-ed-Dis
ne le cèdent en rien, yn point de vue des hautes futaies, à nos plus
riches forêts de France : on y voit des arbres dépassant vingt-cinci
mètres de hauteur et dont la circonférence ne mesure pas moins de
cinq mètres.
- 27 -
C'est aussi le pays privilégié des fauves. Nous ne voudrions pas ga-
rantir qu'en parcourant les sous-bols des M'rassen ou en dévalant
dans les ravins des Ouclilela on aura des chances de se trouver subi-
tement nez à nez avec le lion ; mais on y chasse avec succès la pan-
thère, le guépard, le caracaj, le serval, le cerf, le daim, et on y voit
communément l'hyène rayée, le chat ganté, la loutre de Barbarie, le
porc-épic, le sanglier, le renard et le chacal. Les grands oiseaux de
proie y abondent.
El-Feïdja, station forestière à 800 mètres d'altitude, où réside le
garde général qui a la surveillance et la conservation du massif de
l'ouest, est située à dix-sept kilomètres de Ghardimaou ; on s'y rend
par un délicieux sentier muletier et on y jouit d'un admirable pano-
rama sur la vallée de la Medjerda et sur les montagnes du sud. A
un kilomètre de la station forestière, surplombant une gorge pro-
fonde, se dresse, au milieu des chênes zéens, le kef Negcha, rocher
de soixante-quatre mètres de haut, aux flancs déchirés et à pic ; sur
le sommet de ce gigantesque monolithe est installé un poste-vigie (de
deux gardes indigènes) auquel on accède par un escalier taillé dans
le roc.
L'emplacement de la station a été heureusement choisi ; l'hiver le
froid y est vif, mais, en compensation, l'été y est exquis. Le plateau,
où sont étabhes les maisonnettes, les magasins, les jardins des gardes
forestiers, est entouré de prairies irrigables, et il est borné de mon-
tagnes boisées au nord, à l'est et à l'ouest ; au sud, la vue s'étend sur
la vaste plaine.
D'El-Feidja, on peut rayonner, sans jamais se lasser et en décou-
vrant des sites toujours nouveaux, soit à l'ouest, du côté de la fron-
tière algérienne, soit vers le nord, du côté des djebels Rliorra et Sra.
Nous conseillons à ceux qui ne redoutent pas deux dures journées de
mulet, d'entreprendre la belle excursion d'El-Feïdja à Ain-Draham,
par le col d'El-M'saïf et la forêt des M'rassen; c'est une succession de
pistes forestières très accidentées, passant sur des crêtes très pitto-
resques. Avant d'arriver à Aïn-Draham (OOkilomètres d'El-Feïdja)
on trouve de superbes peuplements de chênes-liège.
La longueur des tranchées de protection ouvertes dans la circons-
cription par le Service forestier est de 224 kilomètres, et leur super-
licie est de 500 hectares. Ce même Service a établi : 1" 'M kiloni. ItX)
mètres de routes ; 2o 29 kilom. 437 mètres de chemins et pistes : 'A^
— 28 —
186 kilomètres de sentiers muletiers; soit, au total, 248 kilom. 837
mètres de voies de communication.
La quantité de chènes-liège misen valeur à ce jour atteint près d'un
million d'arbres ; l'exploitation des chênes zéens pour les traverses
de chemin de fer dépasse 7.000 mètres cubes par an.
Les Ouchteta et les M'rassen. — La région montagneuse du Caï-
dat de la Regba est habitée par la tribu des Ouchteta et la tribu des
M'rassen.
Les Ouchteta ont un passé des plus agités : vols à main armée, in-
cursions dans les tribus voisines, enlèvement de bestiaux étaient
monnaie courante pour ces indigènes avant notre établissement dans
la Régence ; ils se tenaient en état d'insurrection permanente contre
le beyhk, refusaient de payer l'impôt et donnaient asile aux mal-
faiteurs algériens et tunisiens. En 1881, ils prirent les armes contre
nos troupes et s'cillièrent aux Ivroumirs ; notre artillerie les effraya et,
bientôt, ils demandèrent l'amane, qu'ils obtinrent. Cependant le
Gouvernement du Protectorat exigea d'eux un certain nombre d'ota-
ges qui furent internés, pendant plusieurs années, à l'île Sainte-
Marguerite. Quand, libérés, ils regagnèrent la tribu d'origine, ils
trouvèrent leurs femmes consolées et mariées à d'autres. A rencon-
tre de ce que l'on eût pu craindre, les Ouchteta ne prirent point la
chose au tragique ; ils lirent preuve, au contraire, dans la circons-
tance,d'une saine philosophie: ayantsoulTert pourla communauté, ils
réclamèrentde la tribu une indemnité, qui leur fut accordée sans aucune
difllcuté, puis ils employèrent leurs douros à l'achat de quelques par-
celles de terre et... de jeunes femmes. Aujourd'hui, les Ouchteta
sont calmes, ils paient bien l'impôt, et leur niveau moral s'est sensi-
blement élevé.
Le pays des M'rassen, situé également sur la frontière algérienne,
est presque entièrement couvert de forêts et de broussailles ; quel-
ques enclaves forment seules les terres de culture. Les M'rassen vi-
vent surtout (hi produit des transports qu'ils elVectuent pour le comp-
te de l'administration forestière. Ce sont de bons travailleurs qui
rendent de réels services à nos agents.
Les quatre tribus du Caidatde la Regba comptent ensemble environ
-18.000 iufhvidus.
La région d'El-Feïdja a été durement éprouvée, en 1884, 1888 et
- 29 -
1890, par les incendies ; depuis quelques années, }^ràce à la sévé-
rité des mesures prises et à la constante surveillance exercée sur
les forêts, on n'a pas eu à déplorer de nouveau lléaudans la contrée.
Routes. — Le réseau de voies de communication est très précaire
dans le Gaidat de la Regba. La route forestière d'El-Feïdja est faite
sur 4,420 mètres seulement ; le reste de cette voie (près de 13 kilo-
mètres), insuffisamment empierré, est, la plupart du temps, imprati-
cable, même pour les arabas. C'est sur cette route que s'embranche
la voie stratégique en construction qui doit rejoindre à la frontière la
route algérienne venant de Souk-Ahras.
Sur la demande des colons, deux chemins de colonisation, l'un de
six kilomètres, l'autre de trois kilomètres, sont actuellement à l'étu-
de ; ils doivent desservir les groupes de fermes françaises installées
au nord de Ghardimaou par la Direction de l'Agriculture ; selon
toute vraisemblance, les aménagements projetés seront entrepris
en 1905.
Mines. — A onze kilomètres au sud-ouest de Ghardimaou, reliée
par une piste, se trouve la concession de Fedj-Assène, amas cala-
minaires donnant 38 % de zing et 11 «/o de plomb. Le périmètre de
cette concession englobe les deux massifs montagneux du djebel
Melah et des djebels Halem et Moutrif, reliés par le col ou « fedj »
Assène.
Eaux minérales. — A dix kilomètres au nord-est de Ghardimaou,
sur la rive droite de l'oued Melah, du milieu d'un taillis épais sortent
deux sources chaudes (40'^), fortement salées, que les Romains dési-
gnaient sous le nom de Ad Aquas et que les Arabes appellent « Ham-
mam des Ouled-Ali ». Ces sources, chlorurées sodiques, émergent du
fond d'un bassin en maçonnerie, de quatre mètres carrés de surface,
recouvert de larges dalles à la sortie du bassin ; la source se perd
dans l'oued Melah, dont elle augmente fortement la salure.
Trois autres sources, appelées « Hammam des Ouchteta », sont
situées à onze kilomètres à l'ouest de Ghardimaou, auprès du djebel
Hammam et non loin de l'oued El-Djorf ; ces sources viennent
sourdre au fond d'un bassin creusé dans le roc ; chlorurées sodi-
- 30 -
ques et sulfurées, elles répandent une forte odeur d'hydrogène sul-
furé.
Ces thermes sont très fréquentés par les indigènes.
Chemtou. — Sur les bords de la Medjerda, et à quatre kilomè-
tres au nord de la station d'Oued-Méliz, se trouvent les ruines de
Simittu (Chemtou), ville romaine importante et fastueuse, bâtie près
d'une carrière de marbre qui eut une très grande réputation dans
l'antiquité.
Ce marbre, jaune et rose, était connu sous le nom de marbre nu-
midique, la carrière ayant appartenu d'abord aux rois de Numidie.
Elle devint ensuite la propriété de l'Etat romain. Cent ans avant
Jésus-Christ, on importait déjà à Rome le marbre de Simittu, et
deux routes permettaient d'expédier en Italie le produit de l'exploi-
tation : l'une suivait la vallée de la Medjerda et aboutissait à Car-
thage ; l'autre traversait toute la Kroumirie et gagnait le port de Ta-
barca.
Parlant de cette carrière, M. Cagnat s'exprime ainsi :
« Ce ne sont que parois coupées brusquement par des enfonce-
ments faits de main d'homme, que des rochers taillés à angles vifs et
tels que la nature en produit rarement. Rien de plus pittoresque que
cette colline toute jaune qui, en certains endroits, se revêt de teintes
rougeàtres et disparaît en d'autres sous une couche d'herbe et de
fleurs. L'ensemble de cette masse de marbre brut, à la fois imposant
et harmonieux, se détache vigoureusement sous le bleu foncé du ciel,
et le soleil, qui la frappe en plein, met quelque chose de plus chaud
encore dans les teintes naturelles du rocher.
« Avec les restes encore visibles de son exploitation antique, avec
les inscriptions qui éclairent son histoire, qui nous font connaître le
personnel d'alTrancliis et d'esclaves employés à l'extraction du mar-
bre, qui nous permettent de pénétrer dans le détail de son adminis-
tration, la carrière de Simittu, si célèbre jadis, est une curiosité tuni-
sienne. C'est mieux encore : on peut la regarder comme le type d'une
carrière romaine à l'époque impériale .»
Une société belge tenta, il y a (juelques années, d'en reprendre l'ex-
ploitation. Elle ht venir un matériel énorme (qui lui coûta fort cher)
et 150 ouvriers belges pour lesquels elle construisit de vastes bâti-
ments d'habitation et une chapelle catholique ; puis elle relia la car-
rière par une voie ferrée à la station d Oued-Méliz. Malheureusement,
- 31 -
ces gros sacrifices furent faits en pure perte, et l'exploitation dut être
arrêtée en 1899, à cause des veines ferrugineuses et calcaires qui sil-
lonnent les blocs et les déprécient.
On voit, à Chemtou, les restes d'un amphithéâtre, d'une basilique,
d'un théâtre, de thermes, de tombeaux, de fragments de sculpture ;
le temple des Boucliers, qui domine la carrière de marbre et qui est
construit en cette matière ; le pont monumental qui passe sur la Med-
jerda et qui reliait Simittu à Sicca Veneria {Le Kef).
« C'est à ces ruines, ditM.Ch.Tissot, qu'aboutit l'aqueduc quiame-
nait à Simittu les eaux de la rive gauche de la Medjerda, et dont les
longs alignements, se détachant sur l'horizon de la plaine déserte,
rappellent d'une façon saisissante certains aspects de la campagne ro-
maine. »
L'aqueduc de Simittu s'étend sur un parcours approximatif de
vingt-deux kilomètres, dont environ seize en montagne ; l'eau, prove-
nant de l'aïn R'zat, alimentait la ville, les jardins, la carrière de mar-
bi'e et les citernes qui, actuellement, servent de bergeries aux trou-
peaux des indigènes. A ce propos, M. Ghenel, ancien contrôleur civil
de Souk-el-Arba, faisait la remarque suivante :
« Il m'a semblé qu'il y aurait un réel profit pour l'agriculture à
débarrasser les citernes de Chemtou des immenses quantités de ma-
tières fertilisantes qui les encombrent et qui restent sans emploi. Ce
déblaiement permettrait, en outre, d'examiner attentivement le
parti que l'on pourrait tirer de ces citernes pour le cas où le centre
d'Uued-^Iéliz viendrait à prendre un certain développement. »
Thuburnica. — A six kilomètres de Chemtou et à une dizaine de
kilomètres de Ghardimaou, sur l'un des contreforts des montagnes
des Oulad-Ali, se voient les vestiges d'une autre cité romaine, de
moindre importance que Simittu, et qui portait le nom deColonia
Thiiburnica. Ces ruines couvrent une surface trapézoïdale de f)00
mètres de côté, mais les traces de constructions se prolongent sur
les deux rives de l'oued El-Hemdja. Cette position commandait le
débouché dans la plaine de la Medjerda, ainsi que les vallons qui
descendent des massifs d'El-Feidja. Le site est très pittoresque, et
l'on s'explique facilement qu'une ville florissante ait pu s'y dévelop-
per.
- 32 -
On y remarque : les ruines grandioses d'une forteresse placée au
point culminant de la cité ; un arc de triomphe, une curie, un temple
dédié à Mercure, des mausolées, puis une série de constructions où
Priape paraît avoir été fort en honneur :
« On ne rencontre à Thuburnica, dit le docteur Carton, que très
peu de débris d'habitations. On peut s'expliquer le fait en admettant
que les riches propriétaires des domaines environnants et des vallons
voisins avaient choisi ce point, le plus pittoresque de toute la région,
et qui était en même temps défendu par un poste militaire, pour y
élever des édifices où ils se réunissaient et célébraient des fêtes pu-
bliques, et pour y déposer les restes des leurs. Il y a peu de cités qui
présentent autant et de si beaux sépulcures que les mausolées de
Thuburnica. »
Deux Français, les deux frères, ont acheté aux indigènes, près de
Thuburnica, une assez grande étendue de terrains {"200 hectares
environ) et y ont construit quelques bâtiments agricoles. Ces colons
emploient la main-d'œuvre italienne et la main-d'œuvre arabe.
Ghardimaou. — Village situé sur la frontière algéro-tunisienne, à
190 kilomètres de Tunis, habité par un certain nombre de Français
et près de 200 étrangers.
Cette petite localité, d'aspect assez triste, offre une particularité qui
plonge dans la stupéfaction les voyageurs se rendant de Tunisie en
Algérie ou vice-versa, et qui ont tout le temps de l'examiner pendant
la fastidieuse visite des bagages: c'est le mur d'enceinte de son bordj.
Après l'occupation, le Gouvernement décida de construire un bordj à
Ghardimaou, et, naturellement, il chargea de ce soin un capitaine du
Génie. L'officier s'acquitta de sa tâche, édifia de massifs bâtiments
qu'il entoura de murs épais dans lesquels furent ménagés de nom-
breux créneaux. Seulement, la partie large du créneau, au lieu de
s'évaser vers l'intérieur du bastion et de ne présenter qu'une mince
ouverture à l'extérieur, s'ouvre, au contraire, toute grande, toute
béante en dehoris, du côté des assaillants présumables...
Si nous demandions au brave sapeur la raison de cette bizarrerie,
il est possible, après tout, qu'il en trouverait une, fùt-elle mauvaise;
à moins que, ce que nous avons tout lieu de croire, il se soit tout
simplement trompé de côté...
- 33 -
Le marché de Gliardimaou, qui se tient le mardi, est peu important.
Ce centre est, cependant, habité par quelques propriétaires euro-
péens possédant de 200 à 600 hectares de terres qui sont pour la
plupart, cultivés d'après la méthode arabe.
Ghardimaou est alimenté en eau de source de bonne qualité, bien
qu'un peu calcaire ; mais son réseau d'égouts est tout-à-fait rudimen-
taire. La fièvre palustre et les affections oculaires y sont assez fré-
quentes.
L'école des garçons de ce village renferme 31 élèves : 10 Français,
13 Italiens, 3 Maltais, 5 musulmans. L'école des filles en renferme 44:
16 Françaises, 27 Italiennes, 1 musulmane.
La Direction de l'Agriculture possède, à Ghardimaou, dix-neuf lots
urbains, dont quatre sont actuellement vendus.
Les ft Oliviers ». — En 1900, le Service des Domaines allotit une
propriété d'un millier d'hectares, dite «les Oliviers de Ghardimaou»,
située à 0 kilomètres au nord-ouest du village et provenant de déclas-
sement du Domaine forestier. Ces mille hectares de terres légères
divisés en onze lots variant de 50 à 118 hectares, furent mis en vente
par la Direction de l'Agriculture et achetés, de 1901 à 1903, par neuf
colons français (il fut attribué deux lots à l'un d'eux) et par un
Arabe.
Cinq de ces lots, renfermant des parcelles d'oliviers sauvages sus-
ceptibles d'être greffés, ont été vendus de 15 à 18 francs l'hectare;
les autres furent achetés à raison de 12 à 15 francs l'hectare. Les
conditions de vente ont été celles qui ftont habituellement imposées
aux acquéreurs des terres domaniales en Tunisie; l'acquéreur doit
construire, s'installer ou installer une famille française sur le lot
vendu, et mettre ce lot sérieusement en valeur, le tout dans un délai
de deux ans à partir du jour de l'entrée en jouissance. Pour les lots
renfermant des oliviers sauvages, l'Administration imposa, en outre,
à l'acquéreur l'obligation de greffer les arbres.
Que résultera-t-il de cet essai de petite et de moyenne colonisation
dans la région de Ghardimaou? On ne peut encore le dire, l'expé-
rience étant trop récente. Nous sommes cependant convaincu que
trois ou quatre de ces colons, qui ont fait bâtir et qui habitent sur
leur lot, y resteront et constitueront même, par la suite, de belles et
fructueuses propriétés. Les autres ne rempliront pas les conditions
— 34 —
exigées par le vendeur ou revendront leurs lots aux voisins et dispa-
raîtront. Dans cinq ou six ans, il y aura, au lieu dit « les Oliviers de
Ghardimaou », trois ou quatre grandes propriétés de '250 à 300 hec-
tares chacune.
Les colons installés sur ce point se plaignent de ne pouvoir, faute
de terrains de parcours, faire de l'élevage ; ils demandent à la Direc-
tion de l'Agriculture l'autorisation de laisser pâturer leurs troupeaux
sur les montagnes qui se trouvent à proximité des a Oliviers » ; ils se
plaignent également du manque de moyens de communication — et
il faut avouer qu'ils n'ont pas tous les torts, mais nous avons vu plus
haut que deux projets de chemins de colonisation concernant cette
région sont en ce moment à l'étude.
Oued-Méliz. — Oued-Méhz, station du chemin de ter, à 169 kilo-
mètres de Tunis, 23 de Souk-el-Arba et 11 de Ghardimaou, est une
petite agglomération de maisonnettes de grise apparence, mais son
marché du lundi est très important, et les marchands y traitent,
après la récolte des grains ou à l'époque de l'achat des bestiaux, des
affaires considérables.
Ce village se développerait s'il était pourvu d'eau potable; mal-
heureusement, il n'en a pas. L'eau des puits est tellement saumàtre
qu'elle est difficilement acceptée par les animaux pendant la saison
chaude, et les infortunés habitants en sont réduits à recourir à la
générosité de la Compagnie Bône-Guelma pour s'approvisionner en
eau douce. Cette eau est apportée de Souk-el-Arba et parfois de Tu-
nis; le chef de gare en distribue cinq litres en hiver et sept litres en
été, par jour, à tout liabitant européen.
La situation, sous ce rapport, est lamentable, et cependant une
source excellente, d'un débit suffisant, située à une dizaine de kilo-
mètres au sud d'Oued-Méliz, pourrait alimenter ce village; mais lors-
que les habitants, mourantde soifetobligés de fuir cet endroit désolé,
réclament, la Direction des Travaux publics répond « que ce travail
nécessiterait de grosses dépenses et ([u'elle va mettre à l'étude ]o
forage d'un puits public pour le marché». Alors, ce sera encore un
nouveau puits d'eau saumàtre ?... Mais les pauvres diables, il lums
semble, en ont déjà assez bu...
Il n'y a pas à ratiociner: ou bien il faut pourvoir d'eau potable
— 35 -
Oiied-Méliz, ou bien il faut se résoudre à voir disparaître ce village
<[ui agonise.
Dans la région d'Oued-Méliz, entre ce village et Chemtou, la Direc-
tion de l'Agriculture a acheté à la Société des Marbrières de Chem-
tou 000 hectares de bonnes terres qui, nettoyées et débarrassées
des toulTes de jujubiers qui les envahissent, se prêteraient admirable-
ment à la culture du blé, de l'orge, de l'avoine, des fèves et de la
vigne. 400 hectares environ, dont 200 loués à un Français, sont ac-
tuellement livrés à la colonisation. Un jeune Parisien, seul avec sa
femme, très jeune et très parisienne, a acquis de la Direction de
l'Agriculture l^O hectares de terres (à 125 francs l'hectare) situées à
peu de distance de Chemtou. Isolé dans la plaine, privé d'eau pota-
ble et de pistes, ce colon s'est mis néanmoins vaillamment à la tâche;
il a bâti une coquette habitation, des remises, des écuries; il a déjà
défriché une partie de son terrain et il fait de l'élevage sur les par-
ties encore couvertes de broussailles. Il est installé depuis dix-huit
mois, et il ne regrette pas — pas trop — le Boulevard ; il peine dur,
car il veut réussir. Il y a là, certes, une curieuse expérience de
moyenne colonisation qu'il sera très intéressant de suivre.
Trois parcelles, provenant du même lotissement, situées près de
Oiied-Méliz, sont encore à vendre parla Direction de l'Agriculture.
Un indigène vient d'acheter à Chemtou, à la Société des Marbrières,
177 hectares de terres arables à raison de 112 francs l'hectare; ces
terres sont situées de l'autre côté (rive gauche) de la Medjerda, et il
n'existe ni pont pour traverser la rivière, ni voies de communication
pour transporter les produits sur le marché d'Oued-Méliz.
De plus, cette même Société a vendu à un Sicilien, au pied du ro-
cher de Chemtou, 40 hectares de terres qui ont été converties en jar-
dins et en vigne; le Sicilien ayant négligé de payera la date conve-
nue, cette petite propriété se trouve disponible.
Enfin, on m'a dit que les héritiers de M. de Torcy venaient de faire
vendre, devant le Tribunal de Tunis, environ 250 hectares de terres
sises près de Chemtou. Ces 250 hectares auraient été acquis par des
indigènes au prix de 30.000 francs, soit 120 francs l'hectare.
Henchir-ZItoun. — Les habitants de Ghardimaou, lors de mon pas-
sage dans cette localité, m'ont mis au courant d'un fait sur lequel j'ai
- 36 -
l'honneur d'appeler l'attention de M. le Secrétaire général du Gouver-
nement Tunisien. Le voici tel qu'il m'a été conté :
Une femme indigène, la veuve El Hafsi, se prétendait propriétaire
de 700 hectares de terres de bonne qualité et d'olivettes, situées à six
kilomètres au nord de Ghardimaou, près des derniers contreforts de
la montagne. La veuve El Hafsi engagea avec la Direction de F Agri-
culture, pour la vente de cette propriété, appelée « Henchir-Zitoun »,
des pourparlers qui n'aboutirent pas, le Service des Domaines s'étant
assuré, après examen de la question, que 300 hectares seulement
appartenaient à la veuve et que 400 autres étaient litigieux.
La Direction de l'Agriculture ne pouvant se lancer dans une affaire
aussi nébuleuse, les négociations entamées furent brusquement rom-
pues.
Mais il se trouva trois spéculateurs européens, auxquels la veuve El
Hafsi avait confié ses intérêts, qui n'hésitèrent pas à se rendre acquéreurs
de l'henchir Zitoun.Or,quelquesjours après cette acquisition, ces trois
individus, accompagnés de l'huissier de Souk-el-Arba et d'indigènes à
leur solde, se rendirent sur le terrain et, sans avertissement préalable,
chassèrent avec la dernière brutalité, des terres qu'ils occupaient de-
puis un temps immémorial, sept douars composés de quarante-deux
familles, soit plus de 200 personnes. Ils arrachèrent les tentes, jetè-
rent au vent les approvisionnements de grains trouvés dans les silos,
bousculèrent les femmes, menacèrent les indigènes de mettre le feu
à leurs gourbis s'ils ne les évacuaient sur l'heure.
Les malheureux ont porté plainte contre cet acte de banditisme, qui
a eu une grande répercussion dans la Kroumirie tout entière.
Ceci s'est passé en pays de Protectorat français. Nous espérons que
la Justice, en la circonstance, ne se laissera pas gagner par une sen-
siblerie inopportune et qu'elle n'hésitera pas à sévir contre les Euro-
péens accapareurs .
CHAPITRE IV
I.e Caïdat des Chiahia et des OuIad-bou-Salem
Limites. — Ce Ciiïdat est habité par la tribu des Cliialiia, au
Xord, et, dans la partie Sud, par la tribu des Oulad-bou-Salem, (jui
occupe la plaine de Souk-el-Khemis. Il est limité au Nord, par la
Kroumirie: à l'Est, par les Amdoun, de Béja ; au Sud, par le terri-
toire de Téboursouk ; à l'Ouest, par les Djendouba.
Chiahia. — La région des Chiahia est valunnétî et montagneuse,
mais toutes les pentes des hauteurs s'inclinent doucement et sont
lavorables à la culture de l'orge et du blé, et la richesse de la terre
argilo-calcaire rend les récoltes abondantes. La superficie de ce pays
est d'environ t>8.U00 hectares, dont 9.000 en bois taillis, 1.000 de bois
futaie, 2.000 de Iriche, 1.000 de prairie et 15,000 de terres labou-
rables.
Le cours d'eau le plus important de la contrée est l'oued Ghazela,
([ui prend sa source chez les Khezara, court dans des gorges prolon-
iles et arrose une plaine fertile qui s'élargit vers l'Est ; arrivé au pied
du djebel R'hira, après avoir traversé un « khanguet » rocheux et
(Hroit, l'oued Chazela change de direction et descend vers le Sud ; il
|)orte alors le nom d'oued Uou-Hertma et a tous les caractères de la
Medjerda : son lit est encaissé entre des berges rongées par les eaux
et, à certains moments, la rivière, calme pendant Télé, se transforme
en torrent et emporte tout sui- ses bords. Quatre petits afiluents et
de nombreuses sources lui fournissent de l'eau toute l'année.
La vallée de l'oued Ghazela contient d'excellents pâturages ; le cli-
mat y est tempéré, mais la lièvre palustre y est très h-équentc ; les
hauteurs, les collines et les parties boisées sont réputées comme
saines.
La Tunisie du Nord 4
— 38 —
Le pays est attrayant, et Ton conçoit qu'il ait été et soit encore l'ob-
jet des convoitises des agriculteurs français, qui demandaient à la
Direction de l'Agricullure d'acheter, dans cette contrée, des terres de
colonisation et de les allotir. C'est dans ce but que cette Direction lit
étudier- la question en 1901 par M. Minangoin, inspecteur de l'Agri-
culture.
Il nous parait utile d'extraire du rapport que ce fonctionnaire éta-
blit à la suite de son enquête, quelques paragraphes intéressants :
« Au Nord-Ouest de la station de Den-Lîechir, et à environ treize
kilomètres, commence la région des Chiahia, comprenant deux par-
ties bien distinctes : la première, que l'on rencontre en venant de
Ben-J'echir et qui peut être considérée comme la partie plane, se com-
pose d'une série de mamelons cultivables ou cultivés; la deuxième
partie est formée par des coteaux un peu plus élevés qui limitent les
terres de culture du côté des Chiahia. Ces coteaux sont couverts de
broussailles, lcntis(iues et chênes kermès à l'Ouest, tandis qu'à l'Est
les oliviers sauvages dominent ; ces oliviers, qui occupent une surface
de 500 hectares, sont de toute beauté, et certains arbres y atteignent
des dimensions extraordinaires.
« Au pied des coteaux coule l'oued Bou-Hertma, qui arrose une
vallée dont les terres d'alluvion ont une grande fertilité et où il serait
possible d'établir un centre de colonisation assez important. J.a Direc-
tion des Forêts propose d'abandonner au Domaine environ 2.500
hectares, dans les(]uels seraient compris les oliviers, les broussailles,
les lentisques, les chênes kermès et une grande partie des terres
cultivables.
« D'un autre côté, les indigènes détenteurs du sol sont peu nom-
breux, et comme, d'autre part, ils sont ti-ès paresseux et pauvres, ils
cèdent les terres à des Kroumirs moyennant une certaine somme
d'argent; les Kroumirs jouissent ainsi du terrain par antichrèse, et
connue les soi-disant pro[)i'iétaires ne leur remboursent jamais la
somme prêtée, ils deviennent en (|ui'l<|ne sorte eux-UK-nies |iroitiié-
taires du terrain qu'ils cultivent.
« il est, j)ai'ait-il, possible en raclielanl aux Ki'ouniirs Icuis anli-
chrèses, c'est-à-dire en leur remboursant l'ai-gent prêté, d'ac(|uérir
par ce moyen les terres dont ils jouissent. C'est ainsi que les .MIoncli
(Juifs tunisiens) ont acquis j)lus do 'A(M) hectares, et ils se l'ont loi!
d'en acheter de la même manière 5 à (I.OtK) à raisonde .'{Oà (H) h'ancs
l'hectai-e. Ils, prétendent «pie l'on pourrait olVrir aux Arabes d(; les
cantonner dans une pai'tic, en leur donnant des lili'es poiu" les terres
<|ui leur s(.'i-aient ciblées. Au point de vue de la (•olo)ii8(ilioit, il ,serail
dif/icilc de Irouvcr des condilio)iH meillvurcs : terres de i)onne (|ua-
— M9 —
lité, propres, presque toutes défrichées, sources abondantes, et, par-
dessus tout, salubrité parfaite. »
Ce rapport favorable incita le Directeur de l'Agriculture à recher-
cher dans quelle mesure il lui était possible d'intervenir, afm de don-
ner satisfaction aux demandes, chaque jour plus nombreuses, éma-
nant des candidats colons. Mais, en présence des renseignements
conti'adictoires qui lui parvinrent de sources différentes, la Direction
de l'Agriculture décida de faire procéder à une nouvelle enquête.
Elle mit donc M. Minangoin, inspecteur des Forêts, et M. Pasquier,
sous-inspecteur des Domaines, à la disposition du contrôleur civil de
Souk-el-Arba, avec mission de voir si elle pourrait acquérir dans la
région des Chiahia quelques parties profitables à la colonisation fran-
çaise.
Du rapport déposé par la Commission composée des trois mem-
bres sus-cités, nous détachons les passages suivants :
« Les terrains visités par la Commission ont une superficie d'envi-
ron 3.975 hectares; ils peuvent être rangés en trois catégories : l»
terrains soumis au régime forestier, consistant en massifs d'oliviers
sauvages et terrains recouverts de broussailles, myrtes, cytises, len-
tisques, etc. ; 2" terrains incultes, utilisés par les indigènes pour le
parcours et le pâturage des troupeaux ; 3» terres de culture formant
enclaves dans les terrains précédemment désignés.
« La Commission croit devoir hmiter le périmètre des terrains do-
maniaux en n'y comprenant que des massifs d'oliviers sauvages et des
terrains broussailleux ou incultes, sur lesquels les indigènes ne peu
vent se prévaloir que de simples droits d'usage, et que l'Etat est fondé
à revendiquer en vertu des décrets des 4 avril 1890 et 13 janvier
1896.
« La Commission émet donc le vœu que, pour mettre ces terrains
à l'abri des contestations, l'Elat en requière l'immatriculation.
« Au point de vue de colonisation, ces terrains, dont la super-
ficie peut être évaluée à '2.075 hectares environ, ne peuvent être
utilisés que pour l'élevage du bétail et la constitution d'olivettes, no-
tamment dans les deux massifs boisés du djebel IVhira et du djebel
Zefîana .
« Dans les autres parties des terrains recomius, le sol argilo-cal-
caire convient presque partout à la culture de l'olivier; en certains
points, le défrichement donnerait de bonnes terres arables, notam-
ment dans les parcelles dénommées Argoub Rihane, Oudjet-el-Menas-
— 40 -
serda et Chari, situées dans des fonds de vallées : la culture de la
vigne pourrait être aussi tentée avec succès dans beaucoup d'en-
droits.
« Néanmoins, étant donné que le colon en s'installant n'aura à sa
disposition que peu ou point de terres de labour, il conviendrait de
ne créer que des lots d'une certaine étendue (de 100 à !200 hectares
environ), en se basant pour la fixation des contenances sur la situa-
tion des lieux, la qualité du sol et le genre de cultures à entrepren-
dre. »
Aux conclusions de ces deux enquêtes, la première optimiste, la
seconde moins enthousiaste, quoique encore favorable à l'idée d'ins-
taller des colons français sur quelques points bien définis de la région
des Chiahia, il est intéressant de joindre les judicieuses observations
extraites du rapport adressé par le Chef du Service des Domaines au
Directeur de l'Agriculture et du Commerce :
C( Les terrains que l'Etat serait susceptible d'offrir à la colonisation
sont ceux qui se trouvent dans les plus mauvaises parties, et ils sont
séparés par de nombreuses enclaves. A l'exception d'un groupe assez
important d'oliviers sauvages qui pourraient être régénérés par le
greffage, les différentes essences qui sont disséminées dans le péri-
mètre des terres incultes ne peuvent offrir de l'intérêt que si Ton cher-
che à reboiser. Le colon qui prendrait possession d'un terrain recou-
vert par ces broussailles ne pourrait donc l'utiliser que pour le par-
cours, et il se trouverait dans l'obligation de défricher pour faire des
céréales; or, le sol est, dans ces parties, de qualité médiocre.
« De l'avis du Contrôle civil, il faudra dépenser environ 150.000
francs pour permettre à une dizaine de colons de mettre du bétail sur
des lots de 200 hectares; je doute qu'on puisse engager des dépenses
semblables avant que les centres déjà existants ne soient pourvus de
routes et de points d'eau, qui leur sont indispensables.
« Dans cette alfaire, l'Administration est poussée par un courant
d'opinion qui a pour origine des voyages de reconnaissance très su-
jjerliciels. La beauté du site, la variété des aspects, ra{)parence des
récoltes donnent à celui qui passe l'impression du pays rêvé pour la
colonisation. A l'étude, le problème de l'installation des colons dans
cette région peut présenter de gi-aiides dillicullés.
« Les Arabes sont en possession des tei'res vraiment utilisables et
ne consentiront pas à déguerpir sans des mesures administratives
dont la portée est dillicile à délerininer pour l'avenir...
<i Aussi, à mon avis, le procédé le plus lalionnel consisterait à re-
— 41 -
connaître nux indigènes la propriété dos terres ({u'ils ont cultivés —
comme on le fait pour la réj^ion des Xelza — et à faciliter les Ir-an-
sactlons qui pourraient s'opérer entre Français et Arabes. »
Ces observations nous paraissent décisives. Que les agriculteurs
désirant s'installer dans la région /les Cliialiia traitent directeineut
avec les indigènes et prennent vis-à-vis de ceux-ci toutes les précau-
tions possibles, comme l'oiit fait trois ou <|uatre d'entre eux; mais
(pi'ils se dispensent de prétendre l'aire dépossé<ler les usagers indi-
gènes par rAdniinistration.
Quatre colons, trois Français et un Juif, ont acheté des terres dans
la région des Gliialiia. La plus importante de ces propriétés contient
environ !2()0 hectares de terres excellentes, propres à toutes les cul-
tures; la vigne y réussit admirablement, etle rendement des céréales
a élé cette année (190i) de : orge, douze pour un; blé, huit pour un;
avoine, quatorze pour un. Cette terre, située au milieu de la région
mamelonnée qui se trouve entre Ben-Bechir et Fernana, est égale-
ment très propice à l'élevage. La ferme domine la riche vallée des
Chiahiaet elle occupe l'ancien henchir Douémis. emplacement d'une
ville romaine appelée Saïa Major, comme nous l'apprend une dédi-
cace à Septime Sévère divinisé, datée de '213. Le nouveau proprié-
taire a établi son bordj sur les ruines du forum et a utilisé pour ses
constructions les fondations, les citernes, les caves et les esplanades
dallées qu'il a découvertes. Aux environs se voient de nombreux
vestiges d'exploitations agricoles, un temple, une porte triomphale,
une inscription à Jupiter, Junon et Minerve; des colonnades, des
statues et (pielques funéraires païennes ont été remises au Service
des Antiquités. Cette propriété a été acquise au prix de 130 francs
l'hectare.
A quatre kilomètres de cette ferme, un autre colon français, doc-
teur en médecine, s'est installé sur l'oued Kl-Lill,au fond de la vallée
au lieu du dit Ilenchir-Amri. Cette propriété, de soixante hectares, oc-
cupe également l'emplacement d'une ancienne ferme romaine. Elle a
été vendue par le khalilat de» Souk-cl-Khemis à raison de L20 IV.uics
l'hectare; elle n'est pas inmialriculée, mais les titres sont en règle, et
Tairairc a été conclue devant le Contrôleur civil.
Les pluies sont régulières, les sources abondiMil, plusieurs oueds
traversent cette belle vallée (jui a environ douz(^ kilomètn^s de long
- 42 --
et deux de large (soit à peu près '2.400 hectares de terres arables et
de prairies) et qui s'étend du djebel R'hira à Fernana. Les Arabes
vendraient leur terres, dans cette région, de 120 à 150 francs l'hec-
tare.
Les deux autres propriétés européennes sont situées sur le versant
sud des coteaux regardant la plaine de la Medjerda. L'une, de cent
cinquante liectares environ, a été cédée à un Juif tunisien à la suite
de prêts; elle se trouve dans la vallée de l'oued Leben. L'autre, située
à flanc de coteau, près d'El-Kheriba, contient une centaine d'hecta-
nes; les terres sont bonnes et les coteaux, argilo-calcaires humifères,
sont propices à la culture de la vigne.
La région des Ghiahia est dépourvue de voies de communication ;
la piste de Souk-el-Khemis à Fernana, par les Ghiahia, n'a été étu-
diée et aménagée que sur trois kilomètres environ vers l'henchir Doué-
mis; l'étude des autres parties est remise à une date ultérieure. De
sorte que, après chaque pluie, le passage est absolument impratica-
ble, et comme il n'existe pas de pont pour francliir l'oued Bou-Hert-
ma, les colons des Cliiahia, de même que ceux de Ben-Bechir. ne
peuvent fort souvent se rendre au marché de Souk-el-Khemis.
C'est le long de cette piste, dans la plaine s'étendant de Souk-el-
Khemis à El-Kheriba, que se trouvent les vergers et jardins maraî-
chers de Hadj-Amor-ben-Hassi; ils sont cultivés par une fraction de
nègres du Djerid qui se marient entre eux.
Les indigènes qui forment la tribu des Chialiia sont venus d'Egypte
au commencement du xvii" siècle; ils sont mélangés de Marocains et
de Maltais. Cette tribu, très sauvage, ne voulut jamais reconnaître
l'autorité du bey; elle prit une part active, de concert avec les Krou-
mirs, au mouvement qui se produisit dans la région contre l'entrée
de nos troupes.
Les Ghiahia ne clierchent pas à se mêler à nous et fréquentent peu
les marchés environnants; cependant, les quelques colons ({ui les ont
employés n'ont pas eu à se pkundre d'eux. Ils se livi'onl à l'élevage
du bétail et à la culture des céréales.
Souk-el-Khemis. Village d(^ crivilimi nW-cnh', siliK- daus la
plaine de la Medjerda, à ilH kilomètres de Tunis et à 22 kilomèlres
do Souk-el-Arba. ^rarché important le jcuili. La j)opulati()n française
de Souk-el-Kliemis est de l.T) âmes, et lui certain nombre de Fi'an-
- 43 -
çais, colons ou ouvriers agricoles, sont établis aux alentours. On y a
constaté, depuis trois ou quatre ans, une augmentation sensible de la
population italienne qui dépasse plus de 1.200 individus disséminés
dans la campagne; ces Italiens, Siciliens pour la plupart, sont em-
ployés aux mines, aux forêts, aux travaux publics, ou bien ils s'enga-
gent comme domestiques dans les fermes environnantes.
Souk-el-Khemis j)reiid chaque jour un réel développement, mais il
progresserait davantage et deviendrait vite un des plus gros bourgs
de la plaine s'il était doté d'eau et d'égouts. L'eau potable y est in-
connue; les habitants doivent se contenter d'eau magnésienne recon-
nue nocive ; seuls, quelques privilégiés peuvent, grâce à Tobligeance
de la Compagnie Bône-Guelma, s'approvisionner en. eau pure appor-
tée par les wagons-citernes. Quant aux égouts,ils n'existent pas; aussi
dès la moindre pluie, patauge-t-on lamentablement dans un cloaque
infect d'où se dégagent de pestilentielles émanations. La majeure par-
tie des puits sont contaminés, et l'éclosion de graves épidémies est à
craindre sur ce point si la Direction des Travaux publics n'établit
bientôt le réseau dégoûts légitimement réclamé par la population.
Les habitants de Souk-el-Khemis demandent, en outre, que la Di-
rection précitée procède au plus tôt à l'adduction des eaux d"EI-
Balta, sources situées à dix kilomètres au nord du village, sur le flanc
du kef El-Labiet, qui sépare la Kroumirie de la vallée de la Medjer-
da. Ces sources, abondantes et d'excellente qualité, avaient été uti-
lisées par les Romains, et elles arrosaient de nombreux jardins. On
trouve encore, à proximité du rocher d'où elles jaillissent, les ruines
d'un castrum, d'une tour, de chambres funéraires, d'un ba.^sin et
d'un aqueduc qui avait été construit pour l'usage de plusieurs éta-
bhssements dont les habitants s'étaient, fort apparemment, associés
pour capter, diriger et se partager les eaux des sources. Les travaux
de captation et d'adduction de ces sources au village de Souk-el-Khe-
mis sont évalués par le Service des Ponts et Chaussées à '250.000
francs.
Pour contrebalancer le mouvement de hausse factice que la spécula-
tion avait créé sur les terrams de ce village et qui se serait opposé à
son développement rationnel, la Direction de l'Agriculture a acquis à
Souk-el-Khemis des terrains urbains «lont la population attenil avec
impatience le lotissement; cette opération doit être exécutée et les
ots mis en vente dans le courant de l'année 1905.
— 44 —
Une école mixte est ouverte dans le village ; elle est tenue par un
instituteur qui est, en même temps, receveur des Postes et Télégra-
phes. On y compte 35 élèves : 7 Français et Françaises, 18 Italiens et
Italiennes, 10 indigènes (garçons).
La plaine de Souk-el-Khemis. — La vallée delà Medjerda atteint
sur ce point, sa plus grande largeur, environ '25 kilomètres, qui se
trouvent compris entre les deux systèmes orographiques des Chiahia
au nord, et du kef Gorra, au sud. Elle est d'une grande fertilité,
grâce à ses terres argilo-calcaires bien pourvues d'acide phosphori-
que, et ses exploitations agricoles se font remarquer par la richesse
de leurs cultures. Deux rivières la découpent pour aher porter leur
tribut au fleuve.
C'est là que, au cours d'une même année, les transformations de
la campagne se montrent sous leur aspect le plus saisissant. Pendant
les labours et les semailles, la plaine immense est plissée de sillons.
Puis, durant six ou sept mois, elle déroule la nappe ondoyante de sa
verdure, jusqu'à l'époque de la moisson, où elle se calcine et se fen-
dille sous le flamboiement du ciel. C'est alors l'uniformité roussàtre
de la grande solitude triste, où pas une alouette ne chante, où pas un
arbre ne bruit.
La plaine de Souk-el-Khemis est occupée par les Oulad-bou-Sa-
lem, tribu pacifique comptant 4,500 individus, et qui ensemence en-
viron 20.000 hectares. Elle est également occupée par une trentaine
de fermes françaises, étabhes sur 10.000 hectares environ, dont les
deux tiers ont été acquis et revendus par le Domaine de l'Etat.
La Direction de l'Agriculture a, en effet, acheté aux héritiers Kheï-
reddine dix propriétés rurales situées dans le caidat de Souk-el-Khe-
mis, ayant ensemble une superficie approximative de 6.004 hectares.
L'Etat a déjà revendu 5.201 iiectares, et il possède encore 803 hec-
tares, répartis en trois propriétés qui seront incessamment aliénées,
mais dont quelques parcelles seront réservées pour les lots urbains
et industriels.
Cette plaine de Souk-el-Khemis est une de celles où la colonisation
européenne a le plus pénétré. On peut admirer, non loin des villages,
quelques grands domaines français merveilleusement cultivés d'après
les méthodes rationnelles les plus modernes. Un peu plus au sud, à
dix kilomètres de Souk-el-Khemis, seize kilomètres de Souk-el-Arba
- 45 —
eLdeux kilomètres de l'oued Tessa, est situé i'hencliir Kheireddine, ou
Merdja, auquel nous avons lait allusion ci-dessus, et qui a été livré à
la colonisation en 1903.
Vingt-cinq lots, de 44 à 104 hectares, ont été vendus à des Fran-
çais, à des prix variant de 100 à 180 francs l'hectare, suivant la qua-
lité du sol; cinq lots sont réservés par l'Administration. Les terres,
argilo-calcaires et argilo-siliceuses, conviennent tort bien à la culture
des céréales et de la vigne, et le colon peut s'y livrer, avec fruit, à
l'élevage des bœufs, des chevaux et des mulets.
La sécurité est parlaite et la salubrité suffisante, mais elle serait
augmentée par l'établissement de canaux d'assèchement qui draine-
raient les parties marécageuses couvertes de joncs et par l'adduction
d'eau de source.
Dans ce beau pays de plaines où la Direction de l'Agriculture a
acheté, alloti et revendu des terres excellentes, la Direction des Tra-
vaux publics va doter les agriculteurs d'un des éléments qui sont les
plus nécessaires au début d'une installation : les routes.
La Commission qui fut chargée, en 1902, par M. le Résident Géné-
ral, d'étudier l'établissement d'un centre de colonisation sur le terri-
toire de l'iienchir Kheireddine s'exprimait ainsi :
« Nous n'avons pu trouver ni source ni puits donnant une eau po-
table pour une agglomération française ; les eaux, chlorurées ou ma-
gnésiennes, servent cependant à l'alimentation des indigènes. Il se-
rait urgent détucUer un projet d'adduction, à Souk-el-Kliemis, des
eaux de la source de Balta, qui figurent parmi les plus pures et les
meilleures de la Tunisie. Elles alimenteraient Souk-el-Khemis, les
fermes françaises des environs, et, par un embranchement spécial, le
centre à créer. La dépense exigée par ce travail ne dépasserait pas
200.000 francs.
a II n'existe, dans la région, qu'un petit nombre de pistes, et il g
aurait lieu de créer deux routes : l'une partant de la route de Souk-
el-Khemis à Téboursouk, par Saint-Joseph-de-Thibar, l'autre, trans-
versale, partant de cette première route, passant par le centre et re-
joignant la route de Souk-el-Khemis àSouk-el-Arba près du gué actuel
de l'oued Tessa. ^^^
« Il serait bon de réserver pour les pâturages les parties basses, où
l'on constituerait un connnunal qui serait attribué à l'ensemble des
colons organisés en syndicat. On réserverait aux ce mechta i> exis-
tantes un emplacement suffisant pour leur habitat, les indigènes de
ces mechta devant fournir aux colons la main-d'œuvre nécessaire. »
(.1) Ces travaux sont en voie d'exécution.
— 4G —
L'établissement des colons de la Merdja date d'hier, et on ne peut
pronostiquer demain. Le choix des Français installés est bon : quel-
ques-uns ont suivi les cours spéciaux d'agronomie prolessés à l'Ecole
coloniale d'Agriculture de Tunis; d'autres ont fait, avant d'acheter
des terres, un stage plus ou moins long en Tunisie, soit comme ou-
vriers agricoles dans les fermes françaises, soit comme métayers. Il en
est certains, cependant, qui n'ont pas pris effectivement possession
de leurs lots, ou plutôt qui ne s'y sont pas installés ou n'y ont pas ins-
tallé une famille française avant le le'' octobre 1904, comme le pres-
crivaient les conditions fixées par l'arrêté du Directeur de l'Agriculture
du 23 juillet 1902. Ils se sont contentés de louer, à prix élevé, leurs
terres aux indigènes ou à des étrangers.
L'Administration a fait, à la Merdja, un essai de moyenne colonisa-
tion; sept lots, à la vérité, n'atteignent pas 75 hectares, mais sept au-
tres lots ont de 75 à 100 hectares, et deux lots ont de 100 à 164 hec-
tares. La première moisson, récoltée en 1904, a satisfait les colons
qui, en certains endroits, ont obtenu : en orge, vingt pour un; en
avoine, vingt-cinq pour un; en blé, seize pour un. C'est un beau ré-
sultat, sur lequel on ne peut se baser pour établir une moyenne. Mais
en général, le rendement que l'on obtient dans cette plaine par la cul-
ture des céréales est supérieur à celui que produisent les vallées de
l'ouest de la Medjerda, c'est-à-dire les vallées situées entre l'oued
Tessa et Ghardimaou.
Il faut à une famille de colons français, pour réussir à la Merdja,
environ 80 hectares de bonne terres, car, sous peine d'arriver rapi-
dement à un épuisement certain du sol, on ne doit ensemencer, cha-
(jue année, que la moitié de la propriété, et laisser reposer l'autre
moitié. En- opérant ainsi, le colon peut obtenir, en moyenne, 200
francs de recettes brutes par hectare de céréales, soit S.OlX) francs
pour 40 hectares ensemencés, alors qu'il aura dépensé (non compris
son temps et ses peines) 80 francs par hectare, soit 3.200 francs pour
les 40 hectares: Il lui restera donc 4.800 francs, sans compter le bé-
néfice qu'il pourra réaliser par l'élevage du bétail sur les 40 hecta-
res laissés en jachère, ce qui peut assurer l'existence de sa famille.
Ces chances de succès supposent — nous insistons sur ce point —
d'une part, de l'eau potable en suffisance, et, d'autre part, une via-
bilité bien entendue permettant de ne point grever les produits de
lourds frais de transport.
- 47 -
Kii (Iclioi's (Ida Merdja, il existe dans les eiivii-onsde Soiik-el-Klie-
jiiis plusieurs petites: lennes plus anciennes, el non moins inir-ros-
sant.es, mais c'est dans le voisinaj^e rie Sonk-el-Kliemis, enti'e ce vil-
lage et la ^lerdja, t\\\(' ron voit des proiiriétés de TAK), de 800, de
i.OOO hectares et plus, fort beaux domaines que les propriétaires, co-
lons « modem style », ont pourvus d'un outillai^e perrecliomié, im-
porté de la libre et pratique Améiicjue. Les plus vastes exploitations
de ce genre occupent les lienchirs de Zaouen, de Zama, d'Ouled-ben-
Abid, de Romani, etc.
Zaouen comprend 1.600 liectares enviion; ce sont des terres de
plaine un peu argileuses, mais de première qualité. On y fait sur-
tout la culture des céréales, qui porte cliaque année sur 000 ou 7(M)
hectares. Le vignoble comprend 145 hectares, dont i'M) irrigués.
Deux moteurs de '20 chevaux actionnent deux pompes qui envoient
dans la vigne l'eau de la Medjerda au moyen de canaux en ciment
armé, 120 chevaux et mulets sont employés pour la mise en valeur
de ce domaine, qui est doté d'un matériel très complet et très per-
fectionné.
Zama contient 400 hectares, dont 50 hectares en vigne. La terre
est encore plus argileuse qu'à Zaouen et convient moins à la vigne
qu'aux céréales. Le vignoble est irrigué à l'aide des eaux de la Med-
jerda. Ces eaux fertilisantes ont un inconvénient, celui de colmater
la terre en raison de la proportion d'argile qu'elles charrient, et elles
peuvent rendre les labours difficiles. Il y aura peut-être lieu de cor-
riger la constitution du sol par des apports de sable.
Zama est pourvu d'un cellier bien agencé et d'un matéiiel agricole
en rapport avec l'importance de l'exploitation. Le- vin de cette exploi-
tation est demandé à l'exportation [)Our les coupages. 11 est riche en
tannin et en alcool.
Le domaine d'Uuled-ben-Abid comprend 900 hectares de bonnes
terres presque toutes en plaine. La culture des céréales y domine;
elle est faite d'une manière exlensive et les laboui's de printemps n'y
sont pas encore pratiqués; 000 hectares sont ensemencés chaque an-
née. La propriété ne comprend qu'un hectare et demi de vigne. Ce
domaine poui'rait être irrigué sur une certaine étendue par l'oued
Kessib : un canal d'arrosage part de cet oued et peut amener l'eau
jus(iu"à l'extrémilé du domaine; mais l'eau n'est utilisée ipie parles
— 48 —
indigènes auxquels elle est vendue chaque année pour l'irrigation de
leurs récoltes.
Romani est placé au-dessus de l'oued Kessib. Il comprend 500 hec-
tares environ, dont 50 hectares en vigne. C'est le vignoble qui repré-
sente la branche la plus importante de l'exploitation. Le propriétaire
a utilisé et rétabli un barrage romain placé sur l'oued Kessib et, au
moyen d'un long canal de dérivation, amène l'eau dans la vigne. Cette
eau est claire et limpide. La vigne encore jeune, a donné cette
année un rendement de 80 hectolitres à l'hectare. On fait peu de
céréales à Roumi; les terres sont surtout utilisées pour l'élevage du
mouton.
Un autre colon possède, à la porte de Souk-el-Khemis, deux exploi-
tations d'environ '250 hectares, placées sur chacune des rives de la
Medjerda. L'exploitation de la rive droite possède un vignoble d'une
trentaine d'hectares, celle de la rive gauche n'en a que six ou sept.
Les vignes sont déjà âgées. Les terres de culture sont consacrées aux
céréales.
CHAPITRE V
Le Caïdat d'Am-Drahani
Orographie. — Le caïdat d'Aïn-Draham est limilé : au nord par
la mer Méditerranée, à l'ouest par la commune mixte de La Galle
(Algérie), au sud par les Caïdats de la Regba, des Djendouba et des
Chiahia, à l'ouest par les Caïdats des Amdoun et des Nefza (Contrôle
de Béja).
Le pays des Kroumirs, montagneux et boisé, est un massif distinct,
produit par un soulèvement de l'Atlas. Il présente les caractères de
la Petite Kabylie.
C'est aux environs d'Aïn-Draham qu'apparaissent les montagnes de
Kroumirie avec leur grandeur inculte ; c'est là qu'elles ont rassemblé
leurs masses profondes et dressé leurs plus hautes cimes. Le point
culminant (1.030 mètres) et central du massif est le djebel Bir, qui
envoie ses ramifications dans toutes les directions.
Les eaux qui en sortent vont tomber : l" dans l'oued El-Kebir, de
la province de Constantine, par l'oued Liefeha ; 'i» dans la Med-
jerda, par le khanguet El-Meridj et l'oued El-Lil ; 3'> dans la mer,
par l'oued Mella, qui devient oued Tessala, puis oued El-Kebir, près
de ïabarca.
Plusieurs tribus occupent le territoire de ce Caïdat. Les douars des
Kroumirs Selloul sont disséminés dans la vallée de l'oued Mella, sur
les deux rives de ce cours d'eau, s'étendant au nord jusqu'au camp
d'Aïn-Draham et au sud jusqu'aux bords de l'oued Ghazella.
Lavalléede l'oued Mella se trouve formée par <leux chaînes de mon-
tagnes se rattachant au djebel Bir ; on y voit des clairières ou pous-
sent de gras pâturages, et le beau plateau d'El-Mena, tl'où sortent
des sources abondantes. Les cols y sont nombreux, traversés par des
• — 50 —
pistes ou des sentiers muletiers, et les lianes des monticules peu es-
carpés sont cultivés avec soin.
Les Kroumirs Tadmaka et Atatfa sont campés dans les vallées de
Foued Rhedir, de l'oued Meridj, de l'oued Tasfer, de l'oued Madjen,
de l'oued Zéen et sur les djebels Bir, Merdjida, Biskra, Sebah et
Arar. Ils vivent sous la tente et ils élèvent quelques troupeaux.
Avant notre arrivée, ils cultivaient le tabac, et chaque tente en
vendait au moins pour 500 piastres par an : le monopole les a rui-
nés. Ils n'ont aucune industrie ; les femmes seules fabriquent des
« flidj » et des « tellis » pour leurs besoins. Quelques indigènes
possèdent des propriétés dans le caidat des Chiabia, terres qu'ils se
sont procurées par les moyens indiqués dans le chapitre précédent.
Le territoire des Tadmaka et des Atatfa est arrosé par de nombreux
oueds et sources qui coulent entre des ravins à pic et sur des lits
rocailleux encombrés de blocs énormes. Les vallées sont étroites,
d'accès difficile ; les montagnes sont couvertes de chènes-liège ma-
gnifiques ; le terrain labourable est rare. On y rencontre trois sour-
ces d'eau minérales : l'une, Aïn-el-Melh, à quatre kilomètres d'Aïn-
Draham, dans la vallée d'oued Mella, contient des sels d'iode, de
brome et de chlore ; les deux autres sont situées dans le khanguet
El-Hammam, à douze kilomètres environ d'Aïn-Draham ; l'une, peu
abondante, est très sulfureuse (30 degrés) ; l'autre, bouillante, légè-
rement sulfureuse, débite 100 litres à la minute. Elles sont très fré-
quentées par les indigènes.
Les Kroumirs de Tabarca se divisent en plusieurs fractions, dont
les principales sont : les Oulad-ben-Saïd, les Houamdia et les Oulad-
Amor. Il convient d'y ajouter un petit noyeau de Zouaoua, venus de
Kabylie. Ces Kroumirs habitent la partie nord du caïdat d'Aïn-Dra-
ham, pays excessivement montagneux et qui forme deux massifs dis-
tincts, séparés par la plaine de Tabarca. Ces deux massifs se déhi-
chent delà chaîne principale ; cekii de l'ouest finit abruptement sur
la mer, entre le cap Roux et Tabarca ; l'autre massif s'étend au nord-
est et forme de profondes vallées ; il se termine dans un pays do
dunes qui le sépare de la mer.
Les montagnes sont boisées et le fond des vaflées est cultivé ; la
hauteur moyenne des côtes varie entre 300 et ('i)0 mètres. En raison
de la configuration du pays et de la nature du sol, les cours d'eau
présentent presque tous un caractère torrentueux ; les sources sont
aboii(|;iiitcs en liivci'ct an pfiiilemps : en été, beaucoup disparaissent,
mais il m rcsU' un ccrLaiii noniljre qui douriout do l'eau toute l'an-
née. La superficie des terres cultivables est peu étendue, et les ré-
coltes loutiiissent à peine aux besoins des babitants pendant les
bonnes années. Les terrains cultivés sont en plaine et sur les pentes
douces, vers le pied des montagnes.
Forêts. — MAI. les inspecteurs des Forets, Minanj^oin, d'Aïn-Dra-
ham, et DeL;réaux, de Tabarca, ont eu l'extrême oblii,'"eance de me
Idurnir de très intéressants renseignements sur leurs circonscrip-
tions lorestières. Il est nécessaire de publier ni extenso ces deux
notes :
Rapport de M. Mh\A.\(ioiN
« La circonscription forestière d'Aïn-Drabam s'étend du Sud-Ouest
au Nord-Est, sur une longueur totale d'environ quarante kilomètres,
pour une largeur moyenne de vingt kilomètres.
(f Elle comprend cin<] massifs pi'incipaux désignés sous les noms
suivants :
Forêt d'Aïn-Draliam, dune contenance de tZO.Sfô hectares
— des Cliialiia, — ll.O^ —
— d'Uued-Zéen, — 7.(KI() —
— du djebel Tegma, — i.O^Ô —
— de Fernana, — ,"). 170 —
ToTAi 17.0^20 hectares
(( Les principales essences (|ui composent ces massifs sont le chêne-
liège (7/10'"^) et le chêne zéen (2/10'^^^). L'olivier sauvai^e et (luelfjues
autres essences secondaires forment, avec des broussailles, le sui-[)lus
des boisements.
« Toutes ces forêts sont aménagées; les travaux de mise en valeur
y sont à peu près terminés, et des exploitations y ont lieu réguliè-
rement clKKjue armée".
(( Les pi'incipaux [)r()duils consistent en lièges, en écorces à tan,
en bois dVeuvre et en charbon.
« L — La récolte du liège de reproduction a commencé en 181>î ;
elle est faite par les soins et aux frais de l'Administration, soit en
régie, soit à l'eutrepi'ise, et les lièges récoltés sont vendus par lots,
en adjudication puhli([ue, au quintal. La production suit une marche
ascendante: la moyemie des cinq dernières années a été de î(.0(K)
(juinlaux, vendus à raison de 2<) francs le quintal : elle atteindra dans
quelques années le chilfre de '20.000([uiiilaux, d'une valeur de '2^)0. C>tH)
- 52 -
francs. Ces lièges sont achetés par des négociants d'Algérie qni les
enlèvent bruts pour les travailler dans leurs usines. Le droit d'entrée
en France ('25 francs par quintal) des lièges ouvrés provenant de Tu-
nisie a empêché jusqu'ici l'industrie du liège de s'implanter dans la
Régence, au grand détriment des centres forestiers d'Aïn-Draham et
de Tabarca, dont la prospérité est intimement liée au développement
des industries qui utilisent les produits des forêts domaniales. L'Etat
Tunisien aurait également grand intérêt à ce qu'une partie des lièges
provenant de ses lorêts fût travaillée sur place, car l'économie réali-
sée sur les frais de transport de la matière première à l'état brut se
traduirait par une augmentation dans les prix de vente, et l'Adminis-
tration forestière trouverait facilement acquéreur pour les lièges de
qualité inférieure qui, dans les conditions actuelles, se vendent à des
prix intimes.
« IL — Le commerce du liège mâle a pris depuis l'an dernier une
gi-ande importance, par suite du développement de l'industrie des
agglomérés de liège. Les écorces qui, jusqu'ici, restaient à peu près
iiuitilisées dans les coupes et dans les cantons démasclés, se vendent
aujourd'hui à raison de 5 francs le quintal rendu au port de Tabarca.
L'Administration forestière a pu ainsi réaliser un bénétice assez con-
sidérable, en concédant le ramassage des lièges mâles gisant en forêt
depuis quelques années.
(( IIL — L'exploitation des écorces à tan provenant des vieux
arbres non susceptibles de donner du liège de reproduction, porte
chaque année sur une moyenne de (3.000 arbres produisant environ
10.000 quintaux d'écorces à tan. Les cours de cette marchandise
varient beaucoup d'une année à l'autre: après être resté longtemps
stationnaire aux environs de 10 francs, le prix du quintal est remonté
brusquement l'an dernier à 17 et même 20 francs pour les écorces
sur pied. La quantité d'écorces à tan restant à exploiter dans la cir-
conscription d'Aïn-Draham est d'environ 100.000 quintaux.
« IV. -^ Les bois d'œuvre proviennent exclusivement des massifs
de chênes zéens, où des coupes sont marquées et mises en vente clia-
(pie année. Ces bois sont utiUsés uniiiuement pour la fabrication des
traverses de cliemin de fer employées sur le réseau tunisien ; ils se
vendent à raison de 4 francs le mètre cube ^n'ume sur pied, en moyen-
ne, et le volume exploité annuellement est d'envii'on 8.0(K) mètres
cubes. Le matériel exploitable l'Cstant encore à l'éaliserdans les forêts
de la circonscription d'Ain-Draliam j)eut être évalué à ,j(). 000 mètres
cubes de l)ois d'œuvre.
« V. — La fabrication du cliiii'hoii do bois iililiso une corlaiiio ([uaii-
lité des rémanants des exploitations de chênes-liège et de chênes
zéens. Ce charbon appartient naturellement aux adjudicataires des
— 5J —
coupes : lu plus grande partie est vcMidue aux concessionnaires de
mines ; le surplus est cantonné dans les localités voisines ou trans-
porté à Tunis.
(( La nnoyenne annuelle des produits bruts en argent des forêts de
la circonscription d'Aïn-Dralianfi s'élève, pour la période des cinq
dernières années, à 34U.0UU francs en cliiiï'res ronds (non compris
l'exercice en cours).
« Les dépenses pour travaux neufs (récolte de lièj^e, démasclages,
améliorations, etc.) s'élèvent en moyenne à 85.00(3 francs par an; les
travaux d'entretien absordent une somme d'environ 18.000 (rancs.
« Le personnel de la circonscription se compose d'un inspecteur,
chef de service, de deux brigadiers, neuf gardes français et douze
gardes indigènes. Tout ce personnel est logé dans des bâtiments cons-
truits par les soins et aux frais de l'Administration forestière.
(( Le total des traitements et indemnités fixes s'élève à 41.000
francs.
c( Les principaux travaux effectués pour la mise en valeur des
massifs forestiers dépendant de la circonscription d'Aïn-Draham ont
consisté en :
« Démasclage de 3.000.000 de chênes-liège ;
(( Ouverture de 856 hectares de tranchées de protection ;
« Construction de 534 kilomètres de chemins et sentiers ;
«( Construction de douze maisons forestières et de douze maison-
nettes pour gardes indigènes ;
« Captation de sources, construction de fontaines, citernes, etc.
c( Pour tous les travaux forestiers proprement dits, l'Administration
emploie presque exclusivement la main-d'œuvre indigène, qui donne
de très bons résultats. Les ouvriers européens sont du reste peu nom-
breux dans la région d'Aïn-Draham : ceux qui résident dans le pays
sont italiens ou espagnols.
« Par suite d'une tolérance plutôt que d'un droit d'usage régulier,
les indigènes introduisent librement leurs troupeaux au parcours dans
les cantons de forêts reconnus défendables. Les jeunes coupes de
régénération (chênes zéens) et les parties incendiées depuis moins
de six ans sont seules mises en défense. Mais l'Administration s'est
opposée jusqu'ici à ce que les colons européens installés à proximité
des forêts domaniales y introduisent gratuitement leurs troupeaux ;
ce serait, en etîet, créer de nouveaux droits d'usage au déti'iment (ies
massifs forestiers et des populations indigènes sur le territoire des-
quelles sont situés ces massifs.
« Cependant, pour favoriser le développement de la colonisation
en Kroumirie, l'élevage des porcs en forêt est autorisé moyennant
une redevance de 30 cenlimes par hectare concédé au parcours et
suivant un cahier des charges réglant les conditions du pacage. De-
La Tunisie du Nord "
puis IDUo, ces concessions sont réservées en principe aux seuls
colons français installés sur le territoire du Contrôle civil de la si-
tuation des forêts ; néanmoins, pour sauvegarder les intérêts des
éleveurs de nationalité étrangère qui étaient déjà concessionnaires
les années précédentes, TAdministration a renouvelé jusqu'à présent
leurs concessions. En présence des nombreuses demandes de pa-
cage adressées par des colons français et des réclamations qu'entraî-
ne la nature transitoire prise en laveur des étrangers, on peut se
demander s'il ne conviendrait pas de rapporter cette mesure, à partir
d'une date assez éloignée qui serait portée à la connaissances des
intéressés.
(f L'élevage du porc en forêt, surtout s'il est trop intensif, présente
de sérieux inconvénients et occasionne des dommages que ne com-
pense pas la redevance payée par les concessionnaires.
« 11 serait donc utile de réduire dans une juste mesure le nombre
des porcs introduits au pacage dans les forêts domaniales, en n'accor-
dant plus à l'avenir de concessions qu'aux colons français établis dans
le pays. Actuellement, ces concessions portent sur environ 20.000
hectares dans la circonscription d'Aïn-Draham : le nombre d'animaux
déclarés par les concessionnaires s'élève à 2.000, et le total des rede-
dances payées à l'Etat, est de 6,000 francs. »
Rapport de M. Degréaux
« Les forêts de la circonscription de Tabarca occupent sur le terri-
toire du Contrôle civil de Souk-el-Arba une superficie d'environ 30.000
hectares, dont 7.000, à l'état de broussailles, forment le l)oisement
des dunes littorales.
(.< Les principales essences qui composent la forêt sont, par ordre
d'importance, le cliêne-liège, le chêne zéen et le pin maritime, ce
dernier confiné sur la frontière algérienne.
« Les bruyères, l'arbousier, le myrthe et le lentisque forment les
sous-étages de la futaie.
« L'installation du Service forestier remonte à IH8(). D'abord em-
bryoïmaire et limité aux massifs les plus voisins de Tabarca, il s'est
peu à peu étendueta aujourd'hui son organisation complète. Un agent
chef de circonscription, deux brigadiers, cin(| gardes h'ançais et huit
gardes indigènes, logés dans des maisons lorestières, assurent la ges-
tion des forêts situées sur le Contrôle civil de vSouk-el-Arba.
<' Les travaux de mise en valeur ont commencé <lès 1880. Ils ont
consisté en travaux de protection contre l'incendie, ouverture «le
voies de vidange et de comnumicalion, démasclage de chênes-liège.
« Les travaux de |)rotection contre l'incendie sont de deux sortes :
i"les tranchées garde-feu ou parcellaires, dont la largeur varie de 5
— 55 -
à 150 mètres ; elles atteii^iienl iictucllemeat un déveluppeirient df? ."i^U
kilomètres ; 2" les débroussaillements en plein, exécutés sur une su-
perficie de 1.470 hectares.
« Les voies de vidange ou de communication consistent en sentiers
muletiers et en chemins charretiers.
« La longueur des sentiers ouverts jusqu'en lîMJi est de l/X)
kilomètres ; celle des chemins charretiers de 3.") kilomètres seu-
lement.
a Les démasclages ont porté sur deux millions de chênes-liège :
les premières récoltes de liège de reproduction ont commencé en
1895. Elles ont donné jusiju'ici 6.320.000 kilogrammes de liège qui
ont été vendus 1.5(K). 000 francs. Les lièges de Tunisie sont achetés
par des négociants d'Algérie et du Var qui les exportent à l'état brut.
Des tarifs douaniers prohibitifs ne permettent pas d'exporter ces pro-
duits manufacturés en France et à l'étranger.
« En même temps qu'il procédait à la mise en valeur des massifs
forestiers, le Service exploitait les produits immédiatement réalisa-
bles: l'écorce à tan des vieux chènes-liège impropres à la production
du liège de reproduction et le bois de cliéne zéen pour être converti
en traverses de chemin de fer.
(( De 1880 à 11X)4, il, a été exploité 18.800 vieux chênes-liège qui ont
produit en matière 2.350.000 kilogrammes d'écorce àtan et en argent
1.665.000 francs ; les écorces à tan sont exportées en Italie.
«f Les boisements de chênes zéens sont peu importants dans la cir-
conscription de Tabarca. Jusqu'ici, il n'a été exploité que 11.000 ar-
bres dont le rendement en matière a été de iO.OOO mètres cubes et
en argent de 31.000 francs.
i( Le pin maritime n'a pas d'utilisation commerci.de. Les indigènes
s'en servent pour la construction de leurs gourbis.
« L'élevage des porcs est autorisé dans les forêts sous certaines
restrictions et en faveur des colons français. Le nombre d'animaux
pâturant en forêt est de 1.350. La redevance par tête est fixée à 3
francs.
« Le Service forestier, n'étant pas tenu en Tunisie par les règle-
ments étroits de la métropole, a pu se montrer tolérant à l'égard
des populations indigènes et leur laisser la jouissance de la forêt en
ce qu'elle n'a rien d'abusif. D'autre part, les travaux forestiers pro-
curent des moyens d'existence à une population pauvre et qui, par
suite, n'a pas d'intérêt à déti'uire la forêt qui la fait vivre. Peut-
être faut-il attribuer à ces causes le peu de Iréquence des incendies
en forêt.
« D'ailleurs, les mesures prises parle Gouvernement du Protecto-
rat sont de nature à empêcher le renouvellement de ces lléaux. au-
tiefois périodiciues. Ces mesures consistent en : b' interdiction de
pâturage pendant six ans dans les bois incendiés ; 2^ évacuation des
— 56 —
gourbis de la forêt pendant la saison chaude ; 3^ imposition des tra-
vaux forestiers aux collectivités indigènes sur le territoire desquelles
se produit un incendie. »
Routes. — Les travaux qui furent exécutés par l'armée dans le
cercle dWïn-Draliam sont tout à fait remarquables ; ils portèrent sur-
tout sur les routes rayonnant autour d'Aïn-Draham. C'est ainsi que
furent construites les routes d'Aïn-Draham à La Galle, Tabarca,
Souk-el-Arba, et de Tabarca à La Galle. L'armée améliora les pistes,
rectifia et empierra les passages les plus difficiles, établit les ouvrages
d'art destinés à assurer la permanence des communications entre les
principaux centres de population.
Les Ponts-et-Ghaussées entretiennent les routes de Souk-el-Arba
à Tabarca et d'Aïn-Draham à la frontière algérienne par Baboucli,
mais il faut avouer qu'elles offrent encore sur leur parcours nom-
bre de tronçons défectueux qui occasionnent, chaque année, quel-
ques accidents de voitures. Ce Service a achevé la route de Tabarca
à Béja et il étudie, en ce moment, le moyen d'assurer aux colons de
la plaine de Tabarca les communications avec les voies principales
de la région.
Mines. — Les mines actuellement exploitées dans le Gaïdat d'Aïn-
Draham sont :
l" La concession du djebel Dis : zinc et plomb, la teneur du minerai
est de 60 'Vo en plomb et de 40o/o en zinc. Elle emploie une ving-
taine d'ouvriers et produit environ 2.000 tonnes par an. Elle est située
à six kilomètres à l'ouest de Fernana ;
2" La concession d'Aïn-Allega : zinc et })lomb, située h douze kilo-
mètres h l'Est de Tabarca. Teneur: 00 àBO'»/.. de plomb et 20 à 40»/»
de zinc; 3.000 tonnes par an. Ginquante ouvriers.
En outre, la Gompagnie du Mokla-cl-lladid possède aux environs
de Tabarca, dans les Mekna, d'importants gisements de iniiicrai de
fer. L'exploitation n'en a pas encore été conunencée.-
Nature des terres. — ( )n rcnconlri^ dans les plaines, dans les vallées
et sur les lianes des coteaux de la Kniiniiiric, des terres argilo-sili-
ceuses et argilo-marneuses faciles à lal)()urer au printemps et à
l'automne, assez pi'oductives, mais tlont on pourrait accroître la fer-
tilité par l'apport de l'élément calcaire quileur manque, sousla forme
de marnages ou de chaulages, et mieux encore en les amendant et
les fertilisant à la fois par les phosphates de chaux et les scories de
déphosphoration ; elles retiennent siiftisamment l'humidité pendant
la sécheresse. Le sol de la forêt est argilo-siliceux humifère (terre de
bruyère), d'un brun noir très prononcé; il est peu propice à la cul-
ture des céréales et de beaucoup de plantes de grande culture. Les
terres profondes de la plaine de Tabarca sont constituées par des
dépôts limoneux argilo-siliceux ; la végétation fourragère y est fort
belle.
Fernana. — Ce pointest situé à douze kilomètres au nord de Souk-
el-Arba et à vingt-deux kilomètres d'Aïn-Draham. Deux colons fran-
çais sont installés sur ce territoire ; l'un d'eux possède une exploita-
tion de 400 hectares située à droite de la route de Souk-el-Arba à Ta-
barca et à dix kilomètres de Souk-el-Arba. La propriété a été achetée
directement aux indigènes, mais 200 hectares environ sont revendi-
qués par certaines collectivités, qui ont ('ntanié un procès à rencon-
tre du propriétaire.
L'antre ))ropriété est peu importante : quelques hectares au plus.
Le colon qui la possède y fait de la culture maraîchère ; il se livre
surtout à la culture des melons et des pastèques, qui paraît fort bien
réussir.
Aux environs de Fernana, on rencontre quelques enclaves ense-
mencées de céréales. On y voit aussi d'intéressantes ruines romaines.
Un marché, assez fréquenté par les indigènes, s'y tient chaque se-
maine ; il est alimenté par une source insuflisante, mais un projet est
à l'étude pour la captation dune auti'o source.
Fernana tire son nom dun chène-liège d'une grosseur remarqua-
ble, isolé en ce point, à proximité du marché, visible de très loin
et qui servait pendant l'insurrection de lieu de ralliement aux Krou-
mirs,
Aïn-Draham. — Ce village, très pittoresque, est situé en plein
massif nionlagneux de la Kroumirie, à quarante et un kilomètres de
Souk-el-Ai'ba (parla route) et à vingt kilomètres de la mer u'i vol
d'oiseau). Sur le liane du djebel Hii' sont construits \c camp et les ha-
bitations mihtaires ; plus bas, et au sud-ouest, se trouve l'aggloméra-
— 58 -
tiûii urbaine. Cette dernière comprend, sur unelonguevu^ deprès d'un
kilomètre, des habitations élevées sans ordre, à droite et à gauche de
la route.
Climat. — En raison de son altitude et de la profondeur des vallées
qui] domine. Aïn-Draham est accessible à tous les vents qui soufflent
dans la région, souvent avec une violence excessive. La chmatologie
du lieu est caractérisée par une extrême humidité en hiver, période
pendant laquelle les brouillards, souvent intenses, plongent Aïn-
Draham dans une atmosphère froide, au point d'abaisser la tempéra-
ture à 5 ou 6 degrés au-dessous de zéro. Les pluies sont fréquentes,
parfois torrentielles, et la neige fait sont apparition chaque hiver. On
a relevé, en 1903, les chiffres suivants :
i^LUiE : hiver. 7iOm"i; printemps, 460'"'": été, 80'""' ; automne.
352""". Total annuel : 1.641'""ien 131 jours.
Température : la moyenne pour cette année a été de :
Hiver -|- ^"2 ; minimum — 7'»
Printemps +'13''4; — — 4"
Eté -|- 122°4 ; maximum -\- 44»
Automne 4- 16"7 : — -\- 41"
Température moyenne annuelle . . -\- 14o4
Les chutes de grêle ne sont pas rares au printemps et à l'automne;
en été, le siroco souffle quelquefois d'une manière assez sensible. En
délinitil, le climat d'Aïn-Draham rentre dans la catégorie des climats
tempérés; ce qui le distingue plus particulièrement, c'est, avec son
humidité excessive et une exposition à tous les vents, la température
moyenne modérée en été connue en hiver, mais avec de fortes révul-
sions nocturnes et de brusques variations atmosphériques.
Salubrité. — La variole, la malaria, la syphilis ibrniciit le fond du
tableau de la morbidité indigène. Les cas de syphilis secondaire et
tertiaire, de syphilis constitutionnelle abondeni chaque semaine, au
jour du marché, dans la salle de la pharniacie, oiitiotenue par leGou-
vei'iieiiM'iit Tiiiiisieii. (n'i le mtMlcciii inilitaiic doiiiic des coiisulla-
tions. La plupart île ces cas revêlent une gravité incitnuuc dans beau-
coup d'autres centres, et l'du peu! dire qu'.Vïu-Draliani (>sl la viaie
région des « avariés ».
— 59 —
Lii variole, assez Iréqiienle, est combattue par une détestable cou-
tume : la variolisalioii, qui entraîne trop souvent avec elle la sypbili-
sation. La vaccination animale, introduite par les médecins militai-
res, commence à porter ses fruits.
Le paludisme est rare dans le village même, mais il est très fré-
quent aux environs, partout où les habitants sont installés sur les
bords d'un oued ou dans le creux des vallées, toujours bumides dans
la région. Les maladies régnantes sont les maladies européennes sai-
sonnières.
La population. — La population d'Aïn-Draham, presque entière-
ment européenne, est de 5lX) habitants, dont 105 Français. Ce village
a été formé en 1881, par les fournisseurs qui suivaient l'armée d'oc-
cupation et que faisait vivre largement le camp, alors résidence d'un
général de brigade. Puis vinrent se fixer, avec leurs employés, des
entrepreneurs de travaux publics, des bficherons et des éleveurs de
porcs. Comme Tabarca, dont il sera (|uestion plus loin, le village
d'Aïn-Draham a été constitué par des autorisations précaires déli-
vrées par l'armée. Puis, après l'année 1803, époque à laquelle la Di-
rection de l'Agriculture fit immatriculer le village au nom de l'Etat,
le Service des Domaines fut chargé d'établir des titres loiiciers régu-
liers à délivrer aux occupants.
Un marché, dont les transactions sont insignifiantes, se tient à Ain-
Draham le lundi.
Aïn-Draham s'anémie chaque jour, et cependant il serait facile de
lui redonner un peu de vitalité; il suffirait de le mettre à même d'ou-
vrer sur place les lièges fournis par les forêts de la région qui actuel-
lement sont frappés d'un droit très élevé — prohibitif — à leur eii-
irée en France, alors que les lièges exportés à l'état brut ne paient
aucun droit. Cette situation, comme le fait remarquer M. l'inspecteui'
des Forets Minangoin, porte un réel préjudice à Aïn-Draham et à
Tabarca, et il y aurait lieu d'y remédier sans retard. Le Parlement
Français ne refuserait certainement jxis d'accorder l'exonération des
droits sur les lièges ouvrés s'il savait que les lièges tunisiens sont en
g'rande partie transportés à l'état brut, par conséquent en franchise,
dans certaines villes et localités d'Algérie, et que là ils sont travaillés,
ouvrés, naturalisés algériens, puis introduits en France allégés de
tous droits.
- (')0 -
Colonisation. — Les habitants dAïii-Drahani demandent que ce
centre soit doté d'une forêt communale, qui resterait sous la surveil-
lance du Service forestier, mais où les Européens pourraient faire
pacager leurs troupeaux ; ils trojiivent également que les droits de
parcours, pour les porcs, sont trop élevés: ils prétendent, enfin, que
certains terrains, propres à la culture des céréales et à la culture
maraîchère, pourraient être hvrés à la colonisation, notamment à
Ben-Metir, dans les Atatfa et chez les Selloul.
A ce sujet, la Direction de FAgricuiture ht procéder à une enquête
par M. l'inspecteur d'agriculture Minangoin, qui conclut ainsi :
(( Les terres qui ont été réservées par le Service des Domaines -
le village ayant été entièrement constitué par des ventes domaniales
— renferment quelques sources, mais sont en général de mauvaise
qualité pour la culture : ce sont des argiles comjiactes. froides, mou-
vantes, qui, recevant toutes les eaux provenant de la lorèt, ont une
nature aride, ce qui est indiqué par une production de fougères.
Ailleurs, tout ce qui n'est pas occupé par les forêts, appartient aux
indigènes, et comme ils ne possèdent que peu de terres pour leurs
cultures, il paraît difficile de les évincer. En résumé, la colonisation
ne peut guère s'im])lanter à Aïn-Draliam, pour les raisons suivantes:
'l'i mauvaise qualité des terres: '2" diniculté de les acipiérir: ."^ dé-
bouchés éloignés des lieux de ])ro(hiclion. »
Environ "200 liectares de terrains ruraux ont été livi'és à la coloni-
sation à Aïn-Draham; quelques lots et un certain nombre d'enclaves
déclassés du régime forestier, sont encore disponibles.
Aspect. — Ain-Draham, favorisé par le climat et la splendeur de
ses forêts, peut devenir une station estivale très suivie, mais il con-
viendrait tout d'abord, de lui lonniif des moyens de coinnnniication
plus faciles.
Les promenades à faire autour d'Ain-Draham sont idéales. Du Co\-
des-Vents, au-dessus du village, sur la route de Déjà, on jouit d'un
panorama merveilleux sui- Tabarca, la mer et l'île de La (lalite, au
sud, et sur la plaine de la Medjprda au nord. La roule (|ui descend
d'Ain-Draham jusqu'au fond de la vallée de Tabarca prend en écliarpe
les rampes escarpées de la montagne, contourne les gorges, franchi!
les ravins et les pivcipices. Enlin, vc sont partout des sentiers déli-
cieux qui grimpent des mamelons piquetés de ileurs des champs:
- 01 -
des clairières bordées de rocs rouges, liérissés, troués de cavernes
profondes; de hautes montagnes boisées, droites comme des murail-
les et de jolies collines dont les pentes sont sinuées de sources claires
traçant sur leur passage un long ruban de verdure. C'est un pays al-
pestre dont on ne se lasse jamais.
Scolarité. ~ Le village d'Aïn-Draliam possède une école de gar-
dons, une école de filles et un internai primaire de garçons.
L'école des garçons a reçu en lOOi, 47 élèves : 23 Français, 11»
Italiens, 1 israélite, 4 musulmans.
L'école des filles a reçu 33 élèves : M Françaises, 21 Italiennes et
I israélite.
L'internat primaire de garçons est dû à la sollicitude de AL le Ré-
sident Général. Kn parcourant la contrée, M. Pichon avait été frappé
du nombre d'enfants, fils de torestiers, de douaniers, de cantonniers
et de colons qui, trop éloignés de toute agglomération, restaient for-
cément sans instruction. Cet internat est ouyert depuis le L''" octobre
dernier (1904); il peut recevoir i5 internes, et ses classes sont faites
pour 80 élèves. Le maître, le directeur et sa famille prennent leurs
repas à la table des élèves, et ils sont continuellement mêlés à eux :
un lien plus grand en résultera sûrement, et c'est bien là lécole ré-
pondant à l'état social actuel, aux idées nouvelles d'éducation. Le
bâtiment est très bien conçu ; toutes les parties s'harmonisent et
concourent au bien-être des enfants et à la commodité du service.
L'école est destinée à des enfants de modeste condition, et la plu-
part d'entre eux y finiront leurs études ; il est donc désirable que.
sans sortir des programmes de l'enseignemenl primaire, ils y acquiè-
rent une somme suffisante de connaissances.
11 faut que ces enfants y puisent les principes de la culture ration-
nelle, des sciences physiques et naturelles, au moins dans les rapport
(ju'elles ont avec l'agriculture, l'hygiène et l'industrie. Quelques ins-
truments de chimie et de physique feront bien mieux com|)rendre, à
l'enfant, les tait s ({u'il verra s'accomplir sous ses yeux, que la dé-
monstration la mieux faite. En outre, un vaste jardin servira pour les
expériences agricoles; son entretien incombera aux élèves, qui y re-
cevront, outre les principes de la culture, des notions sur la taille el
la grefïe des arbres.
Sans que cette école prenne le litre de « professionnelle », il est
— 62 —
nécessaire que les élèves saclieiiL manier une scie et un marteau.
La plupart d'entre eux sont destinés à la vie des champs, et ils iront
s'établir, sans doute, loin de tout groupement. Il faudra donc les
familiariser avec les principaux outils, afin qu'ils puissent exécuter
eux-mêmes les réparations les plus urgentes. Une petite forge serait
aussi très utile.
Le directeur de l'internat d'Aïn-Draliam, ^L Carrier, est un maître
intelligent, paternel et dévoué ; nous sommes certain qu'il mènera à
bien l'œuvre scolaire heureusement conçue par M. le Résident
Général qui, nous en formulons le vœu, ne voudra pas s'arrêter en
si beau chemin : après l'internat des garçons viendra Tinternat des
filles.
Babouch. — Babouch est un petit hameau, également créé au
moyen de ventes domaniales. Il est situé sur la route d'Aïn-Draham
à Tabarca (six kilomètres d'Aïn-Draham) et à quatre kilomètres de
la frontière algérienne. Un poste de douane y est installé. C'est à cet
endroit que se trouve Tembranchement delarouted'Ain-Draham à La
Galle.
Le paysage est attrayant et plein de fraîcheur ; on y jouit d'une
très belle échappée sur la plaine et les lacs de La Galle. Vestiges ro-
mains et sources thermales aux environs. Deux colons sont installés
à Babouch et un à Bordj-el-Hammam.
Tabarca. — Tabarca, situé à soixante-neuf kilomètres de Souk-el-
Arba, vingt-liuit d'Aïn-Draham et soixante-douze de Béjà, est un
village de 800 habitants, dont :250 Français, liabitant la localité, et
une soixantaine de colons installés aux environs. C'est l'amiexe du
Contrôle civil de Souk-el-Arba : un contrôleur suppléant et un secré-
taire de Contrôle y résident.
Tabarca a été créé en 1881, sur les ruines de T'ancienne ville ro-
maine, par l'autorité militaire qui traça un lotissement, installa une
|)épinière et un abreuvoir-lavoir pour ses services, sous la protection
des canons du Bordj-Djedid, qui domine le village. Des autorisations
précaires et révocables, « non garanties contre les risques de guér-
ie », furent données aux mercantis(|ui voulurent s'établir à proximité
de l'année, dont ils vivaient. En l8'.)-2, la Direction de l'Agriculture
engagea la procédure d'immatriculation de ces terrains. De 1894 à
— 63 —
1890, un contrôleur des Domaines eut à régulariser toutes ces occu-
pations territoriales, en vue de l'établissement de titres fonciers par-
cellaires au nom des occupants. Depuis lors, les maisons ont succédé
aux baraques, tous les terrains disponibles ont été vendus, et l'Ad-
ministration voit la nécessité d'étendre le lotissement du village du
côté de la mer.
Les ruines. — A l'époque romaine, Thahraca fut un port impor-
tant qui servait à l'embarquement des produits forestiers et miniers
provenant de la Kroumirie, des marbres de Simittu, des céréales
de la vallée du Bagradas. La voie l'omaine qui reliait Tliabraca à la
plaine partait de Simittu, franchissait le coi d'Aïn-Draham, suivait la
vallée de l'oued El-Kebir et aboutissait au port.
Le village européen s'élève, avons-nous dit, sur les ruines de la
ville romaine, et un certain nombre d'anciennes constructions, de
restes d'absides, de citernes, servent de magasins et de logements
aux habitants actuels ; l'église a été aménagée, par le curé-colon de
Tabarca, dans une vieille citerne qui se trouve sur le flanc de la col-
line du bordj, et ce n'est point la moindre curiosité de cette localité:
les bâtiments occupés par l'Administration forestière et par le Con-
trôle civil ont été élevés sur des constructions romaines : les ruines
de la Thabraca romaine ont servi de carrières de pierre à la Ta-
barca européenne.
Les vestiges des monuments antiques y sont très nombreux : les
plus remarquables sont :
l« L'ancienne mosquée, édifice de forme rectangulaire, au pied du
bordj. Les noms que cette construction a portés: «le Moulin ".
(( l'Ancienne Mosquée », prouvent qu'elle a plusieurs fois changé de
destination. A la période romaine, c'était, d'après M. Toutain, un en-
trepôt où les armateurs emmagasinaient leurs marchandises. Auloui'
du monument se trouvent des citernes qui, sans doute, étaient ali-
mentées par un aqueduc :
'2'^ Le port romain, où l'on apenjoit, quant le temps est beau, à
quelques mètres au-dessous du niveau de la mer, des traces de jelées
et de quais ;
'.]o Les basiliques, en assez grand nombre, ce qui tend à prouver
que la colonie romaine était très peuplée et très prospère aux v et vr'
siècles de l'ère chrétienne. On possède déjà les plans de deux d'entre
— 04 —
elles, l'une située sur la colline sud-est de la ville, l'autre à deux ki-
lomètres en dehors de la ville, sur la rive de l'oued Ahmar. L'empla-
cement d'une troisième basilique sur la colline sud-ouest de la ville
était déjà connu et l'abside, assez apparente, avait été fouillée par
M. Toutain.
Cette année (1904), des touilles poussées plus à fond par le capi-
taine Bénet ont permis de retrouver les murs de la basilique, la base
des colonnes et une série de mosaïques tombales. Une des mosaïques
représente une basilique qui est évidemment la reproduction de l'édi-
fice même ; les autres mosaïques représentent des personnages, des
animaux, des fleurs, des sujets ornementaux; quelques-unes con-
tiennent des inscriptions. On a trouvé dans ces fouilles des cercueils
de plomb, preuve que dans les environs il y avait des mines de plomb
en exploitation. Cette basilique a été détruite au moment de l'inva-
sion vandale et transformée en nécropole à l'époque byzantine ; plu-
sieurs étages de tombes en maçonnerie recouvraient le sol de la basi-
Hi|ue.
(( On trouve aussi des traces de nécropoles païennes, dit M. Tou-
tain. Sur les coteaux et mamelons voisins subsistent encore beau-
coup de ruines. La cité proprement dite était entourée de villas, de
maisons de campagne. Un peu plus loin de Tabarca, dans un des ra-
vins boisés qui aboutissent à la vallée de l'oued El-Kebir, on voit un
groupe important de cavernes creusées par la main de l'homme: ce
sont, vraisemblablement, des tombeaux berbères. »
Tabarca a appartenu longtemps aux Lomellini, de Gènes, qui y en-
tretenaient une colonie ; l'ile, occupée par les Génois en 1540, fut
livrée par trahison au bey de Tunis en i74'2, et neuf cents person-
nes environ furent réduites en esclavage ; cinq cents personnes, plus
heureuses, réussirent à gagner l'île de San-Pietro, sur la côte de Sar-
daigne.
L'ile de Tabarca, située à cinq cents mètres de la côte, a environ
(piarante hectares do superficie: c'est un rocher stérile. couronn<''
d'un fort génois:
<< Les trois cent soixante-cinq citernes que l'on y voit encore, dit
M. O. Niel, semblent attester que le rocher servait autrefois d'as-
sise à une véritable ville, probablement comptoir commercial, peut-
— 05 —
être aussi repaire d'éciimeurs de mer. On n'y remarque aujourd'hui
que quelques mesures cachées dans les anfractuosités du rocher. »
Tabarca se trouve au débouché de la vallée de l'oued El-Kebir,
plaine fertile, resserrée sur le bord de la mer entre les dunes de
sable qui lorment un gracieux développement d'ondulations où crois-
sent, de place en place, quelques toulïes d'herbes marines, et plu-
sieurs mamelons dont l'un, très escarpé, n'est séparé de l'ile voisine
que par une passe étroite. C'est au sommet de ce coteau que sont
situés le bordj et le cainp. Le villa£(e s'étend au pied du coteau, le
long de la plage; la situation est charmante, et il est facile, de ce
point, d'entreprendre d'agréables excursions, soit du côté du cap
Roux, à l'ouest, soit vers le cap Négro, à l'est.
Communications. — Malheureusement, Tabarca ne possède point
de communications faciles, ni par terre, ni par mer; le centre est
l'elié à Souk-el-Arba et à Béja par deux routes assez bonnes, mais les
trajets longs et les côtes rapides rendent les transports dispendieux.
D'autre part, il n'existe à Tabarca qu'un embryon de port, très insuf-
fisant, et dont l'abord est dangereux dès que la moindre houle se fait
sentir; aussi, les paquebots, qui doivent toucher hebdomadairement
Tabarca, sont-ils obligés de brûler ce point la moitié du temps. Voilà
pourquoi ce joli petit centre, placé au bout du monde, ne progresse
pas.
Les habitants de Tabarca désireraient être rattachés au Contrôle
civil de Béjà, et ils m'ont prié de commimiquer à M. le Résident
Général la délibération suivante, prise par l'Association des Colons
trançais de Tabarca le 2i octobre 1904:
« Sur la proposition de plusieurs membres, l'assemblée, à l'unani-
mité, émet le vœu suivant:
<.( Considérant que Tabarca est trop isolé du reste delà Tunisie |»ar
suite d'absence de tout chemin de fer dans un rayon très étendu;
(( Que ce défaut de communications rapides est une des causes
principales qui nuisent au développement commercial et agricole de
la région ;
(( Qu'en effet, les ressources qu'offrent les forêts, les mines, les
pêcheries et l'agriculture du pays sont bien connues, mais malheu-
reusement insuflisanmient exploitées, faute de chemin de 1er;
— 66 —
c( Que des industries pourraient se créer, le tourisme et les villégia-
tures prendre plus d'importance si la région était pourvue de moyens
rapides et économiques de transport ;
« Qu'alors que tous les centres de la Tunisie — la plupart moins
importants à tous les points de vue que le nôtre — sont dotés de che-
mins de fer,Tabarca reste déshérité;
1 Qu'en eiîet, les gares les plus rapprochées sont Souk-el-Arba, à
soixante-neuf kilomètres et Béja à soixante-douze kilomètres;
« Qu'il y a donc nécessité absolue de relier Tabarca à Bizerte ou à
Béjà;
« Qu'au cas où le Gouvernement du Protectorat ne voudrait ou ne
pourrait faire actuellement les frais de construction de ce tronçon, il
pourrait le concéder à une Société, telle la Compagnie qui vient de
construire la ligne Bône-La Galle et l'exploite sans aucune avance du
Gouvernement ;
« Que l'Association des Colons de Tabarca pourra fournir sur la
question tous les détails et renseignements (jui pourraient lui être
demandés;
« En conséquence, l'assemblée prie M. le Président de la Chambre
d'Agriculture de vouloir bien demander d'urgence la mise à l'ordre
du jour de la prochaine réunion de la Conférence Consultative de la
question d'établissement d'un chemin de fer reliant i'abarca à Bizerte
ou à Béja. ))'*>
Les Zouaoua. — Il nous faut dire un motdesZouaoua, collectivité
indigène intéressante par son esprit d'^assimilation et son intelligence.
Les Zouaoua sont originaires de Bougie ; ils vinrent dans le pays, il y
a environ cent cinquante ans, sur la demande du bey Hamouda, qui
avait l'intention de former, avec leur concours, un noyau de troupe
dévouée, destinée à maintenir un semblant d'autorité au milieu des
populations indépendantes et sauvages de Kroumirie. Ce but ne fut
jamais atteint: les Zouaoua voulaient bien recevoir la solde qui leur
était attribuée par le bey, mais ils désiraient aussi éviter tout ennui
du côté de la Kroumirie. Caressant la chèvre et cultivant le chou, ces
humbles salariés adoptèrent un système liabile et prudent dont la
formule, simple et concise, se résumait en ces mots :« Pas d'his-
toires ! »
l>a mission des Zouaoua consistait ù veiller à la sécurité des ha-
H) Le chemin de fer de .Valeur aux Nefza, acluellenu'nl fii construclion, sera continué, par la
suite, jusqu'au port di' Tabarca. Les habitants de cette localité seront donc ndiés à Hizerle par voie
ferrée.
— 67 —
bitants et des étrangers: ils devaient protéger les débarquements,
prêter aide et assistance aux naufragés, et, en cas d'attaque, contri-
buer à la défense des côtes et des forts de Tabarca. Ils s'abstinrent
généralement de remplir les devoirs qui leur étaient imposés ; ils pré-
féraient chasser dans la forêt, pêcher sur la côte, se livrer au com-
merce des bestiaux et vivre en bonne intelligence avec ceux qu'ils
étaient chargés de surveiller. Ce furent des sages.
Ils ont conservé, des Kabyles, les habitudes industrieuses, et,
depuis qu'ils ne sont plus soldés, beaucoup d'entre eux se sont créé
des occupations chez les habitants de Tabarca. D'autres ont établi,
sur le versant du coteau qui domine Tabarca, des maisonnettes
entourées de jardins où ils font pousser des légumes et des fruits
qu'ils vendent à bon prix. Certains vivent à l'européenne ; ils sont
monogames, et... leurs filles portent des corsets!
La pêche. — Autrefois, la pèche au poisson migrateur et la pêche
au corail enrichissaient ce joli petit village maritime de la côte nord
de la Tunisie, et M. Bouchon-Brandly, inspecteur général des pê-
ches, appelait Tabarca « le Douarnenez de la Méditerranée ». En
effet, au temps où M. Bouchon-Brandly visitait cette côte (1890), plus
de 3(0 tartanes, montées chacune de huit à douze hommes, fré(juen-
taient les parages de Tabarca, amenant, pendant la saison de la
pêche à la sardine, une population nomade de près de 3.000 person-
nes. Mais depuis cette époque, la situation s'est modifiée; si le nom-
bre des barques a progressé jusqu'en 1890, il a depuis lors considé-
rablement diminué chaque année, et l'année dernière (1903), 17
bateaux naturalisés français, montés par 73 hommes, et 17 bateaux
italiens montés par 121 hommes, soit 34 bateaux et 194 hommes
seulement, ont péché dans les eaux de Tabarca. En dehors de ces
nomades^ nous trouvons à Tabarca 4 barques naturalisées françaises
montées par 21 hommes, et 10 barques étrangères montées par i4
Siciliens, attacliées au port, et dont les équipages habitent avec leurs
familles (314 personnes), pendant l'année entière, la partie du village
appelée « Petite-Sicile o.
A quoi attribuer la diminution brusque du nombre des pêcheurs
dans ces parages? La Direction des Travaux publics affirme qu'elle
provient de la disette de poisson constatée depuis quatre ou cinq ans
à Tabarca. Nous croyons qti'il faut chercher ailleurs les causes de
— (38 —
cette diminution, et qu'elle est due surtout à rémigration, qui chaque
année tend à s'accroître, des pêcheurs italiens vers l'Amérique.
On nous a dit récemment qu'une Société française venait d'obtenir
l'autorisation d'installer une usine de conserves de poissons et de
légumes à Tabarca; si cette installation réussit, la situation changera
totalement, et il sera possible à douze ou quinze familles de pêcheurs
français de vivre, sur ce point, des produits de la pêche/^^
La colonisation. — En 1893, l'Autorité militaire était saisie d'un
projet, élaboré par la Direction de l'Agriculture, tendant à poursuivre
l'immatriculation, au nom du Gouvernement Tunisien, d'une éten-
due de terrains d'une contenance de 3.000 hectares environ, situés
près de Tabarca et connus sous le nom de «Bahiret-Tabarca ». Un
fonctionnaire de cette Direction assurait que trente-quatre indigènes
seulement, appartenant à la fraction des Kroumirs de Tabarca, pou-
vaient avoir des revendications à p'ésenter, et il proposait d'allouer
à ces trente-quatre individus 1.100 hectares dans la plaine, superficie
(ju'il présumait devoir être plus que suffisante pour leurs besoins.
Lorsqu'en 1894 l'auteur du projet fut envoyé sur les lieux avec
mission de poursuivre l'immatriculation de la plaine de Tabarca, il se
trouva en présence, non plus de trente-quatre indigènes, mais de deux
cent cinquante-six Kroumirs, lesquels présentèrent des revendica-
tions et s'opposèrent au bornage. Le Service des Renseignements en
élimina un certain nombre et ne retint ({ue ceux d'entre eux qui pu-
rent prouver que leurs propriétés figuraient depuis quatre années
consécutives sur les rôles annuels de l'achour. Tous les indigènes re-
fusèrent alors d'indiquer au représentant de l'Administration la limite
des terres leur appartenant, et ce dernier dut renoncer à l'opération
d'immatriculation, à laquelle tout d'abord les ivroumirs semblaient
avoir consenti.
Le Service des Renseignements reprit en 1895 les négociations sur
la demande de la Direction de l'Agriculture, mais les Kroumirs MrtMit
entendre de violentes protestations:
« Nous ne pouvons plaider contre l'ii^lal, nous perdrions woUv
(1) Cette Société a, en ctlcl iiisUillé une usine de conserves de sardines et d'anchois à Tahai-Jva en
liX.6 ; les équipages sont l'ormés de [lécheufs corses, recrutés par le directeur de l'usine. La pri'-
mière campagne de pèche (1906), ne parait pas avoir donné de brillants résultats.
— 69 -
argent et notre temps ; nous préférons défendre nos biens les armes
à la main. Vous êtes forts, puique vous avez con(iuis la Tunisie ; nous
n'ignorons pas que vous nous jetterez à la mer, mais nous ne céde-
rons qu'à la violence. »
En présence de ces dillicullés, l'opération fut momentanément
abandonnée, et les indigènes restèrent possesseurs du ]5aliiret-Ta-
barca. Telle est la première phase de l'essai de colonisation tenté par
l'Administration dans la plaine de Tabarca.
Cependant, le régime civil succéda bientôt au régime militaire ; un
contr()leur suppléant fut nommé à Tabarca, et il réussit, peu à peu,
à ramener le calme dans les esprits surexcités. p]n 1897, l'instance
d'immatriculation engagée depuis cinq ans se terminait par l'imma-
triculation des terrains au nom du Domaine, mais le jugement con-
tenait des considérants visant l'obligation pour l'Administration de ne
pas éliminer les indigènes et de faire un juste départ entre les droits
respectables des occupants indigènes sur les parties par eux culti-
vées et le désir très concevable de la part du Gouvernement d" ins-
taller dans cette région la colonisation agricole française.
Environ 900 hectares purent être considérés comme disponibles et
offerts dès l'année suivante. Dix-neuf lots d'abord et quatre autres
lots un peu plus tard furent acquis par des colons français. Ceci est
la deuxième phase.
Mais la plupart des colons installés dans la plaine de Tabarca pré-
tendirent bientôt qu'ils ne pouvaient vivre sur des lots de quinze à
vingt hectares, et ils réclamèrent de nouveaux terrains. M. le Rési-
dent Général Pichon, ayant reconnu la justesse de leur demande,
décida de prélever encore, sur des terrains immatriculés au nom de
l'Etat, 300 nouveaux hectares de plaine, qui furent équitablement
répartis entre les colons les plus parcimonieusement dotés. Ce nouvel
enlèvement d'uue partie des terres ne se lit pas sans récriminations
delà part des indigènes; ils crurent que l'Administration voulait les
dépouiller et s'emparer de la plaine entière de Tabarca, dont la su-
perlicie totale ne dépasse pas "2.800 hectares. Des conciliabules se
tenaient sur les marchés, des plaintes arrivaient chaque jour au Con-
trôle civil, et il fallut tout le tact et la prudence dont le contrôleur,
M. Grosset-Grange, lit preuve en la circonstance, pour empêcher
l'éclat d'une révolte dans la contrée. Ici se termine la troisième phase
La Tl'.nisie du Nord 6
— 70 —
de l'histoire de la colonisation administrative dans la plaine de Ta-
barca, et nous devons espérer que ce sera la dernière.
Plus de 1.^:00 hectares ont été livrés à la colonisation française par
le Directeur de l'Agriculture ; vingt-trois colons ont pris possession de
leurs lots; il ne reste plus aux indigènes, dans cette plaine, que 1.500
ou l.GOO hectares de terres labourables, et il serait extrêmement dan-
gereux de tenter de les leur enlever. D'ailleurs, l'Administration, afin
d'éviter un conflit imminent, a du prendre envers les Kroumirs de
Tabarca rengagement formel de ne plus amputer leur petit domaine.
Sur les vingt-cinq lots attribués aux colons français, neuf lots
n'atteignent pas 35 hectares ; six lots ont de 35 à 50 hectares ; cinq
lots ont de 55 à 85 hectares ; trois lots ont de 105 à 120 hectares.
D'après les renseignements qui m'ont été fournis par le président
de l'Association des Colons de Tabarca, quatorze cultivateurs seule-
ment se sont installés, ont construit, défriché et se sont mis coura-
geusement à la besogne. Les autres ont fait œuvre de spéculation,
et il en est parmi eux qui, ayant acheté leur lot environ 4.000 francs
à la Direction de l'Agriculture, se sont empressés de le louer 500
francs par an aux Arabes ; ils affichent la prétention de le revendre
25.000 francs.
Un certain nombre de colons de Tabarca disent qu'ils n'ont pas
encore de terres en suffisance, et ils demandent que l'Administration
après expertise, ajoute aux lots de ceux qui ne possèdent pas au
moins 50 hectares, le complément en terres permettant d'atteindre
ce chiffre. Nous avons dit que l'Administration n'avait pas à interve-
nir; son rôle consiste désormais à faciliter les transactions qui pour-
raient se produire entre Européens et indigènes. Mais, afin de don-
ner satisfaction dans la mesure du possible aux colons laborieux trop
étroitement logés, il y aurait peut-être lieu, de la part de la Direc-
tion de l'Agriculture, de procéder à une enquête, de voir quels sont
ceux qui, parmi les adjudicatairesde lots, n'ont pas rempli les condi-
tions exigées par leurs contrats de vente. Ces propriétaires seraient
fi-appés de déchéance et leurs champs, repris par les Domaines, se-
raient attribués, après partage équitable, non à de nouveaux colons,
mais aux petits agriculteurs dont nous nous occupons ci-dessus. C'est
eficore le meilleur moyen de donner satisfaction à tout le monde, aux
travailleurs et aux indigènes, et de mettre un frein à la sf)éculali()n
pratiquée par quelques-uns.
Le prix moyen de lu tei-re, aux environs de Tabarca, est de l!25
à 150 Irancs l'iieclare en plaine, et de 00 Irancs en coteau. Certains
colons, (|ui ont acheté l'iiectare de terre lÔO francs à la Direction de
rAgriciilLurc, il y a moins de doux ans, onl r-evcnda à raison de 250
francs riieclare et plus. Quelques petits colons se livicnl, avec fruit,
à la culture maraîchère.
Les Mekna. — La région de Mekna commence à six kilomètres
et se termine à seize kilomètres de Tabarca; elle est située entre les
grandes dunes de sable, l'oued Zouara et le territoire des Nèfza (Con-
trôle de ])éja) ; un mamelon sur lequel est établi le bordj de la Com-
pagnie du j\[okta-el-lLidid, qui possède là de vastes terrains, la do-
mine. C'est une riante contrée où se trouvent de bonnes terres à
céréales et des pâturages; de hautes montagnes boisées barrent l'ho-
rizon au Sud.
Environ 000 hectares de terres, déclassés du régime forestier et
remis au Domaine, ont été entièrement allotis et livrés à la colonisa-
tion depuis moins de deux ans; onze lots ont été vendus; à part un
petit lot de huit hectares, ces propriétés contiennent de trente-huit à
soixante-six hectares. Le prix moyen de l'hectare est de 70 à 80 h-ancs
dans la région (FAhi-Seba, et de 35 à 45 francs aux environs de l'oued
Jîou-Terfis. Il n'existe plus de terrains disponibles dans cette contrée,
qui est reliée à Tabarca par la route de Béja et qui possède des sour-
ces abondantes.
A l'époque de ma visite aux Mekna (novembre 1904), quatre colons
seulement avaient construit et s'étaient installés sur leurs lots; les
autres, peu pressés, attendent...
La sécurité. — Si les Européens se plaignent des nombreux vols
dont ils sont victimes, les indigènes, par contre, assurent qu'il leur
est impossible de se livrer aujourd'hui à l'élevage du bétail, leur
principale ressource. Les Kroumirs de Tabarca sont, en elVet, en-
clavés au milieu de champs appartenant aux colons, et dès (jue leurs
bestiaux, afin de gagner les collines ou les montagnes environnantes,
passent sur ces propriétés, ils laissent, fort souvent, (luehjues tètes de
bétail entre les mains des colons. Tous, assurénienl, no pratiquent
pas cette méthode, qui consiste à s'appropi'ier le bitMi d'autrui et à
ne le rendre qu en écJiange de la forte somme : mais il en existe, et
il ne faut pas que pareil scandale se perpétue.
A la vérité, les colons de la région de Tabarcasont, plus que tous
autres, victimes de vols de bestiaux; la frontière est proche, et les
voleurs, qui connaissent tous les passages de la forêt, ont vite fait de
conduire les bètes volées sur les marchés algériens. L'inverse, d'ail-
leurs, se produit fréquemment : des bestiaux volés en Algérie sont
amenés dans la région de Tabarca, et il est triste d'ajouter que les
voleurs sont toujours certains d'écouler les produits de leur rapine
à des Européens bien connus de tous comme receleurs.
Il n'existe, pour assurer la sécurité de la région montueuse de Ta-
barca, qu'un brigadier de police (sans agents) et une brigade de gen-
darmerie montée... à bicyclette ! ^I. Grosset-Grange avait réclamé
une brigade de police à cheval ; on la lui promit, m;\is elle n'est pas
encore organisée.
Climat et salubrité. — La moyenne de la température a été, à
Tabarca, en mYA :
Hiver -\- L'M ; minimum — .'î»
Printemps -L 1^"' j — — '^'^
Eté + ^^^^^ '■> maximum -j- 45°8
Automne + 21o4; — + :î5«8
Température moyenne annuelle -\- i8°r)5
Pluiks : Leschill'res suivants ont été relevés en 1*J03 : hiver, 5(Xi""";
printemps, 280'nni; été, 3Gnim- automne, !2GO"i. Total de l'année :
l.UDi"»"', en M.') jours.
La localité de Tabarca, située au débouché d'une vallée maréca-
geuse, a présenté jusque vers 1000 un état sanitaire peu satisfaisant
et une morbidité particulièrement chargée. De nombreux travaux
d'assainissement cl dassècheiucnt des marais y lurent |)iati(|ués;
l'oued Ahmar fut à demi desséché et déi'ivé l'oued El-Kébir; malgré
cela, aux [)orU'S mêmes de celte petite ville, existent encore des ma-
récages entre le rivage et la roule. Les eucidyptus et autres arl)res
asséchants qu'on y a plantés sont des repaires à moustiques, et tout
le leri'ain sur lequel sont bâties les cabanes des Siciliens es! un ter-
rain d'alluvion humide et marcM'ageux. Le |>aludisme, la pneumonie
et la lièvre ty|ilioï(|e ont éh'* longtemjjs maladies ccturanles à Tabarca,
et aujoui'd'hui encore l'étal sanilaii'e y laisse beaucouf) à désirer. La
T.', —
mortalité, depuis 1000, se rnainticiiL sensiblement au cliilïre annuel
<l(î (lix-lluit à vin,i^t décès pour un milliiM' d'habitants environ, soit
une moyenne de '20"/(,. Ce cliilïre se rapproche sensiblement de celui
des grandes villes de France.
Scolarité. — Tabarca lut doté d'une école mi.xte en 1888; on y
comptait alors (>0 élèves, filles eti'arçoiis. En 1895, ce chillre s'élevait
à 85 élèves. En 18iK), une école de lilles l'ut ouverte et, cette année
(lîKJi), deux classes nouvelles ont été créées. Tabarca aura donc
désormais deux instituteurs et deux institutrices.
A la rentrée dernière, l'école des i^arçons recevait 94 élèves : 30
Français, 37 Italiens, 1 Maltais, '21 musulmans, 5 Israélites.
A cette même époque, l'école des lilles comptait 7(i élèves : 21 Fran-
çaises, 42 Italiennes, 2 Maltaises, 5 Israélites.
Depuis 1896, le nombre des élèves a toujours été en progressant
dans les deux écoles.
CHAPITRE VI
CONCLUSIONS
Avant d\Hre le Contrôle civil de Souk-el-Arba, le territoire que
nous venons d'étudier Taisait partie du « Cercle d'Aïn-Drabam », oc-
cupé par l'Armée, administré par les Alïaires Indigènes.
Le rôle que joua l'Armée en Tunisie aux premiers temps de l'Occu-
pation est, nous l'avons dit, en tous points remarquable. Ce l'ut non
seulement l'Armée pacificatrice, qui mit un terme aux actes de bri-
gandage dont les Kroumirs étaient coutumiers, ce fut aussi l'Armée
colonisatrice qui traça des routes, capta les sources, créa des villa-
ges, facilita la venue du régime civil.
Nous résumons brièvement à la lin de l'étude que nous soumet-
tons à M. le Résident Général, l'œuvre accomplie par le (louverne-
ment du Protectorat. Elle est considérable et méritoire, car là plus
(ju'ailleurs l'Administration eut à lutter contre les préventions et con-
tre la coalition des intérêts liostiles. La colonisation a pu s'implanter
en certains points de la vallée de la Medjerda et de la plaine de Ta-
barca, mais si le nouveau venu fouille la terre, le pâtre n'en demeure
pas moins auprès du laboureur. Le colon n'a pas chassé l'Indigène :
il s'en est fait un auxiliaire.
Il est aussi son éducateur. Il l'initie peu à peu aux pi'océdésdc la
culture rationnelle, et nous avons vu Tlndigène grelTant les arbres,
irriguant son jardin, arrachant les toull'es d'herbes mauvaises, rem-
plaçant le (jralloir arabe par la chari'ue françiiise.
Le Service forestier, depuis son installation, a poursuivi avec mé-
thode la mise en valeur des richesses de la Kroumirie. Tout en main-
tenant les di'oits d'usage ac(|uis et sans |)rov()(|U('i' les rvci'imina-
tions des Indigènes ([ui, au contraire, ont trouvé des ressources pré-
ci(nises dans le travail en forêt — ce Service a pcM'cé des chemins
il travei-s la futaie, protégé les bois contre les ravages (h^ l'incendie,
rcpeupli! les espaces dévastés, et il a diMuasch' jirès de dix millions
de chênes-liège.
Ij'S recettes, cha(|ue aimée, voiil en piogicssant et la Kronniiiie,
hier encore pour ainsi dire improductive, est devenue, sous l'heu-
reuse impulsion des agents des Forêts, un des plus beaux joyaux de
la Régence.
D'importants îlots de colonisation ont été créés à Ghardimaou,
Chemtou, Souk-el-Khemis, la Merdja, Tabarca et les Mekrin. Dix
mille hectares de terres environ ont été répartis entre soixante-seize
colons français, et la Direction de l'Agriculture possède encore quel-
ques parcelles de terres labourables et des lots urbains qu'elle doit
prochainement mettre en vente.
Il eût été certainement possible de faire mieux dans la région de
Souk-el-Arba; mais les jours sombres semblent avoir disparu, et tout
le monde. Administration, Chambre d'Agriculture, Chambre de Com-
merce et délégués de la circonscription, se sont énergiquement misa
l'œuvre afin de remédier à la situation précaire dans laquelle se
trouve Souk-el-Arba par suite des circonstances que nous avons énu-
mérées. Avant peu, grâce à la réalisation des projets actuellement à
l'étude, Souk-el-Arba reprendra vie et n'aura plus rien à envier aux
autres centres de la Tunisie du Nord, où l'élément français est lor-
tement enraciné.
On a souvent comparé la plaine tunisienne de la .Medjcrda à la
plaine algérienne du Chélilï"; il y a, en elïet, beaucoup d'analogie
entre ces deux régions, au point de vue des conditions climatériques
et de la nature des terres. Il nous paraît donc utile de citer ici une
intéressante note sur la pratique des labours préparatoires dans la
vallée du ChélilT, que l'aimable directeur de l'Agriculture, du Com-
merce et de la Colonisation en Algérie, M. de PeyerimholT, a bien
voulu nous communiquer :
« La commission chargée en 1899 d'étudier les conditions d'amé-
lioration de la situation agricole dans la vallée du Chélilï" avait appelé
l'attention des agi'iculteurs sur la nécessité de donner au sol destiné à
l'emblavure une préparation aussi parfaite que possible. Elle avait
plus particulièrement reconnnandé à cet elïet la pratique des façons
ciilturales de printemps, qui est considérée dans la région de Sidi-
bel-Abbès, où elle est en usage, comme un facteur important de la
réussite des récoltes.
« Il s'agissait de montrer aux colons, par des expériences sagement
poiirsmvies, les résultats tangibles que permet d'obtenir la pratique
des labours préparatoires, et les inciter ainsi à faire usage des façons
préalables dans la tradition de leurs procédés culturaux.
« A cet effet, M. Dechambenoît, agriculteur k Charon, consentit,
sous l'impulsion de la Chaire départementale d'Agriculture, à faire
effectuer des labours préparatoires sur une parcelle de dix-huit hec-
tares.
« Un premier labour fut exécuté dans le courant de l'hiver et sur
des terres qui étaient en céréales l'année précédente; un deuxième
au printemps, vers les mois de mars ou avril, et enfin un troisième
labour, tout superficiel, à l'automne, pour enterrer la semence.
« Ces façons préparatoires avaient ameubli parfaitement le sol et
facihté par là même l'ensemencement. Il en était résulté également
une économie notable dans la quantité de semence employée, puis-
qu'il avait suffi en moyenne de 57 kilos pour l'emblavure d'un hec-
tare.
« On ne saurait trop insister sur l'utilité que peut présenter dans
cette région, où des difficultés météoriques extrêmes de sécheresse
et d'humidité marquent le plus souvent le temps des labours d'au-
tomne, la pratique des façons culturales préparatoires qui permet-
tent de suite l'ameublissement facile du sol par les labours légers et
rendent possible la semaille en temps opportun.
« Un autre caractère utihtaire qu'il convient de noter et (|ui a eu
tout particulièrement son importance dans les expériences faites par
M. Dechambenoît, est la facilité avec laquelle le sol ameubli absorbe
sans rien perdre, toute l'eau du ciel et l'emmagasine dans le sous-sol.
« L'utilité de ces réserves d'eau a été d'autant plus grande que la
céréale, au cours de sa végétation, notamment pendant le mois
d'avril, avait reçu une quantité d'eau insuffisante pour son dévelop-
pement.
^< Ces façons culturales préparatoires ont permis à M. Dechambe-
noît d'obtenir 306 quintaux de blé tendre sur une superficie de 18
hectares, soit 17 quintaux à l'hectare, alors que sur une parcelle prise
coinmo témoin, placée dans les mêmes conditions, mais où l'on n'a-
vait effectué que le labour d'automne, le rendement n'a été que de 5
((uintaux 1/2 à l'hectare ; enfin, une troisième parcelle, (]u'il n'avait
pas été possible de labourer en mars, adomié VI (juintaux.
(( Dans les terres préparées suivant la métiiode en usage à Sidi-
bel-Abbès, la récolte a été non seulement plus abondante, mais aussi
de meilleure qualité : le grain était gros et Ijien nourri, alors (|uedans
les terres cultivées suiv;mt le procédé ordinaire, le grain avait un as-
pect ridé et était vide. Les agriculteurs ont été unanimes à reconnaî-
tre que, seules, les récoltes de M. Dechambenoît etdes propriétaires
cultivant leurs terres suivant la méthode en usiiue à Sidi-bel-Abbès
- 77 —
avaient donné un rendement en grain satisfaisant. Ce sont eux qui,
en portant ù la connaissance des colons de la vallée du Chéliiï'les ré-
sultats acfjuis à (Sharon, ont contribué le plus ])uissamment à l'aire
entrer dans la tradition des procédés culturaux la pratique des façons
préalables.
c( M. Dechambenoît a estimé ({n'efléetuée d;ins ces conditions, la
préparation du sol a exigé un supplément de dépense d'une trentaine
de francs par hectare, mais que si l'on considère, d'une part, l'éco-
nomie réalisée sur la semence, et, d'autre part, le surplus de la ré-
colte qu'a permis d'obtenir l'adoption de ce système de culture, il en
était résulté en définitive un bénéfice net de 70 francs par hectare.
« Les résultats appréciables qu'ont donnés les expériences poursui-
vies par M. Dechambenoît ont amené peu à peu les agriculteurs cons-
ciencieux à faire entrer dans leur système de culture la pratique des
labours préparatoires. Il est aujourd'hui des régions entières où ces
façons préalables sont en usage; on pourrait citer notamment Littré,
Duperré et plus particulièrement Carnot, où M. le docteur Roux a
obtenu sur ses terres, en 1903, un rendement de '23 quintaux à l'hec-
tare.
« Il serait à désirer que la pratique des labours préparatoires se
généralisiît encore davantage dans la vallée du Chélilï, partout où la
culture des céréales sur jachère cultivée pourrait être pratiquée,
c'est-à-dire où le loyer de la terre est suffisamment bon marché pour
ne pas trop grever les frais de production et permettre ainsi au pro-
priétaire de se contenter d'une récolte tous les deux ans.
« L'expérience est aujourd'hui concluante : une terre soumise à la
culture biennale, avec les labours de printemps, donne, avec beaucoup
moins de frais, un produit plus élevé que lorqu'on s'acharne à la cul-
ture tous les ans sans engrais.
((Onnesaurait donc trop insisterpour recommander, dans lesparties
qui s'y prêtent, ces labours de printemps. C'est par l'amélioration
des procédés culturaux, bien plus que tout autre moyen, qu'il sera
possible de rendre la culture des céréales rénmnératrice et d'assurer
la régularité des récoles. »
Ajoutons à cette note les quelques renseignements suivants (jui
nous ont été donnés à Orléansville par des colons de la vallée du
Chéliff. Le Service des Ponts-et-Chaussées a construit à Pontéba (^^six
kilomètres d'Orléansville), un barrage-déversoir qui permet à la fois
l'irrigation du territoire de ^lalakof et celui de Charon qui, par leur
situation topographique et l'excellence de leurs terres, sont appelés
à un avenir réel. La création du barrage et de vingt-trois kilomètres
de canalisation a coûté 2. iOO.OOO francs, et elle permet d'irriguer.
— 78 —
pendant 200 jours par an, 4.425 hectares. L'eau ainsi distribuée est
vendue aux colons syndiques, par l'Administration, à raison d'un
demi centime par mètre cube. Dans la zone actuellement irrigable, la
terre valait, en 1875,50 francs l'hectare : elle vaut aujourd'hui 500 à
1 .000 francs par grandes surlaces, davantage quand il s'agit de peti-
tes surfaces en jardins comptantes ou non. La valeur locative était
alors de 10 à 20 francs l'hectare ; elle atteint aujourd'hui de 100 à 400
francs pour les jardins et les vergers. Il n'y avait pas d'arbres frui-
tiers : il existe actuellement près de 100 hectares de culture fruitière
autour d'Orléanville.
Il est facile de se rendre compte, par ce simple exposé, de ce qu'il
sera possible d'obtenir dans la plaine de la Medjerda lorque des tra-
vaux de barrage, de captation et d'irrigation y auront été exécutés —
lorsqu'on aura simplement reconstitué les travaux hydrauli(iues des
Romains dans la vallée du Bagradas.
Il y a, dans le Contrôle de Souk-el-Arba, six centres qui n'existaient
que de nom avant l'occupation française et qui ont été créés de toutes
pièces sous notre protectorat: Souk-el-Arba, Ghardimaou, Oued-Me-
liz, Souk-el-Khemis, Tabarca, Aïn-Draham, sans compter les petits
hameaux de Ben-Bechir, Fernana et Babouch. Il s'agit maintenant de
doter ces villages des organes essentiels qui leur font défaut, de les
pourvoir d'eau, de réseaux d'égouts, de voies de communication, de
marchés couverts.
Nous avons vu que dans chacun d'eux, à l'exception d'Oued-Mcliz,
des écoles ont été installées et nous avons eu la satisfaction de cons-
tater qu'elles étaient assidûment suivies. Ces villages sont égale-
ment pourvus de bureaux de poste et télégraphe et le téléphone
relie maintenant Souk-el-Arba et Souk-el-Khemis à la capitale de la
Régence.
La population française du Contrôle, qui était en 181)1 dv (i'JOàmes
et de 1 .000 en 1800, atteignait le chilVro de 1 .200 en 1900, et elle est
aujour<riiui ilc plus de I .lOO âmes ; elle;! ddiic |»rogi'essé, en doir/e
ans, (le 7(M) indiviilus environ. ()ii iroiivci'a pcul-iMiT (juc c'est pcni.
maison ne si; r(,'nd pasassc/ conii)!*' des iuMonihrablcs dil(i('ult(''S(|ue
l'Administration dut aplanir pour assurer la sécurité, se procurer
des terres fertiles, installer ou donner les moyens de vivre à ces
— T.) —
\/iOO Franriiis au milieu d'une population sinon hostile, tout au
moins rébarbative^ composée en majeure partie des tr-ibus les plus
turbulentes (le la Tunisie, et dont h; cliid'i'i! dépasse 50. (JIMJ individus.
La colonisation sicilienne, dont l'extension dans la Réj^^encc préoc-
cupe à juste titre ]p Gouvernement du Protectorat, est peu apparente
dans le Contrôle de Souk-el-Arba. Les étranj^'-ers, en effet, Italiens
ou autres, ne possèdent pas, sur ce territoire, '2.000 hectares de
terres, tandis (]ue les Français en ont acquis plus de 10.(X)0. Nous
rencontrons surtout les Italiens dans l'élément ouvrier, chez les
entrepreneurs de travaux publics, sur les chantiers forestiers, dans
les mines ou dans les fermes comme ouvriers aL;Ticoles. La voie est
donc libre pour la colonisation française, et, par la suite, l'œuvre sera
systématiquement poursuivie.
Vers la grande plaine, qui semble rèclie et aride, mais dont les
entrailles sont pourtant si fécondes, viendra l'homme des villes qui,
près du paysan, choisira sa place et bâtira son nid, pour vivre la vie
large et saine des champs.
Décembre 11)04.
LE CONTROLE CIVIL DE BÉJA
CHAPITRE le.
Limites. — Orograpliie et Ilydroyrapiiie. — Les Romains
Les Indigènes.
Le Contrôle. — Le Contrùle civil de Déju a été créé en 1880. Il
comprend deux Gaïdats : Béja et Medjez-el-Balj. Sa superficie est de
O.800 kilomètres carrés environ.
Ce vaste territoire est des plus fertiles, et si nous en croyons les
auteurs anciens, il en fut ainsi au temps de l'occupation romaine,
époque pendant laquelle se tenait chaque été, dans les plaines de
Bou-Sdira, au-dessous de Vaga (Béja), le long- du cours de la Med-
jerda, une foire célèbre où se rendaient, des points les plus reculés,
les agriculteurs avec leurs familles et leurs troupeaux.
La richesse du sol est telle, que même pendant les aimées mauvai-
ses, la récolte est encore suffisante, et pendant de longues années
Béja fut le marché le plus important et le mieux approvisionné en
céréales et en bestiaux de la Tunisie du Nord.
Les Indigènes y vécurent heureux. Laboureurs et pasteurs, ils me-
nèrent une vie relativement calme ; peu combatifs de leur nature, se
contentant de se défendre contre les razzias des Kroumirs et des Mo-
gods, ils payaient — à Texception de quehpies fractions rebelles —
régulièrement leurs impôts aux beys de Tunis et ils ne leur suscitè-
rent jamais de graves ennuis.
Depuis l'Occupation française, la colonisation s'est lorlcMiient enra-
cinée et prodigieusement développée, surtout depuis un(> dizaine
d'années, dans cette région propice.
(]aï<lat <lc Béja
Limites. — Les limites du Caïdat de Béja sont, (>n paiiant du
Xoi-d:
- 81 -
Ln inor jusqu'au delà de rcinixjiicliiiro do l'oiiod Zouai'a; une
ligne se dirigeant du Xoril-Ouest au Sud-Ouest jus(ju'au «Ijebel Klio-
l'ouf, important massiC boisé qui sépare le Caïdatde lîéja de la Krou-
niirie. La limite coupe ensuite Voued Melali, passe près de Oarer-
Zaga, se dii-ige du Nord au Sud, tiaverse les Oïdad-Djaher et l'oued
Morsi (Cliialiia), reprend la direction Nord-Ouest-Sud-Est, Irancliitle
djebel lîou-Quetrar et atteint l'oued Karab qu'elle suit pendant six
kilomètres pour se diriger ensuite, par Kel-Jlidjagaet IlencliirZoua-
l'a, sin- la Medjei'da, au point où ce fleuve reçoit l'oued Melali ((Juled-
bou-Saiem).
La limite du Gaïdat de Déjà lorme alors vers le Nord un arc de
cercle dont la Medjerda est la corde pour laisser le bled Kouba au
Gaïdat de Téboursouk, prenant au contraire à ce Gaïdat le territoire
broussailleux situé au Sud de IJéja-gare et dont le djebel Langousa
occupe le centre. A environ un kilomètre au nord-ouest du Kef-Galea
commence le Gaïdat de Medjez-el-Dab, séparé de celui de fîéja par la
Medjerda, puis par une ligne conventionnelle passant par la sta-
tion de Pont-de-Trajaii et la zaouïa de Sidi-^l'zouri. La limite i-e-
monte alors vers le Nord et traverse les gorges du djebel ^lellalia.
le djebel Jîou-Aroua et se prolonge jus<{u'àriiencliir El-Rry. J>à com-
mence la limite séparant le Gaïdat de Béja de celui de Mateur; la
ligne, suivant l'oued Djerou, Foued Bou-Dissa et l'oued Begra, des-
sine un bastion avancé entre les llédill et les Béjaoua, dont le djebel
Drahr, l'orme l'arête. La ligne de démarcation prend ensuite, jus(|u'au
cap Négro, une direction Sud-Est-Nord-Ouest par Sidi-bou-Milicli et
l'oued Bou-Zemma (Modogs), Si-Ali-beu-Yousscr, l'oued Bellil et
Aïu-Zana.
Le Gaïdat de Béja touche donc <à ceux de Tabarka, des Gliialiia,
des Ouled-bou-Salem,(le Téboursouk, de Medjcv-el-lî djet de Maleui',
soit aux Gontrùles civils de Souk-el-Arba, <lu Kef et de lîizerle. Ge
Gaïdat à la forme générale d'une ellipse allongée dans le sens Nurd-
Ouest-Sud-Est, dont le plus gi';uid axe aui'ait environ (i'J kilomètres,
le petit ',Vt kilomètres et dont la surface peut èlre évaluée à 1.1(10
kilomèti'cs carés.
Orographie. — Le bled Mc'ja (paiiie sud du Gaïdal) est \Au\n\ un
leri'ain plal, et il laul aller sur la limite de Maleur, à l'E-sl, pour ren-
contrei' les nioiil;igiies ; parloul ailleurs, ce ne sonl i\[io dci^ collines
— 82 —
peu élevées. En regardant le bled Béja à vul d'oiseau, on se rend
compte iacilement de son orographie et l'on voit : 1° une chaîne de
vingt-cinq kilomètres venant du massif de Mateur, formée par une
série de monts escarpés et dénudés, sauf les plateaux des djebels
Djedjagua et Hennaya, où l'on trouve quelque végétation ; !2'» une
chaîne longeant l'oued El-Boul, peu élevée, en général assez fertile,
appelée le djebel Munchar. Les collines qui s'en détaclient se termi-
nent près de la Medjerda ; dans la partie sud, ce sont des plateaux,
coupés ça et là par des ravins profonds remplis de broussailles ; la
population y est peu nombreuse, le pays est sauvage, désert, et la
Medjerda traverse sur ce point des gorges resserrées etarrides. Dans
la partie ouest, au contraire, se trouvent de hautes collines et les beaux
plateaux du bled Douemis.
La région des Amdoun, située au nord-ouest de Béja, se compose,
dans sa partie sud, de jolis coteaux cultivés et de vallons profonds.
Le centre est occupé par le massif du djebel Sobbah (700 mètres),
qui se prolonge du Nord au Sud sur plusieurs kilomètres; les cols,
les défilés, les rocs abrupts y sont nombreux, et peu à peu la con-
trée, broussailleuse au début, se transforme en forêt. Au nord de ce
territoire, quelques monts : les djebels Tebala, El-Gassa, Zouinia,
Damous, Tabouba, succession de pics boisés de 400 à 600 mètres
d'altitude, reliant le Sobbah au djebel Mcid (030 mètres) des Ouch-
tata.
La région des Nefza, qui occupe le nord du Caïdat, est également
montagneuse, mais plus parsemée de clairières, de petites plaines,
de coteaux coiffés de bouquets d'oliviers. C'est la (in de la Kroumirie
encore fourrée, mais plus chauve, plus éparse, et ([ui laisse soup-
çonner le voisinage de la dune aride que l'on aperçoit, en ellet, non
loin de là.
On entre dans les Nefza parle Khanguet-Kef-Tout, laissant à droilo
le djebel lîen-Sefi et le djebel Sidi-Alimet, massif qui sépare la vallée
des Fatnassa (côté lîéja) de la plaine des Nelza (c()té Tabarka). Sur
les bords de l'oued Mclah s'élève le djebel l'd-Abiod et, à l'Ouest, le
Koiidiiit l)j('Z;ira, an coiilliieiil de I'oikm! linii-Zciiiia el de Idiicd Ma-
deii. Dans la phiine des Nefza surgit ciiliii un (''iionne roclici' de foi-
iTie bi/ari'e, le Jîou-Laya f'JD'i mètres), dernièi'e sentinelle kroumire,
au delà de la(juelle s'étend une délicieuse vallée semi'e de boiKiuets
d aulnes, de micocouliers, de saules, de peupliers, de clièni's verts;
- K\ —
puis à ces arbres succèdent les fourrés de lentisques, de genévriers,
d'arbousiers, de lauriers-roses, et, tout à coup, la végétation s'arrête :
c'est le sable, la dune envaliissantn subissant l'influence des vents,
présentant des croupes légères du côté nord-ouest et se terminant en
falaise du côté op|)osé. Et ces monticules, d'altitudes variables, for-
ment de petits chaînons (jiii se prolongent jusqu'à la mer, barrant le
littoral, de l'oued Zouara au cap Négro.
Hydrographie. — Quatre cours d'eau sillonnent le bled Béja : les
oueds Béja, Djerrou, Begra et Tercli.
L'oued Béja prend sa source dans les Amdoun, et, après un par-
cours de vingt kilomètres, vient se jeter dans la Medjerda, près de la
gare de Pont-de-ïrajan. Cette rivière coule lentement au milieu
d'une belle vallée ; ses bords sont peu élevés et ses rives insalu-
bres.
On y remarque les vestiges de trois ponts datant de l'occupation
romaine.
L'oued Djerrou prend sa source au pied du djebel Ben-Dhar, ver-
sant sud, et se dirige vers les contreforts du djebel Munchar. Avant
d'entrer dansleKhanguet Skira, il prend le nom d'oued Zerga etsejet-
tedans la Medjerda, près de la gare d'Oued-Zerga.
L'oued Begra sort du djebel Jouega et il quitte bientôt le territoire
de Béja pour arroser le Caïdat de Mateur; il traverse une petite vallée
resserrée où se trouvent de nombreuses ruines. Près de sa source, on
remarque de beaux jardins et les restes d'une ville couvrant environ
deux hectares.
L'oued Terch prend naissance au pied du Koudiat Kradkada ;
il suit une direction sud et va se jeter dans la Medjerda, près de
Sidi-Zeli.
Le territoire des Amdoun est arrosé par l'oued Béja (indiqué plus
haut) et les oueds Maden, Tabouba et Kaçab.
L'oued Maden, qui sort du djebel Lobbali, se dirige vers le nord,
traverse le Khanguet-Kef-Tout, pénètre dans lesNefza et se jette dans
l'oued Zouara.
L'oued Tabouba, qui prend sa source au pied du djebel Ez-Zouza,
se dirige vers le nord-ouest, traverse la petite pleine du Tarf et se
jette dans l'oued Melah.
L'oued Kaçab, formé de nombreuses sources provenant du massif
— 84 —
Bou-Guetrane, se dirige vers le sud, traverse une riche vallée, péné-
tre sur le territoire des Oulad-bou-Salem et se jette dans la Medjerda
près de l'hencliir Habid.
Les oueds ]\Ielah, Bou-Zenna, Maden, Rellif et Zouara zigzaguent
dans les vallées des Netza.
L'oued Melah, qui vient du massif d'Aïn-Draliam, porte le nom
d'oued Zéen pendant son parcours sur le territoire des Mekna (Caï-
dat d'Aïn-Draham ). Il prend la direction nord-ouest, traverse la plan-
tureuse vallée de l'oued Zéen et pénètre sur le territoire des Nefza
parla vallée du Tarf ; il prend alors le nom d'oued Melah, baigne le
pied du djebel Abiod, contourne le djebel Bou-Laya et se jette dans
l'oued Zouar.i, à l'extrémité nord de la plaine des Nefza.
L'oued Bou-Zenna provient des Hedill (Gaïdat de Mateur), arrose
la partie est de la plaine des Nefza et se jette dans l'oued Maden à
la hauteur du Koudiat Dzarra.
L'oued Bellif est vm cours d'eau peu important sortant des dunes
du bled Bellif t il se dirige d'abord vers le sud, sur la limite est du
Gaïdat de Béja, et il entre dans les Nefza près de Sidi-Ali-Merzoug
pour se jeter presque aussitôt dans l'oued Bou-Zenna.
L'oued Zouara, formé par la réunion des oueds Melah et Bou-Zen-
na, coule entre les dunes et les sables mouvants, puis se jette dans la
mer à la pointe nord-ouest du Contrôle civil de Béja.
Le Gaïdat de Béja est abondamment irrigué par des sources prove-
nant des massifs boisés ; nombre d'entre elles ne tarissent jamais,
procurant ainsi, pendant la saison chaude, une incessante et bienfai-
sante fraîcheur à ce coin de terre privilégié.
Les Romains. — De mèmeque dansla valléedel^agrada, les vesti-
ges romains jonciientle sol du Gaïdat de Béja; non seulement on en
rencontre dansla plaine, mais aussi dans les massifs montagneux des
Amdoun et des Nefza.
La partie sud du Contrôle civil de P)éja (caïdat de ÎMcdjez-el-l^al))
a été très étudiée par nos savants; la partie nord, au conlraire (Gaï-
dat de Béja), a été jusqu'alors peu explorée. Il faut souliailer (|ue les
crédits permettent bientôt au Service des Anli(|iiil('s de fouiller
cette région et de sauvegarder les témoins intéressants de l'occupa-
tion romaine. Si, lorstjue viendra cet heureux jour, le Service des
- H% -
Antiquités trouve encore à glaner, il le devra a M. Bonjean, conduc-
teur des Ponts-et-Ghaussées à Béja, qui a su prendre des mesures
efficaces pour préserver les ruines aussi bien contre l'Arabe, dévas-
tateur par instinct, que contre le colon, destructeur par intérêt. On
manque de pierres; on en trouve de fort belles toutes taillées ; on
s'en empare, même si elles portent des inscriptions ou des sculptures:
le colon est sans pitié. M. Bonjean a placé les vieilles pierres sous sa
protection ; il les a relevées, décrites, fort joliment croquées : il les a
sauvées. M. Bonjean a été très encouragé dans cette œuvre par son
chef direct, M . Picard, ingénieur des Ponts-et-Chaussées, doublé<ruii
artiste délicat.
La fondation de Vaga (Béja) remonte à la période carthaginoise.
Les fouilles faites par le capitaine Vincent, chef de l'Annexe de Béja
en 1884, sur l'emplacement du camp, ont mis à jour cent cinquante
tombeaux qui semblent appartenir à l'époque punique.
Ce n'est qu'au commencement de la guerre contre Jugurtha que
nous voyons apparaître dans l'histoire le nom de Vaga ou Yacca.
Saluste nous apprend que la cité numide Vaga était renommée par
sa richesse et son commerce ; située au centre d'une contrée essen-
tiellement agricole, traversée par de nombreux cours d'eau et sillon-
née par de grandes voies de communication, Vaga devait nécessaire-
ment attirer l'attention du conquérant. Aussi Metellus y mit-il des
approvisionnements et une garnison qui fut massacrée, à l'instigation
de Jugurtha, en l'an 108 av. J.-G. On a lu les pages émouvantes dans
lesquelles l'historien romain raconte la révolte des habitants de Vaga,
le massacre des légionnaires et la fuite honteuse de Turpilus, le com-
mandant de la place.
Vaga ne jouit pas longtemps de son triomphe. Metellus, apprenant
cette nouvelle, quitte Tisiduum (près de Mateur), où il avait établi
son quartier d'hiver, et arrive sur Vaga à marches forcées. Il livre la
ville rebelle au pillage et immole, sans distinction de sexe et d'âge,
la population numide aux mânes de ses soldats.
Après quelques années de calme, pendant lesquelles Vaga peut
se relever de ses désastres, nous la voyons encore pillée par Juba
(50 ans avant J.-C). Enfin, avec l'ère chrétienne, elle reprit son rang.
Des inscriptions datant des premiers siècles lui donnent le nom de
Septimia Vaga.
La période vendale survint et, avec elle, l'ère des persécutions, du
La Tunisie du Nord 7
- 80 —
pillage et des incendies. Vaga lut rasée par Genséric (448) ; Justi-
nien la releva de ses ruines (527) et elle prit le titre de Theodorias ,
en rhonneur de Timpératrice. Les remparts que l'on voit encore au-
jourd'hui ont été construits, en certains endroits, sur les murs ro-
mains; les fouilles exécutées prèsdeBab-el-Ani ne laissent aucun doute
à ce sujet.
Aux environs de Béja, c'est surtout vers l'ouest, dans la région d'El-
Afareg et de Zaouiet-Medien, qu'apparaissent nombreuses les rui-
nes romaines : termes, fortins, moulins à Imile, citernes, ponts, bar-
rages, etc. ; les plus importants se trouvent aux lieux dits : Hencliir-
Aïn-Qoussa, près de Zaouiet-Medien ; Henchir-el-Giierra ; Sidi-ïa-
rouni ; Henchir-es-Smadhi ; Henchir-Rhedada, au sud de Zaouiet-
Medien.
Sur la piste de Béja à Aïn-Draham (à neuf kilomètres de Béja, à
l'ouest), à Aïoun-Riria, ruines monumentales d'une basilique datant
de l'époque byzantine. A deux cents mètres au nord, on trouve une
colline complètement couverte de ruines montrant à certains en-
droits des s.ubstructions en matériaux énormes. Près de la source
d'Aïn-Riria, des blocs ayant servi à la construction d'un barrage jon-
chent le sol.
A quinze cents mètres environ au sud de Béja, au lieu dit Rejal-
Mçid, quelques citernes sont en bon état de conservation. Au nord
de la ville (trois kilomètres environ), dans le djebel Ben-Diùdia, plu-
sieurs groupes de ruines occupent le versant d'un coteau. Enfm, près
de Béja, à deux kilomètres à l'est, sur les bords de l'oued Béja, le
capitaine Vincent a retrouvé les restes d'un* camp retranché de forme
rectangulaire ; on y voit encore les fossés, les vestiges d'une canali-
sation, de réservoirs, de constructions couronnant les mamelons es-
carpés et commandant le passage.
Plus loin, à 15 kilomètres à l'est de Béja, au pied de la crête sud du
djebel Muncliar et à gauche de la route de Tunis, ruines d'un éta-
blissement thermal. En prenant la chaîne du côté Est, on trouve les
ruines d'une ville romaine qui devait être importante.
Dans les Amdoun, groupes de ruines sur le djebel Tabbaba, à
l'henchir Chebarra, à l'iienchir Guennnara, à i'henchir Sadoun, à
Aïn-Salem. Au pied du djebel Zouza, près des sources de Qacer-Zaga,
on voit les ruines d'un ancien temple des eaux (jui occupent le som-
met d'un mamelon. Le mur Nord existe encore presque en entier;
— 87 —
au SlkI, (les chambres basses avec poternes sont on Ijoii état de
conservation. On y trouve un li^ranfl nombres de tombeaux creusés en
plein roc.
Dans les Xefza, deux groupes de ruines : le premier aux Ouled-
Gassem, im peu au Sud en raccordement do la jjiste des Mogods et
de la pisle du cap N égro ; restes d'une basilique byzantine dont les
substructions se voient au millieu des brousailles. A 50 mètres à
rOuest, ruine d'un édifice qui fut probablement le baptistère. Au
Nord, à 150 mètres, vestiges de fortifications, dont une tour bien
conservée. La Compagnie du Mokta-el-lladid a bâti un borrij sur cet
emplacement avec les pierres provenant des ruines.
Le deuxième groupe des Nefza, appelé Quacer-Romana, est situé
près du marabout de ,Sidi-i5oulak, sur le côté gauche du sentier des
Mogods. Les ruines occupent le faîte d'un mamelon auquel on accède
assez facilement par le sentier des Oulad-Houimel. Le côté Ouest est
complètement à pic et surplombe la vallée de l'oued ^laden et celle
de l'oued Zouara. Il ne reste debout qu'un pan de mur.
Les Indigènes. — La plupart des indigènes du Ijled Déjà pro-
viennent de la Régence d'Alger : ils portent encore le nom de « Cliar-
bi ». La tribu des Drid s'est glissée peu à peu dans les tribus de Déjà
et un certain nombre de ses membres sont devenus propriétaires. 11
en est de même de quelques petites fraclions de la tribu des Ouchtata,
(pii quittèrent, voici deux siècles, la région de Ghardiinaou pour venir
s'établir sur la partie Est ilu territoire des Nefza, où ils demeurè-
rent.
Sur le caidat de Réjà vivent trois grandes confédérations : les Rled-
Réjà, les Amdoun et les Nefza.
La tribu des Rled-Réjà comprend dix fractions qui habitent les
environs de Réjà. La population est d'origine arabe, mais elle a été
si mélangée que, à part quelques grandes familles, chacun ignore son
origine. Elle compte '28.800 persoimes cuUivaiil 10. (KH) lu'ctares de
terre et possédant O.'JOO oliviers. Les indigènes, lors de l'entrée de
l'armée française, se portèrent à la rencontre de nos colonnes et
remirent au général Logorot les clefs de Réja.
La tribu des Amddiin coin[)i'enil neuf h'actious ; elle occupe le
nord-est de Réjà. La population se compose de fractions d'origines
dilTérentes : les unes sont maraboutiques, les autres appartenaient à
- 88 -
la confédération des Drid. La fondatrice de la tribu fut, dit-on, une
femme venue du Djerid avec ses six yarcons, Lalla Tebouba ; elle
était célèbre par ses miracles, et l'apposition de sa main sur le ven-
tre d'une femme suffisait à rendre celle-ci mère. Environ 17.300
individus, cultivant 9.500 hectares et possédant 7,000 oliviers. Au
moment de l'Occupation, les Amdoun se rendirent dans la vallée de
la Medjarda et nous combattirent à Ben-Béchir ; ils furent facilement
mis en déroute et la nouvelle de la défaite des Oulad-bou-Salcm et
des Gliialiia jeta l'épouvante dans leurs rangs. Ils demandèrent
l'amane et regagnèrent leurs gourbis.
La tribu des Nefza comprend six fractions venues pour la plupart
du Nefzaoua, il y a cin(| ou six cents ans, à la suite de M'barek ben
Ali en Nef/.i, (]ui donna son nom à la tribu. Elle occupe la partie
nord du Caïdatde Béjà jusqu'à la mer. On assure qu'une des fractions
provient de descendants de marins maltais <|ui, ayant l'ait naufrage,
se lièrent avec les indigènes et s'établirent définitivement au milieu
d'eux ; leur langue a gardé beaucoup de termes latins et ils ont con-
servé l'usage de quel(]ues fêtes chrétiennes. Les Nefza comptent
15. iOO individus cultivant 10.000 hectares (les oliviers n'ont pas été
recensés). En 1881, les Nefza se joignirent aux Mekna, aux Hédill et
aux Mogods commandés par Bon Riah (4.000 hommes), et descen-
dirent dans la vallée de l'oued Béja avec l'intention de 'nous combat-
tre; vingt-cinq spahis du bey les exhortèrent à se retirer et ils hu-ent
écoutés. Le ^20 mai, le général Logei'ot prenait possession de la kasba
et de la ville de Béjà, et, depuis cette époque, le pays est toujours
resté calme.
Caïdat de I\I<Hlje/-el-Bal)
Limites. - Le Caidat de .Medjez-el-l!al) est séparé du Caidat de
l')(\jà par l;i ligne conventionnelle que nous avons tracée plus haut et
qui, p;nt;iiil du ttniiicl situi'' près de la slalion de IN»iil-(l('-'ri"iJ;in, se
prolonge jusf|u"à l'Iienchii' El-Bry; à partir de ce poinl, l;i liniile suit
l'oued Tyne jusqu'à l'hencliir Bousra ; elle décrit alors un arc de cer-
cle, se dirige vers l'Est en cou[)ant la voie ferrée à la station de
- 89 —
Medjez-el-Bab, traverse Je djebel Er-Roiiassi et poursiiil en ligne
droite jusqu'au marabout deSidi-Abdelkader, situé au pied du djebel
Khalifa.
La limite se dirige vers le Sud, côtoie le djebel Mourra et suit les
crêtes du djebel Boucha, puis les sommets des mamelons jusqu'au
djebel Massouj. Elle traverse une série de vallées, côtoie le djebel
Kouraïa, traverse le territoire des Oulad-ben-Riali, et après avoir
coupé la nouvelle voie ferrée de Tunis au Kef, près de Bou-Arada,
elle suit les crêtes des collines de la Rebaà-Siliana jus(iu'à la source
de l'oued El-Ginied.
De là, la limite remonte vers le Nord en suivant cet oued pendant
cinq kilomètres, se dirige vers l'Ouest, franchit l'oued Medjez-es-Sefa
pour atteindre l'oued Siliana; elle suit les crêtes des djebels Focha et
El-Aouech pour arriver à l'extrémité occidentale du djebel Tounga.
Après avoir franchi le col Fredj-er-Riah, qui traverse la route de Tu-
nis au Kef, elle se dirige par la ligne de partage des eaux sur l'oued
Khalled et le kef Bou-Debbous, pour remonter ensuite l'oued Mel-
laha et rejoindre, par les Smidane-el-Khil et le djebel Khorchfia, la
vallée de la Medjerda, près du tunnel de Pont-de-Trajan.
Le Caïdat de Medjez-el-Bab louche aux Caïdats de Béja, de Mateur
de Tebourba, de Zaghouan, des Oulad-Aoun, de Téboursouk, par
conséquent aux Contrôles civils de Béja, Bizerte, Tunis, Mactar et Le
Kef. Ce Caïdat, qui se développe au nord et au sud de la Medjerda, se
présente sous une forme assez irrégulière; elle mesure, dans sa plus
grande longueur, environ 80 kilomètres, et dans sa largeur moyenne
une cinquantaine de kilomètres. Sa superficie est de 2.400 kilomètres
carrés.
Orographie. — Dans l'ensemble de son relief, le sol du Caïdat de
Medjez-el-Bab comprend deux larges bourrelets. L'un, situé au
Nord et sur lequel sont construits les villages berbères de Toukabeur,
Chaouach et Heydouss, sépare la vallée de l'oued Tyne de la vallée de
la Medjei'da. Les principales montagnes de cette chaîne sont : les
djebels Boulaouech (480 mètres), Heydouss (008 mètres), Chaouach
(004 mètres), Telia (450 mètres) et Bel-Mahdi (3'20 mètres). L'autre
bourrelet, dont le djebel Rihane est le point culminant (724 mètres),
délimite cette même vallée de la Medjerda et celle de Bou-Arada.
Les sommets de ces deux chaînes abruptes, dont le pin d'Alep, le
- 90 ~
chêne yeuse, le romarin, le lentisque constituent, avec quelques oli-
viers sauvages, les principales essences arbustives, sont en général
arides. Des chaînons, découpés par de profonds ravins, s'en déta-
chent pour former entre eux des vallons d'une certaine fertilité.
Hydrographie. — Le relief du terrain de cette région en déter-
mine naturellement l'hydrographie. Les eaux sont tributaires : lo du
lac Iclikel, par l'oued Tyne, dont la jonction avec l'oued Joumine
s'opère en amont de Mateur ; 2» du golfe de Porto-Farina, par la
Medjerda ; 3» du golfe de Tunis par l'oued Djerabuaà qui, après sa
jonction avec l'oued El-Kibri sur la limite du territoire, prend le nom
d'oued Mihane.
Les principaux cours d'eau qui arrosent le Caïdat de Medjez-el-Bab
sont: la Medjerda, les oueds Zerga, Khalled, Siliana, Ammar, Tyne
et Djerabuaà.
La Medjerda forme, depuis le tunnel de Pont-de-Trajan jusqu'à la
hauteur de Sidi-Merzoughi, la limite entre le Caïdat de Medjez-el-Bab
et celui de Béja. A Sidi-Merzoughi, la vallée commence à s'ouvrir et
la Medjerda, sortie des gorges étroites, déchiquetées, tourmentées où
elle s'est difficilement frayé un passage, pénètre sur le territoire en
continuant sa direction est; mais, à quelques kilomètres de là et à
sont confluent avec l'oued Zerga, son cours est brusquement rejeté
vers le Sud jusqu'à la hauteur de Testour, où la Medjerda reçoit les
eaux du Khalled et de la Siliana et où elle reprend sa direction pri-
mitive dans une vallée s'élargissant jusqu'à six kilomètres en aval de
Medjez-el-Bab. A cette vallée se rattache, par l'oued Anmiar, le pla-
teau du Goubellat, situé au sud-est de Medjez-el-Bab, dont il est
séparé par le djebel Bou-Mouss et le djebel Mohra.
La Medjerda reçoit, sur la rive gauche, l'oued Zerga; sur la rive
droite elle reçoit : d'abord l'oued Khalled, (]ui prend sa source à
l'extrémité du Krib (Caïdat de Téboursouk), puis roue(| Siliana (jui
naît dans le Contrijle civil de Maclar, près de La Kessai'a, pénètre
sur le teri'itoire de Medjez-el-Bab àSidi-Ayccj en Ijaigiiant les pentes
méridionales du djebel Tounga, traverse riieiuiiii' Kl-Aroiissa, se l'ail
un passage entre les massifs du djebel Titunga et du djebel Rihane,
et, avant rie se jeter dans la Medjerda, arrose la belle plaine de Tes-
teur; enfin, la Medjerda reçoit, sur sa rive droite, l'oued Ammar, qui
— 01 —
recueille les c:iux pluviales du Goubellatet se jette dans la Merljerfla
près du petit village de Greecli-el-Oued.
L'oued Tyne sert de limite avec leCaïdat de Mateur; il reçoit tou-
tes les eaux du versant Nord du massif qui le sépare du bassin de la
Medjerda. Il forme, sur sa rive droite, une plaine constituée par d'ex-
cellentes terres, qui mesure une dizaine de kilomètres sur six.
L'oued Djerabuaà, qui prend sa source dans le djebel Robaà-Si-
liana, arrose la partie Sud-Est du territoire et traverse fies terrains
assez fertiles à Bou-Arada avant de contribuer à la formation de
l'oued El-Kebir.
Les Romains. — Sur le territoire du Caïdat de Medjez-el-Tîab
fourmillent les restes de villes, camps, fermes, bourgs agricoles,
moulins, pressoirs ; dans les vallées on rencontre des vestiges de ponts,
barrages, conduites d'eau, et les collines sont criblées de citernes de
toutes formes et de toutes dimensions; ont voit aussi quelques ruines
d'exploitations métallurgiques et minières, des débris de fours et
d'usines, des puits et des nécropoles.
Membressa (Medjez-el-Bab) était la clef de la vallée supérieure
de la jNIedjerda, ainsi que du bassin de Vaga:
(( Fondée au XVP siècle par les Maures chassés de TAndalousie,
dit Tissot, la ville arabe a emprimté son nom « le Passage de la
Porte » à un arc de triomphe qui existait encore il y a peu d'années.
Cette porte monumentale s'élevait à l'extrémité Sud-Est d'un pont
antique; la hauteur de ce monument était d'une dizaine de mètres
et sa largeur de 10"i GO centimètres ; l'ouverture de l'arcade mesu-
rait 4'" 80 sur 6 mètres de hauteur. Membressa était située sur le
passage d'une des plus grandes voies de l'Afrique romaine, celle de
Carthage à Tébessa. »
Dans la partie nord du Caïdat de Medjez-el-Bab on trouve des rui-
nes dans les djebels Bel-Mahdi, Chaouach, Heydouss et Zdidi.
Thuccabar (Toukabeur) était situé sur la droite de la voie romaine
de Carthage à llippone par Bulla Regia (à 10 kilomètres de Medjez-
el-Bab):
(( Assis sur le ressaut assez élevé d'un des contreforts du djebel
— 92 -
Heydoiiss, le village actuel n'occupe qu'une partie du bourg antique
sur lequel il est, en quelque sorte, greffé: les bases des maisons
sont presque toutes romaines et les murailles elles-mêmes sont bâ-
ties sur les matériaux primitifs dont la disposition seule a été modi-
fiée ; les rues dessinent les anciennes insulœ et ont conservé en
partie leurs trottoirs et leurs égoùts antiques. » (Tissot.)
Ruines très importantes : deux arcs de triomphe ; tombeaux taillés
dans le roc; grandes citernes à dix compartiments alimentées par
l'eau de l'aïn El-Fouar.
Sua (Ghaouach) est situé à 3 kilomètres de Toukabeur. ^I. Bouyac,
ancien contrôleur civil à Medjez-el-Bab, a publié sur Chaouach une
intéressante étude à laquelle nous empruntons les passages sui-
vants :
« A 9 kilomètres au nord de Medjez-el-Bab, au-dessus de la tache
sombre d'un grand bois d'oliviers, apparaît, perclié sur le bord d'un
plateau taillé à pic, le village berbère de Chaouach. Pour y parvenir,
on francliit d'abord la petite plaine qui sépare ^ledjez-el-Bab des
montagnes, et, après avoir traversé le village de Sidi-Xasseur, on
gravit un sentier étroit qui, en trois kilomètres, conduit le voyageur
au terme de sa course. Les ruines de la ville antique, que le village
a remplacées, sont dispersées au milieu des oliviers. Un chemin qui
serpente au travers conduit à une belle source qui porte le nom jus-
tifié d'Ain-^renzel. Canal de pierres noires très larges sur lequel arc
de triomphe; le château d'eau est intact; il a été mis à jour à l'occa-
sion des fouilles pratiquées par le Service des Travaux publics (|ui
étudiait un projet d'adduction des eaux de l'aïn Menzel à Medjez-ei-
Bab (projet abandonné en raison delà pauvreté du débit et de la
mauvaise qualité de l'eau).
« A quelques pas devant le château d'oau, arc de triomphe qui s'af-
faisse clia(|ue jour: hauteur 8 mètres et largeur 8"' .")(); porte sur son
architecture les restes d'une inscription (année 300). Ou y a trouvé
de nombreuses ruines, statues en marbre blanc. Sur uu autre point
de l'olivette de Menzel se dresse une seconde porte monumeutîde
dont la clef de voûte portait une sculpture aujourd'hui indistincte.
« Sua était une cité importante; autels à Vénus et à Hercule, né-
cropoles romaines découvertes en 188'2 par le ca|>itaine Hebora ([ui
recueillit fies poteries, des ossuaires en plomb, des os calcinés, des
cendres, des tissus spongieux pétrifiés, des fragments de verreri(\
des débi'is de lampes dont les principaux sujets ('taient des chevaux
au galop et des gladiateurs.
« Le village actuel de Chaouach est construit sur les bonis d'un
escarpement rocheux qui surplombe l'olivette el les ruines. Il est
— ÎKJ —
encore renfermé aujoin-fl'lmi dans l'enceinte décrite par Tissot,
bldcs énormes qui indiquent un travail l)yzantin, analog^ue à celui des
remparts de Téboursouk et *U' iîéja. Ces murailles et ces tours car-
rées sont laites de sculptures, colonnes, inscriptions, pilastres, etc.
Une porte unique formée d'im linteau monolithe, qui est lui-même
le montant d'une porte romaine, est percée dans le liane d'une des
tours carrées, à l'extrémité du carré périlleux par lequel on descend
aux ruines d'Aïn-Menzel. Après avoir franchi cette porte, on trouve
une énorme citerne rectangulaire de 15 mètres sur 10. Les i^rands
côtés ont chacun cinq contreforts demi-cylindriques, les petits en
ont deux. Ce bassin est alimenté par un aqueduc qui aboutit à deux
puits très profonds et très larges et dans lesquels se trouvent de pro-
fondes galeries.
« Les deux emplacements roclieux qui surplombent, l'un le village
même, l'autre la route par laquelle on y vient de Medjez-el-Bab,
sont percés de nombreuses cavités funéraires. Cette nécropole est
beaucoup plus importante que celle de la ville voisine de Touka-
beur. Au-dessus de l'une de ces collines se trouve une nécropole
mégalithique. M. Cagnat y a décrit une curieuse sépulture composée
de trois dolmens se faisant suite, enfermés dans un cercle de grosses
pierres de dix pas de long, disposés suivant l'un des axes. Dans ce
(( Kebbour-er-Roum » (tombeaux des Romains), comme l'appellent
les indigènes, on ne trouve que des débris de verre. »
Thisiduum ( Greech-el-Oued) se trouve à six kilomètres au
nord-est de Medjez-el-Bab : nombreux restes employés dans les cons-
tructions du village moderne; pont romain sur la rive droite de l'oued
Ammar; par suite du déplacement du lit du torrent, ce pont est
maintenant isolé sur la rive droite.
Elephantaria (Sidi-Saïd), à dix kilomètres de Medjez-el-Bab) sur
la route de Carthage à Hippo Regius par Bulla-Regia : agglomération
urbaine, débris de monuments publics, basilique chrétienne d'où a
été extraite une mosaïque absidiale transportée au Bardo.
Dans la partie ouest du Caidat, groupe de ruines à Oued-Zerga, à
Testeur et dans les djebels Srera, Dhor et ïounga.
Teglata, ruines étendues d'un poste qui défendait l'entrée d'un
long défilé portant le nom d'El-Mtarif : deux groupes voisins, mais
distincts ; le premier, situé sur la rive droite de laMedjerda, occupe
91 —
une superficie de sept à huit Ijectares ; le second couvre le plateau
d'El-Khaloulia et domine le col par lequel passait la route de Car-
thaçfe à Bulla Reda.
*o'
Tichilla (Testour), à 20 kilomètres de Medjez-el-Bab, sur la rive
droite de la Medjerda. Testour a conservé quelques débris de l'an-
cienne ville romaine; on y remarque plusieurs piles d'un pont qui
reliait les deux rives du fleuve.
Tignica(Aïn-Tounga), à neuf kilomètres de Testour ; ruines éten-
dues couvrant le sommet et les pentes d'une série de collines appar-
tenant au versant occidental des hauteurs qui séparent le bassin de
Toued Siliana de celui de Toued Khelled.
€ La ville antique était divisée en deux parties et Tignica avait reçu,
au commencement du iiF siècle, le titre de municipe. L'enceinte l'or-
me un rectangle de quatre cents pas flanqué de tours carrées aux
quatre angles. Une cinquième tour, placée au milieu de la courtine
méridionale, défendait la porte principale ouverte dans la face ouest
de la tour. L'ensemble de ces défenses a peu souffert et les disposi-
tions en sont parfaitement reconnaissables ; les constructions de l'in-
térieur, au contraire, ont été complètement renversées et forment
un monceau de débris envahi par un impénétrable fourré de ron-
ces, de cactus et d'oliviers sauvages. La citadelle est située à peu
près au centre de la ville, qui était arrosée par deux sources abon-
dantes. » (TiSSOT.)
On remarque à Aïn-Tounga Tamphitliéàtre, un grand et un petit
arc de triomphe, le temple de Mercure, un temple à Junon Céleste,
un monument à deux absides; un peu plus loin était le sanctuaire à
ciel ouvert de Saturne, où l'on a découvert plus de cinq cents ex-
voto.
Dans la partie est du Caïdat, les ruines romaines se trouvent au
pied du djebel Rouassi, puis on en rencontre tout une série entre la
route de Medjez-el-13ab à Tunis et le bled Berouik ; les plus nom-
breuses sont situées sur les bords de l'oued Anmiar et de riienchir
Tyr; on voit aussi quelques groupes au nord-est du 'Goul)ollal, près
de la limite du Caïdat de Zaghouan.
- 95 -
Turris (hencliir El-Aoulia) était un bourg fortifié qui occupait une
collin(3 reliée au massif du f]jel)el Sbebii par un col qui traverse la
route (le Medje/.-el-JJab à Tunis : restes d'une cour carrée, traces
d'une enceinte et d'un fossé, citernes, débris de colonnes. Un canal
voûté traverse ces ruines.
Vallis (Sidi-Mediane), village antique qui couvrait un plateau el-
liptique allongé de l'est à l'ouest, défendu au nord par un ravin aux
bords escarpés, au fond duquel coule l'oued Ammar; un pont le rat-
tachait à un faubourg situé sur la rive droite de l'oued. Grande en-
ceinte byzantine sur le plateau, temple au centre de la ville, monu-
ment considérable à l'extrémité sud-est des ruines. La route de Tur-
ris H Vallis (Carthage à Cirta) est jalonnée par une série de ruines.
Les ruines qui occupent la partie centrale du Caïdat sont situées
dans les djebels Zobeuss et Nalah, sur les bords de l'oued Siliana et
au sud du bled Goubellat.
A sept kilomètres de Tichilla s'élevait le bourg de Chidibhia (Slou-
guia) ; vestiges nombreux, pans de murs, citernes, moulins, pres-
soirs .
Enfin, dans la partie sud du Caïdat, on trouve de nombreuses rui-
nes dans le bled Bou-Arada et sur les collines situées entre Medjez-
Sfa et la pointe sud du Caïdat.
Bisica (henchir Biska), grandes ruines (ju on reiuar(|ue à la pointe
sud-est du djebel Er-Rihane (Bou-Arada).
« Les ruines de Bisica, dont l'étendue est d'une cinquantaine
d'hectares, couvrent un plateau qui domine la plaine de Fas-er-Riali
au nord, celle de Bou-Arada à l'est et celle d'El-Aroussa au sud. Au-
cun monument n'est resté debout, mais les nombreux édifices dont
on aperçoit encore les vestiges paraissent remonter à l'époque des
Antonins; toutes les dédicaces qu'on y a trouvées appartiennent à
cette même période. » (Tissot.)
Avitta-Bibba (Bou-Ftis), situé à quinze kilomètres de Bisica, était
une ville datant de Trajan et qui couvrait un plateau incliné en pente
douce :
« Les deux arcs triomphaux dont il reste encore quelques
vestiges, aussi bien que les nombreux fragments de dédicaces qui
- 90 -
nous parlent des monuments disparus, prouvent que cette ville d"A-
vitta, comme tant d'autres localités africaines dont les itinéraires seuls
ont conservé le souvenir, était riche et prospère à l'époque des An-
tonins. » (Tissot.)
Arc triomphal d'Hadrien, mausolées, débris de portes, colonnes,
inscriptions.
Bisica et Avitta étaient situés sur la route de Coreva à Hadru-
mète.
Les Indigènes. — La principale tribu fixée sur le Caïdat de Med-
jez-el-Bab est celle des Riah. Originaires de l'Arabie, ils formaient en
quelque sorte l'avant-oarde des hordes arabes qui envahirent l'Afri-
que au XF siècle, et ils s'attribuèrent le vaste territoire compris entre
Medjez-el-Bab et Zaghouan. Les Riah constituent la moitié de la po-
pulation du Caïdat; agriculteurs et éleveurs, ils sont, en général, labo-
rieux et soumis.
L'autre moitié de la population est composée de petites collectivi-
tés d'origines diverses; les principales sont les suivantes :
Les Hammama, venus du sud de la Régence; ils ne cultivent que
de très petits espaces, mais ils possèdent de nombreux troupeaux de
chèvres. On en rencontre à Smidia, près de ^Sledjez, au Goubellat,du
côté de Testour, de Slouguia et d'Aïn-Tounga. Pauvres, ils fournis-
sent une grande quantité de khammès.
Les Ouesseltia sont les débris de la grande tribu qui au xviip siè-
cle, fut dispersée par le bey auquel elle résistait ; les Ouesseltia se
fixèrent alors par fractions dans les différentes dechra : à Ghetbou,
Kenana, Bou-Djebida, etc.; excepté à Testour, ils restent habituel-
lement seuls dans leurs dechra et se mélangent rarement aux autres
fractions. Considérés par leurs coreligionnaires comme querelleurs
et insociables, ils ne sont, au fond, ni meilleurs ni pires.
Les Trabelsia, originaires de la Tripolitaine, sont installés en Tuni-
sie depuis de longues années. On les trouve, disséminés par groupes
plus ou moins denses, sur les deux i-ives delà Medjerda, entre Med-
jez-el-lîab et Testour; travailleurs et pacifiques, ils cultivent les cé-
réales et font l'élevage du bétail.
Les Drid vim'ent de l'Algérie et constituèrent tout dabord en Tu-
nisie une force considérable que le bey redouta et dont il se fit une
ui
;ilIi('M' (Ml l;i ci'i'iiil Lriliii niiiL'lr/cii. Les iT'|)i'('sfiil;iiils de cctlo tribn
(ix(;.s sur lo CaïduL suiiL les Oiihid-Djoiiiiic cl, les I )iil;i<l-Anir;i ; ils pos-
st;<lont peu de terre i\. litre luelk, mais tiieiit un bon parti des ter-
rains qu'ils peuvent louer.
Les Meni-Ouelliaz aii'ivèrent de Conslantine il y a un peu [dus d'un
siècle et achetèrent (k's champs et des coteaux aux alenh)urs de Tes-
toiir. ils sont intelli,!-;enLs et robustes, mais assez turbulents.
Si, en 1881, les liiiili restèrent calmes, une vive ai^itation r('',una
pai'ini les li'aclions diverses du (;;ridat; l)eaucou[) {irirent les armes
eL se joii.;iiirent aux bandes d'Ali biMi Amar. On les rencontre no-
tamment le iiU septembre, à la sinistre alTaii-e d'Oucd-Zerg-a, où, après
avoir coupé les rails du cheinin d(; 1er et détruit un pont, ils incen-
dièi'ent la i^are et en massacrèi'ent le pei-sonnel. Depuis cette époque,
les inriioèues du Gaidal de Medjez-el-l!ab n'ont Jamais causé d'ennuis
à l'Administration.
CHAPITRE II
La colonisation dans le Caïdat de Béja
Béja. — Au lendemain même delà période romaine, Vaga (Béja)
fut saccagée par les Vandales, puis relevée de ses ruines, au \i^ siè-
cle de notre ère, par Justinien, qui l'entoura de puissantes murailles.
L'invasion arabe la bouleversa de nouveau ; ses basiliques se trans-
formèrent en mosquées et le croissant remplaça le crucifix. Le géo-
graphe Bakri, qui dépeint Béja en Tan 1000, écrit :
« Béja est une grande ville; plusieurs rivières y coulent. Elle est
bâtie sur une montagne appelée Aïn-Echchems (Containe du Soleil),
laquelle montagne a l'aspect d'un burnoux étendu par terre. On y
trouve des fontaines donnant de l'eau excellente. Les lortilications de
Béja sont construites d'une manière intelligente et habile, en gros
blocs ; un grand faubourg se trouve à l'est de la fortidcation. On y
voit une mosquée, cinq bains maures, beaucoup de Ibndouks et enfin
trois marchés où l'on vend des vivres.
(( A une distance de trois milles de Béja et à" l'Est, il existe un
lleuve ([ui coule du Nord au Sud; tout autour on remarque des jar-
dins qui sont arrosés par les eaux. La terre est noire et fendue ; elle
produit toutes les essences possibles, et Béja est surnommé « le gre-
nier de l'Afrique ». C'est un pays fertile; les prix des denrées sont
modiques, môme dans les années de sécheresse. On compte chaque
jour plus de mille bètes ou chameaux qui vieiment y pnMidre des
approvisionnements. »
A partir du xi'' siècle nous ne tr()UV(»iis plus trace de Méja dnns les
dilïérenls auteurs ([ui ont écrit sur rAliiqiie. Cette ville a dû, ainsi
que ses voisines, passer sur dillerentes périodes de paix et de guerre
avant de tomber dans la décadence où nous l'avons trouvée. Le ca-
pitaine Vincent, qui tint garnison à r>(''ja j^eu apivs l'ciilrc'e de nos
troupes dans la Régence, eu donne la dcscriiilion siiiviuilc :
« iîéja est un amas de j'uines, de l'uelles sales et dltscui-es, de mai-
sons sombres, puantes, où sont eiitassi's pèle-mèle gens et animaux.
La ville actuelle comprend deux parties distinctes : la ville haute
— !lî) —
entourée de l'ancienne enceinte,- et (jui est J'anlique Vaga ; Ja ville
basse, moderne, bâtie par les Arabes et les Juifs avec des matériaux
pris dans l'ancienne cité. Le tout est entouré d'une espèce d'enceinte
en mauvaise maçonnerie, percée de six portes. La kasba, ancien
oppidum, est à deux cent cinquante-cinq mètres d'altitude ; la ville
se trouve en dessous, à deux cent douze mètres seulement ; ça et là
on rencontre des stèles funéraires, des fragments d'inscriptions, le
tout plus ou moins mutilé et attestant les scènes de pillage et de dé-
vastation par lesquelles Béja a dû passer. »
La vieille ville est restée purement arabe ; elle possède un cacbet
d'indigénat que l'on rencontre rarement ailleurs. Bâtie en ampbitbéâ-
tre sur les pentes de la colline que couronne la kasba, les masures
semblent crouler les unes sur les autres et un certain nombre d'en-
tre elles sont encastrées dans les anciens remparts byzantins, dont
une partie subsiste encore ; vingt-trois tours la llanquent, et sur les
murs des liabitations misérables où se blottissent les petites indus-
tries de cette ruche bourdonnante, on relève de nombreuses inscrip-
tions.
Une seule partie des remparts mérite une attention spéciale; il s'a-
git de la « porte romaine », fort bien conservée, malheureusement
enfouie presque entièrement dans le sol. Des fouilles exécutées sur
ce point permettraient de découvrir des choses intéressantes. Les
ruines les plus remarquables sont celles que les indigènes désignent
aujourd'hui sous le nom d'Aïn-Béja; elles portaient, il y a peu de
temps encore, l'appellation d'Aïn-Djehelia (la fontaine des païens).
On y descend par vingt-sept marches en partie usées, conduisant à
à deux rangées d'arcades superposées, au fond desquelles sourd une
eau limpide et fraîche qui va se perdre dans un égout romain.
De l'examen des remparts de Béja, auquel a procédé M. Bonjean,
conducteur des Ponts et Chaussées, il résulte que l'ensemble de ces
murailles est en très mauvais état et que la situation, pour quelques
parties, ne saurait être prolongée sans compromettre gravement la
sécurité pubhque.
(( Des lézardes de grandes dimensions, dit M. Bonjean, des maté-
riaux énormes descellés de leurs alvéoles et saillants sur la voie pu-
blique, des déversements et des gonllements produits par la poussée
des terres, tel est, pour les bastions surtout, l'état actuel. La réfec-
tion, si on voulait l'entreprendre, coûterait des sommes énormes, et
— 100 —
il ne paraît pas possible de l'envisager, le bnt à atteindre étant hors
de proportion avec les sommes à engager. »
La kasba n'a rien d'intéressant au point de vue archéologique,
mais on jouit de ce point d'un beau panorama sur le bled Béja. La
ville européenne est quelconque et peu étendue ; toutefois, des tra-
vaux importants y ont été exécutés depuis quelques années et Béja a
été dotée de quelques bâtiments utiles, tel que le Contrôle civil, la
^lunicipalité, les Postes et Télégraphes, la Justice de paix, le groupe
scolaire, les Ponts et Chaussées, etc; on y a également créé plusieurs
squares, et la Direction des Travaux publics a eu le bon esprit d'ou-
vrir de larges voies bordées d'arbres qui, en peu de temps, envelop-
peront la ville d'un beau rideau de verdure.
La population de Béja est d'environ 'P2.000 habitants : 250 Fran-
çais, 1.000 étrangers (dont 800 Italiens), 400 Juifs et 10.000 musul-
mans.
Scolarité. — Béja possède deux écoles : garçons et filles. L'école
des garçons comprend trois classes, l'école des filles deux classes.
En 1900, l'école des garçons comptait 215 élèves : 8 Français, 18
Italiens, 3 Maltais, 96 musulmans, 98 israéUtes. Cette même école,
en 1905, ne recevait que 174 élèves : 17 Français, 4i Italiens, 1 Mal-
tais, 41 musulmans et 71 Israélites. L'école des filles comptait, en
1900 : 9 Françaises, 24 Italiennes, 2 Maltaises, 1 musulmane et 57 Is-
raélites, soit 93 élèves. En 1905 : 4 Françaises, 40 Italiennes, i Mal-
taise, pas de musulmane, et 57 Israélites, soit 118 élèves.
En quatre années, il y a eu chez les garçons une perte de 41 élè-
ves, et pendant cette même période une augmentation de 25 élèves à
l'école des filles; mais le nombre des Européens s'est accru, de
1900 à 1905, chez les garçons de 33 élèves et de 10 élèves chez les
filles.
11 est nécessaire de créer, pour les garçons et pour les filles, une
classe de plus, car, dans l'une et l'autre école, nombre d'élèves ont
été refusés cette année même, faute de place. Le personnel ensei-
gnant ainsi que les locaux scolaires sont absolument insuffisants; le
nombre des élèves italiens inscrits est relativement élevé, mais il ne
représente même pas le quart des enfants de cette nationalité suscep-
tibles de fréquenter l'école. Quant aux Français, ils paraissent bien
- loi -
noyés dans celle aflluence d'indigènes, d'israéliteseld'étranj^ers; cela
lient d'abord à la répugnance qu'éprouvent la plupart de nos com-
|)atriotes de voir leurs enlanls se mêler à celle cohue cosmopolite, où
la surveillance du mailrc est Ibrcémenl i-eslreinle; cela tient surtout
à ce que les enfants des colons français sont presque tous assez éloi-
gnés de Béja pour qu'il leur soit impossible de se rendre à l'école.
Cette dernière considération a, comme à Aïn-Draliam, attiré l'at-
lenlioii de M. le Résident Général Pichon, qui vient de mettre à
l'élude un projet de création d'un internat primaire à Béja, auquel
on pourrait adjoindre, par la suite, une ferme-école. .\1. Klepper,
contrôleur civil, a, sur ce sujet, adressé au Directeur de T Enseigne-
ment un rapport très complet qu'il est bon de résumer, et qui, espé-
rons-le, ne restera pas lettre morte :
« Il est nécessaire, dit M. Klepper, que les locaux soient spacieux,
entourés de vastes cours et jardins et situés près de la ville. Le clioi.x:
de l'emplacement doit être guidé par trois points : 1" situation livgié-
nique ; 2° eau abondante ; 3° prix raisonnable des terrains.
c( La partie basse de la ville est fiévreuse ; seule, la partie haute
convient à l'inslallation d'établissements publics, mais elle est mal-
heureusement privée d'une quantité d'eau suffisante. On remédierait
à cet inconvénient en captant la source Aïn-R'hira (5 kilomètres) ; la
dépense des travaux de captalion et d'adduction — dont la moitié de
la ville actuelle bénéficierait — ne dépasserait pas iOO.OOO francs. Cet
aménagement une fois exécuté, la Direction de l'Enseignement aurait
à dépenser, préalablement aux constructions, environ 100.000 francs
pour l'acliat du terrain.
'.(. Ce serait évidemment la meilleure combinaison, mais si elle ne
pouvait être réalisée faute de crédits suffisants, il y aurait lieu de de-
mander au Gouvernement Tunisien de céder la kasba de liéja (où est
logée la gendarmerie), avec tous les importants bàtimenls qu'elle
comporte, à la Direction de f Enseignement qui, en compensation,
donnerait fécole primaire actuelle, où le Gouvernement Tunisien
installepûit la gendarmerie.
(( La kasba se prêterait admirablement à un inlernal-external. Elle
comporte deux grands casernemenls el un troisième bàliment, plutôt
petit, servant de logement au brigadier ; ils sont en excellent état,
très solidement construits par le génie; ils reposent sur le roc et sont
aménageables, à peu de frais, en salles d'études, dortoirs et réfectoi-
res. Ils paraissent pouvoir servir à cinquante internes, non compris
les logements des maîtres, et ils forment, au centre, une grande cour à
La Tunisie du Nord 8
— 102 —
ciel ouvert où existe une citerne de 100 mètres cubes et un bassin
recevant les eaux de l'aïn Boutaà.
« La kasba, placée sur un point culminant, est très aérée et d'un
accès facile, aussi bien par la ville indigène que par une nouvelle
route carrossable à pente douce. A la vérité, il serait impossible de
trouver plus de deux liectares de bonne terre attenant à la kasba,
mais il serait aisé de trouver deux ou trois hectares séparés à 300
mètres de là et tout près de la route. Le prix de ces terres ne dépasse-
rait pas 1.000 francs l'hectare.
(( Enlin, si ce deuxième projet était également écarté, il y aurait
lieu de construire un établissement pour les internes seulement, ta
1.500 mètres de la ville, après acquisition de la colline boisée dite
« Sidi-Khalef )). L'internat occuperait alors une situation exception-
nellement belle — sous réserve toutefois d'y amener l'aïn R'hira —
et il serait entouré de cinq hectares de terre de première qualité
que l'on pourrait acheter aux prix de 1.000 francs l'hectare. »
Les habitants de Béja que j'ai consultés — je parle des Européens —
ne verraient pas d'un bon œil leurs enfants grimper deux fois par
jour à la kasba à travers la ville arabe ; ils sont d'avis que cette kasba
devrait être aménag^ée pour l'internat primaire et qu'un nouveau
groupe scolaire pourrait être construit, pour l'externat, sur un ter-
rain appartenant au Domaine public, situé en pleine ville, derrière la
maison des Ponts-et-Ghaussées.
Salubrité. — La ville de Béja se trouverait d;ms d'excellentes con-
ditions hygiéniques, bâtie comme elle est à liane de coteau, si elle
était plus propre. Il est urgent de compléter le réseau d'égouts,
amorcé sur plusieurs points par le Service des Ponts-et-Chaussées,
de réparer les anciens égouts arabes et de couvrir l'mied Bouzeg-
dem (|ui traverse une partie de la ville. A ce prix, P.éja sera sa-
lubre,
La lièvre typhoïde, la tuberculose, la dyphtéric, la variole sont les
maladies les plus fréquentes. J^a tuberculose occasionne, chez l'Arabe,
ungrand nombre de décès,et la dyphtérieacausé desTavag-esparmi la
population inliuililc pendant l'hiver dei'niei'. L;i variole ;i |)res(|ne dis-
|»;irn, on du moins elle s'(;st fortattéiuiée, de|)uis (|ne le docleni'Per-
rier, médecin de colonisation à l'éja, a pi'aliqné dans la contive plus
de L^).0(M.) v.'U'cinations.
Le Caïdat de Béju n'est pas malsain, sauf sur certains points isolés.
— io:{ -
mais il est presque impossiljle (réviter la fièvre aux ahonls des ouerls
dans un pays où Ja teiiipéralure estivale est si élevée.
En dehors d'une population très dense, le Caï<lat de iîéja possède
une population minière assez nombreuse, où les accidents de travail
sont assez fréquents, et, foii souvent, il serait indispensable de soi-
gner, de panser, d'opérer les victimes dans le plus bref délai ; mais
les médecins n'ont ni hôpital, ni infirmerie. La construction d'un
hèpilal de vingt lits, avec salle d'opération et d'isolement ("pavillon in-
digène et pavillon européen), ne coûterait cependant qu'une cinquan-
taine de mille francs au maximum, et les compagnies minières con-
tribueraient volontiers à la création d'une o'uvre aussi utile. Pour
donner, sous ce rapport, satisfaction aux habitants de iîéjà, le Gou-
vernement du Protectorat n'aurait donc ni grands efforts, ni g-randes
dépenses à faire : la collectivité intéressée l'y aiderait effective-
ment.
Les environs de Béja. — Pendant les premières années du Pro-
tectorat, les progrès de la colonisation furent très lents dans le
Contrôle de Oéja, car la région n'était pas appréciée de nos compa-
triotes au point de vue agricole. En 1887, un financier avait acquis
l'henchir El-Munchar, mais sans aucune intention d'y tenter la cul-
ture directe, et ce n'est qu'en 1803 qu'un Français, M. Barraud, achète
une propriété domaniale dans les environs immédiats de la ville et
s'y installe à titre de colon.
Vers ISOf"), grâce aux efforts incessants de la Direction de l'Agri-
culture, dont l'organisation venait d'être complétée, un revirement se
produisit dans l'opinion publique et les divers lots de la colonisation
que l'Etat possédait dans le territoire de Béja furent rapidement ac-
quis par des émigrants français. Vers la même époque, les liabous
publics, comprenant une superficie d'environ 5.000 hectares, furent
également livrés à la colonisation par la voie de substitution au Do-
maine de l'Etat, et dès l'année 11X)1, les réserves de terres domaniales
ou liabous publics étaient épuisées.
A cette époque, la pénurie des terres pouvant être alTectées immé-
diatement à la colonisation commençait à se l'aire sentir dans tout le
— i04 —
nord (le Ja Régence et menaçait de rendre difficile l'installation de
nouveaux immigrants. Pour prévenir cette situation, un premier cré-
dit de 1.500.000 francs fut mis en iCiO^ à la disposition du Domaine
en vue de l'achat immédiat de propriétés convenables et d'étendue
suffisante pour permettre la création de véritables centres. D'autres
crédiLs vinrent par la suite accroître ce premier fonds de remploi et
permirent à l'Administration d'acquérir successivement les terrains
qui constituent actuellement les centres d'El-Afareg (1002), de Djebil
Démina et Zerelli (190:3), El-Gueliaà, El-Haouarya et Magoula (1004),
El-Godor (1905).
Actuellement, la colonisation agricole est en plein développement
dans la région de Béja : la valeur du sol y a triplé; l'hectare, payé 100
francs il y a cinq ou six ans, vaut ^350 francs et plus.
Cette plus value empêcha l'Administration de continuer ses achats
comme elle l'aurait désiré; elle craignit de créer une hausse factice,
et pourtant, ce n'est pas elle qui a déterminé cette hausse, mais bien
les particuliers eux-mêmes par leurs transactions.
Une quinzaine de fermes françaises sont instahées à proximité de
Béja dans un rayon d'une dizaine de kilomètres, et la colonisation,
malgré le prix des terres, se développera certaiment de plus en plus
en raison de l'importance du marché de la ville. Il feindrait, toutefois,
tracer des voies de communication plus pratiques et procéder à des
travaux d'aménagement des eaux.
I.a colonisation sicilienne apparaît très compacte aux environs de
Déjà. Elle s'infiltre sans bruit dans la colonisation française. A la
sortie même de la ville, à 500 mètres à peine sur la route de Déjà à
Tabarca, on voit plusieurs groupes de gourbis que, si l'on n'était
prévenu, on croirait habités par des Arabes : ce sont les mêmes cons-
tructions rudimentaires qui abritent, non des Indigènes, mais ([uel-
ques centaines de Siciliens. Les uns ont loué un bout de champ,
soit aux Arabes, soit aux Français; d'autres ont îiclieté de dix à
vingt licctares aux itroitriiHaires (MU'opéens, ou loue'' à eiizcl aux
propriétaires indigènes. Ils vivent très sobrement, de légunies secs,
de pâles prépai'ées ])ar les femmes; ils j^niduiscnt d(^s cultui-es
qui font radiiiiralidii ilr Ions. I^cins jaidins sont bien tciins et
1
— ior. —
ils (JoiniciitLuits Jc'Ui'S soins au Ijùluilii u'ils clùvonl. Un colon du Mun-
chai' me disait :
« Quand vous verrez siu' le marché de Béja une belle paire de
bo-uis, vous pouvez être sùi- qu elle a été amenée par un Italien. Le
Sicilien en Tunisie vaut le Malionais en Algérie. »
Lorsque M. lo Résident Général voulut bien me cliarg'er d'une
enquête sur la colonisation algérienne, je pus constater que si l'Es-
pagnol implanté en Oranie perd peu à peu le souvenir de son pays
d'origine, il ne devient pas pour cela — quoi qu'on en iiit dit ■ — Fran-
çais. S'il laisse aux buissons le plus gros de" sa primitive sauvag-erie,
c'est pour se transformer en ajrikander, pour participer à la fonda-
tion de la néo-race algérienne^ dont il subit la mentalité spéciale.
S'il conserve l'usage du patois de sa province, ses enfants ne le com-
prendront plus : ils ne parleront pas français, ils emploieront ce
langage — aussi spécial que la mentalité — qu'en Algérie on appelle
le « sabir ».
Tout autre est le Sicilien : Palerme, Trapani ou ^lessine le préoc-
cupent fort peu, et sur sa nouvelle terre d'adoption il ne subit pas
l'ambiance européenne. Contrairement au Sarde et à lltalicn du Nord
<|ui — à l'exemple de beaucoup de Français — regagnent le village
natal après avoir amassé un petit pécule, il s'attache au sol qui lui
procure sa subsistance, et, quand ila des économies il les envoieauxpa-
rents restés aux pays, afinde leur permettrede prendre passag^e sur une
tartane et de venir s'installer auprès de lui. Un certain nombre de
Siciliens oublient facilement la langue maternelle, mais ne cherchent
pas à apprendre le français ; ils se fondent difficilement dans la masse
européenne, et s'assimilent plutôt à la vie arabe. Jl en est, dans la
région de Béia, qui parlent arabe même entre eux, adoptentles mo'urs
arabes. Ils deviennent Arabes.
Henchir Magoula. — La colonisation française s'est portée au
nord, à lest et à l'ouest de Béja ; la région sud, jusqu'alors, a été peu
occupée ; mais, au cours de l'année l*.K)i-, la Direction de l'Agricul-
ture a acquis pour la colonisation les henchirs ]\lagoula et l-'-l-Ihuma-
rya, situés tous deux au sud de Héja.
L'hencliir Magoula est en partie formé de terres basses, confrontant
à l'oued Béja sur toute sa limite ouest ; il laisse donc à désirer au
— lOG -
point de vue de la salubrité, et peut-être aurait-il été dangereux d'y
installer à demeure des familles françaises n'ayant d'autre occupation
que la culture du sol ; considérant d'autre part que la proximité de
la ville permettrait l'exploitation de ces terres par des citadins, la
Direction de l'Agriculture, après avis favorable du Comité consulta-
tif de Colonisation, a divisé l'hencbirMagoulaen lots d'environ vingt-
cinq hectares qui ont tous été acquis par des personnes domiciliées
en ville. Le charron, le bourrelier, le maréchal-ferrant et d'autres
encore ont pris chacun un lot et se sont ainsi créé un intérêt qui
sans doute contribuera à les fixer définitivement dans le pays. Ce
mode d'attribution des terres permet bien des critiques, mais on est
obligé de reconnaître qu'il a eu l'approbation presque unanime des
Français de Béja, les mieux placés de tous pour juger une tentative de
ce genre. Ce n'est d'ailleurs qu'un essai dont il convient d'attendre les
résultats.
Une parcelle de l'henchir Magoula, très rapprochée de la ville, a
été divisée en huit lots d'une superficie de deux à trois hectares que
le Domaine a alTectés à des acquéreurs pour la plupart ouvriers ou
petits commerçants de détail, en leur suggérant l'idée d'y créer un
enclos pouvant assurer à la famille sa provision de vin, de Iruit et mê-
me de légumes, tout en lui fournissant un but de promenade pour le
(hmanche et une récréation saine au grand air.
La vente de ces terres a été ellectuée en avril 11)05; il serait ditlicile
d'en préjuger dès maintenant les résultats ; mais en cas de succès,
le Domaine ne manquerait pas de constituer ainsi des petits lots de
jardinage dans la banlieue immédiate de tous les centres où existe
une population ouvrière française. A ce point de vue, l'essai tenté à
Mayoula est des plus intéressants.
Henchir El-Haouaria. — Situé à 5 kilomètres au sud-est de Béja,
cet henchir est desservi par la piste de Béja à Téboursouk. La super-
ficie totale est de 331 liectares et les terres sont de bonne qualité,
argilo- calcaires. Cette propriété, constituée par des coteaux i)eu acci-
dentés, renferme deux sources, dont une déjà captée donne île l'eau
potabliM'ii fibondanci^ ; de plus, la disposilitiii ilii Icrraiii itcrmct de
su|)i)()ser (jiie l'on trouvei-ait de l'eau dans tous les ravins.
El-IIaouaria a été divisé en cinq lots de 50 à 75 hectares ; une
réserve d'une vingtaine d'hectares a été faite autour de la source
— 107 —
pour pcrmetti'o uux colons do s'iiistallci- sur ce poiuL cL d'y créer
un petit centre au moyen de lots urbains de 1 à 5 hectares. D'ail-
leurs, les coteaux qui forment cet hencliir étant assez élevés, les
propriétaires pourront s'installer sur leurs lots sans crainte de palu-
disme.
Dans El-IIaouaria même se trouve une mine rpji occupe une cen-
taine d'ouvriers.
Henchir El-Guelia. — Cette propriété, comme les deux précé-
dentes, a été acquise au Collège Sadiki par le Domaine. Située à 25
kilomètres au nord de Béja, à peu de distance de la route des Nefza,
elles est accidentée et elle renferme des terres de dilférentes qualités,
mais bonnes dans l'ensemble. L'alimentation en eau potable est assu-
rée par plusieurs sources, dont une très abondante.
El-Guelia, dont la superficie est de 562 hectares, est desservi par
plusieurs pistes; l'une d'elles, aboutissant au kilomètre 17 de la
route des Nefza, devra être transformée en chemin de colonisa-
tion.
Le Domaine a installé dans cet enchir quatre familles de colons
sur des lots variant entre 81) à 180 hectares. En vue de la création
éventuelle d'un centre industriel, un cinquième lot a été réservé
et sert provisoirement de pâturage communal pour le bétail des co-
lons.
Les henchirs Magoula, El-IIaouaria et El-Guelia ont été achetés
ensemble 245. OCX) francs, soit un prix moyen de 205 francs l'hectare.
El- Afareg, Djebil et Démina. — Ces trois points de colonisation
se touchent et sont situés à 0, 8 et 10 kilomètres de Béja. Cinq co-
lons sont installés à El-Alareg sur des lots de 75 hectares en moyen-
ne ; deux colons à Djebil (180 et 102 hectares), et quatre à Démina
(deux fermes de 300 hectares et deux de 150 hectares). Toutes ces
propriétés sont cultivées d'après la méthode française, au moyen de
la main-d'o'uvre arabe. L'ouvrier agricole arabe se paie tlo 1 fr. -0 à
1 fr. 50 par jour dans cette région.
C'est en 1901, 1002 et 1iX)3 que la Direction de l'Agriculture livra
ces terrains à la colonisation; ils sont fertiles, le régime des eaux y
est constant, le climat très sain et la situation vraiment agréable. De
Djebil surtout, le panorama est attrayant : en regardant vers le sud
— lus —
on a, sous les pieds, une succession de vallons cullivésdu plus bel as-
pect, qui vont rejoindre la riche et large plaine de la Medjerda, au
fond de laquelle serpente le lleuve avant de s'engoulï'rer dans les gor-
ges de Pont-de-Trajan et de Douemis. Vers l'est on aperçoit d'abord
les crénaux de la chaîne du Munchar, puis les montagnes de Testour
et plus loin, à l'horizon, les monts Zaghouan. A l'ouest, plaqués
dans la vallée, les villages de Souk-el-Khemis, Ben-Bechir, Souk-el-
Arba, Oued-Méliz, Ghardimaou, stations de la ligne de Tunis àBône;
tout au fond, les pitons du Kef, et, plus à droite, les hauts escarpe-
ments, qui semblent infranchissables, des montagnes d'Algérie. Et
c'est toujours un beau spectacle, qu'il se présente en hiver sous le
vaste manteau de neige — comme il m'a été donné de l'admirer cette
année (janvier 1905), — ou bien que se déroulent cà perte de vue,
en la chaude saison, les luxuriantes moissons.
Le plateau d'El-Afareg, dont le centre forme cuvette avec mame-
lon peu élevé sur les flancs duquel ou rencontre des vestiges ro-
mains peu importants, possède plusieurs sources d'eau excellente
qui fournissent un débit de 40 litres à la minute pendant l'été. Le
rendement des céréales est de 10 à tl pour un en blé, et de 15 à 18
pour l'avoine ; la vigne y vient fort bien et le pays est très propice à
l'élevage des bêtes à cornes. Les indigènes y cultivent le blé, le sor-
gho, et, sur 5 hectares irrigués, se livrent à la culture maraîchère.
Trois anciens métayers de la Société des Fermes Françaises en
Tunisie, dont nous parlerons plus loin, sont installés à El-Afareg où
ils ont acquis, du Domaine, des fermes de 70, 13 et 1)0 hectares; un
autre, à Démina, possède un lot de 176 hectares. Ils sont contents de
leurs sort. La Direction de l'Agriculture a livré dans cette région, à
la colonisation française, 1.100 hectares de terres de première qualité
formant douze lots, pour la somme de 133.000 francs, soit, en moyen-
ne, 120 francs l'hectare.
Entre ces trois points de colonisation et les Amdoun, plusieurs
groupements siciliens ont élevé des gourbis ou bâti des maisonnettes;
ils occupent environ un millier d'hectares par parcelles de 20 à 25
hectares achetées ou louées.
El-Afareg est reli*'' à l'éja par la roule empierrée de lîi'ja à Souk-
el-Khemis et par une piste accidi'iitée mais carrossable. Les colons
d(^ Djebil et Démina réclament des tronçons de roules ou de pistes
carrossables pouvant desservir leurs fermes. Les colons demandent,
— JOÎJ -
cil oiiLie, rétablissement d'une école primaire à Ei-Alarej^ ; [jIus rie
vingt-cinq enfants français restent acuiellement privés d'instructio!i
et la création prochaine d'un internat primaire à ï>éja ne résoudra pas
la ({uestion, car la plupart de ces petits colons ne pourraient suppor-
ter les frais de la pension, quelque réduits soient-ils. Il faut considé-
rer que le groupement d'El-Alareg, Djebil et Démina est plus impor-
tant et plus intéressant que celui du Munchar (qui possède une éco-
le). En elï'et, au Munchar la colonisation est surtout constituée par
l'élément métayer, l'agriculteur qui vient faire apprentissage de la
vie tunisienne, puis s'en va plus loin, dés qu'il peut, planter sa tente;
à El-Afareg, au contraire, le laboureur s'installe avec l'idée bien ar-
rêtée de rester sur sa terre et d'y faire souche. Ce qui a été accordé
au passant ne peut être refusé au sédentaire.
Le Munchar. — Le djebel Munchar se trouve à 15 kilomètres de
Béja. C'est une chaîne de montagnes ayant environ 5 kilomètres de
longueur, terminée à son sommet par ime arête rocheuse de 50 mè-
tres de hauteur, coupée, en certains endroits, par des brèches aux
abords escarpés. La crête sud du djebel Munchar se termine im-
médiatement à la route de Tunis. On peut circuler sur la crête par
un sentier serpentant entre des rochers à parois verticales ; la
llore y est variée. Excursion pittoresque et beau panorama sur le
bled Béja, à l'ouest, et sur la vallée delà Medjerda, au sud et au sud-
ouest.
La région cultivée du Muncliar est excessivement fertile ; elle
est vallonnée, sauf dans la partie qui traverse l'oued El-Boul et sur
le plateau de «Sidi-Mahmoud. Le point central est situé à 12 kilo-
mètres de Béja, 12 kilomètres de la gare d'Oued-Zerga, 14 kilomètres
de Pont-de-Trajan. Le Munchar est traversé par la route de Béja à
Oued-Zerga.
C'est au Munchar qu'une tentative de colonisation par le système
du métayage a été faite par la Société des Fermes Françaises en Tu-
nisie, dont le directeur est un ancien professeur du Lycée de Tunis,
M. Jules Saurin.
La Société a pour objet l'achat de grands domaines qu'elle mor-
celle en exploitations de 50 ù 100 hectares, confiées à des cultiva-
teurs français. Ces cultivateurs sont employés en qualité de métayers
et de maîtres-valets. Le métayer doit posséder les avances nécessai-
— 110 —
res pour assurer l'exploitation de la ferme et acheter le matériel agii-
cole; il fournit tout le travail, mais il a droit à la moitié des produits
de la ferme et à la totalité des produits nécessaires à l'alimentation
de sa famille. Le maître-valet est rétribué par un salaire ilxe qui va-
rie de 90 à 120 francs par mois; ses enfants sont payés en sus, sui-
vant leur travail ; de plus, il a le droit d'entretenir un jardin, d'éle-
ver de la volaille, de prendre le lait de deux vaches arabes, d'acheter
à la Société le vin nécessaire à sa consommation au prix de 10 francs
l'hectolitre.
Deux groupes ont déjà été créés par la Société, l'un à Saint-Cy-
prien (Contrôle civil de Tunis) de 1.035 hectares; il renferme douze
métairies. L'autre, de 1.230 hectares, est celui du Munchar; il com-
prend neuf fermes (cinq au-dessous de 100 hectares et quatre au-
dessus). Un troisième groupe de 600 hectares est en formation à
l'henchir Essemadhi, sur le trajet de la route projetée de Béja à Ma-
teur.
L'œuvre de M. Saurin a été très discutée. Certains reprochent au
directeur de la Société de faire montre d'une philanthropie factice et
de travailler surtout dans son propre intérêt. C'est inexact. Certes, la
Société prospère, elle fait ce que l'on peut appeler « de bonnes affai-
res » ; mais depuis quand colonise-t-on dans le dessein de perdre do
l'argent'? Si M. Saurin a su sauvegarder et développer les intérêts
de ses actionnaires, il a également rendu de réels services à la petite
colonisation française en attirant en Tunisie, au besoin en allant cher-
cher lui-même en France, des familles de véritables paysans et en
leur consentant des contrats de métayage. A l'heure actuelle, toutes
les fermes sont occupées et quinze anciens métayers ou maîti'es-va-
lets, c'est-à-dire quinze chefs de familles françaises arrivés chez M .
Saurin presque sans ressources, ont essaimé sur d'autres domaines
de la Tunisie, où ils sont devenus propriétaires de lots de 50 à KM)
hectares.
En lOOi, sur le domaine du Munchar appartenant à la Société des
Fermes Françaises, le rendement des céréales a été, par hectare, de
lOfjuintaux pour l'avoine, 13 pour le Itlé dur et 15 pour le blé ten-
dre; la vigne a produit 50 quintaux de raisin à l'hectare. Les écu-
ries et les étables renferment 130 ba*ufs de labour, 33 chevaux ou
mulets et liK) vaches, juments et jeunes bêtes d'élevage. La pro-
priété du Munchar a été acquise par MM. Saurin et C'^ à divers Eu-
ropéeiis (|ui, eux-mêmes, l'avaient achetée à eiizel aux Habous. Les
Français installés dans les neuf fermes du Munchar : métayers, sta
giaires, chefs de culture et ouvriers, sont au nombre de quarante-
el-un.
On voit aussi au Munchar, en dehors delà Société dont nous ve-
nons de parler, trois fermes importantes (390, '220 et i20 hectares)
appartenant à des Français, parmi lesquels, M. Carrier, l'actif prési-
dent de l'Association des Colons de ]jéja. Enfm, à peu de distance du
Munchar, se trouvent deux beaux domaines, l'un de 800 hectares, à
Qçar-Mezaoual, l'autre de 600 hectares à Sidi-Ahmeur. Une troisième
ferme, achetée à la Direction de l'Agriculture, est située àEn-Xagar
(200 hectares).
En résumé, dans un rayon de 8 à 10 kilomètres, on compte seize
fermes françaises, occupant une superficie de 3.580 hectares, et sur
lesquelles vivent soixante-quinze Français.
Henchir Douemis. — L'henchir Douemis, situé à 12 kilomètres
au Sud-Est du Munchar, tout près de l'oued Zerga, est constitué par
une série de plateaux et de coteaux à pentes douces dont la plupart
sont cultivables à la charrue française. La nature des terres est assez
variable, mais en général argilo-calcaire. Dans la partie Nord, où les
terres sont plus froides, la récolte est tardive ; les fourrages y pous-
sent en abondance.
Trois jeunes Français y ont acheté, en 1902, à la Société Foncière
d'Oued-Zerga, 2.000 hectares environ qu'ils cultivèrent d'abord en-
semble. Après deux années de cette vie commune, ils divisèrent le
domaine en trois propriétés qu'ils habitent. Ces trois jeunes gens ont
fait de leur centre, un noyau où étudiants-colons, stagiaires, agricul-
teurs-amateurs vinrent nombreux ; quelques-uns restèrent dans la
région. On compte à Douemis onze Français, ouvriers et patrons. .
L'henchir Douemis est dépourvu de voies de communication.
Les Amdoun. — C'est le plus riche territoire du Caïdat de Déjà ;
c'est aussi le })lus pittoresque. Entièrement défriché, sillonné par de
nombreuses sources qui coulent toute l'année, le pays est salubre,
sauf quelques fonds de vallées et les parties confinant aux Ouchleta,
où le paludisme se fait sentir.
Le territoire des Amdoun commence à cinq kilomètres au Nord-
112 —
Ouest de Béja et s'étend jusqu'à la limite des forêts de Kroumirie au
Nord et au Caïdat des Oulad-bou-Salem à l'Ouest. On y découvre cha-
que jour de beaux gisements miniers.
Six colons français y possèdent de vastes propriétés ; l'une d'elles
atteint 700 hectares; les autres varient de 100 à 200 hectares. Deux
de ces dei-nières ont été vendues par la Direction de l'Agriculture. 11
est difficile, en raison de l'aisance des indigènes, d'acquérir de nou-
velles terres dans cette contrée.
Le village de Zaouïet-Median, qui compte 800 habitants, situé à peu
près au centre du territoire des Amdoun, se trouve à l'i kilomètres
de Béja, à 60 kilomètres d'Aïn-Draham et à 17 kilomètres de la gare
de Souk-el-Khemis. Aucune route ne le dessert, et, pendant la saison
des pluies , les pistes sont impraticables ; il y a donc nécessité de
construire une route reliant Zaouiet-Median à Béja, de créer une
école et d'acquérir, si possible, quelques terres pour la colonisa-
tion.
La piste qui, partant de Béja, conduit aux Amdoun, dessert Le
Bardo (2 kilomètres de Béja) et passe ensuite par les fermes fran-
çaises de Sidi-Béchir, Aïn-Sellem, Kinissi et Sidi-Moussa. Le terrain
est ensuite de plus en plus accidenté : ce sont toujours des coteaux
à céréales, de nature fortement argileuse, mais les lignes sont plus
courtes, les vallons plus profonds. A l'ouest, sur la limite du Caïdat,
une magnifique source, faïn Zereuss, sort d'un certain nombre de
failles existant au pied du djebel Bou-Guetrane. Elle fournit, aux
basses eaux, un débit de soixante-quinze litres à la seconde et donne
naissance à un cours d'eau qui se jette dans l'oued Kasseb, à l'entrée
du défilé du Khanguet-Sellama, dont la traversée est des plus agréa-
bles.
M. Carrier, qui, en sa qualité de délégué à la Cliambre d'Agricul-
ture, fit partie de la Commission de délimitation des terrains boisés
domaniaux situés dans le Caïdat de Béja, a publié, de son excursion,
sous le titre Dix jours en forêt, une attrayante description d'où il
nous permettra d'extraire (iuoh|ues passages:
<f II est dix heures lors(iue nous arrivons au pied du Sobbali, àson
point centrah Nousfranciiissons la montagne par un dc'lilé de douze
à quinze cents mètres de longueur: c'est le Khanguet-Bril<a. Il relie
la vallée que nous venons de (juittcr à celle de l'oued Maden. A droite
et à gauche la montagne se dresse presque à pic.
— 113 —
(( Nous ndmirons le coup d'rr'il. [.a Irausilion ost briisqiio onlro cft
qiio nous voyons et ce quo nous avons laissé (Ifi-riôre nous. J)'un côté
la terre grasse, nue, sans une toulTe de jujubiers ou de broussailles
à plusieurs kilomètres à la ronde; puis, brusf|uement, un paysa;4e du
Jura ou de la Suisse: la monta,gne abrupte, avec de grands arbres
accrochant leurs racines dans les interstices des rochers.
a Hientôt, nous apercevons au loin le versant gauche de la vallée
d(! l'oued Aladen, au-dessus et autour de nous les arbres dégagent un
parfum d'autant plus pénétrant que la chaleur est un peu lourde et
(pie ce délilé est à l'abri des vents. La salsepareille, notamment,
monte ses lianes à travers les branches des lentisques et des oliviers
savages, puis les laisse retomber gar-nies fie Heurs laiteuses, déga-
geant une forte odeur de miel. Il y a là aussi des caroubiers énormes,
des buissons de myrthes, de ronces remplie de mûres et partout,
s'enchevètrant, d'épaisses toulïes de lierre.
« Mais la tranchée s'élargit :, le sentier dévale en pente brusque. 11
quitte le rocher pour la terre et nous entendons au-dessous de nous
un bruit de torrent. Nous sommes à l'Aïn-lîrika. Sous un fond de ver-
dure, sort des rocliers garnis de capillaires une eau claire qui forme
à nos pieds un lac minuscule avant de descendre dans le ravin. Le
débit est de deux cents litres à la seconde, et nous sommes à la lin
de l'été. La source est inutilisée. On ne voit ni jardins, ni cultures
irrégués aux alentours; l'oued Maden seul recueille cette eau qui
pourrait être si utile aux riverains. »
Le nord des Amdoum semble taillé à la liaclie; du djebel Damons
au djebel Mcid, ce ne sont que rocs aigus crénelant d'elï'rayants ravins
auxquels succèdent des collines couvertes de hautes futaies; plus loin,
arrosées par des oueds qui cascadent sur les blocs énormes détachés
de la montagne, des clairières enserrées de monticules où gisent,
comme de très vieilles gens qui n'en peuvent mais, d'antiques oli-
viers, tordus, noueux, monstrueux, dont les troncs atteignent deux
ou trois mètres de circonféi'encc.Au milieu des frondaisons, dissé-
minés, des groupes de gourbis enclos de cactus géants, habités par
des Arabes d'aspect farouche, mais (pii, au d(Mneuraiit, sont très pai-
sibles et ne réclament, au mines voisines, i[\\\\\\ maigre salaire en
échange d'un travail meurtrier.
Cette partie du Caïdat de lîéja, ignorée du passant, miM-ite la visite
du touriste et de l'artiste. Lu sortant d'un khanguet, en dévalant d'une
colline boisée, on est surpris de tomber tout à coup sur de délicieux
petits nids où le soleil, tamisé par l'épaisse ramée, pailleté d'or le tin
gazon. Volontiers, on s'y laisserait vivre... si la salutaire crainte du
— i'14 —
microbe ne vous incitait à poursuivre votre chemin. Car — pourquoi
ne pas le dire? — dans le nord des Amdoun, sous la liane fleurie, se
cache la fièvre mauvaise qui vous quette au coin du bosquet et vous
empoigne sans crier gare. Je n'ai rien vu de plus lamentable que
l'Arabe de cette région : miné par le paludisme, décharné, grelottant,
il attend, pauvre loque humaine, la guérison que deux fois par jour il
supplie Allah de lui accorder.
— Pourquoi, disais-je à l'un d'eux, ne fuis-tu pas ce pays si mal-
sain? »
Il me répondit :
« — Où veux-tu que j'aille?... Tu vois ce coteau d'où émergent
quelques pierres? c'est là que sont mes Irères, mes parents, mes en-
fants. Il faut que je reste : Mehtonh... »
Ce coteau, c'est le cimetière.
Les Nefza. — Le point central du territoire des Nefza est situé à
35 kilomètres de Tabarca, 45 kilomètres de Béja, 100 kilomètres de
Dizerle et iO kilomètres de la mer. Cette région est fermée au Nord
par la mer, à l'Est par les Mogods, à l'Ouest parles Mckna et la Krou-
mirie, au Sud par les djebels Mcid, Sidi-Alimet et Kef-Tout. Elle n'est
pas très étendue, et sur sa plus grande superficie les forêts de hautes
futaies, la grosse broussaille, les oliviers sauvages la couvrent. La
partie cultivable est formée d'une série de vallées, copieusement ar-
rosées, où subsistent les pâturages verts, même en plein été.
La route de Béja à Tabarca, qui conduit aux Nefza, traverse le
khanguet Kef-Tout (30 kilomètres de Béja) dans toute sa longueur,
laissant à gauche l'oued Maden, à droite le djebel Bou-Ras. La val-
lée de l'oued Maden, assez étendue, est fertile, boisée et pos.sc(le nom-
bre de clairières à terres fortes, lourdes, exigeant beaucoup de tra-
vail et un sérieux outillage. Elle produit énormément de fourrages,
et c'est de ce point que provient cette jolie race de poneys, ccxiuets
et rapides, (jni ont partout une réputation d'cndiu'ancc d'aillciiis mé-
ritée.
M. Geolli'oy Sainl-llilairo, inspecteur rie Tr'-levage en Tunisie, qui
s'est particulièrement occupe'' <k ces petits clicvaiix, adressait à la
Direction de l'Agriculture, en l'.MI'i, un ra])port concluant à la créa-
- iir. -
tioM d'un Stu(l-J)Ook de poneys, avec primes d'encouragement à cet
élevage. Nous détachons de ce rappoil les observations suivantes :
« Ces chevaux constituent une race très spéciale : ils ont des carac-
tères distinctifs, bien nets et des qualités d'adaptation au milieu dans
le(juel ils vivent ({ui en font des sujets précieux à de nombreux
titres.
« Les poneys, qui mesurent i"i25 à lm42, ont une physionomie ex-
pressive, l'œil un peu exorbitant, le profd légèrement concave, la
tète un peu forte bien grelïée sur une encolure puissante, une poi-
trine profonde, le rein bien soutenu, sans défaillance dans son atta-
che, une membrure vigoureuse, des aplombs très réguliers et les
phanères développées. A ces qualités de construction, ils joignent
une endurance exceptionnelle, beaucoup de fond et de vitesse.
« Les robes dominantes sont le gris et l'alezan pour les chevaux des
Nelza, Amdoun etMekna, alors que le bai est plus répandu chez les
Mogods et les Hédill.
(( La race des chevaux poneys du Nord-Ouest tunisien présente un
grand intérêt au point de vue commercial; ses produits sont très re-
cherchés par les amateurs pour les attelages de petites charrettes, les
jeux de polo et d'autres services de luxe. On peut estimer à 500 en-
viron le nombre de ces poneys exportés à l'étranger cliaque année.
Malte et l'Italie sont les deux pays qui en consomment le plus, et il
n'est pas rare de voir ces chevaux passer de Malte et d'Angleterre en
France, pour les jeux hippiques, après avoir subi un habillage déter-
miné pour lequel les Maltais excellent. La production de ces polo-
poneys, de ces petits chevaux de luxe, parfaits à la selle autant qu'à
la voiture, présente donc un intérêt d'autant plus grand que leur race
est bien déterminée, bien spéciale à la Tunisie, mais malheureuse-
ment mieux connue à l'étranger que dans la métropole. Le prix de ces
chevaux en France est pourtant minime et ne dépasserait pas 450
francs pour un sujet de choix.
c( Dans le Nord-Est de la Tunisie, presque à l'extrémité du Cap-Bon,
existe un groupement de chevaux poneys identiques aux premiers et
parmi lesquels se trouvent des types très réussis. Les proiiriétaires
indigènes se sont montrés jusqu'ici assez peu disposés à donner de la
publicité à leur race de chevaux, qu'il conviendrait cependant de visi-
ter au même titre que celle des Nefza et des Mogods afin d'être fixé
sur son importance.
" « Il est de toute nécessité de faire connaître cet élevage, de taire des
sacrifices pour augmenter et améliorer sa production et surtout pour
conserver pure cette race qui tend à se croiser, à perdre ses qualités
essentielles et son type tout particulier. La plupart des indigènes éle-
veurs ignorent ce qu'ils possèdent, croisent leurs petits étalons avec
— 116 -
des juments barbes manquées ou donnent à leurs juments de race
des étalons quelconques, d'où actuellement un mélange assez com-
plexe et l'amoindrissement du nombre des pojieys purs.
« La race conservée, améliorée, le nombre des produits augmentés,
une certaine publicité effectuée dans les journaux techniques et de
sport, et les débouchés augmenteront naturellement, donnant par
suite une plus-value commerciale à ces chevaux, tout en fournissant
des ressources au pays. »
Un Stud-Book des poneys tunisiens lut crée par arrêté du ici- août
1902, et depuis cette époque la marche régulière de cette institution
a permis de se rendre compte exactement des ressources hippiques
de certaines régions de la Tunisie jusqu'ici mal connues.
Les indigènes se sont montrés très satisfaits de l'initiative due à
M. Geoffroy Saint-Hilaire, qui leur a révélé l'existence, entre leurs
mains, d'une nouvelle source de richesse. En 1903 et 1904, la com-
mission du Stud-Book a examiné plus de 2.500 poneys et elle a ins-
crit 350 juments et 120 étalons. Avant cette création, les poneys des
Nefza, des Amdoun et des Hédill se vendaient de 100 à 150 francs ;
il n'est pas rare maintenant de voir ces chevaux se vendre 500 ou COO
francs. Certains sujets ont atteint le prix de 1.000 francs.
A l'extrémité nord de la vallée existe une petite plaine marécageuse
de 500 à 600 hectares, qui aurait grand besoin d'être drainée. Les
terres, en effet, sont souvent inondées en hiver, et les chaussées
faisant défaut, il arrive parlois que les colons, partis le matin pour le
marché voisin, ne peuvent, au retour, regagner leurs propriétés. Nous
avons vu, cette année (1905), un nouveau marié rester ainsi en dé-
tresse pendant deux jours — et deux nuits —à l'hôtel du djebel Abiod,
alors que sa femme l'attendait dans une ferme voisine. Il fut impos-
sible à un autre colon de recevoir du pain h'ais pendant une longue
semaine.
A l'Est de l'oued Maden se trouve la vallée de l'oued Bou-Zenna,
moins grande que la précédente, mais plus tourmentée. Le djebel
Sidi-Ahmed se dresse, énorme, remarquable par la variété des sites
et par la beauté des arbres d'essences diverses qu'on y rencontre.
Sur les bords de l'oued Bou-Zenna se cache le douai' des Oulad-
Houimei, facilement reconnaissable au massif de verdure qui Ten-
loure. Ce douar, avec ses figuiers aux racines enchevêtrées, ses arbres
fruitiers aux branches ti-aînanles, forme un bouquet très séduisant.
\
- 117 -
Un petit sentier s'élève de là par des sous-bois merveilleux jusqu'à
une ligne de faîte et traverse la Ibrèt de cliènes-liège des Oulad-Houi-
mel. Le sol est presque partout couvert de fougères atteignant près
de deux mètres de hauteur. Avant d'arriver à la ligne de faîte, on
passe par une petite clairière d'où Ton jouit d'une belle échappée sur
l'oued Maden et les Ouchteta.
Enfin, au >sord du territoire des >sefza, on arrive dans la vallée de
l'oued Mêla, qui traverse la route de Béja à ïabarca. On entre alors
dans les fourrés ; les aulnes, les saules, les peupliers, les frênes, les
ormaux offrent une végétation qui rappelle la France; les points de
vue y sont sans cesse renouvelés, et il est facile d'entreprendre, en
zigzag, d'agréables excursions. Je recommande tout spécialement les
promenades ci-après: le Qaçer-Zaga, le Qaçer-Romane, les Oulad-
Gassem, l'oued Damous, l'oued Belif,et, parles dunes qui font à la mer
une haute rive de poudre d'or, le cap Négro. Ces promenades peu-
vent être exécutées en deux ou trois jours, à condition de s'installer
au djebel Abiod.
Au cap Négro, pointe Extrême-Nord du Gaïdat de Béja, se voient
encore les ruines d'un ancien comptoir français, installé en 1666 par
la Compagnie Royale d'Afrique, qui était autorisée à faire le com-
merce des blés et la pêche au corail, à l'exclusion des autres nations.
L'entreprise ne réussit pas, et, après maintes péripéties, le person-
nel de la Compagnie dut s'embarquer précipitamment et gagner la
haute mer, tandis que les soldats du bey de Tunis, au mépris des
traités, se livraient au pillage du comptoir français et le détrui-
saient (1742).
C'est seulement depuis depuis 1896 que les Nefza sont connus des
Français. A cette époque, trois de nos compatriotes, venus par ha-
sard dans cette région, furent émerveillés par le pittoresque des sites
et la douceur du climat. Ils s'y installèrent. Deux ans plus tard, le
Domaine procéda au relevé d'une partie des terres qu'il possède
dans la contrée, et toutes les surfaces relevées autour du djebel
Abiod (1.800 hectares) furent immédiatement demandées par des
Français. Mais surgirent alors toutes sortes de difficultés : les Ara-
bes se prétendirent dépossédés et quelques-uns menacèrent d'empê-
cher par la force la prise de possession.
Afin d'éviter un conllit, la Direction de l'Agriculture porta ledil-
La Tunisie du Nord 9
— il8 —
rérend devant le Tribunal mixte : elle désirait conserver les 1.800
hectares qu'elle avait immatriculés, et les indigènes réclamaient la
remise des terres qu'ils occupaient antérieurement. Le Tribunal était
perplexe : il réfléchit longuement. Enfin, le président rendit son ar-
rêt : nouveau Salomon, il coupa la poire en deux, attribuant 900 hec-
tares au Domaine de l'Etat, sorte d'invitation à ne plus demander
d'immatriculations domaniales dans la région, et remettant les 900
autres hectares aux réclamants.
L'emplacement où l'initiative privée avait déjà fixé le centre des
Nefza, est un point d'avenir. Situé à mi-chemin de Béja à Tabarca,
sur une voie de grande communication, il sera desservi sous peu par
un chemin de fer qui le reliera à Bizerte. <^^
En 1903 et 1904, la Direction de l'Agriculture a livré à la colonisa-
tion française aux Nefza treize lots de culture de 50 à 143 hectares,
à des prix variant de 20 à 60 francs ITiectare, selon la situation et la
qualité des terres. Pour des motifs spéciauxà la région et à l'époque,
elle n'a pas imposé de charges d'intallation. Plusieurs de ces lots ont
déjà été revendus par leurs propriétaires à de nouveaux colons qui
s'y sont installés.
Toutes les cultures réussissent admirablement aux Nefza, notam-
ment le blé, l'avoine, le sorgho, le maïs, l'arachide; les pluies y sont
régulières et fréquentes, même en été. Chez les indigènes, l'élevage
est la principale ressource. Le marché qui se tient chaque semaine
au djebel Abiod tend à devenir de phis en plus important ; le bétail
qui l'alimente est petit, mais robuste, rustique, et fournit une excel-
lente viande de boucherie.
La tribu des Nefza est pauvre, très dense et elle fut longtemps
pressurée par les chefs indigènes. On représente les gens des Nefza
comme hostiles aux roumis, fanatiques, turbulents ; et cependant M.
Segond, qui vit au milieu «l'eux depuis lant(H dix ans, in'assui'e qu'ils
sont doux et maniables :
(( Traités avec justice; et modération, dit-il, ils olliliont lenrs lei-res
aux arrivants, la colonisation se fera d'elle-même, et, pour peu qne
l'Administration s'y prête, cette colonisation sera li'ançaise. »
Les vallées des Nefza ne sont guère sahibrcs ; sons rinllncnct^ dn
I
I
0) La ligne Nefza-Mateur est actiu-lk-inent en voie d'i'xéculioii.
r
1
— 119 —
soleil les feï-mentations acquièrent dans ces marais une intensité con-
sidérable et donnent lieu à des fièvres typho-rnalarieinies. On ne
saurait donc Irop conseiller aux colons de placer leurs habitations
sur un coteau boisé : dans ce pays mamelonné, ils n'ont que l'em-
barras du choix.
Les forêts. — Les terrains forestiers occupent, dans le Caïdat de
Héja, une superficie d'environ 34.000 liectares, dont '21.000 hectares
boisés en chênes-liège. Le surplus comprend 7.000 hectares de dunes,
soit nues, soit couvertes d'essences diverses, et enfin 0.000 hectares
de broussailles.
La principale essence est le chêne-liège. Le chêne zéen ne s'y
trouve que par taches disséminées et de peu d'étendue. Une végé-
tation spéciale occupe la partie boisée des dunes littorales ; elle est
composée de chênes verts, chênes kermès, genévriers dePhénicieet
oxycèdres.
Dans cette région, l'organisation du service forestier ne date que de
1892. Le premier poste créé a été celui des Ouled-Gassem,le dernier
celui de Tabarca ; l'un est rattaché à la brigade des Mogods, l'autre
fait partie de la brigade des Mekna.
Les travaux de mise en valeur ont été commencés en 1802 et ter-
minés en 1î;M31. Ils ont consisté en: 1« établissement de vingt-deux
kilomètres de tranchées de protection ; 2" ouverture de cent quatre-
vingt-trois kilomètres de sentiers muletiers.
Les démasclages ont porté sur 940.000 chênes-liège. Les premiè-
res récoltes de liège ont commencé en 1901 ; elles ont donné jusqu'ici
3.600 quintaux de liège, qui ont été vendus 90,300 francs. Les forêts
de cette région entrent à peine en production.
De 1894 à 1904, il a été livré à l'exploitation 50.000 chêne-liège
impropres à la production du liège. Ces arbres ont donné 58.000
quintaux d'écorces à tan, qui ont été vendus 465.000 francs.
Il existe, dans ces forêts, six concessions de pacage de porcs qui
comprennent 650 bêtes.
Les mines. — Quatre mines, dans le Caidat de Béja, sont actuel-
lement exploitées :
1" Concession du Djebel-ben Amar (zinc), à 30 kilomètres de Béja.
— 120 —
Elle emploie une centaine d'ouvriers et produit 4 à 5.000 tonnes
par an de minerai titrant 50 "/n;
!2o Concession du Khanguet-Kef-Tout. à 30 kilomètres de Béja, sur
la route de Béja à Tabarca; 150 ouvriers; teneur du minerai 45 à 50'Vo
de zinc et 30 «/o de plomb; 5 à G.OÛO tonnes par an ;
3o Concession de Sidi-Ahmet (Royale Asturienne), à 6 kilomètres
à l'Est de la précédente. Une centaine d'ouvriers; teneur du minerai
40 à 50 o/" pour le zinc et 70 à 80 o/o pour le plomb; 4 à 5.000 ton-
nes par an ;
4" Concession du Djebel-Charra (anglaise), à 10 kilomètres de Béja.
Un cinquantaine d'ouvriers; 70 " o de plomb; 3.500 tonnes par an.
Il existe, en grand nombre, dans les Amdoun et surtout dans les
Nefza, des gisements de fer, de zinc et de plomb, mais ce sont géné-
ralement de petits gisements, de simples « poches » qui ne peuvent
être exploitées faute de pistes et de moyens de communication. Les
deux mines du Khanguet-Kef-ïout et de Sidi-Ahmet, en dehors de
la main-d'œuvre italienne, emploient un certain nombre d'indigènes
auxquels elles paient environ 400.000 francs de salaires par an.
Les routes. — La voie ferrée traverse le Contrôle civil de Béja, de
l'Est à l'Ouest, dans toute sa largeur (50 kilomètres). Les stations
comprises dans le territoire du Contrôle sont: El-Heri (halte), Med-
jez-el-Bab, Oued-Zerga et Pont-de-Trajan. De cette dernière gare
part un embranchement de 14 kilomètres qui relie Béja à la ligne Tunis-
Bône.
Les routes exécutées par le Service des Ponts et Chaussées sur \o
territoire duCaïdat de Béja sont les suivantes:
1" Route de Béja à Tabarca, 50 kilomètres dans le Caïdat. Elle est
la plupart du temps impraticable jusqu'au 30'' kilomètre, par suite
du défoncement que lui font siil)ii' les lourds chaiTois provenant
des mines du Khanguet-Kef-Tout et de Sidi-Ahmet. Cet état de cho-
ses est très préjudiciable aux intérêts de la région;
"2° Eml)ranchement de Qçar-Mezoual (route de Béja à ^fateur)
exécuté sur 7 kilomètres 500. Les travaux de prolongement doivent
commencer cette année même pour la desserte de riienchir Smada;
3" Chemin d'EI-Afareg, construit- sur 3 kilonièt. '200 et s'arrètant
actuellf'inciit au ravin d'écoulement des eaux de la source d'EI-Ala-
reu ;
— 121 -
4" Raccordement de la piste d'Aïn-Draham (\ kilomètre GOO) à la
route de Medjez-el-Bab à Souk-el-Arba ;
5" Route de Medjez-el-Bab à Souk-el-Arba, exécutée sur 33 kilo-
mètres dans le Caïdat de lîéja ; il reste à faire 10 kilomètres pour
arriver au pont de l'oued Kasseb. Cette route traverse le Munchar.
En outre, le service des Ponts et Chaussées a efièctué, chaque an-
née, des travaux d'aménagement sur des pistes desservant les fermes
Irançaises du bled Déjà.
Les routes suivantes sont, once moment même, à létude:
1» Route de Béja à Mateur, dont l'utilité ne peut être contestée.
Elle facilitera un transit déjà iniporliiiil et ih'itiiiera sin- Bizerte de
nombreux produits; traversant les régions les plus riches de la Ré-
gence, elle ouvrira à la colonisation de nouvelles contrées facilement
exploitables, où le succès des agriculteurs, petits et moyens, sera
assuré ;
2" Route des Amdoun, décidée depuis lontemps. Elle desservira le
village de Zaouiet-^Iedian, les fermes françaises des Amdoun et plu-
sieurs exploitations minières ;
3" Prolongement delà route d'El-Afareg jusqu'à l'henchir Djebil ;
elle desservirait tout un groupement de colons français, ainsi que
l'agglomération de Qçar-el-Hadid et regagnerait ensuite la route de
Souk-el-Khemis;
4» Route des Nefza à Bizerte, traversant les ^logods. Réclamée
avec insistance par les colons des Nefza, elle passerait aux abords du
lac Sedjenane ;
5" Route de Béja à Aïn-Draham. qui desservirait quelques fermes
françaises et la mine du Djebel-Ahmar:
0« Route de Béjà à Pont-de-Trajan. Elle ne s'impose pas actuelle-
ment, mais pourra être envisagée lorsque les lienchii's Magoula et
llaouaria seront livrés à la colonisation.
A la lin de Tannée lOOi, le Caidat de Béja com|it;iil sur son terri-
toire 55 fermes françaises occupaiil tMivironP2,0t)0 hectares et faisant
vivre 211 Erançais, propriétaires, métayers et ouvriers agricoles. La
Direction de l'Agriculture a livré, dans ce Caidat, cinquante lots de
fermes à la colonisation ; elle a cédé, on outre, un certain nombre de
propriétés habous (par voie de substitution au Domaine de l'Etat),
122 —
composées, d'une part, de parcelles situées dans la banlieue de Beja
et d'autre part, de quelques grands henchirs.
La totalité des terres ainsi remises k la colonisation française par
la Direction de l'Agriculture dans le Caïdat de Béjà atteint le chiffre
de 8.908 hectares, vendus 1.122.317 francs, soit, en moyenne, 136
francs l'hectare.
CHAPITHK ]II
La Colonisation dans le Caïdal de Modjez-ol-Bal)
Medjez-el-Bab. — Medjez-el-Bab, centre de l.!200 haVjitants, dont
\T)0 Français, est situé à (55 kilomètres de Tunis ; il occupe, à 2 kilo-
mètres 500 de la gare, une éminence peu élevée sur la rive droite de
la Medjerda. Le pont que l'on franchit avant d'entrer dans le village
a été construit par les Arabes au commencement du dix-huitième siè-
cle, avec les pierres de l'ancien pont romain. Le village indigène lut
fondé par les Maures chassés de l'Andalousie, au quinzième siècle.
Le cours de la rivière s'est un peu déplacé depuis l'époque ro-
maine; il entame la partie sud-ouest de la colline sur laquelle est bâtie
Medjez-el-Bab, tandis que ses alluvions ont comblé, du côté Nord,
une partie de son lit. La Medjerda a bien, en cet endroit, l'aspect
d'un ileuve avec ses bords escarpés et ses îlots engageants où, en
toute tranquillité, le pécheur à la ligne s'instalile. Elle arrose, le
long de ses rives, quelques jardins, de belle prairies, et elle traverse
une plaine fertile circonscrite au Nord-Ouest par le djebel Ileydouss,
au Nord-Est par les collines d'Es-Sbebil, àl'Est et au Sud par le dje-
iiel Morra, au Sud-Ouest par la chaîne qui termine, à la hauteur de
Testeur, les escarpements du djebel Bou-Sefra.
Le village n'a d'autre importance que d'être le siège du Contrôle
civil du Caïdat de Medjez-el-Bab (annexe du Contrôle de Béja). Le
commerce ne s'y développe pas, les transactions se faisant, soit à
Béja pour la partie Nord du Caïdat, soit à Tunis directement pour la
partie Sud. Le marché de Medjez-el-Bab est aujourd'hui fréquenté
encore par un certain nombre de colons des environs, mais prochai-
nement, dès que la route qui doit relier le Goubellat à Tunis sera
établie, le trafic de la partie centrale du teriitoire se portera natu-
rellement vers cette grande ville.
Les rues du quartier arabe de Medjez-el-Bab sont droites et pres-
que toutes les maisons ont des toitures en tuiles — ce qu'ont voit
très rarement dans les villages indigènes. Ici connue à Testour, ha-
bitations et habitants ont conservé le type andalou; les petits enfants
surtout sont remarquablement beaux.
— 124 -
La Direction des Travaux publics vient d'édifier à J\Iedjez, pour le
Contrôleur civil, une construction fort élégante, d'un bel effet, placée
au milieu d'un bosquet tout près de la Medjerda. C'est la seule maison
vraiment confortable de ce village.
Scolarité. — 111 élèves fréquentaient l'école de garçons en jan-
vier de cette année (1905): 2 Français, 16 Italiens, G Maltais, 81
musulmans et 6 Israélites. Deux maîtres seulement assurent le ser-
vice.
L'école des fdles est en même temps une école maternelle qui re-
çoit quelques tous petits enfants. Elle compte en ce moment 34 élè-
ves: 4 petits garçons, dont 1 Français et 30 fdles: 7 Françaises, 14
Italiennes, 3 Maltaises, 6 Israélites. Ces pauvres enfants sont logés
dans une masure délabrée où vent et pluie font rage pendant l'hiver,
où, l'été, ils subissent une température de four crématoire.
Il est de tout urgence de construire une école des filles sur rem-
placement du fondouk municipal, ou bien de dédouljler l'école des
garçons et d'y aménager, à peu de irais, Fécole des iilles.
Eaux et égouts. — Les habitants de Medjez-el-Bab réclament la
construction d'un réseau d'égouts. Ils demandent instamment à la
Direction des Travaux publics — si elle ne peut pour l'instant établir
une conduite d'eau de Chaouach à Medjez (12 kilomètres), qui né-
cessiterait une dépense d'une centaine de mille francs — de leur
faire don de quelques bornes -fontaines alimentées par un réservoir
placé sur le point culminant du village, où l'eau de la Medjerda serait
refoulée par la machine élévatoire.
Salubrité. — L'état sanitaire est satisfaisant à Mcdjez-el-lîab, de
même que sur tous les points de colonisation du Caidal, sauf dans
une parlie du Goubellal. Il se produit cependant en êlê d'assez nom-
breux cas de paludisme. Anssi, les habitants de la rê^^ion, sur l'ini-
liativedeMM. Georges lîallnl, contr(')lcur civil, Piller, propi-if'Iaire
du d(Hnaine de Qçai-Tyr, Desplats, délégué à la Chambre d'Agricul-
ture, eurent-ils la généreuse pensée de dolcr Mcilicz-cl-lial) d'un
hôpital-inlii-merie, sinq)le, dénué de loul luxe inulilc mais api)elé à
rendre à nos comi)atrioles et à nos |trotégés tous les secours désira-
bles.
- -125 -
C'est aujourd'lini chose accomplie. Grâce aux souscriptions, aux
dons, à la bonne volonté de tons, au dévouement du docteur Poirson,
médecin de colonisation, admii'ablement secondé dans sa tâche par
sa femme, M'"'' la doctoresse Poirson, l'hôpital de Medjez-el-i'ab,
installé dans la maison indigène la plus confortable de la ville, vient
d'ouvrir ses portes. Nous y trouvons: une salle de consultations et
de pharmacie, une salle d'opérations, une salle commune de cinq lits
pour Européens (hommes), une autre salle de cinq lits pour Euro-
péens (lemmes), deux salles communes de cinq lits chacune, l'une
pour les indigènes (hommes), l'autre pour les indigènes (femmes),
deux chambres particulières ou d'isolement, une à deux lits, l'autre à
un lit. Les frais d'installation ne dépassent pas 7.000 francs; l'entre-
tien est assuré en partie par une subvention annuelle de 4.000 francs,
fournie tant par rAdministration des Habous que par le Gouverne-
ment Tunisien. Le service médical est assuré par ^L et M"ie Poir-
son.
On ne saurait trop rendre hommage au sentiment qui a guidé les
londateurs de cette institution éminemment démocratique et frater-
nelle. Cette création, due aux efforts de quelques-uns, contribuera,
sans nul doute, à faire apprécier aux indigènes les avantages qu'ils
peuvent tirer de l'œuvre de civilisation entreprise dans ce pays par le
Gouvernement de la République.
Les environs. — La petite colonisation n'a pu se développer
aux alentours de Medjez-el-Bab par suite du manque de terres dis-
ponibles; cinq ou six Français seulement y possèdent des lots de 15
à 30 hectares, où ils font de la culture maraîchère. Un peu plus
loin, nous voyons quelques importants domaines que les propriétaires
européens commencent à morceler, à vendre par parcelles; certains
ont établi des métayers et des fermiers sur leurs terres; d'autre trou-
vent plus simple de louer aux Siciliens ou aux indigènes.
La Direction de l'Agriculture eut, en 1902, avec un propriétaire
français,des négociations en vue d'acquérir une partie de l'iienchir El-
Baharine, situé sur la rive gauche de la Medjerda, à quatre kilomè-
tres de Medjez, et traversé par la route de Tunis au Kef. La Com-
mission d'étude envoyée sur les lieux reconnut que cette propriété
de 700 hectares remplissait, tant au point de vue de la salubrité, de
— 126 —
qualité du sol, de la situation, qu'au point de vue des chances d'ave-
nir, toutes les conditions nécessaires à l'installation des colons fran-
çais. La Direction de l'Agriculture offrit donc au propriétaire, pour
l'achat de 700 hectares, une somme de 77.000 francs, soit 110 francs
l'hectare, prix raisonnable, car une parcelle de ce terrain, en flanc
de coteau, est peu fertile et propre seulement à l'élevage. La propo-
sition fut repoussée, et l'année suivante, cette partie de l'henchir El-
Baharine était achetée par un Lyonnais.
Chassar-Tefaha. — La région Nord du Caïdat de Medjez-el-Bab
s'étend en collines depuis la Medjerda jusqu'au montagnes de Chaouach
et de Toukabeur. Dans la plaine, les terres sont argilo-calcaires et
couvertes, sur quelques points, de touffes de jujubier. En s'élevant,
le sol devient tuffeux, mais ce tuf est, paraît-il, de bonne qualité et à
base de phosphatine ; on y rencontre la petite broussaille et de nom-
breux oliviers sauvages.
Plusieurs Européens possèdent dans cette contrée de grandes sur-
faces de terrain. Le domaine de Chassar-Tefaha, qui appartient à
un Belge, a une superficie de 3.043 liectares ; il est situé à six kilo-
mètres de Medjez et divisé en deux propriétés distinctes .* Tefaha, de
L643 hectares, et El-Goléa, de L400 liectares. Le propriétaire cul-
tive 532 hectares de céréales et 90 hectares de vignes. 11 a établi sur
son domaine un métayer et un fermier ; le premier cultive 90 hec-
tares de céréales, 16 hectares de vignes, et le second 200 hectares
de céréales, i.700 liectares de montagnes et de terrains de parcours
sont loués aux Arabes. Plusieurs sources captées alimentent la pro-
priété.
Le cheptel de Cliassar-Tefaha comprend : 400 bêtes à cornes, (KH)
moutons et 500 porcs, sans compter les bêtes de trait. Le personnel
se compose de 5 Français, 2 Italiens, 2 Mallais et 04 indigènes, dont
un certain nombre de nègres. La ferme est reliée à Medjez par une
boiine route et par la piste de Medjez à Chaouacli.
A l'ouest de ce beau domaine se trouvent cinq autres propriétés
françaises: une dépassant 1.000 hectares, deux de 500 hectares, une
de 700 liectares et une dernière de 80 hectares. Le rendement moyen
des céréales obtenu dans la contrée en 190i a été de :blédur, 8 quin-
taux à l'hectare ; blé tendre, 12 quinhuix; orge, 16(jninlanx ;avoin(',
18 quintaux ; fèves, 15 quiîitaux. L'année précédente, favoine avait
— 127 —
donné 25 quintaux à l'Iiectare. Les terrains de coteaux sont excel-
lents pour la vigne.
Il existe en outre, dans la région, plusieurs propriétés intéressan-
tes à cause surtout de leur rapprocliernent de la gare et du marché
de Medjez-el-Bab. Ce sont :
1" L'henchir Sidi-Nasseur qui entoure le village de ce nom ; habous
privé dont certains dévolutaires vendraient volontiers leur part s'ils
le pouvaient. Cet henchir, de 1.800 hectares, est situé presque entiè-
rement en plaine, à 3 kilomètres de la gare de ^ledjez-el-Bab. Valeur
moyenne de l'hectare : 200 francs ;
2° L'henchir Rlianein-es-Serir, de 150 hectares environ, apparte-
nant à un indigène algéi'ien, qui olTre sa propriété au prix de 20.000
Irancs, soit i.'îlJ francs l'heclare ;
4° L'iienchir Djedidi, habous privé de 2.000 hectares en broussail-
les mais faciles à défricher, situé à 8 kilomètres sur la route de Béja;
très belle source captée par les Travaux publics. Valeur approxima-
tive : 70 francs l'hectare. Impossibilité actuelle d'achat par l'Etat
comme pour tous les habous privés ;
•4" Enfin, à 12 kilomètres sur la route de Béja, une propriété de
1 ,800 hectares acquise dernièrement par un Italien à un Israélite. Le
nouveau propriétaire aurait l'intention de morceler ce terrain et d'y
implanter des familles siciliennes.
La région est saine, il y fait moins chaud que dans la plaine de Med-
jez-el-Bab et la pluie y est plus fréquente. L'eau, d'excellente qualité
se trouve à une petite profondeur, et, du versant des montagnes, sor-
tent des sources abondantes.
Le service de la voirie laisse beaucoup à désirer ; les colons deman-
dent que l'Administration se décide à faire la route de Toukabeur à
la gare de Medjez-el-Bab, route qui doit traverser la plupart des pro-
priétés françaises dont nous venons de parler.
Sur les crêtes des montagnes dominant la région, au milieu des
ruines ensevelies sous la verdure, on aperçoit les curieux villages
berbères de Toukabeur et de Chaouacii. La visite de ces deux points
est une des plus agréables excursions que l'on puisse faire, par une
matinée de printemps, dans cotte pittoresque partie de la Tunisie du
Nord.
A l'est de Sidi-Naceur, dans la région du Caïdat comprise entre
ce village et Grech-el-Oued d'une part, et Bordj-Toum d'autre part,
— 128 —
se trouvent quelques exploitations détachées du domaine de Chas-
sar-Tefaha, dont une, riienchirEsmedya, a une superficie de 550 hec-
tares.
Les terres, argilo-calcaires, généralement fortes, sont froides et dif-
ficiles à travailler, aussi y ohtient-on des rendements très variables.
Un colon qui cultive rationnellement m'a dit qu'il n'avait jamaismoins
de 15 quintaux de blé à l'hectare et 25 quintaux d'orge, même en
année sèche ; un de ses voisins, au contraire, me déclarait que la
moyenne de rendement était chez lui de JO quintaux à l'hectare pour
le blé et de 16 quintaux pour forge. Les Arabes obtiennent une
moyenne de quatre à cinq fois la semence. Tout, en somme, dansées
terres compactes, dépend du travail et de la fumure.
La contrée est aussi saine, mais elle est moins bien partagée que
la précédente au point de vue hydrographique. Cependant, un abbé
qui s'est spécialisé dans la recherche des points d'eau, affirme
qu'en cet endroit existe, à '200 mètres de profondeur, le plus fort
courant artésien de la Tunisie. L'abbé n'est pas infaillible, mais il
serait intéressant de vérifier le fait et, s'il y a lieu, de capter cette
nappe.
La colonisation sicilienne n'apparaît pas de ce côté, la terre y attei-
gnant des prix élevés (250 à 300 francs f hectare). Ces terres fortes exi-
gent la culture bisannuelle, car on ne peut labourer l'été, et il nefaut
pas moins, en cet endroit, de 150 hectares à une famille d'agriculteurs
pour être assurée de la réussite. De pareilles étendues ne sont pas
du ressort des Siciliens.
Les colons sollicitent du Gouvernement Tunisien la mise en état
de la route de Tebourbaà Medjez-el-Bab passant par lîordJ-Toum.
Oued-Zerga. — Le domaine d'Oued-Zei'ga est situé au nord-ouest
du Caïdat de Medjez-el-liab,sur la limite du Caidat de lîéja et près de
la station d'Oued-Zerga. Il lui acheté, en 1880, par un Français (|iii
avait obtenu la concessionde fentretiende la voie ferrée de Tunis àla
frontièi'c algérienne, puis revendu à une Société qui prit le nom de
(( Société foncière d'Oued-Zerga». Sa snptM'ficie, enlièrenuMit imma-
triculée, était de 9,000 hectares.
Pendant une vingtaine d"amH''es,la pres(iu(' totalité du domaine lui
louée aux indigènes comme terrains de parcours. Toutefois, chaciur
année, on en fléfrichait des parcelles, on plantait de la vigne, on cous
- 129 -
truisait des maisons, des hangars et des étables: la Société s'apprêtait
à morceler l'immense propriété.
Le démembrement commença en 1001 par la vente de l'iienchir
Douemis (2.000 hectares dans le Caïdat de Béja), à trois jeunes Fran-
çais qui y créèrent trois fermes dont nous nous sommes précédem-
ment occupé. Depuis cette époque, six autres lots variant de 100 à
300 hectares furent acquis par des Français, parmi lesquels nous trou-
vons un fonctionnaire tunisien et deux colons algériens venus du dé-
partement de Constantine. Cinq métayers corses sont, en outre,
installés sur la propriété. La Société foncière d'Oued-Zerga, dont ^I.
Aquaviva est le gérant, leur fournit le logement, le matériel agricole,
le bétail, les semences et une avance mensuelle pour leur entretien
et le paiement des ouvriers supplémentaires. Ils ont droit aux trois
cinquièmes de la récolte : chacun d'eux cultive annuellement (iO Ikh-
tares de céréales.
Avant le morcellement, la Société avait tenté de vendre sa propriété
moyennant la somme de 500.000 francs, à une Compagnie italienne
dont l'intention était d'installer sur ces terres un certain nombre de
familles siciliennes enzelistes. Le projet échoua, les Italiens trouvant
le prix exagéré. Ce fut alors que la Société décida de vendre par par-
celles et d'établir des métayers. L'atïlnre paraît être actuellement en
voie de réussite.
Les terres d'Oued Zerga sont argilo-sablonneuses, riches en azote (de
2 à 3o/u) ; elles conviennent à la culture des céréales et à l'éle-
vage.
Le régime des pluies est sensiblement le même que celui de Béja.
La région est assez fiévreuse dans les fonds de vallée, mais sain(> sur
les coteaux. Le paysage est agréable.
Les sondages elTectués ont signalé l'existence d'eau potable dans
tous les lots; un puits de 7 mètres de profondeur, creusé à lOO' mè-
tres de la cave, fournit 50 mètres cubes d'eau excellente par jour : il
suffit à l'alimentation des fermes.
Le centre d'Oued-Zerga ne tarderait pas ta prospérer si on le dotait
d'une école. Quelques pères de lamille songent à le quitter parce que
leurs enfants ne peuvent y recevoir l'instruction qu'ils désirent leur
donner.
Qçar-Tyr. — Le domaine de Oçar-Tyr, d'unt* éleiuluo do 3. iOO
— 130 —
hectares, est situé à 39 kilomètres à l'ouest de Tunis, près de la route
de Tunis au Kef, et à 18 kilomètres au sud-est de Medjez-el-Bab.
L'aspect de la propriété est une série de vallées et de plateaux
inclinés du sud au nord. Le bordj, que l'on aperçoit d'une grande
distance à mi-coteau, se détache par ses murs blancs sur le vert
sombre de la campagne ; il est entouré de massifs d'arbres divers
et de beaux vignobles. Climat sain ; le paludisme est inconnu àQçar-
Tyr.
Les terres, silico-ferrugineuses, sont de toute première qualité ;
elles rendent, en moyenne, de '20 à 22 quintaux par hectare pour
les céréales, sous condition expresse de semer tôt, avant le 20 octo-
bre ; 150 hectares sont ensemencés chaque année en blé, orge et
avoine.
Le vignoble atteint près de 140 hectares produisant, en moyenne,
de 80 à 100 hectolitres par hectare ; le vin est bon, de belle couleur ;
il a un écoulement assuré en France et en Angleterre.
Le pâturage est fort apprécié des Arabes, qui passent, avec le gérant
du domaine, des contrats de location pour le parcours des troupeaux.
Il n'est pas rare de voir, dans les broussailles de Qçar-Tyr, 20.000
bêtes à cornes et moutons.
On utilise le romarin qui pousse à foison dans ces broussailles (plus
de i. 500 hectares) en le soumettant à la distillation. Un appareil
perfectionné, installé à quelque distance du bordj, triture 5.000 ki-
logrammes de plantes par jour et produit de 200 à 350 h'ancs d'es-
sence fine. Le géranium y est également traité et donne de bons
résultats. Ces essences, très rémunératrices, sont livrées en Angle-
terre pour la savonnerie ou bien aux caravanes qui, du fond du dé-
sert, viennent chercher des parfums à Qçar-Tyr. Le gérant du do-
maine est le fournisseur attitré du Mahdi, aveclequel il entretient —
à distance — d'amicales relations.
Il existe enfin sur la ferme un rucher de 350 ruches, installé
d'après la méthode la plus moderne et produisant du miel de qualité
exceptionnelle. Chaque ruche donne, en moyeinie, 22 kilogrammes
de miel.
Le domaine de Qçar-Tyr appartient à un Anglais, .M. Piller, fils
d'ini ingénieur-mécanicien qui a puissannnent contribué au dévelop-
pement de la machine agricole en France. Celte superbe propriété
1
- 13-1 -
est f^érée par le gendre de M. Pilter, M. Desplats, délégué de la région
à la Chambre d'Agriculture de Tunis. <•'
M. Pilter et M. Desplats, gentleman-farmer courtois et agrononnes
des plus distingués, ont su tirer un merveilleux parti delà propriété,
qui, au moment de l'achat, était tout entière couverte de broussail-
les parmi lesquelles de nombreux oliviers et caroubiers sauvages.
On y a greffé plus de 10.000 de ces sauvageons et planté de véritables
forêts d'eucalyptus, de pins, de casuarinas, d'amandiers, (|ui ont ad-
mirablement réussi. On compte actuellement sur la ferme environ
50.000 arbres de belle venue, provenant en partie des deux grandes
pépinières de Qçar-ïyr.
L'eau est de bonne quahté. Quatre puits donnent à peu près 200
mètres cubes par jour, et de vastes citernes ont été aménagées. Le plu-
viomètre enregistre en moyenne 55 centimètres par an, ce qui assu-
re, d'une façon constante, une quantité d'eau suflisane pour les be-
soins de l'exploitation.
Le matériel agricole et vinicole est assez complet. Il comprend :
un appareil de labourage à vapeur, une moissonneuse-lieuse, une
batteuse à vapeur et toute une série d'instruments d'intérieur et d'ex-
térieur de ferme. La cave a été construite après une étude approfon-
die, non seulement des caves existant en Algérie, mais aussi de celles
du midi de la France, en combinant les avantages de ces dernières
avec le style propre uu pays.
En 1902, M. Pilter voulut faire à Qçar-Tyr un essai décolonisation
sicilienne. Il s'adressa, dans ce but, à un entrepreneur de colonisa-
tion de Tunis, qui lui fournit une soixantaine de familles. Le proprié-
taire offrait à chaque famille un lot urbain qui devait être affecté à la
construction de l'habitation, de la cave et de l'écurie, plus un lot ru-
ral destiné à la plantation de la vigne, du géranium, des céréales et
des arbres fruitiers. Il s'engageait à faire travailler ces Siciliens sur
son domaine, de préférence à toute autre main-d'œuvre, à employer
les femmes et les enfants à la coupe du romarin pour la distillerie, à
acheter les raisins, le géranium et les autres produits au taux du
cours. Un contrat de location avec enzel rachetable fut établi, mais
ni l'entrepreneur, ni les lamilles siciliennes, composées il est vrai
d'éléments médiocres, n'exécutèrent les engagements, et les Sici-
(1) Le domaine de Qçar-Tyr a été vendu en lOOG à la Société de Colonisation tVaiiraise. pnur la
somme de SOÛ.OOO francs.
- -132 -
liens regagnèrent Tunis après un séjour de quelques mois à Qcar-
ïyr.
Henchir Paolo. — L'hencliir Paolo fait partie d'un ensemble de
propriétés domaniales (7.000 hectares environ), situées dans les Caï-
dats de Tébourba et de Medjez-el-Bab. Les hencliirs Zakaria, La
Campagne et Ben-ech-Ghaldy appartiennent au Contrôle civil de Tu-
nis, rhencliir Paolo au Contrôle civil de Béja. Ce dernier seul, pour le
moment, nous occupe.
L'henchir Paolo, situé à 16 kilomètres de Medjez-el-Bab, sur la
limite est duCaidat et près du domaine deQçar-Tyr, est traversé par
la route de Tunis au Ket. D'une superficie de 1.133 hectares, les ter-
res, argilo-calcaires, sont propres à toutes les cultures ; dans la plaine
la couche argileuse est très pronfonde, tandis que sur les coteaux le
sol est plus calcaire et d'une compacité beaucoup moindre. La Com-
mission nommée pour visiter les henchirs ci-dessus indiqués estima
que les terres de plaine valent, en moyenne, '200 francs l'hectare,
celles des coteaux de 25 à 50 francs ITiectare.
La région est saine, la sécurité parfaite, mais l'eau est peu potable ;
l'Administration conseille donc aux acquéreurs de prévoir la construc-
tion d'une citerne.
La Direction de l'Agriculture a morcelé l'henchir Paolo en trois
lots de 243,314 et 376 hectares, qui ont été livrés à la colonisation en
décembre dernier. Ils ont été vendus ensemble 72.1)00 francs, soit une
moyenne de 78 francs l'hectare.
Testour. — Testour, situé à 35 kilomètres de Tunis, sur la route
du Kef, est une petite localité coquette, reconstruite comme Medjez
par les Maures chassés de l'Andalousie, avec les matériaux empruntés
aux ruines de Tichilla.
Le viUage compte 5.000 habitants ; sa place rectangulaire, ses rues
rectilignes, ses maisons en auvent lui donnent l'aspect d'un l)0urg eu-
ropéen. Le minaret de Testour est un des phis beaux monuments
arabes de hi Tunisie ; il ressemble au campanile de certaines éghses
rl'Espagne.
Un marché important se tient à Testour le vendredi ; les indigènes
y apportent une poterie spéciale, des jarres et des tuiles. Ici surtout,
les ethnogra[>lies peuvent recoiiiiailrc, sous le liaik on le bui'iioiis.
- 13:5 —
les descendants des Andalous ; les noms mènnes des habitants deTes-
tour indiquent fort clairement leur ori.^ine : on les désigne encore
dans le pays sous le nom (V A ndleuss .
La route quicondiiil, de Medjez-el-Bah à Testour (!20 kilomètres),
se développe pendant! '2 kilomètres à travers une large plaine mame-
lonnée qui pourrait être riche si les indigènes ne l'avaient laissée en-
vahir par le jujubier sauvage et le lentisque. Cette route longe un
monticule sur lequel est bâti le petit village de Slouguia, dont le mi-
naret ne manque pas d'élégance, puis elle côtoie les coteaux situés
entre la Medjferda et les djebels Djebs et Krab, pour ensuite traver-
ser un petit bois d'oliviers au sortir duquel onaperroit Testour, distant
de sept kilomètres de Slouguia.
Après Testour, le paysage se transforme : on passé^ilpued Siliana
(vestige d'un pont romain), puis on contourne une succession déval-
ions couverts de broussailles qui délimitent les bassins de Siliana et
de l'oued Khalled, pour gagner le plateau où s'élèvent les ruines
d'Aïn-Tounga, à neuf kilomètres de Testour, limite ouest du Caïdat
de Medjez-el-Bab.
En 1902, la Direction de l'Agriculture examina s'il y avait intérêt à
acheter l'henchir liabous Essekira, situé à 0 kilomètres au nord de
Testour. Après enquête, on se rendit compte que sur ^.OCH^ hectares
environ, 200 seulement, baignés par la Medjerda, pouvaient être cul-
tivés avec avantage, le restant de l'hencliir se composant de monta-
gnes et de ravines. La faible proportion de terres utilisables (it aban-
donner le projet d'achat.
Dans les environs d'Aïa-Tounga, quelques plateaux seraient favo-
rables à la culture des céréales, mais ils sont peu étendus, et la con-
trée, broussailleuse et vallonnée, est plus particulièrement propre à
l'élevage.
Le Goubellat. — La partie centrale du Caidat de Medjez-el-l'ab
est constituée par un vaste plateau appelé « bled (loubellat », com-
prenant les proi)riétés domaniales dites Sidi-Nagi, Gammarfi et
Briouigh.
En 1805, M. lîourde. Directeur de l'Agriculture, n'ayant pas à sa
disposition, connue aujourd'hui, u\\ fonds de colonisation pour achat
de terres, et désircnix cependant de fixer des colons dans les terres
habous du nord, qui représentaient à ses yeux la réserve la plus sé-
La Tunisie nu Nom» 10
134
rieuse du Domaine de l'Etat, eut l'idée de continuer ce que Khéred-
dine avait fait jadis au Fahs, c'est-à-dire de vendre à enzel aux indi-
gènes locataii'es du Domaine les terrains qu'ils occupaient depuis de
lono-ues années. Cette opération devait s'elîectuer tout d'abord au
Goubellat ; elle devait avoir pour résultat de procurer à l'Etat les
rentes qu'il aurait cédées ensuite àlaDjemaïa en échange de terrains
plus convenables pour les colons. A cette conception, M. Bourde en
associait une autre, certainement plus séduisante, qui était de ne con-
sentir l'acte d'enzel qu'autant que le terrain avait été préalablement
défriché des jujubiers qui l'envahissaient à l'extrême. Mais ce travail
dépassant les forces d'une famille s'il devait être exécuté dans un court
espace de temps, le promoteur de Hdée prévoyait des corvées de tous
les habitants de la région, passant successivement d'un lot à un autre
pour le délrichement.
L'étude approfondie de la question fit constater qu'elle se heurterait
à des difficultés sans nombre, dont la paresse des indigènes, leur ré-
sistance à l'idée du travail pour autrui, leur inaptitude même à se
servir des outils de défrichement n'étaient pas les moindres. En mê-
me temps l'Administration, à court de terres pour la colonisation,
pensait que le Goubellat ne méritait pas les critiques que d'aucuns
prodiguaient sans motif bien déterminant, et, dès 1898, elle mettait
en cours le projet de céder directement les terrains du Goubellat à
des colons français, projet dont elle a lieu aujourd'hui d'être pleine-
ment satisfaite : le Goubellat est en effet l'un des plus riches groupe-
ments de colons français qui aient été formés en Tunisie, par l'Admi-
nistration.
Le Goubellat, ou plutôt Sidi-Nagi, la partie du bled qui a été la pre-
mière allotie par le Domaine, est situé à IT) kilomètres au sud de Med-
jez-el-Bab, village auquel il est relié par une excellente route de cons-
truction récente. Le IiKmI (ioubollat est entouré de tous côtés par des
chaînes de montagnes assez accidentées: au Nord, le djebel Morra et
le djebel Rou-Mouss le séparent de la vallée de la MedjiM'da; à l'Est,
({uelques collines et le plateau de Sidi-Mediane forment barrière en-
tre Le Goubellat et la route deTimisaii Kel; au Sud, un vaste pla-
teau broussailleux, marécageux pendant l'hiver, le sépare de la val-
lée de l^)OU-Arada ; enlin, la longue chaîne du djebel Riliane, qui se
termine près de Slouguia, fernu^ l'hoiT/on à l'Ouest. En sonmie, le
— -135 —
Goubellat est une vaste cuvette qui, d'après certains auteurs, formait,
dans la haute antiijuité, un immense lac.
Les premiers lots furent livrés à la colonisation vers 1898 et le
premier colon qui planta sa tente dans le bled si décrié était un an-
cien fonctionnaire du Gouvernement Tunisien, M. Ducurtil. Les
montagnes boisées qui eiilourent la plaine, sa situation sur la grande
route des caravanes venant du Sud, ses pâturages, la composition du
sol, tout prêtait à la réussite du centre français dans cette région où
l'occupation romaine avait laissé de si nombreuses traces. La venue
des colons ne devait donc pas se laire attendre, et, en effet, le mou-
vement se produisit avec une incroyable rapidité : aujourd'hui le cen-
tre du Goubellat possède, dans l'agglomération des trois propriétés
domaniales de Sidi-Nagi, Gammarti et Briouigh, de belles fermes
françaises (jui, chaque année, s'agrandissent.
Des coteaux à pentes douces occupent un tiers du bled ; les deux
autres tiers sont en plaine. Les terres noires, argilo-calcaires, sont
de bonne qualité. La nappe d'eau potable se trouve aune profondeur
de 5 à 15 mètres ; la moyenne annuelle des pluies est de 500 millimè-
tres.
Les principales cultures sont : l'avoine, l'orge, la fève et le blé ; le
rendement moyen, établi d'après la récolte des trois dernières années,
a été de 23 quintaux par hectare en avoine, 20 quintaux en orge, .'30
quintaux en fèves, 13 quintaux en blé. Les méthodes de culture ten-
dant à s'améliorer, les colons qui, au début, labouraient leurs champs
avec quelque insouciance, se sont vite rendu compte que la fumure
était nécessaire, que les labours de printemps, l'assolement régulier
ne pouvaient qu'augmenter le rendement ; ils opèrent, aujourd'liui,
rationnellement.
Le Goubellat est un paysexcellentpour l'élevage, l'herbe s'y trouve
en abondance, variée et nourissante ; les résultats obtenus jus-
qu'alors par les éleveurs sont des plus satisfaisants. 11 manque en-
core, à la plupart des colons, des écuries assez spacieuses pour leur
permettre d'augmenter leur cheptel, mais chaque année voit s'élever
des constructions nouvelles et le choix des géniteurs devient plus ju-
dicieux. Des essais intéressants ont été faits par M. Ducui-til pour
l'introduction du zébu, et l'on peut voir, au Goubellat, une assez nom-
breuse famille dezébuscpii renq)lacen[ 1res avantageusement dansles
travaux de culture les banifs du pays.
— -136 —
Un emplacement de 13 hectares, en bordure de la route de Boii-
Arada à Medjez-el-Bab, a été réservé au centre de lotissement de Sidi-
Nagi pour la création d'un oroupement urbain. Un bureau de Postes
et Télégraphes, une école et un bureau de tabac sont installés sur ce
point ; un hôtelier, un boulanger et un forgeron sont également éta-
bhs au centre du village, et TAdministration tient, à la disposition du
public, des lots urbains de '2.000 mètres carrés environ. L'école ne
reçoit encore que douze enfants : cinq garçons et sept tilles, tous
Français. Quelques autres enfants de colons ne peuvent Iréquenter
l'école par suite de l'éloignement des fermes et du défaut de moyens
de communication.
Les colons du Goubellat demandent :
lo Le prolongement de la route sur Tunis; un simple tronçon de
14 kilomètres leur permettrait de faire eux-mêmes leurs transports
sur Tunis, ou tout au moins d'obtenir des tarifs moins onéreux que
ceux qu'ils subissent actuellement. La Direction de l'Agriculture a
accordé déjà des crédits au Service des Travaux publics dans ce
but ;'i)
2» L'établissement de pistes reliant les fermes françaises situées
sur les henchirs Gammarti et Briouigh, au point central du groupe-
ment ;
3" L'installation au Goubellat d'un dépôt d'étalons.
Quarante-deux lots de culture ont été livrés à la colonisation fran-
çaise à Sidi-Nagi, de 1900 à 1903 (premier lotissement) ; leur conte-
nance varie de 75 à 150 hectares. Au total, '2.300 hectares ont été
vendus pour la somme de 112.422 francs, soit en moyenne 48 francs
l'hectare.
L'henchir Gammarti (deuxième lotissement),comprend trente lots,
vendus à des agriculteurs français, de 1902 à lin lOOL La moitiéde
ces lots n'atteint pas 100 hectares; l'autre moitié varie de 100 à lOO
hectares. Au total, 1.800 hectares, vendus 113.300 francs, soit en
moyenne 04 francs l'hectare.
L'henchir Mriouigh (troisième lotissement), vient d'être livré à la
colonisation. 11 est situé à 5 kilomètres au Sud-Estdu centre deGou-
bellat. Environ 1.700 hectares de terres, à peu juvs unilormes, d<>
(1) lin cours d'exécution.
- VM —
consistance moyenne, se prêtent à toute culture. Une partie du ter-
rain, à liane de coteau, a été réservée pour former un communal où
les indi|,'-ènes auront accès aussi bien que les Européens. L'autre
partie a été divisée en quinze lots, <lont sept de KM) à l.'J7 hectares
(au total 821) hectares), ont été vendus, en 1004, à sept aj^^ricultcMirs
français, moyennant la somme de 80.300 francs, c'est-à-dire 07 francs
l'hectare.
En résumé, la Direction de TAgriculture a livré à la colonisation
Irançaise, en moins de cinq ans, la presque totalité des terrains qu'elle
possédait dans les henchirs Sidi-Nagi, Gammarti et iîriouigh, environ
5.000 hectares, vendus 300.000 francs, soit en moyenne 61 fr. 20
l'hectare.
Quelques propriétés ont déjà été revendues par les premiers occu-
pants à raison de 150 et 180 francs l'iiectare. Cependant, ce qui dans
Tensemble caractérise le Goubellat, c'est la fixité des colons qui y
ont élu domicile et qui tous y ont fait des installations durables,
généralement confortables et spacieuses. Ces indications démon-
trent le réel succès qu'a obtenu sur ce point la Direction de l'Agri-
culture.
Bou-Arada. — La vallée de Bou-Arada est fort belle, excellente
pour la culture des céréales et l'élevage ; la vigne a bien réussi dans
le domaine Taine, propriété de 4.800 hectares, dont 300 environ dé-
frichés et ensemencés chaque année, sous la direction de M. Rolland,
ingénieur-agronome et gérant du domaine.
L'Etat possède, dans la région de Bou-Arada, près de 25.000 hec-
tares, constitués, en majeure partie, par des coteaux couverts d'oli-
viers sauvages, de pins d'Alep et de hautes broussailles. La Direction
de l'Agriculture a enlevé, dernièrement, aux locations indigènes et au
régime forestier 3.250 hectares de terrains argilo-calcaircs situés sur
les henchirs El-Aroussa, Moukalef et Fross. Ces 3.250 hectares sont
allotis et vont être sous peu livrés à la colonisation.' '>
Le centre des trois propriétés allolies se trouve à une distance de
45 kilomètres de Medjez-el-Bab, 22 kilomètres de Testour, L5 kilo-
mètres de l'important marché de Bou-Arada, installé au milieu du
domaine Taine, et à 110 kilomètres environ au sud-ouest de Tunis.
Le pays est sain et sur tout le territoire (jui nous occupe on cons-
(1) La plupart ck-s lots sont aujourd'hui vuiulus à divers agiieullcurs fiançais.
— 138 —
tate fort rarement des cas de paludisme. Il pleut suffisamment pour
assurer la récolte des céréales qui donnent en moyenne 12 quintaux
à l'hectare. L'année dernière (1904) il est tombé à Bou-Arada 050
millimètres d'eau ; pendant l'hiver de cette même année, le thermo-
mètre est descendu à 3 degrés au dessous de zéro ; on a observé au
mois d'août 47 degrés.
Les trois henchirs, qui bientôt vont former un superbe point de
colonisation au milieu d'une contrée rappelant les plus beaux coins
de l'Auvergne, sont sillonnés de pistes qu'il suffira d'améliorer pour
desservir utilement les fermes françaises. Le chemin de fer de
Pont-du-Fahs à Kalaâ-es-Senam traverse ces propriétés dans toute
leur longueur, et deux stations, celle de Bou-Arada et celle d'El-
Aroussa, desserviront les colons qui s'y installeront. Enfin, au point
de vue hydrographique, la région ne laisse rien à désirer : deux
oueds coulent toute l'année, l'oued Siliana et l'oued Remil l'arro-
sent du Sud au Nord ; de nombreuses sources provenant du djebel
Ribane fournissent de l'eau potable en quantité suffisante. Le débit
de la source de Bou-Djelida est assez abondant pour assurer l'ali-
mentation d'un centre; il suffira de la capter et de la canaliser jus-
qu'à ce point.
D'une manière générale, toutes les terres sont de bonne qualité,
libelles à travailler, propres à toutes les cultures. On trouve, dans la
plaine, des terrains d'alluvions de grande profondeur; en coteau, le
terrain calcaire jurassique est excellent pour la vigne et pour l'olivier.
Dans les ruines romaines, très nombreuses, on découvre beaucoup
de moulins à huile.
L'abondance des jujubiers rendra parfois la mise en valeur de ces
terrains assez onéreuse ; il y existe d'autres broussailles, mais ce qui
domine, c'est l'olivier sauvage qui, en certains points, forme de véri-
tables forêts. Il sera facile, en les greffant, de faire produire ces
arbres vigoureux ; d'ailleurs, les Arabes de la vallée de Bou-Arada,
conseillés par ^L Rolland, ont déjà greffé, sur leurs terres, près de
0.000 oliviers sauvages qui poussent admirablement.
La composition du sol est partout à peu pi'ès la même. La valciu-
moyemie des terrains, non défrichés, peut être lixéeà 75 francs l'hec-
tare. Des terrains de parcours seront réservés aussi bien pour les
Kiu'()j)éens rjuepoin' les Indigènes. UucenhH^ indusirici sera ('i'('('' plus
tard près de la gare d'El-Aroussa.
- 139 -
Les forêts. — Il existe dans la partie Sud de l'annexe de Medjez-
el-liab une certaine étendue de forêts dont on peut évaluer la conte-
nance à 22.51)0 hectares.
Ces boisements appartiennent au groupe forestier qui s'étend au
sud de la Medjerda sur les plateaux des Contrôles civils de Tunis,
Mactar, Tliala etKairouan.
Les peuplements se composent surtout de pins d'Alep avec du clié-
ne yeuse en mélange. On y rencontre aussi, à Télat secondaire, l'oli-
vier sauvage et le genévrier.
Les forêts de l'annexe de Medjez-el-Bab se répartissent en ciinj
m;issifs, savoir :
P'orèt du Goubellut, d'une contenance approxima-
tive de 1 .500 hectares.
Forêt du djebel Rehass 1 .CXJO —
Forêt du Bou-Arada (partie) 16.. 500 —
Forêt de Siliana 1 .500 —
Forêt de Sidi-Abdallah-ben-Cheïd (partie) 2 .000 —
22.500 hectares.
Partout les peuplements sont en fort mauvais état, ayant continuel-
lement souffert de dévastations de toute nature : incendies, pâtura-
ges exagérés, défrichement, exploitations abusives, écorcements,
etc. Ils ne donnent aujourd'hui que de menus produits consistant
en bois et en charbon, perclifes pour la construction de gourbis,
bois pour la construction des charrues et jougs. Les arbres morts
sont soumis à la distillation pour fournir du goudron.
Il n'y a pas lieu de chercher à augmenter la quantité de produits
ligneux réalisés actuellement dans ces forêts, car leur état d'appau-
vrissement est tel que les exploitations, plus intensives, ne tarderaient
pas à entraîner leur disparition. Il est au contraire indispensable de
les ménager afin de favoriser leur reconstitution, car leur présence
diminue le ruissellement et facilite la pénétration des eaux pluviales
dans le sol, l'alimentation des nappes souterraines, et contribue au
maintien des terres sur les pentes.
La conservation et l'amélioration des forêts de cette catégorie ne
peuvent être obtenues que par une surveillance assidue et une ré-
pression énergique des délits. Or, les ressources dont dispose le Ser-
vice forestier pour assurer la police <lans les forêts de pins des pla-
— 140 —
teaiix sont iiisuffisantes. Le personnel français est réduit dans cette
région à dix brigadiers et gardes pour luie étendue boisée de plus de
400.000 hectares distribué en massifs épars sur les territoires de
six Contrôles civils. En particulier pour l'annexe de ^ledjez-el-Bab, la
surveillance des quatre premiers massifs est confiée à un garde de-
meurant au djebel Mansour; dans le Contrôle de Tunis, et celle du
cinquième au brigadier en résidence au Kef. Ces préposés, qui ont à
surveiller chacun une étendue considérable, ne peuvent revenir sur
les mêmes points qu'à des intervales éloignés : entre deux tournées
consécutives, les indigènes peuvent commettre des délits presque en
toute sécurité.
Les routes. — Deux voies ferrées traversent le Caïdat de Medjez-
el-Ëab : au Nord, la ligne de Tunis àBône ; au Sud, la ligne de Tunis
à Kalaà-es-Senam.
Les routes carrossables sont :
1" Route de Tunis au Kef, traversant le Caïdat du trentième au
quatre-vingt-quinzième kilomètre ; elle dessert Thenchir Paolo, Qçar-
Tyr, Medjez-el-Bab, Slouguia, Testour et Aïn-Tounga ;
2" Route de Medjez-el-Bab à Souk-el-Arba (25 kilomètres de chaus-
sée empierrée) ; elle dessert le centre d'Oued-Zerga ;
3" Route de Medjez-el-Bab à Ileydouss (chaussée empierrée sur5
kilomètres 500) ; dessert la région de Chassar-Tefalia ;
i" Route de Medjez-el-Bab à Maklar, par le Goubellat et le Bou-
Arada (chaussée empierrée de Medjez au Goubellat; piste carrosa-
ble ensuite).
5« Route du Goubellat à Kairouan (empierrée sur 7 kilomètres
400).
11 existe également plusieurs pistes carrossables que le SiM-vice des
Pont-et-Chausséess'eflorce d'améliorer chaque année. Les principales
sont : la piste des Oulad-Aoun (région du Goubellat) ; ])iste de Medjez
à Chaouach, de Medjez à ToukaJjeur, du Goubellat à Teslour, de
Medjez à Tébourba.
Deux routes sont en ce iiioniciil à léliidc cl sui- le ()oiiit d'entrer
dans la période d'exécution :
1" La roule de Mcdjez-el-Ual) à Tdukabeur (trois pi'ojets ont été
étudiés) ;
2° La route du Goubellat à Tunis. Il faut nous arrêter un instant
— 141 —
sur C(3 troiiron <le route, car il dcviondi'a légendaire. Avaul 'ju'il en
lût (lueslioii, les colons du (loubellal nageaient dans la douce (juié-
tude ; très légitimement fiers de leur O'uvre, joyeux de vivre, pour
eux, le reste du monde était néant ; on enregistrait périodiquement
de nombreuses naissances et la progéniture, comme les canards,
poussait à merveille : c'était Tàge d'or.
Jusqu'alors le groupement français s'était contenté de la route,
d'ailleurs en parfait état, reliant le (loubellat à ^ledjez, lorsque, tout
à coup, un colon insinua « qu'il était absolument nécessaire d'établir
une voie raccordant le Goubellat à la route du Kef-Tunis«. Ce petit
embranchement derien du tout (une quinzaine (le kilomètres àpeine)
permettrait aux gens du (loubellat de se rendre directement à Tunis
sans passer par Medjez.
L'idée, par tous, fut trouvée géniale. Mais, dès lors, Tbarmonie
s'évanouit, les querelles surgirent, âpres, quand il fut question du
tracé. Les uns voulaient que la route suivît la piste de Tunis, les au-
tres préconisaient le passage par les Ouled-Aoun, un troisième lot
tentait de démontrer que la vallée de l'oued Ahmar, était, au con-
traire, la seule indiquée pour l'ouverture de la nouvelle voie. Cha-
cun, selon ses intérêts, tirait à lui la couverture. La question deve-
nait irritante, les groupes restaient irréductibles et le Contrôleur
civil ne savait plus où donner de la tète. Mais les envoyés des Direc-
tions de l'Agriculture et des Travaux publics, pondérés et méthodi-
• lues, purent résoudre équitablement le problème et concilier, autant
que possible, les intérêts en jeu. Et, grâce à eux, la concorde et la
joie planent aujourd'hui sur le pays pacifié.
Le projet de raccordement du Goubellat à la roule Kel-Tunis est
approuvé dans son ensemble. Un tronçon de piste carrossable est
exécuté sur 3 kilomètres de longueur. Il reste encore 11 kilomètres
700 de plateforme à construire, mais on y a travaillé avec ardeur, et
dès maintenant les colons du Goubellat peuvent traiisporter, par la
nouvelle voie, leurs denrées à Tunis.
Mines. — Une seule mine, celle de Kef-Lasfar, d'une superficie
de 858 hectares, existe dans le Caïdat de Medjez-el-Bab. Celle mine
de zinc et de plomb, exploitée depuis le mois de septembre 11K>1, est
située danslarégion du Goubellat, à li kilomètres environ ^\c Med-
jez. Elle a transporté, en 1001. '2(55 tonnes de minerai.
— 142 —
Le territoire du Caïdat de Medjez-el-Bab comprend environ :C0.000
hectares de terres labourables ; 25.000 hectares de prairies ; 30.000
hectares de pâturages ; 12!2.000 hectares de landes et de terres in-
cultes ; 500 hectares de vignes ; 300 hectares d'olivettes ; 2.000 hec-
tares de cultures diverses. En 1904, les contenances ensemencées
(cultures indigènes et européennes) ont été de : 8.000 hectares de blé;
7.600 hectares d'orge ; 1.300 hectares d'avoine; 700 hectares de
maïs : 4(J0 hectares de lèves. Le rendement moyen, par hectare, a
été de : 11 quintaux pour le blé ; 13 quintaux pour l'orge, l'avoine et
le maïs ; 18 quintaux pour les fèves. On comptait, en cette même
année, dans le Caïdat : 1.200 chevaux ; 600 mulets; 3.000 ânes ;
500 porcs ; 800 chameaux ; 7.400 bœufs ; 30.000 moutons; 45.000
chèvres.
En dehors des fonctionnaires et des industriels fixés dans les villa-
ges,140 familles françaises occupent,dans le Caïdat de Medjez-el-Bab,
environ 37.800 hectares de terres. 31.800 hectares ont été acquis di-
rectement aux indigènes ; 6.000 hectares ont été livrés à la colonisa-
tion par la Direction de l'Agriculture.
GIIAPfTRK IV
CONCLUSIONS
La superficie des deux Caïdats et du Contrôle civil de P.éja est de
.'i7r).000 liectares environ. En 11)00,04 fermes françaises occupaient
M.T)()0 liectares de ce territoire; deux ans plus tard, nous y trouvons
! 17 fermes françaises installées sur 4-0.700 liectares; enfin, en janvier
de l'année courante, nous comptons 05 fermes françaises occupant
l'2.000 hectares dans le Caïdat de Béja, et 140 fermes françaises sur
'IS.OOO hectares dans le Caïdat de Medjez-el-Bab, soit 205 fermes
françaises occupant 50.000 hectares sur le territoire de ce Contrôle
civil.
La population du Contrôle de Béjà dépasse 100.000 habitants, dont
5.500 Européens, se répartissant yinsi : 4.450 dans le Caïdat de ]5éja
et 1.500 dans le Caïdat de Medjez-el-Bab. La population française,
qui ne comptait que 370 personnes en 1800 et 750 en 100^1, atteint
aujourdiiui le chilfre de 1.200 iii(hvidus.
Nous avons dit que la colonisation française occupe la majeure
[lartie des enviroris immédiats de Béja. A l'ouest de cette ville, le
centre du Munchar et l'enchir Douemis se sont rapidement dévelop-
pés ; à l'Est et au Nord, la Direction de rAgricultiire a livré à la co-
lonisation les henchirs Démina, El-Afareg, Djebil, une partie des
Amdoun, les henchirs El-IIaoufia et El-Glia; au Sud de Béjà, elle
vient d'allotir les henchirs Magoula et El-llaouria, que nos agricul-
teurs occuperont prochainement; enfin, le joli centre des Nefza s'ouvre
à la vie tout au nord du Caïdat, ;ui fond d'une valléi^ plantureuse et
d'un pays remarquable par la beauté de ses sites.
En examinant le Caïdat de ]\ledjez-el-l'ab, nous trouvons établis
sur ce territoire plusieurs grands domaines dont la superficie varie
de 3.0(X) à 0.000 hectares. Dans la partie nord du Caïdat, vo sont :
les ddinaiiu's de Chassar-l'afah;!, d'Oiied-Zerga, d'EI-Baharine; à l'Est,
le domaine d(> Oear-Tvr; au Sud, le douiaiiu» de Boii-Arada.
— 144 —
La Direction de F Agriculture a remis à la colonisation française,
dans ce Gaïdat : l'encliir Paolo, à l'Est; les enchirs Sidi-Nagi, Briouigli
et Gammarti, situés dans le bled Goubellat, partie centrale du terri-
toire; enfin les henchirs El-Aroussa, Moukalel et Fross, qui se trou-
vent au sud du Gaïdat, dans la région de Bou-Arada, sont maintenant
allotis et vont être très prochainement offerts au public.
L'œuvre de colonisation, dans le Gontrôle civil de Béja, a donc été
couronnée de succès. La population européenne s'est considérable-
ment accrue depuis cinq ou six ans, et le peuplement ne s'est ralenti
que par suite du manque de terres.
Quelques terres pourront encore être achetés dans la région de
Béja, par des particuliers ou par le Service des Domaines, mais elles
deviennent chaque jour plus rares et bientôt il n'y aura plus un ar-
pent de terre à vendre dans cette contrée où la propriété rurale atteint
des prix lort élevés.
Le paysan ne trouvera désormais plus de place vers le sud du Gon-
trôle, dans le Gaïdat de Medjez-el-Bab : la colonisation y a déjà donné
des résultats appréciables, et nous avons tout lieu de croire que les
henchirs situés à proximité du Bou-Arada fourniront, dès leur mise
en valeur, un terrain très propice à la moyenne et à la petite coloni-
sation française.
Il serait peut-être bon de distraire la partie formant la pointe
extrême-nord du Gaïdat de Béja du territoire de ce Gontrôle et d'en
former un Gontrôle civil spécial qui pourrait être appelé « le Gontrôle
de la Kroumirie », en y annexant la région d'Aïn-Draham et de Ta-
barca à l'Ouest et la région des Mogods à l'Est.
Il s'agirait, en l'espèce, de grouper trois fractions de pays situées
dans trois Gontrôles différents, mais (jui font partie du même bassin
géographique et dont les intérêts, les desiderata, les besoins sont
identiques. Le nouveau Gontrôle comprendrait tout le massil de la
Kroumirie, depuis la mer jusqu'à Fernana, d'une part, et de la
lïoiiliêre algérienne à l'extrémité est des ^logods, d'autre p;iil. La
topographie, la géologie, l'orograpliie de ces régions en font un ter-
rii-oire qui ne ressemble en rien aux anti'es parties du Noril Iniii-
- 14.-, —
sien, et il serait tout à fait j;iliuiiii(;l de les assembler en un tout ho-
iiio^èue.
Tûutelbis, si le Gouveriiomeiit du l'rolectorat trouvait superllu de
créer un nouveau Contrôle civil, il pourrait au moins réunir les terri-
toires des Nefzaet des Mogods à l'annexe de ïabarca qui, fatalement,
serait rattachée au Contrôle de Béja.
Les habitants de Tabarca viennent de signer une pétition dans ce
sens. Ils trouvent, non sans raison, que rester davantage sous la dé-
pendance de Souk-el-Arba, dont tout les sépare, à commencer par
cette muraille de Chine qu'est la ciiaîne d'Aïn-Draham, est absolu-
ment illogique et préjudiciable à leui'S intérêts. Il semble qu'il est
possible de leur donner satisfaction.
Ce Contrôle ou cette annexe ne pourront, il est vrai, être organisés
qu'à condition de prolonger la route actuelle de Tabarca-Nefza jus-
qu'à la route de Béja-Mateur, mais, grâce à cette jonction, tout un
territoire immense et fertile — resté jusqu'alors inaccessible et in-
habitable faute de voie de communication — sera colonisé. La ques-
tion méritait d'être posée; c'est pourquoi je prends la respectueuse
liberté de la soumettre à ^I. le Résident Général.
Divers systèmes de métayage ont été adoptés dans le Contrôle ci-
vil de Béja, et nous avons vu que ces expériences ont donné des ré-
sultats probants. Des petits paysans français, arrivés en Tunisie pres-
que sans argent, purent, après quelques années de métayage, amasser
la somme nécessaire à l'achat d'une modeste propriété ; aujourd'hui,
nous les trouvons colons établis, heureux de leur sort, conseillant
aux parents restés en France de traverser au plus tôt la Méditerra-
née pour suivre leur exemple. D'autres, qui n'ont encore pu acqué-
rir le lopin convoité, vivent largement avec leur nombreuses famille,
sur leur métairie, alors ([u'en France ils végétaient misérablement
dans leurs villai^es.
Le métayage est, du reste, un ap[)renti.ssage excellent pour le pe-
tit agriculteur qui, venant de la métropole, a l'intention de se fixer défi-
nitivement en Tunisie. 1^'honnne ([ui a passé (pu^hiue temps sur ce
sol, qui s'est acclimaté, qui connaît les habitudes des indigènes et
parle leur langue, a beaucoup plus de chances de réussite quelenou-
. — -146 —
veau débarqué, arrivant dans un pays en tous points dissemblable à
celui qu'il vient de quitter. La preuve en est donnée par ce qui se voit
en Algérie : les fils de colons algériens, trop à Tétroit sur la conces-
sion paternelle et ne pouvant trouver des terres disponibles à proxi-
mité de leur centre, essaiment, s'en vont planter leur tente dans les
régions nouvellement ouvertes à la colonisation; presque tous restent,
résistent et font souche ; tandis que parmi les paysans qui arrivent
directement de leur liameau de France, on compte en moyenne —
souvent davantage — 50o/o de déchet.
Un ancien métayer de M. Saurin, M. Goulon, actuellement installé
à El-Afareg, m'a dit qu'un cultivateur acclimaté et bien au courant
des modes de culture de la région, doit réussir dans le Caïdat de
Béja avec une propriété de 00 hectares. M. Saurin estime qu'il faut
à cet agriculteur, pour s'établir, une somme de 8.000 à 10.000
francs, non compris le prix d'achat du terrain, afm d'assurer, dès la
première année, l'organisation et le fonctionnement du petit lot de
colonisation.
Il se produit en ce moment dans le Caïdat de Medjez-el-Bab un fait
d'ailleurs prévu et qui se produira certainement sur d'autres points
de la Régence : le démembrement des grands domaines. Les gros pro-
priétaires, les sociétés morcellent et mettent en vente leurs terrains
par lots de plus ou moins d'étendue. Cela tient non seulement à l'é-
norme dépense qu'exige la mise en valeur de surfaces de 5.000 ou de
9.000 hectares, mais aussi, fort souvent, au manque de main-d'œuvre
agricole. Les Européens, en elfet, sont rarement pourvus d'un per-
sonnel stable et ils sont fréquemment obligés de solliciter l'interven-
tion du Contrôleur civil pour trouver des travailleurs indigènes.
Jva main-d'œuvre agricole est parfois très dilTicile à se procurer
dans le Contrôle de Béja, et la question atteint ici un degré d'acuité
qui mérite l'attention des pouvoirs pubhcs. Elle préoccupe, à juste
titre, les associations agricoles et ne tardera pas à faire l'objet de
pétitionnemenls.
La grande exploitation, le vaste domaine peut cependant, mieux
que le moyen et le petit colon, gardei' toute l'année et entretenir un
personnel agricole suflisant aux besoins de la ferme; il y a donc
avantage pour ces derniers de se lixer auprès d'agglomérations déjà
— 147 -
constiliiées aplcs à fournir aux colons o)ivir(jiiiiants les travailleurs
poui' la moisson et à prêter, au besoin, un matériel perfectionné.
C'est ce qui s'est produit à Cliassar-Tefalia, à Oueil-Zerya, et qui se
fera procliainenient à Qçar-Tyr, et aussi, probablement, à iJou-
Arada. Les grands propriétaires, en préparant ainsi le terrain pour
fonder ensuite la petite exploitation et la petite ferme française,
auront été — peut-être sans le vouloir — les pionniers de la coloni-
sation agricole.
Il a été beaucoup écrit sur la colonisation par la ferme isolée et
sur la colonisation par le village. Ce dernier système, lon^^temps
pratiqué en Algérie, a donné bien des déboires, et ce sont les écliecs
multiples des villages officiels qui ont déterminé M. le Gouverneur
général Jonnart et M. de Peyerimhoff, Directeur de la colonisation,
à appliquer désormais un système mixte, consistant en groupements
de fermes autour de villages réduits à leur plus simple expression.
Le groupement compact n'est pratique sur le sol africain que si le
peuplement en est fait au moyen d'éléments choisis dans le même
département, ou plutôt dans la même région métropolitaine. Dans ce
cas, les paysans apportent avec eux leurs mœurs et leurs coutumes ;
compatriotes, ayant les mêmes idées, imbus des mêmes principes —
ou des mêmes préjugés — unis par la parenté des habitudes, à dé-
faut de celle du sang, ils se sentent bien plus torts, bien plus résolus,
bien plus opiniâtres au milieu des fatigues et des dangers de la
colonisation. Entre « pays », on se soutient, on s'aide, et la force
individuelle des familles se trouve multipliée par des forces collec-
tives importantes.
Il existe, certes, des circonstances où les colonies ont avantage à
réunir sur un même point de leur territoire tout un essaim de pay-
sans provenant d'une même région, et les villages de ce genre,
appelés « villages départementaux », ont tous réussi en Algérie.
Mais, en thèse générale, il est préférable d'opérer comme la Direc-
tion de l'Agriculture l'a fait en Tunisie, notamment dans les régions
qui font l'objet de ce rapport, et comme l'a précisé à la suite de cette
expérience le décret du 16 novembre 1903, c'est-à-dire par le grou-
ment de fermes juxtaposées sur chacune desquelles s'installe une
fanùlle française. L'Etat réserve dans le centre du groupement un
— 148 —
emplacement destiné à servir de village, recevant tout d'abord les
quelques industries nécessaires à la vie journalière du colon: forge,
bourrellerie, cantine, etc., et les édifices publics: poste-école, point
d'eau public, etc. Des voies de communication doivent relier ce cen-
tre aux termes voisines.
La ferme e&t, en effet, l'idéal de la colonisation. Au village, le sé-
jour est déprimant pour l'agriculteur: il y contracte de fâcheuses
habitudes, et les moments passés soit au cabaret, soit à potiner chez
le voisin, sont des instants précieux qui seraient plus utilement em-
ployés dans les champs, le cellier ou les écuries.
Le fermier a moins d'occasions de se distraire, il est davantage à
son travail. Si la pluie l'empêche de se rendre aux champs, il est
retenu dans son intérieur. L'estaminet tentateur n'est pas à sa portée:
sa santé, sa bourse et son temps ne sont pas ainsi menacés. En outre,
le colon-fermier réunit sous sa main toute sa culture et son outil-
lage ; sa propriété n'est pas divisée en lots épars; de sa porte, il voit
ses champs, il a l'avantage inappréciable d'embrasser du regard tout
son domaine. Enfin, il est plus à l'abri que le villageois de ce mal
invétéré, de cette plaie secrète, de ce véritable fléau qui, tant de
fois, à divisé et amené la ruine des villages algériens: la politique...
Avril 1905.
»
LE COiMKOLi: CIVIL DK IIMS
CIIAIMTUK ]'
Inimités. — Aspect. — Hydroçjraphie et Orographie. —
Korèts. — Travaux Publics. — Les llouiains. — Les ludirjèiies.
Population.
Pour le Méti'opoliLaiii qui n'a pas encore traversé la Méditerranée,
|)our l'étranger, la Tunisie tout entière, les 130.000 kilomètres car-
rés ([ue comprend le territoire du Protectorat français, le Sahel, le
Tell, le Sud se résument en deux mots : Tunis, Kairouan. Pendant
longtemps, il en lut de même chez notre voisine dont le toiu'iste ne
connaissait (pic la Kasba d'Alger, les coteaux de Mustapha et les
palmiers de Biskra.
Mais l'Algérie Iraneaise, presque octogénaire, a pu, avec les ans,
mettre ordre dans ses alTaires, sillonner de voies ferrées ses trois
immenses départements, tracer des routes, procurer à ses visiteurs
— couples de négociants paisil)les et rassis, ou modernes et impé-
tueux '' chaulïeurs " — bon souper, bon gîte et le reste. Aussi l'Algé-
rie est-elle, depuis une cinquantaine années, mais surtout depuis l'essor
de la macJtine ù dix, ([uinze et vingt chevaux, courue en tous sens,
louillée dans tous les coins, de l'xMie à Tlemcen. du Hlloral au Sahara.
La Tunisie, encore adolescente, n'a pas eu, jusqu'alors, grande-
ment le loisir de s'attifer, de se parer d'atours, de se préoccuper de
plaire. Et, cependant, pour ceux (pii voient la Régence autrement
(jue [)ar les souks de Tuiiis ou les mosquées de Kairouan, l'iouvre
accomplie ici par la France en moins de vingl-('in(| ans t^st sim-
plement merveilleuse. Les divers rapj)orteurs du budget tunisien,
à la Chambre des Députés et au Sénat, malgré les critiques acerbes
LaTumsiI': uu Noud 1t
— 150 -
des uns et les observations parfois méritées des autres, ont tous été
d'accord pour reconnaître que le Protectorat français avait fait, dans
la Régence, de véritables prodiges.
C'est surtout aux environs de Tunis, de la grande et curieuse cité
orientale, que la colonisation s'est implantée avec une indéniable
vigueur. Gela se conçoit. Aux premiers jours de l'occupation, l'armée
fut obligée d'assurer la pacification du pays, d'ébaucher, de centre
à centre, de ville à ville, les moyens de communication par des
embryons de routes et de pistes. Ce fut seulement plus tard, assez-
longtemps après, que l'Administration civile put poursuivre et para-
chever la besogne commencée par les militaires. Et c'est pourquoi,
en attendant que la sécurité fût bien établie dans le " bled " loin-
tain, que les routes empierrées et les voies ferrées permissent, sans
difficulté, de se rendre d'un point à un autre, le colon ihmçais planta
sa tente, édifia son bordj, créa son domaine aux alentours de la capi-
tale de la Régence, d'abord dans la banlieue même de Tunis, puis
siu' deux autres territoires du Contrôle Civil : le Caïdat de Tébourba
et celui de Zaghouan. Nous allons successivement étudier ces divers
territoires.
Limites. — Le ContnMe Civil de Tunis est linùté, au Nord-Est
par la mer; au Nord, par le Contrôle de Bizerte; à l'Ouest, par le
Contrôle de Béjà; au Sud, par les Contrôles de Maktar et de Kai-
rouaii ; à l'Est, par les Contrôles de Sousse et de Crombalia.
Au Nord, la limite commence à l'embouchure de la Medjerda,
qu'elle suit en se dirigeant vers le Sud-Ouest jusqu'à Sidi-Ali-Ould-
om-Habib. De là, elle remonte vers le Nord-Ouest en longeant la
garaat El-Mabtouha, puis se dirige vers l'Ouest, suivant l'oued Chair
jusqu'à son coiilluent avec l'oued Tine et contourne ensuite le ver-
sant ouest du djebel Zansarino, pour redescendre vers le Sud-Est
jusqu'à Sidi-Abdel-Kader, après avoir coupé la Medjerda à Jîordj-
Toiim,lavoie ferrée et la route de Medjez-El-l^abau Sud do iiordj-
El-Vhoudi.
La limite descend al(ji'S complèleinenl ;iii Sud en passant an som-
met du djebel Morabba et du djebd Masila, (Mitoie la sebkia Konrsia,
se fraie nn chemin à travers les conti'elôrls (\i\ djebel .Mansonr,
décrit un arc-de-cercle dont le sommet coupe l'oued i'^l-Kebri près
de Sidi-Amara, puis s'infléchit vers le Sud-Est en côtoyant l'Oued
— i.-)! —
Xebchaiie jusqu'à son intersection avoc la l'oulc iloTunisâ K;iii()u;ui.
La limite remonte vers le Nonl jusqu'à Jjir-KI-IJey (Djebihina),
descend vei's le Sud-F.st en suivant Toiicil Ki-ioua jusqu'à Dar-
Chaouch-liassine-ben-Kl-Adili,se diriijie pendant quelques kilomètres
vers le Nord-Est, s'inlléchit vers l'Est, puis descend vers le Sud-Est
pour traverser la route de Tunis à Sousse pivs d'Aïn-lIalloufa.
De ce point, après avoir formé im an.i^le aii,ni, la limite remonte
vers le Nord jusqu'à ce qu'elle rencontre l'oued E1-IVju1, au Sud d(;
Sidi Abderrahman-EI-Garci; elle suit quelque temps cet oued, ccn-
toiirne ensuite le kef Ennaâma, côtoie le djebel Zriba, traverse
successivement Bir-El-Golea, Djebel Bou-K lie rouf, Oued-EI-ll;nii-
mam; arrivée au Sud-Est de l'ain Bib:)uch, elle s'incline vers le
Nord-Est, traversant en ligne droite la route de Sousse à Tunis jus-
(ju'au Sud-Est de lîir-EI-Azzouz. De là, elle se dirige complètement
vers l'Est, traverse l'oued Bou-Selime et la route de Zaghouan à Bou-
Ficlia, puis elle C(jtoie l'oued Ramel jusqu'à son conlluent avec
l'oued El-Kouclia.
Enfin la limite remonte en ligne droite vers le Nord jusqu'à ce
(|u'elle atteigne l'Oued-El-Malah, qu'elle suil jusqu'à Aiu-Sabdun.
elle s'incline légèrement vers le Nord-Ouesl, va rejoindre le sommet
du djebel Sidi-Zid et traverse le kef Bou-Tsalats et Tella-Touila pour
aboutir au bordj de Sidi-Amar. De là, elle penclie vers le Nord-Est
en traversant l'oued Gasbia, puis remont(> directement vers le Nord
en passant par Oued-Gliargui, Ain-Ezzit, ()ued-EI-Bakbaka, Bir-Tourki
et la route de Grombalia à Tunis. xVrrivée au klianguet El-Hadjadj,
la limite pencbe vers l'Est jusqu'au djebel Srara. De là, elle se dirige
entre l'oued El-Ksab et la montagne, retraverse la route de Tunis à
Sousse et aboutit à la mer près de la limite Est du domaine de Pol in-
ville. De ce point à l'emboucbure de la Medjerda, la cote est assez
longue en raison de la courbe que décrit le golfe de Tunis.
Aspect. — Le Contrôle de Tunis s'éltMid siu' des régions de faible
altitude en général, allant de l'embouchure de la Medjerda à celle de
l'oued Miliane. Plat et marécageux sur certains points, nolaiument
le long du rivage maritime, il se relève dans ses parties Ouest et Su<l-
Ouest, en un véritable plateau adossé aux chaînes de montagnes ipii
limitent, au Nord le bassin de la Medjerda, au Sud 1(> bassin de Toued
Miliane, et aux chaînes (pii séparent ces deux lleuves et leurs
— lô'i —
aftluents. La région Est du Contrôle, depuis le Bou-Kliornine jusqu'au
djebel Zaghouan, de même que la partie Sud, sont montagneuses et
pittoresques.
Les conditions météorologiques sont variables d'une vallée à une
autre, de la plaine au plateau, du coteau Est au coteau Ouest, du
flanc Sud au flanc Nord. Dans son ensemble, ce Contrôle est compris
entre les régions bien arrosées du Contrôle de lîizerte et du Nord de
la Régence, et les zones sèclies du Sud. La transition n'est pas brus-
que, aussi trouve-t-on de vastes régions où les pluies sont régulières
et assez abondantes pour que la culture des céréales puisse donner
de bons résultats ; mais les années avec pluies irrégulières et aux
lourds mécomptes ne sont mallieureusement pas rares.
Dans toutes les parties du Contrôle qui peuvent être irriguées, les
indigènes ont créé de beaux vergers comptantes d'arbres ft^uitiers ;
les olivettes s'y rencontrent en grand nombre.
Les colons européens négligent les cultures rruitières qui nécessi-
tent des avances à longue échéance, exception faite pour la vigne ; ils
tentent plutôt la culture des céréales à revenus immédiats. Aussi les
environs directs de Tanis sont-ils peu boisés; en deliors de quelques
petits villages assez verdoyants, semés dans la banlieue, l'aspect de
cette région est assez monotone et seuls les vignobles y apportent
une note gaie. A l'Ouest, le Caïdat de Téboarba possède d'excellentes
terres à céréales et de belles olivettes; il forme une plaine légèrement
ondulée, comprise dans la vallée de la Medjerda. Le Caïdat de Za-
ghouan, situé au Sud de Tunis, est de beaucoup 1<> plus attrayant :
les collines et les hautes montagnes y sont nombreuses, et la partie
comprise entre le djebel Zaghouan, au Sml-Est, et le djebel Faraou,
au Sud-Ouest, en passant par le Djouggar et le djebel Fkii-ine, est de
toute beauté.
Hydrographie et Orographie. — Le principHl cours d'eau du
Contrôle de Tunis est la Medjerda, (]ui traverse le CaidatdeTébourba
du Sud-Ouest au Nord sur un parcours de 70 kilomèti'os. Utilisée au
moyen de deux barrages ([ni existeni ;iii li.illian et à Djcdcida, elle
pourrait fertiliser 10. (KM) licctarcs de homics tci res silu('('s en aval <le
ces deux points, et niodilici' du l(Mit ;iii loni l;i silinilion iigr()iionii((U('
du pays.
L'oued Chefl"rou, qui se jette dans la Meiljcrda au gu('' de Hou-Ke-
- 153 -
mada, est iriin f;iil)l(' déhil, mais il a, cependant, do l'eau toute
l'année. Les eaux de ces deux rivières ne sont pas potables et les
nappes souterraines que renlerment leurs bassins sont chargées de
sels qui les rendent fort désagréables au .noùt. Les habitants de ces
r('gions, faute de mieux, s'en sci-vent néanm(jins comme boisson.
L'oued Tine, (jui sert de limite au Caïdat de Tébourba vers l'Ouest,
coule toute l'année; son débit minimum est d'environ 4. (X)0 mètres
cubes par '24 heures. Des barrages rudimentaires permettent d'utili-
ser cette eau pour l'irrii^ation.
Enfin, dans ce même Caïdat, le djebel Lansarine donne naissance
à de nombreuses sources, dont quel([ues unes ont un débit assez
élevé; toutes les eaux de ce massif sont utilisées pour l'irrigation et
les besoins domestiques.
Le territoire du Caïdat de Tébourba est traversé du N(jrd au Sud
par la cliaîne des djebels Sakkak, ïerglach, Raouala, Lansarine et
J3ou-El-Aouecli, sur la rive gauche de la Medjerda, montagnes d'un
fort relief dont le sommet le plus élevé atteint l'altitude de 7)00 mètres.
Les hauteurs de Scliuiggui et du djebel Maïana (rive gauche) et celles
de Mahfoura, ]\Ioliaria et El-Chamar (rive droite), contribuent à
former la partie accidentée du territoire.
Le Caïdat de la banlieue de Tunis est tout entier conipi-is dans le
bassin de l'oued Miliane, qui coule du Sud au Nord et se jette dans
la mer à 2 kilomètres au Nord-Est de Rades. L'oued Miliane, à son
étiage ordinaire, débite une moyenne de o.5(J0 mètres cubes d'eau par
24 heures; ses eaux, quoique légèrement saumàtres, sont utilisées sur
tout son parcours. Les crues y sont torrentueuses et elles entraînent
avec elles beaucoup de sables terreux (|ui vont constituer une barre à
son embouchure.
Le seul aflluent de l'oued Miliane est^l'oued El-llamiiia, ([ui prend
sa source dans le djebel Trilï"; il est de peu d'importance, mais il
conserve néanmoins de l'eau toute l'aimée j^our les besoins domesti-
ques, et même, en certains points, |)our l'irrigation des plantes d'été.
Ses eaux sont potables.
La nappe d'eau de ce Caïdat se trouve à une profondeur variant de
8 à 25 mètres ; leau en est potable sur toute la v'we droite de l'oued
Miliane, médiocre et parlois mauvaise sur la rive gauche. Les con-
duites d'eau de Zaghouan et du Bargou remédient, en partie, à ces
— iri4 —
graves inconvénients, depuis le djebel Oust jusqu'à la Marsa et La
Goulette. Il n'existe actuellement dans tout le Caïdat, que Lrente-deux
sources d'un très faible débit, mais d'une eau excellente.
Le territoire du Caïdat de la banlieue de Tunis forme une vaste
cuvette de laquelle émergent quelques hauteurs, telles que celles
d'Aïn-Krima de Sidi-Salah, de Mohammédia, du Belvédère, de Sidi-
Eou-Saïd, et celles, plus importantes, des djebels Bou-Khornine et
Ressas, ainsi que les croupes allongées se détachant des montagnes
qui font ceinture à ce Caïdat.
Le Caïdat de Zaghouan est silonné par un nombre considérable de
sources vives et de rivières plus ou moins importantes. L'eau y est
partout abondante et de bonne qualité.
Les principaux cours d'eau sont : les oueds Miliane, EI-Kébir,
Nebben, Saadine, Djebibina, Djouggar, au Sud et à l'Ouest du Caï-
dat; dans la partie Est, les oueds Bou-Khalifa, El-Hadja, Rirana; au
Nord et au Nord-Est, les oueds Bel-Aourine, El-^Ielah, El-Kerara,
Zouarine, Zid et Ramel.
Le territoire du Caïdat de Zaghouan, des plus accidentés, est formé
de deux soulèvements distincts. L'un part du Nord de la plaine du Fahs
et se prolonge jusqu'à la mer (Hammam-Lif); les plus importantes
montagnes de cette chaîne sont : les djebels Basila, Haïra, Djalfa,
Ronass, Rouissat, Smindja. L'autre, continuation des montagnes du
Bargou (Contrôle de ^laktar), se dirige dn Sud au Nord-Est et vient
aboutir à Zaghouan. Cette chaîne comprend les massifs des djebels
Sourhas, Sbidia, Djouggar, Fkirine, Ben-liamida et enfin le djebel
Zagliouan qui domine toute la région de son énorme dôme.
Forêts. — Les surfaces boisées du Contrôle Civil de Tunis actuel-
lement soumises au régime forestier, ont une étendue totale de
il .lyiO hectares. Elles ont les dt'iiominatlons suivantes :
Foret du Bou-Klioniiiie (Caïdat de la P)anlieue).. LD'iO lied,
l'jirtie de la lorét de Bou-Arada (Caïdat de
Zaghouan) :}.(!(K) —
Clieiienla (Caïdat de Zaglmuan) 7).]{\{) —
Oimi-EI-Abouai) — 1>I.(K)0 —
Ourzelas ().r)(l()
Djebibina — (i.ôCJO -
- 155 -
A ces forêts, on pourrait ajouter, pour mémoire, le massif monta-
i-neux (lu djebel Ziij^houari, d'une contenance de J.îKJO hectares, dont
l'iinmatriculaLion est demandée pai- l'Etat, et celui du djebel Djouj^-
j^ar, d'une conicnance de '2.000 hectares.
Lorsque la dc'Iiinilation ailministrative de ces forets aura lieu, il est
à j)révoir ({ue des revendications se produiront, notamment pour
(|uelques parties des forêts du Bou-Arada, de Ghenenfa et des Our-
zelas.
Les boisements sont constitués par des essences forestières ordi-
naires de la région : le pin d'Alep, le cliêne vert, l'olivier sauvage, le
thuya, le lentisque, le genévrier. Les forêts d'Oum-EI-Abouab et des
Ourzelas contenaient de beaux peuplements de pins d'Alep qui ont
été détruits, pour la plupart, par les incendies de 1902. Mais les peu-
plements se reconstituent assez bien d'eux mêmes, et il est à espé-
rer que, s'il ne survient pas de nouveaux incendies, ces forêts seront
à peu près régénérées d'ici quelques années.
Les produits forestiers délivrés consistent : En bois à charbon ; en
j)lanches pour la construction des gourbis et des parcs à bestiaux ;
en bois pour les charrues et les jougs ; en bois mort pour la fabrica-
tion du goudron.
Le montant annuel de ces délivrances n'est pas supérieur à un
millier de francs, et en raison de l'état d'appauvrissement où se trou-
vent les boisements par suite des incendies, le Service forestier est
dans la nécessité de limiter les délivrances aux seuls besoins des
indigènes habitant à proximité de la forêt.
La surveillance des boisements du Bou-Khornine (de même que de
ceux de Korbous et de Hammamet, dans le Contrôle de Grombalia),
est assuré par les préposés forestiers d'Ilammam-Lif et de Tunis ; les
gardes du poste forestier du djebel Mansour surveillent les autres
forêts énumérées ci-dessus, au milieu desquelles ils sont installés.
Des crédits viennent d'être alloués pour bâtir un. poste forestier au
col d'El-Oukanda, entre les deux massifs du Zaghouan et du Djoug-
gar; on y installera un garde français et un garde indigène.
La mission de ce nouveau poste sera d'empêcher les défriche-
ments, les incendies et les pàlui'ages abusifs sur ces massifs calcaires,
d'où sortent les principales sources qui alimentent Tunis en eau. Le
service iorestier [)rocèdera ensuite au reboisement méthodique de
ces montagnes.
— lÔG —
Travaux publics. — « Lorsque le traité de Kassar-Saïd confia à la
France le soin de présider aux destinées de la Régence — écrit
M. de Fages, directeur des Travaux Publics — celle-ci ne possédait
qu'un outillage économique des plus modestes, presque entièrement
dû, d'ailleur, à des ingénieurs français.
(( Le réseau routier mesurait quatre kilomètres de longueur et
consistait uniquement dans la voie empierrée, établie vers 1860 par
l'ingénieur Dubois, qui relie Tunis au Bardo.
<k Les chemins de fer avaient une certaine importance ; ils com-
prenaient la ligne de Tunis à Ghardimaou (195 kilomètres), cons-
truite et exploitée par la Compagnie française de Bùne à Guelma, et
les lignes de Tunis au BaVdo, Tunis à La Marsa, Tunis à La Goulette
(34 kilomètres), construites par une société anglaise, qui les avait
vendues, en 1880, à la Société italienne Florio-Rubattino.
« Les adductions se réduisaient à l'alimentation de la ville de Tunis
(]ue l'ingénieur Colin avait assurée, en i8Gl, par la restauration, sur
près de cent kilomètres, des acqueducs romains de Carthage, délais-
sés depuis longtemps.
(( . . . Depuis une trentaine d'années déjà, avant l'établissement
du Protectorat, le Gouvernement français mettait à la disposition des
Beys de Tunis, des ingénieurs dont le rôle, comme on a pu en juger
par le bilan qui précède, devait être assez difficile en raison de sa
simplicité même : — De quoi te plains-tu, répondit un jour le Bey h
un de ces ingénieurs qui réclamait en vain des crédits pour ses tra-
vaux, ne t'a-t-on pas toujours servi régulièrement tes appointe-
ments?. . . ))
Ces errements ont bien changé. Au lendemain même de l'occupa-
tion, était créée à Tunis la Direction Générale des Travaux Publics,
qui^ en moins de vingt ans — car elle n'a fonctionné réellement
qu'en 188(3 — a réalisé des progrès considérables, en dotant le pays
de l'outillage économiciiic (lui lui man(]uail, et dont le développement
se poursuit chaque année.
Un simple coup d'rril jeté sur la carte routière de la Tunisie et la
lecture du tableau statistique (jue publie périodiquement la Direction
des Travaux Publics, donnent une idée exacte des résultats acquis.
Ceux ({uc la (piestiou iultMcsse, consulteront avec iFiiil ces précieux
documents. Quanta nous, dans le cadro i-(>str('int ([iie comj)orte une
brève monographie, nous uous conlenleroiis d"indi<pier sommaii'c-
ment les travaux (wécutés. |t;u' r.Vdministration, sur le tiM'ritoire du
Contrôle de Tunis.
Routes. — io Partie Est et Nonl-Est du Contrôle :
Jioute de Tunis à Sousse, Sfax, Clabès et Médenine;
— à Zagliouau ;
— à Grornbalia, par le Mornag;
— à Rades et à La Goulette;
— à La Marsa et à Sidi-I'ou-Saïd :
— au Cap-Bon ;
— à L'Ariana et La Goulette ;
— à Komba ;
de Mornaïf à Sidi-Salem ;
— de La Soukra à Saint-Louis-de-Cartlia<^e;
— de Rades à Crétéville, par Hammani-Lif;
— de Crétéville à l'oued Ramel.
2" Partie Ouest et Xord-Ûuest du Contrôle :
Route de Tunis au Kef;
— à Bizerte ;
— à Tébourba ;
Route de Djedeïda à ]\Iateur :
— de Bordj-El-Amri à Schuiggui ;
— de Tunis au Goubellat.
.'^0 Partie Sud du Contrôle :
Roule de Tunis au Fahs ;
— à Bir-^Frcherga.
1° Ceinture de Tunis.
Au total, 558 kilomètres de routes empierrées sur le territoire du
Contrôle de Tunis.
Chemins de fer. — Les voies ferrées ((ui traversent le Contrôle
lie Tunis, sont :
La ligne de Tunis à Bône ;
— à La Marsa et La Goulette ;
— à Sousse ;
— à Bizerte ;
— au llaut-^Iornag-Crétéville :
— à Sniindja :
Ligne de Smindja à Zagliouau ;
à Pont-du-Fal)s et au Kel'.
Au total, 309 kilomètres de voies terrées dans le Contrôle de l'unis.
— 458 -
Ports maritimes. — Quatre grands ports tunisiens sont actuelle-
ment terminés : Bizerte, Tunis, Sousse et Sfax. La Tunisie possède,
en outre, onze petits ports ouverts au commerce d'exportation ; ce
sont, par ordre d'importance : Gabès, Mahdia, Tabarka, Djerba, iNIo-
nastir, La Skira, Hammamet, Zarzis, Kelibia, Nabeul etPorto-Farina.
Il y a peu d'années encore, les navires à destination de Tunis
devaient mouiller en rade de La Goiilette. Une première dépense de
13.500.000 francs a permis, au moyen d'importants dragages, de
construire un chenal de neuf kilomètres de longueur, qui aboutit à
un bassin de Li hectares, de 6 m. 50 de profondeur, muni d'apponte-
ments, de terre-pleins et de voies ferrées ; aujourd'hui les bateaux
du plus fort tonnage, les transatlantiques et les navires de l'Etat
abordent quai Tunis.
En 1894, le mouvement du port de Tunis se limitait, entrées et
sorties réunies, à 270.000 tonnes de marchandises et environ 50.000
passagers ; dix ans plus tard (1904), le mouvement de ce port attei-
gnait 450.122 tonnes et 71.195 passagers.
La totaUté des dépenses exigées par l'aménagement du port de
Tunis s'élève à près de vingt millions.
Aménagements des Eaux. — Avant notre venue, douze millioiis
de francs avaient été dépensés en travaux d'adduction des eaux de
Zaghouan et du Djouggar, qui fournissaient, à Tunis, un volume de
10.000 mètres cubes d'eau par jour.
(( Outre la Medjerda et l'oued Miliane, dit M. Ch. Monchicourt
dans son étude sur la région de Tunis, il est un troisième tleuve
qui court toujours, mais dont l'eau limpide et pure n'est jamais
visitée par les rayons du soleil. Son cours ne s'embarrasse pas des
obstacles naturels. Il traverse indilTéremnient les plaines ou les colli-
nes et h'anchit même les oueds. 11 n^iîl à Zaghouan, à (iO kilomètres
de Tunis en ligne droite, mais il se replie en de nombreux détours
avant d'atteindre la caj)ilale. Dans la plaine de Smimlja, il i-ecoil un
alllueut venu du djebel Djouggar, dans celle de llou-liliia, il ac-
cueille les eaux de l'aïn Siguel (djebel Bou-lladjeba). (^e lleuve tout
récent, puisqu'il ne date que de 18()1, conipiierl pr(^gressivemeut de
nouveaux afiluents et j)Ousse sans cesse plus loin la trie de son ré-
seau. C'est ainsi que la branche du Djouggar est eu li aiu de se gi'ossir
des eaux du iîargou. S'il ne se jette jias à la mer, connue la IMedjerda,
il se divise vers l'aval en plusieurs lits (pii aboulisseut aux divei'ses
localih's à desservir. Les campagnes de la région ne sont pas sans
— ino —
profiter de cette adduction, car les nappes souterraines et les rivières
n'ont guère que des eaux sauniàtres, utilisées, il est vrai, par les
indigènes et le bétail, maisiqui ne sauraient convenir aux européens.
Aussi, tout l(! long des canalisations, des j)rises d'eau et des fontaines
lonctionnent de distance en distance. Ce lleuve ai'tiliciel, qui se con-
tente modestement d'une simple gaîne de pierre ou de ciment enfon-
cée sous terre en siphon ou affleurant à flanc de coteau, passerait
presque inaperçu s'il n'était jalonné par une série de fermes euro-
péennes qui s'y alimentent. Des ruines d'acqueducs gigantesques
l'accompagnent cà et là, et rappellent qu'à l'époque romaine il eut
un prédécesseur que suscita le génie d'IIadrien. »
Ces lignes ont été écrites en 11)04. Depuis, les eaux du Bargou ont
été aménagées par les soins d'une Société anonyme, à laquelle, dit-
on, on a versé huit millions pour l'exécution de travaux qui ont
nécessité, outre la construction d'ini acqueduc maçonné et d'une
conduite en ciment armé, le percement d'un tunnel de plus de six
kilomètres. Cette année même, la nouvelle canalisation souterraine
était livrée à l'Administration du Protectorat ; mais, il faut bien le
dire, on n'obtient pas, de cette canalisation coûteuse, les résultats
que l'on était en droit d'en attendre.
La Direction des Travaux publics a, en outre, doté de réservoirs,
de fontaines, d'abreuvoirs, un grand nombre de localités du Con-
trôle ; les anciennes conduites d'eau, sui' plusieurs points, ont été
remises en état, de nouveaux puits ont été forés, et le moderne
aéromoteur remplace un peu partout, dans la banlieue de Tunis,
l'antique puits arabe.
Mines et Carrières. — Trois mines importantes existent sur le
territoire du Contrôle de Tunis :
1» La mine du djebel Ressas, plomb et zinc, située à l'extrémité
de la plaine du Mornag Ç25 kilomètres environ de Tunis). Abandon-
née, par la Société italienne qui l'exploitait depuis plusieurs années,
la concession a été reprise en 1U(K) par une Société française. Klle
est desservie par la ligne de Tunis au llaut-Mornag;
2o La mine de Zaghouan, zinc et plomb, accordée par décret de
1894 à la Société anonyme des mines de Zaghouan, est située à envi-
ron ()0 kilomètres au Sud de Tunis, à proximité du village de Za-
ghouan ;
— -IGO -
3° La mine de Djelibet et Kohal, zinc et plomb, située à "25 kilo-
mètres de ^loghrane, concédée en lOO^ à une Société anglaise.
Les principales carrières de ce Contrôle, sont :
Calcaires, chaux et ciments, à Hammam-Lif et à Potinville ;
Plâtre, au djebel Arroussia et Nepchs-ed-Dib ;
Phosphates de chaux, au djebel Amar:
Marbre, au djebel Oust et au djebel Ben-Klab :
Pierre à chaux, au djebel Djelloud ;
Pierre de taille, aux djebels Aziz, Kataria, Karrouba et à Sidi-
Fatallah ;
Moellon, à Dubostville, Sidi-Fatallali et à Zitouna.
Les Romains. — Ce fut aux alentours de Carthage que se concen-
trèrent, clans l'antiquité, comme aujourdliui aux alentours de Tunis,
les forces productives du pays tout entier; ce fût là que l'œuvre
colonisatrice des Romains se montra dans toute sa puissance. Et,
cependant, il n'y reste presque rien de la splendeur des temps anciens.
Alors que, dans l'intérieur de la Régence, on trouve d'importants
vestiges du passé, on en rencontre fort peu dans la région qui avoi-
sine immédiatement Tunis. Les ruines elles-mêmes ont péri; les
barbares cosmopolites qui sont venus ici après Rome, les ont pillées
et détruites.
Il ne nous appartient pas de rappeler la préhistoire de ce pays, de
fouiller les cités libyques ouïes nécropoles puniques, et nous n'avons
pas le loisir, comme Marins et le P. Delattre, de |)leurer sur les rui-
nes «le Carthage. De très nombreux et savants ouvrages ont été
publiés sur cet intarissable sujet, des travaux du plus haut intérêt
ont été exécutés par nos archéologues. H faut lire ces ouvrages, mais
seulement après avoir médité sur radmiiahli' livi'e où le génie de
Flaubert évoque ces temps lointains; et, c'est ce bréviaire en main
que le touriste qui ne se contente i)as de passer, ira, accompagné de
M. Sadoux, — érudit modeste dont la patience et l'aclivité sont inlas-
sables — visiter les lieux où s'élevèrent les temples de Tanil. de
Jupiter et de Moloch, les palais de Didon et d'IIaimibaal, les mai-
sons d'Ilamilcar, d'Hannon, d'.Vzdrubaàl. Il gardera de sa journée
un inoubliable souvenii'.
— loi —
Carthage. — Les origines de Carthage se perdent dans la nuit des
temps :
« TôLil ce (|iron j)eut dire avec certitude en ce qui concerne
Carthage, dit M. Mellzer, c'est qu'elle a été fondée par les Tyriens,
dans des circonstances d'ailleurs absolument inconnues, avant l'épo-
que où l'élément grec commença à pénétrer dans la A[édit<'rranée
occidentale, et qu'à cette époque elle était déjà assez puissante pour
prendre l'hégémonie de toutes les colonies phéniciennes de l'Ouest. »
Tissot pense qu'on peut l'aire reuiontor la fondation de Carthage au
IXe siècle avant notre ère, mais l'instoire de Carthage n'a réellement
commencé qu'au VI'' siècle, ainsi tju'en témoignent Timée, Polype et
Diodon.
Il est diflicile de déterminer l'étendue de la Carthage punique.
Certains indices permettent de supposer que ces limites étaient assez
restreintes.
« Entre la prise du Cottlion et la capitulation de Byrsa, dit Tissot,
six jours s'étaient écoulés, pendant lesquels l'armée romaine, chemi-
nant pas à pas, avait fait le siège de chaque maison, repoussé l'en-
nemi de terrasse en terrasse, incendié, sapé, abattu et nivelé tout ce
(ju'elle laissait derrière elle. Tuut le quartier qui reliait les forts à
l'acropole avait été ainsi rasé, lorsque la citadelle se rendit. Mais le
reste de la ville était encore debout, et c'est à Rome que son sort
devait se décider. Consulté par Scipion, le Sénat envoya en Afrique
une Commission chargée de veiller à ce que l'œuvre de destruction
lut accomplie jusqu'au bout. On abattit les remparts, on renversa les
temples et les principaux édifices, et défense fut faite de relever ou
d'habiter ces ruines, que de solennelles imprécations vouaient
pour jamais aux dieux infernaux. »
Cependant, moins d'un siècle après cette destruction ( liO avant
.l.-C), Rome fonde une nouvelle ville sur l'emplacement de Carthage
et envoie des colons. Mais c'est seulement sous le règne d'Auguste
que la ville romaine prend un véritable accroissement et devient une
opulente cité. Ç2<.) av. .l.-C.)
Toutes les productions de la vallée du Bagradas se l'assemblent
alors sur les quais d'embarquement île Carthage, et, comme Rome
pour le réseau routier de l'Europe, Carthage est en Afrique
le point de départ des voies romaines qui s'étendent, à lOuest. jus-
qu'au littoral de l'Océan, et qui, au Sud, s'enloncent jusqu'au cœur
du Sahara.
- [&2 —
« C'est d'abord la grande voie du littoral, qui utilisait probable-
ment une ancienne route phénicienne et aboutissait à Hippo-Regius
(Bône), en passant par Bizerte, la vallée de l'oued Sedjnan, Tabarka,
et La Galle. Nous ignorons la date de sa construction, mais nous
savons qu'elle fut restaurée en 7(3, sous Vespasien, par le légat impé-
rial Q. Egnatius Catus.
« Une autre voie se dirige également vers Hippo-Regius, mais
en passant au milieu des terres; elle dessert la rive gauche de la
Medjerda, avec les grandes villes de Tuburbo Minus (Tébourba),
Bulla Regia, Simithu (Chemtou).
(( La voie de pénétration la plus importante est celle qu'achevèrent,
en 1:23, sous le règne de l'empereur Hadrien, les troupes de l'armée
d'Afrique, dirigées par leur légat, pour relier Carthage à Theveste,
la capitale civile de l'Afrique à la capitale militaire. Cette grande
artère, longue de 197 milles, soit !275 kilomètres environ, est l'objet
des constantes préoccupations des empereurs Curacalla, Maerin, Ma-
ximin. Gordien, Philippe, Decius, Gallus et Volusianus, Aurelianus,
Tacitus, Probus, Dioclétien, Constant, Julien, quatorze empereurs en
250 ans, sans compter ceux que nous ignorons, la fout réparer en
tout ou en partie, et elle sert jusqu'aux derniers temps de l'occupa-
tion byzantine. Son importance économique est aussi grande que son
intérêt stratégique : voie naturelle, elle dessert les régions les plus
fertiles, les plus peuplées de la Tunisie, qu'elle traverse en diago-
nale par Membressa (Medjez-el-Bab), Tichilla (Testour), Tliignica
(Aïn Tounga), Thibursicum Bure (Téboursouk), Sicca Veneria (Le
Kef), Althiburos (Medeina), Ammiedara ( Haidra).
« Enfin une quatrième voie suit le littoral, au Sud de Carthage,
coupant le cap Bon et touchant à Putput (Souk-el-Abiod), à Hadru-
mète (Sousse), aux villes du Sahel, des oasis côtières et se prolon-
geant ensuite jusfiu'à Tripoli et Leptis Magna (Lebda), sur une lon-
gueur de 823 kilomètres.
<f D'autres routes, croisant les premières, joignent Tacape à Tlie-
veste, en passant par Capsa ; — Hadrumète à Sicca Veneria, en
passant par Mactaris; — Hadrumète à Capsa, en |)assant par Sulelula
et Telepte; — Simitthu à Tabraca, en franchissant le massif mon-
tagneux de la Krovnnirie au col d'Ain -Braliam. Les rives mér-idiona-
les des Chotts sont elles-mêmes desservies par une ligne qui aboutis-
sait à Gabès. Quant aux routes secondaires (jui s'inhuralent enli-e
ces grandes voies, allant d'iuie vilh^ à l'antre, dessei'vant des bonrga-
des, des hameaux, des fermes, il faut renoncer à les énumérer ici. »
(P. Gauckler.)
Les lieux premi(M's siècles de l'ère chrétienne hirent poni' la Car-
thage romaine répo([ue de; plein épanouissement, itonie, en Ahique,
— un —
répare les maux de la guerre, protège, grâce à ses légions, les iiifli-
gènes contre les nomades du Sud et les pillards de l'Ouest, assure
;ni pays la sécurité et la prospérité qu'il n'avait jamais connues avant.
Mais au III'' siècle, l'anarcliic impériale amène la décadence écono-
mique do la province africaine ; les ennemis du dehors débordent les
Irontièreset la dilTusion dit christianisme sème la division et provo-
que la guerre civile.
« Dans les belles années du IV« siècle, dit encore M. Gauckler,
l'Afrique s'efforce de panser les blessures des invasions, des guerres
civiles, des persécutions religieuses ; mais le ressort est brisé, (jui
tendait toutes les forces vives du pays vers la marche en avant. Tout
le progrès consiste à refaire l'œuvre du passé. L'on ne bâtit plus, on
répare ; on restaure les routes, les acqueducs, les barrages, on relève
les temples, les curies, les portiques, on termine les édilices restés
inachevés. Bientôt de nouveaux troubles amènent de plus grands
désastres. Donatistes et iconoclastes, insurgés berbères et envahis-
seurs étrangers entassent ruines sur ruines. Pour défendre le pays,
les I3yzantins achèvent de le dévaster ; leurs lourdes citadelles impé-
riales, leurs châteaux forts aux tours crénelées, leurs réduits fortifiés
et leurs postes de guet s'élèvent partout comme par enchantement,
mais au dépens des monuments anciens, même de ceux qu'avaient
respectés les Vandales.
(( Puis vient la conquête arabe, le dépeuplement du pays, l'aban-
don, et l'œuvre de destruction commencée par les liommes est pour-
suivie d'une façon lente et sûre par la nature hostile. Son action
malfaisante ne rencontre plus d'obstacles. Ce pays d'Afrique, où la
vie n'est qu'une lutte perpétuelle contre les éléments, obéit désor-
mais à un peuple qui subit la destinée au lieu de l'asservir. Les
Arabes n'ont presque rien détruit en Tunisie, mais ils n'ont rien
entretenu; ils ont laissé faire le temps. Peu à peu les derniers tra-
vaux d'aménagement qui assuraient la mise en valeur du sol ont cessé
de fonctiomier. Délivrée de ses entraves, l'eau a rc^connnencé ces
érosions néfastes, aux(j[uelles rien n'échappe. Que l'on n'y joigne
l'action destructive de la chnleur et de la gelée, des vents, tles tretn-
blements de terre, et l'on comprendra comment la Tunisie (\^t deve-
nue le |)ays des ruines. »
Depuis longtemps déjà l'emplacement de Carthage a été reconnu
et les nombreuses fouilles (ju'on y a pratiquées, ont amené des dé-
couvertes du plus haut intérêt archéologique. Les missionnaires
auxquels le Cardinal Lavigerie conha la garde du sanctuaire de
Saint-Louis, ont réuni avec soin, dans un oriqinal nuisée, une col-
— 104 —
lectioii très précieuse d'objets trouvés dans le sous-sol de Carthage,
et qui, groupés avec métliode, remémorent au visiteur les dilTérentes
phases de Fhistoire de cette ville célèbre, depuis l'établissement des
Phéniciens jusqu'à l'arrivée des Arabes. Les objets sont classés sui-
vent trois catégories selon qu'ils sont puniques, romains-païens ou
romains-chrétiens. La collection punique se compose surtout de vases
funéraires, armes, fioles, lampes, colliers, anmlettes égyptiennes, sca-
rabées, statuettes, masques et représentations d'animaux; la période
romaine est riche en collections de lampes, tètes de personnages,
chapiteaux, bas reliefs; enfin la Carthage chrétienne est représentée
par des monnaies byzantines et les principaux symboles chrétiens
usités parmi les fidèles des premiers siècles.
Le Service des Antiquités poursuit avec ardeur les fouilles de
Carthage qu'il a entreprises depuis plusieurs années. Grâce à l'ama-
bilité de M. Drapier, attaché à la Direction des Antiquités et des Arts
du Gouvernement Tunisien, nous pouvons donner le résumé des
travaux qui ont été exécutés à Gartliage, de 1896 à 1005 :
1890. — 1° Exploration du cimetière des Officiales près de lani-
pliithéàtre :
±' Déblaiement d'une villa chrétienne au nord de Douai'-Kch-
Cliott, d'où provient la mosaïque représentant une salle de bamiuel
romain avec trente-quatre personnages et la statue de l'impératrice
.Iulia Domna, en muse.
13()7. — jo Fouilles de plusieurs tombes chrétiennes d'un modèle
inédit en Afrique et d'une- chapelle pavée de mosaïque avec insci'ip-
tion dédicatoire à l'est de Damous-el-Karita :
'io Fouilles delà grande basilique demi-circulaire de l'ir-Floulm ;
enlèvement des mosaïques décoi-alivcs el lomlialcs;
3" Fouilles de deux villas romaines de liasse épo([ue dans TAi-d-cl-
Mourali, propriété de S. A. le Bey;
4" Découverte et enlèvement, à l'ouest du poit marchand, de l;i
mosaïfpie de la Chasse mesui'ant sept mèli-es sui- sc])!, el représiMit;uil
une maison romaine avec diverses scènes de chasse autour du tem-
ple d'A{)oll()n et de Diane abritant des statues (•hrys(''l(''plianlines de
ces divini1<''s.
1898. - i" Décuuvertr de trois staliics colossales ^ri'co-i'oniiuncs
dans la Sebkha de Khérédinc : une isis dra[)ée dans le cliiilc à fran-
— lorj —
i^es et ceinte d'iiii diadènie orné du croissant l'etombunt sur le disque,
(Mnbléme cai-uctéristique de Gartha^e ; deux femmes drapées, sans
doute deux prétresses, de taille u!i peu inoindre, coilïécîs à la mode
des dernières années du premier siècle ;
'2" Sondages aux environs des ports anti(|nes et découverte (Kime
ina,L,nii(i(|iie statue colossale deBacchus versant ù boire à la pantlière,
de nonijjreuses poteries et lampes en terre cuite, de plusieurs ex-
voto puniques, de diverses sculptures, colonnes et chapiteaux et mo-
saïques décoratives.
1899. — ^ l" Fouilles de la nécropol(> punique de Dermech; explo-
ration de deux cents cinquante tombeaux dont le mobilier funéraire
:i été transporté au musée Alaoui;
2" Déblaiement et mise en état de la basili(pie cbrétiennc de Der-
mech ;
3" Fouilles du sanctuaire de Jupiter Hammon;
4" Fouilles dans la nécropole punique du plateau de l'Odéon.
190!). — l'i Suite des fouilles de lau'^cropole pinii([uede Dermech;
2" Fouilles du théâtre de l'Odéon.
1901. — 1" Fouilles du céramique punitpie au sud de la basili(pie
de Dermech :
2'J Déblaiement des constructions romaines du terrain d'Ancona.
1902. — 1° Fouilles des tombeaux puniques du terrain d'Ancona;
2'i Fouilles du monastère de Saint-Etienne ;
/> P'ouilles d'une nécropole romaine du premier siècle à 500 mè-
tres à l'est de la gare de La Marsa.
1903. — ^ I" Fouilles des tombeaux puniques de r.Vrd-(>l-M()uralï;
2" Fouilles au nord du port militaire; découverte de l'arsenal pu-
nique;
3'^ Fouilles des villas romaines de l'Ard-el-Mouiali.
1904. — l" Fouilles de deux nouvelles villas roiuaines dans l'Ard-
el-Mourali:
2o Début des fouilles du grand théâtre;
3" Fouilles dans le quartier de Virus Ca^itronmi au uoril de lîordj
Dje(lid; déblaiement de (luehjues villas.
HX)5. — ^" 1" Fouilles du grand théâtre;
La Tu.Msiii uu NoKD ^-
— I(i0 —
2o Exploration de tombeaux puniques à l'ouest du fort de Bordj
Djedid.
L'ensemble des travaux énumérés ci-dessus n'a pas coûté plus de
50.000 francs. Un crédit de 2.000 francs a été nécessaire pour l'ex-
propriation du terrain où se trouve le théâtre de l'Odéon et un autre
de 3.000 francs, prélevé sur le budget de 1004, pour le classement
à titre de monument historique du grand théâtre situé dans les ter-
rains du diocèse.
Relevé des monuments et ruines situés sur le Territoire
du Contrôle civil de Tunis.
La Sebbala (Ad Gallum Gallinageum). — Anciemie station de la
voie romaine de Carthage à Utique.
Rades (CoLONiA Maxula). — Ruines assez importantes. Nécro-
pole punique, explorée en 1900. Capitole.
Hammam-Lif (Aquae Persian.e). — Synagogue de l'époque ro-
maine avec inscriptions en mosaïque. Baptistère chrétien de forme
étoilée.
Djebel-bou-Khornein. — Temple de Saturnus Balcaranensis sur
la crête occidentale de la montagne.
Potiiwille (Ad Aquas).— Station de la voie de Carthage à Hadru-
mète : citernes, bassins, aqueducs.
Henchir Mraïssa (Goloxia Julia Carpls). — Amphitéâtre, ins-
criptions.
Henchir Menkoub (Pagus mercurialis veteraxorum medelita-
NORUM). — Ruines peu importantes et restes de la voie romaine de
Thuburbo-Majus à Inuca.
SicU-Ali-es-Sedfini (TnnimA regia) — Kuines peu apparentes.
Oiidna (Coi A)}i IX Utiiixensis). — Grandes ruines dont les |)riiici-
paux monuments sont :
lo Une citadelle de 5'2 mètres de long sur 27 de large dans huiuelle
existent deux étages de grandes salles.
2" Un amphithéâtre de 00 mètres de long sui' cSI de large.
3" Des citernes publiques longues de.'»? mèlres, et larges chacunes
de 4 met. 50. Elles sont au nombre >\c sept comtnnniipiant enti'c
elles par des ouvertures larges de 2 mèlres. Vwo Imilième est ména-
gée perpendiculairement aux précédentes.
— icn —
A° Un théâtre de 40 mètres de diamètre.
5° Plusieurs villas romaines pavées de mosaïques.
V)o Un pont romain.
7° Des thermes publics.
8° Une basilique avec crypte circulaire.
!> Un monument à trois absides.
10° Les pieds-droits d'un arc de triomphe.
11° Divers puits et citernes.
Djebel Moraba. — Ruines importantes. Captation très ingénieuse
des eaux et ruissellement au moyen de barrages contournant la mon-
tagne.
Aïn~el-Asker (Civitas Saturnucensis). — Grande ruine; nom-
breux fragments d'architecture ; vestiges d'exploitations agricoles ;
emplacement d'une cité et d'un camp militaire ; barrages et conduites
d'eau .
Henchir Bou-Cha. — Vaste réservoir d'eau. Plusieurs enceintes
fortifiées.
Henchir Beni-Khaled. — Ruines étendues autour d'une carrière de
marbre exploitée à l'époque romaine. Porte monumentale aujour-
d'hui détruite. Barrages, citernes. Petit temple avec inscriptions.
Henchir Bir-MCherga (anc. GruFi). — Ruines d'une ville impor-
tante assez effacées. Enceinte de 38 mètres sur 27.
Henchir Djebana ou El-Gait. — Restes d'une forteresse sur un
mamelon ; c'est une double enceinte dont la plus grande a 58 mètres
de côté.
Djedeïda (Thuraria). — Station de la route de Carthage à Hippo
Regius.
Tunis (Tunes). — Les fondations et quelques assises de la mu-
raille qui longe la Sebkha-es-Sedjoumi appartiennent peut-être à
l'enceinte antique. Dans l'intérieur du Dar-el-Rey, trois arcades ro-
maines d'ordre dorique, vestiges probables d'un théâtre.
La porte de la grande nios(juéo s'ouvrant sur la rue des Tisse-
rands est encadrée par un chanibranle formé de trois h'agnients de
frise d'ordre corinthien. De nombreux chapiteaux cl colonnes anti-
ques qui j)euvent provenir des ruines de Carthage ont été utilisés
dans la construction de la ville modei'iie.
Ad Pertusa (côté nord-ouest de la Sebkha-Sedjoumi). — Ruines
— 1G8 —
d'un pont ayant servi de passage à la voie romaine de Carthage à
Theveste.
Mechta-bou-Rakba (Inuca). — Ruines importantes couvrant trois
mamelons et traversées par la voie romaine de Cartliage à Theveste.
Bordj Alouïne (Sicilibba). —Nombreuses constructions en pierre
de taille. Citernes.
Mohammedia. — Les ruines romaines ont été entièrement bou-
leversées pour la construction des anciens palais beylicaux.
Tébourba (Thuburbo minus). — ■ Nombreux restes de la ville ro-
maine employés dans les constructions modernes. Grands réservoirs
publics, jadis alimentés par l'aqueduc de djebel Ansarine. Amphi-
théâtre.
Henchir M'Saadine (Furni). — Aqueduc de deux kilomètres.
Caveau funéraire d'époque chrétienne. Basilique. Citernes et puits.
Henchir Harat. (Segerines). — Grandes ruines. Capitole di^blayé
en 1903-1904.
Henchir Dzemda (Semta). — Plusieurs fortins byzantins. Mauso-
lée haut de 4 mètres.
Aïn-Djoukar (Zucchara).— Source captée pour alimenter l'aque-
duc de Zaghouan. Deux bassins, Nymplueum dans une enceinte
rectangulaire de 24 mètres sur 19, avec tour à chacun des quatre
angles.
Henchir Es-Souar (Abtugni). — Enceinte byzantine. Capitole.
Piscine rectangulaire. Mausolée. Grands monuments, ruines.
Ksar-el-Mahloul. — Plus de cent tombes demi-cylindriques en
blocage. Trois grands mausolées.
.Henchir Sguidane. — Forteresse byzantine. Réservoir d'eau et
aqueducs.
Henchir Tell-el- C aï d (Tu \G\m). — Temple, construction voûtée,
fortin, citerne, aqueduc, mausolée.
Bir-Chana. — Grand édifice rectangulaire. Mosai(|ues du Zodia-
que du Paon et de l'Océan ; mosaïque du Focariiis.
Henchir Kasbat (Tfiuburbo-Majus). — Gr.uuh^s ruiues. Koimuii.
Thermes. Basilique. Temple de Mercure. Cilad(^ll(> byzantine. Crands
réservoirs. Temple hexastyle.
Zaghouan. — Ville anticpie recouverte parla villr iiKxhM-ne. Poile
triomphale. Au sud-ouest de la ville prise d'eau (pii alimenlftit le
— 100 —
grand aqueduc de Carthage. Nymphée avec Cella et portique demi-
circulaire formant terrasse et dominant le bassin de captation.
La Soukra. — Drainage romain très important, encore utilisé
aujourd'hui. Sert à collecter les eaux d'une nappe d'eau peu pro-
londe et a dû servir à l'alimentation de l'ancienne Carthage.
Aqueduc du Bar do dit « Espagnol ». — Captait des sources à 14
kilomètres de Tunis au pied du djebel Amar. Construit sous la domi-
nation turque au commencement du XV!!"^ siècle.
Indigènes. — La population indigène qui habite Tunis et sa ban-
lieue a des origines très diverses : c'est un mélange de Berbères,
d'Arabes, de Maures, d'Algériens, de Marocains, de Tripolitainslixés
à demeure dans le pays. La plupart des tribus de la Régence y ont
des représentants. Commerçants et artisans dans les villes, cultiva-
teurs, bergers et jardiniers dans la campagne, ils sont, en général,
laborieux et paisibles.
Sur le territoire du Caïdat de Tébourba, les descendants des Mau-
res, les Trabelsi, venus de Tripohtaine, les Ousseltia, d'origine ber-
bère, forment la grande majorité de la population.
Les indigènes du Caidat de Zaghouan appartiennent aux Riah, aux
Drids, venus d'Algérie, aux Arrouche-Regag, aux Mzouga, origi-
naires de Téboursouk et aux Nemencha, chassés de la province de
Constantine par la lamine de 1852.
Les Riah, sont originaires d'Arabie. Ils prirent pail aux événe-
ments de 1881 et se joignirent aux l)andes d'Ali ben Ammar. Ils
participèrent à l'affaire de la conduite d'eau de Zaghouan.
Recensement. — La population du Contrôle de Tunis est de
'iDO.OOO habitants environ (recensement de 1901), dont L2.8(X) Fran-
rais, parmi lesquels on compte 3.000 ruraux.
En 1891, la population française du Contrôle, y compris la ville de
Tunis, était de (3.420 habitants; en 1890, de 9.007 liabitants; en 11X)1,
de l^. 793, soit une augmentation de 4.785 individus en dix années.
Propriétés. — La superlicie de ce Contrôle est de 580. U)0 hec-
tai'es dont 134.000 hectares de propriétés européennes (31 décem-
bre 1902). Les Français, à celte même date, possédaient kH).(.X)0
liectares; les Italiens, I7.:r)5 hei'tares; les autres européens, 7.095
hectares.
— -170 —
La valeur du capital immobilier possédé à Tunis et dans la rég^ion
est de, environ :
Français 35.000.000 de francs
Italiens 17.000.000 —
Maltais 8.000.000 —
Européens divers '2.200.000 —
Musulmans 42.000.000 —
Israélites 17.000.000 —
Au Total 121 . 200 . 000 de francs
I
CUAPITIiE II
Tunis. — Ses environs.
Tunis. — Placée sur une hauteur entre deux lacs, protégée d'un
côté par un massif montagneux, de l'autre par la Medjerda, qui, aux
temps reculés, aboutissait au Chott Baliira, Tunis (Tunès), tout
d'abord simple boui-gade fortifiée, fut bâtie, vers l'an l.OOU avant
notre ère, par les Berbères, premiers possesseurs du sol sur lequel,
trois siècles plus tard, venaient s'implanter les Phéniciens.
Tunis ne faillit pas aux traditions de sa race, ennemie irréconcilia-
ble des étrangers. Elle servit de base d'opérations à toutes les armées
qui attaquèrent Carthage ; Agathocle, puis Régulus, enlin les Merce-
naires y établirent leur quartier général, et ce fut à Tunis que Sci-
pion reçut les députés de la République condamnée à périr.
Tombée avec son ennemie, Tunis se releva avec elle, et plus
viva.ce, lui survécut. Détruite et rebâtie plusieurs fois aux époques
romaine, vandale, byzantine, elle ne prit véritablement son essor
que du jour où Carthage eut disparu sans retour.
Vers l'an 700, les Arabes s'en emparent.
L'histoire de la domination musulmane, assez confuse, la divise en
cinq périodes parfaitement distinctes : l" Période arabe (708- loi I ) :
î2o Berbère (1135), pendant laquelle Saint-Louis débarque sur le sol
tunisien; 3° Espagnole (1535) qui replace sur le trône Moulai-IIas-
sem, vassal de Charles-Quint; 4" Turque (1577); 5" Husseinite.
Depuis le départ des Espagnols (1574), jusqu'au jour de l'occupation
française, l'histoire de Timis est celle de la Régence, et nous n'au-
rions à relater, comme faits spéciaux, que de-s révolutions île palais,
• les intrigues de Cour qui se terminaient invariablement par des
massacres.
De même (\ue la plupart des villes tlu littoral ali'icaiiu Tunis
— 172 —
tirait la plus claire de ses ressources de la (c Course », institution
cTEtat datant des Vandales, abolie seulement en 1818 sur les injonc-
tions de l'Europe. Les pirates tunisiens, connne nombre, comme
audace et comme armement, ne le cédaient en rien à ceux d'Alger
et de Tripoli, et leurs actes attirèrent de sanglantes représailles de
la part des marines européennes. Tunis, derrière son lac, soulïrit
peu des attaques, mais à maintes reprises ses vaisseaux furent coulés,
pris ou incendiés. Finalement, la flotte tunisienne, à l'exception
d'un brick et d'une goélette, fut détruite en 18^27, à la bataille de
Navarin.
De toutes les villes de l'Afrique du Nord, Tunis est celle dont la
population comprend le plus d'éléments hétérogènes, et cependant,
bien qu'elTacés, on retrouve encore les caractères physiques de ces
origines si diverses. M. le docteur Bertholon a fait l'historique de
l'invasion des races asiatiques, européennes, soudanaises qui ont
contribué à la formation de la population tunisienne. Nous conseil-
lons vivement la lecture instructive de cette étude ethnograpliique,
parue en 1897 sous le titre : a La Population et les Races en Tunisie. >-
Lorsque, trente-six lieures après avoir quitté l'exubérante (.'.aune-
bière, monté sur la passerelle du paquebot qui franchit la passe de La
Goulette, le voyageur voit, au delà des eaux dormantes du lac, Tunis
mollement étagée sur le penchant d'un mamelon, il ne peut se douter
qu'au pied des élégants minarets et des blanches terrasses que les
collines enserrent, vit une cité, opulente et mouvementée, dont les
belles avenues et les rues spacieuses rappellent les grandes villes
d'Europe.
Tunis, située à 800 kilomètres de Marseille et à 12 kilomètres de
la mer, est bâtie sur une éminence qui surgit entre le lac lîahii-a et le
lac vSedjoumi :
« Si Tunis n'a pas la vue directe de cette mer à la |)iivati(^ii
de laquelle les Carthagiuois préférèrent la résistance à outi-ancc
et la mort, dit M. JMonchicourt, du moins le spectacle dont on
jouit de la Kasba ou du Helvédèi'c» n'est pas sansgi-audeur. (Iràce à la
silhouette caractéristique du iîoii-Klioi'niiie qui se j)rolile dans le fond
du paysage conune une sorte do Vésuve, l'El-lîahiia évo(]uo un ins-
tant le souvenir du golfe de Naples. »
Certes, celui qui visita Tunis au lendemain de l'occ •u[)ation Iran-
çaise et qui la revoit maintenant, reconnait à peine cette ville, bai-
gnant hier encore dans un nriarécage pestilentiel, aujourd'hui piu-i(iée,
assainie, où chaque année s'édilient des quartiers neufs et de beaux
monuments sur les vases solidifiées.
Mais si la ville nouvelle a Taspect européen, elle n'a point, par
contre, la mentalité française. On est ici bien loin de Montmartre.
Dans les établissements publics, on entend tous les idiomes, on voit
les accoutrements les plus étranges. La population est ardente, com-
bative, avantureuse, et malgré la diversité des origines, des g^oùts et
des mœurs, elle forme, à l'insu même de ses éléments disparates, un
amalgame bizarre qui lui donne une physionomie tout à fait originale.
C'est surtout aux jours de repos, alors que la foule, bigarrée et déla-
brée, envahit les voies et les places publiques, qu'il est permis
d'observer le caractère très spécial de cette population qui sue l'exo-
tisme, mais qui constitue le fond du peuple néo-tunisien.
La vieille cité arabe ofîreavec la ville moderne un contraste absolu.
Les actes de vandalisme perpétrés à Alger ne se sont pas produits
ici : on n'a pas évenlré la Kasba, on a respecté les souks. Aussi
lorsque, quittant l'avenue de France, le touriste pénètre dans la ville
orientale, suit, au hasard de la promenade, les rues tortueuses et
enchevêtrées, s'enfonce sous les voûtes mystérieuses, s'arrête devant
l'étalage polychrome des bazars et les échoppes minuscules où, dans
l'éternel clair-obscur travaillent, résignés, les industrieux artisans
des mille petits métiers tunisiens, il ressent l'impression qu'il vient
d'entrer dans un monde difTérent. que là on vit une autre vie, que la
civilisation n'est pas la même.
Parlant des souks dans la v Vie Errante », Guy de ^Laupassant «lit :
(( Chaque corporation a sa rue, et l'on voit tout le long de la galerie,
séparés par une simple cloison, tous les ouvriers du même métier
travailler avec les mêmes gestes. L'animation, la couleur, la gaieté de
ces marchés orientaux ne sont point possibles à décrire, car il fau-
drait, en même temps, en exprimer l'ébloaissement, le bruit et le
mouvement. Quand le soir vient, tout le quartier des souks est clos
par de lourdes portes à l'entrée des galeries, comme une ville pré-
cieuse enfermée dans l'autre. »
On ne se lasse pas de parcourir la ville arabe ; on y rencontre tou-
jours du nouveau, de rim])révu. on y est dillérennuent impressionné
— 174 -
selon l'heure et la lumière du jour. Un artiste de grand talent,
M. Gaston Vuillier, nous montre merveilleusement, dans son beau
livre « La Tunisie », la vieille cité orientate s'éveillant, s'étirant dès
l'aube; plus tard, quand le soleil tombe à pic et rôtit les murailles
crépies à la chaux, « l'ombre des rues elle même est devenue arden-
te »; enfin, M. Vuillier nous fait admirer le spectacle découvert du
haut de la Kasba, alors que la vieille cité s'endort, le soir, au
crépuscule :
« La ville comme une immense cité de marbre s'étageait sous
mes yeux avec ses terrasses sans nombre et les sillons creusés par
son inextricable réseau de ruelles. Ça et là s'arrondissaient les cou-
poles des marabouts aux toitures d'écaillés vertes, des minarets
élancés montaient. La mosquée de Sidi-I\Ialjrès, avec son amas de
dôme neigeux et la grande mosquée Zitouna frappaient davantage
mes regards. Le lac El-Bahira étalé sur le rivage, rélléchissait com-
me un miroir le ciel pâlissant. Je distinguais au loin la Cathédrale
de Carthage dominant la colline de Byrsa, le village de Sidi-Bou-Saïd,
La Goulette et le Golfe perdu au loin, et les monts du Cap-Bon, et
le profil superbe du Zaghouan dont la cime s'éclairait de rose. »
L'Enseignement. — Tunis a été dotée de tout le luxe et le confort
que peut exiger une grande ville moderne; son outillage économique
est complet, mais ce qui surtout surprend, c'est le développement
qu'y a pris l'enseignement public.
La Direction de l'Enseignement fut créée en 1883, et depuis lors
l'enseignement primaire prit un essor qui ne s'est plus arrêté, grâce
à une combinaison fort ingénieuse que l'on serait heureux de voir
appliquer ailleurs. Au début, on n'était pas très riche; il fallait des
routes et de l'eau, et nombre de petits centres n'auraient pu être
pourvus, faute de crédits suffisants, soit d'une école, soit d'une
recette postale. Le Gouvernement eut alors l'excellente idée de faire
appel à la bonne volonté de deux de ses rouages les plus importants :
l'Administration des Postes et l'Enseignement public, afin de sup-
pléer par un elTort connnun, quand les circonstances rexigeraienl,
au iiiaii(|ii(' de fonds.
i'jitic les denx Adnnnistrations l'accord fut parfait — ce fait mé-
rite d'elle noté — et c'est poui'qut)i nons voyons en Tnnisie, dans
bien des localités d'importance moyenne, rinsiiluteur r(.'!n|)lir, en
dehors de sa classe, les fonctions de receveur des Postes et Télégra-
— 175 —
phes. Grâce à ce système, il n'y a plus aujourd'hui en Tunisie,
d'agglomération de population appréciable qui ne jouisse du bienfait
de l'enseignenieut primaire.
La ville de Tunis compte 34 établissements scolaires, dont 25
publics ('i'i laïques et 3 congréganistes), et 9 privés (G laïques et 3
congréganistes). Les établissements scolaires de Tunis reçoivent
9.047 élèves; ceux du caïdat de la Ijanlieue, 1.374; ceux du caïdat de
Tébourba, 200; ceux du caïdat de Zaghouan, 167. Au total, pour
le Contrôle civil de Tunis, 1L388 élèves en 1905.
L'enseignement public secondaire possède, à Tunis, 4 établisse-
ments :
1" Le Lycée Carnot : 53 professeurs et maîtres; 850 élèves, dont
475 français, 77 italiens, 15 maltais, 35 musulmans, 200 Israélites, 20
divers.
2o Le Collège Sadiki : 35 professeurs (dont 13 français); 05 élèves
arabes. Cet établissement est destiné aux jeunes musulmans, qui y
reçoivent l'enseignement arabe et l'enseignement français, primaire
et secondaire.
3o Le Collège Allaoui : 14 professeurs; 163 élèves, dont 125 fran-
çais, 10 italiens, 1 maltais, 15 musulmans, 10 israélites, 2 divers. Le
Collège Allaoui est une école normale pour la formation du personnel
enseignant européen et indigène; c'est aussi une école d'enseigne-
ment primaire supérieur, préparant aux écoles nationales des arts et
métiers. A l'école normale est attachée une grande école annexe
servant d'école d'application aux élèves de l'école normale.
4» Ecole Jules-Ferry : 33 professeurs et maîtresses ; 677 élèves,
dont 483 françaises, 68 italiennes, 8 maltaises, 2 musulmanes, 87
Israélites, 29 diverses. C'est, à la fois, un lycée de jeunes tilles, une
école normale d'institutrices et une école primaire supérieure.
Le total des élèves fréquentant les établissements scolaires publics
de renseignements secondaire à Tunis, est de [.133.
L'enseignement public primaire compte à Tunis 17 établissements
français; 14 écoles de garçons et 3 écoles de tilles. Les écoles de
garçons comprennent : 75 instituteurs et adjoints; 2.913 élèves, dont
513 français, 1.089 italiens, 299 maltais, 879 musulmans, 117 juifs,
16 divers. Les écoles de filles comptent : 17 institutrices et adjointes.
984 élèves, dont 312 françaises, 294 italiennes, 37 maltaises, 13 nni-
sulmanes, 259 juives, 59 diverses.
— 17() -
Mentionnons une école professionnelle, pas définitivement installée,
mais qui compte déjà 5 professeurs et 75 élèves, dont 28 français, 21
italiens, 7 maltais, 17 musulmans, 2 divers.
Trois écoles congréganistes publiques sont installées à Tunis; elles
comptent : 13 institutrices et adjointes, 823 élèves, dont 08 françaises,
483 italiennes, 232 maltaises, 3 musulmanes, 30 juives, 7 diverses.
L'enseignement laïque privé comprend un établissement d'ensei-
gnement secondaire et 5 écoles primaires. Etablissement secondaire :
15 professeurs, 150 élèves, dont 112 français, 17 italiens, 20 maltais,
I juif. Les écoles primaires, sont : 1" école de garçons de l'alliance
Israélite: 32 instituteurs, 1.229 élèves, dont 9-1 français, 40 italiens,
II maltais, 1 musulman, 1.076 juifs, 10 divers. '2'^ école de filles de
l'alliance israélite : 19 institutrices, 841 élèves, dont 32 françaises,
Il italiennes, 2 maltaises, 793 juives. 3o école protestante de garçons :
3 maîtres, 75 élèves, tous israélites. 4" école protestante de filles :
5 institutrices, 1 18 élèves, toutes israélites. (Renseignements four-
nis par la Direction de l'Enseignement.) 5» école de M"^^' Klein :
1 institutrice, 21 élèves, 18 français et françaises (0 garçons et 12
filles), 3 israélites.
L'enseignement primaire privé congréganiste comprend trois établis-
sements : lo pensionnat de Notre-Dame de Sion: 12 institutrices et
adjointes; 153 élèves, dont 104 françaises, iO italiennes, 10 maltaises,
i musulmane, 18 juives, 4 diverses. 2^ école privée de Notre-Dame
de Sion : 3 institutrices, 197 élèves, dont 18 françaises, 97 italiennes,
54 maltaises^ 25 juives, 3 diverses. 3" Pensionnat des sœurs de Saint-
Joseph : 24 maîtresses et adjointes, 335 élèves, dont 76 françaises,
()9 italiennes, 71 maltaises, 65 juives, 5 diverses, 49 petits garçons.
Total général pour Tunis- ville : 1" Etablissements scolaires laïques :
8.139 élèves (5.570 garçons, 2.569 filles); 2» établissements scolaires
congréganistes : i.508 élèves (1 10 garçons et 1.3)98 filles).
En dehors de ces écoles françaises, Tunis compte 14 écoles étran-
gères : i<' 3 écoles fondées en 1830 par la « London Jew's Society » :
1 école de garçons, 1 de filles, 1 maternelle. Elles reçoivent ensemble
250 élèves environ, presque tous israélites.
2" Onze écoles ilaiicnncs, donl 4 établissements d'enseignement
secondaii-e; 3 écoles primaires de garçons; 2 écoles jii'imairos de filles
et 2 écoles enfantines. La Direction dv l'Enseignement public n'a \n\
nous fournir aucun renseignement sur le chifire des élèves actuel-
— 177 —
lement admis dans ces établissements; quant au rionsuiat italien
auquel nous nous sommes ég-alement adressé, il a prétendu ne point
connaître le nombre de ces enfants !
Ecole coloniale d'Agriculture. — J]ien que cet établissement
soil situé lmi dehors des [)orU*s de Tunis, dans un endroit très lieureu-
senienl choisi, au pied du Belvédère, nous devons le mentionner ici
puisqu'il dépend «Mitièrement de la Direction de l'Agriculture.
Cette école lut créée en 1898 dans le but d'attirer en Tunisie les
jeunes gens de la métropole tentés par la vie agricole coloniale, de
les armer par l'expérience et l'étude des conditions particulières de
l'agriculture sous ce climat, contre les erreurs et les msuccès de
leurs devanciers; elle a aussi pour objet de faciliter leur installation
dans la Régence, notamment en leur procurant des stages dans les
exploitations, durant lesquels ils peuvent compléter l'instruction
théorique et la pratique raisonnée qu'ils ont acquises en deux années
scolaires.
Les conditions d'admission sont calquées sur celles que doivent
remplir les candidats aux Ecoles nationales d'Agriculture de France:
il en est de même du programme de l'enseignement, mais en l'appli-
quant aux procédés et aux conditions spéciales de l'Agriculture dans
l'Afrique du Nord; enfin, l'examen de sortie donne droit, après deux
années d'études, à un diplôme, et les dix premiers numéros reçoivent
de véritables primes : 500 francs aux 5 premiers, 250 aux cinq autres.
L'organisation de l'enseignement a retenu toute l'attention de la
Direction de l'Agriculture; le programme des cours a été profondé-
ment modifié et complété, l'expérience des premières années ayant
permis aux professeurs de rendre leur enseignement plus pratique et
de mieux l'approprier aux besoins de l'agriculture tunisienne.
Les collections d'études et d'instruments agricoles sont très com-
plètes; les laboratoires de chimie, de minéralogie, de botanique, les
ateliers de lorge et de menuiserie sont bien installés. En outre, une
ferme de 40 hectares, attenante à l'École, permet de faire aux élèves
la plupart des démonstrations que comportent les cours et les travaux
pratiques; elle comprend un vignoble de 10 hectares, des collections
de végétaux cultivés en Tunisie, des cépages, des céréales provenant
de tous les points de la Régence, de plantes industrielles; le troupeau
de la ferme s'accroît et s'embellit chaque jour au moyen d'une atten-
- 178 —
tive sélection et de croisements; la ferme possède aussi un rucher.
Le fonctionnement de l'Ecole est assuré par une subvention de
52.000 francs versée par l'Etat, par une somme à peu près égale
provenant des pensions des élèves, par la vente des produits et quel-
ques autres recettes. Ce budget est très minime, si on le compare à
celui des Ecoles d'agriculture de France et même à celui de plusieurs
Ecoles pratiques.
La Direction de l'Agriculture ne perd pas de vue les élèves après
leur sortie de l'école; non-seulement elle s'occupe de les placer
comme stagiaires, mais elle les conseille dans l'achat d'une propriété,
et elle leur réserve, en vertu d'un décret du Gouvernement Tuni-
sien (1903), le premier clioix des lots de colonisation que le Domaine
met périodiquement en vente. Vingt-quatre anciens élèves de l'Ecole
ont ainsi bénéficié du privilège accordé par ce décret; ils ont acheté
au Domaine de l'Etat 3.445 hectares pour la somme de 017.600 fr.
Le tableau ci-contre nous a paru intéressant à consulter.
Jardin d'essais. — Près de l'Ecole coloniale d'Agriculture, faisant
pour ainsi dire corps avec elle, nous voyons le Jardin d'essais, créé
en 181M, dans le but de :
10 Procurer une collection des arbres ou arbustes existant ou à
introduire en Tunisie ;
2» Organiser des essais agricoles;
3» Produire des plants d'arbres forestiers et d'arbres fruitiers des-
tinés à être vendus à bas prix aux agriculteurs de Tunisie.
11 a été possible de grouper dans le Jardin d'essais : 530 espèces
d'arbres, arbustes ou plants de boisement ou d'ornement; une oran-
gerie composée avec les meilleures variétés d'orangers, de mandari-
niers de cédratiers, de citronniers ; une banannerie ; un carré planté
en arbres fruitiers exotiques.
Le Jardin d'essais se consacre presque exclusivement à des étu-
des d'arboriculture forestière ou fruitière, de cultures potagères et à
des tentatives diverses d'iicclimatation de végétaux.
La piTxliiction des pi'imeursa été l'objet d'études spéciales; l'étude
des plantes à parfums et dos plantes d'onicnuMit ont également fait
l'objet des travaux intéressants qui se ponrsnivent actuellement. Le
Jardin d'essais, depuis sa création, a fourni en moyenne anmielle-
ment 75.000 arbres, arbustes et plants d'ornement, et 18.000 arbres
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fruitiers, cédés à des prix variant d'après leur ài^e et leur force. Les
agriculteurs paraissent satisfaits des plants qui leur sont livrés; leur
empressement à acquérir ceux qui sont disponibles, en est la meil-
leure preuve.
Le Jardin d'essais, qui dépend de la Direction de l'Agriculture,
reçoit une subvention de l'Etat de 2(3.00(3 francs^ plus le produit des
ventes qui s'élève à 10.000 francs environ. Pour l'entretien des 20
hectares qu'il couvre et les divers travaux que comporte la multipli-
cation des plantes, le jardin emploie une moyenne de vingt ouvriers
en été et quarante en hiver. Les ouvriers français s'y initient à la
pratique de l'iiorticulture en Tunisie, et commencent à former
une pépinière de contre-maîtres pour les particuliers.
Climats. — (i La région de Tunis est dans le domaine des vents
telliens, avec sensible pénétration des vents de la steppe. Les quan-
tités d'eau reçues sont faibles, l'évaporation intense, les écarts de
température considérables. Sauf à la fin de l'été et sur une étroite
bande littorale, la mer n'exerce aucune action sérieuse sur le climat,
qui est tranchement continental. C'est, en délinitive, un Tell (pii
penche déjà vers la steppe. » (Gh. Monchicourt. )
Relevé des températures et des pluies à Tunis en 1905
Printemps. — Maxima : 3,>; minima: 1"; moyenne: 15«8. Pluie:
137 "i/m en 26 jours.
Été. — Maxima: 50»; miiiiina: 10"; moyenne: '•Ih'^iS. Pluie: 3() '", '"
en 4 jours.
Automne. — ^laxima: 12'^ minima: 3»; moyenne: 2(> \. Pluie:
118 m/m en 20join^s.
Hiver. —^ Maxima: 23"; minima: -2": moyenne: 11". Pluie:
18<)m/m en 34 jours.
Températures moiiennes annuelles. — Maxima: 2'p"3; minima :
12" moyenne: 18" 1."). JMuies annuelii^s: il\ '" "' eu 81 jours.
Population. — La population de Tunis est 175. (X)0 iiabitants
environ, se décomposant ainsi :
, ,. . l Musulmans 80.000
indigènes \ , , , . . .^..
" I Israélites 40.000
ToTAi 120.000
Européens
— -181 —
Français 10.000
Italiens .'{ô/KKl
j Maltais 8.000
Divers 2.000
Total 55. (XX)
Les Environs de Tunis. — Les environs immédiats de Tunis ont
leurs chantres; ils inspirent nos poètes et alimentent les chroniques.
Tous les goûts sont dans la nature, comme dit Tautre ; mais, au ris-
que de me faire conspuer par les bardes irascibles et anathématiser
par les Tunisois intransigeants, je demande la permission de donner,
sur ce pays, mon impression de Normand émigré : ce n'est nulle-
ment enchanteur. C'est trop plat et trop nu. Pas uniformément plat,
pas absolument nu : il y a bien, çà et là, quelques bossellements sur
les(]uels s'accrochent de blanches maisonnettes, quelques bouquets
d'arbrisseaux, quelques champs de vignes qui cachent la nudité du
sol ; mais ce n'en est pas moins triste et pelé dès que l'ardente haleine
du siroco dessèche les champs de fleurs que le printemps avait fait
éclore. Les alentours de Tunis ne peuvent, quoi que pensent et que
disent quelques Tunisois, soutenir la compai'aison avec les environs
d'Alger, coteaux riants, jardins odoritérants, formant autour de la
ville un immense parc d'une arborescence inouïe.
Certaines petites localités, cependant, servent de lieux d'estivage
et sont d'agréables stations balnéaires qui donnent au pays un cachet
de banlieue de grande ville. On y voit de jolis chalets égrenés sur
les plages, d'élégantes villas entourées de jardinets, des casinos et
des guinguettes, du ciel bleu, de la mer bleue, de l'ombrage bleu...
sous lequel le thermomètre accuse, parfois, 45» Réaumur. Aussi
constatons-nous, chaque été, lorsque le soleil rissole la campagne et
échauffe les cerveaux, l'exode en masse de ceux !{ui précisément,
durant les humides journées d'hiver et les douces soirées du prin-
temps, vantent la joliesse, l'attirance, le charme des environs de
Tunis. Ils s'en vont, an sein de cette bonne vieille Gaule, dont on
médit souvent, mais iju'on n'oublie jamais, se retremper, morale-
ment et physiquement. Nous ne saurions les en blâmer.
Au sud de Tunis, baignant la colline sur laquelle s'étage la ville,
une large dépression couvre environ 3.000 hectares du sol : la Sebka-
LaTc.nmsik uu Noi;d 13
— 18ti -
Sedjoumi, cuvette sans écoulement vers la mer, remplie d'eau pro-
venant des collines environnantes pendant Thiver, presque desséchée
et miroitante d'efflorescences salines pendant Tété. Il paraît qu'il
est possible, au moyen d'un tunnel, d'écouler ces eaux stagnantes,
puis de dessaler le sol imprégné depuis des siècles, en y cultivant
des plantes fourragères spéciales. Une Société anonyme vient de se
constituer à cet effet; elle a obtenu, sous certaines réserves, la con-
cession du lac Sedjoumi, et elle devait commencer les travaux de des-
sèchement dès le printemps. Elle aurait, m'a dit l'un des mem-
bres de la Société, l'intention, après le dessalement, de morce-
ler le terrain en lots de un à cinq hectares enclos d'arbres, puis d'y
installer des petits paysans français, des ouvriers agricoles, jardiniers,
maraîchers, qui feraient, aux portes mêmes de Tunis, ce qui a été
fait aux environs d'Alger par les Mahonais : d'admirables jardins
potagers. L'idée est heureuse et si le projet réussit, nous assisterons
à une véritable transformation de la région sud de Tunis, sans comp-
ter que, n'étant plus tributaires des maraîchers it,aliens, nous aurons
les légumes à prix raisonnable.
A deux pas de Tunis, le Belvédère, magnifique parc muni-
cipal, occupe toute une colline, au sommet de laquelle on jouit d'un
très beau panorama sur Tunis et tous les environs. C'est la prome-
nade favorite des Tunisois et des touristes. Près du Belvédère, du
Jardin d'essais et de l'Ecole coloniale d'Agriculture, le Gouverne-
ment tunisien vient de faire édifier une élégante maison de style
mauresque, où sont installés les différents services de l'Institut Pas-
teur de Tunis.
CHAPITRE 111
Caïdal (le la Banlieue
Limites. — Le CaïdaL de la banlieue de Tunis comprend les terri-
toires de La Goulette, Garthage, La Manouba, l'Ariana, Maxula-Radès,
Hammam-Lif, les plaines de la Mornaghia, de la Mohammédia et du
Moriiag. 11 compte environ 60.000 habitants.
11 est limité : au Nord, par les crêtes du djebel Ahmar et ses rami-
fications, et par une ligne longeant la partie nord de la Sebkha-er-
Riane jusqu'à la mer; à l'Ouest, par les sommets des djebel Morata,
le djebel Zerdeb et l'oued Chaffour jusqu'à son continent avec la Med-
jerda; au Sud, par une ligne passant par les djebels Merabba, Rar-
rou. Oust, Tilla, Hadjeba, Er-Rabaia et Abira; à l'Est par une ligne
suiviyit les crêtes du djebel Sidi-Zid, le Kel-bou-Tsalats, Rir-Tourki,
le Kanguet, El-lladjadj, les sommets du djebel Srara et la mer.
Les Centres. — Les centres sont nombreux dans le Caïdat ; il n'y
a pas lieu de décrire longuement chacun d'eux, mais de relater seu-
lement ce qui nous a paru le plus intéressant. Nous groupons les
centres en quatre sections: Nord-Ouest du caïdat; Sud-Ouest; Nord-
Est ; Sud-Est.
io Partie Nord-Ouest du Caïdat de la Banlieue
La Goulette. — L'isthme de La Goulette, cette longue et
éti'oite bande de terre qui fait un lac du golfe de Tunis, existait aux
origines des temps historiques. Les anciens la nommaient Ligula, et
suivant toutes probabilités, à ces mêmes époques, la mer et le lac
communiquaient à travers La Ligula par plusieurs passages que le
temps ou la main de l'homme ont comblés. Seule la passe de La Gou-
lette existe aujourd'hui.
— 184 —
C'est par un canal traversant l'isthme à hauteur du Kram que pas-
saient les navires phéniciens ; faute de place dans les ports de Gar-
thage, ils s'amarraient le long des quais du lac, alors navigable.
C'est par ce même goulet que pénétra la flotte romaine de Cen-
sorinus, lors du siège de Carthage.
Dès l'époque romaine, il n'est déjà plus question que du canal
actuel, sur lequel s'élevait une petite bourgade : Calabras, lieu qui
reçut des Arabes la dénomination de Halk-eî-Oued, dont La Gou-
lette est la traduction.
La Goulette est située à 10 kilomètres de Tunis par la route, et à
il kilomètres par le canal; elle y est reliée par un chemin de fer qui
prochainement, sera remplacé par un tramway électrique. Cette ville,
bâtie avec des matériaux provenant de Carthage, est italienne et arabe
à la fois. Le canal la partage en deux : la partie nord renferme le
bourg proprement dit; la partie Sud contient les anciens palais bey-
licaux, l'ancien sérail, et l'ancien arsenal aujourd'hui occupé par les
troupes françaises.
La population de La Goulette est de 5.000 habitants environ, dont
330 Français. L'élément italien y prédomine et on y rencontre sur-
tout des marins qui, ne pouvant plus pécher dans le lac concédé à
une Société de Tunis, exploitent les fonds situés entre les caps Car-
thage et Kamart, et la cote ouest du Cap Bon.
La Goulette possède six écoles : deux écoles laïques de garçons ;
une école congréganiste de filles ; trois écoles italiennes. Les deux
écoles françaises de garçons reçoivent ensemble 2iG élèves : 35 fran-
çais; G5 italiens; tZG maltais; 34 musulmans; 80 juifs Ecole congré-
ganiste de filles : '230 élèves, dont 20 h'ançaises; 1 10 italiennes; 20
maltaises; 4 musulmanes; 79 juives.
Près de La Goulette se trouvent deux petites stations balnéaires :
Khérédine, à 1 kilm.800, et le Kram, à 2 kilm. 700. Cette dernière
localité prend, depuis quelques années, un certain développement;
elle a une école-mixte : 14 élèves, 0 garçons et 5 filles, dont 5 fran-
çaises et 9 étrangers.
Le territoire qui s'étend de La Goulette à la Marsa est bien cultivé :
orge, oliviers, jardins potagers, vignes, arbres fruitiers de toutes es-
pèces.
Carthage. — .\ 10 kilomètres de Tunis. Chemin de fer, station
— isn —
de Lu Malga, petit villaj^e construit sur d'anciennes citernes où vivent
la plupart des liabilants, Siciliens, Maltais et Arabes.
Sur la colline de Jjvrsa, dominant le 1,^0)16, quelques édifices reli-
gieux : la Cathédrale, le g^rand séminaire, la ciiapelle de Saint-Louis.
Sur le versant Est de la colline, on remarque les anciennes citernes
puniques, parfaitement conservées, et quelques palais arabes. Sur la
plage même, près de l'emplacement de l'ancien Cottlion, plusieurs
villas et le palais deDermecii appartenant au Bey.
Carthage, merveilleusement située, deviendra certainement sous
peu la station estivale préférée des Tunisiens. C'est, aujourd'hui, le
lieu de pèlerinage de ceux qui pensent et se souviennent,
(( Là-bas, dit M. G. Vuillier, au promontoire punique, les grandes
houles humaines n'ont laissé que des épaves. La ville de Didon et
d'Hannibal ne se survit même pas, comme la plupart des antiques
capitales, en des monuments mutilés et fiers encore. Plus rien ne
subsiste de sa primitive splendeur; seuls, tels que des ossements
blanchis par les âges, quelques pans de murailles percent çà et là
les pentes maigres des collines et rompent l'harmonie des plaines.
« . . .Cependant les reliefs du sol laissent deviner comme le sque-
lette de l'ancienne capitale ensevelie. Se dégagera-t-elle complète-
ment un jour du suaire qui, depuis tant de siècles, voile sa dépouille
du linceul de cendres qui étoutlà sa dernière agonie?... »
Au pied de la colline de Byrsa, un peu en arrière clu cirque, sur
la route de La Marsa à La Goulette, on voit le petit village indigène
deDouar-Ech-Chott; il compte une centaine d'habitants.
A Carthage, pensionnat des sœurs de Sainte-Monique : il élèves ;
11) françaises et ±2 italiennes.
Sidi-bou-Saïd. — Délicieux village purement arabe, habité sur-
tout par de riches musuluians ilc Tunis, à "2 kilni. de Carthage et à \
kilm. de La Marsa, bâti sur une falaise, à l'extrémité du"|Cap Car-
thage.
Au pied du village, verdoient quelques vergers comptantes d'oli-
viers, d'arbres fruitiers et de vignes en treilles. Le village renferme
de gracieuses maisons mauresques, d'un aspect confortable. Sidi-bou-
Saïd est très sain. Malheureusement le manque d'eau potable s'oppose
à son développement.
(( Il est difficile de rêver un panorama plus magnifique que celui
— 18U —
qui s'étend sous les yeux du voyageur arrivé au phare, ou même sur
la falaise. De là, on découvre toute la rade avec sa jolie cote bordée
de villas, Carthage et ses ports qui semblent de minuscules bassins,
La Goulette avec l'entrée du canal et sa jetée, le lac Bahira, Tim-
mense plaine de la grande cité tunisienne.
« Cet endroit, sans contredit le plus charmant des environs de Tunis
est aujourd'hui fréquenté parles européens. Le phare est construit
sur des ruines dont quelques vestiges ne manquent pas d'intérêt. Les
environs de Sidi-bou-Saïd sont également couverts de ruines. (Bulle-
tin du Comité d'Hivernage.)
La Marsa. — Située à 16 kilm. de Tunis, entre le cap Kamart.
au Nord, et le Cap Carthage, au Sud. Chemin de fer, ancienne rési-
dence du Bey; palais d'été du Résident général. Les belles maisons
y sont nombreuses, entourées de superbes jardins, habitées pendant
l'été par les hauts fonctionnaires et le personnel des Consulats. C'est
le petit Versailles tunisien — moins les grandes eaux. La conduite
de Zaghouan alimente insuffisamment le village.
A 4 kilm. de La Marsa, le hameau de Kamart, renferme deux pa-
lais en ruiyes autour desquels se sont édifiées quelques maisonnettes
de petits cultivateurs et de maraîchers. Une dune mobile et stérile
sépare lés jardins de la mer vers le Nord; au Sud, entre le village et
la Sebka-er-Riane, existent de très bonnes terres de culture. L'eau
des puits est médiocre et à une profondeur de 6 à 10 mètres. De Ka-
mart à La Marsa, on voyage à travers des olivettes.
A La ^larsa, deux écoles : école laïque de garçons et école congré-
ganiste de filles. Ecole de garçons : 08 élèves dont 7 français; l ita-
lien; 2 maltais; 37 musulmans; '21 juifs. Ecole de filles : 73 élèves,
dont 5 françaises, 10 italiennes, 0 maltaises; 5 musulmanes; 37
juives.
L'Ariana. — Dans la région de l'Aiiana, sont groupés quelques
petits villages arabes et un cerlain nombre de propriétés européen-
nes de bel aspect; les oliviers, les arbres fruitiers de toutes variétés,
les céréales elles produits maraîchers y donnent de bons rendements.
L'Ariana est située à ô kilom. de Tunis, reliée à cette ville par un
Iraiiiway électrique. L'aspect du villngcest peu réjouissant; .surtout
au printemps, épocjue où une nuiltituile de juifs tunisiens l'envahis-
sent. Ils y vont, chatpie année, conun(> d'autres vont aux eaux : faiiv
une cure.
— 187 -
Les terres n'y sont pas parfaites et cependant le pays est admira-
blement cultivé; chaque habitant a son troupeau, sa parcelle à céréa-
les, son verger, son olivette qu'il fume et entoure de soins culturaux
qui n'ont rien à envier à nos plus belles communes de Provence. Il
y a là un iiidicL' ({ui tend à démontrer que si les indigènes tunisiens,
pouvaient s'alïrancliir du khamessat et devenir petits propriétaires,
ils acquerraient vite la même aptitude, le même goût de bien-être et
d'indépendance que leurs coreligionnaires de la région de l'Ariana.
La conséquence de cette transformation aurait le double avantage
d'améliorer le sort des gens et d'augmenter la richesse pu-
blique. 11 y a là un problème qui mérite d'attirer l'attention des hom-
mes qui ont foi dans l'avenir de la race arabe en tant qu'agriculteurs.
Une école laïque de garçons : 40 élèves, dont 5 français ; 1 italien ;
17 musulmans; 17 juifs.
La Sokra. — A G kilm. au Nord de l'Ariana et à 11 kilm. de
Tunis, se trouve la région de La Sokra, contenant une vingtaine d'ex-
ploitations agricoles pour la plupart françaises, et un grand nombre
de petites propriétés occupées par des Siciliens, entre la Chotrana et
la propriété Duvau.
Le sol est constitué par une dune mouvante, mais avec un sous-sol
argilo-calcaire frais qui convient bien aux essences arbustives. La
nappe aqueuse souterraine est de qualité passable dans la partie est,
excellente dans la partie ouest; elle est inépuisable et à une profon-
deur qui varie de 'i à 5 mètres. Toutes les eaux proviennent des
pluies tombées sur les montagnes entourant la plaine de Chotrana, au
Nord-Ouest, et qui forment en hiver un lac de phis de ICK) hectares
de superficie. Les sources de Bordj-El-Arbi-ben-Ammar provien-
nent, par infiltration, de ce lac ; engorgées aujourd'hui, elles ont débit
difficile à évaluer, mais il paraît certain qu'elles constituaient pour la
Cartilage punique, sa principale ressource en eau d'alimentation, por-
tée par un canal maçonné et couvert, encore utilisé de nos jours par
les jardiniers sur plusieurs centaines de mètres de longueur.
La production de ce sol est limité aux fruits de toutes variétés, aux
légumes, aux Heurs d'orangers, au raisin de table et à l'élevage du bé-
tail.
Jusqu'à ce jour, le groupement delà Sokra, malgré son importance
n'est pas parvenu à constituer un véritable centre. Aussi la Direction
— 188 —
de l'Agriculture vient-elle d'acquérir dans ce but un terrain de 4 hec-
tares 500 ares, placé à peu près au milieu des propriétés européennes
de la région. Une partie de ce terrain permettra (Vinstaller la poste-
école, depuis longtemps réclamée par les colons; une autre partie
sera réservée par l'Administration ; le surplus sera morcelé en lots de
500 à 1.500 mètres carrés environ pour la construction d'habitations
d'ouvriers agricoles, de petits industriels, de commerçants. Une nou-
velle route reliera ce centre à l'Aouina d'une part et de l'autre à la
Cliotrana.
Au Nord-Ouest de la Sokra, une grande plaine marécageuse
s'étend entre les contreforts Est du djebel Ahmar et le lac
Er-Riane : c'est la Chotrana malsaine, peu habitée, pauvre. Cependant
quelques petits propriétaires européens, installés sur un point de cette
plaine, occupent environ 150 hectares de terres où ils ont planté de la
vigne. Près de là, le petit village arabe de Djafar végète.
El-Aouina. — Ce point, situé sur la ligne de Tunis à La Gou-
lette, réunit une vingtaine de petites fermes européennes occupant
environ 500 hectares : céréales, pâturages, vignes, olivettes, l)étail.
Les habitants d'El-Aouina réclament la création d'une école.
Sidi-Daoud. — Village indigène de 150 habitants, d'origine ber-
bère, situé dans la plaine, au Sud-Ouest de la colline de Carthage :
quelques jardins, oliviers, pâturages. L'eau y fait défaut, et les habi-
tants sont obligés de s'approvisionner pour les besoins domestiques,
soit à la maison cantonnière, soit à Douar-er-Chott.
La Nlenihla. — Les abords de la route de Tunis à Bizerte sont
garnis de maisonnettes siciliennes entourées de quelques ares de
vignes, et aussi de petites exploitations agricoles indigènes; le colon
français y est rare. La Direction de l'Agriculture, désirant appeler
ce précieux élément dans une région favorable à la viticulture et au
iai'dinane, arécemment créé uncentre h'aneais sur la route de lîi/erle
à 0 kilom. au Nord-Onest de Tunis, dans la traversée de la lorèt d'oli-
viers du djebel Ahmar, près de l'ancien fondouk de la Mcnihia. Ce
point vient de recevoir le nom de Villejac([ues en souvenir d'un ancien
directeur des Postes et des Télégraphes, mort en service à Tunis,
après un très long séjour.
— isn —
Sur Li-ente lots de contenance diverses (de .'ÎOO à 1.20(J mètres
carrés), plusieurs ont été réservés par l'Administration pour la cons-
truction de divers édifices nécessaires à la vie fl'un centre; les autres
ont été livrés à la colonisation au pi'ix uniforme de dix centimes le
mètre carré. Une douzaine de lots ont été acquis dès la mise en
vente et sont habités par de petits industriels et des jardiniers. Les
arbres, oliviers et caroubiers, existant sur les lots, ont été payés en
sus à raison de 1 fr. 50 le pied. 30 hectares de terres de culture, par-
tiellement complantés d'ohviers viennent d'être allotis pour l'exten-
tion du village.
Ce nouveau centre est doté d'une distribution postale, d"un puits
public et d'une école mixte qui reçoit 10 élèves : 1) garçons ("2 Iran-
çais et 7 italiens) et 10 filles (toutes italiennes).
Mélassine. — Le petit village indigène de Mélassine, accolé à
['éminence sur laquelle la Kasba de Tunis est construite, produit
beaucoup de Iruits et une grande quantité de beaux légumes. Les
terres, sauf dans la partie sud qui borde le lac Sedjoumi, sont de
bonne qualité. Il n'existe pas de source et la nappe souterraine, qui
se trouve de 8 à 10 mètres, fournit une eau sauniàtre, fort désagréa-
ble au goût, mais propre à l'irrigation.
Le Bardo. — Ancienne résidence d'hiver des beys de Tunis,
Le Bardo, situé à 3 kilm. de la ville, y est relié par une excellente
route, le chemin de fer et un tramway électrique. Entre le Bardo et
Tunis, se trouve le petit village de Ras-Tabia autour duquel sont
groupés quelques agriculteurs européens.
Des maisons de plaisance, des jardins toujours verts entourent le
vieux palais du Bardo, dont l'ancien harem, converti par le Gouver-
nement Tunisien en musée cWmiïqu'iiés (Musée AlaouiJ, possède des
merveilles de mosaïques, des statues romaines de toute beauté, des
souvenirs très intéressants de l'époque carthaginoise. Tout près île là
se trouve le palais de Kassar-Saïd.
Le Bardo possède deux écoles : l'école laïque de garçons a 1 7 élè-
ves, dont 4 français; 3 italiens; 8 maltais; tinuisulmans.
L'école laïque de filles a '212 élèves, dont 10 françaises, (> italiennes,
0 maltaises.
La Manouba. — A 8 kilm. de Tunis, reliée à cette ville par
— 10(1 —
une route, le chemin de fer et le tramway électrique, \a Manouha se
cache littéralement sous le feuillage de ses grands arbres ; c'est à tra-
vers des échappées d'ombrages que l'on aperçoit les maisons mau-
resques habitées par des musulmans de Tunis. Quelques palais au
milieu de véritables parcs ; dans l'ancienne propriété de Kasnadar
sont rassemblés des débris curieux provenant des ruines de Car-
thage.
Les terrains environnants produisent de la vigne, des céréales, un
peu de tourrage; le bétail, principalement le mouton, s'y trouve dans
de bonnes conditions. L'eau de puits, la seule dont dispose la popu-
lation, est assez saumàtre : de nombreux aermotors ont remplacé,
dans les jardins, la classique noria. Une vingtaine de propriétaires
européens cultivent, aux alentours de la Manouba, environ G. 500
hectares de terre.
Il faut, quand on visite cette localité, grimper jusqu'au sommet du
monticule qui couronne la vieille forteresse, la zaouia et quelques
blanches maisons. De ce point, qui émerge entre le lac Sedjoumi et
le village, le panorama est grandiose, de quelque côté qu'on le regarde.
Ecole laïque de garçons : 22 élèves, dont 0 français, 4 italiens, un
maltais, 11 musulmans.
Ecole congréganiste de filles : 46 élèves, 25 françaises, 10 italiennes,
5 maltaises.
Qo Partie sud-ouest du Caïdat de la Banlieue de Tunis
Sedjoumi. — Au sud-ouest de Tunis, de l'autre côté de la
dépression saline dont nous avons parlé, une vingtaine de fermes eu-
ropéennes et une soixantaine de petites exploitations viticoles appar-
tenant à des Siciliens, tapissent les valloimements (jui s'étagent sur
les bords du lac Sedjoumi. Les petits carrés de vignes et les planta-
tions d'amandiers sont, en général, très soignés et s'étendent, du point
appelé Sidi-Sedjoiimi à Dordj-CJiakir, Bou-Nouara et Birine.
Le vaste espace «formant une sorte de quadrilatère compris entrr
/ahrouine, La Mornaghia, La Mohammédia et ïHenchir Foucha)i'i
est tacheté d'une multitude de petits cnbes blancs recouverts' de toit<
rouges, lichés sur le dôme de minuscules éminences, et (|ni sont
autant de maisonnettes abritant, chacune, une famille sicilienne.
Cette colonisation italienne qui, peu à peu, envahit la région, pro-
— l'.ll —
vienl d'un essaimage dont la ruche est à Sedjoumi. Il n'y existait,
voici peu de temps, qu'un inCime «groupement d'une vingtaine de
feux; mais, cliaqiio année, des parents, des amis arrivèrent du hameau
de Sicile et grossirent le bloc. Provisoirement, ils s'établissaient sous
des imttes, construisaient des gourbis, travaillant dans les fermes
voisines, économisant sur le salaire journalier, guettant l'occasion
rêvée depuis le départ du pays natal, d'acheter un bout de terrain,
de devenir propriétaires ! Alors un petit cube de maçonnerie s'ajou-
tait aux autres cubes, un nouveau petit carré de vignes se plaquait
sur le liane du coteau débroussaillé et ratissé. Nous parlerons, à la
lin de la monographie du Contrôle de Tunis, de la colonisation sici-
lienne, et nous montrerons que ce sont souvent ceux qui protestent
avec le plus de véhémence contre le « Péril Etranger ;), qui s'empres-
sent de morceler leurs domaines et de les vendre, par bribes, aux
émigrants italiens.
Dans cette région, l'eau est magnésienne et peu propre à la culture
des légumes et des arbres fruitiers; le régime des pluies est irrégu-
lier et les vents desséchants y soufflent souvent. La salubrité y est
parfaite, il n'existe aucune fièvre, ni maladie endémique. Enfin^ la
voirie, convenablement entretenue, dessert la plupart des fermes.
Près de Sedjoumi se trouvent les grands domaines de Biv-Kassa
et de Mrira, appartenant à des Français. Tous deux renferment de
remarquables plantations obtenues à grands frais, et de beaux vigno-
bles bien tenus. Sur les coteaux pierreux qui formaient la ceinture
de la dernière propriété, sont installées une vingtaine de familles ita-
liennes à enzel; elles occupent iOO hectares rapportant 4,000 francs
par an. Deux lots plus grands ont été acquis par des Français. Le cen-
tre du domaine constitue un véritable village ; on y cultive à côté de
la vigne et de l'oranger, les céréales et les fèves. Quant à l'élevage,
il a été peu pratiqué en raison de l'irrégularité de la production four-
ragère.
Fouchana. — Le centre de colonisation de Fouchana, créé sur
la propriété de ce nom vers la fm de 190'2, par la Direction de l'Agri-
culture, est situé au sud du Domaine de M'rira et du lac Sedjoumi
et en bordure de la route de Tunis à Zaghouan.
Le centre a été doté, il y a un peu plus d'un an, d'une distribu-
tion postale et la Direction de l'Agriculture a fait construire, en l*.K)o,
— 192 —
un tronçon de route de J .500 mètres environ reliant le centre de la
propriété à la route de Zaghouan. Cette voie d'accès, prolongée de
quelques centaines de mètres, en 1904, dessert six des fermes pré-
citées. Les trois autres colons demandent instamment qu'elle soit
continuée dans le plus bref délai possible jusqu'à leurs lots.
Les terres de la région sont profondes, de bonne qualité et con-
viennent particulièrement pour la culture de la vigne et des céréales.
C'est d'ailleurs à ces cultures que presque tous les colons du centre
ont l'intention de s'adonner. Les plantations de vigne, commencées
dès la première année, en 1903, ont continué depuis. Elles ont été
faites avec soin, dans des terrains bien préparés. Aussi, les plants se
développent-ils rapidement et avec une vigueur qui témoigne sûre-
ment que le sol leur est favorable.
En attendant que les plantations de vigne soient achevées et pro-
duisent, les colons consacrent chaque année d'assez grandes surfaces
aux céréales. Malheureusement, et malgré- de bons labours prépara-
toires, les deux années du début ont été mauvaises. La récolte de
l'an dernier était, en effet, médiocre et celle de cette année l'est encore
davantage. Les petits propriétaires de Fouchana qui ont mis tout
leur avoir dans leurs lots, au cours de ces deux années et qui comp-
taient sur le produit des ensemencements pour compléter leur outil-
lage et achever la mise en valeur du sol, vont se trouver dans une
situation bien critique qui retardera beaucoup le développement nor-
mal du centre.
Ainsi que dans nombre d'autres endroits, les lots de Fouchana
sont trop petits pour la culture céréalière. Les plus grands n'atteignent
pas 100 hectares; certains n'en ont que L2 à 25 ; il est vrai que ces
derniers renferment des puits, grâce auxquels on pourrait entrepren-
dre avec chances de succès la culture maraîchère qui serait possible
en raison de la proximité de Tunis. On dit cependant que la région
de Fouchana est particulièrement exposée, probablement à cause
de sa situation vis-à-vis du lac Sedjounii, à un vent violent du Nord-
Nord-Ouest, qui constitue un obstacle sérieux pour la production des
primeurs et surtout poui' la culture des arbres fruitiers. La situation
n'était pas dilférenle dans la vallée du Rhône à cause du mistral, cl
la question des abris y a été heureusement résolue.
Le centre n'est pas assez important pour obtenir une école. Aussi,
les colons de Fouchana souhaitent-ils vivement que la Direction de
— 10:} -
l'Agriculture s'efforce d'acheter de nouvelles terres, de façon à
agrandir le centre, ce qui permettrait, dans la suite, de le doter
d'une école.
La Mornaghia. — Le centre français de La Mornaghia est situé à
14 kilométrés au sud-ouest de Tunis, sur la route de Tunis au Kel
qui traverse la propriété dans le sens de la longueur, sur un par-
cours de 6 kilomètres.
Ce centre a été formé, il y a trois ans, par l'allotissement d'un
domaine de 3.500 hectares aclieté par la Direction de l'Agriculture
à la Banque de Tunisie. Deux autres domaines Bradah et Damous,
de 5(X) hectares environ, contigus à La Mornagliia, ont été, en lî^)04,
annexés à ce centre, divisés en cinq lots, et répartis, sur la demande
de l'Association des Colons de La Mornaghia, entre autant de familles
alliées à des colons déjà établis. Ce peuplement, par son homogé-
néité, donnera sûrement de bons résultats.
La Mornaghia comprend actuellement, avec les deux domaines ci-
dessus désignés, cinquante-quatre familles Irançaises et 300 habi-
tants. Avant la cession à l'Etat, la Banque de Tunisie avait aliéné
environ 500 hectares sur lesquels sont établis dix-sept tamilles ita-
licMines. Installés à l'entrée du village, de chaque côté de la route,
ces Italiens, tous gens paisibles d'ailleurs, ne fréquentent pas le grou-
pement français. Au Sud-Ouest, à l'autre extrémité, également de
chaque côté de la route, se trouve le groupement des fermes françai-
ses de Saint-Cijprien (Caïdat de Tébourba). Au centre de La Morna-
ghia, dans le bordj, ont été centralisés les services publics : Postes
et Télégraphe, Ecole, Police, Ponts-et-Chaussées, etc.. Le grand
jardin attenant au bordj a été loué à l'Association des Colons qui l'a
mis en valeur; ce jardin, très ombragé, dont l'accès est laissé libre
au public, constitue une propriété publique d'agrément, que l'on
rencontre rarement dans les autres centres. En face du bordj, le
village se forme progressivement. Les avenues devraient être dès
maintenant plantées d'arbres, et pour la conservation de ces derniers,
l'accès en devrait être interdit au bétail.
En résumé, en un très court espace de temps, La Mornaghia a été
complètement livrée à la colonisation effective, tous les possesseurs
de lots étant agriculteurs. Sauf deux ou trois exceptions, tous les
colons ont construit. Il ne reste plus de terres à vendre.
— -llli —
Pour compléter le centre, il y aurait lieu de rechercher l'acquisi-
tion d'une enclave, Braclah Sghir, bien habous, et de l'henchir Bou-
Rekba, limitrophes. On aurait ainsi, aux portes de Tunis, un centre
français de 5.000 hectares — près de 7.000 en y ajoutant Saint-
Cyprien — où seraient réunies plus de cent familles françaises.
La Mornaghia a la forme d'un vaste cirque dont les collines du
Nord et Nord-Ouest figureraient les gradins, etdontJa plaine, au Sud
et au Sud-Ouest tormerait la piste. Les coteaux du Nord sont séparés
en deux vallons par l'oued Tine, profondément encaissé ; ceux du
Nord-Ouest sont divisés par l'oued Chafrou qui se déverse dans la
plaine. Ces oueds sont à sec en été. L'oued Cliafrou mal endigué, se
jetant dans la plaine en delta, cause des ravages en hiver; il a envahi
une assez grande superficie de terrains défrichés par les colons, et
qui maintenant se couvrent de joncs. Il serait nécessaire, afin de ren-
dre ses terres à la culture, et aussi pour éviter l'éclosion fatale du
paludisme, de procéder à l'évacuation complète des eaux d'hiver.
Dans la plaine, l'eau se trouve partout en abondance, à des profon-
deurs variant de cinq à dix mètres; ces eaux proviendraient de cou-
rants souterrains qui, suivant les couches dans lesquelles ils passent,
sont de nature magnésienne, saumàtre ou douce. Ces courants sont
parfois très rapprochés, ce qui explique qu'tà une faible distance,
deux puits peuvent donner des eaux très dilTérentes.
Dans la partie montagneuse, on trouve des traces assez nombreuses
de puits romains; sur un coteau du Nord-Est, à 30 mètres d'altitude
au-dessus de la route et à 70 mètres au-dessus du niveau de la
plaine, un sondage pratiqué il y a un an, a l'ait découvrir un courant
d'eau très douce, paraissant provenir du djebel Sidi-Salah. L'eau est
remontée, après le sondage, à 2 mètres 70 du sol ; elle avait éh'
rencontrée à 5 mètres 40. Une fois le puits pratiqué, l'eau est montée
à 1 mètre 80 du sol ; puis, en juin 1905, elle a subitement baissé, )u'
donnant plus qu'un faible débit. Au commencement de juillet, le
puits, qui n'avait été creusé qu'à 1- mètivs iO, c'est-à-dire à un mè-
tre au-dessus du niveau de la source recouverte par une couche
épaisse de scliiste, a été descendu à 5 mètres iO et les sources on!
aussit(H fourni un débit plus abondant. L'expérience^ se contiiuK» ; dit-
est intéressante, car la source a été recliercliéc sui- uii puinl (ui, en
1903, malgré le rocher, l'eau venait émerger à la surface du sol. Il
— inr. -
est permis de supposer que la nappe, en un endroit plus élevé, pour-
rait être jaillissante. La Direction des Travaux publics voudra certai-
nement étudier la question. Quoiqu'il en soit, les Romains avaient dû
capter une source sur ces coteaux, car on retrouve, en aval, des
traces de bains qui furent importants.
Des soulèvements de terrain, présumés postérieurs à l'occupation
romaine, ont sans doute cliangé la direction des courants souter-
rains, ce qui explique que des puits merveilleusement conservés et
qui durent être autrefois très abondants en eau, ne donnent qu'ini
débit insignifiant. Les Romains ont dû cultiver intensivement cette
l'égion, qui fût très boisée ; les nombreuses ruines rencontrées sur
les coteaux et dans la plaine l'attestent notoirement. Si des recher-
ches pratiques étaient tentées, et si, comme il y a lieu de le croire,
elles donnaient de bons résultats, le reboisement des coteaux pour-
rait se refaire à brève échéance.
Pour conclure, l'eau ne manque pas à La Mornaghia, et, dans la
plaine, on la trouve à chaque pas.
Les colons pratiquent, jusqu'à ce jour, la culture des céréales
et plus particulièrement de l'avoine, dont les rendements, dans les
terrains de plaine, ont atteint jusqu'à 30 pour un en 1904. Cette
année, la plaine a souffert de la sécheresse et les coteaux ont mieux
résisté; en plaine, les rendements de l'avoine sont de 5 pour un; en
coteaux, de 10 à 15. En somme, le rendement moyen de l'avoine
serait, en temps normal, de 15 pour un. On sème généralement 80
kilog. à l'hectare.
Le blé, peu cultivé jusqu'ici, donnerait des rendements inférieurs;
il vient bien, mais a des tendances à se dessécher à la floraison. De
la tuzelle de très belle qualité comme grain, cultivée à mi-côteau, a
à rendu, cette année, 8 (juintaux à l'hectare.
L'orge doit être semée dans terrains bien défrichés ; dans les terres
récemment défrichées, elle a donné des déboires. Sur les coteaux, à
l'emplacement surtout des ruines romaines, le grain est magnifique
et serait recherché pour la malterie. Les rendements d'orge seraient
de 45 à 18 quintaux à l'iiectare dans les terrains propices.
Quelques colons ont commencé des petits vignobles ; la réussite du
vignoble italien indique nettement que cette culture peut être prati-
quée en coteaux: mais, d'une part, l'établissement des colons, d'un
— lOG —
autre côté la mévente des vins, font que la plantation de la vigne ne
s'opère que très lentement.
Dans la plaine, avec l'abondance d'eau, la grosse culture maraî-
chère — artichauts, oignons, tomates, choux, maïs, sorgho, etc. . . —
devra donner d'excellents résultats, dès que les colons, moins pressés
de réaliser, par la culture de l'avoine, les revenus nécessaires aux
frais de premier établissement et au paiement des annuités, pour-
ront s'y livrer plus aisément. Dans le jardin du bordj, où il n'est ins-
tallé que depuis huit mois, le locataire a pleinement réussi la culture
des légumes.
A l'heure actuelle, là où la culture indigène n'arrivait pas à pro-
duire plus de 600 à 700 quintaux de céréales, les Français peuvent,
dans une année normale, avec un assolement rationnel, récolter
15.000 quintaux.
Les pâturages de La Mornaghia sont peu abondants mais très
nutritifs. Les bovidés engraissent vite et bien, et sont recherchés
pour la boucherie. Pas d'épizootie sérieuse, sauf au printemps et par
les temps orageux, quelques cas de météorisation faciles à réprimer
par les procédés connus. Le troupeau des colons, surtout en bijoufs
de labours, est déjà important — près de 800 tètes — mais l'absence
du pâturage communal constitue, pour certains, une gène en raison
de l'extension donnée aux labours dans les premières années.
L'herbe des coteaux est très recherchée par les indigènes poui' le
pâturage du mouton; cependant ces pâturages, qui sont excellents de
décembre à fin mars, deviennent dangereux dès que Yamra com-
mence à fleurir. Les colons ne font donc pas l'élevage du mouton :
ils louent avantageusement les pâturages aux nomades.
Les douars voisins de La Mornaghia |)rocurent aux colons la main-
d'œuvre indigène. Les Arabes sont payés à la journée ou au mois,
soit 1 fr. '25 à 1 fr. 50 par jour, ou 40 à 45 francs par mois ; les bons
laboureurs, les hommes de confiance, reçoivent deux francs par joni-.
iiien traités par leurs patrons, ils n'ont soulevé, jusqu'à ce join-,
aucun conflit. S'il surgit, par hasard, quelque difficulté au sujet du
règlement des journées de travail, le Cheikh s'unit au dévoué pré-
sident de l'Association des Colons pour remettre les choses au point.
Les décisions sont rendues sous le caroubier du coin — qui a rem-
placé le chêne antique — et elle sont toujours respectées.
— 107 —
Balayée parles vents, La Mornayliia est très saine; aucune épi-
démie ne s'y est déclarée. Non seulement il ne se produit pas de
maladie, mais les gens débilités s'y refont promptement. i'ays salubre,
absence de cas de fièvre.
L'aménagement normal et progressif des chemins de desserte des
fermes se poursuit à la satisfaction des colons. Tout ce qui pouvait
être fait jusqu'ici l'a été, et les projets à l'étude seront certainejnent
exécutés.
Gomme nous l'avons vu, une Association des Colons franrais s'est
formée à La Mornagliia. Elle est présidée par M. Souciet et peut être
considérée comme le modèle du genre; par son énergie, l'esprit de
conciliation dont elle est animée, la solidarité qui unit tous ses mem-
bres, elle a puissamment contribué à l'enracinement, dans un pays
inconnu, d'un important groupement français.
La tâche noble, assumée par M. Souciet, porte déjà ses fruits ;
grâce à ses conseils et à l'heureuse impulsion qu'il a su donner à
l'Association, la petite colonie de La Mornagliia s'est pleinement enga-
gée dans la voie du progrès. Si quelques nuages obcurcissent encore
riiorizon, l'Administration, qui a montré tant de bienveillance, s'ef-
forcera de les dissiper.
Lorsque je me rendis à La Mornaghia, M. Souciet était au fond d'un
puits. Il forait. Depuis une semaine, sans un moment de défaillance,
il restait dans ce trou, taillant le roc, cherchant l'eau douce et lim-
pide <*'. Et il trouva. Il suffit maintenant de parfaire la besogne, de
creuser plus avant, de tirer de la nappe tout ce qu'elle est suscepti-
l»le de donner: la Direction des Travaux publics a la parole.
Le président sortit du puits et me remit les véridiques documents
qui m'ont permis d'établii- le bref historique du centre de La Mor-
nagliia. Il me fit part aussi des desiderata des colons. Us ne sont pas
excessifs.
Les colons sont unanimes à demander, en premier lieu, que la
sécurité leur soit assurée. Us désirent que rélude du projet d'un che-
min de fer sur roule suit aclivenienl poursuivie. La création d'un
marché local, hebdomadaire au début, sera demandée incessamment
(I) Actuellemunl Tcau coule, al)t)iuianto, sur la proiiiiolo do M. Souciet. Ce dernier se
propose, d'ailleurs, d'établir une vaste crcssonuicro et de procéder à la culture de récre-
visse.
^ ^^ ^
La Tunisie du Nord 1^
— 198 -
à la Direction des Finances. A ce marché pourraient se ravitailler
non seulement les colons de La Mornaghia, mais ceux de Saint-Cy-
prien, de Bordj-El-Amri, d'El-Aouïne, d'El-Hammeim, etc. A cette
même Direction, l'Association va demander d'aider à l'organisation
dïine caisse rurale de crédit agricole. L'Association possède tous les
moyens de créer el de faire prospérer cette institution.
La Mornaghia a une Ecole mixte : '21 élèves, dont 13 garçons (12
français, 1 italien), et 8 filles (7 françaises, 1 italienne).
Aïn-El-Asker. — Situé sur la limite Sud-Ouest du Gaïdat de
la banlieue, à 33 kilomètres de Tunis et à 8 kilomètres de la gare de
Djebel-Oust (ligne de Tunis à Pont-du-Fahs), Aïn-El-Asker fait par-
tie d'un important groupement de colonisation française, comprenant
les centres de Smindja, Aïa-El-Asker, Maizila. Nous nous occupe-
rons spécialement de ce groupement dans le chapitre V, consacré
au Gaïdat de Zaghouan.
Le site est pittoresque. Du village, la vue s'étend jusqu'à l'aqueduc
romain qui, venant de Zaghouan, traverse la vallée de l'oued Miliane,
vers Oaclna. Au fond de la plaine, se détache le Bou-Khornine, le
djebel Ressas et le Zaghouan.
Aïn-El-Asker a été créé en 1887, par l'initiative privée.
Autrefois connu sous le nom de Rhedir-es-Soltane, Aïn-El-Asker,
la a Source du Soldat », est établi près d'une source abondante
autour de laquelle campaient les armées beylicales, à leur première
étape sur la route de Tunis à Kairouan. Getle source a été récem-
ment captée par les Travaux Publics et alimente le vaste bassin situé
sur le bord de la route, dans l'emplacement réservé au marché.
La première ferme française de Rhedir-es-Soltaiie a été construite
aussitôt après l'occupation, en 1883. Des colons, séduits par l'aspect
verdoyant de cette contrée voisine de Tunis, se groupèrent, et, en
quelques années, une dizaine de fermes s'y créèrent. De coquettes
maisons s'élevèrent au milieu des lentisques et des jujubiers, des
vignes furent plantées et, après vingt années d'eiTorts ])ersévéranls,
Aïii-Kl-Asker est devenu un des phis beaux et des |tliis prospères
villages de la colonisation française en Tunisie; le centre, en eiïel,
comprend aujourd'hui dix-sept lermes françaises dont la superlicie
varie de 1(X) à 3. (XX) hectares, et dont la contenance totale dépasse
7.0U0 hectares.
— ion —
L;i Direction «le rAyiiciillure vient d'allotir, près li'Aïn-El-Asker,
riiencliir Maizila, renfermant 7 lots dont la contenance varie entre 7
et 1.'Î5 hectares; mis en vente au piix moyen <le 130 francs l'hectare,
ils ont été de suite occupés.
Entre Aïn-El-Asker et la gare du Djcbel-Oust, se trouve l'iionciiir
Hdouch-Guedam, de GOO hectares environ. Cette propriété a été
divisée en petits lots achetés à enzel par des cultivateurs siciliens,
et abrite une population de plus de 300 habitants. C'est là un exemple
frappant de l'activité de la colonisation sicilienne.
Les terres d'Aïn-El-Asker sont de nature argilo-calcaire, faciles à
travaiher, suffisamment riches en acide phosphorique et en azote,
très riches en potasse. Elles conviennent à la culture des céréales, au
jardinage et principalement à la vigne et aux arbres fruitiers. Les
blés tendres donnent un rendement moyen de 12 quintaux à l'hectare,
et l'avoine de 15 à 20 quintaux. Dans les terrains bien défoncés et
cultivés avec soin, la vigne produit de 40 à 50 hectolitres de vin à
l'hectare; les vins d'Aïn-El-Asker sont réputés sur le marché de
Tunis.
L'élevage du mouton paraît réussir tout particulièrement dans cette
région. Deux colons, MM. lloude et Obert, qui depuis plusieurs an-
nées entretiennent un troupeau de brebis de race algérienne (mé-
tis-mérinos), ont obtenu d€s résultats excellents. On nous a commu-
niqué des chiffres qui sont bien faits pour iuA'iter les éleveurs à tenter
l'expérience : un capital initial de 500 trancs a donné, en quatre ans,
un produit de 6.600 francs !
La colonisation française dans les régions d'Aïn-El-Asker, Bir-
^l'cherga et Smindja — nous le verrons plus loin — présente un
ensemble remarquable. Aujounlliui les fermes françaises se succè-
dent sans interruption d'Aïn-El-Asker jusqu'à Zaghouan, sur une
longueur de plus de 50 kilomètres, le centre de Smindja, récemment
créé par la Direction de l'Agriculture, ayant comblé la lacune (jui
existait.
Ecole mixte à Aïn-El-Asker ; 12 élèves, 7 garçons (5 fram ais. 1
italien, 1 musulman), et 5 filles (françaises).
— 200 —
3o Partie Nord-Est du caïdat de la Banlieue de Tunis
Fondouk-Choucha. — La route de Sousse, qui couduit de Tunis
à Rades, traverse une succession de jardins maraîchers, des cliamps
de vignes, quelques fermes françaises et le beau domaine de Mégrine,
de 700 hectares environ, qui comprend une partie en plaine et l'autre
en coteau. Les vignes de Mégrine, favorisées par la nature argileuse
du sol, sont très belles.
Entre Tunis et Mégrine, à El-Afrane (djebel Djelloul), la colonisa-
tion européenne s'implante fortement. L'école mixte qui y est instal-
lée, a reçu, dès l'ouverture 1905, 40 élèves : 19 garçons, dont 7
français, 12 italiens, et 21 filles, dont 12 françaises et 9 italiennes.
La Direction de l'Agriculture vient d'allotir un terrain d'une conte-
nance de 70 hectares environ, situé à 7 kilomètres à l'Est de Tunis,
à 3 kilomètres au Nord-Ouest de Rades, sur la route de Sousse à
Tunis. Ce nouveau centre, qui porte le nom de Fondouk-Chouclia,
est destiné de préférence aux ouvriers de la culture et des industries
et métiers touchant à la culture (forgeron, charron, bourrelier, ma-
réchal-ferrant, etc. ). Il a été divisé en treize lots de culture, de 2
hectares 50 à 4 hectares 70, dont le prix varie entre 100 et 500 francs
riiectare, et en 23 lots industriels de 433 à 1989 mètres carrés, à dix
centimes le mètre carré.
Les 13 lots de culture ont été acquis dès leur mise en vente, et 12
lots industriels sont actuellement occupés; avant la fhi de l'année
les onze lots qui restent disponibles seront certainement achetés. Il
y aura donc là un groupement d'une trentaine de familles françaises,
composées de jardiniers et d'ouvriers agricoles. Cet essai de toute
petite colonisation, aux portes de Tunis, sera fort intéressant à suivre.
Rades. — Rades, ou mieux Max ula- Rades, sïiné à 10 kilomètres
de Tunis, station de chemin de fer, est divisé en deux parties :
1" Hadès, village arabe construit sur une butte dominant le golfe
au Nord, et les plaines à l'Est et à l'Ouest. Cette localité, très aérée
et salubre, est fréquentée par quelques ilches musulmans de Tunis,
(jui riiabitcnt iirescpie à l'exclusion di'S européens.
2" Maxiila, situé dans la partie basse.
C'est un groupe «le villas avec jardins agréablement aménagés et
traversés par une large avenue conduisant à la plage (desservie par
— 201 -
1111 Iramway). Ce joli village, exclusivement français, bâti sur les
ruines de la Maxula romaine, date de 18(11. Sa création est due à
l'initiative de quelques citoyens (jui avaient pour but d'organiser,
près de Tunis, une station balnéaire Irançaise au détriment de la
cosmopolite Goulette. L'rcuvre a pleinement réussi, et Rades se
développe et s'embellit chaque jour. C'est une des stations estivale
les plus fréquentées.
L'eau souterraine de Rades est cliargée de chlorure de sodium,
mais depuis J891- la conduite de Grombalia remédie à cet inconvé-
nient.
Près de Rades, se trouve le petit village de Sidi-Falallah, situé
au pied d'un rocher légendaire, sur la route de Tunis au Mornag.
Deux écoles primaires avec internat, l'une de garçons, l'autre de
filles, ont été installées à Rades alin de permettre aux colons,
ouvriers et employés divers qui habitent des centres dépourvus de
tout établissement scolaire, de faire donner à leurs enfants, à prix
modérés, une bonne instruction primaire pratique. Elles sont ouver-
tes aux élèves dont les familles résident dans la localité.
Situées sur l'un des points les plus salubres en Tunisie, l'installa-
tion matérielle en est excellente. Un petit atelier pour le travail du
bois et du fer est annexé à l'école des garçons; l'école des tilles pos-
sède un atelier de couture. Ecole de garçons : 88 élèves, dont (iO
français, 17 italiens, 1 musulman, 4 divers. Ecole des filles : 78 élè-
ves, dont 54 françaises, 20 italiennes, 4 maltaises.
Hammam-Lif. — Entre Rades et Hammam-Lif, le petit village
naissant de Saint-Germain étale ses modestes maisonnettes au fond
de la plaine, près la mer. Il est sans prétention, et nombre de petits
employés recherchent ce coin tranquille. La Direction de l'Agricul-
ture y a alloti et vendu quelques parcelles de terrain.
Un peu plus loin, Hammam-Lif, abrité des vents du Sud par le
Rou-Khornine, émerge de la verdure. Situé à IC) kilomètres de Tunis
(chemin de fer), le village arabe a été réédilié par le Rey Hussein,
(jui en avait fait sa résidence d'été; un grand palais constituait son
habitation et celle de sa suite; il existe encore et appartient à la
famille beyiicale.
Hammam-Lif renferme trois sources thermales Aqmv Pcrsaniiv:
deux sont aménagées dans le palais, et la troisième dans la maison de
— !2(»2 —
l'ex-ministre Khéredine, cédée à la Banque de Tunisie qui y a ins-
tallé un établissement fort bien compris à l'usage des Européens.
M. le docteur Bastide, directeur du Service de la Santé en Tunisie,
estime que la température de ces eaux (46 à 49o) et la grande quan-
tité de chlorure de sodium qu'elles contiennent, doivent les faire
ranger parmi les eaux chlorurées sodiques fortes, hypothermales ;
elles renferment des iodures en petite quantité; elles oiïrent deux
éléments thérapeutiques à utiliser : leur minéralisation et leur ther-
malité. Ces eaux sont considérées comme très efficaces contre les
rlîumatismes, les affections cutanées, nerveuses et scrofuleuses. Elles
jouissaient, dans l'antiquité, d'une grande réputation.
Trente-cinq hectares de mauvais terrain placé entre le Bou-Khornine
et la plage, ont été peu à peu conquis sur le marécage, asséchés,
nettoyés, pourvus de rues et parés d'avenues ; puis, allotis, mis en
vente, ils ont été rapidement enlevés par les citadins qui, en quelques
années, ont fait naître, pousser, fleurir une joHe petite ville, domi-
née par un casino que viennent baigner les tlots.
La plage d'Hammam-Lil est fort belle; toute de sable tin, elle
s'étend largement sur le golfe de Tunis; aussi est-elle, pendant l'été,
le rendez-vous du Tunis élégant.
D'Hammam-Lif on peut faire, sans trop de fatigue, l'ascension du
Bou-Khornine. On accède au sommet de ce mont (580 mètres d'al-
titude) par des sentiers sous bois, tracés à travers la forêt de pins
d'alep que la Direction du Service forestier a heureusement recons-
tituée et défendue contre les déprédations des indigènes et des trou-
peaux.
<( Du plateau qui forme le soubassement des deux cornes, écrit
M. Gaston Loth, on jouit d'un merveilleux spectacle. Sous le soleil
ardent, les eaux du golfe étendent leur nappe d'un bleu profond
jusqu'aux confins de l'horizon. Le littoral est nettement dessiné. Il
semble que, des falaises abruptes de Sidi-Bou-Said aux longues
plages de Klieredine et de la (jouletle, on ait ménagé un admirable
boulevard. L'Isthme qui protège le Bahira do^ IL ils du large a{)pai'aît
comme un fil : c'est le Tœnia des anciens.
« On devine le tracé, à travers le lac, du canal à grande section
permettant aux navires de remonler jus(|ir;"i Tuiiis, et on snil les
confoni's, mollenuMit dessinés, de la ville innnense, blanc mantcMU du
prophète, caclianl la plaine sous ses longs plis. Au Sud, la niontagne
de plomb, le djebel Ressns, ;iiix reflets métalliques, montre à nu ses
— 20:5 -
arêtes tranchantes et dessine sur le fond du ciel une silhoutte den-
tellée en fines lames de soie. De longues rangées de collines arron-
flies paraissent entassées au pied du Zagliouan, dont le profil, voilé
d'une brume léf^ëre, contraste par sa hardiesse avec les sommets
environnants. »
Hammain-Lif possède deux écoles. L'école laïque de garçons reçoit
02 élèves : 8 français, 36 italiens, ! maltais, 13 musulmans, i- Israé-
lites.
L'école laïque de filles a 01 élèves : 16 françaises, 59 italiennes,
3 maltaises, 8 nuisulmanes, 5 juives.
Potinville. — Le domaine de Polinville, situé à 4 kilomètres
d'Hammam-Lif et à 20 kilomètres de Tunis, occupe remplacement
des henchirs Bordj-Gedria et lUr-El-Bey ; il embrasse une superficie
de 3.000 liectares environ. Le sol, composé en grande partie d'argile
et de calcaire, est éminemment propre à la culture; dans la région
la plus élevée, le calcaire, très abondant, fournit la matière première
d'une importante fabrication de chaux hydraulique et de ciment.
Ginf[ fermes ont été construites sur le domaine; la ferme centrale,
ou « Potinville », comprend tous les bâtiments que nécessite la mise
en valeur et le bon fonctionnement d'une grande exploitation agri-
cole moderne; des logements d'employés, des maisons ouvrières, une
école, un bureau de poste et télégraphe en font presque une petite
cité.
La culture de la vigne occupe 450 hectares environ et produit
annuellement 25.000 hectolitres de vin, dont la plus grande quantité
est expédiée en France. Ce vin a un titre alcoolique variant de 10
à 12"; limpide, brillant, d'un beau rouge, il s'améliore notablement
par la conservation. Potinville produit, en outre, quelques vins de
cépages fins, tel que le cabernet, le pineau, le syrrah, et des vins
de liqueur, tels que muscat, clairette, mistelles, marsala.
La culture des céréales se lait, à Potinville, dans de vastes propor-
tions ; l'olivier y croit en abondance; enfin l'élevage du bétail y est
très développé.
« La race bovine est représentée par des sujets robustes provenant
de croisements patienmient étudiés entre les races indigènes et les
espèces françaises. Après de nombreux essais, le choix s'est défini-
— 204 -
tivement arrêté sur la race salers, qui donne, par croisements avec
les vaches du pays, des types excellents à tous égards.
« Une race nouvelle de mulets a été créée de toutes pièces, prove-
nant de belles juments percheronnes alliées aux baudets du Poitou.
Les produits, nés et élevés à Potinville, se font remarquer par leur
vjoueur et leur résistance.
« Ce n'est pas tout. L'élevage du mouton est l'objet de soins assidus
(juiont abouti peu à peu à des améliorations considérables. Un savant
zoologiste, M. Samson, a constaté les admirables résultats produits
par l'importation et l'élevage méthodique du mérinos soissonnais;
d'autres essais parmi lesquels on peut citer les croisements du mou-
ton astrakan avec les races barbaresques, ont été entrepris avec le
même succès.
(( Pour l'alimentation de ce nombreux bétail, on a ensemencé en
fourrages artificiels une notable partie des terrains situés aux abords
des fermes de Bordj-Habba et de la Mer. Cette dernière possède, en
outre, une cinquante d'hectares de prairies naturelles qui produisent
des herbages d'excellente qualité. »
La chaux hydraulique et le ciment de Potinville sont employés par
les administrations de l'Etat. Ils sont fabriqués sur place. L'usine,
bien aménagée, livre plus de '20.000 tonnes de produits par an.
Le personnel de Potinville varie, selon les saisons, de 300 à 000.
Les ouvriers d'art, les chefs de chantiers, les contremaîtres et les em-
ployés proprement dits, sont français; seuls les travaux secondaires
ou trop pénibles sont exécutés par des travailleurs recrutés sur place.
La direction de cette exploitation modèle a été fort lieureusement con-
fiée à M. Gauvry, ingénieur-agronome, qui connaît d'autant mieux
les secrets de l'agriculture nord-africaine, qu'il a, avant de venir ici,
étudié pratiquement la colonisation agricole en Algérie. C'est sous son
intelligente impulsion que Potinville a pris son entier développement.
Le domaine, acheté par M. Paul Potin en 1884 au prix de 135. 0(X)
francs, représente aujoui-d'hui, avec son matériel, an moins li-ois mil-
lions.
L'école-mixte de Potinville reçoit 58 élèves : 38 garçons, dont 5
français, 3!2 italiens, 1 maltais, et 20 lilles, dont 5 fran(,'aises et 15 ita-
liennes.
4^* Partie sud-ei^t du Caïdal de la Banlieue de Tunia
Le Mornag. - La plaine du Modukj est une innnense ét(Midue
de terre partant des lacs de Tunis et Sedjoumi, pour finir à la chaîne
— 205 -
de montai,'-nes, entre vSidi-Fattallah, Mégrine, Rades, d'un coté, la Ma-
liomédia et l'aqueduc de Zaglioiiati de l'autre, sur une superficie de
plus de .'30.000 hectares, dont li.OOO environ sont plantés rl'oliviers.
Le sol, généralement ari^ileux dans la plaine, cliange de nature en
montant vers les coteaux situés à IT.st. Sin- le versant des montaj^nes
du Bou-Kornine au Djebel-Ressas, les terres sont ari'ilo-siliceuses,
sur Fond calcaire; quelques parties sont sablonneuses. Meilleures pour
les céréales des deux côtés de l'oued Miliane et sur les bords de
l'oued Hamma, qui descenrl du djebel Sidi-Salem, elles deviennent
de premier choix pour la cuUure de la vigne sur les collines.
La fertilité de la plaine du Mornag y a attiré un certain nombre de
colons français, qui obtiennent de très bons résultats. C'est là qu'ont
été créés les principaux vignobles de Tunisie (plus de 10. (XK) hecta-
res); à côté de ces derniers, la petite colonisation s'est développée sur
plusieurs points, notamment sur les domaines des Nassen et de Chéla
allotis par la Direction de l'Agriculture.
A riiencliir Nassen, un gros propriétaire français avait installé sur
partie de son domaine quelques familles siciliennes, auxquelles il
avait vendu la terre à raison de 500 francs l'hectare, payables en neuf
ans, avec intérêts à raison de 30 francs par hectare, et avec faculté
de reprendre le terrain si à ce terme il n'était pas entièrement payé.
L'Administration y a, de son côté, installé un certain nombre de petits
colons français qui semblent en voie de prospérité.
Aux Nassen existe une école-mixte : 30 élèves, dont 17 garçons
(5 français, 12 italiens); 13 filles (3 français, 10 italiennes.)
A Chéla, le Domaine a acheté 20 parcelles de terres, d'une conte-
nance totale de 240 hectares environ, (pii ont été revendus par petits
lots, à des colons français. Chéla semble avoir été jadis un centre im-
|)ortant : le bourg était situé sur- les boi'ds d'une des grandes artères
mettant en communication Carthage avec le sud de la Tunisie; des
ruines romaines y abondent, (;t l'on découvre même des vestiges de
l'occupation espagnole.
A La Cébala et à Sidi-Roumel, situés également dans la plaine
du Mornag, la Direction de l'Agriculture a pu, par suite d'échanges
avec les habous, placer quelques petits agriculteurs (pii forment un
noyau i\c colonisation française, et qui se livrent, jiour la plupart, à
l'horticulture. Une école est en construction à la Cebala ((ui consti-
— 200 -^
tuera un gros village auquel sa gare et le croisement de plusieurs
routes assurent de l'importance.
Dix-sept grands domaines, de 400 à 3.000 hectares (ensemble
12.000 hectares), sont parsemés dans la plaine du Mornag, on y cul-
tive les céréales, la vigne, les pâturages, l'olivier, l'amandier et divers
arbres fruitiers.
La forêt d'oliviers. — La forêt d'ohviers du Mornag, située entre
le Bou-Khornine et l'oued Miliane, est la plus belle, la mieux conser-
vée de cehes du Contrôle de Tunis; cela Lient à Tabri fourni par la
montagne et à la nappe d'eau douce peu profonde, dans laquelle pui-
sent les racines des arbres.
Autrefois, cette forêt renfermait de nombreux jardins; quelques-
uns, qui existent encore comme l'orangerie de Bradai, donnent une
idée de la splendeur de cette région, maintenant peu exploitée, par
suite de l'incurie des Arabes. Il y a une cinquantaine d'années, le Bey
de Tunis ayant besoin d'argent, frappa d'impôt les jardins; les indi-
gènes, en grand nombre, refusèrent d'acquitter cette redevance qu'ils
trouvaient inique, et, en présence des menaces qui leur furent faites
ils détruisirent les jardins et comblèrent les puits. On ne fait pas 100
mètres sans trouver un puits à moitié rempli de terre, et à la végéta-
tion que l'on aperçoit au fond ou autour, il est facile de se rendre
compte que l'eau n'a pas disparu.
Le chemin de fer de Sousse conduit à la lorêt par Saint-Germain
et Hammam-Lif, et la ligne du Mornag la traverse et s'y arrête en
trois endroits : Bou-Zerga, la Zaouïa, la Cébala. La route de Sousse
longe la forêt, celle du Mornag passe au milieu, et à la Zaouia un(^
l'oute empierrée relie les deux grandes routes.
I.a forêt, qui couvre environ 4.000 hectares, compte 300.000 oli-
vioi's, dont 2G4.000 pkisieurs fois séculaires et ré|)arlis en 1)48 par-
celles ou olivettes; 135 de ces parcelles sont liabous })ui)lics, et 258
liabous privés. Le revenu moyen est de 250. (M) Iraucs : S()it()2lrancs
par hectare. Une importante huilerie a été installée <lans la forêt,
non loin d'FIaniinani-Lir, j»;ir le cominiindanl M;ii-cli;inl, nn de ces
oKiciers de l'armée d'Ali'ique qui furentà la tête du mouvement colo-
nisateur. L'eau est bonne et abondante dans toute l'c-tendiK^ (\o h\ fo-
rêt; elle se trouve à 8 ou 10 mètres de prolondeur.
Il serait heureux que cette contrée fût mieux connue, et partant.
— tiOT —
mieux exploitée ; les horticulteurs, maraîchers, primeuristes y trou-
veraient bonne terre, eau, climat sain et doux à peu de distance de
Tunis (l'ià 15 kilomètres). Il faudrait pour cela que le domaine pût
acquérir les olivettes habous qni, livrées à la petite colonisation fran-
çaise, seraient relransformées en jardins. Ainsi, en peu de temps,
serait créé le plus beau centre de primeurs de la région de Tunis.
L'orangerie Bradaï. — L'orangerie Bradai est située au pied
du Bou-Kliornine, à 14 kilomètres de Tunis, sur la route qui relie la
Zaouia du Mornag à Hammam-Lif. Elle a été créée au- XVIP siècle
par le frère d'un Dey d'Alger, obligé de gagner prestement la Tuni-
sie à la suite de démêlés politiques. Elle appartient aujounlhui à
M. Giraud, président du Syndicat des horticulteurs et primeuristes
tunisiens, qui accueille lort aimablement les visiteurs de sa très belle
propriété. La petite excursion, en voiture ou en automobile, de Tunis
à Bradaï, est des plus agréables.
La superficie de ce jardin est de 5 hectares, entièrement plantés
d'orangers, mandariniers et citroniers, au nombre de 2.000, dont la
moitié datent de la création et forment les plus beaux spécimens
d'orangers connus ; quelques-uns de ces arbres géants mesurent deux
mètres de circonférence au tronc, portent leurs rameaux à cinq mè-
tres et produisent 6.000 fruits. Toutes les anciennes variétés d'oran-
gers connues dans le bassin de la Méditerranée y sont représentées
et ont servi à la création des autres orangeries de la Régence. La
fameuse orange sans pépins, cultivée en grand par les Américains,
est originaire de Bradaï.
Dans le jardin, existent des mûriers gigantesques dont le ti'onc dé-
passe () mètres de circonférence; ils abritent des bassins d'une con-
tenance de 200 mètres cubes, où sont reçues les eaux des puits. L'eau
est très douce, de composition équivalente à celle de Zaghouan, et
permet, en arrosant les arbres, de faire de nombreuses cultures
intercalaires de fleurs etde primeurs, telles que fraises, haricots, pois,
tomates, melons, asperges, etc., toutes vendues sur le marché de
'l'unis, où elles sont fort appréciées.
Crétéville. — Le domaine de Crétéuille, situé à 25 kilomètres
de Tunis, sur la ligne Tunis au Haut-Mornag, comprend 700 hecta-
res, dont 300 en vignobles. Il a été créé en 1885 par M. Crété, sur un
— 2U8 —
lienchir appelé Nebch-ed-Dicl, placé au pied des contreforts du djebel
Serra. Il commence à Foued Fakous et finit à l'oued Lahrar, c'est-à-
dire juste à la limite de partage des eaux du Bou-Khornine et du
djebel Ressas.
Le domaine présente un ensemble complet des cultures de la région
comprenant la vigne, les céréales, les cultures arbustives et marai-
clières, les prairies et les pâturages. Un millier de tètes de liétail y
vivent. Les bâtiments renferment un outillage perfectionné et un maté-
riel vinaire installé dans les meilleures conditions. Cette ferme autour
de laquelle plusieurs grandes propriétés françaises se sont consti-
tuées, est une des mieux organisées parmi celles que l'on puisse visi-
ter en Tunisie.
Bien avant la création de l'Ecole Coloniale d'Agi-iculture" de Tunis,
Crétéville — comme l'Enfida et Sidi-Tabet — reçut chaque année un
certain nombre déjeunes gens venus de France pour étudier la cul-
ture tunisienne. Les demandes devinrent bientôt si nombreuses que
M. Crété fit construire, à proximité de la ferme, un bâtiment spécial
qui lui permit d'ouvrir plus largement les portes aux apprentis colons.
Pendant plusieurs années, Crétéville fut une véritable école prati-
que d'Agriculture, et si aujourd'hui, par suite des occupations multi-
ples que lui crée l'exploitation de ses domaines, M. Crété a restreint
le nombre des élèves, ceux-ci n'en continuent pas moins à recevoir
une instruction dont le but n'est pas seulement d'initier les jeunes
gens aux pratiques agricoles de la région, mais aussi de les former,
par un apprentissage méthodique, à la vie de colon.
A Crétéville, il n'y a i)oint place pour le rêveur ou le lils à papa que
la famille désire envoyer au vert. Il faut mettre la main à la pâte,
commencer par les travaux d'intérieur de la ferme; suivre ensuiU'
les travaux extérieurs : labours, semailles, moissons, taille de l;i
vigne, vendanges, etc.; surveiller plus tard les chantiers en qii;ilit.'
de contre-maître; diriger enlin un»' des nombreuses petites fermes
([ni se trouvent sm- les domaines (|iie [xtssèdc la Société Crété el C''-.
« Cette forme d'enseignement, dit M. Louis Grandeau, répond
tout à fait au desideratum des familles doni les lils veulent deveiiii-
colons. Il est ap[)elé à se propager dans les exploitations d(> la Hégencc
pour le [)lus grand profit de la colonisation et ilii progrès de l'agri-
culture tunisienne.
« Si chacun des grands propriétaires, qui ne se contentant pas de
— tid'.l —
faire administrer leurs domaines par des gérants, liabitent sur leurs
terres la plus grande partie de l'année, organisaient des Ecoles de
stagiaires à rinstar de Grétéville, ils rendraient à la Régence un im-
mense service", en même temps qu'ils faciliteraient l'accès de la Tuni-
sie, à nombre de cultivateurs et de lils de propriétaires que retient
sur le sol français, la difficulté de trouver, à leur arrivée dans le Vro-
tectorat, les moyens pratiques de s'installer ou de s'y instruire sur
le meilleur mode d'application de leurs capitaux. Il faut espérer que
l'exemple de Grétéville rencontrera bientôt de nombreux imitateurs,
pour le plus grand bien de la colonisation. »
Grétéville a reçu, depuis 1893, 120 stagiaires ; 55 se sont établis en
Tunisie, quelques-uns dans le voisinage de Grétéville, où ils ont créé
avec succès, aidés des conseils de M. Grété, des vignobles et des cul-
tures plus ou moins étendues, selon les capitaux dont ils disposaient.
D'autres se sont établis en Algérie; d'autres, entin, dans les colonies.
Il n'y a pas eu plus d'im tiers de décliet, et c'est là un résultat fort
appréciable.
L'école-mixte de Grétéville a 25 élèves : 18 garçons (5 français, VA
italiens, et 7 tilles, 1 française et 6 italiennes.)
Aïn-Beguira. — Au fond de la plaine du Mornag, près de la
station de la Laverie, existe un petit henchir appelé Ai n-Eéguira, de
500 liectares, appartenant à une Société anonyme lyonnaise. La Di-
rection de l'Agriculture avait entamé des négociations avec cette
Société dans le but d'acquérir ces 500 hectares de bonnes terres
qu'elle aurait morcelés en lots de 10 à 50 hectares, destinés aux em-
ployés et ouvriers français de la mine du djebel Ressas. Tout sem-
blait marcher à souhait, lorsque, brusquement, la Sociétt§ ronqiit les
pourparlers. Des Italiens, actuellement, s'y installent.
Oudna. — A 24 kilomètres de Tunis, sur la ligne de Zaglutuaii,
dans une plaine séparée du Mornag par un rideau de collines peu
élevées, Oudna lorme un beau groupement de propriétés françaises.
On compte luie douzaine de fermes, de 500 à 1.800 hectares, occu-
pant ensemble une superficie de 0.800 hectares : pâturages, céréales
oUviers, vignes.
Oudna est située sur remplacemeni de rancienne Uthiaa, une «les
plus anciennes colonies de la province d'Afrique, dont parlent Pline
et Ptolémée. Elle a été l'objet de fouilles intéressantes, qui avaient
— -2U) —
pour but l'étude des conditions générales de l'habitation romaine en
Afrique aux premiers siècles de notre ère. Ces recherches ont amené
la découverte d'une grande villa, qui a été déblayée en entier, ainsi
que ses annexes et les termes privés qui en dépendaient. Une quin-
zaine d'autres maisons particulières ont été reconnues et partielle-
ment dégagées dans le même quartier, qui devait être habité par
l'aristocratie d'Uthina.
Les ruines occupent, sur la rive gauche de l'oued Miliane une
étendue dont la circonférence est de 4 kilomètres.
La Mohammedia. — A 13 kilomètres de Tunis. C'est aujour-
d'hui un colossal amas de décombres, provenant des ruines du palais
que le Bey Ahmed avait fait construire en ce point (1835). Une cen-
taine de pauvres Arabes y habitent.
C'est là que ce prince avait groupé une armée de 12.000 hom-
mes, organisée à l'européenne; c'est là qu'habitaient les officiers
étrangers et les ingénieurs français qu'il avait appelés auprès de lui
alin de transformer la Régence, militairement et économiquement,
à l'instar d'un royaume européen.
Le territoire de la Mohammedia est compris dans le bassin de
l'oued Miliane, région essentiellement agricole, au sol riche et fertile.
L'eau y est bonne et à une profondeur ne dépassant pas 8 mètres. Il
existe quelques petites sources dans la partie Est, mais dont le débit
très faible est insuffisant aux besoins domestiques. L'oued Miliane
y supplée, ainsi que la conduite d'eau de Zaghouan, et place la
contrée dans d'excellentes conditions au point de vue de son alimen-
tation en eau.
Les beaux domaines de la Mohammedia appartiennent à des Ara-
bes de Tunis; il existe, aux alentours, quelques exploitations l'ran-
çaises et un certain nombre de petites propriétés siciliennes.
La Mohanmiedia olTre ceci de particulier, qu'à une époque de
l'année les abords des ruines reçoivent plusieurs milliers de ruches
qui leiu' arrivent de la région de Kairouan, portées sur des chameaux.
Nous empruntons à une jolie description de M. Gaston Vuillier
qui, en compagnie de M. Sadoux, visita la Mohammedia, ]es<iuelques
lignes suivantes :
« Par de là les vastes dépressions au fond dcscpielles s'étale le lac
mourant, sur une hauteur couverte d'une forêt d'oliviers, dominant
la plaine et les collines enviroiiiiuules, la Aloliammedia élève la masse
énornmede ses ruines. Le bey Ahmed avait lait construire ce palais;
une petite ville s'était formée et ses bazars furent célèbres. A la mort
du bey, le palais dépouillé de ses ornements magnifiques, lut aban-
donné comme les autres. Seulement il s'émietta, et aujourd'hui ce
n'est plus qu'un sombre débris.
« L'aspect de la Mohammediaest tragique; on dirait un vieux châ-
teau fort démantelé, avec ses nmrailles massives percées d'ouvertu-
res béantes, hérissées de cactus grimaçants. Une centaine de misé-
rables habitants se sont réfugiés dans les décombres; les serpents e1
les scorpions se plaisent dans cet amas de pierres.
« Mais la nature lleurit sur les débris des œuvres humaines si fra-
giles, elle s'exhale en sourires de fleurs des tombeaux entrouverts,
elle nous parle avec les lèvres des roses, et c'est poignant et doux à
la fois de songer à ces floraisons éternelles de la mort.. . »
CHAPITRE IV
Le caïdal de Téboiirba
Limites et aspect. — Le Caïdat de Tébourba est limité au Nord,
par la Medjerda; au Nord-Est, par la mer; à l'Ouest, par les Caïdats
de Mateur et des Béjaoua;au Sud, par le Caïdat de Medjez-El-Bab ;
à l'Est, par le Caïdat de la Banlieue.
11 est tout entier compris dans la vallée de la Medjerda. Sur la
rive droite de ce lleuve qui le traverse, la plaine est légèrement
ondulée ; sur la rive gauche, les djebels El-Ansarine, Boulaouecli el
Baoula forment un beau massif dont les pics atteignent plus de 60U
mètres d'altitude. La partie Nord, espace triangulaire compris entre
la ligne de Bizerte et la mer, est plate et marécageuse ; elle porte le
nom de plaine de Sébala.
Les Romains avaient reconnu la fertilité de cette contrée; les ruines
de cités, d'exploitations agricoles, de pressoirs attestent qu'elle était
exploitée en vue de la culture des céréales, de la vigne et de l'olivier.
L'œuvre de colonisation française est avancée dans le Caïdat de
Tébourba qui jouit, d'une part, des avantages de la région Nord,
favorisée par les pluies et propice à la culture des céréales et ([ui,
d'autre part, voisine au Midi avec les régions centrales ])liis cliaudi's
r\ pli^s propices aux culture arbustives.
1! va dix ans à peine, quelques fermes françaises (Haieiil disséuii-
nées autour de Tébourba, se partageant environ 14.000 hectares.
Pendant ces dernières années nous avons vu se fonder de beaux
dojuaines, d'importants groupouieuts (jui foruuMit aujourd'hui un
lolal de :i4.000 hectares possédés et habités par plus de PiO ^amillc^
françaises.
A côté de la colonisation française, nous trouvons uoii moins
- 213 -
active, la coloiiisalion italiorine. IMus de '200 familles siciliennes sont
implantées sur (juelques points du Caïdat, les unes propriétaires,
les autres enzelistes ou locataires, mais plus de la moitié de ces
Italiens sont employés comme ouvriers agricoles par les colons
français.
Cultures. - Dans ce Caïdat, les céréales occupent, comme éten-
due, le premier rang- parmi les cultures françaises. Nos colons, qui
possèdent environ un millier d'hectares de vignes et 2.000 liectares
d'olivettes, ensemencent chaque année 0.000 hectares de blé, d'orge
et d'avoine.
La culture maraîchère y joue aussi un rôle important :
« Les premiers colons qui s'établirent à Téljourba, dit ^L 0. Lery,
lirent d'abord un peu de jardinage pour leur consommation. Bientôt,
la production exédant leurs besoins, ils vendirent leurs légumes à
Tébourba et à Tunis. Encouragés par leurs premiers essais, voyant
le gain qu'ils pouvaient en tirer, ils augmentèrent leurs jardins, perfec-
tionnèrent leurs méthodes et leur outillage, et maintenant la culture
maraîchère occupe un espace relativement considérable dans le
Caïdat. Elle est devenue une source de sérieux bénéfices pour beau-
coup de colons. Le terrain et le climat se prêtent fort bien à cette
culture; l'eau de bonne qualité abonde à peu près partout, sans
compter la Medjerda qui sufhrait pour arroser tous les jardins de la
région. »
Tous les légumes y sont cultivés d'un bout à l'autre de Tannée,
mais les plus répandus chez les colons sont l'artichaut, les haricots
verts, les petits pois, la pomme de terre, la tomate, les fraises. Les
Arabes cultivent principalement les oignons, carottes, navets, auber-
gines, poivrons, pastèques, melons, choux-tleurs, etc. Les jardins et
vergers indigènes des alentours de Tébourba occupent ime super-
ficie de 300 hectares et donnent à cette petite ville, un cachet fort
plaisant.
Les résultats obtenus par la culture de la vigne sont appréciables.
Les propriétaires, guidés par quelques membres de l'Association des
Colons français de Tébourba, très experts en viticulture, ont bien
choisi les terres qu'ils ont sulllsamiuent défoncées. Les vignobles
siciliens sont remarquables.
Enfin, la culture de l'olivier, sans avoir l'importance qu'elle atteint
*****
LaTun'isie du Noru 15
— 214 —
dans le Centre et le Sud de la Régence, constitue une jolie forêt dans
la région de Tébourba (environ 350.000 arbres).
Ces oliviers rapportent peu; ils ne sont pas vigoureux et cette
faible production est attribuée par M. Minangoin, inspecteur d'Agri-
culture, qui possède admirablement la question, aux causes suivan-
tes : l« Absence de soins culturaux; ^o manque de fumure; 3o trop
grand rapprochement des arbres; 4'^ vieillesse; 5» taille défectueuse;
6" cultures intercalaires.
Les colons français, avons-nous dit, possèdent dans la contrée
plus de "2.000 hectares d'olivettes acquises aux indigènes; ils s'effor-
cent d'améliorer la production en faisant disparaître les vieux arbres
inutiles, en fumant le sol, en procèdent à une taille sévère. Par ces
procédés, les olivettes du Nord — les olivettes des cinq Contrôles
Civils du Nord de la Régence comptent environ cinq millions de
pieds, représentant une valeur approximative de cinquante millions
de francs — oiïriront un réel intérêt à la colonisation, en même temps
que des profits sérieux à l'industrie oléicole.
Météorologie. — Une station météorologique a été installée à
Schuiggui. Les observations suivantes nous ont été communiquées
par le gérant de ce domaine :
Les orages sont assez fréquents dans le Caïdat de Tébourba; ils
s'abattent rarement sur le domaine et suivent la montagne. La grêle
précède parfois les orages, mais en général elle est de courte durée
et ne cause pas de désastres. Les gelées de janvier et de février
sont normales; elles durent de 15 ù 20 jours, et comme elles se
produisent à des époques où les terres sont presques nues, elles
n'occasioniKMit aucun dégât, sauf sur les jeunes semis des jardins
potagers.
En 1904, les températures et les pluies relevées à Schuiggui ont
donné les chilfres suivants :
Printemps. — Maxinia : '.VI": niinima : 1": moyenne: I7".'J. Pluies:
159 m 11. en 23 jours.
Eté. — Maxima : 49"; miniina : 10"; inoyemie : 27" i. Pluies :
31 "ini en 8 jours.
Automne. — Maxima : il": ininim;i : 3"; inoyemie : 23","). Pluies :
83 "1 "' en 17 jours.
- 2in —
Hiver. — Maxima : 'iO"; luiiiinia : 2'^; inoycjirie : 11" 2. Pluies :
178 m/m en 26 jours.
Températures moyennes emmielles. — Maxima : 26" 5; miriima :
12"; moyenne : 19" 25. Pluies : 451 "'/m en 74 jours.
Les centres. — Les colons français du Caklat de Tébourba ont
formé une association due à l'initiative de M. Paul de Oeaumont,
membre de la Chambre d'Agriculture de Tunis; nous sommes rede-
vables à ce groupement de la publication périodique d'un « Bulletin »
fournissant de copieux renseig'nements sur la région de Tébourba,
ses villages et ses domaines. Nous y ferons de fréquents emprunts.
1" Régions Nord-Est et Nord du Caïdat de Tébourba.
Tébourba. — Thuburbo Minus., était construite sur les flancs
du coteau qui sépare la Medjerda du Tébourba actuel. On retrouve,
au sommet du coteau, l'amphithéâtre bien conservé et les ruines des
citernes alimentées par les eaux du massif de Lansarine.
Pendant longtemps, la région de Tébourba resta peuplée de Ber-
bères qui, battus en 1535 par Charles Quint, laissèrent la place aux
Espagnols. Après les Espagnols, chassés à leur tour par les Turcs,
les i\laures provenant de l'Ibérie s'établirent à Tébourba où ils se
livrèrent à la culture de l'olivier et du mûrier, et où ils installèrent
une fabrique de chéchias.
Tébourba est située à 32 kilomètres de Tunis sur la rive gauche
de la Medjerda. Station de la ligne du chemin de fer de Tunis à
Bône. La ville, essentiellement arabe, compte environ 2.500 habitants.
Le type andalou y prédomine.
Les indigènes, presques tous agriculteurs, vivent du produit de
leurs oliviers et de leurs vergers, saul (juclques familles se livrant à
l'industrie des nattes d'alfa, des couvertures de laine, et à la fabrica-
tion de la chaux, des tuiles, de la [)oterie et des dillérents métiers se
rattachant à l'agriculture.
Ecole mixte recevant 73 élèves, dont 63 garçons et 10 filles : 14
français, 18 italiens, 39 musulmans (une llUe), 2 juils.
El-Bathan. — Une lorèt d'oliviers dont les branches noueuses,
s'enlaçant les unes sur les autres, forment un plafond touffu de ver-
-^ .210 —
dure sombre, s'étend largement autour de ïébourba. C'est au milieu
de ces vieux arbres craquelés, décrépits par le temps, que coule la
Medjerda et que se cache, à 3 kilomètres de Tébourba, le petit
hameau d'El-Bathan.
Le pont-barrage d'El-Bathan est une des curiosités de la Tunisie.
Cet ouvrage, qui lut autrefois une des principales causes de la grande
richesse de la région, n'est pas une ruine : tel il est aujourd'luii, tel il
était quand il déversait les eaux de la Medjerda sur les 4 ou 5.000
hectares de plaine qui s'étendent de chaque côté de la rivière.
(( D'origine romaine incontestable, dit jM.Fleury du Sert, le barrage
d'El-Bathan subit les nombreuses vicissitudes des successifs posses-
seurs du sol, jusqu'à sa restauration par des ingénieurs hollandais,
sous le règne de Sidi-Youssef-Bey, en [62'2. Rien ne permet d'établir
des suppositions vraisemblables sur la durée des arrosages à partir
de cette époque ; toutefois, les usines plus ou moins rudimentaires
qui vinrent s'installer sur le barrage lui-même, ou à côté de lui et
qui utilisèrent à leur proht la force produite par la chute, paraissent
dater d'un demi-siècle environ. A ce moment là, les arrosages ne
lurent certainement plus possibles, car les moteurs ])rimitils employés
absorbèrent toute l'eau pour un rendement mécanique insignitiant.
(< Les ouvrages eux-mêmes sont encore presque intacts. Le pont
est comme neuf, les vannes seules manquent, mais la maçonnerie est
dans un parfait état 'de conservation. Sur la majeure partie de leur
parcours les grands canaux subsistent avec des profils à peine adou-
cis ou émoussés par les travaux agricoles et beaucoup de vannes sont
encore en place.
<( Le l)arrage produit actuellement dans la rivière un dénivelle-
inent de 4 mètres 30 en eaux moyennes; mais les vamies faisaient
autrelois relluer l'eau à 5 mètres "20 plus haut, et le lit de la rivière,
endigué sur ses bords, formait un vaste réservoir de Li à Lr)(X).00()
mètres cubes. »
M. Fleury du Sert espère qu'après avoir recueilli l'héritage de ce
magnifique travail, le Protectorat IVançais ne voudra pas le laisser
plus longtemps improductif :
<( La colonie, dit-il, traverse une péi'iode désastreuse par suite
d'une série d'années sèches"», les [)laintes sont générales, amères et
fondées : ne lenlera-t-on pas de faire j)our elle ce (|iii fui l'ait dans le
(i) Cela était écrit avant l'hiver 1905-1906, peiulant Ic-quel la plaine de Téb()url)a, sans
le secours du barrage, a été trop cnpieu.sement arrosée.
— û\l —
Sud do la France, que les noml)reux rniiaux dérivés de la Durance,
de la HoiuTie, du Rhône lui-même el. de tant d'autres l'iviéi-es sont
venus transformer ? »
La cliose est possible prali(|U('m('nl, [)uisque ce n'est pas o'uvre
nouvelle qu'il s'agit d'accomplir, mais simple restauration, ix' travail,
à la vérité, sera considérable, exigera des capitaux importants; mais
toute une réLiion sera transformée, et en de lari,''es espaces aujour-
d'hui mal cultivés, surgiront des fermes françaises sur lesquelles
pourront vivre des petits agriculteurs. Les cultures industrielles,^
maraichères, fruitières, les plantes à parfums ou les plantes fourra-
gères dont les rendements sont rémunérateurs, remplaceront les
vieux oliviers squelettiques et la brousaille.
Le Bey Ahmed avait créé à El-])athan une manufactiu'e de drap
et de couvertures; ce bâtiment abrite actuellemeni un dép(">t de
remonte et un détachement de cavalerie. Près du pont existe encore
un foulon de chéchias.
Aux environs d'El-Bathan, quelques beaux domaines de .j(JO, de
1.000 et de 1.800 hectares : céréales, vignes, oliviers, arbres fruitiers,
pâturages. On y voit aussi une importante huilerie, dite Huilerie de
Maiaaa, dont rinstallalion, fort bien comprise, est conforme à celle
des meilleures usines de Nice et de Bari.
Djédeida. — Localité située sur la i-ive droite de la Medjerda,
à '25 kilomètres de Tunis et à 9 kilomètres de Tébourba. Embran-
chement des lignes ferrées d'Algérie et de Bizerte. Beaux jardins.
C'est à Djédéïda que l'Alliance Israélite Universelle, fonda en 1805,
une ferme-école dans le but de diriger les jeunes juifs tunisiens vers
le travail de la terre, d'en faire des praticiens, des ouvriers agricoles
ou des contre-maiires.
Les trois domaines que possède rAlliance dans la l'égion compren-
nent 4.000 hectares : L.'ÎOO hectares à Djédéïda, et deux fermes,
l'une de t^.lOO hectares, l'autre de (îOO hectares dans les l'éjaoua,
(Contrôle de Bizerte). La ferme-école est installée sur les deux rives
de la Medjerda; sur la rive droite, l'école; sur la rive gauche, la fer-
me, reliées l'une à l'autre par un pont qui en i'oi-me le trail d'union.
Le domaine de Djédeida se prèti^ l)ien aux cultures It^s plus variées,
à toutes cel'es qui sont possibles sous le climat tunisien; ces cultu-
res sont échelonnées et distribuées dans les diverses saisons, de ma-
— 218 -
nière à assurer aux élèves, d une façon constante, du travail durant
toute l'année.
La durée de l'apprentissage agricole est de cinq ans, dont trois
ans d'études théoriques et pratiques et de deux ans de pratique
exclusive. Pendant les trois premières années, l'élève est apprenti ;
à partir de la quatrième année, il devient élève-ouvrier, travaille
toute la journée aux champs et assiste, le soir seulement, à des cours
lui permettant de développer ses connaissances.
Pour être admis à la ferme-école, le candidat doit être âgé de 13
ans au minimum et de 15 ans au maximum, et avoir suivi pendant
quatre ans au moins les cours de l'école de l'iVlliance Israélite de
Tunis ou d'une école primaire. La gratuité est accordée aux élèves
dont les parents sont dans l'impossibilité de payer le prix de l'inter-
nat, soit 500 francs par an; la famille doit, en tous cas, fournir le
trousseau.
En 1904, la ferme-école comptait 62 élèves, dont 26 en première
année; 8 en deuxième; 12 en troisième; 18 en quatrième; 6 en cin-
quième. Ces jeunes juifs sont originaires de Tunisie, d'Algérie, du
Maroc, de la Tripolitaine, de Turquie, de Bulgarie et de Suisse.
Depuis la fondation de l'école, c'est-à-dire en neuf années, 186
élèves sont sortis de Djédéïda, la plupart avant d'avoir complété leur
instruction agricole. 80 seulement ont terminé leurs études et ])eu-
vent être considérés comme agriculteurs. Encore peu d'entre eux
vivent-ils du travail de la terre; ils s'adonnent de préférence au
commerce des grains, des bestiaux, ou bien ils achètent ou louent
des propriétés qu'ils relouent ensuite, avec gros bénéfices, aux culti-
vateurs indigènes et aux Siciliens. Disons, cependant, qu'une ving-
taine de ces jeunes gens sont entrés chez des propriétaires tunisiens
en qualité d'ouvriers agricoles ou contre-maîtres et que neuf autres
se sont installés comme métayers, sur les domaines de lîéjaoua
appartenant à l'Alliance Israélite.
A Djédéïda, école mixte : 25 élèves, 13 garçons ( 12 italiens, un
juif), et 12 filles (3 françaises, 9 italieinies).
On trouve quelques fermes françaises aux environs de Djédéïda.
A noter, le domaine de Saida, comprenant 2.()0{) hectîu'es, doni 800
en céréales; vastes cultures maraîchères, primeurs, pépinières
d'arbres fruitiers, prairies, pâturages. On a découvert, en creusant
— '2 lit _
les fondations des bâtiments d'exploitation, des vestiges très impor-
tants d'anciennes constructions romaines et on les a utilisées; deux
citernes étaient dans un état de conservation tel qu'il fut inutile de
restaurer les enduits. Ces citernes sont inépuisables; elles paraissent
alimentées par un i-uisscau de conduites en poterie qui drainent toute
la plaine et fournissent un volume d'eau considérable. Elles suffisent
à l'alimentation de la ferme, des liabitations, et à l'arrosage des
jardins. Il n'existe pas dans la région, d'exemples de travaux contem-
porains de ceux-ci, conservés en aussi parfait état.
Dans les jardins, vivent toute une population de Siciliens et quel-
ques Mahonais venus des environs d'Alger. Ils sont là comme mé-
tayers; le propriétaire leui- fournit la terre, l'eau, le logement et le
produit des cultures est partagé par moitié.
Un hectare d'artichauts pour primeurs, a rapporté en une année, à
Saïda, 5.000 francs; un hectare d'ail d'Espagne, i.500 francs. Les
maraîchers, siciliens ou mahonais, sont en même temps vignerons.
La terre leur est cédée à enzel rachetable au taux \6, au bout de [2
ans avec les trois premières années gratuites ; 500 hectares ont été
consacrés à cette spéculation.
Sidl-Tabet. — A 21 kilomètres de Tunis et à proximité de la
route de Bizerte, le domaine de Sidi-Tabel, d'une superficie de 5.000
hectares, a été concédé par le Gouvernement Tunisien, en 1880, à
charge par le concessionnaire d'y établir des haras ayant pour objet
l'amélioration des races chevalines et bovines du pays.
Substituée au premier concessionnaire, la « Société Franco-Afri-
caine », prenait, en 1881, la possession de ce domaine, où tout était à
faire. La vaste plaine, alors remplie de buissons de jujubiers, est
aujourd'hui entièrement défrichée; de belles constructions y sont
élevées, des puits ont été creusés sur tous les points de la propriété
et l'eau potable s'y trouve en abondance; de superbes prairies et un
vignoble de plus de '20 hectares bordent les deux rives de la Medjerda.
Les 5.000 hectares dont se compose \c domaine sont exploités
annuellement comme suit :
000 hectares en cultures de céréales;
.'^00 — en prairies naturelles ;
200 — en vignes ;
— 220 -
150 hectares cultures irrigables ;
1.500 — réservés pour pacage et jachères;
2.250 -T- loués aux indigènes et aux Sicihens.
Le haras est situé au centre de l'exploitation : les poulinières, con-
fortablement installées dans de vaste boxes, sont au nombre de 60,
de race barbe, arabe barbe ou pur sang arabe. Les deux tiers de cet
effectif sont réservés à la production clievaline, le reste à la produc-
tion mulassière. Les| géniteurs sont au nombre de 3, dont un étalon
de pur sang arabe, un étalon barbe et un magnifique baudet de la
race du Poitou. En outre, une station de monte important d'étalons
provenant du dépôt de la Remonte de ïébourba, fonctionne dans ce
haras pendant la saison des saillies, offrant aux éleveurs de la région
les services d'un étalon pur sang arabe et de deux barbes.
Le pur sang arabe de cette station, spécialement choisi, sert quel-
ques-une des juments du haras. On a obtenu ainsi, depuis quelques
années, les meilleurs résultats au point de vue du pur sang tyrien et
toute la production chevaline de Sidi-Tabet tend exclusivement vers
ce but, au grand bénéfice de l'élevage tunisien, qui possède ainsi
une source locale des producteurs améliorateurs les mieux détermi-
nés .
Les étables permettent d'abriter 500 bêtes à cornes ; l'élevage se
fait par sélection avec des sujets choisis de race pure du pays. L'é-
levage du mouton est pratiqué avec des brebis à queue fine d'Algé-
rie et des béliers mérinos de Camargue.
Le contrat de concession de Sidi-Tabet comportait un droit de
prise d'eau sur la Medjerda; le volume élevé atteint 150 litres à la
seconde et arrose près de 1300 hectares. La canalisation est faite en
ciment armé et la distribution de feau se fait par étendue de un
hectare ou d'un demi-hectare. Une partie du vignoble, les cultures
fourragères, les champs de betterave, mais, sorgho, lu/.(M'tie, etc.,
sont ainsi iirigués. En bordure de la rivière existe nn beau verger
contenant des orangers, mandariniers, grenadiers, abricotiers, co-
gnassiers ; parmi les arbres qui clôturent les prairies et bordent des
cliemins, les principales essences soni : le li-rnc, facacia, reucaly|t-
tus, le mimosa, le peuplier, le faux-poiviicr.
Ce domaine, admirablement dirigé par M. Dnpré, fondé de pou-
voirs de la Société Franco-Ah-icaine, alirite une ixipulalion de 80
européens (dont 20 français), et 2.000 indigènes; il iidurrit aimuelle-
— 221 —
ment plus de 0.000 bétes, cliovaiix, rnnlets, brr-ufs, fhameaux,
moutons, chèvres et ânes. M. Du|)n' a obtenu, par rroisement des
vaches de Guehna avec un zébu pur sanj^- de (>)!ombo, de superbes
produits, très supérieurs, en tous points, à la race indigène.
En 1898, la Société Franco-Africaine passait, avec la Direction de
l'Agricultm'e et du Commerce, une convention j)ai- laquelle elle
s'engageait à recevoir sur ses domaines de Sidi-Tabet et de l'Enfida,
des stagiaires désignés par le Directeur de l'Agriculture. Nous avons
déjà parlé de l'institution des stages; nous n'ajouterons à ce que
nous avons dit, rpie quelques renseignements concernant spécia-
lement Sidi-Tabet, louniis par un rapport de M. Bœuf, professeur
à l'Ecole coloniale d'Agriculture de Tunis.
« Le domaine de Sidi-Tabet, par sa situation, son étendue et sur-
tout par la variété des ojjérations agricoles qu'il réalise, constitue un
remarquable champ d'études pour des jeunes gens qui désirent
acquérir, en peu de temps, l'instruction agricole nécessaire à leur
installation.
« La culture des céréales, des fourrages, la vigne, la vinification,
l'irrigation, la production et l'amélioration des races clievaline, mu-
lassière, bovine et ovine, la location des terres aux indigènes, sont
autant de sujets qui peuvent être étudiés à Sidi-Tabet. Ils représen-
tent l'ensemble à peu près complet (culture de l'olivier exceptée),
des questions agricoles intéressant le Nord de l'Afrique. Les travaux
généraux d'installation, d'agrandissement, de transformation, l'en-
tretien d'un matériel important et de vastes constructions, fournis-
sent également aux stagiaires de nombreuses occasions d'études et
d'utiles observations. »
Cependant, M. Bœuf le constate, malgré ces conditions exception-
nelles réunies en im seul point, l'institution n'a pas procuré jusqu'à
présent, à Sidi-Tabet, tous les résultats que l'Administration tuni-
sienne était en droit (\\n\ attendre. L'enseignement donné aux sta-
giaires, tant comme connaissances générales que comme pratique
agricole, est insuffisant, et le fait cpie ces jeunes gens ne sont astreints
à aucun travail elTectif, qu'il ne peut être rendu compte de leur
assiduité, qu'aucune sanction ne s'aj^plique au progrès de leur ins-
truction, a provoqué certaines critiques qui ne nous paraissent pas
exagérées.
De 1898 à 1905, le nombre des jeunes gens admis à accomplir un
stage à Sidi-Tabet a été de 97 dont iO sortant d'Ecoles d'Agriculture.
— 222 —
Sur ce chiffre, 35 élèves se sont installés en Tunisie ; six en Algérie ;
trois aux Colonies; un à l'étranger; deux sont entrés en France, dans
l'Administration des Eaux et Forêts ; neuf ont continué leur stage
chez divers colons : cinq sont encore stagiaires à Sidi-Tabet. Les
autres, soit 36 stagiaires, ont abandonné leurs études. La Tunisie
n'a conservé, Sur 97 élèves agriculteurs, que 49 colons ou luturs
colons ; par conséquent le déchet est, à peu près, de 50 o/o. On trou-
vera peut-être que c'est beaucoup.
La Sébala. — Plaine située à 16 kilomètres de Tunis, sur la rive
gauche de la Medjerda, entre cette rivière, le djebel Ahmar et lu
mer. Formée par les alkivions des bras de la Medjerda, elle est
humide en hiver, desséchée en été ; elle subit aussi les déborde-
ments de la rivière qui lui causent de sérieux dégâts à chaque crue.
La Sébala se trouve à la sortie d'un col assez resserré et forme
comme une oasis ; il y existe huit petites sources de bonne eau ; la
nappe souterraine est à une profondeur variant de 3 à 6 mètres.
Quelques indigènes aisés sont installés sur ce territoire; ils culti-
vent d'après la méthode française, des espaces de 500 à 600 hecta-
res, et ils habitent, non des gourbis, mais de véritables fermes. Les
Italiens y sont nombreux, enclavés dans les propriétés arabes.
Quatre familles siciliennes ne sont associées pour prendre àenzel,
près de Protville, une ferme de 200 hectares, à raison de 500 francs
l'hectare en plaine et de 300 francs l'hectare en coteaux. Le travail
de la ferme est assuré par douze ouvriers agricoles, dont chacun reçoit
8(M) francs par an, et a droit à une part de fèves, un litre de vin par
jour et un logement. Le vignoble est beau; il donne un rondement
moyen de 80 à 100 hectolitres à l'hectare.
Dans cette région, quelques fermes françaises. A Bou-Halloufiu
où la route de Tunis à Bizerte coupe la Medjerda, et sur la limilc
même des deux Contrôles, M. Crété a créé le domaine de Protville,
(i25 kilomètres de Tunis), appartenant à une vSociété anonyme fondée
en KK)l au capital de 750.000 francs. La superficie de la propriété
est de LlOO hectares, dont 200 seulement sont situés sur le Caïdat de
Tébourba; les 900 autres hectares s'étendent de l'autre côté de la
Medjerda, sur le territoire du Contrôle de l?izerte.
Sur le domaine de Pr-otville on rencontre toutes les cultures: nii
vignoble de 180 hectares, irrigué parles eaux de la Medjerda au moyen
— 22: î -
d'un moteur à pétrole, produisant 150 hectos en moyenne à l'hectare;
400 hectares ensemencés en blé, orge et avoine (terres restant en
jachère l'année suivante) ; une luzerniôre irriguée de deux hectares ;
une olivette de 5 hectares ; une aspergière d'une vingtaine d'hectares ;
enfin quelques hectares partagés en pépinières et en cultures arbus-
lives et potagères. La valeur moyenne de l'hectare de terre, à Prot-
ville, est de 300 francs.
La Direction de l'Agriculture a l'intention d'installer sur ce point,
près de Fondouk-el-Kantara, un petit village industriel, où des ou-
vriers agricoles, un charron, un forgeron, etc., pourront s'établir.
Dans ce but elle demande à M. Crété de lui vendre, on bordure de
la route de Bizerte, 7 ou 8 hectares de terres qui seraient immédia-
tement allotisetmis en vente; on a prévu, au milieu du futur village,
la construction d'une école.
A Fondouk-el-Kantara subsiste un magnifique pont romain qui a
été restauré et dont les dimensions sont de 90 mètres sur 3 m. 50.
Galâat-el-Andeleus. — A l'extrême pointe nord du caïdat de
Tébourba, à 15 kilomètres de la Sébéla, de l'autre côté des garaa
Sidi-bou-Hanèche et Bou-Ammar, entre l'embouchure de la Medjerda
et la mer, le village de Galàat-el-Andeleus émerge d'une plaine maré-
cageuse entourée de bois d'oliviers. Il est construit sur les anciens
Castra Corneliana, position militaire dominante à l'extrémité nord
de la plaine de Bagradas, presque continuellement occupée par les
généraux romains pendant leurs luttes avec Utique et Carthage.
Ce village, réédifié par les émigrés venus d'Espagne dont les des-
cendants l'habitent encore, comprend une quarantaine de familles.
Les maisons sont construites en maçonnerie et en pisé, et quelques
intérieurs sont plaqués de faïences du type hispano-mavu'esque.
Les habitants de Galàat-el-Andeleus ont vécu, pendant longtemps,
l'etirés et concentrés en dehors des autres populations du Nord do la
Régence. Il faut attribuer cette particularité à l'isolement dans lequel
ils étaient contraints par les marais qui les entourent. Depuis que
les chemins ont été aménagés, ces gens ont un peu rompu avec leurs
habitudes de sauvagerie nati\;e.
Cette population est intéressante, laborieuse, économe; olU^ forme
d'excellents agriculteurs, de bons maraîchers qui, pour la plupart
vivent dans l'aisance. Un certain nombre de familles de ce peuple-
— 224 —
ment resté homogène, trop à l'étroit dans leur presqu'île submergée
pendant lliiver. émigrent, s'en vont en dehors de leur territoire louer
des terres de cultures notamment sur les domaines d'Utique et d'El-
Aousdja; ils produisent des céréales, du maïs, du sorgho, de l'aïl,
des tomates, des pastèques, des melons, et ils élèvent des chèvres.
Un fait est à noter : jamais une famille ne s'en va seule de Galaat-el-
Andeleus; c'est quatre ou cinq jeunes ménages qui, en même temps,
quittent le village natal — parcelle se détachant du bloc — pour aller
ensemble, sans émiettement, s'établir sur un autre point où se forme
un nouveau groupe homogène dont les membres restent unis par
les habitudes et les mœurs. Nous avons observé le même phéno-
mène d'essaimage compact dans les villages français et espagnols,
dits « régionaux » d'Aloérie.
-o"
^0 — Région Xord-Ouest du Caïdal de Tébourba
Chaouat. — La réi-ion de Chaouat, située à 13 kilomètres de
Tébourba, sur la ligne de Bizerte, est limitée au Nord par la sebkha
^labtouha, à l'Est et au Sud par la Medjerda, à l'Ouest parles djebels
Sakkak et Kantouria. Terrains d'alluvion de première qualité; il n'y
existe pas de source, mais la nappe souterraine est abondante et
fournit de bonne eau à trois mètres de pi'ofondeur. Terres propres à
la culture des céréales; pâturages vigoureux, permettant l'élevage
du mouton pendant toute l'année.
Trois domaines français de '250, 300 et 1.000 hectares. A 7 kilomè-
tres de Chaouat, domaine français de Bou-Hadida (3(X) hectares).
Sldl-Athman. A '.> kilomètres de Cliaoual, aux environs de
la halte de Sidi Athman, quelques fermes françaises aux lieux dils
Terglesch, Aïn-Rhellal et Selma (partie sur le Caidat de Tébourba,
partie sur le Caidat de Mateur dépendant du Contrôle civil de lîizerte.)
Ce dernier domaine, 5:20 hectares, compte 250 hectares de céréa-
les, 25 hectares de vignes et 10 hectares consacrés à la production
des fourrages artificiels.
« Lhencliir S(>liiia, (''ci'ivait M. Ficiu-y du ."^crl. en l!Kt2, est lui par-
fait exemple de ce que peut faii'e en peu de temps un pro|)riétaire
qui appi'ofondit par lui-même les problèmes si divers de l'agricul-
ture tunisienne, les applique avec persévérance et d'après un pro-
— ^yr. —
gramme mûrement étudié. 11 y a deux ans, J'iiencliir Selma était un
vaste jujubier : c'est aujourd'hui ini domaine complet où se trouve
tout, et où tout est à sa place. »
Le propriétaire de Selma, M. de Bouvier, est allé en Espagne étu-
dier sur place la culture du caroubier. Il en est revenu avec la con-
viction (}ue cet arbre était appelé à rendre les plus grands services
pourvu qu'il fût bien cultivé. Aussi a-t-il planté, dès .son retour en
Tunisie, 500 caroubiers qui s'augmentent chaque année de liOO à 40(J
sujets nouveaux. Ce propriétaire sait que si la province africaine fut
autrefois le grenier de Rome, elle en fut aussi le verger. Malheu-
reusement les imitateurs de M. de Bouvier sont rares en Tunisie.
Sebguine. — L'iiencljir Sebguine, 700 hectares environ, situé
près de Sidi-Athman, à IÎ8 kilomètres de Tunis, 15 de Tébourba, 27
kilomètres de Mateur, a été cédé par les habous à la Direction de
l'Agriculture qui l'a divisé en 7 lots, livrés à la colonisation en 1901-
loœ.
Deu.x de ces lots n'ont pas 50 hectares; quatre lots ont de 60 à 80
hectares ; un lot atteint 162 hectares. Le prix de vente a été, en
moyenne, de 75 francs l'hectare.
Sebguine se trouve dans une vallée entourée de collines et traversée
par un oued alimenté par des sources permanentes ; l'une d'elles a
été captée et aménagée en abreuvoir. L'eau est potable, mais légère-
ment magnésienne ; la nappe se rencontre de 5 à 6 mètres. Dans la
partie basse, le terrain est formé de dépôts lacustres, argileux et
parfois sablonneux ; les argiles jaunes et rouges constituent les colli-
nes où l'herbe abonde : céréales, cultures fourragères un peu de
vigne. Terrains très propices à l'élevage. Moyenne des pluies : 550
millimètres.
Bordj-Touta. — Centre agricole à 6 kilomètres de Tébourba
(Nord-Ouest), établi sur un domaine cédé à l'Etat parles Habous en
1894.
L'espace livré à la colonisation pai' la Direction de l'Agrioultun».
forme une vaste plaine, légèrement relevée à sa partie Est et à sa
partie Sud, où elle se relie aux coteaux de Schuiggi. La partie mon-
tagneuse connue sous le nom de djebel Deman-Essedra, est réservée
par l'Etat; elle contient de la pierre et des plàtrières; elle est recou-
— 2-iG —
verte de broussailles formant un pâturage où les acquéreurs des lots
de la plaine peuvent conduire leurs troupeaux moyennant de faibles
redevances. Plusieurs puits existent sur la propriété ; l'eau est de
bonne qualité; la profondeur varie de 10 à 15 mètres. Moyenne des
pluies : 500 millimètres.
La vallée, de 4 kilomètres de large, est fermée au Sud par les co-
teaux de Tébourba, au Nord par des montagnes assez élevées, con-
treforts d'El-AnSfirine, qui descendent en pentes abruptes, parfois
danç^ereuses, dans la plaine ondulée. Les mamelons, composés de
calcaires légers sont propres à la culture de la vigne et de l'aman-
dier; ils sont assez fertiles pour produire les céréales nécessaires aux
besoins de l'exploitation des colons. Dans la partie la plus belle de
l'hencliir, les terres argilo-calcaires sont excellentes pour les céréales.
A l'Ouest, le terrain est favorable à la culture de l'avoine et des fèves.
En établissant des barrages sur les oueds Haouia et Dzellam, qui ne
tarissent jamais, on obtiendrait de beaux résultats par la culture des
primeurs. Ces terres ont peu d'humus, ayant été lavées par les eaux
il est donc nécessaire de les fumer abondamment.
La partie montagneuse, d'une superficie de i.700 hectares envi-
ron, forme un haut plateau d'une structure tourmentée. Les eaux,
emprisonnées se sont, en maints endroits, frayé une issue à travers
la montagne et descendent vers la plaine par des crevasses profondes
souvent de 60 à 80 mètres. La nature a formé là un réservoir natu-
rel qui, au moyen de travaux faciles, pourrait fournir l'eau dirriga-
tion nécessaire ta toute la plaine. On y voit les ruines d'un pont ro-
main et d'un aqueduc. Cinq douars sont disséminés au pied de la
montagne.
Liienchir Bordj-Touta a été divisé en une trentaine de lots : 'il lots
de l.'i à 50 hectares; 8 de 50 à 98 hectares. Ils ont été vendus en
moyenne 275 francs l'hectare. La colonisation française n'a obtenu,
jusqu'alors, sur ce point que des résultats médiocres.
C'est à Bordj-Touta que l'Administration (il un premier essai de
défrichement par la main-d'œuvre pénitentiaire indigène.
En 1895, le Gouvernement tunisien envoyait à Bordj-Touta, "200
prisonniers indigènes, afin de faire défricher la propriété (jue pos-
sédait le Domaine en cet endroit. Le chantier s'installa sous la sur-
veillance de 18 gardiens, et fonctionna avec un elTectif variable sui-
— 9'->7 —
vaut les entrées el les libérations, oscillant entre !.")() et 'l'IO dé-
tenus.
Le débroussaillement, le drainage des eaux, le redressement et
l'empierrement des chemins, le dég^agement et la taille des oliviers
sauvages conservés comme susceptibles d'être grelfés, la construc-
tion des ponceaux, le forage des puits, etc., durèrent dix-huit mois,
pendant lesquels 420 hectares seulement lurent nettoyés et mis en
valeur. Les résultats, par suite de circonstances diverses, ne lurent
donc pas brillants. On avait calcuh' que le défrichement reviendrait
à 108 francs l'hectare ; l'hectare de défrichement coûta .'3(J0 Irancs,
et cependant, les terres furent cédées aux colons, en moyenne, à 275
francs l'iiectare.
Ce n'est certes pas une raison de condamner le système qui, sur
d'autres points, — ainsi que nous le verrons plus tard — donna de
superbes résultats. Il s'agit simplement de changer la méthode, et
c'est ce que l'Administration n'a pas manqué de faire.
Schuiggui. — Le domaine de Schuiggui, créé en 1885, est
situé à 40 kilomètres de Tunis et à 8 kilomètres de ïébourba, à une
altitude de 100 mètres. Il est bâti sur les ruines de Thula, ancienne
ville romaine, et de nombreuses citernes servent de caves à la ferme.
Toutes les pierres ayant un caractère historique, telles que débris
de statues, pierres avec inscriptions, pierres à pressoirs, colonnades
sont exposées et conservées au bordj. On peut voir également une
mosaïque au centre de l'exploitation.
Les environs de Schuiggui sont accidentés. A l'Ouest de ce centre,
se dresse une chaîne de montagnes qui le sépare de la vallée fertile
de l'oued Tine; au Nord, les terres en friches, mamelonnées, ravi-
nées sont hérissées d'aubépines, de chênes nains, de jujubiers et de
figuiers de Barbarie, sur une altitude moyenne de 130 mètres ; au
Sud et à l'Est, s'étend la grande plaine de Tébourba.
Trois puits romains subsistent à Schuiggui et paraissent intarissa-
bles ; sur l'un d'eux a été aménagé une triple traction — aermotor,
noria et pompe à vapeur — destinée h desservir le domaine et les
douars environnants. Les deux autres constituent une réserve à
laquelle, grâce à l'abondance du premier, on n'a pas souvent besoin
de recourir. Deux sources se trouvent également sur la propriété.
Ce domaine, qui appartient à la a Société immobilière de Schuig-
— 228 —
gui » dont M. Paul Leroy-Beaulieu est l'administrateur délégué, a
une superficie de 3.000 hectares environ, dont 1,300 défrichés. L'orge
et l'avoine y viennent bien ; le blé donne des rendements médiocres;
400 hectares de vignes produisent en moyenne 19.000 hectotitres de
vins rouges, blancs et muscats (45 hectolitres à l'hectare); le vin
rouge sert surtout aux coupages. Le troupeau compte 700 moutons,
175 bêtes à cornes, 75 chevaux, juments et mulets.
Les travaux agricoles sont assurés par la main-d'œuvre indigène
— dont un certain nombre de noirs (jui ont formé un véritable vil-
lage nègre — et par la main-d'œuvre italienne, au total 150 ou-
vriers.
Autour de Schuiggui, petite colonisation sicilienne; un peu plus
loin, sur la route de Tébourba à Mateur, VEpargne Foncière, Société
anonyme coopérative de prévoyance dont le siège est à Paris, pos-
sède un domaine de 580 hectares, dit Gousset-el-Bey. Acquis par
cette Société en 1896, il était alors entièrement couvert de brous-
sailles ; actuellement, grâce à son régisseur, M. Platel, praticien con-
sommé, le domaine est en grande partie défriché. Les céréales :
tuzelle, blé dur, orge et avoine donnent de bons rendements : les
fèves, le sulla, la luzerne viennent très bien.
Le troupeau comprend 50 bovins, 200 moutons et 220 porcs ; ces
cochons, lâchés dans les parties montagneuses, y trouvent toute leur
nourriture. Fait à noter, les indigènes ne les inquiètent pas et ne se
plaignent pas de leur voisinage.
Le vignoble atteint 50 hectares et doit arriver à en recouvrir 150;
aussi continue-t-on de défricher avec ardeur. Le défrichement d'un
hectare, au moyen de la main-d'œuvre nègre, coûte 180 francs.
A Schuiggui, école mixte de 28 élèves : 19 garçons (18 italiens et
1 arabe); 9 filles (1 française et 8 italiennes).
3° Région Sud du Caïdal de Tébourba
Saint-Cyprien. — En signalant, dans la monographie de Souk-el-
Arba, le système de colonisation pratiqué par M. Jules Saurin, gérant
de la « Société des Fermes Françaises eu Tunisie », nous avons cons-
taté la réussite de l'œuvre tant au Munchar (Gaidat de Béjà), qu'à
Sainl-Cyprien (Caïdat de Tébourba).
i
— 229 —
Le domaine que la Sociélé possède à SainL-Cyprieii est de 1.0'iô
hectares, divisé en lots de 40 à 00 hectares. Douze métayers y sont
actuellement installés. La superficie totale cultivée annuellement par
ces colons français, est de 500 hectares en céréales et de 1(X) hec-
tares en vigne. Chaque année partent des métayers qui, ayant achevé
leur apprentissage et ramassé un pécule suffisant, s'en vont plus loin,
sur un autre coin du bled tunisien, s'établir à leur compte. Ils font
de bons agriculteurs très pratiques et sont remplacés dans leurs an-
ciennes métairies par de nouveaux cultivateurs français.
Saint-Gyprien est situé à 16 kilomètres de Tunis, à 8 kilomètres
sud-est de Tébourba, sur la route de Tunis au Kef. Quelques pro-
priétés françaises près du domaine de M. Saurin. Ecole mixte : 15
élèves, 0 garçons, (dont 4 français, 2 italiens, '2 maltais), et 6 filles,
(dont 4 françaises et 2 italiennes).
Bordj-el-Amrl. — Situé à 20 kilomètres de Tunis, sur la route
du Kef, le centre de Bordj-el-Amri permet de se rendre compte des
progrès de la colonisation italienne pendant ces dernières années.
Elle s'y étale en tout son plein sur un domaine de 3.2(X) hectares,
acheté à un Français par une société italienne, moyennant un enzel
de 13.000 francs, rachetablepour 200.000 dans une période de quinze
ans. Deux tiers de la propriété sont mamelonnés et recouverts de
romarin; l'autre tiers occupe la plaine. Les terres en général, sont pro-
pres à la culture de la vigne.
Une partie du domaine est exploitée directement par la Société,
l'autre est offerte en location ou à enzel. Au début, on prenait des
khammès italiens au cinquième, mais on renonça bientôt à ce sys-
tème qui donna de piètres résultats.
Pour le logement des paysans siciliens, on a utilisé un vieux fon-
douk arabe auquel on a ajouté un hangar couvert pouvant abriter une
douzaine de familles. Ces pauvres gens sont littéralement parqués en
une promiscuité lamentable. D'autres campent dans de mauvaises
cahutes en planches, mal jointes au moyen de débris de caisses à pé-
trole; ils couchent sur la terre battue. Les propriétaires usent à ren-
contre de ces ouvriers agricoles, des procédés chers aux []abcIloli
des grands domaines de Sicile; aussi les malheureux dépaysés, dé-
primés par la misère, conservent-ils une attitude de farouche sauva-
La TuNisiK DU Noni) i6
— 230 -
gerie vis-à-vis de qui vient les visiter. Le spectacle est réellement
attristant.
Dans un fort beau livre, d'une documentation serrée qui a exigé
une somme de travail énorme : « Le peuplement italien en Tunisie et
en Algérie » M. Gastion Loth, professeur d'iiistoire et de géographie
au Lycée de Tunis ^^', nous fournit des renseignements du plus haut
intérêt sur la colonisation sicilienne en Tunisie. Nous nous réservons
de revenir plus amplement sur cette étude parfaite, à la fm de Lt
monographie du Contrôle de Tunis, mais dès à présent nous emprun-
tons à M. Loth, quelques renseignements sur le peuplement et la
colonisation de Bordj-el-Amri.
La population totale du centre s'élève à 400 personnes environ,
enfants compris. C-ertains petits paysans siciliens reçoivent chacun
une ou plusieurs parcelles de 3 hectares 33 ares à complantei' en vi-
gnes. La durée du contrat qui les lie à la société est de 20 ans; pour
chacune des quatre premières années, ils paient une location de 75
francs, portée à 100 francs pour les années suivantes. Au bout de "20
ans, les propriétaires reprennent leur domaine sans que les fermiers
reçoivent la moindre compensation. Un certain nombre de lots de 2
à iO hectares, sont également cédés à des petits colons moyennant
une rente d'enzel de 18 francs par hectare, payable seulement à par-
tir de la cinquième année. Il est enfin une troisième catégorie de
tenanciers qui prennent à charge une superficie de 10 hectares au
moins ; ils doivent planter en vigne tout ce terrain qui est partagé, au
bout de quatre ans, par moitié entre le propriétaire et le colon; ce
dernier doit, en outre, payer un enzel lixé d'avance. Enzelistes et fer-
miers sont libres de travailler connue journaliers, moyennant 1 l'r. 50
par jour et par honnne, sur la partie du domaine dii'ectemcnt culti-
tivée par les propriétaires. Avant peu de temps, 1.000 hectares de
vignes auront été plantés par ce système, sur \c domaine.
« Les contrats sont élablis d'une l'arou assez draconuienne, écrit
M. Lotli, puisque des quatre-vingts familles a|»pelées lout d'abord à
résider sur le domaine, quarante ont été renvoyées d'un seul coup.
11 paraît même <|ue trois ou (juatre familles seulement se sont rési-
gnées en lin de compte, à accepter les condilidiis et combinaisons
flivei'ses imposées |)ai' la Société. Les lauiillrs de colous liabilanl ac-
(I) .Maiiiteiiaiil clirucleur du Colli'gc Alamii. :i liin
- 2M1 —
tiiellemoiil. lîoidj-cl-Ainci coiisliliiciil, doin- une noiivollc sourlic <lim-
init'ranls, succl'<I;iiiL iï bref iiiLervalh; ;"i «les travaillciiis (hjiil l'd'iivic
a élé siH'loiit prolilablc aux possesseurs du sol.
« En déduction des avances qu'ils fournissent aux colons pendant
les ((uatn^s premières armées, les propriétaires ont des bénéfices im-
médiats provenant de la vente de lèves et de blé; ils ont en outre
l'avantage d'une main-crd'uvre aussi peu coûteuse que possible. Tou-
tes les familles de paysans ti'aiisphmt('es à i)Ordj-el-Amri paraissent
être à la discrélion absolue des pri)piiétaires, non seulement par la
nature même de leurs contrats, mais parce qu'elles ne sont nullement
i^aranties vis-à-vis des revendications du crédit eir/eliste, c'est-à-dire
du Français auquel est due la rente annuelle, (ju'une catastroplie sur-
vienne amenant la dissolution de la Société italienne, que la rente
cesse d'être payée à l'ancien propriétaire, et ce derniei" — en vertu
des droits tunisiens — lait vendre purement et simplement sa terre
sans être tenu en aucune façon de respecter les engagements pris vis-
à-vis des petits fermiers et colons partiaires, sans avoir à se préoccu-
per du règlement des avances faites pendant les premières îumées,
des habitations construites, des plantations effectuées.
« Mais c'est là le moindre danger qui menace cette petite colonisa-
tion de 13ordj-el-Amri. Le véritable péril réside précisément dans le
système d'avances org;misé |)ar le propiiétaire, dans l'obligation im-
posée aux colons d'acheter à la cantine du domaine tous les objets
nécessaires à la vie, depuis le pain jusqu'aux habits ; quand on connaît
les mœurs siciliennes ou tunisiennes, on sait ce qu'il advient ordinai-
rement en pareil cas. Le paysan rongé par l'usure, travaille pour le
plus grand profit du maître. Etroitement tenu sous la dépendance de
celui qui lui fournit les semences ou l'argent nécessaire à son instal-
lation, il reste en Tunisie aussi misérable qu'en Sicile.
« . . . Le système inauguré à Bordj-el-Amri est incompatible avec
l'amélioration du sort des ti-availleurs ruraux. F.es choses se passent,
sur ce domaine, comme en Sicile, quand il y a plusieurs coïnléressés
dans une même propriété : on exploite lliomme. »
Hafsla-Trapani. — Une autre Société, constituée par un bijoutier
de Trapaiii, a fait ac([uisition d'un domaine de 700 hectares situé
près de Bordj-el-Amri, et désigné sous le nom de Ïlafsia-Trapani.
Comme pour les achats précédents, il s'agit ici dini c(mtral dVnzel
avec annuité de i.HOO b'ancs. Après un essai malheureux, la Société
renonçant au morcellement au prolit de petits colons, s'est contentée
d'administrer directement la propriété, où elle possède un vignoble
de .")[ hectares, des cliainits de céréales et des terrains de parcours
pour son bétail.
— 232 —
Massicault. — La colonisation italienne semblait vouloir s'empa-
rer de toute cette partie du pays; la tâche d'huile s'élargissait chaque
jour, et bientôt Textrêmité Sud-Ouest du Contrôle de Tunis aurait
été transformée en un canton de Sicile. La Direction de l'Agriculture
arrêta net cet envahissement, en achetant, près de là, aux habous,
plusieurs propriétés dites henchirs El-Alouine, La Campagne, Ech-
ChadUj, Zakaria,Mengouh etPaolo, d'une contenance totale de7. 149
hectares, se décomposant ainsi :
Alouine 1 . CiOO hectares
La Campagne 1 . 52 1 »
Ech-Chadly 200 »
Zakaria 200 »
^lengoub 2.(100 »
Paolo 1.028 »
L'henchir Paolo est situé dans le Contrôle de Béja, Caïdat de Med-
jez-el-P)ab ; les autres henchirs se trouvent sur le territoire du Caï-
dat de Tébourba. A l'heure actuelle, trente-trois colons français sont
établis sur ces propriétés domaniales :
Henchir Alouine: 10 colons sur 1 .530 hectares
» Ech-Chadly : 2 » sur 195 »
» La Campagne: 9 \ , ^^^ »
„ , . , sur 1 .590
» Zakaria : 1 / »
» Mengoub: 8 >> sur 1.280 »
A) Paolo : 3 )) sur 780 »
Soit trente colons français sur le Caidat de Tébourba occupant en-
semble 4.595 hectares, et trois colons dans le Caïdat de j\Iedjez-el-
Bab occupant 780 hectares.
L'altitude des terres varie de 00 à 200 mèti'os; la phis grande par-
tie est argilo-calcaire, de consistance moyenne. Dans la plaine, la
couche arable est très profonde, assez argileuse, tandis que sur les
coteaux elle moins épaisse, plus calcaire, et d'une compacité beau-
coup moindre. Les terres de plaine sont estimées à 200 francs l'Iiec-
tare en moyemie ; celles des coteaux valent del{()àr)0 francs l'Iiecla-
re. Cultin'(;s : blé, avoine, orge, fève, luiiiiiigcs, vigne. LIevage :
bd'iirs, clicvaiix, niiilcls, abeilles. L'eau S(^ trouve de l.'Jà 25 mètres.
- 2:;:? —
Elle est îj;énéralcment poUibIc. Gcpoiidarit l'Admiiiistralioii conseille
aux acquéreurs de prévoir la construction d'une citerne.
Il ne se trouve dans la région ni marais, ni oueds ; toutefois un pe-
tit étang' siti'é à peu de distance .'lu Sud de la route de Tunis au
Kef, à peu près à hauteur de lîir-el-Youdi (lienchir Kl-Alouine), doit
être desséché.
La Direction de l'Agriculture a pensé que l'établissement d'un vil-
lage français destiné à devenirà la lois le chef-lieu des fermes vendues
par l'Etat des groupements italiens voisins, s'imposait en ce point.
Aussi a-t-elle procédé récemment à l'allotissement d'un centre indus-
triel avec école et bureau de poste, situé à l'extrémité nord-est du
territoire domanial d'El-Alouine. Ce village, qui a reçu le nom de
Massicault, situé sur la route de Tunis au Kef, a été divisé en
soixante-quatre lots urbains, de 8 à 85 ares; un seul lot de i hectares
55 ares a été réservé pour la place publi({ue.
Ces lots vont être mis en A'ente, mais l'école — depuis longtemps
demandée par les Italiens de Bordj-el-Amri — fonctionne dès main-
tenant. Cette école est mixte et reçoit 59 élèves : !25 garçons, dont 3
Français et 22 Italiens ; 34 filles, dont 3 Françaises et 31 Italiennes.
Saint-Joseph d'El-Mahrine. — Le domaine de Saint- Joseph d'El-
Mahrine, constitué à grand renfort de réclame bien pensante et de
prospectus répandus à foison dans le monde clérical, appartient à une
Société, « L'Union Foncière de France ». Sa superficie totale, y com-
pris les henchirs i);>r5i elKoiissat, estde 1.500 hectares environ.
El-Mahrine est situé à 0 kilomètres de Tébourba, sur la route re-
liant cette dernière localité à Bordj-el-Amri.
Le sol arable est constitué par des limons rouges de consistance
moyenne dans la partie plane ; un tiers de la propriété contient des
affleurements de grès et des parties ravinées incultivables.
160 hectares sont complantésen vignes; 200hectares en amandiers;
300 hectares sont consacrés aux céréales et aux fourrages.
L'exploitation du domaine occupe une centaine de travailleurs :
trois Français, une trentaine d'Italiens, environ soixante indigènes,
Arabes et Nègres.
Bordj-Touni. — Centre agricole, à 51 kilomètres de Tunis, sur
la ligne du chemin de fer d'Algérie. Aux environs, (juehiues pro-
— 234 —
priétés franraises, des carrières de pierres et déplâtre. Citons les
domaines de Toiuujar et de SouiUiia. Le premier à une contenance
de i.800 hectares, 1.350 hectares en céréales, 150 hectares en pâtu-
rages, '20 hectares en vignes; olivette, verger^ culture maraîchère.
Le second appartient à la « Société de Colonisation Franco-Tunisien-
ne » : 030 hectares, dont une partie irriguée par Teau d'une source
jadis captée par les Romains; oliviers, caroubiers, céréales, culture
maraîchère.
BoTclj-Toumi [Cinsarisj, se trouve au pied de la montagne deLan-
sarine ; on y voit de nombreuses ruines, surtout dans les pâturages
de Toungar : vestiges de villas, colonnes, chapitaux, bains très bien
conservés. Cinsaris était alimenté par les eaux de Lansarine ame-
nées par une canalisation semblable à celle de lliuhurho-Miuus et
de Thula.
La Colonie agricole indigène de Lansarine. — En 1001, le pré-
sident de l'Administration des Habous provoquait la formation d'un
Comité franco-tunisien afin d'étudier le projet de création d'une co-
lonie agricole indigène. Aussitôt constitué, le Comité élabora des
statuts, qui, la même année, reçurent l'approbation du Gouvernement
tunisien.
L'œuvre philanthropique au premier clief, poursuivait un triple
but : i° assister par le travail des enfants indigènes moralement
* abandonnés ; 2» former de bons ouvriers agricoles pouvant être em-
ployés dans les fermes françaises ; 3° initier les enfants à tous les
travaux des champs d'après la méthode française, afin que ceux
d'entre eux qui, plus tard, seront appelés à cultiver pour leur pro-
pre compte, puissent apporter dans leur tribu et introduire dans
leurs cultures les procédés d'exploitation rationnelle.
Le projet fut d'abord accueilH par le pultlic avec un tantinet <\c
scepticisme, et il fallut la ténacité du (Gouvernement Tunisien et l'ha-
bileté <le j\L l'Inspecteur Minangoin — (jui a été la cheville ouvrière
de l'institution — pour que l'œuvre ne fut pas tuée dans l'a-ul.
« Présentement, disait avec logique M. Minangoin, d;nis un gi-and
nombre d'exploitations agricoles européennes, on est obligé d'avoir
recours à la main-d'œuvre étrangère, et plus particulièi-ement ita-
lienne, pour certains ti'avaux (|ui ne peuvent èti'e exécutés par les
ouvi'iers indigènes, notamment la plantation, la taille et l'entretien
- '2:^:^ -
<le la vii^iie, la ciilliire maraîclioi'c, (!l<;. Il ow osl rie irKMiic pour la
coïKliiikî fk's iiisiriuiiciils a^i-icoles perrecUoimés tels ([uo loc(jrnol)i-
ies, batteuses, moissonneuses, faucheuses, comme aussi pour ren-
ti-etien du iiiatéi'i(!l de la rorrne et les sr)iiis ciilciidus à donner aux
animaux.
« On peut cependant constater dans «[uolques exploitations françai-
ses ([ue les indigV'nes, après un certain temps d'apprentissage, s'assi-
milent suriisamnicnt l'usai^e des instiiunents perlectiomiés fie culture
européenne i)oin- pouvoir, avantageusement pour le propriétaire,
remplacer la main-d'œuvre italienne.
(( En effet, outre que ces ouvriers indigènes exécutent aussi bien
le travail, ils se contentent de salaires de 1 fr. 50 à 2 francs par jour,
alors que les Italiens exigent de !2 fr. 50 à 3 fr. 50. De plus, les indi-
gènes n'ont pas les mêmes exigences au point de vue du logement,
des heures de travail et des jours de repos. Enfin., ces ouvriers indi-
gènes, en raison de leurs connaissances acquises de la cidture euro-
péenne, et des salaires qu'elle leur procure, se sont attachés à ces
exploitations, y sont fixés eux et leurs familles, contribuant ainsi à la
prospérité générale du pays, alors que l'ouvrier italien, n'étant appe-
lé que pour certains travaux déterminés, ne s'attaclie pas à la pro-
priété sur laquelle il vit temporairement et ne poursuit qu'un but,
celui de réaliser le plus possible d'économies pour les envoyer dans
son pays d'origine. Il y a de plus à considérer que le plus souvent le
propriétaire ne peut être fixé sur la moralité et les antécédents de
ces ouvriers roulants, tandis qu'avec les indigènes, il lui est toujours
possible, par la vvoie des autorités locales, d'être renseigné sur leur
moralité et leurs antécédents.
« Dans l'intérêt général de la Tunisie, il y a donc lieu de se préoc-
cuper de porter remède à cette situation aussitôt que possible, avant
que la main-d'œuvre italienne ne soit implantée d'une manière défi-
nitive dans le pays. »
il y eut bientôt un revirement dans l'opinion et le projet du Comité
put entrer en voie d'exécution. Une sousci'iption, destinée à recueil-
lir les sommes nécessaires à l'établissement de la colonie, futouverte
parmi les indigènes. La Djemaïa mettait à la disposition du Comité
une fort belle propriété, de l.()00 hectares, dont 800 en plaine et 8(K)
en montagne, désignée sous le nom d'henchir IMellaha, et située sur
le versant nord-ouest du djebel Lansnrine, à une vingtaine de kilo-
mètres de Tébourba. Ce domaine, borné au Nord et à l'Ouesl jiar
l'oued Tine, possède des terres de première qualité, argilo-calcaires
mais, en même temps, humifères, surtout sur K^s bords de l'oued
Tine: ce sont des terres à blé par excellence, lili-ant jusqu'à .')•',.
— 23(> —
d'acide pliosphoriqiie. Les montagnes contiennent beaucoup de cal-
caire et se couvrent, au printemps, de larges tàclies rougeàtres faites
de sulla naturel, véritable richesse pour Télevagé du mouton.
La plaine est entourée de collines, aussi toutes les pluies y sont-
elles naturellement conduites; il tombe, en moyenne, 700 '"/'",' d'eau
par an. L'été est chaud, l'hiver assez froid ; le pays très sain. Les
oueds Mellaha et Tine arrosent le domaine ; ils ne tarissent pas entiè-
rement Tété.
L'année 1902 fut consacrée à préparer l'organisation et le règle-
ment intérieur de la colonie,à déterminer l'emplacement et l'orientation
des bâtiments. Entin, le h'"' mai 1903, les constructions sortaient de
terre, et le P"" novembre de la même année, la colonie ouvrait ses
portes et recevait la première promotion.
La colonie est placée sur un petit plateau ; les bâtiments qui
constituent l'école avec ses dépendances, ont la forme d'un rectangle
de 70 mètres sur 1 i. Au centre de la cour, se trouve un vaste réser-
voir alimenté par un aermotor, installé en dehors des bâtiments, sur
un puits de 15 mètres de profondeur ; ce réservoir refoule l'eau dans
les diverses habitations où elle est nécessaire. La maison du directeur,
de style arabe, se trouve à une cinquantaine de mètres des bâtisses.
L'aspect général est celui d'une grande ferme de colons tunisiens.
Quarante élèves furent admis tout d'abord, mais c'étaient, pour la
plupart, des citadins peu liabitués aux travaux manuels. Ils quittèrent
la colonie et furent remplacés par d'autres plus familiarisés avec le
travail de la campagne. C'est ainsi (|u'à la suite d'une véritable sélec-
tion, on parvint à constituer un noyau d'une trentaine d'élèves qui
prirent goût à la culture et se firent remarquer par leur travail et
leur bonne conduite. Les demandes d'admissions affluent aujourd'hui,
surtout depuis qu'un décret dispense du service militaire les élèves
(|ui auront accompli leurs trois années de stage à l'Ecole en donnant
toute satisfaction aux maîtres chargés de leur surveillance et de Icmu-
enseignement.
Pour l'année lOOi, avec la seule main-d'iruvi-c d(>s (Mifanis, Lid
hectares ont été en partie débroussaillés et on! 1'(m ii un labour de
pi-intemps ; qiieNiues hectares ont été labourés deux lois. Cha(|ue
cliarrue, attelée de six bd'ufs et conduite par deux élèves, retournait
en moyenne 40 ares par Jour.
1.^200 arbres envoyés i)ar la Oiivclion de l'Agriculture, jilanli's
— '2:57 •
autour (les bâtiments, poussent avec vii;ueur; une pépinièrede ."{.(HH)
pieds (le vi|j;nes, comprenant les principaux cépaj^es de table et à vin
susceptibles de réussir en Tunisie, a été créé, de même fpi'un verf,'er
et un jardin [)()taL;er (|ui, convcnableinciit Iiuik'' cl ii-rii^n*'', foui'nit à la
colonie tous les légumes nécessaires.
Cette année (11)05), 1.000 éclats d'oliviers ont été plantés sur les
coteaux, et on a ensemencé 80 hectares de blé, .']0 hectares d'avoine,
\2 hectares d'orge, 13 hectares de légumineuses, dont 8 de lèves et
T) de poids chiches, 5 hectares de pommes de ter-re. La récolte de
ces divers produits a été bonne, très bonne même si on la compare
à celles obtenues aux environs de Tunis et de Tébourba. La surlace
cultivée ira naturellement en augmentant tous les ans, suivant les
ressources et les moyens d'action de la colonie.
Semblable résultat, atteint en moins de deux ans, est. remarquable
et fait honneur aux promoteurs de cette a'uvre de solidarité sociale,
11 était à craindre que les enfants, dont la plupart n'avaient jamais
tenu d'instruments aratoires, se rebutassent au premier abord : on
peut dire que maintenant le pli est pris et que le ti-avail manuel n'ef-
fraie pascesjeunes gens. Il est vrai que, pour les tenir en haleine, on
a soin de varier les occupations : la section qui va au labour le ma-
tin, travaille le soir au jardin, aux plantations, à l'arrosage, au sar-
clage, etc.
En dehors de ces travaux de plein air, les enfants reçoivent (|uel-
(jues notions de forge, menuiserie, charronage, bourrellerie, de
manière à être à même d'effectuer, chez eux ou dans les fermes,
les petites réparations ainsi que le montage et le démontage des
instruments.
Cet enseignement pratique est assuré par un personnel se com-
posant d'un directeur, deux chefs de culture français, deux proles-
seurs indigènes sortis de l'Ecole Coloniale d'Agriculture de Tunis.
Ces deux professeurs donnent, en arabe, des leçons d'agriculluic.
de viticulture, de mécanique agricole, de zootechnie. Des leçons de
français sont faites par les élèves munis de leur certificat d'étude, »|ui
enseignent sonmiairement leurs camarades illélrés. L'instruction est
complétée parle directtnn-, le coniniandanl en retraite Omar (lueliat\ ,
qui fait aux élèves des conlérences sur l'éducation morale et l'his-
toire.
L'instruction et le séjour à la colonie sont complètement gratuits.
- 238 —
saulpour quelques jeunes gens riclies, qui paient volontairement une
pension de 250 francs par an. Les élèves sont nourris, logés, chauflés
et habillés.
En mai dernier, M. d'Antlioiiard, Délégué à la Résidence Générale,
rapporta d'une visite à Lansarine une impression lavorable. Les
élèves semblent s'intéresser au travail, et la plupart d'entre eux,
entrés à l'école complètement illétrés, s'expriment en français de
façon compréliensible. M. d'Anthoûard recommande, à cet elTet, que
l'on s'efforce d'habituer les enfants à parler français entre eux, et
que l'on arrive à faire, en français, les cours de la 3c année.
Je vais toutefois, formuler de légères critiques, convaincn (]ue les
créateurs de Lansarine, dont j'admire l'œuvre, ne prendront pas en
mauvaise part de simples observations.
M. Omar Guellaty est un excellent directeur, mais il se souvient trop
qu'il fut brillant officier : il caporalise trop sa petite troupe, la fait trop
pivoter, en exige trop d'efforts. Il ne sagit point de défricher et de
mettre en valeur un beau domaine en plus ou moins de temps, mais'
d'instruire des jeunes enfants, de les éduqner, d'en faire de paisibles
cultivateurs et non des soldats laboureurs. Il faut que l'École soit
plus pastorale et moins militaire.
Six heures par jour de travail aux champs suffiraient largement.
L'excédent de travail manuel serait renq^lacé par deux heures d'en-
seignement théorique donné, non plus par un chef de culture, mais
par un professeur français, qui aurait la direction agricole de l'école.
Ce professeur pourrait spécialement pousser les élèves les plus labo-
rieux et les plus intelligents et préparer ces premiers sujets à l'examen
d'admission de l'École Coloniale d'Agriculture. <'*
La Direction de l'Agriculture pourrait égalemenl, à la sortie de
l'École Coloniale d'Agriculture, envoyer à Lansarine de jeunes sta-
giaires français, qui y acquièreraient plus de pratique, tout en se
familiarisant avec les indigènes. Lansarine deviendrait ainsi une sorle
(V Ecole cVapplication, dont les jeunes Français et les jeunes Tunisiens
retireraient de sérieux avantages. En 1905, un des bons élèves de
l'Ecole Coloniale d'Agriculture, M. Letord, a été envoyé en excursion
à Lansarine; il y est resté peu de temps, inais il a pu voir, cependant,
ce qui a été fait et ce qui devrait être fail diiiis la colonie. Les notes
(1) C'est chose l'aile aujouiil'liiii : nu jcuiii' agroiioini' Iraiiçai^ ('>>l adjoiiil .1 la iljirclii)ti di' I.aiisa
l'ine.
- 2;'.o —
qirU il ['é<lii^(k's sur le sujet sont ti'ès iiiléressaiites. On ne peut que
réliciter M. Lelord du consciencieux Inivail qu'il a l'oui-ïii à la
Direction de^ l'Agriculture.
11 serait bon d'adjoindre à l'Ecole une petite in(irmerie-ln)[)il;il, qui
serait tenue par un aide-médecin indigène sortant de l'hôpital Sadiki.
Cet aide-médecin aurait pour mission, non seulement de soigner les
malades, mais de l'aire; aux élèves des cours d'Iiygiène, de leur incul-
quer les premières notions de médecine usuelle et de propreté. Ce
serait une très minime dépense, et cela rendrait sûrement d'appré-
ciables services.
En résumé, les créateurs de Lansarine peuvent sans ci'ainte envi-
sager l'avenir : le succès est assuré. De bons laboureurs indigènes
sortiront de l'Ecole, et ;ivant peu, l'exploitation se sulfira à elle-même,
c'est-à-dire que les ressources provenant de la mise en valeur
progressive du domaine sulliront à l'alimentation des élèves et au
paiement du personnel.
CHAPITRE V
Caïdat de Zaghouan
Limites et aspect. — Le Caïdat de Zaghouan est borné : au Xord.
par le Caïdat de la banlieue de Tunis; à l'Ouest, par le Caïdat de Med-
jez-el-Bab ; au Sud, par les Contrôles de Maktar et de Kairouau ; à
l'Est, par les Contrôles de vSousse et de Crombalia.
Ce territoire, de 60 kilomètres de long sur à peu près autant de
large, possède des sites merveilleux, une salubrité incomparable due
à la régularité de son climat, et une belle fertilité due à l'abondance
de ses cours d'eau.
Ce pays n'a pas la sauvagerie de la Kroumirie, dont les brusques
soulèvements et les profondes déchirures sont parfois terrifiants:
c'est plus doux, moins heurté, plus hospitalier, mais le superbe mas-
sif du Zaghouan qui coupe la partie Sud du territoire et se prolonge
au delà du Bargou dans le Contrôle de ^laktar, est une région magni-
tique, en même temps boisée et nue, grande et intime. Il existe là de
délicieux vallonnements, des petits plateaux d'une fraîcheur inouie,
où le ruisselet couvert de lauriers-roses coule en tout temps, d'ado-
rables creux en des plis inconnus de montagnes, de sombres olivettes,
de clairs vergers, des jardins, des pâturages abondants. C'est d'unr
inimaginable grâce.
Et, cependant, ce territoire très étendu, le mieux arrosé de la Tu-
nisie, le mieux protégé contre les vents brillants du Sud, est peu peu-
plé. C'est à peine si 30.00(_) hectares sont annuellement cultivés, alors
que l'on pourrait en ensemencer le double. La plus grande étendue
du pays est restée la terre du pasteur : Iroj) jtcul-élre, car d'Iunoni-
brables troupeaux de chèvres dégradent la montagne, ruinent les
pentes du coteau, et si le Service des Forêts n'y met ordre, ce sera,
à bref délai, l'entière dévastation.
— 241 —
Les terres cultivées dans le Caïdat fournissent, en moyenne, une
récojlo (jui peut être évaluée à (KJ.OIK) f|iiinl;nix pour le blé et à
5U.U0() quintaux pour l'orbe. Le rendement du i>lé est de 8 à 10 ; ce-
lui de l'orge de 10 à 15.
Climat. — Par ses sources, son liumidité atmosphérique, ses pré-
cipitations à peu prés régulières, la région de Zagiiouan olïre un cli-
mat tempéré (jui justifie l'essor colonial ({ue l'on y constate depuis ces
dernières années.
Les température et pluie relevées à Zaghouan en lOOi, sont :
Prixte.mps : Maxima : .'15 ; minima : '2 ; moyenne: 1 i.<S ; Pluie;
K)5m/m en !2'2 jours.
Eté : Maxima : 46f» ; minima : 11" ; moyemie : 25" ; Pluie : 28>" m en
5 jours.
Automne: Maxima: 40"; minima : Oo ; moyenne : 20" 7; Pluie:
121 m m en 18 jours.
Hiver: Maxima : 2()"; minima : 2" ; moyenne 10" 9 ; Pluie : 205ni/m
en 28 jours.
Températures moyennes annuelles :
Maxima : 2,>1 ; minima: 12o3 ; moyenne : 17" 7.
Total des pluies : 519'»/'" en 73 jours.
Les Centres
Zaghouan. — Petite ville arabe, toute blanche dans un calice de
verdure, (]ui se dissimule en un repli de rocher, au pied même de
Fénorme montagne. Elle est située à 55 kilomètres de Tunis et y est
reliée par un chemin de fer et une bonne route (]ui, partant de Tunis,
longe le lac Sedjoumi, passe à la Mohamédia, rejoint Oudna, suit le
majestueux aqueduc de Garthage, serpente entre de petites collines,
traverse le défilé qui enserre l'oued Ksar-el-Kollal, et débouche dans
une plaine où, après avoir passé à travers une forêt d'oliviers, elle
aboutit à Zaghouan.
Une nouvelle route, très pittoresque, relie Tunis à Zaghouan par le
Mornag, le col de Sidi Selem, El Garci et l'Oued Uamel.
On entre dans la ville près (fune porte triomphale, de la bonne
époque romaine, et l'on remarque bientôt que la plupart des maisons
f
_ 9M _
arabes sont construites en belles pierres de taille provenant de rui-
nes romaines. Du haut de ces maisons, le regard embrasse, au Nord,
la vallée, la forêt d'oliviers qui s'étend sur les derniers contreforts
du massif du Zaghouan, sur les plaines de^Ioghrane et de Smindja, et
sur les coteaux de Bir-^Fcherga ; au Sud-Est, la vue plonge sur
l'oued Ramel, Sainte-Marie-du-Zit et le djebel Ziil ; au Sud-Ouest, on
découvre la luxuriante région du Flias et du Djougar.
Ce furent les Andalous qui, par un système ingénieux de réparti-
tion des eaux, créèrent les vergers et les jardins dont la ville est en-
cadrée; ils surent également utiliser les sources comme force mo-
trice, et ils établirent à Zaghouan, des moulins à blé, des tanneries,
des teintureries, des tuileries, des fabriques d'huile d'olive.
A 2.500 mètres de la ville, à l'henchir Aïn-Kasbah, existent les rui-
nes d'un temple qui était un hémicycle de vingt-quatre arcades suppor-
tées par des colonnes. En avant, se trouve un bassin alimenté par un
canal souterrain d'où part l'eau destinée à l'alimentation de Tunis. Ce
« Temple des Eaux » est un des plus gracieux monuments de l'Afri-
que septentrionale : il se compose d'un sanctuaire au fond duquel on
distingue les ruines d'un autel et d'une large niche où devait être
placée la statue de la Divinité à laquelle le temple était consacré. A
droite et à gauche du sanctuaire, s'avance et s'arrondit une double
galerie latérale entourant une terrasse qui domine un bassin. Le site
est cliarmant, et des massifs d'orangers, de trembles, de platanes
séculaires forment autour de la source une sorte de bois sacré.
Zaghouan est une ville de 2.000 habitants, dont 400 européens,
sur lesquels on compte 180 Français. Trois écoles, une école laïque
de garçons recevant 08 élèves, dont 5 Français, 29 Italiens, 1 Maltais,
22 Musulmans, 1 Juif; une école laïque de lilles recevant 37 élèves,
dont 5 Françaises, 25 Italiennes, 2 Maltaises, 5 Juives; une écoh>
congréganiste de lilles recevant 10 élèves, dont 3 Françaises et l(> Ita-
liennes.
Le touriste peut faire de fort jolies excursions aux environs de
Zaghouan, soit à l'Est, vers l'oued Ramel, conti'ée giboyeuse par
excellence; soit vers le Sud, en suivant les contreforts du djebel
Zaghouan jus(|ir;iii l'"kirine, puis en l'onpinil la cliaîne jns(|n"au bled
Djebibina. C'est une .série de sites su|)erl)es (in l'on rencontre des
vestiges romains à cha(|ue pas. A celui (ju'une niontt'e assez pénible
ne l'cbute [)oint, nous conseillons l'ascension du Ras-el-Kasa, le })lus
— 2'»:î -
liant sommet dix massif du Zaj^liouan. On embrasse de là un horizon
très vaste qui permet de découvrir à peu près le tiers du territoire
de la Ré.i^ence : au Nord, Tunis, La Goulette, les lacs et le ^(olfe; au
Nord-Ouest, les montagnes dominant les vallées de la Medjerda; à
rOuest, les montagnes du Kef ; au Sud, le Djouggar; au Sud-Est, les
hauteurs de Takrouna et la région de Sousse ; à l'Est, Hammamet et
son golfe.
M. Ducroquet, ancien directeur général des Finances, actuelle-
ment colon aux environs de Zaghouan, qui aime cette région avec
passion et s'elîorce, par tous moyens, de lui redonner un peu de la
splendeur qu'elle avait jadis, propose de créer, près de la ville, au
lieu dit Sanict-Ayed, appartenant aux habous, un petit Jardin d'Es-
sais, qui serait placé sous le contrôle de la Direction de l'Agriculture.
Le but poursuivi est le suivant :
lo Rénovation des jardins de Zayhouan ;
'2» Fourniture aux colons de plants et d'arbres;
IJo Education professionnelle de jeunes apprentis jardiniers indi-
gènes ;
4o Contribution à l'industrie des primeurs en légumes et en fruits
pour les marchés tunisiens ou pour l'exportation.
Une personne généreuse olïre 4.000 francs pour frais de premier
établissement ; la Direction de l'Agriculture accorde une subvention
de L^OO francs par an; la Municipalité de Zaghouan donnerait de
5lK) à <)00 francs chatjue année. Il n'y a donc plus (ju'à obtenir des
habous le terrain nécessaire et à marcher de l'avant.
Mograne. — A 8 kilomètres au nord de Zaghouan; station de
chemin de fer. La Compagnie des Eaux y possède une vaste pro-
priété sur laquelle la conduite d'eau du Djouggar vient se relier à
celle de Zaghouan. Une troisième source, Aïn-Ayed, sortant d'un des
contreforts du Zaghouan, a été captée; une partie de ses eaux est
envoyée à Tunis, l'autre est réservée à l'alimentation de Zaghouan, à
l'arrosage des jardins, et sert, en outre, de force motrice pour action-
ner quelques petits moulins arabes.
C'est à Mograne que se trouve l'ancien tloniaine llumberl, 7)//--
Chana, qui, pendant plusieurs années, fut géré par un des frères de
Thérè.se: 559 liectares, dont '215 en vignes. Une prise d'eau à l'aque-
duc de Znghouan permet à la propriété i\o jouir d'une concession
— 244 —
agricole de 1.800 mètres cubes. Ce domaine a été vendu, l'année
dernière, à un riche Cubain pour la somme de 500.000 francs.
. Quelques autres propriétés françaises de 100, de 300, de 1.300 et
de li.OOO hectares se trouvent aux environs de ^lograne et de Za-
ohouan.
L'Oued-Ramel. — L'immense domaine de VOued-Ramel prove-
nant des Halfaoui et acheté par la « Société Lyonnaise de l'Oued-
Ramel », est maintenant divisé en plusieurs grandes fermes,
occupées par les anciens associés de cette Société ou par leurs
représentants. Citons les propriétés de Farcine, Sainte-^larie-du-
Zit, Ksar-Soudan, Beni-Djerad, Sidi-Cherif et le domaine de TOued-
Ramel proprement dit.
La superficie du domaine, tel qu'il avait été primitivement cons-
titué par la Société Lyonnaise, comprenait près de l'i.OOO hectares,
situés à 65 kilomètres au sud-est de Tunis et à 18 kilomètres au
nord-ouest de Zaghouan, dans une région saine, agréable, boisée,
suffisamment arrosée, desservie par une bonne route. Ces terres
s'étendent sur le penchant de montagnes dont le point culminant
atteint 750 mètres, tandis que la partie Sud n'est plus qu'à 50 mè-
tres au-dessus du niveau de la mer.
Le domaine est hmité par l'oued Bagra qui le sépare de l'Enfida;
divers cours d'eau le traversent du Nord au Sud ; les montagnes
fournissent d'importantes sources; les puits donnent de l'eau de
bonne qualité. Sauf la partie extrème-nord, réellement montagneuse,
le domaine comprend des terrains entièrement cultivables. Les
innombrables ruines qui le couvrent, prouvent que la population
romaine y fut des plus denses; il y existait des villes, des villages et
des exploitations agricoles isolées : à Ksar-Soudan, restes d'un tem-
ple romain de grand style, dont la crypte est très bien conservée ; à
Bendou, ruines d'une basiliipie chrétienne de l'époque hy/anline,
entièrement pavée de mosaïques.
Le domaine de Farsine, de 1.500 hectares, a été revendu, en 18U1>,
par nu Français à une association de spéculateurs siciliens, la même
qui exploite Bordj-cl-Amri, dans le Caidat de Téhoinlia. Ce sonl, du
reste, ici comme là-bas, les mêmes procédés d'usur(\ les mêmes con-
trats léoiiiiis(|ui lient les mallieureux pendant plus ou moins d(> temj)s.
Plus de cinijuante familles siciliennes sont iiishill(''es à l''ai'('iiie.
et mali-ré les salaii'os infimes qu'elles loiiclicnl, elles l'ont preuve d'une
puissance de travail physique peu ordinaire. Les femmes sont em-
j)loyées à la fabrication du beurre et du fromaj^e rie Sicile; les enfants
i^ardent les ti'oupeaux. Les ouvriei's sont fréquemment renouvelés,
mais il semble, toutefois, que la proximité de Sainle-Marie-du-Zit, où
ils trouvent nii centre d'échange et une ég^lise, ait facilité leur accli-
matement sur le domaine.
Terres argilo-calcaires et silico-calcaires. Cultures : vignes, céréa-
les, fèves, lin, beaucoup d'oliviers. L'eau étant abondante, on pour-
rait cultiver les primeurs, légumes et fruits.
Le domaine de Sainle-Marie-du-Zit, de i.'200 liectares environ,
situé sur la route de Zaghouan à Ilammamet, a été londé en 1802 par
un prêtre lyonnais dans le but d'y envoyer des orphelins recueillis
par l'Assistance publique et de transformer ces enfants, moralement
abandonnés, en agriculteurs pratiques, fermiers, métayers ou chefs de
culture expérimentés.
Une vingtaine d'orphelins de 1 4 à 20 ans, restent en permanence
à Sainte-Marie-du-Zit et, avec l'aide de la main-d'œuvre indigène, ils
assurent par un travail régulier l'exploitation du domaine, dont plus
delà moitié de la surface est actuellement défrichés : 50 hectares de
vignes, céréales, verger et jardin potager bien irrigués, orangerie,
rucher, nombreux troupeaux.
Les enfants, tous Français, proviennent pour la plupart de la région
lyonnaise; ils sont entretenus gratuitement pendant leur séjour, ([ui
dure, en général, jusqu'à la majorité. L'Assistance Publique fait un
versement unique de 250 h'ancs au moment de l'entrée. Cet orphe-
linat agricole existe depuis douze ans, et les résultats obtenus sem-
blent satisfaisants.
Une faible partie seulement de la propriété de Ksar-Soudan (IMXX)
hectares), est en culture : terres argilo-calcaires ; eau douce en grande
quantité. La propriété Saint-Louis ((îOO hectares), est mise en valeur
par un jeune métayer sorti de l'orphelinat de Sainlt>-!\larie-(lu-Zit et
marié à une orpheline des Sœurs de Sainte-Monique. Installé à Sainl-
Louis par la Société Lyonnaise, il a su tirer un excellent pai-ti de ce
petit domaine dont les terres sont propres à touli^s les cultuivs.
Le domaine de l'I )ne(|-l{;im(d jiropremenl dil conqtrend plusieurs
La TuNisiii \)V Nuiih 17
— 2-'i(') —
grandes propriétés, telles que Bendou, le Vieux-Bord j, Beni-Deradj,
l'heiichir Griaiix (environ 7.000 hectares). Les terres sont de premier
ordre, argilo-calcaires dans la partie basse, silico-calcaires sur les
coteaux ; eau en abondance, un peu magnésienne, mais bonne pour
les irrigations ; quelques puits d'eau douce, oliviers, arbres fruitiers
ilivers, mais envahis par la broussaille ; vestiges romains très nom-
breux : citernes, aqueducs, pressoirs, moulins.
Cette plaine, située dans une cuvette, entourée de vallons, est fort
belle et semble bien faite pour rinstallation d'un certain nombre de
petits colons Iranrais. Ce fut l'idée de la Société Lyonnaise, et c'est
dans cette intention qu'un de ses membres, M. Birot, propriétaire
actuel de rOued-Ramel, tenta de morceler une partie de son domaine
en lots de 50 hectares, dont moitié irriguable. Est-ce par suite de
mauvaise organisation, d'un choix malheureux de l'élément colon, ou
bien à cause du défaut de moyens de communications, de l'éloigne-
ment du chemin de fer, que la tentative avorta? Il y eut, peut-être,
dans cet insuccès, un peu de tout cela.'N'empèclie que Fessai pour-
rait être repris sur de nouvelles bases, surtout si le Gouvernement
du Protectorat exécute la ligne projetée de Zaghouan à Bou-Ficha,
qui doit traverser la contrée. Entre les mains de la Direction de
l'Agriculture, cette plaine deviendrait alors un pays merveilleux de
petite colonisation française.
L'Oued-Ramel, cependant assez peuplé, est enlièremeiit dépourvu
d'écoles.
Bir-M'cherga. — lîir-M'cherga est un des points les plus intéres-
sants de colonisation française de la Régence ; c'est aussi le plus
ancien et le plus important des lotissements domaniaux du Contrôle
de Tunis. Commencée en 1898, la vente était réalisée l'année sui-
vante. Plusieurs des acquéreurs revendirent, il est vi'ai, presque
aussitôt avec bénélice, mais ces premiers jjropriétaires refusèrent
énergi(]uement, malgré les olTres avantageuses qui leur furent faites,
de céder leurs lots aux éti'angers. Ce coiu île pays tunisien est donc
devenu Ijien français, actif et vivant.
I)ir ^l'cherga est situé à iO kilouièlrcs au snd-;'st de Tunis et à
'20 kilomètres au nord-ouest di^ Zaghouan. ( )n \ accèilc, soit par la
route de Tunis, soit par la voie ferrée en li'avcrsanl les [ilaines des
Xassen, delà Moh;ini(''di;i et d'( )ndua ; la vallée, ensuite, se resserre,
- 247 -
le pays semamoloniic; on pôiiôtrc sur un vaste plateau bordé <\e mon-
ticules, où sont espacées, autour fin viilii^e neuf, les nojnbreusesfernnes
françaises.
Le territoire (le lîir-M'cliei'ga est presque entièrenient entouré de
terres françaises : au Nord, le groupement cVAïn-el-AsLer, dont nous
avons parlé dans le chapitre du Caïdat île la Jbnlieiie de Tiniis; à
l'Est, l'hencliir Smindja, (pie le Domaine a récemment acr^uis à un
Italien, et que rA.yriculture vient d'allotir ; au Sud, les liencliirs
Djebbas et Kashalt, livrés à la colonisation et qui sont conti.nus à la
plaine du Flias ; à l'Ouest, seulement, le hlecl Boucha reste la pro-
[H'iété des indiijfènes. S'il était possible au Domaine d'acheter ce bled
iîoucha, situé sur les limites des Caïdats de Zaghouan, de la Banlieue
de Tunis et de Medjez-el-Bab, dans iine plaine qui s'étend enire le
djebel Basila, au Nord-Ouest, et le djebel Djalfa, au Sud-Est, on
réunirait, sans solution de continuité, deux magniliques régions bien
fran(;aises : Bir M'cherga et le Goubellat, situé dans le Caïdat de ^Fed-
jez-el-Bab, aune vingtaine de kilomètres de BirM'cherga.
Trente-cinq lots ruraux, de 50 à 150 hectares (environs 3.500 hec-
tares), ont été livrés à la colonisation en 1898 et 1890, et vendus, en
moyenne, 25 francs ITiectare. Les terres, argilo-calcaires, avec pré-
dominance de calcaire dans les coteaux, sont très propres à la culture
des céréales et de la vigne et à l'élevage du bétail : le rendement de
l'avoine est de 15 à 20 quintaux à l'hectare ; celui du blé de 10 à 12 ;
la vigne donne un vin de qualité supérieure et elle produit au mini-
mum 40 hectolitres à l'hectare. Les groupements de Bir ^l'cherga et
d'Aïn-el-Asker réunis, cultivent environ chaque année, 2.000 hecta-
res de céréales et 250 hectares de vignes. Les maladies cryptogra-
miques sont inconnues dans la conlrée, ce qui permet de cultiver la
vigne avec le minimum de Irais.
La Direction de l'Agriculture, nous l'avons dit, a vendu aux colons
les henchirs Djebbas et Kasbatt, situés au Sud de l'ir-M'cheri^a et
faisant corps avec ce lotissement fran(;ais. L'hencliir Djebbas com-
prend cinq lots de 90<à 115 hectares, vendus en moyenne 75 Irancs
l'hectare; l'henchir Kasbatt comprend aussi cinq lots de 50 à 250
hectares, vendus en moyenne 50 h-ancs l'hectare. Nous trouvons
donc, dans cette ivgion, une supcMiicie iK^ [>lus de L7(!0 hectares
cultivés entièrement par des colons fran(;ais; si nous y ajoutons les
7.000 hectares (|ui conqxiscMit le territoire d'Aïn-el-Asker, nous avons
— 248 -
près de l'2.000 hectares occupés par des fermes françaises, et lorsque
le lotissement de Smindja de 1.500 hectares sera vendu, les colons
français posséderont 13.500 hectares d'un seul tenant.
Le village de Bir-M'cherga sort à peine de terre, et la presque to-
talité des lots industriels et de petite culture (au nombre de G8, va-
riant de 25 ares à iO hectares), ont été retenus.
Le village est très sain et fort bien situé : la vue s'étend, au Sud-
Est, sur le Zaghouan ; à l'Est, sur le djebel Oust, haut mamelon plu-
tôt que montagne, isolé dans la plaine ; plus loin, tout au fond de
l'horizon, se dresse le djebel Ressas; au Sud, les djebels Djougar et
Fkirine ; à l'Ouest, le djebel Aziz ; au Nord, la plaine accidentée
d'Aïn-el-Asker. L'eau se trouve, dans toute la région, de 5 à 10 mè-
tres : elle est de bonne qualité. Le puits du village est inépuisable;
plusieurs sources coulent toute l'année. La moyenne des pluies est, à
Bir-M'cherga, de 500 millimètres.
La Direction de l'Agriculture a complanté de mûriers la place du
village ; ils sont très vigoureux. D'ailleurs, la région était autrefois
couverte d'arbres; on en retrouve partout des traces, principalement
autour des ruines de fermes et de l'ancienne ville romaine {Oppidum.
Guifense), dont les vestiges sont encastrés dans le village actuel.
Les colonsdecette région ont fondé une Association utile et pratique,
qui a reçu Fapprobation du Gouvernement Tunisien. Elle a pour ti-
tre (( Comice Agricole de Bir-M'cherga, Aïn-el-Asker et Smindja »; le
président est M. Jacques de Morry, colon à Bir-M'cherga, (pii s'occu-
pe, avec un grand dévouement, des intérêts delà région.
Cette association française compte une cinquantaine de membres ;
elle s'est constituée dans le but d'établir un lien amical entre les co-
lons des trois régions voisines, d'acheter en connnun certains ins-
truments aratoires de prix assez élevé, d'améliorer ainsi les procédés
de culture, et de soutenir, devant les pouvoirs publics, les intérêts
généraux. Par leur entente, leur énergie, l'excellent esprit qui les
anime, les agriculteurs de ce groupement ont déjà obtenu des résul-
tats considérables.
Le Comice a organisé, en lUOi-, une «Caisse agricole coopérative )),
qui a pour objet la mise en valeur la plus complète et la plus rapide
des propriétés en donnant aux colons les ressources nécessaires aux
travaux de défrichement, de plantation, de culture, à l'achat d'un
— 240 —
matériel perfoclionné, à I acqiiisiLioii du l)('l;iil do vente et de travail.
Elle a aussi pour but d'aider le cultivateur à attendre la vente de ses
produits sans suspendre ses travaux d'exploitation, de lui pernnettre
de les vendre à un prix avantageux, en lui laissant le temps de réali-
ser, à l'époque la plus profitable, sans subir la pression du besoin
d'argent, et, comme conséquence, les exigences des acheteurs.
Le Comice a également obtenu une école avec bureau de poste à
Bir-M'clierga, une autre à Aïn-el-Asker, un médecin de colonisaticjii,
un vétérinaire délégué par la Direction de l'Agriculture, une station
de monte installée, en mars 1005, dans la propriété de M, Rousseaux,
et un réseau de routes que nombre de centres pourraient lui en-
vier.
En elïet, Bir-.M'clierga est relié à Tunis par une bonne route di-
recte, et à la gare de Djebel-Oust (13 kilomètres), par une autre route
fort bien entretenue. Toutefois, le Comice réclame :
i" La construction d'une route de Bir M'cherga à Smindja. Les re-
lations avec Zagliouan sont actuellement impossibles par suite du
mauvais état de la piste et du passage de l'oued Miliane souvent im-
praticable ;
!2'» L'entretien de la route de Bir-^I'cherga au Djebel Aziz. Cette
route, construite par la(( Société des Mines du Djebel Aziz », est au-
jourd'hui abandonnée, et la Direction des Travaux Publics, ne l'ayant
pas prise à sa charge, la considère comme une simple piste. Il s'en
suit que la route se détériore chaque jour, qu'avant peu il sera impos-
sible d'y circuler. Elle dessert cependant le bled Boucha, qu'il ne
faut pas perdre de vue et le roulage y est actif. Il existe là une situa-
tion bizarre, portant préjudice aux propriétaires riverains, et qu'il
importe de ne point prolonger;
3» La continuation de la route de Tunis jusqu'au Pont-du-Fhas,
formellement promise par la Direction des Travaux publics.
Le Comice Agricole est sur le point d'organiser une « Cave Coopé-
rative », d'après le système des caves du même genre (|ui louclion-
ne en Algérie et en Italie. Le Comice a vu, dans cette création, un
intérêt général : diminution des intérêts de chacun, et vente de vin
l'ait par un type unique, dans les meilleurs conditions d'inslallation et
avec tous les soins voulus.
En outre, le Comice, dont les aspirations mutualistes ne sauraient
— 250 —
être trop louées, a mis à l'étiide le projet tle création (rune « Coopé-
rative d'élevage du mouton », élevage qui donne dans la région des
résultats pécuniaires avantageux. 11 demande enfin à la Direction de
l'Agriculture :
1" D'autoriser rimportation d\m taureau zébu, tlont les produits,
par croisement avec les vaches du pays, transformeraient sensible-
ment les conditions du travail agricole ; '-'^^
2" D'installer dans le village, sur un lot de petite culture, un api-
culteur de profession. Les coteaux sont riches en plantes odorilé-
rantes et mellifères, et, en dehors des ruches qu'il posséderait sur
son lot, l'apiculteur pourrait, après entente avec les colons, pren-
dre en métayage, dans cliaque ferme, un certain nombre de ru-
ches.
On ne se réunit pas, au Comice Agricole de Dir-M'clicrga, Aïn-el-
Asker etSmindja, seulement pour banqueter ; on y étudie les ques-
tions, on s'entr'aide, on se solidarise. Grâce à cette association, deux
ouvriers agricoles se sont étabhs comme colons dans le pays où ils
possèdent aujourd'hui près d'une centaine d'hectares chacun. D'au-
tres viendront. M. le Résident Général, (|ui a visité, en no-
vembre 1905, les centres de Bir-M'cherga et d'Aïn-el-Asker, a pi'o-
mis de donner satisfaction aux desiderata des colons, dans la mesure
du possible.
Ecole mixte à Dir-M'cherga : Délèves, dont !2 garerons (Français),
et 7 lilles (3 Françaises et 4 Italiennes).
Smindja. - A 1-0 kilomètres deTunis, antourdela gare de Smindja,
bihn-cation des voies reliant Tunis à Zagliouan et à Pont-du-Flias, le
domaine possède trois hencliirs formant un eiisemblc de 1. ."")()() hec-
tares: El-Gassar-Smindja, Kl-h'oialer-Moroio ci El-Malah.
Cette propriété a été acquise parle Domaine à un propriétaire ita-
lien (|ui l'avait morcelée en faveur de familles siciliemies et cédé à
enzel au prix de JO francs l'iieclai-e raclielable à 'i.^O francs. L'insuc-
cès ayant été conq)let, le j)r(ipii(''l;iii(' fut oliliL;('' d(> li(|ui(l('i'. C'est
ainsi (jue cette terre passa, l'anniM" dcrnièii' (mais lUOi), enlr(> les
luains de colons français.
(I) La Iiiicoliuii (le rAni'iciilliiii' :i. l'ii \'M»'>. cinU' |i|iisiciirs Kn>ii|'i'"'ciil^ IVinirais ik' if|iioiliiclcurs
zébus.
— 2: A —
Le pays est suin, exempt de paliidisfno ; la séeufilé paiiaile ; les
terres de la région, de nature ariiilo-calcaire, sont faciles à travailler,
généralement protondes; les deux tiers sont de premièi-e qualité,
l'autre tiers de dciixirnK.'; I;i valeur moyenne d(; l'hectare est de 215
francs. J.a nappe d'eau, ({ui se trouve de 15 à 40 mètres de profon-
deur, fournit de l'eau de qualité médiocre; mais il sera possible d'éta-
blir un branchement sur la conduite de Zaghouan, (jui sei-vira à Tali-
mentation du centre que rAihninislialion a l'intention de créer au-
tour de la g;u.re de Smindja: le travail coûterait à peu près une vin,i^-
taine de mille francs.
Les trois henchirs ont été partai;és en2lîlots : riienchir El-Malah,
en trois lots de GO, 90 et 100 hectares ; l'henchir El-Kenater-Moreno en
deux lots de ll.'Miectares chacun ; riienchir El-Gassar-Smindja, en
dix-huit lots variant de 5 hectares 50 à ['•li hectares. Trois lots ont été
réservés par l'Administration; l'un d'eux (lot 10), d'une contenance de
120 hectares complètement défrichés, est complanté en partie de vi-
gnes et d'amandiers. Presque tous les lots de Smindja sont actuelle-
ment vendus, et il est probable que sous peu ils seront habités par
leurs propriétaires.
A l'ouest d'Aïn-el-Asker et de Bir-M'cherga, la gai'e de Djebel-
Oust, qui dessert ces localités, se dresse isolée presqu'au pied du dje-
bel Oust, dans une plaine à peine cultivée, et où la surlace non re-
couverte par la broussaille est généralement ravinée par les eaux
pluviales qu'aucun travail humain n'a collectées ou utilisées. ^'^
Bou-Remada (Bir Helimaj. — Cette région, située à Test de la plaine
du Flias, au pied du gradin du Zagliouan et à 0 kilomètres de la
station de Smindja, était absolument déserte lorsipie le Domaine
ac(juit, comme solde d'un échange avec les habous, l'henchir IJou-
llemada de 500 hectares. Ces terrains broussailleux, ([ui n'étaient
pas considérés comme propres à la petite colonisation, restèrent plu-
sieurs années sans trouver même des locataires. La Direction de
rAgricullure partagea cependant l'henchir Bou-Remada en trois lots
de 150 à 200 hectares et les mit en vente. Ils furent achetés, l'un par
(1) Celle plaine désertique appuilient :i la Zaouïa de Sidi-bou-lledjha, cachée dans un repli de
montagne; l'étendue du teriiloiiv attciiil prés de li.flOO lieclnrrs, dont une petite partie seuleh<»nt
est parfois cultivée. De là vient liinpiession de stérilité (pu- l'on ressent en traversant, à une heure
de Tunis, cette partie du C.aidat de Zagliouan.
— 252 —
un ancien ouvrier agricole; un autre par M. Ducroquet, qui après
avoir construit un confortable bordj, s'occupa d'appeler dans la région
des travailleurs susceptibles de la défricher en faisant du charbon,
et de la mettre en valeur ; un autre par une de ses parentes.
Ce groupe se relia promptementavec les petites exploitations ita-
liennes déjà créées sur l'ancienne propriété !Mouquerol et avec la
grande ferme de M. Grémaud (Suisse). Aujourd'hui la broussaille a
disparu sur une vaste étendue ; les coteaux sont plantés de vignes,
les céréales occupent une large surface qui va s'agrandissant chaque
année, et tout un village — sicilien il est vrai — s'est constitué à 8 kilo-
mètres de Zaghouan. Ce village comptait, l'année dernière, MO en-
fants de moins de 12 ans.
Ecole mixte ouverte en 1904 : 21 élèves dont 12 garçons (2 Fran-
çais et 10 Italiens) et 15 filles (13 Italiennes et 2 Maltaises).
Pont-du-Fhas. — Station du chemin de fer de Tunis au Kcf, à
53 kilomètres au sud-ouest de Tunis et à 4 kilomètres au sud de
Bir-M'cherga.
La plaine du Fhas, nue, à peine piquetée de bosquets de cactus, à
laquelle s'accotent des montagnes se rattachant au massif de Zaghou;ui,
est assez régulière et mesure environ 15 kilomètres sur 30. La ré-
gion est traversée par quelques oueds qui ne se dessèchent jamais
complètement ; une nappe d'eau, abondante et de bonne qualité, se
trouve à une profondeur moyenne de 5 mètres.
Cette plaine est desservie par une voie ferrée et par des pistes. La
route de Kairouan est actuellement en construction. La route du Kef
avait été amorcée, mais on semble l'avoir abandonnée aujourd'hui.
Quelques ponts seraient nécessaires sur certains points où les oueds,
grossis par les pluies d'hiver, interrompent les communications par-
fois pendant des semaines entières.
Les terres sont bonnes et valent, défricliées, de 200 à 300 francs
l'hectare, d'après leur situation; 3.700 hectares environ sont cultivés
par des européens dont sept familles françaises et deux étrangères.
De nombreuses ruines romaines, parmi lesquelles celles de TIiu-
burbo Majiis (à 2 kilomètres au Nord de ki gare de Pont-du-Fhas),
iiKhquent que la contrée a été autrefois ti-ès prospère : vestiges d'en-
ceintes fortifiées, de tempies, d'ampliitliéàtres, de citernes, etc.
Le petit village de Pont-du-P'has, situé sui- un plateau s'éteiidant
— 253 -
sur la rive g"auclie do roiied Miliano cl an pied du djcyjel Djîilliir, a
été créé par la Direction de rA,i;r"iculture sur uti terrain accpji.s du
liabous de Ijou-llamida. Le Service des Domaines a mis en vente en
1902, soixante-six lots urbains dont la snr'fac<' v;irie entre 300 et
I3.(X)0 mètres carrés, au prix uniforme de 0 fr. 10 le mètre carré. Cer-
tains lots, placés en coteaux légèrement inclinés vers le Nord-Ouest,
sont excellents pour la culture do la vigne. Une trentaine de lots ont
trouvé acquéreui's ; plusieurs autres sont demandés.
A quelque distance du village, au Sud-Ouest, on peut faire l'ascen-
sion peu fatigante du djebel Klab, dontlesomniot est percé de curieux
souterrains : très beau panorama. De Pont-dud''lias à Djebibina, au
Sud-Est, très belle excursion, soit par El-Oukanda, en passant par
le défdé sauvage de Foum-el-Karrouba, soit par les pentes des djebels
Djougar et Fkirine. Beaucoup de ruines et de sites pittoresques.
Ecole mixte de Pont-du-Fhas : 19 élèves, dont 12 gti.reons (l Fran-
çais ; 5 Italiens ; 6 Musulmans), et 7 filles (3 Françaises et 4 Ita-
liennes).
Le Pénitencier du djebel Djougar. — La métamorphose accom-
plie au Djougar en moins de trois années, est en vérité surprenante,
et nous ne croyons pas que l'on soit arrivé ailleurs, par les mêmes
moyens et en si peu de temps, à pareils résultats. <^^
L'expérience tentée à Bordj-Touta n'était pas encourageante. Ce-
pendant on ne voulut point laisser les prisonniers indigènes s'étioler
dans les bâtisses de Tunis, et, pensant qu'il y avait mieux à faire avec
cette main-d'œuvre que des chaussons de lisière ou des nattes d'alfa,
(•n demanda au Service du Domaine de lui attribuer une certain su-
periicie de terrain dans une contrée salubre.
Le Domaine possédait précisément, tout au fond de la plaine du
Fhas, auprès des djebels Djougar et Fkirine, dans une contrée salubre,
une propriété d oliviers de 2.100 hectares, louée depuis 30 ans à la
famille beyiicale, mais dont le bail venait d'arriver à expiration.
Elle produisait à peine, faute de surveillance du locataire, 1 .200 Irancs
par an, après des co-locations aux indigènes de la région.
(1j Ci's ri'sultats sont dus ù l'iiiiliative et à la perséviTanci' de M. Gautier, directeur des KtaMis-
sements pénitentiaires de la Régence. Ce fut lui nui défricha celte réKion où les Romains avaiejit
odilié une ville; ce fut lui iiui capta les sources, trac;» d'excellentes routes, dégagea les arbres de-
venus improductifs. M. (lautier est moit est l'JOO, mais son œuvre sera continuée et paiachevée par
son successeur, le capitaine Daver.
Le terrain lut remis par la Direction de l'Ayriciilturc à l'Adminis-
tration générale. Il était envahi par une l'orèt presque impénétrable
de hautes broussailles; il n'y existait ni routes ni pistes, et dans ce
pays où Feau exquise abonde, on ne trouvait ni puits, ni abreuvoirs.
La source du Djougar participait seulement à l'alimentation de la
ville de Tunis. Enfin un très grand nombre de beaux oliviers — on
évalue la totalité à 45.000 arbi'es — dépérissaient, étoulTés par les
mauvaises pousses sauvages.
En mai 190"2, un premier convoi de 40 prisonniers arabes arriva au
Djougar et fut d'abord occupé à la recherche des carrières de pierre
et de marbre. 11 fora deux puits, construisit des tours à cliaux, l'abri-
qua des briques et des tuiles, puis, dès que l'approvisionnement en
matériaux fut suffisant, on bâtit un premier pavillon.
D'autres convois suivirent en 1003. Alors, on édifia trois nouveaux
pavillons, des magasins, une boulangerie, une infirmerie, onze mai-
sons de gardiens se composant chacune de deux pièces et d'une cui-
sine avec jardinet et poulailler. Cette même année, on commença à
débroussailler. En 1004, tandis qu'une section de détenus ouvriers
achevait la construction des bâtiments et aménageait, d'après la mé-
thode employée dans le Midi de la France, l'ancienne huilerie du Dey
(Màçra), située près des ruines du Temple des Eaux, d'autres sec-
tions, composées de travailleurs de la terre, défrichaient une partie
du territoire, dégageaient les oliviers, les taillaient, leur faisaient la
toilette, défonçaient le sol et l'ensemençaient. A la lin de l'année,
250 hectares étaient en pleine culture, plus de 5.000 pieds d'oliviers
étaient sauvés, et'18.<X)0 kilogrammes d'huile d'olives de première
qualité, sortaient des pressoirs de la Mâçra.
Cette année (1905), l'effectif des détenus du Djougar a été, en
moyenne, de 350 hommes, répartis en sections de défricheurs, labou-
reurs, arboriculteurs, charbonniers, terrassiers, cantonniers. L'n
excellent réseau de routes, bordées d'arbres, dessert toutes les par-
celles défrichées ; elles aboutissent toutes à la Màçra, de façon à ce
(]ue les arabats, une fois chargées d'olives, puissent aller directement
déverser cette récolte d;uis les pressoirs.
La grosse affaire du Djougar est assurément l'olivier, mais les
espaces défrichés sont ensemencées d'avoine, d'orge, de maïs, de
fèves, de haricots, de pois-chiches, de pommes de terre qui servent
— '255 —
à l;i iiourritnre (lu porsoiincl et à rciilictii-ii di-s clicviiux. mulets ut
boïiirs (le labcjur.
Oti plunte aussi des ai-bres Iruilicrs vari(''S : auiaiidiers, p("'cliers,
pommiers, citruiniieis, noyers, etc. La section spécialement cliarjjiée
de la plantation, de la taille, de l'arrosage de ces arbres, est compo-
sée de jeunes détenus, transférés de Porto-Farina, où le Service
pénitentiaire ne possédait pas une sui'face sullisaiite de terrain pour
pouvoir les occuper utilement. Ces jeunes gens liabitent un pavillon
spécial, pr(''s duijucl ils ont aménagé un vaste jardin potag^er (jui est,
par leurs soins, fort bien entretenu. Chacun cultive son petit coin et
la plus grave punition (jue l'on inllige aux insoumis, c'est la privation
pendant plus ou moins de temps, du jardinage. Ces gamins, qui ne
sont pas souvent de nature pire que d'auti'cs, mais ont plus de ma-
lecliance, ont pris à la culture de leur potager un goût profond ; ils
lui donnent tous les soins et c'est avec orgueuil qu'ils montrent au
visiteur les produits qu'ils obtiennent. Il y a, dans ce sens, quel(|ue
chose à faire pour ces déshérités. L'Administration peut encourag"er
les plus méritants par de minimes récompenses, et instituer un
Comité de protection qui aurait à s'occuper des jeunes détenus après
leur libération. Il faudrait, aussi, pendant leur séjour au Djougar, leur
faire quelques cours d'agriculture pratique et leur établir un petit
atelier de forge et de charpenterie.
Le domaine du Djougar aiïecte la forme d'un pain de sucre, limité
au Sud par les djebels Fkirine, Djougar et Ben-Saïda; à l'Ouest, par
l'oued Asseb et l'oued Tahouna qui contourne la propriété vers le
Sud; à l'Est, par riiencliir Ben-Saïdane, sur lequel est installé un
village indigène, et par l'oued Goussiet; au Nord, par la plaine du
Fhas. L'altitude est de 371 mètres.
Quiconque arrive au Djougar, se demande où est placé le ;)*•///-
tencicr. Les trois corps de bâtiments bien distincts : la Màçra-el-l'ey,
située dans un bosquet chainiaiit, à 800 mètres du canqi: ce camp
lui-même; le lazaret des jeunes détenus; les jardins, les quinconces
d'arbres fruitiers, les larges avenues, la luxuriante végétation, foi--
ment un ensemble des plus agréables ayant l'aspect d'une très belle
ferme française. On ne se doulerait jamais (|U(> Ton se trouve là dans
un lieu de pénitence. Les prisonniers, répandus sur tous les points
de l'immense propriété, vaquent à leurs occupations sans surveil-
lance api)ai'ente, et le personnel directeur, composé seulement d'une
— 256 —
vingtaine de gardiens, français et indigènes, assure, sans la moindre
brutalité, la surveillance la plus parfaite.
Les actes de rébellion et les évasions sont très rares ; il en est de
même de la mortalité : sur un chiffre de 350 prisonniers, en moyenne,
se renouvelant constamment et dont nombre de sujets arrivent pas-
sablement avariés, on n'a enregistré — dans un pays où les terres
sont sans cesse remuées — que deux décès du 1er janvier au 31 octo-
bre 1905.
Les bâtiments destinés aux prisonniers sont aérés, bien compris,
proprement tenus, et la formule des « trois-huit » est appHquée au
Djougar. Il y a quelques mois, un incendie éclata dans la brousse,
à 5 kilomètres de la propriété. Le gardien-chef y expédia les !292
hommes qu'il avait de disponibles. Ils restèrent un jour et une nuit,
travaillèrent avec ardeur, réussirent à enrayer le lléau qui menaçait
la région. Le lendemain, lorsque le dernier foyer fut éteint, les pri-
sonniers regagnèrent leur... domicile : pas un ne manquait à l'appel.
M. Gautier, directeur du Service pénitentiaire est l'administrateur
du domaine; le gardien-chef en est le régisseur et le maître de cul-
ture; les autres gardiens sont autant de contre-maîtres agricoles qui
sèment le grain, taillent les arbres, emmagasinent les approvision-
nements, font procéder, sous leur surveillance, à la récolte des olives
et à la fabrication de l'huile.
Je dois cependant signaler une lacune qui a son importance : il
existe bien une inlirmerie,mais point d'infirmier au Djougar. Ce rôle,
actuellement rempli par le gardien-chef, M. Boudenot, pourrait être
confié (comme pour Lansarine), à un médecin auxiliaire indigène
sortant de l'hôpital Sadiki; non-seulement il panserait les plaies et
soignerait les malades, mais il ferait un cours d'hygiène aux jeunes
détenus. Il serait, naturellement, placé sous l'autorité du gardien-
chef h'ancais.
Le pénitencier du Djougar a été doté, le h'" janvier 11K)5, de la
personnalité civile. La totalité des dépenses faites sur le domaine
dépasse à peine une vingtaine de mille hancs, et dès maintenant le
pénitencier se suffit à lui-même.'''
(1) Lorsf|Uf la propriété sera en plein rapport, les produits pruvenant du Djougar alimeiiteroiit
toutes les prisons de la Régence.
-257 -
Lorsque la propriété sera en plein rapport, 2.100 hectares de ter-
res excellentes et plus de 45.0fX) oliviers — toute une forêt — auront
été mis en valeur par unemain-d'o'uvre (jui n'aura rien coûté à l'E-
tat, dans un site superbe et une contrée saine, abonflarninent pourvue
d'eau, où tout pousse à souliait. Le doniaine du l)jr)u,^;ar alois vau-
dra plus d'un million.
CHAPITRE VI
CONCLUSIONS
On a beaucoup ratiociné à propos ilu « péril étranger»; on a dit
que la Tunisie ■ — et spécialement le Contrôle de Tunis — était en-
vahie parla Sicile, et que sur la terre du Protectorat, bientôt, il n y
aurait plus place pour le colon français. Si nous prenons, cepen-
dant, les relevés officiels fournis par le dernier recensement — da-
tant de quatre années — nous voyons que dans le ContnMede Tunis
les Français possédaient 1 10.000 hectares de terres (surface qui s'est
considérablement augmentée depuis) tandis que les étrangers en oc-
cupaient seulement '25.000. Ces chitîres sont plus éloquents que tou-
tes les dissertations possibles.
A[ais, objectera-t-on, si ITtalien n'a pas en sa possession la plus
grande partie du teriitoire, il n'en est pas moins vrai qu'il submerge,
par le nombre, la population française (environ 85.000 Italiens et
'25.000 Français pour la Tunisie entière). C'est évident. Mais la cause
de cet envahissement du sol tunisien par l'élément étranger, n'est-
elle pas due à la force même des choses ?
Lors(jue nous arrivâmes, tout était à faire dans la Régence : les
moyens de communication manquaient, les sources se perdaient
dans les ravins, la haute brousse envahissait les champs ; il l'allait,
sans retard, se mettre à la besogne, et c'est vc (pic l'un lit. A quelle
main-d'œuvi-e pouvait-on avoir recours pour l'exécution des travaux
pénibles qui exigeaient un très dur labeur et un acclimatement par-
fait j)ermettant de résister aux atteintes du paludisme déterminé pai'
le remuement des terres'.* .\ lu nuiinHlienvre indigène et ;'i la n)ain-
d'ieuvre italiemie. Le Sicilien foinnil une gi'osse sointne de travail
pour un salau'e l'elalivement faible (surtout à r(''po([ne de fOccupa-
linn); le climat de la Sicile est analogue à celui de la Tniiisie, et,
- 2:.9 —
commo nous le verrous plus loin, la situatitju lamentable faite par le
propriétaire l'oncier <le Sicile au pi-olél.'iire agricole, ne j)Ouvait que
l'incitera fuir son Ile.
Les Siciliens traversèrent donc le bras de mer séparant l(;s deux
pays et vinrent, en masses compactes, olfrir leurs bras. Pouvait on
les repousser? Personne même parmi les plus cliauvins, ne répondra
alTirmativement.
Peaucoup restèrent, ac<|uiréiit un bout de ce teri'ain qu'ils avaient
mis en valeur, s'adonnèrent à la culture maraîclière ou plantèrent de
la vii^iie; d'autres. arrivèrent et , grossirent la boule de neige.
La m.ajeur'e partie des Siciliens iimnigrés étant occupés dans les gros
travaux de construction et de terrassement, la part proportionnelle
des Ualiens dans la propriété du sol est restée faible. Il s'est produit,
cepen<lant, en ces dernières années, un accroissement notable des
petits propriétaires ruraux, originaii'es de Sicile, et ^L Jules Saurin
constatait, avec quelque amertume, dans une des intéressantes confé-
rences qu'il a faites sur le peuplement français « que partout les
Italiens cliercbent des terres à vendre et que leurs courtiers parcou-
rent le pays faisant des olfres de prix très élevés aux Français et aux
indigènes qui détiennent des domaines bien situés ».
Ils clierclient et ils trouvent, et cela se comprend facilement. Peu
après la prise de possession de la Régence, les spéculateurs, comme
une nuée d'oiseaux voraces, s'abattirent sur le pays (le Juif est de
toutes les races et de toutes les religions). Ils acbetèrent aux indiL;è-
nes, surpris et craintifs, de grands espaces qu'ils laissèrent tout
d'abord en friche, qu'ils louèrent ou revendirent plus tard par par-
celles aux Siciliens avec d'énormes bénéfices, s'attirant de ce fait, les
foudres de certains colons français. Etaient-ils dont si coupables?...
Dans le livre que nous avons déjà cité: « Le peuplement italien en
Algérie et en Tunisie o — qui restera comme l'un des monuments
les plus solides de l'histoire de ce pays — M. Gaston Lolh a hunineu-
sement exposé la question :
(( On peut objecter, dit-il, ipie les grands propi'iélaires h'ançais
auraient dû tenter le morcellement de leurs domaines au prolit des
petits colons français. Cependant ils ne l'on! pas fait et ils ont appelé
- 200 -
autour d'eux les paysans siciliens. Pouvait-il en être autrement "? Bien
(lillicilement si Ton songe qu'il aurait fallu les recruter dans les dif-
lérentes villes de France, leur assurer certains avantages et leur cons-
truire une maison d'habitation, tandis que le Sicilien, déjà établi en
Tunisie, connaissant exactement le pays et ses ressources, va de lui-
même au devant du grand propriétaire et lui propose l'achat de sa
terre. Ses habitudes sociales, son endurance au climat, lui permet-
tent d'offrir des prix plus élevés que ne pourrait le faire un paysan
français. Dès lors, comment ce dernier pourrait-il être choisi de
préférence ? Les grands propriétaires français, en allotissant une par-
tie de leurs terres au profit des Siciliens, sont évidemment guidés
par leur désir d'obtenir de leur capitaux le maximun de rendement.
A-t-on bien le droit de leur en faire un grief?
« . . .Faut-il s'étonner outre mesure qu'à Djedeïdaun de nos com-
patriotes ait installé 40 familles siciliennes, un autre 18, plusieurs
autres 8 à 10; qu'au Khan£;uet des olliciers français aient eu recours
au même procédé d'allotissement, qu'enfin, les banques françaises, ou
de simples particuliers aient créé les villages de Zaïana, Bou-Arkoub,
Semech et autres ?. . . L'on voit même, parmi ces propriétaires, un mem-
bre du Comité du Peuplement Français, qui avouait naïvement à un
autre colon n'avoir point trouvé d'autre sohition pour tirer parti de
ses terres. N'en est-il pas ainsi précisément parce que les maigres
récoltes qui ne peuvent faire vivre un cultivateur français, pei-met-
tent de prospérer au Sicilien, liabitué à la misère et au genre de vie
de l'Arabe? »
La race latine est prolifique, et peu deprovinccsitaliennes sontaussi
peuplées que la Sicile. Le recensement de 1001 lui attribue 3.520.800
habitants pour une superficie de "25.710 kilomètres carrés. En 1881, on
n'avait relevé dans l'île que 2.933.000 habitants : soit, en 20 ans, une
augmentation de GOO.OOO âmes équivalant à un accroissement annuel
de 30.000 individus. Il y a donc, dans cette ile, pléthore de pcpula-
tion et disette de terre, et il n'est pas étonnant que, la misère y régnant,
l'exode des habitants soit, chacjue année, plus dense.
« Païenne et Tunis, dit M. Lolii, peuvent être comparées aux deux
plateaux (fune balance dont la charge aurait été mal calculée. Le
jeu des intérêts en présence tend au rétablissement de féiiuilibrc par
une nouvelle répartition du poids. Aux populations Iroj) clairseméc^s
de rancienne H(''geiice, vient s'ajouter de lui-mriiic IVxcédeiit île la
po[iiilali()n sicilienne. »
— 201 —
Mais ce n'est pas seulement l'excédent de population qui force le
Sicilien àrémi.m-ation ; c'est aussi la condition effroyable dans la<iuelle
se trouve le paysan (contacUno) vis-à-vis <le son propriétaire (gabe-
Zo/fe). Le paysan sicilien est la chose du maître, il ne devient jamais
propriétaire du sol (ju'il cullive ; il est métayer sur le fief on il est né
et dont il fait partie, car nul propriétaire voisin ne le recevra sur ses
terres s'il vient à quitter son maître. Le fermier à la merci duquel
il se trouve, l'exploite durement; il lui avance à 12» o mais pour
quelques semaines seulement, le blé, les fèves et les pois chiches qui,
avec quelques racines, sont l'unique nourriture de la famille.
Au cours d'une enquête officielle, il fut établi que certains proprié-
priétaires prêtaient, en Sicile, à 80 «/o, mais que le taux des avances
consenties est ordinairement de 25 «/o. Le travailleur agricole de Tlfa-
lie méridoniale ne perçoit qu'une paie de 130 à 140 lires par an, une
demi-mesure de blé et une demi-mesure de fèves. Dans ces condi-
tions, il ne poursuit qu'un but : l'émigration.
Comme l'Irlandais, le Sicilien rêve de fuir vers une patrie plus
hospitalière, mais n'ayant aucune notion de géographie lui permettant
de faire un choix parmi les colonies libres facilement accessibles aux
travailleurs de bonne volonté, sa seule ressource est d'aller rejoindre
un parent ou un ami déjà émigré et dont l'adresse est parvenue au
village natal. C'est pour cette raison que lorsqu'un contadino sicilien
s'est déjà fixé sur un point du territoire tunisien, on ne tarde pas à
voir apparaître successivement, en peu d'années, la totalité de ses
parents et amis valides, provenant tous du même village.
« Les Italiens viennent à Tunis, dit M. Loth, pour les mêmes rai-
sons qui poussent les Espagnols vers Oran, à cette dilïérence prés que
des nécessités plus pressantes encore forcent les premiers à s'expa-
trier, puisqu'ils sont déjà resserrés sur le sol natal, tandis (jue la
péninsule ibérique pourrait facilement nourrir un nombre d'habitants
double de celui qu'elle renferme actuellement. »
Voilà donc le contadino possesseur d'un lopin de terre en Tunisie,
d'une superficie variant entre 2 et 10 hectares. Il bâtit d'abord une
cabane, puis une maisonnette et y installe toute la famille qu'il a
appelée du pays. Quelques pâtes alimentaires fabriquées par la mère,
La Tl'nisik du Nord 18
•- 262 —
des herbes ramassées aux champs par les enfants, constituent toute
la nourriture de ces pauvres gens. Leur extrême sobriété, l'absence
presque complète de besoins matériels et leur énergie au travail, assu-
rent, presque toujours, le succès de ces petits agriculteurs.
Toutefois, malgré ces qualités remarquables, les débuts sont souvent
durs. La terre a été prise à enzel ou par bail à comptant; il a fallu
défricher, aménager le jardin, construire Thabitation, creuser un puits,
briser sur le coteau rocheux la couche de travertin pour permettre à
la vigne de se nourrir, et les échéances arrivent, lourdes, ne se
payant pas toujours facilement malgré un travail opiniâtre. C'est que,
pour ces miséreux, il n'existe en Tunisie ni banque, ni institution de
prêts agricoles à des taux acceptables, ni institution philanthropique
d'aucune sorte. Leur amour de la terre est exploité parles vendeurs,
compatriotes ou autres, et il n'est pas de trop de toute leur résistance
pour triompher des difficultés du début.
Tout le problême consiste, pour le Sicilien, à vivre trois ou quatre
ans jusqu'à sa première récolte de raisin ; il le résoud en louant ses
bras dans le voisinage. Arrivé à ce moment, il est sauvé, car il ne
s'embarrasse pas de construire une cave et de faire du vin ; il se con-
tente, le plus souvent, de vendre le raisin. Quittant un pays où il a
vécu dans une profonde misère, il s'estime heureux de réaliser ici
les plus minces bénéfices et se croit dans l'aisance alors qu'il habite
une masure. Et puis, il n'a plus de maître.
Il faut donc s'attendre, en dernière analyse, à voir la réussite de
l'extension lentement continue de ces petites propriété italiennes ; la
situation, à ce point de vue, sera analogue à celle dos cultivateurs
espagnols dans la province d'Oran.
Les Européens ne sont pas les seuls à morceler leiu's domaines
pour les vendre aux Siciliens ; les Arabes suivent l'exemple. Mais
toujours, (|u'ils aient alTaire aux Européens ou aux indigènes, les Ita-
liens paient le prix lort. On trouve des on/.elistes à 11) iv. l'hectare ;
à ce taux on peut acheter la teri-e jus(]u'à TKKJ Ir. l'hectare et fair(>
un placement rémunérateur.
« L'opération qui a donné le branle à réuiigration sicilienne, celle
de Sedjoumi, a été la plus exli'aordinaire (jue l'on puisse citer en l'ail
— 203 —
(le spéculation agricole. Acheté en toute propriété au prix de Ui pias-
tres (l)lr. 60 riiectare), ce (lonwiiiie a été revendu moyennant une
rente perpéluelle qui ressort à 20 Francs par hectare, c'est-JwMre que
le revenu annuel est le double du capital !
« On s'explique sans peine que la réussite d'une affaire aussi invrai-
semblable ait incité les colons français à Timiter. Après quelques
années d'expectative, pendant lesquelles ils ont observé si les enga-
gements pris par les enzelistes italiens seraient tenus, plusieurs se
sont décidés à tenter à leur tour une opération fructueuse. Pour la
même raison, il ne iaut pas s'étonner s'ils prêtent l'oreille aux ofl'res
extrêmement avantageuses qu'ils reçoivent des capitalistes italiens. En
fait, la plus grande partie des domaines qui ont été peuplés d'Italiens
sont entre des mains françaises, ou en sont sorties pour passer à des
propriétaires Italiens. » <i>
L'ignorance absolue des paysans siciliens en matière de contrats,
fait qu'ils sont incapables de se rendre compte des charges pesant
sur la propriété du chef de leurs cédants et de la solidarité dans la-
quelle ils peuvent être englobés. Il achètent bien à enzel, mais aucun
contrat n'étant inscrit à la Propriété Foncière, aucune sécurité n'est
donnée aux cultivateurs qui peuvent être renvoyés comme de simples
salariés.
Le cas s'est produit à diverses reprises. Des malheureux qui, pen-
dant des années, avaient cultivé le sol qu'ils croyaient bien à eux, qui
par leur labeur, avaient transformé labroussaille *en beaux champs de
vignes, furent brutalement expulsés de leur maisonnette, chassés de
leur terre, parce que le propriétaire avec lequel ils avaient passé
contrat d'enzel ne remplissait plus ses engagements vis-à-vis du pre-
mier occupant. J'ai vu un groupe de ces dépossédés, de ces volés,
s'en aller avec, pour tout bien, quelques chèvres et de lamentables
loques, planter leurs gourbis sur un coteau crayeux de la région du
Kef : trois ans après leur installation, le coteau était caché sous le
vert manteau d'un superbe vignoble.
Envisagée séparément, la colonisation agricole sicilienne ne parait
pas mériter les reproches faits à l'ensemble des émigrants de l'île,
ouvriers des grandes routes ou journaliers :
(1) UaiHiort de rAdminislr.ition du "21 décembre 1S99.
- 264 -
(( Travailleuse et docile, elle ne donne pas de sujets de plainte
et vit en bonne intelligence avec ses voisins. Si elle ne fusionne pas
avec l'élément français, c'est qu'apparamment elle est installée depuis
trop peu de temps pour rompre définitivement avec son pays d'ori-
gine et, d'autre part, que l'élément français pouvant vivre de la
même existence, n'existe qu'à l'état d'exception en Tunisie.
« La fusion dans la famille française, difficile au début par suite de
la grande inégalité existant entre ces deux éléments au point de vue
du développement intellectuel et économique, s'opérera progressive-
ment par le rapprochement des intérêts, l'influence de l'Ecole et
l'acquisition du sol. Un économiste a dit : « Le laboureur, quelle que
soit son origine, devient citoyen de la terre où il a pris racine. y>^'^^
Or, les Siciliens ont des tendances à l'installation définitive, au
moins ceux d'entre eux qui parviennent à se transformer en fermiers,
en métayers ou en petits propriétaires.
Ce n'est pas Y agriculteur italien qu'il faut craindre, mais la popu-
lation flottante, l'armée qui roule et passe en emportant une partie
de l'argent delà Tunisie dans son pays d'origine. L'émigration agricole
italienne a été, au contraire, im excellent facteur économique pour
la Tunisie française, un élément de civilisation et de prospérité. M.
Burdeau, dans un de ses beaux discours sur la colonisation algérien-
ne, faisait ressortir les énormes services rendus à notre possession
de l'Afrique du Nord par les travailleurs Espagnols. On peut consta-
ter le même phénomène en Tunisie: le Sicilien est une nécessité
pour le développement agricole de la Tunisie, comme l'Espagnol le
fut pour la partie ouest de l'Algérie.
Est-ce à dire que cette invasion sicihennc doive em'ayer l'immigra-
tion française V Pas le moins du iiionde. Il y a place pour tous au
soleil tunisien, car, pas plus en Tunisie ({u'ailleurs, les intérêts fran-
çais et les intérêts italiens ne sont opposés.
C'est ce qu'a compris l'Administration du Protectorat. Nous avons
vu, en eflét, (pio la Directiou de rAgricMilluic sVsl |)réoccupée d'ac-
quéi-ir des terrains de culture partout où elle a pu s"en procurer à
des prix raisonnables parfois pivs des agglomérafions sicili<Mi-
nes — afin de les livrera la colonisafion frauçaisc, et lors(|u'elle ne
(\) Note il.- la Dirw.liuii (!.• l'Ai^iicullure cl du Ciimiiicrcc (juin l'.KHi.
— 2Go —
lu pas fait, c'est qu'elle s'est heurtée à des impossibilités matérielles.
La Direction de l'Agriculture a acheté, alloti et vendu aux agricul-
teurs venus de France ou d'Algérie, des terrains situés dans les ré-
gions suivantes :
i'^ Caïdat de la Banlieue de Tunis :
La Soukra ; la Menilha ; Fouchana; La Mornagiiia ; l'iienchir Mai-
zila ; Fondouk-Choucha ; Les Nassen ; Chela ; La Cebala du Mor-
nag.
5" Caïdat de Tébourba :
Protville ; Sebguine ; Borjd-Touta ; Maissicault ; les henchirs El-
Alouine; La Campagne ; Ech-Ghadly ; Zakaria et Mengoub.
5" Caïdat de Zaghouan :
Bir-M'clierga; les henchirs Djebbas et Kasbatt; Smindja; Bir-IIali-
ma et Pont-du-Flias.
Dans la plupart de ces localités ou autour d'elles, des agriculteurs
siciliens sont établis : cela empéche-t-il les colons français de pros-
pérer ?
La Direction de l'Agriculture se préoccupe de grouper des lots
urbains, industriels ou de petite culture dans le voisinagedes villes, où
les ouvriers pourront, après leur journée de travail, prendre un peu
de repos et respirer une bonne ilose (roxygène.EUe se préoccupe éga-
lement de créer des villages français près des voies de grande com-
munication et autour des gares, afin que les ouvriers agricoles ou
ceux qui, par leur métier, touchent à Tagriculture, puissent posséder
leur maisonnette, leur jardin, leur coin de verger, tout en vaquant à
leurs travaux dans les fermes environnantes, et qu'ils trouvent ainsi,
dans l'exploitation d'un petit lot de culture, un surcroît de ressources
et une augmentation de bien-être.
L'établissement, sur le sol tunisien, du paysan sicilien ne peut
nuire, dans ces conditions, à l'installation de l'ouvrier agricole fran-
çais, de l'artisan, du petit commerçant. Le Sicilien restera, pendant
longtemps encore, confiné dans la culture de la vigne ou dans la
culture maraichère, tandis que le Français pourra, par ses connais-
sances plus étendues et ses aptitudes générales, se livrera toutes les
cultures en usage dans ce pays. Ils ne se gêneront pas l'un l'autre, et
k la longue fraterniseront.
Il ne faut pas davantage faire croire au péril étranger : il est vain.
— 206 —
Il est fùcheux, certes, de constater en Tunisienne proportion d'étran-
gers supérieure à celle des Français, mais nos moyens d'action sur
ces populations immigrées sont suffisants pour apaiser nos craintes.
M. Loth, dans sa conclusion, qui sera aussi la nôtre, le dit fort
bien :
(( Tous les intérêts européens, en Algérie et en Tunisie, sont étroi-
tement soudés entre eux. La direction est entre nos mains : qu'avons-
nous à craindre ? Prenons garde de créer le péril en organisant,
nous-mêmes, par des attaques inconsidérées, des groupements hosti-
les à notre influence. »
La France est en avant de vingt ans, comme progrès social, sur les
autres nations. Et c'est pourquoi, de toutes parts, on vient à elle.
Les lils de la Révolution ne sont pas faits pour rejeter brutalement
hors de la société ceux qui leur demandent protection : ils leur ten-
dent une main fraternelle pour marcher, de concert, toujours vers
plus de liberté.
Novembre liK)5.
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BîZERTE
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•
LE CONTROLE CIVIL DE JJlZEJM'E
CllAPITRK l'T
Limites. — Aspect. — Hydpoyraphie et oroijpaphie. — ?"or«''ls.
Travaux publics. — Mines. — Les Romains. — Les indigènes.
Population. — Propriétés.
Limites. — Le Contrôle civil de Bizerte, dont la supeiTicie totale
est d'environ 3.400 kilomètres carrés, est limité : au Xord, par la
mer; à l'Ouest et au Sud, par le Contrôle de Béja; au Sud-f^st et à
l'Est, par le Contrôle de Tunis.
La irontière Nord-Ouest commence au cap Nèg-re, elle suit une
direction N.-O.-S.-E. jusqu'à l'oued I^élii", dont elle remonte le cours
jusqu'à la jonction de cette rivière avec l'oued Demous, qui prend sa
source dans la garaàt Sedjenane. C'est un peu au sud de ce conlluent
des deux oueds que doit se trouver le point terminus de la ligne
ferrée des Nefza, dont les travaux commenceront prochainement.
A partir de cette jonction, la frontière se dirige vers le S.-E. pour
atteindre l'oued Bou-Jenna, qui lui sert de limite pendant six kilo-
mètres environ, puis gagne, par une direction S. -S.-E. le Bir-Bou-
grin et enfin l'oued Begra à '25 kilomètres de sa source (lledill).
Remontant brusquement vers le N.-O. avec cette rivière dont elle
suit le cours, elle le quitte au lieu dit Aïn-el-Amida pour inllécliir
de nouveau vers le Sud, gagnant les crêtes des djebels Guebli et
Douani (Caïdat de Béja).
Ayant opéré sa jonction avec l'oued Boudissa, la frontière remonte
ce cours d'eau pendant (piatre kilomètres, jus([u'au lieu dit Siili-ol-
Iladericli puis inlléchit nettement vers le Sud.
Parvenue à Sidi-Bessabeur, elle change totalement de direclion et
franchit les Béjaoua de l'Est à l'Ouest, jusqu'à sa rencontre avec
l'oued Tine.
— 268 —
Elle suit dès lors constamment le lit de cette rivière, avec une
direction générale S.-E.-N.-O. pendant 35 kilomètres environ jus-
qu'au coniluent de l'oued El-Kloufi, séparant ainsi le Caïdat de Mateur
des Caïdats de Medjez-el-Bab etTébourba. La frontière gagne la ligne
du chemin de fer de Tunis à Bizerte au kilomètre 54 et la suit jus-
qu'à la gare de Sidi-Athman, la région située au Nord de cette
ligne étant le Contrôle de Bizerte, celle au Sud le Contrôle de Tunis
(Caïdat de Tébourba).
De Sidi-Athman (gare), elle infléchit vers le S.-O. traversant la
partie sud de la garaàt Mebtouha pour arriver à la Medjerda, dont
elle suit le cours jusqu'à son embouchure au sud du lac de Porto-Fa-
rina, terminant ainsi les limites du Caïdat de Tunis avec celui de
Bizerte.
Aspect. — Le Contrôle de Bizerte est la partie septentrionale de la
Tunisie qui, par le climat, la llore et aussi la constitution géographi-
que, rappelle le mieux certaines régions du Midi de la France, la
Provence et le Languedoc notamment. Ce Contrôle, un des plus fer-
tiles et des plus arrosés de la Régence, est partagé en deux Caïdats :
le Caïdat de Bizerte et le Caïdat de Mateur.
La limite méditerranéenne qui, du cap Nègre (dans les Mogods),
va rejoindre Sidi-Ali-el-Mekki (près de l'embouchure de la Med-
jerda), présente l'aspect d'une longue falaise à peine interrompue sur
quelques points. De l'Ouest à l'Est, on relève successivement sur ce
littoral, le Ras-el-Koran et Punta-Secca, puis on atteint le Cap-Blanc,
(Candidum Promiintorhim, de Plinej, point le plus septentrional
de l'Afrique. Ce cap élevé, escarpé, couronné par un sommet arrondi,
précède le cap El-Guerra, voisin de Bizerte. Du Cap-Blanc, avec de
bonnes jumelles marines, on peut distinguer, quand le ciel est très
clair, les promontoires sardes et siciliens les i)lus avancés vers le
Sud. A l'Est de Bizerte, le Ras-Zebib, adossé à une liante terre, oll're
une certaine ressemblance avec le Cap-Blanc. La côte s'inllécliit en-
suite légèrement vers le Sud-ïCst : on aperroit successivement les
petites villes de Métline, Ras-el-Djebel, Raf-I^af, puis on atteint le
[{■.is-el-Wnkki (le Promuntoriuni Apiiolitiis, (ic VVww). Ce ras ou cap
de Porto-Farina, forme une pointe étroite, allongée et relativement
élevée, dont la silhouette est des plus remar<iual)les : elle rappelle.
— 269 —
dans (le moindres proportions, le fameux roc an},dais de Gibraltar.
C'est là que commence le golfe de Tunis.
Quelques îles ou îlots émergent à peu de distance du littoi-al et font
partie du Contrôle de Bizerte ; ce sont : à l'Ouest, au lar^^e du cap
Serrât, la Galite et les deux Galitons; les cinq îlots rocheux des
Chiens, à 5 kilomètres au N.-E.du Ras-Zebib; l'île Pillau (ProsuponJ,
au N.-O. du cap Sidi-Ali-el-^Iekki; enfin à 3 milles à l'Est de ce cap,
on aperçoit l'île Plane (Korsura/, située dans le golfe même de
Cartilage.
La partie nord du Contrôle est bordée de hautes falaises et de du-
nes profondément découpées, offrant ainsi d'excellents abris aux bar-
ques de pèches et aux navires de petit tonnage; la région Est du
Contrôle est basse, marécageuse, sillonnée par des bras de la Med-
jerda qui, souvent, déborde; la partie centrale renfermela belle plaine
de Mateur et les vallonnements qui succèdent aux montagnes des
lîéjaoua et des >\Iogods ; la région ouest au contraire, qui comprend
les territoires des Mogods, des Béjaoua et des Hédill, est montagneuse
et sauvage : c'est la lin de la Khroumirie, moins tourmentée, certes,
que la région d'Aïn-Draham, moins ombragée que le pays des Nefza,
mais c'est encore la Khroumirie, une Khroumirie plus petite, plus
cultivée, qui, par ses ondulations de plus en plus douces, par ses sou-
lèvements de moins en moins accentués, vient se confondre, vers
l'Est, avec la vaste plaine de Mateur.
La colonisation s'est développée assez tardivement dans le Con-
trôle de Bizerte. Jusqu'en 1889, il n'existait guère plus d'une dizaine
de propriétés européennes sur toute l'étendue de la circonscription.
La région de ^tateur n'en comptait que trois : Bakraïa et Outetla,
appartenant à un Anglais, et Aïn-Rhelal, à un Français. En 1890, c'est-
à-dire vers l'époque où toutes les terres disponibles des environs de
Tunis eurent trouvé acheteurs, les colons commencèrent à se porter
vers la plaine de Mateur et la basse vallée de la Medjerda; mais
c'est surtout depuis 1897 que ce mouvement a pris une grande exten-
sion et que les exploitations européennes se sont nuiltipliées, dans
ces régions d'abord, puis dans les autres parties du Contrôle.
Il est à remarquer (|ue ce résultat procède presque exclusivement
de l'initiative privée. On ne rencontre pas dans le Contrôle de grands
centres de colonisation analogues à ceux des Contrôles de Tunis et
de Béja et dus uniquement à l'intervention de la Direction de l'Agri-
— 270 —
culture. Les raisons en sont multiples : cette Administration n'a été
dotée de fonds d'achats de terres qu'au moment où les terres dispo-
nibles du Contrôle étaient déjà passées aux mains d'Européens et
avaient pris de ce chef une valeur très élevée; de plus, ces terres
disponibles étaient et sont relativement restreintes par suite de la
densité de la population indii^ène et du régime d'indivision assez fré-
quent entre les nombreux membres d'une même famille.
Actuellement les diverses exploitations agricoles, créées par nos
compatriotes, sont réparties en nombre à peu près égal entre les deux
Gaïdats qui forment le Contrôle civil de Bizerte. Par la force même
des choses, certains groupements se sont constitués sur les points
les plus fertiles et les plus rapprochés du chemin de fer ou des rou-
tes empierrées. Les environs de Mateur, la route de ^lateur à Bizerte,
celle de Bizerte à Tunis, la rive gauche rie la jMedjerda, plus favori-
sés sous ces deux rapports, devaient attirer l'attention des agricul-
teurs, et c'est en elTet dans ces diiférentes régions que l'on rencontre
aujourd'hui le plus grand nombre de propriétés françaises.
Dans les Mogods, les Hédill et les Béjaoua, qui forment la presque
totahté du Caïdat de Mateur et qui ne sont desservis que par des pis-
tes impraticables pendant la saison des pluies, la marche de la colo-
nisation a été beaucoup moins rapide. 11 est jusle de dire que l'on va
construire, dans cette partie du Contrôle, des voies de pénétration
(chemins de fer Béja-]\Iateur, Mateur-Xefza, routes de Mateur à Té-
bourba, de Mateur à BéjaJ, qui donneront accès à de nouveaux terri-
toires très propices à la colonisation.
Orographie. — Dans le Caïdat de Bizerte, le sol présente deux
parties monlueuses", nettement séparées par l'oued Tindja et le lac de
Jîizerte. L'ensemble général de ce soulèvement est borné au Nord-
Ouest i)ar la mer Méditerranée, et à l'Est i)ar le cours du lleuve
iMedjerda.
La première de ces parties montueus(>s, située à l'ouest de Bizerte
se rattache aux montagnes de Mogodie et plus particulièrement au
chaînon qui forme la ceinture de la rive gauche de l'oued Sedjenane.
Cdiimi iliibord sous le nom du djebel El-Méradine, il délenniiie la
ligne de partage des oueds Chabet-el-Grida et El-Oubbira. Dirigé
ensuite du S.-S.-O. au N.-N.-E., ce rameau se pi'olonge jusqu'au Cap-
Blanc, déterminant de courtes et petites vallées.
— 211 —
La deuxième cliaîne du G-'ïdat de Bizerte, peut être considérée
comme l'escarpe d'un fossé représenté parle lac; elle est également
orientée S.-S.-O. au N.-N.-E. et forme la ceinture occidentale du
bassin inférieur de la Medjerda. Le djebel Kechabta (430"».), en est
le soulèvement principal; il se prolonge jusqu'au ras Sidi-Ali-El-Mekki
au pied duquel viennent expirer les Ilots de la mer. La partie ouest
de cette même chaîne, depuis Métline jusqu'à Bizerte, est caracté-
risée par des apports considérables de sable dûs aux vents marins.
Les sables ont recouvert les dernières ondulations du djebel Bou-
Brida, qui ont toute l'apparence de dunes réelles.
L'orographie du Caidat de Mateur est plus complexe. Dans la
région même de Mateur, existe un pâté montagneux, compris entre
les deux routes qui, de Mateur, se dirigent sur l'aïn Ghebel et
l'oued Tindja. On remarque dans ce pâté, les djebels Mellaha et
Msafettine (400'".) et Arbaneffat, puis le djebel Achekel (508'".) qui
se dresse à pic dans le lac du même nom et que des marais isolent
de la terre.
Le système orographique de la Mogodie est divisée en deux par-
ties à peu près égales par la vallée de l'oued Sedjenane, et il existe
au nord et au sud de cette vallée, une chaîne de hauteurs orientée
du Sud-Ouest au Nord-Ouest allant aboutir du côté deBizerte. Dans le
groupe nord, les montagnes sont généralement arides et escarpées ;
les principales sont, à partir de l'Est : le djebel Sidi-Chaiaà, qui
s'avance jusqu'à la mer; le djebel El-Adassi, qui forme avec Je ket
Rhai, le versant oriental de la vallée de l'oued Rhiran ; le kef Silia,
arrête rocheuse, coupée en deux par l'oued El-Adoud; le djebel Ahmar
l'une des plus hautes montagnes de la région ; le djebel Dahraoui,
qui forme, dans la partie sud-ouest avec les ramifications du djebel
El-Hameria, le col d'El-Ayafa, important défilé faisant communiquer
le pays des Mogods avec celui des Nefza. A ce premier groupe de
montagnes, il convient de rattacher les hauteurs (jui bordent la côte
et sépare les bassins des diflérentes rivières qui se jettent directe-
ment à la mer. Ces hauteurs, sablonneuses pour la plupart, sont, de
l'Est à l'Ouest : le djebel Mahabess, promontoire escarpé s'avançant
dans la direction des îles Fratelli ; le djebel El-Blidat, dunes de sable
bordant la mer entre les embouchures de l'oued El-Mafra et de l'oued
Rhiran ; le djebel Tellat-el-Oust ; le djebel El-IIaIaï,qui forme le cap
— 272 -
Serrât; le djebel Cliitane, rochers abrupts surplombant la nier et se
prolongeant jusqu'à la falaise Boudhma (territoire des Nefza).
Les hauteurs formant la chaîne montagneuse au sud de l'oued Sed-
jenane sont peu élevées dans la partie Ouest ; elles vont, au contraire
en s'élevant dans la partie Est. Ce sont : le djebel Oulad-Saïdan, mas-
sif que l'on aperçoit de la plaine de Mateur; la longue arrête rocheuse
parallèle à l'oued El-Kontra et dont les diiîérentes parties portent les
noms de Kef-Ben- Ahmed, Kef-en-Ksour, Kef-Yagouth, Kef-Saadmoun,
qui domine le Khanguet-el-Bezouich, par où passe le cliemin de
Mateur à Souk-el-Djemmaà ; le djebel Guliaat-Djerad, qui se pro-
longe par le djebel Aïchouna jusqu'à la garaat Es-Sedjenane.
Il existe, en outre, une troisièms chaîne, suivie en plusieurs points
par la limite du territoire des Mogods, et dépendant tantôt desMo-
gods, tantôt des Béjaoua, des Hédill et des Nefza. Elle constitue à
l'Est la ceinture méridionale du bassin de l'oued Malah, et à l'Ouest
forme, avec les liauteurs environnantes, la cuvetle désignée sous le
nom de garaat Sedjenane. Cette chaîne comprend les djebels
Barhaia, Zangoura, Dhouaouda, Krebb, El-llameria.
Toutes les montagnes de Mogodie sont boisées. Le grès avec ses
diiîérentes variétés, est presque l'unique roche que l'on y rencontre :
le calcaire y est fort rare.
Le territoire des Béjaoua est irrégulièrement constitué tant au point
de vue hydrographique que comme aspect orographique. Les princi-
pales montagnes de cette partie du Gaïdat de Mateur, sont : le djebel
Mazzoug, montagne formant un nœud géographique qui sépaiv natu-
rellement les Mogods, les Hédill et les Béjaoua; le versant nord ap-
partient aux Mogods, celui de l'Ouest aux Hédill, ceux du Sud et de
l'Ouest aux Béjaoua. C'est un massif considérable dont les ramilica-
tions -s'étendent au loin, formant des vallées escarpées et irréguMères;
le djebel Antra, situé entre le conlluent de I'ouimI Begra et IOuimI
Bou-Dissa; le djebel Bou-Drar, près de la source de l'oued
Begra ; le djebel Tahent, qui se termine par une sorte; de la!)le
étroite élevée au-dessus d'un escarpement à j)lus de ôO mètres: celh-
table, iiccessible seulement vers l'Ouest, est crevassée, trouée de
profondes cavernes où se réfugiaient autrefois les li,ibil;iiils. mainte-
nant occupées par des multitudes d'animaux divers; au picil de l'es-
carpement, c'est-à-dire vers le Sud-Est, est placé le pittores(]ue village
berbère de Tahent. Les autres montagnes des Béjaoua sont les-dje-
- 27:î -
bels Faouar, Rebbaia, Hammam, Lakhmassi, <iui iorment une chaîne
importante au nord de l'oued Tine.
Les montagnes des Hédill sont généralement plus élevées, mais
peu boisées; à peine voit-on queNpies toulles de cliénes-verts sur les
plateaux et des oliviers sauvages dans les ravins. L'arrête monta-
gneuse qui sépare les Hédill de la Mogodie, comprend les djebels
Clioucha, vSidi-Salali, Zagralioui, El Krab, Djuega, dont les ramifica-
tions desservent le bassin de l'oued Hallatif ; les crêtes en sont incul-
tes, mais les versants cultivés.
Hydrographie. — Dans le Caïdat de Bizerte, les rivières, si nous
exceptons la Medjerda, ont un débit des plus variables et sont plutôt
torrents que cours d'eau. Les oueds issus du massif méditerranéen
sont : Dar-Djenna, sur la limite du Caïdat de Bizerte et des Mogods;
El Keltini qui prend naissance dans les hauteurs de Menzel-Zid:
Cliaoui, qui baigne le Rhar-el-Melah; les oueds Beni-Attah, Ali,
Gargara, qui se déversent entre le Ras Zebib et le piton montagneux
du djebel Fartass; l'oued Mamouna. Du Ras Sidi-Ali-el-Mekki à la
sebka de Sidi-Baroun, on remarque : l'oued Konechta sorti du djebel
Akina pour se jetter dans le lac de Porto Farina; les embouchures
delà Medjerda; l'oued Melah, né dans le djebel Guebar el Djouhala
et qui se jette dans la sebka de Sidi-Baroun.
La Medjerda sert de limite aux Contrôles civils de Bizerte et de
Tunis, de ki pointe sud de la garaat El-Mebtouba, près de Sidi-Tabet
à la mer, traversant une région semée d'exploitations agricoles et
passant entre Utique (Contrôle de Bizerte) et Galaat- Andless
(Contrôle de Tunis).
Si nous consultons les auteurs anciens, l'estuaire de la Medjerda
(Bagradas) a subi de nombreuses transformations. La plaine qui s'étend
à l'est de Tébourba formait dans les temps reculés, le fond du golfe
de Tunis dont elle doublait ainsi l'étendue, et la mer, par suite, bai-
gnait le pied des collines qui circonscrivent, au Sud et au Nord, les
plaines basses que la Medjerda sillonne aujourd'hui. Cette vaste et
profonde embouchure a eu le sort de tous les estuaires méditerra-
néens, les alluvions l'ont comblée peu à peu et le fleuve lui-même, se
heurtant à ses propres apports, a dû chercher plus d'une fois une issue
nouvelle. On peut conclure, par l'élude du sol, que le lleuve se jettait
— 274 —
dans la mer à rextrémité même qui formait la péninsule de CarLbage
et que son embouchure se trouvait sur la pointe rocheuse de Sidi-
Ahmar-bou-Ktioua. D'après Tissot, la superficie du terrain perdu par
la mer, mesuré sur les bases visibles de l'ancien littoral, peut être
évaluée à 250 kilomètres carrés et représente les apports du Bagradas
pendant vingt-e^-un siècles.
Le Caïdat de Bizerte possède deux lacs : le lac de Bizerte et le lac
de Porto-Farina.
Le lac de Bizerte forme une ellipse de 35 à 40 kilomètres de
circonférence; il mesure 8 milles de longueur sur 5 ihl de largeur;
sa profondeur varie entre 9m 50 et 12'" 80. Ce lac d'eau salée, dont
nous reparlerons dans un autre chapitre, communique avec la mer
par un large canal, et avec le lac Achkel, situé sur le Caïdat de Mateur,
par l'oued Tindja, espèce de canal dont le cours sinueux et rapide
serpente et se replie plusieurs fois sur lui-même, traversant une
bande de terre basse.
Le lac de Porto-Farina forme un bassin elliptique dont le grand
axe, à l'Ouest et à l'Est peut avoir 8 kilomètres et le petit 5; une lan-
gue de terre étroite et en partie cultivée, dénommée Chott-El-Bahr,
le sépare de la mer avec laquelle il communique par une ouverture
large de quelques centaines de mètres et peu profonde. Ce lac se com-
ble insensiblement par suite de la quantité de terre et de limon que
déversent continuellement les bras nombreux de la Medjerda qui s'y
jettent.
Tous les cours d'eau de la région de jMateur sont tributaires du lac
Achkel; les principaux sont : l'oued Djoumine, qui pénètre dans le
Caïdat de Mateur à 3 kilomètres au Sud de cette ville; il décrit vers
l'Est une boucle avant de remonter vers le Nord pour se jeter dans le
lac; il n'est jamais à sec et reçoit à droite un allluent important,
l'oued Tine qui, après avoir servi de limite avec le Caïdat de Tébourba,
vient se jeter dans la boucle à l'est de Mateur; les oueds Mzaken,
Saada, Chezla, Czeni, Malah qui reçoit de ÎMogodie de nombreux
])elils cours d'eau; l'oued (loura, déversoir du lac Sedjenane, (piisert
d(î limite près de son ciidioucliiu-o enti'e les Caïdats de lîizei'le el de
Mateiii'. L'e;m ne fait dc-faut mille pai'l, dans la i't\L;i()n de Mateur;
de nombreux i)uils et mille peliles sources sont lieiireiiscMiient répai'-
tis dans les hencliirs.
— 275 -
L'inspection de la carte <le Mo.^odie [((T'iiicL de coiislalerque toutes
les eaux amassées dans le groupe montagneux siLiu'' au iiorrl de l'oued
Siîdjenane, vont se jeter directement dans la mer, tandis f|ne celles
pi'ovenant du groupe montag'neux situé au sud de cet oued, se jet-
tent soit dans le lac Achkel, soit dans l'oued Sedjenane aboutissant
au même lac. Les eaux du bassin du lac Aclikel sont recueillies par
l'oued Malab, dont les principaux allluents sont sur le territoire des
Mogods, à droite l'oued El Gouss, à gauche l'oued El Ilalou grossi
de l'oued Berdia. L'oued Malah n'est jamais à sec; il prend sa source
dans le djebel Dhouaouda et sort du territoire des Mogodsà hauteur
de Si-Fatallah ; ses eaux sont fortement salées. Le bassin de l'oued
Sedjenane comprend deux parties distinctes : le bassin de l'oued
Magrat qui a une direction S.-E.-N.-O., partant du djebel Ivrebb
pour aboutir à la garaat Sedjenane, et le bassin de l'oued Sedjenane
proprement dit dont la direction générale est S.-O.-N.-E, et qui est
formé par les deux chaînes montagneuses décrites plus liant. L'oued
Sedjenane n'est autre que le canal par où s'écoulent dans le lac
Achkel, les eaux qui s'amassent dans la cuvette désignée sous le nom
de garaat Sedjenane, plaine marécageuse en été, lac de vaste éten-
due en hiver, envahissant la campagne environnante. L'oued Sedje-
nane suit une vallée basse, très malsaine jusqu'à Souk-el-Djemmaà;
au-delà de ce point, son bassin se resserre pour former le Khanguet-
el-Radam; cet oued prend ensuite le nom d'El-Kontra.
Enfui le bassin côtier des Mogods renferme : l'oued Djenna descen-
dant du djebel Chiaia; l'oued llerkat, qui reçoit à droite l'oued Chair;
l'oued Rhiran, qui traverse une vallée encaissée et boisée, reçoit, à
gauche, l'oued El-Aoud, et se jette dans la mer tout près de l'oued
Mahibess. Ce dernier cours d'eau, le plus important de cette partie de
la côte, vient du djebel Daliraoui,il se grossit de nombreux torrents,
suit une direction S.-O.-N.-E. parallèle à la côte, puis se jette dans
la mer à l'est du cap Serrât, sous le nom d'oued Ziatin: sa vallée lor-
mée d'un sol argileux, est très fiévreuse. En Mogodie, les sources
sont nombreuses, saumàtres pour la plupart ; les puits y sent rares.
Au nord-est du territoire des Réjaoua, on rencontre les vallées
supérieures de presque tous les torrents (pii vont se jetler directe-
ment dans le lac Achkel : l'oued Bou-Mkila est la première rivière
que l'on rencontre en venant de Mateur; l'oued Aïn-(>l-Mi/.all', qui
prend sa source à l'hencliir r>eni-Maril/. et s(\jetle dans l'oued Zitoiin;
— 270 -
les oueds El-Glet et Ed-Dheb, qui sont aussi deux aftluents de l'oued
Zitoun. L'oued Djoumine coupe le territoire des Béjaoua du S. -0.au
N.-E. [l s'appelle, à l'origine, oued Begrat et prend le nom d'oued
Djoumine à partir du confluent de l'oued El-Hallif qui, pendant tout
son parcours chez les Béjaoua, coule au fond d'un ravin étroit, escarpé,
couvert de broussailles et très difficile à parcourir. L'oued Djoumine
prend sa source dans les tlancs du djebel Bou-Drar et, peu après,
coule dans une vallée assez large, bien cultivée; il reçoit de nombreux
affluents et conserve de l'eau toute l'année. Ce même territoire est
également arrosé par l'oued Bou-Dissa, sinueux, dont la vallée large-
ment ouverte, s'évase surtout à partir du Khanguet-El-Hammam ; les
oueds Djerrou et Mazou, qui se réunissent au Sud-Est pour former
l'oued Zerga; l'oued Tine qui forme la limite des Béjaoua jusqu'à la
Zaouia de Sidi Abd-el-Basset, et prend sa source dans le djebel ]\Iahdi
(Caïdat de Medjez-el-Bab).
Le seul cours d'eau important appartenant aux Hédill, est l'oued
Begrat, qui sert de limite entre les Hédill et les Béjaoua sur la plus
grande partie de son cours; c'est une tranchée large d'une quinzaine
de mètres et de quatre à cinq mètres de profondeur, dont les talus à
pentes rapides ne permettent pas le passage en tous points. L'eau
y est bonne et ne tarit jamais. Les affluents de ce cours d'eau, dont
la réunion avec l'oued Bou-Dissa constitue l'oued Djoumine, sont : les
oueds Hammam, Hallif et Souani, qui fournissent de bonne eau en
tout temps. De nombreuses petites sources sortent aux environs des
douars, elles se distinguent de loin aux bouquets de verdure qui les
entourent; l'une des principales est Ain-Youdi, aux environs de la
route de Béja. Les indigènes prétendent qu'il y avait là autrefois un
puits dans lequel on jeta un Juif qui s'était rendu coupable d'un enlè-
vement : le puits se referma sur sa victime et la source jaillit sur
l'emplacement du puits.
Le lac xVchkel se trouve sur le Caïdat de Mateur, au nord de celte
ville; il a une largeur maxima de 14 kilomètres de l'Est à l'Ouest;
son étendue moyenne, dans la direction Xord-Sud, est environ iiioitii''
moindre; il est moins profond que le lac de lîizerte, avec lequel il
communique par l'oued Tindja. Le lac Achkel, f^/srtra des Anciens),
tire son nom de la pittoi'es(iue montagne qui s'élève sur sa rive sud-
est, et qui autrefois était une île. Ce lac recueille les eaux prove-
- 211 -
liant (les deux rameaux de la chaîne méditerranéenne qui linissent,
Tune au Cap-Blanc, l'autre au Ras Sidi-Ali-el-Mekki. L'abondance
des Ibssilles marins qui couvrent ses rives, démontre ({ue ce lac fut
salé; les terrains qui l'enserrent sont composés de marne et de cou-
ches de sable superposées, tandis que le djebel Achkel est formé de
marbre et d'ardoises.
Forêts. — Les forêts du Contrôle civil de Bizerte appartiennent
à deux circonscriptions du Service forestier: la circonscription de
Tabarka et celle de Tunis. M. Degréaux, inspecteur à Tabarka et
M. Tellier, inspecteur à la Direction de Tunis, ont eu l'obligeance de
nous communiquer les notices suivantes qui donnent un aperçu fort
exact de la situation forestière de ce Contrôle :
Première notice. — Forets de la circonscription de Tabarka, si-
tuées sur le territoire du Contrôle civil de Bizerte :
« La superficie boisée, n'est pas moindre de '20.000 hectares sur
la partie du territoire du Contrôle civil de Bizerte qui dépend de la
circonscription forestière de Tabarka.
« Ces boisements forment la forêt domaniale des Mogods. Bs n'ont
plus, dans leur ensemble, riiomogénéité et la densité de ceux du
massif Khroumir. S'ils sont encore compacts et de belle venue dans
la région qui avoisine la forêt des Nefza, ils vont, par contre, en se
dégradant au fur et à mesure que l'on avance vers l'Est ; soit que la
forêt de chênes-liège ne trouve plus ici les conditions de végétation
qui la font prospérer, soit qu'elle ait été dévastée et appauvrie par
des incendies plus fréquents qu'ailleurs.
« Le chêne-liège est à peu près la seule essence précieuse qui
constitue la forêt des Mogods. Le chêne zéen ne s'y rencontre que
sur un point de la vallée de l'oued Mahibess,et encore, est-ce à l'état
de sujets isolés et rares. Ce n'est guère qu'en 1897, que le Service
forestier s'est implanté darTs la forêt des Mogods. Des postes de
garde y ont été créés en 1897, au djebel Choucha, en 1899;iroued
Mahibess. Un poste de chef de brigade a été établi en 1900 à Sidi-
Baleus.
<( Les travaux de mise en valeur commencés en 1898 ont été ter-
minés en 11X33. 11 a été ouvert 7IÎ kilomètres de tranchées parcellai-
res ou de protection contre l'incendie et 100 kilomètres de sentiers
muletiers.
La Tunisie du Nord 19
— 278 —
(( Les démasclages ont porté sur 474.000 chènes-liège. La première
récolte de liège aura lieu eu 1907 ; elle marquera l'entrée en produc-
tion de la forêt.
« Malheureusement les incendies de 190'2 allumés systématique-
ment par les indigènes ont détruit un grand nombre d'arbres et une
partie notable de la récolte de liège sur pied. Ces incendies dont le
nombre a été de vingt-cinq pendant une période de moins de un
mois, ont parcouru 8.000 hectares de terrains boisés, atteint 200.000
chènes-liège déjà mis en valeur et dont 160.000 ont péri des suites
des atteintes du feu. Les pertes se sont évaluées à 400.000 irancs.
« A la suite des incendies de 1002, le Gouvernement Tunisien
a pris des mesures énergiques à rencontre des populations indigènes
de la région des Mogods. Elles ont porté leurs fruits, et tout permet
d'espérer que pareils désastres ne se reproduiront plus. »
Deuxième notice. — Forêt de la circonscription de Tunis-Nord :
« Les massifs forestiers situés à l'est de l'oued Ziatine, de la garaat
v^edjenane et de l'oued Magrat font partie de la circonscription de
Tunis-Nord. L'essence dominante est le chêne-liège, mais la dégra-
dation déjà indiquée dans la circonscription de Tabarka s'accentue
au fur et à mesure que l'on s'avance vers l'Est. On la constate aussi
bien dans la densité des peuplements qui finissent par ne plus con-
sister qu'en îlots de chênes-liège disséminés parmi la broussaille,
que dans leur état de végétation qui devient de moins en moins satis-
faisant. Les arbres diminuent de vigueur, se rabougrissent et, à la
limite de la forêt, passent même à l'état buissonnant. Ceux qui ont les
dimensions voulues pour être démasclés résistent moins bien à cette
opération. On trouve cependant éparses au milieu des fourrés, des
souches d'arbres de fortes dimensions, ce qui prouve que ce ne sont
pas les conditions de sol et de climat qui s'opposent à la bonne venue
du chêne-liège. Cette dégradation progressive peut être attribuée à
la plus grande fréquence des incendies qui ont détruit l'humus et
fatigué les souches et aux abus du pâturage, plus intensif lorsqu'on
s'approche des régions de Mateur et de Bizerte.
« La contenance de ces boisements est 45.000 heclai-es, mais la
Commission de délimitation administrative de 1003, après de longs
(h'bats, n'en a classé (jue 15.000 hectares dans le domaine foivstiei'.
« Le démasclage a porté, de 1898 à I902,sur 350.000 ai'bres. Les iii-
ceiiflies de 1902 et l(»s distractions opérées par la Commission de
délimitation, réduisent ce norrdjre à 155.000. Le liège re[)roduit sem-
ble jus(|u'ici de qualité médiocre et rex|)érience seule pourrii monti'er
s'il est avantageux de continuer à trailer, au point de vuf de cette
l)roduction, les arbres de ces cantons.
— 27î> —
« Cette partie de la lorèl des Mogods est surveillée par un garde
résidant à Mateur et dont le service s'étend en outre sur les boise-
ments de pins d'Alep du djebel Nador à Porto- Farina, sur les taillis du
djebel Aclikel et sur les dunes domaniales de JJizerte.
« Les travaux de fixation des dunes situées à Test de Bizerte ont
pour but de protéger contre Tenvaliissement des sables la route mi-
litaire du llamel, les ouvrages de défense de la place de Bizerte
construits sur ce point et les terres de culture de la région d'El-Azib.
Ils ont été l'objet d'une entente entre le Ministère de la Guerre et le
Gouvernement Tunisien et sont exécutés à frais comnmns par le
Génie militaire et le Service forestier. La méthode adoptée est celle
qui a été employée par la fixation des dunes de Gascogne avec les
modifications nécessitées par les circonstances locales. Les travaux
consistent principalement en palissades d'arrêt contre les apports
successifs de sables provenant de la plage et en couvertures de brous-
sailles avec semi de pin maritime sur les dunes en marche. Ils ont
été commencés en 1905 et, malgré les difficuliés rencontrées pour
amener à pied-d"œuvre les broussailles nécessaires, les résultats de
la première campagne donnent toute satisfaction. »
Les routes. — Déjà du temps de Carthage, les cités d'Utique, de
Ruscinona, d'Hippo-Diarrhytus communiquaient entre elles et avec
la capitale par de nombreuses voies qui sillonnaient tout le pays;
les Romains n'eurent donc qu'à consolider et à entretenir les routes
puniques. L'itinéraire d'Antonin et la table de Peutinger donnent à
ce sujet de très précieux renseignements. Dans la partie du territoire
qui nous occupe, on relève, outre la voie romaine de Carthage à
llippone par la vallée de la Medjerda (rive gauche), une route qui
passait par Utique, Ruscicona, puis gagnait Hippo-Diarrhytus; de
là, cette route suivait le littoral, gagnait le pays des Mogods, puis la
Khroumirie pour atteindre Tabarka et entrer en Algérie. Les artè-
res se bifurquaient dans l'intérieur du pays en diverses stations; de
plus, d'autres grandes routes les coupaient transversalement, et les
points d'intersection de ces routes formaient comme autant d'étoiles,
de pattes-d'oie qui facilitaient les relations dans toutes les directions :
il suffisait de la moindre localité à desservir pour faire déciiler la
construction d'une nouvelle voie.
Ces anciennes routes ne sont plus aujourd'hui que de mauvais
sentiers qui, souvent, suivent les vestiges des antiques chaussées, et là
où elles traversaient les rivières, on voit encore des ruines de ponts.
— 280 -
Depuis l'occupation française, certaines routes du Contrôle civil de
Bizerte ont été construites et sont entretenues par le ^linislère de la
Guerre; elles constituent un réseau de 46 Idlomètres 800. Ce sont:
1 . La route d' Aïn-Maien au Cap de Bizerte ;
2. Embranchements desservant les différentes batteries ;
3. Routes d'Aïn-Berda à Aïn-Damous ;
4. Route d'El-Euch nu col de Sfaiat;
5. Route du col de Sfaiat à la route no 20, par les djebels Beni-
Meslem et Hallouf;
G. Route d'Aïn-Tella au djebel Soumène;
7. Route de Zarzouna à Aïn-Bittar ;
8. Route d'Aïn-Bittar à la batterie du Remel;
9. Route i-eliant la route n» 6 à la batterie de Ghereck-ben-Chaà-
bane ;
10. Route desservant les barraquements militaires de Menzel-Dje-
mil.
Les routes et chemins construits et entretenus par les Travaux
publics dans le Contrôle, sont:
Pour le Caïdat de Bizerte :
i . Route de Bizerte à Tunis ;
2. Embranchement d'Utique ;
3. Embranchement de Menzel-Abderrliaman ;
4. Embranchement du Bac ;
5. Route de Sidi-Athman à la route u" 0 ;
0. Route de Bizerte à Mateur ;
7. Embranchement de la Défense Mobile;
8. Embranchement de Sidi-Ahmed:
î). Embranchement de Mateur à Djedéida;
10. Embranchement de Bizerte à Porto-Farina ;
. Embranchement de Tunis à Porto-Farina ;
Pi. Embranchement de Bizerte à Bécliateur ;
L3. P^mbi-aiichement de l'oued Merdj;
14. Fmbraiichemeiit de lîéni-Messlem ;
IT). Roule de P>i/.tMt(' à Aiii-Nh'-iicm ;
H). Boute du lac de P)izerle ;
— 2SI —
17. EmbraiichcmoiiL do la station de l'oued Tindja;
IcS. Embranchement de l'Arsenal de Sidi-Abdallali ;
'lî>. Embranchement deSidi-Yaya;
20. Route de Tindja-Ferryville à Aïn-Rhelal;
Au total, 180 kilomètres 800 dans le Caïdat de Bizerte.
Pour le Caïdat de Mateur :
i . Route de ^lateur à Rizerie ;
2. Embranchement des llédill;
'3. Embranchement contournant Mateur au Nord ;
4. Embranchement au nord de Mateur;
5. Route de Mateur à Djédéïda ;
0. Route de iNIateur à Tébourba :
7. Route de Mateur à Béja par Toued Djuumine ;
8. Route de Sidi-Athman à la route n« 6;
Soit environ 60 kilomètres de routes dans le Caïdat de Mateur.
La Direction des Travaux publics procède en ce moment à réta-
blissement de la route d'Aoudja à Ras-Djebel et de la route d'El-Azib ;
cette Dh-ection doit également construire en 1000 la route de Then-
chir Amla et la route de Ras-Djebel à Métline. Ce réseau en cons-
truction ou dont la construction est envisagée par l'Etat, représente
un total de 20 kilomètres 200.
Le Contrôle civil de Bizerte aura, donc à la (in de l'année RHX), un
réseau de bonnes routes en excellent état de viabilité, de .'Î08 kilo-
mètres environ.
Le chemin de fer (embranchement de Djédéïda à Bizerte, Compa-
gnie Bùne-Guelma), pénètre dans le Contrôle civil à la hauteur de
Sidi-Atliman. Il dessert successivement les stations de Sidi-Athman,
Aïn-Rhélal, Mateur, Tindja, Sidi-Ahmed, la Pêcherie, Bizerte. Le
trajet de Sidi-Athman à Bizerte est de 60 kilomètres.
Mines. — Les mines concédées dans le Contrôle de Bizerte sont :
1«> Une partie des mines de fer des Nefza (mine de Ganara, ap-
partenant à la Compagnie du Mokta-el-lladid; mines de Tamra Bour-
chiba, oued Bou-Zenna, à la Société anonyme des Mines de fer des
Nefza. Inexploitées en attendant la construction du chemin de ter
de Nefza-Mateur.) Trafic prévu : 200.000 tonnes par an :
— 282 —
'2° Les mine? de zinc et plomb de Bécliateur (12 kilomètres au
nord-ouest de Bizerte, et d'El-Grefa, 15 kilomètres à l'ouest de Ma-
teur), appartenant toutes deux à la Compagnie Royale Asturienne,
et ne contenant que des minerais pauvres, que la Compagnie doit
prochainement exploiter au moyen de puissantes laveries mécani-
ques dont rinstallation est à peu près achevée ; il n'a été produit que
de faibles quantités de minerai marchand jusqu'à présent ; mais il
n'en sera pas de même dans deux ou trois ans, époque à laquelle
chaque mine pourra donner facilement une production annuelle
de i.ôOOà^.OOO tonnes marchandes;
3" La mine de zinc et plomb de Cherifîa, à la Société Minière du
Nord de l'Afrique ; se trouve à côté de la mine du Ci'efa et peut être
considérée comme épuisée, au moins dans les pentes étudiées du
brisement; abandonnée à l'heure actuelle;
4o La mine de plomb du Saf-Saf, également limitroplie du Grefa,
appartenant à la Société civile des mines du Saf-Sa[; a donné 700 ton-
nes de galène en 1904. INIine encore en voie d'aménagement qui
pourra donner 2.000 à 3.000 tonnes par an en marche normale ;
5o La mine de plomb du Bazina, située dans les Hédill, à environ
35 kilomètres à l'ouest-sud-ouest de Mateur et à pareille distance au
nord-nord-est de Béja; appartient à la Société Minière du Bazina et
a fourni 2.000 tonnes de minerai en 1904.
Indépendamment de ces concessions, le Contrôle renferme actuel-
lement six permis d'exploitation temporaire pour zinc et plomb, tous
situés dans les montagnes des Hédill et des Béjaoua. La production
d'ensemble de ces six permis a été de 1 .300 tonnes pciur l'année 1905.
Le nombre des permis de reclierches actuellement en vigueur est
de quinze dans le Caïdat de Bizerte et de cinquante-et-un dans le
V Caïdat de Mateur, tous pour zinc et plomb, et localisés, comme les
précédents, dans les longues bandes montagneuses des Hédill et des
Béjaoua.
Les Romains. — Il est uu l'ail historique ii'n''ciis;il)lr (|ii(> Ilizerte,
Utique et les autres localités du territoire doivent letu' origine à une
émigration en masse de l'aristocratie tyiienne. Les l'IuMiiciens, en
ellét, colonisaient pour se créer des échelles, étendre leui- com-
merce, et ces instincts d'expansion favorisant r('coulement du trop
plein des populations de la côte tyrienne, il arriva souvent (lue des
— 2H:i —
bandes de mécoiilmls loiinéesen partis, émigrèrent en masse. C'est
à une émigraiioii de ce i^enre qu'est due la populati(ju d(,' lli/erte et
celle d'Utique.
Hippo-Diarrhytus (Bizerte), prise d'assaut par Ag-atliocie, se
prononra dans la j^uerre des Mercenainïs contre Cartliaj^je dont elle
avait été jusque-là la fidèle alliée.
« (lolonie de César ou d'Auguste, dit Tissot, Hippo-Diarrhytus ne
parait pas avoir jamais été très prospère. Pline-le-Jeune la repré-
sente comme une petite ville de province, jalouse de son repos et de
sa solitude. Du fait de débris reconnaissables des murs de Ilippo, il
ne reste que les substructions des murs de soutennement de son ca-
nal et du double môle qui en protège l'embouchure. »
Utika (Uliqiie), passe pour avoir été fondée trois siècles avant
Carthage, à laquelle elle se rattache par les liens d'une alliance qui
sauvegardait son autonomie. Ulique resta fidèle <à Carthage pendant
l'expédition d'Agathocle et la première guerre punique, mais, com-
me Hippo-Diarrhytus, l'abandonna à l'époque de la guerre des Mer-
cenaires.
« Vainement assiégée par Scipion pendant la seconde guerre
punique, elle n'attentlit pas le début de la troisième pour abandon-
ner de nouveau la Ibrlune de Carthage : avant qu'une seule galère
romaine eut pris la mer, elle envoya à Rome une députation chargée
d'olTrir son entière soumission. Aussi, après la ruine de Carthage,
obtint-elle le titre de cité libre, un agrandissement de son territoire,
dont les limites furent reportées, d'un côté jusqu'à la banlieue de Car-
thage, de l'autre, jusqu'à Hippo-Diarrhytus, vl une organisation
autonome.
ff Devenue le siège de l'AdmiiiisIration de la province romaine,
jus({u'au moment où Carthage sortit de ses ruines, Utitpie reçut le
droit de latinité, huit ans après la défaite des Pompéiens; elle reçut
du fds adoptif de César le droit de Cité romaine; enfin, sous le règne
d'Hadrien, elle demanda et obtint le titre de colonie romaine.
« Utique était encore la seconde ville de la province d'Afrique au
deuxième siècle de notre ère, mais à partir de cette époque, ses ports
paraissent s'être graduellement ensablés, et iladi'umèle ne tarda pas
à lui enlever le rang" et l'importance commei'ciale (juelle avait long-
temps conservé.
— 284 —
« Les ruines d'Utique portent aujourd'hui le nom d hencliir Bou-
Chateur. Elles couvrent une colline à double sommet dominée elle-
même par une hauteur qui se rattache à la chaîne de la rive gauche
de la Âledjerda. Baignée autrefois par la mer, la pointe d'Utique
plonge aujourd'hui dans les marais qui couvrent la partie du goUe
qu'ont envasé les alluvions du fleuve.
« Une plate-forme d'un relief assez accusé, qui était autrefois une
île, est située dans l'axe de cette pointe, dont elle n'est séparée que
par une coupure de 40 mètres de largeur, sur 300 de longueur. Elle
représente l'extrémité du promontoire primitif, isolé du continent à
l'époque de la fondation d'Utique, par un canal creusé dans le dou-
ble dessein de créer à la colonie naissante un refuge inaccessible et
de lui donner un port parfaitement abrité. Un second port rectangu-
laire, creusé dans la rive même paraît avoir été le cothon primitif de
la colonie sidonienne.
« La citadelle occupait, au centre de la ville, la plus orientale des
deux hauteurs dont nous avons parlé. L'amphithéâtre couronne le
second sommet, au del.à duquel, du côté de l'Ouest, on remarque tout
un système de vastes citernes. La ville proprement dite avait la for-
me générale d'un rectangle allongé, dont les deux côtés Nord-Ouest
et Nord-Est étaient baignés par la mer. Elle s'éloignait sur les trois
versants de l'extrémité de la petite chaîne dont nous avons parlé.
(( Tel est, dans son ensemble, l'aspect des ruines d'Utique, nous
oflrant, à côté de monuments de la meilleure époque de l'art romain,
des vestiges très caractérisés de l'architecture punique ». (Tissot.)
A Utique, de nombreuses fouilles ont été pratiquées, soit par le
Service des Antiquités, soit par les propriétaires actuels de l'hencliir
Bou-Chateur. On a reconnu : le port militaire, l'arsenal, l'amirauté,
le port marchand, les citernes puniques, l'acropole, l'amphithéâtre, le
théâtre, l'enceinte percée de cinq portes, les ruines d'un édifice pbé-
nicien considérable placé sur le bord de la mer, l'aqueduc qui ali-
mentait non seulement les grandes citernes, mais les dilVérents quar-
tiers de la ville : cet aqueduc qui existe encore presque en enlier,sur
un parcours de 11 kilomètres, prenait naissance dans les gorges du
djebel Kechbalia, près d'El-Alia, contournait les versants do ces colli-
nes par un canal souterrain franchissait ensuite deux profonds ravins
sur trois rangées d'arcades superposées, du plus bol appiïreii, et ai'i'i-
vait dans Utique piir les hanteins en passant an niveau des voûtes
des grandes citernes.
Récemment (lîKKÎ), les travaux d'aménagement de la source Ihei-
male d'Aïn-el-llammam, ont fait découvrir à Utique une luxueuse
- 285 —
installation liydnniliiinc r-oiniiino ornée de colonnes de marbre.' et de
statues. L'on a retiré notamment une tète colossale d'Hercule bachi-
que couronné de pampres, d'une excellente exécution; deux masques
de Bacchantes, plus petits que nature ; une tête féminine ceinte d'une
lourde coiu^onne de chêne à lemnisques; une gracieuse statuette de
jeune femme drapée, du type hellénistique. Enfin, au nord de l'am-
phithéâtre et à l'ouest de la citadelle, on a trouvé les débris d'un bas-
relief votif et diverses épitaphes, présentant toutes cette extrême
abondance de sigles, abrégeant des formules banales, qui caractérise
l'épigraphie funéraire païenne d'Utique.
Castra Cornœliana, "> les « Cmnps Cornéliens », étaient situés
à trois milles à l'est d'Utique, sur une colline isolée, de forme allon-
gée, aux pentes rapides, dont le village de Kalaat-el-Oued occupe la
pointe septentrionale. Ils ont été fort exactement décrits par César et
par Tite-Live.
Membrone, ruines à 9 kilomètres au nord-ouest de Bou-Chateur,
près de la khoubba de Sidi Alimed-bou-Farès.
Thinisa (Ras-el-Djebel),])\iicée par les auteurs anciens, à iO milles
de Membrone et 20 milles d'Hippo-Diarrhytus.
Ruscinona {Porlo-Farina), située à l'extrémité méridionale du
« Promuntorium Appolinis ». Cette station maritime n'était (pTun
mouillage dont 1 importance ne s'est accrue qu'après l'ensablement
du port d'Uti({ue.
Cotuza, (El-Alia), située entre la route du liltoral et la voie qui
conduisait directement d'Utique <à Ilippo-Diarrhytus.
Theudalis, ruines de la ville de Theudalis, divisées en deux grou-
pes et situées sur la rive occidentale du lac Aclikel {Sisara lacu,^).
Le premier groupe, placé au sud du canal par lequel le lac Achkel
communique avec le lac de Bizerte, porte le nom dluMicliir Tindja;
(1) Une partie de Castra Cur>ui;Hana est situoe sur le territoire du Contrôle de Tunis.
— 286 —
le second, celui (riieiicliir El-Aouana. Theudalis était une des sept
villes qui se prononcèrent contre Carthage dans la troisième g-uerre
punique.
Thésita (Bcchateur)^ à 15 kilomètres environ à l'ouest de Bizerte;
source captée, tombeaux dans le roc, sur la colline qui fait face à la
Zaouia Sidi Mansour-el-Douadi .
Oppidum Materense (Mateiir), situé sur une colline basse à 10
kilomètres au sud du lac El-Achkel; les débris de la ville antique ont
été employés dans les consti'uctions modernes.
Henchir Behaia, à 1*2 kilomètres au sud-ouest de ^lateur; sépul-
tures dans le roc, carrières antiques.
Henchir Guenba, à 15 kilomètres au sud-ouest de Mateur: pont
ruiné, tour en blocage, sépultures dans le roc. Xombi'e d'autres rui-
nes ont été signalées dans la région qui s'étend entre Mateur et Béja,
mais aucune n'a été identifiée.
L'arsenal maritime de Sidi-Abdallah est construit sur l'emplace-
ment de ce groupe de masures arabes, établies dans les ruines assez
étendues des monuments romains qui devaient avoir quelque impor-
tance. Le tout a disparu aujourd'hui, mais en creusant les t'ondations
d'un pavillon de la défense sous-marine, on a rencontré les restes bien
conservés d'une série de chambres reposant sur des hypocaustes et
des salles pavées de mosaïques, qui appartenaient évidennnent à des
thermes romains.
Les Indigènes. — Dans la région de Bizerte, la population indi-
gène se compose surtout de Maures chassés d'Espagne par Pliili|t|)('
m. Ce sont, en majeure partie, les Andiess qui fomlèrent les villages
de cette pointe de la Tunisie du Nord; bien accueillis par le Dey
Othman, ils reçurent des teri-es sur le litloial de llizcrte et dans la
presiju'ile du Cap-Bon. ils ontgai'dé un souvenir vivace de leiu's ori-
gines; de tempérament pacili(jue, ils sont, généralement, artisans
adroits et bons jardiniers. En deliors de ces .\ndless, on ivncontre
un certain nombic de petites fractions arabes ou berbères (|iii, dis-
— 287 —
persécs pnr Jes guerres, viiireiil se lixerdans les puraj,'-es de IJizerte.
Aucune d'elles ne mérite de mention spéciale. La pc^pulalioii indi-
j^ène du Caïdat de l)izerte compte à peu près .'i3.(J()U individus.
Les indigènes du Caïdat de Mateur l'ont partie de tribus ou frac-
lions de tribus d'origines très diverses.
A Mateur et aux environs on trouve :
lo Les Heldia, descendants des fondateurs de Mateiu-; ils sont pro-
priétaires, possèdent maisons, jardins, oliviers et terres qu'ils lont
cultiver par des khammès;
2o Les Djeraba, commerçants, fabricants de tapis et de vêtements
de laines; ils habitent à Mateur le souk des Djeraba ; .
> Les Coulouglis, mélangés aux Beldia;
4«J Les Douaouna, venus du Maroc ;
5" La tribu des Arabes originaires des environs de la Mecque, pri-
mitivement installés en collectivité à l'ouest du lac Achkel, mainte-
nant éparpillés sur le territoire de Mateur, principalement chez les
Kaout et les Béjaoua ;
6° Les Nefïat, originaire de l'Arad, habitant sous la tente dans la
région de Bir-Soula;
7" Les Beni-lfren, originaires de Kabylie, qui font partie de la con-
fédération des Zouaoua, et se sont dispersés dans le bled, surtout
dans les principaux henchirs des environs de Mateur et de Tahenl ;
8" Les Juifs, en proportion considérable à Mateur et qui, naturelle-
ment, font du petit commerce.
Ces diverses fractions forment un total de ().()U0 individus.
Le Caïdat de Mateur comprend en outre, les tribus des Mogods,
des Béjaoua et des Hédill.
Les Mogods ignorent à quelle époque et comment ils sont venus
dans le territoire qu'ils occupent. Il est probable qu'ils appartiennent
à la vieille race berbère qui, après avoir été asservie par les Romains
d'abord, les Arabes ensuite, a toujours été repoussée dans les mon-
tagnes par les vain(|ueurs. Cette peuplade vit sans légende et sans
tradition, mus on sait qu'elle s'est toujours montrée rebelle à toute
espèce de civilisation. Les Mogods cherchèrent constanunenl à s'af-
hanchir de la domination des Beys de Tunis, et ils vécurent pendant
des siècles, en mauvaise intelligence avec leurs voisins que, de temps
en temps, ils razzièrent; ils ont conservé les caractères dislinclils de
leur race : humeur guerrière, espi-it irindépendance. Ils sont peu hos-
— 288 —
pitaliers. Les Mogods prirent les armes en 1881, razzièrent les envi-
rons de Mateur et de l'oued Tindja, mais à l'approche des troupes
françaises regagnèrent les massifs montagneux et lirent leur soumis-
sion. Ils fournirent vingt otages, qui furent internés à Bône et
payèrent une contribution de guerre de l'2.000 francs. Les troupes
françaises pénétrèrent en Mogodie, se dirigèrent sur les vallées de
l'oued Sedjenane et s'installèrent à Souk-el-Djemàa. Depuis ce temps,
cette tribu a conservé un calme absolu; elle ne possède, sur son
territoire, ni mosquée, ni zaouia. La tribu des Mogods compte i'2. 700
individus.
Les Béjaoua, originaires des environs de 1 îougie, vinrent s'installer
dans la région qu'ils occupent, au quatorzième siècle de notre ère.
Ils ne peuvent, d'ailleurs, renier leur origine kabyle : leurs habita-
tions couvertes de chaume et leurs gourbis de branchages sont plan-
tés, comme en Kabylie, sur les hauteurs qui commandent les routes
et surveillent au loin les alentours ; les usages domestiques, les usten-
siles de ménage, l'élevage des bestiaux, le délrichement des taillis,
les coutumes religieuses sont tout à fait semblables aux manirs et aux
procédés des tribus kabyles qui habitent les gorges du Ghabet-el-
Akra, situées entre Bougie et Sétif. Les Béjaoua refusèrent, en 1881,
de se joindre aux tribus qui descendirent dans la plaine de Mateur.
Ils sont attachés au sol et très pacifiques. Sur le territoire des Bé-
jaoua se trouve aussi une fraction des Kooub, venus du Sud tunisien,
qui se sont groupés au nord de Sidi Ali-ben-IIadirich, et une traction
des Ousseltia, originaires du djebel Ousselet, près de Kairouan, qui
se sont établis au village de Tahent <iepuis 200 ans environ. Les Bé-
jaoua sont environ 12.000.
Les Hédill forment une fraction des Beni-Hédill des environs de la
Mecque; ils vinrent en Tunisie voici environ 500 ans et, à leur arri-
vée, campèrent dans la plaine de Kaii'ouan; peu a i)iès, ils remontè-
rent vers le Nord et occupèrent la région, alors inculte, qu'ils habitent
aujoMi'd'liui. Bientôt ils eurent maille à partir avec leurs voisins les
Béjaoua, nouveaux venus d'Algér-ie. Mais la querelle dégén('M"i en
profonde hostilité à la suite d'un enlèvement, suivi d'assasinal, qu'une
t(>ucli;iiil(' l(''g('nd(', <|U(' nous avons cueillie dans l;i broussaille, l'ap-
porte en ces termes :
Un jeune pâtre des iîéjaoua était épiM-diiuienl amoureux de la lille
d'un très notable personnage des Ilédill, lapins belle de la ti'ibu; la
— 28'J —
jolie fille, bien eiitondu, purtageaitla passion du sou{jii'aiit. Elleaimait
surtout entendre les doux accents que la llùte charmeuse du berger
égrenait dans la vesprée, par les monts tonllus, et, certain soir de
magnifique clair de lune, elle se para de ses plus riches atours, quitta
la tente opulente qui l'avait vue naître etsuivi le joueur de flûte. Long'-
temps, ils marchèrent, mais le ciel peu à peu s'obscurcit et un orage
épouvantable se déchaîna sur la vallée. Pris de pem*, les amoureux
se rélligièrentdans une caverne du djebel ïahent; là, il se reposaient,
quand un formidable bouleversement s'opéra dans le sol : les grands
arbres brisés jonchaient la terre, les rocs s'éboulaient, les oueds
devenus torrents débordaient et inondaient les plaines. Cependant la
nature s'apaisa, le calme revint et, quand le jour parut, les compa-
gnons voulurent poursuivre leur marche. Alors ils s'aperçurent avec
terreur, que la grotte au fond de laquelle ils s'étaient blottis, se trou-
vait, par suite du cataclysme, suspendue à pic sur l'abîme, « à plus
de 60 fois la hauteur d'un homme ». I.es fugitifs, devenus prisonniers,
étaient menacés de mourir de faim, lorsque du fond de la caverne,
jaillit une source d'eau limpide, tandis que deux grands aigles tom-
bant en droite hgne du ciel, apportaient aux reclus, une exquise nour-
riture. Tous les jours, pendant onze lunes, il en fut ainsi. Et tous
les soirs, au crépuscule, le pâtre tirait de sa tlùte de mélodieuses
notes qui arrivaient adoucies dans les vallons ombreux. Cependant,
le père de la belle fille, Sidi Ali-ben-Abid, le marabout vénéré des
Ilédill, — en l'honneur du(juel fut érigée la kouba qui porte son nom
— cherchait partout son enfant bien aimée. Un jour que, par mé-
garde, il avait pénétré sur le territoire des Béjaoua, ceux-ci s'em-
parèrent de lui, le dépouillèrent et l'occirent. Irrités, les Hédill
s'assemblèrent, prirent les armes, razzièrent le territoire des Béjaoua et
enlevèrent les plus jolies tilles de la tribu. La guerre ne dura pas
moins de '200 ans. Aujourd'hui, la haîne a disparu; Hédill et Béjaoua
sont bons amis et ont signé pacte d'alliance. Mais parfois pendant les
iniits étoilées, de fantre inaccessible où reposent les fugitifs et seule-
ment fréquenté par les grands oiseaux du ciel, sort une délicieuse
musique : ce sont les amoureux qui soupirent.
Propriétaires des terres qifils cultivent, les Hédill sont générale-
ment aisés; malgré cela, leurs douars, formés de gourbis, ont un aspect
misérable. Les Ilédill sont doux et hospitaliers. Ils n'ont pas pris
partau mouvement de 1881. Cette population compte 8. ."^OO individus.
— 290 —
Recensement. — En 1905, le Contrôle civil de Bizerte avait une
population de 97.346 habitants se décomposant comme suit :
Indigènes musulmans 76.547
Juifs indigènes '2.600
Français 4.917
Italiens 11 . 970
Autres éti-angers i .3l!2
En 1890, ce Contrôle ne comptait que 501 Français; enl89(>, 934;
en 1901, 3.995; en 1905, 4.917: soit, en 14 ans, une augmentation
de 4.416 individus.
Les propriétés rurales possédées par les Européens, dans le Con-
trôle, se subdivisent ainsi :
122 propriétés françaises 39.803 hectares
32 propriétés italiennes 3.192 »
22 propriétés diverses 4.133 »
soit 47.128 liectares possédés par des Européens, sur une superficie
totale de 34^.000 hectares.
CHA1»1T1{K II
Le Caïdat de IJizerte
Limites. — Le Gaïdal de Dizerte est borné au Nord, par la iner;
à l'Est, par le goll'e de Tunis; au Sud, par la Medjerda; à l'Ouest,
XJar le Caïdat de Mateur. La limite des Gaïdats de Bizerte et de Ma-
teur commence, au Nord, sur la côte, à iO kilomètres environ à
l'ouest du Ras-el-Korat, près .du lieu dénommé Sidi Ali-Cliadeli;
suivant une direction Nord-Sud, elle franchit les djebels Hadida et
Saïdani pour atteindre l'oued Sedjenane à 0 kilomètres de son embou-
chure dans la garaàt Achkel. Elle suit la rive noid île la garaàt jiis-
(ju'à l'oued Tindja, et, franchissant à la gare du même nom la ligne
du chemin de fer, elle prend, durant 18 kilomètres environ, la direc-
tion Nord-Ouest-Sud-Est, laissant à l'Est la région de Eerryville et
Sidi-Abdallah, pour gagner Dar Bir-Soula, bordj Youssef-Bey et la
voie ferrée à un kilomètre à l'Est de la gare d'Ain-Rhelal. C'est là
son point terminus, la limite du Contrôle de Bizerte qui continue la
voie ferrée, séparant désonnais le Caïdat de Bizerte du Caïdat de Té-
Ijourba (Contrôle civil de Tunis).
Le territoire du Caïdat de Bizerte a une superficie de L2œ kilo-
mètres carrés; il est divisé en deux parties : le territoire de Bizerte
proprement dit et le territoire de Porto-Farina.
Bizerte. — Hippo-Diarrhytus, élevé au rang de colon'u» par les
Romains, perdit une grande partie de sa prospérité au troisième siècle
de notre ère, par suite des compétitions impériales, des querelles
religieuses et des incessantes révoltes des Berbères. L'invasion des
Vandales acheva l'œuvre de destruction et lorsque, au septième siècle,
les Arabes se répandirent en Tunisie, Benzvii n'élail [ilus ([u'une
bourgade de quelques milliers d'habitants.
— 292 —
En 141>2, les Maures expulsés d'Espagne se réfugièrent à Bizerte
et y construisirent le quartier dit des Andalous. Un siècle plus tard,
lorsque les Turcs conduits par Khereddine s'emparèrent de Tunis,
les habitants de Bizerte furent les premiers à se soumettre.
« Reprise successivement par les Maures, avec l'appui d'André
Doria, et par les Turcs, châtiée et saccagée par les uns et par les
autres, Bizerte devint le nid de pirates que les flottes de Venise, d'Es-
pagne et de France vinrent maintes fois bombarder. Et, cependant,
ce fut de Bizerte que partirent en 1709, les navires qui ravitaillèrent
de grains la Provence affamée, constatation utile à faire, car si elle
prouve que nos relations avec la Régence remontent à un passé déjà
lointain, elle indique aussi que ce pays méritait encore son renom de
grand producteur de céréales et que Bizerte était le port de sortie le
plus naturel.
(( Qu'on l'appelle Hippo, avec les Phéniciens, Hippone-Acra avec
Diodon de Sicile, Hippo-Diarrhytus avec les Romains, Benzert, avec
les Arabes, les Maures et les Turcs, ou Bizerte, enfin : il suffit de voir
au fond du large croissant concave que la mer a creusé dans le vaste
promontoire dont le Cap-Blanc est le môle avancé au Nord, la suc-
cession des lacs intérieurs qu'un étroit chenal reliait à la baie, pour
reconnaître que la nature n'a ofïért aux navigateurs un port plus
vaste ni plus sur où des flottes entières puissent souhaiter de jeter
l'ancre à l'abri. »
(Lieutenant-colonel Esp]t.\lier).
Au moment de l'occupation française, P)izerte que l'incurie de
l'Administration beylicale laissait depuis longtemps péricliter, n'a-
vait qu'une population fort amoindrie, vivant dans la paresse misé-
reuse de tant de vieilles cités arabes. C'était une ville déchue, insa-
lubre, beignant dans les marécages ; son port était ensablé, et les
conununications, par voie de terre, manquaient totalement. 11 fallut,
certes, de l'audace pour concevoir le plan des travaux gigantesques
(pii devaient faire surgir de ce l)loc de masures une agréable ville, et
transformer l'étang vaseux en un port le plus spacieux et le plus sûr
du monde. La nation de Danton eut cette audace. 11 ne s'agissait pas
de restaurer l'ancien port, mais d'en créer un de toutes pièces, de
creuser un chenal à travers les ihnics de sable, d^'-hiblii' des (piais.
d'édiliei- une cité nouvelle.
En J888, les ingénieurs Hersent et Couvreux commenyaient les
travaux du port, et le '•I.i mai 1891, le Résident Cénéral Massicault
— 203 —
posait la première pierre de la J5i/.(3i'le française, lui soiiliaitaiit <le
Jiislilier la devise romaine : « Heri solitudo, Hodiè vica.s, Cran civi-
tas )■). Le rêve de M. Massicault est aujonrd'liui réalisé.
Hizerte, comme Ben-Gardane, toutes proportions gardées, est un
exemple de j,^énération spoiiLanée. Le villaj^e et l'important marché
de Ben-Gardane émergèrent soudain des sables du désert : Bizerte,
svelte et coquette, sortit des vases accumulées depuis des siècles sur
ce point spécial de l'Afrique du Nord. En moins de dix ans, toute une
ville de physionomie essentiellement européenne, qui rappelle plutôt
un gros bourg de Provence qu'une cité tunisienne, s'est élevée sur
les bords de cet admirable lac qui fait songer à l'étang de Berre.
Et cette ville possède des rues larges et droites, de hautes maisons,
des égoùts, des conduites d'eau, des places publiques et de beaux
squares.
Mais, en ce moment, Bizerte est languissante ; elle a trop vite
grandi et s'est fatalement arrêtée dans sa croissance: quelques par-
ties des terrains gagnés sur les grèves ou sur les marécages restent
vides, et des îlots de maisons sont isolés dans les grands espaces
sablonneux où pousse le jonc marin. Dans la cité champignon, on a
peut-être construit un trop grand nombre de casernes, on a trop mi-
litarisé Bizerte, on ne l'a point pourvue de débouchés commerciaux
suffisants. Mais la crise sera de courte durée et la ville reprendra son
essor, deviendra une cité florissante dès que les voies projetées se-
ront exécutées, quand son port de commerce sera élargi et complè-
tement aménagé, quand on aura fait de Bizerte un port franc et un
port charbonnier. Bizerte sera alors un grand marché de cé-
réales, le débouclié tout indiqué des produits agricoles et miniers de
la vallée de la Medjerda et des régions de Mateur, de Béja, des
Mogods et des Nefza. L'ouverture des relations directes avec ces
points riches et fertiles donnera certainement à la ville maritime une
impulsion nouvelle.
La vieille Bizerte indigène qui se mirait dans les eaux verdàtres
de ses canaux endormis, la Bizerte que les voyageurs d'antan appe-
laient la (( Venise Africaine »^ n'existe plus; les vieux ponts, les loui-ds
crénaux, les épaisses murailles de la Kasba sont écroulés et la plu-
part des canaux ont été comblés. Cependant, un coin de la ville
mauresque, un tout petit morceau de l'antique bourgade a résisté
La Tu.NhsiE DU Nord 20
— 29-4 —
aux coups (lu temps et de la pioche des démolisseurs : c'est Médéïna,
le quartier des Andalous, qui a conservé un pittoresque amas de
terrasses, un bras de son vieux port où se rellètent toujours les
mêmes maisons blanchies à la chaux, ses barques aux formes origi-
nales, ses quais tronqués où se presse une foule bariolée, sa grande
mosquée avec son élégant minaret. Et il est intéressant encore de
s'égarer dans le labyrinthe des étroites ruelles ; il est doux de se re-
poser sous les figuiers qui croissent dans les cours de Médéïna, de
la petite ville enserrée dans la grande ville française et dont les habi-
tants vivent là, comme autrefois leurs ancêtres, isolés de leurs con-
génères.
Bizerte, située au fond du golfe qui porte son nom, à GO kilomè-
tres de Tunis, est à cheval sur le lac et sur les bords de la ]\Iéditer-
ranée ; la ville est assise près du rivage, tant sur une colline en pente
douce qu'au pied de cette hauteur.
Le port. — En 1800, un décret beylical concédait à MM. Hersent
et Couvreux, pour 75 ans, la construction et l'exploitation du port
de Bizerte. L'état contribuait, pour une partie, à l'exécution des tra-
vaux et abandonnait aux concessionnaires les droits de port, du pro-
duit des pêcheries existantes ou à créer sur le bassin et dans le lac
intérieur, ainsi que la propriété des terrains à gagner sur les eaux.
Dans ce lac, un nombre considérable de millions ont été engloutis
et nous n'en avons pas encore lini avec ces dépenses; en elï'et, si le
port militaire est en état, si le canal qui conduit au vaste bassin d'une
ampleur incomparable (11.000 hectares) a été élargi, si les quais ont
été construits, il reste à aménager le port de commerce et à le pour-
voir de l'outillage indispensable à un havre de cette importance.
Si le port de I>izerte a coûté la très forte somme, il a fait aussi
couler beaucoup d'encre: des centaines d'articles de revues et d'in-
nombrables brochures ont été consacrés à Bizerte et à son ynn'L Les
thèses les plus diverses ont été soutenues, de précieux conseils ont
été donnés par les gens du métier, militaires et civils ; nous ne nous
permettrons pas, en présence de ces compétences, d'exprimer un
avis et nous nous contenterons de l'ésumer l'upinion nnwniine des
l'izertins, heureusement formulée |)ai' M. Delécras dans la lie vue de
rinslilut (le CarUia(/e :
— 295 —
« IJizerte devrait èlro h; pliarc <|iii illimiiiHM-ail., du l'eu de ses
élablisserrients industriels et commerciaux, tout Je Xonl africain
Iraiiçais. Elle peut devenir la ])ompe aspirante de Ujutes les mar-
chandises venant <lu centre de rAIVique pour se répandre ensuite
sur les marelles européens ; la pomito leCouiante dr tous nos j)!'oduits
français appelés à la consommation cornante des populations noma-
des et sédentaires de l'intérieur. Bizerte sera le point culminant de
la Méditarranée, grand centre de ravitaillement pour toutes les flot-
tes marchandes cherchant un fret de retour et voulant aller vite ;
Bizerte sera le havre le plus snr du grand lac centrai de l'ancien
monde, et quiconque a souci de notre développement économique
applaudira à sa mise en œuvre.
« Gloire donc à l'Armée et à la Marine, qui en ont fait d'abord une
place de guerre inexpugnable, à l'abri de tout coup de main et le
modèle des ports militaires de l'avenir. Mais la place est large à Bi-
zerte, et les forces les plus contraires peuvent s'y jouer à leur aise,
sans jamais se nuire en aucune façon. A nous donc maintenant d'en
faire un port de commerce et d'industrie capable de rivaliser avec
les plus prospères de ceux que nous voyons surgir si rapidement du
Nord au Sud des mers les plus éloignées. »
Les installations militaires du port de Bizerte forment deux grou-
pes : le premier constitue les établissement de la défense mobile dans
la baie Ponty, qui fait suite à la baie de Sabra : amirauté, pavillons,
bureaux, casernes, infirmerie, ateliers, magasins, parc à charbon; le
second groupe est situé au fond du lac, à la pointe du Caïd, près du
village de Sidi-Abdallah : c'est là que se trouve la véritable cité mili-
taire et l'arsenal. L'arsenal comporte autant de quartiers et de secteurs
qu'il y a de services spéciaux : défenses sous-marines, subsistances
et manutention, approvisionnements, parc à charbon, artillerie, ate-
liers de réparation, forges et fonderie. En arrière du quai sont les
bureaux de l'Administration, la gendarmerie, les prisons, les four-
neaux économiques. Enfin, plus loin, la Préfecture et la Majorité, la
caserne des équipages de la flotte et les casei'nes de la Guerre, l'iu)-
pital, les pavillons des officiers, etc. Il reste à mentionner la pyro-
technie, établie à l'écart, le long de la mer, et le port des artifices
qui dépendent des services de l'arsenal.
« Ce qui fi-appe avant tout dans les travaux entrepris, dit le lieute-
nant-colonel Es[)itallier, c'est l'unité de vues et de concepUon qui a
permis d'élever un ensemble dont toutes les parties se soudent et se
complètent, avec le minimum d'elVorts — encore que les elVorts
- 29(j —
dépensés soient considérables — et, en outre, c'est la sage prévoyance
avec laquelle ont été réservées les ressources que pourra nécessiter
par la suite, le développement des installations pour satisfaire au
développement des besoins. Grâce aux vastes étendues d'eau dont on
disposait, on a pu réaliser l'heureuse juxtaposition d'un grand port
militaire et d'un port de commerce appelé à s'accroître, sans qu'en
aucun cas l'un puisse nuire à l'autre. »
La statistique maritime qui nous est communiquée par la Direction
des Travaux publics, nous donne, pour le port de commerce deBizerte
en 1905, les cliilï'res suivants :
Entrées : 1.273 navires jaugeant 326.479 tonnes, ayant importé
81.062 tonnes de marchandises (long-cours et cabotage), et 7.630
passagers.
Sorties : 1.266 navires jaugeant 324.896 tonnes, et ayant exporté
5.023 tonnes de marchandises et 6,404 passagers.
Soit au total, entrées et sorties : 2.901 navires jaugeant ensemble
651.575 tonnes, ayant transporté 86.085 tonnes de marchandises et
14.094 passagers.
La pêche a donné pendant cette même année 1905, les résultats
suivants ;
Pèche côtière : 94.720 kilogs de poisson :
Pêche dans les lacs de Bizerte et d'Achkel : 308.049 kilogs do
poisson.
La pêche côtière a été pratiquée par :
5 barques de pêches françaises ;
19 — italiennes;
20 — indigènes.
Population. ■ — La population de Bizerte, (non compris la garnison
etrelTectil de la Division navale) atteint le chifire (\c 21.000 indivi-
dus: Français, 3.000; indigènes musulmans, 7. SOO ; .hiils, 1.200;
Italiens : 8.000; autres étangers : 1.000.
En 1891, les Français de Bizerte étaient au nombre de M\Ct\ en
1896, de 748; en 1901, de 3.475. Il y a donc eu augnienlalion dans
la population française de cette ville, de 1891 à 1901 , do 2.531 unités.
— 207 —
Scolarité. — lîizerte possède dix écoles: Six écoles primaires pu-
ljli(]ues el (|(i;ilre écoles primuires libres (dont une ilalieniie^, qui
re(;oiveiit i.t>(X) élèves: ti.'iU Français; O.'JO Itali(;iis; I 12 Juifs: L>l)Mu-
sulmans et divers.
Météorologie. — Hizerte et son territoire font partie de la zone
climatérique tempérée de la Régence ; semblable sur le littoral à
celle des cotes méridionales de France, la temjiérature varie en rai-
son de l'altitude. Les conditions tliermométriques, très heureuse-
ment combinées avec un régime de pluies assez régulier en hiver et
assez constant «l'une année à l'aulre, ont une iniluence des plus favo-
rables sur la végétation. Le climat de Bizerte est agréables et salu-
bre.
Températures moyennes relevées à lîizerte de -KK30 à 11)05:
PuL\Ti:.\ii's: ]\Iinima : 4"; maxima: 3'2° ; moyenne: 15" U. Pluie:
Hi millimètres en 28 jours.
Été: Minima: 11'j; maxima: 44" 8 ; moyenne: 21" 1. Pluie: il)
millimètres en (i jours.
Automne: Minima: 9" 0; maxima: oi"; moyenne: 12" 1. Pluie:
183 millimètres en 26 jours.
Hiver: ^linima: 0"; maxima: 20<3 ; moyenne: 12'^ I. Pluie: .')15
millimètres en 49 jours.
Températures moyennes annuelles: Minima, lo" 7 ; maxima, 22"7;
moyenne : 18" 7. Pluies moyennes annuelles : 5(38 millimètres en
1 OU jours.
Environs de Bizerte. — Les environs de Bizerte sont cliarmanis et
on ne comprend guère comment il se fait que Bizerte, dont le climat
est beaucoup plus supportable que celui de la région de Tunis, ne
soit pas devenue la station estivale préférée des Tunisiens. Sans mé-
dire de Badès, I lannnani-Lif ou (ks autres stations balnéaires semées
autour du golfe de Tunis, je puis affirmer qu'il est autrement agréa-
ble de séjourner, pendant la saison chaude, aux environs de Bizerte,
que dans la banlieue de la capitale de la Bégence.
IVtur avoir une idée exacte des environs de lîizerte, il suflit de
traverser la vieille \\\\c Arabe et de gravir le sommet où se trouve le
fort espagnol. De ce point, le panorama (|ui se déroide est superbe;
— 298 —
on domine tout le pays d'alentour, ayant au-dessous de soi la ville
toute blanche étalée sur le rivage avec sa ceinture de dunes d'or.
Du côté de la mer, entre leRas-Zib et le Cap Blanc, s'ouvre, en demi-
cercle, une large baie qui se confond avec l'immensité des Ilots. De
l'autre côté, le lac de Bizerte s'enfonce dans les terres, découvrant
avec une netteté curieuse les contours capricieux de ses rives. Puis,
c'est l'oued Tindja et, fermant l'horizon au Sud, la masse sombre du
djebel Achkel. Et partout, des monts mouclietés d'oliviers; des jar-
dins entourés de figuiers de Barbarie et plantés de beaux arbres
fruitiers. EnOn, les épaulements des forts, les baraquements, les ten-
tes cachées dans la verdure. Aucun détail n'échappe à la vue et il est
rarement donné d'avoir sous les yeux si merveilleux spectacle.
Le promenades autour de Bizerte que je recommande tout spécia-
lement aux touristes sont :
lo Le Gap Bizerte: Aller et retour Li kilomètres par l'étroite, mais
exquise route de la Corniche, bordée d'un côté par le rivage, la plage
et les rochers, de l'autre par les jardins et les villas des riches bizer-
zertins;
2" Le Cap Bizerte: Aller par la route de la Corniche ; retour par
la batterie du lort Saint-Jean. Par une montée rapide, on accède au
plateau du fort Saint-Jean, d'où l'on a un magnitique coup d'œil sur
la mer et les deux versants du Cap Blanc. Le retour s'elï'octue par
El-Euch et Aïn-Berda. A la descente sur lîi/erte, vue supei'be sur le
lac et la montagne de l'Achkel ;
IV' Village arabe de P)échateur : Aller et retour, IK) kilomètres envi-
ron. Route empierrée jusqu'à Aïn-Tella ; piste carrossable jusqu'au
village distant de la route de trois kilomètres. Ruines romaines inté-
ressantes. Site pittores(pie. Un \)vu })lus loin, vers la nici', l'iiencliir
Sidi-Abdelhouahed, délicieux coin boisé perdu au milieu des dunes,
accessible seulement à mulet ou à àne;
i" Menzel Abderrhaman et IMenzel-Djemil : Toui- de la pres(ju"ile,
h") kilomètres environ. Route empierréiM^ntre ilizerle et ^hMr/.el-.\b-
deriiunian et enli'e Bizerte et Meiizel-Djemil. Piste carrossable entre
les deux villages arabes; elieniin de Corniclie, 1res [)illores(|ue sur
le goulet et le l;ic de Mizerle;
.')" IVomenade au col de Sfaiat : iloiile par lîeni-Mesleni et le dje-
bel llallouf, 18 kilomètres. Roules militaires desservant les positions
— 299 -
défensives; intérieur <|ii ciiinp retranché de i'izcrtc. Lu montée vers
le col du Slaiat abonde en beaux point de; vue sur la rade, l;i ville et
le lac.
En dehors de ces promenades anx environs innnédials de iJizerte,
on peut laire des excuirions j)lus lointaines; dédaignées par les
agences Cook, Lnbin and C", elles n'<'n sont pas moins fort intéres-
santes. Je ne saurais trop engager les personnes qui ont quelques
jours à rester à lîizerte, de faire le tour du lac, 05 kilomètres, retour
par Oued-Tindja et Sidi-Ahmed ; route intéressante au double point
de vue de la beauté des sites et de la colonisation. Une excursion
également belle est celle de Bizerte à Porto-Farina par El-Alia et
Ras-el-Djebel ; cette promenade, de 100 kilomètres environ, exige
deux journées que l'on peut ainsi diviser:
Premier jour: Matinée, visite d'EI-Alia; voyage d'El-Alia à Ras-el-
Djebel ; déjeuner à Ras-el-Djebel. x\près-midi, visite de Ras-el-Dje-
bel et ses jardins; voyage de Ras-el-Djebel à Porto-Farina; dîner et
coucher à Porto-Farina ;
Deuxième jour : Matinée, visite de Porto-Farina, des bagnes, du
sémaphore, des pêcheries, des jardins; déjeuner à Porto-Farina.
Après-midi, retour à Bizerte. En automobile cette excursion peut se
faire facilement en un jour.
M. Sicot, l'aimable Contrôleur adjoint de Bizerte, a eu l'obligeance
de me communiquer la champêtre description, qu'il a notée, du
trajet de Bizerte à Porto-Farina, par le Raz-Zebib et la côte. Elle inté-
ressera certainement ceux qui ont le désir de connaîli'e cette char-
mante région :
« Encore que peu praticable, le chemin qui mène de Bizerle à Por-
to-Farina en longeant la côte, ne laisse pas que d'être très attrayant
par les paysages variés qu'il permet d'admirer.
n Presque immédiatement après avoir quitté lîizerte, la piste s'en
gage dans une suite de dunes sal)lonneuses dont les lai'ges taches
jaunes donnent un aspect désolé à la campagne. Ça et là percent
quel(|ues misérables touffes de diss, la seule végétation que permet
le sal)le envahissant, qui, chaque jour, ainsi qu'une manière de lè[)re
terrestre, tend à accroître son empire sur la région environnante.
« Les contre-forts rocheux et arides de la chaîne de collines (jui
aboutissent au Ras-Zebib permettent de trouver un sol plus résis-
tant, et avec maints lacets, le sentier s'élève lentement an-dessus de
la mer, la surplombant de temps à autre et permett;uit d'embrasser
— 300 —
(ruii large coup d'œil, la magnifique baie dont Bizerte avec ses nom-
breuses digues, occupe presque le centre. Plus loin, à l'horizon bleu,
se dresse abrupt et sauvage le rocher peu hospitaher de l'île Cani,
surmonté de son phare.
(( Lorsque passant par la légère dépression située près du Ras-
Zebib, on arrive derrière la ligne montagneuse qae l'on vient de
côtoyer, tout différent est le spectacle qui vous attend. Une sorte de
gigantesque cirque, dont le point extrême est le Ras-Tarf, vous appa-
rat plein d'une végétation abondante et variée. Ce sont au milieu des
oliviers et des orangers, les essences d'arbres les plus répandus en
France : pruniers, pommiers, abricotiers, etc., entre lesquels, adroi-
tement canalisés, courent gaiement de gentils ruisselets d'une eau
très claire.
(( Au fond de cet amphithéâtre, connue aggripé à la montagne, se
trouve le village de Metline ; au centre, plus près de la mer, sur un
léger mamelon, Ras-el-Djebel se détache en blanc aveuglant sur le
sombre des arbres qui l'entourent. Pour gagner cette importante
agglomération qui a conservé toute sa pureté indigène, ce ne sont, de
tous côtés, qu'une suite ininteri'ompue de « sanias y> cultivés et entre-
tenus qui, à la saison printanière, exilaient les parfums les plus
agréables et donnent l'impression de quelque parc fastueux et de pro-
portions colossales.
« Une piste permet de traverser rapidement les escarpements
abrupts de la dernière chaîne montagneuse et l'on débouclie sur la
plaine d'Utique, sillonée par les méandres de la Medjerda dont
l'énorme panorama, limité au Sud par les collines des environs de
Tunis, se déroule aux yeux. Rlottie aux pieds mêmes de la monta-
gne, semblable à quelque jeu de dominos retournés, avec sa terrasse,
sa mosquée qui se profile blanche et gracieuse sur le fond grisâtre
des rocs, avec son lac endormi et son port sans mouvement, la petite
ville de Porto-Farina semble sommeiller doucement. On y accède par
une très jolie route, bordée de palmiers, de figuiers et d'amandiers
({ui éveillent des idées oasiennes. »
La colonisation, — UeCaîdatde Hizcitepeiit ('Iri' parlégé en trois
zones: Ouest, Su<l, Est.
■\" Zuiie Oiu'hI, comprise enli-c l;i li^iic du clicnii!! de Icr de 'rnnis
à lîizcrteà TFst, et la ligne sc'pai'ant le ('.;riil;il de lii/eiicdc |;i i'(\nion
des Mogods à l'Ouest ; bai.i^née an Xord pai- la iiici', et boi'iK-c an
Sud par le lac Achkel et l'oned Tindja.
Le massif du djebel Aonssiiie, silni'" entre le lac Aclikel et loned
(îi'a;"i s'f'tend sur la partie sud de ce lerriloire ; entre l'eued (lra;"i
— :50i -
et la mer, c'est une succession <Je collines, de vallées, de in(jii-
lagnes, où l'on découvre des coins merveilleux, insoupçonnés des
J)izertins môme. La zone militaire, longeant le littoral, a un aspect
quelque peu rébarbatif, avec ses monts cuirassés, crénelés, qui bra-
quent les gueules mauvaises de leur grosse artillerie sur le promeneur
indiscret; mais, dès que l'on franchit cette muraille maritime, quand
on s'enfonce dans le pays, on tombe dans des vallons exquis, fertiles
et très cultivés. Les environs de Bécliateur, ce hameau k.ibyle de
300 habitants, situé sur le sommet d'une colline dont le plateau'est
couvert de ruines nniiaines, sont particulièrenicnt intéressants, et
dans la vallée de l'oued Damons, enserrés'par le massif du djebel
Meslem, on voit des vergers de toute beauté. Les olivettes y sont nom-
breuses et les arbres fruitiers de toutes essences y poussent admira-
blement, fournissant poires, pommes, pèches, abricots réputés dans
la Tunisie entière. La culture maraîchère réussit à souhait dans les
fonds; non seulement elle alimente Bizerte, mais elle contribue, en
notables proportions, à la fourniture des marchés de Tunis.
La colonisation française occupe dans cette zone une superficie de
2.1S2 hectares, partagés en neuf fermes situées le long delà routede
Bizerte à Mateur. Le domaine de l'Etat a livré à la colonisation, en
1894, près de Sidi-Ahmed (0 kilomètres de Bizerte), Thenchir Ta-
gherman, d'une contenance de 252 hectares; cette propriété, divisée
en huit lots, et (pii a été vendue 43.078 francs — soit 175 francs
l'hectare en moyenne — provient des habous publics et a été cédée au
Domaine par la Djemaïa en écliange de rentes d'enzel.
Au point dit « Baie Ponty », existe une agglomération comprenant
120 habitants : 105 Français, 13 Italiens, 2 Indigènes. L'école primaire
publique reçoit 22 élèves : 17 Français et 5 Italiens.
Entre Oued-Tiiidja et rOued-Graà, près du douar ^lunchara, gisent
des ruines de grandes constructions et de citernes : le nom de la loca-
lité n'a pu être identifié. D'ailleurs les ruines sont nombreuses dans
toute la région.
2" Zone Sud, comprise entre la ligne de démarcation des Caidats
de Bizerte et de Mateur, à l'Ouest, et la route de Tunis à Bizerte,
à l'Est ; elle est bornée au Nord, par le lac de Bizerte ; au Sud par
la Medjerda et la voie ferrée qui sert de limite entre le Caïdat de
Bizerte et le Gaulât de Tébourba (ContnMe de Tunis). Cette zone
— 'A02 —
comprend plusieurs points de colonisation et quelques villages que
nous allons étudier.
On peut diviser ainsi, dans cette contrée, la colonisation euro-
péenne :
A. — Région de Ferryville, de Sidi-Abdallah et de Tindja, c'est-à-
dire les rives sud et sud-ouest du lac de Bizerte.
Ferryville. — En 1897, un ancien élève de l'Ecole des Arts et Mé-
tiers de Chàlons,- M. Décoret, se rend acquéreur de Thenchir Nacef,
au sud-ouest du lac, et c'est sur ce point que quelques mois après,
l'amiral Gervais, repoussant tous les autres emplacements proposés,
décide de construire l'Arsenal. Décoret cède à la Marine le terrain
dont elle a besoin et conserve soixante hectares autour de l'Arsenal.
Ferryville était créé, et Décoret était le propriétaire de Ferryville.
Les premiers travaux de la Marine conunencent en 1898 ; en même
temps surgissent du sol les premières maisons de la cité ouvrière.
De tous côtés, les capitaux alfluent; c'est à qui aclièterades terrains
à Ferryville, moyennant 5, 10 et 15 Irancs le mètre. Décoret, en six
mois fait fortune; mais le malheureux qui, avant de rencontrer le
Pactole, avait péniblement cheminé parles sentiers épineux, anémié
par le paludisme, est emporté à 30 ans, par un accès de lièvre inlec-
tieuse.
Cependant son anivre est reprise pai" son ami, M. Paul Favrot,
avocat à Tunis. P)izerte et Ferryville (1899), sont alors en pleine vo-
gue : on construit sui- ce dernier point, en quatre ans, pour près de
deux millions de francs d'immeubles, lorsqu'en 1903, un arrêt brus-
que se produit. A la suite de vives critiques, peut-être justiliées,
les travaux de la Marine sont suspendus : l'ère de la construction est
momentanément close.
N'empêche que Ferryville, malgré cette accalmie, est une jolie
petite cité, bien vivante, comptant 3.595 habilanls, dont 1 . 15(> Fran-
çais, l.i8'i Italiens, '23 autres étrangers européens, 9'J8 Musulmans,
<i Juifs.
Fi'rr\ ville |)0ssède quatre écoles primaires publi(|ues ivcevanl en-
semble : H'i Français, \^2>> llaliens, 9 Musulmans, soil lM9 ('levers, el
une école prini;iii'e lihre recevant 50 ('lèves, don! 37 fiançais et 13
Italiens.
— 3U3 —
L'Ktat possède, auprès de Ferryvillf, riieiicliii- (luenji-la, d'une
contenance de .'Î50 hectares ; ce terrain est réservé pour les besoins
éventuels de la Mai-ine Natioiialf.
Tindja. — pji inr'ine temps qu'il s'occupait de Ferryville, M. Fa-
vrot avait eu l'idée de créer à Tindja, dans cette sorte d'isthime
situé entre les lacs de Bizerte et d'Achkel, un villa^^e qui répondît
aux besoins d'une catégorie d'ouvriers de l'Arsenal. Ferryville serait
la cité; Tindja serait le centre, senmi-urbain, semi-rural. L'une aurait
les avantages de l'agglomération populeuse; l'autre posséderait le
charme de la villégiature ouvrière, basée sur la possession du home
séparé et entouré d'un jardinet.
Tindja offrait tout ce qu'il fallait pour la réalisation de ce program-
me : le site en est séduisant; son lac, le mont Achkel <|ui se dresse au
milieu des eaux, les cîmes des Mogods qui ferment l'horizon, consti-
tuent un pay.sage gai et varié ; les terres se pr-ètent parfaitement à la
culture fruitière et maraîchère; le climat est sain; enfin il existe
sur ce point une nappe d'eau douce excellente et peu profonde.
M. Favrot acheta 246 hectares de terres à Tindja, en alTecta 100
au futur village et donna de suite 100 autres hectares à planter en
vignes :
« Pour la plantation de ce vignoble, dit M. Favrot, j'eus recours à
la maind'o'uvre sicilienne. Le terrain fut diAisé en une dizaine de
lots, de 4 à '20 hectares, et sur chacun d'eux on installa une famille
• le Siciliens, avec promesse de leur céder, en toute propriété, l'em-
placement où ils établiraient leur maison. Quant à la plantation, elle
devait être terminée au bout de la cinquième année; à ce moment, la
moitié de la surface plantée reviendrait aux Siciliens, en toute pro-
jtriété, comme fruit cle leur travail.
(( En huit jours tous les lots étaient retenus. Je me hâte d'ajouter que
mes prévisions se sont réalisées au-delà de mes espérances. Ces
colons ont fait merveille, et aujourd'hui, après cinci années, les JOO
hectares de broussailles sont transformés en un vignoble parfaitement
réussi, où douze familles italiennes vivent et en assurent l'entretien
en attendant son lotissement entre les ouvriers de l'Arsenal — car,
ne l'oublions pus, c'est le but que nous poursuivons.
« Nos Siciliens auront créé la valeur que d'autres exploiteront,
comme le maçon construit la maison (]u'un autre vient occuper. Et si
cet ouvrier de la première heure réussit à se ménager une petite place
— 304 —
dans la colonie qu'il a contribué à fonder, y a-t-il lieu de le regretter ?
Indépendamment de la question de justice, serait-ce pour notre race
un préjudice notable que de s'enrichir de quelques apports nouveaux
qui rajeuniraient son sang et activeraient sa vitalité ? »
La plantation du vignoble étant assurée, en commença le lotisse-
ment des terrains qui entourent la gare : mais, malgré les facilités
d'achat offertes par les propriétaires, malgré l'établissement d'un
tramway reliant ïindja à Ferryville, malgré la fertilité d'une région
bénéficiant d'un régime exceptionnel, pour les causes que nous avons
ci-dessus relatées, les ouvriers français ne vinrent pas, les maison-
nettes vides se dégradent et le tramway roule sans voyageurs. La
crise, nous le démontrerons dans nos conclusions, touche à sa fin. Et
nous verrons bientôt Tindja, faubourg de Ferryville, le coin de repos
où les ouvriers de l'Arsenal se rendront après la journée de labeur,
comme ils se rendent de Toulon à la Valette ou au Mourillon.
La population de Tindja est actuellement de 304 habitants : 175
PYançais, 425 Italiens, 4 Musulmans, 3 Juifs.
L'école primaire mixte reçoit '2'2 élèves : 17 Français et 5 Italiens.
B. — Partie comprise entre Tindja et Ferryville au Nord, la ligne
de démtircation des Gaïdats de Bizerte et de Mateur à l'Ouest, la route
de Bizerte à Tilnis à l'Est, et une ligne allant du djebel Kechata à
Mateur au Sud.
Cette région est encore très peu colonisée; on n'y compte que six
fermes françaises, et la seule importante est celle de M. Paul Doyen,
à El-JJathat. A cet endroit s'étend une plaine fertile permettant la
culture en grand des céréales en même temps que l'élevage. Les sur-
faces occupées par les autres fermes françaises sont accidentées et
morcelées, ce qui oblige les colons qui les exploitent à chercher leur
revenu princi[)al dans le bétail. Aux environs de Ferryville se sont
installés quel({ues maraîchers, h'ançais et italiens, et la Société des
Primeuristes a tenté quelques expéfiences dont les résultats ont été
encourageants.
Des Italiens ont créé uni; ferme à céréales et plusieurs vignobles
du C(Hé de la loute de Bizerte à Tunis, vers le i)l;il(Min de llir-Teila.
Ils occupent également l'henchir Mctiiiie (500 hectares envii-on),
loué aux Arabes et situé près de la piste de llatliat à M;iI(mu'.
— 8U5 —
J.a région est aussi très cultivée par les indigènes ; môme en coteaux
tout ce qui est labourable est ensemencé. Plusieurs propriétaires
arabes cultivent d'après la méthode IraïKaise.
Jl est diClicile d'indirpier le prix des terres par suite de l'absence
presque complète de transactions, mais on ne trouverait sûrement
pas de propriété à acheter, dans cette contrée, à moins de 'WO francs
l'hectare, entièrement défriché.
Les principales cultures et leurs rendements sont les suivants :
Blé 10 quintaux à l'hectare ;
Orge 15 —
Avoine 10 —
On cultive aussi le maïs, le sorgho, les fèves, le lin dont les rende-
ments sont très variables. L'élevage des bêtes à cornes est important.
Les colons de cette région réclament : 1° la construction d'un tram-
way de Tunis à Bizerte ; 2" une route allant de Tindja à Mateur, en
prolongement de celle qui vient de Sidi-Ahmed; 3'^ l'abaissement des
tarifs du port de Bizerte, de façon à permettre l'exportation des pro-
duits agricoles par Bizerte, ce qui, aiijourd'liui, malgré la distance
considérablement moindre, revient beaucoup plus cher que par
Tunis.
Le régime des pluies est aussi régulier qu'cà Mateur ou Béja, les
terres sont excellentes; les inondations ne sont pas à craindre, et la
salubrité est parfaite. Il est donc à souhaiter dans l'intérêt de la colo-
nisation en général, qu'on ouvre au peuplement français la région
comprise entre Mateur et le lac de Bizerte. Les terres ne s'y acquier-
ront pas facilement, car les indigènes sont réfractaires à la vente ;
mais on peut tout de même en trouver, surtout du côté de Metline.
Les voies de communication font défaut actuellement; on en établira
comme on en établit sur tous les points où les groupements euro-
péens prennent quel(|ue importance, et nous pouvons aftirmer que le
colon français qui s'installera dans cette partie du Caïdat de Bizerte,
aura d'avance de grandes chances de succès.
C. — Partie située entre la région précédente au Nord, la voie fer-
rée et la Medjerda au Sud.
Cette partie comprend la plaine de la INLibtouha, sur la rive gauche
de la Medjerdaet s'étend jusqu'au pied des djebels Desbaria, Douéniis
— 306 —
etRaouls en amont d'Utique; elle a une étendue de plus de lO.UUO
hectares. Le terrain se compose naturellement d'alluvions, pour ainsi i
dire récentes qui ont été formées par les sables et les argiles que les
eaux pluviales ont déposées dans ce bassin de mer. Cette plaine, près- v
que sans relief ni ondulations, est coupée par une série de soulève-
ments arrondis qui ressemblent beaucoup à d'immenses paquets d'ar-
gile qui auraient été roulés par les tourbillons des grandes eaux.
Toutes ces alluvions reposent sur les couches de grès et de marne
reconnues dans le sondage pratiqué au fond du puits qui porte le
nom de Bir-el-Mabtouha.
Les terres de cette plaine sont de nature assez variable suivant
leur situation : celles en bordure de l'oued Medjerda sont, en général,
siliceuses, alors que plus loin on trouve des terres franches, aux-
quelles succèdent des argiles plus compactes; mais toutes sont des
alluvions, partant très fertiles, de travail facile, s'émiettant à la moin-
dre pluie et se ressuyant avec rapidité. Leur profondeur est telle que
l'action de sécheresse y est fort réduite.
Quelques-unes de ces terres, cependant, sont salées, mais à faible .
dose et seulement dans le sous-sol, de telle sorte que la culture des
céréales ne saurait en souffrir. Pour la vigne la question est dilKé-
rente, étant données les profondeurs qu'atteignent les racines ; quel-
ques praticiens y virent la cause des dépérissements signalés, ces
dernières années, dans quelques vignobles de cette. région, mais mal-
gré l'expertise de M. Ravaz, la question est controversée et le pro-
blème est sans solution.
Malheureusement, dans cette plaine d'une fertilité incomparable, on
ne trouve pas d'eau potable. L'eau des puits forés dans les diverses
exploitations agricoles est plus ou moins saumàtre; si les bestiaux
s'en contentent, les colons, qui ne peuvent s'en servir pour leur ali-
mentation, ont été conduits à aménager des citernes.
Un autre ennui, est que l'on risque à la Mablouha, des inonda-
tions, tantôt du fait de la Medjerda, tantôt du fait des pluies qui s'ac-
cumulent dans cette immense cuvette et y séjournent faute d'écou-
lement. Cette année, particuHèrcMiieiil, les colons ont (Hi beaucoup à
souÛ'rirde ces inondations et leurs semailles ont été conq)lètement
pei'ducs; cei'tains ont dû évacuer lenu's fermes el lairc^ conduli'e leurs
bestiaux en Ki'oumirie, mais le fait est anoi'mal car il ne s'était pas
produit depuis seize ans.
— 307 -
Ces deux inconvéïiieiils : rnaii(|ue d'eau potable et risques d'inon-
dations, l'ont qu'il n'est pas trop possible de songer, dans cette plaine,
à la petite colonisation, d'autant (pie les terres sont très chères et
détenues par de grands propriétaires ou des Sociétés qui les font
exploiter par leurs gérants. En admettant It; niorcellennent de ces
grands domaines, on ne pourrait évidemment songer à installer de
petits propriétaires que dans les parties tout à fait insubmersibles.
En ellet, une inondation qui ruinerait un petit cultivateur n'est pour
un grand propriétaire qu'un accident prévu, désagréable, il est vrai,
mais compensé en partie par les apports de limon qui lui assureront,
dans la suite, de belles récoltes. Du reste, les propi-iétaires de la Mab-
touha ont créé tout un ensemble de digues couvrant plus de 30 kilo-
mètres dont on verra à l'usage l'utilité et les défauts, ce qui permet-
tra de les corriger et de les compléter, bien que cette année elles
aient été impuissantes à protéger les propriétés contre la crue des
eaux.
Il ne faudrait pas conclure de ceci que l'implantation du petit
colon soit impossible à la Mabtouha, qui est, au contraire, le paradis
des agriculteurs; le petit colon y trouverait, outre des terres de la
plus haute qualité, des pluies régulières et abondantes. Inversement à
ce qui se passe dans les autres régions de la Tunisie, si une récolte
est perdue, c'est par abondance d'humidité plutôt que par suite de
sécheresse; dans ces terres profondes, l'humidité s'emmagasine et la
plante peut l'utiliser toute, y puisant au fur et à mesure de ses be-
soins. Sur ce sol uni et merveilleusement perméable, la moindre
pluie a de l'effet. On pourrait croire à l'insalubrité de cette plaine,
surtout à cause du voisinage d'Utique; il n'est est rien. Les cas de
lièvre y sont rares aussi bien chez les Européens que chez les indi-
gènes; on les constate seulement chez les étrangers venus avec ces
indispositions.
Les cultures, tant arabes qu'européennes, sont très étendues. Tou-
tes branches sont exploitées : vigne, céréales, élevage. A signaler tout
spécialement la très belle exploitation de Bézézia, appartenant à
M. Camand, avocat, docteur en droit, charmant compagnon et colon
expérimenté. Grâce à M. Camand, j'ai pu "bien voir la région et j'en
ai rapporté l'impression (pie l'on peut tirer de ce sol des rendements
extraordinaires.
— 308 —
(( En lOO^, m'a dit M. Gamand, j'ai vu rendre au blé '2i quin-
taux à l'hectare sur une contenance de 30 hectares, et des rende-
ments supérieurs à '25 quintaux pour l'avoine sur des parcelles im-
portantes. En tout cas la moyenne des rendements n'est jamais
inférieure à 15 quintaux pour l'avoine et 10 pour le blé. »
La Société Crété et O^ possède, dans cette région, un vignoble de
150 hectares entièrement irrigable. Le domaine de Sidi-Tabet y pos-
sède également de grands espaces dont la majeure partie est trans-
formée en prairies artificielles; enfin, sur la rive gauche de la ^Nled-
jerda et près de Sidi-Athman, on compte cinq ou six fort belles exploi-
tations françaises; au total, dans la région de la Mabtouha, une
dizaine de Français et d'Européens installés,.occupant ensemble une
superficie de 11.720 hectares.
Les cultures des colons français sont plus soignées ici qu'ailleurs.
La pratique des labours de printemps y est générale et jugée indis-
pensable. Pour les blés, on les fait souvent sur double labour de prin-
temps, et l'emploi des superphosphates qui a donné dans ces terres
d'excellents résultats, tend à se généraliser. On veille, avec le plus
grand soin, aux assolements, afin de ménager les terres ; la culture
améUorante des fèves, les fourrages (fenu-grec, suUa, vesces) se font
sur des étendues considérables.
Chez les Arabes, les petits propriétaires ou locataires suivent les
errements déplorables que nous connaissons; les grands propriétai-
res, par contre, entraînés par le bon exemple et séduits par les résul-
tats qu'obtiennent les Français, s'efibrcent diiniler nos colons et ils
se procurent les instruments de labour et de moissons les plus perfec-
tionnés.
Les colons français de la Mabtouha réclanicnl : 1" raclièveinent
de la route de Protville à Sidi-Athman (rive gauclie de la Medjerda ;
l'établissement d'un ti'amway électriqueon tniit autre moyen })rati(jii('
de transport des voyageurs et des marchandises sur la route de
P>izerte à Tunis; 2" l'endiguement de la Medjerda et un déversoir
régulateur; -> des canaux et un débouché aux eaux de la garaàt El-
Mabtoulia. Tcjut cela, dans l'état actuel, {xMit seiidilcr iil(ipi(iii(';mais
p()ur(iii(ti un joui' le ivve ne se réaliserait-il pas?
- MC'.J -
3» Zone Est, comprise entre le goulet et lac de Hi/XTte à l'Ouest, et
le golfe de Tunis à l'Est; boiné au Nord par la mer, au Sud par la
Medjerda. Cetla zone peut rire ainsi divisée :
.1. Partie Nord: Entre le i^ould du lac et la route de Bizerte à
Tunis, se trouvent les deux j(jlis villages arabes de Menzfl-Ahdt-r-
ralimane et de ^lenzel-Djeniil.
Menzel-Abd-Er-Rahmane, dont la fondation remonte à l'an 700,
est bâti au bord du lac, sur les ruines d'un établissement romain.
D'après une légende, il y aurait en face du village, une ville enfouie
sous les eaux du lac. Quand le temps est calme, les pècbeurs voient
encore, paraît-il, les ruines de cette ville. Le groupement compte en-
viron 1.500 habitants.
Menzel-Djemil a été fondé, il y a 500 ans, par un nègre du nom de
Djemil, qui s'établit avec sa famille sur les pentes, alors couvertes
de forêts, venant mourir au bord du lac de Bizerte. Le village, pen-
dant assez longtemps, fut donc habité par une population du plus bel
ébène, mais des familles arabes se groupèrent autour de Djemil et,
peu à peu, le sang se mêla. Aujourd'hui encore la population de ce
village porte l'empreinte nègre très caractérisée. Le groupement de
Menzel-Djemil et de Aïn-Bittar compte 2A)00 habitants.
Aux environs de ces deux villages, la terre est très morcelée et
fort bien cultivée; on y voit quelques belles olivettes, des jardins
maraîchers et des champs de céréales: les sources y sont nombreu-
ses mais saumàtres, comme dans toutes les parties basses et maréca-
geuses. Les indigènes sont aisés et ils cultivent presque tous d'après
la méthode française. Dans la région assez vaste, comprise entre le
village d'EI-Alia, à droite de la route de Tunis à Bizerte, et le village
de Menzel-Djemil, au nord du lac, sont installées quelques belles
fermes européennes, en majeure partie Irancaises qui, ensemble,
occupent une superficie de 3.500 hectares environ. Citons le domaine
d'El-Azil), qui appartint à .Mustapha ben Ismail, ancien favori du
Bey. Il fut vendu à une Société Marseillaise, qui le céda, en 1808, à
la Société des Biens Fonciers. Cette dernière la morcela en uiit>
quinzaine de lots, d'une moyenne de 100 hectares, tous occupés par
des Français. La valeur de la terre varie de 300 à 000 Ir. Flieclare.
La Tunisie du Noru -1
— 310 —
El-Aiia est un village arabe de 3.700 habitants, bâti sur les ruines
d'Uzalis, en 1495, par les Maures. El-Alia est situé à 24 kilomètres
au sud-est de Bizerte, sur un plateau dominant la plaine, avec vue
très étendue sur la route de Tunis ; au pied du plateau, on voit quel-
ques fermes européennes. Le village est dominé par une colline
rocheuse, exploitée jadis comme carrière.
En remontant vers le Nord, le terrain se relève et atteint le massif
montagneux qui va brusquement finir au Ras-Zebib. C'est dans ce
massif que se trouve le village indigène d'El-Metline, pauvre mais
pittoresque : 1.800 habitants.
Ras-El-Djebel, à l'est d'El-Metline, sur la route du littoral, est un
gros village indigène dont la fondation remonte à un millier d'années.
Ce coin n'a actuellement pas grande importance au point de vue de
la colonisation européenne; mais il nous semble intéressant de nous
y arrêter un instant, car c'est dans la partie du Caïdat de Bizerte
comprise entre Ras-el-Djebel, Raf-Raf et Porto-Farina que l'on ren-
contre, à coup sûr, les plus beaux jardins de la Tunisie, cultivés par
des Berbères et des Maltais.
L'abondance de l'eau à faible profondeur et la nature du sol per-
mettent les cultures les plus variées. Les olivettes produisent en
abondance une huile excellente; les arbres fruitiers et les vignes en
treilles approvisionnement de fruits succulents les marchés de Tunis,
Bizerte et Mateur. Dans les terres de labour on cultive avec succès
blé, orge, maïs, pois et fèves; les légumes fins, cultivés en primeurs,
réussissent très bien dans ces terres siliceuses.
La moyenne des rendements en céréales est assez élevée; bien que
les indigènes s'obstinent à labourer à hi charrue arabe, le blé donne
\Tj pour un, les fèves, les pois et le maïs 18 pour un, et l'orge "20
pour un.
En 1905, il a été fabriqué sur place, parles niDiiliiis iudigèiios, jthis
de 300.000 litres (rimilc dont moitié environ a été exjxirléc à Tunis;
on a également transporté dans cette ville plus de 100.000 kilogram-
mes d'olives, et environ 300.000 kilo^s de grignons à destination
de Sousse : soit, pour le produit des oHvettes, environ 550 lomies.
Pour les li'uils, (»n peut estimer (jue pcndanl la saison (jui duiv de
quarante à (juaranl('-cin(| Joui's, il sort cIkkiuc jour de lîas-el-Djebel
- 3li -
plus de cent bêtes de somme chargées, cliacune, de 0() kilog^s de fruits :
abricots, pêches, prunes, poires, etc., soit del2W).000à !280.(XJ(J kilogs
de fruits pour la saison. L'exportation des raisins d'automne peut être
évaluée a GU.UUU kiloi^s. On arrive donc à un total général, pour les
fruits, de 300.000 à 340.000 kilogrammes.
Aux environs immédiats de Ras-el-Djebel, le prix des terres labou-
rables est très élevé; il varie de 500 francs à l.OiXJ francs l'hectare et
les propriétaires indigènes refusent énergiquement de vendre aux
roumis malgré les offres très avantageuses qui leur sont faites. Le
terrain des jardins potagers ou des vergers atteint parfois des prix
fantastiques; mais ce terrain étant très morcelé, divisé en toutes pe-
tites parcelles, il n'est guère possible d'évaluer le prix moyen de
l'hectare.
Le chiffre de la population de Ras-el-Djebel s'élève à 3,922 habi-
tants : 3.500 indigènes musulmans ; 360 Juifs ; 26 Français; 36 étran-
gers. Quatre colons européens : deux Français; un Italien et un Grec,
possèdent de petites exploitations agricoles aux alentours du village.
Un Français, M. Luzet, a fait là un intéressant essai de culture de
l'agave (aloës) dont les libres, employés pour la sparterie et la corde-
rie, se vendent de 700 à 800 francs la tonne. La tentative est toute
récente et ce n'est pas avant deux ou trois ans qu'il sera possible
d'en apprécier les résultats.
Ras-el-Djebel est un village quelconque; ses rues sont étroites et
généralement encombrées d'immondices. Malgré cela, la salubrité y
est remarquable : on n'y voit aucun cas de paludisme ni de maladie
de foie. Le docteur Lemanski considère Ras-el-Djebel comme le point
le plus sain de la Tunisie. Le climat reste tempéré et l'eau d'une
pureté absolue.
A Ras-el-Djebel existe une école primaire mixte recevant 30 élè-
ves : 2 Français, 6 Juifs ; 31 Musulmans.
Raf-Raf est un village de 2.400 habitants (indigènes), bâti sur des
ruines romaines ; il est situé à 5 kilomètres de l\)rto-Farina. Jardins
fruitiers, figuiers, oliviers.
Porto- Farina compte L 855 habitants : 32 Français; L600 Musul-
mans; 5Juifs; 85 Raliens ; 132 autres étrangers, Maltais pour la phi-
part.
— 312 —
' Cette jolie petite ville arabe, située sur le lac Ghar-el-Melah et dont
le port s'ouvre sur la pointe méridionale du Ras-Sidi-Ali-el-Mekki,
s'appelait dans l'antiquité, Ruscicona, mot phénicien qui signifie
(( Promontoire des vivres » de sorte que Fappelation moderne et
italienne donnée à ce même point, ne serait que la traduction litté-
rale de la dénomination phénicienne.
Porto-Farina doit sa fondation à Mourad Bey (1037), qui lui donna
comme habitants les Maures expulsés d'Andalousie. Aux beaux jours
de la piraterie barbaresque, Porto-Farina jouit d'une certaine célé-
brité ; la ville était pourvue de palais, de belles maisons, d'un marché
important où s'échangeaient les produits les plus divers, mais elle
tomba en décadence après la mort d'Ahmed Bey. Aujourd'hui, Porto-
Farina, lormé de deux rues parallèles reliées entre elles par des
ruelles et des passages voûtés, s'étend tout en longueur entre le lac
auquel elle a donné son nom, et la chaîne de montagnes qui se ter-
mine au promontoire d'El-Mekki.
Le sommet de la montagne qui domine la ville est hérissé de
broussailles et couronné par les ruines d'une construction carrée qui
servait de poste d'observation aux pilotes tunisiens.
Les jardins de Porto-Farina sont placés dans des conditions excep-
tionnellement favorables, car les hautes falaises qui les protègent
contre l'effet désastreux des vents de Nord-Ouest, procurentà la ré-
gion, en reflétant la chaleur, un climat propice aux cultures printa-
nières. On y cultive le pavot à opium, et les pommes de terre prove-
nant de cette région sont très estimées ; les raisins muscat et les pru-
nes lieine-Claude sont aussi justement renommés ; enfin, sous ce
climat, éternellement tempéré, poussent, en pleine terre et en toute
saison, les lleurs les plus délicates et les plus odorantes.
Porto-Farina possède un bagne dans lequel nous ne pénétrerons
pas. Il possède aussi deux écoles : une primaire publique contenant
38 élèves, dont 5 Français, U italiens, '24 Musulmans; une primaire
libre de filles recevant 30 élèves, dont .3 l"'ran(;aises, P2 nali(Mnies,
15 Maltaises ou Musulmanes.
La pèche, dans le lac de Porto-Farina, a été concédée par le (iou-
vernement Tunisien à un pai iiculier ; (^llc ;i |)i()(luit l'an dernier
Il 5. "200 kilogrammes de poissons de [oulcs esitèccs, (|ni (tntél(' ven-
dus sur' le marché de Tunis.
- 313 -
B. — Partie Sud de la zone est du Caïdat de lîizorte, comprenant
les villa.Lces <rEl-Aons(lja, Zoiiaouïiie, J)Ou-Cliatenr ( Cti<iue), le massif
du djebel Touiba et les marécages formés par des multiples bras de
la Medjerda.
El-Aousdja. — A été bâti par les Maures sur les ruines de Mcn-
brone. Ce villa,!4C indigène, situé à l'ouest du lac de Porto-Farina,
près du chemin (pii relie cette der-nière localité à la route de Bizerte-
Tunis, avait jadis une certaine importance commerciale; son marclié,
aujourd'hui, est réduit à la plus simple expression : oliviers, céréa-
les, cultures maraîchères.
La Société Franco-Belge possède près l'El-Aousdja, Qnviron 500
hectares de terres, comptantes ds 30.000 oliviers.
Zouaouïne. — A l'ouest d'El-Aousdja; a été fondé par les Uuleds
Aouali, (|ui vinrent de TripoHtaine, il y a '200 ans, et s'installèrent sur
les contreforts du djebel Touïba.
Bou-Chateur (L'tique). — Un très vaste domaine français (plus
de 5.0(K) hectares), cache à la vue du passant, sous ses luxuriantes
cultures, les intéressantes ruines de la cité punique.
Les terres de Bou-Chateur proviennent des alhivions de l;i .Ah'd-
jerda et sont propres à toutes les cultures.
Actuellement elfes valent de 300 à 500 francs l'hectare et don-
nent une moyenne comme rendements :
Blé 10 (juintuux à l'hectare
Orge 15
Avoine 18 —
M. de Chabannes, propriétaire du domaine d'Utique, auquel je
demandais si la petite colonisation pourrail s'impiaiUerdans la région,
m'a répondu :
« Les petits colons ne réussiront (jue lors(]ue la grande et la
moyenne colonisation auront dégrossi la besogne i)ar des défriche-
ments qui nécessitent de sérieuses réserves. Poiu- la petite coloni-
sation il faudrait, au minimum, 50 hectares, dont cinq en vignes, le
tout en teries très saines et à proximité d'une grande route;
« L'exploitation d'une petite ferme, dans ces conditions, exigvi-ait
un capital relativement élevé, une cinijuanlaine de mille fi'ancs en-
viron :
- 314 -
Achat du terrain 20 à 25.000 francs
Vignoble 10.000 —
Habitation 2.000 —
Culture iO.OOO —
Réserve 3.000 —
Total 50.000 francs
(( La moyenne colonisation aurait beaucoup plus de chances de
réussir que la petite colonisation, dans les conditions suivantes :
200 hectares de bonnes terres. . 100.000 francs
Constructions 15.000 —
Bêtes de trait 2.500 —
Bétail 5.000 —
Matériel 5.500 —
Fonds de roulement ' 20.000 —
Total 147.000 francs
(( Une propriété de 200 hectares, dont la moitié serait annuelle-
ment cultivée par khammès, donnerait un bénéfice net, dans la ré<^ion
d'Utique, de 10.000 francs en moyenne. L'achat des terres à enzel
pourrait éviter une grande partie de la mise de fonds.
(( Le long de la route de Porto-Farina à Tunis, par El-Aousdja, il
y a des terres très saines qui conviendraient fort bien à des petits
colons. Une partie de ces terres habous pourraient être loties; celles
appartenant à des propriétaires arabes seraient difficiles à acquérir. »
Les terres d'alluvions, nous l'avons vu précédemment, en parlant
de la plaine de la Mabtouha, sont assez riches; malheureusement, à
Utique plus encore que dans cette dernière plaine, les inondations
sont fréquentes et noient toutes les récoltes. Un canal a bien été creu-
sé, mais il ne suflit pas, et pour remédier aux débordements de la
Medjerda, il serait nécessaire de creuser un second canal qui mettrait
en communication le cours actuel de la rivière avec son ancien cours
venant deSidi-Tabet. La distance de ce point à la mor par ce tracé
est de 9 kilomètres, tandis ({ue par son cours actuel la rivière cou-
vre 24 kilomètres pour aller à son embouchure. Pour exécuter ce
travail, il y aurait simplement à creuser un fossé de cSOO mètres
sur 4 mètres de largeur et 5 mètres de profondeur, soit une dépense
de 20.(X)0 francs environ. Les propi'ic'laires rivcriiins piU'Iiciitci'aicnl
volontiers à cette dépense.
Il n'existe dans toute la plaine (ri'li(|U(\ (|u"ini clieiuin d'accès
i-eliaiit l;i grande route de !li/.erle à Utique, (2 kilonièlres) ; le ivsle
- 315 —
(h; la région est desservi par des pistes. Doux jtonls ont rW' constriiils
sui' l'oued Clierclierapar les propriétaires de l'ijoncliir Bou-Chateur :
l'un près de la colline d'Utique, l'autre on face d'FJ-Aonsdja.
La Galite (Gatata). — Si ikjus sommes obli'^és de quitter la
torro Terme où poussent les belles moissons, pour entreprendre une
courte croisière au large de Tabarka, c'est que le rocher abrupt,
bordé de dangereux récils, qui app<artenait hier encore, de façon
plutôt vague, du reste, au Contrôle civil de Souk-el-Arba, a été rat-
taché au Contrôle de Bizerteen 1903.
La constitution de cette île, de 5 kilomètres de long- sur 2 kilo-
mètres 1 '2 de large, est essentiellement volcanique ; les hauteurs
(31)3 mètres d'altitude), sont formées d'une roche trachytique remplie
de belles laves. Pline affirme que le scorpion ne pouvait y vivre: ce
ijui est incontestable, c'est que la Galite est habitée depuis une cin-
quantaine d'années par des pêcheurs troglodytes, Napolitains et
Sardes, qui avaient élu domicile dans les grottes profondes aménagées
par la nature sur les flancs de ce pittoresque îlot. Ces gens heureux,
(|ui ne connaissaient pas l'ilistoire, vivaient en parfaite harmonie,
loin de la politique, sans nul souci des lois, ay:uit pour horloge
lMi(i'bus, et pour grand maître, Neptune. La (îalite conservait jalou-
sement les derniers des païens isolés du reste du monde.
Le Gouvernement du Protectorat est, depuis trois ans, oflicielle-
ment représenté à La Galite par M. Clément, un joyeux compagnon,
(jui marie les gens, enregistre les naissances, constate les décès. M.
Clément est écrivain public, cabaretier, syndic des gens de mer,capi-
taine de port, orateur, etc., etc. ; si le Parlement n'avait voté la loi
de Séparation, M. Clément, sur ses vieux jours, serait sûrement de-
venu curé.
La population de La Galite compte 150 sédentaires environ, dont
quelques Français naturalisés, et 130 Italiens et Espagnols qui culti-
vent de minuscules jardins et un pou de vigne. Cette terre tunisienne
n'al)rite aucun niusuhnan. A ri-pcxpio de la pèrlio arrivent Sardes et
Siciliens, (pii séjournent qu(>l(pu^s mois, puis regagnent leurs ports
d'attache. L'année dernière (1005), il a été péché à La Galitte plus
de 100.000 kilogrammes de poissons de toutes espèces. La langouste
et le homard produisent beaucoup dans ces parages, seulement il
— 31G —
est grand temps d'avoir une réglemeiilation plus sévère de la pèche,
car les près sous-marins, aux alentours de l'île, sont presque dépeu-
plés et il faut que les barques aillent pécher à huit milles de La
Galite, en dehors des Galitons. Le Galiton Ouest, grosse roche
massive haute de 158 mètres et accompagnée d'une roche conique
appelée l'Aiguille, est situé à six milles environ du port méridional
de La Galite; le Galiton Est se trouve à huit milles de ce même
port.
Malgré les sources abondantes, la flore de La Galite est pauvre. On
rencontre, sur les rocs, des chèvres sauvages et des légions de la-
pins; les oiseaux de proie et les grands oiseaux de mer y pullulent.
Cette île est riche en minerai: cuivre, fer, zinc et plomb. En bonne
saison, La Galite possède un excellent mouillage, abrité des vents du
Nord-Ouest.
Population. — Le Caïdat de Bizerte compte environ 50. 000 ha-
bitants, non compris l'armée de terre et relï'ectif de la Division na-
vale: 4.(J00 Français; 9.700 Italiens; 1.100 autres étrangers euro-
péens; 33.000 Musulmans: 1.000 Juifs.
Les écoles primaires sont au nombre de vingt-deux, dans ce Ca'idat,
et elles reçoivent ensemble: 732 Français; 1.051 Italiens; 127 Juits ;
128 Musulmans, soit au total : 2.038 élèves.
Propriétés. — 51 Français possèdent dans ce Ca'idat, 20.022 hec-
tares de terres se répartissant ainsi :
Route de Bizerte à Mateur 9 propriétaii'es, 2.782 hectares
Environs de Ferryville et tour du
lac 7 — 1 .277 —
Route de Bizerte à Tunis 12 — 3.518 —
Rive gauclie de la Medjerda 7 — 11.720 —
El-Aous.lja 1 — 500 —
Isolés 15 — 225 —
LcGouvcriiciiiciil du iM'otcctoi'iit ;i \)[i livi'cr, p;ii' voie (le snhsiiliilion
à la colonisation Irançaise, du l'i |;iii\ ici' I0nn;iii :]\ (\vvviuhiv, liK)5,
flans le Caïdat de Bizerte, L722 lu'ctares de tencs liabous; lecliilIVe
total de ces ventes domaniales a atteint 305.935 francs.
CIJAPJTP.E m
I.c Caïdat de Mateur
Limites. — La limite du Caïdat de Mateur part, au Nord-Ouest, du
cap Négro et suit le tracé décrit au chapitre P'", jusqu'à l'intersection
de la ligne conventionnelle séparant les Caïdats de Bizerte et de
Mateur. (Voir chapitre II.)Ce Caïdat est borné, au Nord, par la mer;
à l'Ouest, par le Caïdat de Béja; au Sud, par les Caïdats de Medjez-el-
Bab et deTébourba; à l'Est, par le Caïdat de Bizerte.
Le territoire de Mateur est administrativement divisé en quatre
parties : la région de Mateur; la Mogodie ; les llédill; les Béjaoua.
Le Caïdat a une superficie de 12. '200 kilomètres carrés,
[Région de Mateur. — Mateur. — La ville s'étage sur les pentes
sud-ouest d'un coteau isolé, situé sur la rive gauche de l'oued Djou-
mine à son débouché dans la plaine. Les ruines d'une kasba cou-
ronnent ce mamelon, dont les lianes verdoyants, semés de pierres
blanches qui scellent dans l'éternité des générations d'autochtones et
au milieu desquelles broutent et gambadent de jeunes générations
d'ànons etde chevreaux, sont crevassés de carrières formées de quartz
grési forme et rougeàti-e.
On jouit, de la Kasba, d'un fort joli panorama sur l'immense plaine
de Mateur parsemée de fermes françaises et barrée, au Nord, par la
sombre muraille du djebel Aclikel; au Nord-Ouest, par les monta-
gnes des Mogods; à l'Ouest, par les pentes qui terminent les hau-
teurs des Hédill et des Béjaoua ; au Sud, par les contreforts du djebel
Lansarine; à l'Est, par les djebels Krerba, Chapta et le kouilial Arba-
nefet; au Nord-Est, par les djebels Berna, Zarour et l'isthme de
Tindja.
La ville a été construite au XV« siècle avec les matériaux provenant
des ruines (V Oppidum Materensc. Mateur cité arabe, aux rues rapides
— 318 -
et tortueuses n'offre rien de remarquable. Cependant le commerce y
est très actif, et chaque jour s'ouvrent des boutiques nouvelles, dans
tous les coins, sur toutes les ruelles, pour la plupart occupées par
des Juifs et des Djerbiens.
Le quartier européen commence à se développer ; plusieurs belles
bâtisses ont été construites, notamment les Postes et Télégraphes et
le groupe scolaire. Un pâté important de maisons neuves s'élève près
de la gare, située à 1.500 mètres de ^[ateur. Et bientôt gare et ville
seront reliées par un boulevard bordé d'habitations entourées de super-
bes vergers.
Les colons français de la plaine de Mateur se sont formés en Asso-
ciation et ils ont lort joliment installé dans la ville un Cercle modèle,
avec bibliothèque, cabinet de lecture abondamment pourvu de jour-
naux, revues périodiques, illustrés, restaurant, chambres d'hùtes,
salle de bain, de billard, d'escrime, etc. On y est reçu avec la plus
franche cordialité et je puis afiirmer qu'on ne s'ennuie pas, à Mateur.
Au début, il y eut bien, parmi les colons, quelques légers dissenti-
ments, mais quel bled outre-méditerranéen est exempt de ces petites
querelles de clocher, qui, d'ailleurs, disparaissent quand il s'agit de la
défense des intérêts communs'.' C'est ce qui se produisit à Mateur :
cette année même, dès que l'organisation d'un concours agricole l'ut
résolue, tous les colons de la région se réunirent, tirent bloc, les
questions de personnalité s'évanouirent : l'entente cordiale régna en
souveraine maîtresse. Et les colons de Mateur 'furent des sages, car
trop longtemps délaissés par l'Administration, ils pourront désormais,
grâce au pact durable qu'ils viennent de contracter, faire aboutir [iliis
aisément leurs légitimes revendications.
^lateur, station de la ligne Tunis-l'izerte, se trouve à (iO kilomètres
de Tunis et à 33 kilomètres de Bizerte; c'est le centre le plus impor-
tant de colonisation françaisede la Tunisie du Nord (4 le point d'atta-
che d'une population indigène très dense.
La ville et le quartier de la gare comptent enseujble 7.307 habi-
tants : 350 Français, '2.000 Italiens, 150 autres étrangers européens,
3. (S1() Musulmans, I .(t'J7 Juils. Les deux (''colcs primaires piiMiqucs,
l'une de garçons, l'autre <le lilles, reçoivent 18i élèves: lN> Krançais,
1 1 \ Italiens, 10 Musulmans et divers, 'J<S Isi-ai'Tites.
Les habitants de .Maleni- r(''clanient :
1" la construction ilim réseau dégoûts;
— 310 -
2° la conslruclioii d'un tramway reliant la ville à la gare (\'/)0
mètres) ;
'A" rti,gTaii(lissemerit des marchés;
4" l'établissement d'une bascule publi(|ue;
'f la nomination d'un vétérinaire municipal ;
0" la construction d'une municipalité.
Méléorolof/ic. — Pendant longtemps la région de Mateur eut, sous
le rapport de la salubrité, une détestable renommée : le paludisme,
disait-on, y faisait des ravages tels que les indigènes eux-mêmes ne se
risquaient dans la plaine qu'au moment des semailles et de la moisson,
puis regagnaient au plus vite leurs douars placés sur les éminences
voisines. Tout cela n'est que légende. Certes, la fièvre fait son appari-
tion dans les bas-fonds, surtout après les inondations assez fréquentes
dans la contrée, mais les coteaux et les habitations européennes bien
orientées, suffisamment aérées sont, pour la plupart, indemnes de
paludisme. En résumé la région de Mateur n'est, ni plus, ni moins
malsaine que les autres régions de la Tunisie du Nord. Le climat y
est tempéré et la pluie y est régulière et heureusement répartie.
Températures moyennes relevées à Mateur de 1900 à 1905 :
Printemps : Minima : 1»; maxima:34'>; moyenne: 1,>8; pluie:
'23'] millimètres en 44 jours.
Eté : Minima : 7"0; maxima : 40"; moyenne: 'i.'îwS; Pluie : ill mil-
limètres en 15 jours.
Automne : Minima : 2»; inaxima : 41»; moyenne : 17"8; pluie:
217 millimètres en 20 jours.
Hiver : Minima : 2"; maxima: 25'>2 ; moyenne : II" 7; pluie : 225-
millimètres en 41 jours.
Températures moyennes annuelles : Minima : ll"2; maxima :2i"i;
moyenne: 17"; pluies moyennes annuelles : 717 millimètres en 120
jours.
Excursions. — Variées m lis lointaines etassez fatiguantes :
["Promenade au djebel Aclikel (17 kilomètres de Mateur). Cette
montagne, de 508 mètres d'altitude, autrefois lacustre, ne l'est aujour-
d'hui que pendant la saison des pluies; en temps secJ'Achkel tient
à la rive méridionale par une plaine marécageuse. Uavins très escar-
pés, habités par quelques Arabes chasseurs qui cultivent, dans les
— 320 —
creux, un peu de blé et d'orge, et pratiquent l'élevage des bestiaux.
Carrières de marbre et d'ardoises ; sources chaudes situées à la pointe
nord-est de l'île, où les Romains avaient un établissement thermal.
Chasses merveilleuses mais pénibles à cause de la haute broussaille ;
dans la montagne, perdreaux, lièvres, sangliers, chacals, renards,
hyènes, grands oiseaux de proie ; sur les bords du lac Achkel, tous
les gibiers d'eau connus, principalement le canard, la sarcelle, l'oie,
le flamant ; on y rencontre aussi la loutre. C'est dans F Achkel que
vivent en liberté quelques douzaines de buffles appartenant au Bey de
Tunis. Il y a peu de temps encore, on organisait, avec l'autorisation
du Bey, des « chasses aux buflles w.qui n'étaient autres que d'abomi-
nables massacres ; certains princes du sang ou barons de la finance
participèrent à ces boucheries et purent tirer sur les pauvres animaux
connue ils auraient tiré sur des bœufs dans une cour de ferme. On a
mis fin aujourd'hui à ces pratiques, et les bons buffles paissent et
flirtent avec les troupeaux des indigènes.
2" Promenade aux ruines d'Oppidum Ma f creuse, sises sur un plateau
enclavé dans une propriété française (henchir Techga), à 7 kilomè-
tres au sud-ouest de ^lateur près de la route de Tébourba.
> Excursion au djebel Talieiit, dans les l'éjaoua, 35 kilomètres de
Mateur; pistes rapides et impraticables pendant la mauvaise saison.
Deux villages sont appuyés contre les flancs à pic du djebel Tahent,
le point culminant de tout le massif montagneux des Béjaoua. Ces
deux villages, séparés par une muraille rocheuse, sont parfaitement
distincts: celui de Tahent à l'Ouest, celui desOusseltia à l'Est. Tahent
a l'aspect du village kabyle, formé de maisons basses recouvertes
de terrasses. Les gens de Tahent sont originaires du Maroc et vinrent
s'établir sur ce rocher, au moment de l'émigration des Béjaoua. Les
Ousseltia, venus du Sud Tunisien, occupent des gourbis informes ou
se tapissent dans les anfractuosités du roc. Les deux villages vivent
en bonne intelligence, mais ne se mélangent pas. Du sommet de la
montagne, la vue s'étend jusqu'à Bizerteet embrasse la grande plaine
de Mateur, les chaînes de Mogodie et toutes les vallées environnan-
tes. Cette excnrsion est un pen pénible mais lies i)ill()r(^s(iue.
i" Excursion aux goi'ges du djebel Anlra, dans les iJéjaoua, enliv
les djebels Antraet l^oulahine, à ."J'J kilomètres de Mateui- : route sus-
pendue au-dessus d'une falaise rocheuse couverte de myrtlies,de
vignes sauvages et d'arbres de Judée.
— :{2I -
5» Excursion au Gasser-Jîouflarem, au milieu desllédill, à4(J kilo-
mètres de Mateur et à trois kilomètres du ]}ordj du clieikli Helka-
cem, riiomriie aimable, bon et hospitalier par excellence, dont la
maison est ouverte à tous, sans distinction d'origine ni de reli;^i(jn.
i^es mœurs patriarcales du cheikh perdu dans ce pays très beau et
d'une si intense sauvagerie, font oublier l'heure : on se croirait trans-
porté en plein moyen-àge.
()" Enfin, belles et nombreuses excursions à faire dans les Mogods
principalement à Souk-el-Djemaà, au centre de la vallée de Sedje-
nane ; au cap Serrât; sur la ciHe, dans la direction des Fratelli.
11 faut, pour accomplir ces excursions, avoir le temps, ne point se
presser, quitter les pistes tracées et zigzaguer à travers monts et vaux.
Autrement, ce n'est plus une agi-éable promenade que l'on fait : on
exécute une corvée.
La plaine. — Plaine riche dans laquelle s'est implantée la coloni-
sation riche. Pour la raison que nous avons indiquée plus liant, répu-
tation proverbiale d'insalubrité, la plaine de Mateur resta longtemps
inhabitée après l'occupation française. Mais de hardis capitalistes, qui
s'étaient rendu compte de la prodigieuse fertilité du sol et du régime
régulier des pluies s'installèrent d'abord, en appelèrent d'autres
ensuite, et voilà qu'aujourd'hui on ne peut trouver aux environs de
Mateur, un bout de champ, si on ne le paie un prix fantastique.
Aux environs de Mateur, dans un rayon de trois kilomètres, le prix
de l'hectare de terre varie de GUO à 1 .C)00 francs ; à Oum-Zit-el-Kebira
près de la gare, un ancien lotissement de l'Agriculture vendu aux
colons à raison de 100 francs l'hectare, a été revendu récemment par
ceux-ci, partie à 600 francs, partie à l.^lX) francs l'hectare. Dans ce
rayon, les terres se louent de 50 à lOOlVancs l'hectare; au delà, jus-
qu'à '20 kilomètres de Mateur, elles se louent de 30 à 40 francs en
plaine, et de 25à30 francs en coteau.
Sur le territoire de Mateur, dans la plaine proprement dite, on ne
compte pas moins de iîO propriétés françaises de 100 à 1.000 hectares,
onze petites fermes siciliennes de l^ à 50 hectares, et deux autres
exploitations italiennes, l'une de 200,rautre de 400 hectares. En outre,
un certain nombre de petits agriculteurs et d'ouvriers italiens, louent
aux Français, aux Arabes, ou à leurs compatriotes, des parcelles de
terre qu'ils cultivent <^M>iOi7ù'', c'est-à-dire que le propriétaire donne
- 322 -
la semence et qu'après la moisson, locataire et propriétaire partagent
en deux le produit de la récolte. Quelques riches indigènes possè-
dent de grandes surfaces de terrain qu'ils cultivent d'après la méthode
française.
A l'est de la plaine, au point de jonction des limites des Caïdats de
Mateur, deBizerte et de ïébourba, près de la gare d'Aïn-Rhelal, se
sont installées deux fermes françaises ; elles constituent avec quelques
autres exploitations situées sur les territoires de Bizerte et de Té-
bourba un noyau de colonisation française qui tend à prendre déplus
en plus d'importance. Dans cette région, les terres ont une valeur de
350 à 400 francs l'hectare.
La culture des céréales donne, dans la plaine de Mateur, des résul-
tats excellents et suivis ; même en année de sécheresse printanière,
comme en 1905, la récolte est moyenne et assure un gain à l'agricul-
teur. Les rendements sont de 10 à L2 quintaux à l'hectare pour le
blé, et de 14 à 16 quintaux pour l'avoine et l'orge. Il existe peu de
vignobles dans la région, cependant placée dans des conditions de
viticulture identiques à celle de la plaine de Bône ; cela s'explique par
le fait que la colonisation s'est développée à Mateur au moment le
plus intense de la crise viticole. La vigne produit de 70 à 90 hectoli-
tres à l'hectare et fournit de bons vins de coupages. Un syndicat est
en voie de formation pour la culture du coton.
Le sol est très propice à l'élevage du bétail, et il y aurait un inté-
rêt considérable, pour les colons, à posséder des vaches plus laitières.
M. Grimaldi, agronome italien, qui a séjourné quelque temps à Mateur,
constate que la plaine est identique comme sol et climat, à la partie
la plus fertile de la Sicile. Il conseille vivement de faire venir, dans
ce pays, des vaches de la race dite moclica, que l'on trouve près de
Syracuse, et qui fournissent de 10 à !20 litres de lait par jour. Les
colons étudient actuellement la question et il est probable qu'ils s'as-
socieront pour acheter un troupeau de cette race sicilienne et créer,
en coopération, une laiterie et une fromagerie. Dans les conditions
actuelles, on exporte chaque année, de Mateur, pour plus île ." 50.000
francs de beurre. Il est également question de demander à la Direc-
tion de l'Agriculture ({u'elle procure aux colons un laureau zt'lni cl
un étalon l)audet.
- [m
La région des Mogods. — La Mo^^odie aune superficie de 1.200
kilomètres carrés; elle est limitée : an Nord, par la mer, du cap Dou-
kara au cap Négro; à l'Est, elle conline au Caidatde Bizerle; au Sud
aux territoires de Mateur, des l^éjaoua et des Hédill; à l'Ouest, aux
Nefza. Ce pays, très montag^neux, est divisé en deux parties égales
par la vallée de l'oued Sedjenane, où coulent de nombreuses sources.
La côte, généralement escarpée, est couverte de falaises rocheuses
et de dunes de sable ; les grèves, rares et de peu d'étendue, y for-
ment des criques désignées sous le nom de marsa, où viennent atter-
rir parfois les pécheurs et les contrebandiers. Les sinistres mariti-
mes sont assez fréquents sur cette côte, au large de laquelle se dres-
sent l'ilôt de la Galite et les deux écueils connus sous le nom de Fra-
tellL Le littoral de Mogodie présente trois points où il est possible
d'atterrir avec de fortes barques : la marsa Sidi-Mechereg, où les
Romains possédaient un petit établissement maritime dont il reste un
petit bâtiment assez bien conservé ; la marsa Ez-Ziatine et la marsa
Sidi-Mansour.
En Mogodie, il n'y a que des sentiers où passent seulement les pié-
tons et les mulets; ils zigzaguent d'un henchir à l'autre; quelques-
uns, plus fréquentés, mènent à Mateur et à Souk-el-Djemaà, les deux
marchés du pays ; d'autres relient les Mogods aux territoires des
tribus voisines, Béjaoua, Hédill et Nefza ; ils sont, en général, peu
praticables. Les sentiers traversant les parties basses du pays sont
assez bons pendant la belle saison, mais la nature argileuse du ter-
rain les rend très difficiles pendant la saison des pluies.
Il n'existe pas, dans le pays des Mogods, un seul centre habité de
quelque importance; la population, qui est de 12.700 habitants envi-
ron, est répartie en petits douars fixés sur les hauteurs couvertes
de broussailles. Les parties basses sont généralement inondées à
l'époque des semailles; il est donc difficile de les utiliser autrement
que comme terres de pâturages.
Les indigènes cultivent cependant le blé, l'orge, le sorgho, le maïs,
les fèves et les pois chiches, mais en petite quantité et tout juste ce
qui leur est nécessaire pour leur consonnnalioii etHê paiement des
impôts. Ils cultivent également le tabac qui réussit assez bien dans
les parties siliceuses du nord de la vallée de l'oued Sedjenane, et
dont les meilleures feuilles servent à la fabrication de la twfj'd, ou
— 324 —
tabac à priser très apprécié des Arabes et des Juifs, et qui s'écoule
très facilement, en contrebande, à des prix qui varient de 10 à 20
francs le kilogramme. Le Service des Monopoles a beau exercer une
sévère surveillance, la fraude ne s'en pratique pas moins sur une
très large échelle. Cela se conçoit, les Monopoles ne payant la pre-
mière qualité de tabac brut qu'à raison de 1 fr. 30 le kilogramme.
Aussi le planteur invente-t-il des ruses d'Apaches afin de soustraire
aux livraisons la plus grande partie possible de sa récolte, et pour
cela, au luret à mesure delà dessication, il cache, en dehors de son
gourbi, dans les broussailles et les rochers, les plus belles feuilles
emballées dans des peaux de bouc. Grâce à la nature accidentée du
pays, saut le cas de délation, la découverte d'un dépôt de tabac est
très rare. En 1903, les Mogods ont livré à la régie 35.000 kilogs de
tabac, représentant la somme de 25.000 francs; en 1904, 33.000
kilogs pour 24.000 francs; en 1905, seulement 17.000 kilogs pour
13.000 francs. L'année courante s'annonce bien : plus de 300 deman-
des en autorisation de culture du tabac ont été adressées à la Direc-
tion des Finances par les indigènes des jMogods. Le prix moyen payé
par les Monopoles est de 74 francs les 100 kilogrammes.
La vallée de l'oued Sedjenane est très fiévreuse et généralement
submergée pendant l'hiver. Au Nord, dans les montagnes et les dunes
sablonneuses situées entre cette vallée et la mer, la végétation est
assez rabrougrie et la population très clair-semée. Des Italiens et
quelques Français s'y livrent à l'élevage du cochon. Au sud de la val-
lée, les montagnes sont plus boisées, mais les massifs forestiers y
sont moins vigoureux que dans la partie ouest constituant le massif
des Nelza. A l'abri des broussailles qui couvrent les montagnes,
pousse une herbe très abondante et convenant parfaitement aux
bœufs, aux chèvres et à l'élevage des petits chevaux, élégants et résis-
tants dits « poneys des Mogods ». Les Romains possédaient, dans
cette partie montagneuse, la plus salubre de la Mogodie, do nom-
breux établissements.
Dans ce pays, où il n'existe encore ni routes, ni pistes carrossables,
ni ponts sur les oueds qui deviennent infranchissables en hiver, neuf
familles ont créé des exploitations rurales. Deux fciniiics, les deux
so'urs, ont eu le courage de s'établir seules, éloignées de toute iiabi-
tation européenne, en plein bled arabe ; en janvier de cette année,
leur ferme fut inondée, entourée d'eau de toutes parts, et les deu\
- :32?i -
prisonnières restèrent sans pain pendant plus de vinji^t jours. Le cas
n'est d'ailleurs pas isolé: un certain nombre de propriétaires ihuirais
et plusieurs douars des Mogods, des iJéjaoua et de Mateur suJjinMit le
même sort.
Le chemin (ie fei' (jui va procliainemcnt, relier Mateur aux Ncr/.;!,
desservira la Mogodie, en empruntant la vallée de l'oueri Malali ; il
traversera, de l'Est à l'Ouest, la pai'lie sud de ce pays qui est de
beaucoup la plus fertile.
Région des HédiU. — La région des Ilédill est limitée : au Nord,
par les Mogods; à l'Est et au Sud, par le Caïdat de Béja; à l'Ouest,
par les Béjaoua. Les habitants, au nombre de 8.300 sont dissé-
minés par petites fractions sur les pentes des montagnes, et ces sau-
vages ne dégringolent de leurs djebels que pour mener, sur les
marchés de Mateur ou de Béja, les produits de leurs troupeaux.
De même qu'en Mogodie et aussi dans les Béjaoua, les voies de
communication sont très précaires dans les Hédill ; ce sont, pour la
plupart, des chemins muletiers, difficiles en tout temps. La piste
principale est celle de Mateur à ïabarka traversant le territoire des
Ilédill de l'Est à l'Ouest, sur la rive droite de l'oued Ilallalif; une
autre piste, celle du Cap-Serrat à Béja, coupe les Hédill du Nord au
Sud-Est par la zaouïa de Sidi-Ali-ben-Abid, Aïn-Youddi et Sidi-bou-
Déa. De nombreux sentiers mettent en communication les Ilédill
avec les Mogods et les Béjaoua. Une route projetée desservira les
gisements miniers des Hédill et rejoindra la voie ferrée Nelza-Ma-
teur au Nord, et la voie Béja-Matem^ au Sud-Est.
Le pays des' Hédill est très abrupt et profondément raviné. Sou-
vent on voit sur les crêtes les ruines de postes romains d'une forme
particulière : ce sont des tours carrées, dont le côté ne mesure pas
plus de trois mètres à la base, et divisées verticalement en trois éla-
g-es. De chacun de ces bâtiments, aujourd'hui repaires des grands
oiseaux de proie, on aperçoit distinctement les autres.
La colonisation française n'a pas encore pénétré dans cette pitto-
resque région, mais un certain nombre ^ritaliens, ouvriers des mines
exploitées dans ces montagnes, ont loué aux indigènes des parcelles
de terrain qu'ils ensemencent de fèves et de cpielques autres légu-
mes rustiques; ils y ont également [liante un [teu de vigne. Les
La Tunisik du Nouu iîi
— o2G —
indigènes cultivent dans les vallées arrosées et fertiles, le blé, l'orge
et le sorgho ; ils s'adonnent surtout à l'élevage des bestiaux.
La zaouïa très renommée de Sidi-ben-Abid, située sur le versant
est du djebel Tabouba, est le point le plus important de ce pays. On
y trouve toujours l'hospitalité la plus large.
F^égion des Béjaoua. — Le territoire des Béjaoua est limité : au
Nord, par les Mogods, au Nord-Est par le territoire de Mateur ; au
Sud par le Caïdat de Medjez-el-Bab ; à l'Ouest par le Gaïdat de Béja
et les Hédill.
Le pays des Béjaoua est moins tourmenté que celui des Hédill,
mais il est aussi dépourvu de voies de communication : les sentiers
grimpent et descendent rapidement au gré des accidents de terrain
multiples et des bancs de rochers considérables que l'on retrouve
presque continuellement dans la région. Le chemin de Mateur à Béja,
praticable aux arabats pendant la belle saison,traverse les Béjaoua en
suivant la vallée de l'oued Tine. La voie ferrée projetée de Béja-Ma-
teur desservira la vaste région des Béjaoua, en suivant les vallées de
l'oued Djoumine et de l'oued Boudissa, côtoyant au Sud les djebels
Antrah, Blida, et passant au Nord du curieux djebel Tahent.
Dans les Béjaoua on compte environ l'i.OOO indigènes, quelques
centaines d'Italiens et une dizaine de fermes françaises, presque
toutes situées au Nord-Est du territoire, dans la partie confinant à la
plaine de Mateur. Deux exploitations françaises ont cependant été
installées à l'ouest des Béjaoua, entre le Tahent et la limite du Caidat
de Béjà, dans la vallée de l'oued Boudissa.
Les montagnes renferment de riches gisements de calamine. Quel-
ques-uns sont actuellement exploités ; d'autres le seront dès que les
Béjaoua pourront être réliés à Mateur par un chemin de 1er ou une
route carrossable.
Le sol, dans cette contrée, est d'une extraordinaire lértdité et des
plus propices à l'établissement de la petite colonisation, principale-
ment dans les vallées de l'oued Djoumine et de l'oued Boudissa.
Malheureusement, la majeure partie des bomies terres est possédée
par des habous privés, gérés par des mokkadeiii (|ui les cultivent peu
ou prou, mais refusent de les vendre aux roumis. On y voit de beaux
pâturages où paissent de nombreux troupeaux et des poneys comme
ceux des Nefzu et des Mogods.
— :i27 —
Les monticules sont garnis d'oliviers sauvages qu'il serait très
facile de débroussailler et de grelTer, de caroubiers, de g^ênets épineux
et de lentisques ; sur les bords de quehjues oueds et dans les fonds
des vallées, on voit des peupliers et des trembles.
Dans les jardins qui entourent les douars, poussent, en grande
quantité, les (igiiiers, les amandiers, les abricotiers, les pêchers sous
lesquels sont cultivés quelques légumes, tels que : choux, oignons,
salades, melons, courges, pastèques, etc. La vigne s'y trouve à l'état
d'exception.
Population. — Le Caïdat de Mateur compte environ 47.."i(X) habi-
tants : 450 Français; 2.000 Italiens; 200 autres Européens; LlOO
Israélites ; 43.500 Musulmans.
Propriétés. — 71 Français possèdent, dans ce Caidat, 10.781
hectares de terre, se répartissant ainsi :
Bizerte 30 propriétaires. . . . M .370 hectares
Mogods 0 — .... 4.023 —
Béjaoua iO — .... 3.838 —
Aïn-Rhelal 2 — .... 250 —
Isolés 20 — 300
Le Gouvernement du Protectorat a livré, par voie de subslilulion,
à la colonisation française, du Ic" janvier 1900 au 31 décembre 1005,
dans le Caïdat de Mateur, 3. 135 hectares de terres liabous, pour la
somme de 442.530 francs.
Marchés. — Le marché de Mateur, le seul important du Caïdat,
dure trois jours chaque semaine: le vendredi, moutons et chèvres;
le samedi, chevaux et bovidés ; le dimanche, céréales, volailles,
peaux, laines, cirarbon, etc. Lo marché aux bestiaux se tient au cen-
tre de la ville ; le marché aux céréales et autres denrées est situé à
la gare, où un bâtiment couvert, très insuftisant d'ailleurs, a été
construit.
Les chiffres suivants peuvent donner une idée île l'imporlance des
transactions ; ils se rapportent à un bon marché de printemps
(mars 1906):
Bœufs: 1.200; chevaux : 80 ; mulets et ânes: 00; moutons et chè-
vres: 2.500; beurre: 800 kilos; volailles: 500 pièces: œufs: 1.2(X)à
— 8i>8 -
1.500; laines: l.!20Û kilos; charbon de bois: 1.000 kilos; miel: 100
kilos ; peaux (moutons, chèvres, bœufs, chameaux) 100 ; blé : 20.000
kilos ; orge: 18.000 kilos; sorgho : 7.000 kilos. (Le printemps est la
morte saison pour les céréales ; les céréales européennes ne parais-
sent pas au marché, étant livrées directement.)
Aux époques de transactions actives (printemps et automne), il
n'est pas rare de voir une population flottante de 4 à 5.000 indi-
gènes occuper les fondouks de Mateur pendant les trois jours de
marché.
Exportation. — Statistiques des exportations de la gare de Ma-
teur, de 1902 à 1905 :
i902 : 7.204 tonnes de céréales ; 3.044 tonnes de paille et fourrage;
1.906 tonnes de minerai ; i.594 tonnes de charbon de bois; 31.479
tonnes de pierres ;
1903: 14.920 tonnes de céréales; 2.374 tonnes de paille et four-
rage ; 2.052 tonnes de minerai; 1.392 tonnes de charbon de bois;
9.519 tonnes de pierres ;
1904: 10.591 tonnes de céréales ; 1.739 tonnes de paille et four-
rage; 2.555 tonnes de minerai: 831 tonnes de charbon de bois;
1.024 tonnes de pierres;
1905: 10.169 tonnes de céréales ; 2.936 tonnes de paille et four-
rage; 2.405 tonnes de minerai; 368 tonnes de charbon de bois; 30
tonnes de pierres.
Il faut compter, en moyenne, 10.000 tonnes ae marchandises di-
verses, dont 5.000 environ de céréales, transportées chaque année
par les arabats, et qui, par conséquent, ne figurent pas dans les sta-
tistiques officielles délivrées par la giu'e de Mtiteur.
CIlAiMTIIE IV
CONCLUSIONS
Nous avons très rapidement énuméi'é les gigantesques travaux
qui ont été accomplis en peu d'années pour l'aménagement du port
de Bizerte. Nous avons vu croître et se développer, sur les bords du
lac, toute une belle ville française semi-militaire, semi-civile, dont
les hauteurs environnantes sont partout crénelées, cuirassées, gar-
nies de canons à longue portée. Le port et la ville sont, dit-on, impre-
nables. A condition, toutefois, que la tâche commencée et qui a
nécessité de très lourds sacrifices, soit poursuivie sans inutiles dé-
penses, mais aussi sans ces arrêts brusques qui menaceraient, s'ils
se perpétuaient, de compromettre l'œuvre si admirablement conçue
par le génie français. Laisser un outillage en repos pendant de lon-
gues années, serait s'exposer à le trouver inutilisable le jour où il
faudrait s'en servir. Un arsenal ne doit pas être un corps sans âme;
il faut, au contraire, qu'il ne reste jamais inactif; que les ouvriers
soient constamment à leurs postes ; que, comme Toulon, comme
Brest, comme tous nos arsenaux de France, l'Arsenal de Sidi-Ab-
dallah fournisse à la Marine un contingent de travaux cl ([n'il pos-
sède son cadre d'ouvriers spéciaux.
Alors, Bizerte reprendra vie et aussi Ferryvillo et Tindja. Les
ouvriers qui peinent durement tout le jour, trouveront non loin de
l'atelier, soit la maisonnette indépendante, soit la petite exploitation
rurale avec verger, olivette et clos de vigne. Il est incontestable que
les tendances à l'exode aux champs se manifestent dans toutes les
villes industrielles : où rouvrier Irouvera-t-il pays plus propice à la
réalisation du rêve de la vie en plein air, (|ue tians la région privi-
légiée de Sidi-Abdallah ?
— 330 -
La Direction de rAgricuiture se préoccupe de l'acliat de terrains
qu'elle divisera en petites parcelles aux environs de Ferryville et de
Tindja. Elle fera ainsi œuvre intéressante de petite colonisation, de
colonisation assistée, c'est-k-dive celle du petit fonctionnaire, de l'arti-
san qui, vivant déjà de son traitement ou de son salaire, se procurera
par la culture de son jardin, un supplément de produits, en même
temps qu'il y recueillera le bénéfice d'une existence adaptée aux
meilleures conditions d'hygiène. Il s'est rarement présenté pareille
occasion de réaliser un essai de ce genre. Si l'expérience est tentée,
non seulement les ouvriers et les employés de l'Arsenal se fixeront
au sol, mais ils appelleront près d'eux, leurs parents dès qu'ils auront
l'assurance de pouvoir acquérir, à peu de frais et moyennant des
paiements échelonnés, la champêtre habitation et le petit bout de
champ qu'ils n'auraient jamais pu posséder en France. Et ce sera tout
profit pour la colonisation.
Mais ce qu'avant tout il faut à Bizerte, c'est un port de commerce
abordable et un port charbonnier. Le rachat par l'Etat du monopole
accordé à la Compagnie du Port de Bizerte, se négocie en ce moment,
et dans quelques mois ce sera fait accompli. Alors les tarifs qui frap-
pent de droits énormes, prohibitifs, les marchandises importées ou ex-
portées par le port de Bizerte seront considéi'ablement réduits, et les
charbonniers qui, venant de Cardiff, de Newcastle ou des autres ports
du Xord, toucheront à Bizerte étant assurés d'un li-et de retour,
— comme ils le sont actuellement en touchant aux ports d'Alger
ou d'Oran.
Nous savons, en effet, que les travaux de la ligne Ncfza-Mateur
vont être mis en adjudication très procliaineinent : la ligne de Béja-
Mateur viendra ensuite et, parrallèlement à ces voies, la Direction
des Travaux publics va poursuivre la construction des routes deMa-
leur-Tunis, de Mateur-Jjéja et de Maleur-Télinucba. Ces voi(^s desser-
\ iront des contrées extrèmenuMit Ici lil(\s, dont les valh'cs conliciiiicnt
^\v<^ h'Maiiis de ciillnre (rniic r(''ell(' valeur, et don! les inonlagnes
renlej'inent de très riches gisements miniers, (|ui n'ont jus(jiralor's
été exploités faute de moyens pratiques de communication avec un
porl d'embarquement. ^
— lYM —
Les produits do ces régions arrivant à Matour seront diri^^és sur le
port de Uizerte, soit par le chemin de fer Tunis-nizerte, soit par la
route que l'Administration établira entre Mateur et iJizerte, car un
fait existe : Mateur se trouve, en ligne directe, à une distance de
;}4 kilomètres de Bizerte, — c'est la voie que suit le clieniin de fer
Tunis-Bizerte. Mais, entre Bizerte et Mateur, il n'existe pas de route
carrossable, autre que celle, impraticable l'hiver, qui contourne le
lac Achkel, aboutissant à Bizerte après un détour de T)ô kilomètres.
Une bonne route, convenablement empierrée, part bien de Bizerte
se dirigeant vers Mateur, mais elle s'arrête à Tindja, c'est-à-dire à
17 kilomètres de Mateur. Pourquoi, demandera-t-on, ne prolonge-t-on
pas cette route juscfu'à Mateur'? Pourquoi n'empierre-t-on pas ces
17 kilomètres, situés en terrain plat et n'exigeant, par conséquent,
aucun travail d'art?... Parce que le Génie s'y oppose. En ce mo-
ment, les marchandises partant de Mateur pour se rendre à Marseille,
économisent deux francs par tonne en s'embarquant à Tunis, distant
pourtant de 65 kilomètres, tandis que Bizerte n"est situé qu'à .'li kilo-
mètre de Mateur. Nous voulons croire, dans l'intérêt de Bizerte et
de Mateur, (|ue le génie militaire ne voudra pas davantage prolon-
ger une silualiou aussi préjudiciable au commerce de ces deux villes.
Dans la région de Mateur, la colonisation est l'unique produit de
l'initiative et des capitaux privés. Et pourtant, cette contrée merveil-
leuse qui, par son climat et la nature de son sol est vraiment la terre
d'élection de la petite colonisation peuplante, a été longtemps mécon-
nue, tenue à l'écart, pres(]ue complètement ignorée.
Nous avons vu que la terre, aux environs immédiats de Mateur,
atteignait des prix fort élevés, inabordables aux agi'iculteurs ne pos-
sédant qu'un modeste capital. Mais, grâce à rétablissement des routes
et voies ferrées projetées, les régions les plus éloignées de la ville, les
vallées de l'oued Dj()umin(\ de l'oued Boudissah, de l'oued Malali,
certaines pentes des Mogods, des lléilill et des lîéjaoua [lourrout,
dans un avenir très prochain, être livrées à la petite colonisation.
Ces parties du Caïdat de Mateur sont, en elfet, très propices au
petit élevage, de même ([u'à la culture de toutes les céréales et au
jardinage, conditions permettant d'opérer des ventes successives et
— 332 —
des rentrées continuelles, alors que par la monoculture, le colon est
obligé d'attendre la moisson ou la vendange pour récupérer le prix
des produits de sa ferme.
Il existe, dans ces régions, possédées par des habous privés, des
terres qui, la plupart du temps, envahies par la broussaille, superfi-
ciellement labourées, ne donnent pas le quart de la récolte qu'elles
produiraient si elles appartenaient à des colons français. La question
du rachat des habous privés, grave, épineuse, a déjà soulevé bien
des p^olémiques ; je n'émets pas la prétention de la résoudre ni
même de la discuter; mais je puis bien indiquer ici le vœu formulé,
à différentes reprises, par l'unanimité des colons de Mateur, priant
le Gouvernement du Protectorat, tout en sauvegardant les intérêts
des indigènes, d'acheter ou d'échanger, dans les Béjaoua et dans les
Hédill principalement, quelques îlots de terrain (]ui pourraient être
cédés à nos petits colons.
D'autres vastes superficies de terre seraient aisément disputées à la
nature qui, périodiquement les inonde et les couvre d'un limon vaseux
les rendant impropres à toute culture : ce sont les terrains maréca-
geux situés au sud du djebel Achkel, bordant les propriétés françai-
ses de la région nord et nord-ouest de la plaine de Mateur.
Cette année les abords de l' Achkel n'ont pas été les seuls à soulïVir
de l'inondation ; les terres environnantes ont été également submer-
gées, couvertes d'une nappe d'eau de 40 centimètres pendant plu-
sieurs semaines, et, naturellement, il en est résulté pour la phipart
des propriétaires riverains, des pertes considérables qu'on ne peut
pas encore évaluer.
Cependant, les agriculteurs ont fait tout ce qu'il était possible do
faire pour assécher leurs terres et les assainir; ils ont creusé des cen-
taines de kilomètres de fossés pour aider à l'écoulement des eaux;
ils ont planté des milliers d'arbre, qui meurent d'avoir été trop long-
temps submergés, et tous les ellbrls, accomplis pjir rinilialivc |)i'ivée,
restent stéril(>s. Aussi les colons de la région de INlateur font-ils app(>l
à l'Administration et la prient d'étudier rélargissemeiit de l'oued
Tindja — travaux d'exécution facile (;t peu coùlcux i'elaliv(Miieiil à
rimj)()rta)ice des sinistres — (|ui pci'nietli'ait le rapide (''conlcnn'iil du
lac. AcIiInc! dans le lac di' lii/ertc.
Ce n'est pas, en eifet, comme on pourrait le croire, le débordc»-
ment des oueds qui cause les dégâts dont nous parlons, mais sini))le-
— 3:« -.
ineiit le lac Aclikel qui, en recevant tous ces oueds, },Tossit déme-
surément et, s'étenfl à perte de vue sur les champs voisins. Il ne faut
pas être grand clerc pour comprendre que si ce lac avait un déversoir
suffisant dans le lac de Bizerte, son niveau ne s'élèverait que fort peu,
et des milliers d'hectares, aujourd'hui immobilisés, deviendraient cul-
tivables.
La situation est plus alarmante dans la région de Mabtouha et
d'Utique, par suite des débordements de la Medjerda. En décembre
1905 et janvier JDOO, les inondations ont ravagé, dans cette immense
plaine, plus de 1.200 hectares ensemencés en céréales, noyant les
grains de réserve des indigènes, entraînant les bestiaux, rasant les
douars notamment ceux de Zouara et de ^lenzel-Ameur, détruisant
les fossés et les digues établies par les colons français. Les agricul-
teurs sont désespérés, les Arabes sont sans pain. Ils demandent au
Gouvernement de les protéger contre le fléau, on faisant creuser un
canal d'évacuation rapide des eaux, canal qui n'aura pas seulement
pour résultat d'assurer la défense des terrains de culture contre les
débordements du fleuve et l'accumulation dans la cuvette de la Mab-
touha des eaux pluviales, mais qui permettra aussi, de même qu'à
Mateur, d'augmenter considérablement les surfaces cultivables et de
livrer quantité de nouvelles terres fertiles à l'exploitation.
Ou fut, il y a quelques années, très hypnotisé parle port de guerre,
par l'Arsenal, par la défense de lîizerle. Tous les eflorts convergeaient
vers un but unique ; tous les crédits — et ils furent gros — étaient
destinés à la militarisation de Bizerte et de son lac. Bientôt un arrêt
fatal se produisit dans les travaux maritimes et dans les travaux de
la guerre, et on s'aperçut seulement qu'il manquait quelque chose à
Bizerte, (fue celte ville adiinrablement située, au débouché d'une
région immense et riche, était lolalement dépourvue des seules con-
ditions économiques permettant à toute cité de vivre et de se déve-
lopper : le commerce et l'industrie.
Ces conditions essentielles d'existence, r.izerte, enlin. va les pos-
séder. Le Résident général, M. S. Pichon, s'est parfaitemenl riMidu
compte de la situation, et il s'est particulièrement attaché à tirer
Bizerte du marasme dans lequel elle agonisait depuis la supension des
CA
^^E DU CONTRo^^
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Echelle I:500000'
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LE CONTHOLK CIVIL 1)K OIIOMHALIA
CHAPITRE PREMIER
Aspect et limites. — OrcKjrapiiie et liydrooraphie. — FonHs. — Cli-
niatoloîjie. — Les Romains. — Les lii<li(jèiics. — Population
Aspect et limites. — L'énorme cône qui forme la presqu'île du
Cap-L>on, est situé au nord-est de Tunis et s'avance, en lariçe pro-
montoire, entre le golfe de Tunis et la partie orientale de la mer
Méditerranée. Une chaîne de montagnes élevées, se rattachant au
massif du Zaghouan (Sud-Ouest), et dont l'arête crénelée se poursuit
vers le Nord, partage symétriquement ce cap en deux parties, for-
mées de terres d'alluvions éminemment propres à la culture des
céréales et à l'élevage du bétail. Le Cap-Bon est intéressant, d'aspect
varié et pittoresque. Les jardins d'flammamet et de Nabeul comptent
certainement parmi les plus beaux delà Régence; laDakla (côté Est),
possède des terres très riches et toujours productives; la cote
Ouest, mamelonnée et riante, est couverte de pâturages excellents et
de coteaux très propices à la cullure de la vigne; la partie sud, celle
où la colonisation européenne s'est depuis longtemps implantée, est
formée de vastes espaces restés incultes et d'une large plaine bai-
gnée, au Nord, par le golfe de Tunis, et enserrée, à l'Est et à l'Ouest,
entre deux chaînons montagneux; la partie centrale, montagneuse et
profondément ravinée, de même que la pointe nord, tour à tour
l'ocheuse et sablonneuse, olfrent au promeneur des sites remarqua-
bles, d'attrayantes excursions, et renferment, enclavés entre dunes et
rocs, de beaux terrains ensemencés ou des prairies naturelles (pii,
grâce au régime régulier des pluies, restent verdoyantes toute l'an-
née.
— 33G —,
Le Contrôle civil de Grombalia était autrefois partagé en deux
Caïdats: le Caïdat de Soliman (Ouest) et le Caïdat de Nabeul(Est);
par décret du 10 août lOO^, ces deux Caïdats ont été réunis en une
seule circonscription, qui porte le nom de Caïdat du Cap-Bon, dont
nous diviserons l'étude en trois parties: 1» Sud ; 2° Côte occidentale
et pointe Nord ; > Côte orientale.
Le Contrôle est baigné à l'Ouest, au Nord et à l'Est, parla mer;
au Sud, il est limité par le Contrôle de Tunis (Caïdats de la Banlieue
et de Zaghouan), et par le Contrôle de Sousse (Caïdat des Oulad-
Saïd). La limite sud, coupant la base du cône de l'Ouest à l'Est, part
du rivage formé de petites dunes bordant la rive gauche de l'oued
Es-Soltane (limite est du domaine de Potinville), traverse la route de
Tunis à Sousse, passe entre les djebels Srara et Halloufa, puis, arri-
vée au khangLiet el-Hadjadj, fait un crochet vers l'Ouest et descend
vers le Sud directement, en suivant les crêtes des djebels El-Gouad
et Khoridja; elle passe ensuite par Bir-el-Turki, l'oued Bakbaka,
Aïn-ez-Zit, l'oued Chargui et l'oued Garbaïa. La limite côtoie alors
le versant occidental du djebel Makki, passe par le bordj Sidi-Ah-
mar, traverse Telia, Touila et le Kef Bou-Tsalats, rejoint le sommet
du djebel Sidi-Zid, s'incline légèrement vers le Sud-Est, suit pendant
quelque temps l'oued Zid, l'oued Melah et Aïn-Saboun, passe entre
le djebel Arbaïa, l'oued El-Coucha et l'oued Ramel ; la limite forme
enfin une ligne à peu près droite, passant par Sidi-Baiech, traver-
sant l'oued El-Hadjar, l'oued Kebir et suivant l'oued Clierchar jus-
qu'à son embouchure, située sur la côte orientale, au Nord-Est de
Bou-Ficha.
Orographie. — La région située au sud-ouest de la route de Tunis
à Hanunamet (j)artie sud du Contrôle de Grombalia), est formée par
les contreforts venant du massif du Zaghouan ; les sommets y sont
encore considérables et les chaînons forment des vallées remarqua-
bles par leurs cultures. Les pics principaux sont: les djebels Sera,
Choucha, Makki, Jedidi, Taferiiine, El-Krouiie, Gamous, El-Arbaïne,
Menzel-Moiissa, jfarbi dont riillitiide varie de ."îdO à (HH) mètres. La
plupiirl (le ces montagnes son! couvertes de broussailles ot dlicrl);!-
ges. Dans la plaine de la Dzir;i (Gi()iiili;ili;i ), il n'existe aucune hau-
teur méritant d'être signaléf^
La région située entre la roule de Tunis-llannuamet et la côte
orientale (Su<l-J^sl du Contrôle), est rorni(''e piir nue cliaîne de mon-
tagnes faisant séparation entre les bassins du {j^oHe d'Hammarnet et
ceux du golfe de Tunis. Ces montagnes sont moins élevées et moins
abruptes que les précédentes ; les plateaux qui en dépendent, vien-
nent finir à une distance de la côte variant de deux ù sixkilomètres :
ils sont profondément ravinés. Les rivières que l'on y rencontre ont
presque toutes leurs bords à pic. Cette chaîne de montagnes est cou-
verte, jusqu'à ses dernières pentes, de broussailles rabougries et de
toulles de palmiers nains; on y trouve aussi de l'alfa, mais en petite
quantité ; quelques beaux pins dans les ravins. Les principaux pics
sont: les djebels Ilammamet, El-Goléa, Reba-el-Aïn, Bou-Roukba,
Djerraia, El-Knaïss, Kifane, Ab-es-Selem, Oued-en-Nemmer, Touil,
lladdad, Bou-Eddine, dont l'altitude varie de 150 à 30() mètres.
La grande chaîne centrale, connue sous le nom de djebel Sidi-
Abderrhaman, domine les côtes Ouest et Est; cette chaîne se
relève, vers son centre, en muraille presque à pic, puis, à mesure
que les sommets s'abaissent au Nord et au Sud, ils s'émoussent,
s'arrondissent, adoucissent leurs pentes, élargissent leurs bases et
dessinent des vallées et des mouvements particuliers de terrains
accessibles, plus • facilement franchissables et propres à toutes les
cultures. Les principaux pics du massif Sidi-Abderrhaman sont, du
Sud au Nord : les djebels Hofra, Ed-Diss, Damouss, Abd-er-Rah-
man, Kalaa, Krarib, Hoummane, Ben-Oukid, Kef-er-Renned, Kef-
el-Goléa, Kef-el-Mergueb, djebels Maksine et Karsoutine. Cette ligne
bien nette du partage des eaux des deux vei-sants prend racine à
l'est de Menzel-bou-Zelfa et se prolonge au-delà de Tozegrane, jus-
qu'au djebel Bou-Krin ; là, commence un vaste plateau peu élevé,
creusé de bas-fonds sans issue vers la mer, qui forme une sorte de
bassin central aboutissant à la garaat ecli-Cherf (El-IIaouaria). L'al-
titude des montagnes du massif Sidi-Abderrhaman varie de 2Ô0 à
040 mètres. L'aspect de la région centrale de la presqu'île est agreste
et des plus pittoresques: partout des eaux courantes, des gorges à
pic, des cirques profonds et étroits; en beaucoup d'endroits, on
rencontre des vestiges anti(iues gardant les défilés accessibles. Les
vallées, d'abord formées des nombreux torrents t]ui sortent du djebel
Sidi-Abderrhaman, soit à l'Ouest, soit à l'Est, s'élargissent \^vn à
peu, toujours très rapides, et se couvi'eut de cultures, d'arbres, de
jardins, de villages; elles sont émaillées de koubbas, de zaouia, de
— 338 -
petites maisons blanches isolées sur les flancs. Enfin, la vue em-
brasse, épars çà et là, à des altitudes diverses, sans en excepter un
seul, tous les petits hameaux, tous les douars, entourés de jardins,
ombragés d'arbres fruitiers. Et sur cette langue de terre où tout
semble dormir, la vie est active et le paysage est animé par le mouve-
ment des troupeaux groupés sur les escarpements, par les chevaux
en liberté au milieu des prairies, par le va-et-vient des habitants.
Entre l'extrémité Nord du massif Sidi-Abderrhaman et la pointe
de la presqu'île, on rencontre des dunes de sable échelonnées les
unes derrière les autres et couvertes de maigres buissons de tamarix;
quelques ruisseaux forment, à travers ces sables, des tranchées où
souvent les eaux se perdent pour ne reparaître que sur la plage mê-
me. Ces dunes qui, à certains endroits, ont plusieurs kilomètres de
largeur, forment de véritables mamelons mouvants où Ton s'enfonce
profondément. Après cette vaste coupure sablonneuse qui sépare en
deux parties (de l'Ouest à l'Est), la pointe de l'île, ont trouve une
ligne de belles collines qui, de la côte orientale, va gagner le littoral
occidental au-dessous de la baie de Sidi-Daoud.
La pointe Nord du cap est constituée par le massif d'El-Haouaria,
isolé, à pic sur la côte et sur la plaine au Sud-Ouest. L'intérieur de
ce massif se compose d'une masse de crêtes et de pic rocheux, sépa-
rés par des ravins tortueux et étroits, à pentes très rapides vers la
mer et un peu moins escarpées du côté de la plaine. Les sommets
principaux sont :les djebels El-Ache, El-Tartoucha, Mergueb etTrok,
Sidi-bel-Abiod, — où se trouve un poste sémaphorique — et Ras-
Addar, dont l'altitude est de 150 à 395 mètres. Le Ras-Addar est une
dernière et extrême pointe rocheuse dirigée vers le Nord-Ouest et
sur laquelle s'élève le phare qui éclaire l'ouverture orientale du golfe
de Tunis. Au loin, les rochers de Djamour (Zembra et Zembretta),
paraissent se raccorder, par une chaîne sous-marine, au système
montagneux d'El-Haouaria. A l'Ouest, près de Ras-el-Aliinar, s'élève
la colhne entièrement crevassée par les grottes antiques de R'har-el-
Kebir.
Enfin, poui' terminer la description orogra[iliit|ii(' du Cap-noii, il
nous reste à mentionner la montagne isolée sur le versant occidental
et qui borde le golfe de Tunis, désignée sous le nom de djebel Kor-
beuss. Cette montagne est très escarpée et dénudée, tellement à pic
qu'aucun chemin n'est praticable le long du rivage. On y voit une
- -A'A'.) -
succession dégorges rocheuses, au fond desquelles gisent d'énormes
blocs détachés des sommets, de prolondes cavités creusées dans le roc
par l'action des eaux, des sentiei-s formant de nombreux lacets étroits
et accidentés, tantôt surplombant la mer, tantôt resserrés entre deux
murailles. Ce bourrelet, dont la plus haute élévation ne dépasse pas
^'iO mètres, s'abaisse graduellement vers le Sud ; il se termine, au
Nord, par le djebel Fortass, qui forme le cap du même nom.
Hydrographie. — La partie sud du Contrôle de Grombalia est ar-
rosée : 1» par les oueds El-^Iasri, Daroufa, Melah, qui prennent
leurs sources dans le massif montagneux situé au sud- ouest de la
route de Tunis à Sousse, et se jettent dans le golfe de Tunis; '2» par
les oueds Damous, Cherchar, Sedra, El-Assoued, Temad, prenant
leurs sources dans le même massil mais se jettant dans le golfe
d'Hammamet. Ces cours d'eau reçoivent plusieurs affluents ; leurs
rives sont généralement escarpées et difficiles. Les oueds El-Masri,
Daroufa et Melah forment, dans la plaine de Gombalia-Soliman, une
région marécageuse très malsaine.
La côte occidentale est sillonnée de nombreuses rivières dont les
principales sont : l'oued Berzirk qui, descendant du djebel Djeb-
bouza, traverse une région très fertile, au nord de Soliman ; l'oued
Délia qui se jette dans l'oued Berzirk; l'oued Aouina, prenant sa source
dans le djebel Korbeuss et arrosant la région de Takelsa; l'oued
Bou-Mia et l'oued Hammane qui, après s'être réunis au pied du dje-
bel Fortass, contournent ce bourrelet rocheux et se jettent dans le
golfe près de Ras-el-Fortass ; l'oued El-Abid, important cours d'eau
provenant du massif Abderrhaman et recevant, de droite et de gau-
che, de nombreux affluents ; l'oued Zoggag, qui prend sa source dans
le djebel Oulid, descend d'abord à travers des gorges escarpées et
coule ensuite au milieu de collines sablonneuses ; Toued Zaouia, qui
descend des hauteurs de Tozegrane, parcourt une vallée assez acci-
dentée mais bien cultivée et dont tous les bas-fonds sont couverts
de praii'ies où poussent de beaux herbages. Tous ces cours il'eau se
jettent dans le golfe de Tunis.
La pointe du Cap-Bon ne possède aucun cours d'eau important,
mais les sources et les puits s'y trouvent en abondance et débitent pen-
dant toute l'année de l'eau excellente. A signaler dans celle région
la garaat El-Haouaria (Ech-Cherl), grand lac d'eau douce d'environ
— 340 —
quatre kilomètres de long sur deux kilomètres de large, formé par
les eaux provenant des hauteurs environnantes. Cette garaat conser-
ve de l'eau toute l'année ; ses rives sont très fertiles.
Les oueds principaux du versant oriental sont : les oueds El-Fahr,
Ez-Zemmech, Merazga, El-Gegliir, El-Sabil, prenant leurs sources
dans le massif d'Hammamet et baignant la région située entre Ham-
mamet et Nabeul ; les oueds Bir-Atia, Sidi-Abdallah, El-Kebir entre
Nabeul et El-Mamoura, et prenant leurs sources dans les contreforts
orientaux du massif central ; les oueds Daroufa, Othman, Er-Rerous,
Bou-Fannir, entre Mamouraet Kourba ; les oueds Bou-Eddine, Cliiba,
El-Hadjar, Lebna, Erg-Sass, entre Kourba et ^lenzel-Temime, prenant
leurs sources au cœur même du massif de Sidi-Abderrhaman ; les
oueds Taferksit, El-Hadjar, El-Mikelsi, entre i\Ienzel-Temine et Ke-
libia; les oueds Embarek et Zekar entre le Ras-Mostefa et le Ras-el-
Melah.
Outre les cours d'eau qui viennent d'être énumérés, la côte orien-
tale du Contrôle de Grombalia comprend une multitude de sources
qui arrosent le pays et lui donnent sa fertilité. Les puits sont très
nombreux dans toutes les zaouia des Maouïn (Dakla). Des sebkas
marines bordent le littoral compris entre El-Mamoura et Ras-el-Me-
lah. Aux environs de Menzel-Temime, à l'Ouest, se trouve la sebka
Fardjouna, bassin de 3 kilomètres de longueur sur un de largeur ; ce
lac, dont le niveau est d'environ 40 mètres au-dessus de la mer, se
dessèche presque entièrement en été et rend la région très malsai-
ne. Tous ces petits lacs sont, en tout temps, couverts de gibier d'eau.
Forêts. — L'Etat possède dans le Contrôle civil de Grombalia trois
massifs forestiers qui ont ensemble une étendue de 7.100 hectares. La
répartition de ces massifs est la suivante :
Forêt du djebel Korbeuss 1-. iOO hectares
Forêt du djebel Hammamet 1 .'200 »
Forêt du Cap-Bon ou Ras-Addar 1 .."HlO »
Soit 7.100 »
Les boisements qui recouvrent le djebel Korbeuss sont constitués
par les esseiices ordinaires de la région : le thuya, le chêne-kermès,
l'olivier sauvage, le lentisque ; ils forment des buissons assez serrés
mais peu élevés.
- HU -
Ceux que l'on rencontre au djebel llaminamet et à Ras-Addar sont :
le chène-kerniès, l'olivier sauvage, le lenlisque ; ils sont bas, rabou-
gris et très clairsemés. On trouve quelques pins d'Alep au djebel
IJammamet.
Tous ces peuplements sont en fort mauvais état, ayant continuel-
lement soulï'ert de dévastations de toute nature : incendies, pâturage
exagéré, délncliements et exploitations des charbonniei's marocains.
Leur appauvrissement est tel aujoiiid'liui que de nouvelles exploita-
tions, aussi peu importantes soient-elles, ne pourraient y être prati-
quées sans causer les plus grands dommages. Il est au contraire indi.s-
pensable de les ménager alin de favoriser leur reconstitution, car leur
présence diminue le ruissellement, facilite la pénétration des eaux
pluviables dans le sol, l'alimentation des nappes souterraines et
contribue au maintien des terres sur les pentes.
La surveillance de ces ti'ois massifs boisés est confiée à un seul
préposé indigène qui a sa résidence à Hammam-Lif, où il est encoi'e
chargé de garder les plantations de pins d'Alep qui ont été faites sur
le Bou-Kornine. Il s'ensuit naturellement que la surveillance, telle
quelle est faite dans les forêts du Cap-Bon, est insuffisante et ne peut
empêcher qu'il ne se commette de nombreux délits.
Oliviers. — Les olivettes du Conlrùle de Grombalia sont très impor-
tantes. Les forêts d'oliviers imposables sont ainsi réparties :
Soliman 509.410 oliviers
Grombalia 80.780 »
Nianou-Belli 130.795 )>
Beni-Khalled 1 49.834
Menzel-bou-Zelfa 471 .t2G7 »
ToTAi 1.346.080 oliviers imposables.
En outre, les olivettes de Nabeul, Mammamet et Ivelibia, non sou-
mises à la Ghaba, comptent ensemble 35'2.i34 pieds d'oliviers; soit,
au total, pour le (<ap-Bon : 1.098.2'iO oliviers.
Climatologie.— La région du Cap-Bon est, en général, des plus
saines. Elle comporte même des parties, connue la côte du Sud-Est,
qui remplissent toutes les conditions nécessaires à l'établissement
La Tunisie DU Nord 23
— ;n2 —
d'un sanatorium, par suite de la pureté de l'atmosphère et de la dou-
ceur de la température pendant la plus grande partie de l'année ;
l'influence de la mer y atténue les fortes chaleurs de l'été et le siroco
y est inconnu. Dans la presqu'île entière, du reste, la chaleur est des
plus supportables pendant la canicule, grâce à une brise marine très
fidèle qui se lève vers huit heures du matin et dure tout le jour; il
en résulte que la fatigue et l'anémie des pays chauds y sont inconnues.
La tuberculose et la lièvre typhoïde y sont rares et il y a lieu de s'é-
tonner qu'elles ne fassent pas plus de victimes parmi les indigènes,
étant données les déplorables conditions de l'hygiène et la stupéfiante
insouciance des populations musulmanes, qu'elles soient du Cap-Bon
ou d'ailleurs.
Le seul point noir à signaler dans la région du Cap-Bon, est l'exis-
tence de foyers de paludisme, bien limités, heureusement, aux bords
de l'oued Berzirk et de ses affluents, aux parties basses de la vallée
du Bou-Arkoub, aux environs de Menzel-Temime et dans plusieurs
petits vallons des montagnes de l'intérieur.
M. Allemand JNIartin, qui a publié une intéressante étude agricole
du Cap-Bon, donne, de la presqu'île, l'aperçu climatologique suivant :
(( Le Cap-Bon présente des conditions climatériques très favorables
au développement delà colonisation, tant en ce qui touche à l'hygiène
du colon qu'à l'agriculture proprement dite. C'est, avant tout, un
climat insulaire. Le voisinage de la mer exerce sur l'atmosphère une
heureuse influence au point de vue hygiénique et les colons n'ont
pas à redouter les tristes elTets du paludisme: les régions, peu nom-
breuses, qui préseiilent quelque danger de malaria, peuvent facilement
être connues et évitées. Ce sont toujours les régions de marécage.
(( On ne saurait désirer une contrée mieux située i)Our la pureté
de l'air, surtout si l'on s'établit dans le centre de la presqu'île dont
l'altitude moyenne est celle des plateaux de faible élévation. Dans ces
régions centrales on évite la trop grande humidité du littoral et l'on
obtient ainsi le meilleur résultat que peut procurer la présence de la
mer, puisque l'on est exposé à tous les vents-maritimes. Le Cap-Bon
est, en effet, soumis à toutes les brises marines : les vents dominants
pendant l'hiver, ceux de l'Ouest et du Nord-(Juest, viennent de la mei-;
ceux qui soufflent le plus pendant la saison chaude, venant du Nord et
de l'Est, sont des vents de mer. Le siroco lui-même, qui est dans ce
pays un vent du Sud-Est, pei'd, en passant sur la mer, une partie de
sa sécheresse et de son action déprimante; il est beaucoup moins
pénible au Cap-Bon ([ii'à 'l'unis. Le seul vent du Sud, le rhily, est
— 343 —
absolument exceptionnel ; on ne l'observe bien <ju a la lin de l'été.
Il n'y a pas de région mieux iavorisée sous ce rapport, que celle du
Cap-Bon. »
Moyenne de la température observée dans le Cap-JJon :
Moyenne des maxima : 26^;
Moyenne des minima : il*' ;
Moyenne générale : 18".
Températures extrêmes :
Été : maximum : 45'^ ; minimum : 12" ;
Hiver : maximum : 25" ; mininuuTi : i<K
Moyenne des pluies : de 400 à 500 millimètres par an.
Voles de communication. — Le Contrôle de Grombalia est assez
bien desservi au point de vue des moyens de communication, bien
qu'il y reste beaucoup à faire sous ce rapport. 11 est favorisé de la
ligne de Tunis à Sousse, qui le longe non loin de sa limite sud, et de
deux embranchements qui lui sont propres : celui de Menzel-bou-Zelfa
par Soliman, et celui de Nabeul par llammamet.
Les voies carrossables du Contrôle sont :
i« de Tunis à Gabès, entre Bordj-Cédria et Bou-Ficha ;
2" embranchement de la gare de Grombalia ;
3" — — de Bir-Bou-Rekba ;
4o de Tunis à Grombalia par le Mornag entre le col du Mornag et
Grombalia ;
5o embranchement de l'école du Khanguet ;
6o _ de vS'Rilam ;
7" — de la gare du Khanguet ;
8" de Tunis au Cap-Bon, par M'raïssa ;
0'» embranchement de la gare de Soliman ;
lO» — de l'appontement de Sidi-Rais ;
11» embranchement d'El-Aouina ;
12o de SoliuLTu à Kourba ;
13" embranchement de Beni-Klialled à iMenzol-hou-Zeira ;
14o de Nabeul à Kelibia ;
15o de Grombalia à Ain-Tebournouk ;
16" de Soliman à ]\lenzel-bou-Zelfa ;
- H4i -
17o de Grombalia ù Soliman ;
18° de Grombalia à Beni-Khaled ;
19o de xMeiizel-bou-Zelfli au Cap-Bon ;
20« de Sidi-Kriss à Menzel-bou-Zelfa.
De nombreux chemins et pistes sont, chaque année, améliorés et
entretenus avec les fonds des pres'ations et des taxes de routes.
Les Romains. — Sur tout le territoire du Contrôle de Grombalia,
on trouve des ruines phéniciennes et romaines qui, jusqu'alors, ont
été peu étudiées et sont trop restées à la merci des habitants. Le sa-
vant directeur du Service des Antiquités, ]\J. Merlin, cherche le
moyen le plus pratique de sauver de la destruction finale les très inté-
ressants vestiges épars sur le sol de la Régence ; mais il se heurte,
hélas ! à nombre de difficultés, dont la plus grave est le défaut «le
crédits. Je sais bien que les colons ont besoin de voies de communi-
cation, que les indigènes manquent souvent d'eau potable, et qu'il
faut beaucoup d'argent pour créer des routes et établir des canalisa-
tions. N'empêclie, cependant, qu'il importe de mettre un terme à la
dévastation que nous avons eu l'occasion de constater, chaque jour,
au cours de nos pérégrinations dans le bled ; il y va du bon renom
de la nation civilisalrice qui a pris la Régence de Tunis sous sa pro-
tection.
Les principales ruines reconnues dans le Cap-Bon et mentionnées
^ixrV Atlas Archéologique sont :
I" Région Sud :
1. Civltas Nepheritana (Henchir Bou-Dclcr), située à l'ouest du
khanguet El-Iladjadj, sur la limite séparant le Contrôle de Grombalia
de celui de Tunis, dans une région montagneuse : restes de construc-
tions ; tour; traces d'une enceinte; inscriptions.
'2. Cilibia ( l Icnchir Kelhi(t),ii (*> kilomèlros au siid-ouost de Grom-
balia, sur la droite delà voie romaine coiidiiisaiit de (4artliage à Pul-
piit ; citernes; enceinte byzantine.
.'{. A deux kilomètres à l'est de Cilibia, toml)eaux anciens creusés
dans le roc, au pied du marabout de Sidi-bou-llekri.
- -Mh —
4. Ad Mercurium (B/ed Djedeida), ù 0 kiloni(''Lros au sud-ouest
fie 'l'iiiki; restes antiques recouverts par des ruines arabes moder-
nes : mausolée, dont les soubassements ont servi à élever une mos-
quée ; inscriptions.
5. Municipium Tubernuc, à l'i kilomètres au sud-ouest de l'hen-
chir Kelbia : ruines assez étendues ; «grande consiruction, dont trois
faces sont encore à peu près intactes. Les restes romains et byzantins
ont été recouverts au XV^ siècle pnr des constructions arabes. La
ville antique s'allongeait dans une vallée assez étroite, arrosée par les
eaux d'une source abondante appelée Aïn-Tebournouk.
(). Vlna (Municipium Auréliuru), située tout près d'El-Arb lïn
(henchir El-Maden) : grandes ruines ; vestiges d'amphitbéàtre. Les
pierres de Vina ont servi à la construction du bourg arabe de Belli,
dont la mosquée est ornée de colonnes antiques.
2o Côte occidentale :
La partie ouest du Cap Bon est riche en tombeaux, taillés dans le roc
(chaîne centrale), mausolées, ruines d'exploitations agricoles, postes
militaires, citernes, citadelles, dolmen, etc. A sigiialcr :
1 . Carpis (Colouia JuJia), situé dans rhenchii- M'raïssa, au pied du
djebel Korbeuss (Sud) ; amphithéâtre, insci'i[)lions. (Aquœ Carpi-
tanœ.)
t2. Hammam- Korbeuss au pied ouest du djebel Korbeuss, sur le
bord de la mer; vestiges d'habitations épars; restes antiques employés
dans les constructions du village moderne ; à un kilomètre, au Sud-
Ouest, ruines d'une église désignées sous le nom de Kenisieh.
:]. Sidi-Aîssa (Bled Takelsa), ruines importantes avec traces d'en-
ceintes fortifiées, fossés et double nuuaille.
4. Près de Sidi-Aïssa, à l'Est, IfencJiir Aïn-cI-Ihiïuuiau}, restes de
thermes romains, succession de plates-formes ou paliers superposés
sur lesquels s'élevaient des édifices très importants: débris de mosaï-
ques ornées de guirlandes de Heurs. La source d'eau thermale sort du
roclier, à 80 mètres environ de la ruine.
— 346 -
5. Mizigi (Dotiéla), à 8 kilomètres environ au nord-est de Kor-
beuss; quelques fûts de colonnes et chapileaux sculptés; inscrip-
tions.
G. Sidl-el-Mereghni, ruines assez étendues; travaux de captation
des eaux ; au-dessus de la source, sur le plateau, nombreux tom-
beaux.
7. Marsa-ben-Ramdam, sur la côte, au nord du Ras-el-Fortass,
petite citadelle sur un rocher isolé, dominant une crique où devait
se trouver le port par lequel les colons romains, établis sur le plateau
de Mizigi (Douéla), pouvaient communiquer par mer avec Carthage,
en évitant de contourner le massif de Korbeuss.
8. Djebel-el-Kalaa, dans le massif de Sidi-Abderrliaman, construc-
tion mégalithique; ruines situées sur une arête rocheuse étroite, com-
prenant, aux deux extrémités, des assises de pierre de gros appareil
non taillées, placées en retrait les unes sur les autres; chacune de ces
assises forme un gradin de un mètre de haut. L'ensemble de la Kalaa
constitue un rectangle fortifié défendu, sur ses grandes faces, par les
falaises de rochers à pic, de 15 mètres de hnut environ, et, sur ses
petites faces, par les constructions que nous venons d'indiquer et
qui forment une courbe convexe. Dans l'intérieur de cette enceinte
on a recueilli des éclats de silex taillés et des pointes de flèches.
9. Zaouiet-SIdi-Ali-Djebali, à peu de distance à l'est de la Kalaa,
au centre du djebel Sidi-Abderrhaman, tombeau puiii((ue, creusé
dans un des énormes blocs de rochers qui forment, siii' la rive gau-
che du Chabet-Chabia, une falaise de 10 à !."> mètres de hauteur ; il
existe, dans une des niches du toinl)eau, une gravure au trait repré-
sentant une scène de sacrifice.
40. Siminina (Drt^/a), située snr le bord d(^ la mer, à rcmbonchu-
re de l'oued Dagia ; ruines occupant une superficie d'an-moins un
kilomètre carré ; on y relève les débris des nnu-ailles d'nne soixan-
taine de constructions importantes, avec des fragments de i)()leries,
de fnts de colonnes et des morceaux de marbre. Le sable a lualhen-
reusement envahi ces ruines qu'il serait intéivssant de déblayer. Sni'
le bord même du plateau, à l'est de Dagla, s'étendent sur une lon-
gueur de 150 mètres environ les substructions d'une épaisse mn-
- :547 —
raille, ([iii soiiL sans doute Jes restes d'un quai. Sur un mamelon, luie
construction importante, peut-(Mre la citadelle.
11. M issua (.S (!V,/(!-i>'aoî/d), carrières de pierre exploitées par les
Cartliaginois et les Romains; ruines importantes; citernes voûtées,
nécropoles.
l'i. Aquilaria ; la vaste crique du Koudiat-el-Guerris (lias-cl-Ah-
»M?), est parsemée de ruines rusées jusqu'au niveau du sol. Sous
l'eau, on distingue des murs de quais et des vestii^es ie môles.
.')" Pointe Noi'd :
1. Latomiœ fBhar-el-Kebir), carrières mentionnées par Diodon
de Sicile et Strabon. Au bord de la mer, deux tours rasées, plusieurs
fûts de colonnes et un chapiteau corinthien en marbre. Traces d'un
petit port, probablement cekii d'IIermœum.
'2. Hermœum, village arabe (El-Haouaria), bâti avec les restes
d'une petite ville romaine; à mi-chemin, entre El-Haouaria et la
mer, restes d'une tour carrée avec enceinte, (jui servait de vigie et
assurait en même temps la communication entre la ville et le poi'l.
On trouve, dans cette pointe de la presqu'île, de nombreux restes
de constructions importantes, des tombeaux, quelques mausolées, les
vestiges d'un barrage, des aqueducs, des citernes, des puits en
grande quantité. Cette région rocheuse, dont l'extrême pointe portait
le nom de Promnnlorium Mercurii (Ras-Addar ou Cap-Bon), était
habitée par une population très dense, composée en majeure partie
de pécheurs.
4'» C(')te orientale :
I . Slagu {Ksar-ez-Zit), situé sur l'oued Faouara, au pied du djebel
Kelial, contrefort du dje])el Ifammamet ; nombreuses inscriptions;
aqueducs; grande ciU^riie; forteresse byzantine.
Siagu avait, au !'■'■ siècle de notre ère, une organisalion iiiuniiipale
complète, et était administré»^ par des sullètes. I^lle piil ensuite le
nom de Civita!> Sidfiilcuta.
12. Putput {Soi(k-cl-Abiod), s'élevait au débouché du délilé ([ui
traviM'se la voie de Cartilage à fladrumète, entre Vina et le littoral,
sur un plateau dont les pentes descendent jusqu'à la mer. Ruines
— 348 -
indistinctes mais très étendues et disséminées; citernes; ampbi-
tliéàtre; aqueduc. Comme Siagu, Putput a servi de carrière pour la
construction d'Hammamet. Inscriptions nombreuses. C'est à Putput
que se détachait la grande route du littoral, la voie secondaire qui
conduisait à l'extrémité de la presqu'île du Cap-Bon.
3. Neapolis (Naheul-Kedin); la ville antique s'élevait au bord de
la mer, entre l'oued Scbil et l'oued Cbgrir et la route de Nabeul à Ham-
mamet, à deux kilomètres de la ville arabe, construite tout entière
avec les matériaux de la cité antique. Ruines très effacées ensevelies
sous les sables ; traces d'une jetée et d'un port.
« Citée par Thucydide, Neapolis lut prise par Agathocle en 310 et
par Calpurnius Piso en 148. Probablement réduite à la condition de
ville tributaire pendant le I«^'' siècle qui suivit la conquête romaine,
elle fut colonisée par César comme l'indique son nom de Colonia Jii-
lia Neapolis.
(( Pline ne la représente cependant que comme une ville libre-
Son titre de colonie reparaît dans les tables ptoléméennes, et deux
inscriptions trouvées, l'une à Nabeul et l'autre en Espagne, prouvent
que ses habitants étaient inscrits dans la tribu Arniensis. » (Tissot.)
4. Colonia Julia Curubls (Kourha), située sur une colline, à 1.500
mètres du littoral: traces d'aqueduc, tombeau dans le roc; au sud
de Kourba, le port a été, comme celui de Neapolis, comblé par les
sables. Curubis fut le lieu d'exil de saint Cyprien.
5. Sidi-Atsmane, à l'embouchure de l'oued Ciiiba: restes considé-
rables rl'un point tortillé; l'enceinte est encore nette.
0. Kourchine, trois tours hautes de 7 à 8 mèU-es, avec un reste
d'enceinte les reliant; à l'intérieur, un puits comblé.
7. Henchir Kerch-et-Tour, vastes constructions, tronçons d'une
colonne en marbre noir; chapiteau sculpté, grosses pierres de taille.
8. Henchir Mezeguila, ruines d'ini groupe impoilant di' construc-
tions agricoles ; insci'iption.
*.). Henchir Sak-Ali. cilci'nc bien consrrvc'c ; mosaïque noire, vei'le
et rouge; débris nombreux de consli-nclioiis.
10. Henchir Fortuna, i-uines de maisons couvi-aiit un espace con-
sidérable.
— rv'iî) —
11. Henchir ed-Dalia, à doux kilomètres îiiisiidde Korlrma, ruines
(l'une ville importante, couvrant un espace de TKX) mètres sur 400
environ, avec laubouri^s au Sud-Ouest dans la vallée, et au Nord-
Est du côté des citernes; maison Ityzantiiie; portail romain; ins-
criptions.
['■2. A un kilomètre au nord-est de Fortuna, menliir formé d'un bloc
de grès lèrrui^ineux, mesurant environ quatre mètres de hauteur; on a
recueilli autour, des silex taillés et des pointes de flèches.
13. Ksar-Lebna, près de l'embouchure de l'oued Lebim, rive
droite: chàteau-fort d'origine bizantine; une tour bien conservée.
14. Menzel-Heurr, restes d'un petit établissement antique.
15. Menzel-Temime, bourg arabe construit avec des matériaux
antiques,
16. Sidi-Salem, près de Menzel-Temime, au Nord, groupe consi-
dérable de tombeaux.
17. Henchir ben-Kremis ou J^Z-Go/^'a, sur la rive droite de l'oued
El-Hadjar : ruines considérables, exploitées comme carrière par les
indigènes. La ruine El-Goléa, sur un éperon, à l'Est, était la citadelle
de la ville.
18. Aïn-Harouri, au nord d'El-Cloléa, chambres funéraires creu-
sées dans le roc; pierres sculptées et restes de constructions impor-
tantes; tombeaux puniques; sarcophage romain avec inscription.
11). Clupea (Kelibia), sur le bord de la mer, à trois kilomètres de
Relibia : on distingue encore les restes de quais magnifiques et de
môles. Le mamelon sur lequel était construite l'ancienne acropole a
quatre-vingt-quatre mètres de hauteur.
« Le nom de Cdupea n'est que la traduction latine de celui dMx-
pis, donné par Agathocle à la place d'armes (ju'il fonda, sur une
colline aiîectant la forme d'un bouclier.
« Clupea joua un rôle important dans les guerres ])uni(|ues. C.e
fut lapremière ville dont s'empara Régulus en débarquant en Ah'ique
en 'iOn, et ce fut dans ses murs que se réfugièrent les débris de son
armée. Les consuls Cupurnius Piso et Macinus l'assiégèrent vaine-
ment en 148. Scipion s'en empara après la prise de Carthage et la
lit raser. Probablement colonisée par César, en même temps que
— 350 —
Curubis et Neapolis, ville libre au temps de Pline, siège crun évèché
à l'époque chrétienne, Clupea lut le dernier refuge des chrétiens
d'Afrique lors de l'invasion arabe
(( Clupea était située sur le littoral même, au pied d'une colline
rocheuse qui portait son acropole et que couronne aujourd'hui une
forteresse mauresque. On remarque encore, au centre du vaste espace
qui circonscrit cette citadelle, les ruines d'un réduit antique de forme
rectangulaire, flanqué à chaque angle d'une tour carrée, construit en
belles pierres de taille et mesurant 35 pas sur 20. Pavée de larges
dalles, Varca de ce réduit recouvre de profondes citernes divisées en
plusieurs compartiments et soutenues par des pilliers.
« Quant à la ville proprement dite, elle n'offre plus aujourd'hui que
les vestiges d'un mur d'enceinte percé de phisieurs portes. Clupea
avait deux ports, ensablés maintenant, l'un au Sud, l'autre au Nord;
ce dernier est partagé lui-même en deux bassins par le Ras-Mostela;
on aperçoit encore les débris des môles qui les protégaient contre
les vents du large.
« Les carrières qui ont fourni les matériaux de la ville antique
existent près du Ras-el-^Ielah, au nord du Ras-Mostela. » (Tissot.)
'20. Menzel-bel-Gassem, dans les dunes de sable, à 4 kilomètres
au Sud de la Garaat-el-llaouaria, ruines d'une petite ville (peut-être
la MegalopoUs, de l'expédition d'Agathocle); trace d'enceinte ; restes
d'une église chrétienne. Les murs s'élèvent à deux mètres au dessus
des sables ; on y remarque des citernes et des débris de mosaïques.
Au Nord, petite nécropole à côté d'une puissante construction.
Les Indigènes. — La population indigène de la presqu'île du Cap-
Bon est des plus mélangées; la plupart des nombreux villages de la
région ont été fondés par les Andless (Andalous), c'est-à-dire par les
Musulmans chassés d'Espagne par Philippe IIL Rien accueillis par le
dey Otliman, ceux de ces Maures qui vinrent chercher asile en Tu-
nisie, reçurent des terres sur ]v littoral et dans la presqu'île.
De nombreuses collectivités ni;ii';il)()iiti<|ii(>s sont lixi'cs dans le Ca[»-
Ron ; elles sont en général groupées, par petits villagi's ou hameaux,
autour des zaouia. I.a décomposition de l;i itopiihilion indigène de
celte région, peut ainsi être exposée :
l" Les Oulccl cl Maouïn, qui se i)rétendenl d'(iri,L:ine clu'iilienne ;
2" LesBelcUa, habitant les villes du littoral ;
3" Les DaoucUd, ayant leni' ceiilre l'eligieux à la /aouia de Sidi-
Daoud ;
— 301 -
4" Les Ouled JWhammed, tribu «Iciiii-iioniuflc qui ocfiipe ios points
laissés libres entre les liencbirs des Ouled el Maouin ;
5" Les étrangers divers, depuis longtemps établis dans le pays, et
<pii sont épars sur le plateau central ; ce sont des fractions des Ti-a-
belsia, des Ouled-Said, des Ziad, des Drid, des llabclia, des Gbet-
na, etc.
On ne connaît aucun fait liislori(iue important se rattachant à ces
tribus. En 1881, elles furent sur le point de s'insurger, mais isolées
dans la presqu'île, elles ne firent pas acte d'hostilité.
Les Maouïn racontent qu'au V^ siècle de l'hégire, Sidi Mohamed
Cherif El Maouï, descendant du Prophète, vint s'établir dans la da-
khla du Cap-Bon, pays alors désert, à un endroit appelé Henchir
Dendra, où est encore la koubba qui porte son nom. Il y devint cé-
bre et donna naissanse à une lignée de saints dont les koubbas véné-
rées couvrent le pays. Cette famille maraboutique prit peu à peu
possession des meilleures terres de la presqu'île. Les Ouled el Maouïn
habitent Oum-Douil, Fortuna, Korchine, Menzel-IIeurr, Azemour,
Tozegrane. La richesse de leurs biens liabous, les privilèges dont jls
jouissent les ont rendus dominateurs. Chez la plupart d'entre eux, le
travail est inconnu, même celui de la terre ; ils (ont cultiver leurs
henchirs par des khammès des tribus voisines ou par des étrangers.
Les Douadia sont venus du Maroc en l'an 661 de l'iiégire. Leur
ancêtre, Sidi Daoud, laissa quatre lils dont les descendants habitent
la région nord-ouest du Cap-Bon, et sont groupés principalement
autour de Zaouiet-M'guieiz et de Zaouiet-Bou-Krim.
Les Ouled M'hammed habitent le bled Takelsa, principalement
Ouled-Naceur, Ouled-Aouedj, ^l'reïssa, Ouled-el-Aouar, Ouled-Zer-
ga, Debabba, etc. ; ils paraissent être d'origine berbère et ils préten-
dent être venus dans la presqu'île avant les Maouïn, les Douadia et les
Beldia. Ils ont assez mauvaise réputation et fréquentent peu les indi-
gènes des tribus voisines. Ils se livrent à l'élevage des chevaux et des
bêtes à cornes.
La population indigène du Cap-Mon se liiil surloul remartjuer par
son esprit de caste et ses prétenlions à um^ origine aristocratique,
«railleurs fort contestable. Sans parler des Ouled t>l Maouïn (|ui tien-
nent le haut de l'échelle et qui désirent d'autant moins le (juitter
qu'il y est rattaché des privilèges appréciables, on trouve dans chaque
ville une tradition tendant à doniuM' uiu^ origine religieuse à la poini-
— 352 —
lation; c"est ainsi particulièrement à Somaa, à El-Haouaria, à Men-
zel-Temime et à Kelibia. L'iiistoire agitée de ces malheureuses côtes
tunisiennes, tant de lois envaljies, prises, reprises, razziées, pillées,
montre le cas que Ton doit faire de ces diverses traditions locales qui
traitent des origines de la population !
Au dernier recencement (1906), la totalité de la population indigè-
gène dépassait 81.000 individus.
Population. — Le Contrôle civil de Gronibalia compte actuelle-
ment environ 85.000 habitants :
Français 1 .000
Italiens 1.300
Maltais lÔO
Autres Européens 50
Indigènes 81.000
Juifs 1.500
ToTAi 85.000
La superficie du Gontr(")le de (Irombalia est de "205.000 hectares.
Les propriétés rurales possédées par les Européens à la date du 31
décembre 1903, atteignaient le chilîre de 45.1'27 hectares :
Propriétés françaises: 100 d'une superficie de il. 625 hectares
» italiennes : 89 — de 2.774 —
Autres propriétés
européennes : 12 — de 728 —
CHAPITRE II
Caïdat du Cap-Bon : Région Sud
La base de la presqu'île du Cap-Bon est limitée, au Nord, par le
golfe de Tunis et l'oued Berzirk; à rEst,par la chaîne de petites mon-
tagnes qui sert de trait d'union entre la racine de la grande chaîne
centrale et le massif du djebel Hammamet ; au Sud, par le golfe
d'Hammamet ; à l'Ouest, par la ligne de démarcation tracée entre le
Contrôle de Grombalia et les Contrôles de Tunis et de Sousse. Cetle
région, Iraversée du Nord au Sud par le chemin de 1er et la route
de Tunis à Sousse, comprend une vaste et riche plaine (Nord et Est)
et une partie montagneuse, brousailleuse et presque inculte (Ouest
et Sud).
Les principales localités situées dans la plaine sont : Soliman, Men-
zel-bou-Zelfa, Grombalia, le Khanguet, Fondouk-Djedid, Beni-Khaled,
Bou-Arkoub, Nianou, Belli, Turki, l'Hencliir Caniouba et l'IIenchir
Soltane.
Soliman. — Jolie petite ville arabe située à 8 kilomètres de la
mer, à 3'2 kilomètres de Tunis, au milieu d'une forêt d'oliviers. Sta-
tion de cliemin de 1er sur l'embranchement de Fondouk-Djediil à
Menzel-bou-Zelfa.
Soliman a était construit par les ^laures, au XVI h' siècle, sur les
ruines d'une ville romaine. Les fondateurs se contentèrent d'abord
de restaurer le fort romain dont on voit encore les traces et ils appe-
lèrent ce nouveau centre «. El Blidat y^. Plus tard, de nouvelles immi-
grations vinrent augmenter la population. La ville était alors beau-
coup plus considérable qu'elle ne l'est aujourd'hui ; les maisons exté-
rieures formaient une sorte d'enceinte percée de six portes. Cette
localité présente un grand aspect de propreté : les voies sont larges
— 354 —
et bien tracées, les maisons bien tenues, l'ensemble est agréable et
riant.
Un marché se tient à Soliman le vendredi ; les transactions impor-
tantes se font sur les céréales, les olives, les grignons, l'huile. Au-
cune industrie spéciale au pays, si ce n'est cinq ou six huileries appar-
tenant à des Juifs. Dans les jardins qui entourent la ville, on trouve
les légumes ordinaires, mais spécialement la tomate et le concombre,
renommés sur les marchés environnants.
Soliman compte 3.000 habitants, dont une centaine d'Européens ;
quelques Français sont installés dans la ville et aux environs. C'est là
que réside, au milieu d'un superbe jardin, dans une très coquette
villa mauresque, j\I. de Carnières, président de la Chambre d'Agri-
culture de Tunis.
Soliman possède une école française recevant 53 élèves : 3 Fran-
çais, 4 Italiens, '29 Musulmans, 17 Juifs.
Menzel-bou-Zelfa. — Station terminus de l'embranchement qui se
détaclie à Fondouk-Djedid de la ligne Tunis-Sousse ; située à 44 ki-
lomètres de Tunis ; 2.500 habitants. Ce village arabe, entouré d'oli-
viers et de magnihques jardins complantés en majeure partie en
orangers et en citroiuiiers, a été fondé par un Turc, nommé El
Rhoul bou Zelfa. (El-R'houl, parce qu'il mangeait un mouton entier
à son repas.)
Parlant des jardins de Menzel-bou-Zelfa, M. Naudier, élève del'Ecole
Coloniale d'Agriculture de Tunis, s'exprime ainsi :
« On est frappé de la beauté des arbres qui les composent. Un y
trouve des arbres très vieux, des orangers énormes; quelques-uns
atteignent de 15 à 20 mètres de haut ; les vieillards de Menzol, les ont
toujours vus dans cet état. Les arbres sont plantés un peu sans or-
dre et toutes les essences sont mélangées. Dans les vergers les plus
jeunes, ceux qui ont de 30 à 40 ans, l'ordre est mieux observé.
(( Parmi ceux que nous avons visités, deux surtout ont attiré notre
attention : le plus ancien a une contenance de 10 hectares, et le plus
récent, dont la plantation remonte à iO ans à peine, couvre une su- s
perlicie de près de 20 hectai-es. Dans le premiei-, nous [ivons trouvé ■
des orangers séculaires, des citronniers, des limoniers, des cédratiers, M
des grenadiers, des figuiers, des nétliers (hi Japon et quelques man- "
dariniers. Dans l'autre jardin, outre les arbres (|ue nous venons de
citer, nous avons trouve pres([ue tous les liiiitiers de Kraiice : al)i'i-
— 355 —
cotiers, pommiers, poiriers, pêchers, noyers, noisetiers, pruniers,
amandiers, etc. J^a récolle des arbres Iruitiers se vend oi-dinairenient
sur pied ; on compte qu'un citronnier ou un oranger en pleine pro-
duction, rapporte en moyenne vinj^t-quatre francs par an. »
Tous les jardins de Menzel sont irrigués au moyen de norias ou de
guerbas, actionnées soit par des bœufs, soit par un chameau ; l'eau
est très abondante et de bonne qualité, aussi tous les légumes pous-
sent-ils à merveille, surtout la pomme de terre et la carotte.
A Menzel-bou-Zelfa, marché très important le jeudi ; moutons,
chevaux, bètes à cornes, amenés de tous les points du Cap-Bon, mais
principalement de la région occidentale.
Beni-Khaled. — Village arabe, à 2 kilomètres au sud de Menzel-
bou-Zelfa, sur la route de Grombalia. Oliviers, jardins, puits nom-
breux. Aux environs sont établis quelques maraîchers français et ita-
liens ; deux Français associés possèdent, à Beni-Khaled, un très bel
enclos, où ils cultivent, avec succès, la fraise, l'asperge, le melon, la
pomme de terre, les petits pois et les artichauts. Ces Européens ré-
clament une école française. Beni-Khaled compte environ 1.800 lia-
bitants.
Grombalia. — A 37 kilomètres de Tunis, sur la ligne de Sousse ;
2.000 habitants environ, dont 500 Européens (i-37 Italiens). Chef-lieu
du Contrôle civil de Grombalia (Cap-Bon).
Grombalia a été fondé, il y a 300 ans, par le Maure Grombali sur
un établissement antique. En 1881, la population, conduite par le ka-
lifa, arrêta les bandes dissidentes des Arabes du Sud (pii avaient en-
valii la région, pillant les maisons isolées et saccageant les jardins.
Le combat d'El-Arbaïn mit en déroute complète les insurgés et pur-
gea le pays.
Le village n'aurait rien de captivant, si ce n'était la présence dans
ce centre, du Contrôleur civil, i\L Dumas, fonctionnaire charmant
qui a su, dans le bled, rester très parisien et fournir aux visiteurs de
très précieux renseignements sur le Cap-Bon.
Grombalia est situé au milieu d'une belle plaine, complantée d'oli-
viers autour des centres, cl couvertede superbescéréalesquandriiiver
a été pluvieux, comme cette année; malheureusement, le régime des
— H5G —
pluies est fort irrégulier, et nous ne relevons en moyenne, sur cinq
années, que 377 millimètres d'eau, ce qui est insuffisant. Malgré cela,
les fermes européennes sont nombreuses dans la région et on y
compte quelques exploitations françaises importantes. Oliviers, céréa-
les, jardins et vergers parfaitement irrigués.
A Grombalia, deux écoles. L'école des garçons compte 55 élèves,
dont 11 Français, 8 Italiens, 36 Musulmans. L'école des filles compte
25 élèves : 12 Françaises, 13 Italiennes.
Autour de Grombalia, les jolis villages indigènes deNianou, Tur-
ki, BeUi, fondés par les Andalous sur des ruines romaines ; oliviers
et jardins. Autour de Nianou, sont éparpillés quelques petits colons
italiens; aux environs de Belli, on rencontre cinq fermes françaises.
Au sud de Turki, on voit deux hameaux indigènes, El-Alivouinc et
El-Djedida, en partie abandonnés.
Khanguet-el-Hadjaj. — Le Khanguet est une superbe vallée, un
vaste cirque admirablement cultivé et entouré de hautes montagnes.
Ce centre de colonisation essentiellement française, situé à 8 kilomè-
tres à l'ouest de Grombalia, renferme une dizaine de propriétés va-
riant de 100 à 500 hectares. Le pays est accidenté, mamelonné, très
vert; abrité du siroco, il bénéficie, par une coulée au Nord, de la
brise de mer. Derrière les montagnes, à TOuest, se dresse, revêchc,
dénudé, le métallique djebel Ressas. Pays pittoresque rappelant un
joli coin d'Auvergne.
La colonisation française du Khanguet, due à l'initiative privée, est
déjà ancienne, et bien que les propriétaires des fermes échelonnées
sur les coteaux ne soient rien moins qu'agriculteurs — ce sont, pour la
plupart des officiers retraités, des industriels, des rentiers — ils pa-
raissent, jusqu'alors, avoir bien réussi. Je souhaite que la chance con-
tinue de les favoriser, mais je crains, cependant, qu'à leur tour, ils
n'aient à souffrir de la crise provoquée dans TAti-ique du Nord par
la persistante mévente des vins. Ifs ont créé, certes, de beaux do-
maines, piquetant de vignobles les montagnes jus(iirà leurs sonnnets,
et semant les fonds de céréales seulement pour les besoins de la fer-
me ; mais n'ont-ils pas fait trop de vigne; ont-ils eu raison de s'adon-
ner à cette monoculture?... C'est ce que l'avenii' nous dira.
Au Khanguet, une école française recevant 12 élèves: i Krançais,
8 Italiens.
- 357 -
Semech (Khanf/iiel-Garc). — Sur lu lii^nc do Sousso, au Nonl «le
Gronibalia. Centre très actif de colonisation italienne. Des capitalis-
tes italiens y ontacfjuis, aux indigènes, quel(|ues propriétés qu'ils ont
divisées en lots de 5 à '20 hectares, vendus ou loués à leurs compa-
triotes. Mais la crise qui atteint les i;ros viticulleurs, sévit aussi et
plus cruellement sur les petits dont l'unique ressource était la vente
du vin ; c'est pourquoi les vignerons italiens, réduits à la misère, ont
été forcés d'emprunter, d'hypothéquer les pauvres carrés de vignes
(pi'ils avaient créés à force de labeur et de privations, et leurs prê-
teurs sont précisément leurs voisins, les propriétaires des grands do-
maines Irançais. Aussi va-t-il se produire à Semech, de même qu'à
Fondouk-Djedid, à Bou-Arkoub et sur nombre d'autres points de co-
lonisation italienne, ce fait inattendu, qu'avant peu, si la mévente des
vins persiste, les champs des Italiens passeront dans les mains des
Français riverains. L'opération, pour ces derniers, sera-t-elle bonne?
C'est là une question que nous ne nous chargeons pas de résoudre.
A Semech, école recevant 13 élèves : 2 Frdiieais, 11 Italiens.
Fondouk-Djedid. — Embranchement de la ligne de Menzel-bou-
Zelfa, à lu kilomètres au nord de Grombalia. 400 habitants, dont 320
Italiens. Centre agricole important ; plusieurs belles propriétés fran-
çaises et nombre de petits vignobles italiens.
La propriété créée au Fondouk par M. de Carnières, est absolument
remarquable. Le brillant polémiste qu'est le président de la Chambre
d'Agriculture, soigne aussi bien son vin que sa prose, et l'excellent
produit qui sort de ses caves, jouit, en Tunisie et en France, d'une
réputation en tous points méritée.
Ecole : 31 élèves, dont 13 Français, IG Italiens, 2 Juifs.
Près de Fondouk-Djedid est installé le Camp Servière, occupé par
le 4c bataillon d'Afrique.
Bou-Arkoub. — A 8 kilomètres au sud de Grombalia, sur la ligne
Tunis-Sousse. Deux importantes propriétés françaises : céréales et
vignobles. Une centaine de petits colons italiens, originaires de Pan-
tellaria se sont installés à lîou-Arkoul), on ils se livrent au jardinage
et à la culture de la vigne.
La Tu.NisiE DU NoRU 2\
358 —
Henchir Ganiouba. — Deux propriétés ont été acquises dans le
Contrôle civil de Grombalia, en 1905, par la Direction de l'Agricul-
ture. Ce sont les hencbirs Ganiouba et Soltane.
L'henchir Ganiouba est situé à proximité de Grombalia; il s'étend
à 3 kilomètres de la ville, jusqu'au village de Turki, en suivant la
voie ferrée de Tunis à Sousse, et à 4 kilomètres à l'Ouest, le long
de la route du Kbanguet ; la route de Grombalia à l'Aïn-Tébournok
la traverse par le milieu. Cette propriété possède des terres de natu-
re variable, noires et profondes dans la plaine, argilo-calcaires moins
profondes sur les parties plus élevées, enfm très sablonneuses dans
le voisinage des montagnes ; 90 bectares sont complantés en oliviers.
Une source a été captée et l'benchir est, en outre, traversé par la
conduite d'eau d'Aïn-Tébournok : l'eau potable se trouve à une pro-
fondeur de 10 mètres.
L'benchir Ganiouba, d'une superficie de 1.091 hectares a été divisé
en vingt-six lots: sept lots de 4 hectares; dix de 5 hectares; sept
de 21 à 39 hectares; cinq de 60 à 108 hectares; un lot de 3-22 hectares
(réservé par la Direction de l'Agriculture). Presque tous les lots sont
aujourd'hui retenus ; le prix de l'hectare s'est élevé, en moyenne,
à 350 francs.
Cultures : blé, orge, avoine, fèves, fourrage, vigne, etc. Elevage :
bœufs, chevaux, mulets, abeilles.
Henchir Soltane. — Situé à 23 kilomètres au sud-est de Tunis,
sur la route et la voie ferrée que relient Sousse à la capitale de la
Régence ; la route de Soliman et du Cap-Bon vient se raccorder à
la route de Tunis à Sousse, à l'extrémité ouest du domaine ; la gare
de P()linvill(> n'est (ju'à 500 mètres de la limite. 11 existe, dans la
yjarlic médiane de la propriété, plusieurs puits dont la profondeur
varie entre 5 et 10 mètres, mais l'eau est plus ou moins saumàtre ;
la conduite d'eau de Grombalia à llammam-Lif longe la route de
Sousse et traverse la propriété: il sera donc possible d'établir une
lonlaiiie-abreuvoir sur un point central.
La superficie de cette propriété est de 1.444 hectares; on y voit
des dunes (115 hectares); des marais (55 liectares); de la monta-
gne (494 hectares) ; des oliviers (80 hectares); des terres de culture
(7(J0 hectares). La piirtie située an sud de la route île Sousse est
— :m —
sakibrc; la parLio nord ost insaliibr-o. Tout près de riicncliir existe
un centre ilalien important.
La Direction de l'Aj^'-ricultnro a divisé l'iiencliir Sollane en seize
lots; nenf petits lots de 10 à '•21 hectares; un lot de 87 hectares;
trois lots de 105 à 11)3 hectares; trois lots de 210 à 2!>7 hectares.
L'Administration s'est réservé (juatre lots de 21, 105, 17'i et 207
hectares ; elle a mis en vente les douze autres lots, dont six com-
plantés en oliviers. Le prix des lots nus est, en moyennne, de 300
francs l'hectare ; le prix des lots complantés en oliviers est en
moyenne de 1.000 francs l'hectare. Plusieurs lots sont déjà retenus.
Le but de la Direction de l'Agriculture a été de créer, aux alen-
tours du bordj, situé au point central de la propriété, un petit centre
urbain où les ouvriers agricoles de Potinville pourraient s'installer.
Il est à noter que l'installation des colons ne peut se faire que dans
le voisinage immédiat de la route, les terres de la plaine étant parfois
inondées.
Les parties ouest et sud de cette région sont, nous l'avons dit,
montagneuses. Le seul petit centre où l'on rencontre quelques colons
français est Bir-hou-Rekba, situé à 20 kilomètres de Grombalia, et
où se trouve la bifurcation de la ligne de Nabeul.
Sidi-Djdidi. — Le vaste territoire compris entre Dir-bou-Rekha
et Bou-Ficha (Contrôle de Sousse), la mer à l'Est cl l'oued ^lelah à
l'Ouest, est désigné sous le nom d'Ileiichir Djdidi, d'une contenance
approximative de 30.000 hectares. Sur la plus grande superficie de
l'henchir, le sol est très mouvementé et rocheux, bon tout au plus
pour le pâturage des moutons et des chèvres. Cependant, il existe
entre la route de Tunis-Sousse à l'Est, et les djebels Djdidi, Menzel-
Moussa et Tafernine, une plaine fertile, bien arrosée, salubre, com-
posée de terrains d'alluvion, où, entre les îlots de broussailles, les
céréales poussent à merveille. La nappe d'eau se trouve de 5 à 0
mètres, et les indigènes possèdent dans cette région (juelques beaux
jardins.
La Direction de l'Agriculture avait eu l'idée d'acquérir une certaine
surfiice de ces terres (environ 3.000 hectares) que les indigènes
laissent, en grande partie, improductives, et d'y créer un centre de
colonisation française à proxinnté du centre de colonisation sici-
lieinie de Bci/ville ((loniaiiie de ri'Jilida), ci'éé par la Société Fi'anco-
— 3G0 —
Africaine. ^lais l'henchir Djdidi est un habous privé, et les dévolu-
taires ont repoussé jusqu'ici les offres de l'Administration.
Une légende amusante se rattache à la fondation de la zaouia de
Sidi-Djdidi. Vers l'an 600 de l'hégire, Si Mohammed Djdidi vivait,
retiré du monde, en compagnie de sa sœur, Khedidja, jeune fdle
dont la ravissante beauté était vantée jusqu'à Tunis. Elle avait été
demandée, mais en vain, par l'Emir qui commandait à l'époque ;
irrité de ce refus, ce chef musulman résolut de l'avoir à tout prix et
il partit de Tunis avec une troupe armée emmenant un mulet chargé
d'or. Arrivé au passage appelé « Feget-el-Bral », l'animal et le trésor
disparurent, engloutis dans la terre. Malgré cet avertissement du ciel,
FEmir n'en continua pas moins son cliemin, et n'ayant pu obtenir de
bon gré la main de Khedidja, il usa de ruse pour s'emparer de la
jolie tille qu'il emmena prisonnière dans sa tente.
L'Emir mit aux pieds de Khedidja les joyaux les plus riches,
de merveilleuses étotïes, les vases les plus rares ; il versa sur ses
cheveux les parfums (es plus odorants ; il lui fit don de sa plus belle
cavale, de cinquante esclaves noirs, de dents d'éléphant, de plumes
d'autruche, d'une ouiba de poudre d'or; il se fit humble, lui le grand
seigneur, il se courba devant l'adorée, se prosterna à ses genoux,
baigna ses mains de larmes d'amour, lui offrit de laisser la couronne
et de fuir avec l'aimée, dans un endroit isolé, ignoré de tous. Khedidja
allait succomber, lorsque, soudain... il n'y eut plus que deux femmes
en présence ! Allah sauvait la vierge!
L'Emir, humilié, désespéré, manda près de lui Si Mohammed
Djdidi, et, pour obtenir son pardon, oUi'it au marabout tout le pays,
de Gabès à Rades. Si Mohammed ne demanda (jue le terrain actuel-
lement possédé par ses descendants, qui lui fut octroyé sur le champ.
Et le saint homme, par ses prières, obtint d'Allah que l'Emir recou-
vrât ses facultés premières.
Sur l'emplacement de la tente occupée par l'Emir, ajoute la légende,
deux sources d'eaux thermales sortirent de terre. Aujourd'hui en-
core Hammam- Djdidi est fréquenté par les Arabes de la région et
guérit tous les maux — principalement le mal d'amour.
CIIAIMTRE III
Caidat du Cap-Bon : Côle occidentale et Pointe Nord
Côte occidentale. — La côte occidentale du Cap-Bon est située
entre la plaine de Soliman au Sud, la chaîne de montagnes centrale
à l'Est et le goHe de Tunis à l'Ouest. Elle comprend : -h le bled Ta-
kelsa ; 2^' la plaine des Beni-Mohammed ; .> une partie sablonneuse
et marécageuse située au nord de cette plaine.
Le hled Takclsa est nettement défini par des (routières naturelles ;
il forme une vaste vallée assez fortement accidentée, renfermée entre
la mer au Nord, le rideau des montagnes de Korbeuss à l'Ouest, le
massif de Sidi-Abderrhaman à l'Est, le bled Dzira au Sud. Les prin-
cipaux villages sont Douéla et Korbeuss; les autres points de quelque
importance habités par les indigènes, sont : El-Bridj, l'henchir El-
Kahya et l'henchir Bir-Zit. La population répandue sur le reste du
territoire est très dense et se livre à la culture des céréales et des
oliviers.
La Direction de l'Agriculture a acquis dans le bled Takelsa, pour
les besoins de la colonisation française, deux henchirs : Dir-Mcroua
eX Dar-Djendi, d'une superficie totale de 1.540 hectares; ces pro-
priétés, composées de terrains partie argilo-calcaire, partie légère-
ment sablonneuse, sont situées à 17 kiiomèti-es au nord-est de
Soliman et à 12 kilomètres de Menzel-bou-Zelfa.
Les henchirs ont été divisés en dix-huit lots : trois lots de 35, 39
et 46 hectares; dix lots de 09 à 03 hectares; cinij lots de 11)0 à 120
hectares. Un lot a été réservé par l'Administration pour l'emplace-
ment du futur village de l)ir-Méroua. Tous les autres lots ont été
vendus un prix total de 210.180 francs, soit, en moyenne, 138 francs
l'hectare.
Il existe, dans le lotissement, plusieurs sources donnant de l'eau
— 2G2 —
de bonne qualité : la nappe aquifère est à une faible prolondeur.
Les cultures spéciales à la région sont les céréales, la vigne et l'oli-
vier; le jardinage est également une bonne source de revenus pour
les indigènes et les Français qui s'y livrent. L'élevage du bétail se
fait d'une façon intensive, car il y a toujours des pâturages, même
l'été.
Les rendements moyens pour les céréales sont : en blé, de 10 à 12
quintaux à l'hectare; en avoine, de 15 à 18 quintaux. Les vignes ont
un rendement moyen de 50 hectolitres à l'hectare.
Le régime des pluies est plus régulier que dans les régions de Grom-
balia et de Tunis; la région, autrefois insalubre, s'assainit depuis
l'arrivée des nouveaux colons qui travaillent leurs terres et les aèrent ;
malgré cela, les propriétés des environs immédiats des oueds sont
toujours malsaines au début. M. Thomas, de Tunis, qui possède à
Bir-Méroua le beau domaine d'El-Kharrouba, a su prouver que l'on
pouvait, par un travail patient et méthodique, chasser le paludisme
d'une région où, hier encore, il régnait en maître.
Une dizaine de lots ont été vendus par l'Agriculture à des élèves
sortant de l'Ecole Coloniale de Tunis; aussi peut-on dire que la colo-
nisation de Bir-Méroua est... très jeune, parfois quelque peu folâtre.
Mais, avec les ans, ce petit coin du bled Takelsa deviendra sûrement
un des plus jolis centres de colonisation française de la Tunisie du
Nord.
En dehors des lotissements lails par lAdministration •'*, il existe
dans le bled Takelsa quelques beaux domaines déjà anciens, appar"
tenant ù nos compatriotes, et il serait possible d'acquérii' dans la
région de nouvelles terres.
Les colons du bled Takelsa réclament des routes et raménagc-
ment des pistes qui sont dans un très mauvais état. Une route con-
duisant â Menzel-Temime perincUiail aux agiiciillciu's d'accéder à
ce marché très important pour le bétail cl où Ion Irouve cncoiv la
vraie nice du bœuf du Cap-Bon.
(1) liidéiifiiilamnicnt df ce que nous avons déjà dit à n- sujel, riiilervi'iilioii di' la Diroction de
rA(,'ricullure dans lu colonisation du Ca|)-l!on s'est encore nianili-stée par l'inslallalion, sur îles
terrains domaniaux ou liahous, de (ilusieurs colons isolés, qui se reiiconlrcnt noiaininrnt à Uelli,
Kl-Cuelàat, Arimi-t-fl-Tiritcnt, Tazerka, etc. Dans la même rétjion, celle Administration a vendu
a UI14? vint-'lalne de nos com|ialriolcs lj;(i olivettes, com[)renant plus de l'iO.lXK) oliviers.
— 363 —
Douéla. — Ilamoau enUtiiiv dOliviers et do jardins; terres bien
arrosées. On l'emarque à Douéla une vieille mosquée en ruines, dans
laquelle se trouvent d'assez belles colonnes et des pierres sculptées
«jui doivent avoir une oriL,nne anrlalouse.
El-Bridj. — Pauvre petit viliai^e situé au pied des pentes orientales
du djebel Korbeuss, mais entouré de belles cultures et de plantations
d'oliviers. Les ruches y sont en i^raiid nombre et le miel qu'elles
produisent a un parfum exquis.
Hammam-Korbeuss. — ^Cet ancien élablissemcnt romain est situé
dans une petite gorge, sur le bord de la mer, au pied d'une monta-
gne presque à pic et de rellet le plus pittoresque. Deux chemins y
mènent : celui qui part de Douéla et serpente <à travers des gorges
escarpées et des élévations abruptes, est dilHcilement praticable aux
piétons ; celui, moins dur quoique -médiocre, qui part de Soliman, est
à peu près praticable aux montures. Je ne saurais pourtant trop
engager les touristes susceptibles de vertige, à faire comme moi :
laisser la monture aux mains du guide, et déambuler pcdestrement
dans des sentiers en corniche qui surplombent la mer. La Direction
des Travaux publics est en train de construire une route carrossable
qui reliera Soliman au village de Korbeuss, en longeant la pente
occidentale de la montagne; on découvrira, pendant tout le parcours,
le superbe panorama formé parle golfe de Tunis, et ce sera, assuré-
ment, une des plus captivantes attractions que la Régence pourra
oITrir à ses visiteurs.
Korbeuss a été fondé par Sidi Amara, un Ti-abelsi, voici 1)00 ans
environ. Les habitants du village sont de pauvres gens, confinés
dans une gorge inculte, généralement rachitiques el peu intellii^tMits.
On voit, autour du village, quelques petits jardins entourés de cac-
tus; dans le centre, quelcfues maisons européennes de triste aspect.
L'hiver est très froid à Korltêuss: par contre, la chaleur y est insup-
portable pendant l'été.
Les eaux thermales de Korbeuss, li'ès el'licaces, dit-on. pour cer-
taines maladies, viennent d'être concédées à une Société qui a le
projet d'établir une station balnéaire. Nous expi-imons l'espou" (pie ce
projet ait une prompte solution, car, pour l'instant, les sources miné-
— 364 —
raies de Korijeuss ne peuvent décemment être fréquentées par les
personnes habituées à quelque conlbr.able.
En sortant (lu ])led Takelsa, vers le Nord, on traverse une région
de plus en plus accidentée, déjà montagneuse, pour descendre en-
suite, par un chemin exquis, dans la vallée idéale de l'Oued-el-Abid.
C'est là que nous avons eu le plaisir de visiter une des plus vastes —
et certainement la plus belle — propriétés de la Tunisie. Elle appar-
tient à M. Homberger, président de la Chambre de Commerce de
Tunis.
Domaine de l'Oued-el-Abid. — Ce domaine réunit, sur 7.UUU
hectares, tout ce qu'il est possible de rêver: la montagne grandiose,
sauvage, avec ses précipices terrifiants; le mont, moins revèche,
couronné de hautes futaies; le mamelon semé de Heurs à parfums
pénétrants; le ravin bordé de lauriers-roses, d'aubépines et d'ar-
bustes divers; le coteau moucheté de vignobles qui étalent sur le sol
leur verdure un peu crue ; les oliviers qui, surgissant de la brousse,
l'imprègnent d'une douce tonalité ; la plaine merveilleuse, toujours
féconde, où germent, poussent, mûrissent les luxuriantes moissons;
et là-bas, le golfe profond dont les sinueux profils sont pleins de
grandeur, le rivage d'or et la haute dune baignés éternellement par
une mer bleue qui se confond avec l'azur du ciel.
Les sources vives et les oueds sillonnent le domaine, coulant toute
l'année. L'Oued-el-Abid est un petite fleuve qui, sur trois kilomè-
tres de son emboucliure, a t2(X) mètres de large et 10 mètres de
profondeur; on peut donc, à l'ombre des saules et des aulnes, y
l'aire de ravissantes parties de canotage, jeter l'épervier, chasser le
canard et la poule d'eau. D'ailleurs, sur toute la propriété, le gibier
pullule, et si peu adroit (]ue vous soyez — tel votre serviteur —
l'aimable propriétaire du domaine, M. -Homberger, se charge (\c
vous faire dégringoler un sanglier, cliafine matin, avant le petit d('-
jeuner.
La pisciculture doit être considérée connni' le complément de sa
so'ur ainéc, l'agriculture, et, (Mi maints endroits, snriont dans le
Cap-Jjon, les cours d'eau (|ni naissent et di'coulent des massifs mon-
tagneux seraient facilement peuplés d\'\c('llentes espèces de pois-
sons. Je recommande spécialement Ti^ssai (racclinialcment, dans
l'ijued El-Abid, d(^ la truite « arc-cn-ciel », dite truite de a Calilor-
— 'Ai,:> -
nie », (jiii a loi! hicii i'(Hissi en Al,n(!ric'. Ce joli poisson [mmiI, Irnyor
(lès le courant delà deuxième année, et il donne, \y,iv rapport à son
poids, le double d'oïufs des autres truites; sa croissance est rapide,
et la plus précieuse de ses qualités, est son aptitude à supporter de
hautes températures, à prospérer même dans les eaux tièdes, pourvu
qu'elles soient limpides. Enfin, la i)èclie de cette truite rustifjue, qui
atteint facilement deux kilos et demi, est des plus agréables; quant
à la linesse de sa chair, je l'estime supérieure à celle des autres trui-
tes, élevées dans les mêmes eaux.
La salubrité est parfiute: le tlicrinomètre ne descend pas l'hiver
au-dessous de 3", et il ne monte jamais l'été à plus de 36'»;-le siroco y
est inconnu. Le relevé des pluies nous donne les chiffres suivants: du
If- janvier au P'" novembre 1005 : 037 millimètres; du 1" novembre
1905 au 31 mars 1906 : 738 millimètres.
La maison de M. Homberger est édifiée dans un site délicieux,
constamment rafraîchi par la brise de mer, et, de la terrasse de ce
caste], on jouit d'un panorama superbe sur la propriété immense. De
ce point, le maître voit tout: ses troupeaux dans la montagne, ses
ouvriers agricoles labourant dans la plaine ou taillant ses vignes,
ses caves situées sur l'autre rive de l'oued el-Abid près de la mer,
les habitations de ses gérants et de ses fermiers. C'est incomparable-
ment beau et bien ordonné.
On peut cultiver à Oued-el-Abid, toutes les céréales, la vigne, les
arbres fruitiers de toutes essences et, grâce à l'irrigation possible
sur nombre de points du domaine, on peut s'adonner, avec avanta-
ges certains, à la culture des primeurs, tels que : asperges, petits
pois, haricots verts, artichauts, tomates, pommes de terre, concom-
bres, melons, etc.
Le rendement moyen à l'hectare est de:
Pour l'avoine I(> ([uintanx
Pour le blé dur hi —
Pour la vigne il) hectolitres
Le prix approximatif do riieclare de terre est d(> :
En plaine (défriché) ."{(K) h'ancs
En coteau — 150 —
En montagne 100 —
— 366 —
1.500 hectares sont détrichés, 50 liectares plantés en vignes, le
restant en pâturages, car l'élevage est la grosse alTaire du domaine qui
compte toujours, en moyenne, 1.800 bœufs ou vaches et un millier
de moutons.
Cette région est, du reste, de tout le nord tunisien, l'une des
plus propices à l'élevage des bêtes à cornes. Grâce au régime des
pluies, à l'irrigation assurée par les sources et les oueds, à la nappe
d'eau souterrame, au chmat toujours tempéré, il existe sur tous les
points de l'Oued-el-Abid, et en toute saison, des prairies naturelles,
des fourrages excellents qui permettent d'entretenir, dans le meil-
leur état, de très nombreux troupeaux. Un troupeau de bœufs et de
vaches laitières a donné du cent pour cent, et un troupeau de 140
moutons et brebis, a quintuplé en deux ans.
Nous ne saurions mieux faire que d'insérer ici Tintéressante notice
sur « l'élevage dans le Cap-Bon » qui nous a été communiquée par
M. Ducloux, le sympathique chef du Service de l'Elevage en Tunisie:
« Population chevaline. — La population chevaline du Cap-lîon,
évaluée à '2.000 tètes environ, est très intéressante: la qualité (les ter-
res, le régime des pluies dans certaines de ses parties etTabondance
des fourrages assurent une production régulière dans son développe-
ment.
c( A plusieurs reprises, notamment en 1808, la ConuTiission du
Stud-Book avait essayé de se rejidre compte de la valeur de la po-
pulation chevaline dans le nord du Cap-Bon; mais, les indigènes
jaloux de ce qu'ils possédaient, s'étaient bien gardés de présenter
leurs élevages. Ce n'est qu'en 1003, lors du passage de la Commis-
sion du Stud-Book à Menzel-Temime, que sous l'impulsion de
M. Destailleur, Contrôleur civil, et du Caïd actuel, (]ue tous les
chevaux de la Dakla et de la région de Kelibia y furent présentés.
(( Plusieurs riches propriétaires indigènes de la région avaient
amené d'importants groupes de juments de taille ci des étalons
remarquables, tous ces sujets se rappi'ochant du type arabe.
« A la suite de cette visite, une station de monte fut installée, en
BKJ5, à ^lenzel-Temime. Cette station, tivs fré(|ueii(ée, multi|)li(' dans
cette riche région la production améliorée que les juments de valeur
peuvent fournir et auxquelles la saillie des bons étalons locaux n'étail
pas toujours accordée par leur pi-opriétaire indigène.
« A côté des chevaux barije de taill(>, le Cap-Hoii dans sa rc'gion
montagneuse, et |)liis paiiiciilièreiiicnt vers l-'J-l laoiiaiia cl 'l'akelsa,
pi'ésente une jolie population di; poneys (Djebeli), analogue à celle
des Mogods, des ih'Mliil et des Xef/a, s'en dillV'i'encianl. cepeiidani
nn |)en. p;ii' une amitleur de lignes [)lus accenliK-e.
— :{()7 —
(( Population bovine. — L;i popnhilion boviiK^. comprornl 'ir^.OOU
tôtes environ, et se caraclériso par des lyi)es bien spéciaux à l'égard
des autres bovidés de la Tunisie.
« Les bovidés du Gap-Hon, dont certains anteiu'S ont voulu laii-e
une race indi,t,a"Mie spéciale, sont de pela,L(e plutôt clair tirant vers le
ij;ris. Ils sont courts et ramassés sur eux-mêmes, olï'rant une puis-
sance musculaire plus grande dans les régions postérieures, ce qui
manque chez leurs congénères tmiisiens en général.
« Si, à cette qualité morpliol()gi([ne, on ajoute que les bovidés du
Cap-Bon possèdent une ossatui-e line, une grande souplesse de tégu-
ments et des aptitudes man{uées à l'engraissement, on peut assurer
(jue le bétail de cette région prend la prcMiiièi'e place en Tunisie.
(( Population ovine. — L'élevage des moutons se pratique avec
succès dans la région centrale montagneuse du Cap, alors que, dans
la plaine, les troupeaux qui y existent ne sont destinés qu'à la con-
sommation locale.
« La population ovine, comportant lîO. 000 tètes environ, comprend
un grand nombre de sujets de robe marron ou noire, couleurs aux-
(juelles les indigènes semblent surtout s'attacher pour la vente des
laines aux industries de tissus foncés, dont le Cap-lîon a la spécia-
lité. »
Tozegrane. — Au nord du domaine de Oued-el-Abid, après avoir
franchi le djebel Ben-Oulid, dernier contrefort du massif de Sidi-
Abderrhaman venant mourir dans la plaine non loin du rivage, on
entre dans une région encore fertile et bien arrosée, mais où déjà se
dessinent les grandes dunes de sable qui coupent la pointe du Cap-
JBon, de l'Ouest à l'Est. Nous arrivons bientôt à Tozegrane, village
habité par les Maouïn, comprenant quelques maisons et un certain
nombre de gourbis. Les terres sont bonnes, le pays est très halùté
et bien cultivé : oliviers, jardins fruitiers, fèves, sorgho, orge, blé,
élevage du mouton et des clièvres. Aux alentours de Tozegrane,
quelques zaouia enfouies dans la verdure.
Zaouiet-el-Mgaïz. — Village situé près des sources de l'oued
Zaouia, à l'extrémité d'un grand plateau qui, du côté opposé, se
termine bruscpiement sur le rivage occidental de la pres([nile. Une
quarantaine de maisons, entourées de beaux jardins où Ion cultive
l'olivier, divers arbres fruitiers et des 'légumes; beaucoup d'eau en
— 368 —
toute saison. Tout autour, quantité de vallons Irais, bien arrosés,
couverts au printemps de belles prairies. Pays surtout très riche en
bestiaux et en chevaux.
Zaouiet-bou-KrIm. — A cinq kilomètres au nord-ouest d'El-Mgaïz,
dans riienchir El-Fraidja et au pied du djebel Bou-Krim, on voit la
zaouia Bou-Krim autour de laquelle sont groupés quelques maisons
et i^ourbis; oliviers, jardins potagers ombragés d'arbres fruitiers et
bordés de cactus. Toute la pente occidentale du djebel Bou-Krim est
couverte de koubbas que l'on aperçoit de loin, et ([ui sont les tom-
beaux des ancêtres des Daouadin.
Sidi-Daoud. — Remontant toujours vers le Nord, on travei'se une
série de dunes incultes, des terrains sablonneux et mouvants, puis
une région couverte de jujubiers, genêts, lentisques, genévriers et
on arrive, sur le bord de la mer, à la zaouia de Sidi-Daoud (11) kilo-
mètres au Nord-Est de Zaouiet-el-Mgaïz). Cet emplacement est celui
d'une ville antique considérable ; Victor Cluérin y place la ville de
Missua, d'après une inscription (ju'il y a trouvée. C'était le siège d'un
évêché à l'époque chrétienne.
La Thonara. — Ilot situé à ',) kilomètres au nord de Sidi-Daoud,
dans une petite baie. Cet ilôt est séparé du rivage par un bras de
mer de 500 mètres environ; on peut le traverser sur un aqueduc
construit par les propriétaires de la thonaire et (pii approvisionne
l'établissement de l'eau provenant d'une source abondante située sur
la côte.
Cette thonaire a été concédée en 182() à un Italien, M. RalTù;
elle est exploitée depuis (juatrc ans par une Société anonyme.
L'établissement se compose de vastes bâtiments pouvant abriter
plusieurs centaines d'ouvriers, d'une maison d'habitation, d'ate-
liers considérables pour le déjxM, la préparalion, la cuisson et la
mise en boîtes du thon. Dans les années moyennes, (in pêche
de 15 à 20.000 thons; or, la tête une fois coupée, toutes les pré-
parations étant achevées, un seul llion garnit une (|uiir/aine de boîtes
de conserves de 10 kilos cliaciinc. On li'duvc assez liMMiiiciniiicnt des
individus pesant .'ÎIHI kilos : quehiiies-inis arrivent à i(H); les plus
i
— :mu -
petits, ceux-là très rares, desceiideiiL Jusqu'à 40 kilos. La movenne
est <le 100 kilos au riioius.
Autrefois les salaisous absorbaient la majeure partie de la pêche;
mais, aujourd'hui, la proportion est renversée; les préparations à l'hui-
le, de |)lus en plus demandées dans le commerce, ont de beaucoup
pris le dessus sur les premières. Ces préparations n'absorbent pas
moins de 120 à 150.000 litres d'huile d'olives. C'est le seul produit pris
dans le pays. Le sel pour les embai'illai;es et pour la saumure vient de
Trapani, le charbon et le fer noir d'Angleterre, les barils de Savone.
Les boites sont fabriquées dans l'usine même, pendant l'hiver, par
quelques ouvriers, qui sont en même temps préposés à la garde de
l'établissement. Quant aux produits, ils sont tous transportés directe-
ment en Italie et vendus sur les marchés de Livourne et de Gênes.
Une autre thonaire, concédée à M. Labbé, s'est installée l'année
dernière au Ras-el-Ahmar, à 5 kilomètres au nord de Sidi-Daoud :
elle commence ses opérations cette année même '".
Il nous a paru intéressant d'emprunter au sav.ant rapport de
M. Bouchon-Brandly, inspecteur i^énéral des Pêches Maritimes, quel-
ques détails sur la pèche du thon à Sidi-Daoud :
« La thonaire de Sidi-Daoud se compose, dans ses parties essen-
tielles, d'une long^ue ligne de filets, tressés en corde d'alfa, à très
larges mailles de 30 à 35 centimètres, s'étendant perpendiculairement
à la rive, à proximité de laquelle ils s'appuient par leur extrémité
juscpi'à 2.000 mètres en mer; tout au bout de cette muraille, formant
angle droit avec elle, s'ouvre une première chand)re carrée de 50
mètres de côté, communiquant elle-même par des coupures qu'on
peut ouvrir et fermer aisément, avec une série de ciiK} chambres
semblables^, formées de tresses de même nature, et aboutissant égale-
ment à une chambre centrale appelée chambre de la matance ou
chambre de mort, la dernière cellule des condanmés ; celle-ci est
tissée en cordes de chanvre ; elle comporte, de plus que les autres,
un fond en treillis pareil, sorte de plafond (jui peut être relevé et
abaissé à volonté.
« Ces lourds filets sont tendus verticalement, au moyen de forts
paquets de lièges, ([ui llottent à h\ surface de l'eau, tandis que de
grosses pierres et une suite de 120 ancres en 1er, lès lixent au fond.
Us forment, sur leur longueur il'une demi-lieue, un barrage inlran-
chissable (jui n'a pas moins de 32 mètres de hauteur.
(1) Les résultats uciiuis en liiOO uni clé très salisl'aisanls.
— 370 —
« On comprend sans peine le jeu de cet appareil : les thons qui
viennent delà direction de La Goulette, marchant au Nord, rencon-
trent sur le chemin cet obstacle, et, pour leur malheur, ne cherchent
pas à l'éviter en revenant en arrière; ils en suivent la ligne, la tête sur
le lilet, et sont ainsi conduits à l'entrée de la première chambre, dans
laquelle ils s'engagent sans hésiter. Une fois là, ils ne cessent de
tourner sur eux-mêmes, jusqu'à ce que, dans cette évolution, ils
viennent à passer devant l'entrée de la deuxième chambre où ils
n'hésitent pas davantage à pénétrer On peut, dès lors, les considérer
comme tombés en la possession du pêcheur, qu'ils aillent ou non
plus avant dans ce funeste dédale.
(( On ne pêche pas, si ce n'est dans les très mauvaises années, à
moins qu'il n'y ait 5 ou 600 thons réunis. Il y en a eu, un jour, jus-
qu'à 4.000 à la fois; dans ce cas on divise la pêche en plusieurs opé-
rations,en répartissant les prisonniers dans les chambres extérieures
à celle de la matance, où ils seront repris, l'heure venue. Le raïs en
apprécie le nombre sans se tromper de plus de quelques dizaines à
travers cette tranche d'eau de trente mètres, au fond de laquelle ils
s'agitent en tourbillonnant sans arrêt: les plus gros paraissent, à cette
profondeur, de la taille d'un vulgaire goujon.
a A mesure qu'elles arrivent, les grandes barques se rangent en
carré, extérieurement autour de la chambre de mort, et s'amarrent
solidement. Dès que le blocus est formé, des hommes disposés aux
angles, hissent à l'aide de câbles, le fond mobile de cette chambre
fait d'un hlet semblable à celui de ses parois latérales, et, pour cette
manœuvre, ramènent lentement à la surface tous les captifs qui sont
harponnés par des bras vigoureux et emplissent bientôt les bateaux
dépêche. Quand l'œuvre de mort est accomplie, à force de rames on
regagne le liàvre, chargé des sanglants tropliées. La matance est ache-
vée, le travail de l'usine va commencer aussitôt.
(c Les thons sont reçus, à l'arrivée, dans une vaste salle basse ou-
verte sur la mer. On les tire sur le dallage en plan incliné; des hom-
mes exercés leur font sauter la tête d'un coup de hache, on les vide
et on les suspend, attacliéspar la queue, pour les laisser s'égoutter
pendant ([uelques heures. Viennent ensuite les diverses opérations
de salaison ou de cuisson et de mise en barils ou en l)oîtes, car on
fait les deux préparations, d'après les procédés ordinaires. Quelle que
soit l'importance de la pêche, toute l'opération se poursuit sans arrêt,
en une seule fois, de jour ou de nuit.
« Les parties de l'animal qui ne peuvent être utilisées pour les con-
serves aliinentaii-es, les yeux, la tête, les nagcoii-cs, la queue et les
entrailles, sont mises à macérer et produisent de Ihuile (jui se vend
00 francs le qninlid; elle est rcclicrcliéc surtout pour le travail des
cuirs. Lesd'uls, pi'oches de lenr niiitiirilt'' en cette saison, font de la
I
— 371 —
boiitarçue, un peu moins estimée que celle des mulets, mais qui
vaut bien encore 'A francs le kilo.i'Tamme. L'ossature et tous les débris
sont convertis en engrais pour les cultures. De telle sorte que rien
n'est perdu et ne reste sans utilisation. »
Zembra et Zembretta. — Le rocher de Zembra s'élève en pleine
mer, par le ti-avors ouest du Cap Bon, à huit milles environ de Sidi-
Daoïid. On y voit quelques vestiges d'une ancienne jetée, œuvre,
disent les vieux historiens, des Carthaginois, qui entretenaient un
observatoire militaire sur le point culminant. Le lieu était admira-
ijjement choisi, car de ce sommet perdu au milieu des Ilots, on sur-
veille la route la plus habituellement suivie par les navigateurs. Ils
avaient élevé là, sans doute, une de ces tours à signaux dont la con-
struction leur était familière et qui, au temps de leur puissance,
couronnaient la plupart des îles soumises à leur domination.
L'aspect général de Zembra, très pittoresque à distance, à cause de
de ses hautes falaises, est moins séduisant vu de près. Le sol, sans
cesse balayé par de furieux ouragans, est privé de toute végétation
forestière. Il est couvert de maigres broussailles, que déchirent par
endroits des arrêtes vives ou des amoncellements de roches.
Comme à la Galite, des familles italiennes s'étaient installées sur
cet îlot où elles se livraient surtout à la contrebande à laquelle le
Ciouvernement du Protectorat mit un terme. Aujounl'hui un agent
des Domaines occupe Zembra, et il faut une autorisation donnée à
titre précaire et révocable, pour pouvoir résider dans l'île. Il y a
«luelques années, deux Français demandèrent à acheter l'île de Zem-
bra ; ils voulaient y créer une ferme d'élevage de la volaille, une
pêcherie, y faire du vin de Marsala, etc. Le Domaine s'opposa à cette
vente. On ne peut, en elTet, admettre sans danger le principe d'une
aliénation de cette île en faveur d'un [)articulier (pielconque ; les
intérêts supérieurs de la défense et de la police maritime s'y oppo-
sent.
Le rocher de Zembra, dillicilement accessible, a environ 1) kilo-
mètres de périmètre; il n'existe guère, qu'au Sud-Ouest, un mouillage
à peu près sûr où viennent se mettre à l'abri les bariiuos de pêche;
c'est à cet endroit que sont établies les (juatre ou cinq hunilles sici-
liennes habitant l'île en vertu d'iuie autorisation régulière, et le sur-
veillant garde-pêche français.
— 372 -
Des essais de culture n'out guère été entrepris jusqu'ici que dans
quelques ravins abrités, où l'écoulement des eaux de pluie a accumulé
une couche superficielle de terre végétale; le reste de l'île est semé
de bouquets de Ccàpriers, d'arbousiers ravagés par la dent des chè-
vres et exploités sans méthode.
D'avril à juillet, l'île de Zembra est visitée par des Siciliens qui
viennent jeter leurs filets dans ces eaux poissonneuses; ils y pèchent
la sardine, l'allache, l'anchois, la rondina; l'anchois de Zembra est
très renommé.
L'îlot de Zembretta, d'une contenance de 5 hectares, est situé à
trois milles à l'est de Zembra, entre cette île et la pointe du Cap-Bon;
il a été l'objet, dernièrement, d'une demande d'amodiation de car-
rière, mais l'exploitation n'en a pas été tentée par le permissionnaire,
en raison du manque d'eau potable et des difficultés de ravitaille-
ment, d'accostage et de moyens de transport.
La Pointe Nord. — La Pointe Nord du Cap-Don est limitée par
une ligne partant de la Thonora (Sud-Ouest), longeant la base méri-
dionale du djebel Rheurmane, puis s'inclinant vers le Sud et contour-
nant la Garaat-el-Haouaria après avoir traversé une série de maréca-
ges et de prairies naturelles; elle coupe, ensuite, à l'Est, une bande
de terre sablonneuse mais fertile, passe par la zaouia de Dar-Allou-
che et vient aboutir, sur la côte orientale, au point dit Dar-es-Sali.
Au pied du djebel Rheurmane, se trouve la ferme de Sidi Turki,
appartenant à M. Bonnard, férudit président — encore un président!
— de la Société de Géographie de Tunis. On fait, sur cette propriété,
d'une superficie de 1.500 hectares en collines, l'élevage des bètcs à
cornes et des chèvres; sur une centaine d'hectares on cultive l'orge,
l'avoine et le blé. Le terrain est bon et les animaux trouvent là d'ex-
cellents pâturages ; le troupeau de chèvres compri'iid un millier de
tètes, celui des vaches de 250 à 300 têtes.
Les terrains baignés par la (laraat-el-Haouaria sont riants et rap-
pellent les près de France; niidlieureusemenl. l'ensemble de cette n''-
gion est peu sain, car les eaux aflleurent de loules j»arls ; on y voil,
cependant, un ccilain nombre de zaouia. Le fonds île la (iara^it étant
au-dessus du niveau tle la mer, il sei'ait facile de la dessécher et de
transformer ainsi plus d'nn millier d'hectares de marécages en une
réî:'ion fertile.
El-Haouaria. — Vilhi,^o de t^. 0(1(1 li;il)il;iiils fiiviron, |)aiivres et
suuvaL;('S <|iii, avaiiL iioLit; arrivée, eiii'eiiL à soutenir une lutte perpé-
tuelle conti'e les pèelicurs siciliens, pantellariens et maltais opérant,
à chaque instant, sur celte pointe du Gap-Ilon, des descentes à main
armée. Quehjues bouquets d'oliviers disposés de tous côtés, des jar-
dins assez étendus et hien cntrclenus, des parcelles de champs ense-
mencées (le céréales, un peu de vigne, suriisent aux besoins de ces
indii^'ènespeu exigeants. Les principales crdtures sont : la fève, Torge,
le maïs et le sorgho.
A l'ouest d'El-llaouaria, sur le littor-al, au point nommé liar-el-
A'e/n'/', se trouvent les grottes (jue (luérin a appelées Grottes cl Her-
md'iun ; elles se composent d'un immense souterrain divisé en une
quantité de vastes salles soutenues par d'énormes pilliers et éclairées
par des regards ménagés avec soin au sommet des voûtes. Ce sont
d'anciennes carrières dont les pierres ont sei'vi à construire Garthage,
Tunis, etc.. ; on peut très bien se perdre dans ce dédale où les Ara-
bes refusent de s'aventurer.
Le Ras-Addar. — Au nord d'El-lIaouaria se dresse, à pic, un
massif montagneux, aride, bousculé, chaotique, enserrant une vallée
profonde où croissent des chônes-verts. Entre le djebel Tartoucha et
le djebel Sidi-bel-Abiod, quelques groupements de gourbis et quel-
ques îlots de tentes abritent des pasteurs larouches qui ne quittent
jamais leurs montagnes où ils élèvent des chèvres et des bovidés. Ils
cultivent certains légumes sur les bords de l'oued Tartoucha, mais
ils vivent surtout de laitage et de chasse. Ce sont, en elïel, de très
adroits chasseurs; ils prennent, dans la montagne, une sorte de fau-
con de petite taille appelé « djenadeg », (pi'ils dressent à la chasse
des cailles, des allouettes et des i)etits oiseaux.
Le phare est construit sur la pointe extrême qui termine le Ras-
Addar, le cap Mercure des Romains et le cap Hermès des Grecs ; on
voit, près du ptiare, quelques tombeaux pliéniciens. Sur la côte
orientale du massif i'ocIkmix, ))rès île iias-(>(l-j)rek, se trouve le bordj
El-Haouaria que l'on ai)er(;oit depuis Kélibta ; autrefois, il abritait
un(^ petite garnison conunandée par un ollicii'r : il est, aujourd'hui,
complètement délabré.
La 'riNisir. uc NuiU)
CHAPITRE IV
Caïdat (lu Cap-Iîoii : Cùie Orientale
Côte Orientale. — La côte orientale du Contrôle de Cronibalia
(ancien Caïdat de Xabeul), comprend tout le littoral, les vallées, pla-
teaux et collines (|ui en dépendent, situés entre P)ir-bou-Rekba au
Sud, le Ras-el-Melali au Nord, la chaîne centrale de Sidi-Abdei^rlia-
man et ses contreforts à l'Uuest, la nier à l'Est. Cette partie du Cap-
Ron, fertile et tempérée, renferme nombre de localités curieuses
que nous allons rapidement visiter, du Sud au Nord, et ([ui ont fait
l'objet, de la part de M. François Verry, ingénieur-ai^ronome, d'une
consciencieuse étude agricole.
Hammamet. — Ville de .'î.OOO liabitants à (T) kilomèli'es de Tunis,
sur rembranchement de Rir-bou-Rel<ba à Xabeul, à renlrée du vaste
golfe qui porte son nom.
Hammamet est d'origine ancienne; les Turcs s'y établirent et cons-
truisirent une kasba et un mur d'enceinte afin de se mettre à V;\\n'\
des incui'sions des jtillards qui parcouraient le ]iays. MM. Cagiial cl
Saladin donnent de cette jolie petili^ cité la description suivante :
« La ville est située au foud du golfe (|ui ])oi'(e le même nom. La
mer vient en baigner les mius du côté de l'Est; vers le Nord el le
Nord-Ouest s'étendent de vastes cimetièrt^s oml)ragés ])ar de vieux
arbres que le sable euvaliit clia<[ue jour davantage : car il assiège
Hammamet de tous les côtés.
« Mais, quand le temps est calme, (piel d(''licieux séjour! La ville
dans son enceinte fortifiée, llan<|U(''e de (listance eu distance par des
tours carrées à demi engagc'esdans la mui-aille, contraste pai' la blan-
cheur de ses murs avec r;i/.ui' sonibreilrs Mois. (Quelques b;in|ues de
pècbe ou de commerce se balancenl dans la baie ; les jiu'dius (jui
— 375 —
s'ôleiMlciiL ;iiix jilciiloiii's soiiL rcmiilis d'iuhres odorants : orangers,
jasmins, rosiers.
« J)ii haut (le la kasba, on jouit diin niagniliqiie coup «l'tj'il. l)'un
CMité, on voit à ses pieds toutes les maisons ; à sa gauclie on voit
s'étendre tous les jardins; enliii, si l'on se retourne, on apfrroit aussi
loin (jue IVeil peut pereer, la mer calme et bleue et, tout à fait à
riiorizon, la petite ville de Ilergla ijui s'avance dans les Ilots. »
Les jardins dllammanieL, c(tpieusejn('nt irrigués, sont [)lantés(r(j-
rangers, mandariniers, grenadiers, limoniers, mais principalement
de cilronniers ; il existe plus de .')(). 000 pieds de cette essence qui
présentent, en toutes saisons, des Heurs et des fruits. Une ))îer<://« de
10 ares de citronniers rapporte de 20 à 40 francs par an, soit, pour
un hectare, de 200 à 400 irancs. Quelques propriétaires français pos-
^i''(l(Mit lies jardins dans cette ville.
En dehors des jardins Iruiliei's, les indigènes se livrent à la cul-
ture maraîchère au nord-est de la localité; ils font aussi quelques
)ncchia^ de céréales dans là plaine sablonneuse située au Suil-Ouest.
Au Nord, entre la ligne du clieniin de l'er et les contreforts du djebel
Jlammamet, forêts d'oliviers, cai'oubiers et pâturages.
ilaunnamet possède un embryon de port ensablé, mais suffisam-
ment abrité par les murailles de la kasba. Quelques barques y sont
ancrées et capturent des poissons de belle taille, surtout le mérot et
la dorade ; à la saison de ]iècliede rallache, les Siciliens s'installent
sur la plage et font des salaisons.
Ecole recevant53 élèves : 4 Français, 17 ('frangers ( Italiens ou ^lal-
tais) ; 32 ^[usulmans.
Nabeul. — • De llammamct à Xabeul, on traverse une série de
collines, parallèles à la mei', assez ai'ides, ce[)i'iidanl couvertes de
caroubiers et de petites broussailles.
Nabeul, ancienne ColoniaJulia Nc((polix,vU\\[ priniiliveint'nt située
sur le bord de la mer; plus lard, il y a environ 700 ans, un nouveau
village lut fondé à deux kilomèlrcs du rivage pai' des gens venus de
l'Arad. C'est le Nabeul actuel.
Nabeul compte 12.000 lial)ilanls dont 2(M> b'rançais et euviion 150
étrangers ; situé à 75 kilomètres de 'J'unis, c'est le point terminus de
la ligne lèiive. Cette ccxiuelle cité arabe est certainement la plus
riante de la Tunisie du Nord ; ses jardins sont merveilleux et ses
— 370 —
environs, délicieusement parfumés, forment une vraie cote orazur.
On ne comprend vraiment point pourquoi cet adorable petit pays est
si délaissé par les liiverneurs en quête de doux climat, de bon so-
leil et de tranquillité.
Un hôpital existe à Nabeul ; il est placé sous la direction du doc-
teur Menvielle, dont on ne peut trop louer le dévouement, et qui
prodigue gratuitement ses soins à tous les miséreux, arabes ou euro-
péens. Mais le docteur Menvielle ne s'en est pas tenu là ; à côté de
l'hôpital, il entend édifier un sanatorium où seraient admis les tuber-
culeux pauvres, et pour réaliser ce philanthropique projet, il fait ap-
pel à la charité publique :
(( Pourquoi, dit-il, ne ferait-on pas profiter les tuberculeux pauvres
de France et de Tunisie de l'admirable climat de Nabeul, climat que
les Carthaginois et les Romains avaient bien apprécié, puisqu'ils ve-
naient se soigner à Neapolis ?
« Le traitement le plus efficace de la tuberculose pulmoninre a été
jusqu'à présent, la cure d'air dans une région à température cons-
tante. Le climat de Nabeul réalise parfaitement cette condition ; il
peut rivaliser avantageusement avec celui de Madère et du Caire.
L'hiver, le tliermomètre oscille entre 8'>et'l5"; et l'été, entre 18" el
« La région se prête admirablement à la création d'un innnense
sanatorium tel qu'on le conçoit aujourd'hui. Les terrains ne man-
quent pas à des prix peu élevés, les constructions se tout à très bon
compte. 450.000 francs suffiraient pour construire des immeubles
pouvant loger 500 malades. La vie revient à 50 "o meilleur marche'
qu'en France. Les dépenses de fondation, au lieu de s'élever, connue
dans la Métropole, à 10 ou 15.000 francs par lit, ou même, comme
en Allemagne, à 0.000 francs, atteindraient à peine 500 h'ancs. La
nourriture reviendrait à I \\\ '25 par jour et par malade. Nabeul pré-
sente donc des avantages considérables. »
Le docteur Menvielle cuncliiL en dcmamlanl ;iu Pouvoirs publics
d'autoriser Nabeulà faire ce ([u'on a fait pour Saint-l'ol-sur-Mer, pour
l'Allaitement Maternel, jjour la Ponponnièi-e, poiu' le Sanaloriuni (li-
rondin, etc. : tine loterie qui permetli-ail de subvenii' journellemeni
aux frais d'environ 300 ou M)() tuberculeux. Déjà l'idée généreuse a
fait son cliemin ; un Comité, composé des sommité's médicales de
'J'unis et de ciloyciis i\\\\ ne ni;u'cli;ui(lcnl j;ini;iis leurs ix'incs dès
qu'il s'agit de solidiiiih'' sociale, \ ieni de se former: diNcrses SociiHés el
<lii(îl(lii('S (iivorisôs (\c, lu vie se soiil. Iiiil. inscrire, cL (Icm.'iiii, les tii-
berciik'iix p;mvi-es, iiidii^ènes ou européens, iiuroiit Ujules cliances
(le l'ecouvrer l;i santé sous le cliniaL favorable de Naheul.
Jx\s jardins de Nabeul s'étendent au Sud-Ouest, entre la ville ctles
collines; tous irrigables, ils sont cultivés en plantes l'ourragéres et
maraîchères, mais surtout planti'S en ai'bres fruitiers. Les plantes
fourragères les plus communes sont : la carrotte, le millet, le sorylio,
le maïs ; parmi les plantes maraîchères, les plus répandues sont : le
piment, la tomate, les melons, la pastèque, la coui'ge, l'oignon, le cliou
la [)omme de terre ; l'asperge et l'artichaut trouvent dans le sol sa-
jjlonlieux de Nabeul des conditions |)arlaites de réussite.
(( il semble ({u'il n'y ait pas en Tunisie de région plus favorisée
rpie celle de Nabeul pour la culture des primeurs, écrit M. F. Verry.
L'asperge, la tomate, les petits pois, la pomme de terre, les fraises
y réussiraient parfaitement et trouveraient un débouché assuré sur
les marchés de Tunis, précisément à une épo<{ue où la présence des
étrangers donne au conunerce des légumes une recrudescence
marquée. Tout récemment, un colon Irançais des environs de Nabeul
dans une propi'iété médiocrement située, a obtenu d'excellents résid-
tats en cherchant à produire des tomates d'hiver. A une époque où la
question de la production des primeurs est à Tordre du jour, il im-
porte d'attirer tout particulièrement l'attention sur cette bande du
Cap-])On. »
Les jardins fruitiers sont entourés de hautes clôtures de ciictus,
destinées à protéger les arbres contre le vent et les déprédations des
gens et des animaux. Les arbres les plus répandus sont: les orangers,
mandariniers, citronniers grenadiers, liguiei's, pêchers, abricotiers,
mùriei's. Les variétés d'orangers cultivées à Nabeul sont : l'oran-
ge meski, la maltaise et le cheroubo ; la valeur de ces trois variétés
atteignent en moyenne, sur le marché, de 'A fr. 7)0 à !■ fr. 50 le cent.
Un orangiM- arrivé à l'âge adulte donnant, en moy(>nne, de UK)à(»(K)
oranges, il s'ensuit (ju'un heclart» complanlé d'orangers en rai)port
vaut de 7.000 à 10.000 h'ancs.
Les citronniers et les mandariniers sontbeaucoup moins répandus
que les orangers; le grenadier produit un fruit excellent, sucré et
frais tout à la fois; le liguiiu' donii(> en abondance des fruits blancs,
noirs ou colorés ([ue les indigènes mangent à l'état frais ou tout sé-
cher; le pécher et l'abricotier viennent bien mais sont plus dissénu-
— 378 —
nés ; par contre, le nulrier est très commun sur tout le territoire et
ses fruits sont très recherchés par les Arabes.
« On voit donc, dit encore M. Verry, toute l'importance qu'ont
prises dans cette région les cultures fruitières les plus vaiiées. Eu
général, elles y réussissent toutes, encore que certains principes
culturaux des plus élémentaires soient parfois méconnus des indigè-
nes, qui gagneraient beaucoup à être conseihés et instruits. 11 est
plus que probable que certains arbres fruitiers exotiques pourraient
y être avantageusement introduits. C'est dans ce but que la Direction
de l'Agriculture a entrepris des essais de goyavier et d'anones, chez
quelques particuliers. Elle a l'intention aussi de voir comment pourra
s'y comporter le bananier des Canaries, apporté au Jardin d'Essai de
Tunis il y a c[uelques années. »
Au delà des jardins, à une distance variant entre cinq ou dix kilo-
mètres, s'étendent de grandes propriétés appartenant généralement
à de riches indigènes où l'on cultive les céréales et les oliviers. Se])t
cultivateurs français et un italien sont, en outre, installés dans la
région de Nabeul ; la superlicie occupée par ces Européens est de
2.500 hectares environ : blé, orge, maïs, sorgho, lin, fenu grec,
pâturages. Dans cette région, il existe peu de terres disponibles;
peut-être pourrait-on, cependant, ac(]uérir trois ou (juatre gi-ands
henchirs au prix: de 250 à 300 francs l'hectare. Un peu plus loin,
à huit kilomètres à l'Ouest de Nabeul, signalons le bel henchir ]\rcn-
zel-er-Roumi, traversé par la piste de Nabeul à Tunis, et dont la
contenance est de 1.700 liectares; c'est un habous privé, actuelle-
ment loué aux indigènes, mais ([ue le dévohilaire sei'ail disposé à
céder. Cette propriété, bien arrosée, placée dans un site pittoresque,
jouit d'un climat très sain; les terres sont bonnes, propices aux
céréales, à la vigne, à la culture maraîchère; le gibier y est très
abondant.
Les Français de la région ont Ibi'iné récemmeni une Association
comprenant vingt-cin(| membres; le vomi le plus cher de ct^s colons
serait de voir enfin se réalisiM* la promesse (Vnwo roule parlani
<le Nabeul et allant rejoindre la route de Sousse-Timis à fondonk-
llalaied, en passant |i;ir l!ii'-(',li;illonr et (i'avers;nit l(>s magniliqnes
orangeries de Nabeul ; ce sei'ait le Iracé le plus coiu't, le plus écono-
mi(jue, le plus i-ationnel (>n nn mol, permettant d'aller i-ipidemeiil
- :{70 —
à r'ii'ombali;), si("'g(!(lii ( loiiliVdc civil, cL racililaiit :iii plus li;iiil point
le li'alic (le Naljciil.
Mais Nabciil n'csL point soulcrnciil. la tf>i'i'o d'élection «le l'oran^'-er,
le paradis (les soLilïra lits, lacit('<pii sf'ijiiit je visitciii-; c'est aussi niic
ville industrieuse dont le marclié hebdomadaire est très rr('(|uent('î
parles indigènes s'y rendant des points les plus éloij^nés. Nabeul et
les villages parlumés <pii renvifoinient, Dar-Cliabane, Ijir-Cliallouf,
El-Fabri, dont les minarets ])oiiitent au de'ssus des jardins toujoui-s
verts, possèdent des industries très curieuses à étudier, tels que
le tissage, la poterie, la sparterie, la parl'umerie. Malheureusement,
ainsi que le faisait observer fort judicieusement le Khalifat de Xabeul,
fonctionnaire intelligent et aelif, ipii voudrait aider ses coreligion-
naires à rompre avec la senq:)iternelle routine, les industries de Na-
beul seront toujours en état de décadence tant que les ouvriers en
resteront aux procédés et outillages primitifs; tant (ju'ils ne se met-
tront pas au courant des perfectionnements ol des progrès modernes ;
tant qu'ils ne se dépai'liront })as des pri'jiigés de leurs ancèti-es. Il
y a là pour le Gouvernement du Protectorat, utile besogne à faire,
sérieux effort à tenter : rénover les industi'ies indigènes qui s'étei-
gnent, aider dans leurs débouchés celles (|ui sont encore prospères.
A Nabeul on compte 70 fabri(|ues de poterie employai! t. ').jO hommes
et enfants. On raconte que les premiers potiers qui s'installèrent dans
cette ville où il avaient découvert de boime teri'e argileuse, furent
des Djerbiens. Ils employèrent des ouvi'iers du i»ays. mais refusèrent
de leur dévoiler les secrets de la composition chimi([U(^ des émaux et,
au moment de la préparation des couleurs, les ouvriers devaient
évacuer les ateliers. Un jour, cependant, l'un d'eux se cacha dans un
tas de (agots et sui-pi'il ainsi le fameux secret dont il (il proliler tous
ses amis, les potiers de Nabeul. Alors l'industrie prit un grand déve-
loppement, et, à certaine époque, on ne comptait pas moins de ofX)
fours à potier dans cette ville et dans les petits villages environnants.
L'argile employée est extraite de la carrière d"KI-l\alàa. au nord
de lavilhî; cette carrière est piu'cée d(^ ijaleries souieri'aines l'emon-
tant à une époque déjà ancienne et rexlraclion n'est pas sans dangei'.
On fabri(iue à N.abeul des vasc^s d'usag(^ domestiipie et un peu i\c
poterie vernissée ; trois vernis seulement sont employés : le jaune, le
380
vert et le brun, les potiers ne connaissant plus les émaux blancs, ni
ceux dune couleur autre que les précédentes. L'emploi du moule
est inconnu, mais les potiers sont d'une rare habileté pour le tournage
des pièces ; ils semblent avoir hérité des anciens artistes de l'antiquité,
et les formes, rappelant beaucoup celles des vases grecs, prennent,
tout naturellement, naissance sous leurs doigts. Le four est construit
en briques sèches ; il a la forme d'un cylindre surmonté d'une calotte
sphérique; souvent plusieurs potiers se groupent autour d'un même
tour, dans lequel ils cuisent à tour de rôle.
La production annuelle de l'industrie céramique de Nabeul est
d'environ t^OO.OOO francs; chaque joui', des barques accostent sur la
plage de Nabeul et chargent les gargoulettes, jarres, passoires à cous-
couss, lampes vernies, amphores, tambourins, qu'elles transportent
vers le vSud, surtout à Slax. Le salaire moyen de l'ouvrier potier est
de 1 ir. '25 par jour ; celui de l'apprenti est de 0 fr. 50. Dar-Chabane
a la spécialité des réchauds et des casseroles.
Nabeul et presque tous les villages de la côte Est, lournissent un
appoint important à la production des tissus do laine. Cependant,
cette industrie, qui fut autretois très ilorissante, est tombée en déca-
dence à Nabeul, où on ne compte plus qu'une centaine de métiers
répartis en vingt-cinq ateliers. Le tisserand ne travaille généralement
que sur commande avec la laine apportée par le client ; il gagne, en
moyenne de '25 à 30 sous pas jour. A Dar-Chabane, on [voiwc (|uel(iues
métiers à tisser le lin. Pour Nabeul et les villages subnrl)ains, l'in-
dustrie du tissage produit, bon an mal an, environ 10.000 ii-ancs.
La sparterie a été introduite à Nabeul par les Tripolitains ; celte
industrie est soumise à des règles établies et rigoureusement obser-
vées quant à la fabrication, à la coupe des joncs aux environs de
Korba, de Tazerka et autres localités. L;i liihi'icatioii des iialles de
jonc occupe à Nabeul environ 250 hommes et (MiJanls ivparlis en
quarantocinq ateliei'S ; ces nattes sont unies ou agrémentées de des-
sins obtenus avec des joncs teints en verl, en i-ouge, en violet et en
noir. Les nattes ordinaires non teintes, valcnl de O/iO à 0.50 centimes
le mètre carré ; les nattes lines et colorii'cs xaicnl jiis(iM"à 2 IV. 50
le mètre carré. J^'importance de celte liiluicalion est de 100.000
Irancs par an en moyenne.
- :m —
I.a«lislilliiti(Mi ik'S llciii'S f4 des jjl.iiitcs à puiTiiiiis ;ic(iiiiert a Xubeiii,
une certaiiK' iiiiporlancc ; elle s'ollbclue dans un appareil très ru<li-
rrienlaire qui ne permet d'obtenir que des pro<luits assez impurs.
Xabcul et ses environs font annuellement, en cbilTres ronds, une
moyenne de 8.(M)0 (ias(|ues de dcii.v: litres et demi cliaeuiie, d'eau de
lleurs d'oranger, l.'2()tJ tiasijues deau de géiaiiium, "K^) liasques
d'eau de rose,.'MH) Masques de Nesri (églantier sauvage) et KH) Masques
d'eau de jasmin. Le kildgranune de lleurs d'oranger vaut de 0 Ir. '{t>
à 0 fr. 35 ; la rose de 1 i'r. ()() à 2 Iraiics; le géranium-rosat de Olr. lô
à 0 Ir. '20 ; le jasmin, <le 1 Ir. T)!) à 2 fianes ; le nesri, de (Mr. 9(1 à
1 fr. 10. En général, on peut admettre que 5 kilogs de lleurs d'oran-
ger donnent deux litres d'eau de première qualité estimée 2 francs le
litre, un litre eau qualité moyenne ai fr. 20, un litre qualité inférieure
à 0 fr. 7."j. La même quantité de roses produit deux litres à i francs,
un litre à 3 Irancs, et un litre à l h*. 50. Chaque maison arabe distille
sa fiasque fie Meurs d'oranger mélangées de quel(|ues roses et d'un
pende géranium; ce sont les femmes qui sui'veillent cette importante
opération.
L'industrie européenne s'implante également à Nabeul. Un céra-
miste, M. Tissier, occupe une vingtaine de jeunes ouvriers indigènes
auxquels il inculque les principes du vernissage des vases et de remail-
lage des carreaux de revêtement. Un parfumeur, M. Longuesserre, pro-
duit des essences très Mues qui sont vendues, suivant les cours et la
qualité de 500 à !2.0tX) francs le kilogramme ; quelques autres parfu-
meurs viennent, chaque année, de Cannes et de Crasse, faire ample
provision à Xabeul de fleurs d'oranger et de jasmin, et l'un d'eux a
l'intention d'y établir une succursale de sa fabritpie. Une très impor-
tante minoterie, réalisant les derniers perfectionnements, s'est ou-
verte cette année dans la ville sous l'habile direction de MM. llyvert
et Obert, ingénieurs agronomes, et elle produit, dès maintenant,
quarante quintaux métriques de farine par jour : cette minoterie,
dont l'étalissement n'a pas coûté moins de 100.000 francs, occupe des
spécialistes français et des indigènes de Xabeul ; les avantages que cette
fabrique assure à la conti'ée, c'est de pouvoir se servii' sui' place,
sans intermédiaire, par conséquent à meilleur compte, de produits
parfaitement purs et toujours frais. 11 y a lieu de souhaiter, pour le
développement de cette intéressante industrie, <|ue les droits qui
— 382 —
frappent abusivement la circulation des céréales à leur entrée dans
certaines villes du littoral et de la frontière (décret du 31 mal 1898),
soient abolis ou, tout au moins, modifiés. La (juestion est d'ailleurs
à l'étude et M. le Directeur des Finances a promis de la résoudre le
plus tôt possible.
Enfin, une grande Société française a le projet d'établir à Nabeul
une vaste usine de céramique (|ui produira, à prix très bas, des tuiles,
des briques, des carreaux de pavement et de revêtement, des tuyaux
en poterie, etc. ; celte Société a même rintention d'y installer une
verrerie.
II y aurait beaucoup à faire <à Xabeul au point de vue de la pêche ;
toutes les variétés de poisson se trouvent en abondance sur la côte ;
malheureusement, ce littoi'al manque d'abris, et c'est seulement
pendant la saison de calme plat que les abords en sont laciles. La
reconstitution de l'ancien port de Neapolis, ou, à délaut, un bon
appontement, rendraient de très réels services aux pêcheurs de ces
parages.
Nabeul a deux écoles h-ancaises. L'école des garçons est dans un
état lamentable, humide, sans air, sombre ; c'est un véritable puits
où les enfants et les maîtres sont clia(|ue jour (Mupilés. Cette école
reçoit 1 il élèves: 9 Français; L2 Italiens; 1- Maltais; 85 Musulmans;
■M Juifs.
L'école des lilles, un peu mieux installée, reçoit 81 élèves : 5 Fran-
çaises; 8 Italiennes ; .") Maltaises ; 1 Musulmane; (i'J Juives.
Au commencemcMit du siècle (k'rnicr, on ne rencontrait i)as im seul
.iilif à Xaljeul ; anjoui'd'liui ils sont [ilus de l.'iOO, tous (MU'icliis ; ils
possèdent i écoles rabbini(|ues de garçons (|ui reçoivent 170 élèves ;
on cpello là-dedans l'hébreu, on anônne des prières, mais on n'ap-
prend pas le français.
Malgré cela, Nabeul est nn ccnlre (pii se (lév(>loj)|ie lenlement mais
snrement ; c'est déjà une des plus agréables villes de la Hi'gence, et
ce sera bientôt une des plus commen-anles.
Dar-Chabane. — l''orme avec Zaonit'I-cl-Fchii , im seni et mêm(>
village sihu'' ;'i 'i kilomètres an noi'd de Xabeul : lissei'ands, j)otiers,
distillateui's déplantes à pai'linns. A Fd-Fehri. nne vingtaine de scidp-
teni'S sur pierre, d'origine tnrqiie, dit-on, font ces encadi'emeiits de
polies que l.oiil i(3 rnoïKle ;i vus en Tunisie ; ils Iraviiillenl ;ircroLipis,
ayant [xiuroiilils un compas, (m crayon <le j)loinh el, la liaclicUe plato
(|ui l'rappe 1(3 ciseau ; ils i^aj^nenl .'} à ï IVancs par joui'. Autour <lu
village: oliviers, céréales, maïs, lin, lé.numes et l'ruils. Knviron 'J.."i(l()
habitants.
Beni-Kriar. — Viliai^o purement arajje, à 8 kilomèti'es au nord-est
(le Xabeul, sur la route de Kélibia; Ibudé par un Ti'ipolilain, lîou-
Tithi,il y a 4(X) ans; 3.000 habitants ; oliviers, jardins, très riches cultu-
res. lîeni-Kriar compte 250 métiers (h; tisserands répartis en soixante-
dix ateliers. Quelques pêcheurs indii^èiies.
Mamoura. — A ({uin/e cents mèli'es à Test de iîeni-Kriar, sur le
l)ord de la mer. Village peu impoi/tanl, londi' [)ar les Marocains: oli-
viers, jardins, vignes, caroubiers. Les habitants sont jardiniers, tisse-
rands ou pêcheurs, déjà moins aisés que ceu.x des villages dont nous
avons parlé précédemment. A 500 mètres au sud du village, on voit
une série de grottes, les unes naturc^lles, les auti'es creusées de main
d'homme; ces cavernes, sur l'origine desquelles il n'a pas été possible
d'avoir de renseignements, sont appelées })ar les indigènes « El-"
Ghisane ».
C'est immédiatement au nord d(> Mamoura que commence la ligne
des sebkas (jui longe le littoral, de Mamoiua à la [)oinle du Cap-
Bon; envahies par l'eau en hiver, elles sont, pendant la belle saison,
couvertes de joncs qui sont récoltés pour la fabiication des nattes,
par des travailleurs Hi/ndiqués. Les excMiiples de syndicats agricoles
indigènes sont assez rares en Tunisie, — on \w comiaîl guèi-e «[ue
l'association (|ui existe enti-e les indigènes (\vi< oasis pour l'irrigation
de leurs cultures, et quchpies associations de pècheui's d'épongés à
Djerba et à Zar/is — pour que le fait mérite d'être signalé. Le travail
s'opère sous la direction de (( l'aminé des joncs », élu chacjue année
pai- les syiidi<{ués, et tout se fait sans bruil, sans récriminalions
d'auciuie sorte. Les moissonneurs de joncs gagnent, en moyenne,
1 ir. 50 par jour. L'aminc est payé en natm-e : à la lin de la cueillette,
il a droit à un certain nombre de hottes de jonc.
384 —
Somâa. — Pauvre village cVun millier d'habitants, construit sur
les lianes du djebel Djatar. La koubba de Sidi Somàa sert également
de djemàa et jouit du privilège de protection à l'égard de ceux qui
s'y réfugient. Les gens de Somàa ont la coutume de reulermer les
récoltes de blé et d'orge dans d'immenses jarres en terre ou dans
des amphores en alla ou en diss, à peu près de la même dimension
ou de la même forme, ce qui s'explique par ce fait (funne partie de
la population est composée de Djerbiens. Somàa et Tazerka sont re-
nommés pour la fabrication des petits balais, nattes, couiïins, paniers
de différentes formes en (euilles de palmiers nains ; Somàa couipte
!200 ateliers de vannerie, avec '200 hommes, 50 femmes et 50 enlants;
la production totale annuelle est de L500 quintaux valant iO.O(X)
francs. Nombreux fours à chaux. De Sunràa, vue très étendue sur
les villages de la Dakla et les nombreuses habitations isolées qui
sont éparses dans la plaine : céréales, légumes, arbres fruitiers,
quelques vignes, oliviers. Entre Leni-Kriar et Somàa, on rencontre
trois fermes françaises : 250, 200 et 80 hectares. Sol assez aride ;
beaucoup de lentisques, de jujubiers et de romarins. Un des colons
français se livre, avec succès, à 1 "apiculture.
Tazerka. — Fondé par un Turc et situé à G kilomètres à l'est de
Somàa, près de la mer; 500 habitants ; nombreuses koubbas. Oliviers,
quel<{ues jardins, un peu de céréales dans des terres maigres et sa-
blonneuses. La culture du tabac apportait aulrelbis à la population,
comme sur plusieurs autres points de la pres(jn'ile, un bénélice im-
portant : rinterdiction de cette culture a été, en partie, cause de la
ruine de ce pays.
Kourba. — L'ancienne Cnrabis des Romains; iMiini^s nombreuses;
anq)hithéàti-e, traces du |)ort, a(pieducs, cari'ières aiiciiMmes. Le
village est construit sur une petite élévation, à J.iJOO mètres de la
mei- ; la population est composée de Djei'biens, de Tripolihiins cl de
Kaii-ouanais : mais, l)lé, soi'gho, lèves, pois chielies, cnniin;dans les
jardins IVniliei-s : oi'angers, citronniers, pêchers, grenadiei's, vignes;
dans l(!S jai'dins potagers : melons, aubergines, poivrons, oignons.
.M. Tauchon, C.onlrôlem- civil à Tnnis, possèdi' à Kourba une belle
olivette et une fabriqne d'huile.
- :i8n
A Beni-Aichoun, pivs de Komljn, (juclqucs iiuli^^oiics se livrent
h l'élcviif-e des abeilles ; clin(|ue r-iielie donne six kiloj^r.'inimes de
miel en moyenne, et ee miel est veixlii im liiuic le kiJo^»- à Nabeul ou
à Tniiis.
La Dakla du Cap-Bon. — Au nord de Kourha connnenee cette
partie de la côte orientale, composée de plateanx assez accirlenlés
s'élevant t^raducîlleinciit jusqu'aux coulrcroi'ts du massif de Sidi-Ah-
derrbaman à FOuest, et devenant très plats et parfois marécageux
dans la partie est ; les indif^ènes appellent cette r^ç^kni la « Dakla
du Gap-])On ».
La Dakla, bornée à l'Ouest par la chaîne centrale, et à l'Est par la
mer, s'étend, au Nord, jusqu'à la ijaraat El-llaouaria ; elle est cou-
verte de terres fertiles et com|)rend de nombreux villages et zaou'ia
habités par une population très dense. Les principales localités de la
Dakla sont : Kourchine, Menzel-Ileur, ^leir/el-Temime et Kelibia,
sur la côte ; Oum-Douil et Furtuna, à l'Ouest ; Azemour au Nord.
« Nous sommes, dans la Dakla du Cap-l'ou, eu pi'ésence d'une
terre riche en azote et en potasse, moyennement l'iche en acide phos-
pliori(pie. Si l'on songe que depuis longtemps I(>s Arabes la cultivent
sans faire de jachère proprement dite, sans apporter de hunier (ju'ils
conservent généralement pour leurs quelques jardins fruitiers ou
maraîcliers voisins de leurs habitations, si l'on observe, de plus,
(pu; par leurs labours superliciels ils épuisent surtout la couclie su-
périeure de la terre végétale et que les belles récoltes qu'ils obtien-
nent cliaque année exportent des quantités considérables de principes
fertilisants qui ne sont jamais l'ecouvrés, ou est étonné de trouver
encore une pareille richesse du sol et l'on se demande d'où jtro-
viennent ces quantités d'humus accumulées. (|U(^ des cultures séi'u-
laires ne sont pas parvenues à épuiser. » ( K. Veuuv).
Cultures : blé, orge, maïs, sorgho, fèves. Klevag(> : cla^vaux, bieuls,
chèvres et moutons.
D(; très grandes supc^rlicics de lei'res excellentes, on Ton aimerait
voir surgir de belles fermes Irancaises, restent incultes, envahies par
la broussaille épaisse. Les .\laouius, (pii les possèdent au titre de
habous privés, l'efusent de les ali(''uer, même (|uaud on leur en oUVe
un prix élevé. Avec leurs nombreux troupeaux el l(>s chanqis qu'ils
- 380 —
font ensemencer par leurs kliammès, — et qui donnent clia{[uc aimée
une récolte au moins moyenne, souvent très bonne — ces indigènes
réalisent de beaux bénéfices qui leur assurent non seulement le bien-
élro, mais parfois une notable foi'tune. Dans ces conditions, il est
tort probable que nos compati-iotes pourront diflicilement s'établii"
dans cette partie du Cap-Bon.
Kourchine. — l*etit hameau indigène, à dix kilomètres au nord de
Kourba, remarquable seulement par un bàlimeid ;uiti(|ue, assez
vaste, qui le domitie et que Ton aperçoit d'assez loin.
Oum-Douil. — Au nord-ouest de Kourchine; excellents pâturages
de sulla et de trèlle blanc. Le village, assez imporlant, est situé à une
altitude <le 30 mètres. Nombreux ti'oupeaux, de même qu'à Ziiouict
Maïsra, dislante de un kilomètre à peine.
Fortuna. — Placé sur les dernières pentes orientales du djebel
Sidi-Abderrliaman, le village domine toute la Dakla. On y arrive
en Ljravissant des chemins assez dilliciles, à travers de fortes brous-
sailles et ([uejques terres cultivées et fertiles. Au loin, les petits vil-
lages de Daiiwu^i, Sidi-bou-Ali, Reinciche et Diar-Aonin-cl-
Hailjcj se détachent sur la silhouette sombre de la montagne, blancs
et coquettement échelonnés les uns auprès des autres, formant un
panorama original et gracieux. I^a désillusion n'est pas trop grande
lors(|u"on esl au milieu de ces liameaux assez propres, noyés dans
la verdure de leurs petits jai'dins, séparés par des ravins accidentés
mais bien verts, et au fond desquels murmuri^ constannnent une
eau vive et courante. On aperçoit, un peu plus loin, de l'autre côté
d'une vallée, le hameau de Sidi-Vcriiz, ombrage- de (piel(|ues ai'bres.
On remarque, à Korluna, des traces de ruiues (>t un assez gi'and
nombre de blocs taillés: les sources sont enloui'(M's d(> vesliges an-
tii|ues.
Menzel-Temime. — l-ai suiv;ml la roule de Xabeul à Kélibia, on
laisse sur la di'oite, api'ès avoir franchi l'oued Lebii;i, le villa,i;e de
Meiizrl-f-fi'in'i\ situé sur un mamelon, enire l:i i(tule el l:i sebka
bou-Djennl : céiv'ales et oliviers.
- :w7 -
Monzcl-Tciiiiiiic (;sl, un ij;i'()S boiii'L; iiidi.uriic de i.OdO li;il)it;iiils.
I'oikN'' |);ii' un I Ijcihioii, sur rcinpliicciriciit «riitic ville ;(iili"|ii('. I.cs
l'iios soiil hir^ciiiciiL porcéos, le villn.L;(j csl pi'opiv, mais lu vue sur
la mer est masquée par des dunes de sable. Les plantations d'oliviers
sont assez étendues, les jardins sont bien entretenus ; la terre est df;
(|u;dil(' moyemie. Près de Mou/.el-Temime, à un kilomètre à l'ouest,
Je liameau <le Sh-alba.
Les plateaux qui se trouvent placés entre Alenzel-Temime et la
montaiîne <à l'ouest sont échelonnés ; tonte la riveijj'auclie de la vallée
supérieui'e de l'oned Lebna, très accidentée, est broussailleuse et
bordée de l'ocliers à pic. Un peu plus au Nord, les hauteurs forment
une sorte de ceinture arrondie autour de la cuvette où se rassem-
blent les (Mux de la sebka Fardjouua. Elles se resserrent entre les
bassins inlérieurs de l'oued Lebna et de l'oued Tafeksit, et ferment
ainsi h)ute une issue d'écoulement à la sebka d(tnt les eaux, fort bas-
ses et croupissantes en été, rendent le pays très malsain.
Quelques colons européens sont installés dans ce villaj^e; ils louent
des pâturages aux Arabes et y élèvent des troupeaux ; ils font surtout
le commerce des céréales. 11 serait peut-être possible d"ac<[uérir des
terres dans cette région, par exemple trois henchirs habous publics:
[o riiencliir MedjcrcUne, de 584 hectares, situé à o kilomètres de
Alenzel-Temime ; il est complètement débroussaillé, possède trois
sources et deux puits et il est relié au village par une bomie piste
carross.'ibie. Les terres sont de bonne qualité. Loué aux indigènes
7.000 IViuics par an;
'2" riiencliir Taach, près du précédent; '200 hectares de ti'ès bon-
nets t(M'r('s; piste carrossable; loué aux indigènes ,'LOOO h'ancs
])ar an.
3" riienchir Mcnzel-YnUia, de () à 700 hectares, dont les .")."") en
terres de culture et les deux autres en broussailles; deux pistes et la
route de Nabeul le traversent. Terres de qualité moyenne en général;
grand nombre de puits.
w Menzel-Temime est le gros marché i\o la Dalda : c'est là ipie,
chîufue semaine, S(> lont de 1res grand(^s ti'ansaclidiis sur tous les pro-
duits agricoles; ce village est à la l);d<la ce (|ue .Menzel-bou-Z(^lla
esta la partie occidentale du ('a|)-l!(in. (lesnnl des ciMitres commiM'-
ciaux 1res importants, où Ton vicul de toutes les [parties de la Tu-
nisie.
— :^88 —
a On peut évaluer approximaLivement à une vinr-taine de mille
francs le chiiTre des transactions qui s'opèrent à ^lenzel-Temime un
jour de marché de moyenne importance. Les céréales et le bétail
entrent pour la plus grande part dans cette évaluation ; le reste se
rapporte aux autres produits : fruits, légumes, huile, peaux, natterie,
poterie, etc.
K Aux mois de juillet et d'août de chaque année, des négociants de
Tunis envoient à Menzel-Temime et à Kélibia des agents chargés
d'acheter sur place, en s'adressant directement aux producteurs, de
très grandes quantités de céréales, qu'on expédie ensuite en France
ou en Italie, selon les besoins des dilYérents marchés européens. Les
juifs excellent dans cette sorte de commerce qui, à ^lenzel-Temime,
est en grande partie entre leurs mains. Les cultivateurs qui désirent
vendre leurs céréales ne les amènent pas sur le marché : ils ont des
représentants, à qui ils confient des échantillons, et c'est sur le vu de
ces échantillons que se font les acquisitions et que se débattent les
prix.
« Le jour du marché, à Menzel-Temime, il se vend au moins '200
animaux, chiffre (jue l'on peut répartir de la facon'suivante : i-0à50che-
vaux, mulets etànes; 40 bœufs; 130 clièvres;80 moutons. »{¥. Verry.)
Les oliviers sont nombreux dans toute la région qui s'étend autour
de ^lenzel-Temime et de Skalba. L'orge et le blé sont les principales
cultures ; le sorgho vient très bien et le millet pousse naturellement.
Près de la mer, se trouvent de nombreux jardins : choux, piments,
ponmies de terre, oignons, pois chiches, cumin noir, anis; les princi-
paux arbres ti'uitiers sont: les grenailiers,les liguiers, les abricotiers.
On remarque, à ^lenzel-Temime — et aussi àlvélibia et Kourba
que depuis (juehpies années les indigènes apportent un soin tout par-
ticulier à la culture de leurs vergers: leurs jardins sont propres,
périodiquement pioches, leurs arbres sont régulièrement taillés. Ils
observent, pour la plantation des olivettes nouvelles, les alignements
et les «listances en usage chez les Européens, et ils se sont lemiiorai-
rement associés pour faire venir de Sfax, clKUjue année, d'habiles
tailleurs d'oliviers. Ou reste, ils délrichent avec ardeur, et plusieurs
dCiitrc eux l;d)onreiit à la cliiirrue fraut-aise. (lotie mai'clie vei'S le
pi"ogrès, de la part des indigènes, mérite d'rti'e notée. A Menzel-'l'e-
mime c^xiste une (''colo : elle reçoit 'iO élèves, tous nnisulnians.
Kélibia. — Kt'libia est un village de 4.000 habitauls si! ni' à i'd
kilomèli'cs ;iii iioi'd do Xahoiil cl à "2 kilomèti'os t\t' la mer ; il ostb;"iti
SOI- uni' poule rocailleuse, enlonrc'-e de jiu'dins et d'oliviers. Sur le
— mu —
bord même de lu morse dresse, isolé, près du Ras-Mostefa, un mame-
lon escarpé que couronnent les ruines majestueuses d'une impor-
tante citadelle, très intéressante à visiter, et (|ui fut tour à tour
grecque, romaine, espagnole et turque ; aujourd'hui, elle est occupée
par le gardien français du petit phare, et cet honorahlc fonctionnaire
élève, dans les illustres décombres, des légions de lapins. Du haut
de ce bordj, la vue est très étendue: elle embrasse toute la Dakla et
la côte orientale, depuis Kourba jusqu'au Ras-Addar, où l'on voit
apparaître, dans les montagnes, le petit fort d'El-Haouaria; dans
la plaine, les villages blancs, les koubbas, les zaouia, émergent gra-
cieusement des bosquets sombres des oliviers, et,à l'Orient, surgit, de la
nappe tranquille et bleue, l'ile de Pantellaria.
Lorsque les Espagnols s'emparèrent de ce point, ils entourèrent la
vieille forteresse d'une vaste enceinte hexagonale, flanquée de bas-
tions, encore en bon état de conservation. A cette même époque,
une petite ville s'était formée sur le flanc même de la montagne, et
quelques familles originaires delà Tripolitaine avaient fondé, àl'ouest
du château-fort, à 2 kilomètres environ, un village en forme de grand
fondouk, c'est-à-dire que toutes les ouvertures particulières se trou-
vaient dans l'intérieur et que le mur extérieur n'était percé que d'une
seule porte de sortie, du côté de l'Est. Ce sont ces gens qui formèrent
le noyau de la ville actuelle de Kélibia.
La famille la plus nombreuse du pays, celle des « Oulad-Inglèse »
a une origine curieuse, si l'on s'en rapporte à la légende : il y a 300
ans environ, lorsque le fort était occupé par les Turcs, le comman-
dant de la garnison avait pour esclave un jeune Anglais. Ce jeune
homme, très versé dans l'art de la médecine, donna ses soins à un
personnage très notable des Ouled Cheikh, qu'il sauva d'une mort
certaine. La fille de ce malade était remarquablement jolie : bien en-
tendu, l'esclave-médecin en tomba follement amoureux. Mais le vieil
Ouled Cheikh, iman de la mosquée, refusa d'accorder la main de sa
fille au jeune Incroyant, à moins que celui-ci consentît à se convertir
<à la religion musulamne. L'Anglais, sceptique, n'hésita pas un seul
instant : le mariage fut célébré en grande pompe, et les descendants
gardent le nom « d'Oulad Inglèse », « les fils de l'Anglais >>. On les
reconnaît facilement, car ils ont conservé très purement les cheveux
roux, les yeux bleus et le llegme originel.
— 390 —
Les culLures de céréales sont les mêmes qu'à Menzel-Temine, mais
elles sont moins productrices ; dans les jardins, entre les arbres frui-
tiers, on cultive surtout l'anis, le cumin, ]a pomme de terre, la to-
mate, l'aubergine, la pastèque et le melon. Les cultures de fèves et
de pois chiches sont très répandues. L'élevage des équidés et des
bovidés est moins important qu'à Menzel-Temime, mais en revanche
les troupeaux de chèvres y sont plus nombreux.
Il nous faut dire deux mots d'une industrie spéciale à Kélibia :
le raisin sec. Au moment de l'occupation française, un Italien, M.
Conversano, qui était à la fois agent consulaire d'Italie, d'Angleterre
et de France à Kélibia, avait acheté aux indigènes quelques centaines
d'hectares de bonnes terres autour du marabout de Sidi Ah-bou-
Choui, situé à un kilomètre au sud-ouest de Kélibia. Il fit là, pen-
dant quelque temps, de la culture maraîchère, puis, voici une quin-
zaine d'années, M. Conversano attira, de l'île de Pantellaria dont il
était originaire, une quinzaine de ses compatriotes auxquels il vendit,
avec facilités de paiement, des petits lots de 5 à 10 hectares. Les
Pantellariens construisirent des maisonnettes, creusèrent des puits,
défoncèrent le soi à la pioche, et plantèrent leurs petites propriétés
de plants de muscat qu'ils avaient impgrtés frauduleusement. Tout
d'abord, ils vendirent les produits frais de leurs vignobles sur les
marchés de Kélibia, de Menzel-Temime et de Nabeul; puis ils se
mirent à en faire sécher une partie, expédiant leurs raisins secs en
Italie.
Peu à peu la petite colonie s'augmenta. Des marins pantellariens
qui venaient, chaque année, pêcher sur cette côtQ, voyant le succès
obtenu par leurs compatriotes viticulteurs, abandomièrent leurs ba-
lancelles et se fixèrent à Kélibia. Ils sont, aujourd'hui, près de iOO
travailleurs paisibles et sobres, vivant uniquement du produit de
leurs minuscules propriétés. Un colon français, récemment établi
dans cette localité, prend place parmi les meilleurs producteurs et
tire un réel prolit de cette fabrication.
Le muscat commence à mûrir en juin et sa récolte dure jus(|u'cn
septembre; chaque pied doiiiic eu moyenne de .'} ai kilograuuucs de
raisin frais, ce qui correspond à un rendement à l'iieclare variant
enti'c 7.r)00 et lO.(KM) kilogrammes. Le raisin li-ais est vendu au prix
de Ofr. '•17) ou Oh'. .'{() le kilog; le raisin sec estd(^ deux sortes : la qua-
lité dite « raisin de Malaga «, séché siniplemenl au soleil sans pré|)a-
— :iOi —
ration préalable, vendu <1g OIV. TÔ à I ïv. .")(J le kilog; la qualité dite
« Ziliilx) » ou « uva sccca corrente », traité par la méthode d'immor-
siou préalable dans une lessive alcaline bouillante, vendu <Ie 0fr.5()
àOfr. OOle kiloi,^
J.a production totale pour la Tunisie, est au maximum de I.OOIJ
(piintaux de raisins secs, fabriqués à Kélibia, au Klianguet, à Bou-Ar-
koub, à Bou-Ficlia et à Reyville; or, cette ({uantité est loin de suffire
à la consommation, puisqu'on demande annuellement à rétran,L;-er,
i>5U.000 kilogs de raisin sec débouche, valant de 80.aj(3 à iœ.(J(JO
francs.
L'intérêt qu'il y a, en conséquence, à encourager cette industrie
locale n'a pas échappé à la Direction de l'Agriculture et du Commerce,
qui s'elforce de la développer par Tattribution de primes en argent
et la vulgarisation de conseils techniques.
A Kélibia, la pèche est très fructueuse ; les barques, au moment
de la saison de la pèche au poisson migTateur, viennent jeter l'ancre
dans le petit port romain abrité par le Ras-Mostefa, et pèclient la
sardine, l'anchois, l'ailache, la palamide, la bonite ; le beau poisson
sédentaire, principalement le mérot et le loup, est aussi très abon-
dant ; les Pantellariens y ont pris, l'année dernière, une certaine
quantité de langoustes de belle dimension. A dix kilomètres au nord
de Ras-^Iostefa, à la pointe dite ce Ras-el-Melah », une concession de
thonaire a été accordée à M. Ponzevera, ancien directeur des Ports
et pêcheries de la Régence ; elle commence, cette année, ses opé-
rations.
Le climat de Kélibia est très tempéré; les températures annuelles
moyennes donnent:
Maximum : !21" 1; minimum : \&ô; moyenne : 18'uSO; pluies
moyennes annuelles : 448 millimètres en 8:2 jours.
L'école de Kélibia reçoit 'So élèves : 4 français; "l'S italiens; 0 mu-
sulmans.
Hammam- Lecksès. — Petit village d'um^ iinarantaine déniaisons
à i kilomètres au nord de Kélibia : jardins, arbres fruitiers, oliviers.
Ce hameau a été fondé par des Syriens dont la descendance s'est
perpétuée à peu près sans mélange; ils jouissent d'une réputation
particulière de bouté et de droiture.
— 392 —
Azemour. — Ce dernier village du versant oriental du Cap-Bon,
est situé à 18 kilomètres au nord-ouest de Kélibia; il est construit
sur le versant d'une des collines qui rejoignent l'extrémité Nord du
massif de Sidi-Abderrhaman aux montagnes du Ras-Addar et forment
une ligne d'arête de partage des eaux de la presqu'île. Placé au sud
de la garaat El-Haouaria, il a vue sur la vaste plaine intérieure et
sablonneuse qui s'étend jusqu'au bourrelet de collines longeant la
côte orientale. On découvre une quantité de koubbas sur les hau-
teurs environnantes. Dans les jardins, peu de légumes; de nombreux
figuiers et quelques vignes. Elevage des chèvres sur les coteaux. La
région est pauvre et monotone, mais au nord d' Azemour, au delà de
la large bande sablonneuse qui coupe la presqu'île en deux parties,
on aperçoit une grande plaine couverte de céréales, de champs de
lèves et de bois d'oliviers.
rjlAlMTI^K V
CONCLUSIONS
En parcourant les cinq Conlr(')Ies civils de la Tunisie du Nord,
dont je termine aujourd'hui l'élude, j'ai été surpris de l'amélioration
apportée aux cultures indigènes en ces dernières années. De vastes
espaces, jusque là recouverts de broussailles, ont été délrichés, ense-
mencés, convertis en prairies irriguées, plantés d'arbres, divisés en
jardins qui alimentent les marchés des grandes villes. Mais ce qui
m'a surtout frappé, c'est le nombre de points occupés par les indigè-
nes, où la charrue franraise a remplacé le (jralloir arabe, où les
vergers sont méthodiquement soignés, où les potagers sont régulière-
ment arrosés.
L'indigène, peu à peu, rompt avec les anciens errements, adopte
nos procédés ag-ricoles et, ce qui est tout à lait remarquable, ce n'est
pas chezle riche Arabe, le notable, que l'on voit g^énéralement se pro-
duire ce mouvement vers le progrès, mais bien chez le petit cultiva-
teur, l'homme sans origines, qui, instruit par l'exemple de son voisin,
le colon, a su mettre à profit les enseignements dus au contact
français.
Il faut détruire à jamais la légende fâcheuse qui tend à s'accréditer
de plus en plus dans certains milieux où l'on prétend que l'Arabe est
foncièrement réfractaire à touti; marche en avant. Le père JUigeaud
disait déjà, il y a ({uelques soixante ans : « Faites bouillir, dans la mê-
me marmite, un Français et un Arbicot, le bouillon se séparera de lui-
même en se refroidissant ». Mais l'homme à la casijuotte légendaire
ne voyait l'Arabe qu'avec des yeux de coniiuérant qui, ayant adopté
la devise de Gincinnatus : (( Ense et aratro », rêvait le refoulement
de celui (ju'il appelait dédaigneusement « l'Arbicol », pour faire place
— 394 —
à son « soldat-laboureur >). Depuis le maréchal, les temps ont bien
changé; il n'est plus question de relbuler Tindigène, mais au contraire
de le garder près du colon, de moditier doucement ses routines sécu-
laires, de réduquer et de le protéger.
Certes, il existe entre les Musulmans et nous trop de dilïerences
sociales pour que la fusion des deux races puisse être envisagée ; mais
si Tassimilation, telle (ju'on l'entend , n'est pas possible, au moins
pouvons-nous nous associer pour le plus grand profit de chacun.
Ainsi que le disait M. le député Cliaumet, dans son remarquable rap-
port sur la Tunisie :
ff Notre bienveillance ne tloit pas être purement verbale; il faut
(ju'elle se manifeste par des faits. Il importe notamment que nos
ellbrts légitimes pour développer la colonisation française, n'appa-
raissent pas aux indigènes comme une injuste spoliation commise à
leur détriment. »
En implantant sur le sol tunisien la colonisation française, nous
avons fait profiter les aborigènes des voies de communication dont
nous avons sillonné le territoire, des sources que nous avons aména-
gées, des ponts que nous avons construits, des puits artésiens que
nous avons forés. Nous leur avons donné des écoles, des lignes télé-
graplii(|ues et téléphoni(]ues ; nous leur avons assuré la sécurité. Et
l'Arabe, qu'on en soit bien convaincu, apprécie hautement ces avan-
tages, il se rend parfaitement compte des progrès accomplis et de
l'heureuse influence (juils sont appelés à exercer sur l'avenir écono-
mique du pays.
En ellet, depuis l'occupation française, le prix moyen de la terre
a triplé et le salaire des ouvriers agricoles indigènes a également tri-
plé. Hier encore, le khammès était le serf, la chose de son coreli-
gionnaire fortuné; il est aujourd'hui, chez le colon européen, le sala-
rié il estvi-ai, mais le salarié (|ui gagne bien sa journée et (jui, économe,
peut ac(jU('rii' im peu de btHail et un l)oiil île clianii». C-ai' rAi'al)e est
essentiellemeiit [)asteur et laboureur, cl il s'allaclie d'aulaiil jiliis à
la tei're — <|u'il achète même i)arlbis au-ilcssus de sa valeur réelle —
qu'il est maintenant assuré de l'écoulement de ses produits.
L'indigène, devtMui ainsi petit jn'opriélaii'e Icrrien, n'abandonne^
pas |)()nr cela son Iravail journalior : lont en cnllivanl son lopin on en
élevant son bétail, il resle j'onvi-ier ai^i'icolc du colon, et nous connais-
— :iî)5 —
sons (les propricLùs Irancaises — celle de M. Iloinberi^er entre au-
tres — où ruuvrier arabe peut, à son <^iv, laire pacager un certain
nombre de Ijètes sur la ferme de celui (jui l'emploie.
La maiii-d'd'uvre indig-ène est rélément indispensable de prospérité
économique de ce pays, où l'ouvrier agricole Iranvais n'existe pas, où
l'ouvrier italien est insuHisant. Le colon européen n(î peut se passer
de la collaboration de l'Arabe, et d'autre part, la colonisation l'rançaise
procure à l'indigène de très appréciables bénéfices, qu'il n'aurait ja-
mais eus s'il était resté le kliannnès de son maître musulman. Cette
collaboration doit être rendue lacile et cordiale; l'humanité, la poli-
tique et aussi l'intérêt, nous commandent de lixer l'Arabe près de
jious, dans des conditions où il puisse prospérer. C'est d'ailleurs la
voie suivie par le Gouvernement du Protectorat (pii, tout en alïéctant
des terrains à l'installation des colons, a eu soin de réserver, dans
chaque lotissement, d'assez larges espaces pour ses anciens locataires
indigènes. La nécessité de cette règle a été, lors des travaux de la
Commission de colonisation, reconnue et affirmée également par les
représentants des colons, notamment par M. de Carnières. Le décret
du 15 décembre 1903 en lait une obligation à l'Administration et dans
les nouveaux villages de la Direction de l'Agriculture, des indigènes
dont les demandes ont été agréées après enquêtes sérieuses, voisi-
nent en très bonne harmonie avec l'élément français.
L'indigène passe pour être quelque peu chapardeur. Cei-tes, ce
n'est pas un saint, mais il n'est point pis que les autres. En 1005, j'ai
demandé à tous les colons de Déjà, centre agricole très important,
s'ils avaient à se plaindre de leurs ouvriers indigènes ; ils m'ont tous
répondu négativement. Un gros propriétaire de j\Iedjez-el-Bab, mem-
bre de la Chambre d'Agi'iculture, a été très catégorique :
« Ma ferme étant nouvelle, j'ai récolté, parait-il, le rel)utdes lermes
avoisinaiites. Malgré cela, je n'ai eu, jusipi'à ce jour, aucune déjec-
tion dans mon personnel, ni aucun vol depuis le i*-''" août lOO'J, date
de mon arrivée. »
Il m'a été donné de conslatei' (|ue les mauvais colons— il en exis-
te — seuls, ont des diflicultés avec les indigènes; le contraire est la
grande exception. Quand un ouvrier pari en emportant les minimes
avances (jui lui ont été consenties, (juand un cheval, im bo'uf ou un
mulet a été volé, les renseignements fournis permetlent lri»p souviMit
— 396 —
d'apprendre que, quelques jours auparavant, la paie n'a pas été régu-
lière, ou qu'une grosse amende a été intligée. Si le colon verse inté-
gralement le salaire dû, s'il est juste et humain, il n'a rien à redouter
de l'indigène.
Assurément, la situation du fellah n'est point brillante. Il en est
peu qui arrivent à l'aisance ; leur très pénible labeur — le travail de
la famille entière — assure strictement le pain et le couscouss aux
habitants du gourbi. Encore la misère, heureusement limitée à cer-
taines régions ayant éprouvé des accidents météorologiques, sévit-elle
parfois sur des tribus entières. Alors, l'Arabe emprunte ; il a recours
à l'usurier et, neuf fois sur dix, il est perdu. Son pauvre champ, son
troupeau, son burnous, les bijoux de ses femmes, deviennent la proie
du juif.
On peut, cependant, on doit le sauver. Et le remèce est simple : il
suffira de combattre l'usure; de créer des silos de réserve alimentés
— comme cela se pratique en Algérie — par les cultivateurs riches
(]ui fournissent aux cultivateurs pauvres les grains de semence à
rendre en nature après la moisson; de favoriser, cVirnposcr même,
sur toute l'étendue du territoire de la Régence, l'institution de Socié-
tés indigènes de prévoyance, de secours et de prêts mutuels.
Un certain nombre de ces Sociétés existent déjà en Tunisie, et les
diliérents Services administratifs (Secrétariat Général, Agriculture, Fi-
nances) se sont occupés de la question, chacun à son point de vue.
Mais l'œuvre demanderait à être unifiée et encouragée.
Les cent quarante Sociétés indigènes de cette nature qui existent
en Algérie, avaient en caisse au 30 septembre llX)."), treize millions
de francs, en augmentation de plus de un million sur l'exercice pré-
cédent :
« Les Sociétés de Prévoyance, <ht l'Expose de la situation
(fénérale de l'Algérie, ont été appelées à exercer au cours de l'année
1905, en raison de la misère qui a sévi sur cerlaiiis points du teri'i-
toire de la colonie, une action pai'Liculièrement bienfaisante, non
seulement par les prêts importants consentis à leurs adhérents, mais
encore par des secours largement dislribut'^s aux malheureux. Quel-
ques unes d'entre elles, dont les ressources n'étaient pas suflisantes,
ont été autorisées à emprunter les sommes nécessaires, et parmi ces
dernières, ci'i'laines ont même obtenu, à l'occasion de ces emprunts,
la garantie du budget de la colonie. »
— .307 -
Ces Sociétés ne se sont pas roiifinées dans les prêts de sennences,
dans la création des silos de réserve et dans la distribution de secours
aux malheureux ; elles ont, en outre, pris l'initiative de faire faire,
par les indig^ènes, Tacquisition de charrues françaises, non seulement
en leur avançant les fonds, mais en leur servant d'interméfiiaires di-
rects avec les fabricants d'instruments aratoires; elles ont, enfin, prêté
i^ratuitement des charrues françaises aux plus pauvres, aux ag-ricul-
teurs qui n'avaient pas les moyens d'en acquérir. Grâce à cette heu-
reuse initiative, due à M. de Peyerimhoff, le prévoyant directeur de
l'Agriculture et de la Colonisation, on a pu reconnaître qu'en trois
années, dans la seule province d'Oran, 11.01)0 charrues françaises
ont été achetées par les indigènes sans compter nombre d'autres
instruments aratoires perfectionnés. C'est là, certes, un beau résultat
et aussi un bel exemple.
La visite des souks de Tunis et des divers ateliers de Nabeul,.nous
a amené à constater la décadence de la plupart des industries indi-
gènes, jadis si brillantes. Je n'ai assurément pas l'intention de passer
en revue chacune d'elles; mais il me sera bien permis d'essayer
d'indiquer ce qui pourrait être tenté pour les relever et les encoura-
ger.
Il y a quelques années, plusieurs conseillers généraux d'Alger choi-
sirent parmi les jeunes Kabyles qui fréquentaient les écoles franco-
indigènes de l'arrondissement de Dellys, une cinquantaine d'élèves ;
ils les placèrent ensuite, les uns chez des forgerons et des taillandiers,
les autres chez des charrons, des cliarpentiers, des menuisiers, et ils
obtinrent ainsi, en moins de deux ans, des artisans ti'ès habiles cjui,
maintenant établis dans les principaux centres de la Kabylie, sont de
petits patrons gagnant fort honorablement leur vie.
Où le feretlebois réussirent,réussiront siirement,en Tunisie comme
en Algérie, les autres industries qui n'exigent qu'un peu d'aide pour
sortir du néant. Le problème à résoudre est d'apporter un élément
de civilisation chez l'artisan nuisulman, tout en tenant compte de ses
traditions et de ses aptitudes. L'important est de maintenir le travail
dans son milieu : le travail en ateliers, en usines, dans les centres
européennisés, amènerait fatalement la lin de la plupart des indus-
tries qui sont les tributaires et les accessoires de la vie agricole. C'est
— 398 —
SOUS son ciel, au fond de son vallon ou sur le sommet de sa monta-
gne, que l'indigène doit travailler. L'obliger à s'expatrier, à laisser là
ses vieux us, serait méconnaître complètement le but à poursuivre.
M. Jules Pillet, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts, dans une note
sur les industries tunisiennes ^'\ prétend que c'est à Yécole primaire
que le futur artisan indigène doit puiser les notions artistiques, scien-
tifiques et techniques nécessaires pour lui permettre de progresser
dans sa profession. M. Pillet a. raison. L'école primaire indigène doi-
être d'un très grand secours dans l'œuvre de rénovation des indus-
tries indigènes. En Algérie, sur l'insistance de M. Jeannaire, recteur
de FAcidémie, la plupart des écoles primaires kabyles ont été pour-
vues d'un petit atelier d'apprentissage, et l'élève indigène est aussi
souvent armé du plantoir et du rabot que du crayon et de la plume.
C'est bien, mais ce n'est pas assez. Il faut que le petit Kabyle d'Al-
gérie, que le jeune Arabe de Tunisie apprennent à l'école les principaux
tracés géométriques, qu'ils soient exercés au relevé géométral, car
c'est la seule manière de préparer un travail sérieux, puisqu'elle
entraîne, avec elle, économie de temps et économie d'argent.
(( On pourrait, dans ces écoles, dit M. Pill(>t, sortir un peu des ma-
nuels tout faits, passer légèrement sur les i-énéralités trop lliéoriques
et viser le plus possible, les applications aux industries locales. Le
rôle du livre, dans tout cela, me semble être prépondérant. Sans livre,
sans Vimafjc, sans la description, on n'obtiendra rien. D'abord le livre,
Valbum, fera l'instruction de l'instituteur, et ensuite, par transmis-
sion, celle de l'élève. De l'école, il pénétrera dans la famille, et c'est
de cette manière surtout qu'il atteindra la femme indigène. »
Jl serait recommandé aux maîtres d'organiser dans leur établisse-
ment même, des petits musées locaux qui ne renfermeraient que les
produits de la région où ils seraient installés; en outre, l'instituteur
serait chargé de conduire ses élèves chez le charron, le forgeron, le
menuisier, le bijoutier, le potiei', le tisserand, et leur (U)im(>r sur le
vif des leçons de choses — car l'éducation de l'ieil n'est pas chose
indilTérente poui'les indigènes.
Les enfants sortiraient ainsi de l'école |)rimaii'e, poui'vns d'excel-
lentes notions pratiques, et, comme le dit justement M. P. iîeniard.
(1) M. l'illet avait été aidé dans sa tentative de rénovation industrielle |iar l'administration du l'n
tectorat.
— 'M) —
directeur <le l'Ecole Normale d'Alg^er, « le jeune élève saura soutenir
une conversation simple en français, rédiger à peu prés une lettre et
faire un compte; il saura g-relïér, bouturer, se servir de la pioche, de
la scie et du rabot, réparer ses outils et raccomoder ses meubles. »
Au sortir de l'école primaire, les jeunes indigènes chez lesquels le
maître aurait découvert, pendant les années scolaires, quelque goût
particulier pour une industrie quelconque, seraient admis à VEcole
(V Apprentissage que le Gouvernement du Protectorat installei-aitdans
chaque région industrielle, et là, ils développeraient leur éducation
et se transformeraient en ouvriers capables de relever le niveau artis-
tique et technique de leur profession. Les bons apprentis seraient
récompensés par des primes en argent, et l'Etat, plus tard, les aide-
rait au début de leur vie d'artisans, en leur faisant des commandes;
en leur créant des débouchés pour leurs produits; en empêchant les
tenanciers de bazars de les exploiter odieusement; en leur permettant
de vendre, à des prix raisonnables, les articles indigènes tunisiens,
aujourd'hui fabriqués. . . en Allemagne ou en Autriche.
La création d'un Office du Travail indigène s'impose en Tunisie.
Et cetOflice, qui se tiendrait au courant de l'avancement des travaux;
qui fournirait les modèles de la bonne époque ; qui conseillerait l'em-
ploi des matières premières, arriverait facilement à donner une im-
pulsion nouvelle aux industries d'art susceptibles d'olTrir à l'homme,
à la femme, à l'enfant indigènes, les moyens d'assurer leur existence
au sein même de la famille.
En ce moment, le Gouvernement du Protectorat étudie l'extension
de l'Assistance médicale. Ce Gouvernement doit créer, sur de nom-
breux points, des infu'meries indigènes, des cliniques d'obstétrique
confiées à des doctoresses, un Service anti-ophtalmi(iue et il étendra
également le Service de la vaccination.
Le Gouvernement du Protectorat n'aura donc rien négligé pour
doter le pays des éléments qui, depuis si longtemps, lui faisaient dé-
faut. L'évolution du peuple arabe ne peut être la même que l'évo-
lution des peuples orientaux et, suivant l'observation très juste de
M. Jonnart, « on doit s'attacher à développer les indigènes musulmans
dans leur civilisation, et non dans la nôtre. » La France l'a ainsi com-
— 40Û -
pris, et, sans brusquerie mais avec fermeté, elle a lait de la Tunisie,
hier encore en proie aux luttes sanglantes, un pays prospère et
pacifié. '•
Celui qui a été le meilleur artisan de cette oeuvre humaine et so-
ciale, l'homme qui a le mieux pénétré Tàme arabe et qui, par sa bien-
veillance et son habileté, a su applanir les plus grandes difficultés du
début de l'Occupation, est, sans conteste, M. Roy, Secrétaire Général
du Gouvernement tunisien, Ministre plénipotentiaire de France.
M. Roy, que les indigènes écoutent et vénèrent, a fait la Tunisie ce
qu'elle est. Et la France lui en est reconnaissante.
Mais, M. le Secrétaire Général, qui toujours m'a accueilli avec
tant d'aménité, me permettra, avant de poser le point fmal, de lui dire
que son œuvre n'est pas terminée, et d'appeler sa généreuse attention
sur les petits, sa pitié sur les fellah trop souvent victimes des exac-
tions de certains fonctionnaires indigènes, chargés du recouvrement
des impôts qui oppriment durement nomades et sédentaires.
Dans la Tunisie entière, du Nord à l'Extrème-Sud, j'ai entendu les
mêmes plaintes, les mêmes récriminations contre la façon, parfois
cruelle, dont est perçue la medjba, cet impôt de capitation suranné
et injuste, qui astreint les pauvres hères à payer 2*2 fr. 50 pai- an, en
outre des 4 fr. 50 de prestation . S'il est nécessaire de mettre un
frein aux actes criminels de quelques-uns, il est non moins urgent de
permettre aux déshérités, nos protégés, de vivre.
En ce faisant, ce qu'il y a d'intelligent et de laborieux dans la race
arabe viendra vers nous, tandis (jue les autres s'en iront d'eux-mêmes,
sans qu'il soit besoin de recourir aux moyens violents qui — l'Algérie
en a lait la triste expérience — poussent l'indigène au banditisme.
Mai lOOC).
FIN.
TABLE DES MAÏIÈRES
Contrôle Civil de Souk-el-Arba
Pages
CiupiTE^E I. — Limites du Contrôle. — Plaines, montagnes et for("'ts. —
La colonisation romaine. — Les Indigènes 5
Chapitre IL — Le Gaïdat des Djendouba 14
Chapitre III. — Le Caidat de la Regba 26
Chapitre IY. — Le Caidat des Chiahia et des Oiilad-bou-Salem 37
Chapitre V. — Le Caidat d'Aïn-Draham 49
Chapitre VI. — Conclusions 74
Contrôle Civil de Béja
Chapitre I. — Limites. — Orographie et Hydrographie. — Les Romains.
Les Indigènes 8Ci
Chapitre IL — La colonisation dans le Caidat de Béja 98
Chapitre III. — La colonisation dans le Caidat de Medje/.-el-Bab 123
Chapitre IV. — Conclusions 143
Contrôle Civil de Tunis
Chapitre I. — Limites. — Aspect. Hydrographie et Orographie. —
Forêts. — Travaux publics. — Les Romains. — Les Indi-
gènes l-i;»
Chapitre IL — Tunis et ses environs 171
Chapitre III. — Le Caidat de la Banlieue 183
Chapitre IV. — Le Caidat de Tébourba 212
Chapitre V. — Le Caidat de Zaghouan 240
Chapitre VI. — Conclusions 258
Contrôle (^ivil de Bizerte
Chapitre I. — Limites. — Aspect. — Hydrographie et Orographie. —
Forets. — Travaux publics. — Mines. — Les Romains. —
l'opulation. — Propriétés 207
Chapitre H. — Le Caidat de Bizerte 291
Chapitre III. — Le Caidat de .Mateur 317
Chapitre IV. — Conclusions 3£20
402 —
Contrôle Civil de Gronibalia
Pages
C.HAPrrnE I. — Aspect et limites. - Orographie et Hydrograpliie. — Fo-
rêts. — Climatologie. — Les Romains. — Les Indigènes.
Population 335
Chapitre IL — Caïdat du Cap-Bon : Région Sud 353
Chapitre III. — Caïdat du Cap-Bon : Côte occidentale et Pointe Nord. . . 361
Chapitre IV. — Caïdat du Cap-Bon : Côte orientale • 374
Chapitre V. — Conclusions 393
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BINDSr^G CZwT. DEC 19 1973
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DT Violard, Emile
2^5 La Tunisie du nord
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